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DICTIONNAIRE
HISTORIQUE
E T
GÉOGRAPHIQUE,
DE LA PROVfNCE
DE B RE TAGINE;
DÉDIÉ ^>^
A LA NATION BRETO%è^E>
Pur M. O G É E y Ingénieur- Géographe de cette Province.
TOME TROISIEME,
4^
2?« «<?/« Imprlmmc,
Va T â R , fîls aîné , feul Imprimeur - Libraire ordinaire du Roi , & de h Chambre des
Comptes , à Nantes , place du Pilori.
M. Dec. L X X I X.
Avec Approbation & Privilège du Rou
AVIS.
Le Publie ejl averti que cette Edition , faite fous les yeux de
l'Auteur , efl la feule à laquelle on doit ajouter fol : on la reconnoura
à la Jîgnature & au paraphe ci-dejfous, 1
^^yyyyyy^f
'"^^-^f^^^'S^"
DICTIONNAIRE
HISTORIQUE
E T
GÉOGRAPHIQUE
DE LA PROVINCE
D E
E T A G N E.
N
AIZIN ; à 8 lieues trois quarts au Nord de Vannes , fon Evê-
ché ; à 17 lieues trois quarts de Rennes ; & à 2 lieues trois quarts
de Pontivi, fa Subdélégation. Cette ParoifTe, dont la Cure eft à
l'alternative, compte 2000 communiants , & relTortit à Ploermel.
La bafîe-Juftice du Gué-de-l'Ifle appartient à M. Jacquelot. Ce
territoire eft fertile en grains & foin 5 mais il n'eft pas aufli exac-
îîement cultivé qu'il pourroit l'être : on y voit des landes dont
le fol n'eft pas indigne des foins du cultivateur.
En 1 296 , Henri de Kergouet , Seigneur de Naizin , vend à
Alain , Vicomte de Rohan , tout ce qu'il poffede dans cette Pa-
Toiffe. Depuis ce temps , les domaines aliénés par Henri font
toujours reftés à la maifon de Rohan.
4 NAI=NAN
Les manoirs nobles de Ker-dréan & du Teil-Porman font dan^
ce territoire.
NANTES ; ville avec titre de Comté j par les 3 degrés 5 3 mi-
nutes 48 fécondes de longitude, Se par les 47 degrés 13 mi-
nutes 7 fécondes de latitude-, & à 22 lieues de Rennes.
Duchefne, dans fes antiquités de la France .^ & autres hiftoriens,
mettent Nantes au rang des plus anciennes villes des Gaules,
Tous ceux qui ont parlé de fon origine , n'ont pas manqué de
former mille conje6lures hazardées. Selon les uns , elle fut fondée
par le célèbre Namnès , qui vivoit , dit-on , trois cents ans après
le déluge , douze cents quarante ans avant Jefus-Chrill. Voici
comment ils raifonnent : Après la confufion miraculeufe des lan-
gues , les pères de famille fe féparerent , & fe répandirent dans
tout l'Univers. Les defcendants de Japhet fe fixèrent dans le
Nord ; & , à mefure qu'ils multiplioient , ils fe répandoient dans
le pays. Namnès , un des chefs de ces Peuples , vint s'établir
fur les bords de la Loire , & y fit bâtir quelques cabanes pour
lui & ceux qui le fuivoient. Tels furent les commencements de
la ville de Nantes. On ne pouvoit trouver une plus illuftre
origine. Namnès pafFe pour le premier habitant de la Bretagne,
& même de la Gaule ; & l'exiltence de ce Prince , ou père de
famille , une fois prouvée , on en pourroit conclure que Nantes
eft la plus ancienne ville du Royaume , parce qu'il feroit facile
de démontrer, par l'analogie qui fe trouve entre les deux noms
Namnès & Nantes^ que le fameux aventurier ell le fondateur
de cette cité. Malheureufement aucune pièce , aucun monument
digne de foi , ne peut nous fervir de guide dans l'obfcurité de
ces liecles reculés, & l'exillence de Namnès fera toujours très-
douteufe : on peut même dire que , quand on la fuppoferoit réel-
lement prouvée , on n'en pourroit encore rien conclure , parce
qu'on pourra toujours regarder comme une fable (on arrivée
dans les Gaules, ou fon établiffement fur les bords de la Loire,
dans le Comté de Nantes. Ce ne feroit pas d'ailleurs une chofe
bien extraordinaire , qu'une ville portât le nom d'un homme mort
deux ou trois fiecles auparavant.
Selon les autres , Nantes tire fon nom du mot celtique
nant , qui fignifie fleuve & eau courante , & par conféquent
Nantes veut dire^ la cité du fleuve , ou ville bâtie fur un fleuve.
Ce fentiment, qui fait penfer que Nantes a été bâtie par les
Celtes , ne nous inllruit point de fon origine i ainfi il peut être
NAN $
i-egatdé co!nme tout-à-fait inutile pour afîîgner fon antiquité,
Conradianus , Evêque de Saiisbury , dans fa defiriptlon de l'une
& l'autre Bretagne , dit que les Nantais rendoient les honneurs
divins à Noë , fous le nom de Volianus, Si cette alFertion étoit
prouvée , on en pourroit peut-être tirer quelques lumières : mais
elle ne peut l'être , &: nous allons même détruire plus bas l'opinion
du Prélat Anglais , par des raifons qui nous paroifTent con*
vaincantes.
Quoi qu'il en foit de ces différentes opinions, comme chacuiï
peut avoir la fienne , nous penfons que Nantes ell une des
plus anciennes cités des Gaules , mais qu'on ne peut fixer l'é-
poque de fon origine , avec les feules lumières que nous trou-
vons dans les hiftoires anciennes : elles ne nous apprennent ab*
folument rien de pofîtif à cet égard. Il eft même à préfumer
que les Gaules furent peuplées plus tard que l'Allemagne ; &
par conféquent que ce fut plus de trois cents ans après le déluge
que Nantes fut bâti. Nous donnerons , pour preuve de cette
affertion , la coutume qu'avoient les Gaulois d'aller s'inftruire de
la Religion en Allemagne. Les Druides , fur-tout , étoient obligés
d'y aller pafTer quelque temps , pour y puifer , comme dans
fa fource , la véritable connoilîance de la Religion. Il ell clair,
d'ailleurs , que les Gaulois regardoient les Allemands comme leurs
frères , puifqu'ils ne leur donnoient d'autre nom que celui de
Germant ; girmains , frères,
Nantes formoit déjà , du temps de Céfar, une cité très-puiffantej
voilà ce qui prouve fon antiquité. Ce Conquérant hiftorien ,
& , après lui , Strabon , Pline , Ptolomée , Grégoire de Tours ,
conviennent que cette ville fut une des dernières à céder aux
armes des Romains, Se une des premières à fecouer le joug
odieux que cette Nation altiere lui avoir im.pofé. Les Nantais
étoient alliés des Venetes , & leur donnèrent des fecours dans
le combat naval qu'ils livrèrent à Céfar. Ce palTage de l'hiitorien
prouve que dès-lors les habitants de 'Nantes étoient navigateurs
& commerçants.
Dans le voifinage de Nantes étoient les Samnites. Les hiilo-
riens leur donnent Ancenis pour capitale. On croit qu'une co-
lonie de cette Nation paffa avec les Venetes en Italie , & sy
établit. Les Samnites nommèrent Samnmm le pays où ils fe
fixèrent. On fçait combien il en coûta aux Romains pour fou-
mettre cette Nation iiere & belliqueufe. Ils la reduifirent enfin
fous le joug, & peu à peu le nom de Sarnîtites fe perdit en
t N A N
Italie. Les Venetes formèrent , dit-on , l'Etat de Venife , maïs
tous les fçavants ne s'accordent pas fur l'origine de cette Rcpu-
plique. Plufîeurs lui afîignent une exiflence plus moderne , &
leur fentiment paroît même bien plus vraifemblable que le
premier.
Si l'on s'en rapporte à Strabon , Bacchus étoit la principale
ou au moins une des principales Divinités des Nantais. Cela
pouvoit être de fon temps j mais il ell à croire que ce Dieu du
vin & de la débauche ne fat connu que très -tard à Nantes.
Elle fuivit l'exemple des autres villes foumifes aux Romains 5
elle adopta les Dieux de fes vainqueurs. On croit , cependant ,
que les Nantais honoroient plus particulièrement Mercure , Dieu
ces Commerçants.
La Table Théodofienne , que l'on appelle de Peut'inger , fon
inventeur , donne le nom de ponus Nannetum à la ville de Nantes ,
pour la diftinguer des autres villes du nom de ponus, L'infcription
trouvée, fur la fin de l'année 1580, dans les débris d'un mur
de ville , auprès de la porte Saint-Pierre , prouve qu'elle a porté
ce nom. Cette infcription eft gravée en carafteres Romains , fur
un marbre qui a quatre pieds trois pouces de longueur , fur quinze
pouces de hauteur j la voici :
Numinih, Augujlor,
Deo Voliano
M. Gemel. Secundus & C
Seiau Florus Aclor. Vicanon
Ponenf. Tribunal CM, locis
€x Jllpe conlata pofuerunt,
M. Moreau de Mautour, de l'Académie des Infcriptîons 8c
Belles-Lettres , fit imprimer, en 1722, une differtation hiftorique
fur ce monument. Il penfe qu'elle fut gravée fous le règne de
Conllantius & de Conflantin , par ordre des Receveurs des im-
portions établies fur les habitants de Nantes , & les marchandifes qui
s'y débitoient -, & que ces Officiers la firent placer dans un lieu
qu'ils firent bâtir pour rendre la juftice au Peuple. MM. Travers ,
Gruter , & autres , ont expHqué cette infcription d'une manière
différente 5 mais le fentiment de M. Moreau de Mautour paroît
ie plus naturel & le plus vraifemblable. Ce Dieu Volianus efl ,
félon toutes les apparences , Mercure ^ Dieu du Commerce.
N AN 7
Tout concourt à confirmer ce fentiment plutôt que celai de
l'Evêque de Salisbury , qui prétend que Volianus était Noe. Ea
effet , l'infcription en: dédiée aux Dieux des Empereurs , par des
Officiers de ces Princes , dans une ville de commerce , & placée
dans le lieu même où l'on rendoit la juftice aux Commerçants*
Certainement les Romains ne reconnoiflbient pas Noë pour un
Dieu , & les Nantais avoient déjà abandonné leur premier culte.
Si rinfcription avoit été pofée long-temps avant la domination
des Romains , fans nom d'Empereur , par les feuls habitants de
Nantes , le fentiment du Prélat Anglais ne feroit pas invraifem-
blable j mais les termes de ce monument ne permettent pas d'ajouter
foi à cette opinion. Nous oferons même aflurer que fi Conradianus
avoit vu l'infcription , il n'eût point confondu Noë avec Volianus.
Dans un manufcrit trouvé jadis au château de Vitré , on lit,
que l'on avoit autrefois adojé , en Bretagne , le Dieu Boulianus }
que l'image de ce Dieu avoit trois faces , & qu'on lui faifoit
des facrifices trois fois l'année , par le miniftere de douze Drui-
des. Cette image étoit affife fur un globe , fur lequel étoient
gravées trois lettres grecques A N il , pour défigner le commen-
cement , le milieu , & la fin. ^ .
Quand on fuppoferoit que Boulianus ell le mên>e%[^^olianus ,
on n'en peut rien conclure contre mon fentiment V qui ètl que
Volianus ne peut être Noë, parce que les attributs de Boulianus,
félon le manufcrit , ne peuvent convenir en aucune façon à ce
confervateur du genre humain. **^^**^^
Nantes , dans le principe , reconnut vraifemblablement le mêmé?(^!jv
Dieu que le refle des Gaules , & changea de Religion comme
fes voifins. Ses coutumes & fes ufages étoient les mêmes que
celles des autres Nations Gauloifes , au rapport des hiftoriens Sc
du Concile tenu à Tours , l'an 5 67 : & ce feroit , fans doute , une
inconféquence , même extraordinaire , de lui attribuer un culte
différent.
Ptolom.ée , qui vivoit fous l'empire d'Adrien Se d'Antonin le
Pieux , donne à Nantes le nom de Condivicnum ou Condivmcum :
Nannetes quorum civitas Condivicnum , ou Condivincum , appellatur.
Enfin , cette ville prit le nom de Nantes de celui de fon peuple
Nannetes^ par fyncope ou retranchement de la fyllabe du mi-
lieu j retranchement affez ordinaire dans les noms propres fran-
çais , qui font toujours plus courts que dans le latin. De cette-
ville , les Romains avoient tracé une route jufqu'à Poitiers , alors
appellée Limonum : on croit que ce chemin pafToit par Cliflbn ou.
8 NAW
<iux environs, pat TiiTaupes & Breffuire ; c'eft au moins la direc-
tion la plus naturelle qu on puiffe lui afTigner.
Cette cité nous eft plus connue depuis que, par un bienfait
de la Providence , les peuples qui l'habitoient ont été éclairés
des lumières de la foi. De toutes les cités de l'Armorique , elle
fut la première qui reconnut la vérité de l'Evangile , & la feule
ciii eut le bonheur de donner des Martyrs de la Religion pen-
dant la perfécution des Empereurs payens.
Quelques hiftoriens , & même le Bréviaire de Nantes , font
arriver l'Evêque Saint Clair en cette ville , vers l'an 70. C'étoit ,
dit-on , un Difciple des Apôtres. Cette affertion nous paroît bien
bazardée. Il efl confiant qu'en 70 les Chrétiens étoient très-
rares dans les Gaules , & qu'il n'y en avoit aucuns dans toutet
l'Armorique. Il eft bien plus vraifemblable que Saint Clair ne
vint à Nantes que vers l'an 284, fous les Empereurs Diocletien
&: Maximien. Les Evêques n'avoient alors qu'un très-petit trou-
peau , avec lequel ils fe cachoient dans des grottes fouterraines
pour y célébrer les faints myfleres. Saint Clair ne put obtenic
aucun logement à Nantes j le peuple craignoit trop les Empe-
reurs pour accueillir un homme qui prêchoit une Religion prof-
crite par les loix de l'Empire.
Le zèle du Prélat ne fut pourtant pas inutile : il réufîit à con-
vertir un jeune homme d'une famille diflinguée j il fe nommoit
Donatien, Le nouveau profélyte avoit reçu le baptême avec cette
foi vive qui caraftérifoit les premiers Chrétiens. Convaincu de
ia vérité du culte qu'il venoit d'adopter , il ne témoigna plus
que du mépris pour les Dieux imaginaires de fon pays. 11 nefe
contenta pas de gémir en fecret fur l'aveuglement de (qs con-
citoyens , il voulut leur déciller les yeux , & leur annonça la
vérité avec une ardeur finguliere. Il s'attacha , fur- tout , à per-
fuader fon frère Rogatien , & il y réuflit.
Les Empereurs Diocletien & Maximien , qui regnoient alors ,
réfolurent d'abolir le Chriflianifme. Ils envoyèrent des ordres au
Préfident des Gaules pour faire punir tous les Chrétiens qui re-
fnferoient d'adorer les Dieux de l'Empire , & récompenfer ceux qui
renonceroient volontairement à la foi. Le Prélident arriva à Nantes ^
fuivi d'une foule innombrable de peuple. Le Magifîrat , qui gouver-
noit la ville , étoit irrité contre Donatien : il le dénonça fur le
champ comme coupable. » Si vous venez , dit-il au Président ,
V pour foutenir le culte des Dieux & punir les impies , c'eft par
fjilQ châtiment de Dç^natien que vous devez, commencer. Jupiter,
»> Apollon,
NAN 9
T} Apollon , Mercure , &c. n'ont point d'ennemi plus audacieux. "
»Non content de vivre lui-même dans l'erreur, il prêche publi-
» quement une Religion étrangère : il a féduit fon frère , & l'a
» rempli d'un profond mépris pour les Divinités que nous recon-
» noiflbns. » Le Préfident fit venir l'accufé , & , le regardant avec
colère : « Comment ofez-vous ^ lui dit-il , paroître devant moi ,
» fans trembler? Vous méritez les plus terribles châtiments, 8c
>> vous allez les éprouver. Ingrat envers les Dieux ; rebelle aux
» ordres des Empereurs , nos auguftes maîtres ; féditieux , per-
» turbateur du repos public , vous répandez parmi le peuple des
» opinions dangereufes , vos rêveries , & vos erreurs criminelles. »
Donatien lui répondit avec modelHe , mais fans foiblefle :
« Vous parlez contre la vérité que vous ne connoifTez pas.
» Parce que vous êtes aveugle,, dois-je l'être auffi .'^ Vous ne ref-
w pirez que fang & carnage -, aflbuviifez votre barbarie : je vous
» déclare que je ne changerai jarnais. » Le Préfident offenfé
lui ordonna de fe taire, & le menaça, s'il continuoit, de lui
faire ôter la vie. « Vos menaces ne peuvent m'effrayer ; je vous
» plains feulement de ne pas connoître Jefus-Chrift , cet Homme-
>* Dieu , mort pour le falut des hommes. »
Ces dernières paroles irritèrent le Préfident, qui le fit en-
chaîner & enfermer dans une étroite prifon , efpérant que la
crainte du fupplice pourroit l'intimider & le faire renoncer au
Chriflianifme. Rogatien fut aufli-tôt amené au Préfident , qui lui
dit avec douceur : « J'ai entendu dire que vous vouliez aban-
n donner le culte des Dieux qui vous ont donné la vie , & qui
» vous prodiguent tous les jours de nouveaux bienfaits. Croyez-
« moi , revenez à eux , leur indulgence eÛ grande , ils vous
» recevront avec bonté ; venez dans le palais des Empereurs,
» vous y jouirez de tous les plaifirs , & vous pourrez parvenir
» aux premières charges de l'Empire. » Rogatien fut infenfible
à fes promelTes , & lui témoigna qu'elles étoient inutiles. « Vous
» ne réuffirez point à me faire rendre hommage à des Dieux
» de métal ou de plâtre , fourds & muets -, ils manquent d'ef-
» prit , comme vous manquez vous-même de jugement. » Cette
fermeté étonna le Juge , qui le fit mettre en prifon , afin de
venger , dès le lendemain , par fa mort , les loix , les hommes ,
& les Dieux outragés.
Le jour fuivant , le Préfident les fit fortir de prifon. Ils pa-
rurent tous deux, chargés de chaînes, mais avec un vifage
ferein , Se en chantant les louanges du Dieu qu'ils aimoient , 6c
Tome IIL ^ B
1
10 NAN
qui leur donnoît ce courage au delTus des forces humaines. Une
feule choie aftligeoit Rogatien : c'ell: qu'il n'avoir point encore
reçu le baptême. Il ne pouvoit le le faire donner alors , parce que
î'Evéque Saint Clair & Adeodat , fon Diacre , avoient pris la
fiiite à l'arrivée du perlecuteur. Donatien le ralTura, en lui dilant,
ue Ion lang , qu'il alloit répandre pour la foi , lui tiendroit Heu
e baptême.
Le Préfident , avant de les faire conduire au fupplice, ef-
faya de nouveau de les faire changer de deffein. Il fe plia
en cent façons différentes pour les réduire j mais ils furent iné-
branlables , ôc lui dirent d une voix unanime : « Nous méprifons
>» tes Dieux , ou plutôt tes vaines Idoles ; fais-nous conduire à
» la mort , elle ne nous fait pas trembler. Peut-on trop fouffrir
>♦ pour Jelus-Chrill ? »
A l'inftant , on les mit fur le chevalet^ 8c on commença à
les tourmenter. Ils endurèrent û patiemment les tortures , que
le Prélîdent , délefpérant de les fléchir , ordonna de les metcre
à mon. Les Lifteurs les percèrent d'abord d'une lance , ôc leur
tranchèrent enluite la tête, le 24 Mai 290.
Ainil moururent les deux premiers Manyrs Bretons. On n'eft
pas d'accord fur le lieu où ils perdirent la vie. Les uns prérendent
que c'eil dans le même lieu où efl: fituée lEghle des Chartreuxj
les autres , que c'ell fur le chemin de Pans , entre les Char-
treux & la Communauté de Saint-Charles , dans l'endroit où
l'on voit deux croix & deux ormeaux. Enfin , la troisième opi-
nion ei\ que c'ell: dans la m.ême place où font les Fonts bap-
tifmaux de l'Eglife paroiffiale qm pone leur nom. On peut
conclure de là qu'une partie du fauxbourg de Saint-Clément
n exiiloit point alors , puifque la coutume des Romiains étoit de
faire les exécutions hors de la ville & des fauxbourgs.
Lobineau prétend qu'on failbit la fête de ces deux Saints en
Angleterre , dès le feprieme fiecle. Les Nantais les ont toujours
honorés comme leurs Patrons , 6c la \ ille Se le diocefe ont éprouvé
plus d'une fois les heureux effets de leur prote61ion. Les anni-
verfaires de l'Eglife Collégiale de Nantes nous apprennent que
leur Office fut fondé double, le 19 Mai 1447, par Jean Bou-
chard , Prêtre de l'Eglife paroiffiale de Saint-Similien.
Saint Clair qui, comme on vient de le dire, avoir pris la
fuite , mena une ^ie errante & cachée. Il mourut , félon l'opi-
nion commune , dans la Paroiffe de Reguini , au diocefe de
Vannes, le 10 06lobre 309. Quelques Eglifes lui donnent le
N A N II
titre de Martyr , quoiqu'il ne ibit pas prouvé qu'il mourut pour
la défenfe de la Religion, ou par les mains de fes ennemiis. Celle
de Tulle prétend avoir Ion corps , qui \m 6jî , dit-on , apponé
d'Angers, ou plutôt de quelques villes de Bourgogne, puilque
les anciennes légendes & les chroniques de Bretagne rapponent
qu'il fut tranfporté dans cette dernière province , vers l'an 897.
On ne trouve rien dans les archives de la Cathédrale qui puiiîe
conîlrmer le récit des hiiloriens qui parlent de ces dinérentes
tranilations. La fête de Saint Clair eil: gardée dans tout le dio-
cele , le 10 Octobre de chaque année.
En 310, Ennius, fécond Evéque de Nantes. En 324, rEm-
pereur Conilantin le tait baptiier. L"hill:oire rapporte que ce
Prince , failant bâtir l'Eglile de Saint - Pierre de Rome , porta
douze corbeilles pleines de terre lur les épaules, en l'honneur
des douze Apôtres , aîîn d'animer les ouvriers au travail par Ion
exemple. En conlequence des Edits de cet Empereur, Ennius a
la fansfattion d'élever un temple au ^rai Dieu fur le tombeau
des Saints Marr^TS Donatien 6z Rogarien.
335. Mort d'Emiius. Saint Similien lui fuccede , «Se fait
bâtir , hors des murs de la cité , chez un particulier , un petit
Oratoire oii les Chrétiens s'allembloient. Un écrivain de ce fiecle
affure, dans un Ouvrage manulcrit, qu'il n'y a aucunes Rehques
de Saint Similien dans l'Eglife qui pone fon nom , &: que le
tombeau qu'on v voit n'eil point celui de ce Prélat, mais de
quelque autre Evéque de Nantes ou de quelque perlbnne illullre.
La tradidon & l'ulage contredifent l'opinion de Tauteur, qui,
lequel
allume des cierges. Dans la même Eglife , fe voit un puits où
ia tradition veut que foit la tête du Saint. Il ell à croire que
l'eau de cette fontaine ell bonne : on peut toujours aiTurer qu'on
en faifoit jadis beaucoup d'ulage -, car la pierre de grain qui
forme la margelle ell prefque entièrement ul'ée par le frottement
des cordes qui fermaient à puiier. Un livre lynodal de l'an
1220 nous apprend que ia fête de ce Saint étoit autrefois gardée
dans le dioceie : elle elt aboHe depuis environ 240 ans.
EumeHus , quatrième Evéque de Nantes & luccelTeur de Si-
Il N AN
n étoit alors féparé de celui de Nantes que par la rivière àé
Loire.
380. Marc, cinquième Evêque de Nantes. Cette ville étoit
encore foumife aux Romains. Trois ans après , Conan Me-
riadec , premier Roi Breton , débarque dans ce pays , avec le tyran
Maxime , foumet les Nantais fous fa puiiTance , & prend le titre
de Souverain. Affermi fur fon Trône , Conan porte fes armes
dans l'Aquitaine , & fe rend maître du pays de Retz, Tan 405,
Il fecoue le joug des Romains, en 410 , & chcifit Nantes pour
fa capitale : il exerce tous les droits de la fouveraine puifTance ,
& fait admirer fa fagelTe dans le Gouvernement.
Ceux qui ont fait des recherches fur les médailles & les mon-
noies anciennes , ne difent point en avoir vu de purement gau-
loifes avant la domination des Romains. C'ell peut-être une
erreur que ces auteurs ont adoptée , parce qu'ils n'ont trouvé que
des caraéleres grecs fur les monnoies qui leur font tombées entre
les mains -, mais ils n'auroient pas , fans doute , porté le même
jugement , s'ils avoient fait attention que la plupart des infcrip-
tions gauloifes font en carafteres grecs , & qu'on obfervoit vrai-
femblablement la même coutume à Tégard des monnoies. On
fçait bien que les Gaulois n'avoient point de monnoies d'or ou
d'argent , mais ils en avoient de fer ou de cuivre. Le commerce
qu'ils faifoient avec leurs voifins les mettoit dans la néceflité
d'en faire battre de particulières.
Dès que les Gaules furent délivrées de la domination des
Romains , on y fit frapper des médailles & des monnoies qui
portoient le nom des Princes fouverains. Comme l'Armorique
eft la première qui fecoua le joug , il efi: confiant que
les monnoies que Conan Meriadec fit faire à Nantes, font les
premières qui aient paru dans les Gaules fous un autre nom
que celui des Empereurs. Nous en relle-t-il quelques-unes de
ce Prince ? C'eil ce qu'on ne fçait pas. Le Père ToufTaint de
Saint-Luc dit avoir vu une médaille avec la légende, Cojiamis ^
Rex Britonum^ & il croit qu'elle fut frappée l'an 410 j mais il
n'eft pas certain qu'elle foit de Conan Meriadec , plutôt que de
Conan le Tors , qui étoit aufli maître de Nantes. Que cette
médaille foit de Conan Meriadec ou de Conan le Tors , peu
importe , puifque tous les hiftoriens conviennent que le premier
de ces Princes fit battre monnoie à Nantes , que ces monnoies
étoient d'or & de la valeur d'un tiers de fol.
408, ou environ. Origine des Marches. L'Empereur Honorius ,
NAN 1}
voulant arrêter les progrès des Bretons & empêcher les courfes
qu'ils faifoient fur les terres de l'Empire , mit des garnifons dans
les lieux où font aujourd'hui les bourgs de Getigné , Cugan ,
Cliflbn , Bouffai , Legé , Bois-de-Cené , Saint-Etienne du Bois ,
& Tiffauges , qui étoit le quartier général. Ces garnifons , ex-
pofées à des dangers continuels , ne feroient pas reftées long-temps
dans le devoir , ii on ne leur eût accordé des privilèges extraor-
dinaires pour les dédommager de leurs travaux. En conféquence ,
Honorius leur donna des exemptions , qui furent confirmées plu-
fleurs fois dans la fuite par les Empereurs & les Rois de France.
Les habitants des lieux en jouiffent encore aujourd'hui. Ce fut
aufîi à cette époque que Tours , qui étoit fous la métropole de
Rouen , devint , à fon tour , métropole des provinces de Tours ,
du Maine , d'Anjou , & de Bretagne.
421. Conan Meriadec meurt, & efl: enterré à Saint - Pol-
de-Léon , avec cette épitaphe : Ci-gii Conan , Roi des Bretons,
Salomon , fils d'Urbien , & petit fils de Conan , lui fuccede.
Ce Prince fut tué à Nantes , l'an 43 4 , félon les uns , par les
Gots d'Aquitaine qui avoient furpris cette ville ; &, félon les au-
tres , par fes propres fujets , dont il vouloit réformer les mœurs
corrompues.
434. Grallon , beau -frère de Conan Meriadec, fuccede
à Salomon ; il quitte le féjour de Nantes , fans ceffe expofé aux
irruptions des barbares , & fixe fa demeure à Quimper , qu'il
érige en Evêché. Hilarius , Capitaine Romain , lui fait la guerre,
& remporte fur lui quelques avantages. Grallon ne fe rebute point ,
ramené enfin la fortune à fon parti -, entre , à fon tour , fur les
terres des Romains , ôc leur prend quelques places. La mort , qui
le furprend , arrête le cours des viftoires des Bretons.
Arifius , fixieme Evêque de Nantes , eut pour fucceffeur Di-
dier , Curé au diocefe de Touloufe , Prêtre zélé & recomman-
dable par fes vertus. Il s'éleva avec force , n'étant encore que
fimple Eccléfiaf tique > contre Fhéréfie de Vigilance j &, de concert
avec Ripaire , Prêtre Efpagnol , il envoya les oeuvres de cet
héréfiarque à Saint Jérôme , qui les demandoit pour les réfuter. C'eft
à ce digne Prélat que Léon de Bourges , Euftachius de Tours ,
& Vifturus du Mans , adrefferent la lettre circulaire du Concile
de Bourges, vers 451. On croit que Didier eft le même que
Sulpice Severe appelle fon frère , & que c'efi: à lui qu'il adreffa
la vie de Saint Martin. Saint Paulin, qui étoit auffi l'ami de l'E-
vêque de Nantes , loue la pureté de fes mœurs & la fainteté
,4 NAN
de fa vie. On attribue à Didier la fondation de FEglife de Saint-
Vincent.
Audren, fils de Salomon, étoit monté fur le Trône l'an 445.
Les Bretons avoient repris les armes fous la conduite de Saint
Germain d'Auxerre , & de Saint Loup , Evêque de Troyes , &
avoient chaffé les garnifons Romaines de toute la Bretagne,
Débarraffé de ces puifTants ennemis , ils furent attaqués par d'au-
tres plus terribles. Les Huns afliégerent la ville de Nantes en
453 , & demeurèrent foixante jours devant fes murailles. Les
habitants n'avoient plus d'efpoir d'échapper à la fureur des bar-
bares ; mais le Ciel qui les protégeoit , dit Grégoire de
Tours , les fauva miraculeufement. Vers le milieu de la nuit
on vit fortir de la Bafilique des Saints Donatien & Rogatien , une
proceffion d'hommes vêtus de blanc. Une autre proceffion fem-
blable fortit de la Bafilique de Saint Similien. Les deux com-
pagnies d'efprits céleftes fe réunirent , fe faluerent très-civilement ,
& fe mirent à prier. Quand l'oraifon fut finie , chacun fe retira
vers le lieu d'où il étoit forti. Les ennemis , témoins de ce prodige ,
font fi effrayés qu'ils prennent la fuite avec précipitation. Mar-
cil-Chillon , Général des barbares , fut touché de ce miracle , &
fe fit baptifer,
L'Evêque Léon fait auffi-tot afTembler le Peuple pour remer-
cier TEtre fuprême d'une déUvrance fi peu attendue. On rap-
porte que , comme il célébroit le faint Sacrifice , il vit tomber
fur l'autel trois gouttes d'eau de même volume , lefquelles fe réu-
nirent & formèrent un riche diamant. L'Evêque le fit enchâfi^er
dans une croix d'or , & voulut y ajouter d'autres pierres pré-
cieufes j mais elles fe détachoient d'elles-mêmes , chafi^ées par le
diamant célefle. Il étoit brillant aux yeux des bons , & obfcur
aux yeux des méchants. C'eft dommage qu'il foit perdu , ou
qu'il n'y en ait plus de femblables j ils ne feroient pas inutiles de nos
jours ! Sigebert , le feul qui rapporte ce fait , ne dit point où il
l'a pris. 11 eÛ à croire qu'il n'ei^it jamais de réalité que dans fon
imagination. Un chrétien , obligé de rapporter des miracles de
cette efpece^fe trouve toujours embarrané. S'il les nie, on l'ac-
cufe d'incrédulité -, s'il les croit , on le traite de fuperflitieux ou
d'imbécille. Cependant, quoiqu'on endife , je crois pouvoir, fans
irréligion , révoquer en doute ceux que je viens de rapporter :
ils font fi peu attelles , fi peu croyables , qu'on ne doit pas me
fçavoir mauvais gré de n'y pas ajouter foi.
L'hiÛoire affigne un motif plus raifonnable de la fuite dQS
NAN ï5
barbares, Eigîdîus, ou comme nous rappelions le Comte Gilles
ou Gillon , chef des Milices Romaines , fur les bords de la Loire,
voyant que les barbares menaçoient Nantes , fe jetta dans la
ville avec des troupes aguerries , & força , par la plus vigoureufe
féfiftance , les Huns à lever le fîege. Pour éternifer la mémoire
de cette aftion , & récompenfer , en même temps , le généreux
Romain , les Nantais firent frapper , en fon honneur , une mé-
daille, dont Bouterouë nous a donné l'explication. Le même
auteur nous apprend qu'on fit frapper , dans la même ville , des
tiers de fols d'or , fur iefquels , d'un côté , étoit une tête ceinte
de bandelettes , avec la légende , Nanneùs ; & de l'autre , une
boule ou globe à deux degrés , avec la légende Eigldius, M. le
Blanc lit Figidius , & croit que c'efi: le nom du Monnétaire. Ceft
une erreur : la tête de la médaille n eft point celle d'un fimple
particulier , mais celle d'im Roi ou d'un Empereur , & ne
peut convenir qu'à Eigidius , que les Francs mirent fur le
Trône en 458. Au refte , il n'efi: pas étonnant qu'on fe foit
trompé , parce que dans les monuments qui nous relient des pre-
miers fiecles, il eft très-difficile de diftinguer la lettre F de la
lettre E, Ce tiers de fol ell le plus ancien monument que
nous ayons , qui donne le nom de Nannetis à la ville de Nantes.
464. Mort d'Audren , fondateur de la ville de Châtelau-
dren. Erech , fon fils, luifuccede. Ce Prince ,qui marche contre
Euric , Roi des Gots , avec douze mille hommes du diocefe de
Nantes , rencontre les ennemis dans le Berry , & perd la bataille.
Cette aftion fe pafia vers 473,
473. Eufebe , fils d'Erech , &, félon d'autres, de Rivalon ,
monte fur le Trône, & fixe fon féjour à Vannes, parce qu'il
craignoit les Saxons ; peuples de la Germanie , qui s'étoient for-
tifiés au Croific , d'où ils faifoient des courfes continuelles jufqu'aux
portes de Nantes. Les Romains, qui venoient de rentrer en Bre-
tagne , avoient fait conftruire une fortereffe nommée Grannone ,
( c'eil Guérande, ) &tenoient ces Saxons bloqués depuis quelque
temps ; mais la néceffité & les circonllances ayant forcé les
troupes Romaines de fe retirer , les barbares recommencèrent leurs
courfes , fe faifirent des ifles de la Loire , s'y fortifièrent , & con-
tinuèrent leurs irruptions, fous la conduite d'Odoacre, jufqu'au com-
mencement du fiecle fuivant.
490. Mort d'Eufebe , Comte de Vannes & de Nantes.
Budic , frère de Riothim , qui lui fuccede , fait fa réfidence à
Nantes p & défend ^ avec beaucoup de valeur , cette ville , contre
i6 _ NAN
les Saxons qui l'afliegent pendant deux mois. Cerunius, fuccei-
feur de Cariundus, efl: témoin, l'an 490, de la fondation que
fait Budic de l'Eglife de Saint-Cyr , aujourd'hui Saint-Léonard.
Ce Prélat efl reconnu lui-même pour fondateur de celle de Saint-
Clément : il exiftoit alors une Abbaye du nom de Saint-Donatien,
Clément , Evêque de Nantes , n'eft pas bien connu : on le croit
pourtant fondateur de l'Eglife de Saint-Saturnin , qui d'abord ne
fut qu'une Chapelle qui fait aujourd'hui partie de la facriftie. Cette
facriftie eil effeftivement voûtée en pierres & bâtie à l'antique.
On trouve dans les foufcriptions des Evêques qui affifterent au
Concile d'Agde , tenu l'an 5 06 , que l'Evêque de Poitiers faifoit
encore quelquefois fa réfidence au Pallet , à cjuatre lieues &
demie de Nantes; ce qui prouve que fon diocefe s'étendoit en-
core jufqu'à la Loire. ( Voyez le Pallet. )
Budic étoit paffé en Angleterre , & y étoit mort. Hoël , fon
fîls & fon fuccefTeur , avoit vu fes Etats ravagés par les bar-
bares , & fes peuples obligés d'abandonner leur patrie. Le Prince
Breton avoit demandé du fecours au Roi d'Angleterre , qui lui
avoir accordé fa demande. Il ne perd point de temps : il ranemble
auprès de lui ceux de fes fujets qui étoient reftés en Bretagne ,
il appelle ceux qui s'étoient réfugiés dans les ifles & les pro-
vinces voifînes , & marche contre les étrangers qui occupoient
fon pays. Il voit le fuccès couronner fes travaux & ceux de fon
fils Jean ou Jona , qui , l'an 515 ou 516^ remporte auprès de Nantes
une viftoire complette. En mémoire de cette aaion , on fait
frapper à Nantes des tiers de fols d'or , avec une tête fans
diadème , pour légende, Nannetis, d'un côté ; de l'autre côté, eft
une efpece de trophée , traverfé d'un pieu , qui femble porter
un bonnet , & pour légende , Johaiinis. Le bonnet étoit le fym-
bole de la liberté. Jean paroît fans diadème, fur cette médaille,
parce qu'il n'étoit ni Roi ni Comte. Il a de longs cheveux &
une mante ou fourrure qui lui couvre les épaules, parce qu'il étoit
Prince & fils de Roi ; qualités que les Gaulois & leurs voifins
défignoient par les cheveux longs & la fourrure.
On trouve encore quelques autres pièces de monnoie frap-
pées dans le même temps. Bouterouë en a vu une , fur laquelle étoit
un trophée entre une croix & un foleil , ainfi figurée O ^ , &
pour lègenàe ^ Nannetis y Johannes. Le trophée refTemble à ceux que
les Romains érigeoient après une viftoire éclatante.
Sur une autre , on remarque , d'un côté , une tête couverte d'une
efpece de couronne à pointe^ un écu fur le bras, & pour légende,
Theodcbeniai
N A N _ 17
Theodehertia ; de l'autre côté , une croix fur un degré , & pour
légende , Johannes , Namnetis , avec le foleil & la croix O 4^. On
penfe que Jean , fils d'Hoel , aura voulu , par cette médaille ,
faire honneur au jeune Théodebert , fameux par fes exploits
contre les Saxons, leurs ennemis communs : peut-être même la
viftoire leur aura été commune.
On peut donner un autre fens au mot Theodehertia , en ajou-
tant , avec Bouterouë , celui de moneta. Théodebert ne fera plus
alors que le nom du Monnétaire , & la médaille fera toute entxere
à rhonneur du Prince Jean. Cette opinion ell: même la plus
vraifemblable , puifqu'il efl: confiant que les Francs n'ont point
entamé la Bretagne avant 560 : il eft même à croire que les
Princes Francs & Bretons n'étoient pas très-liés, parce que les
derniers foupçonnoient Clovis d'avoir appelle les Frifons & les
Saxons en Bretagne.
545. Hoël le Grand, après avoir chaiTé les barbares de
toute la Bretagne , meurt , & laifTe fes Etats à fes enfants , qui font :
Jean , qui prit le nom d'Hoël 5 Conobre , Budic , Varoch , &
Macliau : les deux autres fils de ce Prince , Léonor & Tugdual,
font honorés comme Saints , & ne prirent aucune part aux af-
faires du Gouvernement.
515. Euhemer , Evêque de Nantes. Il affifte en per-
fonne , ou par Députés , aux Conciles tenus à Orléans , aux an-
nées 533, 5385 & 541. Ruricius l'aîné, Evêque de Limoges,
parle avantageufement d'Euhemer , dans une de fes lettres , de
même queTrojanus, Evêque de Saintes , qui lui écrit en réponfe
à la queftion, ji Von pouvoit bapt'ifer quelqu'un qui doutoit l'avoir
été, Fortunat donne aufli de grandes louanges à Euhemer. Il
étoit marié ; & fon époufe , qui le foupçonnoit d'infidélité depuis
qu'il étoit Evêque , parce qu'il avoit rompu tout commerce
avec elle , épioit toutes fes démarches. Elle s'introduifit un matin
dans fa chambre, oii elle le trouva qui repofoit. Grégoire de
Tours rapporte qu'elle vit fur fon fein un agneau éclatant de
lumière, & que cette vifion miraculeufe la guérit de fa ja-
loufie. Saint FeHx dit que ce Prélat n'avoit aucun mépris pour
fa femme ; mais qu'en fa qualité d'Evêque , il ne croyoit pas
pouvoir vivre avec elle félon les loix du mariage. Il commença
l'Eglife de Saint-Pierre que FeUx acheva.
Hoël II , dit Jean Reitk , ne finit pas comme il avoit com-
mencé j il fut foible , & perdit une partie de fon autorité. Ses
Etats furent bouleverfés par des faaions continuelles. Les Sei-
Tome IIL C
i8 N A N
gneurs s'élevèrent les uns contre les autres, Se lui-même tomba
fous les coups de fon frère Conobre , l'an . 5 47 : il avoit époufé
la fille de Malgo , Roi d'Angleterre , de laquelle il eut une fille
qui fe maria au Seigneur de Léon , Se un fils , nommé Judual ,
qui fe retira à Pans à la Cour du Roi Childebert.
^47. Conobre fe rend maître de Nantes & de prefque toute
la Bretagne , qu'il ufurpe fur fes frères Se {qs neveux.
Félix 5 Evêque de Nantes, l'an 550. Ce Prélat naquit à Bourges,
l'an 513, d'une des plus anciennes Se des plus illuftres familles
d'Aquitaine : il fut ordonné Prêtre en 5 40 ; Evêque de Nantes
en 550J & aflifta, en cette qualité, au Concile de Paris, l'an
557. De retour en fon diocefe, il y établit la réforme, confor-
mément aux Règlements du Concile.
560. Conobre prend le parti de Chranne , fils naturel de
Clotaire, Roi de France. Ce fils rebelle Se fon protefteur font
vaincus Se tués. Clotaire fe rend maître de Nantes au mois d'Oc-
tobre , & en donne le Gouvernement à Félix , qui y affemble
un Concile la même année.
561. Mort de Clotaire. Chilperic qui lui fuccede , con-
tinue Saint Félix dans le Gouvernement de Nantes. Ce Prélat
fait creufer le canal qui fépare les prairies de Mauves Se de
la Magdeleine , Se qui conduit les eaux de la Loire au château Se
tout le long des quais jufqu'à la Foffe , où tous les bras de la
Loire fe réunifient. La prairie de la Magdeleine s'appelloit alors
la prairie des Haïmes ou de UHienne. L'Evêque , Gouverneur , fait
encore confi:ruire la chauffée de Barbin , rend navigable la rivière
d'Erdre , qui , jufques-là , n'avoit formé qu'un marais ; fait couper ,
par un canal, qu'on voyoit encore en 1700, les prairies de Glo-
riette Se de la Saufaye , Se bâtit fur les deux rivières piufieurs
moulins à eau , les feuls qui fufient connus alors.
L'Eglife Cathédrale fut achevée en 555, & décorée par les
foins de ce digne Prélat : cet édifice étoit de la plus grande
beauté ; la couverture étoit , dit-on , d'étain , & au deflus de la
nef principale , qui étoit flanquée de deux autres , s'élevoit une
tour quarrée , terminée en dôme , & foutenue de piufieurs arcades.
La décoration intérieure étoit riche & magnifique; de très- belles
colonnes , dont les chapiteaux étoient de marbre , foutenoient
l'édifice. Les murs étoient garnis des meilleurs tableaux qu'on
eut alors j Se le pavé étoit de marbre à la mofaïque. Les autels
étoient très-bien ornés Se les plus beaux de toutes les Gaules :
on y remarquoit le marbre le plus fin , des couronnes d'or , des-
NAN 19
vafes d'argent, & d'autres ornements précieux. Au milieu de
TEglife étoit une colonne de marbre , fur laquelle étoit placé
un Chrilt d'argent malîif , ceint d'un jupon d'or , embelli de
pierres précieuies , & attaché à la principale voûte avec une
chaîne d'argent. Sur une autre colonne étoit un gros rubis , pour
éclairer l'Eglife pendant la nuit. Tous les vafes qui ferv oient à
l'Office divm étoient d'or & d'argent. Enfin cette Eglife fuperbe
étoit peut-être ce qu'il y avoir de plus riche en France , en ce
genre. Le Prélat affembla un Concile pour la confacrer : la
cérémonie s'en fit le 30 Septembre 568 j dédicace dont la Ca-
thédrale a8:uelle fait encore la fête à pareil jour.
Fortunat , place à Chefseil {a) ^ aujourd'hui Sainte-Luce , la
maifon de campagne de l'Evêque FeHx , & l'appelle Cariacum :
cette maifon , qui porte le nom de Chaffais , appartient encore à
l'Evêque de Nantes.
L'an 569, Félix va. au Concile de Tours, &, l'an 573, à
celui de Paris , affemblé pour réconcilier les Rois. Il termine
quelques différents qu'il avoit avec l'Archevêque de Tours, &
revient confoler fon troupeau affligé de fon abfence. Il obtient
la hberté de plufieurs Nantais , que les bas Bretons avoient faits
prifonniers.
Un Prêtre du diocefe de Nantes a publié des tiers de fols
d'or , frappés , dans ce temps , au pays de Retz , dans les villes
de Rezé & de Veuë , alors confidérables. Ces monnoies font de
Théodoric , fils de Budic , Comte de Vannes.
583. AfTemblée eccléfiaflique à Nantes. Saint Félix, fentant
fa fin approcher, voulut afTurer l'Evêché de Nantes à fon neveu
Burgundion. En conféquence , il avoit prié les Evêques de venir
à Nantes, dans le defTein de leur faire confirmer fon choix.
Le Candidat fut envoyé à l'Archevêque de Tours , qui ne
voulut pas le facrer, parce qu'il n'étoit point encore dans les
faims Ordres. 'Il le renvoya à fon oncle , après lui avoir enjoint
de fe faire ordonner Prêtre , d'être exaâ à l'Office , & de mé-
riter , par fes bonnes oeuvres , la place éminente qu'on lui defli-
noit. Le jeune homme de retour , trouvant la fanté de fon oncle
beaucoup meilleure , ne fe prefTa pas de fuivre les avis de l'Ar-
chevêque. Il eut bientôt lieu de s'en repentir j Félix mourut
quelque temps après , & Burgundion ne put obtenir le Siège.
Saint Fehx fut le feizieme Evêque de Nantes, & l'un des
{â) Ce lieu étoit nommé Chefsàl ^ parce que le Seil y prend fa fource.
^6 N A N
plus illuflres de fon temps. A toutes les vertus de fon état, il
joignoit des talents fupéneurs pour le Gouvernement : il inflruifît
fon troupeau, embellit & enrichit fa ville épifcopale. Il rendit
un grand fervice à fon pays , par la converfîon des Saxons du
Croilic , qui , éclairés par ce grand homme , fe réunirent aux
Bretons , & fe foumirent aux loix du Prince. Il fçut aUier deux
vertus qui fe trouvent rarement enfemble , la douceur & la fer-
meté. On en trouve un exemple dans l'affaire de fa nièce.
Cette Demoifelle aimoit un jeune homme de dilHn61ion, nommé
Pappolen. Les parents confentoient à les unir, à l'exception du
feul Fehx , qui , je ne fçais par quel motif, s'y oppofoit forte-
ment. Le jeune homme , impatient & ennuyé des délais , enleva
fon amante qui étoit au Loroux-Bottereau , & fe réfugia , avec
elle , à Saint- Aubin. Le Prélat , ofFenfé , l'envoya chercher , & lui
fit prendre , malgré elle , le voile dans le Couvent de Bazas.
Il eft à croire qu'elle ne fit pourtant pas de vœux , puifque
dès que fon oncle fut mort , elle quitta le cloître pour époufer
fon amant , qui fut nommé Gouverneur de Nantes aufîi-tôt après
fon mariage. Félix étoit mort le 8 Janvier 584.
Le Roi , qui ne vouloir pas que Burgundion fût Evêque de
Nantes , nomma , pour remplir ce Siège , Nonnechius II du nom ,
coufin de FeHx. Il ell le premier Evêque de ce diocefe , de la
nomination des Rois de France.
584. Chilperic , Roi de France, à Soiflbns , ordonne à la
Milice Bourgeoife de Nantes d'aller faire le fiege de Bourges;
ville qui appartenoit à Contran , Roi d'Orléans. Ces troupes
revinrent peu après chargées de dépouilles & d'efclaves qu'elles
avoient fait dans le Berry. Il efl à préfumer que cette Milice
Bourgeoife reffembloit aux troupes Romaines, & aux Communes
qui fubfillerent en France jufqu'en 1425. Chaque ParoilTe mar-
choit fous la bannière du Saint de fon Eglife , & alloit à la
guerre avec fon Curé , qui fuivoit l'armée , afin d'exercer parmi
fon troupeau les fonéiions de fon miniiiere. C'efi: la première
fois que les Communes du diocefe ont été employées par les
Rois de France. On peut regarder cette Milice comme l'origine
de celles qui furent établies, en 1425 , par le Duc Jean V , &
par le Roi Louis XIV, en 1688.
Clotaire II avoir fuccédé à Chilperic , fon père , & corn-
mandoit à Nantes. Guerech , dit Varoch , Comte de Vannes,
vient aiïiéger cette ville en 586; &, lorfqu'il ell prêt de s'en
emparer , il apprend qu'une armée de Français s'avançoit pour
N A N II
lui en faire lever le fîege. Le Prince Breton marche au devant
de l'ennemi , l'attaque , le défait , & retourne devant Nantes ,
qui fe rend par composition. Varoch en chaffe tous les Fran-
çais , & remet tout le Comté fous lobéillance de fes anciens
maîtres. Contran entre en Bretagne , afîiege la ville de Nantes
& la prend. Varoch , qui avoit d'autres aftaires fur les bras , de-
mande la paix, & s'oblige à ne plus porter les armes dans les
Etats du Prince Français.
Ce traité , difté par la nécefFité , efl bientôt rompu. Varoch
entre, en 589, dans le Comté de Nantes, fait vendanger toutes
les vignes , & conduire le vin à Vannes , où il faifoit fa réfîdence.
592. Nantes eft ravagée par la pelle, Nonnechius ordonne
des proceffions pubUques , & le fléau ceffe. Ce Prélat avoit
été marié , & avoit un fils que le Roi accufa de trahifon. Le
jeune homme , qui peut-être fe fentoit coupable , prend la fuite pour
fe dérober aux reflentiments du Monarque qui étoit alors à
Nantes ; & le père , pour appaifer la colère du Prince , lui fait de
riches préfents.
593. Mort de Contran. Childebert , qui lui fuccede , laifle,
en 595, fes Etats à fon fils Thierri , qui donne le Gouvernement
de Nantes à Theudoad. Nouvelles courfes de Varoch dans le
Comté de Nantes. r
610. Euphrone fuccede à Nonnechius à l'Evêché de Nantes.
Dans le même temps , deux Officiers du Roi Thierri amènent à
Nantes le fameux Abbé Saint Colomban, avec ordre de lui pré-
parer un vaifTeau pour le conduire en Irlande , fa patrie. Le
Roi renvoyoit le faint Eccléfiaftique , parce qu'il avoit refufé fa
bénédiftion à fes enfants bâtards -, il avoit même ofé lui dire
que Dieu ne permettroit jamais que les enfants du péché re-
gnaflent. L'Evêque & le Gouverneur de la ville , qui vouloient
ménager la faveur du Roi , reçurent très-mal le vertueux exilé.
Il ne manqua pourtant de rien : deux femmes de piété , nom-
mées P meule & Dodée , fournirent généreufement à tous fes befoins.
Saint Auguftin , Miffionnaire , envoyé par le Pape Grégoire le
Grand en Angleterre , avoit pafTé par Nantes , quelques mois au-
paravant , pour fe rendre à fa deflination.
612. Mort de Thierri. Clotaire III , qui lui fuccede, ne
règne pas long-temps , & Dagobert , qui monte fur le Trône en
623 , fonde l'Eglife Paroiffiale de Saint-Denis de Nantes.
616, Léobard , fucceifeur d'Euphrone , & dix - neuvième
Evêque de Nantes, afîifte au Concile de Rheims , tenu l'an 6i6,
zz N AN
Le célèbre Saint Amand , né , Tan 588, au village d*Herb auges ,
dans la ParoiiTe de Saint-Mars-de-Coutais , fleurifToit fous fon
Epifcopat. ( Voyez Saint-Mars-de-Coutais. )
630. Saint Pafquier fuccede à Léobard , comme le prou-
vent deux manufcrits de la bibliothèque de Chrifline , Reine de
Suéde. Ce Prélat fonde l'Abbaye d'Indre. ( Voyez Indre. ) L'année
fuivante 63 i , le Gouvernement de Nantes eft donné à Gripon.
Ses fucceffeurs font inconnus jufqu'à l'année 779. Il eft probable
que cette ville n'eut point d'autres Gouverneurs que ^qs Comtes
ou Seigneurs.
