Skip to main content

Full text of "Dictionnaire historique et géographique de la province de Bretagne"

See other formats


Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/dictionnairehist03og 


DICTIONNAIRE 

HISTORIQUE 

E  T 

GÉOGRAPHIQUE, 

DE    LA    PROVfNCE 


DE    B  RE  TAGINE; 

DÉDIÉ  ^>^ 

A  LA  NATION  BRETO%è^E> 

Pur  M.   O  G  É  E  y    Ingénieur-  Géographe  de  cette  Province. 
TOME    TROISIEME, 


4^ 

2?«  «<?/«  Imprlmmc, 

Va  T  â  R  ,  fîls  aîné ,  feul  Imprimeur  -  Libraire  ordinaire  du  Roi ,  &  de  h  Chambre  des 
Comptes ,  à  Nantes ,  place  du  Pilori. 


M.    Dec.    L  X  X  I  X. 

Avec    Approbation  &  Privilège   du    Rou 


AVIS. 

Le  Publie  ejl  averti  que  cette  Edition  ,  faite  fous  les  yeux  de 
l'Auteur ,  efl  la  feule  à  laquelle  on  doit  ajouter  fol  :  on  la  reconnoura 
à  la  Jîgnature  &  au  paraphe  ci-dejfous,  1 


^^yyyyyy^f 


'"^^-^f^^^'S^" 


DICTIONNAIRE 

HISTORIQUE 


E  T 


GÉOGRAPHIQUE 


DE    LA    PROVINCE 


D  E 


E  T  A  G  N  E. 


N 


AIZIN  ;  à  8  lieues  trois  quarts  au  Nord  de  Vannes ,  fon  Evê- 
ché  ;  à  17  lieues  trois  quarts  de  Rennes  ;  &  à  2  lieues  trois  quarts 
de  Pontivi,  fa  Subdélégation.  Cette  ParoifTe,  dont  la  Cure  eft  à 
l'alternative,  compte  2000  communiants ,  &  relTortit  à  Ploermel. 
La  bafîe-Juftice  du  Gué-de-l'Ifle  appartient  à  M.  Jacquelot.  Ce 
territoire  eft  fertile  en  grains  &  foin  5  mais  il  n'eft  pas  aufli  exac- 
îîement  cultivé  qu'il  pourroit  l'être  :  on  y  voit  des  landes  dont 
le  fol  n'eft  pas  indigne  des  foins  du  cultivateur. 

En  1 296 ,  Henri  de  Kergouet ,  Seigneur  de  Naizin ,  vend  à 
Alain ,  Vicomte  de  Rohan ,  tout  ce  qu'il  poffede  dans  cette  Pa- 
Toiffe.  Depuis  ce  temps ,  les  domaines  aliénés  par  Henri  font 
toujours  reftés  à  la  maifon  de  Rohan. 


4  NAI=NAN 

Les  manoirs  nobles  de  Ker-dréan  &  du  Teil-Porman  font  dan^ 
ce  territoire. 

NANTES  ;  ville  avec  titre  de  Comté  j  par  les  3  degrés  5  3  mi- 
nutes 48  fécondes  de  longitude,  Se  par  les  47  degrés  13  mi- 
nutes 7  fécondes  de  latitude-,  &  à  22  lieues  de  Rennes. 

Duchefne,  dans  fes  antiquités  de  la  France  .^  &  autres  hiftoriens, 
mettent  Nantes  au  rang  des  plus  anciennes  villes  des  Gaules, 
Tous  ceux  qui  ont  parlé  de  fon  origine ,  n'ont  pas  manqué  de 
former  mille  conje6lures  hazardées.  Selon  les  uns ,  elle  fut  fondée 
par  le  célèbre  Namnès ,  qui  vivoit ,  dit-on ,  trois  cents  ans  après 
le  déluge ,  douze  cents  quarante  ans  avant  Jefus-Chrill.  Voici 
comment  ils  raifonnent  :  Après  la  confufion  miraculeufe  des  lan- 
gues ,  les  pères  de  famille  fe  féparerent ,  &  fe  répandirent  dans 
tout  l'Univers.  Les  defcendants  de  Japhet  fe  fixèrent  dans  le 
Nord  ;  &  ,  à  mefure  qu'ils  multiplioient ,  ils  fe  répandoient  dans 
le  pays.  Namnès ,  un  des  chefs  de  ces  Peuples ,  vint  s'établir 
fur  les  bords  de  la  Loire ,  &  y  fit  bâtir  quelques  cabanes  pour 
lui  &  ceux  qui  le  fuivoient.  Tels  furent  les  commencements  de 
la  ville  de  Nantes.  On  ne  pouvoit  trouver  une  plus  illuftre 
origine.  Namnès  pafFe  pour  le  premier  habitant  de  la  Bretagne, 
&  même  de  la  Gaule  ;  &  l'exiltence  de  ce  Prince ,  ou  père  de 
famille ,  une  fois  prouvée  ,  on  en  pourroit  conclure  que  Nantes 
eft  la  plus  ancienne  ville  du  Royaume  ,  parce  qu'il  feroit  facile 
de  démontrer,  par  l'analogie  qui  fe  trouve  entre  les  deux  noms 
Namnès  &  Nantes^  que  le  fameux  aventurier  ell  le  fondateur 
de  cette  cité.  Malheureufement  aucune  pièce ,  aucun  monument 
digne  de  foi ,  ne  peut  nous  fervir  de  guide  dans  l'obfcurité  de 
ces  liecles  reculés,  &  l'exillence  de  Namnès  fera  toujours  très- 
douteufe  :  on  peut  même  dire  que  ,  quand  on  la  fuppoferoit  réel- 
lement prouvée  ,  on  n'en  pourroit  encore  rien  conclure ,  parce 
qu'on  pourra  toujours  regarder  comme  une  fable  (on  arrivée 
dans  les  Gaules,  ou  fon  établiffement  fur  les  bords  de  la  Loire, 
dans  le  Comté  de  Nantes.  Ce  ne  feroit  pas  d'ailleurs  une  chofe 
bien  extraordinaire  ,  qu'une  ville  portât  le  nom  d'un  homme  mort 
deux  ou  trois  fiecles  auparavant. 

Selon  les  autres  ,  Nantes  tire  fon  nom  du  mot  celtique 
nant  ,  qui  fignifie  fleuve  &  eau  courante  ,  &  par  conféquent 
Nantes  veut  dire^  la  cité  du  fleuve  ,  ou  ville  bâtie  fur  un  fleuve. 
Ce  fentiment,  qui  fait  penfer  que  Nantes  a  été  bâtie  par  les 
Celtes ,  ne  nous  inllruit  point  de  fon  origine  i  ainfi  il    peut  être 


NAN  $ 

i-egatdé  co!nme  tout-à-fait  inutile  pour  afîîgner  fon  antiquité, 

Conradianus ,  Evêque  de  Saiisbury ,  dans  fa  defiriptlon  de  l'une 
&  l'autre  Bretagne  ,  dit  que  les  Nantais  rendoient  les  honneurs 
divins  à  Noë ,  fous  le  nom  de  Volianus,  Si  cette  alFertion  étoit 
prouvée ,  on  en  pourroit  peut-être  tirer  quelques  lumières  :  mais 
elle  ne  peut  l'être ,  &:  nous  allons  même  détruire  plus  bas  l'opinion 
du  Prélat  Anglais  ,  par  des  raifons  qui  nous  paroifTent  con* 
vaincantes. 

Quoi  qu'il  en  foit  de  ces  différentes  opinions,  comme  chacuiï 
peut  avoir  la  fienne ,  nous  penfons  que  Nantes  ell  une  des 
plus  anciennes  cités  des  Gaules ,  mais  qu'on  ne  peut  fixer  l'é- 
poque de  fon  origine ,  avec  les  feules  lumières  que  nous  trou- 
vons dans  les  hiftoires  anciennes  :  elles  ne  nous  apprennent  ab* 
folument  rien  de  pofîtif  à  cet  égard.  Il  eft  même  à  préfumer 
que  les  Gaules  furent  peuplées  plus  tard  que  l'Allemagne  ;  & 
par  conféquent  que  ce  fut  plus  de  trois  cents  ans  après  le  déluge 
que  Nantes  fut  bâti.  Nous  donnerons  ,  pour  preuve  de  cette 
affertion ,  la  coutume  qu'avoient  les  Gaulois  d'aller  s'inftruire  de 
la  Religion  en  Allemagne.  Les  Druides ,  fur-tout ,  étoient  obligés 
d'y  aller  pafTer  quelque  temps ,  pour  y  puifer  ,  comme  dans 
fa  fource ,  la  véritable  connoilîance  de  la  Religion.  Il  ell  clair, 
d'ailleurs ,  que  les  Gaulois  regardoient  les  Allemands  comme  leurs 
frères ,  puifqu'ils  ne  leur  donnoient  d'autre  nom  que  celui  de 
Germant  ;  girmains  ,  frères, 

Nantes  formoit  déjà  ,  du  temps  de  Céfar,  une  cité  très-puiffantej 
voilà  ce  qui  prouve  fon  antiquité.  Ce  Conquérant  hiftorien , 
& ,  après  lui ,  Strabon ,  Pline  ,  Ptolomée ,  Grégoire  de  Tours , 
conviennent  que  cette  ville  fut  une  des  dernières  à  céder  aux 
armes  des  Romains,  Se  une  des  premières  à  fecouer  le  joug 
odieux  que  cette  Nation  altiere  lui  avoir  im.pofé.  Les  Nantais 
étoient  alliés  des  Venetes ,  &  leur  donnèrent  des  fecours  dans 
le  combat  naval  qu'ils  livrèrent  à  Céfar.  Ce  palTage  de  l'hiitorien 
prouve  que  dès-lors  les  habitants  de  'Nantes  étoient  navigateurs 
&  commerçants. 

Dans  le  voifinage  de  Nantes  étoient  les  Samnites.  Les  hiilo- 
riens  leur  donnent  Ancenis  pour  capitale.  On  croit  qu'une  co- 
lonie de  cette  Nation  paffa  avec  les  Venetes  en  Italie ,  &  sy 
établit.  Les  Samnites  nommèrent  Samnmm  le  pays  où  ils  fe 
fixèrent.  On  fçait  combien  il  en  coûta  aux  Romains  pour  fou- 
mettre  cette  Nation  iiere  &  belliqueufe.  Ils  la  reduifirent  enfin 
fous  le  joug,  &  peu  à  peu  le  nom  de  Sarnîtites  fe  perdit  en 


t  N  A  N 

Italie.  Les  Venetes  formèrent ,  dit-on  ,  l'Etat  de  Venife  ,  maïs 
tous  les  fçavants  ne  s'accordent  pas  fur  l'origine  de  cette  Rcpu- 
plique.  Plufîeurs  lui  afîignent  une  exiflence  plus  moderne  ,  & 
leur  fentiment  paroît  même  bien  plus  vraifemblable  que  le 
premier. 

Si  l'on  s'en  rapporte  à  Strabon ,  Bacchus  étoit  la  principale 
ou  au  moins  une  des  principales  Divinités  des  Nantais.  Cela 
pouvoit  être  de  fon  temps  j  mais  il  ell  à  croire  que  ce  Dieu  du 
vin  &  de  la  débauche  ne  fat  connu  que  très -tard  à  Nantes. 
Elle  fuivit  l'exemple  des  autres  villes  foumifes  aux  Romains  5 
elle  adopta  les  Dieux  de  fes  vainqueurs.  On  croit ,  cependant , 
que  les  Nantais  honoroient  plus  particulièrement  Mercure  ,  Dieu 
ces  Commerçants. 

La  Table  Théodofienne ,  que  l'on  appelle  de  Peut'inger ,  fon 
inventeur ,  donne  le  nom  de  ponus  Nannetum  à  la  ville  de  Nantes , 
pour  la  diftinguer  des  autres  villes  du  nom  de  ponus,  L'infcription 
trouvée,  fur  la  fin  de  l'année  1580,  dans  les  débris  d'un  mur 
de  ville  ,  auprès  de  la  porte  Saint-Pierre ,  prouve  qu'elle  a  porté 
ce  nom.  Cette  infcription  eft  gravée  en  carafteres  Romains ,  fur 
un  marbre  qui  a  quatre  pieds  trois  pouces  de  longueur  ,  fur  quinze 
pouces  de  hauteur  j  la  voici  : 

Numinih,  Augujlor, 

Deo  Voliano 

M.  Gemel.  Secundus  &   C 

Seiau    Florus  Aclor.    Vicanon 

Ponenf.    Tribunal  CM,   locis 

€x  Jllpe  conlata  pofuerunt, 

M.  Moreau  de  Mautour,  de  l'Académie  des  Infcriptîons  8c 
Belles-Lettres ,  fit  imprimer,  en  1722,  une  differtation  hiftorique 
fur  ce  monument.  Il  penfe  qu'elle  fut  gravée  fous  le  règne  de 
Conllantius  &  de  Conflantin  ,  par  ordre  des  Receveurs  des  im- 
portions établies  fur  les  habitants  de  Nantes ,  &  les  marchandifes  qui 
s'y  débitoient  -,  &  que  ces  Officiers  la  firent  placer  dans  un  lieu 
qu'ils  firent  bâtir  pour  rendre  la  juftice  au  Peuple.  MM.  Travers  , 
Gruter ,  &  autres ,  ont  expHqué  cette  infcription  d'une  manière 
différente  5  mais  le  fentiment  de  M.  Moreau  de  Mautour  paroît 
ie  plus  naturel  &  le  plus  vraifemblable.  Ce  Dieu  Volianus  efl , 
félon  toutes   les   apparences  ,  Mercure  ^  Dieu   du   Commerce. 


N  AN  7 

Tout  concourt  à  confirmer  ce  fentiment  plutôt  que  celai  de 
l'Evêque  de  Salisbury  ,  qui  prétend  que  Volianus  était  Noe.  Ea 
effet ,  l'infcription  en:  dédiée  aux  Dieux  des  Empereurs ,  par  des 
Officiers  de  ces  Princes ,  dans  une  ville  de  commerce  ,  &  placée 
dans  le  lieu  même  où  l'on  rendoit  la  juftice  aux  Commerçants* 
Certainement  les  Romains  ne  reconnoiflbient  pas  Noë  pour  un 
Dieu ,  &  les  Nantais  avoient  déjà  abandonné  leur  premier  culte. 
Si  rinfcription  avoit  été  pofée  long-temps  avant  la  domination 
des  Romains ,  fans  nom  d'Empereur  ,  par  les  feuls  habitants  de 
Nantes ,  le  fentiment  du  Prélat  Anglais  ne  feroit  pas  invraifem- 
blable  j  mais  les  termes  de  ce  monument  ne  permettent  pas  d'ajouter 
foi  à  cette  opinion.  Nous  oferons  même  aflurer  que  fi  Conradianus 
avoit  vu  l'infcription  ,  il  n'eût  point  confondu  Noë  avec  Volianus. 

Dans  un  manufcrit  trouvé  jadis  au  château  de  Vitré  ,  on  lit, 
que  l'on  avoit  autrefois  adojé  ,  en  Bretagne ,  le  Dieu  Boulianus  } 
que  l'image  de  ce  Dieu  avoit  trois  faces ,  &  qu'on  lui  faifoit 
des  facrifices  trois  fois  l'année ,  par  le  miniftere  de  douze  Drui- 
des. Cette  image  étoit  affife  fur  un  globe ,  fur  lequel  étoient 
gravées  trois  lettres  grecques  A  N  il ,  pour  défigner  le  commen- 
cement ,  le  milieu  ,  &  la  fin.  ^  . 

Quand  on  fuppoferoit  que  Boulianus  ell  le  mên>e%[^^olianus , 
on  n'en  peut  rien  conclure  contre  mon  fentiment  V  qui  ètl  que 
Volianus  ne  peut  être  Noë,  parce  que  les  attributs  de  Boulianus, 
félon  le  manufcrit ,  ne  peuvent  convenir  en  aucune  façon  à  ce 
confervateur  du  genre  humain.  **^^**^^ 

Nantes  ,  dans  le  principe  ,  reconnut  vraifemblablement  le  mêmé?(^!jv 
Dieu  que  le  refle  des  Gaules ,  &  changea  de  Religion  comme 
fes  voifins.  Ses  coutumes  &  fes  ufages  étoient  les  mêmes  que 
celles  des  autres  Nations  Gauloifes ,  au  rapport  des  hiftoriens  Sc 
du  Concile  tenu  à  Tours ,  l'an  5  67  :  &  ce  feroit ,  fans  doute  ,  une 
inconféquence  ,  même  extraordinaire ,  de  lui  attribuer  un  culte 
différent. 

Ptolom.ée  ,  qui  vivoit  fous  l'empire  d'Adrien  Se  d'Antonin  le 
Pieux  ,  donne  à  Nantes  le  nom  de  Condivicnum  ou  Condivmcum  : 
Nannetes  quorum  civitas  Condivicnum  ,  ou  Condivincum ,  appellatur. 
Enfin  ,  cette  ville  prit  le  nom  de  Nantes  de  celui  de  fon  peuple 
Nannetes^  par  fyncope  ou  retranchement  de  la  fyllabe  du  mi- 
lieu j  retranchement  affez  ordinaire  dans  les  noms  propres  fran- 
çais ,  qui  font  toujours  plus  courts  que  dans  le  latin.  De  cette- 
ville  ,  les  Romains  avoient  tracé  une  route  jufqu'à  Poitiers  ,  alors 
appellée  Limonum  :  on  croit  que  ce  chemin  pafToit  par  Cliflbn  ou. 


8  NAW 

<iux  environs,  pat  TiiTaupes  &  Breffuire  ;  c'eft  au  moins  la  direc- 
tion la  plus  naturelle  qu  on  puiffe  lui  afTigner. 

Cette  cité  nous  eft  plus  connue  depuis  que,  par  un  bienfait 
de  la  Providence ,  les  peuples  qui  l'habitoient  ont  été  éclairés 
des  lumières  de  la  foi.  De  toutes  les  cités  de  l'Armorique ,  elle 
fut  la  première  qui  reconnut  la  vérité  de  l'Evangile  ,  &  la  feule 
ciii  eut  le  bonheur  de  donner  des  Martyrs  de  la  Religion  pen- 
dant la  perfécution  des  Empereurs  payens. 

Quelques  hiftoriens ,  &  même  le  Bréviaire  de  Nantes ,  font 
arriver  l'Evêque  Saint  Clair  en  cette  ville  ,  vers  l'an  70.  C'étoit , 
dit-on ,  un  Difciple  des  Apôtres.  Cette  affertion  nous  paroît  bien 
bazardée.  Il  efl  confiant  qu'en  70  les  Chrétiens  étoient  très- 
rares  dans  les  Gaules  ,  &  qu'il  n'y  en  avoit  aucuns  dans  toutet 
l'Armorique.  Il  eft  bien  plus  vraifemblable  que  Saint  Clair  ne 
vint  à  Nantes  que  vers  l'an  284,  fous  les  Empereurs  Diocletien 
&:  Maximien.  Les  Evêques  n'avoient  alors  qu'un  très-petit  trou- 
peau ,  avec  lequel  ils  fe  cachoient  dans  des  grottes  fouterraines 
pour  y  célébrer  les  faints  myfleres.  Saint  Clair  ne  put  obtenic 
aucun  logement  à  Nantes  j  le  peuple  craignoit  trop  les  Empe- 
reurs pour  accueillir  un  homme  qui  prêchoit  une  Religion  prof- 
crite  par  les  loix  de  l'Empire. 

Le  zèle  du  Prélat  ne  fut  pourtant  pas  inutile  :  il  réufîit  à  con- 
vertir un  jeune  homme  d'une  famille  diflinguée  j  il  fe  nommoit 
Donatien,  Le  nouveau  profélyte  avoit  reçu  le  baptême  avec  cette 
foi  vive  qui  caraftérifoit  les  premiers  Chrétiens.  Convaincu  de 
ia  vérité  du  culte  qu'il  venoit  d'adopter  ,  il  ne  témoigna  plus 
que  du  mépris  pour  les  Dieux  imaginaires  de  fon  pays.  11  nefe 
contenta  pas  de  gémir  en  fecret  fur  l'aveuglement  de  (qs  con- 
citoyens ,  il  voulut  leur  déciller  les  yeux ,  &  leur  annonça  la 
vérité  avec  une  ardeur  finguliere.  Il  s'attacha ,  fur- tout ,  à  per- 
fuader   fon  frère  Rogatien ,    &  il  y  réuflit. 

Les  Empereurs  Diocletien  &  Maximien ,  qui  regnoient  alors , 
réfolurent  d'abolir  le  Chriflianifme.  Ils  envoyèrent  des  ordres  au 
Préfident  des  Gaules  pour  faire  punir  tous  les  Chrétiens  qui  re- 
fnferoient  d'adorer  les  Dieux  de  l'Empire  ,  &  récompenfer  ceux  qui 
renonceroient  volontairement  à  la  foi.  Le  Prélident  arriva  à  Nantes  ^ 
fuivi  d'une  foule  innombrable  de  peuple.  Le  Magifîrat  ,  qui  gouver- 
noit  la  ville ,  étoit  irrité  contre  Donatien  :  il  le  dénonça  fur  le 
champ  comme  coupable.  »  Si  vous  venez  ,  dit-il  au  Président , 
V  pour  foutenir  le  culte  des  Dieux  &  punir  les  impies  ,  c'eft  par 
fjilQ  châtiment  de  Dç^natien  que  vous  devez,  commencer.  Jupiter, 

»>  Apollon, 


NAN  9 

T}  Apollon  ,  Mercure ,  &c.  n'ont  point  d'ennemi  plus  audacieux.  " 
»Non  content  de  vivre  lui-même  dans  l'erreur,  il  prêche  publi- 
»  quement  une  Religion  étrangère  :  il  a  féduit  fon  frère ,  &  l'a 
»  rempli  d'un  profond  mépris  pour  les  Divinités  que  nous  recon- 
»  noiflbns.  »  Le  Préfident  fit  venir  l'accufé  ,  &  ,  le  regardant  avec 
colère  :  «  Comment  ofez-vous  ^  lui  dit-il ,  paroître  devant  moi , 
»  fans  trembler?  Vous  méritez  les  plus  terribles  châtiments,  8c 
>>  vous  allez  les  éprouver.  Ingrat  envers  les  Dieux  ;  rebelle  aux 
»  ordres  des  Empereurs  ,  nos  auguftes  maîtres  ;  féditieux ,  per- 
»  turbateur  du  repos  public ,  vous  répandez  parmi  le  peuple  des 
»  opinions  dangereufes  ,  vos  rêveries  ,  &  vos  erreurs  criminelles.  » 

Donatien  lui  répondit  avec  modelHe  ,  mais  fans  foiblefle  : 
«  Vous  parlez  contre  la  vérité  que  vous  ne  connoifTez  pas. 
»  Parce  que  vous  êtes  aveugle,, dois-je  l'être  auffi .'^  Vous  ne  ref- 
w  pirez  que  fang  &  carnage  -,  aflbuviifez  votre  barbarie  :  je  vous 
»  déclare  que  je  ne  changerai  jarnais.  »  Le  Préfident  offenfé 
lui  ordonna  de  fe  taire,  &  le  menaça,  s'il  continuoit,  de  lui 
faire  ôter  la  vie.  «  Vos  menaces  ne  peuvent  m'effrayer  ;  je  vous 
»  plains  feulement  de  ne  pas  connoître  Jefus-Chrift ,  cet  Homme- 
>*  Dieu  ,  mort  pour  le  falut  des  hommes.  » 

Ces  dernières  paroles  irritèrent  le  Préfident,  qui  le  fit  en- 
chaîner &  enfermer  dans  une  étroite  prifon  ,  efpérant  que  la 
crainte  du  fupplice  pourroit  l'intimider  &  le  faire  renoncer  au 
Chriflianifme.  Rogatien  fut  aufli-tôt  amené  au  Préfident ,  qui  lui 
dit  avec  douceur  :  «  J'ai  entendu  dire  que  vous  vouliez  aban- 
n  donner  le  culte  des  Dieux  qui  vous  ont  donné  la  vie ,  &  qui 
»  vous  prodiguent  tous  les  jours  de  nouveaux  bienfaits.  Croyez- 
«  moi ,  revenez  à  eux  ,  leur  indulgence  eÛ  grande  ,  ils  vous 
»  recevront  avec  bonté  ;  venez  dans  le  palais  des  Empereurs, 
»  vous  y  jouirez  de  tous  les  plaifirs  ,  &  vous  pourrez  parvenir 
»  aux  premières  charges  de  l'Empire.  »  Rogatien  fut  infenfible 
à  fes  promelTes ,  &  lui  témoigna  qu'elles  étoient  inutiles.  «  Vous 
»  ne  réuffirez  point  à  me  faire  rendre  hommage  à  des  Dieux 
»  de  métal  ou  de  plâtre ,  fourds  &  muets  -,  ils  manquent  d'ef- 
»  prit ,  comme  vous  manquez  vous-même  de  jugement.  »  Cette 
fermeté  étonna  le  Juge ,  qui  le  fit  mettre  en  prifon ,  afin  de 
venger ,  dès  le  lendemain  ,  par  fa  mort ,  les  loix ,  les  hommes , 
&  les  Dieux   outragés. 

Le  jour  fuivant ,  le  Préfident  les  fit  fortir  de   prifon.  Ils  pa- 
rurent tous  deux,    chargés    de  chaînes,    mais   avec  un   vifage 
ferein ,  Se  en  chantant  les  louanges  du  Dieu  qu'ils  aimoient ,  6c 
Tome  IIL      ^  B 


1 


10  NAN 

qui  leur  donnoît  ce  courage  au  delTus  des  forces  humaines.  Une 
feule  choie  aftligeoit  Rogatien  :  c'ell:  qu'il  n'avoir  point  encore 
reçu  le  baptême.  Il  ne  pouvoit  le  le  faire  donner  alors  ,  parce  que 
î'Evéque  Saint  Clair  &  Adeodat ,  fon  Diacre ,  avoient  pris  la 
fiiite  à  l'arrivée  du  perlecuteur.  Donatien  le  ralTura,  en  lui  dilant, 
ue  Ion  lang ,  qu'il  alloit  répandre  pour  la  foi ,  lui  tiendroit  Heu 
e  baptême. 

Le  Préfident  ,  avant  de  les  faire  conduire  au  fupplice,  ef- 
faya  de  nouveau  de  les  faire  changer  de  deffein.  Il  fe  plia 
en  cent  façons  différentes  pour  les  réduire  j  mais  ils  furent  iné- 
branlables ,  ôc  lui  dirent  d  une  voix  unanime  :  «  Nous  méprifons 
>»  tes  Dieux ,  ou  plutôt  tes  vaines  Idoles  ;  fais-nous  conduire  à 
»  la  mort ,  elle  ne  nous  fait  pas  trembler.  Peut-on  trop  fouffrir 
>♦  pour  Jelus-Chrill  ?  » 

A  l'inftant ,  on  les  mit  fur  le  chevalet^  8c  on  commença  à 
les  tourmenter.  Ils  endurèrent  û  patiemment  les  tortures  ,  que 
le  Prélîdent ,  délefpérant  de  les  fléchir  ,  ordonna  de  les  metcre 
à  mon.  Les  Lifteurs  les  percèrent  d'abord  d'une  lance  ,  ôc  leur 
tranchèrent  enluite  la  tête,    le   24  Mai  290. 

Ainil  moururent  les  deux  premiers  Manyrs  Bretons.  On  n'eft 
pas  d'accord  fur  le  lieu  où  ils  perdirent  la  vie.  Les  uns  prérendent 
que  c'eil  dans  le  même  lieu  où  efl:  fituée  lEghle  des  Chartreuxj 
les  autres ,  que  c'ell  fur  le  chemin  de  Pans  ,  entre  les  Char- 
treux &  la  Communauté  de  Saint-Charles  ,  dans  l'endroit  où 
l'on  voit  deux  croix  &  deux  ormeaux.  Enfin ,  la  troisième  opi- 
nion ei\  que  c'ell:  dans  la  m.ême  place  où  font  les  Fonts  bap- 
tifmaux  de  l'Eglife  paroiffiale  qm  pone  leur  nom.  On  peut 
conclure  de  là  qu'une  partie  du  fauxbourg  de  Saint-Clément 
n  exiiloit  point  alors  ,  puifque  la  coutume  des  Romiains  étoit  de 
faire  les    exécutions  hors  de  la  ville  &   des  fauxbourgs. 

Lobineau  prétend  qu'on  failbit  la  fête  de  ces  deux  Saints  en 
Angleterre  ,  dès  le  feprieme  fiecle.  Les  Nantais  les  ont  toujours 
honorés  comme  leurs  Patrons ,  6c  la  \  ille  Se  le  diocefe  ont  éprouvé 
plus  d'une  fois  les  heureux  effets  de  leur  prote61ion.  Les  anni- 
verfaires  de  l'Eglife  Collégiale  de  Nantes  nous  apprennent  que 
leur  Office  fut  fondé  double,  le  19  Mai  1447,  par  Jean  Bou- 
chard ,  Prêtre  de  l'Eglife  paroiffiale  de  Saint-Similien. 

Saint  Clair  qui,  comme  on  vient  de  le  dire,  avoir  pris  la 
fuite  ,  mena  une  ^ie  errante  &  cachée.  Il  mourut ,  félon  l'opi- 
nion commune ,  dans  la  Paroiffe  de  Reguini ,  au  diocefe  de 
Vannes,   le  10  06lobre    309.  Quelques  Eglifes  lui  donnent  le 


N  A  N  II 

titre  de  Martyr ,  quoiqu'il  ne  ibit  pas  prouvé  qu'il  mourut  pour 
la  défenfe  de  la  Religion,  ou  par  les  mains  de  fes  ennemiis.  Celle 
de  Tulle  prétend  avoir  Ion  corps ,  qui  \m  6jî  ,  dit-on ,  apponé 
d'Angers,  ou  plutôt  de  quelques  villes  de  Bourgogne,  puilque 
les  anciennes  légendes  &  les  chroniques  de  Bretagne  rapponent 
qu'il  fut  tranfporté  dans  cette  dernière  province  ,  vers  l'an  897. 
On  ne  trouve  rien  dans  les  archives  de  la  Cathédrale  qui  puiiîe 
conîlrmer  le  récit  des  hiiloriens  qui  parlent  de  ces  dinérentes 
tranilations.  La  fête  de  Saint  Clair  eil:  gardée  dans  tout  le  dio- 
cele ,  le  10  Octobre  de  chaque  année. 

En  310,  Ennius,  fécond  Evéque  de  Nantes.  En  324,  rEm- 
pereur  Conilantin  le  tait  baptiier.  L"hill:oire  rapporte  que  ce 
Prince  ,  failant  bâtir  l'Eglile  de  Saint  -  Pierre  de  Rome  ,  porta 
douze  corbeilles  pleines  de  terre  lur  les  épaules,  en  l'honneur 
des  douze  Apôtres  ,  aîîn  d'animer  les  ouvriers  au  travail  par  Ion 
exemple.  En  conlequence  des  Edits  de  cet  Empereur,  Ennius  a 
la  fansfattion  d'élever  un  temple  au  ^rai  Dieu  fur  le  tombeau 
des  Saints  Marr^TS  Donatien  6z  Rogarien. 

335.  Mort  d'Emiius.  Saint  Similien  lui  fuccede  ,  «Se  fait 
bâtir  ,  hors  des  murs  de  la  cité  ,  chez  un  particulier ,  un  petit 
Oratoire  oii  les  Chrétiens  s'allembloient.  Un  écrivain  de  ce  fiecle 
affure,  dans  un  Ouvrage  manulcrit,  qu'il  n'y  a  aucunes  Rehques 
de  Saint  Similien  dans  l'Eglife  qui  pone  fon  nom  ,  &:  que  le 
tombeau  qu'on  v  voit  n'eil  point  celui  de  ce  Prélat,  mais  de 
quelque  autre  Evéque  de  Nantes  ou  de  quelque  perlbnne  illullre. 
La  tradidon  &    l'ulage    contredifent  l'opinion  de   Tauteur,   qui, 


lequel 

allume  des  cierges.  Dans  la  même  Eglife ,  fe  voit  un  puits  où 
ia  tradition  veut  que  foit  la  tête  du  Saint.  Il  ell  à  croire  que 
l'eau  de  cette  fontaine  ell  bonne  :  on  peut  toujours  aiTurer  qu'on 
en  faifoit  jadis  beaucoup  d'ulage  -,  car  la  pierre  de  grain  qui 
forme  la  margelle  ell  prefque  entièrement  ul'ée  par  le  frottement 
des  cordes  qui  fermaient  à  puiier.  Un  livre  lynodal  de  l'an 
1220  nous  apprend  que  ia  fête  de  ce  Saint  étoit  autrefois  gardée 
dans  le  dioceie  :  elle  elt  aboHe  depuis  environ  240  ans. 
EumeHus ,  quatrième  Evéque  de    Nantes  &  luccelTeur  de  Si- 


Il  N  AN 

n  étoit  alors  féparé  de  celui  de  Nantes  que  par  la  rivière  àé 
Loire. 

380.  Marc,  cinquième  Evêque  de  Nantes.  Cette  ville  étoit 
encore  foumife  aux  Romains.  Trois  ans  après  ,  Conan  Me- 
riadec ,  premier  Roi  Breton ,  débarque  dans  ce  pays ,  avec  le  tyran 
Maxime ,  foumet  les  Nantais  fous  fa  puiiTance ,  &  prend  le  titre 
de  Souverain.  Affermi  fur  fon  Trône ,  Conan  porte  fes  armes 
dans  l'Aquitaine  ,  &  fe  rend  maître  du  pays  de  Retz,  Tan  405, 
Il  fecoue  le  joug  des  Romains,  en  410  ,  &  chcifit  Nantes  pour 
fa  capitale  :  il  exerce  tous  les  droits  de  la  fouveraine  puifTance , 
&  fait  admirer  fa  fagelTe  dans  le  Gouvernement. 

Ceux  qui  ont  fait  des  recherches  fur  les  médailles  &  les  mon- 
noies  anciennes ,  ne  difent  point  en  avoir  vu  de  purement  gau- 
loifes  avant  la  domination  des  Romains.  C'ell  peut-être  une 
erreur  que  ces  auteurs  ont  adoptée ,  parce  qu'ils  n'ont  trouvé  que 
des  caraéleres  grecs  fur  les  monnoies  qui  leur  font  tombées  entre 
les  mains  -,  mais  ils  n'auroient  pas ,  fans  doute  ,  porté  le  même 
jugement ,  s'ils  avoient  fait  attention  que  la  plupart  des  infcrip- 
tions  gauloifes  font  en  carafteres  grecs  ,  &  qu'on  obfervoit  vrai- 
femblablement  la  même  coutume  à  Tégard  des  monnoies.  On 
fçait  bien  que  les  Gaulois  n'avoient  point  de  monnoies  d'or  ou 
d'argent ,  mais  ils  en  avoient  de  fer  ou  de  cuivre.  Le  commerce 
qu'ils  faifoient  avec  leurs  voifins  les  mettoit  dans  la  néceflité 
d'en  faire  battre    de   particulières. 

Dès  que  les  Gaules  furent  délivrées  de  la  domination  des 
Romains ,  on  y  fit  frapper  des  médailles  &  des  monnoies  qui 
portoient  le  nom  des  Princes  fouverains.  Comme  l'Armorique 
eft  la  première  qui  fecoua  le  joug  ,  il  efi:  confiant  que 
les  monnoies  que  Conan  Meriadec  fit  faire  à  Nantes,  font  les 
premières  qui  aient  paru  dans  les  Gaules  fous  un  autre  nom 
que  celui  des  Empereurs.  Nous  en  relle-t-il  quelques-unes  de 
ce  Prince  ?  C'eil  ce  qu'on  ne  fçait  pas.  Le  Père  ToufTaint  de 
Saint-Luc  dit  avoir  vu  une  médaille  avec  la  légende,  Cojiamis  ^ 
Rex  Britonum^  &  il  croit  qu'elle  fut  frappée  l'an  410  j  mais  il 
n'eft  pas  certain  qu'elle  foit  de  Conan  Meriadec  ,  plutôt  que  de 
Conan  le  Tors  ,  qui  étoit  aufli  maître  de  Nantes.  Que  cette 
médaille  foit  de  Conan  Meriadec  ou  de  Conan  le  Tors  ,  peu 
importe  ,  puifque  tous  les  hiftoriens  conviennent  que  le  premier 
de  ces  Princes  fit  battre  monnoie  à  Nantes ,  que  ces  monnoies 
étoient  d'or  &  de  la  valeur  d'un  tiers   de   fol. 

408,  ou  environ.  Origine  des  Marches.  L'Empereur  Honorius , 


NAN  1} 

voulant  arrêter  les  progrès  des  Bretons  &  empêcher  les  courfes 
qu'ils  faifoient  fur  les  terres  de  l'Empire ,  mit  des  garnifons  dans 
les  lieux  où  font  aujourd'hui  les  bourgs  de  Getigné  ,  Cugan , 
Cliflbn  ,  Bouffai ,  Legé  ,  Bois-de-Cené  ,  Saint-Etienne  du  Bois , 
&  Tiffauges ,  qui  étoit  le  quartier  général.  Ces  garnifons ,  ex- 
pofées  à  des  dangers  continuels ,  ne  feroient  pas  reftées  long-temps 
dans  le  devoir ,  ii  on  ne  leur  eût  accordé  des  privilèges  extraor- 
dinaires pour  les  dédommager  de  leurs  travaux.  En  conféquence , 
Honorius  leur  donna  des  exemptions ,  qui  furent  confirmées  plu- 
fleurs  fois  dans  la  fuite  par  les  Empereurs  &  les  Rois  de  France. 
Les  habitants  des  lieux  en  jouiffent  encore  aujourd'hui.  Ce  fut 
aufîi  à  cette  époque  que  Tours ,  qui  étoit  fous  la  métropole  de 
Rouen  ,  devint ,  à  fon  tour  ,  métropole  des  provinces  de  Tours , 
du  Maine  ,  d'Anjou  ,  &  de  Bretagne. 

421.  Conan  Meriadec  meurt,  &  efl:  enterré  à  Saint  -  Pol- 
de-Léon ,  avec  cette  épitaphe  :  Ci-gii  Conan  ,  Roi  des  Bretons, 
Salomon ,  fils  d'Urbien ,  &  petit  fils  de  Conan ,  lui  fuccede. 
Ce  Prince  fut  tué  à  Nantes ,  l'an  43  4  ,  félon  les  uns  ,  par  les 
Gots  d'Aquitaine  qui  avoient  furpris  cette  ville  ;  &,  félon  les  au- 
tres ,  par  fes  propres  fujets ,  dont  il  vouloit  réformer  les  mœurs 
corrompues. 

434.  Grallon  ,  beau -frère  de  Conan  Meriadec,  fuccede 
à  Salomon  ;  il  quitte  le  féjour  de  Nantes ,  fans  ceffe  expofé  aux 
irruptions  des  barbares  ,  &  fixe  fa  demeure  à  Quimper ,  qu'il 
érige  en  Evêché.  Hilarius ,  Capitaine  Romain  ,  lui  fait  la  guerre, 
&  remporte  fur  lui  quelques  avantages.  Grallon  ne  fe  rebute  point , 
ramené  enfin  la  fortune  à  fon  parti  -,  entre ,  à  fon  tour  ,  fur  les 
terres  des  Romains  ,  ôc  leur  prend  quelques  places.  La  mort ,  qui 
le  furprend ,  arrête  le  cours  des  viftoires  des  Bretons. 

Arifius ,  fixieme  Evêque  de  Nantes ,  eut  pour  fucceffeur  Di- 
dier ,  Curé  au  diocefe  de  Touloufe  ,  Prêtre  zélé  &  recomman- 
dable  par  fes  vertus.  Il  s'éleva  avec  force ,  n'étant  encore  que 
fimple  Eccléfiaf  tique  >  contre  Fhéréfie  de  Vigilance  j  &,  de  concert 
avec  Ripaire ,  Prêtre  Efpagnol ,  il  envoya  les  oeuvres  de  cet 
héréfiarque  à  Saint  Jérôme  ,  qui  les  demandoit  pour  les  réfuter.  C'eft 
à  ce  digne  Prélat  que  Léon  de  Bourges ,  Euftachius  de  Tours , 
&  Vifturus  du  Mans ,  adrefferent  la  lettre  circulaire  du  Concile 
de  Bourges,  vers  451.  On  croit  que  Didier  eft  le  même  que 
Sulpice  Severe  appelle  fon  frère  ,  &  que  c'efi:  à  lui  qu'il  adreffa 
la  vie  de  Saint  Martin.  Saint  Paulin, qui  étoit  auffi  l'ami  de  l'E- 
vêque  de  Nantes ,  loue  la  pureté  de   fes  mœurs  &  la  fainteté 


,4  NAN 

de  fa  vie.   On  attribue  à  Didier  la  fondation  de  FEglife  de  Saint- 
Vincent. 

Audren,  fils  de  Salomon,  étoit  monté  fur  le  Trône  l'an  445. 
Les  Bretons  avoient  repris  les  armes  fous  la  conduite  de  Saint 
Germain  d'Auxerre ,  &  de  Saint  Loup ,  Evêque  de  Troyes ,  & 
avoient  chaffé  les  garnifons  Romaines  de  toute  la  Bretagne, 
Débarraffé  de  ces  puifTants  ennemis ,  ils  furent  attaqués  par  d'au- 
tres plus  terribles.  Les  Huns  afliégerent  la  ville  de  Nantes  en 
453  ,  &  demeurèrent  foixante  jours  devant  fes  murailles.  Les 
habitants  n'avoient  plus  d'efpoir  d'échapper  à  la  fureur  des  bar- 
bares ;  mais  le  Ciel  qui  les  protégeoit  ,  dit  Grégoire  de 
Tours  ,  les  fauva  miraculeufement.  Vers  le  milieu  de  la  nuit 
on  vit  fortir  de  la  Bafilique  des  Saints  Donatien  &  Rogatien ,  une 
proceffion  d'hommes  vêtus  de  blanc.  Une  autre  proceffion  fem- 
blable  fortit  de  la  Bafilique  de  Saint  Similien.  Les  deux  com- 
pagnies d'efprits  céleftes  fe  réunirent ,  fe  faluerent  très-civilement , 
&  fe  mirent  à  prier.  Quand  l'oraifon  fut  finie ,  chacun  fe  retira 
vers  le  lieu  d'où  il  étoit  forti.  Les  ennemis  ,  témoins  de  ce  prodige  , 
font  fi  effrayés  qu'ils  prennent  la  fuite  avec  précipitation.  Mar- 
cil-Chillon ,  Général  des  barbares ,  fut  touché  de  ce  miracle ,  & 
fe  fit  baptifer, 

L'Evêque  Léon  fait  auffi-tot  afTembler  le  Peuple  pour  remer- 
cier TEtre  fuprême  d'une  déUvrance  fi  peu  attendue.  On  rap- 
porte que  ,  comme  il  célébroit  le  faint  Sacrifice ,  il  vit  tomber 
fur  l'autel  trois  gouttes  d'eau  de  même  volume ,  lefquelles  fe  réu- 
nirent &  formèrent  un  riche  diamant.  L'Evêque  le  fit  enchâfi^er 
dans  une  croix  d'or  ,  &  voulut  y  ajouter  d'autres  pierres  pré- 
cieufes  j  mais  elles  fe  détachoient  d'elles-mêmes ,  chafi^ées  par  le 
diamant  célefle.  Il  étoit  brillant  aux  yeux  des  bons  ,  &  obfcur 
aux  yeux  des  méchants.  C'eft  dommage  qu'il  foit  perdu  ,  ou 
qu'il  n'y  en  ait  plus  de  femblables  j  ils  ne  feroient  pas  inutiles  de  nos 
jours  !  Sigebert ,  le  feul  qui  rapporte  ce  fait ,  ne  dit  point  où  il 
l'a  pris.  11  eÛ  à  croire  qu'il  n'ei^it  jamais  de  réalité  que  dans  fon 
imagination.  Un  chrétien  ,  obligé  de  rapporter  des  miracles  de 
cette  efpece^fe  trouve  toujours  embarrané.  S'il  les  nie,  on  l'ac- 
cufe  d'incrédulité  -,  s'il  les  croit ,  on  le  traite  de  fuperflitieux  ou 
d'imbécille.  Cependant,  quoiqu'on  endife  ,  je  crois  pouvoir,  fans 
irréligion ,  révoquer  en  doute  ceux  que  je  viens  de  rapporter  : 
ils  font  fi  peu  attelles ,  fi  peu  croyables  ,  qu'on  ne  doit  pas  me 
fçavoir  mauvais  gré  de  n'y  pas  ajouter  foi. 

L'hiÛoire   affigne  un  motif  plus  raifonnable    de  la  fuite   dQS 


NAN  ï5 

barbares,  Eigîdîus,  ou  comme  nous  rappelions  le  Comte  Gilles 
ou  Gillon  ,  chef  des  Milices  Romaines  ,  fur  les  bords  de  la  Loire, 
voyant  que  les  barbares  menaçoient  Nantes ,  fe  jetta  dans  la 
ville  avec  des  troupes  aguerries ,  &  força  ,  par  la  plus  vigoureufe 
féfiftance ,  les  Huns  à  lever  le  fîege.  Pour  éternifer  la  mémoire 
de  cette  aftion  ,  &  récompenfer  ,  en  même  temps ,  le  généreux 
Romain ,  les  Nantais  firent  frapper ,  en  fon  honneur ,  une  mé- 
daille, dont  Bouterouë  nous  a  donné  l'explication.  Le  même 
auteur  nous  apprend  qu'on  fit  frapper ,  dans  la  même  ville ,  des 
tiers  de  fols  d'or ,  fur  iefquels ,  d'un  côté  ,  étoit  une  tête  ceinte 
de  bandelettes ,  avec  la  légende ,  Nanneùs  ;  &  de  l'autre ,  une 
boule  ou  globe  à  deux  degrés ,  avec  la  légende  Eigldius,  M.  le 
Blanc  lit  Figidius ,  &  croit  que  c'efi:  le  nom  du  Monnétaire.  Ceft 
une  erreur  :  la  tête  de  la  médaille  n  eft  point  celle  d'un  fimple 
particulier ,  mais  celle  d'im  Roi  ou  d'un  Empereur ,  &  ne 
peut  convenir  qu'à  Eigidius  ,  que  les  Francs  mirent  fur  le 
Trône  en  458.  Au  refte  ,  il  n'efi:  pas  étonnant  qu'on  fe  foit 
trompé ,  parce  que  dans  les  monuments  qui  nous  relient  des  pre- 
miers fiecles,  il  eft  très-difficile  de  diftinguer  la  lettre  F  de  la 
lettre  E,  Ce  tiers  de  fol  ell  le  plus  ancien  monument  que 
nous  ayons ,  qui  donne  le  nom  de  Nannetis  à  la  ville  de  Nantes. 

464.  Mort  d'Audren  ,  fondateur  de  la  ville  de  Châtelau- 
dren.  Erech  ,  fon  fils,  luifuccede.  Ce  Prince  ,qui  marche  contre 
Euric ,  Roi  des  Gots ,  avec  douze  mille  hommes  du  diocefe  de 
Nantes ,  rencontre  les  ennemis  dans  le  Berry ,  &  perd  la  bataille. 
Cette  aftion  fe  pafia  vers  473, 

473.  Eufebe  ,  fils  d'Erech ,  &,  félon  d'autres,  de  Rivalon  , 
monte  fur  le  Trône,  &  fixe  fon  féjour  à  Vannes,  parce  qu'il 
craignoit  les  Saxons  ;  peuples  de  la  Germanie ,  qui  s'étoient  for- 
tifiés au  Croific ,  d'où  ils  faifoient  des  courfes  continuelles  jufqu'aux 
portes  de  Nantes.  Les  Romains,  qui  venoient  de  rentrer  en  Bre- 
tagne ,  avoient  fait  conftruire  une  fortereffe  nommée  Grannone , 
(  c'eil  Guérande,  )  &tenoient  ces  Saxons  bloqués  depuis  quelque 
temps  ;  mais  la  néceffité  &  les  circonllances  ayant  forcé  les 
troupes  Romaines  de  fe  retirer ,  les  barbares  recommencèrent  leurs 
courfes  ,  fe  faifirent  des  ifles  de  la  Loire  ,  s'y  fortifièrent ,  &  con- 
tinuèrent leurs  irruptions,  fous  la  conduite  d'Odoacre,  jufqu'au com- 
mencement du  fiecle  fuivant. 

490.  Mort  d'Eufebe  ,  Comte  de  Vannes  &  de  Nantes. 
Budic  ,  frère  de  Riothim ,  qui  lui  fuccede ,  fait  fa  réfidence  à 
Nantes  p  &  défend  ^  avec  beaucoup  de  valeur ,  cette  ville  ,  contre 


i6  _  NAN 

les  Saxons  qui  l'afliegent  pendant  deux  mois.  Cerunius,  fuccei- 
feur  de  Cariundus,  efl:  témoin,  l'an  490,  de  la  fondation  que 
fait  Budic  de  l'Eglife  de  Saint-Cyr ,  aujourd'hui  Saint-Léonard. 
Ce  Prélat  efl  reconnu  lui-même  pour  fondateur  de  celle  de  Saint- 
Clément  :  il  exiftoit  alors  une  Abbaye  du  nom  de  Saint-Donatien, 

Clément ,  Evêque  de  Nantes  ,  n'eft  pas  bien  connu  :  on  le  croit 
pourtant  fondateur  de  l'Eglife  de  Saint-Saturnin ,  qui  d'abord  ne 
fut  qu'une  Chapelle  qui  fait  aujourd'hui  partie  de  la  facriftie.  Cette 
facriftie  eil  effeftivement  voûtée  en  pierres  &  bâtie  à  l'antique. 

On  trouve  dans  les  foufcriptions  des  Evêques  qui  affifterent  au 
Concile  d'Agde ,  tenu  l'an  5  06 ,  que  l'Evêque  de  Poitiers  faifoit 
encore  quelquefois  fa  réfidence  au  Pallet ,  à  cjuatre  lieues  & 
demie  de  Nantes;  ce  qui  prouve  que  fon  diocefe  s'étendoit  en- 
core jufqu'à  la  Loire.  (  Voyez  le  Pallet.  ) 

Budic  étoit  paffé  en  Angleterre ,  &  y  étoit  mort.  Hoël  ,  fon 
fîls  &  fon  fuccefTeur ,  avoit  vu  fes  Etats  ravagés  par  les  bar- 
bares ,  &  fes  peuples  obligés  d'abandonner  leur  patrie.  Le  Prince 
Breton  avoit  demandé  du  fecours  au  Roi  d'Angleterre ,  qui  lui 
avoir  accordé  fa  demande.  Il  ne  perd  point  de  temps  :  il  ranemble 
auprès  de  lui  ceux  de  fes  fujets  qui  étoient  reftés  en  Bretagne , 
il  appelle  ceux  qui  s'étoient  réfugiés  dans  les  ifles  &  les  pro- 
vinces voifînes ,  &  marche  contre  les  étrangers  qui  occupoient 
fon  pays.  Il  voit  le  fuccès  couronner  fes  travaux  &  ceux  de  fon 
fils  Jean  ou  Jona ,  qui ,  l'an  515  ou  516^  remporte  auprès  de  Nantes 
une  viftoire  complette.  En  mémoire  de  cette  aaion  ,  on  fait 
frapper  à  Nantes  des  tiers  de  fols  d'or  ,  avec  une  tête  fans 
diadème  ,  pour  légende,  Nannetis,  d'un  côté  ;  de  l'autre  côté,  eft 
une  efpece  de  trophée  ,  traverfé  d'un  pieu ,  qui  femble  porter 
un  bonnet ,  &  pour  légende ,  Johaiinis.  Le  bonnet  étoit  le  fym- 
bole  de  la  liberté.  Jean  paroît  fans  diadème,  fur  cette  médaille, 
parce  qu'il  n'étoit  ni  Roi  ni  Comte.  Il  a  de  longs  cheveux  & 
une  mante  ou  fourrure  qui  lui  couvre  les  épaules,  parce  qu'il  étoit 
Prince  &  fils  de  Roi  ;  qualités  que  les  Gaulois  &  leurs  voifins 
défignoient  par  les  cheveux  longs  &  la  fourrure. 

On  trouve  encore  quelques  autres  pièces  de  monnoie  frap- 
pées dans  le  même  temps.  Bouterouë  en  a  vu  une ,  fur  laquelle  étoit 
un  trophée  entre  une  croix  &  un  foleil ,  ainfi  figurée  O  ^ ,  & 
pour  lègenàe  ^  Nannetis  y  Johannes.  Le  trophée  refTemble  à  ceux  que 
les  Romains  érigeoient  après  une  viftoire  éclatante. 

Sur  une  autre  ,  on  remarque ,  d'un  côté ,  une  tête  couverte  d'une 
efpece  de  couronne  à  pointe^  un  écu  fur  le  bras,  &  pour  légende, 

Theodcbeniai 


N  A  N  _  17 

Theodehertia  ;  de  l'autre  côté ,  une  croix  fur  un  degré ,  &  pour 
légende ,  Johannes  ,  Namnetis  ,  avec  le  foleil  &  la  croix  O  4^.  On 
penfe  que  Jean ,  fils  d'Hoel ,  aura  voulu ,  par  cette  médaille , 
faire  honneur  au  jeune  Théodebert ,  fameux  par  fes  exploits 
contre  les  Saxons,  leurs  ennemis  communs  :  peut-être  même  la 
viftoire  leur  aura  été  commune. 

On  peut  donner  un  autre  fens  au  mot  Theodehertia  ,  en  ajou- 
tant ,  avec  Bouterouë ,  celui  de  moneta.  Théodebert  ne  fera  plus 
alors  que  le  nom  du  Monnétaire  ,  &  la  médaille  fera  toute  entxere 
à  rhonneur  du  Prince  Jean.  Cette  opinion  ell:  même  la  plus 
vraifemblable  ,  puifqu'il  efl:  confiant  que  les  Francs  n'ont  point 
entamé  la  Bretagne  avant  560  :  il  eft  même  à  croire  que  les 
Princes  Francs  &  Bretons  n'étoient  pas  très-liés,  parce  que  les 
derniers  foupçonnoient  Clovis  d'avoir  appelle  les  Frifons  &  les 
Saxons  en   Bretagne. 

545.  Hoël  le  Grand,  après  avoir  chaiTé  les  barbares  de 
toute  la  Bretagne  ,  meurt ,  &  laifTe  fes  Etats  à  fes  enfants ,  qui  font  : 
Jean ,  qui  prit  le  nom  d'Hoël  5  Conobre ,  Budic ,  Varoch  ,  & 
Macliau  :  les  deux  autres  fils  de  ce  Prince ,  Léonor  &  Tugdual, 
font  honorés  comme  Saints ,  &  ne  prirent  aucune  part  aux  af- 
faires du  Gouvernement. 

515.  Euhemer  ,  Evêque  de  Nantes.  Il  affifte  en  per- 
fonne  ,  ou  par  Députés ,  aux  Conciles  tenus  à  Orléans  ,  aux  an- 
nées 533,  5385  &  541.  Ruricius  l'aîné,  Evêque  de  Limoges, 
parle  avantageufement  d'Euhemer ,  dans  une  de  fes  lettres ,  de 
même  queTrojanus,  Evêque  de  Saintes  ,  qui  lui  écrit  en  réponfe 
à  la  queftion,  ji  Von  pouvoit  bapt'ifer  quelqu'un  qui  doutoit  l'avoir 
été,  Fortunat  donne  aufli  de  grandes  louanges  à  Euhemer.  Il 
étoit  marié  ;  &  fon  époufe  ,  qui  le  foupçonnoit  d'infidélité  depuis 
qu'il  étoit  Evêque ,  parce  qu'il  avoit  rompu  tout  commerce 
avec  elle ,  épioit  toutes  fes  démarches.  Elle  s'introduifit  un  matin 
dans  fa  chambre,  oii  elle  le  trouva  qui  repofoit.  Grégoire  de 
Tours  rapporte  qu'elle  vit  fur  fon  fein  un  agneau  éclatant  de 
lumière,  &  que  cette  vifion  miraculeufe  la  guérit  de  fa  ja- 
loufie.  Saint  FeHx  dit  que  ce  Prélat  n'avoit  aucun  mépris  pour 
fa  femme  ;  mais  qu'en  fa  qualité  d'Evêque ,  il  ne  croyoit  pas 
pouvoir  vivre  avec  elle  félon  les  loix  du  mariage.  Il  commença 
l'Eglife  de  Saint-Pierre  que  FeUx  acheva. 

Hoël  II  ,    dit   Jean  Reitk ,  ne  finit  pas  comme   il  avoit  com- 
mencé j  il  fut  foible ,  &  perdit  une  partie  de   fon  autorité.  Ses 
Etats  furent   bouleverfés  par  des  faaions  continuelles.  Les  Sei- 
Tome  IIL  C 


i8  N  A  N 

gneurs  s'élevèrent  les  uns  contre  les  autres,  Se  lui-même  tomba 
fous  les  coups  de  fon  frère  Conobre ,  l'an  .  5  47  :  il  avoit  époufé 
la  fille  de  Malgo ,  Roi  d'Angleterre ,  de  laquelle  il  eut  une  fille 
qui  fe  maria  au  Seigneur  de  Léon ,  Se  un  fils ,  nommé  Judual , 
qui  fe  retira  à  Pans  à  la  Cour  du  Roi  Childebert. 

^47.  Conobre  fe  rend  maître  de  Nantes  &  de  prefque  toute 
la  Bretagne ,  qu'il  ufurpe  fur  fes  frères  Se  {qs  neveux. 

Félix  5  Evêque  de  Nantes,  l'an  550.  Ce  Prélat  naquit  à  Bourges, 
l'an  513,  d'une  des  plus  anciennes  Se  des  plus  illuftres  familles 
d'Aquitaine  :  il  fut  ordonné  Prêtre  en  5  40  ;  Evêque  de  Nantes 
en  550J  &  aflifta,  en  cette  qualité,  au  Concile  de  Paris,  l'an 
557.  De  retour  en  fon  diocefe,  il  y  établit  la  réforme,  confor- 
mément aux  Règlements  du  Concile. 

560.  Conobre  prend  le  parti  de  Chranne  ,  fils  naturel  de 
Clotaire,  Roi  de  France.  Ce  fils  rebelle  Se  fon  protefteur  font 
vaincus  Se  tués.  Clotaire  fe  rend  maître  de  Nantes  au  mois  d'Oc- 
tobre ,  &  en  donne  le  Gouvernement  à  Félix  ,  qui  y  affemble 
un  Concile  la  même  année. 

561.  Mort  de  Clotaire.  Chilperic  qui  lui  fuccede  ,  con- 
tinue Saint  Félix  dans  le  Gouvernement  de  Nantes.  Ce  Prélat 
fait  creufer  le  canal  qui  fépare  les  prairies  de  Mauves  Se  de 
la  Magdeleine  ,  Se  qui  conduit  les  eaux  de  la  Loire  au  château  Se 
tout  le  long  des  quais  jufqu'à  la  Foffe  ,  où  tous  les  bras  de  la 
Loire  fe  réunifient.  La  prairie  de  la  Magdeleine  s'appelloit  alors 
la  prairie  des  Haïmes  ou  de  UHienne.  L'Evêque  ,  Gouverneur ,  fait 
encore  confi:ruire  la  chauffée  de  Barbin ,  rend  navigable  la  rivière 
d'Erdre  ,  qui ,  jufques-là  ,  n'avoit  formé  qu'un  marais  ;  fait  couper , 
par  un  canal,  qu'on  voyoit  encore  en  1700,  les  prairies  de  Glo- 
riette  Se  de  la  Saufaye ,  Se  bâtit  fur  les  deux  rivières  piufieurs 
moulins  à  eau ,  les  feuls  qui  fufient  connus  alors. 

L'Eglife  Cathédrale  fut  achevée  en  555,  &  décorée  par  les 
foins  de  ce  digne  Prélat  :  cet  édifice  étoit  de  la  plus  grande 
beauté  ;  la  couverture  étoit ,  dit-on  ,  d'étain  ,  &  au  deflus  de  la 
nef  principale  ,  qui  étoit  flanquée  de  deux  autres ,  s'élevoit  une 
tour  quarrée  ,  terminée  en  dôme  ,  &  foutenue  de  piufieurs  arcades. 
La  décoration  intérieure  étoit  riche  &  magnifique;  de  très- belles 
colonnes ,  dont  les  chapiteaux  étoient  de  marbre ,  foutenoient 
l'édifice.  Les  murs  étoient  garnis  des  meilleurs  tableaux  qu'on 
eut  alors  j  Se  le  pavé  étoit  de  marbre  à  la  mofaïque.  Les  autels 
étoient  très-bien  ornés  Se  les  plus  beaux  de  toutes  les  Gaules  : 
on  y  remarquoit  le  marbre  le  plus  fin ,  des  couronnes  d'or ,  des- 


NAN  19 

vafes  d'argent,  &  d'autres  ornements  précieux.  Au  milieu  de 
TEglife  étoit  une  colonne  de  marbre  ,  fur  laquelle  étoit  placé 
un  Chrilt  d'argent  malîif  ,  ceint  d'un  jupon  d'or  ,  embelli  de 
pierres  précieuies  ,  &  attaché  à  la  principale  voûte  avec  une 
chaîne  d'argent.  Sur  une  autre  colonne  étoit  un  gros  rubis ,  pour 
éclairer  l'Eglife  pendant  la  nuit.  Tous  les  vafes  qui  ferv oient  à 
l'Office  divm  étoient  d'or  &  d'argent.  Enfin  cette  Eglife  fuperbe 
étoit  peut-être  ce  qu'il  y  avoir  de  plus  riche  en  France ,  en  ce 
genre.  Le  Prélat  affembla  un  Concile  pour  la  confacrer  :  la 
cérémonie  s'en  fit  le  30  Septembre  568  j  dédicace  dont  la  Ca- 
thédrale a8:uelle  fait  encore  la  fête  à  pareil  jour. 

Fortunat ,  place  à  Chefseil  {a)  ^  aujourd'hui  Sainte-Luce  ,  la 
maifon  de  campagne  de  l'Evêque  FeHx ,  &  l'appelle  Cariacum  : 
cette  maifon ,  qui  porte  le  nom  de  Chaffais  ,  appartient  encore  à 
l'Evêque  de  Nantes. 

L'an  569,  Félix  va.  au  Concile  de  Tours,  &,  l'an  573,  à 
celui  de  Paris ,  affemblé  pour  réconcilier  les  Rois.  Il  termine 
quelques  différents  qu'il  avoit  avec  l'Archevêque  de  Tours,  & 
revient  confoler  fon  troupeau  affligé  de  fon  abfence.  Il  obtient 
la  hberté  de  plufieurs  Nantais ,  que  les  bas  Bretons  avoient  faits 
prifonniers. 

Un  Prêtre  du  diocefe  de  Nantes  a  publié  des  tiers  de  fols 
d'or  ,  frappés  ,  dans  ce  temps  ,  au  pays  de  Retz  ,  dans  les  villes 
de  Rezé  &  de  Veuë ,  alors  confidérables.  Ces  monnoies  font  de 
Théodoric ,  fils  de  Budic  ,  Comte    de  Vannes. 

583.  AfTemblée  eccléfiaflique  à  Nantes.  Saint  Félix,  fentant 
fa  fin  approcher,  voulut  afTurer  l'Evêché  de  Nantes  à  fon  neveu 
Burgundion.  En  conféquence ,  il  avoit  prié  les  Evêques  de  venir 
à  Nantes,  dans  le  defTein  de  leur  faire  confirmer  fon  choix. 
Le  Candidat  fut  envoyé  à  l'Archevêque  de  Tours  ,  qui  ne 
voulut  pas  le  facrer,  parce  qu'il  n'étoit  point  encore  dans  les 
faims  Ordres. 'Il  le  renvoya  à  fon  oncle ,  après  lui  avoir  enjoint 
de  fe  faire  ordonner  Prêtre  ,  d'être  exaâ  à  l'Office ,  &  de  mé- 
riter ,  par  fes  bonnes  oeuvres ,  la  place  éminente  qu'on  lui  defli- 
noit.  Le  jeune  homme  de  retour ,  trouvant  la  fanté  de  fon  oncle 
beaucoup  meilleure  ,  ne  fe  prefTa  pas  de  fuivre  les  avis  de  l'Ar- 
chevêque. Il  eut  bientôt  lieu  de  s'en  repentir  j  Félix  mourut 
quelque  temps  après  ,  &  Burgundion  ne  put  obtenir  le  Siège. 

Saint  Fehx  fut  le  feizieme  Evêque  de   Nantes,  &  l'un  des 

{â)  Ce  lieu  étoit  nommé  Chefsàl ^  parce  que  le  Seil  y  prend  fa  fource. 


^6  N  A  N 

plus  illuflres  de  fon  temps.  A  toutes  les  vertus  de  fon  état,  il 
joignoit  des  talents  fupéneurs  pour  le  Gouvernement  :  il  inflruifît 
fon  troupeau,  embellit  &  enrichit  fa  ville  épifcopale.  Il  rendit 
un  grand  fervice  à  fon  pays ,  par  la  converfîon  des  Saxons  du 
Croilic ,  qui ,  éclairés  par  ce  grand  homme  ,  fe  réunirent  aux 
Bretons ,  &  fe  foumirent  aux  loix  du  Prince.  Il  fçut  aUier  deux 
vertus  qui  fe  trouvent  rarement  enfemble ,  la  douceur  &  la  fer- 
meté. On  en  trouve  un  exemple  dans  l'affaire  de  fa  nièce. 
Cette  Demoifelle  aimoit  un  jeune  homme  de  dilHn61ion,  nommé 
Pappolen.  Les  parents  confentoient  à  les  unir,  à  l'exception  du 
feul  Fehx ,  qui ,  je  ne  fçais  par  quel  motif,  s'y  oppofoit  forte- 
ment. Le  jeune  homme ,  impatient  &  ennuyé  des  délais ,  enleva 
fon  amante  qui  étoit  au  Loroux-Bottereau ,  &  fe  réfugia ,  avec 
elle ,  à  Saint- Aubin.  Le  Prélat ,  ofFenfé ,  l'envoya  chercher  ,  &  lui 
fit  prendre ,  malgré  elle ,  le  voile  dans  le  Couvent  de  Bazas. 
Il  eft  à  croire  qu'elle  ne  fit  pourtant  pas  de  vœux ,  puifque 
dès  que  fon  oncle  fut  mort  ,  elle  quitta  le  cloître  pour  époufer 
fon  amant ,  qui  fut  nommé  Gouverneur  de  Nantes  aufîi-tôt  après 
fon  mariage.  Félix  étoit  mort  le  8  Janvier   584. 

Le  Roi ,  qui  ne  vouloir  pas  que  Burgundion  fût  Evêque  de 
Nantes  ,  nomma ,  pour  remplir  ce  Siège  ,  Nonnechius  II  du  nom  , 
coufin  de  FeHx.  Il  ell  le  premier  Evêque  de  ce  diocefe ,  de  la 
nomination  des  Rois  de  France. 

584.  Chilperic  ,  Roi  de  France,  à  Soiflbns  ,  ordonne  à  la 
Milice  Bourgeoife  de  Nantes  d'aller  faire  le  fiege  de  Bourges; 
ville  qui  appartenoit  à  Contran  ,  Roi  d'Orléans.  Ces  troupes 
revinrent  peu  après  chargées  de  dépouilles  &  d'efclaves  qu'elles 
avoient  fait  dans  le  Berry.  Il  efl  à  préfumer  que  cette  Milice 
Bourgeoife  reffembloit  aux  troupes  Romaines,  &  aux  Communes 
qui  fubfillerent  en  France  jufqu'en  1425.  Chaque  ParoilTe  mar- 
choit  fous  la  bannière  du  Saint  de  fon  Eglife  ,  &  alloit  à  la 
guerre  avec  fon  Curé ,  qui  fuivoit  l'armée ,  afin  d'exercer  parmi 
fon  troupeau  les  fonéiions  de  fon  miniiiere.  C'efi:  la  première 
fois  que  les  Communes  du  diocefe  ont  été  employées  par  les 
Rois  de  France.  On  peut  regarder  cette  Milice  comme  l'origine 
de  celles  qui  furent  établies,  en  1425  ,  par  le  Duc  Jean  V  ,  & 
par  le  Roi  Louis  XIV,  en  1688. 

Clotaire  II  avoir  fuccédé  à  Chilperic  ,  fon  père  ,  &  corn- 
mandoit  à  Nantes.  Guerech ,  dit  Varoch ,  Comte  de  Vannes, 
vient  aiïiéger  cette  ville  en  586;  &,  lorfqu'il  ell  prêt  de  s'en 
emparer ,  il  apprend  qu'une  armée    de  Français  s'avançoit  pour 


N  A  N  II 

lui  en  faire  lever  le  fîege.  Le  Prince  Breton  marche  au  devant 
de  l'ennemi ,  l'attaque ,  le  défait ,  &  retourne  devant  Nantes , 
qui  fe  rend  par  composition.  Varoch  en  chaffe  tous  les  Fran- 
çais ,  &  remet  tout  le  Comté  fous  lobéillance  de  fes  anciens 
maîtres.  Contran  entre  en  Bretagne  ,  afîiege  la  ville  de  Nantes 
&  la  prend.  Varoch ,  qui  avoit  d'autres  aftaires  fur  les  bras ,  de- 
mande la  paix,  &  s'oblige  à  ne  plus  porter  les  armes  dans  les 
Etats  du  Prince  Français. 

Ce  traité  ,  difté  par  la  nécefFité ,  efl  bientôt  rompu.  Varoch 
entre,  en  589,  dans  le  Comté  de  Nantes,  fait  vendanger  toutes 
les  vignes ,  &  conduire  le  vin  à  Vannes ,  où  il  faifoit  fa  réfîdence. 

592.  Nantes  eft  ravagée  par  la  pelle,  Nonnechius  ordonne 
des  proceffions  pubUques  ,  &  le  fléau  ceffe.  Ce  Prélat  avoit 
été  marié  ,  &  avoit  un  fils  que  le  Roi  accufa  de  trahifon.  Le 
jeune  homme ,  qui  peut-être  fe  fentoit  coupable  ,  prend  la  fuite  pour 
fe  dérober  aux  reflentiments  du  Monarque  qui  étoit  alors  à 
Nantes  ;  &  le  père ,  pour  appaifer  la  colère  du  Prince ,  lui  fait  de 
riches  préfents. 

593.  Mort  de  Contran.  Childebert ,  qui  lui  fuccede  ,  laifle, 
en  595,  fes  Etats  à  fon  fils  Thierri ,  qui  donne  le  Gouvernement 
de  Nantes  à  Theudoad.  Nouvelles  courfes  de  Varoch  dans  le 
Comté  de  Nantes.  r 

610.  Euphrone  fuccede  à  Nonnechius  à  l'Evêché  de  Nantes. 
Dans  le  même  temps  ,  deux  Officiers  du  Roi  Thierri  amènent  à 
Nantes  le  fameux  Abbé  Saint  Colomban,  avec  ordre  de  lui  pré- 
parer  un  vaifTeau  pour  le  conduire  en  Irlande ,  fa  patrie.  Le 
Roi  renvoyoit  le  faint  Eccléfiaftique ,  parce  qu'il  avoit  refufé  fa 
bénédiftion  à  fes  enfants  bâtards  -,  il  avoit  même  ofé  lui  dire 
que  Dieu  ne  permettroit  jamais  que  les  enfants  du  péché  re- 
gnaflent.  L'Evêque  &  le  Gouverneur  de  la  ville ,  qui  vouloient 
ménager  la  faveur  du  Roi ,  reçurent  très-mal  le  vertueux  exilé. 
Il  ne  manqua  pourtant  de  rien  :  deux  femmes  de  piété  ,  nom- 
mées P meule  &  Dodée ,  fournirent  généreufement  à  tous  fes  befoins. 
Saint  Auguftin ,  Miffionnaire  ,  envoyé  par  le  Pape  Grégoire  le 
Grand  en  Angleterre ,  avoit  pafTé  par  Nantes ,  quelques  mois  au- 
paravant ,  pour  fe  rendre  à  fa  deflination. 

612.  Mort  de  Thierri.  Clotaire  III  ,  qui  lui  fuccede,  ne 
règne  pas  long-temps ,  &  Dagobert  ,  qui  monte  fur  le  Trône  en 
623  ,  fonde  l'Eglife  Paroiffiale  de  Saint-Denis  de  Nantes. 

616,    Léobard  ,    fucceifeur    d'Euphrone  ,    &    dix  -  neuvième 
Evêque  de  Nantes,  afîifte  au  Concile  de  Rheims ,  tenu  l'an  6i6, 


zz  N  AN 

Le  célèbre  Saint  Amand  ,  né ,  Tan  588,  au  village  d*Herb auges , 
dans  la  ParoiiTe  de  Saint-Mars-de-Coutais ,  fleurifToit  fous  fon 
Epifcopat.  (  Voyez  Saint-Mars-de-Coutais.  ) 

630.  Saint  Pafquier  fuccede  à  Léobard ,  comme  le  prou- 
vent deux  manufcrits  de  la  bibliothèque  de  Chrifline ,  Reine  de 
Suéde.  Ce  Prélat  fonde  l'Abbaye  d'Indre.  (  Voyez  Indre.  )  L'année 
fuivante  63  i  ,  le  Gouvernement  de  Nantes  eft  donné  à  Gripon. 
Ses  fucceffeurs  font  inconnus  jufqu'à  l'année  779.  Il  eft  probable 
que  cette  ville  n'eut  point  d'autres  Gouverneurs  que  ^qs  Comtes 
ou  Seigneurs. 

633.  Sigebert  fuccede  à  Dagobert.  Taurinus  ,  fuccefTeur 
de  l'Evêque  Saint  Pafquier,  afTifte  au  Concile  de  Paris,  l'an  638. 
Haico ,  qui  fuccéda  à  Taurinus ,  n'eft  connu  que  par  le  cata- 
logue. Salapius  qui  monte,  en  654,  fur  le  Siège  épifcopal,  af- 
femble ,  l'année  fuivante  ,  un  Concile  ,  auquel  Saint  Nivard  de 
Rheims  préfide  :  on  y  fait  plufieurs  règlements  néceffaires.  On 
commençoit  à  négliger  d'aflifter  aux  MefTes  paroifîiales  ;  les  Ec- 
cléfialHques  avoient ,  pour  la  plupart ,  des  femmes  ,  &  ces  fem- 
mes fe  faifoient  publiquement  appeller ,  félon  la  qualité  de  leurs 
maris  ,  Prêtrejfes  ,  Diaconejfes ,  &  S oudiaconejfes  :  elles  avoient 
même  l'audace  de  fervir  à  l'autel  j  ce  qui  fcandalifoit  les  foibles. 
Ces  abus  furent  profcrits ,  avec  raifon ,  par  le  Concile. 

L'aiTemblée  décida  qu'on  partageroit  les  dîmes  &  oblations  en 
quatre  parties  égales  :  la  première ,  pour  l'Evêque  ;  la  féconde , 
pour  le  Curé  &  fes  Clercs  -,  la  troisième  ,  pour  les  pauvres  ; 
&  la  quatrième,  pour  les  fabriqueurs.  On  avoir,  depuis  quelque 
temps ,  la  coutume  de  donner  du  pain-bénit  à  ceux  qui  ne  pou- 
voient  communier,  faute  d'abfoiution  j  &  le  Concile  ordonna  de 
pratiquer  exaftement  cet  ufage  :  c'eft  pourquoi ,  on  lui  a  attri- 
bué l'mftitution  du  pain-bénit ,  qu'on  ne  donnoit  d'abord  qu'aux 
Catéchumènes    pour   les  préparer  à  la  communion. 

Le  Concile  condamna  les  femmes  adultères  à  fept  ans  de  pé- 
nitence. Celle  qui  étoit  convaincue  d'infidélité  étoit  féparée  de 
fon  mari ,  qui  étoit  tenu  de  faire  pénitence  avec  elle  ,  s'il  vouloit 
la  reprendre.  L'époux  de  la  coupable  ne  pouvoir  en  époufer  une 
autre ,  elle  vivant. 

Les  perfonnes  non-mariées  &  fans  engagement ,  qui  tomboient 
dans  l'impureté ,  étoient  condamnées  à  trois  ans  de  pénitence. 
Les  homicides  volontaires  n'étoient  admis  à  la  communion  qu'a- 
près une  pénitence  de  quatorze  ans  j  &  l'Eglife  ne  leur  accor- 
doit  fon  afyle  qu'à  regret.  Ceux  qui  tuoient  quelqu'un  par  ac- 


N  A  N  23 

cîdent ,  étoîent  feulement  tenus  de  jeûner  quarante  jours  au  pain 
&  à  Feau;  mais  ils  étoient  féparés  de  tout  commerce  fpirituel 
avec  les  Fidèles  pendant  deux  ans  ,  &:  n 'étoient  admis  à  la 
communion  qu'après  cinq  ans. 

-  Le  Concile  défendit  aulîi  aux  femmes  d'entrer  dans  les  lieux 
où  l'on  traitoit  des  affaires  publiques ,  fous  prétexte  qu'elles  trou- 
bloient  l'afTemblée  par  leur  immodeftie ,  leur  inquiétude ,  leurs 
cris ,  &  leur  babil  continuel.  Un  autre  abus  que  le  Concile  frappa 
d'anathême ,  fut  la  dévotion  fuperftitieufe  &  ftupide  du  peuple 
pour  certains  arbres  que  la  religion  des  Druides  avoit  confacrés, 
La  populace,  qui  ne  fe  défait  que  difficilement  de  fes  préjugés, 
n'eût  pas  permis  qu'on  eût  coupé  une  feule  branche  de  ces  ar- 
bres chéris.  On  allumoit  aufii  des  cierges  &  des  chandelles  fur 
d'anciennes  pierres  jadis  facrées  ;  &  ceux  qui  s'abandonnoient  à 
ces  pratiques  fuperllitieufes  n'en  fçavoient  pas  même  la  raifon  : 
c'étoit  un  ufage  de  leurs  pères ,  auquel,  difoient-ils,  ils  dévoient 
être   fidèles. 

Depuis  560  jufqu'en  680  ,  douze  Rois  furent  fucceflive- 
ment  maîtres  de  Nantes  j  mais ,  à  cette  époque ,  la  foiblelTe  du 
Gouvernement  fit  naître  l'audace  des  Grands  ,  les  provinces  & 
les  villes  s'accoutumèrent  à  voir  des  Souverains  dans  leurs  Gou- 
verneurs ,  &  l'anarchie  féodale  commença.  Agathée  ou  Afquier, 
fucceffeur  d'Alapius  en  680,  fut,  en  même  temps,  Comte  & 
Evêque  de  Nantes.  Il  fut  le  premier  de  ces  Prélats  non-facrés; 
qui  pofFédoient  les  revenus  de  la  puifTance  temporelle  &  fpiri- 
tuelle  ,  &  qui  fervoietit  le  Roi ,  à  la  guerre ,  en  perfonne  ,  & 
à  la  tête  de  leurs  vaffaux.  Ces  défordres  étoient  condamnés  par 
les  loix  j  mais  les  loix  étoient  fans  vigueur  &  les  défordres  très- 
communs. 

Amelon ,  qui  fuccede  en  700  à  Agathée ,  eft  remplacé  par 
Emilien.  Celui-ci  étoit  Breton  de  naiffance  &  recommandable 
par  fes  talents  &  fes  vertus  :  il  fe  diftingua  dans  les  guerres  des 
Sarrafins  contre  la  France  ,  &:  perdit  la  vie  dans  un  combat  qu'il 
livra ,  à  la  tête  de  fes  troupes ,  aux  Arabes  qui  affiégeoient  Autun 
en  725.  Il  efi:  honoré,  dans  cette  dernière  ville,  le  25  Juin, 
fous 'le  nom  de  Saint  Emilien ,  Martyr,  Evêque,  &  Comte  de 
Nantes. 

Salvius,  fon  fuccefieur,  fe  trouva  à  la  bataille  que  Charles 
Martel  livra  aux  Sarrafins  d'Efpagne ,  près  Tours ,  l'an  732.  Là 
viéloire  des  Français  délivra  pour  jamais  leur  pays  des  fers  des 
Mufulmans.  Jean  de  Serres  dit  qu'il  demeura  fur  le  champ  de 


i4  _         NAN 

bataille  trois  cents  foixante-quinze  mille  hommes ,  parmi  lefqueîs 
il  n'y  avoit  qu'environ  quinze  cents  Français.  C'efl  ici  qu'il  faut 
crier  au  miracle  :  il  eft  viable.  Comment  un  hiftorien  ofe-t-il 
avancer  des  faufletés  auffi  évidentes  ?  Il  eft  confiant  que  les 
Sarrafins  n  étoient  pas  des  lâches  :  c'étoit ,  au  contraire ,  des 
guerriers  vaillants ,  qui  avoient  conquis  de  vaftes  régions  ,  des 
peuples  toujours  fous  les  armes ,  endurcis  aux  fatigues  de  la 
guerre ,  &  animés  par  le  fanatifme  &  le  fouvenir  de  cent  triom- 
phes. Il  eft  certain  que  les  étrangers  furent  écrafés  &  taillés  en 
pièces  ;  mais  il  n'eft  pas  moins  vrai  que  la  viftoire  dut  coûter 
cher  aux  vainqueurs.  Le  nom  de  Charles  Martel  devint  célèbre 
dans  toute  la  terre  :  la  Chrétienté  le  regarda  comme  fon  libé- 
rateur, &  la  France  comme  fon  héros.  Ce  grand  homme  fit 
diftribuer  tout  le  butin  à  fes  foldats  -,  & ,  pour  mieux  récom- 
penfer  la  NoblefTe ,  il  lui  accorda,  dit-on,  la  dîme  des  biens  ec- 
cléfîaftiques pendant  plufieurs  années,  du  confentement  du  Clergé, 
qu'il  promit  de  dédommager. 

778.  Charlemagne  marche  contre  les  Sarrafins  d'Efpagne. 
Hoèl  _,  Comte  de  Nantes ,  &  Araflagnus  ,  Prince  Breton  ,  le  fui- 
vent  à  cette  expédition ,  avec  deux  mille  hommes  de  troupes. 
Ils  montrent  tant  de  valeur  &  fe  fignalent  tellement,  que  les 
poètes  s'emprefTent ,  à  l'envi ,  de  célébrer  leurs  hauts  faits ,  félon 
la  coutume  établie  alors.  On  chantoit ,  dans  le  camp ,  des  vers 
en  l'honneur  de  ces  deux  héros.  Charlemagne ,  voulant  récom- 
penfer  leurs  fervices ,  donne  à  l'un  la  Navarre ,  &  à  l'autre  la 
Bifcaye ,  pour  en  jouir  en  toute  fouveraineté.  Ils  ne  jouirent  pas 
long- temps  des  bienfaits  du  Monarque  :  ils  furent  tués  l'un  & 
l'autre ,  avec  le  neveu  de  Charlemagne ,  en  combattant  à  l'ar- 
riere-garde,  à  Roncevaux,  dans  le  pafTage  des  Pyrénées.  Araf- 
tagnus  fut  enterré  à  Blaye.  Daniel  Wa  ou  Wnna  fe  porta  fon 
héritier.    Le   corps  d'Hoël  fut  apporté  à  Nantes  par  fes  foldats. 

Charlemagne  fe  faifit  peu  après  de  la  Bretagne ,  &  donne  le 
Comté  de  Nantes  à  Widon  ou  Gui.  Odilhart  meurt  l'an  800. 
Quelques-uns  lui  donnent  la  qualité  de  Saint ,  &  fixent  fa  fête 
au  1 4  Septembre  ;  mais  on  ne  le  trouve ,  dans  aucun  Bréviaire , 
honoré  de  ce  titre  :  il  avoit  du  mérite ,  &  Charlemagne  lui  té- 
moignoit  une  confidération   particulière. 

800.  On  frappe,  aux  environs  de  Nantes,  une  monnoie 
blanche  au  coin  de  Charlemagne ,  avec  cette  infcription  :  Carlus 
Rex ,  métallo  &  metallum.  Les  Normands  commencent  à  paroître 
fur  les  côtes  de  Neuflrie,  Charlemagne  partage  fes  Etats  entre 

fes 


_  N  AN  _  15 

fes  trois  fils ,  afTocie  raîné  à  l'Empire ,  Se  lui  ordonne  d'aller  lui- 
même  prendre  la  Couronne  fur  l'autel.  Tels  font  les  événements 
les  plus  remarquables  depuis  800 ,  jufqu'à  la  mort  de  cet  Empe- 
reur en  814. 

Louis  le  Débonnaire  donne  le  Comté  de  Nantes  à  Gonde- 
baud  ,  qui  l'abandonne  quelques  années  après  pour  fe  faire  Moine. 
Almanus  eft  fait  Evêque  de  Nantes.  Aubret  de  MifTirien  place 
ici  un  Obmanus  ,  comme  un  Evêque  de  nouvelle  découverte; 
mais  il  eft  à  croire  qu'il  s'eft  trompé  ,  &  qu'Obmanus  n'eft  autre 
qu'Almanus.  Otton ,  fucceffeur  de  ce  dernier ,  afTiile  au  Concile 
de  Paris  en  829,  &  à  ceux  de  Sens  &  de  Vorms  en  833.  On 
frappe  ,  dans  le  voifînage  de  Nantes  ,  une  monnoie  au  coin  de 
Louis  le  Débonnaire  ,  avec  cette  infcription  :  Hludovicus  Imp, 
metallum,  Hludowic.  Imp,   Aug,  metallum, 

827.  Louis  le  Débonnaire  donne  le  Comté  de  Nantes  à 
Lambert  I  du  nom  ,  &  lui  ôte  quelque  temps  après,  pour  le 
punir  d'avoir  pris  les  armes  contre  lui ,  en  faveur  de  fon  fils 
Lothaire.  Richouven  eil:  fait  Comte  de  cette  ville. 

840.  Louis  le  Débonnaire  meurt.  Ses  enfants  partagent 
fes  Etats.  Le  Comté  de  Nantes  tombe  en  partage  à  Charles  le 
Chauve.  Les  trois  Princes  Français  fe  font  la  guerre ,  qui  fe  ter- 
mine par  la  bataille  de  Fontenai ,  en  Poitou  ,  où  cent  mille  hommes 
perdent  la  vie.  De  ce  nombre  fut  Richouven  ,  Comte  de  Nantes, 
qui  combattoit  pour  fon  maître  Charles  le  Chauve.  Rainaud , 
Comte  d'Herbauges,  fon  fucceffeur,  ell  tué  le  23  Juin  843  ,  dans 
les  plaines  de  Blain  ,  par  Lambert  II  ,  fils  de  Lambert  I  , 
qui  prend  le  titre  de  Comte  de  Nantes  ,  contre  la  volonté  du 
Koi.  Ses  fujets  le  chaffent  honteufement.  Pour  s'en  venger ,  il 
fe  met  à  la  tête  des  Normands  qui  ravageoient  la  France.  Les 
barbares,  conduits  par  ce  chef,  viennent  à  Nantes  par  la  Loire, 
avec  foixante-feize  navires.  Aufîi-tôt  qu'ils  font  arrivés ,  ils  plan- 
tent des  échelles  contre  les  murs,  prennent  la  ville  d'affaut  &  la 
rempHflent  de  fang.  Les  habitants  ,  qui  n'avoient  point  de  Comte 
ou  Gouyerneur ,  n'avoient  fait  aucune  réfiftance  :  la  plupart  s'é- 
toient  fauves  dans  la  Cathédrale,  Se  s'y  étoient  enfermés  avec 
l'Evêque  Gohard  &  le  Clergé.  Après  le  pillage  de  la  ville ,  les 
barbares  attaquent  l'EgUfe  &  en  brifent  les  portes  :  ils  n'épar- 
gnent perfonne  ;  les  Prêtres  ne  font  point  exempts  de  la  com- 
mune loi ,  &  l'Evêque  lui-même  eft  mafiacré  fur  l'autel  de  Saint- 
Feréol.  Les  Normands  emportent  tous  les  tréfors  de  l'EgUfe ,  &  Lam- 
bert devient  paifible  poffefleur  du  Comté.  Les  efclaves  que  les 
Tomç  III^  D 


^6  NAN         ^ 

barbares  emmenoîent  recouvrent  la  liberté  à  la  faveur  d'une 
contellation  qui  furvient  entre  eux.  L'Eglife  de  Nantes  efl:  récon- 
ciliée le  30  Septembre,  par  Sufannus ,  Evêque  de  Vannes,  &  le 
corps  de  Saint  Gohard  elî  enfermé  dans  une  chalTe  de  bois.  Tout 
ce  que  les  légendes  difent  de  plus  fur  ce  Saint  ,  doit  être  re- 
gardé comme  fabuleux.  Bailler  veut  que  fon  corps  foit  à  Saint- 
Serge  ,  ou  à  Saint-Pierre  d'Angers  \  il  eil:  plutôt  à  Paris ,  où  011 
le  porta ,  avec  pluiieurs  autres ,  pour  le  dérober  aux  profanations 
facrileges  des  Normands.  On  honore  ce  Prélat  fous  le  titre  de 
Martyr,  à  Creteil,  dans  l'IUe  de  France,  à  peu  de  dillance 
de  Paris.  Le  marc  d'argent  valoit  alors  dix-huit  fols ,  &  le  marc 
d'or  dix  livres  feize  fols  :  ainfi  dix-huit  fols  répondoient  à  quarante- 
huit  livres  de  notre  monnoie  aftuelle. 

843.  Aftard  monte  fur  le  Siège  épifcopal  de  Nantes.  Char- 
les le  Chauve  part  de  Poitiers  pour  venir  affiéger  Rennes  5 
il  s'arrête  ,  en  paffant ,  à  Lire  (  ^  ) ,  où  fe  tenoit  alors  un  Con- 
cile ,  duquel  il  ne  relie  que  (îx  canons  ;  il  y  en  a  deux  qui  ne  font 
point  venus  jufqu'à  nous  j  ils  portoient  condamnation  contre  ceux 
qui  manquoient  de  refpeft  envers  l'Eglife  &  d'obéiffance  envers 
les  Rois  ,  &  contre  ceux  qui  prétendoient  connoître  ,  par  des  for- 
tileges  ,  la  durée  de   leur  règne ,  &  le  nom  de  leurs  fuccelTeurs. 

845.  On  frappe,  à  Nantes,  des  deniers  d'argent,  au  coin 
de  Charles  le  Chauve  ,  avec  l'infcription  :  Carlus  gratiâ  Di  Fran- 
corum  Rex ,  Namieds  civitas.  C'eil  le  feul  monument  qui  prouve 
l'autorité  de  ce  Monarque  dans  la  ville  de  Nantes. 

849.  Lambert ,  Comte  de  Nantes  ,  s'attire  la  haine  de  fou 
Evêque  ,  qui  le  fait  chaffer  par  Nominoé.  Lambert  fe  retire  à 
Craon  ,  petite  ville  de  l'Anjou ,  qui  appartenoit  à  fa  fœur  d'Oda , 
Abbeffe  du  Monaftere  de  Saint-Clément  de  Nantes.  Il  s'ennuie 
bientôt  de  vivre  tranquille  dans  fa  retraite.  Il  fait  bâtir  le  châ- 
teau &  la  fuperbe  tour  qu'on  voit  encore  â  Oudon,  fur  les 
bords  de  la  Loire.  De  là  il  levé  des  contributions  dans  tout  le 
pays,  jufqu'en  855  qu'il  eft  tué  par  Guibon  ,  Comte  du  Maine, 
&  enterré  à  la  Saverniere.  (  Voyez  Oudon.  ) 

L'Abbaye  de  Saint-Clément  &  celle  de    Saint-André    étoient 

peu  éloignées  l'une  de  l'autre.   A  la  fupprefTion  de  ces  deux  Mo- 

nafteres  ,  leurs  revenus  pafTerent  au  Chapitre  de  la  Cadiédrale,  & 

leurs  dépendances  ont  formé  depuis  le  territoire  de  fa  Jurifciftion. 

849.    Charles    le    Chauve    donne    le    Comté    de    Nantes    à 

■  Il  II  — —  I    I     ■  I    I       I  I  M^l^— — 1M^ 

{a)  Lire  eft  une  Parolffe  de  l'Anjou,  dépendante  de  l'Evèché  de  Nantes. 


N  A  N  17 

Amaurî.  Nominoé  chafTe  ce  Seigneur ,  s'empare  de  la  ville , 
exile  Aftard,  qu'il  fçavoit  être  attaché  aux  intérêts  de  la  France, 
&  donne  fon  Siège  à  Giflard.  Le  Prince  Breton  unit  à  l'Evê- 
ché  de  Nantes  tout  le  pays  qu'il  avoit  conquis  au  Sud  de  la 
Loire  5  &  meurt  l'an  851.  Erifpoé ,  fon  fils  ,  lui  fuccede. 

853.  Les  Normands  s'emparent  de  Nantes,  &  fe  retirent, 
îivec  leur  butin  ,  dans  l'ifle  de  Bieffe  ,  oii  ils  fe  fortifient 
l'année  fuivante.  Erifpoé  ,  fecouru  de  Sideric  ,  chef  d'une  autre 
horde  de  barbares  ,  les  attaque  ,  les  défait ,  &  les  chafle.  La 
rnonnoie  que  Charles  le  Chauve  avoit  fait  frapper  à  Nantes , 
tombe  dans  le  difcrédit.  L'Edit  donné  à  Pifte ,  en  854,  la  dé- 
crie ,  comme  ayant  été  frappée  dans  un  lieu  que  le  Roi  ne  pof- 
fédoit  plus. 

Aftard  efi:  député  à  Rome  par  le  Concile  de  Soiflbns ,  pour 
fe  plaindre  des  ravages  que  faifoient  les  Bretons  fur  les  terres 
des  Français.  Ce  Prélat  accepte  la  commiffion  avec  joie ,  dans 
i'efpérance  d'intéreffer  le  Pape  en  fa  faveur ,  &  de  remonter  , 
par  ce  moyen ,  fur  fon  Siège.  Charles  le  Chauve  ,  qui  favorifoit 
A6tard ,  le  recommande  fortement  au  Pontife.  Celui-ci ,  qui  n'a- 
voit  point  connu  l'Evêque  de  Nantes ,  fans  l'eflimer ,  plaide  fa 
caufe  auprès  d'Erifpoé.  Le  Prince  Breton  fe  laifTe  fléchir  ,  & 
Aftard  efi:  rétabli  en  855.  Giflard ,  forcé  de  quitter  Nantes ,  fe 
retire  à  Guérande ,  &  conferve  la  moitié  du  diocefe ,  malgré  tous 
les  efforts  qu'on  fait  pour  la  lui  arracher.  La  partie  qu'il  retint , 
forme  aujourd'hui  l'Archidiaconé  de  la  Mée.  Les  Evêques  de 
la  province  condamnent  Giflard  à  pafier  le  refte  de  fes  jours 
dans  le  cloître  de  Saint-Martin  de  Tours  ;  mais  il  fe  moque  de 
la  fentence ,  &  meurt  fur  fon  Siège  de  Guérande  ,  l'an  895.  Ce 
Siège  demeure  vacant. 

Aftard  ne  jouit  pas  long-temps  de  la  tranquillité.  Salomon 
afi'affine  fon  coufin  Erifpoé ,  s'empare  de  la  Couronne  ,  &  chafle 
l'Evêque  de  Nantes  de  fon  Siège ,  avec  injon6lion  de  fortir  de 
fes  Etats.  Aufli-tôt  il  envoie  des  ambafl!adeurs  à  Rome  pour 
prévenir  l'orage.  Afiard  implore  la  prote8:ion  du  Roi  &  de  fes 
confrères  ,  &  parvient  facilement  à  l'obtenir.  On  écrit  au  Pape 
en  fa  faveur ,  mais  les  préfents  de  Salomon  avoient  eu  leur  eflet. 
Le  Pape  n'agit  que  foiblement  auprès  du  Roi  Breton ,  &  A61:ard 
n'a  plus  d'efpérance.  Il  efl:  amplement  dédommagé,  en  871  ,  de 
la  perte  de  l'Evéché  de  Nantes,  par  le  Pallium  qu'on  lui  ac- 
corde avec  l'Archevêché  de  Tours.  C'efl  le  premier  Evêque  de 
Nantes  qui  ait  été  transféré  fur  un  autre   Siège.  Hincmar  de 


î8  NAN 

Rheims  prétend  ,  à  tort ,  qu'il  pofleda  les  deux  Evêchës  en 
même  temps  ;  l'un  en  titre ,  &  l'autre  en  commende.  Dès  qu'il 
fut  Archevêque  de  Tours ,  il  ne  fut  plus  reconnu  pour  Evêque 
de  Nantes.  Ce  Prélat  étoit  remuant ,  ambitieux  ,  homme  d'efprit , 
politique ,  adroit ,  &  capable  de  faire  réuffir  une  affaire  impor- 
tante. On  murmura  beaucoup  de  ce  qu'il  ordonnoit  une  féconde 
fois  ceux  qui  avoient  reçu  les  Ordres  de  Giflard  :  Salomon ,  lui- 
même  ,  s'en  plaignit  au  Pape ,  qui  lui  fit  réponfe  qu'il  ne  pou- 
voir approuver  cette  conduite  j  mais  qu'au  furplus  Aftard  étoit 
un  homme  de  mérite. 

871.  Hermengarius  ,  Evêque  de  Nantes,  fe  fait  facrer  par 
Aftard  ,  Archevêque  de  Tours.  Salomon  eu  tué  ,  l'an  874 ,  par 
Pafquiten  ,  fon  gendre  ,  &  Gurvand  ,  gendre  d'Erifpoé.  Pafquiten 
prend  le  titre  de  Comte  de  Nantes  &  de  Vannes ,  Se  Gurvand 
celui  de  Comte  de  Rennes.  Les  Normands  ravagent  le  Comté 
de  Nantes ,  à  différentes  reprifes ,  &  les  habitants  du  pays  font 
forcés  de  l'abandonner. 

877.  Alain ,  fils  d'une  fille  de  Salomon  ,  eu  reconnu  Comte 
de  Nantes ,  en  qualité  de  tuteur  de  Gurmhailon  ,  fils  de  Paf- 
quiten. Charles  le  Chauve  lui  fait  la  guerre ,  lui  enlevé  la  ville 
de  Nantes  ,  &  y  fait  bâtir  des  ponts  de  bois ,  les  premiers  qui 
aient  exifté  fur  la  Loire ,  en  cet  endroit. 

879.  Les  Normands  s'emparent  de  Nantes  ,  Se  gardent 
quelque  temps  cette  ville.  Hermengarius  meurt  en  886.  Landran, 
qui  lui  fuccede  ,  fe  retire ,  avec  fes  Clercs ,  à  Angers ,  par  la 
crainte  de  tomber  entre  les  mains  des  Normands.  Le  Roi  Charles 
le  Gros ,  touché  de  la  fituation  du  Prélat ,  pourvoit  abondamment 
à  tous  fes  befoins. 

Les  Normands ,  qui  ne  peuvent  réuffir  en  France  ,  viennent  en 
Bretagne ,  dans  l'efpérance  de  profiter  de  la  guerre  inteftine  qui 
défoloit  l'Etat.  Ils  fe  joignent  à  ceux  de  leur  nation  qui  étoient 
dans  le  Comté  de  Nantes,  &  recommencent  leurs  courfes,  fous 
la  conduite  de  leur  Roi  Hafting. 

Alain  ,  Comte  de  Nantes ,  touché  des  maux  de  fon  peuple  , 
fe  prépare  à  le  venger.  Il  levé  une  armée  nombreufe ,  pourfuit 
les  barbares  avec  une  aftivité  incroyable  ,  en  détruit  une  bonne 
partie  près  Guérande ,  Se  joint  le  gros  de  leur  armée  dans  le 
territoire  de  Quellember ,  au  diocefe  de  Vannes ,  où  il  remporte 
la  viftoire  la  plus  complette ,  l'an  888.  De  quinze  à  feize  mille 
qu'ils  étoient  avant  la  bataille  ,  il  n'en  échappe  que  quatre  à 
cinq   cents.    Les   foldats    d'Alain,  pleins  d'admiration    pour   fa 


N  A  N  19 

Valeur,  le  proclament  Duc  de  Bretagne  fur  le  champ  de  bataille , 
fous  le  nom  à^ Alain  Rebré ,  c  'elt-à-dire  ,  le  Grand, 

Landran  ,  informé  de  la  défaite  des  Normands  ,  revient  à 
Nantes,  l'an  889,  &  s'occupe  du  foulagement  de  fon  troupeau* 
Le  Duc  Alain  aide  le  Prélat  dans  fes  delfeins ,  &  fait  bâtir ,  au- 
près de  la  Cathédrale ,  un  petit  château  pour  la  fureté  de  l'Evêque. 

Eudes ,  Duc  de  Paris ,  étoit  monté  fur  le  Trône  des  Français , 
&:  fe  montroit  digne  du  choix  des  peuples  qui  s'étoient  fournis  à 
fa  puifTance.  Ce  Monarque  ,  qui  fe  prétendoit  Souverain  du  Comté 
de  Nantes ,  donna ,  vers  893  ,  l'Èglife  des  Saints  Donatien  & 
Rogatien  à  l'Abbaye  de  Saint-Médard  de  SoifTons  ,  qui  la  pof- 
féda  ,  dit-on,  jufqu'en  1003  :  elle  paiTa  enfuite  à  la  fameufe 
Abbaye  de  Bourg-Dieu ,  Ordre  de  Saint-Benoît ,  au  diocefe  de 
Bourges.  Le  Chapitre  de  Nantes  ,  ou  plutôt  l'Evêque  ,  ne  voulut 
pas  confentir  à  cette  ceffion ,  &  fe  faiîit  des  revenus  de  l'E- 
glife ,  fous  prétexte  que  tout  ceci  s'étoit  fait  fans  fon  confente- 
ment.  Il  auroit  pu  ,  me  femble  ,  donner  une  meilleure  raifon , 
qui  étoit  que  le  Roi  Eudes  n'avoit  pu  difpofer  de  l'Eglife  de 
Saint-Donatien ,  puifque  le  Comté  de  Nantes  ne  reconnoifToit  , 
en  893  ,  d'autre  Souverain  que  le  Duc  Alain  le  Grand.  Cepen- 
dant ,  comme  l'Evêque  craignoit  que  la  conteflation  ne  finit  pas 
à  fon  avantage ,  il  fit  enlever  les  ornements  les  plus  précieux 
de  l'Eglife  en  litige  ,  &  fit  tranfporter  la  chafTe  des  Saints 
Martyrs  à  la  Cathédrale,  où  elle  eft  reliée  depuis.  Ce  procès 
dura  jufqu'en  1092,  &  finit  à  l'avantage  de  l'Eglife  de  Nantes. 
Il  eft  à  croire  que  les  Moines  de  Bourg-Dieu  ne  demeurèrent 
point  à  Nantes.  S'ils  y  euffent  été,  ils  n'auroient  pas  fouffert 
qu'on  enlevât  les  précieufes  dépouilles  des  Martyrs. 

Landran  meurt  le  5  Février  896 ,  &  eft  inhumé  dans  l'E- 
glife de  Saint-Donatien ,  fous  une  tombe  de  marbre.  Le  Gor- 
gius ,  que  d'Argentré  lui  donne  pour  fucceffeur ,  eft  fuppofé. 
Foulcher  eft  le  véritable  fuccefteur  de  Landran.  Nantes  ofiroit 
alors  le  plus  trifte  fpeftacle  ;  des  rues  prefque  déferres  ,  des 
maifons  à  demi-brûlées ,  &  des  murs  écroulés. 

Le  Duc  Alain  voulant  rétablir  cette  cité  malheureufe  dans 
fon  ancienne  fplendeur  ,  &  mettre  fes  habitants  en  fureté  , 
donna  à  l'Evêque  Foulcher  la  petite  Abbaye  de  Saint-André  (  ^  )  , 
avec  les  valiàux  qui  en  dépendoient  ,  &  la  Seigneurie  Mi- 
•■^ —  .  .^     ■■  I       II         I  .    .- 

{a)  L'Abbaye  de  Saint- André  étoit  fituée  entre  la  rivière  d'Erdre ,  TEglife  de  Saint-Do; 
natien  ,  &  les  muts  de  la  cité. 


30  NAN      _         _ 

gno ,  fur  le  fond  de  laquelle  étoit  fîtuée  la  riche  Abbaye  de 
Saint-Glément.  Cette  Communauté  n'avoir  point  été  épargnée 
par  les  Normands ,  &  les  Religieufes ,  qui  l'avoient  abandonnée 
depuis  long-temps ,  ne  vouloient  point  y  revenir ,  dans  la  crainte 
de  fe  voir  expofées  à  de  nouveaux  malheurs. 

Le  Prélat ,  devenu  riche  par  ces  donations  &  les  bienfaits  de 
quelques  Seigneurs ,  fit  entourer  une  partie  de  la  ville  de  hautes 
&  fortes  murailles  ,  qui  pouvoient  fervir  d'afyle  au  peuple  dans  le 
befoin.  Elles  commençoient  à  l'Eglife  Cathédrale ,  enfermoient  l'E- 
vêché  &  les  R^égaires ,  &  fe  rendoient  par  les  rues  de  Saint-Denis 
&  de  Saint-Gildas  ,  jufqu  à  la  maifon  du  Doyen ,  &  à  la  Cathédrale. 
Elles  enfermoient ,  dans  leur  enceinte  ,  les  ParoifTes  de  Saint- Jean  , 
de  Saint-Laurent ,  &  tout  le  canton  dans  lequel  les  anciens  ftatuts 
du  diocefe  concentrent  les  Chanoines  ,  &  d'où  ils  leur  défendent 
de  fortir ,  fans  être  accompagnés  d'un  ferviteur  ou  d'un  Clerc. 

902.  Foulcher  afîifte  au  Concile  de  Tours  ,  fait  enfuite 
réparer  &  augmenter  fa  Cathédrale ,  &  réunit  à  fon  Siège  la 
partie  qui  en  avoit  été  féparée  par  Giflard,  &  qui,  depuis  la 
mort  de  ce  dernier ,  étoit  gouvernée  par  l'Evêque  de  Vannes. 
Le  Prélat  meurt  l'an  906 ,  &  efl  enterré  à  Saint-Donatien.  On 
ne  peut  lui  refufer  des  éloges  :  la  chronique  de  Nantes  vante , 
fur-tout ,  fa  prudence  ,  fa  juftice ,  &  fa  probité. 

Ifaïe ,  fon  fucceffeur ,  meurt  au  bout  de  quelques  mois ,  & 
le  Siège  eft  occupé  par  Adalard  ,  en  907.  Mort  d'Alain  le  Grand. 
Gurmhailon,  qui  prend  le  titre  de  Comte  de  Vannes  &  de 
Nantes ,  ne  montre  que  de  la  foibleffe.  Il  ne  peut  réfifler  aux 
Normands  qui  s'emparent  du  Comté  Nantais  &  d'une  partie 
de  la  Bretagne ,  qu'ils  gardent  fous  leurs  loix  depuis  l'an  910  juf- 
qu'en  936.  Pendant  le  fac  de  cette  ville,  il  fe  fait  un  miracle , 
dont  Thiftoire  nous  a  été  confervée  par  une  chronique  manuf- 
crite  de  Saint-Brieuc.  Un  malheureux  habitant  ,  pourfuivi  par 
les  Nox-mands ,  couroit  de  toutes  fes  forces  fe  réfugier  dans  l'E- 
glife des  Saints  Patrons  de  la  ville ,  dont  il  imploroit  la  protec- 
tion ;  mais  les  forces  lui  manquent  en  chemin ,  &  il  fe  voit 
fur  le  point  d'être  joint  par  les  ennemis.  Dans  cette  extrémité , 
il  apperçoit  un  gros  arbre  derrière  lequel  il  va  fe  cacher. 
L'arbre  s'ouvre  fur  le  champ,  reçoit  le  fugitif,  &  fe  referme 
aufîi-tôt.  Les  Normands  courent  pour  l'immoler  &  ne  trouvent 
rien.  Surpris  de  ce  prodige,  ils  retournent  vers  leurs  compagnons, 
&  leur  racontent  ce  qui  vient  de  leur  arriver.  L'arbre  rend 
alors  à  k  lumière  le  Nantais  qu'il  avoit  confervé.  Voilà  vraiment 


N  AN  _  51 

un  miracle  ;  maïs  le  fait  efl-il  vrai  ?  je  n'en  fçaîs  rien.  Je  ne  le 
nierai  pas  ;  je  ne  Taflurerai  pas  aufîi  :  quoique  le  chroniqueur  , 
pour    donner  plus   de    vraifemblance   à   fon  récit ,  ajoute    que 
celui  qui  avoit  été  ii  miraculeufement  confervé ,  avoit  pluiieurs 
fois  raconté  à  fes  parents  &  à  fes  amis  ce  qui  lui  étoit   arrivé. 
Adalard  &  fon  Clergé,  voyant  la  ville    au  pouvoir  de  ren- 
nemi ,  fe  retirent  en  Bourgogne  d'où  ils  ne  revinrent  plus.  Alain 
Barbe-torte   fe  réfugie    en  Angleterre    avec    une  partie  de    fes 
fujets ,  tandis  que  les  autres  vont  chercher  un   afyle  en  France 
ou  dans  les  ifles  voisines.   Les  Normands  reitent   les  maîtres  du 
pays ,  jufqu'à    ce    qu'Alain ,  ennuyé   de    vivre   dans    une   Cour 
étrangère ,  penfe   férieufement   à  rentrer  dans  fes  Etats.   Il  de- 
mande au  Roi  Adolftan ,  fon  protefteur  ,  des  vailTeaux  qu'il  ob- 
tient ,  &  les  remplit  de  Bretons  réfugiés ,  qui  n'attendoient  que 
l'occaiion    de    rentrer     dans    leur    patrie.    Alain     part    avec    ce 
petit  nombre  de  troupes ,  &  vient   débarquer   aux  environs   de 
Cancale  :  fans  perdre  de   temps ,  il  fe  rend  à  Dol  occupé  par 
les  Normands ,  les  attaque ,  les  taille  en  pièces ,  marche  contre 
ceux  de  Saint-Brieuc  ,  &    leur  arrache  encore  la   viftoire.  Les 
Bretons   fugitifs ,  informxés   des  fuccès    de    leur  Prince  ,  viennent 
en  foule  fe   ranger  fous  fes    drapeaux.    A   la   tête    d'une  armée 
nombreufe ,  Alain  vole    de   viftoire  en   viftoire.  Bientôt    toute 
la  Bretagne  eft  libre ,  à  l'exception  du  Comté    de   Nantes.   Le 
vainqueur  ne  veut  pas  laifTer  fon  ouvrage  imparfait  :  il  s'avance 
vers  ce  pays ,  &  attaque  les  Normands  qu'il  trouve  retranchés , 
félon  les  uns  ,  dans  la   prairie   de   Mauves  ,  près  Nantes  ;   & , 
félon  les  autres  ,  dans  la  ParoiiTe  de  Saint- Aignan  ,  même  diocefe. 
Alain  ell  d'abord  repoullé  &    obligé  de   fe    retirer  pour   faire 
repofer  fes  troupes;  mais,  deux  heures  après,  il  revient  à  la  charge 
avec  tant  de  furie ,  qu'il  force  l'ennemi  dans   fon    camp    &  en 
fait  un  horrible  carnage.  Le   petit  nombre    qui   échappe  au  fer 
des  vainqueurs,  abandonne  la  Bretagne,  qui, depuis  fi  long-temps, 
étoit  le  théâtre  de  leurs  cruautés. 

Alain ,  qui  fe  rend  à  Nantes  pour  remercier  le  Ciel  du  fuccès 
de  fes  armes ,  trouve  l'entrée  de  la  Cathédrale  bouchée  par  des 
ronces  &  des  épines ,  qu'il  fait  couper.  Ce  trait  d'hifloire  prouve 
que  les  Normands  ne  permettoient  point  aux  Fidèles  de  s'ac- 
quitter des  devoirs  même  les  plus  facrés  ,  ou  plutôt  qu'il  n'y 
avoit  aucun  chrétien  à  Nantes  pendant  que  cette  ville  étoit 
fous  le  joug  de  ces  étrangers.  Ils  avoient  ruiné  &  bouleverfé  la 
ville ,  à  peine  reconnoilloit-on  les  veftiges  des   maifons  &  des 


31  N  A  N 

rues.  Le  Duc  fit  réparer  ce  qui  pouvoit  Tétre  ,  &  bâtît  le  châ- 
teau  de  la  Tour-neuve ,  où  il  fe  logea. 

5)39.  O61:ron  eft  fait  Evêque  Commendataire  de  Nantes.  Il 
meurt  en  950,  &  Hefdren  ou  Hefdin  lui  fuccede.  Alain  partage 
la  ville  en  trois  parties.  Il  fe  conferve  la  plus  grande  fous  le 
titre  de  prévôté.  La  féconde  ,  connue  fous  la  dénomination  des 
Régaires  ,  eft  donnée  à  l'Evêque  :  elle  s'étendoit  depuis  le  mur 
qui  étoît  du  côté  du  Nord  jufqu'à  la  porte  Charriere  ,  aujour- 
d'hui Saint-Nicolas ,  &  à  la  prairie  de  Mauves  ,  alors  nom- 
mée prairie  de  la  Fontaine.  Il  donne  à  fes  Officiers  la  troiiieme 
partie  ,  qui  a  été  l'origine  des  différents  fiefs  qu'on  connoît  en 
cette  ville  :  il  joint ,  en  même  temps ,  au  territoire  de  Nantes , 
les  cantons  de  Mauges ,  Tiffauges  ,  Herbauges  ,  &  Retz  ,  avec 
leurs  dépendances  ,  &  fait  tous  {qs  efforts  pour  rétablir  la  ville 
de  Nantes  dans  fon   ancienne   fplendeur. 

L'Eglife  de  Notre-Dame  n'étoit ,  dans  le  principe ,  qu'une 
Chapelle ,  qui  fut  ruinée  par  les  Normands.  Le  Duc  Alain ,  qui 
vouloit  en  faire  une  Collégiale  ,  commençoit  à  la  faire  bâtir , 
lorfqu'il  fut  furpris  par  la  mort  au  château  de  la  Tour-neuve, 
l'an  952.  Il  avoir  donné  ordre  qu'on  l'enterrât  dans  fa  nouvelle 
Collégiale  j  mais ,  comme  elle  n'étoit  pas  encore  bâtie  ,  on  porta 
fon  corps  à  l'Eglife  de  Saint-Donatien.  D'Argentré  rapporte  ici 
un  miracle ,  qui  paroît  avoir  befoin  de  confirmation.  Le  corps 
du  Prince  ,  dit-il ,  fut  enterré  à  Saint-Donatien  5  mais  il  fortit 
de  fon  tombeau  :  on  l'y  replaça  ,  mais  inutilement.  Le  même 
prodige  arriva  trois  fois.  Quand  on  fut  bien  affuré  de  la  vérité 
du  fait ,  on  reporta  le  corps  du  Prince  à  la  Collégiale ,  où  il 
fut  inhumé  avec  beaucoup  de  folemnité.  Ce  miracle  ,  ajoute-t-il , 
fut  écrit  fur  un  tableau  ,  qui  reffa  dans  l'EgUfe  jufqu'à  ce  qu'il 
fut  entièrement  ufé. 

On  prétend ,  .&  il  paroît  certain  que  c'ell  fon  tombeau  qu'on 
voit  dans  la  muraille  de  la  nef,  un  peu  au  defTous  de  l'autel 
de  la  Paroiffe  :  il  forme  le  retable  de  celui  de  Sainte-Rofe.  On 
y  lit  cette  infcription  en  latin  : 

Alain  Barbe-tone  ,  Duc  de  Bretagne  ,  Juge  équi- 
table ,  ennemi  du  Paganifme  ,  grand  défenjeur  de 
la  Foi ,  a  fait  beaucoup  de  dépenfes  pour  le  réta^ 
hlijfement  de  l'autel  de   Notre-Dame   de  la  Rofe. 

La  Collégiale  que  ce  Prince  fit  bâtir   n*étoit  pas  à  beaucoup 

près 


N  A  N  33 

JDfès  aufîi  vafte  qu'elle  l'eft  de  nos  jours.  Une  infcription  de  ce 
temps-là ,  dit  qu'on  ne  peut  lui  donner  le  nom  de  Bafilique  , 
quoique  rétablie  par  les  foins  d'un  Prince  magnifique  &  libéral. 

959.  Gautier  I  du  nom,  efl:  fait  Evêque  de  Nantes.  L'année 
fuivante ,  les  Normands  furprennent  cette  ville  ,  &  font  l'Evêque 
Gautier  prifonnier,  avec  pluiieurs  perfonnes  de  diftmftion.  Nou- 
veau miracle  dans  l'Eglife  de  Saint-Donatien.  Les  barbares ,  qui 
ofcnt  profaner  cette  Eglife ,  font  fubitement  privés  de  la  vue. 
Ils  font  au  défefpoir  de  cet  accident  :  les  prifonniers  qu'ils  ont 
fait  dans  cette  Eglife  ,  leur  font  connoître  leurs  crimes ,  &  leur 
confeillent  d'implorer  la  miféricorde  de  Dieu  &  la  protefticn 
des  Saints  Martyrs.  Ils  fuivent  ce  confeil ,  &  la  vue  leur  eft 
rendue.  Ce  fait ,  qu'ils  racontent ,  dit-on ,  à  leurs  compagnons , 
les  épouvante  tellement ,  que ,  dans  la  fuite  ,  ils  refpefterent  tou- 
jours les  Eglifes.  (  Cette  anecdote  elt  tirée  d'une  chronique  ma- 
nufcrite  de  Saint  Brieuc.  ) 

L'Evêque  Gautier  eft  mené  par  les  Normands  jufqu'à  Vannes, 
&:  recouvre  fa  liberté  moyennant  une  forte  rançon.  Les  Paroif- 
fiens  de  Saint-Similien  lui  offrent  les  dîmes  de  leur  Eglife  & 
le  patronage  de  la  Cure  ,  s'il  veut  faire  rebâtir  l'Eglife  à  fes 
frais  :  ce  qui  ell:  accepté.  Cette  Eglife  avoit  été  tant  de  fois 
pillée  &  détruite ,  que  les  habitants  de  la  ParoifTe ,  qui  n'a- 
voient  pas  mieux  été  traités  ,  fe  trouvèrent  dans  l'impoilibilité 
de  la  rétablir.  Pour  fubvenir  à  la  fubfîftance  du  Relieur ,  ils  lui 
accordèrent  le  tierçage. 

L'Evêque  Gautier ,  ne  pouvant  remplir  fes  engagements  avec 
les  Paroifliens  de  Saint-Simihen ,  propofe  à  fes  Chanoines  de  fe 
charger  de  l'édifice  de  cette  Eglife ,  aux  mêmes  conditions. 
Ils  y  confentent ,  &  la  perception  des  dîmes  leur  eft  afTurée  à 
perpétuité ,  avec  la  préfentation  de  la  Cure. 

Le  jour  que  la  première  pierre  fut  pofée ,  le  Chapitre  fe  rendit 
procefîionnellement  au  Heu  de  l'édifice.  Il  ne  perdit  pas  fon 
temps ,  s'il  eft  vrai ,  comme  on  le  prétend  ,  que  les  offrandes 
qu'il  reçut  furent  plus  que  fuffifantes  pour  la  conftru6tion  de 
l'Eglife.  En  mémoire  de  ces  libéraUtés ,  la  Cathédrale  va  ,  le 
16  Juin  de  chaque   année,  en  proceffion  à  Saint-Similien. 

965.  Hoël  IV  du  nom,  fils  naturel  d'Alain  Barbe-torte  ,  eft 
reconnu  Comte  de  Nantes.  Il  eff  affaffiné,  en  980,  dans  la  forêt 
Nantaife  ,  par  ordre  de  Conan  le  Tors  ,  Comte  de  Rennes.  Gau- 
tier meurt  la  même  année. 

Guerech ,  frère  d'Hoël ,  prend  en  même  tempe  le  titre  de 
Tome  ///,  E 


34  N  A  N 

Comte  Se  celui  d'Evêque.  Il  emploie  les  revenus  de  fon  Evéché 
à  faire  rebâtir  l'Egiife  Cathédrale.  Il  ne  fe  fait  point  facrer  ,  ôc 
époufe  une  Dame  ,  nommée  Aremberge,  Il  périt  ,  comme  fon 
frère ,  par  la  perfidie  de  Conan  le  Tors ,  qui  le  fait  empoifonner. 
Tan  987. 

Alain ,  fon  fils ,  lui  fuccede  au  Comté  j  &  Hoël  ,  que  les 
uns  difent  aufli  fon  fils,  tandis  que  d'autres  le  font  fils  d'Hoël  IV, 
eft  fon  fuccefieur  à  l'Evêché  ,  qu'il  tient  deux  ans  en  commende. 
Il  fait  le  même  emploi  des  revenus  eccléfiaftiques  que  fon  père , 
&  a  le  bonheur  de  trouver  dans  Foulques  Nerra ,  Comte  d'An- 
jou, un  généreux  protefteur,  qui  le  défend  contre  Conan  le 
Tors ,  &  lui   donne  pour  tuteur  Aimeri ,  Vicomte  de  Thouars. 

990.  Hugues  I  du  nom ,  efi:  fait  Evêque  de  Nantes ,  &  meurt 
en  992.  Il  étoit  Gouverneur  de  fa  ville  épifcopale ,  dit  un  hiflo- 
rien.  Cela  peut  être  ,  mais  ce  titre  ne  lui  appartenoit  pas  ,  puifqae 
cette  ville  avoit  un  Comte  particulier.  Conan  le  Tors  s'en  étoit  faifi , 
6c  j  avoit  fait  bâtir  le  château  du  Bouffay ,  où  il  avoit  mis  une 
garnifon.  En  creufant  les  fondements  de  l'édifice ,  on  trouva  une 
tête  d'homme  enfermée  dans  une  cafTette ,  que  les  derniers  ra- 
vages des  Normands  avoient  fait  cacher  fous  terre  pour  la  dé- 
rober à  leurs  mains  facrileges.  Quelques  indices  firent  foupçonner 
que  c'étoit  la  tête  de  Saint  Pol  ,  premier  Evêque  de  Léon  en 
580.  Robert,  Abbé  de  Saint-Florent-le-Viel,  confeilla  d'en  faire 
l'épreuve  par  le  feu ,  félon  l'ufage  du  temps.  On  fuivit  ce  con- 
feil.  La  tête  fut  mife  trois  fois  dans  un  feu  de  paille  de  lin  ,  & 
trois  fois  dans  un  feu  de  farment  très-vif,  en  fut  retirée  intafte  &: 
reconnue  pour  véritable  &  fainte  ReHque.  Elle  fut  donnée  par  le 
Comte  Robert  à  l'Abbé  du  Monaftere  de  Glofne  ou  de  Saint-Flo- 
rent-le-Viel ,  qui  relevoit ,  en  ce  temps ,  du  Comté  de  Nantes, 

992.  Conan  efi:  tué  à  la  bataille  de  Concreuil ,  qu'il  livre 
à  Foulques  Nerra  ,  Comte  d'Anjou.  Aimeri,  Vicomte  de  Thouars, 
ell  reconnu  Comte  de  Nantes,  en  qualité  de  tuteur  de  Judicaël, 
fils  de  Guerech  &  d'Aremberge.  Celui-ci  prend  le  titre  de  Comte, 
en  992  ,  fous  la  tutelle  de  Gui  de  Thouars.  Le  26  Juin  de  la  même 
année ,  Nantes  eft  affiégée  &  prife  par  Geoifroi  ,  Comte  de 
Rennes  ,  fils  &  fuccefleur  de  Conan.  Il  rend  pourtant  cette  place, 
au  bout  de  trois  femaines,  à  Judicaël,  à  condition  qu'il  lui  en 
fera  hommage. 

992.  Hervitius  eft  fait  Evêque  de  Nantes.  Fulbert  de 
Chartres  blâme  ce  Prélat  d'avoir  ordonné  Megenard  ,  Abbé  de 
Saint-Pierre  de  Chartres,  qui  avoit  été  élevé  à  cette   dignité, 


N  A  N  35 

contre  toutes  les  règles ,  par  la  prote6lion  de  Thibaud ,  Comte 
de  Blois.  Cet  Hervitius  eft  le  premier  qui  ait  donné  des  biens- 
fonds  au  Chapitre  de  fa  Cathédrale ,  qui ,  jufque$-là  ,  avoit  été 
jîourri  par  les  Evêques ,  comme  un  enfant  par   fon  père. 

I002.  GeofFroi  I,  Duc  de  Bretagne  ,  envoie  de  Breft  ,  à 
Hervitius  ,  Evêque  de  Nantes ,  qu'il  eltimoit  beaucoup  ,  le  corps 
de  Saint  Hervé.  Ce  fut  dans  la  Cathédrale  que  furent  placées 
les  faintes  Reliques,  fur  lefquelles  on  prétend  qu'on  fit,  pendant 
plufîeurs  fiecles,  le  ferment  en  Juflice.  Hervitius  meurt  à  Blois 
l'année   fuivante. 

1005.  Judicaël  ,  Comte  de  Nantes,  eft  affaffiné  fur  le 
chemin  de  Rennes ,  en  allant  voir  le  Duc  GeofFroi.  Budic ,  fon 
iils  naturel ,  lui  fuccede. 

1 009,  L'Evêché  de  Nantes ,  qui  étoit  reflé  vacant  depuis 
la  mort  d'Hervitius ,  efl  donné  à  Gautier  II  du  nom.  C'étoit 
un  homme  inquiet  &  féditieux  ,  plus  foldat  qu^Evêque ,  qui 
eut  fans  cefTe  les  armes  à  la  main  contre  le  Comte ,  fon  Sou- 
verain. Il  fait  des  concefîions  multipliées  à  fon  Chapitre  j  mais 
il  diminue  confîdérablement  les  richeffes  de  fon  Eglife ,  par  les 
préfents  &  les  donations  qu'il  fait  aux  Seigneurs  pour  les  retenir 
dans  fon  parti.  En  1012,  il  part  pour  la  Terre-Sainte,  &  fait 
défigner  ,  pour  fon  fuccefleur ,  Pudic  ou  Budic  ;  fon  fils ,  né  en 
légitime  mariage. 

1026.  Judith,  fille  de  Judicaël  &  fœur  de  Budic,  Comtes 
de  Nantes,  époufe  Alain  Caignard,  Comte  de  Cornouailles.  Les 
tîoces  fe  font  dans  l'ifle  d'Indre.  Ce  mariage  caufa  une  très- 
longue  guerre  entre  les  deux  Comtes  Budic  &  Alain  Caignard, 
parce  que  ce  dernier  ne  pouvoir  foufïrir  que  Budic  ,  qui  étoit 
bâtard,  polTédât  ce  Comté  au  préjudice  de  l'héritière  légitime. 
(  Voyez  Indre.  )  L'Eglife  de  Saint-Cyr  &  Sainte-Julitte ,  aujour- 
d'hui Saint-Léonard  ,  qui  avoit  été  détruite  par  les  Normands, 
efl  réparée  par  les  foins  du  Comte  de  Nantes  ,  qui  la  donne  à 
l'Abbaye  du  Roncerai  d'Angers.  Les  ReHgieufes  Angevines  y 
font  aufîi-tôt  conflruire  un  Monaflere  ,  qui  fut  détruit ,  dans  la 
fuite ,  par  Pierre  de  Dreux.  Dom  Lobineau  prétend  ,  à  tort ,  que 
c'eft  le  Comte  Matthias  qui  fit  réparer  cette  Eglife. 

L'Evéque  Gautier  trouve  ,  à  fon  retour  de  la  Paleftine  ,  les 
biens  de  fon  EgUfe  ufurpés  par  Budic ,  qui  vouloir  fe  venger  de 
ce  que  lui  avoit  fait  foufïrir  le  Prélat.  Celui-ci  lance  une  ex- 
communication contre  le  raviffeur  qui  s'en  moque.  L'Evêque  im- 
plore la  proteâ:ion  du  Duc ,  &  l'obtient.  On  fe  préparoit  à  la 


3é  N  AN 

guerre,  lorfque  l'Archevêque  de  Dol  offre  fa  médiation,  &  par- 
vient enfin  a  réconcilier  les  parties. 

Le  terrein  aujourd'hui  occupé  par  le  fauxbourg  de  la  BalKUe, 
la  place  de  Viarme ,  &  les  hauts-pavés ,  faifoit  alors  partie  d'une 
vafte  forêt  ,  qui  s'étendoit  jufqu'à  Saint-Herblain  &  à  Sautron. 
Cette  forêt  étoit ,  dit-on ,  habitée  par  un  monftre  qui  dévoroit 
les  pafTants.  Les  Nantais  s'afTemblerent  pour  le  tuer.  Un  Gen- 
tilhomme de  la  ville  l'attaqua  avec  courage,  &  eut  le  bonheur 
de  délivrer  Ton  pays  de  cette  bête  féroce.  En  mémoire  de  cet 
événement,  on  fit  conftruire  dans  la  forêt  une  Chapelle  fous  le 
nom  de  Notre-Dame  de  Miféricorde,  La  forêt  ne  fubfilte  plus, 
mais  la  Chapelle  eft  toujours  fréquentée  avec  beaucoup  de  dé- 
votion :  elle  tient  aftuellement  à  la  ville  par  le  fauxbourg 
Saint-Similien. 

1027.  Judith  ,  époufe  d'Alain  Caignard  ,  Comte  de  Cor- 
nouailles ,  donne  aux  Moines  de  Sainte-Croix  de  Quimperlé  la 
Chapelle  de  Notre-Dame  de  Nantes ,  qui  avoit  été  érigée  en 
Collégiale  par  le  Duc  Alain  Barbe-torte.  Ces  ReHgieux  la  cé- 
dèrent ,  dans  le  treizième  fiecle ,  aux  Moines  de  Redon, 

Les  payfans  que  Budic ,  Comte  de  Nantes ,  avoit  chargés  de 
garder  le  château  de  Saint-Florent-le-Viel ,  fur  les  bords  de 
la  Loire ,  dans  l'Anjou  (  a  )  ,  fe  voyant  les  armes  à  la  main , 
s'imaginent  qu'ils  peuvent  réfifter  à  leurs  maîtres  mêmes  &  leur 
donner  la  loi.  Ils  font  une  irruption  dans  le  Comté  de  Nantes , 
pillent  &  brûlent  les  maifons  des  Seigneurs.  La  Noblefle  prend 
les  armes  ,  &  marche  contre  cette  populace  imprudente ,  fans 
ordre  &  fans  chef,  qui  eft  taillée  en  pièces  à  la  première 
rencontre. 

1030.  Deux  payfans  trouvent  dans  le  lit  de  la  rivière  d'Evre 
une  cloche  d'or ,  du  poids  de  deux  cents  marcs ,  &  en  font 
préfcnt  au  Prieur  de  l'Abbaye  de  Saint-Florent ,  qui ,  par  recon- 
noiflance ,  leur  donne  quelques  arpents  de  terre.  Le  Comte  Budic 
apprend  ce  qui  fe  palTe  ;  &" ,  en  qualité  de  Souverain  du  Heu 
où  ce  précieux  métal  avoit  été  trouvé  ,  il  oWige  les  Moines  à  le 
reftituer ,  &  leur  fait  compter  dix  livres  en  dédommagement  du 
fonds  de  terre  qu'ils  a  voient  donné  aux  payfans. 

1037.  Budic,  Comte  de  Nantes,  meurt.  Matthias,  fon  fils 
&  fon  fuccefieur,  confirme  à  l'Abbefié  du  Roncerai  d'Angers 
la  pofTeffion  du  Monaftere  de  Saint-Cyr. 


(tf  )Le    Comté  de  Nantes  s'étendoit   alors  jufqu'auprès  d'Angers. 


N  A  N       _  \  57 

1041.  Mort  de  l'Evêque  Gautier.  Budlc  Ou  Pudîc  ,  Ton  fils, 
qui  lui  fuccede,  n'occupe  pas  long-temps  le  Siège  épifcopal. 
Le  Concile  de  Rheims  ,  où  préfidoit  le  Pape  Léon  IX ,  le  dé- 
pofe  comme  fimoniaque,  lui  permettant  néanmoms  de  faire  les 
fondions  facerdotales.  Cette  fentence  lui  caufe  un  chagrin  vio- 
lent ,  qui  le  conduit  au  tombeau  la  même  année.  Le  Pape 
Léon  IX ,  de  fon  autorité  ,  &  lans  confulter  perfonne  ,  lui 
donne,  en  1050,  pour  fuccefleur,  Airard ,  Cardinal,  Abbé  de 
Saint-Paul  de  Rome.  Hoël ,  fils  d'i^lain  Caignard ,  Comte  de 
Cornouailles  &  de  Judith,  venoit  de  fiiccéder,  au  Comté  de 
Nantes  ,  à  Budic,  mort  fans  pollérité  l'an  105 1.  De  concert  avec 
le  peuple  &  le  Clergé,  il  écrit  au  Pape  une  lettre  très-vive, 
pour  lui  remontrer  que  les  habitants  de  Nantes  avoient  tou- 
jours eu  le  privilège  d'éUre  leur  Evêque  ,  &  qu'ils  vouloient 
ufer  de  leurs  droits  ;  que  cependant ,  par  refpeft  pour  le  Saint- 
Siège  ,  ils  avoient  reçu  celui  que  Sa  Sainteté  venoit  de  leur 
envoyer ,  &  qu'ils  lui  conferveroient  le  refpeft  dû  à  fa  dignité  , 
s'il  fe  comportoit  bien,  à  condition  toutefois  que  cela  ne  tire- 
roit  pas  à  conféquence  pour  l'avenir. 

Les  Nantais  trouvent  bientôt  fuj  et  de  fe  plaindre  de  leur  Evêque. 
Ils  fe  fervent  de  cette  occafion  pour  le  dépofer ,  en  le  jugeant 
incapable  de  gouverner  fon  Eghfe.  Tout  le  monde  s'accorde 
à  demander  fon  expulfion  ,  &  le  Prélat  eft  honteufement  chafle 
de  fon  Siège.  La  fentence  eft  remarquable  :  on  y  Ht ,  qu'Airard 
a  été  ordonné,  contre  les  Canons,  par  le  Souverain  Pontife  lui- 
même.  Il  eft  le  premier  des  Evêques  de  Nantes  qui  ait  été 
nommé  par  le  Pape ,  &  qui  ait  eu  des  Bulles.  Il  retint  le  titre 
d'Evêque  jufqu'à  fa  mort  ,  quoiqu'il  ne  fût  pas  reconnu  en 
cette    qualité    des  Nantais. 

Il  eft  à  croire  que  fa  dépofition  fut  jufte.  Ce  qu'il  fit  pendant 
fon  Epifcopat ,  ne  donne  pas  bonne  idée  de  fon  équité.  Le 
Concile  de  Rome  avoit  ordonné  que  les  Laïques ,  pofTédant  Bé- 
néfices eccléfiaiiiques ,  euffent  à  les  reftituer ,  fous  peine  d'excom- 
munication. Airard ,  qui  avoit  été  Moine ,  décida  que  toutes 
ces  reftitutions  dévoient  fe  faire  en  faveur  des  Moines.  C'étoit 
une  injuftice  vifible  -,  car  le  Concile  ,  par  le  nom  de  Minières 
des  autels ,  n'avoit  pas  plus  défigné  les  Moines  que  les  Prêtre» 
féculiers. 

La  ville  étoit  alors  entourée  de  bons  remparts  pour  fa  dé- 
fenfe  ,  mais  peu  étendue.  La  place  du  Change  ,  qui  eft  aujourd'hui 
au  centre  de  la  ville,  étoit  un  defes  fauxbourgs.  Le  Duc  Çonam 


jS  N  A  N 

vivoit  en  bonne  intelligence  avec  le  Comte  de  Nantes ,  &  faifoît 
ordinairement  fa  réddence  dans  la  Tour-neuve ,  nommée  aufTi  la 
tour  de  Sainte- Hermine,  Conan  fit  augmenter  cet  édifice  ,  &  l'ap- 
pella    le   château    de  la    Tour-neuve, 

.  Ce  fut  alors  que  ce  Prince,  un  àts  plus  grands  Souverains 
qui  aient  régné  en  Bretagne  ,  forma  le  projet  de  rendre  à  cet 
Etat  fes  anciennes  limites ,  qui  s'étendoient  jufqu'à  Angers  & 
très-avant  dans  le  Poitou.  Il  y  réuffit.  Satisfait  de  ce  côté ,  il 
voulut  venger  la  mort  de  fon  père  Alain  ,  empoifonné  par  les 
Normands  l'an  1040  ;  mais  il  mourut  dans  cette  expédition ,  em- 
poifonné ,  dit  l'hiftoire ,  par  le  Duc  de  Normandie.  (  Voyez  le 
premier  volume  de  ce  Di6lionnaire ,  Abrégé  de  l'hiftoire.  )  Hoël 
lui  fuccéda  au  Duché  de  Bretagne. 

1052.  Quiriac  ,  frère  du  Duc  ,  eft  fait  Evêque  de  Nantes.  Il 
eft  facré  l'an  1 060.  Ce  Prince-Evêque  parut  digne  du  bâton  paf- 
toral.  Il  fçut  fe  faire  refpefter  de  fes  Chanoines  &  chérir  de 
fon  troupeau.  Il  réfifta  courageufement  aux  prétentions  de  la  Cour 
de  Rome  ,  &  vint  à  bout  de  tout  ce  qu'il  entreprit.  Le  Cha- 
pitre vivoit  en  commun  avec  le  Prélat,  &  faifoit  tous  les  Offices 
de  TEglife.  On  ne  voyoit  point  alors  de  Chantres  gagés ,  ni 
d'Official.  L'Evêque  jugeoit ,  avec  les  plus  éclairés  de  fes  Clercs, 
toutes  les  caufes  eccléfiaftiques. 

On  ne  peut  reprocher  à  Quiriac  que  fon  exceffive  libéralité 
envers  le  Clergé ,  &  fur-tout  envers  les  Moines.  Il  donna  à  fon 
Chapitre  les  domaines  de  Sainte-Marie  ,  de  Saint-Clément  ,  & 
de  Saint- André  ,  avec  les  EgHfes  de  Saint-Denis,  Sainte-Rade- 
gonde ,  &  plufieurs  autres  biens.  Les  Abbayes  de  Saint-Sauveur 
de  Redon ,  de  Quimperlé  ,  &  de  Marmoutier ,  reffentirent  par- 
ticulièrement les  effets  de  fa  générofité. 

1063.  Quiriac  préfide  au  Concile  affemblé  à  Nantes.  Il  va  à 
Marmoutier,  en  1065,  &  donne,  en  1076,  à  fon  frère  Benoît, 
Abbé  de  Sainte-Croix  de  Quimperlé  ,  une  Terr€  fituée  fur  le 
ruiffeau  du  Sance ,  à  peu  de  dillance  du  fauxbourg  de  Barbin, 
à  l'endroit  nommé  Loquidie  ;  &  une  prairie  fituée  à  Sainte-Luce. 
Cette  conceffion  forma  le  Prieuré  de  Langle-Chaillou ,  qui  paffa 
de  l'Abbaye  de  Quimperlé  à  celle  de  Blanche-Couronne  j  &, 
de  celle-ci ,  aux  Moines  de  Pirmil ,  qui  en  jouiffent  aujourd'hui. 

1076,  Lettre  du  Pape  Grégoire  au  Duc  Hoel,  pour  lui  re- 
commander l'Abbaye  de  Sainte-Croix  de  Quimperlé.  Ce  Prince 
«exerce ,  pour  la  première  fois ,  à  Nantes ,  le  droit  d'aubaine  j 
<iroit  jufqu'alors  inconnu  en  cette  ville. 


NAN  Î9 

Il  s'élève ,  pendant  ce  fîecle ,  d'étranges  abus  dans  l'Eglife. 
Un  des  plus  finguliers  eft  le  falaire  qu'on  exige  pour  la  coa- 
feflion  j  ce  qui  rend  les  Prêtres  fort  aflidus  à  l'entendre ,  &  le 
peuple  fort  négligent    à  la  faire. 

1078.  Mort  de  Quiriac.  Le  Duc  ,  fon  frère,  donne  à  Mar- 
moutier  l'Eglife  de  Sainte -Radegonde  de  Nantes,  &  ne  fe  ré- 
ferve  ,  de  fes  revenus ,  que  la  moitié  des  offrandes  des  fêtes 
de  Noël ,  de  Pâques  ,  &  de  Toufïaint ,  avec  dix  fols  de  cens 
annuel. 

1 079.  Benoît  ,  Abbé  de  Quimperlé ,  fuccede  à  fon  frère.  îi 
eft  le  premier  Evêque  de  Nantes  qui  poflede  enfemble  une 
Abbaye  &  un  Evêché.  Il  fe  rend  recommandable  par  fon  afti- 
vité,  fes  travaux,  fon  zèle,  &  fa  bienfaifance  ;  mais  on  lui 
reproche  le  même  défaut  qu'avoit  fon  prédéceffeur ,  de  prodiguer 
les  biens  de  l'Eglife  aux  Moines ,  gens  toujours  plus  refpeéla- 
bies  dans  une  honnête  médiocrité  que  dans  l'opulence. 

1084.  Mort  d'Hoël.  Alain  Fergent,  fon  fils  aîné,  eft  reconnu 
Duc  de  Bretagne  ;  &  Matthias ,  fon  cadet ,  eft  fait  Comte  de 
Nantes.  Le  Parlement  général  eft  afîemblé  en  cette  ville,  l'an 
-1087  :  on  y  règle  les  rangs  des  Evêques  &  des  Barons.  On 
peut   voir  dans  d'Argentré  la  charte  de  ce  règlement. 

1088.  Benoît,  Evêque  de  Nantes  _,  étant  à  fon  Abbaye  de 
Quimperlé ,  admet  à  la  fraternité  de  ce  Monaftere  la  DuchefTe 
Conftance ,  fille  du  Roi  d'Angleterre ,  &  époufe  du  Duc  Alain 
Fergent.  La  PrincefTe  ,  qui  peut-être  n'aimoit  pas  les  Moines^, 
fe  fait  long-temps  prier  avant  d'accepter  ce  bienfait ,  qui  n'étoit 
rien  moins  que  défintéreffé. 

1 09  5 .  Les  ReHgieux  Bénédiélins  ,  établis  depuis  peu  de  temps  à 
Nantes ,  refufent  un  Gentilhomme  très-pauvre  ,  de  la  Paroifte  de 
Donges,  qui  demande  l'habit  de  Saint  Benoît.  Il  s'en  retourne  bien 
affligé  chez  lui ,  6c  paroît  inconfolable.  Friold  ,  Seigneur  de  Don- 
ges ,  fait  venir  ce  Gentilhomme ,  (on  vafTal ,  6c  lui  afture ,  par 
un  contrat,  la  poilefiion  d'un  très-bon  moulin.  Muni  de  cette 
pièce ,  le  Gentilhomme  fe  préfente ,  cède  fon  contrat  aux  Moi- 
nes ,  &  eft  reçu  à  bras  ouverts.  Ce  fait  ne  doit  pas  étonner , 
quand  on  penfe  qu'il  faut  encore  un  millier  d'écus  pour  être 
reçu  dans  des  Abbayes  qui  jouillént  de  cent  mille  livres  de 
rente. 

Le  grand  cimetière  de  la  Cathédrale ,  dont  il  ne  paroît  plus 
aucuns  veftiges ,  occupoit  alors  tout  le  terrein  où  l'on  voit  la 
nouvelle    pfallette  $c  les  maifons  fituées  entre  la  place  Saint- 


40  N  A  N 

Pierre,  la  rue  Saint-Laurent ,  &  la  ruelle  qui  conduit  âe  Cette 
Eglife  à  la  Cathédrale.  Au  dehors  de  la  ville ,  entre  le  terrein 
occupé  par  les  UrfuHnes  Se  les  Chartreux  ,  étoit  une  Eghfe 
qui  ne  fubfîlte  plus  ,  dédiée  à  Sainte- iMarie  :  elle  fervit  long- 
temps de  Chapelle  à  l'Hôpital  de  Sainte-Marie  ,  &  enfuite  à 
celui  de  Saint-Clément.  Les  Evêques  y  defcendoient  la  veille 
•de  leur  entrée  &  y  pafîbient  la  nuit ,  pour  marquer  qu'ils  dé- 
voient leurs  premiers  foins  aux  pauvres,  Se  qu'ils  étoient  comme 
des  étrangers  &  des  pafTants,    aujourd'hui  ici,   demain  ailleurs. 

1095.  L'Evêque  de  Nantes  aflifte  au  Concile  de  Clermont, 
tenu  par  Urbain  II.  Il  fe  trouve  auffi ,  l'an  1 096  ,  à  la  confé- 
cration  que  fait  ce  Pape  de  l'Eglife  de  Saint-Nicolas  d'Angers. 
L'afte  de  cette  cérémonie  met  les  Paroiffes  de  Derval  ,  de 
Donges,   &    de    Pngné,  au  nombre  des  biens  de  cette   Eglife. 

1096.  L'Evêque  Jjenoît,  étant  à  Bordeaux,  eÛ.  créé  Juge, 
conjointement  avec  Amar  ,  Légat  du  Pape ,  des  différents  qui 
s'étoient  élevés  entre  les  Moines  de  Vendôme  &  ceux  de  Saint- 
Aubin  d'Angers  ,  au  fujet  du  Prieuré  de  Saint  -  Clément  de 
Nantes.  Ce  Prieuré  fut  adjugé  ,  par  Sentence ,  à  ceux  de  Ven- 
dôme ,  qui  le  polfedent  encore  :  il  avoir  autrefois  été  de  la 
dépendance  des  Religieufes  de  Saint-Clément,  dont  nous  avons 
parlé  en   849. 

1 1 00.  Alain  Fergent  &  la  Ducheffe  Ermengarde  ,  fa  féconde 
femme,  donnent  aux  Moines  de  Marmoutier  la  forêt  de  Pu- 
zarles,  lîtuée  fur  la  route  d'Angers  :  c'efl:  la  Magdeleine-en- 
IBois  ,  qui  eft  aujourd'hui  unie  au  Prieuré  de  Saint-Martin  de  Nantes. 
Environ  le  même  temps,  les  Moines  de  Bourg-Dieu  cédèrent 
au  Chapitre  tous  les  droits  qu'ils  pouvoient  avoir  fur  l'Eglife 
de  Saint  -  Donatien ,  en  échange  du  patronage  &  revenus  de 
plulîeurs  Cures. 

11 01.  Alain  donne  encore  à  Marmoutier  les  Eglifes  de  Saint- 
Saturnin  Se  de  Sainte*Croix.  L'a8:e  en  fut  paffé  près  la  place 
du  Bouffai ,  dans  une  Chapelle  qui  ne  fubfifle  plus.  Le  même 
jour ,  le  Prieur  de  Gahard  compte ,  on  ne  fçait  pas  pourquoi , 
foixante  fols  d'or  au  Duc  Alain  Fergent  ;  vingt  fols  d'or  à  la  Du- 
cheffe ,  fon  époufe  -,  Se  trois  fols  d'or  au  jeune  Comte  Conan, 
leur  fils. 

1105.  Concile,  à  Nantes,  dans  l'Eglife  de  Saint- Laurent. 
Cette  affemblée  remit  la  feptieme  partie  de  la  pénitence ,  im- 
pofée  par  le  Confeffeur,  à  ceux  qui  iroient  dévotement  vifiter 
l'Eglife  de   Doulon  ,  au  jour  de  l'anniverfaire   de  fa  dédicace. 

Ce 


N  A  N  _  41 

Ce  fut  pendant  ce  Concile  que  Benoît  obtînt ,  pour  TEgnie 
de  Nantes  &  l'Abbaye  de  Quimperlé ,  les  privilèges  rapportés 
dans  le  Gallia  Chjiftiana,  Il  demanda  aufli  la  canonifation  de 
Saint  Gurloës ,  qui  lui  fut  refufée ,  fous  prétexte  qu'on  ne  pou- 
voit  lui  accorder  fa  demande  que  par  l'avis  d'un  Concile  af- 
femblé  exprès. 

Les  Evêques ,  affemblés  à  Nantes ,  terminèrent  une  conteftation 
qui  s'étoit  élevée  entre  l'Evêque  &  le  Chapitre  ,  d'une  part ,  & 
les  Moines  de  Tournus ,  de  l'autre  ,  au  fujet  de  l'Eglife  paroifllale 
de  Saint-Viau.  Le  Légat,  à  qui  on  en  avoit  déféré  le  jugement, 
avoit  donné  l'Eglife  aux  Moines ,  fans  examiner  fî  leurs  droits 
étoient  fondés.  Louis  le  Débonnaire  avoit  fait  préfent  de  ce 
Presbytère  aux  Religieux  de  Saint  -  Philbert  qui  apparemment 
l'avoient  cédé  de  gré  ou  de  force. 

1 1 07.  Autre  Concile  affemblé  à  Nantes  par  Gérard  d'Angou- 
lême.  Benoît  fe  démet  de  fon  Evêché  l'an  1 1 1 1 .  Robert  1  du 
nom ,  qui  lui  fuccede  ,  efl  transféré ,  Tannée  fuivante  ,  fur  le 
Siège  de  Quimper. 

1 1 1 2.  Alain  Fergent  abdique  la  Couronne ,  &  laifle  la  Bre- 
tagne &  le  Comté  de  Nantes  à  Conan  III ,  dit  U  Gros,  Avant 
cette  abdication,  il  avoit  créé,  à  Nantes,  un  Sénéchal,  Juge 
de  tous  les  différents  &  procès  qui  pourroient  s'élever  dans  le 
Comté.  Les  appellations  de  ce  Tribunal  ne  pouvoient  reifortir 
que  pardevant  le  Parlement  général  de  la  Nation. 

II 12.  Brice  eil  fait  Evêque  de  Nantes.  C'efl  à  tort  que  Dom 
Lobineau  prétend  que  ce  fut  François  qui  fuccéda  à  Robert.  Brice 
affemblé  un  Synode  diocéfain  à  Nantes ,  Tan  1 1 1 6.  La  ville  de 
Nantes  eft  réduite  en  cendres ,  on  ne  fçait  par  quel  accident , 
le  i^r.  Mai  11 18.  Son  enceinte  eft  agrandie  ,  &  on  prati- 
que un  aqueduc  en  pierres  de  taille  pour  faire  couler  les  eaux 
de  la  rivière  dans  tout  fon  pourtour.  Ce  canal  paroît  d'autant 
plus  utile  ,  que ,  dans  le  cas  d'incendie  ,  on  pouvoit  arrêter  au  plus 
yîte  les  progrès  du  feu. 

1 1 1 9.  Par  lettres  du  9  Oftobre ,  le  Duc  Conan  III  fonde  le 
Prieuré  de  la  Magdeleine ,  fur  les  ponts  de  Nantes  ^  &:  le  donne 
à  l'Abbaye  de  Touffaint  d'Angers.  On  y  établit  un  petit  Col- 
lège de  Chanoines-Réguliers ,  qui  y  vivoient  encore  en  commu- 
nauté fur  la  fin  du  quinzième  fiecle. 

II 24.  Conan  le  Gros  confirme  l'Eglife  de  Nantes  dans  la  pof- 
feffion  de  tous  fes  biens,  &  y  ajoute  quarante-trois  Paroiffes. 

II 28.  Concile  à  Nantes,  Il  défend ,  entr'autres  chofes,  le  droit 
Tome,  IIL  F 


41  N  A  N    _ 

de  bris,  &  celui  qui  attribuoit  au  Seigneur  les  meubles  d'un 
homme  ou  d'une  femme  morts.  11  prononce  anathême  contre  les 
mariages  inceitueux  alors  fort  communs ,  &  déclare  illégitimes 
les  enfants  qui  en  fortiroient.  Le  Pape  approuve  le  Concile  j  & 
le  Duc ,  à  la  follicitation  duquel  il  avoit  été  affemblé ,  le  reçoit 
&  s'y  foumet.  Les  Monafl:eres  de  Saint-Cyr  &  de  Sainte  -  Julitte 
étoient  tombés  entre  les  mains  de  quelques  Prêtres  maries  ,  qui 
les  laifîbient  en  héritage  à  leurs  enfants.  Conan  III  réforme  cet 
abus ,  &  les  érige  en  ParoifTe  ,  fous  le  nom  de  Saint-Léonard  : 
la  Cure  eft  préfentée  par  l'AbbeiTe  du  Roncerai ,  comme  an- 
cien Monaftere  dépendant  de  fon  Abbaye  &  habité  par  des 
Religieufes  de  fon  Ordre. 

1136.  Brice  augmente  les  Canonicats  de  fa  Cathédrale,  de 
fept  Prébendes ,  qu'il  dote  de  fon  propre  fonds ,  &  fait  rebâtir  le 
Palais  épifcopal.  Le  Pape  Innocent  II  approuve  tout  ce  qu'il 
avoit  fait. 

1138.  Conan  III  Se  fa  mère  Ermengarde  font  des  augmen- 
tations &  des conceflions  au  Prieuré  de  Sainte-Croix  de  Nantes, 
&  lui  affignent  un  terrein  fitué  auprès  de  l'Eglife  pour  lui  fervir 
de  cimetière.  Les  Bénédi6lins  dévoient  ce  Prieuré  à  un  Evê- 
que  de  Nantes  :  mais  la  reconnoiffance  n'étoit  pas  la  vertu  de 
ces  Religieux.  Dès  qu'ils  furent  confirmés  dans  la  pofleffion  de 
ce  bénéfice  ,  ils  refuferent  de  reconnoître  la  jurifdiftion  de  Brice. 
Celui-ci  s'en  plaignit  au  Légat  du  Pape.  La  conteftation  fut  très- 
férieufe  ;  mais  elle  ne  finit  pas  à  l'avantage  des  Moines ,  qui  fe 
virent  obligés  de  fe  foumettre. 

1 1 40.  Mort  de  Brice.  François  I  du  nom  ,  Abbé  de  Bourgueil , 
lui  fuccede.  L'année  fuivante ,  Conan  fonde  la  Commanderie  du 
Temple ,  &  y  étabht  les  Templiers.  Cette  Commanderie  étoit 
fîtuée  auprès  du  bourg  Main ,  dans  le  pré  Nian.  Tout  le  quartier 
connu  fous  le  nom  de  S  aime- Catherine  ,  forma  ,  jufqu'au  quinzième 
fiecle  ,  une  prairie  fur  les  bords  des  rivières  d'Erdre  &  de  Loire. 
Le  bourg  Main  comprenoit  les  rues  de  la  Clavurerie ,  de  la  Mer- 
cerie ,  &  de  Saint-Nicolas  :  on  l'appelloit  Mein  ou  Maën ,  hur^ 
gus  Meini, 

II 43  ou  II 44.  Saint  Bernard  ,  Abbé  de  Clairvaux,  vient  à 
Nantes ,  accompagné  de  l'Evêque  de  Chartres.  Il  va  vifiter  les 
Religieux  qu'il  avoit  établis  à  Buzai  j  il  trouve  que  le  Duc  n'a 
pas  tenu  fa  promefTe ,  &  que  le  Couvent  n'efl  pas  commode. 
Il  lui  en  fait  des  reproches  très-vifs ,  &  ordonne  à  fes  Moines 
de  retourner  à  Clairvaux.  Conan  l'appaife  par  de  nouvelles  con- 


NAN  45 

ceiTions  au  Couvent  de  Buzai,  &  les  Moines  y  reilent.  Pendant  le 
féjour  du  faint  Abbé  à  Nantes  ,  on  lui  attribue  un  miracle  fin- 
gulier ,  que  je  ne  rapporte  que  pour  la  fidélité  de  l'hiftoire.  Le 
récit  en  eft  tiré  d'un  manufcrit  latin  de  M.  Travers  ,  qui  dit  l'avoir 
pris  dans  la  vie  de  Saint  Bernard ,  liv.  2  ^  chap.  6 ,  n.  34  &  35, 

Une  femme  de  diftmftion  ,  époufe  d'un  Officier  des  troupes 
du  Duc  ,  avoit  touché  le  cœur  d'un  démon  ,  qui ,  pour  la  féduire  , 
s'étoit  préfenté  à  fes  yeux  fous  la  forme  d'un  jeune  militaire , 
d'une  figure  aimable  :  il  avoit  mis  tout  en  ufage  pour  parvenir 
à  fon  but  j  & ,  comme  les  diables  ont  de  l'efprit ,  il  avoit  réuffi. 
Six  ans  fe  pafîerent  dans  ce  commerce ,  qu'on  peut  juftement 
appeller  diabolique.  Le  démon  fe  rendoit  invifible ,  &  jouifToit 
de  cette  femme  ,  dans  le  lit  même  oii  elle  couchoit  avec  fon 
mari.  Enfin ,  tourmentée  de  remords  &  dégoûtée  du  crime ,  Té- 
poufe  infidèle  court  fe  jetter  aux  pieds  d'un  Prêtre ,  fait  l'aveu 
de  fa  conduite ,  &  fe  livre  à  tous  les  exercices  de  piété  :  mais 
tout  cela  eft  inutile ,  le  démon  n'en  devient  que  plus  importun  ; 
le  crime  fe  divulgue  bientôt  dans  le  public,  &  le  mari,  mal- 
traité ,  ne  peut  regarder  fa  femme  qu'avec  horreur. 

Sur  ces  entrefaites  ,  Saint  Bernard  arrive  à  Nantes.  La  coupable 
va  fe  jetter  à  fes  pieds  &  lui  raconte  fon  hiftoire ,  l'opiniâtreté 
de  fon  fédufteur ,  &  l'inutilité  de  fes  bonnes  œuvres  :  elle  ajouta 
que  cet  ennemi  de  fon  repos ,  lui  avoit  annoncé  l'arrivée  de  Saint 
Bernard ,  &  qu'il  lui  avoit  défendu  d'avoir  recours  à  lui  j  avec 
menaces  que ,  fi  elle  le  faifoit ,  elle  devoit  s'attendre  à  ne  plus 
voir  dans  fon  amant  qu'un  perfécuteur  cruel  &  inflexible  lorf- 
que  le  Saint  feroit  parti. 

La  nuit  fuivante ,  le  démon  renouvelle  &  multipHe  fes  menaces, 
mais. ne  peut  intimider  cette  femme  ,  qui  va  de  nouveau  trouver 
le  Saint  Abbé.  Celui-ci  lui  donne  fon  bâton  ,  &  lui  dit  de  le 
coucher  avec  elle.  Elle  fuit  le  confeil ,  &  le  diable  ,  arrêté  par 
la  préfence  de  ce  préfervatif ,  ne  peut  approcher  du  lit  :  il  fe 
contente  de  menacer  de  loin  &  de  promettre  une  vengeance 
terrible. 

Le  Dimanche  fuivant ,  le  peuple  eft  convoqué  par  l'Evêque 
dans  la  Cathédrale.  Saint  Bernard  monte  en  chaire  ,  &  dit  aux 
aiîiftants  d'allumer  des  cierges  :  il  en  prend  un  lui-même ,  puis 
apoltrophe  le  diable  impudique ,  prononce  ,  de  concert  avec  le 
peuple  ,  anathême  contre  lui  _,  &  lui  défend ,  de  la  part  de  Dieu , 
de  jamais  approcher  de  cette  femme  ,  ni  d'aucune  autre.  On 
«teint  eiifuite  les  chandelles ,  &  ,  avec  elles ,  fut  éteinte  toute  la 


44  N  A  N 

force  du  diable.  La  Dame  fe  confefla ,  communia ,  Se  vécut  dé- 
formais tranquille. 

II4J.  Alberic  ,  Cardinal ,  Evêque  d'Oftie,  tire  de  leurs  chafTes 
les  reliques  des  Saints  Donatien  &  Rogatien  ,  qui  font  reconnues , 
en  préfence  d'une  nombreufe  aflemblée ,  pour  les  précieux  reftes 
de  ces  illuftres  Martyrs.  Ce  fait  eft  rapporté  par  Hugues ,  Arche- 
vêque de  Rouen  ,  témoin  oculaire. 

Itérée,  qui  étoit  monté  fur  le  Siège  épifcopal  l'an  1142  ,  meurt 
l'an  1 1 47 ,  Se  a  pour  fuccefleur  Bernard  ,  Moine  de  Clairvaux , 
né  dans  la  Paroiffe  d'Efcoublac ,  diocefe  de  Nantes.  Dom  Mar- 
tene  lui  donne  d'abord  le  nom  de  Hefîus ,  mais  il  reconnoît 
peu  après  qu'il  s'eft  trompé ,  &  que  ce  Prélat  fe  nommoit  Itérée. 
■  1148.  Mort  de  Conan  le  Gros.  Le  Comte  Hoèl ,  qui  pafToit 
pour  fon  fils,  lui  fuccede  ,  &  renonce  au  droit  qu'avoient  fes 
prédécefleurs  ,  de  s'attribuer  les  meubles  des  Evêques  morts. 
L'afte  de  cette  conceffion  porte  que  les  Prélats  pourront  employer, 
pour  le  falut  de  leurs  âmes  ,  ce  qu'ils  voudront  de  leurs  meubles , 
&  que  le  refte  fervira  aux  dépenfes  à  faire  pour  l'éleftion  de 
leurs  fuccelTeurs.  La  générofité  d'Hoël  caufa ,  dans  la  fuite  ,  bien 
des  peines  aux   Souverains  de  Bretagne. 

L'Evêque  Bernard  partit ,  vers  ce  temps-là ,  pour  Rome ,  Se 
pafla  par  l'Abbaye  de  Saint  -  Florent  -  le  -  Viel  ,  à  laquelle  il 
donna  l'Eglife  de  Nozai ,  tant  pour  acquitter  la  promeffe  qu'il 
avoir  précédemment  faite  aux  Moines  ,  que  pour  le  falut  de 
l'ame  de  fon  père ,  qui  étoit  mort  Moine  de  Saint-Florent. 

1150.  Olivier,  fils  de  Briand ,  Seigneur  de  Varades,  donne 
l'Eglife  de  fa  Paroiffe  aux  Moines  de  Marmoutier ,  qui  veulent 
la  rendre  indépendante  de  l'Evêque  Bernard.  Celui-ci,  qui  avoit 
été  Moine  de  Clairvaux,  Ordre  qui  n'approuve  point  ces  fortes 
d'indépendances ,  leur  réfille  fortement ,  &  refufe  de  confentir 
à  ces  prétentions  abufives  &  multipliées  des  Bénédiftins. 

Les  Moines,  qui  poffédoient  alors  des  Cures,  y  nommoient, 
fans  confulter  perfonne ,  des  Vicaires  amovibles ,  qui  avoient  ordre 
de  ne  reconnoître  d'autre  Jurifdiftion  que  celle  de  ceux  qui  les 
plaçoient.  Ces  Prêtres  prenoient ,  dans  les  Monafteres  dont  ils 
dépendoient ,  les  Saintes  Huiles  ,  que  les  Religieux  béniffoient 
eux-mêmes.  Quelques-uns  prétendent  même  qu'il  y  avoit  une 
Officialité  dans  les  Abbayes ,  de  forte  que  les  Evêques  ne  jouif- 
foient  pas  d'une  autorité  générale  dans  leur  diocefe.  De  là  dé- 
voient naître  la  corruption  des  mœurs ,  le  relâchement  de  la 
difcipline  ,  Se  tous  les  abus  qui  font  la  fuite  de  l'indépendance. 


■       N  AN  45 

II 56.  Hoël  eu  chaflé  de  Nantes,  par  ces  mêmes  habitants 
qui  l'avoient  defîré  avec  tant  d'emprefTement  pour  leur  Sou- 
verain. Le  motif  de  cette  expuHion  étoit  la  foiblefTe  du  Prince, 
peu  capable  de  foutenir  fes  droits  contre  Conan ,  Duc  de  lire» 
tagne ,  qui  menaçoit  d'affiéger  Nantes  5  ville  qu'il  ne  vouloit  pas 
iaiffer  à  Hoèl ,  qu'il  regardoit  comme  un  ufurpateur ,  parce  que 
Conan  le  Gros  i'avoit  déclaré  bâtard  (a).  En  conféquence, 
les  Nantais  fe  donnent  à  Geoffroi  d'Anjou ,  Comte  de  Nantes , 
frère  de  Henri  II ,  Roi  d'Angleterre  ,  Prmce  puiffant  &  guerrier. 
Le  Comté  de  Nantes  valoit  alors ,  de  revenu  annuel ,  quarante 
mille  fols  angevins.  Geoffroi  eft  reçu,  par  fes  nouveaux  Sujets, 
avec  les  démonilrations  de  la  joie  la  plus  vive.  Mais  ,  après  la  mort 
de  ce  Prince ,  arrivée  l'an  11 5  8  ,  Conan  fe  préfente  aux  portes 
de  Nantes ,  &  s'en  rend  maître.  Cette  révolution  ne  finit  pas 
la  querelle.  Henri ,  Roi  d'Angleterre ,  Monarque  ambitieux  ,  le 
plus  habile  &  le  plus  puiffant  de  l'Europe ,  revendique  le  Comté 
de  Nantes ,  comme  faifant  partie  de  la  fucceiîion  de  fon  frère. 
Le  Prince  répondit  à  ces  demandes ,  qu'il  s'étonnoit  que  le  Roi 
d'Angleterre  pût  former  des  prétentions  fur  un  pays ,  qui ,  de 
temps  immémorial ,  dépendoit  de  la  Bretagne  -,  qu'il  étoit  vrai 
que  Geoffroi  en  avoir  été  pofTefTeur  ,  mais  que  c'étoit  une  ufur- 
pation  ,  &  que  des  fujets  n  avoient  pas  le  droit  de  fe  foulbaire 
à  une  domination  légitime.,  Henri  ne  fe  met  point  en  peine 
d'examiner  la  juftice  de  fes  prétentions ,  &  fe  prépare  à  faire 
la  guerre  au  Duc.  Celui-ci  prend  le  parti  d'éviter  la  tempête  qu'il 
ne  peut  braver ,  fe  rend  à  Avranches  auprès  du  Monarque  An- 
glais,  &  y  conclutun  traité  qui  portoit  que,  Geoffroi,  fils  de 
Henri ,  épouferoit  Confiance  ,  fille  unique  du  Duc  ,  qui  au- 
roit  pour  dot  le  Comté  de  Nantes ,  &  qu'après  la  mort  de 
Conan ,  Geoffroi  feroit  reconnu  Souverain  de  Bretagne.  Le  ma- 
riage ne  fiit  pas  célébré  dès-lors ,  parce  que  Geoffroi  n'étoit  âgé 
que  de  cinq  femaines.  Henri  n'en  prit  pas  moins  poffeflion  du 
Comté  de   Nantes   au  nom  de  fon  fils. 

J'ai  dit  qu'Alain  Fergent  avoit  inflitué  un  Sénéchal  à  Nantes  j 
d'autres  prétendent  que  le  premier  qui  l'occupa  fut  Maurice  de 
Lire  ,  qui  en  fut  pourvu  par  le  Roi  d'Angleterre ,  l'an  11 5  8.  Mau- 
rice de  Craon  l'occupa  après  lui. 


(  tf  )  Conan  le  Gros  défavoua  ,  en  mou- 
rant, Hoël  pour  fon  fi!s  ,  quoique  tout 
le  monde  le  CI  ût  fon  perejpuifque  laDu- 


cheffe ,  fa  femme  ,  I'avoit  >u  pendant  foa 
mariage.  Un  pareil  procédé  çitt  bien  loin 
de  nos  moeurs* 


4é  N  A.  N 

1161.  Les  Chanoines  de  Nantes  intentent  un  procès  aux 
Moines  de  Quimperlé ,  pour  la  poflefîion  de  FEglife  Collégiale 
de  Notre-Dame,  qui  avoit  été  donnée  à  ces  derniers ,  en  1027, 
par  Judith ,  époufe  d'Alain  Caignard ,  Comte  de  Cornouailles , 
du  confentement  de  Quiriac  ,  Evêque  de  Nantes.  Le  procès 
devient  confidérable.  Les  deux  partis  s'excommunient  mutuelle- 
ment j  enfin ,  on  choifit  des  Arbitres ,  qui ,  de  concert  avec  les 
Evêques  de  Nantes  &  de  Quimper,  décident  que  les  Moines 
de  Quimperlé  paieront ,  tous  les  ans  ,  pour  le  bien  de  la  paix 
au  Chapitre  ,  douze  fols  de  rente  ,  fix  à  Noël  &  fix  à  la 
Saint-Jean. 

1163.  L'Evêque  Bernard  aflifte  au  Concile  de  Tours,  & 
prêche  devant  le  Pape  Alexandre  III  &  tous  les  autres  Prélats 
aflemblés.  La  noble  hardieiTe  du  Prédicateur  rend  fon  fermon 
curieux  :  le  flyle  en  eil  beau ,  mais  trop  chargé  d'antithefes , 
comme  tous  ceux  de  ce  fiecle.  Le  Canon  XI  de  ce  Concile 
prononce  excommunication  contre  tout  Eccléfiaftique ,  poiîedant 
Bénéfice  ,  qui  retiendra  chez  lui  une  concubine ,  après  avoir 
été  averti  deux  ou  trois  fois  par  fon  Supérieur  de  la  renvoyer. 
Le  XIII  défend  aux  Religieux  de  fortir  de  leurs  Couvents 
pour  fe  livrer  à  l'étude  de  la  Médecine  &  des  Loix  Civiles. 
Les  autres  défendent  d'exiger  des  rétributions  pour  l'adminirtration 
des  Sacrements  ,  de  mettre  des  impofitions  fur  le  peuple  fans 
l'autorité  des  Souverains  5  &  prononcent  anathême  contre  la 
fimonie   &  l'ufure. 

Bernard  avoit  fondé  le  Prieuré  de  Genefton  pour  des  Cha- 
noines-Réguliers ,  auxquels  il  avoit  prefcrit  les  conftitutions  qu'ils 
dévoient  obferver  :  il  leur  avoit  donné  pour  Prieur  un  homme 
de  mérite ,  nommé  Clément,  L'an  1 1  (33  ,  ce  Prieuré  fut  érigé 
en  Abbaye  ;  &  Clément,  qui  en  avoit  été  le  premier  Prieur, 
en  fut  le  premier  Abbé. 

II 69,  Bernard  meurt  le  29  Décembre.  Robert  II  du  nom, 
fon  neveu,  lui  fuccede  l'an  11 70.  Ce  Prélat  ,  ci-devant  Ar- 
chidiacre de  Nantes  ,  étoit  fi  efi:imé  du  Roi  d'Angleterre  Henri  II, 
que  le  Monarque  voulut  affilier  à  fon  Sacre.  En  montant  fur 
le  Siège  épifcopal  ,  il  donne  à  fes  Chanomes  les  Egfifes  pa- 
roifliales  de  Blain  &  de  Heric ,  &  confirme  à  l'Abbaye  de 
Saint -Gildas  des  Bois  la  donation  que  fon  prédéceiTeur  lui 
avoit  faite    de   l'Eglife   de    Mifiillac. 

1172.  Les  Moines  de  Quimperlé  cèdent  l'Eglife  de  Notre- 
Dame  de  Nantes  à  l'Abbaye  de  Redon.  Dy  avoit  alors  à  Buzai 


N  A  N  47 

deux  Monafteres  j  Tun  d'hommes ,  &  Tautre  de  femmes.  îl  y  en 
avoit  aufli  deux  aux  Coaëts  ,  près  Nantes.  Leur  exiftence 
efl  prouvée  par  l'afte  de  confirmation  que  fit  Robert,  Evêque 
de  Nantes,  de  plufieurs  donations  en  faveur  de  ces  Couvents. 
Les  Conciles  ont  fagement  défendu  ces  fortes  d'inftitutions  abu- 
sives &  fcandaleufes.  Robert  termina ,  dans  le  même  temps ,  leis 
conteftations  furvenues  pour  le  partage  des  offrandes  entre  les 
Moines  de  Marmoutier  ,  d'une  part  j  le  Chapitre  da  fa  Cathé- 
drale, &  le  Curé  de  Sainte-Croix,  de  l'autre.  Ce  Prélat  ell:  le 
premier  Evêque  qui  ait  fondé  des  fufïrages  dans  fon  Eglife  :  ii 
légua  douze  deniers  à  chacun  de  fes  Chanoines,  pour  faire 
mémoire  de   lui  dans  leurs  prières. 

1 183.  Henri  II ,  Roi  d'Angleterre  ,  nomme  l'Evêque  de  Nantes 
fon  CommifTaire  pour  terminer  fes  différents  avec  Louis  le  Jeune. 
Robert  en  vient  à  bout,  &  part  pour  la  Terre-Sainte.  Il  meurt, 
en  revenant  de  ce  voyage,  à  Brindes  en  Italie,  l'an  1185. 
Artur ,  qui  lui  fuccede ,  ne  fait  que  paroître  fur  le  Siège  ,  &: 
efl  remplacé  par  Maurice  de  Blafon  ,  que  le  Pape  Urbain  III  place 
fur  le  Siège  Epifcopal.  Il  étoit  oncle  de  Thibaud  de  Blafon ,  Seigneur 
de  Mirebeau  ,  poète  célèbre  de  fon  temps.  On  remarque  que  les 
Chanoines  étoient  encore  réguliers  fous  fon  Epifcopat. 

1186.  Geofîroi ,  Duc  de  Bretagne,  meurt  à  Paris,  à  la  Cour 
du  Roi  Philippe-Augufle ,  &  efl  inhumé ,  par  ordre  de  ce  Mo- 
narque ,  dans  l'Eglife  de  Nôtre-Dame  de  la  capitale.  Confiance 
de  Bretagne  ,  fa  veuve  ,  qui  étoit  enceinte  ,  accoucha  à  Nantes , 
dans  la  nuit  du  29  au  30  Avril,  d'un  Prince,  qui  fut  baptifé 
par  l'Evêque  &  nommé  Anur,  Depuis  ce  temps,  le  Comté  de 
Nantes  n'ell  plus  forti  de  la  maifon  de   Bretagne. 

11 87.  La  DuchefTe  confirme  aux  ReUgieux  de  ToufTaint- 
d'Angers  la  pofrefTion  des  ponts  de  Nantes ,  depuis  Pirmil  juf- 
qu'aux  murs  de  la  ville.  La  généreufe  donatrice  s'exprime  ainfi: 
«  Nous  commandons  à  nos  fuccelTeurs  d'entretenir  cette  donai- 
»  fon,  ou  autrement  qu'ils  foient  damnés  chez  tous  les  diables, 
»  &  qu'ils  endurent  la  peine  avec  le  trahifle  Judas  ,  &  que 
»  leurs  mahns  efforts  ne  fortent  à  effet,  w 

11 88.  Le  Roi  d'Angleterre  affemble  les  Etats  à  Nantes,  & 
leur  demande  la  garde  du  jeune  Prince ,  qu'ils  lui  refufent.  La 
régence  &  la  tutelle  de  cet  enfant  précieux  font  confiées  à 
la  DuchefTe  mère.  On  remarque  que ,  dans  ce  temps ,  le  Roi 
d'Angleterre  foumit  les  ifles  de  Jerfey  &  Garnefey  à  la  jurifdi6lion 
fpirituelle  de  l'Evêque  de  Nantes. 


48  _     N  A  N 

II 90.  Jehan  de  Goulaine  eft  fait  Gouverneur  de  Nantes ,  fous 
le  jeune  Comte  Artur.  Ses  fucceffeurs  ne  font  pas  connus  jufqu'à 
Gui  de  Rochefort ,  Capitaine  de  cette  ville ,  fous  Charles  de 
Blois,  l'an   1353. 

II 96.  Les  eaux  de  la  Loire ,  accrues  par  des  pluies  continuelles, 
débordent  au  mois  de  Mars.  La  ville  ei\  inondée  &  foufFre  beau- 
coup, Maurice  de  Blafon  eft  transféré ,  l'année  fuivante ,  fur  le 
Siège  de  Poitiers.  Ranufle ,  Comte  de  Chefter ,  époufe ,  par 
violence  y  la  DuchefTe  Confiance  ,  fa  parente ,  &  prend  le  titre 
de  Duc  ',  titre  que  les  Barons  ne  veulent  point  confirmer. 

1 198.  Geofïroi  eft  fait  Evêque  de  Nantes.  Rodolphe  de  Nantes, 
ainfi  appelle  du  lieu  de  fa  naifïance ,  fe  fait  remarquer  dans  l'Uni- 
verfité  de  Paris,  par  fes  profondes  connoifTances  dans  la  Théo- 
logie ,  dont  il  donnoit  des  leçons.  Il  rend  de  grands  fervices  à 
l'Eglife ,  en  démafquant  les  Albigeois  qui   dogmatifoient   à  Paris. 

11 99.  Richard,  Roi  d'Angleterre,  demande  la  garde  &  la 
tutelle  du  jeune  Duc  Artur  ,  fon  neveu.  Les  Barons  lui  réfiftent, 
&  l'obligent  à  renoncer  à  fes  prétentions.  La  Duchefîe  Conftance 
fait  déclarer  nul  fon  mariage  contra6lé  avec  le  Comte  de  Chefter, 
&  époufe  Gui,  Vicomte  de  Thouars.  Les  deux  époux  vendent, 
l'an  1200,  aux  habitants  de  Nantes,  le  droit  de  banc  des  vins 
qu'ils  avoient  dans  cette  ville,  pour  la  fomme  de  cinq  mille 
fols  :  le  fol  étoit  alors  à  onze  deniers  douze  grains  de  loi ,  à  la 
taille  de  cinquante-huit ,  &  couroit  à  douze  deniers.  On  l'ap- 
pelloit  hlajîc  ou  douiain ,  &  il  valoit  environ  quinze  fols  de  notre 
ïTionnoie. 

1200.  Gui  de  Thouars  fait  agrandir  le  château  de  Nantes, 
&  conlfaruire  le  rempart  du  côté  de  TEvêché ,  avec  une  des 
tours  de  la  porte  Saint-Pierre  ,  pour  défendre  la  ville  du  côté 
du  fauxbourg  Saint-Clément.  Il  prend ,  pour  cet  effet ,  une  par- 
tie du  jardin  de  l'Evêque  ,  &  dédommage  le  Prélat.  L'afte 
pafTé  à  ce  fujet ,  ne  prouve  pas  que  la  Motte  Saint-Pierre  &  les 
fbffés  de  la  ville  ,  qui  étoient  dans  cette  partie ,  dépendent  du 
fief  de  la    Cathédrale. 

Au  mois  de  Mars ,  même  année ,  la  Ducheffe  Conftance  fonde 
l'Abbaye  de  Villeneuve.  Elle  meurt ,  l'année  fuivante ,  à  Nantes , 
de  la  lèpre  ;  maladie  fort  commune  alors.  Son  corps  eft  porté 
à  la  nouvelle  Abbaye ,  où  il  eft  inhumé  folemnellement  par 
l'Archevêque  de  Tours ,  affifté  de  fes  Suffragants ,  qui  s'étoient 
affemblés  pour  le  Concile  indiqué  à  Nantes.  De  fon  mariage  avec  Gui 
de  Thouars,  Conftance  avoir  eu  une  fîUe  qui  époufa  Pierre  de  Dreux. 

Artur 


N  A  N  49 

Artur  I  du  nom ,  iffu  du  premier  mariage  de  Confiance  avec 
Geoffroi  d'Angleterre  ,  ell  reconnu  Duc  de  Bretagne  après 
la  mort  de  fa  mère.  Le  Royaume  d'Angleterre ,  qui  lui  appar- 
tenoit  inconteftablement ,  venoit  de  lui  être  ravi  par  Jean ,  fur- 
nommé  Sans-terre^  fon  oncle.  Ce  parent  barbare,  qui  penfe  bien 
que  fon  neveu  eft  fenfible  à  cette  injuftice  ,  s'attache  à  le 
perfécuter,  &  forme  le  projet  de  le  dépouiller  de  la  Bretagne 
même.  Le  jeune  Duc  intérefle  le  Roi  de  France  à  fa  défenfe, 
&:  la  fortune  femble  d'abord  le  favorifer  j  déjà  il  a  fournis  quel- 
ques-unes des  provinces  que  l'Anglais  pofîédoit  en  France.  T  out- 
à-coup  les  efpérances  de  la  Nation  s'évanouifTent.  Artur  eft  fait 
prifonnier ,  &  poignardé  peu  de  temps  après ,  par  fon  impla- 
cable ennemi.  La  ville  de  Nantes  fe  réunit  aux  autres  villes  du 
Duché  pour  demander  vengeance  du  fang  de  fon  Souverain, 
Philippe-Augufte  écoute  les  juftes  plaintes  des  Bretons ,  &  s'ap- 
prête à  punir  cet  horrible  aflafîinat.  (  Voyez  l'Abrégé  de  l'Hif- 
toire  de  Bretagne  ,  tome  premier.) 

1203.  Gui ,  Vicomte  de  Thouars,  en  qualité  de  tuteur  de  fa 
fille  Alix ,  eft  reconnu  Duc  de  Bretagne  &  Comte  de  Nantes. 
Philippe-Augufte  vient  à  Nantes ,  en  1 206 ,  pour  défendre  cette 
ville  contre  le  Roi  d'Angleterre  ,  qui ,  forcé  de  lever  le  fiege , 
s'en  venge  par  les  plus  affreux  ravages.  Pendant  que  le  Roi 
avoit  été  à  Nantes ,  il  avoit  demandé  à  l'Evêque  des  otages  pour 
fa  fureté.  Le  Prélat,  qui  craignoit  que  les  Ducs  de  Bretagne 
ne  vouluffent  exiger  la  même  complaifance  ,  fit  part  de  fes  craintes 
au  Monarque.  Philippe-Augufte  y  pour  le  tranquiUifer ,  lui  donna 
un  refcript,  par  lequel  il  reconnoît  que  ces  otages  lui  avoient 
été  accordés  ,  non  comme  à  un  Duc  de  Bretagne ,  mais  comme 
à  un  Roi  de  France. 

1 207.  Gui  de  Thouars  fait  une  rente  à  la  Cathédrale.  Geoffroi 
fait  achever  la  tour  qui  étoit  au  deffus  du  choeur  de  fa  Cathé- 
drale ,  &  meurt  l'année  fuivante.  Gautier  III  du  nom  lui  fuccede. 
Les  habitants  de  Nantes  promettent  à  Gui  de  Thouars  cent 
marcs  d'argent  fin ,  réduit  en  monnoie ,  pour  les  fruits  échus  de 
la  régale  de  Nantes.  On  ignore  ce  que  c'étoit  que  cette 
monnoie.  Gautier  fe  croife,  en  1212  ,  contre  les  Maures, 
part  pour  l'Efpagne  ,  &  ne  revient  plus  dans  fon  Evêché.  Le 
rauxbourg    Saint-SimiUen  eft    prefque    entièrement  brûlé. 

12 13.  Etienne  de  la  Bruere  eff  fait  Evêque  de  Nantes,  & 
Pierre ,  fils  de  Robert  II ,  Comte  de  Dreux ,  époufe  ,  dans  le 
château  de  la  même  ville ,  Alix ,  fille  de  Gui  <ie  Thouars  &:  de 
Tome  IlL  G 


50  N  AN 

Confiance ,  DuchefTe  de  Bretagne.  Pendant  les  fêtes  qu  occa- 
fîonne  cette  cérémonie ,  le  Roi  d'Angleterre  prend  Oudon ,  An- 
cenis,  &  ravage  le  pays  des  environs.  Pierre  de  Dreux  prend 
le  titre  de  Duc  ,  fait  fortifier  la  ville  de  Nantes ,  &  forme  le 
projet  d'agrandir  fon  enceinte  qui  pour  lors  n'étoit  pas  fort 
étendue  ,  puifque  les  quartiers  de  Sainte-Catherine ,  de  Samt-Léo- 
nard ,  des  Carmes,  des  Changes,  &  de  Saint-Nicolas,  étoient 
fîtués  dans  les  fauxbourgs. 

Le  defTein  du  Prince  étoit  de  faire  une  nouvelle  ville  de 
tous  ces  quartiers ,  fans  toucher  aux  anciens  murs.  L'Evêque  & 
fon  Clergé  n'approuvoient  pas  ces  changements ,  parce  que ,  félon 
les  alignements  tirés ,  on  devoir  renverfer  plufieurs  édifices  qui 
leur  appartenoient.  Pierre  ,  trop  ferme  pour  abandonner  fon 
projet ,  trop  fier  pour  plier  fous  l'Evêque ,  fait  commencer  les 
travaux,  abattre  &  renverfer  les  EgHfes  qui  gênoient  fes  opé- 
rations, &  emploie  les  débris  à  la  conllruction  des  murailles.  Elles 
s'étendoient  depuis  la  Motte  Saint-Pierre ,  le  long  de  la  rivière 
d'Erdre  ,  jufqu'à  Saint  Nicolas ,  &  ,  de-là  ,  à  Sainte  Catherine , 
qui  appartenoit  alors  aux  Templiers.  Dans  le  même  temps ,  on 
creufe  deux  ports  fur  la  Loire  ;  l'un  auprès  de  l'Eglife  de  Sainte- 
Radegonde,  nommé  le  pon  de  Pierre  de  France,  {il  fut  détruit, 
en  1590,  par  le  Duc  de  Mercœur,  lors  de  l'augmentation  du 
château  ;  )  l'autre  ,  appelle  Briand- Maillard ,  du  nom  de  l'exécu- 
teur de  l'entreprife ,  fubfille  encore  de  nos  jours  fous  le  nom 
de  Pon- Maillard.  Le  Ht  de  la  rivière  d'Erdre ,  qui  pafToit  par 
les  Changes ,  efl  bouché  par  ordre  de  Pierre  de  Dreux ,  qui 
en  fait  faire  un  nouveau.  C'efl  le  même  qu'on  voit  aujourd'hui: 
il  coupe  les  rues  de  la  Boucherie  &  de  la  Cafîerie ,  &  com- 
munique à  la  Loire  au  quai  de  la  Poterne  ,  ou  au  quai 
FlefTelles. 

1221.  Alix,  DuchefTe  de  Bretagne,  meurt  à  Nantes,  le  21 
O6lobre.  Son  corps  ell  porté  à  Villeneuve ,  félon  fes  dernières 
volontés,  &  inhumé  auprès  de  la  DuchefTe  Confiance,  fa  mère. 
La  mort  de  cette  Souveraine  n'efl:  pas  le  feul  fujet  de  douleur 
pour  les  Bretons.  Une  maladie  peflilentielle ,  jointe  à  la  famine, 
défoie  le  pays  ;  & ,  pour  comble  de  malheurs ,  les  Grands  du 
Duché  fe  révoltent  contre  leur  Souverain  ,  &  mettent  l'Etat  à 
deux  doigts  de  fa  perte.  Cette  guerre  civile  efl  terminée  ,  le  3 
Mars  12  2  2  ,  par  la  bataille  de  Chateaubriand ,  dont  tout  l'avan- 
tage  demeure   au  Duc   Pierre  de  Dreux. 

1223,  L'excommunication  lancée  contre  Pierre  par  les  Evêques 


NAN  51 

de  fon  Duché,  augmente  l'animofité  de  ce  Prince  contre  le 
Clergé.  L'Evêque  de  Nantes  ell:  député  à  Rome ,  pour  fe  plaindre 
au  Pape  des  violences  de  fon  Souverain. 

Le  premier  code  fynodal ,  appelle  quatcmlo  fynoialls ,  fut  ré* 
digé  par  ordre  d'Etienne  de  la  Bruere.  11  contient  de  longs  fia» 
tuts  ;  mais  on  remarque  qu'ils  n'ont  pas  été  imprimés  fidèlement  : 
ils  nous  apprennent  que  les  Curés  étoient  appelles  à  tous  les  tef- 
taments  des  Laïques  de  leur  Paroifle  j  qu'il  falloir  avoir  quatorze 
ans  pour  recevoir  l'Extrême- Onftion  j  que  ,   quand  le  malade  ne 
pouvoir  communier  fous  une  grande   efpece ,  on  le  communioit 
avec  du  vin ,   qui  en  eft  une  plus  petite  j  &  que  les  bancs  des 
mariages  ne  fe   publioient   jamais  que  les  Dimanches  ,   &  fans 
difpenfes  d'aucuns.  Les  mêmes  ftatuts  obligent  les  Refteurs  à  fe 
confeffer  une  fois  par   an  à  leur  Evêque  ,  ou  à  fon  Pénitencier , 
&   puniflent  l'ivrefTe  de  furprife ,  dans   un  Clerc,  de    fept  jours 
au  pain  &  à  l'eau  j  celle  de  négligence ,  de  quinze    jours  j  & 
celle  d'aventure,  de  quarante  jours  auffi  au  pain  &  à  l'eau.  Ils 
recomm.andent  les  pénitences  canoniques ,  de  trois  &  de  fept  ans , 
&  même    de  toute  la  vie,  pour  les  grands  crimes 5  &  veulent 
qu'on  punifFe  ,  de    dix  jours   de    jeûne   au   pain  &  à    l'eau ,  le 
mari    qui  abufe  de  fon    mariage.  Ils    recommandent    de   payer 
exaftement  la  dîme  j  de  ne    point  faire  les  corvées  exigées  par 
le  Seigneur,  fans  le  confentement  de  l'Evêque  j  &  de  ne  point 
expofer  les  faintes  Reliques  à  la  vénération  des  Fidèles,  ni  per- 
mettre qu'on  fafle  ferment  deiTus ,  depuis  le   commencement  du 
Carême  jufqu'à  Pâques,  depuis  l'Avent  jufqu'à  l'Epiphanie,  dans 
les   jeûnes    des   Quatre-Temps  &  les  Rogations ,    à  moins  que 
ce  ne  foit  pour  rétablir  l'amitié  &  la  concorde  entre  les  perfonnes 
divifées  &  ennemies.  Ils  défendent  aux  Eccléfiaftiques  de  porter 
des  armes ,  de  plaider  à  des  Tribunaux  laïques ,  &  de  contrafter 
des  mariages  clandeftins.  Ils  défendent  auffi  d'ufer   de  fortileges 
dans  les  mariages  ,  &   prononcent  excommunication  contre   les 
Médecins  qui  négligent  d'avertir  leurs  malades   de  recourir  aux 
Sacrements.  Ils  condamnent  à  des  pénitences  très-rigoureufes  les 
ivrognes,  tant  Eccléfialliques  que  Laïques  j  les  ennemis   de  l'E- 
glife  j  les  raviffeurs  de  fes  biens  ;  les  violateurs  de  i^s  privilèges  j 
les  faufTaires ,  fur-rout  ceux  qui  faliifient  les  lettres   apoftoliques. 
Les  cabaretiers  qui  donnent  à  boire  aux  habitants  de  leur  endroit 
ne  font  pas  mieux  traités.  Les  voluptueux ,  les  impudiques ,  les 
adultères;  ceux,   fur-tout,  qui  tomoent   dans   une   incontinence 
iecrette  par  la  manuftupration  ,  crime  affreux  qui  fait  un  monilre 


5i  NAN 

de  celui  qui  le  commet ,  font  condamnés  à  des  pénitences  longues 
&  terribles.  Les  ftatuts  impofent  trois  ans  de  mortification  rigide 
&  continuelle  à  tout  homme  libre,  qui  aura  commerce  avec  une 
femme  libre.  Que  Ton  juge  de  la  févérité  dont  on  ufoit  envers 
les  fautes  les  plus  confidérables  en  ce  genre ,  puifque  les  moins 
graves  étoient  û  durement  punies.  Si  l'Eglife  etoit  aulîi  févere 
de  nos  jours ,  la  majeure  partie  des  Chrétiens  ne  fortiroit  jamais 
de  l'état  de  pénitent  ;  mais  elle  eft  plus  indulgente  ,  &  les  crimes 
plus  fréquents  :  l'un  &  l'autre  fe  fuivent.  En  général ,  tous  ces 
llatuts  font  très-féveres. 

Le  21  Septembre  1224,  Pierre  de  Dreux  prend  Chantoceaux, 
place  forte  fur  la  Loire  ,  à  cinq  lieues  &  demie  de  Nantes  ,  & 
en  chafle  Thebaud  Crefpin.  C'étoit  un  infîgne  brigand ,  qui ,  de- 
puis vingt-cinq  ans  ,  pilloit  les  environs  ,  arrêtoit  les  bateaux  fur 
la  rivière  de  Loire ,  en  exigeoit  des  rétributions  confidérables , 
&  troubloit  le  commerce  de  Nantes ,  des  autres  villes  &  bourgs 
{itués  fur  ce  fleuve. 

Au  mois  d'Oftobre  fuivant ,  Louis  VIII ,  Roi  de  France  ,  donna 
Chantoceaux  &  JVlont-Faulcon  au  Duc  de  Bretagne ,  à  condi- 
tion qu'il  lui  en  feroit  hommage  lige  ;  qu'il  y  feroit  garder  les 
ufages  de  l'Anjou ,  &  porter  les  appels  à  la  Cour  du  Roi.  Ces 
conventions  fe  rempliffent  encore  aujourd'hui ,  puifque  ces  deux 
places  dépendent  de  l'Anjou  pour  le  temporel ,  &  de  TEvêché 
de  Nantes  pour  le  fpirituel. 

1224.  Mort  d'Etienne  de  la  Bruere.  Clément  de  Chateaubriand ,' 
qui  lui  fuccede,  affifte  à  l'aflemblée  des  Evêques  tenue  à  Vil- 
leneuve la  même  année.  Ce  Prélat  meurt  en  1227,  &  eft  rem- 
placé, en   1228  ,  par  Henri  I  du  nom. 

1228.  André,  Baron  de  Vitré,  pofe,  le  29  Juin,  la  pre- 
mière pierre  du  Couvent  qu'il  fonde  à  Nantes  pour  les  Jacobins. 
Le  Général  de  l'Ordre  envoie  un  de  fes  Religieux  prendre  pof- 
feffion  du  nouveau  Monaftere. 

1229.  Henri  IIÏ ,  Roi  d'Angleterre,  vient  à  Nantes,  &  y 
fait  de  fi  prodigieufes  dépenfes  qu'il  fe  fait  méprifer  des  Barons, 
qui  abandonnent  fon  parti  pour  prendre  celui  du  Roi  de  France. 
Pierre  de  Dreux  pafTe ,  à  ce  fujet ,  en  Angleterre ,  pour  s'abou- 
cher avec  Henri  qui  y  étoit  retourné. 

1232.  Accord  entre  Henri,  Evêque  de  Nantes,  &  l'Abbé  de 
Marmoutier ,  au  fujet  des  procurations  qui  étoient  dues  au  pre- 
mier par  les  Prieurés  que  polTédoit  le  fécond  dans  fon  dio- 
cefe.  Il  fut  réglé ,  que  l'Evêque  fe  contenteroit  de  quinze  livres 


NAN  _     _  53 

pouf  tous  les  Prieurés  de  Marmoutier ,  qui  étoient  ceux  de  Lire , 
de  Chantoceaux ,  de  Varades ,  du  Pèlerin ,  de  Sainte-Croix  de 
Nantes ,  de  Pontchâteau ,  de  Machecou ,   &  de  Donges. 

Le  22  Septembre,  Henri  fait  la  dédicace  de  l'Eglile  de  Saint- 
Michel  ,  nouvellement  bâtie.  C'eft  FEglife  des  Cordeliers ,  qui  a 
été  depuis  confidérablement  augmentée  &  embellie.  Le  marc  d'or 
valoir  alors  vingt  livres ,  Ôc  le  marc  d'argent  cinquante-fept  fols  fept 
deniers.  Cent  fols  monnoie ,  ou  fix  livres  tournois  de  ce  temps- 
là  ,  valoient  environ  cent  livres  de  notre  monnoie. 

Au  mois  de  Juin  1233  ,  Louis  IX,  étant  dans  fon  camp  devant 
Ancenis ,  ôte  à  Pierre  de  Dreux  le  bail  de  Bretagne.  Un  pateil 
afte  de  fouveraineté  étoit  fans  exemple ,  &  Pierre  de  Dreux  re- 
fufa  conflamment  d'en  reconnoître  la  légitimité.  On  ne  fçait  quel 
motif  avoit  le  Monarque  d'en  agir  ainîi  avec  un  Prince  fi  digne 
de  gouverner.  11  eil  probable  que  ce  fut  un  effet  de  la  politique 
du  Clergé.  Henri,  Evêque  de  Nantes  ,  &  Pierre  de  Dreux,  étoient 
fort  irrités  l'un  contre  l'autre.  Pierre  n'aimoit  pas  les  Eccléfiaf- 
tiques  ,  &  ne  cherchoit  que  l'occafion  de  les  mortifier.  Henri 
venoit  de  l'excommunier,  &  paroifToit  difpofé  à  bien  défendre 
fes  droits,  lorfque  la  mort  vint  le  furprendre  en  1234.  Ce  Prélat 
étoit  fort  zélé  pour  fon  Eglife.  Le  Chapitre  de  la  Cathédrale, 
en  particulier ,  lui  eft  redevable  d'une  partie  de  fes  revenus. 

Robert  III  du  nom  ,  originaire  de  Saintonge  ,  fut  transféré  de 
l'Evêché  d'Aquilée  en  Italie  ,  à  celui  de  Nantes,  l'an  12-55.  Ce 
Prélat  arriva  dans  fa  ville  épifcopale  dans  un  temps  de  défaftre. 
L'hiver  avoit  été  très-rude.  On  rapporte  que  le  froid  fut  fi  ex- 
ceffif ,  que ,  de  mémoire  d'homme ,  on  n'en  avoit  elfuyé  un 
fi  rigoureux.  La  ville  fut  prefque  totalement  fubmergée  &  rui- 
née par  les  débordements  de  la  Loire.  Le  Roi  Saint  Louis  en- 
voya en  Bretagne  une  armée  ,  qui  prit  Chateaubriand  ,  Oudon , 
&  Chantoceaux ,  &  ruina  les    environs  de  ces  trois  places. 

Robert  ne  vécut  pas  mieux  avec  Pierre  de  Dreux  que  fes 
prédéceffeurs.  Ce  Prince  continuoit  toujours  de  réfiiler  au  Clergé. 
L'Evêque  s'en  plaignit  au  Pape  Grégoire  IX ,  qui  donna  ordre 
à  l'Archevêque  de  Tours  d'engager  le  Duc  de  Bretagne  à  ré- 
parer les  dommages  qu'il  avoit  caufés  à  l'Evêque.  Les  Juifs 
avoient  alors  un  Sénéchal  &  des  Juges  de  leur  nation  à  Nantes. 
On  croit  qu'ils  habitoient  la  rue  de  la  Juiverie ,  Se  que  c'eft  d'eux 
que  cette  rue   a  pris  fon  nom. 

Quelques-uns  donnent  pour  Evêque  de  Nantes  un  nommé 
Gui  en  1236,  &  un  Daniel  en  1238.  Ils  font  fuppofés.  Il  y  a 


54  N  A  N 

apparence  qu'ils  étoient  feulement  Grands- Vicaires ,  fi  toutefois 
il  y  en  avoit  alors,  Se  que  les  deux  Archidiacres  étoient  les 
feuls  que  l'Evêque  chargeoit  des  affaires. 

L'an  1237  ,  Pierre  de  Dreux  abdiqua  la  Couronne  en  faveur 
de  fon  fils  Jean  I ,  dit  le  Roux,  Le  Roi  Saint  Louis  rendit  aufîl- 
tôt  au  jeune  Prince  le  bail  de  Bretagne  ,  dont  il  s'étoit  faifi , 
comme   on  l'a  dit,  l'an  1233. 

L'an  1239,  les  Doyennés  de  Nantes,  de  Cliffon,  &  de  Retz, 
dévoient  à  l'Archidiacre  ,  pour  fon  droit  de  vifite  &:  autres 
droits  ,  les  fommes  ci-après  ,  payables  par  les  différentes  Eglifes 
comprifes  fous  chaque  Doyenné.  Les  unes  pay oient  dix  folsj 
les  autres  ,  fix  j  les  autres ,  cinq  ;  à  raifon  de  leurs  revenus.  Le 
Doyenné  de  Nantes  &  le  fief  de  Guihenneuc  dévoient  dix  livres 
feize  fols  ;  le  Doyenné  de  Cliffon  devoir  dix-fept  livres  j  &  celui 
de  Retz ,  quarante-quatre  livres  cinq  fols  huit  deniers.  Les  pro- 
curations du  Doyenné  de  Nantes  montoient  à  vingt  livres  onze 
fols  ;  celles  du  Doyenné  de  Cliffon  montoient ,  à  quelque  chofe 
près ,  à  la  même  fomme.  Les  procurations  du  Doyenné  de  Retz 
ne  fe  trouvent  point  dans  le  compte  que  j'ai  vu.  On  y  trouve , 
fur  la  fin ,  que  le  Doyenné  de  Nantes  doit  à  l'Archidiacre , 
le  jour  de  la  Pentecôte ,  pour  la  dîme  des  agneaux  &  des  tau- 
reaux, fix  fols;  celui  de  Cliffon,  dix  folsj  ik  celui  de  Retz, 
quatre  fols  huit  deniers. 

L'an  1240,  Jean  I  rendit,  à  la  prière  des  Evêques  &  des 
Seigneurs  ,  une  Ordonnance  contre  les  Juifs ,  qui  furent  chaffés 
de  la  Bretagne.  On  fit  main-baffe  fur  tous  ceux  qui  fe  trouvè- 
rent à  Nantes  &:  dans  le  diocefe.  Ils  furent  maffacrés  par  une 
troupe  de  fanatiques  ,  qui ,  en  vertu  d'une  Bulle  du  Pape  Gré- 
goire IX,  publiée  l'an  1236,  prirent  la  Croix,  &,  revêtus  de 
ce  figne  de  la  charité ,  ils  fe  faifirent  de  ces  infortunés  ,  qui  vi- 
voient  tranquillement  fous  la  proteftion  des  loix  &  de  la  foi 
publique.  La  même  année,  Robert,  Evêque  de  Nantes,  lance 
une  exconîmanication  contre  le  Duc  ,  fon  Souverain  ,  &  part 
pour  Jérufaiem  ,  dont  il  efl  nommé  Patriarche.  Le  Duc  fait 
battre  une  monnoie  blanche ,  aux  armes  de  Dreux ,  étiquetée 
d'or  &  d'azur,  au  quartier  de  fix  hermines,  3  à  3,  avec  cette 
légende ,  du  côté  de  la  pile ,  Johannes  Dux  ,•  &  ,  du  côté  de 
la  croiX  ,  Britannic,  i,  N,  La  lettre  iV"  fignifie  Nantes,  comme 
les  lettres  V  Se  R  défignent  les  villes  de  Vannes  &  de  Rennes^ 
fur  les  monnoies  de  ce  temps  où  elles  fe  trouvent.  Ce  fut  le 
Duc  Jean  qui  rappella  l'ufage  aboli  depuis  long-temps  de  mettre 


N  AN  _     5j 

le  nom  de  la  ville  fur  les  monnoies.  Il  n'y  fît  pourtant  înfcrire 
que  la  lettre  initiale ,  au  lieu  du  mot  entier  qu'on  y  mettoit 
d*abord.  On  a  conlervé  la  marque  monnétale  iV,  jufqu'à  l'union 
de  la  Bretagne  à  la  Couronne  -,  mais,  comme  en  France  on  fe  fert 
d'une  lettre  arbitraire  pour  défigner  la  ville ,  on  a  changé  la 
lettre  Nantaife  en  T» 

Galerand  ,  Doyen  de  Tours  ,  furnommé  le  Défenfeur  de  l'Eglife , 
fut  pourvu  ,  l'an  1240,  de  l'Evêché  de  Nantes,  par  Juhel 
de  Mathefelon ,  Archevêque  de  Tours ,  parce  que  le  Chapitre , 
qui  étoit  foumis  à  l'ifiterdit  général ,  ne  pouvoir  procéder  à  au- 
cune éleftion  légitime.  Ce  fut  alors  que  le  différent  qui  fubfiftoit 
entre  les  Ducs  &  les  Evêques  de  Nantes ,  devint  tout-à-fait  fé- 
rieux.  Pour  fuivre  plus  facilement  &  pour  bien  comprendre  ce 
que  nous  allons  en  dire,  il  efl:  néceffaire  que  le-  leê^yr  ait 
quelques  connoifTances  préhminaires  des  prétentions'  des  Eve^ues 
de   Nantes.   Voici    ce  que  nous  apprend,  à  ce  fujet ,  l'inûoire;' 

Dans  les  premiers  {iecles  de  l'Eglife,  les  Evêques  étoient  fin* 
guUérement  révérés  &  chéris  du  peuple;  &  il  faut  avouer  que 
la  plupart  le  méritoient.  Inviolablement  attachés  à  leur  devoir, 
uniquement  occupés  de  la  prière  &  du  falut  des  âmes  confiées 
à  leurs  foins  ,  ils  infpiroient  l'admiration  &:  le  refpe6l  par  la 
fainteté  de  leur  vie ,  &  la  confiance  par  la  bonté  paternelle  avec 
laquelle  ils  gouvernoient  leur  troupeau.  Ces  fentiments  fe  perpé- 
tuoient  ;  le  père  les  infpiroit  à  fon  nis  ,  la  mère  à  fa  filîe  :  chacun 
s'emprelloit  de  faire  des  donations  à  l'EgUfe ,  d'augmenter  fes 
richeffes.  Les  Princes  &  les  Grands  fe  dépouilloient  volontiers 
de  leurs  droits  en  faveur  de  ces  Evêques  refpeftables  ,  parce 
qu'on  fçavoit  bien  qu'ils  n'en  auroient  pas  abufé  -,  on  les  rendoit 
Arbitres  de  tous  les  différents ,  &  leurs  fentences  étoient  des 
oracles  que  perfonne  n'ofoit  contredire.  Telle  fut,  félon  toutes 
les  apparences,  l'origine  du  pouvoir  &  de  la  jurifdi6lion  des 
Evêques  &  des  autres  Eccléfiaftiques. 

^Bientôt  les  mœurs  du  Clergé  fe  corrompirent.  Les  richeffes 
dont  jouiffoient  les  Eccléfiaftiques ,  la  confidération  attachée  à 
leur  état  ,  charma  l'ambition  &  l'orgueil.  Tout  le  monde  vou- 
loit  être  Prêtre,  féculier  ou  régulier:  mais,  comme  cet  état  exi- 
geoit  des  vertus ,  on  en  prit  le  mafque  pour  tromper  les  yeux 
du  public  j  &,  par  ce  moyen,  le  Clergé,  qui  n'avoit  plus  be- 
foin  de  nouvelles  acquittions  ,  fans  pour  cela  ceffer  d'acquérir, 
parvint  à  fe  former  ces  domaines  immenfes  &  ces  jurifdi6Hons 
étendues  qui ,  dans  la  fuite ,  cauferent  tant  de  fcandale.  L'occafion 


56  N  A  N 

ne  manquoit  pas  Se  les  moyens  étoient  faciles,  parce  que  le 
refpeft  du  peuple  pour  la  Religion  &  pour  fes  Minières  étoit 
toujours  le  même ,  &  que  l'ignorance  qui  regnoit  alors  ne  per- 
mettoit  pas  de  pénétrer  les  vues  fecrettes  du  Clergé.  Ons'ima- 
ginoit ,  ou  plutôt  l'on  étoit  vivement  perfuadé  que  la  robe 
eccléfiaftique  ne  pouvoit  couvrir  qu'un  faint  homme. 

Dans  la  fuite,  non  contents  de  ce  qu'on  leur  avoït  accordé, 
les  Minières  des  autels  oferent  s'emparer  de  ce  qui  ne  leur  ap- 
partenoit  pas.  Ils  formèrent  les  prétentions  les  plus  injuftes  &  les 
plus  bizarres  -,  ils  voulurent  dominer  fur  les  Sceptres  &  les  Cou- 
ronnes ,  & ,  pendant  quelques  fiecles ,  on  eut  la  bonté  de  le 
fouffrir  :  miais ,  enfin ,  les  ténèbres  fe  diffiperent  -,  on  vit  qu'on 
avoit  adoré  jufques-là  une  vaine  Idole  ,  &  on  réfolut  de  la  brifer. 
C'efl:  à  l'époque  où  nous  fommes  que  commença  cette  révolution. 

Pierre  de  Dreux  ,  en  arrivant  en  Bretagne  ,  avoit  trouvé  une 
nation  belliqueufe ,  fiere  ,  jaloufe  de  fes  droits  ,  mais  courbée 
fous  le  joug  eccléfiaftique.  Ce  Prince  avoit  l'ame  grande ,  Tefprit 
pénétrant  &  éclairé.  Il  étoit  aftif ,  courageux ,  &:  politique  adroit. 
Il  s'indigna  de  voir  fa  Couronne  en  quelque  forte  dépendante. 
Se  fon  autorité  ufurpée  par  les  Evêques.  Il  forma  fur  le  champ 
le  projet  d'abaifler  le  Clergé.  L'entreprife  n'étoit  pas  facile 
ni  fûre  ;  mais  elle  étoit  néceflaire.  Il  n'héfita  point  :  il  commença 
par  attaquer  FEvêque  de  Nantes ,  qui  étoit  le  plus  puifTant.  Son 
pouvoir  étoit  exorbitant  dans  fon  diocefe.  Ce  Prélat  ne  prêtoit 
point  de  ferment  de  fidélité  au  Duc,  &  ne  plaidoit  point  à  fa 
Cour. 

Henri ,  Roi  d'Angleterre ,  &  Geoffroi ,  fon  fils ,  avoient  con- 
traint les  vafTaux  de  l'Evêché  à  leur  faire  hommage  ;  mais ,  avec 
cette  claufe  :  fauf  la  fidélité  due  à  l'Evêque.  Auffi  celui-ci  n'avoit- 
il  point  laifle  échapper  fes  droits.  Il  fçut  bien  forcer  fes  vafTaux 
à  reconnoître  fes  Ordonnances  au  préjudice  de  celles  des  Ducs 
de  Bretagne.  Les  règlements  &  les  loix  pour  la  ville  de  Nantes , 
fe  faifoient,  de  concert,  parle  Duc  &  par  TEvêque.  Le  ban  de 
la  foire ,  qui  fe  tenoit  à  Nantes ,  étoit  publié  du  nom  des  deux 
Seigneurs.  Les  voleurs  ,  furpris  dans  cette  foire  &  dans  les 
marchés ,  appartenoient  à  l'Evêque  ,  pour  le  corps  &  pour  les  biens. 
Les  amendes  des  forfaits  commis  par  les  valfaux  du  Prince  fur 
les  Terres  de  l'Evêque ,  appartenoient  à  ce  dernier ,  Se  le  Prince 
avoit  le  même  droit.  L'Evêque  avoit  droit  ,  pendant  quinze 
jours  de  l'année ,  de  contraindre  les  hommes  du  Duc  à  lui 
prêter  de  l'argent  ^  Se  le  Duc  avoit  le  même  privilège  fur  les 

hommes 


N  A  N  57 

liommes  du  Prélat.  Celui-ci  avoit ,  pendant  quinze  jours ,  le  ban 
du  vin  dans  toute  la  ville.  Le  Duc  ne  jouilToit  plus  de  ce  droit, 
que  la  DucliefTe  Confiance  avoit  vendu  à  fes  lujets.  S'il  fur- 
venoit  quelque  plainte  fur  le  poids  du  pain  &  fur  la  quantité  ou 
la  qualité  des  marchandifes ,  le  Duc  rendoit  juflice  à  fes  vaflaux, 
&  l'Evêque  aux  fiens.  On  n'appelloit  point  au  Duc  des  juge- 
ments de  l'Evêque  :  c'étoit  le  feul  iivêché  qui  eût  ce  privilcge, 
quoique  les  autres  euiîent  une  jurifdiftion  temporelle.  Quant  k 
la  guerre  ,  c'étoit  à  peu  près  la  même  chofe.  C'étoit  au  nom 
du  Duc  que  le  ban  de  l'Oil:  fe  publioit  fur  les  murs  de  la  ville. 
Le  Prince  avertiffoit  enfuite  l'Evêque,  du  jour  &  du  lieu  de 
l'aiTemblée  j  & ,  au  jour  marqué  ,  les  Hérauts  du  Prince  &  ceux 
de  l'Evêque  faifoient  marcher  les  hommes  de  leur  dépendance. 
A  l'armée  ,  les  hommes  du  Prélat  avoient  leur  bannière  parti- 
culière, &  n'étoient  point  obligés  de  fuivre  le  Duc  au  delà  des 
limites  du  diocefe.  Quand  le  Duc  faifoit  la  guerre  ,  fon  armée 
s'appelloit  0/i  j  quand  c'étoit  l'Evêque ,  il  prioit  le  Bailli  du  Duc 
de  lui  amener  fes  fujets  ,  &  alors  l'armée  s'appelloit  HarelU, 
L'amende  de  ceux  qui  manquoient  à  l'Oit  appartenoit  au  Duc , 
&  celle  de  la  Harelle  à  l'Evêque.  L'Evêque  mort ,  le  Duc  fe 
faififToit  de  la  régale  &:  la  rendoit  à  fon  fuccelTeur,  aufîi-tôt 
après  l'éleftion ,   fans  exiger  qu'il  fe  préfentât  devant  lui. 

On  voit  que  ces  Prélats  avoient  fçu  fe  rendre  indépendants 
&  former  une  fouveraineté  particulière.  C'étoit  cette  puiifance 
qu'il  failoit  détruire  ;  mais  comment  s'y  prendre  ?  c'étoit  la  dif- 
ficulté. Pierre  de  Dreux  eflaya  de  la  rendre  odieufe  aux  Grands. 
Il  y  réuflit ,  mais  le  peuple ,  timide  par  ignorance  &  fuperfti- 
tion ,  ne  prit  aucun  parti.  AlTuré  des  Grands  ,  le  Prince  com- 
mença à  braver  la  puifTance  de  l'Evêque  &  à  violer  fes  pri- 
vilèges. Il  fait  renverfer  les  maifons  du  Prélat ,  abattre  des  Eglifes 
fans  fon  confentement ,  détruire  un  Couvent  ,  bâtir  les  murs 
de  ville ,  &  creufer  des  foffés  fur  le  terrein  de  l'Evêque  &  en 
place  des  maifons  qu'il  venoit  de  renverfer.  Le  Prélat  îe  plaint  j 
demande ,  avec  hauteur ,  réparation  des  dommages  caufés  ;  &  ^ 
comme  on  ne  lui  donne  pas  de  réponfe  favorable ,  il  lance  les 
foudres  de  l'excommunication.  Le  Pape ,  l'Archevêque  de  Tours,, 
prennent  le  parti  de  l'Evêque  ;  on  crie  au  facrilege  ,  on  jette 
l'interdit  fur  le  Duché.  C'efl  alors  qu'il  faut  voir  agir  Pierre  de 
Dreux:  il  accorde,  il  refufe  j  gagne  l'un,  amufe  l'autre;  fait 
traîner  les  chofes  en  longueur;  demande  beaucoup  pour  avoir 
peu^  fe  foumet  &  réfifle  tour-à-tour:  on  le  voit,  dans  un  moment^, 
TorriQ  llh  H 


58  N  A  N 

tout-à-fait  humilié  fous  le  joug  de  l'Eglife;  on  le  croit  perdu, 
bientôt  il  fe  relevé ,  &  tyrannife  plus  que   jamais  le  Prélat. 

Geil  dans  cette  vicifîitude  de  foumimons  feintes  &  d'injures 
réelles ,  (  fi  on  peut  donner  ce  nom  aux  entreprifes  d'un  Prince 
qui  cherche  à  ratrapper  des  droits  ufurpés ,  )  que  fe  pafTe  le 
règne  de  Pierre  de  Dreux.  Les  circonfl:ances  le  forcèrent  à  ab- 
diquer une  Couronne  dont  il  étoit  digne  par  fes  talents  ,  &  il 
n'eut  pas  la  fatisfaftion  de  venir  à  bout  de  fon  deflein  ;  mais 
il  traça  la  route  que  dévoient  fuivre  fes  fuccefTeurs.  Si  ce 
Prince  eût  gouverné  plus  long-temps  la  Bretagne ,  il  auroit 
épargné  bien  des  peines  à  fa  poftérité  :  il  eut  beaucoup  avancé 
la  révolution ,  malgré  les  obftacles  qu'il  rencontroit  j  il  eut  à  com- 
battre ,  à  la  fois  ,  les  foudres  de  l'Eglife  ,  l'orgueil  des  Papes , 
la  haine  du  Clergé  ,  les  entreprifes  de  ce  Corps  û  puifTant ,  &  les 
fcrupules  de  Saint  Louis  qui  l'embarrafTerent  plus  que  tout  le  refle. 

Pierre  de  Dreux  n'avoit  plus  aucun  pouvoir  en  Bretagne, 
&  le  Clergé  efpéroit  que  perfonne  ne  s'oppoferoit  plus  à  fes 
prétentions  -,  il  penfoit  même  que  les  troubles  paiTés  ne  fervi- 
roient  qu'à  augmenter  fes  privilèges  &  fa  puiiTance ,  mais  il  fe 
trompoit  :  Pierre  avoir  fçu  infpirer  fes  fentiments  à  fon  fils ,  Se 
le  mettre  en  garde  contre  les  entreprifes  eccléfîaftiques.  La  va- 
cance de  l'Evêché  de  Nantes  fit  connoître  au  Clergé  ce  qu'il 
devoir  attendre  du  jeune  Souverain.  Dès  que  Robert  fut  parti,  le 
Duc  fe  faifît  du  temporel  de  l'Evêché  ,  &  des  meubles  qu'y  avoit 
laifTés  le  Prélat  :  il  fit  prendre  le  bétail  qui  étoit  dans  les  fermes, 
&  tous  les  uflenfiles  de  labourage  qui  s'y  trouvoient  -,  enlever  les 
grains  qu'on  avoit  dépofés  dans  la  Cathédrale  ,  &  lever  ,  à  fon  pro- 
fit ,  les  dîmes  des  bleds ,  des  vins ,  des  fels  ,  &  autres  fruits  ,  jufqu'à 
la  concurrence  de  mille  tournois  ou  de  cinquante  marcs  d'or  -,  il 
exigea  ,  en  outre  ,  quinze  cents  livres  ,  des  vafTaux  du  Siège  épif- 
copal ,  pour  les  difpenfer  de  le  fuivre  à  l'armée  au  delà  des 
limites  du  diocefe.  C'étoit  une  vexation  réelle  ,  puifqu'ils  av oient 
le  privilège  de  s'en  retourner  chez  eux ,  dès  que  l'arm.ée  entroit 
dans  un  autre  Evêché. 

Le  nouveau  Prélat  ne  fut  pas  plutôt  placé  fur  fon  Siège , 
qu'il  fit  éclater  fes  plaintes.  Il  pafîa  bientôt  aux  voies  de  fait, 
éc  lança  une  excommunication  contre  le  Prince.  Celui-ci  n'en  fut 
point  épouvanté ,  &  la  réfiflance  du  Prélat  ne  fervit  qu'à  l'animer 
de  plus  en  plus.  Ce  fut  au  milieu  de  ces  brouilleries  que  le 
Couvent  des  Jacobins  fut  bâti.  Le  Vicomte  de  Rohan ,  Seigneur 
de  Blain,  donna  une  fomme  confidérable  pour  la  conftru^don 


N  A  N  '59 

de  ce  Monaftere,  le  7  Novembre  1240.  Il  avoit  été  fondé,  l'an 
1228,   par  André,  Baron  de  Vitré. 

Cependant  ,  le  Pape  Innocent  IV ,  prefTé  par  le  Clergé  de 
s'oppofer  aux  entrepnfes  des  Ducs  de  Bretagne  ,  nomma  l'E- 
vêque  d'Angers  pour  prendre  connoilTance  de  cette  affaire.  L'an 
1 244  ,  il  lui  adrefla  une  Bulle  ,  dans  laquelle  il  fait  une  longue 
énumération  des  vexations  de  Pierre  ,  jadis  Duc ,  &  de  Jean , 
fon  fils ,  aftuellement  régnant.  Elle  renferme  tous  les  différents 
fujets  de  plainte  de  l'Evêque  de  Nantes.  Outre  ceux  ci-devant 
mentionnés  pour  le  temporel ,  il  fe  plaignoit  d'une  loi  qui  dé- 
fendoit  à  ceux  qui  commerçoient  &  qui  naviguoient  fur  la  Loire , 
d'apporter ,  à  Nantes ,  d'autre  fel  que  celui  des  falines  du  Duc. 
Par  la  même  loi  ,  les  marchands  qui  venoient  à  Nantes  _,  ne 
pouvoient  dépofer  leurs  marchandifes  dans  d'autres  magafins  que 
ceux  du  Prince  ,   fous  peine  d'une  certaine  rétribution. 

Ces  règlements  caufoient  au  Prélat  un  préjudice  notoire.  Les 
marchands  ,  ainfi  gênés  ,  venoient  rarement  à  Nantes  ;  ce  qui  di- 
minuoit  confidérablement  les  revenus  de  l'Evêque ,  qui  perce- 
voir certains  droits  fur  les  marchandifes.  D'ailleurs ,  les  vaffaux 
de  l'Evêque  fouffroient  beaucoup  de  cette  loi ,  qui  les  privoit  du 
falaire  qu'ils  retiroient  de  leurs  magafins ,  que  perfonne  ne  vou- 
loit  plus  occuper. 

On  trouve  encore ,  dans  la  même  Bulle  ,  que  le  Prélat  avoit 
expofé  au  Pape  que  le  Duc  Pierre  avoit  dépouillé  les  vaffaux 
de  l'Evêque ,  à  Guérande ,  de  leurs  vignes  &  de  leurs  falines , 
perte  évaluée  à  plus  de  fept  mille  livres  ;  que  le  Bailli  &  le 
Sénéchal  du  Duc  avoient  fait  pendre ,  fur  les  terres  de  l'Evêque, 
des  malfaiteurs  qu'ils  y  avoient  faifis  5  que  le  Duc  avoit  pris  à 
crédit ,  pour  la  fomme  de  deux  cents  feize  livres ,  plufieurs  mar- 
chandifes qu'il  refufoit  conftamment  de  payer;  qu'il  avoit  brûlé 
les  maifons  des  vaffaux,  &  par- là  diminué  la  Jurifdiftion  tem- 
porelle de  l'Evêque  ;  qu'il  avoit  fait  mettre ,  dans  la  Prévôté  de 
Nantes ,  le  coffre  de  la  recette  qui  devoit  être  partagée  entre 
le  Duc  &  l'Evêque ,  &  que  ce  coffre  étoit  toujours  retenu  dans 
le  même  lieu  ;  que  le  Duc  Pierre  n  avoit  point  été  abfous  de 
l'excommunication  lancée  contre  lui  par  l'Evêque  Henri;  que 
le  Duc  Jean  contraignoit ,  par  prife  de  corps ,  les  fujets  de  l'E- 
glife  à  lui  faire  ferment  de  fidéhté ,  quoiqu'il  n'eût  aucun  droit 
de  l'exiger  ;  qu'il  avoit  ordonné  aux  marchands  qui  venoient  à 
Nantes ,  de  vendre  leurs  marchandifes  en  détail  ;  qu'il  avoit  mis 
certaines  impofitions  fur  chaque  tonneau  de  vin  qu'on  tranfpor- 


6o  N  A  N 

toit  en  Angleterre  ;  qu'il  avoit  vendu  à  des  particuliers  le  droit 
exclufif  d'acheter  le  poiiTon  des  pêcheurs ,  &  de  le  vendre  en 
détail ,  &  que  ces  différentes  Ordonnances  avdient  été  rendues 
fans  le  conientement  de  l'Evêque  ;  que  le  même  Prince  avoit 
encore  défendu  de  recevoir  la  monnoie  de  Tours  ^  que  non  con- 
tent de  tout  cela ,  il  avoit  fait  faiiir  l'Official  de  Nantes  ,  &  l'avoir 
retenu  un  an  prifonnier  -,  qu'il  avoit  fait  condamner  à  mort  un 
Sous-Diacre  ,  fans  vouloir  écouter  la  j unification  de  cet  infortuné  j 
&  qu'il  avoit  fait  pendre ,  dans  la  ville  de  Machecou ,  un  autre 
Eccléfiaflique  qui  arrivoit  de  la  Terre-Sainte.  On  n'avoit  pas 
oublié  ,  dans  l'expofé  de  ces  plaintes ,  les  fofles  &  les  barbacanes 
creufés  &  conftruits  par  Pierre  de  Dreux  fur  le  terrein  de  l'E- 
vêque ,  la  deftruftion  de  l'EgUfe  &  du  Monaflere  de  Saint-Cyr 
&  Sainte-Julitte ,  l'exhumation  des  cadavres  qui  étoient  dans  le 
cimetière  de  cette  maifon  ,  la  deftruftion  des  maifons  dépendantes 
de  l'Evêché  ,  &c.  Après  cette  longue  énumération  de  Ces  griefs , 
l'Evêque  concluoit  à  ce  que  les  Ducs  fuflent  condamnés  à  lui 
payer  une  fomme  d'environ  vingt  mille  livres  tournois ,  pour  les 
dommages  qu'ils  lui  avoient  caufés  -,  à  lui  reftituer  tout  ce  qu'ils 
lui  avoient  enlevé  ;  à  reconflruire  le  Monaflere  &  l'Eglife  de 
Saint-Cyr  en  des  lieux  convenables  j  à  abolir  toutes  les  loix  portées 
à  fon  préjudice  ;  à  remettre  les  chofes  fur  l'ancien  pied  -,  &  à 
payer  tous  les  dépens  du  procès.  Il  requéroit  encore  qu'on  les 
excommuniât,  pour  être  tombés  dans  le  cas  de  ceux  qui  tuent 
les  EccléfialHques. 

En  conféquence  des  ordres  du  Pape  ,  l'Evêque  d'Angers 
charge  deux  Eccléfiaftiques  du  diocefe  de  citer  les  Princes  ac- 
cufés  à  comparoître  devant  eux ,  pour  répondre  &  faire  raifon 
de  leurs  excès  envers  l'Eglife  de  Nantes.  Ceux-ci  s'acquittent 
de  leur  commifîion.  L'Evêque  &  fon  Chapitre  déclarent  qu'ils 
approuveront  tout  ce  qui  fera  fait  dans  cette  occafion.  Les 
Princes  envoient  leurs  Procureurs  à  Nantes.  Le  procès  commence. 
Elie  ,  Doyen  de  la  Rochebernard ,  ell  nommé  ,  par  l'Evêque  d'An- 
gers ,  pour  affifter ,  à  fa  place ,  à  raffemblée.  Les  témoins  qui 
furent  entendus  étoient  au  nombre  de  cent  huit.  Les  principaux 
étoient  :  Jean  ,  Abbé  de  Saint-Gildas  des  Bois  -,  Robert  de  Fercé  , 
Chanoine  de  Nantes  j  Alain  de  Rohan  ;  Etienne  de  Dol  ;  Alain 
Brudol  ;  Jean  de  Ses-Maifons  ;  Alain  de  la  Forêt  ;  Pierre  de  la 
Motte  j  Guillaume  de  la  Rivière  ;  GeofFroi  de  Lefcot  ;  Guillaume 
de  la  Haye  ;  Hervé  de  Treilleres  ;  &  pluiîeurs  autres.  Cette  en- 
quête nous  apprend  que  les  habitants  de  Guérande  n  avoient  été 


N  A  N  _  éi 

îTialtraités  par  Pierre  de  Dreux ,  que  parce  qu'ils  avoient  acquis 
des  terres,  des  vignes,  &  des  falines,  dans  le  .fief  du  Duc  ,  & 
qu'ils  n'avoient  point  voulu  comparoître  à  fa  Cour  lorfqu'ils  y 
avoient  été  appelles  ;  que  ,  pour  les  en  punir ,  le  Duc  avoit  fait 
faifir  leurs  biens  5  que  Pierre  avoit  mis  un  nouvel  impôt  fur  les 
falines  de  Guérande  ,  mais  que  cette  Ordonnance  ne  pouvoit 
lui  être  reprochée  ,  puifqu'elie  avoit  été  faite  du  confentement 
des  deux  Seigneurs  j  que  le  Duc  Jean  étoit  convenu  avec  l'Eve- 
que  qu'ils  auroient  un  magafin  commun  où  toutes  les  marchandifes 
feroient  dépofées ,  &  que  cette  convention  n  avoit  point  encore 
été  exécutée.  Les  Princes  approuvent  tout  ce  qui  avoit  été  fait, 
&  l'on  affigne  un  jour  pour  plaider  la  caufe. 
•  L'année  fuivante ,  le  Pape  convoque  les  Evêques  de  Bretagne 
au  premier  Concile  Œcuménique  de  Lyon  :  la  Bulle  qu'il  leur 
adreiTe  à  cet  effet ,  confirme  le  décret  du  Pape  Grégoire  IX  ,  qui 
ordonne  d'éviter  les  excommuniés,  de  ne  communiquer  avec  eux 
d'aucune  manière  que  ce  foit ,  &  de  payer  exaftement  le  tierçage 
&  les  dîmes.  Les  Evêques  de  Bretagne ,  qui  avoient  demandé  la 
confirmation  de  ce  décret ,  voulant  embarrafler  de  plus  en  plus 
les  Ducs ,  firent  obferver  au  Saint-Pere ,  que  l'interdit  mis  fur  le 
Diocefe  de  Nantes ,  n'étoit  point  gardé  par  les  Hofpitaliers  ,  les 
Templiers,  Se  autres  Religieux.  Le  Pape  ne  manqua  pas  de 
corriger  un  abus  fi  contraire  à  l'intérêt  de  l'Eglife  :  il  leur  fit 
expédier  une  Bulle  qui  les  obligeoit  à  fe  foumettre  à  cet  interdit , 
fous  les  peines  portées  par  les  canons. 

Le  Duc  Jean ,  qui  s'étoit  rendu  au  Concile  à  Lyon  ,  vouloit  de 
toute  néceffité  terminer  fon  affaire.  L'Evêque  de  Porto  fut  chargé 
de  l'examiner.  Le  Duc  lui  promit  de  {e  foumettre  à  fa  décifion ,  & 
reçut  l'abfolution.  Les  Ducs  donnèrent  leur  procuration  à  Guil- 
laume du  Mez ,  avec  ordre  de  ne  point  plaider  cette  affaire 
en  France ,  mais  à  Rome.  Le  Prélat  infifia  inutilement  :  Guil- 
laume du  Mez  ne  voulut  point  plaider  ,  il  dit  feulement , 
par  forme  de  converfation  ,  que  la  régale,  telle  que  les  Ducs 
la  prétendoient ,  étoit  une  coutume  reçue  dans  toute  la  France; 
que  les  Souverains  de  Bretagne  en  jouiffoient  depuis  plus  de 
quatre-vingts  ans ,  fans  qu'il  fût  mémoire  du  contraire  j  &  qu'il 
avoit  entre  les  mains  une  ceflion  de  la  régale  faite  à  ces  Princes , 
par  un  Evêque  de  Nantes ,  en  confidération  de  ce  qu'ils  avoient 
défendu  fon  Eglife  contre  les  barbares.  Galerand  répondit  qu'il 
n'y  avoit  point  de  preuves  de  ces  trois  articles.  Guillaume  du 
Mez  n'en  fournit  pas ,  parce  que  les  Ducs ,  regardant  la  régale 


(>%  N  A  N 

comme  un  droit  de  fouveraineté ,  lui  avoient  défendu  de  s'expliquer 
fur  cette  matière. 

Malgré  la  proteftation  que  fit  le  Procureur  des  Ducs ,  de  ne 
vouloir  plaider  qu'à  Rome  ,  i'Evêque  de  Porto  prononça  ,  à  Lyon , 
une  fentence  tres-favorable  à  I'Evêque ,  qui  obtmt  prefque  tout 
ce  qu'il  demandoit.  On  ne  voulut  pourtant  pas  lui  accorder  la 
fomme  qu'il  exigeoit  pour  dédommagement  :  la  fentence  porte 
feulement  qu'on  fera  l'eflimation  des  dommages  caufés,  &  que 
le  Duc  fera  condamné  à  payer  la  fomme  adjugée  par  les 
Experts. 

Les  Ducs  acceptent  &  fe  foumettent  à  la  fentence  ,  malgré 
leurs  proteflations  ,  &  écrivent  à  I'Evêque ,  Juge ,  qu'ils  fatisferont 
l'Eglife  de  Nantes.  Hugues,  Comte  d'Angouiêm^e  ;  Silveftre  de 
Rezé ,  &  Jean  de  Maure ,  fe  rendent  les  garants  de  la  promefTe 
du  Duc  Jean  L  Le  Pape  charge  l'Abbé  de  Buzai  de  lever  l'in- 
terdit aufli-tôt  que  I'Evêque  fera  fatisfait.  Ce  dernier  nomme 
des  Procureurs  pour  agir  à  fa  place  dans  cette  affaire.  La  Cour 
de  Rome  confirme  la  fentence  de  I'Evêque  de  Porto ,  &  nomme 
des  CommifTaires  pour  la  faire  mettre  à  exécution.  Le  Prince 
cherche  des  détours  ,  promet  beaucoup  ,  &  ne  fe  preffe  pas 
de  conclure.  L'affaire  traîne  en  longueur,  I'Evêque  de  Nantes 
conçoit  de  violents  fupçons ,  en  fait  part  au  Saint-Pere  ,  qui  le 
rafFare  en  lui  marquant  que  le  Duc  ell  excommunié,  ipfofa3o^ 
s'il  ne  rempht  fes  engagements,  &  s'il  attente  de  nouveau  aux 
droits  de  l'Eglife.  Celui-ci,  peu  inquiet  de  l'excommunication,  ne 
fe  preffe  pas  de  conclure.  L'Evêque  le  fait  fommer  ;  pour  toute 
réponfe ,  il  fait  faifir  de  nouveau  le  temporel  de  l'Evêché.  Le 
Prélat,  indigné  &  furieux,  dépêche  à  Rome.  Le  Pape  ordonne 
au  Gardien  des  CordeUers  d'Angers  d'excommunier  publiquement 
le  Duc  de  Bretagne ,  &  de  défendre  à  toutes  perfonnes  de 
communiquer  avec  lui.  Le  même  Pontife  charge  les  Evêques 
Bretons  de  citer  le  Prince  à  comparoître  ,  quoiqu'abfent ,  s'ils 
ne  peuvent  le  citer  en  perfonne. 

Voilà  ce  que  nous  offrent  les  annales  Nantaifes ,  depuis  1240 
jufqu'à  125 1  ',  le  Duc  luttant  contre  l'Eglife,  &  l'EgHfe  toujours 
ferme  à  lui  réfifler.  Nous  allons  bientôt  voir  ce  Prince  enfin  fou- 
rnis à  cette  Puiffance  tyrannique. 

1250.  Normand  du  Marchis  donne,  par  teflament ,  à  Jean  de 
Ses-Maifons ,  demeurant  à  Nantes  ,  tout  ce  qu'il  pofiledoit  en 
maifons  ,  vignes ,  prés  ,  terres  labourables ,  &  autres  ,  tant  en 
îente  qu'en  fonds  j  dans  le  fief  de  l'Archidiaconé  de  la  Mée ,  au 


N  A  N       _  ^5 

Heu  de  la  Saulfiniere ,  dans  la  ParoifTe  de  Saînt-Similien  de  Nantes. 
Le  teftament  portoit  que  les  biens  donnés  feroient  partagés ,  par 
portions  égales ,  entre  les  héritiers  du  Sieur  de  Ses-Maifons ,  & 
qu'ils  ne  pourroient  jamais  être  vendus  ni  engagés  qu'à  ceux  de 
Ja  famille.  Depuis  ce  temps ,  la  Saulfiniere  n'eil  point  fortie  des 
mains  des  Seigneurs  de  Ses-Maifons.  Le  premier  partage  qui  fe 
fit  de  cette  Terre  ,  fut  entre  Jean,  fils  du  précédent,  &  Bonne, 
fa  fille ,  femme  d'Olivier  Annet ,  fous  l'autorité  &  confentement 
de  Thébaut ,  Archidiacre  de  la  Mée  ,  du  fief  duquel  dépen- 
doient  les  biens  à  partager.  La  famille  de  Ses-Maifons  eft  très- 
illufire  :  après  celles  de  Rohan  ,  de  Tournemine  ,  &  de  Goulaine, 
il  n'en  efi:  aucune ,  dans  le  diocefe  ,  qui  puiiTe  lui  difputer  pour 
l'ancienneté.  (  Voyez  Saint-André  des  Eaux.  ) 

La  même  année  ,  le  Duc  Jean  I  vainquit  les  Barons  de 
Lanvaux  &  de  Craon ,  confifqua  les  biens  qu'ils  pofTédoient  en 
Bretagne  ,  &  fit  enfermer  ce  dernier ,  qui  étoit  de  l'Anjou ,  au 
château  du  Bouffai ,  à  Nantes. 

1252.  On  renouvelle  l'excommunication  lancée  contre  le  Duc 
de  Bretagne  ,  par  les  ordres  du  Pape ,  qui  chargent  l'Archi- 
diacre d'Outre-Loire  &  l'OfEcial  d'Angers  de  cette  commiflion. 
La  Bulle  porte  que  l'intention  du  Saint-Pere  eft  que  l'excommu- 
nication foit  publiée ,  non-feulement  en  Bretagne ,  mais  encore 
dans  tout  le  diocefe  de  Paris.  Le  Duc  qui  s'y  attendoit ,  n'y  fit 
aucune  attention.  Il  continua  toujours  de  mortifier  le  Clergé,  & 
d'étendre  fon  autorité  au  préjudice  de  ce  Corps  fi  redoutable. 
L'excommunication  fut  encore  réitérée  en  Bretagne  &  à  Paris, 
l'an  1254. 

1256.  Jean  I,  enfin  laffé  de  vivre  dans  l'excommunication, 
partit  pour  Rome  ,  &  obtint  l'abfolution ,  en  fe  foumettant  à  tout 
ce  que  voulut  exiger  le  Saint-Siège,  On  lui  impofa  des  condi- 
tions très-dures ,  les  voici  :  i  ^,  On  évitera ,  en  Bretagne ,  les 
excommuniés,  &  ils  ne  pourront  participer  aux  aèlions  juridiques. 
2°.  Le  droit  de  tierçage  fera  payé  fuivant  la  coutume.  3°.  On 
remplira  ,  fans  aucune  oppofition  ,  les  dernières  volontés  des 
mourants.  4°.  Le  Duc  &  fes  Officiers  protégeront  les  Eglifes 
&  les  perfonnes  Eccléfîaftiques.  5°.  Les  caufes  qui  concernent 
l'ufure ,  le  parjure  ,  &  autres  matières  de  cette  efpece ,  ne  pour- 
ront être  agitées  que  dans  le  reffbrt  eccléfiaftique.  6^.  Le  Duc 
n'empêchera  plus  les  Laïques  de  donner  ou  reflituer  les  dîmes  à 
l'Eglife.  7^.  On  obfervera  le  décret  de  Grégoire  IX,  qui  porte 
que  les  excommuniés  feront  contraints ,  par  le  bras  féculier ,  de 


é4  N  A  N 

fe  réconcilier  à  FEglife.  8^.  On  ne  s'oppofera  point  aux  legs 
pieux  faits  à  FEglife ,  foit  que  les  biens  légués  foient  nobles  ou 
roturiers.  9°.  Le  Duc  réparera  tous  les  dommages  caufés  à  FE- 
glife ,  &  fur-tout  il  dédommagera  FEglife  de  Nantes ,  fuivant  ce 
qui  a  été  réglé  par  FEvêque  de  Porto ,  &  il  dépofera  inconti- 
nent la  fomme  à  laquelle  il  a  été  condamné  envers  cette  Eglife  j 
pour  fureté  de  fes  promelfes ,  il  fournira  des  cautions  fuffifantes ,, 
telles  &  en  tel  lieu  que  le  Pape  lui  marquera  ,  fous  peine 
d'une  nouvelle  excommunication.  10^.  Le  Duc  &  fes  héritiers 
feront  tenus  d'obferver  toutes  ces  promeffes.  Le  Pape  écrit  en 
conféquence  aux  Evêques  de  Bretagne  ,  &  les  avertit  de  ne 
pas  aBufer  de  leurs  droits ,  &  de  relpeCter  leur  Duc ,  qui  venoit 
de  condefcendre  à  leurs  defirs.  Mais  les  promeffes  de  ce  Prince 
ne  paroiffent  pas  avoir  été  bien  finceres.  li  fit  pourtant  d'abord 
tout  ce  qu'on  pouvoit  attendre  de  lui.  En  arrivant  en  Bretagne  , 
il  donna  des  lettres-patentes  fcellées  de  fon  fceau ,  qui  confir- 
moient  les  promeffes  faites  au  Clergé.  Les  Barons  furent  irrités 
à  la  lefture  de  ces  lettres  ,  &  réfutèrent  de  s'y  foumettre.  Le 
Duc  fut  obligé  de  leur  faire  la  guerre  pour  les  y  forcer.  Mais , 
dans  le  même  temps  qu'il  paroiffoit  û  zélé  pour  [es  libertés  & 
les  droits  de  FEglife  ,  il  les  viola  d'une  manière  bien  éclatante. 
Il  voulut  obliger  les  vaffaux  de  FEvêque  de  Nantes  de  le  fuivre 
à  cette  guerre  ,  au  delà  des  limites  du  Duché  -,  &  ils  ne  purent 
s'en  exempter  qu'en  lui  donnant  de  l'argent.  Il  efl:  vrai  que 
cette  aftion  étoit  en  quelque  forte  excufable  ;  puifque  le  Duc 
combattoit  pour  les  intérêts  du  maître  ,  il  étoit  convenable  que 
les  vaffaux  l'aidaffent  à  les  défendre.  Cependant ,  FEvêque  fe 
plaignit  de  cette  infraftion  au  traité  ,  &  le  Pape  menaça  le 
Duc  de  l'excommunier  ,  s'il  ne  faifoit  fatisfaftion.  Au  refte , 
on  ne  fçait  point  quel  fut  le  fuccès  de  cette  guerre  ;  l'hiffoire 
nous  apprend  feulement  que  la  ville  de  Dinan  fut  brûlée  pen- 
dant ces  divifions.  On  doit  aufli  rapporter  à  ce  temps  trois 
traités  qui  y  font  poftérieurs.  Par  le  premier,  Hervé  de  Léon 
IV  du  nom ,  Seigneur  de  Châteauneuf ,  s'oblige  à  payer  au 
Duc  une  fomme  de  dix  mille  livres ,  monnoie  de  Bretagne , 
pour  obtenir  le  pardon  de  tous  les  forfaits  &  félormies  de  fot\ 
père  &  des  {iennes.  Le  fécond  eft  d'Olivier  de  CHffon ,  qui , 
après  avoir  fait  long-temps  la  guerre  au  Duc ,  fe  réconcilia  avec 
lui  en  1262.  Le  troiiieme  eft  d'un  autre  Hervé  de  Léon  ,  fils 
de  Salomon,  qui  céda,  en  1263  ,  au  Duc ,  tout  ce  qu'il  pof- 
fédoit  dans  la  Vicomte  de  Poher. 

Il 


N  A  N  _  65 

Il  fembloit  que  le  Duc  fe  feroit  enfin  lafTé  de  tous  ces  trou- 
bles ,  mais  ce  Prince  étoit  jaloux  de  fon  autorité ,  à  l'excès.  Il 
avoit  déjà  violé  fes  promelTes  en  plufieurs  occafions ,  ou  plutôt 
il  n'en  avoit  rempli  aucunes.  L'Evêque  ne  fçachant  plus  de 
quelles  armes  fe  fervir  contre  un  Prince  qui  méprifoit  les  foudres 
de  l'Eglife  ,  prit  un  parti  plus  modéré.  Il  demanda  au  Duc  que 
l'affaire  fût  examinée  par  des  Arbitres ,  &  promit  de  s'en  rap- 
porter à  leur  décifion.  La  proportion  fut  acceptée.  La  fentcnce 
arbitrale  fut  prononcée  à  Nantes,  l'an  1259,  par  Eudes,  Archi- 
diacre de  Nantes  ;  &  Régnier  ,  Sénéchal  de  la  même  ville.  Elle 
portoit  que  le  Duc  &  fes  fuccelîeurs  jouiroient ,  à  perpétuité  ,  de 
la  Tour-neuve ,  (  c'eft  le  château  de  Nantes  ,  )  que  l'Evêque  fou- 
tenoit  avoir  été  bâti  fur  un  terrein  appartenant  à  fon  Eglife  ;  à 
la  charge  de  payer ,  aufîi  à  perpétuité ,  aux  Evêques  de  Nantes , 
cinquante-cinq  fols  de  revenu  annuel ,  fur  la  portion  des  droits 
qu 11  levoit  dans  la  ville.  Le  Duc  fut  encore  condamné  à  payer , 
au  jour  de  Notre-Dame  ,  à  l'Evêque  ,  fept  livres  de  revenu  an- 
nuel ,  à  prendre  fur  les  mêmes  droits ,  pour  la  deflru61ion  du 
jardin  ou  verger  de  l'Evêque ,  à  compter  depuis  que  Galerand 
étoit  monté  fur  le  Siège  épifcopal.  On  régla  que  les  arrérages, 
qui  fe  montoient  à  cent  quarante  livres ,  feroient  payés  à  la  pro- 
chaine fête  de  Notre-Dame. 

Quant  au  coffre  commun ,  il  fut  décidé  qu'il  feroit  placé  dans 
un  lieu  commode ,  du  confentement  du  Duc  &  de  l'Evêque  j 
que  les  Alloués  de  l'un  &  de  l'autre  auroient  chacun  une  clefi 
qu'ils  agiroient  de  concert  &  avec  juffice  dans  la  colle61ion 
des  deniers  qui  dévoient  y  être  dépofés  -,  &  que  Fun  n'en  reti- 
reroit  rien  fans  le  confentement  de  l'autre.  Il  rut  en  outre  réglé 
que  le  Diic  reconnoîtroit ,  par  fes  lettres-patentes,  devoir  à  l'E- 
vêque les  fept  livres  &  les  cinquante-cinq  fols  promis  ci-defî'us , 
&  que  le  Prélat  donneroit  au  Prince  un  mémoire  contenant  les 
droits  de  fon  Eglife ,  afin  d'éviter  les  brouilleries  &  les  divifions, 
non-feulement  entr'eux ,  mais  encore  entre  leurs  fucceffeurs  ref- 
peftifs.  Jean  I  avoit  ci-devant  déclaré  les  vaffaux  de  l'Evê- 
que exempts  des  fervices  qu'il  en  avoit  exigés  dans  les  guerres 
précédentes. 

1256.  Jean,  Abbé  de  Saint-Gildas  des  Bois,  donne  la  Cha- 
pelle de  Brefchalan ,  la  métairie ,  &  l'ifle  de  Saint-Denis ,  dans 
la  Paroiffe  de  Sucé  ,  à  l'Evêque  de  Nantes,  qui  lui  donne,  en 
échange ,  l'Eglife  ,  le  cimetière ,  &  les  maifons  que  les  Frères 
Mineurs  tenoient  de  l'Evêque ,  dans  la  rue  Perdue ,  aujourd'hui 
Tome  IIL  I 


é6  _     NAN 

des  -  Cordeliers.  Les  Moines  de  Saint-Gildas  ne  s'établirent  point 
à  Nantes  j  leur  nouvel  acquêt  pafTajà  peu  près  dans  le  même 
temps ,  dans  la  maifon  de  Rieux  ,  qui  en  fit  donation  aux  Corde- 
liers. Ces  Religieux  reconnoilTent  les  Seigneurs  de  Rieux  pour 
fondateurs  de  leur  Couvent ,  parce  qu'avant  la  donation  dont 
nous  venons  de  parler ,  ils  étoient  fans  demeure  fixe  ,  &  logeoient 
dans  une  maifon  d'emprunt. 

Le  Prince  Robert ,  fils  du  Duc  Jean  I  &  de  Blanche  de  Na- 
varre, mourut  le  lo  Février  1260,  &  fut  inhumé,  au  milieu  du 
choeur  de  l'EgUfe  des  Cordeliers  ,  dans  le  petit  tombeau  fur 
lequel  étoit  le  pupitre.  Ce  tombeau  ne  paroît  plus  depuis  l'ex- 
haufiement  du  chœur  de  l'Eglife.  On  avoit ,  dans  ce  temps  ,  à 
Nantes ,  une  monnoie  différente  de  celles  dont  nous  avons  parlé  : 
on  la  nommoit  Nantais  à  l'écu  ,  gros  Nantais ,  èc  monnoie  de 
Nantes ,  du  lieu  où  elle  étoit  fabriquée. 

Galerand  ,  furnommé  le  Défenfeur  de  L'Eglife,  mourut  en  12(33. 
Ce  fut  un  malheur  pour  Jean  le  Roux  d'avoir  eu  pour  adverfaire 
un  homme  fi  capable  de  lui  tenir  tête.  Le  Duc,  oubliant  toutes 
les  peines  que  lui  avoit  caufé  la  régale  ,  fit  encore  faifir  les 
biens  du  défunt ,  &  vendanger  fes  vignes.  Gautier ,  qui  fut  nommé 
pour  fuccéder  à  Galerand ,  ne  fit  que  paroître  fur  le  Siège.  Jac- 
ques de  Guérande ,  fon  fuccefleur ,  montra  beaucoup  de  fermeté 
pendant  le  temps  qu'il  vécut. 

Vincent  de  Pezenas ,  Archevêque  de  Tours ,  tint  un  Concile 
à  Nantes,  en  1264.  ïl  nous  en  refi:e  neuf  canons:  le  troifieme, 
interdit  la  chaiTe  aux  Eccléfiaftiques  ,  SécuHers  &  Régufiers  ,  par 
la  raifon  qu'on  ne  trouve  aucun  Saint  chaffeur.  Le  cinquième, 
règle  la  table  des  Evêques ,  pendant  le  cours  de  leurs  vifites , 
&  défend  de  leur  fervir  plus  de  deux  mets.  Le  feptieme  défend , 
fous  peine  d'excommunication ,  d'exiger  aucuns  péages  pour  les 
effets  &  marchandifes  des  Eccléfiafi:iques  ,  à  moins  qu'ils  ne  trafi- 
quent. Les  autres  défendent  de  promettre  des  Bénéfices  avant 
qu'ils  foient  vacants  j  de  diminuer  le  nombre  des  Moines  dans  les 
Prieurés  j  &  de  tenir  enfemble  deux  Bénéfices  qui  exigent  réfidence, 

1265.  Jacques  de  Guérande  lance  une  fentence  d'excommu- 
nication contre  le  Duc  de  Bretagne ,  &  contre  Jean  de  la  Cha- 
pelle ,  Prévôt  de  Nantes.  Louis  IX,  Roi  de  France  ,  rendit, 
le  i^*".  Novembre  de  cette  année  ,  une  Ordonnance  fur  la 
taille  &  le  prix  des  monnoies.  Elle  fait  mention  des  Nantais  à 
l'écu  ',  ce  qui  prouve  qu'ils  avoient  cours  en  France  ,  ou  que  le 
Roi  en  failoit  frapper  de  femblables. 


N  A  N  _  67 

Jacques  de  Guérande  mourut  le  i^*".  Janvier  12^7,  &  fut 
inhumé ,  dans  fon  Eglife  Cathédrale  ,  proche  les  faintes  Reliques. 
En  1661  ,  on  fut  obhgé  ,  pour  rebâtir  le  grand  autel ,  d'exhumer 
fon  corps  ;  il  fut  porté  &  dépofé  dans  la  Chapelle  de  Samt- 
Lazare.  Le  portrait  de  ce  Prélat  fe  voit  fur  une  des  principales 
vitres  de  l'Eglife  de  Tours  ,  dont  il  conferva  le  Doyenné  juf- 
qu'à  la  mort.  Les  Officiers  du  Duc  fe  mirent  encore  en  pof- 
feffion  des  maifons  épifcopales  ,  dont  ils  enlevèrent  tout  ,  jus- 
qu'aux ferrures ,  &  firent  la  recette  des  revenus  de  l'Evêché.  Ils 
jetterent  même  des  pierres  au  nouveau  Prélat ,  lorfqu'il  voulut 
entrer  à  l'Evêché  ;  &  l'Archevêque  de  Tours ,  qui  étoit  venu  à 
Nantes  pour  faire  exécuter  le  teftament  de  Jacques ,  ne  fut  pas 
mieux  traité. 

Guillaume  de  Vern  ,  fuccefleur  du  précédent ,  ne  fut  pas 
plutôt  arrivé  ,  qu'il  expédia  un  ordre  à  l'Omcial ,  d'aller  trouver  le 
Duc  ,  &  de  lui  faire ,  en  parlant  à  fa  perfonne ,  les  monitions 
requifes ,  de  vuider  les  maifons  de  l'Evêché  &  fes  manoirs  de 
Sucé ,  de  Pellan  _,  &  de  Saint-Thomas  de  la  Haye  j  de  réparer 
tous  les  dommages  qu'il  y  avoir  caufés  ;  & ,  enfin ,  de  reftituer 
tous  les  revenus  qu'il  avoir  perçus.  Celui-ci  répondit  qu'il  n'a- 
voit  pris  que  ce  qui  lui  appartenoit ,  &L  qu'il  ne  prétendoit  pas 
être  obligé  à  reftitution.  Il  ajouta  qu'il  entendoit  que  le  Prélat 
élu  vînt  le  trouver  ,  pour  recevoir  de  lui  l'invelHture  de  fon 
Evêché ,  ou  qu'autrement  il  ne  fouffriroit  pas  qu'il  en  prît  pof- 
feffion.  L'Evêc[ue  refufa ,  &  appella ,  au  foutien  de  fes  droits , 
les  fentences  obtenues  par  fes  prédécelleurs.  Guillaume  étoit 
moins  opiniâtre  ,  &  peut-être  moins  ambitieux  que  le  fameux 
Galerand.  Il  chercha  des  moyens  de  conciliation ,  pour  éviter 
un  procès  fâcheux.  Le  Duc  accepta  la  propontion  qu'on  lui  fit, 
de  s'en  rapporter  au  jugement  de  deux  Arbitres ,  qui  étoient  ^ 
l'Evêc{ue  d'Albano  ,  Légat  du  Saint-Siège  ;  &  Henri  de  Vezelai ,, 
Archidiacre  de  Bayeux.  On  mit,  pour  condition,  que  celui  qui 
refuferoit  de  fe  foumettre  à  leur  fentence  ,  payeroit  une  fomme 
de  mille  livres  à  l'autre.  Les  Arbitres ,  fans  toucher  aux  fentences 
rendues  par  les  Papes  ou  leurs  Commiffaires  ,  ordonnèrent  que, 
pendant  la  vacance  de  l'Evêché  ^  le  Chapitre  auroit  la  régie  de 
fes  biens  &  revenus ,  &  qu'il  les  rendroit  au  nouvel  Evêque  , 
auffi-tôt  fon  éleCHon  confirmée  ;  que  le  Duc  &  fes  fucceffeurs 
accorderoient  leur  prote6lion  à  l'EgHfe  de  Nantes  -,  &  que  ,  pour 
les  récompenfer  des  peines  &  des  dépenfes  qu'ils  pourroient  faire 
pour  fa  défenfe ,  le  Duc  auroit  dix  livres  de  rente ,  qui  feroieot 


é8  NAN        _       ^ 

acqiiifes  fur  fon  fief ,  dans  l'efpace  de  trois  mois ,  Se  dont  la 
valeur  feroit  foldée  des  revenus  de  cette  Eglife  ;  que  les  Evê- 
ques  de  Nantes  ne  feroient  point  obligés  d'aller  trouver  le  Duc , 
pour  avoir  main-levée  de  la  régale ,  mais  feulement  de  lui  faire 
fçavoir  leur  confirmation  ,  ou  _,  en  cas  d'abfence  du  Prince ,  d'en 
informer  fon  Sénéchal  ;  &  que  le  Duc  rendroit  au  plutôt  la 
régale  ,  en  déduifant  les  juftes  dépenfes  qu'il  auroit  faites  pour 
la  garde  des  biens  de  l'Evêché. 

En  conféquence  de  ce  jugement  rendu  à  Paris  ,  au  mois  de 
Décembre  1268  ,  le  Duc  fut  abfous  de  toutes  les  cenfures  qu'il 
avoit  encourues ,  à  raifon  de  fes  récidives.  L'Evêque  promit  auffi 
d'abfoudre  tous  les  Officiers  de  ce  Prince,  &  de  faire  ratifier, 
par  le  Chapitre  de  fon  Eglife  ,  tout  ce  qui  avoit  été  ftatué  par 
les  Arbitres.  Enfin ,  les  parties  fe  fournirent  à  l'obfervation  de 
tout  ce  qui  avoit  été  réglé. 

Quelques  mois  après ,  le  Duc  affigna  à  l'Evêque  quarante  fols 
de  rente  fur  la  Prévôté  de  Nantes ,  pour  le  dédommager  des 
fonds  que  le  Duc ,  fon  père  ,  avoit  enlevés  pour  les  fortifications 
de  la  ville.  Les  préparatifs  que  faifoit  alors  le  Duc  ,  pour  fuivre 
Saint  Louis  à  la  guerre  ,  ne  lui  permirent  pas  de  rempHr  tous 
les  articles  de  la  fentence  arbitrale ,  &  l'Evêque  ne  le  preffa 
pas  dans  ces  circonftances.  Mais ,  auffi-tôt  que  Jean  le  Roux  fut 
de  retour  d'Afrique,  en  1267,  il  fatisfit  au  defir  du  Prélat,  qui 
lui  avoit  fait  faire  une  fommation  à  ce  fujet. 

Une  chofe  penfa  rompre  de  nouveau  la  bonne  intelligence* 
Quelques  féditieux  avoient  forcé  les  portes  de  l'Eglife  de  Gué- 
rande  ,  pour  y  enterrer  un  homme  pendant  l'interdit.  L'Evêque 
avoit  demandé  la  punition  des  coupables.  Rivalon  du  Temple  , 
Sénéchal  du  Duc  ,  négligea  de  les  pourfuivre.  L'Evêque  le  me- 
naça férieufement  de  l'excommunier ,  s'il  ne  faifoit  punir  les  au- 
teurs d'un  fi  horrible  attentat.  Il  efi:  à  croire  c[u'il  fut  fatisfait, 
puifqu'on  ne  voit  pas  que  l'affaire  ait  été  poufi^ée  plus  loin.  Dans 
le  même  temps ,  Mabille  ,  fille  de  Hervé  le  Folle ,  Chevalier , 
&  époufe  d'Aimeri  d'Aveir  ,  auffi  Chevalier  ,  vend  à  l'Evêque 
de  Nantes  le  fief  &  la  Sénéchaufi^ee  de  la  Fofle.  Le  Prélat  ac- 
quiert encore  ,  l'an  1268 ,  la  jurifdiftion  de  Bongarant,  &  annexe 
le  tout  au  Siège  épifcopal.  Quelque  temps  après ,  il  s'élève  une 
contefi:ation  entre  Guillaume  de  Vern  &  Aimeri ,  on  ne  fçait 
à  quel  fujet.  L'hifi:oire  nous  apprend  feulement  que  ce  Seigneur , 
mécontent  d'une  fentence  rendue  contre  lui  par  la  Cour  de 
l'Evêque ,  en  avoit  appelle  au   Bailli  de  Touraine  j  &  que  les 


NAN  69 

Officiers  du  Prélat ,  pour  s'en  venger ,  avoient  faifi  une  partie 
des  biens  d'Aimeri.  L'Alloué  de  Tours ,  informé  de  cette  voie 
de  fait ,  affigne  les  coupables  à  la  Cour  du  Roi.  Le  Prélat  ne 
comparoît  point ,  Se  l'Alloué  le  menace  de  faire  faifir  fon  tem- 
porel &  d'mterdire  fa  jurifdiftion  ;  il  lui  fait  même  annoncer  qu'il 
fera  emprifonner  fes  Officiers ,  s'ils  s'oppofent  à  la  faifie.  L'Evê- 
que  affemble  fes  Chanoines ,  le  r  i  O6lobre  1 274  ,  demande 
leur  avis  ,  &  déclare  publiquement  qu'il  ne  tient  point  fon  tem- 
porel du  Roi  j  qu'on  ne  pouvoit  appeller  de  fa  Cour  à  celle 
du  Monarque  Français  ;  que  fes  prédécefTeurs  n'avoient  jamais 
répondu  à  cette  Cour ,  qu'il  n'y  répondroit  pas  ;  & ,  enfin ,  que 
le  Roi  ne  pouvoit  exercer  aucune  jurifdiftion ,  ni  fur  fes  biens , 
ni  fur  fes  vaffaux.  Mais  ,  comme  il  craignoit  que  l'Alloué  ne 
méprifât  fa  déclaration ,  il  le  menaça  de  l'excommunier ,  s'il  paf- 
foit  outre. 