633. Sigebert fuccede à Dagobert. Taurinus , fuccefTeur
de l'Evêque Saint Pafquier, afTifte au Concile de Paris, l'an 638.
Haico , qui fuccéda à Taurinus , n'eft connu que par le cata-
logue. Salapius qui monte, en 654, fur le Siège épifcopal, af-
femble , l'année fuivante , un Concile , auquel Saint Nivard de
Rheims préfide : on y fait plufieurs règlements néceffaires. On
commençoit à négliger d'aflifter aux MefTes paroifîiales ; les Ec-
cléfialHques avoient , pour la plupart , des femmes , & ces fem-
mes fe faifoient publiquement appeller , félon la qualité de leurs
maris , Prêtrejfes , Diaconejfes , & S oudiaconejfes : elles avoient
même l'audace de fervir à l'autel j ce qui fcandalifoit les foibles.
Ces abus furent profcrits , avec raifon , par le Concile.
L'aiTemblée décida qu'on partageroit les dîmes & oblations en
quatre parties égales : la première , pour l'Evêque ; la féconde ,
pour le Curé & fes Clercs -, la troisième , pour les pauvres ;
& la quatrième, pour les fabriqueurs. On avoir, depuis quelque
temps , la coutume de donner du pain-bénit à ceux qui ne pou-
voient communier, faute d'abfoiution j & le Concile ordonna de
pratiquer exaftement cet ufage : c'eft pourquoi , on lui a attri-
bué l'mftitution du pain-bénit , qu'on ne donnoit d'abord qu'aux
Catéchumènes pour les préparer à la communion.
Le Concile condamna les femmes adultères à fept ans de pé-
nitence. Celle qui étoit convaincue d'infidélité étoit féparée de
fon mari , qui étoit tenu de faire pénitence avec elle , s'il vouloit
la reprendre. L'époux de la coupable ne pouvoir en époufer une
autre , elle vivant.
Les perfonnes non-mariées & fans engagement , qui tomboient
dans l'impureté , étoient condamnées à trois ans de pénitence.
Les homicides volontaires n'étoient admis à la communion qu'a-
près une pénitence de quatorze ans j & l'Eglife ne leur accor-
doit fon afyle qu'à regret. Ceux qui tuoient quelqu'un par ac-
N A N 23
cîdent , étoîent feulement tenus de jeûner quarante jours au pain
& à Feau; mais ils étoient féparés de tout commerce fpirituel
avec les Fidèles pendant deux ans , &: n 'étoient admis à la
communion qu'après cinq ans.
- Le Concile défendit aulîi aux femmes d'entrer dans les lieux
où l'on traitoit des affaires publiques , fous prétexte qu'elles trou-
bloient l'afTemblée par leur immodeftie , leur inquiétude , leurs
cris , & leur babil continuel. Un autre abus que le Concile frappa
d'anathême , fut la dévotion fuperftitieufe & ftupide du peuple
pour certains arbres que la religion des Druides avoit confacrés,
La populace, qui ne fe défait que difficilement de fes préjugés,
n'eût pas permis qu'on eût coupé une feule branche de ces ar-
bres chéris. On allumoit aufii des cierges & des chandelles fur
d'anciennes pierres jadis facrées ; & ceux qui s'abandonnoient à
ces pratiques fuperllitieufes n'en fçavoient pas même la raifon :
c'étoit un ufage de leurs pères , auquel, difoient-ils, ils dévoient
être fidèles.
Depuis 560 jufqu'en 680 , douze Rois furent fucceflive-
ment maîtres de Nantes j mais , à cette époque , la foiblelTe du
Gouvernement fit naître l'audace des Grands , les provinces &
les villes s'accoutumèrent à voir des Souverains dans leurs Gou-
verneurs , & l'anarchie féodale commença. Agathée ou Afquier,
fucceffeur d'Alapius en 680, fut, en même temps, Comte &
Evêque de Nantes. Il fut le premier de ces Prélats non-facrés;
qui pofFédoient les revenus de la puifTance temporelle & fpiri-
tuelle , & qui fervoietit le Roi , à la guerre , en perfonne , &
à la tête de leurs vaffaux. Ces défordres étoient condamnés par
les loix j mais les loix étoient fans vigueur & les défordres très-
communs.
Amelon , qui fuccede en 700 à Agathée , eft remplacé par
Emilien. Celui-ci étoit Breton de naiffance & recommandable
par fes talents & fes vertus : il fe diftingua dans les guerres des
Sarrafins contre la France , &: perdit la vie dans un combat qu'il
livra , à la tête de fes troupes , aux Arabes qui affiégeoient Autun
en 725. Il efi: honoré, dans cette dernière ville, le 25 Juin,
fous 'le nom de Saint Emilien , Martyr, Evêque, & Comte de
Nantes.
Salvius, fon fuccefieur, fe trouva à la bataille que Charles
Martel livra aux Sarrafins d'Efpagne , près Tours , l'an 732. Là
viéloire des Français délivra pour jamais leur pays des fers des
Mufulmans. Jean de Serres dit qu'il demeura fur le champ de
i4 _ NAN
bataille trois cents foixante-quinze mille hommes , parmi lefqueîs
il n'y avoit qu'environ quinze cents Français. C'efl ici qu'il faut
crier au miracle : il eft viable. Comment un hiftorien ofe-t-il
avancer des faufletés auffi évidentes ? Il eft confiant que les
Sarrafins n étoient pas des lâches : c'étoit , au contraire , des
guerriers vaillants , qui avoient conquis de vaftes régions , des
peuples toujours fous les armes , endurcis aux fatigues de la
guerre , & animés par le fanatifme & le fouvenir de cent triom-
phes. Il eft certain que les étrangers furent écrafés & taillés en
pièces ; mais il n'eft pas moins vrai que la viftoire dut coûter
cher aux vainqueurs. Le nom de Charles Martel devint célèbre
dans toute la terre : la Chrétienté le regarda comme fon libé-
rateur, & la France comme fon héros. Ce grand homme fit
diftribuer tout le butin à fes foldats -, & , pour mieux récom-
penfer la NoblefTe , il lui accorda, dit-on, la dîme des biens ec-
cléfîaftiques pendant plufieurs années, du confentement du Clergé,
qu'il promit de dédommager.
778. Charlemagne marche contre les Sarrafins d'Efpagne.
Hoèl _, Comte de Nantes , & Araflagnus , Prince Breton , le fui-
vent à cette expédition , avec deux mille hommes de troupes.
Ils montrent tant de valeur & fe fignalent tellement, que les
poètes s'emprefTent , à l'envi , de célébrer leurs hauts faits , félon
la coutume établie alors. On chantoit , dans le camp , des vers
en l'honneur de ces deux héros. Charlemagne , voulant récom-
penfer leurs fervices , donne à l'un la Navarre , & à l'autre la
Bifcaye , pour en jouir en toute fouveraineté. Ils ne jouirent pas
long- temps des bienfaits du Monarque : ils furent tués l'un &
l'autre , avec le neveu de Charlemagne , en combattant à l'ar-
riere-garde, à Roncevaux, dans le pafTage des Pyrénées. Araf-
tagnus fut enterré à Blaye. Daniel Wa ou Wnna fe porta fon
héritier. Le corps d'Hoël fut apporté à Nantes par fes foldats.
Charlemagne fe faifit peu après de la Bretagne , & donne le
Comté de Nantes à Widon ou Gui. Odilhart meurt l'an 800.
Quelques-uns lui donnent la qualité de Saint , & fixent fa fête
au 1 4 Septembre ; mais on ne le trouve , dans aucun Bréviaire ,
honoré de ce titre : il avoit du mérite , & Charlemagne lui té-
moignoit une confidération particulière.
800. On frappe, aux environs de Nantes, une monnoie
blanche au coin de Charlemagne , avec cette infcription : Carlus
Rex , métallo & metallum. Les Normands commencent à paroître
fur les côtes de Neuflrie, Charlemagne partage fes Etats entre
fes
_ N AN _ 15
fes trois fils , afTocie raîné à l'Empire , Se lui ordonne d'aller lui-
même prendre la Couronne fur l'autel. Tels font les événements
les plus remarquables depuis 800 , jufqu'à la mort de cet Empe-
reur en 814.
Louis le Débonnaire donne le Comté de Nantes à Gonde-
baud , qui l'abandonne quelques années après pour fe faire Moine.
Almanus eft fait Evêque de Nantes. Aubret de MifTirien place
ici un Obmanus , comme un Evêque de nouvelle découverte;
mais il eft à croire qu'il s'eft trompé , & qu'Obmanus n'eft autre
qu'Almanus. Otton , fucceffeur de ce dernier , afTiile au Concile
de Paris en 829, & à ceux de Sens & de Vorms en 833. On
frappe , dans le voifînage de Nantes , une monnoie au coin de
Louis le Débonnaire , avec cette infcription : Hludovicus Imp,
metallum, Hludowic. Imp, Aug, metallum,
827. Louis le Débonnaire donne le Comté de Nantes à
Lambert I du nom , & lui ôte quelque temps après, pour le
punir d'avoir pris les armes contre lui , en faveur de fon fils
Lothaire. Richouven eil: fait Comte de cette ville.
840. Louis le Débonnaire meurt. Ses enfants partagent
fes Etats. Le Comté de Nantes tombe en partage à Charles le
Chauve. Les trois Princes Français fe font la guerre , qui fe ter-
mine par la bataille de Fontenai , en Poitou , où cent mille hommes
perdent la vie. De ce nombre fut Richouven , Comte de Nantes,
qui combattoit pour fon maître Charles le Chauve. Rainaud ,
Comte d'Herbauges, fon fucceffeur, ell tué le 23 Juin 843 , dans
les plaines de Blain , par Lambert II , fils de Lambert I ,
qui prend le titre de Comte de Nantes , contre la volonté du
Koi. Ses fujets le chaffent honteufement. Pour s'en venger , il
fe met à la tête des Normands qui ravageoient la France. Les
barbares, conduits par ce chef, viennent à Nantes par la Loire,
avec foixante-feize navires. Aufîi-tôt qu'ils font arrivés , ils plan-
tent des échelles contre les murs, prennent la ville d'affaut & la
rempHflent de fang. Les habitants , qui n'avoient point de Comte
ou Gouyerneur , n'avoient fait aucune réfiftance : la plupart s'é-
toient fauves dans la Cathédrale, Se s'y étoient enfermés avec
l'Evêque Gohard & le Clergé. Après le pillage de la ville , les
barbares attaquent l'EgUfe & en brifent les portes : ils n'épar-
gnent perfonne ; les Prêtres ne font point exempts de la com-
mune loi , & l'Evêque lui-même eft mafiacré fur l'autel de Saint-
Feréol. Les Normands emportent tous les tréfors de l'EgUfe , & Lam-
bert devient paifible poffefleur du Comté. Les efclaves que les
Tomç III^ D
^6 NAN ^
barbares emmenoîent recouvrent la liberté à la faveur d'une
contellation qui furvient entre eux. L'Eglife de Nantes efl: récon-
ciliée le 30 Septembre, par Sufannus , Evêque de Vannes, & le
corps de Saint Gohard elî enfermé dans une chalTe de bois. Tout
ce que les légendes difent de plus fur ce Saint , doit être re-
gardé comme fabuleux. Bailler veut que fon corps foit à Saint-
Serge , ou à Saint-Pierre d'Angers \ il eil: plutôt à Paris , où 011
le porta , avec pluiieurs autres , pour le dérober aux profanations
facrileges des Normands. On honore ce Prélat fous le titre de
Martyr, à Creteil, dans l'IUe de France, à peu de dillance
de Paris. Le marc d'argent valoit alors dix-huit fols , & le marc
d'or dix livres feize fols : ainfi dix-huit fols répondoient à quarante-
huit livres de notre monnoie aftuelle.
843. Aftard monte fur le Siège épifcopal de Nantes. Char-
les le Chauve part de Poitiers pour venir affiéger Rennes 5
il s'arrête , en paffant , à Lire ( ^ ) , où fe tenoit alors un Con-
cile , duquel il ne relie que (îx canons ; il y en a deux qui ne font
point venus jufqu'à nous j ils portoient condamnation contre ceux
qui manquoient de refpeft envers l'Eglife & d'obéiffance envers
les Rois , & contre ceux qui prétendoient connoître , par des for-
tileges , la durée de leur règne , & le nom de leurs fuccelTeurs.
845. On frappe, à Nantes, des deniers d'argent, au coin
de Charles le Chauve , avec l'infcription : Carlus gratiâ Di Fran-
corum Rex , Namieds civitas. C'eil le feul monument qui prouve
l'autorité de ce Monarque dans la ville de Nantes.
849. Lambert , Comte de Nantes , s'attire la haine de fou
Evêque , qui le fait chaffer par Nominoé. Lambert fe retire à
Craon , petite ville de l'Anjou , qui appartenoit à fa fœur d'Oda ,
Abbeffe du Monaftere de Saint-Clément de Nantes. Il s'ennuie
bientôt de vivre tranquille dans fa retraite. Il fait bâtir le châ-
teau & la fuperbe tour qu'on voit encore â Oudon, fur les
bords de la Loire. De là il levé des contributions dans tout le
pays, jufqu'en 855 qu'il eft tué par Guibon , Comte du Maine,
& enterré à la Saverniere. ( Voyez Oudon. )
L'Abbaye de Saint-Clément & celle de Saint-André étoient
peu éloignées l'une de l'autre. A la fupprefTion de ces deux Mo-
nafteres , leurs revenus pafTerent au Chapitre de la Cadiédrale, &
leurs dépendances ont formé depuis le territoire de fa Jurifciftion.
849. Charles le Chauve donne le Comté de Nantes à
■ Il II — — I I ■ I I I I M^l^— — 1M^
{a) Lire eft une Parolffe de l'Anjou, dépendante de l'Evèché de Nantes.
N A N 17
Amaurî. Nominoé chafTe ce Seigneur , s'empare de la ville ,
exile Aftard, qu'il fçavoit être attaché aux intérêts de la France,
& donne fon Siège à Giflard. Le Prince Breton unit à l'Evê-
ché de Nantes tout le pays qu'il avoit conquis au Sud de la
Loire 5 & meurt l'an 851. Erifpoé , fon fils , lui fuccede.
853. Les Normands s'emparent de Nantes, & fe retirent,
îivec leur butin , dans l'ifle de Bieffe , oii ils fe fortifient
l'année fuivante. Erifpoé , fecouru de Sideric , chef d'une autre
horde de barbares , les attaque , les défait , & les chafle. La
rnonnoie que Charles le Chauve avoit fait frapper à Nantes ,
tombe dans le difcrédit. L'Edit donné à Pifte , en 854, la dé-
crie , comme ayant été frappée dans un lieu que le Roi ne pof-
fédoit plus.
Aftard efi: député à Rome par le Concile de Soiflbns , pour
fe plaindre des ravages que faifoient les Bretons fur les terres
des Français. Ce Prélat accepte la commiffion avec joie , dans
i'efpérance d'intéreffer le Pape en fa faveur , & de remonter ,
par ce moyen , fur fon Siège. Charles le Chauve , qui favorifoit
A6tard , le recommande fortement au Pontife. Celui-ci , qui n'a-
voit point connu l'Evêque de Nantes , fans l'eflimer , plaide fa
caufe auprès d'Erifpoé. Le Prince Breton fe laifTe fléchir , &
Aftard efi: rétabli en 855. Giflard , forcé de quitter Nantes , fe
retire à Guérande , & conferve la moitié du diocefe , malgré tous
les efforts qu'on fait pour la lui arracher. La partie qu'il retint ,
forme aujourd'hui l'Archidiaconé de la Mée. Les Evêques de
la province condamnent Giflard à pafier le refte de fes jours
dans le cloître de Saint-Martin de Tours ; mais il fe moque de
la fentence , & meurt fur fon Siège de Guérande , l'an 895. Ce
Siège demeure vacant.
Aftard ne jouit pas long-temps de la tranquillité. Salomon
afi'affine fon coufin Erifpoé , s'empare de la Couronne , & chafle
l'Evêque de Nantes de fon Siège , avec injon6lion de fortir de
fes Etats. Aufli-tôt il envoie des ambafl!adeurs à Rome pour
prévenir l'orage. Afiard implore la prote8:ion du Roi & de fes
confrères , & parvient facilement à l'obtenir. On écrit au Pape
en fa faveur , mais les préfents de Salomon avoient eu leur eflet.
Le Pape n'agit que foiblement auprès du Roi Breton , & A61:ard
n'a plus d'efpérance. Il efl: amplement dédommagé, en 871 , de
la perte de l'Evéché de Nantes, par le Pallium qu'on lui ac-
corde avec l'Archevêché de Tours. C'efl le premier Evêque de
Nantes qui ait été transféré fur un autre Siège. Hincmar de
î8 NAN
Rheims prétend , à tort , qu'il pofleda les deux Evêchës en
même temps ; l'un en titre , & l'autre en commende. Dès qu'il
fut Archevêque de Tours , il ne fut plus reconnu pour Evêque
de Nantes. Ce Prélat étoit remuant , ambitieux , homme d'efprit ,
politique , adroit , & capable de faire réuffir une affaire impor-
tante. On murmura beaucoup de ce qu'il ordonnoit une féconde
fois ceux qui avoient reçu les Ordres de Giflard : Salomon , lui-
même , s'en plaignit au Pape , qui lui fit réponfe qu'il ne pou-
voir approuver cette conduite j mais qu'au furplus Aftard étoit
un homme de mérite.
871. Hermengarius , Evêque de Nantes, fe fait facrer par
Aftard , Archevêque de Tours. Salomon eu tué , l'an 874 , par
Pafquiten , fon gendre , & Gurvand , gendre d'Erifpoé. Pafquiten
prend le titre de Comte de Nantes & de Vannes , Se Gurvand
celui de Comte de Rennes. Les Normands ravagent le Comté
de Nantes , à différentes reprifes , & les habitants du pays font
forcés de l'abandonner.
877. Alain , fils d'une fille de Salomon , eu reconnu Comte
de Nantes , en qualité de tuteur de Gurmhailon , fils de Paf-
quiten. Charles le Chauve lui fait la guerre , lui enlevé la ville
de Nantes , & y fait bâtir des ponts de bois , les premiers qui
aient exifté fur la Loire , en cet endroit.
879. Les Normands s'emparent de Nantes , Se gardent
quelque temps cette ville. Hermengarius meurt en 886. Landran,
qui lui fuccede , fe retire , avec fes Clercs , à Angers , par la
crainte de tomber entre les mains des Normands. Le Roi Charles
le Gros , touché de la fituation du Prélat , pourvoit abondamment
à tous fes befoins.
Les Normands , qui ne peuvent réuffir en France , viennent en
Bretagne , dans l'efpérance de profiter de la guerre inteftine qui
défoloit l'Etat. Ils fe joignent à ceux de leur nation qui étoient
dans le Comté de Nantes, & recommencent leurs courfes, fous
la conduite de leur Roi Hafting.
Alain , Comte de Nantes , touché des maux de fon peuple ,
fe prépare à le venger. Il levé une armée nombreufe , pourfuit
les barbares avec une aftivité incroyable , en détruit une bonne
partie près Guérande , Se joint le gros de leur armée dans le
territoire de Quellember , au diocefe de Vannes , où il remporte
la viftoire la plus complette , l'an 888. De quinze à feize mille
qu'ils étoient avant la bataille , il n'en échappe que quatre à
cinq cents. Les foldats d'Alain, pleins d'admiration pour fa
N A N 19
Valeur, le proclament Duc de Bretagne fur le champ de bataille ,
fous le nom à^ Alain Rebré , c 'elt-à-dire , le Grand,
Landran , informé de la défaite des Normands , revient à
Nantes, l'an 889, & s'occupe du foulagement de fon troupeau*
Le Duc Alain aide le Prélat dans fes delfeins , & fait bâtir , au-
près de la Cathédrale , un petit château pour la fureté de l'Evêque.
Eudes , Duc de Paris , étoit monté fur le Trône des Français ,
&: fe montroit digne du choix des peuples qui s'étoient fournis à
fa puifTance. Ce Monarque , qui fe prétendoit Souverain du Comté
de Nantes , donna , vers 893 , l'Èglife des Saints Donatien &
Rogatien à l'Abbaye de Saint-Médard de SoifTons , qui la pof-
féda , dit-on, jufqu'en 1003 : elle paiTa enfuite à la fameufe
Abbaye de Bourg-Dieu , Ordre de Saint-Benoît , au diocefe de
Bourges. Le Chapitre de Nantes , ou plutôt l'Evêque , ne voulut
pas confentir à cette ceffion , & fe faiîit des revenus de l'E-
glife , fous prétexte que tout ceci s'étoit fait fans fon confente-
ment. Il auroit pu , me femble , donner une meilleure raifon ,
qui étoit que le Roi Eudes n'avoit pu difpofer de l'Eglife de
Saint-Donatien , puifque le Comté de Nantes ne reconnoifToit ,
en 893 , d'autre Souverain que le Duc Alain le Grand. Cepen-
dant , comme l'Evêque craignoit que la conteflation ne finit pas
à fon avantage , il fit enlever les ornements les plus précieux
de l'Eglife en litige , & fit tranfporter la chafTe des Saints
Martyrs à la Cathédrale, où elle eft reliée depuis. Ce procès
dura jufqu'en 1092, & finit à l'avantage de l'Eglife de Nantes.
Il eft à croire que les Moines de Bourg-Dieu ne demeurèrent
point à Nantes. S'ils y euffent été, ils n'auroient pas fouffert
qu'on enlevât les précieufes dépouilles des Martyrs.
Landran meurt le 5 Février 896 , & eft inhumé dans l'E-
glife de Saint-Donatien , fous une tombe de marbre. Le Gor-
gius , que d'Argentré lui donne pour fucceffeur , eft fuppofé.
Foulcher eft le véritable fuccefteur de Landran. Nantes ofiroit
alors le plus trifte fpeftacle ; des rues prefque déferres , des
maifons à demi-brûlées , & des murs écroulés.
Le Duc Alain voulant rétablir cette cité malheureufe dans
fon ancienne fplendeur , & mettre fes habitants en fureté ,
donna à l'Evêque Foulcher la petite Abbaye de Saint-André ( ^ ) ,
avec les valiàux qui en dépendoient , & la Seigneurie Mi-
•■^ — . .^ ■■ I II I . .-
{a) L'Abbaye de Saint- André étoit fituée entre la rivière d'Erdre , TEglife de Saint-Do;
natien , & les muts de la cité.
30 NAN _ _
gno , fur le fond de laquelle étoit fîtuée la riche Abbaye de
Saint-Glément. Cette Communauté n'avoir point été épargnée
par les Normands , & les Religieufes , qui l'avoient abandonnée
depuis long-temps , ne vouloient point y revenir , dans la crainte
de fe voir expofées à de nouveaux malheurs.
Le Prélat , devenu riche par ces donations & les bienfaits de
quelques Seigneurs , fit entourer une partie de la ville de hautes
& fortes murailles , qui pouvoient fervir d'afyle au peuple dans le
befoin. Elles commençoient à l'Eglife Cathédrale , enfermoient l'E-
vêché & les R^égaires , & fe rendoient par les rues de Saint-Denis
& de Saint-Gildas , jufqu à la maifon du Doyen , & à la Cathédrale.
Elles enfermoient , dans leur enceinte , les ParoifTes de Saint- Jean ,
de Saint-Laurent , & tout le canton dans lequel les anciens ftatuts
du diocefe concentrent les Chanoines , & d'où ils leur défendent
de fortir , fans être accompagnés d'un ferviteur ou d'un Clerc.
902. Foulcher afîifte au Concile de Tours , fait enfuite
réparer & augmenter fa Cathédrale , & réunit à fon Siège la
partie qui en avoit été féparée par Giflard, & qui, depuis la
mort de ce dernier , étoit gouvernée par l'Evêque de Vannes.
Le Prélat meurt l'an 906 , & efl enterré à Saint-Donatien. On
ne peut lui refufer des éloges : la chronique de Nantes vante ,
fur-tout , fa prudence , fa juftice , & fa probité.
Ifaïe , fon fucceffeur , meurt au bout de quelques mois , &
le Siège eft occupé par Adalard , en 907. Mort d'Alain le Grand.
Gurmhailon, qui prend le titre de Comte de Vannes & de
Nantes , ne montre que de la foibleffe. Il ne peut réfifler aux
Normands qui s'emparent du Comté Nantais & d'une partie
de la Bretagne , qu'ils gardent fous leurs loix depuis l'an 910 juf-
qu'en 936. Pendant le fac de cette ville, il fe fait un miracle ,
dont Thiftoire nous a été confervée par une chronique manuf-
crite de Saint-Brieuc. Un malheureux habitant , pourfuivi par
les Nox-mands , couroit de toutes fes forces fe réfugier dans l'E-
glife des Saints Patrons de la ville , dont il imploroit la protec-
tion ; mais les forces lui manquent en chemin , & il fe voit
fur le point d'être joint par les ennemis. Dans cette extrémité ,
il apperçoit un gros arbre derrière lequel il va fe cacher.
L'arbre s'ouvre fur le champ, reçoit le fugitif, & fe referme
aufîi-tôt. Les Normands courent pour l'immoler & ne trouvent
rien. Surpris de ce prodige, ils retournent vers leurs compagnons,
& leur racontent ce qui vient de leur arriver. L'arbre rend
alors à k lumière le Nantais qu'il avoit confervé. Voilà vraiment
N AN _ 51
un miracle ; maïs le fait efl-il vrai ? je n'en fçaîs rien. Je ne le
nierai pas ; je ne Taflurerai pas aufîi : quoique le chroniqueur ,
pour donner plus de vraifemblance à fon récit , ajoute que
celui qui avoit été ii miraculeufement confervé , avoit pluiieurs
fois raconté à fes parents & à fes amis ce qui lui étoit arrivé.
Adalard & fon Clergé, voyant la ville au pouvoir de ren-
nemi , fe retirent en Bourgogne d'où ils ne revinrent plus. Alain
Barbe-torte fe réfugie en Angleterre avec une partie de fes
fujets , tandis que les autres vont chercher un afyle en France
ou dans les ifles voisines. Les Normands reitent les maîtres du
pays , jufqu'à ce qu'Alain , ennuyé de vivre dans une Cour
étrangère , penfe férieufement à rentrer dans fes Etats. Il de-
mande au Roi Adolftan , fon protefteur , des vailTeaux qu'il ob-
tient , & les remplit de Bretons réfugiés , qui n'attendoient que
l'occaiion de rentrer dans leur patrie. Alain part avec ce
petit nombre de troupes , & vient débarquer aux environs de
Cancale : fans perdre de temps , il fe rend à Dol occupé par
les Normands , les attaque , les taille en pièces , marche contre
ceux de Saint-Brieuc , & leur arrache encore la viftoire. Les
Bretons fugitifs , informxés des fuccès de leur Prince , viennent
en foule fe ranger fous fes drapeaux. A la tête d'une armée
nombreufe , Alain vole de viftoire en viftoire. Bientôt toute
la Bretagne eft libre , à l'exception du Comté de Nantes. Le
vainqueur ne veut pas laifTer fon ouvrage imparfait : il s'avance
vers ce pays , & attaque les Normands qu'il trouve retranchés ,
félon les uns , dans la prairie de Mauves , près Nantes ; & ,
félon les autres , dans la ParoiiTe de Saint- Aignan , même diocefe.
Alain ell d'abord repoullé & obligé de fe retirer pour faire
repofer fes troupes; mais, deux heures après, il revient à la charge
avec tant de furie , qu'il force l'ennemi dans fon camp & en
fait un horrible carnage. Le petit nombre qui échappe au fer
des vainqueurs, abandonne la Bretagne, qui, depuis fi long-temps,
étoit le théâtre de leurs cruautés.
Alain , qui fe rend à Nantes pour remercier le Ciel du fuccès
de fes armes , trouve l'entrée de la Cathédrale bouchée par des
ronces & des épines , qu'il fait couper. Ce trait d'hifloire prouve
que les Normands ne permettoient point aux Fidèles de s'ac-
quitter des devoirs même les plus facrés , ou plutôt qu'il n'y
avoit aucun chrétien à Nantes pendant que cette ville étoit
fous le joug de ces étrangers. Ils avoient ruiné & bouleverfé la
ville , à peine reconnoilloit-on les veftiges des maifons & des
31 N A N
rues. Le Duc fit réparer ce qui pouvoit Tétre , & bâtît le châ-
teau de la Tour-neuve , où il fe logea.
5)39. O61:ron eft fait Evêque Commendataire de Nantes. Il
meurt en 950, & Hefdren ou Hefdin lui fuccede. Alain partage
la ville en trois parties. Il fe conferve la plus grande fous le
titre de prévôté. La féconde , connue fous la dénomination des
Régaires , eft donnée à l'Evêque : elle s'étendoit depuis le mur
qui étoît du côté du Nord jufqu'à la porte Charriere , aujour-
d'hui Saint-Nicolas , & à la prairie de Mauves , alors nom-
mée prairie de la Fontaine. Il donne à fes Officiers la troiiieme
partie , qui a été l'origine des différents fiefs qu'on connoît en
cette ville : il joint , en même temps , au territoire de Nantes ,
les cantons de Mauges , Tiffauges , Herbauges , & Retz , avec
leurs dépendances , & fait tous {qs efforts pour rétablir la ville
de Nantes dans fon ancienne fplendeur.
L'Eglife de Notre-Dame n'étoit , dans le principe , qu'une
Chapelle , qui fut ruinée par les Normands. Le Duc Alain , qui
vouloit en faire une Collégiale , commençoit à la faire bâtir ,
lorfqu'il fut furpris par la mort au château de la Tour-neuve,
l'an 952. Il avoir donné ordre qu'on l'enterrât dans fa nouvelle
Collégiale j mais , comme elle n'étoit pas encore bâtie , on porta
fon corps à l'Eglife de Saint-Donatien. D'Argentré rapporte ici
un miracle , qui paroît avoir befoin de confirmation. Le corps
du Prince , dit-il , fut enterré à Saint-Donatien 5 mais il fortit
de fon tombeau : on l'y replaça , mais inutilement. Le même
prodige arriva trois fois. Quand on fut bien affuré de la vérité
du fait , on reporta le corps du Prince à la Collégiale , où il
fut inhumé avec beaucoup de folemnité. Ce miracle , ajoute-t-il ,
fut écrit fur un tableau , qui reffa dans l'EgUfe jufqu'à ce qu'il
fut entièrement ufé.
On prétend , .& il paroît certain que c'ell fon tombeau qu'on
voit dans la muraille de la nef, un peu au defTous de l'autel
de la Paroiffe : il forme le retable de celui de Sainte-Rofe. On
y lit cette infcription en latin :
Alain Barbe-tone , Duc de Bretagne , Juge équi-
table , ennemi du Paganifme , grand défenjeur de
la Foi , a fait beaucoup de dépenfes pour le réta^
hlijfement de l'autel de Notre-Dame de la Rofe.
La Collégiale que ce Prince fit bâtir n*étoit pas à beaucoup
près
N A N 33
JDfès aufîi vafte qu'elle l'eft de nos jours. Une infcription de ce
temps-là , dit qu'on ne peut lui donner le nom de Bafilique ,
quoique rétablie par les foins d'un Prince magnifique & libéral.
959. Gautier I du nom, efl: fait Evêque de Nantes. L'année
fuivante , les Normands furprennent cette ville , & font l'Evêque
Gautier prifonnier, avec pluiieurs perfonnes de diftmftion. Nou-
veau miracle dans l'Eglife de Saint-Donatien. Les barbares , qui
ofcnt profaner cette Eglife , font fubitement privés de la vue.
Ils font au défefpoir de cet accident : les prifonniers qu'ils ont
fait dans cette Eglife , leur font connoître leurs crimes , & leur
confeillent d'implorer la miféricorde de Dieu & la protefticn
des Saints Martyrs. Ils fuivent ce confeil , & la vue leur eft
rendue. Ce fait , qu'ils racontent , dit-on , à leurs compagnons ,
les épouvante tellement , que , dans la fuite , ils refpefterent tou-
jours les Eglifes. ( Cette anecdote elt tirée d'une chronique ma-
nufcrite de Saint Brieuc. )
L'Evêque Gautier eft mené par les Normands jufqu'à Vannes,
&: recouvre fa liberté moyennant une forte rançon. Les Paroif-
fiens de Saint-Similien lui offrent les dîmes de leur Eglife &
le patronage de la Cure , s'il veut faire rebâtir l'Eglife à fes
frais : ce qui ell: accepté. Cette Eglife avoit été tant de fois
pillée & détruite , que les habitants de la ParoifTe , qui n'a-
voient pas mieux été traités , fe trouvèrent dans l'impoilibilité
de la rétablir. Pour fubvenir à la fubfîftance du Relieur , ils lui
accordèrent le tierçage.
L'Evêque Gautier , ne pouvant remplir fes engagements avec
les Paroifliens de Saint-Simihen , propofe à fes Chanoines de fe
charger de l'édifice de cette Eglife , aux mêmes conditions.
Ils y confentent , & la perception des dîmes leur eft afTurée à
perpétuité , avec la préfentation de la Cure.
Le jour que la première pierre fut pofée , le Chapitre fe rendit
procefîionnellement au Heu de l'édifice. Il ne perdit pas fon
temps , s'il eft vrai , comme on le prétend , que les offrandes
qu'il reçut furent plus que fuffifantes pour la conftru6tion de
l'Eglife. En mémoire de ces libéraUtés , la Cathédrale va , le
16 Juin de chaque année, en proceffion à Saint-Similien.
965. Hoël IV du nom, fils naturel d'Alain Barbe-torte , eft
reconnu Comte de Nantes. Il eff affaffiné, en 980, dans la forêt
Nantaife , par ordre de Conan le Tors , Comte de Rennes. Gau-
tier meurt la même année.
Guerech , frère d'Hoël , prend en même tempe le titre de
Tome ///, E
34 N A N
Comte Se celui d'Evêque. Il emploie les revenus de fon Evéché
à faire rebâtir l'Egiife Cathédrale. Il ne fe fait point facrer , ôc
époufe une Dame , nommée Aremberge, Il périt , comme fon
frère , par la perfidie de Conan le Tors , qui le fait empoifonner.
Tan 987.
Alain , fon fils , lui fuccede au Comté j & Hoël , que les
uns difent aufli fon fils, tandis que d'autres le font fils d'Hoël IV,
eft fon fuccefieur à l'Evêché , qu'il tient deux ans en commende.
Il fait le même emploi des revenus eccléfiaftiques que fon père ,
& a le bonheur de trouver dans Foulques Nerra , Comte d'An-
jou, un généreux protefteur, qui le défend contre Conan le
Tors , & lui donne pour tuteur Aimeri , Vicomte de Thouars.
990. Hugues I du nom , efi: fait Evêque de Nantes , & meurt
en 992. Il étoit Gouverneur de fa ville épifcopale , dit un hiflo-
rien. Cela peut être , mais ce titre ne lui appartenoit pas , puifqae
cette ville avoit un Comte particulier. Conan le Tors s'en étoit faifi ,
6c j avoit fait bâtir le château du Bouffay , où il avoit mis une
garnifon. En creufant les fondements de l'édifice , on trouva une
tête d'homme enfermée dans une cafTette , que les derniers ra-
vages des Normands avoient fait cacher fous terre pour la dé-
rober à leurs mains facrileges. Quelques indices firent foupçonner
que c'étoit la tête de Saint Pol , premier Evêque de Léon en
580. Robert, Abbé de Saint-Florent-le-Viel, confeilla d'en faire
l'épreuve par le feu , félon l'ufage du temps. On fuivit ce con-
feil. La tête fut mife trois fois dans un feu de paille de lin , &
trois fois dans un feu de farment très-vif, en fut retirée intafte &:
reconnue pour véritable & fainte ReHque. Elle fut donnée par le
Comte Robert à l'Abbé du Monaftere de Glofne ou de Saint-Flo-
rent-le-Viel , qui relevoit , en ce temps , du Comté de Nantes,
992. Conan efi: tué à la bataille de Concreuil , qu'il livre
à Foulques Nerra , Comte d'Anjou. Aimeri, Vicomte de Thouars,
ell reconnu Comte de Nantes, en qualité de tuteur de Judicaël,
fils de Guerech & d'Aremberge. Celui-ci prend le titre de Comte,
en 992 , fous la tutelle de Gui de Thouars. Le 26 Juin de la même
année , Nantes eft affiégée & prife par Geoifroi , Comte de
Rennes , fils & fuccefleur de Conan. Il rend pourtant cette place,
au bout de trois femaines, à Judicaël, à condition qu'il lui en
fera hommage.
992. Hervitius eft fait Evêque de Nantes. Fulbert de
Chartres blâme ce Prélat d'avoir ordonné Megenard , Abbé de
Saint-Pierre de Chartres, qui avoit été élevé à cette dignité,
N A N 35
contre toutes les règles , par la prote6lion de Thibaud , Comte
de Blois. Cet Hervitius eft le premier qui ait donné des biens-
fonds au Chapitre de fa Cathédrale , qui , jufque$-là , avoit été
jîourri par les Evêques , comme un enfant par fon père.
I002. GeofFroi I, Duc de Bretagne , envoie de Breft , à
Hervitius , Evêque de Nantes , qu'il eltimoit beaucoup , le corps
de Saint Hervé. Ce fut dans la Cathédrale que furent placées
les faintes Reliques, fur lefquelles on prétend qu'on fit, pendant
plufîeurs fiecles, le ferment en Juflice. Hervitius meurt à Blois
l'année fuivante.
1005. Judicaël , Comte de Nantes, eft affaffiné fur le
chemin de Rennes , en allant voir le Duc GeofFroi. Budic , fon
iils naturel , lui fuccede.
1 009, L'Evêché de Nantes , qui étoit reflé vacant depuis
la mort d'Hervitius , efl donné à Gautier II du nom. C'étoit
un homme inquiet & féditieux , plus foldat qu^Evêque , qui
eut fans cefTe les armes à la main contre le Comte , fon Sou-
verain. Il fait des concefîions multipliées à fon Chapitre j mais
il diminue confîdérablement les richeffes de fon Eglife , par les
préfents & les donations qu'il fait aux Seigneurs pour les retenir
dans fon parti. En 1012, il part pour la Terre-Sainte, & fait
défigner , pour fon fuccefleur , Pudic ou Budic ; fon fils , né en
légitime mariage.
1026. Judith, fille de Judicaël & fœur de Budic, Comtes
de Nantes, époufe Alain Caignard, Comte de Cornouailles. Les
tîoces fe font dans l'ifle d'Indre. Ce mariage caufa une très-
longue guerre entre les deux Comtes Budic & Alain Caignard,
parce que ce dernier ne pouvoir foufïrir que Budic , qui étoit
bâtard, polTédât ce Comté au préjudice de l'héritière légitime.
( Voyez Indre. ) L'Eglife de Saint-Cyr & Sainte-Julitte , aujour-
d'hui Saint-Léonard , qui avoit été détruite par les Normands,
efl réparée par les foins du Comte de Nantes , qui la donne à
l'Abbaye du Roncerai d'Angers. Les ReHgieufes Angevines y
font aufîi-tôt conflruire un Monaflere , qui fut détruit , dans la
fuite , par Pierre de Dreux. Dom Lobineau prétend , à tort , que
c'eft le Comte Matthias qui fit réparer cette Eglife.
L'Evéque Gautier trouve , à fon retour de la Paleftine , les
biens de fon EgUfe ufurpés par Budic , qui vouloir fe venger de
ce que lui avoit fait foufïrir le Prélat. Celui-ci lance une ex-
communication contre le raviffeur qui s'en moque. L'Evêque im-
plore la proteâ:ion du Duc , & l'obtient. On fe préparoit à la
3é N AN
guerre, lorfque l'Archevêque de Dol offre fa médiation, & par-
vient enfin a réconcilier les parties.
Le terrein aujourd'hui occupé par le fauxbourg de la BalKUe,
la place de Viarme , & les hauts-pavés , faifoit alors partie d'une
vafte forêt , qui s'étendoit jufqu'à Saint-Herblain & à Sautron.
Cette forêt étoit , dit-on , habitée par un monftre qui dévoroit
les pafTants. Les Nantais s'afTemblerent pour le tuer. Un Gen-
tilhomme de la ville l'attaqua avec courage, & eut le bonheur
de délivrer Ton pays de cette bête féroce. En mémoire de cet
événement, on fit conftruire dans la forêt une Chapelle fous le
nom de Notre-Dame de Miféricorde, La forêt ne fubfilte plus,
mais la Chapelle eft toujours fréquentée avec beaucoup de dé-
votion : elle tient aftuellement à la ville par le fauxbourg
Saint-Similien.
1027. Judith , époufe d'Alain Caignard , Comte de Cor-
nouailles , donne aux Moines de Sainte-Croix de Quimperlé la
Chapelle de Notre-Dame de Nantes , qui avoit été érigée en
Collégiale par le Duc Alain Barbe-torte. Ces ReHgieux la cé-
dèrent , dans le treizième fiecle , aux Moines de Redon,
Les payfans que Budic , Comte de Nantes , avoit chargés de
garder le château de Saint-Florent-le-Viel , fur les bords de
la Loire , dans l'Anjou ( a ) , fe voyant les armes à la main ,
s'imaginent qu'ils peuvent réfifter à leurs maîtres mêmes & leur
donner la loi. Ils font une irruption dans le Comté de Nantes ,
pillent & brûlent les maifons des Seigneurs. La Noblefle prend
les armes , & marche contre cette populace imprudente , fans
ordre & fans chef, qui eft taillée en pièces à la première
rencontre.
1030. Deux payfans trouvent dans le lit de la rivière d'Evre
une cloche d'or , du poids de deux cents marcs , & en font
préfcnt au Prieur de l'Abbaye de Saint-Florent , qui , par recon-
noiflance , leur donne quelques arpents de terre. Le Comte Budic
apprend ce qui fe palTe ; &" , en qualité de Souverain du Heu
où ce précieux métal avoit été trouvé , il oWige les Moines à le
reftituer , & leur fait compter dix livres en dédommagement du
fonds de terre qu'ils a voient donné aux payfans.
1037. Budic, Comte de Nantes, meurt. Matthias, fon fils
& fon fuccefieur, confirme à l'Abbefié du Roncerai d'Angers
la pofTeffion du Monaftere de Saint-Cyr.
(tf )Le Comté de Nantes s'étendoit alors jufqu'auprès d'Angers.
N A N _ \ 57
1041. Mort de l'Evêque Gautier. Budlc Ou Pudîc , Ton fils,
qui lui fuccede, n'occupe pas long-temps le Siège épifcopal.
Le Concile de Rheims , où préfidoit le Pape Léon IX , le dé-
pofe comme fimoniaque, lui permettant néanmoms de faire les
fondions facerdotales. Cette fentence lui caufe un chagrin vio-
lent , qui le conduit au tombeau la même année. Le Pape
Léon IX , de fon autorité , & lans confulter perfonne , lui
donne, en 1050, pour fuccefleur, Airard , Cardinal, Abbé de
Saint-Paul de Rome. Hoël , fils d'i^lain Caignard , Comte de
Cornouailles & de Judith, venoit de fiiccéder, au Comté de
Nantes , à Budic, mort fans pollérité l'an 105 1. De concert avec
le peuple & le Clergé, il écrit au Pape une lettre très-vive,
pour lui remontrer que les habitants de Nantes avoient tou-
jours eu le privilège d'éUre leur Evêque , & qu'ils vouloient
ufer de leurs droits ; que cependant , par refpeft pour le Saint-
Siège , ils avoient reçu celui que Sa Sainteté venoit de leur
envoyer , & qu'ils lui conferveroient le refpeft dû à fa dignité ,
s'il fe comportoit bien, à condition toutefois que cela ne tire-
roit pas à conféquence pour l'avenir.
Les Nantais trouvent bientôt fuj et de fe plaindre de leur Evêque.
Ils fe fervent de cette occafion pour le dépofer , en le jugeant
incapable de gouverner fon Eghfe. Tout le monde s'accorde
à demander fon expulfion , & le Prélat eft honteufement chafle
de fon Siège. La fentence eft remarquable : on y Ht , qu'Airard
a été ordonné, contre les Canons, par le Souverain Pontife lui-
même. Il eft le premier des Evêques de Nantes qui ait été
nommé par le Pape , & qui ait eu des Bulles. Il retint le titre
d'Evêque jufqu'à fa mort , quoiqu'il ne fût pas reconnu en
cette qualité des Nantais.
Il eft à croire que fa dépofition fut jufte. Ce qu'il fit pendant
fon Epifcopat , ne donne pas bonne idée de fon équité. Le
Concile de Rome avoit ordonné que les Laïques , pofTédant Bé-
néfices eccléfiaiiiques , euffent à les reftituer , fous peine d'excom-
munication. Airard , qui avoit été Moine , décida que toutes
ces reftitutions dévoient fe faire en faveur des Moines. C'étoit
une injuftice vifible -, car le Concile , par le nom de Minières
des autels , n'avoit pas plus défigné les Moines que les Prêtre»
féculiers.
La ville étoit alors entourée de bons remparts pour fa dé-
fenfe , mais peu étendue. La place du Change , qui eft aujourd'hui
au centre de la ville, étoit un defes fauxbourgs. Le Duc Çonam
jS N A N
vivoit en bonne intelligence avec le Comte de Nantes , & faifoît
ordinairement fa réddence dans la Tour-neuve , nommée aufTi la
tour de Sainte- Hermine, Conan fit augmenter cet édifice , & l'ap-
pella le château de la Tour-neuve,
. Ce fut alors que ce Prince, un àts plus grands Souverains
qui aient régné en Bretagne , forma le projet de rendre à cet
Etat fes anciennes limites , qui s'étendoient jufqu'à Angers &
très-avant dans le Poitou. Il y réuffit. Satisfait de ce côté , il
voulut venger la mort de fon père Alain , empoifonné par les
Normands l'an 1040 ; mais il mourut dans cette expédition , em-
poifonné , dit l'hiftoire , par le Duc de Normandie. ( Voyez le
premier volume de ce Di6lionnaire , Abrégé de l'hiftoire. ) Hoël
lui fuccéda au Duché de Bretagne.
1052. Quiriac , frère du Duc , eft fait Evêque de Nantes. Il
eft facré l'an 1 060. Ce Prince-Evêque parut digne du bâton paf-
toral. Il fçut fe faire refpefter de fes Chanoines & chérir de
fon troupeau. Il réfifta courageufement aux prétentions de la Cour
de Rome , & vint à bout de tout ce qu'il entreprit. Le Cha-
pitre vivoit en commun avec le Prélat, & faifoit tous les Offices
de TEglife. On ne voyoit point alors de Chantres gagés , ni
d'Official. L'Evêque jugeoit , avec les plus éclairés de fes Clercs,
toutes les caufes eccléfiaftiques.
On ne peut reprocher à Quiriac que fon exceffive libéralité
envers le Clergé , & fur-tout envers les Moines. Il donna à fon
Chapitre les domaines de Sainte-Marie , de Saint-Clément , &
de Saint- André , avec les EgHfes de Saint-Denis, Sainte-Rade-
gonde , & plufieurs autres biens. Les Abbayes de Saint-Sauveur
de Redon , de Quimperlé , & de Marmoutier , reffentirent par-
ticulièrement les effets de fa générofité.
1063. Quiriac préfide au Concile affemblé à Nantes. Il va à
Marmoutier, en 1065, & donne, en 1076, à fon frère Benoît,
Abbé de Sainte-Croix de Quimperlé , une Terr€ fituée fur le
ruiffeau du Sance , à peu de dillance du fauxbourg de Barbin,
à l'endroit nommé Loquidie ; & une prairie fituée à Sainte-Luce.
Cette conceffion forma le Prieuré de Langle-Chaillou , qui paffa
de l'Abbaye de Quimperlé à celle de Blanche-Couronne j &,
de celle-ci , aux Moines de Pirmil , qui en jouiffent aujourd'hui.
1076, Lettre du Pape Grégoire au Duc Hoel, pour lui re-
commander l'Abbaye de Sainte-Croix de Quimperlé. Ce Prince
«exerce , pour la première fois , à Nantes , le droit d'aubaine j
<iroit jufqu'alors inconnu en cette ville.
NAN Î9
Il s'élève , pendant ce fîecle , d'étranges abus dans l'Eglife.
Un des plus finguliers eft le falaire qu'on exige pour la coa-
feflion j ce qui rend les Prêtres fort aflidus à l'entendre , & le
peuple fort négligent à la faire.
1078. Mort de Quiriac. Le Duc , fon frère, donne à Mar-
moutier l'Eglife de Sainte -Radegonde de Nantes, & ne fe ré-
ferve , de fes revenus , que la moitié des offrandes des fêtes
de Noël , de Pâques , & de Toufïaint , avec dix fols de cens
annuel.
1 079. Benoît , Abbé de Quimperlé , fuccede à fon frère. îi
eft le premier Evêque de Nantes qui poflede enfemble une
Abbaye & un Evêché. Il fe rend recommandable par fon afti-
vité, fes travaux, fon zèle, & fa bienfaifance ; mais on lui
reproche le même défaut qu'avoit fon prédéceffeur , de prodiguer
les biens de l'Eglife aux Moines , gens toujours plus refpeéla-
bies dans une honnête médiocrité que dans l'opulence.
1084. Mort d'Hoël. Alain Fergent, fon fils aîné, eft reconnu
Duc de Bretagne ; & Matthias , fon cadet , eft fait Comte de
Nantes. Le Parlement général eft afîemblé en cette ville, l'an
-1087 : on y règle les rangs des Evêques & des Barons. On
peut voir dans d'Argentré la charte de ce règlement.
1088. Benoît, Evêque de Nantes _, étant à fon Abbaye de
Quimperlé , admet à la fraternité de ce Monaftere la DuchefTe
Conftance , fille du Roi d'Angleterre , & époufe du Duc Alain
Fergent. La PrincefTe , qui peut-être n'aimoit pas les Moines^,
fe fait long-temps prier avant d'accepter ce bienfait , qui n'étoit
rien moins que défintéreffé.
1 09 5 . Les ReHgieux Bénédiélins , établis depuis peu de temps à
Nantes , refufent un Gentilhomme très-pauvre , de la Paroifte de
Donges, qui demande l'habit de Saint Benoît. Il s'en retourne bien
affligé chez lui , 6c paroît inconfolable. Friold , Seigneur de Don-
ges , fait venir ce Gentilhomme , (on vafTal , 6c lui afture , par
un contrat, la poilefiion d'un très-bon moulin. Muni de cette
pièce , le Gentilhomme fe préfente , cède fon contrat aux Moi-
nes , & eft reçu à bras ouverts. Ce fait ne doit pas étonner ,
quand on penfe qu'il faut encore un millier d'écus pour être
reçu dans des Abbayes qui jouillént de cent mille livres de
rente.
Le grand cimetière de la Cathédrale , dont il ne paroît plus
aucuns veftiges , occupoit alors tout le terrein où l'on voit la
nouvelle pfallette $c les maifons fituées entre la place Saint-
40 N A N
Pierre, la rue Saint-Laurent , & la ruelle qui conduit âe Cette
Eglife à la Cathédrale. Au dehors de la ville , entre le terrein
occupé par les UrfuHnes Se les Chartreux , étoit une Eghfe
qui ne fubfîlte plus , dédiée à Sainte- iMarie : elle fervit long-
temps de Chapelle à l'Hôpital de Sainte-Marie , & enfuite à
celui de Saint-Clément. Les Evêques y defcendoient la veille
•de leur entrée & y pafîbient la nuit , pour marquer qu'ils dé-
voient leurs premiers foins aux pauvres, Se qu'ils étoient comme
des étrangers & des pafTants, aujourd'hui ici, demain ailleurs.
1095. L'Evêque de Nantes aflifte au Concile de Clermont,
tenu par Urbain II. Il fe trouve auffi , l'an 1 096 , à la confé-
cration que fait ce Pape de l'Eglife de Saint-Nicolas d'Angers.
L'afte de cette cérémonie met les Paroiffes de Derval , de
Donges, & de Pngné, au nombre des biens de cette Eglife.
1096. L'Evêque Jjenoît, étant à Bordeaux, eÛ. créé Juge,
conjointement avec Amar , Légat du Pape , des différents qui
s'étoient élevés entre les Moines de Vendôme & ceux de Saint-
Aubin d'Angers , au fujet du Prieuré de Saint - Clément de
Nantes. Ce Prieuré fut adjugé , par Sentence , à ceux de Ven-
dôme , qui le polfedent encore : il avoir autrefois été de la
dépendance des Religieufes de Saint-Clément, dont nous avons
parlé en 849.
1 1 00. Alain Fergent & la Ducheffe Ermengarde , fa féconde
femme, donnent aux Moines de Marmoutier la forêt de Pu-
zarles, lîtuée fur la route d'Angers : c'efl: la Magdeleine-en-
IBois , qui eft aujourd'hui unie au Prieuré de Saint-Martin de Nantes.
Environ le même temps, les Moines de Bourg-Dieu cédèrent
au Chapitre tous les droits qu'ils pouvoient avoir fur l'Eglife
de Saint - Donatien , en échange du patronage & revenus de
plulîeurs Cures.