On  ne  fçait  quelle  fut  la  fuite  de  cette  affaire  ;  mais ,  on 
croit  que  c'eft  en  partie  ce  qui  décida  le  Prélat  à  faire  le  ferment 
de  fidélité  au  Duc,  Les  archives  du  château  nous  apprennent 
qu'il  fit  ce  ferment  fi  long-temps  contefi:é ,  &  qu'il  fe  reconnut 
fujet  du  Prince.  Telle  étoit  la  politique  des  Evêques  de  Nantes. 
Etoient-ils  en  contefl:ation  avec  le  Duc ,  ils  avoient  recours  au 
Roi  ?  Etoient-ils  aux  prifes  avec  le  Roi ,  ils  nioient  fa  jurifdic- 
tion  ?  Nous  venons  d'en  donner  la  preuve. 

1270.  Le  Duc  Jean  I  part  pour  la  Terre-Sainte  ,  avec  fa 
femme ,  fon  fils  aîné  ,  &  l'époufe  de  fon  fils.  Le  Prince,  qui  vouloit 
trouver  fes  coffres  pleins  à  fon  retour ,  avoit  envoyé  une  pro- 
digieufe  quantité  de  vaiffelle  d'argent  à  la  monnoie.  Briand  Sil- 
vanet ,  &  Jonconit ,  qui  en  avoient  été  chargés ,  comptèrent  ces 
effets  à  la  Chambre  des  Comptes  ,  qui  tenoit  pour  lors  fes 
féances ,  tantôt  à  Muffillac  ,  tantôt  dans  l'Abbaye  de  Prières. 
Cette  argenterie  fut  monnoyée  en  oboles  groffes  &  fimples , 
gros  &  petits  tournois  ,  gros  &  petits  fterlings  ,  au  coin  du 
Duc.  D'après  les  comptes  préfentés  à  la  Chambre  par  les  Mon- 
noyeurs ,  on  voit  que  les  monnoies  ci-deffus  étoient  les  feules 
qui  euffent  cours  dans  la  province.  Elles  étoient  blanches ,  c'eft- 
à-dire  d'argent ,  Se  empreintes  de  l'écu  de  Bretagne ,  &  d'une 
hermine  paffante  :  elles  avoient  plus  ou  moins  d'alliage ,  félon 
les  différentes  efpeces.  Le  tonneau  de  vin  valoit  alors,  à  Nantes, 
vingt-cinq  fols  ;  Se  le  marc  d'argent  cinquante-quatre  fols  fept 
deniers. 

Au  mois  d'06:obre  1275 ,  le  Duc  Jean,  étant  à  Nantes^  rend 


70  NAN 

la  fameufe  Ordonnance  qui  change  le  bail  des  nobles  en  rachat, 
avec  liberté  aux  Seigneurs  d'adopter  cette  loi,  ou  de  fuivre  l'an- 
cien ufage  établi  par  le  Duc  Geofïroi  IL  L'Evêque  de  Nantes 
fut  un  de  ceux  qui  ne  l'acceptèrent  pas.  Ce  Prélat  mourut  le  1 4 
Oftobre  1277.  Il  avoit  donné  quatre  livres  quatre  fols  de  rente 
à  fes  Chanoines  pour  faire  mémoire  de  lui,  Durand  ,  Tréforier 
ou  Sacrifie  en  chef  de  la  Cathédrale,  fut  nommé  Evêque  l'an- 
née fui  vante   1278, 

1282.  Synode  diocéfain  à  Nantes.  Durand  unit  à  fon  Evêché 
&  au  domaine  de  fon  Chapitre  les  dîmes  de  la  Paroifîe  de 
Trelleres  ,  dont  ils  ne  perçoivent  plus  que  la  moitié  ,  & 
baptifcjl'an  1285,  à  Saint-Florent-le-Vieil ,  le  petit-fils  du  Duc 
Jean  L  Celui-ci  meurt  le  8  O61obre  1286  ,  &  a  ,  pour  fuc- 
cefTeur ,  Jean  ,  Comte  de  Richemont ,  fon  fils  aîné.  L'E^'êque , 
de  concert  avec  plufieurs  autres  Prélats,  donne  fon  confente- 
ment  au  delfein  qu'avoit  Charles  II  ,  Roi  de  Jérufalem  &  de 
Sicile ,  d'expulfer  les  Juifs  de  fes  Etats  ;  joint  un  fonds  de  trente- 
fept  livres  de  rente  à  fa  maifon  de  campagne  de  ChafTais,  l'an 
1291  ;  &  meurt  l'an  1292.  Henri  II  du  nom ,  dit  de  Calcjlria  y 
fon  fucceifeur,  eft  facré  l'an  1293,  dans  l'Eglife  de  Saint-Mau- 
rice de  Tours,  &  meurt  l'an  1298.  Il  avoit  fait  à  fon  Chapitre 
une  rente  de  quatre  livres  monnoie ,  pour  faire  mémoire  de  lui. 
Maurus ,  que  quelques-uns  font  Evêque  en  1298  ,  eft  fuppofé,&: 
n'a  point  confacré ,  comme  ils  le  prétendent ,  l'Eglife  de  Bufai , 
en  qualité  d'Evêque  de  Nantes.  Henri  lïl  du  nom  eft  fait  Evêque 
en  1298,  eft  facré  au  mois  de  Janvier  1299,  &  affifte  au  Con- 
cile de  Châteaugontier  ,  où  il  eut  une  conteftation  très-vive  avec 
Robert  Dupont ,  Evêque  de  Saint-Malo ,  pour  la  troifieme  place 
qu'ils  vouloient  tous  deux  occuper.  Il  va  à  Paris  en  1303  ,  & 
ligne  ,  avec  les  autres  Prélats ,  à  la  réponfe  que  fait  le  Clergé  au 
Roi  Philippe  le  Bel ,  fur  la  manière  dont  ce  Monarque  devoir 
fe  conduire  dans  fes  démêlés  avec  le  Pape  Boniface  VÎII.  Il  meurt 
l'an  1304,  &  laifle  plufieurs  ftatuts  dont  nous  n'avons  vu  qu'un 
fragment.  Il  y  accorde  dix  jours  d'indulgence  à  ceux  qui  ap- 
prochent dignement  du  Sacrement  de  Pénitence.  On  fait  l'éloge 
de  la  piété  de  ce  Prélat ,  qui ,  dit-on  ,  affiftoit  régulièrement  aux 
Offices  de  fon  Eglife. 

1304.  Daniel  Vigier  ,  né  en  la  Parcifle  de  Gnémené-Painfault , 
eft  nommé  Evêque  de  Nantes,  le  23  Février  :  il  érige.  Tan  1305 , 
le  Canonicat  de  Pierre  d'Evignei  en  Doyen-Dignitaire  du  Cha- 
pitre^ 6i  unit  à  cette  place  les  deux  tiers  des  grofles  dîmes  de 


^NAN  71, 

Coueron ,  dent  Pierre  d'Evignei  étoit  Relieur ,  fans  prendre  le 
confentement  du  Général  de  cette  ParoifTe, 

Le  Doyen  ,  par  l'afte  d'ére6lion  de  fa  place ,  efl:  obligé  à  huit 
mois  au  moins  de  réfidence  continuelle  par  an.  Un  des  hiftoriens 
de  Bretagne  fait  un  long  détail  des  droits  de  ce  premier  Digni- 
taire ',  mais  ce  récit  n'ell  pas  fidèle  :  il  a  feulement  droit  de  cor- 
reftion  fur  les  fimples  Chapelains  &  Clercs  -,  il  jouit  du  privilège  ^ 
d'adminiflrer  les  Sacrements  à  ceux  qui  veulent  les  recevoir  à 
l'Eglife,  de  fonner  la  cloche  pour  l'alïemblée  du  Chapitre,  Se 
de  mettre  fon  nom,  avant  tous  les  autres  ,  dans  les  délibérations 
Se  les  lettres  expédiées  dans  les  délibérations  générales ,  de  cette 
manière  :  /e  Doyen  &  le  Chapitre  de  Nantes^  &c,  Lorfqu'il  eft 
abfent ,  les  lettres  commencent  de  cette  manière  :  le  Chapitre  de 
Nantes ,  le  Doyen  abfent  ,  &c.  Son  titre  ne  lui  donne  aucun  droit 
fur  lès  ParoifTes.  Comme  la  dignité  de  l'ancien  Doyen  ,  que  l'on 
appelloit  Doyen  de  Nantes  &  de  la  Chrétienté  y  effaçoit  la  jurif- 
diélion  de  ce  dernier ,  Daniel  unit  les  deux  dignités  Tan  1 3 1 1 , 
&  y  attacha  la  Cure  de  Saint-Jean  en  Saint-Pierre  ,  ci  devant  pré- 
i'entée  par  l'Archidiacre ,  auquel  le  Prélat  donna  en  dédommage- 
ment la  préfentation  de  la  Cure  de  Mouzilion.  L'Archevêque  de 
Tours  confirma  cet  échange. 

1306.  Le  Duc  Jean  ÏI  meurt  le  18  Novembre  i'i,c6.  Arturll 
lui  fuccede.  L'année  fuivante  eil  remarquable  par  la  décifion  de 
la  fameufe  querelle  qui  divifoit ,  depuis  plus  de  cent  ans  ,  le 
Clergé,  les  Ducs,  les  Grands,  &  le  Peuple  de  Bretagne  ,  au 
fujet  du  Pafi:  nuptial,  &  du  tierçage  ou  jugement  des  morts. 
Ce  tierçage  étoit  un  droit  qu'avoient  les  Curés  de  s'approprier 
le  tiers  des  meubles  de  ceux  qui  mouroient  dans  leurs  ParoifTes. 
L'Evêque  Daniel ,  &  Nicolas  de  Guemené ,  Refteur  de  Saint- 
Mars  de  Coûtais,  furent  députés  à  Rome  par  le  Clergé  ;  & 
Guillaume  ,  Sire  de  Rieux,  avec  un  autre  Seigneur,  parla  No- 
bleife.  Le  Pape  Clément  V ,  qui  occupoit  alors  la  Chaire  de  Saint 
Pierre ,  réduifit ,  du  confentement  des  Envoyés  des  deux  partis  , 
le  tierçage  à  la  neuvième  partie  :  c'efi:  le  droit  curial ,  appelle 
neume  j  droit  qui  depuis  fut  réduit  à  la  vingt-feptieme  partie  fur  les 
meubles  des  roturiers  feulement.  Le  Saint-Pere  fixa  aulîi  tous  les 
autres  droits  du  Clergé  ,  par  fa  Bulle  du  2  Juin  1308  ,  &  donna 
au  Chapitre  de  Nantes  quarante  fols  de  rente  &  vingt  fols  au  bas 
Chœur,  pour  faire,  tous  les  ans,  le  28  Mai,  mémoire  de  lui, 
par  une  Collefte  récitée  à  la  Meffe ,  ou  par  un  Libéra, 

Le  tombeau  qui  fe   voit   dans  la  Chapelle    d'Efpagne    aux 


71  N  A  N 

Cordeliers ,  eu.  celui  d'un  Chanoine  de  Burgos ,  mort  à  Nantes  en 
1308.   L'infcription  ,  qu'on  y  lit,  le  prouve. 

1309.  Concile  à  Tours  contre  les  Templiers.  Cet  Ordre  mi- 
litaire avoir  été  établi  à  Jérufalem ,  félon  les  uns,  l'an  1096,  &, 
félon  les  autres,  Tan  11 18.  Les  premiers  de  ces  Moines,  au 
nombre  de  neuf,  avoient  fait  leurs  vœux  entre  les  mains  du 
Patriarche  de  la  capitale  de  la  Terre-Sainte  ,  &  avoient  pris  le 
nom  de  Templiers ,  du  nom  de  leur  demeure  ,  qui  étoit  voifine 
du  Temple  de  Jérufalem.  Leur  inllitut  leur  faifoit  un  devoir  de 
protéger  les  Pèlerins  contre  les  infidèles,  &  d'écarter  ces -der- 
niers des  chemins  de  la  Terre-Sainte ,  afin  qu'on  en  pût  faire  le 
voyage  en  toute  fureté.  Ils  portoient  un  habit  blanc ,  &  le  Pape 
Eugène  III  leur  avoir  permis ,  l'an  1 1 46  ,  de  faire  mettre  une 
Croix  fur  leur  manteau. 

Comme  ils  ne  vivoient  d'abord  que  d^aumônes  ,  les  Rois  & 
les  grands  Seigneurs  s'emprefTerent  de  leur  faire  des  donations 
coniidérables.  Ils  ne  furent  pas  oubliés  de  nos  Ducs ,  qui  leur 
donnèrent  différentes  poffelTions  en  Bretagne.  L'Ordre  devint  fi 
riche ,  que  ,  foixante  ans  après  fon  inll:itution ,  fes  richeffes  éga- 
loient  celles  des  Souverains.  Il  poffédoit ,  dit  Matthieu  Paris  ,  plus 
de  neuf  mille  maifons  dans  les  Royaumes  Chrétiens.  Une  for- 
tune fi  confidérable  augmenta  leur  bien-être  ,  &  diminua  leurs 
vertus.  Ils  devinrent  impérieux  ,  fiers ,  &  infolents  j  ils  oferent 
même  braver  les  têtes  couronnées  ,  &  infulter  à  leurs  bien- 
faiteurs. Le  même  Matthieu  Paris  rapporte ,  à  ce  fujet ,  qu'un 
homme  fçavant  &  Religieux  ,  s'entretenant  un  jour  avec  Ri- 
chard I ,  Roi  d'Angleterre  ,  des  vices  qui  regnoient  à  fa  Cour , 
prit  la  liberté  de  lui  dire  qu'il  devoir  avoir  foin  d'en  chafTer 
trois  filles  infortunées ,  qui  étoient  l'orgueil ,  l'avarice ,  &  l'in- 
conflance.  «  J'y  ai  pourvu  ,  répondit  le  Monarque  ;  j'ai  marié 
n  l'orgueil  aux  Templiers ,  l'avarice  &  l'inconftance  à » 

Une  conduite  fî  infupportable  leur  attira  la  haine  de  tout  le 
monde.  La  haine  veut  des  vi6limes.  On  épia  leurs  aftions  ;  & 
deux  d'entr'eux ,  ayant  été  accufés  de  plufieurs  crimes  ,  furent 
fatfis  &  convaincus.  Ces  malheureux  ,  avant  de  mourir ,  char- 
gèrent leurs  Confrères  de  mille  crimes  horribles ,  entr'autres ,  d'im- 
piété ,  du  péché  contre  nature ,  &:c.  L'efprit  de  vengeance  & 
la  malignité  répandirent  bientôt  ces  dépofîtions  dans  l'Eu- 
rope j  &  l'on  publia  par-tout  que  les  Templiers  étoient  des 
monflres  qu'il  falloit  exterminer.  Sur  le  champ ,  les  Rois  donnent 
des  Arrêts  contre  ces  Chevaliers ,  les  font  enfermer  dans  d'obfcurs 

cachots , 


N  A  N  7j 

cachots ,  &  leur  donnent  des  Juges ,  que  la  prévention  ne  pouvoit 
que  rendre  injuiles.  Quelques-uns  avouèrent  les  crimes  dont  on 
les  chargeoit  ;  mais  c'étoit  plutôt  la  force  de  la  torture  que  de 
îa  vérité  ,  qui  leur  arrachoit  cet  aveu ,  &  ils  fe  rétractèrent  tous 
en  montant  fur  le  bûcher. 

Les  TempHers  méritoient-ils  un  traitement  fi  rigoureux  ?  cette 
queftion  eft  encore  un  problême  ,  dit  un  écrivain  judicieux.  On 
ne  peut  douter,  ajoute-t-il  ,  que  des  Moines  qui  étoient  riches, 
puiflants  ,  armés ,  ne  fuflent  avides ,  injuftes ,  adonnés  aux  vo- 
luptés, &  enclins  aux  féditions  ;  mais,  quant  aux  crimes  affreux, 
qui  fervirent  de  prétexte  aux  rigueurs  qu'on  exerça ,  il  fuffit  de 
les  rapporter  pour  en  faire  voir  la  faufleté.  Leur  extinftion  fut 
peut-être  jufte  ,  mais  la  manière  dont  on  y  procéda  fut  cruelle, 
&  même  tyrannique. 

Le  Roi  Philippe  le  Bel ,  entre  les  mains  duquel  le  Pape  Clé- 
ment V  avoit  fequeflré  les  biens  de  l'Ordre ,  envoya  des  Com- 
mifTaires ,  à  Nantes  ,  pour  s'en  faifir  ,  &  en  difpofer  par  vente 
ou  autrement.  Les  habitants  de  la  ville ,  jaloux  de  la  puifTance  de 
leur  Duc ,  s'oppoferent  aux  Commiffaires ,  &  les  firent  fortir  de 
la  ville  ;  mais  peu  après ,  les  Templiers  furent  aufîi  chafles  de 
Bretagne,  &  leurs  biens,  qui  étoient  coniidérables ,  furent  confif- 
qués  au  profit  du  Duc ,  qui  en  donna  une  bonne  partie  aux 
Chevaliers  de  Saint-Jean  de  Jérufalem.  Leur  maifon  fait  aujour- 
d'hui une  Commanderie  de  Malte ,  fous  le  nom  de  Saint-Jean 
&  S  aime- Catherine,  On  voit  dans  la  rue  du  Bois-tortu  une  an- 
cienne Chapelle ,  fervant  de  magafin ,  qu  on  croit  avoir  été  la 
première  EgHfe  des  TempHers ,  à  Nantes. 

13 10.  Guillaume,  Sire  de  Rieux  ,  meurt  en  allant  en  Eipagne 
traiter  du  mariage  du  fils  du  Duc  Jean  II ,  avec  Ifabelle  ,  fille 
du  Roi  de  Caftille  :  fon  corps  eft  apporté  à  Nantes  ,  &  in- 
humé dans  l'Eglife  des  Cordeliers  ,  fondée  par  fes  père  &: 
mère. 

13 12.  L'Evêque  Daniel  obtient  un  refcrit  du  Pape  pour 
partager  les  vingt-une  Prébendes  qui  compofoient  le  Chapitre 
de  la  Cathédrale  de  Nantes ,  en  fept  Sacerdotales ,  fept  Diaco- 
nales ,  &  fept  Sous-Diaconales.  Il  obtient  encore  une  autre  Bulle 
pour  la  création  de  deux  TabeUions  ou  Notaires  Apoftoliques , 
&  l'union  de  la  Paroiffe  de  Saint-Cyr  en  Retz  à  la  menfe  épif- 
copale  ,  fous  prétexte  que  les  revenus  de  fon  Evêché  ne  mon- 
toient  qu'à  mille  qaarante  livres  petits  tournois  :  le  marc  d'argent 
yaloit  alors  cinquante-quatre  fols  fept  deniers. 

Tome  IIL  K 


74  N  A  N 

1 3 1 3 .  Mort  d'Artur  II.  Jean  III  lui  iuccede  au  Duché.  Le  vy 
Août  1 3 1 8  ,  Thébaud  de  Rochefort ,  Vicomte  de  Donges ,  fonde 
le  Couvent  des  Carmes,  à  Nantes,  &  leur  donne  fon  hôtel, 
fitué  dans  l'endroit  où  eft  aujourd'hui  le  Couvent  des  Religieufes 
de  Sainte-Claire.  Les  Moines  rell:ent  neuf  ans  dans  cette  maifon , 
&  font  transférés ,  en  1327,  par  le  même  Seigneur ,  dans  l'en- 
droit qu'ils  occupent  aujourd'hui ,  entre  les  rues  de  Verdun  & 
de  TEchellerie  ,  ainfi  appellée  parce  qu'on  y  trouvoit  plufieurs 
échelles  pour  monter  fur  le  mur  de  ville  qui  commençoit  au 
Port-Communeau  &  fe  terminoit  aux  Changes.  La  grande  falle 
du  nouveau  Couvent  fervit  de  Chapelle  jufqu'à  ce  que  l'Eglife 
fût  bâtie.  Ce  fut  le  fécond  Couvent  de  cet  Ordre  fondé  en 
Bretagne  :  il  fut  peuplé  par  le  premier  ,  qui  eft  celui  de  Ploermel. 
Dans  les  premières  années  de  leur  établiflement ,  les  Religieux 
Carmes  chantoient  tous  les  jours  une  Grand'Meffe  pour  leur 
fondateur. 

L'Evêque ,  les  Chanoines,  &:  le  Curé  de  Saint-Vincent,  s'op- 
poferent  à  la  fondation  5  les  Religieux  s'en  moquèrent ,  &  l'E- 
yêque  les  excommunia.  Ils  en  appellerent  au  Pape ,  &  l'affaire 
refta  indécife  jufqu'en  1330,  que  le  fondateur,  voulant  enfin  la 
terminer ,  appaifa  le  Prélat  &  fon  Chapitre  avec  de  l'argent. 
Le  Pape  confirma  tout  ce  qui  avoit  été  fait ,  le  Duc  Jean  Ili 
approuva  la  fondation ,  &  les  Carmes  relièrent  tranquilles. 

1320.  Daniel  Vigier  publie  des  ftatuts.  Le  feptieme  défend 
d'admettre  plus  de  trois  perfonnes  à  tenir  les  enfants  fur  les 
Fonts  baptifmaux  ,  parce  que  cette  pluralité  de  parrains  &  de 
marraines  multiplie,  dans  la  fociété,  les  confanguinités  fpirituelles  , 
&  empêche  beaucoup  de  mariages.  Le  dixième  engage  le  peuple 
à  entourer  de  murs,  les  puits ,  les  fontaines ,  &  les  folTés  ,  pour 
prévenir  les  accidents  très-communs.  Ceci  paroît  plutôt  du  reflbrt 
d'un  Juge  de  Police  que  d'un  Evêque  :  mais  qu'impoite  d'où 
viennent  les  règlements ,  quand  ils  font  fages  ,  utiles  ,  &  faits 
par  des  perfonnes  autorifées  par  leurs  dignités  ? 

1325.  Le  Prélat  crée  un  Chapitre  à  Notre-Dame ,  par  l'érec- 
tion de  plufieurs  Chapellenies  en  Canonicats,  fans  préjudice, 
toutefois,  des  Moines  de  Saint  -  Sauveur  de  Redon,  qui  conti- 
nuèrent d'y  avoir  les  honneurs ,  &  d'y  célébrer  l'Office  divin 
jufques  vers  le  miHeu  du  quinzième  fiecle.  Pour  cet  effet ,  les 
Rehgieux  &  les  Chanoines  faifoient  l'Office  à  des  heures  diffé- 
rentes. La  Paroiffe  étoit  régie  par  un  Curé  en  titre  ,  que  le 
defir  de  porter  une  aumuce  a  rendu  depuis  Vicaire   à  portion 


NAN  75 

congrue.  Gérard ,  Seigneur  de  Machecou  ,  percevoir  alors  un  droit 
de  péage  fur  les  ponts  de  Nantes. 

1325.  Jean  III  fait  bâtir  &  dote  la  Chapelle  des  Saints  Do- 
natien &  Rogatien  ,  à  l'extrémité  du  fauxbourg  de  Saint-Clément, 
avec  une  retenue  de  dix-neuf  fols  monnoie  de  rente  à  l'Hôpital 
du  même  Saint-Clément. 

Jeanne  de  Bouville  ,  époufe  d'Olivier  de  Cliflbn ,  meurt  l'an 
1329,  &  eu  enterrée  fous  un  tombeau  de  marbre  noir  ,  qu'on 
voit  dans  l'Eglife  des  Cordeliers  ,  du  côté  de  l'épître  :  elle  y  eft 
repréfentée  avec  cette  infcription: 

Ci-git  Madame  Blanche  de  Bouville  ,  jadis  femme 
de  Mos  Olivier  ,  Sire  de  Clijfon  ,  qui  trépajfa, 
Van  de  grâce  M,   CCC^  XX  &  IX  ^  le  i^  Novembre^ 

Jean  de  Bretagne ,  Comte  de  Richemont  &  oncle  du  Duc 
Jean  III ,  meurt  le  1 7  Février  1333,  &  eft  aufli  enterré  aux 
Cordeliers.  On  ne  voit  plus  aucunes  traces  de  fon  tombeau , 
<jui ,  apparemment  aura  été  détruit  pour  les  différents  change-? 
ments  que  les  ReHgieux  ont  fait  à  leur  Eglife.  Ce  Prince  avoir 
légué,  par  teftament ,  à  la  Cathédrale  ,  une  Croix  d'or,  dans  la- 
quelle étoit  renfermé  du  bois  de  la  vraie  Croix ,  avec  plulieurs  au- 
tres faintes  Reliques. 

L'an  1336  ,  'le  meilleur  ouvrier  de  Nantes  ,  comme  charpentier, 
maçon ,  &c.  ne  pouvoit  gagner  que  deux  fols  monnoie  par  jour , 
prix  fixé  par  la  police  du  Duc ,  depuis  le  lever  du  foleil  juf- 
qu'à  fon  coucher.  Le  boifleau  de  bled ,  mefure  comble ,  ne 
valoir  que  deux  deniers  j  &  les  autres    denrées   en  proportion. 

1337.  Daniel  Vigier  meurt  dans  fon  Palais  épifcopal ,  le  14 
Février ,  &  eu  inhumé ,  fous  un  tombeau  de  marbre ,  dans  fa 
Cathédrale ,  dans  la  Chapelle  de  Saint- Jean-Baptifte  ,  qu'il  avoir 
fait  bâtir.  Ce  Prélat  étoit  très-zelé  pour  la  Religion  ;  il  orna 
fon  EgHfe  Cathédrale  ,  &  l'enrichit.  C'eft  lui  qui  iit  faire  la 
groffe  cloche  ,  nommée  la  Félix  ,  &  les  deux  images ,  en  argent , 
de  la  Sainte  Vierge ,  &  de  Saint  Jean  ,  Apôtre ,  qu'on  voyoit 
encore,  en  1733  ,  à  droite  &  à  gauche  du  crucifix  d'argent.  Il 
fonda  plufîeurs  anniverfaires  ,  fêtes  doubles ,  &  Chapeiienies  j 
jnais  ce  qui  fait  le  plus  bel  éloge  de  ce  Prélat ,  c'efl  qu'il  fut  le 
■père  des  pauvres  de  fon  diocefe.  Les  flatuts  qu'il  a  laiffés  font 
fans  date.  On  y  voit  qu'un  Refteur  étoit  tenu  de  lailTer  ,  en 
4ïio-urant ,  quatre  lits.;  le  premier , pour  fon  fucceifeur  j  le  fécond , 


76  N  A  N 

pour  fon  Vicaire  ;  le  troifieme ,  pour  leur  Clerc  :  ils  ne  parlent 
point  de  la  deftination  du  quatrième.  Ils  donnent  la  forme  de 
i'abfolution ,  en  ces  termes  :  Je  t'ahjous  par  L'autorité  de  Dieu  & 
des  bienheureux  Apôtres  Saint  Pierre  &  Saint  Paul  ^  de  tous  les 
péchés  dont  tu  tes  confejfé  &  de  ceux  dont  tu  ne  te  fouvicns  pas , 
dans  tout  ce  que  je  peux  &  ce  que  je  dois. 

On  lit  Fépitaphe  ci-après  fur  le  tombeau  de  Daniel: 

Anna  Dm  M\  CCC^^o.  XXXVII,  die  VenerisXII 
mens  Fehruarii ,  ohiit  Reverendus  P'',  ac  Dhs  ,  Dns 
Daniel  Vigerii  de  Guemeneyo  ,  Nanneten  Diocs  oriun' 
dus  Eps  Nanneten ,  qui  pe  XXXII  annos  eu  dimi- 
dio  rexit  laudab,  Eccliam  Nanneten  ,  cuj:  aia  in  pace 
eu  Angelis  requiefcat.  Amen, 

1338.  Barnabe  de  Rochefort  eft  fait  Evêque  de  Nantes  -,  il 
fe  démet,  en  1339,  ^  ^  pour  fuccelTeur  Olivier  Saladin.  Celui- 
ci  efl  le  premier  qui  fe  foit  fait  porter  par  les  quatre  Barons 
à  fon  entrée  folemnelle  ,  &  qui  ait  ufé  de  la  formule  :  Evêque , 
par  la  grâce  de  Dieu  &  du  Saint-Siège.  Il  n'y  avoit  alors  qu'un  feul 
Maître  d'école  pour  l'éducation  de  toute  la  ville  :  il  fe  nommoit 
Eon  Roger ,  &  étoit  finguliérement  conlidéré  des  Grands  &  du 
Peuple.  Le  Duc  lui  fit  une  penfion  viagère  de  cent  cinquante 
livres  ,  pour  l'engager  à  remplir   exaftement  fes  devoirs. 

1341.  Le  Duc  Jean  III  meurt  à  Caen ,  le  30  Avril.  Jean, 
Comte  de  Montfort  ,  fon  frère  ,  fe  faiilt  aufli-tôt  de  Nantes , 
contre  les  dernières  volontés  du  défunt  Duc  ,  qui  avoit  inftitué , 
pour  fon  héritier /Charles,  Comte  de  Blois  ,  époux  de  Jeanne  de 
Penthievre  ,  fille  de  Gui  de  Bretagne  ,  aîné  de  Montfort.  L'Evêque 
de  Nantes  &  Bertrand ,  Sire  de  Briquebec  ,  Gouverneur  de  Bre- 
tagne ,  mettent  une  impofition  de  quatre  deniers  monnoie  fur 
chaque  livre  dé  viande  qui  pourroit  être  vendue  depuis  le  21 
Novembre  jufqu'au  jour  de  Pâques  ,  qui  étoit  alors  le  premier 
jour  de  l'année.  Les  Receveurs  de  ces  deniers  étoient  Guillaume 
de  la  Gafcherie  &  Philippe  Bougault ,  Commiffaires  choifis  à  cet 
effet.  C'étoit  pour  la  réparation  des  murs  &  autres  ouvrages  publics 
de  la  ville. 

Jean ,  Seigneur  de  Derval  ;  Philippe  du  Château  ,  Doyen  du 
Chapitre  j  Eon  Roger  ,  Maître  d'école  à  Nantes  ;  &  Guillaume 
Roger  ,    que  le  Duc   avoit   nommé   fes  exécuteurs    tellamen- 


N  A  N  77 

taîres ,  font  ouvrir ,  le  1 5  Juin ,  un  coffre  que  Jean  Bennibaut , 
Curé  d'Abbaret ,  avoit  dépofé  dans  la  facriftie  de  la  Cathédrale , 
fous  la  garde  du  Tréforier.  Ils  y  trouvent ,  en  efpeces  d'or  ,  feize 
cents  foixante-fîx  doubles  de  foixante  fols ,  neuf  cents  onze  écus 
de  vingt  fols ,  trois  cents  quarante-fîx  pavillons  de  trente  fols  , 
cent  foixante-deux  lions  de  vingt-cinq  fols  ,  mille  quatre-vingt- 
fept  royaux  de  vingt-deux  fols  iix  deniers ,  cinquante-trois  florins 
de  Florence  ,  vingt-un  parifîs  de  vingt-cinq  fols ,  treize  couronnesi 
de  quarante,  fols ,  onze  agnelets  de  quatorze  fols  ,  une  once 
quinze  fterlings  &  demi  d'or  ;  en  efpeces  d'argent ,  dix  -  huit 
cents  quatre-vingt-dix  livres  en  limoufîns ,  huit  cents  quatre-vingt- 
trois  livres  en  doubles ,  foixante- quatre  livres  en  oboles  blanches 
de  Bordeaux ,  mille  trente  livres  en  oboles  blanches  de  dix  de- 
niers ,  &  huit  cents  trente-trois  livres  en  oboles  blanches  de 
quinze  deniers  :  total  des  efpeces  d'argent,  quatre  mille  fept 
cents  livres.  Toutes  ces  fommes  furent  replacées  dans  le  même 
coffre ,  &  portées  chez  le  Tréforier  de  la  Cathédrale  ,  comme 
dans  un  lieu  plus  fur.  Parmi  l'argent  monnoyé  que  le  Duc  avoit 
laiffé  au  château ,  on  trouva  plufieurs  monnoies  anciennes ,  frap- 
pées au  coin  de  fes  prédéceffeurs ,  &  des  monnoies  noires  de 
cuir.  C'eft  la  première  fois  qu'il  efl  fait  mention  de  ces  dernières  : 
on  ignore  quand  elles  commencèrent  à  courir  j  tout  ce  qu'on 
fçait ,  c'eft  qu'elles  étoieht  d'un  cuir  fort ,  empreint  d'hermines , 
&  de  quelques  autres  carafteres  diftinftifs.  Au  mois  de  Février 
1341  ,  le  marc  d'argent  valoit  neuf  livres  douze  fols  ;  &,  l'année 
fuivante  ,  douze  livres  dix  fols.  En  ce  temps  ,  Nantes  paffoit  pour 
la  capitale  &  la  première  ville  du  Duché  de  Bretagne. 

1342.  Charles  de  Blois  obtient  un  Arrêt  de  la  Cour  des 
Pairs,  qui  le  déclare  héritier  du  Duché.  Il  part  de  Paris  avec 
le  Duc  de  Normandie  ,  fils  aîné  du  Roi ,  &  vient  mettre  le 
fiege  devant  Nantes.  Le  Duc  de  Normandie  ,  Général  des  troupes 
Françaifes ,  avoit  fix  mille  hommes  ;  &  Othon  Adorne  s'y  étoit 
joint  avec  trois  mille  braves  Génois.  Les  affiégeants  occupoient 
les  deux  côtés  de  la  rivière ,  &  preffoient  la  ville  avec  vigueur. 
Montfort ,  qui  la  défendoit  en  perfonne  ,  avoit  une  bonne  garni- 
fon.  Dès  le  fécond  jour,  les  Génois  s'approchent  des  barrières, 
&  font  vivement  repouffés  j  mais  ils  ne  s'effraient  point ,  & 
reviennent  tous  les  jours  à  la  charge.  Ces  petits  combats  fai- 
foient  périr  beaucoup  de  monde.  Le  plus  remarquable  ell:  celui 
qui  fe  livra  près  des  barrières ,  à  l'occafion  d'un  convoi  que  les 
affiégés  avoient  enlevé  ,  &:  qu'ils  conduifoient  dans  la  ville.  Le 


78  N  A  N 

détachement  envoyé  à  leur  pourfuite,  les  joint  lorfqu'ils  étoiem 
prêts  d'entrer.  On  fe  mêle  fur  le  champ  ,  &  l'on  combat  avec 
fureur.  Les  affiégeants  ,  qui  reçoivent  à  tous  moments  du  renfort , 
forcent  enfin  les  autres  à  leur  abandonner  la  viftoire.  La  retraite 
des  afîiégés  fe  fait  avec  tant  de  confufion,  qu'on  leur  prend  deux 
cents  prilbnniers. 

Cependant  les  habitants ,  qui  voient  leurs  fauxbourgs  occupés 
par  l'ennemi,  la  famine  prête  à  fe  faire  fentir,  leurs  maifons 
de  campagne  brûlées  ,  leurs  métairies  dévaluées  ,  leurs  parents 
prifonniers  ,  déUberent  fecrétement  entr'eux  fur  les  fuites  du 
fiege  ',  &,  comme  elles  leur  paroifTent  dangereufes  ,  ils  fe  décident 
à  traiter  avec  les  Français.  En  conféquence  ,  un  des  notables 
eu  député  aux  affiégeants ,  avec  lefquels  il  conclut  un  traité ,  - 
par  lequel  les  habitants  s'engagent  à  tenir  une  des  portes  de  la  ville 
ouverte  pendant  la  nuit ,  pour  y  introduire  fecrétement  les  Fran- 
çais ,  à  condition  qu'ils  n'y  cauferont  aucun  tort  ni  dommage , 
&  qu'ils  rendront  en  outre  tous  les  prifonniers  fans  rançon.  Le 
tout  s'exécute  fidèlement  :  les  affiégeants  entrent ,  marchent  droit 
au  château  dont  ils  brifent  les  portes ,  fe  faififfent  du  Comte 
de  Montfort  ,  &  le  font  conduire  à  Paris ,  où  il  eft  emprifonné 
dans  la  groffe  tour  du  Louvre.  Le  vainqueur  paffe  l'hiver  à 
Nantes ,  &  fe  prépare  à  faire  le  fiege  de  Rennes. 

1343.  Nantes  efi:  affiégée  par  le  Roi  d'Angleterre,  qui  établit 
fes  quartiers  à  Richebourg,  à  Saint-Clément  ,  au  Marchix ,  &  à 
la  FofJe.  Les  Français  viennent  au  fecours  des  affiégés.  Les  An- 
glais ne  les  attendent  pas ,  &  fe  retirent  précipitamment  j  ils 
brûlent ,  en  fe  retirant ,  la  Chapelle  de  Saint-Julien  de  la  Foffe. 
Cette  Chapelle  a  été  depuis  rebâtie  &  démolie  plufîeurs  fois: 
elle  fubfifte  toujours  fous  le  même  nom. 

1344.  Olivier  de  Cliffi^n  fe  laifle  gagner  parle  Roi  d'Angle- 
terre ,  &  embraffe  le  parti  de  Montfort  contre  Charles  de  Blois, 
Ce  brave  Chevalier  eft  arrêté  à  Paris  pendant  les  réjouiffances 
d'un  tournois  magnifique  :  on  lui  fait  fon  procès ,  &  il  elt  exé- 
cuté avec  treize  de  fes  complices ,  ChevaHers  Bretons  renommés. 
La  tête  d'Olivier  efi:  apportée  à  Nantes,  &  mife  au  bout  d'une 
lance ,  fur  une  des  portes  de  la  ville ,  pour  intimider  ceux  qui 
feroient  tentés  de  l'imiter. 

1345.  Olivier  Saladin  publie  des  ftatuts.  Le  fixieme  ordonne 
'de  dénoncer,  tous  les  Dimanches,  les  forciers  excommuniés.  Ce 
î^rélat  prêche,  l'an  1347,  devant  le  Pape  Clément  VI  ,  à  la 
«canonifation  de  Saint  Yves,  le  19  Mai.  C'étoit  un  des  plus  ce- 


NAN 79 

îebres  Evêques  de  fon  temps ,  &  il  mérîtoît  fa  réputation  :  les 
règlements  qu'il  fit  font  très-fages. 

1350.  Jeanne  la  petite,  Bourgeoife  de  Nantes,  fonde,  près 
FEglife  de  Notre-Dame ,  l'Hôpital  de  Saint- Julien.  Le  Prieur  de 
cette  Eglife  recevoit  cinq  fols  par  chaque  perfonne  qui  entroit 
dans  cette  maifon  :  c'étoit  une  efpece  de  Communauté.  Charles 
de  Blois  érige ,  dans  le  même  temps ,  la  Chapelle  de  Saint-Do- 
natien en  Collégiale ,  &  y  met  fix  Chanoines.  (  Voyez  ci-après, 
année  1445. ) 

1352.  Mort  d'Olivier  Saladin.  Hugues  II  du  nom,  dit  de  Mon- 
trelais  ,  Doyen ,  Grand-Chantre ,  &:  Archidiacre  de  Lamée ,  qui 
lui  fuccede  l'an  1353  ,  eft  transféré,  la  même  année ,  à  Tréguier, 
(  Voyez  Montrelais.  )  Robert  IV  du  nom  ,  dit  Peinel ,  eft  en 
même  temps  transféré  de  Tréguier  à  Nantes.  On  croit  que  ce 
Prélat  avoit  été  CordeUer,  &  qu'il  étoit  de  l'illuftre  maifon  de 
Peinel  en  Normandie. 

1353.  Gui  de  Rochefort  eft  fait  Capitaine  de  Nantes  pour 
Charles  de  Blois.  On  appelloit  alors  •  Capitaines  ceux  que  nous 
nommons  Gouverneurs.  Cet  ufage  a  duré  jufqu'au  commencement 
dufeizieme  {iecle.  L'année  fuivante,  dans  la  nuit  du  17  au  18  Fé- 
vrier ,  les  Anglais  furprennent  le  château  &  en  chaflent  le  Com- 
mandant &  fa  garnifon.  Rochefort ,  défefpéré  d'avoir  laiffé  perdre 
fa  place ,  &  brûlant  du  defîr  de  fe  venger  ,  engage  un  certain 
nombre  des  habitants  de  la  ville  à  fe  joindre  à  lui,  attaque  ce 
château  dont  on  l'avoit  forcé  de  fortir,  le  reprend,  &  taille  en 
pièces  tous  les  Anglais  qui  y  étoient. 

Les  plus  anciens  titres  dépofés  au  château  ,  font  tous  posté- 
rieurs à  l'année  1354,  à  l'exception  de  quelques  vidimus  ou  col- 
lationnés  antérieurs  à  cette  époque.  On  ne  doit  pas  s'étonner  de 
cette  rareté ,  dans  un  pays  fans  ceÏÏe  déchiré  par  des  diflentions 
domeftiques  ou  des  guerres  étrangères.  Il  n'y  avoit  point  de  ville., 
pas  même  de  château ,  qui  n'eût  été  pris  &  repris  ,  pillé , 
ruiné  ,  &  brûlé.  Il  étoit  prefque  impoflible  que  des  papiers 
puffent  échapper  à  tant  de  révolutions ,  aux  flammes  ,  à  la  pour- 
riture ,  aux  vers,  &,  fur-tout,  au  temps  qui  n'épargne  rien. 

1356.  Charles  de  Blois  contribue  généreufement  au  rétabHfle- 
ment  des  Eglifes  de  Saint-Laurent  &  des  Pères  Carmes  ,  qui 
avoient  été  ruinées  dans  les  fieges  précédents.  La  Cure  de  Notre- 
Dame  eft  unie  au  Chapitre  de  cette  Collégiale,  en  1357,  & 
non  en   1359,  comme  difent  quelques-uns. 

Chaque  paroifTien  payoit  alors  quatre  deniers  à  fon  Curé ,  à  îâ 


8o  N  A  N 

fête  de  Pâques.  (  C'eft  le  petit  blanc  d'aujourd'hui.  )  Les  mariages 
fe  faifoient  à  la  porte  de  l'Eglife ,  & ,  pendant  les  trois  jours  de 
Ténèbres ,  on  n'allumoit  que  treize  cierges ,  qu'on  plaçoit  fur  l'au- 
tel. Les  Chanoines  de  la  Cathédrale ,  comme  ceux  de  la  Collé- 
giale ,  n'avoient  par  jour  que  huit  deniers  d'afîiftance  -,  ce  qui 
faifoit  environ  huit  fols  de  notre  monnoie. 

Les  titres  de  la  Confrairie  de  la  Paffion,  publiés,  en  1769, 
par  M.  de  Ramaceul ,  Grand-Vicaire  &  Chanoine  de  la  Ca- 
thédrale de  Nantes  ,  nous  apprennent  qu'elle  fut  fondée ,  en 
1 3  60  ,  par  le  Duc  Jean  IV ,  furnommé  le  Vaillant,  L'auteur  rap- 
porte que  l'Evêque  de  Nantes ,  trouvant  un  jour  ce  Prince  dans 
un  abattement  d'efprit  extraordinaire,  &  pénétré  de  douleur  de 
voir  le  Duché  déchiré  par  les  guerres  civiles  ,  lui  rappella ,  pour 
le  confoler,  les  circonftances  ii  trilles  de  la  Paffion  du  Sauveur 
&  de  fes  fouffrances.  Le  Prince  fut  touché  &  remercia  le  Ciel 
des  peines  qu'il  éprouvoit.  Pour  lui  en  témoigner  plus  vivement 
fa  reconnoiiïance  ,  il  réfolut  d'inftituer  la  Confrairie  de  la  Paffion. 
Elle  fut  d'abord  delTervie  dans  l'Eghfe  de  Sainte-Croix  :  elle 
étoit  très-célebre ,  &  tous  les  Ducs  de  Bretagne  s'y  faifoient 
infcrire.  La  Reine  Anne ,  elle-même ,  voulut  y  être  admife.  Depuis, 
plulieurs  Prmces  &  grands  Seigneurs  demandèrent  à  y  être  reçus. 
Elle  fut  transférée,  en  1766,  dans  l'Eglife  des  Carmes  :  elle  eft 
compofée  de  cent  Frères  &  d'une  Sœur  unique ,  qui  doit  être 
PrincefTe. 

Dans  les  premiers  temps ,  lorfque  les  Frères  marchoient  en 
proceffion ,  ils  faifoient  porter  devant  eux  une  bannière ,  fur  la- 
quelle étoit  arborée  une  Croix  rouge ,  accompagnée  des  cruels 
inftruments  qui  fervirent  à  la  Paffion  de  Jefus-Chrift.  On  rap- 
porte au  même  temps  la  fondation  de  l'Aumônerie  de  Touffaint, 
fur  les  ponts ,  par  Charles ,  Comte  de  Blois. 

On  lit ,  dans  les  chroniques  &  titres  de  ce  fîecle  ,  que  les 
femmes,  à  leur  première  entrée  à  l'Eglife,  après  leurs  couches, 

Î)réfentoient ,  pour  offrande ,  du  pain  &  un  cierge  bénit ,  dans 
equel  elles  enfonçoient  quelques  pièces  de  monnoie  ,  à  leur  dé- 
votion &  félon  leurs  facultés  :  c'eft  ce  qu'on  appelloit  la  chan- 
delle ,  monnoie  de  la  Purification. 

1365.   Simon  Renoul ,  Archevêque  de  Tours,  affemble  à  An- 
gers un  Concile  provincial.  L'Evêque  de  Nantes  ne  peut  y  aller 
en  perfonne  ,  pour  caufe  de  maladie ,  &  y  envoie  des  Députés. 
On  y  pubHe  trente -quatre   articles    de  difcipline.   Le   vingt- 
deuxième   profcrit  l'ufage  des  œufs    &   du  laitage   pendant   le 

Carême. 


N  AN  8i 

Carême.  Les  douzième  &  treizième  défendent  aux  Prêtres  de 
porter  des  fouliers  à  long  bec  ,  nommés  poulaine.  La  pointe  de 
cette  chaufTure  étoit  plus  ou  moins  grande ,  fuivant  la  qualité. 
Celle  des  Princes  étoit  de  deux  pieds  ;  celle  des  Gentilshommes 
&  perfonnes  qualifiées  ,  d  un  pied  ;  &  celle  du  peuple ,  de  fix 
pouces.  Elle  étoit  recourbée  &  ornée  de  figures  grotefques  :  la 
plus  ridicule  pafToit  toujours  pour  la  plus  belle. 

1365.  Nicolas  Bouchard  ,  Amiral  de  Bretagne  ,  fait  bâtir  la 
tour  &  forterefTe  de  Pirmil ,  pour  la  défenfe  de  Nantes  du  côté 
du  Poitou.  Pirmil  étoit  une  ancienne  Châtellenie ,  qui  fut  alors 
érigée  en  Gouvernement.  Il  vient  d'être  fupprimé ,  avec  plufieurs 
autres  de  la  province ,  par  notre  augufle  Monarque  Louis  XV7. 

1365.  Au  mois  de  Novembre,  Jean  IV  donne  la  vieille  Mon- 
noierie  aux  Jacobins  ,  en  confîdération  de  Simon  de  Langres ,  Reli- 
gieux de  cet  Ordre  ,  dont  il  fut  le  vingt-deuxième  Général.  Le  30 
du  même  mois,  le  même  Prince  fait  fon  entrée  à  Nantes,  & 
confirme  la  fondation  de  quelques  Maifons  religieufes.  Le  feptier 
de  froment  valoit  alors  cinq  fols ,  &  la  pipe  du  meilleur  vin 
Nantais,  vingt  fols.  Le  marc  d'argent  étoit  à  cinq  livres  cinq  fols. 

1366.  Mort  de  Robert  Peinel.  Le  Chapitre  nomme,  pour  fon 
fucceffeur  à  l'Evêché ,  Simon  de  Langres ,  Rehgieux  de,  l'Ordre 
de  Saint-Dominique.  La  même  année ,  Jean  IV  époufe  ,  dans 
l'Eglife  Cathédrale  ,  Jeanne  d'Angleterre  ,  fille  d'Edouard  ÏII 
du  nom  ,  Roi  d'Angleterre.  Ce  mariage  efl  célébré  avec  de 
grandes  réjouiffances  &  par  de  magnifiques  tournois.  L'année 
fuivante  ,  Simon  de  Langres  bénit ,  le  1 1  Mai ,  l'Eglife  &  le 
cimetière  de  ToulTaint,  fondés  par  Charles  de  Blois. 

1369.  Les  Comtes  de  Pembrok  &  de  Cantorberi  arrivent  à 
Nantes ,  où  ils  font  reçus  avec  dilHnftion  par  le  Duc  ,  leur  beau- 
frere.  Trois  jours  après,  ils  partent  pour  le  Poitou,  avec  leur 
armée  qui  étoit  logée  dans  les  fauxbourgs. 

1370.  Simon  de  Langres  publie  des  ftatuts.  Ils  ordonnent  aux 
chefs  de  famille ,  fous  peine  d'excommunication  &  d'une  demi- 
livre  de  cire  ,  d'envoyer ,  les  Dimanches  &  Fêtes  ,  une  perfonne 
de  leur  maifon  à  la  MeÔe  paroiiîiale ,  ou  d'y  aller  eux-mêmes. 
Ils  ne  veulent  pas  auffi  qu'on  reçoive  à  la  purification  les 
filles  après  leur  accouchement,  à  moins  qu'elles  ne  renoncent 
publiquement  à  leur  concubinage.  Ce  Prélat  recevoir  les  ré- 
fignations  in  favorem ,  qui  vont  préfentement  à  Rome  ;  mais  il 
obfervoit,  après  avoir  accordé  les  provifîons ,  d'en  donner  l'exé- 
cution   à    l'Archidiacre  ou  à  TOfficial  ,    qui  les   renvoyoit  au 

Tome  IIL  L 


8i  _  N  A  N 

Doyen  de  l'endroit,  &  celui-ci  commettoit  le  premier  Prêtre 
ou  Notaire  pour  mettre  le  pourvu  en  pcfTeflion.  Le  château  de 
Sucé  étoit  alors  une  maifon  de  campagne  des  Evêques  de 
Nantes. 

1372.  Simon  de  Langres  fe  démet  de  fon  Evêché.  Jean  I  du 
nom ,  aufli  de  l'Ordre  de  Saint-  Dominique ,  qui  lui  fuccede , 
fe  trouve ,  avec  plufîeurs  autres  Prélats  ,  à  la  dédicace  de 
l'Eglife  du  Collège  de  Navarre ,  à  Paris.  Bertrand  du  Guefclin 
eft  fait  Capitaine  de  la  ville  Se  du  château  de  Nantes ,  qu'il 
venoit  de  foumettre  à  Charles  V.  Simon  de  Langres  remont-e 
fur  le  Siège  épifcopal  de  Nantes  en  1374,  publie  de  nouveaux 
llatuts  ,  &  permute  ,  en  1382  ,  avec  Jean  de  Montrelais  ,  Evêque 
de  Vannes.  Olivier  de  ChfTon  eft  nommé  Gouverneur  de  Nantes 
en  1379.  Le  Comte  de  Bukingham  affiege  cette  ville  en  1380. 
Cliffon  défend  fa  place  avec  beaucoup  de  valeur  ,  &  force 
l'étranger  à  décamper  après  foixante-quatre  jours  de  fiege.  (  Voyez 
tome  premier ,  page  clviij.  ) 

1384.  Jean  de  Montrelais  II  du  nom  fait  fon  entrée  folem- 
nelle  à  Nantes  ,  avec  toute  la  pompe  ufitée  en  pareil  cas.  Je 
rapporterai  ici  cette  cérémonie  {inguliere  pour  la  fatisfaftion  du 
lefteur.  L'Evêque  pafToit  la  nuit  dans  l'Hôpital  ou  Aumônerie  de 
Saint -Clément.  De  là,  il  étoit  conduit,  jufqu'à  la  porte  Saint- 
Pierre  ,  par  le  Baron  de  Chateaubriand ,  qui  tenoit  la  bride  du 
cheval  fur  lequel  étoit  monté  le  Prélat.  Il  defcendoit  de  cheval 
en  cet  endroit ,  &  étoit  porté  en  chaife  ,  jusqu'au  grand  autel 
de  fon  Eglife  Cathédrale ,  par  les  Barons  de  Pontchâteau  ,  de 
Retz  ,  d'Ancenis,  &  de  Chateaubriand.  Ces  Seigneurs  dînoient 
avec  l'Evêque ,  &  partageoient  les  dépouilles  de  fa  table.  Le 
premier  avoir  le  linge  j  le  fécond ,  la  vaiffelle  ;  le  troifieme , 
l'échanfonnerie  -,  &  le  quatrième ,  le  cheval. 

Le  Duc ,  en  qualité  de  Baron  de  Retz  ,  avoit  été  cité  à 
comparoître  &  à  faire  fon  office  au  jour  de  l'entrée.  Ce  Prince 
s'y  trouva  &  exigea  le  cheval  du  Prélat  ,  comme  poiTeffeur 
du  rachat  de  la  Baronnie  de  Chateaubriand  -,  ce  qui  lui  fut  ac- 
cordé. Les  Barons  eurent  une  difpute  férieufe  au  fujet  du  rang 
que  chacun  devoir  occuper  dans  cette  cérérnonie  bizarre  &  ri- 
dicule. Après  beaucoup  de  conteftations ,  Pierre  Guego ,  Cha- 
pelain de  l'Evêque ,  termina  la  querelle  par  la  lefture  d'un  afte 
fort  ancien  ,  qui  adjugeoit  la  première  place  au  Baron  de  Pont- 
château  ;  la  féconde  ,  à  celui  de  Retz  ;  la  troifieme  ,  à  celui 
d'Ancenis  j  &  la  quatrième  ,    à  celui  de  Chateaubriand^ 


N  A  N  Sj 

1383.  Aflemblée  des  Etats  à  Nantes  :  la  Nobleffe  y  paroît, 
pour  la  première  fois ,  avec  le  collier  de  l'Ordre  de  l'Hermine , 
que  le  Duc  Jean  IV  venoit  d'inftituer.  Les  Dames  y  étoient 
admifes  fous  le  nom  de  Chevalerefles.  L'année  fuivante ,  Geoffroi 
de  Pont-Glou  eft  nommé  Capitaine  de  Nantes.  Jeanne  d'Angle- 
terre ,  époufe  du  Duc  ,  meurt  à  Nantes  au  mois  de  Septembre , 
&  eli:  enterrée  dans  l'Abbaye  de  Prières,  au  diocefe  de  Vannes, 
comme  elle  l'avoit  demandé.  Son  teftament  eft  du  25  du  même 
mois.  Gui  de  la  Vieillevigne  ,  Curé  de  la  Paroifîe  de  Saint- 
Laurent  ,  fut  un  des  témoins  ;  &  Simon  de  Langres  un  des  exé- 
cuteurs teltamentaires.  Le  Duc  fait  auffi  fon  teflament  au  châ- 
teau de  Nantes,  le  21  Oftobre  de  l'année  1385.  Il  porte  que 
le  Prince  veut  être  inhumé  dans  la  Chapelle  de  Saint -Michel 
d' Aurai ,  ou  dans  l'EgUfe  Cathédrale  de  Nantes ,  ou  dans  celle 
de  l'Abbaye  de  Prières.  En  conféquence ,  il  lègue  cent  livres 
de  rente  aux  Religieux  de  cette  maifon  ,  pour  avoir  part  à 
leurs  prières.  Il  déclare  en  outre  que  fî  les  exécuteurs  tellamen- 
taires  ne  jugeoient  pas  à  propos  de  le  faire  enterrer  dans  cette 
Abbaye ,  il  vouloit  qu'on  exhumât  les  ofTements  de  Jeanne  d'Angle- 
terre ,  fon  époufe ,  Se  qu'on  les  mît  avec  lui  dans  le  même  tombeau. 

1385.  Les  Nantais  font  témoins  d'un  combat  ,  qui  eft  pour 
eux  un  fpe6lacle  nouveau.  Le  Sire  de  Tornemine  eft  appelle 
en  duel  par  Beaumanoir ,  dont  il  avoit  tué  le  frère  pour  époufer 
fa  veuve.  Le  combat  eft  accepté ,  &  les  deux  Seigneurs  deman- 
dent au  Duc  la  permifTion  de  fe  battre.  Le  Prince  y  confent, 
&  taxe  le  vaincu  à  mille  livres  de  dépens.  La  place  du  BoufFay 
eft  choifie  pour  le  lieu  du  combat,  que  Jean  IV  honore  de 
fa  préfence.  Les  deux  champions  jurent  fur  les  faintes  Reliques 
&  le  Mifîel  qu'ils  ont  bon  droit ,  &  qu'en  leurs  harnois ,  ni  aux 
environs  ,  ils  n'av oient  ,  ni  n'auroient  fon  charai ,  ni  mal  engin. 
Ils  fe  battent  à  cheval  &  enfuite  à  pied  ,  en  champ  clos ,  de 
quatre-vingts  pas  de  long  fur  foixante-dix  de  large.  Beauma- 
noir ,  vainqueur ,  ufe  noblement  de  fa  viftoire.  Il  demande  au 
Duc  la  vie  de  fon  adverfaire ,  &  obtient  qu'il  ne  foit  pas  puni 
félon  la  rigueur  des  loix. 

5  Novembre  1386.  Violent  tremblement  de  terre  à  Nantes. 
Le  20  Mai  de  l'année  fuivante,  on  en  éprouve  un  autre,  d'au- 
tant plus  aifreux  qu'il  étoit  accompagné  des  éclats  multipliés 
du  tonnerre.  Les  Evêques  de  la  province  tenoient  alors  un 
Concile  en  cette  ville. 

1587  ou  1388.  La  DuchefTe  Jeanne  de  Navarre,  époufe  du 


84  N  A  N 

Duc  Jean  IV,  accouche,  à  Nantes,  le  n  Septembre,  d'une 
fille ,  qui  eft  baptifée  à  la  Cathédrale  &  nommée  Jeanne.  Jean  IV 
affigne  le  douaire  de  cette  PrincefTe  fur  les  rentes  ducales  de 
Nantes  &  de  Guérande.  Ce  Prince  s'embarque  enfuite  fur  la 
Loire  ,  fe  rend  à  Meun  ,  &  de  là  à  Paris ,  avec  fa  fuite ,  qui 
étoit  de  plus  de  douze  cents  perfonnes ,  Evêques,  Barons,  Che- 
valiers ,  Ecuyers ,  &  Officiers  de  fa  maifon.  La  ville  de  Nantes 
&  tout  le  diocefe  efTuient  encore  un  nouveau  tremblement 
de  terre. 

Le  Synode  tenu  à  Nantes  en  1389,  prefcrit  aux  Abbés  d'af^ 
fîfter  aux  aflemblées  eccléfialtiques ,  en  chape  de  foie  avec  la 
crofle  j  &  aux  fimples  Eccléfiaftiques ,  en  furplis  &  avec  l'étole 
pendante.  Il  leur  ordonne  de  renouveller  tous  les  jours  la  fainte  Eu- 
chariftie  j  de  renvoyer ,  dans  huitaine ,  les  femmes  fufpeftes  j  & 
prononce  excommunication  contre  un  Prêtre  qui  féduira  fa  pa- 
roiffienne  ,  ou  une  étrangère  dont  il   aura  entendu  la  confeffion, 

1390.  Jean  de  Mauni  eft  fait  Capitaine  de  Nantes.  Le  Roi 
Charles  VI  afTemble  les  Princes  de  fon  Sang  ,  à  Tours ,  Tan 
1391  ,  &  députe  le  Duc  de  Berry  au  Duc  de  Bretagne  pour 
l'mviter  à  s'y  rendre.  Jean  IV  va  au  devant  de  l'AmbalTadeur 
jufqu'à  la  Seilleraye  ,  à  trois  lieues  de  Nantes ,  &  lui  fait  une 
réception  magnifique.  A  fon  arrivée ,  le  Duc  de  Berry  écrit  aux 
Seigneurs  Bretons  de  venir  à  Nantes ,  pour  être  témoins  de  ce 
qu'il  avoit  à  dire  au  Duc  de  la  part  du  Roi.  Les  Gentilshommes 
fe  rendent  à  l'invitation ,  &  s'affemblent  au  jour  marqué.  Le 
Prince  Français  fait  un  long  difcours ,  &  déclare  que  le  Roi 
trouvoit  mauvais;  1°.  que  le  Duc  fit  battre  monnoie  ;  2^.  qu'il 
fit  la  guerre  au  Connétable  Olivier  de  ChlTon  ;  3°.  enfin,  que, 
dans  l'hommage  que  fes  vaflaux  lui  rendoient ,  il  les  obHgeât 
de  jurer  qu'ils  le  ferviroient  envers  &  contre  tous ,  fans  en  ex- 
cepter le  P».oi. 

Le  Duc  s'ofFenfe  de  ce  difcours ,  &  entre  dans  une  (\  terrible 
colère ,  que ,  fans  refpeft  pour  le  cara6lere  facré  &  inviolable 
des  AmbafTadeurs  de  fon  Souverain ,  il  donne  ordre  d'arrêter  tous 
les  Seigneurs  Français.  Pierre  de  Navarre,  qui  étoit  alors  à  Nantes, 
réfiéchiilant  fur  les  fuites  fâcheufes  que  pourroit  avoir  cette 
affaire ,  court  en  avertir  la  Ducheffe ,  fa  fœur ,  &  la  prefle  de 
s'oppofer ,  de  toutes  fes  forces  ,  au  fanefle  deffein  de  fon  époux, 
La  Pnncefle  épouvantée  ,  prend  fon  fiis  aîné  entre  fes  bras ,  va 
trouver  fon  mari ,  fondant  en  larmes  ,  &  le  conjure  au  nom  du 
jeune  Prince ,  fruit  de  leur  union,  de  révoquer  l'ordre  qu'il  vient 


N  A  N  8j 

de  donner.  «  Votre  colère  ,  lui  dit-elle  ,  va  retomber  fur  ce  cher 
>♦  fils  &  Tes  frères ,  &  les  plonger  dans  un  abyme  de  malheurs.  » 
Le  Duc  eft  touché  ,  réfléchit  au  danger  auquel  il  s'expofe  ,  Se 
donne  des  ordres  contraires.  Il  demande  même  un  fauf-conduit ,  & 
part  avec  les  Ambaflkdeurs  du  Roi  pour  fe  rendre  à  Tours  , 
îuivi  de  plus  de  quinze  cents  Gentilshommes.  Une  partie  de 
cette  nombreufe  fuite  fait  le  chemin  en  cinq  bateaux ,  garnis 
de  canons  &  de  gens  de  guerre  ,  tandis  que  le  refle  va  par 
terre.  A  une  lieue  de  Tours ,  les  Ducs  de  Bourbon  &  de  Bour- 
gogne viennent  au  devant  du  Duc ,  &  l'accompagnent  jufqu'à 
Ion  logement. 

Jean  de  Montrelaix  II  du  nom ,  eft  le  fécond  Evêque  de 
Nantes ,  qui  ait  ufé  de  la  formule  d' Evêque  ,  par  la  grâce  de  Dieu  : 
c  etoit  un  Prélat  vraiment  digne  de  fon  rang.  Il  publia  des  ftatuts , 
dont  la  plupart  font  perdus.  Dans  ceux  qui  nous  relient ,  il 
défend  de  célébrer  aucune  Mefle  avant  celle  de  la  Paroifle  j 
d'y  admettre  les  habitants  des  Paroifles  voifines ,  à  moins  que 
ce  ne  foit  dans  la  ville  ;  &  de  les  confefler  fans  la  permimon 
de  leur  Curé.  Il  défend  aux  Prêtres  de  fortir  après  huit  heures 
du  foir  ,  en  quelque  temps  que  ce  foit ,  à  moins  qu'ils  n'aient 
des  affaires  indifpenfables  ;  de  fe  faire  fervir  par  des  femmes  \ 
&  de  célébrer  des  mariages  avant  le  lever  du  foleil  , 
parce  qu'alors  ils  étoient ,  réputés  clandeilins.  Les  mêmes  ftatuts 
nous  apprennent  que  l'ufage  déréglé  des  droits  des  époux  ,  verbi  g, 
acceffum  ad  uxorem  quce  in  menjlruis  ejl  ,  vel  ad  prœgnaïuem  ,  (î  indè 
fequatur  ahonus ,  étoit  un  cas  réfervé  ;  &  qu'il  y  avoit  des  cas 
tellement  réfervés  à  l'Evêque ,  qu'il  ne  pouvoit  commettre  aucun 
autre  Prêtre  pour  en  abfoudre. 

Ce  Prélat  mourut  fi  pauvre,  que  fon  Chapitre  fut  obligé  de 
faire  les  frais  de  fes  funérailles.  Il  fut  enterré  fans  épitaphe ,  ni 
enfeu  ,  dans  la  Chapelle  de  Saint- Guillaume ,  en  fon  Eglife 
Cathédrale.  Bonabes  de  Rochefort ,  Archidiacre  de  la  Mée ,  lui 
fuccéda  par  réfignation,  en  1391. 

Les  titres  de  la  maifon  de  Penthievre  nous  apprennent  que 
la  livre  de  cuivre  valoir  alors  trois  fols  quatre  deniers  j  le 
beurre,  fix  deniers  5  l'huile  d'olive, un  fol  fix  deniers;  la  chandelle 
de  fuif,  un  fol;&  la  pipe  de  vin  d'aujourd'hui,  depuis  cinq  juf- 
qu'à fix  livres  :  .le  marc  d'argent  étoit  à  fix  livres  cinq  fols ,  & 
le  marc  d'or  à  foixante-fix  livres. 

1392.  Bonabes  de  Rochefort  fonde  la  facriftie  de  la  Cathé- 
drale.  L'année   fuivante ,  le   Tréforier  trouve  le  moyen    de   fe 


86  N   A  N 

décharger ,  à  peu  de  frais ,  des  fon6lions  de  Sacrifie  ;  comme 
fes  fucceffeurs  ont  trouvé  depuis  le  fecret  de  s'exempter  de  la 
garde  du  tréfor ,  qui  les  obligeoit  à  coucher  toutes  les  nuits  dans 
la  Cathédrale. 

1395.  EtablifTement  d'un  Procureur  général  Syndic  ,  à  Nantes, 
pour  veiller  aux  intérêts  de  la  ville. 

1396.  Le  Duc  de  Lancaftre  vient  à  Nantes.  Le  Duc  lui  donne 
des  navires  ,  des  troupes  ,  &  de  l'argent  ,  pour  conquérir  le 
Royaume  d'Angleterre. 

1397.  Mort  de  Bonabes  de  Rochefort.  Ce  Prélat  avoit  re- 
connu ,  pendant  fon  Epifcopat  ,  l'obédience  de  Pierre  de  la 
Lune ,  dit  Benoit  XIII.  Gui  de  Lefcours  avoit  été  nommé  Evê- 
que  de  Nantes,  en  1391 ,  par  Clément  VIL  On  le  trouve  avec 
la  qualité  d'élu  de  Nantes,  dans  un  afte  de  l'an  1395  ,  rap- 
porté par  l'Enfant ,  dans  Thiftoire  du  Concile  de  Confiance.  Il 
ne  fut  point  reconnu  en  qualité  d'Evêque  à  Nantes  ,  parce 
qu'on  y  regardoit  Clément  VII  comme  Antipape.  Pierre  I  du 
nom  ,  Dofteur  en  Théologie ,  efl  fait  Evêque  de  Nantes  en 
1397,  &  Adminiflrateur  de  Coutances  en  1398.  Bernard  II  du 
nom ,  lui  fuccede  dans  le  courant  de  cette  année.  Dans  le  même 
temps,  Jean  IV  afîigne  à  la  Cathédrale  foixante  livres  de  rente, 
fur  les  pêcheries  de  la  Loire  ,  dans  les  ParoifTes  de  Bouguenais  , 
Rezé  ,  Saint-Cyr  en  Retz ,  pour  l'acquit  d'une  fondation  de  quatre 
MelTes  par  femaine. 

1399.  Jean  IV  meurt  au  château  de  Nantes,  empoifonné , 
dit-on,  par  un  Prêtre  de  Nantes  &  le  Prieur  de  JofTelm  ,  qui, 
en  conféquence ,  font  arrêtés  &  conftitués  prifonniers.  Le  Prêtre 
meurt  en  prifon ,  &  le  Prieur  efl:  élargi ,  faute  de  preuves  pour 
lui  faire  fon  procès.  Jeanne  de  Navarre ,  époufe  de  ce  Prince  , 
fait  faire,  par  un  artifle  Anglais,  un  tombeau  de  marbre  blanc, 
&  le  fait  placer  fur  fa  fépulture ,  dans  le  chœur  de  la  Cathé- 
drale ,  où  on  le  voit  encore  aujourd'hui. 

Jean  V ,  âgé  de  dix  ans ,  fuccede  à  fon  père ,  fous  la  tutelle 
dé  fa  mère.  Cette  Princeffe  ell  demandée  ,  quelque  temps  après , 
en  mariage ,  par  Henri  de  Lancallre  IV  du  nom  ,  Roi  d'An- 
gleterre. Elle  accepte  la  propofition.  Le  mariage  efl  arrêté ,  & 
célébré  à  Nantes ,  par  Procureur ,  le  ^  Avril  1 400.  Jean  V  eft 
confié  aux  foins  du  Duc  de  Bourgogne,  fon  plus  proche  parent, 
qui  l'emmené  à  Paris.  Avant  le  départ  de  la  DuchefTe ,  Cliffon 
lui  fait  offrir  une  fomme  de  douze  mille  écus  d'or ,  par  forme 
de  prêt,  fi  elle   veut  lui  donner  le  Gouvernement  de  Nantes. 


N  A  N  S7 

Comme  elle  avoit  befoin  d'argent  elle  y  confent  j  mais  Gilles 
de  Lebieft  ,  Gouverneur  de  la  ville  ,  qui  connoifToit  l'ambition  du 
Connétable ,  s'y  oppofe ,  &  dit ,  avec  beaucoup  de  fermeté ,  à 
Jeanne  de  Navarre ,  qu'ayant  fait ,  par  {es  ordres ,  ferment  de 
ne  rendre  la  ville  qu'au  Duc  de  Bourgogne  ,  ou  à  Jean  V 
lorfqu'il  feroit  majeur,  il  ne  manqueroit  jamais  à  fa  parole,  foiis 
quelque  prétexte  que  ce  fût.  Son  inflexibilité  fait  échouer  le  pro- 
jet, &  ClifTon  garde  fon  argent. 

La  même  année ,  la  ville  de  Nantes  efl  défolée  par  une  maladie 
contagieufe ,  qui  emporte  beaucoup  de  monde. 

Le  3  Juin  1401  ,  un  ouragan  furieux,  qui  commence  fur  les 
cinq  heures  du  matin  ,  renverfe  des  murailles  de  la  ville  Se  les 
grofles  charpentes  qui  les  foutenoient  -,  des  arbres  très-gros  qui 
étoient  dans  le  cimetière  de  Saint-Pierre  font  déracinés ,  &  les 
campagnes  de  tout  le  Comté  font  ravagées  -,  les  Eglifes  de 
Coueron  &  de  Sainte-Pazanne  font ,  fur-tout ,  très-endommagées. 
La  tempête  ne  dure  ,  heureufement ,  qu'un  quart  d'heure  :  fi 
elle  eût  duré  encore  autant  de  temps  ,  le  pays  étoit  totale- 
ment ruiné. 

1 404.  Le  Duc  de  Bourgogne  affemble  les  Etats  à  Nantes , 
&  établit  des  Gouverneurs  dans  les  places  les  plus  importantes. 
La  pefte  ravage  le  Comté  de  Nantes.  On  a  recours  au  Ciel. 
On  fait  une  procefîlon  folemnelle ,  le  jour  de  la  tranflation  de 
Saint  Martin  ,  au  mois  de  Juillet.  Le  Clergé  &  les  habitants  y 
marchent  pieds  nuds ,  les  faintes  Reliques  font  portées  dans  toutes 
les  Eglifes  de  la  cité,  &  le  fléau  cefl^e.  L'Evêque  Bernard  efl 
transféré  de  Nantes  à  Tréguier  ,  de  Tréguier  à  Tarbes ,  & 
enfin  de  Tarbes  à  Tréguier.  Quelques-uns  lui  donnent  pour  fuc- 
cefTeur  Bertrand  du  Peyron.  Henri  IV  du  nom ,  dit  le  Barbu , 
Religieux  de  l'Ordre  de  Cîteaux ,  &  ci-devant  Abbé  de  Prières, 
eil  transféré  de  l'Evêché  de  Vannes  à  celui  de  Nantes.  Le  Pape 
le  difpenfe  de  venir  à  fa  Cour,  pour  lui  épargner  les  fatigues 
&  les  dépenfes  du  voyage ,  &  le  recommande  au  Duc. 

1405.  Jeanne  de  France,  époufe  de  Jean  V,  fait  fon  entrée 
à  Nantes  le  1 5  Mars.  Le  jour  de  fon  arrivée  ,  le  feu  prend  à 
quelques  maifons  ;  mais  cet  accident  ne  diminue  point  la  joie 
que  tous  les  citoyens  refTentoient  d'avoir  cette  augufle  Princefl^e 
pour  Souveraine.  Le  i  o  061:obre  ,  fête  de  Saint  Clair ,  le  feu 
prend  encore ,  on  ne  fçait  par  quel  hazard  ,  à  la  pommette 
du  clocher  de  l'Eglife  Cathédrale.  Un  couvreur ,  nommé  Jean 
Lucas ,  qui  y  monte  le  premier ,  efl:  étoufle  par  les  flammes  &  brûlé. 


88  N  A  N 

•  1 406.  Benoît  XIIÎ  permet  d'employer  le  Presbytère  de  l'Eglife 
de  Saint-Saturnin  de  Nantes ,  à  TagrandifTement  de  l'Egliie  de 
ce  nom ,  également  que  la  rue  qui  les  féparoit.  Il  faut  obferver 
que  les  Egiiies  étoient  alors  ifolées ,  &  ne  touchoient  à  aucun  autre 
édifice.  Le  Presbytère  de  Saint  -  Saturnin  fut  transféré  dans  le 
lieu  appelle  la  cave  du  Bouffay ,  qui  dépendoit  vraifemblable- 
ment  autrefois  de  la  Paroiffe  de  Sainte-Croix.  Cette  maifon  pres- 
bytérale  ,  qui  d'abord  n'étoit  que  peu  de  chofe  ,  fut  prefque  entiè- 
rement rebâtie  ,  l'an  1 599  ,  par  le  Curé  Guillaume  Gamier  ,  qui  la 
fit  augmenter  d'un  cabinet  &  exhaulTer  d'un  étage ,  à  la  charge  de 
loger  ,  dans  un  des  appartements ,  les  Prêtres  de  chœur  &  le 
Sacrilie.  L'Eglife  fut  exhauffée  de  huit  pieds,  en  1468 ,  par  l'or- 
donnance du  Grand-Vicaire ,  qui  menaça  les  Fabriqueurs  d'ex- 
communication ,  s'ils  n'exécutoient  fes  ordres. 

1406.  Synode  à  Nantes.  Il  oblige  les  Curés  à  tenir  des  regif- 
tres  de  Baptême.  Ces  ftatuts  furent  mal  obfervés  dans  les  cam- 
pagnes ;  car  il  n'y  en  a  point  qui  aient  confervé  des  regiilres 
de  ce  temps-là. 

1 407.  Le  Duc  Jean  V  accorde ,  par  lettres-patentes ,  aux  ha- 
bitants de  cette  ville  ,  le  droit  de  tenir  une  foire  franche  par 
chaque  année.  Elle  fe  tenoit  d'abord  fous  les  halles  de  la  ville, 
commençoit  au  \^^,  Janvier,  &  duroit  quinze  jours.  Les  intentions 
du  Duc  font  expliquées  fort  au  long  dans  fes  lettres-patentes. 
Il  veut  que  les  marchands  qui  viendront  à  Nantes  pendant  la 
foire  ,  foit  par  terre  ou  par  eau  ,  foient  exempts  de  tous  droits 
d'entrée ,  &  ne  paient  que  les  anciens  devoirs  de  fortie  ;  à  l'ex- 
ception pourtant  de  ce  qui  eft  dû  pour  le  fel ,  le  vin ,  &  le  bled , 
pour  lefquels  on  n'acGorde  aucun  privilege.il  y  a  encore,  à  Nantes, 
une  autre  foire  franche  ,  nommée  foire  Nantaife  :  elle  commence 
le   24  Mai ,  &  dure  quinze  jours. 

Grégoire ,  fe  difant  Pape  de  Rome ,  &  les  Cardinaux  de  Ton 
parti ,  foUicitent  les  Bretons  de  s'unir  à  eux.  Le  Roi  de  France 
&  rUniverfîté  de  Paris ,  qui  reconnoiflbient  ce  Pape ,  s'intérefTent 
en  fa  faveur  auprès  du  Duc  de  Bretagne,  mais  inutilement. 
Les  Bretons  ne  veulent  point  abandonner  leur  Pape.  La  lettre 
de  rUniverfité  de  Paris  eft  une  preuve  du  mauvais  goût  qui 
regnoit  alors.  On  y  trouve  des  citations  à  tout  propos ,  des  fen- 
•  tences,  de  l'emphafe  ,  du  phébus  ,  &c. 

1407.  Au  mois  de  Décembre,  le  Duc  rend  une  Ordonnance, 
qui  permet  à  l'Alloué  de  Nantes  de  nommer  douze  notables 
Bourgeois ,  pour  mefurer  6c  jauger  tous  les  fûts  de  vin  ,  fuivant 

l'ufement 


N  A  N  89 

lufement  Se  coutume  du  pays.  Ils  dévoient  faire  ferment ,  entre 
les  mains  de  l'Alloué ,  de  fe  bien  comporter  dans  les  fondions  de 
leurs  charges  ;  fondions  pour  lefquelies  ils  feroient  falanés.  L'an- 
née fuivante  ,  la  ville  attéage  un  domaine  pour  lequel  elle  paie 
encore  aujourd'hui  ûx  fols ,  monnoie  de  redevance ,  pour  avoir 
la  liberté  d'ouvrir  des  paflages  &  des  chemins  fur  la  Motte  du 
château  Gaillard.  Cette  Motte  étoit  à  la  fortie  de  Richeboutg , 
probablement  dans  l'endroit  où  eft  fituée  la  Communauté  des 
Religieufes   Urfulines. 

1 4 1  o.  Le  21  Février ,  le  Duc  ordonna  à  Gilles  de  Lebiefl , 
Capitaine  des  ville  &  château  de  Nantes ,  de  choiiir ,  parmi  les 
Bourgeois  &  Habitants ,  un  nombre  d'hommes  fuffifant  pour 
garder  les  portes  de  la  ville  ,  &  de  leur  accorder  un  falaire 
raifonnable.  Le  10  Avril,  le  feu  prend  au  Couvent  des  Jaco- 
Lins ,  &  réduit  en  cendres ,  dans  l'efpace  de  quatre  heures , 
l'Eglife ,  la  Sacriflie  ,  &  la  plus  grande  partie  du  Monallere , 
avec  tous  les  meubles  &  ornements.  Le  Duc ,  les  Seigneurs  de 
fa  Cour ,  &  les  Officiers  de  fa  maifon ,  touchés  du  malheur  des 
Religieux ,  font  rebâtir  l'Eglife  &  le  dortoir ,  fourniflent  des  clo- 
ches &  des  ornements  ;  de  forte  que  la  Communauté  ne  fe  ref- 
fentit  pas  beaucoup  de  cet  accident.  Le  18  Novembre  1413  , 
l'Evêque  bénit  Se  confacre  l'Eghfe ,  avec  beaucoup  de  folemnité. 

1 4 1 1 .  Le  2 1  Février ,  les  habitants  de  Nantes  obtiennent  du 
Duc  Jean  V  des  lettres -patentes ,  données  en  fon  Parlement 
général ,  à  Ploermel ,  portant  confirmation  du  privilège  que  leur 
avoir  accordé ,  en  1395,  le  Duc  Jean  IV ,  de  nommer ,  tous  les 
ans  ,  un  ou  deux  Procureurs  pour  veiller  aux  affaires  communes 
de  la  ville,  avec  droit  de  police  fur  le  pain.  Ce  Prince  leur 
permet  auffi  d'avoir  une  horloge ,  à  condition  d'en  prendre  tout 
le  foin  poffible  :  elle  fut  placée  au  Port-Maillard,  pour  fervir, 
en  même  temps ,  au  château  &  à  la  ville.  Par  les  mêmes  let- 
tres ,  il  eil:  défendu  aux  Tanneurs  &  Corroyeurs  de  vendre  du 
vin  en  détail. 

Il  y  a  voit  alors  à  Nantes  plufieurs  Hôpitaux  :  celui  de  Touf- 
faint,  fur  les  ponts  j  celui  de  Notre-Dame  de  -Pitié,  dans  la  rue 
du  Port-Maillard  -,  de  Saint- Jean  ,  près  les  Cordeliers  ;  Se  de  Sainte- 
Catherine  ,  en  Erdre  ^  ces  deux  derniers  forment  aujourd'hui  une 
Commanderie  de  l'Ordre  de  Malte  :  celui  de  Saint- Julien ,  qui 
eft  éteint  ,  étoit  une  Communauté  de  pauvres  mendiants ,  qui 
vivoient  enfemble  &  qui  mettoient  tout  en  commun;  ceux  de 
Notre-Dame,  hors  les  murs,  Se  de  Saint-Lazare,  fur  les  hauts 
Tome  IIL  M 


90 


N  A  N 


pavés ,  qui ,  réunis  à  ceux  de  Notre-Dame  de  Pitié  &  de  Touf- 
fainî,  forment  l'Hôtel-Dieu  ,  étoient  deftinés  pour  les  lépreux, 
efpece  de  malades  fort  communs  en  Bretagne.  (  Voyez  l'Abrégé 
de  l'Hiftoire  ,  tome  premier.  ) 

Le  Prieuré  de  la  Magdeleine  ,  fur  les  ponts ,  avoit  un  collège 
de  Chanoines-Réguliers.  Le  Chantre  tenoit  une  école  de  Mufiquej 
Ôc   le  Scholaftique  enfeignoit  la  Grammaire  à  la  jeunelTe. 

141 1.  Les  Eccléfialliques ,  toujours  ambitieux,  toujours  inquiets, 
&  tourmentés  par  la  crainte  de  perdre  leurs  privilèges ,  mettoient 
tout  en  ufage  pour  les  conferver.  Les  Conciles  généraux  &  par- 
ticuliers fulminoient  des  anathêmes  contre  les  anathêmes  qui 
ofoient  porter  atteinte  à  ces  droits  facrés  &  chéris.  Les  Evêques 
de  la  province  de  Tours ,  non  moins  prudents  que  leurs  Confrères  , 
ordonnent,  en  1411,  à  tous  les  Relieurs  de  leurs  diocefes,  de 
publier,  aux  prônes  des  MefTes  paroiiîiales  ,  les  décifions  fui- 
vantes ,  en  langue  vulgaire  ,  afin  que  tout  le  monde  pût  en  avoir 
connoiflance. 

1°.  Sont  excommuniés  ,  ipfo  faclo  ,  tous  ceux  qui  conjurent, 
confpirent  contre  les  libertés  de  l'Eglife  ;  qui  diminuent ,  reffer- 
rent ,  ou  troublent  la  jurifdiftion  eccléfiafHque  -,  qui  défendent  de 
la  reconnoître  ,  ou  confeillent  de  la  méprifer. 

2^.  Tout  excommunié  qui  ne  demandera  pas  l'abfolution  avant 
la  fin  de  l'année ,  s'il  vient  à  mourir ,  ne  fera  point  inhumé  en 
terre  fainte  ,  quoiqu'abfous  pendant  fa  maladie  ,  parce  quil  a 
paru  méprifer  les  cenfures  pendant  qu'il  éîoit  en  bonne  fanté  (  a  ). 

3*^.  Sont  excommuniés,  ipfo  faclo  ^  les  raviiTeurs  des  biens  de 
l'EgUfe  j  &  les  lieux  où  ils  fe  trouvent  font  foumis  à  l'interdit. 
Ce  règlement ,  fi  intéreffant  pour  ceux  qui  le  faifoient  ,  efl 
fort  étendu. 

4®.  Sont  excomm.uniés ,  tous  Juges  féculiers  qui ,  ayant  connoif- 
fance  des  vexations  commifes  envers  les  Eccléfiaftiques ,  ne  leur 
font  pas  rendre  jullice  lorfqu'ils  le   peuvent. 


(â)  A  l'occafion  de  ce  règlement,  Je 
rapporterai  une  anecdote  qui  fe  trouve 
dans  la  vie  de  Saint  Louis ,  par  Joinville. 
Les  Evêques  de  France  demandèrent  à  ce 
Prince  qu'il  lui  plût  joindre  l'autorité  du 
Sceptre  à  celle  de  l'Eglife,  pour  obliger  les 
excommuniés  à  demander  l'ablblution ,  au 
plus  tard  un  an  après  l'excommunication  lan- 
cée. Le  Monarque  refufa  de  fe  prêter  à 
leurs  vues  ,  dans  la  crante ,  dit-il ,  de  com- 


mettre des  injuftices.  Il  cita ,  pour  motif  de 
fon  refus  ,  le  Duc  de  Bretagne ,  qui ,  après 
plufieurs  années  paflees  dans  l'excommuni- 
cation ,  avoit  été  abfous  par  le  Pape  ,  qui 
avoit  reconnu  l'innocence  de  ce  Prince.  Si 
pourtant ,  ajouta-t-il ,  je  l'avois  forcé  à  de- 
mander l'abfolution  ,  j'aurois  participé  à  l'in- 
juftice  des  Prélats  Bretons.  En  conféquence 
il  renvoya  les  Suppliants ,  fans  vouloir  con- 
fentir  à  leur  demande. 


N  A  N  91 

5°,  Sont  encore  excommuniés,  toujours  Ipfo  faclo  ^  ceux  qui 
citent  devant  eux  des  EcclérialHques  ,  fur-tout ,  lorfqu'ils  les  con- 
noifïent  pour  tels  ;  &  même  peme  eft  décernée  contre  les  Laï- 
ques qui  traduifent  des  Clercs  à  des  Tribunaux  féculiers.  Les 
uns  &  les  autres  ne  peuvent  être  abfous  qu'en  réparant  les  dom- 
mages caufés  par  eux  aux  perfonnes  opprimées. 

6^.  Encourent  la  même  peine  tous  ceux  qui  portent  des  loix 
contre  les  libertés  de  l'Eglile,  tous  ceux  qui  confeillent  d'en 
porter  ,  ou  qui  les  obfervent ,  à  moins  qu'ils  ne  renoncent  à 
leurs  prétentions ,  &  ne  réparent  les  pertes  &  dommages  cau- 
fés par  eux, 

7°.  Sont  pareillement  excommuniés ,  ceux  qui  violent  les  afyles 
facrés ,  en  faifant  faifir  ceux  qui  s'y  réfugient.  Si  c'eft  un  Béné- 
ficier qui  exerce  ou  fait  exercer  ces  violences ,  il  doit  perdre 
fon  Bénéfice. 

8°.  Sont  auffi  excommuniés ,  ceux  qui  empêchent  les  Ecclé- 
fiaftiques  de  difpofer  des  revenus  de  leurs  Bénéfices. 

9°.  Sont  de  même  excommuniés,  les  Eccléfiaftiques  qui ,  te- 
nant des  Gens  d'Eglife  des  terres  ,  rentes  ,  ou  jurifdiftions , 
avouent  fauffement  les  tenir  des  Laïques.  Leurs  confeiUers  ou 
adhérents  font  aulïi  excommuniés, 

10^.  La  même  peine  eft  portée  contre  les  Juges  féculiers  qui 
font  des  informations  pour  s'inftruire  fi  les  fentences  d'excom- 
munication &  d'interdit  font  juftes  &  raifonnables ,  parce  que 
la  connoiflance  de  ces  faits  ne  peut  appartenir  qu'à  la  Cour 
eccléfiafiique. 

II**.  Sont ,  par  les  mêmes  raifons,  fournis  aux  cenfures  deTE- 
glife ,  tous  ceux  qui  mettent  des  impofitions  fur  les  terres  &  re- 
venus eccléfiaftiques  ,  qui  ne  doivent  aucun  droit  de  péage  en 
pafTant  d'un  pays  dans  un  autre.  Si ,  cependant ,  les  Eccléfiafti- 
ques  commerçoient ,  les  denrées  qu'ils  feroient  transporter  d'une  ville 
à  l'autre  ,  pour  les  vendre ,  feroient  fujettes  aux  droits  de  péage. 

12**.  Sont  excommuniés,  ceux  qui  caufent  du  tumulte  ou  du 
fcandale  dans  les  Eglifes  ou  cimetières ,  &  ceux  qui  prennent 
poffeffion  d'un  Bénéfice  dont  le  Titulaire  eft  vivant  ;  ceux  qui 
maltraitent  les  Gens  d'Eglife ,  ou  leurs  vaffaux ,  &  qui  font  des 
dégâts  fur  leurs  terres  ;  enfin ,  tous  les  Juges  ou  Seigneurs  laï- 
ques, qui  tiennent  en  prifon  des  Eccléfiaftiques ,  pour  caufe  ou 
fans  caufe.  Ces  excommunications  ne  pouvoient  être  levées  par 
autre  que  l'Evêque. 

141 1.  Jean  V  &  fon  époufe,  Jeanne  de  France ,  font  diverfes 


51  N  A  N 

fondations  à  la  Cathédrale  ,  aux  Carmes ,  aux  Cordeliers ,  &  aux 
Jacobins.  L'année  fuivante  ,  Gilles  de  Bretagne ,  fécond  fils  du 
Duc  Jean  ÏV,  Seigneur  d'Ingrande  &  de  Chantocé  ,  meurt  au 
fîege  de  Bourges  ,  capitale  du  Berry ,  où  il  fervoit  dans  l'armée 
du  Duc  de  Bourgogne.  Ce  jeune  Prince  n'avoit  que  dix -huit 
ans.  Son  corps  elt  apporté  à  Nantes,  le  i8  Juillet,  &  inhumé 
dans  la  Cathédrale. 

Les  Paroiffiens  de  Sainte-Croix  obtiennent  une  place  adjacente 
à  leur  EgUfe ,  pour  leur  fervir  de  cimetière  -,  ils  donnent ,  en 
échange  ,  quelques  fols-  de  rente  fur  un  autre  terrein.  Ce  cimetière 
n  exille  plus  depuis  l'établiflement  du  cimetière  général  hors  de 
la  ville. 

141 3.  Jean  V  fait  faire,  dans  l'Eglife  des  Jacobins  de  Nantes, 
un  fépulcre  repréfentant  celui  du  Sauveur ,  &  y  fonde  la  Con- 
frairie  de  la  Véronique.  Henri  le  Barbu  fonde,  en  même  temps, 
la  Pfallette  de  la  Cathédrale  pour  fix  Enfants  de  chœur  &  deux 
Maîtres  ;  l'un ,  pour  les  Belles-Lettres  -,  &  l'autre  pour  la  Mufique. 
Le  Pape  permet  au  Duc  de  prendre  les  appointements  des  Maî- 
tres d'école  fur  les  décim.es  du  Clergé. 

Aux  mois  de  Février,  Mars,  &  Avril  1414,  la  Loire  déborde 
fî  confidérablement ,  que  la  ville  de  Nantes  fe  voit  à  deux  doigts  de 
fa  perte.  Plusieurs  personnes  font  enfevelies  fous  les  eaux  ,  qui  em- 
portent des  maifons ,  des  navires  ,  &  des  barques  chargées  de 
marchandifes  ;  le  tout  perdu  pour  les  poireffeurs. 

1415.  Le  jour  de  la  Purification,  la  pointe  du  clocher  de 
Saint-Pierre  tombe,  entre  minuit  &  une  heure.  Comme  le  clo- 
cher étoit  en  bois ,  on  fait  abattre  ce  qui  étoit  refté  debout ,  pour 
le  conftruire  en  pierres.  Henri  le  Barbu  &  le  Sire  de  Quellenec 
poferent  la  première  pierre  de  l'édifice  ,'  le  29  Juillet  fuivant; 
mais ,  comme  la  Cathédrale  changea  de  forme ,  il  efl  à  croire 
qu'il  ne  fut  pas  achevé  :  on  y  travailloit  pourtant  très-long- 
temps après. 

141 5.  Henri  le  Barbu  aflifte,  par  Procureur,  au  Concile  de 
Confiance  ,  où  il  fut  d'avis  qu'on  devoit  remettre  à  un  autre 
temps  à  traiter  des  annates  que  le  Pape  levoit  fur  tous  les  Bé- 
néfices vacants.  Pierre  Beguel ,  Chanoine  de  Nantes  &  Député 
du  Clergé  ,  fut  d'un  avis  contraire  ,  &  foutint  qu'il  falloit  abolir 
ces  fortes  de  droits,  &  pourvoir,  d'une  autre  manière,  à  l'état 
du  Saint-Pere  &  des  Cardinaux.  L'année  fuivante ,  Henri  publie 
de  nouveaux  fi:atuts.  Ils  font  un  devoir  aux  Curés  d'exhorter 
leurs  Paroiffiens  à  vifiter ,  le  plus  fouvent  poJJîbU ,  l'Eglife  Cathé- 


NAN  95 

drale  de  Nantes ,  &  de  leur  enjoindre  d^y  faire  des  ohlations ,  plu- 
tôt que  de  yifîter  des  Chapelles  nouvellement  conflruïtes.  Pour  mieux 
réuflîr ,  ils  dévoient  commander  ce  pèlerinage  par  forme  de  péni- 
tence. On  eft  fâché  de  voir  un  Prélat ,  recommandable  par  mille 
vertus  ,  qui  avoit  une  piété  iblide  ,  &  qui  paroît  inftruit ,  fe 
perfuader  qu'il  y  svoit  plus  de  mérite  à  vifiter  une  Eglife 
ancienne  qu'une  nouvelle ,  une  Cathédrale  qu'une  EgUfe  ordi- 
naire ,  comme  {i  tous  les  lieux  faints ,  confacrés  au  fervice 
de  Dieu ,  n'étoient  pas  également  propres  à  lui  rendre  le  culte 
qu'il  exige  de  nous.  Cette  réflexion  me  paroît  raifonnable.  Si, 
cependant ,  c'étoit  une  erreur  ,  je  déclare  que  mon  intention  n'eft 
point  de  fronder  les  préceptes  de  l'Eglife ,  &  que  j'adhère  ,  de 
tout  mon  cœur ,  à  fes  fentimicnts.  ^out  ce  que  je  fçais ,  c'eft 
que  les  vifites  de  la  Cathédrale  étoient  un  mal  réel ,  fi  on  les 
confîdere  comme  citoyen.  Les  perfonnes  éloignées  ,  qui  étoient 
condamnées  à  ces  pieux  voyages  deux  ou  trois  fois  dans 
l'année  ,  y  employ oient  trois ,  quatre  ,  cinq ,  fix  ,  &  quelquefois  huit 
jours ,  ce  qui  ne  fe  faifoit  pas  fans  dépenfe  ;  & ,  tandis  qu'un 
malheureux  s'acquittoit  de  cette  obligation  ,  qu'on  regardoit  comme 
indifpenfable  ,  fa  femme  &  fes  enfants  manquoient  fouvent  du 
néceffaire. 

Les  mêmes  ftatuts  font  mention  à^'^  fortileges  ;  pratiques 
abominables  ,  fort  ufitées  dans  le  quinzième  fiecle.  Le  Prélat 
exhorte  les  Fidèles  à  vivre  fagement ,  à  remplir  exaftement  leurs 
devoirs ,  les  afTurant  que  le  diable  ne  peut  rien  fur  ceux  qui 
ont  la  confcience  pure. 

141 8.  Robert,  de  TOrdre  des  Frères  Mineurs,  prêchant  dans 
l'Eglife  de  fon  Couvent ,  le  premier  Dimanche  de  Carême , 
avance  ces  proportions  :  Le  Curé  nefl  pas  le  Prêtre  propre  y  dé- 
Jigné  par  la  Clémentine  Dudiim  ,•  &  ceux  qui  obligent  leurs  Paroif- 
fîens  à  fe  confeffer  à  eux ,  une  fois  par  an ,  loin  de  faire  une  bonne 
aclion  ,  tombent  dans  une  efpece  d'héréfie  ,  parce  que  les  Religieux 
mendiants  font  les  propres  Prêtres  défignés  par  la  Décrétale  citée , 
fur  laquelle  les  Curés  fe  fondent.  Il  prend  de-là  occafîon  d'élever 
fon  Ordre  au  deffus  de  celui  des  Prêtres  fécuhers,  &  vante  les 
privilèges  des  Mendiants  ,  qui ,  dit-il ,  ont  beaucoup  plus  de  pou- 
voir pour  abfoudre  ,  que   les  Refteurs  ou  Prêtres  ordinaires. 

Jean  Goubart ,  Religieux  Dominicain  ,  prêchant ,  le  Vendredi- 
Saint  ,  fur  la  place  Saint-Pierre ,  dit  :  quun  Frère  mendiant  doit 
avenir  fon  pénitent  d'aller  à  confeffe  à  fon  Curé ,  une  fois  par  an; 
mais  que ,  fi  celui-ci  ne  le  veut  pas ,  le  Religieux  peut  &  doit  même  lui 


94  N  A  N 

donner  V ahfolution.  Il  ajouta  :  que  les  Curés  n* exigeaient  (i  folgneu" 
fement  que  leurs  ParoiJJîens  allajfent  à  confejfe  à  eux  ,  que  pour 
pécher  plus  facilement  avec  eux, 

L'Evêque  de  Nantes  &  fon  Officiai  ,  informés  de  ce  qui  fe 
paflbit ,  citèrent  les  Prédicateurs  imprudents  à  comparoître ,  & 
les  condamnèrent.  L'Univerfité  d'Angers  écrivit ,  à  ce  fujet ,  au 
Duc  de  Bretagne  ,  &  l'exhorta  à  uier  de  fon  autorité  contre 
les  coupables.  Ceux-ci  appellerent  au  Pape.  Les  Carmes  fe 
joignirent  aux  Jacobins  &.  aux  Cordeliers  ;  &  tous  enfemble 
conftituerent ,  pour  leur  Procureur ,  Jean ,  Evêque  d'Oftie  ,  Car- 
dinal, &  Vice-Chancelier  de  l'Eglife  Romaine.  Ce  Procureur 
préfenta  fa  requête  à  Jean  ,  Patriarche  de  Conilantinople ,  Juge 
&  Commiffaire  en  ces  fortes  de  caufes  ,  qui ,  après  plusieurs  pro- 
cédures &  quelques  fentencesde  contumace  contre  ces  Religieux  , 
fe  défifla  de  fa  commiffion ,  &  renvoya  le  tout  au  jugement  du 
Pape.  Le  Pontife  chargea  Pierre  de  Foix ,  Evêque  de  Sabine, 
dit  le  Cardinal  d'Efpagne  ,  &  Ange ,  Cardinal  de  Vérone  ,  de 
terminer  cette  affaire.  Le  dernier  étant  mort  peu  de  temps  après , 
Pierre ,  Cardinal  de  Venife ,  lui  fuccéda.  Les  deux  Cardmaux 
déléguèrent  Jacques  de  Moreftin  ,  Dofteur  en  Droit ,  Doyen 
de  Saint-Agricole  d'Avignon ,  Chapelain  du  Pape ,  &  Auditeur 
des  caufes  apolloliques ,  qui  ,  après  avoir  examiné  le  procès, 
&  pris  l'avis  des  plus  habiles  Jurifconfultes ,  condamna  les  pro- 
portions avancées  par  les  Religieux ,  comme  faujfes ,  fcandaleufes  , 
malfonnantes ,  contraires  à  la  faine  doctrine  ,  donnant  de  mauvaifes 
imprejjîoîîs  de  la  confeffion ,  &  erronnées  dans  le  Droit,  Les  Pré- 
dicateurs furent  auffi  condamnés  à  fe  rétraéler  publiquement,  & 
à  payer  les  frais  de  la  fentence,  fixés  à  trente  florins  d'or. 

141 8.  Vincent  Ferrier ,  Religieux  Dominicain,  prêche  l'A  vent 
dans  la  Cathédrale  de  Nantes.  Triftan  de  la  Lande  eft  nommé 
Capitaine  de  la  ville  &  du  château.  Henri  le  Barbu  meurt  le 
1 7  Avril  de  l'année  fuivante.  Ce  Prélat  avoit  publié  des  ftatuts , 
en  1405,  1406,  1407,  1408,  1410,1411, &  i4i6.Undeces 
règlements  profcrit  un  ufage  bien  abufif  :  la  dévotion  de  faire 
des  neuvaines  ;  c'eft-à-dire ,  de  paffer  neuf  jours  &  neuf  nuits 
dans  les  EgUfes ,  &  d'y  coucher  :  il  s'enfuivoit  des  défordres 
fcandaleux  ,  parce  qu'il  s^  rencontroit  affez  fouvent ,  enfemble, 
des  hommes  &  des  femmes ,  des  filles  &  des  garçons.  Jean  III 
du  nom,  dit  de  Châteaugiron  &  de  Malejlroit^  eft  transféré,  en 
141 9,   de  l'Evêché  de  Saint-Brieuc  à  celui  de  Nantes. 

141 9.  Le  Duc  Jean  V  &  Richard  de  Bretagne,  fon   frère. 


N  A  N         _   .  9^ 

que  la  ComtefTe  de  Penthievre  avoit  fait  invîtet  par  fon  fils  de 
venir  pafïer  quelques  jours  à  Chantoceaux ,  partent  de  Nantes, 
le  13  Février,  avec  une  fuite  peu  nombreufe.  Olivier  ,  fils  aîné 
de  la  ComtefTe ,  après  avoir  pris  avec  fa  mère  les  mefures  qu'ils 
croyoient  néceffaires  pour  la  réuffite  de  leurs  defleins ,  vient  au 
devant  du  Duc  jufqu'au  Loroux-Bottereau ,  fous  prétexte  de  lui 
faire  honneur.  A  quelque  diftance  de  ce  bourg  eft  la  petite 
rivière  de  Divatte ,  qu'il  falloit  paffer  fur  un  mauvais  pont  de 
bois.  Dès  que  le  Duc  &  fon  frère  font  de  l'autre  côté ,  les 
gens  de  la  fuite  du  Comte  jettent  ,  comme  par  badinage ,  les 
planches  du  pont  dans  la  rivière.  On  croit  d'abord  que  ce  n'eft 
qu'un  jeu  ,  &  le  Duc  en  rit  comme  les  autres.  Il  eft  bientôt  dé- 
trompé. Charles  de  Penthievre  paroît  tout-à-coup  à  la  tête  d'une 
troupe  d'hommes  armés.  Les  deux  Princes  font  faifis  j  &  leur 
fuite,  trop  peu  nombreufe  pour  réfifter  à  celle  des  Penthievre, 
ne  peut  que  déplorer  le  fort  de  fes  maîtres ,  qui  font  mis ,  pieds 
&  poings  liés ,  fur  de  mauvais  chevaux ,  &  conduits ,  pendant 
la  nuit,  au  château  de  Paluau ,  en  Poitou,  d'où  on  les  ramené, 
quelques  jours  après  ,  à  Chantoceaux,  où  ils  font  détenus  pri- 
fonniers. 

La  nouvelle  de  cet  attentat,  répandue  dans  la  Bretagne,  j 
caufe  la  plus  vive  indignation.  On  vit  alors  combien  Jean  V 
étoit  aimé.  Tous  fes  fujets ,  grands  &  petits,  riches  &:  pauvres, 
courent  aux  armes ,  pour  la  déhvrance  de  ce  Souverain  chéri. 
Toutes  les  places  de  la  ComteiTe  de  Penthievre  font  afîiégées 
&  prifes ,  &  une  armée  nombreufe  paroît  devant  Chantoceaux 
avec  une  artillerie  formidable.  Le  Duc  eft  délivré  ,  &  la  place 
eft  rafée. 

Jean  V  avoit  le  cœur  bon,  &  l'ame  la  plus  pacifique.  On 
diroit  prefque  de  lui  qu'il  étoit  incapable  de  tout  autre  fenti- 
ment  que  de  ceux  de  l'amitié  &  de  la  douceur.  Malgré  tout 
ce  qu'il  avoit  foufFert  des  Penthievre ,  il  leur  auroit  facilement 
pardonné  s'ils  eufTent  témoigné  le  moindre  repentir  ;  mais,  comme 
cet  excès  de  bonté  étoit  étranger  à  leur  caraftere ,  ils  ne  purent 
s'imaginer  que  le  Duc  pût  oubUer  de  fi  fanglants  outrages. 
L'homme  vicieux  ne  croit  pas  même  à  la  vertu  des  autres.  Cette 
défiance  les  perdit  ;  ils  prirent  la  fuite ,  &  forcèrent ,  pour  ainfi 
dire ,  leur  maître  à  la  vengeance. 

Jean  V ,  pendant  fa  détention  ,  ne  montra  pas  de  courage.  Il 
parut  beaucoup  plus  occupé  du  danger  qu'il  couroit ,  que  de  la 
perte  de  fa  Couronne.  Il  parut  difpofé  à  tout  facrifier,  pourvu 


^6  N  A  N 

quon  lui  laiffât  la  vie.  Cette  timidité  le  porta  à  faire  vœu  de 
donner  au  Couvent  des  Carmes,  yô/z  pefant  d'or^  pour  obtenir 
du  Ciel  fa  délivrance.  Ce  vœu ,  que  je  n'ofe  dire  inutile ,  mais 
feulement  inconfidéré  ,  fut  fait  en  préfence  de  Frère  Jean  Violet , 
Religieux  de  cette  Communauté  j  &  on  pourroit  accufer  le  Carme 
de  l'avoir  di6lé ,  fi  la  conduite  du  Prince  ne  détruifoit  ce  foup- 
çon  (a).  Ce  Moine  ,  en  qualité  de  fon  Confefîeur,  avoir  feul 
le  privilège  de  le  vifiter  dans  fa  prifon.  Dès  que  le  Duc  fut 
arrivé  à  Nantes ,  il  fe  rendit  à  l'Eglife  des  Carmes  ,  pour  remer- 
cier Dieu  de  la  proteftion  qu'il  lui  avoit  accordée.  Il  fit  enfuite 
délivrer  au  Prieur  du  Couvent  trois  cents  quatre-vingts  marcs 
fept  onces  d'or  ,  en  joyaux  &  vailTelle  ;  mais  ce  ne  fut  que 
comme  un  gage  de  la  fomme  promife.  Tous  ces  effets  furent 
rachetés  dans  la  fuite.  On  en  trouve  l'inventaire  dans  les  ar- 
chives des  Pères  Carmes  de  Nantes ,  &  dans  le  fécond  volume 
des  preuves  de  l'hifloire  de  Bretagne  ,  par  Dom  Morice ,  Reli- 
gieux Bénédictin. 

Outre  ce  vœu  ,  Jean  V  avoit  fait  ferment  au  Comte  de  Pen- 
thievre  de  lui  donner  en  mariage  fa  fille  aînée  ,  déjà  promife 
au  Roi  de  Sicile ,  &  une  fomme  d'argent  confidérable.  Il  avoit 
confenti  en  outre  à  lui  livrer  Moncontour  &  Ceffon ,  &  à  lui 
rendre  Jugon ,  avec  toutes  les  Terres  que  le  Comte  polTédoit 
ou  devoit  pofféder  en  Bretagne.  Le  Pape  chargea  les  Evêques 
de  Dol  &  de  Saint-Brieuc  de  le  délivrer  de  ce  ferment ,  &  de 
procéder  contre  les  Eccléiîaftiques  qui  avoient  trempé  dans  la 
confpiration  des  Penthievre. 

Albert  de  Morlaix  rapporte  que ,  pendant  la  prifon  du  Duc  , 
l'Empereur  Sigifmond  ,  croyant  que  les  Penthievre  le  feroient 
mourir ,  envoya  des  Ambaffadeurs  à  fon  époufe ,  pour  la  de- 
mander en  mariage.  Les  Envoyés  lui  préfenterent ,  de  la  part 
de  leur  maître ,  une  pièce  de  drap  d'or  de  la  plus  grande 
beauté  :  elle  la  reçut ,  mais  elle  les  renvoya  froidement ,  avec 
une  réponfe  peu  fatisfaifante.  Après  le  retour  de  fon  époux ,  la 
DuchefTe  lui  montra  le  préfent ,  &  Tinllruifit  de  l'affaire.  Le  Duc 
fut  indigné ,  &  voulut  jetter  la  pièce  de  drap  au  feu  ;  mais 
Frère  Jean  le  Danteuc ,  Jacobin  ,  fon  Confeffeur  ,  l'en  empêcha  , 
&  demanda  cette  riche  étoffe  pour  faire  des  ornements  d'Egiife , 


(  <z  )   Jean  V    fît  vœu   de   donftef  fon     J     ces  fortes  de  vœux ,  il  auroit  foUicité  pour 
pefant  d'or  à  Saint- Yves  de  Tréguier.  Or  ,     I     des  maifons  de  fon  Ordre, 
il  le  Père  Violet  avoit  été  capable  de  dider    | 

dont 


N  A  N  _  97 

dont  le  Couvent  manquoit  depuis  l'incendie  duquel  j'ai  déjà 
parlé  ci-defTus.  Le  Prince  lui  accorda  fur  le  champ  fa  demande. 
Nous  ne  rapportons  cette  anecdote  que  pour  la  fidélité  de  l'iiil- 
toire  ,  8c  non   comme   un  fait  bien  conftaté. 

141 9.  Les  Officiers  du  Duc  &  les  Magiftrats  de  la  ville  font 
ouvrir ,  dans  les  jardins  de  la  Commanderie  de  Sainte-Catherine , 
un  chemin  qui  commençoit  à  la  cour  du  Connétable ,  &  finifloit 
à  la  porte  Saint-Nicolas.  Cette  Commanderie  n'étoit  point  en- 
core unie  à  celle  de  Saint-Jean.  Elle  confifloit  en  un  Hôpital 
&  un  cimetière.  Ses  jardins  s'étendoient  le  long  du  mur  de  ville , 
bâti  par  Pierre  de  Dreux  en  1219,  jufqu'à  la  rue  Saint-Nicolas. 
En  1720,  on  voyoit  encore,  fur  le  fommet  d'une  des  tours  qui 
flanquoient  le  mur  ,  la  ftatue  ,  en  plomb ,  d'AHx  de  Bretagne , 
époufe  de  Pierre  de  Dreux.  Ce  monument  ne  fubfifte  plus.  Les 
murs  ont  été  démolis,  &c  remplacés  par  des  maifons  qu'on  y  a 
fait  bâtir ,  près  Sainte-Catherine. 

1420.  Le  Duc  Jean  V  tenant  fon  Parlement  général  à  Vannes , 
accorde ,  par  fes  lettres  du  1 9  Septembre  ,  aux  habitants  de 
Nantes ,  le  droit  d'éHre ,  quand  il  leur  plairoit ,  mais  fans  con- 
teftation ,  contradiftion ,  ni  cabales ,  dix  à  douze  des  notables 
Bourgeois  ou  citoyens  pour  la  défenfe  &  pourfuite  des  caufes 
qui  pourroient  intérelTer  la  ville.  C'efl  là  l'époque  de  Féreftion 
de  la  Communauté  de  Nantes.  Les  Nantais  repréfenterent ,  dans 
le  même  temps ,  au  Prince ,  qu'autrefois ,  pour  le  bien  &  les  ré- 
parations à  faire  à  leur  ville ,  il  avoit  daigné  accorder  le  dixième 
du  vin  qu'on  vendoit  en  détail  dans  toute  l'étendue  de  la  citéj 
mais  que  les  deniers  provenus  de  cette  impofition  n'avoient  pu 
fuffire  pour  abattre  &  rafer  Chantoceaux ,  &  faire  bâtir  la  tour 
appellée  groffe  Bombarde  (a),  dont  l'édifice  n'étoit  pas  encore 
achevé.  Le  Duc  eut  égard  à  leurs  remontrances ,  &  leur  permit 
de  lever  cet  impôt  encore  pendant  trois  années.  On  continuoit 
toujours  le  clocher  de  la  Cathédrale,  commencé  en  141 5.  Le 
Chapitre ,  qui  manquoit  d'argent ,  demandoit  le  paiement  de  trois 
cents  cinquante  marcs  d'argent,  à  quatre  livres  monnoie  le  marc, 
qu'il  avoit  prêté  à  Charles  de  Blois,  il  y  avoit  cinquante -fix 
ans.  Par  lettres  du  2  5  Septembre ,  le  Duc  permit  aux  Chanoines 
de  prendre  mille  quatre  cents  livres  monnoie  fur  fes  propres 
revenus.  Il   accorda   encore  une   traite    de    bled ,  exempte   de 


^a)  C'étoit  la  greffe  tout  du  Port-Communeau  :  elle  a  été  démolie  en  1757. 

Tome  UL  N 


98  N  A  N 

tous  droits ,  pour  la  ville ,  parce  que  la  récolte  avoit  été  très- 
mauvaife. 

Avant  la  démolition  de  Chantoceaux  ,  les  Comtes  de  Pen- 
thievre  y  perçevoient  un  droit  de  péage  ,  fur  toutes  les  mar- 
chandifes  &  denrées  qui  alloient  par  la  Loire  à  Nantes ,  ou  qui 
remontoient  cette  rivière  ,  &  paflbient  devant  ce  château ,  qui 
étoit  direftement  fitué  fur  le  rivage.  Ce  péage  fut  fupprimé  par 
lettres  du  19  Septembre  1420.  Bertrand  de  Dinan ,  Maréchal 
de  Bretagne ,  fut  alors  nommé  Gouverneur  des  ville  &  château 
de  Nantes. 

Une  nouvelle  Confrairie  avoit  été  érigée  à  l'Aumônerie  de 
ToufTaint,  fondée  par  Charles  de  Blois  en  1360.  Le  Duc  Jean  V 
sy  fit  mfcrire  le  14  Novembre  1422,  &,  pour  fon  entrée,  il 
accorda  à  TEglife  du  lieu  le  droit  de  conftruire ,  dans  l'endroit , 
un  moulm  à  eau ,  fur  pilotis  ou  fur  des  bateaux.  On  aiîigna  , 
pour  ce  moulin ,  la  voie  d'eau  de  ToufTaint ,  fur  une  largeur 
de  trente-fept  pieds  fix  pouces ,  &  autant  de  longueur.  L'afte 
paffé  à  ce  fujet ,  nous  apprend  qu'il  n'y  avoit  pomt  encore  de 
moulins  à  vent  à  Nantes  ;  que  le  Duc  n'y  avoit  qu'un  très- 
petit  nombre  de  moulins  à  eau  ;  &  que ,  pendant  l'été  précédent, 
la  fécherefle  avoit  été  û  grande  que  le  peuple  avoit  abfolument 
manqué  de  farine. 

En  1423  ,  le  Prieuré  de  Sainte-Croix  étoit  encore  habité  par 
un  Prieur  &  des  Moines  qui  y  faifoient  l'Office  divin. 

1424.  Lettres-patentes  du  Duc  Jean  V,  données  à  Vannes  le 
1 8  Février ,  portant  fuppreffion  des  places  de  Gardes  des  portes 
de  la  ville  de  Nantes.  Chacune  de  ces  places  étoit  à  quatre- 
vingt-feize  livres  de  gage  -,  fomme  qu'on  prenoit  fur  la  recette 
des  deniers  deftinés  aux  fortifications  de  la  ville.  Comme  ces 
gages  paroifToient  trop  confidérables ,  on  deflitua  les  Gardes  ac- 
tuels ,  &  on  leur  en  fublHtua  d'autres ,  à  moins  de  frais.  Ces 
lettres  permettent  au  Capitaine  ou  Gouverneur  de  la  ville ,  d'exi- 
ger des  Eccléfiaftiques  &  autres  habitants  ,  les  fommes  néceffaires 
pour  le  paiement  des  nouveaux  Gardes.  Le  même  jour ,  le  Prince 
donna  d'autres  lettres  confirmatives  de  l'éreftion  de  la  Commu- 
nauté de  ville.  Il  fonda  encore  ,  dans  le  même  temps ,  l'Office 
de  la  Préfentation  de  la  Vierge ,  dans  l'Eglife  de  Notre-Dame. 
'Artur ,  fon  frère ,  Connétable  de  France ,  fuivant  fon  exemple , 
y  fonde  trois  MefTes  chantées  par  femaine,  pour  lefquelles  il 
affigne  cent  vingt  livres  de  rente  fur  l'ifle  de  Bouin.  Le  tonneau 
de  froment  valoit  alors  fix  livres ,  ce  qui  faifoit  treize  fols  le  feptier. 


N  A  N  99 

On  croit  que  Jeanne  de  France,  époufe  du  Duc  Jean  V,  fit, 
en  exécution  de  quelques  vœux ,  bâtir  ou  rétablir  à  neuf  la 
Chapelle  de  Saint-Jean  ,  près  les  Cordeliers.  On  y  voyoit  en- 
core ,  il  y  a  quelques  années  ,  les  armes  de  cette  Princeile  ,  fur 
une  des  vitres.  Elles  étoient  en  (impies  lofanges ,  mi-partie  de 
Bretagne  à  droite,  &  mi-partie  de  France  à  gauche.  Il  y  avoit 
dans  cette  Chapelle  une  Confrairie,  fous  le  nom  de  S  ami- Jean 
de  l'Hôpital^  &  l'on  y  faifoit  beaucoup  de  fervices  ou  d'anni- 
verfaires.  Les  derniers  Confrères  voyant  cette  inftitution  tomber, 
portèrent,  vers  1680,  leurs  ornements  au  Bureau  de  ville,  qui 
les  envoya  à  l'Hôtel-Dieu. 

Le  clocher  de  Saint-Pierre  n  avançoit  pas  faute  d'argent.  Le 
Chapitre  ,  pour  s'en  procurer ,  eut  recours  au  Duc ,  qui  lui  ac- 
corda un  droit  fur  les  vins  qui  fe  débitoient  fous  le  heî  de  l'E- 
vêque  &  du  Chapitre.  Ceft  le  commencement  de  l'Oftroi  dont 
jouit  aujourd'hui  ce  dernier.  Il  fut  troublé  d'abord  dans  la  per- 
ception ;  mais  U  revint  fi  fouvent  à  la  charge ,  qu'il  la  rendit 
perpétuelle ,  quoique  ,  dans  le  principe ,  ce  droit  ne  lui  eût  été 
accordé  que  pour  un  temps  limité. 

Philippe  des  Eflarts ,  Seigneur  de  Thyeux ,  Confeiller ,  Cham- 
bellan du  Roi ,  Maître  des  Eaux  &  Forêts  de  France ,  Brie ,  & 
Champagne  ,  Bailli  de  Meaux ,  Confeiller  &  Maître-d'Hôtel  du 
Duc,  Gouverneur  de  Mpntfort ,  mourut  le  21  Septembre  1425, 
&  fut  enterré  dans  l'EgHfe  de  Notre-Dame  de  Nantes ,  fous  un 
tombeau  de  marbre  noir ,  qu'on  voit  dans  la  petite  Chapelle 
près  la  porte  de  la  Chefecerie.  1 

1427.  Tremblement  de  terre  à  Nantes  &  dans  tout  le  Comté. 
L'Evêque  fonde  l'Office  &  la  Fête  de  la  Préfentation  de  la 
Vierge  ,  dans  tout  fon  diocefe.  Nouveau  tremblement  de  terre 
en  1428.  Le  Duc  porte  une  Ordonnance  ,  le  16  Février  de 
l'année  fuivante ,  par  laquelle  il  défend-  à  tous  Merciers  forains 
détaillants  de  vendre  leurs  marchandifes  autres  jours  que  le  fa- 
medi.  Jean  de  Maleftroit ,  Evêque  de  Nantes ,  efl  fait  Chancelier 
de  Bretagne  &  Gouverneur  de  fa  ville  épifcopale. 

1431.  Philippe  de  Coètquis ,  Archevêque  de  Tours,  arrive 
à  Nantes  le  23  Avril ,  &  y  célèbre  un  Concile.  Les  Evêques 
de  Rennes  ,  de  Dol ,  de  Vannes  ,  de  Quimper  ,  de  Saint-Malo , 
du  Mans ,  &  d'Angers  ,  n'y  affiflent  que  par  Procureurs.  Les 
décrets  de  cette  aflemblée  font  peu  connus  ;  la  Bigne ,  les  Pères 
Labbe  &  Hardouin  n'en  font  aucune  mention.  M.  Maan  les  a 
fait  imprimer  à  la  fin  de  fa  Métropole  de  Tours j  mais,  avec 


100  .,  NAN 

des  omîflions  &  obfcurîtés  qui  les  rendent  inintelligibles  en  plu» 
fîeurs  endroits. 

Ce  Concile  profcrivit  les  ridicules  cérémonies  en  ufage  parmi 
le  peuple ,  au  premier  jour  de  Mai ,  le  lendemain  de  Pâques , 
&  à  la  fête  des  fous.  Le  premier  Mai,  on  rançonnoit  ceux 
qu'on  trouvoit  au  lit.  Dom  Lobineau  rapporte  qu'à  pareil  jour , 
quelques  Seigneurs  étant  entrés  dans  la  Chambre  du  Duc  Jean  V, 
avant  que  ce  Prince  fût  levé ,  exigèrent  qu'il  payât  l'amende , 
&  qu'il  eût  la  complaifance  de  le  faire. 

Ceux  qu'on  trouvoit  au  lit  le  lendemain  de  Pâques ,  au  matin, 
Eccléliaftiques  ou  Laïques,  étoient  promenés  nuds  par  les  rues, 
6c  portés ,  en  cet  état ,  à  l'Eglife  ,  où  ,  après  les  avoir  placés 
fur  l'autel  même ,  on  les  arrofoit  largement  d'eau-bénite. 

La  fête  des  fous  étoit  une  réjouiiîknce  profane ,  qui  duroit 
depuis  le  jour  de  Noël  jufqu'à  la  fête  des  Innocents.  Ces 
divertiffements  étoient  fuivis  de  la  débauche  la  plus  fcandaleufe. 

Un  des  Canons  ordonne  aux  Evêques  de  faire  lire  l'Ecriture- 
Sainte  pendant  leurs  repas ,  &  de  fe  fervir  de  la  formule  Ro- 
maine pour  la  bénédiftion  de  la  table  &  les  aélions  de  grâces. 
Il  défend  aulTi  à  tous  Gens  d'Eglife ,  qui  donnent  à  manger ,  de 
faire  fervir  plus  de  deux  plats,  à  moins  qu'ils  ne  régalent  des 
Princes  ou  des  Seigneurs,  dont  l'Eglife  poarroit  efpérer  quelques 
avantages ,  ou  craindre  quelques  perfécuti  jus. 

On  impofa  une  pénitence  aux  blafphémaceurs ,  èc  l'on  défendit 
la  coutume  qu'avoient  les  Prédicateurs  ,  de  prêcher  fur  des 
échafauds  élevés  dans  les  places  pubhques  ,  avec  des  éclats  de 
voix  &  des  geftes  ridicules.  On  leur  prefcrivit  d'annoncer  la 
parole  de  Dieu  avec  humilité  &  décence. 

Le  Concile  abolit  aufîi  l'ufage  étabh  de  temps  immémorial, 
qui  donnoit  aux  Archiprêtres  ou  Archidiacres  le  lit  des  Refteurs 
qui  venoient  à  mourir.  Un  autre  abus  que  l'affemblée  eifaya 
inutilement  de  détruire  ,  c'eft  le  charivari ,  ou  bruit  fcandaleux , 
qu'on  faifoit  à  la  porte  de  ceux  qui  pafToient  à  de  fécondes 
noces ,  le  jour  même  de  la  célébration  du  mariage.  Ces  défor- 
dres ,  qui  ont  été  condamnés  par  les  Conciles  ,  frappés  des  ana- 
thêmes  de  l'Eglife  ,  &  défendus  par  les  loix  du  Souverain ,  n'ont 
pu  jufqu'ici  être  réprimés  j  ils  fubfiftent  encore  dans  plufieurs 
cantons  de  la  province.  On  a  remarqué  que  c'eft  depuis  ce 
Concile  qu'ont  commencé  les  mafcarades  de  Carnaval,  puifque 
les  hiftoriens,  les  Conciles,  &  les  Evêques,  n'en  ont  fait  mention 
que  quelque  temps  après. 


NAN  loi 

1451.  Le  manage  de  François,  Comte  de  MontFort,  avec 
Yolande  d'Anjou ,  fille  de  René ,  Roi  de  Sicile ,  eft  conclu  au 
mois  d'Août ,  &  célébré  dans  la  Cathédrale  de  Nantes ,  au  mois 
de  Septembre  fuivant.  Le  Duc  va  à  l'offrande ,  &  y  préfente  fix 
écus  d'or ,  avec  l'image  de  la  fainte  Vierge ,  pefant  cinq  marcs 
d'argent.  Les  fêtes  les  plus  brillantes  fe  fuccedent  pendant  plu- 
iieurs  jours. 

Au  mois  d'Oftobre  de  la  même  année,  Ifabeau  de  Bretagne, 
fille  du  Duc  Jean  V ,  époufe  de  Gui  de  Laval ,  accouche  au 
château  de  Nantes  d'une  fille,  qui  efi:  baptiiée,  dans  la  Cathé- 
drale ,  par  Jean  du  Bouc  ,  Evêque  de  Tréguier  :  elle  eut  pour 
parrain  Richard  ,  Comte  d'Etampes  j  &  pour  marraine  ,  Yolande 
d'Anjou,  ComtefTe  de  Montfort. 

Les  plaids  généraux  furent  tenus ,  pour  la  première  fois ,  à 
Nantes,  au  commencement  du  mois  de  Novembre  1431,  par 
Pierre  de  l'Hôpital ,  Sénéchal  de  Rennes ,  de  Nantes  ,  &  Juge 
univerfel  de  toute  la  Bretagne. 

1433.  Jeanne  de  France  ,  Duchefle  de  Bretagne  ,  meurt  à 
Vannes  le  20  Septembre.  Le  Duc  fort  auffi-tôt  de  cette  ville , 
féjour  déformais  odieux  pour  lui ,  &  vient ,  avec  fa  famille 
&  fa  Cour  ,  à  Nantes.  Il  y  jette  ,  l'an  1434 ,  les  fondements  d'une 
nouvelle  Eglife  Cathédrale ,  beaucoup  plus  fpacieufe  que  l'an- 
cienne. On  commence  l'ouvrage ,  le  13  ou  14  Avril ,  par  le 
magnifique  portail  de  cette  Eglife.  Jean  V  pofe  la  première 
pierre  ;  Jean  de  Maleftroit ,  la  féconde  j  François  ,  Prince  héré- 
ditaire de  Bretagne ,  la  troifieme  ;  le  Chapitre  ,  la  quatrième  j 
Pierre  de  Bretagne  ,  la  cinquième  ;  &  la  Ville  ,  la  fixieme. 
On  lit  fur  une  planche ,  derrière  la  principale  porte  d'entrée , 
ces  quatre  vers  : 

L'an  mil  quatre  cent  trente   &  quatre, 
A  mi-Avril ,  fans  moult  rabattre  , 
Au  portail  de  cette  Eglife , 
Fut  la  première  pierre  aflife. 

1436.  La  Cure  de  Saint-Clément  efi:  donnée  à  un  Eccléfiaflique 
qui  n'avoit  point  encore  reçu  les  faints  Ordres.  En  conféquence , 
le  Doyen  &  l'Archidiacre  s'emparent  des  revenus  reftoriaux ,  & 
font  deflervir  l'EgUfe  à  leurs  frais.  Les  loix  confacroient  cette 
coutume  dans  l'Evêché  de  Nantes.  Le  Sire  de  Chateaubriand  eil: 
nommé  Gouverneur  de  la  ville  &  du  château. 


101  N  A  N 

Richard  de  Bretagne  ,  Comte  d'Etampes ,  quatrième  fils  du 
Duc  Jean  IV,  meurt  à  Cliffon  le  2  Juin  1438^  fon  corps  eft 
apporté  à  Nantes  ,  &  inhumé  dans  l'Eglife  Cathédrale.  Ce  Prince 
avoir  toujours  fuivi  le  parti  du  Roi  Charles  VII  contre  les  An- 
glais. Il  avoir  époufé  Marguerite  d'Orléans ,  Comtelîe  de  Vertus , 
fille  de  Louis  de  France ,  Duc  d'Orléans  ,  de  laquelle  il  eut 
François  II  du  nom ,  dernier  Duc  de  l'iliuftre  mailbn  de  Bre- 
tagne ;  Marie ,  qui  fut  Rehgieuie  en  l'Abbaye  de  Longchamp  5 
&c  Catherine  ,  époufe  de  Guillaume  de  Châlons ,  Prince  d'O- 
range. 

Sous  l'arcade  qu'on  voit  à  gauche  ,  en  entrant  aux  Cordeliers 
de  Nantes ,  fe  lit  l'inicription  fuivante  : 

C'i-g'ijî  nobles  homes   Perrot   CEpervier ,  Seigneur 

de  la  Chioînais  y  qui  trépajfa  Fan  mil  IIP,  XXXI IL 

Ci-gifl  nobles  homes  Sire  Pierre  l'Epervier,  Seigneur 

de  la  Fojfe  ,  gui  trépajfa  l'an  mih^  IIII  XXXVIL 

1440.  Le  18  Août,  le  Duc  fait  publier,  à  Nantes  ,  une  Or- 
donnance ,  qui  porte  que  toutçs  perfonnes ,  fans  excepter  même 
les  Eccléfiaftiques ,  qui  vendront  le  vin  de  leur  crû  en  détail , 
paieront  le  droit  de  billot ,  ou  le  dixième  de  la  vente ,  pour  le 
produit  être  employé  à  la  conftru6^ion  du  portail  de  l'Eglife  Ca- 
thédrale de  Nantes. 

1440.  Gilles  de  Laval,  Maréchal  de  France,  Seigneur  de 
Retz,  d'Ingrande ,  &  de  Chantocé ,  eft  condamné,  le  23  Oc- 
tobre ,  dans  la  falle  du  château  de  Nantes  ,  à  être  brûlé  vif, 
pour  punition  de  its  crimes.  La  fentence  eft  exécutée ,  le  23  Dé- 
cembre fuivant ,  dans  la  prairie  de  BiefTe  ou  de  la  Magdeieine , 
à  l'endroit  où  Ton  voit ,  fur  les  ponts,  les  images  de  la  Sainte 
Vierge ,  de  Saint  Gilles ,  &  de  Saint  Lau.  La  fentence  fiit  pour- 
tant mitigée  lors  de  l'exécution.  On  étrangla  le  coupable  avant 
de  mettre  le  feu  au  bûcher ,  &  on  en  retira  fon  corps  avant 
qu'il  fut  confumé.  Il  fut  inhumé  dans  l'Eglife  des  Carmes ,  dans  la 
Chapelle  connue  aujourd'hui  fous  le  nom  de  Notre-Dame  de  Lorette, 
La  vie  de  cet  homme  finguher  avoir  été  une  fuite  continuelle 
des  plus  horribles  défordres  :  il  eut  le  bonheur  de  fe  convertir 
à  la  mort.  Monté  fur  le  bûcher  qui  devoir  le  confumer ,  il 
avertit  les  parents  de  bien  élever  leurs  enfants ,  parce  qu'il 
reconnoilToit   que   tous   fes   dérèglements  .ne    venoient    que   de 


N  A  N  loj 

la  mauvaife  éducation  qu'il    avoit   reçue.  (  Voyez  Machecou.  ) 

L'Evêque  de  Nantes  profita  de  la  prodigalité  de  ce  Seigneur. 
Il  avoit  acquis  de  lui ,  avant  fa  détention ,  les  Terres  de  Prigni ,  de 
Vue ,  du  Bois-Tréan  ,  la  Seigneurie  de  Saint-Michel  de  Chefchef , 
&  autres  pièces  de  terres  enclavées  dans  le  pays  de  Retz  ,  pour 
une  fomme  de  quatorze  mille  écus  d'or ,  ce  qui  fait  environ 
deux  cents  mille  livres  de  notre  monnoie.  Comme  il  vendoit  à 
tout  moment  quelque  portion  de  fes  biens,  le  Chapitre  de  la 
Cathédrale  acheta  de  lui  un  domaine  de  cinquante  livres  de 
rente  -,  &  celui  de  la  Collégiale  ,  la  maifon  de  la  Suze  ,  autre- 
ment nommée  de  Montfon ,  avec  plufieurs  autres  droits ,  Terres , 
rentes ,  &  revenus. 

On  croit  que  la  Chapelle,  de  Saint-Yves ,  qui  eft  au  carrefour 
de  la  Boucherie,  fut  fondée  par  le  Duc  Jean  V,  en  1440  ou 
1441.  On  y  voyoit,il  y  a  quelques  années,  les  armes  de  Bre- 
tagne ,  fur  le  vitrail  qui  eft  au  delTus  de  l'autel^^jttiite  Chapelle 
vient  d'être  rebâtie  à  neuf.  \'tÇ/-^f^. 

Les  Evêques  de  Nantes  tenoient  alors  leurs  grande  4^urs  dans 
le  Palais  épifcopal  ,  &  confirmoient  ou  infirmoient  la  ■fentencé'^^ 
de  leur  Sénéchal  fur  les  appellations  des   parties.  Du   TribunaÇ;<^Jj^ 
de  l'Evêque  les  caufes  étoient  portées  ,  par  appel ,  au  Parlementait' 
du  Duc  ;  & ,  lorfque  celui-ci  confirmoit   la   fentence  du  Prélat , 
Tappellant  étoit  condamné  à  lui  payer   foixante  fols  un  denier 
monnoie  d'amende.  Tout  ceci  fe  trouve  détaillé  &  expHqué  dans 
les  aftes  du  ferment  de  fidélité  prêté  au  Duc  par  les  Evêques , 
aux  années  1315,   1384,  1472,  &   1477.  Il  efi:  encore  prouvé 
que  les  Evêques  de  Nantes  jouifîbient  véritablement  de  ce  droit , 
par  la  fentence  que  rendit  Jean  de  Malellroit ,  en  fon  Audience 
des  grands  jours  du  8  Mai  1442,  fur  l'appel  du  jugement  rendu 
par  fon  Sénéchal  des  Régaires,  au  fujet  de  la  chaflé ,  entre  Jean 
Moreau ,  Chantre  de  Nantes ,  &:  Jean  du  Tierxent.   La  fentence 
de  l'Evêque  infirme  le  jugement  du  Sénéchal. 

1442.  Jean  V  meurt  le  mercredi  29  Août  ,  fur  les  deux 
heures  du  matin ,  au  manoir  de  la  Touche ,  près  Nantes ,  mai- 
fon dépendante  alors  de  l'Evêché  ,  &  aujourd'hui  occupée  par 
les  Prêtres  Irlandais.  Son  corps  eft  porté  au  château ,  &  le  Curé 
de  Sainte-Radegonde ,  en  qualité  de  Reél:eur  du  heu  ,  le  pré- 
fente au  Chapitre  pour  en  faire  l'enlief.  Les  obfeques  fe  firent 
avec  beaucoup  de  pompe  ,  tout  le  Clergé  y  afTifta  ;  le  Curé 
de  Sainte-Radegonde  reçut  fes  droits;  les  deux  Chapitres,  les 
Jacobins ,  les  Carmes ,  &  les  Cordeliers ,  furent  aufli  payés  de 


104  N  A  N 

leur  affiftance.  Les  autres  Eccléfîaftiques  ne  fe  trouvent  point 
infcrits  fur  l'état  de  la  dépenfe ,  vraifemblablement  parce  qu'ils 
ne  voulurent  recevoir  aucun  falaire  pour  rendre  les  derniers 
devoirs  au  Prince  chéri  &c  bienfaifant  qu'ils  pleur  oient  avec 
toute  la  Bretagne.  L'Evêque  Jean  de  Malellroit  fit  la  cérémonie 
des  funérailles.  Ce  Prélat  avoir  confefie  le  Prince  dans  fa  ma- 
ladie. La  Cathédrale  de  Nantes  ne  pofTede  plus  fon  corps  ;  il 
fut  transféré,  l'an  1450,  dans  celle  de  Tréguier,  où  l'on  voit 
fon  tombeau. 

François  I  du  nom  ,  fils  aîné  de  Jean  V,  lui  fucceda  au  Duché. 

1443.  Cuillemette ,  femme  d'Olivier  le  Febvre ,  fait  don  à  la 
Fabrique  de  Saint-Similien ,  dit  Saim-Sambin ,  de  quatre  fols  fix 
deniers  &  de  fix  quarts  de  vin  de  rente.  Ce  vin  devoit  être 
diftribué,  le  jour  de  Pâques,  au  peuple  qui  communioit  ce  jour-là. 

On  remarque  qu'alors  le  fceau  de  la  Prévôté  de  Nantes  étoit 
un  petit  vaifTeau  ou  chaloupe  à  un  feul  mât ,  &:  à  quatre  her- 
mines, deux  defquelles  étoient  au  dehors  des  cordages  ,  côtés 
à  côtés ,  &  les  deux  autres  dans  les  cordages ,  avec  une  inf- 
cription  autour. 

1443.  Yfabeau  de  Bretagne  ,  fœur  du  Duc,  époufe  de  Gui, 
Comte  de  Laval ,  meurt  au  château  d' Aurai ,  des  fuites  d'une 
couche.  Son  corps  eil:  apporté  à  Nantes ,  &  inhumé  dans  l'Eglife 
des  Jacobins ,  comme  elle  l'avoit  ordonné.  Jean  de  Maleftroit 
&  de  Châteaugiron ,  Evêque  de  Nantes,  meurt  aufli  le  14  Sep- 
tembre. Ce  Prélat  avoit  fondé ,  à  perpétuité  ,  dans  fa  Cathé- 
drale ,  plufieurs  anniverfaires  pour  les  Princes  qu'il  avoit  aimés  , 
fçavoir  :  Jean  V  ;  Jeanne  ,  Reine  d'Angleterre  ;  Charles  VI ,  Roi 
de  France  j  Henri  IV ,  Roi  d'Angleterre  5  &  OUvier  de  ClifTon , 
Connétable  de  France.  Son  épitaphe  eft  fur  une  table  d'airain, 
dans  la  Cathédrale  ,  la  voici  ; 

Clarijjimo  fangulne  progenîius ,  magnï  fpintûs  &  animi  vir  ^ 
atque  ad  magna  &  arâua  natus  ^  Reverendus  in  Chriflo  Pater 
Dominus  Johannes  de  MaLejîriBo  ,  BritannicB  Cancellarius , 
priùs  Bnocenjis  EccUfi.ce ,  dehinc  Nannetenfis  Epifcopus  ,.  in 
utrâque  variis  &  magnifias  dotadonibus  divinum  cultum  muld- 
pliciter  auxit ,  juraque  &  p/ivi/egia  prudente r  &  firenuè  tutatus 
efi^  Nannetenfem  quatuor  &  viginti  annis  féliciter  adminifiravit , 
quam  prœclaris  œdificiis  &  pretiofâ  Reliquiarum  ,  vefiium  ,  tape- 
tium  ,  &  libronim  fuppelleclile  florentem  ,  relinquens  ,  ohiit  die 
KIIII  mmfis  Septembris^  anno  à  natali  Chrifiiano  1443* 

Et 


N  A  N  105 

Et  plus  bas  ; 

Cùm  tuba,  terrifias  quatiet  clangoribus  orbem 

Quatuor  à  ventis  ,  corpora  Jlrata  ciens  , 
Càmque  ~  vorax  hœdos  involvet  jlamma  finiflfos  y 

Et  vix  fubjijlent  agmina  fancla  poli , 
Judicis  ad  dextram  Jîatuaris  dure  Jokannes , 

Nanmtefquc  tuos ,  Pajlor ,  ad  alta  trahas, 
Spiritus  intereà  divinâ  Luu  fruatur  ; 

J^onec ,  &  ipfa  caro  ,  luce  adopcrta  micct, 

Guillaume  II  du  nom ,  déjà  élu  Evêque  du  Mans ,  monte  fur 
le  Siège  épifcopal  de  Nantes  en  1443  ,  par  réfignation  de  fon 
oncle.  Ce  Prélat  étoit  fils  de  Jean  de  Maleftroit  &  de  Jeanne  de 
Dol , .  Dame  de  Combourg.  Il  avoit  été  un  des  Juges  du  Maré- 
chal de  Retz. 

La  Chapelle  de  Bon-Secours  fut  fondée.  Tan  1444?  comme 
il  eft  prouvé  par  l'infcription ,  en  carafteres  gothiques,  gravée 
fur  une  pierre  d'ardoife  ,  incruftée  dans  le  mur  du  côté  de 
TEpître. 

Le  jour  de  la  fête  de  Monfeîgneur  Jehan  rEvangélifie  ,  zy^  jour  de 
Décembre  1444^  fut  cette  Chapelle  dédiée  par  Révérend  Père  en 
Dieu  Guillaume  de  Malejîroit ,  Evêque  de  Nantes ,  laquelle  na- 
guere  ,  avant  ledit  jour,  av oient  fait  édifier  Alain  Rayemont  &  Ja- 
mette  Philippe  ^  fa  femme  ,  à  l' honneur  de  Dieu  &  de  Notre-Dame  i 
&  y  en  icelle ,  ont  fondé  une  Meffe  perpétuelle  ,  à  y  être  célébrée^  par 
chacun  Dimanche ,  au  matin ,  avant  la  Grand' Meffe  de  la  Paroijje  de 

5  aime- Croix  de  Nantes  ,  par  le   Chapelain  de  ladite  Chapelle  préfent 

6  à  venir ,  qui  efl  tenu  à  ce  faire ,  avec  dire  &  faire ,  par  chacun 
jour ,  autres  Services  &  Suffrages  déclarés  es  lettres  &  inflruments  fur 
ce  faits  ;  pour  laquelle  Meffe  célébrer  &  autres  Services  faire  ,  &  pour 
V adminijlration  du  Corps  de  Nôtre-Seigneur  Jef us- Chrifl^  qui  repofe 
au  Sanctuaire  ci-dejfus ,  icelui  Chapelain  efi:  &  fera  tenu  faire  réfidence 
fur  le  lieu  _,  fauf^  que  ,  quand  il  auroit  maladie  ou  néceffité  urgente 
de  vaquer  en  perfonne  à  fes  affaires  néceffaires  ,  il  pourra  commettre 
Chapelain  idoine  à  célébrer  ladite  Meffe  &  faire  lefdits  autres  Services 
durant  ladite  maladie  &  le  temps  qu'il  vaquera  à  fef dites  affaires  né- 
ceffaires ,  fans  charge  ne  occupations  du  Service  d'autres  Bénéfices , 
duquel  Chapelain  auxdits  fondateurs  ,  leurs  hoirs  &  caufes ,  ayant  en 
perpétuel  la  nomination ,  quand  le  cas  adviendra  :  &  lefquels  fondateurs 

Tome  III,  O 


,o6  '      ,       NAN 

6'  leurs  hoirs  ont  droit  à  toujours  mais  ^  d^ avoir  dans  leur  fépulture , 
franche  &  fans  rien  en  payer  au  Curé  de  S  aime- Croix  de  Nantes  ^  ne 
auffi  de  Uaffurance  du  luminaire  &  autres  chofes  qui  ferviront  aux 
enterrements  &  fervices  defdits  fondateurs  &  de  leurs  hoirs ,  &  ci- 
devant  efl  la  fépulture  d'iceux  fondateurs  :  pne:[  pour  eux  &  pour 
tous  les  Fidèles  défunts  ,  que  Dieu  leur  fajfe  pardon.  Amen. 

Le  Sire  de  Guemené-Guingamp  efl  nommé  Capitaine  des  ville 
Se  château  de  Nantes ,  en  1444.  La  tour  de  Sauve-tout  fut  achevée 
cette  année.  On  arrivoit  alors  au  Port-Maillard  par  un  pont  cou- 
vert en  ardoifes ,  lequel  joignoit  le  boulevard.  On  y  fit  quelques  ré- 
parations ,  &  les  ouvriers  qu'on  y  employa  furent  payés  quatre  fols 
quatre  deniers  par  jour.  Les  Frères  de  laConfrairie  de  la  Pafîiondon- 
noient ,  tous  les  vendredis  de  la  femaine ,  fix  deniers  à  l'Hôpital.  Ils 
avoient  des  troncs  &  des  boîtes  dans  les  Eglifes  de  la  ville  &  de 
la  campagne ,  où  ils  ramafToient  des  fommes  confidérables.  Les 
jours  maigres ,  les  malades  ne  mangeoient  que  du  poifTon  &  des 
légumes  :  la  viande  ,  les  œufs ,  le  beurre ,  &  le  laitage  étoient 
entièrement  bannis  de  cette  maifon  pendant  le  Carême.  Cette 
coutume  févere  fubfifla  jufqu'au  .  .  .  fiecle.  Les  Princes  &  les 
Grands  s'y  foumettoient  comme  les  fimples  particuliers.  C'étoit 
la  Communauté  de  ville  qui  nommoit  les  Adminiflrateurs  de 
THôtel-Dieu.  Les  Eccléfiafliques  pofTéderent  d'abord  cette  charge, 
que  François  I,  Roi  de  France,  leur  ôta,  parce  qu'ils  s'en  ac- 
quittoient  mal. 

1445.  Guillaume  de  Maleflroit  veut  augmenter  le  revenu  de 
fon  iceau  fur  les  Cures  de  fon  diocefe.  Le  Clergé  s'oppofe  for- 
tement à  fon  defTein ,  &  le  force  de  l'abandonner.  La  Communauté 
de  ville  envoie  ,  pendant  le  Carême  ,  à  la  Dame  de  Guemené- 
Guingamp  ,  qui  venoit  d'accoucher  au  château  de  Touffou, 
Paroiife  du  Bignon  ,  des  vins  de  liqueur  &  le  meilleur  poifTon 
qu'on  peut  trouver  à  Nantes.  Les  Chartreux  font  mis  en  pof- 
fefTion  de  la  Collégiale ,  qui  portoit  le  nom  des  Saints  Donatien  & 
Rogatien ,  à  la  folHcitation  du  Connétable  ,  Comte  de  Riche- 
mont.  Du  côté  de  la  SacrifUe  ,  derrière  le  grand  autel ,  eft  une 
petite  Chapelle ,  qu'on  croit  avoir  été  bâtie  dans  l'endroit  où 
les  deux  Martyrs  furent  mis  à  mort.  L'Eghfe  de  Saint-Nicolas 
étoit  alors  très-petite  :  les  Paroifîiens,  qui  vouloient  l'augmenter, 
achetèrent ,  l'an  1 449  ,  par  contrat  du  2  Février ,  de  Michel 
Botinard  ,  Abbé  de  Pornic  ,  une  maifon  qu'il  pofTédoit  auprès 
de  cette  Eglife.  La  fomme ,  employée  par  les  Fabriqueurs,  leur 


NAN  107 

fut  bientôt  rellituée  par  des  legs  multipliés.  La  maifon  fut  em- 
ployée,  en  1461  ,  à  faire  un  cimetière. 

On  trouve  ,  dans  les  aftes  du  douzième  fiecle ,  que  le  cime- 
tière de  Saint-Nicolas  étoit  dans  le  quartier  de  Sainte-Catherine, 
auprès  d'une  maifon  qui  appartenoit  à  l'Abbaye  de  Buzai.  Le 
plus  ancien  titre  de  la  Paroifle  de  Saint  -  Nicolas  efl:  de  1395  , 
&  le  feul  qu'elle  ait  de  ce  fiecle.  Ceux  du  quinzième  font  en  petit 
nombre  :  ils  nous  apprennent  que  la  fépulture  ,  dans  l'Egliie , 
n'étoit  pas  gratuite  ,  &  qu'il  en  coûtoit  plus  à  ceux  qui  étoient 
auprès  de  l'autel  qu'à  ceux  qui  en  étoient  éloignés  ;  que  la 
principale  porte  de  l'Eglife  étoit  au  milieu  du  cimetière ,  entre 
deux  échelles  ou  efcaUers  qu'on  y  voit  aujourd'hui  ;  &  que  TAu- 
mônerie  étoit  dans  le  lieu  où  l'on  a  depuis  fait  bâtir  la  grande 
porte  de  l'Eglife,  lors  de  fon  accroiflement  en  1461.  L'Aumônerie 
fut  alors  transférée  &  bâtie  dans  l'endroit  appelle  Lérault ,  d'au- 
tant plus  aifément  que  Henri  le  Barbu  avoir  défendu  que  les 
hommes  &  les  femmes   couchaflent    dans  les  Eglifes. 

On  voit,  dans  un  compte  de  Fabrique  de  l'an  1458  ou  1459, 
que  les  luminaires  des  enterrements  ne  coniîlloient  qu'en  deux 
torches  ,  pour  les  grandes  perfonnes  qui  les  demandoient ,  & 
qu'une  feule  torche  fuffifoit  pour  les  enfants.  La  Fabrique  ,  qui 
les  fourniffoit,  recevoir  en  paiement  un  grand  blanc  de  dix  de- 
niers. Ceci  prouve  que  le  droit  de  cire  qu'exigent  aujourd'hui 
\qs  Curés ,  aux  enterrements  des  enfants ,  n'efl:  pas  de  vieille 
date. 

La  Paroiffe  de  Saint-Nicolas  ,  qui  compte  aujourd'hui  environ 
trente  mille  habitants,  n'avoit,  en  1459  ,  ^^  neuf  cents  foixan- 
te-dix  perfonnes  mariées  ,  y  compris  les  veufs  &  les  veuves.  On 
n'y  chantoit ,  par  an ,  que  deux  anniverfaires ,  avec  Diacre  & 
Sous-Diacre  ,  qui  recevoient  chacun  fept  deniers  d'honoraires. 
Aujourd'hui ,  ils  font  bien  plus  nombreux.  On  prétend  que  ,  fous 
le  feul  Epifcopat  de  Lavergne  du  Treffan,  on  y  fonda  plus  de 
înille  Mefles. 

L'écu  royal,  au  coin  de  France,  de  foixante-quatre  au  marc, 
couroit  en  Bretagne  à  vingt-cinq  fols.  Le  Duc  François  I  en 
£t  donner  cent  aux  Jacobins  de  Nantes  pour  un  anmverfaire, 
qu'il  fonda  à  perpétuité,  l'an  1450,  dans  leur  Eglife.  Le  Prince 
mourut  à  Vannes,  le  famedi  17  Juillet  de  la  même  année.  Son 
corps  fut  porté  à  Redon  ,  &  inhumé  dans  l'Eglife  de  Saint- 
Sauveur. 

Pierre  II,  qui  lui  fuccéda ,  fit  avertir,  le    18  Oftobre,  le 


io8  ^        NAN 

Chapitre ,  qu'il  vouloit  faire  fon  entrée  à  la  Cathédrale  ;  céré- 
monie qui  n'avoit  jamais  été  pratiquée  avant  lui.  Les  Chanoines 
s'afTemblerent  aufîi-tôt ,  &  refolurent  de  fortir  procefîionnelle- 
ment,  au  fon  de  toutes  les  cloches,  &  avec  les  Reliques,  au 
devant  du  Prince ,  &  de  faire  un  feu  de  joie  fur  la  place  Saint- 
Pierre.  On  ne  lui  envoya  point  le  pain  &  le  vin  du  Chapitre , 
comme  on  l'a  pratiqué  quelquefois  envers  les  Princes  qui  ont 
fait  leur  entrée  à  Nantes.  Cette  cérémonie  rappelloit  à  la  mé- 
moire la  conduite  de  Melchifedech  envers  Abraham.  Le  Cha- 
pitre n'a  point  confervé  de  délibération  plus  ancienne  que  celle 
dont  on  vient  de  parler. 

1450.  Le  12  Novembre,  l'Archevêque  de  Tours  vient  faire 
la  vifite  de  la  Cathédrale  de  Nantes  &  du  Chapitre ,  qui  lui 
donne  ,  pour  fon  droit  de  vifite ,  douze  faluts  d'or  fin  ,  de 
foixante-quatre  au  marc.  Environ  le  même  temps,  Guillaume  de 
Maleilroit  publie  des  ftatuts ,  qui  défendent  aux  Fidèles  de  manger 
du  beurre  &  du  lait  dans  les  jours  maigres ,  Se  aux  Curés  qui 
ne  réfidoient  pas  ,  de  mettre  à  leur  place  des  Vicaires  non  ap- 
prouvés de  l'Evêque  ;  défenfe  qui  n'étoit  pas  fans  railon ,  dit 
l'auteur  ,  parce  que  ces  Vicaires  étoient  obligés  de  prendre 
des  lettres  dont  on  leur  faifoit  payer  bien  exactement  le  droit 
annuel  du  fceau  ,  droit  évalué  au  moins  à  foixante  fols  pour 
le  Curé ,  Se  autant  pour  le  Vicaire.  Ces  ftatuts  défendent  auffi 
de  donner  la  fépulture  à  ceux  qui  mouroient  fans  confeffion  , 
à  moins  qu'on  n'eût  des  preuves  qu'ils  étoient  de  bonnes 
mœurs ,  &   qu'ils  n'avoient  pas  eu  le  temps  'de    fe  confeffer. 

Les  Chanoines  de  la  Cathédrale  portoient  l'aumuce  fur  la  ïête, 
&  non  fur  le  bras.  En  hiver ,  au  lieu  du  camail  dont  ils  fe  fervent 
aujourd'hui ,  ils  avoient  un  bonnet  qu'ils  conferv oient  depuis  la 
Touffaint  jufqu'au  premier  Mars.  Lorfqu'ils  enterr oient  quelqu'un 
dans  leur  Cathédrale,  le  Curé  de  la  ParoifTe  du  mort  leur  pré- 
fentoit  le  corps  pour  en  faire  l'enHefj  ce  qui  étoit  même  ob- 
fervé  pour  les  Ducs  ,  comme  on  l'a  vu  ci-devant  à  l'occafion 
du  Duc  Jean  V.  Le  corps  de  ce  Prince  ,  qui ,  depuis  huit  ans , 
étoit  en  dépôt  dans  l'Eglife  Cathédrale  ,  fut  transféré  à  Tréguier , 
en  145 1  ,  par  Arrêt  du  Parlement,  rendu  en  conféquence  des  der- 
nières volontés  de  ce  Prince.  Pierre  II ,  Françoife  d'Amboife, 
fon  époufe  ,  les  Barons ,  les  Prélats ,  fuivirent  le  convoi  depuis 
Nantes  jufqu'à  Tréguier ,  où ,  en  leur  préfence  ,  on  inhuma  le 
corps  dans  la  Chapelle  de  Saint-Yves,  fituée  dans  l'Eglife  Ca- 
thédrale. 


N  A  N  109 

Uan  1453  ,  Pierre  II,  qui ,  avant  de  monter  fur  le  Trône, 
avoit  fait  bâtir  le  chœur  &  les  Chapelles  de  l'Eglife  Collégiale 
de  Nantes ,  fit  auffi  commencer  le  clocher  qu'on  y  voit  aujour- 
d'hui. Cette  EgUfe  fut  dédiée  à  Notre-Dame  ,  le  20  Janvier 
1455  ,  &  le  Prince  y  fonda  une  MefTe  chantée ,  qui  fe  célèbre 
immédiatement  après  Matines ,  &  qu'on  a  long-temps  appellée 
la  Mejfe  du    Duc, 

Au  mois  de  Mai  de  la  même  année ,  le  Chapitre  général  des 
Jacobins  s'aflembla  au  Couvent  de  Nantes.  Il  s'y  trouva  mille 
(îx  cents  Religieux  ,  qui  élurent,  pour  Général  de  leur  Ordre, 
Frère  Martial  AuribeUi.  Ce  fut  le  Duc  Pierre  II  qui  défraya  le 
Chapitre. 

1454.  Guillaume  de  Maleftroit  étoit  extrêmement  jaloux  de 
fon  autorité.  Impérieux  &:  hautain ,  ce  Prélat  afFedoit  une  indé- 
pendance blâmable ,  &  ne  pouvoit  fouffrir  qu'on  lui  réfilMt.  Il 
eut  un  différent  très-férieux  avec  Jean  de  Lebiefl ,  Gentilhomme 
diflingué  de  fon  diocefe.  Celui-ci ,  qui  réfifla  avec  force ,  s'attira 
une  fentence  d'excommunication  j  mais  il  ne  fe  mit  pas  en  peine 
d'appaifer  l'Evêque ,  il  l'appella  au  Parlement  de  Paris.  Guil- 
laume de  Maleftroit ,  qui  ne  vouloir  reconnoître  aucune  autre 
autorité  que  celle  du  Pape  ,  refufa  de  comparoître  ,  &  cita  fon 
adverfaire  en  Cour  de  Rome.  Le  Parlement ,  indigné  de  l'audace 
du  Prélat ,  donne  contre  lui  un  décret  d'ajournement  perfonnel , 
& ,  bientôt  après  ,  un  Arrêt  qui  le  condamnoit  à  vingt  mille 
livres  d'amende  envers  le  Roi,  &  à  quatre  mille  livres  envers 
Jean  de  Lebiefl.  Non  content  de  cela ,  il  ordonna ,  à  la  requête 
du  Procureur  général  ,  que  le  temporel  de  l'Evêque  feroit  faifi , 
pour  le  punir  d'avoir  tenté  de  fe  fouflraire  aux  loix  du  Royaume  , 
&  de  les  violer.  On  décida  que  de  femblables  appels  étoient 
contre  les  droits  de  la  fouveraineté  ,  parce  que  le  Roi  efl  le 
Juge  naturel  de  tous  les  différents  qui  s'élèvent  dans  fes  Etats 
au  fujet  des  biens  temporels j  &  que,  dans  cette  partie,  il  ne 
reconnoît  point  de  Supérieur  fur  la  terre.  Le  même  Arrêt  dé7 
claroit  que  les  droits  du  Prince  ne  doivent  être  plaides  qu'en 
fa  Cour  5  que  les  Evêques  ne  peuvent  non-feulement  appeller  de 
fes  Ordonnances,  mais  même  fortir  du  Royaume  fans  fa  per- 
mifîion  ;  &  que  les  Papes  ne  peuvent  citer  devant  eux  aucun 
de  fes  fujets. 

Ce  procès  avoit  été  commencé  par  le  Prélat ,  qui  s'en  re- 
pentit dans  la  fuite.  Il  avoit  voulu  forcer  les  vafTaux  de  Jean  de 
Lebiefl,    Seigneur  de  Thouaré ,  à  lui  faire  hommage,, &  à  le 


iio  NAN  _ 

reconnoître  pour  leur  Seigneur.  Cétoit  une  injuftice  criante  j  & 
Jean  de  Lebieft  n'épargna  rien  pour  fe  conferver  (es  droits. 
Le  Parlement  de  Paris  lui  fut  favorable  ;  mais ,  s'il  gagna  d'un 
côté ,  il  perdit  de  l'autre  :  il  tomba  dans  la  difgrace  de  fon 
Souverain. 

Le  Duc   n'eut  pas  plutôt  appris  que  le  Seigneur  de  Thouaré 
avoir  appelle  au  Parlement  de  Paris  ,  qu'il   lui  en  fit  faire  de 
fanglants    reproches.   Ce  Prince  étoit   furieux  de   voir  traverfer 
fes  defleins  par  un  de  fes  fiijets.  Nous   avons  vu  ci-devant  que 
les  Evcques  de  Nantes   fe  difoient   indépendants  de    tout    autre 
que  du  Pape.  Malgré  tous    les   elTorts   de   Pierre  de  Dreux  Se 
de  Jean  le  Roux  ,  fon  fils ,  ces  Prélats  avoient  confervé  la  plus 
grande  partie  de  ces  privilèges  extraordinaires  qui  les  rendoient 
fi  puifTants.    Pierre  II,  qui  projettoit  d'abaifTer  la  puifTance  du 
Clergé  &  de  le  foumettre  à  fes  loix ,  fut  fâché  de  voir  un  de 
fes  fujets  citer  un  Evêque  au  Parlement  de   Paris.   Cétoit  _,   en 
quelque  forte  ,  avouer  que  le  Duc  n'avoir  aucune  jurifdiftion  fur 
les    Prélats  de   fon    Duché.    Il  auroit  voulu    qu'on  les  eût  ap- 
pelles à  fon  Parlement ,  comme  à  leur  Juge  naturel.  Il  ne  man- 
qua pas  aufîi  d'envoyer  des  AmbafTadeurs  au  Roi ,  pour  le  prier 
de  renvoyer    la  connoifTance   de  cette   affaire  au  Parlement    de 
Bretagne.   Le  Roi  ne  voulut  point   acquiefcer  à  la  demande  du 
Duc  ',   il  fentoit  bien  qu'il  étoit  de   fon  intérêt  que    ces    fortes 
d'appels  euffent  lieu  :  il  mettoit  par-là  le  Duc  dans  une  dépen^ 
dance  totale  de  la  France.    On  n'eut   donc  aucun  égard  à   fes 
repréfentations ,  &  le  Parlement  rendit  fon  Arrêt   comme    nous 
l'avons    vu  ;  le  Monarque    fit    même    dire    au  Duc   qu'il    étoit 
étonné  qu'un  Duc  de  Bretagne  voulût  forcer  les  Evêques  à  lui 
faire  ferment  de  fidélité    pour  leur   temporel  ;    que  ce  droit  !ie 
jpouvoit  appartenir  qu'au  Roi  ;  &  qu'il  le  prioit  de  renoncer  à 
des  prétentions  injufles,  s'il   mettoit  quelque   prix  à   fon  amitié. 
Le  Duc    fut  extrêmement  furpris ,    Se  répondit ,  avec  beaucoup 
de   fermeté ,  aux   Envoyés  du  Roi ,   qu'il  connoifToit  {qs    droits 
&  qu'il  en  vouloit  jouir  ;  que  ,  de  tout  temps ,  les  Ducs  avoient 
exercé  une  jurifdiftion  immédiate  fur  les  Evêques  de  leur  Duché  ; 
que  nul  Breton ,  de  quelque  condition  &  quahté  qu'il  fût  ,  ne  pou- 
Voit  interjetter  appel  au  Parlement  de  Paris  ,  fous  quelque  pré- 
texte que  ce  pût  être  ,  fi  ce  n'ell:  dans  le  cas  de  déni  de  jufHce, 
ou  de  prétendu  faux  jugement  ;  que   la  régale    lui  appartenoit , 
en  qualité  de   Souverain  de   Bretagne  ;    Se  que  par  conféquent 
c'étoit  à  lui  que  les  Evêques  étoient  tenus  de  faire  ferment  de 


NAN  III 

fidélité.  Le  Monarque  ne  fe  rendit  point  à  ces  raifons  ;  mais  il 
nomma  des  Comminaires  pour  exammer  les  titres  du  Duc.  Le 
Duc  en  nomma  aufli  de  Ton  côré.  lis  s'afTemblerent  à  Tours. 
Les  Députés  Bretons  firent  fi  bien  valoir  les  raifons  de  leur 
maître ,  que  le  Roi  abandonna  fes  prétentions. 

Cependant,  Guillaume  de  Malciboit  n'avoit  point  ceffé  de 
perfécuter  Jean  de  Lebiefi:.  L'afTaire  avoir  été  portée  à  Rome. 
Le  Pape ,  inftruit  des  brouilleries  que  ce  procès  avoir  fait  naître  ^ 
parut  mécontent  de  l'Evêque  de  Nantes.  L'injuftice  de  ce  Pré- 
lat étoit  effeftivement  très-évidente.  Le  Pape  Calixte  III  fe  hâta 
de  terminer  cette  affaire  j  en  conféquence  il  adreffa  une  Bulle 
à  l'Archevêque  de  Tours ,  par  laquelle  il  lui  ordonne  d'annuUer 
tout  ce  qui  avoit  été  fait  à  cette  occafion.  L'Archevêque  s'ac- 
quitta  de  fa  commifllon  ,  &  il    n'en  fut  plus  parlé. 

1454.  Le  Roi  &  la  Reine  de  Sicile  viennent  à  Nantes  pour 
y  voir  le  Duc  ,  qui  les  reçoit  avec  beaucoup  de  magni- 
ficence. 

1455.  Guillaume  de  Malefi:roit  ne  vivoit  pas  mieux  avec  fon 
Clergé  qu'avec  fes  Souverains.  Ce  Prélat  exigeoit  des  fommes 
confidérables  pour  confirmer ,  par  l'appofition  de  fon  fceau ,  les 
fermes  des  biens  eccléfiafi:iques.  Le  Chapitre  de  la  Cathédrale 
s'affembla  pour  prendre  des  mefures  contre  ces  innovations.  ïl 
décida  qu'on  ne  devoit  rien  à  l'Evêque  pour  ces  ratifications , 
&  que ,  s'il  perfifl:oit  dans  fes  prétentions ,  on  le  pourfuivroit 
par  les  voies  de  droit. 

En  1455,  le  Duc  Pierre  II  obtint  du  Pape  Calixte  III,  à  la 
foUicitation  de  la  Duchefîe ,  fon  époufe ,  une  Bulle  pour  fonder 
un  Monaftere  de  Refigieufes  de  l'Ordre  de  Sainte-Claire,  à 
Nantes.  Le  Prince  acheta  de  Françoife  de  Rieux  une  maifon  très- 
ample  ,  avec  fes  jardins ,  fituée  vis^à-vis  l'Eglife  paroifliale  de 
Saint- Vincent ,  &  nommée  l' Hôtel  de  Rockefon  -,  maifon  que  les 
Pères  Carmes  avoient  occupée  lors  de  leur  premier  établilTe- 
ment  en  cette  ville. 

1456.  ReconnoifTance  des  Reliques  des  Saints  Donatien  & 
Rogatien.  Un  habitant  de  Nantes ,  homme  riche  ,  nomme  Guil- 
laume d'Aulnet  ou  d'Anet ,  voulut  rétablir  ,  à  fes  frais  ,  le  grand 
autel  de  la  Cathédrale.  Sur  cet  autel ,  étoit  un  cercueil  tout  cou- 
vert d'or  ,  d'argent ,  &  de  pierres  précieufes ,  &  fabriqué  avec  beau- 
coup d'art.  On  l'appelloit  ordinairement  la  châjfe  des  Saints  Donatien 
&  Rogatien  ,  parce  que  la  tradition  enfeignoit  que  c'étoit  là 
qu'étoient  renfermées  les  Reliques  de  ces  deux  illuures  Martyrs  -, 


iii  NAN 

mais  perfonne  ne  fçavoit  fous  quelle  forme  elles  y  étoient ,  & 
dans  quel  temps  elles  y  avoient  été  dépofées.  Sur  les  côtés  du 
cercueil ,  vers  le  fond ,  étoient  écrits  ces  deux  vers  latins  : 

Contimt   hic  tumulus  Fratrum  facra  corpora  ,  quorum 
Obtincat  populus  meritis   hic  régna  polorum. 

D'un  bout ,  on  lifoit ,  en  groffes  lettres ,  Saint  Donatien  ;  & , 
de  l'autre  ,  Saint  Rogatien.  On  avoit  coutume  d'encenfer  ce 
cercueil  ,  aufîi-tôt  qu'on  avoit  encenfé  l'autel.  On  racontoit 
qu'un  Evêque  ,  dont  on  ne  fe  rappelloit  pas  le  nom  ,  pouffé 
d'une  indifcrette  curiofité ,  ayant  voulu  ouvrir  ce  tombeau ,  fut 
puni  fur  le  champ  d'une  manière  bien  exemplaire  :  Une  main 
invifible  lui  tourna  le  vifage  par  derrière  (  <2  )  ,  &  il  refta ,  toute 
fa  vie,  dans  cette  fituation   incommode. 

Comme  on  ne  pouvoit  réparer  l'autel ,  fans  ôter  la  châffe  , 
TEvêque  affembla  fon  Chapitre  &  les  habitants  notables  de  la 
ville ,  avec  lefquels  il  convint  d'ouvrir  ce  cercueil ,  afin  de  ré- 
tablir ce  qu'il  y  auroit  de  défectueux ,  &  de  réparer  les  outrages 
<lu  temps.  On  efpéroit ,  d'ailleurs  ,  augmenter ,  ou  plutôt  ranimer 
la  vénération  &  la  dévotion  du  peuple  pour  les  Saints  Martyrs. 
La  cérémonie  fut  alîignée  au  27  Décembre.  On  fit  une  tente 
ou  lit  d'honneur  dans  la  nef  de  l'Eghfe  ,  devant  le  chœur , 
pour  y  placer  le  cercueil.  A  l'un  des  côtés  dévoient  être  les 
Eccléfialliques  5  &  ,  à  l'autre ,  les  Gentilshommes  &  principaux 
habitants. 

Au  jour  marqué ,  Guillaume  de  Maleftroit ,  Evêque  de  Nantes, 
fe  trouva  malade.  Il  chargea  Denis  de  la  Loherie ,  Evêque  de 
Laodicée  ,  de  l'Ordre  de  Saint -Dominique,  de  faire  la  céré- 
monie. Ce  Prélat  fit  placer  le  tombeau  fous  la  tente  ,  qu'on  avoit 
eu  foin  de  décorer  des  plus  belles  tapifferies.  A  neuf  heures,  on 


(  <2  )  Ceci  a  bien  l'air  d'une  fable.  Voici 
ce  qui  y  avoit  donné  lieu.  Les  Reliques  des 
Saints  Martyrs  étoient  anciennement  dans 
FEglife  de  leur  nom ,  dans  un  des  faux- 
fcourgs  de  la  ville.  L'an  893,  le  Roi  Eudes 
donna  cette  Eglife  aux  Moines  de  SoifTons  , 
qui  la  cédèrent  à  ceux  de  Bourgdeols  en 
3003.  Le  Chapitre  de  la  Cathédrale ,  qui 
craignoit  que  les  Moines ,  propriétaires  de 
VEglife,  n'enlevaffent  les  Reliques  des  Pa- 
trons d£  Nantes ,  s'en  empara ,  malgré  les 


réclamations  des  Moines ,  &  fît  transférer 
ces  précieufes  dépouilles  à  la  Cathédrale , 
vers  1061  ou  1062.  La  cérémonie  fut  faite 
par  Etienne ,  Légat  du  Saint-Siège  ,  fur- 
nommé  Torticol.  Voilà  ce  qui  avoit  donné 
naiffance  à  l'opinion  populaire.  On  obfer- 
vera  pourtant  que  je  ne  nie  pas  abfolument 
le  miracle.  L'hiuoire  ne  dit  pas  fi  le  Prélat 
avoit  naturellement  le  col  de  travers  ,  ou 
s'il  devint  miraculeufement  for/ict»/. 

fonna 


N  A  N  _     II} 

fonna  toutes  les  cloches  pour  appeller  le  peuple,   qui  étoit  ac- 
couru de  toutes  parts  pour  voir  cette  fête. 

Prefque  tout  le  Clergé  du  diocefe  fe  trouva  dans  TEglife  en 
habits  de  chœur.  Le  peuple ,  qui  étoit  à  Nantes  ,  remplit  rEgHfe  j 
mais  ,  comme  elle  étoit  trop  petite  pour  une  fi  grande  multitude, 
les  uns  montèrent  fur  le  toit ,  les  autres  dans  les  galeries ,  les 
autres  ,  enfin  ,  regardoient  par  les  fenêtres. 

La  cérémonie  commença  par  une  proceffion ,  depuis  le  chœur 
de  l'Eghfe    Cathédrale  jufqu'à  la   tente  où  étoit   le   Reliquaire. 
L'Evêque  de  Laodicée  encenfa  d'abord  ce  tombeau ,   puis  tout 
le  monde  fe  mit  à  genoux  pour  prier  Dieu  de  répandre  fa  bé- 
nédiftion  fur  tout  ce  qui  devoit  fe  faire  dans  la  journée.  Jamais, 
dit  l'hiftorien ,  on  ne  fit  de  prières  plus  ardentes.  Tout  le  monde 
étoit  dans  l'enthoufiafme  :  les  uns  pleuroient  de  joie,  les  autres 
gémifibient  de  leurs  fautes.  A  ces  fignes ,  non  équivoques ,  d'une 
foi  vive  ,  fuccéda  le  plus  profond  filence  ,  qui  ne  fut  interrompu 
que  par  le  fon  des  cloches.  L'Evêque  s'approche  du  Reliquaire,  fait 
venir  des  ouvriers  adroits ,  &  leur  demande  par  quels  moyens  on 
pourra  ouvrir  ce  cercueil.  Perfonne  ne  peut  le  fatisfaire,  parce  qu'il 
étoit  tout  couvert  d'or ,  d'argent ,  &  de  pierres  précieufes.    On 
fait  venir  un  Orfèvre ,  qui  enlevé   la  première   couverture  :   le 
bois  paroît  &  étonne  tout  le  monde  par  fa  beauté  ;  on  eût  dit  qu'il  ne 
faifoit  que  de  fortir  des  mains  de  l'ouvrier.  Le  Menuifier ,  avant  de 
toucher  à  ce  bois  facré ,  fe  jette  aux  pieds  de  l'Evêque  ,   lui  de- 
mande la  bénédiftion ,    &  l'obtient.  Il    fe  met    auffi-tôt  à  tra- 
vailler ,  &  fait   une  ouverture  aifez  grande.  On  apperçut   deux 
boîtes,  très-propres  &  prefque    entièrement    femblables.  Sur  la 
première,  étoit  écrit,  en  lettres  rouges.  Saint  Rogatien  j  &, 
fur  l'autre ,  Saint  Donatien.  Au  deflus  de  l'une  &  de  l'autre , 
étoient  fix  trous  ,    comme  pour  donner  de   l'air.   Le  Prélat   & 
l'Archidiacre,  Guillaume  du  ChafFaut,  tirent  la  première  châfle. 
Le  peuple  fe  livre  aux  tranfports  de  la  joie  la  plus  vive ,  qu'il 
manifeite  par  des  cris  multiphés  de  Noël,  NoëL  On  ôte  la  cou- 
verture ,  on  voit  un  Hnge   d'une  blancheur  éclatante ,  avec  un 
morceau  de  drap  de  foie  de  couleur  de  pourpre ,  qui  paroiflbit 
tout  neuf.    On  le  développe ,  &  on  le  trouve  plein  d'os  ;  il  ne 
manquoit   que    celui   d'une   jambe.    On    expofa    ces   dépouilles 
facrées  à  la  vénération  du  peuple  ,    &  on    continua  la   céré- 
monie. 

On  ne  pouvoit  tirer  la  féconde  boîte ,  qui  étoit   attachée  au 
£ond  du  Reliquaire.  On  y  fit  entrer  un  enfant  de  douze  ans ,  par 
Tome  IIL  P 


114  .       NAN 

l'ouverture  qu'on  avoit  pratiquée  (  a  ).  L'enfant  la  détacha  &  la 
préfenta  au  Prélat  :  on  l'ouvrit  ,  Se  on  trouva  un  petit  fac 
de  peau  de  cerf ,  coufu  avec  un  fil  de  foie ,  auquel  étoit  fuf- 
pendu  un  cachet ,  fi  ancien  qu'on  eût  bien  de  la  peine  à  découvrir 
qu'il  étoit  de  cire.  Il  repréfentoit ,  autant  qu'on  en  put  juger ,  un 
Evêque  ,  la  mitre  en  tête  &  le  bâton  pafi:oral  à  la  main. 
On  ouvrit  le  fac ,  &  on  trouva  les  os  de  Saint  Donatien ,  en- 
veloppés dans  un  morceau  d'étoffe  de  foie  blanche.  On  les  ex- 
pofa ,  avec  ceux  de  fon  illufi:re  frère ,  à  la  vénération  du  peuple, 
qui  faifoit  retentir  le  lieu  faint  d'acclamations.  Ce  qui  étonnoit 
fur-tout  les  affiliants,  étoit  la  miraculeufe  confervation  des  os 
&  du  Hnge  qui  les  couvroit  j  tout  paroiffoit  avoir  été  mis  le 
même  jour. 

On  chanta  folemnellement  le  Te  Deum ,  après  lequel  TEveque 
célébra  la  MeiTe.  Le  foir ,  après  Vêpres,  les  Reliques  furent  re- 
placées dans  le  cercueil.  Le  Dimanche  fuivant ,  on  les  porta  pro- 
ceffionnellement  par  les  rues  de  la  ville ,  qui  étoient  tendues  des 
plus  riches  tapifîeries ,  &  on  les  dépofa  fur  l'autel  qui  porte 
leur  nom,  dans  la  Cathédrale.  Elles  y  relièrent  jufqu'au  24 
Mai ,  jour  de  la  fête  de  ces  deux  illuftres  Martyrs.  Ce  jour-là  , 
on  les  mit  dans  leurs  boîtes ,  enveloppées  de  nouvelles  étoffes 
de  foie  «&  de  velours ,  avec  le  procès-verbal  de  la  préfente  cé- 
rémonie. L'afte  en  fut  dreffé  par  Jean  Méat ,  Notaire  apoftolique 
&  Chanoine  de  la  Cathédrale. 

La  monnoie  étoit  alors  de  quatre  efpeces;  fçavoir,  l'écu  de 
foixante -quatre  au  marc  ;  le  petit  écu  ou  écu  neuf;  les 
réaux-francs ;  &  les  faluts.  On  trouve  encore  des  blancs-bretons, 
au  chapelet ,  à  neuf  deniers  de  cours  ;  &  des  blancs-bretons ,  à 
la  targe  ,  de  douze  deniers  monnoie.  En  1 4  5 1 ,  le  Duc  fit  donner 
à  la  Collégiale  de  Nantes  quatre  mille  écus  d'or,  du  poids  de 
France ,  au  cours  de  vingt-fept  fols  fix  deniers  tournois ,  pour 
l'achat  d'un  fonds  de  deux  cents  Hvres  de  rente  ;  &  deux  mille 
fix  cents  royaux  d'or,  bons  &  de  poids,  pour  l'acquêt  d'un  autre 
fonds  de  cent  trente  livres  de  rente. 


(  j  )  Ce  Reliquaire  fut  réparé  par  la 
muniiicence  de  Pierre  II  &  de  la  Duchefle 
lîabeau  d'Ecoffe  ,  veuve  du  Duc  François 
I ,  qui  donnèrent  chacun  fix  marcs  d'argent. 
Le  peuple  immenfe ,  qui  affiftoit  à  la  céré- 
monie ,  fit  aufli  des  dons  confidérables  à 
celujet.  C'étoit  un  morceau  d'un  très-grand 


prix ,  pulfqu'il  étoit  tout  couvert  d'or ,  d'ar- 
gent ,  &  de  pierreries  ;  le  tout ,  d'un  travail 
fini.  Il  n'étoit  pas  d'ailleurs  bien  petit  ,  puif- 
qu'un  enfant  de  douze  ans  entroit  par  l'ou- 
verture que  l'on  y  avoit  faite.  On  ne  fçait 
ce  qu'il  eft  devenu.  Le  Chapitre  feul  de  la 
Cadiédraje  pourroit  l'apprendre  au  Public» 


NAN  115 

Jean  Huandi ,  Re6leuf  de  Saint- Vincent ,  s'oppofoit  fortement 
à  la  fondation  du  Monaftere  des  Filles  de  Sainte-Claire  ,  pour 
caufe  de  la  diminution  de  fes  droits  curiaux.  Le  Duc  ,  fondateur  , 
voulant  le  fatisfaire ,  lui  affura  une  rente  de  dix  livres ,  fur  hy- 
pothèque ,  dont  neuf  livres  pour  le  Refteur ,  &  vingt  fols  pour 
la  Fabrique.  Guillaume  Chauvin ,  Premier  Préfident  à  la  Chambre 
des  Comptes ,  en  fit  l'aflife.  Dès  que  le  Monaftere  fut  achevé , 
les  Religieufes  y  furent  introduites ,  le  3  o  Août  1457,  par  Guil- 
laume de  Maleftroit  &  fon  Clergé  ,  fuivi  de  la  Duchelfe  Fran- 
çoife  d'Amboife  ;  d'Artur,  Comte  de  Richemont,  Connétable 
de  France  ;  de  Catherine  de  Luxembourg  ,  fon  époufe  j  de 
Gui,  Comte  de  Laval;  &  de  plufieurs  Barons  &  Seigneurs, 
qui  accompagnoient  dix -huit  Rehgieufes.  Elles  avoient  à  leur 
tête  Guillaume  Vaurillon ,  Religieux  Dominicain  j  &  Bertrand 
de  Coëtenette  ,  Aumônier  du  Duc.  Ce  dernier  lut,  à  haute  voix, 
la  Bulle  du  Saint-Pere  ;  après  quoi ,  l'augufte  compagnie  fit  entrer 
les  Rehgieufes  dans  leur  Couvent,  ôc  leur  enjoignit  de  garder 
exaftement  la  clôture. 

La  Place  de  Lieutenant  du  Prince,  au  Gouvernement  de 
Nantes,  fut  créée,  le  27  Septembre  1457  ,  en  faveur  de  René 
Rouaud.  Le  Duc  Pierre  II  mourut  de  paralyfie ,  au  château ,  le 
27  Septembre  de  la  même  année  ,  fans  laifief  d'enfants  de  Fran- 
çoife  d'Amboife ,  fon  époufe.  Il  fut  inhumé  dans  l'Eglife  Collé- 
giale de  Notre-Dame ,  dans  un  tombeau  qu'on  prétend  avoir 
été  conftruit  par  fes  ordres. 

Ce  Prince  fit  fon  teftament  deux  Jours  avant  fon  décès  :  on 
y  trouve  qu'il  donna  des  fommes  confidérables  à  la  Collégiale, 
outre  deux  ornements  complets  pour  le  Célébrant ,  le  Diacre , 
&  le  Sous-Diacre  ;  comme  chape ,  chafuble  ,  &  ornements  d'au- 
tel. Le  premier  étoit  de  drap  fond  gris ,  &  fervoit  à  fa  Cha- 
pelle. Le  fécond  étoit  de  velours  cramoifi  ,  &  bordé  de  plumes  de 
paon.  Il  ajouta  à  ces  legs  deux  parements  d'autel ,  d'une  tapilTerie 
d'Arras  ,  qui  repréfentoit  la  Paflion  de  notre  Seigneur  ;  trois  ta- 
bleaux d'or  ,  dans  lefquels  font  des  Reliques  prétendues  de  la 
vraie  Croix  &  de  la  robe  du  Sauveur  du  monde;  (ces  tableaux 
étoient  dans  la  Chapelle  du  château  :  )  l'image  de  Saint  Vincent 
Ferrier ,  à  laquelle  eft  attaché ,  avec  une  chaîne  d'or ,  un  doigt 
de  la  main  droite  du  Saint,  enchâfTé  en  or  ,  avec  un  balojz 
defTus ,  &  un  joyau  d'or  qui  repréfente  Notre-Dame  de   Pitié. 

Artur  III  du  nom ,  frère  du  Duc  Jean  V ,  fuccéda  à  Pierre  II 
au  Duché.  Ce  Prince  conferva  l'épée  de  Connétable  de  France , 


né     •  N  A  N      ^ 

malgré  toutes  les  tepréfentations  qu'on  lui  fit  à  ce  fujet.  Son 
règne  fut  malheureufement  trop  court  pour  la  Bretagne.  Il  ne 
vécut  pas  heureux  fur  le  Trône.  Il  trouva  dans  TEvêque  de 
Nantes  un  rebelle ,  d'autant  plus  coupable  que  ce  Prélat  lui 
étoit  redevable  de  fon  Evêché.  Ce  Prince  avoit  pourtant  été 
averti  des  peines  qu'il  fe  préparoit.  Comme  il  aimoit  Guillaume ,  il 
avoit  engagé  Jean  de  Malellroit ,  fon  oncle ,  à  lui  réfigner  l'E- 
vêché  de  Nantes.  Jean  ne  put  fe  refufer  aux  infiances  réitérées 
d'Artur  ,  qui  n'étoit  alors  que  Comte  de  Richemont  ;  mais ,  comme 
il  connoilToit  fon  neveu ,  il  ne  voulut  pas  qu'on  pût  lui  imputer 
les  troubles  qu'il  prévoyoit  devoir  fuivre  fon  élévation  à  l'Epif- 
copat.  Il  dit  au  Comte  :  Je  ferais  plus  pour  vous  que  pour  homme 
qui  vive  :  mais ,  par  le  corps  de  Notre-Dame ,  vous  vous  en  repen-' 
tirey^  i  car  cefi  le  plus  mauvais  ribaub  traijlre  que  vous  veijîes  onc- 
ques  ,  &  fi  vous  le  connoigjie:^  comme  moi ,  vous  n'en  parlerie:^  ja- 
mais.  Malgré  une  déclaration  fi  peu  favorable  à  Guillaume ,  & 
quelques  démarches  féditieufes  qui  lui  étoient  échappées ,  Artur , 
entraîné  par  l'amitié ,  ne  cefTa  de  prefTer  le  bon  Evêque  de  lui 
accorder  fa  demande.  Le  nouveau  Prélat  occafionna  bientôt  des 
plaintes  très-fondées  j  mais  Artur  étoit  aveuglé  par  fon  incHnation 
pour  Guillaume ,  &  ne  pouvoit  croire  qu'un  homme  qu'il  ai- 
moit pût  être  un  méchant.  Il  le  chériflbit  toujours  &  le  com- 
bloit  de  bienfaits.  Il  les  paya  de  la  plus  noire  ingratitude.  Il 
refufa  de  faire  ferment  de  fidélité  &  hommage  à  fon  bienfaiteur 
pour  fon  temporel ,  excommunia  quelques-uns  de  fes  Officiers , 
en  fit  arrêter  un  autre  qui  avoit  fait  faifir  de  faux  poids  &  de 
fauffes  balances,  &  ne  lui  rendit  la  liberté  qu'après  en  avoir 
exigé  une  groife  rançon  j  il  faifoit  ajourner  à  comparoître  devant 
lui  les  Sergents  du  Duc ,  qui  portoient  fes  armes  fur  fon  fief, 
&  fomma  le  Duc ,  lui-même ,  de  faire  mettre  en  liberté  des  pri- 
sonniers d'un  autre  diocefe ,  faifis  dans  celui  de  Nantes.  Les  Offi- 
ciers du  Duc  ,  révoltés  de  ces  excès ,  penferent  à  la  vengeance , 
mais  ils  s'y  prirent  mal  :  ils  oferent  fe  préfenter  devant  lui  pen- 
dant qu'il  faifoit  une  proceffion,  le  7  Décembre,  à  la  tête  de 
fon  Clergé.  Le  Procureur  du  Duc ,  à  la  Cour  de  Nantes  ,  fe 
difant  envoyé  de  fon  maître ,  le  fomma  de  comparoître  ,  le  fa- 
medi  fuivant ,  devant  le  Prince  ,  fous  peine  de  faifîe  de  fon 
temporel ,  &  l'ajourna  encore  à  comparoître ,  à  la  requête  du 
Procureur  général ,  pour  répondre  à  plufieurs  accufations  inten- 
tées contre  lui.  Il  lui  demanda  réponfe  fur  le  champ.  Le  Prélat , 
irrité ,  fçut   bien   fe   prévaloir  des    circonftances.    Au    Ueu    de 


NAN        _  _  117 

répondre ,  il  fomma ,  lui-même  ,  le  téméraire  Officier  à  compa- 
roître ,  en  deux  heures ,  fous  le  portail  de  la  Cathédrale ,  pour 
y  rendre  compte  des  raifons  qui  l'avoient  porté  à  interrompre, 
avec  fcandale ,  les  fondions  auguftes  de  la  Religion.  Quant  à 
la  citation  ,  il  répondit  qu'il  ne  tenoit  rien  du  Duc  ,  &  qu'il  ne 
reconnoilToit  d'autre  Souverain  que  le  Pape.  Après  ce  peu  de 
paroles ,  il  laifTa  là  l'Officier ,  &  continua  fa  proceffion.  Il  ne 
tarda  pas  à  lancer  une  excommunication  contre  les  gens  du 
Duc ,  &  pourfuivit  l'affaire  avec  vigueur.  Artur  en  appella  au 
Pape ,  mais  la  Cour  de  Rome ,  inflruite  de  ce  qui  s'étoit  palTé  à 
la  proceffion ,  ne  fut  pas  favorable  à  ce  Prince  :  elle  confirma 
même  la  fentence  d'excommunication  &  l'interdit  jette  par  le  Prélat. 
Artur  ne  vit  point  la  fin  de  ce  démêlé  ,  il  mourut ,  le  26  Sep- 
tembre 1458,  de  poifon ,  félon  les  uns  ,  &  félon  les  autres ,  du 
chagrin  que  lui  caufa  l'Evêque  de  Nantes.  Son  corps  fut  ouvert , 
gardé  deux  jours  ,  &  enfuite  inhumé  dans  l'Eglife  des  Chartreux , 
où  l'on  voit ,  devant  le  grand  autel ,  fon  tombeau  chargé  des 
armes  de  Bretagne  &  de  Luxembourg.  On  remarque  au  vitrail 
de  cette  EgHfe  fon  portrait ,  &  celui  de  Catherine  de  Luxem- 
bourg ,  fa  troifieme  femme ,  qui  fit  conftruire  le  maufolée  de  fon 
mari ,  &  acheva  de  bâtir  l'églife  &  le  Couvent. 

Artur  avoit  été  marié  trois  fois ,  mais  il  ne  laifTa  point  d'en- 
fants. La  Bretagne  perdit  en  lui  le  plus  grand  des  Souverains 
qu'elle  eut  eu  jufqu'alors.  Son  expérience  confommée  dans  les 
affaires ,  fa  fageffe ,  fes  vertus ,  faifoient  efpérer  à  cet  Etat  la 
félicité  la  plus  parfaite.  Il  avoit  blanchi  fous  les  armes ,  &  paf- 
foit  pour  le  plus  grand  Capitaine  de  fon  temps.  Ses  exploits 
&  fes  talents  lui  acquirent  une  réputation  rarement  auffi  bien  mé- 
ritée. La  France ,  fur-tout ,  lui  a  des  obligations  immortelles ,  & 
le  compte  au  nombre  de  fes  principaux  défenfeurs.  Enfin,  pour 
achever  fon  éloge,  il  fuffira  de  dire  que  la  Couronne  de  Bre- 
tagne ,  qu'il  porta  fur  la  fin  de  fa  vie  ,  reçut  de  lui  un  nouvel 
éclat ,  &  qu'il  l'honora  autant  qu'il  en  fut  honoré, 

François  II  du  nom  ,  fils  aîné  de  Richard ,  Comte  d'Etampes , 
&  de  Marguerite  d'Orléans ,  fuccéda  à  fon  oncle  au  Duché  de 
Bretagne. 

1458,  On  vit,  cette  année,  à  Nantes,  quatre  DuchefTes  de 
Bretagne  ;  fç avoir  ,  Marguerite  de  Bretagne  ,  époufe  du  Duc 
François  II ,  aftuellement  régnant  ;  Ifabeau  d'EcofTe ,  veuve  de 
François  I  ;  Françoife  d'Amboife,  veuve  de  Pierre  II  j  &  Cathe- 
rine de  Luxembourg ,  veuve  d' Artur  III. 


,i8  NAN 

Les  Moines  de  Saint-Sauveur  de  Redon  cédèrent,  en  1458, 
aux  Chanoines  de  Notre-Dame ,  la  moitié  de  cette  Eglife  dont 
ils  jouiflbient,  &  firent  bâtir  la  Chapelle  de  Notre-Dame  de 
Toute- Joie ,  qui  eft  auprès  de  l'Hôtel  de  Ville.  On  croit  qu'ils 
lui  donnèrent  ce  nom  pour  témoigner  la  joie  qu'ils  reflentoient 
de  voir  leurs  difputes  éternelles  avec  les  Chanoines  de  la  Col- 
légiale heureufement  terminées  par  leur  féparation.  L'Evêque  de 
Nantes  approuva  &  ratifia  cet  arrangement. 

1459.  Dès  que  le  Duc  eut  fait  fon  encrée  à  Rennes,  il  vint 
à  Nantes,  &  y  fiit  reçu  par  le  Clergé,  à  la  porte  de  Saint-Ni- 
colas, le  30  Mars  1459.  '^^^^^  ^^  y\\\Q  étoit  dans  l'ivrefTe  de 
la  joie.  Le  Prince  étoit  jeune ,  d'une  figure  aimable ,  &  aimoit 
les  plaifirs.  Pendant  long-temps  les  fêtes  fe  fuccéderent  fans  in- 
terruption. Elles  furent  embeUies  &  animées  par  la  préfence 
d'une  aimable  Princefle.  C'étoit  la  Dame  d'Argueil  ,  fœur  du 
Duc,  femme  fpirituelle,  très-belle  &  très-vertueufe ,  qui  l'étoit 
venu  voir  à  Nantes.  Elle  étoit  mariée  au  fils  aîné  du  Prince 
d'Orange.  François  II  la  combla  de  carefies  ,  lui  afîigna  une 
penfion  de  mille  francs,  &  ajouta  à  ce  bienfait  de  magnifiques 
préfents.  Cette  Dame  donna  aufli  des  preuves  de  fa  générofité 
à  la  Cour  de  fon  frère  j  entr'autres ,  elle  fit  préfent  d'un  bijou 
de  prix  à  Poncet  de  la  Rivière ,  que  le  Duc  venoit  de  faire 
Chevalier  de  fon  Ordre.  Le  marc  d'argent  étoit  à  huit  livres 
quinze  fols,  &  le  marc  d'or  à  cent  livres. 

Le  4  Avril,  le  Duc  rendit  une  Ordonnance  qui  portoit  que, 
pour  le  préfent ,  on  fabriqueroit ,  à  Rennes  &  à  Nantes  feulement , 
des  monnoies  blanches  &  noires  ,  de  grands  &:  petits  blancs ,  des 
doubles  &  des  deniers. 

Henri  de  la  Villeblanche  fut  nommé ,  le  6  Janvier ,  Lieutenant 
du  Duc ,  dans  la  ville  de  Nantes. 

La  Fabrique  de  Saint-Nicolas  n'étoit  pas  riche  en  1459,  elle 
n'avoit  qu'une  cuflode  de  laiton  à  pied  d'argent ,  pour  expofer 
le  Saint-Sacrement  le  jour  de  la  Fête-Dieu  ,  dans  l'Oélave ,  & 
le  Jeudi-Saint ,  qui  étoient  les  feuls  jours  de  l'année  confacrés  à 
cette  dévotion. 

La  dédicace  de  l'Eglife  des  Chartreux  de  Nantes  fut  faite  le 
16  Août  1459,  par  Denis,  Evêque  de  Laodicée  ,  du  confen- 
temènt  de  î'Evêque  de  Nantes ,  en  préfence  d'Ilabeau  d'EcofTe , 
Ducheffe  de  Bretagne  ;  de  Nicolas  le  Roux ,  Curé  de  Saint-Clé- 
ment ;  &  de  plufieurs  autres  Eccléfiaftiques.  L'afte  qui  fait  men- 
tion de  cette  cérémonie  ,  place  le  Couvent  des  Chartreux  dans 


NAN  _  119 

la  Paroifîe  de  Saint-Clément.  Il  eft  aujourd'hui  dans  celle  de 
Saint-Donatien. 

1460.  Le  Général  de  la  ParoifTe  de  Saint-Nicolas  fait  bâtir 
une  facriftie  ,  dont  les  feuls  fondements  coûtent  cent  écus  d*or 
de  vingt-cinq  fols  monnoie.  Pour  fournir  aux  frais  de  cet  édifice , 
on  impofe  une  taille  générale  fiir  les  Paroi fliens.  Les  plus  riches 
font  des  dons  volontaires  ,  de  forte  que  les  deniers  provenus  de 
cette  impoiition  fe  trouvent  plus  que  fuffifants  pour  achever  l'ou- 
vrage. Le  reile  eft  employé  à  faire  le  carrelage  de  l'Eglife.  Le 
Pape  avoit  accordé  neuf  indulgences  à  ceux  qui  viiitoient  cette 
Eglife  à  Pâques.  Dans  un  compte  de  la  Fabrique  de  cette  ParoifTe  , 
rendu  en  1 460  ,  on  trouve  des  preuves  de  l'horreur  qu'infpiroient 
les  lépreux.  Guillaume  Champion ,  qui  avoit  été  pourvu  du  commande-* 
ment  des  Paroijjiens  de  Saint-Nicolas  ,  par  la  Cour  de  Monfeigneur 
t Officiai  j  avoit  été  foupçonné  de  lèpre  ,  &,  comme  tel,  rejette 
par  les  habitants.  Pour  dépofTéder  cet  homme  ,  il  fallut  lui 
faire  fon  procès.  On  le  pourfuivit  vivement  en  Juftice ,  &  il  fut 
condamné.  Le  procès  coûta ,  tant  pour  les  frais  des  Procureurs  que 
pour  la  viiite  des  Médecins ,  la  fomme  de  cent  Jix  fols  quatre  deniers» 

Aufîl-tôt  que  le  Duc  François  II  s'étoit  vu  fur  le  Trône ,  il 
avoit  penfé  à  terminer  tous  les  différents  qu'il  avoit  avec  l'Evê- 
que  de  Nantes.  L'Archevêque  de  Tours ,  pour  hâter  l'accommo- 
dement ,  décida  que  les  cenfures  lancées  précédemment  feroient 
nulles ,  &  que  les  Officiers  excommuniés  pourroient  fe  faire 
abfoudre  par  leurs  ConfefTeurs  ordinaires.  On  nomma  aufîi-tôt 
des  Arbitres  pour  arranger  le  refte. 

François  II,  qui  fçavoit  que  le  Clergé  étoit  difficile  à  foumettre, 
s'avifa  ,  au  commencement  de  fon  règne ,  d'un  expédient  qui  lui 
réuffit.  Il  envoya  au  Pape  une  ambaffade  magnifique  ,  avec  une 
lettre  très-foumife.  L'orgueil  du  Pontife  fut  flatté  de  l'attache- 
ment du  Prince  Breton  -^  &  des  fentim.ents  refpe8:ueux  qu'il 
montroit  pour  l'Eglife.  La  lettre  fut  publiée  par  ordre  de  la 
Cour  de  Rome ,  &  le  Pape  ne  fit  pas  difficulté  de  joindre  à 
cette  lettre  l'éloge  du  Duc ,  &  de  fa  parfaite  foumiiîion  pour 
l'EgUfe.  Aufîi  François  II  n'eut-il  point  à  fe  plaindre  des  Sou- 
verains Pontifes.  Ils  lui  accordèrent  les  faveurs  les  plus  fîgnalées, 
&  ne  fe  déclarèrent  jam.ais  contre  lui.  Dans  les  démêlés  qu'il 
eut  avec  l'Evêque  de  Nantes ,  il  n'eut  à  combattre  que  le  Roi 
de  France ,  protefteur  intéreffé  du  Prélat.  La  Cour  de  Rome  refta 
neutre ,  ou  ne  fervit  que  foiblement  l'Evêque  ,  comme  on  le 
verra  ci-après.  -      - 


izo  NAN         _  ^ 

Le  Duc  profita  de  cette  bonne  difpofition  pour  réformer  un 
abus  très-blâmable.  Il  arrivoit  aflez  fouvent  que  les  légitimes  pof- 
fefîeurs  des  Bénéfices  étoient  chafi^es  par  des  ufiirpateurs  ,  qui 
fuppoloient  de  faux  titres  ,  ou  formoient  des  accufations  calom- 
nieufes.  On  voyoit  afiez  communément  des  Eccléfiaftiques  va- 
létudinaires ,  ou  d'un  âge  avancé ,  chaffés  de  leurs  maifons ,  ou 
réduits  à  la  dernière  m.fere  ,  par  ces  infâmes  pratiques  j  fur-tout , 
quand  ils  n'étoient  pas  afiez  riches  pour  fatisfaire  l'avarice ,  l'am- 
bition ,  ou  la  mauvaife  foi ,  à  force  d'argent.  A  la  priera  du 
Duc  ;  le  Pape  donna  une  Bulle ,  qui  portoit  qu'on  ne  pourroit  in- 
quiéter les  pofleflfeurs  triennaux  dans  la  jouifiTance  de  leurs  Bé- 
néfices. 

L'Univerfité  de  Nantes  fut  érigée,  en  1414  ,  par  une  Bulle  du 
Pape  Jean  XXII.  Cette  érection  fut  confirmée  ,  en  141 8 ,  par  Martin 
V ,  & ,  en  1448,  par  Nicolas  V;  mais  ces  Bulles  avoient  été 
jufques-là  fans  effet ,  parce  que  les  Ducs  demandoient  une  Fa- 
culté de  Théologie ,  que  les  Papes  ci-deffus  dénommés  ne  vou- 
lurent jamais  accorder.  Pie  II ,  plus  complaifant  ,  donna ,  en 
1460,  une  Bulle  conforme  aux  defirs  du  Duc  François,  qui 
fonda  cette  Univerfité  à  Nantes,  le  22  Septembre  1461.  Elle  efl 
compofée  des  Facultés  de  Théologie  ,  du  Droit  Canon ,  du 
Droit  Civil ,  de  Médecine  ,  &  des  Arts.  Un  Père  Carme  ,  nommé 
Longue-épée  ,  compofoit  feul  la  Faculté  de  Théologie,  tant  la 
fcience  étoit  rare  alors.  Aujourd'hui,  cette  Univerfité  compte 
au  nombre  de  fes  Membres ,  de  fçavants  Théologiens ,  des  Mé- 
decins éclairés ,  &  quelques  bons  Littérateurs.  La  Faculté  des 
Droits  fut  transférée  à  Rennes  ,  par  Déclaration  du  Roi  du  pre- 
mier Oftobre  1735. 

Le  17  Août  14^1  ,  le  Duc  fit  faire,  dans  la  Cathédrale  ,  un 
Service  folemnel  pour  le  repos  de  l'ame  du  Roi  Charles  VIL  Ce 
Prince  étoit  mort,  le  22  Juin ,  du  chagrin  que  lui  avoit  caufé  la 
révolte  de  fon  fils. 

Louis  XI ,  qui  lui  fuccéda ,  ne  tarda  pas  à  venir  en  Bretagne, 
fous  prétexte  de  faire  un  voyage  à  Saint-Sauveur  de  Redon  j 
mais  ce  motif  n'éroit  pas  le  feul  qui  conduifit  le  Monarque  dans 
le  Duché  :  il  étoit  bien  aife  d'examiner  les  villes  du  pays ,  les 
forces  du  Prince  ,  &  de  fonder  les  difpofitions  du  peuple.  Louis 
palTa  par  Nantes ,  &  y  fut  reçu  par  le  Duc  avec  beaucoup 
plus  de  magnificence  que  de  fincérité.  François ,  qui  avoit  pé- 
nétré la  politique  du  Roi ,  ne  put  jamais  lui  montrer  de  la  con- 
fiance,  quelque  effort   qu'il    fit  fur  lui-même  pour  cacher  fes 

fentiments 


.    N  AN  m 

fentiments  aux  yeux  du  Monarque  :  peu  s  en  fallut  même  qu'ils 
ne  fe  quittaflent  ennemis.  La  Duchefle  d'Amboife ,  veuve  de 
Pierre  II,  fut  la  caufe  innocente  du  mécontentement  de  l'un  & 
de  l'autre  de  ces  Princes.  Après  la  mort  de  fon  époux ,  elle  avoit 
été  demandée  en  mariage  par  un  Prince  delà  maifon  de  Savoie, 
qui  avoit  mis  la  Cour  de  France  dans  fes  intérêts.  Le  Roi ,  la 
Reine ,  le  Duc  de  Bretagne ,  &  plufieurs  autres  Seigneurs  ,  avoient 
joint  leurs  prières  à  celles  du  père  de  la  Princelfe  ,  fans  pou- 
voir la  décider  à  pafTer  à  de  fécondes  noces.  Son  opiniâtreté 
irrita  fon  père ,  qui  defiroit  ardemment  ce  mariage.  Il  rélolut  de 
la  faire  enlever  &  de  la  forcer  à  ce  qu'on  exigeoit  d'elle.  Il  en 
parla  au  Roi ,  qui  approuva  l'expédient.  On  plaça  des  bateaux 
fur  la  Loire  pour  l'exécution  de  ce  projet  :  tout  étoit  difpofé  de 
façon  que  la  Princefle  ne  pouvoir  éviter  le  malheur  qu'on  lui 
préparoit.  Heureufement  le  Duc  fut  averti  de  ce  qui  fe  pafToit. 
D'abord ,  il  n'en  voulut  rien  croire  ;  mais ,  la  chofe  lui  ayant  été 
confirmée ,  il  ne  put  s'empêcher  de  témoigner  de  l'indignation 
contre  les  auteurs  du  complot  -,  il  parut ,  fur-tout ,  irrité  de  ce 
qu'on  ofoit  faire  violence  à  une  Duchefle  de  Bretagne ,  dans  la 
Bretagne  même.  Il  jura  qu'il  ne  le  fouiTriroit  jamais  ,  &  donna 
des  ordres  en  conféquence.  Il  envoya  chercher  la  Princefl^e,  & 
la  logea  dans  une  maifon  fûre  ,  avec  une  bonne  garde.  Le 
Roi  &  le  père  de  la  Duchefle  témoignèrent  leur  mécontente- 
ment au  Prince  Breton  :  mais  il  leur  répondit  avec  tant  de 
fermeté  ,  qu'ils  ne  jugèrent  pas  à  propos  de  poufler  l'affaire 
plus  loin  ;  de  forte  que  la  Princefl^e  refl:a  tranquille ,  comme  elle 
le  deflroit. 

On  trouve  ,  dans  quelques  hifl:oriens,  ces  faits ,  ornés  &  em- 
bellis de  circonftances  miraculeufes.  On  avoit  placé ,  difent-ils , 
des  bateaux  fur  la  Loire  ,  avec  ordre  à  ceux  qui  les  conduifoient 
de  fe  faiflr  de  la  Princeflfe  lorfqu'elle  viendroit  à  pafl^er  ;  mais , 
par  vm  miracle  bien  vifible  ,  la  Loire  fe  trouva  glacée  depuis 
Mauves  jufqu'aux  ponts  de  Nantes ,  dans  une  étendue  de  trois 
lieues  ,  quoiqu'on  fût  dans  la  faifon  la  plus  chaude  de  l'année , 
puifque  c'étoit  le  1 1  Juin.  Ces  hifl:oriens  fe  font  trompés  :  ceci 
fe  pafla  à  la  fin  de  Novem.bre ,  &  non  pas  au  commencement  de 
l'été.  Il  n'y  a  point  là  de  miracle. 

13  Novembre  1461.  Tannegui  du  Châtel  ell  nommé  Gou- 
verneur de  Nantes. 

1461.  Guillaume  de  Malefl:roit,  après  PEpifcopat  le  plus  ora- 
geux ,  fe  démet  de  fon  Evêché  en  faveur  d'Amauri  d'Acigné , 
Tome  m.  Q 


izr  NAN 

fon  neveu  (a).  Ce  Prélat  étoit  allé  à  Rome  ,   &  avoît  obtenu 

fes  Bulles.  Il  revint  en  Bretagne ,  &  fe  préfenta  au   Duc ,  qui 

fit  lire   fes  titres  ,    &  lui   permit    de  prendre  poffelîion  de  foa 

Evêché.  Dès-lors  Amauri  fut  reconnu  Evêque  de  Nantes  par  le 

Duc,  qui  le  qualifioit  tel   dans  fes  lettres  &  dans  la   conver- 

fation. 

Le  Prince  eut  bientôt  lieu  de  fe  repentir  d'avoir  été  fi  facile. 
Amauri  ne  fut  pas  plutôt  établi  fur  fon  Siège  qu'il  refufa  de  faire 
ferment  de  fidélité,  fous  prétexte  que  fon  Eglife  étoit  indépendante, 
&  qu'il  ne  devoit  reconnoître ,  tant  dans  le  temporel  que  dans  le 
fpirituel ,  d'autre  Supérieur  que  le  Pape.  Ces  prétentions  ne  pou- 
voient  manquer  d'irriter  le  Duc  contre  le  Prélat  -,  mais  celui-ci , 
qui  fe  fentoit  appuyé  ;,  ne  fe  foucioit  pas  de  la  colère  du  Prince. 
Ses  ennemis  ne  laiiTerent  pas  échapper  cette  occafion  de  lui  nuire» 
Ils  étoient  puiffants  auprès  du  Duc ,  puifqu'ils  étoient  à  la  tête 
des  affaires.  Les  plus  confidérables  étoient  Tannegui  du  Châtel  & 
le  Chancelier  de  Bretagne.  Ils  lui  repréfenterent  Amauri  comme 
un  rebelle ,  fauteur  de  la  France  ,  &  d'autant  plus  à  craindre 
qu'il  avoir  auprès  du  Roi  des  parents  &  des  amis  ;  que  cette 
Couronne  ,  dont  il  étoit  l'efpion ,  ne  manqueroit  pas  de  prendre 
fa  défenfe  &c  d'appuyer  fes  entreprifes ,  pour  profiter  des  trou- 
bles de  l'Etat;  qu'il  étoit  à  craindre  que  quelque  jour  il  n'ap- 
pellât  les  Français  dans  le  Duché;  &  qu'il  falloir  au  plutôt  le 
mettre  dans  l'impoifibilité  d'exécuter  fes  mauvais  deffeins ,  fi  l'on 
ne    vouloir  s'expofer  aux  plus  grands   dangers. 

François  n'eut  pas  de  peine  à  fe  rendre  à  toutes  ces  raifons. 
Il  connoifîbit  Louis  XI ,  &  fçavoit  bien  qu'il  ne  laifTeroit  pas 
échapper  Toccafion  de  lui  faire  la  guerre.  Amauri  ne  pouvoit 
que  lui  nuire  dans  fes  démêlés  avec  la  France ,  d'autant  mieux 
que  ce  Prélat  étoit ,  en  quelque  forte ,  obUgé  de  la  fervir.  Son 
oncle  ,  frère  de  Guillaume  de  Malefiroit ,  fon  prédéceffeur ,  étoit 
fort  confidéré  à  la  Cour  de  Louis  XI,  qui  cherchoit  à  fe  l'atta- 
cher par  toutes  fortes  de  bienfaits.  L'Amiral  de  Montauban  ,  in- 
time ami  de  l'Evêque  de  Nantes ,  n'avoit  pas  moins  de  crédit 
en  France.  C'étoit  une  politique  du  Roi  de  gagner  les  fujets  pour 
découvrir  les  fecrets  de  leurs  maîtres. 

Ces  confidérations  décidèrent  le  Duc  à  agir  vivement  contre 
Amauri.  Il  affembla  un  Confeil  extraordinaire  ,  compofé  du  Chan- 


(  <z  )  Ce  Prélat  étoit  né  à  Saint-Etienne  de  Montluc ,  Paroifle  du  diocefe  de  Nantes ,  où 
Al  maifon  poffédoit  de  grands  biens. 


NAN  ii5 

celier ,  du  Vice-Chancelier ,  du  Préfident  de  Bretagne ,  d'Olivier 
de  Coètlogon,  d'Euftache  d'Epinai,  de  Michel  de  Partenai,  de 
Jean  Dubois,  &  du  Sénéchal  de  Vannes.  Olivier  de  Coèdogon 
fut  d'avis  de  ne  rien  précipiter ,  mais  de  mander  les  Seigneurs 
d'Acigné  ,  de  la  Hunaudaye ,  &  de  Coëtquen  ,  pour  terminer  l'af- 
faire à  l'amiable  :  cet  avis  ne  fut  pas  fuivi  ;  on  réfolut  de  traiter 
le  Prélat  avec  toute  la  févérité  poffible.  En  conféquence  ,  le  Duc 
donna  des  lettres-patentes,  qui  défendoient  à  l'Evêque  &  à  fes 
Officiers,  fous  peine  de  banniffement ,  de  fe  mêler  de  l'admi- 
niftration  de  l'Evêché  ;  au  Clergé  &  au  peuple,  de  reconnoître 
Amauri  pour  Evêque ,  fous  peine  de  faifie  de  leur  temporel 
pour  les  Eccléfiaftiques ,  &  de  faifie  de  leurs  biens  &  de  pu- 
nition corporelle  pour  les  Laïques.  Cette  Ordonnance  fut  exé- 
cutée. Les  lettres-patentes  furent  affichées  à  la  porte  du  Palais 
épifcopal ,  &  publiées  ,  dans  tout  le  territoire  de  Nantes ,  par  un 
Héraut  accompagné  de  Tannegui  du  Châtel,  &  efcorté  par  un 
corps  de  Cavalerie.  On  traîna  hors  de  la  ville  le  Grand- Vicaire 
de  l'Evêque ,  &  un  Profefleur  en  Droit  Canon.  Les  Officiers 
du  Duc  s'emparèrent  du  manoir  de  la  Touche  ,  en  chafTerent 
Guillaume  de  Maleftroit,  ancien  Evêque  de  Nantes,  pillèrent  fes 
meubles,  effacèrent  fes  armes  des  lambris,  &  y  placèrent  celles 
du  Duc.  Le  vieux  Prélat  voulut  fe  réfugier  dans  la  ville  ,  mais 
on  lui  en  refufa  l'entrée,  &  il  fut  obligé  d'aller  chercher  un 
afyle  ailleurs. 

Quelques  jours  après,  on  enfonça  les  portes  de  l'Evêché  pendant 
le  Service  divin  ;  on  fouilla  dans  les  coffres ,  on  enleva  les  titres , 
on  mit  le  fcellé  par-tout,  &  on  chaffa  les  domeftiques  de  l'Evê- 
que. Le  Duc ,  pour  motiver  fa  conduite  envers  le  Prélat ,  donna 
de  nouvelles  lettres -patentes  datées  de  l'Epronniere,  maifon 
près  Nantes ,  où  il  foutient  que  le  droit  de  régale  eft  attaché 
au  titre  de  Duc ,  &  que  les  Sièges  épifcopaux  ne  font  cenfés 
remplis ,  en  Bretagne ,  que  lorfque  les  nouveaux  élus  ont  pré- 
fenté  leurs  lettres  de  confirmation  au  Prince  -,  que  ,  puifque 
Amauri  n'avoit  pas  fait  cette  foumiffion ,  il  étoit  clair  qu'il  ne 
pouvoir  fe  dire  Evêque  de  Nantes.  Cette  accufation  étoit  in- 
julte  i  mais ,  comme  c'étoit  la  feule  raifon  que  pouvoir  alléguer 
François  II  contre  Amauri ,  il  faifoit  tous  fes  efforts  pour  per- 
fuader  au  peuple  que  ce  n'étoit  ni  la  haine,  ni  la  crainte  qui 
le  faifoient  agir ,  mais  feulement  la  juflice  &  les  droits  de  fa 
Couronne.  En  conféquence  de  cette  déclaration  ,  Tannegui  du 
Châtel  eut  ordre  de  s'emparer,  au  nom  du  Duc^^  du  temporel 


124  NAN 

de  l'Evêché  de  Nantes.  Il  me  femble  que  le  Duc  ne  devoit  pas 
avoir  recours  à  la  calomnie  pour  éloigner  le  Prélat.  Le  refus 
qu  il  avoit  fait  de  faire  ferment  de  fidélité  pouvoit  fufEre  ;  mais , 
peut-être  ,  regardoit-il  ce  moyen  comme  infuffifant.  D'ailleurs  ,  il 
étoit  bien  plus  fimple  de  faire  paffer  Amauri  pour  ufurpateur 
d'un  titre  qui  ne  lui  appartenoit  pas  :  par  ce  moyen ,  le  Duc  lui 
enlevoit  la  moitié  de  fes  avantages. 

L'Evêque  montra  beaucoup  de  fermeté  dans  cette  affaire.  Il  fit 
défendre  au  Procureur  général  de  paffer  outre ,  &  le  menaça 
de  l'excommunier  ^  mais  l'Officier  lui  fit  réponfe  qu'il  appelloit 
de  cette  défenfe  à  l'Archevêque  de  Tours ,  ou  plutôt  que ,  regar- 
dant l'Evêché  comme  vacant,  il  ne  faifoit  aucun  cas  de  i^es  cen- 
fures  :  il  ajouta  qu'on  avoit  de  très-bonnes  raifons  de  ne  pas  re- 
connoître  ia  jurifdiftion ,  puifqu'il  n'avoit  pas  montré  fes  lettres 
au  Duc  >  fon  Souverain.  Le  Prélat  foutint  que  l'accufation  étoit 
fauffe  ;  &  ,  comme  il  fç avoit  que  c'étoit  la  principale  raifon 
que  le  Duc  alléguoit  contre  lui ,  il  voulut  lui  ôter  le  moyen 
de  s'en  fervir ,  &  fe  mit  en  devoir  de  lire  les  Bulles  du  Pape. 
Le  Procureur  général  dit  que  cela  ne  le  regardoitpas,  &  lui  tourna 
le  dos. 

L'intention  de  François  étoit  de  pouffer  l'Evêque  à  bout.  Il 
n'eut  pas  plutôt  appris  ce  qui  venoit  de  fe  paffer ,  qu'il  fit 
chaffer  l'Evêque  de  fon  Evêché ,  &  fes  Officiers  de  fes  maifons , 
pour  y  établir  les  fiens.  Amauri  fe  retira  à  Angers ,  &  demanda 
au  Chapitre  de  la  Cathédrale  de  cette  ville  un  territoire  pour 
y  ajourner  le  Duc.  Le  Chapitre  lui  accorda  la  permiffion  de 
faire  ce  que  le  droit  lui  permettoit ,  &  le  renvoya  pour  le  refte 
à  fon  Evêque.  Celui-ci ,  après  avoir  déploré  le  malheureux  fort 
de  fon  Confrère,  lui  dit  qu'il  étoit  fâché  de  ne  pouvoir  lui 
être  utile  ;  mais  que  les  égards  qu'il  devoit  au  Roi  de  Sicile, 
Duc  d'Anjou,  parent  &  allié  du  Duc  de  Bretagne,  ne  lui  per- 
mettoient  pas  de  lui  accorder  un  territoire.  Amauri  prit  alors , 
pour  territoire  emprunté ,  le  réfeftoire  du  Chapitre  de  la  Cathé- 
drale d'Angers  ,  Se  y  ajourna  le  Procureur  général  &  les  autres 
Officiers  du  Duc  à  comparoître  devant  lui  le  22  O61:obre.  Il 
jetta  en  même  temps  l'interdit  fur  le  diocefe  de  Nantes ,  & 
ordonna  que  la  fentence  feroit  exécutée  ;  mais  le  Roi  Louis  XI 
parut  defirer  qu'on  ne  pouffât  pas  l'affaire  ,  &  on  différa  de 
pubHer  l'interdit. 

Pendant  que  ces  chofes  fe  paffoient ,  le  Grand- Vicaire  de 
l'Evêque  ,  qu'on  avoit  chaffé  ,  s'étoit  rendu  à  la  Cour  de  France, 


N  A  N  115 

Se  avoit  fortement  demandé  au  Roi  juilice  de  la  violence  exercée 
contre  l'Evêque  &  le  Clergé.  Le  Monarque  crut  que  l'occafion 
étoit  favorable  pour  afFoiblir  la  puiffance  des  Ducs  de  Bretagne.  Il 
n'étoit  pas  content  de  François  II  :  il  ne  pouvoit  lui  pardonner 
la  froideur  qu'il  montroit  pour  fes  intérêts  depuis  qu'il  étoit  fur 
le  Trône.  Il  fe,  plaignoit  que  le  Duc  ,  pour  lequel  il  avoit  eu  tant 
d'égards  ,  ne  lui  montroit  aucune  reconnoiflance  ;  &  ces  plaintes 
auroient  été  fondées  ,  fi  François  n'avoit  pas  eu  le  fecret  de  dé- 
mêler le  fond  du  caraftere  de  Louis  :  mais ,  étoit-ce  à  un  Prince 
connu  pour  le  plus  difîimulé  de  fon  fiecle  ,  qu'il  convenoit  de 
fe  plaindre  du  peu  de  confiance  qu'on  avoit  en  lui  ?  Aufîi  le 
Duc  montra ,  dès  le  commencement ,  qu'il  n'étoit  pas  dupe  de  la 
bonne  volonté  apparente  du  Monarque  Français.  Le  Roi  s'en 
étoit  apperçu  dans  fon  voyage  de  Nantes  ;  il  n'eut  aucun 
lieu  d'en  douter  dans  la  guerre  de  Catalogne.  Le  Duc  ne  lui 
fit  aucune  offre  de  fervice  ;  &  ,  pour  montrer  qu'il  étoit  bien 
loin  de  vouloir  le  fecourir ,  il  fit  fortifier  fes  places  &  augmenter  {qs 
garnifons ,  lorfqu'il  apprit  que  Louis  XI  avoit  le  deffein  de  paffer 
du  Mont-Saint-Michei  par  la  Bretagne  pour  fe  rendre  en  Poitou 
qui  étoit  menacé  par  les  Anglais. 

François  II ,  qui  fe  défioit  finguliérement  du  Roi ,  avoit  pris 
toutes  les  mefures  convenables  contre  un  Prince  fi  difîimulé.  II 
avoit  par-tout  des  émifîaires  déguifés  en  Moines ,  &  ces  émif- 
faires  ne  lui  av oient  pas  laifîe  ignorer  que  le  Roi  étoit  très-in- 
difpofé  contre  lui,  &  qu'aufîi-tôt  que  l'occafion  de  le  punir  fe 
préfenteroit ,  il  la  faifiroit  avec  emprefîement.  Le  Duc  s'attendoit 
bien  que  le  Roi  profiteroit  des  circonflances.  En  conféquence, 
il  avoit  fait  alliance  avec  le  Duc  de  Bourgogne  ,  levé  des  troupes , 
&  fortifié  fes  places.  Cependant  ,  comme  il  n'étoit  pas  encore 
bien  en  état  de  réfifter,  il  envoya  des  Ambafîadeurs  au  Roi, 
pour  retarder  du  moins  une  guerre  qu'il  "ne  pouvoit  ni  ne  vou- 
loit  éviter.  Louis ,  qui  avoit  de  violents  foupçons  contre  le  Duc 
de  Bretagne  ,  voulut  fonder  fes  difpofitions.  Il  répondit  aux 
Envoyés  que  fon  deffein  étoit  de  faire  examiner  les  droits  du 
Duc  fur  les  Eglifes  de  Bretagne,  &  de  rendre  julHce  aux  par- 
ties. En  effet,  le  16  Oftobre  14^3  ,  il  nomma  le  Comte  du 
Maine ,  fon  oncle  ,  pour  examiner  les  titres  du  Duc ,  &  pro- 
noncer juridiquement  fur  cette  affaire.  Le  Comte  du  Maine  eut , 
pour  Confeillers,  l'Evêque  de  Poitiers  ;  le  Comte  de  Cominges; 
Jean  Dauvet ,  Préfident  de  Touloufe  5  Pierre  Poignant  ;  &  Adam 
Hodon ,  Secrétaire. 


ii6  N  A  N 

Le  Roi  donna  à  ces  Commiffaires  des  inftruflions  qui  renfer- 
moient  tous  les  bienfaits  dont  il  prétendoit  avoir  gratiné  le  Duc 
de  Bretagne,  &  tous  les  griefs  qu'il  avoit  contre  lui.  Outre 
ceux  dont  j'ai  parlé ,  le  Roi  l'accufoit  encore  d'avoir  formé  des 
liaifons  criminelles  avec  le  Comte  de  Charolois  &  avec  le  Roi 
d'Angleterre  :  il  lui  reprochoit ,  ce  qu'on  difoit  dans  le  public, 
que  c'étoit  en  haine  de  l'Amiral  de  Montauban  qu'il  ne  faifoit 
rien  pour  le  fervice  du  Roi  -,  que  c'étoit  par  la  même  raifon 
qu'il  avoit  fait  faiiir  les  revenus  de  l'Abbaye  de  Saint-Sauveur 
de  Redon  ;  Se  qu'enfin  ,  il  n'avoit  chafTé  Amauri  d'Acigné  de 
fon  Siège,  que  parce  que  ce  Prélat  avoit  un  oncle  auprès  du 
Roi  :  il  attnbuoit  au  Procureur  du  Duc ,  à  Rome  ,  d'avoir  dit  que 
fon  maître  n'étoit  point  fujet  du  Roi,  &  qu'il  recevroit  bien 
plus  volontiers   en   Bretagne  les  Anglais  que  les  Français. 

Louis  donnoit  encore  comme  preuves  de  la  mauvaife  volonté 
du  Duc  pour  la  France ,  qu'il  avoit  fait  féparer  fes  Etats  de 
ceux  de  cette  Couronne  dans  les  Bulles  de  légation ,  ce  qui  n'avoit 
point  encore  été  fait  ;  qu'outre  cela ,  il  avoit  fait  couronner  l'écu 
de  Bretagne,  qui  devoir  être  fimplement  furmonté  d'un  chapeau j 
&  que ,  dans  les  cérémonies  de  la  canonifation  de  Saint  Vincent- 
Ferrier ,  les  Bretons  avoient  porté  à  Rome  les  bannières  de  Bre- 
tagne  couronnées. 

Le  Monarque  paffoit  enfuite  à  TafFaire  du  Prélat  chaffé ,  & 
prétendoit  que  le  Duc  ne  pouvoit,  fans  injuftice,  faifîr  les  re- 
venus de  l'Evêque ,  parce  qu'il  n'avoit  aucun  droit  fur  ce  tem- 
porel ',  que  le  Roi  feul  pouvoit  en  difpofer  ;  que ,  dans  toute  la 
Chrétienté ,  les  Evêques  étoient  placés  au  deffus  des  Ducs  ,  &  que 
les  derniers  ne  pouvoient  jamais  commander  aux  premiers  ;  qu'au 
Roi  feul  appartenoit  la  régale  j  &  que,  fi  le  Duc  avoit  à  fe  plaindre 
du  Prélat ,  il  convenoit  qu'il  le  citât  devant  le  Roi ,  fon  fouve- 
rain  Seigneur  ;  qu'en  agifTant  comme  il  faifoit ,  il  entreprenoit 
fur  les  droits  les  plus  facrés  de  l'autorité  royale,  &  méntoit  la 
même  punition  qu'on  infligeroit  au  dernier  des  fujets  du  Roi 
en  pareil  cas  -,  enfin ,  que  la  garde  ,  fauve-garde ,  ferment  de 
fidélité  &  obeifïance  des  EgUfes  Cathédrales ,  Abbayes  ,  &c.  &:c. 
appartenoient  uniquement  au  Roi.  Ces  inflruftions  renfermoient 
beaucoup  d'autres  articles  ,  touchant  la  nature  de  l'hommage ,, 
ies  appels  au  Parlement  de  Paris ,  &  le  droit  de  battre  monnoie. 

L'Evêque  de  Nantes  expofa  aufîi  fes  prétentions  dans  un  mé- 
moire :  elles  ne  peuvent  que  furprendre  un  homme  raifonnable.^ 
i°»  L'Eglife  de  Nantes,  dit  le  Prélat,  ne  reconnoît  aucun  Prince 


N  A  N  .        ïi7 

temporel.  Cejî  un  fief  plus  noble  que  Comté  &  Baronnie,  2^.  Elle 
eft  la  troifieme  de  la  Chrétienté  ,  fondée  en  l'honneur  de  Saint 
Pierre  &  de  Saint  Paul.  3''.  Elle  pofTede  de  très-grands  biens, 
entr  autres  ,  la  cité  de  Nantes.  4°.  Saint  Félix ,  un  de  fes  Evêques  , 
a  fait  palTer  un  des  bras  de  la  rivière  de  Loire  le  long  des 
murs  de  cette  ville,  pour  l'utilité  des  habitants.  5''.  Cette  Eglife 
eft  fous  la  proteftion  du  Pape.  6"",  Elle  a  les  droits  de  régale 
&  toute  Jurifdiftion.  7^.  Jamais  aucun  Evêque  de  Nantes  n'a 
reconnu  tenir  le  fief  de  fon  Eglife  des  Ducs  de  Bretagne. 
8°.  Le  Duc  ne  peut  exercer  aucune  Jurifdiélion  fur  le  fief  de 
l'Evêque,  fans  fon  confentement ,  quoiqu'il  ait  ce  droit  fur  le 
fief  des  Barons,  ç"*.  On  ne  doit  point  appeller  de  la  Jurifdiélion 
de  l'Evêque  au  Parlement  du  Duc ,  mais  feulement  au  Confeil 
du  Prélat,  nommé  [es  grands  jours.  10^.  Le  Duc  ne  peut  faifir 
les  revenus  de  l'Evêché ,  foit  que  le  Siège  foit  rempli  ou  qu'il 
foit  vacant.  Jamais  peut-être  Evêque  de  Nantes  n'avoit  porté  fi  loin 
fes  prétentions.  Il  efpéroit ,  fans  doute ,  que  le  Duc ,  tremblant 
à  la  feule  voix  de  Louis  XI ,  alloit  accepter  toutes  les  conditions 
qu'on  voudroit  lui  impofer ,  ou  que ,  trop  foible  pour  braver  des 
forces  fupérieures  ,  il  feroit  bientôt  forcé  de  venir  ,  en  fuppHant , 
demander  une  paix  néceifaire  &  défavantageufe.  Mais  il  fe 
trompoit.  François  avoir  prévu  tout  ce  qui  de  voit  réfulter  de  (qs 
démarches.  Sûr  d'avoir  Louis  XI  pour  ennemi ,  il  avoir  pris  des 
précautions  très-fages  pour  lui  réfifler. 

La  Ducheffe  étoit  accouchée  d'un  fils,  le  29  Juin  14^3.11 
avoit  été  baptifé  devant  le  grand  autel  de  la  Cathédrale ,  par 
Yves  de  Pontfale  ,  Evêque  de  Vannes.  Ce  jeune  Prince ,  l'efpoir 
de  la  Nation ,  avoit  eu ,  pour  parrains ,  le  Comte  de  Laval  & 
le  Vicomte  du  Faou ,  & ,  pour  marraines ,  Françoife  d'Amboife 
&  Catherine  de  Bretagne.  On  l'avoir  nommé  Comte  de  Monifon^ 
titre  que  portoit  ordinairement  l'héritier  préfomptif  de  la  Bre- 
tagne ,  depuis  que  la  Couronne  étoit  dans  la  branche  de  Mont- 
fort.  Le  Duc  profita  de  cette  circonfi:ance  pour  aifembkr  les 
Etats  &  pour  demander  des  fubfides.  On  lui  accorda,  d'un 
confentement  unanime ,  tout  ce  qu'il  demandoit.  On  mit  un  im- 
pôt fur  toutes  les  Hqueurs ,  &  le  Duc  déclara  qu'il  ne  pouvoit 
mettre  d'impofitions  fur  fon  peuple ,  fans  le  confentement  des 
Etats.  La  joie  que  la  naiflance  du  Comte  de  Montfort  avoit 
caufé  en  Bretagne  fut  de  courte  durée.  Cet  enfant  mourut  le 
2  5  Août  fuivant ,  &  fut  inhumé  avec  les  Princes ,  fes  ayeux , 
dans  le  chœur  de  la  Cathédrale. 


liS  NAN 

Cependant  le  Duc  continuoit  toujours  de  diffimuler.  Il  con- 
fentit  que  le  Comte  du  Maine  fût  l'arbitre  de  fon  différent 
avec  Amauri  d'Acigné,  fans  préjudice  de  fes  droits.  Il  envoya 
à  Tours  des  Députés ,  du  nombre  defquels  étoient  le  Comte  de 
Laval ,  le  Chancelier  Chauvin  ,  Tannegui  du  Châtel ,  &  Olivier 
de  Coètlogon ,  Prélldent  des  Comptes.  Il  avoit  ordonné  à  ces 
Députés  de  ne  point  fouffrir  que  le  Comte  du  Maine  procédât 
par  forme  contentieufe ,  mais  feulement  comme  arbitre  d'un  dif- 
férent qu'on  defiroit  terminer  à  l'amiable. 

Leurs  inilruftions  portoient  qu'ils  dévoient  s'attacher  à  prouver 
que  les  Ducs  étoient  fondateurs  de  toutes  les  Eglifes  de  leur 
Duché  j  que  la  Bretagne  avoit  d'abord  été  poiiédée  par  des 
Rois  indépendants;  que  les  Evêques  av  oient  toujours  été  contraints 
par  les  Ducs  de  comparoître  aux  Etats  du  Duché  ;  que  toutes 
les  appellations ,  en  Bretagne ,  relevoient  au  Parlement  du  Du- 
ché ;  que  les  Prélats  étoient  Membres  du  Parlement  ;  que  ces 
derniers  &  leurs  vaffaux  étoient  tenus  d'obéir  aux  règlements 
faits  par  le  Duc  avec  le  confeil  des  Barons  ;  que  les  Souverains 
de  Bretagne  avoient  toujours  levé  des  deniers  extraordinaires , 
comme  tailles ,  fouages ,  &  autres  impôts ,  fur  les  terres  des 
Evêques ,  comme  fur  celles  des  autres  Seigneurs  -,  que  les  Pré- 
lats ne  fe  fervoient  que  de  la  monnoie  du  Duc  ;  qu'ils  étoient 
obhgés  de  fe  conformer  aux  traités  de  paix  &  trêves  faits  par 
le  Duc  ,  &  de  prendre  de  lui  des  fauve-gardes  ;  que  les  Ducs 
avoient  toujours  été  en  pofTefîion  d'accorder  des  lettres  de  grâces 
aux  vaiTaux  des  Evêques ,  &  de  les  mettre  en  liberté  ;  qu'ils 
mettoient  des  garnifons ,  félon  leur  bon  plaifir ,  dans  les  places 
appartenant  à  ces  Prélats  ;  que  ,  de  tout  temps ,  ils  avoient  joui 
de  la  régale  ;  que  ,  pour  l'éleftion  des  Evêques ,  fans  en  excepter 
celui  de  Nantes  ,  le  confentement  du  Duc  étoit  néceffaire  ;  que 
les  Rois  de  France  ne  pouv oient  contraindre  les  Evêques  de 
Bretagne  d'affilier  aux  aflemblées  du  Clergé  &  aux  Etats  géné- 
raux du  Royaume  -,  que  les  Eglifes  de  Bretagne  ne  connoifToient 
d'autre  autorité  que  celle  des  Ducs ,  des  Papes  ,  &  des  Con- 
ciles généraux  j  &  qu'en  conféquence  de  ce  principe ,  la  Bre- 
tagne fuivoit  d'autres  loix  &  d'autres  maximes  que  la  France; 
que  ce  Duché  avoit  reconnu  un  Pape  ,  tandis  que  la  France  en 
reconnoiffoit  un  autre  ;  que  la  Pragmatique-Sanftion ,  reçue  dans 
tout  le  Royaume ,  n'étoit  pas  fuivie  en  Bretagne  ;  &  qu'enfin  les 
Evêques  avoient  toujours  fait  ferment  de  fidélité  au  Duc. 

Les  Commiflaires  avoient  ordre  de  confentir  ,   de  la  part  du 

Duc , 


N  A  N  119 

Duc ,  que  les  appels  des  Evêques  relevafTent  du  Parlement  de 
Bretagne  au  Parlement  de  Paris ,  &  non  au  Pape  ,  en  cas  de 
déni  de  juftice  ou  de  prétendu  faux  jugement ,  pourvu  que  le 
Roi  s'engageât  à  mettre  le  Duc  à  couvert  des  chicanes  du 
Clergé  &  des  excommunications  des  Papes.  Ces  inftruftions  fi- 
niffoient  par  de  fortes  plaintes  contre  les  abus  intolérables  qui 
fe  commettoient  en  Bretagne ,  par  les  Officiers  du  Roi ,  contre 
les  droits  du  Duché.  On  avoit  joint  à  ce  mémoire  différentes 
pièces  juftificatives  ,  pour  prouver  la  juftice  des  prétentions 
du  Duc. 

Le  Comte  du  Maine ,  qui  avoit  ordre  de  juger  &  non  de  dif- 
cuter  l'affaire ,  fut  mécontent  du  pouvoir  donné  aux  Commif- 
faires  Bretons.  Il  ne  voulut  rien  entendre  qu'on  ne  l'eût  reconnu 
pour  Juge.  François  II  eut  de  la  peine  à  lé  rendre  ,  mais  il  dif- 
fimula  encore  ;  & ,  au  commencement  de  1 464 ,  il  fit  expédier 
une  nouvelle  procuration ,  qui  portoit  que  les  Députés  Bretons 
agiroient  auprès  du  Comte  comme  auprès  d'un  Juge.  Les  con- 
férences furent  ouvertes  ,  &  le  Comte  du  Maine  ,  après  avoir 
entendu  les  CommiiTaires  du  Duc  ,  &  vu  les  pièces  au  foutien 
du  procès ,  affigna  les  parties  à  comparoître  le  8  Septembre ,  à 
Chinon ,  où  la  fentence  devoir  être  prononcée. 

Le  Duc  profita  de  ce  délai  pour  faire  des  informations  dans 
toute  la  Bretagne  ,  au  fujet  du  temporel  des  Eglifes ,  &  nomma, 
pour  cet  effet  _,  des  Commiffaires  ,  le  4  Avril.  Mais  il  ne  fe  repo- 
îbit  pas  entièrement  fur  la  bonté  de  fa  caufe.  Son  Juge  étoit 
fon  ennemi ,  &  cet  ennemi  ne  cherchort  qu'à  fe  venger ,  &  à 
le  dépouiller  de  fes  privilèges ,  &  peut-être  de  fes  Etats.  Il  étoit 
aifé  de  voir ,  par  la  manière  dont  le  Monarque  conduifoit  l'af- 
faire ,  que  c'étoit  là  plutôt  fon  deffein  qu'une  pure  complaifance 
pour  Amauri  d'Acigné.  Ce  Prélat ,  foit  qu'il  fût  laffé  de  vivre 
dans  l'exil ,  foit  qu'il  craignît  que  l'iffue  de  l'affaire  ne  lui  fût 
pas  favorable ,  avoit  donné  l'efpérance  d'un  prochain  raccommo- 
dement. D'ailleurs ,  le  Pape  favorifoit  le  Duc  de  Bretagne ,  & 
il  venoit  de  lever  l'interdit  impofé  par  l'Evêque.  François  II 
avoit  expédié  un  fauf-conduit ,  pour  un  mois ,  à  Amauri  d'Acigné 
&  à  Guillaume ,  fon  oncle ,  pour  venir  s'excufer  auprès  de  lui. 
Les  efprits  fembloient  fe  rapprocher  ;  mais  le  Roi  avoit  trop  d'in- 
térêt que  les  troubles  &  la  divifion  continuaffent  ,  pour  per- 
mettre un  accommodement  particulier.  Il  voulut  que  l'affaire  fût 
pouffée  avec  vigueur ,  &  retint  les  Evêques  auprès  de  lui. 

François  II  ne  s'endormoit  pas.  Il  cherchoit  par-tout  des  amis, 
Tome  IIL  R 


Î50  N  A  N 

parmi  les  Princes  du  Sang  de  France  comme  parmi  les  étrangers. 
Il  écrivit  aux  premiers  des  lettres  très-fortes  ,  dans  lefquelles  il 
expofoit  fa  malheureufe  (ituation ,  rinjuiHce  du  Roi ,  &  fa  tyran- 
nie. 11  les  conjuroit  de  le  protéger,  de  s'oppofer  aux  entreprifes 
du  Monarque ,  qui  ne  cherchoit  à  l'abaiiîcr  que  pour  fe  mettre 
dans  le  cas  de  vexer  plus  aifément  les  Grands ,  &  de  les  dé- 
pouiller de  leurs  privilèges.  Il  fit  paffer  en  Angleterre  des  Am- 
bafladeurs  déguifés  ,  qui  conclurent  un  traité  d'alliance  avec 
cette  Couronne  ,  toujours  dilpofée  à  s'élever  contre  la  France. 
Il  fit  enfuite  fortifier  fes  places,  &  fe  prépara  à  tout  événement. 

Le  Roi  étoit  trop  bien  fervi  en  efpions  pour  ignorer  toutes 
ces  pratiques  -,  mais  il  ne  pouvoit  les  empêcher.  Pour  s'en  venger, 
il  eut  recours  aux  mêmes  moyens.  Il  envoya  le  Sire  Dupont 
aux  Etats  aflemblés  à  Dinan  _,  au  mois  de  Septembre ,  avec  or- 
dre de  femer  la  divinon  entre  le  Duc  &  les  principaux  Sei- 
gneurs. Cet  Envoyé  fe  plaignit  du  Duc  en  pleine  afiemblée  , 
Ôc  lui  fuppofa  des  defleins  dangereux  &  criminels.  Le  Duc 
irrité  répondit  publiquement  à  fes  plaintes ,  &  nomma ,  fur  le 
champ  ,  des  Ambaffadeurs  ,  pour  aller  témoigner  au  Roi  combien 
fon  procédé  étoit  peu  digne  d'un  Monarque  puiffant.  Ils  avoient 
ordre  de  lui  dire  qu'il  étoit  vrai  que  François  avoit  écrit  aux 
Princes ,  mais  que  ce  n'étoit  que  pour  les  engager  à  détruire  , 
dans  l'efprit  de  Sa  Majerté ,  les  mauvaifes  impreffions  que  des 
gens  mal  intentionnés  y  avoient  jettées  à  fon  défavantage  ; 
qu'il  avoit  envoyé  des  Ambaffadeurs  en  Angleterre ,  parce  qu'il 
avoit  appris  qu'il  n'étoit  pas  compris  dans  la  trêve  conclue  entre 
les  deux  Couronnes  ,  &  qu'il  s'étoit  vu  forcé  de  traiter ,  en  par- 
ticulier ,  avec  Edouard ,  mais  que  cette  démarche  ne  pouvoit 
rien  contre  fa  fidélité  ;  qu'il  étoit  vrai  qu'il  avoit  fait  quelques 
préparatifs  de  guerre ,  mais  qu'il  étoit  le  maître  dans  fes  Etats , 
&  que  perfonne  ne  pouvoit ,  fans  injuflice ,  lui  fçavoir  mauvais 
gré  de  veiller  à  la  tranquillité  &  à  la  fureté  de  fon  peuple; 
que  ce  qui  l'étonnoit  davantage  ,  étoit  le  reproche  qu'on  lui 
faifoit  de  parler  mal  du  Roi  ,  &  d'être  tombé  par-là  dans  le 
crime  de  leze-majefté  ;  que  cette  accufation  étoit  une  calomnie  ; 
que ,  bien  loin  d'en  venir  à  ces  extrémités  ,  il  fer  oit  toujours 
difpofé  à  punir  ,  avec  toute  la  févérité  poffible ,  le  premier  té- 
méraire qui  oferoit  tenir  des  difcours  oilenfants  fur  le  compte  de 
Sa  Majerté. 

Les  Ambaffadeurs  s'acquittèrent  fidèlement  de  leur  commifîîon , 
&  ne   prirent   pas  la  peine  de  déguifer  les  fentiments  de  leur 


N  A  N  ï  5  ï 

maître ,  qui  leur  avoit  expreffément  recommandé  de  s'exprimer 
clairement.  Ils  dirent  au  Roi  que ,  quelque  mérite  qu'il  fe  fit  d'avoir 
traité  le  Duc  avec  douceur ,  ce  Prmce  n'ctoit  pas  dupe  de  cette 
bonté  apparente  j  qu'il  fçavoit  que  le  R.oi  ne  laiffoit  échapper 
aucune  occaiion  de  le  mortifier  ,  &  qu'il  n'avoit  jamais  celTé  un 
initant  d'agix  contre  les  intérêts  de  la  province. 

Ces  railons  n'étoient  pas  toutes  également  folides ,  mais  elles 
étoient  très-fages  :  elles  donnoient  finement  à  entendre  au  Roi 
qu'on  connoilibit  fes  deffeins  ,  &  qu'on  avoit  pris  des  mefvres 
pour  les  prévenir.  Il  eft  bien  certain  qu'outre  la  trêve  conclue 
&  publiée,  environ  ce  temps-là  ,  entre  l'Angleterre  &  la  Bre- 
tagne, les  deux  Princes  formoient  des  projets  plus  étendus.  Ils 
avoient  conftamment  des  Envoyés  dans  leurs  Cours  refpedives, 
&  il  n'étoit  pas  poffible  que  toutes  les  conférences  qu'ils  avoient 
avec  ces  Minières ,  ne  regardaient  que  des  arrangements  de  com- 
merce ,  comme  on  ne  ceflbit  de  le  publier. 

Sur  ces  entrefaites  ,  le  Duc ,  qui  vouloit  gagner  du  temps , 
pria  le  Pape  d'intervenir  dans  cette  affaire.  Le  Pontife  y  con- 
fentit  ;  mais  le  Roi ,  qui  le  haïffoit ,  ne  voulut  jamais  recevoir  fa 
médiation ,  fous  prétexte  que  la  décifion  de  cette  affaire  ne  re- 
gard oit  que  le  Souverain.  François,  voyant  que  Louis  étoit  fâché 
de  ce  qu'il  avoit  eu  recours  au  Pape  ,  défavoua  fes  Ambaffa- 
deurs  à  Rome  par  une  Déclaration  publique  ,  &  fe  prépara  à 
envoyer  fes  Députés  à  Chinon.  Le  Jugement  fut  encore  retardé , 
parce  que  le  Duc ,  qui  avoit  fait  réflexion  aux  fuites  que  pour- 
roit  avoir ,  pour  fes  intérêts  &  pour  fes  droits ,  la  ciaufe  par 
laquelle  il  reconnoifîoit  le  Duc  du  Maine  pour  Juge  rie  cette 
affaire  ,  fît  déclarer ,  par  fes  Députés  ,  que  le  jugement  qui  feroit 
porté  ne  feroit  qu'un  arbitrage ,  &  qu'il  entendoit  procéder  à 
l'amiable ,  &  non  par  voie  contentieufe.  Le  Comte  ,  mécontent  de 
ce  que  le  Duc  changeoit  ainfî  de  fentiment ,  renvoya  les  Députés 
chercher  d'autres  pouvoirs  ,  &  leur  accorda  un  délai  jufqu'au  i  5 
Oftobre.  Comme  perfonne  ne  fe  préfenta  de  la  part  du  Duc , 
le  Comte  différa  de  juger  jufqu'au  29.  Ce  jour-là,  le  Procureur 
du  Roi  ayant  demandé  qu'on  lui  adjugeât  défaut ,  le  Comte  lui 
accorda ,  &  rendit  un  jugement ,  qui  portoit  que  le  temporel  de 
i'Evêché  de  Nantes  ,  avec  les  fruits  en  provenant  depuis  le 
commencement  du  procès  ,  feroient  mis  en  fequeftre  entre  les 
mains  du  Roi ,  avec  défenfe  au  Duc  &  à  fes  Officiers ,  fous 
peine  d^.  perdre  leur  caufe ,  &  d'une  amende  de  quatre  mille 
marcs  d'or ,  de  s'oppofer  à  l'exécution  de  la  fentence.  Le  même 


131  N  A  N 

jugement  portoit  que  le  Duc  ne  jouiroit  plus  du  droit  de  régale 
pendant  la  vacance  des  Evêchés ,  &  que  défenfes  lui  feroient 
faites ,  fous  les  mêmes  peines ,  d'empêcher  les  Evêques  de  s'adreiTer 
au  Roi  en  première  inftance.  On  chargea  deux  Confeillers  au 
Parlement  de  Paris  de  mettre  la  fentence  à  exécution  ;  mais  ils 
ne  s'acquittèrent  de  cette  commiflion  qu'après  l'afTemblée  de  Tours, 
comme  nous  le  dirons  ci-après. 

Tandis  que  l'on  procédoit ,  à  Chinon  ,  contre  le  Duc ,  il  tra- 
vailloit  à  mettre  dans  fes  intérêts  les  Grands  de  l'Etat ,  mécon- 
tents de  l'adminillration.  Il  réuflit  facilement  à  faire  entrer  dans 
fes  vues  des  Princes  &  des  Seigneurs  ,  qui  ne  cherchoient  que 
Toccafion  de  fe  foulever.  Le  Roi  qui  le  foupçonnoit ,  faifoit  épier 
toutes  fes  démarches ,  &  fe  plaignoit  par-tout  de  lui.  Ses  Àm- 
baffadeurs  à  la  Cour  de  Bourgogne ,  accuferent  le  Duc  de  Bre- 
tagne de  félonnie  ,  pour  avoir  traité  avec  le  Roi  d'Angleterre 
fans  le  confentement  de  fon  Souverain  ;  mais  on  ne  fit  pas  at- 
tention à  ces  accufations  &  à  ces  plaintes.  Toutes  les  reflburces 
de  la  politique  furent  pour  lors  inutiles  au  Roi.  Il  penfoit  pour- 
tant bien  qu'il  y  avoit  une  conjuration  formée  contre  lui.  Il  ne  pou- 
voir en  douter,  d'après  la  fierté  du  Duc  ;  mais,  comme  il  ne  con- 
noiffoit  pas  les  conjurés  ,  il  ne  pouvoir  prendre  de  mefures  effi- 
caces pour  faire  échouer  leurs  projets  -,  il  eut  recours  à  un  nou- 
veau moyen. 

Pour  fonder  les  difpofîtions  des  Grands ,  il  convoqua  à  Tours , 
pour  le  1 8  Décembre  1 464  ,  une  affemblée  des  Princes  de  fon 
Sang  &  des  gens  de  fon  Confeil ,  pour  délibérer  fur  les  affaires 
de  Bretagne.  Pour  donner  plus  de  liberté  ,  le  Roi  ne  parut  point 
à  la  première  féance.  On  expofa  d'abord  tout  ce  qui  avoit  été 
fait  dans  cette  occafion  ;  &  ce  début  ne  fut  pas  favorable  au 
Duc  de  Bretagne ,  puifque  les  Princes  avouèrent  qu'ils  s'étoient , 
mal-à-propos ,  laiffés  prévenir  contre  le  Roi  -,  que  le  Duc  avoit 
tort ,  &  que  fes  prétentions  étoient  inibutenables.  Le  20 ,  le  Roi 
fe  rendit  à  l'affemblée ,  &  le  Chancelier  expofa  tous  les  griefs 
que  le  Roi  avoit  contre  le  Prince  Breton.  Il  l'accufa  d'avoir 
manqué  au  Roi ,  à  fes  droits ,  à  fa  Souveraineté ,  &  au  bien 
public.  On  rappella  le  traité  fait  avec  l'Angleterre ,  les  lettres 
écrites  au  Prince  ,  &  les  difcours  peu  mefurés  des  Ambafî'adeurs 
du  Duc  à  Rome.  Le  Roi  parla  enfuite ,  accufa  le  Duc  de 
Bretagne  d'ingratitude ,  fit  l'énumération  bien  complctte  de  tout 
ce  qu'il  avoit  fait  pour  le  bien  du  Royaume  ,  &  témoigna  la 
plus  grande  confiance  aux  Princes.  11  revint  de  nouveau  a  l'af- 


N  A  N  ^  ^      133 

faire  clu  Duc  ,  expofa  fes  prétentions  fur  la  régale ,  prétentions , 
félon  lui ,  nouvelles  &  injuftes  j  témoigna  néanmoins  beaucoup 
de  bonté  &  de  bienveillance  pour  le  coupable ,  fe  montrant 
feulement  fâché  de  ce  qu'il  fe  laifToit  gouverner  par  des  gens 
mal  intentionnés ,  dont  il  préféroit  malheureufement  ,  difoit-il , 
les  pernicieux  confeils  à  fon  amitié,  qu'il  lui  avoit  offerte  plu- 
fieurs  fois.  Il  ajouta  :  lom  d'en  vouloir-  à  fes  Etats  ,  je  vous  dis 
bien  .que  fi  'favois  toute  la  terre  conquife  &  mife  en  ma  mam  ,  jufques 
à  un  château  qui  ne  vaulfifl  pas  cette  maifon  ,  &  il  vouloit  venir  à 
grâce  &  miféricorde  y  je  y  Jerois  en  telle  manière  que  chacun  co- 
gnoifiroit  que  je  ne  veux  point  fa  dejlruclion  ,  &  que  je  m'y  ferois 
mis  en  toute  raifon.  D'après  l'idée  qu'on  s'eft  faite  du  caraftere 
de  Louis  XI ,  il  eft  difficile  de  croire  cette  déclaration  fmcere. 

Les  Princes  furent  touchés  ,  pour  la  plupart ,  jufqu'aux  larmes  ; 
mais  les  conjurés  ne  changèrent  pas  de  fentiment  :  ils  firent  pour- 
tant comme  les  autres,  pour  ne  pas  donner  de  foupçons.  Ils  pro- 
diguèrent les  affurances  les  plus  vives  de  leur  fidélité  j  lui  offri- 
rent leurs  ferviccs ,  leurs  biens ,  leurs  perfonnes ,  leur  vie.  Exem- 
ple frappant  de  la  pohtique  qui  règne  dans  les  Cours  !  Le  Mo- 
narque vouloit  tromper  fes  fujets  ,  &  il  étoit  ,  lui-même ,  le  pre- 
mier trompé.  Il  remercia  les  Princes  de  leur  affeftion ,  &  les 
pria  d'employer  leurs  foins  &  leurs  avis  pour  faire  rentrer  le  Duc 
dans  le  devoir. 

Quand  l'afîembîée  fe  fut  féparée  ,  le  Roi  envoya  en  Bretagne 
les  Commiffaires  exécuteurs  de  la  fentence  prononcée  par  le 
Comte  du  Maine.  Arrivés  à  Nantes ,  ils  demandèrent  une  au- 
dience ,  qui  leur  fut  refjfée  ,  &  logèrent  dans  les  fauxbourgs , 
parce  qu'on  ne  voulut  pas  leur  permettre  d'entrer  dans  la  ville. 
Ils  drelferent  un  procès-verbal  de  ce  qu'ils  avoient  fait  ,  ajour- 
nèrent le  Duc  à  comparoître  à   Chinon ,  &  fe  retirèrent. 

Le  Roi ,  plus  irrité  que  jamais ,  fe  prépara  à  la  guerre  contre 
le  Duc  ,  envoya  fes  troupes  en  Poitou  ,  pour  être  plus  à  portée 
de  commencer  fes  opérations  à  la  première  occaiion  favorable. 
Le  Duc  ,  qui  n'étoit  pas  encbre  bien  préparé,  fait  partir  des 
Ambaffadeurs ,  avec  ordre  de  demander  un  délai  de  trois  mois  -, 
^terme  nécelfaire  pour  affembler  les  Etats  de  Bretagne  &  leur 
demander  leur  avis.  Il  fit  affûter  le  Monarque  qu'auffi-tôt  après 
la  féparation  de  l'affemblée ,  il  iroit ,  lui-même  ,  faire  la  révé- 
rence à  Sa  Majeflé  ,  &  lui  donner  toute  la  fatisfa6lion  qu'elle 
pourroit  defirer.  Le  Roi  reçut  très-bien  les  Ambaffadeurs ,  & 
leur  accorda  ce  qu'ils  demandoient.  Il  fit  fur-tout  beaucoup  de 


1-34  N  A  N 

carelTes  au  Sieur  de  Lefcun ,  dans  la  vue  de  gagner  ce  Seigneur 
qui  gouvernoit  le  Duc  de  Bretagne  ;  mais  le  courtifan  rulë  ap- 

Î)erçut  le  piège ,  &  y  fit  tomber  celui  qui  vouloir  l'y  prendre. 
1  parut  répondre  à  la  confiance  du  R.oi ,  &  s'en  lervit  pour 
voir  plus  fi^uvent  le  Duc  de  Berry.  Il  mania  l'efprit  du  jeune 
Prince  avec  tant  d'adrefiTe ,  qu'il  le  détermina  à  fe  mettre  à  la 
tête  de  la  ligue  fi^rmée  contre  le  Roi. 

Peu  de  temps  après  les  Ambafl^adeurs  partent ,  &  le  Duc  de 
Berry  qui  trouve  le  moyen  de  fortir  de  Poitiers ,  fous  prétexte 
d'une  partie  de  chafi^e ,  les  joint  comme  ils  en  étoient  convenus 
avec  lui ,  &  vient  avec  eux  à  Nantes.  Il  publie  ,  fiir  le  champ , 
un  mamfefie  adrefie  au  Duc  de  Bourgogne ,  dans  lequel  il  dé- 
clare qu'il  ne  s'efi:  mis  à  la  tête  des  Princes  que  pour  remédier 
aux  abus  du  Gouvernement  &  aux  maux  de  l'Etat.  Il  invitoit 
le  Duc  de  Bourgogne  à  fe  joindre  aux  Princes ,  &  à  permettre 
au  Comte  de  Charolois  d'entrer  en  France  avec  des  troupes. 
Le  Duc  de  Berry  trouva ,  à  Nantes  ,  plufieurs  Seigneurs  Fran- 
çais ,  ëntr'autres ,  le  Comte  de  Dunois ,  qui ,  fâché  de  fe  voir 
dédaigné,  après  les  fervices  fignalés  qu'il  avoit  rendus  à  TEtat, 
s'étoit  joint  aux  rebelles.  Tant  de  Princes  réunis  intimidèrent 
le  Roi.  Il  eiTaya  de  les  féparer.  Il  s'adrefla  d'abord  aux  Ducs 
de  Berry  &  de  Bretagne  ,  &  leur  promit  de  grands  avan- 
tages :  mais  ils  répondirent  fièrement  que  les  promefies  flatteufes 
du  Roi ,  ne  pourroient  jamais  les  faire  manquer  à  leurs  enga- 
gements. 

Le  Duc  de  Bretagne  ne  tarda  pas  à  fe  mettre  en  campagne. 
Il  partit  avec  une  armée  brillante  :  la  fleur  de  la  Noblefle  Bre- 
tonne le  fuivoit ,  jaloufe  de  combattre  fous  les  yeux  de  tant  de 
Princes  réunis.  On  remarquoit  ,  dans  ces  troupes ,  le  Seigneur 
d'Harcourt ,  de  la  maifon  de  Lorraine  ,  tuteur  du  Vicomte  de 
Rohan  j  les  Seigneurs  de  Maure,  de  Derval ,  du  PlefTis-Baliffon, 
d'Oudon  ,  de  la  Rochebernard  ,  du  Tierxent ,  de  Maleftroit ,  du 
Faouet ,  de  Quelenec  ,  de  Malefiroit-Beaucorps ,  de  Malefiroit , 
Maréchal  de  Bretagne  ;  de  Châteaugui ,  de  Sourdéac ,  Dupont  , 
(  le  même  qui  étoit  venu ,  de  la  part  du  Roi ,  aux  Etats  ailem- 
blés  à  Dinan  ;  )  de  la  Hunaudaye ,  de  Lefcun ,  de  Rofirenen  ,^ 
de  Coètquen  ,  de  Kermorvan ,  de  Guemadeuc  ,  de  Ploeuc  ,  du 
Bois  de  la  Motte ,  du  Parc  ,  de  Broons ,  de  la  Feuillée  ,  de 
Lanvallai ,  de  Jegado  ,  de  Penhouet ,  de  Kerouferé  ,  de  Chevi- 
gné ,  de  Thomelin ,  &c.  Jamais  les  Bretons  n'avoient  montré 
plus  d'ardeur.  Chacun  s'emprefibit  de  fournir  généreufement  aux 


NAN  i}^ 

befoins  de  TEtat.  La  célèbre  Antoinette  de  Magnelais ,  maîtrefle 
du  Duc ,  fe  diftingua  en  cette  occafîon  ;  elle  fit  porter  à  la 
monnoie  toute  fa  vailTelle ,  pour  être  convertie  en  efpeces.  Ce 
trait  place  cette  femme  à  côté  d'Agnès  Sorel ,  &  prouve  que 
quelques  vices  ne  détruifent  pas  toutes  les  vertus. 

Les  fuccès  &  les  forces  de  la  ligue  forcèrent  le  Roi  à  de- 
mander la  paix  :  elle  fut  conclue  à  l'avantage  des  Princes.  La 
fentence  portée  par  le  Comte  du  Maine ,  contre  le  Duc  de  Bre- 
tagne ,  fut  caffée.  Le  Roi  déclara ,  par  Tes  lettres-patentes ,  que 
la  régale  des  Evêchés  vacants ,  la  garde  des  Eglifes ,  le  ferment 
de  fidélité  des  Evêques,  &  le  refîbrt  de  leurs  Jurifdiftions  appar- 
tenoient  au  Duc.  Ces  lettres  furent  vérifiées  &  enrégiftrées  au 
Parlement  de  Paris,  le  30  Oftobre  1465  :  elles  furent  confir- 
mées par  d'autres  du  mois  de  Décembre  fuivant ,  par  lefquelles  le 
Monarque  déclare  que  les  précédentes  ont  été  faites  librement,  après 
un  mûr  examen,  par  l'avis  des  Princes  du  Sang  &c  de  fon  Confeil. 

Ce  traité,  qui  ruinoit  les  prétentions  d'Amauri  _,  ne  le  rendit 
pas  plus  fage  &  plus  foumis  envers  fon  Souverain.  Perfuadé  que 
fon  Egliié  ne  relevoit  que  du  Pape ,  il  efpéroit  que  la  fortune 
lui  faciliteroit  les  moyens  de  faire  valoir  fes  prétentions.  Il  jetta 
un  fécond  interdit  fur  le  diocefe  de  Nantes  ,  &  ne  réuffit  qu'à 
irriter  davantage  le  peuple  qui  follicita  fa  dépofition  auprès  du 
Pape.  Le  Duc  le  déclara  rebelle  ,  féditieux,  ennemi  de  l'Etat, 
par  {qs  lettres  de  1 471.  Le  Prélat  fe  rendit  à  Rome  pour 
plaider  fa  caufe  -,  mais  il  y  fut  mal  reçu ,  &  eut  la  douleur  de 
voir  le  Pape  lever  le  nouvel  interdit  qu'il  avoit  mis  fur  l'Evêché 
de  Nantes.  Il  fut  toujours  errant  &  malheureux  ,  &  n'eut  pas 
même  la  confolation  de  jouir  des  revenus  de  fon  Evêché.  La 
guerre  du  bien  public  ,  dont  il  fut  la  caufe ,  doit  le  mettre  au 
rang  des  hommes  malheureufement  trop  célèbres,  Il  mourut  à 
Rome  ,  comme  on  le  verra  ci-après. 

Le  premier  faifeur  d'almanach ,  ou  tireur  d'horofcope  ,  parut 
à  Nantes,  en  1463  ou  1464. 

Jean  Simon,  Chanoine  de  Notre-Dame  ,  fonda ,  dans  le  même 
temps ,  la  fête  de  l'Afîbmption  de  la  Sainte  Vierge ,  pour  être 
célébrée,  à  perpétuité,  par  les  Chefecier ,  Chanoines,  Cha- 
pelains ,  &  Chantres  de  la  Collégiale ,  en  la  maifon  de  la  Che- 
fecerie ,  ou  à  la  Pfallette  ,  ou  en  tel  autre  endroit  qu'il  plaira. 
Veut  le  fondateur ,  que  tous  les  Eccléfiafiiiques  de  la  Collégiale , 
foit  Chanoines ,  Chapelains  ,  &c.  qui  n'aflifieront  point ,  la  veille 
&  le  jour  de  l'AfTomption  ,  aux  premières  Vêpres ,  Matines,  &  à  la 


,5é  NAN 

MefTe  célébrée  dans  cette  Eglife  Collégiale ,  ne  foient  point  ad- 
mis au  dîner  qui  fera  donné  à  l'occalion  de  cette  fête ,  à  moins 
qu'ils  ne  paient  leur  [lé  au  Mifeur ,  comme  s'il  n'y  avoir  pomt 
eu  de  ièiQ.  Ceux  qui,  fans  avoir  affifté  aux  premières  Vêpres, 
fe  préfenteront  au  dîner ,  n'auront ,  au  lieu  de  pain  blanc  ,  que 
du  pain  de  feigle ,  avec  de  l'eau  pour  toute  boiffon  :  ils  auront 
pourtant  de  la  viande, comme  les  autres;  mais,  s'ils  n'avoient point 
affiflé  à  la  Grand'MefTe  du  jour  ,  le  fondateur  entend  qu'ils  ne  j  oient 
fervis  d'aucune  cuijîne ,  &  qu'ils  foient  mis  à  une  table  féparée  des 
autres  :  on  leur  donnera  feulement  du  pain  &  vin ,  pourvu  qu'ils 
aient  affifté  aux  premières  Vêpres  &:  à  Matines.  Jean  Simon 
donna  une  fomme  de  quatre-vingt  vieux  écus  d'or  ,  de  foixante- 
quatre  au  marc  ,  pour  être  employée  à  l'acquêt  d'un  fonds  de 
fept  livres  dix  fols  de  rente  ,  monnoie  courante  ;  revenu  fufîi- 
fant  pour  la  fête  &  le  dîner  :  &  ,  au  cas  que  cette  fomme 
foit  trop  forte  ,  il  eft  dit  qu'on  réfervera  le  furplus  pour 
l'année   fui  vante. 

Si  le  fondateur  eft  enterré  dans  l'Eglife  ,  il  veut  que  ceux  qui 
auront  partagé  le  dîner ,  aillent ,  en  lortant  de  table  ,  fur  fon 
tombeau ,  réciter ,  à  voix  baffe  ,  le  Libéra  &  autres  Oraifons  fu- 
nèbres. Jean  Simon  donna  auffi  du  linge  de  table ,  pour  fervir 
au  fellin  -,  fçavoir  ,  cinq  grandes  touaiUes  (  nappes  ) ,  deux  pe- 
tites ;  treize  touaillons  ,  bons  &  compétents  ;  vingt-quatre  îer- 
viettes  ;  quatre  gros  touaillons  pour  eiTuyer  les  mains  ;  &  une 
petite  huche  (  coffre  )  fermant  à  clef ,  &  placée  dans  l'Eglife 
pour  y  mettre  ce  linge.  Il  n'oublia  pas  la  vaifTelle  :  il  légua 
foixante-fîx  écuelles  ;  quinze  plats  d'étain  -,  quatre  étamaux  d'étain  ; 
&  quatre  devantaux  (  tabhers  de  cuifine.  ) 

Le  23  Mai ,  le  Confeil  du  Duc  ordonna  que ,  pour  plus  grande 
fureté,  on  nommeroit ,  tous  les  jours,  quatorze  Eccléfiailiques 
ou  Gens  d'Eghfe ,  accompagnés  de  quatorze  habitants ,  pour 
vifiter  les  portes  de  la  ville  ,  &  faire  la  garde  pendant  la  nuit. 
La  porte  la  plus  importante  étoit  celle  du  port  Briand-Mail- 
lard.  Comme  la  ville  pouvoir  facilement  être  furprife  de  ce  côté, 
on  la  gardoit  avec  beaucoup  de  foin.  Jean  Guinet  en  étoit  le 
portier.  Ce  pofte  n'étoit  point  avihfTant  :  il  étoit  même  toujours 
rempU  par  des  perfonnes  de  mérite ,  quelquefois  même  par  des 
Gentilshommes,  mais  toujours  par  des  gens  qui  av oient  donné 
des  preuves  de  leur  zèle  pour  leur  Prince ,  &  qui  prêtoient  fer- 
ment entre  les  mains  du  Préfîdent  du  Confeil  &  du  premier 
Magiflrat  de  la  ville. 

La 


N  A  N  137 

La  nouvelle  Aumônerie  de  Lérault  fut  conflruite  vers  ce  temps- 
là.  Elle  fert  aujourd'hui  de  Chapelle  ou  de  falle  pour  le  Caté- 
chifme.  On  ne  comptoir  alors ,  dans  la  Paroifle  de  Saint-Nicolas , 
que  quatre  cents  perfonnes  mariées ,  y  compris  les  veufs  &  les 
veuves.  Le  boulevard  de  la  Saufaye  eft  de  la  même  date  :  il  fut 
conftruit  par  Guillaume  Giraud ,  ik  coûta  fix  cents  livres. 

Marguerite  d'Orléans  ,  Comteffe  d'Etampes  ,  mère  du  Duc 
François  II,  mourur  au  mois  d'Avril  1466.  Le  Duc  fit  tous  les 
frais  du  deuil  :  il  habilla  de  noir  fes  Officiers ,  les  Seigneurs  & 
les  Dames  de  fa  Cour  ,  chacun  félon  fon  rang  ,  &  donna  un 
riche  parement  d'autel  à  la  Cathédrale  où  les  obfeques  fe  firent. 
La  dépenfe  des  funérailles  monta  à  fix  mille  deux  cents  livres. 
Le  marc  d'argent  étoit  à  huit  livres  quinze  fols. 

1466.  Par  lettres  du  16  Mai,  le  Duc  permet  aux  habitants  de 
Nantes  de  bâtir  des  fours  &  des  mouHns  ,  &  de  faire  moudre 
leur  grain  où  bon  leur  fembleroit.  Il  leur  permet  aufîi  d'avoir 
chez  eux  des  aunes ,  des  boifTeaux ,  des  crocs ,  des  balances ,  & 
autres  mefures ,  fans  payer  aucuns  droits.  Il  les  exempte  ,  par  les 
mêmes  lettres ,  des  droits  de  vente ,  qui  lui  étoient  dus  pour  les 
acquêts  faits  fous  la  Jurifdiftion  de  la  Prévôté ,  appellée  le  gentil 
fief  du  Duc ,  &  leur  donne  la  liberté   d'avoir  des  colombiers. 

1 466.  Concile ,  à  Nantes.  Gérard  de  CrufTol  ,  Archevêque 
de  Tours ,  y  préfide.  Cette  affemblée  rédige  les  Statuts  de  la 
Confrairie  du  Saint-Sacrement  ,  qui  venoit  d'être  fondée-  d:ans 
l'Eglife  de  Sainte-Croix. 

1 467.  .Le  Duc  donne  la  maifon  ou  château  du  BoufTay ,  à 
Guillaume  Wiomarck,  fon  valet-de-chambre. Dix  ans  après,  elle 
fut  deftinée  à  fervir  de  Palais  à  la  Juftice  j  dellination  qu'elle 
a  confervée  jufqu'à  nos  jours. 

1469.  La  DuchefTe  Marguerite  de  Bretagne,  fille  du  Duc 
François  I  &  époufe  de  François  II,  meurt  à  Nantes,  le  25  Sep- 
tembre ,  &  eft  enterrée  dans  l'EgHfe  des  Pères  Carmes ,  devant 
le  grand  autel ,  comme  elle  l'avoit  demandé  par  fon  teftament 
du  22  du  mois  précédent.  Les  frais  des  obfeques  montèrent  à 
la  fomme  de  quatre  mille  cinq  cents  livres ,  &  ceux  du  deuil 
à  cinq  mille  fept  cents  livres  ;  en  tout,  cent  deux  marcs  d'or  :  le  marc 
valoir  cent  livres  ,  &  le  marc  d'argent   huit  livres  dix  fols. 

Parmi    les   legs  que  fit  cette    DuchefTe  ,    on    remarque  une 

chaîne    ou  ceinture   d'or,    qui  lui  faifoit  cinquante  fois   le   tour 

du  corps ,  &  une  autre  chaîne  d'or  à  nœuds  de  cordehere.  Ainfî , 

la  DuchefTe  Reine  Anne  de  Bretagne  ,  n'inventa  pas  la  corde- 

Tome  III^  S 


( 

ijS  /       NA  N  _    / 

liere  ,  comme  le  prétendent  quelques  hifloriens  ;  elle  la  mit  feu- 
lement en  honneur  parmi  les  Dames  de  fa  Cour.  Marguerite 
fonda  ,  par  fon  teftament  ,  deux  Meffes  à  note ,  qui  doivent  fe 
célébrer  à  perpétuité.  Elle  ordonna  de  bâtir  ,  auprès  de  fa  fé- 
pulture,  une  Chapelle  en  l'honneur  de  Sainte  Marguerite,  Vierge, 
fa  patrone,  pour  laquelle  elle  avoit  une  dévotion  finguliere. 
Se  y  fonda  une  Meffe  qui  doit  fe  dire,  à  perpétuité,  tous  les 
jours  de   la  femaine. 

Au  mois  d'Octobre  1469,  le  Duc  fonda  la  Chapelle  de 
Saint-Antoine  de  Pade ,  qui  fut  donnée  aux  Minimes  lors  de  leur 
étabhffement  à  Nantes.  L'année  fuivante  ,  Louis  XI  envoya  au 
Prince  Breton  le  coUier  de  l'Ordre  de  Saint-Michel.  Le  Duc  le 
refufa  par  politique.  Il  jura  ,  quelque  temps  après ,  l'obferva- 
tion  du  traité  d'Ancenis ,  dans  la  Chapelle  du  château  de  Nantes, 
fur  une  portion  de  la  vraie  Croix  ,  qui  fut  apportée  de  Saint-Laud 
d'Angers.  (  Voyez  l'Abrégé  de  l'Hiftoire  de  Bretagne.  ) 

Au*  mois  de  Septembre  1 470 ,  on  bénit  le  valte  cimetière  de 
l'EgHfe  de  Notre-Dame  :  il  fervoit  à  la  Paroiffe  &  au  Chapitre.  Cette 
Eglife  avoit  été  confidérablement  augmentée  fous  le  règne  de 
Pierre  II ,  & ,  depuis  lui ,  prefque  tous  fes  autels  étoient  nouvel- 
lement décorés.  On  remarque  qu'il  fallut  une  permifîion  expreffe 
du  Pénitencier  de  Rome  pour  cette  cérémonie ,  parce  que  Amauri 
d'Acigné  avoit  jette  un  nouvel  interdit  fur  l'Evêché. 

Louis  XI  vint  à  Nantes,  avec  l'Abbé  de  Redon,  le  22  Jan- 
vier 1471.  Guillaume  Frobert ,  Chapelain  de  l'Aumônerie  de 
Saint -Clément  de  Nantes  ,  qui  configna  l'arrivée  du  Monarque 
fur  les  regiilres  de  fa  maiîon,  ne  dit  point  quel  fut  le  fujet 
du  voyage  de  ce  Prince.  Le  2 1  Juin ,  François  II  époufa ,  en 
fécondes  noces,  dans  la  Chapelle  du  château  de  Nantes,  Mar- 
guerite de  Foix ,  fille  de  Gaflon  IV  du  nom ,  Comte  de  Foix 
&  Prince  de  Navarre.  Le  1 5  Juillet,  Guillaume  de  Launaye, 
habitant  de  la  Paroiffe  de  Saint-Saturnin,  annexa  un  fonds  con- 
fidérable  à  l'ancien  Collège  de  Saint-Jean ,  rue  des  Carmes , 
autrement  de  l'Echellerie ,  en  la  Paroiffe  de  Saint-Cyr  ,  connue  au- 
jourd'hui fous  le  nom  de  Saint-Léonard.  Il  obligea  le  Sous-Ré- 
gent à  enfeigner,  par  lui-même  ou  par  Subftitut  ,  la  Gram- 
maire aux  enfants  ,  &  à  les  conduire  proceffionnellement, 
tous  les  famedis ,  à  Saint-Saturnin ,  en  chantant ,  avec  eux ,  les 
Litanies  de    la   Sainte  Vierge. 

Par  lettres  du  16  Décembre  1471  ,  &  du  13  Septembre 
1472,  le  Duc  accorda,  pour  vingt  ans,   à  la  Communauté  de 


N  A  N  159 

ville  de  Nantes,  le  droit  de  percevoir  un  denier  par  livre  fur 
toutes  les  marchandifes  amenées  en  cette  ville  ;  &  deux  fols  par 
chaque  muid  de  vin ,  de  bled ,  de  fel ,  &  autres  denrées  qui  fe 
mefurent  au  boifTeau  ,  au  tomiv^au  ,  à  la  pipe ,  ou  autrement  j  dont 
le  produit  devoit  être  employé  aux  réparations  des  murs  &  for- 
tifications de  la  ville.  Cette  inipoîition  fournit  à  la  ville  des 
fommes  confidérabics ,  qui  lui  procurèrent  les  moyens  de  faire 
beaucoup  d'ouvrages  publics ,  tant  pour  fa  défenfe  que  pour  fon 
embellifîément.  On  bâtit  de  nouvelles  portes  ,  des  tours ,  des 
murailles  ,  des  boulevards.  11  y  avoir  alors  une  rue  qui  con- 
duifoit  de  la  porte  Saint -Pierre  à  Richebourg-  :  il  n'en  paroît 
plus  de  vefliges.  La  place  qu'on  remarque  en  cet  endroit,  fe 
nommoit  alors  la  place  des  Lices  -,  on  ne  lui  donna  que  vingt 
ans  après  le  nom  de  Motte  Saint -F  terre  ;  on  l'appelle  aujour- 
d'hui plus  ordinairement  Cours  des  Etats» 

Le  Duc  de  Guyenne  ,  frère  du  Roi  Louis  XI ,  étant  à  Saint- 
Severe,  l'an  1472  ,  avec  Madame  de  Montforeau,  fa  maîtrelTe, 
l'Abbé  de  Saint- Jean  d'Angely  ,  Confeffeur  du  Prince  ,  préfenta 
à  cette  Dame  une  orange  empoifonnée  ;  elle  la  reçut ,  &  la  par- 
tagea avec  le  Prince ,  qui  ne  fut  pas  long-temps  à  fe  relTentir 
de  l'effet  du  poifon.  Les  cheveux ,  les  dents ,  &  les  ongles  lui 
tombèrent ,  &  il  mourut  à  Bordeaux ,  après  mille  tourments ,  le 
22  Mai.  L'Abbé  fut  pris  &  conduit  dans  les  prifons  du  Bouffay, 
à  Nantes ,  par  Lefcun.  On  inllruifît  fon  procès ,  &  on  étoit  fur 
le  point  de  le  condamner  ,  lorfqu'un  matin  il  fut  trouvé  mort, 
dans  fa  prifon ,  le  col  tors ,  le  vifage  &  tout  le  corps  noir  & 
livide.  On  fit  aufli-tôt  publier  qu'il  étoit  péri  d'un  coup  de  ton- 
nerre 5  mais  les  perfonnes  éclairées ,  dit  Mezerai  ,  attribuèrent 
cette  mort  violente  aux  ordres  du  Duc  de  Bretagne  ,  qui  l'avoît 
fait  étrangler,  pour  fatisfaire  le  Roi  qui  defiroit  que  la  preuve 
du  crime  pérît  avec  le  coupable. 

L'EgUfe  de  Saint-Nicolas  fut  confidérablement  augmentée  du 
côté  du  cimetière,  l'an  1472.  Il  fut  enjoint,  par  les  Grands-Vi- 
Caires,  à  chaque  homme  marié,  de  donner  un  petit  blanc  de 
cinq  deniers ,  tous  les  Dimanches ,  pendant  cinq  mois.  On  ac- 
corda, en  conféquence ,  des  indulgences;  mais  l'impofition  ne 
fut  pas  perçue  bien  réguHérement  :  plufieurs  donnèrent  peu ,  & 
beaucoup  d'autres  ne  contribuèrent  en  rien  à  la  confeérion  de 
l'ouvrage.  Le  nombre  des  habitants  s'étoit  prodigieufement  mul- 
tiplié depuis  quatorze  ans,  puifqu'on  comptoit  alors  deux  mille 
mariés,  y  compris  les   veufs  &  les  veuves. 


140  _        N  A  N 

Pierre  Drouet  avoit  fait  bâtir  une  Chapelle  en  Vertais  :  cette 
Chapelle  ne  fubfifte  plus  -,  on  ne  connoît  pas  même  l'endroit  qu'elle 
occupoit.  Cette  année-,  les  Ptatuts  de  la  Confrairie  érigée  en 
l'Egliie  de  Sainte-Croix  fous  le  nom  de  La  Trinité ,  furent  con- 
firmés ,  à  la  follicitation  des  Tailleurs  d'habits. 

Les  deux  tours  qui  exiftoient  jadis  auprès  de  la  Chapelle  de 
Sainte-Catherine ,  fur  le  terrein  de  la  Commanderie  ,  furent  bâ- 
ties en  1472,  avec  le  pont  nommé  Râteau,  fur  l'Erdre ,  par- 
ce qu'on  avoit  placé  au  milieu  une  porte  en  treillages  garnis  de 
fer ,  qu'on  levoit  ou  baiffoit  pour  retenir  ou  laifTer  paiïer  les  ba- 
teaux. L'Hôtel-de-ville  étoit  auprès  de  ces  deux  tours  \  il  fut 
placé,  dans  la  fuite,  aux  Changes,  où  il  reila  jufqu'en.  .  . 

1473.  Pierre  d'Aidie  eft  nommé  Gouverneur  de  la  ville  & 
du  château.  Cet  Officier  avoit  cent  livres  de  gages ,  à  prendre 
fur  les  deniers  communs  de  la  ville.  L'hôtel  de  la  Bouvardiere, 
nommé  préfentement  de  Briord ^  fut  bâti,  en  1473,  P^^  Pierre 
Landais ,  Tréforier  du   Duc  François   IL 

L'artillerie  commençoit  à  paroître  ;  le  Duc  en  avoit  fait  garnir 
fes  places.  Il  y  avoit  à  Nantes  un  gros  canon  ,  nommé  Bombarde  ; 
cinq  coulevrines  ,  nommées  Junon  ,  P allas  ,  Vénus  ,  Melufiie  ,  &C 
la  Grand-Margot ,  du  nom  de  la  DucheiTe  régnante ,  Marguerite 
de  Foix  j  &  vingt-cinq  autres  coulevrines  moins  grandes ,  appellées 
Cordelières,  Au  mois  de  Septembre ,  les  trois  Quarteniers  du  quar- 
tier de  la  Rigaadiere ,  (  ce  lieu  n'efl  plus  connu  à  Nantes  fous 
cette  dénomination,  )  tirèrent  de  l'arfenal  du  Bouftay  plufîeurs 
pièces  d'artillerie ,  •  &  les  firent  conduire  fur  la  tour  de  Samt- 
Laurent  :  les  trois  Quarteniers  d'Erdre  en  envoyèrent  au  port 
Communal,  dit  aujourd'hui /jc/ï  Communeau^  &  l'on  en  monta 
trois  fur  la  porte  de  Sauve-tout.  Les  boulets  de  fer  n'étoient  pas 
encore  connus  ;  on  y  fuppléoit  par  des  boulets  de  plomb ,  qu'on 
nommoit  plomhets  ,  &  par  des  boulets  de  cuivre  ;  mais  la  cherté 
&  la  rareté  de  la  matière  obUgerent  bientôt  à  fe  fervir  d'une 
pierre  dure ,  qu'on  appelloit  pierre  à  canon.  Le  1 5  Mars  1 47  5 , 
la  ville  tira  de  Daoulas  ,  au  diocefe  de  Quimper ,  mille  huit 
cents  pierres  de  cette  efpece ,  qu'elle  paya  quatre  livres  qua- 
torze fols  fix  deniers  le  cent ,  &  elle  traita  avec  les  habitants 
d'un  autre  endroit  pour  lui  en    fournir. 

Marie  de  Bretagne,  fœur  du  Duc  François  II ,  Abbefle  de 
Fontevrault ,  avoit  ,  en  cette  qualité ,  une  rente  de  quarante 
fols  monnoie  fur  la  maifon  commune ,  dite  des  Engins  ,  au  bas 
de  la  place  du  Bouffay  ;  maifon  qui  fervoit  d'arfenai  à  la  ville , 


NAN  141 

qui  y  tenoit  fon  artillerie  &  les  autres  munitions  de  guerre. 
On  voyoit  alors  des  vignes  dans  la  Paroifle  de  Saint-Clément , 
à  Richebourg ,  &  à  Saint-André.  Il  y  en  avoir  aufli  un  canton 
dans  celle  de  Saint-Nicolas,  qu'on  appelloit  le  clos  Saint-Nicolas, 
Il  joignoit  le  jardin  de  la  butte  ou  des  Tireurs  d'arc.  Ce  jardin , 
déjà  fort  étendu,  fut  augmenté,  en  1475,  P^^  l'addition  de  plu- 
iieurs  petits  cantons  de  terre  que  la  ville  acheta  :  il  fait  au- 
jourd'hui partie  du  jardin  des  Apothicaires  ,  dont  on  parlera. 
Pour  le  clos  de  Saint-Nicolas  ,  il  fait  partie  de  l'endos  des  Reli- 
gieufes  du  Calvaire. 

Les  glaces  renverferent ,  en  1475  ,  ^^^  ponts  fitués  entre  la 
Saufaye  &  la  prairie  de  la  Magdeieine  :  c'eft  aujourd'hui  le 
pont  de  la  Belle-Croix. 

Le  26  Janvier  1476,  Marguerite  de  Foix,  époufe  de  Fran- 
çois II ,  accoucha  ,  à  Nantes  ,  d'une  fille  ,  qui  fut  nommée  Anne, 
C'efl  cette  illuftre  Princefle  qui ,  dans  la  fuite  ,  époufa  les  Rois 
Charles  VIII  &  Louis  XII. 

Amauri  d'Acigné  venoit  de  mourir  à  Rome.  Pierre  II ,  dit  du 
Chaffaut ,  fut  élu  ,  le  2  5  Mars  1 477 ,  pour  fon  fucceffeur  à 
l'Evêché.  Jacques  d'Obiefl ,  que  quelques-uns  font  Evêque  avant 
lui ,  eft  fuppofé.  Ce  d'Obieft  étoit  Abbé  de  Trifé ,  Ordre  de 
Citeaux ,  au  diocefe  de  Luçon.  On  prétend  qu'il  étoit  aufli 
Chanoine  de  Nantes.  Il  rnourut  en  1 477  ,  &  fut  inhumé  dans 
l'Abbaye  de  Sainte-Greneterie ,  Ordre  de  Saint-Benoît,  au  dio- 
cefe de  Luçon,   dont  il  étoit  Abbé  Commendataire. 

1477.  Louis  XI  envoya  Jean  Breveté,  Tréforier  de  l'Eglife 
de  Tours ,  en  ambalTade  au  Duc  François  II.  L'Ambafladeur 
dit  la  MefTe  dans  la  Chapelle  du  château.  Le  Duc ,  qui  étoit 
préfent ,  prononce  à  haute  voix  ces  paroles  ,  à  l'mftant  de 
l'Elévation  :  «  Je,  François,  par  la  grâce  de  Dieu,  Duc  de  Bre- 
»  tagne,  jure  que,  tant  que  mon  très-redouté  Seigneur  Louis, 
»  par  la  grâce  de  Dieu,  Roi  de  France,  vive,  je  ne  le  pren- 
»  dré  ,  ni  tueré ,  &  ne  feré  prendre ,  ni  tuer ,  ni  attenteré ,  ni 
»  mal  feré  â  fa  perfonne  :  jure  aufli  que  je  ne  lui  feré  guerre  ,ni 
>►  à  fon  Royaume.  » 

La  baffe-rue  de  la  Boucherie  s'appelloit  alors  Guefnerie  ;  nom 
qui  efl  refté  à  Lérault  &  au  cimetière  de  Saint-Nicolas.  La  rue 
de  la  Boucherie  s'appelloit  lame  de  Sauve-tout.  La  rue  de  la 
Clavurerie ,  depuis  la  Boucherie  jufqu'à  Saint-Nicolas ,  portoit 
le  nom  de  Bourg-main  j  la  rue  des  Halles  fe  nommoit  Mercerie-, 
celle  des  Carmes,  depuis  les  Changes,  étoit appellée  l'Echellerie-y 


J4^  .  N  A  N    . 

&  celle  des  Cordeliers  avoit  le  nom  de  me  Perdue  :  la  me  de 
Verdun  setendoit  depuis  le  carrefour  Saint-Jean  jufqu'au  carre- 
four de  la  Laiterie  ;  la  grande-rue  ,  alors  nommée  la  me  de  la 
Chauffée ,  s'étendoit  depuis  la  place  Saint-Pierre  jufqu'aux  Chan- 
ges. L'entrée  de  la  CafTerie  s  appelloit  Barillerie  j  &  la  Saufaye 
avoit  une  rue  ou  halle  nommée  Poiffonnerie ,  qui  conduifoit ,  de 
ce  lieu ,  à  la  belle  Croix ,  fur  les  ponts. 

L'an  1 477 ,  Guyon  des  Landes ,  Canonnier  de  Nantes  ,  fond  , 
pour  le  compte  de  la  ville ,  vingt-quatre  canons  avec  leurs  boîtes» 
Douze  de  ces  canons  eurent  les  noms  des  douze  mois  de  l'année  , 
&  furent  appelles  les  mois  :  les  douze  autres  furent  nommés  les 
Prophètes  y  l'un  fe  nommoit  Ifdie ,  l'autre  Jérémie ,  &c.  C'étoit 
plutôt  Ô.QS  pièces  de  campagne  que  de  véritables  canons ,  puis- 
que le  fondeur  n'employa  à  les  faire  que  fix  mille  deux  cents 
cinquante-quatre  livres  de  cuivre.  Le  Duc  fit  alors  démoHr  plu- 
sieurs maifons  pour  conftruire  une  muraille  très-forte  autour  du 
quartier  de  la  Saufaye.  Ce  mur  ne  fervoit  point  pour  la  défenfe 
de  la  ville.  Dans  le  courant  de  la  même  année  ,  François  II  fit 
bâtir  l'Auditoire  ,  ou  la  falle  du  Palais  de  la  Juilice ,  au  château 
du  Bouffay,  à  Nantes. 

Pierre ,  Evêque  de  Nantes  ,  publie  des  Statuts.  Ce  font  des 
règlements  pour  les  mœurs  des  Eccléfiaftiques  qui  n'étoient  pas 
encore  fort  pures  ;  pour  les  mariages ,  &  les  fépultures  dans  les 
Eglifes.  Ils  défendent ,  fur-tout ,  d'ériger  des  tombeaux  ,  &  de 
faire  defîiner  ou  fcuipter  des  armoiries  dans  le  Temple  du  Sei- 
gneur ,  par  la  raifon  que  cet  ufage  étoit  injurieux  à  la  Divinité , 
&  le  dernier  excès  de  l'orgueil  qui  fembloit  afpirer  à  partager 
avec  les  mortels  les  hommages  dus'  à  la   Divinité. 

•En  conféquence  du  marché  conclu  au  mois  de  Décembre 
1478,  Nicolas  le  Breton  entreprit,  pour  une  fomme  de  fept 
cent  foixante-dix  livres  monnoie ,  de  creufer  les  douves  de  la 
porte  Saint-Pierre,  qu'on  venoit  de  commencer  ,  depuis  les 
deux  tours  jufqu'à.  . . .  pieds  de  longueur  dans  le  boulevard 
dudit  lieu. 

On  trouve  dans  les  comptes  de  la  Fabrique  de  Saint-Nicolas , 
des  années  1478  &  1479,  ^^^  ^^  DuchefTe  Marguerite  de  Foix 
fit  des  donations  confidérables  à  cette  Eglife ,  qui  étoit  dès-lors 
célèbre.  Plufieurs  PrincefTes  &  Dames ,  avant  &  depuis  ce  temps, 
ont  contribué  à  l'enrichir  &  à  l'orner  par  des  bienfaits  multipliés. 
Jeanne  de  Roftrelan,  Dame  de  la  Ville-Pepin,  donna,  en  1466, 
un  calice  d'or,  pefant  deux  marcs  &  demi.  En   1471  ,  la  De- 


NAN  145 

fnolfelle  du  Quelenec  en  donna  un  autre  de  même  métal  ,  pe- 
fant  deux  marcs  &  demi  &  deux  gros.  Les  Reines  Anne  &  Claude 
lui  firent  auffi  des  dons  magnifiques. 

Le  1 2  Novembre  1 480 ,  le  Duc  commanda  à  douze  Char- 
treux de  la  Communauté  de  Nantes ,  de  partir  avec  leur  Prieur 
pour  aller  prendre  pofTefîîon  de  l'Eglife  Collégiale  du  Champ, 
près  Aurai ,  qui  venoit  d'être  érigée  en  Chartreufe.  Ce  fut  alors 
que  le  Prince  fit  bâtir  les  fortifications  du  château  de  Nantes. 
Avant  de  commencer  ces  travaux ,  il  fit  mefurer  le  terrein  qui 
appartenoit  aux  Jacobins,  qui  font  face  au  château  du  côté 
de  la  ville ,  afin  de  payer  ce  qu'il  prendroit  pour  la  confedion 
des  ouvrages  projettes. 

Depuis  long-temps  on  travailloit  à  TEglife  Cathédrale  de  Saint- 
Pierre  ,  dont  l'édifice ,  abandonné  quelque  temps  après ,  efi:  de- 
meuré imparfait  jufqu'à  nos  jours.  Les  deux  battants  de  bronze , 
de  la  porte  principale  ,  fur  laquelle  font  repréfentés  ,  avec  beau- 
coup d'art ,  les  Apôtres  Saint  Pierre  8z  Saint  Paul ,  furent  pofés 
&  attachés  en  1481.  L'infcription  gothique  qu'on  y  lit  l'alTure 
pofitivement,  La  voici  : 

Sixt  Pape  quart  l'Eglife  gouvernoit 

L'an  mil  cinq  cent  ,  mis  hors  dix  ôc  neuf  ans  ; 

François,  fécond  de  ce  nom ,  Duc  regnoit; 

Pierre  ,  Prélat  unique  de  céans  ; 

Quand  fûmes  mis  aux  portes  bien  léans , 

Pour  décorer  ce  portail  et  chief-d'œuvre  , 

Comme  pourront  cognoiftre  les  palTants , 

Car  richement  par  nous  fe  ferme  &.  euvre. 

Les  figures  en  relief  qu'on  voit  en  entrant  à  Saint-Pîerre ,  fur 
un  pilier  de  l'orgue ,  repréfentent  Artur  lïl ,  Duc  de  Bretagne  , 
préfenté  par  Saint  Michel  ^  &  Catherine  de  Luxembourg ,  fa  troi- 
fieme  femme  ,  préfentée  par  fa  patrone. 

1482.  Le  Légat  du  Pape  met  une  impoûiicn  fur  le  Clergé 
de  Bretagne  ;  les  Evêques  de  Nantes ,  de  Saint-Malo  ,  &  de 
Quimper  refufent  de  la  payer.  Le  Légat ,  de  l'avis  du  Saint- 
Pere  ,  prononce  excommunication  contre  eux.  Les  Prélats  appel- 
lent au  Pape  mieux  informé,  au  Saint-Siège,  &  à  la  Cour  de 
Rome.  Pierre  du  Chaffaut  vifite ,  le  22  Avril,  l'Eglife  de  Saint- 
Nicolas  j  le  23,  celles  de  Saint-Saturnin  &:  de  Saint-Léonard  j  le 


144  .    NAN  _ 

24 ,  celles  de  Sainte-Croix  &  de  Saint- Vincent  ;  le  25,  celles 
de  Saint-Denis  &  Saint-Laurent  ;  &  le  26 ,  celle  de  Sainte-Ra- 
degonde.  Les  regiflres  ne  parlent  point  de  Saint-Similien ,  Saint- 
Jean  ,  &  Saint-Clément.  Le  Prélat  ordonne  ,  en  même  temps  ,  de 
lever  par  feu  la  fomme  de  fept  livres  fept  fols,  impofée  par  le 
Duc    dans  la  dernière  tenue  des  Etats. 

1482.  Lettre  du  Duc  François  II,  du  i^^Mai,  qui  accorde 
aux  habitants  de  Nantes  un  nouveau  Papegault  pour  être  tiré 
avec  l'arquebufe.  Le  Duc  déclare  que  le  vainqueur,  ou  le  Roi 
de  la  fête  ,  fera  exempt  de  toutes  tailles,  aides  ,  dons,  emprunts, 
&  autres  fubfîdes ,  même  de  l'impôt  de  vingt  pipes  de  vin ,  du 
crû  de  Nantes ,  qu'il  pourra  vendre  en  détail  pendant  l'année  de 
fa  Réauté* 

Ifabeau  d'Ecoife  ,  DuchefTe  de  Bretagne  ,  veuve  de  François I, 
étant  au  manoir  épifcopal  de  la  Motte ,  à  Vannes  ,  le  1 6  No- 
vembre 1482,  cafTe  le  teftament  qu'elle  avoit  fait  le  16  Septem- 
bre 1480,  &  déclare  qu'elle  veut  que  fon  corps  foit  inhumé  dans 
i'Eglife  des  Cordeliers  de  Nantes ,  au  deffus  du  chœur ,  devant 
le  grand  autel.  En  conféquence ,  elle  lègue  deux  cents  écus  d'or 
pour  achever  la  Chapelle  qu'elle  avoit  fait  commencer  dans  cette 
Eglife ,  &  affigne  une  rente  de  cinquante  livres  monnoie ,  pour 
la  fondation  d'une  MefTe  à  note ,  qui  doit  être  célébrée  par  les 
Religieux  de  cette  Maifon.  Le  1 4  Août  de  l'année  fuivante ,  le  Duc 
donne  deux  mille  fix  cents  livres  à  la  Collégiale,  pour  la  fonda- 
tion d'une  MefTe.  Cette  fomme  devoit  être  employée  à  la  conftruc- 
îion  d'un  moulin,  &  à  l'acquêt  d'un  fonds  de  terre   quelconque. 

Jean  Berhaut ,  Scholaftique  &  Chanoine  de  la  Cathédrale  de 
Nantes ,  fonde  ,  dans  cette  Eglife ,  la  fête  double  de  la  Vifita- 
îion  de  la  Sainte  Vierge ,  avec  folemnité.  Il  y  fait  aufli  bâtir 
une  Chapelle  ,  fous  l'invocation  de  Notre-Dame  de  Miféricorde , 
de  Saint-André  ,  &  de  Saint-Martin  de  Tours ,  dans  laquelle  il 
fonde  deux  Chapellenies  avec  deux  Meflés  par  femaine.  Cet 
Eccléfîallique  étoit  fçavant,  il  fut  un  des  premiers  ProfefTeurs 
en  rUniverfité  de  Nantes;  il  mourut  le  17  Août  1484,  &  fut 
enterré  dans  la  Cathédrale.  On  y  lit  fon  épitaphe ,  qui  nous  ap- 
prend qu'il  étoit  premier  Médecin  du  Duc. 

Les  deux  tours  de  la  Poiffonnerie ,  nommées  de  Saint-Jacques 
&  de  la  Prévôté ,  &  la  porte  de  la  ville  qui  étoit  au  milieu  ,  furent 
bâties,  en  1485  ,  par  un  accord  fait  entre  la  Ville  &  la  Dame 
Chauvin.  Elles  furent  démolies,  en  1758,  pour  la  confbuftion 
du  pont  dont  on  parlera  ci-après.. 

Le 


N  A  N  145 

Le  19  Avril  1485  ,  le  Duc  François  II  donna  en  mandement 
à  François  Chrétien  ,  Chancelier  de  Bretagne  ,  de  faire  jurer  ,  fur 
le  Corps  de  Notre-Seigneur  &  les  faintes  Reliques  ,  tous  les  Ec- 
cléfiaftiques ,  Gentilshommes ,  Bourgeois ,  &  Habitants  de  la  ville 
de  Nantes,  qu'au  cas  qu'il  mourût  fans  enfants  mâles,  ils  re- 
connoîtroient  Anne  de  Bretagne  pour  leur  Souveraine  ,  &  lui 
garderoient ,  ainfi  qu'à  fa  poltérité ,  félon  l'ordre  de  fucceffion , 
toute  fidélité  ,  obéilfance  ,  foumiffion ,  &c. 

François  II  étoit  un  Prince  doux  &  bienfaifant.  Il  eût  été  le 
meilleur  des  Souverains  ,  fi  fon  penchant  excefîif  pour  les  femmes 
ne  l'eût  fouvent  éloigné  de  fon  devoir ,  &  s'il  n'avoir  eu  pour 
Favori  un  fcélérat  infâme  ,  nommé  Pierre  Landais ,  dont  nous 
allons  faire  connoître  en  peu  de  mots ,  la  naifTance  ,  la  fortune  , 
l'infolence ,  &  le  fuppHce. 

Landais  étoit  originaire  de  Vitré ,  fils  d'un  Tailleur ,  &  Tail- 
leur lui-même.  Cet  homme  qui  avoir  de  l'ambition  &  des  ta- 
lents ,  fe  voyoit ,  avec  chagrin ,  dans  la  bafTefle.  Il  chercha  les 
moyens  de  s'élever ,  &  la  fortune  lui  fut  favorable.  Il  trouva  le 
fecret  de  fe  placer  ,  en  qualité  de  garçon ,  chez  le  Tailleur  du 
Duc  ,  &  s'introduifit  de  cette  façon  à  la  Cour  de  Bretagne.  Le 
Prince  ,  charmé  de  la  tournure  de  fon  efprit ,  le  prit  à  fon  fervice 
en  1468.  C'étoit  tout  ce  qu'il  defiroit  pour  l'accompliffement  de  fes 
deffeins.  La  facilité  qu'il  avpit  de  parler  au  Prince  ,  lui  procura  les 
moyens  de  le  gagner.  Il  mit  tout  en  ufage  pour  réuffir  ,  fouplefïes, 
flatteries  ,  menfonges  ,  calomnies ,  trahifons  :  tous  les  crimes  utiles 
furent  employés  par  ce  fcélérat.  Ce  qui  contribua  davantage  à 
fon  élévation ,  fut  le  penchant  de  fon  maître  pour  le  plaifir.  Il 
apperçut  ce  foible ,  &  en  fçut  tirer  parti.  Il  flatta  le  penchant 
du  Prince  ,  l'enhardit ,  &  devint  fon  confident.  Dès-lors  il  prévit 
la  brillante  (Jeftinée  qui  l'attendoit ,  &  fe  hâta  de  la  remphr.  Il 
pafla  rapidement  par  toutes  les  charges ,  &  fe  fit  enfin  nommer 
Tréforier.  C'étoit  la  charge  la  plus  importante  de  l'Etat.  Admis 
au  Confeil ,  il  forme  le  projet  hardi ,  mais  flatteur ,  d'y  dominer 
en  maître.  Il  fit  éloigner  tous  ceux  qui  lui  faifoient  ombrage  ; 
un  feul  reftoit ,  &  il  n'étoit  pas  facile  de  le  chafler  :  c  etoit 
Guillaume  Chauvin ,  Chancelier  de  Bretagne  ,  homm.e  fage  , 
vertueux ,  &  d'une  probité  incorruptible ,  chéri  ^.qsl  Bretons ,  &: 
zélé  pour  fon  Prince  j  mais  odieux  à  Landais  dont  il  éclairoit 
les  démarches.  L'auftere  vertu  de  ce  grand  homme  fut  la  caufe 
de  fa  perte. 

Landais,  qui  ne  pouvoit  le  faire  condamner  dans  les  formes 
Tome  Ilh  T 


I4S  ^       NAN 

ordinaires,  parce  qu'on  n'avoit  rien  à  lui  reprocher ,  fit  d'abord 
femer  de  faux  bruits  contre  lui  ;  mais ,  comme  le  Chancelier 
étoit  chéri  &  eftimé  de  tout  le  monde  ,  ce  moyen  ne  réufîlt 
point.  Landais  s'y  prit  d'une  autre  manière  :  il  affura  au  Duc 
que  Chauvin  étoit  un  traître  ,  qui ,  fous  l'apparence  du  bien 
public  ,  tramoit  les  plus  noirs  complots.  Il  ajouta  même  qu'il 
fçavoit  de  bonne  part  que  ce  Magiftrat  avoit  révélé  tous  les 
fecrets  de  l'Etat  au  Roi  Louis  XI ,  &  qu'il  ne  manqueroit  pas 
d'en  faire  part  à  Madame  de  Beaujeu ,  Régente  du  Royaume 
de  France ,  fi  l'on  n'y  apportoit  un  prompt  remède. 

François  II ,  qui  croyoit  fon  Favori  attaché  à  fes  intérêts  ,  & 
qui  craignoit  la  PrinceïTe  ,  prêta  l'oreille  à  la  calomnie ,  &  donna 
ordre  d'arrêter  &  d'emprifonner  fon  Chancelier.  Ce  Magiflrat 
refpeftable  fut  traîné  de  prifon  en  prifon  ,  &  enfin  renfermé 
dans  le  château  de  l'Hermine ,  près  Vannes ,  où  il  mourut  con- 
fumé  par  la  faim,  la  foif,  le  défefpoir,  &  la  vermine.  Ainfi  pé- 
rit ,  par  les  intrigues  d'un  lâche  fcélérat ,  celui  qui  avoit  con- 
facré  fa  vie  au  bonheur  de  fes  concitoyens.  Il  n'eil  pas  le  feul  des 
bienfaiteurs  des  hommes ,  qui  ait  fuccombé  fous  les  coups  de 
la  méchanceté  &  de  l'envie. 

Landais  n'eut  pas  plutôt  appris  fa  mort ,  qu'il  fit  donner  ordre 
d'expofer  fon  corps ,  afin  de  faire  voir  au  peuple ,  qui  murmu- 
roit  hautement ,  qu'on  n'avoit  exercé  fur  le  défunt  aucune  vio- 
lence. Il  raifonnoit  mal  :  ce  cadavre  décharné  ,  livide ,  &  rongé 
par  la  vermine ,  fut  un  ligne  évident  de  la  manière  barbare 
dont  on  avoit  traité  le  Chancelier.  L'indignation  fut  extrême, 
&  la   Bretagne    entière  maudit  la  cruauté  de  Landais. 

Les  Grands  n'étoient  pas  moins  animés  contre  lui  c[ue  le 
peuple.  Outre  la  mort  de  Chauvin  qu'ils  lui  reprochoient ,  ils 
àvoient  prefque  tous  des  raifons  particulières  de  le  haïr.  Les  prin- 
cipaux étoient  :  Jean  de  Châlons  ,  Prince  d'Orange ,  &  le  Maréchal 
de  Rieux ,  qu'il  avoit  chalTés  du  Confeil.  Ces  Seigneurs ,  voyant 
le  peuple  irrité  contre  le  Tréforier^  réfolurent  de  profiter  de 
l'occafion  pour  fe  venger.  Ils  firent  entrer  plufieurs  perfonnes  dif- 
tinguées  dans  leurs  vues ,  formèrent  fecrétement  deux  corps  de 
troupes ,  Se  s'avancèrent  vers  les  deux  endroits  où  ils  foupçon- 
noient  que  ce  Favori  pouvoir  être  alors.  Le  Maréchal  de  Riôux, 
qui  vint  au  château  de  Nantes,  y  entra  par  furprife  :  il  an- 
nonça ,  fans  détour ,  que  fon  intention  étoit  de  fe  faifir  de  Lan- 
dais, &  de  l'immoler  à  fon  relTentiment.  Il  fit  vifiter  les  endroits 
les  plus  cachés   du   château  ,  fans   en  excepter  la  chambre  du 


N  A  N  147 

Duc.  Un  Domeftique  de  ce  Prince ,  efFrayé  à  la  vue  des  gens 
armés  qui  couroient  çà  &  là ,  fe  mit  à  crier ,  par  la  fenêtre , 
qu'on  en  vouloit  à  la  vie  de  fon  maître.  Ce  bruit,  répandu  dans 
la  ville ,  rafîembla  le  peuple ,  qui  fit  conduire  du  canon  devant 
le  château ,  &  fomma  ceux  qui  s'en  étoient  emparés  de  le 
rendre  fur  le  champ ,  avec  menaces  de  les  exterminer  s'ils  ré- 
fîiloient. 

Le  Maréchal,  qui  ne  s'étoit  pas  préparé  à  foutenir  le  fiege 
d'une  place  o\x  il  n'étoit  pas  affuré  d'entrer ,  n'eut  d'autre  parti 
à  prendre ,  pour  fe  tirer  du  mauvais  pas  où  il  étoit  engagé , 
que  d'aller  fe  jetter  aux  pieds  du  Duc ,  qu'il  venoit  d'offenfer 
d'une  manière  fî  éclatante.  Cependant  il  fçut  le  fléchir ,  &  ob- 
tint fon  pardon.  Le  Duc  fe  montra  alors  à  la  fenêtre,  &  aflura 
fon  peuple  qu'on  ne  lui  avoir  fait  aucun  mal  :  il  ordonna  même 
aux  notables  des  habitants  de  faire  cefTer  le  tumulte. 

L'entreprife  du  Maréchal  de  Rieux  étoit  certainement  témé- 
raire ,  criminelle ,  &  digne  de  punition.  Landais ,  qui  avoit  fçu 
éviter  la  tempête  ,  ne  fe  vit  pas  plutôt  en  fureté  au  château 
qu'il  rappella  au  Duc  ce  qui  s'étoit  pafTé  :  il  fixa  les  yeux  de 
ce  Prince  fur  un  crime  déjà  pardonné  j  il  en  exagéra  l'énormité, 
en  repréfenta  les  auteurs  comme  des  rebelles  qui  ne  reconoif- 
foient  plus  l'autorité  de  leur  Souverain ,  qui  ofoient  publiquement 
braver  fa  puifîance ,  venir  l'infulter  jufques  dans  fon  Palais ,  & 
attenter  à  la  vie  de  fes  plus  fidèles  ferviteurs  j  il  lui  fit  entendre 
qu'ils  ne  cherchoient  à  le  priver  de  l'appui  de  ceux  de  fes 
fujets  qui  lui  étoient  les  plus  dévoués ,  que  pour  exercer  plus 
librement  leur  tyrannie  fur  lui-même  ;  &  que  ,  s'il  ne  puniiToit 
févérement  cette  première  faute  ,  les  rebelles  ,  enhardis  par  fa 
clémence  ,  viendroient  bientôt  lui  impofer  les  loix  les  plus  dures» 
Ce  difcours  eut  fon  effet  :  le  Duc  jura  de  punir  les  coupables , 
&  ordonna  de  faire  le  fiege  d'Ancenis ,  place  qui  appartenoit 
au  Maréchal  de  Rieux ,  &  qui  fer  voit  alors  d'afyle  aux  ré- 
voltés. Il  commanda  auffi  de  démoUr  leurs  châteaux ,  &  de 
couper  &  abattre  leurs  bois  &  forêts  à  hauteur  de  ceinture. 

Les  mécontents ,  réfolus  de  tout  bazarder  pour  fecourir  An- 
cenis ,  s'en  approchèrent ,  mais  ils  n'eurent  pas  befoin  de  faire 
de  grands  efforts.  L'armée  de  la  Cour  ,  en  apperccvant  celle 
de§  ennemis,  ne  put  s'empêcher  de  maudire  fa  cruelle  deftinée 
qui  l'obligeoit  à  égorger  fes  compatriotes ,  fes  amis ,  fes  parents*. 
Ces  fentiments  frappèrent  fi  vivement  les  Bretons  du  parti  de 
l'armée  ducale ,  que  ,.  \  cnant  à  réfléchir  qu'ils  aiioient  répandre 


148  N  A  N 

le  plus  pur  fang  de  l'Etat  pour  la  défenfe  d'un  fcélérat  in- 
fâme ,  ils  réfolurent  de  s'unir  aux  révoltés  pour  le  punir  & 
le  perdre. 

Dans  l'inilant  le  projet  efl  exécuté,  les  Officiers  &  les  Sol- 
dats des  deux  armées  volent  avec  transport  dans  les  bras  les  uns 
des  autres ,  Se  jurent  de  ne  fe  féparer  qu'après  le  fupplice  de 
Landais.  Ils  tournent  auffi-tôt  leurs  pas  vers  Nantes ,  &  arrivent, 
enfeignes  déployées ,  devant  le  château.  Le  peuple ,  qui  accourt 
pour  le  défendre,  ne  peut  rien  contre  une  armée  fi  nombreufe, 
&  eft  forcé  de  fe  retirer.  On  ne  tarde  pas  même  à  le  gagner , 
en  lui  faifant  entendre  qu'on  n'en  vouloit  qu'à  Landais ,  l'ennemi 
commun  des  Grands  &  du  peuple  ,  &  le  bourreau  cruel  de  Chau- 
vin. Le  Tréforier  avoir  cru  d'abord  intimider  les  rebelles  en 
donnant ,  au  nom  du  Duc ,  des  lettres-patentes ,  qui  déciaroient 
ennemis  de  l'Etat  tous  ceux  qui  s'étoient  joints  aux  révoltés. 
Il  envoya  ces  lettres  au  Chancelier  Chrétien ,  qui  refufa  de  les 
fceller  ,  quoiqu'il  fût  redevable  de  fon  élévation  à  Landais. 

Enfin ,  les  portes  du  château  furent  forcées  ;  les  foldats  Sc 
le  peuple  entrèrent  en  foule ,  &  remplirent  la  cour  &  les  ave- 
nues. Landais  commença  enfin  à  craindre  pour  lui ,  &  s'enferma 
dans  une  armoire  dont  le  Duc  prit  la  clef.  François ,  qui  voyoit 
la  fédition  s'augmenter ,  envoya  le  Comte  de  Foix ,  fon  beau- 
frere  ,  pour  tâcher  de  calmer  les  efprits  ;  mais  il  ne  put  y  réufîîr. 
Ce  Seigneur ,  qui  étoit  embarraffé  de  fon  embonpoint ,  penfa  être 
étouffé  par  la  foule ,  malgré  tout  le  refpe6i:  qu'on  lui  porta ,  Se 
ne  regagna  qu'avec  peine  la  chambre  du  Duc  ,  auquel  il  dit  en 
entrant  :  Monjeigneur ,  je  vous  jure  Dieu  ,  que  faimerois  mieux  être. 
Prince  d'un  million  de  fangliers  que  de  vos  Bretons.  Il  faut  de 
toute  nécejjité  livrer  votre  Tréforier  ,  autrement  nous  fommes  tous  en 
danger. 

Le  Duc  efpéroit  toujours  fauver  fon  Favori ,  parce  qu'il  fça- 
voit  l'attachement  que  les  Nantais  avoient  pour  fa  perfonne  , 
mais  le  peuple  de  cette  ville  étoit  déjà  gagné ,  &  quand  il  au- 
roit  voulu  s'oppofer  aux  mécontents ,  il  ne  lui  étoit  pas  polîible 
d'en  venir  à  bout.  François  fit  une  nouvelle  tentative  :  il  en- 
voya au  peuple  le  Chancelier  Chrétien  ,  homme  habile  &  hon- 
nête j  mais ,  comme  il  étoit  redevable  de  fa  charge  au  Tréforier , 
&  fucceffeur  de  Chauvin ,  fa  préfence  ne  fit  qu'aigrir  les  ef- 
prits ,  on  ne  daigna  pas  même  l'écouter ,  &  on  le  renvoya , 
en  difant  qu'avant  tout  il  falloit  faire  le  procès  à  Landais.  Ce 
Magiftrat  n'étoit  pas  fâché  du   tour  que  prenoient  les  affaires. 


NAN  _        _         149 

il  étoit  lui-même  mécontent  du  Tréforier ,  Se  il  venoit  de  donner 
contre  lui  un  décret  de  prife  de  corps ,  fur  des  informations 
faites  à  la  hâte.  Il  retourna  donc  ,  &  dit  au  Prince  qu'il  n'y 
avoit  plus  rien  à  efpérer ,  &  qu'il  étoit  obligé  d'arrêter  Landais. 
Quel  crime  a-t-il  commis ,  dit  le  Duc  ?  Je  n'en  fçais  rien  ,  Mon' 
feigneur ,  lui  répondit-il  :  je  fçais  feulement  quon  Uaccufe  ,  <&  quô 
le  feul  moyen  de  calmer  le  peuple  efl  d'inftruire  fon  procès  ,•  au 
refie  _,  Monfeigneur ,  il  ne  lui  fera  fait  aucune  injuflice.  Me  le  pro» 
mettei-vous  ^  dit  le  Duc  :  le  Chancelier  le  promit  fur  fa  foi. 

Sur  cette  affurance ,  François  II  ouvrit  l'armoire  ,  prit  Landais 
par  la  main  &  le  livra  au  Chancelier,  en  lui  difantt  Vous  f ça- 
ve\  ce  que  vous  lui  deve\ ,  ainfl  foye^-lui  ami  en  juflice.  Le  Tré- 
forier fut  conduit  fur  l'heure  à  la  tour  de  Saint-Nicolas ,  au  mi- 
lieu des  Archers  de  la  garde ,  rangés  en  haie ,  de  peur  que  le 
peuple  ne  le  maltraitât.  C'étoit  le  25  Juin  1485.  Dans  l'inftant 
la  fédition  ceffa.  Les  Seigneurs  confédérés  allèrent  faluer  le 
Duc  ,  qui  fit  femblant  de  goûter  leurs  raifons ,  &  leur  pardonna. 

Les  Commiffaires  nommés  pour  inilruire  fon  procès,  en  pré- 
fence  du  Prince  d'Orange  ,  du  Maréchal  de  Rieux  ,  &  du 
Comte  de  Cominges ,  furent  le  Chancelier  ,  le  Sénéchal  de 
Rennes ,  nommé  Villéon  ;  du  Perrier  ,  de  Sourdéac  ,  le  Bouteiller, 
de  Maupertuis ,  &  les  Chambellans  du  Duc.  Il  n'y  eut  rien  de 
précipité  dans  cette  affaire  :  on  donna  au  coupable  le  temps  de 
fe  défendre ,  mais  ^qs  crimes  étoient  évidents.  Il  fut  convaincu 
de  la  mort  du  Chancelier  Chauvin  ,  de  malverfations  criantes 
dans  l'exercice  de  fa  charge  ,  d'exaftions  énormes ,  de  vols ,  &c. 
Il  méritoit ,  fans  doute ,  la  mort ,  &  tous  les  Juges  furent  du 
même  avis.  Il  fut ,  en  conféquence ,  condamné  à  être  pendu  & 
étranglé  ,  le  1 9  Juillet  fuivant. 

On  ne  voulut  point  informer  le  Duc  de  ce  qui  fe  palToit ,  dans 
la  crainte  qu'il  ne  lui  donnât  fa  grâce.  On  avoit  même  eu  foin 
de  faire  garder  les  avenues  du  château  &  de  la  chambre  du  Duc  , 
par  des  gens  affidés  ,  afin  qu'il  ne  pût  en  apprendre  des  nouvelles. 
Tandis  qu'on  conduifoit  le  Favori  au  fuppUce  ,  le  Comte  de  Comin- 
ges entra  dans  la  chambre  de  François,  qui  lui  dit  :  Compère  ,  fai 
appris  qu'on  befoigne  au  procès  de  mon  Tréforier  ^  en  fçave:^  -  vous 
nen  F  Oui ,  Monfeigneur  ,  répondit  le  Comte  :  on  fait  fon  procès  y 
&  Fon  y  a  trouvé  de  merveilleux  cas  y  mais ,  quand  tout  fera  vu 
&  entendu  y  Von  vous  viendra  rapporter  U opinion  du  Confeil ,  pour 
en  ordonner  ainfi  qu'il  vous  plaira,  Ainfî ,  le  veux-je ,  répliqua 
vivement  le  Duc  j  car  ^  quelque  cas  qu'il  ait  commis  ,  je  lui  donne 


150  NAN 

fa  grâce  ^  &  Jî  ne  veux  point  qu'il  meure.  Le  Comte  entretint 
enluite  le  Prince  de  chofes  agréables ,  &  Famufa  jufqu  a  ce 
(jue  Landais  ne  fût  plus  en  état  de  profiter  de  la  bonne  vo- 
lonté de  fon  maître. 

L'exécution  fe  fit  hors  de  la  ville ,  félon  la  coutume ,  à  un 
gibet  placé  exprès  en  la  prairie  de  BiefTe ,  aujourd'hui  la  prairie 
au  Duc  ,  à  la  vue  d'un  peuple  immenfe  accouru  de  toutes  parts 
pour  voir  ce  fpeftacle  ,  qui  n'infpira  de  compaffion  à  perfonne, 
tant  ce  Favori  étoit  détefté. 

Quand  le  Duc  fut  inftruit  de  cette  fin  tragique ,  il  en  parut 
très-chagrin,  &  fe  plaignit  beaucoup  du  Comte  de  Cominges, 
qui  l'avoit  amufé  pour  l'empêcher  d'envoyer  la  grâce  au  cou- 
pable, il  ordonna  de  détacher  fon  corps  du  gibet ,  &  le  fit  en- 
terrer à  Notre-Dame.  Landais  ne  laifla  qu'une  fille  ,  qui ,  par  une 
grâce  particuUere  du  Duc,  hérita  de  fes  biens  immenfes  :  elle 
époufa  Artur  l'Epervier  de  la  Bouvardiere,  Jean  de  Vitré ,  qui 
avoir  été  chargé  de  la  garde  du  Chancelier  Chauvin ,  au  châ- 
teau de  l'Hermine ,  avoir  été  pendu  quelques  Jours  auparavant. 

Le  Duc  avoit  accordé  à  Pierre  Landais  le  droit  de  vendre 
vin  fur  les  ponts  ,  en  Vertais ,  dont  il  étoit  Seigneur ,  avec  exemp- 
tion du  droit  de  billot  &  d'appétifTement.  Ce  privilège  fut  ré- 
voqué, fous  prétexte  qu'il  n'avoit  été  accordé  qu'aux  importu- 
nités  de  Landais, 

Le  2  2  Septembre  1485  ,  le  Duc  étant  à  Nantes,  créa  un  Par- 
lement ordinaire  &  fédentaire  en  Bretagne.  Ce  Parlement ,  com- 
pofé  des  Sénéchaux  de  Rennes  &  de  Nantes ,  de  cinq  Confeil- 
1ers  eccléfiaftiques  &  de  fept  laïques ,  commençoit  fes  féances 
le   1 5   Juillet   &  les  finiifoit  le   1 5  Septembre. 

Dans  les  divertiflements  du  carnaval ,  le  Duc  fit  faire  des  joutes 
fur  la  place  du  Bouffay  ,  à  Nantes.  Le  Maréchal  de  Rieux  rem- 
porta le  prix ,  qui  étoit  un  diamant  eftimé  quatre-vingt-deux  livres 
dix  fols ,  monnoie  du  temps.  Au  mois  d'Avril ,  le  Duc  d'Orléans 
vint  à  Nantes.  En  confidération  de  ce  Prince,  toutes  les  prifons 
furent  ouvertes ,  &  les  prifonniers  élargis. 

Marguerite  de  Foix,  époufe  du  Duc  François  II,  mourut  au 
château  de  Nantes,  le  16  Mai  i486,  &  fut  inhumée  dans  l'Eglife 
Cathédrale,  d'où  elle  fut  tranfportée  ,  en  1506,  dans  l'Eglife 
des  Pères  Carmes.  La  même  année  ,  quatre  mille  lances  fran- 
çaifes  ,  fous  le  commandement  du  Comte  de  l'Hôpital ,  parurent 
devant  Nantes,  &  en  formèrent  le  blocus.  La  ville  étoit  prife 
il  elle  eût  été  attaquée  fur  le  champ ,  mais  j  comme  on  ne  com- 


N  A  N  _         151 

ftiença  le  fiege  que  quelque  temps  après,  les  Nantais  fe  prépa- 
rèrent à  la  défenfe  ,  &  l'ennemi  fut  repoufle.  Le  Comte  de  l'Hô- 
pital ,  furieux  de  n'avoir  pu  réufTir  dans  fon  entreprife ,  leva  le 
jfiege ,  &  alla  fe  venger  fur  la  ville  de  Dol  de  l'échec  qu'il  venoit 
de  recevoir  devant  Nantes. 

Le  5  Oftobre  i486,  le  Duc  accorda  à  la  ville  de  Nantes 
dix  fols  d'entrée  par  pipe  de  vin  étranger  ,  Se  cinq  fols  par  pipe 
de  vin  de  Nantes.  Le  produit  de  cette  impofition  devoit  être 
employé  aux  réparations  des  fortifications  endommagées  dans  le 
dernier  fiege ,  qui  avoir  duré  près  de  deux  mois.  Le  deffein  du 
Duc  étoit  aufîi  de  fermer  de  murs  les  fauxbourgs  du  Marchix 
&  de  la  Fofle  ;  mais  ce  projet  ne  fut  pas  exécuté.  Jean  de 
Châlons ,  Prince  d'Orange ,  fut  alors  nommé  Gouverneur  de 
Nantes. 

Pierre  du  Chaffaut ,  Evêque  de  Nantes ,  qui  étoit  parti  pour 
Rome  en  1483,  après  avoir  terminé  tousJes  différents  furvenus 
entre  le  Duc  &  fes  prédécefîeurs ,  revint  à  Nantes,  l'an  1486. 
Il  accorda,  le  22  Septembre  de  la  même  année ,  quarante  jours 
d'indulgences  par  an ,  à  tous  ceux  qui  travailleroient  à  la  ré- 
paration &  à  l'entretien  de  la  chaullée  de  Saint  -  Philbert  de 
Grand-Lieu  ;  ouvrage  intéreffant  pour  le  bien  public.  Cette  chauf- 
fée eft  à  l'entrée  de  Saint  -  Philbert ,  du  côté  de  Nantes.  Nous 
avons ,  fous  le  nom  de  Pierre  du  Chaffaut ,  un  Miffel ,  fans  date 
ni  nom  d'Imprimeur,  dans  lequel  la  rubrique  du  Vendredi-Saint 
prefcrit  au  Prêtre  officiant  de  fe  communier  avec  tout  le  peuple, 
communicet  fe  &  omnes.  Il  prefcrit  la  bénédiftion  du  raifin  au 
jour  de  Saint  Sixte ,  6  Août ,  après  la  fecrete  de  la  Meffe.  On 
trouve  ,  dans  un  Bréviaire  du  même  Prélat ,  imprimé  à  Vannes , 
i'ufage  des  chiffres  arabes  ,  &  des  Statuts  fynodaux  ,  qui  ne  cèdent 
en  rien  à  ceux  de  fes  prédéceffeurs.  Ce  Prélat  avoit  un  mérite 
réel  :  il  mourut,  en  odeur  de  fainteté,  le  12  Novembre  1487. 
On  fit  imprimer  des  Heures  ,  à  Nantes ,  en  fon  honneur ,  l'an 
1 517.  On  remarque  que,  fous  fon  Epifcopat,  les  nouveaux  Curés 
qui  fe  préfentoient  à  lui  pour  avoir  leur  vifa ,  juroient  que  leur 
éle6lion  étoit  légitime ,  &  que  l'Evêque  leur  donnoit  l'inveftiture 
en  leur  mettant  fon  anneau  au  doigt.  Cette  pratique  s'obfervoit 
auffi  à  l'égard  des  fimples  Chapelains. 

Guillaume  III  du  nom,  dit  Gueguen  ,  fut  élu  ,  par  le  Chapitre, 
à  la  fin  de  Novembre  1 487 ,  &  préfenté  au  Pape  par  le  Duc 
François,  &  enfuite  par  la  Ducheffe  Anne;  mais  il  ne  put  ob- 
tenir {qs  Bulles  ,  &  ne  prit  que  la  qualité  d'Elu  de  Nantes.  La 


ijx  _         N  A  N 

guerre  que  l'on  faifoit  à  la  France  fit  ceffer  les  études  de  l'Univer- 
nté  j  la  robe  rouge  du  Refteur  fut  mife  en  dépôt  chez  les  Pères 
Carmes.  Cette  cefTation  d'études ,  jointe  à  Tincertitude  où  l'on 
fut  pendant  plus  d'un  an  de  parvenir  à  une  paix  folide  ,  dé- 
rangea confidérablement  ce  Corps  ,  parce  que  les  ProfelTeurs 
&  les  Ecoliers  fe   retirèrent  ailleurs. 

Le  canon  de  Tarquebufe  ou  fufil,  qui  eft  aujourd'hui  de  fer 
percé  au  foret ,  étoit  alors  de  cuivre  ou  d'un  autre  métal ,  & 
s'appelloit  bâton.  La  ville  acheta,  en  1487,  cinq  mille  cinq  cents 
foixante-fix  livres  de  métal  pour  faire  des  fufils  de  cette  der- 
nière efpece.  Comme  on  foupçonnoit  que  la  ville  feroit  bientôt 
affiégée  ,  les  Paroifliens  de  Saint-Nicolas  firent  defcendre  les  vitres 
de  leur  Eglife ,  &:  enfouirent  leurs  Reliques  &  leur  argenterie. 
Il  eft  à  croire  que  les  autres  Paroifîes ,  les  Monafteres ,  &  les 
particuliers  prirent  aufli  les  fûretés  convenables. 

Gilles  de  Bourbon ,  Comte  de  Montpenfier  ,  Lieutenant  du 
Roi  Charles  VIII,  parut  devant  Nantes,  le  20  Juin  1487.  Les 
Français  prirent  leurs  quartiers  à  Saint-André ,  à  Saint-Clément , 
à  Richebourg ,  &  fur  les  ponts.  Ils  n'en  avoient  aucun  du  côté 
de  la  Foffe  j  ce  qui  laifîbit  aux  afliégés  les  moyens  de  fe  pro- 
curer facilement  des  vivres.  Le  Duc  quitta  le  château  dès  le 
commencement  du  fiege ,  &  fe  retira  dans  la  ville.  Il  dut  fe  fça- 
voir  bon  gré  de  cette  précaution  5  car  ,  à  la  féconde  décharge 
de  l'artillerie  des  afïiégeants ,  un  boulet  de  canon  donna  dans  la 
fenêtre  de  fa  chambre. 

Malgré  toutes  les  précautions  que  le  Duc  avoit  prifes  ,  il 
craignoit  beaucoup  l'ilTue  du  fiege.  On  peut  juger  de  fa  crainte  par 
ie  vœu  fingulier  qu'il  fit.  Il  promit  de  préfenter  à  Notre-Dame  de 
l'Annonciade  de  Florence  ,  la  figure  de  Nantes  ,  en  cire.  Le  cou- 
rage de  fes  fujets,  &  le  fecours  de  cinq  à  fix  mille  hommes 
que  lui  amena  le  Comte  de  Dunois,  le  tirèrent  d'inquiétude, 
&  forcèrent  les  Français  à  lever  le  fiege  après  fix  femaines  d'une 
attaque  vigoureufe.  Le  Duc  fit  auffi-tôt  réparer  les  fortifications. 
Au  mois  de  Novembre  1487,  on  frappa,  à  Nantes,  une  mon- 
noie  qu'on  ^^^eWà  gros  d' Orléans  ^  avec  quelques  autres  de  plus  baffe 
loi.  Les  habitants  de  Nantes  avoient  fait  de  grandes  dépenfes  pour 
la  défenfe  de  leur  ville,  pendant  le  fiege  dont  on  vient  de  parler. 
Pour  les  récompenfer  ,  le  Duc  leur  accorda  le  feigneuriage  de  la 
monnoie  ,  qui  valoir ,  par  an ,  environ  cinq  cents  marcs  d'argent, 
La  Communauté  de  Nantes  a  joui  long-temps  de  ce  profit  &  du 
privilège  de  nommer  les  Monnoyeurs ,  &  d'en.prendre  le  ferment. 

Cette 


N  AN  153 

Cette  guerre  diminua  confidérablement  les  efpecesj  &:  le  Duc, 
en  conféquence ,  fut  obligé  de  hauffcr  le  prix  des  monnoies  d'or 
qui  couroient  en  Bretagne.  Les  différents  noms  de  ces  monnoies, 
étoient  :  l'écu  d'or  à  la  couronne ,  L'écu  de  Dauphinéy  Vécu  de  Bre- 
tagne y  Vécu  de  Guyenne  ,  Vécu  de  Foix ,  Vécu  au  fole'd  ,  les 
réaux ,  les  faluts ,  les  ducats  ,  les  riddes ,  les  nobles ,  les  lions , 
les  mailles  d'Utrecht  ,  les  florins  d' Allemagne  ,  les  florins  du' 
eaux,  &  les  florins  au  chat.  Le  marc  d'argent  étoit  alors  à  onze 
livres. 

M.  Varillais  alTure  qu'en  1488,  le  Duc  François  II  fortit  de 
Nantes ,  parce  que  cette  ville  étoit  alors  ravagée  par  la  pefle. 
Ce  Prince  fe  retira  à  fon  château  de  Coueron,  fitué  fur  la  rive 
droite  de  la  Loire  ,  à  trois  lieues  au  deffous  de  Nantes.  Il  y  fit 
fon  teftament ,  rapporté  le  8  Septembre  de  la  même  année ,  & 
non  le  11,  comme  le  prétend  Dom  Lobineau  :  il  fe  trouve 
dans  les  archives  du  château  de  Nantes.  Le  Maréchal  de  Rieux 
y  ell  nommé  curateur  des  deux  Princeffes  ,  filles  du  Duc ,  & 
Adminiftrateur-Régent  de  la  Bretagne ,  fans  autres  Hmites  de  poa- 
voirs  que  l'obHgation  de  prendre  l'avis  du  Seigneur  de  Condom , 
qui  étoit  défigné  pour  fuccefTeur  du  Maréchal ,  au  cas  que  celui- 
ci  vînt  à  mourir  le  premier.  Les  Moines  ne  font  pas  oubUés 
dans  le  teftament  :  il  légua  aux  Carmes  de  Nantes  cinq  cents 
foixante  livres  de  rente  ;  cent  Hvres  aux  Religieufes  de  Sainte- 
Claire  y  la  même  fomme  aux  Cordeliers  d'Ancenis  ;  autant  à  ceux 
de  Cliflbn  &  de  Savenai.  Ces  legs  furent  exaftement  acquittés 
après  la  mort  du  teftateur  ,  arrivée  ,  félon  les  uns  le  8  ,  6c 
félon  les  autres  le  9  Septembre  1488.  Son  corps  fut  apporté  de 
Coueron  à  Nantes  ,  &  inhumé  dans  l'Eglife  des  Pères  Carmes, 
auprès  de  Marguerite  de  Bretagne  ,  fa  première  femme.  Le  deuil 
s'appelloit  alors  béguin  ,  parce  que  ceux  qui  le  portoient  avoient 
un  béguin  ;  les  hommes  fous  le  chaperon  ,  &  les  femmes  fous  la 
coëffe.  Les  Gens  de  la  Chambre  des  Comptes ,  en  qualité  d'Of- 
ficiers de  la  maifon  du  Duc  ,  eurent  leur  béguin ,  ou  robe  de 
deuil ,  comme  les  autres  Officiers  de  la  Ducheffe  Anne ,  fille 
aînée  &  héritière  de  François  II.  L'Evêché  de  Nantes  étoit  va- 
cant en  1488.  On  y  affembla  ,  cette  année ,  un  fynode  ,  après  lequel 
Robert  V  du  nom ,  dit  d'Epinai ,  fut  transféré ,  par  le  Pape , 
de  l'Evêché  de  Lavaur ,  ville  du  haut  Languedoc ,  à  celui  de 
Nantes.  La  Ducheffe  fit  défenfe  à  fes  Officiers  de  Juftice  de  le 
recevoir  avant  d'avoir  reçu  de  nouveaux  ordres  de  fa 'part.  Cette 
Princeffe  ordonna  aux  Monnoyeurs  de  Nantes  de  fiiire  des  moa* 
Tome  UL  Y      ' 


,54  NAN 

noies  blanches ,  à  fix  deniers  de  loi ,  &  au  cours  de  douze  de- 
niers monnoie ,  &  inftitua  le  Maréchal  de  Rieux,  fon  tuteur, 
Gouverneur  de  cette  ville. 

L'Hôpital  de  Saint-Clément ,  qui  avoit  beaucoup  fouffert  pen- 
dant le  dernier  fiege  ,  ne  put  iuffire  au  foulagement  des  malades 
dont  il  fut  rempli  dans  le  cours  des  années  1488  ,  1489  ,  &  1490.  Il 
eut  recours  à  la  Communauté  de  ville,  qui  lui  fit  donner  les  fecours 
dont  il  avoit  befoin. 

L'an  1488,  les  (Euvres  de  Jean  Mechinot ,  Nantais  d'origine, 
intitulées  Us  Lunettes  des  Princes  ,-  furent  imprimées  ,  à  Nantes  & 
au  Mans,  en  carafteres  gothiques,  par  Pierre  l'Archer.  On  en 
fit  trois  éditions ,  à  Paris ,  en  peu  de  temps.  Ce  Mechinot  fut  fur- 
nommé  le  Banni  de  Liejje ,  &  fut  fucceflivement  Maître-d'hôtel 
des  Ducs  de  Bretagne  Jean  V,  François  I ,  Pierre  II,  Artur  III, 
&  François  IL  Les  Rois  Charles  VÏII  &  Louis  XII  le  conti- 
nuèrent dans  fon  emploi  :  il  mourut  le  1 2  Septembre  1 5  04  , 
après  avoir  pafTé  plus  de  foixante  ans  à  exercer  la  charge  de 
iMaître- d'hôtel ,  &  à  compofer  des  vers  qu'on  ne  lit  plus. 

1489.  Jean  de  Robien  ell  fait  Gouverneur  de  Nantes,  le  14 
Avril ,  par  la  DuchefTe  Anne ,  qui  y  fait  fon  entrée  fur  la  fin  de 
l'année.  Cette  ville  efi:  furprife,  en  1490,  par  Alain  d'Albret, 
qui  la  foumet  à  Charles  VIII,  qui  lui  en  donne  le  Gouvernement. 
(Je  Seigneur  tire  du  tréfor  de  la  Duchefîe  plufieurs  baguesM'or 
&  d'argent  -,  deux  flacons  de  vermeil ,  pefant  enlemble  deux  cents 
fept  marcs  quatre  onces  fept  gros  ;  deux  flacons  de  vermeil , 
pefant  enfemble  deux  cents  trente -trois  marcs  j  &  un  facraire 
pour  mettre  le  Corps  de  Notre-Seigneur  ,  pefant  cinquante  marcs  -, 
&  envoie  le  tout  à  la  monnoie  ,  qui  en  fait ,  par  fon  ordre  ,  des 
gros  de  deux  fols  fix  deniers ,  &  autres  efpeces.  Le  marc  d'argent 
étoit  à  treize  livres.  L'année  fuivante ,  le  Roi  Charles  VIII  vient 
à  Nantes,  accompagné  de  fes  courtifans  &  d'un  corps  de  troupes, 
&  fait  fon  entrée  par  la  porte  de  la  Poifionnerie ,  le  26  Mars 
1491.  Le  Clergé  féculier  &  régulier  marche  procefTionnellement , 
avec  rUnivernté,  au  devant  de  Sa  Majefi:é  ,  jufqu'au  pont  de 
la  Belle-Croix,  où  Yves  Bufnel ,  Refteur  de  ce  Corps  ,  en  robe, 
lui  fait  fon  compliment  j  après  quoi,  précédé  des  deux  bedeaux, 
avec  leurs  maffues  d'argent ,  il  prend  les  rênes  de  la  bride  de  fon 
cheval  ,  le  conduit  à  la  Cathédrale  ,  &  de  là  au  château.  Les 
rues  par  oii  le  Monarque  palTa  ,  étoient  tendues  des  plus 
riches  tapilTeries  qu'on  eut  alors.  Il  féjourna  à  Nantes  depuis  le 
16  Mars  jufqu'au  14  Avril  fuivant  j  il  partit  enfuite  pour  ClifTon , 


NAN  1^5 

Se  laifTa  cent  hommes  de  pied ,  à  morte  paie  ,  pour  la  garde  du 
château   de  Nantes. 

Pendant  fon  féjour  en  cette  dernière  ville ,  le  Monarque  con- 
firma les  privilèges  des  habitants  ,  &  leur  en  accorda  de  nouveaux. 
Il  leur  permit,  par  lettres-patentes,  d'acquérir  des  fiefs  nobles^ 
&  d'y  tenir  des  métayers  &l  bordiers  francs ,  exempts  de  toutes 
tailles  &  fouages. 

1 49 1 .  Charles  VÏII  époufe  la  DuchefTe  Anne ,  &  nomme  Alain 
de  Mont-Menard ,  Sire  de  Rochefort  ,  au  Gouvernement  de 
Nantes.  L'année  fuivante ,  Leurs  Majeilés  viennent  à  Nantes, 
&  y  font  frapper  des  carolus  &  des  targes  aux  armes  de  Bre- 
tagne. Charles  y  convoque  les  Etats  de  la  province  pour  le  8 
Novembre  ,  &  nomme  ,  -pour  fes  Commiffaires  ,  le  Vicomte  de 
Rohan  j  Charles  Guibé,  Evêque  de  Rennes  j  Jean  de  Châlons, 
Prince  d'Orange,  créé  Gouverneur  du  Duché  en  1488,  & 
continué  par  le  Monarque  ;  Philippe  de  Montauban ,  ChanceHer 
de  Bretagne  ;  Guillaume  Gueguen ,  Préfident  à  la  Chambre  des 
Comptes  j  Jean  François ,  Général  des  Finances  j  Thomas  Roger, 
Tréforier  j  &  Jean  de  la  Primaudaye ,  Contrôleur  général  des 
Finances.  C'eit  la  première  tenue  des  Etats  indiquée  par  les 
Rois  de  France. 

1492.  Création  des  charges  de  Bailli  d'épée  &  de  Connétable. 
Le  premier  commandoit  la,  Nobleffe,  &  le  fécond  la  Milice 
Bourgeoife.  Le  12  Oftobre,  un  courier  de  la  Cour  apporte  à 
Nantes  la  nouvelle  que  la  Reine  Anne  étoit  accouchée  d'un 
fils.  La  Communauté  de  ville  lui  donna  dix  florins  d'or  de  vingt- 
quatre  fols.  Guerrande ,  Officier  de  la  Reine ,  qui  vint  confirmer 
cette  nouvelle ,  fut  gratifié  de  fix  florins  de  même  valeur. 

1493. La  Duchefle  Catherine  de  Luxembourg  mourut  au  mois  de 
Mars  5  dans  un  appartement  de  l'avant-cour  des  Chartreux.  Cette 
Dame ,  qui  étoit  veuve  depuis  trente  -cinq  ans  ,  s'étoit  retirée  , 
après  la  mort  de  fon  mari  avec  lequel  elle  avoit  vécu  qua- 
torze ans.  Elle  voulut  être  inhumée  ,  avec  lui ,  dans  le  même  tom^ 
beau.  Les  Chartreux  regardoient  cette  excellente  Princefl^e  comme 
leur  mère ,  &  lui  permettoient  ,  ainfi  qu'aux  Dames  fes  fui- 
vantes ,  l'entrée  de  leur  Fglife  &  de  leur  Monafl:ere  j  d'autant 
mieux  que  les  anciens  fl:atuts  de  l'Ordre  ne  défendoientpas  auffi  étroi- 
tement l'entrée  de  leurs  maifons  aux  femmes  que  les  flatuts 
a6luels. 

Cette  Princefl'e  fonda,  pour  elle  &  fon  mari,  un  Lihera^  qui 
doit  être  chanté ,  devant  leur  tombeau  commun ,  par  le  Chapitre 


ï5<J  "  ^     N  A  N 

de  la  Cathédrale ,  lorfqu'il  va  en  procefîlon  aux  Chartreux.  On 
conferve  ,  dans  ce  Couvent ,  la  bannière  &  le  précieux  Reli- 
quaire d'Artur  III.  La  Princeffe ,  qui  avoit  eu  le  dernier,  de  fon 
mari ,  le  donna  aux  Religieux  :  il  eft  en  or ,  &  travaillé  avec 
beaucoup  d'art.  Il  contient  au  moins  dix  à  douze  marcs  d'or. 
On  remarque  encore ,  dans  cette  Communauté ,  une  belle  image 
de  la  Sainte  Vierge ,  fous  une  glace  :  la  DuchelTe  l'avoit  dans 
fa  chambre ,  &  récitoit  fouvent  deux  Oraifons  à  l'intention  de  la 
Mère  du  Sauveur ,  dans  la  penfée  qu'elle  gagnoit  plufieurs  milliers 
d'années  d'jndnlgences  par  cette  pieufe  pratique.  Au  bas  de  cette 
image,  font  des  vers  en  lettres  ik  en  ftyle  du  temps.  Les  Char- 
treux ont  conferve  jufqu'à  nos  jours  le  fauteuil  de  leur  fondatrice. 
Il  n'eft  pas  fi  élégant  que  ceux  de  nos  jours  :  il  eft  en  bois 
&  en  gros  cuir ,  fans  fculpture  ,  ni  dorure.  Ils  ont  aufîi  les  belles 
&  riches  Heures  de  la   Pnnceife. 

Par  a6le  du  21  Mai  1493  ,  la  Communauté  de  ville  arrenta, 
pour  la  fomme  de  cinq  cents  fols,  non  franchi ITable,  une  maifon, 
allée  ,  &  place ,  près  le  Collège  de  Saint- Jean  ,  &  y  ouvrit  une 
rue  qui ,  de  celle  des  Carmes  ou  de  l'Echellerie,  conduit  à  la  rivière 
d'Erdre  &  aux  murs  de  ville. 

1493.  Robert  d'iipinai  meurt  au  mois  de  Juillet  ou  d'Août. 
Jean  d'hpinai  IV  du  nom,  fon  frère,  eft  transféré  de  l'Evêché  de 
Mirepoix  a  celui  de  Nantes  :  il  prend  pofleffion  de  cet  Evêché, 
le  5  Juillet  1494,  par  fon  Procureur,  Guillaume  Juhel ,  Refteur 
de  la  Paroille  de  Vezin  ,  au  diocefe  de  Rennes.  Le  Pape  Alexandre 
VI  permet  à  l'Archidiacre  de  Nantes  de  fiiire  fes  viiites  par  Pro- 
cureur ,  &   miême  de  vifiter  pluiieurs  EgHfes  par  jour. 

Les  regiftres  de  l'Evêché  nous  apprennent  que  Jean  d'Epinai 
fut  troublé  dans  la  poflefTion  de  fa  dignité  &  de  fes  biens,  par 
Guillaume  Gueguen ,  qui  avoit  été  élu  par  le  Chapitre  au  mois 
de  Décembre  1487,  &  préfenté  au  Pape  par  le  Duc  François 
II,  &  enfuite  par  la  DuchelTe  Anne  ,  comme  il  a  été  dit  ci-de- 
vant. Le  jour  de  fon  entrée  à  Nantes  ,  au  mois  de  Juillet  1494,  il 
promit,  avec  ferment,  au  Chapitre,  de  l'indemnifer  de  tous  les  frais 
qu'il  avoit  faits  pour   la  nomination  de  Guillaume   Gueguen. 

Les  guerres  qui  s'étoient  élevées  entre  la  Bretagne  &  la  France 
fur  la  nn  du  règne  de  François  II ,  &  au  commencement  de  celui 
de  la  DuchelTe,  fa  fille,  avoient  détruit  l'Univerfité  naifTante  de 
la  ville  de  Nantes.  Le  Roi  écouta  avec  bonté  les  repréfentations 
de  ce  Corps,  &  lui  accorda,  au  mois  de  Novembre  1493, 
quatre  cents  livres,  fur   les  deniers  communs  de  la  ville,  pour 


NAN  157 

Tentretien  des  Profefleurs.  Le  Monarque  fixa  aufli  le  nombre 
des  Membres  de  l'Univerfité  à  .  .  .  .  &  accorda  cent  livres 
d'appointements  à  chacun  d'eux.  La  Communauté  de  ville ,  qui 
deliroit  le  rétablifîement  de  ce  Corps  ,  propofa  deux  cents  qua- 
rante livres  d'honoraires  par  an  ,  avec  un  logement ,  à  Jacques 
Clatte ,  Dofteur  &  ProfefTeur  en  Droit  à  Angers.  Le  Dofteur 
accepta  l'offre,  &  s'engagea  à  commencer  fes  leçons  à  la  Saint- 
Jean.  Quand  il  fut  arrivé ,  le  Clergé ,  qui  avoir  promis  le  loge- 
ment ,  refula  de  le  donner  j  de  forte  que  le  Bureau  de  ville  fut 
obligé  de  faire  toutes  les  dépenfes.  Le  foin  de  la  PoHce  de 
Nantes  étoit  alors  confié  à  l'Univerfité,  qui  faifoit  exercer  cette 
charge  par  fon  Procureur  général.  Cet  arrangement  fubfifta  juf- 
qu'à  l'éreftion  de  la  Mairie  ,  en  1564.  Le  Maire  fut  chargé  de 
ce  pénible  Se  important  emploi.  D'abord,  c'étoit  le  Duc  &  l'E- 
vêque  qui  prenoient  ce  foin. 

Au  mois  de  Mai  1494,  le  Roi,  étant  à  Lyon,  fixa,  par  fes 
lettres-patentes,  dans  la  ville  de  Rennes  ,  la  Chancellerie  de 
Bretagne ,  qui  fe  tenoit  ci-devant  fix  mois  à  Rennes  &  fix  mois 
à  Nantes.  Par  d'autres  lettres  du  1 6  Juin ,  Sa  Majefté  défend 
d'admettre  à  la  profeffion  d'Avocat  ,  dans  les  Barres  de  Rennes 
&  de  Nantes ,  tout  homme  qui  ne  fera  pas  Licencié  ,  ou  ,  pour 
le  moins ,  Bachelier. 

Dans  le  courant  de  la  même  année ,  la  Communauté  de  ville 
fit  bâtir  l'Infirmerie  des  Religieufes  de  Sainte-Claire  ,  &:  la  maifon 
de  la  Prévôté  qui  étoit  aux  Changes.  Le  Roi  lui  avoit  donné 
ce  logement  pour  y  tenir  fes  affemblées ,  parce  qu'il  étoit  plus 
commode  que  l'arfenal ,  autrement  la  maifon  des  Engins ,  au 
Bouffay.  On  lui  avoit  même  permis  de  le  faire  rebâtir  &  de 
Taccroitre  par  l'acquêt  des  maifons  voifines.  La  charpente  feule 
coûta  ,  à  peu  près ,  cinq  mille  hvres  de  notre  monnoie.  Le  pont 
dErdre  ,  dans  la  rue  de  la  CafTerie,  fut  en  même  tcm.ps  refait  à  neuf. 
Il  n'y  avoit  point  alors  de  maifons  à  droite  &  à  gauche  de  ce 
pont ,  comme  aujourd'hui. 

On  commença  ,  en  1 494  ,  à  travailler  au  grand  vit  âge  de  l'Eglife 
de  Saint-Nicolas.  C'eil  le  plus  beau  de  toute  la  province  ,  & 
peut-être  du  Royaume.  Les  principaux  événements  de  la  vie 
du  Sauveur  y  font  repréfentés.  Le  portrait  de  ce  Dieu-Homme 
y  cil  tiré  avec  tant  de  reffemblance ,  en  vingt  endroits ,  ou 
même  plus ,  qu'on  n'y  remarque  pas  la  plus  légère  différence , 
foit  dans  les  traits  du  vifage ,  foit  dans  l'enfemble  &  les  pro- 
portions   du  corps.  Ce  vitrage  fut  payé  par   le    moyen  dune 


158  NAN 

impofîtion  ,  tni(è  par  les  Grands- Vicaires ,  de  cinq  fols  fur  chaque 
ménage  ,  &  de  deux  fols  fîx  deniers  fur  les  perfonnes  non 
mariées. 

Extrait  du  teftament  de  G.  Berri  ,  Prêtre  de  Saint-Nicolas, 
du  16  Novembre  1494.  Le  teftateur  donne  d'abord  fes  ordres 
pour  la  cérémonie  de  fes  funérailles.  Je  veux ,  dit-il ,  quon  prenne 
quatre  enfants  ,  qui  auront  chacun  une  rohe  de  drap  hlanchet ,  avec 
un  cierge  allumé  d'une  main,  &  de  F  autre  un  pot  de  terre  neuf  y, 
dans  lequel  il  y  aura  hrafier  de  charbon  &  encens  fur  icelui ,  &  moi 
enfépuhuré  ,•  lefdits  pots  feront  jettes  dans  ma  fojfe  ,  ainji  quil  efl  de 
bonne  coutume  de  faire  .  .  .  /^  veux  &  ordonne  qu'il  foit  célébré ^ 
dans  UEglife  de  Saint-Nicolas  ,  le  nombre  de  trois  cents  Mejfes ,  & 
qu'au  jour  de  mon  enterrement  il  foit  offert  à  toutes  perfonnes  hon- 
nêtes qui  le  voudront  prendre  ,  des  doubles  valant  deux  deniers  tour- 
nois. Item,  je  veux  quau  même  jour ,  &  pendant  l'oclave,  il  foit 
payé  aux  Chapelains  de  ladite  Eglife  de  Saint-Nicolas  ,  une  fomme 
de  vingt-cinq  fols  monnoie  tournois  ,  pour  être  convertie  en  un  ban^ 
qiiet  CL  leur  plaifir  ;  à  l'ijfue  d' icelui ,  qu'ils  rendent  grâces  à  Dieu  , 
en  difant  De  profundis  &  les  Oraifons  pénitentes.  Ce  tellament 
donne  une  idée  des  cérémonies  funèbres  du  quinzième  fiecle. 

Les  Négociants  de  Nantes  &  ceux  de  Bilbao  en  Efpagne , 
avoient  fait  une  afîbciation  d'amitié  &  d'intérêt.  Le  Roi ,  étant  à 
Nantes,  au  mois  de  Décembre  1494,  confirma  cette  union,  & 
accorda  aux  Efpagnols  le  droit  de  tenir  bourfe  &  maifon  à 
Nantes.  En  conféquence  de  ces  privilèges ,  fut  érigée  la  Con- 
frairie  de  la  Contraftation ,  l'an  1495,  dans  l'Eglife  des  Pères 
Cordeliers ,  où  elle  avoir  une  Chapelle  &  un  autel  fous  le  nom 
de  la  Sainte  Vierge.  Elle  fubfilla  jufqu'en  17.  . .  qu'une  augmen- 
tation d'honoraires  pour  les  Services  des  Frères  défunts ,  ordonnée 
par  M.  Turpin  CrifTé  de  Sanfai,  Evêque  de  Nantes,  l'éteignit 
&  la  fit  tomber   entièrement. 

Le  2  Juillet  1495,  Jean  d'Epinai ,  Evêque  de  Nantes ,  ordonne , 
de  l'avis  des  gens  de  bien ,  par  forme  de  ftatut  &  de  mande- 
ment ,  l'étabhlTement  d'un  Crieur  public  ,  dans  la  ville  &:  les  Pa- 
roiffcs  du  diocefe ,  pour  avertir,  fur  le  minuit,  par  le  moyen 
d'une  clochette  &  à  haute  &  intelligible  voix ,  les  Fidèles  de 
prier  pour  les  défunts  ;  &  ,  pour  engager  à  cette  pieufe  pratique , 
le  Prélat  accorde  quarante  jours  d'indulgences  à  ceux  qui  s'en 
acquitteront. 

L'an  149(3,  pendant  la  guerre  d'Italie,  le  Roi  Charles  VIII 
demanda  aux  villes  de  Bretagne ,  deux  caraques  ou  grands  vaif- 


N  A  N  __     159 

féaux,  pour  le  tranfportde  fon  artillerie  Se  de  fes  munitions.  Les 
Députés  des  villes  de  la  province  s'afTemblerent  à  Nantes ,  au 
mois  de  Février ,  pour  délibérer  à  ce  fujet.  La  demande  fut  ac- 
cordée ,  & ,  au  mois  de  Juin  ,  la  Communauté  de  ville  emprunta  , 
au  denier  vingt,  une  fomme  de  trois  mille  fept  cents  cinquante 
livres  monnoie  ,  pour  la  conilruftion  de  ces  deux  vaifTeaux  ,  qui 
étoient  chacun  du  port  de  mille  tonneaux.  Le  Duc  de  la  Tri- 
mouille  étoit  alors  Gouverneur  de  Nantes.  Le  Roi  écrivit ,  en 
cette  année  ,  aux  habitants  de  Nantes,  au  fujet  de  la  nomination 
de  leurs  Capitaines. 

1498.  Charles  VIII  venoit  de  mourir,  &  la  Reine,  DuchefTe 
de  Bretagne,  avoit  abandonné  une  Cour  où  elle  n'avoit  plus  de 
pouvoirs ,  pour  fe  rendre  en  fes  Etats.  Elle  arriva  à  Nantes  le  8 
Novembre.  La  cérémonie  de  l'entrée  fut  très-lugubre.  Le  Clergé 
s'avança  procefTionnellement ,  avec  les  faintes  Reliques  ,  au  de- 
vant de  la  Princeffe ,  jufqu  a  la  porte  Sauve-tout ,  oii  elle  fut 
reçue  fous  un  dais  de  velours  noir ,  précédé  d'étendards  de  fatin 
noir ,  violet  &  blanc ,  de  croix  noires ,  &  fuivi  de  bannières  de 
même  couleur.  Le  Doyen  la  complimenta  en  l'abordant,  &  le  Grand- 
Vicaire  du  diocefe  lui  rendit  le  même  devoir  au  nom  du  Clergé, 
de  la  ville ,  &  du  Chapitre  ,  à  l'entrée  de  la  Cathédrale  où 
elle  fut  conduite.  Lorfque  Sa  Majefté  fe  retira  pour  fe  rendre 
au  château ,  le  Doyen  la  remercia  au  nom  du  Chapitre ,  &  la 
pria  d'avoir  foin  de  fon  EgUfe.  La  ville  préfenta  à  cette  Prin- 
ceffe deux  pots  d'argent ,  deux  baffins ,  deux  flacons  ,  &  fix  tafles 
couvertes  -,  le  tout  pefant  enfemble  cent  marcs  trois  onces 
deux  gros  &  demi,  à  douze  livres  le  marc  ,  non  compris  la 
façon  &  le  vermeil  qui  coûtoient  cent  cinquante  -  huit  ducats 
&  demi. 

On  remarqua  ,  à  cette  entrée,  une  jeune  fille  fuperbement 
vêtue,  qui  ,  portée  dans  une  tour  fur  le  dos  d'un  éléphant, 
préfenta  à  la  Reine  les  clefs  de  la  ville  en  trouiïeau.  Deux 
Sauvages  conduifoient  cette  bête  ,  qui  étoit  de  bois ,  &  mife 
en  mouvement  par  des  hommes  qui ,  fans  paroître  ,  la  faifoient 
marcher.  Dans  la  fuite ,  on  fe  livra  plus  à  la  joie  :  la  ville  donna  ,  au 
carrefour  du  Pilori ,  une  morifque  de  moralité  ;  on  repréfenta 
la  feinte  de  fortune  ,  au  carrefour  Saint- Jean  ;  la  feinte  du  myf- 
tere  des  vérités ,  au  carrefour  Saint- Vincent  ;  une  paflorale ,  dans 
un  bocage  artificiel  drefTé  exprès  j  &  le .  my ftere  du  jugement 
de  Paris ,  ou  de  la  fable  des  trois  Déefîes ,  Junon ,  Pallas ,  ôc 
Vénus. 


i6o  N  A  N 

La  Reine  Anne  donna  ,  à  fon  arrivée  ,  l'Hôpital  qui  étoît 
auprès  du  château  ,  aux  Religieux  Dominicains ,  pour  agrandir 
leur  Couvent.  C  eft  dans  leur  Eglife  que  fut  enterrée  Françoife 
de  Dinan ,  Dame  de  Laval ,  morte  cette  année.  Artur  l'Epervier, 
Seigneur  de  la  Bouvardiere  ,  fut  nommé  Gouverneur  de  Nantes 
le   i^"".  Novembre  1498. 

1499.  Louis  XII,  coufîn  &  fucceffeur  de  Charles  VIII,  fait 
déclarer  nul  fon  mariage  avec  Jeanne  de  France  ,  fille  de 
Louis  XI  ;  vient  à  Nantes ,  &  y  fait  fon  entrée  ,  le  7  Janvier , 
fous  un  dais  de  velours  bleu ,  à  quatre  écufîbns  en  broderie , 
deux  aux  armes  du  Roi,  Se  deux  aux  armes  de  la  DuchelTe  Reine. 
Les  articles  du  mariage  de  cette  Princeffe  avec  Louis  font 
dreffés  le  même  jour  au  château ,  &  on  convient  de  reftituer 
le  temporel  de  l'Evêché  de  Nantes ,  faiii  depuis  la  mort  de 
Pierre  du  Chaffaut ,  en  1488.  Le  lendemain  8  du  mois,  Yves 
du  Quirifec  ,  Grand- Vicaire  de  FEvêque  abfent ,  accorde  une 
difpenfe  de  trois  bancs  ,  &  le  mariage  efl:  célébré ,  dans  la  Cha- 
pelle du  château  ,  par  le  Cardinal  de  Rouen.  Leurs  Majeflés 
partent  peu  après  de  Nantes. 

On  arrivoit  alors  au  Port-Maillard  par  un  pont  de  bois ,  qui 
étoit  fur  un  foffé  à  l'entrée  du  port.  Le  pont  fut  démoli ,  le 
foffé  comblé  &  pavé,  au  mois  de  Mai  1499.  Par  ordre  de  la 
Reine  ,  on  fit  bâtir ,  pour  la  décoration  du  château ,  plufieurs 
maifons  du  côté  de  la  ville ,  &  deux  autres  à  l'entrée  de  Ri- 
chebourg.  Pour  élargir  l'entrée  de  ce  fauxbourg ,  le  Bureau  de 
ville  acheta  quelques  maifons  qui  étoient  du  côté  de  la  Motte 
Saint-Pierre ,  &  les  fit  démolir.  On  ignore  quand  les  prairies  qui 
étoient  entre  Richebourg  &  Saint-Clément ,  furent  occupées  par 
des  maifons  j  tout  ce  qu'on  fçait ,  c'efl  qu'en  1425  elles  s'étenr 
doient  encore  au  delà  des  Urfulines. 

Un  ancien  règlement  pour  la  Collégiale  nous  apprend  que  le 
Chefecier  &  les  Chanoines  étoient  tenus  d'aflifiier  à  l'Office  les 
jours  de  diflribution  ,  fous  peine  de  perdre  ce  qui  leur  revenoit. 
Ils  recevoient  deux  deniers  pour  leur  droit  d'affiltance  à  Matines, 
&  deux  deniers  pour  leur  droit  d'affiftance  à  Vêpres  :  dans  les 
fêtes  folemnelles,  la  diftribution  étoit  double. 

1499.  La  Communauté  de  ville  fait  bâtir  un  nouvel  Hôpital 
dans  la  rue  nommée  du  Vieil-Hôpital ,  fur  la  rivière,  d'Erdre ,  à 
l'endroit  011  cette  rivière  fe  jette  dans  celle  de  Loire  ,  &  l'on 
y  conftrutt ,  en  même  temps ,  un  nouveau  pont  de  bois,  C'eft  aufli 
fur  la  fin  de  cette  année  que  la  ParoifTe  de  Saint-Nicolas  détruit  fon 

autel , 


N  A  N  ,     .      i^i 

autel,  &  en  commence  un  nouveau  fur  le  modèle  de  l'ancien  :  il  fut 
achevé  en  1501.  Le  facraire  ,  que  nous  appelions  aujourd'hui 
tabernacle^  étoit  derrière  l'autel,  avec  un  degré  de  pierre  pour 
y  monter.  On  Ht  dans  un  extrait  des  regiftres  de  cette  Paroiffe , 
que  ,  dans  ce  temps ,  l'Evêque  ou  fon  Grand-Vicaire  ordonnoit , 
avec  le  confentement  des  Paroiffiens ,  des  tailles  ou  importions 
par  tête  ,  pour  Je  befoin  d'une  Eglife  ;  affermoit  les  biens 
d'une  Cure  vacante  ou  en  litige  j  fe  tranfportoit  fur  les  lieux 
pour  faire  les  fermes  ;  donnoit  des  lettres  de  Cure  ;  &  que 
le  Grand -Vicaire  mettoit  l'niterdit  fur  l'Eghfe  pour  laquelle 
il  y  avoir  pr.ocès ,  le  levoit  de  fon  autorité ,  &  en  tiroit  des 
droits, 

1500.  La  Chambre  des  Comptes  eft  transférée  de  Vannes  à 
Nantes ,  par  le  Roi ,  qui  lui  donne  l'hôtel  de  la  Suze.  La  Com- 
pagnie vivoit  alors  en  communauté ,  aux  dépens  du  Roi.  A  la 
même  époque ,  la  ville  fait  abattre  la  galerie  qui  étoit  attachée 
à  la  muraille  du  Bouffay.  On  fait  auffi  démolir  plufieurs  maifons 
pour  continuer  la  conflruftion  du  boulevard  &  de  la  porte  de 
Saint-Nicolas  ,  à  la  muraille  de  laquelle  on  attache  une  galerie 
femblable  à  celle  qu'on  venoit  de  détruire  au  Bouffay,  tSi  qui 
fubfiltoit  encore  en  1750.  La  ville  eft  ravagée  par  la  pefte. 
On  implore  la  proteftion  du  Ciel  ,  &  on  fait  une  procefiion 
générale  à  Saint-Sébaftien  :  on  nous  a  confervé  le  détail  de 
cette  proceffion.  Deux  trompettes  précédoient  le  Clergé  &  le 
peuple ,  &  fonnoient  la  marche  \  venoient  enfuite  des  Prêtres  qui 
portoient  une  bougie  de  deux  cents  brafTes.  Ce  cierge  immenfe 
faifoit  le  tour  de  la  ville  ,  &  pefoit  vingt  Hvres  un  quart.  Rendu 
à  Pirmil ,  on  le  tranfporta  ,  par  eau ,  jufqu'à  Saint-Sébaflien. 
Quelque  temps  après ,  on  fait  encore  une  nouvelle  proceffion  géné- 
rale avec  le  Saint-Sacrement  ;  on  fe  rend  d'abord  à  la  Chapelle  de 
Saint-Marc ,  au  Collège  ,  &  de  là  à  l'Hôpital  de  Saint-Clément. 
La  contagion  continue  fes  ravages ,  &  emporte ,  en  peu  de 
temps ,  plus  de  quatre  mille  perfonnes.  Les  plus  riches  habi- 
tants abandonnent  la  ville ,  qui  devient  prefque  défer'te.  Les 
Grands- Vicaires  &  beaucoup  d'autres  Prêtres  s'étoient  réfugiés  au 
Loroux-Bottereau.  Ce  fait  efl  prouvé  par  les  comptes  de  la  Fa- 
brique de  Saint-Nicolas  y  qui  afTurent  que  deux  Prêtres  de  la 
Paroiffe  ,  qui  venoient  d'être  nommés  Curés  ,  furent  obligés 
d'aller  y  prendre  leurs  lettres  de  Cure  du  Grand  -  Vicaire. 
Il  étoit  d'ufage  d'expédier  ces  lettres  au  Synode ,  mais  les 
circonffances  ne  permettoient  pas  d'en  affembler  alors.  Jean 
Tome  IIL  X 


iGz  NAN 

d'Epinai  {a)  avoit  été  transféré  à  l'Evêché  de  Saint-Pol-de-Léon  , 
au  commencement  de  Tannée.  La  Reine  Anne  engage  le  Roi  à 
demander  des  Bulles  pour  Guillaume  Gueguen ,  qui  avoit  été 
élu  par  le  Chapitre  dès  l'an  1487.  Ce  Prélat  les  reçoit  le  12 
Avril,  &  prend  pofTeffion  de  fon  Siège.  Il  fait  imprimer,  en 
1501  ,  un  Miffel ,  en  très-beaux  caractères  gothiques.  En  1502, 
il  dépenfe  une  fomme  de  deux  mille  huit  cents  livres  pour  la 
conftruClion  des  Chapelles  de  Sainte-Magdeleine  &  de  Saint- 
Hervé.  Il  fait  aufli  rebâtir  une  partie  de  fon  Palais  épifcopal , 
ruiné  par  les  guerres  précédentes ,  &  y  met  fes  armes  qu'on  y 
voit  encore.  La  même  année  1502,  un  bedeau  de  rUniverfîté 
vole  le  Ciboire  de  la  Cathédrale  ,  &  jette  les  Hofties  dans  un 
lieu  caché  &  à  l'écart.  Le  profanateur  facrilege  eil  découvert 
&  forcé  d'indiquer  le  lieu  où  il  avoit  jette  les  faintes  Hofties. 
L'Evêque  va  procefîionnellement  les  prendre ,  &  les  rapporte 
folemnellement   dans  le  tabernacle. 

Le  10  Février  1504,  le  Roi  étoit  à  Nantes;  il  y  rendit  une 
Ordonnance ,  qui  foumettoit  les  habitants  de  la  ville  à  faire  le 
guet  dans  la  ville  &  au  château. 

La  Chapelle  de  Sainte-Catherine  fut  bâtie  ,  en  1504  ,  près  la 
rivière  d'Erdre  j  &  le  Commandeur  y  fit  célébrer  la  MefTe , 
par  permifîlon  du  Grand-Vicaire  ,  le  jour  de  la  fête  de  la  Pa- 
trone ,  quoique  le  bâtiment  ne  ï\xt  pas  achevé.  Elle  ne  fub- 
fifle  plus;  elle  fut  démolie  environ  l'an  1756.  La  conftruftion 
de  l'autel  rappelloit  l'ancien  ufage ,  qui  étoit  de  laifTer  un  vuide 
derrière  l'autel ,  &  d'y  pratiquer  un  petit  degré  pour  monter  au 
tabernacle  ,  où  on  confervoit  la  fainte  Euchariflie  pour  la  com- 
munion des  Fidèles.  Le  Sous-Diacre  fe  plaçoit  dans  ce  degré , 
d'où  il  examinoit ,  pendant  une  grande  partie  de  la  MelTe ,  ce 
qui  fe  paflbit  dans  l'Eglife.  Dans  l'Abbaye  de  Tournus ,  fondée 
par  Charles  le  Chauve,  &  érigée  en  Collégiale  l'an  1^23  ,  eft 
un  éventail  fingulier  dont  le  Diacre  fe  fervoit  pour  empêcher 
les  petits  animaux  volants  de  tomiber  dans  le  CaHce.  Je  n'ai 
rien  trouvé  qui  puifle  faire  croire  qu'on  ait  pratiqué  cela  en 
Bretagne  dans  la  Chapelle  dont  je  viens  de  parler;  il  y  en 
avoit  une  autre  beaucoup  plus  ancienne ,  dont  j'ai  ci-devant  fait 
mention. 


(  d  )  Nous  avons  de  ce  Prélat  un  Ri- 
tuel ,  qui ,  félon  l'ancien  ufage  ,  ordonne 
de  donner  l'Extrême-Onflion  avant  le  faint 
Viatique  ;  ôc  des  Statuts,  qui  défendent  de 


fe  confefTcr  à  aatre  Prêtre  qu'à  fon  Curé  , 
fans  la  permiflion  de  l'Evêque  ou  du  \  i- 
caire  général. 


NAN  léj 

1505.  La  Reine  Anne  part  de  Nantes  le  4  Juillet ,  fe  rend  à 
Morlaix,  &  de  là  -^  Samt-Jean  du  Doigt.  L'Evêque  de  Nantes,  qui 
l'accompagne  dans  ce  voyage,  meurt  à  fon  retour,  dans  la  nuit 
du  23  au  24  Novembre  1506.  Le  16  du  même  mois,  il  eft  en- 
terré devant  l'autel  de  Samt-Clair ,  dans  la  Cathédrale.  Ce  Prélat 
étoit  Abbé  Commendataire  de  Saint  -  Sauveur  de  Redon.  Ro- 
bert VI  du  nom,  dit   GuiU ,  Evêque   de   Rennes,  lui  fuccede. 

On  lit  dans  un  compte  de  la  Fabrique  de  Saint-Nicolas,  des 
années  1504  &  1505,  qu'on  ne  donnoit  point  la  communion 
au  baluftre  ,  mais  à  une  table  élevée  &  poféc  fur  des  tréteaux , 
dont  on  fe  fervoit  encore  l'an  1537.  On  y  donnoit  un  peu  de 
vin  à  ceux  qui  en  vouloicnt ,  moyennant  quelques  deniers  qu'on 
laiffoit  fur  la  table ,  au  profit  de  la  Fabrique.  Ceci  feroit  croire 
que  les  communiants  fe  tenoient  debout ,  à  l'imitation  des  Juifs  , 
qui  mangeoient  de  cette  façon  leur  Agneau  Pafchal.  Les  comptes 
de  la  même  Fabrique  nous  apprennent  qu'on  habilloit  autrefois 
les  images  des  Saints ,  de  linges  fins  &  des  étoffes  les  plus  pré- 
cieufes.  Depuis  la  Touffaiîit  julqu'à  Pâques  ,  on  couvroit  de  paille 
le  pavé  de  l'Eglife  j  &  depuis  Pâques  jufqu'à  la  Toufîaint,  on  y 
répandoit  des  teuilles  d'arbres  ,  du  jonc  verd ,  &  des  fleurs.  Cet 
ufage  dura  jufqu'en  1633.  On  lavoit  aufll ,  le  jeudi  de  chaque 
femaine  ,  les  autels ,  de  vin  bouilli  avec  des  herbes  aromati- 
ques ;  &  l'on  mettoit  dans  les  lampes  du  vin  &  de  l'huile.  Ces 
cérémonies  étoient  générales ,  &  ufitées  à  la  ville  comme  à  la 
campagne. 

Le  25  Mai  150(5,  on  tranfporta ,  avec  beaucoup  de  pompe, 
de  l'Eglife  Cathédrale  de  Nantes  à  celle  des  Pères  Carmes ,  le 
corps  de  Marguerite  de  Foix ,  féconde  femme  du  Duc  Fran- 
çois II ,  &  mère  de  la  Reine  Anne.  Cette  tranflation  fe  fit  en 
vertu  d'une  Bulle  du  Pape  Jules  II.  La  Reine  avoit  déjà  donné 
ordre  à  Michel  Colom ,  Sculpteur  célèbre  du  diocefe  de  Saint- 
Pol-de-Léon ,  de  travailler  au  tombeau  de  fon  père  dans  l'Eghfe 
des  Pères  Carmes.  En  conféquence  ,  cet  Artifte  fit  le  fuperbe 
maufolée  dont  nous  parlerons  ci-après. 

Les  tapiffenes  que  la  Reine  avoit  au  château ,  furent  portées, 
en  1509,  à  Saint-Nicolas ,  &  tendues  à  toutes  les  grandes  fêtes 
de  l'année,  jufqu'au  16  Oftobre  1512.  Il  y  a  même  apparence 
qu'elles  fervirent  à  cette  Eghfe  jufqu'à  la  mort  de  la  Princeffe. 
La  Ducheffe  Marguerite  de  Foix  avoit  fait  préfent  à  cette  Pa- 
roifle  d'un  Calice  précieux.  La  Reine  Anne ,  non  moms  zélée 
que  fa    mère  ,  lui   en  donna   un   d'or ,  avec   des  orceaux  de 


1^4  NAN 

même  métal ,  ^  un  ornement  complet.  La  Reine  Claude ,  époufe 
de  François  I ,  donna  auffi  un  riche  ornement  violet.  Ce  der- 
nier eu  le  feul  monument  qui  refte  aujourd'hui  à  la  ParoilTe  de 
Saint-Nicolas  ,  de  la  piété  de  ces  augufles  PrincefTes. 

1511.  Robert  Guibé ,  Cardinal  &  Evêque  de  Nantes,  réfigne 
fon  Evêché  à  fon  neveu  François  Hamon  :  c'eft  le  fécond  Evê- 
que du  nom  de  François  ;  il  ne    fit  fon   entrée  que   l'an   1 5 1 4. 

L'an  1 5 1 3  ,  François  de  Chateaubriand  ,  Grand-Chantre  de 
la  Cathédrale  de  Nantes ,  Chanoine  &  Comte  de  Lyon ,  fonda 
l'autel  de  Saint-Lazare ,  dans  la  Chapelle  de  la  Sainte-Epine  de 
FEghfe  Cathédrale ,  comme  le  prouve  l'infcription  latine  ,  en 
cara61eres  gothiques ,  qu'on  voit  au  defîus  de  cet  autel. 

La  Reine  Anne  mourut  à  Blois ,  le  9  Janvier  1514,  âgée  de 
trente-fept  ans  moins  feize  jours.  Son  cœur  fut  apporté  à  Nantes 
le  1 9  Mars ,  &  dépofé  dans  l'Eglife  des  Chartreux ,  fur  le  tom- 
beau d'Artur  III ,  où  il  relia  jufqu'au  1 9  du  même  mois  ,  qu'il 
fut  porté  aux  Carmes  fous  un  poêle  d'or  foutenu  par  l'Abbé 
de  Quiniperlé  ,  Vice-Chancelier  de  Bretagne ,  accompagné  d'un 
grand  nombre  de  Seigneurs  &  de -tous  les  Corps  de  citoyens. 
Les  rues,  depuis  la  porte  Saint -Pierre  jufqu'aux  Changes  &:  de 
là  aux  Carmes ,  étoient  tendues  de  noir ,  avec  des  cierges  & 
des  éculFons  aux  armes  de  la  Reine  ,  placés  d'efpace  en  efpace  : 
cent  pauvres  habillés  de  noir  aux  dépens  de  la  ville ,  &  cent 
hommes  en  grand  deuil ,  tenant  à  la  main  une  torche  de  cire 
du  poids  de  deux  livres ,  précédoient  le  convoi ,  qui  marchoit 
au  fon  de  toutes  les  cloches  de  la  ville  ;  ils  éto:cnt  fui  vis  du 
Clergé  Séculier  &:  RéguUer ,  qui  célébra  cent  Méfies  baffes , 
pour  le  repos  de  l'âme  de  la  Reine  ,  à  deux  fols  de  rétribu- 
tion chacune.  La  ville  fit  tous  les  frais ,  qui  montèrent  à  la 
fomme  de  fept  cents  quatre-vingt-quatorze  livres  fix  fols  trois 
deniers ,  non  compris  quatre-vingt  livres  de  cire  que  donnèrent 
les  Frères  de  la  Véronique  ,  parce  que  la  Reine  étoit  de  leur 
Confrairie.  Cette  fomme  fait  plus  de  mille  écus  de  notre  mon- 
noie ,  puifque  le  marc  d'argent  étoit  à  douze  livres  quinze  fols. 
Les  deux  Chapitres  reçurent  de  gros  honoraires ,  mais  le  Curé 
de  Saint-Vincent  &  la  plupart  de  fes  Confrères  ne  voulurent 
accepter  aucune  rétribution.  Après  la  Méfie ,  qui  fut  célébrée 
dans  l'Eglife  des  Carmes  par  François  Hamon ,  le  cœur  de  la 
Reine  fut  mis  dans  le  tombeau  de  fes  père  &  mère  ,  par  Phi- 
lippe de  Montauban  ,  Chancelier  de  Bretagne  &  Chambellan  du 
Roi.  Ce  tombeau  ou  maufolée  renferme ,  outre  le  cœur  de  la 


NAN  1^5 

Reine  Anne  ,  les  corps  de  François  II  &  de  fes  deux  femmes , 
Marguerite  de  Bretagne  &"  Marguerite  de  Foix.  Il  eft  de  marbre 
blanc ,  noir ,  &  rouge  ,  élevé  de  cinq  pieds  ,  &  pofé  fur  un 
focle  de  marbre  blanc  de  quinze  pouces  trois  lignes ,  faifant  le 
pourtour  du  tombeau ,  qui  a  neuf  pieds  trois  pouces  neuf  lignes 
de  longueur ,  fur  quatre  pieds  quatre  pouces  de  largeur.  Le 
couronnement ,  qui  eft  de  marbre  noir  ,  a  dix  pieds  de  longueur , 
fur  cinq  pieds  un  pouce  de  largeur ,  &  forme  une  faillie  de 
huit  pouces  dans  tout  fon  tour.  Sur  le  tombeau  font  couchées 
deux  flatues  de  hauteur  d'homme  ,  avec  une  couronne  &  le 
manteau  ducal  :  celle  qui  eft  à  la  droite  ,  repréfente  le  Duc 
François  II  j  &  celle  de  la  gauche  ,  Marguerite  de  Foix  ,  fa 
féconde  femme.  La  tête  de  chacune  de  ces  flatues  eft  foutenue 
d'un  oreiller ,  tenu  par  trois  Anges  de  deux  pieds  deux  pouces 
<ie-  hauteur.  Aux  pieds  du  Duc ,  eft  une  figure  de  lion  cou- 
ché fur  le  ventre  ,  &  tenant  entre  fes  deux  pattes  les  armes 
de  Bretagne  pleines  -,  &  aux  pieds  de  la  Duchefle  ,  eft  un  lévrier 
couché  fur  le  ventre  ,  &  tenant  entre  fes  pattes  l'écuflbn  aux 
armes  de  la  DuchelTe  ,  partie  de  Bretagne  &  de  Foix ,  entouré 
d'une  cordelière  d'un  travail  fini.  Aux  quatre  angles ,  font  quatre 
figures  pedcftres  de  hauteur  naturelle ,  repréfentant  les  quatre 
Vertus  cardinales ,  avec  leurs  attributs  :  celles-ci  font  accom- 
pagnées de  quatre  écuiïbns  aux  armes  pleines  de  Bretagne,  avec 
une  couronne  ducale  ;  toutes  ces  figures  font  en  marbre  blanc. 
Aux  deux  côtés  font  les  figures  des  douze  Apôtres ,  en  marbre 
blanc ,  de  la  hauteur  d'un  pied  dix  pouces ,  placées  dans  des 
niches  de  marbre  rouge  ,  dont  les  impoftes  font  de  marbre 
blanc.  Entre  ces  niches  font  des  pilaftres  en  marbre  blanc  ,  avec 
leurs  bafes  &  chapiteaux  de  l'ordre  componte.  A  l'un  des  bouts 
du  tombeau  &  fous  la  même  hgne  des  douze  Apôtres ,  fous 
la  tête  du  Duc  ,  eft  un  Saint  François  d'Affife  ;  &  fous  la  tête 
de  la  Duchcfte  ,  eft  la  figure  de  Sainte  Marguerite ,  en  marbre- 
blanc.  Ces  deux  figures  ont  chacune  vingt- deux  pouces  de  hau- 
teur ,  &  ont  les  mêmes  ornements  que  celles  des  Apôtres.  A 
l'autre  bout ,  du  côté  des  pieds ,  font  deux  autres  figures  de 
même  hauteur  que  les  deux  précédentes  ;  l'une  repréfente  l'Em- 
pereur Charlemagne ,  &  l'autre ,  le   Roi  Saint  Louis. 

La  bafe  du  maufolée  eft  décorée  de  fcize  petites  figures  qui 
ont  le  vifage  &  les  mains  de  marbre  blanc  ,  &  le  refte  du 
corps  en  marbre  noir  :  elles  repréfentent  feize  pleureufes ,  placées 
dans  des  niches  rondes  de  treize  pouces  de  diamètre  j  les  unes 


i66  NAN 

font  à  genoux ,  les  autres  accroupies.  Ce  tombeau  eft  ifolé  8c 
entouré  d'une  grille  de  fer.  Il  fut  placé  en  1507,  dans  le  chœur 
de  cette  Egiiie  ,  en  face  du  grand  autel,  dont  il  elt  éloigné  de 
dix-fept  pieds  quatre  pouces. 

La  Reine  Anne  laifîà  dans  fa  tréforerie  ,  au  château  de  Nantes, 
pluiieurs  riches  effets  &  de  très-belles  tapilTenes.  L'inventaire 
qui  en  fut  fait ,  le  4  Avril  1 5 14  ,  ell  à  la  Chambre  des  Comptes. 
Les  bijoux  furent  donnés  à  Madame  Claude  de  France  ,  fiiie  de 
la  Reine ,  mais  les  tapilTeries  relièrent  au  château. 

Au  vitrage  de  -la  Chapelle  de  Saint-Hervé  &  de  Sainte-Mag- 
deleine ,  dans  l'Eghfe  Cathédrale  de  Nantes  ,  fe  voit  le  portrait 
de  Mathurin  de  Pledran  ,  Refteur  des  Lglifes  paroiffiales  de 
Saint-Denis  &  Saint-Sébafticn ,  au  diocefe  de  Nantes,  nommé 
Evêque  de  Dol  en  1505,  &  mort  le  10  Décembre  1523.  Ce 
Prélat  efl  repréfenté  à  genoux,  mitre  en  tête,  la  Croix  Ar- 
chiépifcopale  à  la  main,  &  revêtu  d'une  chape  d'or  femée  de 
macles  d'azur. 

En  conféquence  d'une  délibération  de  la  Communauté  de 
ville ,  aflemblée  au  château  en  1 5 1 4 ,  on  bâtit  le  pont  d'Er- 
dre  en  bois.  C'eft  le  premier  qui  ait  été  conllruit  en  cet  en- 
droit. Les  titres  de  la  Cham.bre  des  Com.ptes,  qui  étoient  à  Vannes, 
furent  alors  apportés  à  Nantes.  On  ignore  l'établilTement  de 
cette  Cham.bre  ,  &  par  conféquent ,  le  nombre  des  Officiers 
dont  elle  fut  d'abord  compofée  :  elle  n'a  confervé  dans  fes  ar- 
chives aucun  titre  qui  puiiîe  inilruire  le  Pubhc  là-delTus.  On 
prétend  qu'elle  fut  fondée  par  les  premiers  Princes  Bretons.  Elle 
vivoit  d'abord  en  communauté  ,  aux  dépens  du  Souverain  ,  & 
n'étoit  point  attachée  à  une  ville  plutôt  qu'à  une  autre.  Elle  demeura 
quelque  temps  à  Muffillac  ,  où  l'on  voit  encore  les  ruines  du 
bâtiment  qu'elle  occupoit.  Il  fut  brûlé  par  les  Anglais  ,  avec  la 
plus  grande  partie  des  archives  qu'il  renfermoit.  De -là  vient, 
fans  doute ,  la  difette   des  anciens  titres. 

La  Chambre  étoit  à  Vannes  en  1490  relie  étoit  pour  lors 
compofée  de  deux  Préfidents ,  de  cinq  Maîtres ,  de  neuf  Au- 
diteurs ,  d'un  Procureur  général ,  d'un  Huiffier ,  &  d\in  Payeur 
de  gages.  Charles  VIII ,  après  fon  mariage  avec  Anne  de  Bre- 
tagne ,  confirma  l'étabUfiement  de  la  Compagnie ,  par  lettres- 
patentes  du  mois  d'Août  1492.  Après  diverfes il  la  fixa 

à  Nantes,  dans  l'hôtel  de  la  Suze  ,  ou  maifon  de  Montfort,  que 
le  Chapitre  de  Notre-Dame  avoir  acquife  après  la  mort  de 
Gilles  de  Laval,  Seigneur  de  Retz.  La  Compagnie  ne  trouva 


N  A  N  1^7 

pas  cette  maifon  commode  ,  &  tint  fes  féances  aux  Cordeliers. 
Louis  XII  ,  qui  avoit  projette  de  lui  faire  bâtir  un  Palais  à 
Nantes  ,  fit  acheter ,  par  fes  Receveurs  des  Fouages ,  plufieurs 
maifons ,  cours,  &  jardins,  fur  les  bords  de  la  rivière  d'Erdre, 
&  ordonna  de  commencer  l'édifice  ;  mais  les  guerres  que  ce 
Monarque  eut  à  foutenir  ne  lui  permirent  pas  de  le  continuer, 
de  forte  qu'il  ne  fut  achevé  que  fous  le  règne  de  Henri  IL 

1515.  Louis  Xïï  meurt  le  i  Janvier,  emportant  au  tombeau 
les  regrets  d'un  peuple  dont  il  fut  le  père  bienfaifant.  François , 
Comte  d'Angoulême^fon  fucceffeur  ,  avoit  époufé  Madame  Claude 
de  France  ,  héritière  de  Bretagne.  Ce  Monarque  pourvoit  aux 
affaires  de  la  Bretagne  ,  fans  préjudice  des  droits  de  Madame 
Renée ,  féconde  fille  de  Louis  XII  &  de  la  Reine  Anne. 

Les  Eghfes  fervoient  alors  d'afyle  aux  coupables  ,  dont  on 
n  ofoit  fe  faifir  dans  ces  lieux  confacrés  au  Service  divin ,  fous 
peine  d'excommunication.  Un  prifonnier ,  échappé  des  prifons 
de  Nantes  en  1 5 1 5  ,  fe  retira  dans  l'Eglife  de  Saint-Nicolas , 
&:  y  palTa  huit  jours  aux  frais  de  la  Fabrique  ,  à  quinze  de- 
niers par  jour.  Un  compte  de  Fabrique  nous  apprend  encore 
qu'un  autre  prifonnier  ^  retiré  dans  cette  EgHfe ,  y  pafFa  huit 
jours ,  à  raifon  de  dix  deniers  tournois  ;  que  les  enfants  expofés 
demeuroient  aux  charges  des  ParoifTes  fur  lefquels  on  les  trouvoit , 
&  qu'on  ne  les  portoit  point,  à  l'Hôpital  comme  on  fait  aujour- 
d'hui. Ce  fut  pendant  le  Carême  de  cette  année  qu'on  toléra  , 
pour  la  première  fois  _,  l'ufage  du  beurre  &  du  lait ,  mets  dé- 
fendus jufques-là  fous  peine  d'excommunication. 

Les  Paroifles  du  diocefe  avoient  beaucoup  de  dévotion  à  Saint- 
SébalHen  j  outre  qu'elles  y  alloient  en  procefîion ,  elles  y  en- 
voyoient  encore  des  cierges.  La  ParoifTe  de  Saint-Nicolas  lui  en 
donnoit  tous  les  ans  un ,  du  poids  de  quatre-vingt  Hvres  ,  qui  fer- 
voit  pendant  toute  l'année ,  au  bout  de  laquelle  la  Fabrique  de 
Saint-Nicolas  prenoit  ce  qui  en  refloit ,  &  en  donnoit  un  nou- 
veau ,  qui  étoit  porté  proceffionnellement  dans  une  gabare  ou 
petit  vaifTeau ,  auquel  il  fervoit ,  pour  ainfi  dire  ,  de  mât. 

Infcription  qu'on  voit  fur  une  plaque  de  bronze ,  attachée  au 
mur  de  la  Chapelle  de  la  Sainte-Epine ,  en  l'Eglife  Cathédrale. 

Par  la  pointe  &  venin  d'Atropos, 
Gift  ci-dedans  &:  eft  mis  en  repos 
Le  corps  de  feu  très-noble  &  très-fcient , 
Maître  François  did  de  Chateaubriand, 


léS  N  A  N 

En  Ton  vivant ,  cyens  Chantre  &  Chanoine  , 
Et  de  Lyon    Comte   &  Chanoine  ydoine , 
Reéleur  de   Oudon ,  de  Jans  ,  &  Cordemais. 
Or  ,  il  a  prlns  de  la  inort  l'entremais , 
Lui  qui  étoit  fi  fage  &  fi  bon  Prêtre, 
Commandateur  du  Prieuré  du  Pertre  , 
Frère  puifné  du  Sire  de  Beaufort , 
Et  d'Orange  encor  qui  eft  plus  fort, 

Nepveu    étoit 

Du  Cardinal  de  Saint-  Martin  des   Monts , 

Et  de   Bordeaux  mêmement  Archevêque , 

Nepveu  étoit  d'autres  Pafteurs ,  avecque 

Des  Evêques  Valence  6i  Mirepoix  ; 

Fondateur  fut  de  deux  Chapellenies , 

Ici-dedans  données  &  bien   garnies  ; 

De  Saint-Lazare  a   le  double  fondé. 

Et  une  Meiïe  ;  &  mort  l'a  afcondé , 

Doze    en  Novembre  &:  mil  cinq  cens  &  felze. 

Prie  à  Dieu   que  l'ame  au  ciel  fe  aife. 

La  belle  maçonnerie  du  Puits-Lori  fut  faite  environ  l'an  1516. 
On  y  voyoit  cinq  grofTes  pierres  taillées  en  figures  d'animaux, 
&  on  y  arrivoit  par  un  degré  de  pierres  de  taille.  On  le  dé- 
truifît  au  commencement  de  ce  fiecle  pour  élargir  la  place ,  & 
la  maçonnerie  fut  transférée  fur  la  place  du  Bouffay.  On  ap- 
pelloit  ce  puits ,  le  grand  puits  j  &  c'étoit ,  fans  contredit ,  un 
des  ornements  de  la  ville. 

Le  Parlement  de  Paris  déclara ,  Tan  1 5 1  (3 ,  que  la  procédure 
en  première  inftance  à  la  Cour  de  Rome  ,  étoit  abufîve ,  & 
condamna,  par  fon  Arrêt,  l'Evêque  de  Nantes  &  fes  Grands- 
Vicaires  à  révoquer  &  annuUer  la  fentence  d'interdit  &  les  cen- 
fures  portées  contre  le  Curé  &  la  ParoifTe  de  la  Cornouaille , 
en  fon  diocefe.  L'année  fuivante ,  le  Roi  fit  détruire  les  éclufes 
qui  étoicnt  fur  la  Loire ,  parce  qu'elles  nuifoient  à  la  naviga- 
tion. Les  ordres  du  Monarque  furent  exécutés  avec  tant  d'exac- 
titude ,  qu'on  ne  voit  pas  aujourd'hui  les  moindres  veiliges  de 
ces  éclufes. 

On  croit  que  ce  fut  vers  ce  temps-là  que  fut  fondée ,  dans 
l'Eglife  de  Saint -Nicolas  ,  la  Confrairie  de  Notre-Dame  de  la 
Chandeleur.  L'an  1600,  le   Pape  Clément  VIII  y  attacha    de 

forte* 


NAN  169 

fortes  Indulgences  ,  qui  la  rendent  très-nombreufe.  A  quatre 
heures  &  demie  en  été  ,  &  à  cinq  heures  en  hiver ,  on  dit  tous 
les  jours  une  Melîe  baffe  pour  les  Confrères  :  elle  efl:  feulement 
chantée  le  famedi.  Lorfqu'un  Confrère  vient  à  mourir  ,  on  cé- 
lèbre ,  pour  le  repos  de  fon  ame ,  un  Service  général ,  &  on 
lui  fait  dire  trente  Meffes. 

Yves  du  Quirifec ,  Chanoine  de  la  Cathédrale  &  ci  -  devant 
Grand -Vicaire  du  diocefe ,  homme  de  mérite,  fonda  le  Salut 
qui  fe  chante  à  la  Cathédrale  tous  les  famedis  de  l'année ,  après 
Comphes  ,  devant  l'autel  de  Notre-Dame  de  Bonne-Nouvelle  :  il 
fonda  auffi  deux  Chapellenies ,  de  chacune  deux  Meffes  par  fe- 
maine.  Il  mourut,  à  Nantes ,  le  15  Janvier  15 18,  &  fut  enterré 
dans  la  Cathédrale.  Sa  fépulture  ell:  couverte  d'une  tombe  de 
cuivre  avec  cette  infcription, 

Yvonem  du  Quirifec  ,  utrlufq,  juris  Doclore  ment'ijjimïi , 
Eccliar  Nannetenjis  Canonial ,  Veneteh  Scholaflicu ,  Trecorcîijîs 
Thefaurariu  ,  fermais  Quadragefiœ  ,  atque  Saluas  fabhadnœ  devo^ 
tijjimu  Fundatore  ,  Britanniœ  Senatûs  diadema ,  indulgendffimu 
pâtre  ,  utile  mudo  ,  nobis  neceffanu ,  amicor  fpem  ,  mor  fpecimen  , 
virtutù  templum ,  pauper  cofugiu  ,  honeflat  ymagine  ,  nobilitatis 
nomia  ,  litterar  fîudior  amatorc  ,  Cleri  luce  ,  tpefiivè  nubes 
mortis  ex  hus  turbulenti  mundi  tempefiatib  i  prœdara  coelor 
palacia  {a),  die  XVI  mef  Januani  ano  uginei  partûs  ibiS, 
Cujus  reliquiœ  requiefcwit  hic  fub  tumulo^ 

La  peffe  défola  la  ville  de  Nantes  aux  mois  de  Janvier  &  de 
Février.  Pendant  cette  épidémie ,  on  commit  deux  Sergents ,  à 
trois  livres  de  gages  .chacun  par  mois ,  pour  évacuer  les  maifons 
où  il  y  avoir  eu  des  peffiférés ,  les  fermer ,  &  les  fceller  du 
fceau  de  la  ville.  Le  Roi  François  I ,  la  Reine  Claude ,  Du- 
cheffe  de  Bretagne ,  fon  époufe  ,  accompagnés  de  Madame 
Louife ,  Comteffe  d'Angoulême ,  arrivèrent  à  Nantes  le  1 3  Août 
1 5 1 8.  Leurs  Majeftés  firent  leur  entrée  ,  le  20  du  même  mois  y 
par  la  porte  Saint -Nicolas,  où  elles  furent  reçues  fous  deux 
dais.  A  loccafion  de  cette  fête  ,  le  Bureau  de  ville  avoir  fait 
conftruire  plulieurs    théâtres  :  fur   le  premier  ,  qui   étoit  près  la 

■  1  - 

(^j)  Subauditur^yw/?///ir. 

TomcIIL  Y 


,7o  N  A  N         _ 

porte  Saînt-Nîcolas ,  on  avoit  placé  une  petite  fille  fuperbement 
vêtue,  &  portée  fur  un  petit  globe  de  métal,  entre  deux  lions, 
qui  préfenta  les  clefs  de  la  ville  au  Roi.  Elles  étoient  au  nombre 
de  fix  ,  &  de  fer  argenté.  Les  autres  théâtres ,  qui  étoient  aux  car- 
refours de  Saint-Nicolas ,  de  la  Barillerie  aujourd'hui  de  la  Caf- 
ferie ,  du  Puits-Lori ,  de  Saint-Denis ,  &  des  Jacobins ,  étoient 
garnis  de  Chanteufes.  La  ville  n'en  fit  point  élever  fur  la  place 
Saint-Pierre  &  au  carrefour  des  Jacobins  :  elle  laifTa  ces  deux 
endroits  à  décorer  aux  Chapitres  de  la  Cathédrale  &  dé  la  Col- 
légiale,  qui  les  laifTerent   comme  ils  étoient. 

La  Communauté  de  ville  fit  préfenter  au  Roi  un  vaifTeau  d'ar- 
gent doré ,  du  poids  de  trente-deux  marcs  fept  onces ,  à  treize 
livres  le  marc ,  non  compris  la  façon  &  la  dorure ,  à  laquelle 
on  employa  cent  ducats  d'or ,  de  quarante-un  fols  fix  deniers. 
Le  préfent  qu'elle  offrit  à  la  Reine  Claude ,  fut  un  cœur  d'or 
accollé  de  deux  hermines  de  même  métal ,  pefant  fix  marcs.  On 
employa  à  cet  ouvrage  quatre  cents  vingt-fix  écus  &  demi  au 
foleil ,  de  quarante  fols.  Celui  de  Madame  la  Comteffe  d'Angou- 
lême ,  mère  du  Roi ,  fut  douze  taffes  de  vermeil  avec  leur  cou- 
vercle aufîi  de  vermeil.  On  employa ,  pour  les  dorer  ,  cent  trente- 
huit  ducats  deux  tiers  de  faluts ,  de  quarante-un  fols  fix  deniers. 
Il  y  a  apparence  que  la  matière  d'or  étoit  alors  très-rare  à  Nantes , 
puifqu'on  employa ,  pour  tous  ces  ouvrages ,  des  monnoies  de 
cours.  Les  préfents  &  les  frais  de  l'entrée  coûtèrent  à  la  Ville 
trois  mille  deux  cents  cinquante-cinq  livres  trois  deniers ,  fomme 
équivalente  à  trente  mille  livres  de  notre  monnoie  aftuelle,  puif- 
que  le  marc  d'or  étoit  à  cent  quarante-fept  livres,  &  le  marc 
d'argent  à  treize  livres. 

La  proceffion  de  la  Fête-Dieu  continuoit  de  fe  rendre  de  Saint 
Pierre  à  Saint-Nicolas,  &  devenoit  tous  les  ans  plus  folemnelle. 
En  1518,  les  Paroifies  &  les  Confrères  y  firent  porter,  pour 
la  première  fois,  des  cierges  de  cire.  En  1520,  la  Paroiffe  de 
Saint-Nicolas  en  fit  faire  un  qui  pefoit  quatre-vingt  livres  :  il  fut 
porté  par  quatre  hommes  qui  le  plaçoient  fur  un  brancard.  Cette 
multitude  de  cierges  fit  bientôt  naître  des  jaloufies  &  des  dif- 
putes  affez  férieufes.  C'étoit  à  qui  auroit  le  pas  ;  &  l'affaire  fut 
pouffée  fi  loin  que  ,  l'an  1522,  les  Magifi:rats  furent  obligés  de 
régler  les  rangs  de  chacun  des  cierges.  Dans  la  fuite  ,  on  abolit 
la  coutume  de  faire  des  cierges  de  cire  ,  parce  que  l'envie 
qu'avoient  les  différents  Corps  de  fe  furpaffer  mutuellement  les 
engageoit  à  faire  des  dépenfes  trop  confidérables.  On  fubftitua 


_       N  A  N  _  171 

donc  aux  cierges  de  cire  des  machines  de  bois  artiflement  tra- 
vaillées, fur  le  fommet  defquelles  on  mettoit  un  petit  cierge. 
Ces  machines  fubfiftent  encore  :  on  les  porte  même  tous  les  ans  en 
proceflion  j  elles  font  d'une  grofleur  prodigieufe  ,  &  font  toujours 
appellées  cierges. 

L'an  15 19,  peu  de  temps  après  le  départ  de  la  Cour,  les 
Fermiers  du  domaine  tentèrent  d'établir  le  falage  en  Bretagne, 
On  ne  fçait  fi  c'eit  par  ordre  du  Roi  ou  de  leur  propre  mouve- 
ment. Tout  ce  qu'on  fçait  ,  c'efl:  qu'ils  fe  flattoient  d'être  ap- 
prouvés, La  Communauté  de  ville,  qui  avoit  des  Députés  en 
Cour  ,  leur  envoya  des  ordres  précis  de  fe  plaindre  vivement  de 
la  tentative  des  Fermiers  ^  &  les  Etats ,  affemblés  à  Nantes  au 
mois  de  Septembre  fuivant ,  prirent  des  mefures  contre  ces  in- 
novations ,  &  firent  échouer  le  projet.  Le  Roi  vint  à  Nantes  le 
5  Septembre  de  l'an  15  20;  mais  on  ne  fçait  combien  de  ..temps 
il  y  demeura,   &  quel  fut  le  fujet  de  fon  voyage.       "-^^'^'^ 

Depuis  quelques  années,  l'Univerfité  avoit  un  Profefleur, '^i  don-h- 
noit  fes  leçons  de  Droit  dans  le  cloître  du  Prieuré  de  Saint-Martin,  ^z**^ 
auprès  de  l'Eghfe  de  Sainte-Croix  de  Nantes.    En  1521  ,  la  ville  -^f'^ 
forma  le  projet   de  bâtir  un  Collège  dans  ce  lieu,  &  d'y  unir    ^^^ 
ce  Prieuré  pour  l'entretien  des  Profeffeurs  j  mais  fes  follicitations        ^' 
furent    inutiles.. 

Le  Roi  étoit  à  Nantes  le  9  Juillet  1522.  Cette  année  &  la 
fuivante  y  la  ville  fut  défolée  par  la  perte.  On  eut  recours  au 
remède  dont  on  s'étoit  déjà  fervi  avec  fuccès  :  ce  fut  de  faire 
vuider  ,  fermer ,  &  fceller  les  maifons  où  étoient  morts  les  pefli- 
férés,  par  des  Commiflaires  nommés  à  cet  effet. 

L'an  1524,  Gilles  de  Comacre ,  Secrétaire  du  Roi,  apporta  à 
la  Chambre  des  Comptes  une  commifîion ,  qui  chargeoit  la  com- 
pagnie de  convoquer  à  Nantes,  les  Prélats  ,  Princes  ,  Barons, 
Gentilshommes,  vaffaux,  &  fujets  du  Duché  de  Bretagne,  & 
les  Officiers  tant  de  Juftice  que  des  Finances  ,  &  d'y  recevoir 
leur  ferment  de  fidéUté  au  nom  de  Sa  Majeflé. 

Environ  le  même  temps ,  François  de  Rohan  ,  Evêque  d'Angers, 

fit  ,  dans  l'Eglife  Cathédrale  de  Nantes ,  la  cérémonie de 

Saint  Gohard  ,  qui  y  avoit  été  maffacré,  avec  un  grand  nombre 
du  peuple,  le  24  Juin  843  ;  &  fixa  fa  fête  au  25  Juin,  à  caufe 
de  la   fête  de  Saint  Jean  ,  qui  arriva  le  jour  du  mafîacre. 

La  Reine  Claude  mourut  le  20  Juillet  1524.  Les  Etats  s'affem- 
blerent  à  Rennes,  le  28  Septembre  fuivant;  &  la  ville  de  Nantes 
reçut  ordre  du  Roi  ,,   qui  étoit  à-  Avignon ,   d'y  envoyer  fes- 


lyi  _     ^  N  A  N 

Députés  pour  lui  prêter  le  ferment  ordinaire  de  fidélité.  Ceci  feroît 
croire  que  la  commiffion  ci-delTus  rapportée  fut  fans  effet.  Le 
Roi  palfa  par  Nantes  au  mois  de  Juillet  1525,  en  revenant 
d'Efpagne,  où  il  avoit  été  conduit  prifonnier.  Il  accorda  un  pri- 
vilège à  l'Abbé  de  Saint-Sauveur  de  Redon.   (  Voyez   Redon.  ) 

Le  Chapitre  de  la  Cathédrale  de  Nantes  n'avoit  pas  eu  ,  jufqu'à 
l'an  1525,  d'autres  bedeaux  que  les  Sergents  de  fa  Jurifdiftion , 
qui  fervoient  dans  leur  habit  ordinaire.  Le  16  Mars ,  il  fut  ré- 
folu  de  leur  donner  des  robes  ,  dont  ils  ne  dévoient  fe  fervir  que 
dans  les  cérémonies  de  l'EgUfe.  Le  Diacre  de  la  Cathédrale  étoit 
alors  à  la  nomination  &  en  la  préfentation  du  Re6:eur  de  Saint- 
Séballien. 

Le  Chapitre  avoit  alors  des  droits  fmguliers.  Le  Prévôt  de 
Vertou  donnoit  au  Doyen,  pour  étrennes,  au  premier  de  l'an, 
cinq  échaudés ,  (  efpece  de  gâteau ,  )  trois  aux  Dignitaires ,  & 
deux  à  chaque  Chanoine.  L'Abbeffe  du  Roncerai  d'Angers  faifoit 
donner ,  le  jour  de  Noël  ,  à  chaque  Chanoine ,  une  grande  me- 
fure  &  un  tiers  de  pot  de  bon  vin ,  avec  onze  onces  de  pain. 
Un  particuUer  devoir  apporter,  le  jour  de  Pâques,  après-midi, 
aux  Chanoines  affemblés  fur  la  place  Saint  -  Pierre ,  une  raquette 
&  deux  balles  de  paume  de  redevance.  UnArtifte,  un  Artifan, 
ne  pouvoient  exercer  leur  art  ou  leur  métier ,  fur  le  fief  du 
Chapitre  ,  fans  en  avoir  obtenu  la  permiffion. 

L'an  1525,  François  Hamon  fit  faire  un  MifTel  ,  fur  lequel  il 
fit  mettre  fes  armes  ;  ce  qu'on  n'avoit  encore  point  vu  fur  aucun  livre 
d'Eglife.  On  trouve,  dans  quelques  exemplaires  de  ce  Milfel, 
une  lifte  allez  longue  des  Canons  pénitentiaux  &  des  cas  réfervés, 
avec  cette  condition  que  ,  fi  c'eft  l'Evêque  qui  pèche ,  on  lui 
double  la  pénitence.  Par  délibération  du  1 3  Février  1527,  le 
Chapitre  réfolut  de  tenir  une  lampe  allumée  devant  le  Saint-Sa- 
crement. Cette  année  fut  accablante  pour  le  peuple  du  Comté 
Nantais,  qui,  déjà  malheureux  par  la  difette  extrême  des  vivres, 
vit  encore  détruire  une  partie  de  fes  moiiïons  par  les  déborde- 
ments de  la  Loire.  La  difette  continua  jufqu'en  1532.  L'Eglife 
paroifTiale  de  Saint-Vincent  portoit  alors  le  nom  de  Saint-Aubin. 

Anne  de  Montmorenci ,  Grand-Maître  de  la  Maifon  du  Roi , 
Maréchal  de  France,  Gouverneur  de  Saint-Malo  &  de  la  Baf- 
tille,  fut  nommé  Capitaine  de  Nantes  en  1527.  La  ville  lui 
payoit  cent  livres  monnoie  d'appointements ,  fans  logement  ni 
meubles. 

L'an  1529,  l'Evêque  approuva  les  ftatuts  du  Chapitre ,  qu'on 


N  A  N  175 

venoit  de  corriger.  On  auroit  pu  encore  les  retoucher;  on  eût 
eu  moins  de  peine  à  les  obferver ,  dit  un  auteur.  La  pelle  rava- 
gea Nantes,  depuis  le  mois  de   Décembre  1530   jufqu'à  1535. 

On  lit ,  dans  un  afte  de  délibération  de  la  Communauté  de 
ville,  du  24  Février  1 531  ,  que  le  Roi  François  I  emprunta  deux 
mille  cinq  cents  écus  d'or  au  foleil  ,  pour  retirer  le  Dauphin  & 
le  Duc  d'Anjou  ,  fes  deux  fils ,  qui  étoient  détenus  prifonniers  en 
Efpagne ,  pour  gages  de  la  rançon  de  leur  père ,  qui  avoir  été  pris 
à  la  bataille  de  Pavie ,  par  le  Connétable  de  Bourbon  ,  Général 
des  troupes  de  l'Empereur.  Le  Monarque  étoit  refté  treize  mois 
en  Efpagne,  &  n'avoir  pu  en  fortir  qu'en  livrant  fes  deux  fils.  On 
délibéra  en  même  temps  de  récompenfer  ceux  qui  avoient  tra- 
vaillé aux  affaires  de  la  ville  :  mais  l'affemblée  délibéra  à  fon 
profit  ;   il  fut  décidé  qu'il  n'y  auroit  point  de  récompenfe. 

Les  Cordeliers  de  Nantes  préfenterent  en  même  temps  une 
requête  à  la  Communauté  de  ville ,  dont  ils  imploroient  l'afTif- 
tance,  fous  prétexte  qu'ils  étoient  les  plus  pauvres  de  ceux  de 
leur  Ordre  ,  dans  le  diocefe.  Le  24  Février  1531  ,  la  ville  leur 
donna  une  fomme  de  dix  livres ,  pour  les  défrayer  dans  le  voyage 
qu'ils  dévoient  faire  l'année  fuivante  à  Saint-Martin  de  Teille, 
dans  le  diocefe ,  où  fe  devoit  tenir  l'afTemblée  du  Chapitre  pro- 
vincial de  leur  Ordre. 

1532.  François  Hamon  meurt  le  7  Janvier.  Le  Chapitre  s'af- 
femble  pour  procéder  à  l'éleftion  de  fon  fuccelTeur  ,  lorfqu'il 
reçoit  ordre  du  Roi  de  ne  pas  pafTer  outre ,  avant  de  montrer  à 
Sa  Ma j  elle  fes  privilèges  par  un  Député  de  fon  Corps.  Le  Dé- 
puté efl  élu ,  de  fe  prépare  à  partir ,  lorfque  le  Chapitre  apprend 
que  le  Roi  vient  de  nommer  Louis  d'Acigné,  Chanoine  de  Nantes. 
Depuis  ce  temps ,  le  Chapitre  ne  s'avife  plus  d'élire  fes  Prélats. 
Louis  d'Acigné  prend  pofTefîion  le  3 1  Mai  même  année  :  il  efl 
le  premier  Evêque  de  Nantes  que  le  Roi  ait  nommé  par  Induit 
de  la  Cour  de  Rome.   "^ 

La  difette  étoit  alors  fî  grande  à  Nantes ,  que  la  ville  fut  obligée 
d'établir  des  Hôpitaux  pour  y  nourrir  les  pauvres  :  il  y  en  avoit 
un  à  Richebourg ,  à  Saint- Antoine  où  font  aujourd'hui  les  Mi- 
nimes ;  &  un  autre  à  Touffaint ,  fur  les  ponts. 

1532.  Le  Roi,  après  avoir  vifité  les  villes  de  Rennes,  de  Cha- 
teaubriand ,  &  de  Vannes ,  où  fe  tenoient  les  Etats  ,  vint  à  Nantes 
le  3 1  Juillet.  La  Reine  Eléonore ,  féconde  femme  du  Roi ,  fît 
fon  entrée  à  Nantes  le  1 4  Août  fuivant ,  vers  les  quatre  heures 
du  foir.  Elle  fut  reçue,  à  la  porte  Saint-Nicolas,  fous  un  dais 


174  ,  NAN 

magnifique  ,  porté  par  quatre  hommes  fuperbement  vêtus ,  &  pré- 
cédés de  trois  Compagnies  de  jeunes  gens,  dont  la  première 
portoit  la  livrée  de  la  Reine  ;  la  féconde ,  celle  du  Dauphin  ;  èc 
la  troifieme  ,  celle  de  la  ville.  On  avoir  fait  conftruire ,  à  cette 
occafîon  ,  des  arcs  de  triomphe  &  des  théâtres  en  cinq  endroits: 
fçavoir ,  à  l'entrée  de  la  ville,  aux  carrefours  de  Saint-Nicolas, 
des  Changes ,  du  Pilori ,  &  de  Saint-Denis.  Pendant  que  la  Reine 
paffoit,  on  jouoit  fur  ces  théâtres  des  myfleres,  autrement  des. 
feintes ,  de  la  compofition  de  Dubuchet ,  Procureur  du  Roi  à 
Poitiers.  Un  des  arcs  de  triomphe  fe  terminoit  par  une  demi-fleur 
de  lis  &  une  demi -hermine  :  il  étoit,  comme  tous  les  autres, 
orné  d'écufîbns  aux  armes  du  Roi ,  de  la  Reme  ,  de  M.  le  Dau- 
phin ,  de  la  Province  ,  &  de  la  Ville. 

François ,  Dauphin  de  France ,  venoit  de  fe  faire  couronner  à 
Rennes,  fous  le  nom  de  François  III,  Duc  de  Bretagne  :  il  avoit 
fait  fon  entrée  à  Nantes  le  1 8  du  même  mois.  La  Ville ,  pour 
célébrer  l'heureufe  arrivée  de  ce  Prince  ,  avoit  fait  mettre  fur  les 
quatre  principales  portes,  cinq  éculTons  de  plomb  doré,  en  relief, 
avec  leurs  émaux,  dans  les  plus  vives  couleurs,  aux  armes  du 
Roi,  de  la  Reine,  du  Dauphin,  de  la  Bretagne  ,  &  de  la  Ville. 
Les  Magiflrats  av oient  fait  faire  fix  coupes  d'argent  doré,  de  trais 
marcs  chacune  :  la  première  fut  pour  le  Dauphin  j  la  féconde, 
pour  la  Princelîe  d'Angoulême  5  &  les  quatre  autres ,  pour  les 
Dames  &  Seigneurs  de  leur  fuite.  On  avoit  auffi  fait  faire  deux 
baflins  d'argent  doré  :  le  premier  ,  qui  pefoit  quatre  marcs ,  conte- 
noit  une  lamproie  auffi  d'argent  doré  -,  dans  le  fécond  ,  du 
poids  de  trois  marcs,  étoient  des  limons  &  des  oranges  en  ver- 
meil. On  avoit  acheté  &  fait  venir  de  la  balfe  Bretagne  trois 
haquenées  &  deux  lévriers,  qui  furent  donnés  au  Roi,  à  la  Reine, 
&  à  M.  le  Dauphin  ,  Duc  de  Bretagne.  Les  Magillrats  avoient 
eu  foin  de  faire  réparer  les  pavés ,  les  palTages ,  &  les  ponts  de 
la  ville,  fur-tout,  celui  de  Sainte-Radegonde ,  qui  conduifoit  de 
la  Cathédrale  au  château. 

Pendant  fon  féjour  à  Nantes,  le  Roi  donna  un  Edit  pour  l'union 
de  la  Bretagne  à  la  Couronne.  Cet  Edit  fut  enrégiflré  au  Parle- 
ment de  Paris,  le  21  Septembre;  &  au  Confeil  de  Bretagne,  le 
8  Décembre  1532.  Sa  Majefté  ôta  auffi  l'adminillration  des  Hô- 
pitaux aux  Eccléfiailiques  qui  s'en  acquittoient  mal ,  &  la  donna 
aux  Laïques.  On  remarque ,  dans  les  titres  de  la  Communauté 
de  ville ,  qu'elle  nommoit  l'Adminiflrateur  de  ces  maifons  ,  & 
€[ue  c'étoit  à  elle  feule  qu'il  rendoit  fes  comptes.  Leurs  Ma j elles 


N  A  N  175 

fe  rendirent  à  Tours  fur  deux  galiotes  que  la  ville  fît  conflruire 
à  fes  frais.  Le  Roi  revint  à  Nantes  au  mois  d'Oftobre  fuivant. 

La  Confrairie  de  TouiTaint  fur  les  ponts  adminiftroit  l'Hôpital 
de  ce  lieu ,  que  j'ai  dit  avoir  été  fondé  par  Charles  de  Blois  & 
Jean  IV  (  a  ).  Cette  Confrairie  fut  maintenue  dans  la  régie  de  cet 
Hôpital ,  par  Arrêt  du  Confeil  du  1 4  Décembre  1532,  &  par 
lettres  du  Roi  Henri  IV,  données  à  Angers  au  mois  d'Avril 
1 598.  A  cette  première  époque^  la  famine  &  la  pefte  ravageoient 
Nantes,  &  l'Hôpital  de  Touffaint  nourriiloit  plus  de  feize  cents 
pauvres  de  fon  revenu.  Il  eft  à  croire  que  fes  revenus  étoient 
confidérables.  Il  ne  fubfifte  plus  aujourd'hui  :  il  fut  réuni ,  avec 
toutes  fes  pofTelîions ,  à  l'Hôtel-Dieu  de  Nantes ,  avec  obliga- 
tion à  ce  dernier  de  recevoir  tous  les  étrangers  paffants  qui 
demandent  à  loger,  comme  on  le  pratiquoit  à  l'Aumônerie  de 
Touffaint.  La  Confrairie  de  ce  nom  continue  de  nommer  un  Au- 
mônier pour  l'acquit  des  fondations  &  des  fervices  qu'elle  fait  faire. 
Elle  étoit  autrefois  très-célebre  :  les  Ducs  &  les  grands  Seigneurs 
Bretons  ne  manquoient  pas  de  s'y  faire  infcrire. 

L'an  1532,  on  fit  rebâtir  à  neuf  la  porte  de  ville  de  Saint- 
Pierre  qui  donnoit  fur  les  Lices  ^  autrement  le  Cours  des  Etats. 
La  date  .;,qui  étoit  au  deffus ,  nous  apprend  qu'elle  fut  achevée, 
en  1534,  fous  le  règne  de  Henri ,  Dauphin  de  France  &  Duc 
de  Bretagne  :  cette  porte   a  été  démolie  il  y  a  quelques  années. 

L'an  1532,  la  pique  &  l'épée  étoient  les  feules  armes  de  la 
Milice  Bourgeoife  ;  les  arquebufes  étoient  rares,  &  d'un  poids  qui 
les  rendoit  prefque  inutiles.  Claude  Bourbon  ,  Fondeur  de  la 
ville ,  en  fondit  douze ,  &  y  employa  quatre  cents  trente-deux 
livres  de  cuivre  j  aind ,  chaque  arquebufe  pefoit  trente-fix  livres, 
non  compris  le  baflinet  &  la  monture  en  bois.  La  même  année 
fut  établie  lamaifondu  Sanitat ,  aujourd'hui  l'Hôpital  général,  au 
bas  de  la  Foffe ,  pour  les  perfonnes  attaquées  du  mal  de  Naples , 
qui  commençoit  à  fe  répandre,  &  qu'on  regardoit  comme  une 
pefte.  Cette  maladie  avoit  pris  fon  nom  de  l'endroit  où  les  Fran- 
çais l'avoient  prife.  Le  9  Décembre ,  fut  paffée  une  ferme  pour  le 
droit  de  méage  ,  à  raifon  de  douze  mille  livres  monnoie  par 
chaque  année. 

On  trouve ,  chez  quelques  curieux ,  un  écu  d'or  au  milléfime 


(  <z)  Quelques  hiftorlens  prétendent,  je  ne  fçais  fur  quoi  fondés  ,  que  cette  Confrairie  eft 
beaucoup  plus  ancienne  que  ces  deux  Princes. 


lyé  N  A  N 

de  1532.  On  croit  qu'ail  fut  fabriqué  à  Nantes , pendant  le  féjour 
du  Roi  François  I ,  à  l'imitation  de  celui  que  fit  frapper  la  Du- 
chefle  Anne ,  pendant  qu'elle  étoit  en  cette  ville ,  avec  le  mil- 
léfîme  de  1498.  Le  fceau  de  la  Ville  repréfentoit  alors  une  maifonj 
&  celui  des  Pères  Carmes  repréfentoit  la  Sainte  Vierge  tenant 
l'Enfant  Jefus  entre  fes  bras ,  en  champ  d'hermines ,  un  Carme 
à  genoux  aux  pieds  de  la  Sainte  Vierge ,  fous  une  grande  cou- 
ronne. La  proceflion  de  la  Fête-Dieu ,  qui  alloit  à  Saint-Nicolas , 
par  la  grande-rue ,  les  Changes ,  &  la  CafTerie  ,  s'en  retournoit 
ordinairement  par  le  même  chemin  ;  mais ,  en  1532,  elle  prit 
un  plus  grand  tour,  &  devint  tout-à-fait  folemnelle.  D'abord, 
elle  ne  fortoit  que  dans  les  environs  de  la  Cathédrale ,  &  n'étoit 
qu'une  proceflion  particulière  ;  mais  ,  l'an  1 500,  toutes  les  Eghfes 
s'unirent;  &,  l'an  1506,  elles  s'affemblerent ,  pour  la  première 
fois,  à  la  Cathédrale.  Le  Chapitre,  voulant  rendre  cette  céré- 
monie tout-à-fait  folemnelle  ,  permit ,  fans  pourtant  tirer  à  confé- 
quence  pour  l'avenir,  aux  ParoilTes  &  aux  Confrairies,  de  faire 
apporter  &  arranger  leurs  cierges  à  la  Cathédrale ,  dès  la  veille , 
afin  que  tout  fût  prêt  à  l'heure  indiquée.  La  proceffion  fe  fit; 
&  le  Saint-Sacrement  fut  porté ,  d'abord  à  Saint  -  Nicolas ,  &:  de 
là  à  Notre-Dame ,  où  il  fut  pofé  fur  le  tombeau  du  Duc  Pierre 
II.  L'Univerfité  &  la  Chambre  des  Comptes  ne  marchoient  point 
encore  à  cette  cérémonie. 

Dès  que  le  Roi  fut  forti  de  Nantes,  la  pefte,  caufée  par  la  fa- 
mine ,  commença  à  fe  déclarer.  A  ce  fléau  terrible  fe  joignit  le 
mal  de  Naples,  qui  fe  communiqua  rapidement,  &  qui  fit  d'au- 
tant plus  de  ravages  qu'on  ne  fçavoit  pas  le  guérir.  La  Commu- 
nauté de  ville  prit  les  mêmes  précautions  contre  les  deux  mala- 
dies. Le  7  Août  1533,  elle  fit  pubHer  une  défenfe  à  tous  les 
malades ,  même  à  ceux  qui  étoient  guéris  ,  &  à  ceux  qui  les  fré- 
quentoient  ou  qui  logeoient  avec  eux,  de  fortir  de  leurs  maifons , 
fous  peine  d'être  pendus  ;  &  aux  Bouchers ,  de  tuer  aucune 
bête  avant  de  l'avoir  fait  vifiter  par  les  Commifiaires  nommés 
exprès. 

L'année  fuivante  eu  remarquable  par  la  violence  &  la  longueur  de 

l'hiver ,  qui  dura ,  fans  interruption  ,  pendant  près   de 

Le  I  z  Juin ,  le  Bureau  de  ville  accorda  aux  Jacobins  une  fomme 
de  cinquante  livres ,  pour  le  rétablifTement  d'un  ancien  égout  qui 
fervoit  à  leur  Couvent  &  aux  maifons  voifines. 

Le  28  Décembre  1539,  fe  célébra,  dans  l'EgHfe  Cathédrale, 
la  fête   des  Innocents ,  efpece  de  farce  fcandaleufe  &  abufive. 

Heureufement 


N  A  N  177 

Heureufement  on  commençoit  à  en  fentir  toute  rindécence.  Le 
Chapitre  défendit  aux  Enfants  de  promener  ,  félon  leur  cou- 
tume ,  leur  petit  Evêque  ;  de  porter  des  habits  ridicules ,  & 
d'avoir  des  tambours  &  des  trompettes.  On  leur  laifla  les  autres 
ufages ,  très -mal  à  propos  fans  doute  ;  &  l'on  ne  peut  trop 
s'étonner  qu'on  n'ait  pas  aboli ,  long-temps  auparavant ,  une  céré- 
monie bizarre  &  feulement  digne  de  la  Religion  des  Payens  dont 
elle  retraçoit  les  Saturnales. 

Ce  jour-là,  les  Chanoines  cédoient  leurs  places  aux  Enfants 
de  chœur  &  aux  autres  Enfants  de  la  ville ,  qui  tous  enfemble 
faifoient  les  fonctions  facerdotales  :  ils  élifoient  même  un  Evêque 
C{ui  tenoit  la  première  place  au  chœur ,  tandis  que  les  Chanoines 
faifoient  les  fondions  des  Enfants  -,  de  manière  que  fouvent  le 
plus  refpeftable  des  Prêtres  étoit  obligé  d'aller  offrir  de  l'encens  à 
ces  marmots. 

Gabriel  Naudet  dit  que  la  fête  des  Innocents  fe  célébroit  avec 
des  cérémonies  plus  extravagantes  que  n'étoient  autrefois  les  fo- 
lemnités  des  faux  Dieux.  Il  rapporte  que  ,  dans  certains  Couvents ,  le 
Gardien  &  les  ReHgieux  Prêtres  n'alloient  point  au  chœur  ce  jour- 
là  ,  &  qu'ils  cédoient  leurs  places  aux  Freres-Lais ,  qui  célébroient 
une  efpece  d'Office  de  la  manière  la  plus  indécente.  Ils  fe  revê- 
toient  d'ornements  facerdotaux  ,  déchirés,  &  tournés  à  l'envers. 
Ils  tenoient  à  la  main  des  livres  ,  dans  lefquels  ils  faifoient  fem- 
blant  de  lire  avec  des  lunettes  faites  d'écorce  d'orange.  Ils  ne 
chantoient  ni  Hymnes ,  ni  Pfeaumes  ,  ni  MefTes  à  l'ordinaire  ; 
mais  tantôt  ils  murmuroient  certains  mots ,  tantôt  ils  pouffoient 
des  cris,  avec  des  contorfions  qui  faifoient  horreur  à  des  gens 
raifonnables. 

L'an  1534,  le  Roi  permit  d'acheter  la  maifon  de  Querlus, 
pour  agrandir  le  Palais  de  la  Chambre  des  Comptes ,  auquel  on 
travailloit  par  intervalle.  La  Ville  obtint  auffi  des  lettres  pour'Ie 
defféchement  du  lac  de  Grand-lieu  :  mais  ce  projet  n'eut  point 
de  fuite. 

Les  Quinze- vingts  venoient  de  Paris  à  Nantes  ,  où  on  leur 
permettoit  de  quêter  ,  avec  obligation  d'employer  l'argent  de  leur 
quête  en  marchandifes  achetées  dans  la  ville.  Ils  manquèrent  à 
cette  obligation ,  l'an  1555,  &  l'on  fit  arrêter  les  deniers  de  leur 
quête.  Ils  fe  virent  pour  lors  obligés  d'exécuter,  malgré  eux,  ce 
qu'ils  avoient  promis. 

Lettres-patentes ,  données  à  Paris  le  22  Janvier  1535,  portant 
règlement  pour  les  féances  de  la  Chambre  des  Comptes.  Elle 
TamcIIL  Z 


178  N  A  N 

s'afîembloit  ci-devant  quatre  fois  l'année.  Le  Roi  réduifît  ces 
quatre  leances  à  deux ,  qui  contenoient  un  fervice  aufïï  long  que 
les  quatre  enfemble.  L'ouverture  de  la  première  féance  fut  fixée , 
par  Sa  Majefté,  au  Dimanche  de  la  Quajimodo^  pour  durer  trois 
mois  entiers  ;  &  la  féconde  fut  fixée  au  premier  Oftobre ,  pour 
finir  la  veille  de  Saint  Thomas,  qui  arrive  quatre  jours  avant  Noël. 
Par  lettres  du  mois  de  Juin  même  année ,  le  Roi  exempte  celui 
des  habitants  de  Nantes  qui  abattra  le  papegault,de  tous  devoirs, 
impôts ,  &  billots  qui  feroient  dus  pour  cinquante  tonneaux  de 
vin  de  France  qu'il  pourra  vendre  ou  foire  vendre  en  détail  pen- 
dant l'année  de  fa  Réauté.  Ces  lettres  furent  enrégiftrées  à  la 
Chambre  des  Comptes  ,  le  i6  Décembre  de  la  même  année  ,  & 
au  Parlement ,  féant  à  Nantes ,  le  27  Odobre  1 5  44. 

Par  lettres  du  mois  d'Août  1 531  ,  le  Confeil  &  la  Chancellerie 
de  Bretagne  dévoient  tenir  fix  mois  à  Rennes  &  fix  mois  à 
Nantes.  Le  9  Mars  1533,  le  Bureau  de  ville  fe  plaignit  que  les 
ordres  de  Sa  Majefté  n'avoient  point  été  exécutés,  &  que  la 
Chancellerie  &  le  Confeil  ctoient  à  Rennes  depuis  cinq  ans.  En 
conféquence ,  il  fe  tint  à  Nantes ,  l'an  1535. 

Par  afte  de  ferme  du  premier  Juin  1 5  3  6 ,  on  voit  que  le  Prieuré 
de  Saint-Cyr  doit  à  l'Evêque,  quinze  livres  huit  fols  pour  la  pro- 
curation &  le  befan  d'or  apprécié  à  vingt-huit  fols  -,  à  l'Archi- 
diacre ,  foixante-dix  fols  j  au  Curé  de  Saint-Léonard  ,  trois  fep- 
tiers  de  feigle ,  &  vingt-cinq  boiiTeaux  de  froment ,  mefure  de 
Nantes  ;  &  neuf  livres  douze  fols  au  Chapitre. 

François  ,  Dauphin  de  France  &  Duc  de  Bretagne  ,  mourut 
le  I  2  Août  153^;  Henri ,  fon  frère  ,  lui  fuccéda  dans  tous  fes  titres, 

Epitaphe  qu'on  voit  au  haut  de  la  nef  de  Saint  -  Pierre ,  fur 
une  plaque  de  cuivre. 

Hic  jacet  venlis  ac  cîrcumfpecliis  Dus  Giddo  de  Guilfiflre, 
hujus  ac  hte  Marie  Nanneten  Eccliar  Canocus  ac  Priorats  Sti 
Nicollay  dePrigneyo  Commendr  ^  nec-non  Sti  Na:^arii  &de  Elven 
pro  liu  Eccliar  Reclor^  qui  ^JinguUs  dominicis  diehus ,  falutaticnc 
in  hoc  TempLo  pojî  decatatio  i  Vefperâr^  aliafque  multas  fwida' 
tiones  fundavit.  Obiit  die  prima  menfis  Jaiiuarii  ibjy.Spiritus 
in  pace  quiefcat.    Amen. 

La  Reine  de  Navarre  vint  à  Nantes  le  22  Novembre  1537. 
La  Ville  fit  équiper  deux  gabares  à  Barbin ,  pour  aller  prendre  la 


N  A  N  17^ 

PrincefTe  au  château  de  la  Gafcherie ,  en  la  Paroiffe  de  la  Cha- 
pelle fur  Erdre  ,  où  Sa  Majefté  étoit  avec  fon  beau-frere  le 
Vicomte  de  Rohan,  Seigneur  de  l'endroit.  La  Princefle  fit  fon 
entrée  à  Nantes  par  la  porte  de  Saint-Pierre.  On  lui  préfenta  le 
dais  :  mais  elle  le  refufa  ,  apparemment  parce  qu'elle  jugea  qu'il 
ne  lui  étoit  pas  dû  dans  un  pays  dont  elle  n'étoit  pas  la  Souve- 
raine. Elle  logea  à  l'hôtel  de  Briord,  &  alla,  dès  le  lendcmam, 
voir  le  port  de  la  FolTe.  Elle  ne  relia  pas  long-temps  à  Nantes  ; 
&,  lorfqu'elle  en  partit ,  la  Ville  lui  fit  équiper  une  galiote,  qui  la 
conduifit  jufqu'à  Ingrande. 

Le  Rai  François  I ,  qui  étoit  à  Nantes  à  la  fin  du  mois  de  Sep- 
tembre 1539^  en  partit  pour  fe  rendre  à  Châtellerault ,  ville  du 
Poitou,  oii  il  vouloit  attendre  &  recevoir  l'Empereur  Charles- 
Quint  ,  fon  beau-frere.  Avant  fon  départ ,  Sa  Majeflé  ordonna  à 
la  Communauté  de  Nantes  de  faire  lever  le  plan  du  contour  de 
l'enclos  de  la  ville  &  des  ponts ,  Se  de  l'envoyer  en  Cour.  Mat- 
thieu de  Goui  fut  chargé  de  l'exécution  de  cet  ouvrage ,  pour 
lequel  il  reçut  dix  écus.  Michel  Dinois ,  qui  avoit  écrit  le  nom 
des  différents  lieux  ,  reçut  quarante-cinq  fols.  Malheureufement, 
ce  plan  n'a  point  été  confervé  à  la  Maifon  de  ville  :  il  nous  au- 
Toit  appris  des  particularités  dont,  peut-être  ,  jamais  nous  ne 
ferons  inftruits. 

Le  4  Octobre  1539,  le  Roi  permit  aux  Adminiftrateurs  de 
THôpital  de  Nantes  de  faire  des  quêtes  dans  toute  la  Bretagne. 
Par  fon  Ordonnance  du  14  Janvier  de  l'année  fuivante,  Fran- 
çois I  fixa  une  lettre ,  ou  marque  monétale  ,  pour  chacune  des 
villes  de  fon  Royaume  où  l'on  battoit  monnoie.  Nantes  &  Rennes 
n'en  eurent  point  pour  lors.  La  lettre  T,  dont  la  première  de 
ces  villes  fe  fert,  lui  fut  donnée  par  le  Roi,  qui  étoit  alors  à 
Saint-Menehould  en  Champagne  ;  &  le  numéro  c) ,  qui  eu  attri- 
bué à  Rennes ,  étoit  commun  à  toutes  les  Cours  de  Monnoie 
de  la  province  de  Bretagne. 

Le  premier  Avril  1541  ,  le  Bureau  de  ville  réfolut  de  bâtir 
une  maifon  pour  les  peiHférés,  auprès  du  cimetière  de  Sainte- 
Catherine  ,  fiir  le  terrein  de  la  Commanderie.  L'Evêque  donna 
feize  pieds  d'arbres  ,  qui  furent  pris  dans  la  forêt  de  Sautron,  pour 
la  charpente  de  cet  édifice  ,  qui  fut  achevé  par  les  charités 
des  Fidèles. 

Louis  d'Acigné  fit  fon  entrée  à  Nantes  le  4  Novembre  1541^ 
neuf  ans  après  fa  nomination  à  l'Evêché.  Il  fut  porté  par  les  quatre 
Barons  du  diocefe,  ou  par  leurs  Députés,  depuis  l'Hôpital  de  Saint- 


i8o  N  A  N 

Clément  jufques  fur  le  pont  de  la  porte  Saint-Pierre.  Il  fut  pris 
en  cet  endroit  par  quatre  Chantres ,  qui  le  portèrent  jufqu'à  l'en- 
trée de  fa  Cathédrale ,  où  il  fut  comphmenté  par  l'Univerfité 
&  enfuite  par  le  Chapitre.  Le  Prélat  jura  à  ces  deux  Corps  de 
les  maintenir  dans  leurs  ufages  ,  droits ,  &  privilèges  ;  après  quoi 
il  entra  dans  fon  Eglife.  Il  ne  refta  pas  long-temps  à  Nantes  ;  il 
mourut ,  dans  le  courant  de  la  même  année ,  au  château  de 
Fontenai  ,  fitué  dans  la  Paroilfe  de  Chartres  ,  au  diocefe  de 
Rennes.  Le  Siège  vaqua  près  de  quinze  mois  :  mais  le  Chapitre 
ne  s'avifa  pas  cie  procéder  à  l'éleftion  d'un  nouvel  Evêque  j  il 
abandonna  pour  jamais  fes  droits  réels  ou  imaginaires  fur  ce 
point.  Jean  V  du  nom  ,  Cardinal  de  Lorraine  ,  fut  nommé 
Evêque  Commendataire  de  Nantes,  &  il  tint  ce  Siège  depuis 
1543   jufqu'au  10  Mai   1550. 

1542.  Le  Sénéchal  de  Nantes  adreife  une  lettre  circulaire  à 
tous  les  Vicaires  des  Paroifles  du  diocefe  &  à  quelques  Seigneurs 
des  lieux  ,  pour  les  prier  de  quêter  ou  faire  quêter  ,  chacun  en 
fon  endroit ,  afin  de  fub venir  aux  befoins  de  l'Hôpital.  Il  eft  à 
remarquer  que  les  lettres  font  adrelTées  aux  Vicaires  &  non  aux 
Curés  ou  Re6leurs  ,  parce  que  ces  derniers  ne  réfidoient  point 
encore ,  &  que  ce  n'étoit  pas  l'Evêque ,  mais  le  Roi  ou  le  Sé- 
néchal qui  permettoient  la  quête.  La  rétribution  pour  les  Méfies 
étoit  de  deux  fols  alors. 

1543.  Jean  de  Bretagne  ,  Seigneur  de  Broffe ,  Comte  de  Pen- 
thievre  Se  Duc  d'Etampes ,  eft  nommé  Gouverneur  de  Bretagne , 
par  lettres  du  2  5  Février ,  &  fait  fon  entrée  à  Nantes  le  5  Avril. 
Comme  cette  ville  étoit  menacée  d'un  fiege  ,  le  Duc  y  établit 
une  garnifon  de  Gentilshommes ,  fujets  au  ban  &  à  l'arriere-ban 
du  Duché. 

La  même  année,  le  cimetière  de  Sainte-Catherine  fut  arrenté 
pour  y  bâtir  des  maifons.  L'an  1545,  la  flimine  fe  fit  fentir  à 
Nantes  ,  avec  d'autant  plus  de  violence  que  les  pauvres  y 
abondoient  de  toutes  parts.  Jean  Dono  ,  Chanoine  &  Che- 
fecier  de  la  Collégiale  ,  fonda  à  l'Hôpital  une  Meffe ,  qui 
doit  fe  célébrer  tous  les  vendredis  ,  avec  l'Evangile  de  la 
Paffion  fccundum  Joannem.  Il  affigne  à  cette  maifon  cinquante 
livres  de  rente  pour  l'acquit  de  cette  Méfiée ,  à  condition  qu'on 
y  recevroit  les  pauvres  femmes  &  filles  enceintes  pour  y  faire 
leurs  couches. 

Un  compte  de  la  Fabrique  de  Saint-Nicolas ,  du  3  i  Juillet  1545, 
nous  apprend  que  le  grand  autel  étoit  une  efpece  de  lit,  avec 


NAN       _  i8i 

ciel ,  rideaux ,  &  vergettes.  On  en  avoit  apparemment  pris  le 
modèle  fur  ceux  des  Payens ,  qui ,  dans  les  temps  de  calamité , 
dreflbient  dans  les  Temples  des  Dieux  des  lits  appelles  pulvi- 
naires.  On  pouvoit  encore  avoir  conftruit  cet  autel  d'après  les 
tentes  fous  lefquelles  les  Juifs  plaçoient  l'arche  d'alliance  avant 
la  conftruftion  du  Temple  de  Jérufalem. 

1547.  Un  afte  capitulaire  de  la  même  Fabrique  nous  apprend 
que  les  Paroifîiens ,  defirant  former  un  chœur  de  Prêtres  dans 
leur  Eglife,  demandèrent  le  confentement  de  Guino  de  Fontana, 
leur  Refteur,  qui  approuva  leur  deflein.  En  conféquence  le 
Général  s'afTembla  ,  &  décida  que  ce  chœur  feroit  formé  de  douze 
Prêtres,  compris  le  Curé  &  fon  Vicaire  ;  que  les  dix  autres  feroient 
élus  à  la  pluralité  des  voix  ,  &  qu'à  cette  éleftion  la  voix 
du  Curé  en  vaudroit  deux ,  &  celle  du  Vicaire  autant ,  quand  il 
y  feroit  appelle  ;  que  ces  Prêtres ,  ainfî  nommés ,  feroient  aux 
gages  de  la  ParoilTe ,  &  qu'ils  feroient,  en  préfence  du  Refteur, 
du  Vicaire ,  des  Paroifîiens ,  ou  de  leurs  Procureurs ,  ferment  à 
Dieu ,  en  mettant  la  main  fur  la  poitrine ,  de  fe  bien  &  honnê- 
tement comporter  &  conduire  au  fervice  de  la  ParoifTe ,  &  d'ob- 
ferver  entièrement  le  contenu  du  préfent  traité.  Leurs  obligations 
principales  font ,  d'aller  procefTionneilement  &  en  bon  ordre , 
vêtus  de  leurs  furplis  ,  en  la  compagnie  du  Refteur  ,  du  Vicaire  , 
ou  du  plus  ancien  d'entr'eux  ,  en  l'abfence  des  deux  premiers 
pour  caufe  légitime  ,  quérir  les  corps  des  trépaffés  ^  &  les  accom- 
pagner à  l'Eglife  en  chantant  les  fuffrages  accoutumés.  Les  ré- 
tributions font  partagées  par  portions  égales  entre  les  Chapelains^ 
fauf  que  le  Refteur  &  fon  Vicaire  prendront  pour  eux  deux 
la  portion  de  quatre.  Les  honoraires  des  Prêtres  furent  réglés 
d'abord ,  à  trois  fols  quatre  deniers  pour  la  procefîion  j  à  dix  lois 
pour  les  vigiles  des  morts  à  neuf  leçons  ;  à  trois  fols  pour  trois 
leçons;  &  pour  les  MefTes  chantées  de  Requiem^  avec  Diacre 
&  fous-Diacre ,  à  cinq  fols  dix  deniers ,  qui  dévoient  être  par- 
tagés entre  les  Chapelains ,  fi  ce  n'eft  que  le  Célébrant  avoit 
lui  deux  fols.  En  conféquence ,  il  fut  réglé  que  ces  MefTes  fe- 
roient célébrées  ad  tumiim  par  les  Chapelains,  à  moins  que 
les  héritiers  du  défunt  n'exigeaffent  quelles  le  fuffent  par  le 
Curé  ou  fon  Vicaire.  Outre  ces  rétributions ,  les  Chapelains 
reçoivent  des  honoraires  particuliers  de  la  Fabrique  de  la 
ParoifTe. 

Le  Roi  François  I  mourut  à  Rambouillet ,  le  3 1  Mars  1 5  47. 
Ce  Prince  avoit  fait  avec  le   Pape  le  fameux  Concordat  pour 


i8i  N  A  N 

la  préfentation  des  Bénéfices.  Il  eut  la  douleur  de  voir  s'intro- 
duire en  France  ,  cette  héréfie  qui  fit  tant  répandre  de  fang. 
Se  qui  fit  chanceler  plus  d'une  fi^is  {es  fucceffeurs  fiir  le  Trône. 
Henri  II ,  refié  feul  des  trois  fils  de  ce  Monarque ,  lui  fuccéda  , 
&  fit  la  guerre  à  l'Empereur. 

Marie  Stuard ,  Reine  d'EcolTe  ,  âgée  d'environ  fept  ans ,  arriva 
à  Nantes  le  22  Septembre  1548:  elle  y  fut  reçue  par  les  ha- 
bitants avec  toutes  les  marques  de  diftmftion  poffibles  ,  félon. 
les  ordres  précis  du  Roi  &  du  Gouverneur ,  qui  avoient  sécrit  à 
la  Communauté  de  ville  à  ce  fujet.  Les  Ambafîadeurs  d'Angle- . 
terre,  qui  fe  rendoient  à  Paris  ,  accompagnoient  Marie.  C'eft  cette. 
Princefie  aimable  dont  les  malheurs  font  l'opprobre  de  la  for- 
tune. Née  fur  le  Trône  ,  comblée  de  toutes  les  faveurs  de  la 
nature ,  elle  ne  fut  heureufe  qu'à  la  Cour  de  France ,  où  elle 
parut  à  peine.  Après  une  infinité  de  revers  ,  elle  monta  fur 
l'échafaud ,  jugée  par  une  Reine  étrangère  qui  ne  pouvoit  avoir 
de  droits  fur  fes  jours. 

En  conféquence  de  l'Arrêt  du  Parlement  du  15  Oélobre 
1548,  la  Communauté  de  ville  fait  intimer  aux  habitants  d'An- 
cenis ,  Saint-Julien  de  Vouvantes ,  la  Chapelle-Glain  ,  Saint-Pere 
en  Retz  ,  le  Loroux  -  Bottereau  ,  Plefie  ,  Savenai ,  Pontchâteau  , 
Mac^ecou ,  Bouin ,  &  Bourgneuf ,  de  faire  adminifirer  leurs  Hô- 

Î)itaux  par  des  Commiflaires  laïques ,  nommés  par  le  Général  de 
eurs  Paroifles.  La  plupart  de  ces  maifons  ont  été  depuis  unies 
à   THôtel-Dieu  ,  ou  à  l'Ordre  de  Saint-Lazare. 

Le  Mifeur  de  la  ville  acquit  ,  l'an  1550  ,  au  nom  de  la 
Communauté ,  la  maifon  de  la  Porte  -  blanche  ou  de  la  Porte- 
de-fer ,  fituée  dans  la  rue  de  Saint  -  Gildas ,  aujourd'hui  des  Car- 
mélites ',  maifon  que  la  Ville  affermoit  pour  y  tenir  fes  Ecoles 
de  Droit. 

Par  Edit  donné  à  Rheims ,  au  mois  de  Mars  1 5  5 1  ,  le  Roi 
érigea  le  Siège  ou  la  Barre  royale  de  Nantes  en  Préfidial ,  com- 
pofé  d'un  Baillif,  d'un  Sénéchal,  d'un  Lieutenant,  de  fept  Con- 
feillers  ,  d'un  Avocat  du  Roi,  &  d'un  Greffier -d'appeaux.  Sa 
Majeflé  attribua  quatorze  cents  livres  de  gages  à  ce  Siège ,  de 
même  qu'à  ceux  de  Rennes ,  de  Vannes ,  de  Quimper ,  &  de 
Ploermel ,  qu'elle  créa  par  le  même  Edit.  Les  habitants  du  reffort 
de  Nantes  ,  fur  lefquels  on  mettoit  une  impofition  pour  le  paiement 
de  ces  gages ,  fe  délivrèrent  quelque  temps  après  de  cet  em- 
barras ,  en  comptant  une  fomme  confidérable  au  Roi ,  qui  fe 
chargea  de  les  payer  à  l'avenir.  Le  nouveau  Préfidial  jugeoit 


N  AN  _  185 

en  dernier  refîbrt  toutes  les  caufes  qui  nexcédoient  pas  la 
fomme  de  deux  cents  livres  en  principal,  ou  dix  livres  tournois 
de  rente. 

1551.  La  Communauté  de  ville ,  occupée  de  l'arrivée  du  Roi 
Henri  II  qu'on  attendoit  à  Nantes ,  s'afTemble  au  château  le  20 
Mai ,  pour  délibérer  fur  l'entrée  de  ce  Monarque.  On  décida 
qu'à  l'avenir  les  Avocats  affifteroient  à  l'entrée  des  Rois  Se  des 
Reines  en  habits  décents  ,  à  cheval  ou  montés  fur  des  mules. 
Le  Roi  fe  rend  de  Chateaubriand  à  Nantes  avec  la  Reine  Ca- 
therine de  Médicis,  &  y  feiit  fon  entrée,  le  12  Juillet,  par  la 
.porte  Saint-Nicolas.  La  Ville  fit  dreffer ,  fur  le  pafiage  de  Leurs 
Majeftés,  aux  carrefours  de  Saint-Nicolas,  du  Change,  &  du 
Pilori ,  des  diéatres  dont  on  ignore  la  conftru61:ion.  On  ne  fçait  pas 
mieux  à  combien  montèrent  les  dépenfes  que  la  Ville  fit  à  cette 
occafion.  Tout  ce  qu'on  fçait ,  c'elt  que  la  Reine  montra  fa  gé- 
nérofité  par  des  aumônes  multipliées.  Le  Gouverneur  de  la  pro- 
vince faifoit  tout  ce  qui  efi:  aujourd'hui  du  refTort  de  l'Intendant, 
pour  l'exécution  des  ordres  du  Roi. 

Jean  Huard ,  Chanoine  de  la  Cathédrale ,  fonda ,  Tan  1552, 
dans  cette  EgUfe  ,  la  fête  des  Epoufailles  de  la  Vierge  avec  Saint 
Jofeph ,  pour  être  célébrée  tous  les  ans  le   1 5  Janvier. 

Charles ,  Cardinal   de  Vendôme   &    Archevêque   de  Rouen , 
tenoit  l'Evêché  de  Nantes  en  commende   depuis  1550.  Il  avoit 
obtenu  un  Induit  du  Pape  Jules  III ,  pour  préfenter  les  Bénéfices, 
admettre  les  réfignations ,  &  recevoir  les  permutations  dans  le 
diocefe  de  Nantes ,  en  tous  les  mois.  Il  fit  exercer  ce  droit  par 
Jean  de  la  Touche  ,  Doyen  du  Chapitre  &  fon  Grand-Vicaire , 
qui,  effeftivement ,  préfenta  tous  les  Bénéfices  qui  vinrent  à  va- 
quer pendant  les  années    1551,  155^',  &    i553*  Mais,  à  cette 
époque  ,  Antoine  de    Créqui  &   de  Canaples ,  Prince  de  Poix , 
Abbé  de  Saint-JuUen  de  Tours  ,  de  Sehncourt ,  &  de  Valloires, 
Chancelier   de  l'Ordre  de  Saint-Michel ,  ayant  été  transféré  de 
l'Evêché  de  Terouane  en  Artois  à  celui  de  Nantes  ,  l'Archevê- 
que de    Rouen,  par    fon  mandement  du   17  Janvier  1554,  ôta 
ce  pouvoir  à  fon  Grand- Vicaire ,  &c  nomma  le   nouveau   Prélat 
fon  feul  Grand-Vicaire  ad  hoc.  Ce  Cardinal  exerçoit  encore  ce  droit 
au  mois  d'Août  1557,  mais  feulement  pour   les  Bénéfices  à  la 
nomination  du  Pape  ;  les  autres  étoient  préfentés  par  l'Evêque. 
Il  paroît  qu'Antoine  de   Créqui  eut  quelques  différents  avec  fon 
Chapitre  ,  puifqu'il  l'obhgea  ,  par  un  Arrêt  du  Confeil ,  à  recon- 
noître  fon  autorité  &  fa  Jurifdiclion  épifcopale. 


î84  NAN 

On  prit ,  Tan  1553,  cîes  mefures  contre  les  Calviniftes ,  qui 
commençoient  à  s'introduire  à  Nantes  &  d'y  répandre  des  er- 
reurs. La  ville  étoit  délolée  par  une  maladie  contagieufe  depuis 
1547.  René  de  Sanfai ,  Capitaine  du  château,  fe  plaignit  au 
Gouverneur  de  la  négligence  des  Magillirats  au  fujet  de  cette 
maladie. 

Par  l'Edit  rendu  au  mois  de  Mars  1553,  il  eft  dit  que  le  Parle- 
ment, qui  avoit  été  fixé  à  Vannes  en  15 14,  tiendra  fa  première 
féance  à  Rennes ,  aux  mois  d'Août ,  Septembre  ,  &  Octobre  ;  &  la 
féconde  à  Nantes ,  aux  mois  de  Février ,  Mars  ,  &  Avril.  En 
vertu  de  cet  Edit,  les  Evêques  de  Rennes  &  de  Nantes  font 
Confeillers-nés  du  Parlement ,  avec  voix  &  oppofition  délibé- 
ratives.  L^année  fuivante,  le  Roi  permit  aux  habitants  de  Nantes 
de  lever  certaines  impofitions ,  avec  exemption  des  aides ,  à 
condition  que  le  produit  de  ces  impofitions  feroit  employé  aux 
réparations  &  fortifications  de  la  ville.  On  remarque  que  la 
Communauté  de  Nantes  envoyoit  tous  les  ans ,  félon  l'ufage , 
aux  Minifires  ,  quelques  lamproies ,  dans  le  temps  qu'on  commen- 
çoit  à  les  pêcher. 

Les  Magifirats ,  informés  que  les  Religieufes  de  Sainte-Claire 
recevoient  dans  leur  maifon  plus  de  Filles  qu'elles  ne  dé- 
voient ,  leur  défendirent ,  le  2 1  Juillet  1554,  de  pafl^er  le  nom- 
bre déterminé  par  leurs  fondations.  Ils  défendirent  auffi  à  leurs 
Direéleurs  &  Confefi^eurs  de  recevoir ,  de  certaines  perfonnes , 
des  préfents  qui  les  engageoient  à  perfuader  à  ces  Religieufes 
d'admettre  toutes  les  Filles  qui  fe  préfentoient  dans  leur  Couvent. 

Les  Filles  du  Quint -Ordre  de  Saint  -  François ,  à  leur  arrivée 
à  Nantes  en  1 5 1 2 ,  s'étoient  chargées  d'infl:ruire  les  jeunes  per- 
fonnes de  la  ville  &  des  fauxbourgs  ,  moyennant  un  falaire 
honnête.  Elles  fe  relâchèrent  de  ce  foin  en  1554,  pour  s'atta- 
cher davantage  aux  feules  penfionnaires ,  &  s'en  procurer ,  par 
ce  moyen ,  un  plus  grand  nombre.  Cette  façon  d'agir  déplut  à 
la  Communauté  de  ville ,  qui  leur  en  fit  des  reproches.  Il  eft 
à  croire  qu'elles  remplirent  exaftement  leurs  obligations  dans  la 
fuite  ,  puifqu'elles  conferverent  la  maifon  qu'on  leur  avoit  donnée 
dans  la  rue  des  Caves ,  près  la  Chambre  des  Comptes.  Elles  y 
refterent  jufqu'en  1632  ,  qu'elles  occupèrent  leur  Couvent  du 
Marchix  ,  comme  nous  le  dirons  ci-après.  Elles  étoient  libres  alors 
&  fans  clôture. 

A  la  fin  du  mois  de  Juillet  1554,  le  Duc  d'Etampes,  étant  à 
Nantes,  donna  des  ordres  pour  mettre   les  côtes  du  diocefe  à 

l'abri 


N  A  N  185 

Tabri  des  incurfîons  des  Efpagnols  qui  les  ravageoient.  Il  y  avoit 

f)eu  de  temps  que  deux  galères  de  cette  Nation  avoient  couvert 
a  Loire  pendant  neuf  mois ,  depuis  Nantes  jufqu'au  Pèlerin.  La 
Milice  Bourgeoife  étoit  alors  commandée  par  un  Officier  qui 
portoit  le  nom  de  Connétable  ,  auquel  la  Ville  payoit  foixante 
livres  monnoie  de  gages.  Le  portier  de  la  ville  étoit  pour  l'or- 
dinaire Gentilhomme.  Cette  place  étoit  plus  honorable  qu'avi- 
lifTante ,  puifqu'elle  marquoit  la  grande  confiance  qu  avoit  le 
Prince   dans  la  probité  de   celui  qui  en  étoit  revêtu. 

1555.  Le  Palais  de  la  Chambre  des  Comptes  fut  achevé  cette 
année ,  &  la  ftatue  équeftre  de  Henri  II  fut  placée  au  defîus 
de  la  principale  porte.  Le  Monarque  y  créa  deux  nouvelles 
charges  de  Maîtres  aux  Comptes ,  &  abandonna  la  Bretagne  au 
Duc  de  Valois ,  fon  gendre ,  qui  difpofa  des  finances  &  des 
charges ,  fans  préjudice  néanmoins  des  droits  de  Madame  Renée  , 
féconde  fille  du  Roi  Louis  XII  &  de  la  Reine  Anne.  Le  2 
Septembre ,  le  Roi  donna  une  Déclaration ,  qui  portoit  que  les  hom- 
mages &  aveux  fe  rendroient  à  fa  Chambre  des  Comptes  de 
Bretagne  ,  comme  à  celle  de  Paris. 

Formule   de  l'hommage  qui  fe  rend  au  Roi,  ci  fa   Chambre  des 
Comptes  de  Bretagne, 

.  Le  Greffier  lit  à  haute  voix  le  brevet  d'hommage  ,  qui  con- 
tient la  qualité  de  celui  qui  le  rend  ,  celle  de  la  terre  pour  la- 
quelle il  le  rend ,  comment  il  efi:  venu  en  polTeffion  de  cette 
terre ,  fi  c'ell:  par  acquêt  ou  fucceffion  héréditaire.  Pendant  cette 
lefture ,  le  rendant  hommage  efi:  à  genoux  fur  un  couffin ,  aux 
pieds  du  Préfident  ,  toutefois  s'il  eft  d'extra6lion  noble  ou 
revêtu  d'Office  royal  de  judicature  j  car  autrement  il  eft  reçu 
debout,  fans  autre  formalité  que  d'un  afte  décerné.  La  lefture 
finie  ,  le  Préfident  met  les  mains  du  vafTal  entre  les  fiennes , 
pour  marquer  qu'il  eft  homme  du  Seigneur  &  Hé  par  fon  ferment. 
Il  lui  tient  enfuite ,  à  voix  bafle ,  un  difcours  qui  n'eft  entendu 
de  perfonne  ,  de  même  que  la  réponfe  du  vaflal ,  qui  fe  relevé  , 
va  s'affeoir  dans  un  fauteuil  que  lui  a  préparé  un  Huiffier  ,  & 
fe  couvre ,  pendant  que  les  gens  du  Roi  donnent  leurs  conclu- 
fions  pour  la  confervation  des  droits  de  Sa  Majefté.  Après  quoi , 
l'Huiffier ,  qui  fe  tient  derrière  le  fauteuil  du  vafiTal  ,  l'avertit 
d'ôter  fon  chapeau  &  de  fe  lever  ,  pendant  que  le  Préfident 
prononce  l'Arrêt  à  peu  près  en  ces  termes: 

«  La  Chambre  a  décerné  a6le  au  Sieur  N. . . .  de  l'hommage 
Tome  UL  A  i 


ï86  N  A  N 

»  préfentement  fait  par  lui  au  Roi ,  pour  les  chofes  contenues 
»  en  fon  brevet  j  ordonne  qu'il  en  fournira  aveu  &  dénombre- 
»  ment  dans  le  temps  porté  par  la  coutume ,  à  peine  de  faifie , 
»  &  communiquera  en  même  temps  fa  quittance  de  rachat, 
»  û  ceû  par  fuccefîîon  ;  ou  de  lods  &  vente  ,  Ci  ceû  par  ac- 
»  quêt.  Et  fî  aucune  faille  avoit  été  apportée  faute  de  prefta- 
»  tion  dudit  hommage  ,  la  Chambre  lui  en  a  donné  main-levée , 
»  payant  les  frais  de  Juftice  ,  fans  préjudice  des  fruits  de 
»  mal-foi   requis  par  le  Procureur  général  du  Roi.  » 

Par  marché  conclu  le  1 4  Juillet  1555,  le  puits  de  la  place 
Saint-Pierre  fut  creufé  à  deux  cents  pieds  de  profondeur  ,  à 
quatre  livres  le  pied ,  &  achevé  au  mois  d'Oftobre  fuivant.  Le 
pilori  de  la  Juftice  du  Roi,  qui  étoit  jadis  à  la  place  Saint-Pierre, 
n'y  fubfifloit  plus  alors  :  il  avoit  été  porté  au  milieu  de  la  grande- 
rue  ,  à  l'endroit  qui  en  retient  encore  le  nom ,  près  le  Puits- 
Salé  ou  grand-puits  ,  ou  enfin  le  puits  du  Pilori.  A  l'établifTement 
du  Préfidial ,  le  pilori  fut  tranfporté  à  la  place  du  Bouffay  ,.où 
il  ell  refté  jufqu'à  préfent. 

L'an  1555,  Jean  Cornichon  tenoit  la  porte  au  nom  du  Roi , 
par  ferme  ou  privilège ,  fournilToit  des  chevaux  ou  des  portillons , 
Se  prenoit  les  lettres  pour  Paris  &  route.  Il  ert  le  premier  qui 
ait  tenu ,  à  Nantes ,  le  Bureau  de  la  Porte  &:  de  la  Meflagerie, 
Avant  cet  établiflement ,  on  fe  fervoit  des  occartons  qui  fe  pré- 
fentoient  j  &  ,  fî  l'affaire  étoit  prefTante ,  on  y  envoyoit  des 
MefTagers  exprès. 

1555.  Au  mois  d'Avril,  le  Roi  établit  une  Amirauté  à  Nantes. 
L'Edit ,  donné  à  ce  fujet ,  ert  enrégiftré  à  la  Chambre  des 
Comptes ,  au  mois  de  Mai.  La  Maîtrife  particulière  des  Eaux  Se 
Forêts ,  créée  l'année  précédente ,  ert  érigée  en  grande  Maîtrife 
par  Edit  du  mois  de  Novembre ,  &  cette  éreftion  ert  confirmée 
au  mois  de  Février  1556.  Les  habitants  de  Rennes  fupplient  le 
Duc  d'Etampes  d'employer  fon  crédit  pour  obtenir  du  Roi  que 
le  Parlement  ne  foit  point  transféré  à  Nantes  ,  dont  les  habitants 
le  demandoient.  Les  Etats  afTemblés  dans  la  même  ville ,  le  27 
Septembre,  délibèrent  de  faire  marcher  le  ban  &  arriere-ban  ;  &, 
le  2  Mai  1556,  le  Roi  écrit  de  Villers-Coterets  au  Connétable 
de  Montmorenci ,  de  le  convoquer  fur  le  champ  ,  pour  s'oppofer 
à  la  defcente  des  Efpagnols  fur  les  côtes  de  Bretagne. 

Le  Bureau  de  ville  fait  réparer  ,  en  1556,  l'Aumônerie  de  Touf- 
faint ,  où  l'on  recevoit  alors  tous  les  pafTants  &  tous  ceux  attaqués 
de  la  maladie  de  Saint-Méen.  La  Ville  faitaufTi  réparer  l'Hôpital 


NAN  187 

de  Saint-Clément,  dont  elle  vouloit  faire  un  Collège  ,  &  fait  paver, 
pour  la  première  fois ,  la  place  du  Bouffay .  Au  mois  de  Mars  1566, 
le  feu  prend  dans  1^  rue  de  la  Mercerie,  aujourd'hui  des  HalUs , 
qui  ell  réduire  en  cendres.  Plufieurs  particuliers  font  abfolument 
ruinés  par  cet  accident  :  le  marc  d'argent  valoit  alors  quatorze 
livres  cinq  fols. 

Nous  avons  ,  d'Antoine  de  Créqui,  un  Rituel,  un  Bréviaire,  & 
des  Statuts  ,  publiés  aux  années  1555  &  1556  :  ils  défendent  aux 
Prêtres  de  fe  charger  de  plus  de  huit  Meiles ,  &  aux  Curés  de 
fe  fervir  de  Prêtres  étrangers  pour  l'admimftration  des  Sacrements, 
avant  de  lui  avoir  préfenté  les  titres  de  l'Ordination  de  ces  étran- 
gers ,  &  le  dimifîbi're  de  leur  Evêque  en  bonne  forme.  Ils  re- 
commandent de  tenir  exaftement  des  regiftres  de  baptême. 

1 5  5^7.  Le  Roi  règle  la  Chambre   des   Comptes    de   Bretagne 
à  Tinflar  de  celle  de  Paris.  Depuis  ce  temps,  les  Préfidents ,  les  Maî- 
tres, les  Auditeurs,  les  Avocats  &    Procureurs  généraux ,  ont  eu 
les   mêmes  gages ,  ont  été  également  traités ,  à  la  fubordination 
près ,  &  nommés  tous  &  qualifiés  Confeillers  ou  Gens  des  Comptes. 
L'Angleterre  &    l'Efpagne   faifoient  alors  la  guerre  à  la  France. 
Le    1 1  Juillet ,  la  Ville  s'affembla  pour  déhbérer  fur  l'étabhffe- 
ment  du  Collège    à    l'Hôpital  de   Saint -Clément.  On   forma    le 
projet  d'en  tranfporter  les  malades  à  l'Aumônerie  de  Touflaint  fur 
les  ponts,  &  de    faire  venir  de  Paris  des  Profe fleurs  ,  avec  un 
Principal,  gagés  pour  trois  ans.  On  traça,  cette  année,  les  ali- 
gnements pour  la  nouvelle  ville    du  Marchix.   La   crainte  qu'on 
avoir  des  Anglais  &  des  Efpagnols  ,  engagea  les  habitants  à  faire 
un  dénombrement  de    tous  les  citoyens   en    état  de    porter   les^ 
armes.  Suivant  le  rapport  des  Marguilliers  aux  Magiftrats,  le  23 
Août ,  il  fe  trouva ,  dans  la  ville  &  les  fauxbourgs ,  deux  mille 
trois  cents  dix  hommes  capables  de  prendre  les    armes  dans  le 
befoin  j   non   compris  les  deux  Chapitres  &   les   Couvents   re- 
ligieux. 

Le  Calvinifme  fut  introduit  dans  le  diocefe  de  Nantes  par  les 
prédications  de  Jean  Carmel ,  furnommé  Fleuri  &  Fleurier ,  amené 
en  Bretagne  ,  l'an  1558,  par  François  de  Coligni ,  Seigneur  d'An- 
delot.  Loifeleur,  dit  Villiers ,  féconda  Fleuri,  &  prêcha  avec 
lui  à  Nantes ,  à  Blain ,  dans  les  châteaux  de  la  Breteche ,  de 
MifliUac  j  à  la  Rochebernard ,  & ,  non  loin  de  cette  ville ,  au 
château  de  Lourmaye,  Paroifle  de  Nivillac ,  dont  d'Andelotétoit 
Seigneur.  Ce  Gentilhomme ,  qui  étoit  Calvinifte  zélé ,  mena  fes 
deux  Prédicateurs  au  Croific  ,  &  les  fit  prêcher  dans  l'Eglife  de 


i88  ^^  NAN 

Notre-Dame  de  Pitié.  Le  Clergé  de  la  ville  en  avertit  Antoine 
de  Créqui ,  fon  Evêque  ,  qui  partit  fur  le  champ  pour  aller  s'op- 
pofer  aux  Hérétiques.  A  fon  arrivée  au  Croiiic,  au  mois  de  Juin, 
le  Prélat  fit  une  proceflion  où  fut  porté  le  Saint-Sacrement ,  & 
alla  attaquer  la  maifon  où  Ton  prétendoit  que  les  Proteflants 
s'étoient  retirés  avec  leurs  Miniftres.  Elle  étoit  une  des  plus  fortes 
du  lieu ,  Se  appartenoit  à  Guillaume  Roi ,  Bourgeois  dillingué 
parmi  fes  concitoyens.  La  nombreufe  troupe  de  gens  de  mer  ôc 
de  payfans  qui  compofoient  la  proceflion ,  fit  le  fiege  de  la 
maifon ,  par  ordre  du  Prélat  ,  qui ,  pour  animer  davantage  fa 
pieufe  milice  ,  lui  fit  donner  plufieurs  bariques  de  vin  de  Bordeaux. 
La  maifon  fut  battue  par  une  groffe  coulevrine  qui  tira  cinq  cents 
coups, &  défendue  avec  beaucoup  d'opiniâtreté  par  dix-neuf  braves 
qui  s'y  étoient  renfermés ,  mais  qui ,  fe  voyant  trop  inférieurs  en 
iorces ,  décampèrent  à  la  faveur  de  la  nuit ,  &  fe  rendirent  au 
château  de  Carheil ,  tandis  que  l'Evêque  étoit  à  fouper.  (  Le  châ- 
teau de  Carheil  elt  fitué  à  une  lieue  trois  quarts  de-là ,  dans  la 
ParoifTe  de  Guérande.  ) 

Cette  expédition  militaire  manquée  ,  l'Evêque  revint  à  Nantes 
couvert  de  confufion ,  &  fut  blâmé  de  la  Cour  ,  d'en  être  ainii 
venu  aux  voies  de  fait  fans  permifîion  du  Souverain  ,  ce  qui 
n'avoir  point  eu  d'exemple ,  &  d'avoir  manié  les  armes ,  contre 
la  défenfe  des  faints  Canons. 

La  charge  d'Avocat  général  de  la  Chambre  des  Comptes  fi;t 
créée  par  Henri  II,  en  1558  ,  &  exercée,  pour  la  première  fois, 
par  Jean  Boulomer ,  ci-devant  Auditeur.  Quelque  temps  après , 
Guillaume  de  Francheville  ,  Procureur  général ,  la  fit  fupprimer , 
&  rembourfa  à  Jean  Boulomer  la  fomme  qu'elle  lui  avoit  coû- 
tée. Le  Roi  Henri  III  la  créa  de  nouveau,  en  1 575 ,  &  la  donna 
au  même  Guillaume  de  Francheville ,  qui  fe  démit  de  fa  charge 
en  faveur  de  Jean  de  Francheville,  fon  fils. 

1558.  Ordonnance  de  Police,  qui  permet  à  l'Exécuteur  de  la 
haute- Juilice  de  prendre ,  à  fon  profit ,  tous  les  cochons  qui  fe 
trouveroient  égarés  dans  les  rues  &  places  de  la  ville.  Les  mou- 
lins de  Barbin  font  aliénés.  On  donne  permifîion  aux  Pères  Corde- 
liers  de  tirer ,  pendant  trois  ans ,  d'où  bon  leur  femblera ,  quarante 
pipes  de  vin ,  fans  payer  aucuns  droits.  Les  glaces  de  l'iiiver  en- 
traînent les  ponts  de  Pirmil  &  de  la  Saufaye. 

Il  y  avoit  alors  quarante -fix  Notaires  ruraux  pour  le  Comté 
de  Nantes.  L'inflitution  de  ces  Officiers  étoit  très-récente  ,  puifque 
le  premier   afte  pafTé  pardevant  Notaires  fut   pour  un  marché 


NAN  189 

de  quatre  mille  pefant  de  balles  de  fer ,  que  la  Ville  acheta  aux 
forges  de  la  Poiteviniere ,  Paroifle  de  Riaillé  :  cet  a6le  eft  du 
mois  de  Juillet  1558. 

La  porte  nommée  depuis  de  la  Poiffbnnene ,  s'appelloit ,  dans 
ce  temps,  la  porte  Chalandiere  ou  de  la  Prévôté,  Ces  noms,  qu'on 
lui  donnoit  indifféremment ,  lui  venoient  de  la  Prévôté  qui  tenoit 
fon  Bureau  dans  l'une  de  fes  tours  ,  &  des  bateaux  nommés 
chalands ,  qui  pafToient  fous  le  pont  de  cette  porte  en  cette 
année.  Depuis  la  deflruftion  de  la  chauffée  &  du  moulin  qui  y 
étoient  en   1 48  5 ,  le  paffage   fut  ouvert  &  élargi. 

1559.  L'Evêque  obtient  un  Arrêt  du  Confeil ,  qui  foumet  le 
Chapitre  à  fa  Jurifdiftion  épifcopale ,  &  fait  la  viiite  de  ce  Corps 
&  de  fon  Eglife  Cathédrale,  Henri  II  eff  bleffé  à  mort ,  dans  un 
combat,  par  le  Comte  de  Montgommeri,  le  10  Juillet.  François 
II ,  fon  fils  &  fon  fucceffeur ,  donne  la  direftion  des  affaires  aux 
Guifes ,  l'Intendance  de  la  guerre  au  Duc  de  ce  nom ,  &  celle 
de  la  Religion  au  Cardinal ,  fon  frère.  Les  Calviniftes  commen- 
cent à  s'affembler  &  à  former  des  projets.  La  Renaudie ,  Gen- 
tilhomme d'Angoumois,  eft  chargé  ,  par  les  principaux  de  fa  Sefte, 
d'aller  dans  toutes  les  villes  exhorter  les  Proteftants  à  envoyer 
des  Députés  à  Nantes ,  dans  le  temps  que  le  Parlement  devoit 
s'y  raffembler ,  afin  que  l'affluence  du  peuple  les  empêche  d'être 
découverts.  La  Renaudie  s'acquitte  de  fa  commifîion  en  homme 
habile  ,  &  les  Députés  fe  rendent  à  Nantes  ,  au  jour  marqué  ,  au 
nombre  de  plus  de  cent  cinquante  ,  fans  qu'on  s'apperçoive  de  leur 
arrivée ,  &  l'entreprife  d'Aniboife  eft  concertée  dans  cette  affem- 
blée,  au  mois  de  Janvier  1560.  Georges  de  la  Forêt,  fécond 
chef  de  la  conjuration  contre  les  Guifes ,  accompagne  la  Re- 
naudie dans  fon  entreprife.  Le  projet  eff  découvert ,  &  la  Re- 
naudie eft  tué  à  la  tête  des  troupes  qu'il  commandoit  dans  la 
forêt  d'Amboife  (  a  ).  Telles  furent  les  premières  étincelles  de 
l'incendie  qui  penfa  confumer  la  France.  Ce  fut  dans  ce  temps 
qu'on  donna  le  nom  de  Huguenots  aux  Calviniffes. 

1560.  Ereftion  de  la  Mairie  &  de  l'Echevinage  de  Nantes, 
par  lettres  -  patentes  données  à  Blois  au  mois  de  Janvier,  Ce^ 
lettres ,  qui  confirment  la  création  de  la  Communauté  de  ville, 
veulent  que  le  Maire  foit  élu  tous  les  ans ,  &  les  Echcvins  de 
trois  ans  en  trois  ans ,  pour  veiller  aux  intérêts  de  la  ville.  Ces 

(  <2  )  Cette  forêt   appartient  au  Roi ,  &  peut  contenir  environ  feize  mille  arpents  dç 
terrein.  : 


190  ,  N  A  N 

lettres  font  vérifiées  au  Parlement  le  30  Avril  de  la  même  année. 
Le  9  Mai ,  René  de  Sanfai ,  Gouverneur  de  la  ville  ,  fe  plaint  au 
Duc  de  Montmorenci ,  Gouverneur  de  la  province  ,  que  les 
Calvinifles  afEchoient  des  placards  indécents  aux  portes  de  la  ville 
&  des  hôtels  des  maifons ,  &  que  les  habitants  refufoient  de 
monter  la  garde  pour  empêcher  les  délbrdres.  Il  lui  apprend 
enfuite  que  le  dernier  ouragan  a  rompu  le  pont  du  château,  & 
qu'il  paroît  néceffaire  de  le  faire  rétablir  au  plus  vite  :  il  finit , 
en  le  priant  de  donner  promptement  des  ordres  pour  remédier 
aux  troubles. 

François  II  meurt  le  1 5  Décembre.  Charles  IX ,  fon  frère , 
lui  fuccede.  On  alTemble  les  Etats  généraux  pour  avifer  aux 
moyens  d'arrêter  les  progrès  du  Calvinifme. 

1 561.  Droit  de  pafîiige  étabh  fur  les  ponts  de  Nantes ,  pendant 
qu'on  étoit  occupé  à  les  réparer.  Permifiion  donnée  à  la  Com- 
munauté de  lever  une  impofition  pour  l'acquit  des  dettes  de  la 
ville.  Le  Préfidial,  voyant  le  Curé  de  Saint-Nicolas  abfent,  com- 
met un  Vicaire  pour  deffervir  la  ParoifTe ,  &  fait  faifir  les  re- 
venus de  la  Cure.  Les  Calviniftes  s'affemblent  publiquement, 
mais  en  petit  nombre ,  dans  un  preflbir ,  à  Barbin.  Ils  s'affem- 
blent,  une  féconde  fois,  le  18  Juillet,  au  nombre  de  plus  de 
mille.  Deux  Libraires  de  Genève  font  amener  à  Nantes  deux 
charges  de  livres  fufpe8:s ,  qui  font  faifis  par  le  Grand- Vicaire. 
Dans  la  nuit  du  7  au  8  Décembre  ,  René  de  Sanfai ,  Gouver- 
neur de  Nantes,  &  l'Archidiacre  de  la  Cathédrale,  fon  neveu, 
font  mettre  le  feu  au  preffoir  qu'avoir  à  Loquidie  le  nommé 
du  Harda:^  ,  &  qui  fervoit ,  comme  celui  de  Barbin  ,  de  falle 
d'affemblée  pour  les  Calvinifles.  Ces  Seftaires,  indignés  de  cette 
injure,  s'affemblent  au  nombre  de  trois  cents,  &,  le  28  du 
même  mois,  jour  de  Dimanche,  ils  entrent,  à  pied  &  à  cheval, 
dans  la  Cathédrale ,  tirent  l'épée ,  jettent  des  pierres  au  peuple 
qui  étoit  au  Sermon ,  &  ajoutent  l'impiété  à  l'audace.  On  rap- 
porte un  procès-verbal  de  cette  aftion ,  dont  on  ignore  les  fuites. 

Les  Changes  étoient  autrefois  hors  des  murs  de  la  ville ,  &  y 
communiquoient  par  une  porte  qui  étoit  à  côté  de  l'Eglife  de 
Saint-Saturnin.  Le  7  Janvier  1562,  le  Bureau  permit  à  Pierre 
Ferrault  &  à  fa  femme  de  dreffer  leur  ouvroir  (  boutique  )  au 
devant  de  la  maifon  commune ,  vis-à-vis  la  porte  de  ville, 
aux  Changes.  Cette  place  eft  appellée  camhiwn  dans  les  anciens 
titres  ,  foit  parce  que  les  Changeurs  ou  Caiffiers  y  tenoient  leur 
bureau,  ou  parce  qu'on  y  faifoit  un  change  continuel  d'argent 


N  AN  191 

en  denrées  ou  marchandifes  -,  elle  étoit  autrefois  fort  étendue  , 
mais  elle  fut  rétrecie  par  les  maifons  qu'on  y  éleva  fur  les  fon- 
dements des  anciens  murs.  Elle  reprit,  en  1740,  une  partie  da 
fon  ancienne  largeur ,  parce  qu'on  recula  les  maifons  qu'on  y  fit 
conftruire  à  neuf  dans  ce  temps. 

L'ufage  qui  duroit  depuis  tant  de  fîecles ,  d'introduire  les  pé- 
nitents à  l'Eglife  le  jour  du  Jeudi-Saint,  &  de  les  abfoudre, 
fut  aboli  en  1562.  Le  Chapitre  de  la  Cathédrale  fit,  environ 
ce  temps-là,  murer  les  portes  de  l'Eghfe  du  côté  du  cloître, 
qui  fubfirtoit  encore ,  dans  la  cramte  que  fon  tréfor  ne  fût  enlevé 
par  les  Calviniftes. 

Marie  de  Beaucaire ,  Dame  de  Martigues  ,  époufe  de  Sébaf- 
tien  de  Luxembourg  ,  Lieutenant  général  en  Bretagne  ,  fut  reçue 
avec  la  plus  grande  magnificence  à  Nantes.  Elle  logea  à  l'hôtel 
de  Briord  ,  &  y  accoucha  d'une  fille  qui  fut  nommée  Marie* 
Elle  fut  baptifée  fix  mois  après  fa  naiflance  ,  le  16  Juillet  1562. 
Elle  eut,  pour  parrain,  Antoine  de  Bourbon,  Roi  de  Navarre , 
&  pour  marraines ,  Marie  Stuard ,  Reine  d'Ecofle ,  &  Marguerite 
de  France  ,  fille  du  Roi  Henri  IL  Les  Députés  du  Prince  & 
des  Princelîes  furent  reçus  à  Nantes ,  avec  la  plus  grande  dif- 
tinftion. 

Depuis  l'appartement  de  la  Dame  de  Luxembourg  jufqu'à  la 
Cathédrale ,  les  rues  étoient  tendues  des  plus  riches  tapineries.  D'un 
côté  marchoient  cent  des  principaux  habitants ,  le  cierge  à  la 
main  ;  &  de  l'autre ,  cent  Gentilshommes  fuivis  des  Gendarmes , 
des  Archers  de  la  Compagnie  ,  &  des  Officiers  de  la  maifon 
du  père  de  l'enfant  ;  venoit  enfuite  un  charriot  plein  de  Nymphes 
&  de  Muficiens  qui  jouoient  de  différents  infi:ruments.  Au  haut 
de  ce  charriot  étoient  ces  mots ,  écrits  en  grofies  lettres  d'or  5 
Tejfera  militis  Chnjliani  j  &  de  chaque  côté  étoient  trois  fentences 
de  l'Ecriture-Sainte  ,  analogues  à  la  cérémonie  du  Baptême.  Après 
le  charriot  venoient  l'Univerfité  &  le  Préfidial ,  fuivi  de  fix  trom- 
pettes qui  précédoient  le  Héraut  de  Bretagne ,  vêtu  de  fa  cotte 
d'armes  femée  d'hermines. 

Les  Officiers  de  la  cérémonie  fùivoient  en  cet  ordre  :  du 
Gué  de  rifle ,  portoit  la  ferviette  ;  de  Kerfimon  ,  portoit  l'eau  ; 
de  Kermorvan  ,  le  baffin  ;  de  Bizoges ,  le  cremeau  ;  de  Gou- 
laine ,  le  cierge  -,  &  d'Afferac  portoit  l'enfant  avec  de  Sevigné 
&  Tivoar-Arlin ,  le  premier  à  fa  droite  &  le  fécond  à  fa  gau- 
che ',  derrière  eux  ,  marchoit  Châteauneuf ,  qui  tenoit  le  bout 
d'un  drap  d'or,  femé  de  pierreries,  dont  l'enfant  étoit  couvert. 


191  _      NAN 

Les  parrain  Se  marraines  venoient  enfuite,  accompagnés  d'un 
grand  nombre  de  Dames  de  la  première  diftmftion.  Les  rues 
étoient  bordées  de  quatre  Compagnies  de  troupes ,  &  de  fept 
Compagnies  de  la  garde  ordinan-e   de  la  ville. 

L'Eglife  Cathédrale  étoit  magnifiquement  parée.  On  avoit 
dreffé  au  milieu  de  la  nef  un  pavillon  de  la  plus  riche  étoffe, 
fous  lequel  l'enfant  fut  baptifé  par  Philippe  du  Bec ,  Evêque 
de  Vannes.  Les  grofles  cloches  annoncèrent  le  commencement 
de  la  cérémonie ,  pendant  laquelle  on  fit  plufieurs  décharges 
d'artillerie  au  château  &  dans  la  ville.  Le  Théologal  fit  enfuite 
un  fermon  ,  après  lequel  la  Compagnie  s'en  retourna  ,  dans  le 
même  ordre  ,  avec  la  nouvelle  baptifée ,  qui  époufa  dans  la 
fuite  le  Duc  de  Mercœur. 

Par  déhbération  du  29  Août  1562,  le  marché  qui  fe  tenoit 
aux  Changes  fut  transféré  à  la  place  du  Bouffay.  Cette  dernière 
a  toujours  été  dans  l'enceinte  de  la  ville ,  &  fervoit  jadis  d'ave- 
nue au  Palais  des  anciens  Comtes  de  Nantes.  Le  17  Oftobre, 
il  fut  arrêté  au  Bureau  de  la  maifon  commune ,  de  faire  paver 
la  rue  du  Port-Maillard ,  qui  ne  l'avoit  point  encore  été ,  pour 
la  commodité  des  charrois. 

1562.  Antoine  de  Créqui  efi:  transféré  à  Amiens,  &  fait  Car- 
dinal ,  par  le  Pape  Pie  IV ,  au  mois  de  Mars  1565.  Antoine  II , 
fon  oncle ,  lui  fuccede  à  l'Evêché  de  Nantes ,  par  réfignation* 
Une  maladie  contagieufe  ravage  Nantes  en  1563.  La  ParoifTe 
de  Saint-Nicolas  ,  qui  n'étoit  pas  la  moins  affligée ,  implore  la 
miféricorde  du  Ciel,  fans  néghger  les  autres  remèdes.  Elle  va 
en  procefïion  à  Saint-Sébaflien ,  trois  lundis  de  fuite  ,  &  y  envoie 
un  cierge  du  poids  de  huit  livres  ,  avec  une  bougie  qui  faifoit 
le  tour  de  fon  EgHfe.  On  femoit  le  pavé  de  cette  Eglife  > 
aux  jours  de  Dimanches  &  de  Fêtes ,  d'une  grande  quantité 
d'herbes  aromatiques.  On  remarque  que  ,  dans  ce  temps ,  les  Fa- 
briques des  Paroiffes  &  les  Hôpitaux  de  Nantes  prêtoient  de 
l'argent  à  intérêt  ufuraire. 

Les  ponts  de  Pirmil  avoient  été  jufques-Ià  en  bois.  Ils  furent 
alors  bâtis  en  pierres ,  mais  d'une  manière  fi  peu  folide  ,  ou  plutôt 
fi  défeftueufe ,  qu'ils  écroulèrent  vingt  ans  après. 

1563.  Les  Calvinifi:es  de  Nantes  tiennent  publiquement  des  af- 
femblées ,  en  vertu  de  l'Edit  de  Janvier ,  donné  en  leur  faveur» 
Ils  avoient  des  Temples  au  Marchix  &L  à  Barbin.  René  de  San- 
fai ,  Lieutenant  de  Roi  à  Nantes ,  homme  habile  &  Catholique 
zélé,  eut   l'adreffe    de   faire    détruire   ces  lieux,  fans  paroître 

contrevenir 


N  A  N  I9J 

'eontfevenîr  à  l'Edit.  Ces  Seftaires  tiennent  un  Synode  provincial  à 
la  Rochebernard  ,  le  23  Février  1564.  Le  Miniftre  de  Nantes 
y  aflîfte.  (Voyez  la  Rochebernard.)  Le  14  Août,  la  Commu- 
nauté de  ville  s'alTemble  à  la  Cathédrale  ,  &  prend  la  réfolu- 
tion  de  fe  plaindre ,  en  Cour ,  des  hérétiques ,  qui  avoient  eu  le 
fecret  d'obtenir  la  maifon  Guifchard ,  qui  ell:  à  la  fortie  de  Ri- 
c'hebourg ,  au  lieu  de  celle  de  Beauregard ,  pour  y  tenir  leurs 
affemblées. 

Nous  lifons  dans  le  procès-verbal  de  Jean  Coupé  ,  commis 
par  l'Evêque  de  Nantes  pour  vifiter  une  partie  de  fon  diocefe , 
que  le  Prieuré  de  Batz  doit  tenir  fix  Religieux ,  faire  l'aumône 
fix  fois  la  femaine ,  &  nourrir  le  Vicaire  perpétuel  de  l'endroit 
avec  fon  Domeftique.  On  y  trouve  aufîi  les  obligations  des 
Prieurés  de  Donges ,  de  Pontchâteau ,  de  Froflai ,  de  Saint-Phil- 
bert-de-grand-lieu ,  &  de  l'Abbaye  de  Blanche-Couronne.  Toutes 
ces  obligations  étoient  publiques ,  avouées  ,  &  connues  de  tout 
le  monde ,  en  1 5  64  j  mais  elles  font  fi  anciennes  que  peut-être  ne 
s'en  fouvient-on  plus.  (  Voyez  Donges ,  Pontchâteau  ,  &  les  autres 
lieux  ci-deiTus  dénommés.  ) 

1564.  Ereftion  du  Confulat ,  par  Edit  du  mois  d'Avril,  enré- 
giftré  au  Parlement  le  10  Oftobre  fuivant.  Cette  Jurifdi6^ion , 
compofée  d'abord  d'un  Juge ,  nommé  Mathurin  Vivien ,  &  de  deux 
Confuls ,  nommés  Charles  Chrétien  &  Guillaume  Poullain  ,  élus  par 
les  trois  Ordres  de  la  ville  affemblés ,  commence  fes  exercices 
en  1 5(^5.  Le  Roi  confirme  l'établifTement  de  la  Mairie  de  Nantes  ; 
&  le  28  Novembre  1564  ,  efl  élu  pour  premier  Maire ,  Geoffroi 
Drouet ,  Sieur  de  Langle ,  Paroiffien  de  Saint  -  Saturnin  ,  dans 
une  affemblée  générale  faite  au  Couvent  des  Pères  Cordeliers  , 
où  fe  tenoit  la  Cour  de  Parlement.  On  confie  la  Police  aux 
Maire  &  Echevins ,  &  le  Roi  confirme  cet  arrangement  en 
1 5  66.  Il  efl  à  obferver  que  l'éleftion  annuelle  du  Maire  n'a  point 
été  confirmée  par  nos  Rois  avant  1 598,  &  que  la  charge  d'Eche- 
vin  ennobliffoit  celui  qui  en  étoit  revêtu. 

En  1563  &  1564,  les  deux  Grands -Vicaires  firent  des  Sta- 
tuts. Philippe  du  Bec  fut  créé  Vicaire  général  de  Nantes ,  cette 
dernière  année.  Vers  le  même  temps ,  fut  faite  une  lettre  en 
forme  de  contrat  entre  le  Roi  &  N.  de  Cucé  ,  Confeiller , 
Maître  des  requêtes  ordinaire ,  pour  les  mouHns  de  Joué  près 
Rennes ,  la  Terre  de  la  Jaquere ,  &  le  Pont  en  Verrais ,  qui 
furent  enfuite  réunis  à  la  recette  de  Nantes. 

Sébailien  de  Luxembourg ,  Gouverneur  de  Bretagne ,  fit  fon 
Tome  IIL  B  z 


194  N  A  N 

entrée  à  Nantes  par  la  porte  Saint-Nicolas ,  le  2  Juin  1 5(34  :  il 
fut  reçu  Tous  le  dais  de  la  ville  ,  qui  étoit  porté  par  quatre  ha- 
bitants ,  Se  complimenté  par  le  Reaeur  de  l'Univeriité  à  la  tête 
de  fon  Corps.  La  Communauté  de  ville  lui  fit  préfent  d'un 
ba/îin,  d'un  vafe ,  &  de  fîx  coupes ,  dont  deux  étoient  couvertes, 
le  tout  de  vermeil  &  du  poids  de  dix  neuf  marcs  trois  onces 
un  demi  gros.  La  matière  &  la  façon  coûtoient  enfemble  la 
fomme  de  cinq  cents  quatorze  livres  deux  fols  huit  deniers  : 
on  employa  à  la  dorure  vingt  -  fept  croifats  &  demi  d'or  de 
trois  livres.  Le  préfent  qu'on  fit  à  la  Vicomtefîe  de  Martigues 
confifloit  en  confitures ,  dragées ,  &  deux  livres  de  foie  d'Ef- 
pagne. 

Le  premier  a6le  de  l'autorité  de  la  PoHce  de  Nantes  ,  fut 
une  défenfe  ,  faite  le  i  o  Janvier  1 5  <3  5  ,  aux  charretiers  à  bras  , 
d'aller  au  cabaret  boire  du  vin  d'Orléans  &  d'Anjou ,  &  jouer 
aux  cartes  &  aux  dés.  Le  vin  d'Anjou  ne  valoit  qu'un  fol  la  bou- 
teille ,  &  celui  d'Orléans  un  fol  fix  deniers. 

L'année  fe  comptoit  de  deux  façons  différentes:  les  uns,  la  fai- 
foient  commencer  à  Pâques  ;  les  autres ,  au  premier  Janvier.  Par 
Edit  de  l'an  1565  ,  il  fut  ordonné  que,  dans  tout  le  Royaume, 
on  compteroit  du  premier  Janvier. 

Le  Roi  Charles  IX  fit  fon  entrée  à  Nantes ,  le  1 2  Oftobre  ,  par 
la  porte  Saint-Nicolas ,  où  la  Ville  lui  préfenta  quatre  clefs  de 
fer  du  poids  de  fix  livres ,  &  le  reçut  fous  un  dais  de  velours 
bleu  ,  doublé  de  toile  d'or  &  d'argent ,  &  femé  de  fleurs  de  lis 
&  d'écuflbns  aux  armes  de  France ,  fous  lequel  Sa  Majefi:é  mar- 
cha jufqu'à  la  Cathédrale  ,  &  de-là  au  château.  La  Communauté 
de  ville  avoit  envoyé  au  devant  du  Roi,  jufqu'à  Chantoceaux, 
une  galère ,  fur  laquelle  le  Monarque  fe  rendit  à  Nantes ,  &  dont  il 
fit  préfent  à  Claude  de  Sanfai ,  Sieur  de  Coffai ,  fils  de  René  de 
Sanzai ,  Lieutenant  de  Roi  à  Nantes  ;  mais  le  Bureau  de  ville 
ia  racheta  ,  parce  qu'il  avoit  emprunté  les  meubles  qui  l'ornoient, 
ne  croyant  pas  que  Sa  Majefté  l'auroit  retenue. 

La  Reine  fe  rendit  auffi  à  Nantes  après  l'arrivée  du  Roi  :  les 
rues  furent  fablées  pour  la  recevoir.  Le  préfent  qu'on  lui  fit , 
ainfi  qu'au  Monarque ,  confifloit  en  quatorze  petits  chevaux , 
nommés  haquenées  ,  &  plufieurs  tonneaux  d'un  vin  excellent.  De 
Nantes  la  Cour  fe  rendit  à  Chateaubriand ,  petite  ville  affez 
fouvent  honorée  de  la  vifite  de  nos  Rois.  L'entrée  du  Gouver- 
neur ,  de  la  Reine ,  &  du  Roi ,  coûtèrent  à  la  Communauté  de 
Nantes  une  fomme  de  dix  mille  quatre  cents  quatre- vingt-dix-fept 


NAN  195 

livres  neuf  fols  huit  deniers ,  fomme  équivalente  à  quarante  mille 
livres  de  notre  monnoie   actuelle. 

Pendant  fon  féjour  à  Nantes ,  Sa  Majefté  fit  faifir  les  revenus 
de  l'Evêque  &  de  plufieurs  Bénéficiers ,  au  prorata  de  leur 
non-ré{îdence.  Le  25  Oftobre  ,  elle  confirma,  par  un  nouvel 
Edit  daté  de  Chateaubriand  ,  celui  donné  à  Troyes  en  Cham- 
pagne ,  le  29  Mars  de  Tannée  précédente ,  par  lequel  elle  unit 
&  incorpore  au  Siège  préfidial  de  Nantes  les  Jurifdiftions  de 
ToufFou ,  de  Loyaux  ,  du  Gavre  ;  &  le  Siège  des  Eaux  6c  Fo- 
rêts du  Gavre    à  celui  des  Eaux  &  Forêts  de  Nantes. 

Les  Calviniftes  de  Nantes  s'étoient  retirés  à  Blain,  &  en 
avoient  chaffé  les  Prêtres  Catholiques  ;  de  forte  que ,  depuis  deux 
ans ,  on  n'y  célébroit  plus  l'Office  divin  pour  les  CathoHques.  A  la 
ToulTaint  1565  ,  on  recommença  à  y  dire  la  Méfie. 

Pierre  Boifiuau ,  dit  Launan  ,  eut ,  de  fon  temps ,  une  répu- 
tation prodigieufe.  Il  publia  plufieurs  Ouvrages ,  entr'autres  un 
livre  intitulé  le  Théâtre  du  Monde ,  dont  on  a  fait  plus  de  vingt 
éditions  :  il  mourut  à  Paris  en  1566. 

Antoine  de  Créqui  céda  l'Evêché  de  Nantes  à  Philippe  du 
Bec  ,  Evêque  de  Vannes ,  qui  lui  donna  en  échange  plufieurs 
Bénéfices  fimples.  Philippe  reçut ,  en  1 5  66 ,  fes  Bulles  de  tranf- 
lation  du  Siège  épifcopal  de  Vannes  à  celui  de  Nantes ,  où  il 
fit  fon  entrée  le  21  Décembre,  à  pied,  pour  abolir,  dit -il, 
l'ufage  fafiueux  de  fe  faire  porter  par  les  quatre  Barons  du  dio- 
cefe.  Dans  le  même  temps ,  les  Maire  &  Echevins  formèrent  le 
projet  de  faire  creufer  une  fontaine  publique  dans  la  ville  :  ils 
conclurent  même  un  marché  avec  Cardin- Valence  ,  fontainier, 
demeurant  à  Orléans.  On  mit ,  à  cette  occafion ,  des  impofitions 
fur  les  habitants  de  Nantes  j  &  le  fontainier  écrivit  de  Tours , 
le  18  Mai  1568,  qu'il  avoir  plus  de  trois  cents  tuyaux  &  cent 
pipes  de  ciment  deflinés  à  l'exécution  de  l'entreprife  ,  qui  n'eut 
point  lieu ,  parce  qu'il  ne  fut  pas  pofilble  d'amener  ks  eaux 
d  une  fontaine  fituée  fur  les  hauts-pavés ,  à  travers  les  fofles  de 
la  ville  &  la  rivière  d'Erdre. 

I  568.  Albert  de  Gondi ,  Comte  de  Retz,  Général  des  galères, 
&  Maréchal  de  France ,  eft  nommé  Gouverneur  de  Nantes.  Les 
Capucins  font  reçus  à  Nantes ,  à  condition  qu'ils  feroient  les  pre- 
miers à  fe  porter  aux  incendies  &  à  y  travailler.  Le  Pape  Pie 
V  ,  par  fa  Bulle  du  dernier  Juillet  ,  établit  l'alternative  dans  le 
diocefe  pour  cinq  ans  feulement.  Cette  Bulle  efi:  vérifiée  au  Par- 
lement de  Bretagne  ,  le  z8  06lobre,  fur   les  lettres -patentes 


19^  N  A  N 

données  à  Rennes  le  23  du  même  mois.  Elle  porte  que  le  Prélat 
jouira  bien  &  duement  du  privilège  accordé  ,  tant  &  fi  long- 
temps qu'il  fera  réfidant  dans  fon  Evêché,  pendant  les  cinq 
années  mentionnées.  On  remarque  que  les  Chanoines  étoient  en- 
core tenus  de  loger  les  gens  de  guerre ,  &  de  porter  les  armes 
pour  la  défenfe   de   la   ville  lorfqu'elle  étoit  attaquée. 

La  néceffité  des  temps  &  la  multitude  des  affaires  de  la  Ville 
obligeoient  à  de  grandes  dépenfes.  Les  couriers  qu'elle  envoyoit 
fréquemment  en  Cour  pour  donner  avis  de  ce  qui  fe  paffoit ,  de 
recevoir  les  ordres  du  Roi ,  lui  coûtoient  des  fommes  immenfes. 
Le  30  Août  1568,  elle  établit  un  meffager  de  Nantes  à  Paris 
&  route ,  aux  gages  de  foixante  livres  par  an.  Ce  meffager  jouif- 
foit  du  même  privilège  que  les  Membres  de  l'Univerfité  ,  & 
pouvoit  prendre  un  falaire  des  particuliers  dont  il  portoit  &  rap- 
portoit  les  paquets  &  les  lettres.  Il  partoit  de  Nantes  tous  les 
lundis  de  chaque  femaine.  Le  Roi  Henri  lïl  fît  une  inftitution 
à  peu  près  femblable  ,  l'an  1576. 

Comme  on  craignoit  les  Calviniftes ,  on  prit  des  mefures  pour 
les  repouffer  en  cas  d'attaque.  Le  Gouverneur  de  la  province 
avoir  écrit  le  9  Août,  de  faire  une  provifîon  de  vivres  pour 
trois  mois  j  mais  ,  comme  fes  ordres  n'avoient  point  été  exécutés  , 
il  menaça  les  Magiftrats  de  punition  s'ils  n'obéiffoient.  En  confé- 
quence  il  y  eut  une  affemblée  aux  Jacobins ,  qui  donna  ordre 
de  préparer  l'artillerie  qui  étoit  fur  les  remparts ,  &  de  conduire 
aux  fortifications,  aux  dépens  des  propnéta.ires^  tous  les  terriers 
qui  fe  trouveroient  aux  portes  des  maifons  &  à  la  porte  de  Saint- 
Nicolas.  Il  fut  réfolu  d'achever  l'éclufe  des  murailles  près  le 
Collège  Saint-Jean ,  d'affeoir  &  de  rempHr  les  gabions  ,  de  tra- 
vailler à  la  tour  du  Duc  fituée  près  le  château  ,  d'élever  la 
muraille  qui  féparoit  le  château  &  cette  tour,  de  nettoyer  les 
fofïés  ,  &  de  commencer  par  ceux  du  fer  à  cheval.  On  employa 
à  ces  travaux  ceux  des  habitants  de  la  campagne  qui  étoient 
exempts   de  faire  le   guet  au   château. 

On  fit  efcarper  les  foffés  du  trépied  en  dehors  ,  &  on  les 
remplit  en  dedans.  On  fit  applanir  la  Motte  de  Saint-André  juf- 
ques  vis-à-vis  le  ranchis  de  la  groffe  tour,  hauffer  les  murs  entre 
les  Forts  de  Sauve-tout  &  les  tours  de  ce  nom  ,  remplir  ces  Forts 
de  terre  ,  hauffer  les  murs  de  ville  derrière  le  pequoi  des  Jaco- 
bins qui  conduifoit  hors  de  la  ville  ,  griller  le  batardeau  du  moulin 
Fromenteau  ,  autrement  Coûtant ,  en  la  Paroiffe  de  Saint-Léonard  j 
préparer  les  chaînes  des  rues  ,  vifiter  les  cafemates ,  les  fouter- 


N  A  N  197 

raîns  fecrets  de  Thôtel  de  Briord  ,  des  rues  des  Carmes ,  de  Saint- 
Laurent  ,  de  Saint-Pierre ,  de  Saint-Nicolas ,  de  Sauve-tout ,  & 
d'ailleurs  j  d'abattre  les  échelles  &  appentis  attachés  aux  murs 
de  ville  ;  de  faire  des  barrières  aux  portes  de  Saint-Pierre ,  de 
Saint-Nicolas ,  &  de  Sauve-tout  -,  enfin ,  de  vifiter  les  balles  des 
Colporteurs  qui  entreroient  dans  la  ville ,  les  hôtelleries ,  &  les 
îîiaifons ,  tant  de  l'intérieur  que  des  fauxbourgs ,  tenues  par  des 
perfonnes  fufpeftes. 

Le  Siège  de  la  Prévôté  ,  qui  avoit  été  fupprimé  par  l'Edit 
général  de  la  fuppreflion  des  baffes  Jurifdiftions  ,  fut  rétabU  au 
mois  de  Novembre  1568.  Les  Etats  s'affemblerent  à  Nantes 
dans  le  même  temps.  Les  eaux  de  la  Loire  débordèrent  pendant 
tout  le  mois  de  Janvier  1569.  Il  y  avoit,  dans  ce  temps,  au 
port  Communeau ,  des  moulins  qui  av oient  coûté  des  fommes  im- 
menfes  à  bâtir.  On  en  reconnut  dans  la  fuite  les  inconvénients  ; 
on  commença  par  les  négliger  ,  &  Ton  finit  par  les  démoHr.  On 
n'en  voit  plus  aucuns  velliges,  non  plus  que  des  deux  éclufes, 
dont  l'une  étoit  à  l'entrée  &  l'autre  à  la  fortie  des  murs. 

Les  Maires ,  Echevins ,  &  Juges  de  la  ville  étoient  fujets  à 
faire  le  guet ,  à  la  garde  des  portes ,  Se  à  loger  les  gens  de 
guerre ,  qui  faifoient  encore  abftinence  au  camp  &  en  route 
pendant  le  Carême. 

L'Hôpital  de  Saint-Lazare  fur  les  hauts  pavés ,  où  l'on  tenoit 
ordinairement  les  lépreux ,  fe  trouva  vuide  au  commencement 
de  l'année  1569.  Le  Doyen  &  les  deux  autres  Adminiftrateurs 
en  firent  leur  rapport  au  Bureau  de  la  maifon  commune  ,  le 
4  Janvier  j  &  ,  fur  leurs  repréfentations ,  on  arrêta  de  mettre 
en  bail  ,  pour  trois  ans ,  les  revenus  de  cet  Hôpital.  On  ne  voit 
pas  que  depuis  ce  temps  on  y  ait  mis  des  malades ,  puifque  fés 
revenus  furent  peu  après  unis  à  l'Hôtel-Dieu.  Le  29  Mars,  on 
fit  une  proceiîion  &  des  feux  de  joie  ,  en  aftions  de  grâces  de 
la  vi6-l:oire  que  le  Duc  d'Anjou ,  frère  du  Roi ,  venoit  de  rem- 
porter fur  les  Calviniftes ,  le  13  du  même  mois.  Ce  fuccès  ne 
raffura  point  les  habitants  de  Nantes,  qui  reçurent  ordre  de  fe 
pourvoir  de  vivres  pour  trois  mois  ,  de  faire  la  garde  &  le  guet 
jour  &  nuit ,  &  de  chaffer  de  la  ville  tous  les  étrangers.  La 
pefte  fe  joignit  aux  inquiétudes  que  caufoit  la  guerre ,  &  fit  de 
grands  ravages  dans  le  diocefe.  Le  10  Mai  1569,  la  Commu- 
nauté de  ville  arrêta  de  gager  un  Chirurgien  pour  le  traitement 
des  peftiférés ,  &  d'acheter  une  maifon  pour  les  loger.  Le  7  Jan- 
vier ,  le  Roi  avoit  donné  des  lettres-patentes  à  ce  fujet  -,  &  la 


198  N  A  N 

Ville  ,  qui  avoit  pluiieurs  appartements  commodes ,  fupplia  Sa  Ma- 
jeilé  de  nommer  celui  qui  lui  conviendroit  :  ces  maifons  étoient 
celles  de  Chézine ,  au  pied  du  roc  Miferi^  près  l'endroit  aujour- 
d'hui occupé  par  les  petits  Capucins  ;  du  Clos-Daniel ,  de  la  Ba- 
lue  fur  la  Motte  Saint-Nicolas,  &  de  la  Cyoniere  près  la  tour 
Mechiniere   dans  la  ParoilTe  de  Saint-Donatien. 

Les  Etats  s'afTemblerent  à  Nantes ,  par  ordre  du  Roi ,  le  5  No- 
vembre 1569.  Jean  d'Acigné ,  Seigneur  de  Fontenai  &  de  Guer, 
Chevalier  de  l'Ordre  du  Roi ,  préiida  pour  la  Nobleffe ,  &  Phi- 
lippe du  Bec ,  pour  le  Clergé. 

1569.  Lettres-patentes ,  portant  étabHffement  de  l'Hôtel-Dieu 
de  Nantes;  contrat  de  vente  des  Seigneuries  du  Pont  en  Verrais, 
de  la  Jaquere ,  &  de  l'Ifle-Millau  ;  contrat  de  vente  des  moulins 
des  Halles  ,  joignant  la  Seigneurie  de  la  Jaquere ,  à  Guillaume 
d'Harouis.  On  avoit  projette  de  conftruire  un  Fort  dans  le  jardin 
de  la  Chambre  des  Comptes  ou  dans  celui  des  Pères  Cordeliers  ; 
mais  ce  projet  échoua,  parce  qu'on  reconnut  que  la  groffe  bom- 
barde de  la  tour  du  port  Communeau  fuffifoit  feule  pour  défendre 
la  ville  de  ce  côté-là.  Le  29  du  mois  d'Août,  mourut  Sébaflien  de 
Luxembourg ,  Gouverneur  de  la  province ,  d'une  blelTure  qu'il  reçut 
au  fîege  de  Saint-Jean-d'Angély.  Ce  Seigneur  faifoit  fa  principale 
réfîdence  à  Nantes.  Le  Chapitre  lui  fit  un  Service  folemnel  dans 
la  Cathédrale ,  le  1 3  Décembre  j  &  l'Univerfité  lui  en  fit  un  autre , 
le  29  Janvier  1570,  dans  l'Eglife  des  Pères  CordeHers.  Jacques 
Bigot ,  Principal  du  Collège  de  Saint-Clément ,  prononça  l'Orai- 
fon  funèbre.  Le  Chapitre  de  la  Cathédrale  acceptoit  alors  des 
fondations  d'anniverfaires  dans  les  Paroifles  de  Saint-Laurent  & 
de  Saint-Denis  ,  il  alloit  les  acquitter  en  corps  &  l'aumuce  fur 
le  bras:  le  12  Avril  1570,  il  en  donna  afte  au  Refteur  de 
Saint-Laurent.  On  accorda  dans  ce  temps  cinq  cents  livres  de 
penfion  au  Sénéchal ,  mais  fans  tirer  à  conféquence  pour  l'avenir; 
& ,  pour  couper  court  aux  prétentions  de  ceux  qui  pourroient  un 
jour  occuper  la  même  place ,  on  déclara  que  cette  penfion  étoit 
indépendante  de  l'Office  de  Sénéchal. 

Un  parti  Calvinifie  parut  à  Saint-SébafHen ,  de  l'autre  côté 
de  la  Loire  ,  le  2 1  Oftobre  1 5  70.  Comme  l'Edit  de  pacification 
n'étoit  point  encore  pubhé ,  on  fit  tirer  le  canon  du  château ,  qui 
fit  retirer  l'ennemi.  L'Edit  accordé  aux  Calviniftes  depuis  quelques 
mois ,  fut  enfin  pubhé  à  Nantes  ,  &  y  remit  la  tranquiUité.  On 
y  fit  des  réjouiflances  pubHques ,  le  23  Novembre  ,  pour  le  ma- 
riage du  Roi. 


N  A  N  199 

L'Hôpital  de  Saint-Clément  fut  uni,  Tan  1570,  à  l'Hôpital  de 
la  ville  fitué  alors  dans  la  rue  d'Erdre.  On  voulut  aufli  y 
unir  celui  de  ToufTaint ,  mais  la  Confrairie  qui  en  avoit  la  di- 
reftion  s'y  oppofa.  L'hiver  fut  très-rigoureux  &  dura  trois  mois, 
fans  la  moindre  diminution  de  froid.  Jacques  RoufTeau ,  Imprimeur, 
préfenta  une  requête  à  la  Communauté  de  ville  pour  s'établir  à 
Nantes  j  &  fa  demande  lui  fut  accordée.  Le  bruit  des  armes 
avoit  beaucoup  ralenti  les  Arts ,  &  l'on  s'empreflTa  à  les  faire  re- 
vivre ,  Se  à  remettre  la  ville  dans  un  meilleur  état. 

1 571.  Le  Roi  permit  aux  Magiftrats  de  lever,  fur  les  marchan- 
difes  qui  fe  débitoient  à  Nantes,  des  droits,  dont  le  produit  de- 
voit  être  employé  aux  fortifications  &  réparations  de  la  ville. 
Le  pont  &  la  chauffée  du  Gué-aux- chèvres ,  fur  l'étier  de  Mau- 
ves au  delà  de  Richebourg ,  furent  faits  en  pierres ,  par  adjudi- 
cation du  28  Mars  1571.  Le  marché  étoit  de  deux  mille  neuf 
cents  livres ,  qui  furent  payées  par  la  Ville.  Ce  pont  étoit  aupa- 
ravant  en  bois. 

Comme  les  Gentilshommes  du  diocefe  de  Nantes  étoient  en- 
core fujets  au  droit  de  bail ,  l'Evêque  Philippe  du  Bec  fupplia 
le  Roi  de  changer  ce  bail  en  rachat  ;  ce  qui  lui  fut  accordé 
par  lettres  -  patentes  :  mais  ces  lettres  furent  inutiles  ,  parce 
qu'elles  ne  furent  point  vérifiées  au  Parlement  de  Bretagne  -,  de 
forte  que  Philippe  de  Cofpéan ,  fon  fucceffeur  ,  fut  obligé  d'en 
demander  de  nouvelles  à  Louis  XIII,  l'an  1621.  Le  Monarque 
y  confentit ,  &  les  fit  expédier  félon  les  defirs  du  Prélat  &  des 
Gentilshommes  de  fon  diocefe. 

Le  i^^  Oftobre  1571  ,  on  apporta  au  Bureau  de  ville  une 
coupe  d'argent ,  que  Jean  Coupé ,  Chanoine  de  la  Cathédrale , 
avoit  légué  à  l'Hôpital ,  pour  donner  du  vin  aux  malades  après 
la  communion ,  pendant  la  quinzaine  de  Pâques ,  félon  l'ufage 
étabH.  Par  lettres  du  8  Novembre  ,  le  Duc  de  Montpenfier  , 
Gouverneur  de  la  province,  exempta  les  Maires,  Echevins,  Ju- 
ges, Confuls,  leurs  Procureurs,  Mifeurs  &  Contrôleurs,  du  guet, 
de  la  garde  des  portes ,  &  du  logement  des  gens  de  guerre. 
Le  26  Novembre ,  le  Bureau  de  ville  fixa  le  prix  des  vins  qui 
fe  débitoient  dans  les  cabarets  de  Nantes ,  fçavoir  :  le  plus  excel- 
lent vin  d'Anjou  &  de  Gafcogne ,  à  un  fol  trois  deniers  la  bou- 
teille ;  &  le  moindre  vin  des  mêmes  crûs  ,  à  un  fol.  Le  débitant 
devoit  avoir  deux  caves  ,  l'une  pour  les  vins  étrangers  ,  &  l'autre 
pour  le  vin  de  Nantes  qui  étoit  bien  moins  cher.  Celui  qui  demandoit 
du  vin  pouvoit  defcendre  à  la  cave  pour  le  voir  tirer.  Un  fol  trois 


100  N  A  N 

deniers  valoient  environ  trois  fols  neuf  deniers  de  notre  monnoie. 
Aujourd'hui  la  même  quantité  de  vin  coûte  au  moins  vingt  fols. 
La  Police  fixoit  aufîi  le  prix  des  repas  dans  les  auberges ,  & 
de  la  nourriture  des  chevaux  3  le  marc  d'argent  étoit  à  feize 
livres. 

Lorfque  la  Ville  établit  le  Collège  à  l'Hôpital  de  Saint-Clément, 
l'an  1555,  le  Chapitre  flipula  que  le  lavement  des  pieds  des 
pauvres,  qui  fe  faifoit  le  Jeudi -Saint  à  cet  Hôpital,  fe  feroit 
fous  le  portail  de  l'Eghfe  Cathédrale  ;  que  l'Hôpital  paieroit 
aux  vingt-quatre  Chantres  qui  chantoient  à  cette  cérémonie , 
un  dîner  qui  leur  feroit  fervi  au  Collège.  En  1571  ,  la  Commu- 
nauté de  ville,  au  lieu  du  dîner,  donna  cinq  livres  monnoie 
à  partager  aux  vingt -quatre  Chantres,  qui,  en  1572.,  deman- 
dèrent que  le  dîner  leur  fût  donné  ou  fait  apprêter  par  ar- 
gent. On  conclut ,  en  conféquence ,  un  arrangement  ;  Si  le  ij 
Mai  fut  paffé  un  a6le ,  qui  portoit  que  le  lavement  des  pieds 
feroit  fait  par  les  Maire  &  Echevins  fous  le  portail  de  la  Ca- 
thédrale. Cette  cérémonie  eft  abolie  depuis  long-temps  j  mais 
l'Hôpital  n'en  paie  pas  moins  tous  les  ans  une  rente  de  huit  livres 
dix  fols  au  Chapitre. 

L'an  1572,  la  Communauté  de  ville  acheta  de  N.  du  Cernis, 
la  maifon  de  l'Afnerie ,  au  bas  de  la  FolTe  :  elle  coûta  mille 
neuf  cents  livres,  fomme  équivalente  à  cinq  mille  fept  cents  litres 
de  notre  monnoie.  Dès  le  10  Mai  1569,  on  av oit  pris  cette 
maifon  à  ferme ,  Se  l'on  y  avoit  envoyé  des  malades ,  félon  le 
projet  qu'on  avoit  d'en  faire  un  Hôpital.  Les  revenus  de  la  fon- 
dation furent  augmentés ,  en  1 661 ,  par  de  nouveaux  bienfaits  de 
la  Communauté  de  ville  ,  qui  fe  prétend  ,  à  jufle  titre  ,  fondatrice 
de  cet  Hôpital ,  connu  aujourd'hui  fous  le  nom  de  Sanitat ,  & 
dont ,  par  conféquent ,  elle  doit  avoir  la  principale  adminiftration. 

1 572.  MalTacre  de  la  Saint-Barthelemi.  Le  Duc  de  Montpen- 
fîer  engagea  ,  par  une  lettre  ,  la  Communauté  de  Nantes ,  à 
égorger  les  Proteilants  qui  fe  trouveroient  dans  la  ville  ,  fans 
diftinftion  de  fexe  ou  de  condition.  Les  Magiilrats  eurent  hor- 
reur d'une  telle  barbarie ,  &  refuferent  d'obéir.  S'il  eft  une  oc- 
cafîon  où  la  défobéiffance  foit  permife ,  c'eft  fur-tout  dans  celle- 
ci  j  &  le  généreux  refus  des  Nantais  ne  peut  que  leur  faire  hon- 
neur. Il  eft  évident  que  la  feule  voix  de  l'humanité  retint  leurs 
bras ,  puifqu'en  défobéiftant  ils  refterent  dans  le  devoir. 

La  ville  de  Rennes,  qui  avoit  obtenu  le  Parlement,  demanda 
encore   la  Chambre  des  Comptes  en  1572,  mais  elle   ne  put 

l'obtenir» 


N  A  N  201 

l'obtenir.  Le  Roi  Charles  IX  y  créa  deux  nouvelles  charges  de 
Préfidents  ,  huit  de  Maîtres ,  &  dix  d'Auditeurs  ,  avec  un  nou- 
veau femeftre  ,  qui  fut  appelle  feme/ire  (T hiver.  Il  fut  réglé  que 
les  deux  Préfidents  feroient  Français  &  non  Bretons  j  que  des 
huit  Maîtres  &  des  dix  Auditeurs  il  y  en  auroit  la  moitié  de 
Bretons  &  l'autre  moitié  de  Français.  Les  privilèges  des  Bedeaux 
&  des  Parcheminiers  de  l'Univerfité  furent  confirmés  ;  &  le  Séné- 
chal de  Nantes  eut  une  penfion  de  huit  cents  livres.  La  porte 
de  ville  Sauve-tout  avoit  été  murée ,  &  les  habitants  du  Marchix 
ne  pouvoient  entrer  en  ville  que  par  la  porte  de  Saint-Nicolas. 