11 01. Alain donne encore à Marmoutier les Eglifes de Saint-
Saturnin Se de Sainte*Croix. L'a8:e en fut paffé près la place
du Bouffai , dans une Chapelle qui ne fubfifle plus. Le même
jour , le Prieur de Gahard compte , on ne fçait pas pourquoi ,
foixante fols d'or au Duc Alain Fergent ; vingt fols d'or à la Du-
cheffe , fon époufe -, Se trois fols d'or au jeune Comte Conan,
leur fils.
1105. Concile, à Nantes, dans l'Eglife de Saint- Laurent.
Cette affemblée remit la feptieme partie de la pénitence , im-
pofée par le Confeffeur, à ceux qui iroient dévotement vifiter
l'Eglife de Doulon , au jour de l'anniverfaire de fa dédicace.
Ce
N A N _ 41
Ce fut pendant ce Concile que Benoît obtînt , pour TEgnie
de Nantes & l'Abbaye de Quimperlé , les privilèges rapportés
dans le Gallia Chjiftiana, Il demanda aufli la canonifation de
Saint Gurloës , qui lui fut refufée , fous prétexte qu'on ne pou-
voit lui accorder fa demande que par l'avis d'un Concile af-
femblé exprès.
Les Evêques , affemblés à Nantes , terminèrent une conteftation
qui s'étoit élevée entre l'Evêque & le Chapitre , d'une part , &
les Moines de Tournus , de l'autre , au fujet de l'Eglife paroifllale
de Saint-Viau. Le Légat, à qui on en avoit déféré le jugement,
avoit donné l'Eglife aux Moines , fans examiner fî leurs droits
étoient fondés. Louis le Débonnaire avoit fait préfent de ce
Presbytère aux Religieux de Saint - Philbert qui apparemment
l'avoient cédé de gré ou de force.
1 1 07. Autre Concile affemblé à Nantes par Gérard d'Angou-
lême. Benoît fe démet de fon Evêché l'an 1 1 1 1 . Robert 1 du
nom , qui lui fuccede , efl transféré , Tannée fuivante , fur le
Siège de Quimper.
1 1 1 2. Alain Fergent abdique la Couronne , & laifle la Bre-
tagne & le Comté de Nantes à Conan III , dit U Gros, Avant
cette abdication, il avoit créé, à Nantes, un Sénéchal, Juge
de tous les différents & procès qui pourroient s'élever dans le
Comté. Les appellations de ce Tribunal ne pouvoient reifortir
que pardevant le Parlement général de la Nation.
II 12. Brice eil fait Evêque de Nantes. C'efl à tort que Dom
Lobineau prétend que ce fut François qui fuccéda à Robert. Brice
affemblé un Synode diocéfain à Nantes , Tan 1 1 1 6. La ville de
Nantes eft réduite en cendres , on ne fçait par quel accident ,
le i^r. Mai 11 18. Son enceinte eft agrandie , & on prati-
que un aqueduc en pierres de taille pour faire couler les eaux
de la rivière dans tout fon pourtour. Ce canal paroît d'autant
plus utile , que , dans le cas d'incendie , on pouvoit arrêter au plus
yîte les progrès du feu.
1 1 1 9. Par lettres du 9 Oftobre , le Duc Conan III fonde le
Prieuré de la Magdeleine , fur les ponts de Nantes ^ &: le donne
à l'Abbaye de Touffaint d'Angers. On y établit un petit Col-
lège de Chanoines-Réguliers , qui y vivoient encore en commu-
nauté fur la fin du quinzième fiecle.
II 24. Conan le Gros confirme l'Eglife de Nantes dans la pof-
feffion de tous fes biens, & y ajoute quarante-trois Paroiffes.
II 28. Concile à Nantes, Il défend , entr'autres chofes, le droit
Tome, IIL F
41 N A N _
de bris, & celui qui attribuoit au Seigneur les meubles d'un
homme ou d'une femme morts. 11 prononce anathême contre les
mariages inceitueux alors fort communs , & déclare illégitimes
les enfants qui en fortiroient. Le Pape approuve le Concile j &
le Duc , à la follicitation duquel il avoit été affemblé , le reçoit
& s'y foumet. Les Monafl:eres de Saint-Cyr & de Sainte - Julitte
étoient tombés entre les mains de quelques Prêtres maries , qui
les laifîbient en héritage à leurs enfants. Conan III réforme cet
abus , & les érige en ParoifTe , fous le nom de Saint-Léonard :
la Cure eft préfentée par l'AbbeiTe du Roncerai , comme an-
cien Monaftere dépendant de fon Abbaye & habité par des
Religieufes de fon Ordre.
1136. Brice augmente les Canonicats de fa Cathédrale, de
fept Prébendes , qu'il dote de fon propre fonds , & fait rebâtir le
Palais épifcopal. Le Pape Innocent II approuve tout ce qu'il
avoit fait.
1138. Conan III Se fa mère Ermengarde font des augmen-
tations & des conceflions au Prieuré de Sainte-Croix de Nantes,
& lui affignent un terrein fitué auprès de l'Eglife pour lui fervir
de cimetière. Les Bénédi6lins dévoient ce Prieuré à un Evê-
que de Nantes : mais la reconnoiffance n'étoit pas la vertu de
ces Religieux. Dès qu'ils furent confirmés dans la pofleffion de
ce bénéfice , ils refuferent de reconnoître la jurifdiftion de Brice.
Celui-ci s'en plaignit au Légat du Pape. La conteftation fut très-
férieufe ; mais elle ne finit pas à l'avantage des Moines , qui fe
virent obligés de fe foumettre.
1 1 40. Mort de Brice. François I du nom , Abbé de Bourgueil ,
lui fuccede. L'année fuivante , Conan fonde la Commanderie du
Temple , & y étabht les Templiers. Cette Commanderie étoit
fîtuée auprès du bourg Main , dans le pré Nian. Tout le quartier
connu fous le nom de S aime- Catherine , forma , jufqu'au quinzième
fiecle , une prairie fur les bords des rivières d'Erdre & de Loire.
Le bourg Main comprenoit les rues de la Clavurerie , de la Mer-
cerie , & de Saint-Nicolas : on l'appelloit Mein ou Maën , hur^
gus Meini,
II 43 ou II 44. Saint Bernard , Abbé de Clairvaux, vient à
Nantes , accompagné de l'Evêque de Chartres. Il va vifiter les
Religieux qu'il avoit établis à Buzai j il trouve que le Duc n'a
pas tenu fa promefTe , & que le Couvent n'efl pas commode.
Il lui en fait des reproches très-vifs , & ordonne à fes Moines
de retourner à Clairvaux. Conan l'appaife par de nouvelles con-
NAN 45
ceiTions au Couvent de Buzai, & les Moines y reilent. Pendant le
féjour du faint Abbé à Nantes , on lui attribue un miracle fin-
gulier , que je ne rapporte que pour la fidélité de l'hiftoire. Le
récit en eft tiré d'un manufcrit latin de M. Travers , qui dit l'avoir
pris dans la vie de Saint Bernard , liv. 2 ^ chap. 6 , n. 34 & 35,
Une femme de diftmftion , époufe d'un Officier des troupes
du Duc , avoit touché le cœur d'un démon , qui , pour la féduire ,
s'étoit préfenté à fes yeux fous la forme d'un jeune militaire ,
d'une figure aimable : il avoit mis tout en ufage pour parvenir
à fon but j & , comme les diables ont de l'efprit , il avoit réuffi.
Six ans fe pafîerent dans ce commerce , qu'on peut juftement
appeller diabolique. Le démon fe rendoit invifible , & jouifToit
de cette femme , dans le lit même oii elle couchoit avec fon
mari. Enfin , tourmentée de remords & dégoûtée du crime , Té-
poufe infidèle court fe jetter aux pieds d'un Prêtre , fait l'aveu
de fa conduite , & fe livre à tous les exercices de piété : mais
tout cela eft inutile , le démon n'en devient que plus importun ;
le crime fe divulgue bientôt dans le public, & le mari, mal-
traité , ne peut regarder fa femme qu'avec horreur.
Sur ces entrefaites , Saint Bernard arrive à Nantes. La coupable
va fe jetter à fes pieds & lui raconte fon hiftoire , l'opiniâtreté
de fon fédufteur , & l'inutilité de fes bonnes œuvres : elle ajouta
que cet ennemi de fon repos , lui avoit annoncé l'arrivée de Saint
Bernard , & qu'il lui avoit défendu d'avoir recours à lui j avec
menaces que , fi elle le faifoit , elle devoit s'attendre à ne plus
voir dans fon amant qu'un perfécuteur cruel & inflexible lorf-
que le Saint feroit parti.
La nuit fuivante , le démon renouvelle & multipHe fes menaces,
mais. ne peut intimider cette femme , qui va de nouveau trouver
le Saint Abbé. Celui-ci lui donne fon bâton , & lui dit de le
coucher avec elle. Elle fuit le confeil , & le diable , arrêté par
la préfence de ce préfervatif , ne peut approcher du lit : il fe
contente de menacer de loin & de promettre une vengeance
terrible.
Le Dimanche fuivant , le peuple eft convoqué par l'Evêque
dans la Cathédrale. Saint Bernard monte en chaire , & dit aux
aiîiftants d'allumer des cierges : il en prend un lui-même , puis
apoltrophe le diable impudique , prononce , de concert avec le
peuple , anathême contre lui _, & lui défend , de la part de Dieu ,
de jamais approcher de cette femme , ni d'aucune autre. On
«teint eiifuite les chandelles , & , avec elles , fut éteinte toute la
44 N A N
force du diable. La Dame fe confefla , communia , Se vécut dé-
formais tranquille.
II4J. Alberic , Cardinal , Evêque d'Oftie, tire de leurs chafTes
les reliques des Saints Donatien & Rogatien , qui font reconnues ,
en préfence d'une nombreufe aflemblée , pour les précieux reftes
de ces illuftres Martyrs. Ce fait eft rapporté par Hugues , Arche-
vêque de Rouen , témoin oculaire.
Itérée, qui étoit monté fur le Siège épifcopal l'an 1142 , meurt
l'an 1 1 47 , Se a pour fuccefleur Bernard , Moine de Clairvaux ,
né dans la Paroiffe d'Efcoublac , diocefe de Nantes. Dom Mar-
tene lui donne d'abord le nom de Hefîus , mais il reconnoît
peu après qu'il s'eft trompé , & que ce Prélat fe nommoit Itérée.
■ 1148. Mort de Conan le Gros. Le Comte Hoèl , qui pafToit
pour fon fils, lui fuccede , & renonce au droit qu'avoient fes
prédécefleurs , de s'attribuer les meubles des Evêques morts.
L'afte de cette conceffion porte que les Prélats pourront employer,
pour le falut de leurs âmes , ce qu'ils voudront de leurs meubles ,
& que le refte fervira aux dépenfes à faire pour l'éleftion de
leurs fuccelTeurs. La générofité d'Hoël caufa , dans la fuite , bien
des peines aux Souverains de Bretagne.
L'Evêque Bernard partit , vers ce temps-là , pour Rome , Se
pafla par l'Abbaye de Saint - Florent - le - Viel , à laquelle il
donna l'Eglife de Nozai , tant pour acquitter la promeffe qu'il
avoir précédemment faite aux Moines , que pour le falut de
l'ame de fon père , qui étoit mort Moine de Saint-Florent.
1150. Olivier, fils de Briand , Seigneur de Varades, donne
l'Eglife de fa Paroiffe aux Moines de Marmoutier , qui veulent
la rendre indépendante de l'Evêque Bernard. Celui-ci, qui avoit
été Moine de Clairvaux, Ordre qui n'approuve point ces fortes
d'indépendances , leur réfille fortement , & refufe de confentir
à ces prétentions abufives & multipliées des Bénédiftins.
Les Moines, qui poffédoient alors des Cures, y nommoient,
fans confulter perfonne , des Vicaires amovibles , qui avoient ordre
de ne reconnoître d'autre Jurifdiftion que celle de ceux qui les
plaçoient. Ces Prêtres prenoient , dans les Monafteres dont ils
dépendoient , les Saintes Huiles , que les Religieux béniffoient
eux-mêmes. Quelques-uns prétendent même qu'il y avoit une
Officialité dans les Abbayes , de forte que les Evêques ne jouif-
foient pas d'une autorité générale dans leur diocefe. De là dé-
voient naître la corruption des mœurs , le relâchement de la
difcipline , Se tous les abus qui font la fuite de l'indépendance.
■ N AN 45
II 56. Hoël eu chaflé de Nantes, par ces mêmes habitants
qui l'avoient defîré avec tant d'emprefTement pour leur Sou-
verain. Le motif de cette expuHion étoit la foiblefTe du Prince,
peu capable de foutenir fes droits contre Conan , Duc de lire»
tagne , qui menaçoit d'affiéger Nantes 5 ville qu'il ne vouloit pas
iaiffer à Hoèl , qu'il regardoit comme un ufurpateur , parce que
Conan le Gros i'avoit déclaré bâtard (a). En conféquence,
les Nantais fe donnent à Geoffroi d'Anjou , Comte de Nantes ,
frère de Henri II , Roi d'Angleterre , Prmce puiffant & guerrier.
Le Comté de Nantes valoit alors , de revenu annuel , quarante
mille fols angevins. Geoffroi eft reçu, par fes nouveaux Sujets,
avec les démonilrations de la joie la plus vive. Mais , après la mort
de ce Prince , arrivée l'an 11 5 8 , Conan fe préfente aux portes
de Nantes , & s'en rend maître. Cette révolution ne finit pas
la querelle. Henri , Roi d'Angleterre , Monarque ambitieux , le
plus habile & le plus puiffant de l'Europe , revendique le Comté
de Nantes , comme faifant partie de la fucceiîion de fon frère.
Le Prince répondit à ces demandes , qu'il s'étonnoit que le Roi
d'Angleterre pût former des prétentions fur un pays , qui , de
temps immémorial , dépendoit de la Bretagne -, qu'il étoit vrai
que Geoffroi en avoir été pofTefTeur , mais que c'étoit une ufur-
pation , & que des fujets n avoient pas le droit de fe foulbaire
à une domination légitime., Henri ne fe met point en peine
d'examiner la juftice de fes prétentions , & fe prépare à faire
la guerre au Duc. Celui-ci prend le parti d'éviter la tempête qu'il
ne peut braver , fe rend à Avranches auprès du Monarque An-
glais, & y conclutun traité qui portoit que, Geoffroi, fils de
Henri , épouferoit Confiance , fille unique du Duc , qui au-
roit pour dot le Comté de Nantes , & qu'après la mort de
Conan , Geoffroi feroit reconnu Souverain de Bretagne. Le ma-
riage ne fiit pas célébré dès-lors , parce que Geoffroi n'étoit âgé
que de cinq femaines. Henri n'en prit pas moins poffeflion du
Comté de Nantes au nom de fon fils.
J'ai dit qu'Alain Fergent avoit inflitué un Sénéchal à Nantes j
d'autres prétendent que le premier qui l'occupa fut Maurice de
Lire , qui en fut pourvu par le Roi d'Angleterre , l'an 11 5 8. Mau-
rice de Craon l'occupa après lui.
( tf ) Conan le Gros défavoua , en mou-
rant, Hoël pour fon fi!s , quoique tout
le monde le CI ût fon perejpuifque laDu-
cheffe , fa femme , I'avoit >u pendant foa
mariage. Un pareil procédé çitt bien loin
de nos moeurs*
4é N A. N
1161. Les Chanoines de Nantes intentent un procès aux
Moines de Quimperlé , pour la poflefîion de FEglife Collégiale
de Notre-Dame, qui avoit été donnée à ces derniers , en 1027,
par Judith , époufe d'Alain Caignard , Comte de Cornouailles ,
du confentement de Quiriac , Evêque de Nantes. Le procès
devient confidérable. Les deux partis s'excommunient mutuelle-
ment j enfin , on choifit des Arbitres , qui , de concert avec les
Evêques de Nantes & de Quimper, décident que les Moines
de Quimperlé paieront , tous les ans , pour le bien de la paix
au Chapitre , douze fols de rente , fix à Noël & fix à la
Saint-Jean.
1163. L'Evêque Bernard aflifte au Concile de Tours, &
prêche devant le Pape Alexandre III & tous les autres Prélats
aflemblés. La noble hardieiTe du Prédicateur rend fon fermon
curieux : le flyle en eil beau , mais trop chargé d'antithefes ,
comme tous ceux de ce fiecle. Le Canon XI de ce Concile
prononce excommunication contre tout Eccléfiaftique , poiîedant
Bénéfice , qui retiendra chez lui une concubine , après avoir
été averti deux ou trois fois par fon Supérieur de la renvoyer.
Le XIII défend aux Religieux de fortir de leurs Couvents
pour fe livrer à l'étude de la Médecine & des Loix Civiles.
Les autres défendent d'exiger des rétributions pour l'adminirtration
des Sacrements , de mettre des impofitions fur le peuple fans
l'autorité des Souverains 5 & prononcent anathême contre la
fimonie & l'ufure.
Bernard avoit fondé le Prieuré de Genefton pour des Cha-
noines-Réguliers , auxquels il avoit prefcrit les conftitutions qu'ils
dévoient obferver : il leur avoit donné pour Prieur un homme
de mérite , nommé Clément, L'an 1 1 (33 , ce Prieuré fut érigé
en Abbaye ; & Clément, qui en avoit été le premier Prieur,
en fut le premier Abbé.
II 69, Bernard meurt le 29 Décembre. Robert II du nom,
fon neveu, lui fuccede l'an 11 70. Ce Prélat , ci-devant Ar-
chidiacre de Nantes , étoit fi efi:imé du Roi d'Angleterre Henri II,
que le Monarque voulut affilier à fon Sacre. En montant fur
le Siège épifcopal , il donne à fes Chanomes les Egfifes pa-
roifliales de Blain & de Heric , & confirme à l'Abbaye de
Saint -Gildas des Bois la donation que fon prédéceiTeur lui
avoit faite de l'Eglife de Mifiillac.
1172. Les Moines de Quimperlé cèdent l'Eglife de Notre-
Dame de Nantes à l'Abbaye de Redon. Dy avoit alors à Buzai
N A N 47
deux Monafteres j Tun d'hommes , & Tautre de femmes. îl y en
avoit aufli deux aux Coaëts , près Nantes. Leur exiftence
efl prouvée par l'afte de confirmation que fit Robert, Evêque
de Nantes, de plufieurs donations en faveur de ces Couvents.
Les Conciles ont fagement défendu ces fortes d'inftitutions abu-
sives & fcandaleufes. Robert termina , dans le même temps , leis
conteftations furvenues pour le partage des offrandes entre les
Moines de Marmoutier , d'une part j le Chapitre da fa Cathé-
drale, & le Curé de Sainte-Croix, de l'autre. Ce Prélat ell: le
premier Evêque qui ait fondé des fufïrages dans fon Eglife : ii
légua douze deniers à chacun de fes Chanoines, pour faire
mémoire de lui dans leurs prières.
1 183. Henri II , Roi d'Angleterre , nomme l'Evêque de Nantes
fon CommifTaire pour terminer fes différents avec Louis le Jeune.
Robert en vient à bout, & part pour la Terre-Sainte. Il meurt,
en revenant de ce voyage, à Brindes en Italie, l'an 1185.
Artur , qui lui fuccede , ne fait que paroître fur le Siège , &:
efl remplacé par Maurice de Blafon , que le Pape Urbain III place
fur le Siège Epifcopal. Il étoit oncle de Thibaud de Blafon , Seigneur
de Mirebeau , poète célèbre de fon temps. On remarque que les
Chanoines étoient encore réguliers fous fon Epifcopat.
1186. Geofîroi , Duc de Bretagne, meurt à Paris, à la Cour
du Roi Philippe-Augufle , & efl inhumé , par ordre de ce Mo-
narque , dans l'Eglife de Nôtre-Dame de la capitale. Confiance
de Bretagne , fa veuve , qui étoit enceinte , accoucha à Nantes ,
dans la nuit du 29 au 30 Avril, d'un Prince, qui fut baptifé
par l'Evêque & nommé Anur, Depuis ce temps, le Comté de
Nantes n'ell plus forti de la maifon de Bretagne.
11 87. La DuchefTe confirme aux ReUgieux de ToufTaint-
d'Angers la pofrefTion des ponts de Nantes , depuis Pirmil juf-
qu'aux murs de la ville. La généreufe donatrice s'exprime ainfi:
« Nous commandons à nos fuccelTeurs d'entretenir cette donai-
» fon, ou autrement qu'ils foient damnés chez tous les diables,
» & qu'ils endurent la peine avec le trahifle Judas , & que
» leurs mahns efforts ne fortent à effet, w
11 88. Le Roi d'Angleterre affemble les Etats à Nantes, &
leur demande la garde du jeune Prince , qu'ils lui refufent. La
régence & la tutelle de cet enfant précieux font confiées à
la DuchefTe mère. On remarque que , dans ce temps , le Roi
d'Angleterre foumit les ifles de Jerfey & Garnefey à la jurifdi6lion
fpirituelle de l'Evêque de Nantes.
48 _ N A N
II 90. Jehan de Goulaine eft fait Gouverneur de Nantes , fous
le jeune Comte Artur. Ses fucceffeurs ne font pas connus jufqu'à
Gui de Rochefort , Capitaine de cette ville , fous Charles de
Blois, l'an 1353.
II 96. Les eaux de la Loire , accrues par des pluies continuelles,
débordent au mois de Mars. La ville ei\ inondée & foufFre beau-
coup, Maurice de Blafon eft transféré , l'année fuivante , fur le
Siège de Poitiers. Ranufle , Comte de Chefter , époufe , par
violence y la DuchefTe Confiance , fa parente , & prend le titre
de Duc ', titre que les Barons ne veulent point confirmer.
1 198. Geofïroi eft fait Evêque de Nantes. Rodolphe de Nantes,
ainfi appelle du lieu de fa naifïance , fe fait remarquer dans l'Uni-
verfité de Paris, par fes profondes connoifTances dans la Théo-
logie , dont il donnoit des leçons. Il rend de grands fervices à
l'Eglife , en démafquant les Albigeois qui dogmatifoient à Paris.
11 99. Richard, Roi d'Angleterre, demande la garde & la
tutelle du jeune Duc Artur , fon neveu. Les Barons lui réfiftent,
& l'obligent à renoncer à fes prétentions. La Duchefîe Conftance
fait déclarer nul fon mariage contra6lé avec le Comte de Chefter,
& époufe Gui, Vicomte de Thouars. Les deux époux vendent,
l'an 1200, aux habitants de Nantes, le droit de banc des vins
qu'ils avoient dans cette ville, pour la fomme de cinq mille
fols : le fol étoit alors à onze deniers douze grains de loi , à la
taille de cinquante-huit , & couroit à douze deniers. On l'ap-
pelloit hlajîc ou douiain , & il valoit environ quinze fols de notre
ïTionnoie.
1200. Gui de Thouars fait agrandir le château de Nantes,
& conlfaruire le rempart du côté de TEvêché , avec une des
tours de la porte Saint-Pierre , pour défendre la ville du côté
du fauxbourg Saint-Clément. Il prend , pour cet effet , une par-
tie du jardin de l'Evêque , & dédommage le Prélat. L'afte
pafTé à ce fujet , ne prouve pas que la Motte Saint-Pierre & les
fbffés de la ville , qui étoient dans cette partie , dépendent du
fief de la Cathédrale.
Au mois de Mars , même année , la Ducheffe Conftance fonde
l'Abbaye de Villeneuve. Elle meurt , l'année fuivante , à Nantes ,
de la lèpre ; maladie fort commune alors. Son corps eft porté
à la nouvelle Abbaye , où il eft inhumé folemnellement par
l'Archevêque de Tours , affifté de fes Suffragants , qui s'étoient
affemblés pour le Concile indiqué à Nantes. De fon mariage avec Gui
de Thouars, Conftance avoir eu une fîUe qui époufa Pierre de Dreux.
Artur
N A N 49
Artur I du nom , iffu du premier mariage de Confiance avec
Geoffroi d'Angleterre , ell reconnu Duc de Bretagne après
la mort de fa mère. Le Royaume d'Angleterre , qui lui appar-
tenoit inconteftablement , venoit de lui être ravi par Jean , fur-
nommé Sans-terre^ fon oncle. Ce parent barbare, qui penfe bien
que fon neveu eft fenfible à cette injuftice , s'attache à le
perfécuter, & forme le projet de le dépouiller de la Bretagne
même. Le jeune Duc intérefle le Roi de France à fa défenfe,
&: la fortune femble d'abord le favorifer j déjà il a fournis quel-
ques-unes des provinces que l'Anglais pofîédoit en France. T out-
à-coup les efpérances de la Nation s'évanouifTent. Artur eft fait
prifonnier , & poignardé peu de temps après , par fon impla-
cable ennemi. La ville de Nantes fe réunit aux autres villes du
Duché pour demander vengeance du fang de fon Souverain,
Philippe-Augufte écoute les juftes plaintes des Bretons , & s'ap-
prête à punir cet horrible aflafîinat. ( Voyez l'Abrégé de l'Hif-
toire de Bretagne , tome premier.)
1203. Gui , Vicomte de Thouars, en qualité de tuteur de fa
fille Alix , eft reconnu Duc de Bretagne & Comte de Nantes.
Philippe-Augufte vient à Nantes , en 1 206 , pour défendre cette
ville contre le Roi d'Angleterre , qui , forcé de lever le fiege ,
s'en venge par les plus affreux ravages. Pendant que le Roi
avoit été à Nantes , il avoit demandé à l'Evêque des otages pour
fa fureté. Le Prélat, qui craignoit que les Ducs de Bretagne
ne vouluffent exiger la même complaifance , fit part de fes craintes
au Monarque. Philippe-Augufte y pour le tranquiUifer , lui donna
un refcript, par lequel il reconnoît que ces otages lui avoient
été accordés , non comme à un Duc de Bretagne , mais comme
à un Roi de France.
1 207. Gui de Thouars fait une rente à la Cathédrale. Geoffroi
fait achever la tour qui étoit au deffus du choeur de fa Cathé-
drale , & meurt l'année fuivante. Gautier III du nom lui fuccede.
Les habitants de Nantes promettent à Gui de Thouars cent
marcs d'argent fin , réduit en monnoie , pour les fruits échus de
la régale de Nantes. On ignore ce que c'étoit que cette
monnoie. Gautier fe croife, en 1212 , contre les Maures,
part pour l'Efpagne , & ne revient plus dans fon Evêché. Le
rauxbourg Saint-SimiUen eft prefque entièrement brûlé.
12 13. Etienne de la Bruere eff fait Evêque de Nantes, &
Pierre , fils de Robert II , Comte de Dreux , époufe , dans le
château de la même ville , Alix , fille de Gui <ie Thouars &: de
Tome IlL G
50 N AN
Confiance , DuchefTe de Bretagne. Pendant les fêtes qu occa-
fîonne cette cérémonie , le Roi d'Angleterre prend Oudon , An-
cenis, & ravage le pays des environs. Pierre de Dreux prend
le titre de Duc , fait fortifier la ville de Nantes , & forme le
projet d'agrandir fon enceinte qui pour lors n'étoit pas fort
étendue , puifque les quartiers de Sainte-Catherine , de Samt-Léo-
nard , des Carmes, des Changes, & de Saint-Nicolas, étoient
fîtués dans les fauxbourgs.
Le defTein du Prince étoit de faire une nouvelle ville de
tous ces quartiers , fans toucher aux anciens murs. L'Evêque &
fon Clergé n'approuvoient pas ces changements , parce que , félon
les alignements tirés , on devoir renverfer plufieurs édifices qui
leur appartenoient. Pierre , trop ferme pour abandonner fon
projet , trop fier pour plier fous l'Evêque , fait commencer les
travaux, abattre & renverfer les EgHfes qui gênoient fes opé-
rations, & emploie les débris à la conllruction des murailles. Elles
s'étendoient depuis la Motte Saint-Pierre , le long de la rivière
d'Erdre , jufqu'à Saint Nicolas , & , de-là , à Sainte Catherine ,
qui appartenoit alors aux Templiers. Dans le même temps , on
creufe deux ports fur la Loire ; l'un auprès de l'Eglife de Sainte-
Radegonde, nommé le pon de Pierre de France, {il fut détruit,
en 1590, par le Duc de Mercœur, lors de l'augmentation du
château ; ) l'autre , appelle Briand- Maillard , du nom de l'exécu-
teur de l'entreprife , fubfille encore de nos jours fous le nom
de Pon- Maillard. Le Ht de la rivière d'Erdre , qui pafToit par
les Changes , efl bouché par ordre de Pierre de Dreux , qui
en fait faire un nouveau. C'efl le même qu'on voit aujourd'hui:
il coupe les rues de la Boucherie & de la Cafîerie , & com-
munique à la Loire au quai de la Poterne , ou au quai
FlefTelles.
1221. Alix, DuchefTe de Bretagne, meurt à Nantes, le 21
O6lobre. Son corps ell porté à Villeneuve , félon fes dernières
volontés, & inhumé auprès de la DuchefTe Confiance, fa mère.
La mort de cette Souveraine n'efl: pas le feul fujet de douleur
pour les Bretons. Une maladie peflilentielle , jointe à la famine,
défoie le pays ; & , pour comble de malheurs , les Grands du
Duché fe révoltent contre leur Souverain , & mettent l'Etat à
deux doigts de fa perte. Cette guerre civile efl terminée , le 3
Mars 12 2 2 , par la bataille de Chateaubriand , dont tout l'avan-
tage demeure au Duc Pierre de Dreux.
1223, L'excommunication lancée contre Pierre par les Evêques
NAN 51
de fon Duché, augmente l'animofité de ce Prince contre le
Clergé. L'Evêque de Nantes ell: député à Rome , pour fe plaindre
au Pape des violences de fon Souverain.
Le premier code fynodal , appelle quatcmlo fynoialls , fut ré*
digé par ordre d'Etienne de la Bruere. 11 contient de longs fia»
tuts ; mais on remarque qu'ils n'ont pas été imprimés fidèlement :
ils nous apprennent que les Curés étoient appelles à tous les tef-
taments des Laïques de leur Paroifle j qu'il falloir avoir quatorze
ans pour recevoir l'Extrême- Onftion j que , quand le malade ne
pouvoir communier fous une grande efpece , on le communioit
avec du vin , qui en eft une plus petite j & que les bancs des
mariages ne fe publioient jamais que les Dimanches , & fans
difpenfes d'aucuns. Les mêmes ftatuts obligent les Refteurs à fe
confeffer une fois par an à leur Evêque , ou à fon Pénitencier ,
& puniflent l'ivrefTe de furprife , dans un Clerc, de fept jours
au pain & à l'eau j celle de négligence , de quinze jours j &
celle d'aventure, de quarante jours auffi au pain & à l'eau. Ils
recomm.andent les pénitences canoniques , de trois & de fept ans ,
& même de toute la vie, pour les grands crimes 5 & veulent
qu'on punifFe , de dix jours de jeûne au pain & à l'eau , le
mari qui abufe de fon mariage. Ils recommandent de payer
exaftement la dîme j de ne point faire les corvées exigées par
le Seigneur, fans le confentement de l'Evêque j & de ne point
expofer les faintes Reliques à la vénération des Fidèles, ni per-
mettre qu'on fafle ferment deiTus , depuis le commencement du
Carême jufqu'à Pâques, depuis l'Avent jufqu'à l'Epiphanie, dans
les jeûnes des Quatre-Temps & les Rogations , à moins que
ce ne foit pour rétablir l'amitié & la concorde entre les perfonnes
divifées & ennemies. Ils défendent aux Eccléfiaftiques de porter
des armes , de plaider à des Tribunaux laïques , & de contrafter
des mariages clandeftins. Ils défendent auffi d'ufer de fortileges
dans les mariages , & prononcent excommunication contre les
Médecins qui négligent d'avertir leurs malades de recourir aux
Sacrements. Ils condamnent à des pénitences très-rigoureufes les
ivrognes, tant Eccléfialliques que Laïques j les ennemis de l'E-
glife j les raviffeurs de fes biens ; les violateurs de i^s privilèges j
les faufTaires , fur-rout ceux qui faliifient les lettres apoftoliques.
Les cabaretiers qui donnent à boire aux habitants de leur endroit
ne font pas mieux traités. Les voluptueux , les impudiques , les
adultères; ceux, fur-tout, qui tomoent dans une incontinence
iecrette par la manuftupration , crime affreux qui fait un monilre
5i NAN
de celui qui le commet , font condamnés à des pénitences longues
& terribles. Les ftatuts impofent trois ans de mortification rigide
& continuelle à tout homme libre, qui aura commerce avec une
femme libre. Que Ton juge de la févérité dont on ufoit envers
les fautes les plus confidérables en ce genre , puifque les moins
graves étoient û durement punies. Si l'Eglife etoit aulîi févere
de nos jours , la majeure partie des Chrétiens ne fortiroit jamais
de l'état de pénitent ; mais elle eft plus indulgente , & les crimes
plus fréquents : l'un & l'autre fe fuivent. En général , tous ces
llatuts font très-féveres.
Le 21 Septembre 1224, Pierre de Dreux prend Chantoceaux,
place forte fur la Loire , à cinq lieues & demie de Nantes , &
en chafle Thebaud Crefpin. C'étoit un infîgne brigand , qui , de-
puis vingt-cinq ans , pilloit les environs , arrêtoit les bateaux fur
la rivière de Loire , en exigeoit des rétributions confidérables ,
& troubloit le commerce de Nantes , des autres villes & bourgs
{itués fur ce fleuve.
Au mois d'Oftobre fuivant , Louis VIII , Roi de France , donna
Chantoceaux & JVlont-Faulcon au Duc de Bretagne , à condi-
tion qu'il lui en feroit hommage lige ; qu'il y feroit garder les
ufages de l'Anjou , & porter les appels à la Cour du Roi. Ces
conventions fe rempliffent encore aujourd'hui , puifque ces deux
places dépendent de l'Anjou pour le temporel , & de TEvêché
de Nantes pour le fpirituel.
1224. Mort d'Etienne de la Bruere. Clément de Chateaubriand ,'
qui lui fuccede, affifte à l'aflemblée des Evêques tenue à Vil-
leneuve la même année. Ce Prélat meurt en 1227, & eft rem-
placé, en 1228 , par Henri I du nom.
1228. André, Baron de Vitré, pofe, le 29 Juin, la pre-
mière pierre du Couvent qu'il fonde à Nantes pour les Jacobins.
Le Général de l'Ordre envoie un de fes Religieux prendre pof-
feffion du nouveau Monaftere.
1229. Henri IIÏ , Roi d'Angleterre, vient à Nantes, & y
fait de fi prodigieufes dépenfes qu'il fe fait méprifer des Barons,
qui abandonnent fon parti pour prendre celui du Roi de France.
Pierre de Dreux pafTe , à ce fujet , en Angleterre , pour s'abou-
cher avec Henri qui y étoit retourné.
1232. Accord entre Henri, Evêque de Nantes, & l'Abbé de
Marmoutier , au fujet des procurations qui étoient dues au pre-
mier par les Prieurés que polTédoit le fécond dans fon dio-
cefe. Il fut réglé , que l'Evêque fe contenteroit de quinze livres
NAN _ _ 53
pouf tous les Prieurés de Marmoutier , qui étoient ceux de Lire ,
de Chantoceaux , de Varades , du Pèlerin , de Sainte-Croix de
Nantes , de Pontchâteau , de Machecou , & de Donges.
Le 22 Septembre, Henri fait la dédicace de l'Eglile de Saint-
Michel , nouvellement bâtie. C'eft FEglife des Cordeliers , qui a
été depuis confidérablement augmentée & embellie. Le marc d'or
valoir alors vingt livres , Ôc le marc d'argent cinquante-fept fols fept
deniers. Cent fols monnoie , ou fix livres tournois de ce temps-
là , valoient environ cent livres de notre monnoie.
Au mois de Juin 1233 , Louis IX, étant dans fon camp devant
Ancenis , ôte à Pierre de Dreux le bail de Bretagne. Un pateil
afte de fouveraineté étoit fans exemple , & Pierre de Dreux re-
fufa conflamment d'en reconnoître la légitimité. On ne fçait quel
motif avoit le Monarque d'en agir ainîi avec un Prince fi digne
de gouverner. 11 eil probable que ce fut un effet de la politique
du Clergé. Henri, Evêque de Nantes , & Pierre de Dreux, étoient
fort irrités l'un contre l'autre. Pierre n'aimoit pas les Eccléfiaf-
tiques , & ne cherchoit que l'occafion de les mortifier. Henri
venoit de l'excommunier, & paroifToit difpofé à bien défendre
fes droits, lorfque la mort vint le furprendre en 1234. Ce Prélat
étoit fort zélé pour fon Eglife. Le Chapitre de la Cathédrale,
en particulier , lui eft redevable d'une partie de fes revenus.
Robert III du nom , originaire de Saintonge , fut transféré de
l'Evêché d'Aquilée en Italie , à celui de Nantes, l'an 12-55. Ce
Prélat arriva dans fa ville épifcopale dans un temps de défaftre.
L'hiver avoit été très-rude. On rapporte que le froid fut fi ex-
ceffif , que , de mémoire d'homme , on n'en avoit elfuyé un
fi rigoureux. La ville fut prefque totalement fubmergée & rui-
née par les débordements de la Loire. Le Roi Saint Louis en-
voya en Bretagne une armée , qui prit Chateaubriand , Oudon ,
& Chantoceaux , & ruina les environs de ces trois places.
Robert ne vécut pas mieux avec Pierre de Dreux que fes
prédéceffeurs. Ce Prince continuoit toujours de réfiiler au Clergé.
L'Evêque s'en plaignit au Pape Grégoire IX , qui donna ordre
à l'Archevêque de Tours d'engager le Duc de Bretagne à ré-
parer les dommages qu'il avoit caufés à l'Evêque. Les Juifs
avoient alors un Sénéchal & des Juges de leur nation à Nantes.
On croit qu'ils habitoient la rue de la Juiverie , Se que c'eft d'eux
que cette rue a pris fon nom.
Quelques-uns donnent pour Evêque de Nantes un nommé
Gui en 1236, & un Daniel en 1238. Ils font fuppofés. Il y a
54 N A N
apparence qu'ils étoient feulement Grands- Vicaires , fi toutefois
il y en avoit alors, Se que les deux Archidiacres étoient les
feuls que l'Evêque chargeoit des affaires.
L'an 1237 , Pierre de Dreux abdiqua la Couronne en faveur
de fon fils Jean I , dit le Roux, Le Roi Saint Louis rendit aufîl-
tôt au jeune Prince le bail de Bretagne , dont il s'étoit faifi ,
comme on l'a dit, l'an 1233.
L'an 1239, les Doyennés de Nantes, de Cliffon, & de Retz,
dévoient à l'Archidiacre , pour fon droit de vifite &: autres
droits , les fommes ci-après , payables par les différentes Eglifes
comprifes fous chaque Doyenné. Les unes pay oient dix folsj
les autres , fix j les autres , cinq ; à raifon de leurs revenus. Le
Doyenné de Nantes & le fief de Guihenneuc dévoient dix livres
feize fols ; le Doyenné de Cliffon devoir dix-fept livres j & celui
de Retz , quarante-quatre livres cinq fols huit deniers. Les pro-
curations du Doyenné de Nantes montoient à vingt livres onze
fols ; celles du Doyenné de Cliffon montoient , à quelque chofe
près , à la même fomme. Les procurations du Doyenné de Retz
ne fe trouvent point dans le compte que j'ai vu. On y trouve ,
fur la fin , que le Doyenné de Nantes doit à l'Archidiacre ,
le jour de la Pentecôte , pour la dîme des agneaux & des tau-
reaux, fix fols; celui de Cliffon, dix folsj ik celui de Retz,
quatre fols huit deniers.
L'an 1240, Jean I rendit, à la prière des Evêques & des
Seigneurs , une Ordonnance contre les Juifs , qui furent chaffés
de la Bretagne. On fit main-baffe fur tous ceux qui fe trouvè-
rent à Nantes &: dans le diocefe. Ils furent maffacrés par une
troupe de fanatiques , qui , en vertu d'une Bulle du Pape Gré-
goire IX, publiée l'an 1236, prirent la Croix, &, revêtus de
ce figne de la charité , ils fe faifirent de ces infortunés , qui vi-
voient tranquillement fous la proteftion des loix & de la foi
publique. La même année, Robert, Evêque de Nantes, lance
une exconîmanication contre le Duc , fon Souverain , & part
pour Jérufaiem , dont il efl nommé Patriarche. Le Duc fait
battre une monnoie blanche , aux armes de Dreux , étiquetée
d'or & d'azur, au quartier de fix hermines, 3 à 3, avec cette
légende , du côté de la pile , Johannes Dux ,• & , du côté de
la croiX , Britannic, i, N, La lettre iV" fignifie Nantes, comme
les lettres V Se R défignent les villes de Vannes & de Rennes^
fur les monnoies de ce temps où elles fe trouvent. Ce fut le
Duc Jean qui rappella l'ufage aboli depuis long-temps de mettre
N AN _ 5j
le nom de la ville fur les monnoies. Il n'y fît pourtant înfcrire
que la lettre initiale , au lieu du mot entier qu'on y mettoit
d*abord. On a conlervé la marque monnétale iV, jufqu'à l'union
de la Bretagne à la Couronne -, mais, comme en France on fe fert
d'une lettre arbitraire pour défigner la ville , on a changé la
lettre Nantaife en T»
Galerand , Doyen de Tours , furnommé le Défenfeur de l'Eglife ,
fut pourvu , l'an 1240, de l'Evêché de Nantes, par Juhel
de Mathefelon , Archevêque de Tours , parce que le Chapitre ,
qui étoit foumis à l'ifiterdit général , ne pouvoir procéder à au-
cune éleftion légitime. Ce fut alors que le différent qui fubfiftoit
entre les Ducs & les Evêques de Nantes , devint tout-à-fait fé-
rieux. Pour fuivre plus facilement & pour bien comprendre ce
que nous allons en dire, il efl: néceffaire que le- leê^yr ait
quelques connoifTances préhminaires des prétentions' des Eve^ues
de Nantes. Voici ce que nous apprend, à ce fujet , l'inûoire;'
Dans les premiers {iecles de l'Eglife, les Evêques étoient fin*
guUérement révérés & chéris du peuple; & il faut avouer que
la plupart le méritoient. Inviolablement attachés à leur devoir,
uniquement occupés de la prière & du falut des âmes confiées
à leurs foins , ils infpiroient l'admiration &: le refpe6l par la
fainteté de leur vie , & la confiance par la bonté paternelle avec
laquelle ils gouvernoient leur troupeau. Ces fentiments fe perpé-
tuoient ; le père les infpiroit à fon nis , la mère à fa filîe : chacun
s'emprelloit de faire des donations à l'EgUfe , d'augmenter fes
richeffes. Les Princes & les Grands fe dépouilloient volontiers
de leurs droits en faveur de ces Evêques refpeftables , parce
qu'on fçavoit bien qu'ils n'en auroient pas abufé -, on les rendoit
Arbitres de tous les différents , & leurs fentences étoient des
oracles que perfonne n'ofoit contredire. Telle fut, félon toutes
les apparences, l'origine du pouvoir & de la jurifdi6lion des
Evêques & des autres Eccléfiaftiques.
^Bientôt les mœurs du Clergé fe corrompirent. Les richeffes
dont jouiffoient les Eccléfiaftiques , la confidération attachée à
leur état , charma l'ambition & l'orgueil. Tout le monde vou-
loit être Prêtre, féculier ou régulier: mais, comme cet état exi-
geoit des vertus , on en prit le mafque pour tromper les yeux
du public j &, par ce moyen, le Clergé, qui n'avoit plus be-
foin de nouvelles acquittions , fans pour cela ceffer d'acquérir,
parvint à fe former ces domaines immenfes & ces jurifdi6Hons
étendues qui , dans la fuite , cauferent tant de fcandale. L'occafion
56 N A N
ne manquoit pas Se les moyens étoient faciles, parce que le
refpeft du peuple pour la Religion & pour fes Minières étoit
toujours le même , & que l'ignorance qui regnoit alors ne per-
mettoit pas de pénétrer les vues fecrettes du Clergé. Ons'ima-
ginoit , ou plutôt l'on étoit vivement perfuadé que la robe
eccléfiaftique ne pouvoit couvrir qu'un faint homme.
Dans la fuite, non contents de ce qu'on leur avoït accordé,
les Minières des autels oferent s'emparer de ce qui ne leur ap-
partenoit pas. Ils formèrent les prétentions les plus injuftes & les
plus bizarres -, ils voulurent dominer fur les Sceptres & les Cou-
ronnes , & , pendant quelques fiecles , on eut la bonté de le
fouffrir : miais , enfin , les ténèbres fe diffiperent -, on vit qu'on
avoit adoré jufques-là une vaine Idole , & on réfolut de la brifer.
C'efl: à l'époque où nous fommes que commença cette révolution.
Pierre de Dreux , en arrivant en Bretagne , avoit trouvé une
nation belliqueufe , fiere , jaloufe de fes droits , mais courbée
fous le joug eccléfiaftique. Ce Prince avoit l'ame grande , Tefprit
pénétrant & éclairé. Il étoit aftif , courageux , &: politique adroit.
Il s'indigna de voir fa Couronne en quelque forte dépendante.
Se fon autorité ufurpée par les Evêques. Il forma fur le champ
le projet d'abaifler le Clergé. L'entreprife n'étoit pas facile
ni fûre ; mais elle étoit néceflaire. Il n'héfita point : il commença
par attaquer FEvêque de Nantes , qui étoit le plus puifTant. Son
pouvoir étoit exorbitant dans fon diocefe. Ce Prélat ne prêtoit
point de ferment de fidélité au Duc, & ne plaidoit point à fa
Cour.
Henri , Roi d'Angleterre , & Geoffroi , fon fils , avoient con-
traint les vafTaux de l'Evêché à leur faire hommage ; mais , avec
cette claufe : fauf la fidélité due à l'Evêque. Auffi celui-ci n'avoit-
il point laifle échapper fes droits. Il fçut bien forcer fes vafTaux
à reconnoître fes Ordonnances au préjudice de celles des Ducs
de Bretagne. Les règlements & les loix pour la ville de Nantes ,
fe faifoient, de concert, parle Duc & par TEvêque. Le ban de
la foire , qui fe tenoit à Nantes , étoit publié du nom des deux
Seigneurs. Les voleurs , furpris dans cette foire & dans les
marchés , appartenoient à l'Evêque , pour le corps & pour les biens.
Les amendes des forfaits commis par les valfaux du Prince fur
les Terres de l'Evêque , appartenoient à ce dernier , Se le Prince
avoit le même droit. L'Evêque avoit droit , pendant quinze
jours de l'année , de contraindre les hommes du Duc à lui
prêter de l'argent ^ Se le Duc avoit le même privilège fur les
hommes
N A N 57
liommes du Prélat. Celui-ci avoit , pendant quinze jours , le ban
du vin dans toute la ville. Le Duc ne jouilToit plus de ce droit,
que la DucliefTe Confiance avoit vendu à fes lujets. S'il fur-
venoit quelque plainte fur le poids du pain & fur la quantité ou
la qualité des marchandifes , le Duc rendoit juflice à fes vaflaux,
& l'Evêque aux fiens. On n'appelloit point au Duc des juge-
ments de l'Evêque : c'étoit le feul iivêché qui eût ce privilcge,
quoique les autres euiîent une jurifdiftion temporelle. Quant k
la guerre , c'étoit à peu près la même chofe. C'étoit au nom
du Duc que le ban de l'Oil: fe publioit fur les murs de la ville.
Le Prince avertiffoit enfuite l'Evêque, du jour & du lieu de
l'aiTemblée j & , au jour marqué , les Hérauts du Prince & ceux
de l'Evêque faifoient marcher les hommes de leur dépendance.
A l'armée , les hommes du Prélat avoient leur bannière parti-
culière, & n'étoient point obligés de fuivre le Duc au delà des
limites du diocefe. Quand le Duc faifoit la guerre , fon armée
s'appelloit 0/i j quand c'étoit l'Evêque , il prioit le Bailli du Duc
de lui amener fes fujets , & alors l'armée s'appelloit HarelU,
L'amende de ceux qui manquoient à l'Oit appartenoit au Duc ,
& celle de la Harelle à l'Evêque. L'Evêque mort , le Duc fe
faififToit de la régale &: la rendoit à fon fuccelTeur, aufîi-tôt
après l'éleftion , fans exiger qu'il fe préfentât devant lui.
On voit que ces Prélats avoient fçu fe rendre indépendants
& former une fouveraineté particulière. C'étoit cette puiifance
qu'il failoit détruire ; mais comment s'y prendre ? c'étoit la dif-
ficulté. Pierre de Dreux eflaya de la rendre odieufe aux Grands.
Il y réuflit , mais le peuple , timide par ignorance & fuperfti-
tion , ne prit aucun parti. AlTuré des Grands , le Prince com-
mença à braver la puifTance de l'Evêque & à violer fes pri-
vilèges. Il fait renverfer les maifons du Prélat , abattre des Eglifes
fans fon confentement , détruire un Couvent , bâtir les murs
de ville , & creufer des foffés fur le terrein de l'Evêque & en
place des maifons qu'il venoit de renverfer. Le Prélat îe plaint j
demande , avec hauteur , réparation des dommages caufés ; & ^
comme on ne lui donne pas de réponfe favorable , il lance les
foudres de l'excommunication. Le Pape , l'Archevêque de Tours,,
prennent le parti de l'Evêque ; on crie au facrilege , on jette
l'interdit fur le Duché. C'efl alors qu'il faut voir agir Pierre de
Dreux: il accorde, il refufe j gagne l'un, amufe l'autre; fait
traîner les chofes en longueur; demande beaucoup pour avoir
peu^ fe foumet & réfifle tour-à-tour: on le voit, dans un moment^,
TorriQ llh H
58 N A N
tout-à-fait humilié fous le joug de l'Eglife; on le croit perdu,
bientôt il fe relevé , & tyrannife plus que jamais le Prélat.
Geil dans cette vicifîitude de foumimons feintes & d'injures
réelles , ( fi on peut donner ce nom aux entreprifes d'un Prince
qui cherche à ratrapper des droits ufurpés , ) que fe pafTe le
règne de Pierre de Dreux. Les circonfl:ances le forcèrent à ab-
diquer une Couronne dont il étoit digne par fes talents , & il
n'eut pas la fatisfaftion de venir à bout de fon deflein ; mais
il traça la route que dévoient fuivre fes fuccefTeurs. Si ce
Prince eût gouverné plus long-temps la Bretagne , il auroit
épargné bien des peines à fa poftérité : il eut beaucoup avancé
la révolution , malgré les obftacles qu'il rencontroit j il eut à com-
battre , à la fois , les foudres de l'Eglife , l'orgueil des Papes ,
la haine du Clergé , les entreprifes de ce Corps û puifTant , & les
fcrupules de Saint Louis qui l'embarrafTerent plus que tout le refle.
Pierre de Dreux n'avoit plus aucun pouvoir en Bretagne,
& le Clergé efpéroit que perfonne ne s'oppoferoit plus à fes
prétentions -, il penfoit même que les troubles paiTés ne fervi-
roient qu'à augmenter fes privilèges & fa puiiTance , mais il fe
trompoit : Pierre avoir fçu infpirer fes fentiments à fon fils , Se
le mettre en garde contre les entreprifes eccléfîaftiques. La va-
cance de l'Evêché de Nantes fit connoître au Clergé ce qu'il
devoir attendre du jeune Souverain. Dès que Robert fut parti, le
Duc fe faifît du temporel de l'Evêché , & des meubles qu'y avoit
laifTés le Prélat : il fit prendre le bétail qui étoit dans les fermes,
& tous les uflenfiles de labourage qui s'y trouvoient -, enlever les
grains qu'on avoit dépofés dans la Cathédrale , & lever , à fon pro-
fit , les dîmes des bleds , des vins , des fels , & autres fruits , jufqu'à
la concurrence de mille tournois ou de cinquante marcs d'or -, il
exigea , en outre , quinze cents livres , des vafTaux du Siège épif-
copal , pour les difpenfer de le fuivre à l'armée au delà des
limites du diocefe. C'étoit une vexation réelle , puifqu'ils av oient
le privilège de s'en retourner chez eux , dès que l'arm.ée entroit
dans un autre Evêché.
Le nouveau Prélat ne fut pas plutôt placé fur fon Siège ,
qu'il fit éclater fes plaintes. Il pafîa bientôt aux voies de fait,
éc lança une excommunication contre le Prince. Celui-ci n'en fut
point épouvanté , & la réfiflance du Prélat ne fervit qu'à l'animer
de plus en plus. Ce fut au milieu de ces brouilleries que le
Couvent des Jacobins fut bâti. Le Vicomte de Rohan , Seigneur
de Blain, donna une fomme confidérable pour la conftru^don
N A N '59
de ce Monaftere, le 7 Novembre 1240. Il avoit été fondé, l'an
1228, par André, Baron de Vitré.
Cependant , le Pape Innocent IV , prefTé par le Clergé de
s'oppofer aux entrepnfes des Ducs de Bretagne , nomma l'E-
vêque d'Angers pour prendre connoilTance de cette affaire. L'an
1 244 , il lui adrefla une Bulle , dans laquelle il fait une longue
énumération des vexations de Pierre , jadis Duc , & de Jean ,
fon fils , aftuellement régnant. Elle renferme tous les différents
fujets de plainte de l'Evêque de Nantes. Outre ceux ci-devant
mentionnés pour le temporel , il fe plaignoit d'une loi qui dé-
fendoit à ceux qui commerçoient & qui naviguoient fur la Loire ,
d'apporter , à Nantes , d'autre fel que celui des falines du Duc.
Par la même loi , les marchands qui venoient à Nantes _, ne
pouvoient dépofer leurs marchandifes dans d'autres magafins que
ceux du Prince , fous peine d'une certaine rétribution.
Ces règlements caufoient au Prélat un préjudice notoire. Les
marchands , ainfi gênés , venoient rarement à Nantes ; ce qui di-
minuoit confidérablement les revenus de l'Evêque , qui perce-
voir certains droits fur les marchandifes. D'ailleurs , les vaffaux
de l'Evêque fouffroient beaucoup de cette loi , qui les privoit du
falaire qu'ils retiroient de leurs magafins , que perfonne ne vou-
loit plus occuper.
On trouve encore , dans la même Bulle , que le Prélat avoit
expofé au Pape que le Duc Pierre avoit dépouillé les vaffaux
de l'Evêque , à Guérande , de leurs vignes & de leurs falines ,
perte évaluée à plus de fept mille livres ; que le Bailli & le
Sénéchal du Duc avoient fait pendre , fur les terres de l'Evêque,
des malfaiteurs qu'ils y avoient faifis 5 que le Duc avoit pris à
crédit , pour la fomme de deux cents feize livres , plufieurs mar-
chandifes qu'il refufoit conftamment de payer; qu'il avoit brûlé
les maifons des vaffaux, & par- là diminué la Jurifdiftion tem-
porelle de l'Evêque ; qu'il avoit fait mettre , dans la Prévôté de
Nantes , le coffre de la recette qui devoit être partagée entre
le Duc & l'Evêque , & que ce coffre étoit toujours retenu dans
le même lieu ; que le Duc Pierre n avoit point été abfous de
l'excommunication lancée contre lui par l'Evêque Henri; que
le Duc Jean contraignoit , par prife de corps , les fujets de l'E-
glife à lui faire ferment de fidéhté , quoiqu'il n'eût aucun droit
de l'exiger ; qu'il avoit ordonné aux marchands qui venoient à
Nantes , de vendre leurs marchandifes en détail ; qu'il avoit mis
certaines impofitions fur chaque tonneau de vin qu'on tranfpor-
6o N A N
toit en Angleterre ; qu'il avoit vendu à des particuliers le droit
exclufif d'acheter le poiiTon des pêcheurs , & de le vendre en
détail , & que ces différentes Ordonnances avdient été rendues
fans le conientement de l'Evêque ; que le même Prince avoit
encore défendu de recevoir la monnoie de Tours ^ que non con-
tent de tout cela , il avoit fait faiiir l'Official de Nantes , & l'avoir
retenu un an prifonnier -, qu'il avoit fait condamner à mort un
Sous-Diacre , fans vouloir écouter la j unification de cet infortuné j
& qu'il avoit fait pendre , dans la ville de Machecou , un autre
Eccléfiaflique qui arrivoit de la Terre-Sainte. On n'avoit pas
oublié , dans l'expofé de ces plaintes , les fofles & les barbacanes
creufés & conftruits par Pierre de Dreux fur le terrein de l'E-
vêque , la deftruftion de l'EgUfe & du Monaflere de Saint-Cyr
& Sainte-Julitte , l'exhumation des cadavres qui étoient dans le
cimetière de cette maifon , la deftruftion des maifons dépendantes
de l'Evêché , &c. Après cette longue énumération de Ces griefs ,
l'Evêque concluoit à ce que les Ducs fuflent condamnés à lui
payer une fomme d'environ vingt mille livres tournois , pour les
dommages qu'ils lui avoient caufés -, à lui reftituer tout ce qu'ils
lui avoient enlevé ; à reconflruire le Monaflere & l'Eglife de
Saint-Cyr en des lieux convenables j à abolir toutes les loix portées
à fon préjudice ; à remettre les chofes fur l'ancien pied -, & à
payer tous les dépens du procès. Il requéroit encore qu'on les
excommuniât, pour être tombés dans le cas de ceux qui tuent
les EccléfialHques.
En conféquence des ordres du Pape , l'Evêque d'Angers
charge deux Eccléfiaftiques du diocefe de citer les Princes ac-
cufés à comparoître devant eux , pour répondre & faire raifon
de leurs excès envers l'Eglife de Nantes. Ceux-ci s'acquittent
de leur commifîion. L'Evêque & fon Chapitre déclarent qu'ils
approuveront tout ce qui fera fait dans cette occafion. Les
Princes envoient leurs Procureurs à Nantes. Le procès commence.
Elie , Doyen de la Rochebernard , ell nommé , par l'Evêque d'An-
gers , pour affifter , à fa place , à raffemblée. Les témoins qui
furent entendus étoient au nombre de cent huit. Les principaux
étoient : Jean , Abbé de Saint-Gildas des Bois -, Robert de Fercé ,
Chanoine de Nantes j Alain de Rohan ; Etienne de Dol ; Alain
Brudol ; Jean de Ses-Maifons ; Alain de la Forêt ; Pierre de la
Motte j Guillaume de la Rivière ; GeofFroi de Lefcot ; Guillaume
de la Haye ; Hervé de Treilleres ; & pluiîeurs autres. Cette en-
quête nous apprend que les habitants de Guérande n avoient été
N A N _ éi
îTialtraités par Pierre de Dreux , que parce qu'ils avoient acquis
des terres, des vignes, & des falines, dans le .fief du Duc , &
qu'ils n'avoient point voulu comparoître à fa Cour lorfqu'ils y
avoient été appelles ; que , pour les en punir , le Duc avoit fait
faifir leurs biens 5 que Pierre avoit mis un nouvel impôt fur les
falines de Guérande , mais que cette Ordonnance ne pouvoit
lui être reprochée , puifqu'elie avoit été faite du confentement
des deux Seigneurs j que le Duc Jean étoit convenu avec l'Eve-
que qu'ils auroient un magafin commun où toutes les marchandifes
feroient dépofées , & que cette convention n avoit point encore
été exécutée. Les Princes approuvent tout ce qui avoit été fait,
& l'on affigne un jour pour plaider la caufe.
• L'année fuivante , le Pape convoque les Evêques de Bretagne
au premier Concile Œcuménique de Lyon : la Bulle qu'il leur
adreiTe à cet effet , confirme le décret du Pape Grégoire IX , qui
ordonne d'éviter les excommuniés, de ne communiquer avec eux
d'aucune manière que ce foit , & de payer exaftement le tierçage
& les dîmes. Les Evêques de Bretagne , qui avoient demandé la
confirmation de ce décret , voulant embarrafler de plus en plus
les Ducs , firent obferver au Saint-Pere , que l'interdit mis fur le
Diocefe de Nantes , n'étoit point gardé par les Hofpitaliers , les
Templiers, Se autres Religieux. Le Pape ne manqua pas de
corriger un abus fi contraire à l'intérêt de l'Eglife : il leur fit
expédier une Bulle qui les obligeoit à fe foumettre à cet interdit ,
fous les peines portées par les canons.
Le Duc Jean , qui s'étoit rendu au Concile à Lyon , vouloit de
toute néceffité terminer fon affaire. L'Evêque de Porto fut chargé
de l'examiner. Le Duc lui promit de {e foumettre à fa décifion , &
reçut l'abfolution. Les Ducs donnèrent leur procuration à Guil-
laume du Mez , avec ordre de ne point plaider cette affaire
en France , mais à Rome. Le Prélat infifia inutilement : Guil-
laume du Mez ne voulut point plaider , il dit feulement ,
par forme de converfation , que la régale, telle que les Ducs
la prétendoient , étoit une coutume reçue dans toute la France;
que les Souverains de Bretagne en jouiffoient depuis plus de
quatre-vingts ans , fans qu'il fût mémoire du contraire j & qu'il
avoit entre les mains une ceflion de la régale faite à ces Princes ,
par un Evêque de Nantes , en confidération de ce qu'ils avoient
défendu fon Eglife contre les barbares. Galerand répondit qu'il
n'y avoit point de preuves de ces trois articles. Guillaume du
Mez n'en fournit pas , parce que les Ducs , regardant la régale
(>% N A N
comme un droit de fouveraineté , lui avoient défendu de s'expliquer
fur cette matière.
Malgré la proteftation que fit le Procureur des Ducs , de ne
vouloir plaider qu'à Rome , i'Evêque de Porto prononça , à Lyon ,
une fentence tres-favorable à I'Evêque , qui obtmt prefque tout
ce qu'il demandoit. On ne voulut pourtant pas lui accorder la
fomme qu'il exigeoit pour dédommagement : la fentence porte
feulement qu'on fera l'eflimation des dommages caufés, & que
le Duc fera condamné à payer la fomme adjugée par les
Experts.
Les Ducs acceptent & fe foumettent à la fentence , malgré
leurs proteflations , & écrivent à I'Evêque , Juge , qu'ils fatisferont
l'Eglife de Nantes. Hugues, Comte d'Angouiêm^e ; Silveftre de
Rezé , & Jean de Maure , fe rendent les garants de la promefTe
du Duc Jean L Le Pape charge l'Abbé de Buzai de lever l'in-
terdit aufli-tôt que I'Evêque fera fatisfait. Ce dernier nomme
des Procureurs pour agir à fa place dans cette affaire. La Cour
de Rome confirme la fentence de I'Evêque de Porto , & nomme
des CommifTaires pour la faire mettre à exécution. Le Prince
cherche des détours , promet beaucoup , & ne fe preffe pas
de conclure. L'affaire traîne en longueur, I'Evêque de Nantes
conçoit de violents fupçons , en fait part au Saint-Pere , qui le
rafFare en lui marquant que le Duc ell excommunié, ipfofa3o^
s'il ne rempht fes engagements, & s'il attente de nouveau aux
droits de l'Eglife. Celui-ci, peu inquiet de l'excommunication, ne
fe preffe pas de conclure. L'Evêque le fait fommer ; pour toute
réponfe , il fait faifir de nouveau le temporel de l'Evêché. Le
Prélat, indigné & furieux, dépêche à Rome. Le Pape ordonne
au Gardien des CordeUers d'Angers d'excommunier publiquement
le Duc de Bretagne , & de défendre à toutes perfonnes de
communiquer avec lui. Le même Pontife charge les Evêques
Bretons de citer le Prince à comparoître , quoiqu'abfent , s'ils
ne peuvent le citer en perfonne.
Voilà ce que nous offrent les annales Nantaifes , depuis 1240
jufqu'à 125 1 ', le Duc luttant contre l'Eglife, & l'EgHfe toujours
ferme à lui réfifler. Nous allons bientôt voir ce Prince enfin fou-
rnis à cette Puiffance tyrannique.
1250. Normand du Marchis donne, par teflament , à Jean de
Ses-Maifons , demeurant à Nantes , tout ce qu'il pofiledoit en
maifons , vignes , prés , terres labourables , & autres , tant en
îente qu'en fonds j dans le fief de l'Archidiaconé de la Mée , au
N A N _ ^5
Heu de la Saulfiniere , dans la ParoifTe de Saînt-Similien de Nantes.
Le teftament portoit que les biens donnés feroient partagés , par
portions égales , entre les héritiers du Sieur de Ses-Maifons , &
qu'ils ne pourroient jamais être vendus ni engagés qu'à ceux de
Ja famille. Depuis ce temps , la Saulfiniere n'eil point fortie des
mains des Seigneurs de Ses-Maifons. Le premier partage qui fe
fit de cette Terre , fut entre Jean, fils du précédent, & Bonne,
fa fille , femme d'Olivier Annet , fous l'autorité & confentement
de Thébaut , Archidiacre de la Mée , du fief duquel dépen-
doient les biens à partager. La famille de Ses-Maifons eft très-
illufire : après celles de Rohan , de Tournemine , & de Goulaine,
il n'en efi: aucune , dans le diocefe , qui puiiTe lui difputer pour
l'ancienneté. ( Voyez Saint-André des Eaux. )
La même année , le Duc Jean I vainquit les Barons de
Lanvaux & de Craon , confifqua les biens qu'ils pofTédoient en
Bretagne , & fit enfermer ce dernier , qui étoit de l'Anjou , au
château du Bouffai , à Nantes.
1252. On renouvelle l'excommunication lancée contre le Duc
de Bretagne , par les ordres du Pape , qui chargent l'Archi-
diacre d'Outre-Loire & l'OfEcial d'Angers de cette commiflion.
La Bulle porte que l'intention du Saint-Pere eft que l'excommu-
nication foit publiée , non-feulement en Bretagne , mais encore
dans tout le diocefe de Paris. Le Duc qui s'y attendoit , n'y fit
aucune attention. Il continua toujours de mortifier le Clergé, &
d'étendre fon autorité au préjudice de ce Corps fi redoutable.
L'excommunication fut encore réitérée en Bretagne & à Paris,
l'an 1254.
1256. Jean I, enfin laffé de vivre dans l'excommunication,
partit pour Rome , & obtint l'abfolution , en fe foumettant à tout
ce que voulut exiger le Saint-Siège, On lui impofa des condi-
tions très-dures , les voici : i ^, On évitera , en Bretagne , les
excommuniés, & ils ne pourront participer aux aèlions juridiques.
2°. Le droit de tierçage fera payé fuivant la coutume. 3°. On
remplira , fans aucune oppofition , les dernières volontés des
mourants. 4°. Le Duc & fes Officiers protégeront les Eglifes
& les perfonnes Eccléfîaftiques. 5°. Les caufes qui concernent
l'ufure , le parjure , & autres matières de cette efpece , ne pour-
ront être agitées que dans le reffbrt eccléfiaftique. 6^. Le Duc
n'empêchera plus les Laïques de donner ou reflituer les dîmes à
l'Eglife. 7^. On obfervera le décret de Grégoire IX, qui porte
que les excommuniés feront contraints , par le bras féculier , de
é4 N A N
fe réconcilier à FEglife. 8^. On ne s'oppofera point aux legs
pieux faits à FEglife , foit que les biens légués foient nobles ou
roturiers. 9°. Le Duc réparera tous les dommages caufés à FE-
glife , & fur-tout il dédommagera FEglife de Nantes , fuivant ce
qui a été réglé par FEvêque de Porto , & il dépofera inconti-
nent la fomme à laquelle il a été condamné envers cette Eglife j
pour fureté de fes promelfes , il fournira des cautions fuffifantes ,,
telles & en tel lieu que le Pape lui marquera , fous peine
d'une nouvelle excommunication. 10^. Le Duc & fes héritiers
feront tenus d'obferver toutes ces promeffes. Le Pape écrit en
conféquence aux Evêques de Bretagne , & les avertit de ne
pas aBufer de leurs droits , & de relpeCter leur Duc , qui venoit
de condefcendre à leurs defirs. Mais les promeffes de ce Prince
ne paroiffent pas avoir été bien finceres. li fit pourtant d'abord
tout ce qu'on pouvoit attendre de lui. En arrivant en Bretagne ,
il donna des lettres-patentes fcellées de fon fceau , qui confir-
moient les promeffes faites au Clergé. Les Barons furent irrités
à la lefture de ces lettres , & réfutèrent de s'y foumettre. Le
Duc fut obligé de leur faire la guerre pour les y forcer. Mais ,
dans le même temps qu'il paroiffoit û zélé pour [es libertés &
les droits de FEglife , il les viola d'une manière bien éclatante.
Il voulut obliger les vaffaux de FEvêque de Nantes de le fuivre
à cette guerre , au delà des limites du Duché -, & ils ne purent
s'en exempter qu'en lui donnant de l'argent. Il efl: vrai que
cette aftion étoit en quelque forte excufable ; puifque le Duc
combattoit pour les intérêts du maître , il étoit convenable que
les vaffaux l'aidaffent à les défendre. Cependant , FEvêque fe
plaignit de cette infraftion au traité , & le Pape menaça le
Duc de l'excommunier , s'il ne faifoit fatisfaftion. Au refte ,
on ne fçait point quel fut le fuccès de cette guerre ; l'hiffoire
nous apprend feulement que la ville de Dinan fut brûlée pen-
dant ces divifions. On doit aufli rapporter à ce temps trois
traités qui y font poftérieurs. Par le premier, Hervé de Léon
IV du nom , Seigneur de Châteauneuf , s'oblige à payer au
Duc une fomme de dix mille livres , monnoie de Bretagne ,
pour obtenir le pardon de tous les forfaits & félormies de fot\
père & des {iennes. Le fécond eft d'Olivier de CHffon , qui ,
après avoir fait long-temps la guerre au Duc , fe réconcilia avec
lui en 1262. Le troiiieme eft d'un autre Hervé de Léon , fils
de Salomon, qui céda, en 1263 , au Duc , tout ce qu'il pof-
fédoit dans la Vicomte de Poher.
Il
N A N _ 65
Il fembloit que le Duc fe feroit enfin lafTé de tous ces trou-
bles , mais ce Prince étoit jaloux de fon autorité , à l'excès. Il
avoit déjà violé fes promelTes en plufieurs occafions , ou plutôt
il n'en avoit rempli aucunes. L'Evêque ne fçachant plus de
quelles armes fe fervir contre un Prince qui méprifoit les foudres
de l'Eglife , prit un parti plus modéré. Il demanda au Duc que
l'affaire fût examinée par des Arbitres , & promit de s'en rap-
porter à leur décifion. La proportion fut acceptée. La fentcnce
arbitrale fut prononcée à Nantes, l'an 1259, par Eudes, Archi-
diacre de Nantes ; & Régnier , Sénéchal de la même ville. Elle
portoit que le Duc & fes fuccelîeurs jouiroient , à perpétuité , de
la Tour-neuve , ( c'eft le château de Nantes , ) que l'Evêque fou-
tenoit avoir été bâti fur un terrein appartenant à fon Eglife ; à
la charge de payer , aufîi à perpétuité , aux Evêques de Nantes ,
cinquante-cinq fols de revenu annuel , fur la portion des droits
qu 11 levoit dans la ville. Le Duc fut encore condamné à payer ,
au jour de Notre-Dame , à l'Evêque , fept livres de revenu an-
nuel , à prendre fur les mêmes droits , pour la deflru61ion du
jardin ou verger de l'Evêque , à compter depuis que Galerand
étoit monté fur le Siège épifcopal. On régla que les arrérages,
qui fe montoient à cent quarante livres , feroient payés à la pro-
chaine fête de Notre-Dame.
Quant au coffre commun , il fut décidé qu'il feroit placé dans
un lieu commode , du confentement du Duc & de l'Evêque j
que les Alloués de l'un & de l'autre auroient chacun une clefi
qu'ils agiroient de concert & avec juffice dans la colle61ion
des deniers qui dévoient y être dépofés -, & que Fun n'en reti-
reroit rien fans le confentement de l'autre. Il rut en outre réglé
que le Diic reconnoîtroit , par fes lettres-patentes, devoir à l'E-
vêque les fept livres & les cinquante-cinq fols promis ci-defî'us ,
& que le Prélat donneroit au Prince un mémoire contenant les
droits de fon Eglife , afin d'éviter les brouilleries & les divifions,
non-feulement entr'eux , mais encore entre leurs fucceffeurs ref-
peftifs. Jean I avoit ci-devant déclaré les vaffaux de l'Evê-
que exempts des fervices qu'il en avoit exigés dans les guerres
précédentes.
1256. Jean, Abbé de Saint-Gildas des Bois, donne la Cha-
pelle de Brefchalan , la métairie , & l'ifle de Saint-Denis , dans
la Paroiffe de Sucé , à l'Evêque de Nantes, qui lui donne, en
échange , l'Eglife , le cimetière , & les maifons que les Frères
Mineurs tenoient de l'Evêque , dans la rue Perdue , aujourd'hui
Tome IIL I
é6 _ NAN
des - Cordeliers. Les Moines de Saint-Gildas ne s'établirent point
à Nantes j leur nouvel acquêt pafTajà peu près dans le même
temps , dans la maifon de Rieux , qui en fit donation aux Corde-
liers. Ces Religieux reconnoilTent les Seigneurs de Rieux pour
fondateurs de leur Couvent , parce qu'avant la donation dont
nous venons de parler , ils étoient fans demeure fixe , & logeoient
dans une maifon d'emprunt.
Le Prince Robert , fils du Duc Jean I & de Blanche de Na-
varre, mourut le lo Février 1260, & fut inhumé, au milieu du
choeur de l'EgUfe des Cordeliers , dans le petit tombeau fur
lequel étoit le pupitre. Ce tombeau ne paroît plus depuis l'ex-
haufiement du chœur de l'Eglife. On avoit , dans ce temps , à
Nantes , une monnoie différente de celles dont nous avons parlé :
on la nommoit Nantais à l'écu , gros Nantais , èc monnoie de
Nantes , du lieu où elle étoit fabriquée.
Galerand , furnommé le Défenfeur de L'Eglife, mourut en 12(33.
Ce fut un malheur pour Jean le Roux d'avoir eu pour adverfaire
un homme fi capable de lui tenir tête. Le Duc, oubliant toutes
les peines que lui avoit caufé la régale , fit encore faifir les
biens du défunt , & vendanger fes vignes. Gautier , qui fut nommé
pour fuccéder à Galerand , ne fit que paroître fur le Siège. Jac-
ques de Guérande , fon fuccefleur , montra beaucoup de fermeté
pendant le temps qu'il vécut.
Vincent de Pezenas , Archevêque de Tours , tint un Concile
à Nantes, en 1264. ïl nous en refi:e neuf canons: le troifieme,
interdit la chaiTe aux Eccléfiaftiques , SécuHers & Régufiers , par
la raifon qu'on ne trouve aucun Saint chaffeur. Le cinquième,
règle la table des Evêques , pendant le cours de leurs vifites ,
& défend de leur fervir plus de deux mets. Le feptieme défend ,
fous peine d'excommunication , d'exiger aucuns péages pour les
effets & marchandifes des Eccléfiafi:iques , à moins qu'ils ne trafi-
quent. Les autres défendent de promettre des Bénéfices avant
qu'ils foient vacants j de diminuer le nombre des Moines dans les
Prieurés j & de tenir enfemble deux Bénéfices qui exigent réfidence,
1265. Jacques de Guérande lance une fentence d'excommu-
nication contre le Duc de Bretagne , & contre Jean de la Cha-
pelle , Prévôt de Nantes. Louis IX, Roi de France , rendit,
le i^*". Novembre de cette année , une Ordonnance fur la
taille & le prix des monnoies. Elle fait mention des Nantais à
l'écu ', ce qui prouve qu'ils avoient cours en France , ou que le
Roi en failoit frapper de femblables.
N A N _ 67
Jacques de Guérande mourut le i^*". Janvier 12^7, & fut
inhumé , dans fon Eglife Cathédrale , proche les faintes Reliques.
En 1661 , on fut obhgé , pour rebâtir le grand autel , d'exhumer
fon corps ; il fut porté & dépofé dans la Chapelle de Samt-
Lazare. Le portrait de ce Prélat fe voit fur une des principales
vitres de l'Eglife de Tours , dont il conferva le Doyenné juf-
qu'à la mort. Les Officiers du Duc fe mirent encore en pof-
feffion des maifons épifcopales , dont ils enlevèrent tout , jus-
qu'aux ferrures , & firent la recette des revenus de l'Evêché. Ils
jetterent même des pierres au nouveau Prélat , lorfqu'il voulut
entrer à l'Evêché ; & l'Archevêque de Tours , qui étoit venu à
Nantes pour faire exécuter le teftament de Jacques , ne fut pas
mieux traité.
Guillaume de Vern , fuccefleur du précédent , ne fut pas
plutôt arrivé , qu'il expédia un ordre à l'Omcial , d'aller trouver le
Duc , & de lui faire , en parlant à fa perfonne , les monitions
requifes , de vuider les maifons de l'Evêché & fes manoirs de
Sucé , de Pellan _, & de Saint-Thomas de la Haye j de réparer
tous les dommages qu'il y avoir caufés ; & , enfin , de reftituer
tous les revenus qu'il avoir perçus. Celui-ci répondit qu'il n'a-
voit pris que ce qui lui appartenoit , &L qu'il ne prétendoit pas
être obligé à reftitution. Il ajouta qu'il entendoit que le Prélat
élu vînt le trouver , pour recevoir de lui l'invelHture de fon
Evêché , ou qu'autrement il ne fouffriroit pas qu'il en prît pof-
feffion. L'Evêc[ue refufa , & appella , au foutien de fes droits ,
les fentences obtenues par fes prédécelleurs. Guillaume étoit
moins opiniâtre , & peut-être moins ambitieux que le fameux
Galerand. Il chercha des moyens de conciliation , pour éviter
un procès fâcheux. Le Duc accepta la propontion qu'on lui fit,
de s'en rapporter au jugement de deux Arbitres , qui étoient ^
l'Evêc{ue d'Albano , Légat du Saint-Siège ; & Henri de Vezelai ,,
Archidiacre de Bayeux. On mit, pour condition, que celui qui
refuferoit de fe foumettre à leur fentence , payeroit une fomme
de mille livres à l'autre. Les Arbitres , fans toucher aux fentences
rendues par les Papes ou leurs Commiffaires , ordonnèrent que,
pendant la vacance de l'Evêché ^ le Chapitre auroit la régie de
fes biens & revenus , & qu'il les rendroit au nouvel Evêque ,
auffi-tôt fon éleCHon confirmée ; que le Duc & fes fucceffeurs
accorderoient leur prote6lion à l'EgHfe de Nantes -, & que , pour
les récompenfer des peines & des dépenfes qu'ils pourroient faire
pour fa défenfe , le Duc auroit dix livres de rente , qui feroieot
é8 NAN _ ^
acqiiifes fur fon fief , dans l'efpace de trois mois , Se dont la
valeur feroit foldée des revenus de cette Eglife ; que les Evê-
ques de Nantes ne feroient point obligés d'aller trouver le Duc ,
pour avoir main-levée de la régale , mais feulement de lui faire
fçavoir leur confirmation , ou _, en cas d'abfence du Prince , d'en
informer fon Sénéchal ; & que le Duc rendroit au plutôt la
régale , en déduifant les juftes dépenfes qu'il auroit faites pour
la garde des biens de l'Evêché.
En conféquence de ce jugement rendu à Paris , au mois de
Décembre 1268 , le Duc fut abfous de toutes les cenfures qu'il
avoit encourues , à raifon de fes récidives. L'Evêque promit auffi
d'abfoudre tous les Officiers de ce Prince, & de faire ratifier,
par le Chapitre de fon Eglife , tout ce qui avoit été ftatué par
les Arbitres. Enfin , les parties fe fournirent à l'obfervation de
tout ce qui avoit été réglé.
Quelques mois après , le Duc affigna à l'Evêque quarante fols
de rente fur la Prévôté de Nantes , pour le dédommager des
fonds que le Duc , fon père , avoit enlevés pour les fortifications
de la ville. Les préparatifs que faifoit alors le Duc , pour fuivre
Saint Louis à la guerre , ne lui permirent pas de rempHr tous
les articles de la fentence arbitrale , & l'Evêque ne le preffa
pas dans ces circonftances. Mais , auffi-tôt que Jean le Roux fut
de retour d'Afrique, en 1267, il fatisfit au defir du Prélat, qui
lui avoit fait faire une fommation à ce fujet.
Une chofe penfa rompre de nouveau la bonne intelligence*
Quelques féditieux avoient forcé les portes de l'Eglife de Gué-
rande , pour y enterrer un homme pendant l'interdit. L'Evêque
avoit demandé la punition des coupables. Rivalon du Temple ,
Sénéchal du Duc , négligea de les pourfuivre. L'Evêque le me-
naça férieufement de l'excommunier , s'il ne faifoit punir les au-
teurs d'un fi horrible attentat. Il efi: à croire c[u'il fut fatisfait,
puifqu'on ne voit pas que l'affaire ait été poufi^ée plus loin. Dans
le même temps , Mabille , fille de Hervé le Folle , Chevalier ,
& époufe d'Aimeri d'Aveir , auffi Chevalier , vend à l'Evêque
de Nantes le fief & la Sénéchaufi^ee de la Fofle. Le Prélat ac-
quiert encore , l'an 1268 , la jurifdiftion de Bongarant, & annexe
le tout au Siège épifcopal. Quelque temps après , il s'élève une
contefi:ation entre Guillaume de Vern & Aimeri , on ne fçait
à quel fujet. L'hifi:oire nous apprend feulement que ce Seigneur ,
mécontent d'une fentence rendue contre lui par la Cour de
l'Evêque , en avoit appelle au Bailli de Touraine j & que les
NAN 69
Officiers du Prélat , pour s'en venger , avoient faifi une partie
des biens d'Aimeri. L'Alloué de Tours , informé de cette voie
de fait , affigne les coupables à la Cour du Roi. Le Prélat ne
comparoît point , Se l'Alloué le menace de faire faifir fon tem-
porel & d'mterdire fa jurifdiftion ; il lui fait même annoncer qu'il
fera emprifonner fes Officiers , s'ils s'oppofent à la faifie. L'Evê-
que affemble fes Chanoines , le r i O6lobre 1 274 , demande
leur avis , & déclare publiquement qu'il ne tient point fon tem-
porel du Roi j qu'on ne pouvoit appeller de fa Cour à celle
du Monarque Français ; que fes prédécefTeurs n'avoient jamais
répondu à cette Cour , qu'il n'y répondroit pas ; & , enfin , que
le Roi ne pouvoit exercer aucune jurifdiftion , ni fur fes biens ,
ni fur fes vaffaux. Mais , comme il craignoit que l'Alloué ne
méprifât fa déclaration , il le menaça de l'excommunier , s'il paf-
foit outre.
On ne fçait quelle fut la fuite de cette affaire ; mais , on
croit que c'eft en partie ce qui décida le Prélat à faire le ferment
de fidélité au Duc, Les archives du château nous apprennent
qu'il fit ce ferment fi long-temps contefi:é , & qu'il fe reconnut
fujet du Prince. Telle étoit la politique des Evêques de Nantes.
Etoient-ils en contefl:ation avec le Duc , ils avoient recours au
Roi ? Etoient-ils aux prifes avec le Roi , ils nioient fa jurifdic-
tion ? Nous venons d'en donner la preuve.
1270. Le Duc Jean I part pour la Terre-Sainte , avec fa
femme , fon fils aîné , & l'époufe de fon fils. Le Prince, qui vouloit
trouver fes coffres pleins à fon retour , avoit envoyé une pro-
digieufe quantité de vaiffelle d'argent à la monnoie. Briand Sil-
vanet , & Jonconit , qui en avoient été chargés , comptèrent ces
effets à la Chambre des Comptes , qui tenoit pour lors fes
féances , tantôt à Muffillac , tantôt dans l'Abbaye de Prières.
Cette argenterie fut monnoyée en oboles groffes & fimples ,
gros & petits tournois , gros & petits fterlings , au coin du
Duc. D'après les comptes préfentés à la Chambre par les Mon-
noyeurs , on voit que les monnoies ci-deffus étoient les feules
qui euffent cours dans la province. Elles étoient blanches , c'eft-
à-dire d'argent , Se empreintes de l'écu de Bretagne , & d'une
hermine paffante : elles avoient plus ou moins d'alliage , félon
les différentes efpeces. Le tonneau de vin valoit alors, à Nantes,
vingt-cinq fols ; Se le marc d'argent cinquante-quatre fols fept
deniers.
Au mois d'06:obre 1275 , le Duc Jean, étant à Nantes^ rend
70 NAN
la fameufe Ordonnance qui change le bail des nobles en rachat,
avec liberté aux Seigneurs d'adopter cette loi, ou de fuivre l'an-
cien ufage établi par le Duc Geofïroi IL L'Evêque de Nantes
fut un de ceux qui ne l'acceptèrent pas. Ce Prélat mourut le 1 4
Oftobre 1277. Il avoit donné quatre livres quatre fols de rente
à fes Chanoines pour faire mémoire de lui, Durand , Tréforier
ou Sacrifie en chef de la Cathédrale, fut nommé Evêque l'an-
née fui vante 1278,
1282. Synode diocéfain à Nantes. Durand unit à fon Evêché
& au domaine de fon Chapitre les dîmes de la Paroifîe de
Trelleres , dont ils ne perçoivent plus que la moitié , &
baptifcjl'an 1285, à Saint-Florent-le-Vieil , le petit-fils du Duc
Jean L Celui-ci meurt le 8 O61obre 1286 , & a , pour fuc-
cefTeur , Jean , Comte de Richemont , fon fils aîné. L'E^'êque ,
de concert avec plufieurs autres Prélats, donne fon confente-
ment au delfein qu'avoit Charles II , Roi de Jérufalem & de
Sicile , d'expulfer les Juifs de fes Etats ; joint un fonds de trente-
fept livres de rente à fa maifon de campagne de ChafTais, l'an
1291 ; & meurt l'an 1292. Henri II du nom , dit de Calcjlria y
fon fucceifeur, eft facré l'an 1293, dans l'Eglife de Saint-Mau-
rice de Tours, & meurt l'an 1298. Il avoit fait à fon Chapitre
une rente de quatre livres monnoie , pour faire mémoire de lui.
Maurus , que quelques-uns font Evêque en 1298 , eft fuppofé,&:
n'a point confacré , comme ils le prétendent , l'Eglife de Bufai ,
en qualité d'Evêque de Nantes. Henri lïl du nom eft fait Evêque
en 1298, eft facré au mois de Janvier 1299, & affifte au Con-
cile de Châteaugontier , où il eut une conteftation très-vive avec
Robert Dupont , Evêque de Saint-Malo , pour la troifieme place
qu'ils vouloient tous deux occuper. Il va à Paris en 1303 , &
ligne , avec les autres Prélats , à la réponfe que fait le Clergé au
Roi Philippe le Bel , fur la manière dont ce Monarque devoir
fe conduire dans fes démêlés avec le Pape Boniface VÎII. Il meurt
l'an 1304, & laifle plufieurs ftatuts dont nous n'avons vu qu'un
fragment. Il y accorde dix jours d'indulgence à ceux qui ap-
prochent dignement du Sacrement de Pénitence. On fait l'éloge
de la piété de ce Prélat , qui , dit-on , affiftoit régulièrement aux
Offices de fon Eglife.
1304. Daniel Vigier , né en la Parcifle de Gnémené-Painfault ,
eft nommé Evêque de Nantes, le 23 Février : il érige. Tan 1305 ,
le Canonicat de Pierre d'Evignei en Doyen-Dignitaire du Cha-
pitre^ 6i unit à cette place les deux tiers des grofles dîmes de
^NAN 71,
Coueron , dent Pierre d'Evignei étoit Relieur , fans prendre le
confentement du Général de cette ParoifTe,
Le Doyen , par l'afte d'ére6lion de fa place , efl: obligé à huit
mois au moins de réfidence continuelle par an. Un des hiftoriens
de Bretagne fait un long détail des droits de ce premier Digni-
taire ', mais ce récit n'ell pas fidèle : il a feulement droit de cor-
reftion fur les fimples Chapelains & Clercs -, il jouit du privilège ^
d'adminiflrer les Sacrements à ceux qui veulent les recevoir à
l'Eglife, de fonner la cloche pour l'alïemblée du Chapitre, Se
de mettre fon nom, avant tous les autres , dans les délibérations
Se les lettres expédiées dans les délibérations générales , de cette
manière : /e Doyen & le Chapitre de Nantes^ &c, Lorfqu'il eft
abfent , les lettres commencent de cette manière : le Chapitre de
Nantes , le Doyen abfent , &c. Son titre ne lui donne aucun droit
fur lès ParoifTes. Comme la dignité de l'ancien Doyen , que l'on
appelloit Doyen de Nantes & de la Chrétienté y effaçoit la jurif-
diélion de ce dernier , Daniel unit les deux dignités Tan 1 3 1 1 ,
& y attacha la Cure de Saint-Jean en Saint-Pierre , ci devant pré-
i'entée par l'Archidiacre , auquel le Prélat donna en dédommage-
ment la préfentation de la Cure de Mouzilion. L'Archevêque de
Tours confirma cet échange.
1306. Le Duc Jean ÏI meurt le 18 Novembre i'i,c6. Arturll
lui fuccede. L'année fuivante eil remarquable par la décifion de
la fameufe querelle qui divifoit , depuis plus de cent ans , le
Clergé, les Ducs, les Grands, & le Peuple de Bretagne , au
fujet du Pafi: nuptial, & du tierçage ou jugement des morts.
Ce tierçage étoit un droit qu'avoient les Curés de s'approprier
le tiers des meubles de ceux qui mouroient dans leurs ParoifTes.
L'Evêque Daniel , & Nicolas de Guemené , Refteur de Saint-
Mars de Coûtais, furent députés à Rome par le Clergé ; &
Guillaume , Sire de Rieux, avec un autre Seigneur, parla No-
bleife. Le Pape Clément V , qui occupoit alors la Chaire de Saint
Pierre , réduifit , du confentement des Envoyés des deux partis ,
le tierçage à la neuvième partie : c'efi: le droit curial , appelle
neume j droit qui depuis fut réduit à la vingt-feptieme partie fur les
meubles des roturiers feulement. Le Saint-Pere fixa aulîi tous les
autres droits du Clergé , par fa Bulle du 2 Juin 1308 , & donna
au Chapitre de Nantes quarante fols de rente & vingt fols au bas
Chœur, pour faire, tous les ans, le 28 Mai, mémoire de lui,
par une Collefte récitée à la Meffe , ou par un Libéra,
Le tombeau qui fe voit dans la Chapelle d'Efpagne aux
71 N A N
Cordeliers , eu. celui d'un Chanoine de Burgos , mort à Nantes en
1308. L'infcription , qu'on y lit, le prouve.
1309. Concile à Tours contre les Templiers. Cet Ordre mi-
litaire avoir été établi à Jérufalem , félon les uns, l'an 1096, &,
félon les autres, Tan 11 18. Les premiers de ces Moines, au
nombre de neuf, avoient fait leurs vœux entre les mains du
Patriarche de la capitale de la Terre-Sainte , & avoient pris le
nom de Templiers , du nom de leur demeure , qui étoit voifine
du Temple de Jérufalem. Leur inllitut leur faifoit un devoir de
protéger les Pèlerins contre les infidèles, & d'écarter ces -der-
niers des chemins de la Terre-Sainte , afin qu'on en pût faire le
voyage en toute fureté. Ils portoient un habit blanc , & le Pape
Eugène III leur avoir permis , l'an 1 1 46 , de faire mettre une
Croix fur leur manteau.
Comme ils ne vivoient d'abord que d^aumônes , les Rois &
les grands Seigneurs s'emprefTerent de leur faire des donations
coniidérables. Ils ne furent pas oubliés de nos Ducs , qui leur
donnèrent différentes poffelTions en Bretagne. L'Ordre devint fi
riche , que , foixante ans après fon inll:itution , fes richeffes éga-
loient celles des Souverains. Il poffédoit , dit Matthieu Paris , plus
de neuf mille maifons dans les Royaumes Chrétiens. Une for-
tune fi confidérable augmenta leur bien-être , & diminua leurs
vertus. Ils devinrent impérieux , fiers , & infolents j ils oferent
même braver les têtes couronnées , & infulter à leurs bien-
faiteurs. Le même Matthieu Paris rapporte , à ce fujet , qu'un
homme fçavant & Religieux , s'entretenant un jour avec Ri-
chard I , Roi d'Angleterre , des vices qui regnoient à fa Cour ,
prit la liberté de lui dire qu'il devoir avoir foin d'en chafTer
trois filles infortunées , qui étoient l'orgueil , l'avarice , & l'in-
conflance. « J'y ai pourvu , répondit le Monarque ; j'ai marié
n l'orgueil aux Templiers , l'avarice & l'inconftance à »
Une conduite fî infupportable leur attira la haine de tout le
monde. La haine veut des vi6limes. On épia leurs aftions ; &
deux d'entr'eux , ayant été accufés de plufieurs crimes , furent
fatfis & convaincus. Ces malheureux , avant de mourir , char-
gèrent leurs Confrères de mille crimes horribles , entr'autres , d'im-
piété , du péché contre nature , &:c. L'efprit de vengeance &
la malignité répandirent bientôt ces dépofîtions dans l'Eu-
rope j & l'on publia par-tout que les Templiers étoient des
monflres qu'il falloit exterminer. Sur le champ , les Rois donnent
des Arrêts contre ces Chevaliers , les font enfermer dans d'obfcurs
cachots ,
N A N 7j
cachots , & leur donnent des Juges , que la prévention ne pouvoit
que rendre injuiles. Quelques-uns avouèrent les crimes dont on
les chargeoit ; mais c'étoit plutôt la force de la torture que de
îa vérité , qui leur arrachoit cet aveu , & ils fe rétractèrent tous
en montant fur le bûcher.
Les TempHers méritoient-ils un traitement fi rigoureux ? cette
queftion eft encore un problême , dit un écrivain judicieux. On
ne peut douter, ajoute-t-il , que des Moines qui étoient riches,
puiflants , armés , ne fuflent avides , injuftes , adonnés aux vo-
luptés, & enclins aux féditions ; mais, quant aux crimes affreux,
qui fervirent de prétexte aux rigueurs qu'on exerça , il fuffit de
les rapporter pour en faire voir la faufleté. Leur extinftion fut
peut-être jufte , mais la manière dont on y procéda fut cruelle,
& même tyrannique.
Le Roi Philippe le Bel , entre les mains duquel le Pape Clé-
ment V avoit fequeflré les biens de l'Ordre , envoya des Com-
mifTaires , à Nantes , pour s'en faifir , & en difpofer par vente
ou autrement. Les habitants de la ville , jaloux de la puifTance de
leur Duc , s'oppoferent aux Commiffaires , & les firent fortir de
la ville ; mais peu après , les Templiers furent aufîi chafles de
Bretagne, & leurs biens, qui étoient coniidérables , furent confif-
qués au profit du Duc , qui en donna une bonne partie aux
Chevaliers de Saint-Jean de Jérufalem. Leur maifon fait aujour-
d'hui une Commanderie de Malte , fous le nom de Saint-Jean
& S aime- Catherine, On voit dans la rue du Bois-tortu une an-
cienne Chapelle , fervant de magafin , qu on croit avoir été la
première EgHfe des TempHers , à Nantes.
13 10. Guillaume, Sire de Rieux , meurt en allant en Eipagne
traiter du mariage du fils du Duc Jean II , avec Ifabelle , fille
du Roi de Caftille : fon corps eft apporté à Nantes , & in-
humé dans l'Eglife des Cordeliers , fondée par fes père &:
mère.
13 12. L'Evêque Daniel obtient un refcrit du Pape pour
partager les vingt-une Prébendes qui compofoient le Chapitre
de la Cathédrale de Nantes , en fept Sacerdotales , fept Diaco-
nales , & fept Sous-Diaconales. Il obtient encore une autre Bulle
pour la création de deux TabeUions ou Notaires Apoftoliques ,
& l'union de la Paroiffe de Saint-Cyr en Retz à la menfe épif-
copale , fous prétexte que les revenus de fon Evêché ne mon-
toient qu'à mille qaarante livres petits tournois : le marc d'argent
yaloit alors cinquante-quatre fols fept deniers.
Tome IIL K
74 N A N
1 3 1 3 . Mort d'Artur II. Jean III lui iuccede au Duché. Le vy
Août 1 3 1 8 , Thébaud de Rochefort , Vicomte de Donges , fonde
le Couvent des Carmes, à Nantes, & leur donne fon hôtel,
fitué dans l'endroit où eft aujourd'hui le Couvent des Religieufes
de Sainte-Claire. Les Moines rell:ent neuf ans dans cette maifon ,
& font transférés , en 1327, par le même Seigneur , dans l'en-
droit qu'ils occupent aujourd'hui , entre les rues de Verdun &
de TEchellerie , ainfi appellée parce qu'on y trouvoit plufieurs
échelles pour monter fur le mur de ville qui commençoit au
Port-Communeau & fe terminoit aux Changes. La grande falle
du nouveau Couvent fervit de Chapelle jufqu'à ce que l'Eglife
fût bâtie. Ce fut le fécond Couvent de cet Ordre fondé en
Bretagne : il fut peuplé par le premier , qui eft celui de Ploermel.
Dans les premières années de leur établiflement , les Religieux
Carmes chantoient tous les jours une Grand'Meffe pour leur
fondateur.
L'Evêque , les Chanoines, &: le Curé de Saint-Vincent, s'op-
poferent à la fondation 5 les Religieux s'en moquèrent , & l'E-
yêque les excommunia. Ils en appellerent au Pape , & l'affaire
refta indécife jufqu'en 1330, que le fondateur, voulant enfin la
terminer , appaifa le Prélat & fon Chapitre avec de l'argent.
Le Pape confirma tout ce qui avoit été fait , le Duc Jean Ili
approuva la fondation , & les Carmes relièrent tranquilles.
1320. Daniel Vigier publie des ftatuts. Le feptieme défend
d'admettre plus de trois perfonnes à tenir les enfants fur les
Fonts baptifmaux , parce que cette pluralité de parrains & de
marraines multiplie, dans la fociété, les confanguinités fpirituelles ,
& empêche beaucoup de mariages. Le dixième engage le peuple
à entourer de murs, les puits , les fontaines , & les folTés , pour
prévenir les accidents très-communs. Ceci paroît plutôt du reflbrt
d'un Juge de Police que d'un Evêque : mais qu'impoite d'où
viennent les règlements , quand ils font fages , utiles , & faits
par des perfonnes autorifées par leurs dignités ?
1325. Le Prélat crée un Chapitre à Notre-Dame , par l'érec-
tion de plufieurs Chapellenies en Canonicats, fans préjudice,
toutefois, des Moines de Saint - Sauveur de Redon, qui conti-
nuèrent d'y avoir les honneurs , & d'y célébrer l'Office divin
jufques vers le miHeu du quinzième fiecle. Pour cet effet , les
Rehgieux & les Chanoines faifoient l'Office à des heures diffé-
rentes. La Paroiffe étoit régie par un Curé en titre , que le
defir de porter une aumuce a rendu depuis Vicaire à portion
NAN 75
congrue. Gérard , Seigneur de Machecou , percevoir alors un droit
de péage fur les ponts de Nantes.
1325. Jean III fait bâtir & dote la Chapelle des Saints Do-
natien & Rogatien , à l'extrémité du fauxbourg de Saint-Clément,
avec une retenue de dix-neuf fols monnoie de rente à l'Hôpital
du même Saint-Clément.
Jeanne de Bouville , époufe d'Olivier de Cliflbn , meurt l'an
1329, & eu enterrée fous un tombeau de marbre noir , qu'on
voit dans l'Eglife des Cordeliers , du côté de l'épître : elle y eft
repréfentée avec cette infcription:
Ci-git Madame Blanche de Bouville , jadis femme
de Mos Olivier , Sire de Clijfon , qui trépajfa,
Van de grâce M, CCC^ XX & IX ^ le i^ Novembre^
Jean de Bretagne , Comte de Richemont & oncle du Duc
Jean III , meurt le 1 7 Février 1333, & eft aufli enterré aux
Cordeliers. On ne voit plus aucunes traces de fon tombeau ,
<jui , apparemment aura été détruit pour les différents change-?
ments que les ReHgieux ont fait à leur Eglife. Ce Prince avoir
légué, par teftament , à la Cathédrale , une Croix d'or, dans la-
quelle étoit renfermé du bois de la vraie Croix , avec plulieurs au-
tres faintes Reliques.
L'an 1336 , 'le meilleur ouvrier de Nantes , comme charpentier,
maçon , &c. ne pouvoit gagner que deux fols monnoie par jour ,
prix fixé par la police du Duc , depuis le lever du foleil juf-
qu'à fon coucher. Le boifleau de bled , mefure comble , ne
valoir que deux deniers j & les autres denrées en proportion.
1337. Daniel Vigier meurt dans fon Palais épifcopal , le 14
Février , & eu inhumé , fous un tombeau de marbre , dans fa
Cathédrale , dans la Chapelle de Saint- Jean-Baptifte , qu'il avoir
fait bâtir. Ce Prélat étoit très-zelé pour la Religion ; il orna
fon EgHfe Cathédrale , & l'enrichit. C'eft lui qui iit faire la
groffe cloche , nommée la Félix , & les deux images , en argent ,
de la Sainte Vierge , & de Saint Jean , Apôtre , qu'on voyoit
encore, en 1733 , à droite & à gauche du crucifix d'argent. Il
fonda plufîeurs anniverfaires , fêtes doubles , & Chapeiienies j
jnais ce qui fait le plus bel éloge de ce Prélat , c'efl qu'il fut le
■père des pauvres de fon diocefe. Les flatuts qu'il a laiffés font
fans date. On y voit qu'un Refteur étoit tenu de lailTer , en
4ïio-urant , quatre lits.; le premier , pour fon fucceifeur j le fécond ,
76 N A N
pour fon Vicaire ; le troifieme , pour leur Clerc : ils ne parlent
point de la deftination du quatrième. Ils donnent la forme de
i'abfolution , en ces termes : Je t'ahjous par L'autorité de Dieu &
des bienheureux Apôtres Saint Pierre & Saint Paul ^ de tous les
péchés dont tu tes confejfé & de ceux dont tu ne te fouvicns pas ,
dans tout ce que je peux & ce que je dois.
On lit Fépitaphe ci-après fur le tombeau de Daniel:
Anna Dm M\ CCC^^o. XXXVII, die VenerisXII
mens Fehruarii , ohiit Reverendus P'', ac Dhs , Dns
Daniel Vigerii de Guemeneyo , Nanneten Diocs oriun'
dus Eps Nanneten , qui pe XXXII annos eu dimi-
dio rexit laudab, Eccliam Nanneten , cuj: aia in pace
eu Angelis requiefcat. Amen,
1338. Barnabe de Rochefort eft fait Evêque de Nantes -, il
fe démet, en 1339, ^ ^ pour fuccelTeur Olivier Saladin. Celui-
ci efl le premier qui fe foit fait porter par les quatre Barons
à fon entrée folemnelle , & qui ait ufé de la formule : Evêque ,
par la grâce de Dieu & du Saint-Siège. Il n'y avoit alors qu'un feul
Maître d'école pour l'éducation de toute la ville : il fe nommoit
Eon Roger , & étoit finguliérement conlidéré des Grands & du
Peuple. Le Duc lui fit une penfion viagère de cent cinquante
livres , pour l'engager à remplir exaftement fes devoirs.
1341. Le Duc Jean III meurt à Caen , le 30 Avril. Jean,
Comte de Montfort , fon frère , fe faiilt aufli-tôt de Nantes ,
contre les dernières volontés du défunt Duc , qui avoit inftitué ,
pour fon héritier /Charles, Comte de Blois , époux de Jeanne de
Penthievre , fille de Gui de Bretagne , aîné de Montfort. L'Evêque
de Nantes & Bertrand , Sire de Briquebec , Gouverneur de Bre-
tagne , mettent une impofition de quatre deniers monnoie fur
chaque livre dé viande qui pourroit être vendue depuis le 21
Novembre jufqu'au jour de Pâques , qui étoit alors le premier
jour de l'année. Les Receveurs de ces deniers étoient Guillaume
de la Gafcherie & Philippe Bougault , Commiffaires choifis à cet
effet. C'étoit pour la réparation des murs & autres ouvrages publics
de la ville.
Jean , Seigneur de Derval ; Philippe du Château , Doyen du
Chapitre j Eon Roger , Maître d'école à Nantes ; & Guillaume
Roger , que le Duc avoit nommé fes exécuteurs tellamen-
N A N 77
taîres , font ouvrir , le 1 5 Juin , un coffre que Jean Bennibaut ,
Curé d'Abbaret , avoit dépofé dans la facriftie de la Cathédrale ,
fous la garde du Tréforier. Ils y trouvent , en efpeces d'or , feize
cents foixante-fîx doubles de foixante fols , neuf cents onze écus
de vingt fols , trois cents quarante-fîx pavillons de trente fols ,
cent foixante-deux lions de vingt-cinq fols , mille quatre-vingt-
fept royaux de vingt-deux fols iix deniers , cinquante-trois florins
de Florence , vingt-un parifîs de vingt-cinq fols , treize couronnesi
de quarante, fols , onze agnelets de quatorze fols , une once
quinze fterlings & demi d'or ; en efpeces d'argent , dix - huit
cents quatre-vingt-dix livres en limoufîns , huit cents quatre-vingt-
trois livres en doubles , foixante- quatre livres en oboles blanches
de Bordeaux , mille trente livres en oboles blanches de dix de-
niers , & huit cents trente-trois livres en oboles blanches de
quinze deniers : total des efpeces d'argent, quatre mille fept
cents livres. Toutes ces fommes furent replacées dans le même
coffre , & portées chez le Tréforier de la Cathédrale , comme
dans un lieu plus fur. Parmi l'argent monnoyé que le Duc avoit
laiffé au château , on trouva plufieurs monnoies anciennes , frap-
pées au coin de fes prédéceffeurs , & des monnoies noires de
cuir. C'eft la première fois qu'il efl fait mention de ces dernières :
on ignore quand elles commencèrent à courir j tout ce qu'on
fçait , c'eft qu'elles étoieht d'un cuir fort , empreint d'hermines ,
& de quelques autres carafteres diftinftifs. Au mois de Février
1341 , le marc d'argent valoit neuf livres douze fols ; &, l'année
fuivante , douze livres dix fols. En ce temps , Nantes paffoit pour
la capitale & la première ville du Duché de Bretagne.