Louis  de  Bourbon  ,  Prince  Souverain  de  Dombes ,  Duc  de 
Montpenfier,  fit  fa  première  entrée  à  Nantes,  le  23  Décembre 
1572,  par  la  porte  de  Saint-Nicolas,  vers  les  quatre  heures  de 
l'après-midi,  &  alla  defcendre  à  l'hôtel  de  Briord.  On  obferva 
le  même  cérémonial ,  en  cette  occafion  ,  qu'à  l'entrée  de  fon  pré- 
décefleur.  La  Paroiffe  de  Saint-Nicolas  fe  diftingua  :  elle  fit  faire 
deux  enfeignes ,  chacune  de  quatorze  aunes  &  demie  de  fatin  , 
fur  lefqueiles  elle  fit  peindre  des  écuflbns  aux  armes  du  Roi  & 
du  Gouverneur  ;  elles  coûtèrent,  de  façon, quatre-vingt-neuf  livres 
dix  fols  fix  deniers. 

La  crainte  qu'on  avoit  d'être  furpris  par  les  Calvinifles ,  obli- 
geoit  les  habitants  à  faire,  jour  &  nuit,  la  garde  des  portes  delà 
ville.  Les  Chanoines  &  les  autres  Eccléfialriques ,  qui  étoient  fu- 
jets  à  ce  fervice  ,  firent  de  vives  repréfentations  au  Gouverneur , 
qui  voulut  bien  les  en  exempter  ;  mais,  comme  cette  exemption 
n'étoit  pas  dans  les  formes ,  il  leur  fallut  reprendre  le  moufquet 
l'année  fuivante,  comme   à  l'ordinaire. 

1573.  Le  27  Avril ,  on  arrêta  en  plein  Chapitre  que  le  Saint- 
Sacrement  fer  oit  porté  ,  le  jour  de  la  Fête-Dieu ,  fur  un  bran- 
card ,  par  des  Prêtres ,  félon  Pancienne  coutume.  Cet  ufage  ne 
fubfifta  pas  long-temps ,  &  le  Saint-Sacrement  continua  d'être  porté 
par  l'Evêque  ou  la  première  dignité  du  Chapitre.  Les  Calvmiftes 
avoient  repris  les  armes ,  &  faifoient  la  guerre  avec  vigueur. 
Le  Gouverneur  de  la  province ,  qui  fçavoit  qu'ils  en  vouloient  à 
la  ville  de  Nantes  ,  écrivit ,  du  camp  devant  la  Rochelle  ,  de 
prendre  toutes  les  précautions  pofîibles  pour  éviter  la  furprife. 
On  permit  en  même  temps  aux  habitants  de  jomdre  deux  mou- 
lins à  eau  aux  fix  autres  qui  fubfiftoient  déjà  fur  les  ponts  :  ils 
furent  conftruits  fur  le  champ. 

1574.  Charles  IX  meurt  à  Vincennes  le  30  Mai.  Au  mois  de 
Juillet ,  la  Ville  lui  fait  faire  un  fervice  folemael  dans  la  Cathédrale. 

Tome.  11  L  C  2 


aox  N  A  N 

On  remarque  que  les  Chanoines  portoient  alors  la  robe  rouge 
aux  jours  ae  grandes  fêtes  &   de  cérémonies. 

Dès  le  règne  de  François  II ,  on  avoit  formé  le  projet  de  faire  , 
du  fauxbourg  du  Marchix  ,  une  ville  neuve  ou  nouvelle.  Les  cir- 
conftances  &  le  malheur  des  temps  avoient  fait  échouer  le  projet, 
Charles  IX  le  reprit  en  1 573  ,  &  fit  expédier  des  lettres-patentes, 
en  exécution  defquelles  un  Ingénieur  en  forma  le  plan  au  mois 
de  Juillet  1574,  &  fit  commencer  l'ouvrage.  Henri  III  confirma 
les  lettres  de  fon  prédécefTeur  ,  par  celles  qu'il  donna  le  28  Dé- 
cembre 1574,  le  19  Février  1575,  &  le  22  Août  i')'j6.  Ce 
n  eft  donc  point ,  comme  on  l'a  prétendu ,  le  Duc  de  Mercœur 
qui  en  donna  l'idée  ,  puifqu'il  ne  fut  nommé  Gouverneur  de  Bre- 
tagne qu'en  1582.  Le  Prince  Lorrain  poulTa  effeftivement  les 
t/ravaux  avec  beaucoup  d'aftivité ,  en  1584;  mais,  malgré  la 
diligence  des  ouvriers ,  on  travailloit  encore  à  cet  ouvrage  Tan 
161 2.  En  1624,  les  repréfentations  de  la  Communauté  de  ville 
firent  abandonner  ce  projet,  comme  préjudiciable  au  bien  pubhc  ; 
de  forte  que  la  ville  neuve  demeura  imparfaite.  Dans  la  fuite  , 
on  recommença  les  travaux  fous  de  meilleures  aufpices  ;  & 
Sa  Majelté  ayant  afféagé  les  terreins  vagues  qu'elle  pofTédoit 
de  ce  côté ,  on  y  a  effeftivement  bâti  une  ville ,  qui ,  félon  le 
premier  projet  &  devis,  contenoit ,  avec  les  foffés  Se  courtines, 
fix  mille  huit  cents  toifes  ,  qui  font  deux  lieues  deux  mille  toifes. 
Le  domaine  du  Roi  augmenta  confidérablement  à  Nantes  par 
ces   afféagements ,  &  il  n'en  coûta  rien  au  Public. 

Epitaphe  de  René  de  Rieux ,  aux  Cordeliers  de  Nantes. 

Rmato.  Rlufo.  AJfaraco.  juniori.  Equiti. 
Torquato.  regio.  ant'iqu'iff^.  Bùiiforum.  &.  in, 
Illujlrijf.  Ducum,  Arcmoricor.  Jîlrpis.  Régi. 
A.  cuhiculo.   Legato,  turmae^  cataphractor. 
Equie.  Principis.  Condaei.  Margaraa,  Conana, 
Dulcijjîmo.  conjugit 

yixit.  annis  XXXV, 

Hoc,  ego.  u,  modico.  conjunx.  tua.  fida.  fepulchro, 

Compofui.  AJfaracœ.  fios.  &,  OcelU.  domus, 
Nec.  tantum.  meâ.  curd.  tuos.  componimus.   anus. 

Tota.  mea.  in.  morte,  efl.  vita.  fepulta.    tua. 
Quum.  prope.  depojitam.  me.  ingratd.  in.  luce.  relinquis, 

Quum,  luum,  quum,  tu,  gaudia,  nojîra.  rapis. 


N  A  N  loj 

Sam  que.  m'ihï.   tu,  lux.  tu.  gaudia,  nojîra,  fuljîî, 

Care.  vir.  o.  anima,  maxima.  jlamma.  mece. 
Nunc.  t'ibi.  Jîm.  quidvis.  vd.  fi.  vis.  Jim.  tibi.  conjunx. 

Dummodo.  tu.  mihi.Jis.  quod.  mea.  vita.  mihi.  ejl, 

Obiit.  XXF.  Aug.  MDLXXr. 

Les  Calviniftes  avoient  juré  de  prendre  Nantes ,  &  la  Com- 
munauté prenoit  toutes  les  mefures  poffibles  pour  les  empêcher 
d'effeftuer  leur  projet.  Il  y  eut  une  aflemblée  générale  au  châ- 
teau,  le  25  Mars  1575,011  il  fut  décidé  d'appeller  inceffam- 
ment  la  Nobleflé  non-luipefte  à  la  défenfe  de  la  ville  ,  de 
changer  les  clefs  des  portes  tous  les  mois ,  de  couler  à  fond 
tous  les  bateaux  de  la  rivière  ,  &:  de  drefîer  des  batteries  de 
canon  à  toutes  les  portes.  Le  mercredi  13  Avril,  on  fit  murer 
les  portes  de  Sauve-tout  (a)  ,  du  Port-Communeau  ,  &  du  Port- 
Maillard  j  réparer  &  fortifier  le  boulevard  de  la  Saufaye  ,  fur  le 
bord  de  la  rivière  ,  vis-à-vis  la  poterne  à  bled  &  le  râteau 
d'Erdre  ;  &  abattre  tous  les  appentis  attenant  à  ce  boulevard, 
&  qui  pouvoient  en  faciliter  l'entrée.  La  Cour  envoya  aufîi 
ordre  de  murer  les  deux  poternes  du  château ,  &  d'y  faire 
monter  jour  &  nuit  la  garde  aux  habitants.  On  fit  conduire  fur 
la  tour  des  Jacobins  les  deux  grofl'es  pièces  d'artillerie  qui  étoient 
fur  la  porte  Saint-Pierre ,  où  elles  ne  pouvoient  être  d'une  grande 
utilité. 

Les  Rochelais  tenoient  la  mer,  &  leurs  corfaires  fermoient 
l'entrée  de  la  Loire  ;  de  forte  que  les  denrées  étoient  au  plus 
haut  prix.  Le  fel  fe  vendoit  jufqu'à  quatre  livres  le  quartaut ,  ce 
qui  revient  à  douze  livres  de  notre  monnoie.  Le  peuple  s'en 
plaignit  à  la  Communauté  de  ville ,  qui ,  dans  fon  aflemblée  du 
30  Juin,  ordonna  que ,  pendant  cinq  jours,  y  compris  le  Diman- 
che ,  le  quartaut  de  fel  noir  de  la  baie  de  Bretagne  feroit  vendu 
cinquante-cinq  fols ,  &  celui  d'Efpagne  &  de  Portugal  trente- 
cinq  fols.  Il  falloit  qu'il  y  eût  alors  bien  peu  de  marais  falants 
en  Bretagne ,  puifque  le  fel  étranger  y  étoit  à  meilleur  marché 
que  celui  du  pays. 

Environ  le  même  temps ,  la  Communauté  de  ville  réfolut  de 
vendre  les  trois  maifons  dont  elle  jouiflToit  à  Nantes,  pour  acheter 


(  û  )  Celle-ci  venoit  d'être  ouvçrte  depuis  peu  de  temps ,  à  la  follicitatioa  des  hahi- 
lants  du  Marcliix» 


204  N  A  N 

celle  de  Bizart,  fituée  dans  la  rue  de  Verdun.  On  remarque 
qu'alors  on  tiroit  le  canon  du  château  à  l'inftallation  du  Maire. 
Depuis  long-temps ,  le  Bureau  de  la  ville  &  le  Préfidial  fe  difpu- 
toient  le  pas  &  la  préféance  dans  les  aflemblées.  Par  Arrêt  du 
Confeil ,  du  14  Décembre  1575,  il  fut  réglé  que  le  Sénéchal 
ou  l'Alloué  ,  ou  ,  dans  leur  abfence  ,  le  plus  ancien  des  Confeillers , 
précéderoient  le  Maire  &  les  Echevins  dans  toutes  les  affemblées 
de  la  Ville  j  ce  qui  fut  confirmé  par  Arrêt  du  29  Novembre  ,  en 
faveur  du  Sénéchal. 

Les  Etats  s'allemblerent  à  Nantes  ,  le  26  Septembre  1 57^. 
François  du  Gué  de  Servon  y  préfida  pour  la  NoblefTe  ,  & 
Louis  Buet  ,  Abbé  Commendataire  de  Meilleraye  ,  pour  le 
Clergé ,  parce  qu'aucun  des  Evêques  de  la  province  ne  parut  à 
ces  Etats. 

René  Tornemine ,  Baron  de  la  Hunaudaye  ,  nommé  par  le 
Roi,  le  3  Mars  1575  ,  pour  comimander  en  Bretagne  en  -l'ab- 
fence  du  Gouverneur  &  de  fon  Lieutenant  général ,  vint  à  Nantes  j 
&  ,  par  fon  Ordonnance  du  7  Janvier  1 576  ,  y  créa  fix  Compa- 
gnies de  Milice  Bourgeoife  de  cent  hommes  chacune  :  il  en 
exempta  tous  les  Gens  d'EgUfe  ,  foit  féculiers  ,  foit  réguliers ,  qui 
n'en  furent  pas  fâchés ,  &  plufieurs  autres  perfonnes  dont  l'état 
n'étoit  pas  compatible  avec  cet  étabUflement. 

Les  travaux,  pour  le  creufement  des  foffés  de  la  nouvelle  ville 
du  Marchix  ,  continuoient  fous  la  direftion  de  l'Ingénieur  envoyé 
de  la  Cour ,  à  Nantes ,  pour  la  conduite  de  l'ouvrage.  Le  5  Mai 
1576,  cet  Ingénieur  préfenta  au  Bureau  de  ville  un  plan  pour 
conduire  les  eaux  de  la  rivière  d'Erdre ,  par  les  foffés  de  Saint- 
Nicolas  ,  dans  la  Loire.  On  commença  à  travailler  en  confé- 
quence  j  mais ,  après  bien  des  dépenfes  inutiles ,  on  abandonna 
ce  projet ,  qui  paroît  effectivement  plus  défavantageux  qu'utile 
au  PubHc. 

Le  Duc  de  Montpenfier ,  Gouverneur  de  Bretagne ,  vint  à 
Nantes,  avec  la  DuchefTe  ,  fon  époufe ,  le  25  Septembre  157(5. 
La  Communauté  de  ville  lui  fit  un  préfent  de  dragées ,  de  con- 
fitures ,  &  de  fix  livres  de  foie  plate  de  Grenade  de  différentes 
couleurs.  La  livre  de  cette  foie  coûta  vingt-quatre  livres  treize 
fols  quatre  deniers ,  donc  les  fix  livres  coûtoient  une  fomme 
de  quatre   cents  quarante-quatre  livres  de  notre  monnoie. 

Par  Arrêt  du  Parlement,  du  9  Avril  1 576,  le  nombre  des  Pro- 
cureurs au  Siège  Préfidial  de  Nantes  fut  fixé  à  quarante.  Environ 
le  même  temps  ,  le  Roi  créa  les  quatre  premières   charges  de 


N  À  N  205 

Correcteurs  de  la  Chambre  des  Comptes,  trois  charges  de  Maî- 
tres ,  fix  d'Auditeurs ,  &  une  d'Avocat  général. 

Les  premiers  germes  des  fanglantes  divifions  qui  défolerent  la 
Bretagne ,  &  en  particulier  le  Comté  de  Nantes ,  pendant  plus 
de  vingt  ans,  commencèrent  à  paroître  l'an  1575.  L'Evêque  & 
le  Clergé  ,  qui  ne  pouvoient  tolérer  la  nouvelle  ieRe  ,  nommè- 
rent des  Députés  qu'ils  chargèrent  de  leurs  procurations  auprès 
du  Pape  Grégoire  XIII  &  du  Roi  Henri  lïï.  On  demandoit  un 
Concile  général  &  les  Etats  généraux  du  Royaume  ,  pour  s'op- 
poler  aux  progrès  de  l'héréfie.  Les  efprits  étoient  échauffés ,  & 
ne  pouvoient  garder  de  modération.  Les  intrigues  de  la  Cour 
de  Rome  ,  le  fanatirme  du  peuple ,  l'ambition  des  Grands ,  la 
haine  qui  regnoit  entre  les  deux  partis ,  toutes  ces  caufes  con- 
coururent à  allumer  l'incendie  qui  fut  fur  le  point  de  confumer 
l'Etat.  Bientôt  fut  formée  cette  ligue  redoutable ,  décorée  du  beau 
titre  ^Union-Sainte  ;  mais  qui  ne  de  voit  fa  naiflance  qu'à  l'am- 
bition de  quelques  particuUers.  Le  peuple ,  toujours  attaché  au 
culte  de  fes  pères  ,  crut  qu'en  prenant  les  armes  il  feroit  une 
aftion  agréable  à  l'Etre-Suprême  ,  avec  d'autant  plus  de  con- 
fiance qu'il  y  étoit  engagé  par  les  Miniftres  de  la  Religion , 
gens  qu'il  ne  pouvoir  foupçonner  capables  de  l'égarer.  D'un  bout 
du  Royaume  à  l'autre ,  on  ne  parla  plus  que  d'exterminer  les 
Calvinilles  &  de  venger  le  Ciel  outragé.  Henri  III ,  qui  étoit 
aiîis  fur  le  Trône  de  la  France  ,  fut  fi  effrayé  de  la  puiffance 
de  la  ligue ,  qu'il  prit  le  parti  de  s'en  déclarer  le  chef,  aux  Etats 
tenus  à  Blois  au  mois  de  Novembre  1576.  Philippe  du  Bec,Evê- 
que  de  Nantes ,  affiffa  à  cette  affemblée  ,  &  concourut  à  toutes 
les  délibérations  qui  s'y  firent  contre  les  Calviniftes.  Le  8  No- 
vembre ,  il  partit  de  Nantes ,  muni  de  pleins  pouvoirs ,  &  revint 
le  1 5   Janvier  1 577. 

Les  EgKfes  Cathédrales  de  Nantes  &  d'Angers  firent  une  af- 
fociation  l'an  1 576.  Cette  union,  infpirée  par  la  charité  chrétienne , 
ne  fut  pas  difficile  à  former.  Il  fut  convenu  qu'à  la  mort  de 
l'Evêque  ou  d'un  Chanoine  de  Nantes ,  l'Eglife  d'Angers  lui  feroit 
un  Service  folemnel ,  auffi-tôt  qu'elle  feroit  avertie  de  fon  trépas , 
&  que  la  Cathédrale  de  Nantes  en  feroit  autant  à  la  mort  de 
l'Evêque  ou  d'un  Chanoine  d'Angers  ;  que  fi  quelqu'un  des  mem- 
bres de  l'un  des  Chapitres  étoit  obligé  de  fortir  de  fa  ville  pour 
éviter  la  perfécution  d'un  homme  puiffant ,  il  pourroit  fe  retirer 
chez  fes  frères  affociés ,  prendre  fa  place  dans  leur  chœur  & 
dans  leur  Chapitre ,  &  y  donner  fon  avis  j  que  le   Chapitre  de 


2oé  N  A  N 

l'Eglife  ,  dont  il  feroit  membre  ,  lui  tiendroit  compte  de  Tes  re- 
venus, mais  qu'il  ne  pourroit  plus  s'abfenter  du  chœur  &  quitter 
l'habit  de  la  ville  où  il  feroit  réfugié,  en  reftant  dans  le  même 
lieu  dès  qu'une  fois  il  l'auroit  pris  ,  fous  peine  de  cinq  fols 
tournois  d'amende  aM  profit  des  Enfants  de  chœur.  Il  fut  aufli 
dit  que  ces  réfugiés  ne  pourroient  afTifter  à  l'éledion  des  Evêques  , 
ni  prétendre  à  la  préfentation  des  Bénéfices.  On  remarque  que  y 
dans  ce  temps,  il  y  avoit  des  Hôpitaux  à  Savenai,  au  Bourg- 
de-Batz  ,  à  la  Rochebernard  ,  au  Loroux-Bottereau ,  à  Saint-Pere 
en  Retz  ,  &  à  Rofet  en  PlefTé.  Les  Chanoines  joignoient  à  leurs 
Canonicats  deux  ou  trois  Cures  ,  qu'ils  faifoient  deflervir  par  des 
Vicaires. 

On  commença  l'année  1577  parla  publication  d'un  Jubilé,  ac- 
cordé par  Grégoire  XIII ,  pour  obtenir  du  ciel  qu'il  lui  plût  bénir 
des  projets  formés  pour  fa  gloire.  Ces  projets  étoient  d'exterminer 
les  Calviniftes. 

Les  ouvrages  de  la  ville  neuve  du  Marchix  étoient  cefles.  Les 
habitants  demandèrent  qu'on  en  comblât  les  foffés  qui  leur  étoient 
préjudiciables  ;  ce  qui  leur  fut  accordé  par  déUbération  de  l'afTem- 
blée  du  6  Septembre  1577.  Le  31  Juillet,  la  Communauté  de 
ville  demanda  &  obtint  du  Roi  la  permiflion  de  bâtir  une  prifon  pour 
y  renfermer  les  infrafteurs  des  règlements  de  la  Police.  On  projetta 
de  la  placer  dans  une  des  tours  de  la  ville. 

L'ancienne  Confrairie  de  Saint- Jean  de  l'Hôpital ,  près  les  Cor- 
deliers,  fut  tout-à-fait  fupprimée  ou  s'éteignit  d'elle-même  en  1 577» 
Son  drap  mortuaire,  qui  étoit très-riche ,  fut  donné  à  l'Hôpital  de 
Notre-Dame  de  Pitié  en  Erdre,  à  condition  qu'il  feroit  loué  à  tous 
ceux  qui  le  demanderoient ,  moyennant  une  rétribution  de  vingt  fols 
au  profit  des  pauvres.  On  voyoit ,  il  y  a  quelques  années , 
dans  la  Chapelle  de  Saint-Jean,  des  monuments  qui  attelloient 
fon    antiquité. 

Le  7  Oftobre  1 5  77  ,  la  C  ommunauté  de  ville  reçut  du  Roi , 
qui  étoit  à  Poitiers ,  des  lettres  qui  lui  donnoient  avis  de  l'Edit 
de  pacification ,  &  delà  paix  que  SaMajeflé  venoit  d'accorder  à 
fes  fujets  Calvinifies.  Cet  Edit ,  qui  fut  pubHé  au  Préfidial  de 
Nantes  le  19  du  même  mois,  avoit  été  déclaré  nul  par  l'Uni- 
verfité  dans  fa  féance  du  13  du  même  mois.  L'audace  de  ce 
Corps  prouve  combien  l'autorité  royale  étoit  peu  rel'peélée  dans 
ces  temps  malheureux.  Le  Duc  de  Mercœur  vint  à  Nantes  cette 
même  année.  Pour  lui  faire  honneur ,  on  arrêta  qu'on  enverroit 
au  devant  de  lui  quelques-uns  des  notables  habitants  j  qu'on  feroit^ 


N  A  N  2.07 

à  fon  arrivée ,  une  décharge  de  l'artillerie  de  la  ville  ;  que  la 
Milice  Bourgeoife  prendroit  les  armes  ,  &  qu'on  donneroit  à  diner 
à  ce  Prince  dans  la  grande  falle  des  Jacobins ,  où  il  feroit  fervi 
par  quelques  Notables  de  la  ville. 

Le  Préfidial  entreprit  de  faire  tranfporter  de  la  place  du  Bouffay 
à  celle  de  Sainte-Catherine,  les  fourches  patibulaires  &  autres  inf* 
truments  fervant  à  Texécution  des  criminels.  La  Communauté  de 
ville,  &  le  Commandeur  ,  propriétaire  du  lieu  ,  s'y  oppoferent  for- 
tement ,  &  firent  échouer  le  projet.  Le  nom  des  Juges-Confuls 
étoit,  en  ce  temps,  infcrit  fur  le  livre  doré. 

1578.  Sur  les  ponts  de  la  Belle-Croix,  à   Nantes  ^  eft  un  mo- 
nument placé  dans  la  muraille ,  en  mémoire  du  fupplice  du  Ma- 
réchal de  Retz ,  exécuté  en  1 440.  On  y  voit  les  Images  de  la 
Sainte  Vierge ,   de  Saint  Gilles ,  Se  de  Saint  Laud.  Le  7  Janvier 
1 579 ,  la   Communauté  de  ville  arrêta  d'y  faire  placer  une  cou- 
verture  d'ardoife   faillante,  pour  la  confervation    de    cet  antique 
monument.   Le  21    du  même  mois  ,  la  Communauté  acheta  de 
Jacques   de  la  Charte-Buhers-d'Aillon  la  charge  de   Connétable 
ou  de  Commandant  de   la  Milice  Bourgeoife   de  Nantes.  Cette 
charge ,  c[ui  coûta  cent  cinquante-quatre  écus  d'or  au  foleil  >  a  été 
depuis  attachée  à  la  Mairie  ;  de  forte  que  le  Maire  eil  Colonel-né 
de  la  Milice  Bourgeoife.  Le  21  Février,  le  Bureau  de  ville  tint 
une   affemblée  générale ,  en  conféquence  des  ordres  du  Roi  que 
les  cntreprifes  des  Calviniltes  inquiétoient.  Comme  ils  paroifToient 
toujours    en  vouloir  à  Nantes,   on  crut  devoir   prendre    de  nou- 
velles précautions  contre  la  furprife.  On  réfolut  de  faire  exafte- 
ment  la  garde  jour  &  nuit ,  &  d'y  employer  non-feulement  le 
peuple ,  mais  encore  le  Clergé  tant    féculier  que    régulier ,  les 
Officiers  de  la  Chambre  des  Comptes ,    de  Juilice ,  &  les  Gen- 
tilshommes ,  auxquels  il  fut  enjoint ,  en  vertu  des  ordres  du  Roi, 
de   la  monter  en  perfonne  ou  de  la  faire  monter  par  des  per- 
fonnes  capables ,  à  leur  tour  &  rang  ,  comme  les  autres  habitants. 
Le  Duc  de  Montpenfier  arriva  à  Nantes,  avec  la  DuchefTe,  fon 
époufe,  le  2  Avril  1578,  &  logea  à  l'hôtel  de   Briord ,  que  la 
Ville  avoir  fait  préparer  pour  le  recevoir.  Il  féjourna  douze  jours 
à  Nantes ,  &  caufa   beaucoup  de  dépenfes.  Il  avoit  un  train  de 
cinquante-cinq  chevaux,  qui  furent  nourris  à  l'auberge,  aux  dépens 
de  la  Communauté,  à  douze  fols  par  jour  pour  chaque  cheval. 
Aux  affemblées  du   12  &  du  22  Août,  il  fut  décidé  d'abattre 
&  d'applanir  le  bas  de  la  Motte  Saint-Pierre  ,  de  rendre  plus  uni 
&  plus  commode  le  chemin  qui  coupe  cette  promenade ,  &  qui 


2o8  N  A  N 

conduit  à  Richebourg  &  à  la  rivière.  A  cet  effet ,  on  conûrmfit  un 
mur  affez  fort  pour  ibutenir  les  terres  fur  les  bords  de  la  Loire ,  & 
on  exécuta  le  projet  ci-defTus  mentionné.  Cet  ouvrage  fubiifte 
encore  j  mais  le  chemin  n'elt  que  pour  les  gens  de  pied.  La 
Communauté  acheta  ,  dans  le  même  temps  ,  la  maifon  Bizart , 
autrement  de  Derval ,  dans  la  rue  de  Verdun ,  pour  une  fomme 
de  quatre  mille  quatre  cents  quatre-vingt  écus  d'or  au  foleil  & 
un  tiers  d'écu  ;  &  cinq  fols  de  cens  à  la  Seigneurie  des  Derva- 
lieres,  en  la  ParoifTe  de  Chantenai  :  le  marc  d'or  valoir  deux 
cents  vingt-deux  hvres  j  &  l'écu  d'or ,  à  la  taille  de  foixante-douze 
&  demie  ,  couroit  à  foixante  fols.  Ainfi ,  la  maifon  Bizart 
coûta  une  fomme  de  quarante  mille  livres  de  notre  monnoie. 
Tous  les  anciens  bâtiments  furent  démolis  pour  former  l'Hôtel  de 
ville.  Cette  maifon  releva  pendant  long-temps  de  la  Seigneurie 
des  Dervalieres  :  mais,  par  Arrêt  du  Parlement,  elle  ne  relevé 
plus  que  du  Roi.  Le  pont  de  Sainte-Radegonde  &  l'EgHfe  de  ce 
nom  ,  qui  étoient  en  bois  ,  furent  démohs  &  rebâtis  en  pierres. 
L'Eglife  fublille  toujours  ,  mais  il  ne  paroît  plus  aucunes  traces 
du  pont. 

Pendant  les  années  1578  &  1579,  on  fabriqua  à  Nantes  des 
monnoies  de  cuivre  fin,  nommées  doubles  d>c petits  deniers.  Quel- 
ques-uns de  ces  doubles  font  marqués  de  la  lettre  Ty  &  l'on 
penfe  que  c'eil  la  première  monnoie  frappée  à  Nantes ,  avec 
cette  monétale  qui  lui  fut  accordée  par  Henri  liï.  C'étoit  jadis 
la  marque  des  monnoies  fabriquées  à  Saint -Menehould  ,  petite 
ville  de  Champagne ,  où  l'on  n'en  battoit  plus  fous  le  règne  de 
Henri  liï.  On  croit  que  c'eft  le  même  Monarque  qui  accorda  le 
numéro  p  à  la  ville  de  Rennes.  La  Communauté  de  ville  de 
Nantes  ,  à  qui  le  Duc  François  iï  &  la  Reine  Anne ,  fa  fille , 
avoient  accordé  certains  droits  fur  l'hôtel  de  la  Monnoie  ,  en 
retiroit  toujours  beaucoup  de  profit.  Dans  le  courant  des  mois 
de  Mars ,  Avril ,  &  Mai ,  elle  fit  porter  à  la  monnoie  huit  cents 
trente-trois  marcs  de  cuivre,  qui  furent  convertis  en  doubles  & 
deniers  ;,  &  cent  quarante-trois  marcs  de  billon  ,  qui  furent  réduits 
en  liards  ou  quarts  de  douzain.  L'empreinte  de  cette  dernière 
monnoie  étoit  une  H  couronnée  au  miheu  de  trois  fleurs  de  lis, 
avec  la  légende  :  Henri  III  ^  Roi  de  France  &  de  Pologne,  i^yg. 

1579.  Les  eaux  de  la  Loire  avoient  débordé  avec  tant  de 
violence ,  pendant  les  mois  de  Janvier  &  de  Février  ,  qu'elles  em- 
portèrent tous  les  ponts  de  bois  qui  étoient  fur  les  rivières  de 
Loire  &:  d'Erdre.  Elles  endommagèrent  beaucoup  la  Chapelle  de 

l'Hôpital 


N  A  N  209 

l'Hôpital  de  Notre-Dame  en  Erdre  ,  qui  fut  réparée  fur  le  champ. 
On  conllruifit  de  nouveaux  ponts  en  bois ,  plus  folides  que  les  pré- 
cédents ,  avec  un  râteau  de  fer ,  &  l'on  fortifia  d'une  nouvelle 
tour  la  porte  de  Sauve-tout.  Le  Roi ,  content  de  la  vigilance  &: 
des  talents  du  Maire  de  Nantes,  lui  accorda  une  penfion  viagère 
de  trois  cents  livres.  Ce  Magiftrat  méritoit  effeftivement  la  re- 
connoiffance  publique  ,  par  des  foins  multipliés  &  dignes  d'éloges. 
11  ne  réuiîiffoit  pourtant  pas  toujours  :  il  entreprit ,  cette  année , 
de  conduire  au  centre  de  la  ville  les  eaux  de  la  fontaine  des 
Rouaudieres,  fituée  fur  les  hauts  pavés.  Cétoit  la  troifieme  ten- 
tative de  cette  efpece  :  elle  n'eut  pas  de  fuccès ,  &  ne  fit  que 
confirmer  la  difficulté  de  l'exécution  du  projet.  Depuis  quelques 
années ,  les  Officiers  municipaux  de  Nantes  demandoient  que  le 
Parlement  de  la  province  fût  fixé  dans  leur  ville  :  ils  renouvel- 
lerent  leurs  fupplications  en  1579,  &  offrirent  une  fomme  de 
trente  mille  livres  pour  obtenir  plus  facilement  leur  demande. 

Albert  de  Gondi ,  Doyen-Baron  de  Retz  ,  Maréchal  de  France 
&  Gouverneur  de  Nantes ,  fe  rendit  en  cette  ville  le  8  Avril , 
&  y  fut  reçu  avec  les  honneurs  ordinaires.  La  Ville  lui  fit  pré- 
fent  de  deux  haquenées  &  de  trois  pipes  de  vin  d'Anjou  & 
d'Orléans.  Les  Etats  s'affemblerent  à  Nantes  le  27  Septembre. 
Gui  de  Scepeaux ,  Baron  de  Beaupreau ,  Comte  de  Chemillé ,  & 
gendre  du  Seigneur  de  Châteauneuf,  y  préfida  pour  la  NoblefTe  j 
&  Philippe  du  Bec  pour  le  Clergé.        *' 

1 5  80.  On  commença  à  bâtir  les  ponts  de  la  Magdeleine  &  la 
halle  qui  étoit  fur  la  place  du  Bouffay  le  long  du  mur  de  ville. 
Le  Roi  confulte  les  C)fficiers  municipaux  de  fes  principales  villes 
fur  les  moyens  d'augmenter  les  petites  monnoies  ,  devenues  rares 
par  le  tranfport  que  les  Changes  en  faifoient.  La  Communauté  de 
ville  s'afîemble  le  3 1  Janvier ,  &  décide  qu'il  faut  faire  fabriquer 
des  fix  blancs  &  des  trois  blancs  d  argent  de  même  loi  que  le 
franc  d'argent.  Le  mémoire  du  maître  1  raiteur  qui  fournifToit  à  la 
Maifon  de  ville,  fe  montoit  à  treize  livres  dix-fept  fols  fix  deniers  : 
il  avoit  fourni  quatorze  repas. 

1 5  8 1 .,  L'Univerfité  ,  depuis  fon  étabHfiement  à  Nantes  en 
1460,  n'avoit  admis  au  Reftorat  aucun  de  fes  Membres  mariés. 
Dams  fon  afiemblée  du  mois  d'Avril ,  elle  propofa  de  les  admettre 
à  cette  dignité,  à  l'exemple  de  l'Univerfité  d'Angers,  qui  ne 
croyoit  pas  devoir  les  en  exclure.  Une  propofition  auffi  raifonnable 
fut  acceptée  d'une  voix  unanime.  On  défendit  ,  dans  le  même 
temps ,  un  abus  aufix  dangereux  qu'indécent  ;  c'étoit  l'ufage  ,  établi 
Tome  IIL  D  2. 


zïo  N  A  N 

de  temps  immémorial ,  de  faire  voler  un  pigeon  blanc  dans  la 
Cathédrale  ,  le  jour  de  la  Pentecôte  j  de  jetter  du  jubé  ou  de  la 
tribune,  dans  le  chœur,  des  étoupes  allumées ^  &  de  tirer  plu- 
sieurs coups  de  fufil  en  mémoire  de  la  defcente  du  Saint-Efprit 
fur  Jefus-Chrifl:  en  forme  de  colombe,  &  en  forme  de  langues 
de  feu ,  avec  grand  bruit ,  fur  les  Apôtres.  L'honoraire  des  Méfies 
balles  étoit  réglé  alors  à  quatre  fols  par  le  Général  de  la  Pa- 
roiffe  de  Saint-Nicolas,  avec  réduâlion  des  MelTes  dont  les  ré- 
tributions étoient  à  deux  fols. 

D'abord,  les  Echevins  étoient  au  nombre  de  dix;  mais,  au 
mois  d'Août ,  ils  furent  fixés  par  Arrêt  du  Confeil  à  fix  ,  fans 
qu'à  l'avenir  on  en  pût  créer  un  plus  grand  nombre.  Le  même 
Arrêt  portoit  que  le  Maire  feroit  deux  ans  en  exercice ,  tandis 
qu'auparavant  fa  charge  étoit  annuelle.  Le  quai  du  port  au  vin 
fut  refait  à  neuf  dans  le  courant  de  cette  année,  &  il  en  avoit 
befoin.  La  place  de  ce  nom  fut  augmentée  du  côté  de  la  rivière. 

Le  ï6  O6lobre,  le  Roi  écrivit  à  la  Communauté  de  ville  d'or- 
donner des  proceffions  &  des  prières  pubhques,  depuis  le  pre- 
mier Dimanche  de  l'A  vent  jufqu'à  pareil  jour  de  l'année  fuivante, 
dans  toutes  les  Eglifes  &  Paroiffes  du  diocefe,  pour  attirer  la 
bénédi6lion  du  ciel  fur  fon  mariage  avec  Louife  de  Lorraine,  fœur 
du  Duc  de  Mercœur.  On  ne  fçait  pourquoi  le  Roi  s'adrelTa 
plutôt  à  la  Ville  qu'à  l'Evêque  dans  cette  circonllance. 

1582.  Par  lettres  du*  13  Mai,  le  Roi  permit  aux  Officiers  mu- 
nicipaux de  faire  conftruire  la  halle  de  la  place  du  BoufFay ,  & 
d'en  affermer  les  étaux  à  leur  profit.  Le  Collège  de  Saint-Clé- 
ment avoit  fait  tomber  celui  de  Saint-Jean  ,  comme  celui-ci  avoit 
fait  tomber  celui  de  Sainte-Croix ,  beaucoup  plus  ancien.  On  ne 
voulut  pourtant  pas  que  celui  de  Saint-Jean  devînt  inutile  :  on  le 
rétablit,  &  il  a  fubfifté  jufqu'en  1664. 

Dès  le  mois  d'Avril ,  la  pefte  fe  fit  reffentir  &  enleva  beau- 
coup de  monde  pendant  les  mois  de  Septembre  ,  Novembre,  & 
Décembre.  Le  i  o  de  ce  dernier  mois ,  on  commença  à  fuivre  à 
Nantes  le  calendrier  du  Pape  Grégoire  XIII ,  en  paffant  tout-à- 
coup  par  un  retranchement  de  dix  jours  du  10  au  20  Décembre. 
Les  eaux  débordèrent  fur  la  fin  de  ce  mois  Se  au  commencement 
de  Tannée  fuivante  ,  avec  tant  de  violence  que  les  habitants  de 
Saint-Vincent  &  de  Saint-Léonard  ne  pouvoient  fortir  de  leurs 
maifons.  La  Communauté  de  ville  leur  fit  porter  du  pain  dans 
des  bateaux. 

1583.  L'avis  que  la  Communauté  de  ville  avoit  donné,  par 


NAN  zTi 

fa  délibération  du  31  Janvier  1580,  ne  fut  pas  long-temps  fuivi. 
Au  mois  de  Mars  1583  ,  on  fabriqua  à  Nantes  des  douzains,  des 
liards ,  des  billons ,  des  doubles ,  &  des  deniers  de  cuivre.  Les 
Magiilrats  reprirent  le  projet  de  faire  couler  l'Erdre  dans  la  Loire 
par  les  foffés  &  les  ponts  de  Saint-Nicolas,  de  rompre  6z  d'ef- 
carper  le  rocher  qui  étoit  fous  le  pont  de  la  porte  de  Sauve-tout. 
On  fit,  à  ce  fujet,  de  grandes  dépenfes  ,  qui  ne  fervirent  à  rien , 
parce  que  le  projet  fut  abandonné  avant  d'être  exécuté ,  avec 
d'autant  plus  de  raifon  que  les  frais  à  faire  pour  U^orfeftion 
de  l'entreprife  ne  feroient  pas  compenfés  par  ïa.yaM}^^^}Gn 
reviendroit  au  public.  ^^^^^^^^^ji- 


chelTe  d'Etampes  Se  de  Penthievre ,  &  Vicomteffe  de  Martigues  , 
l'une  des  plus  riches  héritières  du  Royaume.  En  1582  ,  Louis  de 
Bourbon ,  Duc  de  Montpenfier ,  s'étant  démis  du  Gouvernement 
de  Bretagne ,  le  Roi ,  par  fes  lettres  du  5  Septembre  même 
année ,  le  donna  au  Prince  Lorrain ,  qui  arriva  à  Nantes  le  1 9 
Mai  1583  :  il  logea  à  l'hôtel  de  Briord  qu'on  avoit  fait  meubler 
exprès.  Cette  vafte  maifon  appartenoit  alors  à  Madame  de  Bouille 
&  au  fameux  de  la  Noue  Briord* 

Deux  mois  furent  employés  aux  préparatifs  pour  l'entrée  folem- 
nelle  de  ce  Prince ,  qui  fe  fit  le  premier  Septembre ,  entre  les 
cinq  à  fix  heures  du  foir ,  par  la  porte  Saint-Nicolas.  Le  Clergé 
&  les  deux  Chapitres,  revêtus  de  leurs  plus  beaux  ornements  y 
fortirent  au  devant  de  ce  Seigneur ,  qui  fut  reçu  par  l'Univerfité 
à  la  porte  de  la  ville,  &  conduit  à  la  Cathédrale  au  miheu  de 
la  Milice  Bourgeoife  fous  les  armes.  On  employa  huit  cents 
quarante-neuf  livres  de  poudre  à  canon  en  plufieurs  falves  d'ar- 
tillerie. La  pompe  de  cette  cérémonie  furpafîa  tout  ce  qu'on  avoit 
fait  précédemment  à  l'entrée  des  Ducs  Ôc  des  Rois.  Le  Chapitre 
de  la  Cathédrale  en  fit  inférer  le  détail  fur  fes  regillres ,  6c  la 
narration  finit  par  une  note  qui  prouve  qu'il  regardoit  le  Duc  de 
Mercœur  comme  le  Souverain  de  la  Bretagne. 

Peu  de  temps  après,  la  Communauté  de  ville  fit  de  nouvelles 
tentatives  pour  obtenir  le  Parlement  j  &  elle  fe  flattoit  d'autant 
mieux  de  réuffir  qu'elle  penfoit  qUe  le  Prince  Lorrain,  charmé  de 
l'attachement  que  luimontroient  les  Nantais,  appuyeroit  fortement 
fes  demandes..  Cependant  fes  follicitations  furent  inutiles ,  &  le 
Parlement  reûa  conilamment  à  Rennes^. 


an  _   _     ^         N  A  N 

On  conftruifolt ,  l'an  1583  ,  des  galères  fur  la  place  du  Port 
au  vin  :  mais,  comme  cette  place  étoit  trop  petite  pour  des 
ouvrages  de  cette  efpece ,  on  réfolut  de  tranlporter  la  conf- 
truftion  à  la  prairie  dite  Gloriette ,  qui  étoit  alors  fans  quai ,  &: 
qui  s'étendoit  jufqu'au  pont  de  la  Belle -Croix  &  au  pilier  de 
ÎSotre-Dame  de  Saint-Gilles  &  de  Saint-Laud.  Elle  tire  fon  nom 
d'un  château  nommé  Gloriette  ,  dont  François  II  fit  préfent  à  un 
de  fes  Officiers,  à  la  charge  de  lui  fournir  tous  les  ans,  par 
forme  de  cens  annuel ,  un  épervier  propre  à  la  chalTe  de  l'oi- 
feau.  Au  mois  de  Novembre ,  le  Duc  de  Mercœur  fe  rendit  à 
Nantes  pour  affilier  aux  Etats  qui  y  avoient  été  convoqués  pour 
le  25  du  même  mois.  Bonaventure  Chauvin ,  dit  de  la  Alujfe , 
defccndant  de  rillullre  Chancelier  de  ce  nom ,  y  préfida  pour  la 
NoblefTej  &  Louis  Buet ,  Abbé  Commendataire  de  Meilleraye , 
y  préfida  pour  le  Clergé. 

1584.  Le  Duc  de  Mercœur  pouffe  vivement  les  travaux  de  la 
nouvelle  ville  du  Marchix ,  auxquels  il  emploie  les  habitants  des 
Paroiffes  de  cinq  à  fix  lieues  à  la  ronde.  Le  18  Avril,  le  Parle- 
ment de  Rennes  permit ,  par  un  Arrêt ,  aux  Officiers  municipaux 
de  Nantes  de  mettre,  pendant  trois  mois,  fur  les  riches  de  la 
ville  ,  une  taxe  ou  imposition ,  pour  fubvenir  aux  befoins  des  pau- 
vres dont  la  ville  abondoit.  Le  premier  Oélobre  ,  les  Etats  s'af- 
femblerent  à  Nantes  -,  & ,  peu  de  temps  après  ,  on  déclara  la 
guerre  aux  Calviniftes  dans  toute  la  Bretagne.  Jean  Brofîàrd,  Sieur 
du  Pleffeix ,  étoit  alors  Capitaine  du  château  de  Pirmil. 

1586.  Le  Collège  de  Saint-Clément  ,  qui,  lors  de  fon  établif- 
fement,  n'étoit  compofé  que  d'un  Principal  &  de  quatre  Régents 
pour  les  Humanités ,  fut  augmenté ,  le  13  Février  ,  d'un  Profeileur 
de  Philofophie  &  d'un  premier  Régent.  Environ  le  même  temps , 
un  Nantais  fe  faifoit  remarquer  à  Paris  par  fon  adreffe  admi- 
rable. Cet  homme  avoit  quarante  ans ,  dit  l'hillorien  ;  &: ,  quoi- 
qu'il n'eût  point  de  mains,  il  écrivoit,  ôtoit  fon  chapeau,  rinçoit 
un  verre ,  jouoit  aux  quilles ,  aux  cartes ,  &  aux  dés ,  tiroit  de 
l'arc,  &  fe  fervoit  très-bien  des  armes  à  feu.  L'année  1586  fut 
malheureufe.  Toutes  les  productions  de  la  terre  manquèrent,  les 
eaux  débordèrent  avec  violence  ,  &  les  glaces ,  qui  étoient  en  ri- 
vière dès  le  9  Novembre  ,  détruifirent  plufieurs  des  arches  du 
pont  de  Pirmii.  La  communauté  de  ville  emprunta  deux  mille 
écus  fols  pour  le  foulagement   des  pauvres  de  la  campagne. 

1587.  Les  Avocats  &  les  Procureurs  paroiffent,  pour  la  pre- 
mière fois,  au  repas  qui  fe  fait,  à  l'inllallation  du  Maire,  à  la 


NAN  iij 

Maifon  de  ville.  On  reprend  encore  Tentreprife  formée  depuis 
û  long-temps ,  de  faire  palTer  la  rivière  d'Erdre  par  les  fofîes  de 
Saint-Nicolas.  Le  marché  eft  conclu  le  21  Septembre,  pour  une 
fomme  de  huit  mille  trois  cents  livres  tournois  ;  mais  l'accident 
qui  arrive  le  27  Janvier  fuivant  fait  encore  abandonner  le  projet, 
Une  mine ,  creufée  dans  le  rocher  ,  a  un  effet  fi  violent  qu  elle 
enlevé  des  éclats  de  pierre  d'une  groffeur  prodigieufe ,  qui  vont 
tomber  fur  une  maifon  du  Marchix ,  dont  ils  enfoncent  la  cou- 
verture &  le  plancher. 

1 588.  Les  Prédicateurs  de  Nantes  commencent  à  faire  la  quête. 
A  cette  époque ,  ils  étoient  payés  par  les  Eghfes  qui  les  employ oient. 
La  Communauté  de  ville  payoit  celui  de  la  Cathédrale.  Il  y  avoit 
encore  des  femmes  mariées  &  des  Calviniftes  qui,  par  brevet  du 
Roi ,  poffédoient  des  Bénéfices  &  percevoient  les  revenus  de  cer- 
taines Abbayes.  Les  Etats  s'aflemblent  extraordinairement  à  Nantes 
le  1(5  Mars,  On  imprime,  dans  le  même  temps  ,  par  ordre  de 
Philippe  du  Bec  ,  un  Miffel  félon  le  rit  romain ,  &  des  Sermons 
prêches  à  Nantes ,  qu'on  peut  lire  avec  avantage  &  même  avec 
plaifir.  Jean  Frero ,  Gentilhomme  Verrier  ,  demande  la  permiffion 
de  travailler  à  Nantes ,  &  l'obtient  :  il  eft  le  premier  de  fon  art 
qui  ait  paru  en  cette  ville. 

Pierre  le  Galle  ,  Archidiacre  de  Nantes  ,  mort  en  1 583  ,  avoit 
légué  à  l'Hôpital  fa  riche  bibliothèque  ,  qui  n'avoit  point  encore 
été  vendue  depuis  fa  mort.  Le  Cardinal  de  Vendôme  ,  frère  du 
Duc  de  Mercœur ,  venoit  d'en  offrir  douze  mille  écus  fols  ;  mais 
rUniverfité  confeille  à  la  Communauté  de  ville  de  la  retenir.  Le 
17  Novembre,  on  tient  une  affemblée  à  ce  fujet ,  &  l'on  acheté 
la  bibhotheque ,  qui  coûte  une  fomme  de  douze .  cents  écus  d'or 
au  foleil ,  dont  on  s'obHge  à  payer  l'intérêt  à  l'Hôpital ,  à  raifort 
du  denier  douze  ;  c'eft-à-dire  ,  trois  cents  livres  de  rente  annuelle  , 
franchiffable  à  la  volonté  des  Magiftrats.  On  fait  préparer  à  l'Hôtel 
de  ville  un  lieu  commode  pour  la  placer  &  la  rendre  publique  : 
on  la  confie  ,  fous  cautionnement ,  à  la  garde  d'un  particulier , 
qui  en  prend  fi  peu  de  foin  que  tous  les  livres  font  enlevés  les 
uns  après  les  autres.  Il  n'en  eft  refté  aucun  de  ce  temps  à  la  bi- 
bliothèque pubHque ,  qui  exifte  aujourd'hui  chez  les  Prêtres  de 
l'Oratoire. 

•  Le  Roi,  qui  avoit  découvert  les  projets  am.bitieux  des  Guifes, 
les  avoit  fait  maffacrer  pendant  les  Etats  généraux  de  Blois.  II. 
vouloir  aulîi  faire  arrêter  le  Duc  de  Mercœur ,  qu'il  foupçonnoit 
d'intelUgence  avec  eux  -,  mais  la   Reine ,  fa   fœur ,  l'avertit    du. 


114  .       NAN 

danger  qui  le  menaçoit ,  &:  lui  procura  les  moyens  de  décamper 
fecrétement.  Le  Monarque  l'avoit  retenu   jufques-là  dans  le   de- 
voir, en  le  flattant  de  le  faire  Duc  de  Bourgogne  :  mais,  dès  que 
le   Duc  vit  les  Guifes  morts,  il  n'héiita  plus  &  réfolut   de  faire 
revivre  les  prétentions  de  fon  époufe  fur  le  Duché  de  Bretagne  ^ 
prétentions  auxquelles  fes  ancêtres  avoient  tant  de  fois  renoncé» 
La  conjon6lure  étoit  favorable  ,  &  il  crut  pouvoir  en  profiter.  A 
l'exemple  des  Princes  Lorrains,  il  appella    les  Efpagnols   à  fon 
fecours ,   &   mit  des  garnifons   dans  les  plus  fortes  places-  de  la 
province.  Il  fe  rendit  d'autant  plus  redoutable  cju'il  étoit  maître 
de  la  ville  &  du  château  de  Nantes.  Il  commença  les  hoflilités, 
le  2   Mars  1589,  par  l'emprifonnement  de  trois  Seigneurs  qu'il 
fit  enlever  fur  la  route  de  Rennes  à  Paris,  &  conduire  fecréte- 
ment au  château   de  Nantes.  Ces  trois  prifonniers  étoient ,  le  Sei- 
gneur de  Ris ,  Premier  Préfîdent  du  Parlement  de  Bretagne  ;  fon 
fils  j  &  Ifaac  Loifel  de  Brie ,  fon  gendre  ,  Confeiller  au  même 
Parlement.   On  ignora  pendant  long-temps  ce  qu'ils  étoient  de- 
venus ;  mais ,  enfin ,  on  apprit  qu'ils  avoient  été  arrêtés  par  une 
Compagnie  de  Gendarmes  commandés  par  le  Capitaine  de  Vignan- 
court  ,  qui    les   avoit  menés  au  château  de  Nantes.    La   Dame 
de   Ris   intérefla  le  Parlement  &    la    Communauté   de   ville  de 
Rennes  à    cette    affaire.  Ils  nommèrent  des  Députés ,  qui  vinrent 
à  Nantes    demander  au  Duc    des  nouvelles   des  prifonniers ,  & 
le  prier  de  punir  cette  violence.  Le  Duc  répondit  qu'il  n'en  avoit 
point  de  connoiffance  ,  &  g-igii^  enfuite  les  Députés ,  qui  ne  rap- 
portèrent que  ce  que  le  Duc  avoit  voulu  leur  difter.  L'ambitieux 
Gouverneur  leva  alors  le  mafque  ,  &  commença  la  guerre  civile. 
Il  s'attacha  d'abord  à  bien  fortifier  le  château  de  Nantes ,  où  il 
iaifoit  fa  réfidence  ordinaire  :  il  y  fit  conllruire   deux   ballions, 
l'un  du  côté  de  la  ville    &    l'autre  fur  la  Loire ,  avec  un  bon 
rempart  ,    fur   lequel    fe  voit  la   double   croix    de   Lorraine.   Il 
rendit  cette  place  très-forte  :  elle  eil   flanquée  de  quatre  grofl!es 
tours  du  côté  de  la  ville    &  de  deux  demi-lunes  du  côté  de  la 
promenade ,  &  entourée  de  fortes  murailles ,  avec  un  large  & 
profond  foflTé  qui  communique  à  la  Loire ,  qui  baigne  l'autre  côté 
du  château  auiïï  bien  fortifié. 

Au  mois  de  Janvier  1 589 ,  le  Roi  Henri  III  donna  des  lettres- 
patentes  ,  portant  confirmation  du  don  de  la  Chapelle  de  Saint- 
Antoine  de  Pade  ,  des  bâtiments,  iprdins,  &  lieux  en  dépen- 
dants ,  fait  aux  Pères  Minimes  par  i'^s  prédéceflTeurs.  Le  Monar- 
que ajouta  à  ce  bienfait  toutes  les  Chapellenies  nouvellement 


NAN  ^         215 

fondées  dans  la  Chapelle  de  Saint-Antoine ,  Se  permit  aux  Reli- 
gieux de  bâtir  un  Couvent,  félon  l'acte  de  la  première  conceffion. 
Ces  lettres  furent  portées  au  Parlement ,  mais  les  circonflances 
&  le  malheur  des  temps  empêchèrent  leur  exécution.  Environ 
le  même  temps,  on  arrêta  de  ne  plus  faire  de  dîner  à  la 
Maifon  de  ville  lorfque  le  Maire  feroit  continué ,  afin  d'éviter 
des  dépenfes  considérables  ik  fuperfîues. 

Le  12  Avril,  le  Roi  transféra,  par  un  Edit,  la  Chambre  des 
Comptes ,  rUniveriité ,  &  la  Cour  des  monnoies  à  Rennes  -,  & 
le  Prélidial  à  Chateaubriand  ,  parce  que  la  ville  de  Nantes  ne 
reconnoiflbit  plus  d'autre  Souverain  que  le  Duc  de  Mercœur. 
Les  habitants  de  cette  ville  cherchoient  à  fe  garantir  de  la  fur- 
prife  des  R.oyalill:es.  Ils  firent  bâtir  à  l'entrée  de  Richebourg, 
près  la  contrefcarpe ,  une  porte  très-forte ,  dont  on  ne  voit  plus 
aucuns  vclhges.  Le  2 1  Mai ,  la  Ducheile  de  Mercceur  accoucha  , 
au  château ,  d'un  fils  ,  qu'elle  fit  nommer  Louis  ,  Prince  & 
Duc  de  Bretagne.  Ce  jeune  Seigneur  mourut  le  11  Décem- 
bre 1 590. 

Le  i-^  Juin  1589,  le  Comte  de  Soiflbns ,  Lieutenant  général 
en  Bretagne  ,  fut  furpris  ,  avec  le  Comte  de  Vertus ,  à  Château- 
giron  ,  petite  ville  du  diocefe  de  Rennes  ,  par  un  détachement 
des  troupes  du  Duc  de  Mercœur  ,  qui  les  conduilit  au  château 
de  Nantes.  Le  Comte  ne  refta  pas  long-tem=ps  en  prifon  :  il  s'a- 
vifa  ,  pour  en  fortir ,  d'un  ftratagême  allez  plaifant ,  qui  lui 
réuffit.  Comme  il  fe  faifoit  fervir  par  un  Traiteur,  il  fe  mit 
dans  un  panier  dans  lequel  on  lui  avoit  apporté  à  dîner  j  il  fe 
fit  couvrir  de  linge  &  de  vaifTelle  ,  &  fut  porté  dans  cet  équi- 
page ,  par  les  garçons  Cuifiniers ,  hors  du  château ,  fans  q\ie 
les  gardes  s'en  doutalTent.  Il  fe  rendit  avec  dihgence  à  Angers , 
d'où  il  écrivit  au  Duc  de  Mercœur  qui  n'étoit  pas  encore  inf- 
truit  de  fon  évafion.  On  croit  que  la  Duchefle  de  Mercœur  avoit 
favorifé  la  fuite  de  ce  Prince ,  pour  lequel  elle  n'avoit  pu  s'em* 
pêcher  d'être  fenfible. 

Les  Frères  mendiants ,  appelles  Bons-hommes ,  aujourd'hui  Mi' 
lûmes ,  s'établirent  fur  la  Foffe  de  Nantes ,  avec  la  permiffion 
de  l'Evêque  ,  dans  l'endroit  aftuellement  occupé  par  les  grands 
Capucins.  Ils  n'y  relièrent  que  quelques  mois ,  api  es  lefquels 
ils  prirent  poiTefîion  de  la  maifon  qu'ils  habitent  aujourd'hui  ;  mais 
leur  Eglife  ne  fut  bâtie  que  dans  le  fiecle  fuivant.  Après  la 
mort  du  Duc  de  Mercœur ,  le  Roi  leur  donna  le  jardin  du  Duc. 

1590.  La  Communauté  de  ville, qui  craignoit  un  fiege ,  prie 


2i6  NAN 

des  mefures  pour  ne  point   manquer  de  farine  dans    le  befoin. 
Elle  fit  faire  des  moulins  en  bois ,  &  les  plaça  en  différents  quar- 
tiers de  la  ville.  Celui  qui  fut  mis  dans  la  baffe  rue  de  Verdun , 
lui  donna  fon  nom ,  qu'elle  a  confervé  jufqu'à  préfent.  Ce  moulin 
fubfiffoit  encore  l'an  1 660.  On  ouvrit  alors  la  porte  de  la  groffe 
tour  de  la  Chambre  des  Comptes ,  &  l'on  y  plaça  fur  le  champ 
un  corps-de-garde.  Le  Duc  de  Mercœur   mit  cette  année   une 
impofition  de  cinq  mille  deux  cents  écus   d'or  fur  les  habitants 
de   la  ville  &  des  lieux  voifins ,  pour  l'entretien  de  la  garnifon. 
La  Paroiffe  de  Saint-Nicolas  étoit  taxée,  pour  fa   paH,  à    cinq 
cents  quarante-quatre  écus.  Le  Prince  Lorrain  faifoit  fortifier  de 
plus  en  plus    la  ville   de  Nantes.    Avant  fon  arrivée  ,  on  avoit 
commencé  un  Fort  de  terre  auprès  du  Port-Cornmuneau  :  il  le 
fit  continuer  avec  vivacité ,  &  força  le  peuple  de  la  ville  &:  de 
la  campagne  à  venir  y  travailler.  Ceux  qui  vouloient  s'en  exempter 
pay oient  cinq  fols  par  femaine.  La  conffruftion  de  ce  Fort  fut 
très-difpendieufe  ,  d'autant  plus  qu'on  fut  contraint  de  jetter  un 
pont  fur  la  rivière  d'Erdre,  pour  fe  procurer  les  terres  du  ma- 
rais. La  Communauté  de  ville  poffédoit    dans   cette    partie  plu- 
fieurs  maifons  ,  qui  furent  employées  à  ce  Fort,  qui  s'élevoit  en 
forme  de  montagne ,  avec  une  caverne  au  milieu ,  où  l'on  étoit 
à  couvert  &  d'où  l'on  grimpoit  fur  la  montagne. 

Le  24  Septembre ,  le  Chapitre  ordonna  une  proceflion  ,  qui 
fe  fit  trois  jours  de  fuite  :  le  premier,  aux  Jacobins j  le  fécond, 
aux  Carmes  j  &:  le  troifieme  aux  Cordeliers.  Elle  commençoit 
entre  huit  &  neuf  heures  du  foir  ;  les  Chanoines  y  marchoient 
en  chemife  ,  une  torche  d'une  main  &  une  croix  dans  l'autre , 
en  chantant  les  Pfeaumes  de  la  Pénitence  pour  demander  la 
paix.  Le  26  du  même  mois ,  le  Duc  de  Mercœur,  étant  à  Dinan  ^ 
donna  des  lettres-patentes ,  qui  portoient  que  le  Parlement  de 
Rennes  feroit  transféré  à  Nantes  pour  y  rendre  la  juftice.  Le 
Duc  avoit  déjà  établi  ,  dans  cette  dernière  ville ,  un  Confeil 
fouverain ,  qui  ,  par"  déUbération  des  Etats  de  fon  parti ,  fut 
compofé  de  dix-huit  perfonnes ,  dont  fix  étoient  à  la  nomination 
du  Prince  Lorrain  ;  les  douze  autres  étoient  nomjnées  par  les  Etats 
&  tirées  de  fon  Corps  ,  quatre  de  chaque  Ordre.  Le  foi-difant 
Parlement, nouvellement  créé  ,  ne  tint  fa  première  féance  à  Nantes 
que  le  i  ^K  Janvier  1 5  9 1 .  Il  débuta  par  une  défenfe  à  toutes 
perfonnes  de  prêter  ferment  &  d'obéir  aux  Princes  ,  Prélats ,  Sei- 
gneurs ,  Gentilshommes ,  &  Gens  de  guerre  qui  occupoient  les 
villes  de  Bretagne ,  &:  qui  refufoient  de  reconnoître  le  Duc  de 

Meicœur 


N    A    N  iiy 

Mercoenr  pour  leur  Souverain  j  il  défendit  en  outre  de  fortifier 
les  maifons  &  les  châteaux ,  de  bâtir  aucune  fortereffe  ,  avec 
ordre  de  démolir  toutes  celles  qui  avoient  été  bâties  depuis  trente 
ans.  Le  Parlement  de  Rennes ,  qui  tenoit  pour  le  Roi  ,  ne  put 
fouffrir  l'infolence  de  la  Cour  du  Duc  :  il  rendit  un  Arrêt ,  qui 
condamnoit  quatorze  Membres  du  foi-difant  Parlement  de  Nantes , 
comme  faufïaires  ,  criminels  de  leze-majeilé  au  premier  chef, 
pour  s'être  faufTement  attribués  la  qualité  de  Juges  j  &  ,  pour 
avoir  adhéré ,  approuvé ,  &  participé  à  l'exécrable  parricide 
commis  en  la  perfonne  facrée  du  feu  Henri  III ,  à  faire  amende 
honorable  en  expiation  defdits  crimes,  à  être  pendus,  étranglés, 
leurs  corps  traînés  fur  la  claie ,  pour  être  enfuite  portés  aux 
fourches  patibulaires  ,  y  être  attachés ,  &  leurs  Offices  fupprimés. 
L'Arrêt  fut  exécuté  en  effigie  ,  le  4  Mars  1591  ;  mais,  deux  ou 
trois  jours  après ,  le  Parlement  du  Duc  rendit  auffi  fon  Arrêt , 
portant  que  certain  imprimé ,  fait  par  le  prétendu  Parlement  de 
Rennes .  contre  celui  de  Nantes  ,  feroit  brûlé  dans  la  place 
publique  ,  &  les  cendres  jettées  au  vent  par  l'Exécuteur  de  la 
hauteJuftice. 

Le  Fort  de  Saint-Léonard  &  le  mur  qui  en  foutenoit  les  terres , 
écroulèrent  l'an  1 5 90. Les  réparations,  que  cet  accident  occafionna, 
coûtèrent  plus  d'un  milHon  à  la  ville.  Ce  Fort  étoit  d'une  hau- 
teur prodigieufe  ,  puifqu'il  dominoit  fur  l'ancienne  &  la  nouvelle 
ville.  Le  terrein  où  il  étoit  eft  aujourd'hui  occupé  par  des  mai- 
fons qui  le  couvrent  entièrement ,  &  par  la  place  du  Port-Com- 
muneau  &  le  jardin  des  ReHgieufes  de  Sainte-Magdeleme.  La 
tour  Guifchard,  fituée  dans  le  quartier  de  Sainte  -  Catherine , 
prit  le  nom  de  tour  des  Espagnols ,  parce  qu'elle  fervoit  de  loge- 
ment aux  troupes  de  cette  nation  ,  que  le  Duc  avoit  appellées 
'  à  fon  fecours.  Elles  étoient  ii  mal  vêtues  qu'on  fut  obhgé  de 
faire  des  quêtes  pour  leur  procurer  du  linge  &  des  habits.  On 
remarque  que  la  fête  du  Papegault  ne  fe  célébroit  plus  depuis 
qu'on  faifoit  la  guerre  au  Roi. 

1591.  Les  Etats  s'affemblerent  à  Nantes  au  mois  de  Mars.  Le 
Parlement  de  la  hgue  fit  frapper  des  pièces  de  fix  blancs  ou 
des  trente  deniers  tournois ,  au  nom  &  au  coin  du  Roi  de  la 
ligue,  Charles  X.  Le  Mifeur  de  Nantes,  qui  prévcyoit  que  cette 
monnoie  ne  feroit  pas  de  long  cours ,  parce  qu'elle  n'avoir  pas 
la  taille  que  la  Communauté  de  ville  avoit  propofée,  en  1580, 
au  Roi  Henri  III ,  demanda  qu'on  le  déchargeât  des  diminutions 
auxquelles  cette  nouvelle  efpece  de  monnoie  pourroit  être  fujette. 
Tome  IIL  E  2 


zi8  _  NAN     _ 

Sa  demande  lui  fut  accordée ,  à  condition  qu'il  tîendroit  regiftre 
chaque  jour  de  la  recette  Se  de  la  mife  des  pièces  de  iix  blancs. 
Cette  monnoie  tomba ,  comme  on  l'avoit  prévu  ,  &  le  Mifeur  en 
fît  fon  rapport ,  à  la  prière  de  la  Communauté  de  ville ,  au  Par- 
lement du  Duc.  Le  24  Mai ,  les  Capucins ,  quelques  autres  Ec- 
cléfiaftiques  &  Laïques ,  firent  une  procefîion  à  la  Cathédrale,  fur 
les  neuf  heures  du  foir ,  en  chemife ,  pieds  nuds ,  la  torche  en 
main  ,  pour  demander  au  Ciel  qu'il  lui  plût  favorifer  les  armes 
du  Duc  de  Mercœur.  Environ  ce  temps -là,  fut  aboli  Tufage 
d'appeller  aux  enterrements  les  Chanoines  de  la  Cathédrale, 
parce  qu'ils  exigeoient ,  pour  leurs  honoraires ,  une  fomme  de 
cent  livres ,  (  environ  deux  cents  cinquante  livres  de  notre  mon- 
iioie.  )  Ces  Eccléfiafliques  polTédoient  la  plus  grande  partie  des 
Cures  de  la  ville ,  &  c'efl  apparemment  à  caufe  de  cela  que 
les  Curés  ne  faifoient  pas  difficulté  de  céder  les  honneurs 
au  Chapitre  dans  les  cérémonies  pubKques  ,  ce  qu'ils  ne  font 
pas  aujourd'hui.  Le  1 4  Juin ,  le  Duc  de  Mercœur  fit  préfent  à 
la  Cathédrale  de  plufieurs  ornements ,  &  d'un  riche  dais  de  ve- 
lours cramoifî.  C'étoit  la  couleur  en  ufage  dans  les  folemnités 
du  Saint-Sacrement ,  avant  que  le  rit  romain  eût  fait  une  efpece 
de  loi  de  fe  fervir  du  blanc.  On  commença  la  cafemate  de 
la  douve  Saint-Pierre ,  entre  le  boulevard  de  ce  nom  &  la  tour 
Chauvin ,  près  du  trépied.  La  DuchefTe  de  Mercœur  y  pofa  la 
première  pierre  ,  le  1 2  Août ,  au  bruit  du  canon  &  au  chant 
des  Muficiens  de  la  ville.  Le  22,  tous  les  Manœuvres  &  Ma- 
çons ,  qui  travailloient  au  pont  de  Pirmil ,  furent  employés  à  cet 
ouvrage  j  &  l'on  fit  un  pont  de  communication  avec  la  Motte 
Saint-André ,  pour  la  commodité  des  ouvriers.  Dans  le  même 
temps ,  furent  faites  une  porte  &  une  barrière  près  les  Char- 
treux. Le  29  Oftobre ,  la  Communauté  de  ville  fit  applanir,par 
une  troupe  de  Lamballais ,  le  terrein  de  la  Motte  Saint-André , 
depuis  l'éperon  ou  la  cafemate ,  jufqu'à  la  defcente  au  port 
de  la  grone  tour.  Ce  port  étoit  bien  autrement  fitué  qu'il  ne 
l'eft  aujourd'hui.  Cet  applanifTement  avoit  été  fait  pour  la  com- 
modité des  Dames  qui  vcnoient  danfer  en  cet  endroit,  appelle 
la  danfe  des  Dames,  La  DuchefTe  de  Mercœur  étoit  la  première 
danfeufe. 

Une  partie  du  cimetière  de  l'Hôpital  de  Sainte-Catherine  fut 
alors  dellinée  à  la  fépulture  des  pauvres.  On  transféra  le  corps- 
de-garde  de  la  tour  Chauvin  à  la  grofTe  tour  j  on  acheta  quel- 
ques maifons  pour  ouvrir  une  petite  rue  vis-à-vis  le  Couvent  des 


N  A  N  219 

Carmes.  Elle  n'exifte  plus  ;  elle  paffoit  de  la  rue  du  Moulin , 
ci-devant  rue  baffe  de  Verdun ,  à  la  rue  de  Briord ,  pour  la 
commodité  des  Gouverneurs  qui  habitoient  ordinairement  l'hôtel 
de  ce  nom ,  qui  appartenoit  à  la  Ducheffe  de  Mercœur.  Il  n'y 
avoit  point  encore  de  quai  à  la  Foffe  pour  la  décharge  des 
marchandifes  qui  abordoient  au  delà  de  la  Chapelle  Saint-Julien  : 
il  y  en  avoit  feulement  un  au  port-au-vin. 

Lorfque  les  Capucins  firent  la  proceffion  dont  j'ai  parlé  au 
a 4  Mai ,  ils  n'avoient  point  encore  d'établiffement  fixe  à  Nantes. 
Au  mois  de  Novembre  ,  le  Duc  de  Mercœur  les  plaça  dans 
l'endroit  aujourd'hui  occupé  par  les  Religieufes  Cordelières  de 
Sainte-EHfabeth  ,  au  Marchix  :  & ,  au  commencement  du  fiecle 
fuivant ,  ils  furent  transférés  à  la  Foffe  ,  dans  la  maifon  qu'ils 
habitent  aujourd'hui.  Dans  ce  temps ,  fi  la  Communauté  de  ville 
n'avoit  pas  été  fatisfaite  du  Maire  que  les  habitants  avoient  élu  ,  elle 
n'auroit  point  fait  faire  fon  portrait.  Chaque  Maire  a  le  fien  dans  la 
grande  falle  de  l'Hôtel  de  ville ,  oii  ils  font  tous  rangés  par 
ordre  de  fucceffion. 

Phihppe   du  Bec  ,  Evêque   de   Nantes ,  fut  un  de   ceux  qui 
travaillèrent  le  plus  ardemment  à  la  converfion  du  Roi  Henri  IV. 
Ce  Prélat  fut  conftamment  oppofé  à  la  ligue.  Il  affiffa  à  l'affem- 
blée  de  Mantes ,  &   enfuite   à  celle  de  Chartres ,  en  1 5  9 1  ?  oh 
l'on  déclara  la  Bulle  du  Pape  Grégoire  XIV  ,  que    ce    Pontife 
n'avoit  donnée  qu'à  la  fuggeftion  des  ennemis  de  la  France.  On 
décida  que  cette  Bulle  n'étoit  point  à  craindre  pour  des   fujets 
qui  reconnoiffoient  un  Souverain  légitime.  Le  Parlement  de  Tours 
la  fit  brûler  par    l'Exécuteur  de  la   haute-Juftice  -,  mais   elle   fut 
mieux  reçue  à  Nantes.  Le  Parlement  de  la  Hgue  la  fit   publier, 
le  8  Août ,  à  la  Cathédrale ,  où  le  peuple  s'étoit  affemblé  pour 
une  proceffion  générale  j  &,  le  19  du  même  mois  ,  on  condamna, 
par  repréfailles ,  l'Arrêt  du  Parlement  de  Tours ,  qui    avoit   con- 
damné la  Bulle  au  feu ,  à  être  brûlé  lui-même.  Ce  qui  fut  exé- 
cuté le  même  jour  à   Nantes.  Ce   diocefe   &   prefque  toute   la 
Bretagne  effuyoient ,  pendant   ces  jours   d'erreurs  &  de  mépris 
pour  les  loix  les  plus  facrées  ,  tous  les  fléaux   de  la  colère   de 
Dieu ,  la  famine ,  la  peile ,  &  toutes  les   horreurs  de  la  guerre 
civile  j  les  pillages ,  les    exécutions  rnilitaires ,  les  viols  fe  mul- 
tiplioient  chaque  jour,  &  faifoient  de  ce  pays  un  théâtre  d'abo- 
minations. 

1592.  Le  Duc  de  Mercœur  fait  différentes  fondations ,  entr'au- 
Itres,   celle   d'une  lampe  ardente  qui   doit   brûler   jour   &  nufl 


110  ^  N  A  N 

devant  le  Saint  -  Sacrement ,  dans  l'Eglife  de  Saint-Vlncent  ;  il 
fonde ,  en  même  temps ,  plufîeurs  Services  à  la  Cathédrale.  Le 
cimetière  de  cette  dernière  Eglife  étoit  fur  la  place  Saint-Pierre, 
&  feulement  clos  d'une  haie  d'épines  :  on  le  fait  fermer  de  murs  , 
dans  le  courant  de  cette  année ,  &  l'on  place  un  corps-de-garde 
à  l'un  des  coins  de  ce  cimetière.  Sur  la  fin  de  Juillet ,  les  troupes 
du  Roi  font  un  des  Grands- Vie  aires  prifonnier.  Le  Chapitre  ne 
veut  point  lui  donner  de  fuccefTeur ,  &  charge  fon  confrère  de 
remplir  fa'  place.  Le  8  Novembre ,  la  DuchefTe  de  Mercœur 
accouche ,  à  l'hôtel  de  Briord  ,  d'un  garçon  &  d'une  fille ,  qui 
font  baptifés  le  même  jour  à  Saint-Vincent ,  fans  aucune  pompe. 
On  choiiit  pour  les  parrains  &  marraines  des  pauvres  mendiants, 
à  qui  l'on  nt  une  penfion  viagère.  Le  jeune  Prince ,  nommé 
François ,  meurt  le  13  de  Mars  de  l'année  fuivante ,  &  efl:  en- 
terré dans  un  cercueil  de  plomb ,  avec  fon  frère  Louis ,  dont 
j'ai  rapporté  ci-delTus  la  naiffance  &  la  mort ,  dans  un  caveau 
creufé  exprès  dans  l'Eglife  des  ReHgieufes  de  Sainte  -  Claire , 
avec  une  infcription  qui  marque  leur  delHnée.  La  PrincelTe, 
nommée  Françoife ,  époufa ,  dans  la  fuite  ,  le  Duc  de  Vendôme  , 
fils  naturel  de  Henri  IV,  On  continue  vivement  les  fortifications 
de  la  ville ,  auxquelles  on  emploie  ,^  fans  relâche  ,  les  citadins 
&  les  habitants  des  ParoifTes  voifines.  Au  milieu  de  tant  d'occu- 
pations ,  le  Duc  de  Mercœur  fait  une  nouvelle  fondation  à  la 
Collégiale ,  pour  laquelle  il  donne  douze  cents  quarante  écus  fols, 

1593.  Le  Pape  Clément  VIÏI  confirme,  par  une  Bulle,  l'éta- 
bliffement  des  Capucins  au  Marchix.  Le  Chapitre  de  la  Cathé- 
drale demande  à  ce  Pontife ,  qu'il  foit  permis  à  fes  Chanoines 
de  tenir  des  Cures  avec  leurs  Canonicats ,  &  de  devenir  riches , 
(  fieri  divhes:  )  Environ  ce  même  temps  ,  le  Curé  &  les  Prêtres 
de  Saint-Nicolas ,  ayant  chanté  pendant  quinze  jours  une  Mefle 
extraordinaire ,  avec  les  Vêpres  &  la  Bénédi6lion  ,  préfenterent 
une  requête  à  leurs  Paroifliens ,  pour  obtenir  une  récompenfe 
de  ce  Service.  Les  habitants,  ayant  égard  à  la  cherté  des  vivres, 
leur  font  délivrer  une  fomme  de  dix  écus  fols.  On  fait  travailler 
au  Couvent  des  Pères  Minimes ,  &  à  une  nouvelle  tour  qu'on 
pLice  auprès  de  la  Chambre  des  Comptes.  La  Duchelîe  de  Mer- 
cœur en  pofe  la  première  pierre.  On  a  ,  pendant  long-temps ,  tiré 
le  Papegault  fur  cette  tour,  dont  il  ne  relie  aujourd'hui  que  l'em- 
placement ,   également  que  des  ouvrages  qui  l'environnoient. 

1594.  Le  Chapitre  de  la  Cathédrale  obtient  du  Pape  Clé- 
ment VIII  la  réunion   de  plufieurs  Bénéfices.   Philippe  du  Bec 


NAN    ■        _  zii 

eft  transféré  à  Rheîms ,  à  l'âge  de  foixante-dix  ans ,  par  le  Roi 
Henri  IV.  Ce  Prélat  avoit  beaucoup  fouffert  de  la  ligue.  Sa  mé- 
moire fera  toujours  chère  aux  bons  Français.  Il  fervit  fon  Prince 
avec  zèle  &  fidélité  j  &  il  étoit ,  fans  doute ^  digne  d'un  meilleur 
Clergé  ou  plutôt  d'un  meilleur  temps  ,  puifque  les  Nantais  ne 
tardèrent  pas  à  rougir  de  leurs  fureurs,  8c  à  détefter  l'inftant 
qui  les  avoit  rendu  coupables.  Il  efc  le  premier  Evêque  de  Nantes 
qui  ait  préfenté  les  Bénéfices  alternativement  avec  le  Pape.  Jean 
du  Bec ,  fon  neveu ,  devoit  lui  fuccéder  par  réfignation ,  mais  il 
n'eut  point  fes  Bulles  &  ne  prit  point  pofTelîion  de  fon  Evêché. 
Il  permuta ,  du  confentement  de  fon  oncle ,  au  mois  d'Oftobre 
1596,  avec  Charles  de  Bourgneuf,  Evêque  dé  Saint-Malo.  On 
juroit  encore,  par  fentence  de  jalhce,  fur  les  Myfteres  les  plus 
faints  &  les  plus  redoutables.  Les  regiftres  de  la  Cathédrale  font 
mention  d'un  particulier,  c{ui ,  par  Arrêt  du  Parlement  de  Nantes, 
prêta  ferment,  le  24  Juillet  1594,  fur  la  Sainte-Euchariftie ,  ex- 
pofée  à  cet  effet  fur  le  grand  autel  de   la  Cathédrale. 

1595.  La  Communauté  de  ville  fait  nettoyer,  par  l'avis  des 
Médecins,  le  puits  du  carrefour  aujourd'hui  de  la  place  Saint- 
Pierre  ,  dont  les  eaux  étoient  corrompues.  On  y  travaille  pen- 
dant la  nuit  du  22  Avril  ,  depuis  neuf  heures  du  foir  jufqu'à 
quatre  heures  du  matin.  Les  habitants  des  rues  qui  conduifoient 
depuis  la  porte  Saint-Pierre  au  Port-Maillard ,  avoient  devant 
leurs  portes  des  cuves  pleines  d'eau  nette  &  claire ,  avec  ordre 
d'en  jetter  de  temps  en  temps  fur  le  pavé ,  pour  faire  couler 
plus  promptement  les  eaux  corrompues  &  en  divifer  la  mauvaife 
odeur.  Le  Chapitre  de  la  Cathédrale  préfente  une  requête  au 
Duc  de  Mercœur,  pour  obtenir  un  impôt  fur  le  vin,  avec  pro- 
meffe  d'en  employer  les  deniers  aux  réparations  de  la  Cathédrale 
qui  tomboit  en  ruine  -,  réparations  que  le  Chapitre  ne  pouvoit 
faire  avec  fes, modiques  revenus.  On  ne  fçait  û  la  demande  fut 
accordée.  Le  1 2  Mars ,  les  Officiers  municipaux  font  conllruire 
un  très-beau  &  très-commode  corps-de-garde  ,  en  maçonnerie , 
fur  la  courtine  du  mur  de  ville ,  entre  la  groffe  tour  &  le  Fort 
de  terre  de  la  Chambre  des  Comptes ,  avec  une  guérite ,  qu'on 
appelloit  alors  Gloriette.  Le  3  i  du  même  mois ,  on  fait  la  vifîte 
des  corderies  qui  étoient  fur  la  Motte,  où  elles  ne  fubfiflent  plus, 
&  on  commence  la  chauffée  Choifmet,  qui  conduifoit  à  la  prairie 
du  même  nom  ,  aujourd'hui  le  Parc-aux-Fumiers ,  près  la  Cha- 
pelle de  la  Magdeleine.  La  maifon  qui  eff  auprès  de  cette  Cha- 
pelle eff  de  même  date ,  elle  eit  du  domaine  du  Roi.  Un  Secre- 


212  N  A  N 

taire  de  Philippe  II ,  Roi  d'Efpagne ,  vient  à  Nantes  le  1 5  Juin  , 
où  il  attend ,  pendant  quelque  temps  ^  le  Duc  de  Mercœur , 
auquel  il  préfente ,  de  la  part  du  Roi  fon  maître ,  une  écharpe 
rouge  enrichie  de  diamants.  Le  Prieuré  de  Batz  ,  près  le  Croific , 
eft  uni  au  Collège  de  Saint-Clément ,  moyennant  une  penfion 
que  la  Ville  s'oblige  de  payer  au  Prieur,  fa  vie  durant.  L'Abbaye 
de  Landevenec  ,  de  laquelle  dépendoit  le  Prieuré ,  s'oppofe  for- 
tement à  cette  union.  Les  Magiftrats  achètent,  pour  la  première 
fois  ,  des  fceaux  de  cuir  ,  des  crochets  ,  &  autres  uilenfiles 
/nécefTaires  aux  incendies,  d'autant  plus  communs  &  plus  dange^ 
reux  que  les  maifons  étoient  prefque  toutes  en  bois ,  &  feulement 
féparées  par  des  terrafîes  ou  des  rues  fort  étroites.  On  projette  de 
creufer  un  puits  devant  la  groffe  horloge  du  Bouffay ,  &  le 
marché  eft  conclu  pour  une  fomme  de  vingt-cinq  écus.  Par  Ordon- 
nance de  Police ,  les  TonneHers  font  obligés  à  mettre  des 
marques  diflinftives  fur  les  futailles  neuves  qu'ils  fabriquoient, 
La  récolte ,  qui  manque  cette  année,  fait  craindre  une  famine. 

1 596.  Le  quai  de  la  Poterne  eft  élargi,  fur  la  requête  des  ha- 
bitants du  Heu,  &  l'abord  en  eft  rendu  plus  commode.  Pendant 
le  Carême ,  les  maladies  épidémiques  fe  manifeftent  &  font  crain- 
dre des  fuites  dangereufes.  On  indique  une  proceffion  générale 
à  Saint-Sébaftien  pour  le  mercredi  d'après  Pâques.  Le  déborde- 
ment des  eaux  &  le  mauvais  temps  empêchent  la  proceffion 
d'aller  jufqu'à  Saint-Sébaftien,  &  l'obHgent  de  s'arrêter  à  Saint- 
Jacques.  Le  29  Août  fuivant ,  on  fait  une  féconde  proceffion  à 
Saint-Sébaftien  ,  parce  que  la  contagion  continuoit  toujours. 
Depuis  ce  temps ,  on  fait ,  tous  les  ans  ,  une  proceffion  générale 
au  même  lieu.  Les  pluies  continuelles  &  abondantes  détruifent 
encore  la  récolte  ,  &  la  famine  fe  joint  à  la  pefte  &  à  la  guerre. 
Les  gens  de  la  campagne  >  qui  ne  peuvent  fubiifter  chez  eux, 
viennent  en  foule  à  Nantes,  &  rempHftent  cette  ville.  On  fait 
des  quêtes  pour  leur  fubfiftance  ,  &  l'on  en  occupe  une  partie 
aux  travaux  des  fortifications.  La  porte  du  Port-Communeau  étoit 
murée  depuis  long-temps  :  l'incommodité  pubhque  engage  la  Com- 
munauté à  demander  au  Duc  la  permiffion  de  l'ouvrir.  Il  y  con- 
fent ,  à  condition  qu'on  y  fafle  faire  un  foifé  avec  un  pont-levis  : 
tous  ces  ouvrages  n'exiftent  plus  aujourd'hui.  Comme  l'Evêque 
tenoit  le  parti  du  Roi ,  il  avoit  été  forcé  de  fuir  de  fa  ville  épif- 
copale  qui  étoit  au  pouvoir  des  ligueurs.  Les  Refteurs,  voyant 
le  Prélat  abfent ,  refufent  de  payer  les  droits -de  vifitç.  Le  Fermier 
du  temporel  de  l'Evêchif  les  appelle  en  Juftiçe  >  i'Official  pro- 


N  A  N  21J 

nonce  en  leur  faveur ,  par  la  raifon  qu'on  ne  devoit  point  payer 
des  vifites  qui  n'étoient  point  faites  :  mais  le  Duc ,  qui  percevoit 
les  revenus  de  l'Evêché ,  fait  caffer  la  Sentence  de  l'Official  par 
fon  Confeil  d'Etat  &  des  Finances  établi  à  Nantes ,  &  les  Rec- 
teurs font  forcés  de  fe  foumettre  à  des  loix  aufîi  dures.  On  levoit 
alors ,  dans  les  Paroifles  du  diocefe ,  un  devoir ,  appelle  pardons 
ou  indulgences  accordées  à  ceux  qui  donnoient  l'aumône.  Cette 
aumône  confifloit  en  laine  ,  filalTe  ,  poulets ,  argent ,  &c.  &  étoit 
attribuée  à  l'Hôpital  de  Saint-Lazare  ,  dès-lors  uni  à  THôtel-Dieu. 
On  celfa  de  la  demander  vers  Fan  1600.  Pendant  le  Carême, 
on  quêtoit,  dans  la  ville,  du  linge,  comme  draps,  ferviettes, 
&c.  pour  le  fervice  de  l'Hôpital.  Il  y  avoit  alors  un  moulin  à 
poudre  fur  la  place  de  Sainte-Catherine ,  à  Nantes.  Charles  de 
Gondi ,  Marquis  de  Belle-Ifle  en  mer ,  Duc  de  Retz ,  &  Amiral 
de  Bretagne  ,  eft  tué  au  Mont-Saint -Michel  par  Kermartin, 
Capitaine  au  fervice  de  Henri  IV.  Son  corps  eft  apporté  à 
Nantes,  &:  mis  en  dépôt  dans  l'EgUfe  des  Chartreux  pendant 
deux  jours.  Le  troifieme  jour,  le  convoi  fe  fait,  ^  le  Duc  de 
Mercœur  y  aflifte  ,  tenant  par  la  main  le  jeune  Marquis  de  Belle- 
Ifle  ,  âgé  de  iix  ans  j  après  la  Meffe ,  le  Duc  reconduit  le 
deuil.  Quelques  jours  après ,  on  fait  un  fécond  Service ,  &  le 
corps  ell  mis  dans  un  carroffe  couvert  d'un  drap  mortuaire, 
pour  être  conduit  à  Machecou.  Le  Prince  Lorrain  l'accompagne 
jufqu'au  pont  Roufleau.  Le  quai  du  Port  -  Maillard ,  commencé 
en   1588,  eft  enfin  achevé  cette   année  par  le   nommé  Briquet, 

1597.  On  continuoit  de  battre  monnoie  à  Nantes,  au  coin 
du  Cardinal  de  Bourbon ,  élu  Roi  par  la  hgue ,  fous  le  nom 
de  Charles  X,  La  légende  du  côté  de  la  croix  étoit  :  Carolus  X. 
D,  G,  Francorum  Rex  i5gy  ;  &  du  côté  de  la  pile  ou  de  l'écu: 
Sit  nomen  Domini  benediclum  T.  Cette  monnoie  étoit  à  onze  de- 
niers de  loi ,  &  à  la  taille  de  vingt-cinq  un  cinquième  au  marc. 
Le  Cardinal,  Roi  prétendu ,  étoit  mort  ,dès  le  18  Mai  1590,  au 
château  de  Fontenay-le-Comte  ,  en  Poitou  ;  mais  les  affaires  de 
la  hgue  exigeoient  qu'on  fe  fervît  de  fon  nom  ,  &  que  fes  mon- 
noies  couruuent. 

Le  Duc  de  Mercœur  fit  conftruire  cette  année  le  baftion  de 
la  Motte  Saint-Pierre,  qui  a  été  démoli  en  1742.  On  creufa 
dans  cette  place ,  à  la  hauteur  d'une  pique ,  jufqu'à  la  Croix  qui 
étoit  vis-à-vis  la  rue  des  Minimes ,  le  jeu  de  paume  ,  qui  étoit, 
en  cet  endroit ,  le  chemin  qui  conduit  à  la  rivière  entre  deux. 
On  découvrit,  en  travaillant,  l'ancienne   porte  Charriere  &  un 


"4  N  A  N 

vieux  chemin  fort  large  &  pavé ,  qui  conduifoit  de  Richebourg 
dans  la  ville  &  à  une  vieille  tour  couverte  d'ardoife.  La  Loire 
déborda  encore  ,  &  les  pluies  continuelles  firent  évanouir  l'efpé- 
rance  de  voir  bientôt  finir  la  famine.  La  pelle  coritinuoit  tou- 
jours fes  ravages ,  &  la  guerre  les  fiens.  Le  bon  accueil  que  la 
Ville  avoir  ci-devant  fait  aux  pauvres  qui  étoient  venus  les  an- 
nées paffées  ,  en  attira  un  grand  nombre  qui  furent  reçus  avec 
bonté  :  on  en  compta  jufqu'â  fix  mille  cinq  cents ,  auxquels  on 
donna  tous  les  fecours  pofTibles. 

1Ç98.  Le  i^"".  Avril,  on  defcendit  du  haut  de  la  nef  de  la 
Cathédrale  les  drapeaux  pris  à  l'armée  du  Roi ,  à  la  trifle  journée 
de  Craon.  Le  4  du  mois  ,  on  chanta  le  Te  Dewn  dans  cette 
Eglife  ,  pour  remercier  Dieu  d'avoir  infpiré  au  Roi  la  volonté  de 
donner  la  paix  au  Duc  de  Mercœur  j  & ,  pour  la  première  fois ,  on  fit 
entendre  à  Nantes  le  cri  chéri  de  Vive  le  Roi  Henri  IV.  Ce 
fut  là  le  trépas  de  la  Hgue.  Le  Prince  Lorrain  fentant  enfin  que 
fon  ambition  ne  feroit  jamais  fatisfaite ,  fe  rendit  à  Angers  au- 
près du  Roi ,  qui  lui  fit  des  avantages  confidérables.  Il  lui  ac- 
corda deux  cents  trente  mille  écus  de  dédommagement,  &  dix- 
fept  mille  écus  de  penfion ,  avec  la  garde  des  villes  &  châteaux 
de  Lamballe  ,  Guingamp  ,  Montemeurs  ;  &  fiança  fon  fils  légitime 
Céfar,Ducde  Vendôme,  avec  Françoife,  fille  du  Prince  Lorrain. 
Après  les  fêtes  ordinaires ,  le  Roi  partit  d'Angers  pour  fe  rendre 
à  Nantes,  où  il  arriva  le  13  Avril  1598.  Il  dîna  à  ChafTais, 
maifon  de  plaifance  de  l'Evêque  de  Nantes.  Philippe  du  Bec  , 
ci-devant  Evêque  de  ce  diocefe ,  accompagnoit  le  Roi  :  il  vit 
avec  fatisfaftion  fa  ville  épifcopale ,  où  il  n'étoit  pas  entré  de- 
puis neuf  ans  ,  par  attachement  pour  les  Rois  Henri  III  &: 
Henri  IV.  Il  y  eut  ordre  de  fermer  les  boutiques  ,  &  on  défendit  aux 
habitants  fous  les  armes  de  charger  &  de  tirer  aucune  arquebufe  , 
fous  peine  de  la  vie.  Le  Roi  fit  fon  entrée  à  cheval ,  fur  les 
fix  heures  du  foir  ,  par  la  porte  Saint-Pierre  ,  &  defcendit  au  châ- 
teau. Charles  de  Bourgneuf ,  Evêque  de  Saint-Malo,  déligné  Evê- 
que de  Nantes  ,  vint  le  compUmenter  à  la  tête  de  fon  Chapitre 
au  nom  du  Clergé.  Les  Magiflrats  vinrent  aufîi  lui  rendre  leurs 
devoirs.  Sa  Majellé  étoit  accompagnée  de  Charles  Miron  ,  Evê- 
que d'Angers ,  des  Ducs  d'Elbeuf  &  d'Epernon ,  &  du  Comte 
de  Schomberg.  Le  lendemain  mardi  ,14  du  mois  ,  le  Roi  vint ,  fur 
les  neuf  heures  du  matin ,  à  l'Eglife  Cathédrale ,  où  l'on  avoit 
mis  les  armes  de  Sa  Majeflé  au  defTus  de  la  grande  porte  &  du 
chœur.  Les  deux  Chapitres  j  en  habits  de  cérémonie ,  le  reçurent 

à 


N  A  N  115 

à  l'entrée  de  l'Eglîfe  :  le  Monarque ,  qui  fe  mit  à  genoux  fur  un 
couffin  de  velours  cramoifi ,  pour  baifer  la  Croix  que  Charles 
de  Bourgneuf  lui  préfenta  ,  promit ,  en  cet  endroit ,  de  garder  8c 
défendre  les  libertés  de  l'Eglife ,  &  entra  dans  la  nef ,  où  il  relia 
pendant  le  Te  Deum  ;  il  monta  enfuite  dans  le  chœur ,  fe  plaça 
Ibus  le  dais  qu'on  lui  avoir  préparé  ,  &  entendit  la  MefTe  qui 
fut  chantée  (  ^  )  par  un  de  fes  Aumôniers.  Pendant  toute  cette  céré- 
monie ,  le  Roi  étoit  accompagné  de  fes  Gardes.  Le  jeudi  23  ,  Sa 
Majeflé  reçut  à  l'Eglife  Cathédrale  le  collier  de  l'Ordre  de  la 
Jarretière ,  qui  lui  fut  envoyé  par  la  Reine  Elifabeth.  Pour  rendre 
la  cérémonie  plus  augufte ,  on  avoit  préparé  deux  dais  à  l'en- 
trée du  chœur ,  un  de  chaque  côté  ,  le  premier  à  la  chaife  de 
l'Evêque ,  &  l'autre  à  celle  du  Tréforier.  Ces  décorations  furent 
inutiles  :  le  Roi  fe  plaça  dans  la  chaire  du  Scholaftique  ,  &  l'Am- 
baffadeur  Anglais  dans  la  chaire  du  Doyen ,  Chantre  en  dignité. 
Le  Monarque  affifta  à  l'Office  avec  le  grand  collier  de  fort 
Ordre  &  celui  de  la  Jarretière  qu'il  venoit  de  recevoir.  Ce  grand 
Roi  ,  en  voyant  la  force  &  la  beauté  du  château ,  dit  à  ceux 
qui  l'accompagnoient  :  V entre- faim-gris ,  les  Ducs  de  Bretagne 
nétoient  pas  de  petits  compagnons.  Pendant  le  féjour  du  Roi  à 
Nantes ,  il  fit  plufieurs  Règlements  pour  le  bonheur  de  la  ville 
&  de  la  province  :  il  rappella  la  Chambre  des  Comptes  qui 
étoit  à  Rennes  depuis  1589^  y  créa  deux  places  de  Maître, 
&  confirma  celles  créées  par  le  Duc  de  Mercœur  en  1590.  Il 
régla  que  le  nombre  des  Maire  &  Echevins  refiant  toujours  le 
même  ,  il  feroit  procédé  ,  tous  les  deux  ans ,  avec  les  cérémonies 
accoutumées  ,  à  l'éleftion  de  trois  perfonnes  ,  dont  une  feroit 
choifie  par  Sa  Majeflé  pour  faire  les  fondions  de  Maire.  Il  donna 
des  lettres-patentes  confirmatives  des  privilèges  des  habitants  de 
Nantes ,  avec  qualification  pour  cette  ville  du  titre  de  capitale 
de  la  province.  Ces  lettres  furent  enrégilbrées  au  Parlement  de 
Bretagne  ,  avec  cette  claufe  ,  fans  préjudice  des  droits  de  la  ville 
de  Rennes,  Ce  que  le  Monarque  fit  de  plus  remarquable  ,  eft 
le  fameux  Edit  de  Nantes ,  donné  le  3  o  Avril.  Le  Préfident  de 
Thou  &  le  Chancelier  de  Navarre  drefferent  les  mémoires  d'a- 
près lefquels  il  fut  fait.  Les  Réformés  fournirent  des  écrits  011 
ils  expofoient  leurs  plaintes ,  leurs  droits ,  &  leurs  demandes, 
Daniel  Chamier ,  habile  Calvimlle ,  y  travailla  de  coacert'avec 


C^)  Di.e  &  chanter    la   MefTe    étoient     |     Mcffe  baffe  &  MeJ[è  à  no  te, ^  Mejfc  chanià. 
mots  fynonymes.  Mefle  à  compt€r,figmfioit    ]    ©u  votive,. 

Tome  III^  F  2. 


ii6  N  A  N 

le  Préfident  Jeannin  &  M.  de  Schomberg.  Ce  traité  accordoit  aux 
Calviniftes  le  libre  exercice  de  leur  Religion ,  dans  tous  les  lieux 
où  il  avoit  été  établi  aux  années  i  596  &  1 597  ,  avec  permiflion 
aux  Gentilshommes  d'avoir  des  Minières  dans  leurs  châteaux. 
Les  Proteftants  pouvoient  être  élevés  aux  emplois  ,  &  exercer 
toutes  les  charges  poffibles ,  tant  dans  le  civil  que  dans  le  mili- 
taire. On  leur  accorda  même  des  Chambres  mi-parties ,  où  ils 
étoient  jugés  &  défendus  par  des  gens  de  leur  fefte.  En  un 
mot ,  ils  furent  confirmés  dans  tous  les  privilèges  accordés  par 
les  Edits  précédents,  û  multipliés  &  fi  îbuvent  violés.  Le  Par- 
lement ,  qui  n'étoit  pas  encore  entièrement  purgé  du  venin  de  la 
ligue  ,  refufa  long-temps  de  publier  cette  loi  -,  mais  il  fe  rendit 
enfin  aux  fages  &  judicieufes  raifons  du  Roi ,  &  l'enrégifira  le 
I  ç  Février  de  l'année  fiiivante ,  pour  être  exécutée  félon  ia  forme 
&  teneur  ,  &:.  être  regardée  comme  loi  fondamentale  du  Royaume, 
&  Edit  perpétuel  &  irrévocable.  Une  loi  fi  fage ,  fi  utile  ,  fi 
nécefiTaire  même  au  bonheur  des  deux  partis ,  ne  fut  pourtant 
pas  du  goût  de  tout  le  monde.  Les  haines  n'étoient  point  éteintes: 
le  zèle  extrême  du  Clergé  ne  pouvoir  fouffrir  que  des  hommes 
qu'il  regardoit  comme  des  réprouvés ,  ennemis  de  fon  culte , 
marchaffent  de  pair  avec  les  partifans  de  l'Eglife  Romaine. 
La  Religion  paroifibit  en  danger ,  & ,  pour  fatisfaire  les  Catho- 
liques ,  il  auroit  fallu  profcrire  la  doftrine  de  Calvin  Se  fes  fec- 
tateurs.  L'amour  qu'on  portoit  à  Henri  IV ,  &  la  crainte  de  défo- 
béir  à  un  Monarque  éclairé  &  chéri ,  empêchèrent  les  mal-in- 
tentionnés d'éclater  pendant  qu'il  vécut  ;  mais  ,  dès  qu'il  fut  mort, 
on  fit  à  l'Edit  mille  infraftions ,  pour  lefquelles  il  fallut  demander 
6c  donner  une  infinité  d'expUcations.  D'un  autre  côté  ,  la  foiblefi^e 
de  l'adminiftration  fous  Louis  Xill,  les  mécontentements  des  Grands 
Seigneurs  Çathohques,  qui  fe  joignoient  afi^ez  fouvent  aux  Ré- 
formés ,  enhardirent  ceux  qui  demandèrent  avec  hauteur  le 
redreflement  de  leurs  griefs.  Ils  poufiérent  même  leurs  prétentions 
beaucoup  plus  loin  que  fous  Henri  IV ,  d'autant  mieux  que  leurs 
plaintes  étoient  jufies ,  &  que  le  Gouvernement  étoit  plus  foible. 
Les  deux  partis  prirent  les  armes ,  &  les  poferent  fans  avoir  pu 
mettre  les  chofes  fur  un  pied  llable.  Les  affaires  changèrent  de  face 
fous  le  minifi:ere  de  Richelieu.  Les  Calvinifies ,  vaincus  ,  furent 
obligés  de  recevoir  la  loi  que  leur  impofa  la  Cour.  Le  fage  Mi- 
niftre  ne  voulut  pourtant  pas  ôter  aux  Réformés  les  privilèges 
qui  leur  avoient  été  accordés  par  le  Grand  Henri.  Il  fit  confir- 
mer  l'Edit   de  Nantes,  qui   étoit  toujours  regardé   comme   loi 


M 


N  A  N  217 

fondamentale  du  Royaume  ;  mais  cette  confirmation  ne  fut  ac- 
cordée que  comme  une  grâce  ,  &  non  comme  un  effet  de  la 
juftice  du  Roi.  Le  Cardinal  fe  flattoit  de  ramener  les  Calviniiles 
à  la  Religion  Romaine  par  la  perfuafîon  ,  bc  ne  vouloir  point 
pouffer  à  bout  un  parti  dont  le  défefpoir  auroit  pu  caufcr  des 
troubles  dangereux  &  funeftes  à  l'Etat.  Il  chercha  feulement  à 
l'affoibhr  &  à  le  ruiner  par  des  voies  fecretes.  Les  Protcffants 
fe  plaignirent;  mais  ils  étoient  fi  humiHés  &  fi  abattus,  qu'ils  n'ofe- 
rent  remuer  :  ils  redoutoient  un  Miniftre  aftif ,  infatigable  ,  puif- 
fant ,  éclairé ,  qui  n'ignoroit  aucune  de  leurs  démarches ,  &  qui 
leur  oppofoit  fans  ceffe  des  barrières  difficiles  à  franchir.  Sous 
l'adminiffration  du  Cardinal  Mazarin ,  on  les  traita  encore  plus 
durement  :  on  leur  fufcitoit  fans  ceffe  de  nouvelles  querelles  -,  on 
leur  difputoit  des  Eglifes ,  des  cimetières  ,  des  Collèges ,  &  on  leur 
enlevoit  infenfiblement  leurs  privilèges.  Ils  fe  plaignoient ,  mais  ils 
n'obtenoient  rien  ,  ou  bien  peu  de  chofes  :  encore  faifoit-on  Ibnner 
bien  haut  les  moindres  faveurs  qu'on  leur  accordoit.  Louis  XIV 
avoit  juré  l'obfervation  de  l'Edit  de  Nantes  ;  mais  le  Clergé ,  par 
fes  remontrances  ;  les  Jéfuites ,  par  des  infinuations  envenimées  j 
le  Chancelier  le  Tellier ,  &  Louvois  fon  fils ,  lui  firent  bientôt 
oublier  fes  ferments.  Au  mois  de  Janvier  1 669  ,  on  fit  une  in- 
fraction frappante  à  l'Edit ,  en  fupprimant  dans  tous  les  Parle- 
ments les  Chambres  mi  -  parties ,  &  l'on  ne  fouffrit  dans  celui 
de  Paris  qu'un  ConfeiUer  Réformé.  Dès-lors ,  on  ne  garda  plus 
de  mefures  avec  eux  :  on  les  repréfenta  comme  des  fujets  dan- 
gereux ,  toujours  prêts  à  lever  l'étendard  de  la  révolte  :  on  leur 
défendit  d'époufer  des  filles  Catholiques ,  &  on  les  exclut  des 
fermes ,  des  emplois ,  &  des  Corps  des  arts  &  métiers.  On  défendit 
de  leur  faire  violence  ,  mais  la  défenfe  fut  mal  obfervée.  En 
1 68 1  ,  le  Roi  rendit  une  Déclaration ,  qui  portoit  que  les  enfants 
des  Réformés  feroient  reçus  à  changer  de  Religion  à  l'âge  de 
fept  ans ,  &  l'on  en  enleva  quelques-uns ,  de  force ,  des  mains 
de  leurs  parents.  Ces  vexations  firent  déferrer  un  grand  nombre 
de  familles ,  qui  pafferent  chez  l'Etranger.  On  prit  des  mefures, 
mais  inutilement ,  pour  arrêter   les    émigrations.  On    finit   enfin 

£ar  révoquer  l'Edit  de  Nantes ,  comme  nous  le  dirons  en  fon  lieu. 
e  Clergé  ^  la  Nobleffe ,  &  le  Peuple  ,  avoient  tous  contribué 
pour  honorer  l'entrée  du  Roi  Henri  IV  à  Nantes  ;  elle  coûta  une 
fomme  de  vingt-deux  mille  livres  ;  fomme  confidérable  après  neuf 
ans  de  guerre ,  &  prefqu'autant  de  peffe  &  de  famine.  Le  marc 
d'or  étoit  à  deux  cents  vingt-deux  livres.  Le   6  Mai,  ie  Roi 


xi8  N  A  N 

partit  pour  Rennes,  &  alla  coucher  dans  la  ParoifTe  de  Chartres, 
au  château  de  Fontenay ,  appartenant  à  la  Maréchale  de  Briffac , 
à  une  lieue  trois  quarts  de  la  ville. 

Sur  la  permiflion  que  le  Roi  venoit  de  donner  ,  la  Communauté 
de  ville  de  Nantes  nt  démoUr  l'éperon  de  terre  qui  étoit  fur  la 
Motte  Saint-Pierre  ,  &  fit  appianir  cette  Motte  depuis  la  barrière 
de  la  ville  jufqu'à  Richebourg.  Après  une  longue  procédure , 
l'Hôpital  de  Touflaint  fut  enfin  uni  à  THôtel-Dieu  de  Nantes.  En 
conféquence  de  cette  union ,  l'Hôpital  doit  donner,  d'obligation, 
l'hofpitaUté  à  tous  les  paflants  qui  fe  préfentent  ,  &  les  garder 
un  jour  comme  faifoit  celui  de  TouiTaint.  A  la  vue  de  quelques 
maladies  qui  parurent  au  mois  d'Août ,  on  craignit  que  l'épidémie 
des  années  précédentes  ne  renouvellât  fes  ravages  dans  la  ville.  En 
conféquence  ,  on  fit  une  proceffion  à  Notre-Dame  de  Miféricorde , 
pour  demander  au  Ciel  la  grâce  d'être  préfervés  de  ce  fléau.  La 
ville  ne  fut  pas  effe£l:ivement  affligée  de  celui-ci  :  mais  elle  fut 
frappée  d'un  autre  qui ,  quoique  moins  terrible ,  fit  beaucoup 
fouffrir  les  habitants.  Les  vignes  manquèrent  entièrement,  Se  un 
ouragan  furieux  renverfa  plufieurs  édifices.  Charles  de  Bourgneuf 
eut  fes  Bulles  le  3 1  Août ,  &  prit  pofleflion  de  fon  Evêché  le 
29  Mars  de  l'année  fuivante.  Par  délibération  de  la  Communauté 
de  ville ,  du  3  Décembre  ,  les  barricades ,  tranchées ,  foliés , 
portes ,  &  remparts ,  qui  avoient  été  faits  pendant  la  guerre  de 
la  ligue,  étant  devenus  inutiles,  furent  démoHs  &  détruits.  On 
cefîa  auffi  i'ufage  de  porter ,  tous  les  foirs ,  au  château  ,  les  clefs 
de  la  ville. 

1599.  Le  Roi  donne  un  règlement  pour  l'éleftion  des  Maires 
Se  Echevins ,  Se  ordonne  qu'il  y  aura  huit  jours  d'intervalle  entre 
la  connoifi^ance  du  choix  que  le  Roi  feroit  Se  l'inllallation.  On 
remarque  que  les  Juges-Confuls  avoient  alors  un  banc  dans  l'E- 
glife  Cathédrale ,  pour  affilier  aux  Sermons  Se  autres  cérémonies. 
La  porte  de  Sauve-tout ,  murée  depuis  fi  long-temps ,  efi:  ouverte 
Tan  1600. 

1601.  L'Empereur  Rodolphe  II,  connoiflant  les  talents  militaires 
du  Duc  de  Mercœur,  lui  fait  offrir  le  commandement  de  fon  armée 
contre  les  Infidèles.  Il  l'accepte ,  Se  part  fuivi  de  Henri ,  Comte 
de  Chaligni ,  fon  frère  ,  Se  d'une  nombreufe  compagnie  de  Gen- 
tilshommes du  premier  mérite ,  qui ,  lafîes  du  repos  où  les  re- 
tenoit  la  paix,  faififfent  avec  emprefiement  l'occafion  d'acquérir 
de  la  gloire  Se  de  fe  fignaler  dans  des  climats  étrangers ,  Se ,  fur- 
tout  ,  contre  une  nation  que  le  peu  de  philofophie  du  fiecle  fai- 


N  A  N  229 

foît  regarder  comme  digne  de  l'exécration  des  Chrétiens.  Parmi 
eux  ,  on  comptoir  cent  Gentilshommes  Bretons  &  quelques  Com- 
pagnies de  gens  de  guerre  du  même  pays.  François  Giflard  , 
Seigneur  delà  Grange-Marbonniere ,  étoit  Lieutenant  de  la  Com- 
pagnie du  Duc  de  Mercœur.  Ce  Seigneur  meurt  en  Hongrie ,  & 
ordonne  d'apporter  chez  les  Pères  Carmes  de  Nantes  (on  cœur 
&  fes  armes.  Après  d'éclatants  triomphes,  le  Duc  prend  congé 
de  l'Empereur  pour  retourner  en  France.  Il  eft  attaqué  en  chemin 
d'une  fièvre  maligne  ,  &  meurt  à  Nuremberg  le  19  Février  1602. 
Son  corps  efl:  transporté  en  Lorraine  ,  &  inhumé  avec  ceux  de 
fes  ancêtres.  Saint  François  de  Sales  prononça  fon  oraifon  funèbre 
dans  la  Cathédrale  de  Paris ,  011  le  Roi  Henri  IV  lui  fit  faire  un 
Service  folemnel.  Les  monuments  pubHcs  qui  nous  reftent  à  Nantes 
de  ce  fameux  Gouverneur  de  Bretagne,  font  les  ouvrages  qu'il 
fit  faire  au  château ,  &  le  baftion  qui  cil  fur  le  nouveau  chemin 
de  Rennes  ,  près  le  Port-Communeau ,  au  delà  de  la  rivière 
d'Erdre ,  où  il  avoir  fait  commencer  un  rempart  pour  enfermer 
le  fauxbourg  du  Marchix  ;  rempart  qui  devoir  continuer  jufqu  à 
la  Loire,  &  comprendre  la  FoiTe  dans  fon  enceinte.  Les  autres 
ouvrages  faits  par  fon  ordre  ,  font  tous  détruits.  On  affigne  un 
cimetière  aux  Calviniftes  de  la  ville  vis-à-vis  le  Fort  de  Mer- 
cœur  ,  au  bas  de  la  Motte  Saint- André.  On  y  plante  deux  croix , 
Tune  à  l'entrée  &  l'autre  à  la  fortie ,  près  la  rue  Saint- André. 
La  Chambre  des  Comptes  &  le  Préfidial  plaidoient  au  Grand- 
Confeil  pour  la  préféance  dans  les  cérémonies  publiques  &  à  la  pro- 
ceffion  de  la  Fête-Dieu.  La  Chambre  des  Comptes ,  comme  Cour 
Souveraine,  vouloir  avoir  le  pas,  &  le  Préfidial  ne  vouloir  pas  le 
céder.  L'Arrêt  du  Confeil  décide  «  que  les  Officiers  de  la  Chambre 
»  des  Comptes  précéderont  en  Corps  ceux  du  Siège  préfidial  de  Nantes  , 
w en  toutes  afîemblées  générales,  même  en  la  proceflion  du  Sacre, 
»en  laquelle  les  Officiers  dudit  Siège  préfidial  prendront  leurs 
»  rangs  &  places  après  eux.  Auront  aufli  les  Officiers  de  ladite 
»  Chambre  même  préféance  en  particuUer  fur  les  Officiers  dudit 
»Siege,fors  &  excepté  que  le  Préfident  du  Préfidial  &  le  Séné- 
»  chai  ne  pourront  être  précédés  par  les  Corre8:eurs  &  Auditeurs; 
»&  leur  fera  pareillement  confervé  l'autorité  qu'ils  ont  de  préfider 
»aux  afTemblees  de  la  ville  ,  èfquelles  néanmoins  les  Officiers  de 
»la  Chambre  des  Comptes  auront  lieu  &  rang  honorable  quand 
»  ils  y  viendront ,  tout  ainfi  que  les  Officiers  du  Parlement  dudit 
»pays.  Enjoint  Sa  Majefté  auxdits  Officiers,  tant  de  la  Chambre 
f>des  Comptes  que  du  Siège  préfidial ,  de  garder  inviolablement^ 


250  NAN 

»à  l'avenir ,  Tordre ,  rang ,  &  féance ,  déclarés  par  le  préfent  Arrêta 
w  à  peine  d'amende  arbitraire.  Veut ,  en  outre  ,  Sa  Majefté  ,  que 
»le  Sieur  de  Montbazon  ,  Gouverneur  &  fon  Lieutenant  général 
»en  la  SénéchaufTée  &  Evêché  de  Nantes,  fafïe  informer  foigneu- 
>>fement  des  auteurs  de  port  d'armes,  émotion  ,  &  tumulte  ,  arri- 
»  vës  à  la  dernière  proceflion  du  Sacre  ,  pour  lui  en  donner  avis  > 
»  &  être  pourvu  par  elle  ainfî  que  l'affaire  le  demandera.  Fait  au 
»  Confeil  d'Etat ,  le  17  Août.  »  Dans  le  courant  du  même  mois ,  fur 
les  fept  heures  du  matin ,  il  furvint  un  violent  orage  ,  accom.pagné 
d'un  tonnerre  affreux.  L'hiftoire  rapporte  que  la  foudre  tomba 
d'abord  fur  la  Collégiale ,  dont  elle  fendit  &  noircit  le  clocher 
qui  eft  en  pierres.  Les  Chanoines ,  qui  étoient  à  chanter  Matines, 
n'eurent  aucun  mal  j  &,  de  tous  ceux  qui  afiiffoient  à  la  Meffe, 
la  feule  perfonne  qui  fut  bleffée  fut  une  Dame  dont  la  coëffe 
fut  emportée,  &  les  yeux  affedés  au  point  que  la  vue  lui  de- 
meura tournée  toute  la  vie.  En  fortant  de  Notre-Dame ,  le  globe 
enflammé  fut  tranfporté  à  l'Eglife  des  Rehgieufes  de  Sainte-Claire^ 
dont  il  découvrit  le  clocher  fans  y  mettre  le  feu.  De  là ,  il  fe 
rendit  à  la  Chapelle  de  Miféricorde ,  fituée  à  l'extrémité  du  faux- 
bourg  du  Marchix ,  à  un  quart  de  heue  du  Couvent  dont  je 
viens  de  parler,  où,  après  avoir  brifé  une  partie  des  Images,  il 
fortit  par  le  clocher  &  abattit  le  mouton  de  la  cloche.  Ce  voyage 
de  la  foudre  paroît  tout  au  moins  douteux j  mais,  comme  il  efl 
certain  que  les  trois  Eglifes  ci-deffus  en  furent  endommagées ,  il 
faut  croire  qu'elle  tomba  à  peu  près  dans  le  même  temps  fur 
les  trois  édifices,  &  que  c'eft  ce  qui  perfuada  au  peuple  que 
c'étoit  la  même  éruption.  Les  Chanoines  de  la  Collégiale,  pour 
remercier  le  Ciel  de  les  avoir  préfervés  d'un  fi  grand  péril,  fon- 
dèrent une  proceffion  qui  fe  fit  pendant  trente  ans  ,  à  pareil  jour , 
à  l'Eglife  des  Carmes,  à  l'iffue  de  Matines.  Environ  le  même 
temps  ,  le  feu  prit  à  quelques  vaiffeaux  dans  le  port  de  la  Foffe. 
Le  Seigneur  de  l'endroit  prétendit  que  les  reftes  lui  en  apparte- 
noient  par  droit  de  bris  -,  droit  qui  n'étoit  plus  exercé  depuis 
1 1 27.  La  récolte  fut  très-abondante  cette  année ,  en  grains  & 
vins  :  le  marc  d'argent  valoit  dix-neuf  livres^ 

1602.  Les  villes  de  Rennes  &  de  Nantes  fe  difputent  le  Par- 
lement ,  &  offrent  au  Roi  des  fommes  confidérables  pour  l'ob- 
tenir. Les  Etats  de  la  province ,  qui  font  pris  pour  Arbitres ,  ter- 
minent la  contefiation  en  faveur  de  Rennes.  Les  Officiers  munici- 
paux de  Nantes  contra8:cnt  pour  fept  cents  cinquante  mille  livres 
de  dettes.  Le  2  5  Avril ,  Charles  de  Bourgneuf  approuve  les  ilatuts 


NAN  ip 

de  la  Confrairie  des  Tailleurs,  &  la  transfère  de  Sainte-Croix  à 
Sainte-Radegonde  :  elle  eft  retournée ,  depuis  ce  temps ,  à  Sainte- 
Croix  ,  où  elle  eft  encore  deftervie.  Le  17  Septembre  ,  la 
Communauté  de  ville  arrête  de  prendre  à  ferme  les  logements  du 
bois  de  la  Touche ,  pour  y  mettre  les  malades  foupçonnés  de 
pefte  ;  de  faire  des  feux  ,  tous  les  foirs  ,  dans  les  carrefours ,  pouf 
purifier  l'air  j  de  donner  aux  Médecins  &  Chirurgiens  des  pefti* 
férés  les  clefs  de  la  tour  de  Sauve-tout,  pour  aller  fur  fon  fommet 
y  refpirer  un  air  plus  pur  ;  &  de  tenir  au  dehors  de  la  ville  les 
marchés  du  famedi.  Le  24  du  même  mois,  on  fait  cadenaffer  les 
portes  des  maifons  où  il  y  avoit  eu  &  où  il  y  avoit  encore  des 
malades,  avec  ordre  de  leur  donner  par  les  fenêtres  ce  dont 
ils  auroient  befoin.  On  défend  aux  Bouchers  d'expofer  en  vente 
aucune  viande  foufïlée  ou  buffetée. 

1603.  La  Ville  fait  faire  des  tentes  de  toile  pour  retirer  les 
convalefcents  du  Sanitat  ,  à  qui  on  permet  de  paroître  dans  la 
ville  ,  après  avoir  pafîé  quelques  jours  dans  cet  endroit ,  mais  avec 
une  baguette  à  la  main ,  pour  avertir  qu'ils  avoient  été  infeftés 
de  la  pefte,  &  qu'on  devoit  les  éviter  par  précaution.  On  bâtit 
un  jeu  de  paume  dans  la  rue  du  Chapeau-rouge.  Les  Dames 
Carmélites  des  Couëts  remercient  les  Carmes  de  Nantes  ,  &  pren- 
nent ,  de  la  main  de  l'Evêque ,  des  Prêtres  pour  les  conduire  & 
diriger.  Les  Religieufes  de  Sainte-Claire,  julques-là  dirigées  par 
les  Cordeliers  ,  font  mifes  ,  par  l'Evêque ,  fous  la  direftion  des 
Prêtres  féculiers.  Les  Francifcains  refufent  d'obéir ,  &  appellent 
comme  d'abus  du  règlement  de  l'Evêque.  Le  Parlement ,  fans  avoir 
égard  à  la  requête  du  Provincial  des  ReHgieux ,  ni  à  celle  des 
Rehgieufes  qui  refufent  la  réformation ,  met  les  parties  appellantes 
hors  de  Cour,  &  confirme  les  difpofitions  du  règlement  de  l'E- 
vêque, par  fon  Arrêt  du  6  Oftobre  ,  fauf  aux  Rehgieufes  à  fe 
pourvoir  pardevant  le  Pape ,  comme  elles  verroient.  Les  Magif- 
trats  défendent  de  débiter  le  vin  nouveau,  dans  les  cabarets, 
avant  la  Saint-Martin ,  parce  qu'on  craignoit  qu'un  vin  mal 
cuit  &  mal  épuré  ne  caufât  de  nouvelles  maladies.  Cet  ufage 
étoit  encore   obfervé  en  1625. 

1605  &  1606.  Les  Prêtres  Irlandais  font  renvoyés  de  Nantes, 
on  ne  fçait  pour  quelle  raifon.  Les  pêcheries  des  fontaines  de 
Bon-Secours  &  de  la  Belle-Croix  font  données  à  N....  de  Langle, 
pour  y  pêcher  depuis  le  lever  du  foleil  jufqu'à  fon  coucher.  On 
fait  la  chauflee  qui  conduifoit  de  Richebourg  à  la  prairie  de  la 
Hanne  ,  &  l'on  commence  l'Hôtel  de  ville  qui  fubfifte  aujourd'hui. 


^^^  NAN 

On  remarque  qu'aux  grandes  fêtes  de  Tannée  on  donnoit  à  chacun 
des  Officiers  municipaux  une  écritoire ,  des  plumes ,  un  canif,  du 
papier,  de  la  cire  d'Efpagne,  &  de  la  bougie. 

1 607.  Au  mois  de  Février ,  la  Communauté  de  ville  fait  faire 
un  facraire  ou  tabernacle  de  bois  de  noyer  pour  l'Eglife  des  Pères 
Carmes  :  le  tout  coûte  trente-fix  livres.  On  ouvre  le  chemin 
qui  defcend  de  la  Motte  Saint-André  à  la  rivière  d'Erdre  j  paf- 
fage  jufqu'alors  bouché,  &  ,  aujourd'hui  1779,  ^^^  ^^^  P^^^ 
agréables  promenades  de  la  ville.  Le  froid  dure  depuis  le  29 
Décembre  1607  jufquau  mois  de  Février  1608  ,  avec  tant  de 
violence  que  les  voitures  chargées  palToient  fur  la  Loire  comme 
fur  un  grand  chemin.  On  ne  fe  rappelle  pas  que  les  glaces  de 
ce  fleuve  aient  jamais  été  auffi  épaiffes  que  celles-là. 

1608.  La  Ville  fait  faire  le  moulin  Grognard,  qui  ne  fubfifte 
plus,  de  même  que^  celui  que  le  Chapitre  de  Notre-Dame  avoit 
dans  le  même  lieu.  Le  27  Oftobre ,  Céfar ,  Duc  de  Vendôme , 
Gouverneur  de  Bretagne  ,  arrive  à  Nantes  ,  &  y  fait  fon  entrée , 
qui  coûte  une  fomme  de  quarante-cinq  mille  Hvres  de  notre  mon- 
noie.  Le  Prince  fe  rend  enfuite  aux  Etats  affemblés  à  Rennes^ 
où  la  Ville  envoie  quatre  Députés.  Les  Officiers  municipaux 
montoient  alors  à  cheval  pour  aller  au  devant  des  Gouverneurs^ 
lorfqu'ils  faifoient  leur  entrée. 

1609.  La  Ville  donne  une  fête  magnifique  aux  Etats  afTem- 
blés  à  Nantes.  Un  Prêtre  du  diocefe  d'Angers,  pourvu  d'une  Pré- 
bende à  la  Collégiale  de  Nantes,  par  provifion  apoftohque,  fe 
préfente  à  Charles  de  Bourgneuf ,  &  lui  demande  fon  vifa.  Le 
Prélat,  voulant  s'inftruire  de  la  capacité  du/tujet,  lui  mit  des 
queftions  bien  faciles  à  réfoudre.  Le  Prêtre  ne  peut  traduire  ces 
mots  j  nobis  ommibus:^^  interrogé  comment  fait  le  verbe /Jareo 
au  parfait ,  il  répond  qu'il  fait  parji.  L'Evêque  ne  veut  point 
le  recevoir. 

1610.  Les  Députés  de  Nantes,  au  nombre  de  quatre,  fe 
rendent  à  la  Cour,  où  ils  font  ferment  à  Louis  XIIL  Le  Cha- 
pitre de  la  Cathédrale  arrête  que  fes  délibérations ,  ci  -  devant 
écrites  en  latin,  feroient ,  à  l'avenir,  écrites  en  français.  Il  n'y 
avoit  alors  qu'une  feule  chaudière  à  eau-de-vie  à  Nantes  ,  &  les 
femmes  ne  faifoient  point  encore  ufage  du  vin. 

161 1.  La  place  Saint-Pierre ,  qui  fcrvoit  jadis  de  cloître  & 
de  cimetière  aux  Chanoines ,  efl:  deftinée  à  fervir  aux  réjouif- 
fances  publiques.  On  y  place  fur  un  piedeftal  une  colonne  aux 
armes  du  Roi ,  du  Duc  de  Vendôme ,  &  de  la  Ville.  C  eft  là 

que 


_        NAN  ijj 

que  fe  tire  la  quintalne  du  Roi,  que  fe  font  les  feux  de  joie 
écc.  Les  maladies  contagieufes ,  qui  recommencent  cette  année 
ne    durent  pas   long-temps. 

1612.  La  Communauté  de  ville  fait  bâtir  une  Chapelle  & 
quelques  nouveaux  logements  à  l'Hôpital  du  Sanitat ,  &,  par  dé- 
libération du  10  Janvier  1613  ,  ordonne  démettre  fes  armes  fur 
la  cloche ,  pour  laifTer  à  la  pollérité  un  monument  qui  prouve  que 
tout  a  été  fait  aux  dépens  de  la  ville.  Le  13  Août  161 3,  Charles 
de  Bourgneuf  érige  ,  dans  i'Eglife  de  Saint-Nicolas ,  la  Confrairie 
du  Saint-Sacrement.  Le  Chapitre  de  la  Cathédrale  obtient  la  le- 
vée d'une  impofition  de  dix  fols  par  chaque  pipe  de  vm  aui 
palTeroit  fur  les  ponts  de  Nantes.  Les  Jéfuites  de  Rennes  &  de 
la  Flèche  obtiennent  auifi  la  moitié  des  droits  du  R.oi  fur  le  Pa- 
pegault  de  cette  ville. 

161 4.  Les  Officiers  de  la  Chambre  des  Comptes  portent,  pour 
la  première  fois ,  à  la  proceffion  de  la  Fête-Dieu  ,  le  dais ,  qui 
ci-devant  étoit  porté  par  des  Prêtres.  Le  7  Août ,  le  Bureau  arrête 
de  faire  faire  un  dais  de  velours  rouge ,  de  fept  pieds  en  lon- 
gueur ,  &  de  fix  en  largeur  ,  garni  de  crépines  d'or  &  de  clin- 
quants, avec  les  armes  du  Roi  en  broderie.  La  façon  feule  coûte 
fix  cents  livres.  Le  1 2  du  même  mois ,  le  Roi  Louis  XIII  ar- 
rive à  Nantes  avec  la  Reine ,  fa  mère.  Le  famedi  1 6  ,  au 
matin ,  Leurs  Majeftés  vifitent  la  Foffe  ,  y  dînent ,  &  ont  le 
plaifir  de  voir  le  fpeftacle  d'un  combat  naval,  de  l'attaque  & 
<ie  la  prife  d'un  château  fur  la  rivière ,  vis-à-vis  la  Foffe.  Sur  le 
foir ,  le  Roi ,  fous  fon  dais ,  &  la  Reine  fous  le  iien ,  font  leur 
entrée  folemnelle  par  la  porte  Saint-Nicolas  ,  où  étoient  placés 
des  trophées,  des  théâtres,  des  joueurs  d'inftruments  ,  Sec,  Le 
Maire  préfente  au  Roi  des  clefs  bien  différentes  de  celles  qu'on 
avoir  préfentées  jufqu'alors  en  pareilles  cérémonies  :  elles  étoient 
d'argent  doré  ,  du  poids  de  deux  marcs  moins  cinq  g: os ,  à 
trente -fix  livres  le  marc.  Leurs  Majeftés  fe  rendirent  à  i'Eglife 
Cathédrale,  où  le  Te  Deum  fut  chanté.  On  brûla,  dans  ce 
jour  &  celui  de  l'arrivée  du  Roi,  dix-fept  cents  cinquante-fept 
livres  de  poudre  à  canon  au  fervice  de  l'artillerie.  Cette  entrée 
coûte  de  grandes  fommes  à  la  Ville.  Le  Comte  de  Trêmes ,  à 
raifon  de  la  charge  qu'il  occupoit  dans  la  maifon  du  Roi,  veut 
avoir  douze  tapiffenes  &  trois  tapis  qui  avoient  fervi  au 
théâtre  :  mais  la  Ville  les  racheté  pour  une  couverture  de  laine, 
qui  coûte  cent  cinquante  écus  de  foixante  fols ,  dont  il  lui  fait 
préfent  en  échange.  Le  20  Août  ,  la  Ville  affemble ,  dans  les 
TomQ  111%  G  2 


^54  .     NAN_ 

prairies  de  la  Magdeleine  &  de  Gloriette ,  aujourd'hui  de  FHô- 
pital ,  les  Compagnies  de  la  Milice  Bourgeoife ,  dont  elle  fait 
deux  Corps ,  pour  faire  connoître  au  Roi  l'état  des  forces  de  la 
ville.  Le  24,  on  fait  tirer ,  fur  la  plate-forme  des  tours  de  Saint- 
Pierre  ,  un  feu  d'artifice  dont  Leurs  Majeftés  ont  le  fpeftacle  fans 
fortir  du  château.  Les  Etats  s'étoient  affemblés  le  18  :  Henri, 
Duc  de  Rohan,  Baron  de  Léon,  y  prélide  pour  la  NoblefTe; 
&  Antoine  Revol ,  Evêque  deDol,  pour  le  Clergé.  La  Nation, 
repréfentée  par  ce  Corps  augufte,  demande  au  Roi  la  démoli- 
tion de  la  tour  de  Pirmil,  qui  lui  ell  refufée;  mais  elle  obtient 
celle  des  châteaux  de  Guérande ,  de  Touffou  en  la  ParoifTe  du 
Bignon ,  &  des  fortifications  qui  avoient  été  faites  depuis  trente 
ans  au  château  de  Saint-Mars  de  la  Jaille.  Le  Roi  part  de  Nantes  , 
le  29  Août.  On  fait  tirer  un  feu  d'artifice  fur  la  rivière  ,  la  veille 
de  fon  départ.  Le  Cardinal  de  Richelieu ,  qui  avoir  accompagné 
le  Monarque  ,  fait  faire  quelques  nouveaux  ouvrages  au  château, 
&  fait  pofer  fes  armes  fur  les  murs  Se  fur  le  vitrage  de  la 
Chapelle.  Le  28  Décembre,  on  célèbre,  dans  la  Cathédrale,  la 
fête  des  Innocents ,   avec  les  extravagances  ordinaires. 

161 5.  Lettres-patentes,  portant  permifîion  aux  ReHgieufes  du 
Tiers-Ordre  de  Saint-François  ,  de  prendre  ,  fur  la  cour  de  la 
Chambre  des  Comptes,  un  terrein  de  huit  toifes  de  longueur 
fur  quatre  de  largeur,  pour  bâtir  une  Chapelle.  Dans  le  même 
temps ,  le  Chapitre  de  Nantes  adopte  le  Rit  romain ,  qui  efi:  en- 
fuite  ordonné  dans  tout  le  diocefe,  où,  ci-devant,  il  étoit  arbi- 
traire ,  &  fuivi  feulement  par  un  petit  nombre  de  Prêtres. 

1617.  Le  19  Février,  on  arrête  d'établir  fix  pleureurs  pour 
inviter  aux  enterrements  des  notables  Bourgeois  ,  &  de  leur 
fournir  des  habits  de  deuil,  propres  &  convenables,  aux  dépens 
de  la  ville.  Les  Prêtres  de  l'Oratoire  s'établiflent  à  Nantes ,  dans 
le  Collège  de  Saint -Clément.  Charles  de  Bourgneuf  meurt  à 
Chartres,  le  17  Juillet.  On  n'ell:  inilruit  de  fa  mort  que  le  26 
ou  27.  La  bibliothèque  de  ce  Prélat  ell:  donnée  aux  Pères  de 
l'Oratoire ,  à  condition  qu'elle  ne  fortira  point  de  Nantes.  Ce 
Prélat  avoit  donné  un  Catéchifme  ,  un  Proceffionnal ,  Se  un  Ri- 
tuel :  ce  dernier  étoit  celui  du  Pape  Paul  V ,  avec  des  additions. 
Henri  V  du  nom  de  Bourgneuf  d'Orgeres ,  fuccede  à  fon  oncle, 
par  réfignation ,  à  l'Evêché  de  Nantes.  On  remarque  qu'alors 
une  partie  de  la  place  Saint-Pierre  étoit  occupée  par  les  reftes 
du  cimetière  des  Chanoines ,  &  par  de  grands  arbres  qui  déro- 
boient  la  vue  des  maifons  voifines.  La  pierre  nantaife  étoit  fameufe,; 


NAN      _  135 

elle  étoit  efcarpée ,  fort  unie  ,  &  avoit  près  de  quarante  pieds  de 
hauteur.  Les  étrangers,  qui  venoient  à  Nantes,  la  regardoient 
comme  une  chofe  rare  &  curieufe  j  ils  admiroient ,  fur-tout , 
TadrefTe  des  enfants  de  l'endroit  qui  s'étoient  accoutumés  à  y 
grimper ,  &  qui  la  montoient  en  fautant.  Elle  n'eil  plus  fi  élevée 
aujourd'hui ,  elle  a  été  rompue  depuis  ce  temps.  Il  y  avoit  alors 
une  Chapelle  à  l'Hermitage. 

1618.  Le  30  Janvier,  la  Reine  mère  arrive  à  Nantes.  L'Eglife 
des  Récollets ,  fondés  fur  les  ponts  l'année  précédente ,  eft  bâtie. 
Les  ReHgieufes  Carmélites  de  la  Réforme  de  Sainte-Thérefe  av oient 
obtenu  des  lettres-patentes  pour  s'établir  à  Nantes,  &  avoient 
acquis  une  maifon  dans  la  rue  de  Saint-Gildas.  Le  8  Février  , 
elles  font  enrégillrer  leurs  lettres  à  la  Chambre  des  Comptes ,  qui 
leur  fait  défenle  de  s'accroître  davantage.  L'édifice  qui  leur  fert 
de  Chapelle ,  étoit  une  maifon  qui  leur  fut  donnée  par  un  habi- 
tant,  dont  la  fille  prit  le  voile  dans  leur  Couvent.  Le  22  Juin, 
les  Etats  s'alTemblent  à  Nantes.  Environ  le  même  temps,  le  Prince 
de  Montbazon  propofe  d'établir  un  manège  fur  la  Motte  de  Saint- 
André  ,  &  le  projet  eft  accepté  par  les  Officiers  municipaux.  On 
fait  bâtir  dans  le  cimetière  de  Saint-Clément  un  corps-de-garde  , 
&  une  Chapelle,  nommée  du  Champ-Fleuri^  qui  eft  aujourd'hui  en 
ruines.  On  y  voit  un  ancien  tombeau  avec  infcription  :  on  recom- 
mence à  travailler  au  bâtiment  de  la  Cathédrale  qui  n'a  point 
encore  été  achevé.  On  bâtit,  aux  dépens  de  la  ville,  la  Poifibnnerie 
de  Nantes ,  &  l'on  y  place  une  table  de  marbre  achetée  & 
gravée  à  Paris  :  on  n'en  prenoit  point  encore  à  Angers. 

1620.  Création  de  huit  Offices  de  Sergents  à  la  Mairie  & 
Maifon  de  ville  de  Nantes. 

Les  Comptes  des  Fabrique*  de  Saint  -  Nicolas  &  de  Sainte- 
Croix  nous  apprennent  qu'on  avoit  alors  l'ufage  de  joncher  le 
pavé  des  Eglifes  de  paille  fraîche ,  aux  Fêtes  de  Noël  &  de 
l'Epiphanie  ,  en  mémoire ,  fans  doute ,  de  l'étable  de  Bethléem ,  où 
le  Sauveur  du  monde  avoit  pris  nailTance.  ~On  les  jonchoit  de 
fleurs  &  de  feuillages  pendant  l'été.  On  préfentoit  auffi  une  coupe 
pleine  de  vin  &  un  morceau  de  pain  à  ceux  qui  communioient 
dans  la  quinzaine  de  Pâques ,  &:  on  tendoit  les  EgUfes  de  draps 
noirs,  femés  de  croix  blanches,  le  jour  du  Vendredi-Saint.  Ces 
ufages  durèrent  jufqu'en  1633.  On  voyoit  encore,  à  la  Saufaye, 
les  reftes  d'un  gros  mur,  qu'on  prétendoit  avoir  été  bâti  par  Saint 
Félix,  Evêque  de  Nantes,  dès  550,  avec  un  autre  mur  de  clôture 
«Je  l'ancienne  ville.  On  lit ,  dans  quelques  titres  de  la  Chambre 


Z55  NAN 

des  Comptes ,  que  ce  mnr  fut  bâti  par  ordre  du  Maréchal  de  Rieux 
àc  du  Sénéchal  de  Nantes ,  quelque  temps  après  la  mort  du  Duc 
François  II,  &  qu'ils  l'avoient  deftiné  à  fervir  de  boulevard  à  la 
Saufaye  &  à  la  ville,  comme  celui  qu'on  avoif  placé  au  Port- 
Maillard,    lequel   a  fubfifté  jufqu'en    1755. 

162 1.  Henri  de  Bourgneuf,  élu  de  Nantes,  jouiflbitdes  revenus 
de  l'Evêché ,  fans  avoir  fes  Bulles.  Il  eft  transféré  à  Saint-Malo 
au  mois  de  Janvier.  PhiHppe  Thibaut ,  Religieux  Carme ,  nommé 
par  le  Roi  pour  lui  fuccéder,  refufe  cette  dignité  éminente,  re- 
mercie Sa  Majefté,  Se  lui  indique  l'Evêque  d'Aire.  Dom  Lobmeau 
a  donné  la  vie  de  ce  modefte  Religieux  dans  fa  Légende  des 
Saints  de  Bretagne.  Philippe  III  du  nom ,  dit  de  Cofpéan ,  Evêque 
d'Aire  ,  eft  transféré  à  Nantes.  Ce  Prélat  fe  fait  diftinguer  par 
fon  éloquence ,  &  par  un  jugement  très-fain ,  qui  l'engage  à  re- 
jetter  les  citations  profanes  fi  fréquentes  dans  les  Sermons  de  fou 
temps ,  &  à  y  fubftituer  l'autorité  des  Apôtres ,  des  Prophètes, 
&  des  Pères. 

1612.  Le  18  Mars,  Philippe  de  Cofpéan  fait  fon  entrée  à 
Nantes  &  à  la  Cathédrale,  où  il  eft  reçu  avec  applaudiffement 
de  tout  le  peuple.  Il  compofe  une  inftruftion  catéchiftique  pour 
la  communion ,  &  un  Propre.  Il  a  un  différent  très-férieux  ,  à 
fon  avènement ,  avec  fon  Chapitre ,  au  fujet  des  émoluments  du 
fceau  pendant  la  vacance  du  ftege  ,  qu'il  demande  ,  &  que  le 
Chapitre  prétend  lui  appartenir.  Ce  dernier  fait  imprimer ,  à  cette 
occafion ,  un  écrit  fort  long ,  qui  ne  lui  fert  de  rien.  Le  Roi  Louis 
XIII  arrive  à  Nantes ,  le  9  Avril ,  à  trois  heures  de  l'après-midi , 
&  en  part  le  12  du  même  mois ,  pour  aller  coucher  à  Vieille- 
vigne.  La  Reine  mère  étoit  à  Nantes ,  d'où  elle  n'étoit  prefque 
pas  fortie  depuis  fa  première  entrée.  En  161 4,  la  PrincelTe, 
fœur  du  Roi ,  y  vient  aufïi  dans  le  même  temps  ,  fe  rend  à 
Bourgneuf  pour  voir  la  mer,  &  revient  à  Nantes.  L'Evêque 
Philippe  de  Cofpéan  vifîte,  le  7  Août,  l'Eglife  de  Saint-Nicolas; 
oblige  les  Prêtres ,  qui  logeoient  prefque  tous  dans  les  fauxbourgs, 
à  prendre  des  logements  dans  la  ville ,  pour  dire  la  Melle  du 
matin  ,  &  leur  enjoint  d'afTifter  plus  refpe8:ueufement  &  plus 
réguHérement  à  l'Office. 

Les  Seigneurs  de  la  Hautiere  avoient  faitcreufer,  auprès  d'une 
fontaine  qui  joignoit  le  rocher  -du  Miferi ,  une  voûte  ou  cave 
deftinée  à  ferrer  les  vins  qu'ils  cueilloient  fur  ce  coteau  alors 
planté  en  vignes  ;  dans  la  fuite ,  ils  avoient  encore  bâti  une  petite 
maifon  pour  loger  un  homjne  qui  veilloit  à  la  fureté  de  la  cave,, 


N  AN  t57 

En  1529,  un  Hermite  obtint  des  Seigneurs  de  la  Hautiere , 
pour  fa  retraite ,  cette  maifon ,  qui  fut  fucceflivement  habitée 
par  plufîeurs  Solitaires ,  qui  y  firent  bâtir  une  Chapelle  un  peu 
au  deffus  de  la  vieille  cave ,  &  nommèrent  leur  demeure  HHer^ 
mitage  de  Saint- Franc  ois.  En  1 609  ,  la  cave  ,  la  fontaine  ,  &  la 
Chapelle  furent  renfermées  d'un  mur  de  clôture ,  parce  que ,  dit 
l'hiftoire ,  les  Hermites  étoient  troublés  dans  leur  folitude  par  les 
chants  des  bergers  &  autres  perfonnes  de  la  campagne.  En  1622, 
le  dernier  Hermite  étant  mort,  les  Récollets  de  Nantes  firent  leur 
pofîible  pour  obtenir  ce  terrem  des  Seigneurs  de  la  Hautiere , 
mais  ils  furent  refufés  :  les  Capucins ,  qui  le  demandoient  aufli ,  fu- 
rent plus  heureux  j  le  terrein  leur  fut  donné  le  1  3  Juin  de  cette 
année.  Le  généreux  donateur  ajouta  à  la  conceflion  tout  le  ter- 
rein  occupé  par  les  Religieux  Capucins.  En  1683,  on  abandonna 
le  premier  édifice  qui  étoit  dans  le  plus  mauvais  état ,  &  l'on 
en  commença  un  nouveau  dans  le  même  endroit,  fur  la  pointe 
du  rocher,  du  côté  de  Nantes,  comme  on  le  voit  aujourd'hui, 
à  l'exception  de  l'Eghfe ,  qui ,  depuis  trente  ans ,  a  été  augmentée 
d'un  tiers.  L'an  1688,  le  Roi  donna  un  Edit,  qui  portoit  que  tous 
les  Couvents  bâtis  depuis  1 660 ,  qui  n'auroient  point  obtenu  de 
lettres-patentes ,  feroient  détruits.  En  conféquence ,  le  Sénéchal 
de  Nantes  eut  ordre  de  faire  fortir  les  Capucins  de  l'Hermitage. 
La  juflion  leur  en  fut  faite  le  famedi  de  Pâques  ;  mais  l'exécution 
en  fut  remife  jufqu'au  premier  jour  de  Mai  fuivant.  Ce  délai 
donna  le  temps  aux  bons  Pères  de  parer  le  coup  qui  les  mena- 
çoit.  Ils  s'adreflerent  au  Marquis  de  Thianges  ,  neveu  de 
Madame  de  Montefpan ,  &  Gentilhomme  de  la  Chambre  du 
Dauphin,  qui  obtint  des  lettres-patentes  qui  les  maintenoient  en 
pofî'ellion  de  leur  Couvent,  à  condition  qu'ils  chanteroient  tous 
les  matins  le  Pfeaume  Exaudiat ,  avec  une  oraifon  ,  pour  la 
confervation  des  jours  de  Sa  Majefté.  La  réponfe  que  Louis  XIV 
fit  au  placet  que  lui  préfenta  M.  Coibert ,  ne  pouvoit  être  plus 
gracieufe.  Le  Monarque  demanda  au  Miniftre  fi  l'Hermitage ,  dont 
on  lui  parloit,  étoit  ce  rocher  où  on  lui  avoir  fervi  de  fi  bons 
raifins  &  dont  la  vue  étoit  fi  belle  :  il  lui  répondit ,  que  c'étoit 
pofitivement  le  même  endroit.  Hé  bien ,  dit  le  Roi ,  qu'on  mô 
préfente  demain  ce  placet  dans  mon  Confeil ,  je  m'approprierai  ce 
rocker ,  &  je  veux  qu'on  accorde  aux  Capucins  qui  y  demeuroient 
tout  ce  quils  demandent.  Sur  cette  déclaration  ,  on  expédia  des 
lettres-patentes  très-flatteufes  &  très-avantageufes  pour  les  Reli- 
gieux, Elles  furent  homologuées  au  Parlement  de  Bretagne,  &; 


a}8  NAN 

enrégiflrées  à  la  Chambre  des  Comptes.  Le  Sénéchal  de  Nantes , 
qui  avoit  fait  fortir  les  Moines  de  leur  Couvent ,  reçut  ordre  de 
les  y  reconduire  folemnellement  :  ce  qu'il  fit ,  en  la  compagnie 
au  Procureur  du  Roi  &  du  Greffier.  Cette  Maifon  eft  de  treize 
Religieux,  &  connue  fous  le  nom  de  Couvent  des  petits  Capu- 
cins de  IHennitage,  Elle  eft  dans  la  plus  belle  fituation ,  &  elle 
feroit  5  fans  contredit ,  un  féjour  enchanteur ,  fi  la  liberté  régnoit 
dans  les  Cloîtres. 

Le  Parlement  rend,  l'an  1622,  en  faveur  des  maîtres  Rôtif- 
feurs  de  Nantes ,  un  Arrêt ,  qui  défendoit  aux  Taverniers  &  Ca- 
baretiers  de  la  ville  de  cuire  ni  débiter  aucune  viande  ni  poifTon 
aux  habitants.  Les  Etats  s'affemblent  à  Nantes.  Jean  de  Rieux  ^ 
Marquis  d'AiTerac ,  y  préfida  jufqu'à  l'arrivée  du  Marquis  de  Rof- 
jnadec ,  auquel  il  céda  fa  place. 

1623.  Comme  il  n'y  avoit  point  de  Religieufes  Bénédi6lines 
à  Nantes,  le  23  Janvier,  l'Evêque  propofe  à  fon  Chapitre  d'y 
receroir  les  Religieufes  Calvairiennes ,  qui  demandoient  à  s'y  éta- 
blir. Le  Chapitre  y  confent  ,  à  condition  qu'elles  s'établiront 
hors  de  la  ville.  La  même  proportion  efl:  faite  au  Bureau  de 
ville  par  Raoul  de  la  Guibourgere ,  &  acceptée  fous  les  mêmes 
conditions  qu'avoit  exigées  le  Chapitre ,  &  ,  en  outre ,  avec  cette 
claufe  ,  qu'elles  ne  bâtiroient  point  fans  l'avis  de  la  Commu- 
nauté. L'aflfaire  ne  peut  fe  terminer  fur  le  champ.  Le  Roi  per- 
met à  la  ville  de  bâtir  un  Hôpital  dans  un  vague  de  la  nou- 
velle ville  du  Marchix ,  &  d'y  renfermer  les  pauvres  mendiants. 
Le  projet  ne  réuffit  pas ,  parce  que  le  terrein  accordé  ne  fe 
trouve  pas  convenable.  On  affigne  pour  le  même  objet  l'Hô- 
pital du  Sanitat ,  jufqu'à  ce  qu'on  ait  trouvé  un  lieu  plus  com- 
mode. On  y  renferme  les  pauvres ,  &  le  Chapitre  met  une  im- 
pofition  fur  chacun  de  fes  Membres  pour  l'entretien  de  ces  pau- 
vres malades.  Les  Dignitaires  font  taxés  à  foixante-cinq  folsj 
les  Chanoines  logés ,  à  trente-trois  fols  ;  &  les  non-logés ,  à  vingt- 
deux  fols  une  fois  payés.  Le  1 7  Décembre ,  Philippe  de  Cof- 
péan  confacre  le  grand  autel  de  la  Cathédrale.  La  Ville  fait 
réparer  le  pont  de  Gaubert ,  fur  la  route  d'Angers ,  à  trois  lieues 
de  Nantes.  On  arrête  de  faire  planter  le  mail  ,  accordé  par  le 
Roi  en   1621  ,  fur  la  prairie  de  la  Magdeleine. 

1624.  Le  Procureur-Syndic  reçoit  ordre  de  s'oppofer  à  l'éta- 
blifTement  d'une  nouvelle  verrerie  ,  projettée  par  quelques  par- 
ticuliers ,  comme  pouvant  faire  tomi^er  celle  établie  en  1 598. 

1625.  La  verrerie  ell  réparée,  La  pelle  afflige  la  ville.  Les 


NAN  2,39 

Marchands  Flamands  établis  à  Nantes ,  qui  fouffrent  beaucoup  de 
ce  fléau  ,  demandent ,  le  24  Août ,  aux  Magiftrats ,  un  lieu  con- 
venable pour  y  bâtir  un  logement  pour  les  malades  de  leur 
nation  ,  avec  promeffe  de  les  faire  traiter  &  médicamenter.  Le 
3  Août  y  les  Capucins  offrent  deux  de  leurs  Religieux  pour  affilier 
les  malades  du  Sanitat ,  à  condition  qu'on  leur  faffe  une  petite 
loge  pour  fe  retirer  près  de  cet  Hôpital.  Les  Magiftrats  accep- 
tent l'offre ,  &  leur  bâtiffent  une  petite  maifon  dans  une  vigne 
qui  féparoit  la  maifon  de  la  Touche  &  l'Hôpital. 

1626.  Les  Religieufes  Urfulines  demandent,  le   23  Avril,  un 
établiffement  dans  un  des  fauxbourgs  de  Nantes.  On  leur  permet, 
à  condition  qu'elles  fe  chargeront  d'mftruire  les  jeunes  filles.  La 
Communauté  de  ville  fait  des  préparatifs  pour  l'entrée  du  Roi , 
&  fait  placer  fur  la  place  Saint-Pierre  les  canons  qu'elle  avoit 
pris  fur  la  Loire  depuis  Nantes  jufqu'au  Croific ,  &  ceux  qu'elle 
avoit  fait  venir  du   Pouliguen  &    autres  lieux.   Le  3    Juillet ,  le 
Roi  fait  fon  entrée  à  Nantes  avec  toute  fa  Cour ,  au  bruit  d'une 
nombreufe  artillerie ,  &  au  milieu  de  toutes  les  Compagnies  de 
la  Milice  Bourgeoife    rangée  fous  les  armes.  Olivier  Gerbaud, 
Canonnier  du  Croific ,  que  la  Ville  avoit  fait   venir  pour  fervir 
le  canon ,  efi:  tué ,  fur  la  prairie   de  la  Magdeleine ,  d'un  éclat 
d'une  pièce  que  la  Compagnie  de  la  Foffe,  qui  étoit  pofi^e  là, 
lui  avoit  fait  charger  plus  qu'il  ne  falloir ,  pour  fe  diftinguer  & 
faire  plus  de  bruit.    La  Ville  établit  un  corps -de -garde   fur  la 
Motte  ,  afin  que  les  Gardes-du-Corps  foient  plus  près  du  château , 
où  Sa   Majefté  étoit   logée.  La   Reine  mère  pofa   la   première 
pierre  du  Couvent  des  Calvairiennes  ,  dans  le  pré  nommé  Bal- 
Une ,  près  la  Motte  Saint- Nicolas.  Raoul ,  Evêque  de  Dol ,  à  la 
tête  du  Chapitre  de  la  Cathédrale  de  Nantes ,  fait  la  cérémonie , 
en  Tabfence  de  Philippe  de  Cofpéan.  Le  9  Juillet,  la  Commu- 
nauté de  ville  donne  un  bal  magnifique  5  les  Muficiens  d'Angers 
y  jouent  (a).  L'ouverture  des  Etats  fe  fait  le   11  Juillet  ,  en  pré- 
fence  du  Roi ,  de  la  Reine ,  fa  mère  ,  &  de  Monueur  ,  fon  frère; 
le  Roi  adreffe  la  parole  à  l'affemblée  ,  &   dit  :  «  Meffieurs ,  je 
v>  fuis  venu  vous  voir  pour  tenir  les  Etats ,  &  mettre  ordre  aux 
>>  grands  maux  dont  la  province  efi:  menacée ,    comme  vous  le 
»  dira ,  de  ma  part ,  le  Garde-des-Sceaux.  »  Le  Garde-des-Sceaux 


(  û  )  Ceci  prouve  que ,  dans  ce  temps , 
les  Muficiens  n'étoient  pas  aufTi  communs 
à  Nantes   qu'ils  le  font.  On  ne  doit  pas 


s'en  étonner.  L'hifloire  nous  apprend  que 
le  Roi ,  lui-même  ,  n'avoit  pour  toute  mit; 
fique  que  fut  à  fept  mauvais  Violons. 


Z4Ô  N  A  N- 

fait  un  très-beau  compliment  aux  Etats ,  &  dit  :  «  Meffieurs ,  plu- 
»  iîeurs  objets  ont  amené  Sa  Majefté  dans  fa  province ,  pour 
w  vifiter  fes  bons  &  fidèles  fujets ,  fe  faire  voir  &  connoître  à 
»  eux,  parce  qu'il  eft  perfuadé  que  fon  Nom  &  fa  Couronne 
»  font  en  vénération  en  Bretagne.  »  Le  même  jour ,  le  Roi 
nomme  Pons  de  Laufieres ,  Marquis  de  Themines  &  Maréchal 
de  France ,  au  Gouvernement  de  Bretagne ,  en  la  place  du  Duc 
de  Vendôme  ,  que  Sa  Majeflé  emploie  ailleurs»  En  vertu  d'un 
Arrêt  du  Confeil ,  Antoine  Revol ,  Evêque  de  Dol ,  préfide  , 
pour  le  Clergé  ,  à  cette  affemblée.  Sa  Majellé  accorde  aux  Etats 
la  démolition  de  toutes  les  places  &  fortifications  inutiles  en 
Bretagne. 

Monfieur ,  frère  unique  du  Roi ,  époufe ,  à  Nantes ,  Marie  de 
Bourbon  ,  Duchefle  de  Montpenfier  ,  Souveraine  de  Dombes.  Les 
fiançailles  font  faites  au  château  de  Nantes  ,  dans  l'antichambre 
de  l'appartement  du  Roi ,  entre  quatre  &  cinq  heures  du  foir , 
par  le  Cardinal  de  RicheHeu ,  en  préfence  de  Leurs  Majefiés , 
de  la  mère  de  la  PrinceiTe ,  &  de  toute  la  Cour.  Le  Garde-des- 
Sceaux  &  autres  Officiers  de  la  Couronne  affiflent  à  la  céré- 
monie. Le  même  jour ,  entre  les  dix  à  onze  heures  du  foir ,  le 
Cardinal  de  Richelieu  donne  la  Bénédiftion  nuptiale  aux  deux 
époux  ,  par  commiffion  de  N....  Blanchard ,  Grand  -  Vicaire  de 
Nantes ,  qui  avoir  accordé  la  difpenfe  de  trois  bans ,  en  préfence 
&  du  confentement  des  Curés  de  Saint-Denis ,  de  Sainte-Rade« 
gonde,  &  de  Saint-Clément  (a),  à  l'hôtel  de  la  Mironnerie^ 
aujourd'hui  le  Couvent  de  la  Vifitation,  La  nouvelle  mariée  fe 
retire  au  château  5  & ,  le  lendemain ,  le  Cardinal  dit  la  Méfie 
dans  l'EgUfe  des  Minimes ,  &  donne  la  bénédiftion  aux  deux: 
époux.  Ce  mariage  caufe  de  grands  événements  à  la  Cour  ,  où 
le  parti  oppofé  au  Cardinal  de  RicheHeu ,  vouloir  que  Gafi:oîi 
époufât  une  Princefîe  étrangère ,  pour  le  rendre  indépendant  du 
premier  Minillre.  On  avoir  confpiré  contre  la  vie  du  Cardinal  ^ 
qui  devoir  être  afiaflîné  dans  fa  maifon  de  Fleuri.  Le  complot 
avoir  été  découvert.  Henri  de  Tallarand ,  Comte  de  Chalais  , 
Maître  de  la  Garde -robe,  étoit ,  dit -on,  entré  dans  la  con- 
juration. Il  avoit  été  arrêté  au  château  le  8  Juillet.  Le  lende- 
main même  de  la  célébration  du  mariage,  le  Roi  nomme  des 


{a  )  Monfieur ,  logeoit  au  château  ,  Pa- 
liffe   de  Sainte-Radegonde  ;  la   Princeffe  ,  Clément, 


roi 

dans  la  Paroiffe  de  SSnt-Denis  :  &  la  ce 


rémonie  fut  faite  dans  la  Paroiffe  de  Saint? 

Commifl!aires 


N  A.  N  _  Z4I 

CommlfTaires  pour  inftruire  fon  procès.  L'Arrêt ,  qui  fut  prononcé  le 
i8  Août,  le  déclare  atteint  &  convaincu  du  crime  de"leze-ma- 
jefté ,  fans  fpécifier  en  quoi  fon  crime  confiftoit  ;  le  condamne 
à  avoir  la  tête  tranchée  fur  la  place  du  Bouftay  de  Nantes , 
ordonne  que  fa  tête  fera  mife  au  bout  d'une  pique  fur  la  porte 
de  Sauve-tout ,  &  fon  corps  en  quatre  quartiers ,  qui  feront  atta- 
chés à  des  potences  aux  quatre  principales  avenues  de  la  ville  ; 
que  fa  poftérité  fera  ignoble  &  roturière  ,  &  qu'il  fera  appliqué 
à  la  queftion  pour  plus  ample  révélation  des  complices.  Mais  le 
Roi  réduit  toutes  ces  peines  au  fuppKce  ordinaire ,  d'avoir  la 
tête  coupée  ;  &  ordonne  qu'il  fera  feulement  préfenté  à  la  quef- 
tion ,  &  que  fon  corps  fera  livré  à  fa  mère  après  l'exécution , 
pour  être  mis  en  terre  fainte  ,  fuivant  la  très-humble  fuppUcation 
qu'elle  en  avoir  faite  à  Sa  Majefté.  Le  jour  de  l'exécution ,  le 
Êourreau  de  Nantes  ne  s'étant  pas  trouvé  dans  la  ville ,  on  tire 
des  prifons  un  compagnon  Cordonnier ,  qui  devoir  être  pendu 
trois  jours  après ,  &  qui  s'offre  de  faire  l'office  de  Bourreau ,  à 
condition  qu'il  auroit  fa  grâce.  Chalais  ,  monté  fur  l'échafaud  , 
dit  à  l'Exécuteur  qui  lui  bandoit  les  yeux  :  Ne  me  fais  point 
languir  ;  mais  il  étoit  fî  mal-adroit  ,  qu'il  lui  donna  plus  de 
trente  coups  de  hache  avant  de  lui  trancher  la  tête.  Elle  eft 
auffi-tôt  mife  avec  fon  corps  dans  un  cercueil,  &  enfuite  dans 
un  carrofTe  qui  attendoit  au  pied  de  l'échafaud  ,  &  qui  conduit 
ces  triftes  reftes  au  Couvent  des  Cordeliers.  Le  Comte  de  Cha- 
lais eu  enterré  dans  la  nef  de  leur  Eglise ,  devant  la  Chapelle 
des  Efpagnols  ,  en  préfence  de  fa  mère  ,  qui  avoit  eu  foin  de  le 
faire  enfevelir.  Le  Maréchal  d'Ornano  ,  confident  de  Monfieur , 
eft  mis  en  prifon  à  Vincennes ,  où  il  meurt.  Madame  de  Che- 
vreufe  fe  fauve  en  Lorraine  ,  Meffieurs  de  Vendôme  font  arrêtés; 
le  Comte-  de  Soiffons  fe  retire  à  Rome ,  &  le  Cardinal  obtient 
une  Compagnie  de  Gardes  pour  la  fureté  de  fa  perfonne.  Mon- 
fieur ,  qui  avoit  vivement  follicité  la  grâce  du  coupable  ,  irrité 
de  ce  qu'on  ne  veut  pas  la  lui  accorder ,  fe  retire  à  Chateaubriand , 
&  ne  paroît  plus  à  ISlantes.  Le  16  Juillet ,  la  Reine  mère ,  affiftée 
de  tOus  les  Officiers  de  fa  maifon ,  donne  le  pain-bénit  à  l'EgUfe 
de  Saint-Clément ,  fa  ParoilTe.  Le  Roi  part  de  Nantes ,  le  24 
Août ,  pour  fe  rendre  à  Rennes. 

Peu  après ,  les   maladies  contagieufes  recommencent»  La  tour 

de  Pirmil   eft  en  partie   démolie  ;  &  la   charge    du   Mifeur   ert 

titre   eft  érigée  ;  cette  place  fe  donnoit  avant   cela  par  éle^lion. 

Le  19  Novembre,  les  Pères  Carmes j  qui    mendioient  eacore , 

Tome  HL  H  2. 


141  N  A  N 

demandent  à  la  Communauté  de  ville  des  fecours  pour  de5 
peftiférés  qu'ils  avoient  chez  eux.  Le  Bureau  leur  accorde  vingt 
écus ,  &  ,  le  (3  Décembre  fuivant ,  cent  livres  d'aumônes.  Le  20 
Juin  de  la  même  année ,  ils  avoient  encore  obtenu  une  fomme 
de  quatre  cents  livres  ,  pour  fermer  leur  jardin  de  murs.  On 
donne  aufîi  aux  Capucins  pour  quarante  iols  de  viande  par 
femaine  ,  pendant  un  mois  &  demi  ;  &  cinquante  livres ,  pour 
acheter  un  millier  de  fagots.  Les  Officiers  municipaux  font  bâtir 
trois  maifons  près  la  Belle-Croix ,  &  paver  fept  pieds  fix  pouces 
de  terrein  ,  en  largeur ,  autour  de  la  Chapelle  de  Miféricorde. 
Par  délibération  du  17  Mai,  ils  arrêtent  de  faire  conftruire  un 
égout  pubUc  dans  la  rue  du  Bignon  -  Leftard ,  pour  conduire 
les  immondices  dans  la  douve  ou  fofles  de  Saint  -  Nicolas.  On 
en  fait  faire  un  autre  au  haut  de  la  rue  Gaudine  ,  pour  l'écou- 
lement d'une  foffe  ou  cloaque  qui  s'y  trouvoit.  Le  puits  du  Dionis, 
dont  il  eft  fi  fouvent  parlé  dans  les  anciens  titres ,  &  dont  il 
ne  paroît  plus  rien  aujourd'hui,  fubfiftoit  encore  le  26  Avril  de 
cette  année  ,  près  les  murs  de  ville ,  fur  la  place  du  Bouffay, 
La  halle  qu'on  y  a  bâtie  depuis  l'a  fait  difparoître.  Les  Prêtres 
de  l'Oratoire  acquièrent  la  maifon  qu'ils  occupent  encore  aujour- 
d'hui,  entre  Saint  -  Clément  &  le  fauxbourg  de  Richebourg.  La 
pelle  défoie  Nantes  dans  les  mois  de  Septembre  ,  Octobre ,  No- 
vembre ,  &  Décembre  1616  :  elle  n'étoit  pas  encore  cefTée  au 
mois  d'Avril  fuivant.  Les  Religieufes  Urfulines  font  fondées  le  30 
Mars    1627,  à  l'entrée  du  fauxbourg  de  Saint-Clément. 

Le  20  Mai ,  le  Marquis  de  Themines ,  Gouverneur  de  Bre- 
tagne ,  fe  rend  à  Nantes.  La  Communauté  de  ville  lui  fait  fervir 
à  dîner  à  la  maifon  de  la  Saufiniere ,  d'où  ce  Maréchal  part  le 
même  jour  pour  faire  fon  entrée  par  la  porte  de  Saint-Nicolas. 
Le  Maire  lui  préfente  cinq  clefs  d'argent ,  &  le  reçoit  fous  un 
riche  dais  porté  par  quatre  Echevins  fuivis  du  Maire.  La  marche 
commence  par  les  Croix  &  les  Bannières  des  ParoifTes  de  la  ville , 
fuivies  du  Clergé  régulier  &  féculier ,  le  Chapitre  de  la  Collé- 
giale en  chape.  La  proceffion  fe  rend  à  la  Cathédrale ,  par  les 
rues  ordinaires  ,  qui  étoient  tapilTées  comme  à  la  Fête-Dieu ,  & 
ornées  de  tableaux  &  de  trophées.  Le  Chapitre  de  la  Cathédrale , 
qui  n'étoit  point  forti,  reçoit  le  Maréchal  à  l'entrée  de  fonEglife, 
&  le  conduit  au  choeur ,  où  l'on  chante  le  Te  Deum,  A  la  fortie 
de  l'Eglife  ,  les  quatre  anciens  Echevins ,  précédés  du  Corps  de 
ville,  reprennent  le  dais,  &  conduifent  le  Gouverneur  à  l'hôtel 
de  Briord ,  fon  logement ,  par   la  grande-rue ,  qui  étoit  toujours 


_     N  A  N  243 

tapiffée.  Cette  cérémonie  eft  extraordinaire  ,  Se  n'avoit  pas  même 
été  pratiquée  pour  les  Rois ,  lors  de  leur  entrée  à  Nantes.  On 
ne  trouve  nulle  part  qu'ils  aient  été  conduits  fous  le  dais  à  leur 
logement  en  fortant  de  la  Cathédrale.  Les  valets  de  pied  du 
Maréchal  vouloient  retenir  le  dais ,  &  la  Ville  eft  obligée  de 
le   racheter  pour  une  fomme  de  dix  piftoles. 

Le  Maréchal  de  Themines  meurt  à  Aurai  le  l^^  Novembre 
de  la  même  année.  Son  corps  efl:  apporté  à  Nantes  le  26  ,  & 
dépofé  dans  l'Eglife  des  Capucins ,  au  Marchix ,  &  le  même  jour 
tranfporté  à  Saint-Nicolas.  Le  Chapitre  de  la  Cathédrale ,  accom- 
pagné du  Clergé  féculier  &  réguHer ,  fait  l'enUef  du  corps ,  qui 
eit  porté  à  la  Cathédrale  le  27 ,  au  miHeu  de  la  MiHce  Bour- 
geoife  fous  les  armes.  La  Communauté  de  ville  fuivoit  le  corps 
porté  par  vingt  Prêtres  &  couvert  d'un  drap  mortuaire  ,  dont 
deux  Echevins  en  charge  &  deux  anciens  portoient  les  cornières. 
Les  Officiers  &  les  Domefliques  du  défunt  entouroient  le  corps 
&  le  deuil ,  qui  étoit  compofé  de  la  Noblefle ,  &c  étoit  mené  par 
Henri  de  Montbazon ,  Gouverneur  de  la  ville.  La  Chambre  des 
Comptes  &  le  Préfidial  n'étoient  point  au  convoi,  quoique  invités, 
à  caufe  d'une  conteflation  furvenue  entr'eux  pour  la  préféance. 
Us  fe  trouvent  feulement  à  la  Cathédrale ,  pour  le  Service. 
Après  la  MelTe  ,  le  corps  eu  conduit,  avec  les  mêmes  cérémo- 
nies que  ci-defTus ,  jufqu'à  Bon-Secours ,  où  il  eft  mis  dans  un 
carrofle  couvert  de  deuil ,  qui  le  conduit  à  Cahors  en  Querci , 
lieu  de  la  naiffance  du  Maréchal. , 

1628.  Le  Cardinal ,  Duc  de  Richelieu  ,  efl  fait  Gouverneur  de 
Bretagne.  Les  Etats  s'affemblent  à  Nantes  le  5  Janvier.  Le  6  Juil- 
let, les  Minimes  demandent  qu'il  leur  foit  permis  d'ouvrir  un 
chemin  pour  aller  à  leur  Couvent ,  dont  l'entrée  étoit  difficile. 
On  leur  en  accorde  la  permiffion ,  &  le  chemin  eu  ouvert.  L'E- 
glife Cathédrale  reçoit  une  nouvelle  décoration  par  les  grandes 
voûtes  qu'on  y  commence.  On  en  pofe  la  première  pierre  le  24 
Juillet.  Le  16  fuivant,  le  Chapitre  crée  deux  Maires  Chapelains, 
&:  fait  achever  les  peintures  du  chœur  ,  auquel  on  travailloit 
depuis  1624.  La  nouvelle  difpofîtion  du  chœur  actuel  n'a  pas 
permis  de  les  laifler  fubiiller.  La  Ville  fait  bâtir  la  halle  du 
Bouffay,  fuivant  la  permiffion  accordée  par  lettres-patentes.  Phi- 
lippe de  Cofpéan ,  Evêque  de  Nantes,  pofe  la  première  pierre 
du  Couvent  des  Capucins ,  à  la  Fofle ,  &  le  dédie  fous  révo- 
cable de  Notre-Dame  des  Anges.  Le  logement  de  l'Exécuteur 
de  la  haute-Juilice ,  au  Bouffay  ,  ell  détruit  à  l'occafion  de  la 


^44  NAN 

bâtifTe  de  la  nouvelle  halle,  &  transféré  à  la  place  de  Sainte- 
Catherine  :  il  demeure,  depuis  175(5,  fur  la  tour  de  la  porte 
de  Sauve-tout. 

1629.  Les  ReHgieufes  Urfulines  commencent  à  bâtir  leur  Mo« 
naftere,  avec  le  confentement  de  la  Communauté  de  ville.  Le 
Prieuré  de  Toute-Joie ,  près  l'Hôtel  de  ville  ,  efl  uni ,  à  perpé- 
tuité &  irrévocablement ,  au  Collage  de  l'Oratoire ,  par  lettres- 
patentes.  Procès  très-férieux  entre  les  Cordonniers  &  les  Savetiers 
de  la  ville.  Les  premiers  ne  veulent  pas  que  les  féconds  em- 
ploient du  cuir  neuf  à  faire  des  fouliers.  L'affaire  eft  portée  au 
Parlement. 

Les  Capucins  ,  appelles  par  le  Duc  de  Mercœur ,  s'étoient  éta- 
blis à  Nantes  pendant  la  Hgue.  Ils  avoient  toujours  fervi  leur  bien- 
faiteur avec  fidélité.  Fondés  fur  l'attachement  qu'ils  avoient  montré 
au  Prince  Lorrain ,  ils  préfentent ,  le  7  Novembre ,  une  requête 
au  Duc  &  à  la  Duchefie  de  Vendôme ,  pour  les  fupplier  de  leur 
obtenir  la  permifiion  de  pafler  à  la  FofTe  ;  ce  qui  leur  ell  accordé. 
Sur  ces  entrefaites,  les  Feuillants  demandent  à  s'établir  à  Nantes. 
On  y  confent,  à  condition  qu'ils  ne  mendieront  point  &  qu'ils 
fe  pourvoiront  d'un  fonds  fumfant  pour  vivre.  On  leur  confeille 
de  s'arranger  avec  les  Capucins  pour  leur  maifon  du  Marchix  : 
mais  le  projet  manque,  parce  qu'ils  ne  la  trouvent  pas  conve- 
nable. Les  Capucins  vendent  alors,  avec  la  permilîion  du  Pape, 
leur  maifon  aux  Religieufes  de  Sainte -Elifabeth.  On  obfervoit 
encore  de  donner ,  la  veille  des  Rois ,  du  vin ,  des  confitures  ,  & 
un  repas ,  aux  perfonnes  diltinguées  j  ce  qui  coûtoit  des  fommes 
immenfes  à  la  Communauté  de  ville. 

1630.  Les  maladies  contagieufes,  qui  avoient  fait  beaucoup  de 
ravage  les  années  précédentes ,  continuent  avec  la  même  force. 
Les  ReHgieufes  UrfuHnes  obtiennent  l'amortifTement  des  jardins  & 
maifons  de  Malvoifine ,  de  la  Collette  ,  &  de  la  portion  de  la 
tenue  de  JBellevue.  Le  6  Avril ,  les  Pères  Carmes  font  la  folem- 
nité  àe  la  canonifation  de  Saint  André  de  Corfin.  La  Chambre 
des  Comptes  &  la  Maifon  de  ville  ,  qui  avoient  été  invités  à  la 
proceflion ,  y  afliftent  en  robes  de  cérémonie.  Le  Préfidial ,  of- 
fenfé  de  n'y  avoir  point  été  appelle  ,  envoie  deux  Huiffiers 
avec  deux  Recors,  au  Prieur  des  Carmes,  qui  l'ajournent  à  com- 
paroître  à  l'inilant  pour  rendre  raifon  de  fa  conduite.  Le  Prieur 
obéit,  &:  dit  au  Siège  que  fa  Communauté  n'avoit  fait  une  faute, 
en  cette  occafion ,  que  par  ignorance  des  ufages  de  la  ville.  Ces 
raifons  fatisfont  le  Préfidial.  Les  Religieufes  de  la  Vifitation  de 


N  A  N  14Î 

Notre-Dame  demandent  à  s'établir  à  Nantes.  On  leur  permet, 
à  condition  qu'elles  fe  logeront  dans  un  des  fauxbourgs,  &  qu*elles 
ne  mendieront  point.  Elles  s'établiffent  fur  le  champ  au  lieu  de 
Malvoifîne ,  ci-devant  occupé  par  les  Urfuiines.  Les  Pères  Cor- 
deliers  ,  qui ,  depuis  leur  établilTement ,  avoient  vécu  de  leurs 
revenus,  commencent  à  mendier,  parce  que  la  ville  &  les  en- 
virons manquoient  de  grains.  Les  Etats,  affemblés  à  Ancenis, 
mettent ,  pour  la  première  fois ,  une  impofition  fur  les  épiceries 
&  l'eau-de-vie  qui  fortoient  de  Nantes.  Le  Parlement  fait  dé- 
fenfe  de  tirer  les  grains  d'un  Evêché  dans  l'autre.  Cette  défenfe 
rend  le  grain  fi  rare  à  Nantes ,  qu'il  fe  vend  au  marché  dix-huit 
livres  le  feptier  ;  ce  qui  fait  quarante  livres  de  notre  monnoie. 
L'Evêque  inftitue  un  Pénitencier  ;  dignité  qui  ne  fubfifte  plus.  Ce 
n'efl  que  depuis  ce  temps  qu'il  y  a  une  Police  exafte  pour  le 
pain  à  Nantes. 

163 1.  On  donne  aux  perfonnes  attaquées  de  la  pefte  un  habit  de 
bougran  noir ,  avec  des  croix  blanches  ,  pour  les  faire  reconnoître 
dans  les  rues,  de  loin,  &  donner  aux  paiïants  le  moyen  de  les 
éviter.  Philippe  de  Cofpéan  bénit  la  nouvelle  Eglife  des  Capu- 
cins de  la  Folfe,  &  y  fait  l'Ordination  le  20  Décembre.  La  Cure 
de  la  Paroiffe  de  Saint-Simihen    eil  incendiée. 

1632.  Les  Capucins  étoient  à  la  FolTe  dès  1630.  Les  Reli- 
gieufes  de  Sainte-Elifabeth  ,  qui  avoient  acheté  leur  maifon  du 
Marchix,  vendent  celles  qu'elles  pofTedent  dans  la  rue  des  Caves, 
&  vont  prendre  polTefîion  de  leur  nouvelle  Communauté  ,  du 
confentement  de  la  Ville.  On  préfente  à  la  Communauté  de  ville 
un  brevet  du  Roi  pour  l'établillement  d'une  banque  à  Nantes , 
en  faveur  du  Sieur  le  Brun  ,  valet-de-chambre  de  Sa  Majefté.  Les 
Auditeurs  de  la  Chambre  des  Comptes  avoient  demandé  au  Roi 
la  fuppreffion  des  charges  de  Corre6tion  ;  &  Sa  Majeilé  les  avoit 
abolies  par  l'Edit  de  l'an  1627  &  l'Arrêt  de  1628.  Cette  année, 
il  rend  un  Edit  confirmatif  des  précédents,  &  crée  deux  nouvelles 
charges  de  Corre8:eurs  &  de  deux  Maîtres  aux  Comptes.  Le  2 
Mars,  le  Cardinal  de  Richelieu  ell  fait  Gouverneur  de  Nantes. 
A  la  demande  de  la  Ville,  les  Pères  de  l'Oratoire  fe  défirent 
du  droit  de  committimus ,  tant  en  demandant  qu'en  défendant, 
qu'ils  venoient  d'obtenir.  La  Communauté  de  ville  fe  charge  de 
payer  le  Prédicateur  de  la  Cathédrale.  Elle  projette  de  couper. la 
chauffée  de  Barbin  ,  &  n'exécute  pas  cette  entreprife.  Elle  permet 
aux  Religieufes  de  la  Vifîtation ,  qui ,  depuis  deux  ans ,  logeoient 
par  hofpice ,  au  lieu  de  Malvoifme  ,  (  aujourd'hui  le  Séminaire,  ) 


246  _  NAN 

de  s'établir  à  Tancien  logis  de  la  Mironnerie,  près  le  Collège 
-de  Saint-Clément  j  maifon  qu'elles  avoient  acquife  des  Pères  de 
l'Oratoire ,  &  d'y  bâtir  leur  logement  ,  leur  cloître  ,  &  leur 
Eglife.  Les  Pères  Carmes,  qui  n'avoient  point  enc'bre  mendié, 
mendient.  On  s'en  plaint  d'autant  plus  fortement  qu'il  y  a  lieu 
de  croire  que  ces  Religieux  font  aifez  riches ,  puifqu'ils  refufent 
d'affifter  aux  enterrements  des  particuliers.  Les  Cordeliers  &  les 
Jacobins  font  le  même  refus,  &  excitent  les  mêmes  plaintes.  Ces 
derniers  adoptent  la  réforme  en  vertu  d'un  Arrêt  du  Parlement. 
Le  8  Juin,  les  Etats  s'alTemblent  à  Nantes.  Le  25  Septembre,. 
le  Prince  de  Condé  vient  a  Nantes  :  on  ne  fçait  par  quel 
motif. 

1635.  La  Communauté  de  ville  ,  qui  faifoit  bâtir  les  quais  & 
murs  qui  font  depuis  la  Saufaye  jufqu'à  la  prairie  de  la  Magde- 
leine ,  projette  de  faire  conllruire  ceux  qui  l'ont  du  côté  oppofé, 
Se  qui  vont  jufqu'à  la  prairie  Gloriette  ou  de  l'Hôpital.  On  pro~ 
pofe  une  Polie  aux  lettres,  de  deux  couriers  par  femaine ,  de 
Nantes  à  Paris  &  route ,  à  deux  fols  par  lettres  d'une  demi-feuille  , 
&  cinq  fols  par  paquet  d'une  once.   La   Communauté  de  ville 

Eromet  une  gratification  à  celui  qui  avoit  été  pourvu  de  cet  éta- 
lifTement ,  au  cas  qu'il  réulTît  dans  une  entreprife  fi  utile  &  fi 
defirée  du  public.  Depuis  que  Philippe  de  Cofpéan  étoit  Evêque 
de  Nantes ,  la  pefte  ,  qui  avoit  prefque  fans  cefl'e  ravagé  fa  ville 
épifcopale  ,  l'avoit  fouvent  forcé  de  s'éloigner  de  fon  troupeau^ 
Ce  Prélat  efl:  transféré  cette  année  à  l'Evêché  de  Lifieux  ea 
Normandie.  De  fon  temps,  le  bail  des  Terres  nobles  du  diocefe 
de  Nantes  avoit  été  changé  en  rachat.  Gabriel  de  Beauvau  fut 
fon  fuccefleur.  En  1636,  il  prend  polTefiion  de  fon  Evêché.  La 
pefie  celle  tout-à-fait  au  mois  de  Novembre.  Les  Officiers  mu- 
nicipaux &  les  habitants ,  pour  témoigner  au  Ciel  leiar  reconnoif- 
fance  de  ce  bienfait,  font  un  voyage  à  Saint -Sébafiien  le  23 
Novembre ,  où  la  Melîe  eft  célébrée ,  &  donnent  ,  pour  pré- 
fent ,  trois  cents  livres  tournois ,  qui  font  employées  à  la  réédifi- 
cation de  l'autel  de  cette  EgHfe.  Le  27  Décembre ,  les  Etats  s'af- 
femblent  à  Nantes.  L'infcription  qu'on  trouve  à  la  fortie  du  pont 
de  la  Belle-Croix ,  avec  les  armes  du  Cardinal  de  Richelieu , 
nous  apprend  que  les  quais  qui  conduifent  à  la  prairie  de  la 
Magdeleine  furent  achevés  en  16365  mais  les  maifons  qui  bor- 
dent ce  quai  n'ont  été  faites  que  depuis  ce  temps. 

1637.  La  pefte ,  que  l'on  croyoit  éteinte,  n'étoit  qu'un  feu 
couvert  fous  la  cendre.  Elle  reparoît  dans  les  fauxbourgs  de  Saint- 


N  A  N  447 

André  &  de  Saînt-Clément.  Le  19  Avril,  les  habitants  de  cette 
Paroifle  demandent  qu'il  leur  foit  permis  de  prendre  quelques 
pieds  de  terrein  de  la  place  publique  ,  qui  étoit  entre  l'Eglife 
Sl  leur  cimetière  ,  pour  l'accroifTement  &  l'embelliiTement  de  cette 
Eglife.  Les  Magii'crats  y  confentent ,  à  condition  qu'on  ne  prendra 
rien  qui  foit  utile  au  public.  On  obferve  encore  l'ufage  de  diihi- 
buer  des  cierges  aux  Maires  &  Echevins ,  anciens  &  nouveaux , 
à  la  Chandeleur. 

1 63  8.  La  proceffion  de  la  mi- Août  fe  fait ,  pour  la  première 
fois  ,  à  Nantes,  en  conféquence  des  ordres  du  Roi,  qui  l'établit 
dans  toutes  les  villes  de  fon  Royaume.  Le  Corps  de  ville  y 
marche  immédiatement  après  la  Chambre  des  Comptes.  Monfieur, 
frère  du  Roi,  arrive  à  Nantes,  le  mercredi  20  Oftobre  1638, 
fe  rend  à  Saint-Nazaire ,  &  revient  à  Nantes  le  famedi  fuivant: 
nous  ignorons  le  motif  de  ce  voyage.  Les  Etats  s'affemblent  le 
23  Novembre  chez  les  Pères  Carmes. 

1639.  Gabriel  de  Beauvau  fait  des  llatuts ,  dont  quelques-uns 
ont  été  imprimés.  On  y  Ht  que  les  confefîions  que  les  Prêtres  ré- 
guHers  entendent  ailleurs  que  dans  leurs  Eghfes,  fans  le  confen- 
tement  des  Curés,  font  nulles,  &  que  ceux  qui  appellent  ces 
Prêtres ,  à  l'infçu  du  Curé ,  pour  fe  confefTer  à  eux ,  pèchent 
mortellement  &  fe  rendent  indignes  de  l'abfolution.  Le  5  Mai, 
une  troupe  de  Comédiens  demande  qu'il  lui  foit  permis  de  re- 
préfenter  à  Nantes.  On  lui  répond  que  la  fituation  de  la  ville , 
alors  attaquée  par  des  maladies  contagieafes  ,  ne  permet  pas  de 
fe  livrer  aux  divertiffements.  Environ  le  même  temps,  les  Reli- 
gieufes  du  Tiers-Ordre  de  Saint-François  s'offrent  pour  fervir  les 
pauvres  de  l'Hôpital.  On  leur  répond  qu'on  s'informera  de  la 
nature  de  leur  fervice ,  &  on  les  renvoie.  Le  moulin  à  farine 
fitué  à  Barbin  ,   eu.  employé  à  faire  du  papier. 

1 640.  Le  moulin  à  poudre  à  canon  ,  qui  étoit  à  la  place  Sainte- 
Catherine  ,  eft  transféré  au  moulin  Coûtant  ,  où  il  étoit  moins  à 
craindre  pour  le  pubHc.  Le  9  Juin  ,  le  Bureau  de  ville  arrête 
de  faire  bâtir  une  Chambre  de  Commerce  qui  manquoit  à  Nantes, 
Le  24  Juillet,  Elie  BrolTet,  Entrepreneur  ordinaire  des  ouvrages 
publics ,  s'en  charge  pour  une  fomme  de  huit  mille  trois  cents 
livres.  Cet  édifice  ell  nommé  r/iôicl  de  la  Bourfe,  Les  Négo- 
ciants s'y  affemblent  tous  les  jours ,  depuis  onze  heures  du  matin 
jufqu'à  deux  du  foif  ,  pour  y  traiter  des  affaires  de  leur  com- 
merce. Il  ell:  très-expreffément  défendu  aux  banqueroutiers  d'en- 
trer dans  cet  hôtel,  ainfi  que  fur  la  place  qui  ell  au  devant, 


248  N   A  N 

pendant  les  trois  heures  que  dure  l'afTemblée  -,  punition  bien  foible 
&  beaucoup  trop  douce ,  lorfque  la  banqueroute  eft  frauduleufe. 
On  remarque  que  les  Bouchers  de  Carême  n'étoient  obligés  à 
aucune  redevance  envers  l'Hôpital,  en  1640. 

1642.  Charles  de  la  Porte,  Duc  de  la  Meilleraye ,  Maréchal 
de  France ,  eft  nommé  au  Gouvernement  de  Nantes  ,  vacant 
par  la  mort  du  Duc  de  RicheHeu.  Gabriel  de  Beauvau  érige  en 
Séminaire  la  maifon  de  Malvoifine ,  fituée  entre  les  Minimes  & 
les  Urfulines ,  &  afîied  ,  fur  des  fondements  foUdes ,  cet  établifTe- 
ment  utile  ,  avant  lequel  une  retraite  de  quelques  jours  fuffifoit 
pour  la  préparation  aux  Ordres  facrés.  Les  Conférences  du  dio- 
cefe  font  établies  dans  le  même  temps  ,  ainfî  que  la  Confrairie 
de  Saint-Michel  en  la  Chapelle  de  Notre-Dame  de  Miféricorde. 
On  accorde  au  Chapitre  de  la  Cathédrale  un  oftroi  de  ûx  années, 
dont  le  produit  devoit  être  employé  à  la  confl:ru61ion  &  répa- 
ration de  fon  Eghfe.  La  Communauté  de  ville  fait  placer  fur 
ie  Bouffay  une  chaire,  un  poteau,  &  une  bafcule.  De  ces  trois 
jnftruments  de  Juftice ,  il  ne  refte  plus  que  le  poteau  :  la  chaire 
&  la  bafcule  étoient  ce  qui ,  dans  les  anciennes  conftitutions  des 
Ducs  de  Bretagne  &  dans  quelques  Conciles  ,  eft  appelle  l'é- 
chelle, /c(2/a ,  fur  laquelle  on  mettoit  le  coupable  dont  le  crime 
ne  méritoit  pas  la  mort ,  pour  l'élever  en  l'air  &  le  donner  en 
jfpeftacle  au  peuple. 

1644.  L'Hôpital  d'Erdre  eft  transféré  à  la  petite  prairie  de  la 
Magdeleine  ou  Gloriette  ,  en  vertu  des  lettres-patentes  du  Roi, 
On  exhaufle  le  terrein  de  plufîeurs  pieds,  pour  rendre  le  loge- 
ment moins  humide  &  plus  fain.  Ce  terrein  étoit  bordé  d'un 
canal  que  l'on  croit  avoir  été  fait  par  ordre  de  Saint  Félix,. 
Evêque  &  Gouverneur  de  Nantes.  11  conduifoit ,  à  travers  la 
prairie,  les  eaux  de  la  Loire,  du  canal  de  Bieffe  à  la  Saufaye, 
Se  on  en  voyoit  encore  des  veftiges  au  commencement  de  ce 
iieclc.  Dans  le  même  temps,  on  accorde  aux  Rehgieufes  Car- 
mélites une  fomme  de  douze  cents  livres,  à  prendre  fur  les 
oftrois  concédés  au  Chapitre  de  la  Cathédrale.  C'eft  aufîi  de  cette 
année  que  date  la  dévotion  c{ui  fe  pratique  tous  les  ans  à  Mi- 
féricorde ,  depuis  l'Afcenfion  jufqu'à  la  Pentecôte  ,  en  mémoire 
de  ce  que  la  Sainte  Vierge  relia  onze  jours  dans  le  défert  après 
l'Afcenlion  de  Jefus-Chrift.  Le  1 1  Août ,  la  Reine  d'Angleterre 
fe  rendant  aux  eaux  de  Bourbon,  arrive  à  Nantes,  fur  les  ûx 
heures  du  foir.  Elle  eft  faluée  ,  à  fon  entrée ,  de  toute  l'artillerie 
de  k  ville  ôc  du  château^  .&  portée  en  chaife^^  fous  un  riche 

daisv 


_  N  A  N  z4g 

dais  ,    depuis  la  potte  Saint-Nicolas  jufqu'à  la  Cathédrale  ;  les 
rues  étoient  tapilTées. 

1645.  Par  adjudication  du  28  Juin,  Jacques  Malherbes ,  Ar- 
chiteâe  ,  eft  chargé  de  l'édifice  du  portail  de  l'hôtel  de  ville  , 
pour  une  fomme  de  fix  mille  cinq  cents  livres.  Ce  morceau 
d'architeélure  n'eil  pas  fans  beauté ,  &  mérite  d'être  vu.  Au  deflus 
du  portique ,  à  gauche ,  en  entrant ,  on  lit  ces  mots  gravés  fur 
une  table  de  marbre  : 

ANTE   MORI  Ql/JM  TE    VIOLEM; 

Par  allufion  aux  armes  de  Bretagne ,  fculptées  au  deflus.  A 
droite ,  font  les  armes  du  Maréchal  Duc  de  la  Meilleraye ,  avec 
.ces  mots  : 

MONSTRANT  INSIGNIA   FATUM. 

Au  defTus  du  grand  portail ,  du  côté  de  la  rue  &  à  côté  du 
burte  du  Duc  de  la  Meilleraye  ,  eft  gravée ,  en  lettres  d'or ,  fur 
une  table  de  marbre  noir ,  l'infcription  fuivante  : 

MIS  S  US   IN  MAGNUM  IMPERIUM. 

A  côté  du  bulle ,  qui  repréfente  Madame  la  Maréchale  de  la 
Meilleraye  : 

ALTERA   NON  DEFICIT  ANNA. 

1646.  Cent  vingt  Efpagnols  faits  prifonniers  à  la  bataille  de 
Rocroi ,  livrée  en  1 643  ,  font  amenés  à  Nantes ,  &  renfermés 
dans  la  tour  Guifchard  ,  autrement  appellée  des  Efpagnols,  Synode 
afTemblé  par  le  Grand- Vicaire  de  PEvêque.  A  l'entrée  de  l'Hô- 
pital ou  THôtel-Dieu ,  eft  repréfentée  la  figure  de  la  Charité , 
avec  l'infcription  fuivante. 

Régnant  Louis  XIK ,  Roi  de  France  &  de  Navarre ,  cette 
Maifon  de  Charité  fut  conflnàte  par  la  magnificence  de  Haut 
&  Puiffant  Seigneur   Meffire    Charles  de   la  Porte  ,  Seigneur 

de  la  Meilleraye Gouverneur  des  ville  &  château  de  Nantes; 

de  Haute  &  Puiffante  Dame  Marie  de  Coffé ,  fon  époufe  ; 
&  autres  deniers  publics  ^  étant  lors  Maire  M\  Mathurin  Boux , 
Seigneur  du  Teil  &  de  la  Varenne ,  Confeiller  du  Roi  ,  & 
Maître  de  fes  Comptes  en  Bretagne  ,  &c.  En  mémoire  de  quoi 
cette  table  fut  pofée  en  1 646. 

Le  5  Novembre  même  année ,  Frère  Gilles  Durand ,  Hermite 
Tome  IIL  I  z 


250  ;       NAN 

de  Saint-Antoine,  obtient  de  la  Ville  la  permiffion  de  bâtir  un 
Hermitage  Se  Chapelle  en  la  ParoifTe  de  Saint-Similien ,  à  peu 
de  diftance  du  pont  du  Sance ,  dans  le  lieu  appelle  le  petit-pré^ 
dépendant  de  la  maifon  de  la  Porcherie ,  à  condition  d'y  de- 
meurer feul  &  de  ne  point  mendier.  Le  Curé  &  les  Paroifîiens 
lui  avoient  donné  leur  confentement  le  6  Janvier. 

1647.  Le  24  Février,  la  Ville  arrête  de  démolir  l'horloge 
qu'elle  avoit  au  Port-Maillard.  Les  Etats  s'afTemblent  à  Nantes 
le  12  Mars. 

1648.  Le  10  Janvier,  les  Comédiens  repréCentent ,  pour  la  pre- 
mière fois ,  à  Nantes  ,  au  profit  de  l'Hôpital.  Le  24  du  même 
mois ,  Dominique  Ségal ,  Vénitien  ,  joueur  de  marionnettes  ,  de- 
mande &  obtient  la  permifiion  d'amufer  le  public.  Il  efl  le  pre- 
mier baladin  qui  ait  paru  à  Nantes. 

1649.  Le  27  Mai,  Gabriel  de  Beauvau  tient  fon  Synode, 
&:  publie  dix-fept  llatuts  qui  ont  été  imprimés.  Le  premier 
défend  aux  Prêtres ,  fous  peine  de  fufpenfe  ,  de  porter  en  terre 
les  corps  des  morts ,  félon  l'ufage.  En  conféquence  ,  la  Ville 
nomme  quelques  perfonnes  pour  rempUr  ces  fondions ,  &  leur 
ordonne  de  porter  une  tunique   noire. 

1650.  Les  eaux  débordent  coniîdérablement  fur  la  fin  de  cette 
année  &  au  commencement  de  la  fuivante  :  elles  montent 
jufqu'au  haut  du  choeur  de  FEglife  des  Pères  Carmes  ,  rem- 
phflent  les  caves  de  la  Maifon  de  ville ,  &  couvrent  la  place 
du  Bouffay. 

1651.  Les  Prêtres  de  l'Oratoire,  qui  jufques-là  n'avoient  eu 
qu'une  petite  Chapelle  pour  le  Service  divin ,  commencent  à 
fotir  leur  Eglife.  Le  1 8  Mai ,  le  Roi  Louis  XIV  &  la  Reine  fa 
mère ,  revenant  de  leur  voyage  de  Guyenne  ,  pafTent  par  Nantes. 
Comme  Leurs  Majeftés  n'avoient  donné  aucun  avis  de  leur  ar- 
rivée ,  il  ne  fe  fait  rien  d'extraordinaire  à  leur  entrée.  La  Com- 
munauté de  ville  voyant  que  l'hôtel  de  la  Bourfe ,  qu'elle  avoit 
fait  bâtir  pour  la  commodité  des  Commerçants ,  ne  fervoit  point 
à  l'ufage  auquel  il  avoit  été  deftiné ,  l'afferma,  le  28  Juin,  pour 
la  fomme  de  cent  foixante-cinq  livres ,  à  condition  pourtant  que 
les  locataires  n'y  vendroient  point  de  vin  en  détail.  Les  Négo- 
ciants ,  piqués  du  procédé ,  en  demandent  la  ferme  ,  pour  y  traiter 
de  leur  commerce ,  conformément  à  fa  deilination.  Iles  Magiftrats 
y  confentent ,  &  en  donnent  les  clefs  aux  Juges-Confuls ,  le  27 
du  mois  d'Août.  La  récolte  manque  prefque  tout-à-fait.  Les  Bé- 
nédidins ,  Curés  primitifs  de  FEglife  de  Sainte-Croix  de  Nantes, 


N  A  N  zj, 

qu'ils  n'avoient  abandonné  qu'à  la  fin  du  quinzième  fiecle  ,  for- 
ment le  projet  de  fe  remettre  en  poffeffion  de  ce  Bénéfice  ,  & 
de  s'y  établir.  Les  habitants ,  informés  de  ce  qui  fe  pafie ,  pren- 
nent des  mefures  pour  faire  échouer  l'entrepnfe.  Ils  fe  plaignent, 
non  fans  raifon ,  qu'il  y  avoit  déjà  afîez  de  Monafteres  dans  la 
ville  ,  fans  en  augmenter  encore  le  nombre.  Ils  remportent  la 
viftoire  fur  les  Religieux ,  qui  font  forcés  d'abandonner  leurs  pré- 
tentions. 

L'an  1(352  ,  meurt  à  Nantes  Patrice  de  Commersford ,  Evêque 
de  Waterford  &  de  Lifmore  en  Irlande.  Perfécuté  par  la  faftion 
Anglaife ,  ce  Prélat  avoit  quitté  fa  patrie  &  fon  troupeau  :  il 
efi:  enterré  dans  la  Cathédrale. 

1653.  La  Police  défend  aux  artifans ,  fous  peine  de  prifon  , 
d'aller  au  cabaret  &  au  jeu,  les  jours  de  travail,  L'ufage  de 
porter  des  cierges  de  cire ,  à  la  proceffion  de  la  Fête-Dieu  ,  n'étoit 
pas  encore  aboli  :  la  Ville  en  avoit  un  mafîif  de  cette  efpece, 
mais  fi  ancien  &  fi  brifé  qu'on  ne  pouvait  plus  le  changer  de 
place.  Le  16  Mai,  le  Bureau  arrête  de  le  vendre  ,  &  d'en  em- 
ployer le  produit  à  l'achat  d'un  nouveau,  du  poids  de  cent  livres: 
on  le  fait  faire  de  bois ,  avec  fculpture  &  dorure ,  &  il  coûte 
fix  cents  livres.  La  Communauté  ,  qui  vouloit  conferver  fon  riche 
dais  pour  l'entrée  des  Princes  &  des  Gouverneurs,  l'enferme 
dans' fes  archives ,,  avec  défenfe  de  le  prêter  fans  l'ordre  du 
Bureau.  L'Eglife  des  Jacobins  étoit  prefque  fans  abord  &  ifiue  : 
les  Religieux  demandent  la  permiffion  d'acheter  un  emplace- 
ment clos  de  murailles  ,  fervant  de  cour  &  de  jardin,  au  logis  de 
N....  de  la  Pinfoniere  ,  alors  Sous-Maire.  Cet  emplacement  étoit  le 
long  de  la  Chapelle  de  Sainte-Catherine ,  fituée  à  l'entrée  de  l'Eglife 
de  ces  ReHgieux.  Le  Bureau  y  confent ,  &  même  il  donne  fix 
cents  livres  aux  Jacobins  pour  payer  une  partie  de  l'acquêt ,  à 
condition  que  la  portion  de  la  cour  qui  leur  fera  inutile  ,  fera 
employée  à  faire  une  place  pubHque.  Cette  condition  du  traité 
n'eft  pourtant  pas  rempUe  :  la  cour  &  le  jardin ,  qui  avoient 
autrefois  fervi  de  cimetière  à  la  Chapelle ,  félon  la  coutume  du 
temps  ,  en  ont  fervi  pendant  très-long-temps  à  la  Paroifi^e ,  dans 
le  territoire  de  laquelle  ils  font  renfermés.  L'hôtel  de  Drouges , 
aujourd'hui  de  Rofmadec ,  eft  bâti  par  Céfar  de  Renouard , 
Seigneur  de  Drouges ,  Tréforier  général  des  Etats  de  Bretagne  , 
dans  la  rue  de  Verdun  ,  près  le  carrefour  Saint- Jean. 

La  ville  de  Nantes  avoit  alors ,  pour  fa  défenfe ,  les  tours  de 
'Sauve -tout  5  de   Grimaud,  de   Corbin,  de  Saint  -  Nicolas ,   de 


^^%  NAN_ 

Guifchard  ou  des  Efpagnols ,  du  Connétable  ,  de  Barbe-à-canne  ^ 
du  Râteau  5  de  la  Prévôté,  de  Saint-Pierre,  du  Trépied,  de 
Saint- Jacques ,  des  Jacobins ,  du  Duc  ,  du  Mûrier  autrement  de 
Saint-Laurent ,  du  Moulin ,  de  l'Arbalêtrie  ou  de  Saint-Clément  , 
du  Papegault ,  &  celles  qui  étoient  aux  quatre  portes  de  la 
ville.  Prefque  toutes  ces  tours  avoient  été  bâties  du  temps  du 
Duc  François  II ,  ou  peu  de  temps  avant  lui.  Celles  qui  font 
moins  anciennes  ont  été  bâties  du  produit  des  oftrois.  L'Ecole 
de  Théologie  5  qui  étoit  chez  les  Prêtres  de  l'Oratoire  en  1 6^3  , 
étoit  l'unique  qui  fût  dans  la  province.  Le  nombre  des  Ecoliers 
de  Philofophie  étoit  de  cent  foixante. 

1654.  Il  y  avoit  en  ce  temps,  dans  la  ville,  plus  de  deux 
cents  chaudières  à  l'eau-de-vie  &  à  la  bière.  La  Police  défend 
ces  dernières  dans  tout  le  diocefe  ,  parce  que  cette  fabrique 
confommoit  trop  de  bois  &  de  grains.  Le  Roi  accorde  une 
fomme  de  deux  mille  livres  pour  la  réparation  des  ponts  de 
la  ville. 

Epitaphe  d'Hercule  de  Rohan ,  Duc  de  Montbazon  ,  Gouverneur 
de  Nantes ,  qui  fe  voit  dans  l'Eglife  des  Récollets. 

Herculls  de  Rohan  ,  ex  prima  &  anàquâ  minons  Bii- 
tanniœ  Regum  &  Principum  ftirpe  mafculâ  ,  Pans  Franciœ , 
Duels  de  Montha:^on ,  cor  magnanimum  hâc  urnulâ  cond- 
nctur,  Qiiod  egreglum  fecit ,  fervat  hifiona,  Optimè  im" 
peravit ,  ohtemperavu  optimè,  Ohiit  ly  caL  Novemb,  anno 
à    Chriflo  i6b4y  œtads  LXXXVL 

Jean-François-Paul  de  Gondi ,  Coadjuteur ,  puis  Archevêque 
de  Paris  &  Cardinal  de  Retz  ,  homme  intriguant ,  fa6tieux ,  & 
plus  propre  à  manier  l'épée,  comme  il  en  convient  lui-même 
dans  fes  mémoires ,  qu'à  porter  la  mitre ,  joignoit  à  ce  carac- 
tère turbulent  une  ambition  démefurée.  La  minorité  de  Louis  XIV, 
&  la  haine  que  le  peuple  portoit  au  Cardinal  Mazarin  ,  lui  firent 
concevoir  les  efpérances  les  plus  flatteufes  &:  les  plus  étendues. 
Il  forma  le  projet  de  faire  chafîer  le  premier  Miniflre  &  -de  fe 
mettre  à  fa  place.  La  difficulté  de  l'entreprife  ne  le  rebuta  point  j 
les  dangers  qu'il  couroit  ne  furent  pas  capables  de  refFra}'er , 
tant  eft  violente  la  paffion  de  s'élever.  Pour  parvenir  à  fon  but , 
il  falloir  mettre  le  défordre  dans  l'Etat ,  foulever  le  peuple  contre 
le  Gouvernement,  rompre  les  liens  qui  uniffent  les  fujets  aux 


N  AN  _  15J 

Souverains ,  efFacer  du  cœur  des  premiers  tout  fentîment  d'amour, 
de  refpeft ,  &  d  obéifTance  ;  fomenter  les  haines  ,  fe  faire  chef 
de  parti ,  violer  les  loix ,  braver  la  puifTance  légitime ,  lui  ré- 
fifter  ;  faire  répandre  des  ruilTeaux  de  fang  ,  expofer  fa  fortune, 
fa  vie ,  &  peut-être  caufer  la  ruine  de  l'Etat  :  toutes  ces  con- 
fidérations  ne  l'arrêtèrent  point ,  &  ,  s'il  ne  réufTit  pas ,  il  fit  du 
moins  tout  le  mal  poffible  pour  réuffir  ;  mais ,  enfin  ,  il  fut  arrêté 
&  conduit  prifonnier  au  château  de  Nantes  en  1654.  On  fent 
combien  la  captivité  devoit  être  dure  pour  un  homme  du  ca- 
raftere  du  Cardinal.  Auffi  penfa-t-il  ù  s'en  délivrer  le  plutôt  pof- 
fible. Il  fit  agir  tous  les  reflbrts  que  fon  efprit ,  fertile  en  expé- 
dients ,  put  lui  fournir.  Il  gagna  facilement  le  plus  grand  nombre 
des  habitants ,  par  le  moyen  de  quelques-uns  de  fes  amis  qui 
Tavoient  fuivi  à  Nantes.  Le  peuple  faimoit  ,  parce  qu'il  étoit 
Evêque  &  Cardinal  ;  dignités  qui  ne  permettoient  pas  de  le 
croire  coupable.  Il  avoir ,  d'ailleurs ,  fçu  s'attirer  l'affeftion  publique 
par  des  difcours  artificieux ,  &  par  un  zèle  apparent  pour  les 
intérêts  du  peuple ,  qui  le  regardoit  comme  un  de  fes  plus  intré- 
pides défenfeurs.  Dans  le  temps  que  le  Prélat  fe  préparoit  à  l'exé- 
cution des  projets  qu'il  avoit  formés  pour  fortir  du  château  de 
Nantes  ,  la  Cour,  qui  fut  informée  de  fes  intrigues  ,  envoya  au 
Maréchal  de  la  Meilleraye  les  ordres  les  plus  précis ,  de  refferrer 
fon  prifonnier  plus  étroitement  que  jamais.  La  vigilance  du  Gou- 
verneur rompit  toutes  les  mefures  du  Cardinal ,  &  prolongea  fa 
captivité.  Les  amis  qu'il  avoit  dans  la  ville  ,  lui  propoferent 
un  expédient  affez  fingulier  :  ce  fut  de  faire  un  coffre  dans 
lequel  fon  Eminence  auroit  pu  fe  mettre  &  fortir  du  château , 
chargée  fur  une  mule  ,  avec  différents  ufi:enfiles  qu'elle  portoit  & 
rapportoit  de  la  place.  Le  refus  du  Cardinal  fit  échouer  ce 
nouveau  projet.  Sur  ces  entrefaites ,  il  fit  venir  de  Paris  l'Abbé 
Rouffeau ,  frère  de  fon  Intendant ,  homme  ingénieux  &  bien 
capable  de  féconder  les  vues  de  fon  maître.  Après  avoir  balancé 
long-temps  fur  les  différents  moyens  de  tromper  la  vigilance 
du  Maréchal ,  ils  s'arrêtèrent  à  celui-ci  :  ce  fut  d'attacher  au  bout 
d'une  corde  un  morceau  de  bois,  qu'on  nomme  palonnier  ,  avec 
une  ceinture  &  une  boucle  pour  lier  le  Cardinal  par  le  milieu 
du  corps ,  afin  d'éviter  les  accidents  -,  de  le  faire  affeoir  fur  ce 
morceau  de  bois ,  &  de  le  defcendre  ainfi  de  la  tour  à  terre  du 
côté  de  la  rivière.  Tout  étant  difpofé  pour  l'exécution ,  le  Car- 
dinal fe  rendit,  le  3  Août  1654,  fur  le  rempart  du  côté  de 
la  Loire ,  accompagné  de  l'Abbé  Rouffeau ,  qui  portoit  fous  fa 


Î54  .     .  NAN 

foutane  tous  les  inftruments  nécefTaires.  Le  Prélat ,  arrivé  fur 
la  terra/Te  du  baftion  de  Mercœur  ,  fe  promena  quelque  temps 
avec  l'Abbé.  Un  inftant  après ,  il  demanda  à  boire  ,  &  envoya 
un  de  fes  gens  chercher  du  vin.  Après  que  fon  maître  eût  bu , 
le  Domeftique  offrit  à  boire  à  la  fentinelle  ,  qui  trouva  le  vin 
bon ,  &  qui  dit  qu'il  ne  feroit  pas  fâché  de  vuider  la  bouteille , 
qui  étoit  de  bonne  mefure ,  à  la  famé  de  fon  Eminence  :  le  Do- 
meftique  ne  demandoit  pas  mieux.  Il  donna  la  bouteille  au  foldat , 
&  lui  confeilla  de  fe  cacher  derrière  fa  guérite  ,  afin  de  n'être 
point  découvert  &  de  boire  plus  à  fon  aife.  Pendant  que  ceci 
le  paffoit ,  le  Cardinal  quitta  f^  fîmarre  rouge  ,  qui  fut  placée 
fur  un  bâton  entre  deux  créneaux  ,  pour  faire  croire  à  la  fentinelle  , 
lorfqu'elle  feroit  revenue  à  fon  pofte  ,  que  c'étoit  le  Cardmal 
lui-même.  Le  prifonnier  fut  defcendu  &  reçu  dans  un  bateau, 
qui  le  conduifit  jufqu'à  l'entrée  de  Richebourg  ,  où  il  monta  à 
cheval  j  mais  il  étoit  il  troublé  qu'il  ne  fçavoit  ce  qu'il  faifoit  : 
fon  cheval  qui  étoit  fougueux ,  fe  cabra  j  &  comme  le  Cardinal  ne 
tenoit  pas  même  la  bride  ,  l'animal  tomba  fur  le  pavé ,  &  fra- 
caffa  fort  le  cavaUer  qui  fe  trouva  engagé  defîbus ,  &  qui  eut  même 
l'épaule  droite  démife.  On  le  remonta  promptement  à  cheval  , 
&  il  fe  fauva  avec  ceux  de  fa  fuite  à  Beaupreau ,  petite  ville 
de  l'Anjou,  fur  la  rivière  de  Lizere,  où  ils  n'arrivèrent  qu'avec 
beaucoup  de  peine.  De-là  le  Cardinal  fe  rendit  à  Rome ,  &  y 
fit  fa  paix  ,  en  1661 ,  avec  le  Roi ,  en  donnant  la  démiflion  de 
fon  Archevêché  de  Paris.  Le  Monarque  ,  en  dédommagement  > 
lui  donna  l'Abbaye  royale  de  Saint -Denis,  &  lui  confirma  la 
poiïeliion  de  celles  de  Buzai  &  de  Sainte-Croix  de  Quimperlé  , 
la  première  dans  l'Evêché  de  Nantes ,  &  la  féconde  dans  celui 
de  Quimper.  Le  Cardinal  de  Retz,  déformais  dégoûté  du  monde, 
voulut  rendre  fon  chapeau  de  Cardinal  au  Pape  Clément  X , 
qui ,  à  la  follicitation  du  Roi ,  lui  ordonna  de  le  garder.  Il  paffa 
le  refie  de  fa  vie  darfs  la  folitude  ,  où  il  s'occupa  à  peindre  les 
fcenes  tumultueufes  où  il  avoit  joué  un  fi  grand  rôle ,  &  à  ac- 
quitter trois  millions  de  dettes  qu'il  eut  la  confolation  de  payer 
avant  fa  mort,  arrivée  à  Paris  le  24  Août   1679. 

Le  I^^  Décembre  1655,1a  Chambre  Souveraine,  établie  à 
Paris  au  fujet  des  francs-fiefs  ,  donne  un  Arrêt ,  qui ,  confirmant 
une  fentence  du  Lieutenant  d'Angers ,  maintient  les  habitants 
de  la  ville  de  Nantes,  en  conféquence  de  leurs  privilèges,  dans 
l'exemption  des  droits  de  francs-fiefs  &  nouveaux  acquêts  qu'ils 
poffédoient  dans  la  province  d'Anjou,  C'efl:  un  des  privilèges  des 


N  A  N  155^ 

habitants  de  cette  ville ,  qui  jouiffent  encore  de  l'exemption  des 
droits  de  francs-fiefs  &  nouveaux  acquêts  des  terres  nobbs  & 
des  lods  &  ventes  ,  des  acquêts  faits  en  l'enclos  de  la  cité  & 
fous  le  fief  de  la  Prévôté  ,  moyennant  une  rente  annuelle  de 
deux  cents  livres.  Le  même  privilège  porte  exemption  de  fouages 
pour  les  biens  roturiers  qui  ne  font  pas  à  plus  d'une  lietïe  de 
diflance  de  Nantes. 

Les  Pères  Carmes  de  Nantes  ,  déjà  riches  ,  augmentèrent 
encore  leurs  revenus  par  l'acquêt  de  plufieurs  maifons.  La  Com- 
munauté de  ville  en  fut  mécontente,  & ,  le  21  Novembre  1665 , 
elle  prit  des  mefures  pour  empêcher  ces  bons  Pères  de  s'accroî- 
tre davantage.  Ces  Religieux  incommodoient  confidérablement 
le  public,  parce  qu'ils  ne  vouloient  pas  que  perfonne  eût  des 
maifons  dont  les  fenêtres  donnaffent  fur  leur  Communauté ,  dans 
la  crainte ,  fans  doute ,  qu'on  ne  vît  &  qu'on  ne  publiât  ce  qui 
s'y  pafToit. 

1656.  On  pofe  la  première  pierre  du  bâtiment  du  Collège  de 
Saint-Clément,  qui  eft  conftruit  aux  dépens  de  la  Ville,  comme 
nous  l'apprend  l'infcription  qu'on  y  voit. 

1657.  La  Communauté  de  ville  s'oppofe  à  l'établiffcment  dun 
marché  dans  les  ParoifTes  de  Chantenai ,  Saint-Herblain  ,  & 
Vigneux.  En  conféquence ,  ces  marchés ,  obtenus  par  les  Seigneurs 
des  lieux ,  font  fupprimés.  Les  Etats  s'affemblent  à  Nantes  le  i  ^\ 
Octobre. 

1658.  La  Ville  fait  conflruire  le  pont  Roufieau  ,  fur  la  rivière 
de  Sevré ,  &  y  fait  placer  une  obélifque  en  pierres ,  avec  une 
infcription  qui  marquoit  l'époque  de  la  conftru6lion  de  l'édifice , 
les  noms  du  Gouverneur  &  des  Magiftrats  de  la  ville. 

1659.  Les  Officiers  municipaux  font  préfent  à  Saint-Sébailien 
d'un  riche  ornement ,  qui  coûte  une  fomme  de  huit  cents  vingt-fix 
livres.  Le  20  Juin ,  les  Etats  s'affemblent  à  Nantes.  Le  froid  com- 
mence avec  force  à  la  fin  du  mois  de  Novembre  1^59,  &  les 
glaces  reftent  en  rivière  jufqu'au  29  Avril  de  l'année  fuivante, 
qu'elles  commencent  enfin  à  fe  brifer  &  à  fondre.  Le  tombeau 
de  i'Eglife  des  Pères  Carmes,  qui  n'étoit  renfermé  que  d'un 
vieux  baluftre  de  bois,  fut  clos  d'une  grille  de  fer  en  1660. 
Dans  ce  temps ,  les  Jacobins  tenoient  des  Ecoles  d'Humanité , 
de  Philofophie  ,  &  de  Théologie ,  pour  les  externes  de  la  ville , 
c[ue  l'on  fit  ceffer,  à  caufe  des  dérangements  que  cela  caufoit 
au  Collège  de  Saint-Clément. 

i6<Si.  Ceft  pour  la  première  fois  que  fe  fait  l'adjudication 


z^6  ;  ^  NAN 

de  la   boucherie  de  Carême,   à  Nantes,   pour  une  fomme  de 
cent  livres ,  au  profit  de  THôpital.  En  conféquence  ,  on  augmente 
le  prix   de   la   viande.    Aujourd'hui   le   bail    eil   de    huit    mille 
livres ,   quelquefois  davantage  ,    au  profit    de   l'Hôpital.  Le    1 8 
Août ,   le   Duc   de    la  Meilleraye   fait  l'ouverture   des   Etats    à 
Nantes.  Louis  XIV  arrive  en  cette  ville  le  i  ^r.  Septembre  fuivant, 
entre  midi  &  une  heure.    Comme  le  Monarque  avoit  couché  à 
Ancenis,   &  devoit    dîner    au  château  de  Clermont ,  en  ia  Pa- 
roilTe  du  CeUier ,  perfonne  ne  va   au  devant  de  lui ,  parce  qu'on 
ne  l'attendoit  que  fur  le   foir  5   mais  Sa  Majeflé  juge   à    propos 
de  fe  rendre  fur  le  champ  à  Nantes ,  &  entre  au  château  par 
la  porte   qui    donne    fur    le    Cours   des    Etats.    Le    Duc    de    la 
Meilleraye ,  qui  va  recevoir  le  Roi ,  le  prie  d'agréer  que  le  Corps 
de  ville  vienne   lui  préfenter   les    clefs   &  lui  rendre  fes  hom- 
mages avant  tous  les   autres  Corps.  Après   le  dîner ,   le   Corps 
de  ville,  en  habit  décent,  les  haches   hautes,  ell  introduit   & 
préfenté  à  Sa  Majellé  par  le  Duc  de  la  Meilleraye.  Les  Maire  &: 
Echevins  mettent   un   genou  en  terre ,  &  le  premier  fait ,  dans 
cette  poflure ,  une  harangue  au  Roi ,  &  FalTure  de  la  foumiffion , 
obéifîance ,  &  fidélité  de  tous  les  habitants  de  la  ville  &:  des  faux- 
bourgs.   Il  lui  préfente,   dans  un  bafTm   d'argent,    quatre    clefs 
d'argent  doré ,  fur  les  anneaux  defquels  étoient ,  d'un  côté ,  les 
armes  de  France ,  &  de  l'autre ,  les  armes  de  Bretagne.  Après 
cette  cérémonie,  le  Roi,  d'un  air  majeftueux  &  fatisfait,  remer- 
cie le  Corps  de  ville,  &  dit  ,  en  ôtant  fon  chapeau   par  forme 
de  falut  &  de  remerciement,  à  N....  de  la  Vincendiere,  Maire  ,  de 
retenir  les  clefs  qui  étoient  en  très -bonnes   mains.  Le  Sieur  de 
la  Vincendiere  étoit  premier  Avocat  du  Roi    au  Siège    préfidial 
de  Nantes.  Le  Roi  ne  fait  point  d'entrée  folemnelle  ;  mais  tous, 
les  Corps  ont  ordre  de  fe   rendre   au    château ,  pour  faluer  le 
Roi.  Le  Siège  préfidial  s'y  rend   en  robes  &  bonnets  de  Palais, 
Se  Fun  des  Membres,  le  genou  en  terre,  fait  une  harangue  au 
Roi ,  qui  étoit    dans  un  fauteil ,  entouré  de   fes  courtifans.   Les 
autres  Corps  font  enfuite  admis.  Le   Maréchal  de  la  Meilleraye 
eft  obligé  de  fortir  du  château ,  &  d'aller  loger  au  doyenné  pour 
faire  place  au  Roi. 

Le  5  Septembre ,  le  célèbre  Fouquet ,  Surintendant  des  Fi- 
nances, eu  arrêté  à  Nantes.  Il  étoit  bien  éloigné  de  foupçonner 
le  fort  qui  l'attendoit.  On  rapporte  même  qu'il  dit  à  celui  qui 
l'arrêtoit  de  la  part  du  Roi  :  ne  vous  trompez  vous  pas  ^  Eil- 
ce  Fouquet  que  vous  avez   ordre    de   faifîr  r  Le  prifonnier   eft 

conduit 


/ 


N  A  N  257 

conduit  à  Paris ,  Se  enfermé  à  la  Baftille ,  comme  criminel  d'Etat. 
On  crée  une  Chambre  de  Juftice  à  l'Arcenal ,  pour  inftruire 
fon  procès.  Tout  le  monde  eft  furpris  de  la  dilgrace  de  ce 
Seigneur  fi  confidéré  par  fes  charges.  Il  avoit  été  Procureur 
général  du  Parlement  de  Paris ,  &  il  étoit  aftuellement  Surin- 
tendant des  Finances ,  &  Intendant  de  Bretagne.  La  fortune  avoit 
fait  fur  lui  l'effet  qu  elle  fait  prefque  fur  tous  les  hommes  :  elle 
avoit  corrompu  fes  moeurs,  &  l'avoit  rendu  infolent ,  fuperbe , 
ambitieux ,  &  prodigue.  Il  étoit  accufé  de  diffiper  les  Finances 
par  des  libéralités  exceflives ,  &  par  un  luxe  extraordinaire. 
Sa  magnificence  égaloit  celle  des  Rois  ;  la  richeffe  de  fes 
ameublements  &  la  fomptuofité  de  fa  table  n'étoient  pas  moins 
blâmables.  Quelque  temps  avant  le  départ  du  Roi  pour  Nantes, 
Fouquet  lui  avoit  donné ,  dans  fa  maifon  de  Vaux  ,  une  fête 
dont  le  repas  feul  avoit  coûté  cinquante  -  mille  écus.  Louis  XIV 
avoit  été  étonné  &  même  ofFenfé  des  profufions  du  Surintendant  j 
mais  ce  qui  l'avoit  fur-tout  choqué,  étoit  l'infolence  de  ce  Mi- 
niflre ,  qui  avoit  ofé  mettre  à  prix  les  faveurs  de  la  Demoifelle 
de  la  VaUiere  que  le  Roi  aimoit.  Le  1 4  Novembre  1 664 ,  Fou- 
quet eft  conduit  devant  fes  Juges ,  & ,  quelques  jours  après  , 
il  efl  condamné  au  bannifTement  perpétuel  j  mais  le  Roi  com- 
mue la  peine  en  prifon  perpétuelle ,  &  le  coupable  y  refle 
jufqu'à  fa  mort  ,  arrivée  vingt  ans  après.  Quelques  -  uns  ont 
prétendu  que  Fouquet  étoit  accufé  d'avoir  fortifié  Belle -Ifle  , 
&  d'avoir  tiré  de  plufieurs  perfonnes  des  écrits  qui  les  enga- 
geoient  dans  fes  intérêts  -,  mais  fon  véritable  crime  étoit  la  dif- 
fipation  des  Finances ,  fon  infolence ,  &  fon  îuxe  ,  qui  av oient  , 
difent  quelques  hifloriens ,  donné  de  la  jaloufîe  à  Louis  XIV  lui- 
même. 

On  trouve  dans  les  regiflres  de  Sainte-Radegonde ,  que,  lorf- 
que  le  Roi  couche  au  château  de  Nantes ,  il  doit  trente  -  cinq 
fols  par  nuit  au  Curé  de  la  Paroiffe  dans  le  territoire  de  laquelle 
cette  place  eft  fituée.  L'obligation  eft  prouvée  par  l'acquit  de 
cette  îbmme,  payée  par  l'Abbé  de  Coiflin,  Aumônier  de  Louis 
XIV  ,  au  Curé  de  Sainte-Radegonde ,  qui  lui  en  donna  quittance. 
Je  n'ai  pu  découvrir  ,  malgré  mes  recherches ,  l'origine  de  ce 
droit  fingulier.  Le  6  Septembre  1661  ,  le  Roi  part  de  Nantes  j 
le  lendemain  ,  Gabriel  de  Beauvau  afïemble  fon  Synode  à  An- 
cenis ,  &  cette  aflemblée  caufe  plufieurs  différents  entre  lui  & 
fon  Chapitre. 

1661,  Le  Préfîdial,  à  l'exemple  de  TUniverfité,  qui,  dans  le 
Tome  III*  Kl 


X58     •  N  A  N 

fiecle  précédent ,  temps  de  fa  gloire  ,  avolt  pris  îa  robe  rouge , 
&  du  Chapitre  qui  la  portoit  aux  fêtes  folemnelles ,  demanda  la 
permiffion  de  porter  cette  marque  de  dignité  dans  les  cérémonies, 
&  l'obtint  au  mois  de  Février.  Les  Ofliciers  de  ce  Siège  la  pren- 
nent ,  pour  la  première  fois ,  le  3  Novembre  fuivant.  La  difette 
des  grains,  dans  les  mois  de  Mai  &  de  Juin,  avoit  occaiionné 
des  maladies  contagieufes.  Le  Roi  mande  ,  dans  ce  temps ,  le 
Maire  en  Cour  :  mais  ce  magiftrat  ne  peut  y  aller  pour  caufe 
de  maladie.  La  même  année  ,  la  Communauté  permet  aux 
Récollets  de  bâtir  leur  Couvent  fur  le  terrein  où  il  avoit  été 
fondé  en  1617.  On  forme  le  projet  de  nettoyer  la  Loire,  depuis 
Nantes  jufqu'à  fon  embouchure ,  qui  en  eft  éloignée  de  onze 
lieues. 

1663.  Les  Officiers  municipaux  ,  voulant  exciter  Témulatioii 
parmi  les  EcoHers  du  Collège  ,  achètent  pour  cent  francs  de  livres , 
qu'ils  font  diftribuer  à  ceux  qui  les  méritoient  par  leurs  talents  ou 
leur  application.  De-là ,  l'origine  des  prix  qui  fe  diftribuent  tous 
les  ans.  La  tour  du  Bouffai ,  où  ei\  l'horloge  ,  commencée  en 
1661,  eft  achevée  en  1663.  On  fait  pofer  fur  fon  fommet  une 
baluftrade  de  fer ,  qui  forme  une  plate-forme  en  galerie.  La  même 
année ,  la  cloche  de  l'horloge  efl  fondue  par  René  Landouillet , 
montée,  &  attachée  à  la  charpente  -,  mais ,  comme  elle  ne  fe 
trouve  pas  du  poids  convenu  par  le  marché  ,  il  elî:  condamné  à  la 
refondre ,  &  à  y  ajouter  plufieurs  milliers  de  métal.  En  confé- 
quence  ,  elle  eu  defcendue  ,  rompue ,  augmentée ,  refondue  près 
la  Chambre  des  Comptes ,  &  manquée.  Elle  fut  fondue ,  pour  la 
troilieme fois ,  &  remontée,  avec  fix  appeaux  qu'on  ajouta  aux  deux 
anciens ,  pour  compléter  le  nombre  des  fons.  L'horloge ,  le  ca- 
dran,  les  huit  appeaux  qui  fervent  à  marquer  les  quarts  &  les 
demies ,  &  à  annoncer  le  fon  des  heures  ,  par  le  chant  de  l'hymne 
du  jour ,  ne  font  achevés  que  l'année  fuivante.  L'infcription  qui 
efl:  fur  la  cloche ,  nous  apprend  qu'elle  pefe  feize  mille  cinq 
cents  trente-deux ,  &  qu'elle  fe  nomme  Charles-Marie ,  nom  du 
Duc  &  de  la  DuchefTe  de  la  Meilleraye ,  fes  parrain  &  marraine. 
L'autre  infcription ,  qui  efi:  fur  le  mur  de  la  tour,  efl  de  1664: 
elle  nous  apprend  que  tout  l'ouvrage ,  tant  de  la  tour  que  de 
l'horloge,  avoit  été  fait  aux  dépens  de  la  Ville,  fous  le  Gouver- 
nement d'Armand-Charles ,  Duc  de  Mazarin  de  la  Meilleraye , 
&c.  le  tout  coûta  au  Bureau  une  fomme  de  feize  mille  neuf 
cents  cinq  livres. 

1663.  Les  Etats,  qui  dévoient  tenir  à  Ploermel  le  ^  Août, 


N  A  N  159 

font  renvoyés  à  Nantes ,  &  s  y  aiïemblent  le  ii  du  même  mois. 
On  laifTe  tomber  en  ruine  le  jeu  de  longue  paume ,  qui  étoit 
dans  la  douve,  près  la  tour  du  Papegault  &  la  Chambre  des 
Comptes.  Le  25  Septembre  1661  ^  les  Jéfuites  avoient  demandé 
la  permifTion  d'établir  un  Hofpice  au  Marchix  ou  au  Bignon- 
Leftard ,  fous  les  conditions  qui  leur  feroient  prefcrites.  Ces  condi* 
tions  font  propofées  &  acceptées  ,  le  1 1  Septembre  de  cette  an- 
née, dans  une  aflemblée  générale  de  la  Ville.  Les  DuchefTes  de 
la  Meilleraye ,  de  Mazarin ,  de  BrifTac ,  &  de  Saint-Simon  ,  fe 
trouvent  enfemble  à  Nantes  pendant  les  Etats. 

1 664.  Le  bail  du  Collège  de  Saint-Clément ,  qui  n'avoit  encore 
été  que  de  ûx  ans  _,  efl  fait  pour  vingt  ans ,  en  faveur  des  Prê- 
tres de  l'Oratoire.  M.  Colbert  écrit ,  le  1 8  Mai ,  au  Bureau  de 
ville,  au  fujet  de  rétabliffement  du  Commerce  &  de  la  Compagnie 
des  Indes  Orientales.  Le  Père  de  la  Motte  ,  Religieux  de  la 
Merci ,  vient  à  Nantes ,  &  follicite  la  Communauté  de  ville  de 
s'intéreffer  pour  fon  Ordre  auprès  de  l'Evêque ,  &  de  lui  ob- 
tenir la  permiffion  de  s'établir  dans  la  Paroiffe  de  Saint-Donatien. 
Il  eft  refufé  j  &  l'on  prend  des  mefures  pour  empêcher  cet  éta- 
bliffement,  non -feulement  dans  la  ville,  mais  même  dans  le 
Comté  Nantais.  Mais  on  ne  tient  pas  long-temps  cette  réfolution  : 
on  fe  laifTe  vaincre ,  &  on  permet ,  enhn  ,  à  ces  Religieux  de 
s'établir  dans  la  Paroiffe  de  Saint-Similien ,  près  le  pont  du  Sance , 
à  l'Hermitage ,  alors  occupé  par  deux  Hermites  de  Saint-Antoine. 
Le  28  Décembre,  l'un  deux  reçoit  ordre  de  fortir  du  diocefe , 
8c  l'autre,  d'apporter  au  Bureau  de  ville  une  atteftation  de 
fes  vie  &  mœurs  :  ce  dernier  fe  nommoit  Frère  Antoine  de  Saint' 
Gabriel, 

1665.  Le  19  Janvier,  ceux  des  Commerçants  de  Nantes  in- 
téreffés  dans  la  Compagnie  des  Indes ,  députent  N....  de  la  Hau- 
tiere-Ramé  à  Taffemblée  de  Paris ,  indiquée  au  premier  Février , 
pour  y  folliciter  une  Chambre  de  Direction  à  Nantes  ,  comme 
dans  un  lieu  avantageux,  à  tous  égards,  pour  le  Commerce  des 
Indes.  La  Compagnie  confent  à  tout ,  &  décide  que  la  Chambre 
fera  compofée  de  fix  fujets,  dont  cinq  réfideront  à  Nantes,  & 
le  fixieme  à  Paris.  En  conféquence ,  les  Intéreffés  font  le  choix  de 
fix  perfonnes  qu'ils  jugent  les  plus  propres  aux  fondions  auxquelles 
on  les  deftinoit.  Le  1 4  Mai ,  jour  de  l'Afcenfion ,  un  foldat  de 
la  garnifon  de  Nantes,  furpris  à  voler  dans  la  rue  des  Halles, 
reçoit  quelques  coups  de  poing.  Il  court  fur  le  champ  fe  plaindre 
à  fon   Capitaine,  fans  lui  dire  le  fujet  pour  lequel  on  l'avoit 


2éo  _        N  A  N" 

maltraité.  Le  Capitaine,  en  colère,'  rafTemble  fa  garnifon,  &  la 
fait  fortir  du  château  ,  balle  en  bouche ,  mèches  allumées ,  & 
une  botte  de  paille  à  la  main  ,  pour  mettre  le  feu  chez  les  ha- 
bitants des  Halles  &  des  Changes,  dont  le  foldat  fe  plaignoit. 
Les  amis  de  cet  Officier,  informés  de  ce  qui  fe  paffoit,  courent 
au  devant  de  lui ,  &  l'empêchent ,  par  leurs  repréfentations  ,  d'aller 
plus  loin.  La  Commvmauté  de  ville  ne  manque  pas  d'en  porter 
fes  plaintes  en  Cour ,  &  de  pourfuivre  vivement  la  garnifon , 
qui  n'étoit ,  pour  ainfi  dire ,  compofée  que  de  voleurs.  Cette  fcene 
fut  utile  en  ce  qu'elle  procura  des  Règlements  &  des  Ordonnances 
néceflaires, contre  cette  garnifon  ,  pour  les  Ecoliers ,  les  Laquais  ,  & 
les  Compagnons  de  métiers ,  qui  fe  faifoient  chaque  jour  des  que- 
relles afTez  fanglantes.  Arrêt  du  Parlement  de  Bretagne ,  qui 
foumet  les  Boulangers  de  Verrais  &  de  Pirmil  à  la  Police  de 
Nantes.  Séballien  ,  Comte  de  Rofmadec ,  Marquis  de  Molac ,  eft 
nommé  au  Gouvernement    de  Nantes. 

1 666.  Au  mois  de  Mars  ,  on  fait  trois  Services  pompeux  à  la 
Cathédrale  de  Nantes  pour  la  Reine  Anne  d'Autriche,  mère  de 
Louis  XIV ,  morte  au  mois  de  Janvier.  Le  clocher  de  la  Paroifle 
de  Saint-Nicolas,  bien  différent  de  ce  qu'il  efl  aujourd'hui,  me- 
naçoit  ruine ,  quoique  peu  ancien  &  foutenu  par  quatre  gros 
piliers  aifez  récents.  Le  4  Juillet ,  le  Général  de  la  Paroiffe 
arrête  de  le  faire  démolir  &  rebâtir.  Pour  fournir  aux  frais  de 
cette  dépenfe ,  il  eft  réfolu  de  faire  une  quête ,  &  de  vendre 
un  ancien  caHce  qui ,  depuis  fa  confécration  ,  avoit  fervi  aux  com- 
munions :  mais  tout  cela  ne  peut  fuffire  ,  &  la  Fabrique  eit  obhgée 
d'emprunter  de  l'argent.  Les  Religieufes  de  la  Vifitation  font  bâtir , 
du  confentement  de  la  Ville  ,  le  portail  d'entrée  de  leur  Couvent. 
La  Police  enjoint  aux  Marchands  de  fe  trouver  à  la  Bourfe ,  de- 
puis onze  heures  du  matin  jufqu'à  deux  heures  de  l'après-midi  j 
&  cette  Ordonnance  efl:  confirmée  par  Arrêt  du  Parlement.  Les 
Religieux  de  la  Charité ,  qui  s'étoient  déjà  offert  pour  adminif- 
trer  l'Hôpital,  offrent,  pour  la  féconde  fois,  leurs  fervicef.  Les 
Prêtres  de  l'Oratoire  demandent  des  bancs  neufs ,  pour  les  claffes, 
aux  Officiers  municipaux ,  qui  les  refufent ,  &  les  condamnent  à 
faire  ces  réparations  à  leurs  frais. 

1667  &  1668.  Gabriel  de  Beauvau  fe  démet  de  fon  Evêché, 
&:  meurt  à  Grammont,  près  Chinon,  au  diocefe  de  Tours.  Gilles 
I  du  nom  de  la  Baume  le  Blanc  de  la  Valiere ,  fon  fucceffeur, 
prend  poffeffion,  par  Procureur,  le  12  Juin  1668  ,  &  met  une 
couronne  à  fes  armes  j  ce  qu'aucun  Evêque  n'avoit  encore  pra- 


N  AN  i6i 

tiqué.  Lors  de  foii  entrée ,  le  Corps  de  ville  va  le  faluer ,  & 
lui  fait  le  préfent  ordinaire  de  douze  flambeaux,  de  douze  pa- 
quets de  bougie ,  &  de  douze  bouteilles  de  vin  de  Grave.  On 
décide  en  même  temps  que ,  fi  les  Jcfuites  s'établiflent  à  Nantes , 
ils  ne  s'établiront  point  entre  les  rivières  d'Erdre  &  de  Loire.  Le 
lo  Septembre,  le  Coniéil  rend  un  Arrêt,  qui  porte  qu'on  fera 
le  portrait  de  tous  les  Maires  qui  auroient  fervi,  en  cette  qualité, 
pendant  deux  ans.  En  conféquence ,  il  efl:  dit ,  que  chaque  por- 
trait fera  payé  une  fomme  de  trois  cents  livres. 

1669.  L'Evêque  de  Nantes  donne  un  mandement,  portant  dé- 
fenfe,  fous  peine  d'excommunication,  de  célébrer,  dans  lesPa- 
roiffes  de  fon  diocefe,  une  fête  finguliere,  toujours  accompagnée 
&  fuivie  de  beaucoup  de  défordres.  Le  Seigneur  de  laParoifTe, 
ou  un  de  fes  Officiers  ,  laiflbit  tomber  une  boule  dans  l'aiTem- 
blée ,  &  celui  qui  s'en  faifilToit  remportoit  le  prix ,  qui  étoit 
une  certaine   quantité  de  pots  de  vin. 

1670.  Tout  le  Corps  de   ville  eft  continué  dans  les  charges, 
fans  éle61:ion,par  ordre  du  Roi.  Cette  Communauté  difpofoit  encore 
de  l'Hôpital  du  Sanitat ,  comme  du  propre  bien  de  la  ville  qui 
l'avoit  fondé.  Arrêt  du  Confeil,  qui  décharge  la  Communauté  de 
payer  les  rentes  des  emprunts  à  conftitut.  Le  4  Mai ,  fe  fait   dans 
i'Eglife  des   Pères  Carmes  ,  la   folemnité  de  la  canonifation   de 
Sainte-Magdeleine  de  Pazzi.  La  Communauté  de  ville   y  aflifte 
en  Corps  &  en  habits  de  cérémonie ,  ainfi  que  la  Chambre  des 
Comptes,  ayant  à  fa  tête  Sébaftien  de  Rofmadec  ,  Gouverneur 
de  la  ville  ,  qui  marchoit  entre  les  deux  Préfidents.  Le  6  Juillet, 
fe  fait  la  cérémonie   de  la  canonifation  de  Saint-Pierre  d'Alcan- 
tara  ,  dans  I'Eglife  des  Récollets.  La   Communauté  de  ville    y 
aflifte  ,  &  on  fit  tirer  le  canon.  Le  feu  prend  au  château  dont 
il  confume  une  partie  :  on  la  rebâtit  à  la  moderne ,  &   elle  fert 
de   logement  aux  Gouverneurs.  Les  appartements  font  décorés 
d'anciennes  tapifferies  du   garde -meuble  du  Roi.    La  Ville  fait 
aufîi  conftruire ,  à  fes  frais,   le  pont  en  bois  de  la  Poiflbnnerie, 
&  y  fait  graver    une  infcription.  Le  22   Mai  ,  les  héritiers  de 
N....  de   Marques ,    Sieur   de  la  Motte  ,    paient  une  fomme  de 
dix  mille    livres ,  léguée  par  ce    dernier ,  pour  la  conllruftion 
de  la  falle  des  petits  garçons  de  l'Hôtel-Dieu  de  Nantes,  comme 
nous  l'apprend  l'infcription  qui  fe  voit  au  defliis  de  la  porte  de 
ce  logement.  Le  26  Septembre ,  l'Evêque  de  Nantes  ;  N...  de  la 
Mufle  ,   Seigneur  du   Pont-Hus  ;  &  N....   de  Montulée  ,  Seigneur 
de  Longlée ,  font  un  traité   en  conféquence  de  l'Arrêt  du  Con- 


^€^  N  A  N 

feil  rendu  pour  le  defféchement  Aqs  marais  de  Barbin.  L'Uni- 
verfité,  qui  avoit  fuccombé  dans  le  procès  entrepris  il  y  avoit 
quelques  années,  pour  s'approprier  les  Mefîageries  de  Bretagne, 
en  entreprend  un  autre,  en  1.670,  pour  avoir  la  MefTagerie  de 
Rennes.  Le  1 5  Septembre ,  la  Communauté  de  ville  intervient 
au  procès  ;  mais  l'Univerfité  n'efl  pas  plus  heureufe  que  la 
première  fois. 

1 67 1 .  Le  22  Janvier ,  le  Confeil  donne  un  Arrêt ,  qui  renvoie 
la  requête  de  l'Evêque  de  Nantes  au  Commis  à  l'exercice  des 
charges  de  Tréforier  de  France  en  Bretagne  ,  lui  ordonne  de  faire 
une  defcente  dans  les  marais  de  Barbin ,  &  de  drefTer  procès- 
verbal  des  dires  des  propriétaires  riverains.  Le  defféchement  n'a  pas 
lieu.  Les  moulins  de  Barbm,  qui  font  aujourd'hui  à  la  Ville,  appar- 
tenoient ,  en  ce  temps ,  à  l'Evêque.  Il  s'élève  alors  une  contellation 
entre  ce  Prélat  &  les  Curés  de  fon  diocefe,  au  fujet  du  droit 
de  procuration.  L'affaire  eft  terminée  par  un  Arrêt  du  Parlement, 
(  &  non  du  Confeil ,  comme  quelques-uns  le  difent ,  )  qui  porte  que 
l'Evêque  ne  peut  exiger  ce  droit  que  lorfqu'il  viîite  les  Paroiffes 
de  fon  diocefe ,  d'après  les  conftitutions  des  Papes  &  des  Con- 
ciles ,  qui  défendent  aux  Evêques  d'exiger  la  procuration ,  quand 
ils  ne  vifitent  point,  fous  peine  de  relHtution  du  double  ,  fans 
pouvoir  même  s'en  exempter  par  la  remife  ou  la  vifite  de  l'Eglife 
après  le  mois  paffé.  Le  premier  Février ,  le  même  Prélat  tranfigea 
avec  Auguftin  Servien ,  Abbé  de  Saint- Jouin  de  Marne ,  de 
l'Ordre  de  Saint-Benoît ,  fondé  ,  avant  le  fîxieme  fîecle ,  dans. 
l'Evêché  de  Poitiers ,  pour  la  préfentation  de  plufieurs  Cures  que 
cet  Abbé  prétendoit  lui  appartenir,  puifque  fes  prédéceffeurs  y 
avoient  nommé.  Gilles-Jean-François  de  Beauvau ,  fucceffeur  de 
l'Evêque  de  la  Valiere  ,  fit  homologuer  ce  traité  au  Parlement 
de  Bretagne,  le  premier  061:obre  1689. 

Le  premier  Février  1(^71  ,  la  Baume  le  Blanc  donne  un  man- 
dement pour  établir  l'adoration  perpétuelle  du  Saint-Sacrement 
dans  fon  diocefe.  Il  partage  les  douze  mois  de  l'année  entre  les 
différentes  Paroiffes  j  de  forte  qu'il  n'y  a  pas  un  feul  inffant  où  le 
Saint-Sacrement  ne  reçoive  des  adorations  dans  l'Evêché  de  Nantes. 
Les  Jéfuites ,  qui  occupoient ,  comme  Hofpice ,  une  maifon  de 
louage  hors  les  murs  de  la  ville,  achètent  le  fpacieux  hôtel  de 
Briord ,  fîtué  dans  la  rue  de  fon  nom ,  au  centre  de  la  ville ,  où 
l'avoit  fait  bâtir,  en  1473,  ^^  fameux  Pierre  Landais,  Tréforier 
du  Duc  François  IL  Ils  y  mettent  auffi-tôt  des  ouvriers  pour  y 
faire  les  réparations  néceffaires ,  &:  mettre  cette  maifon  en  état 


N  A  N  2^3 

de  les  loger.  Les  habitants  murmurent,  la  Communauté  s'oppofe 
à  cet  établiflement  concraire  aux  promelTes  des  Jéfuites  lors  de 
leur  entrée  à  Nantes.  La  Prévôté  ne  néglige  rien  pour  faire  échouer 
le  projet  de  ces  bons  Pères  -,  6c  le  Procureur  du  Roi  repréfente 
qu'il  ne  convient  pas  d'augmenter  le  nombre ,  déjà  trop  grand , 
des  Maifons  eccléiîaftiques  dans  l'enclos  de  la  ville ,  qui  n'étoit 
que  trop  peu  étendu.  Ces  raifons  étoient  d'autant  plus  jufles  qu'on 
avoit  déjà  refufé  l'hôtel  de  Briord  aux  Prêtres  de  l'Oratoire; 
Congrégation  plus  utile  &  moins  dangereufe  que  la  Société  des 
Jéfuites.  Aux  oppofitions  des  Magiflrats ,  fe  joignent  celles  du 
Relieur  &  des  Paroiffiens  de  Saint- Vincent;  mais  tout  eft  inutile. 
La  Société  ,  qui  étoit  alors  au  plus  haut  point  de  fa  gloire  &  de  fa 
puiflance ,  détruit  tous  les  obllacles ,  &  obtient  des  lettres-pa- 
tentes qui  lèvent  toutes  les  oppofitions,  &  leur  permettent  d'ac- 
quérir des  fonds  jufqu'à  la  concurrence  de  deux  mille  livres  de 
rente.  Ainfi ,  le  premier  étabhffement  de  la  Société ,  à  Nantes , 
fut  fondé  par  la  mauvaife  foi  de  fes  Membres.  Le  haut  de  l'E- 
gUfe  de  Sainte-Croix  fut  bâti  vers  ce  temps  :  le  bas  de  l'Eglife 
&:  le  clocher  ne  le  furent  qu'en  1685. 

1672.  Le  Collège  de  la  ville  ell  donné,  à  perpétuité,  aux 
Prêtres  de  l'Oratoire  :  mais  les  Maire  &  Echevins  s'en  réfervent 
la  police  ,  qui  leur  efi:  confirmée  par  des  lettres-patentes.  La  falle 
de  l'Hôtel-Dieu  de  Nantes  efi:  achevée.  L'infcription  qu'on  y  voit 
nous  apprend  que  le  Duc  de  la  Meilleraye  avoit  légué  vingt 
mille  livres  pour  la  conftruftion  de  cet  édifice,  &  que  cette 
fomme  avoit  été  acquittée  par  le  Duc  de  Mazarin ,  fon  fils.  Le 
Général  de  la  ParoilTe  de  Saint-Nicolas  continue  l'édifice  de  fon 
clocher  j  &  ,  pour  fournir  aux  dépenfes  qu'il  exige  ,  il  fait  argent 
de  tout  ce  qui  efi:  fufceptible  d'être  vendu.  Le  24  Avril ,  il  ar- 
rête de  vendre  fes  vieux  livres  ,  les  écrits  fur  vélin  en  lettres 
anciennes,  comme,  Mififels,  Bréviaires,  Manuels,  Antiphonaires, 
Légendaires,  &c.  Il  taxe  les  bancs  de  l'Eglife  à  cinq  foisle4>ied, 
qui  depuis  font  devenus  bien  plus  chers.  Les  Filles  Pénitentes 
doivent  leur  premier  établifiTement ,  à  Nantes,  au  zèle  de  Dom 
l'Evêque ,  Prêtre  Mifilonnaire  du  diocefe.  La  maifon  qu'elles  oc- 
cupent étoit  d'abord  fans  clôture.  En  j  672 ,  on  en  fait  une  re- 
traite pour  les  filles  perdues ,  qu'on  y  renfermoit ,  par  autorité  dé 
la  Police  ou  des  parents,  pour  faire  pénitence  de  leurs  défordres, 
fous  la  dire6lion  de  la  veuve  Bienvenu,  première  Supérieure  de 
cette  Communauté.  L'Inftitut  eft  changé  depuis  environ  foixante- 
dix  ans.  Ce  font  préfentement  des  filles  fans  tache,  de  vérita- 


zé4  N  A  N 

bles  Religieufes ,  qui  s'y  confacrent  à  Dieu ,  avec  vœu  de  clô- 
ture ,  fous  le  nom  de  Filles  de  Salme-Magdeleme ,  à  la  pénitence 
de  laquelle  elles  prennent  part  fans  en  avoir  pris  à  fes  excès  &  à 
fes  crimes.  On  remarque  que  l'Univerfité  donnoit  alors  à  fes 
Membres  la  permiffion  de  prêcher,  fans  avoir  béfoin  du  confen- 
tement  de  l'Evêque  5  droit  qu'elle  a  perdu  depuis.  Des  regiftres 
de  ce  temps  nous  apprennent  auffi  que  les  Curés ,  qui  ne  fournif- 
foient  rien  pour  les  vifîtes  de  l'Evêque  ,  étoient  contribuables 
pour  un  tiers  lorfque  le  Prélat  viiitoit  trois  ParoifTes  dans  le 
même  jour. 

1673.  Sédition  au  fujet  du  papier  timbré  &  du  tabac,  qui  corn-- 
mençoient  à  paroître,  excitée  par  deux  femmes,  dont  l'une  étoit 
Confituriere,  &  l'autre  époufe  d'un  Menuifier.  Celle-ci  eft  arrêtée 
&  enfermée  au  château  par  ordre  de  Sébaftien  de  Rofmadec. 
L'Evêque ,  qui  fort  pour  appaifer  le  peuple  &  le  faire  rentrer 
en  fon  devoir ,  court  rifque  de  fa  vie,  "La  Confituriere  le  fait 
arrêter  &  enfermer  dans  la  Chapelle  de  Saint-Yves ,  avec  me- 
naces  qu'il  fera  traité  de  la  même  manière  que  la  femme  du  Me- 
nuifier  enfermée  au  château  j  &  que  ,  fi  l'on  a  l'audace  de  la 
pendre ,  il  fera  auffi  pendu  fur  le  champ.  Le  Gouverneur  eft 
obligé  de  relâcher  cette  femme ,  pour  fauver  le  Prélat  de  la  fureur 
des  féditieux.  La  conduite  de  Sébaftien  de  Rofmadec ,  en  cette 
occafion  _,  eft  blâmée  de  la  Cour.  On  lui  fçait  mauvais  gré  de 
n'avoir  pas  marché  contre  les  rebelles ,  à  la  tête  de  fa  garnifoiï 
6c  de  la  NoblefTe  qui  le  fuivoit.  Il  a  beaucoup  de  peine  à  fe 
juftifier  ,  &  eft  à  la  veille  de  perdre  fon  Gouvernement.  Malgré 
le  peu  de  durée  de  la  fédition ,  &  la  foiblefte  de  fes  chefs  qui 
n'étoient  fuivies  que  de  la  plus  vile  populace ,  la  Cour ,  crai- 
gnant un  foulévement  général ,  envoie  à  Nantes  quelques  troupes 
qui  y  reftent  en  garnifon,  &  vivent  fort  tranquillement  avec 
les  habitants. 

1674.  Dom  René  l'Evêque,  Prêtre  Miffionnaire  du  diocefe  de 
Nantes  ,  jette  les  fondements  d'une  Communauté  de  Prêtres  au 
fauxbourg  de  Saint-Clément,  &  fait  enrégiftrer  au  Parlement 
l'afte  de  fondation  ;  mais  l'établiftement  ne  peut  être  achevé  qu'en 
1 674.  C'eft  un  des  Membres  de  cette  Communauté  qui  eft  Rec- 
teur de  Saint-Clément.  La  maifon  fait  aujourd'hui  la  matière  d'un 
procès  très-férieux  entre  M.  l'Evêque  de  Nantes  &  le  Clergé 
de  fon  diocefe ,  lequel  vient  d'être  jugé  par  le  Confeil  en  fa- 
veur du  Prélat.  On  reprend ,  en  1 674 ,  les  travaux  ci-devant 
interrompus  de  l'édifice  du  Collège  de  Saint-Clément ,  comme  il 

eft 


^     NAN    ^  1^5 

eft  prouvé  par  l'infcriptlon  latine  qu'on  voit  dans  le  fond  de  la 
cour  de  ce  Collège.  La  voici  : 

Régnante  Ludovico  XIV ,  pro  Rege  totius  Britanniœ  D,  D,  D. 
Carolo  d'Ailli  de  Pequigni ,  Duce  de  Chaulnes  ,  Pari  Franciœ  , 
&c.  Guhernatore  regio  urbïs  ^  arcis  ^  &  Comitatûs  Nannetenjîs , 
D,  D.  Sebajllano  de  Rofmadec ,  Marchione  de  Molac  ;  Majore 
urbis  danjjlmo  D.  D,  Joanne  Régnier^  Régi  à  Confiliis ,  &c. 
opus  hoc  interruptum  continuatum  efi  impenfis  Urbis ,  anno 
f allais ,  i6y4, 

1675.  UEvêque  de  Nantes  fait  un  Propre ,  mieux  digéré,  plus 
fage  que  ceux  de  1622  &:  1639,  &  P^^^^  chargé  que  celui  de  1611. 
On  penfe  que  ce  Propre  devroit  encore  être  retouché  par  d'ha- 
biles Eccléfialliques.  Outre  cet  Ouvrage  ,  le  Prélat  fait  encore 
imprimer  un  Catéchifme  pour  la  Confirmation  j  différents  Statuts 
fynodaux,  qui  ne  valent  pas  ceux  de  Gabriel  de  Beauvau,  fon 
prédéceffeur  j  &  un  Livre  fous  le  titre  de  Lumière  du  Chrétien , 
dont  on  a  fait  trois  éditions  :  la  dernière,  quifefaifoit  à  Nantes , 
en  1693,  avec  des  corre6tions ,  fut  arrêtée.  Le  Synode  ,  affemblé 
par  cet  Evêque  en  1670,  avoit  retranché  quatorze  à  quinze 
têtes.  Le  peuple  n'avoit  pas  approuvé  ces  retranchements,  & 
continuoit  de  les  obferver  ;  mais,  enfin,  elles  furent  tout- à -fait 
fupprimées  en  1682.  L'article  4  du  Synode  du  dernier  ftatut  de 
la  Baume  le  Blanc  efi:  fingulier  :  il  défend  aux  Eccléfiafiiques,  de 
quelques  dignités  qu'ils  foient ,  de  porter  perruque  fans  la  permif- 
fion  par  écrit  du  Saint-Siège    ou  de  l'Evêque. 

1677.  Le  Prélat  fe  démet  de  fon  Evêché,  &  s'en  repent  bien- 
tôt! Cette  inconfl:ance  de  fa  part  retarde  l'expédition  des  Bulles 
de  fon  fuccefleur ,  &  occafionne  une  contefi:ation  aflez  férieufe. 
Le  Chapitre  veut  prendre  la  régie  ,  &  le  Prélat  refufe  de  la 
céder.  11  étoit  Jéfuite  ;,mais  il  n'en  porta  jamais  l'habit,  par  difpenfe 
du  Pape.  Il  mourut  trente  ans  après  avoir  donné  fa  démifiion.  L'édi- 
fice du  Collège  de  Saint-Clément  efi:  enfin  achevé.  Dans  le  même 
temps  ,  la  Ville  fait  planter  une  croix  fur  la  place  du  fauxbourg 
de  l'Hermitage ,  aujourd'hui  très-peuplé ,  &  alors  prefque  déiert. 
Outre  le  Couvent  des  Capucins  ,  on  n'y  voyoit  que  quelques 
cafés  de  pêcheurs. 

1678.  Arrêt  du  Confeil,  &  lettres-patentes  fur  icelui ,  portant 
commiffion   à  N,..,  Bechamiel ,  de  faire   un  état   &  rapporter 

Tome  UL  L  2 


i65  NAN 

procès-verbal  des  archives  dépofées  au  château  Se  à  la  Chambre 
des  Comptes  à  Nantes. 

1(579.  Gilles-Jean- François  de  Beauvau  ,  neveu  des  deux  Evê- 
ques  précédents  &  leur  luccefîeur ,  reçoit  enfin  fes  Bulles ,  èc 
prend  polTeffion  de  fon  Evêché.  Les  intérêts  changent.  Le  23 
Oftobre ,  le  denier  dix-huit  fuccede  au  denier  feize,  &  dure 
jufqu'au  22  Avril  1720.  Vient  enfuiteje  denier  cinquante,  qui 
dur'e^jufqu au  premier  Juillet  1724;  &,  après  ce  dernier,  le  de- 
nier vingt,  jufqu'au  12  Juillet  1725.  On  confervoit  encore,  en 
1(379,  un  ufage  aflez  fîngulier  à  l'Eglife  de  Saint-Laurent  de 
cette  ville.  Le  Marguillier  fortant  de  charge ,  mettoit  la  clef 
du  tréfor  de  la  ParoifTe  fur  le  maître-autel ,  oii  le  Fabriqueur  élu 
alloit  la  prendre.  Le  premier  n'étoit  ccnfé  déchargé  qu'après 
cette  cérémonie ,  qui  annonçoit  au  fécond  que  Dieu ,  lui-même , 
l'établilToit  fur  fes  biens ,  en  cette  Eghfe ,  &  lui  en  confioit  la 
garde.  Cette  ParoifTe  n'avoit  alors,  pour  tous  revenus  ,  que  fix 
livres  de  rente  conftituée,  &  fe  fervoit  de  deux  écuelles  de 
terre  pour  faire  fes  quêtes.  Elle  relia  dans  cet  état  de  pauvreté , 
jufqu'au  temps  de  N...,  Caflard  ,  fon  Recteur ,  qui ,  par  fes  foins 
ôc  fes  propres  dons  ,  la  rendit  plus  riche. 

1680.  Les  Dignitaires  &  les  Chanoines  abandonnent  les  Cures 
de  la  ville ,  dont  ils  polTédoient  une  partie  de  temps  immémo- 
rial. Le  corps  -  de  -  garde  du  quartier  nommé  Dofdâne  efl:  bâti 
par  les  foins  &  aux  dépens  du  Bureau  de  ville  ,  comme  le 
prouve  l'infcription  qu'on  y  lit  &  qui  y  fut  gravée  par  Simonin, 
Le  1 7  Avril ,  à  une  heure  du  matin ,  le  feu  prend  à  la  rue  de 
la  CaiTerie  ;  & ,  comme  les  maifons  étoient  de  bois ,  il  fe  com- 
munique avec  rapidité ,  &  réduit  en  cendres  tous  les  édifices  des 
rues  de  la  CafTerie  ,  de  la  Clavurerie,  de  Saint-Nicolas ,  &  du 
Bois-tortu.  Règlement ,  qui  défend  aux  Marchands  qui  débitent 
la  poudre  à  tirer ,  d'en  avoir  plus  de  cinq  livres  chez  eux. 

1681.  Arrêt  du  Confeil ,  qui  charge  la  Communauté  de  ville 
de  l'entretien  des  ponts.  Le  19  Août,  les  Etats  s'afTemblent  à 
Nantes. 

1682.  Du  9  au  10  Avril,  le  feu  réduit  en  cendres  vingt-neuf 
maifons  des  rues  de  la  Clavurerie ,  de  la  Boucherie ,  &  de  Lé- 
rault.  La  porte  de  Saint-Louis,  fur  les  ponts,  eil  bâtie  en  1684, 
comme  le  prouve  l'infcription  gravée  par  Simonin  ,  qui  eft  au 
defTus  :  (  elle  vient  d'être  détruite.  ) 

1685.  Commencement  des  armements  pour  la  traite  des  Nègres 
à  la  côte  de  Guinée.  Le  magafin  qui  appartient  à  l'Hôpital ,  près 


N  A  N  167 

la  halle  de  la  Poiflbnnerle  ,  efl:  bâti  par  les  foins  d'un  Chanoine 
de  la  Cathédrale  j  de  François  Giraud ,  Ecuyer  ,  Sieur  de  la 
Jailliere  ,  ConfeiUer  au  Préfidialj  &  de  noble  homme  René  Liger, 
Sieur  de  Lumière ,  pères  &  gouverneurs  des  pauvres  de  l'Hôtel- 
Dieu  de  Nantes. 