1342. Charles de Blois obtient un Arrêt de la Cour des
Pairs, qui le déclare héritier du Duché. Il part de Paris avec
le Duc de Normandie , fils aîné du Roi , & vient mettre le
fiege devant Nantes. Le Duc de Normandie , Général des troupes
Françaifes , avoit fix mille hommes ; & Othon Adorne s'y étoit
joint avec trois mille braves Génois. Les affiégeants occupoient
les deux côtés de la rivière , & preffoient la ville avec vigueur.
Montfort , qui la défendoit en perfonne , avoit une bonne garni-
fon. Dès le fécond jour, les Génois s'approchent des barrières,
& font vivement repouffés j mais ils ne s'effraient point , &
reviennent tous les jours à la charge. Ces petits combats fai-
foient périr beaucoup de monde. Le plus remarquable ell: celui
qui fe livra près des barrières , à l'occafion d'un convoi que les
affiégés avoient enlevé , &: qu'ils conduifoient dans la ville. Le
78 N A N
détachement envoyé à leur pourfuite, les joint lorfqu'ils étoiem
prêts d'entrer. On fe mêle fur le champ , & l'on combat avec
fureur. Les affiégeants , qui reçoivent à tous moments du renfort ,
forcent enfin les autres à leur abandonner la viftoire. La retraite
des afîiégés fe fait avec tant de confufion, qu'on leur prend deux
cents prilbnniers.
Cependant les habitants , qui voient leurs fauxbourgs occupés
par l'ennemi, la famine prête à fe faire fentir, leurs maifons
de campagne brûlées , leurs métairies dévaluées , leurs parents
prifonniers , déUberent fecrétement entr'eux fur les fuites du
fiege ', &, comme elles leur paroifTent dangereufes , ils fe décident
à traiter avec les Français. En conféquence , un des notables
eu député aux affiégeants , avec lefquels il conclut un traité , -
par lequel les habitants s'engagent à tenir une des portes de la ville
ouverte pendant la nuit , pour y introduire fecrétement les Fran-
çais , à condition qu'ils n'y cauferont aucun tort ni dommage ,
& qu'ils rendront en outre tous les prifonniers fans rançon. Le
tout s'exécute fidèlement : les affiégeants entrent , marchent droit
au château dont ils brifent les portes , fe faififfent du Comte
de Montfort , & le font conduire à Paris , où il eft emprifonné
dans la groffe tour du Louvre. Le vainqueur paffe l'hiver à
Nantes , & fe prépare à faire le fiege de Rennes.
1343. Nantes efi: affiégée par le Roi d'Angleterre, qui établit
fes quartiers à Richebourg, à Saint-Clément , au Marchix , & à
la FofJe. Les Français viennent au fecours des affiégés. Les An-
glais ne les attendent pas , & fe retirent précipitamment j ils
brûlent , en fe retirant , la Chapelle de Saint-Julien de la Foffe.
Cette Chapelle a été depuis rebâtie & démolie plufîeurs fois:
elle fubfifte toujours fous le même nom.
1344. Olivier de Cliffi^n fe laifle gagner parle Roi d'Angle-
terre , & embraffe le parti de Montfort contre Charles de Blois,
Ce brave Chevalier eft arrêté à Paris pendant les réjouiffances
d'un tournois magnifique : on lui fait fon procès , & il elt exé-
cuté avec treize de fes complices , ChevaHers Bretons renommés.
La tête d'Olivier efi: apportée à Nantes, & mife au bout d'une
lance , fur une des portes de la ville , pour intimider ceux qui
feroient tentés de l'imiter.
1345. Olivier Saladin publie des ftatuts. Le fixieme ordonne
'de dénoncer, tous les Dimanches, les forciers excommuniés. Ce
î^rélat prêche, l'an 1347, devant le Pape Clément VI , à la
«canonifation de Saint Yves, le 19 Mai. C'étoit un des plus ce-
NAN 79
îebres Evêques de fon temps , & il mérîtoît fa réputation : les
règlements qu'il fit font très-fages.
1350. Jeanne la petite, Bourgeoife de Nantes, fonde, près
FEglife de Notre-Dame , l'Hôpital de Saint- Julien. Le Prieur de
cette Eglife recevoit cinq fols par chaque perfonne qui entroit
dans cette maifon : c'étoit une efpece de Communauté. Charles
de Blois érige , dans le même temps , la Chapelle de Saint-Do-
natien en Collégiale , & y met fix Chanoines. ( Voyez ci-après,
année 1445. )
1352. Mort d'Olivier Saladin. Hugues II du nom, dit de Mon-
trelais , Doyen , Grand-Chantre , &: Archidiacre de Lamée , qui
lui fuccede l'an 1353 , eft transféré, la même année , à Tréguier,
( Voyez Montrelais. ) Robert IV du nom , dit Peinel , eft en
même temps transféré de Tréguier à Nantes. On croit que ce
Prélat avoit été CordeUer, & qu'il étoit de l'illuftre maifon de
Peinel en Normandie.
1353. Gui de Rochefort eft fait Capitaine de Nantes pour
Charles de Blois. On appelloit alors • Capitaines ceux que nous
nommons Gouverneurs. Cet ufage a duré jufqu'au commencement
dufeizieme {iecle. L'année fuivante, dans la nuit du 17 au 18 Fé-
vrier , les Anglais furprennent le château & en chaflent le Com-
mandant & fa garnifon. Rochefort , défefpéré d'avoir laiffé perdre
fa place , & brûlant du defîr de fe venger , engage un certain
nombre des habitants de la ville à fe joindre à lui, attaque ce
château dont on l'avoit forcé de fortir, le reprend, & taille en
pièces tous les Anglais qui y étoient.
Les plus anciens titres dépofés au château , font tous posté-
rieurs à l'année 1354, à l'exception de quelques vidimus ou col-
lationnés antérieurs à cette époque. On ne doit pas s'étonner de
cette rareté , dans un pays fans ceÏÏe déchiré par des diflentions
domeftiques ou des guerres étrangères. Il n'y avoit point de ville.,
pas même de château , qui n'eût été pris & repris , pillé ,
ruiné , & brûlé. Il étoit prefque impoflible que des papiers
puffent échapper à tant de révolutions , aux flammes , à la pour-
riture , aux vers, &, fur-tout, au temps qui n'épargne rien.
1356. Charles de Blois contribue généreufement au rétabHfle-
ment des Eglifes de Saint-Laurent & des Pères Carmes , qui
avoient été ruinées dans les fieges précédents. La Cure de Notre-
Dame eft unie au Chapitre de cette Collégiale, en 1357, &
non en 1359, comme difent quelques-uns.
Chaque paroifTien payoit alors quatre deniers à fon Curé , à îâ
8o N A N
fête de Pâques. ( C'eft le petit blanc d'aujourd'hui. ) Les mariages
fe faifoient à la porte de l'Eglife , & , pendant les trois jours de
Ténèbres , on n'allumoit que treize cierges , qu'on plaçoit fur l'au-
tel. Les Chanoines de la Cathédrale , comme ceux de la Collé-
giale , n'avoient par jour que huit deniers d'afîiftance -, ce qui
faifoit environ huit fols de notre monnoie.
Les titres de la Confrairie de la Paffion, publiés, en 1769,
par M. de Ramaceul , Grand-Vicaire & Chanoine de la Ca-
thédrale de Nantes , nous apprennent qu'elle fut fondée , en
1 3 60 , par le Duc Jean IV , furnommé le Vaillant, L'auteur rap-
porte que l'Evêque de Nantes , trouvant un jour ce Prince dans
un abattement d'efprit extraordinaire, & pénétré de douleur de
voir le Duché déchiré par les guerres civiles , lui rappella , pour
le confoler, les circonftances ii trilles de la Paffion du Sauveur
& de fes fouffrances. Le Prince fut touché & remercia le Ciel
des peines qu'il éprouvoit. Pour lui en témoigner plus vivement
fa reconnoiiïance , il réfolut d'inftituer la Confrairie de la Paffion.
Elle fut d'abord delTervie dans l'Eghfe de Sainte-Croix : elle
étoit très-célebre , & tous les Ducs de Bretagne s'y faifoient
infcrire. La Reine Anne , elle-même , voulut y être admife. Depuis,
plulieurs Prmces & grands Seigneurs demandèrent à y être reçus.
Elle fut transférée, en 1766, dans l'Eglife des Carmes : elle eft
compofée de cent Frères & d'une Sœur unique , qui doit être
PrincefTe.
Dans les premiers temps , lorfque les Frères marchoient en
proceffion , ils faifoient porter devant eux une bannière , fur la-
quelle étoit arborée une Croix rouge , accompagnée des cruels
inftruments qui fervirent à la Paffion de Jefus-Chrift. On rap-
porte au même temps la fondation de l'Aumônerie de Touffaint,
fur les ponts , par Charles , Comte de Blois.
On lit , dans les chroniques & titres de ce fîecle , que les
femmes, à leur première entrée à l'Eglife, après leurs couches,
Î)réfentoient , pour offrande , du pain & un cierge bénit , dans
equel elles enfonçoient quelques pièces de monnoie , à leur dé-
votion & félon leurs facultés : c'eft ce qu'on appelloit la chan-
delle , monnoie de la Purification.
1365. Simon Renoul , Archevêque de Tours, affemble à An-
gers un Concile provincial. L'Evêque de Nantes ne peut y aller
en perfonne , pour caufe de maladie , & y envoie des Députés.
On y pubHe trente -quatre articles de difcipline. Le vingt-
deuxième profcrit l'ufage des œufs & du laitage pendant le
Carême.
N AN 8i
Carême. Les douzième & treizième défendent aux Prêtres de
porter des fouliers à long bec , nommés poulaine. La pointe de
cette chaufTure étoit plus ou moins grande , fuivant la qualité.
Celle des Princes étoit de deux pieds ; celle des Gentilshommes
& perfonnes qualifiées , d un pied ; & celle du peuple , de fix
pouces. Elle étoit recourbée & ornée de figures grotefques : la
plus ridicule pafToit toujours pour la plus belle.
1365. Nicolas Bouchard , Amiral de Bretagne , fait bâtir la
tour & forterefTe de Pirmil , pour la défenfe de Nantes du côté
du Poitou. Pirmil étoit une ancienne Châtellenie , qui fut alors
érigée en Gouvernement. Il vient d'être fupprimé , avec plufieurs
autres de la province , par notre augufle Monarque Louis XV7.
1365. Au mois de Novembre, Jean IV donne la vieille Mon-
noierie aux Jacobins , en confîdération de Simon de Langres , Reli-
gieux de cet Ordre , dont il fut le vingt-deuxième Général. Le 30
du même mois, le même Prince fait fon entrée à Nantes, &
confirme la fondation de quelques Maifons religieufes. Le feptier
de froment valoit alors cinq fols , & la pipe du meilleur vin
Nantais, vingt fols. Le marc d'argent étoit à cinq livres cinq fols.
1366. Mort de Robert Peinel. Le Chapitre nomme, pour fon
fucceffeur à l'Evêché , Simon de Langres , Rehgieux de, l'Ordre
de Saint-Dominique. La même année , Jean IV époufe , dans
l'Eglife Cathédrale , Jeanne d'Angleterre , fille d'Edouard ÏII
du nom , Roi d'Angleterre. Ce mariage efl célébré avec de
grandes réjouiffances & par de magnifiques tournois. L'année
fuivante , Simon de Langres bénit , le 1 1 Mai , l'Eglife & le
cimetière de ToulTaint, fondés par Charles de Blois.
1369. Les Comtes de Pembrok & de Cantorberi arrivent à
Nantes , où ils font reçus avec dilHnftion par le Duc , leur beau-
frere. Trois jours après, ils partent pour le Poitou, avec leur
armée qui étoit logée dans les fauxbourgs.
1370. Simon de Langres publie des ftatuts. Ils ordonnent aux
chefs de famille , fous peine d'excommunication & d'une demi-
livre de cire , d'envoyer , les Dimanches & Fêtes , une perfonne
de leur maifon à la MeÔe paroiiîiale , ou d'y aller eux-mêmes.
Ils ne veulent pas auffi qu'on reçoive à la purification les
filles après leur accouchement, à moins qu'elles ne renoncent
publiquement à leur concubinage. Ce Prélat recevoir les ré-
fignations in favorem , qui vont préfentement à Rome ; mais il
obfervoit, après avoir accordé les provifîons , d'en donner l'exé-
cution à l'Archidiacre ou à TOfficial , qui les renvoyoit au
Tome IIL L
8i _ N A N
Doyen de l'endroit, & celui-ci commettoit le premier Prêtre
ou Notaire pour mettre le pourvu en pcfTeflion. Le château de
Sucé étoit alors une maifon de campagne des Evêques de
Nantes.
1372. Simon de Langres fe démet de fon Evêché. Jean I du
nom , aufli de l'Ordre de Saint- Dominique , qui lui fuccede ,
fe trouve , avec plufîeurs autres Prélats , à la dédicace de
l'Eglife du Collège de Navarre , à Paris. Bertrand du Guefclin
eft fait Capitaine de la ville Se du château de Nantes , qu'il
venoit de foumettre à Charles V. Simon de Langres remont-e
fur le Siège épifcopal de Nantes en 1374, publie de nouveaux
llatuts , & permute , en 1382 , avec Jean de Montrelais , Evêque
de Vannes. Olivier de ChfTon eft nommé Gouverneur de Nantes
en 1379. Le Comte de Bukingham affiege cette ville en 1380.
Cliffon défend fa place avec beaucoup de valeur , & force
l'étranger à décamper après foixante-quatre jours de fiege. ( Voyez
tome premier , page clviij. )
1384. Jean de Montrelais II du nom fait fon entrée folem-
nelle à Nantes , avec toute la pompe ufitée en pareil cas. Je
rapporterai ici cette cérémonie {inguliere pour la fatisfaftion du
lefteur. L'Evêque pafToit la nuit dans l'Hôpital ou Aumônerie de
Saint -Clément. De là, il étoit conduit, jufqu'à la porte Saint-
Pierre , par le Baron de Chateaubriand , qui tenoit la bride du
cheval fur lequel étoit monté le Prélat. Il defcendoit de cheval
en cet endroit , & étoit porté en chaife , jusqu'au grand autel
de fon Eglife Cathédrale , par les Barons de Pontchâteau , de
Retz , d'Ancenis, & de Chateaubriand. Ces Seigneurs dînoient
avec l'Evêque , & partageoient les dépouilles de fa table. Le
premier avoir le linge j le fécond , la vaiffelle ; le troifieme ,
l'échanfonnerie -, & le quatrième , le cheval.
Le Duc , en qualité de Baron de Retz , avoit été cité à
comparoître & à faire fon office au jour de l'entrée. Ce Prince
s'y trouva & exigea le cheval du Prélat , comme poiTeffeur
du rachat de la Baronnie de Chateaubriand -, ce qui lui fut ac-
cordé. Les Barons eurent une difpute férieufe au fujet du rang
que chacun devoir occuper dans cette cérérnonie bizarre & ri-
dicule. Après beaucoup de conteftations , Pierre Guego , Cha-
pelain de l'Evêque , termina la querelle par la lefture d'un afte
fort ancien , qui adjugeoit la première place au Baron de Pont-
château ; la féconde , à celui de Retz ; la troifieme , à celui
d'Ancenis j & la quatrième , à celui de Chateaubriand^
N A N Sj
1383. Aflemblée des Etats à Nantes : la Nobleffe y paroît,
pour la première fois , avec le collier de l'Ordre de l'Hermine ,
que le Duc Jean IV venoit d'inftituer. Les Dames y étoient
admifes fous le nom de Chevalerefles. L'année fuivante , Geoffroi
de Pont-Glou eft nommé Capitaine de Nantes. Jeanne d'Angle-
terre , époufe du Duc , meurt à Nantes au mois de Septembre ,
& eli: enterrée dans l'Abbaye de Prières, au diocefe de Vannes,
comme elle l'avoit demandé. Son teftament eft du 25 du même
mois. Gui de la Vieillevigne , Curé de la Paroifîe de Saint-
Laurent , fut un des témoins ; & Simon de Langres un des exé-
cuteurs teltamentaires. Le Duc fait auffi fon teflament au châ-
teau de Nantes, le 21 Oftobre de l'année 1385. Il porte que
le Prince veut être inhumé dans la Chapelle de Saint -Michel
d' Aurai , ou dans l'EgUfe Cathédrale de Nantes , ou dans celle
de l'Abbaye de Prières. En conféquence , il lègue cent livres
de rente aux Religieux de cette maifon , pour avoir part à
leurs prières. Il déclare en outre que fî les exécuteurs tellamen-
taires ne jugeoient pas à propos de le faire enterrer dans cette
Abbaye , il vouloit qu'on exhumât les ofTements de Jeanne d'Angle-
terre , fon époufe , Se qu'on les mît avec lui dans le même tombeau.
1385. Les Nantais font témoins d'un combat , qui eft pour
eux un fpe6lacle nouveau. Le Sire de Tornemine eft appelle
en duel par Beaumanoir , dont il avoit tué le frère pour époufer
fa veuve. Le combat eft accepté , & les deux Seigneurs deman-
dent au Duc la permifTion de fe battre. Le Prince y confent,
& taxe le vaincu à mille livres de dépens. La place du BoufFay
eft choifie pour le lieu du combat, que Jean IV honore de
fa préfence. Les deux champions jurent fur les faintes Reliques
& le Mifîel qu'ils ont bon droit , & qu'en leurs harnois , ni aux
environs , ils n'av oient , ni n'auroient fon charai , ni mal engin.
Ils fe battent à cheval & enfuite à pied , en champ clos , de
quatre-vingts pas de long fur foixante-dix de large. Beauma-
noir , vainqueur , ufe noblement de fa viftoire. Il demande au
Duc la vie de fon adverfaire , & obtient qu'il ne foit pas puni
félon la rigueur des loix.
5 Novembre 1386. Violent tremblement de terre à Nantes.
Le 20 Mai de l'année fuivante, on en éprouve un autre, d'au-
tant plus aifreux qu'il étoit accompagné des éclats multipliés
du tonnerre. Les Evêques de la province tenoient alors un
Concile en cette ville.
1587 ou 1388. La DuchefTe Jeanne de Navarre, époufe du
84 N A N
Duc Jean IV, accouche, à Nantes, le n Septembre, d'une
fille , qui eft baptifée à la Cathédrale & nommée Jeanne. Jean IV
affigne le douaire de cette PrincefTe fur les rentes ducales de
Nantes & de Guérande. Ce Prince s'embarque enfuite fur la
Loire , fe rend à Meun , & de là à Paris , avec fa fuite , qui
étoit de plus de douze cents perfonnes , Evêques, Barons, Che-
valiers , Ecuyers , & Officiers de fa maifon. La ville de Nantes
& tout le diocefe efTuient encore un nouveau tremblement
de terre.
Le Synode tenu à Nantes en 1389, prefcrit aux Abbés d'af^
fîfter aux aflemblées eccléfialtiques , en chape de foie avec la
crofle j & aux fimples Eccléfiaftiques , en furplis & avec l'étole
pendante. Il leur ordonne de renouveller tous les jours la fainte Eu-
chariftie j de renvoyer , dans huitaine , les femmes fufpeftes j &
prononce excommunication contre un Prêtre qui féduira fa pa-
roiffienne , ou une étrangère dont il aura entendu la confeffion,
1390. Jean de Mauni eft fait Capitaine de Nantes. Le Roi
Charles VI afTemble les Princes de fon Sang , à Tours , Tan
1391 , & députe le Duc de Berry au Duc de Bretagne pour
l'mviter à s'y rendre. Jean IV va au devant de l'AmbalTadeur
jufqu'à la Seilleraye , à trois lieues de Nantes , & lui fait une
réception magnifique. A fon arrivée , le Duc de Berry écrit aux
Seigneurs Bretons de venir à Nantes , pour être témoins de ce
qu'il avoit à dire au Duc de la part du Roi. Les Gentilshommes
fe rendent à l'invitation , & s'affemblent au jour marqué. Le
Prince Français fait un long difcours , & déclare que le Roi
trouvoit mauvais; 1°. que le Duc fit battre monnoie ; 2^. qu'il
fit la guerre au Connétable Olivier de ChlTon ; 3°. enfin, que,
dans l'hommage que fes vaflaux lui rendoient , il les obHgeât
de jurer qu'ils le ferviroient envers & contre tous , fans en ex-
cepter le P».oi.
Le Duc s'ofFenfe de ce difcours , & entre dans une (\ terrible
colère , que , fans refpeft pour le cara6lere facré & inviolable
des AmbafTadeurs de fon Souverain , il donne ordre d'arrêter tous
les Seigneurs Français. Pierre de Navarre, qui étoit alors à Nantes,
réfiéchiilant fur les fuites fâcheufes que pourroit avoir cette
affaire , court en avertir la Ducheffe , fa fœur , & la prefle de
s'oppofer , de toutes fes forces , au fanefle deffein de fon époux,
La Pnncefle épouvantée , prend fon fiis aîné entre fes bras , va
trouver fon mari , fondant en larmes , & le conjure au nom du
jeune Prince , fruit de leur union, de révoquer l'ordre qu'il vient
N A N 8j
de donner. « Votre colère , lui dit-elle , va retomber fur ce cher
>♦ fils & Tes frères , & les plonger dans un abyme de malheurs. »
Le Duc eft touché , réfléchit au danger auquel il s'expofe , Se
donne des ordres contraires. Il demande même un fauf-conduit , &
part avec les Ambaflkdeurs du Roi pour fe rendre à Tours ,
îuivi de plus de quinze cents Gentilshommes. Une partie de
cette nombreufe fuite fait le chemin en cinq bateaux , garnis
de canons & de gens de guerre , tandis que le refle va par
terre. A une lieue de Tours , les Ducs de Bourbon & de Bour-
gogne viennent au devant du Duc , & l'accompagnent jufqu'à
Ion logement.
Jean de Montrelaix II du nom , eft le fécond Evêque de
Nantes , qui ait ufé de la formule d' Evêque , par la grâce de Dieu :
c etoit un Prélat vraiment digne de fon rang. Il publia des ftatuts ,
dont la plupart font perdus. Dans ceux qui nous relient , il
défend de célébrer aucune Mefle avant celle de la Paroifle j
d'y admettre les habitants des Paroifles voifines , à moins que
ce ne foit dans la ville ; & de les confefler fans la permimon
de leur Curé. Il défend aux Prêtres de fortir après huit heures
du foir , en quelque temps que ce foit , à moins qu'ils n'aient
des affaires indifpenfables ; de fe faire fervir par des femmes \
& de célébrer des mariages avant le lever du foleil ,
parce qu'alors ils étoient , réputés clandeilins. Les mêmes ftatuts
nous apprennent que l'ufage déréglé des droits des époux , verbi g,
acceffum ad uxorem quce in menjlruis ejl , vel ad prœgnaïuem , (î indè
fequatur ahonus , étoit un cas réfervé ; & qu'il y avoit des cas
tellement réfervés à l'Evêque , qu'il ne pouvoit commettre aucun
autre Prêtre pour en abfoudre.
Ce Prélat mourut fi pauvre, que fon Chapitre fut obligé de
faire les frais de fes funérailles. Il fut enterré fans épitaphe , ni
enfeu , dans la Chapelle de Saint- Guillaume , en fon Eglife
Cathédrale. Bonabes de Rochefort , Archidiacre de la Mée , lui
fuccéda par réfignation, en 1391.
Les titres de la maifon de Penthievre nous apprennent que
la livre de cuivre valoir alors trois fols quatre deniers j le
beurre, fix deniers 5 l'huile d'olive, un fol fix deniers; la chandelle
de fuif, un fol;& la pipe de vin d'aujourd'hui, depuis cinq juf-
qu'à fix livres : .le marc d'argent étoit à fix livres cinq fols , &
le marc d'or à foixante-fix livres.
1392. Bonabes de Rochefort fonde la facriftie de la Cathé-
drale. L'année fuivante , le Tréforier trouve le moyen de fe
86 N A N
décharger , à peu de frais , des fon6lions de Sacrifie ; comme
fes fucceffeurs ont trouvé depuis le fecret de s'exempter de la
garde du tréfor , qui les obligeoit à coucher toutes les nuits dans
la Cathédrale.
1395. EtablifTement d'un Procureur général Syndic , à Nantes,
pour veiller aux intérêts de la ville.
1396. Le Duc de Lancaftre vient à Nantes. Le Duc lui donne
des navires , des troupes , & de l'argent , pour conquérir le
Royaume d'Angleterre.
1397. Mort de Bonabes de Rochefort. Ce Prélat avoit re-
connu , pendant fon Epifcopat , l'obédience de Pierre de la
Lune , dit Benoit XIII. Gui de Lefcours avoit été nommé Evê-
que de Nantes, en 1391 , par Clément VIL On le trouve avec
la qualité d'élu de Nantes, dans un afte de l'an 1395 , rap-
porté par l'Enfant , dans Thiftoire du Concile de Confiance. Il
ne fut point reconnu en qualité d'Evêque à Nantes , parce
qu'on y regardoit Clément VII comme Antipape. Pierre I du
nom , Dofteur en Théologie , efl fait Evêque de Nantes en
1397, & Adminiflrateur de Coutances en 1398. Bernard II du
nom , lui fuccede dans le courant de cette année. Dans le même
temps, Jean IV afîigne à la Cathédrale foixante livres de rente,
fur les pêcheries de la Loire , dans les ParoifTes de Bouguenais ,
Rezé , Saint-Cyr en Retz , pour l'acquit d'une fondation de quatre
MelTes par femaine.
1399. Jean IV meurt au château de Nantes, empoifonné ,
dit-on, par un Prêtre de Nantes & le Prieur de JofTelm , qui,
en conféquence , font arrêtés & conftitués prifonniers. Le Prêtre
meurt en prifon , & le Prieur efl: élargi , faute de preuves pour
lui faire fon procès. Jeanne de Navarre , époufe de ce Prince ,
fait faire, par un artifle Anglais, un tombeau de marbre blanc,
& le fait placer fur fa fépulture , dans le chœur de la Cathé-
drale , où on le voit encore aujourd'hui.
Jean V , âgé de dix ans , fuccede à fon père , fous la tutelle
dé fa mère. Cette Princeffe ell demandée , quelque temps après ,
en mariage , par Henri de Lancallre IV du nom , Roi d'An-
gleterre. Elle accepte la propofition. Le mariage efl arrêté , &
célébré à Nantes , par Procureur , le ^ Avril 1 400. Jean V eft
confié aux foins du Duc de Bourgogne, fon plus proche parent,
qui l'emmené à Paris. Avant le départ de la DuchefTe , Cliffon
lui fait offrir une fomme de douze mille écus d'or , par forme
de prêt, fi elle veut lui donner le Gouvernement de Nantes.
N A N S7
Comme elle avoit befoin d'argent elle y confent j mais Gilles
de Lebieft , Gouverneur de la ville , qui connoifToit l'ambition du
Connétable , s'y oppofe , & dit , avec beaucoup de fermeté , à
Jeanne de Navarre , qu'ayant fait , par {es ordres , ferment de
ne rendre la ville qu'au Duc de Bourgogne , ou à Jean V
lorfqu'il feroit majeur, il ne manqueroit jamais à fa parole, foiis
quelque prétexte que ce fût. Son inflexibilité fait échouer le pro-
jet, & ClifTon garde fon argent.
La même année , la ville de Nantes efl défolée par une maladie
contagieufe , qui emporte beaucoup de monde.
Le 3 Juin 1401 , un ouragan furieux, qui commence fur les
cinq heures du matin , renverfe des murailles de la ville Se les
grofles charpentes qui les foutenoient -, des arbres très-gros qui
étoient dans le cimetière de Saint-Pierre font déracinés , & les
campagnes de tout le Comté font ravagées -, les Eglifes de
Coueron & de Sainte-Pazanne font , fur-tout , très-endommagées.
La tempête ne dure , heureufement , qu'un quart d'heure : fi
elle eût duré encore autant de temps , le pays étoit totale-
ment ruiné.
1 404. Le Duc de Bourgogne affemble les Etats à Nantes ,
& établit des Gouverneurs dans les places les plus importantes.
La pefte ravage le Comté de Nantes. On a recours au Ciel.
On fait une procefîlon folemnelle , le jour de la tranflation de
Saint Martin , au mois de Juillet. Le Clergé & les habitants y
marchent pieds nuds , les faintes Reliques font portées dans toutes
les Eglifes de la cité, & le fléau cefl^e. L'Evêque Bernard efl
transféré de Nantes à Tréguier , de Tréguier à Tarbes , &
enfin de Tarbes à Tréguier. Quelques-uns lui donnent pour fuc-
cefTeur Bertrand du Peyron. Henri IV du nom , dit le Barbu ,
Religieux de l'Ordre de Cîteaux , & ci-devant Abbé de Prières,
eil transféré de l'Evêché de Vannes à celui de Nantes. Le Pape
le difpenfe de venir à fa Cour, pour lui épargner les fatigues
& les dépenfes du voyage , & le recommande au Duc.
1405. Jeanne de France, époufe de Jean V, fait fon entrée
à Nantes le 1 5 Mars. Le jour de fon arrivée , le feu prend à
quelques maifons ; mais cet accident ne diminue point la joie
que tous les citoyens refTentoient d'avoir cette augufle Princefl^e
pour Souveraine. Le i o 061:obre , fête de Saint Clair , le feu
prend encore , on ne fçait par quel hazard , à la pommette
du clocher de l'Eglife Cathédrale. Un couvreur , nommé Jean
Lucas , qui y monte le premier , efl: étoufle par les flammes & brûlé.
88 N A N
• 1 406. Benoît XIIÎ permet d'employer le Presbytère de l'Eglife
de Saint-Saturnin de Nantes , à TagrandifTement de l'Egliie de
ce nom , également que la rue qui les féparoit. Il faut obferver
que les Egiiies étoient alors ifolées , & ne touchoient à aucun autre
édifice. Le Presbytère de Saint - Saturnin fut transféré dans le
lieu appelle la cave du Bouffay , qui dépendoit vraifemblable-
ment autrefois de la Paroiffe de Sainte-Croix. Cette maifon pres-
bytérale , qui d'abord n'étoit que peu de chofe , fut prefque entiè-
rement rebâtie , l'an 1 599 , par le Curé Guillaume Gamier , qui la
fit augmenter d'un cabinet & exhaulTer d'un étage , à la charge de
loger , dans un des appartements , les Prêtres de chœur & le
Sacrilie. L'Eglife fut exhauffée de huit pieds, en 1468 , par l'or-
donnance du Grand-Vicaire , qui menaça les Fabriqueurs d'ex-
communication , s'ils n'exécutoient fes ordres.
1406. Synode à Nantes. Il oblige les Curés à tenir des regif-
tres de Baptême. Ces ftatuts furent mal obfervés dans les cam-
pagnes ; car il n'y en a point qui aient confervé des regiilres
de ce temps-là.
1 407. Le Duc Jean V accorde , par lettres-patentes , aux ha-
bitants de cette ville , le droit de tenir une foire franche par
chaque année. Elle fe tenoit d'abord fous les halles de la ville,
commençoit au \^^, Janvier, & duroit quinze jours. Les intentions
du Duc font expliquées fort au long dans fes lettres-patentes.
Il veut que les marchands qui viendront à Nantes pendant la
foire , foit par terre ou par eau , foient exempts de tous droits
d'entrée , & ne paient que les anciens devoirs de fortie ; à l'ex-
ception pourtant de ce qui eft dû pour le fel , le vin , & le bled ,
pour lefquels on n'acGorde aucun privilege.il y a encore, à Nantes,
une autre foire franche , nommée foire Nantaife : elle commence
le 24 Mai , & dure quinze jours.
Grégoire , fe difant Pape de Rome , & les Cardinaux de Ton
parti , foUicitent les Bretons de s'unir à eux. Le Roi de France
& rUniverfîté de Paris , qui reconnoiflbient ce Pape , s'intérefTent
en fa faveur auprès du Duc de Bretagne, mais inutilement.
Les Bretons ne veulent point abandonner leur Pape. La lettre
de rUniverfité de Paris eft une preuve du mauvais goût qui
regnoit alors. On y trouve des citations à tout propos , des fen-
• tences, de l'emphafe , du phébus , &c.
1407. Au mois de Décembre, le Duc rend une Ordonnance,
qui permet à l'Alloué de Nantes de nommer douze notables
Bourgeois , pour mefurer 6c jauger tous les fûts de vin , fuivant
l'ufement
N A N 89
lufement Se coutume du pays. Ils dévoient faire ferment , entre
les mains de l'Alloué , de fe bien comporter dans les fondions de
leurs charges ; fondions pour lefquelies ils feroient falanés. L'an-
née fuivante , la ville attéage un domaine pour lequel elle paie
encore aujourd'hui ûx fols , monnoie de redevance , pour avoir
la liberté d'ouvrir des paflages & des chemins fur la Motte du
château Gaillard. Cette Motte étoit à la fortie de Richeboutg ,
probablement dans l'endroit où eft fituée la Communauté des
Religieufes Urfulines.
1 4 1 o. Le 21 Février , le Duc ordonna à Gilles de Lebiefl ,
Capitaine des ville & château de Nantes , de choiiir , parmi les
Bourgeois & Habitants , un nombre d'hommes fuffifant pour
garder les portes de la ville , & de leur accorder un falaire
raifonnable. Le 10 Avril, le feu prend au Couvent des Jaco-
Lins , & réduit en cendres , dans l'efpace de quatre heures ,
l'Eglife , la Sacriflie , & la plus grande partie du Monallere ,
avec tous les meubles & ornements. Le Duc , les Seigneurs de
fa Cour , & les Officiers de fa maifon , touchés du malheur des
Religieux , font rebâtir l'Eglife & le dortoir , fourniflent des clo-
ches & des ornements ; de forte que la Communauté ne fe ref-
fentit pas beaucoup de cet accident. Le 18 Novembre 1413 ,
l'Evêque bénit Se confacre l'Eghfe , avec beaucoup de folemnité.
1 4 1 1 . Le 2 1 Février , les habitants de Nantes obtiennent du
Duc Jean V des lettres -patentes , données en fon Parlement
général , à Ploermel , portant confirmation du privilège que leur
avoir accordé , en 1395, le Duc Jean IV , de nommer , tous les
ans , un ou deux Procureurs pour veiller aux affaires communes
de la ville, avec droit de police fur le pain. Ce Prince leur
permet auffi d'avoir une horloge , à condition d'en prendre tout
le foin poffible : elle fut placée au Port-Maillard, pour fervir,
en même temps , au château & à la ville. Par les mêmes let-
tres , il eil: défendu aux Tanneurs & Corroyeurs de vendre du
vin en détail.
Il y a voit alors à Nantes plufieurs Hôpitaux : celui de Touf-
faint, fur les ponts j celui de Notre-Dame de -Pitié, dans la rue
du Port-Maillard -, de Saint- Jean , près les Cordeliers ; Se de Sainte-
Catherine , en Erdre ^ ces deux derniers forment aujourd'hui une
Commanderie de l'Ordre de Malte : celui de Saint- Julien , qui
eft éteint , étoit une Communauté de pauvres mendiants , qui
vivoient enfemble & qui mettoient tout en commun; ceux de
Notre-Dame, hors les murs, Se de Saint-Lazare, fur les hauts
Tome IIL M
90
N A N
pavés , qui , réunis à ceux de Notre-Dame de Pitié & de Touf-
fainî, forment l'Hôtel-Dieu , étoient deftinés pour les lépreux,
efpece de malades fort communs en Bretagne. ( Voyez l'Abrégé
de l'Hiftoire , tome premier. )
Le Prieuré de la Magdeleine , fur les ponts , avoit un collège
de Chanoines-Réguliers. Le Chantre tenoit une école de Mufiquej
Ôc le Scholaftique enfeignoit la Grammaire à la jeunelTe.
141 1. Les Eccléfialliques , toujours ambitieux, toujours inquiets,
& tourmentés par la crainte de perdre leurs privilèges , mettoient
tout en ufage pour les conferver. Les Conciles généraux & par-
ticuliers fulminoient des anathêmes contre les anathêmes qui
ofoient porter atteinte à ces droits facrés & chéris. Les Evêques
de la province de Tours , non moins prudents que leurs Confrères ,
ordonnent, en 1411, à tous les Relieurs de leurs diocefes, de
publier, aux prônes des MefTes paroiiîiales , les décifions fui-
vantes , en langue vulgaire , afin que tout le monde pût en avoir
connoiflance.
1°. Sont excommuniés , ipfo faclo , tous ceux qui conjurent,
confpirent contre les libertés de l'Eglife ; qui diminuent , reffer-
rent , ou troublent la jurifdiftion eccléfiafHque -, qui défendent de
la reconnoître , ou confeillent de la méprifer.
2^. Tout excommunié qui ne demandera pas l'abfolution avant
la fin de l'année , s'il vient à mourir , ne fera point inhumé en
terre fainte , quoiqu'abfous pendant fa maladie , parce quil a
paru méprifer les cenfures pendant qu'il éîoit en bonne fanté ( a ).
3*^. Sont excommuniés, ipfo faclo ^ les raviiTeurs des biens de
l'EgUfe j & les lieux où ils fe trouvent font foumis à l'interdit.
Ce règlement , fi intéreffant pour ceux qui le faifoient , efl
fort étendu.
4®. Sont excomm.uniés , tous Juges féculiers qui , ayant connoif-
fance des vexations commifes envers les Eccléfiaftiques , ne leur
font pas rendre jullice lorfqu'ils le peuvent.
(â) A l'occafion de ce règlement, Je
rapporterai une anecdote qui fe trouve
dans la vie de Saint Louis , par Joinville.
Les Evêques de France demandèrent à ce
Prince qu'il lui plût joindre l'autorité du
Sceptre à celle de l'Eglife, pour obliger les
excommuniés à demander l'ablblution , au
plus tard un an après l'excommunication lan-
cée. Le Monarque refufa de fe prêter à
leurs vues , dans la crante , dit-il , de com-
mettre des injuftices. Il cita , pour motif de
fon refus , le Duc de Bretagne , qui , après
plufieurs années paflees dans l'excommuni-
cation , avoit été abfous par le Pape , qui
avoit reconnu l'innocence de ce Prince. Si
pourtant , ajouta-t-il , je l'avois forcé à de-
mander l'abfolution , j'aurois participé à l'in-
juftice des Prélats Bretons. En conféquence
il renvoya les Suppliants , fans vouloir con-
fentir à leur demande.
N A N 91
5°, Sont encore excommuniés, toujours Ipfo faclo ^ ceux qui
citent devant eux des EcclérialHques , fur-tout , lorfqu'ils les con-
noifïent pour tels ; & même peme eft décernée contre les Laï-
ques qui traduifent des Clercs à des Tribunaux féculiers. Les
uns & les autres ne peuvent être abfous qu'en réparant les dom-
mages caufés par eux aux perfonnes opprimées.
6^. Encourent la même peine tous ceux qui portent des loix
contre les libertés de l'Eglile, tous ceux qui confeillent d'en
porter , ou qui les obfervent , à moins qu'ils ne renoncent à
leurs prétentions , & ne réparent les pertes & dommages cau-
fés par eux,
7°. Sont pareillement excommuniés , ceux qui violent les afyles
facrés , en faifant faifir ceux qui s'y réfugient. Si c'eft un Béné-
ficier qui exerce ou fait exercer ces violences , il doit perdre
fon Bénéfice.
8°. Sont auffi excommuniés , ceux qui empêchent les Ecclé-
fiaftiques de difpofer des revenus de leurs Bénéfices.
9°. Sont de même excommuniés, les Eccléfiaftiques qui , te-
nant des Gens d'Eglife des terres , rentes , ou jurifdiftions ,
avouent fauffement les tenir des Laïques. Leurs confeiUers ou
adhérents font aulïi excommuniés,
10^. La même peine eft portée contre les Juges féculiers qui
font des informations pour s'inftruire fi les fentences d'excom-
munication & d'interdit font juftes & raifonnables , parce que
la connoiflance de ces faits ne peut appartenir qu'à la Cour
eccléfiafiique.
II**. Sont , par les mêmes raifons, fournis aux cenfures deTE-
glife , tous ceux qui mettent des impofitions fur les terres & re-
venus eccléfiaftiques , qui ne doivent aucun droit de péage en
pafTant d'un pays dans un autre. Si , cependant , les Eccléfiafti-
ques commerçoient , les denrées qu'ils feroient transporter d'une ville
à l'autre , pour les vendre , feroient fujettes aux droits de péage.
12**. Sont excommuniés, ceux qui caufent du tumulte ou du
fcandale dans les Eglifes ou cimetières , & ceux qui prennent
poffeffion d'un Bénéfice dont le Titulaire eft vivant ; ceux qui
maltraitent les Gens d'Eglife , ou leurs vaffaux , & qui font des
dégâts fur leurs terres ; enfin , tous les Juges ou Seigneurs laï-
ques, qui tiennent en prifon des Eccléfiaftiques , pour caufe ou
fans caufe. Ces excommunications ne pouvoient être levées par
autre que l'Evêque.
141 1. Jean V & fon époufe, Jeanne de France , font diverfes
51 N A N
fondations à la Cathédrale , aux Carmes , aux Cordeliers , & aux
Jacobins. L'année fuivante , Gilles de Bretagne , fécond fils du
Duc Jean ÏV, Seigneur d'Ingrande & de Chantocé , meurt au
fîege de Bourges , capitale du Berry , où il fervoit dans l'armée
du Duc de Bourgogne. Ce jeune Prince n'avoit que dix -huit
ans. Son corps elt apporté à Nantes, le i8 Juillet, & inhumé
dans la Cathédrale.
Les Paroiffiens de Sainte-Croix obtiennent une place adjacente
à leur EgUfe , pour leur fervir de cimetière -, ils donnent , en
échange , quelques fols- de rente fur un autre terrein. Ce cimetière
n exille plus depuis l'établiflement du cimetière général hors de
la ville.
141 3. Jean V fait faire, dans l'Eglife des Jacobins de Nantes,
un fépulcre repréfentant celui du Sauveur , & y fonde la Con-
frairie de la Véronique. Henri le Barbu fonde, en même temps,
la Pfallette de la Cathédrale pour fix Enfants de chœur & deux
Maîtres ; l'un , pour les Belles-Lettres -, & l'autre pour la Mufique.
Le Pape permet au Duc de prendre les appointements des Maî-
tres d'école fur les décim.es du Clergé.
Aux mois de Février, Mars, & Avril 1414, la Loire déborde
fî confidérablement , que la ville de Nantes fe voit à deux doigts de
fa perte. Plusieurs personnes font enfevelies fous les eaux , qui em-
portent des maifons , des navires , & des barques chargées de
marchandifes ; le tout perdu pour les poireffeurs.
1415. Le jour de la Purification, la pointe du clocher de
Saint-Pierre tombe, entre minuit & une heure. Comme le clo-
cher étoit en bois , on fait abattre ce qui étoit refté debout , pour
le conftruire en pierres. Henri le Barbu & le Sire de Quellenec
poferent la première pierre de l'édifice ,' le 29 Juillet fuivant;
mais , comme la Cathédrale changea de forme , il efl à croire
qu'il ne fut pas achevé : on y travailloit pourtant très-long-
temps après.
141 5. Henri le Barbu aflifte, par Procureur, au Concile de
Confiance , où il fut d'avis qu'on devoit remettre à un autre
temps à traiter des annates que le Pape levoit fur tous les Bé-
néfices vacants. Pierre Beguel , Chanoine de Nantes & Député
du Clergé , fut d'un avis contraire , & foutint qu'il falloit abolir
ces fortes de droits, & pourvoir, d'une autre manière, à l'état
du Saint-Pere & des Cardinaux. L'année fuivante , Henri publie
de nouveaux fi:atuts. Ils font un devoir aux Curés d'exhorter
leurs Paroiffiens à vifiter , le plus fouvent poJJîbU , l'Eglife Cathé-
NAN 95
drale de Nantes , & de leur enjoindre d^y faire des ohlations , plu-
tôt que de yifîter des Chapelles nouvellement conflruïtes. Pour mieux
réuflîr , ils dévoient commander ce pèlerinage par forme de péni-
tence. On eft fâché de voir un Prélat , recommandable par mille
vertus , qui avoit une piété iblide , & qui paroît inftruit , fe
perfuader qu'il y svoit plus de mérite à vifiter une Eglife
ancienne qu'une nouvelle , une Cathédrale qu'une EgUfe ordi-
naire , comme {i tous les lieux faints , confacrés au fervice
de Dieu , n'étoient pas également propres à lui rendre le culte
qu'il exige de nous. Cette réflexion me paroît raifonnable. Si,
cependant , c'étoit une erreur , je déclare que mon intention n'eft
point de fronder les préceptes de l'Eglife , & que j'adhère , de
tout mon cœur , à fes fentimicnts. ^out ce que je fçais , c'eft
que les vifites de la Cathédrale étoient un mal réel , fi on les
confîdere comme citoyen. Les perfonnes éloignées , qui étoient
condamnées à ces pieux voyages deux ou trois fois dans
l'année , y employ oient trois , quatre , cinq , fix , & quelquefois huit
jours , ce qui ne fe faifoit pas fans dépenfe ; & , tandis qu'un
malheureux s'acquittoit de cette obligation , qu'on regardoit comme
indifpenfable , fa femme & fes enfants manquoient fouvent du
néceffaire.
Les mêmes ftatuts font mention à^'^ fortileges ; pratiques
abominables , fort ufitées dans le quinzième fiecle. Le Prélat
exhorte les Fidèles à vivre fagement , à remplir exaftement leurs
devoirs , les afTurant que le diable ne peut rien fur ceux qui
ont la confcience pure.
141 8. Robert, de TOrdre des Frères Mineurs, prêchant dans
l'Eglife de fon Couvent , le premier Dimanche de Carême ,
avance ces proportions : Le Curé nefl pas le Prêtre propre y dé-
Jigné par la Clémentine Dudiim ,• & ceux qui obligent leurs Paroif-
fîens à fe confeffer à eux , une fois par an , loin de faire une bonne
aclion , tombent dans une efpece d'héréfie , parce que les Religieux
mendiants font les propres Prêtres défignés par la Décrétale citée ,
fur laquelle les Curés fe fondent. Il prend de-là occafîon d'élever
fon Ordre au deffus de celui des Prêtres fécuhers, & vante les
privilèges des Mendiants , qui , dit-il , ont beaucoup plus de pou-
voir pour abfoudre , que les Refteurs ou Prêtres ordinaires.
Jean Goubart , Religieux Dominicain , prêchant , le Vendredi-
Saint , fur la place Saint-Pierre , dit : quun Frère mendiant doit
avenir fon pénitent d'aller à confeffe à fon Curé , une fois par an;
mais que , fi celui-ci ne le veut pas , le Religieux peut & doit même lui
94 N A N
donner V ahfolution. Il ajouta : que les Curés n* exigeaient (i folgneu"
fement que leurs ParoiJJîens allajfent à confejfe à eux , que pour
pécher plus facilement avec eux,
L'Evêque de Nantes & fon Officiai , informés de ce qui fe
paflbit , citèrent les Prédicateurs imprudents à comparoître , &
les condamnèrent. L'Univerfité d'Angers écrivit , à ce fujet , au
Duc de Bretagne , & l'exhorta à uier de fon autorité contre
les coupables. Ceux-ci appellerent au Pape. Les Carmes fe
joignirent aux Jacobins &. aux Cordeliers ; & tous enfemble
conftituerent , pour leur Procureur , Jean , Evêque d'Oftie , Car-
dinal, & Vice-Chancelier de l'Eglife Romaine. Ce Procureur
préfenta fa requête à Jean , Patriarche de Conilantinople , Juge
& Commiffaire en ces fortes de caufes , qui , après plusieurs pro-
cédures & quelques fentencesde contumace contre ces Religieux ,
fe défifla de fa commiffion , & renvoya le tout au jugement du
Pape. Le Pontife chargea Pierre de Foix , Evêque de Sabine,
dit le Cardinal d'Efpagne , & Ange , Cardinal de Vérone , de
terminer cette affaire. Le dernier étant mort peu de temps après ,
Pierre , Cardinal de Venife , lui fuccéda. Les deux Cardmaux
déléguèrent Jacques de Moreftin , Dofteur en Droit , Doyen
de Saint-Agricole d'Avignon , Chapelain du Pape , & Auditeur
des caufes apolloliques , qui , après avoir examiné le procès,
& pris l'avis des plus habiles Jurifconfultes , condamna les pro-
portions avancées par les Religieux , comme faujfes , fcandaleufes ,
malfonnantes , contraires à la faine doctrine , donnant de mauvaifes
imprejjîoîîs de la confeffion , & erronnées dans le Droit, Les Pré-
dicateurs furent auffi condamnés à fe rétraéler publiquement, &
à payer les frais de la fentence, fixés à trente florins d'or.
141 8. Vincent Ferrier , Religieux Dominicain, prêche l'A vent
dans la Cathédrale de Nantes. Triftan de la Lande eft nommé
Capitaine de la ville & du château. Henri le Barbu meurt le
1 7 Avril de l'année fuivante. Ce Prélat avoit publié des ftatuts ,
en 1405, 1406, 1407, 1408, 1410,1411, & i4i6.Undeces
règlements profcrit un ufage bien abufif : la dévotion de faire
des neuvaines ; c'eft-à-dire , de paffer neuf jours & neuf nuits
dans les EgUfes , & d'y coucher : il s'enfuivoit des défordres
fcandaleux , parce qu'il s^ rencontroit affez fouvent , enfemble,
des hommes & des femmes , des filles & des garçons. Jean III
du nom, dit de Châteaugiron & de Malejlroit^ eft transféré, en
141 9, de l'Evêché de Saint-Brieuc à celui de Nantes.
141 9. Le Duc Jean V & Richard de Bretagne, fon frère.
N A N _ . 9^
que la ComtefTe de Penthievre avoit fait invîtet par fon fils de
venir pafïer quelques jours à Chantoceaux , partent de Nantes,
le 13 Février, avec une fuite peu nombreufe. Olivier , fils aîné
de la ComtefTe , après avoir pris avec fa mère les mefures qu'ils
croyoient néceffaires pour la réuffite de leurs defleins , vient au
devant du Duc jufqu'au Loroux-Bottereau , fous prétexte de lui
faire honneur. A quelque diftance de ce bourg eft la petite
rivière de Divatte , qu'il falloit paffer fur un mauvais pont de
bois. Dès que le Duc & fon frère font de l'autre côté , les
gens de la fuite du Comte jettent , comme par badinage , les
planches du pont dans la rivière. On croit d'abord que ce n'eft
qu'un jeu , & le Duc en rit comme les autres. Il eft bientôt dé-
trompé. Charles de Penthievre paroît tout-à-coup à la tête d'une
troupe d'hommes armés. Les deux Princes font faifis j & leur
fuite, trop peu nombreufe pour réfifter à celle des Penthievre,
ne peut que déplorer le fort de fes maîtres , qui font mis , pieds
& poings liés , fur de mauvais chevaux , & conduits , pendant
la nuit, au château de Paluau , en Poitou, d'où on les ramené,
quelques jours après , à Chantoceaux, où ils font détenus pri-
fonniers.
La nouvelle de cet attentat, répandue dans la Bretagne, j
caufe la plus vive indignation. On vit alors combien Jean V
étoit aimé. Tous fes fujets , grands & petits, riches &: pauvres,
courent aux armes , pour la déhvrance de ce Souverain chéri.
Toutes les places de la ComteiTe de Penthievre font afîiégées
& prifes , & une armée nombreufe paroît devant Chantoceaux
avec une artillerie formidable. Le Duc eft délivré , & la place
eft rafée.
Jean V avoit le cœur bon, & l'ame la plus pacifique. On
diroit prefque de lui qu'il étoit incapable de tout autre fenti-
ment que de ceux de l'amitié & de la douceur. Malgré tout
ce qu'il avoit foufFert des Penthievre , il leur auroit facilement
pardonné s'ils eufTent témoigné le moindre repentir ; mais, comme
cet excès de bonté étoit étranger à leur caraftere , ils ne purent
s'imaginer que le Duc pût oubUer de fi fanglants outrages.
L'homme vicieux ne croit pas même à la vertu des autres. Cette
défiance les perdit ; ils prirent la fuite , & forcèrent , pour ainfi
dire , leur maître à la vengeance.
Jean V , pendant fa détention , ne montra pas de courage. Il
parut beaucoup plus occupé du danger qu'il couroit , que de la
perte de fa Couronne. Il parut difpofé à tout facrifier, pourvu
^6 N A N
quon lui laiffât la vie. Cette timidité le porta à faire vœu de
donner au Couvent des Carmes, yô/z pefant d'or^ pour obtenir
du Ciel fa délivrance. Ce vœu , que je n'ofe dire inutile , mais
feulement inconfidéré , fut fait en préfence de Frère Jean Violet ,
Religieux de cette Communauté j & on pourroit accufer le Carme
de l'avoir di6lé , fi la conduite du Prince ne détruifoit ce foup-
çon (a). Ce Moine , en qualité de fon Confefîeur, avoir feul
le privilège de le vifiter dans fa prifon. Dès que le Duc fut
arrivé à Nantes , il fe rendit à l'Eglife des Carmes , pour remer-
cier Dieu de la proteftion qu'il lui avoit accordée. Il fit enfuite
délivrer au Prieur du Couvent trois cents quatre-vingts marcs
fept onces d'or , en joyaux & vailTelle ; mais ce ne fut que
comme un gage de la fomme promife. Tous ces effets furent
rachetés dans la fuite. On en trouve l'inventaire dans les ar-
chives des Pères Carmes de Nantes , & dans le fécond volume
des preuves de l'hifloire de Bretagne , par Dom Morice , Reli-
gieux Bénédictin.