On  étoit  enfin  lâlTé  des  Calvinifles.  On  réfolut  de  leur  ôter 
toute  reflburce,  en  caflant  FEdit  de  Nantes.  C'étoit  la  fin  des 
odieux  traitements  qu'on  leur  avoit  fait  effuyer.  En  conféquence, 
au  mois  d'Oftobre  1585  ,  fut  donné  un  Edit  qui  profcnvoit  la 
Religion  Calvinifle ,  bannifToit  fes  Miniftres ,  &  dépouilloit  fes 
feftateurs  des  droits  de  citoyen,  en  cas  de  perfévérance  dans  leur 
foi.  On  rapporte  que  le  ChanceHer  le  Tellier,  en  fignant  cette 
pièce ,  s'écria  ,  plein  de  joie  :  Nunc  dimittis  Jervwn  tuum  ,  Do^ 
mine  ,  quia  viderum  ocull  mei  falutare  tuum.  Les  uns  ont  exceflî- 
vement  blâmé  cet  Edit,  les  autres  l'ont  loué  :  mais  les  deux 
partis ,  aveuglés  par  les  préjugés  ou  l'mtérêt  ,  ont  tout  outré , 
parce  qu'ils  necoutoient  que  la  pafTion.  Il  me  femble  que  l'on 
pourroit  prendre  un  milieu  entre  les  deux  opinions.  Certaine- 
ment ,  l'intention  du  Monarque  étoit  louable  :  on  ne  peut, 
fans  une  injuftice  évidente,  accufer  Louis  XIV  de  cruauté.  Sa 
belle  &  grande  ame  étoit  incapable  de  fe  livrer  à  cet  affreux  & 
pénible  lentiment.  Tout  ce  qu'il  a  fait  &  tout  ce  qu'il  a  dit 
prouve  que ,  s'il  vouloir  être  le  maître ,  il  vouloit  être  aufîi  le 
père  de  fes  fujets.  Le  defi^ein  de  ce  Prince  étoit  de  faire  régner 
la  concorde  &  l'union  parmi  le  peuple ,  en  rendant  la  croyance 
la  même ,  & ,  fur-tout ,  de  détruire  des  femences  de  révolte , 
dont  le  paffé  faifoit  craindre  les  fuites.  La  plus  longue  &  la  plus 
terrible  expérience  avoient  appris  qu'un  Etat  n'eft  jamais  tran- 
quille lorfque  les  citoyens  font  divifés  par  le  culte  ;  que  la  di- 
verfité  des  opinions  faifoit  infailHblement  naître  des  haines;  & 
enfin  ,  que  les  mécontents  trouvoient  toujours  des  défenfeurs  & 
des  protefteurs  de  leurs  révoltes ,  en  appuyant  leurs  delTeins  du 
prétexte  de  la  Religion.  On  craignoit  que  les  fcenes  atroces  des 
règnes  précédents  ne  vinffent  à  fe  renouveller  dans  la  fuite  ;  & , 
peut-être  ,  ces  craintes  n'étoient  pas  fans  fondement.  Ce  n'eft 
donc  pas  le  légiflateur  qu'il  faut  blâmer ,  ni  même  la  loi  ;  mais 
bien  plutôt  ceux  qui  furent  chargés  de  la  faire  exécuter.  La 
manière  dont  ils  s'y  prirent  changea  le  remède  en  poifon.  Au  lieu 
de  ramener  les  Calviniftes  au  fein  de  l'Eglife  Romaine ,  par  la 
douceur  &  la  perfuafion  ;  de  leur  infpirer  de  la  confiance ,  en 
paroiffant  plaindre  leur  erreur  &  s'intérefTer  à  leur  malheureux 


2.68  _  N  AN 

fort,  on  multiplia  les  injuftices  envers  eux,  on  les  poufra  à  boiit* 
&  on  les  força  de  cette  manière  à  fuir  leur  patrie.  Louvois  ^ 
pour  empêclier  ces  émigrations  ,  fit  garder  les  frontières,  & 
remplir  les  prifons  des  fugitifs  qu'on  faifîiToit.  Ces  précautions  ne 
purent  retenir  dans  le  Royaume  une  multitude  de  familles ,  qui 
emportèrent  avec  elles  leur  argent  comptant  &  leur  induftrie. 
L'Allemagne ,  l'Angleterre ,  &  la  Hollande  fe  peuplèrent  de  Fran- 
çais ,  qui  portèrent  leur  goût  &  leurs  arts  chez  les  étrangers 
qui  s'enrichirent  des  pertes  de  la  France.  Le  nombre  des  fugitifs 
etoit  de  plus  d'un  million.  On  en  arrêta  plufieurs  ,  qui ,  attachés 
fur  des  galères  ou  enfermés  dans  des  prifons ,  n'en  étoient  pas 
moins  des  citoyens  perdus  pour  l'Etat.  Ceux  qui  demeurèrent  fu- 
rent perfécutés  par  les  Catholiques ,  avec  cette  férocité  qu'infpire 
à  des  fanatiques  la  différence  des  Religions.  Ces  malheureux  , 
pouffes  à  bout,  prirent  dans  la  fuite  les  armes  fous  le  nom 
de  Camifards  ;  mais  trop  foibles  pour  réfiffer  ,  ils  ne  voyoient  de 
tous  côtés  qu'un  affreux  précipice ,  la  fuite  ,  la  mort ,  ou  les  fers. 

Le  fameux  Flechier ,  depuis  Evêque  de  Nifmes ,  vint  alors  à 
Nantes ,  par  ordre  de  la  Cour  ,  prêcher  la  controverfe  ;  mais 
n'ayant  pu ,  malgré  toute  fon  éloquence ,  convertir  les  Calvi- 
niffes ,  on  envoya  des  Dragons  vivre  à  difcrétion  chez  ces 
feftaires.  A  la  voix  de  ces  nouveaux  Apôtres ,  il  fe  fit  beaucoup 
d'abjurations  ;  mais  on  ne  vit  aucune  converfion  fincere.  Enfin  , 
on  s'ell  peu  à  peu  accoutumé  à  les  voir ,  à  les  fréquenter ,  6c 
à  les  aimer.  Les  foibles  reftes  de  ces  malheureux  vivent  aujour- 
d'hui tranquilles  fous  la  proteftion  des  loix ,  &  n'ont  plus  à  crain- 
dre ,  ni  pour  leur  vie ,  ni  pour  leurs  biens.  Changement  fortuné 
qui  prouve  que  l'humanité  &  la  raifon  ont  repris  leurs  droits. 

1688.  L'année  précédente,  la  Ville  avoit  accordé  aux  Maîtres 
Apothicaires  de  Nantes  un  jardin ,  pour  y  cultiver  des  plantes 
de  toutes  efpeces.  En  conféquence ,  le  Roi  donne  des  lettres- 
patentes,  qui  permettent  aux  Apothicaires  c}e  faire  un  jardin  dans 
Tendroit  où  fe  tiroit  autrefois  le  Papegault,  fitué  le  long  du 
mur  de  l'enclos  des  Religieufes  du  Calvaire  j  de  planter  dans 
ce  jardin  toutes  fortes  de  plantes  &  de  fimples  néceffaires  à  la 
Médecine  ,  &  d'y  conftruire  des  laboratoires  ou  fourneaux  pour 
la  compofition  des  remèdes  chymiques ,  à  condition  pourtant  que 
la  propriété  du  terrein  appartiendra  toujours  à  la  Communauté 
de  ville ,  &  que  les  Apothicaires  ne  pourront  en  difpofer  que 
pour  y  cultiver  des  plantes ,  fans  pouvoir  l'affermer ,  &  qu'ils 
paieront  au  Bureau  de  ville  fix  deniers  par  forme  de  reconnoif- 


N  A  N  ^         ^        269 

fance.  Les  lettres  portent  auffi  que ,  d  le  jardin  cefToit  de  fervir 
à  l'ufage  auquel  il  efl  deftiné  ,  le  Bureau  de  ville  rentrera  dans 
la  pleine  pofleffion  du  terrein. 

1689.  Jacques  II,  Roi  d'Angleterre,  pafTe  à  Nantes,  3c  loge 
au  château ,  où  il  eft  reçu  au  bruit  de  l'artillerie  ,  toute  la  Milice 
Bourgeoife   fous  les  armes. 

1691.  Edit  du  mois  de  Juin  ,  enrégiftré  au  Parlement  le  (> 
Juillet ,  portant  éreftion  d'un  Siège  d'Amirauté  à  Nantes.  Peu  de 
temps  après ,  font  créés  les  Sièges  des  Eaux  &  Forêts ,  &  des 
Traites.  Les  Confeillers- Auditeurs  à  la  Chambre  des  Comptes 
étoient  autrefois  appelles  Clercs  des  Comptes,  ils  obtinrent ,  par 
l'Edit  de  1644,  les  privilèges  de  la  Noblefle ,  qui  leur  furent 
confirmés  par  la  Déclaration  de  l'an  1645,  l'Edit  de  1669,  & 
l'Arrêt  du  Confeil  du  mois  de  Décembre  1692.  Arrêt  du  Confeil 
du  mois  de  Décembre  de  cette  année  ,  &  lettres-patentes ,  en 
conféquence  ,  données  au  mois  d'Avril  1693  ,  portant  réunion 
des  Offices  de  Courtiers  à  la  Communauté  des  Marchands  de  la 
ville  de  Nantes.  Au  mois  de  Mai  1(393  ,  la  fonftion  de  Lefteur 
efl:  érigée  en  Office  ,  &  enfuite  vendue  à  l'Hôpital  général  de 
cette  ville. 

1 694.  Les  Religieufes  de  Sainte  -  Catherine  de  l'Ordre  de 
Saint-Dominique  ,  s'établifTent  dans  la  maifon  de  la  Touche  ,  à 
la  Chapelle  de  Saint-Gabriel ,  près  le  Couvent  des  grands  Ca- 
pucins. Environ  le  même  temps ,  les  Rehgieux  de  la  Merci  for- 
ment un  Hofpice  fur  le  chemin  de  Rennes ,  à  l'endroit  appelle 
rHermitage  ,  Paroifle  de  Saint-SimiUen.  A  la  même  époque ,  le 
petit  Séminaire  efl:  établi  par  N....  Fouré  ,  Chanoine  de  Nantes  : 
&  les  Ecoles  de  Charité  pour  les  filles  ,  font  fondées  ;  elles  doivent 
leur  étabhflTement  à  la  Demoifelle  de  Bras.  La  Communauté  du 
Bon-Pafl:eur  ,  qui  prend  alors  naiflTance  ,  doit  fon  établiflTement  au 
zèle  d'une  fimple  Lingere  ,  nommée  la  Gandin ,  &  au  Diacre 
N....  Barbot  de  la  Periniere.  Les  Prêtres  Irlandais  fe  raflemblent 
auffi  ,  &  forment  une  efpece  de  Couvent  dans  la  rue  du  Chapeau- 
rouge  ,  alors  appellée  rue  de  la  Paume ,  du  jeu  qui  y  étoit ,  lequel 
fut  détruit  en  1745.  Ces  difi!erents  établiflTements  ne  fubfifl:ent 
pas  tous  aujourd'hui  :  l'Hofpice  de  la  Merci  &  le  Couvent  de 
Sainte-Catherine  ont  été  fupprimés  par  l'Edit  du  P.oi  contre  les 
établiflTements  fans  lettres-patentes.  L'Evêque  de  Nantes ,  à  qui 
le  Couvent  de  Sainte-Catherine  étoit  revenu  comme  domaine  de 
l'Evêché,  le  donna  aux  Prêtres  Irlandais,  aux  mêmes  conditions 
(i^ue  les  ReHgieufes  le  tenoient  de  lui. 


Z70  N  A  N 

1(595.  N....  de  la  Tullaye,  Procureur  général  à  la  Chambre 
des  Comptes,  arrente  le  terrein  nommé  la  Butte ^  &  le  cède 
pour  y  tirer  le  Papegault.  Edit  du  Roi,  qui  ordonne  une  im- 
pofîtion  pour  i'étabiilîement  des  lanternes  à  Nantes.  Création  de 
la  charge  de  grand  Bailli  d'épée  au  Préfidial  de  Nantes ,  avec 
droit  de  commander  la  Noblefle  quand  elle  s'aflemblera.  N....  Sa- 
lomon  Binet  de  la  Blotiere  ell  pourvu  de  cette  place ,  qui , 
après  avoir  été  exercée  par  M.  de  Jaflbn  ,  vient  d'être  fupprimée. 

1697.  En  conféquence  des  ordres  du  Roi,  les  Officiers  mu- 
nicipaux font  un  achat  de  lanternes ,  à  l'acquit  des  propriétaires 
&  locataires  de  la  viile ,  pour  une  fomme  de  cent  cmq  mille 
deux  cents  trente-fept  livres  cinq  fols ,  &  dix  mille  cinq  cents 
vingt-trois  livres  quatorze  fols  fix  deniers  pour  les  deux  fols  pour 
livre  de  cette  fomme.  Par  Arrêt  du  Confeil  de  l'année  fuivante, 
il  efl:  permis  au  Bureau  de  ville  de  lever  un  nouveau  droit  de 
fîx  deniers  par  pots  de  vin  qui  feront  détaillés  dans  la  ville  & 
les  fauxbourgs ,  à  commencer  au  i  «f.  Janvier  1 702  ,  pour  £nir 
à  pareil  jour  1708  ,  à  la  charge  d'employer  le  produit  des 
fommes  qui  en  proviendront  au  paiement  des  lanternes.  C'eft 
depuis  ce  temps  qu'on  a  fait  fonds ,  fur  l'état  du  Roi ,  de  la  fomme 
de  quatre  mille  deux  cents  neuf  livres  neuf  fols  neuf  deniers  pour 
le  bail  &  fournitures  -àcs  chandelles  néceffaires  pour  éclairer  la 
ville  pendant  trois  mois  de  l'hiver.  Ces  lanternes  étoient  au  nom- 
bre de  cinq  cents  cinquante. 

1699.  Arrêt  du  Confeil,  portant  création  de  fîx  Commiflaires 
de  Police.  Le  Séminaire  eft  démoli  &  reconftmit  à  neuf  par  les 
foins  de  N....  de  Songere  Couperie ,  Archidiacre  de  la  Mée. 

1704.  Louis-Alexandre  de  Bourbon,  Comte  de  Touloufe,  lé- 
giîijné  de  France ,  grand  Amiral  &  Gouverneur  de  Bretagne , 
fe  rendant  à  Breft,  pafTe  par  Nantes ,  y  fait  fon  entrée ,  le  1 8  Avril, 
au  milieu  de  la  Bonrgeoifie  fous  les  armes  ,  &  va  loger  à  l'Evêché, 
Il  ne  veut  point  d'autres  gardes  que  les  Bourgeois.  Le  Roi  crée 
quatre  charges  de  Préfîdents  ,  dix  de  Maîtres,  quatre  de  Gé- 
néraux des  Finances  ,  fix  de  Correfteurs ,  fîx  d'Auditeurs ,  & 
deux  de  Subftituts  du  Procureur  Général  à  la  Chambre  des 
Comptes. 

1706.  Edit  du  mois  de  Novembre,  portant  confirmation  de 
NoblefTe  aux  Maires  &.  Echevins  élus  depuis  1687.  Ouragan 
furieux  qui  ruine  &  détruit  les  marais  falants  j  les  fels ,  amoncelés 
fur  les  bords  de  ces  marais ,  font  emportés  &  perdus  :  un  vaifTeau 
de  la  rade  de  Paimbœuf  eil  foulevé ,  &  jette  par  la  mer  &  le 


NAN  171 

vent  dans  un  jardin,  où  il  tombe  entre  quatre  mnrailles.  Un 
autre  vaifîeau  ell:  pouilé  il  loin  dans  la  prairie  de  Donges,  q^^izn 
eil  oblic^é  de  faire  un  canal  pour  Ten  retirer.  Le  bois  des  Pères 
Récoliets  de  Nantes  ell  renverle ,  6c  la  galerie  de  pierre  qui 
ell  i'ur  la  porte  de  rEvêché  ell  abattue.  Le  vent  arrache  une 
annelure  de  plomb  de  la  couverture  de  la  Cathédrale ,  &  la  Ibu- 
rient  en  l'air  julqu'à  la  porte  de  TEgLle  de  lOratoire.  La  tem- 
père tait  un  dégât  immenre  dans  le  dicceie ,  S:  particulièrement 
lur  les  bords  de  la  Loire  6c  les  côtes,  par  ie  débordement  inopiné 
des  eaux. 

1708.  Edit  du  Roi ,  qui  oblige  N....  de  la  Chapelle-Coquerie  à 
raârandiilTerQenc  de  Tiile  de  Chezine ,  qui  s'étendoit  depuis  le 
Sanitat  julqu'au  rocher  de  Nîiferi ,  dit  aujourd'hui  V Hcrrr.'.tige, 
On  fait  conlb-uire  dans  cette  iile  une  chaulTée  &  un  pont  fur 
la  petite  rivière  la  Ckerïm ,  Ôc  Ton  ouvre  un  chemin  qui  com- 
munique de  Nantes  à  THennirage  ;  paîTîge  jufqu'alors  imprati- 
cable. Le  4  Avril ,  rOiSce  de  Lieutenant  général  de  Police 
eil  réuni  à  la  Communauté  de  ville ,  pour  être  exercé  par  le 
Bureau  ^  le  Procureur  du  Roi  de  ladite  Comm^jnauté. 

1709.  Cette  année  eft  remarquable  par  le  noid  excefllf ,  qui 
la  fat  appeller  U  grand  hiver  :  il  dure ,  fans  interruption  &  fans 
relâche ,  depuis  le  5  Janvier  julqu  au  mois  d'Avril.  L'année  fm- 
vante ,  le  Roi  crée  la  place  d'Arimeur  dans  le  port  de  Nantes, 

171 1.  Charles  Thevenon,  Ingénieur  de  la  province  ,  nommé 
p:ur  examiner  les  réparations  urgentes  à  taire  aux  f>onts  de 
Pirmil ,  qui  avoient  été  en  partie  emportés  par  les  eaux  pen- 
dant llùver,  commence  l'es  cpérarions  le  i-  Mai,  &  les  fait 
imprimer  im  mois  après.  Suivant  le  devis  de  cet  Ingénieur,  on 
juge  que  l'ouvrage  coûtera  quatre-vingt-cinq  m3 lie  livres.  Le  30 
Juin,  le  Confeil  donne  un  Arrêt,  qui  porte  que  la  moitié  de 
cette  fomme  fera  levée ,  en  deux  termes ,  fur  les  habitants  des 
\  ille  S:  fâuxbour^is  de  Nantes ,  &  l'autre  moitié  fur  les  habitans 
de  la  campagne  dépendant  du  diocefe.  On  voyoit  alors,  vis- 
à-vis  la  Chapelle  de  Bon-Secours ,  une  porte  de  ville ,  au  deffous 
de  laquelle  étcit  une  galerie. 

1-13.  Mandement  ou  Ordonnance  de  l'Evêque  de  Nantes, 
qui  règle  la  préféance  des  Vicaires  fur  les  Prérres  de  choeur. 
::,  qui  appellent  au  Parlement,  font  condanmés  ,  &  le 
-  ^  _  .  : ..ent  du  Prélat  e^  homologué.  Arrêt  du  CorJeil ,  qui  dé- 
ttr.z  de  faire  de  l'eau-de-vie  avec  du  marc  de  raiiîn,  &  d'en 
taire   commerce   dans  tout  le    Royaume  5  pratique  alors   très- 


2.72,  N  A  N 

uiîtée.  Edît ,  qui  confirme ,  moyennant  une  certaine  fbmme , 
dans  le  privilège  de  noblefle ,  les  defcendants  des  Maires  & 
Echevins  de  Nantes  ,  depuis  l'an  1 600  jufqu'au  premier  Janvier 
de  l'année  171 4.  Les  Etats  avoient  accordé  ,  l'année  précédente 
171 3,  une  fomme  de  cent  dix  mille  livres  pour  la  réparation 
des  ponts  de  Nantes. 

1 7 1 5 .  On  envoie  dans  les  colonies  quatre-vingt-fept  vaifîeaux  , 
qui  rapportent  à  Nantes  dix  mille  huit  cents  cinquante-quatre  ba- 
nques &  mille  fix  cents  cinquante-cinq  quarts  de  fucre.  Le  Roi 
permet  d'en  envoyer  dix  mille  bariques  aux  étrangers,  fans  aucuns 
droits  de  fortie.  Nos  colonies  étoient  alors  très-abondantes  en  fucre  ^ 
mais  le  Commerce  n'étoit  pas  fur  :  il  fe  faifoit  des  faillites  mul- 
tipliées, caufées  plutôt  par  les  circonilances  que  par  la  mauvaife 
foi  des  Commerçants.  Comme  l'argent  étoit  rare  ,  les  ma^- 
jchandifes  reftoient  dans  les  magafins,  &  étoient  inutiles  aux 
propriétaires. 

1 7 1 7.  Arrêt  du  Confeil ,  qui  ordonne  que  les  Maires  &  Eche- 
vins de  Nantes  exercent  leurs  charges  pendant  deux  ans.  Gilles- 
Jean-François  de  Beauvau  ,  Evêque  de  Nantes ,  meurt  le  7 
Septembre  1717.  Comme  il  y  avoit  près  de  deux  fiecles  qu'on 
n'avoir  vu  les  Evêques  mourir  dans  leur  ville  épifcopale ,  on  avoit 
oublié  le  cérémonial  ufité  en  pareil  cas.  Les  conteiliations ,  qui 
s'élèvent ,  à  cette  occafion ,  entre  le  Chapitre  &  les  ReÔeurs 
des  ParoifTes,  font  fufpendre  les  honneurs  qu'on  devoir  à  la 
mémoire  du  Prélat  défunt.  Le  Chapitre  négHge  d'indiquer  les 
prières  ordonnées  par  le  Concile  de  Trente  éc  l'afTemblée  de 
Melun.  Ces  prières,  qu'on  faifoit  à  la  mort  des  Evêques,  étoient 
pour  obtenir  un  digne  fuccelTeur.  Louis  II  du  nom  de  la 
Vergne  de  TrefTon ,  élu  de  Vannes ,  dont  il  n'avoit  pas  eu  les 
Bulles  ,  d^  Aumônier  de  M.  le  Duc  d'Orléans  ,  Régent  du 
Royaume  ,  eil  nommé  Evêque  de  Nantes  au  mois  de  Septembre , 
&  facré  à  Dinan  le  10  Juillet  de  l'année  fuivante  171 8  , 
pendant    la   tenue   des  Etats  aflemblés   en  cette  ville. 

1718.  La  halle  ou  cohue,  qui  étoit  fur  la  place  du  Bouffay, 
eft  brûlée.  L'année  fuivante  efl  remarquable  par  une  grande 
fécherelTe. 

17 19.  Lettres-patentes,  en  forme  de  commifîion,  données  à 
Paris  le  3  Octobre,  portant  établifiement  d'une  Chambre  Royale 
en  la  ville  de  Nantes  ,  pour  faire  le  procès  aux  chefs  de 
quelques  cabales  qui  s'étoient  faites  en  Bretagne  &  lieux  cir- 
convoifms ,  contre  le  fervice   du  Roi  &c  le  repos  de  l'Etat.  En 

exécution^ 


N  A.  N  2.73 

exécution  des  ordres  ci-defTus,  le  procès  fut  inftruit.  La  Sen- 
tence portée  contre  les  accufés ,  qui  étoient  détenus  priibnniers 
au  château,  les  déclare  duement  atteints  &  convaincus  du  crime 
de  félonnie  j  &  ,  en  réparation ,  les  condamne  à  avoir  la  tête 
tranchée  fur  un  échafaud  drelTé  dans  la  place  publique.  Plufîeurs 
de  leurs  compHces ,  qui  avoient  pris  la  fuite ,  furent  condamnés 
à  foufFrir  la  même  peine,  en  effigie,  dans  un  tableau  attaché 
à  une  potence  plantée  dans  la  même  place  ;  leurs  biens ,  meu- 
bles ,  &  immeubles ,  en  quelques  lieux  qu'ils  fuffent ,  acc;nis  Se 
confifqués  au  profit  du  Roi,  fur  iceux  préalablement  pnfe  la 
fomme  de  trente  mille  livres ,  applicable  aux  Hôpitaux  de  Nan- 
tes, de  Rennes,  &  de  Vannes.  La  Chambre  ordonna  que  tou- 
tes les  marques  de  feigneuries  &  d'honneurs ,  qui  étoient  dans 
les  maifons  &  châteaux  des  condamnés,  tant  préfents  que  fugi- 
tifs ,  feroient  démoHes ,  abbatues ,  &  effacées  ;  tous  les  foffés  de 
leurs  maifons  &  châteaux  comblés,  &  tous  les  bois  de  haute 
futaie ,  comme  avenues  Se  autres  fervant  de  décoration ,  cou- 
pés à  la  hauteur  de  neuf  pieds.  Les  quatre  prifonniers  furent 
exécutés  à  Nantes  ,  le  27  Mars  1720,  fur  les  neuf  heures  du 
foir,  en  la  place  du  Bouffay  :  leurs  corps  furent  portés  dans 
l'Eglifç  des  Carmes  ,  où  ils  furent  inhumés.  Par  lettres-patentes 
du  mois  d'Avril  de  la  même  année ,  on  accorda  amniftie  Se 
pardon  général  '  à  quelques  autres  accufés  de  la  province. 

1720.  Dans  une  des  tours  de  la  Poiffonnerie,  étoit  une  maifon 
de  Charité  ,  fervant  d'afyle  aux  pauvres  &  aux  vagabonds  qu'on 
trouvoit  dans  la  ville.  Ils  vivoient  tous  enfemble ,  fous  la  conduite 
des  Adminiftrateurs  qui  s'étoient  volontairement  chargés  de  les 
gouverner.  Le  Bureau  de  ville  accorda  à  ces  Adminiflrateurs  une 
fomme  de  mille  livres  par  an  ,  à  la  charge  à  eux  de  faire  balayer , 
par  les  vagabonds  y   renfermés  ,  les  places  publiques  de  la  ville. 

La  récolte  manqua  cette  année  dans  toute  la  province  :  les 
vivres  étoient  très-chers,  &  le  peuple  fouffroit.  La  Communauté  de 
ville  s'affembla  pour  tâcher  d'adoucir ,  autant  qu'il  lui  feroit  pof- 
fible  ,  la  rigueur  des  temps.  Elle  arrêta  d'accorder  une  fomme 
de  cinquante  livres  par  an  au  Bureau  d'Ingrande ,  pour  avoir  un 
état  des  grains  qui  defcendoient  la  rivière  de  Loire.  L'Intendant 
de  la  province  approuva  le  projet.  Se  enjoignit  aux  Commis  de  ce 
même  Bureau  de  fatisfaire  les  Maire  Se  Echevins,  afin  d'empêcher 
le  monopole.  La  Police  défendit ,  dans  le  même  temps ,  d'ap- 
porter de  la  campagne  aucun  raifin  à  vendre  dans  la  ville.  Le 
ÎParlement,  pour  féconder  les  bonnes  intentions  des  Magiftrats, 
Tome  III  M  2 


2.^4  ^  -À  ^ 

permit ,  par  un  Arrêt ,  à  tous  les  Bouchers  Se  Boulangers  des 
villes  &  bourgs  voifins  de  Nantes  ,  d'y  apporter  tous  les  jours, 
&  d'y  vendre  à  toute  heure  pain ,  viande ,  &  autres  comefti- 
bles ,  fans  que  perfonne  pût  les  inquiéter;  &  défendit  à  toute 
perfonne  de  faire  des  magafins  de  bled  ,  fous  quelque  prétexte 
que  ce  fût  ,  avec  ordre  aux  Officiers  municipaux  de  faire, 
au  moins  une  fois  la  femaine ,  la  police  fur  le  pain.  Le  îloi  ac- 
corde à  la  Communauté  de  ville  le  tirage  d'une  loterie  de  la 
fomme  de  vingt-mille  livres,  à  la  charge  de  n'en  retirer,  pour 
tout  profit ,  qu'une  fomme  de  cinq  mille  livres  pour  acheter  des 
pompes  &  autres  uftenfiles  néceffaires  en  cas  d'incendie.  Cette 
loterie  étoit  de  dix  mille  billets  &  de  cent  douze  lots  ,  dont  le 
plus  confidérable  étoit  de  mille  écus.  L'Intendant  de  la  province 
permet  de  créer  deux  nouveaux  Archers  pour  le  bien  du  fer- 
vice.  Au  mois  d'Août ,  fe  fit  l'adjudication  de  la  fomme  de  onze 
mille  livres ,  pour  la  conftruftion  d'un  quai  projette  à  la  place  du 
port  Lorido ,  le  long  de  la  rivière  de  Loire.  On  fit  auffi  fermer 
de  murs  la  promenade  de  la  Motte  Saint-Pierre ,  afin  de  pré- 
venir les  accidents  qui  y  arrivoient  continuellement ,  par  les  car- 
rofies  &  les  chevaux  qui  y  entroient  facilement  en  revenant  de 
l'abreuvoir.  En  1 7 1 8  ,  des  chevaux  attelés  à  un  équipage  prirent 
le  mors  aux  dents ,  franchirent  un  mauvais  parapet  à  demi  écroulé  , 
&  fe  précipitèrent  dans  la  Loire  avec  le  carrofTe  qu'ils  traînoient. 
On  fit  auffi  ouvrir,  pour  l'utilité  publique,  les  puits  de  la  place 
Saint-Pierre  &  des  Changes  ,  qu'on  avoir  ci-devant  bouchés.  Pour 
prévenir  les  accidents  ,  il  fut  ordonné  qu'ils  feroient  couverts  d'une 
grille  de  fer.  Le  Bureau  repréfenta,  dans  le  mêm.e  temps,  que, 
par  l'Ordonnance  de  Marine  de  l'an  1681  ,  il  étoit  ordonné 
aux  Direfteurs  des  Hôpitaux  d'envoyer,  tous  les  ans,  deux  ou 
trois  des  enfants  qui  étoient  élevés  dans  ces  maifons ,  ap- 
prendre l'Hydrographie ,  &  de  leur  fournir  les  livres  &  iuftru- 
ments  néceffaires  pour  l'étude  de  cette  fcience  ;  &  que  cet 
article  important  de  cette  Ordonnance  n'étoit  point  obfervé  à 
Nantes.  Le  27  Septembre  ,  Vi61:or-Marie  d'Eflrées,  Grand  d'Ef- 
pagne  &  Maréchal  de  France ,  qui  avoir  été  nom/mé  Gouver- 
neur de  Nantes  en  171 7,  fît  fon  entrée  dans  cette  ville.  Le 
Maire  lui  préfenta  deux  clefs  d'argent.  Au  mois  d'061obre , 
la  llatue  équeltre  de  Louis  XIV  arriva  ,  par  la  Loire ,  de  Paris 
à  Nantes ,  éc  fut  dépofée  fous  un  angar  fur  la  place  du  Port- 
au-vin.  Les  Magillrats  de  la  ville  demandèrent  ce  monument, 
pour  le    mettre   dans  celle  des  places  publiques  de   Nantes  qi.ii 


NAN  lyç 

fefoit  choifie  &  indiquée  par  les  Etats  pour  lors  aflemblés  à 
Ancenis  j  mais  ils  furent  refufés.  La  ftatue  fut  conduite  à  Rennes , 
&  placée  devant  le  Palais  de  la  Cour  de  Parlement.  Au  mois  de 
Novembre  ,  le  Bureau  de  ville  projetta  de  faire  l'acquifition  entière 
de  la  prairie  de  la  Magdeleine ,  dont  partie  fait  un  Bénéfice  ec- 
cléfiaftique  ;  &  de  la  prairie  au  Duc ,  que  le  Roi  avoit  aliénée 
en  faveur  de  l'Hôtel-Dieu  &  de  l'Hôpital  général.  L'intention  des 
Magiftrats  étoit  de  faire  conftruire  ,  fur  la  prairie  au  Duc  ,  un 
quai ,  des  maifons  ,  &  des  magafins  ;  &  de  faire ,  de  l'autre ,  une 
promenade  publique  décorée  de  bâtiments.  En  conféquence  ,  ia 
Communauté  de  ville  s'alTembla  ,  &  arrêta  de  fupplier  le  Ma- 
réchal d'Eftrées  &  l'Intendant  de  la  province ,  de  féconder  le 
Bureau  dans  l'exécution  de  ce  projet.  Les  deux  Seigneurs  pro- 
mirent d'employer  leur  crédit ,  &  l'on  préfenta  une  requête  au 
Roi.  Pour  faciliter  la  réufïïte  de  l'entreprife  ,  la  Communauté  de 
ville  s'engagea  à  payer  les  deux  terreins ,  fuivant  Yeibm-^.tion 
faite  par  les  Commifîaires  nommés  à  ce  fujet  par  Sa  Majolzé; 
mais  le  Clergé  &  les  Hôpitaux  firent  échouer  le  projet ,  un  Jes 
plus  beaux  qui  ait  jamais  été  formé  pour  i'embellifîement  de  ia 
ville.  Le  bâtiment ,  qui  fert  de  corps-de-garde ,  près  la  Monnoie  , 
fut  bâti  ,  en  cette  année ,  avec  la  halle  où  fe  tient  la  Poifibnnerie  : 
elle  coûta  une  fomme  de  quinze  mille  cent  cinquante  livres. 

1721.  Arrêt  du  Confeil ,  du  22  Avril,  qui  ordonne  de  ré- 
parer les  ponts  de  Nantes ,  conformément  à  l'ellimation  finte , 
montant  à  la  fomme  de  cent  quarante-huit  mille  cent  foixante- 
deux  livres  dix  fols ,  portée  au  devis  pour  fervir  à  l'adjudica- 
tion defdits  travaux.  Le  même  Arrêt  ordonne  aufîi  de  faire ,  à 
la  charge  des  propriétaires ,  une  féconde  adjudication  pour  le 
rétabhffement  des  pavés ,  tant  de  la  ville  que  des  fauxbourgs , 
qui  étoient  dans  le  plus  mauvais  état.  Le  1 5  Mai ,  le  Confeil 
donne  un  autre  Arrêt ,  fur  les  plaintes  portées  par  le  Bureau  de 
ville  ,  au  fujet  du  leftage  Se  déleflage  des  navires  de  la  ri- 
vière depuis  Nantes  jufquà  Paimbœuf.  Depuis  1693,  que  les 
Adminillrateurs  de  l'Hôpital  avoient  fait  l'acquêt  de  la  place  de 
Déleiî:eur,  en  faveur  de  cette  maifon,  cette  partie  avoit  entière- 
ment été  négligée.  Ordonnance  de  Police  ,  qui  défend  à  tous 
bateUers  de  paffer  quelqu'un  fous  le  râteau ,  qui  fermoir  l'entrée 
du  pont  d'Erdre ,  après  dix  heures  du  foir.  Le  1 5  Juillet ,  le 
Maréchal  d'Eftrées  écrit  au  Maire  qu'il  a  obtenu  du  Roi  un  Ingé- 
nieur militaire  ,  réfidant  à  Nantes ,  pour  veiller  aux  fortifications 
de  la  ville  &  du  château.  Ce  n'eiî  que  depuis  ce  temps  que  Sa 


lyé  _      N  A  N 

Majeilé  tient  un  Ingénieur  dans  cette  ville.  Lettres-patentes ,  por- 
tant  augmentation  de  fix  deniers  par  chaque  pot  de  vin  vendu 
en   détail ,  au  profit  des  Hôpitaux    de   la  ville.  Sur  la  requête 
préfentée  aux  Magiftrats  par  les  Juges-Confuis ,  qui  deliroient  qu'on 
fît  creufer  &  nettoyer  le  lit  de  la  rivière ,  comblé  par  les  fables, 
le  Bureau  de  ville  fait  au  Confeil  de  nouvelles  repréfentations  qui 
ont  enfin  leur  effet.  Le  30  Septembre,  le  Confeil  de  la  Marine  nom- 
me N....  la  Fond  ,  Ingénieur  du  Roi  à  Nantes  ,  pour  prendre  con- 
noiffance  de  l'Etat  de  ce  fleuve,  depuis  Nantes  jufqu'àPaimbœuf, 
avec  ordre  de   faire  tout   ce  qu'il  conviendroit    pour  rendre    la 
navigation  plus  commode.  Dans  le  même  temps ,  on  place  deux 
chaînes  de  fer,  l'une,  près  le  jeu  de  paume  de  la  rue  du  Cha- 
peau rouge  i  l'autre,  vis-à-vis   la  maifon  du  Bon-Palleur,  pour 
empêcher  les  charrettes  d'entrer  dans  la  ville ,  les  jours  de  mar- 
ché ,  après  neuf  heures  du  matin,  en  été,   &  après  dix  heures, 
en  hiver.  Création  d'un  Bureau  de  fanté,  compofé  du  Maire,  des 
Echevins ,  d'un  Médecin ,    &  d'un  Chirurgien  ,   à  la  charge  de 
veillera  ce  que  les  maladies  contagieufes,  qui  affligeoient  différents 
pays ,   ne  pénétraffent  pas  dans  la  ville.  Le   1 2    Septembre  ,  le 
Confeil  permet ,  par  fon  Arrêt,  au  Bureau  de  ville  de  faire  une 
provifion  de  mille  barils  de  farine ,    par  chaque  année ,  pour  la 
fubfiftance  des  habitants.  Un  autre  Arrêt,  du  14  Novembre  fui- 
vant,  lui  permet  de  faire  conflruire   un  mouHn  fur  bateau,  dans 
la  Loire,  à  condition  de  payer   au  domaine   du  Roi  une   rede- 
vance annuelle  de  dix  livres.  Le  Bureau  obtient  encore ,  moyen- 
nant une  pareille  redevance  ,  le  terrein  de  la  grève  de  la  Sau- 
faye ,  contenant  trois  arpents  trente-fept  perches  :  c'efl  ce  qu'on 
appelle  aujourd'hui  Ijlc'Feydeau,  Dès  Tannée  fuivante  1722  ,  on 
commença  à  bâtir  les  magnifiques  maifons  qu'on  y  voit.  C'eft  à 
cette  occafion  que  M.  Chevaye,  de  Nantes,  fit  les  vers  latins  que 
nous  mettons  ici  fous  les  yeux  du  lefteur: 

Langucbat  Ligeris  vajlo  diffufus  in  alve? 

Pauper  aquœ ,  afpeciu  ingratus  ;  fcd  provida  curât 

Mens  Brovii  (  ^  )  •*  exumplb  contractas  piilchrior  undas 

Volvit ,  &  invifcs  cumulis  miratur  arènes 

Celfa  fuperbarum  fuccedere  tccla  domorum, 

La  conilruftion  des  quais  a  coûté   des  fommes  confdérables. 

^ —     I   .        ■     I  ■-  -  ~  " 

(<2)  M.  Feydeau  de  Brou,  alors  Inten-     j     public  a  fait  donner  fon   nom   à  ce  beau 
dant  de  la  province.  La   reconnoiflaijce  du     |     quartier. 


N  A  N  177 

1722.  Le  24  Avril,  le  Confcil  permet  de  faire  radjudication 
delà  fomme  de  foixante-dix  mille  livres  pour  la  reconftruftion 
d'un  nouvel  hôtel  de  la  Bourfe  ,  en  place  de  l'ancien  qui  tom- 
boit  en  ruines  ,  &  de  la  Chapelle  de  Saint-Julien  toujours  unie 
à  ce  bâtiment.  Le  6  Juin  ,  M.  Laillaud  ,  Architefte  à  Nantes , 
fe  chargea  de  l'ouvrage ,  à  condition  de  rendre  fon  renable  dans 
trois  ans.  L'augmentation  de  l'ouvrage  fit  augmenter  de  vingt  mille 
livres  le  prix  de  l'adjudication  j  de  lorte  que  l'édifice  entier  coûta 
quatre-vingt-dix  mille  livres.  La  Bourfe  ne  fut  pas  bâtie  dans 
l'emplacement  de  l'ancienne  ,  comme  on  l'avoit  projette  :  elle 
refta  néanmoins  fous  le  fief  des  Régaires.  Le  même  Architefte 
fe  charge,  pour  la  fomme  de  cent  vingt  mille  livres,  delà  conf- 
truftion  de  trois  arches  a  faire  aux  ponts  de  Pirmil,  fous  l'inf- 
pe6lion  du  Sieur  Goubert ,  Ingénieur  du  Roi.  On  projette  de  faire 
des  cafernes  à  Nantes ,  pour  un  bataillon  d'Infanterie  5  èc  une 
écurie  afîez  grande  pour  contenir  les  chevaux  d'un  efcadron  de 
Cavalerie.  La  Pohce  défend  aux  particuHers  de  laifler  courir 
leurs  volailles  dans  les  rues  j  ufage  abufif ,  pratiqué  de  temps 
immémorial.  Elle  défend  auffi  d'apporter  vendre  à  la  ville  des 
raifins  &  du  verjus.  Le  2  Décembre ,  on  monte  ,  pour  la  pre- 
mière fois ,  la  garde  ,  au  corps-de-garde  qu'on  venoit  de  conf- 
truire  fur  la  place  du  Bouffay.  Dans  le  courant  du  même  mois , 
ell  pafTé  le  contrat  de  vente  &  d'aliénation  de  la  Traite  doma- 
niale de  Nantes ,  en  faveur  du  Maréchal  de  Berwick.  Les  Etats 
s'aflemblent  en  cette  ville,  le  17  Décembre  1723.  SupprefTion 
de  la  Compagnie  de  MiUce  Bourgeoife  de  la  FofTe ,  &  création 
de  quatre  nouvelles  Compagnies  dans  ce  quartier  trop  étendu 
pour  être  gardé  par  une  feule.  Le  28  Janvier  ,  Louis  de  la  Vergue 
de  Treiïan  ,  Evêque  de  Nantes ,  donne  un  long  Mandement  pour 
les  écoles  ,  tant  de  la  ville  que  de  la  campagne  :  il  recom- 
mande aux  Maîtres  &  Maîtreifes  la  lefture  du  Nouveau-Tefta- 
ment ,  &  l'ufage  du  Catéchifme  delà  Noë-Menard,  dans  lequel 
il  avoir  fait  inférer  un  Arrêt  du  Parlement ,  nouvellement  rendu , 
qui  défendoit  à  toutes  perfonnes  de  tenir  école  &  d'enfeigner 
dans  les  maifons ,  fans  la  permiffion  du  Re61:eur  de  la  ParoifTe. 
En  conféquence  de  l'Arrêt  du  Confeil  du  22  Mai,  le  pont  de 
Sauve-tout,  ci-devant  en  bois,  eil  conltmit  en  pierres,  pour  la 
fomme  de  onze  mille  huit  cents  quatre-vingt-douze  livres.  On 
obtient  auffi  la  permiffion  de  démohr  le  mur  de  ville ,  en  cette 
partie  ,  afin  d'ouvrir  un  chemin  de  la  rue  Saint-Léonard  à  la  porte 
de  Sauve-tout ,  &  de  détruire  l'efcalier  par  où  l'on  montoit  à  la 


278  N  A  N 

place  de  Bretagne.  Cet  efcalier ,  compofé  de  quatre-vingt  mar- 
ches ,  étoit  très-incommode  pour  le  public ,  &  très-difpendieux 
pour  la  ville. 

Le  20  Avril,  il  y  eut  ordre  de  détruire  toutes  les  pêcheries 
conftruites  fous  les  arches  des  ponts ,  avec  défenfe  d'en  reconf- 
truire  de  nouvelles  à  l'avenir.  Les  propriétaires  reçoivent ,  en. 
dédommagement ,  une  fomme  de  quatre  mille  cinq  cents  douze  livres 
dix  fols  fix  deniers ,  qui  leur  eft  payée  par  les  Receveurs  des 
oftrois.  Pour  le  fonds  de  cette  fomme,  la  Communauté  de  ville 
obtient  le  droit  privatif  de  la  pêche ,  à  la  charge  de  faire  pêcher 
avec  des  filets  &  autres  uftenfiles  de  cette  efpece.  On  fait  net- 
toyer la  rivière  d'Erdre ,  depuis  le  râteau  jufqu'au  deffus  des 
mouHns  des  halles.  Les  Fermiers  du  domaine  &  la  Commu- 
nauté de  ville  paient  chacun  la  moitié  des  frais ,  qui  montent  à 
la  fomme  de  quatorze  mille  deux  cents  foixante  livres.  C^ell 
depuis  cette  année  que  la  Maifon  commune  ou  Hôtel  de  ville , 
qui  relevoit  ci-devant  de  la  Seigneurie  des  DervaHeres  _,  en  la 
ParoiiTe  de  Chantenai ,  relevé  du  Roi ,  par  Arrêt  du  Parlement 
du  23  Mai.  La  Compagnie  des  Indes,  qui  avoir  projette  de 
s'établir  à  Nantes ,  fait  réparer ,  par  ordre  du  Pvoi ,  le  pont  & 
ia  chauffée  de  Chézine.  Le  17  Juin,  efl:  rendue  une  Ordonnance, 
qui  porte  que  tous  Marchands  de  bled.  Boulangers,  &  autres, 
qui  font  commerce  de  grains  &  de  farines,  foit  par  commifTion 
ou  pour  leur  compte,  feront  tenus  de  faire,  dans  vingt -quatre 
heures,  la  déclaration  delà  quantité  qu'ils  en  ont,  foit  dans  leurs 
magafins  ,  bateaux ,  navires  ,  ou  autres  endroits  ,  tant  dans  la  ville 
que  dans  les  fauxbourgs  &  les  environs  ,  fous  peine  de  confifcation 
defdits  grains  &  farines,  &,  en  outre,  de  cinq  cents  livres  d'amende 
exigibles  des  propriétaires  des  lieux  oii  ils  feront  fitués  ,  &  des 
Marchands  qui  contreviendront  à  la  préfente  Ordonnance. 

Louis  de  la  Vergne  de  Trefîan  efl  transféré  de  l'Evêché  de 
Nantes  fur  le  Siège  archiépifcopal  de  Rouen  ,  au  mois  d'06lobre. 
Chriflophe-Louis  Turpin  Crifîé  de  Sanfai  efl  transféré  de  Rennes 
à  Nantes ,  dans  le  courant  du  même  mois  :  il  ne  prend  pofTef- 
lion ,  par  Procureur ,  que  le  1 1  Décembre  de  l'année  fuivante , 
à  la  demande  du  Chapitre,  qui  l'avoit  prié  de  difTérer  cette 
cérémonie ,  pour  faire  pubHer  par  deux  mandements  ,  l'un  du 
Chapitre ,  l'autre  du  Grand-Vicaire ,  la  vacance  du  Siège  ,  &  Isi 
Bulle  ou  Jubilé  accordé,  le  10  Juin  1724,  parle  Pape  Benok 
XIII ,  à  fon  avènement  au  Pontificat  j  &  renouveller  les  appro- 
bations des  ConfeiTeurs» 


N  A  N  _  179 

1724.  Arrêt  du  Confeil,  du  7  Mars  ,  qui  ordonne  de  conf- 
îruire  un  quai  à  Chézme,  avec  plufieurs  magaiïns ,  tant  pour 
l'utilité  publique  des  habitants  que  pour  la  commodité  du  Com- 
merce &  de  la  Navigation.  Autre  Arrêta  qui  porte  qu'on  conf- 
truira  des  quais  depuis  le  pont  de  la  Belle-Croix  jufqu'à  la  maifon 
Laurencin.  Dans  la  nuit  du  28  au  29  Avril,  le  feu  prend  à  la 
maifon  de  Nicolas  la  Ville ,  fituée  au  carrefour  de  la  Cafferie. 
Un  ouvrier  ,  qui  fe  portoit  av^jc  zèle  à  éteindre  les  progrès  du 
feu ,  y  perd  la  vie.  Le  Bureau  donne  à  fes  héritiers  une  fomme 
de  quatre  cents  cinquante  livres.  Les  Marchands  détaillants  font 
exclus  de  l'Echevinage ,  par  Ordonnance  de  M.  le  Maréchal 
d'Eftrées,  Gouverneur  de    Nantes. 

1725.  Le  25  Janvier,  Chriftophe-Louis  Turpin  CrifTé  de  Sanfai 
fait  fon  entrée  à  Nantes  ,  furie  foir.  La  Communauté  de  ville  ,  qui 
avoit  fait  applanir  &  fermer  de  murs  la  Motte  Saint-Pierre  , 
obtient  la  permiilion  d'y  planter  trois  rangs  d'arbres. 

Le  29  Oftobre  ,  le  Confeil  rend  un  Arrêt ,  qui  permet  aux 
propriétaires  du  terrein  de  la  grève  de  la  Saufaye ,  ou  lile-Fey- 
deau ,  de  conltruire  ,  à  leurs  frais ,  un  pont  de  trois  arches  fur 
le  bras  de  la  rivière  de  Saint-Félix ,  pour  établir  une  commu- 
nication de  cette  Ifle  aux  places  du  Port- au -vin  &z  de  la 
Bourfe  ,  avec  cette  claufe,  que  les  propriétaires  ne  pourront 
prétendre  aucun  dédommagement  pour  les  frais  de  l'entreprife ,  & 
que  le  Bureau  de  ville  demeurera  chargé  des  réparations  à  faire , 
un  an  après  l'entière  perfection  de  l'ouvrage.  Ce  pont  étoit  d'autant 
plus  utile  qu'il  n'y  avoit  que  le  pont  de  bois  de  la  PoilTonnerie, 
pour  entrer  à  Nantes  du  côté  du  pays  de  Retz  &  du  Poitou. 
Le  9  Novembre,  la  Communauté  de  ville  adreffe  à  l'Intendant 
de  la  province  un  plan  de  la  prairie  de  la  Magdelcine  & 
des  embeUifTements  projettes.  Le  deffein  des  Magiiîrats  étoit 
d'en  faire  une  promenade  publique  &  d'y  planter  des  arbres. 
L'Intendant  approuve  le  projet ,  &  donne  fcs  ordres  pour  \e 
faire  exécuter.  Le  Gouverneur  de  la  %'ilie  l'appuie  de  fon  crédit, 
mais  inutilement  :  les  propriétaires  du  terrein  s'oppofent ,  de 
toutes  leurs  forces  ,  à  cette  entreprife  ,  6c  parviennent  'à  la  faire 
tomber,  comme  ils  avoient  déjà  fait  en  1720.  Arrêt  du  Con- 
feil ,  qui  défend  de  réparer  ou  bâtir  des  maifons  dans  la  ville 
de   Nantes    avec    d'autres  matériaux  que  la  pierre  ou  la  brique. 

1726.  Par  lettres  du  24  Mars,  le  Roi  permet  aux  Officiers 
municipaux  d'affigner  un  terrein ,  hors  de  la  ville  ,  pour  fervir 
de  fépulture  aux  perfonnes  de  la  Religion  Proteftante.   Le  ^o 


iSo  N  A  N 

Mars ,  Arrêt  du  Confeil ,  qui  permet  d'augmenter  le  Bureau  de 
ville  de  trois  Direfteurs ,  pour  qu'il  fe  trouve  être  compofé  de 
fept  perfonnes  ,  dont  l'Evêque  eft  le  Chef,  &  le  Préfident-né 
de  ce  Bureau.  Le  2  Avril ,  le  Confeil  accorde  aux  Chartreux 
la  jouifTance  de  l'étang  de  Barbin. 

Le  1 3  Juillet ,  le  Confeil  donne  un  Arrêt ,  qui  permet  à  M.  de 
BecdeHevre ,  Premier  Préfident  à  la  Chambre  des  Comptes ,  de 
prendre  féance  au  Bureau  des  Hôpitaux  de  Nantes ,  immédia- 
tement après  l'Evêque ,  &  d'y  préfider  en  fon  abfence.  Les  Che- 
valiers du  Papegault  reçoivent  ordre  de  prendre  les  armes  ,  & 
d'aller  défendre  les  côtes  de  Bretagne ,  menacées  par  les  ennemis 
de  l'Etat.  La  Police  rend  une  Ordonnance  pour  la  confervation 
des  vignes  dans  le  Comté  de  Nantes. 

1726.  Le  Dimanche  18  Août,  on  fait  à  Nantes  de  grandes 
réjouiffances  ,  &  des  feux  de  joie,  avec  illumination  générale, 
au  fujet  de  la  convalefcence  du  Roi.  Le  Te  Deum  ell  chanté 
folemnellement  dans  l'EgUfe  Cathédrale  &  dans  toutes  les  Eglifes 
de  la  ville.  Le  21  du  même  mois  ,  les  Officiers  municipaux 
pofent ,  au  nom  du  Maréchal  d'Eftrées,  la  première  pierre  des  quais 
&  calles  de  Chézine ,  qui  font  nommés  quais  ou  ports  d'EJlrées, 
Le  27  Septembre ,  M.  le  Comte  de  Maurepas ,  Miniftre  &  Se- 
crétaire d'Etat ,  envoie  au  Maire  de  Nantes  un  ordre  du  Roi  5 
qui  obligeoit  les  Capitaines  des  navires  de  la  rivière  ,  d'apporter 
des  Colonies  &  autres  pays  des  plantes  &  des  graines  médicales 
pour  le  jardin  des  Apothicaires.  Le  même  ordre  eit  envoyé  aux 
Commiflaires  de  la  Marine ,  pour  les  prévenir  des  obHgations 
impofées ,  &  les  avertir  de  faire  remplir  exa6lement  les  mten- 
tions  de  Sa  Majefté.  L'Intendant  du  jardin  royal  des  plantes 
fait  palTer ,  aux  Maîtres  Apothicaires ,  plufieurs  graines  dont  ils 
manquoient.  Le  3  Décembre ,  le  Maréchal  d'Ellrées  &  Madame 
fon  époufe  arrivent  à  Nantes ,  &  y  font  reçus  avec  beaucoup 
de  magnificence.  Dans  le  même  temps ,  la  Compagnie  des  Indes 
renouvelle  fon  projet  de  s'établir  à  Nantes ,  &  de  bâtir  des  ma- 
gafins  au  bas  de  la  FofTe. 

1727.  Le  21  Mai,  M.  le  Comte  de  Maurepas  paffe  à  Nantes. 
La  Communauté  de  ville  envoie  (es  Députés  au  devant  de  ce 
Miniftre  jufqu'au  Temple  de  Maupertuis.  Soixante  jeunes  gens  , 
en  habit  d'écarlate ,  s'avancent  jufqu'à  Sautron ,  &  accompagnent 
ce  Seigneur  jufqu'à  Nantes.  Environ  le  même  temps ,  M.  Mel- 
lier ,  Maire ,  du  confentement  du  Gouverneur  de  la  province 
^  de  l'Intendant ,  établit  dans  l'hôtel  de  la  Bourfe  le  Concert 

fpirituel , 


N  A  N  iSx 

fpîrituel ,  ou  rAcadémle  de  Mufique ,  compofé  de  deux  cents 
habitants ,  taxés  à  cinquante  livres  chacun  j  ce  qui  fait  un  re- 
venu annuel  de  dix  mille  livres.  On  fait  défenfe  au  Syndic  des 
Apothicaires  de  prêter  les  clefs  du  jardin  des  plantes  à  différentes 
perfonnes,  qui  alloient  s'y  divertir  &  y  caufoient  beaucoup 
de  dégâts. 

Le  20  Août,  le  Roi  envoie  à  l'Intendant  de  la  province  des 
ordres  pour  les  Maire  Se  Echevins  de  Nantes  ,  à  l'effet  de  faire 
l'ouverture  du  magnifique  tombeau  qui  eft  dans  l'EgUfe  des  Car- 
mes. Ces  ordres  portoient  que  ,  fi  les  clefs  de  ce  maufolée  fe 
trouvoient  égarées ,  Sa  Majefi:é  permettoit  au  Maire  de  le  faire 
ouvrir  en  fa  préfence  ,  celle  des  Députés  commis  à  cet  effet, 
&  des  Religieux  Carmes  ;  qu'après  la  vifite  &  defcription  faite 
des  chofes  y  contenues ,  il  feroit  refermé  &  mis  dans  fon  pre- 
mier état ,  pour  y  reffer  jufqu'à  nouvel  ordre  ,  avec  injonaion 
aux  Carmes  d'obéir  à  l'Ordonnance,  qui  fut  reçue  à  Nantes  le 
27  Oélobre.  Le  16  Se  17  fuivant,  on  procéda  au  procès  verbal 
du  tombeau.  On  leva  d'abord  la  pierre  tombale ,  au  deffous  de 
laquelle  fe  trouva  un  vuide  de  trois  pieds  trois  pouces  de  lon- 
gueur ,  de  deux  pieds  onze  pouces  de  largeur  ,  fur  trois  pieds 
de  profondeur.  Dans  le  bas  étoit  im  mur  maçonné  en  pierres 
de  taille ,  lequel  fut  percé ,  Se  fut  trouvé  avoir  quatre  pieds 
d'épaiffeur.  Dès  que  l'ouverture  fut  pratiquée ,  on  fit  entrer  un 
homme  dans  le  tombeau  :  il  rapporta  '  un  petit  coffre  *  qui  étoit 
placé  du  côté  gauche ,  entre  deux  cercueils  pofés  fur  des  grilles 
de  fer  ;  le  coffre  étoit  de  plomb  ,  &  formoit  un  quatre  de  onze 
pouces  de  longueur ,  fur  fix  pouces  neuf  lignes  de  largeur ,  Se 
huit  pouces  fix  lignes  de  hauteur.  Au  deffus  étoit  un  couronne- 
ment en  forme  de  cercueil,  de  deux  pouces  fix  lignes  de  hau- 
teur ,  chargé  de  huit  hermines  en  relief.  Ce  coffre  étoit  fans  ou- 
verture Se  fondé  de  toutes  parts  ;  il  avoit  deux  anfes  mobiles  aufîî 
de  plomb ,  orné  de  fix  hermines  en  deux  rangs ,  fur  chaque 
face  de  fa  longueur.  Aux  deux  faces  du  bout ,  étoit  un  écu 
d'armoiries ,  portant  neuf  macles  fans  blafon ,  pofées  3  ,  3  ,  2,1, 
fommées  d'un  lambel  en  chef  à  quatre  pendants.  Ce  coffre 
en  renfermoit  un  autre  de  fer,  avec  une  anfe  mouvante  de  même 
matière.  Il  étoit  tout  baigné  d'eau  Se  prefque  mangé  par  la 
rouille.  On  y  remarqua  pourtant ,  aux  deux  extrémités ,  quelques 
ouvrages  en  relief,  mais  qu'on  ne  put  diffinguer,  parce  que 
tous  les'  traits  étoient  effacés  par  la  rouille.  On  y  trouva  ren- 
fermée une  boîte  de  plomb,  de  fix  pouces  fix  Hgnes  de  longueur , 
Tome  IIL  N  2 


^%^  _  NAN 

de  trois  pouces  fix  lignes  de  largeur,  fur  cinq  pouces  fix  lignes 
de  hauteur,  dans  laquelle  étoit  renfermée  une  autre  boîte  d'or, 
de  forme  ovale ,  approchant  de  celle  d'un  cœur ,  qui  avoit  fîx 
pouces  de  longueur,  fur  quatre  pouces  dix  lignes  de  largeur, 
avec  une  couronne  d'or  fieurdelifée ,  d'un  pouce  quatre  lignes 
de  hauteur ,  jufqu'à  la  pointe  des  fleurs  de  lis.  Cette  boîte  étoit 
aufîi  entourée  d'une  cordeUere  d'or  y  adhérente.  Sur  le  cercle 
de  la  couronne  étoit  écrit,  en  lettres  capitales  émaillées  de  verd, 

d'un  côté  :  de  l'autre  : 

CFEVR  DE    VERTUS   ORNÉ,  DIGNEMENT  COURONNÉ, 

Au  deflbus  de  la  couronne  font  écrits ,  d'un  côté  de  la  boîte 
ou  cœur  d'or ,  en  capitales ,  ces  mots  émaillés  de  verd  : 

EN  :  CE  :  PETIT  :  VAISSEAU  :  DE  :  FIN  :  OR  :  PUR  :  ET  :  MUNDE  : 

REPOSE  :  UNG  :  PLUS  :  GRAND  :  CUEUR  :  QUE  :  ONQUE  : 

DAME  :  EUT  :  AU  :  MONDE  : 

ANNE  :  FUT  :  LE  :  NOM  :  D'ELLE  :  EN  :  FRANCE  :  DEUX  :  FOIS  : 

ROINE  : 
DUCHESSE  :  DES  :  BRETONS  :  RO  YALE  :  ET  :  SOUVERAINE  : 

MCV,  XIII, 

De  l'autre  côté  font  écrits  ces  vers ,  en  mêmes  carafteres ,  & 
en  capitales  : 

Ce  :  cœur  :  fut  :  Jl  :  très-haut  :  que  :  de  :  la  :  terre  :  aux  :  deux  : 

Sa  :  vertu  :  libérale  :  accroijjoit  :  mieux  : 

Mais  :  Dieu  :  en  :  a  :  reprins  :fa  :  portion  :  meilleure  : 

Et  :  cette  :  part  :  terrejlre  :  en  :  grand  :  deuil  :  nous  :  demeure, 

IX^,  Janvier, 

Au  defTus  &  au  milieu  de  la  couronne  ,  étoit  une  M  adhérente 
à  la  cordehere  par  fon  milieu ,  &  en  partie  émaillée  de  verd. 
Cette  M  a  huit  hgnes  de  hauteur  &  fix  hgnes  &  demie  de  lar- 
geur. Dans  cette  boîte ,  eft  renfermé  le  cœur  de  la  Reine  Anne, 
enveloppé  d'un  fcapulaire  d'étoffe  prefque  pourri.  La  boîte  pefoit , 
avec  fa  couronne ,  deux  marcs  une  once  &  demie  &  deux  gros 
d'or.  Le  caveau  a  neuf  pieds  neuf  pouces  de  longueur ,  fix  pieds 
neuf  pouces  de  largeur,  avec  une  voûte,  en  tuffeau,  de  fix  pieds 


N  A  N  iSj 

de  hauteur  fous  clef.  A  deux  pieds  fix  pouces  du  fol ,  font  pofées 
deux  barres  de  fer,  de  deux  pouces  fix  lignes  de  largeur,  fur 
neuf  lignes  d  epaifïeur ,  placées  de  champ ,  écartées  d'un  pied 
les  unes  des  autres ,  &  fcellées  dans  les  murs  -,  de  forte  qu  elles 
forment  une  grille  fur  laquelle  font  pofés  trois  cercueils  de  plomb. 
Celui  du  milieu  eft  parfemé  d'hermines  en  relief  du  côté  de  la 
tête  j  &,  au  côté  droit,  eft  l'infcription  fuivante  ,  gravée  fur  une 
plaque  de  plomb  ,  en  écriture  gothique  : 

Cy-dedans  gifi  le  corps  du  Duc  François  II  de  ce  nom  , 
lequel  régna  trente  ans  Duc  de  Bretagne ,  puis  trépajfa  à 
Coueron ,  le  8  Septembre  Uan  mil  quatre  cent  quatre-vingt-huit , 
&  fut  céans  enfépulturé, 

A  la  tête  du  même  cercueil ,  efl  un  écu  aux  armes  de  Breta- 
gne ,  en  reUef ,  avec  une  table  de  plomb ,  fur  laquelle  efl  une 
couronne  ducale. 

Le  cercueil  de  la  droite  eft  pareillement  femé  d'hermines ,  en 
relief;  &  à  fa  gauche,  vers  la  tête  ,  ell  une  infcription  gravée 
fur  une  table  de  plomb ,  en  carafteres  gothiques  : 

Cy-dedans  gifi  le  corps  de  Marguerite  de  Bretagne  ,  fille 
aînée  du  Duc  François  I  du  nom  ,  &  d'Ifaheau ,  fille  aînés 
du  Roi  d'Ecoffcy  &  première  femme  de  ce  Duc  François  II ; 
laquelle  trépajfa  l'an  M,  IV C*  LXXX  ^  le  z5  Septembre  ,  <& 
fut   céans  enfépulturée* 

A  la  tête  du  même  cercueil ,  eft  un  écu  aux  armes  de  Bre- 
tagne, en  relief,  pofé  fur  une  table  de  plomb,  avec  une  cou- 
ronne ducale.  Le  cercueil  à  gauche  a  auffi  une  infcription  gra- 
vée du  côté  de  la  tête  ,  à  droite ,  fur  une  lame  de  plomb  ,  en 
carafteres  gothiques  : 

Cy-dedans  gifi  le  corps  de  Marguerite  de  Foix  _,  Duchejfe  , 
&  féconde  femme  du  Duc  François  II ,  laquelle  trépajfa  l'an 
M.  IVC.  LXXXIIy  le  ib  Mai;  de  laquelle  ledit  Duc  eut 
deux  filles  ^  dont  Anne^  la  fille  aînée  ^  fût  Reine  de  France  deux 
fois ,  &  fit  apporter  ce  corps  de  Saint- Pierre  de  Nantes,  qui 
premier  avoit  été  céans  enfeveli ,  &  le  fix  mettre  cy  &  pofer  en 
fépulture,  l'an  M,  Z>.   VII  y  le  zb  Mai. 

Le  Commerce  augmentoit  tous  les  jours ,  &  les  Juges-Confuîs 
ne  pouvoient  fufîire  au  grand  nombre  d'affaires  qu'il  faifoit  naître,- 


i84  N  A  N 

Les  habitants  demandèrent  une  augmentation  d'Officiers  à  la 
Cour  du  Confulat ,  &  l'obtinrent  par  l'Edit  du  23  Juin  1727, 
qui ,  au  lieu  de  deux  Confuls ,  en  crée  quatre.  L'éleftion  du 
premier  Juge  &  des  quatre  Confuls  fe  fit  le  25  Juillet  fuivant. 
Depuis  ce  temps,  la  forme  de  leleftion  ell  changée  :  deux  des 
Confuls  fortent  tous  les  ans  d'exercice ,  &  font  remplacés  par 
deux  nouveaux  fujets  qui  fiegent  pendant  deux  ans. 

1728.  Les  arbres  qui  décorent  le  jardin  de  l'Hôtel  de  ville, 
font  plantés,  au  mois  de  Février,  d'après  le  plan  de  M.  Gabriel, 
Contrôleur  général  des  bâtiments ,  jardins ,  &  manufacture  du 
Roi. 

Au  mois  de  Décembre ,  la  Communauté  de  ville  repréfente 
qu'il  feroit  utile  qu'il  y  eût  un  marché  le  lundi.  Sa  demande  lui 
eft  accordée  par  lettres-patentes  du  28  Avril  1729.  En  cette 
année  ,  fuppreffion  des  droits  de  péage ,  prétendus ,  fur  la  rivière 
de  Loire  &  autres  lieux ,  par  les  Abbé,  Prieur,  &  Religieux  de 
Genefton,  par  Arrêt  du  Confeil  du  8  Mars.  La  manufafture 
royale  de  verrerie  eft  rétablie  au  bas  de  la  Foffe.  Démolition  de 
Tancien  porche  de  la  rue  du  Bois-tortu ,  par  ordre  de  l'Intendant, 
M.  Louis  Laillaud,  Archite6le  à  Nantes,  fe  charge ,  pour  une 
fomme  de  cent  quatre-vingt-dix  mille  cinq  cents  livres ,  de  la 
conllruftion  des  ouvrages  à  faire  au  pont  de  Pirmil ,  fuivant  le 
devis  de  M.  Gabriel ,  premier  Ingénieur  des  ponts  Se  chauffées 
du  Royaume.  Dans  le  courant  de  Septembre,  il  ne  fait  prefque 
point  de  vent.  La  farine  manque  &  caufe  une  difette  dont  tout 
le  monde  fe  reffent.  Elle  auroit  eu  des  fuites  fâcheufcs ,  fi  les 
provinces  voifines  n'avoient  fait  conduire ,  par  la  Loire ,  des  fari- 
nes en  cette  ville. 

Arrêt  du  Confeil,  du  11  Oftobre  1729,  qui  ordonne  à  tous 
les  particuliers  qui  feront  bâtir  des  maifons  dans  la  ville  ou  les 
fauxbourgs,  d'en  faire  voûter  les  caves  en  pierres.  Confirmation 
d'un  bref  du  mois  de  Juin  173  i  ,  qui  érige  la  Communauté  des 
Filles  Pénitentes  de  Nantes  en  Monafi:ere  Régulier  de  l'Ordre 
de  Sainte-Marie-Magdeleine. 

1732.  Le  nouveau  tarif  des  droits  dus  aux  Prêtres  &  aux 
Fabriques  de  la  ville  &  des  fauxbourgs  ,  pubUé  par  un  Man- 
dement de  l'Evêque,  fait  tomber  la  Confrairie  de  la  Contrafta- 
tion  ,  établie  l'an  1601.  Cette  Confrairie  étoit  une  cfpece 
d'aflbciation  entre  les  Négociants  de  Nantes  &  ceux  de  Biltao , 
en  Efpagne.  Elle  faifoit  fes  cérémonies  de  religion,  &  prenoit; 
fes  délibérations  dans  le  Couvent  des  Cordeliers. 


NAN_         _    _  i8j 

1733.  -^^5  Frères  des  Ecoles  Chrétiennes,  înflltuées,  en  1681, 
par   Jean-Baptifte   de   la  Salle  ,  Chanoine   de  la   Métropole   de 
Rheims ,  font  appelles  à  Nantes  par  Chriftophe-Louis  Turpin  Criffé 
de  Sanfai ,  pour  y  enfeigner  gratuitement  les  pauvres  enfants   de 
la  ville.  Ils  n'ont  d'abord  pour  vivre  que   les  charités  de  quel- 
ques perfonnes  pieufes ,  qui  defiroient  les  retenir  dans  la  ville. 
On  leur  aiTigne  enfuite  quelques  revenus  qui  ne  font  que  mo- 
mentanés,  par  la   fouftraftion   des   fonds   promis.    Ils    logent  à 
louage  pendant  dix  ans ,  &  changent  fouvent  de  demeure  j  mais , 
en  1742,  l'Evêque,  pour  obvier  à  ces  déplacements  incommodes, 
obtient  du  Roi  un  terrein  de  quarante-cinq  cordes  en   fuperficie, 
dans  les  fofles  de  Mercœur,  &  fait  conftruire  des  Ecoles  &  un 
logement    convenable    aux  Frères   qui   les    dirigent.   L'Arrêt   du 
Confeil  eft  du  6  Juin.  Dans  le  même  temps,  le  Chapitre  de  la 
Cathédrale,  voulant  donner  une  nouvelle  forme  au   chœur  de 
fon  Eghfe ,   fait   combler  une    crypte  qui    étoit   au  haut  de   ce 
chœur ,  &    rafer  les  tombeaux  des  Evêques  T^enri  le  Barbu   &: 
Pierre  du  Chaffault.  Ils  veulent  en  faire  autant  à  celui  du  Duc 
Jean  V ,  mais  le  Subllitut  du  Procureur  général  s'y  oppofe.  Le 
Chapitre  en  écrit  en  Cour,  &  ne  peut  rien  obtenir.  On  lui  per- 
met  feulement   de  placer  l'autel ,  de   manière  que   le  tombeau 
qui  étoit  précédemment    devant  fe  trouve    aujourd'hui  derrière. 
Cette  entreprife  coûte    des  fommes   confîdérables ,  &   le    Cha- 
pitre efl:  obligé  de   vendre  le  crucifix  d'argent  de  l'ablide  avec 
les   images   de  la  Sainte  Vierge  &  de   Saint  Jean,   du  même 
métal ,  qui  accompagnoient  ce  Chrift.  Les  précieufes  mitres  des 
anciens  Evêques,  prefque   toutes  couvertes  de  lames    d'or,  de 
perles  fines,  de  pierreries,  &   tous  les  autres  monuments  de  la 
piété   de    nos   Pères ,  difparoiflent  pour   l'ornement  du   chœur , 
de  l'autel,  de  la  grille,  &  de  la  baluftrade,  qu'on  voit  aujour- 
d'hui à  cette  Eglife.  Il  faut  convenir  que  ces  changements  étoient 
nécefiaires.   Avant  quils  fufient  faits ,   le  peuple ,  qui  affiftoit   à 
l'Office ,    ne  pouvoit  voir    m   le    Célébrant    ni  les  Chanoines , 
parce  que   le  chœur  étoit  fermé  de  toutes  parts.   La  vente  de 
la  Compagnie  des  Indes,  qui,  jufques-là,  s'étoit  faite  à  Nantes, 
efi:  transférée  à  l'Orient. 

1735.  P^^  Déclaration  du  i^»".  06lobre,  enrégiftrée  au  Par- 
lement le  1 2  fuivant ,  les  deux  Facultés  des  droits  font  tranf- 
férées  de  Nantes  à  Rennes,  &  y  font  l'ouverture  de  leurs  leçons 
le  2  Janvier  1736.  Les  autres  Facultés  refi:ent  à  Nantes.  Le 
pont  de  Sainte-Catherine,  qui  étoit  en  bois,  tombe  &  écrafe 


zU  NAN 

par  fa    chute  deux    ou   trois    perfonnes.   La   Ville  en  fait  re- 
conftruire  un  autre  de  deux  arches ,  en  pierres. 

1738.  UEvêque  bénit  &  pofe  la  première  pierre  de  l'édifice 
de  la  Chapelle  de  la  Retraite  des  femmes,  dans  la  Paroiffe  de 
Saint-Léonard.  Louis-Touffaint ,  Duc  de  Brancas ,  Grand  d'Efpa- 
gne  &  Maréchal  de  France,  eft  nommé  Gouverneur  des  ville 
&:  château  de  Nantes ,  le  premier  Avril ,  &  fait  fon  entrée  le 
8  Septembre  fuivant. 

1739.  O6lrois  de  cinq  fols  par  pipe  de  vin  pafîant  fur  le 
pont  de  la  porte  de  ville  de  Saint-Pierre,  accordés  pour  neuf 
années  à  l'Eglife  Cathédrale,  à  compter  du  i^\  Mars  1739. 

1742.  Le  pont  de  la  Cafferie,  qui  étoit  en  bois,  tombe  & 
caufe  des  accidents  fâcheux  &  des  pertes  confidérables.  La  Ville 
le  fait  reconilruire  en  pierres ,  pour  lui  donner  plus  de  foHdité* 
Environ  le  même  temps ,  le  Vicaire  de  Saint- Léonard  ,  fortant 
de  l'Eglife  fur  le  foir ,  laifTe  dans  la  facriftie  un  flambeau  mal 
éteint,  qui  fe  rallume  &  met  le  feu.  L'incendie  fe  communique 
avec  rapidité ,  &  détruit  toute  l'Eglife.  Le  feu  prend  aufîi  à  la 
halle  de  la  grande  boucherie ,  &  la  réduit  en  cendres  :  les  uns 
attribuent  cet  accident  aux  foins  des  greniers  qui  s'étoient  échauffés 
&  enflammés  -,  d'autres  penfent ,  au  contraire  ,  qu'il  venoit  de 
l'imprudence  de  quelqu'un ,  qui ,  en  fe  retirant  le  foir,  avoir  laiflé 
tomber  quelques  étincelles  de  feu  en  cet  endroit.  Confl:ru6lion 
de  la  porte  de  Brancas. 

1743.  On  commence  à  bâtir  le  quai  qui  conduit  de  la  poterne 
au  Port-au-vin,  &  l'on  démolit  la  contrefcarpe  &  la  porte  neuve, 
bâties ,  par  le  Duc  de  Mercœur ,  à  l'entrée  du  Marchix.  Arrêt  du 
Confeil ,  qui  fixe  les  débornements  du  terrein  accordé  aux  Frères 
des  Ecoles  Chrétiennes ,  dans  les  fofîes  de  Mercœur.  Les  cha- 
rités qui  faifoient  fubfifl:er  ces  Frères  étant  fupprimées  par  la 
mort  fucceflive  de  leurs  bienfai8:eurs ,  plufieurs  perfonnes  de 
confidération  les  prefl^ent  d'ériger  un  penfionnat,  qui,  en  leur 
procurant  un  certain  bien-être  ,  les  mettroit  en  état ,  fans  être 
à  charge  à  perfonne  ,  de  continuer  leurs  fervices  au  pubhc ,  par 
rinftruélion  gratuite  que  près  de  trois  cents  enfants  reçoivent 
annuellement  dans  leurs  Ecoles  de  Charité.  Le  nombre  des 
penfionnaires ,  qui  y  font  reçus  depuis  l'âge  de  huit  ans  jufqu'à 
quatorze  inclufivement  ,  ell:  fixé  à  foixante ,  parce  que  leur 
logement  ne  leur  permet  pas  d'en  admettre  davantage.  On  leur 
enfeigne  la  Rehgion ,  les  bonnes  mœurs ,  &  on  les  difpofe  à  la 
première  Communion  j  on  leur  apprend  à  lire  le  latin ,  le  français  y 


N  A  N  287 

Se  les  écritures  manufcrites^  les  écritures  de  toutes  efpeces  pour 
les  cabinets  &  les  bureaux  ji'arithmctique  pratique  &  raifonnée; 
la  partie  du  Commerce  ,  con{îfi:a'i>t  dans  la  tenue  des  livres  en 
parties  doubles  &  (impies ,  les  changes  étrangers  ;  les  éléments  de 
géométrie ,  &:c.  &c.  :,  v^* 

1744.  Le  Chapitre  de  la  Collégia^yVqui  vouloit  former  un 
nouveau  chœur  &  un  autel  à  la  roniaiîip^^  détruit  l'ancien  jubé, 
&  fait  ôter  les  tombes  &  les  épitaphes  ^i  s'y  trouvoient.  Il  y 
avoit  dans  cet  endroit,  du  côté  de  l'E^àhgile ,  depuis  le  quin- 
zième fiecle ,  un  tombeau  ,  en  bronze ,  d'un  Seigneur  &  d'une 
Dame  de  Thouaré ,  que  Pierre  de  Bretagne ,  depuis  Duc  fous 
le  nom  de  Pierre  II ,  avoit  laiiïe  comme  il  étoit  dans  le  temps 
qu'il  avoit  fait  bâtir  cette  Eglife.  Les  Chanoines ,  moins  fcrupuleux 
que  le  Prince  Breton ,  le  font  enlever ,  &  n'en  laiflent  plus  fub- 
filler  aucuns  veftiges.  L'année  fuivante ,  on  fait  réparer  &  élargir 
le  quai  de  la  poterne. 

1746.  Chrillophe- Louis  Turpin  Criffé  de  Sanfai  meurt  h, 
ChafTais  ,  le  29  Mars  ,  &  ell:  inhumé  dans  fa  Cathédrale  ,  au 
mois  d'Avril  fuivant.  Pierre  III  du  nom ,  dit  Mauclerc  de  la  Mu* 
■:^anchere  ,  eft  nommé  pour  lui  fuccéder,  le  17  Avril;  facré  le 
8  Oftobre  ;  prend  poifeAion ,  par  Procureur ,  le  3  Novembre  ; 
&  fe  rend  à  Nantes  le  2  Janvier  1747. 

Louis- Je  an-Marie  de  Bourbon,  Duc  de  Penthievre  ,  nommé 
Gouverneur  de  Bretagne  le  31  Décembre  1736,  arrive  à 
Nantes,  le  7  Février  1747  ,  fur  les  fept  heures  du  foir ,  avec 
Madame  Marie-Thérefe-FéUcité  d'Eft  de  Modene ,  &  les  Dames 
de  Saluées  &  de  Clermont ,  qui  étoient  dans  le  même  carrofTe, 
Cette  illuftre  compagnie  eft  reçue  à  la  porte  de  Saint-Nicolas , 
par  le  Lieutenant  de  Roi ,  &  le  Maire  qui  préfente  au  Prince 
les  clefs  de  la  ville.  Son  Alteffe  fe  contente  de  les  toucher, 
&  dit  qu'elles  font  en  bonnes  mains.  La  Milice  Bourgeoife  & 
le  Régiment  de  Roth,  Irlandais,  étoient  fous  les  armes,  &  bor- 
doient  les  rues  jufqu'à  l'hôtel  de  Rofmadec,  dans  la  rue  de  Verdun, 
où  vont  loger  le  Prince  &  les  Dames.  Le  lendemain,  M.  le  Duc 
&  Madame  la  Duchelle  fe  rendent  à  la  Cathédrale ,  &  font  reçus 
par  l'Evêque ,  à  la  tête  de  fon  Chapitre ,  qui  chante  un  Te  Dewn 
folemnel.  Quelques  jours  après,  le  Prince  va  dîner  à  TEvêché, 
&  fe  rend  incognito  au  château  pour  en  examiner  la  (ituation 
&  les  forces.  Le  i  5  Février  ,  la  Maifon  de  ville  efl  magnifique- 
ment illuminée ,  &  fait  tirer  un  feu  d'artifice ,  pour  l'amufement 
de  M.  le  Duc  qui   refte   près  de  cinq   mois  à  Nantes.  M.  le 


i88  N  A  N 

Marquis  de  Braiîcas  eft  nommé  Gouverneur  de  cette  ville ,  le  20 
Février.  Lettres  d'arrentement  de  la  Chapellenie  de  Sainte-Cathe- 
rine,  deffervie ,  dans  l'Eglife  de  Saint-Similien ,  par  Jofeph  le 
Roux ,  Prêtre ,  enrégiftrées  à  la  Chambre  des  Comptes  le  1 1 
Mars.  Le  20  ou  21  Mars,  quatorze  Religieufes  du  Couvent  de 
Saint-Cyr  de  Rennes  arrivent  à  Nantes  ,  pour  fe  rendre  ,  les 
unes  à  Loudun,  les  autres  à  Tours,  où  elles  avoient  ordre  d'aller 
par  lettres  de  cachet.  Elles  logent  chez  des  particuliers,  parce 
que  les  Religieufes  Calvairiennes  refufent  de  les  recevoir.  L'Evê- 
que  &  fon  Chapitre  décident  que  la  procefîion  de  la  Fête-Dieu 
n'ira  plus  à  Saint-Nicolas ,  comme  à  l'ordinaire.  Pendant  cette 
cérémonie ,  il  furvient  une  pluie  û  abondante  qu'on  elt  obligé 
d'entrer  le  Saint-Sacrement  à  Saint-Saturnin.  Le  peuple ,  toujours 
fuperl-titieux ,  fe  met  à  crier  que  c'ell  une  punition  du  Ciel  irrité 
du  changement  qu'on  avoit  fait  dans  l'ordre  de  la  proceffion.  Le 
23  Juin,  la  DucheiTe  de  Penthievre  part  de  Nantes  pour  Paris, 
&  M.  le  Duc  va  vifiter  les  côtes  de  Bretagne.  Ce  Prince  revient 
à  Nantes ,  le  lundi  23  O6lobre  fuivant ,  à  fept  heures  trois  quarts 
du  foir  ,  &  part  le  lendemain  pour  Paris  ,  à  huit  heures  du  matin, 
après  avoir  entendu  la  Meffe  à   Notre-Dame. 

1748.  Le  Préfidial  qui ,  depuis  le  16  Janvier  ,  tencit  fes  féances 
aux  Jacobins  ,  fait  fa  première  entrée  au  Palais  qu'on  venoit  de 
rétablir  fur  la  place  du  Bouffay.  Le  16  Janvier,  Pierre  Mauclerc 
vifîte  fon  diocefe  ,  qui  ne  l'avoit  pas  été  depuis  fept  ans.  La  Chan- 
cellerie exiftoit  encore  ,  en  174S,  auprès  du  Palais  du  Préfîdial. 
La  Prévôté  eft  réunie  à  ce  Siège ,  l'an  1 749  ,  en  vertu  d'un 
Arrêt  du  Confeil ,  rendu  au  mois  d'Avril. 

1 7  5 1 .  La  maifon  du  Bénéfice  des  Saulner,  dans  la  ParoifTe  de  Saint- 
Léonard,  efl:  donnée  à  THôtel-Dieu  ,  moyennant  une  certaine  re- 
devance annuelle  ou  titulaire  ,  par  Arrêt  du  Confeil  &  lettres-pa- 
tentes en  conféquence.  C'eft  préfentement  l'auberge  du  Cheval- 
blanc  ,  remarquable  parle  valle  bâtiment  qui  la  forme.  Dans  la  nuit 
du  1 4  au  1 5  Mars  ,  on  elTuie  à  Nantes  le  plus  terrible  ouragan. 

1752.  Arrêt  du  Confeil  &  lettres  -  patentes  ,  portant  réunion 
de  l'Office  de  ChevaUer  d'honneur  au  Corps  des  Officiers  du 
Siège  préfîdial  de  Nantes.  Tranflation  des  foires  &  marchés  de 
chevaux ,  boeufs ,  &c.  de  la  place  de  Bretagne  à  la  place  de 
Viarme,  au  profit  de  la  Communauté  de  ville.  Lettres -patentes 
fur  Arrêt ,  portant  homologation  d'un  traité  conclu  entre  l'Evêque 
de  Nantes  &  ks  Officiers  municipaux ,  au  fujet  des  moulins  de 
Burbin  cédés  à  la  Ville  par  le  Prélat. 

1753* 


NAN  189 

1753.  Le  Bureau  de  ville  fonde,  en  veftu  d'un  Arrêt  du 
Confeil,  la  Bibliothèque  publique,  projettée  dès  1588  :  elle  ell: 
placée  chez  les  Prêtres  de  l'Oratoire ,  &  compofée  de  celle 
de  cette  maifon ,  de  celle  de  Charles  de  Bourgneuf ,  Evêque  de 
Nantes  j  des  bienfaits  de  l'Abbé  Barin,  Grand-Vicaire  deTEvêque; 
&  des  livres  que  la  Ville  acheté  pour  les  y  placer.  Elle  n  eft  ou- 
verte que  trois  jours  dans  la  femaine ,  depuis  deux  heures  de 
l'après-midi  jufqu'à  cinq  en  hiver  ,  &  fix  en  été.  Homologa- 
tion ordonnée  par  lettres-patentes ,  de  la  délibération  du  Bureau 
de  ville ,  portant  qu'il  fera  payé ,  tous  les  ans ,  aux  Juges-Con- 
iuls,  une    fomme  ae  cinq  mille  livres. 

1755.  Les  deux  tours  du  pont  de  la  PoifTonnerie  font  démo- 
lies ,  avec  le  cavalier  &  les  fortifications  qui  étoient  fur  le  Port- 
Maillard  ,  auprès  de  la  porte  de  ce  nom.  Les  batardeaux  pour 
la  conftruftion  du  pont  d'Aiguillon ,  furent  faits  en  1756.  La 
première  pierre  de  la  culée  de  ce  pont ,  du  côté  de  la  ville ,  fut 
pofée  le  27  Septembre  1757;  &  celle  du  côté  de  la  Saufaye, 
le  29  061:obre  1758,  par  M.  le  Duc  d'Aiguillon  ,  Commandant 
en  chef  dans  la  province  ;  &  Madame  la  Marquife  de  Becde- 
lievre,  époufe  de  M.  le  Premier  Préfîdent  de  la  Chambre  des 
Comptes.  Enfin ,  le  1 2  Juin  1 760  ,  fiit  pofée  la  clef  &  dernière 
pierre  de  la  voûte  de  cet  édifice,  fur  lequel  on  voit  les  armes  de  M.  le 
Duc.  Sous  la  première  pierre  fut   pofée  l'infcription  fuivante: 

Régnante  Ludovico  XK  dilecHJJlmo ,  ilL  ac  pot,  Dom, 
Emm,  Ami,  DupUJJis-Rich,  Dux  d* Aiguillon  ,  Par  Fr,  Reg. 
Ord,  Eq.  torq.  nob»  Gen,  Armoricœ  Prœf,  mil,  Leg,  gen,  urhis 
Nannetenjis  alter  conditor ,  Commercii  patronus ,  felicitatis  pu- 
blicœ  propagator ,  toto  plaudente  &  exultante  populo  ,  Anglomm 
vicions  apud  S,  Caft,  in  fept,  Arm,  plaga ,  die  Sept,  XI,  & 
prov,  lib,  féliciter  reducis  prcefentiâ  recreato  ^  pontis  anteà  lignei^ 
vulgb  dicli  de  la  PoifTonnerie ,  nunc  lapidei ,  nuncupati  d'Ai- 
guillon,  &  Fougeroux  de  Blaveau,  rei  mar,  mach,  reg,  opéra 
extrucli ,  piimum  huncce  lapidem  pofuit ,  JEdilihus  D,  D,  Equité 
Gellée  de  Prémion  ,  Majore  y  Joubert  du  Colet ,  Bridon  ,  de 
Naviere^  Haugardiere^  Equité  Libault-Terrien  ;  Giraud  ^  Proc, 
regio,  anno  Domini    M,  DCC,   LVIII,  die  Ocl,  XXIX, 

1756  &   1757.  M.  Cacaud  ,  Architede ,  levé  le  plan  de  la 
Tome  IIL  O  2 


z^Q  N  A  N 

ville  ,  par  ordre  des  Officiers  municipaux ,  qui  le  dédient  à  M.  la 
Marquis  de  Brancas.  La  pofTeflion  de  l'endroit  appelle  Pon-Com* 
muneau,  eft  confirmée  aux  Religieufes  de  Sainte -Marie -Magde- 
leine  ,  dites  Pénitentes»  On  leur  permet  d'en  augmenter  leur  en- 
clos ,  à  la  charge  de  n'y  faire  aucun  bâtiment ,  &  à  condi- 
tion qu'en  cas  de  guerre  la  Ville  en  difpofera  félon  fon  boti 
plaifir.  En  conféquence  les  Religieufes  s'obligent  à  payer,  à  la 
décharge  de  la  Ville ,  les  rentes  de  vingt-trois  livres  feize  fols  ,  de 
fept  livres  treize  fols ,  &  d'une  livre  dix  fols ,  auxquelles  le  terrein 
eft  fujet  depuis  le  20  Août  1702  &  le  20  Février  1703.  Peu 
de  temps  après ,  la  Ville  reprend  une  partie  de  ce  terrein  pour 
agrandir  la  place  du  Port-Communeau ,  fur  laquelle  et  oit  jadis 
la  tour  ,  dite  groffe  bombarde  ,  au  bord  de  la  rivière  d'Erdre, 
L'Académie  de  Mufique  eft  fupprimée,  en  175  8,  faute  de  fouf- 
cripteurs. 

1759.  Etablifîement  des  fabriques  d'indiennes  à  Nantes.  Lettres- 
patentes  concernant  le  gouvernement,  de  l'Hôpital  :  elles  portent 
que  le  Bureau  fera  compofé  des  Directeurs  fuivants  ,  fçavoir ,  de 
l'Evêque  ,  du  Premier  Préfident  de  la  Chambre  des  Comptes , 
du  Préfident  du  Siège  préfidial  ,  &  d'un  Membre  de  la  .Commu- 
nauté   de  ville ,  lefquels  feront  nommés  par  leurs  Compagnies , 

6  auront  féance  &  préfidence  dans  le  rang  ci-delTus.  Outre 
ces  Direfteurs,  le  Bureau  fera -en  outre  compofé  de  huit  élus _, 
nommés  par  le  Bureau  lui-même,  &  pris  du  Corps  de  la  No- 
bleffe  ,  ou  principaux  habitants  &  Bourgeois  de  la  ville  &:  des 
fauxbourgs ,  qui  auront  féance  près  les  Députés-nés ,  &  préfide- 
ront  en  leur  abfence  fuivant  l'ordre  de  leur  nomination.  Eta- 
bUfîement  d'une  Société  de  Lefture ,  ou  Chambre  Littéraire ,  avec 
approbation  du  Roi.  Depuis  ce  temps  ,  il  s'en  eft  établi  deux 
autres  en  cette  ville. 

Comme  le  Palais  de  la  Chambre  des  Comptes  étoit  en  très- 
mauvais  état  &  menaçoit  ruine,  le  Confeil  donna  un  Arrêt,  le 

7  Oftobre  1759,  qui  portoit  que  les  archives  de  cette  Chambre 
leroient  tranfportées  au  Couvent  des  Cordeliers ,  où  la  Com- 
pagnie commença  à  tenir  fes  féances  en  1760.  On  démolit  fur 
le  champ  ce  Palais,  pour  le  reconftruire  à  neuf  dans  l'endroit 
où  il  eft  aujourd'hui  iitué.  En  conféquence,  le  28  Mai,  le  Roi 
donna  un  Arrêt  &  des  lettres -patentes  pour  cette  entreprife, 
lefquels  portoient  don  &  approbation  des  fonds  y  deftinés.  Le 
19  Juillet  1763  ,  furent  creufés  les  fondements  du  nouvel  édifice, 
&  la  première   pierre  en   fut  pofée,  le  6  Septembre  fuivant, 


N  A  N  291 

par  M.  le  Duc  d'Aiguillon  ,  Commandant  en  la  province ,  ôc 
par  Madame  la  Marquife  de  Becdelievre  ,  époufe  de  M.  le  Pre- 
mier Préfident ,  en  préfence  des  Commifiaires  de  la  Chambre 
des  Comptes. 

L'infcription  fuivante  fut  gravée  fur  une  lame  de  cuivre ,  qui 
fut  incrullée  dans  cette  première  pierre: 

Régnante  Ludovico  XV ,  optimo  Pnncipe  ,  Lud.  Joan,  Mar, 
Borh,  Duce  Pentheverio ,  Provindam  féliciter  gubemante  ,  ill, 
ac  pot,  Dom,  Emm,  Arm,  DiipleJJis-Richelieu ,  Dux  Aiguil- 
lonius ,  Par  Franc,  reg,  Ord,  Eq.  torq,  nob,  Gen,  mil.  Légat,  gen, 
Alfacioe  Prœfes  ,  reg,  Armoriccc  Prœfe&us  ,  Comitat,  Nannet, 
Prcetor^  Provincice  defenfor ,  fugatis  ad  S,  Catuodum  Anglis  ^ 
Artium  tutor  &  cultor ,  Nannet,  alter  conditor  ^  in  communi 
temporum  difficultate  ,  Rege  &  Aîm,  Comitiis  opes  largientibus , 
&c,  cedificatœ  hujus  fupremce  rationum  regiarum  Curice  primum 
hune  lapidem^  anno  Domini  M,  DCC,  die  Sept,  IK^  Proto^ 
Prœjide  D,  D,  Hilarione-F rancifco ,  Marchione  de  Becdelievre  , 
&c,  fummo  Procuratore  regio,  D,  Henrico-Annà-Salomone  de 
la  Tullaye  ,  nobilibus  operis  moderato ribus  ,  duce  &  autore  J,  B, 
Ceinerai ,  Arc/iit, 

l'y 60,  Lettres-patentes,  portant  confirmation  de  l'établifTement 
de  l'Hôpital  du  Sanitat.  Les  Etats ,  affemblés  à  Nantes ,  donnent 
une  fomme  de  vingt  mille  livres  pour  applanir  les  Mottes  de  Saint- 
Pierre  &  de  Saint-André ,  &  combler  les  fofTés  de  la  ville  en 
cette  partie ,  afin  d'en  faire  des  promenades.  Ce  travail  devoit 
être  fait  par  les  pauvres.  Ces  promenades  fe  nomment  aujourd'hui 
ie  Cours  des  Etats  :  elles  font  décorées  de  deux  allées  d'ormeaux 
&  d'un  petit  bofquet  de  tilleuls. 

1762.  Le  Roi  Louis  XV  honore  la  ville  de  Nantes  de  fon 
portrait  enrichi  d'un  cadre  magnifique.  Ce  précieux  monument 
eil  placé  dans  la  grande  falle  de  l'Hôtel  de  ville. 

Les  Jéfuites  ont  long-temps  exercé  la  place  de  Profefleur  royal 
d'Hydrographie  &  de  Mathématiques  à  Nantes.  Lors  de  la  dif- 
folution  de  cette  Compagnie ,  le  l^ureau  de  ville  nomma ,  le  5 
Août  1762,  M.  RoufTeau,  ProfefTeur  de  Phyiique  dans  la  Congré- 

fation  de  l'Oratoire,  pour  remplir   cette   place.  M.  le  Duc  de 
enthievre.  Amiral  de  France,  en  vertu  des  droits  de  fa  place. 


^()^  NAN 

y  nomma  M. Lyons  ;  ce  qui  occafionna  un  procès,  le  22  Mai 
1767  :  le  Parlement  de  Bretagne  rendit,  pour  lors,  un  Arrêt ,  qui  fait 
défenfes  à  toutes  perfonnes  d'exercer  la  place  de  Profefleur  d'Hy- 
drographie &  de  Mathématiques,  au  port  de  Nantes,  fans  être  pour- 
vues par  l'Amiral  de  France  j  &  M.  Lyons  fut  maintenu  dans  la 
pofleflion  de  fon  emploi.  En  1771  ,  M.  le  Duc  de  Penthievre 
nomma  à  fa  place  M.  l'Evêque ,  qui  l'exerce  maintenant  :  ce 
dernier  eft  Membre  de  l'Académie  royale  de  Marine ,  de  la  So- 
ciété Philantropique  ,  &  auteur  de  plulieurs  Ouvrages  fur  l'Aftro- 
nomie  &  la  Marine. 

1764.  Le  Bureau  de  ville  obtient  du  Confeil  la  permifîîon  d'em- 
prunter la  fomme  de  trois  cents  mille  livres  pour  la  confe61:ion  des 
travaux  publics.  L'année  fuivante  ,  la  Communauté  des  Savetiers  ou 
maîtres  Carreleurs  ,  eft  réunie  à  celle  des  Cordonniers ,  pour  ne  for- 
mer qu'un  feul  Corps  de  métier,  par  lettres  du  Confeil  du  26 
Mars  ,  &  lettres-patentes  du  10  Avril  enrégiftrées  au  Par* 
lement. 

176(5.  Commencement  des  embellifTements  projettes  a  Nantes* 
Les  lettres-patentes  données  à  ce  fujet  portent  que  Sa  Majefté , 
s'étant  fait  repréfenter  en  fon  Confeil  l'Airêt  rendu ,  &c.  ayant 
égard  aux  repréfentations  du  Sieur  Duc  d'Aiguillon  ,  a  approuvé  & 
autorifé, approuve  &  autorifeles  nouveaux  projets  d'embelliflements 
tracés  fur  le  plan  du  Sieur  Ceinerai ,  Architefte-Voyer  de  ladite 
ville ,  &  veut  qu'ils  foient  exécutés.  En  conféquence ,  Sa  Ma- 
jefté permet  aux  Ofticiers  municipaux  de  vendre  ,  arrenter  ,  & 
difpofer  de  tous  les  terreins  vagues  qui  font  lavés  fur  le  plan  en 
couleur  grife ,  à  la  charge  d'en  employer  le  produit  auxdits  em- 
belliftements ,  &c.  &c. 

1767.  Lettres-patentes  du  24  Mars,  confirmatives  de  l'établif- 
fement  du  Séminaire  des  Prêtres  Irlandais  à  Nantes,  avec  per- 
mifîîon d'acquérir  par  dons  de  legs  ,  dotations ,  &c.  Les  lettres 
autorifent  l'Evêque  à  pourfuivre  ,  félon  les  règles  &  formes  ca- 
noniques ,  la  fupprefFion  du  titre  du  Prieuré  de  Saint-Crefpin  en 
bas  Anjou,  pour  les  fruits  &  revenus  de  ce  Bénéfice  être  an- 
nexés ,  à  perpétuité ,  audit  Séminaire. 

1768.  Arrêt  du  Confeil,  qui  permet  au  Prieur  Commendataire 
de  Saint-Martin  en  Sainte-Croix  de  Nantes ,  &  de  la  Magdeleine 
en  Bois ,  fon  annexe ,  d'afféager ,  au  profit  de  ce  Prieuré ,  des 
landes  fituées  dans  les  ParoiTfes  de  Doulon ,  Sainte-Luce ,  Car- 
quefou,  &  Thouaré.  Lettres  -  patentes ,  portant  permifîîon  aux 
Keligieufes  deSainte-Marie-Magdeleine,  ^iiQS  F émuntçs ,  àQ  faire. 


NAN  19J 

racqmiition   de    deux   jardins    &   d'une   maifon    pour    agrandir 
leur  enclos. 

1769.  Arrêt  duConfeil  &  lettres-patentes  ,  qui  permettent  au 
Bureau  de  ville  d'emprunter  des  Commerçants  une  fomme  de 
deux  cents  mille  quatre  cents  livres  pour  la  reconflruftion  de 
l'hôtel  de  la  Bourfe. 

1 770.  Au  mois  de  Décembre  ,  les  eaux  de  la  Sevré  débordent 
avec  tant  de  violence  qu'elles  emportent  le  pont  RoulTeau.  La 
Ville  y  fait  faire  un  bac  pour  paffer  gratis  les  voyageurs  &  les 
voitures. 

1771.  Etabliflement  des  fiacres,  ou  carrofles  publics,  à  Nantes, 

1772.  Lettres-patentes,  portant  confirmation  de  l'établifTement 
de  la  Communauté  du  Bon-Pafteur ,  pour  fervir  de  retraite  aux 
femmes  &  filles  qui  s'y  préfenteront  volontairement  pour  expier 
leurs  défordres  palfés ,  à  la  charge  de  les  y  recevoir,  gratis,  La 
Communauté  de  ville  obtient  la  permillion  d'emprunter ,  au  de- 
nier vingt,  une  fomme  de  trois  cents  mille  livres,  exempte  du 
dixième  &  des  quatre  fols  pour  livre  ,  à  condition  d'en  faire  le  rem- 
bourfement  en  fix  années ,  à  compter  du  premier  Janvier  1773  9 
par  tirage  en  forme  de  loterie,  à  la  charge  d'employer  cet  ar- 
gent au  rétabliflemcnt  des  banlieues  des  routes  de  Paris,  de  Rennes , 
de  ClifTon  ,  de  Machecou  ,  &  à  la  reconftruftion  du  pont 
RoufTeau. 

Arrêt  du  Confeil  &  lettres-patentes ,  portant  don  &  conceffion 
à  la  Communauté  de  ville  ,  des  atterrilîements  faits  &  à  faire  , 
par  digues  &  autres  travaux  ,  dans  la  rivière  de  Loire  ,  au  defTus 
&  au  deflbus  des  ponts. 

1774.  Le  grand  cimetière  public  eft  béni ,  le  25  Octobre  , 
par  le  Refteur  de  Saint  -  Saturnin ,  en  préfence  des  autres 
Refteurs.  Pierre  Mauclerc  de  la  Muzanchere  meurt  dans  fon 
Palais  épifcopal  ,  &  eft  enterré  dans  fon  Eglife  Cathédrale; 
M.  Jean-Auguftin  de  Frétât  de  Sarra  eil  transféré  de  l'Evêché 
de  Tréguier  à  celui  de  Nantes.  Ce  Prélat  eft  le  cent  quinzième 
Evêque  de  Nantes. 

Le  23  Mai  1777 ,  M.  le  Comte  d'Artois,  frère  du  Roi,  arriva 
à  Nantes  fur  les  cinq  heures  du  foir.  La  préfence  de  ce  Prince 
caufa  une  joie  inexprimable  aux  habitants ,  qui  s'empreflerent  de 
lui  témoigner  leur  amour  par  des  acclamations  réitérées.  Deux 
Compagnies  de  jeunes  gens  de  la  ville ,  au  nombre  de  cent  qua- 
rante-huit ,  l'une  en  uniforme  de  Dragons ,  &  l'autre  en  uniforme 
de  Cuiralïïers ,  avoient  formé ,  fur  la  route  de  Vannes ,  un  camp 


^94  N  A  N 

dans  lequel  étoient  deux  marquifes  également  parées.  Dans  celle 
à  droite ,  occupée  par  les  Dragons ,  on  avoit  fervi  une  table 
de  quatre-vingt  couverts  j  dans  celle  à  gauche  ,  occupée  par  les 
Cuiraffiers ,  étoit  une  falle  préparée  pour  les  rafrc..khifîements. 
A  l'arrivée  du  Prince  en  cet  endroit ,  M.  Drouin ,  C  ommandant 
des  Dragons ,  accompagné  de  M.  Giraud ,  Capitaine  des  Cuiraf- 
fiers ,  alla  le  complimenter ,  &  le  fupplia  de  vouloir  bien  que 
les  deux  Compagnies  lui  ferviffent  de  Gardes  pendant  fon  fé- 
jour  à  Nantes.  Le  Prince  y  confentit ,  &  continua  fa  marche  , 
précédé  des  Dragons  &  Cuiraffiers ,  dont  les  chefs  étoient  aux 
portières.  Le  chemin ,  depuis  le  camp  jufqu  au  château ,  étoit  bordé 
d'une  fouie  immenfe  de  peuple  ,  &  de  deux  haies  des  habitants 
fous  les  armes.  Son  Altelie  Royale  fut  compUmentée  par  les  Of- 
ficiers municipaux ,  qui  lui  remirent  les  clefs  à  la  porte  de 
Saint-Nicolas.  On  avoit  fait  dreffer  en  cet  endroit  un  arc  de 
triomphe,  orné  d'infcriptions  analogues  à  l'heureufe  arrivée  du 
Prince  ,  qui  y  fut  falué  par  vingt-un  coups  de  canons.  Il  traverfa  la 
ville  avec  toute  fon  efcorte ,  &  alla  loger  au  château.  De  là 
il  fe  rendit ,  à  pied ,  au  fpe&cle  ;  on  joua  la  Partie  de  Chaffe 
de  Henri  IV ,  &  les  Afteurs  eurent  l'adreffe  de  faire  entrer  quel- 
ques couplets  à  la  louange  de  ce  fpeftateur  augufte. 

Le  lendemain  ,  Son  AltefTe  Royale  alla  voir  le  tombeau  qui 
eft  dans  l'EgUfe  des  Pères  Carmes ,  &  fut  reçue  fous  le  dais  par 
le  Prieur  du  Monaflere.  On  lui  donna  ce  jour-là  un  bal  paré 
dans  la  falle  de  fpeftacle  j  &  toute  la  ville  fut  illuminée  pen- 
dant la  nuit ,  comme  elle  avoit  été  la  nuit  précédente.  Le  Di- 
manche 29  au  matin ,  M.  le  Comte  d'Artois  partit  pour  la  Ro- 
chelle ,  accompagné  des  deux  Compagnies  de  Cavalerie  qui  le 
conduifirent  jufqu'au  pont  Roufleau. 

Le  14  Juin,  l'Empereur  Jofeph  II  arriva  incognito  à  Nantes, 
environ  une  heure  de  l'après-midi.  Ce  Monarque  étoit  dans  une 
voiture  couverte  de  poumere ,  &  vêtu  d'un  habit  brun  qui  con- 
trafloit  parfaitement  avec  fon  rang  fuprême.  Il  ne  refta  pas 
long-temps  dans  cette  ville ,  il  en  partit  le  lendemain  de  fon 
arrivée ,  fâché  ,  dit-on  ,  d'avoir  été  reconnu.  Il  parut  effeftivement 
peu  fatisfait  de  trouver  fans  ceffe  ,  fur  fon  paffage  ,  une  foulé 
de  peuple ,  toujours  importune  pour  un  Philofophe  qui  cherche 
la  vérité  &  non  les  honneurs.  Au  mois  d'Août  1 777 ,  la  Com- 
munauté de  ville  fait  commencer  la  reconllruftion  du  pont  Rouf- 
feau,  qui  fut  achevé  à  la  fin  de  l'année  1778. 

Les  ParoilTes  de  la  ville  de  Nantes  font  ;  Notre-Dame  j  la  Cure 


NAN  _         .       '^9? 

tft  prérentée  par  le  Chapitre  de  cette  Collégiale  :  Sainte-Croix , 
&  ToiifTaint ,  fa  trêve  ;  la  Cure  eft  préfentée  ,  à  l'alternative ,  par 
le  Théologal  de  la  Cathédrale  &  l'Abbé  de  Marmoutier  :  Saint-Cié- 
ment  ;  la  Cure  eu  annexée  à  la  Communauté  de  même  nom , 
&  defiervie  par  un  de  l'es  membres  :  Saint-Denis  j  la  Cure  eft 
préfentée  par  le  Chapitre  de  la  Cathédrale  :  Saint-Jean  en  Saint- 
Pierre  ;  la  Cure  eft  préfentée  par  le  Doyen  ;  Saint-Laurent  ;  par 
le  Chapitre  :  Saint-Léonard  -,  par  l'AbbefTe  du  Roncerai  d'Angers  : 
Saint-Nicolas  ;  par  le  Chapitre  :  Sainte-Radegonde  -,  idem  :  Saint- 
Vincent  ,  Saint-Saturnin ,   &  Saint-Similien  ;  par  le  Chapitre. 

Les  Couvents  d'hommes  font  :  les  grands  Capucins ,  les  petits 
Capucins ,  les  Carmes  ,  les  Chartreux  ,  la  Communauté  de  Saint- 
Clément  ,  les  Cordeliers  ,  les  Frères  des  Ecoles  Chrétiennes , 
les  Jacobins  ,  les  Prêtres  Irlandais ,  les  Minimes  ,  les  Prêtres  de 
l'Oratoire  ,  les  Récollets ,  &  le  Séminaire. 

Les  Couvents  de  femmes  font  :  les  Calvairiennes  ,  les  Car- 
mélites ,  les  Carolines  ,  les  Filles  du  Bon-Pafteur ,  les  Hofpitalieres 
de  l'Hôtel-Dieu ,  les  Hofpitaheres  du  Sanitat ,  les  HofpitaHeres 
des  Incurables ,  les  Pénitentes  ou  Religieufes  de  Sainte-Marie- 
Magdeleine ,  les  Rehgieufes  de  Sainte-Claire ,  les  Cordelières  de 
Sainte-Ehfabeth  ,  les  Vifitandines  ,  les  Urfulines  ,  &:  les  Soeurs 
de  la  Providence  ,  dites  Sœurs-Grifes, 

La  Cathédrale  eft  dédiée  à  Saint-Pierre.  L'édifice  eft  vafte  , 
compHqué ,  mais  imparfait.  Quoiqu'il  foit  d'une  architefture  go- 
thique ,  trop  chargé  de  décorations  extérieures ,  il  offre  néanmoins 
des  beautés  dignes  de  curiofité.  On  y  remarque  fur-tout  deux 
tours  quarrées  fort  hautes ,  &  la  porte  principale  qui  eft  couverte 
de  bronze.  L'intérieur  eft  majeftueux  ,  la  nef  &  les  deux  ailes 
font  d'une  architefture  hardie ,  &  le  chœur  eft  fermé  par  un 
très-beau  grillage  de  fer.  Mais  ce  qu'il  y  a  de  plus  curieux 
dans  cette  Eglife ,  eft  fon  admirable  fonnerie  ,  la  plus  belle  peut- 
être  qui  foit  en  France ,  tant  par  le  nombre  que  par  les  pro- 
portions" des  cloches.  Le  Chapitre  eft  compofé  de  dix-neuf  Cha- 
noines ,  non-compris  les  Dignitaires  qui  font ,  le  Doyen  ,  les 
deux  Archidiacres  ,  le  Chantre  ,  le  Tréforier ,  &:  le  Scholaftique. 

L'Evêché  de  Nantes  a  quatre-vingt-quatorze  lieues  de  circon- 
férence :  il  renferme  ,  dans  fon  enceinte  ,  dix-huit  villes ,  deux 
cents  cinquante-fix  Paroifles ,  treize  trêves  ou  fuccurfales  ,  dix 
Abbayes  d'hommes  ,  vingt-deux  Communautés  d'hommes  &  vingt- 
une  de  femmes ,  trois  hglifes  Collégiales ,  quatre  Doyennés , 
cent  quarante-cinq  Prieurés  en  commende,  &  vingt -une  forêts 


z^6  ^    N  A  N 

dont  la  plupart  appartiennent  à  Sa  Majefté.  Cet  Evêché  efî 
borné  au  Nord  par  la  rivière  de  Vilaine  &  le  diocefe  de 
Rennes  ;  au  Sud  ,  par  le  Poitou  j  à  l'Eft  ,  par  l'Anjou  ;  Se  à 
i'Oueft,  par  vingt-lept  lieues  de  côtes  de  mer.  Le  nombre  des 
habitants,  en  général,  eft  d'environ  quatre  cents  trente-un  mille 
deux  cents ,  lans  y  comprendre  ceux  des  Paroiffes  de  l'Anjou 
qui  dépendent  du  diocefe.  Les  habitants  de  la  ville  peuvent 
former  un  total  de  quatre-vingt  mille ,  non-compris  les  étrangers 
qui  vont  &  viennent  pour  leur  commerce. 

La  ville  de  Nantes  a  une  Communauté  de  ville  ,  avec  droit 
de  députer  aux  Etats  ;  une  Commiflion  Intermédiaire  ,  une  Sub- 
délégation ,  une  Brigade  de  MaréchaufTée  -,  deux  Portes  aux  lettres , 
grande  &  petite  ;  une  Pofte  aux  chevaux  ;  &  un  Bureau  de  MefTage- 
rie.  Ses  armes  font ,  de  gueules  au  vailTeau  à  la  voile  ,  le  navire  eft 
d'or  &  les  voiles  d'argent,  au  chef  auffi  d'argent ,  chargé  de  cinq 
hermines  de  fable  ,  avec  cette  devife  :  In  te  fperant  oculi  omnium. 

Cette  ville  étoit  autrefois  une  place  forte  ,  flanquée  de  bonnes 
murailles ,  de  tours  ,  de  baftions ,  &  autres  ouvrages ,  avec  des 
fofîes  accompagnés  de  leurs  glacis.  De  toutes  ces  fortifications , 
il  ne  refte  plus  que  le  château  qui  eft  afTez  étendu  ,  &  muni  d'un 
bel  arcenal.  Le  baftion ,  chargé  de  la  double  croix  de  Lorraine , 
qui  eft  du  côté  des  Jacobins ,  fut  fait  par  ordre  du  Duc  de 
Mercœur.  Cette  place  forme  aujourd'hui  un  Gouvernement  par- 
ticulier ,  compofé  d'un  Gouverneur  ,  d'un  Lieutenant  de  Roi 
commandant  à  Nantes  ,  d'un  Major ,  &  d'un  Aide-Major ,  qui 
ont  à  leurs  ordres  deux  Compagnies  d'Invalides  de  foixante  hommes 
chacune.  Le  Roi  vient  d'y  établir  un  parc  d'Artillerie. 

L'Office  de  Lieutenant  général  de  Police  eft  réuni  au  Corps 
de  ville  ,  exercé  par  M.  le  Maire ,  Colonel-né  des  dix-huit  Com- 
pagnies dé  MiUce  Bourgeoife ,  qui  montent ,  à  tour  de  rôle ,  la 
garde  pendant  la  nuit ,  pour  le  bon  ordre  &  la  fureté  des  ha- 
bitants. Outre  le  Colonel  ,  cette  MiUce  compte  un  Lieutenant- 
Colonel,  un  Major,  un  Aide  -  Major  ,  feize  Capitaines,  feize 
Lieutenants  ,  feize  Enfeignes  ,  un  Sergent-Major ,  un  Tambour-Ma- 
jor ,&  cent  trente-quatre  Sergents  j  au  total,  trois  mille  quatre  cents 
foixante-trois hommes.  L'uniforme  eft,  habit  &  culotte  bleus  jvefte  , 
parements  ,  &  collet ,  cramoifîs  j  boutons  jaunes ,  &  chapeau 
bordé  d'or.  Les  armes  font  les  mêmes  que  celles  des  troupes 
d'Infanterie. 

La  Chambre  des  Comptes  de  Bretagne;  le  Préfîdial  ;  la  Sené- 
chauffée  ;  l'Amirauté  j  le  Confulat  5  la  Cour  des  Monnoies  ;   les 

Eaux, 


N  A  N  197 

Eaux,  Boîs,  Se  Forêts  ;  la  Maréchauflee  ;  les  Traites  j  la  Prévôré  ; 
Saint-Pere-en-Retz  ;  ToufFou  :  toutes  ces  différentes  Jurifdiftions 
font  des  hautesJuftices  qui  appartiennent  au  Roi. 

La  Chambre  des  Comptes  eft  compofée  de  huit  Préfidents  , 
jde  trente-trois  Confeillers-Maîtres,  de  huit  Confeillers-Correfteurs, 
de  trente-quatre  Confeillers- Auditeurs ,  de  deux  Greffiers  en  chef, 
d'un  principal  Commis-Greffier ,  de  neuf  Huiffiers ,  d'un  Garde 
des  archives ,  d'un  Payeur  des  gages ,  &  de  cinq  Procureurs  : 
elle  a  auffi  fon  Imprimeur  en  titre.  Le  Parquet  conlifte  en  deux 
Avocats  généraux ,  un  Procureur  général ,  &  fon  Subflitut.  Le 
Bureau  des  Tréforiers  de  France  ,  Généraux  des  Finances  ,  en 
Bretagne,  efl  compofé  de  (ix  Tréforiers,  d'un  Adjoint,  &  de 
deux  Huiffiers. 

Le  Préfidial  ,  aujourd'hui  compofé  d'un  Sénéchal  ou  Pré- 
fîdent  préfidial ,  d'un  Alloué  -  Lieutenant  général ,  d'un  Juge  cri- 
minel ,  d'un  Lieutenant  civil  &  criminel ,  de  dix  Confeils ,  de 
deux  Avocats  du  Roi  ,  d'un  Procureur  du  Roi  ,  de  deux 
Greffiers  civils  &  d'un  Greffier  criminel ,  d'un  premier  &  d'un 
fécond  Huiffier.  Les  plaids  généraux  fe  tiennent  les  lundis 
d'après  le  20  Mars,  le  20  Juin,    &  le  20  Novembre. 

Les  Régaires ,  haute- Juflice ,  à  M.  l'Evêque  de  Nantes ,  qui 
efl  Seigneur  temporel  d'une  partie  de  la  ville.  Cette  Jurifdiftion 
efl  confidérable ,  &  les  appellations  vont  direftement  au  Parle- 
ment de  Bretagne,  dont  le  Prélat  efl  Confeiller-né.  L'Officialité ,. 
haute-Juflice  ;  la  Police ,  idem  ;  l'Archidiaconé  de  Nantes ,  idem  ,• 
l'Archidiaconé  de  la  Mée  ,  idem  ,•  le  Chapitre  ,  idem  ;  le  Prieuré 
de  Sainte-Croix ,  idem  ;  le  Prieuré  de  Pirmil ,  ide/îi  ;  la  Comman- 
derie  de  Saint  -  Jean  &  de  Sainte  -  Catherine  ,  idem  ;  Toute- 
Joie  ,  idem  ;  Sainte  -  Julite  &  Bongarant  ,  idem  ;  les  Derva- 
lieres  ,  idem;  laGafcherie,  idem.  Les  Maréchaux  de  France  ont 
un  Lieutenant  pour  le  Comté  Nantais ,  &  un  Lieutenant  à 
Nantes. 

Il  y  a  auffi,  à  Nantes  ,  un  Ajulleur  pour  les  poids  & 
mefures ,  une  Recette  des  deniers  royaux  ,  une  Direction  gé- 
nérale des  traites,  tabac,  &  gabelles  j&  un  Bureau  pour  les  ma- 
nufactures. M.  Duménil ,  Commiffaire-Direfteur  général  pour  les 
poudre  &  falpêtre,  a  l'mfpcftion  fur  les  Entrepofeurs  de  Rennes, 
de  Saint-Malo  ,  &  du  Port-Louis. 

L'Univerfité ,  fondée  en    1460,  efl  compofée  des  Facultés   de 
Théologie  ,  de   Médecine ,  des  Arts ,    &    de    celle    des   Droits 
tiansférée    à    Rennes  par   Déclaration   du  Roi,  Le  Collège  efl 
Tome  IIL  P  i 


Z98  N  A  N 

très-beau,  &  peut  loger  environ  cent  penfionnaîres.  Il  y  a  des 
Profeffeurs  pour  toutes  les  ClafTes ,  &  même  pour  la  Théologie. 
Il  eil  dirigé  par  les  Prêtres  de  l'Oratoire  ,  citoyens  utiles  ,  reA 
pe6lables ,  &  bien  dignes  de  remplir  ce  pénible  &  important 
emploi.  Leur  Corps  fut  toujours  un  afïemblage  d'hommes  de 
génie ,  amis  des  lettres  &  de  la  vertu  j  &  ceux  qui  remplifTent 
aujourd'hui  les  différentes  chaires ,  ne  méritent  pas  moins  que 
leurs  prédécelTeurs   l'eftime  &  la  reconnoiffance  publique. 

Les  Ecoles  de  Théologie  de  l'Univerfité  font  à  l'Oratoire  ; 
celles  du  diocefe  font  au  Séminaire  ,  qui  eft  dirigé  par  les  Sul- 
piciens.  Ces  dernières  font  très-fréquentées ,  de  même  que  les 
ClafTes  des  Maîtres -es -Arts  agrégés  à  l'Univerfité.  On  remar- 
que encore ,  à  Nantes ,  une  Ecole  d'Anatomie  &  de  Chirurgie , 
une  Société  d'Agriculture  ,  du  Commerce  ,  &  des  Arts  ;  un  Jardin 
royal  des  plantes ,  une  Ecole  publique  &  gratuite  d'Hydrogra-» 
phie ,  de  Mathématiques  ,  &  de  Navigation  j  une  Ecole  pubUque 
de  DefTein ,  &  trois  Chambres  Littéraires.  La  BibUotheque  pu- 
blique efl  chez  les  Prêtres  de  l'Oratoire. 

Nantes  efl  la  patrie  de  plufieurs  hommes  célèbres  dans  les 
Sciences  Se  dans  les  Arts ,  quoi  qu'en  dife  le  rédafteur  de  l'ar- 
ticle Nantes  de  l'Encyclopédie ,  qui  s'exprime  en  ces  termes  : 
Nantes  na  pas  été  trop  fertile  en  Gens  de  lettres  ,  du  moins  ma 
mémoire  ne  m'en  fournit  que  dans  le  Jiecle  pajfé.  UUniverfité  fut 
fondée  en  1460  ^  mais  cejl  l'Univerfité  du  Commerce  qui  brille  en 
cette  ville.  Un  citoyen  zélé ,  voulant  venger  fa  patrie  de  l'im* 
putation  injurieufe  du  rédaâeur,  ^t  les  vers  fuivants: 

Ils  feront  confondus  ces  détradleiirs  jaloux , 

Qui  penfent  que  les  Arts  font  étrangers  chez  nous  ; 

Et  qu'au  Commerce  feul  bornant  notre  induftrie , 

La  Bourfe,en  tous  les  temps,  fut  notre  Académie. 

Abailard  ,  le  Bouguer ,  &  cent  autres  Nantois , 

Pour  venger  cette  injure ,  élèveront  leur  voix  ; 

Et  fans  vous  évoquer ,  mânes  de  ces  grands  Hommes , 

Nous  en  avons  encor  dans  le  fiecle  où  nous  fommes.... 

Mais  votre  modeflie  ,  auteurs  contemporains  , 

En  m'impofant  filence ,  arrête  mes  deffeins  : 

Que  la  poftérité ,  pour  vous  plus  équitable , 

Vous  donne  dans  l'hifloire  une  place  honorable. 

Comme  citoyen  de  la  même  ville,  je  donnerai  ici  les  nom' 


K  A  N  299 

de  ceux  qui  l'ont  illuftrée  par  des  talents  &  des  connoiflances 
fupérieures.  Le  premier  en  rang  comme  en  mérite  eft  Abailard , 
né  au  Paliet,  dont  tout  le  monde  connoît  les  ouvrages  &  les 
infortunes.  Jacques  Tiole ,  auteur  de  plufieurs  poéfies  &  chan* 
fons,  imprimées  au  Mans  en  1 568.  Jacques  Mechinot ,  furnommé 
U  Banni  de  Liejfe  :  il  compofa ,  en  vers  français ,  un  ouvrage ,  in- 
titulé les  Lunettes  des  Pnnces ,  imprimé  à  Paris  en  1 5  3  4  ;  &  plu- 
fieurs autres  opufcules.  Jean  Morin  de  la  Soriniere  :  il  a  fait  des 
recherches  fur  les  monuments  de  la  Bretagne.  Pierre  Boiihiau, 
furnommé  Launai ,  auteur  de  plufieurs  ouvrages ,  &  particulière- 
ment d'un  livre ,  intitulé  le  Théâtre  du  monde ,  qui  a  eu  un  fuccès 
prodigieux.  Pierre  de  Dreux  ,  Duc  de  Bretagne  :  ce  Prince  n'étoit 
pas  Nantais ,  mais  il  paffa  une  grande  partie  de  fa  vie  à  Nantes- 
René  de  Drain ,  commentateur  des  Ordonnances  de  Moulins , 
imprimées  à  Paris.  Le  Père  Raphaël ,  Capucin  j  Jean  de  Code  ; 
Philippe  du  Bec ,  Evêque  de  Nantes  j  Jean  Grand-ami  j  Jacques 
Bouton  j  Juhen  Perrant  ;  Pierre  Cerifier ,  Jéfuite  :  il  a  mis  en 
vers  le  livre  de  la  Confolation  de  la  Philofophie ,  par  Boëce, 
Laurent  le  Brun  ,  Jéfuite  :  on  connoît  de  lui  des  poéfies  latines , 
&  la  Vie  de  Saint  Ignace ,  poëme  héroïque.  Pierre  de  Ses-Mai- 
fons  j  Bonaventure  de  Sainte  -  Anne ,  Religieux  Carme  ;  de  la 
Baume  le  Blanc  de  la  Valliere ,  Evêque  de  Nantes  :  Vincent 
ChrifH ,  Théologal  de  Nantes  ;  nous  avons  de  lui  deux  volumes 
de  Sermons.  Le  Père  Hervé ,  de  TOratoire  ;  Gérard  MelUer , 
Maire  de  Nantes ,  aulîi  célèbre  par  fec  talents  littéraires  que 
par  des  vertus  qui  le  rendirent  l'oracle  de  fa  patrie.  Jean  de 
la  Noë-Menard  ;  la  Dame  de  Martigues  ,  époufe  du  Duc  de 
Mercœur  5  le  Père  Bertrand ,  de  l'Oratoire  ,  auteur  d'un  livre , 
intitulé  de  Ara ,  liher  fingularis  -,  Jean  Boutin ,  connu  par  des 
épigrammes  ;  Jean  Rozelain  j  Mathurin  Veffieres  de  la  Croze  , 
ami  intime  du  célèbre  Leibnitz ,  &  auteur  de  plufieurs  fçavants 
ouvrages  ;  François  de  la  Noue  ,  dit  Bras  de  fer  ;  Jean  Barin  , 
Grand-Chantre  de  la  Cathédrale ,  auteur  de  la  Vie  de  la  Bien- 
heureufe  Françoile  d'Amboife  ;  N....  Bridon  de  Lauberdiere  ; 
Pierre  Biré  j  Catherine  DoUo ,  Religieufe  de  Sainte-Claire  ;  Artus 
de  la  Gibonnais  ,  auteur  de  plufieurs  ouvrages  imprimés ,  entr'au- 
tres ,  d'une  Chronologie  raifonnée  des  Ducs  de  Bretagne  -,  Gabriel 
Clément ,  Médecin  du  Roi ,  auteur  du  traité  intitulé  le  Trépas 
de  la  Pefte  :  Jacques  Denan  ,  Notaire  royal  à  Nantes  ;  on 
connoît  de  lui  un  ouvrage  ,  en  vers  français ,  intitulé  le  Com- 
merce fidèle  ,   6*  la    Chanté  Hofpitalicre,    N Carpentier  ,  Pré- 


3O0  ^      N  A  N 

fident  du  Parlement  établi  par  le  Duc  de  MefC(5eur ,  à  Nantes:: 
MM.  Barin  ,  Marquis  de  la  GalifTonniere  ,  père  Se  fils  , 
morts  Lieutenants  généraux  des  armées  navales  :  le  dernier  de 
ces  deux  hommes  fameux ,  fut  le  vainqueur  du  célèbre  &  infor- 
tuné Amiral  Bing,  Commandant  de  la  flotte  Anglaife  envoyée 
au  fecours  de  Port-Mahon.  Pierre  Bouguer ,  un  des  plus  grands 
Mathématiciens  que  l'Europe  ait  produit,  naquit  au  Croific , 
(  diocefe  de  Nantes,  )  le  lo  Février  1698  :  il  a  publié  plufieurs 
ouvrages  excellents  fur  la  navigation  &  autres  fciences.  Je  ne 
puis  m'empêcher  de  rapporter  une  anecdote  finguliere  tirée  de 
l'hifloire  de  la  vie  de  cet  illuftre  Académicien.  Bouguer  étoit 
encore  dans  la  plus  tendre  enfance,  lorfqu'on  l'envoya  étudier 
au  collège  des  Jéfuites,  à  Vannes.  Pendant  qu'il  étoit  en  Cm- 
quieme,  fon  Régent,  qui  avoit  entendu  parler  de  fes  connoiffances 
en  Mathématiques ,  fut  curieux  d'en  faire  l'efl^ai;  &  le  trouvant, 
en  effet ,  très-fçavant  dans  cette  partie ,  il  pria  le  jeune  Ecolier 
de  lui  donner  des  leçons.  Bouguer  y  confentit,  &  il  s'établit 
entr^eux  un  commerce  de  fciences  &  de  httérature  _,  qui  pro- 
bablement n'avoit  jamais  eu   lieu  entre  un  Ecolier  de  Cinquième 

&  fon  Profefl^eur.  N CaflTard,  un  des  plus  excellents    marins 

que  la  France  ait  jamais  eu.  (  Voyez  les  notes  de  l'Eloge  de 
m.  du  Guai-Trouin,  par  M.  Thomas.)  N...  Vié,  qui,  après  avoir 
combattu  avec  faccès  pour  fa  patrie  &  pris  plus  de  cent  cin- 
quante navires  &  vaiffeaux,  pafla  au  fervice  de  la  République 
de  Gênes  ,  enfuite  à  celle  de  Venife ,  &  fut  tué  par  un  boulet 
de  canon ,  à  bord  de  l'Amiral  Vénitien ,  pendant  la  guerre  qui 
fut  terminée  par  la  paix  de  PafTarovitz. 

André  Portail ,  fils  &  frère  d'Archite8:es  de  Nantes ,  Archite6le 
&  Peintre  lui-même,  fe  fit  une  réputation  éclatante  &  jullement 
méritée  à  la  Cour;  Germain  Boffran,  de  l'Académie  d'Architefture 
de  Paris,  né  en  1667;  Charles  Errard,  Peintre  célèbre,  né  en 
1689;  Paul  Vigneu,  mort  Secrétaire  du  Général  du  Commerce: 
François-Séraphique  Bertrand,  Avocat  défintéreffé  &  Poète  célèbre  ; 
ce  grand  homme  mourut  en  1752,  &  fut  univerfellement  regretté 
des  Nantais,  qui  n'admiroient  pas  moins  fes  talents  que  fes  vertus. 
Nicolas  Travers,  auteur  de  plufieurs  ouvrages  imprimés  &  manuf- 
crits  ;  N....  Greflan ,  connu  par  la  douceur  de  fes  mœurs ,  par 
des  connoiffances  très-étendues  ,  &  quelques  ouvrages  qui  font 
l'éloge  de  fes  talents  ;  N....  des  Forges-Maillard ,  né   au  Croific. 

Je  pourrois  augmenter  cette  liffe  de  beaucoup  d'autres  noms 
célèbres  ;  m^is ,  outre  que    la  plupart  fe  trouvent  déjà   dans   le 


_     N  A  N  301 

courant  de  cette  hifloire  ,  ils  font  afTez  connus  par  ce  qu'ils  ont 
fait.  L'envie ,  qui  ne  pardonne  jamais  l'éloge  des  vivants ,  ne  me 
permet  pas  d'en  citer  ici  qui  tiennent  une  place  diftinguée  dans 
la  république  des  lettres  ;  leur  modeftie  d'ailleurs  s'y  oppofe. 
Au  refte,  je  fuis  bien  éloigné  de  penfer  qu'ils  aient  befoin  de 
mes  fuffrages  ;  je  fuis  perfuadé  que  la  pollérité,  qui  fçait  appré- 
cier le  mérite ,  rendra  juftice  à  leurs  talents.  Ceux  des  jeunes 
gens  de  Nantes  qui  s'appliquent  aux  beaux  Arts ,  montrent  ,  en 
général ,  beaucoup  de  dilpofitions  :  ils  réufliffent ,  fur-tout ,  dans 
le  DefTein ,  que  l'on  cultive  foigneufcment  en  cette  ville. 

La  Jurifdiftion  de  l'Amirauté  ell:  formée  d'un  Lieutenant  gé- 
néral ,  d'un  Lieutenant  particulier,  &  de  quatre  Confeillers  ,  avec 
un  Avocat  du  Roi ,  un  Procureur  du  Roi ,  un  Greffier,  un  Huiffier- 
Viiîteur  &  Délefteur ,  un  Huifîier-Audiencier  :  il  y  a  aufii  un  Re- 
ceveur des  droits  de  l'Amiral,  trois  Interprètes  des  langues  étran- 
gères ,  un  Officier-Lefleur  &  Délefteur ,  un  Maître  de  quai  j  deux 
JProfeiîeurs  d'Hydrographie ,  dont  l'un  réfide  au  Croific  ;  quatre 
Courtiers ,  deux  Jaugeurs  de  vaifTeaux ,  deux  Chirurgiens ,  & 
un  Apothicaire,  attachés  à  ce  Tribunal. 

Le  Général  du  Commerce  eft  repréfenté  par  les  Juges-Confuls 
.de  la  Jurifdiftion  Confulaire.  A  ce  Corps ,  font  attachés  un 
Avocat  &  Confeil ,  un  Commis ,  un  Chapelain ,  un  Commis  à 
l'entrepôt  du  café ,  &  un  Concierge  de  la  Bourfe.  L'Efpagne , 
la  Pologne ,  le  Danemarck ,  &  la  Suéde ,  ont  des  Confuls  à 
Nantes. 

Il  eft  peu  de  villes  dont  la  Situation  ,  par  rapport  au  Commerce  , 
foit  ft  avantageufe  que  celle  de  Nantes.  La  mer  lui  ouvre  une- 
communication  avec  toutes  les  Nations  de  la  terre  -,  &  la  Loire 
lui  procure  toutes  les  facilités  pour  faire  palier  fes  marchandifes 
dans  l'intérieur  du  Royaume.  Les  fables  de  la  Loire  ne  permet- 
tent pas  aux  gros  vaifleaux  de  monter  jufqu'à  Nantes  :  les  na-: 
vires  de  trois  &"  quatre  cents  tonneaux  viennent  jufqu'à  Paim- 
bœuf  ;  &  ceux  d'un  très-grand  port  mouillent  à  Mmdm  ,  qui  eft- 
à  deux  lieues  plus  bas. 

On  afTure  qu'autrefois  la  Loire  étoit  beaucoup  plus  profonde: 
&  plus  commode  pour  la  navigation,  &  il  n'eft  guère  poffible 
d'en  douter.  Il  paroît  qu'elle  a  été  bouchée  par  des  pluies  abon- 
dantes, qui  ont  entraîné  dans  fon  lit  ces  énormes  bancs  de  fable 
qu'on  y  voit  aujourd'hui.  Quoi  qu'il  en  foit ,  toujours  eft-il  conf-. 
tant  que  la  navigation  fur  cette  rivière  devient  de  jour  en  jour 
plus  difficile,  6c  que  le  mal  ne  peut  aller  qu'en  augmentant,  parce 


301  NAN 

que  les  bancs  de  fable  retiendront  d'autant  plus  de  gravier  qu'ils 
préfenteront  une  furface  plus  large.  Cette  raifon  eu.  toute  fimple  : 
la   navigation   fe    détruiroit  donc  fur  la  Loire  ?   Pourquoi  pas  ? 
Ce  ne  feroit  pas  la  première  rivière  qui  auroit  éprouvé  un  pareil 
changement  -,  mais  cet  accident ,  dans  la  fuppoiition  qu'il  arrive 
quelque  jour ,  n'eft  pas  fans  remède.  Quand  la  place  de  Nantes 
verra  fon    commerce  interrompu  par  des  obftacies,  dit  un  écri- 
vain  judicieux ,  elle   cherchera  les  moyens   de  le  rétablir ,  Se 
vraifemblablement  elle  préférera  à  tout  autre ,  celui  de  creufer 
un  canal  jufqu'à  la  pointe  de  Mindin  ou  à  celle  de  Saint-Nazaire. 
Peut-être  qu'aftuellement  ce  projet  paroîtroit  impraticable  ;  il  ne 
le   paroîtra  plus ,   û  jamais   fon    exécution    devient    abfolument 
néceffaire. 

Si  nous  en  croyons  quelques  hiiloriens,  le  flux  &  le  reflux 
montoit,  dans  le  quinzième  fiecle,  jufqu'à  Ancenis,  tandis  qu'il 
fe  fait  à  peine  fentir  aujourd'hui  jufqu'à  Mauves ,  qui  n'efl  qu'à 
trois  lieues  de  Nantes,  &  par  conféquent  à  douze  lieues  de  Paim- 
bœuf.  Il  me  femble  que  c'efl:  encore  un  effet  de  ces  amas  énor- 
mes de  fable,  qui  font  néceflTairement  refluer  les  eaux  de  la  mer 
dans  fon  fein,&  qui  boucheront  peu  à  peu  l'entrée  de  la  rivière , 
au  point  que  les  marées  ne  feront  peut-être  plus  fenflbles  à 
Nantes  avant  un  fiecle. 

Le  commerce  fe  fait  à  Nantes  par  deux  cents  Négociants* 
Armateurs,  &  quantité  d'autres  Commerçants  regnicoles  &  étran- 
gers. Nous  diviferons  ce  commerce  en  intérieur  &  extérieur- 
J'entends  par  commerce  intérieur,  l'échange  des  denrées  du  pays, 
-&  des  ouvrages  fabriqués  dans  le  Royaume.  Cette  branche  em- 
brafîe  toutes  les  parties  de  la  confommation  ;  les  vins ,  les  bleds , 
&  les  toiles  de  la  province  ,  forment  en  particulier  un  objet 
important.  Les  fels,  qui  en  forment  un  non- moins  coniidérable^ 
fe  font  prefque  tous  dans  le  territoire  de  l'Evêché  de  Nantes  , 
dans  les  aires  des  marais  falants  de  Bourgneuf ,  de  Guérande , 
Sa  du  Croiflc.  Outre  les  manufaftures  de  verre  ,  de  cotonnade  ^ 
d'indienne,  &  de  faiance,  nous  avons  encore  une  vingtaine  de 
raffineries  de  fucre,  plufieurs  fabriques  de  ferges  fur  fil  &  coton, 
d'étoffes  de  laine,  &  de  toiles,  allez  eftiméesj  une  manufacture 
de  cordages,  à  laquelle  font  continuellement  employés  cent  à 
cent  vingt  ouvriers;  &  des  manufactures  de  cuirs,  tres-riches  & 
bien  dirigées.  Les  Corps  de  Maîtrifes  ou  Jurandes  font  au  nombre 
de  trente-cinq.  La  Loire,  par  fon  union  avec  les  rivières  de  Sevré, 
d'Erdre,  de  Mayenne,  de  Sarthe,  de  Thoué,  du  Loir,  de  Vienne, 


N  A  N  30Î 

du  Clain,  du  Cher,  de  l'Allier,  &  les  canaux  d'Orléans  &  de 
Briare ,  fournit  aux  Négociants  la  facilité  de  faire  un  commerce 
confîdérable  avec  une  partie  de  la  France  j  le  Poitou ,  d'où  l'on 
tire  des  clincailleries  de  la  manufafture  de  Châtellerault  ;  avec  le 
haut  &  bas  Maine;  l'Anjou,  qui  nous  donne  (es  vins;  le  Limoufîn 
&  laTouraine,  qui  nous  font  pafTer  leurs  étoffes  de  laine  &  de  foie  5 
l'Orléanais  &  l'Ille- de-France  ,  qui  reçoivent  les  épiceries  que  nos 
Commerçants  tirent  de  l'Amérique  &  des  hides  ;  le  Nivernois ,  le 
Bourbonnais  ,  &  l'Auvergne ,  qui  nous  fourniffent  des  mâts  pour  les 
navires  &  autres  bois  de  conftruftion  ;  &  enfin ,  avec  GenewQ ,  & 
fur-tout  Lyon  qui  nous  fait  paffer  fes  précieufes  étoffes  ;  &c. 

Le  commerce  extérieur  ell:  i^.  celui  qui  fe  fait  dans  les  dif- 
férents pays  de  l'Europe,  èc  qu'on  appelle  cabotage  :  2°.  en  Guinée; 
3^.    avec    les  Ifles  de  l'Amérique  :   4^.    aux   Indes    Orientales. 

Le  cabotage  eft  le  plus  ancien  commerce  de  la  ville  de 
Nantes  :  il  ell  aujourd'hui  prefque  entièrement  tombé ,  à  caufe , 
dit-on ,  de  l'affujettiffement  des  marchandifes  aux  droits  des  cinq 
groffes  fermes.  Avant  cette  entrave,  Nantes  fervoit  comme  d'en- 
trepôt pour  les  marchandifes  de  l'étranger  &  celles  du  Royaume. 
La  plupart  des  nations  qui  font  aujourd'hui  le  cabotage  ,  vien^ 
nent  à  Nantes ,  ou  avec  des  marchandifes  de  leur  crû ,  ou  fabri- 
quées dans  leur  pays ,  ou  fur  leur  leff.  Les  Hollandais  ,  qui 
voyagent  à  meilleur  marché  que  les  Français ,  font  la  plus 
grande  partie  de  cette  navigation. 

L'importance  du  commerce  de  Guinée  eff  connue  (a).  Les  co- 
lonies de  l'Amérique  ont  un  befoin  néceffaire  des  Nègres  pour  la 
culture  des  terres ,  qui  ne  fçauroit  être  faite  par  des  propriétaires 
trop  peu  nombreux.  Aufïi ,  les  Négociants  de  Nantes  s'y  livre- 
rent-ils  dès  qu'ils  en  eurent  obtenu  la  permifîion.  Les  Français  font 
les  premiers  qui  aient  formé  des  établiffements  fur  la  côte  de  Guinée. 
Nos  divisons  domeiHques  interrompirent  nos  progrès  dans  cette 
partie  du  Monde  ,&nosvoifins  profitèrent  de  nos  découvertes.  On 
affigne,  vers  l'an  1364 ,  l'époque  de  notre  étabhffement  fur  la  côte  de 
Maniguette ,  vers  le  huitième  degré  de  latitude  nord.  Pendant  plu- 
sieurs années ,  ce  commerce  fut  fait  exclufivement  par  une  Com- 
pagnie. Dans  la  fuite  ,  il  fut  permis  à  tous  les  Négociants  de  s'y 
livrer.  Les   armements  de  la  place   de  Nantes  pour  la  Guinée 


(  û  )  On  obfervera  que  je  ne  parle  ici 
<du  Commerce  de  Guinée  qu'en  Politique , 
§(.  ngn  en  Philofophe,  Je  n'ignore  point 


combien  il  eft  outrageant  pour  l'humanité , 
&  contraire  aux  principes  fondamentaux 
de  la  loi  naturelle. 


304  ,  NAN 

font  auflî  confidérables  aujourd'hui  que  ceux  de  prefque  toutes  leH 
autres  places  du  Royaume.  La  valeur  de  la  cargaifon  d'un  na- 
vire négrier  doit  être  en  proportion  du  nombre  des  efclaves  qu*on 
veut  acheter  ,  &  le  bâtiment  doit  pouvoir  contenir  au  moins  quatre 
cents  Nègres.  Quoique  quelques-unes  des  marchandifes  employées 
à  cette  traite  ,  foient  d'un  moindre  débit  que  les  autres  ,  il  ne  faut 
en  négliger  aucunes ,  parce  que  le  fuccès  dépend  d'un  pareil  af- 
fortiment  ;  parce  que  ce  commerce  fe  fait  par  échange ,  &  que 
les  efclaves  n'y  ont  point  une  valeur  fixe  &  réelle  comme  nos 
marchandifes  :  le  caprice  des  Nègres  en  décide.  Souvent  ils  pré- 
féreront une  étoffe  ou  un  inftrument  de  peu  de  valeur ,  mais  qui 
flatte  leur  goût,  à  quelque  chofe  de  grand  prix  qui  ne  leur 
plaira  pas.  Les  caurisfont  la  monnoie  courante  des  peuples  de  Gui- 
née :  ils  fervoient  autrefois  à  la  traite  des  Nègres ,  mais  aujour- 
d'hui ils  ne  font  plus  employés  qu'à  l'achat  des  denrées  les  plus 
communes ,  ou  pour  l'ornement  des  NégrefTes  d'une  petite  for- 
tune ,  qui  en  font  des  colHers  dont  elles  fe  parent  avec  grâce. 
Les  Hollandais  en  ont  des  magalins  bien  fournis ,  ils  les  vendent 
en  raifon  de  trois  mille  fix  cents  pour  une  livre  tournois.  Lorf- 
que  le  navire  eu  arrivé  au  port  de  Cabenda  ,  ou  à  quelque 
autre  endroit  de  ces  parages ,  le  Capitaine  du  navire  ,  accom- 
pagné de  l'Interprète  ,  va  faluer  le  Roi  du  pays ,  lui  fait  les  pré- 
lents d'ufage,  amfi  qu'aux  principaux  Officiers  de  fa  Cour,  & 
convient  avec  lui  de  la  manière  dont  il  doit  faire  fa  traite.  Les  pré- 
fents  pour  le  Roi  confiflent  dans  un  collier  de  corail,  ou  un  mi- 
roir de  moyenne  grandeur,  ou  un  manteau  d'écarlate ,  ou  une 
robe  de  chambre  de  damas  ou  de  fatin ,  doublée  d'un  tafietas  à 
flammes ,  d'une  couleur  bizarre  ,  avec  une  cave  de  liqueur  ou 
d'eau-de-vie.  Les  préfents  qu'on  fait  au  Mafouq  &  au  Manbouq , 
font  ordinairement  une  cave  d'eau-de-vie ,  &  des  étoffes  de  la 
valeur  de  quatre  à  cinq  pièces  à  chacun.  Outre  cela ,  le  Roi 
&  fes  Officiers  lèvent  des  coutumes  affez  confîdérables ,  entr'au- 
tres,  un  droit  domanial,  pour  la  perception  duquel  le  Prince  éta- 
blit, à  la  porte  du  comptoir,  un  Officier  qui  tient  note  des  elclaves 
achetés.  L'effentiel  de  ce  commerce  confîfte  à  faire  valoir  les 
marchandifes  de  la  cargaifon  ,  à  fe  défaire  de  celles  qui  font 
plus  nombreufes  ou  de  moindre  valeur,  &  à  mettre  un  prix 
modéré  fur  les  premiers  Nègres  qu'on  acheté ,  parce  que  ce  prix 
fert  ordinairement  de  règle  pour  toute  la  traite.  Dès  qu'elle  eff 
finie,  les  navires  fe  rendent  aux  liles  Françaifes  de  l'Amérique, 
pour  y  vendre  les  Nègres  qui  font  ordinairement  échangés  contre  les 

marchandifes 


NAN  505' 

marchandifes  OU  denrées  du  pays.  La  poudre  d'or ,  l'ivoire ,  les 
gommes  ,  &  autres  objets  précieux,  également  achetés  en  Gumée, 
Ibnt  apportés  en  Europe.  Le  prix  des  efclaves ,  à  l'Amérique, 
varie  félon  le  befoin ,  la  rareté ,  &  l'abondance.  Les  Nègres  qui 
font  dans  toute  la  vigueur  de  l'âge  &  de  la  force ,  y  font  vendus 
depuis  cent  piftoles  jufqu'à  quinze  cents  livres.  Ce  commerce 
n'eft  pourtant  pas  auffi  lucratif  qu'il  le  paroît ,  parce  qu'il  eu  rare 
qu'il  ne  meure  quelques  Nègres  pendant  la  route  de  Guinéeà 
l'Amérique.  Les  efclaves  depuis  feize  à  trente  ans ,  bien  faits ,  & 
mâles ,  font  les  plus  chers  &  plus  recherchés  que  les   autres. 

Le  commerce  aux  colonies  Françaifes  de  l'Amérique ,  efl:  le  plus 
aftif  &  le  plus  avantageux  commerce  que  faflent  nos  Négociants. 
Tout  le  monde  le  connoît  ;  &  tous  ceux  qui  peuvent  s'y  livrer  le 
font  avec  le  plus  grand  fuccès. 

Le  premier  établiiTement  du  Commerce  aux  Indes  Orientales , 
eut  pour  auteur,  en  1(342,  le  Capitaine  Ricaut,  qui  forma  une 
Compagnie,  &  obtint,  pour  dix  ans,  une  concefîion  exclufive 
de  commercer  feul  avec  fes  AfTociés.  Ce  privilège  lui  fut  con- 
firmé au  mois  de  Septembre  de  l'année  fuivante  -,  mais ,  comme 
la  France  avoit  alors  befoin  des  Hollandais ,  la  Compagnie ,  pour 
ne  pas  les  indifpofer  ,  ne  poulTa  pas  bien  loin  fes  entreprifes  :  elle 
alla  néanmoins  jufqu'à  Surate  &  fur  toute  la  côte  de  cette  partie 
de  l'Inde.  Les  troubles  de  la  minorité  affoiblirent  coniidérablement 
la  Société ,  qui  cependant  obtint  une  nouvelle  concefîion  à 
l'expiration  de  la  première  :  mais ,  peu  de  temps  après,  fur  les 
rapports  de  Pronis,  premier  Gouverneur  de  Madagalcar ,  &  infi- 
dèle ferviteur  de  fes  anciens  maîtres  ,  le  Maréchal  de  la  Meille- 
raye  s'empara,  par  furprife ,  de  cette  ifle  ,  malgré  les  droits  & 
les  oppofitions  des  premiers  pofTelTeurs  :  il  en  demeura  en  pof- 
fefTion  jufqu'à  fa  mort  ;  & ,  après  lui ,  M.  le  Duc  de  Mazarin , 
fon  fils ,  &  fes  AfTociés ,  cédèrent  enfin  leurs  prétentions  &  leurs 
droits  à  la  fameufe  Compagnie  des  Indes ,  établie  en  1 664.  Rien 
de  plus  beau  que  le  projet  de  cet  établifTement ,  &  les  règle- 
ments fur  lefquels  il  fut  fondé  :  on  peut  les  voir  dans  le  Diftion- 
naire  du  Commerce.  Le  Roi  avança  la  plus  grande  partie  des 
fonds,  qui  ne  montèrent  qu'à  fept  à  huit  millions,  quoiqu'il  eût 
été  décidé  qu'ils  feroient  portés  jufqu'à  quinze.  On  avoit  conçu 
de  grandes  efpérances  j  mais  le  mauvais  choix  du  premier  entre- 
pôt Hxé  à  Madagafcar ,  ifle  mal  faine  è<:  habitée  par  un  peuple 
cruel  &  indomptable  i  la  mort  des  plus  hribiles  Directeurs,  les 
fautes  des  autres  &  leurs  divifions ,  enfin  ,  les  guerres  que  la 
Tome  IIL  Q  2 


^o6  _         N  A  N 

France  eut  à  foutenîr ,  réduifirent  la  Compagnie  dans  le  plus  trifle 
état  j  de  forte  que,  malgré  fes  fuccès,  maigre  les  privilèges  les 
plus  favorables ,  malgré  les  bienfaits  du  Roi ,  fes  affaires  allèrent 
de  mal  en  pis,  &  elle  fut  enfin  forcée  de  céder  fes  droits  à 
différents  particuliers.  Il  fe  forma ,  dans  la  fuite ,  plufieurs  Com- 
pagnies des  Indes  ,  mais  qui  n'étoient  que  l'ombre  de  la  première. 
Tous  ces  établiflements  furent  réunis  au  commencement  du 
règne  de  Louis  XV ,  &  la  Compagnie  fembla  reprendre  fon  an- 
cienne fplendeur  :  elle  prêta  même  au  Roi  de  grandes  fommes 
pour  acquitter  les  dettes  de  l'Etat  j  & ,  peut-être  auroit-elle  réuffi , 
Il  M.  le  Duc  d'Orléans ,  Régent  du  Royaume ,  ne  l'eût  réunie  à 
la  Banque  royale.  Le  mauvais  fuccès  &c  la  ruine  de  cette  der- 
nière entraînèrent  la  ruine  de  la  Compagnie  j  & ,  depuis  ce 
temps ,  le  mal  n'a  fait  qu'augmenter  jufqu'au  moment  de  fa  dif- 
folution.  Aujourd'hui,  le  commerce  fe  fait  librement  par  tous 
les  Armateurs  quelconques  ;  mais ,  comme  les  voyages  font  de 
deux  à  trois  ans ,  très-difpendieux ,  &  les  profits  petits ,  les  Né- 
gociants penfent  qu'il  ne  peut  fubfiiler  fur  le  pied  où  il  eft  actuel- 
lement j  &  qu'il  tombera  enfin  tout-à-fait. 

Defcriptlon   topographique   de  la    ville  de  Nantes. 

Nantes  eft  la  féconde  ville  en  rang ,  la  plus  belle  &  la  plus 
riche  de  la  province.  Elle  a  toujours  été  célèbre  dans  l'hiftoire , 
tant  par  fon  antiquité  que  par  le  commerce  ,  la  richefi^e  de  fes 
habitants ,  &  les  grandes  chofes  qui  s'y  font  paffées.  Il  s'en  faut 
pourtant  bien  qu'elle  ait  toujours  eu  le  même  éclat  qu'elle  a  de 
nos  jours.  Sous  les  Ducs  fouverains  de  cette  province,  elle  ne 
préfentoit  à  la  vue  qu'un  amas  confus  de  maifons  entafîées  les 
unes  fur  les  autres,  des  rues  étroites,  obfcures  &  mal  pavées, 
&  des  cloaques  fans  nombre  qui  infeftoient  l'air.  Elle  eft  fituée 
fur  le  penchant  d'une  coUine ,  en  terroir  également  fertile  & 
varié  de  prairies  immenfes  ,  de  coteaux  chargés  de  vignobles  ,  &  de 
forêts  abondantes  en  gibier  ;  fur  la  rive  droite  de  la  Loire ,  qui 
reçoit  la  rivière  d'Erdre  à  la  féparation  de  la  ville  d'avec  le 
fauxbourg  de  la  Fofle ,  &  celle  de  Sevré  .un  peu  au  defîbus 
de  Pirmil. 

Sept  grandes  routes  arrivent  dans  cette  ville.  On  y  remarque 
douze  à  quinze  ponts  très-beaux ,  de  mille  toifes  de  longueur  ; 
onze  places  publiques  ,  trois  halles  ,  quatre  pompes  ,  environ  cent 
rues  principales ,  près  de  cinq  cents  réverbères ,  diftribués ,  depuis 


N  A  N  507 

deux  ans ,  dans  les  différents  quartiers  pour  les  éclairer  pendant 
la  nuit  ;  un  chantier  pour  la  conftruftion  des  navires  marchands 
&:  des  frégates ,  un  aflez  beau  port   &   de  magnifiques  quais. 

On  trouve  à  Nantes  fix  à  lépt  promenades  pubhques  ,  non 
compris  les  avenues  de  la  ville  qui  ne  font  pas  les  moins 
agréables.  La  plus  belle  de  toutes  efl:  le  Cours  des  Etats ,  ou 
la  Motte  Samt-Fierre  :  elle  aboutit ,  du  côté  du  Midi ,  à  la  rivière 
de  Loire;  &  du  côté  du  Nord,  à  celle  d'Erdre.  Elle  efl  dé- 
corée d'un  bofquet  de  tilleuls  plantés  en  quinconce  ,  &  de 
quatre  rangs  d'ormeaux ,  avec  des  fieges  de  diftance  en  diflance. 
Son  point  de  vue  elt  admirable  :  on  y  découvre  fur  la  Loire 
&  fur  la  prairie  de  Mauves ,  aufTi  loin  que  la  vue  peut  s'étendre  ; 
&  ,  au  Midi ,  on  a  la  perfpeftive  du  coteau  de  Saint-Séball:ien  , 
décoré  de  plufîeurs  maifons  de  plaifance  &  d'une  campagne 
riche  &  fertile.  Au  Nord ,  on  voit  le  port  de  Barbin ,  qui  com- 
munique à  la  promenade  par  le  moyen  d'une  levée  de  terres 
rapportées,  qui  a  coûté  de  grandes  fommes  d'argent  au  Bureau 
de  ville.  Cette  levée  ,  qui  ne  fubfille  que  depuis  trois  ans ,  ref- 
ferre  l'Erdre  dans  un  lit  plus  étroit ,  &  a  remplacé  les  marais , 
d'une  odeur  défagréable  &  mal  faine ,  qui  bordoient  les  deux 
côtés  de  cette  rivière.  C'efl  aujourd'hui  une  promenade  très-fré- 
quentée ,  que  l'on  peut  comparer  aux  fameux  boulevards  de 
raris.  D'un  côté  ,  eft  un  petit  bois  de  haute  futaie  ;  &  de  l'autre, 
au  bas  du  Cours  ,  font  des  jardins  &  quelques  marais  prefque 
defTéchés  ,  où  l'on  a  defTein  de  planter  un  mail.  Lorfque  l'ou- 
vrage fera  fini ,  ce  fera  ,  fans  contredit ,  une  des  plus  belles 
promenades  de  France.  Ce  qui  augmente  encore  la  beauté  de 
ce  heu,  font  les  magnifiques  édifices  qui  font  à  droite  &  à 
gauche ,  &  qui  paroilfent  plutôt  des  palais  que  des  maifons 
occupées  par  des  particuliers. 

L'enceinte  de  la  ville  eft  petite ,  les  rues  étroites  &  aiîèz  mal 
percées.  On  les  élargit  de  jour  en  jour  autant  que  l'on  peutf 
mais  il  n'efl  pas  fi  facile  de  remédier  parfaitement  au  dernier 
défaut,  malgré  que  l'on  s'en  apperçoive  bien.  Ce  qui  rend  en- 
core le  terrein  plus  précieux  dans  le  centre  de  la  ville ,  & 
les  changements  plus  difticiles ,  c'elt  le  grand  nombre  de  Mai- 
fons Rchgieufes  qui  s'y  trouvent.  Outre  l'intérieur  de  cette  ville,, 
on  y  compte  quatre  fauxbourgs  qui  font,  le  Marchix,  au  Nord^ 
Samt-Clétaent-Kichebourg  ,  au  Levant;  les  ponts ^.  au  Midi;  &  la 
FofTe,  au  iJouchant.  Ils  font  beaucoup  plus  étendus  &:  aulîi  peu- 
«plésque  la  ville.  On  remarque  auMarcmx  la  place  de  Viarme ,  aùi 


3o8  ^  N  A  N^ 

fe  tiennent  les  foires  de  beftiauxj  à  Saint-Clément,  le  Collège 
&  l'Egli/e  des  Prêtres  de  l'Oratoire ,  une  des  plus  belles  de 
Nantes ,  &  ornée  de  tableaux  d'après  le  PoulTin. 

L'Ille-Feydeau  ell  le  quartier  le  plus  régulièrement  bâti  de  toute 
la  ville  :  il  offre  à  la  vue  un  rang  de  maifons  d'une  archite6lure 
hardie  &  majellueufe,  qui  forment  quatre  façades  j  au  Couchant, 
eft  un  petit  bofquet  dont  les  arbres  font  taillés  en  orangers  j  & 
à  l'Orient ,  efl:  la  Chapelle  de  Bon-Secours ,  qui  vient  d'être  re- 
conftruite  ,  avec  des  décorations  intérieures ,  dignes ,  autant  que 
les  ouvrages  des  hommes  peuvent  l'être  ,  de  la  Majellé  de  l'Etre- 
Suprême  qu'on  y  adore  ,  &  de  la  fainteté  éminente  de  la  Reine 
du  Ciel  à  qui  elle  eft  dédiée.  Cette  mère  bienfaifante  de  Jefus- 
Chrifl  y  eft  dans  une  finguliere  vénération  :  les  marins  fur-tout 
ne  manquent  jamais ,  au  retour  de  leurs  voyages  ,  d'aller  la 
remercier  des  fecours  vifibles  qu'elle  leur  accorde  dans  les  périls 
&  les  tempêtes  de  la  mer. 

Le  Palais  de  la  Cham.bre  des  Comptes  eft  digne  de  la  cu- 
riofîté  des  étrangers  j  c'eft  un  bâtiment  fort  {impie  ,  avec  des 
colonnes  d'ordre  ionique ,  &  une  couverture  à  l'Italienne.  L'Hôtel- 
de-ville  mérite  auffi  l'attention  des  connoilTeurs. 

La  Foffe  eft  fans  contredit  l'endroit  le  plus  agréable ,  le  plus 
riche  ,  &  le  plus  aftif  de  Nantes  j  il  formeroit  lui  feul  une  ville 
confidérable  :  il  commence  à  la  place  de  la  Bourfe  ,  qui  eft 
ornée  de  deux  rangs  d^ormeaux.  Depuis  cette  place  jufqu'à  Ché- 
zine,  dans  une  longueur  de  cinq  cents  toifes  ,  règne,  à  une  dif- 
tance  à  peu  près  égale  des  quais  &  des  maifons  ,  un  autre  rang 
d'ormeaux  :  mais  ce  qui  ajoute  à  l'agrément  de  ce  quartier , 
c'eft  l'admirable  vue  de  la  Loire  ,  couverte  de  navires  &  de 
bateaux  j  le  riant  afpeft  d'une  vafte  campagne ,  qui  fe  préfente 
comme  en  amphithéâtre  à  l'oppoftte  &  derrière  les  illes  formées 
par  la  rivière  ,  au  deflus  &  au  deffous  des  ponts ,  au  bout  def- 
quels  on  découvre  co'mme  en  perfpe6live  le  quartier  de  Pirmil, 
qui  femble  une  nouvelle  ville.  Ce  point  de  vue  a  fait  com- 
parer la  FofTe  de  Nantes  à  la  fameufe  perfpeftive  de  Conf- 
tantinople  ,  dont  la  pofîtion  pafte  pour  la  plus  avantageufe  de 
rCJnivers.  Selon  le  plan  projette  ,  on  doit  continuer  les  quais 
depuis  le  Port-Maillard  jufqu'à  la  prairie  de  Mauves ,  à  l'orient  ; 
&  depuis  le  Couvent  des  petits  Capucins  ,  jufques  vis-à-vis  l'E- 
glife  de  Chantenai ,  oii  l'on  fe  propofe  de  planter  un  mail  : 
ce  qui  formera  une  promenade  de  plus  d'une  lieue  ,  &  pour 
ainfi  dire  en  ligne  droite.  Les  maifons ,  qu'on   voit   le  long  de 


,    NAN  ^  .309 

tes  quais,  répondent  à  l'opulence  de  ceux  qui  les  habitent  (a)  : 
elles  font  toutes  bâties  en  pierres  de  grifon ,  marnai ,  Saint-Sa- 
vinien ,  creflanes  ,  &  tuf,  avec  des  ferrades  &  balcons.  A  l'ex- 
trémité de  la  FolTe  eil  le  parc  Launai  j  promenade  délicieufe , 
^refque  devenue  publique  par  l'honnêteté  du  propriétaire  M.  de 
la  Chapelle-Coquerie ,  qui  permet  à  tout  le  monde  d'aller  s'y 
récréer. 

Malgré  l'étendue ,  je  ne  dis  pas  de  la  ville  {b)  qui  eft  beau- 
coup trop  petite ,  mais  des  fauxbourgs ,  il  s'en  faut  bien  que 
les  édifices  foient  trop  multipliés  à  Nantes.  Les  maifons  nouvelles 
qu'on  bâtit  tous  les  jours  font  à  peine  à  moitié  faites  que  le 
raiz-de-chauilée  ell  déjà  occupé.  On  a  vu,  dans  ces  dernières 
années ,  au  moins  cinquante  familles  étrangères ,  Américaines  ou 
commerçantes ,  qui  vouloient  fe  fixer  à  Nantes ,  obligées ,  faute 
de  logement ,  de  porter  ailleurs  leurs  richelTes  &  leur  indullrie. 
Il  feroit  donc  nécelTaire  de  former  de  nouveaux  étabHfTements , 
&  l'avantage  public  comme  le  particulier  exigent  que  les  pro- 
jets conçus  par  des  citoyens  zélés  &  univerfellement  applaudis , 
foient  exécutés  le  plus  promptement  pofTible.  Malgré  tout  ce  que 
nous  avons  dit  des  édifices  ae  la  FolTe  ,  nous  fommes  forcés  de 
convenir  qu'ils  font  plus  beaux  que  commodes.  Des  maifons 
louées  cinq,  fix,  &  jufqu'à  huit  mille  livres,  (à  divers  locataires, 
car  le  Négociant  le  plus  riche  n'occupe  pas  feul  une  maifon,) 
n'ont  point  de  portes  cocheres  j  on  n'y  entre  que  par  des  allées 
que  la  petitelTe  des  cours  rend  très-obfcures  ;  enfin ,  comme  on 
ne  fuivoit  d'abord  aucun  plan ,  ou  plutôt  comme  on  ménageoit 
excelîivement  le  terrein  ,  on  n'a  laifle  aucune  ilTue  charretière  dans 
toute  la  longueur  de  la  FolTe ,  pour  la  communication  avec  les 
derrières  qui  font  par -là  devenus  inutiles.  On  ne  peut  y  pé- 
nétrer que  par  des  ruelles  étroites  ,  vilaines  ,  &  même  dangereufes,' 
C'efi:  pourtant  le  véritable  lieu  où  devroit  être  placée  la  ville 
commerçante  ,  pour  l'intérêt  &  la  commodité  des  Négociants , 
dont  la  plupart  font  obligés  d'affermer  des  magafins ,  &  même 
de  fe  choifir  des  logements  dans  des  quartiers  éloignés  du  centre 
du  commerce. 


(  <i  )  Un  étranger  ,  mauvais  plaifant , 
jettant  les  yeux  fur  les  édifices  delà  FofTe, 
idemanda  à  ceux  qui  Taccompagnoient  fi 
les  Lingeres  de  Nantes  étoient  Princefles. 
Il  étoit  choqué  de  la  grande  quantité  de 
linge  qu'on  voit ,  en  tout  temps ,  attaché 
^ux  fenêtres. 


(  ^  )  Ce  peu  d'étendue  de  la  ville  ne 
nuit  point  à  la  beauté  de  Tenfemble ,  parce 
que  ces  murs  font  pour  la  plupart  démolis  , 
au  point  qu'il  n'en  refte  pas  même  de 
veftiges ,  &  que  la  cité  fe  confond  avec 
les  fauxbourgs  ;  de  forte  qu'on  ne  diiliiigua 
ces  derniers  que  par  le  norn^ 


jio  ,         NAN 

Jufqu  îcî  ces  terreins ,  fi  précieux  par  leur  fîtuatîon ,  paroiflbîen^ 
perdus  fans  reffource  ;  mais  M.  Graflin,  déjà  connu  par  des  entre- 
prifcs  d'utilité  générale  &  des  vues  très-fages ,  vient  de  former  le 
projet  de  lever  toutes  les  difficultés  qui  s  oppofent  à  i'accroiffement 
de  la  ville  de  ce  côté-là.  Il  a  réuni  un  grand  nombre  de  pro- 
priétés différentes,  qui  fe  commandoient  les  unes  &  les  autres,  &  ne 
permettoient  pas  d'ouvrir  les  communications  néceffaires.  Il  fe 
trouve  aujourd'hui  propriétaire  d'un  terrein  qui  contient  neuf  jour- 
naux de  Bretagne,  dans  un  feul  tenant,  &  qui  n'ell  éloigné  du 
port  de  la  Folle,  &  même  de  la  Bourfe ,  que  de  quarante  à 
cinquante  toifes ,  à  travers  duquel  il  confent  que  la  Ville  ouvre 
des  rues  fpacicufes  dans  tous  les  fens ,  &  qu  elle  y  forme  des  places 
publiques.  Un  projet  auffi  vafte  &  auffi  bien  conçu,  ne  peut  que 
lui  acquérir  la  reconnoiifance  de  fes  concitoyens. 

Les  vœux  publics  fe  réuniffent  pour  demander  la  reconftruc- 
tion  de  l'hôtel  de  la  Bourfe.  Cet  éd&e ,  démoli  il  y  a  neuf  à 
dix  ans ,  a  été  remplacé  par  une  baraque  de  bois  très-ridicule  ^ 
&  qui  contrafle  bien  avec  l'opulence  des  Négociants.  On  defi- 
reroit  aufli  qu'on  fît  une  nouvelle  falle  de  fpeftacle  ,  mieux: 
difpofée  que  celle  qui  fubfîfle  aftuellement.  Je  prévc  ïs  bien  que 
comme  la  Comédie  ne  plaît  pas  à  tout  le  monde  ,  plufieurs  per- 
fonnes  me  fçauront  mauvais  gré  de  m'intéreffer  à  cet  objet.  Sans 
faire  ici  une  longue  énumération  des  maux  réels,  &  des  avan-- 
tages  peut-être  douteux  des  fpe^èacles  dans  l'état  aftuel  des- 
chofes ,  je  me  bornerai  à  dire ,  pour  ma  juftification ,  qu'il  ne 
dépend  pas  de  moi  qu'il  y  ait  ou  qu'il  n'y  ait  point  de  théâtres  ^ 
&  que ,  puifqu'il  en  faut  abfolument ,  on  doit  au  moins  defirer- 
qu'ils  ne  réuniffent  pds  a  la  fois ,  comme  celui  de  Nantes ,  le& 
maux  phvfiques  &  moraux. 

Il  faut  ménager  la  famé  du  citoyen  jufques  dans  fes  erreurs.. 
Notre  falle  de  fpeftacle  ell  une  efpece  de  cave  humide  ,  ou  plutÔÊ: 
une  efpece  depnfon,  où,  pour  fon  argent,  on  va  fe  faire  preffec- 
&  refpirer  un  air  étouffé  Si  mal  f  ain.  Souvent  même  ,  au  lieu  de 
s'aniulér,  on  fouffre ,  pendant  toute  la  pièce ,  le  mal-aife  le  plus 
fenfible.  Cette  falle,  d'ailleurs,  n'a  qu'une  iffue  très-étroite;  &  il 
efl  certain  que ,  fi  le  feu  prenoit  pendant  le  fpeftacle ,  il  feroit 
très-difficile  que  la  moitié  feulement  des  affiflants  pût  fe  fauver^ 
On  pourroit  s'étonner  que ,  dans  une  ville  telle  que  Nantes ,  on. 
fe  contentât  de  fc  plaindre  Ci  long-temps  d'un  défagrément  que 
tous  ceux  qui  fréquentent  les  théâtres  paroiffent  fi  bien  feiitir,  fi 
loa  ne  f^avoit  qu'il  n'efl  pas  facile  de  ùrouver  un  lieu  commode  y 


NAN^NAU     ;  ^n 

Se  que  d'ailleurs  des  objets  plus  intéreffants  captivent,  depuis  bien 
des  années,  l'attention  de  nos  vigilants  Magiftrats. 

Nous  devons ,  fur-tout ,  rendre  juftice  au  zèle  de  M.  le  Maire  (a)  : 
c'efl:  par  fes  foins  que ,  depuis  plufîeurs  années ,  la  ville  a  pris  une 
nouvelle  face  &  s'eft  accrue  d'un  quart.  Les  rues  font  foigneufe- 
ment  pavées  &  nettoyées  ;  &  les  réverbères,  établis  depuis  peu,  ont 
rendu  les  voleurs  plus  timides  &  les  méchants  plus  circonfpefts. 
Les  cloaques  qui ,  quoiqu'en  petit  nombre,  ne  laiflbient  pas  d'être 
nuifîbles ,  ont  été  comblés ,  &  le  terrein  qu'ils  occupoient  fert  au- 
jourd'hui de  promenade ,  ou  eft  occupé  par  de  beaux  édifices. 
Encore  vingt  ans  de  paix  &  d'un  commerce  aftif,  Nantes  éga- 
lera, fi  elle  ne  furpaife  par  la  magnificence  &  l'étendue,  les 
plus  belles  villes  de   l'Europe. 

Les  pompes  confiées  à  des  Officiers  aftifs ,  intelligents ,  & 
diftribuées  dans  les  différents  quartiers ,  doivent  raffurer  les  habi- 
tants contre  les  ravages  &  les  progrès  des  incendies.  Il  ne  refte 
plus  à  defirer ,  pour  la  fureté  des  habitants ,  qu'une  garde  exafte 
pendant  la  nuit ,  pour  contenir  dans  le  devoir  une  foule  d'étran- 
gers fans  aveu  qui  y  commettent  mille  défordres  ;  des  vagabonds, 
des  voleurs  -,  efpece  incommode  dont  Nantes  fourmille ,  parce 
qu'ils  n'y  font  pas  beaucoup  inquiétés  :  un  guet ,  bien  formé  6c 
bien  dirigé,  ne  manqùeroit  pas  de  les  éloigner. 

D'après  les  obfervations  &:  les  évaluations  le  plus  exaâlement 
faites,  la  confommation  annuelle  ell,  à  Nantes,  au  moins  de 
dix-huit  mille  tonneaux ,  ou  de  cent  quatre-vingt  mille  feptiers 
de  grain  j  ce  qui  fait  environ  cinquante  tonneaux  ou  cinq  cents 
feptiers  par  jour.  On  peut  juger  par-là  de  la  confommation  des 
autres   denrées. 

NAUSTANG  $  fur  la  route  de  Lande  van  au  Port-Louis  ;  à 
7  lieues  &  demie  à  l'Ouefl-Nord-Oueft  de  Vannes ,  fon  Evêché  j 
à  25  lieues  trois  quarts  de  Rennes  j  &  à  2  lieues  de  Hennebon, 
fa  Subdélégation  &  fon  reiTort.  On  y  compte  900  communiants  : 
la  Cure  eft  à  l'alternative.  Cette  Paroiffe  a  une  haute- Jullice  ; 
&  il  s'y  tient,  par  an,  quatre  foires  conndérables  de  beltiaux.  Son 
territoire  eft  rempli  de  vallons ,  arrofés  de  ruiffeaux ,  &  renferme 
des  terres  très-exa6lement  &  très-foigneufement  cultivées  :  on  y  fait 


(  <j  )  M.  Gellée  de  Prémion  ,  citoyen 
aum  refpeftable  par  fes  profondes  connoif- 
fances  &  fes  lumières ,  que  par  la  beauté 


de  fon  arae  &  le  déûntéreflement  le  pWï 
vifible. 


jii  NAU=NÉA 

du  cidre ,  &  les  habitants  vivent  dans  une  honnête  aîfance  qu'ils 
ne  doivent  qu'à  leurs  travaux. 

NÉANT  j  fur  la  route  de  Ploermel  à  Dinan  ;  à  1 5  lieues  trois 
quarts  au  Sud-Oueft  de  Saint-Malo ,  fon  Evêché  ;  à  i  o  lieues 
un  quart  de  Rennes  5  &  à  2  lieues  un  tiers  de  Ploermel ,  fa  Sub- 
délégation &  fon  relTort.  On  y  compte  1 500  communiants  :  la 
Cure  ell:  à  l'alternative.  Ce  territoire  eft  un  pays  affez  générale- 
ment plat  &  couvert,  qui  fe  termine  à  l'Ell  à  la  forêt  de  Paim- 
pont ,  &  à  rOuefl:  à  la  rivière  d'Inel  :  on  y  voit  des  terres  en 
labeur  ,  des  arbres  à  fruits ,  des  prairies  ,  &  des  landes.  Il  fe 
Jtient  un  marché ,  le  vendredi  de  chaque  femaine ,  dans  la  cour  du 
château  du  Bois  de  la  Roche ,  qui  eft  la  maifon  feigneuriale  de 
la  ParoilTe.  Cette  maifon  ell  très-ancienne ,  &  nommée  du  lieu 
de  fa  fituation  qui  eft  fur  le  haut  d'une  allez  haute  montagne, 
voifine  d'un  bois  coupé  par  la  rivière  d'Inel ,  qui  paiTe  par  l'é- 
tang au  Duc  ,  entre  Ploermel  Se  le  bourg  de  Taupon.  Le  châ- 
teau du  Bois  de  la  Roche  échut ,  en  1340  ,  à  Renaud  de  Mon- 
tauban  I  du  nom ,  fils  d'Olivier  de  Montauban ,  qui ,  par  fon 
mariage  avec  Amice  du  Breil ,  fille  unique  Se  héritière  de  Guilr 
laume  du  Bois  de  la  Roche  ,  devint  Seigneur  de  cette  Terre. 
Il  eut  un  fils  ,  nommé  Renaud  de  Montauban ,  qui  fut  un  des  plus 
grands  guerriers  de  fon  temps.  Philippe  de  Montauban ,  Seigneur 
du  Bois  de  la  Roche ,  fut  très-fçavant  dans  la  Jurifprudence  ,  & 
très-habile  dans  les  armes.  Le  Duc  François  II  le  fit  Gouver- 
neur de  Rennes  &  ChanceUer  de  Bretagne  en  1487.  Ce  Sei- 
gneur &  le  Comte  de  Comminges  dirigèrent  les  démarches  de 
la  Reine  Anne ,  après  la  mort  de  fon  père  ,  &  empêchèrent  le 
mariage  de  cette  Princefie  avec  le  Sire  d'Albret.  Lorfqu'il  fut 
quefiion  de  faire  la  paix  en  Bretagne ,  &  de  faire  confentir  la 
Ducheffe  à  époufer  le  Roi  Charles  VIII ,  Philippe  de  Montaubaa. 
fut  le  feul  qui  put  la  réfoudre  à  conclure  cette  alliance  ,  pour  la- 
quelle elle  avoit  peine  à  confentir.  Après  ce  mariage  fi  defiré  ^ 
le  Roi  Charles  VIII  employa  Philippe  dans  les  charges  les  plus, 
importantes;  &,  lorfqu'il  fupprima  la  place  de  Chancelier  dei 
Bretagne  ,  il  lui  donna  le  titre  de  Gouverneur  &  de  Garde  de  la 
Chancellerie  de  la  province.  En  1 5 1 3  ,  le  Roi  Louis  XII  érigea 
en  Vicomte  la  Terre  &  Seigneurie  du  Bois  de  la  Roche  ,  &  celle 
de  Saint-Brice ,  que  Philippe  avoit  acheté  de  M.  de  Scepeaux , 
en  Baronnie.  Ce  fut  environ  le  même  temps  que  ce  Seigneur 
fit  fermer  de    murs   le  parc   du  château  du  Bois  de  la  Roche. 

Philippe 


N  É  A  315 

Philippe  de  Montauban  tomba  malade,  &  fit  fon  teflament  à 
Rennes  ,  le  27  Juin  1 514  :  il  mourut  le  I^^  Juillet  fuivant.  Son 
corps  fut  porté  à  Ploermel ,  &  mhumé  dans  la  Chapelle  de  No- 
tre-Dame i  Chapelle  qu'il  avoit  fondée  lui-même  dans  l'Eglife  des 
Pères  Carmes  de  la  même  ville  :  on  y  voit  Ton  tombeau  avec 
l  epitaphe  fuivante  : 

Cy-gifi  haut  &  puijfant  Seigneur  Philippe  de  Montauban  ^ 
Baron  de  Grenonville ,  de  Ba:^oges  ^  &  de  Sens  ;  Vicomte  du 
Bois  de  la  Roche ,  Chancelier  de  Bretagne ,  fondateur  de  cette 
Chapelle  ;  qui  décéda^  à  Rennes  ^  le  z^''.  jour  de  Juillet  1Ô14, 
Prie^  Dieu  qu'il  lui  fajje  pardon, 

Anne  du  Chatelier ,  fon  époufe ,  lui  furvécut  quelque  temps , 
&  fut  inhumée ,  après  fa  mort ,  à  côté  de  fon  époux. 

La  Seigneurie  du  Bois  de  la  Roche  pafFa  dans  la  maifon  de 
Volvire ,  qui  eft  une  des  plus  anciennes  du  Royaume ,  puifqu'elle 
exiftoit  fous  le  règne  de  Robert,  trente-feptieme  Roi  de  France, 
qui  commença  à  régner  en  996.  Ce  fait  eft  prouvé  par  un  aé^e 
confervé  dans  les  archives  de  cette  maifon  ,  lequel ,  dit  Quingelien, 
Vicomte  de  Volvire ,  vivoit  du  temps  de  ce  Monarque.  René 
de  Volvire,  Baron  du  Rufec ,  époufa  Catherine  de  Montauban, 
fille  de  Philippe  de  Montauban ,  qui  lui  porta  fes  biens.  Phi- 
lippe de  Volvire  fut  Chevalier  des  Ordres  du  Roi ,  Gentilhomme 
ordinaire  de  fa  Chambre,  &,  en  1 567 ,  Capitaine  de  cent  lances 
de  {qs  ordonnances.  Le  Roi  Charles  IX  le  retint  en  cette  qualité 
en  fon  Confeil ,  par  brevet  donné  à  Saint-Germain  en  Lave ,  le 
4  Juillet  1570.  Quelque -temps  auparavant,  le  Roi  lui  avoit  fait 
don  de  fix  mille  livres  ;  &  dans  l'expédition  des  lettres  données 
à  ce  fujet,  le  17  Novembre  1567,  le  Monarque  le  qualifie  de 
fon  coufin.  Le  1 2  Décembre  1570,  il  fut  envoyé  en  ambaflade 
vers  les  Princes  d'Allemagne  ,  en  place  du  Comte  de  Retz 
qui  étoit  tombé  malade.  Cette  ambaiîade  étoit  pour  traiter  du 
mariage  de  François  de  France,  Duc  d'Alençon,  frère  du  Roi, 
avec  la  féconde  fille  d'Augufte ,  Duc  de  Bavière ,  pour  aflurer 
le  Landgrave  de  HefTe  &  le  Duc  de  Wittemberg  de  l'amitié 
de  ce  Prince ,  &  entretenir  l'inteUigence  qui  étoit  entr'eux  &  la 
Couronne  de  France.  Le  mariage  projette  ne  réuflit  pas  ,  mais 
ce  voyage  ne  laifTa  pas  de  faire  honneur  à  PhiUppe  de  Vol- 
vire ,  qui ,  à  fon  retour ,  eut  la  Lieutenançe  générale  de  Bretagne, 
Tome  IIL  R  2" 


V4  NÉ  A 

vacante  par  la  mort  du  Seigneur  de  Bouille  :  il  n'occupa  pas 
cette  place ,  parce  qu'il  fut  prefque  aufli-tôt  décoré  de  la  Lieu- 
tenance  générale  &  du  Gouvernement  du  pays  d'Angoumois, 
L'an  1582,  le  Roi  Henri  III,  voulant  s'attacher  les  Grands  du 
Royaume,  inflitua  l'Ordre  du  Saint  -  Efprit ,  compofé  de  cent 
Chevaliers.  Philippe  de  Volvire  fut  fait  Commandeur  de  cet 
Ordre  ,  le  dernier  jour  de  Décembre  de  la  même  année  :  ce  ne 
fut  pas  la  dernière  faveur  qu'il  reçut  du  Roi ,  qui ,  le  23  Juillet 
1583,  lui  donna  la  Lieutenance  générale  de  Saintonge  &  le 
Gouvernement  de  la  Rochelle  &  pays  d'Aunis  ,  en  l'abfence  du 
Roi  de  Navarre ,  qui  étoit  Gouverneur  de  Guyenne.  Ce  Seigneur 
étoit  âgé  de  cinquante-trois  ans ,  &  allure  du  premier  bâton  de 
Maréchal  de  France  vacant ,  lorfque  la  mort  vint  le  furprendre 
au  commencement  de  l'année  1585  :  il  étoit  en  fi  grande  véné- 
ration dans  fon  Gouvernement  d'Angoumois ,  que  les  habitants 
du  pays  députèrent  à  Paris  pour  demander  fon  corps  à  Madame 
Anne  d'Aillon ,  fon  époufe ,  &  l'inhumèrent  dans  la  Cathédrale 
de  Saint-Pierre  ,  avec  tous  les  honneurs  dus  à  fon  mérite  & 
convenables  au  zèle  de  ceux  qui  faifoient  les  funérailles. 

Anne  d'Aillon,  époufe  de  Philippe,  fit  fon  telîament  le  2^ 
Juin  161 8,  &  demanda  à  être  enterrée  aux  Carmes  de  Ploermel, 
dans  la  Chapelle  &  enfeu  des  Seigneurs  du  Bois  de  la  Roche  : 
elle  ordonna  auffi  de  mettre  fon  cœur  dans  le  même  vafe  de 
plomb  où  étoit  celui  de  fon  mari,  qu'elle  avoit  toujours  foi- 
gneufement  confervé ,  &  de  le  porter  dans  l'Eghfe  Collégiale 
de  Saint-André  du  Rufec  ,  à  laquelle  elle  légua  dix  livres  tour- 
nois de  rente ,  pour  une  MefTe  baffe  par  femaine.  Ses  entrailles 
furent  dépofées  dans  la  Chapelle  de  Saint-Brice ,  &  fon  corps 
fut  porté ,  quelque  temps  après  ,  aux  Carmes  de  Ploermel ,  pour 
y  être  inhumé.  Le  convoi  fut  affiflé  de  fes  enfants,  de  tous  les 
Gentilshommes  voifîns ,  &  d'un  grand  concours  de  peuple.  Guil- 
laume le  Gouverneur ,  Evêque  de  Saint-Malo ,  fit  la  cérémonie 
des  funérailles ,  &  prononça  l'Oraifon  funèbre.  Le  Comte  du 
Bois  de  la  Roche  &  le  Baron  de  Saint-Brice  ,  fes  enfants, 
av oient  fait  faire  des  ornements  de  velours  noir ,  comme  cha- 
fubles ,  dalmatiques,  chapes,  parements  d'autel,  drap  mortuaire, 
qu'ils  iaifferent  aux  Rehgieux  Carmes.  Le  corps  fut  dépofé  dan» 
le  caveau ,  auprès  de  celui  de  PhiHppe  de  Montauban  cc  autre* 
Seigneurs  de  cette  maifon.  Avant  de  mourir ,  cette  Dame  avoit 
eu  la  douleur  de  voir  fon  château  du  Bois  de  la  Roche  af- 
iàégé  Se   pris,   en    1592  ,   par  les  Seigneurs   de   Camors  ,  qui 


NÉA=  NEV  315 

mirent  le  feu  au  bois  qui  le  joint ,  &  en  brûlèrent  une  grande 
partie. 

Henri  de  Volvire ,  fécond  fils  de  Philippe  &  d'Anne  d'Aillon  > 
fut  tenu  fur  les  Fonts  Baptilmaux  par  le  Roi  Henri  III  &  Mar- 
guerite ,  DuchelTe  de  Savoie  :  il  fe  diftingua  dans  les  guerres 
où  il  fervit.  Son  Maître  ,  le  R.oi  Henri  IV ,  voulant  reconnoître 
les  fervices  que  lui  &  fes  ancêtres  avaient  rendus  à  l'Etat , 
érigea  la  Vicomte  du  Bois  de  la  Proche  en  Comté ,  comme  on 
le  voit  par  les  lettres  de  ce  Monarque  ,  du  mois  de  Février 
1607  ,  publiées  &  enrégiftrées  au  Parlement  les  22  &  23  Juin 
1 609.  Ce  Seigneur  avoit  été  Préfident  de  la  NoblefTe ,  aux  Etats 
afTemblés  à  Ploermel ,  l'an  1606,  Le  16  Avril  161 6,  le  Roi 
Louis  XIII  le  créa  Capitaine  de  cinquante  hommes  d'armes  de 
fes  ordonnances ,  pour  récompenfe  de  fes  fervices ,  &  lui  donna 
le  titre  de  Confeiller  en  fon  Confeil  d'Etat.  Henri  de  Volvire 
mourut  en  fon  château  du  Bois  de  la  Roche,  le  8  06lobre  1645  , 
&  ,  huit  jours  après ,  fon  corps  fut  porté  procefîionnellement  aux 
Carmes  de  Ploermel  :  la  Jultice  &  la  Noblefîe  aifiilerent  à  fes 
funérailles  en  corps  &  en  habit  de  deuil. 

Son  fils ,  nommé  Charles  ,  mourut  aufîi  au  château  du  Bois  de 
la  Roche,  le  26  Février  1692  :  le  lendemain  fon  corps  fut  porté 
aux  Carmes  de  Ploermel ,  pour  y  être  enterré  dans  l'enfeu  de 
fes  ancêtres.  Son  convoi  funèbre  fut  mené  par  les  Refteurs  des 
Paroifles  de  Néant,  GuilUers,  Loyat,  &  Tréhoranteuc.  Il  lailTa 
de  fon  mariage  plufieurs  enfants  :  Jofeph ,  l'ainé  de  tous ,  fut 
Colonel  du  Régiment  de  Bretagne,  Infanterie,  en  1688,  &: 
Gouverneur  de  la  ville  de  Ploermel.  La  Terre  &  Seigneurie 
du  Bois  de  la  Roche  appartient  préfentement  à  M.  de  Saint-Pern 
Ligouyer. 

En  1420,  la  maifon  duBoiffic  appartenoit  à  Raoul  de  Bois-Jacu  ; 
la  Touche,  à  Guillaume  l'Ecuyer;  la  Saudraye,  à  Jean  le  Pré- 
vofi:  ;  la  Roche  ,  à  Olivier  de  la  Regneraye  ;  le  Frêne-Daniel  , 
à  Olivier  Jolivet  j  le  Bochet ,  à  Michel  des  Prés. 

NEVEZ  ;  fur  une  hauteur  ;  à  6  lieues  deux  tiers  au  Sud-EIl 
de  Quimper,  fon  Evêché  j  à  35  lieues  de  Rennes  j  &  à  2  heues 
un  quart  de  Concarneau ,  fa  Subdélégation  &  fon  reflbrt.  Cette 
ParoifTe  relevé  du  Roi,  &  compte  1500  communiants:  la  Cure 
ell  préfentée  par  un  Chanoine  de  l'Eglife  Cathédrale  de  Quimper. 
Ce  territoire  eft  plein  de  monticules  ,  fertile  ,  &  très-exa6tement 
cultivé.  Il  efl  borné  au  Sud  par  la  mer  ,  qui  l'arrofe  par  le  moyen 


}ié  NEV=NIV 

de  plufieurs  canaux.  Hervé  ,  Chevalier ,  Seigneur  de  Nevez , 
vivoit  en  1260.  Jacques  de  Nevez,  Chevalier,  fut  Capitaine 
de  cinquante  hommes  d'armes  ,  &  Gentilhomme  ordinaire  de  la 
Chambre  du  Roi.  Claude  ,  fon  fils ,  époufa  en  1595  Elifabeth 
d'Acigné  ,  de  laquelle  il  eut  un  fils ,  nommé  Claude  ,  qui  fut 
marié  à  Françoife  d'Avaugour.  De  ce  mariage  fortirent  René , 
Colonel  du  Régiment  des  VaifTeaux ,  qui  mourut  en  1 660  ;  &: 
Malo ,  qui  fe  maria  &  eut  plufieurs  enfants. 

NEUILLAC  5  fur  la  route  de  Pontivi  à  Corlai  &  Guingamp  j 
à  1 8  lieues  un  quart  à  l'Eft-Nord-Ell  de  Quimper ,  fon  Evêché  ; 
à  2 1  lieues  de  Rennes  ;  &  à  i  lieue  &  demie  de  Pontivi ,  fa 
Subdélégation.  Cette  ParoifTe  reffortit  à  Ploermel  ,  &  compte 
4500  communiants,  y  compris  ceux  de  Ker-grift  &de  Mouftoir, 
fes  trêves  :  la  Cure  elt  à  l'alternative.  Ce  territoire  eft  un  pays 
plat  &  couvert ,  où  l'on  voit  des  vallons  coupés  de  petits  ruif- 
îeaux  qui  vont  fe  dégorger  dans  la  rivière  de  Blavet ,  des 
terres  bien  cultivées ,  des  prairies ,  des  landes  affez  étendues ,  &: 
des  arbres  à  fruits. 

NïVILLAC  ;  dans  un  fond  ,  à  peu  de  diilance  de  la  rivière 
de  Vilaine;  à  14  lieues  deux  tiers  au  Nord-Ouell  de  Nantes, 
fon  Evêché  &  fon  reflbrt  ;  à  1 6  lieues  trois  quarts  de  Rennes  5 
&  à  deux  tiers  de  lieue  de  la  Rochebernard ,  fa  Subdélégation. 
On  y  compte  2000  communiants:  la  Cure,  qui  ell  un  Doyenné, 
ell  à  l'Ordinaire.  (  Voyez  la  Rochebernard.  )  Des  vallons  très- 
étendus ,  des  terres  bien  cultivées,  des  prairies,  &  des  landes  dont  la 
plupart  ne  méritent  pas  les  foins  du  cultivateur  :  voilà  ce  qu'on  re- 
marque dans  ce  territoire.  Nivillac  relevé  de  la  Baronnie  de  la 
Rochebernard ,  à  caufe  du  château  de  Lourmois,  maifon  Seigneu- 
riale du  lieu  ,  qui  relevé  ,  en  arriere-fief ,  de  cette  Baronnie.  La 
Terre  de  Lourmois  appartenoit ,  en  1 5  00 ,  à  Louis  d'Aaron ,  Sieur 
de  Lourmois. 

Auprès  de  l'étang  du  Rodouer,  font  les  ruines  du  château 
de  la  Grée ,  qui ,  dit-on ,  étoit  jadis  occupé  par  des  faux  mon- 
noyeurs  ;  on  croit  qu'il  fut  démoli  en  1526:  on  y  remarque 
plufieurs  fouterreins ,  qui  annoncent  que  ce  château  étoit  autrefois 
une  maifon  de  conféquence. 

Sur  la  montagne  du  Rofo ,  près  le  village  de  Trevigneu , 
eft  un  fouterrein  taillé  dans  le  roc,  à  peu  de  diftance  de  la 
rivière  de  Vilaine  -,  mais   on   ne   peut  fçavoir  à   quel   ufage  il 


NI  V=N  OR  }i7 

étoit  deftiné.  Le  Ros  &  le  Bois-Gervais  font  des  maifons  nobles. 

NIZON  ;  fur  une  hauteur  ;  à  8  lieues  un  quart  au  Sud-Sud- 
Ell:  de  Quimper ,  fon  Evêché  ;  à  33  lieues  3z  demie  de  Rennes  j 
&  à  4  lieues  de  Concarneau ,  fa  Subdélégadon  &  fon  reffort. 
Cette  Paroifle ,  dont  la  Cure  eil  à  l'alternative ,  relevé  du  Roi , 
&  compte  1700  communiants,  y  compris  ceux  de  Pont-d'Aven, 
fa  trêve. 

En  1250,  le  château  de  Ruftefant  appartenoit  à  Blanche  de 
Caftille,  époufe  de  Louis  VIIÎ,  Roi  de  France  ;  &,  en  1420  , 
au  Sieur  de  Guemené  :  on  en  voit  encore  les  ruines.  Dans  le 
même  temps ,  Ker-meno  &  Ker-malhe-Hauffre ,  à  N....  -,  le  Plef- 
fis-Nizon ,  à  Yves  du  PlefTis  -  Nizon  -,  la  Seigneurie  du  Henan , 
haute,  moyenne  &  balTe - Juftice ,  à  M.  le  Marquis  de  Pont- 
Callec.  Des  vallons  ,  des  monticules ,  des  terres  fertiles  &  abon- 
dantes en  grains ,  de  bons  pâturages ,  &  quelques  landes  :  voilà 
ce  que  ce  territoire  offre  à  la  vue. 

NORT  ;  gros  bourg ,  fur  la  rivière  d'Erdre  ;  à  5  lieues  deux 
tiers  au  Nord-Nord-ES  de  Nantes  ,  fon  Evêché  &  fon  reffort  ; 
à  17  lieues  de  Rennes;  &  à  6  lieues  un  quart  de  Derval ,  fa 
Subdélégation.  On  y  compte  3200  communiants.  M.  de  Goyon, 
Maréchal  des  camps  &  armées  du  Roi ,  eu  Seigneur  haut-Juf- 
ticier  de  cette  Paroiffe.  Il  s'y  tient  un  marché  tous  les  vendredis , 
&  la  Cure   eff  préfentée  par  le  Chapitre  de  Nantes. 

Les  ponts  de  Nort ,  fur  la  rivière  d'Erdre ,  furent  commencés 
à  bâtir  en  pierres  de  taille  en  1753  ,  &  ne  furent  finis  qu'en 
1775  :  ils  ont  coûté  plus  de  cent  cinquante  mille  livres  à  la 
province.  Cette  Paroiffe  eff  divifée  en  trois  parties ,  qui  font  : 
Nort ,  Saint-Georges ,  &  le  Port-Mulon.  Ce  dernier  eft  comme 
le  magafin  d'une  grande  partie  du  bois  &  du  charbon  qui  fe 
confument  à  Nantes  :  on  y  amené  auffi  de  ce  port ,  par  eau, 
le  fer  des  forges  de  Moifdon  &  de  Riaillé ,  &  une  grande 
quantité  de  charbon  de  terre  ,  tiré  de  la  mine  de  Langfeen , 
fituée  dans  cette  Paroiffe.  C'eft  dans  cette  mine  qu'il  y  a  une 
pompe  à  feu  très-curieufe ;  elle  fert  à  pomper  l'eau  des  puits,  qui 
ont  plus  de  trois  cents  pieds  de  profondeur.  Cette  mine  fut 
ouverte  en  vertu  des  lettres -patentes  du  15  Juillet  1746,  por- 
tant permifîion  à  Simon  Jarie  d'avoir  des  ouvriers  &  de  les 
occuper  à  tirer  du  charbon  de  terre  dans  la  mine  de  Languen. 
Tous  les  vendredis  de  l'année,  plus  de  deux  cents  Marchands 


5i8  NOR  ' 

de  beurre,  de  volailles,  &  autres  denrées  des  environs  de 
Chateaubriand ,  de  la  Guerche ,  de  Vitré ,  de  Rennes ,  &c. 
viennent  s'embarquer  au  port  de  Nort ,  pour  fe  rendre  à  Nantes 
au  marché  qui  s'y  tient  le  famedi.  Le  territoire  de  Nort  ell  fort 
étendu  ;  on  eflime  qu'il  a  fept  lieues  de  périmètre  :  il  renferme 
plusieurs  fiefs  qui  relèvent  du  Roi,  de  M.  le  Prince  de  Condé, 
&  de  plufieurs  autres  Seigneurs  ;  on  y  voit  des  terres  en  labeur , 
des  prairies,  des  landes  immenfes  qui  font  fituées  au  Nord  du 
côté  de  Saffré,  &  quelques  bois  peu  étendus.  On  trouve  par-tout, 
dans  le  bourg  de  Nort,  des  tombeaux  ou  chafles  de  pierres  ardoi- 
fînes,  dont  on  ne  voit  des  pareilles  qu'à  trois  lieues,  vers  Nozai, 
ce  qui  fait  croire  que  ce  ne  font  pas  des  tombeaux  du  menu 
peuple ,  parce  qu'il  a  fallu  faire  de  grandes  dépenfes  pour  les 
faire  venir  à  Nort.  Il  n'y  a  aucunes  mfcriptions  fur  les  pierres , 
&  les  oflements  qu'elles  renferment  font  entièrement  confumés, 
à  l'exception  de  quelques  efquilles  ou  de  quelques  dents.  On 
peut  conclure  de  là  que  l'endroit  étoit  plus  confidérable  autrefois 
qu'il  n'eft  aujourd'hui ,  &  qu'il  eft  un  des  plus  anciennement 
habités  de  la  contrée.  Il  y  en  a  peu  qui  foient  plus  avantageux 
fement  fnués  ,  pour  devenir  ville  avec  le  temps. 

Le  Prieuré  de  Hénord,  aujourd'hui  Nord^  fut  fondé,  en  1075  , 
par  les  Seigneurs  du  lieu ,  ceux  de  CafTum ,  (  c'eft  CafTon ,  )  & 
le  Refteur ,  qui  y  attachèrent  des  droits  qu'ils  avoient  dans  l'Eghfe 
de  Saint- Chrillophe  de  Nort,  à  l'exception  des  dîmes  qu'ils  fe 
réferverent.  Quiriac,  Evêque  de  Nantes,  approuva  leur  donation, 
&C  appella  ce  Prieuré  du  nom  de  Saint-Georges. 

La  maifon  de  Quiheix  appartient  aux  Moines  de  l'Abbaye  de 
Meilleraye  :  on  y  voit  une  Chapelle  très-ancienne. 

L'an  1480,  Michel  Guibé,  Evêque  de  Dol,  obtint  TEglife 
paroifliale  de  Nort  par  les  Minoribus. 

Le  château  de  Lufliniere  appartenoit ,  en  1 460 ,  à  Pierre  de 
Cornuliier,  Chevalier.  Pierre,  fon  fils,  fut  Capitaine ,  en  1487, 
des  Arquebufiers  à  cheval  de  François ,  Comte  de  Laval ,  Sei- 
gneur de  Chateaubriand.  Pierre  de  CornuUier  &  Claude  de  Cor- 
nuliier furent  fuccefîivement  Tréforiers  des  Finances  de  Bretagne. 
On  commença  à  démolir  les  fortifications  du  château  de  Lufîi- 
niere  en  1 589  ;  mais  quelques  foldats ,  auxquels  la  défenfe  de  la 
place  avoit  été  confiée,  empêchèrent  qu'elle  ne  fût  entièrement 
détruite.  Pierre  de  Cornuliier ,  Abbé  de  Saint-Méen  &  de  Blanche- 
Couronne  ,  fut  transféré  de  l'Evêché  de  Tréguier  à  celui  de 
Rennes,  au  mois  de  Mars  1619.  Jean  de  CornuUier,  Chevalier, 


NO  R  =  NO  Y  5,9 

Seigneur  de  l-uffiniere ,  fut  Grand-Maître  des  Eaux  Se  Forêts  de 
Bretagne.  Claude  de  Cornullier  ,  Préfidcnt -au  Parlement ,  cpoufa 
Renée  Haye  de  Nétumiere.  Touffaint  de  Cornullier  fut  Préfiderjt 
au  même  Parlement  j  &  Pierre  de  Cornullier  fut  Maître  de  l'Ora^ 
toire  de  Monfieur ,  frère  unique  du  Roi.  Cette  Seigneurie  appar- 
tient encore  à  la  même  famille.  Le  château  de  Montreuil  a  aufîi 
(es  fiefs  particuliers,  &  appartient  à  M.  de  Saint  -  Mars  -  Boux, 
En  1563,  les  Calvinill:es  av oient  un  Pafceur  à  Nort  ,  mais  fans 
titre. 

NOUVOïTOU  ;  fur  un  coteau ,  à  peu  de  diftance  de  la  rivière 
de  Seiche  ;  à  2  lieues  trois  quarts  au  Sud-Eft  de  Rennes  ,  fon 
Evêcbé,  fa  Subdélégation,  &  fon  reffort.  On  y  compte  2000 
communiants  ;  la  Cure  eft  préfentée  par  TArchidiacre  du  Dé- 
fert.  Ce  t^^rritoire ,  couvert  d'arbres  à  fruits ,  renferme  des  terres 
bien  cultivées,  des  prairies,  &  des  landes.  C'ell  un  pays  riant, 
avantageufement  fitué  ,  &  dans  un  très-bon  air. 

NOYAL  ;  fur  la  route  de  Rennes  à  Lamballe  ;  à  4  lieues  deux 
tiers  de  Saint -Brieuc,  fon  Evêchéj  à  15  lieues  deux  tiers  de 
Rennes  j  te  à  deux  tiers  de  lieue  de  Lamballe,  fa  Subdéléga- 
tion. Cette  ParoilTe  reifortit  à  Jugon  ,  &  compte  550  commu- 
niants. M.  le  Duc  de  Penthievre  en  eft  le  Seigneur  :  la  Cure 
eft  à  l'Ordinaire.  Cario-Beaubois  ,  moyenne-Jullice  ,  à  M.  Defnos 
des  Foliés  ;  Noyai, -tjalîe-Juitice,  à  M.  Chatton  des  Morandais ; 
Plouaifon,  baffe- Juilice,  à  M.  du  Mené  de  Lezurec.  Ce  terri- 
toire eft  peu  étendu ,  mars  très-exaftement  cultivé ,  &  fertile  en 
toutes  fortes  de  grains. 

NOYAL -MUSSILLAC;  à  5  lieues  un  quart  au  Sud-Efi  de 
Vannes ,  fon  Evêché  j  à  1 7  lieues  deux  tiers  de  Rennes  -,  &  à 
3  lieues  de  la  Rochebernard ,  fa  Subdélégation.  Cette  Paroiffe, 
dont  M.  de  Rochefort  eu.  Seigneur,  compte  2200  communiants, 
y  compris  ceux  de  Guerne ,  fa  trêve  :  la  Cure  eft  à  l'Ordinaire.. 
La  haute-Juftice  de  Clofné  reffortit  au  Préfidial  de  Vannes,  Sc 
la  moyenne-Juflice  de  Tremodec  à  Rochefort.  Des  terres  en  la- 
beur ,  des  prairies ,  des  landes  j  voilà  ce  que  ce  territoire  offre 
à  la  vue. 

La  Seigneurie  de  Coatquibihen  dépendoit  jadis  de  la  Vicomte 
de  Rohan  j  mais,  par  tranfa6tion  panée  en  1428,  Alain,  Vicomte 
de  Rohan,   donna  à  Raoul    de  Montfort  cette  Seigneurie,  quj, 


jio  NO  Y 

s'étendoit  alors  dans  les  Paroifles  de  Queftember  &c  de  Sulniac. 
De  la  maifon  de  Montfort  elle  paffa  dans  celle  de  Carné.  Chrif- 
tophe  de  Carné  fut  fait  Chevalier  du  Porc-Epic ,  par  Charles ,  Duc 
d'Orléans ,  qui  inftitua  cet  Ordre.  En  1 440 ,  Roland  de  Carné 
i  du  nom ,  tut  Echanfon  du  Duc  de  Bretagne ,  Maître-d'hôtel 
de  François  ,  fon  fils  aîné  ;  &  Triftan  de  Carné  fut  Maître-d'hôtel 
de  la  Reine.  Marc  de  Carné,  Vice- Amiral  &  Grand-Maître 
des  Eaux  &:  Forêts  de  Bretagne  ,  époufa  ,  en  1 5  06 ,  Gillette  de 
Rohan.  Jean  de  Carné ,  Chevalier  de  l'Ordre  du  Roi ,  Gentil- 
homme de  fa  Chambre  ,  &  Gouverneur  de  Guingamp ,  époufa 
Françoife  de  Kernefme.  Le  2  Mars  1 5 1 3  ,  la  Reine  Anne  de  Bre- 
tagne écrivit  de  Bourges  à  Triftan  de  Carné ,  pour  lui  dire 
qu'elle  defiroit  avoir  fon  fils  à  fon  fervice  ,  &  qu'elle  en  prendroit 
tout  le  foin  pofïible.  Par  lettres  données  à  Blois  le  23  Novembre, 
cette  PrincefTe  accorda  des  provisions  de  Capitaine  de  cinq  cents 
hommes  d'Infanterie,  qu'elle  avoit  fait  lever  pour  la  défenfe  du 
pays  de  Bretagne ,  à  Triftan  de  Carné ,  alors  Gouverneur  de 
Guérande.  Le  18  Février  1568,  le  Roi  Charles  IX  écrivit  de 
Paris  à  Jérôme  de  Carné,  Lieutenant  des  ville  &  château  de 
Brefl: ,  pour  le  prévenir  qu'il  l'avoit  fait  Chevalier  de  fon  Ordre , 
dont  il  lui  envoyoit  le  Collier,  pour  lui  témoigner  de  plus  en 
plus  combien  il  étoit  content  de  les  fervices.  François  de  Carné 
fut  Gouverneur  du  Dauphin ,  fils  du  Roi  Henri  IL 

La  Terre  &  Seigneurie  de  Coatquibihen  appartient  préfente- 
ment  à  M.  de  Rochefort,  qui  pofTede  aufîi  celle  de  Ker-alio. 

NOYALO;  fur  la  route  de  Vannes  à  Sarzeau;  à  i  Heue  deux 
tiers  au  Sud-Eft  de  Vannes ,  fon  Evêché ,  fa  Subdélégation ,  & 
fon  reffort  ;  &  à  20  lieues  un  quart  de  Rennes.  On  y  compte 
250  communiants  :  la  Cure  eft  préfentée  par  le  Chapitre  de  la 
Cathédrale  de  Vannes.  Ce  territoire  efi:  un  pays  plat  &  joint  au 
Morbihan  :  il  efi:  arrofé  de  plufieurs  petits  bras  de  mer ,  &  pro- 
duit du  grain  en  abondance.  On  y  voit  quelques  petites  landes 
du  côté  du  village  de  Crapen,  &  quelques  marais  falauts  peu 
confidérables. 

NOYAL-PONTIVI  ;  à  10  lieues  dz  demie  au  Nord  de  Varnes, 
fon  Evêché  j  à  1 8  lieues  trois  quarts  de  Rennes  ;  &  à  i  lieue 
&  demie  de  Pontivi ,  fa  Subdélégation.  Cette  ParoifTe  reffortit  à 
Ploermel ,  &  compte  8000  communiants ,  y  compris  ceux  de 
Gueltas ,  Ker-fourne ,  Saint-Geran  ,  &  Saint- T huriau ,  ks  trêves. 

M. 


NO  Y  ^zr 

M.  le  Duc  de  Rohan  en  eft  le  Seigneur  :  la  Cure  efl  à  l'alter- 
native. Ce  territoire  eft  d  une  grande  étendue ,  &  plein  de  val- 
lons dans  lefquels  coulent  des  ruifleaux  qui  vont  fe  décharger 
dans  les  rivières  de  Blavet  &  d'Ouft.  Le  terroir  eft  fernle  en 
grains ,  lin ,  &  fruits  :  il  eft  en  partie  occupé  par  plufieurs  bois , 
dont  le  plus  confidérable  eft  la  forêt  de  Branguily ,  &  des  landes 
très-étendues.  Il  fe  tient  trois  foires  par  an  à  Noyal-Pontivi ,  fça- 
voir  ,  celles  de  Noyai ,  de  la  Houffaye  ,  &  de  la  Brolade  :  elles 
font  très-anciennes,  &  d'autant  plus  confidérables  qu'elles  font 
franches  &  exemptes  de  tous  droits  d'entrée.  La  plus  célèbre  eft 
celle  de  Noyai ,  qui  fe  tient  au  commencement  de  Juillet.  On 
y  obfervoit  jadis  des  coutumes  ftnguheres  ;  nous  ignorons  fî  on 
les  pratique  encore  aujourd'hui.  Tout  Marchand  qui  auroit  ofé 
vendre ,  avant  que  le  Receveur  de  la  Vicomte  de  Rohan ,  ou 
autre  Commis  du  Vicomte  ,  eût  porté  le  gant  /^ve'pour  cette  foire, 
auroit  perdu  toutes  fes  marchandifes ,  qui  étoient  confifquées  an 
profit  du  Seigneur.  On  trouvoit  à  cette  foire  plus  de  trois  mille 
chevaux  :  mais  on  ne  pouvoir  en  vendre  un  feul  qu'après  le  gant 
levé.  Toutes  ces  cérémonies  fe  faifoient  au  lieu  accoutumé ,  nommé 
Bellechere,  Les  Marchands  faifoient  enfuite  pafter  en  revue  ,  de- 
vant le  Vicomte  ou  fon  Commis ,  tous  les  chevaux  à  vendre , 
&  il  en  prenoit  le  nombre  qu'il  vouloir ,  au  prix  fixé  par  fon 
Ecuyer  ou  fon  Maître-d'hôtel.  Si  quelqu'un  vendoit  avant  ces 
formalités,  l'animal  vendu  étoit  confifqué  fur  le  champ  au  profit 
du  Vicomte ,  qui  en  difpofoit  félon  fon  bon  plaifir.  Pour  le  bien 
général  de  tous  ceux  qui  étoient  à  la  foire ,  le  Seigneur  de  Rohan 
y  tenoit  fes  plaids  généraux ,  &  l'on  y  jugeoit  toutes  les  caufes 
pendantes  dans  les  Cours  ou  Sièges  du  refTort  de  Pontivi,  de 
Corlai ,  de  Loudéac  ,  &  de  Baud.  Les  Avocats  de  ces  différents 
endroits  avoient  foin  de  s'y  rendre  ,  pour  y  plaider  devant  les  Ju- 
ges du  Vicomte.  Un  autre  avantage  plus  confidérable  ,  c'eft  que  les 
différents  ou  procès  qui  s'élevoient  entre  les  Marchands  ,  étoient 
Jugés  fur  le  champ ,  de  préférence  à  tout  autre ,  depuis  le  com- 
mencement jufqu'a  la  fin  de  la  foire ,  qui  duroit  plus  de  quinze 
jours.  Pour  la  fureté  des  Marchands  &  de  leurs  effets ,  le  Vicomte 
avoir  ie  droit  de  faire  affembler  tous  les  habitants  de  la  ParoifTe  ^ 
qui,  pendant  la  nuit,  accompagnoient  le  Receveur  de  ce  Sei- 
gneur ,  ou  autre  par  lui  commis ,  pour  faire  le  guet  dans  les  rues 
&  dans  les  endroits  où  étoient  les  marchandifes  j  &  fi  quelqu'un 
des  habitants  eût  refufé  d'obéir ,.  il  auroit  été  puni ,  taxé ,  &  exé- 
cuté par  les  Officiers  de.  la  Seigneurie»  Les  Seigneurs  de  Rohaa 
TQm&  lîL  S  X 


'^12.     '  N  O  Y 

ont  eu  ,  de  tout  temps ,  le  droit  &  poffefTion  d'avoir ,  donner 
&  tenir,  par  toute  la  Vicomte ,  des  mefures  pour  les  Cabaretiers , 
les  Marchands  de  bled  &  de  draps  \  &  aucun  de  ceux-ci  n'au- 
roit  oik.  vendre  une  aune  d'étoffe ,  fans  avoir  pris  des  Officiers  ou 
Commis  de  ces  Seigneurs ,  un  étalon  ou  verge  de  mefure ,  qui 
leur  coûtoit  quatre  deniers  par  an. 

En  1440,  Bellechiere  ou  Bellechere  ,  &  Ker-melin,  au 
Seigneur  de  Rohan  j  Calhuerne  ,  au  Sieur  de  Maleftroit  j  Ker-inque- 
lon  y  à  Jean  de  Kerinquelleau  :  ce  manoir  fe  nomme  aujourd'hui 
Ker-niquelo ,  &  appartient  à  M.  de  la  Touche  -  Porman  5  il  a 
haute ,  moyenne  &  baiTe-Juilice.  Ker-bourhis ,  à  Jean  de  Larlan  \ 
cette  terre  a  bafle-JuiHce ,  &  appartient  à  M.  de  Menifoille  :  les 
Fontainenez ,  à  Jean  le  Bodic  j  Ker-mabo ,  à  Guillaume  de  la 
Flaye  \  Ker-boutier ,  au  Sieur  de  Lantivi  ;  Ker-ner ,  à  Henri  le 
Parifî  j  Tremais,  au  Sieur  de  Tremais;  Ker-hourhet,  à  Guillaume 
de  Coëtmeur  ;  Ker-lagadeuc ,  à  N...  Leftrelan  :  la  plupart  de  ces 
manoirs  font  aujourd'hui  en  ruines ,  &  n'ont  que  le  nom  de  mé- 
tairies. La  maifon  de  Coëttuhan ,  balTe-Juftice ,  appartient  à  M. 
le  Préiident  de  Langlej  &  le  Stangui,  à  N.... 

NOYAL-SOUS-BAZOUGES  ;  à  7  Heues  au  Nord  de  Rennes, 
fon  Evêché  ;  &  à  2  lieues  &  demie  d'Antrain,  fa  Subdélégation, 
Cette  ParoifTe  refîbrtit  à  Bazouges,  &  compte  1050  commu- 
niants :  la  Cure  eft  préfentée  par  le  Prieur  de  Saint-Denis  de 
Rennes.  Ce  territoire ,  plein  de  rochers  &  couvert ,  renferme  des 
terres  bien  cultivées ,  des  prairies ,  &  des  landes  j  on  y  fait  du 
cidre.  Beauvais-Moulienne ,  haute  ,  moyenne  &  baffe- Juilice  ,  à 
Mademoifelle  de  Beauvais  ;  le  Cartier ,  haute ,  moyenne  &  baffe- 
Juffice  ,  à  M.  de  la  Prévalaye. 

NOYAL-SUR-BRUZ  ;  dans  un  fond;  à  01  Heues  au  Sud-Eff 
de  Rennes ,  fon  Evêché  &:  fon  reffort  ;  &  à  i  lieue  &  demie  de 
Chateaubriand  ,  fa  Subdélégation.  On  y  compte  450  commu- 
niants :  la  Cure  eft  à  l'Ordinaire.  La  Vicomte  de  Fercé,  le  Bois- 
Péan ,  la  Bernardiere ,  la  Minière  ,  &  le  Bois-Bréhant ,  haute- 
Juftice ,  à  M.  du  Bois-Péan  ,  Seigneur  de  la  Paroiffe  ;  la  Be- 
rhaudiere  ,  moyenne  &  baffe-Juftice  ,  à  Mademoifelle  Lambert  de 
Lorgeril  ;  le  Pleffis-Ramé  ,  baffe- Juffice  ,  à  M.  Jouneaux  du  Pleffis. 
Le  territoire ,  couvert  d'arbres  &  buiffons ,  fe  termine  au  Nord 
aux  forêts  Neuve  &  d'Araize  :  il  renferme  des  terres  bien  cul- 
tivées ,  quelques  prairies ,  &  des  landes. 


NOY  jîj 

NOYAL-SUR-SEÏCHE  5  fur  une  hauteur  ;  à  2  lieues  un  quart 
au  Sud-Sud-Eft  de  Rennes ,  fon  Eveché ,  fa  Subdélégation ,  & 
fon  refîbrt.  La  Paroiffe  relevé  du  Roi,  &  compte  1500  com- 
muniants :  la  Cure  eft  à  l'Ordinaire.  Le  territoire,  couvert  d'ar- 
bres &  buifîons ,  renferme  des  terres  fertiles  en  grains ,  fom ,  lin  , 
&c  chanvre  :  on  y  voit  des  arbres  fruitiers  &  des  landes.  Il  y 
avoit  jadis  des  manufaftures  de  toile ,  où  l'on  en  fabriquoit  pour 
plus  de  trois  cents  cinquante  mille  livres  par  an.  Cétoit  de  greffes 
toiles  crues  ,  qui  fervoient  à  faire  des  voiles  de  navire  :  ce  com- 
merce eft  entièrement  tombé  ,  parce  que  le  Roi  a  établi  des  ma- 
nufa6lures  de  ces  toiles  dans  les  différents  ports  de  fon  Royaume. 
En  1420,  la  maifon  noble  des  Carreaux  appartenoit  au  Sieur  de 
Bloffac  ;  celle  de  la  Méanciere,  à  Renaud  Boterelj  &  celle  du 
Pleiîls,  à  N... 

NOYAL-SUR-VILAINE  ;  à  2  lieues  un  quart  à  FEff  de  Rennes , 
fon  Eveché ,  fa  Subdélégation  ,  &  fon  reffort.  On  y  compte 
1500  communiants  :  la  Cure  ell  préfentée  par  l'Abbé  de  Saint- 
Melaine.  Il  s'y  exerce  cinq  hautes- Juffices  &  trois  moyennes.  Le 
territoire  ,  couvert  d'arbres  &  buiffons,  &  arrofé  des  eaux  de  la  ri- 
vière de  Vilame  &  de  plufieurs  petits  ruiffeaux  ,  eft  très-  exaftement 
cultivé ,  &  produit  du  grain ,    du  foin ,    &  d'excellent  cidre. 

Les  décimes  de  Croyal,  en  cette  Paroiffe,  furent  données, 
en  1 1 00  ,  à  FAbbaye  de  Saint-Melaine  de  Rennes ,  par  Simon  de 
Viffeiche  &  Aufrai ,  fon  frère.  L'an  1 1 80 ,  Simon  de  Viffei- 
che  ,  fon  iils,  donna  à  l'Abbaye  de  Saint-Melaine  les  décimes 
qu'il  poffédoit  dans  Noyai.  En  1294,  Guillaume  de  la  Roche-  . 
Tanguy,  Evêque  de  Rennes,  unit  i'Eglife  de  Noyai  à  l'Abbaye 
de  Saint-Melaine. 

En  1390  &  1420,  Launaye  &  Hidouzet,  à  Guillaume  de 
Clin  ;  le  Patiz ,  à  Olivier  du  Cellier  j  Beauchefne ,  à  Jean  du 
Cellier;  la  Terraye,  à  Pierre  de  Clinj  la  Chefnaye,  à  Guillaume 
le  Coq;  Gofne ,  à  Pierre  Yvette;  Buner,  à  Jean  Benazé;  le 
Gué,  à  Georges  du  Gué,  qui  poffédoit  auffi  les  manoirs  de  Li- 
niere  &  de  la  Rouerie;  les  Tenieres,  à  Guillaume  de  Chaufne; 
ViUiers ,  au  Sieur  Dcigrées  ;  Beaujardin ,  à  Jean  le  Maire  ;  les 
Touches  &  le  Bois-Orcant,  à  Placide  Dupé;  la  Breterie  &  le 
Pleflis-d'Ohvet ,  à  Guillaume  de  Sevigné  ;  Tatous ,  à  Olivier 
de  Saint-Etienne;  la  Motte  de  Noy^l,  au  Sieur  de  Tizc  ;  Pocé, 
à  Bertrand  de  Montboucher;  la  Touche,  à  Jean  de  Mencerel  ; 
la  Touche  ^  à  Roland  de  la  Gralotaye  ;  le  Rigoler ,  à  Thomas 


514  NO  Y  =NOZ 

Bouder;  Se  la  Rivière,  à  Robine  Texué.  Il  y  a  dans  cette  Pa- 
roiffe  une  manufafture  de  toiles  crues  ,  nommées  toiles  de  Noyai: 
elle  étoit  confidérable  avant  que  les  Hollandais  &  les  Anglais  en 
eufîent  chez  eux,  &  avant  celles  établies  par  Sa  Majefté  dans 
les  principaux  ports  de  mer.  On  les  employoit  à  faire  des  voiles 
de  navire. 

NOZ AY  ;  petite  ville  dans  un  fond ,  fur  la  route  de  Nantes 
à  Rennes  ;  à  8  lieues  au  Nord  de  Nantes  ,  fon  Evêché  &  le 
refTort  de  fa  hauteJuftice  ;  à  1 3  lieues  &  demie  de  Rennes  ;  & 
à  2  lieues  trois  quarts  de  Derval ,  fa  Subdélégation.  M.  le  Prince 
de  Condé  eft  le  Seigneur  de  cette  ParoifTe,  où  l'on  compte  1 500 
communiants.  Il  fe  tient  un  marché  confidérable  de  grains  tous 
les  lundis  dans  le  bourg  ,  où  l'on  trouve  auffi  une  Brigade  de 
MaréchaufTée  ,  &  une  Pofte  aux  chevaux.  La  Cure  eft  à  l'Or- 
dinaire. Le  Prieuré  de  Saint -Florent  fe  préfente  par  l'Abbé  de 
Saint-Florent  le  Vieil  :  celui  de  BeauHeu  ,  par  l'Abbé  de  Saint- 
Gildas  des  Bois  j  ce  dernier  eil  un  fief  ennobli  dans  le  quator- 
zième fiecle. 

Bernard ,  Evêque  de  Nantes ,  donna  à  Matthieu ,  Abbé  de 
Saint-Florent ,  l'EgHfe  de  Nozay  ,  tant  pour  acquitter  la  promeffe 
qu'il  lui  avoir  précédemment  faite,  que  pour  l'ame  de  fon  père, 
mort  Moine  dans  ce  Monaftere ,  vers  l'an  1 1 1 8.  Le  Prieuré  de 
Saint-Saturnin  de  Nozay  dépend  de  l'Abbaye  de  Saint-Florent  de 
Saumur ,  Ordre  de  Saint-lienoît  :  en  1624,  ce  Prieuré  étoit  en- 
core occupé  par  un  Moine  -,  mais  il  a  été  féculanfé  depuis  ,  & 
efl:  maintenant  deffervi  par  un  Refteur  &  un  Vicaire. 

En  1200,  la  Seigneurie  de  Nozay  appartenoit  à  N...  de  Rieux, 
&,  en  1500,  à  Jean  de  Rieux,  Maréchal  de  Bretagne  :  elle 
palTa  enfuite  dans  la  maifon  de  Montmorenci  ;  &  ,  de  celle-ci, 
dans  celle  de  Condé.  La  Ville-au-chef ,  maifon  feigneuriale  de 
Nozay,  étoit  autrefois  un  fort  château  ,  avec  titre  de  Châtellenie: 
il  eft  aujourd'hui  en  ruines ,  &  dépend ,  comme  autrefois ,  de  la  Ba- 
ronnie  de  Derval.  En  1 420 ,  la  Ville-Fougeré ,  à  Jeanne  Huet,  Dame 
de  la  Ville-Fougeré  ;  Beaumont,  à  Pierre  deMenouel,  Sergent  féodé 
du  Sieur  de  Rieux  ;  Rogabonnet ,  à  Jean  Grimant  ;  Lorriere ,  à 
Jean  de  Lorriere  i  la  métairie  de  la  HoufTaye,  à  Robin  Bazin, 
qui  devoit  fergenterie  au  Seigneur  de  Rieux  j  le  Coudrai ,  à 
Dom  Jean  Gicquel  ;  le  domaine  de  la  Touche ,  à  Jean  Sorin , 
Sieur  du  Trouer  :  le  château  de  la  Touche  a  long-temps  appar- 
tenu aux  Seigneurs  de  Montmorenci  j  M.  le  Duc  de  Montmorenci 


NOZ=:ORG  jiy 

Y  mourut  en  1745»  La  maifon  pafla  alors  à  M.  de  Kercado, 
Lieutenant  général  des  Armées  du  Roi.  Après  la  mort  de  ce 
dernier,  la  Terre  de  la  Touche  fiit  acquife  par  M.  de  Cor- 
nuUier  ,  qui  en  jouit  aujourd'hui  :  la  maifon  ell  décorée  d'un 
parc  planté  en  bois  dune  afTez  grande  étendue. 

L'an  1595  ,  l'Eglife  de  Nozay  fut  polluée  parles  Calvinifles, 
&  réconcihée  en  vertu  d'un  Induit  de  Rome  ,  parce  que  l'Evêque 
de  Nantes  n'étoit  pas  alors  fur  les  lieux.  Le  territoire ,  arrofé  de 
plufîeurs  ruiiTeaux  &  étangs ,  &  couvert  d'arbres  &  buiffons  , 
renferme  des  terres  affez  bien  cultivées  &  fertiles ,  des  prairies , 
&  des  landes  dont  le  fol  excellent  mérite  les  foins  du  cultiva- 
teur. On  apperçoit  en  différents  endroits  beaucoup  de  pierres 
d'ardoife  j  mais  ,  jufqu  ici ,  on  ne  s'eft  pas  occupé  de  faire  l'ou- 
verture des  mines.  Les  bois  du  Défert  &  le  parc  de  la  Ville-au- 
chef  appartiennent  à  M.  le  Prince  de  Condé. 


o 


RGERES  ;  fur  une  hauteur  ;  à  3  lieues  un  quart  au  Sud 
de  Rennes ,  fon  Evêché ,  fa  Subdélégation ,  &  fon  reffort.  Il  s'y 
exerce  une  haute- Juftice.  On  y  compte  1500  communiants  :  la 
Cure  eft  préfentce  par  l'Evêque.  Ce  territoire  efl  plat  &  cou* 
vert  d'arbres  &  buiifons  :  on  y  voit  des  terres  bien  cultivées, 
peu  de  prairies,  &  des  landes  en  afTez  grande  quantité.  La 
mine  du  Pont-Péan  efl  dans  le  voifînage.  La  Terre  &  Seigneu- 
rie d'Orgeres  fut  érigée  en  Baronnie  en  1641 ,  en  faveur  de  Ga- 
briel de  Bourgneuf ,  Seigneur  de  Cucé ,  Préfident  au  Parlement 
de  Bretagne,  commis  par  lettres-patentes  pour  procéder  à  la 
réformation  ou  rédaftion  de  la  Coutume  de  Bretagne.  La  maifon 
de  Bourgneuf  a  donné  de  grands  Hommes  à  l'Etat.  Avant  la  créa- 
tion du  Parlement ,  Julien  de  Bourgneuf  étoit  Chef  delà  Juflice  dans 
la  province,  &,  depuis  l'établilTeinent  de  la  Cour,  les  Seigneurs 
de  cette  famille  y  ont  eu  les  premières  charges.  Ils  comptent  fept 
Premiers  Préfidents  de  leur  nom,  tant  au  Parlement  de  Paris 
qu'à  celui  de  Bretagne  ;  fept  Préfidents  à  Mortier ,  cinq  Maîtres 
des  Requêtes  Intendants  de  Juflice  dans  les  provinces  &  les  ar- 
mées, &  plufieurs  alliances  avec  les  principales  maifons  du 
Royaume.  Charles  de  Bourgneuf,  Evêque  de  Nantes  en  1598, 
mourut  en  1617  :  il  paffa  pour  un  des  grands  Prélats  qu'eut 
alors  la  France,  Il  réfigna  fon  Evêché  à  Henri  de  Bourgneuf,  fon 
neveu  ,  qui  s'en  démit  entre  les  mains  du  Roi ,  au  mois  de  Jan- 
vier 1621  ,  pour  pafTer  fur  le  Siège   épifcopal  de  Saint -Malo, 


jzg  O  R  G=0  SS 

Cette  famille  s'éteignit  en  la  perfonne  de  Henri  de  Bourgneuf ,  Pre- 
mier Préfident  du  Parlement  de  Bretagne  ,  Magiftrat  plus  illuftre 
encore  par  Tes  grandes  qualités ,  qui  le  font  révérer  comme  un 
Saint  &  regretter  comme  le  père  de  fa  patrie  ,  que  par  fa 
naiffance  dilHnguée.  Député  par  fa  Compagnie  auprès  du  Roi, 
il  mourut  à  Pans  le  27  Août  1660.  La  Daronme  d'Orgeres, 
haute  ,  moyenne  &c  balTe-JulHce  ,  appartient  aujourd'hui  à  M,  de 
la  Rochedurand. 

ORVAULT  ;  fur  une  hauteur  ;  à  i  lieue  trois  quarts  au  Nord- 
Nord-Oueft  de  Nantes,  fon  Evêché  ,  fa  Subdélégation,  &  fon 
reflbrt  j  à  20  lieues  un  tiers  de  Rennes.  On  y  compte  1 100  com- 
muniants :  la  Cure  eft  préfentée  par  le  Chapitre  de  la  Cathé- 
drale. Par  a6le  pafTé  à  Orvault  le  1 2  des  calendes  de  Mars 
850,  Cadalun  donna  à  l'Abbaye  de  Saint-Sauveur  de  Redon, un 
fief  qu'il  avoit  à  Coueron  ,  avec  les  métairies  qu'il  y  tenoit  & 
les  efclaves  qui  les  cultivoient. 

Hervé  Dupé ,  Chevalier  ,  Seigneur  d'Orvault ,  vivoit  en  146^0. 
Charles,  fon  petit-fils,  fut  Gentilhomme  ordinaire  delà  Chambre 
du  Roi,  &  Gouverneur  de  Guérande.  Le  Pleflis,  haute  ,  moyenne 
&  bafîe-Juftice ,  appartient  à  M.  Dupé  d'Orvault.  Des  terres  en 
labeur  très-fertiles ,  des  vallons  arrofés  de  ruilTeaux  qui  fertilifent 
les  prairies  qui  font  fur  leurs  bords ,  &  des  landes  très-étendues, 
dont  le  fol  mérite  les  foins  du  cultivateur  -,  voilà  ce  que  ce 
territoire  offre  à  la  vue.  Les  habitants  font  paflablement  aifés. 
Se  feroient  riches  s'ils  défrichoient  leurs  landes  -,  d'autant  mieux 
qu'ils  font  aux  portes  de  Nantes ,  où  les  denrées  font  à  un  prix 
excelTif  :  ils  cueillent  beaucoup  de  châtaignes ,  dites  marrons, 
dont  ils  tirent  un  gros  revenu.  Ce  territoire  eft  recommandable 
pour  les  pierres  de  grifon ,  les  plus  belles  pour  le  grain ,  &  les 
plus  groffes ,  peut-être ,  qui  foient  en  Bretagne  :  c'eft  dans  ces 
carrières  qu'on  a  pris  les  pierres  pour  la  conftru£lion  de  l'Eglife 
Cathédrale  de  Nantes. 

OSSÉ  ',  dans  un  fond  ;  à  3  lieues  &  demie  à  ITll-Sud-Efl:  de 
Rennes ,  fon  Evêché ,  fa  Subdélégation  ,  &  fon  reflbrt.  On  y 
compte  iioo  communiants  :  la  Cure  eft  à  l'Ordinaire.  Son  terri- 
toire ,  arrofé  des  eaux  de  la  rivière  de  Seiche  ,  renferme  des 
terres  fertiles  ik  des  prairies.  En  \  400  ,  le  manoir  du  Pleflis-d'OfTé 
appartenoit  au  Sieur  du  Pan  ;  &  le  manoir  des  Grés ,  à  Jean  de 
Montbeilie.  En  1570,  le  château  du  Pleliis-Rafîlé  étoit  à  Raoul- 


O  s  S=  OUD  317 

Îe-Roi ,  Seigneur  du  lieu.  11  fut  afliégé ,  en  1589,  par  les  troupes 
du  Roi  Henri  IV ,  qui  s'en  emparèrent ,  &  y  firent  un  butin 
confidérable. 

OUDON  ;  gros  bourg ,  dans  un  fond ,  au  bord  de  la  rive 
droite  de  la  Loire  ,  fur  la  route  de  Nantes  à  Angers  j  à  5  lieues 
deux  tiers  à  l'Efl-Nord-Eft  de  Nantes ,  fon  Evêché  &  fon  reiïbrt  j 
à  20  lieues  de  Rennes  ;  &  à  i  lieue  trois  quarts  d'Ancenis  , 
fa  Subdélégation.  On  y  remarque  une  Maîtrife  des  Eaux  &  Fo- 
rêts ,  qui  appartient  à  M.  le  Prince  de  Condé ,  Seigneur  de  l'en- 
droit 5  deux  Poftes ,  Tune  aux  lettres ,  l'autre  aux  chevaux.  On 
y  compte  1600  habitants  :  la  Cure  eft  préfentée  par  l'Abbé  de 
Saint-Aubin  d'Angers  ;  le  Prieuré  de  Saint-Aubin  efl  préfenté  par 
le  même  Abbé  ;  &  la  Chapellenie  de  Saint-Jean ,  par  M.  le 
Prince.  Oudon  ,  Châtelienie  ,  haute  ,  moyenne  &  bafîe-Juilice  , 
à  M.  le  Prince  de  Condé  ;  Omblepieds  ,  haute  ,  moyenne  & 
baffe- Juflice ,  à  M.  Fleuriot.  Des  terres  fertiles  en  grain ,  de 
belles  prairies  ,  des  vignes ,  &  quelques  landes  peu  étendues  : 
voilà  ce  que  ce  territoire  offre  à  la  vue.  On  y  trouve  du  charbon 
de  terre  en  affez  grande  abondance ,  mais  on  n'exploite  point 
les  mines  qui  le  renferment. 

Albert  le  Grand  &  quelques  autres  ,  difent  que  TEglife  d'Ou- 
don  fut  bâtie  à  la  fin  du  quatrième  fiecle ,  du  temps  d'Ari- 
fius ,  fixieme  Evêque  de  Nantes ,  &  que  ce  Prélat  contribua  gé- 
néreufement  à  la  fondation  de  cette  Eglife.  Je  crois  que  ces 
écrivains  fe  font  trompés ,  &  que  ,  fi  Arifius  fit  quelque  fonda- 
tion ,  ce  ne  fut  pas  celle  de  cette  Paroiffe ,  mais  plutôt  de  quel- 
que Monaftere.  La  magnifique  tour  ou  fortertfiè  d'Oudon  fut 
bâtie,  vers  Tan  850,  par  le  Comte  Lambert,  qui  vouloit  gêner 
la  navigation  fur  la  Loire.  Les  fortifications  qui  environnent 
cette  tour  ont  été  bâties,  félon  toutes  les  apparences,  dans  le 
quatorzième  fiecle.  Ce  qui  concourt  à  prouver  ce  fentiment  eff 
une  lettre  de  Jean  de  Malefiroit ,  Seigneur  d'Oudon ,  confervée 
dans  les  archives  du  château  de  Nantes.  Ce  Gentilhomme  y  fait 
mention  de  la  permiflion  qu'il  vient  d'obtenir ,  de  bâtir  des  for- 
tifications à  Oudon ,  &  du  ferment  de  fidélité  qu'il  a  fait  au 
Duc  :  la  date  de  fa  lettre  efi:  du  22  Mai  1392. 

La  Terre  &  Seigneurie  d'Oudon  eut  jadis  des  Seigneurs  de 
fon  nom.  N....  d'Oudon  ,  unique  héritière  de  cette  famille , 
porta  fes  biens  dans  la  maifon  de  Châteaugiron ,  par  fon  mariage 
avec  Alain,  qui  vivoit  en  13 10. 


jiS  O  U  D 

Le  Prieuré  de  Saînt-Martin ,  qui  fert  aujourd'hui  d'Eglife  pa- 
roifliale  ,  fut  fondé  en  1 1 3  o.  Brice ,  Evêque  de  Nantes ,  donna 
aux  Moines  qui  étoient  à  Oudon ,  un  terrein ,  pour  y  conftruire 
une  Eglife  &  un  cimetière  ,  avec  des  maifons  pour  les  loger  , 
mais  à  condition  qu'ils  n'auroient  aucun  commerce  avec  les  par- 
ticuliers ,  qu'ils  ne  leur  parleroient  que  par  nécefîité ,  en  un  mot , 
qu'ils  vivroient  dans  la  plus  exafte  retraite.  Par  afte  pafle  le 
27  Septembre  1 1 3  8 ,  le  Seigneur  d'Oudon  donna  l'Eglife  pa- 
roiffiale  du  lieu  ,  du  confentement  de  Brice  ,  Evêque  de  Nantes  , 
à  l'Abbaye  de  Saint-Aubin  d'Angers.  L'an  11 40,  Geoffroi  d'Ou- 
don ,  ayant  été  blefle  dans  un  combat ,  voulut  fe  faire  porter  an 
Couvent  de  Saint -Martin  d'Oudon  ,  pour  y  prendre  l'habit 
Monaftique.  Ses  amis  ,  à  qui  ce  projet  ne  plaifoit  pas ,  lui  firent  de 
{i  fortes  repréfentations  qu'ils  l'empêchcrent  de  l'exécuter  :  il  fe  con- 
tenta feulement  de  donner  au  Monallere  un  terrein  pour  y  conllruire 
un  mouUn  ,  une  braie  pour  pêcher  du  poifîon  ,  &  un  terrein  planté 
en  vignes.  Le  Prieuré  de  Saint-Aubm  a  été  fondé  dans  ce  temps. 

L'an  1235,  la  tour  d'Oudon,  alors  gardée  par  les  Anglais, 
fut  prife  par  l'armée  du  Roi  de  France  Louis  IX.  Les  troupes 
Françaifes  firent  des  ravages  affreux  dans  les  environs.  La  Terre 
&  Seigneurie  d'Oudon ,  qui  avoit  été  portée ,  comme  on  vient 
de  le  dire  ,  par  l'héritière  de  cette  maifon  ,  dans  celle  de  Châ» 
teaugiron  ,  appartenoit,  en  1380,  à  Jean  de  Maltllroit ,  Che- 
valier ,  Seigneur  de  Chàteaugiron  &  d'Oudon.  Ce  Seigneur 
donna  à  fes  frères  Thébaud  &  Alain  de  Maleilroit ,  la  Châtel- 
lenie  &  le  château  de  la  Vieille-Cour ,  dont  les  ruines  fe  voient 
encore  fur  les  bords  de  la  petite  rivière  du  Havre.  En  1 400 , 
la  Binbouere  &  le  manoir  du  Pleffis  appartenoient  au  Seigneur 
d'Oudon  j  le  Val  ^  à  Nicolas  de  l'Ecorce ,  Sieur  du  Val.  Le  10 
Juillet  1420,  le  Duc  Jean  V  donna  à  Jean  de  Maleflroit,  Sei- 
gneur d'Oudon  ,  le  fief  de  la  Tour ,  qui  s'étend  dans  cette 
ParoifTe  &  dans  celle  de  Coufïe. 

L'an  1526,  la  fortereffe  d'Oudon  étoit  habitée  par  Jean  & 
Julien  de  Maleflroit ,  qui  forçoient  leurs  vafTaux  à  prendre  la 
fauffe  monnoie  qu'ils  fabriquoient.  Le  Roi  François  I  voulant  les 
punir ,  les  fit  afîiéger  dans  leur  place  par  Nicolas ,  dit  Gui  XV î 
du  nom ,  Comte  de  Laval ,  Amiral  &  Gouverneur  de  Bretagne» 
Ils  furent  pris  &  conduits  dans  les  prifons  du  BoufFay  y  à  Nantes  , 
où  l'on  inflruifît  leur  procès.  Ils  furent  convaincus  &  condamnés 
à  mort  par  Guillaume  l'HuiHer ,  commis  fiar  le  Roi  pour  faire  le 
procès,  à  tous  les  faux  monnoy eurs  qui  fe  trouvoient  en  Bretagne- 

Les 


O  U  D  =  P  A  C  319 

Les  Terre  ,  Seigneurie ,  &  Châtellenie  d'Oudon  furent  confis- 
quées au  profit  de  Sa  Majeflé  ,  &  vendues  à  Raoul  du  Juch,  Sei- 
gneur de  Maulac  &:  de  Pratauroux ,  pour  la  fomme  de  vingt-quatre 
mille  livres. 


p 


ACÉ  ;  à  I  lieue  trois  quarts  au  Nord-Ouefl  de  Rennes ,  fon 
Evêché  &  fa  Subdélégation.  Cette  Paroifle  relevé  en  partie  du 
Roi ,  &  il  s'y  exerce  cinq  hautes-Juftices ,  une  moyenne ,  &  une 
bafie ,  qui  toutes  reflbrtiflent  au  Préfidial  de  Rennes  :  on  y 
compte  2200  habitants;  la  Cure  eft  préfentée  par  l'Abbé  de 
Saint-Melaine  de  Rennes.  Ce  territoire  renferme  d'excellents  pâ- 
turages ,  &  le  beurre  qu'on  y  fait  pafie  pour  le  meilleur  de  la 
province  après  celui  de  la  Prévalais  :  le  cidre  ell:  auffi  de  la 
meilleure  qualité.  Le  Pont-de-Pacé  eft  un  village  fur  la  rivière 
de  Flamis  ou  d'Olivet  ,  dans  lequel  il  y  a  une  Polie  aux 
chevaux. 

L'an  1 2  ï  6  ,  Guillaume  de  Paimpont ,  Abbé  de  Saint  -  Jacques 
de  Montfort,  tranfigea  avec  l'Abbé  de  Saint-Melaine  de  Rennes, 
pour  les  droits  de  la  Chapelle  ou  Prieuré  de  la  Bretonniere ,  en 
la  Paroifle  de  Pacé.  Au  mois  de  Juillet  1304  ,  Robert  Raguenel , 
Chevalier ,  Seigneur  de  Châtel-Ogé  ,  donna  les  dîmes  qu'il  pof- 
fédoit  en  cette  Paroifl^e  aux  Chapelains  qui  deflerviroient ,  par 
fucceflion  ,  la  Chapellenie  de  Notre-Dame  du  Pilier ,  qu'il  ve- 
noit  de  fonder  dans  l'Eglife  Cathédrale  de  Rennes.  En  1390, 
la  Rouxignoliere ,  à  Bertrand  de  Montboucher  ;  le  Plefîis  de 
Champagne  ,  à  Amauri  de  la  Motte  ;  la  Touche ,  à  Raoul  de 
la  Touche  ;  le  Bouais ,  à  Bertrand  du  Bouais  -,  la  Mandardiere , 
à  Guillaume  Mandard  ;  la  Riotelaye ,  à  Jean  le  Bard  ;  la  Bre- 
tonniere ,  à  Guillaume  Guerif  ;  le  Breil  ,  à  Pierre  Joufler  ;  la 
Ville-Benoifte ,  à  Pierre  le  Sénéchal  j  Champalaune ,  à  Bertrand 
de  Saint-Pern. 

Le  20  Novembre  1597,  les  garnifons  qui  étoient,  pour  le  Duc 
de  Mercœur ,  à  Hedé  &  à  Québriac ,  formèrent  un  détache- 
ment qui  ravagea  plufieurs  Paroifles  qui  étoient  foumifes  au  Roi 
Henri  IV.  Celle  de  Pacé  fut  une  des  plus  maltraitées  :  les  bar- 
bares foldats  tuèrent  une  grande  partie  des  habitants ,  emmenè- 
rent les  plus  riches  auxquels  ils  firent  payer  une  forte  rançon, 
violèrent  les  femmes  &  les  filles,  brûlèrent  la  majeure  partie 
des  maifons ,  &  réduifirent  cette  Paroifle  dans  le  plus  déplo- 
rable état. 

Tome  Ilh  T  2 


350  PAI 

PAIMB(EUF;  petite  ville,  fur  la  rive  gauche  de  la  Loire;  k 
8  lieues  &  demie  à  l'Oueft  de  Nantes  ,  fon  Evêché  &  fon  reflbrt  ; 
&  à  21  lieues  &  demie  de  Rennes.  On  y  compte  5000  com- 
muniants :  il  s'y  tient  un  marché  les  mardis  &  vendredis.  On 
y  remarque  une  Subdélégation ,  une  Brigade  de  MaréchaulTée , 
une  Pofle  aux  lettres ,  un  CommifTaire  aux  Clafles ,  un  Hôpital , 
deux  Interprètes  des  langues  étrangères  ,  un  Bureau  des  Fermes  , 
&  fix  Vifiteurs  pour  les  chargements  &c  déchargements  des  na- 
vires. La  Seigneurie  appartient  à  M.  le  Marquis  de  Bruc  ,  qui 
a  haute  ,  moyenne  &  bafle-Iuftice. 

Il  eft  probable  ,  &  tous  les  hiftoriens  penfent  que  le  château 
de  Penochen,  dont  j'ai  parlé  dans  l'Abrégé  de  l'Hifloire  de 
Bretagne ,  étoit  fitué  dans  l'endroit  où  eu.  aujourd'hui  Paimbœuf, 
Penochen  font  deux  mots  celtiques ,  pen  &:  ocken ,  qiii  iignifient 
tête  de  boeuf.  Derrière  la  ville ,  efl:  une  métairie  nommée  le  Boïs^ 
Gautier ,  où  l'on  voit  des  veftiges  d'un  ancien  château ,  d'un  co- 
lombier ,  d'une  chauffée  de  pierre ,  &c.  La  tradition  vulgaire 
veut  que  ce  foit  une  maifon  de  plaifance  d'Hoël ,  Comte  de 
Nantes  :  c'eft  fans  doute  le  château  de  Penochen.  Il  y  a  cent 
ans  qu'on  ne  voyoit  à  Paimbœuf  que  deux  métairies ,  &  la  Cha- 
pelle de  Notre-Dame,  Prieuré  fondé  en  1052  par  Glevian , 
Prince  de  Bécon ,  qui  le  donna  à  l'Abbaye  de  Saint-Sauveur 
de  Redon  :  c'elt  le  plus  ancien  monument  du  lieu.  Paimbœuf 
n'a  été  érigé  en  Paroiffe  que  depuis  un  fiecle  ,  fon  EgHfe  efl: 
dédiée  à  Saint  Louis.  Cette  ville  efl  aujourd'hui  fort  remarquable 
par  la  quantité  des  navires  marchands  qui  s'y  arrêtent.  Le  com- 
merce maritime  de  Nantes  augmentant ,  &  les  grands  navires 
ne  pouvant  monter  chargés  juifqu'au  port  de  cette  ville  ,  il  a 
fallu  un  endroit  pour  les  armer  &  défarmer  :  la  fituation  avanta- 
geufe  de  Paimbœuf  l'a  fait  choifîr  pour  cet  effet  ,  de  forte  que 
c'efl  proprement  le  port  de  Nantes  ;  on  y  voit  des  vaiffeaux  de 
toutes  les  nations  alliées  &  commerçantes ,  &  quelquefois  même 
des  frégates.  Il  efl:  à  croire  que  cette  ville,  déjà  floriffante , s'aug- 
mentera infenfiblement ,  &  deviendra  confidérable.  Elle  s'efl  pro- 
digieufement  accrue  depuis  quarante  ans ,  & ,  fans  les  deux  der- 
nières guerres ,  elle  feroit  bien  plus  fîoriffante  qu'elle  ne  l'efl. 
Prefque  toutes  les  maifons  font  occupées  par  des  Négociants  , 
des  Capitaines  de  navires ,  des  Boutiquiers ,  &  des  Aubergiftes. 
On  compte,  dans  le  feul  département  de  Paimbœuf,  environ 
fix  cents  matelots.  Les  Pilotes  peuvent  aller  àufîi  loin  qu'ils  veu- 
lent dans  la  mer  au  devant  des  navires  j  ils  font  payés  fuivant 


la  longueur  du  chemin  :  ils  doivent  conduire  les  bâtiments  qui 
fortent  jufqu'à  l'endroit  nommé  Les  Charpentiers  ^  &  donner  en- 
fuite  la  route  pour  éviter  les  autres  écueils.  On  fçait  que  les  Pilotes 
font  des  mariniers  établis  pour  conduire  les  vaifîéaux  à  l'entrée  & 
à  la  fortie  des  ports  ,  havres,  &  rivières.  Les  navires  ne  mon- 
tent ordinairement  que  jufqu'à  Paimbœuf ,  où  ils  font  en  fureté. 
On  fe  fert  de  barges  &  gabarres ,  (  efpece  de  bateaux  fort  or- 
dinaires dans  la  rivière  de  Nantes,  du  port  depuis  cinquante  juf- 
qu'à cent  vingt  tonneaux,)  pour  charger  ou  décharger  les  mar- 
chandifes  qui  font  portées  à  Nantes  ,  ou  qui  en  font  exportées. 
On  a  reconnu  qu'il  fe  débourfe  à  Paimbœuf,  par  chaque  an- 
née ,  environ  un  million ,  pour  les  radoubs  &  armements  qui 
s'y   font. 

Déclaration  du  Roi  du  mois  de  Février  171^,  portant  éta- 
bliiTement  d'un  Hôpital  à  Paimbœuf;  établiffement  que  la  grande 
quantité  de  marins  qui  s'y  trouvent  rend  très-utile.  En  1748, 
cette  maifon  obtint  des  lettres-patentes ,  qui  lui  accordoient  le 
privilège  exclufif  de  vendre  les  châlTes  pour  la  fépulture  des 
morts.  Ce  fut  environ  ce  temps-là  que  Paimbœuf  fut  érigé  en 
ParoifTe,  à  la  demande  des  habitants,  vers  l'an  1750.  L'Hôpital 
fe  trouvoit  dans  un  état  fâcheux  ;  il  avoit  peu  de  revenus  ,  &  étoit 
beaucoup  endetté.  Des  citoyens,  amis  de  l'humanité,  réuffirent 
à  lui  procurer  des  oftrois  de  fix  deniers  par  pot  de  vin  dont  il 
a  toujours  joui  depuis.  Cette  jnaifon  eft  grande  &  proprement 
meublée  :  on  y  peut  recevoir  cinquante  malades.  La  chambre 
des  hommes  eft  dans  le  bas ,  &  celle  des  femmes  dans  le  haut. 
Il  y  a ,  à  Paimbœuf ,  un  magalm  où  font  dépofées  les  poudres 
du  Roi. 

PAIMPOL;  trêve  de  la  Paroifle  de  Ploneis  ;  à  7  lieues  au 
Nord-Oueft  de  Saint-Brieuc  ,  fon  Evêché  &  fon  relTort  j  &  à  27 
lieues  de  Rennes.  Cette  trêve  relevé  du  Roi  ;  c'eft  un  membre 
de  la  Baronnie  d'Avaugour  :  on  y  compte  1 800  communiants. 
M.  le  Prince  de  Soubife  en  eft  le  Seigneur  :  la  Cure  fe  préfente  par 
l'Evêque.  Les  Jurifdiftions  font  :  le  Comté  de  Goèlojhaute-Juflice, 
à  M.  le  Prince  de  Soubife  ;  l'Ifle  de  Brehat  ,  haute- Juftice , 
à  M.  le  Duc  de  Penthievre;  l'Abbaye  de  Beauport  ,  haute- 
Juftice  ,  à  M.  l'Abbé  ;  Dannot ,  haute ,  moyenne  &  baffe-Juftice  j 
Porzon ,  haute-Jullice,  aux  héritiers  de  M.  de  TrefTan  :  le  Gonidec  , 
le  Cofquer ,  haute- Juftice  ;  Ker-huel  ,  haute-Juftice ,  à  M.  de 
Coëdvi  :  Moulauarn  ,  haute-Juftice ,  à  M.  de  Queret  de  la  Ville- 


îjt  PAI 

Bernau;  Ploubannalec  ,  haute  -  Jullice  ;  Kef-yti,  haute  -  Juflice  j 
Peros-Hamon  ,  haute- Juftice ,  à  M.  le  Baron  du  Thiers  :  Lanvi- 
gner ,  haute- Juftice  ;  Plourivo  ,  hauîe-Juflice  -,  Plonnez  ,  haute- 
Juftice ,  à  Madame  la  Princeffe  de  Guiftelles  ;  Ploueze ,  haute- 
JuiHce  ;  Ker-raoul ,  haute-Juftice  ;  Ker-iti-Ydias ,  haute- Juftice  , 
à  M.  de  Kerraoul-Vittu  j  Lanvignec  ,  moyenne- Juftice  ,  à  M.  Mo- 
raud  de  la  Sauvagere  j  &  Lanneven ,  moyenne- JulHce ,  à  M, 
Armez  du  Poulpry. 

L'an  1325,  Henri ,  Comte  de  Goëlo ,  Baron  d'Avaugour ,  & 
Jeanne  de  Harcoet ,  fon  épou^'a ,  ratifièrent  la  cefiîon  du  terrein 
que  Jean  de  Kerraoul  avoit  donné  pour  faire  le  cimetière  de 
l'Eglife  de  Notre-Dame  de  Paimpol ,  qui  fut  bénite  ,  dans  le. 
courant  de  la  même  année ,  par  Jean  d'Avaugour ,  leur  fils  , 
alors  Evêque  de  Saint -Brieuc  ,  d'où  il  fut  transféré  à  Dol 
l'an  1329. 

L'an  1591  ,  les  Anglais,  qui  trouvoient  le  port  de  Paimpol  & 
la  pofition  du  bourg  avantageufe ,  choifirent  cet  endroit  pour  en 
faire  leur  place  de  fureté.  Paimpol  appartenoit  alors  au  Comte 
de  Vertus.  Le  château  de  l'Eftang  appartenoit ,  en  1370 ,  à  Charles 
du  Halgoët,  ChevaHer,  Seigneur  de  l'Eftang. 

PALMPONT  ',  Abbaye  &  Paroifte ,  fituée  dans  la  forêt  de 
fon  nom  j  à  15  lieues  au  Sud-Sud-Oueft  de  Saint -Malo,  fon 
Evêché  j  à  7  lieues  Se  demie  de  Rennes ,  fon  refTort  j  &  à  trois 
quarts  de  lieue  de  Plélan ,  fa  Subdélégation.  On  y  compte  4000 
communiants  ,  y  compris  ceux  de  Saint  -  Peran  ,  fa  trêve  :  la 
Cure  eft  préfentée  par  le  Chapitre  de  l'Abbaye  ,  &  c'eft  un 
Moine  de  cette  maifon  qui  fait  les  fondions  de  Curé.  Ce  terri- 
toire eft  un  pays  montagneux  &  couvert,  qui  renferme  des  terres 
labourées ,  des  landes ,  &  la  forêt  de  Paimpont  ou  de  Brécilien , 
qui  peut  contenir  environ  vingt-trois  mille  arpents  de  terrein, 
planté  en  futaie  &  fur-tout  en  taïUis.  A  l'extrémité  de  cette 
forêt  eft  une  forge  à  fer,  renommée  par  la  bonté  de  la  matière 
qu'on  y  élabore.  C'eft  de  là  que  l'on  tiroit  jadis  le  fer  dont  on 
avoit  befoin  pour  l'arcenal  de  Breft.  On  prépare  &  on  blanchit 
tous  les  ans ,  dans  le  village  du  Canet ,  pour  plus  d'un  miUion 
de  fil  &  de  toile.  Les  Jurifdiftions  font  :  Brécilien ,  Maitnfe  parti- 
culière des  Eaux ,  Bois ,  &  Forêts ,  haute  -  Juftice  ,  à  MM.  le 
Préhdent  de  Cuillé  &  de  la  Chafîe  -  Dandigné  ,  Seigneurs 
des  forges  de  Paimpont  :  la  haute- Juftice  de  Brécihen  par  Cor-, 
zanne ,  6c  des  hautes  &  bafîes  rivières ,  appartient  aux  mêmes 


P  AI  =  PAN  355 

Seigneurs.  Le  Brieux ,  haute-JulHce  ;  Brécilîen  par  Guillard  & 
la  Ville-d'Anet ,  haute-Juftice ,  à  M.  de  Montigni  :  Brécilîen  par 
Beauvais ,  haute- Juftice ,  à  M.  de  Farci  de  Saint-Laurent  :  Bréci- 
lien  par  Thelouet,  Trudo,  Trédeal  ,  &  le  Heri  ,  haute-Juftice , 
à  M.  du  Bouexic-Campel  j  Brécilîen  parSaint-Penas,  haute-JulHce, 
aux  Religieux  de  Paimpont  -,  Brécilien  par  Folle-penfée  &  le 
Pertuis-Néanti ,  haute-Juilice ,  à  M.  du  Breil  de  Ruis  ;  Beaulieu  , 
haute- Juftice ,  &  la  Ville-Cerf,  moy enne- Juftice ,  à  M.  de  Ser- 
vaude.  L'Abbaye  de  Paimpont  fut  fondée,  en  630,  par  Judicael, 
Roi  de  Bretagne,  qui  la  fournit  à  l'Abbaye  de  Saint-Méen  de 
Gaël.  Il  s'y  tient  une  aflemblée  confidérable  aux  fêtes  de  la 
Pentecôte.  L'an  1138,  la  forêt  de  Paimpont  étoit  peuplée  de 
plufteurs  faux  Piermites  de  la  fe8:e  d'Eudon  ou  Eudes  de  l'Etoile , 
impofteur  infigne,  né  à  Loudéac  :  il  fe  difoit  fils  de  Dieu,  & 
fe  faifoit  adorer  en  cette  qualité  par  fes  difciples.  Ces  fanatiques  en 
vouloient  beaucoup  au  Clergé ,  fur-tout  aux  Evêques  :  ils  fe  mul- 
tiplièrent de  telle  forte ,  en  Bretagne ,  que  Conan  le  Gros  fut 
obligé  d'envoyer  des  troupes  contre  eux.  On  en  arrêta  un  grand 
nombre  qui  furent  condamnés  à  mort.  (  Voyez  Loudéac.  )  On 
remarque  dans  la  forêt  de  Paimpont  des  veftiges  d'un  ancien 
château  dont  on  ignore  le  nom.  Je  n'ai  rien  trouvé  dans  l'hiftoire 
qui  ait  pu  donner  les  moindres  notions  fur  cette  place.  On  ne 
peut  même  faire  à  cet  égard  aucune  conjefture  raifonnable. 