Outre ce vœu , Jean V avoit fait ferment au Comte de Pen-
thievre de lui donner en mariage fa fille aînée , déjà promife
au Roi de Sicile , & une fomme d'argent confidérable. Il avoit
confenti en outre à lui livrer Moncontour & Ceffon , & à lui
rendre Jugon , avec toutes les Terres que le Comte polTédoit
ou devoit pofféder en Bretagne. Le Pape chargea les Evêques
de Dol & de Saint-Brieuc de le délivrer de ce ferment , & de
procéder contre les Eccléiîaftiques qui avoient trempé dans la
confpiration des Penthievre.
Albert de Morlaix rapporte que , pendant la prifon du Duc ,
l'Empereur Sigifmond , croyant que les Penthievre le feroient
mourir , envoya des Ambaffadeurs à fon époufe , pour la de-
mander en mariage. Les Envoyés lui préfenterent , de la part
de leur maître , une pièce de drap d'or de la plus grande
beauté : elle la reçut , mais elle les renvoya froidement , avec
une réponfe peu fatisfaifante. Après le retour de fon époux , la
DuchefTe lui montra le préfent , & Tinllruifit de l'affaire. Le Duc
fut indigné , & voulut jetter la pièce de drap au feu ; mais
Frère Jean le Danteuc , Jacobin , fon Confeffeur , l'en empêcha ,
& demanda cette riche étoffe pour faire des ornements d'Egiife ,
( <z ) Jean V fît vœu de donftef fon J ces fortes de vœux , il auroit foUicité pour
pefant d'or à Saint- Yves de Tréguier. Or , I des maifons de fon Ordre,
il le Père Violet avoit été capable de dider |
dont
N A N _ 97
dont le Couvent manquoit depuis l'incendie duquel j'ai déjà
parlé ci-defTus. Le Prince lui accorda fur le champ fa demande.
Nous ne rapportons cette anecdote que pour la fidélité de l'iiil-
toire , 8c non comme un fait bien conftaté.
141 9. Les Officiers du Duc & les Magiftrats de la ville font
ouvrir , dans les jardins de la Commanderie de Sainte-Catherine ,
un chemin qui commençoit à la cour du Connétable , & finifloit
à la porte Saint-Nicolas. Cette Commanderie n'étoit point en-
core unie à celle de Saint-Jean. Elle confifloit en un Hôpital
& un cimetière. Ses jardins s'étendoient le long du mur de ville ,
bâti par Pierre de Dreux en 1219, jufqu'à la rue Saint-Nicolas.
En 1720, on voyoit encore, fur le fommet d'une des tours qui
flanquoient le mur , la ftatue , en plomb , d'AHx de Bretagne ,
époufe de Pierre de Dreux. Ce monument ne fubfifte plus. Les
murs ont été démolis, &c remplacés par des maifons qu'on y a
fait bâtir , près Sainte-Catherine.
1420. Le Duc Jean V tenant fon Parlement général à Vannes ,
accorde , par fes lettres du 1 9 Septembre , aux habitants de
Nantes , le droit d'éHre , quand il leur plairoit , mais fans con-
teftation , contradiftion , ni cabales , dix à douze des notables
Bourgeois ou citoyens pour la défenfe & pourfuite des caufes
qui pourroient intérelTer la ville. C'efl là l'époque de Féreftion
de la Communauté de Nantes. Les Nantais repréfenterent , dans
le même temps , au Prince , qu'autrefois , pour le bien & les ré-
parations à faire à leur ville , il avoit daigné accorder le dixième
du vin qu'on vendoit en détail dans toute l'étendue de la citéj
mais que les deniers provenus de cette impofition n'avoient pu
fuffire pour abattre & rafer Chantoceaux , & faire bâtir la tour
appellée groffe Bombarde (a), dont l'édifice n'étoit pas encore
achevé. Le Duc eut égard à leurs remontrances , & leur permit
de lever cet impôt encore pendant trois années. On continuoit
toujours le clocher de la Cathédrale, commencé en 141 5. Le
Chapitre , qui manquoit d'argent , demandoit le paiement de trois
cents cinquante marcs d'argent, à quatre livres monnoie le marc,
qu'il avoit prêté à Charles de Blois, il y avoit cinquante -fix
ans. Par lettres du 2 5 Septembre , le Duc permit aux Chanoines
de prendre mille quatre cents livres monnoie fur fes propres
revenus. Il accorda encore une traite de bled , exempte de
^a) C'étoit la greffe tout du Port-Communeau : elle a été démolie en 1757.
Tome UL N
98 N A N
tous droits , pour la ville , parce que la récolte avoit été très-
mauvaife.
Avant la démolition de Chantoceaux , les Comtes de Pen-
thievre y perçevoient un droit de péage , fur toutes les mar-
chandifes & denrées qui alloient par la Loire à Nantes , ou qui
remontoient cette rivière , & paflbient devant ce château , qui
étoit direftement fitué fur le rivage. Ce péage fut fupprimé par
lettres du 19 Septembre 1420. Bertrand de Dinan , Maréchal
de Bretagne , fut alors nommé Gouverneur des ville & château
de Nantes.
Une nouvelle Confrairie avoit été érigée à l'Aumônerie de
ToufTaint, fondée par Charles de Blois en 1360. Le Duc Jean V
sy fit mfcrire le 14 Novembre 1422, &, pour fon entrée, il
accorda à TEglife du lieu le droit de conftruire , dans l'endroit ,
un moulm à eau , fur pilotis ou fur des bateaux. On aiîigna ,
pour ce moulin , la voie d'eau de ToufTaint , fur une largeur
de trente-fept pieds fix pouces , & autant de longueur. L'afte
paffé à ce fujet , nous apprend qu'il n'y avoit pomt encore de
moulins à vent à Nantes ; que le Duc n'y avoit qu'un très-
petit nombre de moulins à eau ; & que , pendant l'été précédent,
la fécherefle avoit été û grande que le peuple avoit abfolument
manqué de farine.
En 1423 , le Prieuré de Sainte-Croix étoit encore habité par
un Prieur & des Moines qui y faifoient l'Office divin.
1424. Lettres-patentes du Duc Jean V, données à Vannes le
1 8 Février , portant fuppreffion des places de Gardes des portes
de la ville de Nantes. Chacune de ces places étoit à quatre-
vingt-feize livres de gage -, fomme qu'on prenoit fur la recette
des deniers deftinés aux fortifications de la ville. Comme ces
gages paroifToient trop confidérables , on deflitua les Gardes ac-
tuels , & on leur en fublHtua d'autres , à moins de frais. Ces
lettres permettent au Capitaine ou Gouverneur de la ville , d'exi-
ger des Eccléfiaftiques & autres habitants , les fommes néceffaires
pour le paiement des nouveaux Gardes. Le même jour , le Prince
donna d'autres lettres confirmatives de l'éreftion de la Commu-
nauté de ville. Il fonda encore , dans le même temps , l'Office
de la Préfentation de la Vierge , dans l'Eglife de Notre-Dame.
'Artur , fon frère , Connétable de France , fuivant fon exemple ,
y fonde trois MefTes chantées par femaine, pour lefquelles il
affigne cent vingt livres de rente fur l'ifle de Bouin. Le tonneau
de froment valoit alors fix livres , ce qui faifoit treize fols le feptier.
N A N 99
On croit que Jeanne de France, époufe du Duc Jean V, fit,
en exécution de quelques vœux , bâtir ou rétablir à neuf la
Chapelle de Saint-Jean , près les Cordeliers. On y voyoit en-
core , il y a quelques années , les armes de cette Princeile , fur
une des vitres. Elles étoient en (impies lofanges , mi-partie de
Bretagne à droite, & mi-partie de France à gauche. Il y avoit
dans cette Chapelle une Confrairie, fous le nom de S ami- Jean
de l'Hôpital^ & l'on y faifoit beaucoup de fervices ou d'anni-
verfaires. Les derniers Confrères voyant cette inftitution tomber,
portèrent, vers 1680, leurs ornements au Bureau de ville, qui
les envoya à l'Hôtel-Dieu.
Le clocher de Saint-Pierre n avançoit pas faute d'argent. Le
Chapitre , pour s'en procurer , eut recours au Duc , qui lui ac-
corda un droit fur les vins qui fe débitoient fous le heî de l'E-
vêque & du Chapitre. Ceft le commencement de l'Oftroi dont
jouit aujourd'hui ce dernier. Il fut troublé d'abord dans la per-
ception ; mais U revint fi fouvent à la charge , qu'il la rendit
perpétuelle , quoique , dans le principe , ce droit ne lui eût été
accordé que pour un temps limité.
Philippe des Eflarts , Seigneur de Thyeux , Confeiller , Cham-
bellan du Roi , Maître des Eaux & Forêts de France , Brie , &
Champagne , Bailli de Meaux , Confeiller & Maître-d'Hôtel du
Duc, Gouverneur de Mpntfort , mourut le 21 Septembre 1425,
& fut enterré dans l'EgHfe de Notre-Dame de Nantes , fous un
tombeau de marbre noir , qu'on voit dans la petite Chapelle
près la porte de la Chefecerie. 1
1427. Tremblement de terre à Nantes & dans tout le Comté.
L'Evêque fonde l'Office & la Fête de la Préfentation de la
Vierge , dans tout fon diocefe. Nouveau tremblement de terre
en 1428. Le Duc porte une Ordonnance , le 16 Février de
l'année fuivante , par laquelle il défend- à tous Merciers forains
détaillants de vendre leurs marchandifes autres jours que le fa-
medi. Jean de Maleftroit , Evêque de Nantes , efl fait Chancelier
de Bretagne & Gouverneur de fa ville épifcopale.
1431. Philippe de Coètquis , Archevêque de Tours, arrive
à Nantes le 23 Avril , & y célèbre un Concile. Les Evêques
de Rennes , de Dol , de Vannes , de Quimper , de Saint-Malo ,
du Mans , & d'Angers , n'y affiflent que par Procureurs. Les
décrets de cette aflemblée font peu connus ; la Bigne , les Pères
Labbe & Hardouin n'en font aucune mention. M. Maan les a
fait imprimer à la fin de fa Métropole de Tours j mais, avec
100 ., NAN
des omîflions & obfcurîtés qui les rendent inintelligibles en plu»
fîeurs endroits.
Ce Concile profcrivit les ridicules cérémonies en ufage parmi
le peuple , au premier jour de Mai , le lendemain de Pâques ,
& à la fête des fous. Le premier Mai, on rançonnoit ceux
qu'on trouvoit au lit. Dom Lobineau rapporte qu'à pareil jour ,
quelques Seigneurs étant entrés dans la Chambre du Duc Jean V,
avant que ce Prince fût levé , exigèrent qu'il payât l'amende ,
& qu'il eût la complaifance de le faire.
Ceux qu'on trouvoit au lit le lendemain de Pâques , au matin,
Eccléliaftiques ou Laïques, étoient promenés nuds par les rues,
6c portés , en cet état , à l'Eglife , où , après les avoir placés
fur l'autel même , on les arrofoit largement d'eau-bénite.
La fête des fous étoit une réjouiiîknce profane , qui duroit
depuis le jour de Noël jufqu'à la fête des Innocents. Ces
divertiffements étoient fuivis de la débauche la plus fcandaleufe.
Un des Canons ordonne aux Evêques de faire lire l'Ecriture-
Sainte pendant leurs repas , & de fe fervir de la formule Ro-
maine pour la bénédiftion de la table & les aélions de grâces.
Il défend aulTi à tous Gens d'Eglife , qui donnent à manger , de
faire fervir plus de deux plats, à moins qu'ils ne régalent des
Princes ou des Seigneurs, dont l'Eglife poarroit efpérer quelques
avantages , ou craindre quelques perfécuti jus.
On impofa une pénitence aux blafphémaceurs , èc l'on défendit
la coutume qu'avoient les Prédicateurs , de prêcher fur des
échafauds élevés dans les places pubhques , avec des éclats de
voix & des geftes ridicules. On leur prefcrivit d'annoncer la
parole de Dieu avec humilité & décence.
Le Concile abolit aufîi l'ufage étabh de temps immémorial,
qui donnoit aux Archiprêtres ou Archidiacres le lit des Refteurs
qui venoient à mourir. Un autre abus que l'affemblée eifaya
inutilement de détruire , c'eft le charivari , ou bruit fcandaleux ,
qu'on faifoit à la porte de ceux qui pafToient à de fécondes
noces , le jour même de la célébration du mariage. Ces défor-
dres , qui ont été condamnés par les Conciles , frappés des ana-
thêmes de l'Eglife , & défendus par les loix du Souverain , n'ont
pu jufqu'ici être réprimés j ils fubfiftent encore dans plufieurs
cantons de la province. On a remarqué que c'eft depuis ce
Concile qu'ont commencé les mafcarades de Carnaval, puifque
les hiftoriens, les Conciles, & les Evêques, n'en ont fait mention
que quelque temps après.
NAN loi
1451. Le manage de François, Comte de MontFort, avec
Yolande d'Anjou , fille de René , Roi de Sicile , eft conclu au
mois d'Août , & célébré dans la Cathédrale de Nantes , au mois
de Septembre fuivant. Le Duc va à l'offrande , & y préfente fix
écus d'or , avec l'image de la fainte Vierge , pefant cinq marcs
d'argent. Les fêtes les plus brillantes fe fuccedent pendant plu-
iieurs jours.
Au mois d'Oftobre de la même année, Ifabeau de Bretagne,
fille du Duc Jean V , époufe de Gui de Laval , accouche au
château de Nantes d'une fille, qui efi: baptiiée, dans la Cathé-
drale , par Jean du Bouc , Evêque de Tréguier : elle eut pour
parrain Richard , Comte d'Etampes j & pour marraine , Yolande
d'Anjou, ComtefTe de Montfort.
Les plaids généraux furent tenus , pour la première fois , à
Nantes, au commencement du mois de Novembre 1431, par
Pierre de l'Hôpital , Sénéchal de Rennes , de Nantes , & Juge
univerfel de toute la Bretagne.
1433. Jeanne de France , Duchefle de Bretagne , meurt à
Vannes le 20 Septembre. Le Duc fort auffi-tôt de cette ville ,
féjour déformais odieux pour lui , & vient , avec fa famille
& fa Cour , à Nantes. Il y jette , l'an 1434 , les fondements d'une
nouvelle Eglife Cathédrale , beaucoup plus fpacieufe que l'an-
cienne. On commence l'ouvrage , le 13 ou 14 Avril , par le
magnifique portail de cette Eglife. Jean V pofe la première
pierre ; Jean de Maleftroit , la féconde j François , Prince héré-
ditaire de Bretagne , la troifieme ; le Chapitre , la quatrième j
Pierre de Bretagne , la cinquième ; & la Ville , la fixieme.
On lit fur une planche , derrière la principale porte d'entrée ,
ces quatre vers :
L'an mil quatre cent trente & quatre,
A mi-Avril , fans moult rabattre ,
Au portail de cette Eglife ,
Fut la première pierre aflife.
1436. La Cure de Saint-Clément efi: donnée à un Eccléfiaflique
qui n'avoit point encore reçu les faints Ordres. En conféquence ,
le Doyen & l'Archidiacre s'emparent des revenus reftoriaux , &
font deflervir l'EgUfe à leurs frais. Les loix confacroient cette
coutume dans l'Evêché de Nantes. Le Sire de Chateaubriand eil:
nommé Gouverneur de la ville & du château.
101 N A N
Richard de Bretagne , Comte d'Etampes , quatrième fils du
Duc Jean IV, meurt à Cliffon le 2 Juin 1438^ fon corps eft
apporté à Nantes , & inhumé dans l'Eglife Cathédrale. Ce Prince
avoir toujours fuivi le parti du Roi Charles VII contre les An-
glais. Il avoir époufé Marguerite d'Orléans , Comtelîe de Vertus ,
fille de Louis de France , Duc d'Orléans , de laquelle il eut
François II du nom , dernier Duc de l'iliuftre mailbn de Bre-
tagne ; Marie , qui fut Rehgieuie en l'Abbaye de Longchamp 5
&c Catherine , époufe de Guillaume de Châlons , Prince d'O-
range.
Sous l'arcade qu'on voit à gauche , en entrant aux Cordeliers
de Nantes , fe lit l'inicription fuivante :
C'i-g'ijî nobles homes Perrot CEpervier , Seigneur
de la Chioînais y qui trépajfa Fan mil IIP, XXXI IL
Ci-gifl nobles homes Sire Pierre l'Epervier, Seigneur
de la Fojfe , gui trépajfa l'an mih^ IIII XXXVIL
1440. Le 18 Août, le Duc fait publier, à Nantes , une Or-
donnance , qui porte que toutçs perfonnes , fans excepter même
les Eccléfiaftiques , qui vendront le vin de leur crû en détail ,
paieront le droit de billot , ou le dixième de la vente , pour le
produit être employé à la conftru6^ion du portail de l'Eglife Ca-
thédrale de Nantes.
1440. Gilles de Laval, Maréchal de France, Seigneur de
Retz, d'Ingrande , & de Chantocé , eft condamné, le 23 Oc-
tobre , dans la falle du château de Nantes , à être brûlé vif,
pour punition de its crimes. La fentence eft exécutée , le 23 Dé-
cembre fuivant , dans la prairie de BiefTe ou de la Magdeieine ,
à l'endroit où Ton voit , fur les ponts, les images de la Sainte
Vierge , de Saint Gilles , & de Saint Lau. La fentence fiit pour-
tant mitigée lors de l'exécution. On étrangla le coupable avant
de mettre le feu au bûcher , & on en retira fon corps avant
qu'il fut confumé. Il fut inhumé dans l'Eglife des Carmes , dans la
Chapelle connue aujourd'hui fous le nom de Notre-Dame de Lorette,
La vie de cet homme finguher avoir été une fuite continuelle
des plus horribles défordres : il eut le bonheur de fe convertir
à la mort. Monté fur le bûcher qui devoir le confumer , il
avertit les parents de bien élever leurs enfants , parce qu'il
reconnoilToit que tous fes dérèglements .ne venoient que de
N A N loj
la mauvaife éducation qu'il avoit reçue. ( Voyez Machecou. )
L'Evêque de Nantes profita de la prodigalité de ce Seigneur.
Il avoit acquis de lui , avant fa détention , les Terres de Prigni , de
Vue , du Bois-Tréan , la Seigneurie de Saint-Michel de Chefchef ,
& autres pièces de terres enclavées dans le pays de Retz , pour
une fomme de quatorze mille écus d'or , ce qui fait environ
deux cents mille livres de notre monnoie. Comme il vendoit à
tout moment quelque portion de fes biens, le Chapitre de la
Cathédrale acheta de lui un domaine de cinquante livres de
rente -, & celui de la Collégiale , la maifon de la Suze , autre-
ment nommée de Montfon , avec plufieurs autres droits , Terres ,
rentes , & revenus.
On croit que la Chapelle, de Saint-Yves , qui eft au carrefour
de la Boucherie, fut fondée par le Duc Jean V, en 1440 ou
1441. On y voyoit,il y a quelques années, les armes de Bre-
tagne , fur le vitrail qui eft au delTus de l'autel^^jttiite Chapelle
vient d'être rebâtie à neuf. \'tÇ/-^f^.
Les Evêques de Nantes tenoient alors leurs grande 4^urs dans
le Palais épifcopal , & confirmoient ou infirmoient la ■fentencé'^^
de leur Sénéchal fur les appellations des parties. Du TribunaÇ;<^Jj^
de l'Evêque les caufes étoient portées , par appel , au Parlementait'
du Duc ; & , lorfque celui-ci confirmoit la fentence du Prélat ,
Tappellant étoit condamné à lui payer foixante fols un denier
monnoie d'amende. Tout ceci fe trouve détaillé & expHqué dans
les aftes du ferment de fidélité prêté au Duc par les Evêques ,
aux années 1315, 1384, 1472, & 1477. Il efi: encore prouvé
que les Evêques de Nantes jouifîbient véritablement de ce droit ,
par la fentence que rendit Jean de Malellroit , en fon Audience
des grands jours du 8 Mai 1442, fur l'appel du jugement rendu
par fon Sénéchal des Régaires, au fujet de la chaflé , entre Jean
Moreau , Chantre de Nantes , &: Jean du Tierxent. La fentence
de l'Evêque infirme le jugement du Sénéchal.
1442. Jean V meurt le mercredi 29 Août , fur les deux
heures du matin , au manoir de la Touche , près Nantes , mai-
fon dépendante alors de l'Evêché , & aujourd'hui occupée par
les Prêtres Irlandais. Son corps eft porté au château , & le Curé
de Sainte-Radegonde , en qualité de Reél:eur du heu , le pré-
fente au Chapitre pour en faire l'enlief. Les obfeques fe firent
avec beaucoup de pompe , tout le Clergé y afTifta ; le Curé
de Sainte-Radegonde reçut fes droits; les deux Chapitres, les
Jacobins , les Carmes , & les Cordeliers , furent aufli payés de
104 N A N
leur affiftance. Les autres Eccléfîaftiques ne fe trouvent point
infcrits fur l'état de la dépenfe , vraifemblablement parce qu'ils
ne voulurent recevoir aucun falaire pour rendre les derniers
devoirs au Prince chéri &c bienfaifant qu'ils pleur oient avec
toute la Bretagne. L'Evêque Jean de Malellroit fit la cérémonie
des funérailles. Ce Prélat avoir confefie le Prince dans fa ma-
ladie. La Cathédrale de Nantes ne pofTede plus fon corps ; il
fut transféré, l'an 1450, dans celle de Tréguier, où l'on voit
fon tombeau.
François I du nom , fils aîné de Jean V, lui fucceda au Duché.
1443. Cuillemette , femme d'Olivier le Febvre , fait don à la
Fabrique de Saint-Similien , dit Saim-Sambin , de quatre fols fix
deniers & de fix quarts de vin de rente. Ce vin devoit être
diftribué, le jour de Pâques, au peuple qui communioit ce jour-là.
On remarque qu'alors le fceau de la Prévôté de Nantes étoit
un petit vaifTeau ou chaloupe à un feul mât , &: à quatre her-
mines, deux defquelles étoient au dehors des cordages , côtés
à côtés , & les deux autres dans les cordages , avec une inf-
cription autour.
1443. Yfabeau de Bretagne , fœur du Duc, époufe de Gui,
Comte de Laval , meurt au château d' Aurai , des fuites d'une
couche. Son corps eil: apporté à Nantes , & inhumé dans l'Eglife
des Jacobins , comme elle l'avoit ordonné. Jean de Maleftroit
& de Châteaugiron , Evêque de Nantes, meurt aufli le 14 Sep-
tembre. Ce Prélat avoit fondé , à perpétuité , dans fa Cathé-
drale , plufieurs anniverfaires pour les Princes qu'il avoit aimés ,
fçavoir : Jean V ; Jeanne , Reine d'Angleterre ; Charles VI , Roi
de France j Henri IV , Roi d'Angleterre 5 & OUvier de ClifTon ,
Connétable de France. Son épitaphe eft fur une table d'airain,
dans la Cathédrale , la voici ;
Clarijjimo fangulne progenîius , magnï fpintûs & animi vir ^
atque ad magna & arâua natus ^ Reverendus in Chriflo Pater
Dominus Johannes de MaLejîriBo , BritannicB Cancellarius ,
priùs Bnocenjis EccUfi.ce , dehinc Nannetenfis Epifcopus ,. in
utrâque variis & magnifias dotadonibus divinum cultum muld-
pliciter auxit , juraque & p/ivi/egia prudente r & firenuè tutatus
efi^ Nannetenfem quatuor & viginti annis féliciter adminifiravit ,
quam prœclaris œdificiis & pretiofâ Reliquiarum , vefiium , tape-
tium , & libronim fuppelleclile florentem , relinquens , ohiit die
KIIII mmfis Septembris^ anno à natali Chrifiiano 1443*
Et
N A N 105
Et plus bas ;
Cùm tuba, terrifias quatiet clangoribus orbem
Quatuor à ventis , corpora Jlrata ciens ,
Càmque ~ vorax hœdos involvet jlamma finiflfos y
Et vix fubjijlent agmina fancla poli ,
Judicis ad dextram Jîatuaris dure Jokannes ,
Nanmtefquc tuos , Pajlor , ad alta trahas,
Spiritus intereà divinâ Luu fruatur ;
J^onec , & ipfa caro , luce adopcrta micct,
Guillaume II du nom , déjà élu Evêque du Mans , monte fur
le Siège épifcopal de Nantes en 1443 , par réfignation de fon
oncle. Ce Prélat étoit fils de Jean de Maleftroit & de Jeanne de
Dol , . Dame de Combourg. Il avoit été un des Juges du Maré-
chal de Retz.
La Chapelle de Bon-Secours fut fondée. Tan 1444? comme
il eft prouvé par l'infcription , en carafteres gothiques, gravée
fur une pierre d'ardoife , incruftée dans le mur du côté de
TEpître.
Le jour de la fête de Monfeîgneur Jehan rEvangélifie , zy^ jour de
Décembre 1444^ fut cette Chapelle dédiée par Révérend Père en
Dieu Guillaume de Malejîroit , Evêque de Nantes , laquelle na-
guere , avant ledit jour, av oient fait édifier Alain Rayemont & Ja-
mette Philippe ^ fa femme , à l' honneur de Dieu & de Notre-Dame i
& y en icelle , ont fondé une Meffe perpétuelle , à y être célébrée^ par
chacun Dimanche , au matin , avant la Grand' Meffe de la Paroijje de
5 aime- Croix de Nantes , par le Chapelain de ladite Chapelle préfent
6 à venir , qui efl tenu à ce faire , avec dire & faire , par chacun
jour , autres Services & Suffrages déclarés es lettres & inflruments fur
ce faits ; pour laquelle Meffe célébrer & autres Services faire , & pour
V adminijlration du Corps de Nôtre-Seigneur Jef us- Chrifl^ qui repofe
au Sanctuaire ci-dejfus , icelui Chapelain efi: & fera tenu faire réfidence
fur le lieu _, fauf^ que , quand il auroit maladie ou néceffité urgente
de vaquer en perfonne à fes affaires néceffaires , il pourra commettre
Chapelain idoine à célébrer ladite Meffe & faire lefdits autres Services
durant ladite maladie & le temps qu'il vaquera à fef dites affaires né-
ceffaires , fans charge ne occupations du Service d'autres Bénéfices ,
duquel Chapelain auxdits fondateurs , leurs hoirs & caufes , ayant en
perpétuel la nomination , quand le cas adviendra : & lefquels fondateurs
Tome III, O
,o6 ' , NAN
6' leurs hoirs ont droit à toujours mais ^ d^ avoir dans leur fépulture ,
franche & fans rien en payer au Curé de S aime- Croix de Nantes ^ ne
auffi de Uaffurance du luminaire & autres chofes qui ferviront aux
enterrements & fervices defdits fondateurs & de leurs hoirs , & ci-
devant efl la fépulture d'iceux fondateurs : pne:[ pour eux & pour
tous les Fidèles défunts , que Dieu leur fajfe pardon. Amen.
Le Sire de Guemené-Guingamp efl nommé Capitaine des ville
Se château de Nantes , en 1444. La tour de Sauve-tout fut achevée
cette année. On arrivoit alors au Port-Maillard par un pont cou-
vert en ardoifes , lequel joignoit le boulevard. On y fit quelques ré-
parations , & les ouvriers qu'on y employa furent payés quatre fols
quatre deniers par jour. Les Frères de laConfrairie de la Pafîiondon-
noient , tous les vendredis de la femaine , fix deniers à l'Hôpital. Ils
avoient des troncs & des boîtes dans les Eglifes de la ville & de
la campagne , où ils ramafToient des fommes confidérables. Les
jours maigres , les malades ne mangeoient que du poifTon & des
légumes : la viande , les œufs , le beurre , & le laitage étoient
entièrement bannis de cette maifon pendant le Carême. Cette
coutume févere fubfifla jufqu'au . . . fiecle. Les Princes & les
Grands s'y foumettoient comme les fimples particuliers. C'étoit
la Communauté de ville qui nommoit les Adminiflrateurs de
THôtel-Dieu. Les Eccléfiafliques pofTéderent d'abord cette charge,
que François I, Roi de France, leur ôta, parce qu'ils s'en ac-
quittoient mal.
1445. Guillaume de Maleflroit veut augmenter le revenu de
fon iceau fur les Cures de fon diocefe. Le Clergé s'oppofe for-
tement à fon defTein , & le force de l'abandonner. La Communauté
de ville envoie , pendant le Carême , à la Dame de Guemené-
Guingamp , qui venoit d'accoucher au château de Touffou,
Paroiife du Bignon , des vins de liqueur & le meilleur poifTon
qu'on peut trouver à Nantes. Les Chartreux font mis en pof-
fefTion de la Collégiale , qui portoit le nom des Saints Donatien &
Rogatien , à la folHcitation du Connétable , Comte de Riche-
mont. Du côté de la SacrifUe , derrière le grand autel , eft une
petite Chapelle , qu'on croit avoir été bâtie dans l'endroit où
les deux Martyrs furent mis à mort. L'Eghfe de Saint-Nicolas
étoit alors très-petite : les Paroifîiens, qui vouloient l'augmenter,
achetèrent , l'an 1 449 , par contrat du 2 Février , de Michel
Botinard , Abbé de Pornic , une maifon qu'il pofTédoit auprès
de cette Eglife. La fomme , employée par les Fabriqueurs, leur
NAN 107
fut bientôt rellituée par des legs multipliés. La maifon fut em-
ployée, en 1461 , à faire un cimetière.
On trouve , dans les aftes du douzième fiecle , que le cime-
tière de Saint-Nicolas étoit dans le quartier de Sainte-Catherine,
auprès d'une maifon qui appartenoit à l'Abbaye de Buzai. Le
plus ancien titre de la Paroifle de Saint - Nicolas efl: de 1395 ,
& le feul qu'elle ait de ce fiecle. Ceux du quinzième font en petit
nombre : ils nous apprennent que la fépulture , dans l'Egliie ,
n'étoit pas gratuite , & qu'il en coûtoit plus à ceux qui étoient
auprès de l'autel qu'à ceux qui en étoient éloignés ; que la
principale porte de l'Eglife étoit au milieu du cimetière , entre
deux échelles ou efcaUers qu'on y voit aujourd'hui ; & que TAu-
mônerie étoit dans le lieu où l'on a depuis fait bâtir la grande
porte de l'Eglife, lors de fon accroiflement en 1461. L'Aumônerie
fut alors transférée & bâtie dans l'endroit appelle Lérault , d'au-
tant plus aifément que Henri le Barbu avoir défendu que les
hommes & les femmes couchaflent dans les Eglifes.
On voit, dans un compte de Fabrique de l'an 1458 ou 1459,
que les luminaires des enterrements ne coniîlloient qu'en deux
torches , pour les grandes perfonnes qui les demandoient , &
qu'une feule torche fuffifoit pour les enfants. La Fabrique , qui
les fourniffoit, recevoir en paiement un grand blanc de dix de-
niers. Ceci prouve que le droit de cire qu'exigent aujourd'hui
\qs Curés , aux enterrements des enfants , n'efl: pas de vieille
date.
La Paroiffe de Saint-Nicolas , qui compte aujourd'hui environ
trente mille habitants, n'avoit, en 1459 , ^^ neuf cents foixan-
te-dix perfonnes mariées , y compris les veufs & les veuves. On
n'y chantoit , par an , que deux anniverfaires , avec Diacre &
Sous-Diacre , qui recevoient chacun fept deniers d'honoraires.
Aujourd'hui , ils font bien plus nombreux. On prétend que , fous
le feul Epifcopat de Lavergne du Treffan, on y fonda plus de
înille Mefles.
L'écu royal, au coin de France, de foixante-quatre au marc,
couroit en Bretagne à vingt-cinq fols. Le Duc François I en
£t donner cent aux Jacobins de Nantes pour un anmverfaire,
qu'il fonda à perpétuité, l'an 1450, dans leur Eglife. Le Prince
mourut à Vannes, le famedi 17 Juillet de la même année. Son
corps fut porté à Redon , & inhumé dans l'Eglife de Saint-
Sauveur.
Pierre II, qui lui fuccéda , fit avertir, le 18 Oftobre, le
io8 ^ NAN
Chapitre , qu'il vouloit faire fon entrée à la Cathédrale ; céré-
monie qui n'avoit jamais été pratiquée avant lui. Les Chanoines
s'afTemblerent aufîi-tôt , & refolurent de fortir procefîionnelle-
ment, au fon de toutes les cloches, & avec les Reliques, au
devant du Prince , & de faire un feu de joie fur la place Saint-
Pierre. On ne lui envoya point le pain & le vin du Chapitre ,
comme on l'a pratiqué quelquefois envers les Princes qui ont
fait leur entrée à Nantes. Cette cérémonie rappelloit à la mé-
moire la conduite de Melchifedech envers Abraham. Le Cha-
pitre n'a point confervé de délibération plus ancienne que celle
dont on vient de parler.
1450. Le 12 Novembre, l'Archevêque de Tours vient faire
la vifite de la Cathédrale de Nantes & du Chapitre , qui lui
donne , pour fon droit de vifite , douze faluts d'or fin , de
foixante-quatre au marc. Environ le même temps, Guillaume de
Maleilroit publie des ftatuts , qui défendent aux Fidèles de manger
du beurre & du lait dans les jours maigres , Se aux Curés qui
ne réfidoient pas , de mettre à leur place des Vicaires non ap-
prouvés de l'Evêque ; défenfe qui n'étoit pas fans railon , dit
l'auteur , parce que ces Vicaires étoient obligés de prendre
des lettres dont on leur faifoit payer bien exactement le droit
annuel du fceau , droit évalué au moins à foixante fols pour
le Curé , Se autant pour le Vicaire. Ces ftatuts défendent auffi
de donner la fépulture à ceux qui mouroient fans confeffion ,
à moins qu'on n'eût des preuves qu'ils étoient de bonnes
mœurs , & qu'ils n'avoient pas eu le temps 'de fe confeffer.
Les Chanoines de la Cathédrale portoient l'aumuce fur la ïête,
& non fur le bras. En hiver , au lieu du camail dont ils fe fervent
aujourd'hui , ils avoient un bonnet qu'ils conferv oient depuis la
Touffaint jufqu'au premier Mars. Lorfqu'ils enterr oient quelqu'un
dans leur Cathédrale, le Curé de la ParoifTe du mort leur pré-
fentoit le corps pour en faire l'enHefj ce qui étoit même ob-
fervé pour les Ducs , comme on l'a vu ci-devant à l'occafion
du Duc Jean V. Le corps de ce Prince , qui , depuis huit ans ,
étoit en dépôt dans l'Eglife Cathédrale , fut transféré à Tréguier ,
en 145 1 , par Arrêt du Parlement, rendu en conféquence des der-
nières volontés de ce Prince. Pierre II , Françoife d'Amboife,
fon époufe , les Barons , les Prélats , fuivirent le convoi depuis
Nantes jufqu'à Tréguier , où , en leur préfence , on inhuma le
corps dans la Chapelle de Saint-Yves, fituée dans l'Eglife Ca-
thédrale.
N A N 109
Uan 1453 , Pierre II, qui , avant de monter fur le Trône,
avoit fait bâtir le chœur & les Chapelles de l'Eglife Collégiale
de Nantes , fit auffi commencer le clocher qu'on y voit aujour-
d'hui. Cette EgUfe fut dédiée à Notre-Dame , le 20 Janvier
1455 , & le Prince y fonda une MefTe chantée , qui fe célèbre
immédiatement après Matines , & qu'on a long-temps appellée
la Mejfe du Duc,
Au mois de Mai de la même année , le Chapitre général des
Jacobins s'aflembla au Couvent de Nantes. Il s'y trouva mille
(îx cents Religieux , qui élurent, pour Général de leur Ordre,
Frère Martial AuribeUi. Ce fut le Duc Pierre II qui défraya le
Chapitre.
1454. Guillaume de Maleftroit étoit extrêmement jaloux de
fon autorité. Impérieux &: hautain , ce Prélat afFedoit une indé-
pendance blâmable , & ne pouvoit fouffrir qu'on lui réfilMt. Il
eut un différent très-férieux avec Jean de Lebiefl , Gentilhomme
diflingué de fon diocefe. Celui-ci , qui réfifla avec force , s'attira
une fentence d'excommunication j mais il ne fe mit pas en peine
d'appaifer l'Evêque , il l'appella au Parlement de Paris. Guil-
laume de Maleftroit , qui ne vouloir reconnoître aucune autre
autorité que celle du Pape , refufa de comparoître , & cita fon
adverfaire en Cour de Rome. Le Parlement , indigné de l'audace
du Prélat , donne contre lui un décret d'ajournement perfonnel ,
& , bientôt après , un Arrêt qui le condamnoit à vingt mille
livres d'amende envers le Roi, & à quatre mille livres envers
Jean de Lebiefl. Non content de cela , il ordonna , à la requête
du Procureur général , que le temporel de l'Evêque feroit faifi ,
pour le punir d'avoir tenté de fe fouflraire aux loix du Royaume ,
& de les violer. On décida que de femblables appels étoient
contre les droits de la fouveraineté , parce que le Roi efl le
Juge naturel de tous les différents qui s'élèvent dans fes Etats
au fujet des biens temporels j & que, dans cette partie, il ne
reconnoît point de Supérieur fur la terre. Le même Arrêt dé7
claroit que les droits du Prince ne doivent être plaides qu'en
fa Cour 5 que les Evêques ne peuvent non-feulement appeller de
fes Ordonnances, mais même fortir du Royaume fans fa per-
mifîion ; & que les Papes ne peuvent citer devant eux aucun
de fes fujets.
Ce procès avoit été commencé par le Prélat , qui s'en re-
pentit dans la fuite. Il avoit voulu forcer les vafTaux de Jean de
Lebiefl, Seigneur de Thouaré , à lui faire hommage,, & à le
iio NAN _
reconnoître pour leur Seigneur. Cétoit une injuftice criante j &
Jean de Lebieft n'épargna rien pour fe conferver (es droits.
Le Parlement de Paris lui fut favorable ; mais , s'il gagna d'un
côté , il perdit de l'autre : il tomba dans la difgrace de fon
Souverain.
Le Duc n'eut pas plutôt appris que le Seigneur de Thouaré
avoir appelle au Parlement de Paris , qu'il lui en fit faire de
fanglants reproches. Ce Prince étoit furieux de voir traverfer
fes defleins par un de fes fiijets. Nous avons vu ci-devant que
les Evcques de Nantes fe difoient indépendants de tout autre
que du Pape. Malgré tous les elTorts de Pierre de Dreux Se
de Jean le Roux , fon fils , ces Prélats avoient confervé la plus
grande partie de ces privilèges extraordinaires qui les rendoient
fi puifTants. Pierre II, qui projettoit d'abaifTer la puifTance du
Clergé & de le foumettre à fes loix , fut fâché de voir un de
fes fujets citer un Evêque au Parlement de Paris. Cétoit _, en
quelque forte , avouer que le Duc n'avoir aucune jurifdiftion fur
les Prélats de fon Duché. Il auroit voulu qu'on les eût ap-
pelles à fon Parlement , comme à leur Juge naturel. Il ne man-
qua pas aufîi d'envoyer des AmbafTadeurs au Roi , pour le prier
de renvoyer la connoifTance de cette affaire au Parlement de
Bretagne. Le Roi ne voulut point acquiefcer à la demande du
Duc ', il fentoit bien qu'il étoit de fon intérêt que ces fortes
d'appels euffent lieu : il mettoit par-là le Duc dans une dépen^
dance totale de la France. On n'eut donc aucun égard à fes
repréfentations , & le Parlement rendit fon Arrêt comme nous
l'avons vu ; le Monarque fit même dire au Duc qu'il étoit
étonné qu'un Duc de Bretagne voulût forcer les Evêques à lui
faire ferment de fidélité pour leur temporel ; que ce droit !ie
jpouvoit appartenir qu'au Roi ; & qu'il le prioit de renoncer à
des prétentions injufles, s'il mettoit quelque prix à fon amitié.
Le Duc fut extrêmement furpris , Se répondit , avec beaucoup
de fermeté , aux Envoyés du Roi , qu'il connoifToit {qs droits
& qu'il en vouloit jouir ; que , de tout temps , les Ducs avoient
exercé une jurifdiftion immédiate fur les Evêques de leur Duché ;
que nul Breton , de quelque condition & quahté qu'il fût , ne pou-
Voit interjetter appel au Parlement de Paris , fous quelque pré-
texte que ce pût être , fi ce n'ell: dans le cas de déni de jufHce,
ou de prétendu faux jugement ; que la régale lui appartenoit ,
en qualité de Souverain de Bretagne ; Se que par conféquent
c'étoit à lui que les Evêques étoient tenus de faire ferment de
NAN III
fidélité. Le Monarque ne fe rendit point à ces raifons ; mais il
nomma des Comminaires pour exammer les titres du Duc. Le
Duc en nomma aufli de Ton côré. lis s'afTemblerent à Tours.
Les Députés Bretons firent fi bien valoir les raifons de leur
maître , que le Roi abandonna fes prétentions.
Cependant, Guillaume de Malciboit n'avoit point ceffé de
perfécuter Jean de Lebiefi:. L'afTaire avoir été portée à Rome.
Le Pape , inftruit des brouilleries que ce procès avoir fait naître ^
parut mécontent de l'Evêque de Nantes. L'injuftice de ce Pré-
lat étoit effeftivement très-évidente. Le Pape Calixte III fe hâta
de terminer cette affaire j en conféquence il adreffa une Bulle
à l'Archevêque de Tours , par laquelle il lui ordonne d'annuUer
tout ce qui avoit été fait à cette occafion. L'Archevêque s'ac-
quitta de fa commifllon , & il n'en fut plus parlé.
1454. Le Roi & la Reine de Sicile viennent à Nantes pour
y voir le Duc , qui les reçoit avec beaucoup de magni-
ficence.
1455. Guillaume de Malefi:roit ne vivoit pas mieux avec fon
Clergé qu'avec fes Souverains. Ce Prélat exigeoit des fommes
confidérables pour confirmer , par l'appofition de fon fceau , les
fermes des biens eccléfiafi:iques. Le Chapitre de la Cathédrale
s'affembla pour prendre des mefures contre ces innovations. ïl
décida qu'on ne devoit rien à l'Evêque pour ces ratifications ,
& que , s'il perfifl:oit dans fes prétentions , on le pourfuivroit
par les voies de droit.
En 1455, le Duc Pierre II obtint du Pape Calixte III, à la
foUicitation de la Duchefîe , fon époufe , une Bulle pour fonder
un Monaftere de Refigieufes de l'Ordre de Sainte-Claire, à
Nantes. Le Prince acheta de Françoife de Rieux une maifon très-
ample , avec fes jardins , fituée vis^à-vis l'Eglife paroifliale de
Saint- Vincent , & nommée l' Hôtel de Rockefon -, maifon que les
Pères Carmes avoient occupée lors de leur premier établilTe-
ment en cette ville.
1456. ReconnoifTance des Reliques des Saints Donatien &
Rogatien. Un habitant de Nantes , homme riche , nomme Guil-
laume d'Aulnet ou d'Anet , voulut rétablir , à fes frais , le grand
autel de la Cathédrale. Sur cet autel , étoit un cercueil tout cou-
vert d'or , d'argent , & de pierres précieufes , & fabriqué avec beau-
coup d'art. On l'appelloit ordinairement la châjfe des Saints Donatien
& Rogatien , parce que la tradition enfeignoit que c'étoit là
qu'étoient renfermées les Reliques de ces deux illuures Martyrs -,
iii NAN
mais perfonne ne fçavoit fous quelle forme elles y étoient , &
dans quel temps elles y avoient été dépofées. Sur les côtés du
cercueil , vers le fond , étoient écrits ces deux vers latins :
Contimt hic tumulus Fratrum facra corpora , quorum
Obtincat populus meritis hic régna polorum.
D'un bout , on lifoit , en groffes lettres , Saint Donatien ; & ,
de l'autre , Saint Rogatien. On avoit coutume d'encenfer ce
cercueil , aufîi-tôt qu'on avoit encenfé l'autel. On racontoit
qu'un Evêque , dont on ne fe rappelloit pas le nom , pouffé
d'une indifcrette curiofité , ayant voulu ouvrir ce tombeau , fut
puni fur le champ d'une manière bien exemplaire : Une main
invifible lui tourna le vifage par derrière ( <2 ) , & il refta , toute
fa vie, dans cette fituation incommode.
Comme on ne pouvoit réparer l'autel , fans ôter la châffe ,
TEvêque affembla fon Chapitre & les habitants notables de la
ville , avec lefquels il convint d'ouvrir ce cercueil , afin de ré-
tablir ce qu'il y auroit de défectueux , & de réparer les outrages
<lu temps. On efpéroit , d'ailleurs , augmenter , ou plutôt ranimer
la vénération & la dévotion du peuple pour les Saints Martyrs.
La cérémonie fut alîignée au 27 Décembre. On fit une tente
ou lit d'honneur dans la nef de l'Eghfe , devant le chœur ,
pour y placer le cercueil. A l'un des côtés dévoient être les
Eccléfialliques 5 & , à l'autre , les Gentilshommes & principaux
habitants.
Au jour marqué , Guillaume de Maleftroit , Evêque de Nantes,
fe trouva malade. Il chargea Denis de la Loherie , Evêque de
Laodicée , de l'Ordre de Saint -Dominique, de faire la céré-
monie. Ce Prélat fit placer le tombeau fous la tente , qu'on avoit
eu foin de décorer des plus belles tapifferies. A neuf heures, on
( <2 ) Ceci a bien l'air d'une fable. Voici
ce qui y avoit donné lieu. Les Reliques des
Saints Martyrs étoient anciennement dans
FEglife de leur nom , dans un des faux-
fcourgs de la ville. L'an 893, le Roi Eudes
donna cette Eglife aux Moines de SoifTons ,
qui la cédèrent à ceux de Bourgdeols en
3003. Le Chapitre de la Cathédrale , qui
craignoit que les Moines , propriétaires de
VEglife, n'enlevaffent les Reliques des Pa-
trons d£ Nantes , s'en empara , malgré les
réclamations des Moines , & fît transférer
ces précieufes dépouilles à la Cathédrale ,
vers 1061 ou 1062. La cérémonie fut faite
par Etienne , Légat du Saint-Siège , fur-
nommé Torticol. Voilà ce qui avoit donné
naiffance à l'opinion populaire. On obfer-
vera pourtant que je ne nie pas abfolument
le miracle. L'hiuoire ne dit pas fi le Prélat
avoit naturellement le col de travers , ou
s'il devint miraculeufement for/ict»/.
fonna
N A N _ II}
fonna toutes les cloches pour appeller le peuple, qui étoit ac-
couru de toutes parts pour voir cette fête.
Prefque tout le Clergé du diocefe fe trouva dans TEglife en
habits de chœur. Le peuple , qui étoit à Nantes , remplit rEgHfe j
mais , comme elle étoit trop petite pour une fi grande multitude,
les uns montèrent fur le toit , les autres dans les galeries , les
autres , enfin , regardoient par les fenêtres.
La cérémonie commença par une proceffion , depuis le chœur
de l'Eghfe Cathédrale jufqu'à la tente où étoit le Reliquaire.
L'Evêque de Laodicée encenfa d'abord ce tombeau , puis tout
le monde fe mit à genoux pour prier Dieu de répandre fa bé-
nédiftion fur tout ce qui devoit fe faire dans la journée. Jamais,
dit l'hiftorien , on ne fit de prières plus ardentes. Tout le monde
étoit dans l'enthoufiafme : les uns pleuroient de joie, les autres
gémifibient de leurs fautes. A ces fignes , non équivoques , d'une
foi vive , fuccéda le plus profond filence , qui ne fut interrompu
que par le fon des cloches. L'Evêque s'approche du Reliquaire, fait
venir des ouvriers adroits , & leur demande par quels moyens on
pourra ouvrir ce cercueil. Perfonne ne peut le fatisfaire, parce qu'il
étoit tout couvert d'or , d'argent , & de pierres précieufes. On
fait venir un Orfèvre , qui enlevé la première couverture : le
bois paroît & étonne tout le monde par fa beauté ; on eût dit qu'il ne
faifoit que de fortir des mains de l'ouvrier. Le Menuifier , avant de
toucher à ce bois facré , fe jette aux pieds de l'Evêque , lui de-
mande la bénédiftion , & l'obtient. Il fe met auffi-tôt à tra-
vailler , & fait une ouverture aifez grande. On apperçut deux
boîtes, très-propres & prefque entièrement femblables. Sur la
première, étoit écrit, en lettres rouges. Saint Rogatien j &,
fur l'autre , Saint Donatien. Au deflus de l'une & de l'autre ,
étoient fix trous , comme pour donner de l'air. Le Prélat &
l'Archidiacre, Guillaume du ChafFaut, tirent la première châfle.
Le peuple fe livre aux tranfports de la joie la plus vive , qu'il
manifeite par des cris multiphés de Noël, NoëL On ôte la cou-
verture , on voit un Hnge d'une blancheur éclatante , avec un
morceau de drap de foie de couleur de pourpre , qui paroiflbit
tout neuf. On le développe , & on le trouve plein d'os ; il ne
manquoit que celui d'une jambe. On expofa ces dépouilles
facrées à la vénération du peuple , & on continua la céré-
monie.
On ne pouvoit tirer la féconde boîte , qui étoit attachée au
£ond du Reliquaire. On y fit entrer un enfant de douze ans , par
Tome IIL P
114 . NAN
l'ouverture qu'on avoit pratiquée ( a ). L'enfant la détacha & la
préfenta au Prélat : on l'ouvrit , Se on trouva un petit fac
de peau de cerf , coufu avec un fil de foie , auquel étoit fuf-
pendu un cachet , fi ancien qu'on eût bien de la peine à découvrir
qu'il étoit de cire. Il repréfentoit , autant qu'on en put juger , un
Evêque , la mitre en tête & le bâton pafi:oral à la main.
On ouvrit le fac , & on trouva les os de Saint Donatien , en-
veloppés dans un morceau d'étoffe de foie blanche. On les ex-
pofa , avec ceux de fon illufi:re frère , à la vénération du peuple,
qui faifoit retentir le lieu faint d'acclamations. Ce qui étonnoit
fur-tout les affiliants, étoit la miraculeufe confervation des os
& du Hnge qui les couvroit j tout paroiffoit avoir été mis le
même jour.
On chanta folemnellement le Te Deum , après lequel TEveque
célébra la MeiTe. Le foir , après Vêpres, les Reliques furent re-
placées dans le cercueil. Le Dimanche fuivant , on les porta pro-
ceffionnellement par les rues de la ville , qui étoient tendues des
plus riches tapifîeries , & on les dépofa fur l'autel qui porte
leur nom, dans la Cathédrale. Elles y relièrent jufqu'au 24
Mai , jour de la fête de ces deux illuftres Martyrs. Ce jour-là ,
on les mit dans leurs boîtes , enveloppées de nouvelles étoffes
de foie «& de velours , avec le procès-verbal de la préfente cé-
rémonie. L'afte en fut dreffé par Jean Méat , Notaire apoftolique
& Chanoine de la Cathédrale.
La monnoie étoit alors de quatre efpeces; fçavoir, l'écu de
foixante -quatre au marc ; le petit écu ou écu neuf; les
réaux-francs ; & les faluts. On trouve encore des blancs-bretons,
au chapelet , à neuf deniers de cours ; & des blancs-bretons , à
la targe , de douze deniers monnoie. En 1 4 5 1 , le Duc fit donner
à la Collégiale de Nantes quatre mille écus d'or, du poids de
France , au cours de vingt-fept fols fix deniers tournois , pour
l'achat d'un fonds de deux cents Hvres de rente ; & deux mille
fix cents royaux d'or, bons & de poids, pour l'acquêt d'un autre
fonds de cent trente livres de rente.
( j ) Ce Reliquaire fut réparé par la
muniiicence de Pierre II & de la Duchefle
lîabeau d'Ecoffe , veuve du Duc François
I , qui donnèrent chacun fix marcs d'argent.