Ce  fut  l'an  1273  que  le  Monaftere  de  Paimpont  fut  érigé 
en  Abbaye-Paroifle  &  donné  aux  Chanoines-Réguliers  de  Saint- 
Auguftin,  pour  y  faire  les  fondions  de  Pafteurs  &  de  Curés, 
fous  le  nom  de  Notre-Dame  de  Saim-Salomon  de  Paimpont,  Le 
Seigneur  de  Loudéac  contribua  généreufement  au  nouvel  étabHf- 
fement  de  ces  Moines  j  leur  accorda  le  droit  de  chafle ,  &  la 
permiflion  de  prendre  tout  leur  bois  de  chauft'age  dans  la  forêt. 
L'étang  de  cette  Abbaye  &  celui  de  la  Forge  font  la  principale 
fource  de  la  rivière  d'Aph ,  qui  va  fe  jetter  dans  celle  d'Ouft. 
La  trêve  de  Saint-Peran,  le  Prieuré  de  Talhouet,  Franquemont,. 
&  la  maifon  de  la  Guillarde,  font  dans  ce  terntoire. 

PANCÉ  ;  fur  un  coteau  ;  à  5  lieues  trois  quarts  au  Sud-Sud- 
Eft  de  Rennes ,  fon  Evêché ,  fa  Subdélégation  ,  &  fon  reftbrt. 
On  y  compte  1300  communiants  :  la  Cure  eft  préfentée  par 
l'Abbé  de  Saint-Melaine.  Son  territoire  eft  un  pays  couvert  d'ar- 
bres &  buifîbns  :  on  y  voit  des  terres  en  labeur  de  bonne  qualité, 
des   prairies ,   &  quelques  landes.   La   rivière   de    Bruc  ou  de 


354  PAN  =  PAR 

Semnon  arrofe  ce  territoire  ,  qui ,  en  1380,  renfermoit  le  châ- 
teau du  Frétai ,  qui  appartenoit  à  Jean  de  la  Marzeliere ,  qui 
pofledoit  auffi  ,  dans  la  même  ParoilTe ,  le  manoir  de  la  Bef" 
iieraye. 

Le  19  Novembre  1442,  le  Duc  François  I  donne  permilTion 
à  Pierre  de  la  Marzeliere ,  fon  Chambellan ,  de  faire  fortifier  fon 
château  du  Frétai ,  &  de  contraindre  fes  vafTaux  à  y  faire  le  guet. 
En  conféquence ,  le  Duc  décharge  ces  valTaux  de  toute  im.poii- 
tion  quelconque.  L'an  1556,  le  Roi  Henri  II,  par  lettres  données 
à  Fontainebleau,  accorda  à  Pierre  de  la  Marzeliere  la  permiflion 
d'établir ,  à  Pancé ,  une  foire ,  pour  être  tenue  tous  les  ans  le  2  5 
Novembre  ,  jour  de  Sainte  Catherine.  Ce  Seigneur  avoir  époufé 
Françoife ,  Dame  de  Pontorfon  &  de  Bonne-Fontaine.  (  Voyez 
Antrain.  ) 

Le  Roi  Henri  III ,  par  fes  lettres  entérinées  au  Parlement  de 
Bretagne  ,  le  13  O8:obre  1 578  ,  érigea  la  Terre  &  Seigneurie  du 
Frétai  en  Vicomte ,  en  faveur  de  Renaud ,  Chevalier ,  Seigneur 
de  la  Marzehere  &  du  Frétai ,  qui  avoit  rendu  de  grands  fer- 
vices  à  ce  Monarque  dans  les  guerres  qu'il  avoit  foutenues  contre 
fes  fujets  rebelles.  Le  château  du  Frétai  fut  furpris ,  en  1592, 
par  les  troupes  du  Duc  de  Mercœur ,  &  repris  dans  le  courant 
de  la  même  année  par  le  Baron  de  Molac ,  Capitaine  au  fervice 
de  Henri  IV.  Cette  place  étoit  gardée  pour  le  Roi,  en  1595  , 
par  une  bonne  gamifon ,  aux  ordres  du   Capitaine  Saint-Gilles. 

PANNECÉ  ;  fur  une  hauteur  ;  à  S  lieues  au  Nord-Eft  de 
Nantes ,  fon  Evêché  &  fon  refTort  ;  à  17  lieues  un  tiers  de 
Rennes  ;  &  à  3  lieues  d'Ancenis ,  fa  Subdélégation.  On  y  compte 
1200  communiants  :  la  Cure  eft  à  l'Ordmaire.  Au  Nord  &  à 
rOueft  de  ce  bourg ,  on  voit  des  landes  très-étendues  :  le  fol 
paroît  bon  ,  &  on  ignore  pourquoi  les  habitants  ne  s'occupent  pas 
à  les  défricher,  d'autant  plus  que  les  terres  en  labeur  de  ce 
territoire  font  de  bonne  qualité ,  &  que  ces  landes  deviendroient 
de  même,  fi  elles  étoient  cultivées. 

PARAMÉ  ;  au  bord  de  la  mer ,  fur  la  route  de  Saint-Malo 
à  Dol  j  à  deux  tiers  de  lieue  à  l'Éft-Nord-Elt  de  Saint-Malo, 
fon  Evêché  &  fa  Subdélégation  ;  &  à  1 4  Heues  de  Rennes. 
Cette  Parcifle  reflbrtit  à  Dinan ,  &  compte  1800  communiants: 
1^  Cure  eft  à  l'alternative.  Le  territoire  eil:  fertile  en  grains  ;  ceû. 
un  pays  plat  &  très-exaftement  cultivé.  Beauvais ,  haute,  moyenne 


PAR  355 

&  bafîe-Juflice ,  à  M.  Grout  de  la  Motte  ;  Saint-Hideul  &  lé 
Vau-Salmon,  moyenne-Juftice ,  à  M.  de  la  Haye,  Comte  de 
Plouer  j  rifle-Ernoul  &  le  Gras -larron,  moyenne-Juftice  ,  à 
M.  Goret  de  la  Grand-Riviere  j  la  Ville-Anne  ,  moyenne-Juftice, 
à  M.  Gallicet.  Les  maifons  nobles  de  cette  Paroiiîe  étoient,  en 
1500,  le  Boudou,  à  Jean,  Vicomte  de  Rohan  j  les  Touches, 
à  Sébaftien  de  Miniac  ;  la  Grand-mere  ,  à  Jean  du  Tertre  ;  là 
Brientaye ,  à  Pierre  Picot  ;  le  Bondeau ,  à  Simon  de  Lorgeril  ; 
le  Vau-Salmon ,  à  Jean  de  la  Chapelle  ;  la  Vigne ,  au  Doyen 
du  Chapitre  de  Saint-Malo  ;  la  Ville-Ernaud ,  à  Jeanne  Tranchant  ; 
le  Bois-Botterel ,  à  Marc  Henri  ;  la  Salmonnaye  ,  à  Hamon  Jon- 
chée; la  Fofle-au-loup ,  à  Jean  du  Buat  ;  les  Yliaux ,  à  Guil- 
laume de  Vauclerc  ;  la  Ville-au-chat ,  le  Pont-Pinel ,  la  Baftille, 
le  Tertre  -  Barre  -  noble ,  la  Havardiere ,  la  Grand-Riviere ,  la 
Petite-Rivière ,  6c  la  Toutenaye  ,  à  N.... 

PARCE  j  fur  une  hauteur  ;  à  8  lieues  trois  quarts  à  TEft-Nord- 
Eft  de  Rennes ,  fon  Evêché  ;  &  à  i  Heue  trois  quarts  de  Fou- 
gères ,  fa  Subdélégation  &  le  reflbrt  de  fa  haute  &  moyenne- 
Juftice.  On  y  compte  1 3  00  communiants  :  la  Cure  eft  à  l'Ordinaire. 
Le  terroir  eft  fertile  &  très-exaftement  cultivé  :  on  y  voit  le 
château  de  Vauxhoudin ,  auprès  duquel  eft  un  bois  ,  le  feul  qui 
foit  dans  la  Paroifle.  Les  autres  maifons  nobles  font  :  le  Pleftis  & 
la  Pierre.  La  rivière  de  Maigrefec  prend  fa  fource  à  peu  de 
diftance   du  bourg. 

PARIGNÉ;  fur  une  hauteur;  à  10  lieues  trois  quarts  au  Nord- 
Eft  de  Rennes ,  fon  Evêché  j  &  à  i  lieue  trois  quarts  de  Fou- 
gères, fa  Subdélégation  &  fon  reflbrt.  On  y  compte  1200  com- 
muniants :  la  Cure  eft  à  l'Ordinaire.  Cette  Paroifle  relevé  en 
partie  du  Roi.  Son  territoire  eft  un  pays  couvert  &  très-exafte- 
ment  cultivé.  La  Seigneurie  de  Parigné  ,  haute ,  moyenne  Sc 
bafîe-Juftice ,  à  M.  de  Saint-Brice  :  on  y  voit  les  châteaux  de 
Bois-Gui  &  des  Acres ,  avec  les  maifons  de  la  Chefnaye ,  les 
Terroyes ,  le  Bechet ,  la  Rinaudiere  ,  le  rocher  des  Boulier, 
Coyec ,  Dohin ,  la  Jaunaye ,  &  Mebenaril. 

PARTENAY  ;  â  2  lieues  trois  quarts  au  Nord-Oueft  de  Rennes, 
fon  Evêché,  fa  Subdélégation,  &  fon  reflbrt.  On  y  compte  350 
communiants  :  la  Cure  eft  préfentée  par  l'Archidiacre  du  Défert. 
Les  produélions  du  territoire  font  des  grains  de  toutes  efpeces  : 


35é  P  A  R  =  P  E  A 

c'eft  un  terrein  plat ,  couvert  d'arbres  &  buiflbns ,  &  bien  cultivé. 
Partenay,  haute,  moyenne  &  bafîe-Juftice j  Saint-Ehan  ,  haute, 
moyenne  &  balTe-Juliice  j  Sevigné  ,  haute  ,  moyenne  &  bafîe- 
Juftice,  à  M.  le  Marquis  de  Cucéj  Limeul,  haute,  moyenne  & 
bafle-Juftice  ;  Rouaudiere,  haute  ,  moyenne  &  baffe -Juftice  ;  Se 
le  Temple ,  haute  ,  moyenne  &  baffe- Juftice ,  aux  enfants  de 
feue  Dame    de   Liré-Bourdonnaye. 

L'Eghfe  de  cette  Paroiffe  fut  fondée ,  en  1365 ,  par  Guillaume 
de  Samt-Léan.  Raoul  Georgier  en  fut  le  premier  Curé  ou  Refteur, 
Cette  fondation  fut  approuvée,  en  1375  ,  par  Raoul  de  Tréal, 
Evêque  de  Rennes ,  &  par  Alain  de  Saint-Léan ,  fils  du  fonda- 
teur. Jean  de  la  Guerre  en  étoit,  dans  ce  temps,  fécond  Refteur. 
Le  feptier  de  froment  ne  valoit  que  cinq  fols  ,  &  tous  les  autres 
comeftibles  à  proportion  :  le  marc  d'argent  étoit  à  cinq  livres 
cinq  fols. 

En  1 430,  la  Coutardiere,  à  Alain  Louvel ,  aujourd'hui  à  M.  de 
Servaude  j  la  Gicquelaye  ,  à  Gilles  de  Saint-Brieuc  -,  la  Fontaine 
&  le  petit  Bouais,  à  N...  La  Touche-Partenay  fut  long -temps 

Eoffédée  par  les  Seigneurs  de  Partenay ,   qui  ont  occupé  les  plus 
elles  places  chez  les  Rois   de  France    &  chez  les  Ducs    de 
Bretagne. 


PAULE  ;  fur  une  hauteur  ;  à  1 2  lieues  à  TEft-Nord-Eft  de 
Quimper  ,  fon  Evêchéj  à  28  lieues  de  Rennes  j  &  à  2  Heues 
de  Carhaix  ,  fa  Subdélégation  &  fon  reffort.  On  y  compte  1 800 
communiants  :  la  Cure  eft  à  l'alternative.  Ce  territoire  eft  arrofé 
de  piufieurs  ruiffeaux  qui  coulent  dans  les  vallons  &  vont  fe 
jetter  dans  la  rivière  d'Aulne.  On  y  voit  des  terres  bien  cultivées  , 
des  prairies  ,  &  des  landes ,  principalement  au  Sud  &  à  l'Eft  de 
ce  bourg ,  oii  font  les  montagnes  noires.  Le  manoir  de  Ker-en- 
guevel  eft  dans  cette  Paroiffe. 

PAULX  j  dans  les  baffes- M  arches  ;  à  7  lieues  au  Sud-Ouefl 
de  Nantes,  fon  Evêché &  fon  reffort  i  à  29  lieues  de  Rennes  ;  &  à 
I  lieue  de  Machecou,fa  Subdélégation.  On  y  compte  1400  com- 
muniants :  l'Abbé  de  Saint-Serges ,  préfentateur  de  la  Cure,  la  remet , 
lorfqu'elle  eft  vacante,  entre  les  mains  de  l'Evêque  de  Nantes 
pour  y  pourvoir.  Ce  territoire  eft  très -bien  cultivé  :  il  pioduit  du 
grain ,  du  vin ,  &  du  foin.  On  y  voit   la  maifon  de  la  Caraterie. 

PEAULE  j  fur  une  hauteur  -,  à  7  lieues  à  i'Eft-Sud-Eft  de  Vannes , 

Ton 


P  E  A  =  P  E  D  3  57 

fon  Evêché  Se  fon  reflbrtj  à  17  lieues  de  Rennes;  &  à  2  lieues 
de  la  Rochebernard ,  fa  Subdélégation.  On  y  compte  1 800  com- 
muniants :  la  Cure,  qui  elT:  un  Doyenné,  eft  à  l'Ordinaire.  Le 
Roi  a  plufieurs  fiefs  dans  cette  Paroilfe ,  dont  M.  du  Hellec  efl:  le 
Seigneur.  Il  s'y  tient  tous  les  ans  cinq  foires  confidérables  par  la 
grande  quantité  de  beftiaux  qui  s'y  trouvent.  Ce  territoire  ren- 
ferme des  terres  bien  cultivées  ,  des  prairies  ,  des  landes  fort  éten- 
dues ,  &  plulieurs  carrières  d'un  très-beau  grifon.  Peaule ,  haute , 
moyenne  &  balTe-Jullice ,  à  M.  du  Hellec  le  Mentier  ;  le  Tertre 
&  Quillinic  ,  moyenne  &  baffe- Juitice  ,  à  M.  du  Hellec  le  Maître. 
Maifons  nobles  :  en  15C0,  Coafquel ,  à  Jeanne  de  Coafquel, 
veuve  de  Jean,  bâtard  de  Rieux  j  le  manoir  de  Lefcouet,  Ker- 
thoraas,  &  le  Bois  de  la  Salle,  à  N..., 

PEDERNEC;  fur  un  coteau,  &  fur  la  route  de  Guingamp  à 
Lannion  ;  à  4  lieues  au  Sud  de  Tréguier,  fon  Evêché  j  à  28 
lieues  de  Rennes  j  &  à  i  lieue  trois  quarts  de  Guingamp  ,  fa 
Subdélégation.  Cette  Paroiffe  reffortit  à  Lannion  ,  &  compte  4000 
communiants ,,  y  compris  ceux  de  Mouflerus  &  de  Treglamus ,  fes 
trêves  :  la  Cure  eft  à  l'alternative.  La  montagne  de  Brée ,  une 
des  plus  hautes  de  la  province,  eft  dans  ce  territoire.  Il  fe  tient 
fur  le  fommet  de  cette  montagne  plufîeurs  foires  par  chaque  an- 
née ,  auprès  d'une  Chapelle.  Cet  endroit  eft  fort  renommé  dans 
l'hiftoire.  Les  Evêqùes  de  Bretagne  s'y  afîemblerent  pour  prendre 
des  mefures  contre  Conobre  ,  Comte  de  Vannes ,  dont  les  crimes 
infpiroient  tant  d'horreur  qu'on  lui  donna  l'épithete  de  maudit  :  le 
maudit  Conobre.  Conobre ,  fils  de  Hoèl  le  Grand ,  mort  en  545, 
étoit  Comte  de  Vannes  &  de  Léon.  Il  avoit  quatre  frères ,  Hoël, 
Budic ,  Varoch ,  &  Maeliau ,  avec  lefquels  il  fut  obligé  de  par- 
tager les  Etats  de  fon  père  j  mais  l'ambition  qui  le  dévoroit  le 
rendit  infenfible  à  la  voix  de  la  nature ,  &  il  réfolut  de  fe  dé- 
faire de  fes  frères  :  il  commença  par  Hoël,  qu'il  tua  en  547, 
&  époufa  fa  veuve;  mais,  s'étant  apperçu  qu'elle  étoit  enceinte^ 
il  la  fit  mourir.  Il  fit  fubir  le  même  fort  à  Budic  &  Varoch ,  Ces 
frères  ;  &  Maeliau  ne  conferva  fa  vie  qu'en  s'exilant  de  foa 
pays  &  de  fes  Etats  :  enfin ,  ce  Prince  paffoit  pour  le  plus  re- 
doutable ,  le  plus  puifTant ,  &  le  plus  inflexible  fcélérat  de  fon  temps» 
Il  avoit  un  château  au  pied  de  la  montagne  de  Brée  ,  c'eft  pour- 
quoi les  Evêques  s'y  aflemblerent  pour  l'excom.munitr.  Il  fut  tué ,  en 
560,  dans  le  combat  que  C  hramne  livra  à  Clotaire ,  Roi  de  France, 
dans  les  environs  de  Guérande.  Le  château  de  Conobre  n'exifts 
Tome  IIL  V  z. 


3  58  PED  =  PEN 

plus.  Tropont ,  haute-Juftice  5  Collangrouh ,  moyenne ,  &  baffe- 
Juftice ,  à  M.  de  Kerprigent  Riou.  Ce  territoire  eft  fertile  & 
bien  cultivé. 

PEÏLL AC  ;  fur  une  hauteur ,  &  fur  la  route  de  Redon  à  Ma- 
leftroit  ;  à  8  lieues  &  demie  à  l'Eft-Nord-Efl:  de  Vannes ,  ion 
Evêché  j  à  1 3  lieues  de  Rennes  ;  &  à  3  lieues  de  R.edon  ,  fa 
Subdélégation.  Il  s'y  tient  deux  foires  par  an.  Cette  Paroiffe  ref- 
fortit  à  Ploermel ,  &  compte  1500  communiants  :  la  Cure  eft 
à  l'alternative.  Cranhac  ,  haute -Juftice ,  à  M.  le  Marquis  de 
Gefvres;  la  Guedemais,  haute-Juftice ,  à  M.  de  la  Bedoyere;  le 
Pleflis,  haute- Juflice ,  à  Madame  de  Saint-Maur  j  Rieux  à  Peillac, 
haute- Juftice  ,  à  M.  de  Rieux.  La  Seigneurie  de  Peillac  eft  une 
Châtellenie  :  elle  faifoit  jadis  partie  de  la  Seigneurie  de  Rieux. 
En  1 5  00  ,  les  maifons  nobles  de  Villeneuve  &:  du  Bignon  apparte- 
noient  à  Jean  de  Villeneuve  ;  elles  font  aujourd'hui  à  M.  le 
Marquis  de  Gefvres ,  par  fon  mariage  avec  l'héritière  de  la  maifon 
des  du  Guefchn.  Le  château  de  la  Grae  eft  très-ancien  :  il  ap- 
partenoit,  en  1290,  à  Robert  de  la  Lande.  Le  territoire  de 
Peillac  eft  borné  au  Nord  par  la  rivière  d'Ouft  j  &  au  Sud  par 
celle  d'Ars.  Les  terres  font  fertiles ,  exaâement  cultivées ,  8c  abon- 
dantes en  grains  &  fourrages  j  les  landes  n'y  font  pas  fort 
étendues. 

PENHART  ;  à  trois  quarts  de  lieue  à  l'Oueft  de  Quimper , 
fon  Evêché ,  fa  Subdélégation  ,  &  fon  reflbrt  ;  &  à  3  9  lieues  de 
Rennes.  On  y  compte  500  communiants  :  la  Cure  eft  à  l'Ordi- 
naire. Son  terrein  eft  plein  de  monticules  &  de  valions ,  mais 
fertile ,  abondant  en  grains  &  foin  ,  &  très-bien  cultivé.  On  voit 
dans  cette  Paroiffe  les  veftiges  du  château  de  Prat  en  Rouzé , 
qu'on  appelle  dans  le  pays  le  temple  des  faux  Dieux.  L'hiftoire 
ne  parie  point  de  ce  château  ;  de  forte  qu'on  ne  fçait  rien ,  ni  de 
fa  fondation  ,  ni  de  fa  démolition  :  on  n'en  connoît  pas  même 
les  pofîefTeurs ,  quoique  la  tradition  populaire  afture  que  c'étoit 
un  ancien  Prieuré  habité  par  les  Templiers  ;  mais  cette  conjec- 
ture ne  nous  paroît  pas  ailez  fondée  pour  y  ajouter  foi.  Le  châ- 
teau de  Ker-moifan  appartenoit ,  en  1300,  à  Geoffroi  de  Ker- 
moifan ,  dont  le  fils  rut  Evêque  de  Quimper   en  1361. 

PENMARCH;  port  de  mer;  à  5  lieues  &  demie  au  Sud- 
Oueft  de  Quimper',  fon  Evêché  &  fon  reftbrt  j  à  43  lieues  de 


PEN  3  59 

Rennes  ;  &  à  2  lieues  de  Pont-Labbé ,  fa  Subdélégation.  On  y 
compte  1 000  communiants  :  la  Cure  eil:  à  l'Ordinaire. 

En  1 400 ,  Demoifelle  Claude  du  Juch  étoit  Dame  de  Padan- 
roux,  de  Pozmellec ,  de  Ker-uquel ,  de  Ker-riant,  de  Coëtgolan, 
3c  de  Ker-valgan ,  maifons  fituées  dans  ce  territoire  ,  où  l'on 
voyoit  encore  les  manoirs  de  Coëtcanton  ,  de  Pratauron  ,  de 
Ker-aulan  ,  &  de  Ker-caradec.  Le  territoire  de  Penmarch  eft 
plein  de  démolitions.  Les  pierres ,  qui  font  entaflees  çà  &  là  les 
unes  fur  les  autres,  fuffiroient  pour  bâtir  une  ville  :  on  ne  fçait 
de  quels  édifices  elles  proviennent.  Avant  l'établifTement  de  la 
pêche  de  la  morue  au  banc  de  Terre-Neuve ,  on  pêchoit  fur  la 
côte  ,  près  Penmarch ,  beaucoup  de  merlus  qu'on  faloit ,  &  qui 
fervoient  de  poiiTon  de  carême  comme  la  morue. 

PENNETIN  ;  au  bord  de  la  mer ,  à  l'entrée  de  la  rivière  de 
Vilaine;  à  16  lieues  au  Nord-Oueft  de  Nantes,  fon  Evêché;  à 
20  lieues  de  Rennes  ;  &  à  3  Ueues  de  la  Rochebernard ,  fa  Sub- 
délégation. On  y  compte  1000  communiants  :  c'étoit  autrefois 
une  trêve  de  la  Paroiiie  d'Afferac,  érigée  en  Paroiffe  l'an  1767. 
La  haute-Juftice  du  Heu  refîbrtit  au  Marquifat  d'Afferac.  Le  ter- 
ritoire renferme  plusieurs  marais  falants  ;  les  terres  font  très-fertiles 
en  grains ,  mais  très-peu  cultivées  :  on  ne  voit  par-tout  que  des 
landes  qui  paroiifent  mériter  les  foins  du  cultivateur.  L'an  1 4 1 9  , 
les  Abbés  &  Moines  de  Saint-Gildas  de  Rhuis  s'obligèrent  à  cé- 
lébrer ,  par  chaque  année  ,  quatre  anniverfaires  pour  le  Duc ,  en 
reconnoiifance  de  ce  que  ce  Prince  avoir  bien  voulu  les  exempter 
de  la  Cour  de  Guérande ,  à  laquelle  ils  étoient  foumis  à  caufe 
des  terres  qu'ils  poilédoient  dans  la  Paroiffe  de  Pennetin.  Par  Edit 
du  Roi  Charles  IX ,  donné  à  Troyes  en  Champagne  le  29  Mars 
1564,  le  quartier  nommé  Pennetin  Se  le  fief  de  F rangaret  furent 
unis  au  Siège  royal  de  Guérande. 

PEN  VENANT  -,  à  i  lieue  un  quart  au  Nord-Nord- Ouefl  de 
Tréguier  ,  fon  Evêché  &  fa  Subdélégation  ;  &  à  3 1  Heues 
de  Rennes.  Cette  Paroiffe  relevé  du  Roi ,  reffortit  à  Lannion , 
&  compte  1700  communiants  :  la  Cure  eft  à  l'Ordinaire.  L'an 
1233,  Etienne,  Evêque  de  Tréguier,  unit  cette  Paroiffe  à  la 
menfe  épifcopale.  Ce  territoire  renferme  des  terres  bien  cultivées 
&  fertiles  en  toutes  fortes  de  grains.  A  peu  de  diflance  du  bourg, 
près  la  Chapelle  de  Saint-Mandé ,  font  deux  moulins  à  vent ,  fur 
une  élévation  qui  forme  un  très-beau  pouit   de    vue.   Guermel, 


^340  P  E  N  =  P  E  R 

Lancivilien  ,  Se   Pean-coët-larzan  ,    font   des   maifons  nobles* 

PERET  ;  trêve  de  la  ParoifTe  de  Silfiac ,  fur  le  bord  de  la 
route  de  Pontivi  à  Roftrenen  ;  à  1 5  lieues  au  Nord-Nord-Ouefl 
de  Vannes,  fon  Evêché  j  à  23  lieues  de  Rennes  j  &  à  2  lieues 
&  demie  de  Guemené  ,  fa  Subdélégation.  Le  château  d^s  Salles, 
dont  on  voit  encore  les  ruines,  étoit  habité,  en  1 511  ,  par  Jean, 
Vicomte  de  Rohan  ,  qui  le  nomma  le  manoir  des  Salles  de  Perety 
dans  l'afte  qu'il  fit  palier  pour  la  fondation  de  l'Hôpital  de  Lan- 
derneau.  La  forêt  de  Quenecan ,  qui  peut  contenir  environ  huit 
mille  arpents  de  terrein  planté  en  bois  taillis ,  eft  fituée  dans 
ce  territoire.  On  remarque,  à  l'extrémité  de  cette  forêt  ,  deux 
étangs  qui  fervent  aux  forges  à  fer  de  Rohan,  qui  font  peu 
éloignées  de  là.  On  trouve,  dans  ces  étangs  &  aux  environs  ,  des 
cailloux,  au  milieu  defquels  font  des  macles  que  les  habitants 
du  pays  appellent  lardons ,  (  ce  font  les  armes  de  la  maifon  de 
Rohan ,  )  &  qui  peuvent  avoir  quatre  pouces  de  long  fur  quatre 
à  cinq  lignes  de  large.  Leur  plan  efl  quarré ,  leur  matière  très- 
dure  ,  luifante  ,  de  couleur  d'indigo  ou  jaunâtre.  Quelquefois , 
au  lieu  de  macles ,  ce  font  de  petites  croix  plates  avec  des 
noyaux  qui  occupent  le  centre  &  les  quatre  angles;  quelque- 
fois auffi,  ce  n*eil  qu'une  marque  au  milieu  de  deux  ligues  qui 
fe  croifent ,  fuivant  la  grofleur  des  cailloux. 

Dom  Morice  prétend  que  c'efl  à  Peret  que  Saint  Meriadec 
fit  fa  réiidence  &  mena  une  vie  folitaire  ;  &  il  ajoute  que  ce 
Saint  étoit  fils  de  Conan  ,  Roi  de  Bretagne ,  d'oii  eft  fortie  riiluftre 
famille  de  Rohan.  Nous  avons  un  Saint  Meriadec ,  qui  fut  or- 
donné Evêque   de  Vannes  en  629. 

PERGUET  ;  à  2  lieues  trois  quarts  au  Sud-Sud-Efl  de  Quim- 
per  ,  fon  Evêché;  à  38  lieues  de  Rennes;  &  à  2  lieues  un  tiers 
de  Concarneau ,  fa  Subdélégation  &  fon  relTort.  Cette  ParoifTe 
relevé  du  Roi,  &  compte  750  communiants  :  la  Cure  efl  à 
l'alternative.  Le  territoire  efl:  borné  au  Sud  par  la  mer,  très-fer- 
tile en  grains ,  &  très-exaftement  cultivé  :  on  n'y  voit  prefque 
point  de  landes. 

PEROS-HAMON;  à  21  lieues  à  l'Oueft-Nord-Ouefl  de  Dol, 
fon  Evêché  ;  à  28  Ueues  de  Rennes;  &  à  deux  tiers  de  Heue 
de  Paimpol ,  fa  Subdélégation.  Cette  ParoifTe  refTortit  à  Saint- 
Brieuc ,  &   efl  enclavée   dans  le    diocefe   de   ce    nom.  On  y 


PER  =  PES  541 

compte  Soô  communiants ,  y  compris  ceux  de  Lannevez  &  de 
Lanvignec,  fes  trêves  :  la  collation  de  la  Cure  appartient  à 
l'Abbé  de  Beauport.  Ce  territoire  eft  borné  par  la  mer ,  au  Nord , 
à  ïEû ,  6c  au  Sud  :  il  eft  fertile  &  bien  cultivé. 

PEROS-QUIREC  ;  fur  une  hauteur ,  au  bord  de  la  mer ,  qui 
forme  un  petit  port  en  cet  endroit  j  â  28  lieues  à  l'Oueft-Nord- 
Oueft  de  Dol ,  fon  Evêché  j  à  3  3  lieues  de  Rennes  j  &  à  2 
lieues  8c  demie  de  Lannion ,  fa  Subdélégation  &  fon  reffort. 
Cette  Paroifîe ,  qui  eft  enclavée  dans  le  diocefe  de  Tréguier , 
relevé  du  Roi,  &  compte  1400  communiants  :  la  Cure  eft  à 
l'Ordinaire.  Ce  territoire  eft  riche  &  très-exaftement  cultivé  :  les 
habitants  vivent  dans  une  honnête  aifance  -,  récompenfe  due  à 
leurs  travaux.  On  a  ouvert  un  grand  chemin  de  Lannion  à  Pe- 
ros-Quirec  ,  pour  faciliter  &  faire  fleurir  le  commerce  de  ce 
petit  port.  Les  maifons  nobles  de  Peros-Quirec  font  :  le  Pont- 
Guennec  ,  le  Suhel ,  Dantec  ,  Tromargat,  la  Salle-au-Chevalier, 
Ker-jegu ,  Se  Ker-nuz. 

PERSQUEN  ;  à  1 1  lieues  au  Nord  -  Oueft  de  Vannes  ,  fon 
Evêché;  à  24  lieues  de  Rennes;  &  à  i  lieue  de  Guemené, 
fa  Subdélégation.  Cette  Paroifîe  refîx)rtit  à  Hennebon  ,  &  compte 
900  communiants  :  la  Cure  eft  à  l'alternative.  Ce  territoire  eft 
un  pays  couvert ,  plein  de  coteaux  ,  de  vallons  ,  &  coupé  de  plu- 
sieurs ruifîeaux  qui  arrofent  des  prairies ,  &  vont  fe  jetter  dans 
les  rivières  de  Blavet  &c  d'Efcorff.  Les  terres  produifent  du 
grain  &  du  cidre  ;  mais  elles  ne  font  pas  exaftement  cultivées , 
puifqu  on  y  voit  des.  landes  très-étendues.  Le  manoir  de  Penvern 
fut  vendu,  l'an  1370,  par  Jean,  Sire  de  Longiisval ,  &  Jeanne 
de  Beaumer,  fon  époufe,  à  Jean  Vicomte  de  Rohan  :  cette  terre 
eft  une  Juveignerie  de  la  Principauté  de  Guemené;  elle  a  haute, 
moyenne  &  balTe-JulHce ,  &  s'appelle  aujourd'hui  Penvern  du 
Pereno  ^  à  M.  de  Penvern.  En  1430^  on  vo'yoit  aufll  dans  ce 
territoire  les  maifons  nobles  de  Ker-guefon  &  Boteren,  à  Alain 
le  Picot  ;  le  manoir  de  Hoaribac ,  à  v  harles  le  Pervez  ;  le  ma- 
noir de  Sailladou ,  à  Charles  le  Guellec  ;  &  celui  de  Ker-meno , 
à  Hervé  Coëteven. 

PESTIVÏEN;  dans  un  fond;  à  16  lieues  à  l'Eft-Nord-Eft  de 
Quimper,  fon  Evêché  ;  à  26  lieues  de  Rennes  ;  &  à  i  lieue  &  demie 
de  Callac ,  fa  Subdélégation.   Cette  Paroifîe  relevé  du  Roi ,  & 


341  P  E  S  =  P  E  T 

compte  1 100 communiants,  non  compris  ceux  de  Bulat,  fa  trêve* 
Elle  refTortit  à  Carhaix ,  &  la  JuiHce  de  Botdeliau  reflbrtit  à 
Callac  :  la  Cure  eil  à  l'alternative.  La  rivière  de  Guer  prend  fa 
fource  dans  ce  territoire ,  &  va  fe  perdre  dans  la  mer.  Les 
terres  font  bonnes  ,  mais  mal  cultivées  ;  les  landes  font  très- 
étendues.  Le  château  de  Peftivien ,  place  jadis  forte ,  apparte- 
noit ,  en  1 3  50  ,  à  Triflan  ,  Chevalier  ,  Seigneur  de  Peftivien  ,  qui 
fervoit  Jean  ,  Roi  de  France ,  dans  la  Compagnie  de  Jean  de  Beau- 
manoir.  La  Maifon  noble  de  Gouaz-Lennois ,  en  1480,  à  Henri 
Hamon  ,  Sieur  de  Pleven  &  Gouaz-Lennois  ;  Pennanpont ,  à  N.... 
de  Jars. 

PETIT-MARS  j  fur  une  hauteur ,  &  fur  la  route  de  Nantes  à 
Chateaubriand;  à  4  lieues  &  demie  au  Nord-Nord-Eft  de  Nantes, 
fon  Evêché  &  fon  refTort  ;  à  1 8  lieues  de  Rennes  j  &  à  4  Heues 
d'Ancenis  ,  fa  Subdélégation.  On  y  compte  1000  communiants: 
la  Cure  ell  à  l'Ordinaire.  L'ancien  bourg  de  Petit-Mars  eu  dans 
les  marais  ,  au  bord  de  la  rivière  d'Erdre.  Le  bourg  aftuel  étoit 
un  village  où  l'on  voyoit  la  Chapelle  de  Patience  :  c'ell  de  cette 
Chapelle,  que  l'on  augmenta,  que  fut  faite  l'EgUfe  paroifîiale, 
bénite ,  le  1 6  Septembre  1 649 ,  par  l'Abbé  Michel  Laubi ,  Vi- 
caire général  &  Officiai  de  Nantes.  Le  Dimanche  fuivant,  19 
du  mois  ,  François  Dudart ,  Refteur  de  la  ParoifTe ,  conduiiit  la  pro- 
ceffion  de  l'ancienne  Egiife  à  la  nouvelle,  &  y  chanta  folem- 
nellement  la  Grand'MefTe  pour  la  première  fois.  Depuis  ce  temps , 
le  village  eft  devenu  le  chef-lieu  de  la  ParoifTe  de  Petit-Mars  ; 
mais  l'Eglife  a  toujours  porté  fon  ancien  nom  de  Patience.  L'E- 
glife  du  vieux  bourg  exifte  toujours,  quoiqu'en  mauvais  état,  & 
l'on  y  célèbre  encore  quelquefois  la  MefTe.  Ce  territoire  eit  un 
pays  plat ,  qui  renferme  des  terres  bien  cultivées  &  fertiles  ,  quel- 
ques landes  peu  étendues ,  &  des  marais  qui  peuvent  contenir  environ 
mille  quatre  cents  journaux  ,  grand  journal  de  Bretagne.  En  1727, 
on  forma  le  projet  de  deflécher  ces  marais ,  aux  frais  des  proprié- 
taires,  qui  font ,  M.  l'Evêque  de  Nantes  ,  &  M.  Gouyon  de  Marcé^ 
Seigneur  de  Petit-Mars  :  mais  ce  projet  n'a  pas  été  fuivi.  Le 
château  du  Pont-Hus,  maifon  feigneuriale  de  Petit-Mars  ,  apparte- 
noit ,  en  1 200  ,  à  Hux  de  la  Muffe  de  Pont-Hus.  Jeanne  de  laMufTe^ 
Dame  de  Pont-Hus,  feule  héritière  de  cette  Seigneurie,  époufa, 
en  premières  noces  ,  Jean  ,  Sire  de  Derval ,  & ,  en  fécondes 
noces.  Guide  Rochefort.  Jeanne  de  la  Muffe  de  Pont-Hus,  aufîi 
feule  héritière,  époufa,  en  1459,  ^^^^  Chauvin,  fils  de  Guil- 


P  E  T  =  P  I  E  345 

laume  Chauvin  ,  Chancelier  de  Bretagne  fous  le  Duc  François  11: 
(  c'efl  le  Chancelier  que  Landais  m  périr  de  mifere  ;  voyez 
Nantes  ,  année  1485.  )  Leurs  enfants  prirent  le  nom  de  la  Mufle. 
Bonaventure  de  la  Mufle ,  un  d'eux  ,  fut  Chambellan  du  Roi 
Henri  III ,  &  Commiflaire  nommé ,  pour  le  diocefe  de  Nantes ,  à 
la  réformation  de  la  Coutume  de  Bretagne,  en  1575  :  il  préflda 
aufli  aux  Etats  aflTemblés  à  Nantes  par  le  Duc  de  Mercœur, 
au  mois  de  Novembre  1583.  Le  château  de  la  MuflTe  Pont-Hus, 
qui  étoit  très-beau  &  très-bien  fortifié ,  fut  démoli  Se  rafé  ,  &  les 
bois  qui  en  dépendoient  coupés  à  hauteur  d'homme  ,  par  Arrêt 
du  Parlement  de  Bretagne  du  10  Mai  1622,  parce  que  David 
Chauvin  de  la  MuflTe  de  Pont-Hus  s'étoit  rendu  à  l'afl^emblée  de  la 
Rochelle  ,  &  fe  tenoit  dans  cette  ville  rebelle.  Céfar  de  la  MuflTe 
étoit  Seigneur  du  Pont-Hus  en  1680  ;  depuis  ce  temps ,  cette 
Seigneurie  efl:  paflTée  à  M.  Gouyon  de  Marcé  ,  Maréchal  des 
camps  &  armées  du  Roi ,  qui  la  poflTede  aujourd'hui ,  &  qui  a 
fait  rebâtir  le  château  il  y  a  quelques  années. 

En  1 440 ,  la  maifon  noble  de  la  Loherie  appartenoit  à  Guil- 
laume de  la  Loherie ,  Préfident  de  Bretagne.  II  fe  tient  deux  foires 
par  an  à  Petit-Mars. 

PEUMERIT-CAPj  à  3  lieues  &  demie  à  l'Oueft-Sud-Oueft 
de  Quimper ,  fon  Evêché  &  fon  refljort  -,  à  44  lieues  de  Rennes  ; 
&  à  2  heues  de  Pont-l'Abbé ,  fa  Subdélégation.  On  y  compte 
1 200  communiants  :  la  Cure  efl:  à  l'alternative.  Ce  territoire  ell: 
dans  le  voiflnage  de  la  mer  :  il  efl  rempli  de  monticulies  &  de 
vallons ,  mais  fertile ,  &  très-exa8:ement  cultivé.  Ses  maifons  no- 
bles ,  en  1440,  étoient:  Pratanftang  ,  Borzjull ,  Ker-ebil ,  Sl  Pen- 
quilly ,  où  fe  tenoient  alors  les  plaids  de  la  Paroifl^e. 

PEUMERIT-QUINTIN  ;  à  17  lieues  au  Nord-Efl  de  Quimper, 
fon  Evêché  j  à  2  5  lieues  de  Rennes  ;  &  à  4  lieues  de  Quintin , 
fa  Subdélégation.  Cette  Paroifl^e  refl^brtit  à  Carhaix ,  &  compte 
300  communiants  :  la  Cure  efl:  à  l'alternative.  Son  territoire  efl 
fort  petit  j  il  oflre  à  la  vue  des  terres  en  labeur  ,  des  prairies  , 
&  des  landes  :  c'efl:  un  pays  couvert, 

PIERRIC;  à  12  lieues  au  Nord- Nord -Oueft  de  Nantes,  fon 
Evêché  &  fon  reflx)rt  ;  à  i  o  lieues  de  Rennes  ;  &  à  i  lieue  un 
quart  de  Derval,  fa  Subdélégation.  On  y  compte  1200  commu- 
niants ,  trois  hautes  -  Juflices ,  &  une  moyenne  :  la  Cure  efl  à 


Î44  PI  E=:PIR 

l'Ordinaire.  La  Seigneurie  de  Baliac  appartenoit,  l'an  1 1 27 ,  à  Oli- 
vier de  Pontchâteau ,  qui  la  donna  aux  Moines  de  Saint-Sauveur 
de  Redon,  pour  réparer  les  torts  &  dommages  qu'il  leur  avoit 
caufés.  Ceux-ci  en  firent  un  Prieuré  qui  fubiille  encore.  (  Voyez 
Pontchâteau.  ) 

L'an  1 1 3  3  ,  Guégon  de  Blain ,  homme  pieux  &  zélé  pour 
le  bien  de  l'Eglife ,  donna  à  l'Abbaye  de  Samt-Sauveur  de  Re- 
don un  terrein  qu'il  poilédoit  dans  le  territoire  de  Pierric ,  aux 
environs  du  château  de  Baliac ,  qui ,  dans  ce  temps-là  ,  étoit 
plein  de  vagabonds  qui  s'y  étoient  établis  malgré  les  Moines, 
&  que  Guégon  en  chaffa.  Par- là  les  Moines  de  Redon  devinrent 
polïèireurs  de  la  majeure  partie  des  terres  de  cette  Paroille.  Ce 
territoire  eft  arrofé  des  eaux  de  la  rivière  de  Cher  ;  c'ell  un  pays 
couvert  qui  produit  des  grains  de  toute  efpece  ;  on  y  voit  des 
landes  qui  paroifîent  mériter  les  foins  du  cultivateur. 

PIPRIAC  ;  dans  un  fond  ;  à  20  lieues  au  Sud  de  Saint-Malo, 
fon  Evêché  j  à  9  lieues  de  Rennes  ;  &  à  5  lieues  de  Plélan  ,  fa 
Subdélégation.  Cette  Paroifle  refTortit  à  Ploermel ,  &  compte 
3000  communiants  ,  y  compris  ceux  de  Saint-Quenton ,  fa  trêve  : 
la  Cure  eft  à  l'alternative,  il  s'exerce  dans  le  bourg  une  haute- 
Juftice  qui  eft  celle  de  Pipriac,  deux  moyennes,  &  une  baiïe» 
Pipriac  a  titre  de  Châtellenie  ;  elle  étoit  ,  en  982  ,  du  domaine 
du  Comté  de  Rennes.  On  y  connoît  plufîeurs  maifons  nobles  : 
celle  de  la  Thebaudais  appartient  à  M.  Huchet  de  la  Bedoyere  ^ 
le  Bois-Hulin  appartenoit,  en  1420,  à  Alain  le  Sage,  Sieur  du 
Bois-Hulin,  aujourd'hui  à  M.  de  la  Bourdonnaye  de  Bois-Huhn,. 
Procureur  général  Syndic  des  Etats  de  Bretagne.  BofTar,  la  Bou- 
tardais  ,  la  Perdrilais ,  la  Boslais  ,  Boffa-Caular ,  &  la  Bottellerai, 
font  les  maifons  nobles  qui  fe  trouvent  dans  ce  territoire  ,  dont 
les  terres  excellentes  produifent  des  récoltes  abondantes  en  grains 
&  foin  ;  les  landes  y  font  malheureufement  très-étendues.  Un 
des  beaux  points  de  vue  de  la  province  efl  celui  qu'on  appelle 
le  Foutcau  de  Mourenne ,  fur  le  bord  du  grand  chemin  de  Rennes 
à  Redon. 

PIRE  ;  fur  la  rivière  de  Quinquenpois  ;  à  4  lieues  deux  tiers 
à  l'Eft-Sud-Eit  de  Rennes ,  fon  Evêché  ,  fa  Subdélégation  ,  &  le 
reffort  de  fa  haute-Juftice.  On  y  compte  4000  communiants ,  y 
compris,  ceux  du  Bois-Tru daine  ,  fa  trêve  :  il  s'y  tient  un  marclié 
le  lundi  j  la  Cure  eft  préfentée  par  l'Evêque,. 

Maifons 


P I R  .  us 

Maifons  nobles:  en  1500,1e  grand  Flouré  appartenoit  au 
Baron  de  Laval }  Epinai  &  la  Chapelle ,  à  Pierre  de  la  Mar- 
zeliere  ;  la  Bouvaye  ,  à  Guillaume  de  Silles  -,  la  Bertherie  ,  à  Ju- 
lien le  Vahais  ;  le  manoir  du  Pleffis ,  à  Guyar  de  Coëtlogon , 
Sieur  de  Mejufleaume  ,  aujourd'hui  à  M.  de  Rofnivinen,  Seigneur 
de  Pire.  (  Voyez  Loc-Eguiner.  ) 

Des  terres  bien  cultivées ,  des  prairies ,  beaucoup  de  bois  taillis  ; 
voilà  ce  que  ce  territoire  préfente  à  la  vue  :  c'eft  un  terrein  plat, 
&  couvert  d'arbres  à  fruits  pour  le  cidre. 

PIRÏAC  ;  au  bord  de  la  mer  j  à  1 8  lieues  à  l'Oueft-Nord- 
Ouefl:  de  Nantes,  fon  Evêché  j  à  23  lieues  de  Rennes  ;  &  à  2  lieues 
de  Guérande ,  fa  Subdélégation  &  fon  refTort.  On  y  compte  1 000 
communiants  :  la  Cure  ,  jadis  préfentée  par  TAbbé  de  Saint-Gildas 
des  Bois ,  eft  maintenant  à  l'Ordinaire.  Cette  ParoifTe  relevé  du  Roi. 

Ker-jurion ,  haute-Juftice ,  appartient  à  l'Abbaye  de  Saint-Sau- 
veur de  Redon  ;  Camzillon  ,  haute-Juftice ,  à  M.  Jacquelot  ;  Tré- 
valay  ,  moyenne-Jullice  ,  à  M.  de  Kermeno  j  Treverant-en-Piriac, 
moyenne-Juftice ,  à  M.  Guibertj  Pucelle  ,  moyenne-Juftice  ,  à 
M.  le  Préfident  de  la  Biochais. 

L'an  1 1 1 2  ,  le  Duc  Conan  III  donna  aux  Moines  de  Redon  les 
tailles  que  lui  &  fes  prédécefTeurs  Ducs  avoient  droit  de  lever  fur  les 
habitants  de  Piriac  ,  pour  récompenfer  ces  Moines  qui  avoient 
reçu  chez  eux  le  Duc  Alain  Fergent ,  fon  père ,  qui  avoit  abdi- 
qué la  Couronne  en  faveur  dudit  Conan  ,  fon  fils.  Les  port  & 
havre  de  Piriac  furent  unis  au  Siège  de  Guérande  ,  par  Edit  du 
Roi  Charles  IX  ,  donné  à  Troyes  en  Champagne  ,  le  29  Mars  1 5(34. 

François  Baron ,  né  à  Piriac  ,  arriva  au  Croiiic  fur  la  fin  de 
Juin  1562  ,  pour  y  occuper  la  place  de  Miniftre  des  Calvinifles. 
Il  venoit  de  Genève ,  où  on  l'avoit  envoyé  pour  fe  faire  infiruire 
dans  les  principes  de  fa  fefte.  En  1 563  ,  l'Eglife  de  Piriac  étoit 
occupée  par  les  Calviniftes  ,  qui  y  avoient  un  Pafteur  ou  Miniftre. 

L  an  1590,  quatre  mille  cinq  cents  Efpagnols  débarquèrent 
au  port  de  Saint-Nazaire,  où  ils  reçurent  ordre  de  fe  rendre  à 
Piriac ,  pour  y  retenir  fous  TobéifTance  du  Duc  de  Mercœur 
les  habitants  du  lieu  qui  vouloient  fe  foumettre  à  Henri  IV  (a)» 


(  <z  )  Il  y  a  ,  à  Piriac  ,  beaucoup  de  mo- 
numents antiques  &  curieux  que  j'aurois 
été  charmé  d'inférer  ici  :  mais  j'ai  en  vain 
fupplié  ,  à  différentes  fois  ,  quelques  per- 
sonnes de  l'endroit  de  rm  faire  pafTer  les 


détails  concernant  ces  antiquités  ;  elles  ont 
conftamment  gardé  le  filence  ,  &  n'ont  pas 
fait  attention  a  n>cs  prières.  Je  fuis  fâché 
d'avoir  été  importun  ;  je  rcfpederai  défor* 
naais  leur  repos ,  ôcc. 


Tome  III,  X  i 


34Ô  PIR=PLA 

Ce  territoire  eft  fertile  en  grains:  on  y  voit  un  canton  aflfez 
étendu  planté  en  vignes  ,  &  des  landes  dont  le  foi  excellent 
mérite  les  foins  du  cultivateur  qui  ne  s'emprelTe  pas  de  les 
défricher. 

PLAINE-HAUTE  j  à  2  lieues  un  tiers  au  Sud-Oueft  de  Saint- 
Brieuc  ,  fon  Evêché ,  fa  Subdélégation  ,  &  fon  relTort;  &  à  20  lieues 
&  demie  de  Rennes.  Cette  ParoifTe  ,  dont  la  Cure  eft  à  l'Ordi- 
naire ,  compte  1 800  communiants  :  M.  le  Duc  de  Lorges  en  ell 
le  Seigneur,  &  la  haute-Juftice  de  l'endroit  eft  unie  à  fon  Du- 
ché. Le  territoire  offre  à  la  vue  des  vallons  ,  des  monticules , 
des  coteaux,  des  terres  en  labeur,  des  prairies,  des  landes,  &: 
des  arbres  fruitiers.  Le  château  de  Crenan  ell:  une  ancienne  Che- 
valerie ,  qui,  en  1430,  appartenoit  à  la  maifon  de  Nepvou  : 
elle  palîa  dans  la  maifon  de  Perrien  ,  par  le  mariage  de  Mau- 
rice de  Perrien  avec  la  Dame  du  Vois ,  fille  de  Magdeleine  le 
Nepvou  ,  héritière  de  Crenan.  Pierre  de  Crenan  fut  grand 
Echanfon  de  France;  Pierre,  Marquis  de  Crenan,  fut  Gouver- 
neur de  Cazal ,  &  Lieutenant  général  des  armées  du  Roi.  Cette 
Seigneurie ,  après  avoir  été  pofîédée  par  les  maifons  de  Lannion 
&  de  la  Haye ,  tomba ,  par  alliance  ,  à  celle  de  Bellingant ,  qui 
en  jouit  aujourd'hui.  L'an  1450,  la  Ville-Daniel  appartenoit  à 
Eon  le  Voyer  ;  la  Ville-Chaperon,  à  Henri  de  la  Roche;  l'Hô- 
pital ,  à  SylveHre  du  Ruflai  ;  Saint-Armel ,  Bien-affis ,  la  Ville-Ca- 
des ,  Belle-Fontaine ,  &  le  Clos-au-Toty ,  à  N.... 

PLAîNTEL  ;  fur  une  hauteur  ;  à  2  lieues  trois  quarts  au  Sud- 
Sud-Ouefl  de  Saint-Brieuc  ,  fon  Evêché  &  fon  reffort  ;  à  19 
lieues  de  Rennes  ;  &  à  i  lieue  &  demie  de  Quintin ,  fa  Subdé- 
légation. Cette  ParoifTe  efl  une  Vicomte  dont  la  Seigneurie  ap- 
partient à  M.  le  Duc  de  Lorges.  On  y  compte  4800  comnm- 
niants ,  y  compris  ceux  de  Saint-Brandan ,  fa  trêve  :  la  Cure  efl 
à  l'Ordinaire.  Des  vallons  ,  des  coteaux  ,  des  monticules  ,  des 
landes  ,  une  partie  de  la  forêt  de  Lorges  ,  des  arbres  à  fruits  pour 
le  cidre  ,  des  prairies  ,  &  des  terres  fertiles  en  grains  ;  voilà  ce  qui 
fe  voit  dans  ce  territoire.  Plaintel  efl  une  ancienne  Chevalerie 
qui  appartenoit  à  Jean  de  Dol ,  un  des  Chevaliers  Bretons  qui 
lé  trouva  à  la  tête  de  fa  Compagnie  à  la  bataille  de  Bouvines, 
Tan  1 2 1 4.  Il  eut  un  fils  nommé  Nicolas ,  qui  fut  Seigneur  de  la 
Ville-Maingui  &  de  Plaintel.  Sa  poflérité  mafculine  s'étant  éteinte , 
Jeanne  de   Dol,  Dame  de  Plaintel,  fille  unique  de  Guillaume 


PLA  347 

■  de  Dol ,  époufa  Rolland  Gautron  ,  dans  la  maifon  duquel  elle 
porta  Tes  biens.  Rolland  de  Gautron  fe  fignala  au  fiege  de  Rennes 
en  1356;  il  étoit  petit -fils  de  Jean  Gautron,  qui  fut  tué  à  la 
bataille  de  Poitiers ,  en  1 3  5  6  ,  en  combattant  pour  Jean  ,  Roi  de 
France.  Jacques  Gautron ,  Vicomte  de  Plainte!  ,  Sieur  de  la 
Ville-Maingui  &  de  la  Ville-Hamon ,  Chevalier  des  Ordres  du 
Roi ,  &  Capitaine  des  villes  &  port  du  Croific  ,  époufa  Claude 
de  Robien ,  fille  de  Jacques  de  Robien.  Chriftophe  Gautron  , 
leur  fils ,  Chevalier  des  Ordres  du  Roi  &  Gentilhomme  de  fa 
chambre,  obtint,  en  1(^05,  des  lettres  du  Roi  Henri  IV,  qui 
furent  enrégillrées  au  Parlement  de  Bretagne  ,  pour  prendre  le 
nom  de  Robien.  Il  époufa  Catherine  de  Bourgneuf  de  Cucé , 
de  laquelle  il  eut  Sébaftien  de  Robien ,  Confeiller  au  Parlement 
de  Bretagne  ,  marié  à  Françoife  du  Gage  :  leur  poflérité 
jouit  encore  de  la  Seigneurie  de  Robien  &  de  la  Ville- 
Maingui. 

Maifons  nobles  :  en  1500,  la  Coudrais,  à  Jean  Robien,  Che- 
vaUer  ;  la  Cofte ,  à  Pierre    Dollo  ;  le    manoir  de   Crapado ,  à 
Jeanne  le  Boutellier,  Dame  duclit    lieu  &   du   Pleiîis-BalufTon  j 
le  Pré-au-Roi ,   à  François   le    Fevre--^  la   maifon  du   Pleflis ,  à 
Pierre  du  Pleflis;  la  Grand -Ville- ,   à   Pierre  de  la  Garenne;  le 
manoir   de    la    Ville-Jagu  ,  à  Amauri    Crehallet  ;  le   manoir   de 
Crehennic  ,    à   François    Fortin  ;  le    manoir  de    la  Villerio ,  à 
Jean  Guillouy  ;  le  manoir  des  Preturquis ,  à  Marguerite  Dollo  ; 
Trebual  ,  à  Guillaume    Guillochen  ;  le    Bois    au   Fauchours  ,  à 
i  rançois  Pellouefel  ;  Belle-Noë  ,  a  Yvon  Jourdan  ;  le  Frefne ,  à 
Jean  Dollo  ;  Saint-Guyonic  vel  Guyonnic ,  à  Pierre  de  la  Rivière  j 
la  Goupilliere  ,  à   Pierre  Rouefïel  ;  la  Carnelle  ,  à  Yvon  Caflbn  ; 
la  Garenne ,  à  Triftan-Perffon  ;  le  Gourlay ,  à  Demoifelle  Mar- 
geUe    la  Morgant  ;  la  Coudraye ,  à    Claudine    du   Boisgelin  ;  le 
Chernots ,  à  Yves  de  la   Fofle  ;  les    Tennieres ,  à   Bien-veim-le- 
Moine  ;  les  quatre  Veaux ,  à  Yves  Budes  ,  Sieur  du  Tertre-Jouan  j 
la  maifon  du  Quartier,  à  Vallence  Pellepore;  Boezel-au-Chefnay , 
aux  héritiers  de  Pierre   Bonefel  ;  Preturquis ,  à  Anne   Saoullet  ; 
la  Perthenault-au-Pleflis ,  à    Pierre    Perthenault  ;   la  Coudraye  , 
à  Olivier  d'Arcelles  ;  le  manoir  du  Frefne ,  au  Comte  de  Laval  ; 
la  Villenyo  ,  à  Michel  Guilloumay  ;  la  Cheverne  ,  à  Guillaume 
de  la  Rivière;  le  Préoré  ,  à  François  le  Fevres;  la  Villegoures, 
à  Charles  Budes  ;  la  Grand-Ville ,  à   Pierre  de  la  Garenne  ;  Cra- 
pado, à  Jean  de  la  Rivière  j  &  le  manoir  de  Louvoural ,  à  Henri 
Etienne. 


348  P  L  A 

PLANCOET  5  fur  la  route  de  Saint-Malo  à  Lamballe  ,  &  fur  la 
rivière  d'Arguenon  5  à  8  lieues  à  l'Eil  de  Saint-Brieuc ,  Ton  Evêché; 
à  1 3  lieues  un  quart  de  Rennes  j  &  à  4  lieues  &:  demie  de  Lam- 
balle ,  fa  Subdélégation.  îl  s'y  tient  un  marché  tous  les  famedis  de 
chaque  femaine  ,  &  une  foire  par  chaque  année.  Cette  ParoilTe 
reflbrtit  à  Jugon  ,  &  compte  600  communiants  :  la  Cure  eft  à  l'Or- 
dinaire. Plancoët,  haute-Jullice  j  la  Hunaudaye  ,  haute-JulHce  ;  & 
Montafilant ,  haute- Juilice ,  à  M.  le  Comte  de  Rieux  :  l'Argen- 
tais  ,  haute-Juftice ,  à  M.  Lefquen-l'Argentais  ;  la  Ville-Menue , 
haute- Jullice  qui  s'exerce  à  Plancoët  &  à  Pluduno  ,  à  M.  de 
Lefquen  de  la  Ville-Menue  ;  Cariquet ,  moyenne- Juftice ,  à  Ma- 
dame de  Montboucher  j  la  Herfardais ,  moyenne- Juflice  ,  à  Ma- 
demoifelle  de  Racinous  j  la  Lande-Gruel  ,  moyenne-Jullice ,  à 
M.  Lézard  de  la  Lézardiere  j  le  Pleflis-Bouexiere ,  moyenne-Juf- 
tice  ,  à  M.  de  Varennes  ;  le  Trait ,  moyenne-Juflice  ,  à  M.  Tal- 
houet  de  Bon-Amour  -,  la  Ville-Varet ,  moyenne- Juflice  ,  à  M. 
Tranchant  de  l'Evinair  j  le  Veau-Joyeux  ,  moyenne- Juftice  ,  à 
M.  Bouen  de  la  Ville-Bouquai  j  le  Vaumadeuc  ,  moyenne-Juftice, 
à  M.  Minet.  En  1223,  Rolland  de  Dinan ,  ChevaHer,  Seigneur 
de  Montafilant ,  donna  g^^J'Abbaye  de  Saint-Sulpice ,  Evêché 
de  Rennes ,  une  mine  de  froment  de  rente  annuelle  &  perpé- 
tuelle fur  les  moulins  de  Plancoët.  Le  Prieuré  de  Saint-Maur  de 
Plancoët  dépend  de  l'Abbaye  de  Saint-Jacut ,  (  Evêché  de  Dol,  ) 
qui  préfentoit  même  la  Cure  du  lieu  en  1680  :  depuis  ce 
temps  ,  elle  eft  préfentée  alternativement  par  le  Pape  ou 
l'Evêque. 

Plancoët  eft  une  petite  ville  fort  longue ,  coupée  par  la  rivière 
d'Arguenon ,  &  dont  partie  eft  dans  la  ParoilTe  de  Corfeul , 
termmée,  de  ce  côté-là  ,  par  la  maifon  des  Jacobins  de  Nazareth, 
fondée  l'an  1648.  Cette  ville,  qui  ne  paroît  pas  avoir  jamais  été 
clofe ,  avoit  un  château  pour  défendre  le  paiïlige  de  la  rivière  , 
qui  fut  pris  &  rafé  par  le  Duc  Jean  IV  en  1389.  Il  y  a  en- 
viron trente-fix  ans  qu'il  y  paroiffoit  encore  des  reftes  d'une 
tour  quarrée  ,  dont  on  ne  voit  plus  rien  j  on  y  laboure ,  &  on 
pourroit  en  dire  ,  en  petit,  nunc  feges  ubi  Troja  fuit. 

Un  bras  de  mer  amené  des  navires  de  foixante  à  quatre-vingt 
tomieaux  jufques  dans  le  centre  de  la  ville  de  Plancoët.  Autre- 
fois le  grand  chemin  ferré.,  nommé  le  chemin  C/iauJfée  ,  prolon- 
geoit  Plancoët  d'un  bout  à  l'autre,  fans  qu'il  en  paroifle  rien 
aujourd'hui.  Il  en  eft  peu  comme  celui-là  ,  qui ,  après  dix-huit  cents 
ans,  fe  foit  confervé  de  façon  à  en  reconnoître  toute  la  beauté 


P  L  A  349 

&  la  folidité  ,  dans  une  continuité  de  cinq  lieues ,  c*eft-à-dire , 
depuis  IfEniac  jufqu  à  Hennen ,  où  il  femble  entrer  dans  les  terres 
labourées ,  &  que  le  feul  foc  de  la  charrue  retrouve  quelque- 
fois y  en  forte  qu'il  difparoît  là  ,  &  ne  fe  retrouve  plus  qu'au 
Couvent  de  Nazareth ,  où  il  eft  beau  &  folide  jufqu'aux  appro- 
ches de  Montafilant ,  au  territoire  de  Corfeul ,  où  il  difparoît 
totalement. 

PLANGUENOUAL  ;  fur  la  route  de  Lamballe  au  port  d'Aouet; 
à  3  lieues  à  l'Eit-Nord-Eil:  de  Saint-Brieuc ,  fon  Evêché  j  à  1 8 
lieues  de  Rennes ,  fon  reilort  ^  &  à  2  Heues  de  Lamballe ,  fa 
Subdélégation.  On  y  compte  1 1 00  communiants.  L'an  1 1 3  i  , 
Jacques  ,  Evêque  de  Saint-Brieuc  ,  donna  l'Eglife  de  Plangue- 
noual  à  l'Abbaye  de  Saint-Meiaine  de  Rennes:  depuis  ce  temps, 
il  a  toujours  préfenté  la  Cure ,  qui  a  titre  de  Prieuré. 

Saint-Denoual ,  haute-Juitice  ,  à  M.  de  la  MoufTaye  ;  la  Ville- 
Auvais  ,  haute-JulHce  ;  le  Hourmelin ,  moyenne- Juftice  ,  à  M.  le 
Metaer  du  Hourmelin  :  la  Viile-Men  ,  moyenne-Juftice ,  à  M.  de 
la  Villion  ;  le  Tertre-Defnos  ,  bafle-Juftice ,  à  M.  de  la  Bouexiere 
du  Tertre-Defnos  ;  le  Val ,  moyenne-Jull:ice  ,  à  M.  de  Rabec  :  la 
Crouet ,  la  Ville -Hervé,  Veauvert,  &  la  Ville-Gourio  f  cette 
dernière  appârtenoit,  en  1380,  à  Rolland  de  la  Viliéon.  Ce 
Seigneur  étoit  Confeiller  du  Duc  de  Bretagne ,  qui  l'envoya  en 
Angleterre  ,  pour  gagner  à  fon  maître  les  Grands  du  Royaume  , 
auxquels  il  avoir  ordre  de  diftribuer  une  fomme  de  fix  mille 
livres.  Jacques  de  la  Viliéon  ,  fon  fils ,  fut  Procureur  général , 
&  Chancelier  des  Ducs  Artur  III  &  François  II.  Perronnelle- 
Angéhque  de  la  Viliéon  époufa  René-Hyacinthe  de  Coëtlogon, 
dont  la  poftérité  fubfifte  encore.  Ce  territoire ,  qui  eft  borné  au 
Nord  par  la  mer ,  forme  une  plaine ,  à  quelques  vallons  près  ; 
il  renferme  des  terres  en  labeur ,  &  des  landes  qui  paroilTent 
mériter  les  foins  du  cuhivateur  par  la  bonté  de   leur  fol. 

PLATJDREN;  fur  une  hauteur;  à  trois  litiies  au  Nord-Nord- 
Eft  de  Vannes ,  fon  Evêché ,  fa  Subdélégati:  n ,  &  le  reffort  de 
fa  haute- Juitice  ;  &  à  18  lieues  de  Rennes.  On  y  compte  3000 
communiants ,  y  compris  ceux  de  Loqueltas  &  Monterblanc , 
fes  trêves  :  la  Cure  eÛ  préfentée  par  le  Chapitre  de  la  Cathédrale 
de  Vannes.  La  Chapelle  ou  Prieuré  de  Saint-BiU  fut  fondée  par 
Saint  BiH  ,  Evêque  de  Vannes ,  en  892.  La  Paroifle  de  Plaudren 
fut  annexée  à  la  Menfe  capitulaire  ,    par  Yves   de   Pontfale  , 


350  P  L  A  =  PL  E 

Évêque  de  Vannes ,  en  vertu  d'une  Bulle  du  Pape  Pie  II ,  en  date 
du  7  Oftobre  1452.  Le  Chapitre  perçoit  les  deux  tiers  des  dîmes 
de  l'endroit. 

Les  maifbns  nobles,  en  1420  ,  étoient:  Canizon,  (  aujourd'hui 
Camzon ,  )  &  Penancleuz ,  à  Louife  de  la  Forêt  -,  la  première  ap- 
partient aéluellement  à  M.  de  Robien-Camzon ,  Procureur  géné- 
ral Syndic  des  Etats  de  Bretagne.  Le  Quervazic ,  à  Jean  de 
Quervazic  -,  le  Trefl'ai  &  Ker-gourion ,  à  Gilles  d'Aurai  ;  le  Né- 
don  ,  à  Pierre  Lorveloux  -,  le  Mazianet  &  Trédéec  ,  à  Louis  du 
Trefîay  ;  Ker-mengui ,  à  Jean  de  Kerveno;  le  Coz~Portz  ,  à  Jean 
le  Meilleur  ;  Ker-louUe ,  à  Julien  de  Kerfoulle  ;  Ker-go ,  à  Ber- 
trand le  Tailliec  -,  &  Régnai ,  à  François  du  Hancoèt.  Ce  terri- 
toire eu  arrofé  des  eaux  de  différentes  branches  de  la  rivière 
d'Aurai  j  il  renferme  des  terres  en  labeur  ,  des  prairies ,  &  quel- 
ques landes  :  c'eil  un  pays  couvert  qui  produit  beaucoup  de 
cidre. 

PLEBOULE  j  fur  une  hauteur  j  à  7  lieues  à  l'Eft-Nord-Eft  de 
Saint-Brieuc ,  fon  Evêché  &  fon  relTort  ;  k  16  lieues  de  Rennes  j 
&  à  4  lieues  de  Lamballe  ,  fa  Subdélégation.  On  y  compte  600 
communiants  :  M.  de  Valentinois  elt  Seigneur  du  lieu ,  dont  la 
Cure  eft  à  l'Ordinaire.  Ce  territoire  eft  fertile  en  grains ,  &  très- 
exaftement  cultivé.  A  peu  de  diftance  du  bourg  eft  un  moulin 
à  vent  ,  fur  une  élévation  qui  forme  un  très  -  beau  point  de 
vue. 

Beaucorps,  haute- Juflice  qui  s'exerce  au  Temple-en-PlebouIe  , 
à  M.  de  Matignon  -,  Saint-Caft,  haute-Juftice ,  idem  ;  la  Comman- 
derie  de  la  Guerche ,  haute-Juftice  ,  à  M.  le  Commandeur  j  Lau- 
nai-Caulnelais ,  baffe-Juftice ,  à  M.  Thomas  de  la  Reignerais  ;  la 
Ville-Salou ,  moyenne-Juftice ,  à  M.  Lefquen  de  l'Argentais  :  le 
château  de  Pleboule  ,  place  jadis  forte ,  appartient  à  M.  de  Mont- 
bran  ;  il  eft  aéluellement  en  ruines.  La  maifon  de  la  Ferriere  ap- 
partenoit,  en  1472,  à  Jean,  Chevalier,  Seigneur  de  la  Ferriere. 
Roch  de  la  Ferriere  fut  Gentilhomme  ordinaire  de  la  chambre 
du  Roi  Louis  XII ,  &  Maître  des  requêtes  de  l'hôtel  de  la 
Reine  Anne. 

PLECHATEL  ;  fur  un  coteau  ;  à  5  lieues  trois  quarts  au  Sud 
de  Rennes ,  fon  Evêché ,  fa  Subdélégation ,  &  fon  reffort.  On  y 
compte  2000  communiants.  Il  y  a  une  affemblée  confidérable 
au   bourg  de  cette  Paroiffe  le  jour  de  la  fête  de  Saint  Pierre. 


PLE  351 

L'Eglife  efl  un  Prieuré  fondé  en  873  par  Salomon ,  Roi  de 
Bretagne  ,  qui  le  donna  à  l'Abbaye  de  Saint-Sauveur  de  Redon , 
qui  venoit  d'être  transférée  à  Plélan.  Cette  Abbaye  a  toujours 
poffédé  depuis  ce  Prieuré  ,  &  préfenté  la  Cure.  La  maifon  du 
Pleffis-Bardoul  appartenoit,  en  1340,  à  Pierre  de  Neufville. 
Son  petit-fils  :  Pierre  de  Neufville  fut  détenu  prifonnier  par  les 
Anglais  en  1 416.  Cette  Seigneurie  paffa  en  1 570  à  Jean  le  Ménager, 
qui  eut  une  poftérité  nombreufe.  Jean  ,  fon  fils  aîné,  époufa  Jeanne 
de  Tanouarn.  Leurs  enfants  prirent  des  lettres  ,  en  1662  ,  pour  por- 
ter le  nom  de  Tanouarn,  L'abbaye  de  Saint-Sauveur  de  Redon  pof- 
fedela  haute- JulHce  de  Plechâtel.  Les  rivières  de  Vilaine  &  de  Sem- 
non  arrofent  ce  territoire  ,  qui  renferme  des  terres  bien  cultivées , 
des  prairies ,  &  des  landes.  C'efl  un  pays  couvert  qui  produit  du 
cidre. 

PLEDELIAC  ;  à  6  lieues  à  l'Efli-Sud-Eft  de  Saint-Brieuc ,  font 
Evêché  i  à  14  lieues  de  Rennes  ^  &  à  2  lieues  de  Lamballe ,  fa 
Subdélégation.  Cette  ParoifTe  refîbrtit  à  Jugon,  &  compte  1500 
communiants.  M.  le  Comte  de  Rieux  en  eft  le  Seigneur  :  la  Cure 
efi:  à  l'Ordinaire.  Launay ,  moyenne-Juilice ,  à  M.  Moifan  de  la 
Ville-Hirouet  ;  la  Morinais ,  moyenne- Juftice ,  à  M.  du  Bilier-Brunet  ; 
le  Chef-du-Bois ,  moyenne- Juftice  ,  à  Madame  de  Keranroux  de 
Fontelebon  j  Cario  ,  rrioyenne-JuHice ,  à  M.  Launaye  ,  Recteur  de 
Saint-Potan  j  le  Guilliers ,  moyenne-Juilice ,  à  M.  Brunel  du  Guil- 
liers  j  Lorgeril ,  moyenne-Juflice ,  à  M.  de  Lorgeril  ;  la  Ville- 
Lirouet ,  la  Herfardais ,  le  Saint-Efprit  des  Bois ,  Prieuré  attaché 
à  la  Cure  de  l'endroit  ;  &  l'Abbaye  de  Saint- Aubin ,  Ordre  de 
Cîteaux.  (  Voyez  Saint-Aubin.  ) 

Le  château  de  la  Hunaudaye ,  maifon  feigneuriale  de  cette  Pa- 
roifTe,  efi:  compofé  de  cinq  groffes&  moyennes  tours,  qui  forment 
un  pentagone  ,  avec  des  bâtiments  apphqués  aux  gros  murs  par  le 
dedans  de  la  cour  :  iln'efi:  que  d'une  moyenne  antiquité ,  puifqu'il 
ell  prouvé  qu'il  n'exifloit  point  encore  en  1214.  il  paroît  qu'il  a 
été  commencé  incontinent  après  cette  époque  :  mais  tout  prouve 
que  ce  n'a  pas  été  l'ouvrage  d'un  feul  fiecle.  En  voici  l'o- 
rigine : 

Il  efl  très-certain  que  Tomemlné ^  père  ou  aïeul  d'Olivier,  dont 
nous  allons  parler ,  paffa  d'Angleterre  dans  l'Armorique ,  avec 
une  fuite  digne  d'un  grand  peribnnage ,  (  ceci  efl  pris  chez  Jes 
hifloriens  j  )  &  ,  s'il  n'étoit  pas  né  Prince ,  c'étoit  au  moins  un 
grand  Seigneur  ,  puifqu'il  ell:  prouvé  qu'il  y  époufa  AddU  ,  Pria- 


3  51  .  PLE 

celTe  de  la  mairon  de  Penthievre ,  dont  il  eut  poftérité  qui  dura 
jufqu'à  nos  jours. 

Olivier  Tornemine ,  leur  fils  ou  petit-fils ,  plaidoit  encore  en 
1214  pour  le  partage  de  fa  mère  ou  aïeule,  &  alors  le  Duc 
Pierre  de  Dreux  ,  qui  avoir  époufé  Alix ,  héritière  du  Duché  ,  Se 
qui  s'étoit  emparé  de  la  Comté  de  Penthievre  ,  tranfigea ,  du 
confentement  d'Alix,  Comtefle  de  Bretagne,  fa  femme  (  ^  ),  avec 
ledit  Olivier ,  auquel ,  par  a6le  donné  à  Rennes  au  mois  d'Oc- 
tobre 1214,  ils  cédèrent  plufieurs  ParoifTes ,  &  en  particulier 
la  forêt  de  Lamballe  ,  allas  de  Lanmur  {b).  L'endroit  où  eil:  fitué 
le  château  de  la  Hunaudaye  étoit  alors  place  nue  ou  marécage. 
Je  ne  devinerois  pas  quelle  a  pu  être  l'origine  de  fon  nom  ,  car  fon 
fondateur  n'avoir  point  nom  Hiinaud^  ni  aucun  de  fes  defcendants, 
fi  l'on  ne  voyoit  point  un  hameau  qui  n'en  efl  qu'à  un  huitième 
de  lieue ,  aujourd'hui  nommé  le  village  Saint-] dan ,  à  caufe  d'une 
Chapelle  fous  l'invocation  du  Saint  qui  y  fubiille  d'ancienneté , 
&  s'appelloit  encore ,  il  n'y  a  pas  deux  cents  ans ,  la  ville  de  la 
Hunaudaye,  Il  s'y  tenoit  tous  les  ans  plufieurs  foires;  il  y  avoit 
marché  tous  les  lundis ,  auditoire  &  audience  le  même  jour.  Le 
martrai  fubfifi:e  encore,  quoique  le  terrein  en  foit  beaucoup  ré- 
tréci par  les  jardins  que  les  habitants  riverains  ont  pouffé  en 
avant.  Il  paroît  que  la  Chapelle  étoit  jadis  fuccurfale  ;  &  la 
grande  quantité  d'offements ,  qui  fe  font  trouvés  jufques  fous  les 
murailles  en  les  réédifiant ,  en  feroit  une  preuve.  Bref,  on  voit, 
dans  le  contour  de  ce  village  ,  des  mafures  &  des  décombres  j 
& ,  félon  les  apparences ,  l'état  où  ce  lieu  étoit  alors  porta  le 
nouveau  Seigneur  à  en  donner  le  nom  au  château  quil  fit 
commencer. 

Ce  château  étoit  d'une  force  redoutable  avant  l'ufage  du  canon: 
il  l'étoit  même  encore  du  temps  de  la  ligue  qu'il  tenoit  pour  le 
Roi ,  &  où  il  y  eut  toujours  une  Compagnie  de  deux  cents  hom* 
mes  de  pied,  qui  faifoit  tête  à  la  garnifon  du  château  de  Lam- 
balle qui  tenoit  pour  le  Duc  de  Mercœur.  Les  détachements  de 
l'une  &  de  l'autre  garnifon  fe  cherchoient  &  fe  rencontroient 
journellement  j  ce  qui  faifoit  répandre  beaucoup  de  fang  ,   fans 


(  <z  )  11  eft  étonnant  que  Pierre  ,  qui  ne 
regnoit  que  par  fa  femme  »  la  qualifie  de 
Comtefle ,  &  qu'il  prend  pour  lui  le  titre 
de  Duc  ôc  de  Comte  de  Richemom ,  qu'il 
lenoit  aufll  d'elle. 

(  ^  )  N.  du  Fail ,  dans  fou  Entrepede, 


imprimé  à  Rennes  en  r6o6  ,  dit  que  cette 
forêt  s'appelloit  la  forêt  noire  avant  d'être 
nomaiée  Lanmur  ;  fon  nom  fut  enfuite  de 
Lamballe  y  &  ,  depuis  quatre  fiecles  ,  /<» 
fora  de  Ll  Hunaudtiyc^ 

que 


que  cela  aboutît  à  rien  :  enfin,  ils  en  vinrent  à  fe  refpe61er  ir.a- 
tuelleinent ,  &  à  faire  un  traité  ,  en  forme  de  trêve  ,  par  lequel  il 
fut  dit  que  chacun  garder  oit  fa  place  fans  fe  guerroyer  j  ce  qui  fut 
exécuté.  Il  falloit  cependant  foudoyer  ces  garnifons  qui  jufques- 
là  n'avoient  fubfiflé  que  de  pillage.  Le  Seigneur  de  la  Hunaudaye, 
toujours  dans  les  armées  royales,  étoit  rumé  j  &  le  Duc  de  Mer- 
cœur  ,  quoique  très-riche ,  manquoit  fouvent  d'argent.  On  prit  le 
Earti  de  partager  les  Paroifles  circonvoifmes  ,  &  de  les  faire  contri-, 
uerpour  cet  entretien.  Ces  levées  fefaifoient-elles  fans  exaélions, 
&  ces  exaftions  étoient-elles  toujours  modérées?  C'étoit  un. cadet 
de  MM.  Defnos-DesfofTés ,  qui  étoit  alors  Capitaine  du  château 
de  la  Hunaudaye.  *. 

La  Hunaudaye  fut  érigée  en  grande  Baronnie  des  Etats  par 
lettres-patentes  du  Duc  François  II,  du  6  Septembre  1487.  Les 
Etats  difputent  aujourd'hui  cette  prérogative.  Cette  Terre  s'étend 
dans  beaucoup  de  Paroiffes,  avec  des  mouvances  confidérables  en 
proche  &  en  fupériorité,  &  elle  efl:  devenue  d'une  grande  dif- 
tinction  depuis  la  jonftion  de  Momafilant ,  ancienne  bannière  de 
la  Châtellenie  de  Plancoh  ^%l  autres- annexes.  La  Terre  &  Sei- 
gneurie de  la  Hunaudaye  appartiennent  préfentement  à  M.  le 
Comte  de  Rieux.  Le  territoire  de  cette  Paroifle  eft  fertile  en 
grains  &  pâturages  :  on  y  voit  des  landes  &  beaucoup  de  bois. 

PLEDER  ;  à  2  lieues  un  tiers  au  Sud-Ouefl  de  Dol ,  fon  Evê- 
ché  &  fa  Subdélégation  j  &  à  9  lieues  de  Rennes.  Cette  ParoifTe 
reffortit  à  Dinan,  &  compte  600  communiants  :  la  Cure  eft  à 
l'Ordinaire.  Le  territoire  renferme  des  terres  en  labeur,  des 
prairies ,  &  des  landes  :  c'eft  un  pays  couvert  qui  produit  beau- 
coup de  cidre. 

La  Motte  de  Beaumanoir,  moyenne  &  bafle-Juftice ,  à  M.  le 
Chevalier  de  Lorgenl. 

*  PLEDRAN  \  dans  un  fond  ;  à  i  lieue  &  demie  au  Sud-Sud- 
Eil  de  Saint-Brieuc  ,  fon  Evêché  ;  à  1 9  lieues  de  Rennes ,  fon  ref- 
fort  ;  &  à  3  lieues  de  Moncontour ,  fa  Subdélégation.  On  y 
compte  3  000  communiants ,  y  compris  ceux  de  Samt-Careuc  ,  fa 
trêve  :  la  Cure  eft  à  l'Ordinaire.  Le  territoire  efl  plein  de  mon- 
ticules &  de  vallons,  mais  fertile  &  aflez  exa^lement  cultivé  :  les 
landes  y  font  rares.  L'an  1233,  Saint  Guillauaie,  Evêque  de  Saint- 
Brieuc,  donna  l'Eglife  de  Pledran  au  Chapitre  de  fa  Cathédrale, 
pour  la  fondation  &  l'entretien  de  deux  Canonicats  qii'il  venok 
Tonu  IIL  Y  z 


V 


Î54  .       ,        PL  E 

de  créer.  La  Vicomte  de  Pledran ,  après  avoir  été  long -temps 
dans  les  maifons  de  Pledran ,  du  Louet ,  de  Montmorenci  ,  eft 
entrée  dans  celle  de  Poitiers-Gefvres ,  par  le  mariage  de  Léon- 
Louis  Poitiers  de  Luxembourg  ,  Duc  de  Gefvres  ,  avec  Eléonore- 
Marie  de  Montmorenci-Luxembourg  ,  fœur  du  Prince-de  Tingri. 
M.  le  Duc  de  Montmorenci  pofTede  aujourd'hui  cette  Seigneurie. 
f  Pledran,  Vicomte,  haute,  moyenne  &  bafTe-Jullice ,  &  la 
Seigneurie  de  Pirnit ,  haute ,  moyenne  &  baffe-Jullice ,  à  M.  le 
Duc  de  Montm.orenci  ;  la  Commanderie  de  Crehac  ,  haute , 
moyenne  &  balTe-Julnce  ,  à  M.  le  Commandeur  de  Malte  :  le  Bu- 
chon  ,  haute  ,  moyenne  &  baffe-JulHce  -,  le  Hirel ,  haute ,  moyenne 
&  balTeJulHce  j  Ciineuf,  haute,  moyenne  &  baiîe-luftice  ;  le 
Pleflis-Lelay  ,  haute,  moyenne  &  baffe- Juftice  ;  la  Sauniere , 
haute  ,  moyenne  &  baffe -Juflice  ;  Se  la  CorniUiere  ,  haute, 
moyenne  Sz  baffe-Juffice  ,  aux  héritiers  de  M.  du  Pkffis-Lelay  ; 
cette  dernière  appartenoit ,  en  1370,  à  Jean  de  la  CorniUiere, 
Ecuyer  dans  la  Compagnie  de  Bertrand  du  GuefcHn ,  Connétable 
de  France.  Beaurepaire,  haute,  moyenne  &  baffe-JulHcej  Craf- 
faut ,  haute  ,  moyenne  &  baffe-JulHce  ;  Carmené ,  haute  ,  moyenne 
Se  baffe- Juilice  ;  &  Clair-Fontaine ,  haute ,  moyenne  &  baffe-Juf- 
tice,  à  M.  de  Carlan  :  la  Houffaye ,  haute,  moyenne  &  baffe- 
JuiHce  ;  &  Coeffurel,  haute,  moyenne  &  baffe-JulKce ,  aux  hé- 
ritiers de  M.  de  la  Houffaye  :  la  Ville-HeUo  ,  haute ,  moyenne 
Se  baffe- Juffice  ,  aux  héritiers  de  M^^.  de  Montmorenci  ;  le  Vau- 
morin ,  haute ,  moyenne  Se  baffe-Juffice ,  aux  héritiers  de  M.  de 
la  Mouffaye  ;  Penguilly ,  moyenne  &  baffe-Juffice  ,  à.  M.  de  la 
Rivière  -,  la  Ville-Meneuc  ,  moyenne  Se  baffe-Juffice  ,  à  M.  de  la 
Ville-Coleu  de  la  Guerrand ,  qui  poffede  aufii  la  moyenne  Se 
baffe-Juffice  de  Belleville.  La  mailbn  du  Pleffis-Eudes ,  dans  la 
trêve  de  Saint-Careuc ,  eff  le  lieu  de  la  naiffance  du  Maréchal 
de  Guébriand. 

PLEGUIEN  ;  à  3  lieues  Se  demie  au  Nord-Oueffde  Saint- 
Brieuc  ,  fon  Evêché  ,  (a  Subdélégation,  Se  fon  reffort  ;  à  24 
lieues  de  Rennes.  On  y  compte  1 200  communiants  :  la  Cure  eff 
à  l'Ordinaire.  Des  vallons ,  des  coteaux ,  des  monticules  ,  des 
ruiffeaux  ,  des  prairies  ,  des  terres  bien  cultivées  :  voila  ce  que 
ce  territoire  offre  à  la  vue. 

PLÉHÉDEL  ;  ffir  une  hauteur  ;  à  5  lieues  au  Nord-Oueff  de 
Saint-Brieuc  ,  fon  Evêché  Se  fon  reffort  j   à  2  5  lieues  de  Rennes  j 


PLE  35J 

Se  k  1  lieues  un  quart  de  Paimpol ,  fa  Subdélégation.  Cette  Pa- 
roifle  relevé  du  Roi  :  elle  a  haute-Juftice ,  &  compte  i  ooo  com- 
muniants. M.  de  Boifgeflin  en  eÛ  le  Seigneur  :  la  Cure  efl:  à 
l'alternative.  Son  territoire  efl  borné  par  la  mer  &  arrofé  de  plu- 
iîeurs  ruiffeaux  qui  vont  fe  jetter  dans  la  rivière  du  LiefL  Les 
terres  en  font  très-fertiles  &  très-exaftement  cultivées.  Vers  l'an 
1364,  Pierre  Poulard  ,  Chevalier  -  Bachelier  ,  Confeiller  du  Duc 
Jean  IV,  donna  quatorze  livres  de  rente,  qu'il  pofTédoit  fur  le 
manoir  de  Tuon-joces ,  en  la  Paroiiïe  de  Pléhédel ,  avec  les  dî- 
mes de  la  Paroiffe  de  PlefTelas  ,  appellées  dîmes  de  Brehcc , 
valant  iîx  tonneaux  de  froment ,  à  l'Abbaye  de  Beauport ,  pour 
fonder  une  MefTe  ;,  à  perpétuité ,  dans  l'Eghfe  de  cette  Maifon  ,  du 
confentement  de  Conilance  de  Kerraoul,  fon  époufe.  Cette  MeiTe 
doit    fe    dire  tous  les  jours. 

Pléhédel  efl  une  Vicomte  qui  appartenoit  jadis  à  la  maifon  de  Be- 
ringhem  :  elle  efl  aujourd'hui  à  la  famille  de  Boifgeflin  ,  qui  tire  fon 
nom  du  château  de  Boifgeflin,connu  en  cette  ParoifTe  -,  dès  l'an  1 300, 
il  appartenoit  alors  à  Guillaume  Chevalier  ,  Seigneur  de  Boifgeflin. 
Les  Seigneurs  de  cette  maifon  ont  eu  des  emplois  diflingués  chez  les 
Ducs  de  Bretagne  &  dans  les  différentes  Croifades ,  tant  pour  le  fer- 
vicç  de  mer  que  fur  terre.  M.  le  Vicomte  de  Boifgeflin  fut  nommé 
Gentilhomme    de  la  chambre   des  enfants  de  France   en  1760. 

PLEHEREL  ;  fur  une  montagne  ,  au  bord  de  la  mer  ;  à  7  lieues 
un  quart  à  l'Efl-Nord-Ell  de  Saint -Brieuc ,  fon  Evêché  ;  à  17 
lieues  de  Rennes  ;  &  à  5  lieues  de  Lamballe ,  fa  Subdélégation. 
Cette  ParoifTe  reffortit  à  Jugon ,  &  compte  700  communiants. 
M.  le  Comte  de  Rieux  en  efl  le  Seigneur  :  la  Cure  efl  à  l'Or- 
dinaire. Ce  territoire  forme  une  plaine  à  l'exception  de  deux  mon- 
ticules ,  fur  l'une  defquelles  efl  le  bourg ,  avec  un  moulin  j  l'autre 
efl  une  lande  affez  vafle.  Les  fables  de  la  mer  couvrent  une  par- 
tie du  terrein  j  de  forte  que  les  habitants  récoltent  à  peine  afTez  de 
de  grain  pour  fe  nourrir  ,  parce  que  les  landes  font  très-éten- 
dues  dans  cette  ParoifTe. 

Le  Vaurouault ,  moyenne- Juflice,  à  M.  Goayon  du  Vaurouault; 
la  Ville-Morhen,  moyenne- Juflice,  à  M.  Hehguenj  la  Ville-Roger, 
moyenne-Juflice ,  à  M.  de  Coetanfao  ;  la  Ville-Roland  ,  m.oyenne- 
Juflice  ,  à  M.  de  Tremcreuc  ;  le  Meurtel ,  moyenne  -  Jufrice  ,  à 
M.  l'Abbé  de  Meurtel  j  le  Prébrall,  moyenne-Jufcice  ,  à  M.  He- 
liguen  ;  la  Salle-pique ,  moyenne-Jullice  ,  à  M.  des  Congnets  de 
l'Hôpital.  La  Terre  du  Papeu  étoit ,  en   1380,  à  N....  Gerril , 


356  PLE 

Chevalier ,  Sieur  du   Papeu.  Depuis  ce  temps ,    cette  Terre  a 
toujours  refté  dans  la  même  famille. 

PLEIBEN  ',  fur  la  route  de  Châteaulin  à  Carhaix  ;  à  5  lieues 
au  Nord-Nord-Eil  de  Quimper  ,  Ton  Evêchéj  à  37  lieues  d& 
Rennes  ;  &  à  2  lieues  de  Châteaulin ,  fa  Subdélégation  &  fon 
reiîort.  Cette  Paroifle  relevé  du  Roi ,  &  compte  6000  commu- 
niants ,  y  compris  ceux  du  Cloître ,  fa  trêve ,  &  ceux  de  Samt- 
Ségal ,  fon  annexe  :  la  Cure  eft  à  l'Ordinaire.  Ce  territoire  efl 
un  pays  couvert ,  très-défagréable  pour  les  voyageurs  à  caufe  des 
montagnes  &  des  vallons  dont  il  eil  plein.  ïl  eiî  arrofé  de  plu- 
iîeurs  ruifleaux  qui  vont  fe  jetter  dans  la  rivière  d'Aulne.  Les 
terres  font  bien  cultivées ,  les  pâturages  abondants ,  les  prairies 
très-bonnes  ;  mais  les  landes  font  malheureufement  très-  étendues. 
Il  fe  tient  quatre  foires  par  an  à  Pleiben.  La  moyenne  &  baffe-Juf- 
tice  de  Léun  &  Ker-guillai  appartient  à  M.  de  la  Rivière.  Le 
château  de  Trelîguidi  &  la  famille  de  ce  nom  font  très-anciens. 
Un  Seigneur  de  cette  maifon  fut  nommé  Capitaine  ou  Gouver- 
neur de  Paris,  le  19  Février  1380.  M.  de  Kergris  de  Kervégan 
poiTede  aujourd'hui  cette  Seigneurie.  Les  autres  maifons  font  : 
Ker-iriou,  Quiliien  ,  Ker-yvon  ,  les  Salles,  Penhouet ,  Lérault , 
Trouane,  Ker-andourguet ,  Ker-brient,  Ker-veno,  &  Ker-gadalen. 

PLEIBERT-CHRÎST  ;  à  5  lieues  au  Sud-Sud-Eil  de  Saint- 
Pol-de-Léon ,  fon  Evêché  ;  à  3  6  lieues  de  Rennes  ;  &  à  i  lieue 
trois  quarts  de  Morlaix  ,  fa  Subdélégation.  Cette  ParoifTe  reffortit 
à  Brcft,  &  compte  2600  communiants.  M.  de  Lefcouet  en  ell 
le  Seigneur  :  la  Cure  efl  préfentée  par  l'Evêque. 

Le  château  de  Lefquifiou,  Châtellenie  ,  avec  haute,  moyenne 
&c  bafTe-Juilice ,  efl:  une  Juveignerie  des  anciens  Vicomtes  du 
Faou  :  il  appartenoit,  en  1540,  à  Jean  le  Borgne,  Sieur  de 
Lefquifiou.  Vincent  le  Borgne,  fon  arrière  petit-fils ,  étoit  Capitaine 
dans  le  Régiment  du  Maréchal  de  Brezé  en  1680.  Le  Roi  Louis  XIII 
honora  d'une  eflime  particuhere  ce  Seigneur  ,  qui  époufa  Mar- 
guerite Budes.  Une  de  leurs  filles  fe  maria  au  Comte  de  Bethune, 
&  leur  fils  aîné  époufa  Marie  de  Coëtlofquet.  Cette  Terre  appar- 
tient préfentement  à  M.  de  Lefcoat.  Le  château  de  Coëtlofquet 
appartenoit ,  en  1 400 ,  à  Jean  de  Coëtlofquet ,  dont  le  fils  fut 
Evêque  de  Limoges ,  &  Précepteur  des  Enfants  de  France.  Les 
autres  mailbns  nobles  font  :  Ker-oval,  Ker-viU  ,  Ker-vrach, 
Lohennec ,  Treuzcoet ,  &  Ker-ampuil.  Ce  territoire  eil  plein  de 


PLE  357 

vallons  ,  Se  renferme  des  terres  en  labeur,  des  prairies,  &  des 
landes.  La  rivière  de  Morlaix  y  prend  fa  fource. 

PLEIBERT-SAINT-EGONEC  ;  fur  la  route  de  Morlaix  àBreflj 
à  4  lieues  au  Sud-Sud-Ell  de  Saint-Pol-de-Léon  ,  fon  Evêché  ;  à 
39  lieues  de  Rennes;  &  à  2  lieues  de  Morlaix,  fa  Subdéléga- 
tion. Cette  ParoifTe  reflbrtit  à  Brell,  &  compte  3200  commu- 
niants :  la  Cure  eu  préfentée  par  l'Evêque.  Ce  territoire ,  coupé 
de  vallons ,  renferme  des  terres  en  labeur  &  des  landes  qui  ne 
font  que  trop  étendues  :  on  y  voit  les  maifons  nobles  de  Pen- 
fort,  du  QuiUenec ,  du  Heiiin,  de  Ker-ennot,  du  Gai,  de 
Coëtgoulouarn ,  de  l'Hoennec ,  de  Ker-morin  ,  de  Luzec  ,  &  de 
Penfaou. 

PLEINE-FOUGERE;  à  3  lieues  à  TEfl  deDol,  fon  Evêché 
&  fa  Subdélégation;  &  à  10  lieues  &  demie  de  Rennes.  Cette 
ParoifTe  relevé  du  Roi  ,  & .  reffortit  à  Bazouges  ;  on  y  compte 
2400  communiants.  La  Cure  fe  préfente  par  l'Abbé  de  Saint- 
Florent.  Pleine -Fougère,  haute,  moyenne  &  baffe -Juftice,  à 
M.  duPieiTis;  la  Pkmdiere  ,  moyenne  &  baffe Jufli ce ,  à  M.  de 
la  Reigneraye-Thomas  :  Mont-Louet,  moyenne  &  baffe-Juflice, 
à  M.  de  Brunes  de  Mont-Louet  ;  cette  Terre  appartenoit  ,  en 
1500,  à  Gilles  de  Mont-Louet:  le  PlefTis-Chofnel ,  moyenne  & 
bafîe-Juftice ,  à  M.  Ruellant  du  Tierxent.  L'an  1068,  Jean  de 
Dol  obtint  l'agrément  du  Pape  Grégoire  VII  pour  la  fondation 
du  Monaflere  de  Saint-Florent ,  près  Dol ,  dans  l'endroit  alors 
nommé  Meiuoit.  Gedouin  de  Dol,  frère  du  fondateur,  &  pre- 
mier Abbé  du  nouveau  Monaflere ,  unit  à  cette  Maifon  l'Eglife 
&  les  dîmes  de  Pleine-Fougere.  Les  Moines  gardèrent  cette  Eglife 
jufqu'en  1 184 ,  que  Guillaume  de  Dinan  la  donna  ,  avec  celle  de 
la  Bofce,  à  l'Abbaye  de  Saint-Florent  de  Saumur,  Ordre  de 
Saint-Benoît,  en  prenant  l'habit  monaflique  dans  cette  Maifon, 
Depuis  ce  temps ,  les  Moines  de  cette  Abbaye  ont  toujours  pré- 
fenté  la  Cure  de  Pleine-Fougere. 

Les  maifons  nobles  de  ce  territoire,  en  1500,  etoient  :  la 
Marre-Ferron ,  à  Raoul  Ferron  ;  la  Ville-Auger,  à  Philippe  de 
Flouraille  ;  les  MouHnes  &  Rozet ,  à  Jean  Laily  ;  le  Bodel  &  la 
Ville-Cherel ,  à  François  du  Houx  ;  le  Buat  &  la  Ville-Clere ,  à 
Jean  du  Buat  ;  le  Châtelet  &  Brefamin ,  à  Jean  du  Han  ;  l'Eclufe 
&  Reimon ,  à  N....  ;  la  Fontenelle  &  la  Ville-Alain ,  à  N....  :  à  une 
demi-lieue  à  l'Efl  du  bourg ,  fe  trouve  la  rivière  de  Couefnon, 


3  58  ,     PLE 

qui  fépare  la  Bretagne  d'avec  la  Normandie.  Ce  territoire  efl  uh 
pays  couverr  d'arbres  &  buifTons  :  on  y  cueille  des  grains  de 
toutes  efpeces  ;  on  y  voit  d'excellents  pâturages.  Il  fe  tient  deux 
foires  par  an  en  cette  ParoilTe  ,  où  il  fe  vend  beaucoup  de 
beftiaux. 

PLÉLAN-LE-GRAND  j  gros  bourg ,  fur  la  route  de  Rennes  à 
Ploermel  ;  à  1 5  lieues  au  Sud  de  Saint-Malo ,  fon  Evêché  -,  &  à 
7  lieues  de  Rennes.  Cette  ParoilTe  a  titre  de  Châtellenie ,  avec 
une  hauteJuftice  ,  qui  reffortit  au  Préfidial  de  Rennes.  Il  s'y  exerce, 
en  outre  ,  deux  autres  hautes-Juftices  &  deux  moyennes ,  &  il  s'y 
tient  un  marché  le  famedi.  Le  Roi  y  polTede  pluiieurs  fiefs  :  la 
Cure  eil  préfentée  par  l'Evêque.  Le  nombre  des  habitants  eft  de 
2200  ,  y  compris  ceux  de  Trefandel  ,  fa  trêve.  Il  y  a  à  Pléian 
une  Subdélégation  &  une  Polie  aux  chevaux.  L'an  869  ,  le  Mo- 
nailere  de  Saint-Sauveur  de  Redon,  ayant  été  ruiné  par  les  Nor- 
mands ,  l'Abbé  Ricand,  fuccefTeur  de  Saint  Convion,  premier 
Abbé  de  ce  Monallere  ,  alla  trouver  Salomon  ,  Roi  de  Bretagne,  qui 
étoit  pour  lors  dans  fon  château  de  Brecilien,  à  Pléian  ,  &  lui 
demanda  une  retraite  pour  lui  &  fes  Moines.  Le  Prince,  touché 
de  leur  fituation  ,  les  transféra  à  Pléian  ,  dans  fon  château  de  Bre- 
cilien ,  où  il  avoir  fait  commencer  un  Monaflere,  du  temps  même 
de  Saint  Convion ,  pour  fervir  d'afyle  à  fes  Moines  pendant  la 
guerre.  Cette  Maifon  fut  appellée  Monajîere  de  Salomon.  Lorfqu'il 
fut  achevé  de  bâtir  ,  ce  Prince  lui  fit  plufieurs  préfents  :  il  lui 
donna  le  corps  de  Saint  Maixent ,  qu'on  venoit  d'apporter  en  Bre- 
tagne ,  d'où  on  l'avoit  ci-devant  tranfporté  en  Poitou,  pour  le  fouf- 
traire  aux  profanations  facnlcges  des  Normands  ,  un  calice 
d'or  &  une  croix  de  même  métal ,  garnis  de  pierreries  &  couverts 
d'un  habit  de  drap  d'or  ,  qui  lui  avoient  été  donnés  par  le  Roi  de 
France  Charles  II  ;  &  trois  grofTes  cloches.  La  Reine  Wembrit 
mourut  à  peu  près  dans  le  même  temps,  &  fut  inhumée,  par 
ordre  du  Roi,  dans  la  nouvelle  Eglife  de  Pléian.  C'efl  là  l'époque 
de  la  fondation  de  l'Eglife  de  Pléian,  qui,  depuis  ce  temps,  a 
toujours  dépendu  de  TAbbaye  de  Saint-Sauveur  de  Redon  :  elle 
porte  toujours  le  nom  de  Saim-Maixent  de  Pléian.  Le  Roi  Sa- 
lomon fut  pris  dans  l'Eghfe  de  Pléian  par  Pafquiten ,  fon  gendre , 
&  Gurvand ,  gendre  d'Erifpoé,  fon  filleul,  qui,  félon  le  rapport 
unanime  des  hiftoriens ,  lui  crevèrent  les  yeux  ,  le  livrèrent 
.enfuite  à  des  foldats  français ,  qui  l'enchaînèrent  &  le  conduilirent 
en  baffe  Bretagne ,  où  ils  lui  coupèrent  la  tête  le  2  5  Juin  874 , 


PLE  359 

dans  l'endroit  ou  depuis  on  a  bâti  une  Eglife  en  fon  honneur , 
fous  le  nom  de  Notre-Dame  du  Martyre  :  elle  elt  fituée  en  la  Paroifle 
de  Pioudiri ,  Evêché  de  Saint-Pol-de-Léon  ;  &  on  croit ,  par  tra- 
dition,  que  le  grand  autel  de  cette  Chapelle  eil  placé  pofitive- 
ment  dans  l'endroit  oii  le  Saint  fut  mafTacré.  (  Voyez  la  Martyre.  ) 
Wembrit  ou  Gyenbret ,  époufe  de  Salomon ,  morte  en  864  ou 
865  ,  fut  enterrée  dans  l'Eglife  de  Plélan-le-Grand.  Il  ne  refte  plus 
que  quelques  veftiges  du  château  de  Brecilien  &  du  Monaitere 
qui  étoit  auprès.  L'EgUfe  a  été  rebâtie  plusieurs  fois  depuis  fa 
fondation. 

En  1420  ,  Brelas ,  au  Sieur  de  la  Chapelle  ;  Cancouet,  au  Sieur 
de  Baulac  ;  le  Pont-Muflart ,  à  GeofTroi  Touet  ;  Villeneuve  ,  à 
Olivier  de  Marezac  \  la  Chéze ,  à  Eon  Robin:  Breil-HoufTou ,  à 
Guillaume  Caflenel  ;  cette  Terre  a  haute,  moyenne  &  bafle^ 
Juftice ,  &  appartient  à  M.  Joulneaux  de  Breil-Houfîbu  :  Beau- 
lieu  ,  à  Jean  de  la  Ville-au-cerf  j  cette  Terre  a  haute-Juftice , 
&  appartient  à  M.  de  Servaude  ,  qui  pofTede  aufli  la  Ville-au- 
cerf  ,  qui  a  moyenne- Juflice  :  ces  deux  dernières  Jurifdiftions 
s'exercent  au  Gué  de  Paimpont  ;  &  celle  de  Breil-HoufTou,  au 
château  de  ce  nom.  Les  hautes-Jullices  de  Plélan  &  de  Chéze 
s'exercent  dans  le  bourg  de  l'endroit  :  elles  appartiennent  à  M  de 
Montigni.  Ce  territoire  eft  coupé  pa,r  plufieurs  vallons  :  on  y 
voit  des  terres  de  bonne  qualité ,  des  prairies ,  beaucoup  de  lan- 
des ,  &  la  forêt  de  Paimpont  qui  s'étend  en  partie  dans  ce 
territoire. 

PLÉLAN-LE-PETIT;  à  6  lieues  au  Sud-Sud-OuelHeSaint-Malo, 
fon  Evêché  ;  à  1 1  lieues  de  Rennes  ;  &  à  2  lieues  &  demie  de 
Dinan,  fa  sSubdélégation  &  fon  reffort.  On  y  compte  1250  com- 
muniants ,  y  compris  ceux  de  Saint-Michèl ,  fa  trêve  :  la  Cure  fe 
préfente  par  l'Abbé  de  Beaulieu.  Son  territoire  efl:  un  pays  plat, 
couvert  d'arbres  &  buiffons  :  on  y  voit  des  terres  bien  cultivées, 
des  prairies ,  &  des  landes  d'une  grande  étendue.  Saint-Malo 
de  Bourfeul  ,haute-Jufl:ice  ,  à  M.  Nouail  \  Beaubois  ,  haute-Juftice , 
à  M.  de  Bruc;  la  Roblinaye  ,  haute-Juftice,  à  Madame  la  DuchelTe 
de  Coigni  ;  les  Foffes ,  haute-JulHce  ,  à  M.  Defnos-DesfolTés  ;  la 
Folinaye ,  bafTe-Juilice,  à  M.  de  la  Goublaye  de  Sirty.  Les  mai- 
fons  nobles  font  :  en  1420  ,  le  Veau-Potier  ,  à  Rolland  le  Mitier; 
la  Métairie ,  à  Jean  Taillefer  j  le  Miroir  ,  à  Jean  de  la  Chapelle  ; 
le  Bois-Motay  ,  à  Jean  de  Bois-Billy  \  la  ViUe-de-Loz ,  à  Rolland 
de  Plorec  5  la  Ville-Halou  ,  à  Gdles    du  Bouais  j  la  Lieuraye, 


5éo  P  L  E 

maifpn  franche  &  fergenterie  féodée  de  la  Cour  de  Dinan  ;  la 
Bardelave  ,  à  Jean  Ereillant  ;  Trougat ,  à  Olivier  Hue  ,  Seigneur 
de  Pargas,  &  Béatrix  de  Plorec  ,  la  lœur  ;  les  Ronces  ,  à  Jean  de 
laBouexiere,  qui  y  faiibit  Ion  féjourj  la  Toulchey,  à  Jean  Bouel- 
tard  :  les  Folles  6t  la  Bordelais  l'ont  plus  modernes. 

PLELAUFF  ;  à  1 5  lieues  au  Nord-Nord-Oueft  de  Vannes ,  fon 
E%  êché  ;  à  26  lieues  de  Rennes  j  &  à  3  lieues  de  Corlai,  fa  Suh- 
délégation.  Cette  ParoiiTe  relîbrtit  à  Pioermel ,  &  compte  1 200 
communiants.  M.  le  Duc  de  Rohan  en  eil  le  Seigneur,  &  la 
Cure  eft  à  l'alternative.  Ce  territoire  efl:  montagneux ,  couvert 
de  bois ,  3c  coupé  de  pkiiieurs  ruilTeaux  :  les  terres  font  bien  cul- 
tivées ,  mais  la  plupart  font  pierreufes  èc  llériles.  On  y  fait  du 
cidre.  Le  fer  qu'on  tire  des  mines  du  pays  elt  envoyé  aux  forges 
de  Rohan,  qui  n'en  font  pas  éloignées.  Les  maifons  nobles  de  ce 
territoire ,  en  1 440  ,  étoient  :  le  manoir  de  Quavinien  ,  à  Maurice 
de  Ker-mancheanj  le  manoir  de  Ker-nevez,  à  MefTire  GuilLiume 
de  Ker-man  :  le  château  de  la  Villeneuve  appartient  à  M.  de 
Kerdaniel. 

PLELIN  ',  à  2  lieues  trois  quarts  au  Sud  de  Saint-Malo  ,  fon 
Evêché  ;  à  1 2  lieues  de  Rennes  j  &  à  2  lieues  de  Dinan ,  fa  Sub- 
délégation &  fon  reflbrt.  On  y  compte  1000  commiuniants  :  la 
Cure  efl:  à  l'alternative.  Son  territoire  eft  un  pays  plat  ,  dans 
lequel  on  voit  le  bois  de  Plelio,  des  terres  de  bonne  quaHté  , 
des  prairies  ,  &  des  landes  :  on  y  voit  le  château  de  la  Roche, 
qui  eft  très-ancien. 

PLELO;  à  3  lieues  à  TOuefl  de  Saint-Brieuc ,  fon  Evêché, 
fa  Subuélégation ,  Ôc  fon  relTortj  à  23  lieues  de  Rennes.  Cette 
ParoiiTe,  dont  la  Seigneurie  appartient  à  M.  le  Duc  d'Aiguillon, 
compte  3800  communiants  :  la  Cure,  qui  efl  un  Prieuré  ,  eu 
préfentée  par  l'Abbé  de  Beauport ,  &  deffervie  par  un  Moine  de 
îbn  Abbaye  ,  qui  eft  de  l'Ordre  de  Saint-Auguflin,  Le  Roi  pof- 
fede  plufieurs  fiefs  dans  cette  ParoifTe. 

Plelo,  Comté,  haute-Juflice  j  Treffignaux,  haute -Juflice;  & 
Lourfiere ,  haute-Juftice ,  à  M.  le  Duc  d'Aiguillon.  Le  château 
de  Saint-Eihi  eil  la  maifon  feigneuriale  de  la  Paroifle  :  elle  appar- 
tint d'abord  à  la  maifon  de  Bréhand  ,  famille  très-ancienne ,  qui 
tire  fon  origine  de  Bréhand-Loucéac  ;  elle  efl  aujourd'hui  à  M.  le 
Duc    d'Aiguillon.    Deux    anciens   cartulaires    de    l'Abbaye    de 

Mannouder 


PLE  jg, 

Marmoutier  nous  apprennent  :  i°.  que  l'an  looo,  Geniius  de 
Brehand  fit  une  donation  au  Prieuré  de  Léhon ,  près  Dinan  ; 
2°.  qu'en  l'an  1080,  Brehand  ,  dit  U  Vieux  ^  fit  aufîi  une  dona- 
tion au  Prieuré  de  Saint-Martin.  Etienne  de  Brehand  ,  Chevalier, 
époufa  N....  de  Rohan ,  fille  d'Alain  de  Rohan  &  d'Eléonore , 
deuxième  fille  d'Eudes  ,  Vicomte  de  Porhoët  ;  il  mourut  à  la 
Terre-Sainte  ,  en  1 270  :  fes  fuccefieurs  occupèrent  les  places  les 
plus  diftmguées  chez  les  Ducs  de  Bretagne  &  autres  Princes, 
L'an  1723  ,  Louis-Robçrt-Hippolyte  de  Brehand  ,  Comte  de  Plelo, 
époufa  Louife  Phclipeaux  de  la  Vrilliere  ,  fœur  du  Comte  de 
Saint-Florentin,  Miniftre  8c  Secrétaire  d'Etat.  L'an  i729,Louis- 
Robert-Hippol}'te  de  Brehand ,  Comte  de  Plelo  ,  fut  envoyé  en 
ambafîade  à  la  Cour  de  Danemarck  ,  &  fut  tué  en  1734  de- 
vant Dantzic  ,  en  attaquant  les  retranchements  des  troupes  Pruf- 
fiennes  qui  faiibient  le  fiege  de  cette  ville.  Louife-Félicité  de 
Brehand,  feule  héritière  du  Comté  de  Plelo,  époufa,  en  1740, 
Emmanuel-Armand  du  Pleflis-Richeheu ,  Duc  d'Aiguillon  ,  Pair 
de  France  ,  8cc.  à  qui  elle  porta  les  Terres  de  Saint-Bihi ,  de 
Plelo  ,  de  Pordic,&  autres.  Chàteau-Goèllo  appartenoit^  en  1300, 
à  Guillaume  de  Mordelle  ,  Sieur  de  Château-Goello  ;  6c  ,  en  1700, 
à  Louis  de  Mordelle  ,  Chevaher  ,  Seigneur  de  Chàteau-Goèllo  ,  un 
de  fes  defcendants  :  LeiTmeuc  ,  en  1450,  à  Jean  Courfon  ,  au- 
jourd'hui à  M.  Courfon  de  Lefîineuc  ,  de  la  même  famille  :  en 
1490,  la  Guerche  ,  au  Sieur  de  Parcevault ,  aujourd'hui  à  fa 
famille  :  la  Villeneuve  appartient  à  N...  Villeneuve-Gelin ,  Che- 
vaher ,  Seigneur  dudit  heu  ;  la  Ville-Balin  8c  Lanloup  ,  à  N 

Ce  territoire  eft  un  pays  couvert,  on  y  voit  beaucoup  de  bois, 
des  arbres ,  ^  buifîbns  ;  des  terres  de  bonne  qualité ,  des  prai- 
ries ,  ^  peu  de  landes. 

PLEMET  ;  fur  une  hauteur  ;  à  8  Heues  ^  demie  au  Sud-Sud- 
Efl:  de  Saint-Brieuc  ,  fon  Evêché  ;  à  1 5  lieues  de  Rennes  \  &:  à 
6  lieues  de  Joflehn  ,  fa  Subdélégation.  Cette  ParoilTe ,  dont  la 
Cure  eft  à  l'Ordinaire,  relTortit  à  Rennes,  8c  compte  2700  com- 
muniants. Il  s'y  tient  un  marché  le  lundi.  Beaumanoir ,  haute- 
Juftice  ;  Bodifet ,  haute,  moyenne  &  baffe  -  Juftice ,  à  M.  de 
Beaumanoir. 

La  maifon  de  Beaumanoir  eft  une  des   plus  confidérables    8c 

des  plus  diftinguées  de  la  province  :  elle  a  pofTédé ,  pendant  plu- 

iîeurs  fiecles ,  la   Baronnie  de  Lavardm  puis  Marquifat  y  dans  le 

Maine.  Ouiliaume  de  Beaumanoir  étoit  Chambellan  du  Roi  de 

Tom^  IIL  Z  2 


56i  PLE 

France  en  1 404.  Ces  Seigneurs  ont  occupé  les  plus  belles  places 
en  Bretagne. 

Ce  territoire  renferme  les  forges  du  Vaublanc  ,  fituées  fur  Té- 
tang  de  ce  nom ,  qui  fait  la  principale  fource  de  la  rivière  du 
Lielt  :  on  y  voit  des  terres  en  labeur ,  quelques  prairies ,  beau- 
coup de  landes ,  &  le  bois  de  Bodifet  (itué  auprès  de  la  maifon 
de  ce  nom. 

PLEMEUR-BODOU  j  à  4  lieues  à  TOueft  de  Tréguier,  foti 
Evêché  ;  à  3  3  lieues  de  Rennes  ;  &  à  i  lieue  de  Lannion ,  fa 
Subdélégation  &  fon  reffort.  Cette  ParoiiTe  relevé  du  Roi ,  & 
compte  1 200  communiants  :  la  Cure  eil  à  l'alternative.  Son  ter- 
ritoire ,  borné  à  l'Oueft  par  la  mer  ,  eft  fertile  en  grains  de 
toutes  efpeces  :  on  y  voit  peu  de  landes.  Ses  maifons  nobles  font  : 
Créchariou  ,  le  Bouloin ,  le  Cleuzmeur  ,  Goaradur ,  Ker-modeft , 
Ker-uzec ,  Penvern ,  &  Mefanhaye. 

PLEMEUR-GAULTIER  ;  à  i  lieue  un  quart  à  l'Efl-Nord-Eft 
de  Tréguier  ,  fon  Evêché  ;  à  29  lieues  de  Rennes  ;  &  à  2  lieues 
de  Pontrieux  ,  fa  Subdélégation.  Cette  ParoiiTe  refîbrtit  à  Lannion  , 
&  compte  3000  communiants,  y  compris  ceux  de  Lezardrieux, 
fa  trêve  ;  la  Cure  eft  à  Talternative.  Son  territoire  eft.  un  pays 
plat  dont  les  terres  produifent  d'abondantes  récoltes  en  grains  & 
lin  ;  on  y  voit  des  landes  afTez  étendues.  La  maifon  noble  de 
Lezartrevu  appartenoit,  en  1230,  à  Jean  Alain,  Sieur  de  Lezar- 
trevu ,  dont  le  fils  ,  nommé  A/ain ,  fut  Evêque  de  Tréguier  en 
1262.  Le  château  du  Botloy ,  place  jadis  forte  ,  fut  démoli  en 
1592  j  il  n'en  relie  plus  que  quelques  veftiges ,  &  un  colombier 
en  partie  écroulé.  Cette  Terre ,  qui  a  haute ,  moyenne  &  bafle- 
Juflice  ,  a  long-temps  appartenu  à  la  famille  de  Richelieu.  L'an 
1773  ,  M.  le  Prêtre  de  Châteaugiron  l'acheta  de  M.  le  Maréchal 
Duc  de  Richelieu  :  ce  château  étoit  fitué  près  la  rivière  de  Trieuc. 
Le  château  de  Poulglau  appartenoit,  en  1340,  à  Robert  de  Ker- 
gariou ,  Chevalier ,  Seigneur  de  Kerépol.  Les  autres  maifons  font  : 
le  Goueflou  ,  Ker-marquer-les-Hardrien  ,  Ker-mengui ,  le  Merdi , 
Ker-meuri ,  Pont-Glo  ,  &:  Trovoas. 

PLEMY  ;  à  4  Heues  &:  demie  au  Sud-Sud-Eft  de  Saint- Brieuc , 
fon  Evêché  ;  à  16  lieues  de  Rennes,  fou  refTort  ;  &  à  i  lieue 
de  Moncontour,  fa  Subdélégation.  On  y  compte  2600  commu- 
niants. M.  le  Comte  de  Rieux  en  eft  le  Seigneur  :  la  Cure  eft  à  l'Ordi- 


PLE  363 

naire.  La Ville-Maupetz, haute,  moyenne  &:  bafTe-Jullicei  Lefcouet, 
haute,  moyenne  &  balTe - Juftice ,  à  M.  de  Carcado  :  la  Ville- 
Norme  ,  haute  ,  moyenne  &  baffe  -  Juftice  ;  Limoelan ,  haute  , 
moyenne  &  baffe -Juftice;  Bogard,  haute,  moyenne  &  baffe- 
Juftice  j  la  Brehaudiere  ,  haute ,  moyenne  &  balîë-Juffice ,  à  M. 
de  la  Noué  :  Launai-Cotio ,  haute,  moyenne  &  baffe  -  Juffice  j 
d'Enhaut ,  haute  ,  moyenne  &  baffe  -  Juffice  ;  d'Enbas  ,  haute , 
moyenne  &  baffe-Juffice  ,  à  M.  l'Abbé  de  Quemereuc  :  Quilmen  , 
haute ,  moyenne  &:  baffe-Juffice ,  à  M.  du  Gage  -,  le  Vauclair  , 
haute ,  moyenne  &  baffe  -  Juffice  ,  à  M.  le  Comte  de  Pdeux  ; 
Brangolo,  moyenne-Juftice ,  à  M.  de  Boncours.  Ce  territoire  ren- 
ferme des  terres  cultivées ,  quelques  prairies ,  &  les  landes  im- 
menfes  de  Fanton ,  pour  le  défrichement  defquelles  on  a  fait  juf- 
qu'ici  beaucoup  de  dépenfes  inutiles  :  il  paroît  que  le  fol  du  ter- 
rein  n'eft  pas  bien  fertile,  ou  que  les  chefs  de  l'entreprife  n'en- 
tendent pas  l'Agriculture. 

PLENÉ-JUGON  ;  dans  un  fond  ;  à  7  lieues  à  l'Eff-Sud-Eff  de 
Saint-Brieuc ,  fon  Evêché  ;  à  1-3  heues  un  tiers  de  Rennes  ;  èz  à 
3  lieues  un  quart  de  Lamballe ,  fa  Subdélégation.  Cette  Paroiffe 
reffortit  à  Jugon  ,  &  compte  3300  communiants.  Le  Roi  y  pof- 
fede  plufieurs  fiefs  -,  Madame  la  Comteffe  de  Coigny  eft  Seigneur 
du  lieu  :  la  Cure  eff  à  l'Ordinaire.  Il  fe  tient  un  marché  le 
famedi  à  Plené- Jugon  ,  dont  le  territoire  ,  coupé  par  plufieurs 
vallons ,  offre  à  la  vue  des  terres  bien  cultivées ,  des  prairies , 
&  des  landes  ;  on  y  voit  aufîi  la  forêt  de  la  Mouffaye ,  &  l'Ab- 
baye de  Bofquen.  (  Voyez  Bofquen.  )  Bofquen  ,  hauteJuftice  ,  à 
l'Abbaye  de  Bofquen,-  les  Clos,  haute  -  Juffice  ,  à  Madame  de 
Froulaye ,  qui  poffede  aufli  la  Terre  de  la  Villeneuve  ,  avec 
haute-Juftice  ;  les  Clos ,  moyenne-Juftice  ,  à  N...;  le  Pont-taille-fer, 
moyenne-Juftice  ,  à  M.  de  Benazé  -,  le  Riveul ,  moyenne  -  Juftice , 
à  M.  du  Rocher  de  Saint-Riveul  -,  la  Touche-Sauvaget ,  moyenne- 
Juftice  ,  à  M.  Talhouet  de  Bon-amour  -,  la  Ville-Blanc ,  moyenne- 
Juftice  ,  à  M.  d'Andigné  de  la  Chaffe  j  la  Ville-Breheu  ,  moyenne- 
Juftice  ,  à  M.  du  Rocher  de  Saint-Riveul  ;  la  Ville-Pierre ,  baffe- 
Juffice  ,  à  M.  Bertho  de  la  Ville-Pierre  5  le  Val-Martel ,  baffe- 
Juftice ,  à  Madame  du  Trait-Tranchant  j  Saint-Mirel ,  baffe-JulHce  , 
à  M.  Urvoye  de  Saint-Mirel  j  Bougueneuf,  baffe -Juftice,  à  M. 
du  Rocher-Pargas  j  le  petit  Carbiffan ,  baffe-Juffice ,  à  Madame 
du  Trait-Tranchant  ;  la  Grand-Mere ,  baffe-Juftice  ,  à  M.  le  Re- 
bour  de  Vaumadeuc  5  Saint-Ouen ,  baffe-Juftice ,  à  M.  Gouyon 


3^4  P  L  E 

de  Chaumatz  ;  le  Tertre-Volance ,  bafTe-Juftice,  à  M.  de  Tre- 
maudan  de  Tariac.  Le  château  de  la  Mouflaye ,  maifon  feigneu- 
riale  de  Plené-Jugon,  appartenoit ,  en  1160  ^k  Olivier,  Che- 
valier ,  Seigneur  de  la  Mouflaye.  Bertrand  de  la  Mouiïaye,  Cham- 
bellan cS^:  Grand-Véneur  de  Bretagne  ,  eut  Amauri ,  fon  fils ,  pour 
fuccefleur.  En  1487,  Jean  de  la  Mouiïaye  fut  Chambellan  du 
Duc  de  Lorraine ,  &  Colonel  de  Cavalerie.  La  Terre  &  Sei- 
gneurie de  la  MoufTaye  fut  érigée  en  Marquifat  par  le  Roi 
Louis  XIII,  en  1^15  ,  en  faveur  d' Amauri  de  Goyon  ,  qui  avoit 
époufé  Catherine  de  Champagne  de  la  Suze ,  de  laquelle  il  eut 
un  fils  nommé  Amauri  ^  troifîeme  du  nom,  qui  prit  en  mariage, 
en  1629,  Henriette-Catherine  de  la  Tour,  fille  de  Henri  de  la 
Tour  ,  Duc  de  Bouillon ,  Vicomte  de  Turenne ,  Maréchal  de 
France ,  &  d'Elifabeth  de  NafTau.  La  poftérité  mafculine  d'A- 
mauri  s'étant  éteinte ,  le  Marquifat  de  la  MoufTaye  efl  venu , 
par  héritage ,  à  René  de  Montboucher  ,  Marquis  du  Bordage  , 
du  chef  de  fa  mère  EUfabeth  Goyon ,  fille  d'Amauri ,  troifieme 
du  nom.  La  Seigneurie  de  la  MoufTaye  appartient  préfentement 
à  Madame  la  ComtefTe  de  Coigny. 

PLENEUF  ;  fur  une  hauteur  ;  à  4  lieues  au  Nord-Efl  de  Saint- 
Èrieuc  ,  fon  Evêché  &  fon  relTort  ;  à  1 8  lieues  de  Rennes  j  &: 
à  3  lieues  de  Lamballe ,  fa  Subdélégation.  On  y  compte  900 
communiants  :  la  Cure  efl  à  l'alternative.  Le  territoire  ,  borné 
par  la  mer ,  offre  des  terres  de  bonne  qualité ,  des  prairies ,  & 
des  landes.  Le  château  de  Guemadeuc ,  dont  l'emplacement  fe 
diftingue  à  peine,  au  bord  de  la  mer,  a  foutenu  piufieurs  fieges. 
Il  appartenoit ,  en  1300,  à  Rolland  Madeuc.  Pierre  lî  érigea 
cette  Seigneurie  en  Bannière,  l'an  1451  ,  en  faveur  de  Thomas 
de  Guemadeuc,  Grand-Ecuyer  héréditaire  de  Bretagne.  Rolland, 
fon  fils ,  Chambellan  du  Duc  François  II ,  époufa  ,  en  1 460  , 
Ifabeau  Goyon.  Rolland  de  Guemadeuc  époufa  Perronnelle  de 
Coëtquen,  fille  de  Jean  de  Coëtquen  ,  Grand-Maître  de  Bretagne. 
Jacquemine  fut  mariée  à  Alain  du  Cambout  ;  &  Thomas,  Grand- 
Ecuyer  de  Bretagne ,  à  Jacquemine  de  Beaumanoir.  Françoife 
de  Guemadeuc  époufa  François  de  Vignerot ,  dont  elle  eut  Ar- 
mand ,  Duc  de  Richeheu.  Ce  château  n'exifle  plus  j  ayant  été 
afliégé,  l'an  1 592,  il  fut  démoli.  Cette  Seigneurie  a  haute-Juflice , 
&  appartient  à  M.  Baudouin. 

Le  port  de  Daouet  efl  célèbre  par  le  grand  commerce  de 
toutes  fortes  de  grains  qui  s'y  fait.  Pour  le  rendre  plus  facile  & 


P  L  E  5^5 

plus  florlffant,  on  a  faît.ouvrir  un  chemin  qui  conduit  de  Lamballe 
à  ce  port  :  mais  on  devroit  aufli  faire  elcarper  un  gros  rocher 
qui  fe  trouve  dans  la  mer ,  à  fon  entrée  ,  &  qui  empêche  les  bar- 
ques d'y  entrer  facilement. 

PLERGUET  ;  fur  une  hauteur  ;  à  i  lieue  deux  tiers  à  l'Ouefl- 
Sud-Oueft  de  Dol ,  fonEvêché&:  fa  Subdélégation  ;  à  lo  lieues 
un  tiers  de  Rennes.  Cette  ParoifTe  reflbrtit  à  Dinan  ,  &  compte 
2400  communiants  :  la  Cure  ell:  à  l'Ordinaire.  Des  terres  en  la- 
beur ,  peu  de  prairies ,  &  des  landes  j  voilà  ce  que  ce  territoire 
offre  à  la  vue. 

Le  Tronchet ,  haute- Juftice  ,  à  l'Abbé  du  Tronchet  ;  Beaufort , 
hauteJuflice ,  aux  héritiers  de  feue  Madame  de  Goyon;  la  Cha- 
pelle Vauclerc ,  moyenne  &  balTeJuflice  ,  à  Madame  de  Cra- 
pado.  Les  maifons  nobles  font:  en  1500,  la  Hire- Bechaye ,  à 
Jean  Cadiou  j  la  Ville-Gourou ,  à  Raoul  de  la  Mouteliere  ;  Saint- 
Gluen,  à  Olivier  le  Chevrier  j  les  Rochars ,  à  Geoffroi  de  Rein- 
dre  j  la  Jugandiere ,  à  Gilles  Cherrugers  ;  le  LefTart ,  à  Jean 
de  Lanvallai  ;  la  Ville-Morin,.  à  Guillaume  Saliouj  le  Tertre- 
Pin  ,  à  N..». 

PLERIN ,  fur  une  hauteur  ;  à  trois  quarts  de  lieue  au  Nord- 
Nord-Ouell  de  Saint- Brieuc  ,  fon  Evêché  &  fa  Subdélégation  j 
à  20  lieues  trois  quarts  de  Rennes  ,  fon  reflbrt.  On  y  compte 
2400  communiants  j  la  Cure  eft  à  l'alternative  :  M.  le  Duc  de 
Penthievre  en  eft  le  Seigneur.  La  moyenne  &  bafïe-JulHce  de. 
ia  Villerault  appartient  à  Mademoifelle  de  la  Lande  de  Caflan. 
La  Montagne  ,  le  Gué  ,  le  Couvran ,  les  Fi-olTaires ,  &  les  Male- 
brouffes  ,  font  les  maifons  de  ce  territoire  ,  qui  eft  borné  par  la 
mer ,  &  où  fe  trouve  le  port  du  Légué.  (  Voyez  Saint- Brieuc.  ) 
Les  terres  y  font  fertiles  en  toutes  fortes  de  grains  j  on  y  voit 
peu  de  landes  :  c'eft  un  pays  coupé  par  plufieurs  grands  val- 
lons ,  dans  lefquels  palTent  des  ruiiTeaux  qui  vont  fe  jetter 
dans  la  mer. 

La  piété  de  deux  filles  donna  naifTance ,  en  1706 ,  au  Monaflere 
des  Filles  du  Saint-Efprit  ;  maifon  très-utile  ,  puifqu'elle  efl  la  ref- 
fource  des  pauvres. 

On  remarque  encore  en  beaucoup  d'endroits  de  la  Bretagne, 
fur-tout  de  la  baiTe ,  des  pardons  fuperjîitieux ,  des  fêtes  inutiles 
&  toujours  dangereufes ,  où  les  gens  de  la  campagne  vont  s^'en- 
ivrer  ,  dépenfer  leur  argent ,  perdre  leur  temps ,  fe  battre ,  & 


366  P  L  E 

fouvent  commencer  des  procès  ruineux.  En  voici  un  exemple.  A 
un  quart  cle  lieue  de  Plerin,  eu  une  Chapelle  dédiée  à  Saint 
Eloy,  dont  la  fête  fe  célèbre  au  mois  de  Juin.  Les  payfans  des 
environs  ont  rendu  ce  Saint  le  Patron  des  juments  &  des  che- 
vaux. Tous  les  ans ,  au  jour  de  la  fête  ,  les  habitants  des  Paroifles 
de  dix  lieues  à  la  ronde  y  viennent  en  pèlerinage.  Après  leurs 
prières  faites  à  la  Chapelle ,  ils  vont  à  la  fontaine  qui  fe  voit 
auprès ,  y  puifent  de  l'eau  avec  une  écuelle  ,  &  la  jettent  dans 
la  matrice  &  dans  les  oreilles  de  leur  jument  ,  &  en  arrofent 
les  tefticules  de  leur  cheval,  dans  la  perfuaflon  que  cette  eau 
a  la  vertu  prolifique.  Cette  opinion  eft  fi  bien  gravée  dans 
l'eiprit  de  ces  bonnes  gens,  qu'il  feroit  impoffible  de  l'en  déra- 
ciner. Ce  n'ell  pas  le  feul  abus  de  cette  afi^emblée  :  les  hom.mes 
s'enivrent  ;  &  ,  lorfqu'on  en  voit  quelqu'un  dans  cet  état  ,  tout 
le  monde  s'écrie  :  il  a  la  goutte.  Celui  qui  efi:  à  cheval ,  pour 
montrer  qu'on  fe  trompe,  fe  met  à  courir  à  toute  bride,  &  il 
n'efi:  pas  furprenant  de  voir  fuivre  des  accidents  très-fâcheux  de 
ces  excès.  Outre  l'ivrognerie  ,  on  pourroit  encore  mettre  au  rang 
des  abus  le  libertinage  &  le  défordre  qui  fe  commettent  dans 
cette  afiTemblée.  Il  n'elt  pas  rare  de  voir  des  filles  que  la  fon- 
taine de  Saint-Eloy  rend  aufii  fécondes  dans  l'année.  C'efi:  à  ceux 
qui  difpenfent  la  loi  d'apporter  le  remède  :  ce  feroit  aux  Rec- 
teurs à  veiller  avec  foin  fur  ces  pieux  pèlerins ,  ou  plutôt  à  re- 
courir à  l'autorité  pour  obtenir  la  fuppreffion  de  ces  fêtes.  Mais 
n'y  auroit-il  point  de  l'indifcrétion  à  exiger  d'eux  ce  facrifice  ? 
Avec  cela  ,  dit  Rabelais  ,  le  Recieur  met  la  poule  au  pot, 

PLERNEUF  j  à  2  lieues  à  l'Oueft  de  Saint-Brieuc ,  fon  Evêché, 
fa  Subdélégation,  &  fon  reffort  ;  à  22  Heues  de  Rennes.  On 
y  compte  700  communiants  :  la  Cure  efi:  à  l'alternative.  M.  le 
Prince  de  Soubife  en  efi:  le  Seigneur.  Ce  territoire  forme  un  pays 
plat ,  couvert  d'arbres  &  buiflTons  :  il  efi:  coupé  par  plufieurs  grands 
vallons.  On  y  voit  des  terres  en  labeur  bien  cultivées  ,  des 
prairies ,  &  peu  de  landes.  On  y  fait  d'excellent  cidre. 

PLESCOP  ;  à  I  lieue  trois  quarts  au  Nord-Ouefi:  de  Vannes, 
fon  Evêché  ,  fa  Subdélégation,  &  fon  refiTort  ;  à  21  lieues  de 
Rennes.  On  y  compte  650  communiants  :  la  Cure  efi:  à  l'alter- 
native. Son  territoire  efi:  un  terrein  plat  ,  dont  les  terres  font  de 
bonne  qualité.  On  y  remarque  des  prairies  &  des  landes  afifez 
étendues.  Le   bois  de  Ker-ango ,  fitué  auprès  de  la  maifon  de 


P  L  E  3^7 

fon  nom ,  eft  très-beau.  Ker-ango  eil  la  malfon  de  campagne  des 
Evêques  de  Vannes. 

Les  maifons  nobles,  en  1430,  étoient  :  Ker-du ,  à  Renaud  de 
Beaumont  ;  Ker-ango  ,  à  i'Evêque  de  Vannes  -,  Branbec  ,  à  Jean  de 
Branbec  ;  Thuon ,  au  Sieur  de  Thuon  j  Coëtdic  ,  à  Amauri  de 
Coëtdic  j  Quirifoit,  à  Thomas  Sequallonj  Ker-lannenan ,  à  Oli- 
vier Lorveloux  -,  l'Ébergement  de  ivlalieville ,  à  N...  -,  le  village 
de  Saint-Ducar,  à  Ihomas  de  Saint- Ducarj  le  Moufl:oir,à 
Sylveftre  Lorveloux.  En  1 500  ,  les  manoirs  de  Guernic  ,  de  Quer- 
valai,  &  de  Sanducat,  à  N.... 

En  1456,  les  habitants  de  cette  ParoifTe  trouvèrent  le  corps 
de  Saint  Hamon,  Chevalier  Breton  ,  caché  dans  des  broufTailles, 
On  en  fit  l'enlief  avec  la  plus  grande  folemnité ,  &  l'on  fit  bâtir 
dans  Tendroit  une  Chapelle  en  fon  honneur. 

PLESSÉj  à  10  lieues  au  Nord-Oueft  de  Nantes,  fon  Evêché 
&  fon  reilort  j  à  1 5  Heues  de  Rennes  j  &  à  3  lieues  de  Blain , 
fa  Subdélégation.  M.  le  Duc  de  Rohan  eft  Seigneur  de  cette  Pa- 
roifTe,  où  l'on  compte  3000  communiants,  y  compris  ceux  de 
Rofet,  fa  trêve.  La  hauteJullice  de  l'endroit  reffortit  au  Mar- 
quifat  de  Blain  :  la  Cure  efl:  à  l'Ordinaire ,  &  la  Chapellenie  de 
l'Hôpital  du  Roi  eft  préfentéè  par  le  Roi.  Le  Prieuré  d'Eflival 
dépend  de  l'Abbaye  de  Saint-Sauveur  de  Redon.  L'an  900  ,  Alain 
le  Grand ,  Duc  de  Bretagne ,  donna  l'Abbaye  de  Saint-Serges 
d'Angers  à  Rainon,  Evêque  du  lieu.  L'afte  de  cette  concemon 
qualifie  le  Prince  du  titre  de  Roi  :  il  fut  paffé  au  château  de  Se, 
in  cajlro  Seio  ,  dans  la  Paroifie  de  PlefTé ,  à  plehe  Seia ,  au  dio- 
cefe  de  Nantes ,  près  Blain.  Il  ne  paroît  plus  aucuns  veftiges  du 
château.  La  Frefnaye  ,  maifon  feigneuriale  du  lieu ,  appartient  à 
M.  le  Duc  de  Rohan.  Le  6  Février  1 3 1 4 ,  le  Duc  Artur  fonda 
l'Aumônerie  de  Rofet  en  Plefie ,  &  lui  donna  deux  cents  livres 
de  revenu ,  à  la  charge  au  Chapelain  de  donner  l'hofpitalité  & 
l'aumône  ,  de  dire  trois  Méfies ,  &  de  réfider  fur  les  lieux ,  fans 
pouvoir  eiî  être  difpenfé.  Des  deux  cents  livres ,  le  Chapelain  eu 
touchoit  cinquante ,  le  refiie  devoit  être  diilribué  aux  pauvre» 
félon  l'intention  du  fondateur.  Le  18  Novembre  1443  ,  le  Duc 
François  I  accorda  des  lettres  à  Jacques  de  la  Touche ,  fon  Ma- 
réchal de  falle  ,  pour  lui  permettre  de  marier  une  de  fes 
filles  avec  Pierre  de  l'Epinay,  demeurant  en  la  Paroifle  de 
Plefifé.  Ces  lettres  lui  donnoient  auffi  le  privilège  de  vendre,  fans 
payer  aucun  impôt,  ou   faire  vendre  vingt  pipes  de   vin,  de 


jé8  P  L  E 

quelque  pays  qu*il  fût ,  par  chaque  année  ,  en  la  Paroiffe  de 
PlefTé.  Ce  territoire  ,  où  le  Pv.oi  pofTede  plusieurs  fiefs ,  ei\  un 
pays  plat  :  on  y  voit  des  terres  fertiles  en  grains,  des  prairies, 
&:  des  landes  d'une  étendue  fi  confidérable  qu'elles  occupent 
plus  de  la  moitié  de  ce  territoire  qui  avoifine  la  forêt  du  Gavre. 

PLESSELAS  ou  PLESSALA  -,  dans  un  fond  ;  à  6  lieues  au 
Sud-Sud-Efi:  de  Saint-Brieuc  ,  fon  Evêché  ;  à  4  lieues  trois  quarts 
de  Moncontour,  fa  Subdélégation;  &  à  15  lieues  de  Rennes, 
fon  refix)rt.  On  y  compte  2500  communiants  :  la  Cure  efi:  à  l'al- 
ternative. La  majeure  partie  de  ce  territoire  eu  occupée  par  les 
montagnes  du  Mné,  qui  font  au  Nord  de  fon  bourg  ,  &  dans 
lefquelles  fe  trouvent  beaucoup  de  pierres  &  de  roches.  Outre  cela, 
il  y  a  plufieurs  autres  cantons  où  le  terrein  ell  fi:érile  &  joint  èk 
des  landes  qui  font  fort  étendues  ;  de  manière  qu'il  n  y  a  qu'une 
petite  portion  de  ce  territoire  en  rapport. 

CrenoUe  ,  haute,  moyenne  &  bafie-Jufi:ice  ;  jCornéan,  haute  ^ 
moyenne  &  bafi"e-Jufi:ice  ;  Penhouet ,  haute ,  moyenne  &  balle- 
Juftice  ,  à  M.  de  CrenoUe  :  la  ViUe-Orio ,  haute ,  moyenne  & 
bafTe-JulHce  ,  à  M.  du  Halgoët.  L'an  1364,  Pierre  Poulard  ,  Che- 
vaHer ,  Bachelier ,  &  Confeiller  du  Duc  Jean  IV ,  donna ,  du 
confentement  de  Confl:ance  de  Kerraoul ,  fon  époufe ,  les  dîmes 
de  la  Paroifi!e  de  Plefi^elas,  appellées  dîmes  de  BreheCy  valant  fis 
tonneaux  de  froment ,  à  l'Abbaye  de  Beauport ,  avec  quatorze 
livres  de  rente  qu'il  polTédoit  fur  le  manoir  de  Tuonjoces ,  en 
la  Paroifle  de  Plehedel  ,  pour  la  fondation  d'une  Meffe,  à  per- 
pétuité ,  dans  l'Eglife  de  cette  Abbaye.  Pierre  Poulard  étoit 
frère  de  Guillaume ,  Evêque  de  Saint-Malo.  £n  ce  temps ,  le 
marc  d'argent  étoit  à  cinq  livres  cinq  fols. 

PLESTAN;  fur  la  route  de  Rennes  à  Breft;  à  5  lieues  &: 
demie  à  l'Eil-Sud-Eft  de  Saint-Brieuc  ,  fon  Evêché  j  à  1 4  lieues  & 
demie  de  Rennes  ;  &  à  i  lieue  &  demie  de  Lamballe  ,  fa  Sub- 
délégation. Cette  Paroiffe  reffortit  à  Jugon,  &  cortipte  1300 
communiants.  M.  le  Duc  de  Penthievre  en  eft  le  Seigneur  :  la 
Cure  efi:  à  l'alternative.  Ce  territoire  produit  des  grains  de  toutes 
efpeces,  &  du  cidre.  C'eft  un  pays  plat,  dont  les  terres  font 
bonnes  &  bien  cultivées.  La  rivière  de  Goueffan  y  prend  fa 
fource.  La  maifon  de  Gardifeul  efi  très-aiicienne  :  elle  fut  pof- 
fédée ,  pendant  plufieurs  fiecles  ,  par  les  Seigneurs  deForfanz, 
maifon  illultre ,  originaire  de  Gafcogne  près  la  ville  de  Condom., 

dont 


P  L  E  ^^^ 

dont  la  Seigneurie  leur  appartenoit  en  partie.  Un  Seigneur  de 
Forfanz  épouia  la  fille  d'un  Comte  d'Armagnac,  Duc  de  Guyenne 
en  1025.  Le  premier  qui  vint  en^Bretagne  ,  corr.mr.ndoit  la  Com- 
pagnie des  Gendarmes  du  Sire  d'Aibret ,  Ion  parent.  En  148-^ 
un  cadet  de  cette  maifon  s'établit  en  £'retsgne ,  èk  y  acquit  U 
Terre  de  Gardifeul  ,  l'an  1526.  Parmi  les  defcendants  ,  on 
compte  trois  Gentilshommes  de  la  maifon  du  Roi  ,  un  Gouver- 
neur des  ville  &  château  de  Dinan ,  &  un  MclLe-de-C  an^p  d'un 
Régiment  d'Infanterie,  en  1680.  La  Seigneurie  de  Gardifeul  a 
une  haute-Juftice  ;  elle  appartient  aujourd'hui  à  M,  de  la  Mouf- 
faie ,  qui  poflede  auiîi  Carcouét  ,  haute-Juflxe  ;  &  Brefiimere 
haute-Juftice  :  Gautrel ,  moyenne-Juitice  ;  le  Val,  moyenne-Juf- 
tice,à  M.  Poullain  de  Tramain:  Guilliers,bafie-Juftice  ;  la  Chéze 
moyenne- Juftice ,  à  M.  Brunetdu  Guilliers  :  les  Perrieres,  moyenne- 
Juftice  ,  à  M.  de  Lorgeril;  le  Bois-Menard  ,  baffe-Juibce  ,  à  M.  Ur- 
voi  de  Kertangui  ;  le  Verger  ,  moyeaine-Juflice ,  à  M.  Bertho  de 
la  Ville-JolTe.  En  1460,  Carcouët ,  la  Ville-Auléon,  Bréhiguen, 
la  Torche,  la  Houflaye ,  les  Salles,  Sauboffeq,  à  N...  :  la  Ville- 
Heliou,  à  Jean  de  la  Chapelle  ,  Sieur  de  la  Beuvre  &  de  Ple- 
dran  ;  le  PleiTis-Budes ,  le  Brancher ,  le  Couefîavet ,  à  Thcbaud 
de  Queryennec  ,  Sieur  du  Quillio  ;  Hirel  de  Gaft ,  Boetua  de 
Coeffurel ,  à  Bertrand  Budes  ;  la  Touche  ,  la  Ville-Gual ,  à  Jean 
Budes  :  la  maifon  de  Budes  eft  très-ancienne.  L'auteur  d'un  ar- 
moriai breton  dit  qu'un  Pape  ,  qu'il  ne  nomme  pas ,  ayant  fait 
mourir,  dans  la  ville  de  Moron,  Sy Iveflre  Budes,  un  des  plus 
braves  guerriers  de  fon  temps  ,  fur  le  rapport  de  {es  ennemis  ^ 
fut  fi  fâché  de  fa  mort,  quand  il  eut  reconnu  l'innocence  de  ce 
Gentilhomme  ,  que ,  pour  en  témoigner  fon  repentir  ,  il  changea 
l'écufi^on  de  fes  armes ,  &  donna  une  Bulle  qui  déclaroit  toutes 
ks  Terres  dont  ce  Seigneur  jouiffoit  avant  fa  mort ,  exemptes  de 
dîmes  ;  Si  fes  defcendants  jouifToient  encore  de  ces  privilèges 
en   1680. 

Les  manoirs  de  Saze ,  de  Vaumorin ,  &  de  Salles-Cipheron ,  à 
Charles  de  Couveran  ^  les  manoirs  de  la  Ville- Auger  ,  de  la  Ville- 
Guerdret,  &  de  la  Garde,  à  GeofFroi  Hidoux  ^  le  manoir  de  la 
Fontaine-Menet ,  à  Guillaume  Graflion  -,  les  manoirs  de  la  Ville- 
Glé  &  du  Chalonge  ,  à  Jean  le  Mentier ,  à  caufe  de  fon  mariage 
avec  Jeanne  le  Sénéchal ,  héritière  de  ces  deuxTerres ,  vers  l'an  1488.. 

PLESTIN  ',   à  6  lieues  â  FOueft-Sud-Ouefi:  de   Tréguier,  fon 
Evêchéj  à  34  lieues  de  Rennes j  &  à  4  lieues  de  Morlaix,  fa 
Tome  llh  A  3 


^w. 


37Ô  PL  E 

Subdélégation  &  Ton  refîbrt.  Cette  ParoifTe  relevé  du  Roi  ;  elle 
conipte  3300  communiants,  y  compris  ceux  de  Tremel ,  fa  trêve: 
la  Cure  eil  à  l'alternative.  Son  territoire ,  borné  au  Nord  par  la 
mer ,  eft  fertile  en  grains  de  toutes  efpeces  Se  lin  :  on  y  voit  peu 
de  landes  j  on   y  connoît  une  mine  de  plomb  non  exploitée. 

Le  Mais  &  Pleftin ,  haute-Jullice ,  à  M.  de  Bloflac  &  autres  j 
la  Haye-Quer  ,  haute-Jurtice ,  à  M.  du  Lézard  j  la  Motte-Olivet , 
haute- Juflice ,  à  M.  de  Pont-Briand. 

L'an  480,  Saint  Eflam ,  arrivant  d'Irlande,  fa  patrie,  en  Bre- 
tagne ,  bâtit ,  pour  la  première  fois ,  la  Chapelle  de  fon  nom , 
qu'on  voit  aujourd'hui  au  bord  de  la  grève.  On  aflure  que  le  Saint 
defcendit  de  fon  bateau  précifément  dans  l'endroit  où  ell  plantée  la 
croix  que  la  mer  couvre  à  toutes  les  marées.  Le  pays  n'étoit  alors 
qu'une  vafte  forêt,  dans  laquelle  ce  Saint  bâtit  un  Hermitage, 
qui ,  dit-on ,  étoit  dans  l'endroit  où  eft  la  Chapelle  :  il  y  mourut 
le  6  Novembre    512. 

L'an  984  ,  Geoffroi  I ,  Duc  de  Bretagne  ,  fonda  TEglife  paroif- 
fiale  de  Pleilin;  &,  lorfqu'elle  fut  achevée  de  bâtir,  en  992, 
Paul ,  Evêque  de  Tréguier ,  leva  le  corps  de  Saint  Eflam ,  &  le 
dépofa  dans  cette  Eglife  dont  il  eft  le  Patron  :  on  y  voit  fon 
tombeau ,  un  peu  élevé  hors  de  terre ,  &  entouré  d'une  grille 
de   fer. 

Le  château  du  Rumen,  maifon  très-ancienne.  En  1326,  Even 
de  Baigaignon  ,  de  la  maifon  du  Rumen ,  fe  fit  Religieux  chez 
les  Dominicains  à  Morlaix.  Nommé  Evêque  de  Tréguier  en 
1362,  il  fit  des  ftatuts  en  13(^5  ,  aflifta  au  Concile  d'Angers  en 
1366,  &  fe  démit  de  fon  Siège  en  1371.  Ce  Prélat  s'attacha 
au  Pape  Grégoire  II,   qui  le   fit    Cardinal  :  il  mourut  en  1378. 

L'an  1424 ,  Jean  de  Penhoët, Chevalier  ,  Chambellan  &  Amiral 
de  Bretagne ,  étoit  Seigneur  de  Pleftin.  C'eft  en  fa  faveur  que 
cette  ParoifTe  fut  transférée  de  la  Cour  de  Guingamp  à  celle  de 
Morlaix,  par  lettres  du  Duc  Jean  V,   données  le  8  Juin  1425. 

PLEUBIAN  ;  à  2  Heues  au  Nord-Eft  de  Tréguier ,  fon  Evêché 
&  fa  Subdélégation  j  à  30  lieues  de  Rennes.  Cette  ParoifTe  ref- 
fortit  à  Lannion ,  &  compte  3400  communiants,  y  compris  ceux 
de  Ker-bos  ,  fa  trêve  :  la  Cure  fe  préfente  par  l'AbbefTe  de 
Saint-Georges  de  Rennes. 

Le  Prieuré  de  Saint-Georges  ,  haute  ,  moyenne  &  bafîe-Juflice, 
à  Madame  du  Halgoèt ,  Prieure  de  Saint-Georges;  le  Rechou, 
moyenne  &  balTe-Juftice ,  qui  s'exerce  au  Prieuré  de  Saint-Georges, 


PLE  571 

en  cette  Paroifle  ,  à  Mademoifelle  Sarsfiel  :  Trezel-Ker-allion  , 
moyenne  &  baffe  -  JufHce ,  à  M.  de  Trezel  ;  elle  s'exerce  au 
Prieuré  de  Saint-Georges  :  Troguerat  -  Lezaudani ,  baffe-Juftice  , 
à  M.  de  Coatuellan  :  Villeneuve-Ker-fallou ,  haute ,  moyenne  & 
baffe- Juftice  ,  à  M.  de  Villeneuve-Cillart  j  François  de  Keroufi ,  Sei- 
gneur de  cette  Terre ,  obtint  du  Roi  Henri  IV  le  droit  d'une 
foire  par  an  à  la  Chapelle  de  Saint-Nicolas,  en  cette  Paroiffe. 

Jean  de  la  Vieuville  ,  Refteur  de  Pleubian  en  1242,  donna 
des  avis  fort  fages  à  Yves  Elor ,  qui  fut  dans  la  fuite  Refteur 
de  la  Paroiffe  de  Lohanec.  Celui-ci  en  profita  fi  bien  qu'il  par- 
vint à  la  plus  haute  piété  ,  &  que  fa  mémoire  fut  honorée  de 
toute  la  France. 

Ce  territoire  ,  borné  au  Nord  par  la  mer ,  offre  des  terres  eh 
labeur  de  bonne  qualité ,  des  prairies  &  pâturages  :  on  y  voit  peu 
de  terres  incultes. 

PLEUCADEUC;  à  6  lieues  trois  quarts  à  l'Eff-Nord-Eff  de 
Vannes ,  fon  Evêché  &  fon  reffort  j  à  1 4  Heues  de  Rennes  j  &: 
à  I  lieue  un  quart  de  Maleffroit,  fa  Subdélégation.  On  y  compte 
1200  communiants:  la  Cure  eff  à  l'alternative. 

Lieuzel ,  &  annexes,  moyenne  &  baffe- Juftice  ,  à  Mademoifelle 
de  Soulange ,  qui  poffede  auffi  la  Morinais ,  moyenne  &  baffe- 
Juftice. 

En  1500,  on  voyoit  dans  cette  Paroiffe  les  maifons  nobles 
de  Lieuzel ,  de  Villebonnet ,  d'Igouray ,  de  Bohal ,  de  la  Vieille- 
Ville,  de  Launaye,de  la  Morinaye,  de  laCornté,  de  Begaffon, 
de  la  Ville-d'Aval ,  &  la  Villeneuve. 

Ce  territoire ,  arrofé  des  eaux  de  la  rivière  de  Claye ,  offre  à 
la  vue  des  landes  immenfes ,  &  qui  paroiffent  plus  étendues  que 
les  terres  en  rapport. 

PLEUDANIELj  à  2  lieues  un  quart  à  l'Eft  de  Tréguier,  £on 
Evêché;  à  28  lieues  de  Rennes;  &  à  2  lieues  de  Pontrieux ,  fa 
Subdélégation.  Cette  Paroiffe  reffortit  à  Morlaix  ,  &  compte  1700 
communiants  :  la  Cure  eft  à  ralternative.  Les  maifons  nobles 
de  Ker-merquer  ,  de  Ker-deuzert ,  &  du  Tertre-Anneur  ,  font 
dans  cette  Paroiffe  ,  dont  le  territoire,  borné  à  l'Eft  par  la  rivière 
deTrieux,  renferme  des  terres  bien  cultivées,  des  prairies,  & 
des  landes. 

PLEUDIHEN  j  fur  une  hauteur  5  &  fur  la  route  de  Diaan  à 


J71  P  L  E 

Châteauneuf  pour  Saint-Malo  ;  à  3  lieues  un  quart  à  l'Oueil- 
Sud-Oueft  de  Dol ,  fon  Evêclié  j  à  1 1  lieues  de  Rennes  j  &  à 
3  lieues  un  quart  de  Saint-Malo,  fa  Subdélcgation.  Cette  Pa- 
roifTe  relevé  du  Roi,  reflbrtit  à  Dinan  ,  &  compte  3600  com- 
muniants :  la  Cure  ie  préfente  par  le  Tréforier  de  l'Eglife  Ca- 
thédrale de  Dol. 

L'an  1244,  le  Chapitre  de  Dol  céda  à  Jean,  Abbé  du  Tron- 
chet ,  les  dîmes  de  la  Paroifle  de  Pleudihen  pour  celles  de  la 
ParoilTe  d'Epiniac.  Le  château  de  la  Beliiere  appartenoit ,  en 
1300,  à  Raoul  Chevalier,  Seigneur  de  la  BeUiere.  Par  tef- 
tament  du  3  Novembre  1329,  il  donna  au  Monallere  des  Jaco- 
bins de  Dinan  une  mine  de  froment  de  rente  à  prendre  fur  les 
dîmes  qu'il  avoir  en  cette  ParoilTe.  L'an  1362,  Philippe  de 
Dinan  ,  Vicomte  de  la  BeUiere  ,  fonda  une  Chapellenie  dans 
l'EgUfe  paroifliale  de  Pleudihen.  Le  22  Mai  1451,  cette  Terre 
fut  érigée  en  Bannière  par  le  Duc  Pierre,  en  faveur  de  Jean 
de  Maleftroit ,  Seigneur  de  Largoët ,  Vicomte  de  la  BeUiere , 
Maréchal  de  Bretagne.  Cette  Seigneurie  a  une  haute-JulHce ,  qui 
•appartient  préfentement  à  M.  du  Frefne  de  Pontrieux.  La  Ville- 
Gicquel  appartenoit,  en  1360,  à  Pierre  Henri,  Sieur  de  Vau- 
rouel.  Louis ,  fon  petit- fils ,  fut  Contrôleur  &  Tréforier  de  la 
DuchelTe....  Robert  de  Vaurouel  fut  Capitaine  des  Francs-Ar- 
chers de  Saint-Brieuc  ,  en  1551.  La  Chapelle  &  viUage  de  Saint- 
Piat ,  avec  titre  de  Seigneurie ,  appartenoit  jadis  à  MM.  Hubert 
de  la  Maiîue  -,  cette  Terre  a  haute  ,  moyenne  &  baffe- Juftice  ,  &  ap- 
partient aujourd'hui  à  M.  le  Maréchal  Duc  de  Duras.  Cette  Seigneu- 
rie avoit  des  droits  particuliers ,  comme  celui  de  quintaine,de  faut 
de  poiflbnniers  ,  alternativement  avec  le  Roi  ;  droit  d'enfeu  prohi- 
bitif dans  le  Couvent  de  Saint-François  de  Dinan  ;  &  le  Sieur 
Hubert  avoit  aufli  le  droit  &  privilège  de  fe  préfenter  lorfque 
le  Roi  faifoit  fon  entrée  à  Dinan,  de  tenir  les  rênes. de  la  bride 
du  cheval  fur  lequel  Sa  Majeilé  étoit  montée  ,  &  de  le  conduire 
jufqu'à  fon  château  ,  &  là  ie  cheval  lui  appartenoit  de  droit. 
Tous  ces  privilèges,  franchifes,  &  droits,  furent  accordés  aux 
Sieurs  Hubert  par  les  Ducs  de  Bretagne,  &  furent  confirmés 
par  le  Roi  Henri  IV.  La  maifon  de  Hubert  eft  très -ancienne. 
On  voit  qu'un  Seigneur  de  cette  maifon  étoit  compagnon  d'ar- 
mes du  Connétable  Bertrand  du  Guefclin ,  &  qu'un  Hubeit  fut 
Evêque  de  Rennes  en  1184.  En  1500,  la  maifon  noble  de 
Sainte-Agathe  appartenoit  à  Matthieu  de  Mur  j  le  Bois  le  Rault, 
à  François  de  la  Barre  j  le    Gué ,  à  Guillaume  le  Jeune  j  le 


PL  E  57} 

Colombier,  à  François  delà  Barre;  le  Guillon  ,  à  Raoul  du  Reilj 
Saint-Melanne  ,  à  René  de  Saint-Melanne  ;  la  Touche  ,  à  Robert 
de  la  Salle;  la  Motte -Pilandelle  ,  à  Gilles  du  Bois-Riou  ;  le 
Couesbouc  ,  à  Rolland  du  Bouais  ;  la  Vilie-Morven,  à  N... 

Ce  territoire,  borné  à  l'Ouefl  par  la  rivière  de  Rance,  offre 
à  la  vue  des  terres  en  labeur  de  bonne  qualité  ,  des  prairies , 
&  quelques  cantons  en  landes.  Le  pays  eû  couvert  d'arbres  ôc 
builFons  :  on  y  voit  le  bois  de  Coicautel. 

PLEVEN  ;  à  7  lieues  un  quart  à  l'Eft  de  Saint-Brieuc  ,  fon 
Evêché  ;  à  1 3  lieues  &  demie  de  Rennes  ;  &  à  3  lieues  un 
quart  de  Lamballe ,  fa  Subdélégation.  Cette  Paroiffe  reffortit  à 
Jugon  ,  &  compte  5 00  communiants.  M.  le  Comte  de  Rieux  en  eft 
le  Seigneur  :  la  Cure  eft  à  l'alternative.  Son  territoire ,  baigné 
des  eaux  de  la  rivière  d'Arguenon ,  efl  en  partie  occupé  par  la 
forêt  de  la  Hunaudaye  ,  des  terres  en  labeur,  des  prairies ,  &  peu 
de  landes.  Il  eu  une  chofe  remarquable  :  on  voit  communé- 
ment,  dans  bien  des  endroits,  des  mottes  élevées  anciennement, 
&  apparemment  dans  le  temps  de  barbarie ,  pour  la  défenfe  8c 
le  refuge  des  habitants.  Mais,  près  le  château  de  la  Hunaudaye, 
eft  une  place  très-grande ,  qui  a  dans  fon  enceinte  deux  efpia- 
nades  féparées ,  capables  de  contenir  trois  ou  quatre  légions  en 
bataille.  Du  côté  du  terre-plein ,  &  oii  il  n'eft  rien  que  de  moyens 
coteaux  ,  ce  font  des  remparts  très-élevés  avec  des  grands  foffés 
en  dehors.  Les  efplanades  du  côté  de  l'Eft  dominent  fur  la  rivière 
d'Arguenon ,  à  une  très-grande  hauteur ,  en  coteau  perpendicu- 
laire tout  hérilîe  de  rochers  ingraviffables.  De  ces  deux  efpla- 
nades ,  la  moindre  paroît  avoir  été  la  citadelle  de  l'autre  :  elle 
étoit  féparée  de  la  grande  par  une  petite  gorge  feulement ,  & 
défendue,  outre  fa  fituation ,  par  un  foffé  particulier,  du  côté  de 
la  grande  efplanade  ,  par  des  demi-tours  en  terre ,  outre  une 
autre  de  même  matière ,  d'une  groffeur  &  d'une  hauteur  extraor- 
dinaires ,  qui  avoir  un  grand  fofié  tout  autour  taillé  dans  le 
roc.  Quelque  chofe  de  furprenant ,  c'eft  qu'à  peine  y  a-t-il  un 
pied  de  terre  fans  trouver  le  roc ,  &  qu'on  n'apperçoit  nulle  ca- 
vité aux  environs ,  où  on  auroit  pu  tirer  l'étonnante  quantité  de 
terre  qui  compofe  cette  maffe  énorme  &  tous  les  remparts.  On 
n'y  voit  point  de  veftiges  de  murailles  en  pierres,  mais  feulement 
des  débris  de  t*les  quarrées.  Eft-ce  ici  un  ouvrage  des  temps  bar- 
bares ,  ou  bien,  eft-ce  une  ftation  des  Romains.'*  Les  Barbares 
étoient  plus  occupés  du  pillage  que  de  précautions  j  les  Romains 


}74  ^  f  ^  . 

voyoient  de  plus  près  à  leur  fureté.  Ce  qui  m'étonne  le  plus , 
ceil  que  le  peuple ,  fi  ardent  à  adopter  les  fables  les  plus  lingu- 
lieres  &  à  les  débiter ,  n'a  nulle  tradition  fur  cette  forterefîe  : 
elle  s'appelle  les  Bourgs  Heujfas  ,  &  dépend  de  la  Terre  du 
Vaumacieuc. 

Le  manoir  de  Montboucher  appartenoit ,  dit  Dom  Morice ,  erj 
1050,  à  Geoffroi  de  Montboucher,  qui  donna  à  l'Abbaye  de 
Saint-Georges  de  Rennes  les  dîmes  dont  jouiffoit  cette  maifon  , 
pour  la  dot  de  fa  fille  qui  avoit  pris  le  voile  dans  ce  Monaftere» 
En  1440  ,  cette  Terre  appartenoit  à  Dame  Honorée  de  Montbou- 
cher. Le  château  de  Peillard  ell  auffi  très-ancien ,  il  apparte- 
noit,  en  1250,  au  Sire  de  Guemadeuc  :  on  voit  aufîi  dans  ce 
territoire  les  Terres  &  Maifons  nobles  du  Vaumadeuc ,  la  Dieu- 
faye ,  le  Rocher  annexé  au  Guebriand. 

Le  Père  Maunoir,  célèbre  Miflionnaire  ,  mourut  à  Pleven,  le  28 
Janvier  1683. 

PLEVENON  j  dans  un  fond  j  à  7  lieues  &  demie  à  l'Eft- 
Nord-Efl:  de  Saint-Brieuc ,  fon  Evêché  ;  à  17  lieues  de  Rennes  5 
&  à  5  lieues  de  Lamballe  ,  fa  Subdélégation.  Cette  ParoifTe  ,  dont 
la  Cure  efl:  à  Talternative ,  refTortit  à  Jugon,  &  compte  550 
communiants.  La  moyenne-Juftice  de  Meurtel  appartient  à  M.  de 
Tremereuc  de  Meurtel  j  &:  la  baffe-Juftice  de  la  Salle-Pique ,  à 
M.  Gefril  du  Papin.  Ce  territoire  forme  une  prefqu'ifle ,  il  s'étend 
jufqu'au  Cap-Frehel.  La  lande  de  Frechet,  qui  eft  d'une  grande  éten- 
due ,  en  occupe  une  partie  j  elle  eft  fituée  dans  la  pointe  du  Cap- 
Frehel  :  le  furplus  de  ce  territoire  ell  exaftement  cultivé.  Le  châ* 
teau  de  la  Latte  fut  bâti  par  les  Seigneurs  de  Matignon» 

PLEUGRIFFET  ;  à  8  lieues  un  quart  au  Nord-Nord-Efl  de 
Vannes ,  fon  Evêché  ;  à  1 6  Heues  de  Rennes  ;  &  à  2  lieues  de 
Jofîelin ,  fa  Subdélégation.  Cette  Paroiffe  reflbrtit  à  Ploermel ,  & 
compte  1500  habitants  :  la  Cure  efl:  à  l'alternative.  Le  château 
de  Pleugrifïet  étoit  jadis  une  forte  place,  dans  laquelle  il  y  avoit 
garnifon  &  Capitaine.  Les  guerres  ont  entièrement  ruiné  ce  châ- 
teau. La  Seigneurie  qui  porte  fon  nom  fut  érigée  en  Marquifat 
l'an  1622,  &  réunie  par  le  Roi  au  Marquifat  de  Coëtlogon  , 
iîtué  dans  la  ParoifTe  de  Laurenan ,  en  faveur  de  René ,  Marquis 
de  Coëtlogon  ;  cette  Terre  a  haute ,  moyenne  &  baffe-Juflice , 
elle  appartient  à  M.  du  Lifcouet  j  la  Bouexiere  appartenoit ,  en 
1420,  à  Robin  du  Chêne,  Sieur  de  la  Bouexiere 5  la  moyenne 


PLE  375 

6^  bafle-Juflice  de  la  Tertre  appartient  à  M.  de  Rofcanvec.  Ce 
territoire ,  borné  à  l'Eft  par  la  rivière  d'Oull  ,  offre  des  terres  en 
labeur ,  des  prairies  ,  &  des  landes. 

PLEUGUENEUC  ;  fur  la  route  de  Rennes  à  Saint-Malo  ;  à 
3  lieues  trois  quarts  au  Sud-Sud-Ouefl  de  Dol ,  fon  Evêché  & 
fa  Subdélégation  i  &  à  8  lieues  de  Rennes.  Cette  Paroifl'e  ref- 
fortit  à  Dinan  ,  &  compte  1250  communiants  :  la  Cure  eft  à 
l'Ordinaire.  Le  territoire  renferme  des  terres  bien  cultivées ,  des 
prairies ,  &  des  landes. 

En  1 500  ,  le  Gage  ,  à  François  Rafton  ,  Sieur  du  Gage  :  cette 
Terre  qui  a  haute ,  moyenne  &  baffe-Juftice ,  appartient  aftuel- 
lement  à  M.  de  la  Villethéard  de  Vifdeloup  :  la  Coulombiere, 
à  François  de  la  Barre  ;  le  Leix ,  à  Jean  Ruffier  j  le  Parguer ,  à 
Jean  de  la  Fontaine,  le  jeune  j  la  Motte-Gruel ,  à  Charles  Gruel  j 
Bazoges ,  à  Jean  de  Bintin  ;  l'Aumône  ,  à  Jean  de  la  Fontaine  i 
Lorgeril  &  le  Badon ,  à  Guyonne ,  Dame  de  Lorgeril  &  du 
Badonj  les  Perrons,  à  Guillaume  Bachelier  ;  Papigné  Se  la  Guya- 
gan  ,  à  Pierre  Botherel  -,  les  Champs  -  Grenu  &  la  Frefnaye ,  à 
Guillaume  Geflin  ;  la  Motte  de  Linquon ,  à  Yvon  Chouffé  j  la 
Bourbanfaye ,  la  Cillerais ,  &  la  Vilie-Hac ,  font  plus  modernes, 

PLEVIN  ;  à  1 1  Heues  un  quart  à  TEft-Nord-Eil:  de  Quimper, 
fon  Evêché;  à  28  lieues  deux  tiers  de  Rennes  ;  &  à  i  lieue  & 
demie  de  Carhaix ,  fa  Subdélégation  &  fon  reffort.  On  y  compte 
1300  communiants  :  la  Cure  eft  à  l'alternative.  Ce  territoire  offre 
à  la  vue  des  terres  en  labeur  bien  cultivées,  des  prairies  ,  & 
beaucoup  de  landes. 

Le  château  de  Ker-louet  appartenoit ,  en  1 3  70 ,  à  Yves  Ca- 
nabert.  Sieur  de  Kerlouet  ;  en  1670  ,  à  René  Canabert ,  ChevaHer , 
Seigneur  de  Kerlouet  &  Gouverneur  de  Carhaix.  Les  maifons 
nobles  de  Penhoët  &  de  Crachqueta  font  dans  ce  territoire. 

PLEUMELEUC  ;  à  1 1  lieues  au  Sud  de  Saint-Malo ,  fon  Evê- 
ché j  à  4  lieues  de  Rennes ,  fon  reffort  ;  &  à  i  Ueue  de  Mont- 
fort  ,  fa  Subdélégation.  Cette  Paroiffe  ,  dont  la  Cure  ell  préfentéé 
par  l'Evêque ,  compte  1200  communiants.  Son  territoire  ell  plat, 
couvert  d'arbres  &  buiffons  :  les  terres  y  font  bien  cultivées  -,  on 
y  voit  peu  de  landes  ;  on  y  cueille  des  fruits  dont  on  fait  du  cidre. 
La  Benneré ,  qui  exiftoit  dès  1 400 ,  appartient ,  avec  fa  haute- 
Juffice ,  à  M.  de  la  Benneré ,  qui  poffede  aufîi  la  haute-Juffice 


Ls&ÎL^'. 


jyé  P  L   E 

de  Pleumeleuc  :  en  1400,  le  Bois-Houel,  à  Nicolas  Chef-de- 
Maille  j  la  Betulais  ^  à  Guillaume  Chef-de-Maille  :  leFail,  à  Ber- 
trand de*  la  Doëneliere  ;  cette  Terre  qui  s'appelle  aujourd'hui  le 
Fail  de  Couefan ,  a  une  moyenne  &  baffe-Juftice  qui  appartient 
à  Madam.e  de  Viarme  :  la  Valouais ,  à  Guillaume  Renier  j  cette 
Terre ,  qui  s'appelle  préfentcment  Vaunoife ,  a  une  moyenne  & 
baiïeJuftice  ,  qui  appartient  à  M.  de  Saint- Gilles  :  le  Châtel ,  à 
Jean  Lambour  f  Lofîenaye  ,  à  Guillaume  du  Guell  5  la  Boulon- 
naye  ,  à  Jean  Marquer  ;  la  Haluchaye  ,  à  Jou..n  Ramars  ;  la  Be- 
linaye  ,  à  Guillaume  du  Guergier  ;  la  haute-Juftice  du  Prieuré  de 
Hédé  appartient  aux  Moines  de  Samt-Melaine  de  Rennes. 

PLEURTUIT  ;  à  I  lieue  deux  tiers  au  Sud-Sud-Oueft  de  Saint- 
Malo ,  fon  Evêché  ;  à  1 3  lieues  de  Rennes  j  &  à  3  lieues  de 
Dinan ,  fa  Subdélégation  &  fon  reffort.  Cette  ParoifTe  relevé  du 
Roi,  &  compte  4000  communiants  :  la  Cure  eft  à  l'alternative.. 
Ce  territoire  ell:  un  pays  plat  :  on  y  voit  une  lande ,  à  la  fortie 
de  ce  bourg ,  qui  a  plus  de  deux  lieues  de  longueur  fur  un  tiers 
de  lieue  de  largeur  ;  le  furplus  du  terroir  eft  cultivé.  Les  Jurif- 
diftions  qui  s'exercent  en  cette  Paroifle  font  :  le  Comté  de 
Plouer  ,  haute-Juftice  y  à  M.  de  Plouer  ;  la  Crochais  &  Vicomte, 
haute-Juftice  ,  à  M.  de  la  Crochais  j  le  Comté  de  Pontbriand , 

haute-Juftice  ,  à  N j  la  Ville -Botherel,  moyenne-Juftice  ,  à 

M.  du  Marier;  le  Vieuville,  moyenne-Juftice ,  à  M.  Ladvorat  ; 
le  Die  5  baffe-Juftice  ,  à  Mademoifelle  Dupin-  Dudic.  Au  mois 
de  Novembre  1287,  Raoul  de  Dinan,  Vicomte  de  la  BelUere  ^^ 
vendit  au  Prieur  &  Chapitre  de  Saint-Malo  toutes  les  dîmes  qu'il 
poffédoit  en  la  ParoifTe  de  Pleurtuit ,  pour  une  fomme  de  cent 
livres  monnoie  courante.  Ces  dîmes  valoient  alors  vingt-cinq  mines 
de  bled  par  chaque  année  ,  mefure  de  Becherel ,  fçavoir  :  cinq 
mines  de  froment,  dix  mines  de  feigle,  &  dix  mines  d'avoine* 
Les  lettres  en  furent  fcellées  à  la  Cour  de  Raoul  de  Dinan  , 
établie  dans  la  ville  de  ce  nom  :  le  marc  d'argent  étoit  alors  à 
cinquante-quatre  fols  fept  deniers. 

Les  quatre  poteaux  de  la  Juitice  patibulaire  qu^on  voit  dans 
la  lande  de  Pleurtuit  furent  conftraits  au  mois  de  Novembre  1470,^ 
par  ordre  de  Rolland  de  Beaumanoir ,  Chevalier ,  Seigneur  du  Bois. 
de  la  Motte. 

PLEUVIN-FOUESNANT  ;  à  2  lieues  au  Sud-Sud-Eft  de  Qulm- 
per  ,foii  Evêché  >  à  39  lieues  de  Rennes  j  &  à  2  lieues  &  demie 

de 


X  P  L  E  =  P  L  O  577 

de  Concarneau  ,  fa  Subdélégation  &  fon  reflbrt.  Cette  ParoifTe 
compte  450  communiants  :  la  Cure  eft  à  l'alternative.  Son  terri- 
toire eft  borné  à  l'Oueft  par  la  rivière  d'Odet ,  il  efl  rempli  de 
vallons  &  monticules ,  mais  exaftement  cultivé  ;  on  y  voit  peu 
de  landes.  La  haute ,  moyenne  &  bafle-JulHce  de  Bodiguio  ap- 
partient à  M.  de  Chef-Fontaine.  En  1400,  les  manoirs  ce  Ker- 
raret ,  de  Méozigaouet ,  &  de  Treulenan ,  fe  voy oient  dans  ce 
territoire. 

PLOABENEC  ;  fur  la  route  de  Brefl  à  Lefneven  ;  à  8  lieues 
à  rOueft-Sud-Oueil  de  Samt-Pol-de-Léon ,  fon  Evêché  j  à  45 
lieues  de  Rennes  j  &  à  2  lieues  un  quart  de  Lefneven  ,  fa 
Subdélégation  &  fon  refîbrt.  Cette  Paroifîe  relevé  du  Roi  :  on  y 
compte  3300  communiants;  la  Cure  fe  préfente  par  l'Evêque. 
Son  territoire  efl  coupé  par  un  grand  nombre  de  vallons ,  dans 
lefquels  pafTent  des  ruilTeaux  ;  on  y  voit  des  terres  fertiles  en 
grains  de  toutes  efpeces  ,  d'excellents  pâturages  ,  &  peu  de 
landes. 

L'an  600,  la  forêt  de  Talamon ,  qui  eft  aujourd'hui  coupée 
par  la  route  de  Landerneau  à  Breft ,  s'étendoit  jufqu'à  Ploabenec. 
L'Eglife  paroiffiale  doit  fa  fondation  à  Saint  Tenenan,  feptieme 
Evêque  de  Saint -Pol- de- Léon  ,  qui  la  fit  bâtir  à  fes  frais.  Ce 
faint  Prélat  mourut  dans  cette  ParoiiTe  en  63  5  j  on  y  garda  long- 
temps fes  reliques  ,  qui  furent  tranfportées  ailleurs  pour  les  dérober 
aux  profanations  des  Normands.  On  prétend  que  le  château  de 
Lefquelen  ,  qui  n'exille  plus  aujourd'hui ,  fut  bâti  dans  le  même 
temps.  La  Jurifdiftion  de  la  Châtellenie  de  Ker-alguezen ,  qui 
s'exerce  en  cette  ParoifTe,  appartenoit ,  en  13 10,  à  Maurice  de 
Keralguezen  :  Lannofler  appartenoit,  en  1500,  à  Chriflophe 
Gourio  ,  Sieur  de  Lannofler.  Les  autres  maifons  nobles  font  :  le 
Gourequer ,  Ker-annou  ,  Ker-brat  ,  Ker-grech  ,  Ker-babu  ,  Ker- 
halz  ,  le  Mendi ,  Pentré ,  &  le  Refl-Baudies. 

PLOBANNALEC  ;  fur  une  hauteur  ;  à  4  lieues  au  Sud-OuefI: 
de  Quimper  ,  fon  Evêché  &c  fon  reffort  ;  à  42  Heues  de  Rennes; 
&  à  cinq  fixiemes  de  lieue  de  Pont-l'Abbé ,  fa  Subdélégation.  On 
y  compte  2100  communiants  :  la  Cure  efl  à  l'alternative.  Son  terri- 
toire ,  borné  à  l'Ouefl  par  la  mer ,  efl  coupé  de  montagnes  & 
de  vallons  :  les  terres  y  font  fertiles  en  toutes  fortes  de  grains , 
mais  il  y  en  a  bien  d'incultes  par  la  mauvaife  qualité  du  fol.  Cette 
ParoifTe  reconnoît  pour  Patron  Saint  AUore  ou  Albin,  troifieme 
Tome  IIL  B  3 


578  P  L  O 

Evêqiie  de  Qulmper.  On  voit ,  à  une  demi-îieue  de  ce  bourg , 
une  Chapelle  bâtie  en  l'honneur  de  cet  Evêque. 

PLOEiMEL  ;  à  5  lieues  à  l'Oueft  de  Vannes ,  fon  Evêché  ;  à 
25  lieues  de  Rennes  ;  &  à  i  lieue  &  demie  d'Aurai  ,  fa  Subdé- 
légation &  Ton  reffort.  On  y  compte  1300  communiants  :  la 
Cure  efl:  à  l'alternative.  Son  territoire  eft  fertile  en  toutes  ef- 
peces  de  grains  ;  on  y  voit  peu  de  landes.  Cette  ParoiiTe  relevé 
du  Roi. 

PLOEMEUR;  à  11  lieues  à  l'Oueft  de  Vannes ,  fon  Evêché  ; 
à  30  heues  de  Rennes  j  &  à  i  lieue  de  l'Orient,  fa  Subdélé- 
gation. Cette  ParoifFe  refîbrtit  à  Hennebon  ,  &  conjpte  8000 
communiants  :  la  Cure  eft  à  l'alternative.  Ce  territoire  ell  fort 
étendu  :  il  eft  borné  au  Sud  par  la  mer  ;  il  renferme  plus  de  dix 
mille  journaux  de  landes  dont  le  fol  paroît  de  bonne  qualité.  Le 
relie  du  terrein  confifle  en  des  terres  bien  cultivées  &  des  prai- 
ries. La  haute-Juftice  de  l'endroit  eft  annexée  à  la  Baronnie  de 
Ker-aër ,  &  celle  de  la  Baronnie  de  Lanvaux  s'exerce  à  Pleuvi- 
gner.  Cette  Paroiffe  fut  unie  à  la  Menfe  capitulaire  par  Hervé 
Tors,  Evêque  de  Vannes,  en  1287.  Ce  Prélat  fit  rebâtir  dans 
le  même  temps  le  château  de  la  Motte.  Dans  ce  temps ,  on  pê- 
choit  des  fardines  au  village  de  Larmor ,  qui  eft  un  petit  port 
fort  renommé  par  la  pêche  de  ce  poiffon  ,  qu'on  met  en  baril 
pour  l'hiver.  En  1400,  on  voyoit  dans  ce  territoire  les  maifons 
nobles  de  Ker-perennes ,  à  Louis  du  Tertre  ;  le  Favouil ,  à  N....: 
en  1500,  Penhoèt  ,  à  Jean  de  Caravern  ;  le  Tertre,  à  Pierre 
du  Tertre  ;  Breuçon  ,  au  Sieur  des  Portes. 

PLOERîN;  à  2  lieues  à  l'Oueil:  de  Vannes,  fon  Evêché  & 
fa  Subdélégation  j  à  23  Heues  de  Rennes.  Cette  Paroilfe  refîortit 
à  Aurai ,  &  compte  1 000  communiants  :  la  Cure  eil  à  l'alter- 
native. Ce  territoire ,  borné  au  Sud  par  le  Morbihan ,  offre  à  la 
vue  des  terres  de  bonne  qualité ,  &  peu  de  landes.  En  1 440 , 
Ker-marquer  appartenoit  à  Pierre  de  Kermarquer  ;  le  Parc-Denis, 
à  Olivier  du  Thono  ;  Quelefquéne ,  à  Prigent  de  Coëflagat  :  le 
manoir  de  Porégon ,  conllruit  en  1432  ,  appartenoit  à  Jean  Cre- 
folle  :  Ker-lan,  bâti  en  1437  par  Jean  Loret  :  le  château  du 
Mézo  appartient  à  M.  de  Gouy on.  Seigneur  duMézo  &  autres  lieux. 

PLOERMEL;  par  les  4  degrés  44  minutes    8   fécondes   de 


PLO  379 

longitude ,  &  par  les  47  degrés  5  5  minutes  5  3  fécondes  de  la- 
titude ;  à  1 8  lieues  &  demie  de  Saint-Malo ,  fon  Evêché  ;  &  à 
1 2  lieues  de  Rennes.  Quatre  grandes  routes  arrivent  à  Ploermel , 
où  l'on  trouve  une  Sénéchaufiee  royale  qui  relTortit  au  Préfidial 
de  Vannes ,  un  Gouvernement  de  place  ;  une  Communauté  de 
ville  ,  avec  droit  de  députer  aux  Etats  de  la  province  ;  une  Sub- 
déiégation  ,  une  Brigade  de  Maréchauflee  ,  une  MelTagerie  ;  deux 
Polies ,  l'une  aux  lettres ,  l'autre  aux  chevaux  ;  une  Direction  des 
Devoirs  ,  une  Paroifîe  ;  les  Couvents  des  Carmes,  des  Carmélites  , 
des  Urfulines,  &  un  Hôpital.  Le  nombre  des  habitants  eft  de 
4000  :  la  Cure  eft  à  l'alternative.  L'Eglife  paroilîiale  eft  dédiée 
à  Saint  Armel,  né  en  Angleterre  vers  l'an  482  ,  dans  la  même 
province  où  Saint  Pol  de  Léon  reçut  le  jour.  (  Voyez  Saint-Ar- 
mel ,  au  diocefe  de  Rennes.  )  Cette  Eglife  eft  belle ,  vafte ,  & 
ornée  dans  le  goût  gothique  :  on  y  voit  cependant  des  Dauphins 
aux  gouttières ,  ce  qui  femble  annoncer  une  conftru6:ion  plus 
moderne.  L'Eglife  des  Carmes  eft  aufîi  fort  grande ,  &  fon  reta- 
ble ,  qui  eft  en  bois ,  eft  eftimé  des  connoilieurs.  Celle  des  Car- 
mélites eft  régulière  ,  ornée  de  colonnes  de  beau  marbre ,  Se 
de  très-belles  ftatues.  Celle  des  Urfulines  eft  une  des  plus  johes 
Chapelles  de  la  province  ,  fur-tout  aux  jours  de  fêtes,  où  elle 
eft  décorée  d'une  magnifique  tapifterie  d'Aubufîon  ,  repréfentant 
la  vie  de  Saint  Auguftin.  L'Hôpital  eft  conftruit  à  neuf  ,  fitué 
dans  un  air  très-fain  ,  &  féparé  de  la  ville  par  un  large  fofîe.  Les 
revenus  de  cet  Hôpital  font  adminiftrés  par  un  Bureau  compofé 
du  Maire  ,  des  Juges ,  du  Refteur  ,  &  de  douze  Bourgeois.  Ces 
revenus  font  infiniment  petits ,  à  raifon  du  grand  nombre  de  pau- 
vres que  cette  maifon  eft  obhgée  de  recevoir.  La  rente  princi- 
pale Se  cafuelie  confifte  dans  le  revenu  de  cafernes  fuperbes 
pour  la  Cavalerie^  fouvent  vuides ,  parce  que  Ploermel ,  rele- 
vant du  Roi ,  n'a  point  de  protefteurs  intermédiaires  qui  balan- 
cent le  crédit  des  Seigneurs  des  villes  voifines.  La  pofition  de 
Ploermel  eft  cependant  infiniment  avantageufe  pour  les  troupes: 
les  fourrages  y  font  bons ,  abondants ,  l'air  fain  ,  &  les  loge- 
ments  commodes. 

M.  Tuault ,  Maire  aftuel  &  Sénéchal  de  Ploermel ,  citoyen 
vraiment  eftimable  par  fa  probité  &  fon  amour  pour  la  patrie  , 
m'a  fait  l'honneur  de  m'écrire  une  lettre  fort  touchante  fur  le  mai- 
heureux  état  de  la  ville  de  Ploermel.  «  Le  tiers ,  du-i/ ,  de  nos 
»  concitoyens  eft  pauvre  ,  &  le  refte  mal  à  fon  aife ,  à  l'exception 
»  de  quelques  Bourgeois.  On  ne  doit  pas  s'en  étonner.  La  ville 


'380  P  L  O 

»  de  Pioermeî^  fîtuée  au  centre  des  terres,  fans  port  ni  rivîere, 
>>  n'ayant  aucune  branche  de  commerce  j  ne  fublîflant,  pour  ainii 
»  dire  ,  que  du  fervice  de  la  Sénéchaufîee  ,  qui  efl:  immenfe ,  de- 
»  vient  plus  pauvre  à  mefure  qu'on  devient  plus  raifonnable.  Elle 
»  pourroit  reprendre  un  peu  de  vie  fi  l'on  étabîilToit  une  commu- 
»  nication,  (  ce  qui  ell  poffible,  )  pour  les  voitures ,  entre  elle 
»  &  Saint-Malo ,  en  rendant  fes  abords  &  ceux  de  Dinan  prati- 
»  cables  fur  cette  route  ;  elle  deviendroit  un  entrepôt  nécelTaire 
»  &  commode  des  marchandifes  de  Saint-Malo  pour  les  villes  de 
»  Joflelin  ,  Maleilroit ,  Redon  ,  Vannes  ,  &  leurs  dépendances  : 
»  mais  ce  projet ,  difté  par  l'intérêt  public  ,  efl:  traverfé  fans 
»  doute  par  des  vues  particulières  j  &  nous  réitérons  encore  long- 
y>  temps  plongés  dans  notre  mifere.  » 

L'établiffement  d'un  quartier  de  Cavalerie  y  feroit  avantageux 
pour  les  troupes  ,  &  nécefTaire  au  pays  qui  n'a  point  d'autre  dé- 
bouché pour  fes  denrées. 

La  SénéchauiTée  eil  la  troifieme  dans  l'ordre  des  quatre  grandes 
Barres  du  Duché ,.(  voyez  l'Ordonnance  du  Roi  Charles  VIII, 
du  mois  de  Mai  1494,  au  chapitre,  argumentation  de  gaiges:") 
elle  comprend  deux  cents  ParoifTes  &  trêves  ,  parmi  lefquelies  font 
Corlai ,  Baud,  Rieux,  &  Saint -Jouan.  Outre  la  SénéchaufTée 
royale,  il  s'exerce  à  Ploermel  quatre  hautes -Juftices  &  deux 
moyennes ,  &  il  s'y  tient  un  marché  le  lundi  :  c'eft  là  tout  le 
commerce  de  cette  ville.  On  ne  connoît  point  l'époque  de  la 
fondation  de  Ploermel  :  tout  ce  qu'on  fçait ,  c'eft  que  du  temps 
de  Saint  Armel ,  dans  le  cinquième  fiecle ,  ce  n'étoit  qu'un  vil- 
lage peu  confidérable.  Ce  village  s'eft  accru  dans  la  fuite  ,  & 
a  formé  une  ville  affez  grande ,  plus  importante  autrefois  qu'elle 
ne  l'efî:  de  nos  jours  ;  il  efi:  même  à  croire  qu'au  lieu  de  reprendre 
fon  ancien  éclat,  elle  diminuera  de  plus  en  plus.  Elle  eft  mal 
bâtie ,  mal  pavée ,  fans  ahgnement  ni  niveau  ;  &  ,  ce  qui  eit 
pire  que  tout  cela  ,  elle  eft  pauvre.  Par  une  fuite  de  fa  fitua- 
tion  malheureufe ,  le  nombre  des  habitants  doit  diminuer  de 
jour  en  jour.  On  eft  peu  attaché  à  une  patrie  où  l'on  n'a  que 
des  maux  à  fouffrir.  Les  feules  villes  de  commerce  font  aujour- 
d'hui fufceptibles  d'embelliftement  &  d'augmentation  :  on  y  accourt 
de  toutes  parts  dans  l'efpérance  d'y  faire  fortune ,  &:  l'intérieur 
du  pays  refte  défert.  Il  eft  à  préfumer  que  Ploermel  étoit  une 
ville  confidérable  dès  le  dixième  fiecle.  L'hiftoire  de  ces  temps 
reculés  n'en  fait  pas  fouvent  mention  il  eft  vrai  ,  mais  elle  ne 
parle  pas  davantage  des  autres  villes.  L'ignorance  regnoit  alors 


P  L  O  381 

en  Europe ,  &  plus  encore  en  Bretagne  que  par-tout  ailleurs  :  on 
fçavoit  faire  la  guerre  ,  combattre  ,  mourir ,  faire  des  fondations , 
donner  des  biens  aux  Eçcléfialliques ,  &c  fur-tout  enrichir  les 
Moines  ;  mais  on  ne  penfoit  pas  à  écrire  les  belles  aftions  des 
grands  Hommes ,  à  décorer  les  villes ,  &  à  faire  fleurir  les  Arts. 
La  plus  ancienne  anecdote  que  nous  ayons  fur  cette  ville  efl:  de 
1222.  Amauri  de  Craon  fe  révolte,  avec  les  autres  Barons^ 
contre  Pierre  de  Dreux.  Amauri  efl  fait  prifonnier ,  &  ,  pour 
obtenir  fa  liberté,  il  abandonne  Ploermel  au  Duc.  Maurice  de 
Craon  revendique  cette  Seigneurie  en  1289.  Le  Duc  nomme 
des  CommifTaires  pour  examiner  fes  prétentions.  La  fentence  des 
Juges  eft  favorable  au  Prince  ,  &  Maurice  efl:  forcé  d'aban- 
donner fes  prétentions. 

1240.  Aiïemblée  des  Etats  à  Ploermel.  Le  Duc  Jean  I ,  à  la 
demande  des  Evêques,  des  Barons  ,  &  de  tout  le  peuple ,  chafTe 
les  Juifs  de  fes  Etats.  Perfonne,  dit  l'Edit  donné  à  ce  fujet,  ne 
pourra  être  accufé  ni  condamné  pour  avoir  tué  un  Juif.  Le  Prince 
jure  d'obfêrver  cette  loi ,  &  fe  foumet  à  Fexcommunication  ,  èc 
tout  fon  pays  à  l'interdit ,  s'il  vient  à  la  violer  -,  il  veut  même 
qu'on  fafîe  jurer  à  fes  fuccefTeurs  de  la  garder.  Les  Evêques ,  les 
Barons ,  &  les  VafTaux ,  jurent  tous  d'y  être  fidèles. 

1294.  Le  Duc  convoque  à  ploermel  tous  les  Seigneurs  qui  doi- 
vent lui  fournir  des  hommes  en  temps  de  guerre.  Ce  Prince  venoit 
d'être  nommé  Général  de  l'armée  anglaife,  &  c'efl:  pour  cette  raifon 
qu'il  trouva  peu  de  Seigneurs  à  Ploermel ,  parce  que  les  Bretons 
n'aimoient  pas  faire  la  guerre  contre  la  France.  Le  Duc  Jean  II 
fe  réferve  de  vérifier ,  après  la  guerre ,  fî  les  déclarations  étoient 
exaftcs.  L'Evêque  de  Dol  fuivit le  parti  delà  France,  par  per- 
miffion  du  Pape. 

Pendant  que  le  Roi  de  Sicile  &  Philippe ,  fils  aîné  Ôc  fuc- 
cefTeur  de  Sahit  Louis ,  achevoient  le  traité  de  paix  avec  le 
Roi  de  Tunis,  Edouard,  Prince  de  Galles,  fils  de  Henri  III, 
Roi  d'Angleterre  ,  Se  Jean  ,  Comte  de  Richemont ,  fils  du  Duc 
de  Bretagne  Jean  I ,  fe  rendirent  au  Mont-Carmel ,  où  le  Roi 
Louis  IX  avoit  déjà  fait  un  voyage  en  1244,  &  pafTerent,  par 
le  moyen  d'un  fauf-conduit ,  fous  l'habillement  de  pèlerins ,  juf- 
qu'à  Jérufalem  ,  où  ils  vifiterent  les  faints  Lieux.  Le  Comte  de 
Richemont  amena  avec  lui  deux  Carmes ,  qu'il  avoit  obtenus  du 
Prieur  du  Mont-Carmel,  &  les  logea  dans  le  fauxbourg,  dit 
aujourd'hui  i/e  l'Hôpital,  jufqu'à  ce  que  leur  Couvent  fût  fondé  & 
bâti.    Ces  Religieux  occupèrent  d'abord  un  Prieuré ,  nommé  de 


jSi  PL  O 

Villeneuve,  qui  depuis  fut  changé  en  Hôpital.  On  y  a  vu,  pen- 
dant long-temps ,  iix  cellules ,  qui  avoient  été  pratiquées  dans 
l'épaiffeur  des  murs  de  la  Chapelle ,  au  miHeu  de  laquelle  étoit 
l'autel ,  conformément  aux  règlements  que  les  Carmes  avoient 
reçus,  depuis  peu,  d'Albert,  Patriarche  de  Jérufalem.  Comme 
le  Couvent  de  Ploermel  eft  la  première  Communauté  de  Carmes 
étabhe  en  Bretagne ,  je  vais  donner  un  précis  de  la  fondation 
de  ce   Corps. 

Aimeri ,  Légat  &  Patriarche  apoftolique ,  fous  le  Pape  Alexandre 
III,  élu  l'an  II 59,  voyant  qu'un  grand  nombre  d  nommes  venus 
d'Occident,  pour  fuivre  ,  difoient-ils  ,  les  règles  de  la  vie  héré- 
mitique  ,  viv oient  difperfés  çà  &  là  ,  par  troupe  ,  fans  états  ni 
aveu ,  forma  le  projet  de  les  raffembler ,  &  les  conduifit  au 
Mont-Carmel,  lieu  célèbre  par  le  féjour  qu'y  avoir  fait  le  Pro- 
phète Ehe.  Il  leur  procura  les  moyens  d'y  vivre  &  de  s'occuper 
utilement.  Les  Sarrafins ,  fous  la  conduite  d'Omar,  fucceneur 
de  Mahomet ,  s'étant  rendus  maîtres  de  la  Terre-Sainte ,  défen- 
dirent, aux  Carmes  de  porter  des  capuchons  ou  habits  blancs  y 
parce  que  ce  vêtement  étoit ,  parmi  ces  Infidèles  ,  la  marque 
de  la  plus  grande  diftinftion.  Les  Carmes ,  obligés  >  d'obéir  à 
leurs  vainqueurs ,  prirent  des  manteaux  bariolés  ,  &  furent  ap- 
pelles Frères  barrés  ,  lorfqu'ils  paiTerent  dans  l'Occident.  Cet 
Ordre  fut  réformé,  l'an  1205,  fous  le  Général  Berthold  II  du 
nom.  Le  Pape  Honoré  IV  confirma  cette  réforme  en  1285,  & 
ordonna  aux  Carmes  de  changer  leur  habit  ,  qui  étoit  peu  con- 
forme à  l'état  de  Religieux.  Ils  fupprimerent  donc  leurs  barres, 
&  prirent  un  habit  noir  fous  un  manteau  blanc.  A  leur  arrivée 
à  Ploermel ,  ils  plantèrent  trois  croix  de  pierres  de  taille ,  en 
forme  de  celles  du  faint  fépulcre  de  Jérufalem.  On  les  voit 
encore  aujourd'hui  près  la  Chapelle  de  l'Hôpital ,  que  ces  Moines 
occupoient  d'abord.  Sur  ces  entrefaites ,  le  Comte  de  Richemont, 
fous  les  aufpices  duquel  les  Carmes  étoient  venus  en  Bretagne, 
&  qui  vouloit  y  fonder  une  colonie  de  cet  Ordre  ,  fit  com- 
mencer (  a  )  l'édifice  de  leur  Couvent  dans  l'endroit  qu'il  avoit 
choifi  en  dehors  de  la  ville ,  près  la  porte  appellée  d'en  bas  ; 
mais  cet  édifice  ,  qui  devoit  être  d'une  grande  magnificence ,  ne 
fut  achevé  que  long-temps  après.  L'Eglife  avoit  cent  foixante- 


(  4  )  L'emplacement  du  Couvent  des 
Carmes  ,&  la  Chapelle  qu'ili,  occupèrent 
à  leur  arrivée  à.  Ploermel ,    appartençleat 


aux  Seigneurs  de  Molac ,  qui  les  vendirea* 
au  Prince» 


PLO  58} 

deux  pieds  de  life  franche  ,  non  compris  les  Chapelles  ,  fur  vingt- 
huit  pieds  de  largeur.  Aux  deux  côtés  du  grand  autel ,  étoient 
deux  Chapelles ,  celle  de  Notre  -Dame  de  Recouvrance  ,  à 
droite,  &  celle  de  Sainte-Barbe,  à  gauche.  On  voyoit  ,  dans 
la  première  ,  une  image  magnifique  de  la  Sainte  Vierge ,  qui 
fut  rompue  en  1592.  Au  deflbus  de  la  Chapelle  de  Notre-Dame , 
il  y  en  avoir  une  autre  dédiée  à  Saint  Gildas ,  ornée  de  la  figure 
de  ce  faint  Abbé.  Cette  ftatue  étoit  de  marbre  &  très-belle  :  elle 
fut  emportée,  dit-on,  par  un  Bourgeois  de  Ploermel ,  qui  la  dé- 
pofa ,  en  1 5 1  I  ,  dans  une  Chapelle  du  territoire  de  Taupon , 
lors  de  l'incendie  qui  confuma  le  Couvent  des  Carmes.  Au  grand 
autel ,  étoient  quatre  colonnes  de  cuivre,  avec  de  petits  Anges, 
Se  une  crofle  pendante  ,  comme  dans  les  Cathédrales  ,  dans 
laquelle  on  dépofoit  la  fainte  Hollie.  Au  deflus  ,  étoient  les 
images  magnifiques  des  trois  Maries  -,  celle  de  la  Sainte  Vierge , 
qui  étoit  au  mifieu ,  étoit  de  marbre  blanc.  On  ne  fçait  de  quelle 
matière  étoient  les  deux  autres.  Le  chœur  de  l'Eglife  avoit 
trente-trois  pieds  de  longueur ,  fur  vingt-huit  de  largeur ,  orné 
de  foixante-quatre  chaires  ,  tant  hautes  que  bafiTes ,  avec  leurs 
dofîiers  très-bien  travaillés  &  ornés  de  fculptures  ;  en  un  mot , 
cette  Eglife  étoit  aufîi  belle  que  les  Cathédrales  de  la  province. 
Le  cloître ,  qui  étoit  aflez  vaile  ,  étoit  compofé  de  foixante- 
douze  voûtes ,  &  orné  de  belles  peintures.  Au  milieu  ,  étoit  un 
puits,  avec  un  très -beau  colombier  au  defTus.  Les  bâtiments 
étoient  confidérables.  Le  Duc  ,  fondateur,  y  avoit  fon  logement. 
Le  Prince  y  conduifit  les  Carmes  ,  en  1296.  Outre  le  loge- 
ment ,  ce  Duc  leur  donna  cent  livres  de  rente ,  monnoie  de 
Bretagne  (a).  Cet  établiflement  fut  confirmé  par  le  Duc  Jean 
III,  au  mois  de  Novembre  1318;  par  le  Duc  Jean  IV,  au 
mois  de  Novembre  1369  ;  &  par  le  Roi  Charles  VIII,  au  mois 
de  Mai  1492.  Les  Souverains  de  la  province  ont  accordé  plu- 
fîeurs  privilèges  à  cette  Communauté  ,  comme  de  moudre  fon 
grain  franc ,  &  de  ne  payer  aucuns  droits  fur  les  rivières  de 
Loire  &  de  Vilaine,  ni  entrée  de  ville.  Dès  que  les  Carmes 
furent  foUdement  étabhs,  plufieurs  perfonnes  de  la  première 
qualité  &  autres  demandèrent  à  être  enterrés  dans  leur  Eglife. 
Les  Eccléfiaftiques  des  Paroiffes  voifines  ,  qui  par-là  fe  voyoient 
privés  d'un  revenu    confidérable  ,  fe  plaignirent   vivement  ,  & 


{a)  L'afte  de  fondation ,  qui  eft  de  1303  ,  porte  que  k  Communauté  ne  fera  compofé* 
que  de  vingt-cinq  Moines. 


384  ..PLO 

prétendirent  que  ces  R^eligieux  n'avoient  aucun  droit  d*enterrer 
chez  eux.  Ceux-ci  eurent  recours  à  leur  fondateur ,  qui  conleilla 
aux  Carmes  d'avoir  recours  au  Saint-Siège.  Ils  fuivirent  ce  confeil  , 
Se  Boniface  VIII  leur  fit  expédier  une  Bulle ,  le  28  Septembre 
1 3  00  ,  &  leur  permit  d'enterrer  dans  leur  Eglife  &  dans  leur 
cimetière  tous  les  Fidèles  qui  y  demanderoient  leur  fépulture. 
Cette  Bulle  fe  conferve  encore  dans  les  archives  de  la  Com- 
munauté. 

Le  Duc  Jean  II ,  Comte  de  Richemont ,  mourut  à  Lyon  le 
18  Novembre  1305  ou  1306,  nouveau  llyle ,  pendant  la  céré- 
monie qui  fut  faite  à  l'occafion  du  couronnement  du  Pape  Clé- 
ment V.  Son  corps  fut  porté  à  Ploermel ,  où  on  lui  érigea ,  au 
milieu  du  chœur  de  l'EgUfe ,  un  riche  &  fomptueux  fépulcre 
de  marbre  noir ,  fur  la  table  duquel  eft  couchée  l'effigie  de 
ce  Prince  ,  en  albâtre.  Il  eft  repréfenté  armé  de  pied  en 
cap  ,  avec  une  cotte  de  maille  qui  lui  defcend  jufqu'aux 
genoux ,  &  fon  écu  armoriai ,  fufpendu  par  une  courroie  ou 
baudrier  attaché  fur  fa  cuifTe  gauche.  Ses  armes  font  d'azur  échi- 
queté  d'or  ,  à  la  bordure  de  gueules ,  à  un  quartier  de  Bretagne  : 
ce  font  les  armes  que  portoient  les  Ducs  depuis  Pierre  de  Dreux. 
A  l'entour  &  fur  le  bord  de  la  table  de  ce  tombeau  ,  on  lit  ^ 
en  grofles  lettres ,  l'épitaphe  fuivante  : 

Cy-glfi  Jean  ,  jadis  Duc  de  Bretagne  ,  qui  trépajja  à 
Lyon  fur  Rhône  ,  le  jeudi  dans  U octave  de  Saint-Martin 
d'hiver  ,  Van  ijo3,  (  Vieux  Jîile,  )  Priei^  Dieu  pour 
Vame  de  lui^ 

L'an  1309,1e  Duc  Artur  II,  fuccefTeur  de  Jean  II,  convoqua 
les  Etats  à  Ploermel.  Ce  fut  la  première  fois  que  le  Tiers-Etat 
fut  appelle  à  cette  aflemblée  nationale  ,  qui  d'abord  ne  fut  com- 
pofée  que  de  la  NoblefTe.  Les  Evêques  &  Abbés  y  furent  ap- 
pelles à  mefure  que  les  Evêchés  furent  érigés  &  les  Abbayes 
fondées.  Les  Ducs  ne  pouvoient  faire  aucune  levée  fur  leurs  fu- 
jets ,  fans  le  confentement  des  Etats  généraux  \  &  il  leur  falloit 
même  le  confentement  des  Seigneurs  particuliers  pour  mettre 
des  importions  fur  leurs  vafTaux.  Tous  les  impôts  qui  fe  levoienî 
en  Bretagne  étoient  regardés  comme  deniers  d'o6trois  ;  &  cha- 
que Duc  ,  à  fon  a\^énemcnt  à  la  Couronne  ,  juroit  de  maintenir  les 
Etats  dans  le  Duché. 

Dès  r«a  1309  j  le  nombre  des  Carmes  de  Ploermel  furpaiToit 

celui 


P  L  O  3^5 

celui  marqué  par  leur  fondateur  ;  de  forte  que  leurs,  revenus  ne 
fuffifoient  pas  pour  leur  entretien.  Heureufement ,  ils  trouvèrent 
des  bienfai6:eurs  qui  les  enrichirent.  Les  Seigneurs  de  Beaumont 
furent  les  premiers  qui  leur  firent  du  bien  après  le  Duc. 

Le  Duc  Artur  II  mourut  le  30  Avril  13 12  ;  fon  cœur  fut  dé- 
pofé  dans  le  tombeau  de  fon  père  ,  aux  Carmes  de   Ploermel. 

L'an  1332,  Jean  Parifi ,  Evêque  de  Vannes ,  augmenta  la  por- 
tion du  Vicaire  perpétuel  de  Ploermel ,  de  fix  tonneaux  de  fro- 
ment &  de  deux  tonneaux  de  feigle. 

Le  Duc  Jean  III  mourut  à  Caen,  le  30  Avril  13  41  5  fon  corps 
fut  porté  aux  Carmes  de  Ploermel,  où  Jean,  Comte  de  Mont- 
fort  ,  lui  lit  ériger  un  magnifique  tombeau  de  marbre  ,  artifte- 
ment  travaillé,  avec  fon  effigie  d'albâtre  qui  le  repréfente  avec 
des  cheveux  longs ,  la  tête  ceinte  d'une  couronne  enrichie  de 
pierreries ,  le  corps  armé  d'une  chemife  de  maille  habilement 
faite ,  &  qui  paroît  fous  fa  cotte  d'armes  femée  d'hermines , 
avec  fon  écu  armoriai  fufpendu  à  une  courroie ,  fon  épée ,  fon 
poignard  ,  &  un  bon  à  {qs  pieds.  Ce  tombeau  eil  admiré  des  con- 
noiîîeurs  j  on  lit  autour  l'épitaphe  fui  vante  : 

Cy-gifl  Jean  III  du  nom ,  Duc  de  Bretagne ,  Vicomte 
de  Limoges  ,  qui  trépajfa  à  Caen  ,  en  Normandie  ,  le  der- 
nier jour  d Avrd  Van  mil  trois  cent  quarante-un^  Prie'{^ 
Dieu  pour  lui,. 

Auprès  eft  le  tombeau  du  Duc  Jean  II ,  ayeut  de  Jean  IIL  Oa 
lit  fur  ces  deux  tombeaux  quelques  vers  en  llyle  du  temps. 

1°,  Pour  Jean  IL 

Partant ,  tu  vois  ici  les  tombeaux  magnifîq«es 
De  deux  6c  Souverains  Ducs  des  peuples  armoriques  ; 
Princes  ,  lorfqu'ils  vivoient ,  puilTants  &  valeureux  , 
Iffus  du  Sang  Royal  des  vieux  Comtes  de  Dreux. 
Le  premier  affilia  Saint  Louis ,  Roi  de  France , 
Aux  guerres  d'outre-mer  ,  contre  la  mécréance 
De  la  race  Ottomane,  64  fut  au  Mont-Carmel, 
D'oîi  les  Carmes  premiers  vindrent  à  Ploermel, 
Amenés  par  ce  bon  Se  dévot  Prince  , 
Defireux  d'établir  cet  Ordre  en  la  province  : 
Tome  IIL  C  3 


jS^  PLO 

Et ,  après  qu'il  les  eut  logés  commodément 
En  ce  Couvent ,  par  lui  bâti  fuperbement , 
Au  voyage  qu'il  fît  à  Lyon,  fur  le  Rhône, 
Oii  Clément  V  reçoit  la  Papale  Couronne , 
Là ,  par  un  grand  malheur ,  ce  bon  Duc  trépafla , 
Par  la  chute  d'un  mur  qui  tout  fon  corps  froifTa. 
Sa  dépouille  mortelle  eft  fous  ce  marbre  enclofe  : 
Plaife  à  Dieu  qu'à  jamais  fon  ame  au  Ciel  repofe. 

z°.  Pour  le  Duc  Jean  IIL 

L'autre,  de  qui  tu  vois  l'effigie  marberine  , 

Portant  un  écuffon  femé  de  maint   hermine, 

C'eft  Jean  tiers  de  ce  nom ,  &  fils  du  Duc  Artus  ; 

Et  qui  fage,  uniffant  les  royales  vertus 

Et  la  dévotion  de  fes  ayeul  &  père, 

Fut  plein  d'un  faint  amour  pour  ce  Monaftere  : 

En  retournant  de  Flandre  oii ,  contre  les  Anglois, 

L'avoit  mené  le  Roi  Philippe  de  Valois, 

Il  fe  veid  inverti  d'une  âpre  maladie  , 

Qui  le  fit  trépafTer  à  Caen ,  en  Normandie. 

Ici ,  près  fon  ayeul,  font  inhumés  fes  os  : 

Son  ame  vive  au  ciel  en  éternel  repos. 

On  voyoit  jadis  une  enceinte,  formée  par  un  treillis  de  fer 
arriftement  uni  &  étroitement  entrelacé ,  pour  garantir  &  con- 
ferver  ces  glorieufes  dépouilles. 

L'an  1346,  on  donna  le  Gouvernement  de  Ploermel  à  ce  Brem- 
bro ,  qui  ,  par  fes  violences  &  fes  cruautés ,  révolta  la  NoblefTe 
de  Bretagne.  Beaumanoir  Tappella  en  duel ,  &  cette  contellation 
caufa  la  bataille  des  Trente  ,  dans  laquelle  Brembro  fut  tué ,  le 
27  Mars  1 3  5 1 .  Ce  combat  fî  fameux  fe  donna  entre  Joiïelin  & 
Ploermel ,  dans  le  territoire  de  la  Croix-Helléan.  (  Voyez  la  Croix- 
Helléan.  )  En  ce  temps ,  l'image  de  Saint  Armel  étoit  fur  la  petite 
porte  de  ville  de  Ploermel. 

L'an  1386,  Jean  Barré,  homme  de  très-grande  réputation  & 
plein  de  mérite ,  étoit  Prieur  des  Carmes  de  Ploermel. 

L'an  141 2,  les  Adminiftrateurs  de  l'Hôpital  de  Ploermel  ne 
voulurent  pas  fouffrir  que  les  Chapelains  de  cet  Hôpital  levaffent 
les  dîmes  qui  lui  étoient  dues  fur  le  fief  de  Beaumont.  Les  Cha- 


I 


P  L  O  387 

pelains  alléguoient  pour  prétexte  qu'ils  avoient  joui  de  ce  pri- 
vilège du  vivant  des  Sieur  &  Dame  de  Beaumont.  Les  Carmes 
intervinrent  &  firent  celTer  la  difpute.  Ils  prouvèrent  que  la  por- 
tion de  dîmes  que  Guillaume  de  Beaumont  avoit  donnée  à  l'Hô- 
pital n'étoit  que  pour  un  temps  limité,  &  que  ce  temps  étant 
expiré ,  ni  les  Adminiflrateurs ,  ni  les  Chapelains ,  ne  pouvoient 
plus  rien  prétendre  :  ainfi  les  Carmes  demeurèrent  poneffeurs  de 
toutes  les  dîmes. 

Maifons  nobles  qui  exiltoient ,  en  1430,  dans  le  territoire  de 
Ploermel  :  la  Garoulaye ,  à  Jean  du  Guini  ;  MorfoualTe  ,  à  Jean 
Picaud  j  Saint -Malo  ,  à  Jean  de  Keradreux  ;  la  Rouë-Rouiïe,  à 
Guillaume  Perotin  ;  la  Motte  ,  le  Gourher  ,  le  Clos ,  le  Clos-Ha- 
vart ,  Malleville  ,  la  ViUe-Jarno  ,  Bouenac  ,  la  Ville-Bouquaye , 
la  Gaudinaye ,  Quehéon  ,  le  Bois-Hellio ,  &  la  Ville-Court. 

L'an  1 44 1  ,  Yolande ,  Comtefle  de  Montfort ,  fille  de  René  , 
Roi  de  Naples  &  de  Sicile  ,  &  d'Ilabeau  de  Lorraine  ^  fon  époufe  , 
voulant  participer  à  jamais  aux  prières  de  l'Ordre  des  Carmes ,  8c 
fur-tout  des  Religieux  de  Ploermel ,  fonda  une  MefTe  de  Requiem 
chantée ,  qui  doit  être  célébrée  à  perpétuité ,  entre  Prime  &  la 
Grand'Meffe  conventuelle  ,  au  grand  autel.  Les  Moines  font  tenus 
d'avertir  le  peuple  que  la  MefTe  va  commencer  ,  par  le  fon  de 
la  groffe  cloche  de  leur  EgBfe  qui  fonne  douze  gobets  ^  entre 
chacun  defquels  on  doit  mettre  un  intervalle  fufHfant ,  c'efl-à-dire  , 
environ  le  temps  néceffaire  pour  réciter  VAve ,  Maria  >  après 
quoi  on  doit  faire  la  fonnerie  en  grande  volée ,  &  célébrer  la 
MefTe. 

L'an  1 487 ,  le  Roi  Charles  VIII  afTiégea  Ploermel ,  qu'il  prit 
&  fit  piller  par  fes  foldats.  L'an  1488  ,  le  Duc  François  II  fit 
démolir  les  fortifications  de  Ploermel ,  pour  ne  pas  afFoiblir  le 
nombre  de  fes  troupes  par  des  garnifons  fuperflues  j  &  donna,  à 
perpétuité ,  aux  Carmes  le  droit  de  mouture  franche  au  moulin 
au  Duc,  par  a8:e  du  17  Avril  1488. 

L'an  1498  ,  le  Clergé  de  Bretagne  s'afTemble  à  Ploermel,  à  la 
requifition  du  Pape  qui  demande  de  l'argent  pour  faire  la  guerre 
aux  Turcs.  Les  Evéques  de  Rennes ,  de  Quimper ,  &  de  Saint- 
Brieuc ,  fe  trouvent  en  perfonne  à  cette  afTemblée  ;  les  autres 
EVêques  n'y  affilient  que  par  Députés.  Ceux  de  Nantes  &  de 
Vannes  ont  une  difpute  férieufe  pour  la  quantité  d'argent  qu'on 
devoit  envoyer  à  Rome.  On  convient  enfin  de  donner  vmgt-cinq 
mille  livres  au  Pontife  :  c'étoir  Alexandre  VI. 

Le  Roi  Henri  li  érigea  un  Siège  préfidial  à  Ploermel  en  1 5  5 1 , 


}88  P  L  O 

avec  les  mêmes  pouvoirs ,  gages ,  appointements ,  nombre  d'Offi- 
ciers ,  que  ceux  érigés  à  Nantes ,  Rennes ,  Vannes ,  &  Quimper. 
Ce   Préiidial  fut  fupprimé  en   1552,  &  uni  à  celui  de  Vannes. 

Par  lettres-patentes  du  mois  de  Février  1555,  le  Roi  tranfporta 
de  Vannes  à  Pioermel  le  Siège  principal  du  Grand-Maître  des 
Eaux  &  Forêts.  Ces  difpofîtions  ont  été  changées  depuis  :  le  Grand- 
Maître  demeure  aujourd'hui  à  Hennebon. 

L'an  1564,  le  Roi  Charles  IX,  visitant  fes  Etats,  vint  en  Bre- 
tagne avec  Catherine  de  Médicis ,  fa  mère  ,  &  Marguerite  de 
France,  fa  fœur  ,  depuis  Reine  de  Navarre,  &  époufe  du  Roi 
Henri  le  Grand  :  le  Monarque  logea  au  Couvent  des  Carmes 
auxquels  il  fit  un  préfent  confidérable  ,  mais  nous  ignorons  ce 
que   c'efl:. 

Le  1 5  0<5lobre  1580,  les  Etats  afTemblés  à  Pioermel  réformè- 
rent la  Coutume  de  Bretagne  ;  c'eft  celle  qu'on  fuit  aujourd'hui. 
L'an  1587,  les  Etats  extraordmaires  s'aflemblent  à  Pioermel. 

Le  Monaflere  des  Carmes ,  qui  faifoit  tout  l'ornement  &  la 
gloire  de  Pioermel ,  fut  détruit  pendant  les  guerres  de  la  ligue. 
La  ville ,  qui  étoit  foible  de  murailles  &  incapable  de  réfiftance , 
fe  maintint  au  fervice  du  Roi ,  du  mieux  qu'elle  put ,  fans  le 
fecours  d'aucunes  troupes ,  jufqu'à  ce  que  le  Sieur  de  Trévégar 
y  entra ,  avec  quelques  foldats ,  pour  la  conferver  plus  fûrement 
au  Roi.  Le  lendemain  de  l'arrivée  de  ce  Capitaine ,  Saint-Lau- 
rent &  la  Chenaye-Vaubonnet ,  partifans  du  Duc  de  Mercœur , 
fe  préfenterent  avec  cinq  ou  fix  cents  hommes  de  guerre  devant 
les  portes  de  cette  ville  -,  la  garnifon  étoit  trop  foible  pour  ré- 
fifter  ,  &:  demanda  fur  le  champ  à  capituler.  L'ennemi  entra  dans 
la  ville ,  fe  faifit  des  effets  les  plus  précieux  des  habitants ,  &  en 
fortit  chargé  de  butin.  Saint -Laurent  fe  rendit  à  Joffelin  qu'il 
traita  comme  Pioermel.  Quelque  temps  après ,  le  Baron  du  Pont, 
premier  Meltre-de-Camp  de  l'armée  du  Roi  en  Bretagne  ,  entra  en 
cette  ville  ,  &  y  irùt  une  garnifon  fous  le  commandement  du  Capi- 
taine la  Fontaine ,  qui  avoit  pour  Lieutenant  François  James ,  Sieur 
de  Ville-Caure  ou  Ville-Carre.  La  Fontaine  mourut ,  &  Ville-Caure 
lui  fuccéda ,  fous  l'autorité  du  Baron  du  Pont.  Mais  ce  dernier 
ayant  été  bleffé  d'un  coup  d'arquebufe ,  au  camp  devant  kn- 
cenis ,  fe  lit  tranfporter  à  Rennes,  où  il  mourut  le  17  Mars  1590. 
Après  la  mort  de  ce  Baron  ,  le  Gouvernement  de  Pioermel  fut 
donné  ,  par  le  Roi ,  à  N....  de  Guemadeuc  ,  fous  l'autorité  du- 
quel le  Sieur  de  Ville-Caure  continua  d'exercer  la  charge  de  Capi- 
taine ,  ayant  pour  Lieutenant  le  Sieur  de  Cahideuc.  ViUe-Caure , 


PLO  389 

quî  avolt  juré  la  ruine  du  Couvent  des  Carmes ,  chercha  les 
moyens  de  fatisfaire  fa  pafTion  j  il  fit  approuver  fes  coupables 
defîeins  à  Cahideuc  ,  qui  s'en  rendit  l'exécuteur ,  &  à  Pierre  Ro- 
ger ,  Sieur  de  la  Peroufe  ,  Calvinifte ,  &  Seigneur  du  Crévei 
par  fon  mariage  avec  Robert  de  Quelenneuc  ,  fille  de  Guillaume 
de  Quelenneuc ,  Sieur  de  la  Ville-Jubault ,  qui  avoit  acheté  la 
Terre  du  Crévei.  Ce  Roger  defiroit  plus  que  perfonne  la  ruine 
de  ce  Couvent ,  d'autant  plus  que  fon  intérêt  l'engageoit  à  dé- 
truire cette  maifon  :  il  étoit  obligé  de  payer,  par  chaque  année, 
quarante  mines  de  bled  de  rente ,  qui  avoient  été  léguées  aux 
Religieux,  en  1337,  par  Jean  de  Derval ,  Seigneur  du  Crévei. 
Ces  trois  Officiers,  abufant  de  l'autorité  qu'ils  avoient  à  Ploermel, 
firent  mettre  le  feu  à  un  des  dortoirs  de  ce  Monaflere  ,  fitué  du 
côté  de  la  ville.  Ils  efpéroient  que,  dans  le  tumulte  occafîonné 
par  l'incendie  ,  il  leur  feroit  facile  d'enlever  les  titres  des  Moines, 
fi  toutefois  ils  pouvoient  échapper  aux  flammes.  Cette  première 
entreprife  ne  réuffit  pas  :  les  habitants ,  qui  apperçurent  le  feu  au 
bout  du  dortoir  ,  accoururent  promptement  au  fecours  ,  &  éteigni- 
rent l'incendie.  Le  mauvais  fuccès  de  cette  entreprife  ne  les  rebuta 
point  :  quelques  jours  après  ils  envoyèrent  une  partie  de  la  gar- 
nifon  ,  compofée  d'Anglais  &  de  Calvinilles  ,  mettre  ,  pour  la 
féconde  fois,  le  feu.  à  ce  dortoir,  &  achever  ^e  confumer  ce 
qui  étoit  reflé  de  la  première  incendie.  Les  foldats  exécutèrent 
les  ordres  de  leur  Général ,  &  déjà  le  feu  menaçoit  l'Eghfe  & 
le  corps  du  logis  de  la  grande  fa  lie  ,  lorfque  le  peuple  vint  au 
fecours ,  &  fauva  ces  deux  édifices.  Ce  fut  alors  que  Cahideuc 
montra  tout  fon  acharnement  contre  les  Carmes.  Un  des  foldats 
de  fa  garnifon  qui  étoit  Catholique  ,  &  qui ,  en  cette  quaHté , 
ne  vouloit  pas  fe  prêter  à  allumer  l'incendie ,  fut  tué  fur  le 
champ  par  ce  cruel  Capitaine.  Quelques  perfonnes  d'autorité ,  qui 
fe  trouvoient  pour  lors  à  Ploermel ,  empêchèrent  pourtant  qu^on 
ne  détruifît  totalement  le  Couvent.  Mais  comme  ce  n'étoit  pour 
ainfî  dire  que  des  Calviniftes ,  la  haine  qu'ils  avoient  pour  les 
Eghfes,  les  Prêtres,  &  les  ReHgieux  ,  les  porta  à  avancer  leur 
perte ,  dans  l'efpérance  de  profiter  de  leurs  dépouilles.  Ils  ne 
voulurent  pourtant  pas  agir  ouvertement ,  ils  fe  contentèrent  de 
pourfuivre  l'exécution  de  leurs  mauvais  deffeins  par  des  voies 
fecretes.  Ces  moyens,  qui  faifoient  tramer  l'affaire  en  longueur, 
furent  encore  abandonnés.  Ils  eurent  recours  à  l'autorité  légitime , 
&  cachèrent  leurs  noirs  projets  ,  fous  le  prétexte  fpécieux  du 
bien  public.  Ils  préfenterent  au  Prince  de  Dombes  une  requêta, 


390  PLO 

dans  laquelle  ils  s'efforçoient  de  prouver  que,  pour  mettre  la 
ville  de  Ploermel  en  état  de  réfill:er  au  Seigneur  de....  ,  qui  avoit 
formé  le  defTein  de  la  foumettre  au  Duc  de  Mercœur ,  il  étoit 
nécefîaire  de  la  faire  fortifier ,  &  fur-tout  de  faire  démolir  le  Couvent 
des  Carmes ,  qui ,  fe  trouvant  près  des  murs  &  hors  de  la  ville , 
étoit  très-mal  litué  pour  la  confervation  de  la  place.  Les  Reli- 
gieux ,  informés  de  ce  qui  fe  paflbit ,  réfolurent  de  prévenir ,  s*il 
étoit  pofTible  ,  l'orage  qui  les  menaçoit.  Ils  députèrent  au  Prince , 
Julien  Pléard ,  leur  Prieur ,  qui  lui  repréfenta  qu'il  étoit  faux  que 
le  Couvent ,  dans  la  pofition  où  il  étoit ,  pût  porter  préjudice 
à  la  ville ,  puifque  le  pignon  de  leur  Eglife  ,  qui  étoit  l'endroit 
le  plus  élevé  du  Monallere  ,  étoit  encore  trop  bas  pour  nuire 
en  aucune  façon  -,  qu'il  dominoit  feulement  la  balTe-ville  qui  avoit 
été  bâtie  depuis  peu  ,  mais  que  cette  raifon  ne  pouvoit  engager 
à  le  détruire  ,  puifque  le  Prince  de  Dombes  avoit  donné  lui- 
même  des  ordres  pour  la  démolition  de  cette  nouvelle  ville  ,  qui 
étoit  fituée  hors  des  murs  de  Ploermel ,  &  dont  la  poiition  étoit 
favorable  aux  ennemis  pour  s'emparer  de  la  ville  fortifiée. 
Comme  les  requêtes  du  Sieur  de  Guemadeuc  &  des  Religieux  fe 
contredifoient ,  le  Prince  ordonna  que  les  Juges  de  Ploermel  & 
leurs  Officiers  aviferoient  avec  les  Capitaines  à  ce  qu'il  y  auroit 
à  faire  pour  la  défenfe  de  la  ville  ,  &  que ,  s'il  étoit  expédient 
de  démolir  le  Couvent ,  on  dreffât  procès-verbal  de  fon  état  ac- 
tuel ,  pour  que  le  Roi  pût  le  faire  rebâtir  à  fes  frais  à  la  fin  de 
la  guerre  -,  &  donna  des  ordres  pour  conferver  .&  mettre  en  lieu 
de  fureté  les  matériaux  &  merrains  qui  en  fortiroient.  Cette  Or- 
donnance fut  rendue  à  Rennes  ,  le  24  Janvier  ,  fignée  BraJJeu 
Cette  requête  entérinée  &  l'Ordonnance  du  Prince  de  Dombes^ 
étoient  trop  favorables  aux  deffeins  des  Capitaines ,  pour  que  les 
Carmes  pufTent  efpérer  de  conferver  leur  Communauté.  En  con- 
féquence ,  ils  n'attendirent  pas  que  leurs  ennemis  envoyaffent  des 
ouvriers  pour  travailler  à.  la  démolition,  Auffi-tôt  que  leur  Prieur 
fut  revenu  de  Rennes ,  ils  firent  defcendre  la  grande  vitre  du 
grand  autel  qui  étoit  fituée  à  l'Orient ,  ck  firent  mettre  les  pan- 
neaux dans  Lur  Chapitre  ,  &  ôter  &  abattre  ce  qui  paroifToit 
plus  préjudiciable  à  la  ville  :  mais  comme  les  Juges  Se  le  Pro- 
cureur du  Roi  de  Ploermel  s'étoient  retii-és  à  Rennes ,  le  procès- 
verbal  ne  fut  point  drefTé  dans  le  temps  ordonné  par  le  Prince 
de  Dombes  ;  il  fut  fait  à  la  hâte,  au  mois  de  Juin  1592. ,  parce 
que  les  Capitaines  prefibient  la  démolition  générale  de  l'Eglife 
&  du  Couvent ,  dans  la  crainte  que  le  Duc  de  Mercœur ,  qui 


PLO  391 

venoît  de  faire  lever  le  fiege  de  Craon  en  Anjou,  &  de  battre 
l'armée  des  Princes  de  Dombes  &  de  Conti ,  au  mois  de  Mai 
dernier,  vînt  attaquer  Ploermel.  En  conféquence ,  le  Gouverneur 
envoya  pour  faire  la  démolition  de  l'Eglile ,  (  le  Couvent  avoit 
été  détruit  ci-devant,)  trois  cents  Anglais ,  qui  ôterent  la  char- 
pente de  l'Eglife ,  &  en  abattirent  enfuite  le  pignon  &  les  autres 
murs,  de  manière  qu'en  peu  de  jours  tout  fut  démoli  :  les  autels, 
qui  étoient  au  nombre  de  dix-fept ,  furent  détruits  &  mis  au 
pillage  par  ces  étrangers,  qui,  non  contents  d'avoir  démoli  l'E- 
glife ,  calTerent  &  briferent  les  vitrages ,  tant  des  deux  pignons 
que  des  Chapelles  particulières ,  &  les  tuyaux  de  l'orgue  ,  pour 
en  tirer  le  plomb  qu'ils  employèrent  à  faire  des  balles  pour  leurs 
moufquets  ;  ils  entrèrent  même ,  pendant  la  nuit ,  dans  l'endroit 
où  avoit  été  mife  la  charpente  ,  tant  de  l'Eglife  que  du  bâtiment, 
Se  y  mirent  le  feu ,  de  forte  que  tout  fut  réduit  en  cendres.  Heu- 
reufement  que  les  images  des  Saints  &  les  chaires  du  chœur 
avoient  été  tranfportées  à  Saint-Armel ,  avec  les  ornements  &  les 
vafes  facrés.  Le  dommage  le  plus  coniidérable  fut  la  ruine  de 
deux  riches  tombeaux  en  marbre ,  des  Ducs  Jean  II  Se  Jean  III ,  qui 
furent  ruinés  par  les  Anglais ,  qui ,  en  defcendant  la  charpente 
de  l'Eghfe  ,  prenoient  plaifir  à  jetter  deifus  les  plus  grofles  pièces 
de  bois ,  &  les  plus  grolTes  pierres  lors  de  la  démolition  des 
murs  :  on  en  tranfporta  les  morceaux  dans  l'Eghfe  du  Prieuré  de 
Saint-Nicolas  ,  Ordre  de  Saint-Benoît ,  fitué  hors  de  la  ville.  Le 
Gouverneur  Se  les  autres  Officiers  des  troupes  firent  couper ,  par 
leurs  foldats  ,  tous  les  arbres  fruitiers  des  jardins  Se  vergers  des  . 
Pères  Carmes ,  pour  en  faire  du  bois  de  chauffage  pour  l'hiver» 

Le  8  Février  1592,  la  garnifon  de  Ploermel,  renforcée  de 
plufieurs  habitants ,  fit  une  f ortie  ,  &  attaqua  un  Corps  de  troupes 
Efpagnoles  ,  qu'elle  battit ,  Se  auquel  elle  enleva  un  grand  nombre 
de  prifonniers  Se  un  butin  confidérable.  Le  Duc  de  Mercœur  fe 
relTentit  beaucoup  de  cette  perte. 

Sur  la  fupplique  des  Carmes ,  la  Communauté  de  ville  s'aflem- 
bla ,  le  Dimanche  18  Octobre  1592  ,  Se  léfolut  de  préfenter  une 
requête  au  Roi ,  pour  le  fupplier  d'affigncr  un  logement  commode 
à  ces  Religieux.  Sur  cette  réponfe ,  le  Prieur  fe  rendit  à  Rennes,  . 
Se  préfenta  une  requête  au  Prince  de  Dombes,  qui  avoit  pris 
le  nom  de  Duc  de  Montpenfier  depuis  la  mort  de  fon  père.  Ce 
Prince  expédia  la  requête  ,  Se  ordonna  aux  habitants  Se  Capi- 
taines de  Ploermel  de  préparer  un  logement  aux  Moines  dans 
les  Prieurés  de  Saint-Nicolas  ou  de  Taulpon.  Le  Prieur,  à  fon 


391  P  L  O 

retour  ,  fignifie  cette  Ordonnance  aux  Capitaines  &  à  la  Com- 
munauté de  ville.  Il  fut  décidé  de  leur  donner  celui  de  Saint- 
Nicolas,  parce  qu'il  ne  parut  pas  décent  de  les  envoyer  à  celui 
de  Taulpon ,  qui  étoit  hors  des  murs  de  la  ville.  En  conféquence, 
les  Capitaines  des  troupes  &  les  habitants  les  conduiiirent  &  les 
accompagnèrent  jufqu'au  Prieuré  de  Saint-Nicolas ,  où  ils  entrè- 
rent le  2  2  Novembre  ,  environ  cinq  mois  après  la  démolition 
de  leur  Monaflere.  Les  corps  des  Ducs  Jean  II  &  Jean  III  étoient 
reftés  dans  leurs  tombeaux ,  quoiqu'ils  eufTent  été  brifés  &  dé- 
truits ,  comme  on  l'a  rapporté  ci-deffus.  Les  Carmes ,  qui  avoient 
eu  avis  que  quelques  ibldats  avoient  commencé  à  creufer  pour 
parvenir  à  ouvrir  leurs  chafï'es ,  dans  lefqueiles  ils  s'imaginoient 
trouver  quelques  joyaux  d'un  grand  prix,  préfenterent  une  re- 
quête aux  Juges  de  la  ville,  pour  les  fuppiier  de  s'oppofer  à 
l'infolence  des  foldats ,  &  obtenir  la  permiiiion  de  faire  tirer  les 
corps  de  ces  deux  Princes  hors  du  lieu  où  ils  repofoient  ,  &  de 
les  tranfporter  folemnellement  &  procefîionnellement  au  Prieuré 
de  Saint-Nicolas  :  ce  qui  leur  fut  accordé.  Ce  tranfport  lé  fit  le 
2  1  Juin  1593  avec  beaucoup  de  folemnité. 

Le  Duc  de  Mercœur ,  qui  vouloir ,  à  quelque  prix  que  ce 
fût  5.  s'emparer  de  Ploermel ,  donna  ordre  à  quelques-uns  de  (es 
Capitaines  de  s'y  rendre  le  jour  du  Vendredi-Saint ,  &  de  tâcher 
de  la  furprendre  pendant  l'Office.  Il  en  feroit  venu  à  bout,  fi 
Jean  Perret ,  qui  s'étoit  par  hazard  abfenté  du  Sermon  pour  des 
affaires  particulières,  n'eût  apperçu  par  fa  fenêtre,  qui  donnoit 
fur  le  jeu  de  paume  ,  fix  hommes  habillés  en  payfans ,  qui  s'avan- 
çoient  fur  le  pont  6c  qui  attaquoient  les  foldats  de  la  garde. 
Cette  fcene  fixa  heureufement  Ion  attention  :  il  regarda  &c  ap- 
perçut  plufieurs  autres  perfonnes  cachées  dans  le  jeu  de  paume 
&  fous  le  pont.  Il  cria  aufîi-tôt  aux  armes,  defcendit  prompte- 
ment  de  fa  chambre  ,  &  fe  pofia  auprès  de  fa  maifon  ,  qui  joignoit 
la  porte  de  ville ,  pour  s'oppofer  à  l'ennemi,  Pierre  d'Efquier , 
&  Pierre  Perret,  Sieur  des  Crolais,  Sénéchal  de  Ploermel,  fe 
îTÛrent  promptement  à  la  tête  du  peuple  ,  &  repoufferent  ,  à 
l'aide  de  la  garnifon  ,  l'ennemi ,  qui  perdit,  en  cette  occafion , 
environ  deux  cents  cinquante  hommes,  tués ,  bleffés  ou  prifonniers.. 
En  mémoire  de  cette  vi61oire,  on  fit ,  dès  le  jour,  une  proceffion  ,, 
qui  depiiiS  ce  temps  a  toujouis  été  faite.  Ce  fait  efi:  prouvé 
par  la  lettre  du  Capitaine  Villc-Caure  au  Maréchal  d'Aumont ,, 
datée  de  Ploermel,  le    21  Avril,  jour  du  Vendredi-Saint  ,  de 


PLO  395 

Le  8  Juillet  1600,  le  Provincial  des  Carmes,  étant  arrivé  à 
Ploermel ,  pour  y  faire  la  vifite  du  Couvent  de  Ton  Ordre,  con- 
féra ,  pendant  fon  féjour  dans  cette  ville  ,  avec  les  habitants 
pour  la  reconftruftion  du  Monaftere.  Il  trouva  tout  le  monde 
difpofé  à  y  contribuer  ;  mais  on  étoit  en  doute  du  lieu  où  on 
devoit  le  bâtir.  Après  bien  des  difcuffions  ,  il  fut  arrêté  qu'on  le 
placeroit  dans  le  même  endroit  ,  &  fur  les  anciens  fondements 
du  premier ,  qui  étoient  reftés  dans  leur  entier.  Il  ne  reftoit  plus 
qu'à  chercher  de  l'argent  pour  une  entreprife  auffi  confidérable. 
La  Providence  y  pourvut.  Les  Etats,  affemblés  à  Rennes  au 
mois  de  Décembre  1597,  av oient  taxé  les  Eccléfiaftiques  ,  les 
Gentilshommes,  Officiers  de  Juftice  ,  Bourgeois,  &  Habitants  de 
Ploermel ,  à  la  fomme  de  quatre  mille  écus ,  pour  leur  part  de 
celle  de  deux  cents  mille  écus  ,  qui  devoit  être  levée  dans  la 
province  pour  fournir  aux  dépenfes  que  le  Roi  feroit  avec  Ton  ar- 
mée en  Bretagne.  Comme  le  Roi  ne  fit  pas  un  long  féjour  dans 
cette  province  ,  cette  fomme  de  quatre  mille  écus  ne  fut  pas  em- 
ployée ;  de  forte  que  les  habitants  de  Ploermel  prirent  la  réfo- 
lution  de  ne  point  la  rendre  aux  particuliers  ,  &  de  la  faire 
fervir  à  la  conllruftion  du  Couvent.  Le  1 5  Janvier  1601  ,  le  Pro- 
vincial de  l'Ordre  des  Carmes  paiîa  ra6te  de  ce  confentement 
avec  les  habitants  dé  Ploermel  ;  mais  comme  la  plupart  des 
Gentilshommes ,  qui  avoient  contribué  à  cette  répartition ,  ne  fe 
trouvèrent  point  pour  lors  à  la  ville ,  le  Corps  de  ville  fut  chargé 
de  leur  faire  agréer  la  deftination  de  cette  fomme  :  ce  qu'ils 
firent  généreufement.  Il  fut  encore  décidé  que  les  perfonnes  qui 
avoient  droit  d'enfeu  8c  de  Chapelle  dans  l'Eglife  de  ce  Cou- 
vent ,  feroient  appellées  pour  fe  voir  condamner  à  les  faire  re- 
bâtir ,  à  leurs  frais ,  comme  elles  étoient  auparavant  ;  faute  de 
quoi ,  elles  perdroient  leurs  droits  &  privilèges ,  &  qu'il  feroit 
permis  aux  Carmes  de  les  donner  Se  tranfporter  à  d'autres  qui 
voudroient  les  faire  rebâtir.  Les  Etats  de  la  province  avoient  accordé 
deux  cents  écus  pour  contribuer  aux  frais  de  cet  édifice.  La  No- 
blefTe  du  pays  &  les  habitants  de  la  ville  ne  donnèrent  la  fomme 
ci-defTus  aux  Carmes,  qu'à  condition  qu'ils  diroient  tous  les  ans, 
au  2 1  Avril ,  une  Mefîe  pour  la  profpérité  des  bienfaiteurs  &  la 
confervation  de  la  ville  :  ce  qui  s'exécute  fidèlement.  Lorfque 
ce  nouveau  Monaflere  fut  achevé ,  les  Religieux  quittèrent ,  en 
1620,  le  Prieuré  de  Saint-Nicolas ,  &  allèrent  prendre  pofTeffion  de 
leurMaifon  ,  où  ils  firent  tranfporter  leurs  meubles.  Ils  exhumèrent , 
pour  la  féconde  fois,  les  corps  &  ofTements  des  Ducs  Jean  II, 
Tome  IIL  D  3 


594  PLO 

Jean  III ,  Sc  autres,  Se  les  placèrent  dans  le  chœur  de  leur- 
Eglife,  dont  la  dédicace  fe  fit,  le  24  Avril  1622,  par  l'Evêque 
de  Saint-Malo. 

En  1646,  les  tombeaux  des  Ducs  Jean  II  &  Jean  III  furent 
tranfportés  au  haut  du  grand  autel ,  du  côté  de  l'Evangile ,  où 
on  voit  un  éculTon  aux  armes  de  Bretagne. 

Mathurine  Berthelot ,  Religieufe  du  Tiers-Ordre  des  Carmes , 
née  à  Ploermel  d'une  honnête  famille,  mourut,  en  odeur  de 
fainteté  ,  le  6  Décembre  1 669  ,  âgée  de  trente-trois  ans ,  &  fut 
inhumée  devant  l'autel  de  Notre-Dame ,  dans  l'Egliie  des  Carmes 
du  Bon-Don ,  près  Vannes. 

1676.  Les  UrfuHnes  de  Ploermel  font  enfermer  leur  enclos  de 
murs.   Dans  cet   enclos  fe  trouvoit  une  maifon  qui  appartenoit 
à  Jean  le  Petit ,  qui  l'avoit  donnée  à  ces  Religieufes  à  leur  ar- 
,  rivée  à  Ploermel. 

Au  commencement  du  mois  de  Décembre  1690,  le  Roi  d'An- 
gleterre ,  Jacques  II ,  partit  de  Saint-Germain  pour  venir  en  Bre- 
tagne faire  la  revue  de  fes  troupes  nouvellement  venues  d'Irlande. 
Ce  Prince  arriva  à  Ploermel  la  veille  de  Noël ,  vers  les  fix  heures 
&  demie  du  foir.  N...  du  Chênevert  ,  Maire  de  Ploermel ,  pria 
les  Carmes  de  le  loger  :  mais  ces  Religieux ,  craignant  l'embarras, 
refuferent  de  recevoir  ce  Monarque  chez  eux  -,  de  forte  que  François 
Perret ,  Sieur  de  Lezonnet,  Sénéchal  de  la  ville  ,  fut  obligé  de  le  lo- 
ger vers  le  minuit.  Il  étoit  accompagné  du  Duc  de  Berwick  ,  fon  fils 
naturel  j  du  Seigneur  de  Molac,  Gouverneur  de  Nantes;  du  Ca- 
pitaine de  fes  Gardes  ,  &  d'un  Jéfuite  ,  fon  ConfelTcur,  qui 
allèrent  entendre  la  MefTe  de  minuit  chez  les  Pères  Carmes.  Le 
lendemain  de  Noël  ,  Jacques  partit  pour  Saint-Brieuc  ,  Saint- 
Malo  ,  &  Dinan ,  où  le  refle  de  fes  troupes  avoir  pris  des  quar- 
tiers d'hiver. 

Le  23  Mai  1693  ,  la  NoblefTe  du  Perche  arriva  à  Ploermel 
pour  y  féjourner.  Celle  d'Anjou ,  de  la  Touraine  ,  &  du  Maine , 
fut  envoyée  à  Vannes  ,  Saint-Brieuc ,  &  autres  villes ,  pour  la 
garde  des  côtes  de  Bretagne ,  où  l'ennemi  menaçoit  de  faire 
une  defcente. 

Le  Siège  royal  de  Ploermel ,  haute-Jufllce ,  à  M.  le  Duc  de 
Penthievre;  Bois-Helio,  haute-Juflice ,  aux  Carmes  de  JofTelin; 
laGaudinaye,  haute- Juftice ,  à  M.  de  Coëtlogon  ;  Gourher^  & 
annexes,  haute-Jullice ,  à  M.  de  Bavalan  ;  le  Crevi  ,  haute- 
Juftice ,  à  M.  de  Brilhac  -,  Lezonnet  ,  Jurifdi6hon  qui  appartient 
à  M.  le  Préfident   de  Cornullier ,  &   s'exerce  dans  la   folie  du 


PLO  395 

Palais  à  Ploermel  ;  la  Jurifcliftion  de  Malleville ,  à  M.  de  Carcado  ; 
Morgand,  à  M  de  Lambily;  Quchéon ,  à  M.  Picaud  de  Que- 
héon  :  Saint-Jean  de  Villenart  efl  une  Commanderie  de  l'Ordre 
de  Malte. 

PLOESIDI;  à  8  lieues  au  Sud-Sud-Eft  de  Tréguier,  fon  Evê- 
ché  ;  à  25  lieues  de  Rennes  j  &  à  2  lieues  trois  quarts  de 
Guingamp ,  fa  Subdélégation.  Cette  ParoiiTe  reiïortit  à  Lannion, 
&  compte  3300  communiants  ,  y  compris  ceux  de  Saint-Fiacre, 
Saint- Pever  ,  &  Senvenlehart  ,  fes  trêves.  M.  le  Duc  de 
Lorges  eft  Seigneur  du  lieu ,  où  il  poflede  les  trois  hautesJuflices 
de  SuUé  ,  de  Ker-omen  ,  &  de  Ker-liviou ,  qui  refîbrtifient  à 
Guingamp  :  la  Cure  efl:  à  l'alternative.  Ce  territoire  ,  arrofé 
des  eaux  de  la  rivière  de  Trieux  &  de  plufîeurs  petits  ruiiTeaux , 
renferme  des  pâturages  abondants  ,  des  terres  en  labeur ,  Se 
beaucoup  de  landes.  11  fe  tient  deux  foires  par  an  dans  l'endroit. 
Le  château  d'Avaugour ,  une  des  premières  Baronnies  de  Bre- 
tagne,  fitué  dans  cette  ParoiiTe,  dépendoit  en  1034  du  Comté 
de  Guingamp.  Il  fut  porté  dans  la  maifon  de  Penthievre  par  le 
mariage  de  Havoife  ,  fille  &  héritière  du  Comte  de  Guingamp  ^ 
avec  Etienne  de  Bretagne ,  fécond  fils  du  Comte  Eudon ,  frère 
du  Duc  Alain  Fergent.  Etienne  ,  après  la  mort  de  GeofFroi , 
fon  frère  aîné ,  s'intitula  Comte  de  Penthievre.  Comme  la  ParoiiTe 
de  Ploëfidi  étoit  environnée  de  forêts,  fes  defcendants  bâtirent, 
à  l'extrémité  de  ce  territoire ,  le  château  d'Avaugour  ,  pour  leur 
fervir  de  retraite  lorfqu'ils  iroient  prendre  le  divertiiTement  de  la 
chaiTe.  La  Baronnie  d'Avaugour  fut  confifquée  &  le  château 
démoU,  en  1420,  par  ordre  du  Duc  Jean  V,  Le  24  Septembre 
1480,  le  Duc  François  II  fit  revivre  les  titres  de  cette  Baronnie, 
la  rétablit  dans  tous  fes  droits ,  &  la  donna ,  avec  toutes  fes  dé- 
pendances ,  pour  apanage  ,v  à  François  de  Bretagne ,  fon  fils  na- 
turel ;  mais  le  château  ne  fut  pas  reconilruit ,  on  n'en  voit  plus 
que  les  veiliges. 

PLOEUC  i  à  3  lieues  &  demie  au  Sud  de  Saint-Brieuc  ,  fon 
Evêché  j  à  1 9  lieues  de  Rennes ,  fon  reiTort  ;  &  à  3  lieues  de 
Moncontour,  fa  Subdélégation.  On  y  compte  6000  communiants, 
y  compris  ceux  de  Gauiîbn ,  fa  trêve  :  la  Cure  eil  à  l'alternative. 
Il  y  a  dans  le  bourg  une  Chapelle  dédiée  à  Sainte  Marguerite , 
laquelle   a  été  bâtie  des  ruines  de  la  maifon  du  Pont-à-lAne. 

Ploeuc  eft  une  ancienne  Bannière  qui  appartient  aux  Seigneurs 


39^  P  L  O 

de  la  Rivière.  La  famille  de  ce  nom ,  une  des  plus  illuftres  de 
Bretagne  ,  tire  fon  origine  de  Graflon-Mur  &  de  Budic-Mur , 
Comtes  de  Cornouailles.  Elle  a  pris  des  alliances  dans  les  maifons 
de  Rohan  ,  de  Dinan ,  de  Tornemine  ,  de  Goyon-Matignon ,  de 
Beaumanoir ,  de  Roftrenen  ,  de  Kergorlai ,  &c.  &  a  toujours 
foutenu  l'éclat  de  fon  nom  par  les  places  diftinguées  qu'elle  a 
occupées.  La  maifon  de  la  Riviere-Ploeuc  commença  en  la  per- 
fonne  de  Pierre  du  Plefîîs  de  Ploeuc ,  fils  de  Pierre ,  Sieur  de 
Saint-Quiouail  &  de  Julienne  de  Vaucouleurs.  Il  époufa  Mar- 
guerite Bouexel ,  fille  de  Jean  &  de  Marguerite  de  Caftello  des 
Granges ,  maifon  illuftre  en  Piémont ,  d'où  font  fortis  les  Mar- 
quis de  Carheil  &  les  Comtes  de  SaufFrai.  Jean,  fon  fils,  Com- 
mandant de  cent  Arquebufiers  à  cheval ,  fut  père  de  Mathurin , 
Capitaine  de  cinquante  Chevaux -Légers  &  de  cent  hommes 
d'Infanterie.  Son  fils ,  Olivier ,  eut ,  de  fon  mariage  ,  Yves-Oli- 
vier de  la  Rivière ,  Seigneur  du  Pleffis ,  Chevalier  de  l'Ordre 
du  Roi ,  Gentilhomme  de  fa  Chambre  ,  Gouverneur  de  Saint- 
Brieuc  ,  qui  fut  bleffé  au  fiege  de  Montauban  en  Qucrci.  C'eft 
en  fa  faveur  que  la  Seigneurie  de  Ploeuc  fut  érigée  en  Comté, 
par  lettres-patentes  du  14  Avril  1696,  &  par  autres  de  furan- 
nation ,  du  11  Juin   1699.   Ces  lettres  portent  que  «  ladite  Ban- 

>  nierede  Ploeuc  ell  érigée  en  Com.té  ,  en  confidération  de  l'iUuftre 

>  maifon  &  de   l'ancienne  noblefTe  des  Seigneurs  de  la  Rivière, 

>  iifus   des  Comtes  de   Cornouailles,  Juveigneurs   des  Sieurs  de 

>  Rohan ,  &c.  &  en  confidération  des  fervices  qu'ils  ont  rendus, 

>  comme  l'hifioire  le  rapporte   notamment  ceux  de  Thibaud   de 

>  la  Rivière  ,  fameux  Capitaine.  »  Yves-Olivier  époufa  Vincente , 
fille  unique  d'Ohvier  de  Kermartin ,  Capitaine  général  des  Gar- 
de-côtes de  Bretagne ,  Colonel  d'Infanterie  ,  Gouverneur  de 
Tréguier  ,  &'  Capitaine  des  ifle  &  château  de  Brehat,  de 
laquelle  il  eut  Charles-Yves-Jacques ,  Comte  de  Ploeuc  ,  Page 
du  Roi ,  Aide  de  camp  du  Maréchal  de  Boufilers ,  Enfeigne 
des  Gendarmes  Anglais  ,  Gouverneur  de  Saint-Brieuc  &  de  la 
tour  de  Ceflbn.  Il  fut  élu  par  la  Noblefie  pour  préfider  aux 
Etats  affcmblés  à  Saint-Brieuc  en  1709  ,  Se  eut  l'agrément  du 
Roi  &  du  Dauphin  ,  qui  fignerent  fon  contrat  de  mariage , 
pour  époufer  Marie-Françoife-Célefte  de  Voyer  de  Paulmi,  fille 
unique  de  Jean-Armand ,  tué  à  la  bataille  de  Senef-Fontaine ,  en 
Champagne  ,  l'an  1674.  Jacquemine  ,  tante  de  ce  dernier, 
avoir  époufé,  en  1^55,   Jean  de  Goyon-Matignon. 

Du  jnariage  de  Charles- Yves-Jacques ,  Comte  de  Ploeuc ,  for- 


PLO  397 

tirent  plufieiifs  enfants ,  qui  font  :  i  ^.  Charles-Yves  Thlbaud  de 
la  Rivière  ,  Comte  de  Ploeuc ,  Lieutenant  général  des  armées  du 
Roi ,  &  Gouverneur  de  Saint-Brieuc  ;  marié  à  Julie  Barberin  de 
Reignac  ,  ci-devant  Dame  du  Palais  de  la  Reine  Douairière  d'Ef- 
pagne ,  dont  deux  filles ,  l'une  mariée  à  M.  de  la  Rivière ,  fon 
parent ,  &  l'autre  à  M.  de  Lufignan-Lezai.  2°.  Jacques-Charles 
de  la  Rivière  ,  dit  U  Comte  de  Mur,  3*^.  &:  4^^.  Deux  filles  ma- 
riées ,  l'une  à  un  Grand-Maître  des  Eaux  &  Forêts  de  France  ; 
&  l'autre  à  un  Maître  des  Requêtes.  La  Seigneurie  de  Ploeuc  , 
haute  ,  moyenne  &  baffe  -  Juftice  ,  à  M.  de  la  Rivière  \  l'Ifle , 
moyenne  &  baffe- Juftice  ,  à  M.  de  Brehand  j  l'Hôtellerie-Abraham , 
haute,  moyenne  &  baffe  -  Juffice ,  à  M.  le  Deilt-Bolidoux  ,  qui 
poffede  la  Vieuxville ,  avec  haute  ,  moyenne  &  baffe- Juflice  :  Saint- 
Eloy ,  vieux  château ,  avec  une  grande  Chapelle  &  une  prifon , 
le  tout  en  mafure  ;  cette  Seigneurie  ,  qui  a  haute ,  moyenne  &. 
baffe-Juftice  ,  laquelle  s'exerce  à  Saint-Eloy ,  appartient  à  Madame 
de  la  Rivière  :  la  Touche-aux-Moines ,  manoir  en  ruines  ,  a  haute , 
moyenne  &  baffe-Juffice  5  le  Gué ,  haute  ,  moyenne  &  baffe-Juf- 
tice j  &  la  Hazais ,  moyenne  &  baffe-Juffice ,  à  M.  de  Carlan  : 
le  Pont-à-l'Ane,  ancienne  maifbn,  avec  une  Chapelle  en  ruines, 
auprès  de  laquelle  efl  un  étang  qui  fait  tourner  un  moulin ,  a  une 
haute ,  moyenne  &  baffe-Juffice ,  qui  appartient  à  M.  de  la  Ri- 
vière. On  voit  auprès  de  la  Chapelle  du  Pont-à-TAne  une  fla- 
tue  de  Saint  Pierre  j  les  habitants  de  la  Paroiffe  &  des  environs 
y  portoient  jadis  avec  eux,  lorfqu'ils  alloient  invoquer  ce  Saint, 
un  paquet  de  genêts ,  avec  lequel  ils  fouettoient  la  flatue  ,  pour 
obtenir  leur  guérilbn  ou  autre  faveur.  On  voyoit  des  tas  de  ces 
arbriffeaux  ,  dont  les  fermiers  de  l'endroit  profitoient.  Cremeur , 
manoir  avec  Chapelle,  étang,  moulin,  &  fuie,  haute- Juffice ,  à 
M.  le  Sage  de  Cremeur.  La  Corbière  eft  un  château  qui  n'a  point 
été  achevé ,  avec  une  Chapelle  &  un  étang  d'une  étendue  con- 
fîdérable ,  lequel  joint  la  forêt  de  Lorges.  Dans  le  village  de 
Saint- Juff ,  elf  une  Chapelle  rurale  dédiée  à  Saint  Juff.  Bayo  efl 
un  heu  noble  ,  où  l'on  trouve  une  Chapelle  deffervie  par  les 
Prêtres  de  la  Paroiffe.  Ce  territoire  renferme  une  partie  de  la 
forêt  de  Lorges ,  des  terres  fertiles  en  grains ,  &:  des  landes.  Quoi-, 
que  le  teirein  foit  bon  ,  on  trouve  pourtant  dans  la  Paroiffe  une 
affez  grande  quantité  de  mendiants. 

PLOEVEN-PORZAY  ;  à  5  lieues  au  Nord-Oueff  de  Quimper , 
fon  Evêché  j  à  42  lieues  de  Rennes  3  6c  à  3  heues  &  demie,  du 


398  P  L  O 

Faou  ,  fa  Subdélégation.  Cette  ParoifTe  reflbrtit  à  Châteaulln ,  Se 
compte  750  communiants  :  la  Cure  efl  à  ialternative.  Son  terri- 
toire eft  borné  au  Nord  &  à  l'Efl  par  les  montagnes  de  Me- 
neham  ,  &  à  l'Ouell  par  la  mer ,  à  l'endroit  oii  le  trouve  la 
lieue  de  grève  ,  traverfée  par  le  grand  chemin  de  Quimper  à 
Breft.  Une  partie  de  ce  terrein  ell  entièrement  ftérile  ,  tant  par 
les  rochers  que  par  les  fables  de  la  mer  qui  couvrent  fa  fur- 
face  ;  de  manière  que  l'on  n'en  voit  qu'une  petite  portion  en 
rapport. 

PLOEZAL  ;  à  I  lieue  &  demie  au  Sud-Sud-Efl:  de  Tréguier , 
fon  Evêché  ;  à  28  lieues  un  tiers  de  Rennes  -,  &  à  trois  quarts 
de  lieue  de  Pontrieux  ,  fa  Subdélégation.  Cette  ParoifTe  refTortit 
à  Lannion ,  &  compte  3  200  communiants ,  y  compris  ceux  de 
Saint-Yves  de  Pontrieux  ,  fa  trêve  :  la  Cure  ell:  à  l'alternative. 
Des  terres  en  labeur ,  des  prairies ,  de  bons  pâturages ,  &  quel- 
ques landes  }  voilà  ce  que  ce  territoire  offre  à  la  vue. 