Le peuple immenfe , qui affiftoit à la céré-
monie , fit aufli des dons confidérables à
celujet. C'étoit un morceau d'un très-grand
prix , pulfqu'il étoit tout couvert d'or , d'ar-
gent , & de pierreries ; le tout , d'un travail
fini. Il n'étoit pas d'ailleurs bien petit , puif-
qu'un enfant de douze ans entroit par l'ou-
verture que l'on y avoit faite. On ne fçait
ce qu'il eft devenu. Le Chapitre feul de la
Cadiédraje pourroit l'apprendre au Public»
NAN 115
Jean Huandi , Re6leuf de Saint- Vincent , s'oppofoit fortement
à la fondation du Monaftere des Filles de Sainte-Claire , pour
caufe de la diminution de fes droits curiaux. Le Duc , fondateur ,
voulant le fatisfaire , lui affura une rente de dix livres , fur hy-
pothèque , dont neuf livres pour le Refteur , & vingt fols pour
la Fabrique. Guillaume Chauvin , Premier Préfident à la Chambre
des Comptes , en fit l'aflife. Dès que le Monaftere fut achevé ,
les Religieufes y furent introduites , le 3 o Août 1457, par Guil-
laume de Maleftroit & fon Clergé , fuivi de la Duchelfe Fran-
çoife d'Amboife ; d'Artur, Comte de Richemont, Connétable
de France ; de Catherine de Luxembourg , fon époufe j de
Gui, Comte de Laval; & de plufieurs Barons & Seigneurs,
qui accompagnoient dix -huit Rehgieufes. Elles avoient à leur
tête Guillaume Vaurillon , Religieux Dominicain j & Bertrand
de Coëtenette , Aumônier du Duc. Ce dernier lut, à haute voix,
la Bulle du Saint-Pere ; après quoi , l'augufte compagnie fit entrer
les Rehgieufes dans leur Couvent, ôc leur enjoignit de garder
exaftement la clôture.
La Place de Lieutenant du Prince, au Gouvernement de
Nantes, fut créée, le 27 Septembre 1457 , en faveur de René
Rouaud. Le Duc Pierre II mourut de paralyfie , au château , le
27 Septembre de la même année , fans laifief d'enfants de Fran-
çoife d'Amboife , fon époufe. Il fut inhumé dans l'Eglife Collé-
giale de Notre-Dame , dans un tombeau qu'on prétend avoir
été conftruit par fes ordres.
Ce Prince fit fon teftament deux Jours avant fon décès : on
y trouve qu'il donna des fommes confidérables à la Collégiale,
outre deux ornements complets pour le Célébrant , le Diacre ,
& le Sous-Diacre ; comme chape , chafuble , & ornements d'au-
tel. Le premier étoit de drap fond gris , & fervoit à fa Cha-
pelle. Le fécond étoit de velours cramoifi , & bordé de plumes de
paon. Il ajouta à ces legs deux parements d'autel , d'une tapilTerie
d'Arras , qui repréfentoit la Paflion de notre Seigneur ; trois ta-
bleaux d'or , dans lefquels font des Reliques prétendues de la
vraie Croix & de la robe du Sauveur du monde; (ces tableaux
étoient dans la Chapelle du château : ) l'image de Saint Vincent
Ferrier , à laquelle eft attaché , avec une chaîne d'or , un doigt
de la main droite du Saint, enchâfTé en or , avec un balojz
defTus , & un joyau d'or qui repréfente Notre-Dame de Pitié.
Artur III du nom , frère du Duc Jean V , fuccéda à Pierre II
au Duché. Ce Prince conferva l'épée de Connétable de France ,
né • N A N ^
malgré toutes les tepréfentations qu'on lui fit à ce fujet. Son
règne fut malheureufement trop court pour la Bretagne. Il ne
vécut pas heureux fur le Trône. Il trouva dans TEvêque de
Nantes un rebelle , d'autant plus coupable que ce Prélat lui
étoit redevable de fon Evêché. Ce Prince avoit pourtant été
averti des peines qu'il fe préparoit. Comme il aimoit Guillaume , il
avoit engagé Jean de Malellroit , fon oncle , à lui réfigner l'E-
vêché de Nantes. Jean ne put fe refufer aux infiances réitérées
d'Artur , qui n'étoit alors que Comte de Richemont ; mais , comme
il connoilToit fon neveu , il ne voulut pas qu'on pût lui imputer
les troubles qu'il prévoyoit devoir fuivre fon élévation à l'Epif-
copat. Il dit au Comte : Je ferais plus pour vous que pour homme
qui vive : mais , par le corps de Notre-Dame , vous vous en repen-'
tirey^ i car cefi le plus mauvais ribaub traijlre que vous veijîes onc-
ques , & fi vous le connoigjie:^ comme moi , vous n'en parlerie:^ ja-
mais. Malgré une déclaration fi peu favorable à Guillaume , &
quelques démarches féditieufes qui lui étoient échappées , Artur ,
entraîné par l'amitié , ne cefTa de prefTer le bon Evêque de lui
accorder fa demande. Le nouveau Prélat occafionna bientôt des
plaintes très-fondées j mais Artur étoit aveuglé par fon incHnation
pour Guillaume , & ne pouvoit croire qu'un homme qu'il ai-
moit pût être un méchant. Il le chériflbit toujours & le com-
bloit de bienfaits. Il les paya de la plus noire ingratitude. Il
refufa de faire ferment de fidélité & hommage à fon bienfaiteur
pour fon temporel , excommunia quelques-uns de fes Officiers ,
en fit arrêter un autre qui avoit fait faifir de faux poids & de
fauffes balances, & ne lui rendit la liberté qu'après en avoir
exigé une groife rançon j il faifoit ajourner à comparoître devant
lui les Sergents du Duc , qui portoient fes armes fur fon fief,
& fomma le Duc , lui-même , de faire mettre en liberté des pri-
sonniers d'un autre diocefe , faifis dans celui de Nantes. Les Offi-
ciers du Duc , révoltés de ces excès , penferent à la vengeance ,
mais ils s'y prirent mal : ils oferent fe préfenter devant lui pen-
dant qu'il faifoit une proceffion, le 7 Décembre, à la tête de
fon Clergé. Le Procureur du Duc , à la Cour de Nantes , fe
difant envoyé de fon maître , le fomma de comparoître , le fa-
medi fuivant , devant le Prince , fous peine de faifîe de fon
temporel , & l'ajourna encore à comparoître , à la requête du
Procureur général , pour répondre à plufieurs accufations inten-
tées contre lui. Il lui demanda réponfe fur le champ. Le Prélat ,
irrité , fçut bien fe prévaloir des circonftances. Au Ueu de
NAN _ _ 117
répondre , il fomma , lui-même , le téméraire Officier à compa-
roître , en deux heures , fous le portail de la Cathédrale , pour
y rendre compte des raifons qui l'avoient porté à interrompre,
avec fcandale , les fondions auguftes de la Religion. Quant à
la citation , il répondit qu'il ne tenoit rien du Duc , & qu'il ne
reconnoilToit d'autre Souverain que le Pape. Après ce peu de
paroles , il laifTa là l'Officier , & continua fa proceffion. Il ne
tarda pas à lancer une excommunication contre les gens du
Duc , & pourfuivit l'affaire avec vigueur. Artur en appella au
Pape , mais la Cour de Rome , inflruite de ce qui s'étoit palTé à
la proceffion , ne fut pas favorable à ce Prince : elle confirma
même la fentence d'excommunication & l'interdit jette par le Prélat.
Artur ne vit point la fin de ce démêlé , il mourut , le 26 Sep-
tembre 1458, de poifon , félon les uns , & félon les autres , du
chagrin que lui caufa l'Evêque de Nantes. Son corps fut ouvert ,
gardé deux jours , & enfuite inhumé dans l'Eglife des Chartreux ,
où l'on voit , devant le grand autel , fon tombeau chargé des
armes de Bretagne & de Luxembourg. On remarque au vitrail
de cette EgHfe fon portrait , & celui de Catherine de Luxem-
bourg , fa troifieme femme , qui fit conftruire le maufolée de fon
mari , & acheva de bâtir l'églife & le Couvent.
Artur avoit été marié trois fois , mais il ne laifTa point d'en-
fants. La Bretagne perdit en lui le plus grand des Souverains
qu'elle eut eu jufqu'alors. Son expérience confommée dans les
affaires , fa fageffe , fes vertus , faifoient efpérer à cet Etat la
félicité la plus parfaite. Il avoit blanchi fous les armes , & paf-
foit pour le plus grand Capitaine de fon temps. Ses exploits
& fes talents lui acquirent une réputation rarement auffi bien mé-
ritée. La France , fur-tout , lui a des obligations immortelles , &
le compte au nombre de fes principaux défenfeurs. Enfin, pour
achever fon éloge, il fuffira de dire que la Couronne de Bre-
tagne , qu'il porta fur la fin de fa vie , reçut de lui un nouvel
éclat , & qu'il l'honora autant qu'il en fut honoré,
François II du nom , fils aîné de Richard , Comte d'Etampes ,
& de Marguerite d'Orléans , fuccéda à fon oncle au Duché de
Bretagne.
1458, On vit, cette année, à Nantes, quatre DuchefTes de
Bretagne ; fç avoir , Marguerite de Bretagne , époufe du Duc
François II , aftuellement régnant ; Ifabeau d'EcofTe , veuve de
François I ; Françoife d'Amboife, veuve de Pierre II j & Cathe-
rine de Luxembourg , veuve d' Artur III.
,i8 NAN
Les Moines de Saint-Sauveur de Redon cédèrent, en 1458,
aux Chanoines de Notre-Dame , la moitié de cette Eglife dont
ils jouiflbient, & firent bâtir la Chapelle de Notre-Dame de
Toute- Joie , qui eft auprès de l'Hôtel de Ville. On croit qu'ils
lui donnèrent ce nom pour témoigner la joie qu'ils reflentoient
de voir leurs difputes éternelles avec les Chanoines de la Col-
légiale heureufement terminées par leur féparation. L'Evêque de
Nantes approuva & ratifia cet arrangement.
1459. Dès que le Duc eut fait fon encrée à Rennes, il vint
à Nantes, & y fiit reçu par le Clergé, à la porte de Saint-Ni-
colas, le 30 Mars 1459. '^^^^^ ^^ y\\\Q étoit dans l'ivrefTe de
la joie. Le Prince étoit jeune , d'une figure aimable , & aimoit
les plaifirs. Pendant long-temps les fêtes fe fuccéderent fans in-
terruption. Elles furent embeUies & animées par la préfence
d'une aimable Princefle. C'étoit la Dame d'Argueil , fœur du
Duc, femme fpirituelle, très-belle & très-vertueufe , qui l'étoit
venu voir à Nantes. Elle étoit mariée au fils aîné du Prince
d'Orange. François II la combla de carefies , lui afîigna une
penfion de mille francs, & ajouta à ce bienfait de magnifiques
préfents. Cette Dame donna aufli des preuves de fa générofité
à la Cour de fon frère j entr'autres , elle fit préfent d'un bijou
de prix à Poncet de la Rivière , que le Duc venoit de faire
Chevalier de fon Ordre. Le marc d'argent étoit à huit livres
quinze fols, & le marc d'or à cent livres.
Le 4 Avril, le Duc rendit une Ordonnance qui portoit que,
pour le préfent , on fabriqueroit , à Rennes & à Nantes feulement ,
des monnoies blanches & noires , de grands &: petits blancs , des
doubles & des deniers.
Henri de la Villeblanche fut nommé , le 6 Janvier , Lieutenant
du Duc , dans la ville de Nantes.
La Fabrique de Saint-Nicolas n'étoit pas riche en 1459, elle
n'avoit qu'une cuflode de laiton à pied d'argent , pour expofer
le Saint-Sacrement le jour de la Fête-Dieu , dans l'Oélave , &
le Jeudi-Saint , qui étoient les feuls jours de l'année confacrés à
cette dévotion.
La dédicace de l'Eglife des Chartreux de Nantes fut faite le
16 Août 1459, par Denis, Evêque de Laodicée , du confen-
temènt de î'Evêque de Nantes , en préfence d'Ilabeau d'EcofTe ,
Ducheffe de Bretagne ; de Nicolas le Roux , Curé de Saint-Clé-
ment ; & de plufieurs autres Eccléfiaftiques. L'afte qui fait men-
tion de cette cérémonie , place le Couvent des Chartreux dans
NAN _ 119
la Paroifîe de Saint-Clément. Il eft aujourd'hui dans celle de
Saint-Donatien.
1460. Le Général de la ParoifTe de Saint-Nicolas fait bâtir
une facriftie , dont les feuls fondements coûtent cent écus d*or
de vingt-cinq fols monnoie. Pour fournir aux frais de cet édifice ,
on impofe une taille générale fiir les Paroi fliens. Les plus riches
font des dons volontaires , de forte que les deniers provenus de
cette impoiition fe trouvent plus que fuffifants pour achever l'ou-
vrage. Le reile eft employé à faire le carrelage de l'Eglife. Le
Pape avoit accordé neuf indulgences à ceux qui viiitoient cette
Eglife à Pâques. Dans un compte de la Fabrique de cette ParoifTe ,
rendu en 1 460 , on trouve des preuves de l'horreur qu'infpiroient
les lépreux. Guillaume Champion , qui avoit été pourvu du commande-*
ment des Paroijjiens de Saint-Nicolas , par la Cour de Monfeigneur
t Officiai j avoit été foupçonné de lèpre , &, comme tel, rejette
par les habitants. Pour dépofTéder cet homme , il fallut lui
faire fon procès. On le pourfuivit vivement en Juftice , & il fut
condamné. Le procès coûta , tant pour les frais des Procureurs que
pour la viiite des Médecins , la fomme de cent Jix fols quatre deniers»
Aufîl-tôt que le Duc François II s'étoit vu fur le Trône , il
avoit penfé à terminer tous les différents qu'il avoit avec l'Evê-
que de Nantes. L'Archevêque de Tours , pour hâter l'accommo-
dement , décida que les cenfures lancées précédemment feroient
nulles , & que les Officiers excommuniés pourroient fe faire
abfoudre par leurs ConfefTeurs ordinaires. On nomma aufîi-tôt
des Arbitres pour arranger le refte.
François II, qui fçavoit que le Clergé étoit difficile à foumettre,
s'avifa , au commencement de fon règne , d'un expédient qui lui
réuffit. Il envoya au Pape une ambaffade magnifique , avec une
lettre très-foumife. L'orgueil du Pontife fut flatté de l'attache-
ment du Prince Breton -^ & des fentim.ents refpe8:ueux qu'il
montroit pour l'Eglife. La lettre fut publiée par ordre de la
Cour de Rome , & le Pape ne fit pas difficulté de joindre à
cette lettre l'éloge du Duc , & de fa parfaite foumiiîion pour
l'EgUfe. Aufîi François II n'eut-il point à fe plaindre des Sou-
verains Pontifes. Ils lui accordèrent les faveurs les plus fîgnalées,
& ne fe déclarèrent jam.ais contre lui. Dans les démêlés qu'il
eut avec l'Evêque de Nantes , il n'eut à combattre que le Roi
de France , protefteur intéreffé du Prélat. La Cour de Rome refta
neutre , ou ne fervit que foiblement l'Evêque , comme on le
verra ci-après. - -
izo NAN _ ^
Le Duc profita de cette bonne difpofition pour réformer un
abus très-blâmable. Il arrivoit aflez fouvent que les légitimes pof-
fefîeurs des Bénéfices étoient chafi^es par des ufiirpateurs , qui
fuppoloient de faux titres , ou formoient des accufations calom-
nieufes. On voyoit afiez communément des Eccléfiaftiques va-
létudinaires , ou d'un âge avancé , chaffés de leurs maifons , ou
réduits à la dernière m.fere , par ces infâmes pratiques j fur-tout ,
quand ils n'étoient pas afiez riches pour fatisfaire l'avarice , l'am-
bition , ou la mauvaife foi , à force d'argent. A la priera du
Duc ; le Pape donna une Bulle , qui portoit qu'on ne pourroit in-
quiéter les pofleflfeurs triennaux dans la jouifiTance de leurs Bé-
néfices.
L'Univerfité de Nantes fut érigée, en 1414 , par une Bulle du
Pape Jean XXII. Cette érection fut confirmée , en 141 8 , par Martin
V , & , en 1448, par Nicolas V; mais ces Bulles avoient été
jufques-là fans effet , parce que les Ducs demandoient une Fa-
culté de Théologie , que les Papes ci-deffus dénommés ne vou-
lurent jamais accorder. Pie II , plus complaifant , donna , en
1460, une Bulle conforme aux defirs du Duc François, qui
fonda cette Univerfité à Nantes, le 22 Septembre 1461. Elle efl
compofée des Facultés de Théologie , du Droit Canon , du
Droit Civil , de Médecine , & des Arts. Un Père Carme , nommé
Longue-épée , compofoit feul la Faculté de Théologie, tant la
fcience étoit rare alors. Aujourd'hui, cette Univerfité compte
au nombre de fes Membres , de fçavants Théologiens , des Mé-
decins éclairés , & quelques bons Littérateurs. La Faculté des
Droits fut transférée à Rennes , par Déclaration du Roi du pre-
mier Oftobre 1735.
Le 17 Août 14^1 , le Duc fit faire, dans la Cathédrale , un
Service folemnel pour le repos de l'ame du Roi Charles VIL Ce
Prince étoit mort, le 22 Juin , du chagrin que lui avoit caufé la
révolte de fon fils.
Louis XI , qui lui fuccéda , ne tarda pas à venir en Bretagne,
fous prétexte de faire un voyage à Saint-Sauveur de Redon j
mais ce motif n'éroit pas le feul qui conduifit le Monarque dans
le Duché : il étoit bien aife d'examiner les villes du pays , les
forces du Prince , & de fonder les difpofitions du peuple. Louis
palTa par Nantes , & y fut reçu par le Duc avec beaucoup
plus de magnificence que de fincérité. François , qui avoit pé-
nétré la politique du Roi , ne put jamais lui montrer de la con-
fiance, quelque effort qu'il fit fur lui-même pour cacher fes
fentiments
. N AN m
fentiments aux yeux du Monarque : peu s en fallut même qu'ils
ne fe quittaflent ennemis. La Duchefle d'Amboife , veuve de
Pierre II, fut la caufe innocente du mécontentement de l'un &
de l'autre de ces Princes. Après la mort de fon époux , elle avoit
été demandée en mariage par un Prince delà maifon de Savoie,
qui avoit mis la Cour de France dans fes intérêts. Le Roi , la
Reine , le Duc de Bretagne , & plufieurs autres Seigneurs , avoient
joint leurs prières à celles du père de la Princelfe , fans pou-
voir la décider à pafTer à de fécondes noces. Son opiniâtreté
irrita fon père , qui defiroit ardemment ce mariage. Il rélolut de
la faire enlever & de la forcer à ce qu'on exigeoit d'elle. Il en
parla au Roi , qui approuva l'expédient. On plaça des bateaux
fur la Loire pour l'exécution de ce projet : tout étoit difpofé de
façon que la Princefle ne pouvoir éviter le malheur qu'on lui
préparoit. Heureufement le Duc fut averti de ce qui fe pafToit.
D'abord , il n'en voulut rien croire ; mais , la chofe lui ayant été
confirmée , il ne put s'empêcher de témoigner de l'indignation
contre les auteurs du complot -, il parut , fur-tout , irrité de ce
qu'on ofoit faire violence à une Duchefle de Bretagne , dans la
Bretagne même. Il jura qu'il ne le fouiTriroit jamais , & donna
des ordres en conféquence. Il envoya chercher la Princefl^e, &
la logea dans une maifon fûre , avec une bonne garde. Le
Roi & le père de la Duchefle témoignèrent leur mécontente-
ment au Prince Breton : mais il leur répondit avec tant de
fermeté , qu'ils ne jugèrent pas à propos de poufler l'affaire
plus loin ; de forte que la Princefl^e refl:a tranquille , comme elle
le deflroit.
On trouve , dans quelques hifl:oriens, ces faits , ornés & em-
bellis de circonftances miraculeufes. On avoit placé , difent-ils ,
des bateaux fur la Loire , avec ordre à ceux qui les conduifoient
de fe faiflr de la Princeflfe lorfqu'elle viendroit à pafl^er ; mais ,
par vm miracle bien vifible , la Loire fe trouva glacée depuis
Mauves jufqu'aux ponts de Nantes , dans une étendue de trois
lieues , quoiqu'on fût dans la faifon la plus chaude de l'année ,
puifque c'étoit le 1 1 Juin. Ces hifl:oriens fe font trompés : ceci
fe pafla à la fin de Novem.bre , & non pas au commencement de
l'été. Il n'y a point là de miracle.
13 Novembre 1461. Tannegui du Châtel ell nommé Gou-
verneur de Nantes.
1461. Guillaume de Malefl:roit, après PEpifcopat le plus ora-
geux , fe démet de fon Evêché en faveur d'Amauri d'Acigné ,
Tome m. Q
izr NAN
fon neveu (a). Ce Prélat étoit allé à Rome , & avoît obtenu
fes Bulles. Il revint en Bretagne , & fe préfenta au Duc , qui
fit lire fes titres , & lui permit de prendre poffelîion de foa
Evêché. Dès-lors Amauri fut reconnu Evêque de Nantes par le
Duc, qui le qualifioit tel dans fes lettres & dans la conver-
fation.
Le Prince eut bientôt lieu de fe repentir d'avoir été fi facile.
Amauri ne fut pas plutôt établi fur fon Siège qu'il refufa de faire
ferment de fidélité, fous prétexte que fon Eglife étoit indépendante,
& qu'il ne devoit reconnoître , tant dans le temporel que dans le
fpirituel , d'autre Supérieur que le Pape. Ces prétentions ne pou-
voient manquer d'irriter le Duc contre le Prélat -, mais celui-ci ,
qui fe fentoit appuyé ;, ne fe foucioit pas de la colère du Prince.
Ses ennemis ne laiiTerent pas échapper cette occafion de lui nuire»
Ils étoient puiffants auprès du Duc , puifqu'ils étoient à la tête
des affaires. Les plus confidérables étoient Tannegui du Châtel &
le Chancelier de Bretagne. Ils lui repréfenterent Amauri comme
un rebelle , fauteur de la France , & d'autant plus à craindre
qu'il avoir auprès du Roi des parents & des amis ; que cette
Couronne , dont il étoit l'efpion , ne manqueroit pas de prendre
fa défenfe &c d'appuyer fes entreprifes , pour profiter des trou-
bles de l'Etat; qu'il étoit à craindre que quelque jour il n'ap-
pellât les Français dans le Duché; & qu'il falloir au plutôt le
mettre dans l'impoifibilité d'exécuter fes mauvais deffeins , fi l'on
ne vouloir s'expofer aux plus grands dangers.
François n'eut pas de peine à fe rendre à toutes ces raifons.
Il connoifîbit Louis XI , & fçavoit bien qu'il ne laifTeroit pas
échapper Toccafion de lui faire la guerre. Amauri ne pouvoit
que lui nuire dans fes démêlés avec la France , d'autant mieux
que ce Prélat étoit , en quelque forte , obUgé de la fervir. Son
oncle , frère de Guillaume de Malefiroit , fon prédéceffeur , étoit
fort confidéré à la Cour de Louis XI, qui cherchoit à fe l'atta-
cher par toutes fortes de bienfaits. L'Amiral de Montauban , in-
time ami de l'Evêque de Nantes , n'avoit pas moins de crédit
en France. C'étoit une politique du Roi de gagner les fujets pour
découvrir les fecrets de leurs maîtres.
Ces confidérations décidèrent le Duc à agir vivement contre
Amauri. Il affembla un Confeil extraordinaire , compofé du Chan-
( <z ) Ce Prélat étoit né à Saint-Etienne de Montluc , Paroifle du diocefe de Nantes , où
Al maifon poffédoit de grands biens.
NAN ii5
celier , du Vice-Chancelier , du Préfident de Bretagne , d'Olivier
de Coètlogon, d'Euftache d'Epinai, de Michel de Partenai, de
Jean Dubois, & du Sénéchal de Vannes. Olivier de Coèdogon
fut d'avis de ne rien précipiter , mais de mander les Seigneurs
d'Acigné , de la Hunaudaye , & de Coëtquen , pour terminer l'af-
faire à l'amiable : cet avis ne fut pas fuivi ; on réfolut de traiter
le Prélat avec toute la févérité poffible. En conféquence , le Duc
donna des lettres-patentes, qui défendoient à l'Evêque & à fes
Officiers, fous peine de banniffement , de fe mêler de l'admi-
niftration de l'Evêché ; au Clergé & au peuple, de reconnoître
Amauri pour Evêque , fous peine de faifie de leur temporel
pour les Eccléfiaftiques , & de faifie de leurs biens & de pu-
nition corporelle pour les Laïques. Cette Ordonnance fut exé-
cutée. Les lettres-patentes furent affichées à la porte du Palais
épifcopal , & publiées , dans tout le territoire de Nantes , par un
Héraut accompagné de Tannegui du Châtel, & efcorté par un
corps de Cavalerie. On traîna hors de la ville le Grand- Vicaire
de l'Evêque , & un Profefleur en Droit Canon. Les Officiers
du Duc s'emparèrent du manoir de la Touche , en chafTerent
Guillaume de Maleftroit, ancien Evêque de Nantes, pillèrent fes
meubles, effacèrent fes armes des lambris, & y placèrent celles
du Duc. Le vieux Prélat voulut fe réfugier dans la ville , mais
on lui en refufa l'entrée, & il fut obligé d'aller chercher un
afyle ailleurs.
Quelques jours après, on enfonça les portes de l'Evêché pendant
le Service divin ; on fouilla dans les coffres , on enleva les titres ,
on mit le fcellé par-tout, & on chaffa les domeftiques de l'Evê-
que. Le Duc , pour motiver fa conduite envers le Prélat , donna
de nouvelles lettres -patentes datées de l'Epronniere, maifon
près Nantes , où il foutient que le droit de régale eft attaché
au titre de Duc , & que les Sièges épifcopaux ne font cenfés
remplis , en Bretagne , que lorfque les nouveaux élus ont pré-
fenté leurs lettres de confirmation au Prince -, que , puifque
Amauri n'avoit pas fait cette foumiffion , il étoit clair qu'il ne
pouvoir fe dire Evêque de Nantes. Cette accufation étoit in-
julte i mais , comme c'étoit la feule raifon que pouvoir alléguer
François II contre Amauri , il faifoit tous fes efforts pour per-
fuader au peuple que ce n'étoit ni la haine, ni la crainte qui
le faifoient agir , mais feulement la juflice & les droits de fa
Couronne. En conféquence de cette déclaration , Tannegui du
Châtel eut ordre de s'emparer, au nom du Duc^^ du temporel
124 NAN
de l'Evêché de Nantes. Il me femble que le Duc ne devoit pas
avoir recours à la calomnie pour éloigner le Prélat. Le refus
qu il avoit fait de faire ferment de fidélité pouvoit fufEre ; mais ,
peut-être , regardoit-il ce moyen comme infuffifant. D'ailleurs , il
étoit bien plus fimple de faire paffer Amauri pour ufurpateur
d'un titre qui ne lui appartenoit pas : par ce moyen , le Duc lui
enlevoit la moitié de fes avantages.
L'Evêque montra beaucoup de fermeté dans cette affaire. Il fit
défendre au Procureur général de paffer outre , & le menaça
de l'excommunier ^ mais l'Officier lui fit réponfe qu'il appelloit
de cette défenfe à l'Archevêque de Tours , ou plutôt que , regar-
dant l'Evêché comme vacant, il ne faifoit aucun cas de i^es cen-
fures : il ajouta qu'on avoit de très-bonnes raifons de ne pas re-
connoître ia jurifdiftion , puifqu'il n'avoit pas montré fes lettres
au Duc > fon Souverain. Le Prélat foutint que l'accufation étoit
fauffe ; & , comme il fç avoit que c'étoit la principale raifon
que le Duc alléguoit contre lui , il voulut lui ôter le moyen
de s'en fervir , & fe mit en devoir de lire les Bulles du Pape.
Le Procureur général dit que cela ne le regardoitpas, & lui tourna
le dos.
L'intention de François étoit de pouffer l'Evêque à bout. Il
n'eut pas plutôt appris ce qui venoit de fe paffer , qu'il fit
chaffer l'Evêque de fon Evêché , & fes Officiers de fes maifons ,
pour y établir les fiens. Amauri fe retira à Angers , & demanda
au Chapitre de la Cathédrale de cette ville un territoire pour
y ajourner le Duc. Le Chapitre lui accorda la permiffion de
faire ce que le droit lui permettoit , & le renvoya pour le refte
à fon Evêque. Celui-ci , après avoir déploré le malheureux fort
de fon Confrère, lui dit qu'il étoit fâché de ne pouvoir lui
être utile ; mais que les égards qu'il devoit au Roi de Sicile,
Duc d'Anjou, parent & allié du Duc de Bretagne, ne lui per-
mettoient pas de lui accorder un territoire. Amauri prit alors ,
pour territoire emprunté , le réfeftoire du Chapitre de la Cathé-
drale d'Angers , Se y ajourna le Procureur général & les autres
Officiers du Duc à comparoître devant lui le 22 O61:obre. Il
jetta en même temps l'interdit fur le diocefe de Nantes , &
ordonna que la fentence feroit exécutée ; mais le Roi Louis XI
parut defirer qu'on ne pouffât pas l'affaire , & on différa de
pubHer l'interdit.
Pendant que ces chofes fe paffoient , le Grand- Vicaire de
l'Evêque , qu'on avoit chaffé , s'étoit rendu à la Cour de France,
N A N 115
Se avoit fortement demandé au Roi juilice de la violence exercée
contre l'Evêque & le Clergé. Le Monarque crut que l'occafion
étoit favorable pour afFoiblir la puiffance des Ducs de Bretagne. Il
n'étoit pas content de François II : il ne pouvoit lui pardonner
la froideur qu'il montroit pour fes intérêts depuis qu'il étoit fur
le Trône. Il fe, plaignoit que le Duc , pour lequel il avoit eu tant
d'égards , ne lui montroit aucune reconnoiflance ; & ces plaintes
auroient été fondées , fi François n'avoit pas eu le fecret de dé-
mêler le fond du caraftere de Louis : mais , étoit-ce à un Prince
connu pour le plus difîimulé de fon fiecle , qu'il convenoit de
fe plaindre du peu de confiance qu'on avoit en lui ? Aufîi le
Duc montra , dès le commencement , qu'il n'étoit pas dupe de la
bonne volonté apparente du Monarque Français. Le Roi s'en
étoit apperçu dans fon voyage de Nantes ; il n'eut aucun
lieu d'en douter dans la guerre de Catalogne. Le Duc ne lui
fit aucune offre de fervice ; & , pour montrer qu'il étoit bien
loin de vouloir le fecourir , il fit fortifier fes places & augmenter {qs
garnifons , lorfqu'il apprit que Louis XI avoit le deffein de paffer
du Mont-Saint-Michei par la Bretagne pour fe rendre en Poitou
qui étoit menacé par les Anglais.
François II , qui fe défioit finguliérement du Roi , avoit pris
toutes les mefures convenables contre un Prince fi difîimulé. II
avoit par-tout des émifîaires déguifés en Moines , & ces émif-
faires ne lui av oient pas laifîe ignorer que le Roi étoit très-in-
difpofé contre lui, & qu'aufîi-tôt que l'occafion de le punir fe
préfenteroit , il la faifiroit avec emprefîement. Le Duc s'attendoit
bien que le Roi profiteroit des circonflances. En conféquence,
il avoit fait alliance avec le Duc de Bourgogne , levé des troupes ,
& fortifié fes places. Cependant , comme il n'étoit pas encore
bien en état de réfifter, il envoya des Ambafîadeurs au Roi,
pour retarder du moins une guerre qu'il "ne pouvoit ni ne vou-
loit éviter. Louis , qui avoit de violents foupçons contre le Duc
de Bretagne , voulut fonder fes difpofitions. Il répondit aux
Envoyés que fon deffein étoit de faire examiner les droits du
Duc fur les Eglifes de Bretagne, & de rendre julHce aux par-
ties. En effet, le 16 Oftobre 14^3 , il nomma le Comte du
Maine , fon oncle , pour examiner les titres du Duc , & pro-
noncer juridiquement fur cette affaire. Le Comte du Maine eut ,
pour Confeillers, l'Evêque de Poitiers ; le Comte de Cominges;
Jean Dauvet , Préfident de Touloufe 5 Pierre Poignant ; & Adam
Hodon , Secrétaire.
ii6 N A N
Le Roi donna à ces Commiffaires des inftruflions qui renfer-
moient tous les bienfaits dont il prétendoit avoir gratiné le Duc
de Bretagne, & tous les griefs qu'il avoit contre lui. Outre
ceux dont j'ai parlé , le Roi l'accufoit encore d'avoir formé des
liaifons criminelles avec le Comte de Charolois & avec le Roi
d'Angleterre : il lui reprochoit , ce qu'on difoit dans le public,
que c'étoit en haine de l'Amiral de Montauban qu'il ne faifoit
rien pour le fervice du Roi -, que c'étoit par la même raifon
qu'il avoit fait faiiir les revenus de l'Abbaye de Saint-Sauveur
de Redon ; Se qu'enfin , il n'avoit chafTé Amauri d'Acigné de
fon Siège, que parce que ce Prélat avoit un oncle auprès du
Roi : il attnbuoit au Procureur du Duc , à Rome , d'avoir dit que
fon maître n'étoit point fujet du Roi, & qu'il recevroit bien
plus volontiers en Bretagne les Anglais que les Français.
Louis donnoit encore comme preuves de la mauvaife volonté
du Duc pour la France , qu'il avoit fait féparer fes Etats de
ceux de cette Couronne dans les Bulles de légation , ce qui n'avoit
point encore été fait ; qu'outre cela , il avoit fait couronner l'écu
de Bretagne, qui devoir être fimplement furmonté d'un chapeau j
& que , dans les cérémonies de la canonifation de Saint Vincent-
Ferrier , les Bretons avoient porté à Rome les bannières de Bre-
tagne couronnées.
Le Monarque paffoit enfuite à TafFaire du Prélat chaffé , &
prétendoit que le Duc ne pouvoit, fans injuftice, faifîr les re-
venus de l'Evêque , parce qu'il n'avoit aucun droit fur ce tem-
porel ', que le Roi feul pouvoit en difpofer ; que , dans toute la
Chrétienté , les Evêques étoient placés au deffus des Ducs , & que
les derniers ne pouvoient jamais commander aux premiers ; qu'au
Roi feul appartenoit la régale j & que, fi le Duc avoit à fe plaindre
du Prélat , il convenoit qu'il le citât devant le Roi , fon fouve-
rain Seigneur ; qu'en agifTant comme il faifoit , il entreprenoit
fur les droits les plus facrés de l'autorité royale, & méntoit la
même punition qu'on infligeroit au dernier des fujets du Roi
en pareil cas -, enfin , que la garde , fauve-garde , ferment de
fidélité & obeifïance des EgUfes Cathédrales , Abbayes , &c. &:c.
appartenoient uniquement au Roi. Ces inflruftions renfermoient
beaucoup d'autres articles , touchant la nature de l'hommage ,,
ies appels au Parlement de Paris , & le droit de battre monnoie.
L'Evêque de Nantes expofa aufîi fes prétentions dans un mé-
moire : elles ne peuvent que furprendre un homme raifonnable.^
i°» L'Eglife de Nantes, dit le Prélat, ne reconnoît aucun Prince
N A N . ïi7
temporel. Cejî un fief plus noble que Comté & Baronnie, 2^. Elle
eft la troifieme de la Chrétienté , fondée en l'honneur de Saint
Pierre & de Saint Paul. 3''. Elle pofTede de très-grands biens,
entr autres , la cité de Nantes. 4°. Saint Félix , un de fes Evêques ,
a fait palTer un des bras de la rivière de Loire le long des
murs de cette ville, pour l'utilité des habitants. 5''. Cette Eglife
eft fous la proteftion du Pape. 6"", Elle a les droits de régale
& toute Jurifdiftion. 7^. Jamais aucun Evêque de Nantes n'a
reconnu tenir le fief de fon Eglife des Ducs de Bretagne.
8°. Le Duc ne peut exercer aucune Jurifdiélion fur le fief de
l'Evêque, fans fon confentement , quoiqu'il ait ce droit fur le
fief des Barons, ç"*. On ne doit point appeller de la Jurifdiélion
de l'Evêque au Parlement du Duc , mais feulement au Confeil
du Prélat, nommé [es grands jours. 10^. Le Duc ne peut faifir
les revenus de l'Evêché , foit que le Siège foit rempli ou qu'il
foit vacant. Jamais peut-être Evêque de Nantes n'avoit porté fi loin
fes prétentions. Il efpéroit , fans doute , que le Duc , tremblant
à la feule voix de Louis XI , alloit accepter toutes les conditions
qu'on voudroit lui impofer , ou que , trop foible pour braver des
forces fupérieures , il feroit bientôt forcé de venir , en fuppHant ,
demander une paix néceifaire & défavantageufe. Mais il fe
trompoit. François avoir prévu tout ce qui de voit réfulter de (qs
démarches. Sûr d'avoir Louis XI pour ennemi , il avoir pris des
précautions très-fages pour lui réfifler.
La Ducheffe étoit accouchée d'un fils, le 29 Juin 14^3.11
avoit été baptifé devant le grand autel de la Cathédrale , par
Yves de Pontfale , Evêque de Vannes. Ce jeune Prince , l'efpoir
de la Nation , avoit eu , pour parrains , le Comte de Laval &
le Vicomte du Faou , & , pour marraines , Françoife d'Amboife
& Catherine de Bretagne. On l'avoir nommé Comte de Monifon^
titre que portoit ordinairement l'héritier préfomptif de la Bre-
tagne , depuis que la Couronne étoit dans la branche de Mont-
fort. Le Duc profita de cette circonfi:ance pour aifembkr les
Etats & pour demander des fubfides. On lui accorda, d'un
confentement unanime , tout ce qu'il demandoit. On mit un im-
pôt fur toutes les Hqueurs , & le Duc déclara qu'il ne pouvoit
mettre d'impofitions fur fon peuple , fans le confentement des
Etats. La joie que la naiflance du Comte de Montfort avoit
caufé en Bretagne fut de courte durée. Cet enfant mourut le
2 5 Août fuivant , & fut inhumé avec les Princes , fes ayeux ,
dans le chœur de la Cathédrale.
liS NAN
Cependant le Duc continuoit toujours de diffimuler. Il con-
fentit que le Comte du Maine fût l'arbitre de fon différent
avec Amauri d'Acigné, fans préjudice de fes droits. Il envoya
à Tours des Députés , du nombre defquels étoient le Comte de
Laval , le Chancelier Chauvin , Tannegui du Châtel , & Olivier
de Coètlogon , Prélldent des Comptes. Il avoit ordonné à ces
Députés de ne point fouffrir que le Comte du Maine procédât
par forme contentieufe , mais feulement comme arbitre d'un dif-
férent qu'on defiroit terminer à l'amiable.
Leurs inilruftions portoient qu'ils dévoient s'attacher à prouver
que les Ducs étoient fondateurs de toutes les Eglifes de leur
Duché j que la Bretagne avoit d'abord été poiiédée par des
Rois indépendants; que les Evêques av oient toujours été contraints
par les Ducs de comparoître aux Etats du Duché ; que toutes
les appellations , en Bretagne , relevoient au Parlement du Du-
ché ; que les Prélats étoient Membres du Parlement ; que ces
derniers & leurs vaffaux étoient tenus d'obéir aux règlements
faits par le Duc avec le confeil des Barons ; que les Souverains
de Bretagne avoient toujours levé des deniers extraordinaires ,
comme tailles , fouages , & autres impôts , fur les terres des
Evêques , comme fur celles des autres Seigneurs -, que les Pré-
lats ne fe fervoient que de la monnoie du Duc ; qu'ils étoient
obhgés de fe conformer aux traités de paix & trêves faits par
le Duc , & de prendre de lui des fauve-gardes ; que les Ducs
avoient toujours été en pofTefîion d'accorder des lettres de grâces
aux vaiTaux des Evêques , & de les mettre en liberté ; qu'ils
mettoient des garnifons , félon leur bon plaifir , dans les places
appartenant à ces Prélats ; que , de tout temps , ils avoient joui
de la régale ; que , pour l'éleftion des Evêques , fans en excepter
celui de Nantes , le confentement du Duc étoit néceffaire ; que
les Rois de France ne pouv oient contraindre les Evêques de
Bretagne d'affilier aux aflemblées du Clergé & aux Etats géné-
raux du Royaume -, que les Eglifes de Bretagne ne connoifToient
d'autre autorité que celle des Ducs , des Papes , & des Con-
ciles généraux j & qu'en conféquence de ce principe , la Bre-
tagne fuivoit d'autres loix & d'autres maximes que la France;
que ce Duché avoit reconnu un Pape , tandis que la France en
reconnoiffoit un autre ; que la Pragmatique-Sanftion , reçue dans
tout le Royaume , n'étoit pas fuivie en Bretagne ; & qu'enfin les
Evêques avoient toujours fait ferment de fidélité au Duc.
Les Commiflaires avoient ordre de confentir , de la part du
Duc ,
N A N 119
Duc , que les appels des Evêques relevafTent du Parlement de
Bretagne au Parlement de Paris , & non au Pape , en cas de
déni de juftice ou de prétendu faux jugement , pourvu que le
Roi s'engageât à mettre le Duc à couvert des chicanes du
Clergé & des excommunications des Papes. Ces inftruftions fi-
niffoient par de fortes plaintes contre les abus intolérables qui
fe commettoient en Bretagne , par les Officiers du Roi , contre
les droits du Duché. On avoit joint à ce mémoire différentes
pièces juftificatives , pour prouver la juftice des prétentions
du Duc.
Le Comte du Maine , qui avoit ordre de juger & non de dif-
cuter l'affaire , fut mécontent du pouvoir donné aux Commif-
faires Bretons. Il ne voulut rien entendre qu'on ne l'eût reconnu
pour Juge. François II eut de la peine à lé rendre , mais il dif-
fimula encore ; & , au commencement de 1 464 , il fit expédier
une nouvelle procuration , qui portoit que les Députés Bretons
agiroient auprès du Comte comme auprès d'un Juge. Les con-
férences furent ouvertes , & le Comte du Maine , après avoir
entendu les CommiiTaires du Duc , & vu les pièces au foutien
du procès , affigna les parties à comparoître le 8 Septembre , à
Chinon , où la fentence devoir être prononcée.
Le Duc profita de ce délai pour faire des informations dans
toute la Bretagne , au fujet du temporel des Eglifes , & nomma,
pour cet effet _, des Commiffaires , le 4 Avril. Mais il ne fe repo-
îbit pas entièrement fur la bonté de fa caufe. Son Juge étoit
fon ennemi , & cet ennemi ne cherchort qu'à fe venger , & à
le dépouiller de fes privilèges , & peut-être de fes Etats. Il étoit
aifé de voir , par la manière dont le Monarque conduifoit l'af-
faire , que c'étoit là plutôt fon deffein qu'une pure complaifance
pour Amauri d'Acigné. Ce Prélat , foit qu'il fût laffé de vivre
dans l'exil , foit qu'il craignît que l'iffue de l'affaire ne lui fût
pas favorable , avoit donné l'efpérance d'un prochain raccommo-
dement. D'ailleurs , le Pape favorifoit le Duc de Bretagne , &
il venoit de lever l'interdit impofé par l'Evêque. François II
avoit expédié un fauf-conduit , pour un mois , à Amauri d'Acigné
& à Guillaume , fon oncle , pour venir s'excufer auprès de lui.
Les efprits fembloient fe rapprocher ; mais le Roi avoit trop d'in-
térêt que les troubles & la divifion continuaffent , pour per-
mettre un accommodement particulier. Il voulut que l'affaire fût
pouffée avec vigueur , & retint les Evêques auprès de lui.
François II ne s'endormoit pas. Il cherchoit par-tout des amis,
Tome IIL R
Î50 N A N
parmi les Princes du Sang de France comme parmi les étrangers.
Il écrivit aux premiers des lettres très-fortes , dans lefquelles il
expofoit fa malheureufe (ituation , rinjuiHce du Roi , & fa tyran-
nie. 11 les conjuroit de le protéger, de s'oppofer aux entreprifes
du Monarque , qui ne cherchoit à l'abaiiîcr que pour fe mettre
dans le cas de vexer plus aifément les Grands , & de les dé-
pouiller de leurs privilèges. Il fit paffer en Angleterre des Am-
bafladeurs déguifés , qui conclurent un traité d'alliance avec
cette Couronne , toujours dilpofée à s'élever contre la France.
Il fit enfuite fortifier fes places, & fe prépara à tout événement.
Le Roi étoit trop bien fervi en efpions pour ignorer toutes
ces pratiques -, mais il ne pouvoit les empêcher. Pour s'en venger,
il eut recours aux mêmes moyens. Il envoya le Sire Dupont
aux Etats aflemblés à Dinan _, au mois de Septembre , avec or-
dre de femer la divinon entre le Duc & les principaux Sei-
gneurs. Cet Envoyé fe plaignit du Duc en pleine afiemblée ,
Ôc lui fuppofa des defleins dangereux & criminels. Le Duc
irrité répondit publiquement à fes plaintes , & nomma , fur le
champ , des Ambaffadeurs , pour aller témoigner au Roi combien
fon procédé étoit peu digne d'un Monarque puiffant. Ils avoient
ordre de lui dire qu'il étoit vrai que François avoit écrit aux
Princes , mais que ce n'étoit que pour les engager à détruire ,
dans l'efprit de Sa Majerté , les mauvaifes impreffions que des
gens mal intentionnés y avoient jettées à fon défavantage ;
qu'il avoit envoyé des Ambaffadeurs en Angleterre , parce qu'il
avoit appris qu'il n'étoit pas compris dans la trêve conclue entre
les deux Couronnes , & qu'il s'étoit vu forcé de traiter , en par-
ticulier , avec Edouard , mais que cette démarche ne pouvoit
rien contre fa fidélité ; qu'il étoit vrai qu'il avoit fait quelques
préparatifs de guerre , mais qu'il étoit le maître dans fes Etats ,
& que perfonne ne pouvoit , fans injuflice , lui fçavoir mauvais
gré de veiller à la tranquillité & à la fureté de fon peuple;
que ce qui l'étonnoit davantage , étoit le reproche qu'on lui
faifoit de parler mal du Roi , & d'être tombé par-là dans le
crime de leze-majefté ; que cette accufation étoit une calomnie ;
que , bien loin d'en venir à ces extrémités , il fer oit toujours
difpofé à punir , avec toute la févérité poffible , le premier té-
méraire qui oferoit tenir des difcours oilenfants fur le compte de
Sa Majerté.
Les Ambaffadeurs s'acquittèrent fidèlement de leur commifîîon ,
& ne prirent pas la peine de déguifer les fentiments de leur
N A N ï 5 ï
maître , qui leur avoit expreffément recommandé de s'exprimer
clairement. Ils dirent au Roi que , quelque mérite qu'il fe fit d'avoir
traité le Duc avec douceur , ce Prmce n'ctoit pas dupe de cette
bonté apparente j qu'il fçavoit que le R.oi ne laiffoit échapper
aucune occaiion de le mortifier , & qu'il n'avoit jamais celTé un
initant d'agix contre les intérêts de la province.
Ces railons n'étoient pas toutes également folides , mais elles
étoient très-fages : elles donnoient finement à entendre au Roi
qu'on connoilibit fes deffeins , & qu'on avoit pris des mefvres
pour les prévenir. Il eft bien certain qu'outre la trêve conclue
& publiée, environ ce temps-là , entre l'Angleterre & la Bre-
tagne, les deux Princes formoient des projets plus étendus. Ils
avoient conftamment des Envoyés dans leurs Cours refpedives,
& il n'étoit pas poffible que toutes les conférences qu'ils avoient
avec ces Minières , ne regardaient que des arrangements de com-
merce , comme on ne ceflbit de le publier.
Sur ces entrefaites , le Duc , qui vouloit gagner du temps ,
pria le Pape d'intervenir dans cette affaire. Le Pontife y con-
fentit ; mais le Roi , qui le haïffoit , ne voulut jamais recevoir fa
médiation , fous prétexte que la décifion de cette affaire ne re-
gard oit que le Souverain. François, voyant que Louis étoit fâché
de ce qu'il avoit eu recours au Pape , défavoua fes Ambaffa-
deurs à Rome par une Déclaration publique , & fe prépara à
envoyer fes Députés à Chinon. Le Jugement fut encore retardé ,
parce que le Duc , qui avoit fait réflexion aux fuites que pour-
roit avoir , pour fes intérêts & pour fes droits , la ciaufe par
laquelle il reconnoifîoit le Duc du Maine pour Juge rie cette
affaire , fît déclarer , par fes Députés , que le jugement qui feroit
porté ne feroit qu'un arbitrage , & qu'il entendoit procéder à
l'amiable , & non par voie contentieufe. Le Comte , mécontent de
ce que le Duc changeoit ainfî de fentiment , renvoya les Députés
chercher d'autres pouvoirs , & leur accorda un délai jufqu'au i 5
Oftobre. Comme perfonne ne fe préfenta de la part du Duc ,
le Comte différa de juger jufqu'au 29. Ce jour-là, le Procureur
du Roi ayant demandé qu'on lui adjugeât défaut , le Comte lui
accorda , & rendit un jugement , qui portoit que le temporel de
i'Evêché de Nantes , avec les fruits en provenant depuis le
commencement du procès , feroient mis en fequeftre entre les
mains du Roi , avec défenfe au Duc & à fes Officiers , fous
peine d^. perdre leur caufe , & d'une amende de quatre mille
marcs d'or , de s'oppofer à l'exécution de la fentence. Le même
131 N A N
jugement portoit que le Duc ne jouiroit plus du droit de régale
pendant la vacance des Evêchés , & que défenfes lui feroient
faites , fous les mêmes peines , d'empêcher les Evêques de s'adreiTer
au Roi en première inftance. On chargea deux Confeillers au
Parlement de Paris de mettre la fentence à exécution ; mais ils
ne s'acquittèrent de cette commiflion qu'après l'afTemblée de Tours,
comme nous le dirons ci-après.
Tandis que l'on procédoit , à Chinon , contre le Duc , il tra-
vailloit à mettre dans fes intérêts les Grands de l'Etat , mécon-
tents de l'adminillration. Il réuflit facilement à faire entrer dans
fes vues des Princes & des Seigneurs , qui ne cherchoient que
Toccafion de fe foulever. Le Roi qui le foupçonnoit , faifoit épier
toutes fes démarches , & fe plaignoit par-tout de lui. Ses Àm-
baffadeurs à la Cour de Bourgogne , accuferent le Duc de Bre-
tagne de félonnie , pour avoir traité avec le Roi d'Angleterre
fans le confentement de fon Souverain ; mais on ne fit pas at-
tention à ces accufations & à ces plaintes. Toutes les reflburces
de la politique furent pour lors inutiles au Roi. Il penfoit pour-
tant bien qu'il y avoit une conjuration formée contre lui. Il ne pou-
voir en douter, d'après la fierté du Duc ; mais, comme il ne con-
noiffoit pas les conjurés , il ne pouvoir prendre de mefures effi-
caces pour faire échouer leurs projets -, il eut recours à un nou-
veau moyen.
Pour fonder les difpofîtions des Grands , il convoqua à Tours ,
pour le 1 8 Décembre 1 464 , une affemblée des Princes de fon
Sang & des gens de fon Confeil , pour délibérer fur les affaires
de Bretagne. Pour donner plus de liberté , le Roi ne parut point
à la première féance. On expofa d'abord tout ce qui avoit été
fait dans cette occafion ; & ce début ne fut pas favorable au
Duc de Bretagne , puifque les Princes avouèrent qu'ils s'étoient ,
mal-à-propos , laiffés prévenir contre le Roi -, que le Duc avoit
tort , & que fes prétentions étoient inibutenables. Le 20 , le Roi
fe rendit à l'affemblée , & le Chancelier expofa tous les griefs
que le Roi avoit contre le Prince Breton. Il l'accufa d'avoir
manqué au Roi , à fes droits , à fa Souveraineté , & au bien
public. On rappella le traité fait avec l'Angleterre , les lettres
écrites au Prince , & les difcours peu mefurés des Ambafî'adeurs
du Duc à Rome. Le Roi parla enfuite , accufa le Duc de
Bretagne d'ingratitude , fit l'énumération bien complctte de tout
ce qu'il avoit fait pour le bien du Royaume , & témoigna la
plus grande confiance aux Princes. 11 revint de nouveau a l'af-
N A N ^ ^ 133
faire clu Duc , expofa fes prétentions fur la régale , prétentions ,
félon lui , nouvelles & injuftes j témoigna néanmoins beaucoup
de bonté & de bienveillance pour le coupable , fe montrant
feulement fâché de ce qu'il fe laifToit gouverner par des gens
mal intentionnés , dont il préféroit malheureufement , difoit-il ,
les pernicieux confeils à fon amitié, qu'il lui avoit offerte plu-
fieurs fois. Il ajouta : lom d'en vouloir- à fes Etats , je vous dis
bien .que fi 'favois toute la terre conquife & mife en ma mam , jufques
à un château qui ne vaulfifl pas cette maifon , & il vouloit venir à
grâce & miféricorde y je y Jerois en telle manière que chacun co-
gnoifiroit que je ne veux point fa dejlruclion , & que je m'y ferois
mis en toute raifon. D'après l'idée qu'on s'eft faite du caraftere
de Louis XI , il eft difficile de croire cette déclaration fmcere.