Le  château  de  la  Roche -Jagu  appartenoit ,  en  1280,  à  Ri- 
chard, Chevalier ,  Seigneur  de  la  Roche  -  Jagu  ;  &,  en  1393, 
au  Duc  Jean  IV.  Olivier  de  Cliffon ,  Connétable  de  France ,  le 
prit  Se  y  mit  une  forte  garnifon.  Pierre  II,  Duc  de  Bretagne, 
érigea  cette   Seigneurie  en  Bannière ,  par  fes  lettres   datées  de 

Vannes  le  24  Mai  145 1  ;  Se  en  Baronnie  ,  l'an en  faveur  d'un 

nommé  Péan  :  elle  pafTa  dans  la  fuite  à  la  maifon  de  RicheUeu, 
Se  M.  le  Maréchal  de  ce  nom  la  vendit,  en  1773,  à  Madame  de 
Treffan  le  Gonidec.  Le  château  eft  très-fort ,  on  y  voit  quelques 
pièces  de  canon  en  mauvais  état  j  il  a  haute  ,  moyenne  Se  baffe- 
Jullice ,  avec  droit  de  Quintaine.  Le  château  de  Ker- marquer, 
connu  dès  1280,  appartient  à  Madame  de  Treffan  le  Gonidec  j 
fa  moyenne  -  Juftice  s'exerce  à  Pontrieux  ,  ain{i  c|ue  celle  de 
la  Roche-Jagu.  On  remarque  ,  dans  la  cuifine  du  château  de 
Ker-marquer  ,  l'entrée  d'un  fouterrein  qui  paffe  fous  la  rivière  de 
Trieuc  ,  Se  conduit  au  château  de  Frinaudour ,  dans  la  Paroiffe 
de  Quimper-Guenezec  ,  à  une  lieue  de  Ker-marquer.  On  a  bou- 
ché l'entrée  de  ce  fouterrein  ,  afin  d'éviter  les  accidents.  Plufieurs 
de  ceux  qui  ont  voulu  jadis  y  entrer  y  ont  perdu  la  vie ,  Se 
les  autres  ont  eu  beaucoup  de  peine  à  retrouver  leur  route  pour 
en  fortir.  Le  château  de  Ker-icuf  appartenoit ,  en  1 400  ,  à  Raoul , 
Sieur  de  Kerguezeç  :  en  1460,  les  manoirs  de  Ker-houarn  Se  de 
Launay  appartenoient  à  Yves  Baz-loi  j  Coëtgui-Jardel ,  au  Sieur 
Se  Dame  de  Kerdaniel. 


PLOGOFF  ;  dans  la  pointe  du  Bèp  cS'^atz ,  fur  la  côte  j  à 
9  lieues  à  l'Oueft  de  Quimper,  fon  Eysche-'^fon  relTort  ;  à  48 
lieues  de  Rennes  ;  &  à  2  lieues  trois  quarts ''â«,  Pontcroix ,  fa 
Subdélégation.  Cette  Paroiffe  relevé  du  Roi-, -S^:^  compte  900 
communiants  :  la  Cure  ell  à  l'alternative.  Le''  territq^e  ,  borné 
à  l'Ell  &  au  Sud  par  la  mer  ,  ell  fertile  en  tov^e's  fortes  de 
grains. 

PLOMELINj  dans  un  fond,  fur  la  rivière  d'Odet;  à  i  lieue 
un  tiers  au  Sud-Sud-Ouell  de  Quimper ,  fon  Evêché  ,  fa  Subdé- 
légation ,  &  fon  reflbrt  ;  à  40  lieues  de  Rennes.  On  y  compte 
800  communiants  :  la  Cure  eu  à  l'alternative.  La  maifon  noble 
de  Ker-dour  appartenoit ,  en  1480,  à  Yves  le  Torcol ,  Sieur  de 

Kerdour  5  le  Tremeur  ,  à -N L'Abbaye  de  Notre-Dame  de 

Ker-lot ,  Ordre  de  Cîteaux ,  fut  fondée  dans  ce  territoire ,  le  2^ 
Mars  1652,  par  Pierre  de  Jegudo,  Chevalier ,  Seigneur  de  Ker- 
olain.  Elifabeth  ,  fœur  du  fondateur ,  en  fut  la  première  AbbefTe. 
Ce  territoire  eft  un  terrein  irrégulier ,  on  y  voit  des  terres  en  la- 
beur &  quelques  petites  landes. 

PLOMEUR  j  à  4  lieues  &  demie  au  Sud-Ouefî:  de  Quimper, 
fon  Evêché  &  fon  reifort  ;  à  42  lieues  de  Rennes  ;  &  à  i  lieue 
de  Pont-l'Abbé  ,  fa  Subdélégation.  Cette  Paroiffe  relevé  du  Roi, 
&  compte  1800  communiants  :  la  Cure  eft  à  l'alternative.  Ce 
territoire ,  qui  eil  borné  au  Sud  par  la  mer  ,  renferme  des  teires 
abondantes  en  toutes  fortes  de  grains ,  &  très-exaftement  culti- 
vées par  les.  habitants  qui  font  laborieux  &  habiles  Agriculteurs. 

Sainte  Nmnoch  étoit  fille  d'un  Prince  de  la  grande  Bretagne, 
defcendant  du  grand  Guthierne ,  &  nommé  Brech-Han,  Ce  Sei- 
gneur étoit  fî  riche  &  fi  puiffant  qu'on  le  nomma  Roi  du  pays  :  il 
époufa  Menedux ,  Princeffe  du  Sang  du  grand  Conflantin ,  qui 
lui  donna  quatorze  enfants ,  du  nombre  defquels  fut  Sainte  Nin- 
noch.  Dans  un  âge  tendre  encore ,  elle  quitta  le  monde  &  (ts 
plaifîrs,  &  fe  fit  Relîgieufe  dans  un  Monaflere  dont  elle  fut 
nommée  Abbeffe.  Quelques  années  après ,  elle  l'abandonna  & 
arriva  en  Bretagne  l'an  456:  elle  s'arrêta  fur  la  côte,  dans  la 
Paroiffe  de  Piomeur ,  àc  y  édifia  un  petit  Oratoire ,  pour  y  vivre 
avec  les  Religieufes  qui  l'avoient  accompagnée.  Erech ,  Roi  de 
Bretagne,  y  fit  bâtir  en  458  un  Monallere ,  qu'il  nomma  l'Ab^ 
baye  de  Sainu-Ninnoch  :  elle  fut  long-temps  célèbre  par  la  grande 
quantité  de  Religieufes  qui  y  entroient,  &  par  les  Religieufes 


400  P  L  O 

qu'elle  po^édoit.  L'hiftolre  nous  apprend  &  il  efl:  probable ,  que 
c'eû  un  des  premiers  Monafleres  établis  pour  les  Reiigieufes  en 
Bretagne  :  on  voit  encore  quelques  vertiges  de  cette  maifon. 

En  1380,  exifloient  les  manoirs  de  Cos-Ker-aër  ,  Torcoèt^  Tre- 
niillec  ,  Jacob-Paën ,  Ker-floux  ,  la  Forêt,  Ker-pullich ,  Ker-coez, 
Penfour ,  Ker-coullas ,  &c  Ker-rouant. 

PLOMODIERN  -,  à  4  lieues  un  tiers  au  Nord-Ouefl  de  Quim- 
per ,  fonEvêchéj  à  42  lieues  de  Rennes;  &  à  2  lieues  un  tiers 
de  Châteaulin ,  fa  Subdélégation  &  fon  reflbrt.  On  y  compte 
1900  communiants  :  la  Cure  eil  à  l'Oidinaire.  Quelques  auteurs 
difent  que  cette  Paroifle  exiftoit  dès  l'an  434,  &  que  Grallon, 
qui  regnoit  alors  en  Bretagne ,  donna  une  mailbn  qu'il  avoit  dans 
cet  endroit  pour  en  faire  un  Monaftere,  qui  fut  ,  quelques  années 
après ,  habité  par  Saint  Corentin ,  premier  Evêque  de  Quimper. 
Dans  le  temps  dont  je  parle  ,  ce  Prélat  vivoit,  près  la  montagne 
de  Saint-Cofme  ,  dans  une  folitude  fituée  dans  la  forêt  de  Men- 
îier ,  qui  renfermoit  plus  de  terrein  que  n'en  occupe  aujourd'hui 
la  ParoiiTe  de  Plomodiern  :  il  7  a  bien  des  fiecles  que  cette  forêt 
n'exille  plus.  Ce  territoire  efl:  borné  à  TOueft  par  la  mer ,  au 
Nord  &  à  l'Eft ,  par  les  montagnes  de  Meneham  :  quelques  terres 
en  labeur ,  des  rochers ,  &  des  landes  -,  voilà  ce  qu'il  préfente 
à  la  vue. 

PLONEIS  ;  fur  la  route  de  Quimper  à  Pontcroix  ;  à  i  lieue 
trois  quarts  à  l'Oueft-Nord-Oueft  de  Quimper ,  fon  Evêché  ,  fa 
Subdélégation  ,  &  fon  refTort  ;  à  42  lieues  de  Rennes.  On  y 
compte  1 000  communiants  :  la  Cure  efl:  à  l'alternative.  La  haute- 
Juftice  de  Ker-ven  s'exerce  à  Quimper.  Des  vallons ,  des  mon- 
ticules ,  des  terres  bien  cultivées  &  fertiles ,  &  quelques  landes  j 
voilà  ce  que  ce  territoire  offre  à  la  vue  ;  la  rivière  de  Pontcroix 
y  prend  fa  fource. 

PLONEOUR  ',  fur  une  montagne  ;  à  3  lieues  un  tiers  au  Sud- 
Oueil  de  Quimper ,  fon  Evêché  &  fon  refTort  ;  à  42  heues  de 
Rennes  j  &  à  i  lieue  un  tiers  de  Pont-l'Abbé ,  fa  Subdélégation. 
On  y  compte  2600  communiants  :  la  Cure  eft  préfentée  par  le 
Chapitre  de  l'Eglife  Cathédrale  de  Quimper.  Ce  territoire ,  pays 
couvert  d'arbres  &.  buifTons  ,  &  plein  de  vallons  &  de  monticules , 
produit  des  grains  de  toutes  efpeces  &  du  cidre.  La  maifon  no- 
ble de  Lelozet  eil:  fituée  dans  cette  ParoiiTe, 

PLONIVEL  ^ 


P  L  O  401 

PLONIVEL  ;  à  4  lieues  un  quart  au  Sud-Sud-Oueil  de  Quim- 
per,  fon  Evêché  &  fon  reffort  ;  à  41  lieues  de  Rennes;  &  à  i 
lieue  de  Pont-l'Abbé  ,  fa  Subdclégation.  On  y  compte  650  com- 
muniants :  la  Cure  eft  à  l'akernative.  La  mer  borne  au  Sud  ce 
territoire  ,  dont  les  terres  font  très-exadement  cultivées  &  fertiles. 

PLOREC  ;  à  6  lieues  au  Sud-Oueft  de  Saint-Malo ,  fon  Evê- 
ché ;  à  1 3  lieues  de  Rennes  ;  &:  à  4  lieues  de  Lamballe ,  fa  Sub- 
délégation. Cette  Paroiffe  refîbrtit  à  Jugon  ,  &  compte  1000  com- 
muniants ,  y  compris  ceux  de  Lefcouet ,  fa  trêve  :  la  Cure  eft  à 
l'alternative.  Ce  territoire  forme ,  à  quelques  vallons  près  ,  une 
plaine  dont  les  terres  font  affez  exaftement  cultivées  &  fertiles  ; 
les  landes  n'y  font  pas  fort  étendues.  La  maifon  feigneuriale  de 
l'endroit  eft  le  château  du  Bois-Billy ,  avec  haute ,  moyenne  & 
baffe-Juflice  :  Olivier  du  Bois-Billy  fut  préfent  au  contrat  de  ma- 
riage palTé ,  en  1 283  ,  entre  Alain  ,  Vicomte  de  Rohan  ,  &  Anne 
d'Avaugour  ;  cette  Terre  appartient  actuellement  à  M.  de  Coë- 
trieux  :  Lorgeril  appartenoit ,  en   1430,  à   Simon   de   Lorgeril  ; 
cette  Terre  s'appelle  aujourd'hui  Lorgeril- Lambert ,  elle  a  une  haute- 
Juftice ,  &  appardent  à  M.   de  Lorgeril-Lambert.  Le  PlefTis ,  en 
1400,  à  Jean  de  la   Boefliere  ;  cette   Terre  s'appelle  le  Plcffis- 
Boejfiere  :  il  y  a  quelques  années  que  M.  Minette  l'a  achetée  de 
M.  de  Varennes.  Le  Bois-Adam ,  en  1400,  à  Jean  du  Bois-Adam, 
aujourd'hui  à  M.  de  Becafîbn,  par  fon  mariage  avec  Théritiere 
de  cette  Seigneurie  :  Cariguel  ou  Carrillet,  en  1400  ,  à  Jean  Gna- 
lefnel  j  cette  Terre  a  été  pofTédée  par  les  Seigneurs  du  Guefclin , 
elle  appartient  préfentement  à  M.  de  Marbœuf.  En   î  400  ,  la 
Domneraie,  à  Jean  de  Beaumanoir,  aujourd'hui  à  M.  de  Fonde- 
bon  de  la  Jarretière:  le  Temple-Nouvel,  à  Jean  Bodin  j  Claye, 
à  Martin  Vagouet  ;  la  Ville-Morinenu  ,  à  Rolland  le  Forêtier  ;  la 
Mezerai ,  à  Jean  de  la  Motte  ;  la  Motte ,  à  Jean  QueiHer  ;  Lau- 
naye  ,  à  Bertrand  Galefnel  j  la  Cochaye ,  à  Etienne  de  la  Fon- 
taine ,  aujourd'hui  à  M.  Bignon   le  Moine  ;  la  Ville-Lambert ,  à 
GeofFroi  Jarnovan  ;  la  Metrie-Martin  ,  avec  moyenne- Juftice  ,  à 
M,  Bédé  de  la  Bouetardais. 

PLOUAGAT-CHATEL-AUDREN  ;  fur  la  route  de  Châtel-Au- 
dren  à  Guingamp  ;  à  7  lieues  au  Sud-Sud-Eft  de  Tréguier ,  fon 
Evêché  5  à  2  5  lieues  de  Rennes  ;  &  à  2  lieues  de  Guingamp ,  fa 
Subdélégation.  Cette  Paroiffe  reflbrtit  à  Saint-Brieuc  ,  &  compte 
5300  communiants,  y  compris  ceux  de  Laurodec  &  de  Samt* 


401  P  L  O 

Jean-Ker-danîel ,  Ces  trêves  :  M.  le  Duc  de  Rohan-Soubife  en  eft  îe 
Seigneur.  La  Cure ,  qui  eft  préfentée  par  l'Abbé  de  Beauport ,  doit 
deux  deniers  de  rente  féodale  à  la  Baronnie  d'Avaugour.  Ce  ter- 
ritoire renfermoit  jadis  beaucoup  de  landes,  mais  les  habitants  les 
ont  défrichées  en  partie ,  &  il  eil  à  efpérer  qu'ils  continueront. 
Le  taillis  ou  bois  de  Mallaunai  eft  très-étendu. 

Le  12  Janvier  1422,  le  Duc  Jean  V  donna  la  Seigneurie  de 
Plouagat,  qui  venoit  d'être  confifquée  fur  les  Comtes  de  Pen- 
thievre ,  à  Pierre  Eder ,  fon  Chambellan  &  fon  Maître- d'Hôtel. 
Par  contrat  pafTé  à  Vannes  le  6  Juillet  1 466 ,  Jean  Eder  ,  Sieur 
de  la  Haye-Eder ,  de  Brouftai ,  &  de  Plouagat-Châtel-Audren , 
vendit  à  Françoife  d'Amboife  ,  DuchefTe  de  Bretagne  ,  les  hé- 
ritages qu'il  poiTédoit  dans  cette  Paroifle ,  pour  une  fomme  de 
cinq  cents  écus  d'or.  La  DuchefTe  acheta  ces  biens  pour  les  donner 
à  l'Abbaye  de  Nazareth ,  qu'elle  fonda  à  Vannes ,  par  lettres  du 
24  Mars  1467  :  elle  acquit  aufîi  de  Guillaume ,  Chevalier,  Sei- 
gneur de  Rofmar ,  les  dîmes  de  Saint-Guenin ,  en  la  même  Pa- 
roiffe.  La  Princefle  donna  ces  deux  acquifitions  aux  Religieufes , 
à  valoir  fur  les  fix  cents  livres  de  rente  qu  elle  leur  avoir  promifes. 

L'an  1480,  le  Duc  François  II  fit  revivre  les  titres  de  la  Ba- 
ronnie d'Avaugour,  &  la  donna  pour  apanage  à  fon  fils  Fran- 
çois de  Bretagne.  Le  Prince,  qui  vouloir  réunir  la  ParoifTe  de 
Plouagat  à  fa  Baronnie  ,  propofa  à  Gilles  Eder,  petit -fils  de 
Pierre  Eder ,  de  lui  vendre  cette  Terre.  Celui-ci ,  qui  avoir  déjà 
chargé  fa  Seigneurie  de  quelques  rentes  qui  fe  paient  encore 
aujourd'hui,  la  vendit,  par  afte  paffé  en  148 1. 

PLOUAGAT-GUERRAND  j  Paroiffe  qui  relevé  du  Roi;  à  8 
lieues  au  Sud-Oueil  de  Tréguier,  fon  Evêché  ;  à  34  lieues  & 
demie  de  Rennes  j  &  à  2  heues  de  Morlaix ,  fa  Subdélégation  ^ 
fon  refTort.  On  y  compte  1000  communiants  :  la  Cure  efl  à  l'al- 
ternative. Ce  territoire  efi:  un  pays  plat  &  couvert ,  qui  renfer- 
me des  terres  bien  cultivées,  des  prairies,  quelques  landes,  & 
le  bois  de  Guerrand ,  qui  peut  avoir  une  Heue  de  circuit.  Les 
habitants  de  l'endroit  font  beaucoup  de  cidre.  Le  château  de  Lo- 
maria-Guerrand  eft  la  maifon  feigneuriale  du  lieu  j  il  appartenoit, 
en  1480  ,  à  Jean  Duparc  ,  Chevalier  ,  Seigneur  de  Lomaria  ,  qui, 
fi  nous  en  croyons  les  hiftoriens  ,  fit  fermer  de'  murs  le  parc  de 
ce  château ,  qui  elt  d'une  étendue  immenfe.  Louis  XIII ,  voulant 
récompenfer  Vincent  Duparc  de  Lomaria  des  fervices  qu'il  lui 
avoir  rendus ,  érigea  cette  Seigneurie  en  Marquifat ,  par  lettres- 


P  L  O  405 

patentes  données  au  mois  de  Mars  1^37,  vérifiées  au  Parlement 
le  13  Janvier  1 63 9  ,  en  faveur  de  ce  Seigneur,  qui  étoit  Enfeigne 
dans  la  Compagnie  des  Gendarmes  du  Cardinal  de  Richelieu, 
au  fîege  de  la  Rochelle  &  pendant  les  guerres  d'Allemagne.  Il 
avoit  épouie  Claude  Nevet  :  il  préfida  par  éleftion  aux  Etats  af- 
femblés  à  Fougères,  le  20  Oftobre  1653.  (  Ce  n'ell:  que  depuis 
lereftion  de  ce  Marquifat  que  cette  ParoilTe  s'appelle  Plouagat- 
Guerrand  j  avant  ce  temps  ,  elle  s'appelloit  Amplement  Plouagat.  ) 
En  1680,  ce  Marquifat  appartenoit  à  Louis -François  Duparc  , 
Marquis  de  Lomaria ,  Maréchal  des  camps  &  armées  du  Roi  ;  il 
a  une  haute-Juftice  ,  qui  appartient  à  M.  le  Marquis  de  Lomaria  , 
qui  poflede  aufli  la  Terre  de  Ker-allon,  avec  haute -Juftice  :  le 
Pont-Houx ,  haute- Juftice  ,  à  N..., 

PLOUAGAT-MOISAN  ;  à  7  lieues  &  demie  au  Sud-Ouefl  de 
Tréguier ,  fon  Evêché  j  à  3  3  heues  de  Rennes  ;  &  à  3  lieues  & 
demie  de  Morlaix  ,  fa  Subdélégation  &  fon  reflbrt.  On  y  compte 
1 1 00  communiants  :  la  Cure  efl  à  l'alternative.  Ce  territoire  ell 
coupé  de  plufieurs  gros  ruifTeaux ,  &  fertile  en  grains  &  foin  ;  les 
landes  y  font  peu  étendues ,  &  les  arbres  à  fruits  en  très-grande 
quantité.  En  1 5 1 3  ,  la  Terre  de  Trogoff  appartenoit  à  Claude 
de  Ville-Blanche  ,  Sieur  de  Broons  j  elle  a  une  haute- Juftice , 
6c  appartient  à  M.  Defnos-DesfofTés. 

PLO VAN  ;  fur  une  hauteur ,  au  bord  de  la  mer  ;  h  4  lieues 
un  quart  à  l'Ouefl-Sud-Ouell:  de  Quimper  ,  fon  Evêché  &  fon 
reffort  j  à  43  lieues  de  Rennes  ;  &  à  2  lieues  un  tiers  de  Poht- 
Labbé,  fa  Subdélégation.  Cette  ParoifTe  relevé  du  Roi,  &  compte 
1 1 00  communiants  :  la  Cure  eft  à  l'alternative.  Le  territoire  efl 
fertile  &  très-exaftement  cultivé.  Les  maifons  nobles  de  l'endroit, 
en  1380,  étoient  :  la  Villeneuve,  la  Ville -Ker-nabas,  Penan- 
couët ,  Combout ,  Collouzat ,  &  Ker-feven. 

PLOUANE;  fur 'une  hauteur;  à  8  lieues  au  Sud  de  Saint- 
Malo  ,  fon  Evêché  ;  à  7  Heues  de  Rennes  ;  &  à  2  lieues  de  Mon* 
tauban ,  fa  Subdélégation.  Cette  Paroiffe  reflbrtit  à  Dinan  ,  & 
compte  2400  communiants  :  la  Cure  eft  à  l'alternative.  Benoît, 
imnommè  Judicaël ,  Evêque  de  Saint-Malo  en  1086,  &  mort  en 
1 1 1 1  ,  donna ,  pendant  fon  Epifcopat ,  i'Eglife  de  Plouane  aux 
Moines  de  Marmoutier  ;  donation  qui  fut  confirmée  par  Donoald, 
Evêque  de  ce  diocefe  en  iiio»  L'Oratoire  de  Becherel,  dans 


404  .  P  L  O 

cette  Paroifle ,  étoit  alors  occupé  par  des  Moines  de  Marmoutîef* 
Le  Vau-Ruffier ,  haute  &  baffe- Juftice  ,  à  M.  de  la  Chalotais , 
Procureur  général  au  Parlement  de  Bretagne  ;  le  Prieuré  de 
Vieille-Tour  ,  haute  &  baffe-Jullice ,  au  Prieur  de  Vieille-Tour  ; 
Boulais -Ferriere  ,  haute  &  moyenne -Juftice  ,  à  M.  de  Vau- 
couleurs  j  Launaye-Bertrand ,  moyenne- Juftice,  à  M.  de  la  Reigne- 
rais  ;  le  Pleflis-au-gat ,  moyenne- Juftice  ,  aux  héritiers  de  M.  du 
Pleffis-Brin-de-joffe.  Ce  territoire  eft  un  pays  couvert ,  qui  ren- 
ferme des  terres  en  labeur ,  des  landes ,  &  les  bois  de  la  Pom- 
merais ,  de  la  Ville-Raut ,  &  de  Fervond  :  ce  dernier  ell  le  plus 
confidérable  -,  il  peut  avoir  une  lieue  &  demie  de  circuit. 

PLOUARET;  à  6  lieues  au  Sud^Oueft  de  Tréguier,  fbnEvê- 
ché  ;  à  3  2  Heues  de  Rennes  j  &  à  3  lieues  &  demie  de  Lan- 
nion ,  fa  Subdélégation.  Cette  Paroiffe  reffortit  à  Morlaix  ,  8c 
compte  4000  communiants  :  la  Cure  eft  à  l'alternative.  Ce  ter- 
ritoire eft  plat  ,  fertile  en  grains ,  &  abondant  en  foin  -,  les  landes 
n'y  font  pas  fort  étendues. 

Guillaume  de  Coetmohan ,  Sieur  de  Guernachané  ,  Grand- 
Chantre  de  l'Eglife  Cathédrale  de  Tréguier ,  Dofteur-Régent  en 
Droit  de  la  Faculté  de  Paris  ,  né  au  château  de  Guernachané  ,  en 
cette  Paroiffe,  fonda,  par  teffament  du  20  Avril  1325 ,  le  Col- 
lège de  Tréguier,  à  Paris. 

Le  Vieux- Marché  ,  village  de  cette  Paroiffe,  étoit  jadis  un 
endroit  confidérable,  puifqu'en  13341e  Duc  Jean  III  donna  à 
Jean  de  Bretagne ,  fon  fils  ,  les  Terre  &  Seigneurie  du  Vieux- 
Marché  ,  avec  haute ,  moyenne  &  baffe-JulHce ,  &  les  foires  & 
marchés  qui  y  étoient  établis.  La  Jurifdiftion  du  Vieux-Marché 
appartient  aujourd'hui  à  M.  de  la  Rivière.  Ce  n'elt  plus  qu'un 
village  ,  avec  une  Chapelle  -,  il  s'y  exerce  plufieurs  Jurifdiftions 
qui  font  :  la  Haye-Ker-ernborgne  ,  haute- Juflice ,  à  M.  de  Per- 
ricn  j  Guernachané,  moyenne -Juffice  ,  à  M.  le  Préfident  de 
Robien.  Ker-anraix ,  moyenne-Juflice  j  cette  Terre  eft  ancienne  : 
un  Seigneur  de  cette  maifon  fe  trouva  à  la  bataille  des  Trente  5 
elle  appartient  aujourd'hui  à  M.  de  Bontêville. 

PLOUARZEL;  fur  la  côte;  à  13  lieues  à  l'Ouefl-Sud-Ouefl 
de  Saint-Pol-de-Léon ,  fon  Evêchéj  à  50  lieues  de  Rennes;  & 
à  4  lieues  de  Brcff,  fa  Subdélégation  &  fon  reffort.  Cette  Pa- 
roiffe relevé  du  Roi,  &  compte  2100  communiants  :  la  Cure 
eil  préfentée  par  l'Evêque.  Albert  de  Morlaix  prétend  que  ce 


P  L  O  405 

fut  Saint  Armel  qui  donna  Ton  nom  à  cette  Paroiiïe,  vers  Tan  540. 
Laugola,  en  1360,  à  Bertrand  du  Châtel  ;  le  château  de  Ker- 
veatou  ,  en  1400,  à  Guillaume  Touronce  ;  Ker-locouenan ,  en 
1440,  à  Alain  de  Kerjean.  Ce  territoire  ell  arrofé  par  plufieurs 
bras  de  mer,  fertile  en  grains  de  toutes  efpeces ,  &  très- exac- 
tement cultivé. 

PLOUAY  j  gros  bourg  ou  petite  ville ,  fur  la  route  de  Hen- 
nebon  à  Guemené  &  à  Gourin  j  à  1 1  lieues  au  Nord-Oueft  de 
Vannes ,  fon  Evêché  ;  à  27  lieues  de  Rennes ,  &  à  3  lieues  de 
Hennebon  ,  fa  Subdélégation  &  fon  reflbrt.  Trois  grandes  routes 
arrivent  à  Plouay.  On  y  compte  5000  communiants  :  la  Cure 
eft  à  l'alternative.  Il  y  a  un  marché  le  lundi  &  une  foire  par 
mois.  Ce  territoire  fournit  une  quantité  prodigieufe  de  fougère 
&  des  landes.  Les  terres  cultivées  produifent  du  grain  ,  du  cidre , 
&  du  lin.  C'eft  un  terrein  afTez  plat  &  couvert.  L'an  1281 ,  le 
Duc  Jean  I  &  Hervé  de  Léon  firent  un  accord  entr'eux ,  qui 
portoit  que ,  puifque  le  Duc  avoit  acheté  de  la  Dame  Tihenry 
&  de  Geoffroi ,  fon  fils  aîné ,  ce  qu'ils  poffédoient  dans  la  Pa- 
roifTe  de  Plouay  &  à  Becherel  ;  ce  Prince  ,  par  cet  acquêt , 
devoit  avoir  la  moitié  du  marché  de  Plouay.  En  conféquence, 
ils  y  firent  faire  ,  à  frais  communs  ,  une  halle  ou  cohue,  qui 
coûta  une  fomme  de  cent  foixante-dix-huit  livres,  y  compris  le 
fonds  de  la  terre  où  elle  fut  conftruite  &  la  place  qui  l'environne. 

L'an  1430,  le  manoir  du  Pont,  à  Jean,  Sire  du  Pont  ;  cette 
Terre,  avec  celle  de  Cunfiou ,  forme  une  haute -Juilice  ,  qui 
appartient  à  N...  :  le  manoir  de  Ker-mougant ,  à  Jean  de  Ker- 
oual  ;  Ker-lHUy  ,  à  Henri  le  Porchien  j  &  le  manoir  de  Jean 
Rouxeau  :  ces  manoirs  n'exiftent  plus  fous  le  même  nom  ;  on 
n'y  voit  que  ceux  de  Ker-ohan ,  de  Ker-dréo ,  de  Ménéhouarn , 
&:  de  Ker-ohel ,  qui  font  plus  modernes. 

En  1500,  Ker-niden  &  Ker-morgant  appartenoient  à  Anne  du 
Pont  ;  Saint-Foz  &  Ker-dréot ,  â  N...  j  le  Pont-Callec  ,  haute , 
moyenne  &  bafle-JulHce ,  à  M.  de  Pont-Callec. 

PLOUBALAY;  fur  une  hauteur,  &  fur  la  route  de  Saint- 
Malo  à  Matignon  ;  à  2  lieues  un  tiers  au  Sud-Oueil  de  Saint- 
Malo,  fon  Evêché;  à  13  lieues  de  Rennes;  &  à  3  heues  de 
Dinan  ,  fa  Subdélégation  &  fon  reflbrt.  Cette  Paroifie  relevé  du 
Roi  5  &  compte  1700  communiants  :  la  Cure  ell  à  l'alternative. 
La  Roche-Glé,  haute-Juftice ,  à  M.  de  Pont-Phily  ;  Launaye- 


40(5  P  L  O 

Commatz ,  moyenneJuflice  ,  à  M.  Goyon  de  Launaye-Commat?:'. 
Ce  territoire ,  coupé  par  deux  ruiffeaux  qui ,  au  travers  de  deux 
vallons ,  vont  fe  jetter  dans  l'océan ,  eft  borné  à  l'Oueft  par 
les  iables  de  la  mer  qui  occupent  une  grande  partie  du  terrein. 
Le  furplus  forme  une  plaine  dont  les  terres  font  fertiles  en  grains  : 
on  n'y  voit  point  de  landes»  Le  bois  de  la  Cochaye  ^  qui  pou- 
voit  avoir  environ  deux  lieues  de  circonférence  ,  n'exifte  plus. 
Les  maifons  nobles  de  cette  ParoifTe ,  en  1 400 ,  étoient  :  Saubort  y 
la  Vallée ,  Launai ,  la  Motte  ,  la  Ville-Bagues ,  la  Ville-Paumier  , 
la  Couldraye  ,  le  Pontcornou  jla Cochaye,  la  Boëllardiere  ,  Lauron- 
del,  la  Lande,  la  Vilie-Bouette ,  la  Ville-Neuve  ,  laVinaries,  la 
Donelaye ,  la  Gueraye  ,  la  Ville-au-proft ,  &  la  Recouvrée. 

PLOUBAZ-NALEC  ;  fur  une  hauteur  ,  au  bord  de  la  mer  ;  à 
7  lieues  trois  quarts  au  Nord-Oueft  de  Saint-Brieuc  ,  fon  Evêché  & 
ibnrefTort  j  à  28  lieues  de  Rennes  j  &  à  deux  tiers  de  lieue  de  Paimpol^ 
fa  Subdélégation.  Cette  ParoiiTe ,  dont  la  Cure  eft  à  l'alternative  ^ 
aune  haute-Juftice  qui  s'exerce  à  Paimpol  j  on  y  compte  1 200  com- 
muniants. Ce  territoire  eft  peu  étendu ,  mais  fertile  &  très-exa61:ement 
cultivé  :  on  y  voit  les  maifons  nobles  de  Poulois  &  de  Ker-fach 

PLOUBEZRE  ',  à  4  lieues  à  l'Oueft-Sud-Oueft  de  Tréguier, 
fon  Evêché  j  à  3  2  lieues  de  Rennes  ;  &  à  trois-quarts  de  lieue 
de  Lannion ,  fa  Subdélégation.  Cette  ParoiiTe  reffortit  à  Morlaix^ 
&  relevé  du  Roi.  On  y  compte  2000  communiants  :  la  Cure  eft 
à  l'alternative.  Ce  territoire  ,  arrofé  par  les  eaux  de  la  rivière 
de  Guer  ,  renferme  des  terres  fertiles  en  grains,  des  pâturages 
abondants  ,  &  quelques  landes.  C'eft  un  pays  plat  &  couvert ,  où 
l'on  fait  beaucoup  de  cidre.  Les  maifons  ou  manoirs  nobles  font  : 
en  1380,  Ker-emel  &Coëffret,au  Sire  de  Penhoët ;  Guillaume 
de  Penhoët ,  qui  poffédoit  ces  deux  places  en  1 460 ,  fit  forti- 
fier fon  manoir  de  Coëffret ,  qui  devint  une  place  forte  ,  puifque, 
le  24  Juillet  1592  ,  le  Duc  de  Mercœur  donna  ordre  de  fe 
rendre  maître  de  ce  château ,  dont  la  pofTefiion  lui  étoit  très- 
utile  pour  l'accomphlTement  de  fes  deffeins:  Ker-Hervé  ,  en  1430, 
à  Jean  du  Quelennec;  Ker-orin,  à  Yves,  Sieur  de  Kerorin. 

PLOUDALMEZEAU ;  fur  la  côte;  à  11  lieues  à  l'Oueft-Sud- 
Oueft  de  Saint-Pcl-de-Léon  ,  fon  Evêché  -,  à  49  lieues  de  Rennes  j 
&  à  4  lieues  &  demie  de  Breft ,  fa  Subdélégation  &  fon  relîort* 
Cette  ParoiiTe ,  qui  relevé  du  Roi ,  fe  nommoit  jadis   Guitalmc'^ 


P  L  O  407 

^eau.  On  y  compte  3900  communiants ,  y  compris  ceux  de  Saint- 
Fabu ,  fa  trêve  :  la  Cure  eft  préfentée  par  l'Evêque.  La  maifon  noble 
de  Ker-iber  appartient  à  l'illuilre  maifon  de  Sanfai.  Albaud ,  fils 
de  Giraud ,  Duc  de  Bourgogne ,  Comte  de  Poitou  &  de  Rouf- 
iillon  ,  fut  Comte  de  Poitou.  Albaud  ,  fon  fils,  fe  maria  à  Mahaud , 
fille  de  Pépin ,  dernier  Roi  d'Aquitaine ,  &  d'Abelle ,  fille  du 
Roi  de  Thuringe.  (  Pépin  II,  Roi  d'Aquitaine,  mourut  vers  l'an 
8^5.  )  Guillaume,  fils  d'Albaud  &  de  Mahaud,  fe  maria  à 
Bonne  ,  fille  du  Duc  de  Normandie.  Son  fils ,  Guillaume , 
époufa ,  en  premières  noces ,  Agnès  de  Salle  de  Biel ,  ComtefTe 
de  Sanfai ,  &  ,  en  fécondes  noces ,  Hemer ,  fille  du  Com.te  de 
Flandre.  Gui ,  fils  aîné  de  ce  dernier  ,  époufa  la  fille  du  Roi  de 
Navarre  ;  &  Armand  ,  fon  frère  cadet ,  prit  le  nom  tSc  les  armes 
de  Sanfai.  Guillaume ,  fils  aîné  de  Gui  &  de  N de  Na- 
varre ,  époufa  Jeanne  d'EcofTe ,  dont  il  eut  Aliénor  qui ,  l'an 
II 37,  époufa  Louis  VII,  Roi  de  France.  Après  la  mort  de  fon 
beau-pere  ,  le  Roi  prit  poffeffion  du  Comté  d'Aquitaine  ;  mais  ce 
Monarque  répudia  dans  la  fuite  Aliénor ,  qui  n'avoit  eu  de  fon 
mariage  avec  lui  que  des  filles ,  &  elle  fe  remaria  avec  le  Roi 
d'Angleterre ,  à  qui  elle  porta  TAquitaine. 

Alix  de  Sanfai ,  fœur  d'Aliénor,  époufa  Raoul  de  Sermandais, 
Régent  de  France.  Les  Seigneurs  de  Sanfai  furent  fuccefîivement 
Grands  -  Chambellans  des  Rois  de  France,  Philippe  de  Valois, 
Charles  VI,  Charles  VIII,  Louis  XII,  François  I,  &  Henri  IL 
Chriflophe  de  Sanfai ,  Chevalier  de  l'Ordre  du  Roi  ,  Seigneur 
de  Saint-Macaire  &  de  Vau-Chrétien  en  Anjou,  vivoit  en  1600. 
Auguflin,  Chevalier  ,  Seigneur  de  Sanfai ,  vivoit  en  1680.  Chrif- 
tophe- Louis  Turpin  Griffé  de  Sanfai,  transféré  de  l'Evêché  de 
Rennes  à  celui  de  Nantes  le  17  Oftobre  1723  ,  mourut 
dans  fon  Palais    épifcopal  à  Nantes,  le  29  Mars  1746. 

Le  château  de  Ker-lech  appartenoit ,  l'an  1 3  60  ,  à  Bertrand , 
lils  de  Tangui  du  Châtel ,  par  fon  mariage  avec  l'héritière  de  la 
maifon  de  Kerlech ,  dont ,  par  convention ,  il  prit  le  nom  &  les 
armes.  Ce  territoire  renferme  des  terres  fertiles  &  très-exafte- 
ment  cultivées.  Il  fe  tient  dans  l'endroit  trois  foires  par  an,  où 
il  fe  trouve  beaucoup  de  belHaux. 

PLOUDANÏEL  ;  fur  la  route  de  Landerneau  à  Lefneven  ;  à 
6  lieues  au  Sud-Ouefi:  de  Saint-Pol-de-Léon ,  fon  Evêché  ;  à  44 
lieues  de  Rennes  ;  &  à  2  heues  un  tiers  de  Landerneau ,  fa  SvJj- 
délégation.  Cette  ParoilTe  reffortit  à  Lefneven ,  Se  compte  4000 


4o8  P  L  O 

communiants ,  y  compris  ceux  de  Saint-Méen  &  de  Tremaouefan  , 
fes  trêves  :  la  Cure  efl:  à  l'alternative.  Ce  territoire  renferme  des 
terres  fertiles  en  grains ,  des  pâturages  ,  &  quelques  landes  peu 
étendues.  Oeû  un  pays  plat  &  couvert.  Le  manoir  de  Ker-guern 
appartenoit  ,  en  1260  ,  à  Bertrand  de  Kerrems  ;  cette  Terre  de- 
voir un  Chevalier  au  Duc  de  Bretagne  pour  la  remonte  de  fes 
troupes. 

L'an  133^,  Hervé  de  Léon  fonda  l'Hôpital  de  Landerneau ,  & 
lui  donna  les  dîmes  de  la  ParoifTe  de  Ploudaniel  ,  avec  le  droit 
de  prendre  du  bois  de  chauffage  dans  la  forêt  de  Ploeanaz. 

PLOUDIRY  ;  à  6  lieues  au  Sud-Sud-Ouefl  de  Saint-Pol-de- 
Léon ,  fon  Evêché  ;  à  40  lieues  de  Rennes  ;  &  à  i  lieue  & 
demie  de  Landerneau ,  fa  Subdélégation.  Cette  ParoifTe  relTortit: 
à  Lefneven ,  &  compte  4500  communiants,  y  compris  ceux  de 
Loc-Eguiner ,  Peneran ,  Roche-Maurice  ,  la  Martyre  ,  &  Pont- 
chrit ,  fes  trêves  :  la  Cure  efl:  préfentée  par  l'Evêque.  Des  terres 
en  labeur ,  des  prairies ,  des  landes  ,  des  vallons  ,  des  coteaux  , 
des  ruiffeaux ,  &  le  bois  de  la  Ferfe  ^  qui  peut  avoir  environ  une 
lieue  de  circuit  -,  voilà  ce  que  renferme  ce  territoire.  En  1 3  80 , 
la  maifon  noble  de  Bréfal  appartenoit  à  Yves  de  Bréfal.  Son  fils 
fut  Capitaine  des  Francs- Archers  du  diocefe  de  Saint-Pol-de- 
Léon  ,  en  1 479. 

PLOUEC  ;  fur  la  rivière  de  Trieuc  ;  à  2  lieues  &  demie  aa 
Sud-Sud-Efl  de  Tréguier ,  fon  Evêché;  à  28  lieues  de  Rennes  5 
&  à  une  demi-lieue  de  Pontrieux ,  fa  Subdélégation.  Cette  Pa- 
roiffe  refTortit  à  Lannion  ,  &  compte  2400  communiants  ,  y 
compris  ceux  de  Runan  ,  fa  trêve  :  la  Cure  eft  à  l'alternativeo 
Le  terroir  produit  des  grains ,  du  foin ,  du  lin ,  &  du  cidre  y  les 
landes  y  font  rares.  Il  fe  tient  fept  foires  par  an  dans  l'endroit- 
Le  château  de  Châteaulin ,  fitué  fur  une  éminence ,  au  bord  de 
la  rivière  de  Trieuc  ,  étoit  jadis  une  place  forte  qui  a  foutenu 
plufieurs  fieges  :  il  fut  démoli  en  1420,  par  ordre  du  Duc  Jean 
V ,  pour  punir  les  Seigneurs  de  Penthievre  auxquels  il  appar- 
tenoit ;  on  n'en  voit  plus  que  les  ruines  :  il  appartient  aujour- 
d'hui à  M.  le  Prince  de  Soubife.  Le  château  de  Ker-cabin  efl 
très-ancien  ,  comme  le  prouvent  les  monuments  qu'on  y  remarque  : 
il  a  été  pofTédé  par  l'illullre  maifon  de  Lannion ,  &  appartient 
aujourd'hui  à  Madame  de  Stapleton ,  de  la  même  famille.  Le 
(château  de  Ker-louet  fe  voit  auffi  dans  cette  ParoifTe. 

PLOUEDERNi 


P  L  O  409 

PLOUEDERN  ;  à  6  lieues  au  Sud-Ouefl  de  Saînt-Pol-de-Léon , 
fon  Evêché  ;  à  44  lieues  de  Rennes  j  &  à  i  lieue  de  Landerneau, 
fa  Subdélégation.  Cette  Paroiffe  refTcrtit  à  Lefneven ,  &  compte 
1 200  communiants  :  la  Cure  efl:  préfentée  par  l'Evêque.  Ce  ter- 
ritoire eft  un  pays  couvert ,  qui  offre  à  la  vue  des  terres  en  la- 
beur ,  des  prairies ,  &  des  landes.  Les  maifons  de  l'endroit  font  : 
Chef-du-Bois,  le  Foreftic,  Penancoët,  Ker-autret ,  TrefFuyen,  & 
les  Granges  ;  cette  dernière  fut  unie  &  incorporée  à  la  maifon 
de   Carman,  vers  l'an   1640. 

PLOUENAN;  à  2  lieues  au  Sud  de  Saint-Pol-de-Léon ,  fon 
Evêché  &  fa  Subdélégation  ;  à  40  lieues  de  Rennes.  Cette  Pa- 
roifle  relevé  du  Roi ,  &  reffortit  à  Lefneven.  On  y  compte  2600 
communiants  :  la  Cure  efl:  préfentée  par  l'Evêque.  Ce  territoire, 
coupé  de  vallons  &  de  ruiffeaux ,  offre  à  la  vue  des  terres  très-exac- 
tement cultivées  &  fertiles ,  des  prairies ,  &  quelques  petites  landes. 
C'ell:  un  pays  couvert.  En  1400,  on  voyoit  dans  ce  territoire  les 
manoirs  fuivants  :  Penhoèt  ,  au  Sire  de  Penhoët  ^  Penmarch , 
Chevalerie  ancienne  ,  au  Sire  de  Penhoët;  Pennanech,  ancienne 
Chevalerie ,  au  Sire  de  Kermorvan  ;  Peuflang ,  à  Yvon  Paul  ; 
Trefbry ,  au  Sieur  de  Kerouferé  ;  Meffrunon  ,  à  Derien  Aufray; 
Ker-anguen ,  à  Jean  de  Keranguen  ;  Ker-ver ,  à  Hervé  de  Méaz- 
goezj  Meafgaezel,  à  Guillaume  Kernient  ;  Ker-anguen,  à  Yvon 
Guilen  ;  Ker-amprovoll: ,  au  Sire  de  Kermavan  ;  Measbellen ,  à 
Guyon  de  Kermelleuc  ;  Lannuzouarne  ,  à  Hervé  de  Lannuzouarne; 
Ker-provoft ,  à  Hervé  de  Kerguez  ;  Ker-mellec  ,  au  Sire  de 
Kermellec  j  Ker-guiziou  ,  au  Sieur  de  Penhoët  ;  Penantuoucher , 
à  Hervé  de  Kermeulleuc  j  &  le  Prieuré  de  Locpreden ,  au  Cou- 
vent de  Saint-Mahé. 

FLOUER  ;  à  peu  de  diftance  de  l'endroit  que  Ton  appelle 
pajfage  de  Jouvante ,  fur  la  rivière  de  Rance  ;  à  3  lieues  au  Sud 
de  Saint-Malo ,  fon  Evêché  j  à  1 1  lieues  de  Rennes  ;  &  à  i  lieue 
un  tiers  de  Dinan ,  fa  Subdélégation  &  fon  reffort.  Cette  Paroiffe 
relevé  du  Roi ,  &  compte  2400  communiants  :  la  Cure  ell  à 
l'alternative.  Le  territoire  eft  un  pays  montagneux  &  couvert , 
dont  les  terres  font  très-exaftement  cultivées  &  les  pâturages 
excellents  :  on  y  fait  du  cidre.  L'an  1750,  la  Terre  &  Seigneurie 
de  Plouer  fut  érigée  en  Comté ,  en  faveur  de  Jean  de  la  Hâve, 
Seigneur  de  Plouer ,  Capitaine  de  Dragons  ,  par  Arrêt  du  Confeil, 
qui  lui  permettoit  d'y  établir  des  foires  &  marchés.  On  connoit 
Toms  IIL  F  3 


4IÔ  PLO 

dans   cette  ParoîfTe   les  maifons  nobles  de  Treflaint ,  de  la  Dom- 
meray ,  du  Pargat ,  &  de  Ker-cabin. 

PLOUERDUT  ;  fur  la  route  de  Pontivi  au  Faouet  ;  à  1 3 
lieues  au  Nord-Oueft  de  Vannes ,  fon  Evêché  ;  à  26  lieues  de 
Rennes  ;  &  à  2  lieues  de  Guemené ,  fa  Subdélégation.  Cette 
Paroiffe  reflbrtit  à  Hennebon ,  &  compte  4000  communiants ,  y 
compris  ceux  de  Locuôri  j  fa  trêve.  Il  s'y  exerce  une  haute-Jul- 
tice  :  la  Cure  eu  à  l'alternative.  Ce  territoire  eft  coupé  de  ruif- 
feaux  qui  vont  fe  jetter  les  uns  dans  la  rivière  d'Efcorff,  les 
autres  dans  celle  d'EUé.  Des  pâturages  excellents ,  des  terres  en 
labeur ,  beaucoup  de  landes ,  &  des  arbres  à  fruits  pour  le  cidre  ; 
voilà  ce  qu'on  y  remarque ,  avec  deux  fort  beaux  points  de  vue. 
Le  premier  eft  à  la  Chapelle  de  Lochrift  ;  &  le  fécond  ,  fur  le 
fommet  d'une  montagne  fort  élevée ,  qui  fe  termine  en  cône.  On 
y  voit  une  Juftice  patibulaire.  En  1 400 ,  ce  territoire  renfermoit 
les  maifons  &  manoirs  nobles  de  Liflechou  ,  à  Pierre  Efmas  ; 
Baras ,  à  Olivier  Bernier;  Ker-ambariller ,  au  Sire  de  Guemené; 
Ker-lagadec  ,  à  Guillaume  de  Kerman  ;  Deftain  ,  à  Henri  Rouflel  ; 
Ker-mapguennou ,  à  Jean  Peftivien  j  Ker-ufau-en-daule ,  à  Jean 
Leftobie  -,  Guerne ,  à  Jean  Beftic  j  Ker-audren ,  à  Pierre  Efme  ; 
Ker-melahil ,  à  GeofFroi  Guillo  j  Guernapin ,  à  Maurice ,  Sieur 
de  Leftuz  j  Guenebarien  ,  à  Eon  Bofchier  ;  Coëtven  ,  au  Sire  de 
Guemené  j  &  Ker-unden ,  à  Alain  de  Kerunien  ;  Ker-ouchain , 
&  Launay ,  font  plus  modernes. 

PLOUESCAT;  à  3  lieues  à  l'Oueftde  Saint-Pol-de-Léon,  fon 
Evêché  &  fa  Subdélégation  ;  à  43  lieues  de  Rennes.  Cette 
Paroiffe  relevé  du  Roi ,  &  reflbrtit  à  Lefneven.  On  y  compte 
1800  communiants  :  la  Cure  eft  préfentée  par  l'Evêque.  Ce  ter- 
ritoire ,  borné  au  Nord  par  la  mer ,  renferme  dés  terres  bien  culti- 
vées &  abondantes  en  grains  de  toutes  efpeces.  Les  maifons  nobles 
font:  Penanprat,  la  Voyal ,  Ker-oiiez ,  Saint-Georges ,  Ker-goual, 
Ker-naour,  le  Bréhonic  ,  Goureploiié  ,  Ker-vova,  Ker-ovara  ,  Lan- 
nurien ,  Lezerec.  Ker-ouferé-Trogoff ,  avec  haute-Juftice  ,  appar- 
tient à  M.  Eon  du  Vieux-Châtel  de  Saint-Malo. 

PLOUEZOCHj  à  9  lieues  &  demie  à  l'Oueft-Sud-Oueft  de 
Tréguier,  fon  Evêché  j  à  36  lieues  de  Rennes;  &  à  2  lieues 
de  Morlaix  ,  fa  Subdélégation.  Cette  Paroifle  ,  qui  relevé  du  Roi, 
reflbrtit  à  Saint-Brieuc ,  de  compte  1 200  communiants  :  la  Cure 


PLO  4n 

câ  à  ralternative.  La  haute  -  Juftice  de  Tendroit  appartient  à 
Madame  la  Princefle  de  Ghuiftelles.  Ce  territoire  offre  à  la  vue  des 
terres  bien  cultivées ,  &  des  landes  qui  pourroient  être  mieux 
einployées. 

L'an  1320,  Hervé  de  Léon ,  Seigneur  de  cette  Paroiffe ,  y 
poffédoit  la  ville  de  Plouezoch,  avec  les  moulins  de  Hinbez,de 
blecrez ,  de  Foulerez ,  &  l'Etang  au  Rochie ,  avec  fon  moulin. 
Les- ancêtres  de  Hervé  de  Léon  y  avoient  établi  un  marché. 

Le  château  de  la  Noë-Verte,  appartenoit,  en  1220,  à  Aufrai, 
ChevaHer ,  Seigneur  de  Goèsbriand ,  Capitaine  de  cinquante 
lances,  fous  le  Duc  Pierre  de  Dreux.  Aufrai  de  Goèsbriand 
fut  Gouverneur  des  ville  &  château  de  Saint  -  Macaire  en 
Guyenne ,  &  Lieutenant  général  en  Bazadois  ,  fous  le  Roi  de 
France  Charles  VII,  en  145 5'  François  de  Goèsbriand,  époufa 
en  1461  Marguerite  du  Builîbn  ,&  fut  fait  prifonnier  à  la  ba- 
taille de  Saint-Aubin  du  Cormier,  le  28  Juillet  1488.  Marie  de 
Goèsbriand  époufa  François  de  Coètlogon.  Jean  de  Goèsbriand 
fut  Gentilhomme  ordinaire  de  la  Chambre  du  Roi ,  &  Gouverneur 
de  Morlaix  :  Yves  de  Goèsbriand ,  Gouverneur  du  château  du  Tau- 
reau ,  vivoit  en  1 670. 

La  Villeneuve  ell  le  lieu  de  la  naiflance  de  Louis  Polart, 
nommé  Frère  Louis  de  Morlaix  ,  Capucin ,  dont  le  corps  repofe 
<lans  une  Chapelle  de  l'Eglife  de  Saint-Matthieu  de  Morlaix ,  où 
Dieu  a  opéré ,  dans  le  feizieme  fiecle  ,  plufîeurs  miracles  par 
l'interceffion  de  ce  faint  Religieux, 

PLOUFRAGAN5  à  I  lieue  auSud-Oueftde  Saint-Brieuc,  fon 
Evêché  ,  fa  Subdélégation  ,  &  fon  reffort  j  à  2 1  lieues  de 
Rennes.  On  y  compte  1200  communiants.  M.  l'Evêque  de 
Saint-Brieuc  en  eft  le  Seigneur  :  la  Cure  eft  à  l'Ordmaire. 
Ce  territoire ,  qui  eft  coupé  d'une  infinité  de  vallons  ,  offre  à  la 
vue  des  terres  bien  cultivées ,  fertiles  en  grains ,  &  fur-tout  en 
légumes  :  on  n'y  voit  point  de  landes. 

L'an  418,  Fragan,  proche  parent  de  Conan  Meriadec  ,  pre- 
mier Roi  de  Bretagne ,  fut  reçu  à  Tifle  de  Brehat  par  ce  Prince  , 
qui  lui  donna ,  ainli  qu'à  fa  famille  qui  l'avoit  fuivi,  un  établif- 
fement  dans  l'endroit  où  efb  aujourd'hui  cette  Paroiffe  ,  qui  depuis  ce 
temps  a  toujours  été  appellée  Plouf ragan ,  du  nom  de  fon  pre- 
mier Seigneur.  En  1420,  le  manoir  de  la  Morandais  apparte- 
noit à  Sylveflre  du  Ruflay  ;  l'Epinaz ,  à  Jean  de  Guyre  ;  Coèf- 
quen,  à  Olivier  de  Beaulieu  3  Dergantel ,  à  Olivier  Guiliochonj 


411  P  L  O 

la  Forte-Terre ,  à  Jean  Robert  ;  le  Châtelet ,  à  TEvêque  de  Saint- 
Brieuc  5  le  Tertre  ,  au  Sieur  du  Ruflay  ;  la  Barre  ,  à  Jean  Budesj 
Dollo  ,  à  Jean  Dollo  ;  la  Ville-Viily  ,  à  Jean  le  Bigot  ;  la  Croix- 
Cholan ,  à  Hervé  Gourés  ;  la  Pommeraye ,  à  Jacques  Tourne- 
gouet  j  la  Soraye  ,  à  Jean  Heliguen  ;  l'Epinay ,  à  Guillaume  de 
Beau  j  Ploufragan  ,  à  Guillemette  de  Ploufragan  j  le  Tertre-Jouan , 
à  Philippe  du  Ruflay  j  les  Landes  &  le  Macé-Rouault,  à  N.... 
Olivier  de  Plouffy,  Bertrand  Budes  ,  &  Jean  Dollo  du  Tron- 
chet ,  avoient  des  manoirs  dans  cette  Paroiiïe  :  la  maifon  du  Pré- 
Rio  elT:  plus  moderne. 

PLOUGARS  j  à  3  lieues  un  tiers  au  Sud-Oueft  de  Saint-Pol- 
de-Léon ,  fon  Evêché  ;  à  42  lieues  de  Rennes  ;  &  à  3  lieues  un 
tiers  de  Landerneau ,  fa  Subdéiégation.  Cette  ParoilTe  ,  qui  relevé 
du  Roi ,  reflbrtit  à  Lefneven ,  &  compte  2600  communiants  ,  y 
compris  ceux  de  Bodilis,  fa  trêve  :  la  Cure  ell  préfentée  par 
l'Evêque.  Ce  territoire  renferme  des  terres  en  labeur  &  des  landes 
très-étendues  :  c'eft  un  pays  plat  &  couvert  d'arbres  &  buifTons. 

Saint  Pol-Aurelien  ,  premier  Evêque  de  ce  diocefe  en  514, 
fonda  le  Monallere  appelle  Moujler-Pol  ^  lequel  fut  ruiné  par 
les  guerres  en  878.  On  rebâtit  fur  fes  ruines  l'Eglife  de  Plougars, 
qui  fut  érigée  en  ParoiiTe  fous  le  règne  du  Duc  Alain  Barbe- 
torte, 

PLOUGASNOU  ',  à  9  lieues  à  FOuefl-Sud-Ouefl  de  Tréguier, 
fon  Evêché;  à  37  lieues  de  Rennes;  &  à  3  lieues  de  Morlaix, 
fa  Subdélégation  &"  fon  reffort.  On  y  compte  3000  communiants, 
y  compris  ceux  de  Saint-Jean-du-Doigt ,  fa  trêve  :  la  Cure  ell  à 
l'alternative.  On  remarque  dans  cette  ParoilTe  deux  monuments 
très-anciens.  Le  premier  eft  la  Chapelle  dédiée  à  Saint  Samfon, 
premier  Evêque  de  Dol ,  &  qu'on  prétend  avoir  été  hctiQ  du 
vivant  même  de  ce  Prélat  j  le  fécond  ell:  le  château  de  Pri- 
mel,  place  forte,  dont  on  voit  les  veftiges  au  bord  cie  la  mer. 
On  prétend  qu'il  a  foutenu  plufieurs  {îeges.  L'an  1039  ,  la  Du- 
cheiTe  Berthe,  veuve  du  Duc  Alain  III,  donna  la  Prévoie  de 
Saint-Georges,  en  cette  Paroiffe,  à  l'Abbaye  de  Saint -Georges  de 
Rennes.  La  maifon  noble  de  Penanvern  appartenoit,  en  1300, 
à  Jean  Jegou  ;  le  Cofquer ,  en  1360,  à  Alain,  Chevaher  ,  Sei- 
gneur du  Cofquer.  Jofeph  du  Cofquer ,  Chevalier ,  Seigneur  de 
Rofambo ,  étoit  Confeiller  au  Parlement  de  Bretagne  en  1672. 
11  eut  une  fille   qui  paroît  avoir  été  la  feule  héritière   de  cette 


PLO  413 

maîfon  :  elle  fut  mariée  à  M.  le  Préfident  le  Pelletier  de  Ro- 
jfambo.  Ker-groas  appaitenoit  ,  en  1400,  à  Guillaume  de  Ker- 
groas ,  Sieur  de  Kemiorvan  ^  le  Rolland ,  à  Yves  de  Goësbriand, 
Seigneur  du  Cofquerou  ,  qui  époufa  Louife  Budes  en  1649. 

La  maifon  de  la  Fayette  a  produit  un  Maréchal  de  France , 
qui  négocia  la  paix  entre  le  Roi  de  France  &  le  Duc  de  Bour- 
gogne j  une  Abbefle  de  Saint-Georges  de  Rennes  ;  &  une  Prieure 
de  Saint-Georges  en  Flougafnou.  Ce  territoire,  borné  au  Nord 
&  à  rOueft  par  la  mer  ,  renferme  des  terres  fertiles  &  très-exac- 
tement cultivées  j  les  terres  incultes  y  font  très-rares. 

PLOUGASTEL-DAOULAS  j  à  10  lieues  au  Nord-Oueft  de 
Quimper ,  fon  Evêché  &  fon  refTort  ;  à  44  lieues  de  Rennes  ; 
&  à  3  lieues  de  Landerneau ,  fa  Subdélégation.  On  y  compte 
3800  communiants  :  la  Cure  efl:  préfentée  par  un  Chanoine  de 
Daoulas.  Ce  territoire  ,  baigné  des  eaux  de  la  mer ,  forme  une 
prefqu'ifle  qui  joint  la  rade  de  Breft.  Les  terres  font  bien  cul- 
tivées &  fertiles  en  toutes  fortes  de  grains.  Il  y  a  un  puits  dans 
Tauberge  de  ce  bourg  ,  dont  l'eau  diminue  quand  la  mer  monte , 
&  augmente  lorfqu'elle  defcend.  A  une  lieue  trois  quarts  au 
Sud-Ouellde  Plougaftel,  dans  la  baie  de  Brell,  efl  l'Ifle-Ronde, 
dans  laquelle  on  remarque  une  carrière  de  marbre  noir.  L'an 
1 186  ,  Hervé  ,  Vicomte  de  Léon  ,  donna  à  l'Abbaye  de  Daoulas 
les  dîmes  de  Rof-Ker-admel  &  le  village  de  Saint-Pol  en  Plou- 
gaftel.  Ce  Seigneur  polTédoit  encore  dans  cette  Paroifîe  la  Châ- 
tellenie  de  Ker-angoalan.  Le  QuiUiou  appartenoit ,  en  13(30,  à 
Guillaume  le  Barbu ,  qui  eut  un  fils  nommé  Gui  le  Barbu ,  élu 
Evêque  de  Saint-Pol-de-Léon  en  1385.  Le  Pape  Clément  VIÏ, 
qui  eftimoit  ce  Prélat  ,  le  recommanda  au  Duc  de  Bretagne 
Jean  le  Roux.  Le  manoir  de  Ker-engofF  appartenoit ,  en  1 3  §0 , 
à  Jean,  Vicomte  de  Léon. 

PLOUGASTEL-SAINT-GERMAIN;  à  2  lieues  à  l'Oueft-Sud- 
Oueft  de  Quimper,  fon  Evêché,  fa  Subdélégation,  &  fon  ref- 
fort  j  à  42  heues  de  Rennes.  On  y  compte  1 1 00  communiants  ; 
la  Cure  eft  à  Talternative.  En  1400,  on  connoifToit  dans  cette 
Paroifîe  les  maifons  nommées  le  Quillio,  Ker-boutoul ,  Drevers, 
Ker-quen  ,  Ker-rerun  ,  le  Hilguit ,  Ker-y  venies  ,  Ker-ourien ,  Ker- 
daniel,  Ker-guigoudon  ,  Ker-matchan  ,  Trevery  ,  les  Logueil, 
Guiller-Saint-Germain ,  Ker-ronenquen  ,  Coëtcanton  ,  Ker-riar- 
neau,   Penancoët,  &:  le  Rin    qui  appartenoit  à  Jean  le  Dreniel, 


414  PLO 

Sergent  féodé  du  Vicomte  de  Rohan.  Des  terres  très-fertiles ,  des 
prairies ,  des  vallons ,  des  monticules  j  voilà  ce  que  ce  territoire 
offre  à  la  vue. 

PLOUGOMMELIN  ;  à  3  lieues  à  l'Oueft  de  Vannes,  fon  Evê- 
ché  j  à  23  lieues  de  Rennes;  &  à  i  lieue  d' Aurai,  fa  Subdé- 
légation &  fon  reflbrt.  On  y  compte  1 500  communiants  :  la  Cure 
eft  à  l'alternative.  Ce  territoire ,  arrofé  de  plusieurs  bras  de  mer 
&  coupé  de  vallons  ,  eft  très-bien  cultivé  Ôc  fertile  en  grains  de 
toutes  efpeces. 

Le  Comté  de  Largoët ,  haute-Juftice ,  qui  s'exerce  à  Aurai  & 
reffortit  au  Préfidial  de  Vannes.  En  1 400 ,  le  château  de  Pont- 
Sale  appartenoit  à  Jacques  de  Pont-Sale ,  qui  eut  un  fils  nommé 
Yves  ^  ordonné  Evêque  de  Vannes  en  1449  ou  1450,  par  Bulle 
du  Pape  Nicolas  V,  donnée  au  mois  d'Oélobre  145 1  :  ce  Prélat 
mourut  le  7  Janvier  1475.  -^^  M 3^?  la  Terre  de  Pont-Sale  ap- 
partenoit à  Henri  de  Launai  :  en  1 43  o  ,  le  manoir  de  Ros ,  à  Jean 
Halfehuiche  \  Gorsfy ,  à  Louis  de  Beaupré  ;  Ker-drech ,  aux  Che- 
valiers du  Saint-Efprit  :  en  1530,  Treufal ,  à  Michel  Guillard  ; 
Trevelen ,  à  Jean  Lorveloux  ;  le  Ros ,  à  Olivier  de  Coltedo ,  & 
Ker-dréan,  à  Jean  de  Mulillac. 

PLOUGONNEC  ;  fur  la  route  de  Quimper  à  Breft ,  par  Lan- 
vaux  ;  à  2  lieues  un  tiers  au  Nord-Oueft  de  Quimper ,  fon  Evê- 
ché ,  fa  Subdélégation ,  &  fon  refTort  ;  à  41  lieues  de  Rennes. 
On  y  compte  2400  communiants  :  la  Cure  eft  à  l'alternative.  Ce 
territoire ,  coupé  de  vallons  8c  plein  de  monticules ,  renferme  des 
terres  bien  cultivées  &  des  landes  ;  c'eft  un  pays  couvert ,  où 
l'on  fait  du  cidre.  La  maifon  noble  de  Lopeau ,  en  1400^  appar- 
tenoit à  Jean  de  Kerpaen  j  Ker-finie ,  à  N.... 

PLOUGONVEN  5  à  10  lieues  au  Sud-Oueft  de  Tréguier,  fon 
Evêché  i  à  34  lieues  de  Rennes  j  &  à  2  lieues  un  quart  de  Mor- 
laix ,  fa  Subdélégation  &  fon  reffort.  Cette  Paroiffe  relevé  du 
Roi,  &  compt3  3000  communiants,  y  compris  ceux  de  Saint- 
Eutrooe ,  fa  trêve  :  la  Cure  eft  à  l'alternative.  La  rivière  de  Mor- 
laix  prend  fa  fource  dans  ce  territoire ,  qui  eft  coupé  de  vallons  , 
&:  renferme  des  terres  fertiles  ,  des  prairies  &  des  landes.  Ker- 
anguen  appartenoit ,  en  1440,  à  Hervé  de  Keranguen  :  dans  le 
même  temps ,  Ker-loaquen  &:  Rofampoul ,  à  Maurice  de  Kerloa- 
quen ,  Préfident  de  la  Chambre  des  Comptes  &  Commiflaire  pour 


P  L  O  415 

la  réformatîon  de  la  Nobleffe  en  1 446.  Guillaume  de  Kerloaquen , 
fon  fil§ ,  fut  Prévôt  de  l'hôtel  du  Duc  François  II ,  qui  permit , 
en  1486,  à  Jean  de  Kerloaquen,  Sieur  de  Rofampoul,  de  faire 
conftruire  une  Juftice  patibulaire  à  quatre  poteaux  fur  la  Terre 
&  Seigneurie  de  Rofampoul  :  cette  haute-Juftice  s'exerce  au  Chef- 
lieu  de  la  trêve  de  Saint-Eutrope  j  elle  appartient  à  M.  Duparc- 
Keryvon.  Pen-ar-Stang  appartenoit,  en  1585  ,  à  François  de  Ici. 
Tour ,  Evêque  de  Tréguier ,  qui  mourut  dans  cette  maifon  en 
1593  :  fon  corps  fut  inhumé  dans  l'Eglife  de  Plougonven,  fans 
enfeu  ni  épitaphe.  Le  Bourg-en-Retz  &  Cludon ,  haute-JulHce , 
aujourd'hui  à  M.  du  Gage  j  le  Gafpern  ,  moyenne  -  Jultice ,  à 
M,  de  Kerfaufon. 

PLOUGONVER. CHAPELLE -NEVEZ;  à  8  lieues  au  Sud- 
Sud-Ouefl  de  Tréguier  ,  fon  Evêché  j  à  28  Heues  de  Rennes  j  & 
à  2  lieues  un  quart  de  Callac  ,  fa  Subdélégatiôn.  Cette  ParoilTe 
relevé  du  Roi ,  reflbrtit  à  Lannion ,  &  compte  3  200  commu- 
niants :  la  collation  de  la  Cure  ,  qui  eil  à  l'alternative  ,  appar- 
tenoit autrefois  à  l'Abbaye  de  Quimperîé.  On  affure  que  dans  le 
bois  de  Coëtnec  ,  qui  eft  auprès  du  bourg ,  eft  une  mine  de 
plomb  qui  paroît  très-abondante.  Les  maifons  nobles  font  :  le 
château  de  Cludon,  haute-Juftice ,  qui  appartenoit,  en  1340,  à 
Jean  de  Guergorlay  ;  le  Drefnay  ,  en  1 440 ,  à  Renaud  du  Dref- 
nay ,  Lieutenant  du  Roi  de  la  Ville  d'Ath  en  Flandres ,  fous 
le  Roi  Charles  VU.  Ce  territoire  offre  des  terres  en  labeur  Ôc 
des  landes. 

PLOUGOULM  ;  à  i  lieue  au  Sud-Sud-Oueft  de  Saint-Pol- 
de-Léon  ,  fon  Evêché  &  fa  Subdélégation  ;  à  40  lieues  de 
Rennes,  Cette  ParoilTe  relevé  du  Roi ,  reffortit  à  Lefneven  ,  & 
compte  1800  communiants:  la  Cure  eft  préfentée  par  l'Evêque. 
-Ce  territoire  ,  borné  au  Nord  par  la  mer,  &  coupé  de  ruiffeaux 
dans  lefquels  la  mer  entre  à  toutes  les  marées,  renferme  des 
terres  très-exaftement  cultivées  &  des  prairies.  Entre  la  mer  &  le 
château  de  Maillé ,  en  cette  Paroilfe ,  eft  un  étang  d'une  gran- 
deur confidérable  j  de  manière  qu'on  croit  voir  la  mer ,  lorfque  des 
appartements  de  la  maifon  on  jette  les  yeux  fur  cet  étang.  Ce 
château  eft  très-ancien  :  il  appartenoit  jadis  à  la  famille  de  Car- 
man ,  comme  le  prouvent  les  armoiries  qu'on  remarque  dans  la 
grande  falle  qui  eft  au  premier  étage.  On  lit  cette  devife  au  bas 
3e  l'écuffon  :  Carman  y  Dieu  seul  avant»  Le  Pont-Lofquet 


4ié  P  L  O 

appartenoit  en  1 400  à  Even  de  Silguy ,  Sieur  de  Courtîrbefcom  ; 
Ker-azret ,  maifon  confidérable  &  célèbre  ,  qui  a  fourni  un  Capi- 
taine d'hommes  d'armes  &  Prévôt  de  la  Ducheffe  Anne. 

PLOUGOUVELIN  j  fur  une  hauteur;  à  14  lieues  au  Sud- 
Oueft  de  Saint-Pol-de-Léon ,  fon  Evêché  ;  à  49  lieues  de  Rennes  ^ 
&  à  3  Heues  de  Breft  ,  fa  Subdélégation  &  fon  relTort.  Cette  Pa- 
roiffe  relevé  du  Roi,  &  compte  2800  communiants,  y  compris 
ceux  du  Conquet-Lochrift ,  fa  trêve  :  la  Cure  eft  préfentée  par 
l'Evêque.  Ce  territoire  ,  borné  par  la  mer  au  Sud  ,  à  l'Eft ,  & 
à  rOueft ,  renferme  des  terres  fertiles  en  grains.  Les  habitants 
paffent  pour  être  fort  bons  cultivateurs. 

Le  29  Juillet  1558,  une  flotte  de  vaifTeaux  Anglais  &  Fla- 
mands débarqua  au  port  du  Conquet  ;  les  foldats  accoururent  à 
Plougouvehn ,  qu'ils  pillèrent ,  &  mirent  le  feu  aux  quatre  coins 
du  bourg  :  en  moins  de  trois  heures ,  deux  cents  vingt  maifons  avec 
i'Eglife  paroiffiale  furent  confumées.  Le  château  de  Plouliorech, 
iitué  à  peu  de  diltance  du  bourg ,  fut  aufîi  pillé  par  l'ennemi , 
qui  prit ,  tant  en  meubles  qu'en  vaiffelle  or  &  argent ,  artillerie 
&  munitions  de  guerre  ,  pour  une  forrme  de  douze  mille  cinq 
cents  livres  ;  mais  il  ne  brûla  pas  le  château  qui  appartenoit  à 
Baflien  Poncelin  ,  Gentilhomme  du  pays.  De  Kerfimon ,  Capi- 
taine de  Brefl ,  averti  de  ce  qui  fe  pafToit ,  fe  mit  à  la  tête  de 
fa  gamifon  ,  &  vint  attaquer  les  Anglais  qui  a  voient  déjà  pillé 
tout  le  pays  :  il  en  tua  près  de  dix  mille ,  &  fit  feize  cents  pri- 
fonniers ,  qu'on  envoya  à  Jean  de  Bretagne  ,  Seigneur  des  Brofîes , 
Comte  de  Penthievre  ,  Duc  d'Etampes ,  &  Gouverneur  de  Bre- 
tagne ,  qui  les  employa  à  la  démolition  des  fortifications  de  Lam- 
balle.  Dans  cette  Paroifie  efl  le  Fort  de  Berthaume ,  lequel  eft 
conflruit  fur  un  rocher  dans  la  mer  j  on  ne  peut  y  entrer  que 
par  le  moyen  d'un  bateau ,  foutenu  eu  l'air  par  de  gros  cables 
qui  le  conduifent  par  le  moyen  de  deux  couhfTes  :  il  feroit  diffi- 
cile d'y  pénétrer  autrement ,  parce  que  la  mer  eft ,  en  cet  endroit , 
furieufe  &  pleine  de  rochers ,  contre  lefquels  fe  bnferoient  les 
vailTeaux  qui  voudroient  y  aborder. 

PLOUGRAS  ;  à  8  lieues  au  Sud-Ouefl  de  Tréguier ,  fon  Evê- 
ché ;  à  3  i  lieues  de  Rennes  ;  &  à  5  lieues  de  Morlaix  ,  fa  Sub- 
délégation. Cette  ParoifTe  relTortit  à  Lannion  ,  &  compte  3000 
communiants  ,  y  compris  ceux  de  Lohuel  &  de  Loquivi  ,  fes 
trêves  :  la  Cure  efl  à  l'alternative.    Ce  territoire  eit  un   pays 

couvert 


PLO  417 

couvert ,  qui  renferme  des  terres  bien  cultivées  &  beaucoup  de. 
landes.  La  haute -Juftice  de  Guerneven  appartient  à  Madame 
de  la  Fruglais  de  Kervers. 

PLOUGRESCAN;  dans  une  plaine;  à  i  lieue  &  demie  au 
Nord  de  Tréguier  ,  fon  Evêché  &  fa  Subdélégation  j  à  31 
lieues  de  Rennes.  Cette  Paroiffe  reflbrtit  à  Lannion  ,  &  compte 
1300  communiants  :  la  Cure  ell:  à  l'alternative.  Ce  territoire 
forme  une  prefqu'ifle  environnée  de  la  mer.  Les  terres  font  très- 
exaftement  cultivées  &  abondantes  en  grains.  Saint  Gonnery  efl 
reconnu  Patron  de  cette  Paroiffe,  où  il  mourut  le  17  Juillet 
dans  le  fixieme  fiecle.  On  a  bâti  fur  fa  fépulture  une  Chapelle 
qui  lui  a  été  dédiée.  Sa  tête  &  quelques  autres  de  fes  offe- 
ments ,  enchâffés  en  argent,  font  confervés  dans  l'Eglife  Cathé- 
drale de  Tréguier.  On  prétend  qu'il  étoit  Breton  &  né  de  pa- 
rents nobles.  L'an  1233,  Etienne,  Evêque  de  Tréguier,  unit 
les  dîmes  de  cette  Paroiffe  à  la  Menfe  épifcopale.  Le  château 
de  Ker-grefcan  ou  Ker-grefq  appartenoit ,  en  1380,  à  Charles 
du  Halgouet.  Guillaume  du  Halgouet  fut  Evêque  de  Tréguier 
en  1594,  &  mourut  dans  fon  palais  épifcopal ,  en  i<5o2  :  fou 
corps  fut  inhumé  dans  la  Chapelle  de  Saint-Gonnery ,  en  PIou- 
grefcan ,  qu'il  avoit  enrichie ,  &  où  il  s'étoit  fait  préparer  une 
fépulture  de  fon  vivant.  Magdeleine  du  Halgouet,  fa  fœur,  fut 
Abbeffe  de  Saint-Georges  de  Rennes.  Ker-anftivel  ou  Ker-amffinel 
appartenoit ,  en  1 400  ,  à  Jean  Cillart ,  Sieur  de  la  Villeneuve  :  fes 
enfants  lui  fuccéderent. 

PLOUGUENAST  -,  dans  un  fond  ;  à  6  lieues  au  Sud-Sud-Eft 
de  Saint- Brieuc  ,  fon  Evêché  ;  à  16  Ueues  de  Rennes  ,  fon 
reffort  j  &  à  2  lieues  de  Moncontour,  fa  Subdélégation.  On  y 
compte  3600  communiants  :  la  Cure  eft  à  l'alternative.  Ce  ter- 
ritoire ,  qui  efl  borné  au  Sud  par  la  forêt  de  Loudéac ,  ell  un 
pays  montagneux  ,  où  l'on  voit  des  terres  bien  cultivées  ,  des 
prairies  ,  &c  une  quantité  prodigieufe  de  landes.  La  rivière  du 
Lié  y  prend  fa  fource.  Les  montagnes  du  Mné  ne  font  pas  éloi- 
gnées de  cet  endroit.  Gomené,  haute,  moyenne  &  baffe-Juftice, 
à  M.  de  Beaumont  ;  le  Pont-Gamp ,  haute ,  moyenne  &  baffe- 
Juflice ,  à  M.  de  la  Mouffaye  ;  le  Rancouët ,  moyenne  &  baffe- 
Jullice ,  à  M.  Laurent  de  Rochefort  ;  la  Viile-Danne ,  moyenne 
Se  baffe-Jufficc  ,  à  M.  Coupé  de  Carmené  &  des  Effarts,  qui 
polïede  aufîi  la  Ville-Guérie ,  avec  moyenne  &  baffe- Juflice  : 
Tome  IIL  G  3 


4î8  PLO 

la  Touche-Bfondineuf  ou  Carmené  ,  moyenne  &  baiïe-Juftice,  à 
M.  de  Trafaiegan  ;  Montorien ,  à  M.  de  Montonen. 

PLOUGUER-CARHAÎX  ;  à  1 1  lieues  de  Quimper ,  Ton  Evê- 
ché;  à  30  lieues  de  Rennes;  &  à  peu  de  diilance  de  Carhaix , 
fa  Subdélégation  &  Ton  refTort.  On  y  compte  1 500  communiants, 
y  compris  ceux  de  Saint-îgeau  &  Treffrem,  fes  trêves  :  la  Cure 
ell  à  l'alternative.  Son  territoire  eft  le  même  que  celui  de  Car- 
haix ;  (  voyez  Carhaix.  )  Cette  Paroiffe  relevé  du  Roi. 

PLOUGUERNEAU  ;  à  9  lieues  à  l'Ouefl  de  Saint -Pol- de- 
Léon  ,  ion  Evêché  ;  à  48  Heues  de  Rennes  ;  &  à  3  lieues  un 
tiers  de  Lefneven ,  fa  Subdélégation  &  fon  refTort.  Cette  Paroifîe 
relevé  du  R.oi ,  &  compte  1600  communiants  :  la  Cure  cfl:  pré- 
fentée  par  l'Evêque.  La  rivière  de  P^rac/i  ou  d'Arhrewrack  ,  qui 
arrofe  ce  territoire ,  forme  à  fon  embouchure  un  petit  port  de 
mer,  qui  fait  fleurir  le  commerce  à  Plouguerneau.  Les  terres  font 
très-fertiles  &  très-exa6fement  cultivées  par  les  habitants.  Cette 
Paroiife  ell  mife  au  rang  des  plus  anciennes  du  diocefe.  Saint 
Johevin  ,  ordonné  Evêque  par  Saint  Pol ,  donna  la  Cure  de 
Plouguerneau  à  Saint  Kerenan ,  pour  y  rernphr  les  fondions  de 
Refteur.  On  prétend  que  c'étoit  en  cet  endroit  qu'étoit  fituée 
l'opulente  ville  de  Tolente  ,  fur  la  rivière  de  Vrack  ;  ville  qui 
fut  entièrement  détruite  &  réduite  en  cendres,  vers  l'an  875, 

Le  château  de  Ker-odern  appartenoit ,  en  1450,  à  Alain  No- 
bletz ,  Sieur  de  Kerodern.  Hervé  de  Kerodern  étoit  un  des  cjuatre 
Notaires  publics  qui  étoient  dans  cet  Evêché.  Les  places  de  No- 
taires &  tous  les  Offices  de  judicature  ne  pouvoient  alors  être 
occupés  que  par  des  Gentilshommes.  Hervé  le  Nobletz  fut  père 
de  Michel  le  Nobletz,  né  au  mois  de  Septembre  1557  :  il  fut 
un  de  ces  célèbres  Miffionnaires  qui  eurent  tant  de  fuccès  en 
Bretagne.  Suivant  l'exemple  de  Saint  Vincent-Ferrier  &  de  Saint 
Yves  de  Kermartin ,  il  inrroduiiit  les  Catéchifmes  &  Inftruftions 
famiheres  ,  les  feuls  qui  foient  à  là  portée  des  habitants  de  la 
campagne  :  il  mourut  le  5  Mai  1652.  Carman  ,  haute ,  moyenne 
&  bafle-Juftice ,  à  M.  de  Gontault-Biron  ;  Coëtquenan ,  haute, 
moyenne  &  balfe-Iuftice ,  à  M.  de  Carné. 

PLOUGUERNEVEL  ;  fur  une  montagne  ;  à  16  lieues  à  l'Eft- 
Nord  Eft  de  Quimper,  fon  Evêché  j  à  25  lieues  de  Rennes;  & 
à  3   lieues  de  Callac ,  fa  Subdélégation.  Cette  ParoilTe  reffortit 


P  L  O  419 

à  Hennebon,  &:  compte  3800  communiants,  y  compris  ceux 
de  Bonen  ,  Locmaria ,  Gouarec  ou  Saint-Gilles  ,  fes  trêves  :  la 
Cure  eft  à  l'Ordmaire.  L'an  1 246  ,  Hervé  de  Landelleau  ,  Evêque 
de  Quimper  ,  unit  au  Chapitre  de  fa  Cathédrale  i'Eghfe  de  Plou- 
guernevel.  La  Terre  de  Coituai  appartient  à  M.  de  Coitual  :  la 
maifon  eft  très-belle  ;  elle  efl  bâtie  près  l'ancien  château ,  &  l'on 
y  voit  encore  des  douves  &  des  vertiges  d'une  ancienne  forte- 
reffe.  En  1370,  Henri  de  Coitual  étoit  compagnon  d'armes  de 
Bertrand  du  Gueiclin.  La  Seigneurie  de  Coitual  a  droit  de  haute, 
moyenne  &  baffe-Juihce  ;  mais  elle  ne  s'exerce  plus.  Le  9  Jan- 
vier 1669  ,  les  Seigneurs  de  Coitual  fondèrent  un  Séminaire  ou 
Communauté  de  Prêtres,  dans  ce  bourg,  pour  l'éducation  de  la 
jeunefTe  :  on  y  fait  une  école  gratuite  &  des  retraites  eccléiiaf- 
tiques  &  laïques.  La  Communauté  eft  compofée  de  cinq  Prêtres, 
qui  font  Recteurs  de  la  ParoilTe,  qui  ell  confîdérable,  puifqu'on 
y  célèbre  quatre  Grand'Mefles  par  Dimanche.  On  remarque 
dans  l'Eglife  quatre  Fonts  baptifmaux.  En  1400,  Quermcur  ap- 
partenoit  à  Hervé  de  Quermeur  ;  Ker-neul ,  •  à  Alain  de  Ker- 
neul  j  Trevelept  &  Ker-lan ,  à  N....  ;  la  haute  ,  moyenne  & 
bafle-Juftice  de  Rell-Rouaud ,  à  M.  de  Kervier.  Ce  territoire  pré- 
fente à  la  vue  des  terres  bien  cultivées,  des  prairies,  des  bois, 
des  landes ,  des  ruiffeaux  ,  des  montagnes ,  &  des  vallons. 

PLOUGUIEL  ;  fur  une  hauteur  ;  à  un  tiers  de  lieue  au  Nord- 
Nord-Oueil  de  Tréguier  ,  fon  Evêché  &  fa  Subdélégation  ;  à 
3 1  heues  de  Rennes.  Cette  ParoifTe  refTortit  à  Lannion  ,  Se 
compte  2000  communiants  :  la  Cure  eft  à  l'alternative.  Ce  ter- 
ritoire ,  arrofé  des  eaux  de  la  rivière  de  Tréguier  &  de  plufieurs 
ruiffeaux ,  renferme  des  terres  fertiles  en  toutes  fortes  de  grains  , 
des  prairies  ,  &  d'excellents  pâturages.  Les  Cordeiiers  de  Tré- 
guier furent  fondés  en  cette  Paroiffe  ,  en  1483  ,  par  le  Duc 
François  IL 

La  maifon  noble  de  Ker-oufy  efl:  très-ancienne  :  elle  a  fourni, 
fous  les  Ducs,  des  hommes  dirtingués  dans  les  armes.  Bizieii 
de  Keroufy  fut  créé  Capitaine  de  vaiifeau  par  le  Duc  François 
II ,  &  ,  peu  après ,  Lieutenant  général  de  l'Amirauté  de  Bre- 
tagne ;  place  qu'il  remplit  à  la  fatisfaftion  de  ion  maître.  La 
maifon  de  Keralio  a  tourni  à  la  Bretagne  plufieurs  guerriers, 
parmi  lefquels  on  diflingue  Guillaume  de  Keralio,  qui  fut  tué 
l'an  1423  au  fiege  de  Rhodes,  après  avoir  donné,  pendant  le 
fiege  qm  dura  huit  mois ,  des  preuves  de  fa  valeur»  Le  Maître^ 


410  P  L  O 

d'Hôtel  de  la  Reine  Anne  étoit  de  cette  maîron  ;  &,  lorfque 
cens  Princefle  eût  époufé  le  Roi  Charles  VIII ,  elle  fit  ce  Gen- 
tilhomme Chambellan  de  France  ôc  Lieutenant  général  pour  Sa 
Majefté  en  baffe  Bretagne  ,  comme  on  le  voit  par  les  lettres- 
patentes  de  cette  Princeffe ,  en  date  du  6  Février   1489. 

PLOUGUIN;  à  10  lieues  &  demie  à  l'Oueft-Sud-Oueft  de 
Saint-Pol-de-Léon ,  fon  Evêché  ;  à  49  lieues  de  Rennes  j  &:  à  4 
lieues  de  Brell,  fa  Subdélégation  &  fon  reffort.  Cette  Paroiffe 
relevé  du  Roi ,  &  compte  2000  communiants  :  la  Cure  cû  pré- 
fentée  par  l'Evêque.  Ce  territoire ,  arrofé  par  plufieurs  bras  de 
mer  &  coupé  de  vallons,  offre  à  la  vue  des  plaines  &  des 
coteaux  -,   les    terres   font  fertiles  &    très-exa6lement  cultivées. 

PLOUHA  ;  fur  une  hauteur  ;  à  4  lieues  un  quart  au  Nord- 
Oueft  de  Saint-Brieuc ,  fon  Evêché  &  fon  reffort  ;  à  2  5  lieues 
de  Rennes  ^  &  à  3  Heues  de  Paimpol ,  fa  Subdélégation.  On 
y  compte  3000  communiants  :  la  Cure  eft  préléntée  par 
l'Abbé  de  Beauport.  Ce  territoire,  borné  à  l'Eft  par  la  mer, 
offre  à  la  vue  une  campagne  cultivée  &  fertile  en  toutes  fortes 
de  grains.  Il  fe  tient  par  chaque  année ,  à  Plouha ,  deux  foires 
remarquables  par  la  quantité  de  beftiaux  qui  s'y  trouvent.  Plouha, 
haute-Juffice ,  à  Madame  la  Princeffe  de  Ghuiftelles  :  Lifandré , 
haute-JulHce  ;  Ker-maria ,  haute-Juffice  ;  ces  deux  Terres  appar- 
tiennent à  M.  Callouet  de  Tregomar  :  Ker-gallot,  Ker-bincon, 
moyenne-Juftice ,  à  Madame  de  Ros. 

PLOUHARNEL  ;  au  bord  de  la  mer  5  à  6  lieues  à  l'Oueff- 
Sud-Oueft  de  Vannes ,  fon  Evêché  ,  à  27  Ueues  de  Rennes  -,  Se 
à  3  heues  d' Aurai ,  fa  Subdélégation  &  fon  reffort.  Cette  Paroiffe 
relevé  du  Roi ,  &  compte  1 200  communiants  :  la  Cure  ell:  à  l'al- 
ternative. Quoique  les  habitants  foient  prefque  tous  marins ,  les 
terres  ne  reftent  pas  fans  culture  :  les  femmes ,  qui  font  très-labo- 
rieufes ,  les  cultivent  avec  foin. 

PLOUHINEC  j  à  8  lieues  à  l'Oueft  de  Vannes  ,  fon  Evêché 
&  fon  reffort  ;  à  27  lieues  de  Rennes  j  &  à  2  heues  de  l'Orient, 
fa  Subdélégation.  Cette  Paroiffe  relevé  du  Roi ,  &  compte  2000 
communiants.  Ce  territoire,  borné  à  l'Oueff  par  la  rivière  d'Etel, 
&  au  Sud  par  la  mer,  efl  fertile  en  grains  &  très -exactement 
cultivé. 


PLO  411 

Contrat  de  mariage  pafTé,  l'an  1320,  entre  Alain,  Vicomte 
de  Rohan ,  &  Jeanne  de  Roftrenen ,  à  laquelle  on  affigna  deux 
cents  livres  de  rente  à  prendre  fur  la  Seigneurie  de  cette  ParoifTe , 
qui  eft  le  château  de  Guemené  -  Guingamp.  Après  la  mort  de 
Pierre  de  Roitrenen  ,  cette  Seigneurie  échut  en  partage  à  Jeanne, 
fa  fille  ,  veuve  d'Alain ,  Vicomte  de  Rohan ,  qui  la  céda  au  Duc 
Jean  IV ,  pour  une  rente  viagère  de  mille  livres  ,  par  a6le  du 
29  Mai  137Ï.  Ce  château  a  titre  de  Châtellenie  ,  avec  une  Sé- 
néchauflee.  C'étoit  autrefois  une  place  forte  qui  a  foutenu  plu- 
sieurs fieges  :  elle  fervoit  de  dépôt  pour  les  poudres  de  la  Com- 
pagnie des  Indes. 

PLOUHïNEC  ;  fur  une  hauteur  ;  à  6  lieues  un  quart  à  l'Oueft 
de  Quimper,  fon  Evêché  &  fon  refTort  ;  à  45  lieues  de  Rennes  j 
&  à  trois  quarts  de  lieues  de  Pontcroix ,  fa  Subdélégation,  On 
y  compte  2000  communiants  :  la  Cure  ell  à  l'alternative.  Ce  ter- 
ritoire ,  borné  à  l'Oueft  par  la  rivière  d'Audiern  ç  &  au  Sud  par 
la  mer ,  renferme  des  terres  fertiles  en  grains  de  toutes  efpeces, 

PLOUJAN  5  à  10  lieues  un  quart  à  l'Ouell-Sud-Oueft  de  Tré- 
guier ,  fon  Evêché  j  à  3  7  lieues  de  Rennes  ;  &  à  trois  quarts 
de  lieue  de  Morlaix ,  fa  Subdélégation  &  fon  refTort.  Cette  Pa- 
roifTe relevé  du  Roi ,  &  compte  2400  communiants  :  la  Cure  efl 
à  l'alternative.  Ce  territoire  efl  très-bien  cultivé  ,  il  produit  du 
grain,  du  lin,  &  du  foin.  On  y  voyoit ,  en  1500,  les  maifons 
nobles  nommées  Larmorique  ,  au  Sieur  de  Coulouarn  ;  Ker-an- 
roux  ,  à  Alain  de  la  Forefl  ;  Coatainguy  ,  à  Louis  TrogofT,  Trof- 
fent-Tenio  ,  à  Guillaume  Guicaznou  -,  Coetembourg ,  à  François 
Quintin  j  Coëtmorvan ,  à  Yvon  Pezdrou  -,  Ker-ourgo ,  à  Jacques 
Doulgouet  ;  RofcerfT ,  à  Jean  Quintin  j  le  Lezit ,  à  Pierre  Ker- 
volguen  j  &  Coëtcongar ,  à  N....  :  Ker-gariou ,  à  Jean  de  Ker- 
gariou.  Henri  III,  par  fes  lettres  données  à  Paris  le  19  Juillet 
1586,  donna  le  brevet  de  Gouverneur  des  ville  &  château  de 
Morlaix  à  Alexandre  de  Kergariou.  Cette  maifon  porte  pour  de- 
vife  :  Là  ou  ailleurs  ,  Kergariou,  hdL  BoifTiere  efl  une  maifon  cé- 
lèbre :  un  Seigneur  du  heu  fut  Gentilhomme  ordinaire  de  la 
Reine  Anne ,  qui  lui  fit  l'honneur  d'aller  loger  chez  lui  lorfqu'elle 
vifita  ce  pays. 

PLOUIDER  ',  fur  une  montagne  ;  à  5  lieues  à  l'Ouefl-Sud- 
Ouell:  de  Saint-Pol-de-Léon ,  fon  Evêché  j  à  44  lieues  de  Rennes  -, 


&  à  I  lieue  de  Lefheven ,  fa  Subdélégatîon  &  fon  refTort.  Cette 
Paroiiïe  relevé  du  Roi ,  6c  compte  2400  communiants  :  la  Cure 
eft  préientée  par  i'Evêque. 

Saint  Goulven  ,  fixieme  Evêque  de  Saint-Pol-de-Léon ,  naquit 
en  cette  ParoilTe ,  de  parents  "pauvres.  Godien  ,  homme  riche  , 
pourvut  à  l'éducation  de  ce  jeune  homme,  qui,  après  avoir  fini 
le  cours  de  fes  études ,  fe  retira  dans  Tendroit  que  l'on  appelle 
aujourd'hui  le  Penid  de  Saim-Goulven  ,  où  ce  Samt  Hermite  at- 
tira un  grand  nombre  d'hommes  qui  vécurent  avec  lui  dans  la 
plus  exa&e  difciphne.  Even  ,  Comte  de  Léon ,  ayant  remporté 
une  grande  viftoire  fur  les  Normands ,  par  l'intercefiion  de  ce 
Saint ,  lui  donna  le  Heu  qu'il  habitoit  avec  quelques  autres  terres  ; 
ce  qui  augmenta  la  réputation  de  Goulven ,  qui  ,  peu  de  temps 
après  ,  fut  nommé  à  l'Evêché  de  Saint-Pol-dc-Léon. 

On  connoît  dans  cette  ParoifTe  les  maifons  nobles  nommées 
Mefle-Perenes  ,  Liftourdu  ,  Penanprat ,  Coetmenech  ,  Pratalan ,  la 
Flèche,  Ker-vélégan  ,  Ker-ouriou-Lochan  ,  &  Leftevenec.  Ce  ter- 
ritoire ,  qui  eft  arrofé  des  eaux  de  pluiieurs  bras  de  mer ,  efl  fer- 
tile &  très-exa61:ement  cultivé. 

PLOUIGNEAU  ;  au  bord  de  la  route  de  Rennes  à  Breft  ;  à 
9  lieues  au  Sud-Oueft  de  Tréguier ,  fon  Evêché  j  à  3  ^  Heues  de 
Rennes  ;  &  à  2  lieues  de  Morlaix ,  fa  Subdélégation  &  fon  ref- 
foft.  Cette  Paroiffe  relevé  du  Roi,  &  compte  4000  communiants,, 
y  compris  ceux  de  Lanneanou  ^  fa  trêve  :  la  Cure  eft  à  l'alter- 
native. Des  terres  en  labeur ,  des  prairies ,  des  landes  ;  voilà  ca 
que  ce  territoire  préfente  à  la  vue  :  c'eft  un  pays  couvert ,  fort 
abondant  en  cidre.  Cette  Paroifle  exiftoit  dès  l'an  714,  fous 
l'Epifcopat  de  Martin  ,  fixieme  Evêque  de  Tréguier. 

Le  château  de  Goèsbnand  appartenoit ,  en  1220,  à  Aufrai  , 
Seigneur  de  Goësbnand ,  Capitaine  de  cinquante  lances,  fous  le 
règne  de  Charles  ViL  Aufrai  de  Goèsbnand  fut  Gouverneur  des 
ville  &  château  de  Saint-Macaire  ,  &  Lieutenant  général  en  Ba- 
zadois.  Ker-veniou  ,  haute -Juftice  j  cette  Terre  appartenoit,.  ea 
1371  ,  à  Thomas  de  Kerveniou  ,  Ecuyer  dans  la  Compagnie  de 
Pierre  de  Tornemine ,  Chevalier ,  Seigneur  de  la  Hunaudaye , 
au  fervice  du  Roi  de  France  :  elle  appartient  préfentement  à 
M.  le  Maréchal  Duc  de  Richelieu.  Le  château  de  Lanidi  appar- 
tenoit, en  1430,  à  Pierre  Talhouet ,  Confeiller  du  Duc  Jean  V.. 
Jean  Talhouct ,  fon  petit-fils,  fut  Evêque  de  Tréguier  en  1502^ 
Jeaa  Talhouet  ^  Sieur  de  Lamdi ,,  fon  frère ,  fut  envoyé  par  la 


PLO  41J 

DuchefTe  Anne  en  ambaflade  à  Francfort.  La  Ferté ,  Gouarquen , 
Ker-gariou ,  &  Ker-denis  ;  ces  quatre  Terres  ont  chacune  une 
haute-Juilice,  qui  appartiennent  à  M.  le  Maréchal  Duc  de  Ri- 
chelieu. 

PLOUÎSI  j  fur  une  hauteur  ;  k  4  lieues  'Se  demie  au  Sud  de 
Tréguier ,  fon  Evêché  ;  à  27  lieues  de  Rennes  ;  &  à  i  lieue  de 
Guingamp,  fa  Subdélégation.  Cette  Paroiffe  relTortit  à  Lannion, 
Sz  compte  3000  communiants,  y  compris  ceux  de  Saint-Michel, 
fa  trêve  :  la  Cure  eft  à  l'alternative.  En  l'an  1 500  ,  cette  Paroifle 
étoit  trêve  de  Saint-Michel  ;  &  aujourd'hui,  Saint-Michel  eil  trêve 
de  Plouifi.  Le  grain  &  les  fruits  pour  le  cidre  font  les  prmci- 
pales  produftions  de  ce  terroir ,  qui  eft  aflez  bien  cultivé  :  on 
remarque  quelques  prairies  dans  les  vallons.  Dans  le  quinzième 
fiecle  on  voyoit  dans  ce  territoire  les  maifons  nobles  de  Ker-ybo , 
à  Yvon  le  Rougé  j  les  Salles  ,  à  N....  de  Mondragon  -,  le  Guerlan  ^ 

à  l'Abbaye  de  Begar  ;  Ker-efort ,  à  N Merien  j  Creufugit ,  à 

Bertrand  Fleuriot ,  Sieur  de  Kernabat  -,  &  Ker-urien ,  à  François 
Emery.  L'an  1 506  ,  la  Reine  Anne  fit  bâtir  la  Chapelle  de  Notre- 
Dame  de  Grâce  en  cette  Paroiffe. 

Les  Cordeliers  de  Guingamp  dont  le  Couvent  avoit  été  ruiné, 
s'adreflerent  au  Duc  de  Mercœur ,  qui  leur  donna  la  Chapelle 
de  Notre-Dame  de  Grâce,  où  ils  s'étabUrent  en  1633.  Le  corps 
de  Charles  de  Blois ,  qui  avoit  été  inhumé  à  Guingamp  dans  l'an- 
cien Couvent  des  Cordeliers ,  fut  tranfporté  dans  ce  nouveau  Mo- 
naftere  avec  une  grande  pompe. 

PLOULECFI  ;  à  4  lieues  un  quart  à  l'Oueft-Sud-Oueft  de  Tré- 
guier ,  fon  Evêché  ;  à  3  3  heues  de  Rennes  ;  &  à  i  lieue  & 
demie  de  Lannion  ,  fa  Subdéiégation  &  fon  refîbrt.  On  y  compte 
II 00  communiants  :  la  Cure  ell  à  l'alternative.  L'ancienne  ville 
ou  cité  de  Lexobie  étoit  fituée  dans  cette  Paroiffe ,  à  la  pointe 
de  la  rivière  de  Léguer  ;  cette  ville ,  qui  fut  le  premier  fîege 
des  Evêques  de  ce  diocefe  ,  fut  détruite  dans  le  neuvième  fîecle 
par  l'armée  de  l'Empereur  Charlemngne  ;  on  y  trouve  des  ruines 
qui  femblent  favonfer  cette  conjefture.  On  a  conflruit  une  Cha- 
pelle pour  rappeller  à  la  mémoire  que  c'eft  le  premier  fiege  des 
Evêques  de  Tréguier.  Ce  territoire ,  qui  eft  borné  au  Nord  & 
à  rOuefl  de  la  rivière  de  Léguer ,  &  au  Sud  par  la  mer ,  ren- 
ferme des  terres  fertiles  en  toutes  fortes  de  grains  &  quelques 
landes.  On  y  voit  les  maifjns  nobles  de  Carcaradec,  de  Coëtfrec, 


42^4  P  L  O 

Ker-Ioas,  Ker-daniel,  Ker-nimon ,  Ker-uranguen,  Ker-louenan,  Le- 
fenor,  &  Coatedres, 

PLOUMAGOER  ;  à  6  lieues  au  Sud-Sud-Eft  de  Tréguier,  Ton 
Evêchéj  à  27  lieues  de  Rennes  j  &  à  un  tiers  de  lieue  de  Guin- 
gamp  ,  fa  Subdélégation.  Cette  ParoifTe  reflbrtit  à  Lannion ,  & 
compte  4000  communiants ,  y  compris  ceux  de  Pabu-la-Poterie 
&  de  Saint- Agathon ,  Tes  trêves  :  la  Cure  eft  à  l'alternative.  La 
haute-Juftice  de  Munehore  appartient  à  M.  de  Munehore.  Ce 
territoire  ell  un  pays  couvert ,  où  l'on  voit  des  terres  bien  culti^ 
vées  &  àes  pâturages  abondants.  L'an  12(37,  Daniel,  Abbé  de 
Sainte-Croix  de  Quimperlé  ,  tranfigea  avec  l'Evêque  de  Tréguier, 
pour  la  propriété  de  l'Eglife  de   Ploumagoër. 

Rolland  de  Coat-Coureden ,  Seigneur  de  Lomaria  en  cette 
ParoifTe ,  fut  un  des  braves  Chevaliers  de  ion  temps.  Son  cou- 
rage &  fes  vertus  lui  valurent  l'eftime  de  Charles  de  Blois^ 
qui  le  fit  fon  Sénéchal  univerfel  en  Bretagne ,  vers  l'an  1 3  46. 

Cadoualan  appartenoit ,  en  1 470  ,  à  Jean  Pinard  ,  Sieur  de 
Cadoualan.  Barthelemi ,  fon  petit-fils,  époufa ,  en  1573  ,  Ifiibeau 
Budes.  François  Pinard,  qui  vivoit  en  1680,  eut  plufieurs  en- 
fants ,  parmi  lefquels  on  diftingue  Guillaume  ,  Chevaher  de 
Malte.  Les  autres  maifons  nobles  qui  exiftoient  en  1470,  font: 
Ker-onio ,  Ker-ofporel,  &  Corfon  ;  (  ces  trois  maifons  apparte- 
noient  à  Jacques  Duparc  :  )  Ker-men ,  le  Ruftang ,  Ker-morvan  ^ 
Ker-meno ,  Ker-jean  ,  &  Ker-grée. 

PLOUMILLIAU  ;  à  5  lieues  au  Sud-Oueft  de  Tréguier ,  fon 
Evêchéj  à  32  lieues  de  Rennes;  &  à  2  Heues  de  Lannion,  fa 
Subdélégation.  Cette  ParoifTe  refTortit  à  Morlaix ,  &  compte  2200 
communiants  ,  y  compris  ceux  de  Ker-audi  ,  fa  trêve  :  la  Cure 
eft  à  l'alternative.  Le  terroir ,  qui  efi:  afTez  bien  cultivé ,  produit 
des  récoltes  abondantes,  du  lin,  &  des  pâturages  excellents;  on 
y  voit  des  landes  par  cantons.  Ker-huelle-Ker-biriou ,  haute- Juf- 
tice ,  à  MM.  de  TrogofF  ;  Lanafcol ,  moyenne-Juftice ,  à  M»  de 
LanafcoL 

PLOUMOGUER;  à  13  lieues  à  FOuefl-Sud-Oueft  de  Saint- 
Pol-de-Léon ,  fon  Evêché  ;  à  5 1  lieues  de  Rennes  ;  &  à  3  lieues 
deux  tiers  de  Breft ,  fa  Subdélégation  &  fon  refTort.  Cette  Pa- 
roille ,  qui  relevé  du  Roi,  compte  1800  communiants,  y  com- 
pris ceux  de  Lamper  ,  fa  ueve  :  la    Cure    ell  préfentée  par 

l'Evêque. 


P  L  O  415 

TEvêque.  Le  château    du    Pouldu  appartient  à  M.  le  Duc  de 
Rohan.  Ce  territoire  avoifîne  la  merj  il  eft  très-fertile. 

PLOUNEOURISTRÉS  -,  à  6  lieues  à  l'Oueft  de  Saint-Pol- 
de-Léon ,  fon  Evêché  ;  à  46  lieues  de  Rennes  ;  &  à  2  lieues  de 
Lefneven ,  fa  Subdélégation  &  fon  refîbrt.  On  y  compte  2600 
communiants  :  la  Cure  eft  préfentée  par  l'Evêque.  Cette  Paroifïe 
relevé  du  Roi.  Le  Duc  Jean  V  ,  après  avoir  fondé  le  Chapitre 
de  Notre-Dame  du  Folgoët  en  1 409 ,  lui  donna  les  dîmes  qu'il 
poffédoit  dans  la  Paroiffe  de  Plouneouiiftrés.  Ce  territoire ,  qui 
forme  une  prefqu  ifle  ,  eft  très-exaftement  cultivé. 

PLOUNEOURMENEZ  j  à  7  lieues  au  Sud-Sud-Eft  de  Saint- 
Pol-de-Léon,  fon  Evêché  ;  à  36  lieues  de  Rennes  ;  &  à  4  lieues 
de  Morlaix  ,  fa  Subdélégation.  Cette  Paroiffe  reffortit  à  Lannion , 
&  compte  3300  communiants  :  la  Cure  eft  préfentée  par  l'Evêque. 
La  Seigneurie  de  l'endroit ,  qui  a  haute-Juftice ,  appartient  aux 
Moines  de  l'Abbaye  du  Relec ,  qui,  en  1288,  poîîédoient  dans 
ce  territoire  le  manoir  de  Ker-mageriou  :  on  y  voyoit  auffi  les 
maifons  nobles  de  Penhoët ,  Lefquelen,  Ker-gus,  Mofineou  ,  Coét- 
lofquet ,  &  la  Salle.  Ce  territoire  renferme  partie  des  montagnes 
Darés ,  des  landes ,  &  le  bois  du  Relec  ;  voilà  ce  que  préfente  à 
la  vue  ce  territoire ,  qui  eft  un  des  moins  fertiles  de  la  province. 
On  conçoit  facilement  que  les  habitants  de  ce  pays  ne  doivent 
pas  être  riches. 

PLOUNERÏN  j  à  7  lieues  au  Sud-Oueft  de  Tréguier  ,  fon  Evê- 
ché 5332  lieues  de  Rennes  ;  &  à  5  lieues  de  Morlaix ,  fa  Sub- 
délégation &  fon  reffort.  On  y  compte  1000  communiants  :  la 
Cure  eft  à  l'alternative.  Ce  territoire  eft  un  terrein  plat ,  fertile 
en  grains  ,  &  bien  cultivé.  Le  château  de  Bruilhac  ,  haute-Juftice , 
qui  appartenoit,  en  1280,  à  l'illuftre  famille  du  Châtel ,  &  au- 
jourd'hui à  Madame  de  laBedoyere.  La  Seigneurie  de  Plounerin  ap- 
partenoit,  en  1424,  à  Jean  de  Penhoët,  Chevalier ,  Chambellan, 
&  Amiral  de  Bretagne  ,  fils  de  Guillaume  de  Penhoët  &  de 
Jeanne  de  Fronfac  ,  fon  époufe.  Cette  Paroiffe  fut  transférée  du 
reffort  de  la  Cour  de  Guingamp  à  celle  de  Morlaix ,  en  faveur 
de  ce  Seigneur ,  par  lettres  du  Duc  Jean  V  ,  données  le  8  Juin 
1425.  En  1 500 ,  Ker-prigent,  à  Jean  du  Perrier ,  Sieur  du  Mené  ; 
le  Bezuon ,  à  Guillaume  de  la  Lande  j  Coettéon ,  à  Yves  du 
Cofquer  ;  Ker-lan ,  à  Henri  de  Kergabin  y  Ker-egoan ,  au  Vicomte 
Tome  IIL  H  3 


4i6  P  L  O 

de  Rohan  ;  Ker-ouach  ,  Ker-meno ,  Ker-ls ,  Ker-agus ,  le  Cofou , 
éc  Quellennec ,  à  N...  :  la  Haute-Juil:ice  de  Lefmoal  Ôc  de  Fa- 
vet  appartient  à  M,  de  Kerfaufon. 

PLOUNEVENTER  ;  à  5  lieues  au  Sud-Oueil  de  Saint-Poî- 
de-Lécn ,  fon  Evêché  ;  à  43  lieues  de  Rennes  ;  6c  à  2  lieues  de 
Landerneau ,  fa  Subdélégation.  Cette  Paroiil'e  reiTortit  à  Lefneven , 
&  compte  2800  communiants,  y  compris  ceux  de  Saint-Servais, 
fa  trêve  :  la  Cure  eil  préfentée  par  ^E^  êque.  Ce  territoire  eft 
un  pays  plat,  où  Ton  voit  des  terres  en  labeur,  des  prairies, 
&  des  landes,  La  maifon  noble  de  Ker-antron  appanenoit ,  en 
1560,  à  Jacques  le  Voyer ,  Baron  de  Tregomar,  Chevalier  des 
Ordres  du  Roi ,  Gentilhomme  de  fa  Chambre ,  &  Commiflaire 
nommé  par  les  Etats  pour  la  réformation  de  la  Coutume  de 
Bretagne ,  en   1580.  _  - 

PLOUNEVEZ  ;  à  4  lieues  à  rOue/1-Sud-Oueft  de  Saint-Pol- 
de-Léon  ,  fon  Evêché  :  à  44  Heues  de  Rennes  j  &  à  2  lieues  de  Lef- 
neven ,  fa  Subdélégation  &  fonreiïbrt.  On  y  compte  2300  commu- 
niants :  la  Cure  efl:  préfentée  par  l'E^êque.  L'ancien  Prieuré  de  Lo- 
chrill:  fe  ^'oit  dans  ce  territoire ,  borné  au  Nord  par  la  mer  ,  oc  très- 
fertile  en  grains  de   lin. 

PLOUNEVEZ-DU-FAOU  ;  à  7  Heues  au  Nord-Ell  de  Quim- 
per  ,  fon  Evêché  ;  à  3  5  Heues  de  Rennes  ;  8c  à  4  lieues  un  quart 
de  ChâteauHn ,  fa  Subdélégation  &  fon  relTort.  Cette  Paroifle  re- 
le^'e  du  Roi,  &c  compte  66co  communiants,  y  compris  ceux  de 
Colorée  &:  de  Loqueffret ,  fes  trêves  :  la  Cure  eu  préfentée  par 
l'Archidiacre  de  Poher.  Il  fe  tient  trois  foires  par  an  au  bourg 
de  Plounevez.  Des  monticules ,  des  vallons ,  des  ruiffeaux  qui 
viennent  fe  dégorger  dans  la  rivière  d'Aulne ,  des  terres  en  la- 
beur ,  des  prairies  ,  &  des  landes  ;  voilà  ce  que  ce  territoire  pré- 
fente à  la  vue  :  c'ell  un  pays  couvert  d'arbres  à  fruits. 

Le  château  du  Granec ,  ancien  apanage  de  Château-Gai ,  en 
la  ParoifTe  de  Landelleau,  fut  fortifié  par  BeHangcr  -  Premaria , 
qui  le  mit  en  état  de  ne  point  craindre  d'infulte.  En  1 593 ,  on 
y  voyoit  fix  pièces  de  canon  de  fonte  verte  :  ce  château  étoit  re- 
gardé comme  une  place  très^mportante  en  temps  de  gueiTC.  Un 
Seigneur  de  Chàteau-Gal  ,  nommé  Denel ,  donna  le  château  du 
Granec,  avec  les  droits  julliciers ,  en  fondation,  aux  C:—^ 
Déchauffés  de  Rennes,  qui  le  poffedent  aujourd'hui,  ou  ^ 


P  L  O  417 

ils  ise  jfOfi^Mji^^M.  ciac  dlç  I2.  ^t:.z'.t.r^  :  car  es  cMtesz 
par  FosEiendiJSe  pensiiM:  k-r  ""    :--     'r   "■   'ït    '^-  -.   '-.:-  :-  ■  _ 
îraiK^sïst  cfes  doiinrcs  &:  <d.i  -  ..    ...   naonce; .  ^ 

ce   :  :  :  '  es  qui  psouFent  qoeùes  ttusroot  JracaiBdae  &;  Ja  ibircâ  de 
ce  A co6£  ,  €&. oœ  r  .  appaiôesnt  asix  Camsiies. 

h'      .  :  ^immuMililaig.  ^sbe&   ..  .  —  : . .je  Ses  iâB2Ôibsas  mAAtaôs 


FI"  w'NZ^'EZEL  ;   fîff  mne  lianitenr  ;  à  10  lâesss  éc  ^fîEÎc 

f<:        -  e  èass&hesae.  es.  Caâiaâs.^  ù.  SdbtSéU^^atâiaini  &:  Ibr.     :  '" 
'^  '         :  '.n^.':x}e   1200  commimBaiEiSy  y  cooniouts  ceux  «Se  .  -.  -  -é* 
Cl  :    -  :     t    -  :  S-Tis?ç4dBfflBet ,  lê$  trêves  :  la  Cire  dâ  à  FaJbeEaajâvc 
V- 1  :  :  i    .  ■  e  (fia  Roî.  Ce  tiHi*iii(iiiMe ,  qam  eft   ssmaie  <l<fç 

e^  .::    lA^ine,  ren&Kme  des  ttErces  e  '  ? 


r  1  i^  -     '     -D!C  ;  fis-  me  haateor ,  &  lins-  li  rsœ 

^e  C  _.;.....  à  ^  Eeœs  an  SBadI-Schii-OsaÊâ:  ds  Tré- 

:'  -   T     T  ;  a  3 1  jliesaes  de  ResMiesi  &  à  4  âijao^s  (Se 

^' .     _ .  e-^jatkm.  Cette  Psoëé^  lembsioii  a  I^nmar-  :  c  ^ 

u    :   -'  -  :z    1  :  :  :   .  .j^^^omancs  :  la  Cve  eâ.  à  rafisesnasis^e.  Kar* 
a  ~  '  -^i^zse-JuBli&ce  ,  à  M.  de  Boratsniille  ^  K£r-|xige&siL--iL£r'lM' 

1::  .:'::£,  à  M.  de  Lapatcdl,  Sams^Lolia^  saiy-jÊsaie  &; 

!^  '^.  Di]|)aic-£envaD.  Ce  n^niiMtoige  ,  hsxssé  a  JTEi^ 
:  -^Tûoer,  icunfirtiiie  des  tenes  en  lalieo- ,  (ks 

'.'i-'.es.  âc  :  cnnî  ïbiffî:  plus  éÊesafâssss  <|me  tioaiES  ceUes 

flujmp^if   de  PqtfflaiBBpaïc  appaifsiKsar, 

'   ".ssganovi,  OaewaWr,  SeK^acor  (ie 

^  de  LanBonLAiesaBidre  de  Ker- 

gsjrkm  y  1B1  de  :  t       :  :  .1  poorw  da  GcciFemifgHapsTar  cie 

Modiaiz,  par  lanne»  «ûw  «mûà  ia£oâ  IH^  dtuBBPes  à  Paiis  le  18 

JmSks:  ifS^. 

PLOlJ?<£E\'EZnPORZAI;  âr  la  raote  de  QmaD|!ia^  à  Bteft 
par  Lanvanx  9  à  3  lîessfs  &  dene  an  Nonl-Oiidi;  de  Odamper, 
£sri  Erêdbéj  à  41  fienses  de  Keosies^.  &  à  :  !::-:-'  '?  Osaseaa- 


4i8  .  P  L  0 

lin,  fa  Subdëlégatîon  &  fon  refTort.  On  y  compte  2200  com- 
muniants ,  y  compris  ceux  de  Ker-las ,  fa  trêve  ;  la  Cure  eft  à 
l'Ordinaire.  Ce  territoire ,  borné  au  Nord  Se  à  l'Efl:  par  les  mon- 
tagnes de  Ménéham ,  &  à  l'Oueft  par  la  mer  ,  offre  à  la  vue 
des  terres  bien  cultivées  ,  des  prairies ,  &  des  landes.  Le  châ- 
teau de  Moèllien  appartenoit,  en  1420,  à  Jean,  Chevalier, 
Seigneur  de  Moëllien  ;  il  appartient  encore  aujourd'hui  à  la 
même   famille. 

PLOUNEVEZ-QUINTIN  ;  fur  une  hauteur;  à  16  lieues  au 
Nord-Eft  de  Quimper  ,  fon  Evêché  ;  à  2  5  Ueues  de  Rennes  ;  & 
^  5  lieues  de  Quintin ,  fa  Subdélégation.  Cette  Paroifle  reflbrtit 
à  Carhaix,  &  compte  2600  communiants,  y  compris  Ceux  de 
Tremargat ,  fa  trêve  :  la  Cure  eft  à  l'alternative.  Les  Jurifdiftions 
&  maifons  nobles  font  :  Roftrenen  ,  Baronnie  ,  avec  haute , 
moyenne  &  baffe  -  Juftice ,  à  Madame  la  Ducheffe  d'Elbeuf: 
Vieux-Châtel ,  haute  ,  moyenne  &  baffe-Juftice  ;  Touran  ,  haute, 
moyenne  &  baffe-Juftice  ;  &  Plounevez-Quintin ,  haute ,  moyenne 
&  baffe-Juffice ,  à  Mademoifelle  de  Lannion  :  Scoadec,  haute, 
moyenne  &  baffe-Juffice  ;  &  Quercomdec  ,  moyenneJuffice  ,  à 
M.  de  Saint-Pern  -  Ligouy er  :  Leurivault ,  moyenne  &  baffe-Juf- 
tice ,  à  M.  de  Coëtrieux  ;  Quenemnan,  moyenne  &  baffe-Juffice, 
à  M.  Trogoff  ;  Quergontraly  ,  moyenne  &  baffe  -  Juftice  ,  à 
M.  Perrein.  M.  de  Kernizan  poffede  le  château  de  Ker-borne, 
par  la  cuifîne  duquel  paffe  la  rivière  de  Blavet ,  qui  prend  une 
partie  de  fa  fource  dans  cette  Paroiffe  ;  cette  rivière  eft  fort  poif- 
îbnneufe,  fur-tout  en  truites.  Le  Château  de  Penquer-le-Borde 
fe  voit  aufli  dans  ce  territoire,  où  font  des  terres  bien  culti- 
vées &  des  landes. 

PLOUNEZ  ;  fur  une  hauteur  ;  à  7  lieues  au  Nord-Oueff  de 
Saint-Brieuc  ,  fon  Evêché  &  fon  reffort  j  à  27  lieues  de  Rennes, 
&  à  un  tiers  de  lieue  de  Paimpol ,  fa  Subdélégation  &c  fa  trêve. 
On  y  compte  3000  communiants,  y  compris  ceux  de  Paimpol: 
la  Cure  eft  préfentée  par  M.  de  la  Noue.  Ce  territoire  ,  borné  à 
l'Eft  par  la  mer ,  &  à  l'Oueft  par  la  rivière  de  Trieuc ,  renferme 
des  terres  bien  cultivées  &  des  pâturages  abondants.  La  maifon 
noble  de  Ker-helouri  appartenoit  ,  en  1400,  à  Raoul -Rolland  de 
Ker-helouri.  Son  fils,  auffi  nommé  Raoul  -  Rolland  ,  fut  Evêque 
de  Tréguier ,  vers  l'an  1445.  On  y  connoît  encore  les  maifons 
nobles  de  Ker-biguet ,  de  Ker-eral ,  &  de  Pennelan. 


PLO  419 

PLOURACH  ;  fur  une  hauteur  ;  à  1 4  lieues  au  Nord-Eft  de 
Quimper  ,  fon  Evêché  j  à  30  lieues  de  Rennes  ;  &  à  2  lieues 
&  demie  de  Callac ,  ûi  Subdélégation.  Cette  Paroiffe  relevé  du 
Roi ,  &  reiTortit  à  Carhaix  -,  on  y  compte  800  communiants  :  la 
Cure  eft  à  l'alternative.  La  haute  ,  moyenne  &  baffe- Juftice  de 
Coatrecar  appartient  à  M.  Duparc-Keryvon.  Ce  territoire  eft 
peu  cultivé  :  il  elt  occupé  par  des  landes ,  &  les  montagnes 
Datés ,  qui  forment  une  chaîne  ou  rideau  qui  continue  jufqu'au 
Faou ,  dans  une  longueur  de  onze  Heues. 

PLOURAY  ;  fur  une  hauteur  ,  &  fur  la  rivière  d'EUé  j  à  1 5 
iieues  au  Nord-Nord-Ouell  de  Vannes  ,  fon  Evêché  ;  à  27  lieues 
de  Rennes  5  &  a  3  lieues  un  quart  de  Gourin ,  fa  Subdélégation. 
Cette  Paroiffe  reffortit  à  Hennebon ,  &  compte  1 200  commu- 
niants :  la  Cure  eft  à  l'alternative.  Des  terres  en  labeur,  des 
prairies  ,  des  landes  très-étendues ,  &  le  bois  de  Langoët ,  qui 
peut  avoir  deux  lieues  de  circuit  j  voilà  ce  que  ce  territoire  pré- 
fente à  la  vue.  C'eft  un  pays  couvert ,  coupé  de  vallons  &  de 
monticules.  En  1296,  le  Duc  Jean  II  rendit  un  jugement  qui 
portoit ,  que  Hervé  de  Léon  feroit  à  jamais  poffeffeur  de  la  Pa- 
roiffe de  Plouray.  La  maifon  noble  de  Lohingart  appartenoit ,  en 
1400,  à  HenriKergouhizinj  Saint-Loup  ,  à  Henri  de  Saint-Loup. 

PLOURHAN  ;  fur  une  hauteur  ;  à  3  lieues  au  Nord-Oueff  de 
Saint-Brieuc  ,  fon  Evêché ,  fa  Subdélégation ,  &  fon  reffort  j  à 
23  Heues  de  Prennes.  On  y  compte  1400  communiants  :  la  Cure 
ell:  à  l'alternative.  Ce  territoire  ,  qui  eil  dans  le  voifînage  de 
îa  mer,  eft  fertile  en  grains  de  toutes  efpeces  :  c'ell  un  pays 
couvert  &  coupé  de  ruiffeaux ,  où  l'on  voit  des  prairies  &  des 
landes  peu  étendues. 

Au  commencement  du  quinzième  fîecle ,  on  voyoit  dans  ce  ter- 
ritoire les  maifons  nobles  de  Langonnet ,  ancien  château ,  au  Vi- 
comte deCoëmen;  Buhen ,  à  Marie  du  Rufflay  ;  la  Ville-Morel, 
à  Rolland  Morice  ;  la  Grandville ,  à  Rolland  Henri  -,  la  Fon- 
taine-Saint-Pere ,  à  AHx  Rochefort  ;  Saint-Mande  ,  à  Jean  du  Ruf- 
flay  ;  Tourguigne ,  à  Pierre  du  Rufîlay  ;  la  Ville-Gléjo  ,  à  Guif- 
laume  Geflin  ;  la  Ville-Rade  ,  à  Jeanne  du  Rufflay  ;  la  Ville-Juif- 
fan  ,  à  Jeanne  Pridon  ;  le  Pont-Lo  &  la  Ville-Gueffon ,  à  N.r. 

PLOURIN  j  à  I  o  lieues  un  quart  au  Sud-Oueft  de  Tréguier ,  fon 
Evêché i  à    36  lieues  de  Rennes;  &  à   i  lieue  de  Morlaix,  fi 


450  P  L  O 

Subdélégation  Se  fon  refîbrt.  On  y  compte  3200  communiants, 
y  compris  ceux  du  Cloître  ,  fa  trêve  :  la  Cure  eft  à  l'alternative, 
La  Paroiffe  relevé  du  Roi.  Ce  territoire  offre  à  la  vue  des  terres. 
bien  cultivées  ,  des  prairies ,  des  marais ,  &  une  quantité  prodi- 
gieufe  de  landes.  Les  habitants  de  l'endroit  font  beaucoup  de 
cidre.  La  maifon  &  fortereffe  de  Bodifter  appartenoit  ,  en  1 3  60  ^ 
aux  Seigneurs  de  Chateaubriand ,  qui  en  jouifToient  encore  en 
1500.  Coëtanfcourt  appartenoit,  en  1380,  à  Yves  de  Coëtanf- 
court  5  qui  époufa  Plczoic  de  Goësbnand  vçrs  l'an  1400.  En. 
1 500  ,  Coëtelan ,  à  Pierre  le  Sénéchal  j  Ker-vezec  ,  à  Yves  de 
Kcrlogan  j  le  Meidy  ,  à  Jean  du  Parcj  la  Boexiere  ,  à  Chriilo- 
phe  de  la  Boexiere  j  Penanguern ,  à  François  le  Mauran.  Oa 
voit  un  Couvent  de  Mniimes ,  qui  fut  fondé  dans  cette  Pa- 
roifle^ran.... 

PLQURIN;  à  12  lieues  à  l'Ouefl-Sud-Oueft  de  Saint-Pol-de- 
Léon ,  fon  Evêché  j  à  50  lieues  de  Rennes,  &  à  6  lieues  de 
Lefneven ,  fa  Subdélégation.  Cette  ParoiiTe  refTortit  à  Brell: ,  Se 
compte  2000  communiants,  y  compris  ceux  deBreles,  fa  trêve: 
la  Cure  eft  préfentée  par  l'Evêque.  Breles  eft  un  Gouvernement 
qui  appartient  au  Seigneur  de  la  Terre  de  Ker-groades ,  qui  a 
haute,  moyenne  &  baffe  Juftice.  Ce  territoire,  borné  par  la  mer  ^ 
efl  très-fertile  &  bien  cultivé.  On  remarque  à  Plourin  le  plus  an- 
cien monument  qui  foit  connu  en  Bretagne.  C'efl  le  château  que 
Conan  Meriadec  y  fit  bâtir  vers  l'an  3  87  ,  qu'il  appella  de  fon 
nom  Cajlel-Meriadec  :  ce  Monarque  y  féjournoit  affez  fouvent. 

Les  Seigneurs  du  Châtel  ont  fondé  dans  le  territoire  de  Plourin , 
à  peu  de  diflance  de  leur  château ,  une  Chapelle  dédiée  à  Saint 
Tangui  &  à  Sainte  Haude  ,  fous  le  nom  de  Chapelle  de  Ker-faint 
ou  Ker-féan  :  ils  y  faifoient  autrefois  célébrer  le  Service  divin. 

Le  Châtel  appartenoit  ,  en  1 280 ,  à  Hervé ,  Chevalier ,  Sei- 
gneur du  Châtel.  Bernard,  fon  fils ,  prit  en  mariage  ,  l'an  1330, 
Aliénor  de  Rofmadec  ;  un  autre  Bernard  époufa  l'héritière  de 
Ker-lech  ,  Se  Olivier  ,  Jeanne  de  Ploeuc  ;  Tangui ,  fon  frère  ,  fut 
Grand-Prévôt  de  Paris ,  Gouverneur  de  l'Ifle-de-France ,  &  Séné- 
chal de  Provence.  Guillaume  du  Châtel ,  Grand  -  Pannetier  de 
France,  Ecuyer  du  Fvoi  Charles  V,  rendit  de  grands  fervices  jà 
fon  maître  ,  &  mérita  l'honneur  d'être  enterré  à  Saint-Denis ,  dans 
le  tombeau  de  nos  Rois.  Tangui  du  Châtel  s'attacha  d'abord  au 
Roi  Charles  VI ,  qu'il  fei vit  avec  fidélité  j  mais ,  lorfque  les  mal- 
heurs, accumulés  fur  la  tête  du  Monarque ,  eurent  mis  le  Royaume 


PLO  431 

à  deux  doîgs  de  fa  perte,  Tangui  du  Châtel,  qui  était  zélé 
pour  fa  patrie ,  aima  mieux  s  expofer  à  perdre  fa  fortune  &  fa 
vie,  que  de  refter  dans  une  Cour  vendue  au  Roi  d'Angleterre* 
Il  alla  offrir  fes  fçrvices  au  légitime  héritier  Charles  ,  Dauphin 
de  France ,  Prince  infortimé  ,  qui  fe  voyoit  exclus  du  Trône  de 
fes  pères  par  une  mère  dénaturée.  Tangui,  qui  chérifîbit  (incé- 
rement  fon  jeune  maître,  lui  donna  des  avis  fages  &  prudents, 
qui ,  peut-être,  lui  conferverent  la  Couronne.  Sur  ces  entrefaites, 
le  Duc  de  Bourgogne,  qui  depuis  long-temps  favorifoit  les  An- 
glais ,  parut  vouloir  les  abandonner.  Soit  que  ce  changement  fut 
îincere  ou  fîmulé,  il  demanda  à  Charles  une  entrevue  pour  ter- 
miner leur  conteftation  ;  Charles  y  confentit ,  &  lui  donna  rendez- 
vous  à  Montereau-faut- Yonne ,  dans  la  Brie. 

Les  deux  Princes  s'affemblerent  fur  le  pont  qui  eu  en  cet  en- 
droit ,  fur  la  rivière  d'Yonne.  Ils  étoient  chacun  accompagnés  de 
dix  hommes.  Pendant  la  converfation ,  du  Châtel  qui  ne  quittoit 
jamais  fon  maître  ,  offenfé  de  quelques  paroles  hardies  échappées 
au  Duc  de  Bourgogne,  faifît  fa  hache ,  &  en  frappa  le  Prince, 
qu'il  étendit  mort  à  fes  pieds.  Cette  a6lion  efl  fans  doute  blâma- 
ble ,  mais  elle  n'en  eu  pas  moins  la  preuve  de  l'amour  que  Tan- 
gui portoit  à  Charles  VII.  Les  fuites  de  cet  afTafîinat,  &  la  guerre 
-qui  défola  enfuite  la  France  ,  ne  font  pas  de  mon  fujet.  Il  fuffira 
de  dire  que  Charles  VII  ,  pour  récompenfer  ce  généreux  Breton , 
fon  favori  &  fon  zélé  ferviteur ,  le  fit  Grand-Ecuyer  de  France  & 
Gouverneur  du  Rouffillon.  Cependant,  malgré  les  fervices  qu'il 
ayoit  rendus  à  fon  Prince ,  malgré  Teftime  que  le  Monarque  avoit 
pour  lui ,  il  fut  éloigné  de  la  Cour  &  envoyé  en  exil  ;  mais  fa 
difgrace  fut  un  triomphe.  (  Voyez  l'Honneur  Français  ,  par  M.  de 
Sacy.  )  Après  un  règne  iemé  de  défaites  Se  de  viftoires  écla- 
tantes ,  Charles  VU  mourut  à  Meun  fur  Sevré ,  en  Brie ,  le  22 
Juillet  1461  ,  avec  la  douleur  de  voir  fon  propre  fils  révolté 
<;ontre  lui.  Dans  cette  occafion ,  perfonne  ne  s'occupoit  des  funé- 
railles du  Monarque  j  &  la  pompe  funèbre  de  ce  grand  Roi 
n'auroit  pas  été  différente  de  celle  d'un  particuher  fans  les  foins 
de  Tangui  (a).  Il  prodigua  généreufement  fa  fortune  pour  ho- 
norer la  cendre  de  fon  maître  ,  &  montra  par-là  qu'il  étoit  di- 
gne d'être  favori  puifqu'il  étoit  défintéreflé ,  bien  différent  de  ces 
ambitieux  qui  s'enrichirent  des  dépouilles  de  l'Etat  fous  le  Roi 

(  ^  )  Le  corps  du  Roi  fut  porté  à  Saint-    j    paya  toutes  les  autres  dépenfes  des  fiinç; 
Peiiis  ,    aux    frais    de    du   Châtel  ,    qui     j    railles. 


4}i  P  L  O 

François  II.  Les  Guifes,  que  ce  dernier  Monarque  avoit  comblés 
de  faveurs  &  de  biens ,  montrèrent  la  plus  noire  ingratitude  à 
la  mort  de  ce  Prince ,  dont  les  funérailles  fe  firent  fans  aucun 
appareil.  Leur  conduite  blâmable  &  criminelle  donna  lieu  à  l'inf- 
cription  gravée  ,  à  la  louange  du  Chevalier  Breton ,  fur  le  cercueil 
de  François.  Cette  infcription  ne  contenoit  que  ces  mots  :  Tangui 
du  Châtel  y  où  ej-tu  ? 

La  Terre  &  Seigneurie  du  Châtel ,  avec  titre  de  Châtellenie 
&  privilège  de  fe  délivrer  à  congé  de  perfonne  &  de  menée  à 
la  Barre  &  Jurifdi61ion  ducale  de  Saint-Renan ,  fut  érigée  en 
Bannière  par  lettres  du  Duc  Pierre  II ,  données  à  Vannes  le  1 2 
Novembre  1455  ,  ^^  faveur  de  François  du  Châtel,  Chambellan 
du  Duc. 

La  maifon  noble  de  Ker-roc  appartenoit ,  en  1460,  à  Chrif^ 
tophe  Mathezou  \  & ,  en  1 700 ,  à  M.  Mathezou  de  la  même  fa- 
mille :  Brefcanuel ,  en  1430,  à  Yves  le  Roux  :  Ker-gournadec , 
Belair ,  Ker-ohic  ,  Ker-pléan,  Ker-groades,  Ker-jar  ,  Ker-vzaouen, 
Ker-oulas ,  &  Ker-gadiou  ;  un  Seigneur  de  cette  maifon  étoit  Se* 
cretaire  du  Duc  François  II  en  1478. 

PLOURIVO  \  fur  la  route  de  Pontrieux  à  Paimpol  ;  à  7  lieues 
au  Nord-Oueft  de  Saint-Brieuc ,  fon  Evêché  &  fon  reiîbrt  ;  à 
27  lieues  de  Rennes  j  &  à  i  lieue  de  Paimpol ,  fa  Subdéléga- 
tion. On  y  compte  1500  communiants  :  la  Cure  eft  à  l'alterna- 
tive. Ce  territoire  ,  pays  couvert  &  arrofé  par  la  rivière  de 
Trieux  qui  le  borne  à  TOueft ,  &  par  celle  du  Lieft  qui  le  borne 
au  Sud ,  produit  des  grains ,  du  lin  ,  du  foin ,  &  des  fruits  pour 
le  cidre.  Ses  maifons  nobles  font  :  Ker-ambelec ,  Ker-nuel ,  & 
Ker-lo.  La  haute-Juflice  du  Bourg-Blanc  appartient  à  iM»  Arinez. 
du  Poulpry. 

PLOUVARA  ;  fur  une  hauteur  ;  à  3  lieues  à  l'Oueft  de  Saint- 
Brieuc,  fon  Evêché,  fa  Subdélégation  ,  &  fon  refTort  j  à  23  lieues 
de  Rennes.  On  y  compte  1400  communiants  :  la  Cure  ell  pré- 
fentée  par  l'Abbé  de  Beauport.  Les  Jurifdi6tions  qui  s'exercent  ea 
cette  ParoifTe  font  :  les  Régaires  de  Plouvara ,  haute-Juftice ,  la- 
quelle appartient  au  Chapitre  de  l'Eglife  Cathédrale  de  Vannesj 
Creheren-Rohan ,  haute-Juflice  ,  à  M.  de  Mont-Boifîier.  Ce  terri- 
toire offre  à  la  vue  des  terres  en  labeur,  des  ruifTeaux  qui  ferti- 
lifent  les  prairies  qui  font  fur  leurs  bords ,  &  des  landes  j  c'efl  un 

pays  couvert ,  abondant  en  lin  &  en  cidre. 

jPLOUVORNii 


PLO  45Î 

PLOUVORN  ;  à  2  lieues  un  quart  au  Sud-Sud-Oueft  de  Saint- 
Pol-de-Léon  ,  fou  Evêché  &  fa  Subdélégation  j  à  41  lieues  de 
Rennes.  Cette  Paroiffe  reffortit  à  Lefneven,  &  compte  4200  com- 
muniants ,  y  compris  ceux  de  Mefpaul  &c  Sainte  -  Catherine , 
fes  trêves  :  la  Cure  fe  préfente  par  l'Evêque.  Des  valions ,  des 
ruiffeaux ,  des  prairies ,  des  terres  bien  cultivées  &  abondantes 
en  grains  ,  lin  ,  &  fruits  pour  le  cidre  ;  voilà  ce  que  ce  territoire 
préfente  à  la  vue.  Yves  de  Mayeuc  ,  né  dans  cette  ParoifTe  l'an 
1462  ,  fut  Confefîeur  de  la  Reine  Anne,  qui  lui  donna  l'Evêché 
de  Rennes  en  1506.  La  maifon  noble  de  Ker-avefan  appartenoit, 
en  1320,  à  Henri  Trémie,  Sieur  de  Keravefan.  Jean  Trémie, 
fon  petit-fils ,  fut  Chevalier  des  Ordres  du  Roi. 

.  PLOUVYEN  ',  à  8  lieues  à  l'Oueft-Sud-Oueft  de  Saint-Pol-de- 
Léon ,  fon  Evêché  ;  à  47  lieues  de  Rennes  ;  &  à  3  lieues  & 
demie  de  Breft,  fa  Subdélégation.  Cette  ParoifTe  reflbrtit  à  Lef- 
neven ,  &  compte  4000  communiants ,  y  compris  ceux  du  Bourg- 
Blanc  ,  fa  trêve  :  la  Cure  eft  préfentée  par  l'Evêque.  Ce  terri- 
toire y  arrofé  par  plufieurs  bras  de  mer  ,  eft  fertile  en  grains ,  lin  , 
&  fruits  j  les  landes  y  font  peu  étendues.  La  maifon  de  Coëtivi , 
■fîtuée  en  cette  ParoifTe ,  a  fourni  des  hommes  d'un  mérite  écla- 
tant ,  parmi  lefquels  on  diftingue  Prigent  de  Coëtivi ,  Maréchal 
&  Amiral  de  France  ;  le  Cardinal  de  Sainte-Praxede ,  &  Alam  de 
Coëtivi ,  Légat  Apoftolique  en  France  &  en  Bretagne  ,  pour 
vaquer  à  la  canonifation  de  Saint  Vincent  Ferrie*" ,  à  Vannes  , 
le  5  Juin  1456.  Cette  Terre  appartenoit,  en  1677 ,  à  la  Ducheffe 
de  BrilTac.  Le  château  du  Brignou  ,  fitué  dans  un  étang ,  étoit 
autrefois  une  place  forte. 

PLOUYÉ  ;  à  9  lieues  au  Nord-Eft  de  Quimper ,  fon  Evêché  ; 
à  3  4  lieues  de  Rennes  j  &  à  3  lieues  de  Carhaix ,  fa  Subdé- 
légation. Cette  ParoifTe  refTortit  à  Lefneven ,  &  compte  2000 
communiants  :  la  Cure  efl  à  l'alternative.  Ce  territoire  renferme 
des  terres  en  labeur ,  des  prairies ,  &  des  landes  très-étendues  5 
c'efl  un  terrein  inégal.  Le  Roi  poiTede  plufieurs  domaines  en  cette 
ParoifTe. 

PLOUZANÉj  à  13  lieues  au  Sud-Ouefl  de  Saint-Pol-de-Léon , 

fon  Evêché  ;  à  49  lieues  de  Rennes  j  &  à  3   lieues  de  Brell ,  fa 

Subdélégation  &  fon  refTort.  On  y  compte  4000  communiants, 

y  compris  ceux  de  Lomaria ,  fa  trêve.  La  majeure  partie  de  la 

Tome  IIL  I  3  . 


4  PLO    . 

Paroiffe  relevé  du  Roi.  Il  s'y  exerce  une  moyenneJuflice  Se  fept 
baffes.  Son  territoire  ,  borné  au  Sud  par  la  mer  &  coupé  de  ruif- 
féaux  qui  arrofent  des  prairies ,  eil  fertile  en  grains  de  toutes  ef- 
peces  ;  on  y  voit  beaucoup  de  landes.  L'Eglife  de  Plouzané  étoit 
autrefois  un  temple  confacré  aux  Idoles.  Saint  Sané  efl:  regardé 
comme  le  Patron  du  lieu.  On  remarque  dans  cette  Eglife  plufieurs 
monuments  qui  prouvent  fon  antiquité.  Auprès  du  porche  efl:  une 
Croix  de  pierre  fort  haute,  fur  laquelle  font  des  inscriptions  qu'on 
ne  fçauroit  lire.  A  peu  de  diftance  de  l'Eglife  de  Lomaria ,  on 
remarque  deux  grandes  Croix  de  pierre  ,  que  l'on  prétend  avoir 
été  plantées  par  Saint  Sané  ,  après  qu'il  eut  converti  le  peuple 
de  ce  pays  à  la  Foi  CathoHque.  Ces  Croix  ont  toujours  été  tort 
révérées  du  peuple ,  &  ont  été  long-temps  reconnues  comme  des 
afyles  inviolables.  Les  malfaiteurs  qui  s'y  refugioient  ne  pouv oient 
être  faifis ,  ni  punis.  On  voit  auffi  dans  le  cimetière  une  pierre 
d'autel  où  Saint  Sané  célébra  la  première  fois  la  Meffe  ,  en  pré- 
fence  des  nouveaux  convertis ,  dans  le  fixieme  fiecle.  Plouzané 
6c  la  Chapelle  de  Lomaria  étoient  alors  environnées  d'une  grande 
forêt ,  au  milieu  de  laquelle  elles  étoient  iituées.  Les  maifons 
nobles  de  l'endroit  font  :  Ker-vifien ,  (  elle  eft  fur  le  fief  du  Roi , 
de  Saint-Renan  ,  réuni  à  celui  de  Breft  ;  )  Penanprat ,  Ker-chafel  , 
Coëtenez  ,  le  Dreïfec  ,  le  Goulven ,  Ker-edec  ,  le  Halgoët , 
Ker-guizio  ,  Ker-vaftoué  ,  Ker-fcao-vijac  ,  Lefconvel ,  Nevent , 
&:  Rofarnou. 

PLOUZEC  ;  fur  une  hauteur  ;  à  5  lieues  &  demie  au  Nord- 
Ouell  de  Saint-Brieuc ,  fon  Evêché  &  fon  reffort  j  à  2  5  lieues 
&  demie  de  Rennes  ^  &  à  i  h  eue  &  demie  de  Paimpol ,  fa  Sub- 
délégation. On  y  compte  2400  communiants  :  la  Cure  eit  pré- 
fentée  par  l'Evêque.  Ce  territoire ,  qui  eft  borné  au  Nord  &  à 
rOucil:  par  la  mer ,  renferme  des  terres  fertiles  en  grains ,  foin , 
&  lin  ,  èc  des  landes  très-étendues.  On  voit  dans  cette  Paroiffe 
l'Abbaye  de  Beauport.  (  Voyez  Beauport.  )  Les  maifons  nobles 
de  Gouz-Froment ,  Ker-y blanc ,  Plouzec  ,  Ploutra  ,  Plounez ,  Yvias , 
Se  Lanvignez  ;  ces  cinq  dernières  forment  une  haute-Julbce  qui 
s'exerce  à  Paimpol. 

PLOUZELEMPRE  ;  à  5  lieues  &  demie  au  Sud-Oueft  de 
Tréguier ,  fon  Evêché  ;  à  32  lieues  de  Rennes  ;  &  à  3  lieues  de 
Lannion ,  fa  Subdélégation.  Cette  Paroiffe  reffortit  à  Morlaix ,  & 
compte  600  communiants  :  la  Cure  ,eil  à  l'alternative.  La  haute- 


PLO  =  PLU  435 

Juftice  de  Ker-veguen  appartient  à  M.  du  Lude.  Ce  territoire 
efl  un  pays  plat  &  coupé  de  ruiiïeaux  qui  vont  tomber  dans 
la  mer.  On  y  connoît  les  maifons  nobles  de  Lanafcol  Se  de 
Rumabela. 

PLOUZEVEDÉ  ;  à  3  lieues  au  Sud-Ouefl  de  Saint-Pol-de-Léon , 
fon  Evêché  &  fa  Subdélégation;  à  41  lieues  de  Rennes.  Cette 
Paroifle  relevé  du  Roi ,  reflbrtit  à  Lefneven  ,  &  compte  1 400 
communiants  :  la  Cure  eft  préfentée  par  l'Evêque.  La  maifon  no- 
ble de  Ker-vafdoué  appartenoit ,  en  14(30,  à  Jean  de  Kerf^uiziau: 
Jean  de  Kerguiziau  fut  fait  Chevalier  en  1(339.  On  connoît  dans 
la  même  Paroifle  les  maifons  de  Cotangars  ,  de  Landebocher  & 
de  Mefcanton.  Ce  territoire  renferme  des  terres  en  labeur  &  des 
landes  très-étendues. 

PLOZEVET  5  fur  une  montagne;  à  5  lieues  un  quart  à  l'Oueil 
de  Quimper,  fon  Evêché  &  fon  reflbrt  ;  à  44  lieues  de  Rennes; 
&  à  2  lieues  de  Pontcroix ,  fa  Subdélégation.  On  y  compte  2200 
communiants  :  la  Cure  ell  préfentée  par  un  Chanoine  de  l'EgUfe 
Cathédrale  de  Quimper.  Ce  territoire ,  qui  eil  borné  par  la  mer , 
renferme  des  terres  fertiles ,  fur-tout  en  grains  &  lin, 

PLUDUAL  ;  fur  une  hauteur  ;  à  4  lieues  un  quart  au  Nord- 
Oueft  de  Saint -Brieuc,  fon  Evêché,  fa  Subdélégation ,  &  fon 
relTort  ;  &  à  24  Heues  un  quart  de  Rennes  :  cette  Paroilfe , 
dont  la  Cure  eft  à  lalternative  ,  relevé  du  Roi ,  &  compte  700 
communiants.  Des  ruiffeaux  ,  des  vallons ,  des  prairies  ,  des  terres 
fertiles  en  grains  &  lin  :  voilà  ce  que  ce  territoire  préfente  à  la 
vue.  Les  maifons  nobles  font  :  en  1 5  00  ,  le  château  de  Langarzeau , 
qui  appartenoit  à  Pierre  de  la  Feuillée  ;  Grand-Pré  ,  à  Pierre  Selic- 
zon  ;  Ker-amprat ,  à  Olivier  Leshiivry  ;  Ker-guidouc  ,  à  Louis  de 
Coëtquauran;  &  le  château  de  Pludual,  àN...  ;  ce  dernier  exif- 
toit  dans  le  treizième  fiecle. 

PLUDUNO  ;  à  8  lieues  à  l'Eft  de  Saint -Brieuc  ,  f^^n  Evêché  ; 
à  14  lieues  de  Rennes;  &à  4  lieues  de  Lamballe ,  fa  Subdé- 
légation. Cette  ParoiiTe  reffortit  à  Jugon  ,  &  compte  1 400  commu- 
niants ;  la  Cure  eft  à  l'alternative  :  le  Pré-Morvan ,  haute- Juftice , 
&  le  PleiTis-Men ,  moyenne-Juftice  ,  à  M.  TAnglois  Dupré-Morvan  ; 
le  Rocher ,  moyenne-Juftice  ,  à  M.  Vincent  des  Guimerays.  Par 
a8:e  du  20  Février  13^1  ,  Charles  de  Blois  donna  à  Etienne  Goyon, 


4îé  PLU 

Sieur  de  Matignon ,  en  récorapenfe  de  fes  fervices ,  la  maîfon  de  la 
Ville-Hamon ,  avec  toutes  fes  dépendances.  La  Ville-Robert  apparte* 
noit ,  en  1 260 ,  à  Jean  de  la  Ville-Robert  j  en  1 440 ,  à  Alain  de  Saint- 
Meloir ,  Sieur  de  la  Ville-Robert  :  Jean ,  fon  fils ,  époufa  Anne  Goy on 
de  Matignon ,  l'an  1 5 1 5  :  cette  Terre  a  moyenne-Juflice ,  &  appartient 
àM.  deSaint-Meloir.  LechâteaudeGuébriand  appartenoit,en  1280, 
à  Guillaume  Budes  ,  Chevalier ,  Seigneur  d'Uzel  jSylvelIre ,  Ton  fils, 
fut  Lieutenant-général,  &  Gonfalonier  de  l'iiglife  Romaine.  Louis, 
Duc  d'Anjou  ,  frère  du  Roi ,  donna  ,  le  29  Août  1372,  cent  francs 
d'or,  pour  récompenfe,  à  un  autre  Sylveflre  Budes.  Jean  &  François 
furent  Ecuyers  du  Duc  de  Bretagne  ;  Bertrand  fut  Procureur- 
général  au  Parlement  5  &  François ,  fon  frère  ,  Maître-d'Hôtel  de 
la  Reine.  Jean-Baptifte  Budes  ,  né  le  2  Février  1602  ,  de  Charles 
Budes  &  d'Anne ,  Dame  de  Quatre-Vaux ,  fut  fait  Maréchal  de  Camp 
en  1636  :  la  prife  d'Ordingen ,  dans  le  pays  de  Cologne,  &  le 
gain  de  la  bataille  du  même  nom,  furent  les  commencements  de  la 
campagne  de  1642  ,  &  méritèrent  à  Jean-Baptifle  Budes,  Comte 
de  Guébriand ,  le  bâton  de  Maréchal  de  France ,  que  Louis  XÎÏI 
lui  envoya  dans  le  courant  de  la  même  année.  Ce  Général  ne 
jouit  pas  long-temps  de  cette  dignité  éminente  ;  le  7  Septem- 
bre 1643  ,  il  affiégea  Rotewel ,  ville  Impériale ,  en  Suabe  ,  alliée 
des  Suiâes  ;  les  Impériaux  vinrent  au  fecours  des  afîiegés  ,  & 
furent  vaincus  par  Guébriand  :  mais  ce  Maréchal  reçut  ,  dans 
le  combat,  dix-fept  coups  de  fauconneaux,  dont  il  mourut  le  17 
du  même  mois ,  après  la  prife  de  la  ville  j  fon  corps  fut  porté  à 
Paris,  ôc  inhumé,  avec  la  plus  grande  pompe  ,  dans  l'Eglife  de 
Notre-Dame ,  &  fon  cœur  fut  dépofé  dans  l'Eglife  des  Incurables  : 
ce  Seigneur  n'eut  point  d'enfants  de  Renée  du  Bec  Crepui ,  fon 
époufe  ,  Dame  d'aufïï  célèbre  famille  que  Ion  mari  ;  la  Cour, 
qui  connoifToit  fes  talents ,  la  nomma  AmbafTadrice  ,  pour  accom- 
pagner ,  en  1645  ,  Louife-Marie  de  Gonzague  ,  Reine  de  Pologne; 
c'ell  la  première  femme  qui  ait  été  décorée  de  ce  titre  :  elle  mou- 
rut le  27  Septembre  1659  ,  à  Périgueux ,  ville  Epifcopale  &  Ca- 
pitale du  Périgord  :  elle  avoit  été  nommée  première  Dame  de  la 
Reine  :  fon  corps  fut  mis  dans  le  tombeau  de  fon  mari.  Le  Ma- 
réchal de  Guébriand  avoit  un  frère  nommé  Yves ,  qui  n'eut ,  de 
fon  mariage  ,  qu'une  fille  nommée  Renée  ,  qui  porta  l'héritage  de 
fa  maifon  dans  celle  de  Rofmadec,  par  fon  mariage  avec  Sébaflien, 
Marquis  de  Rofmadec  &  de  Molac  ,  Gouverneur  des  ville  & 
château  de  Nantes  ,  en  165  5  ;  cette  terre  a  une  haute- Juflice  ,  qui 
appartient  préfentement  à  M.  Vincent  de  Guimerais, 


PLU  457 

La  Mettrîe  -  Martin  apparrenoit  à  René  Bédé ,  Sieur  du  Bois- 
Berand ,  qui  époufa ,  en  i  ddd  ,  Françoife  Goyon  de  Vaurouault  j 
aujourd'hui,  à  M.  Bédé  du  Bois-Berand ,  de  la  même  famille.  En 
1660  ,  la  Ville-Menue,  à  Jofeph  de  Lefquen,  Chevalier,  Seigneur 
de  la  Ville-Menue ,  aujourd'hui ,  à  M.  de  Lefquen  ;  cette  terre 
a  une  haute-Juilice  ,  qui  s'exerce  à  Pluduno  &  à  Plancoët  :  les 
autres  maifons  nobles  font  ;  le  Bois-Feuillet ,  Mont-Plailir  ,  la  Gri- 
gnardais,  Saint-Pere  ,  le  Pleffis-Trehen  ,  la  Ville-Roux  ,  &  la  Ville- 
Briand.  Ce  territoire  ,  coupé  de  ruiffeaux  qui  vont  fe  jetter  dans 
la  mer  ,  produit  du  grain ,  du  foin ,  du  lin ,  &  du  cidre. 

PLUFFUR  ;  fur  une  hauteur  j  à  7  lieues  au  Sud  -  Oued:  de 
Tréguier  ,  fon  Evêché  j  à  34  heues  de  Rennes  ,  &  à  4  lieues  de  Lan- 
nion  ,  fa  Subdélégation  &  fon  reflbrt.  On  y  compte  iggo  com- 
muniants ;  la  Cure  eft  à  Talternative  :  Ker-armoux  ,  haute-JufHce ,  à 
M.  le  Préiîdent  le  Pelletier^  Pleffis-Eon  tk  Ker-prigent,  moyenne 
Juftice  ,  à  M.  du  PlefTis  -  Quelen  ;  Guernan  -  Haftel ,  moyenne  , 
&  bafle  -  Juftice  ,  à  N...  Le  territoire,  coupé  de  ruilTeaux  &  couvert 
d'arbres  &  de  buiffons ,  produit  du  grain ,  du  foin  ,  du  Hn  ,  & 
du  cidre  ;  on  connoît ,  dans  cette  Paroille ,  les  maifons  nobles  de 
RofambaultjKer-vidonné,  &  Ker-anroux  :  cette  dernière  pafla ,  dès 
l'an  1630,  à  la  famille  de  Duchâtel  Coëtangars. 

PLUGUFFAN  ;  fur  une  hauteur  ;  à  i  lieue  trois  quarts  à 
rOuell-Sud-Oueft  de  Quimper  ,  fon  Evêché  ,  fa  Subdélégation , 
&  fon  reflbrt  j  à  40  heues  de  Rennes  :  cette  ParoiÏÏe  re- 
kve  du  Roi  ,  &  compte  1500  communiants  :  la  Cure  efî: 
préfentée  par  le  Tréforier  de  l'Eglife  Cathédrale.  Ce  territoire  , 
qui  ell  plein  de  vallons  ,  eft  couvert  d'arbres  &  de  buiffons  ;  il 
renferme  des  terres  bien  cultivées  &  fertiles.  Les  maifons  nobles 
de  Coëtfao  ,  Quernefic  ,  la  Boèxiere ,  &  Tremillec  ,  appartenoient, 
en  1380  ,  à  René  de  Tremillec  ,  Sieur  de  la  Boëxiere  &  de 
Tremillec. 

PLUHERLIN  ;  à  6  lieues  à  l'Eft  de  Vannes ,  fon  Evêché  & 
Ibn  reflbrt  ;  à  1 5  Heues  de  Rennes  ;  &  à  4  Heues  &  demie  de 
Redon  ,  fa  Subdélégation.  On  y  compte  2000  communiants, 
y  compris  ceux  de  Rochefort ,  fa  Trêve.  La  Seigneurie  appar- 
tient à  Madame  de  Nétumieres  :  la  Cure  eft  à  l'alternative.  Cler- 
gerel  ,  haute  -  Juftice  j  Boturel ,  moyenne  -  Juftice  j  Talhouet , 
moyenne-Juftice ,  à  M.  du  Bot  de  la  Ville-Pelotte,  Cette  maifon 


4)8  ,       PLU 

fut  portée ,  il  y  a  environ  deux  cents  quarante  ans ,  dans  cette 
famille  ,  par  ïfabeau  de  Talhouet.  Cette  ParoifTe  fut  annexée  à 
la  Menfe  capitulaire,  par  Yves  de  Pont-Sale ,  Evêque  de  Vannes, 
en  vertu  d'une  Bulle  du  Pape  Pie  II,  en  date  du  7  Oftobre  1452. 
La  Grationnaye  ,  la  Gngnonnaye  ,  Se  la  Viile-Aubert ,  font  des 
maifons  nobles.  Des  terres  bien  cultivées ,  des  prairies ,  des  lan- 
des d'une  grande  étendue ,  plufîeurs  carrières  d'ardoifes  dont  la 
plupart  font  abandonnées  ,  des  arbres  fruitiers  j  voilà  à  peu  près 
ce  que  l'on  voit  dans  ce  territoire. 

PLUMODANj  à  6  lieues  au  Sud-Sud-Oueft  de  Saint-Malo, 
fon  Evêché  ;  à  9  lieues  de  Rennes  5  &  à  2  lieues  de  Dinan ,  fa 
Subdélégation  &  fon  refTort.  Cette  ParoifTe  relevé  du  Roi ,  & 
compte  900  communiants  :  la  Cure  ell  à  l'alternative.  Becherel, 
haute-Juftice  ,  à  Madame  de  Kerrohan  ;  Beaubois  ,  haute-Juflice ,  à 
N....  Beaulieu  ,  moyenne-Juftice ,  à  M.  l'Abbé  de  Beaulieu  -,  Lefgas 
&  Bois  -  Thomelin ,  moyenne  -  Juftice  ,  à  M.  de  Lanjamet.  Ce 
territoire  ,  coupé  de  ruilîeaux  qui  vont  fe  perdre  dans  la  rivière 
de  Rance  ,  offre  à  la  vue  une  campagne  riche  ,  des  terres  en  la- 
beur ,  très-fertiles  &  très-exaftement  cultivées. 

L'Abbaye  de  Notre-Dame  du  Pont-Pillard  ,  qui  ne  fubfiile  plus , 
fut  fondée  ,  l'an  1 1 80  ,  par  Rolland  ,  Vicomte  de  Dinan  ,  pour  des 
Chanoines-réguliers  de  l'Ordre  de  Saint- Auguftin.  L'an  1 182  ,  l'Abbé 
de  Saint-Melaine  de  Rennes  ,  céda  l'Eglife  de  Plumodan  à  l'Abbaye 
de  Beaulieu;  Aubert  ,  Evêque  de  Saint -Malo  ,  donna  cette 
Eghfe  à  l'Abbaye  de  Sainte-Marie  de  Pont-Pillard  ,  &  on  accorda 
à  Guyerne  ,  Abbé  de  Saint-Melaine ,  la  terre  de  Stephani-Cleriti, 
pour  l'indemnifer  de  cette  çeffion.  Cette  difpofition  fut  encore 
changée  dans  la  fuite,  &,  l'an  1284  ,  cette  Eglife  fut  remife  à 
l'Abbaye. 

L'an  134^,  Geoffroi  Leveyer  &  Jeanne ,  fon  époufe ,  fondèrent 
un  Hôpital  au  territoire  de  Tremeur  ,  pour  quatre  Frères  de  Sainte- 
Croix  ,  de  l'Ordre  de  Saint-Auguftin  ;  ils  leur  afTignerent  trente 
mines  de  froment ,  de  rente ,  fur  le  fromemage  de  la  ParoilTe  de 
Plumodan ,  qui   pafTe  pour   être  très-ancienne. 

La  maifon  Seigneuriale  de  l'endroit  eft  le  château  de  la  vallée 
de  Plumodan,  qui  appartenoit,  en  1400,  à  Olivier  de  la  Motte, 
Chevalier ,  Seigneur  de  Plumodan;  en  1680,  à  Jean-Georges  de 
la  Motte  ,  qui  époufa  Françoife  de  Becdelievre.  Cette  terre  a 
haute ,  moyenne  ,  &  baffe-Juftice  ,  &  appartient  à  Madame  de 
Marniere,  Les  autres  maifons  nobles  qui  exilloient  en  1 400  :  font 


PLU  439 

la  Roche ,  poffédée  par  Jean  de  Partenai  ;  la  Haterie ,  à  Mahé 
de  la  Vallée  ;  la  Pignonnayc  ,  à  Guillaume  de  la  Vallée  ;  le  Lecs , 
à  Jean  Recourfe  j  le  Quilly ,  à  Raoul  de  la  Mouffaye  ;  la  Gau- 
deyfier ,  à  Eudes  de  la  MoufTaye  -,  les  Touches ,  à  Jean  le  Bouri- 
chon  j  le  Péern  ,  à  Pvaoul  de  Trehiou  :  la  Gouffaye  ,  le  Temple , 
ia  Martinaye  ,  les  Epinayes ,  la  Touche  ,  &  Qu'eneleuc ,  à  N. . , , 

PLUMAUGATj  à  lo  lieues  au  Sud-Sud-Ouefl  de  Saint-Malo, 
fon  Evêché  j  à  9  lieues  de  Rennes  ;  &  à  3  Heues  &  demie  dç 
Montauban  ,  fa  Subdélégation.  Cette  ParoilTe  refTortit  à  Ploer- 
mel,  &  compte  1500  communiants  :  la  Cure  eft  à  l'alternative. 
Outre  la  haute  -  Juitice  de  Plumaugat ,  qui  appartient  à  M.  de 
Bruc ,  il  s'exerce  encore  cinq  baffes  -  Juffices  dans  ce  territoire  , 
lequel  ei\  arrofé  des  eaux  de  la  Rance  ,  &:  efl  fertile  en  grains ,  lin  , 
ôc  foin  ;  c'eff  un  pays  couvert  d'arbres  ,  fur-tout  de  pommiers. 
Les  landes  qu'on  voit  dans  cette  Paroiffe  ne  font  que  trop  étendues, 
&  pourroient  être  mieux  employées.  L'an  1370,  Cafo  de  Plumau- 
gat &  Macé  de  Plumaugat  étoient  compagnons  d'armes  de  Bertrand 
Duguefclm  ,  Connétable  de  France.  En  1420  ,  le  manoir  de 
Saint-Malo  appartenoit  au  Vicomte  de  Rohan  ;  Malleville  &  la 
Porte-Bregaut ,  à  Alain  Gombert  ;  le  GouHc  ,  à  Jean  du  Rocher: 
la  Ville  ou  Vieille-Court ,  ancien  manoir  connu  dès  le  douzième 
îiecle,  en  1420,  à  Guillaume  de  Guengo  ;  la  Ville-Jarno  ,  aufîi 
ancien  que  le  précédent,  à  Alain  Beyleve  :  la  Garoulaye,  à  Jean 
Duguin  ;  la  Ville-Nart ,  à  Olivier  Brunard  :  Morfouace ,  en  1230, 
à  Jacques  Picaud  ,  &  en  1420  ,  à  JeanPicaud  ;  la  Ville-Bouquaye , 
en  1200,  à  Jean  Dequelan  ,  &  en  1420,  à  Jean  Dequelan,  de  la 
même  famille  :  le  Boucat  ,  à  Jean  Thebaud  :  le  Clos-Avart ,  en 
1260,  à  Jacques  Avart ,  &  en  1420,  à  Jean  Avart  :  Guehéon  , 
à  Guillaume  du  Houlle  ;  le  Clos,  à  la  Dame  du  Closj  Querhéon, 
à  Pierre  Duguin  ;  le  Rouez-Ouze  ,  à  Guillaume  Perrotin  -,  le  Bois- 
Helio ,  à  Jean  du  Bois-Jagu  :  le  château  du  Lozier  eu  plus  moderne,, 
il  appartient  à  M.  du  Bois-Huë  Guehenneuc  :  le  moulin  du  Temple, 
fur  la  rivière  de  Rance ,  appartient  à  la  Commanderie  de  la  Guer- 
che  ,  de  l'Ordre  de  Malte. 

PLUMELEC  ;  fur  une  hauteur  ;  à  4  lieues  &  demie  au  Nord- 
Nord-Efl  de  Vannes  ,  fon  Evêché  j  à  1 7  lieues  de  Rennes  ;  & 
à  3  Heues  &  demie  de  Joffehn ,  fa  Subdélégation.  Cette  Paroiffe 
reffortit  à  Ploermel,  &  compte  2000  communiants  ,  y  compris 
ceux  de  Saint-Aubin,  fa  trêve  :  la  Cure  eft  préfentée  par  ks 


440  _     ^        PLU 

Religieufes  du  Prieuré  de  Locmaria ,  iitué  dans  ce  territoire.  Ce 
Prieuré  dépend  de  TAbbaye  de  Saint-Suipice ,  Ordre  de  Saint- 
Benoît ,  Evêché  de  Rennes.  Le  15  Avril  1400,  N...  de  Coèt- 
quen.  Prieure  de  Locmaria  ,  rendit  aveu  au  Seigneur  de  Rohan, 
&  cet  aveu  fut  approuvé  par  Jeanne  ,  AbbeiTe  de  Saint-Sulpice. 
Cadoudal ,  haute  ,  moyenne  &  balTe-Juftice  ,  à  Madame  de  Mar- 
bœuf.  Un  Chevalier  de  cette  famille  prit  le  parti  du  Comte  de 
Montfort  contre  Charles  de  Blois.  Montfort ,  qui  l'eflimoit ,  le 
fit  Gouverneur  de  Hennebon.  La  Forêt  ,  haute,  moyenne  ôc 
baffe- Juilice  ;  Callac,  haute  ,  moyenne  &  baffe-Juftice  ,  à  Madame 
de  Marbœuf;  Treganteur ,  haute,  moyenne  &  baffe-Juftice ,  à 
M.  de  la  Viile-Bouquai.  Ce  territoire  ,  arrofé  des  eaux  de  la  ri- 
vière de  Claye ,  offre  à  la  vue  des  terres  bien  cultivées ,  des 
prairies ,  des  bois ,  des  arbres  à  fruits ,  &  des  landes. 

PLUMÉLIAU  j  fur  une  hauteur  j  à  8  lieues  au  Nord-Nord- 
Oueft  de  Vannes ,  fon  Evêché  j  à  2 1  lieues  de  Rennes  ;  &  à  3 
lieues  de  Pontivi  ,  fa  Subdélégation.  Cette  Paroiffe  reffortit  à 
Ploermel,  &  compte  3  500  communiants ,  y  compris  ceux  de  Saint- 
Nicolas-des-Eaux ,  fa  trêve  :  la  Cure  eft  à  l'alternative.  La  haute- 
Juftice  de  Talavern  s'exerce  à  Saint-Nicodême.  Ce  territoire  ,  borné 
à  l'Efl:  par  la  rivière  d'Evelle  ,  &  à  l'Oueft  par  celle  de  Blavet , 
efl  encore  coupé  de  ruiffeaux  qui  arrofent  &  fertilifent  les  prai- 
ries qui  font  fur  leurs  bords.  On  y  voit ,  en  outre  ,  des  terres 
bien  cultivées  ,  des  arbres  fruitiers ,  des  landes  très-étendues ,  & 
le  bois  de  Queue ,  qui  peut  avoir  deux  lieues  de  circuit  :  ce 
bois  fervoit  jadis  de  retraite  à  des  troupes  de  voleurs  qui  infef- 
toient  ce  canton.  Le  manoir  de  la  Ville -Nelle  appartenoit,  en 
1250,  à  Alain,  Vicomte  de  Rohan.  En  1420,  Ker-méno  ap- 
partenoit à  Thébaud  de  Kerméno  j  Taluern ,  à  Jean  Thomelin  j 
Ker-efperlan ,  à  Olivier  AUonet  j  Ker-Jacu ,  à  Jeanne  Dupont  j 
Bot-Bézouj  à  Guiilaum'e  Maillard. 

PLUMELIN  ;  à  5  lieues  au  Nord-Nord-Ouefl  de  Vannes,  fon 
Evêché;  à  20  Heues  de  Rennes  ;  &  à  5  lieues  &  demie  de  Pontivi  , 
fa  Subdélégation.  Cette  Paroiffe  reffortit  à  Ploermel,  &  compte 
1700  communiants  :  la  Cure  eff  à  l'alternative.  Des  ruiffeaux, 
des  terres  en  labeur ,  des  prairies ,  des  arbres  fruitiers ,  &  des 
landes  ;  voilà  ce  que  ce  territoire  offre  à  la  vue.  La  maifon 
noble  de  Ker-bourlec  eft  à  peu  de  diftance  du  bourg.  L'an  1296, 
Henri  de  Kergouet  vendit  à  Alain ,  Vicomte  de  Rohan ,  tous  fes 

biens 


PLU  441 

biens  Se  la  rente,  appellce  trevijîere  ,  qu'il  avoit  dans  la  Pa- 
roiiïe  de  Plumelin.  En  1430,  le  manoir  de  Ker-légou  apparte- 
noit  à  Jean  de  la  Ville-Audren. 

PLUMERGAT  ;  à  3  lieues  au  Nord-Oueft  de  Vannes,  fou 
Evêché  j  à  22  lieues  de  Rennes  j  &  à  2  lieues  d' Aurai,  fa  Sub- 
délégation &  fon  reflbrt.  Cette  ParoifTe  relevé  en  partie  du 
Roi ,  &  en  partie  des  Carmes  de  Sainte- Anne ,  à  caufe  du  fief 
de  Bojulte.  On  y  compte  1700  communiants,  y  compris  ceux 
de  Meriadec  ,  fa  trêve  :  la  Cure  efl:  à  l'alternative.  Il  s'exerce 
deux  hautes-Juftices  dans  le  bourg  du  lieu.  Ce  territoire  eft  un 
pays  plat ,  coupé  de  ruifîeaux  &  arrofé  des  eaux  de  la  rivière 
d' Aurai.  On  y  voit  des  terres  en  labeur ,  des  prairies ,  des  arbres 
fruitiers,  &  des  landes.  Les  maifons  nobles:  en  1430,  Ker-guil- 
lau ,  à  Jean  d' Aurai ,  Sieur  de  Kermadec  j  Coetin  ,  à  Jean  le 
Guernj  Leymer,  à  Jean  le  Harfcouètj  &  Ker-lan,  à  Thébaud 
de  Kerveno.  "* 

PLUMIEUX  ;  fur  une  hauteur  ;  à  9  lieues  un  tiers  au  Sud- 
Sud-Eft  de  Saint-Brieuc  ,  fon  Evêché  5  à  15  lieues  de  Rennes; 
&  à  5  Heues  de  JolTelin  ,  fa  Subdélégation.  Cette  ParoifTe ,  dont 
la  Cure  eft  à  l'alternative ,  reffortit  à  Ploermel  ,  &  compte  3700 
communiants.  Ce  territoire  ,  coupé  de  ruifTeaux  qui  vont  fe 
perdre  dans  la  rivière  du  Lié ,  offre  à  la  vue  des  terres  en  labeur  ,• 
des  prairies ,  des  arbres  fruitiers ,  &  des  landes  qui  paroifTent  mé- 
riter les  foins  du  cultivateur.  La  Trinité  ,  haute  ,  moyenne  & 
LafTe-Juftice  ;  la  Cheze  ,  haute  ,  moyenne  &  baffe- Juftice  ,  à 
M.  le  Duc  de  Rohan  ;  Cambout ,  haute ,  moyenne  &  baffe- 
Juftice  ,  à  M.  le  Prince  de  Lambefq  ;  Coètlogon  ,  haute  ,  moyenne 
&  baffe-Juftice ,  à  Madame  de  Carné  ;  Saint-Lau  ,  haute ,  moyenne 
&  baffe-Juftice ,  à  M.  le  Prieur  de  Saint-Lau. 

Par  accord  fait  en  1280,  le  Vicomte  de  Rohan  donna  à 
Thomas  de  Chemillé  la  Terre  de  la  Rivière ,  avec  toutes  fes 
dépendances,  fituée  en  la  paroiffe  de  Plumieux.  En  1500,  le 
manoir  de  la  Couet  &  celui  de  la  Ville-Eonet  appartenoient  à 
Jean  de  la  Vallée  ;  la  Châtaigneraye,  à  Louife  le  Cointe  j  le  Gué- 
de-l'Ifle  ,  à  François  de  la  beiilé  &  à  Demoifelle  Cyprienne  de 
Rohan  i  le  Cambout  &  le  Bofq,  à  Jean  du  Cambout;  le  Bois- 
Courtel,  à  Jean  de  Pongréalj  la  Noë  &  Bordeleus,  à  Antoine 
Folliart  ;  Kerbu  ,  à  Alain  de  la  Vallée  ;  Belle-vue  ,  à  Gilles 
Chauffon  ;  &  la  Barre,  à  Pierre  Bodegaft/ 

Tome  IIL  K  3 


44^  ^  PLU 

PLUNERET  ;  à  3  lîeues  à  l'Oueft-Nord-Ouefl  de  Vannes , 
fon  Evêché  i  à  23  lieues  de  Rennes  j  &  à  un  tiers  de  lieue  d' Aurai, 
fa  Subdélégation  &  fon  reffort.  Cette  Patoifle  relevé  du  Roi ,  èc 
compte  2000  communiants  :  la  Cure  eft  à  l'alternative.  Ce  ter- 
ritoire eft  un  pays  couvert,  où  l'on  voit  des  terres  en  labeur, 
des  prairies ,  &  des  landes. 

Pluneret  eft  un  lieu  célèbre  depuis  le  rétablilTement  de  la  Cha- 
pelle de  Sainte- Anne  ,  mère  de  la  Sainte  Vierge  j  au  village  de 
de  Ker-anna.  Cette  Chapelle,  bâtie  dès  les  premiers  temps  de 
rétablilTement  du  chrilHanifme  dans  l'Armorique ,  avoit  été  dé- 
truite Se  ruinée  par  les  Normands ,  dans  le  huitième  ou  le  neu» 
vieme  fiecle  ;  mais  les  payfans  de  l'endroit  confervoient ,  par  tra- 
'dition  ,  le  fouvenir  de  la  dévotion  pratiquée  par  leurs  ancêtres, 
d'autant  plus  facilement  que  leur  village  ,  nommé  Ker-anna  ,  leur 
rappelloit  fans  celTe  à  la  mémoire  le  nom  de  leur  Patrone.  L'exif- 
tence  &  l'antiquité  de  la  Chapelle  font  d'ailleurs  prouvées  par  la 
dépolition  d'Yves  Nicolaiîc ,  laboureur,  du  village  de  Ker-anna, 
&  inventeur  de  l'image  miraculeufe  de  Sainte  Anne  ;  dépofition 
fondée  fur  la  révélation  que  lui  en  fit  l'aïeule  de  Jefus-Chrift , 
elle-même.  Les  révélations  &  les  vifions  de  cet  honnête  &  ver- 
tueux agriculteur  fe  trouvent  détaillées  fort  au  long  dans  un  petit 
livre  intitulé  ,  la  gloire  de  Sainte  Atine  ,  fait  par  un  Jéfuite  de  la 
Maifon  de  Vannes,  imprimé  en  1682,  &  très -connu  dans  la 
province.  Nous  y  renvoyons  le  lefteur  pour  ce  qui  concerne 
les  apparitions  de  Sainte  Anne,  fes  converfations  avec  Nicolafic, 
&  autres  miracles  dont  cette  invention  fut  précédée  ,  &  qui 
ne  font  point  de  mon  fujet  j  je  paflerai  à  la  découverte  de  ri- 
mage  ,  à  l'étabHfTement  de  la  Chapelle  &  de  fon  culte. 

Ce  fut  le  7  Mars  1625  ,  que  le  bon  Nicolafic  ,  déjà  averti 
par  la  Sainte ,  depuis  près  de  deux  ans ,  de  l'exiftence  de  cette 
image ,  rebuté  par  fon  Refteur ,  contrarié  par  les  RR.  PP.  Ca- 
pucins d' Aurai ,  qu'il  avoit  consultés  j  &  traité  de  fou  &.  de  vi- 
fionnaire  par  tous  ceux  auxquels  il  s'étoit  adreffé ,  pour  la  conf- 
truftion  de  la  Chapelle  qu'il  lui  étoit  ordonné  d'édifier ,  prit  enfin 
la  réfolution  de  céder  aux  impulfions  divines ,  &  fe  rendit ,  ac- 
compagné de  quatre  voifins  ,  &  précédé  d'une  lumière  miracu- 
leufe ,  au  champ  nommé  le  Bocennu,  Quand  ils  y  furent  arrivés, 
la  lumière  s'arrêta  fur  un  certain  endroit ,  fit  trois  fauts ,  &  dif- 
parut.  Nicolafic  ayant  dit  à  un  de  fes  compagnons  de  fonder 
le  terrein,  celui-ci  n'eut  pas  plutôt  donné  quatre  à  cinq  coups 
de  pelle  qu'il  fentit  de  la  réfiilance.  On  alla   chercher  un  cierge 


PLU  .         44î 

bénît ,  à  la  lueur  duquel  on  découvrit  une  ftatue  demi-pourrie ,  c-c 
fî  défigurée    que  l'on   ne  fçavoit  ce  que  c  etoit.  Cette  ftatue  fut 
appuyée  fur  le  prochain  folié  ,  &  ,  dès  le  lendemain  ,  la  découverte 
devint  publique.  La  populace ,  dévote  &  curieufe ,  vint  en  foule 
y  faire  fes  prières  &  y  répandre  fes  offrandes,  &  dès  les  cinq  & 
fîxieme  jours,  on  vit  des  pèlerins  y  accourir  en  fi  grand  nombre, 
qu'un   des  coopérateurs   à  l'exhumation  de   l'image ,   crut  devoir 
mettre  à  fes  yeux  un  efcabeau  &  un  grand  plat  d'étain ,  pour  re- 
cueillir les  offrandes.  Tel  fut  l'autel  fur  lequel  l'image  de  la  Sainte 
fut  long -temps  expofée  au  culte  &  à  la  vénération  des  fidèles  : 
le  Refteur  de   Pluneret ,  toujours  incrédule  ,  inflruit  de  ce  qui 
fe   paffoit ,  envoya  fon  Vicaire   pour   s'oppofer  à  la  nouveauté  : 
le  Vicaire ,  dans  les  mêmes  principes  ,  renverfa   l'image ,  jetta , 
d'un  coup  de  pied  ^  le  plat  &  les  offrandes ,  maltraita  Nicolafic  , 
Se  gourmanda  les  pèlerins  fur  leur  fuperflitieufe  dévotion  -,  mais  il 
en  porta  bientôt  la  peine,  ainfi  que  le  Refteur  :  quant  à  Nicolafic, 
fans  fe  troubler  &  fans  rien  répliquer  ,  il  releva  l'image  &  recueiUit 
l'argent  qu'il  garda  avec  fidélité.  Les  chofes  reflerent  en  cet  état 
jufqu'au    3    de   Mai  ,  que  les   payfans  de   Ker  -  anna  ,    voyant 
î'aifluence  des  pèlerins  qui  augmentoit  de  jour  en  jour ,  lui  dref- 
ferent  une  cabane  couverte  de  genêt.  Cependant ,  Sébaflien  de 
Rofmadec ,  Evêque  de  Vannes,  inflruit  de  ce  qui  fe  paffoit ,  fit 
interroger ,  par  des  Prêtres ,  des  ReHgieux ,  &  des  Magiflrats ,  Se 
interrogea  lui-même  le  bon  Nicolafic  ,  dont  la  franchife  ,  les  ré- 
ponfes  conflamment  uniformes  &  fages,  furprirent  &  convainquirent 
les  interrogateurs.  Après  tous  ces  examens ,  l'honnête  vieillard  reçut 
enfin  la  permifîion  de  bâtir  une  Chapelle  j  en  attendant,  il  fit  un 
Oratoire  en  planches ,  dans  lequel  on  célébra  la  Meffe ,  le  jour 
que   la  première  pierre  fut  pofée  au   nom  de   l'Evêque  -,  c'elf- 
à-dire  ,  le  propre  jour  de  Sainte  Anne,  1625.  On  affure  qu'il  fe 
trouva  trente   mille  âmes  à  cette  cérémonie;  les  offrandes,  que 
l'on  évalue,  depuis  l'invention  jufqu'à  cette  époque  ,  à  près  de  40CQ 
écus,  &  qui  fe  foutinrent  toujours,  mirent  cette  Chapelle  en  état 
cl'être  bientôt  finie,  &  les  RR.  PP.  Capucins  la  defl'ervirent  pen- 
dant près  de  deux  ans  ;  mais  comme  ce  maniement  d'argent  ne 
s'accordoit  pas  avec   leur  inltitut  ,  on  y  fit  venir  des  Rehgieux 
Carmes  réformés,  qui  prirent  pofïèfllon  du  fanftuaire  le  21  Dé- 
cembre 1627.  L'affluence  des  pèlerins,  preuve  vifible  de  lafainteté 
du  lieu ,  s'y  eu  toujours  foutenue  ,  &  leurs  libéraHtés  ont  mis  les 
Religieux  en  état  de  changer  la  Chapelle  en  une  très-belle  Eghfe, 
très-riche  j  Se  très-bien  décorée.  Les  murs  font  couverts  d'une  infinité 


444  PLU 

d'ex  Voto^  tribut  de  la  reconnoiflance  des  fidèles ,  &  témoignage 
non-fufpeél  de  la  quantité  des  miracles  qui  s'y  font  opérés  jour- 
nellement. Le  tréfor  de  la  facriilie  eil  rempli  de  reliques  &  autres 
préfents  faits  à  l'Eglife ,  parmi  lefquels  le  plus  précieux  &  le  plus 
remarquable  eil  une  relique  de  Sainte  Anne,  donnée,  en  1639, 
par  Louis  XIII ,  pour  l'accomplilTement  d'un  vœu  fait  par  la  Reine , 
&  auquel  ce  pieux  Monarque  attribua  la  naifTance,  du  Dauphin, 
depuis  Louis  XIV  :  elle  fut  préfentée  par  l'Evêque  de  Vannes  & 
parle  Préfidialde  la  même  ville,  &  portée  proceiTionneliement, 
dans  le   plus  grand  appareil,  d'Aurai   à  Sainte-Anne. 

Je  fuis  bien  perfuadé  que  les  efprits  forts  du  fiecle  vont  me 
traiter  comme  on  traita  le  bon  vieillard  Nicolafic ,  &  tourner 
en  ridicule  le  férieux  de  cette  hilloire.  Que  m'importe  ?  La  vé- 
rité n'en  paroîtra  pas  moins  belle  aux  yeux  de  ceux  qui  l'aiment , 
&  les  fuffrages  des  âmes  pieufes  &  honnêtes  me  dédommageront 
amplement  des  farcafmes  d'une  philofophie  infenfée.  Les  faits  que 
je  viens  de  rapporter  font  encore  récents ,  &  les  preuves  en  font 
évidentes  &  nombreufes.  La  Bretagne  entière  a  été  témoin  des 
miracles  multipliés  qui  s'y  opèrent  j  & ,  fî  parmi  ceux  qu'on  pu- 
blie &  qu'on  a  publiés  ,  il  s'en  trouve  quelques-uns  qui  pa- 
roiffent  très-douteux ,  il  n'ell:  pas  moins  certain  qu'on  ne  peut 
raifonnablement  &  fans  injuftice ,  nier  la  certitude  d'un  grand 
nombre  d'entr'eux,  atteftés  par  des  perfonnes  éclairées  &  di- 
gnes de  foi. 

La  maifon  des  Religieux  eil:  très-grande  &  très-commode  ,  mais 
fans  magnificence.  L'enclos  &  les  jardins  très-vaftes ,  parfaitement 
bien  entretenus ,  offrent  les  promenades  les  plus  agréables  &  les 
plus  diverfifiées.  Les  environs ,  remplis  de  marais  &  trop  couverts 
de  bois ,  ont  rendu  long-temps  le  lé  jour  mal-fain ,  &  il  y  a  ap- 
parence que  l'on  ne  connoiffoit  pas  le  principe  du  mal ,  puif- 
qu'on  n'y  apportoit  pas  de  remède.  Enfin  ,  les  efprits  fe  font 
éclairés ,  &  l'on  s'efl:  emprefle  de  détruire  cette  fource  de  ma- 
ladie. On  a  defféché  des  marais  ,  on  a  coupé  &  élagué  des 
bois ,  &  cette  double  opération  a  rendu  l'air  falubre  &  le  fé- 
jour  agréable.  Il  s'en  efi:  fuivi  un  autre  bien ,  les  Religieux  ont 
pris  du  goût  pour  les  défrichements ,  goût  utile  &  par  la  quan- 
tité de  manouvriers  qu'il  fait  vivre  &  par  les  produ6lions  de 
ce  terroir  fi  long-temps  inculte  j  enfin  ,  des  terreins  qui  fans  lui 
feroient  encore  des  cloaques ,  commencent  à  prendre  figure  de 
campagne ,  &  à  rembourfer  les  Rehgieux  des  avances  qu'ils  ont 
faites.  Je  rendrai  juftice  aux  Pères  Carmes ,  en  difant  que  leur 


PLU  445 

maifon  réunit  à  tant  d'avantages  une  décence  &  une  honnêteté 
qui  la  rendent  auffi  refpeftable  quelle  ell  délicieufe  :  aufTi  eil- 
elle  le  féjour  le  plus  ordinaire  des  Provinciaux.  Si  la  charité  des 
Fidèles  a  fait,  dans  le  principe,  toute  leur  fortune  ,  &  contribue 
encore  à  leur  aifance  ,  ils  n'en  font  point  ingrats  ;  ils  fçavent  ren- 
dre aux  pauvres  une  grande  partie  de  leur  fuperflu  ;  mais  leurs 
aumônes  faites  avec  connoiflance  de  caufes ,  &  diflribuées  fans  éclat 
par  les  mains  des  Relieurs  des  Paroiffes  voiiines  ,  foulagcnt  ceux 
à  qui  elles  font  deilinées  ,  fans  devenir  la  proie  de  ceux  qui  peu- 
vent travailler  &  auxquels  on  fournit  de  l'ouvrage.  Il  s'efl:  formé , 
autour  de  ce  Monaftere ,  une  efpece  de  bourgade  de  merciers , 
qui  ne  laiffent  pas  que  de  faire  un  débit  afTez  confîdérable  de 
joujoux  d'enfants  &  de  bagues  de  verre,  qu'ils  tirent  deSaumurj 
mais  les  deux  articles  de  plus  grande  confommation  font  les  cha- 
pelets &  les  fcapulaires. 

En  1 300  ,  les  manoirs  de  Ker-jouan  &  de  Ker-ambaz  ,  à  N...  de 
Couzquet  :  en  1 400  ,  Talhouet ,  à  Jean  Dufl:  ;  le  Leftai ,  à  Henri 
le  Parify  j  Ker-audren,  à  Olivier  de  Keraudren  :  en  1530  , 
CoefTal ,  à  Alain  de  CoefTal  ;  Ker-morinant ,  à  Gilles  Perro  ; 
Ker-madio ,  à  Gilles  d' Aurai  ;  Ker-feyghant ,  à  Raoul  de  Ker- 
guyris. 

PLURIEN  ;  fur  une  hauteur  -,  à  6  liei  s  à  l'ElVNord-Eft  de 
Saint- Brieuc ,  fon  Evêché  j  à  17  lieues  de  Rennes  ;  &  à  4  lieues 
de  Lamballe ,  fa  Subdélégation.  Cette  Paroiffe  reifortit  à  Jugon , 
&  compte  600  communiants  :  la  Cure  efl:  à  l'alternative.  Ce  ter- 
ritoire eil  borné  au  Nord  par  la  mer ,  qui  couvre  de  fes  fables 
une  grande  partie  du  terrein ,  à  l'endroit  qu'on  nomme  la  Bow 
che-d'Erquy,  le  reile  eft  fertile  en  grains  cie  toutes  efpeces.  La 
Vigne  ,  moyenne- Juftice  ,  à  M.  de  Beaucours  ;  la  Ville-Roger  , 
moyenne- Juilice ,  à  M.  des  Cougnets  de  l'Hôpital  ;  le  Bois-Ri- 
peaux,  moyenne  -  Juftice  j  &  Salle  -  Pique  ,  moyenne -Juftice,  à 
N....  La  maifon  noble  du  Lehen  appartenoit ,  en  1 400 ,  à  Pierre 
de  Tremereuc  ,  Chevalier  ,  Seigneur  du  Lehen.  Bertrand  ,  fon  fils , 
époufa  Jeanne  de  Ploeuc  en  1442;  cette  Terre  a  une  haute-Juf- 
tice  qui  appartient  à  M.  de  Tremereuc ,  de  la  même  famille  ,  qui 
poflede  aulfi  le  Pont-Joli ,  avec  moyenne-Juftice, 

PLUSQUELEC  i  à  14  lieues  au  Nord -Eft  de  Quimper,fon 
Evêché  ;  à  29  lieues  de  Rennes  j  &  à  i  Heue  de  Callac ,  fa 
Subdélégation.  Cette  Paroifîe  relevé  du  Roi ,  &  reffortit  à  Carhaix  ; 


446  PLU 

elle  compte  3(300  communiants,  y  compris  ceux  de  Botmel  Ôc 
de  Callanhuel ,  fes  trêves  :  la  Cure  eft  à  l'alternative.  La  haute  , 
moyenne  &  bafTe-Juftice  de  Coetléan  appartient  à  Madame  du 
Loch.  Ce  territoire ,  plein  de  vallons  &  de  monticules  ,  borné 
au  Sud  par  la  rivière  d'Hiere ,  offre  à  la  vue  des  terres  en  la- 
beur ,  des  prairies ,  des  arbres  fruitiers ,  &  des  landes.  La  Sei- 
gneurie de  la  Rivière  appartenoit  jadis  à  Olivier  du  Gourvinec, 
Capitaine  des  Gardes  du  Duc  de  Bretagne  ,  Jean  IV ,  il  époufa 
Marguerite  de  Maleftroit,  &:  mourut  en  1403. 

PLUSSULIEN;  à  18  Heues  à  l'Eft-Nord-Eft  de  Quimper,  fou 
Evêché  i  à  23  heues  de  Rennes  ;  &  à  i  heue  de  Corlai ,  fa  Subdé- 
légation. Cette  Paroiffe  reffortit  à  Ploermel ,  &  compte  1300  com- 
muniants :  la  Cure  ell  à  l'alternative.  Des  terres  en  labeur  ,  des  prai* 
ries,  &  beaucoup  de  landes  j  voilà  ce  que  renferme  ce  territoire. 

PLUSUNET  j  fur  une  hauteur  -,  à  4  Heues  au  Sud-Sud-Ouell  de 
Tréguier,  fon  Evêché  j  à  30  lieues  de  Rennes  j  &  à  3  heues  de 
Lannion ,  fa  Subdélégation  &  fon  reffort.  On  y  compte  1800 
communiants  r  la  Cure  eft  à  l'alternative.  Le  Roi  y  poffede  plu- 
sieurs fiefs.  Le  château  de  Coetnizan ,  avec  haute-Jullice ,  ap- 
partenoit, en  1286,  à  Alain,  Chevalier ,  Seigneur  de  Coetnizan j 
il  paffa  enfuite  à  Jean  de  Kerprigent,  qui  le  poffédoit  en  1450: 
Jean,  fon  petit-fils,  époufa,  en  1509,  Catherine  de  Guébriand  j 
Pierre ,  petit-fils  de  ce  dernier,  fe  maria,  en  1565  ,  à  Denife 
Luday ,  de  la  maifon  de  Goazirec  -,  celui-ci  eut  un  fils  auquel  il 
donna  les  dîmes  appellées  grandes  dîmes  de  Coemifan  ,  dues  par 
les  habitants  de  Plufunet  à  la  Seigneurie  de  Coetnifan.  Ce  châ- 
teau ,  qui  pafie  pour  un  des  plus  beaux  de  la  province ,  appartient 
préfentement  à  M.  de  la  Bourdonnaye  de  Mont-Luc.  Ce  territoire 
renferme-  des  terres  en  labeur,  &  beaucoup  de  landes  dont  o» 
pourroit  tirer  un  meilleur  parti.. 

PLUVIGNER  j  à  5  lieues  à  l'Oueft-Nord-Ouefl  de  Vannes^ 
fon  Evêché;  à  23  lieues  de  Rennes  ;  &  à  2.  lieues  d'Aurai ,  fa 
Subdéiégation  &:  fon  reffort.  Cette  Paroiffe  eft  une  ancienne 
Châtellenie ,  qui  relevé  du  Roi ,  &  compofe  l'ancienne  Baronnie 
de  Lanvaux  :  on  y  compte  4000  communiants  j  la  Cure  eft  à  l'ai- 
ternative.  La  Haye  de  Lanvaux  ,  haute  ,  moyenne  &  baffe-Juf^ 
tice  ,  aux  Rehgieux  de  l'Abbaye  de  Lanvaux  1  Pluvigner,  haute,, 
idoyemie  &baffe-Juftice  j  Ker-ambourg,  haute  ,  moyemie  é.  baiTe- 


P  L  U=  P  O  I  447 

Juflice  ;  le  Val ,  haute  ,  moyenne  &  bafTe-Jufllce  ,  à  M.  le  Pré- 
iîdent  de  Robien.  En  «320  ,  Hervé  de  Léon  poffédoit  la  Rue  de 
Lohéac ,  avec  fon  Parc  &  le  fief  de  Guemené-Thebaë ,  qui  avoit 
étang  &  moulin,  le  tout  fîtué  dans  cette  Paroifle  :  en  1420,  le 
manoir  de  Ker-bâtard  appartenoit  à  Guillaume  de  Keroualan  j 
Ker-ofen ,  à  Jean  de  Coetmagoer  j  Ker-onnic ,  à  Henri  de  Lau- 
nay  ;  Ker-yangun ,  à  Alain  Talhouet  ;  Jégado ,  à  Guillaume  de 
Jégado  j  Botevens  ,  au  Sieur  de  Peillac  :  le  château  de  Moncaii 
appartenoit ,  en  1480  ,  à  Jean  Morin  ,  qui  comparut ,  en  1492 ,  à 
l'arriere-ban  de  Languedoc  ;  Jean  Morin ,  un  de  fes  defcendants , 
fut  Gentilhomme  ordinaire  de  la  chambre  &  Maître-d'Hôtel  du  Roi 
Louis  XIIL  Ce  territoire  eft  arrofé  des  eaux  de  la  rivière  d' Aurai  j 
c'eft  un  pays  plat ,  où  l'on  voit  des  terres  bien  cultivées ,  des  pâ- 
turages excellents ,  &  des  arbres  à  fruits  pour  le  cidre. 

POCÉ  ;  dans  un  fond ,  au  bord  de  la  rivière  de  Vilaine  ;  à  7 
lieues  àl'Eft  de  Rennes,  fon  Evêché  &  fon  relTort  ;  &  à  trois  quarts 
de  lieue  de  Vitré ,  fa  Subdélégation.  On  y  compte  600  commu- 
niants :  la  Cure  elt  préfentée  par  lAbbé  de  Saint  -  Melaine  de 
Rennes.  Le  territoire  offre  à  la  vue  des  terres  en  labeur  ,  des 
prairies ,  &  des  arbres  fruitiers  ;  c'eit  un  terrein  couvert.  Il  s'exerce 
une  moyenne-Juflice  dans  le  bourg.  Le  château  de  Gazon  appar-» 
tenoit ,  en  1408  ,  à  Raoul  Buflbn  ,  Chevalier  ,  Seigneur  de  Gazon, 
Chambellan  du  Duc  Jean  V ,  &  Capitaine  de  Rennes ,  lequel  eut 
un  bras  coupé  en  défendant  fon  Maître ,  lors  de  l'attentat  des 
Penthievres ,  qui  firent  ce  Prince  &  fon  frère  Richard  prifon- 
niers ,  au  Pont  de  la  Tourbade ,  le  13  Février  141 9.  Lorfque  le 
Duc  fut  forti  de  prifon ,  il  donna  à  Raoul  BufTon  une  rente  de 
500  liv.  à  prendre  fur  les  domaines  de  Bretagne. 

POILLEY  ;  fur  une  hauteur;  à  11  lieues  au  Nord  -  Efl  de 
Rennes  ,  fon  Evêché  ;  &  à  3  lieues  de  Fougères  ,  fa  Subdélé- 
gation &  fon  refîbrt  :  cette  Paroiffe  relevé  du  Roi ,  &  compte  1 000 
communiants.  La  Cure  efl  préfentée  par  l'Abbé  du  Mont  Saint- 
Michel.  Des  coteaux  ,  des  vallons ,  des  terres  très-bien  cultivées , 
des  arbres  fruitiers  ,  &  autres  :  voilà  ce  que  ce  territoire  préfente  à 
la  vue.  L'an  1050,  Maine,  Evêque  de  Rennes  ,  donna  l'Eglife  de 
Poilley  à  l'Abbaye  du  Mont  Saint-Pviichel ,  &  ,  Tan  1 1 1 9  ,  Guil- 
laume Epine  donna  le  droit  de  Patronage  de  cette  Paroiffe  à 
la  même  Abbaye  -,  depuis  ce  temps ,  les  Moines  en  ont  toujours 
été  les  Relieurs  &  les  Préfentateurs  depuis  que  les  Cures  font 


44»  PO  L  =  POM 

gérées  par  des  Prêtres  féculiers.  La  terre  &  Seigneurie  de  Poilley 
fut  érigée  en  Comté  ,  l'an  i6}6 ,  en  faveur  de  Julien  de  Poilley. 

POLIGNÉ  j  fur  une  hauteur ,  &  fur  la  route  de  Rennes  à  Nantes  ; 
à  5  lieues  &  demie  au  Sud  de  R  ennes ,  fon  Evêché  ,  fa  Subdé- 
légation ,  &  fon  reffort.  On  y  compte  i  loo  communiants  :  la 
Cure  eft  à  l'alternative.  Au  mois  de  Juillet  1304,  Robert  Ra- 
guenel  ,  Chevalier ,  Seigneur  de  Châtel-Ogé  ,  donna  les  dîmes 
qu'il  polTédoit  dans  la  ParoiiTe  de  Poligné ,  au  Chapelain  de  Notre- 
Dame  du  Pilier ,  qu'il  venoit  de  fonder  dans  l'Eglife  Cathédrale 
de  Rennes  :  à  un  demi-quart  de  lieue  au  Sud  du  bourg  de  Po- 
ligné ,  eu  une  colline  appellée  le  Tertre-gris  ,  au  bord  de  la  rivière 
de  Semnon.  Quelques  Naturalillies  prétendent  qu'il  y  eut  jadis  un 
volcan  dans  cet  endroit  ;  mais  ,  félon  toutes  les  apparences ,  ils 
fe  trompent ,  puifque  aucun  Hiilorien  n'en  a  fait  mention.  On 
trouve  fur  cette  colline  des  pierres  noires  qui  peuvent  fervir  de 
crayon  ,  &  d'autres  pierres  de  couleur  de  chair ,  les  unes  molles 
&  les  autres  dures  ,  qui  refTemblent  alTez  au  tripoli.  Celles  qui 
font  dures ,  rendent  un  fon  égal  à  celui  que  rend  la  tuile  bien 
cuite.  Les  Naturalises  ,  qui  ont  examiné  ces  différentes  pierres 
dans  l'endroit ,  ont  cru  y  reconnoître  l'organifation  végétale ,  & 
ont  décidé  que  cette  matière  provenoit  d'une  grande  quantité 
d'arbres  engloutis  en  cet  endroit  ;  quoi  qu'il  en  foit,  ces  pierres 
font  mêlées  à  une  terre  dans  laquelle  il  fe  trouve  du  foufre ,  dont 
elle  a  la  couleur ,  Se  des  rochers  parmis  lefquels  font  des  grès 
feuilletés  comme  de  l'ardoife  fauife.  La  colline  du  Tertre  peut 
avoir  quatre  cents  foixante  toifes  de  longueur  ,  fur  deux  cents 
foixante  pieds  de  hauteur  ,  depuis  fon  fommet  jufqu'au  bas  de  la 
petite  prairie  dans  laquelle  eft  le  lit  de  la  rivière. 

Poligné  ,  Baronie ,  haute ,  moyenne  &  baffe-Juftice  ,  à  M.  de 
la  Bourdonnaye  de  Mont-Luc  ;  la  Jurifdiftion  du  Sel-des-Monts ,  â 
N....  Les  maifons  nobles  font  :  le  Chêne-Blanc ,  à  M.  le  Coriîn  j 
Chante  -  Loup  ,  à  M.  de  la  Grignonnais  ;  Coutance ,  à  M.  du 
Bois,  Médecin  -,  la  Marche  ,  à  M.  du  Bois-Hamon.  Des  vallons, 
des  coteaux ,  des  terres  bien  cultivées  &  fertiles  :  voilà  ce  que 
ce  territoire  préfente  à  la  vue» 

POMMELEUC;  dans  un  fond  j  à  19  lieues  au  Sud-Oueft  de 
Saint-Malo ,  fon  Evêché  ;  à  1 5  Heues  de  Rennes  j  &  à  i  Heue 
de  Joffehn ,  fa  Subdélégation.  Cette  ParoifTe ,  qui  eft  une  Com- 
nianderie  de  l'Ordre  de  Malte  ,  reifortit  à  Ploermel ,  &  compte 


P  O  M  449 

250  commnmants ':  la  Cure  eft  prcfentée  par  l'Abbé  de  Saint- Jean 
des  Prés  :  il  s'exerce  dans  l'endroit  une  moyenneJuftice  ,  qui  rel- 
fortit  au  Comté  de  Joffelin.  Le  territoire  ,  qui  eft  peu  étendu  , 
plein  de  vallons  &  de  coteaux  ,  eft  borné ,  au  Nord  ,  par  la  forêt 
de  la  Noué  ;  on  y  voit  des  terres  bien  cultivées  ,  quelques  petites 
landes  ,  &  des  arbres  à  fruits. 

POMMELVEZ  5  à  huit  lieues  au  Sud  de  Tréguier  ,  fon  Evêché  ; 
à  2(5  lieues  de  Rennes  j  &  à  3  lieues  &  demie  de  Guingamp ,  fa 
Subdélégation  :  cette  ParoifTe  reffortit  à  Lannion  ,  &  compte 
900  communiants.  La  Cure  efl  préfentée  par  le  Commandeur  du 
Paraclet ,  Ordre  de  Malte ,  Seigneur  de  l'endroit ,  où  il  pofTede  la 
Commanderie  de  la  FeuiUée  ,  avec  haute- Juftice  ,  qui  s'exerce  à 
Callac.  Ce  territoire  oftre  à  la  vue  des  terres  bien  cultivées ,  des 
prairies ,  &  des  landes  :  le  château  de  Coatcoureden ,  haute-JulHce. 

POMMERET  ;  dans  un  fond  ;  à  2  lieues  de  Saint-Brieuc ,  fon 
Evêché  j  à  18  lieues  de  Rennes  ,  fon  reffort  j  &  à  2  lieues  &  demie 
de  Moncontour,  fa  Subdélégation.  On  y  compte  500  communiants; 
M.  le  Duc  de  Penthievre  en  efl  le  Seigneur  :  la  Cure  ell  à  l'al- 
ternative. Ce  territoire  ,  qui  ell  couvert  d'arbres  &  de  buiiïbns , 
renferme  des  terres  en  labeur,  fertiles  en  grains  &  lin  ,  des  prairies, 
&  des  landes  très-étendues.  Ourxigné ,  moyenne- JulHce  j  Limoelan, 
moyenne -Juftice,  qui  s'exerce  à  Sainte-Anne;  Carlan,  moyenne- 
Juftice  ,  idem ,  à  M.  le  Noir  de  Carlan. 

POMMERIT-JAUDÎ  ;  dans  un  fond  ,  fur  la  route  de  Pontrieux 
à  la  Rochederien  ;  à  i  lieue  de  Tréguier ,  fon  Evêché  ;  à  30  lieues 
de  Rennes;  &  à  i  lieue  tk  un  quart  de  Pontrieux  ,faSubdélGgation. 
Cette  ParoifTe  reflbrtit  à  Lannion  ,  &  compte  1 500  communiants: 
la  Cure  eft  à  l'alternative.  Le  territoire  renfermiC  des  terres  en 
labeur ,  &  quelques  petites  landes.  La  maifon  de  Rocumelen  ap- 
partenoit ,  en  1370  ,  à  Yves  ,  Chevalier  ,  Seigneur  de  Trogoff  & 
de  Rocumelen:  Ker-faliou  étoit  pofTedé ,  dans  le  même  temps, 
par  Rolland  de  Kerfaliou  ,  compagnon  d'armes  de  Bertrand  Du- 
guefchn  ,  Connétable  de  France  :  cette  maifon  a  produit  des 
hommes  très-diftingués. 

POMMERIT-LE-VICOMTE;  à  4  lieues  un  quart  au  Sud-Sud-Ell: 
de  Tréguier,  fon  Evêché;  à  26  lieues  de  Rennes  ;  &  à   i  heue 
&  demie  de  Guingamp  ,  fa  Subdélégation,   On  y  compte   2700 
Tome  IlL  L  3 


45©  POM  =  PON 

communiants  f  M.  le  Duc  de  Lorges  en  eft  le  Seigneur ,  & ,  en 
Cette  qualité  ,  préfente  la  Cure ,  qui  eft  un  Patronage  laïque.  La 
Seigneurie  du  lieu  eft  une  ancienne  Bannière ,  qui ,  dès  le  dou- 
zième {iecle  ,  appartenoit  aux  Seigneurs  du  Châtelier.  En  1451 
&  1455  ,  Jean  du  Châtelier,  Vicomte  de  Pommerit ,  affilia ,  en, 
qualité  de  Ciievalier  Banneret ,  aux  Parlements  généraux ,  tenus 
par  le  Duc  Pierre  II.  Cette  Terre  a  une  haute  -  Juftice  qui  ap- 
partient à  M.  le  Duc  de  Lorges.  La  Seigneurie  de  Montafilan 
a  pludeurs  fiefs  dans  ce  territoire  ,  dont  le  terrein,  plat  &  couvert, 
ell:  abondant  en  grains  ,  foin  ,  lin ,  &  fruits  -,  les  bois  &  les  lan- 
des de  Pommerit  font  fort  étendus.  En  1500,  le  manoir  de  Ker- 
millon  appartenoit  au  fieur  du  Champ ,  Garde  naturel  du  Vicomte 
de  Pommerit ,  fon  fils.  Le  Refte-meur  ,  aujourd'hui  le  Remeur ,  à 
Jean  de  la  Lande  ;  Ker-gongar ,  à  Vincent  le  Charpentier  ;  Ker- 
venon,  à  Pierre  Poences  ;  le  Mouldan,  au  fieur  du  Vieux-Châtel  ; 
Ker-brelTellec ,  à  Yves  le  Roux  -,  Bugily ,  à  Jeanne  le  Roux  ;  le 
Rofmeur-en-Moifan ,  &  Refmeur-en-Pellec  ,  à  Robert  le  Borgne, 
Ker-boufTa  ,  à  N. . . . 

PONT  -  CHATEAU  ;  gros  Bourg,  fur  la  route  de  Nantes  à 
Vannes  j  à  10  lieues  à  l'Oueft-Nord-Ouefi:  de  Nantes,  fon  Evê- 
ehé  &  fon  reflbrt  ;  &  à  1 8  lieues  de  Rennes.  On  y  compte  4000 
communiants ,  y  compris  ceux  de  Sainte-Reine  ,  fa  trêve  :  la  Cure 
efl:  à  l'alternative.  On  trouve  à  Pont-Château  une  Subdélégation , 
&  un  marché  tous  les  Lundis  ;  c'efi:  une  Seigneurie  confidérable, 
qui  envoie  aux  États  ,  comme  Baronnie  ,  mais  elle  n'a  qu'une  feule 
voix  avec  le  Seigneur  de  Pont  -  Labbé.  Pont  -  Château ,  haute- 
JulHce  ,  à  M.  le  Comte  de  Menou ,  Seigneur  de  l'endroit ,  &  Lieu- 
tenant de  Roi  à  Nantes  :  le  Crevi ,  moyenne  &  baffe-JulKce ,  à 
M.  le  Sénéchal  de  Ker-guifé  ;  Langle-Ruine  ,  moyenne  &  baffe- 
Juilice  ,  à  M.  Charette  de  la  Colmiere. 

L'an  1050,  Jarnogan,  Seigneur  de  Pont-Château,  fit  une  do- 
nation au  Prieuré  de  Saint -Cyr  de  Nantes,  connu  aujourd'hui 
fous  le  nom   de  Saint-Léonard. 

Benoît ,  Evêque  de  Nantes  ,  donna  ,  en  1080  ,  TEglife  de  Pont- 
Château  au  nommé  Rodoald ,  avec  tous  les  droits  qu'il  avoit  dans 
cette  ParoilTe ,  malgré  la  défenfe  du  Concile  tenu  à  Rome  en 
1049  5  lequel  défapprouve  &  condamne  des  donations  femblables, 
faites  à  des  laïques.  Rodoald ,  étant  tombé  malade  ,  eut  envie  de 
fe  faire  Moine ,  félon  la  folie  du  temps ,  dans  l'idée  que  cela 
feul  fuffiroit   pour  expier  toutes  les  fautes  qu'il  avoit  pu  faire  5 


PON  451 

maïs  comme  il  falloit  beaucoup  d'argent  pour  avoir  la  contola- 
tion  de  mourir  avec  un  froc  ,  il  n'eut  d'autre  parti  à  prendre  que 
celui  de  donner  Ton  Eglife  de  Pont-Château  à  l'Abbaye  de  'Vîar- 
moutier.  On  ne  refula  pas  fon  préfent ,  6c  le  capuchon  monacal 
lui  fut  fur  le  champ  accordé.  De  pareilles  bévues  peignent  très- 
bien  les  mœurs  de  ces  temps  d'ignorance  ,  &  nous  montrent  juf- 
qu'où  peut  aller  une  aveugle  cévotion.  Rodoald  avoir  une  femme, 
&  un  fils  à  la  mamelle ,  &  il  aima  mieux  laiffer  ces  deux  foi- 
bles  créatures  dans  la  plus  afFreufe  indigence  ,  que  de  mourir  hors 
du  cloître  ;  il  fe  contenta  de  les  recommander  à  Benoît ,  Evêque 
de  Nantes  ,  fon  bienfaiteur  ,  qui  eut  lui-même  la  foiblefle  de 
confentir  à  cette  donation  infenfée  Se  cruelle.  Dès  que  Rodoald  fut 
mort,  Bernard,  Abbé  de  Marmoutier,  fe  rendit  à  Nantes,  chez 
les  Moines  de  fon  Ordre ,  qui  y  demeuroient  alors ,  dans  la  Paroifle 
de  Sainte-Radegonde  ;  l'Evêque  Benoît ,  ayant  appris  l'arrivée  de 
cet  Abbé  ,  lui  parla  ,  &  l'engagea  à  pourvoir  au  befoin  de  la  veuve 
&  du  fils  du  donateur  ;  mais  celui-ci  le  refufa ,  &  dit  très-pofitive- 
ment  &  très-monaflïquement ,  qu'il  n'en  feroit  rien.  Quelque  temps 
après ,  il  partit  pour  prendre  pofTeffion  du  riche  héritage  qu'on 
lui  avoit  fi  mal-à-propos  laiflé.  Heureufement  le  Baron  &  les  autres 
Seigneurs  des  environs ,  qui  fe  trouvèrent  à  cette  prife  de  pofTef- 
fion ,  lui  repréfenterent  avec  tant  de  force  qu'il  étoit  jufle  qu'il 
fît  fubfifter  cette  malheureufe  famille  ,  que  ,  cédant  à  leurs  impor- 
tunités,  peut-être  plutôt  qu'à  la  juftice  ,  il  confentit  de  donner 
l'habit  de  Moine  à  l'enfant  lorfqu'il  feroit  en  âge ,  &  que  ,  s'il  vou- 
loir refter  dans  le  monde ,  il  pourvoiroit  à  fes  befoins.  Depuis  ce 
temps  l'Eglife  de  Pont -Château  efl  reftée  aux  Moines  de  Mar- 
moutier ,  qui  en  ont  toujours  perçu  les  dîmes  ,  qui  produifent , 
année  commune  ,  au  moins  cent  tonneaux  de  grains  :  il  faut  pour- 
tant avouer  qu'ils  en  abandonnent  la  cinquième  partie  au  Recteur. 
Après  cela ,  qui  ne  loueroit  pas  leur  générofité  ?  L'an  1 1 16 ,  JofTelin, 
Seigneur  de  la  Pvochebcrnard  ,  donna  au  Prieuré  de  Pont-Château, 
la  troifieme  partie  des  dîmes  de  fon  fief  de  Plaifance.  L'an  1 125  , 
Olivier,  Seigneur  de  Pont  -  Château  ,  fils  de  Jarnagon  j  Savary  , 
Seigneur  de  Donges  ;  &  quelques  autres  Seigneurs  ,  accompagnés 
d'une  troupe  de  brigands ,  fe  rendirent  à  Redon  ,  ôc  pillèrent  les 
vafîkux  des  Moines  de  Saint-Sauveur.  Le  Duc  Conan  III  en- 
voya contre  ces  Seigneurs,  des  troupes  qui  les  prefTerent  \\  fort 
>qu'iîs  furent  obhgés  de  fe  réfugier  dans  l'Eghfe  de  l'Abbaye , 
où  ils  fe  crurent  en  fureté  ;  mais  ils  fe  trompèrent ,  l'Eglife  fut 
bloquée  ,  &  les  alliégés  ,  pr elles  par  la  faim ,  fe  virent  contraints 


45i  P  O  N 

de  fe  rendre  prifonniefs;  ils  furent  conduits  à  Nantes  ,  &  en- 
fermés dans  le  château  du  BoufFay  ,  où  ils  réitèrent  jufqu'en 
II 27  :  ce  fut  à  cette  occafion  que  le  Duc  fit  rafer  le  châ- 
teau de  Donges.  Olivier  de  Pont-Château,  qui  avoit  été  excom- 
munié ,  ne  put  recevoir  rabfolution  ,  ni  s'accommoder  avec  les 
Moines  de  Redon ,  qu'en  fe  dépouillant ,  en  leur  faveur ,  de  fa 
terre  de  Ballac  ,  iîtuée  dans  la  Paroiffe  de  Pierric  ,  terre  qui 
depuis  a  formé  un  riche  Prieuré  ,  dont  jouiffent  les  Bénédic- 
tins de  Redon  ;  cette  cérémonie  fe  fit  avec  la  plus  pieufe  for- 
malité,  aux  pieds  des  autels,  le  24  Oftobre  11 27.  L'an  1132, 
Olivier  ,  plus  irrité  que  jamais  contre  les  Moines  de  Redon  ,  pilla 
les  pofTefîions  qu'ils  avoient  dans  la  Paroilîé  de  Moais ,  où  il  leur 
caufa  un  dommage  qui  fut  évalué  à  environ  500  fols.  Brice , 
Evêque  de  Nantes ,  lança  aufîi-tôt  contre  lui  les  foudres  de  l'excom- 
munication ,  que  le  coupable  ne  put  faire  lever  que  par  la  do- 
nation qu'il  fit  de  la  terre  de  Brengoen  ,  qui  étoit  à  peu  de 
diitance  de  celle  de  Ballac.  L'Ecrivain  qui  rapporte  ce  fait ,  afTure 
qu'Olivier  ne  voulut  plus  s'expofer  une  troifieme  fois  à  mériter 
la  difgrace  de  ces  Rehgieux. 

L'an  1 1  89 ,  Eudon  de  Pont-Château ,  voulant  réparer  les  in- 
jures qu'il  avoit  faites  aux  Moines  de  Marmoutier ,  qui  dcffer- 
voient  alors  l'EgUfe  de  Pont  -  Château  ,  &  fe  réconciUer  avec 
eux ,  les  exempta  de  plufieurs  droits  qu'ils  dévoient  à  fa  Sei- 
gneurie ,  particuUérement  des  quatorze  fols  de  rente  qu'ils  lui 
dévoient  pour  le  droit  de  pêche  dans  la  rivière,  &  leur  donna 
de  plus  un  clos  de  vignes  &  deux  pièces  de  terre  qui  dépen- 
doient  de  fa  Seigneurie.  L'an  1225  ,  la  terre  de  Pont -Château 
pafTa  à  la  maifon  de  Rohan  ,  d'où  fortirent  les  Seigneurs  de 
Pont-Château.  L'an  1236,  Conll:ance ,  Dame  de  Pont-Château, 
fille  d'Eudon  de  Pont-Château ,  fit  plufieurs  dons  à  l'Abbaye  de 
Blanche -Couronne.  Autrefois,  pour  honorer  les  morts,  on  allu- 
moit  des  lampes  fur  leurs  tombeaux  ;  Eudon  de  Pont -Château 
en  fonda  une,  en  1258,  dans  l'Eglife  de  l'Abbaye  de  Blanche- 
Couronne,  pour  brûler,  jour  &  nuit,  devant  la  fépulture  de  (on 
père,  qui  y  étoit  inhumé.  On  avoit  encore  ,  en  ce  temps  ,  la 
coutume  de  mettre  dans  les  tombeaux  âiQS  pots  avec  du  charbon 
allumé  &  de  l'encens  j  on  en  trouve  plufieurs  preuves  dans 
riiilloire.   Durand   remarque  que  cet  ul^ige   n'étoit  pas  général. 

L'an  1 274  ,  Nicole  ,  Dame  de  Lefquern  ,  donna  au  Prieuré 
de  Pont-Château  les  deux  tiers  des  dîmes  &  des  prémices  qu'elle 
avoit  dans  fon  domaine  de  Pont-Château  6c  de  l'Ecran  ,  avec 


PON  455 

un  champ  Se  un  manoir  qui  y  étoit  joint.  Guillaume  de  Lefquern  , 
fon  fils ,  ratifia  cette  donation ,  &  y  ajouta  onze  fols  fix  deniers 
de  monnoie  courante,  de  rente.  L'an  1290  ,  le  Seigneur  de 
ClifToJi  étoit  Seigneur  de   Pont-Château. 

Pierre  de  Rohan ,  Baron  de  Pont-Château ,  mourut  en  1 5 1 8 , 
Se  fut  inhumé  aux  Cordeliers  de  Rennes  ;  ce  Seigneur  avoir  fait 
fon  teftament  dans  la  maifon  de  la  Thebaudais ,  le  1 2  Juin , 
&  confirmé  le  22  fuivant  -,  il  porte  qu'il  fera  dit  dix  mille 
MefTes  bafîés ,  ck  qu'on  fera  ,  à  deux  mille  pauvres ,  le  jour  de 
fon  fervice  à  Pont-Château  ,  une  aumône  d'un  liard  à  chacun, 
fi  tant  ell:  que  le  nombre  compétent  puifle  s'y  trouver  j  il  fonda , 
par  ce  même  teflament ,  dans  l'Eglife  de  cette  ParoifTe  ,,une  Méfie 
quotidienne  ,  à  Diacre  &  fous-Diacre ,  laquelle  doit  être  chantée 
par  fix  Prêtres  &  quatre  Chantres  ;  il  affigna  une  rente  annuelle 
de  72  liv.  monnoie  courante,  à  prendre  fur  la  Baronnie  de  Pont- 
Château. 

L'an  1625,  René  de  Cambout ,  Marquis  de  Coiflin ,  Grand- 
Maître  des  Eaux  &  Forêts  de  France  ,  acquit  la  Baronnie  de 
Pont-Château ,  &  époufa  Françoife  Dupleffis  ,  tante  du  Cardinal 
de  Richelieu,  de  laquelle  il  eut  deux  fils  ;  l'aîné,  nommé  Jean, 
fut  Chevalier  des  Ordres  du  Roi ,  Lieutenant  de  Roi  en  Breta- 
gne ,   &  Gouverneur   des  ville  &  château  de  Brell:. 

Au  mois  de  Juillet  1 709 ,  Louis-Marie  Grignon  de  Montfort , 
un  des  grands  Miffionnaires  de  fon  temps  ,  fit  à  Pont  -  Château 
une  mifïion  ,  qui  eft  regardée  comme  une  des  plus  fameufes  qu'il 
ait  faite  dans  la  province  ;  cet  Eccléfiallique  zélé ,  voulant  faire 
conllruire  un  Calvaire  ,  exhorta  le  peuple  à  le  féconder  dans  fon 
deffein  :  tout  le  monde  s'y  prêta  avec  joie ,  &  l'endroit  pour  la 
conflruftion  de  ce  Calvaire  fut  choifi  dans  une  lande,  à  une 
demie  heue  à  l'Oueft  -  Nord  -  Oueft  de  Pont  -  Château  ,  fur  une 
petite  éminence ,  d'où  l'on  découvre  7  à  8  lieues  de  pays.  A  la 
voix  du  Mifîionnaire ,  les  habitants  de  la  campagne  fe  rendirent 
en  foule  pour  travailler  aux  foffés  qui  étoient  néceffaires  pour 
_  empêcher  les  befliaux  d'approcher  de  la  croix  qu'on  vouloir 
planter  -,  ce  Millionnaire,  voyant  la  grande  quantité  de  peuple 
qui  venoit  travailler  à  cet  ouvrage  ,  forma  un  plus  grand  projet; 
il  fit  creufer  de  grandes  douves ,  qui  avoient  cinq  cents  pieds  de 
circonférence  ,  fur  vingt  pieds  de  largeur  ,  &  autant  de  profondeur 
dans  oeuvre  ;  les  terres  provenant  du  creufemeut  de  ces  dou- 
ves furent  amoncelées  pour  faire  une  montagne.  On  employa 
quinze  mois  à  ce  travail  j  les  gens  de  la  campagne  y  venoient 


454  P  O  N 

de  douze  à  quinze  lieues  à  la  ronde ,  hommes ,  femmes ,  garçons, 
&  filles  i  il  y  avoit  ordinairement  trois  cents  perfonnes  à  travail- 
ler par  jour,  &  chacun  y  apportoit  des  provifions  &  des  inftru- 
ments.  Le  faint  Millionnaire  ,  pour  augmenter  leur  a£livité  ,  fe 
mettoit  à  leur  tête ,  &  béchoit  comme  eux  ,  en  chantant  des 
cantiques ,  qu'ils  répétoient  ;  enfin ,  on  parvint  à  faire  une  mon- 
tagne de  cent  quarante  pieds  de  large  ,  fur  environ  quatre-viqgt 
de  haut ,  fur  le  fommet  de  laquelle  le  Millionnaire  planta  trois 
grandes  croix  d'une  hauteur  confidérable  j  celle  du  miUeu  avoit 
quarante-un  pieds  trois  pouces  de  hauteur  -,  l'arbre  qui  fervit  à 
cette  croix,  étoit  un  châtaignier  qui  appartenoit  à  un  payfan  des 
environs.  Le  Millionnaire  ,  qui  lui  avoit  écrit  pluiieurs  fois,  fans 
retevoir  de  réponfe,  prit  le  parti  d'aller  lui-même  le  trouver, 
accompagné  de  deux  charpentiers  ;  Se  ayant,  par  fon  éloquence, 
arraché  un  léger  confentement ,  il  fit  fur  le  champ  couper  cet 
arbre  ,  &  le  fit  traîner ,  par  vingt-quatre  bœufs  ,  au  Calvaire  ; 
-c'étoit  peut-être  le  plus  bel  arbre  qu'il  y  eût  dans  tout  le  Comté 
Nantais ,  &  même  dans  la  province.  Louis-Marie  Grignon  vou- 
loir faire  bâtir  quinze  Chapelles  autour  de  ce  Calvaire  ,  dans 
lefquelles  auroient  été  repréfentés  ,  de  grandeur  naturelle ,  les 
quinze  myfteres  du  Rofaire  ;  trois  étoient  déjà  bâties ,  lorfque  le 
Roi  Louis  XIV ,  craignant  que  cet  endroit  ne  devînt ,  dans  la 
fuite ,  une  citadelle  avantageufe  à  la  rebeUion ,  ordonna  de  dé- 
truire ce  Calvaire.  En  conféquence  des  ordres  de  la  Cour ,  les 
ParoiîTes  du  voifinage  furent  commandées  pour  démolir  ce  qui 
leur  avoit  coûté  tant  de  peine  à  conftruire.  On  voit  encore 
les  refies  de  ce  Calvaire ,  qui  annoncent  que  c'étoit  une  grande 
entreprife. 

Lettres-patentes  fur  Arrêt  du  Confeil ,  de  l'an  1 774 ,  portant 
établifiement  de  fix  foires ,  par  an ,  à  Pont-Château  ,  en  faveur 
de  M.  le  Comte  de  Menou.  Le  territoire  de  Pont-Château  offre 
à  la  vue  des  terres  de  la  meilleure  qualité ,  des  prairies  excel- 
lentes ,  8c  une  quantité  prodigieufe  de  landes  dont  le  fol  paroît 
mériter  les  foins  du  cultivateur  :  on  y  voit  plufieurs  bois  taillis 
•afiez  grands  5  celui  qu'on  nomme  la  forêt  de  la  Magdeleme  efi  le 
-plus  étendu» 

PONTCROIX  ;  gros  bourg ,  dans  un  fond ,  fur  la  route  de 
•Quimper  à  Audierne  ;  à  6  heues  un  quart  à  l'Ouefi-Nord-Oueft 
de  Quimper ,  fon  Evêché  ;  à  46  Ucues  de  Rennes.  On  y  compte 
760  communiants»  L'Eglife  Collégiale  de  Pomcroix  fut  fondée 


PON  455 

par  les  Seigneurs  du  Heu.  Le  Marquifat  de  Pontcroîx  ou  de  Rof- 
madec  a  une  haute-Juftice  qui  reflortit  au  Préfidial  de  Quimper. 
On  y  remarque,  en  outre,  une  Subdélégation  ,  un  marché  par  fe- 
maine  ,  Se  huit  foires  par  an.  Llkiiloire  fait  une  mention  fî  honorable 
de  la  maifon  de  Rofmadec  qiion  peut  la  regarder  comme  une 
des  plus  illuftres  de  la  province  ,  tant  par  les  grands  hommes 
qu'elle  a  produits ,  que  par  fon  ancienneté  &  fes  alliances  avec 
la  maifon  Royale ,  les  maifons  de  Luxembourg ,  de  Léon ,  de  la 
Trimouille  ,  de  Montmorenci ,  &  autres.  L'an  1191  ,  la  Terre  & 
Seigneurie  de  Rofmadec  appartenoit  à  Ri^alon  de  Rofmadec , 
qui  fit  plusieurs  donations  à  l'Abbaye  dé  Landevenec ,  du  con- 
fentement  de  fon  époufe.  Hervé ,  leur  fils ,  accompagna  le  Duc 
Pierre  de  Dreux  au  voyage  de  la  Terre-Sainte,  l'an  1235.  Jean 
de  Rofmadec  ,  Chambellan  du  Duc  Jean  IV ,  l'accompagna ,  en 
1383  ,  en  Flandres,  où  le  Prince  Breton  fe  rendit,  avec  deux 
mille  lances ,  pour  donner  du  fecours  au  Roi  de  France  contre  les 
Anglais.  Bertrand  de  Rofmadec ,  fils  de  Guillaume  ,  Seigneur  de 
Rofmadec  ,  Se  de  Marguerite  du  Châtel ,  fa  féconde  femme ,  fut 
Confeiller  &  Aumônier  du  Duc  Jean  IV  ,  Se  Evêque  de  Quimper, 
en  141 6.  Jean  de  Rofmadec  comparut,  en  qualité  de  Chevalier 
Banneret ,  au  Parlement  du  Duc,  aux  années  145 1  ,  1455,  ^ 
1462.  Le  19  Février  1 505 ,  Jean  ,  fon  petit-fils  ,  époufa  dans  le  châ- 
teau de  Blois ,  en  préfence  du  Roi  Louis  XII  &  de  la  Reine  Anne , 
Jeanne  ,  Dame  de  la  Chapelle  &  de  Molac  ;  Jeanne  de  Rofmadec  , 
fa  fœur ,  époufa  Vincent ,  Sire  de  Plorec  ;  Tangui  de  Rofmadec 
époufa,  en  1561  ,  Marguerite  de  Beaumanoir  ;  Jacques  de  Rof- 
madec ,  fon  frère ,  époufa  Jeanne  de  Montboucher  ;  Alain  fut 
Vice- Amiral  de  Bretagne  ;  Guillaume  ,  fon  fils  ,  Gentilhomme  de 
la  chambre  du  Roi ,  en  1 579 ,  fut  pourvu  de  la  charge  de  Grand- 
Maître  des  Eaux  &  Forêts  de  Bretagne.  La  Terre  Se  Seigneurie 
de  Rofmadec  fut  érigée  en  Marquifat ,  l'an  1 608  ,  en  faveur  de 
Sébafi:ien  de  Rofmadec ,  Baron  de  Molac.  Ce  Marquifat  fut  con- 
tinué &  confirmé  fous  le  nom  de  Pomcroix ,  par  lettres-patentes 
du  mois  de  Février  1719  ,  enrégifirées  en  la  Chambre  des  Comptes 
de  Bretagne ,  en  faveur  de  René-Alexis  le  Sénéchal ,  Comte  de 
Carcado  ,  Lieutenant  général  des  armées  du  Roi.  Sébaftien  de 
Rofmadec  ,  fils  de  Jean  de  Rofmadec  5  Seigneur  du  Pleflis-JofFe , 
fut  pourvu  de  l'Abbaye  de  Paimpont ,  puis  de  l'Evêché  de  Vannes, 
en  1624.  Séballien  de  Rofmadec  époufa  Françoife  de  Montmo- 
renci.  Charles  fut  Evêque  de  Vannes  ,  puis  Archevêque  de  Tours. 
Sébaftien ,  Lieutenant  général  en  Bretagne ,  fut  nommé ,  au  mois  de 


456  PON 

Décembre  1(3(^5,  Gouverneur  des  ville  &  château  de  Nantes; 
il  époula  Renée  Budes ,  Marquife  du  Sacei,  &  mourut  en  1693.  Sé- 
baiHen  de  Rormadec  lui  fuccéda  au  Gouvernement  de  Nantes  , 
&  mourut  en  1700.  L'an  i6'8i ,  Marie-Anne  de  Rofmadec  époufa 
Alexis  le  Sénéchal ,  Comte  de  Carcado ,  Lieutenant  général  des 
armées  du  Roi ,  auquel  elle  porta  les  riches  domaines  de  fa  mai- 
fon.  Le  Marquifat  de  Pontcroix  fut  acquis ,  en  1756,  par  Ma- 
dame la  Comteffe  de  Forcalquier ,  qui  poiTede  cette  Seigneurie 
avec  haute  ,  moyenne  &  bafle-JulHce. 

En  1 400 ,  le  manoir  de  Ker-argant  appartenoit  au  Sieur  de- 
Pretanroux  ;  Ker-balanech  &  Ker-ouant ,  à  Jean  de  Penquilly  : 
Loz-coz-gan  &  Ker-guenec ,  au  Sieur  de  Kerharo  j  Ker-vefech, 
à  Alain  du  Fou  ;  Ker-levefque  &  Ker-ronrech  ,  à  Adelife  de  Ker- 
logan  j  Ker-erouet ,  à  Jean  de  Saint-Juzel ,  Sieur  de  Kererouet  j 
Rer-guiUio  ,  à  Jean  Molien  ,  Chevalier ,  Sieur  de  Kerguillio  ;  Na- 
ligien-fans-peff,  à  Vincent  de  Ploeuc  :  la  haute  ,  moyenne  & 
baffe- Juilice  de  Lezouach ,  à  M.  Mafcarene  de  la  Rivière. 

PONTIVI  ;  par  les  5  degrés  17  minutes  50  fécondes  de  lon- 
gitude ,  &  par  les  48  degrés  4  minutes  10  fécondes  de  latitude; 
à  1 1  lieues  de  Vannes  ,  fon  Evêché  ;  &  à  20  lieues  de  Rennes. 
On  trouve  à  Pontivi  une  *Subdélégation ,  une  brigade  de  Maré- 
chauffee  ;  deux  Portes,  l'une  aux  lettres  &  l'autre  aux  chevaux; 
une  Paroifle  dont  la  Cure  eft  à  l'alternative  ;  les  Couvents  des 
Récollets  ,  des  Urfulines ,  &  un  Hôpital.  Cette  ville  elt  renom- 
mée par  fon  commerce  en  grains ,  fil ,  toiles  ,  chevaux ,  befliaux  , 
&  autres  marchandifes  de  toutes  efpeces.  Les  marchés ,  qui  font 
confidérables ,  font  les  lundi  &  jeudi  de  chaque  femaine  ;  il  s'y 
tient  tous  les  ans  trois  principales  foires ,  aux  mois  de  Mars  ,  Juin  , 
&  Oftobre.  A  ces  foires ,  qui  duroient  autrefois  jufqu'à  huit  à 
dix  jours ,  fe  rendent  des  Négociants  des  provmces  adjacentes  , 
&  des  Marchands  des  villes  voifines.  La  Communauté  de  ville, 
érigée  par  lettres-patentes  ,  a  acheté ,  à  fes  frais ,  toutes  les 
charges  municipales ,  fors  celle  de  Lieutenant  de  Roi  ;  &  perçoit 
les  droits  des  anciens  &  nouveaux  oftrois  qui  font  fes  deniers 
patrimoniaux.  Pontivi  efl,  pour  ainfi  dire,  le  centre  de  la  province , 
dont  les  principales  villes  y  aboutiffent  par  huit  grandes  routes: 
c'efl  le  premier  Siège  de  la  Duché-Pairie  de  Rohan ,  qui  a  un 
ufement  particulier  de  fon  nom.  De  ce  premier  Siège  ,  qui  -ref- 
fortit  dire^-tement  au  Parlement ,  relèvent  cinq  membres  parti- 
culiers ,  qui  font  :  Loudéac  ,  la  Cheze ,  Rohan  ,  la  Trinité  ,  &: 

Goarec  ; 


Goarec  ;  outre  environ  foixante  Jurifcliftions  inférieures,  tant  en 
proche  qu  arriere-fiefs.  M.  le  Duc  de  ilohan ,  Soigneur  de  l'en- 
droit,  y  polTede  un  châceau  entouré  de  douves  itches,  &  flan- 
qué autrefois  de  quatre  tours ,  donc  une  a  été  démolie. 

Saint  JofTe  ,  Moine  ,  frère  de  Judicaél ,  Roi  de  Bretagne , 
mourut,  en  odeur  de  fainteté ,  le  13  l.^éccmbre  660,  dans  l'Ab- 
baye ou  Monaftere  de  Pcntivi.  Ce  iVlonaftere  étoit  la  feule  mai- 
fon  qu'on  vît  alors  à  Pontivi  :  cet  endroit  dépcndoit,  en  ce  temps, 
de  la  Paroifle  du  Cohazé ,  dont  Pontivi  eil  encore  trêve  aujour- 
d'hui j  mais  le  Cohazé  n'ell  plus  regardé  comme  une  Paroi iTe  , 
on  y  célèbre  feulement  la  Meffe  les  jours  de  Dimanches  &  i  êies. 
Le  château  des  Salles  ,  fitué  fur  la  rivière  de  Blavet ,  à  Pontivi , 
efl:  le  premier  édifice  qui  a  formé  cette  ville  ,  après  l'Abbaye 
dont  je  viens  de  parler.  Il  faut  que  ce  château  foit  bien  ancien, 
puifqu'on  trouve  dans  les  archives  de  la  Principauté  de  Gue- 
mené  ,  qu'il  ne  coûta  que  foixante  -  douze  deniers  pour  la  main 
d'œuvre  de  fa  conftruftion  ;  le  furplus  fe  fit  par  corvée. 

L'an  1457,  Alain,  Vicomte  de  Rohan  ,  voulant  fonder  un 
Monaftere  de  Frères  Mineurs  Obfervantins ,  leur  donna  &  tranf- 
porta  ,  le  9  Novembre  de  la  même  année  ,  le  lieu  &  l'emplace- 
ment qui  fut  autrefois  le  Châtel  de  Pontivi  ,  près  ladite  ville  , 
nommé  &  notoirement  appelle  les  Salles  ,  avec  deux  pièces  de 
terres  en  parc  &  courtil ,  les  jardins ,  &  le  droit  de  pêche  dans 
la  rivière  de  Blavet ,  à  la  charge  auxdits  Rehgieux  de  lui  donner 
cent  anguilles  par  an  ;  droit  qu'il  fe  réferva  pour  lui  &  fes  fuc- 
ceffeurs.  Pour  dédommager  le  Curé  de  Pontivi  du  préjudice  qui 
pouvoir  réfulter  de  cette  fondation ,  le  Vicomte  ,  par  un  autre 
afte  du  1 7  Oftobre  précédent ,  lui  abandonna  &:  lui  permit 
d'annexer  à  fa  ParoifTe  la  Chapelle  &  Chapellenie  de  la  Magde- 
leine  ,  fituée  à  la  fortie  de  Pontivi ,  dans  la  partie  méridionale ,  avec 
le  droit  de  patronage  &  de  préfentation  ;  les  dépendances  &  iflues 
de  ladite  Chapelle  j  le  lieu  angulaire  y  atteignant,  fur  le  grand  che- 
min qui  conduit  de  Pontivi  à  Vannes  ;  &  un  pré  nommé  en  breton 
j)rat  en  Receveur ,  (le  pré  au  Receveur.  )  Ce  Couvent, qui  avoir  été 
fondé  en  faveur  des  Frères  Obfervantins ,  ell  aujourd'hui  polTédé 
par  les  Pères  RécoUcts,  qui  en  prirent  poiTelIion  en  1632,  en 
vertu  d^un  Arrêt  de  la  Cour  du  Parlement  de  Bretagne. 

Le  château  de  Pontivi ,  qui  avoit  été  ruiné  par  les  guerres , 

fut  rebâti  à  neuf  en  1485  :  par  lettres  du  Duc  François  II ,  données 

à  Nantes   le  16  Décembre  148^,11  ell:  permis  à  Jean,  Vicomte 

de  Rohan ,  de  rétablir  le  guet  dans  fon  château  de  Pontivi.  Ces 

Tome  IIL  M  3 


458  PON 

lettres  furent  approuvées  &  confirmées  par  le  Roi  Charles  VIII  ^ 
le  23    Décembre  i49i» 

En  I  ^3  3  ,  les  Dames  Urfulines  de  Ploermel  propoferent  une 
fondation  d'un  Monailere  de  leur  inilitut,  près  la  ville  de  Pon- 
tîvi.  Elles  obtinrent  de  N..,.  le  Mouenne  &  fon  époufe ,  Sieur  & 
Dame  de  Saint  -  Julien  ,  le  lieu,  métairie,  Se  dépendances  de 
Toulboubou  ,  dans  l'Evêché  de  Quimper ,  au  Nord  &  à  peu  de 
diflance  de  Pontivi,  au  delà  d'un  ruifleau  qui  fépare  ledit  Evê- 
ché  de  Cornouailles  de  celui  de  Vannes  ,  &:  traverfe  une  partie 
de  l'enclos  des  Récollets.  Ce  lieu  de  Toulboubou  n'étant  point 
commode  pour  les  Dames  Urfulines ,  tant  à  raifon  de  la  proxi- 
mité de  la  rivière ,  que  par  les  dangers  que  couroient  les  jeunes 
filles  qui  venoient  à  leur  Ecole ,  en  paffant  le  ruifleau  de  fépa- 
ration ,  elles  obtinrent  de  Jean  Bernard  &c  femme ,  le  lieu  ,  mai- 
fon  ,  &  dépendances  de  Saint- Joly  ,  près  la  Chapelle  de  la  Mag- 
deleine.  Il  falloir  pour  cela  le  confentement  du  Seigneur  de  Rohan 
&  celui  de  la  Communauté  de  ville  de  Pontivi ,  qui  s'alTembla  , 
à  ce  fujet ,  le  29  Octobre  1633.  Le  Refteur  de  la  ParoifTe  , 
citoyen  zélé  &  défintérefié ,  déclara  non-feulement  trouver  l'éta- 
bUffement  propofé ,  utile  pour  le  bien  public  ,  mais  qu'il  confen- 
toit  encore  que  la  Chapelle  de  la  Magdeleine  ,  qui  avoir  été 
abandonnée  à  fa  Cure,  en  145^,  par  le  Vicomte  de  Rohan,  fût 
accordée  pour  ce  nouvel  établiffement  des  Dames  Urfulines  j  en 
conféquence ,  il  déclara  fe  démettre  ,  en  leur  faveur ,  de  tous 
droits  &  profits  particuliers  qui  lui  appartenoient  en  icelle ,  en 
qualité  de  Refteur ,  fous  le  bon  plaifir  toutefois  du  Seigneur  Evê- 
que  de  Vannes ,  &  de  la  ville  &  Communauté  de  Pontivi.  C'ell 
à  cette  époque  qu'il  faut  fixer  l'établifTement  des  Dames  Urfulines , 
qui ,  depuis  ce  temps ,  ont  agrandi  leur  clôture ,  par  Tacquêt  de 
différents  terreins  circonvoifins. 

L'hiftoire  fait  rarement  mention  de  Pontivi ,  &  nous  en  fommes 
d'autant  plus  furpris  ,  que  les  veftiges  qui  refient  de  fes  murs 
prouvent  évidemment  que  cette  ville  étoit  très-forte.  On  y  re- 
marque quatre  portes  principales. 

A  trois  lieues  de  diftance  de  Pontivi ,  dans  le  territoire  de  la  Pa- 
roifle  de  Bieuzi ,  efi  un  village  nommé  Cajienec.  Les  habitants  ont 
des  franchifes  ,  mais ,  en  reconnoifi^ance  ,  ils  font  obhgés  ,  chaque 
année  ,  d'apporter  à  Pontivi,  la  veille  du  premier  Mai,  aux  Offi- 
ciers du  Seigneur  de  Rohan ,  une  tête  de  chevreau ,  dans  un 
plat  qui  doit  être  d'argent.  Cette  prefi:ation  s'exécute  exaftement, 

L'Hôpital  5  qui  efi:  fous  la  diredion  des  Filles  de  Saint-Thomas 


PO  N  459 

de  Vilîeneute  ,  fut  fondé  par  la  maifon  de  R.ohan  ,  dans  le  faux- 
bourg  d'Outreleau ,  &  bâti  aux  hais  des  habitants. 

PONT-LABBÉ  ;  petite  ville  avec  port  de  mer  ;  à  3  lieues  & 
demie  au  Sud-Sud-Oueft  de  Quimper ,  fon  Evêché  ;  à  42  lieues 
de  Rennes  :  c'eit  une  trêve  de  Ploubanalec.  La  haute-Juilice  de 
l'endroit  appartient  à  M.  de  Perebaud ,  de  Saint-Malo.  On  trouve 
à  Pont-Labbé  un  Couvent  de  Carmes  &  une  Subdéiégation.  Il 
s'y  tient  un  marché  tous  les  jeudis,  &  fept  foires  par  an.  La 
Seigneurie  de  Pont-Labbé  eft  coniidérable ,  elle  envoie  aux  Etats, 
mais  elle  n'a  qu'une  voie  avec  celle  de  Pont-château,  parce  que 
les  deux  enfemble  ne  font  qu'une  Baronnie ,  qui  ont  voie  à 
ralternarive. 

L'an  1372,  Hervé,  Seigneur  de  Pont-Labbé,  fonda  une  Cha- 
pelle dans  le  château  de  ce  nom.  Cette  fondation  fut  approuvée 
par  l'Evêque  de  Quimper  ,  le  3  Septembre  de  la  même  année. 
Le  4  Mai  1383  ,  le  même  Hervé  &  Péronnelle  de  Rochefôrt, 
fon  époufe ,  fondèrent  le  Couvent  des  Carmes  de  Pont-Labbé , 
&  lui  donnèrent  la  maifon  de  Ker-anguen  ,  fife  entre  le  marché 
au  bled  &  la  mer  ,  avec  toutes  fes  dépendances ,  à  condition 
que  ces  Religieux  célébreroient ,  à  perpétuité,  à  l'heure  de  Prime, 
une  Meffe  pour  le  repos  de  l'ame  des  Fondateurs  ,  &  les  re- 
commanderoient  folemnellement  aux  prières ,  les  Dimanches  Se 
Fêtes. 

Le  2  Septembre  de  la  même  année,  Hervé  de  Pont-Labbé, 
&  Hervé  de  Trevaloët  firent  ferment  de  fidélité  au  Duc  ,  pour 
la  garde  du  fort  château  de  Pont  -  Labbé  ^  fous  l'obéillance 
de  ce  Prince.  L'an  1588,  la  petite  ville  de  Pont-Labbé  fut 
afïiégée  &  prife  par  les  troupes  du  Roi  Henri  III  ;  elle  appar- 
tenoit  alors  au  Duc  de  Mercœur,  qui  y  avoit  mis  une  bonne 
garnifon, 

PONTRIEUX  ;  petite  ville  Située  à  Tembouchure  de  la  rivière 
de  Trieuc  -,  à  2  lieues  un  quart  de  Tréguier ,  fon  Evêché  5  à  28 
lieues  de  Rennes  :  cette  ville  a  deux  Eglifes  ,  c'efl  une  trêve 
de  la  ParoifTe  de  Quimper-Quezennec  ;  on  y  compte  1 500  ha- 
bitants. On  y  trouve  un  port  de  mer  où  les  barques  de  quatre- 
vingt  tonneaux  peuvent  arriver  ;  on  prend  dans  ce  port  douze  à 
quinze  cents  faumons  par  an  :  cette  rivière  prend  fa  fource  d'un 
étang  près  l'Abbaye  de  Coat-ma-Louan ,  &  fe  perd  dans  la  mer» 
Son  entrée  &  celle  de  Houel  étoient  autrefois  défendues  par  un 


4éo  PON 

château  nommé  Fmaudour  ^  parce  qu'il  efl  fîtué  entre  ces  deux 
rivières  j  il  appartient  à  M.  de  Coëtrieux ,  comme  Seigneur  de 
Pontrieux  :  cette  ville  efl  très  -  ancienne  ,  &  eft  connue  dans 
l'hiftoire  pour  avoir  été  &  être  encore  l'entrepôt  de  Guingampj 
elle  eft  bâtie  au  pied  du  château  de  Châteaulin  ,  qui  la  défendoit  , 
&  a  été  deux  fois  affiégée  &  prife,  avec  ce  château  ,  par  les  An- 
glais ,  qui  les  brûlèrent  &  détruifirent  en  entier  la  dernière 
fois.  Cinq  grandes  routes  arrivent  en  cette  ville ,  où  il  fe  tient 
un  marché  ,  le  Lundi  \  il  eft  très-confidérable  pour  les.  bleds ,  mais 
fur-tout  pour  le  fil  \  depuis  20  fols  jufqu'à  9  liv.  la  livre  ,  il 
s'en  vend  communément  pour  vingt  à  trente  mille  liv.  par  cha- 
que marché  ;  il  fe  tient  trois  foires  célèbres  par  an  :  à  celle  du 
1 4  Septembre  ,  on  y  vend  beaucoup  de  poulains  de  fix  mois  à 
un  an ,  qui  font  prefque  tous  enlevés  par  les  habitants  de  l'Evê- 
ché  de  Quimper.  Le  Commerce  confiite  en  plus  de  cent  mille 
livres  par  an ,  en  vente  de  graine  de  lin  en  barils ,  venant  du 
Nord ,  &  qui  fe  vendent  au  mois  de  Mai  j  en  froment  &  autres 
fortes  de  bleds  y  en  lin  en  verges ,  fil ,  &  toiles.  La  ville  efl  par- 
tagée en  deux  principaux  fiefs ,  dont  celui  de  Pontrieux  appar- 
tient à  M.  de  Coëtrieux ,  Préfentateur  de  la  ParoifTe  de  Quim- 
per ,  fur  laquelle  ell  fitué  un  Bénéfice  de  6000  liv.  de  revenu. 
Ker-loet  ,  Ker-goc-Ker-bois  de  la  Roche  ,  moyenne-Juftice ,  à 
M.  de  Langle  ;  Ker-riou  ,  haute- Juftice ,  à  M.  de  Treflan  Gonidec  ; 
Ker-navalet,  haute  -  Juftice  ,  à  M.  de  Coëtrieux  ;  Châteaulin-fur- 
Trieux ,  avec  titre  de  Baronnie  d'Avaugour  ,  &  titre  de  Comté 
de  Goello ,  à  M.  le  Prince  de  Soubife  \  la  Roche-Jagu ,  haute- 
JulHce  ,  à  Madame  de  TrelTan  ;  Ker -cabin-Troniou-Toupin  , 
moy  enne-Juftice ,  à  M.  de  Stapleton  ;  Ker-icuf-le-héau ,  haute-Juftice , 
à  M.  de  Kerguezec  5  Lifquilly-Briantel ,  hauteJullice  ,  à  M.  de 
Kerifac  \  Ker-hoz-poirier ,  haute-Juftice  ,  à  M.  de  Caradeuc  ,  Pro- 
cureur-général du  Parlement  ;  Ker-ouarn-Coatalec  ,  moyenne- 
JulKce  ,  à  M.  Lepelletier  ;  Coat-Canton,  haute-Juftice ,  à  M,  du 
Brieuc.  Il  y  a  aulii  une  Subdélégation. 

Le  19  Août  1773  ,  cette  Ville  a  efTuyé  une  crue  d'eau  qui 
emporta  plufieurs  maifons ,  avec  fon  pont ,  l'eau  ayant  monté  de 
douze  pieds  au  deflus  de  fon  niveau  ordinaire.  Le  3  Avril  1777, 
elle  efiûya  un  incendie  qui  confuma  toute  la  rue  des  Gallcries. 
Le  25  Janvier  &  20  Juillet  1778  ,  elle  eflliya  encore  deux 
nouvelles  crues ,  qui  ont  répété  tous  les  ravages  de  la  première,, 
&  on  les  attribue  à  l'encombrement  du  lit  de  la  rivière  en- 
tre les  deux  moulins. 


POR  4^1 

PORDIC  ;  petite  ville  ,  dans  un  fond  ,  au  bord  de  la  mer  ; 
à  I  lieue  &  demie  au  Nord-Nord-Ouelt  de  Saint- Brieuc,  fon 
Evêché ,  fa  Subdélégation  ,  &  fon  reflbrt  ;  à  2 1  lieues  &  demie 
de  Rennes.  On  y  compte  3000  communiants  :  la  Cure  eft  pré- 
fentée  par  l'Abbé  de  Beauport  ,  &  deffervie  par  un  Moine  de 
cette  maifon  :  la  haute-Juilice  de  l'endroit  appartient  à  M.  le 
Duc  d'Aiguillon  ,  Seigneur ,  Baron  de  Pordic  :  cette  Seigneurie 
eft  un  ancien  fief  de  Hautbeft  ,  qui  appartenoit  ,  en  1030,  à 
Eudon  ,  Comte  de  Penthievre  ,  de  la  Seigneurie  duquel  elle 
dépendoit  ;  elle  en  fut  démembrée  ,  &  appartint  fucceliivement 
aux  maifons  de  Chateaubriand ,  de  la  Jaille  ,  de  la  Porte  ,  & 
Dandigné  :  elle  fut  achetée  par  les  Seigneurs  de  Brehand-Moron, 
Se  elle  a  été  portée  dans  la  maifon  de  Richelieu  ,  par  Marie- 
Félicité  de  Brehan  ,  qui  époufa ,  en  1740,  M,  le  Duc  d'Ai- 
guillon ,  Pair  de  France ,  &c. 

On  remarque  ,  dans  cette  ParoifTe  ,  un  monument  très-ancien  j 
c'efi:  un  camp ,  que  l'on  prétend  avoir  été  conftruit  par  Céfar  > 
il  eft  fitué  avantageufement  ,  bien  fortifié  ,  &  de  figure  trian- 
gulaire :  à  l'un  des  bouts  ,  on  voit  encore  les  vefYiges  d'une 
tour  ,  qu'on  nomme  la  Tour  de  Céfar,  Pendant  long-temps  on 
y  alluma  un  fanal  pour  la  fureté  de  la  navigation.  Les  culti- 
vateurs ont  trouvé  ,&  trouvent  encore  ,  par  fois  ,  des  médailles, 
des  pièces  d'argent,  &  des  armes  Romaines  ,  d'ans  les  ruines 
de  cette  Place.  11  feroit  à  fouhaiter  que  quelque  curieux,  fça- 
vant  dans  la  fcience  des  médailles  ,  fe  donnât  la  peine  de 
faire  des  recherches  qui  feroient  fans  doute  utiles  à  notre 
hifloire. 

En  1500,  le  manoir  de  la  Ville-Audren ,  à  Jean  du  Bois- 
Billy  j  la  Ville-Sapron ,  à  N. . .  ;  Teftel ,  à  François  Taunegouet, 
Sieur  de  la  Hacque  -  Morvie  j  la  Ville  -  Papavet ,  à  Demoifelle 
Catherine  Robin  ,  veuve  de  Pierre  Courneft  5  Lanoé ,  à  Guil- 
laume de  Lanoé  -,  la  Ville-au~Veneur ,  à  Olivier  le  Veneur  ;  le 
Chat ,  le  Prë-Orchand,  la  Ville  -  Gléen  ,  la  Ville  -  Raoul  ,  la 
Ker-faint,  &  'Higonay,  à  N....  Ce  territoire  renferme  des  terres 
très  -  fertiles  ,  bien  cultivées ,  &  de  gras  pâturages. 

PORHOET  ;  pays  confidérable  ,  au  diocefe  de  Saint-Malo ,  & 
compris  au  centre  de  la  Bretagne  ,  dans  la  partie  de  cette  provnice 
qui  reçut  le  plus  tard  ou  retint  le  plus  long-temps  le  nom  de  Don- 
monie.  On  fçait  que  cet  ancien  Comté ,  berceau  de  la  maifon  de 
Rohan ,  étoit  une  Juveignerie  du  Duché  de  Bretagne.  Joffelin  en 


^6t  P  O  R 

eft  la  Capitale ,  &  j*ai  rendu  compte  ,  à  l'article  de  cette  ville ,  des- 
plus intéreflantes  particularités  hiftoriques  &  politiques  concernant 
le  Porho'ét,  Ce  mot  dérive  ,  par  adoucilfement ,  du  Breton ,  Pontre- 
co'ét ,  qui  iignifie  pays  au  delà  des  bois,  (  Voyez  le  GloÔaire  de 
Lobineau  ,  &  les  Motes  critiques  de  Morice  &  de  Gallet.)  En 
effet ,  le  territoire  de  ce  nom  efl:  prefque  entouré  de  forêts  ;  je 
îie  donnerai  pas  ici  la  lifte  des  cinquante-deux  ParoilTes  &  trêves 
qui  le  compofent  ,  ou  qui  en  relèvent  ;  on  les  trouvera  dans 
leur  rang  alphabétique.  Aux  Offices  ou  Plaids,  font  tenus  de  fe 
préfenter  en  perfonne ,  ou  par  Procureur ,  les  Seigneurs  de  Mer- 
drignac  ,  du  Motais  ,  du  Bois  de  la  Fvoche  ,  de  la  Chapelle- 
Serent ,  de  Callac ,  de  Vaucouleur ,  de  Maugrenier ,  de  Coueflo» 
Ce  Comté  pafTa ,  par  alliance ,  dans  la  maifon  de  Fougères  ,  en 
123 1  ;  dans  celle  de  Lufignan ,  en  1253  ;  il  vint  ,  par  legs  ou 
confifcation ,  au  Roi  de  France,  en  1307  &  13125  fut  donné 
au  Comte  d'Alençon ,  Prince  du  Sang,  en  1328  j  vendu  au 
Connétable  de  Cliflbn,  en  1370  &  1373  }  il  rentra  dans  la  mai- 
fon  de  Rohan  ,  en  1 408  ,  (  le  Vicomte  Alain  VIII ,  héritant  du 
Connétable,  fon  beau-pere  ;  )  il  paffa  ,  en  1645  ,  ^^^^  ^^  v^d^r 
fon  de  Chabot,  qui  le  polTede  encore.  Le  canton  qui  le  forme 
n'eft  pas  riche  ,  &  a  le  défaut  des  pays  de  petite  culture  ,  où 
beaucoup  de  bras  n'exploitent  que  peu  de  terres  ;  l'ufance  ou 
l'ufement  propre  à  fept  ou  huit  Paroiffes  ou  trêves  de  ce  Comté, 
renferme  trois  articles.  Le  premier,  un  partage  des  terres  rotu- 
rières entre  roturiers  ;  en  fucceflion  direfte ,  les  cohéritiers  mâles, 
en  quelque  nombre  qu'ils  foient ,  emportent  les  deux  tiers ,  & 
les  filles  le  tiers.  Les  Nobles  ne  font  pas  aftreints  à  cette  loi ,  & 
fuivent  la  coutume  générale.  Le  fécond  \  en  fuccefTion  collaté- 
rale entre  perfonnes  roturières,  &:  pour  héritages  de  même  qua- 
lité ,  les  mâles  fuccedent  les  uns  aux  autres ,  à  l'exclufion  des 
filles ,  &  les  filles  pareillement  héritent  les  unes  des  autres ,  à 
l'exclufion  des  mâles.  Le  troifieme  j  les  acquêts  non-appropriés , 
&  les  meubles ,  fe  partagent  également  entre  les  mâles  &  les* 
filles  :  on  voit  par-là  que  les  Comtes  de  Porhoët  exerçoient  le 
pouvoir  légiflatif ,  mais  toujours  avec  l'attention  de  refpefter  les 
•droits  des  Nobles  ,  leurs  pairs  ou  leurs  premiers  vaflaux.  Les 
Barons  de  Léon ,  dit  Morice  ,  lors  de  leur  conteftation  fur  la 
prééminence  avec  les  Barons  de  Vitré  ,  négligèrent ,  fliute  de 
lumière  ,  de  s'appuyer  eflentiellement  fur  le  titre  de  Comtes 
de  Porhoët  ,  &  de  Vicomtes  de  Rohan.  Par  Arrêt  de  1748  ,, 
le  Siège    de  JolTelin  efl  de  nouveau  confirmé  dans  toutes  le» 


P  O  R  4^j 

nouvelles  prérogatives  des  Jurifdiftions  des  hautes  Baronnies. 
Les  Princes  de  Porhoët ,  à  l'inflar  des  Souverains  ,  ont  eu  des 
Seigneurs  de  leur  propre  fang  à  leur  fervicejtels  que  les  Rohan, 
les  d'Avaugour  ,  fortis ,  aind  qu  eux  ,  des  anciens  Rois  de  Bre- 
tagne ;  &  leur  poftérité  a  choifi  quelquefois  fes  principaux 
Officiers  dans  les  clafles  dilHnguées  de  la  Nobleffe  ,  tels  que 
les  Maleilroit  ,  Quellenec  ,  Goyon  ,  Talhoet ,  du  Cambout , 
le  Sénéchal ,  Coetlogon  ,  Quelen  ,  Chambort  ,  Dufou  ,  du 
Bot ,  Rofnivinen  ,  Parés  ,  du  Moulin  ,  Pioger  ,  Treceffon  ,  Ker- 
eradeuc ,  &c.  &c. 

Porhoët  eft  ,  dans  l'ordre  eccléfiaftique  ,  un  Archidiaconné , 
fous  lequel  font  les  Doyennés  de  Montfort,  Beignon ,  Lanouée, 
Se  Loyat  ou  Lohéac ,  qu'il  ne  faudroit  pas  confondre  ,  fi  tous 
ces  Doyennés  n'avoient  perdu  leurs  anciens  privilèges. 

PORNIC  ;  petite  ville  &  port  de  mer  ;  à  9  lieues  un  tiers 
à  rOueft-Sud-Oueft  de  Nantes,  fon  Evêché  ;  à  25  lieues  de 
Rennes  j  &  à  4  lieues  de  Paimbœuf ,  fa  Subdélégation.  On  y 
compte  icoo  communiants  :  la  Cure  efl:  préfentée  par  l'Abbé 
de  Notre-Dame  de  Pornic  ;  il  s'y  tient  un  marché  le  Lundi. 
Pornic ,  membre  du  Duché  de  Retz  ,  a  une  haute -Juftice  ,  qui 
appartient  à  M.  le  Duc  de  Villeroi. 

L'an  1050  ,  Glévian ,  Prince  de  Bécon  ,  &  Drolavius ,  Seigneur 
d'un  canton  d'Herbauges ,  donnèrent  à  l'Abbaye  de  Saint-Sauveur 
de  Redon  l'EgUfe  de  Sainte  -  Marie ,  avec  la  moitié  des  dîmes 
de  la  Paroifïe  de  ce  nom ,  &  plusieurs  autres  domaines.  Airard , 
Abbé  de  Saint-Paul  de  Rome  ,  &  Evêque  de  Nantes ,  approuva  & 
confirma  cette  donation. 

L'an  1 1 1 2 ,  les  Moines  de  Saint-Sauveur  de  Redon  firent  un 
«change  de  l'Eglife  de  Sainte-Marie  de  Pornic  ,  &  de  tout  ce  qui 
leur  avoit  été  donné  précédemment  par  Glévian  &  Drolavius. 
Les  Moines  de  Saint-Serges  vinrent  s'établir  à  Pornic ,  Se  l'année 
fuivante  1 1 1 3  ,  ils  y  firent  bâtir  une  Chapelle  ,  &  s'attribuèrent 
les  droits  reftoriaux.  Brice ,  Evêque  de  Nantes ,  informé  de  leurs 
démarches  ,  leur  fit  défenfe  de  rien  entreprendre  fur  les  fondions 
des  Prêtres  ,  de  baptifer  les  enfants ,  de  vifiter  &  communier  les 
malades  ,  &  de  partager  avec  les  Prêtres  les  honoraires  des  fu- 
nérailles ',  il  leur  défendit ,  en  outre ,  de  dire  leur  MefTe  conven- 
tuelle les  Dimanches  &  Fêtes  après  la  MelTe  paroifîiale  que  cé- 
lébroient  le  Curé  &  fes  Clercs ,  &  de  fortir  proceffionnellement 
au  dehors,  fans  leur  permiflion,  excepté  au  jour  de  Saint  André, 


4^4  P  O  R  =  P  O  S 

titulaire  de  la  Chapelle  de  ces  Moines ,  &  au  jour  de  fa  dédicacer 
Le  Prélat  leur  permit  de  faire  ,  aux  jours  ci-deffus  mentionnés , 
une  procefîion  folemnelle ,  de  dire  une  première  Mefîe  dès  le 
jnatin ,  &  une  autre  à  l'heure  de  Tierce ,  &  de  recevoir  des  of- 
frandes &  legs  teftamentaires ,  à  la  charge  de  payer  au  Siège 
de  Nantes  unbizant  ou  marabotin  d'or,  de  cens  annuel.  Ce  bizant 
&  le  marabotin  étoient  des  monnoies  étrangères  de  feize  à  la 
taille  ,  ou  de  demi-once  d'or  chacun.  Le  bizant  venoit  de  Conf- 
îantmople ,  &  le  marabotin  étoit  fabriqué  par  les  Maures  d'Ef- 
pagne.  Le  marc  d'or  étoit  à  vingt  livres ,  &  le  marc  d'argent  à 
deux  livres.  L'an  1 1 1 4  ,  les  Moines  de  Pornic  bénirent  eux-mêmes 
la  Chapelle  qu'ils  venoient  de  conilruire.  Ils  fe  fervirent,  pour 
cette  cérémonie ,  d'eau  mêlée  de  vin  &  de  cendre ,  qu'on  ap- 
pelle Grégorienne  ,  que  l'Evêque  feul  doit  bénir  j  mais  les  Moines 
obtinrent  la  permiffion  de  le  faire ,  de  TArchevêque  de  Tours , 
qui  faifoit  pour  lors  la  visite  du  diocefe  de  Nantes.  C'eft-là  la 
véritable  époque  de  l'exiftence  de  l'Abbaye  de  Sainte-Marie  de 
Pornic  ,  long-temps  habitée  par  des  Chanoines-Réguhers  de  l'Ordre 
de  Saint- Au guftin. 

Le  château  de  Pornic  eft  lîtué  au  bord  de  la  mer  ,  &  paroît 
avoir  été  très-fort  dans  fon  temps.  Les  Ducs  de  Bretagne  y  avoient 
toujours  garnifon. 

L'Abbé  de  Sainte -Marie  de  Pornic  étoit  jadis  affujetti  à  un 
ufage  finguHer ,  dont  je  ne  connois ,  ni  le  principe ,  ni  la  caufe. 
Il  donnoit  un  pain  &  un  pot  de  vin  aux  femmes  de  l'endroit  qui 
venoient  fe  purifier  à  l'Eglife  paroiffiale  ,  après  leurs  couches. 
René  Blezeau  ,  Prêtre  de  Pornic  ,  qui  payoit  cette  efpece  de 
droit,  par  ordre  de  l'Abbé  Régulier ,  Guillaume  Pinceau  ,  lui  forma 
aftion  le  22  Mai  1608,  pour  fe  faire  payer  des  avances  qu'il 
avoit  faites  à  ce  fujet.  L'Hôpital  de  Pornic  fut  fondé  &  établi 
en  1721. 

POSPODER  ;  au  bord  de  la  mer;  à  13  lieues  à  l'Oueft-Sud- 
Oueft  de  Saint-Pol-de-Léon,  fon  Evêché  ;  à  51  lieues  de  Rennes  5 
&  à  7  lieues  de  Lefneven ,  fa  Subdélégation.  Cette  Paroiffe 
relevé  du  Roi  ,  &  refTortit  à  Breil.  On  y  compte  1 800  commu- 
niants :  la  Cure  eft  préfentée  par  l'Evêque.  Le  territoire  eft  exac- 
tement cultivé ,  &  produit  abondamment  du  grain  &  du  foin.  Le 
château  de  Ker-menou  appartenoit ,  en  1330,  à  Yves  ,  Chevalier  , 
Seigneur  de  Kermenou  :  la  maifon  noble  du  Rotz  appartenoit, 
en  1 400 ,  à  Hervé  de  Keroulas ,  Chevalier ,  Seigneur  du  Rotz. 

FOUILLÉ  5 


POU  465 

FOUILLÉ ,  fur  une  hauteur  j  à  8  lieues  &  demie  au  Nord- 
Ell:  de  Nantes ,  fon  Evêché  &  fon  reflbrt;  à  18  lieues  de  Rennes  j 
&  à  2  lieues  un  quart  d'Ancenis ,  fa  Subdélégation.  On  y  compte 

5  5  o .  communiants  :  la  Cure  eft  à  l'Ordinaire.  Ce  territoire,  ar- 
rofé  d'un  gros  ruifleau  c[ui  fe  jette  dans  la  Loire,  auprès  d'An- 
cenis, offre  à  la  vue  des  terres  bien  cultivées,  &  des  landes  d'une 
grande  étendue. 

POULDREUZÎC  ;  fur  une  montagne  ;  à  4  lieues  &  demie  à 
rOueft  de  Quimper ,  fon  Evêché  &  fon  reffort  ;  à  44  lieues  de 
Rennes  j  &  à  2  lieues  de  Pontcroix ,  fa  Subdélégation.  Cette 
Paroiffe  relevé  du  Roi ,  &  compte  700  communiants  :  la  Cure 
eft  à  l'alternative.  Ce  territoire ,  fitué  dans  le  voifînage  de  la 
mer  ,  renferme  des  terres  fertiles  en  grams  &  très-exaftement 
cultivées  ,  des  vallons,  des  coteaux,  des  monticules,  &c.  En  1380  , 
on  connoiffoit  dans  cette  Paroiffe  les  manoirs  nobles  de  Leflan  , 
Tregoguen ,  Cremenec ,  &  Ker-ardelec. 

POULDREGAT  ;  à  4  lieues  à  l'Oueft-Nord-Oueft  de  Quim- 
per ,  fon  Evêché  &  fon  reffort  ;  k  47,  lieues  de  Rennes  j  &  à  2 
lieues  de  Pontcroix  ,  fa  Subdélégation.  On  y  compte  1800  com- 
muniants ,  y  compris  ceux  de  Poldavi ,  fa  trêve  :  la  Cure  eft  à 
l'alternative.  Ce  territoire  eft  arrofé  des  eaux  de  la  rivière  de 
^  Poldavi ,  que  le  flux  &  reflux  de  la  mer  rend  navigable  ;  les 
terres  font  très-exa8:ement  cultivées  par  les  habitants ,  qui  paffent 
pour  très  -  laborieux  &  très -bons  cultivateurs.  Les  femmes 
mêmes,  fuivant  l'exemple  de  leurs  maris,  montrent  une  a6Hvité 

6  un  courage  qui  peuvent  fervir  de  modèle  à  leur  fexe  ,  & 
faire  rougir  les  hommes  de  plusieurs  Paroiffes  de  la  province  où 
rina61ion  règne.  Il  fe  tient ,  par  an ,  à  Pouldregat ,  trois  foires , 
célèbres  par  la  quantité  de  beftiaux  qui  s'y  vendent.  Du  côté 
de  Poldavi  on  remarque  les  veftiges  du  fameux  chemin  Romain , 
que  le  vulgaire  appelle  Hcnt-Ahès ,  ou  Chem'm-£ Ahès  ;  il  conduit 
de  Carhaix  jufqu'à  la  baye  des  Trépaffés ,.  dans  l'endroit  où  Ton 
prétend  qu'étoit  autrefois  la  fameufe  ville  d'Is ,  qui ,  peut-être  , 
n'exifta  jamais  :  il  y  a  encore  quelques  parties  de  ce  chemin 
pavé  de  pierres  de  tailles. 

Coulanezre,  haute,  moyenne  &  baffeJuftice;  Vieux  -  Châtel , 

haute ,  moyenne  &  baffe-Juftice ,  à  M.  du  Halna  du  Frelayel  : 

Guerquelen ,  haute ,   moyenne  &:  baffe-Juftice ,  à  M.  du  Coidic  5 

Ker-Hazo  ,  haute  ^  moyenne   &  bafle  -  Juftice  ,  à  M.  de  Ploeuc  > 

Torm  ÎÎL  N  3 


4^6  '      P  O  U  =  P  R  I 

Nevet ,  Marquifat ,  haute ,  moyenne  &  bafTeJuflice,  à  Madame  la 
Comtefle  de  Coigni. 

POULLAN5  à  5  lieues  un  quart  à  FOueil-Nord-Oueft  de 
Quimper ,  fon  Evêché  &  fon  relTort  -,  à  44  lieues  de  Rennes  ; 
&  #'-  I  lieue  un  tiers  de  Pontcroix ,  fa  Subdélégation.  On  y 
compte  1 400  communiants  :  la  Cure  eft  à  l'alternative.  Le  châ- 
teau de  Ker-venargant  eft  la  maifon  feigneuriale  de  l'endroit. 
Le  territoire ,  borné  au  Nord  par  la  mer ,  renferme  des  terres  en 
labeur,  des  prairies ,  de  bons  pâturages ,  &  des  landes  peu  étendues, 

POULLAOUEN  j  à  10  Heues  &  demie  au  Nord-Eft  de  Quim- 
per ,  fon  Evêché  ;  à  3  2  lieues  de  Rennes  ;  &  à  2  lieues  de 
Carhaix ,  fa  Subdélégation  &  fon  reffort.  On  y  compte  3  600 
comm.uniants ,  y  compris  ceux  de  Saint-Tudec  ,  fa  trêve  :  la  Cure 
eft  à  l'alternative.  On  exploite ,  par  continuation  ,  à  Pouilaouen  , 
une  riche  mine  de  plomb  ,  qui  donne  un  peu  plus  de  deux  marcs 
d'argent  par  quintal.  Le  château  de  Tmieur ,  haiite  ,  moyenne 
&  balTe-Juftice ,  à  M.  le  Comte  de  BlofTac.  Ce  territoire  offre  à 
la  vue  des  terres  en  labeur ,  des  prairies ,  &  beaucoup  de  landes. 
Le  Roi  y  pofTede  plufieurs  fiefs. 

PRAT  j  à  2  lieues  au  Sud-Oueft  de  Tréguîer ,  fon  Evêché  ;  à 
2.9  lieues  de  Rennes  j  &  à  3  lieues  de  Lannion,  la  Subdélégation 
&  fon  reffort.  On  y  compte  1400  communiants  :  la  Cure  eft  à 
l'alternative.  Ce  territoire  renferme  la  Terre  du  Fougerai-rouge  , 
qui  appartient  à  M.  l'Evêque  de  Tréguier ,  à  raifon  de  fa  dignité. 
Le  terroir  de  Prat  eft  un  pays  plat ,  arrofé  des  eaux  de  la  rivière 
de  Tréguier;  il  eft  abondant  en  grains,  Hn ,  &  autres  denrées. 
Coatelan-Coatconien ,  moyenne-Juftice ,  à  M.  le  Borgne  de  Lau- 
naye  ;  Cofquer-Lullenec ,  moyenne-Juftice  ,  à  M.  de  Bois-Rouvré. 

PRIÈRES  j  Abbaye  de  l'Ordre  de  Cîteaux ,  dans  la  Paroifîe 
de  Biiliers,  &  dans  un  fond  ,  à  peu  de  diftance  de  la  mer;  à  5 
lieues  un  tiers  au  Sud-Eft  de  Vannes,  fon  Evêché;  à  20  iieues 
de  Rennes.  Cette  Abbaye  ,  qui  eft  en  règle  ,  fut  fondée ,  l'an 
1250,  par  le  Duc  de  Bretagne,  Jean  I,  qui  garda  dans  cet 
établiflement  toutes  les  formalités  prefcrites  par  les  droits  com- 
muns. Ce  Prince  étoit  alors  excommunié ,  &  ne  voulut  rien  faire 
fans  l'agrément  de  l'Evêque  diocéfain  ;  comme  il  fçavoit  que  le 
Prélat  ne  devoit  pas  être  content  de  fes  manières  envers  lui,  il 


P  R  I  467 

lui  fît  demander  Ton  confentement  par  la  Duchefle,  fonépouR-; 
Cadioc ,  ne  réfiila  point  ,  approuva  la  fondation  ,  &  écrivit  au 
Chapitre  de  Cîteaux  qu'il  y  confentoit ,  à  condition  que  les  droits 
de  l'Eglife  paroifTiale  de  Billiers  Se   les   liens  leroient  conlervés. 
Quelques  perfonnes  fcrupuleufes  rejettent  la  fondation,  en  difant 
que    l'Eglife   ne   peut  rien  recevoir   des  excommuniés  :  l'intérêt 
l'emporte  ;   le    Pape   approuve  la  fondation ,  &   écrit  à   Cadioc 
d'mtroduire ,  dans  le  nouveau  Monallere  ,  les  Moines  de  Cîteaux, 
fî ,  toutefois  ,  le  Duc  a  pourvu  à  tout  ce  qui  étoit  nécelTaire  à 
la  fubfiftance  des  Moines.  L'année  fuivante  ,  le  Chapitre  fait  vi- 
fîter  le  nouveau  Couvent ,  il  eft  trouvé  commode ,  &  l'Abbé  de 
Buzay  reçoit  ordre   d'y  envoyer  des  Moines ,  qui  y  font  intro- 
duits par  Cadioc.  Le  Duc  met  la  dernière  main  è  cette  fondation , 
par  fes  lettres-patentes  du  mois   de  Novembre  1252,  dans  lef- 
quels  il  fait  l'énumération   des  biens  qu'il  a  donnés  à  l'Abbaye, 
biens  qu'il  avoit  acquis  de  Pierre  de  MuffiUac  ,  de  Guillaume  de 
Bignan ,  de  Guillaume  de  la  Rochebernard ,  de  JofleHn  de  Pen- 
nemur ,  d'Eudon  ,   de    Maleflroit ,   &  d'Agathe  ,  fon  époufe  ;  & 
Geoffroi  Gauffridus  fut  le  premier  Abbé    de    ce  nouveau   Mo- 
naftere.  L'an  1253,  le  Pape  Innocent  IV  approuve  la  fondation 
de  Prières ,  &  accorde ,  par   la  Bulle   donnée  à  ce   fujet ,  plu- 
sieurs indulgences  aux  Abbés  &  ReHgieux  de  cette  Maifon.  On 
trouve  une  copie  de  cette  Bulle  au  château  de  Nantes  -,  le  Duc, 
fondateur,  meurt  le  8  Oftobre   1286,  &  fut  inhumé  félon  fes 
defîrs ,  dans  l'EgUfe  de  Prières.  Yfabeau  de  CalHUe  ,  DuchefTc 
de  Bretagne ,    morte  le   24    Juillet  1328,   fut   inhumée  dans   le 
chœur  de  la  même  Eglife.  Jeanne  d'Angleterre ,  époufe  du  Duc 
Jean  IV  ,  mourut  à  Nantes ,  à  la  fin  du  mois  de  Septembre  1 3  84  j  le 
corps  de  cette  PrincelTe  fut  porté  à  Prières ,  où  il  fut  inhumé,  comme 
elle    l'avoit  ordonné  par  fon  teftament    du  25   du  même  mois. 
L'Abbaye  de  Prières   a  eu  plufieurs  Abbés  d'un    mérite  rare. 
Dom  Henri  le  Barbu ,  né  au  château  de  Quilliou ,  au  diocefe  de 
Quimper,  fut  d'abord  Abbé  de   Prières  ,  Nonce  du  Pape  ,  puis 
Evêque  de  Vannes  en  1383  ;  ce  Prélat  étoit  fi  pauvre  que  le  Pape 
ordonna,  par   une    Bulle  de  l'an  1385  ,   à  tous  les  Evêques  de 
Bretagne ,  de  lui  donner  une  fomme  ,  (  l'auteur  ne  dit  pas  com- 
bien ,  )  pour   l'aider  à  fubfiiler  ,  ck  d'excommunier  ceux  qui  re- 
fuferoicnt  de  contribuer  à   ce   pieux  don.   Cet  Evêque  _,  ennemi 
juré  de  l'injufiice  ,  fe  plaignit  au  Pape ,  du  Duc  Jean   V ,  fon 
Souverain  ,    qui  n'étoit    pas  fcrupuleux   fur   les    moyens    de    fe 
procurer  de.  l'argent ,  &  qui  même  ,  par  le  plus  étrange  abus 


468  P  R  I 

de  fon  autorité  ,  faîfoît  battre  de  la  monnoie  falfifiée.  Henri  fut 
transféré  du  Siège  Epifcopal  de  Vannes  à  celui  de  Nantes,  l'an  1 404. 

Jean  Raoul ,  Dofteur  en  Théologie  ,  fuccefTeur  de  Henri ,  à 
l'Abbaye  de  Prières,  vers  1405  ,  obtint  du  Pape,  pour  lui  & 
fes  fuccefTeurs ,  l'ufage  des  ornements  pontificaux ,  &  la  permif- 
fion  de  bénir  le  peuple.  Cet  Abbé  îoufcrivit  à  la  vingtième 
cefllon  du  Concile  de  Confiance ,  fut  recommandé  au  Duc  de 
Bretagne  par  le  Pape  Martin  V,  &  député,  en  1430  ,  par  le 
Chapitre  général  de  fon  Ordre ,  au  Concile  de  Bâle  ;  il  établît, 
dans  fon  Eglife,  la  Fête  folemnelle  de  la  Préfentation  de  la  Sainte 
Vierge  auTemple,&  mourut  le  28  Juillet  143 9;  il  fut  inhumé  dans  la 
falle  du  Chapitre  de  fon  Abbaye ,  où  l'on  voit  encore  fon  Epitaphe- 

Dom  Melchior  de  Serent,  nommé  Abbé  de  Prières  ,  en  1681, 
gouverna  cette  maifon  jufqu'en  1727  ;  cet  Abbé  fit  rebâtir  la 
majeure  partie  de  fon  Monaflere ,  &  fit  conftruire  une  nouvelle 
Eglife  fur  le  plan  de  M.  Cote ,  Archite61e  du  Roi.  Avant  de 
commencer  la  démolition  de  l'ancienne,  qui  fe  fit  en  171 5, 
on  leva  le  corps  du  Duc  Jean  I ,  &  lorfque  le  nouveau  bâtiment 
fut  achevé ,  on  le  plaça  dans  le  tombeau  qu'on  lui  avoit  érigé 
dans  le  chœur  ,  du  côté  de  l'Evangile.  La  première  pierre  de  l'Lghfe 
avoit  été  pofée  le  i  Avril  1716,  au  nom  de  M.  le  Duc  d'Or- 
léans, Régent  de  France,  par  M,  Feydeau  de  Brou ,  Intendant 
de  Bretagne  :  elle  fut  confacrée  le  20  Juillet  1726,  par  Antoine 
Fagon  ,  Evêque  de  Vannes.  L'édifice  efl  vafle  Se  magnifiquement 
décoré  de  fculptures  &  de  tableaux  nouvellement  peints ,  qui  font 
de  la  main  du  fieur  Valentin ,  né  dans  le  diocefe  de  Quimper  , 
&  élevé  des  Académies  de  peinture  de  France  &  de  Rome. 
Cette  Abbaye  a  eu  des  Abbés  Commendataires ,  depuis  l'an  1 501 
jufqu'à  l'an  1630,  qu'elle  fut  remife  en  règle,  en  faveur  de  la 
réforme  qu'elle  avoit  embraffée.  Dom  Jean -Louis  de  Meaux , 
Abbé  aftuel  ,  efl  le  huitième  depuis  la  réforme  ,  &  le  trente- 
deuxième  Abbé  depuis  la  fondation  de  Prières  ;  il  a  été  nommé 
par  le  Roi,  le  9   Mars  de   l'année    1766. 

PRIGNÉ  ;  fur  la  côte  ;  à  8  lieues  à  l'Ouefl-Sud-Ouefl  de 
Nantes  ,  fon  Evêché  &  fon  reffort  ;  à  30  lieues  de  Rennes;  & 
à  2  tiers  de  lieue  de  Bourgneuf ,  fa  Subdélégation.  On  y  compte 
2 GO  communiants  :  la  Cure  efl  à  l'alternative.  L'afte  de  la  con- 
fécration  de  l'Eglife  de  Saint-Nicolas  d'Angers  ,  faite  par  le  Pape 
Urbain  II ,  met  la  ParoifTe  de  Prigné  au  rang  des  biens  dépen- 
dants de  cette  Eglife.  Benoît ,  Evêque  de  Nantes ,  confirma  ,  aux 


P  R  I  4(?9 

Moines  de  l'Abbaye  de  Redon  ,  la  pofTefTion  des  Eglifes  d'Arton , 
de  FrofTé  ,  &  de  Chauve  ,  par  afte  paffé  au  mois  de  Juillet  1 104, 
dans  le  Cloître  des  Religieufes  de  Sainte -Marie  de  Prigné.  Ce 
Prélat  affembla  fon  Synode  diocéfain,  l'an  1105  ,  à  Prigné.  Le 
Prieuré  de  Saint-Nicolas  de  Prigné  ,  jadis  de  la  dépendance  de 
Saint-Jouan  de  Marne ,  a  été  réuni  au  Séminaire  de  Nantes  ;  la 
Chapelle  de  ce  Prieuré  eft  en  ruines.  On  connoît,  dans  la  même 
Paroiiïe ,  le  Prieuré  de  Saint -Philbert ,  fort  ancien  ;  mais  nous 
ignorons  l'époque  de  fa  fondation.  L'hiftoire  ne  dit  rien  de  Prigné  ; 
mais  j'ai  trouvé  ,  dans  un  manufcrit  digne  de  foi ,  que  c'étoit 
autrefois  une  ville  allez  confîdérable  ,  &  qu'elle  a  foutenu  plufieurs 
fieges.  La  bute  qu'on  voit  auprès  du  bourg  ,  &  que  plufieurs 
croient  n'être  qu'un  monceau  de  terre  rapportée  ,  ell:  un  fou- 
terrein  voûté  &  muré  en  pierres  de  tailles ,  à  l'épreuve  de  la 
bombe  &  du  canon  ;  il  ell  à  préfumer  que  ce  lieu  fervoit  autre- 
fois de  magafin  de  poudres.  Je  n'ai  vu  aucun  titre  qui  fît  men- 
tion de  la  fondation  des  Religieufes  de  Prigné ,  dont  il  eft  parlé 
ci-delTus  ;  j'ignore  de  même  quand  cette  maifon  a  cefle  d'être. 

Des  terres  fertdes  &  bien  cultivées  ,  de  bons  pâturages ,  ôc 
des  marais  falants  ;  voilà  ce  que  ce  territoire  offre  à  la  vue  :  oh 
n'y  fait  pourtant  pas  tant  de  fel  qu'autrefois  ,  parce  que  la  mer 
perd  beaucoup  en  cet  endroit ,  &  peut-être,  avant  un  demi-fîecle, 
en  fera-t-elle  éloignée  d'un  quart  de  lieue, 

PRIMELIN  j  fur  une  montagne ,  au  bord  de  la  mer  ;  à  8  lieues 
à  rOueft  de  Quimper ,  fon  Evêché  &  fon  relTort  ;  à  47  lieues  de 
Rennes  ;  &  à  2  lieues  de  Pontcroix  ,  fa  Subdélégation.  Cette  Pa- 
roifle  relevé  du  Roi ,  ôc  compte  900  communiants  :  la  Cure  efl 
à  l'alternative.  Le  territoire  ,  borné  au  Sud  par  la  mer  ,  renferme 
des  terres  fertiles  en  grains  de  toute  efpece ,  &  bien  c?ultivées  par 
les  femmes ,  qui  font  fort  laborieufes  :  elles  prennent  le  foin  de  la 
culture  de  leurs  champs,  tandis  que  les  hommes  s'occupent  à  la 
pêche  ou  à  la  navigation. 

PRINCE  ;  fur  une  hauteur  ;  à  10  lieues  à  l'Eft  de  Rennes ,  fon 
Evêché  &  fon  refTort  ;  &  à  3  Ueues  de  Vitré ,  fa  Subdélégation. 
On  y  compte  1300  communiants  :  la  Cure  ell:  à  l'alternative. 

L'Abbaye  de  Saint-Sulpice ,  haute- Juftice  ,  à  Madame  l'AbbefTe  : 
l'Épronniere  ,  moyenne  &  baffe- Juftice  ;  &  Courdoifie  ,  moyenne 
&  baffe-Juffice ,  à  Madame  veuve  Legonidec.  Ce  territoire  eft 
borné ,  à  un  quart  de  lieue  à  l'Eff ,  par  la  rivière  de  Vilaine , 


470  P  R  I 

qui  fépare  le  Maine  d'avec  la  Bretagne,  &  qui  prend  fa  fource 
dans  plufieurs  étangs  ,  8c  fur-tout  dans  ceux  de  la  Cordelière  , 
qui  font  les  plus  conlidérabies  de  cette  ParoifTe.  Des  grains  de 
toute  efpece  ,  du  foin  ,  des  fruits ,  de  bons  pâturag-rs  ,  telles  font 
les  productions  du  terroir  :  c'eft  un  pays  couvert ,  où  l'on  voit 
des  vallons ,  des  coteaux ,  &  des  landes  qui  s'étendent  dans  une 
longueur  d'une  lieue  un  quarts  ,  depuis  un  quart  de  lieue  à 
rOueft  de  ce  bourg  jufqu'à  l'étang  de  Châtillon. 

PRINQUEAUj  à  8  lieues  à  l'Ouefl  -  Nord  -  Oueft  de  Nantes, 
{oh  Evéché  &  fon  reifort  j  à  19  lieues  de  Rennes  ;  &  à  2  lieues  de 
Pont-Château  ,  fa  Subdélégation  ;  cette  ParoifTe  relevé  du  Roi ,  Se 
compte  1 000  communiants  :  la  Cure  eu  à  l'Ordinaire.  Ce  territoire 
renferme  des  terres  bien  cultivées  ,  des  prairies  ,  des  marais  ,  &  des 
landes.  On  y  voit  la  maifon  noble  de  Curay  ,  auprès  de  laquelle  ell 
un  bois  taillis  j  la  haute- JulHce  de  Coiflin  appartient  à  M.  de  Befné. 

Un  ufage ,  peut  -  être  blâmable  ,  ne  veut  pas  qu'on  loue  les 
hommes  vivants  ;  je  l'ai  fuivi  jufqu  ici ,  cet  ufage  ,  avec  une  fcru- 
puleufe  exactitude  ;  mais  en  ce  moment ,  je  prie  mes  lefteurs  de 
vouloir  bien  m'en  affranchir,  pour  publier  des  vertus  vraiment 
dignes  d'être  célébrées.  Tous  les  habitants  du  Comté  de  Nantes 
rendront ,  comme  moi ,  juftice  à  M.  Jonic ,  Refteur  de  Prin- 
queau  ;  fa  conduite  ,  toujours  fage  ,  mérite  d'être  propofée  pour 
modèle  à  tous  les  Eccléfiaftiques  j  il  règne ,  par  l'empire  de  la 
vertu ,  fur  fes  paroiffiens  ,  qui  le  font  l'arbitre  de  tous  leurs  diffé- 
rents j  depuis  qu'il  eu  Reâeur  de  Prinqueau  on  ne  voit  plus  de 
procès  entre  les  habitants  ,  qui  vivent  dans  la  plus  étroite  union  , 
formée  &  entretenue  par  ce  refpeftable  Pafteur  ;  mais  ce  qu'on 
trouvera  de  plus  étonnant ,  c'eft  que  fa  probité  eft  fi  aimable  ,  fon 
caractère  fî  doux,  fon  commerce  fi  agréable  ,  que  ceux  qui  font 
le  moins  fufceptibles  d'aimer  les  EccléfialHques ,  ne  peuvent  s'em- 
pêcher de  le  chérir  &c  de  l'admirer  dès  l'inflant  qu'ils  l'approchent. 

PRÎZIAC  j  fur  la  route  de  Guemené  au  Faouet;  à  14  lieues  au 
Nord-Ouefl:  de  Vannes  ,  fon  Evêché  ;  à  28  lieues  de  Rennes;  & 
à  4  lieues  de  Guemené,  fa  Subdélégation  :  cette  Paroilîê  refTortit 
à  Hennebon ,  &  compte  2000  communiants  :  Crevenec  &:  le  Deor 
forment  une  hautc-Juftice  ,  qui  reflbrtit  à  la  Principauté  de  Gue- 
mené :  la  Cure  efl  à  l'Ordinaire.  A  un  quart  de  lieue  au  Nord  de 
Priziac ,  font  les  ruines  du  château  de  Belair ,  auprès  de  l'étang 
de  ce  nom  j  j'ignore  l'année  de  fa  démolition ,  il  n'y  paroît  plus 


PRI=.QUE  471 

qu'une  Chapelle.  Ce  territoire  ci\  un  terrein  plat  &  coupé  de 
ruiffeaux  ;  il  renferme  des  terres  bien  cultivées  ,  des  prairies ,  & 
des  landes  ;  les  habitants  font  beaucoup  de  cidre  ,  qui  eft  leur  boif- 
fon  ordinaire.  Les  maifons  nobles  font,  en  1430,  Penqueflen,  qui 
appartenoit  à  Pierre  de  Kermerien  j  Ker-menec  ,  à  Pierre  Lefmei, 
Sieur  de  Régautj  Ker-ual ,  à  Guillaume  Rotuel  ;  Treruz  ,  à  Charles 
LeicaufF,  Sieur  de  Quecanquen  de  Menezgouen  ;  Ker-menquen  , 
à  l'Abbé  de  Langonnet  -,  Mindrouch  ,  à  Guillaume  Philippe. 

PUCEUL  ',  à  7  lieues  au  Nord  de  Nantes ,  fon  Evêché  &  fon 
refibrt  ;  à  1 5  lieues  de  Rennes  ;  &  à  4  heues  de  Derval ,  fa  Sub- 
délégation. On  y  compte  900  communiants  :  la  Cure  ell  à  l'Ordi- 
naire. Bohalard ,  haute  ,  moyenne  &  balTe-Juflice  ,  qui  s'exerce 
à  Puceul.  Près  la  rivière  d'ifac  eil  le  village  de  la  Chevallerais, 
dans  lequel  eft  une  Chapelle  deflervie  par  un  Prêtre  qui  n'a  aucun 
revenu  fixe  ;  il  demeure  dans  ce  village  ,  &  vit  des  quêtes  qu'il 
fait  chez  les  habitants  qui  l'avoifinent.  Des  terres  en  labeur ,  des 
prairies  ,  &  des  landes  très-étendues  ,  dont  le  fol  paroît  excellent; 
voilà  ce  que  préfente  à  la  vue  ce  territoire  ,  qui  eft  un  terrein 
plat  d>c  uni.  Le  fol ,  à  mon  avis ,  ell ,  plus  que  tout  autre  en- 
droit de  la  Province  ,  fertile  en  bois ,  qui  y  croit  très-bien  ,  quoi- 
que rongé  par  les  heftiaux.  On  pourroit  donc  au  moins  changer 
en  taillis  ou  forêts ,  les  landes  immenfes  de  cette  ParoifTe  ,  fi  l'on 
n'a  pas  le  delTein  de  les  défricher  &  d'en  tirer  un  meilleur  parti , 
en  y  femant  du  gland. 

V^UÉBRIAC  ;  dans  un  fond;  à  8  lieues  au  Sud -Sud -Fil  de 
SaiiiLiMalo ,  fon  Evêché  ;  à  6  lieues  de  Rennes  ;  &  à  i  lieue  de 
Hédé,  fa  Subdélégation  &  fon  reflbrt.  On  y  compte  1200  com- 
muniants :  la  Cure  eft  préfentée  par  l'Abbé  de  Rillé.  Le  territoire, 
pays  couvert ,  renferme  des  terres  bien  cultivées ,  des  prairies  , 
&  des  landes  ;  les  habitants  font  beaucoup  de  cidre.  La  Seigneurie 
de  Québriac  eft  très  -  ancienne  ;  fous  les  Ducs  de  Bretagne,  le 
pofTciTeur  de  cette  Seigneurie  avoir  le  titre  héréditaire  de  premier 
Écuyer  du  Prince.  L'an  13ÇO  Guillaume  de  Québriac  ferv oit  dans 
la  Compagnie  de  Jean ,  Vicomte  de  Rohan  ;  &  le  Normand  de 
Québriac ,  fon  frère ,  dans  la  Compagnie  de  Thebaud ,  Sire  de 
Rochefort.  Dans  les  lettres  que  le  Duc  Jean  IV  expédia  à  fon 
ParlcïTient  général ,  aifemblé  à  Vannes ,  en  1 3  9  5 ,  ce  Prince  qualifie 
^infi  le  Seigneur  de  Québriac  ;  Notre  bUn  -  aimé  &  féal  héritier^ 


471  QUE 

Seigneur  de  Quéhnac,  Ces  lettres  portoient  confirmation  d'un  droit 
coutumier  en  faveur  des  Seigneurs  de  cette  maifon.  La  Seigneurie 
de  Québriac  fut  érigée  en  Bannière  par  le  Duc  Pierre  II ,  en  145 1  , 
en  faveur  de  Thomas  ,  Seigneur  de  Guemadeuc  ,  grand  Écuyer  de 
Bretagne,  &  Chevalier  des  Ordres  du  Roi.  Jean  de  Guemadeuc ^ 
Chevalier ,  Seigneur  de  Québriac,  ayant  été  blelTé  dans  un  combat 
qui  fe  livra  auprès  de  Loudéac,  mourut  le  1 1  Juillet  1592  ;  fon 
corps  fut  porté  à  Rennes ,  &  dépofé  pendant  quatre  jours  dans 
l'Eghfe  paroifliale  de  Touflaint ,  d'où  il  fut  tranfporté  ,  avec  la  plus 
grande  pompe,  à  Québriac  ,  où  il  fut  inhumé.  L'an  1 594 ,  la  gar- 
nifon  que  le  Duc  de  Mercœur  avoir  à  Québriac  ,  furprit  &  tailla 
en  pièces  celle  que  le  Roi  Henri  IV  avoir  au  Pont-Arguel.  A  la 
fin  du  mois  de  Mars  de  la  même  année  ,  de  Fontelebon  prit  le 
château  de  Québriac,  &  alla  lui-même  porter  au  Maréchal 
d'Aumon ,  à  Rennes  ,  la  nouvelle  de  cet  heureux  fuccès. 

Au  mois  d'Oftobre  1595,  Saint-Laurent  ,  Capitaine  du  Duc 
de  Mercœur ,  partit  de  Dnian  avec  des  troupes  &  deux  pièces 
de  canon  ,  pour  aller  affiéger  le  château  de  Québriac.  Fontelebon 
étoit  alors  abfent  ,  &  à  fon  retour  ,  ce  brave  guerrier ,  qui  s'étoit 
rendu  maître  de  ce  château ,  ne  put  rentrer  dans  fa  place  qu'a- 
près des  tentatives  multipliées  pendant  trois  jours  ,  &  fçut  fi 
bien  la  défendre ,  que  Saint-Laurent ,  dangéreufement  bleffé ,  fut 
obligé  de  lever  le  fiege,  après  avoir  perdu  un  grand  nombre  àç.s 
fiens.  L'année  fuivante  ,  les  troupes  du  Duc  de  Mercœur  afîié- 
gèrent  encore  Québriac  ,  &  plus  heureufes  que  la  première  fois  , 
elles  s'en  emparèrent.  Ce  château  fut  démoli ,  en  1 599  ,  par  ordre 
du  Roi  Henri  IV^ 

QUÉDILLAC  ;  fur  îa  route  de  Rennes  à  Saint -Brieuc  ;  à  9 
lieues  &  demie  au  Sud-Sud-Ouefi:  de  Saint-Malo ,  fon  Evêché  ^ 
à  8  lieues  de  Rennes  ;  &  à  2  lieues  de  Montauban ,  fa  Subdé- 
légation. Cette  Paroiffe  reffbrtit  à  Ploermel  ,  &  compte  1400 
communiants  :  la  Cure  efi:  à  l'ai^rnative.  Des  grains ,  du  foin , 
des  fruits  ;  telles  font  les  produftions  ordinaires  de  ce  territoire , 
qui  contient  quelques  landes  dont  on  pourroit  tirer  parti.  L'an 
3  Qoo  ,  Alain  III ,  fils  de  GeofFroi  I  ^  donna  la  Terre  &  Seigneurie 
de  Quédillac  à  FAbbaye  de  Saint-Méen,  -  En  1350,,  la  maifon 
noble  de  Brebuan ,  à  Jean  Riou  j  la  Peleraye ,  à  Pierre  de  Lau- 
naye  ;  la  Guerandais ,  à:  N....  :  en  1400,  la  Bodinaye,  à  Guil- 
laume Gruel  j  Ranléort ,  à  Eufi:ache  de  la  Houflaye  ;  la  Houf- 
faye,  à  Jean  Léonnais  j.  la  Pillerais,  à  Olivier  l'Abbé j^  la  Boue, 

à 


QUE  475 

à  Alain  de  Landugen.  R.anlcon  ,  haute- Juftice ,  aux  enfants   de 
M.  de  Saint-GeniCi   la   Bougere  ,  haute-Juflice ,  à  M.  de  Bini 
de  Langeron  ;  la  Heuzelais ,  haute  &  moyenne-Juftice  ,  à  Madame 
de  la   Riolais;  la  Régnerais  -  en  -  Plumodern  ,  bafTe-Juftice  ,  à  Ma-- 
dame  de  la  Saudraye-Gautier. 

QUEMENEVEN  ;  à  3  lieues  au  Nord  de  Quimper ,  fon  Eve- 
ché  ;  â  39  lieues  de  Rennes;  &  à  i  lieue  un  quart  de  Châ- 
teauHn ,  l'a  Subdélégation  &  Ion  reflort.  On  y  compte  1 200 
communiants  :  la  Cure  efl:  à  l'Ordmaire.  Des  coteaux ,  des  mon- 
ticules ,  des  vallons  ,  des  terres  excellentes ,  des  prairies ,  des 
landes  ,  &  la  forêt  au  Duc  ,  qui  peut  avoir  trois  lieues  de  circuit  ; 
voilà  ce  qu'on  remarque  dans  ce  territoire.  Les  maifons  nobles: 
en  1420,  le  manoir  du  Pouidu  appartenoit  à  Pierre  Tregoret  j 
Gomalon ,  Coetquiriou  ,  Ker-iegouan ,  Pontigou ,  le  Hue  ,  Penan- 
coët ,  &  Pencoët ,  à  N 

QUERFEUNTUN  -,  à  l'extrémité  d'un  des  fauxbourgs  de  Quim- 
per ,  fur  la  route  de  Châteaulin.  On  y  compte  1 200  commu- 
niants :  la  Cure  eft  à  FOrdinaire.  C'eil  dans  cette  ParoifTe  que 
font  {itués ,  l'Hôpital  de  Sainte  -  Catherine  ,  l'Hôpital  général ,  & 
le  Prieuré  de  Locmaria  de  Quimper.  Ce  territoire  offre  à  la  vue 
une  campagne  bien  cultivée ,  abondante  en  grains  ,  fourrages  6c 
fruits ,  variée  de  coteaux  &  de  monticules.  Les  maifons  nobles 
de  l'endroit  font  :  le  Loch  ,  Ker-lividic  ,  le  Parc ,  le  Brieuc  ,  Coet- 
bili ,  &  Parc-Poulie. 

QUERRIEN  ;  fur  une  hauteur  ;  à  9  lieues  à  l'Eft  de  Quimper , 
fon  Evêché  ;  à  3 1  lieues  de  Rennes  j  &  à  2  Ueues  de  Quim- 
perlé ,  fa  Subdélégation  &  fon  reflort.  Cette  ParoilTe  relevé  du 
Roi,  &  compte  3000  communiants  :  la  Cure  eil  à  l'alternative. 
Des  terres  bien  cultivées,  des  prairies,  &  beaucoup  de  landes; 
voilà  ce  que  ce  territoire  préfente  à  la  vue  :  c'ell  un  pays 
couvert  par  endroits ,  Se  fort  abondant  en  cidre.  La  maifon  noble 
de  Ker-iomar  fe  trouve  dans  cette  Pareille. 

QUERNEVEL  ;  dans  un  fond  ;  à  5  lieues  un  quart  à  l'Ell-Sud- 
Eft  de  Quiinper,  fon  Evéché  ;  à  34  lieues  de  P».cnnes  ,  &  à  3 
lieues  de  Concarneau  ,  fa  Subdélégation  &  fon  reffort.  On  y 
compte  1700  communiants  :  h  Cure  eil  à  l'alternative.  Ce  teni- 
toiie,  axfofé  de  plulieurs  luilP^îaux,  renferme  des  terres  en  labeur , 
ï^omc  IIL  G  ; 


474    ..  QUE 

des  prairies ,  des  landes ,  &  produit  beaucoup  de  cidre.  Ses  mai" 
fons  nobles,  en  1400,  étoient  :  le  Quinilit,  le  Gouazel,Ker-eronay, 
le  Querlot ,  Ker-gouet ,  Trelouarn  ,  &  Bihan. 

QUESSOY  ;  fur  la  route  de  Saint-Brieuc  à  Moncontour  ;  à  3 
lieues  au  Sud-Eft  de  Saint-Brieuc,  fon  Evêché  ;  à  17  lieues  de 
Rennes ,  fon  reffort  j  &  à  i  lieue  &  demie  de  Moncontour ,  fa 
Subdélégation.  On  y  compte  1800  communiants  :  la  Cure  eÔ:  à 
l'alternative.  Des  terres  bien  cultivées  &  des  landes,  voilà  ce 
(Qu'offre  à  la  vue  ce  territoire ,  qui  ell  fort  peuplé  d'arbres  frui- 
tiers. Le  village  de  l'Hôpital ,  vulgairem-ent  appelle  l'Hôpital  de 
Quejfoy^  furie  grand  chemin  de  Saint-Brieuc,  eft  une  Comman- 
derie  de  l'Ordre  de  Malte.  La  Salle,  la  Roche-Rouffe ,  Robien, 
le  Boifglé ,  Bofliguel ,  le  Bottier ,  le  Botrel ,  le  Bohu ,  &  Laubé  ; 
ces  neuf  maifons  nobles  ou  fiefs  ont  tous  haute  ,  moyenne  & 
balTe-JulHce  ,  à  Madame  veuve  du  Plancher  :  Saint  -  Queneu  , 
haute ,  moyenne  &  baffe- Juftice  ,  au  Prieur  de  Léhon  ;  Brefeillac, 
haute ,  moyenne  &  baffe-Juftice ,  à  M.  de  Trévoux  ;  la  Ville- 
Merue ,  haute ,  moyenne  &  bafle-Juflice  ,  au  Prieur  de  Léhon  : 
la  Commanderie  de  QuefFoy  ,  haute  ,  moyenne  &  baffe- Juftice  ; 
Collinée  ,  haute  ,  moyenne  &  baffe  -  Juflice  ;  Plaine  -  Haute  , 
haute ,  moyenne  &  baffe-Juflice;  &  Planguenoual ,  haute ,  moyenne 
&  baffe-Juflice ,  à  M.  le  Commandeur  de  Malte  :  Quilhel ,  moyenne 
&  bafîe-Juftice ,  à  M.  de  Beaucours  5  la  Vieuxville ,  moyenne 
&  baffe- Juflice ,  à  M.  de  la  Villevolette. 

QUESTEMBER  ;  gros  bourg  ;  à  5  lieues  à  l'Efl  de  Vannes , 
fon  Evêché  &  fon  reffort  ;  à  1 7  lieues  de  Rennes  ;  &  à  6  lieues 
de  Redon,  fa  Subdélégation.  On  y  compte  3600  communiants: 
la  Cure  efl  à  l'alternative.  Ker-david-Quintin,  haute  -  Juflice  j 
Carné ,  haute-Juflice.  Ce  territoire ,  pays  plat  &  couvert ,  offre 
à  la  vue  des  terres  bien  cultivées ,  des  prairies ,  des  vallons ,  des 
coteaux ,  &  des  landes  très-étendues  dont  le  fol  paroît  mériter 
les  foins  du  cultivateur.  On  y  remarque  le  moulin  à  vent  de  la 
Beurgne  ,  fîtué  fur  une  élévation  qui  forme  un  très-beau  point 
de  vue.  Il  fe  tient  fix  foires  confidérables ,  par  an ,  à  Queflember, 
&  marché  tous  les  lundis. 

En  430,  Erech ,  fils  d'Audren ,  Roi  de  Bretagne,  fit  bâtir, 
dans  le  territoire  de  Queflember ,  un  château ,  qu'il  appcUa ,  de  fon 
nom  ,  Erech.  Cette  maifon  ,  un  des  plus  anciens  monuments  de  la 
province^  appartient  aujourd'hui  à  M.  de  Pont-Carré  de  Viarme. 


Q  U  E=  Q  U  I  475 

On  remarque  plufîeurs  veftiges  d'anciens  retranchements  dc.ns 
cette  Paroiffe ,  mais  on  ignore  s'ils  ont  été  conftruits  par  les  Ro- 
mains ,  les  Normands ,  ou  les  Bretons.  Les  maifons  nobles  :  en 
1420,  Ker-bourdin,  à  Eon  de  Carné  ;  Malbrehat ,  à  Eon  Macéj 
le  Forn ,  à  Jean  Mal-Enfant  ;  Trehurnan  ,  à  Pierre  Peintel  ;  Coet- 
droc  ,  à  Jean  ,  Seigneur  de  Peni  :  Ker-edren  ,  Talhouet ,  le  Con- 
zon  ,  Ker-bourdm  ,  Ker-onion  ,  Ker-guilloux ,  Ker-ambart  ,  Ker- 
villy  ,  Treiunion  ,  Ker-roiiauft ,  Ker-enfis ,  Trefenail ,  Ker-abraham, 
font  d'autres  maifons  nobles. 

QUEVEN  ;  fur  une  hauteur  ;  à  1 1  lieues  à  l'Oueft-Nord-Ouefl 
de  Vannes ,  fon  Evêché  ;  à  29  lieues  de  Rennes  ;  &  à  i  lieue 
de  l'Orient ,  fa  Subdélégation.  Cette  Paroiffe  reffortit  à  Hennebon , 
&  compte  1500  communiants  :  la  Cure  ell  à  l'alternative.  Des 
terres  en  labeur ,  des  prairies  ,  des  arbres  à  fruits  -,  voilà  ce  que 
préfente  à  la  vue  ce  territoire ,  qui  eft  très-bien  cultivé.  On  a  fait 
un  grand  chemin  qui  conduit  de  la  route  de  Quimperlé  au  bourg 
de  Queven. 

QUEVERT  5  fur  une  hauteur  ;  à  4  lieues  au  Sud  de  Saint- 
Malo ,  fon  Evêché  -,  k  10  lieues  de  Rennes  ;  &  à  un  tiers  de 
lieue  de  Dinan ,  fa  Subdélégation  &  fon  reffort.  On  y  compte 
650  communiants  :  la  Cure  efl  à  l'alternative.  Ce  territoire  con- 
tient des  terres  en  labeur ,  des  prairies ,  &  quelques  landes.  Le 
château  de  la  Broffe  appartenoit ,  en  1400,  à  Jean  du  Bois-Riou  , 
Chevalier,  Seigneur  de  la  Broffe,  lequel  mourut  en  1453.  Bertrand, 
fon  fils  ,  Chambellan  du  Duc  François  II ,  fut  père  de  François,  qui 
époufa  Anne  de  Montauban.  Gilles  de  Bois-Riou  fut  fuccefïive- 
ment  Gentilhomme  de  la  chambre  du  Duc  François  II ,  &  Maître- 
d'Hôtel  de  la  Reine  Anne,  en  1508  j  &  Anne  du  Bois-Riou  fe 
maria  à  Chnffophe  de  Beaumanoir.  Cette  Seigneurie  appartenoit, 
en  1680,  à  François  du  Bois-Riou,  qui  la  laiffa  à  fes  enfants: 
le  château  eff  maintenant  en  ruines  -,  il  paroît  qu'il  étoit  affez 
bien  fortifié  ,  mais  l'hiftoire  ne  dit  point  qu'il  ait  foutenu  de 
fiege. 

QUIBERON  ;  prefquifle  ;  à  7  lieues  au  Sud-Oi^eft  de  Vannes, 
fon  Evêché  ;  à  27  lieues  deux  tiers  de  Rennes  j  &:  à  5  lieues 
d'Aurai  ,  fa  Subdélégation  &  fon  reffort.  On  y  compte  1 1 00 
communiants  :  la  Cure  eff  préfentée  par  l'Abbé  de  Saint-Gildas 
de  Rhuis,  Cette  prefqu'iÛe  ne  tient  plus  au  continent  que  par 


476  .QUI 

une  langue  de  terré  ,  qui  ,  fous  le  Fort  Penthiev-re ,  bâti  à 
l'entrée  de  Quiberon  ,  n'a  pas  vingt-cinq  toifes  de  large ,  ôc 
prefqu  aucune  élévation  au  deflus  du  niveau  de  la  mer  :  une 
partie  de  cette  langue  de  terre  efl  couverte  d'eau,  à  marée  haute, 
ôc  le  paffage  n'eft  praticable ,  pour  fe  rendre  à  Quiberon ,  qu'à 
marée  baffe.  La  rade  de  Quiberon  eft  aufli  vaffe  que  fûre ,  elle 
offre  par-tout  un  bon  mouillage  ;  c'eff  une  efpece  de  golfe , 
dont  les  deux  caps  les  plus  avancés  font  la  pointe  de  Quiberon 
&  celle  de  Saint-Giidas.  Le  feul  port  de  Quiberon  eft  le  port 
Haliguen ,  fermé  par  un  môle  en  pierres  feches  ,  &  ne  pouvant 
recevoir  que  des  bâtiments  de  cent  cinquante  à  deux  cents 
tonneaux. 

Quiberon  étoit  riche ,  &  peuplé  de  bons  navigateurs.  Des  vingt- 
deux  villages  que  contient  la  prefqu'iile ,  les  Anglais  en  brûlèrent 
onze ,  en  1 746 ,  ainfi  que  tous  les  bâtiments  qu'ils  trouvèrent 
dans  les  havres  ou  à  la  côte  ;  à  peine  depuis  ce  temps  a-t-on 
pu  rebâtir  les  villages  j  &  aujourd'hui  la  petite  marine  de  Qui- 
beron ,  réduite  à  trente-fîx  chaffe-marées ,  ne  reviendra  ,  de  long- 
temps ,  à  l'époque  brillante  où ,  avec  ce  même  nombre  de  chaffe- 
marées  ,  elle  mettoit  en  mer  jufqu'à  quarante  bâtiments  de 
foixante  à  deux  cents  tonneaux.  Les  Anglais  ,  qui  ont  la  réputa- 
tion de  guerriers  généreux,  la  démentent  fouvent  quand  ils  font 
intéreffés  à  détruire  des  établiffements  de  commerce  &  d'induffrie. 
Le  Roi  vint  au  fecours  des  malheureux  qu'ils  avoient  ruinés  ;  il 
accorda  des  fommes  pour  leur  être  remifes  j  mais  ils  fe  pla)gnent 
que  ces  grâces,  arrêtées  dans  leur  courfe  ,  n'ont  pu  arriver  jufqu'à 
eux.  La  feule  défenfe  de  Quiberon  confifle  en  quelques  batteries 
répandues  fur  la  côte  &  dans  le  Fort  Penthievre ,  qui  ne  peut 
empêcher  l'ennemi  de  ruiner  la  prefqu'ifle , ,  mais  qui  peut  lui 
fermer  le  chemin  du  continent. 

Le  peuple  de  Quiberon  eft  d'une  plus  belle  efpece  que  celui 
de  toute  cette  côte  :  un  air  de  fanté  ,  de  gaieté,  de  propreté,  lui 
eft  apparemment  donné  par  l'aifance  &  la  propriété.  Ses  maifons 
font  bien  bâties  ,  prefque  tous  {es  habitants  font  propriétaires  j 
les  portions  de  terres  y  font  prodigieufement  fubdivifées ,  &  par 
,cela  même ,  le  territoire  général  eft  d'un  plus  grand  produit  : 
heureufement  pour  cette  honnête  peuplade  ,  on  n'y  voit  que  deux 
ou  trois  fermiers.  Le  Roi ,  comme  propriétaire  foncier  de  Qui- 
beron ,  prélevé  un  quart  des  récoltes  :  Henri  IV  avoir  exempté 
de  cette  énorme  redevance ,  beaucoup  de  terres  qu'il  avoir  ré- 
duites à  ne  payer  que  le  douzième.  Les  incendies ,  allumés  en 


..QUI  477 

5746  par  les  Anglais,  ont  fait  perdre  aux  habitants  les  titres 
de  la  conceflion  de  ce  bon  Roi.  D'autres  terres  avoient  eu  la 
faculté  de  racheter  toutes  leurs  redevances  ;  & ,  totalement  libé- 
rées ,  on  les  connoifToit  fous  le  nom  de  terres  quittes  ;  aujour- 
d'hui les  unes  &  les  autres  font  indiilinftement  forcées  de  payer 
au  Seigneur  cette  première  redevance  d'un  quart  de  leurs 
récoltes. 

La  pêche  de  la  fardine  fe  faifoit  autrefois  fur  la  côte  de  la 
rade  de  Quiberon ,  &  dans  les  parages  voilîns ,  jufqu'au  Mor- 
bihan :  le  poiiTon  préfère  aujourd'hui  ceux  de  Belle-îile  &  de 
Groais.  Beaucoup  de  preiïes ,  bâties  à  Quiberon  &  fur  les  bords 
de  la  baie  de  la  Trinité ,  en  Carnac  ,  près  de  Ker-navell: ,  font 
tombées  en  ruines.  Ainii  doivent  difparoître  toutes  les  puiiTances 
fondées  fur  un  commerce  fugitif  ;  il  n'y  a  de  ftable  que 
celles  qui  ont  des  richefTes  foncières ,  une  grande  abondance  de 
matière  première  dont  les  peuples  éloignés  ont  befoin ,  &  qui 
ne  peuvent  naître  chez  eux.  La  puiffance  des  Anglais,  {1  fort 
accrue  par  le  commerce  ,  eft  donc  plus  précaire  que  jamais  ^  & , 
après  la  perte  de  leurs  Colonies ,  on  pourroit  calculer  le  mo- 
ment où  elle  doit  s'évanouir.  Ce  moment  s'accéléreroit  avec  une 
grande  vîtefTe  ,  fi  des  Nations  tributaires  de  fon  commerce  vou- 
loient  s'efforcer  d'imiter  fon  induftrie.  On  déclame  beaucoup 
contre  la  variété  de  nos  modes ,  je  ne  déciderai  point  ii  c'eft 
bien  ou  mal  à  propos ,  j'obferverai  feulement  que  fur  toute  cette 
côte  de  la  Bretagne  ,  il  n'ell  pas  deux  villages  dont  le  coflume , 
fur-tout  pour  les  femmes ,  foit  femblable  :  leurs  habillements  & 
leurs  coëffures ,  qui  ne  font  pas  toujours  de  bon  goût ,  n'en  font 
pas  moins  chers.  Les  marchés  des  villes  voifines ,  où  affluent  les 
habitants  de  ces  côtes  ,  offrent ,  en  ce  genre ,  un  fpeftacle  très- 
bizarre  &  très-varié.  La  fortune  ne  les  fait  pas  encore  quitter 
leur  coftume ,  &  la  feule  différence  entre  les  habits  de  la  femme 
d'un  colon  riche  &  d'un  colon  moins  opulent ,  coniifte  en  ce  que 
les  uns  font  de  foie ,  quand  les  autres  font  de  laine ,  mais  tous 
font  de  la  même  forme. 

A  la  vue  de  tous  les  parages  &  de  la  chaîne  de  rochers  qui 
femble  lier  enfemble  les  iiles  de  Hédic ,  Houat ,  &  Quiberon , 
on  ne  peut  guère  douter  que  toutes  ces  terres ,  &  peut-être 
même  Belle-Ifle ,  n'aient  fait  autrefois  une  ou  plusieurs  prefqu'ifles 
du  continent  de  la  Bretagne.  Je  dis  prefqu'ifle ,  parce  qu'il  a  tou- 
jours fallu  des  iffues  aux  rivières  d' Aurai ,  de  Vannes ,  &  de  la 
yiilaine  j  &:  qu'en  les  réduifant  à   un   feul  débouché ,  il  paroît 


478  QUI 

qu'il   a  toujours   été  dans  l'efpace  qui  exifle  entre  Hédic  &  la 
pointe  de  Piriac. 

Le  Prieuré  de  Quiberon  fut  rétabli,  en  1027,  par  le  Duc 
Alain  III ,  qui  le  donna  à  l'Abbaye  de  Saint-Sauveur  de  Redon , 
de  laquelle  il  paffa  depuis  à  celle  de  Saint-Gildas  de  Rhuis,  qui 
le  ponede  encore ,  &  qui  en  nomme  le  Refteur  ou  Prieur.  De- 
puis fa  fécularifation  ,  ce  Prieuré  fut  détruit  par  les  Normands ,  & 
les  cruautés  de  ces  barbares  avoient  jette  une  telle  épouvante 
parmi  les  habitants  du  pays  ,  qu'on  fut  obligé ,  long-temps  après  y 
de  rappeller  à  Redon  un  Prieur  de  cette  nation  qu'on  y  avoit 
établi,  parce  que  fon  origine  efFrayoit  tout  le  monde.  En  1705  y 
on  vit  un  homme  marin  entre  l'ifle  de  Belle-ïfle  &  Quiberon  :  il 
fut  appelle  par  des  pêcheurs.  Le  Père  Henriquez  ,  Jéfuite ,  en  fait 
mention.  On  remarque  dans  cette  prefqu'ifle  plufieurs  de  ces 
pierres  énormes  dont  les  antiquaires  ont  tant  parlé. 

QUILBIGNON;  à  12  lieues  au  Sud-Sud-Oueit  de  Saint-Pol- 
de-Léon  ,  fon  Evêché  i  à  48  Heues  de  Rennes  ;  &  à  trois  quarts 
de  lieue  de  Brefl,  fa  Subdélégation  &  fon  reflort.  On  y  compte 
2200  communiants  :  la  Cure  ell  à  l'alternative.  Le  fauxbourg  de 
Recouvrance ,  à  Breft ,  dépendoit  autrefois  de  Quilbignon.  II  n'y 
avoit  dans  ce  fauxbourg  qu'une  petite  Eglife  fuccurfale  ;  les  deux 
endroits  ont  été  réunis  depuis  ce  temps ,  &  le  Curé  a  fixé  fon 
féjour  à  Recouvrance ,  011  il  fe  trouvoit  plus  agréablement  placé  qu'à 
^  Quilbignon.  Le  territoire  efl:  un  pays  montagneux ,  mais  très-fer- 
tile en  grains  &  pâturages  :  il  eft  borné  au  Sud  par  la  mer.  La 
ballille  de  Quilbignon  étoit  autrefois  une  forte  place  :  elle  eft 
maintenant  en  ruines.  Les  maifons  nobles  de  l'endroit  font  :  les 
châteaux  de  Beauford  &  du  Porzic.  Le  Fort  du  Mengan ,  fur  le 
bord  du  Goulet,  qui  fait  l'entrée  de  la  rade  de  Breft  ,  tire  fon, 
nom  d'un  rocher  qui  eft  dans  le  Goulet,  où  étoit  jadis  un  petit 
port   nomme  le  Poux-de-Uevre. 

QUÎLLY  j  au  bord  des  marais  de  Saint-Gildas  des  Bois  j  à  8 
lieues  &  demie  au  Nord-Oueft  de  Nantes ,  fon  Evêché  ;  à  1 6  lieues 
&  demie  de  Rennes  ;  &  à  2  lieues  un  tiers  de  Pont-Château,fa  Subdé- 
légation. On  y  compte  <oo  communiants;  M.  le  Marquis  de  Coiflin 
en  eft  le  Seigneur  :  la  Cure  eft  à  l'alternative.  Ce  territoire  offre 
à   la  vue  des  terres,  bien  cultivées ,  des  pâturages ,  &  des  landes» 

QUILLY  i  à  7  lieues  deux  tiers  au  Nord-Eft  de  Vannes  ,  fort 


QUI  479 

Evêché  ;  à  1 4  lieues  de  Rennes  j  &  à  3  lieues  de  Maleftroit ,  fa 
Subdélégation.  Cette  Paroifle  reffortit  à  Ploermel ,  &  compte  450 
communiants  :  la  Cure  efl  à  l'alternative.  Le  Val  fous  Caftel , 
moyenne  &  baiTe-Juftice  j  &  Haut-Quilly,  moyenne  &  bafTe-Juf- 
tice  ,  appartiennent  à  M.  de  Cartel.  Ce  territoire  offre  à  la  vue 
des    terres  en  labeur  &  des  landes. 

QUIMERCH5  à  6  lieues  deux  tiers  au  Nord  de  Quimper,  fon 
Evêché  j  à  40  lieues  de  Rennes  ;  &  à  i  lieue  du  Faou ,  fa  Sub- 
délégation. Cette  Paroiffe  refîbrtit  à  Châteaulin ,  &  compte  1300 
communiants  :  la  Cure  eft  à  Talternative.  Ce  territoire ,  plein  de 
montagnes ,  de  vallons ,  &  de  coteaux  ,  renferme  des  terres  en 
labeur,  des  prairies,  des  landes,  &  autres  terres  incultes^  &  la 
forêt  de  Grammont  ou  du  Faou,  qui  peut  contenir  fix  mille  cent 
arpents  en  futaie  &  taillis,  &  qui  appartient  au  Seigneur  de 
Guimerch  &  du  Faou.  Il  y  avoit  jadis  un  fort  château, 
avec  Capitainerie ,  dont ,  en  1359?  le  Roi  d'Angleterre  donna 
le  Gouvernement  à  Olivier  de  Cliffon.  Les  maifons  nobles  :  en 
1500,  les  manoirs  de  la  Mée  &  de  Coatifcoul ,  appartenoient 
au  Sieur  du  Faou  ;  le  Subot-Amifec ,  à  Pierre  de  Kermar- 
quern  ;  Ker-morvan  de  Leslun ,  à  René  de  Kerlec  ;  le  Bot  &  le 
Menier-Aufrai ,  à  Jean  du  Bot  ;  Villeneuve  &  Ker-acucaillaut , 
aux  Sieur  &  Dame  de  Mondragon  ;  Penanmuer,  à  Jacques  Lego  j 
Ker-anrec  ,  à  Olivier  Lanfulien  j  Penandrun  du  Sul ,  à  N..,.  le 
Barbu,  &  Ker-gal,  à  N.,., 

QUIMPER  ;  par  les  6  degrés  27  minutes  2 1  fécondes  de  longi- 
tude ,  &  par  les  48  degrés  20  fécondes  de  latitude  j  à  3  8  lieues  un 
quart  de  Rennes.  Ce  diocefe ,  qui  renferme  deux  cents  quatre-vingt- 
quatorze  lieues  quarrées  en  fuperficie  ,  eft  borné  au  Nord  parles 
Evêchés  de  Saint-Pol-de-Léon  &  de  Tréguier ,  à  l'Ell:  par  ceux  de 
Vannes  &  de  Saint- Brieuc  ;  au  Sud  &  à  l'Oueft  par  vingt-fîx 
lieues  ôc  demie  de  côtes  de  mer.  Le  pays  eft  rempli  de  mon- 
tagnes ,  celles  que  l'on  nomme  /es  montagnes  noires,  font  les  plus 
confîdérablesi: elles  forment  un  rideau  de  la  longueur  de  trente- 
cinq  lieues  :  ies  montagnes  Darés  ont  neuf  lieues  de  longueur.  On 
compte  dans  le  dïocefe  de  Quimper  onze  villes ,  dont  quatre  dé- 
putent aux  Etats  ;  cent  foixaiite-treize  ParoifTes  ,  quatre-vingt-dix 
trêves  ou  fuccurfales,  cinq  Abbayes  d'hommes,  une  de  femmes; 
fix  Couvents  d'hommes ,  huit  Couvents  de  femmes  ,  cinq  Hôpitaux  ; 
onze  forêts ,  un  grand  nombre  de  ports  &  plufieurs  rivières  navi- 


4So  QUI 

gables.  L'air  y  eft  pur  &  falutaire  ,  &  les  côtes  très-agréables.  La 
variété  des  objets,  &  les  belles  &  riches  campagnes  qui  s'offrent 
à  la  vue,  forment  le  fpeftacle  le  plus  intérell'ant  pour  une  ame 
fenfible  aux  beautés  de  la  Nature.  L'intérieur  du  pays ,  a  deux 
ou  trois  lieues  de  la  côte  ,  eft  loin  d'avoir  les  mêmes  agréments  j 
on  n'y  apperçoit  que  des  montagnes  ,  des  landes ,  des  terres  in- 
cultes, &  des  bois  affez  étendus. 

La  ville  de  Quimper  compte  9500  habitants  ;  fept  Pa- 
roiiTes,  y  compris  celles  des  fauxbourgs  ;  fçavoir  ,  Saint -Sau- 
veur, Notre-Dame  de  la  Chandeleur  ,  le  Saint- Eiprit ,  Saint- 
Ronan,  Saint-Juhen,  (ces  cinq  Paroiffes  font  delTervies  dans  la 
Cathédrale  par  cinq  Vicaires  du  chœur;)  Saint  Matthieu,  (la 
Cure  eft  préfentée  par  un  Chanoine  de  la  Cathédrale  ;  )  fk  Lo- 
niaria ,  dont  la  Prieure  des  Bénédi8:ines  pr éfente  la  Cure  ;  ûx 
Communautés  ,  fçavoir ,  les  CordeUers  ,  les  Capucins  ,  l'Abbaye 
des  Dames  de  Ker-lot ,  de  l'Ordre  de  Citeaux  j  les  Urfulines , 
les  Calvairiennes ,  &  les  Dames  de.  Locmaria  :  deux  Hôpitaux , 
qui  font ,  Sainte  -  Catherine  ,  pour  les  malades ,  &  Saint- Antoine 
pour  les  infirmes  :  deux  marchés  par  femaine  ,  le  mercredi 
&  le  famedi  j  &  iîx  foires  con(îdérables  par  an.  On  y  remarque 
un  Gouvernement  de  place  ,  un  Siège  préfidial ,  une  Communauté 
de  ville  ,  avec  droit  de  députer  aux  Etats  j  une  Amirauté ,  une 
Subdélégation,  une  Brigade  de  MaréchaulTée ,  commandée  par  un 
Lieutenant  ;  une  Recette  -,  les  Poiles  aux  lettres  &  aux  chevaux  j 
&  un  beau  Collège,  jadis  dirigé  par  les  Jéfuites.  Les  armes  de  la 
ville  font  de  gueule  ,  au  cerf  pafTant  d'or ,  au  chef  de  France. 
Sa  fituation  eft  ilir  les  rivières  d'Odet  &  d'Eir  ,  entre  des  mon- 
tagnes allez  élevées  ;  celle  qui  ell:  au  Sud  peut  avoir  iix  cents 
pieds  de  haut.  La  rivière  d'Odet  forme  un  port  avec  flux  & 
reflux ,  les  petits  navires  y  peuvent  aborder ,  &  font  fleurir  le 
commerce  en  cet  endroit.  Les  denrées  qui  en  font  l'objet  font  5 
les  fardines ,  le  faumon  &  autres  poiflîbns ,  le  bétail ,  le  papier, 
l'ardoife  ,  le  cuivre ,  les  grains ,  &c.  Les  deux  rivières  enferment 
entre  leurs  lits  un  des  fauxbourgs,  qu'on  appelle  la  terre  au  Duc. 
on  y  entre  par  le  pont  de  Saint-Médard.  C'elt  dans  ce  même 
lieu  que  les  Ducs  av oient  autrefois  leur  Jufl:ice,  leurs  prifons,  & 
que  logeoient  les  Ofliciers  de  judicature  :  c'étoit  là  auflî  que  fe 
tenoît  le  marché  ,  fous  une  halle  bâtie  exprès.  Les  habitants  de 
Quimper  font  ufîige  de  la  langue  bretonne  ,  comme  les  habitants 
de  Galles ,  en  Angleterre.  Les  Jurifdi8:ions  qui  s'exercent  dans  leur 
ville,  fontj  outre  le  Préfidial,  la  SénéchaulTée  &  l'Amirauté ,  les 

Régaires 


QUI  48t 

Régaires  de  M.  l'Evêque  ;  la  haute  -  Juftice  de  Coatfao  &  de 
Pratanouez  ,  à  M.  le  Prince  d'Aremberg',  la  haute -Jufti ce  de 
Hilguy  ,  à  Madame  de  Treceffon  j  celle  de  Quemenet  ,  à 
Madame  la  Comteffe  de  Forcalquier  j  &  celle  du  PlefTis-Ergué , 
à  M.  Gazon. 

Les  anciens  annaliftes  Bretons  prétendent  que  Quimper  fut 
fondé  par  un  certain  Corineus  ,  fugitif  de  Troyes.  On  ne  pouvoit 
imaginer  une  origine  plus  ilkiftre ,  &c  ceux  qui  font  amateurs  du 
merveilleux  &  de  Hncroyable  ,  fçauront  fans  doute  gré  à  ces 
auteurs  d'une  fi  belle  invention  ;  mais ,  com.me  tout  le  monde 
n'efl  pas  du  même  avis ,  on  me  permettra  de  ne  point  adopter 
un  fyitême  qui  eil  fans  fondement.  Jules-Céfar  eft  le  plus  ancien 
des  hiltoriens  qui  aient  fait  mention  de  Quimper,  fous  le  nom 
de  Curiofolkum  ,  au  fécond  livre  de  fes  Commentaires ,  où  il  dit 
que  les  Vénetes ,  les  Unelliens ,  les  Curiofolites ,  les  OfRfmiens , 
avoient  été  fournis  aux  Romains  par  PubHus-CralTus ,  qu'il  avoit 
envoyé,  avec  la  feptieme  légion  ,  à  la  conquête  de  rArmonque, 
Ce  conquérant  place  toujours  les  Curiofolites  fur  les  bords  de 
l'océan ,  &  nous  apprend  qu'ils  fournirent  leur  quote-part  des 
fix  mille  hommes  que  les  Armoricains  envoyèrent  à  Vereinge- 
torix,  dans  la  guerre  contre  les  Romains.  Pline  n'a  pas  oublié  ce 
peuple  ,  qu'il  appelle  Cariofulites  ,  trompé  fans  doute  par  un  ma- 
nufcrit  infidèle.  Les  vieilles  notices  de  la  Gaule  nous  parlent  de 
la  ville  de  Quimper  fous  le  nom  de  Confopitum  ,  &  de  fes  ha- 
bitants fous  celui  Corifopites  ou  Confolites,  Les  géographes  grecs, 
comme  Strabon  &  Ptolomée ,  n'en  ont  point  fait  mention ,  à 
moins  que  le  dernier  n'ait  voulu  les  défigner  fous  le  nom  d'^r- 
viens ,  &  leur  capitale  fous  celui  de  Vagorit,  11  place  ces  Arviens 
entre  les  Diablintes  &  les   Nantais. 

Quimper  efl  la  capitale  du  pays  de  Cornouailles ,  &.  l'hon- 
neur qu'on  lui  a  fait  de  lui  donner  un  Evêque  prouve  clairement 
que  de  tout  temps  elle  a  été  une  cité  recommandable.  Il  ell  inu- 
tile d'approfondir  la  quellion  de  fçavoir  ii  fon  nom  latin  Confo- 
pitum eft  le  même  que  le  Ker-is  de  l'anonyme  de  Ravenne ,  Ôc  le 
j^is  de  Dom  Lobineau ,  qui  a  fuivi  l'ufage  des  Bretons  ,  en 
donnant  au  Jj^  feul  ,  le  fon  du  Q  ,  de  VE  &  de  VR,  Il 
ne  feroit  pas  moins  inutile  d'examiner  {i  la  prétendue  ville  d'Is 
a  été  remplacée  par  Quimper  ,  ou  fi  l'une  &  l'autre  ont 
fubfifté  enfemble  jufqu'au  cinquième  (iecle ,  époque  de  la  fup- 
pofée  fubmerfion  de  la  ville  d'Is ,  aux  environs  du  Ratz.  Toutes 
ces  difcuffions .  purement  curieufes  ,  doivent  fe  trouver  à  l'article 
Tomç  IlL  P  3 


48i  QUI 

Is  (a).  On  obfervera  feulement  que  les  velKges  du  grand  chemîii 
qui  fubfîflent  encore  aux  environs  de  Cleden-Capfizun ,  femblent  in- 
diquer que ,  non  loin  de-là  ,  il  exiftoit  une  grande  ville ,  mais  il  eft, 
en  faveur  de  l'ancienneté  de  Quimper  ,  deux  preuves  locales, 
je  veux  dire  les  rivières  qui  baignent  fes  murs  au  Couchant  & 
au  Midi.  La  mer  qui ,  deux  fois  le  jour ,  monte  au  deffus  du  con- 
fluent même  de  ces  deux  rivières  ,  ell  une  troifieme  preuve 
naturelle  qui  conllate  que  Quimper  a  dû  être  bâtie  prefque  auffi- 
tôt  que  TArmorique  a  été  habitée.  Car  des  lieux  aufli  avanta- 
geufement  fitués  font  toujours  les  premiers  choifis  &  les  premiers 
habités.  Le  port  de  Benaudet ,  où  il  y  a  toujours  vingt-fîx  pieds 
d'eau  à  baffe  marée ,  ell:  à  l'embouchure  de  ces  deux  rivières.  II 
eft  alfez  grand  &  affez  long  pour  contenir  quatre  cents  frégates 
&  même  des  vaiffeaux  de  hgne ,  à  l'abri  des  plus  violentes  tem- 
pêtes ;  mais  le  port  de  Quimper  ne  peut  contenir  que  des  barques 
au  defîbus  de  cent  tonneaux ,  faute  d'être  creufé  à  la  profondeur 
de  deux  pieds  feulement.  Il  eft  facile ,  par  Landevenec  ,  de  lui 
procurer  ,  avec  Brelt ,  une  plus  courte  communication  que  par 
Crozon  &  par  le  port  Launai  même  :  il  ne  s'agit  que  de  faire  un 
chemin  entre  ceux  de  Châteaulin  &  de  Lanvaux  j  chemin  qui 
fera  de  la  plus  grande  utilité  aux  fix  Paroilles  fur  lefquelles  il 
paflera.  Les  deux  autres  grands  chemins  qui  conduifent  à  Quimper 
font  ceux  de  Pont-Labbé,  de  Pont-Croix,  &  de  Douarnenez  ,  au 
Sud-Oueft  &  au  Nord-Oueft  de  cette  ville  j  mais ,  à  l'Eil  Se  au  Sud , 
il  n'y  en  a  que  deux  ,  ceux  de  Rofporden  &  de  Concarneau.  II 
en  faudroit  plufieurs  autres ,  notamment  un  de  Quimper  à  Mor- 
laix,  par  Briec  &  Pléyben ,  &  un  autre  à  Roftrenen,  par  Cor- 
rai,  Roudouallec  ,  &  Glomel  j  car,  plus  grandes  font  les  com- 
munications du  chef-lieu  avec  tout  le  relTort ,  plus  il  fe  fait  de 
circulations  de  denrées ,  d'argent ,  &  de  tout  ce  qui  vivifie  la 
fociété.  On  verra  même  qu'après  ces  communications  établies 
par-tout,  on  en  fera  quelques-unes  par  eau,  notamment  dans  le 
miheu  de  la  province  ,  en  venant  du  Levant  au  Couchant ,  & 
en  profitant  de  la  pente  formée  par  la  Nature.  Voilà  ce  qu'on 
a  cru  devoir  obferver  à  ceux  qui  aiment  le  mieux  à  côté  du  bien. 
Voici  maintenant  ce  qu'on  doit  apprendre  à  ceux  qui  veulent 
connoître  les  privilèges  des  villes  &  le  principe  de  ces  privilèges. 
Avant    la  conquête  de  l'Armorique  par  les   Romains  ,    cette 

{a)  Cet  article  ,  qu'on  avoit  d'abord  réfolu  de  fupprimer ,  le  trouvera  à  la  fin  du  dernier 
volume,  en    fupplément. 


QUI  48J 

prerqu'ifle  étoit  libre  ,  Se  chaque  cité  avoit  un  Sénat.  Céfar  nous 
atterie  la  jouiiïance  de  cette  liberté  &  Texiilence  de  ces  Sénats 
particuliers  ;  il  parle  même  d'une  affemblée  générale  à  Vannes. 
Les  Romains ,  après  leur  conquête ,  ne  firent  d'autre  changement 
que  d'envoyer  un  Préfet  dans  chaque  cité,  &  un  Conful  dans  la 
capitale.  Chaque  cité  ,  en  général ,  &  chaque  citoyen  ,  en  par- 
ticulier ,  refta  maître  de  fes  propriétés.  Alors  &  long-temps  après , 
on  ne  connut  plus  l'amovibilité  de  ces  propriétés.  Quimper  avoit 
les  fiennes  ,  tant  au  dedans  qu'au  dehors  de  fes  murs  :  elle  a 
encore  des  communes  qui  en  font  les  relies.  Chaque  citoyen 
avoit  fes  propriétés  ,  &  ne  voyoit  au  deflus  de  lui  que  le 
Préfet  &  les'  Magiftrats.  Une  maifon  à  la  ville  &  quelques 
domaines  à  la  campagne  formoient  le  patrimoine  de  chaque 
famille  :  ces  domaines  ,  appelles  en  celtique  iec/i ,  &  délignés  par 
les  Romains  fous  le  nom  de  villœ  ou  infulœ^  produifoient  en  bled 
de  quoi  nourrir  le  particuUer  &  le  pubhc ,  fans  qu'on  eût  aucune 
idée  d'aller  vendre  aux  Etrangers  cette  denrée  de  première  né- 
ceflité,  ni  d'alkr  en  chercher  chez  eux.  Le  fifc  ,  répréfenté  par 
le  Sénat ,  avoit  auffi  des  amphithéofes  pour  fubvenir  aux  charges 
de  la  petite  RépubUque  :  il  étoit  l'héritier  naturel  des  méchants 
dont  on  confifquoit  les  biens ,  &  de  tous  ceux  qui  ne  laiffoient 
aucuns  parents  ;  mais  ce  cafuel  étoit  rare ,  parce  qu'on  héritoit 
à  l'infini ,  comme  on  le  fait  encore  aujourd'hui ,  &  fouvent  fous 
la  fimple  fimilitude  de  nom  j  tant  ell:  facrée  la  maxime  qu'il  faut 
conferver  fes  propriétés  à  chaque  famille  ,  quand  même  elie$ 
tomberoient  aw  dernier  ou  au  parent  le  plus  éloigné  de  cette  .fa- 
mille ,  &  au  petit  rifque  de  favorifer  un  intrus.  Si  ,  fous  le  gou- 
vernement des  Romains ,  .les  propriétés  continuèrent  à  être  ina- 
movibles &  franches ,  on  ne  peut  pas  fuppofer  qu'après  qu^on  eut 
fecoué  le  joug  de  ces  conquérants ,  &  élu  un  Chef,  ce  Chef,  ou 
le  Sénat  qui  le  furveilloit,  eiit  voulu  occafionner  un  changement 
qui  eût  diminué  les  propriétés  &  la  liberté.  Des  gens  ,  afiez  amis  de  la 
liberté  pour  fecouer  un  joug  modéré ,  n'euflent  pas  foufFert  volon- 
tiers la  violation  de  leurs  franc hiies.  Il  eft  à  croire  que  les 
premiers  Princes   Bretons  refpefterent  les  anciennes  loix. 

Grallon  fut  le  premier  Chef  ou  Seigneur  en  titre  du  Comté 
de  Cornouailles ,  &  Saint  Cçrentin  en  fut  le  premier  Evêque* 
Son  éleftion  eft  poftérieure  à  l'expulfion  des  Magiftrats  Romains  j 
c'efi:  entre  434  &  445  qu'il  fut  nommé  à  l'Epifcopat.  On  a  une 
preuve  écrite  qu'il  a  affilié  au  Concile  tenu  à  Tours  ,  en  453. 
ta  recevant  l'Epifcopat ,  il  devint ,  fuivant  l'ufage  de  ce  temps  y 


484  QUI 

Juge  de  paix.  Il  en  fut  ainfi  de  fes  fuccefTeufs  ;  cela  étoît  con- 
forme à  un  ufage ,  qui ,  du  confentement  des  Empereurs ,  faifoit 
de  tous  les  Prélats  des  Juges  temporels  &  fpirituels.  Ils  eurent 
ces  mêmes  droits  chez  les  peuples  qui  avoient  fecoué  le  joug 
des  Empereurs.  Les  Papes  y  ajoutèrent  bientôt  le  droit  d'excom- 
munier ^  pouvoir  dont  les  Evêques  n'uferent  fréquemment  que 
lorfqu'ils  cefTerent  de  devenir  Saints,  tels  que  l'ont  été  les  cinq 
à  fix  premiers ,  fi  ,  du  moins  ,  on  en  croit  la  Légende  \  &  en- 
core ,  pour  ne  pas  révolter  le  peuple  &  fes  chefs ,  eurent-ils  re- 
cours aux  Papes  ,  afin  de  pouvoir  rejetter  fur  eux  tout  l'odieux 
de  ces  excommunications.  Il  exille  deux  Bulles,  de  1452  &  1454, 
des  Papes  Eugène  &  Nicolas ,  par  lefquelles  Jean  IV  &  Jean  V, 
Ducs  de  Bretagne  ,  furent  excommuniés  ,  pour  avoir  voulu  conf- 
truire  un  château  fur  le  terrein  de  l'Evêque  de  Quimper.  Mais, 
avant  ces  projets  d'envahir  toute  l'autorité  publique  &  toutes  les 
richeffes  temporelles ,  on  voyoit  dans  les  Palpeurs  le  même  déta- 
chement des  biens  de  ce  monde ,  qu'on  admiroit  ,  depuis  plu- 
sieurs fiecles ,  dans  les  Prêtres  de  Rome  &  des  Gaules.  Le  plus 
petit  logement  pour  eux  ;  une  Chapelle  telle  que  celle  qui  exifle 
encore ,  &  qu'on  appelle  Samt-Pamael  j  une  écuelle  pour  rece- 
voir les  aumônes  en  monnoie  ;  des  bariques  pour  les  offrandes 
en  bled  :  voilà  tout  ce  qu'il  falloit ,  voilà  tout  ce  qui  a  tenu  lieu 
de  dîmes  pendant  près  de  neuf  fiecles.  C'eût  été  un  crime  dans 
un  Prélat ,  &  un  très-grand  crime ,  de  convoiter  des  propriétés. 
Les  Evêques ,  les  Prêtres ,  &  enfuite  les  Chanoines ,  n'ont  vécu 
que  d'aumônes  jufqu'au  huitième  fiecle ,  temps  auquel  Charle- 
magne  &  fes  enfants  jetterent  les  fondements  de  la  dîme ,  qui 
n'eit  devenue  un  droit  pofitif  que  plufieurs  fiecles  après.  Aufîi 
voit-on  nos  premiers  Evêques  au  nombre  des  Saints ,  &  fans 
doute  les  Chanoines  méritoient  pareillement  ce  titre.  Tous  ces 
Evêques  étoient ,  je  le  répète  ,  dès  Juges  de  paix  ,  qui  terminoient 
les  procès  d'autant  plus  promptement ,  qu'on  ne  fçavoit  alors ,  ni 
lire  ,  ni  écrire.  Les  Chanoines  &  l'Evêque ,  au  nombre  de  douze 
feulement  compris  l'Evêque,  ont  vécu  long -temps  enfemble. 
Ils  fe  regardoient ,  avec  raifon  ,  comme  les  imitateurs  des  Apôtres  \ 
Se  c'eft  pour  ne  s'écarter  en  rien  de  cette  imitation  parfaite  qu'ils 
fe  font  fixés  au  nombre  douze,  jufqu'au  commencement  du  trei- 
fieme  fiecle  {  1223  ,  )  &  ce  nombre  leur  étoit  d'autant  plus  cher, 
qu'il  étoit  celui  des  mois  de  l'année  &  des  fignes  du  zodiaque  ; 
mais  aujourd'hui  ils  fe  comptent  dix-huit ,  compris  l'Evêque.  Ce 
fut  en  1223  ,  que  le  nombre  de  douze  fut  porté  à  quinze,  mais. 


QUI  485 

on  ne  fçait  point  quand  ont  été  érigées  les  trois  dernières  Pré- 
bendes. Ce  fut  à  peu  près  à  la  même  époque  que  les  jugements 
jadis  appelles  de  paix ,  commencèrent  à  fe  faire  par  des  duels. 
En  13  51  5  un  Capitaine  ou  Gouverneur  de  Quimper  donna  à 
l'Evêque  ,  des  lettres  par  lefquelles  ils  déclaroit ,  pour  Charles  de 
Blois  ,  que  la  conllruftion  d'un  champ  de  bataille,  dans  la  ville 
clofe  de  Quimper,  pour  les  duels  juridiques,  ne  porteroit  aucun 
préjudice  à  l'Evêque,  ni  aux  droits  &  Jurifdifbons  de  fon  Eve* 
ché.  Cetre  Jurifdiaion  s'appelle  Regaire-Raca  ,  mot  celtique  figni-; 
û^ni  faire  du  bruit ,  qui  efi: ,  dit-on  ,  la  racine  de  racaille  &  de  Re^ 
gaire  ,  &  cela ,  fans  doute ,  parce  que  dans  un  Auditoire  où 
tout  le  monde  veut  parler  à  la  fois  ,  il  y  a  toujours  grand  bruit, 
ou  parce  que  cette  Jurifdiftion  fut  exercée  d'abord  dans  uw  des 
fauxbourg ,  qui,  étant  ordinairement  le  féjour  de  la  he  du  peuple, 
n'eft  jamais  fans  tumulte  &  fans  cris.  Si  cette  étimologie  ne 
prouve  rien  en  faveur  des  Evêques ,  du  moins  la  poffefTion  où 
ils  font  de  juger  leurs  ouailles  concitoyennes ,  démontre  que  ce 
droit  continué  jufqu'à  nos  jours,  ne  vient  pas  de  ce  qu'on  entend 
aujourd'hui  par  fief  (  a  )  ,  mais  du  choix  que  chaque  ville  épif- 
copale  fit  de  fon  Pafteur  pour  fon  juge  de  paix.  Il  en  efi:  ainfi 
du  droit  de  déshérence,  qui  ne  vient  que  de  la  haute  -  Jufiice  , 
&  non  de  ce  qu'on  appelle  fief.  Il  y  a  même  tout  lieu  de  croire , 
du  moins  à  en  juger  par  les  rentes  que  les  Evêques  ont  fur  cinq 
maifons  feulement ,  que  la  crainte  de  fe  trop  agrandir  en  pro- 
priétés ,  les  a  forcé  de  convertir  leurs  droits  de  déshérence  en 
profits  pécuniaires  ;  car ,  fans  une  telle  modération  en  eux ,  ou 
beaucoup  de  précautions  de  la  part  des  Echevins ,  le  nombre 
des  rentes  dues  à  l'Evêque  feroit  vingt  fois  plus  confidérable. 
Or ,  à  les  fuppofer  juftes  ou  non  ,  ces  rentes  ne  font  qu'au  nom- 
bre de  cinq ,  &  on  remarque  que ,  pour  anéantir  les  privilèges 
dont  on  va  parler ,  on  leur  a  donné  tous  les  carafteres  de  chef- 
rentes.  Ces  privilèges  font  de  ne  payer  ni  rentes ,  ni  rachat ,  & 
de  ne  fournir  qu'un  feul  ôii  ^même  aveu.  On  remarque  aufli  que, 
tout  nouvellement ,  on  a  ajouté  dans  un  contrat  d'afcenfement 
d'une  maifon  tombée  en  vacance ,  le  droit  inufité  de  lods  & 
ventes ,  &  cela  pour  autorifer  les  Evêques  à  faire  ce  que  d'a- 
vides Financiers  ont  occafionné ,  relativement  au  fauxbourg  ap- 


(  <z  )  C'eft  le  fentiment  de  M.  Girard  , 
Avocat  à  Quimper ,  Auteur  des  UJements 
ruraux  de   baffe  Bretagne  ^   qui  a    fait  une 


partie  de  cet  article;  &  non  c.^lui  de  l'au- 
teur de  ce  Di^ionnaire  ;  (  voyez  la  fujje.  )' 


4ÎÔ  QUI 

pelle  Terre-au-Duc ,  où  ,  malgré  rexemption  immémoriale   dont 
©nt  joui  les  anciens  habitants  de  ce  fauxbourg ,   de  ne  payer  ni 
rachat ,  ni  lods  ,  ni  ventes ,  néanmoins  ,  ils   ont   été   affujettis    à 
payer  ce  droit  aux  Fermiers  du  domaine ,  par  Arrêt.  Jadis ,  ce- 
pendant ,  les  Evêques  de  Quimper  n'avoient  d'autre  ambition  que 
celle  de  conferver  les  franchifes  de  leur  ville.  Voici  ce  que  nous, 
apprend ,  à  cet   égard  ,   Hévin  ,  dans    fts   Queilions  Féodales , 
page   57  &  faivantes.  En  1209  ,  il  fe   fit  une  tranfaftion  entre 
Guillaume  ,  Evêque  de  Quimper  ,   &  Gui  de  Thouars  ,  Duc  de 
Bretagne  ,   relativement    au    château  que  le    Duc    vouloit  bâtir 
contre  les  murs  de  la  ville ,  au  détriment  des  propriétés  de  plu- 
sieurs particuliers.  Dans  la  même  année  ,  ce  Duc  donna  une  re- 
Conn&iiTance  d'avoir  entrepris  injujlement  de  bâtir  ce  château  ,  &  un 
confentement  à  fa    démolition  ,    avec    le   don   des  matériaux  ,  qui 
furent  employés  à  la    conftruftion   de  l'Eglife   du  Gueaudet  ^  où 
un  vœu  indifcret ,  (  quod  notandum  ,  )  fait  brûler  ,  par  an ,  la  fubf- 
tance  de  cinq  à  fix  pauvres   au  moins.  En  1 2 1 3  ,  le  même  Guil- 
laume ,'  Evêque    de  Quimper ,  fe   facrifie    pour  fon  peuple  ;  il 
reçoit  une  lettre  du  Duc  Pierre  de  Dreux ,  par  laquelle  ce  Duc 
reconnoît  que  ce(l  par  pure  bonne   volonté  que  ledit   Guillaume  lui 
a  fourni  fecours  &  aide.  En    1368  ,  1370,  &  1379,  Jean  IV  re- 
connut ,  dans  des  lettres  en  forme  ,  quV/  navoit  point  U  droit  de 
lever  aucune   chofe  fur  les  habitants  de  Quimper ,  &  que  U  fouage 
&  autres  impofitions ,  pour  entrées   &  iffues ,  qu'il  lèvera  pendant  le 
temps  qui  lui  étoit  accordé  ^  navoit  d' autre  fondement  que  la  grâce  ^ 
confentement  ,  &  tolérance    de   l' Evêque ,  &   qu'il  n'entend  point  les 
lever  après  lefdits  teimes  finis ,  ni   les  tirer  à  conféquence  contre  Us. 
droits  &  les  libertés  de  l'Eglife,  A   la  fin   de   1339  ^  ^^  ^39^>5- 
un  Evêque  de  Quimper  rendit  des  fentences  d'excomniunicatioa 
contre  les  Receveurs  des  droits  du  Duc  ,  qui ,  fous  prétexte  de» 
pefer  &  noter  les  marchandifes  qui  entroient  &   fortoient ,  fai- 
îbient  les   plus  grandes    exàftions.  Au  mois   de  Janvier    1401  , 
Jean  V  donna  des  lettres  de  non-préjudice  touchant  lefdits  droits 
d'entrée  &  d'ilTue.  Par    d'autres  lettres  de  la    même  année ,  h. 
ville  de  Quimper  eft  déclarée  exempte  des  droits  créés  fur  les 
ventes  en  gros  ,  de  vin  ,  de  poiflbns ,  de  bled ,  &  de  miel.  La  ville 
alors  &  fes  fauxbourgs   jouifToient   de  l'exemption    des  lods  & 
ventes  &  de  rachat.  Ce  n'eft  même  que  depuis  peu  de  temps 
que   les   Fermiers    du   domaine    ont   obtenu  l'Arrêt    du  Confeil 
4ont  on  a  parlé  ,   &  qui  alTujettit  les  vafTaux  du  Roi  aux  lods 
&  ventes.  Comme  une  pareille  innovation  peut  avoir  des  fuites , 


QUI  487 

il  faut  mettre  la  ville  de  Quimper  &  Tes  fauxbourgs  ,  dans  le 
cas  de  fe  prévaloir  de  les  titres  d'exemptions ,  &  en  état  de 
ie  maintenir  dans  le  droit  de  ne  fournir  qu'un  feul  &  même 
aveu.  Ce  ne  fut  qu'en  1472,  époque  des  premiers  fourniiïements 
d'aveux  dans  toute  la  France  ,  que ,  pour  la  première  fois ,  on 
fournit  aveu  au  Duc ,  pour  l'Evêché  &  au  nom  de  l'Evêque  ,  aveu 
qui  ne  contient  rien  qui  foit  contraire  aux  franchifes  dont  on  va 
voir  le  détail. 

Pour  être  en  état  de  le  fournir ,  l'Evêque  s'étoit  fait  fervir  par 
tous  fes  vafTaux  ;  celui  de  la  ville  de  Quimper  efl:  de  1 468  ,  il 
eft  collectif  pour  tous  les  habitants  de  la  ville  ;  il  ne  parle  que 
de  devoirs  &  obéiflances  feigneuriaux  ,  comme  fidélité,  honneur, 
&  autres  chofes  naturelles  aux  fmncs-fiefs.  Cette  expreffion  de 
jranchijc  y  efl  expreffe  ,  &  qui  efl  bien  remarquable  dans  un 
premier  aveu.  Il  faut  encore  remarquer  qu'alors  il  n'étoit  dû  au- 
cune rente  à  TEvêque  ,  ce  qui  démontre  que ,  des  déshérences  que 
fes  prédécefTeurs  avoient  eues ,  ils  n'avoient  tiré  que  des  profits 
pécuniaires  &  conventionnels.  Hévin  date  aulîi  trois  anciens 
comptes  des  revenus  de  l'Evêque,  de  1459,  15^9»  ^  M335 
où  il  n'y  a  aucun  article  de  lods  &  ventes,  &  de  rachat  ,  fur 
la  ville  de  Quimper ,  &  encore  moins  concernant  le  retrait  féo- 
dal ,  que  de  nos  jours  on  veut  établir ,  pour  pouvoir  fe  pro- 
curer des  lods  &  ventes  d'une  manière  indifcrete.  Le  même 
auteur  parle  auffi  d'un  compte  du  Receveur  du  Domaine  à  Quim- 
per,  qui  prouve  que,  dès  avant  1503  ,  la  taille  de  40  livres 
monnoie ,  fe  payoit  médiatin  entre  le  Duc  &  l'Evêque  ;  mais 
cette  taille  &  ce  partage  ne  font  pas  négatifs  des  franchifes  de 
lods  &  ventes ,  de  rachat  &  du  droit  féodal.  Un  quatrième 
compte  des  revenus  de  l'Evêché,  de  1542  ,  efl:  le  premier  titre 
où  il  foit  fait  mention  de  deux  rentes  au  profit  de  l'Evêque  ; 
Tune  de  quatre  deniers ,  &  l'autre  de  douze  fols  ;  ainfi ,  le  filence 
de  ces  quatre  comptes  fur  d'autres  rentes ,  &:  fur  des  cafuels  , 
tels  que  le  rachat ,  les  lods  &  ventes  ,  &  les  prix  d'une  ceffion 
de  retrait  féodal ,  efl:  une  nouvelle  preuve  de  l'exemption  qu'on 
conftate  ici  avec  tout  le  foin  &  toute  l'exaéHtude  dont  on  efl: 
capable.  On  défie  qui  que  ce  foit  de  contredire  ces  titres , 
&  les  conféquences  qu'on  vient  d'extraire  d'une  confultation  faite 
pour  l'Evêque  de  Quimper ,  il  y  a  plus  de  cent  ans  j  mais ,  con- 
tinuons un  extrait  qui  ne  peut  que  faciUter  la  défenfe  de  ceux 
qui  pourroient  quelque  jour  être  vexés  par  des  Ofiiciers  de  juflice 
de  mauvaife  foi.  Dans  le  regillre  de  la  réformation  de  1539,  & 


488  .QUI 

dans  trois  aveux  fournis  à  l'Evêque  par  la  Communauté  feule  ,  on 
ne  donne  que  le  nom  de  taille  à  cette  redevance  de  40  livres 
monnoie  ,  partageable  entre  l'Evêque  &  le  Roi  ,  &  de  rentes  à 
ces  preftations  nouvelles  de  quatre  deniers ,  de  douze  fols ,  &c. 
qui ,  toutes  comprifes  ,  ne  vont  pas  au  delà  du  nombre  de  fix. 
11  n'efl;  donc  pas  étonnant  qu'en  1746  ,  par  Sentence  du  Préfi- 
dial  de  Nantes ,  où  l'afFaire  avoit  été  renvoyée  ,  tous  ces  privile-- 
ges  aient  été  confervés ,  puifque  dans  ce  procès ,  qui  a  duré  plus 
d'un  fiecle  ,  les  Evêques  ne  demandoient  que  les  lods  &  ventes, 
&  que  le  Siège  Préfidial  de  Nantes  les  en  a  déboutés  par  dé- 
pens ,  qui  ont  été  payés  par  la  fucceffion  de  M.  de  Farci ,  Evêque 
de  Quimper.  Il  efl:  donc  inconteilable  que  Quimper  eft  un  nef 
franc,  un  fief  libre,  un  fief  d'honneur ,  tel  qu'il  en  exifte  en  Bour- 
gogne ,  dans  le  Lyonnais,  le  Forez  ,  le  Beaujolois  ,  le  Maconnois, 
l'Auvergne ,  &  l'Armagnac.  Tous  nos  auteurs  feudiftes  parlent  de 
ces  fiefs  comme  de  chofes  toutes  naturelles  -,  en  vain  dira-t-on 
qu'en  Bretagne  nul  ne  peut  tenir  terre  fans  Seigneur  :  car  cela  ne 
s'applique  qu'aux  Seigneurs  eux-mêmes  ,  &  non  à  Aq^  Citadins, 
qui  n'ont  chacun  que  de  très-petites  propriétés  j  jamais  ceux  -  ci 
n'ont  voulu  fe  regarder  comme  indépendants  j  mais  en  confervant 
foi ,  fidélité  ,  &  hommage  ,  à  un  protefteur  quelconque  ,  ils  ont 
pu  conferver  en  même  temps  leur  exemption  des  devoirs  féodeaux. 
On  ne  fçait  fi  le  franc-aleu  qu'on  vient  de  prouver,  efi:  unique 
en  Bretagne  ;  mais  s'il  y  en  a  d'autres  exemples  ,  il  fcroit  bon 
d'en  faire  connoître  le  principe. 

Quant  au  Commerce  qui  fe  fait  à  Quimper ,  on  peut  dire  qu'il 
augmenteroit  des  trois  quarts ,  &  en  très-peu  d'années ,  fi  les  che- 
mins &  les  canaux,  dont  on  a  parlé  en  commençant,  fe  faifoient 
lainfi  qu'on  les  a  défignés.  On  peut  aufii  efpérer  ,  de  la  bonté  & 
de  la  pofition  du  port  de  Benaudet ,  (  Bout  de  î'Audet  ,  )  qu'un 
jour  on  en  fera  un  établiffement  de  marine  royale  ou  marchande. 
Il  y  a  foixante  ans  que  l'Orient  n'étoit  qu'une  lande ,  &  il  y  a 
moins  de  temps  que  Benaudet  lui  a  difputé  l'avantage  de  la  Com- 
pagnie des  Indes  j  ainfi ,  fans  pourtant  trop  s'abandonner  à  un 
efpoir  peut-être  chimérique ,  ceux  qui  aiment  les  nouveautés  {>eu- 
vent  efpérer  de  voir  des  vailTeaux  &  des  quais  à  Benaudet.  Mais 
à  l'égard  de  Quimper ,  il  ne  manque ,  pour  en  faire  une  ville 
plus  commerçante  ,  que  des  chemms  ,  6l  plus  de  profondeur  à 
fon  port.  Les  plus  confidérables  &  les  plus  riches  foires  font  celles 
des  1 5  Avril  8^  1  Mai ,  où  il  fe  vend  des  befiiaux  pour  des  fommes 
prodigieufes  3  il  y  a  aufli  des  foires  dans  chaque  Bourg  ou  villetes 

de 


QUI  48c, 

de  cet  Evêché  :  on  aura  foin  d'en  fixer  le  nombre  ,  afin  de  prouver 
de  plus  en  plus  combien  il  ell  néceflaire  de  faciliter  les  communi- 
cations d'un  lieu  à  un  autre.  Le  port  de  Quimper  efl  fous  le  fief 
du  Roi  5  dans  le  terrem  qu'on  nomme  du  Duc  y  la  mefure  ufitée 
en  ce  port,  &  qu'on  appelle  /a  mtjure  du  B.0I ,  eil  de  cent  livres 
pefant  ou  environ  ,  &  de  qudtre-vir.gt-quatrc  au  tonnecu.  Le  plus 
ancien  titre  qui  prouve  l'exiflence  de  la  Terre  au  Uuc  ,  eft  de 
1209  j  on  le  trouve  dans  le  troifieme  tome  de  Doitt  Morice  :  on 
y  lit  que  le  Duc  donne  à  l'Evêque  fon  droit  de  Patronage  fur  la 
Paroifle  de  Saint-Matthieu ,  ce  c{ui  prouve  que  ce  fauxbourg ,  nommé 
la  Terre  au  Duc  ^  exilloit  plufieurs  fiecles  auparavant.  La  rivière 
d'Eir  fépare  ce  fauxbourg  de  la  ville ,  ik  va  fe  perdre  à  l'Odet , 
après  avoir  fait  tourner  un  moulm ,  qui ,  dans  le  principe  ,  n'a  été 
bâti  que  pour  l'utilité  du  fauxbourg  ,  mais  qui  aujourd'hui  eft  bien 
nuifible ,  tant  par  lui-même  que  parce  que  fa  chauffée  fait  re- 
fouler l'eau  fur  une  grande  étendue  de  terrein  :  à  deux  cents 
pas  de  l'endroit  :  oii  Te  fait  le  confluent  des  deux  rivières ,  eft  un 
autre  Moufin  ,  qui  appartient  à  l'Evêque  ,  &  qui  eft  caufe  qu'un 
tiers  de  la  ville  eft  privé  de  recevoir  les  marchandifes  des  bâ- 
timents mêmes  ,  &  que  la  Communauté  ne  peut  prolonger  un 
pavé  qui  pourroit  s'étendre  aufli  loin  que  le  mur  de  ville  ;  mais 
le  plus  grand  tort  que  font  ces  moulins  provient  de  ce  que  ceux 
qui  les  afferment  à  un  prix  exorbitant ,  mettent ,  fous  le  prétexte 
de  cette  cherté-là  ,  le  courtage  fur  les  bleds ,  dans  les  marchés 
pubhcs.  Deux  quais  ,  de  trois  cents  toifes  de  long  chacun  ,  pré- 
féntent ,  d'un  côté  ,  une  rangée  de  maifons  &  d'arbres ,  6c  de  l'au- 
tre ,  un  très- beau  parc,  bien  planté  ;  plus  bas  eft  un  autre  petit 
parc ,  qui ,  fans  le  moulin  de  l'Evêché  ,  pourroit  aller  aufli  loin 
que  le  mur  de  la  ville ,  &  préfenter  autant  d'utilité  que  d'agré- 
ment. Il  y  a ,  au  Nord ,  au  Levant ,  &  même  au  Midi ,  d'autres, 
communes  qui  devroient  être  aufli  plantées  f  car,  plus  le  bois  de- 
vient rare ,  plus  dans  chaque  ville  &  bourg  on  doit  avoir  foin 
de  faire  des  plantations  analogues  au  terrein ,  c'eft  le  moyen  de 
fuppléer  aux  forêts ,  qui  fe  détruifent  infenfiblement  ^  Sl  ùq  (q 
mettre  en  état  d'entretenir  des  vaifl!eaux  pour  la  marine  royale 
&:  marchande.  Si ,  dans  cette  vue  ,  la  Communauté  de  ville  avoit 
foUicité  le  pafl'age  du  chemin  de  Pont-Labbé  ,  par  le  marais  qui 
fe  trouve  au  Sud-Oueft  de  fon  port  ;  ce  pafiage  ,  qui  eût  été  d'un 
agrément  infini  ,  le  long  d'une  rivière  navigable ,  &  qui  eût  ra- 
courci  le  chemin  d'une  moitié ,  fur  trois  cents  toifes ,  auroit  pro- 
curé à  la  ville  l'agrément  de  pouvoir  fuire  des  plantations  à  droite 
Tome  II  h  Q  3 


490  QUI  , 

èc  à  gauche  de  ce  chemin ,  &  de  mettre  alnfî  en  valeur  &  en 
agrément  un  terrein  inutile  -,  cet  objet  efl  fi  effentiel ,  que  cha- 
que Communauté  de  ville  devroit  avoir  des  femis  bien  clos  &c 
bien  entretenus  ,  dans  les  communes  les  plus  faciles  à  garder  ; 
8c  par  une  fuite  d'économie  à  cet  égard,  il  faut,  en  facilitant  les 
charrois  par  des  chemins  &  des  ouvertures  de  perrieres ,  faciliter 
les  bâtifTes  en  voûte  ;  mais  jamais  on  ne  parviendra  à  en  faire  au 
meilleur  marché  poffible ,  qu'on  n'ait  trouvé  le  fecret  de  brûler , 
fur  nos  côtes,  par  le  moyen  d'un  verre  ardent  ou  autrement ,  les 
monceaux  de  coquillages  qui  y  abondent,  &  qui,  convertis  en  chaux, 
diminueroientd'un  quart  les  dépenfesdes  voûtes  qu'il  faut  fublHtuer 
aux  poutres  &  planches.  En  donnant  ces  idées  de  plantations  & 
de  bâtifTes ,  on  doit  obferver  que  la  Communauté  de  Quimper 
eft  fi  pauvre ,  qu'elle  efl:  hors  d'état  de  faire  aucune  entreprife  j 
aufîi  ne  voit-on  à  Quimper,  ni  un  Temple  à  la  Juftice ,  ni  un 
Hôtel  de  ville,  ni  une  habitation  commode  pour  les  prifonniers, 
ni  enfin  une  halle  pour  les  marchés  publics.  Il  y  a  pourtant  du 
terrein  plus  qu'à  fumre  ;  mais  il  faudroit  cent  mille  francs ,  qu'on 
n'a  pas  ,  &  que  les  charges  de  la  Communauté  ne  lui  permettent 
pas  d'emprunter.  A  ce  fujet ,  on  peut  dire  qu'il  ei\  de  la  politi- 
que du  Gouvernement  de  procurer  à  chaque  Communauté  des  villes, 
un  revenu  net ,  proportionné  à  leur  étendue  ;  fans  cela ,  chaque 
canton  végétera  dans  l'état  de  mifere  où  il  languit,  &  l'on  ne  verra 
ni  plantations  ,  ni  conftr unions  de  chemins  ,  ni  édifices  ,  ni  quais, 
ni  tout  autre  étabHflement  utile.  Si ,  depuis  plus  de  deux  fiecles , 
les  061:rois  de  Quimper  eulTent  été  employés  aux  travaux  publics, 
cette  ville  feroit  à  préfent  un  paradis  terreilre  ,  aufîi  agréable  dans 
toute  fa  banlieue  qu'elle  l'eût  été  dans  la  cité  &  dans  les  fauxbourgs. 
Mais  que  ne  feroit  pas  l'Europe  entière  ,  fi ,  depuis  le  même  nom- 
bre d'années  feulement ,  on  avoit  employé  par-tout ,  à  des  travaux 
publics ,  les  millions  de  milliards  dépenfés  à  la  guerre  ?  Au  relie, 
fi  les  confeils  d'un  Citoyen  pouvoient  être  utiles  ,  je  croirois  devoir 
exhorter  les  Officiers  Municipaux  à  faire  ,  de  leur  argent,  l'em- 
ploi  le ,  plus  utile. 

Bien  des  gens  diront ,  pour  tâcher  de  pafTer  pour  des  hommes 
plus  fages  que  les  économiftes ,  qu'il  eft  auffi  ridicule  de  mettre, 
tout  en  chemins ,  que  tout  en  ports  de  mer ,  cela  cil  vrai  :  mais 
on  ne  peut  pas  dire  que  la  nature  ait  fait  un  ouvrage  ridicule  en 
multipliant  les  veines  &  les  artères  du  corps  humain  -,  voilà  ma 
réponfe  ,  elle  eft  l'interprétation  de  ma  façon  d'envifager  les 
objets. 


QUI  ^9, 

Dans  un  ouvrage  confacré  à  l'utilité  publique ,  on  ne  doit  pas 
omettre  deux  mémoires  envoyés  au  Miniftere  ,  en  1768-;  l'un, 
concernant  le  port  de  Benaudet  j  &  l'autre  ,  fur  l'utilité  d'un 
Confulat  à  Qmmper ,  &  fur  la  néceffité  d'unir  cette  Junfdi8:ion 
à  l'Amirauté  de  Cornouailles.  Le  plan  de  notre  rivière  ,  elf-il 
dit  dans  le  premier/,  offre  le  plus  beau  port  &  les  plus  grandes 
reffources  en  temps  de  guerre  ;  les  plus  gros  vaiffeaux  de  ligne 
peuvent  y  entrer  à  deux  tiers  de  flot ,  &  s'enfoncer  deux  lieues 
dans  la  rivière ,  ayant  par-tout  bon  m.ouillage  de  fable  vafeux , 
8c  vingt-fix  pieds  d'eau  au  coup  de  la  plus  baffe  mer  ,  en  les 
nouvelles  &  plemes  lunes ,  même  dans  les  marées  équinoxiales. 
Des  flottes  de  cinq  cents  voiles,  contrariées  par  les  vents,  ou  chaf- 
fées  par  les  vaiffeaux  ennemis ,  y  trouvent  un  afyle  affuré ,  où  il 
eft  facile  d'appareiller  :  ce  port  ne  peut  être  bloqué ,  à  caufe  des 
glenants  ou  des  roches  de  Penmark  ,  dont  les  dangers  ne  permet- 
tent pas  de  tenir  la  croiflere  ;  mais  la  plus  grande  utilité  qu'on 
en  peut  retirer ,  c'efl:  de  pouvoir  approvifionner  Brefl: ,  s'il  étoit 
bloqué  &  gardé  par  les  ennemiis  ;  c'eff  ce  qui  fe  démontre  par 
rinfpe8:ion  même  de  la  carte  de  Bretagne  ,  levée  par  l'auteur  de 
ce  Diftionnaire.  On  y  voit ,  que  fi  les  ennemis  établifloient  une 
croifiere  dans  l'Iroife  ,  (  on  les  a  vu  mouiller  à  Saint-Matthieu ,  ) 
il  feroit  très  -  diflicile  de  faire  paffer  à  Brefl:  des  munitions  de 
guerre  &  de  bouche  ;  que  delà  ,  on  paffe  au  Midi ,  on  verra , 
fur  cette  même  carte ,  qu'il  ell:  un  moyen  Ample ,  &  nullement 
difpendieux ,  d'approvifionner  Brefl:  ;  c'efl  de  faire  entrer  toutes 
les  munitions  par  la  rivière ,  de  Benaudet  à  Quimper ,  d'où  on  les 
feroit  paffer,  le  lendemain,  en  cinq  heures,  &:^  malgré  tous  les 
éléments  ,  par  terre  ,  à  Châteaulin  ,  dont  la  rivière  fe  jette  dans  la 
rade  de  Brefl:. 

Pour  ne  pas  aller  jufqu'au  port  Launai  ,  éloigné  d'une  lieue , 
on  peut  rendre  cette  rivière  navigable ,  dès  Châteaulin  même.  La 
pêcherie  de  faumons  étabUe  dans  cet  endroit  ,  eft  déformais  un 
trop  petit  objet  pour  ne  pas  lui  fubflituer  une  navigation  devenue 
prefque  néceffaire.  Selon  les  informatins  faites  fur  les  lieux ,  on 
trouveroit  mille  voituriers ,  de  gré  à  gré  ,  à  dix  livres  le  tonneau  , 
de  Quimper  à  Châteaulin ,  ce  qui  efl  peu  de  chofé  ,  fur-tout  quand 
les  vaiffeaux  font  obligés  d'avoir  du  vin,  des  farines  ,  des  canons, 
pour  voler  au  fecours  d'une  colonie ,  ou  pour  telle  autre  expé- 
dition importante  -,  d'ailleurs ,  fi  ,  au  lieu  de  charger  pour  Rrell  , 
on  chargeoit  pour  Quimper  ,  il  en  coûteroit  moins ,  ^  pour  fret 
&:  pour  aflurance ,  ce  qui  feroit  une  compenlation  des  frais  de 


491  .  QUI 

tranfport  de  Qmmper  à  Châteaulin.  Il  faut  encore  remarquer, 
qu'en  prenant  ce  parti ,  on  peut ,  par  des  moyens  fimples  ,  fourds, 
èc  économiques ,  munir  Breft  ,  fans  avoir  recours ,  pendant  la 
guerre  ,  aux  Hollandais  ,  ni  même  aux  navires  des  particuliers 
Français ,  pour  faire  pafTer  des  munitions  à  Bre/l.  Ces  flottes  coû- 
tent beaucoup  ,  les  jours  de  départ  &  de  relâche  font  prefque  tou- 
jours connus  des  ennemis  ;  il  faut  faire  efcorter  ces  provifîons  par 
plufieurs  frégates ,  qu'on  pourroit  em.ployer  plus  utilement  pour 
croiiieres  &  autres  miffions ,  de  forte  que  le  meilleur  parti  que  le 
Roi  pourroit  prendre ,  feroit  de  fréter  ou  d'acheter  des  chaffes- 
maréesde  vingt-cinq  à  trente  tonneaux  j  ces  petits  bâtiments,  armés 
de  cinq  hommes  ,  vont  de  jour  &  de  nuit ,  terre  à  terre ,  au  mi- 
lieu des  rochers  ;  ils  feroient ,  prefque  fans  aucun  rifque  ,  deux 
voyages  par  mois ,  de  Bordeaux  à  Quimper.  Le  port  de  Benaudet 
a  un  autre  avantage  ,  il  eil  facile  à  fortifier  :  car ,  pour  le  mettre 
à  l'abri  d'infulte  ,  il  fuffit  d'y  établir  dix  pièces  de  canons  de 
vingt-quatre  livres  de  balles ,  à  la  pointe  de  Combrit  -,  dix  autres 
à  celle  de  Saint-Gildas  ;  &  enfin,  dix  autres  pièces  à  l'endroit  où  il  y 
a  aftuellement  un  corps  de  garde  &  quatre  à  cinq  canons  montés  j 
mais  une  précaution  effentielle  ,  indifpenfable  à  prendre,  c'c-jI  de 
faire  mettre  fur  des  hauteurs  autant  de  marques  qu'il  y  a  d'entrées 
dans  le  port  ;  car  le  pilier  quarré  qui  fert  aftueilement  de  guide, 
n'efl  pas  remarquable  d'un  quart  de  lieue  ,  &  il  eil:  feul  pour  trois 
paflés  différentes.  Il  fiudroit  auffi  faire  mettre  des  bahfes  de  fer 
fur  les  trois  rochers  qui  font  à  l'entrée  de  ce  port ,  Se  par  ce  moyen, 
tous  les  vaifTeaux  pourroient  entrer  &  fortir  de  tout  temps,  fans 
aucun  danger,  &  par  le  fecours  des  bahfes,  profiter  de  toutes  les 
palTes  ,  félon  les  différents  vents. 

Dans  le  fécond  Mémoire  ,  on  s'expliquoit  ainfi  :  «  On  avoit  établi 
»  à  Quimper  une  Jurifdidion  Confulaire  &  un  Siège  d'Amirauté- 
»  La  première  fut  fupprimée  &  unie  au  Confulat  de  Morlaix  ; 
»  cette  annexe  ,  qui  fait  un  grand  tort  au  Confulat  de  Cornouailles, 
»  n'a  fervi  qu'à  donner  plus  d'occupation  aux  Juges  de  Morlaix, 
»  &  l'on  croit  qu'ils  verront  avec  plaifir  le  rétabliffement  du 
»  Confulat  à  Quimper.  »  Pour  engager  le  Gouvernement  à  faire 
cet  établiffement  à  Quimper ,  il  fuliiroit  de  lui  obferver  que  cette 
ville  eu  environnée  de  onze  ports  commerçants  :  fçavoir ,  Quim- 
perlé  ,  Pont-d'Aven  ,  Concarneau  ,  Pont-Labbé  ,  Audierne,  Pont- 
Croix  ,  Douarnenez  ,  Camaret ,  le  Faou  ,  le  Port-Launai ,  &  Châ- 
teaulin i  &  que  les  Négociants  de  tous  ces  ports  dépenferoient 
beaucoup   moins  en  plaidant  à  Quimper  qu'à  Morlaix  ,  puifqu'ils 


QUI  495 

peuvent ,  dans  un  feul  jour ,  faire  le  voyage  de  Qulmper  &  s'en 
retourner  chez  eux ,  au  lieu  qu'obligés  d'aller  à  Morlaix  ,  il  faut 
trois  ou  quatre  jours  pour  faire  un  ferment  &  une  affirmation  de 
voyage.  Les  ports  que  l'on  vient  de  nommer  forment  l'arrondilTe- 
ment  de  l'Amirauté  de  Cornouailles ,  &  ce  Siège  eft  de  la  plus 
grande  utilité  pour  Quirnper.  Pourquoi  ne  pas  y  établir  un  Con- 
fuiat,  fur-tout  à  préfent  que  le  Commerce  eft  confidérablement 
augmenté  dans  cet  Evêché  ?  cet  établiffement  feroit  avantageux 
aux  Négociants  de  Cornouailles  &  à  ceux  de  Morlaix  ,  qui  fe- 
roient  moins  détournés  de  leurs  affaires  perfonnelles  ,  par  la  di- 
minution de  celles  qu'ils  n'auroient  plus  à  juger.  Mais  fera-t-il 
également  utile  aux  uns  &  aux  autres  qu'on  uniffe  deux  Jurifdic- 
tions  qui  ont  tant  de  connexité  entre  elles  ^  c'eft  le  fécond  objet 
de  ce  petit  Mémoire.  L'expérience  apprend  que  dans  les  difcuffions 
Confulaires ,  il  fe  préfente  journellement  des  queftions  de  Droit , 
de  la  plus  grande  difficulté  :  or ,  c'eft  pour  aider  les  Confuls  à 
les  juger ,  qu'on  defireroit  qu'ils  enflent  à  leur  tête  les  Juges  de 
l'Amirauté ,  qui ,  à  leur  tour,  proflteroient  des  lumières  des  Confuls, 
Il  y  a  aftuellement  à  Quimper  plus  de  dix  Négociants  éclairés  ,' 
qui  feroient  en  état  de  faire  les  fondions  de  Juges-Confuls....  A 
ces  réflexions  ,  diftées  par  le  patriotifme ,  nous  allons  joindre  les 
événements  remarquables  ,  les  révolutions ,  &  les  établiflements 
qui  peuvent  entrer  dans  l'hiftoire  de  Quimper. 

Grallon  avoir  porté  le  titre  de  Comte  de  Cornouailles,  avant 
d'être  Roi  de  Bretagne  ;  Quimper ,  capitale  du  canton ,  fe  nom- 
moit  alors ,  Quimper-Odet ,  du  nom  de  la  rivière  fur  laquelle  elle 
eft  fltuée.  Grallon  avoir  formé  le  projet  de  l'ériger  en  Evêché , 
&  il  l'exécuta  ,  dès  qu'il  fe  vit  fur  le  trône  j  il  donna  fon  Palais 
pour  faire  une  Eglife ,  &  nomma  Saint-Corentin  pour  premier  Evê- 
que  :  après  la  mort  de  ce  Saint  Prclat ,  les  habitants ,  par  refpe6t 
pour  fa  mémoire ,  nommèrent  leur  ville  Quimper- Coretitln  ,  &  adop- 
tèrent ce  Saint  pour  leur  Patron.  En  966 ,  la  crainte  qu'on  avoir  des 
Danois  engvigea  les  habitants  à  transporter  fon  corps  à  Paris  ,  où, 
par  ordre  de  Hugues-Capet,  il  fut  dépofé  dans  la  Chapelle  deSaint- 
Barthelemy.  On  croit  que  dans  la  fuite  il  fut  porté  à  l'Abbaye  de 
Saint-Corentin,  fondé,  en  1201  ,  près  Mantes,  dans  le  diocefe 
de  Chartres,  par  le  Roi  Philippe  I,  pour  des  Religieufes  Béné- 
diftines.  Une  partie  des  Reliques  de  ce  Saint  avoit  été  portée, 
long-temps  auparavant ,  à  Montreuil-fur-Mer ,  dans  la  Picardie. 
Quelques-uns  foutiennent ,  je  ne  fçais  fur  quoi  fondés ,  que  ces 
précieux  reftes  font  acluellement  à  Marmoutier,  près  Tours,    Ce 


494  .....QUI 

fur  vers  461  que  la  Juriidiction  temporelle  des  Evêques  de  Quira- 
per  commença  à  s'établir.  Elle  eut  d'abord  de  grandes  préroga- 
tives, puilqu'elle  furpaîToit  même  celle  des  Barons.  On  la  regar- 
doit  comme  une  elpece  d'image  de  la  fouveraineté  ;  &  c'ell  pour 
cela  ,  plutôt  que  par  toute  railbn ,  qu'on  lui  donna  la  dénomina- 
tion ,  encore  aujourd'hui  ulltée ,  de  Régales  ou  de  Régaires,  Le 
Prince  ne  retenoit  que  la  fuzeraineté  ;  de  forte  que  les  appellations 
des  Régaires  reflbmflbient  diretlement  au  Parlement  de  la  na- 
tion. Les  Prélats  exerçoient  alors  toute  l'autorité  temporelle  :  ils 
étoient  les  Pairs  eccléliafliques  du  Duché,  comme  les  Haronsen- 
étoient  les  Pairs  laïques.  Saint  Allore  ou  Albin ,  Evêque  de- 
Quimper ,  rendit  de  grands  lervices  à  la  patrie ,  &  (o\\  nom  doit 
être  conlervé  précieulement  dans  nos  annales  ,  s'il  eft  vrai ,  comme 
on  dit ,  que  ce  tut  lui  qui  traita  de  la  paix  entre  Aétius ,  Gé- 
néral de  l'Empire ,  ^  les  Bretons  Armoricains ,  Tan  440.  En 
1066  y  les  Comtés  de  ^  annes  &  de  Nantes  furent  unis  ,  par  al- 
liance, à  celui  de  Cornouailles.  On  ne  connoit  point  l'époque- 
de  la  fondation  du  Prieuré  de  Lomaria  j  ce  qu^on  fçait^  c'eil  que^ 
l'an  1151  ,  ce  Monaflere  fe  nommoit  FAhhaxe  de  S  aime- Croix  ^ 
&  qu'il  fut  donné  par  le  Duc  Conan  IIl  à  l'Abbaye  de  Saint- 
Sulpice  ;  donation  qui  fut  approuvée  &  confirmée  par  Raoul , 
Evêque  de  Quimper.  En  1172,  Henri  II ,  Roi  d'Angleterre,  fit 
fortifier  ce  Prieuré.  L'an  11 92,  le  Duc  Gui  de  Thouars  eut  un 
démêlé  très-férieux  avec  TEvéque  de  Quimper  :  il  bit  terminé , 
comme  nous  l'avons  dit  ci-defius.  Le  24  Novembre  1224  ,rEvêque 
Rainault  fonda  le  Couvent  des  Cordeliers  de  Quimper  ,  le  pre- 
mier de  cet  Ordre  étabU  dans  la  Province  de  Bretagne.  Les  Sei- 
gneurs de  Pont-Labbé  contribuèrent  généreulement  à  la  fonda- 
tion de    ce  Monafiere. 

Le  Collège  de  Cornouailles ,  à  Parfs ,  eut ,  pour  premier  fon- 
dateur ,  Nicolas  Gaierand  de  la  Grève  ,  Prêtre  ,  qui ,  par  fcn 
teilament  de  13 17,  légua  des  fonds  pour  cet  étabhfiement.  Ses 
exécuteurs  tefiamentaires  fondèrent  cinq  bourfes  pour  des  Ecoliers 
du  diocefe  de  Quimper,  ou  des  diocefes  voifins,  en  cas  que  le 
premier  n'en  eût  point  à  préfenter.  Jean  de  Guifixi,  Chanoine  des 
Egiifes  de  Paris,  de  Nantes,  &  de  Quimper,  ajouta  quatre 
autres  bourfes  au  Collège  de  Cornouailles  ,  pour  des  Ecoliers  du 
même  diocefe  ;  &  ,  pour  les  loger  tous  enfemble ,  il  donna  une 
maifon  qu'il  pofiedoit  dans  la  rue  du  Plâtre.  Les  exécuteurs  tef- 
tamentaires  joignirent  encore  une  dixième  bourfe  à  ce  Collège, 
^  s'earéiervereut  la  pr^îfentation  pour  la  première  fois  feulement. 


QUI  49$ 

-après  quoi,  elle  devoît  appartenir,  comme  celle  des  neuf  autres, 
à  l'Archevêqije  de  Pans.  En  1344  ,  Charles  de  Biois  prend  d'alTaut 
la  ville  de  Quimper ,  6c  la  livre  au  pillage.  Déjà  près  de  quinze 
cents  peribnnes  avoient  été  égorgées ,  lorlque  Charles ,  attendri 
par  un  de  ces  fpeclacles  dont  l'imprefiion  ell  lî  forte  fur  les  ameè 
fenfibles ,  s'oppofe  au  carnage  6c  retient  les  bras  de  Tes  foldats. 
Une  femme  a\"oit  reçu  le  coup  de  la  mort  pendant  qu'elle  allai- 
toit  fon  enfant.  Cette  innocente  créature  ,  aue  le  feul  inlHnft 
guidoit ,  navoit  point  abandonné  la  mamelle  de  cette  femme 
qui  étoit  baignée  dans  fon  fang.  Charles  de  Blois  ,  qui  paffe 
par  hazard  dans  ce  lieu ,  apperçoit  cet  enfant ,  il  frémit ,  fort 
ame  elt  émue  ,  6c  la  voix  de  la  nature,  qui  crie  au  fond  de 
fon  cœur ,  le  preîTe  de  faire  celler  le  meurtre.  Quelques  hiilo- 
riens  ont  avancé  que  le  vainqueur  avoit  ordonné  de  démanteler 
les  parties  de  la  ville  qui  rele^ oient  de  TEvéque  ,  6c  de  conferver 
les  fortifications  de  l'autre.  En  ce  cas,  Charles  de  Blois  fit  une. 
faute  irréparable  -,  dans  une  guerre  civile ,  où  il  n  étoit  pas  tou- 
jours vainqueur ,  fon  intérêt  Im  faifoit  une  loi  de  tout  détruire  ca 
de  tout  conferver  j  il  avoit  trop  d'expérience  6c  de  fageile 
pour  agir  autrement ,  6c  ce  qui  prouve  e&^Hvement  qu'il  ne  fit 
rien  démolir,  c'ell  que,  Tannée  fuivante  1345  ,  les  Anglais ,  qui 
étoient  venus  au  fecours  du  Comte  de  51ontfort ,  aiïïégerent 
cette  ville,,  fans  pouvoir  la  prendre,  tant  elle  étoit  bien  dé- 
fendue par  fes  forrihcations.  En  1349,  le  diocefe  de  Quimper  ell 
ravagé  par  une  maladie  contagieufe  qui  empone  beaucoup  de 
inonde.  En  1^64^  Mcnifcrt,  vainqueur  à  Aurai,  vint  mettre  le 
iîege  devant  Quim.per ,  6c  preila  \  ivement  cette  ville  ,  qu'il  fit 
battre  avec  des  machines  énormes  qu'il  avoit  fait  venir  de  \  annes 
6c  de  Dinan.  Pendant  ce  temps,  les  troupes  ravagèrent  le  pays, 
6c  traitèrent  avec  la  dernière  rigueur  les  partiians  de  la  Com- 
teffe  de  Blois,  qui  étoit  pour  lors  à  Nantes.  Le  17  Novembre, 
les  habitants,  fe  voyant  fans  efpérance  de  fecours  ,  le  parti  des 
Penthie^re  étant  fans  relTource ,  &:  Montfort  reconnu  Duc  parla  plus 
grande  parrie  de  la  narion^  capitulèrent  8c  fe  rendirent  aux  alllé- 
geants.  Dès  que  le  Duc  tut  maitre  de  la  place ,  il  y  établit  une 
Cour  des  Monnoies  ;  mais  les  Officiers  qu'il  y  avoit  placés  la 
quittèrent  bientôt  après  ,  fans  y  avoir  fait  aucune  des  fonctions 
de  leur  état  :  on  ignore  quelle  fut  la  caufe  de  ce  changement. 
L'Evêque  ,  pour  marquer  que  fa  foumiilîon  étoit  fincere,  permit 
à  ce  Prince  de  lever  des  droits  fur  les  denrées  6c  marchandées 
de  fa  ville.  Le   29  Août  1381 ,  le  Duc   Jean  ÏV  fait  aux  Abbé 


496  QUI 

&  Religieux  de  Bon-Repos  une  rente  perpétuelle  de  quatre  ton- 
neaux   de  vin  fur  le   revenu    du  port   de  Quimper ,  &  de  cinq 
cents  merlus  fur  les  pêcheries  de  Cornouailics ,   à  la  charge   de 
célébrer   une   MefTe    du  Saint-Efprit  ,  durant  la  vie,   au  jour  de 
jeudi,  &  une  Méfie  de  Requiem^  après  fa  mort,  le  vendredi  de 
chaque    femaine.  Sous    la  régence    de  Jeanne  de   Navarre  ,    les 
droits  d'entrée   &  de  fortie  occafîonnerent  des  troubles  à  Quim- 
per. Thébaud  de  Malellroit,  Evêque  de    cette  ville,   qui  venoit 
de  conclure  la  paix  entre   les  Sires   de  Chffon,   de  Penthievre, 
&  la  Duchefie ,  penfa  troubler  cette  paix  par  un  procédé   vio- 
lent. Jean   de   Maleftroit ,  parent    du   Prélat ,   Lieutenant   de   la 
Duchefie,  en  Cornouailles ,  avoir  fait  iaifir  dans  le  port  de  Quim- 
per foixante  pièces    de  vin,  parce  que  les  marchands  n'avoient 
pas  payé  les  impôts  étabhs  par  le  feu  Duc  fur  les  boiflbns.   Le 
Prélat ,   informé  de    cette  afi'aire  ,  envoya  prendre  ces  vins ,    Se 
les  fit  conduire  fur   fon  fief»  Sur  le  Ibir  du  même  jour ,  il  parut 
dans  place  publique,  revêtu  de  fes  habits  pontificaux  ,  &  fuivi 
de  fon  Clergé  ,  &  défendit  ,  fous  peine  d'excommunication  ,   la 
levée  d'aucun  impôt  dans    fon  diocefe.   Jean  de  Maleftroit  mé- 
prifa  ces  menaces ,  &   continua  la  perception  des  droits.  L 'Evê- 
que ,  piqué  au  vif  de  fe  voir  raéprifé ,  fur-tout  par  un  homme  de 
fa  famille,  l'excommunia  le  7  Février,  &  fit  publier  la  fentence 
dans  tout  fon  diocefe.    La  Duchefie  en  appella  à  l'Archevêque 
de  Tours ,  qui  lui  rendit  jufiice  pendant   le  féjour  qu'il  fit   cette 
année   en  Bretagne  ;  mais  il  ne  paroît  pas  qu'il  ait  rien  fiatué  fur 
les  prétentions  de  l'Evêque  de  Quimper.  Les  Procureurs  que  la 
Duchefie  avoir  nommés  pour  pourfuivre  cette  affaire  ,  étoient  : 
Jean,  Seigneur  de    Maleftroit  j    Guillaume  de  Keraër ,  Dofteur 
en  Droit  ;  Jean  de  Poulmic ,  Henri  &  Jean  du  Juch ,  Alain  de 
la  Roche ,    Guillaume    de  Kercaru  ^  &    Bernard   de   Keroneuf. 
L'Evêque  fe   repentit  d'avoir  agi  avec  trop   de  précipitation  -,  il 
fut  taxé  à  quinze   cent  écus  de   France  d'amende ,  fomme  qu'il 
promit  de  payer  ;  le  Pape  lui  fervit  de  protefteur  auprès  du  Duc. 
En  14:2  ,    Jean  de   Poulmic  &  Henri   du  Juch  furent   nommés 
Gouverneurs  de  Quimper,  parle  Duc  Jean  V.  Le  même  Prince 
acheté,  en   1404,   une   maifon    fituée   dans  la  rue  du  Salé,  à 
Quimper ,  .pour  y  mettre  les  balances  &  poids  pubHcs ,  nommés 
k  poids  au    Duc  ,.   aujourd'hui  le.    poids  du    Roi.  Le  moulm   de 
FEvêché,  près  le  Palais  épifcopal ,  fut  bâti  par  ordre  de  Gatien  de 
Monceaux,  facré  en.  1408.  L'Eglife  Cathédrale  fut  reconfiruire  ài 
a^uf  p4r  ki  Ibins.  de   Bertrand,  de  Rofmadec  ,    fon  fuccefieur^ 


Q  U  ï  497 

Ceft  à  ce  Prélat  que  le  Duc  Jean  V  permit,  par  (es  lettres  du 
24  Janvier  1424,  d'élever  une  Juftice  patibulaire  fur  les  Terres 
dépendantes  de  Ton  Evêché ,  pour  l'exécution  des  criminels  con- 
damnés par  la  Juftice  féculiere.  Le  24  Février ,  même  année,  le 
Duc ,  informé  qu'il  s'étoit  commis  un  crime  fous  le  portail  de  la 
Cathédrale  de  Quimper,  fit  défenfe  à  fes  Juges  de  fe  mêler  de 
cette  affaire  ,  &  leur  ordonna  d'en  renvoyer  la  connoilîance  à 
ceux  de  l'Evêque.  En  1432,  Jean  V  fait  commencer  un  château 
dans  le  même  endroit  que  Gui ,  Vicomte  de  Thouars  ,  en  a  voit 
entrepris  un  l'an  1209.  L'Evêque  s'oppofe  au  deflcin  de  fon 
maître ,  &  porte  fes  plaintes  au  Pape  Eugène  IV ,  qui ,  par  fa 
Bulle  de  1434,  ordonne  au  Duc  de  faire  démolir  cet  édifice. 
Celui-ci  n'en  tient  compte,  &  fait  continuer  les  travaux.  Les 
Evêques  s'en  plaignent  vivement  en  Cour  de  Rome.  Le  Pape 
Nicolas  donne,  l'an  1452  ,  une  nouvelle  Bulle  qui  obfige  le  Duc 
Pierre  II  à  démoHr  ce  château ,  fous  peine  d'excommunication. 
Le  Prince  obtient  du  délai,  &  termine  cette  affaire  par  un  ac- 
commodement. 

On  voit ,  auprès  de  la  porte  de  la  Tourbie ,  une  tour  d'une 
largeur  extraordinaire  ,  qui  fervoit  autrefois  de  château.  Ne  feroit- 
ce  pas  un  reffe  de  l'édifice  dont  nous  venons  de  parler  ?  En 
1483  ,  Jean  CaJvi,  Receveur  du  domaine  à  Quimper,  fit  conf- 
truire  ,  en  pierres  de  tailles ,  fur  le  mont  Frugi ,  les  poteaux  de 
la  Juftice  pa.tibulaire  de  la  Cour  de  Quimper,  qui  étoient  aupa- 
ravant en  bois.  Cet  ouvrage  ,  avec  le  mur  qui  fut  bâti  à  l'en- 
tour ,  coûta  au  Roi  une  fomme  de  foixante-treize  livres  dix  fols. 
Le  même  Receveur  fit  auffi  réparer ,  aux  frais  du  Roi ,  les  pri- 
fons  &■  l'auditoire ,  qui ,  dans  ce  temps-là ,  étoient  fitués  au  faux- 
bourg  de  la  Terre  au  Duc.  Les  anciens  aveux  nous  apprennent 
que  les  Sergents  du  bailliage  ce  Quimper  étoient  obHgés  de  con- 
duire les  Juges  depuis  leur  demeure  jufqu'à  l'auditoire  ,  là ,  de 
leur  préfenter  leur  verge  ou  bâton  pour  marque  de  leur  autorité , 
&  de  les  reconduire  de  la  même  manière  à  la  fortie  de  l'Au- 
dience. Ces  Sergents  étoient  tenus  de  garder  les  prifons  ,  de 
faire  les  ajournements  &  exécutions  ,  de  mener  les  criminels  jus- 
qu'au lieu  du  fupphce ,  &c.  Les  habitants  de  Quimper  payoient 
dès-lors ,  au  premier  mai  de  chaque  année  ,  vingt  livres  monnoie 
de  rente ,  dite  Taille  de  mai.  Cette  impofition  eft  perçue  à  l'al- 
ternative y  par  le  Roi  &  par  l'Evêque.  Louis  XII ,  par  les  lettres 
du  1 2  Avril  1510,  confirma  au  Chapitre  de  Quimper  la  poffef- 
flûtt  du  droit  d'annate  fur  les  Cures  du  diocefe.  Ces  lettres  fa- 
Tome  III^  R  j 


498  qu  l 

rent  fignifiées  au  Lieutenant  de  Quimper,  le  4  Mai  fuivant  :  elles 
portent  que  tous  les^  fruits ,  émoluments ,  revenus  des  Eglifes  pa- 
roiffiales  &  Cures  du  diocefe ,  vacantes  par  mort  ou  par  réfî- 
gnation ,  appartiendront  au  Chapitre  de  Quimper  ,  qui  les  em- 
ployera  à  l'entretien  &  réparation  de  FEglife .  Cathédrale.  En 
1540,  la  cohue  ou  halle  au  Duc  fut  fermée  de  murs,  afin  de 
la  rendre  plus  commode  pour  les  marchands.  Au  mois  de  No- 
vembre 1552,  le  Siège  Préfidial  de  Quimper  fut  érigé  ,  par 
Edit  du  Roi  Henri  II ,  qui  le  compofa  d'un  BaiUi ,  d'un  Séné- 
chal ,  d'un  Lieutenant ,  de  fept  Conieillers ,  d'un  Avocat  du  Roi , 
&  d'un  Greffier  :  il  lui  accorda  mille  quatre  cents  livres  de  gages , 
avec  pouvoir  de  juger  en  dernier  reffort  toutes  les  caulés  qui 
n'excéderoient  pas  la  valeur  de  deux  cents  Hvres  en  fonds ,  ou 
dix  livres  tournois  de  rente.  Ce  fut  à  cette  époque  que  les  pri- 
fons  &  fourches  patibulaires  furent  tranfportées  dans  la  ville.  Par 
Edit  du  29  Mars  1564,  les  Jurifdiftions  royales  de  Châteaulin , 
Rofporden ,  Beuzec-Capiizun  ,  Beuzec-Capcaval ,  Beuzec-Conq , 
&  Fouefnant ,  furent  unies  &  incorporées  à  ce  Siège  Préfidial. 

Quimper  avoit  été  affez  tranquille  pendant  les  troubles  de  la 
ligue  ,  jufqu'à  la  mort  de  Henri  lïl  -,  cette  ville  gardoit  la  neutra- 
lité ,  mais  la  plus  grande  partie  des  habitants  penchoit  pour  la 
ligue.  Le  zèle  du  Sieur  du  Laurent ,  Sénéchal  du  Préiidial ,  lui 
fit  lever  l'étendart  de  la  révolte.  Ce  Magiftrat ,  qui  aimoit  fon 
Roi ,  voulut  contraindre  les  habitants  à  le  reconnoitre ,  par  une 
injonftion  pleine  de  menaces  contre  ceux  qui  refuferoient  de 
fe  foumettre ,  &  la  fit  publier  à  TAudience.  Le  peuple ,  qui  fut 
fur  le  champ  inllruit  de  ce  qui  fe  paiibit  ^  fe  fouleva ,  &  affifié 
des  Pères  Cordeliers  qui  avoient  des  arquebufes ,  il  entoura  l'Au- 
ditoire j  le  Sénéchal  ne  fut  pourtant  pas  maltraité  ,  mais  il  ne 
tarda  pas  à  fortir  de  la  ville  ,  où  il  ne  fe  crut  pas  en  fureté , 
&  fe  retira  à  Rennes.  Ainfi  le  Duc  de  Mercœur  ié  vit  le  maître 
d'une  ville  importante  qu'il  ne  dut  qu'à  fa  bonne  fortune.  Quim- 
per jouit ,  pendant  quelques  mois  ,  du  repos ,  fous  le  Gouverne- 
ment de  Jean  de  Quelennec ,  Sieur  de  Saint-Gueret  &  du  Hif- 
gui ,  Gentilhomme  prudent ,  fage  ,  &  foldat  expérimenté.  Ce 
calme  fut  troublé  par  les  habitants  du  château  de  Pont-Labbé, 
fitué  à  quatre  lieues  de  Quimper.  Ce  château  étoit  plein  de  Gen- 
tilshommes du  parti  du  Roi,&:  autres  ,  qui  fiiifoient  continuelle- 
ment des  courfes  jufqu'aux  portes  de  Quimper ,  fous  la  conduite 
d'un  nommé  Trougat  ^  homme  d'une  naiflimce  obfcure  ,  mais 
brave  &   intelligent  dans  le   métier  des  armes.   Les  habitants. 


QUI  499 

Voulant  fe  délivrer  de  ces  voiiins  incommodes ,  fupplierent  les 
Seigneurs  du  parti  de  la  ligue  de  les  affiéger.  Lezonnet ,  accom- 
pagné des  deux  Goulaines ,  frères ,  &  autres ,  fe  chargea  de  l'exé- 
cution. Le  château  fat  affiégé  dans  les  formes ,  mais  le  canon 
ne  faifoit  pas  grand  effet  contre  les  murailles ,  &  les  affaillants 
commençoient  à  défefpérer  du  fuccés ,  lorfque  Trougat  fut  tué , 
en  regardant  par  une  fenêtre.  Cette  perte  découragea  tellement 
les  afiiégés .  qu'ils  capitulèrent  :  ils  ne  demandèrent  que  la  vie 
&  abandonnèrent  tous  leurs  biens.  Il  en  coûta  au  Seigneur  de 
Querouant ,  qui  étoit  dans  cette  place  avec  fon  fils ,  cinq  mille 
écus  de  rançon.  Vers  l'an  1593  ,  le  Comte  de  Magnane  ,  de 
niluftre  famille  de  Sanzai ,  un  de  ces  brigands  ,  qui ,  fans  être 
attachés  à  aucun  parti ,  faifoient  leur  métier  du  pillage  ,  fe  trou- 
vant dans  l'Evêché  de  Quimper ,  jugea  que  ce  canton ,  qui  n'a- 
voit  point  encore  reffenti  les  malheurs  de  la  guerre ,  devoir  être 
riche  :  il  réfolut  d'y  faire  une  incurfîon ,  mais  comme  tous  les  paf- 
fages  avoient  été  rompus ,  il  fentit  qu'il  avoit  befoin  de  rufes 
pour  réuffir  :  il  eut  recours  à  cet  expédient.  Il  fe  fit  annoncer  comme 
attaché  au  parti  de  la  Hgue ,  &  écrivit  aux  habitants  de  Quim- 
per ,  pour  leur  demander  pafTage  à  Châteaulin ,  alléguant  ,  pour 
prétexte,  que  le  Duc  de  iViercœur  lui  avoit  ordonné  de  venir 
rafraîchir  fes  troupes  dans  ce  pays.  On  lui  accorda  fa  demande , 
■mais  on  eut  bientôt  lieu  de  s'en  repentir.  Il  exerça  les  plus  hor- 
ribles brigandages  dans  tout  ce  canton ,  &  ne  ceffa  de  vexer 
les  habitants  de  la  campagne,  que  lorfque  le  Duc  de  Mercœur, 
informé  de  fa  conduite ,  lui  ordonna  de  le  venir  trouver. 

En  1 594  ,  Lezonnet ,  qui  avoit  abandonné  le  parti  de  Mercœur 
pour  fuivre  celui  du  Roi ,  fit  tous  fes  efforts  pour  enga-ger  les 
habitants  de  Quimper  à  fuivre  fon  exemple  5  mais  ,  voyant 
qu'il  ne  pouvoir  y  réuffir ,  malgré  les  intelligences  qu'il  avoit 
dans  la  ville ,  il  prit  des  mefures  avec  le  Maréchal  d'Aumont 
pour  l'affiéger ,  tandis  que  ce  dernier  affiégeoit  Morlaix.  Lezonnet 
îe  préfenta  devant  Quimper ,  le  1 5  Septembre ,  avec  un  Corps 
de  mille  hommes  ,  tant  infanterie  que  cavalerie.  Comme  les 
habitants  ne  fe  défioient  de  rien ,  peu  s'en  fallut  que  la  ville  ne 
fût  prife  ;  mais  le  fecours  qui  arriva  peu  de  jours  après  aux  af- 
fiégés ,  les  rendit  les  plus  forts ,  de  forte  que  Lezonnet  fut  obligé 
de  fe  retirer  après  un  combat  très-meurtrier ,  dans  lequel  il  reçut 
une  bleffure,  de  laquelle  il  mourut  dans  la  fuite.  Le  Duc  de 
Mercœur ,  qui  arriva  dans  la  ville  quelques  jours  après ,  engagea 
les  habitants  à   fe  bien    défendre  s'ils  étoient  attaqués  5  mais  la 


50O  QUI 

plupart  étoient  déjà  décidés  à  fe  foumettre  à  lobéiffance  du RoL 
Dès  que  le  Duc  fut  parti ,  ils  envoyèrent  au  Maréchal  d'Aumont 
un  homme  de  confiance ,  pour  le  prier  de  venir  affiéger  leur 
ville.  Ce  Général  n'eut  pas  de  peine  à  les  fatisfaire.  Il  arriva  à 
la  vue  de  la  ville,  le  Dimanche  9  Oftobre  1594,  fur  les  trois 
heures  du  matin,  dans  un  fi  grand  filence  que  les  habitants 
crurent  qu'il  vouloit  tenter  l'efcalade ,  mais  ce  n'étoit  pas  fon 
defTein.  Il  fit  feulement  attaquer  les  fauxbourgs ,  dont  il  n'eut  pas 
de  peine  à  fe  rendre  maître.  La  ville  fut  fommée  de  fe  rendre; 
mais ,  comme  elle  refufa  ,  le  Maréchal  réfolut  de  l'affiéger  dans 
les  formes.  Il  écrivit  néanmoins  aux  habitants  de  lui  envoyer  des 
Députés ,  &  leur  déngna  ceux  qu'il  vouloit  qu'on  chargeât  de 
cette  commifîion  ;  c'étoit  ceux  qui  tenoient  le  parti  du  Roi ,  en- 
tre autres  le  Sénéchal  Guillaume  le  Baud.  Les  Quimperois  ,  qui 
s'apperçurent  de  la  politique  de  l'ennemi ,  donnèrent  un  farveillant 
aux  envoyés ,  mais  ce  ne  fut  qu'avec  peine  que  le  Maréchal 
voulut  bien  l'admettre  à  l'Audience ,  encore  ne  fut-ce  qu'après 
l'avoir  menacé  de  le  faire  pendre.  Il  fit  aux  Députés  de  très- 
belles  promeiTes ,  mais  les  aiTiégés  ne  voulurent  point  s'y  fier , 
&  tinrent  ferme.  Le  motif  de  leur  réfiftance  étoit  qu'ils  attendoient 
Talhouet ,  qui  devoit  apporter  la  trêve  fignée  ;  mais  le  Maréchal 
le  retenoit  par  fupercherie  dans  fon  camp ,  parce  qu'il  vouloit  de 
toute  nécefîité  prendre  la  ville.  Ceux  du  parti  du  Roi  firent  alors 
une  afiemblée  particuHere ,  &  y  appellerent  le  Gouverneur  de 
la  ville  ;  comme  ils  étoient  tous  très-unis  ,  leur  fentiment  l'em- 
porta fur  celui  des  Hgueurs  qui  fe  trouv oient  préfents.  Le  réfultat 
fut  que ,  fans  tarder  davantage  ,  on  enverroit  dire  au  Maréchal 
que  la  ville  étoit  prête  à  fe  rendre  ,  &  qu'il  pouvoir  envoyer 
un  homme  de  confiance  pour  arrêter  les  articles  de  la  capitula- 
tion. D'Aumont  profita  de  ce  moment ,  ôc  fit  partir  fur  le  champ 
le  Préfident  de  la  Grée  ;  tout  fut  bien  vite  arrangé ,  parce  que 
le  Maréchal  ne  fe  rendit  pas  difficile.  Les  portes  de  la  ville  fu- 
rent ouvertes  aux  royaliftes ,  qui  ne  fe  mirent  guère  en  peine 
d'obferver  les  articles  de  la  capitulation.  Le  vainqueur  impofa 
fur  les  habitants  une  taxe  de  douze  mille  écus ,  qui  fut  exigée 
avec  la  dernière  rigueur  ,  jufqucs-là  que  le  Tréforier  de  la  Ca- 
thédrale fut  traîné  en  prifon.  L'Èvêque  ayant  appris  cette  violence , 
alla  trouver  le  Maréchal ,  &  lui  parla  avec  beaucoup  de  fermeté. 
Celui-ci  fit  femblant  d'ignorer  l'emprifonnement  du  Chanoine,  & 
donna  ordre  de  le  délivrer ,  mais  il  n'en  paya  pas  moins  la  taxe 
à  laquelle  il  avoit  été  impofé.  L'Evêque,  lui-même,  fut  fournis  à 


QUI  501 

îa  loi  générale ,  &  contribua  à  compléter  la  fomme  exigée.  Le 
Maréchal  afîiégea  enfuite  le  Fort  de  Crozon ,  &  le  prit.  Après 
cette  expédition  ,  il  revint  à  Quimper  pour  s'y  repofer  &  faire 
rafraîchir  fes  troupes,  mais  ce  féjour  leur  fut  funefte  :  cette  ville 
étoit  alors  défolée  par  une  maladie  contagieufe ,  qui ,  fans  faire 
paroître  aucune  marque  extérieure  ,  caufoit  un  violent  mal  de 
tête  qui  emportoit  le  malade  en  trois  jours.  Cette  épidémie  dura 
depuis  le  mois  d'Oftobre  jufqu'au  mois  de  Janvier ,  pendant  le- 
quel temps  il  mourut ,  à  Quimper  ,  plus  de  feize  cents  perfonnes , 
de  tout  âge  &  de  tout  fexe ,  compris  les  gens  de  guerre  qui 
étoient  logés  dans  les  fauxbourgs ,  &  qu'on  enterra  par  monceaux 
dans  les  jardins  ,  fans  aucune  cérémonie  funèbre.  Les  Anglais 
auxihaires  furent  les  plus  maltraités.  L'armée  du  Maréchal  fut 
tellement  diminuée  par  cette  maladie  ,  que,  fans  le  renfort  con- 
fidérable  qu'on  lui  envoya  ,  il  n'auroit  pas  été  capable  de  réfiller 
aux  forces  de  l'ennemi.  Le  Parlement  rendit  même  un  Arrêt  qui 
enjoignoit  à  la  Noblefle  de  fe  rendre  auprès  du  Général.  Au 
commencement  de  l'année  1595  ,  le  Maréchal  fit  commencer  une 
citadelle  dans  le  haut  bout  de  la  ville ,  à  l'endroit  où  eft  la 
tour  de  Bihan  ,  mais  cet  ouvrage  ne  s'acheva  pas.  Il  donna  le 
Gouvernement  de  la  ville  au  Sieur  de  Kermarquer ,  avec  feize 
Compagnies  non  complètes  ,  fous  le  Capitaine  Dupré. 

Au  mois  d'Avril  1 5  97  ,  Fontenelle  ,  ce  brigand  dont  nous  avons 
fîfouvent  parlé,  s'avança  vers  Quimper  avec  douze  cents  hommes, 
tant  infanterie  que  cavalerie  ,  dans  le  defîein  de  furprendre  cette 
ville  i  mais ,  ayant  été  découvert  ,  il  ne  put  réufîir ,  &  retourna 
à  rifle-Triflan  où  il  étoit  retranché.  Le  30  Mai  fuivant,  Fonte- 
nelle vint  encore  à  Quimper  avec  des  troupes  j  il  fe  croyoit  fi 
fur  de  s'en  rendre  maître ,  qu'il  avoit  fait  venir  des  bateaux  pour 
emmener  le  butin  ;  fon  dellein  étoit  de  fortifier  cette  ville ,  & 
d'en  faire  fa  place  d'armes.  Les  habitants  l'apperçurent ,  comme 
il  arrivoit  dans  les  avenues  du  château  de  Pralamar  ;  il  força  d'a- 
bord la  barrière  qui  étoit  à  l'entrée  du  fauxbourg  où  font  aujour- 
d'hui les  Capucins  ,  &  pénétra  jufqu'à  la  place  de  Saint-Matthieu. 
Jean  de  Crecholain  ,  qui  étoit  venu ,  dès  le  matin  ,  de  fon  château 
de  Ker-lot ,  avec  fept  hommes  &  un  trompette ,  ordonne  fur  le 
champ  de  fonner  la  charge ,  attaque  l'ennemi  avec  impétuofité , 
&  ne  lui  laifie  pas  le  temps  de  fe  reconnoître.  Fontenelle ,  qui 
croit  que  c'eft  l'avant  -  garde  d'un  gros  corps  de  cavalerie ,  efi 
épouvanté  &  prend  la  fuite.  La  jeunefTe  de  la  ville  court  aux 
armes ,  fe  met  à  la  pourfuite  des  fuyards  ,  guidée  par  le  Capi- 


SOI  QUI 

taine  Magence ,  &  en  fait  un  grand  carnage  dans  les  environs  de 
Saint-Sébaftien.  Fontenelie  perdit  en  cette  occafîon  cent  cinquante 
hommes ,  qui  furent  tués ,  &  foixante-cinq  chevaux ,  avec  une  par- 
tie de  fon  bagage ,  que  la  précipitation  de  fa  retraite  ne  lui  per- 
mit pas  de  fauver  ;  les  charrettes  qu'il  avoit  fait  venir  pour  em- 
porter le  butin ,  fervirent  à  tranfporter  les  bleffés ,  &  les  bateaux 
s'en  retournèrent  vuides  à  Douarnenez. 

Le  21  Oftobre  1601  ,  les  Etats  s'aiTemblerent  à  Quimper  ;  ce 
fut  environ  ce  temps  que  les  Capucins  s'établirent  en  cette  ville  : 
on  leur  donna  ,  pour  leur  fervir  d'Eglife  ,  la  Chapelle  de  Saint- 
Sébaftien ,  auprès  de  laquelle  ils  firent  bâtir  leur  Couvent  ;  les 
Jéfuites  s'établirent  aufR  à  Quimper,  en  161 9  5  &  les  Urfulines 
en  162  ï.  Le  16  Novembre  1034  ,  le  Marquis  de  Rofmadec  ,  Baron 
de  Molac  ,  Chevalier  des  Ordres  du  Roi ,  fit  fon  entrée  à  Quim- 
per ,  en  qualité  de  Gouverneur  ;  deux  cents  Gentilshommes  du 
pays,  &  plus  de  800  habitants  fous  les  armes,  allèrent  au-devant 
de  ce  Seigneur  jufqu'à  une  demie-lieue  de  la  ville  ,  &  l'accompa- 
gnèrent jufqu'à  fon  Hôtel ,  où  il  fut  falué  &  harangué  par  tous 
les  Ordres.  L'ignorance  ,  la  fuperftition  ,  &  l'idolâtrie ,  exerçoient 
encore  leur  empire  à  Quimper ,  à  l'époque  dont  nous  parlons  ; 
les  femmes ,  qui  avoient  leurs  maris  en  mer ,  alloient  balayer  la 
Chapelle  la  plus  voifine  ,  &  en  jettoient  la  pouffiere  en  l'air ,  dans 
l'efpérance  que  cette  cérémonie  leur  procureroit  un  vent  favorable 
pour  les  ramener.  Ceux  qui  n'avoient  pas  obtenu  des  Saints  qu'ils 
avoient  invoqués ,  l'affiftance  qu'ils  en  efpéroient ,  prenoient  leurs 
figures  ,  les  fouettoient  &  les  jettoiont  dans  l'eau  ,  fuivant  leur  ca- 
price. Les  uns  mettoient  dans  leurs  champs  un  trépied  ou  un 
couteau  crochu ,  pour  garantir  le  bétail  des  loups  &  autres  bêtes 
féroces  -,  les  autres  avoient  foin  de  vuider  l'eau  de  tous  les  vafes 
d*une  maifon  où  quelqu'un  venoit  de  mourir ,  crainte  que  l'ame 
du  défunt  n'allât  s'y  noyer  ;  ils  mettoient  aufîi  des  fieges  auprès  des 
feux  de  joie  qu'on  fait  à  la  Saint-Jean ,  pour  que  leurs  parents  morts 
pufTent  $y  chauffer  à  leur  aife  j  la  veille  de  la  même  fête ,  on 
permettoit ,  en  plufieurs  endroits  de  la  baffe  Bretagne  ,  au  peuple 
de  danfer  une  partie  de  la  nuit  dans  les  Chapelles;  &,  comme 
elles  font  fort  multipliées  dans  le  pays  ,  l'abus  étoit  d'autant  plus 
difficile  à  réformer  ,  qu'il  étoit  général ,  &  qu'on  le  regardoit 
comme  une  pratique  de  religion ,  propre  à  honorer  le  Saint  ou  la 
Samte  qu'on  révéroit  dans  cette  Chapelle.  On  fe  mettoit  à  genoux 
devant  la  nouvelle  lune ,  &  on  dilbit  un  Pater  Se  un  Ave  à  fon 
intention.  Au  premier  de  l'an ,  on  faifoit  une  efpece  de  facrifice 


QUI  50J 

aux  fontaines  publiques,  par  plufieurs  morceaux  de  pains,  couverts 
de  beurre ,  que  chacun  y  offroit  j  dans  certaines  Paroifles ,  on  por- 
toit ,  le  même  jour ,  aux  fontaines ,  autant  de  morceaux  de  pain 
c{u  il  y  avoir  d'mdividus  dans  une  famille ,  &  par  l'arrangement 
qu'ils  confervoient ,  en  furnageant ,  on  penfoit  connoître  ceux  qui 
dévoient  mourir  dans  l'année.  Il  feroit  facile  d'ajouter  au  nombre 
de  ces  extravagances ,  mais  nous  en  avons  dit  affez  fur  ce  fujet. 
L'Abbaye  de  Ker-lot  fut  fondée  en  1652,  par  Jegudo  de  Kerolin. 
Le  Roi  n'avoit  point  de  prifon  en  1667  j  les  Fermiers  du  domaine 
afFej-moient  celle  de  l'Evêque.  La  Maifon  de  la  Retraite  fut  bâtie 
en  î  670 ,  par  les  foins  du  Père  Maunoir  ,  célèbre  Miffionnaire.  Le 
Re6leur  de  la  ParoifTe  de  Guemevel ,  &  N....  de  Brenelio  ,  furent 
les  premiers  qui  contribuèrent  à  cet  édifice  ;  aulli-tôt  que  la  pre- 
mière pierre  en  eut  été  pofée  ,  en  grande  cérémonie,  par  l'Evêque, 
tout  le  monde  s'empreiTa  de  cotifer  ;  les  Dames  de  la  ville ,  fur- 
tout  ,  montrèrent  un  zèle  très-vif  pour  cet  établiifement.  Au  mois 
de  Septembre  1730,  fut  procédé,  par  M.  Thevenon  ,  Ingénieur, 
en  préfence  du  Subdélégué  &  des  CommilTaires  députés  par  la 
Communauté  de  ville ,  au  devis  des  réparations  à  faire  aux  ou- 
vrages publics  ,  à  la  fontaine  d'eau  minérale  ,  près  la  porte  de  la 
Tourbie  ,  &  à  la  rivière ,  qui  étoit  en  partie  comblée  par  des  fa- 
bles &  des  cailloux ,  depuis  les  chauffées  des  Moulins  au  Duc  & 
de  l'Evêché  jufqu'au  moulin  de  Lomaria  :  ces  fables  Se  cailloux 
furent  delHnés  à  applanir  la  place  d'armes  ,  le  long  &  au  derrière 
des  murs  de  revêtement  qui  la  formoient ,  &  les  pavés  dégradés 
de  la  ville  &  des  fauxbourgs.  Les  ouvrages  mentionnés  au  pré- 
fent  devis  furent  adjugés,  à  l'Intendance  à  Rennes  ,  le  20  Février 
173  I  ,  à  Jean  Bougeart ,  Procureur  au  Parlement  de  Bretagne, 
pour  la  fomme  de  20500  livres.  L'an  1761  ,  la  Communauté  de 
ville  obtint  la  permiflion  de  faire  l'acquifition  de  quelques  terreins 
pour  l'élargiffement  des  quais  du  port.  Arrêt  du  Confeil  &  Lettres- 
patentes  fur  icelui ,  portant  approbation  pour  le  nivellement  de  la 
Cure  de  Quimper.  Dans  le  territoire  du  fauxbourg  de  Lomaria , 
étoit  le  château  du  Roi  Grallon,  fit aé  fur  le  bord  de  la  rivière, 
à  l'endroit  nommé  Manoir  de  Poulquinan ,  à  peu  de  difiiance  du 
château  de  l'Enniron  ,  maifon  de  plaifance  des  Evêques  de  Quim- 
per ;  ce  château  fut  détruit  &  reconfi:ruit  à  neuf,  il  y  a  environ 
quinze  à  feizeans  jil  appartenoit,  avant  ce  temps,  à  la  maifon  de 
Becdelievre,  qui  le  vendit  au  fieur  de  Vars  ,  Receveur-général 
des  devoirs  ;  celui-ci ,  après  l'avoir  fait  rebâtir ,  le  revendit ,  il  y  a 
fept  à  huit  ans,  à  M.  de  Kermorvan  le  Borgne  j  il  ne  refle  plus, 


5°4    .  QUI 

de  l'ancien  château ,  qu'une  petite  tour  qui  efl:  adaptée  au  nou^ 
veau  bâtiment  -,  en  fuppofant  qu'il  ait  été  bâti  par  Grallon  ,  il  avoit 
treize  fiecles  d'exillence.  On  conferve  ,  par  tradition  ,  à  Quimper , 
la  mémoire  d'un  miracle  ,  que  l'on  rapporte  de  cette  manière.  Un 
particulier  avoit  prêté  un  certain  nombre  de  louis  à  un  homme 
de  mauvaife  foi ,  qui  n'avoir  point  donné  de  reconnoiiïance  -,  quel- 
que temps  après ,  le  prêteur  demanda  le  rembourfement  de  fes 
deniers  ,  le  débiteur  lui  répondit  qu'il  l'avoit  payé  ,  &  qu'il  ne 
lui  devoit  rien  :  appelle  en  juftice  ,  il  fut  condamné  à  faire  le 
ferment  accoutumé  en  pareille  occafion  ;  cependant  fa  confcience 
n'étoit  pas  tranquille  ,  fon  crime  le  faifoit  trembler  ;  pour  diffiper 
fes  fcrupules ,  il  eut  recours  à  un  expédient  ;  il  avoit  une  canne 
creufe ,  dans  laquelle  il  renferma  la  fomme  qu'il  devoit  ,  &  lorf- 
qu'il  fut  prêt  de  faire  fon  ferment ,  il  pria  fon  créancier  de  tenir 
fon  bâton ,  pour  qu'il  pût  avoir  les  mains  hbres  ;  celui-ci  ne  fe 
doutant  de  rien ,  ne  fit  pas  difficulté  de  lui  rendre  ce  fervice  ,  & 
le  fripon ,  fe  croyant  exempt  de  crime ,  jura  qu'il  avoit  rendu  la 
fomme  qu'on  lui  avoit  prêtée  ;  à  l'inftant  la  canne  s'ouvrit  &  ïeûi- 
tua  l'argent  au  prêteur  ;  &  l'on  ajoute  que  le  Crucifix  ,  devant 
lequel  avoit  été  fait  le  parjure  ,  répandit  trois  gouttes  de  fang  : 
ce  Crucifix  s'eft  conferve  jufqu'à  nos  jours  ,  &  on  le  montre  à 
ceux  qui  font  curieux  de  le  voir. 

Si ,  depuis  long-temps,  Quimper  ne  produit  plus  de  Saints  à  cano- 
nifer  ,  du  mioins  en  fort-il,  par  intervalle ,  des  gens  de  mérite.  Les 
Pères  Hardouin  &  Bougeant ,  Jéfuites  ,  qui  y  ont  reçu  le  jour,  ont 
fait  honneur  à  leur  patrie ,  par  une  fcience  profonde  -,  mais  celui 
de  tous  les  Quimperois  qui  s'eft  fait  une  plus  grande  réputation, 
dans  les  Lettres,  eft  M.  Freron,  auteur  de  l'Année  Littéraire  ;  fes 
écrits ,  répandus  par  toute  la  France ,  ont  fait  pendant  long-temps 
les  déhces  des  gens  de  goût  ^  il  en  avoit  un  très-fûr  &  très-bon; 
s'il  n'a  pas  toujours  été  jufte ,  &  s'il  a  quelquefois  mis  trop  de  fiel 
dans  fes  critiques  ,  c'eft  que  fes  rivaux  lui  en  donnoient  l'exemple  ; 
Jtr  avoit  des  ennemis  acharnés  contre  lui ,  &  il  a  eu  la  gloire ,  û 
noa  de  remporter  la  viftoire  ,  du  moins  de  la  difputer ,  &  de 
ne  pas  la  céder  à  fes  adverfaires.  Le  plus  terrible  fut  cet  homme 
étonnant,  qui  réuflit  dans  prefque  tous  les  genres  de  httérature, 
qui  eut  tant  d'admirateurs  &  tant  d'ennemis ,  qui  mérite  les  plus 
grands  éloges  -,  mais  peut-être  une  partie  des  reproches  qu'on  lui 
a  fait  :  cependant ,  Voltaire  ,.  malgré  fa  réputation  ,  fon  génie  , 
fes  amis ,.  n'a  pu  que  balancer  les  fuccès  ,.  &  c'eft-là  le  meilleur 
éloge   de  M.  Freron*  La  Religion  &  les  Lettres  lui  ont  de  grandes 

obligations  ^ 


QUI  505 

obligations  ,  8c  il  fera  toujours  placé ,  par  les  gens  exempts  de 
prévention  ,  parmi  les  excellents  Littérateurs  dont  la  France  s'ho- 
nore; cet  écrivain  defcendoit,  par  les  femmes  ,  du  poète  Malherbe. 
M.  Royon ,  gendre  de  M.  Freron ,  peut  auffi  être  cité  comme  un 
homme  fçavant,  dont  les  talents  font  honneur  à  fon  pays.  A  en 
juger  par  l'établiilement  d'une  chambre  littéraire  ,  qu'on  voit  à 
Quimper  depuis  quelques  années  ,  on  peut  efpérer  que  d'autres 
Citoyens  de  cette  ville  réuffiront  dans  la  littérature ,  &  mériteront 
d'être  placés  à  coté  de  ceux  qu'on  vient  de  nommer  ,  quoique  la 
médifance ,  ou  ,  fi  l'on  veut ,  la  calomnie ,  prétendent  que  les 
Quimperois  aiment  mieux  un  bon  dîner  qu'un  bon  livre.  Il  ne 
faut  pas  oublier  que  le  Chapitre  de  Quimper  a  aufîi  produit  un 
auteur  qui  a  fait  une  Hiltoire  de  la  Ligue  ;  quoique  fon  ouvrage  foit 
encore  en  manufcrit ,  depuis  quarante  ans  qu'il  ell:  fait ,  fon  nom 
(  M.  Moreau  )  eft  très-connu  des  littérateurs  bas-Bretons. 

Catalogue  hijlonque  des  Evêques  de   Quimper, 

L'Eglife  Cathédrale  efl  dédiée  à  Notre-Dame  &  à  Saint  Co- 
rentin.  Le  Chapitre  eft  compofé  de  l'Evêque,  de  deux  Archidiacres, 
d'un  Tréforier  ,  d'un  Grand  -  Chantre  ,  &  de  feize  Chanoines. 
L'Abbé  de  Daoulas  eil  le  premier  Chanoine ,  &  autrefois ,  dans 
les  cérémonies  publiques  ,  fes  ReHgieux  marchoient  à  côté  des 
Membres  du  Chapitre,  comme  il  marchoit  lui-même  à  côté  de 
l'Evêque  j  il  avoit  même  fa  chaife  fous  le  même  dais  que  le  Prélat. 
Nous  ignorons  s'il  a  confervé  fes  privilèges. 

Saint  Corentin,  Chourentin,  ou  Charilaton  ,  fut  le  premier  Eve- 
que  de  Quimper.  Les  Pères  du  Concile  de  Bourges ,  du  nombre 
defquels  étoient  Léon  de  Bourges,  Euftache  de  Tours,  &  Vic- 
turus  du  Mans,  lui  écrivirent  en  444  ;  il  affifta  au  Concile  d'Angers,. 
en  453.  C'efl  donc  à  tort  qu'on  prétend  qu'il  fut  facré  Evêque 
par  Saint  Martin ,  qui  étoit  mort  dès  397  j  il  mourut  vers  l'an  459  , 
&  fut  inhumé  dans  fon  Eglife  Cathédrale,  où  il  repofa  jufqu'en 
966  ,  époque  de  la  tranflation  de  fon  corps  à  Paris. 

Saint  Guenegand  ou  Venerand  ,  ell  ce  Prékt  Breton  qui  aififla 
au  Concile  de  Tours,  l'an  461. 

Saint  AUore  ou  Albin,  afMa  au  Concile  de  Vannes  en  4<3Ç  ; 
on  croit  que  c'eft  lui  c|ui  traita  de  la  paix  entre  Aëtius  &:  les 
Armoriquains ,  en  440. 

Budic  ou.  Benoît ,  fucceda  à  Saint  Allore  ,  on  ne  fçait  en  quel 
temps. 

Tome  IIl^  S  5 


5°^  QUI 

Litharc  ou  Gurbede  ,  occupa ,  après  lui  ,  ie  Siège  Epifcopal 
de  Quimper  ;  il  aflifta  au  Concile  d'Orléans,  en  5 1 1. 

Harnietenec  ou  Harnietene  ,  fut  enfuite  nommé  Evêque  -,  fes 
fuccefleurs  ne  font  connus  que  par  leur  noms  :  fçavoir  ; 

Morguetene  j  Tremerin  5  Fragan  ou  Ragia^u  j  Salomon  j  Aluret  j 
Golhoet. 

Hugues  j  depuis  ce  dernier  jufqu'à  Félix ,  qui  fuit ,  on  ne  fçait 
il  le  Siège  refta  vacant  ou  û  le  dernier  fut  le  fucceffeur  immé- 
diat du  premier. 

Félix,  élu  Evêque  de  Quimper  en  836  félonies  uns  ,  &  848 
félon  les  autres  ,  fut  dépofé ,  comme  fimoniaque  ,  par  autorité  de 
Nominoë ,  en  849. 

Anaveten ,  nommé  Evêque  en  849  ,  par  le  Roi  Nominoë , 
mourut  en  865. 

Félix  fut  rétabli  en  S66  5  le  Concile  de  Toul  en  fait  mention. 

Jérémie  fut  Evêque  vers  870  ;  on  trouve  fon  nom  dans  les 
lettres  du  Roi  Salomon  au  Pape  Adrien. 

Salvator  lui  fuccéda  à  la  fin  du  neuvième  fiecle. 

Benoît,  neveu  de  Grallon,  Comte  de  Cornouailles,  fut  Evêque 
de  Quimper  ,  ce  Prélat  ell  célèbre  dans  l'hirtoire,  par  la  beauté  de 
fa  figure  &  de  fa  taille ,  la  décence  &  la  majeflé  de  fon  main- 
tien ,  &  par  des  vertus  qui  le  firent  chérir  de  fon  troupeau.  Nous 
avons  un  fermon  de  lui. 

Blenlivet  ou  Bleulivelle,  fuccéda  à  Benoît,  vers  l'an  971, 

Orace  fut  nommé  en  990. 

Benoît  II  du  nom  ,  fils  de  Budic  ,  Comte  de  Cornouailles  , 
fut  lui-même  Evêque  &  Comte  ;  il  fe  maria,  &  eut  des  enfants j 
il  fe  démit  de  fon  Evêché  en  faveur  d'Orfcand ,  &  de  fon  Comté 
en  faveur  d'Alain  Cagnard ,  fes  deux  fils. 

Orfcand  ,  fur  la  démifîion  de  fon  père ,  prit  le  titre  d'Evêque, 
en  1029  j  ce  Prélat  bénit  Saint  Gurlois ,  premier  Abbé  de  Sainte- 
Croix  de  Quimperlé ,  Maifon  fondée  par  Alain  Cagnard  ;  fouf- 
crivit  à  la  fondation  de  Saint -Georges  de  Rennes  ,  ëc  fe  maria , 
avec  la  permifnon  de  fon  frère  Alain  Cagnard  ,  qui  mourut  en 
1054  :  Orfcand  mourut  en  1064. 

Benoît  III,  fils  de  l'Evêque  précédent,  fut  Evêque  de  Quim- 
per en  1064,  &  mourut  en  11 12  ou  1113  ,  après  quarante-neuf 
ans  d'épifcopat. 

Robert ,  c[ui  vivoit  dans  un  Hermitage  ,  à  Locrenan ,  fut  nommé 
Evêque ,  l'an  1 1 1 3  ,  &  mourut  en  1 1 30. 

Raoul  lui  fuccéda ,  dans  le  courant  de  la  même  année. 


Q  u  I  507 

Bernard  de  Moëlan  ,  Eccléfiaflique  effimable ,  Chanoine  de 
Chartres  ,  fut  élu  Evêque  de  Quimper,vers  11 60,  &  mourut 
l'an   1 1 67. 

Geoffroi ,  fuccefTeur  de  Bernard,  l'an  11 67,  afiifta  au  Concile 
de  Latran ,  célébré  l'an  1 179 ,  par  le  Pape  Alexandre.  . . .  près 
de  trois  cents  Evêques  affiiterent  à  ce  Concile  ,  qui ,  outre  les 
règlements  qu'il  fit  pour  les  mœurs ,  défendit  très  -  exprefTément 
de  porter  des  armes  aux  ennemis  du  Chriftianifme  &  aux  Héré- 
tiques ,  comme  les  Vaudois  &  les  Albigeois. 

Thébaud  ou  Théobalde,  élu  l'an  1 183  ,  fut  confirmé  l'an  1 187. 
On  prétend  qu'il  étoit  Moine  dans  l'Abbaye  de  Sainte-Croix  de 
Quimperlé ,  lorfqu'il  fut  pourvu  de  l'Evêché  de  Quimper. 

Robert ,  qu'on  donne  pour  fuccefTeur  à  Thébaud ,  ei\  regardé 
par  quelques-uns  comme  fuppofé.  Ceux  qui  l'admettent  difent 
que  ce  fut  un  méchant  homme ,  qui  ne  fut  pas  regretté  de  fon 
troupeau. 

Willelme  ou  Guillaume,  Evêque  de  Quimper,  l'an  1192, 
eut  un  démêlé  très-férieux  avec  Gui ,  Vicomte  de  Thouars ,  qui , 
par  fon  mariage  avec  Confiance  ,  DuchefTe  de  Bretagne  ,  étoit 
devenu  Souverain  du  pays.  La  caufe  de  ce  différent  étoit  la 
conftruftion  du  château  dont  j'ai  parlé  :  l'affaire  fut  terminée  dans 
le  Concile  de  Rennes.  L'Evêque  Guillaume  fit  bâtir  dans  fa 
ville  une  halle  ,  pour  y  tenir  le  marché  qu'il  venoit  d'établir. 

Renault  fut  nommé  Evêque  de  Quimper  &  ChanceHer  du 
Duc  de  Bretagne,  au  mois  de  Juillet  1219.  Ce  Prélat ,  afliilé  de 
Cadioc ,  Evêque  de  Vannes ,  fit  la  dédicace  &  la  bénédiftioii 
de  l'Eglife  de  Daoulas.  En  1222,  il  créa  trois  Prébendes  dans 
fon    Eglife  Cathédrale. 

Hervé  de  Landelleau,  fon  fuccefTeur ,  étoit  un  Saint  Evêque, 
dont  la  mort  efl  rapportée  au  9  Août  1261.  Il  avoir  aiTifté  ,  en 
1253,  au  Concile  de  Saumur ,  oii  il  fut  fait  trente  -  quatre  Ca- 
nons. Le  troifieme  dit  que  les  Hnges  &  les  habits  facerdotaux 
doivent  être  lavés  par  quelques  honnêtes  matrones  ou  des  vierges. 
Le  trentième  défend  un  ufage  afTez  commun  en  Bretagne ,  c'étoit 
de  donner  des  Eglifes  paroifîiales  en  commende.  Le  trente-unième 
défend  aux  Evêques  de  réunir  ces  Eglifes  à  leur  Menfe  épifco- 
pale  ,  ou  de  les  charger  de  nouvelles  penfions.  Le  trente-deuxième 
défend  aux  Prêtres  de  rien  léguer  à  leurs  enfants  bâtards  ou  à 
leurs  concubines ,  fous  peine  de  nullité  du  teflament ,  &  de  con- 
fifcation  des  biens  légués ,  au  profit  de  l'Eglife. 

Gui  de  Plounevez ,  qiii  le  remplace ,  meurt  en  1 2^7* 


5o8  QUI 

Yves  le  Cabellic  eft  connu  par  les  cartulaires  de  Saint- 
Maurice  ,  de  Carncët ,  &  de  Daoulas  ;  il  meurt  en  1282. 

Even  de  la  Forêt ,  qui  occupe  enluite  le  Siège  épilcopal ,  mé- 
rite ,  par  fes  vertus  &  la  fermeté ,  le  titre  de  Pafteur  vigilant  & 
de  détenfeur  de  l'Eglile. 

Alain  Morel  le  remplace ,  &  n'eft  facré  que  long-temps  après 
fon  éle6Hon ,  parce  que  le  Siège  de  Tours  étoit  alors  vacant. 
Les  cartulaires  en  font  mention  ,  ainfi  que  de  la  querelle  fur- 
venue  entre  le  Pape  Boniface  &  Philippe  le  Bel.  Alain  mourut 
en  1320.  Albert  s'efl  trompé  en  difant  que  ce  Prélat  avoit  été 
élu  &  confirmé  en  1299  :  toutes  les  chroniques,  archives,  & 
cartulaires ,  qui  en  parlent ,  contribuent  à  faire  regarder  comme 
certaine  l'opinion  que  je  viens  d'établir.  Dom  Taillandier  donne 
pour  fucceiîeur  à  Alain ,  un  Raoul ,  dont  l'exiilence  ne  me  paroît 
pas  bien  conftatée.  Je  n'aflure  pourtant  point  que  l'hiftorien  cité 
le  trompe  ,  puifqu'il  met  la  mort  d'Alain  &  de  fon  fuccefleur 
dans  la  même  année.  Il  fe  peut  faire  que  Raoul  ait  été  effecti- 
vement nommé ,  &  que  la  mort ,  qui  l'enleva  prcfqu'auffi-tôt  fon 
éleftion  ,  ne  lui  ait  pas  donné  le  temps  de  fe  faire  facrer ,  de 
prendre  pofTeflion  ,  &  d'exercer  fa  Jurifdiftion.  En  ce  cas  ,  ni 
ceux  qui  l'admettent ,  ni  ceux  qui  le  rejettent ,  ne  peuvent  être 
taxés  de  faufieté. 

Thomas  Denart  ,  Eccléfiaflique  zélé  ,  étoit  Doyen  d'Angers, 
lorfqu'il  fut  nommé  Evêque  de  Quimper,  le  12  Avril  13  21.  Il  fit 
fon  entrée  dans  le  courant  du  même  mois ,  &  mourut  le  1 9 
Juin  1322  j  il  fut  enterré  dans  l'Eglife  paroifliale  de  Maure,  au 
diocefe  de  Saint-Malo. 

Bernard  ,  de  l'Ordre  des  Frères  Mineurs,  nommé  en  1322  ,  fut 
transféré  à  Noyon  en  1324. 

Gui  de  Laval ,  fils  de  Gui ,  Seigneur  de  Laval ,  &  de  Tho- 
mafîe  de  Mathefelon  ,  élu  en  1324  ,  fut  transféré  au  Mans 
en  132(3, 

Jacques ,  de  l'Ordre  des  Frères  Prêcheurs ,  fut  élu  &  fit  fon 
entrée  en  1326.  Le  Pape  Jean  XXII  le  transféra  à  Toulon  en 
1329  ou  1330.  Il  ne  faut  pas  fe  rapporter  à  ce  que  dit  Albert 
de  Morlaix  de  ce  Prélat  &  des  fuivanrs. 

Yves  de  BoisboèfTel  ,  de  la  famille  Bretonne  de  ce  nom , 
ui  faifoit  fon  fcjour  près  Châtel  -  Audren  ,  fut  transféré  de 
réguier  à  Quimper  en  1330,  &  de  Quimper  à  Saint-Malo 
en  1333. 

Alain  Gontier ,  originaire  de  Quimper ,  Prélat  elHmable,  &:  fça- 


? 


.QUI         _        509 

vant Théologien,  fiit transféré  de  Saint-Malo  à  Quimper  en  1533, 
&  mourut  en  1356. 

Alain  le  Gai ,  de  la  ParoifTe  de  Riec  ,  homme  d'une  vie  exem- 
plaire^ fut  pourvu  de  l'Evêché  de  Quimper  en  1336,  &:  mourut 
en  1358. 

Geoffroi  de  Coètmoifan ,  élu  en  1358,  fut  transféré  à  Dol 
en  1374. 

Jean  de  Kerenlouet ,  que  le  Duc  nomma  pour  fon  AiccefTeur, 
ne  fut  pas  long-temps  fur  le  Siège,  puifqu'il  étoit  vacant  dès  1  376. 

Geoffroi  le  Marhet  ou  de  Slarec  ,  Evêque  digne  d'être  pro- 
pofé  pour  modèle,  fut  facré  en  1376,  &  termina,  Tannée  fui- 
vante ,  le  différent  qu'Alain  le  Gai ,  fon  prédéceffeur ,  avoir  eu 
avec   Hervé,  Seigneur  de  Juels  :  il  mourut  en  1383. 

Thébaud ,  de  Fillullre  famille  de  Maleftroit ,  transféré  de  Tré- 
guier  à  Quimper,  fit  ferment  de  fidélité  au  Duc  en  1384,  8c 
mourut  au  commencement  du  quinzième  iîecle. 

Gatien  de  Monceaux ,  Nantais  d'origine  ,  Confeiller  des  Ducs 
Jean  IV  èc  Jean  V,  facré  Evêque  fur  la  fin  de  l'année  1408, 
affilia  au  Concile  de  Pile  en  1 409 ,  6c  à  celui  de  Confiance , 
par  Procureur,  en  141 5.  Ceil  dans  le  premier  de  ces  Conciles 
que  le  Pape  Grégoire  XII  fut  dépofé,  Gatien  mourut  le  1 5  Oc- 
tobre ,  après  huit  ans  &  vingt-huit  jours   d'épifcopat. 

Bertrand ,  fils  de  Guillaume  de  Rofmadec  8c  d'Anne  du  Châtel , 
élu  en  1416  ,  paya,  en  14 17,  trente  boucliers  d'or  à  l'Archevêque 
de  Tours ,  qui  avoit  confirmé  fon  éleftion.  Bertrand  avoir  d'abord  été 
Aumônier  des  Ducs  Jean  IV  &  Jean  V  ;  élevé  à  l'Epifcopat ,  il  le 
donna  tout  entier  au  foin  de  fon  troupeau.  11  fit  démolir  Ion  Eglife 
Cathédrale  ,  6c  en  fit  conftruire  une  plus  magnifique  ;  il  pofa 
la  première  pierre  de  l'édifice  le  16  Juillet  1424,  conjointe- 
ment avec  Jean  de  Languenoez  ,  Procureur  du  Duc  en  cette 
cérémonie.  Il  fit  encore  refaire  les  deux  tours ,  la  facriflie  ,  les 
orgues ,  les  llatues  d'argent  qui  accompagnent  le  Chrifl ,  &  la 
Pfalette,  qu'il  fonda  pour  l'entretien  d'un  maître  6c  de  fix  enfants 
de  chœur  :  il  fit  fondre  6c  placer  la  groffe  cloche  nommée  la. 
Bertrand  j  fonda  kl  lampe  ,  6c  donna  en  outre  un  bâton  de  Croix  6c 
deux  grands  chandeliers  d'argent ,  une  table  de  cuivre  doré ,  6c 
une  pifcine.  Il  n'oubha  pas  les  pauvres  ,  pour  lefqueîs  il  affigna 
un  fonds  de  deux  cents  foixante  livres  de  rente  ,  qui  leur  doivent 
être  diffnbuées  ,  tous  les  ans  ,  par  deux  notables  perfonnes ,  choifies 
par  le  Chapitre.  Ce  Prélat  mourut  le  7  Février  1445,  après  vingt- 
huit  ans  d'Epifcopat,  6c  fut  enterré  dans  la  Chapelle  de  fon  nom, 


5IO  QUI 

en  fon  Eglife  Cathédrale.  On  lui  érigea  un  magnifique  maufolée  y 
avec  un  épitaphe. 

Alain  de  Coëtivi ,  transféré  de  Dol  à  Quimper  en  1445  > 
comme  le  prouvent  les  aftes  du  Vatican  ,  fut  de  rechef  tranf- 
féré  à  Avignon  en  1448.  Les  cartulaires  du  Chapitre  de  Quim- 
per en  font  mention  fous  l'année  1447.  ^^^  donc  à  tort  que 
Dom  Taillandier  prétend  qu'il  ne  fut  jamais  Evêque  de  Quimper. 

Alain  de  l'Epervier ,  de  l'Ordre  des  Frères  Mineurs ,  élu  en 
1448  ,  fut  transféré  à  Céfarée  en  1451.  On  croit  qu'il  mourut  le 
i6  Mars  1445  ,  &  qu'il  fut  inhumé  dans  l'Eglife  des  CordeUers 
de  Quimper. 

Jean  de  l'Epervier ,  neveu  du  précédent ,  &  fils  de  Charles  ^ 
Seigneur  de  Perfquen  ,  Premier  Préiident  de  la  Chambre  des 
Comptes  ,  &  de  Guillemette  Painel ,  fut  pourvu  de  l'Evêché  de 
Quimper,  f»jr  la  réfignation  de  fon  oncle,  le  16  Janvier  1451.. 
Ce  Prélat  étoit  Proto-Notaire  Apoftolique  &  très-inflruit  des  droits 
de  fon  Siège.  Il  en  donna  des  preuves  dans  le  différent  qu'il  eut 
avec  le  Duc  Pierre  II ,  au  fujet  du  château  que  ce  Prince 
vouloit  bâtir  à  Quimper.  Il  mourut  en  1472  ,  &  fon  temporel  fut 
faifi  par  les  Officiers  du  Duc,  le  18  Mai  de  la  même  année. 

Thébaud  de  Rieux,  facré  en  1472  ,  fit  ferment  de  fidélité  au 
Duc,  en  1473  ?  ^  mourut  le  17  Février  1479.  -^^^^^  ^^  Bailh , 
Chanoine,  de  Quimper ,  que  le  Chapitre  avoir  élu  pour  lui  fuc- 
céder  ,  ne  fut  point  reconnu  en  qualité  d'Evêque  par  le  Duc  , 
qui  n'avoit  point  été  confulté  fur  fon  éleftion.  On  ne  doit  point 
le  compter  au  nombre  des  Evêques  de  Quimper  ,  puifqu'il  ne 
fut  point  facré ,  &  qu'il  n'exerça  aucune  Jurifdiftion. 

Gui  du  Bofchet ,  Vice-Chancelier  de  Bretagne  ,  fut  nommé  par 
le  Duc,  à  l'Evêché  de  Quimper,  en  1479  ->  prêta  ferment  le  10 
A4  ai  fuivant ,  &  fut  confirmé  dans  fa  dignité  par  une  Bulle  du 
Pape  Sixte  IV  :  il  fit  fon  entrée  folemnelle  dans  cette  ville , 
accompagné  de  plufieurs  Eccléfiailiques  &  Gentilshommes ,  le  1 5 
Oftobre  1480,  de  la  manière  fuivante.  Ce  Prélat  fortit  le  1 4 
de  fon  château  de  Larinon  ,  un  peu  avant  le  coucher  du  foleil , 
&  fe  rendit  à  l'Eglife  du  Prieuré  de  Locmaria  ,  dans  un  des 
fauxbourgs.  Après  avoir  fait  fa  prière ,  il  frappa  à  la  porte  du 
Prieuré  &  demanda  à  loger  :  la  Prieure  lui  accorda  le  couvert 
&  fe  faifit  de  fon  manteau ,  qui ,  dit-elle ,  lui  appartenoit ,  puif- 
qu'elle  lui  donnoit  l'hofpitalité.  Le  Prélat  fut  conduit  dans  une 
chambre  ,  où  il  n'avoit  pour  Ht  qu'un  peu  de  paille  étendue  fur 
le  plancher.  La  Prieure  lui  propofa  de  lui  laver  les  mains  &: 


QUI  5ri 

îa  tête ,  &  pour  prix  de  ce  fervice ,  garda  fon  bonnet  &  fcs 
gants.  Le  Prélat  conteila  cette  prétention ,  &  lui  dit  qu'elle  exi- 
geoit  au-delà  de  ce  qui  lui  étoit  dû.  Le  lendemain  au  matin  , 
comme  l'Evêque  fe  promenoir  dans  le  jardin ,  la  Prieure  alla  le 
trouver  &  lui  demanda  s'il  avoit  une  bourfe  :  le  Prélat  lui  ayant 
montré  celle  qu'il  portoit  à  fa  ceinture  ,  la  Religieufe  prit  tout 
ce  qu'il  y  avoit  dedans  ;  c'étoit  une  fomme  de  quarante  fols 
monnoie.  Après  ces  cérémonies  bizarres ,  l'Evêque  monta  fur  un 
jeune  cheval ,  &  s'avança  ,  avec  fa  compagnie  ,  jufqu'à  la  porte 
de  fon  Eglife  Cathédrale ,  où  Guiomark  ,  ChevaUer ,  Seigneur 
de  Guengat,  le  defcendit  de  cheval.  Il  demanda  la  permiffion 
de  prendre  des  gants  pour  ôter  les  éperons  &  les  bottes ,  mais 
il  fut  refufé  ;  il  protelLa  contre  ce  refus  &  obéit.  Il  garda  les  épe- 
rons ,  les  bottes ,  &  le  cheval ,  en  affirmant  que  tout  cela  lui 
appartenoit.  On  appella  enfuite  Olivier  de  Quelen ,  Seigneur  du 
Vieux-Châtel ,  tenu  d'alTifter  à  cette  cérémonie ,  une  baguette 
blanche  à  la  main  ;  comme  ce  Seigneur  étoit  indifpofé ,  Conan 
de  Pontcallec  comparut  pour  lui.  L'Evêque  entra,  dans  ce  mo-? 
ment ,  dans  une  maifon  voidne ,  pour  fe  revêtir  de  fes  ornements 
pontificaux  ;  & ,  lorfqu'il  fut  habillé  ,  il  revint  au  même  endroit  , 
fe  mit  dans  une  chaife ,  &  fut  porté  par  Jean  de  Quelennec , 
Vicomte  du  Faou ,  Amiral  de  Bretagne  ;  Henri ,  Chevalier ,  Sei- 
gneur de  Nevet  ;  Guillaume  ,  Chevalier ,  Seigneur  de  Ploeuc  ; 
&  le  Seigneur  de  Guengat ,  dans  fon  Eglife  Cathédrale ,  où  il 
fit  le  ferment  accoutumé.  Cet  ufage  de  porter  les  Evêques, 
étoit  alors  général  en  Bretagne  ;  ceux  de  Paris  jouifToient  du 
même  privilège.  Gui  du  Bofcheî  ailembla,  l'an  1483  ,  un  Synode, 
dans  l'EgUfe  de  Saint-Colomban  de  Quimperlé.  La  pefte ,  qui 
défoloit  alors  fon  diocefe ,  difperfa  le  Pafteur  &  les  brebis.  Le 
premier  fe  retira  à  Nantes ,  où  il  ne  put  échapper  à  la  mort , 
qui  vint  l'y  furprendre  le~io  Janvier  1484.  Dom  Taillandier 
dit  que  le  Chapitre  s'aiTembla  dans  l'Eglife  de  Coré ,  pour  nom- 
mer des  Grands-Vicaires. 

Alain  le  Moult,  Confeiller  du  Duc  François  II ,  &  Maître  des 
Requêtes  de  fon  Hôtel ,  fut  transféré  de  Saint-Pol-de-Léon  à  Quim^ 
per ,  le  7  Mars  1 484 ,  par  ré{ignj.tion  de  Gui  du  Bofchet.  Il  fut 
employé  par  le  Duc  ,  en  différentes  négociations  :  il  mourut  le 
2  Novembre  1493  ,  &  fut  inhumé  dans  la  Chapelle  de  la  Mag- 
deleine ,  en  fon  Eglife  Cathédrale. 

Raoul  le  Chauve  ,  Aumônier  du  Roi  Charles  VÏII ,  &  Chanoine 
de  Poitiers ,  fut  pourvu  de  l'Evêché  de  Quimper ,  l'an  1493  ,  prêta 


5'^  ,.,  .      QUI 

ferment  de  fidélité  au  Roi,  le  28  Avril  de  Tannée  fuivante  ,  Se 
afîifta  aux  obfeques  de  ce  Monarque  ,  en  1494.  Le  Roi  Louis  XII 
le  fit  iecond  Préfident  de  la  Chambre  des  Comptes,  en  1498: 
il  mourut  le  31  Mai  1501  ,  &  fut  inhumé  dans  l'Eglife  Cathé- 
drale ,  dans  la  Chapelle  de  la  Trinité. 

Claude  de  Rohan ,  fils  de  Jean  II ,  Vicomte  de  Rohan ,  & 
de  Marie  de  Bretagne  ,  fut  nommé  Evêque  de  Quimper ,  vers 
l'an  1501  ;  il  n'avoir  encore  que  vingt-deux  ans,  &  étoit  déjà 
Doyen  rural  de  Porhoet ,  au  diocefe  de  Vannes  :  il  fiit  facré  le 
6  Avril  1 5 1  o  ,  dans  la  Chapelle  du  château  de  Blain  ,  &  fit  fon 
entrée  à  Quimper,  le  6  Juin  15 18.  Devenu  héritier  de  fa  maifori 
en  1 5  27 ,  il  employa  fes  grands  biens  à  achever  fon  Eglife  Ca- 
thédrale &  à  bâtir  le  Palais  épifcopal ,  qui  fert  encore  de  loge- 
ment à  fes  fuccelTeurs.  Il  étoit  d'un  caractère  doux  &  porté  au 
bien ,  mais  fi  fimple ,  que  dans  la  crainte  qu'on  abufât  de  fa 
bonté ,  on  crut  qu'il  étoit  néceflaire  de  lui  donner  un  Coadjuteur. 
Le  Roi ,  dont  on  avoit  imploré  l'autorité  à  ce  fujet ,  en  écrivit 
au  Pape,  en  1 532.  On  propofa  au  Saint-Pere  ,  Jean  de  la  Motte, 
Archidiacre  de  Nantes  ,  Abbé  de  Rhuis ,  lequel ,  félon  Taillan- 
dier ,  ne  fut  point  agréé  de  la  Cour  de  Rome.  Je  ne  prononcerai 
point  contre  le  fçavant  Bénédiftin  ,  mais  je  trouve  dans  un  auteur 
juftement  efi:imé ,  que  Jean  de  la  Motte  fit  ferment  de  fidélité 
au  Roi ,  en  qualité  de  Coadjuteur  de  Quimper ,  le  2  Février 
1532,  &  que  ce  Prélat  mourut  avant  Claude  de  Rohan ,  qui , 
effeftivement ,  fe  fit  donner  un  fécond  Coadjuteur.  Ce  fait  eiî 
d'ailleurs  configné  dans  les  archives  de  la  Chambre  des  Comptes  r 
lib,  i ,  mandatorum  in  caméra  computorum,  Claude  de  Rohan  mourut" 
au  mois  de  Juillet  1 5  40 ,  au  château  de  Guemené ,  &  fut  enterré 
dans  FEghfe  Collégiale  du  même  lieu.  Ses  entrailles  furent  por- 
tées dans  la  Chapelle  du  château  de  Corlai. 

Guillaume  Eder,  Abbé  de  Saint-Gildas  des  Bois,  Coadjuteur 
de  Quimper ,  fut  facré  dans  la  Chapelle  du  château  de  Gou- 
laine ,  &  fit  ferment  de  fidélité  au  Roi  en  1541  ,  fit  fon  entrée 
dans  fa  ville  épifcopale  le  29  Avril  1543  ,  &  mourut  le  22. 
Mai   1546. 

Philippe  de  la  Chambre ,  Moine  Bénédiftin ,  dit  le  Cardinal 
de  Boulogne  ,  fils  de  Louis ,  Comte  de  la  Chambre  ,  &  d'Anne 
de  Boulogne ,  veuve ,  en  premières  noces ,  d'Alexandre  Stuard , 
Duc  d'Albanie  ;  puis  Cardmal ,  &  enfin  Evêque  Commendataire 
de  Quimper ,  en  1 547  :  il  mourut  à  Rome  ,  en  1 5  50,  le  2 1  Février^ 

Nicolas,  Caj,etaa ,  fils,  de  Camille  ,  Duc  de  Sermonnette ,  & 


QUI  51, 

non  de  Sîmonnette  ,  comme  difent  quelques-uns ,  fut  fait  Cardinal , 
Tan  1Ç38,  puis  Evêque  adminiftrateur  de  Quimper  en  1548,  fit 
ferment  de  fidélité  en  1556,  le  21  Février,  &  fe  démit  l'an 
1559  j  il  mourut  vers  l'an  1584,  &  fut  enterré  dans  i'Eglife  de 
Notre-Dame  de  Lorette. 

Etienne  Boucher  ,  natif  de  Troyes  en  Champagne  ,  fut  pourvu 
de  l'Evêché  de  Quimper  en  1559,  prêta  ferment  de  fidélité  au 
Roi  en  1 560,  &  affifta  au  Concile  de  Trente  ,  fous  le  Pontificat 
de  Pie  IV  :  il  mourut  le  20  Août  1571.  Le  Siège  vaqua  deux 
ans ,  &  François  de  la  Tour  ,  de  l'Ordre  de  Citeaux  ,  fut  facré 
à  Saint-Brieuc  le  20  Décembre  1573  ,  fit  ferment  de  fidélité 
au  Roi  en  1575  ,  obtint  main-levée  de  fon  Temporel  en  1576, 
&  fut  transféré  à  Tréguier  en  1582  ou  1583. 
.  Charles  du  Lifcouet  ,  pourvu  de  l'Evêché  de  Quimper  en 
1583  ,  afiifta  au  Concile  de  Tours  dans  le  courant  de  la  même 
année,  aux  Etats  affemblés  à  Quimper  en  1586,  à  ceux  de 
1598  &  de  1604  ;  il  mourut  en  1614  ,  &  fut  inhumé  dans  la 
Chapelle  de  la  Viftoire  :  ce   Prélat  avoit  été  figueur. 

Guillaume  le  Prêtre  ,  fils  de  Louis ,  Seigneur  de  Lezonnet , 
Gouverneur  de  Quimper  &  de  Concarneau ,  fut  nommé  à  cet 
Evêché  en  161 4,  &  affifta ,  en  cette  qualité,  aux  Etats  affem- 
blés à  Rennes  en  1616;  il  conféra  les  Ordres  à  Nantes  en  1618, 
Se  mourut  le  8  Novembre  1640,  dans  la  cinquante-troifieme  an- 
née de  fon  âge.  Il  avoit  fait  rétablir  fon  Palais  épifcopal,  qui 
avoit  été  fort  endommagé  pendant  les  guerres  de  la  ligue.  Il 
laifTa  néanmoins  à  fes  frères  &:  fœurs  pour  plus  de  cent  mille 
écus  de  bien. 

René  du  Louet ,  Chantre  de  I'Eglife  de  Saint -Pol- de- Léon  , 
nommé  en  1 640 ,  fut  facré  le  2  Février  1 643  ,  &  prit  pofTeflion 
le  22  du  même  mois.  Ce  Prélat  ayant  reconnu  que  ces  prédé- 
cefTeurs  n'avoient  fait  aucune  vifite  en  règle ,  depuis  vingt  ans  , 
voulut  s'acquitter  de  ce  devoir,  &  commença  le  cours  de  fes 
vifites  en  1644  ou  1645  j  &,  en  1650,  il  obtint,  pour  Coadju- 
teur ,  François  Vifdeloup.  Il  fit  rétablir  beaucoup  de  Chapelles 
ruinées ,  augmenta  &  décora  fon  Eglife  Cathédrale  8c  fon  Pa- 
lais épifcopal  ,  &  fit  de  grandes  réparations  au  château  de 
Lenniron. 

François   de  Vifdeloup  ,  fils  de   Gilles  ,    Chevalier ,  Seigneur 

de  la  Goublaye ,  &  de  Françoife  de  Quellenec  ,  Chanoine  & 

Chantre  de  Quimper,  fut  nommé  Coadjuteur  de  la  même  Eglife 

en  1(550  ;  il  fut  facré  Evêque  deMadaure^  le  7  Mai  K351  ,  par 

Tome  III»  T  5 


514  QUI 

l'Evêque  de  Dol ,  afîlflé  des  Evêques  de  Vannes  &  de  Saint- 
Malo  :  il  fut  nommé  à  l'Evêché  de  Léon  ,  vers  l'an  1 664, 

François  de  Coëtlogon ,  fils  de  Louis ,  Vicomte  de  MejufTeau- 
me  ,  fut  nommé  à  l'Evêché  de  Quimper ,  après  la  mort  de  René 
du  Louet.  Ce  Prélat  foufcrivit  à  la  requête  qui  fut  préfentée 
au  Roi  ,  au  nom  du  Clergé ,  en  1 68  5  ,  &  amfta  au  Concile 
provincial  de  Tours  en  1699:  il  mourut  en  1707  ,  &  fut  inhumé 
dans  fa  Cathédrale ,  fous  une  pyramide  de  marbre. 

François-Hyacinthe  de  Ploeuc  du  Timeur ,  nommé  &  facré  en 
1707,  fit  fon  entrée  folemnelle  au  mois  d'Août  même  année, 
pubha  des  Statuts  le   10  Avril   1710,  &  mourut  en  1739. 

Augufte-François-Annibal  de  Farci  de  Cuillé ,  nommé  &  facré 
en  1739  ,  réunit ,  par  Arrêt  du  Confeil ,  à  la  ville  de  Quimper, 
fon  château  de  Lenniron ,  qui  dépendoit  auparavant  de  la  ParoifTe 
de  Locmaria  ;  il  mourut  en  1771. 

N....  de  Flammarens,  nommé  en  1771  ,  fut  facré  à  Morlaix, 
pendant  la  tenue  des  Etats  en  cette  ville  ,  au  mois  de  Janvier 
1772,  &  fut  transféré  à  Perigueux,  fur  la  fin  de  la  même 
année. 

M.  Conen  de  Saint-Luc ,  nommé  en  1773  ,  gouverne  actuelle- 
ment l'Eglife  de  Quimper. 

QUIMPER-GUEZENNEC;  à  3  lieues  au  Sud-Eft  de  Tréguier, 
fon  Evêché  j  à  28  lieues  de  Rennes  j  &  à  deux  tiers  de  lieue  de 
Pontrieux ,  fa  Subdélégation.  Cette  ParoifFe  eft  un  Patronage 
laïque ,  dont  M.  de  Coëtrieux  eft  le  Seigneur.  On  y  compte 
3000  communiants,  y  compris  ceux  de  Sainte-Clette,  fa  trêve.  Il 
s'y  exerce  une  haute  ,  moyenne  &  bafleJuftice ,  qui  refTortit  à 
Lannion.  Le  Roi  pofiede  plufieurs  fiefs  dans  ce  territoire,  qui  eft 
arrofé  des  eaux  de  la  rivière  du  LielL  II  eft  fertile  en  grains , 
foin  Se  cidre.  Le  château  de  Fniaudour ,  place  jadis  afiez  bien 
fortifiée,  apartenoit,  en  1393,  au  Duc  de  Bretagne  Jean  IV.  Le 
Connétable  de  CHfibn  ,  qui  faifoit  la  guerre  à  ce  Prince  ,  fe  rendit 
maître  du  château  de  Fniaudour,  l'an  1393  j  il  appartenoit  ,  en 
1 5 1 2  ,  au  Sire  de  Chateaubriand  :  il  a  été  démoH  depuis ,  l'on  n'en 
voit  plus  que  les  ruines  &  l'ouverture  d'un  fouterrain  qui  pafTé 
fous  la  rivière  de  Trieuc  ,  &  conduit  au  châteu  de  Ker-marquer, 
dans  la  ParoifTe  de  Ploezal.  On  en  a  fait  boucher  l'entrée  pour 
éviter  les  accidents  qu'une  curiofité  imprudente  occalionnoit 
allez  fouvent  ;  ce  châteifu  appartient  préfentement  à  M.  de 
Coëtrieux. 


QUI  5'S 

QUIMPERLE  ;  ville  tnaritime ,  dans  un  fond ,  fur  la  rivière 
de  Laita  ,  par  les  5  degrés  53  minutes  10  fécondes  de  longitude, 
&  par  les  47  degrés  5 1  minutes  8  fécondes  de  latitude  ;  à  9 
lieues  deux  tiers  de  Quimper,  fon  Lvêché  ;  à  14  lieues  de 
Vannes;  &  à  32  lieues  de  Rennes.  Cette  ville  relevé  du  Roi, 
&  compte  3000  habitants;  deux  ParoifTes  ,  Saint  -  Colomban , 
Saint-Michel;  une  Abbaye  de  l'Ordre  de  Saint  -  Benoît  ;  trois 
Couvents ,  qui  font ,  les  Jacobins ,  les  Capucins ,  les  Urfulines  ; 
&  un  Hôpital.  On  y  remarque  un  Gouvernement  de  place,  une 
Gruerie  royale  ;  une  Communauté  de  ville ,  qui  députe  aux 
Etats  de  la  province  ;  une  Subdélégation  ,  une  Brigade  de  Ma- 
réchaulîée  ;  tk  deux  Poftes ,  l'une  aux  lettres  ,  l'autre  aux  che- 
vaux. Sous  la  Sénéchauflee  royale  font  trois  Junfdiftions  infé- 
rieures, qui  font  ,  Sainte -Croix,  Guimerch  ,  &  la  Seigneurie 
de  Riec.  Quimperlé  porte  pour  armes  ,  d'hermines  au  coq  de 
gueules,  barbé,  membre,  6c  crête  d'or.  Quatre  grandes  routes 
aboutiffent  à  Quimperlé.  Le  marché  du  vendredi  eil  confidérable 
par  les  beftiaux  ,  le  bois  ,  &  les  grains  qui  s'y  trouvent  ;  les 
îix  foires  qui  s'y  tiennent  tous  les  ans  feroient  fans  doute  fleurir 
le  commerce  ae  cette  ville ,  fi  fon  port  n'étoit  prefque  comblé 
par  les  fables  qu'y  dépofent  les  rivières  d'Yfole  &  d'Ellé  ,  qui 
fe  réunifTent  en  cet  endroit ,  en  fe  jettant  dans  la  Laita  ,  qui  a 
flux  &  reflux  ,  &  fl  les  tanneries ,  autrefois  confldérables ,  n'étoient 
prefque  entièrement  tombées.  Il  faut  pourtant  efpérer  que  cette 
branche  importante  de  commerce  reprendra  fa  vigueur.  En  1753, 
Jean-Jacques-Ulric  Englier  ,  originaire  de  la  ville  de  Saint-Gai , 
en  Suifle ,  vint  fe  fixer  en  cette  ville ,  où  il  établit  une  manu- 
fa6lure  de  tannerie  ;  il  a  fait  venir  plufieurs  ouvriers  Allemands 
pour  y  travailler.  Quimperlé  efl:  entouré  de  montagnes.  La  place 
royale ,  qui  efl  à  l'entrée  de  la  ville  ,  efl  aflez  belle  ;  on  voit 
encore  avec  plaiflr  l'efcalier  de  l'Auditoire  de  la  Jurifdi8:ion 
royale  &  de  la  Sénéchauflee ,  fltué  dans  la  rue  du  château  : 
au  deflbus  de  cet  Auditoire,  font  les  halles,  qui  font  très- 
belles. 

L'Abbaye  de  Sainte-Croix  de  Quimperlé,  de  l'Ordre  de  Saint- 
Benoît,  fut  fondée,  le  14  Oftobre  1029,  par  Alain  Caignard, 
Comte  de  Cornouailles ,  dont  la  fépulture  fe  voit  dans  le  cha- 
pitre de  cette  Abbaye ,  qui  fut  conflruite  fur  les  ruines  d'un 
ancien  Hermitage  bâti  par  Saint  Gunthiern  ,  où  il  demeura  dans 
une  Chapelle  qui  fubfifloit  encore  à  la  fin  du  dernier  fiecle  : 
elle  étoit  fituée    dans   l'endroit   où   1  on   a  bâti    la   maifon  ab- 


5i6  .     Q  U  ^ 

batiale.  Orfcand  ,  Evêque  de  Quimper ,  frère  du  fondateur , 
bénit  le  premier  Abbé,  qui  fut  Saint  Gurlois. 

L'Egiife  de  cette  Abbaye  ei\  d'une  ftrufture  très-antique  ,  com- 
pofée  en  partie  de  l'ancien  château  qu'Alain  Caignard  donna 
lorfqu'il  fonda  cette  Maifon  j  on  y  voit  une  Eglife  fouterraine , 
dans  laquelle  font  les  tombeaux  de  Saint  Gunthiern  Se  de  Saint 
Gurlois.  Cette  Abbaye  ,  dont  les  autres  bâtiments  font  modernes , 
eft  un  des  beaux  Monafteres  de  la  province  :  les  Moines  qui  le 
pofTedent,  jouiiTent,  par  conceffion  des  Ducs  de  Bretagne,  de 
très-beaux  droits  en  cette  ville ,  où  ih  font  Curés  primitifs  des 
ParoiiTes  de  Saint-Michel  d^  de  Saint-Colomban. 

Le  premier  Aoiàt  1088,  Benoît,  Evêque  de  Nantes,  Abbé 
Régulier  de  Quimperlé ,  admit  à  la  Fraternité  de  cette  Maifon 
la  Duchelle  Confiance,  qui  fe  fit  long-temps  prier  avant  d'ac- 
cepter ce  bienfait  ;  peut-être,  dit  un  hiftorien,  parce  qu'elle 
croyoit  que  la  Communion  des  Saints  lui  fuffifoit  pour  participer 
aux  bonnes  œuvres  des  Moines ,  dont  l'unique  occupation  doit  être  de 
prier  jour  &  nuit  pour  tous  les  hommes;  ou  plutôt  parce  qu'elle  Içavoit 
que  cette  Fraternité  exigeoit  qu'elle  rit  j  la  Communauté  quelques 
riches  donations ,  à  quoi  elle  n'étoit  vraifemblablement  pas  portée. 

L'an  1 090 ,  l'argent  étoit  très-rare  en  Bretagne.  Le  Duc , 
qui  en  avoit  un  befoin  preiïant  pour  fubvenir  aux  dépenfes  de 
la  guerre  qu'il  faifoit  à  Geofïroi  le  Bâtard,  Comte  de  Rennes, 
ne  trouva  d'autres  moyens  de  s'en  procurer ,  que  de  vendre  une 
de  fes  Terres  aux  Moines  de  Quimperlé  ,  pour  une  fomme  de  cin- 
quante livres  &  un  cheval. 

Conan  III ,  dit  le  Gros  ,  Duc  de  Bretagne ,  étant  à  Vannes  , 
le  6  Septembre  11 46,  confirma  la  fondation"  de  l'Abbaye  de 
Quimperlé  ,  &  Ini  donna  l'iile  de  Belle-Iile  ,  à  condition  que 
l'Abbé  feroit  tenu  de  fervir  à  la  guerre  ,  de  faire  porter  une 
charge  de  pain  à  fon  armée ,  ik  d'y  célébrer  l'Office  divin. 
Cette  communauté  jouiiToit  d'une  Jurifdiftion  très-étendue ,  puif- 
qu'elle  la  poflédoit  aux  mêmes  conditions  qu'Alain  Caignard. 

L'an  1161,  les  Chanoines  de  Notre-Dame  de  Nantes  intentè- 
rent procès  aux  Moines  de  Quimperlé  ,  qui  poffédoient ,  depuis 
plus  de  cent  ans  ,  une  partie  de  leur  Eglife ,  en  vertu  de  la  do- 
nation que  leur  en  avoit  faite  ,  du  confentement  de  Quiriac  , 
Evêque  de  Nantes  ,  &  du  Comte  Hoël ,  la  DucheiTe  Berihe, 
veuve  d'Alain,  Ce  procès  fut  très-férieux  j  les  deux  partis  s'ex- 
communièrent mutuellement,  &  ne  purent  s'accommoder.  Les 
Moines   de  Quimperlé ,  ennuyés  d'une   fi  longue  conteflation , 


QUI  517 

cédèrent  leurs  droits  à  TAbbaye  de  Saint-Sauveur  de  Redon, 
qui   en  jouit  plus  de  quatre  cents   ans. 

Guiomark  ,  Vicomte  de  Léon ,  prétendoit  jouir ,  de  temps 
immémorial ,  du  droit  de  donner  des  brefs  à  fes  vaffauxj  &  ce 
droit  lui  étoit  contefté  par  le  Duc  Jean  I.  On  en  vint  aux  voies 
de  fait  :  le  Vicomte  envoya  des  troupes  qui  brûlèrent  &  rédui- 
fîrent  en  cendres  le  château  de  Quimperlé ,  l'an  1247,  félon 
d'Argentré ,  &,  félon  d'autres,  en  1239. 

Le  Couvent  des  Jacobins  fut  fondé  en  1255,  par  Blanche 
de  Champagne ,  époufe  du  Duc  de  Bretagne  Jean  L  Lobineau 
dit  que  cette  PrincefTe  fit  bâtir  ce  Monaftere  pour  des  Religieux 
de  l'Ordre  de  Saint-Dominique ,  qu'elle  l'appella  l'Abbaye  Blanche , 
tant  par  rapport  à  fon  nom,  que  pour  ne  pas  la  confondre  avec 
l'Abbaye  de  Sainte-Croix ,  qui  eft  habitée  par  des  moines  noirs. 
On  voit  dans  ce  Monaftere  une  grande  falle  où  le  Duc  Jean 
III  aflembla  fes  Etats,  l'an  13  15. 

Le  Duc  Jean  I  trouvoit  la  fituation  de  Quimperlé  fi  avanta- 
tageufe  &  fi  agréable  ,  qu'il  entreprit ,  vers  l'an  1 27 1  ,  d'y  bâtir 
une  nouvelle  ville,  à  peu  de  dilîance  de  l'ancienne,  qu'il  ne 
pouvoit  enlever  à  TAbbaye  de  Sainte-Croix  ,  à  qui  fes  prédé- 
cefleurs  en  avoient  tant  de  fois  confirmé  la  poffeflion.  Mais , 
pour  rendre  plus  confidérable  fa  ville  ,  qu'il  appella  le  Bourgneuf^ 
il  traita  avec  les  Moines  :  il  demanda  d'être  affocié  à  partager , 
moyennant  certaines  rétributions  ,  les  revenus  de  la  halle ,  des 
moulins  â  moudre  le  grain  &  à  foulon ,  du  four  à  ban ,  &  de 
la  rente  feigneuriale  ,  appellée  taille  ^  due  par  les  habitants.  Hors 
ces  quatre  efpeces  de  revenus  fpécialement  exprimés ,  tous  les 
autres  droits  ,  mêiue  ceux  de  haute-Jufiice  ,  demeurèrent  aux 
Moines;  il  y  eut  pourtant  dans  la  fuite  un  procès  pour  fçavoir 
qui ,  du  Duc  ou  des  Moines ,  auroit  le  droit  de  Juftice.  Il  fut 
plaidé,  le  12  Mars  1402  ,  dans  le  Confeil  du  Duc,  oii  préfidoit 
Jeanne  de  Navarre,  Ducheffe  de  Bretagne  ,  tutrice  du  jeune 
Duc  Jean  V,  fon  fils.  On  ne  fçait  pas  précifément  quelle  fut 
la  décifion  de  l'affaire  ;  mais  on  peut  ,  en  quelque  forte ,  la 
deviner  parle  contenu  de  l'aveu  que  rendit,  l'an  1 541,  Daniel, 
Abbé  de  Quimperlé.  Cette  pièce  nous  apprend  que  la  Jufi:ice 
devoir  fe  rendre  dans  l'audience,  comme  dans  l'Abbaye  ,  les 
mardis  &  famedis  ,  par  les  Juges  royaux  de  Carhaix  ,  &  en 
leur  abfence,  par  les  Juges  de  l'Abbaye. 

En  1342 ,  Louis  d'Efpagne  ,  après  avoir  ravagé  le  pays  de  Gué- 
rande  &  des  environs,  vient  avec  fa  flotte  dans  la  rivière  de 


^i8  QUI 

Laita  ou  de  Quimperlé ,  &  fait  mettre  pied  à  terre  à  ûx  mille 
hommes  de  Tes  troupes ,  avec  ordre  d'aller  piller  les  habitams 
de  l'endroit.  Pendam  qu'ils  répandem  la  terreur  à  la  ville  Se 
à  la  campagne  ,  Gautier  du  Mauni ,  Amauri  de  Cliflbn  ,  Yves 
de  Treziguidi,  Landreman  de  Cadoudal ,  du  parti  de  Montfort, 
arrivent ,  avec  trois  mille  hommes ,  attaquent  les  vaifîeaux  qu'ils 
trouvent  fans  défenle ,  s'en  emparent ,  &  vont  à  la  rencontre 
des  ennemis  qui,  occupés  de  leur  butin,  couroient  çà  &  là, 
fans  ordre.  De  fix  mille  qu'ils  étoient ,  il  ne  s'en  fauve  que  trois 
cents ,  encore  font-ils  faits  pnfonniers  de  guerre  :  tout  le  refle  eft 
tué.  Louis  d'Efpagne  fe  voit  lui-même  fur  le  point  d'être  pris , 
&  ce  n  efl  qu'avec  beaucoup  de  peine  qu'il  arrive  au  camp  de 
Charles  de  Blois  ,  après  avoir  perdu  tout  fon  monde  &  abandonné 
fa  flotte  à  l'ennemi. 

Jean ,  Comte  de  Montfort ,  Compétiteur  de  Charles  de  Blois , 
mourut  à  Hennebon,  le  16  Septembre  1345  ;  il  fut  porté  à  Quim- 
perlé ,  &  inhumé  dans  l'Eglife  des  Jacobins ,  dans  un  Tombeau 
de  bronze ,  recouvert  d'une  pierre  tombale ,  marqué  d'une  fimple 
Croix  en  rehef. 

L'an  1590,  Quimperlé  étoit  gardé  par  le  Duc  de  Mercœur  j 
au  mois  de  Mai  de  cette  année ,  un  détachement  confidérable  de 
l'Armée  du  Roi  arrive  devant  cette  ville ,  au  milieu  de  la  nuit , 
attache  des  pétards  aux  Portes  ,  &  les  fait  fauter  à  la  pointe  du 
jour  ,  furprend  la  ville,  &  la  pille.  Le  Gouverneur,  François  du 
Châtel ,  Seigneur  de  Mêle  ,  elt  obhgé  de  fe  fauver  en  chemife  -, 
les  foldats  s'emparent  de  tout ,  puis  vont  attaquer  l'Abbaye  de 
Sainte-Croix ,  que  les  habitants  avoient  fait  fortifier ,  pour  y  dé- 
pofer  ce  qu'ils  avoient  de  plus  précieux.  La  Communauté  eft  for- 
cée ,  &  toutes  les  richefTes ,  tant  des  Moines  que  des  habitants 
font  diilribuées  aux  foldats  vainqueurs. 

En  1665  ,  le  Roi  érige  un  Siège  Royal  à  Quimperlé,  &  par 
cet  établifl^ement  anéantit  la  Jurifdiftion  des  Moines.  Ce  Siège  eft 
compofé  d'un  Sénéchal  de  la  SénéchaufTée  ,  lequel  eft  Confeiller 
du  Roi,  feul  Juge  de  Police  &  des  caufes  de  Sa  Majeftéj  d'un 
Confeiller  du  BaiUi  ou  alloué  -,  &  d'un  Procureur  du  Roi. 

Cette  ville ,  &  particulièrement  la  ParoifTe  de  Saint-Colomban , 
étoit  autrefois  fortifiée  de  bons  murs  ,  qui ,  a  la  prière  de  la 
Communauté  &  du  Corps  Municipal,  qui  députe  aux  Etats ,  furent, 
par  permiffion  du  Roi  ,  démolis  l'an  1 680  ;  les  matériaux  en 
furent  employés  à  la  conftru£lion  d'un  quai,  qui  eft  aflez  beau  ; 
depuis  cette  démolition ,  la  partie  de  cette  ville  qui  étoit  clofe  y 


QUI  ^,9 

a  été  impofée  aux  foiiages ,  qu'elle  ne  fupportoît  pas  précédem- 
ment. Les  chefs-rentes  payées  au  Domaine  du  Roi ,  fur  partie  de 
ces  murs ,  en  ont  fait  conferver  quelques  relies ,  qui  annoncent 
que  les  deux  rivières  en  formoient  les  douves. 

La  Chapelle  de  Notre  -  Dame  ,  dite  la  Chapelle  des  Ducs  ,  efl 
une  ancienne  Collégiale ,  fondée  par  les  Souverains  ;  tous  les 
connoifTeurs  admirent  la  conllruftion  de  cette  Chapelle,  bâtie 
fur  les  ruines  d'une  Egiife  dont  les  refies  forment  la  nef,  &  annoncent 
la  plus  haute  antiquité;  depuis  1765  ,  on  y  a  tranfporté  l'Eglife 
paroiffiale  de  Saint  -  Michel ,  tombée  en  ruine  ^  c'eft  auprès  de 
cette  Chapelle  que  font  fitués  les  Couvents  des  Capucins  &  des 
Urfulines  ;  l'un  &  l'autre  fondés  à  la  fin  du  dernier  fiecle. 

La  Chapelle  de  Saint-Laurent  &  le  Prieuré  de  Sainte- Catherine, 
dont  l'Eglife  eft  de  la  plu5  grande  antiquité. 

Dans  un  cimetière  de  Quimperlé ,  font  des  veines  de  terre  ,  qui 
ont  la  propriété  de  préferver  de  la  corruption  les  corps  qui  y  font 
inhumés. 

QUIMPERVEN  ;  à  i  lieue  trois  quarts  à  l'Oueft-Sud-Oueft  de 
Tréguier ,  fon  Evêché  ;  à  3 1  lieues  de  Rennes  ;  &  à  i  Heue  de 
Lannion  ,  fa  Subdélégation  &  fon  reflbrt.  Cette  Paroiffe  relevé  du 
Roi,  &  compte  700  communiants  :  la  Cure  eft  à  l'alternative. 
Des  terres  labourables ,  des  prairies  ,  des  landes ,  des  arbres  à 
fruits ,  des  bois ,  des  buiflbns  ;  voilà  ce  que  préfente  à  la  vue  ce 
territoire  ,  arrofé  des  eaux  de  la  rivière  de  Tréguier.  On  y  connoît 
les  maifons  nobles  de  Kerlafl ,  de  Rofmar ,  &  de  Ker-daniel. 

QUINTENIC;  à  6  lieues  à  l'Eil  de  Saint-Brieuc ,  fon  Evêché; 
à  1 5  lieues  de  Reiines  ;  &  à  2  lieues  de  Lamballe  ,  fa  Subdé- 
légation. Cette  Paroiffe  reffortit  à  Jugon ,  &  compte  300  com- 
muniants :  la  Cure  efl  à  l'alternative.  Bleporo  ,  moyenne- Juflice  ; 
la  Sorais ,  moyenne  -  Juflice  ,  à  M.  d'Andigné  de  la  ChâfTe  ;  la 
Vallée,  bafîé- Juflice  ,  à  M.  Lefruglais  de  Lourmel.  Ce  territoire, 
en  partie  occupé  par  la  forêt  de  la  Hunaudaye ,  contient  peu  de 
terres  labourables ,  quelques  prairies  ,  &  des  landes. 

QUINTIN  ;  ville  dans  un  fond  ,  fur  la  rivière  de  Gouet ,  par 
les  5  degrés  16  minutes  de  longitude  ,  &  par  les  48  degrés  23 
minutes  48  fécondes  de  latitude  \  à  4  lieues  de  Saint-Brieuc ,  fon 
Evêché  ;  &  à  2 1  lieues  de  Rennes.  Trois  grandes  routes  abou- 
tiflent  à  cette  ville,  où  l'on  trouve  une  Egiife  Collégiale,  une 


510  Q  U  I 

Paroiffe ,  fous  le  nom  de  Salm-Thunau  ;  deux  Communautés  ReK- 
gieufes  ,  qui  font  les  Carmes  ,  les  Urfulines  ;  un  Hôpital  ,  une 
Communauté  de  ville  ,  qui  a  droit  de  députer  aux  Etats  ;  une 
Subdélégation  ,  une  brigade  de  Maréchaulfée ,  une  Maitrife  des 
Eaux  &  Forêts  ,  &  une  Pofte  aux  lettres.  On  y  compte  4600 
habitants,  &  l'on  y  remarque  un  très-beau  château  ,  bâti  dans 
l'emplacement  de  l'ancien ,  qui  avoit  été  démoli.  Cette  ville 
porte  pour  armes,  d'argent  au  chef  de  gueules  brifé  en  chef 
d'un  lambeau  à  trois  pendants  d'or. 

Quintin  eft  une  ville  très  -  commerçante  ;,  les  m.archés  qui  fe 
tiennent  les  Mardis  &  Vendredis  font  conlidérables  par  la  quan- 
tité de  toiles  larges  &  de  fils  qui  s'y  vendent  ;  mais  c'eft  peu  de 
chofe  en  comparaifon  des  quatre  grandes  foires  qui  s'y  tiennent 
par  chaque  année  :  cette  ville  eft  le  che-f-lieu  du  Duché  de  Lorges  j 
mais  ce  n'eft  ni  un  Comté ,  ni  une  Vicomte ,  ce  n'efr  feulement 
qu'une  échpfe  de  la  Baronnie  d'Avaugour  ,  démembrée  en  faveuF 
d'un  cadet  de  cette  maifon  j  cette  ville  étoit  autrefois  bien  for- 
tifiée. Le  premier  Seigneur  de  Quintin  ,  dont  nous  ayons  con- 
iioiil'ance  ,  ell:  GeoiFroi  I  du  nom ,  fils  d'Alain  I ,  Comte  de  Pen- 
thievre  &  de  Goèlo  ,  qui  eut  en  partage  la  Seigneurie  de  Quintin  , 
l'an  1 209  ,  &:  la  tranfmit  à  fa  poilérité. 

L'an  1363  ,  Hugues  de  Montrelaix,  Evêque  de  Saint-Brieuc  , 
conféra  la  Chapellenie  de  Saint-Jean  de  Quintin ,  à  Jean  Grenetj 
cette  Chapelle ,  qui  fe  nomme  aujourd'hui  le  vieux  Château^  s'ap- 
pelloit  alors  Château-neuf  ^  il  en  reile  encore  des  vefliges. 

Le  15  Mai  1405  ,  Geoffroi  V  du  nom,  Seigneur  de  Quintin, 
&  Beatrix  de  Thouars ,  fon  époufe ,  fondèrent  l'Eglife  Collégiale 
de  Quintin  ,  &  lui  afTignerent  les  dîmes  de  la  Paroilfe  de  Quellby, 
qui  fournifToient  environ  trente  -  fix  tonneaux  fîx  perrées  de  gros 
bled ,  mefure  de  Moncontour ,  de  rente  annuelle ,  valant  commu- 
nément  la  fomme  de  120  livres  j  cette  Collégiale  efl  compofée 
d'un  Doyenné  &  de  dix  Canonicats  ,  qui  font  préfentés  par  les 
Seigneurs  de   Quintin. 

L'an  141 4,  Geoifroi  ,  Seigneur  de  Quintin,  &  Beatrix  de ' 
Thouars ,  fon  époufe  ,  firent  une  autre  fondation  de  cinq  Prében- 
des canoniales ,  &  de  deux  enfants  de  chœur  ,  dans  la  Chapelle 
de  leur  château  ,  &  afîignerent  à  cette  fondation ,  trente-deux  ton- 
neaux de  gros  bled ,  mefure  de  Moncontour.  Beatrix  de  Thouars 
mourut  dans  le  courant  de  cette  année ,  fon,  époux  ne  lui  fur- 
vécut  pas  long-temps,  &  ne  lailTa  point  de  pollérité. 

Pleiou  de  Quintin  »  devenue  héritière  de  la  Terre  de  ce  nom, 

la 


Q  U  I  511 

la  porta  dans  la  maifon  du  Perrier,  par  fon  mariage  avec  Geo.^rci, 
Seigneur  du  Perrier,  vers  l'an  1424. 

L'an  143  I  ,  François  de  la  Rue  ,  Doyen  de  la  Collégiale  ,  fonda, 
dans  cette  Eglife ,  une  Prébende ,  pour  laquelle  il  donna  une 
maifon  &  une  métairie  nobles. 

L'an  1438,  Jean  du  Perrier,  Seigneur  de  Quintin,  fonda  en- 
core trois  autres  Prébendes,  qu'il  dota  de  foixante  raz  de  feigle, 
mefure  de  cette  ville ,  à  prendre  fur  les  dîmes  de  fa  Seigneurie. 

L'an  1451  ,  Pierre  II,  Duc  de  Bretagne,  érigea  la  Seigneurie 
de  Quintin  en  Baronnie  ,  en  faveur  de  Triftan  du  Perrier  ,  Sei- 
gneur de  Quintin  ;  cette  Baronnie  relevé  encore  aujourd'hui  en 
partage  de  celle  d'Avaugour ,  d'après  l'Arrêt  rendu  par  le  Par- 
lement de  Paris  ,  toutes  les  Chambres  aflemblées  ,  le  16  Mai 
1637.  Le  10  Mars  1471  ,  Trillan  du  Perrier,  Baron  de  Quintin, 
fonda  deux  Prébendes  dans  la  Collégiale  ,  &  les  dota  de  quinze 
juftes  &  trois  boiiléaux  de  feigle  ;  la  Baronnie  de  Quintm  pafla 
à  la  maifon  de  Rohan  ,  par  le  mariage  de  Pierre  de  Rohan , 
Seigneur  de  Gie ,  avec  Jeanne  du  Perrier ,  héritière  de  cette 
Baronnie. 

Au  mois  de  Juillet  1487,  la  ville  &  château  de  Quintin  furent 
pris  par  les  Capitaines  de  Rocerf  &  le  Long  ,  qui  y  commirent 
les  plus  grands  défordres.  Pierre  de  Rohan  voulut  faire  réparer 
ces  deux  Places  ;  mais  comme  on  étoit  occupé  à  y  travailler , 
le  Capitaine  Gouiguet  y  vint  mettre  le  fiege  ,  &  s'em.para  de  la 
Place ,  qui  n'avoit  pu  fe  défendre  :  elle  fut  encore  reprife  quel- 
que temps  après  ,  de  forte  que  dans  l'efpace  d'un  an  cette  ville 
changea  trois  fois  de  maître. 

L'ancien  Hôpital  de  Quintin ,  fondé  par  les  premiers  Seigneurs 
du  lieu  ,  tomba  en  ruine  ,  de  vétufté  ,  vers  l'an  1498.  Jeanne 
du  Perrier ,  époufe  de  Pierre  de  Rohan ,  donna  une  maifon  avec 
fes  dépendances ,  fîtuée  dans  un  des  fauxbourgs  près  la  grande 
porte  de  ville  ,  pour  y  tranfporter  cet  Hôpital  ;  on  transféra , 
dans  le  même  endroit,  la  Chapellenie  de  Saint-Jean. 

Au  mois  d'Oftobre  1 592  ,  le  Duc  de  Mercœur  affiégea  Quintin , 
qui  pour  lors  appartenoit  au  Comte  de  Laval.  Le  Capitaine 
Dulifcouet  foutint ,  avec  la  plus  héroïque  valeur ,  tous  les  efforts 
des  aiiiégeants ,  pendant  douze  jours  ;  mais  il  fallut  enfin  céder 
au  plus  fort ,  &  rem.ettre  la  Place  :  Mercœur  n'en  fut  pas  long- 
temps le  maître  ;  les  habitants  ,  qui  étoient  fort  attachés  au  Comte 
de  Laval ,  leur  Seigneur  ,  facilitèrent  l'entrée  de  leur  ville  au  Ca- 
pitaine la  GifFadiere  ,  Officier  brave  &  expérimenté ,  qui  furprit 
TorriQ  IIL  V  5 


5a2.  QUI 

la  garnifon ,  la  mît  en  fuite ,  ôc  fournit  la  ville  &  le  château  à 
l'obéiiTance  du  Roi  Henri  IV. 

On  conferve ,  dans  l'Eglife  de  Notre-Dame  de  Saint-Blain,  . 
(c'eil  la  Collégiale,  )  à  Quintin ,  un  morceau  de  la  cemture  de 
la  Vierge  Marie  ,  apporté  ,  dit-on  ,  de  Jérufalem ,  par  les  anciens 
Comtes  de  Laval  :  il  eft  de  réfeau  de  fil  blanc ,  &  les  mailles 
en  font  inégales  ;  on  porte  cette  précieufe  relique  en  proccilion  , 
le  jour  de  fAiîomption,  à  l'Eglife  de  Saint-Thuriau.  Dans  la  nuit 
du  7  au  8  Janvier  1600 ,  le  Sacriilain  ,  qui  avcit  coutume  de  cou- 
cher dans  cette  Collégiale,  s'étoit  enivré,  de  forte  qu'à  n'eut  pas 
l'attention  d'éteindre  fa  chandelle ,  qui  mit  le  feu  à  fon  lit  j  l'in- 
cendie fe  communiqua  avec  violence  ,  brûla  tous  les  ornements  ôc 
fondit  les  vaies ,  les  croix  ,  les  châfîes ,  &  les  reHquaires  d'or  & 
d'argent.  Quatre  jours  après  on  remua  les  cendres,  bi.  Ion  trouva 
le  coffre  où  étoit  renfermé  la  portion  de  la  'ceinture  de  la  Sainte 
Vierge ,  qui  étoit  dans  une  boite  de  bois  garnie  de  fer ,  &  cou- 
verte de  trois  autres  ceintures  d'une  riche  étoffe  ;  tout  étoit  brûlé 
ôc  réduit  en  cendres  ,  à  l'exception  de  la  précieufe  relique ,  qui 
avoir  feulement  perdu  une  partie  de  fon  éclat ,  fans  être  aucunement 
endommagée.  En  aftion  de  grâces  de  cette  miraculeufe  conlérva- 
tien ,  on  ht  une  Proceflion  folemnelle  ,  &  l'on  chanta  le  Te 
Deum, 

Les  Pères  Carmes  furent  fondés  à  Quintin  l'an  1620.  André 
le  Porc  ,  Evêque  de  Saint-Brieuc  ,  bénit  la  première  pierre  de 
leur  Eglife,    qui   eff  dédiée  à  Notre-Dame  de  Bonne-Nouvelle. 

La  Baronnie  de  Quintin  entra  dans  la  maifon  de  la  TrimouiUe, 
vers  l'an  1636  j  mais  ,  comme  le  Parlement  décida,  par  fon  Ar- 
rêt du  16  Mai  1637,  que  cette  Seigneurie  releveroit  en  partage 
de  la  Baronnie  d'Avaugour  ,  le  Duc  de  la  Trimouille ,  ne  voulant 
pas  fe  foumettre  à  cet  arrangement ,  qui  FobHgeoit  à  faire  hom- 
mage au  Seigneur  d'Avaugour,  la  vendit  peu  après  au  Marquis 
de  la  Mouffaye. 

Henriette-Catherine  de  la  Tour  d'Auvergne,  fille  de  Henri, 
Duc  de  Bouillon ,  fœur  du  Vicomte  de  Turenne  ,  &  époufe 
d'Amauri  de  Goyon,  Marquis  de  la  Mouffaye  ,  Baron  de  Quintin, 
étoit  de  la  ReHgion  Calvinifle  ;  en  1 666 ,  elle  faifoit  travailler  à 
la  conftruftion  du  château  dans  lequel  elle  affembloit  des  per- 
fonnes  de  fa  religion.  Denis  de  la  Barde  ,  Evêque  de  Saint- 
Brieuc,  ci-devant  Aumônier  &  Prédicateur  du  Boi,  ne  put  fouf- 
frir  la  conduite  de  cette  Dame ,  &  s'en  plaignit  au  Roi  Louis 
XIIL  Le  Monarque  ne  fut  pas  plutôt  informé  de  ce  qui  fe  paffoit, 


QUI  ^,3 

qu'il  fit  défendre  à  la  Marquife  de  continuer  les  travaux  de  ion 
château ,  &  d'y  tenir  des  afTemblées  réprouvées  par  les  loix.  Les 
enfants  du  Marquis  de  la  Mouflaye  &  de  Htruiette  de  ia  Tour 
partagèrent  la  Baronnie  de  Quintin  ,  l'an  1680  ,&  la  vendirent^ 
l'année  fuivante  ,  à  Gui-Aldonce  de  Durfort  ,  Capitaine  des 
Gardes  du  Corps,  Chevalier  des  Ordres  du  Roi ,  Gouverneur  de  Lor- 
raine ,  fils  cadet  de  Gui-Aldonce  de  Durfort ,  Marquis  de  Duras  , 
&  d'Ehfabeth  de  la  Tour.  Comme  ce  Maréchal  s'étoit  fort  dillingué 
dans  les  armées  qu*il  commandoit ,  le  Roi ,  pour  récompenfe  de 
fes  fervices  ,  érigea  en  Duché  la  Terre  de  Quintin  ,  avec  union 
«les  Terres  de  Pommerit ,  d'Avaugour ,  &  de  l'Hermitage ,  pour 
lui  &  fes  fucceffeurs  mâles  ;  les  lettres  furent  vérifiées  en  Par- 
lement ,  le  23  Mars  1691.  Le  Maréchal,  Duc  de  Quintin, 
mourut  le  22  061obre  1702  ,  à  l'âge  de  foixante-douze  ans.  II 
avoit  époufé  Geneviève  Fremont ,  fille  de  Nicolas  Fremont ,  Sei- 
gneur d'Auneuil ,  Garde  du  tréfor  royal ,  de  laquelle  il  eut  Gui- 
Nicolas  qui  fuit.  Genevieve-Françoife  de  Durfort ,  mariée ,  le  8 
Avril  1 69  5 ,  à  Louis  de  Saint-Simon ,  Duc  &  Pair  de  France ,  Gou- 
verneur de  Blaye,  &  Grand-Bailli  de  Senlis  :  &  Geneviève-Marie 
de  Durfort ,  qui  époufa,le  21  Mai  1(395  ,  Antoine  de  Caumon , 
Duc  de  Lauzun  ,  ChevaKer  de  la  Jarretière ,  &c.  Gui-Nicolas  de 
Durfort,  Duc  de  Quintin,  né  en  1683  ,  époufa  ,  le  14  Décembre 
1702  ,  Elifabeth-Genevieve ,  fille  de  Michel  de  Chamillard,  Com- 
mandeur des  Ordres  du  Roi ,  Minillre  &  Secrétaire  d'Etat ,  &  Con- 
trôleur général  des  Finances  ,  de  laquelle  il  eut  Gui-Michel  de 
Durfort. 

Lettres-Patentes  du  15  Décembre  1706,  portant  permifîion  de 
changer  le  nom  du  Duché  de  Quintin ,  en  celui  du  Duché  de 
Lorges  y  en  faveur  du  Duc  de  Lorges.  Les  Seigneurs  de  ce  nom^ 
font  une  branche  cadette  de  l'illufire  maifon  de  Durfort ,  originaire 
de  la  Province  de  Guyenne  :  ils  jouifTent  encore    de  ce  Duché, 

Le  territoire  de  Quintin  renferme  le  château  de  Robien  ,  qui 
appartenoit ,  en  1 3  4(5 ,  à  Louis  ,  Chevalier ,  Seigneur  de  Robien ,. 
qui  fe  fignala  au  Siège  de  Rennes  l'an  1356.  Ce  château  fut 
pris,  pillé ,,  &  prefque  détruit  en  i486.  On  y  prit  pour  plus  de 
cinq  mille  livres  de  meubles,  ce  qui  faifoit  une  fomme  confidé- 
rable  alors. 

Quintin  ,  haute  ,.  movenne  &  bafle-Juflice  ;  A vaugour ,  haute  y, 
moyenne  &  bafie-Jufiice ,  à  M.  le  Duc  de  Lorges  :  Robien ,. 
Eaute,  moyenne  &:  baffe  >- Juftice  ;  la  Ville- M aingui ,  haute  ^ 
moyenne  &  baffe-Juiiice ,;  à  M.  Le  Préfident  de  Robien..  La  Ville- 


SH Qui_  , 

Maingui  fut  jadis  pofîedée  par  le  Capitaine  Gauteron,  qui  fe 
diilingua  d'une  manière  fi  éclatante  ,  pour  la  défenfe  du  Royaume , 
que  le  Roi  ordonna  qu'il  fût  fait  Chevalier  de  fon  Ordre  -,  & 
il  reçut  cette  dignité  à  Poitiers  le  lo  Juin  1 576  ,  par  GuiDaiilon, 
Lieutenant  général  du  Poitou.  Bienafîis ,  haute ,  moyenne  &  baffe- 
Juflice  j  la  Cote-Crapado ,  haute ,  moyenne  &  bafle-JulHce  ,  à 
M.  le  Marquis  de  Langeron  ;  Crenan ,  haute ,  moyenne  &  balTe- 
Juflice ,  à  M.  de  Crenan  j  la  Noé-Seiche ,  haute ,  moyenne  & 
bafTe-JulHce ,  à  M.  de  la  Noé-Seiche  ;  le  Grand-Quelennec ,  Ba- 
ronnie  du  Pont,  haute,  moyenne  &  baiTe-JulHce  ^  à  M.  de  Cha- 
vaignac  -,  Beaumanoir ,  haute  ,  moyenne  &  bafle-Juilice  ,  à  N....; 
Viile-Cadio  ,  moyenne  &  baffe- Juftice ,  à  M.  de  Coniac. 

QUISTINIC  ;  à  8  lieues  &  demie  au  Nord-Oueft  de  Vannes  , 
fon  Evêché  -,  à  24  lieues  &  demie  de  Rennes  j  &  à  3  lieues  ae 
Hennebon ,  fa  Subdéiégation  &  fon  reffort.  On  y  compte  2000 
communiants  :  la  Cure  eft  à  l'alternative.  La  rivière  de  Biavet 
arrofe  ce  territoire ,  qui  produit  du  grain  ,  du  foin  ,  &  du  cidre  ;  on 
y  remarque  des  landes  aflez  étendues.  Par  lettres  datées  de  Hen- 
nebon, le  13  Septembre  1345  ,  le  Duc  Jean  IV  donna  la  Terre 
&  Seigneurie  de  Quillinic  ,  tant  en  fief  qu'en  domaine  ,  à  Jeanne 
de  Beiieville ,  Dame  de  Cliffon  Se  de  Llain. 

La  haute ,  moyenne  Se  baffe-Juftice  de  Villeneuve  appartient 
à  M.  de  la  Motte- Jacquelot  :  en  1400,  Ker-arvet,  au  Sieur  de 
Saint-Nouaix  j  Guernen-Perennou  ,  à  Guillaume  Coëtdou  j  Ker-am- 
barnec ,  au  Sieur  de  Camfon. 

Fin  dii  troi/ieme  Voliwie. 


APPROBATION. 

J  'ai  lu  ,  par  l'ordre  de  Monfeigneur  le  Garde  des  Sceaux  ,  le  tome  trolfieme  , 
manufcrit,  du  Dlclionnaire.  Hijloiiqitc  &  Géographique  de  U  province  de  Bretagne  , 
&  je  n'y  ai  obfervé  rien  qui  puifle  en  empêcher  l'impieflion.  Donné  à  Paris, 
ce  1 1  Janvier  1779. 

Signé,   PHILIPPE    DE    PRÉTOT, 

Cenfeur  Royal,  des  Académies  d'Angers 

&  de  Rouen, 


taiB3tann|  ppii'ni'.iPi|  vyxijttixa|  y^faiauCTni03BitfP|y^i  "*"j3WJnniJiB|Cpoi>iJiUg 


TABLE 


JL  z.  :}p  :bi:  ^  JB  :e:  T  X  (^  xr  M 

DES     VILLES, 

PAROISSES  ,    TREVES,    ET    ABBAYES, 

Contenues  dans  ce  Volume. 


N 


N. 


I  AIZIN. 

Nantes. 

Nauftang. 

Néant. 

Nevez. 

Nevillac  ;  Kergrift  Se  le  Mouftoir ,  fes 

trêves, 
Niv'illac. 

Nizon  ;  Pont-d'Aven  ,  fa  tnve* 
Nort. 

Neuvoitou. 
Noyai. 

Nioyal-Muflîllac  ;  Guerne  ,  fa  trêve, 
Noyalo. 
Noyal-Pontivi  ;  Gueltas ,  Ker-Fourne  , 

Saint-Geran  ,  &,  Saint-Thuriau  , 

fes  trêves, 
Noyal-fous-Bazouges, 
Noyal-fur-Crnz. 
Noyai  fur  Seiche. 
Noyai  fur- Vilaine. 
Nozay, 


o. 


o 


RGERES. 
Orvault. 
Offé. 

Oudon, 


jr  ABU-LA-POTERIE ,  trêve  de  Ploumar 

goer ,  voye:^  Ploumagoer, 
Pacé^ 
Paimbœuf. 
Paimpol. 

Pdimpont;  Sainl-Peran,y2t  trevc^ 
Pancé. 
Pannecé. 
Paramé. 
Parce. 
Parigné. 
Partenay. 
Paule. 
Paulx. 
Peaule. 
Pedernec  ;   Moufterus  &  Treglamus  ^ 

fes  trêves, 
Pelllac. 
Penharf. 
Peneran  ,  trêve  de  Ploudiry ,  voye^  Plou? 

diry. 
Penmarc. 
Pennetin. 
Penvenant. 
Peret. 
Perguet. 
Peros-Hamon  ;  Lannevez  6c  Lanvignec, 

fes  trêves, 
Peros-Quirec. 


TABLE 

Perfquen. 

Peftivien. 

Petit-Mars. 

Peumerit-Cap. 

Peumerit-Quintm. 

Pierric. 

Piriac  ;  Saint-Quenton ,  fa  tnvt* 

Pire  ;  le  Bois-Trudaine  >  fa  crevé*. 

Piriac. 

Plaine  Haute. 

Plaintel  ;  Saint-Brandan  ,  fa  trêve,. 

Plancoût. 

Planguenouat. 

Plaudren  ;  Loqueltas  6c  Monterblanc  , 

fes  trêves, 
Pleboule.  * 

Plechatel. 
Pledeliac» 
Pleder. 

Pledran  ;  Saint-Careuc ,  fa  treve^ 
Pleguien^ 
Pléhédel. 
Pleherel. 
Pleiben;  le  Cloître, /ï  trêve y^  Saint- 

S^gal ,  fon  annexe, 
Pleibert-Chrift. 
Pleibert-Saint-  Egonec. 
Plejne-Fougeres. 

Plelan-le-Grand  ;  Trefandel,/^  trêve, 
Plelan-le-Petii  i  Saint-Michel ,  fa  trêve. 
Pielauflr. 
Plelin. 
Plelo. 
Plemet» 

Pleraeur-Bodou. 
Piemeur  -  Gaultier  ;    Lezardrieux  ^  fa 

trêve,. 
Plemy. 
Plené-Tugon, 
Fleneuf. 
Plerguet, 
Plerin. 
Plerneuf. 
Plefcop. 

PlefTé  ;  Rofet ,  fa  treve^. 
Pleffelas  ou,  FLefTala. 
Pleftan. 
fkjliîiii  Tremd^,  fa  trêve». 


ALPHABÉTIQUE» 

Pleubian  ;  Ker-bos  ,  fà  trêve:,. 

Pleucadeuc. 

Pleudaniel. 

Pleudihen, 

Pleven. 

Plevenon. 

PleugrifFet» 

Pleugueneuc. 

Plevin. 

Pleumeleuc, 

Pleurtuit. 

Pleuvin-Fouefnant. 

PJoabenec. 

Plobannalec. 

Plocmel. 

Ploemeur. 

Ploerin. 

Ploermel. 

Ploefidi  ;  Saint-Fiacre  ,  Salnt-Pever  5  & 

Senvenlehart ,  fes  trêves, 
Ploeuc  ;  Gauffon  ,  fa  trêve,. 
Ploeven-Porzay. 
Ploezal. 
Plogoff. 
Plomelin. 
Plomeur. 
Plomodiern.. 
Ploneis, 
Ploneour. 
PloniveL 

Plorec  ;  Lefcouet ,  fa  trêve,. 
Plouagat  -Châtel-Audren  ;    Laurodècr 

&    Saint  -  Jean  -  Kerdaniel  ,  Jb^ 

trêves, 
Plouagat-Guerand. 
Plouagat-Moifan, 
Plovan. 
Plouane. 
Plouarct. 
Plouarzel. 
Plouay. 
Ploubalay. 
Ploubaz-Nalec. 
Ploubezre. 

Ploudalmezeau  ;  Saint-Pabu  ,  fa    trêve; 
Ploudaniel  ;  Saint-Méen  ôc  Tremaoue- 

fan  ,  fes  trêves. 
f  Loudiiy  j,   Loc  -  Eguiner  y,  Peneran  , 


TABLE    ALPHABETIQUE. 

Roche-Maurice ,  la  Martyre  ,  &:    Plounerin. 


Pont-Chrift  ,fes  trêves, 
'Pîouec  ;  Runan,y^  trêve» 
Ploueclern. 

Plouenan.  ♦ 

Ploner. 

Plouerdut  ;  Locuon,y2ï  trêve, 
Plouefcat. 
Plouezoch. 
Ploufragan. 

Plougars  ;  Bodilis  ,  fa  trêve, 
Plougafnou  ;  Saint- Jean-du-doigt ,  fa    Plounez. 


Plouneventer  ;  Saint-Servaîs ,  fa  trêve* 

Plounevez. 

Plounevez-du-Faou  ;   Coloret   &  Lo? 

quefFret ,  fs  trêves. 
Plounevezel  ;     Sainte  -  Catherine     6c 

Saint- Idunet ,  fcs    trêves, 
Plounevez-Moedic. 

Plounevez-rorzai  ;    Ker-las,  fa  trêve, 
Plounevez -Quintin  ;   Tremargat  ,  fa 

trêve. 


trêve. 
Plougaftel-Daoulas. 
Plougaftel-Saint-Germain. 
PloLigommelin. 
Plougonnec. 

Plougoven  ;  Saint-Eutrope,ytf  trêve, 
Plougonvez-Chapelle-Nevez. 
Plougoulm. 
Plougouvelin. 


Plourach, 

Plouray. 

Plourhan. 

Plourin  ;  le  Cloître ,  fa  trêve, 
Plourin  ;  Breles  ,fa  trêve, 
Plourivo. 
Plouvara. 

Plouvorn  ;  Mefpaul  &  Sainte-Cathe- 
rine ,  fes  trêves. 


Plougras  ;    Lohuel    6c   Loquivi  ,   fes    Plouvien  j  le  Bourgbianc ,  fa  trêve. 


trcves. 
Plougrefcan. 
Plouguenaft. 
Plougiier - Carhaix  ;    Saint  -Tgeau 

TrefFrein  ,  fes  trêves, 
Plouguerneau. 
Plouguernevel  ;    Bonen  ,    Locmaria ,    Pludual. 

Gouarec     ou     Saint-Gilles  ,  fes    Pluduno. 

trêves, 
Plouguiel. 
Plouguien, 
Plouha. 
Plouharnel. 
Plouhinec. 
Plouhinec, 
Ploujan. 
Plouider. 

Plouigneau  ;  Lanneanou  ,  fa   trêve, 
Plouifi  ;  Saint-Michel  ,  fa  trêve. 
Ploulcch. 


Plouyé. 

Plouzanné  ;  Lomaria,y^  trêve, 
Plouzec. 
6c    Plouzelempre. 
Plouzevedé, 
Plozevet. 


Pluffur. 

PlugufFan. 

Pluherlin. 

Plumaudan, 

Plumaugat. 

Plumelec  ;  Saint  Aubin ,  y^  trevel 

Plumeliau  ;  Saint  -  Nicolas  des  Eaux  , 

fa   trêve, 
Plumelin. 

Plumergat  ;  Saint-Meriadec ,  fa  trêve, 
Plumieux. 
Pluneret. 


Ploumagoer;    Pabu-la-Poterie  Se  Saint-    Plurien. 


Agathon  ,  fes  trêves. 
Ploumiliau  ;  Ker-audri ,  fa  trêve, 
Ploumauger  ;  Lamper ,  fa  trêve, 
Plouneouriftrés. 
Plouneourmenez. 


Plufquelec  ;  Bottemel   &  Callanhuçl, 

Jes  trêves, 
Pluflulieri, 
Plufunet. 
Pluvigner. 


TABLE  ALPHABÉTIQUE. 


Pouldregat ,  yoyei 


Pocé, 

Poilley. 

Poldavi  ,  trêve    de 

Pouldregat. 
Poligné. 
Pommeleuc. 
Pommelvez. 
Pommeret. 
Pommerit-Jaudi. 
Pominerit-le-Vicomte. 
Pont-Château  ;  Sainte-Reine  ,  yà  trêve, 
PontChrift,  trêve  de  Ploudiry,   voj'ei 

Ploudiry. 
Pont-Croix. 
Pont -d'Aven,  trêve  de  Nlzon,  voyei 

Nizon. 
Pontlvi. 
Pont-l'Abbé, 
Pontrieux. 
Pordic. 
Porhoét. 
Porniç. 
Pofpoder. 
Pouillé. 
Pouidreuzic, 

Pouldregat  ;  Poldavi, y^  trêve 
PouUan. 

PôûUaouen  ;  Saint-Tudec ,  fa  trêve, 
Prat. 
Prières,  Abbaye. 


Prigné. 

Primelin.  ''^  '     ■*', 

Prince. 

Prinqueau. 

Priziac,  • 

Puceul. 

Q 

^uebriac. 

Quédillac. 

Quemeneven. 

Querfeuntun. 

Querrien. 

Quernevel. 

Queffoy. 

Queftember, 

Queven. 

Quevert. 

Quiberon. 

Quilbignon. 

Quilly. 

Quilly. 

Quimerch. 

Quimper.        * 

Quimper-Guezennec  ;    Saînte-Clette  ^ 

fa  trêve, 
Quimperlé.- 
Quimperven. 
Quintenic, 
Quintin. 
Quiftinic. 


Fin  de  la  Table  du  trolfîeme  Volume, 


^/ 


Rare 

Book.