Les Princes furent touchés , pour la plupart , jufqu'aux larmes ;
mais les conjurés ne changèrent pas de fentiment : ils firent pour-
tant comme les autres, pour ne pas donner de foupçons. Ils pro-
diguèrent les affurances les plus vives de leur fidélité j lui offri-
rent leurs ferviccs , leurs biens , leurs perfonnes , leur vie. Exem-
ple frappant de la pohtique qui règne dans les Cours ! Le Mo-
narque vouloit tromper fes fujets , & il étoit , lui-même , le pre-
mier trompé. Il remercia les Princes de leur affeftion , & les
pria d'employer leurs foins & leurs avis pour faire rentrer le Duc
dans le devoir.
Quand l'afîembîée fe fut féparée , le Roi envoya en Bretagne
les Commiffaires exécuteurs de la fentence prononcée par le
Comte du Maine. Arrivés à Nantes , ils demandèrent une au-
dience , qui leur fut refjfée , & logèrent dans les fauxbourgs ,
parce qu'on ne voulut pas leur permettre d'entrer dans la ville.
Ils drelferent un procès-verbal de ce qu'ils avoient fait , ajour-
nèrent le Duc à comparoître à Chinon , & fe retirèrent.
Le Roi , plus irrité que jamais , fe prépara à la guerre contre
le Duc , envoya fes troupes en Poitou , pour être plus à portée
de commencer fes opérations à la première occaiion favorable.
Le Duc , qui n'étoit pas encbre bien préparé, fait partir des
Ambaffadeurs , avec ordre de demander un délai de trois mois -,
^terme nécelfaire pour affembler les Etats de Bretagne & leur
demander leur avis. Il fit affûter le Monarque qu'auffi-tôt après
la féparation de l'affemblée , il iroit , lui-même , faire la révé-
rence à Sa Majeflé , & lui donner toute la fatisfa6lion qu'elle
pourroit defirer. Le Roi reçut très-bien les Ambaffadeurs , &
leur accorda ce qu'ils demandoient. Il fit fur-tout beaucoup de
1-34 N A N
carelTes au Sieur de Lefcun , dans la vue de gagner ce Seigneur
qui gouvernoit le Duc de Bretagne ; mais le courtifan rulë ap-
Î)erçut le piège , & y fit tomber celui qui vouloir l'y prendre.
1 parut répondre à la confiance du R.oi , & s'en lervit pour
voir plus fi^uvent le Duc de Berry. Il mania l'efprit du jeune
Prince avec tant d'adrefiTe , qu'il le détermina à fe mettre à la
tête de la ligue fi^rmée contre le Roi.
Peu de temps après les Ambafl^adeurs partent , & le Duc de
Berry qui trouve le moyen de fortir de Poitiers , fous prétexte
d'une partie de chafi^e , les joint comme ils en étoient convenus
avec lui , & vient avec eux à Nantes. Il publie , fiir le champ ,
un mamfefie adrefie au Duc de Bourgogne , dans lequel il dé-
clare qu'il ne s'efi: mis à la tête des Princes que pour remédier
aux abus du Gouvernement & aux maux de l'Etat. Il invitoit
le Duc de Bourgogne à fe joindre aux Princes , & à permettre
au Comte de Charolois d'entrer en France avec des troupes.
Le Duc de Berry trouva , à Nantes , plufieurs Seigneurs Fran-
çais , ëntr'autres , le Comte de Dunois , qui , fâché de fe voir
dédaigné, après les fervices fignalés qu'il avoit rendus à TEtat,
s'étoit joint aux rebelles. Tant de Princes réunis intimidèrent
le Roi. Il eiTaya de les féparer. Il s'adrefla d'abord aux Ducs
de Berry & de Bretagne , & leur promit de grands avan-
tages : mais ils répondirent fièrement que les promefies flatteufes
du Roi , ne pourroient jamais les faire manquer à leurs enga-
gements.
Le Duc de Bretagne ne tarda pas à fe mettre en campagne.
Il partit avec une armée brillante : la fleur de la Noblefle Bre-
tonne le fuivoit , jaloufe de combattre fous les yeux de tant de
Princes réunis. On remarquoit , dans ces troupes , le Seigneur
d'Harcourt , de la maifon de Lorraine , tuteur du Vicomte de
Rohan j les Seigneurs de Maure, de Derval , du PlefTis-Baliffon,
d'Oudon , de la Rochebernard , du Tierxent , de Maleftroit , du
Faouet , de Quelenec , de Malefiroit-Beaucorps , de Malefiroit ,
Maréchal de Bretagne ; de Châteaugui , de Sourdéac , Dupont ,
( le même qui étoit venu , de la part du Roi , aux Etats ailem-
blés à Dinan ; ) de la Hunaudaye , de Lefcun , de Rofirenen ,^
de Coètquen , de Kermorvan , de Guemadeuc , de Ploeuc , du
Bois de la Motte , du Parc , de Broons , de la Feuillée , de
Lanvallai , de Jegado , de Penhouet , de Kerouferé , de Chevi-
gné , de Thomelin , &c. Jamais les Bretons n'avoient montré
plus d'ardeur. Chacun s'emprefibit de fournir généreufement aux
NAN i}^
befoins de TEtat. La célèbre Antoinette de Magnelais , maîtrefle
du Duc , fe diftingua en cette occafîon ; elle fit porter à la
monnoie toute fa vailTelle , pour être convertie en efpeces. Ce
trait place cette femme à côté d'Agnès Sorel , & prouve que
quelques vices ne détruifent pas toutes les vertus.
Les fuccès & les forces de la ligue forcèrent le Roi à de-
mander la paix : elle fut conclue à l'avantage des Princes. La
fentence portée par le Comte du Maine , contre le Duc de Bre-
tagne , fut caffée. Le Roi déclara , par Tes lettres-patentes , que
la régale des Evêchés vacants , la garde des Eglifes , le ferment
de fidélité des Evêques, & le refîbrt de leurs Jurifdiftions appar-
tenoient au Duc. Ces lettres furent vérifiées & enrégiftrées au
Parlement de Paris, le 30 Oftobre 1465 : elles furent confir-
mées par d'autres du mois de Décembre fuivant , par lefquelles le
Monarque déclare que les précédentes ont été faites librement, après
un mûr examen, par l'avis des Princes du Sang &c de fon Confeil.
Ce traité, qui ruinoit les prétentions d'Amauri _, ne le rendit
pas plus fage & plus foumis envers fon Souverain. Perfuadé que
fon Egliié ne relevoit que du Pape , il efpéroit que la fortune
lui faciliteroit les moyens de faire valoir fes prétentions. Il jetta
un fécond interdit fur le diocefe de Nantes , & ne réuffit qu'à
irriter davantage le peuple qui follicita fa dépofition auprès du
Pape. Le Duc le déclara rebelle , féditieux, ennemi de l'Etat,
par {qs lettres de 1 471. Le Prélat fe rendit à Rome pour
plaider fa caufe -, mais il y fut mal reçu , & eut la douleur de
voir le Pape lever le nouvel interdit qu'il avoit mis fur l'Evêché
de Nantes. Il fut toujours errant & malheureux , & n'eut pas
même la confolation de jouir des revenus de fon Evêché. La
guerre du bien public , dont il fut la caufe , doit le mettre au
rang des hommes malheureufement trop célèbres, Il mourut à
Rome , comme on le verra ci-après.
Le premier faifeur d'almanach , ou tireur d'horofcope , parut
à Nantes, en 1463 ou 1464.
Jean Simon, Chanoine de Notre-Dame , fonda , dans le même
temps , la fête de l'Afîbmption de la Sainte Vierge , pour être
célébrée, à perpétuité, par les Chefecier , Chanoines, Cha-
pelains , & Chantres de la Collégiale , en la maifon de la Che-
fecerie , ou à la Pfallette , ou en tel autre endroit qu'il plaira.
Veut le fondateur , que tous les Eccléfiafiiiques de la Collégiale ,
foit Chanoines , Chapelains , &c. qui n'aflifieront point , la veille
& le jour de l'AfTomption , aux premières Vêpres , Matines, & à la
,5é NAN
MefTe célébrée dans cette Eglife Collégiale , ne foient point ad-
mis au dîner qui fera donné à l'occalion de cette fête , à moins
qu'ils ne paient leur [lé au Mifeur , comme s'il n'y avoir pomt
eu de ièiQ. Ceux qui, fans avoir affifté aux premières Vêpres,
fe préfenteront au dîner , n'auront , au lieu de pain blanc , que
du pain de feigle , avec de l'eau pour toute boiffon : ils auront
pourtant de la viande, comme les autres; mais, s'ils n'avoient point
affiflé à la Grand'MefTe du jour , le fondateur entend qu'ils ne j oient
fervis d'aucune cuijîne , & qu'ils foient mis à une table féparée des
autres : on leur donnera feulement du pain & vin , pourvu qu'ils
aient affifté aux premières Vêpres &: à Matines. Jean Simon
donna une fomme de quatre-vingt vieux écus d'or , de foixante-
quatre au marc , pour être employée à l'acquêt d'un fonds de
fept livres dix fols de rente , monnoie courante ; revenu fufîi-
fant pour la fête & le dîner : & , au cas que cette fomme
foit trop forte , il eft dit qu'on réfervera le furplus pour
l'année fui vante.
Si le fondateur eft enterré dans l'Eglife , il veut que ceux qui
auront partagé le dîner , aillent , en lortant de table , fur fon
tombeau , réciter , à voix baffe , le Libéra & autres Oraifons fu-
nèbres. Jean Simon donna auffi du linge de table , pour fervir
au fellin -, fçavoir , cinq grandes touaiUes ( nappes ) , deux pe-
tites ; treize touaillons , bons & compétents ; vingt-quatre îer-
viettes ; quatre gros touaillons pour eiTuyer les mains ; & une
petite huche ( coffre ) fermant à clef , & placée dans l'Eglife
pour y mettre ce linge. Il n'oublia pas la vaifTelle : il légua
foixante-fîx écuelles ; quinze plats d'étain -, quatre étamaux d'étain ;
& quatre devantaux ( tabhers de cuifine. )
Le 23 Mai , le Confeil du Duc ordonna que , pour plus grande
fureté, on nommeroit , tous les jours, quatorze Eccléfiailiques
ou Gens d'Eghfe , accompagnés de quatorze habitants , pour
vifiter les portes de la ville , & faire la garde pendant la nuit.
La porte la plus importante étoit celle du port Briand-Mail-
lard. Comme la ville pouvoir facilement être furprife de ce côté,
on la gardoit avec beaucoup de foin. Jean Guinet en étoit le
portier. Ce pofte n'étoit point avihfTant : il étoit même toujours
rempU par des perfonnes de mérite , quelquefois même par des
Gentilshommes, mais toujours par des gens qui av oient donné
des preuves de leur zèle pour leur Prince , & qui prêtoient fer-
ment entre les mains du Préfîdent du Confeil & du premier
Magiflrat de la ville.
La
N A N 137
La nouvelle Aumônerie de Lérault fut conflruite vers ce temps-
là. Elle fert aujourd'hui de Chapelle ou de falle pour le Caté-
chifme. On ne comptoir alors , dans la Paroifle de Saint-Nicolas ,
que quatre cents perfonnes mariées , y compris les veufs & les
veuves. Le boulevard de la Saufaye eft de la même date : il fut
conftruit par Guillaume Giraud , ik coûta fix cents livres.
Marguerite d'Orléans , Comteffe d'Etampes , mère du Duc
François II, mourur au mois d'Avril 1466. Le Duc fit tous les
frais du deuil : il habilla de noir fes Officiers , les Seigneurs &
les Dames de fa Cour , chacun félon fon rang , & donna un
riche parement d'autel à la Cathédrale où les obfeques fe firent.
La dépenfe des funérailles monta à fix mille deux cents livres.
Le marc d'argent étoit à huit livres quinze fols.
1466. Par lettres du 16 Mai, le Duc permet aux habitants de
Nantes de bâtir des fours & des mouHns , & de faire moudre
leur grain où bon leur fembleroit. Il leur permet aufîi d'avoir
chez eux des aunes , des boifTeaux , des crocs , des balances , &
autres mefures , fans payer aucuns droits. Il les exempte , par les
mêmes lettres , des droits de vente , qui lui étoient dus pour les
acquêts faits fous la Jurifdiftion de la Prévôté , appellée le gentil
fief du Duc , & leur donne la liberté d'avoir des colombiers.
1 466. Concile , à Nantes. Gérard de CrufTol , Archevêque
de Tours , y préfide. Cette affemblée rédige les Statuts de la
Confrairie du Saint-Sacrement , qui venoit d'être fondée- d:ans
l'Eglife de Sainte-Croix.
1 467. .Le Duc donne la maifon ou château du BoufTay , à
Guillaume Wiomarck, fon valet-de-chambre. Dix ans après, elle
fut deftinée à fervir de Palais à la Juftice j dellination qu'elle
a confervée jufqu'à nos jours.
1469. La DuchefTe Marguerite de Bretagne, fille du Duc
François I & époufe de François II, meurt à Nantes, le 25 Sep-
tembre , & eft enterrée dans l'EgHfe des Pères Carmes , devant
le grand autel , comme elle l'avoit demandé par fon teftament
du 22 du mois précédent. Les frais des obfeques montèrent à
la fomme de quatre mille cinq cents livres , & ceux du deuil
à cinq mille fept cents livres ; en tout, cent deux marcs d'or : le marc
valoir cent livres , & le marc d'argent huit livres dix fols.
Parmi les legs que fit cette DuchefTe , on remarque une
chaîne ou ceinture d'or, qui lui faifoit cinquante fois le tour
du corps , & une autre chaîne d'or à nœuds de cordehere. Ainfî ,
la DuchefTe Reine Anne de Bretagne , n'inventa pas la corde-
Tome III^ S
(
ijS / NA N _ /
liere , comme le prétendent quelques hifloriens ; elle la mit feu-
lement en honneur parmi les Dames de fa Cour. Marguerite
fonda , par fon teftament , deux Meffes à note , qui doivent fe
célébrer à perpétuité. Elle ordonna de bâtir , auprès de fa fé-
pulture, une Chapelle en l'honneur de Sainte Marguerite, Vierge,
fa patrone, pour laquelle elle avoit une dévotion finguliere.
Se y fonda une Meffe qui doit fe dire, à perpétuité, tous les
jours de la femaine.
Au mois d'Octobre 1469, le Duc fonda la Chapelle de
Saint-Antoine de Pade , qui fut donnée aux Minimes lors de leur
étabhffement à Nantes. L'année fuivante , Louis XI envoya au
Prince Breton le coUier de l'Ordre de Saint-Michel. Le Duc le
refufa par politique. Il jura , quelque temps après , l'obferva-
tion du traité d'Ancenis , dans la Chapelle du château de Nantes,
fur une portion de la vraie Croix , qui fut apportée de Saint-Laud
d'Angers. ( Voyez l'Abrégé de l'Hiftoire de Bretagne. )
Au* mois de Septembre 1 470 , on bénit le valte cimetière de
l'EgHfe de Notre-Dame : il fervoit à la Paroiffe & au Chapitre. Cette
Eglife avoit été confidérablement augmentée fous le règne de
Pierre II , & , depuis lui , prefque tous fes autels étoient nouvel-
lement décorés. On remarque qu'il fallut une permifîion expreffe
du Pénitencier de Rome pour cette cérémonie , parce que Amauri
d'Acigné avoit jette un nouvel interdit fur l'Evêché.
Louis XI vint à Nantes, avec l'Abbé de Redon, le 22 Jan-
vier 1471. Guillaume Frobert , Chapelain de l'Aumônerie de
Saint -Clément de Nantes , qui configna l'arrivée du Monarque
fur les regiilres de fa maiîon, ne dit point quel fut le fujet
du voyage de ce Prince. Le 2 1 Juin , François II époufa , en
fécondes noces, dans la Chapelle du château de Nantes, Mar-
guerite de Foix , fille de Gaflon IV du nom , Comte de Foix
& Prince de Navarre. Le 1 5 Juillet, Guillaume de Launaye,
habitant de la Paroiffe de Saint-Saturnin, annexa un fonds con-
fidérable à l'ancien Collège de Saint-Jean , rue des Carmes ,
autrement de l'Echellerie , en la Paroiffe de Saint-Cyr , connue au-
jourd'hui fous le nom de Saint-Léonard. Il obligea le Sous-Ré-
gent à enfeigner, par lui-même ou par Subftitut , la Gram-
maire aux enfants , & à les conduire proceffionnellement,
tous les famedis , à Saint-Saturnin , en chantant , avec eux , les
Litanies de la Sainte Vierge.
Par lettres du 16 Décembre 1471 , & du 13 Septembre
1472, le Duc accorda, pour vingt ans, à la Communauté de
N A N 159
ville de Nantes, le droit de percevoir un denier par livre fur
toutes les marchandifes amenées en cette ville ; & deux fols par
chaque muid de vin , de bled , de fel , & autres denrées qui fe
mefurent au boifTeau , au tomiv^au , à la pipe , ou autrement j dont
le produit devoit être employé aux réparations des murs & for-
tifications de la ville. Cette inipoîition fournit à la ville des
fommes confidérabics , qui lui procurèrent les moyens de faire
beaucoup d'ouvrages publics , tant pour fa défenfe que pour fon
embellifîément. On bâtit de nouvelles portes , des tours , des
murailles , des boulevards. 11 y avoir alors une rue qui con-
duifoit de la porte Saint -Pierre à Richebourg- : il n'en paroît
plus de vefliges. La place qu'on remarque en cet endroit, fe
nommoit alors la place des Lices -, on ne lui donna que vingt
ans après le nom de Motte Saint -F terre ; on l'appelle aujour-
d'hui plus ordinairement Cours des Etats»
Le Duc de Guyenne , frère du Roi Louis XI , étant à Saint-
Severe, l'an 1472 , avec Madame de Montforeau, fa maîtrelTe,
l'Abbé de Saint- Jean d'Angely , Confeffeur du Prince , préfenta
à cette Dame une orange empoifonnée ; elle la reçut , & la par-
tagea avec le Prince , qui ne fut pas long-temps à fe relTentir
de l'effet du poifon. Les cheveux , les dents , & les ongles lui
tombèrent , & il mourut à Bordeaux , après mille tourments , le
22 Mai. L'Abbé fut pris & conduit dans les prifons du Bouffay,
à Nantes , par Lefcun. On inllruifît fon procès , & on étoit fur
le point de le condamner , lorfqu'un matin il fut trouvé mort,
dans fa prifon , le col tors , le vifage & tout le corps noir &
livide. On fit aufli-tôt publier qu'il étoit péri d'un coup de ton-
nerre 5 mais les perfonnes éclairées , dit Mezerai , attribuèrent
cette mort violente aux ordres du Duc de Bretagne , qui l'avoît
fait étrangler, pour fatisfaire le Roi qui defiroit que la preuve
du crime pérît avec le coupable.
L'EgUfe de Saint-Nicolas fut confidérablement augmentée du
côté du cimetière, l'an 1472. Il fut enjoint, par les Grands-Vi-
Caires, à chaque homme marié, de donner un petit blanc de
cinq deniers , tous les Dimanches , pendant cinq mois. On ac-
corda, en conféquence , des indulgences; mais l'impofition ne
fut pas perçue bien réguHérement : plufieurs donnèrent peu , &
beaucoup d'autres ne contribuèrent en rien à la confeérion de
l'ouvrage. Le nombre des habitants s'étoit prodigieufement mul-
tiplié depuis quatorze ans, puifqu'on comptoit alors deux mille
mariés, y compris les veufs & les veuves.
140 _ N A N
Pierre Drouet avoit fait bâtir une Chapelle en Vertais : cette
Chapelle ne fubfifte plus -, on ne connoît pas même l'endroit qu'elle
occupoit. Cette année-, les Ptatuts de la Confrairie érigée en
l'Egliie de Sainte-Croix fous le nom de La Trinité , furent con-
firmés , à la follicitation des Tailleurs d'habits.
Les deux tours qui exiftoient jadis auprès de la Chapelle de
Sainte-Catherine , fur le terrein de la Commanderie , furent bâ-
ties en 1472, avec le pont nommé Râteau, fur l'Erdre , par-
ce qu'on avoit placé au milieu une porte en treillages garnis de
fer , qu'on levoit ou baiffoit pour retenir ou laifTer paiïer les ba-
teaux. L'Hôtel-de-ville étoit auprès de ces deux tours \ il fut
placé, dans la fuite, aux Changes, où il reila jufqu'en. . .
1473. Pierre d'Aidie eft nommé Gouverneur de la ville &
du château. Cet Officier avoit cent livres de gages , à prendre
fur les deniers communs de la ville. L'hôtel de la Bouvardiere,
nommé préfentement de Briord ^ fut bâti, en 1473, P^^ Pierre
Landais , Tréforier du Duc François IL
L'artillerie commençoit à paroître ; le Duc en avoit fait garnir
fes places. Il y avoit à Nantes un gros canon , nommé Bombarde ;
cinq coulevrines , nommées Junon , P allas , Vénus , Melufiie , &C
la Grand-Margot , du nom de la DucheiTe régnante , Marguerite
de Foix j & vingt-cinq autres coulevrines moins grandes , appellées
Cordelières, Au mois de Septembre , les trois Quarteniers du quar-
tier de la Rigaadiere , ( ce lieu n'efl plus connu à Nantes fous
cette dénomination, ) tirèrent de l'arfenal du Bouftay plufîeurs
pièces d'artillerie , • & les firent conduire fur la tour de Samt-
Laurent : les trois Quarteniers d'Erdre en envoyèrent au port
Communal, dit aujourd'hui /jc/ï Communeau^ & l'on en monta
trois fur la porte de Sauve-tout. Les boulets de fer n'étoient pas
encore connus ; on y fuppléoit par des boulets de plomb , qu'on
nommoit plomhets , & par des boulets de cuivre ; mais la cherté
& la rareté de la matière obUgerent bientôt à fe fervir d'une
pierre dure , qu'on appelloit pierre à canon. Le 1 5 Mars 1 47 5 ,
la ville tira de Daoulas , au diocefe de Quimper , mille huit
cents pierres de cette efpece , qu'elle paya quatre livres qua-
torze fols fix deniers le cent , & elle traita avec les habitants
d'un autre endroit pour lui en fournir.
Marie de Bretagne, fœur du Duc François II , Abbefle de
Fontevrault , avoit , en cette qualité , une rente de quarante
fols monnoie fur la maifon commune , dite des Engins , au bas
de la place du Bouffay ; maifon qui fervoit d'arfenai à la ville ,
NAN 141
qui y tenoit fon artillerie & les autres munitions de guerre.
On voyoit alors des vignes dans la Paroifle de Saint-Clément ,
à Richebourg , & à Saint-André. Il y en avoir aufli un canton
dans celle de Saint-Nicolas, qu'on appelloit le clos Saint-Nicolas,
Il joignoit le jardin de la butte ou des Tireurs d'arc. Ce jardin ,
déjà fort étendu, fut augmenté, en 1475, P^^ l'addition de plu-
iieurs petits cantons de terre que la ville acheta : il fait au-
jourd'hui partie du jardin des Apothicaires , dont on parlera.
Pour le clos de Saint-Nicolas , il fait partie de l'endos des Reli-
gieufes du Calvaire.
Les glaces renverferent , en 1475 , ^^^ ponts fitués entre la
Saufaye & la prairie de la Magdeieine : c'eft aujourd'hui le
pont de la Belle-Croix.
Le 26 Janvier 1476, Marguerite de Foix, époufe de Fran-
çois II , accoucha , à Nantes , d'une fille , qui fut nommée Anne,
C'efl cette illuftre Princefle qui , dans la fuite , époufa les Rois
Charles VIII & Louis XII.
Amauri d'Acigné venoit de mourir à Rome. Pierre II , dit du
Chaffaut , fut élu , le 2 5 Mars 1 477 , pour fon fucceffeur à
l'Evêché. Jacques d'Obiefl , que quelques-uns font Evêque avant
lui , eft fuppofé. Ce d'Obieft étoit Abbé de Trifé , Ordre de
Citeaux , au diocefe de Luçon. On prétend qu'il étoit aufli
Chanoine de Nantes. Il rnourut en 1 477 , & fut inhumé dans
l'Abbaye de Sainte-Greneterie , Ordre de Saint-Benoît, au dio-
cefe de Luçon, dont il étoit Abbé Commendataire.
1477. Louis XI envoya Jean Breveté, Tréforier de l'Eglife
de Tours , en ambalTade au Duc François II. L'Ambafladeur
dit la MefTe dans la Chapelle du château. Le Duc , qui étoit
préfent , prononce à haute voix ces paroles , à l'mftant de
l'Elévation : « Je, François, par la grâce de Dieu, Duc de Bre-
» tagne, jure que, tant que mon très-redouté Seigneur Louis,
» par la grâce de Dieu, Roi de France, vive, je ne le pren-
» dré , ni tueré , & ne feré prendre , ni tuer , ni attenteré , ni
» mal feré â fa perfonne : jure aufli que je ne lui feré guerre ,ni
>► à fon Royaume. »
La baffe-rue de la Boucherie s'appelloit alors Guefnerie ; nom
qui efl refté à Lérault & au cimetière de Saint-Nicolas. La rue
de la Boucherie s'appelloit lame de Sauve-tout. La rue de la
Clavurerie , depuis la Boucherie jufqu'à Saint-Nicolas , portoit
le nom de Bourg-main j la rue des Halles fe nommoit Mercerie-,
celle des Carmes, depuis les Changes, étoit appellée l'Echellerie-y
J4^ . N A N .
& celle des Cordeliers avoit le nom de me Perdue : la me de
Verdun setendoit depuis le carrefour Saint-Jean jufqu'au carre-
four de la Laiterie ; la grande-rue , alors nommée la me de la
Chauffée , s'étendoit depuis la place Saint-Pierre jufqu'aux Chan-
ges. L'entrée de la CafTerie s appelloit Barillerie j & la Saufaye
avoit une rue ou halle nommée Poiffonnerie , qui conduifoit , de
ce lieu , à la belle Croix , fur les ponts.
L'an 1 477 , Guyon des Landes , Canonnier de Nantes , fond ,
pour le compte de la ville , vingt-quatre canons avec leurs boîtes»
Douze de ces canons eurent les noms des douze mois de l'année ,
& furent appelles les mois : les douze autres furent nommés les
Prophètes y l'un fe nommoit Ifdie , l'autre Jérémie , &c. C'étoit
plutôt Ô.QS pièces de campagne que de véritables canons , puis-
que le fondeur n'employa à les faire que fix mille deux cents
cinquante-quatre livres de cuivre. Le Duc fit alors démoHr plu-
sieurs maifons pour conftruire une muraille très-forte autour du
quartier de la Saufaye. Ce mur ne fervoit point pour la défenfe
de la ville. Dans le courant de la même année , François II fit
bâtir l'Auditoire , ou la falle du Palais de la Juilice , au château
du Bouffay, à Nantes.
Pierre , Evêque de Nantes , publie des Statuts. Ce font des
règlements pour les mœurs des Eccléfiaftiques qui n'étoient pas
encore fort pures ; pour les mariages , & les fépultures dans les
Eglifes. Ils défendent , fur-tout , d'ériger des tombeaux , & de
faire defîiner ou fcuipter des armoiries dans le Temple du Sei-
gneur , par la raifon que cet ufage étoit injurieux à la Divinité ,
& le dernier excès de l'orgueil qui fembloit afpirer à partager
avec les mortels les hommages dus' à la Divinité.
•En conféquence du marché conclu au mois de Décembre
1478, Nicolas le Breton entreprit, pour une fomme de fept
cent foixante-dix livres monnoie , de creufer les douves de la
porte Saint-Pierre, qu'on venoit de commencer , depuis les
deux tours jufqu'à. . . . pieds de longueur dans le boulevard
dudit lieu.
On trouve dans les comptes de la Fabrique de Saint-Nicolas ,
des années 1478 & 1479, ^^^ ^^ DuchefTe Marguerite de Foix
fit des donations confidérables à cette Eglife , qui étoit dès-lors
célèbre. Plufieurs PrincefTes & Dames , avant & depuis ce temps,
ont contribué à l'enrichir & à l'orner par des bienfaits multipliés.
Jeanne de Roftrelan, Dame de la Ville-Pepin, donna, en 1466,
un calice d'or, pefant deux marcs & demi. En 1471 , la De-
NAN 145
fnolfelle du Quelenec en donna un autre de même métal , pe-
fant deux marcs & demi & deux gros. Les Reines Anne & Claude
lui firent auffi des dons magnifiques.
Le 1 2 Novembre 1 480 , le Duc commanda à douze Char-
treux de la Communauté de Nantes , de partir avec leur Prieur
pour aller prendre pofTefîîon de l'Eglife Collégiale du Champ,
près Aurai , qui venoit d'être érigée en Chartreufe. Ce fut alors
que le Prince fit bâtir les fortifications du château de Nantes.
Avant de commencer ces travaux , il fit mefurer le terrein qui
appartenoit aux Jacobins, qui font face au château du côté
de la ville , afin de payer ce qu'il prendroit pour la confedion
des ouvrages projettes.
Depuis long-temps on travailloit à TEglife Cathédrale de Saint-
Pierre , dont l'édifice , abandonné quelque temps après , efi: de-
meuré imparfait jufqu'à nos jours. Les deux battants de bronze ,
de la porte principale , fur laquelle font repréfentés , avec beau-
coup d'art , les Apôtres Saint Pierre 8z Saint Paul , furent pofés
& attachés en 1481. L'infcription gothique qu'on y lit l'alTure
pofitivement, La voici :
Sixt Pape quart l'Eglife gouvernoit
L'an mil cinq cent , mis hors dix ôc neuf ans ;
François, fécond de ce nom , Duc regnoit;
Pierre , Prélat unique de céans ;
Quand fûmes mis aux portes bien léans ,
Pour décorer ce portail et chief-d'œuvre ,
Comme pourront cognoiftre les palTants ,
Car richement par nous fe ferme &. euvre.
Les figures en relief qu'on voit en entrant à Saint-Pîerre , fur
un pilier de l'orgue , repréfentent Artur lïl , Duc de Bretagne ,
préfenté par Saint Michel ^ & Catherine de Luxembourg , fa troi-
fieme femme , préfentée par fa patrone.
1482. Le Légat du Pape met une impoûiicn fur le Clergé
de Bretagne ; les Evêques de Nantes , de Saint-Malo , & de
Quimper refufent de la payer. Le Légat , de l'avis du Saint-
Pere , prononce excommunication contre eux. Les Prélats appel-
lent au Pape mieux informé, au Saint-Siège, & à la Cour de
Rome. Pierre du Chaffaut vifite , le 22 Avril, l'Eglife de Saint-
Nicolas j le 23, celles de Saint-Saturnin &: de Saint-Léonard j le
144 . NAN _
24 , celles de Sainte-Croix & de Saint- Vincent ; le 25, celles
de Saint-Denis & Saint-Laurent ; & le 26 , celle de Sainte-Ra-
degonde. Les regiflres ne parlent point de Saint-Similien , Saint-
Jean , & Saint-Clément. Le Prélat ordonne , en même temps , de
lever par feu la fomme de fept livres fept fols, impofée par le
Duc dans la dernière tenue des Etats.
1482. Lettre du Duc François II, du i^^Mai, qui accorde
aux habitants de Nantes un nouveau Papegault pour être tiré
avec l'arquebufe. Le Duc déclare que le vainqueur, ou le Roi
de la fête , fera exempt de toutes tailles, aides , dons, emprunts,
& autres fubfîdes , même de l'impôt de vingt pipes de vin , du
crû de Nantes , qu'il pourra vendre en détail pendant l'année de
fa Réauté*
Ifabeau d'Ecoife , DuchefTe de Bretagne , veuve de François I,
étant au manoir épifcopal de la Motte , à Vannes , le 1 6 No-
vembre 1482, cafTe le teftament qu'elle avoit fait le 16 Septem-
bre 1480, & déclare qu'elle veut que fon corps foit inhumé dans
i'Eglife des Cordeliers de Nantes , au deffus du chœur , devant
le grand autel. En conféquence , elle lègue deux cents écus d'or
pour achever la Chapelle qu'elle avoit fait commencer dans cette
Eglife , & affigne une rente de cinquante livres monnoie , pour
la fondation d'une MefTe à note , qui doit être célébrée par les
Religieux de cette Maifon. Le 1 4 Août de l'année fuivante , le Duc
donne deux mille fix cents livres à la Collégiale, pour la fonda-
tion d'une MefTe. Cette fomme devoit être employée à la conftruc-
îion d'un moulin, & à l'acquêt d'un fonds de terre quelconque.
Jean Berhaut , Scholaftique & Chanoine de la Cathédrale de
Nantes , fonde , dans cette Eglife , la fête double de la Vifita-
îion de la Sainte Vierge , avec folemnité. Il y fait aufli bâtir
une Chapelle , fous l'invocation de Notre-Dame de Miféricorde ,
de Saint-André , & de Saint-Martin de Tours , dans laquelle il
fonde deux Chapellenies avec deux Meflés par femaine. Cet
Eccléfîallique étoit fçavant, il fut un des premiers ProfefTeurs
en rUniverfité de Nantes; il mourut le 17 Août 1484, & fut
enterré dans la Cathédrale. On y lit fon épitaphe , qui nous ap-
prend qu'il étoit premier Médecin du Duc.
Les deux tours de la Poiffonnerie , nommées de Saint-Jacques
& de la Prévôté , & la porte de la ville qui étoit au milieu , furent
bâties, en 1485 , par un accord fait entre la Ville & la Dame
Chauvin. Elles furent démolies, en 1758, pour la confbuftion
du pont dont on parlera ci-après..
Le
N A N 145
Le 19 Avril 1485 , le Duc François II donna en mandement
à François Chrétien , Chancelier de Bretagne , de faire jurer , fur
le Corps de Notre-Seigneur & les faintes Reliques , tous les Ec-
cléfiaftiques , Gentilshommes , Bourgeois , & Habitants de la ville
de Nantes, qu'au cas qu'il mourût fans enfants mâles, ils re-
connoîtroient Anne de Bretagne pour leur Souveraine , & lui
garderoient , ainfi qu'à fa poltérité , félon l'ordre de fucceffion ,
toute fidélité , obéilfance , foumiffion , &c.
François II étoit un Prince doux & bienfaifant. Il eût été le
meilleur des Souverains , fi fon penchant excefîif pour les femmes
ne l'eût fouvent éloigné de fon devoir , & s'il n'avoir eu pour
Favori un fcélérat infâme , nommé Pierre Landais , dont nous
allons faire connoître en peu de mots , la naifTance , la fortune ,
l'infolence , & le fuppHce.
Landais étoit originaire de Vitré , fils d'un Tailleur , & Tail-
leur lui-même. Cet homme qui avoir de l'ambition & des ta-
lents , fe voyoit , avec chagrin , dans la bafTefle. Il chercha les
moyens de s'élever , & la fortune lui fut favorable. Il trouva le
fecret de fe placer , en qualité de garçon , chez le Tailleur du
Duc , & s'introduifit de cette façon à la Cour de Bretagne. Le
Prince , charmé de la tournure de fon efprit , le prit à fon fervice
en 1468. C'étoit tout ce qu'il defiroit pour l'accompliffement de fes
deffeins. La facilité qu'il avpit de parler au Prince , lui procura les
moyens de le gagner. Il mit tout en ufage pour réuffir , fouplefïes,
flatteries , menfonges , calomnies , trahifons : tous les crimes utiles
furent employés par ce fcélérat. Ce qui contribua davantage à
fon élévation , fut le penchant de fon maître pour le plaifir. Il
apperçut ce foible , & en fçut tirer parti. Il flatta le penchant
du Prince , l'enhardit , & devint fon confident. Dès-lors il prévit
la brillante (Jeftinée qui l'attendoit , & fe hâta de la remphr. Il
pafla rapidement par toutes les charges , & fe fit enfin nommer
Tréforier. C'étoit la charge la plus importante de l'Etat. Admis
au Confeil , il forme le projet hardi , mais flatteur , d'y dominer
en maître. Il fit éloigner tous ceux qui lui faifoient ombrage ;
un feul reftoit , & il n'étoit pas facile de le chafler : c etoit
Guillaume Chauvin , Chancelier de Bretagne , homm.e fage ,
vertueux , & d'une probité incorruptible , chéri ^.qsl Bretons , &:
zélé pour fon Prince j mais odieux à Landais dont il éclairoit
les démarches. L'auftere vertu de ce grand homme fut la caufe
de fa perte.
Landais, qui ne pouvoit le faire condamner dans les formes
Tome Ilh T
I4S ^ NAN
ordinaires, parce qu'on n'avoit rien à lui reprocher , fit d'abord
femer de faux bruits contre lui ; mais , comme le Chancelier
étoit chéri & eftimé de tout le monde , ce moyen ne réufîlt
point. Landais s'y prit d'une autre manière : il affura au Duc
que Chauvin étoit un traître , qui , fous l'apparence du bien
public , tramoit les plus noirs complots. Il ajouta même qu'il
fçavoit de bonne part que ce Magiftrat avoit révélé tous les
fecrets de l'Etat au Roi Louis XI , & qu'il ne manqueroit pas
d'en faire part à Madame de Beaujeu , Régente du Royaume
de France , fi l'on n'y apportoit un prompt remède.
François II , qui croyoit fon Favori attaché à fes intérêts , &
qui craignoit la PrinceïTe , prêta l'oreille à la calomnie , & donna
ordre d'arrêter & d'emprifonner fon Chancelier. Ce Magiflrat
refpeftable fut traîné de prifon en prifon , & enfin renfermé
dans le château de l'Hermine , près Vannes , où il mourut con-
fumé par la faim, la foif, le défefpoir, & la vermine. Ainfi pé-
rit , par les intrigues d'un lâche fcélérat , celui qui avoit con-
facré fa vie au bonheur de fes concitoyens. Il n'eil pas le feul des
bienfaiteurs des hommes , qui ait fuccombé fous les coups de
la méchanceté & de l'envie.
Landais n'eut pas plutôt appris fa mort , qu'il fit donner ordre
d'expofer fon corps , afin de faire voir au peuple , qui murmu-
roit hautement , qu'on n'avoit exercé fur le défunt aucune vio-
lence. Il raifonnoit mal : ce cadavre décharné , livide , & rongé
par la vermine , fut un ligne évident de la manière barbare
dont on avoit traité le Chancelier. L'indignation fut extrême,
& la Bretagne entière maudit la cruauté de Landais.
Les Grands n'étoient pas moins animés contre lui c[ue le
peuple. Outre la mort de Chauvin qu'ils lui reprochoient , ils
àvoient prefque tous des raifons particulières de le haïr. Les prin-
cipaux étoient : Jean de Châlons , Prince d'Orange , & le Maréchal
de Rieux , qu'il avoit chalTés du Confeil. Ces Seigneurs , voyant
le peuple irrité contre le Tréforier^ réfolurent de profiter de
l'occafion pour fe venger. Ils firent entrer plufieurs perfonnes dif-
tinguées dans leurs vues , formèrent fecrétement deux corps de
troupes , Se s'avancèrent vers les deux endroits où ils foupçon-
noient que ce Favori pouvoir être alors. Le Maréchal de Riôux,
qui vint au château de Nantes, y entra par furprife : il an-
nonça , fans détour , que fon intention étoit de fe faifir de Lan-
dais, & de l'immoler à fon relTentiment. Il fit vifiter les endroits
les plus cachés du château , fans en excepter la chambre du
N A N 147
Duc. Un Domeftique de ce Prince , efFrayé à la vue des gens
armés qui couroient çà & là , fe mit à crier , par la fenêtre ,
qu'on en vouloit à la vie de fon maître. Ce bruit, répandu dans
la ville , rafîembla le peuple , qui fit conduire du canon devant
le château , & fomma ceux qui s'en étoient emparés de le
rendre fur le champ , avec menaces de les exterminer s'ils ré-
fîiloient.
Le Maréchal, qui ne s'étoit pas préparé à foutenir le fiege
d'une place o\x il n'étoit pas affuré d'entrer , n'eut d'autre parti
à prendre , pour fe tirer du mauvais pas où il étoit engagé ,
que d'aller fe jetter aux pieds du Duc , qu'il venoit d'offenfer
d'une manière fî éclatante. Cependant il fçut le fléchir , & ob-
tint fon pardon. Le Duc fe montra alors à la fenêtre, & aflura
fon peuple qu'on ne lui avoir fait aucun mal : il ordonna même
aux notables des habitants de faire cefTer le tumulte.
L'entreprife du Maréchal de Rieux étoit certainement témé-
raire , criminelle , & digne de punition. Landais , qui avoit fçu
éviter la tempête , ne fe vit pas plutôt en fureté au château
qu'il rappella au Duc ce qui s'étoit pafTé : il fixa les yeux de
ce Prince fur un crime déjà pardonné j il en exagéra l'énormité,
en repréfenta les auteurs comme des rebelles qui ne reconoif-
foient plus l'autorité de leur Souverain , qui ofoient publiquement
braver fa puifîance , venir l'infulter jufques dans fon Palais , &
attenter à la vie de fes plus fidèles ferviteurs j il lui fit entendre
qu'ils ne cherchoient à le priver de l'appui de ceux de fes
fujets qui lui étoient les plus dévoués , que pour exercer plus
librement leur tyrannie fur lui-même ; & que , s'il ne puniiToit
févérement cette première faute , les rebelles , enhardis par fa
clémence , viendroient bientôt lui impofer les loix les plus dures»
Ce difcours eut fon effet : le Duc jura de punir les coupables ,
& ordonna de faire le fiege d'Ancenis , place qui appartenoit
au Maréchal de Rieux , & qui fer voit alors d'afyle aux ré-
voltés. Il commanda auffi de démoUr leurs châteaux , & de
couper & abattre leurs bois & forêts à hauteur de ceinture.
Les mécontents , réfolus de tout bazarder pour fecourir An-
cenis , s'en approchèrent , mais ils n'eurent pas befoin de faire
de grands efforts. L'armée de la Cour , en apperccvant celle
de§ ennemis, ne put s'empêcher de maudire fa cruelle deftinée
qui l'obligeoit à égorger fes compatriotes , fes amis , fes parents*.
Ces fentiments frappèrent fi vivement les Bretons du parti de
l'armée ducale , que ,. \ cnant à réfléchir qu'ils aiioient répandre
148 N A N
le plus pur fang de l'Etat pour la défenfe d'un fcélérat in-
fâme , ils réfolurent de s'unir aux révoltés pour le punir &
le perdre.
Dans l'inilant le projet efl exécuté, les Officiers & les Sol-
dats des deux armées volent avec transport dans les bras les uns
des autres , Se jurent de ne fe féparer qu'après le fupplice de
Landais. Ils tournent auffi-tôt leurs pas vers Nantes , & arrivent,
enfeignes déployées , devant le château. Le peuple , qui accourt
pour le défendre, ne peut rien contre une armée fi nombreufe,
& eft forcé de fe retirer. On ne tarde pas même à le gagner ,
en lui faifant entendre qu'on n'en vouloit qu'à Landais , l'ennemi
commun des Grands & du peuple , & le bourreau cruel de Chau-
vin. Le Tréforier avoir cru d'abord intimider les rebelles en
donnant , au nom du Duc , des lettres-patentes , qui déciaroient
ennemis de l'Etat tous ceux qui s'étoient joints aux révoltés.
Il envoya ces lettres au Chancelier Chrétien , qui refufa de les
fceller , quoiqu'il fût redevable de fon élévation à Landais.
Enfin , les portes du château furent forcées ; les foldats Sc
le peuple entrèrent en foule , & remplirent la cour & les ave-
nues. Landais commença enfin à craindre pour lui , & s'enferma
dans une armoire dont le Duc prit la clef. François , qui voyoit
la fédition s'augmenter , envoya le Comte de Foix , fon beau-
frere , pour tâcher de calmer les efprits ; mais il ne put y réufîîr.
Ce Seigneur , qui étoit embarraffé de fon embonpoint , penfa être
étouffé par la foule , malgré tout le refpe6i: qu'on lui porta , Se
ne regagna qu'avec peine la chambre du Duc , auquel il dit en
entrant : Monjeigneur , je vous jure Dieu , que faimerois mieux être.
Prince d'un million de fangliers que de vos Bretons. Il faut de
toute nécejjité livrer votre Tréforier , autrement nous fommes tous en
danger.
Le Duc efpéroit toujours fauver fon Favori , parce qu'il fça-
voit l'attachement que les Nantais avoient pour fa perfonne ,
mais le peuple de cette ville étoit déjà gagné , & quand il au-
roit voulu s'oppofer aux mécontents , il ne lui étoit pas polîible
d'en venir à bout. François fit une nouvelle tentative : il en-
voya au peuple le Chancelier Chrétien , homme habile & hon-
nête j mais , comme il étoit redevable de fa charge au Tréforier ,
& fucceffeur de Chauvin , fa préfence ne fit qu'aigrir les ef-
prits , on ne daigna pas même l'écouter , & on le renvoya ,
en difant qu'avant tout il falloit faire le procès à Landais. Ce
Magiftrat n'étoit pas fâché du tour que prenoient les affaires.
NAN _ _ 149
il étoit lui-même mécontent du Tréforier , Se il venoit de donner
contre lui un décret de prife de corps , fur des informations
faites à la hâte. Il retourna donc , & dit au Prince qu'il n'y
avoit plus rien à efpérer , & qu'il étoit obligé d'arrêter Landais.
Quel crime a-t-il commis , dit le Duc ? Je n'en fçais rien , Mon'
feigneur , lui répondit-il : je fçais feulement quon Uaccufe , <& quô
le feul moyen de calmer le peuple efl d'inftruire fon procès ,• au
refie _, Monfeigneur , il ne lui fera fait aucune injuflice. Me le pro»
mettei-vous ^ dit le Duc : le Chancelier le promit fur fa foi.
Sur cette affurance , François II ouvrit l'armoire , prit Landais
par la main & le livra au Chancelier, en lui difantt Vous f ça-
ve\ ce que vous lui deve\ , ainfl foye^-lui ami en juflice. Le Tré-
forier fut conduit fur l'heure à la tour de Saint-Nicolas , au mi-
lieu des Archers de la garde , rangés en haie , de peur que le
peuple ne le maltraitât. C'étoit le 25 Juin 1485. Dans l'inftant
la fédition ceffa. Les Seigneurs confédérés allèrent faluer le
Duc , qui fit femblant de goûter leurs raifons , & leur pardonna.
Les Commiffaires nommés pour inilruire fon procès, en pré-
fence du Prince d'Orange , du Maréchal de Rieux , & du
Comte de Cominges , furent le Chancelier , le Sénéchal de
Rennes , nommé Villéon ; du Perrier , de Sourdéac , le Bouteiller,
de Maupertuis , & les Chambellans du Duc. Il n'y eut rien de
précipité dans cette affaire : on donna au coupable le temps de
fe défendre , mais ^qs crimes étoient évidents. Il fut convaincu
de la mort du Chancelier Chauvin , de malverfations criantes
dans l'exercice de fa charge , d'exaftions énormes , de vols , &c.
Il méritoit , fans doute , la mort , & tous les Juges furent du
même avis. Il fut , en conféquence , condamné à être pendu &
étranglé , le 1 9 Juillet fuivant.
On ne voulut point informer le Duc de ce qui fe palToit , dans
la crainte qu'il ne lui donnât fa grâce. On avoit même eu foin
de faire garder les avenues du château & de la chambre du Duc ,
par des gens affidés , afin qu'il ne pût en apprendre des nouvelles.
Tandis qu'on conduifoit le Favori au fuppUce , le Comte de Comin-
ges entra dans la chambre de François, qui lui dit : Compère , fai
appris qu'on befoigne au procès de mon Tréforier ^ en fçave:^ - vous
nen F Oui , Monfeigneur , répondit le Comte : on fait fon procès y
& Fon y a trouvé de merveilleux cas y mais , quand tout fera vu
& entendu y Von vous viendra rapporter U opinion du Confeil , pour
en ordonner ainfi qu'il vous plaira, Ainfî , le veux-je , répliqua
vivement le Duc j car ^ quelque cas qu'il ait commis , je lui donne
150 NAN
fa grâce ^ & Jî ne veux point qu'il meure. Le Comte entretint
enluite le Prince de chofes agréables , & Famufa jufqu a ce
(jue Landais ne fût plus en état de profiter de la bonne vo-
lonté de fon maître.
L'exécution fe fit hors de la ville , félon la coutume , à un
gibet placé exprès en la prairie de BiefTe , aujourd'hui la prairie
au Duc , à la vue d'un peuple immenfe accouru de toutes parts
pour voir ce fpeftacle , qui n'infpira de compaffion à perfonne,
tant ce Favori étoit détefté.
Quand le Duc fut inftruit de cette fin tragique , il en parut
très-chagrin, & fe plaignit beaucoup du Comte de Cominges,
qui l'avoit amufé pour l'empêcher d'envoyer la grâce au cou-
pable, il ordonna de détacher fon corps du gibet , & le fit en-
terrer à Notre-Dame. Landais ne laifla qu'une fille , qui , par une
grâce particuUere du Duc, hérita de fes biens immenfes : elle
époufa Artur l'Epervier de la Bouvardiere, Jean de Vitré , qui
avoir été chargé de la garde du Chancelier Chauvin , au châ-
teau de l'Hermine , avoir été pendu quelques Jours auparavant.
Le Duc avoit accordé à Pierre Landais le droit de vendre
vin fur les ponts , en Vertais , dont il étoit Seigneur , avec exemp-
tion du droit de billot & d'appétifTement. Ce privilège fut ré-
voqué, fous prétexte qu'il n'avoit été accordé qu'aux importu-
nités de Landais,
Le 2 2 Septembre 1485 , le Duc étant à Nantes, créa un Par-
lement ordinaire & fédentaire en Bretagne. Ce Parlement , com-
pofé des Sénéchaux de Rennes & de Nantes , de cinq Confeil-
1ers eccléfiaftiques & de fept laïques , commençoit fes féances
le 1 5 Juillet & les finiifoit le 1 5 Septembre.
Dans les divertiflements du carnaval , le Duc fit faire des joutes
fur la place du Bouffay , à Nantes. Le Maréchal de Rieux rem-
porta le prix , qui étoit un diamant eftimé quatre-vingt-deux livres
dix fols , monnoie du temps. Au mois d'Avril , le Duc d'Orléans
vint à Nantes. En confidération de ce Prince, toutes les prifons
furent ouvertes , & les prifonniers élargis.
Marguerite de Foix, époufe du Duc François II, mourut au
château de Nantes, le 16 Mai i486, & fut inhumée dans l'Eglife
Cathédrale, d'où elle fut tranfportée , en 1506, dans l'Eglife
des Pères Carmes. La même année , quatre mille lances fran-
çaifes , fous le commandement du Comte de l'Hôpital , parurent
devant Nantes, & en formèrent le blocus. La ville étoit prife
il elle eût été attaquée fur le champ , mais j comme on ne com-
N A N _ 151
ftiença le fiege que quelque temps après, les Nantais fe prépa-
rèrent à la défenfe , & l'ennemi fut repoufle. Le Comte de l'Hô-
pital , furieux de n'avoir pu réufTir dans fon entreprife , leva le
jfiege , & alla fe venger fur la ville de Dol de l'échec qu'il venoit
de recevoir devant Nantes.
Le 5 Oftobre i486, le Duc accorda à la ville de Nantes
dix fols d'entrée par pipe de vin étranger , Se cinq fols par pipe
de vin de Nantes. Le produit de cette impofition devoit être
employé aux réparations des fortifications endommagées dans le
dernier fiege , qui avoir duré près de deux mois. Le deffein du
Duc étoit aufîi de fermer de murs les fauxbourgs du Marchix
& de la Fofle ; mais ce projet ne fut pas exécuté. Jean de
Châlons , Prince d'Orange , fut alors nommé Gouverneur de
Nantes.
Pierre du Chaffaut , Evêque de Nantes , qui étoit parti pour
Rome en 1483, après avoir terminé tousJes différents furvenus
entre le Duc & fes prédécefîeurs , revint à Nantes, l'an 1486.
Il accorda, le 22 Septembre de la même année , quarante jours
d'indulgences par an , à tous ceux qui travailleroient à la ré-
paration & à l'entretien de la chaullée de Saint - Philbert de
Grand-Lieu ; ouvrage intéreffant pour le bien public. Cette chauf-
fée eft à l'entrée de Saint - Philbert , du côté de Nantes. Nous
avons , fous le nom de Pierre du Chaffaut , un Miffel , fans date
ni nom d'Imprimeur, dans lequel la rubrique du Vendredi-Saint
prefcrit au Prêtre officiant de fe communier avec tout le peuple,
communicet fe & omnes. Il prefcrit la bénédiftion du raifin au
jour de Saint Sixte , 6 Août , après la fecrete de la Meffe. On
trouve , dans un Bréviaire du même Prélat , imprimé à Vannes ,
i'ufage des chiffres arabes , & des Statuts fynodaux , qui ne cèdent
en rien à ceux de fes prédéceffeurs. Ce Prélat avoit un mérite
réel : il mourut, en odeur de fainteté, le 12 Novembre 1487.
On fit imprimer des Heures , à Nantes , en fon honneur , l'an
1 517. On remarque que, fous fon Epifcopat, les nouveaux Curés
qui fe préfentoient à lui pour avoir leur vifa , juroient que leur
éle6lion étoit légitime , & que l'Evêque leur donnoit l'inveftiture
en leur mettant fon anneau au doigt. Cette pratique s'obfervoit
auffi à l'égard des fimples Chapelains.
Guillaume III du nom, dit Gueguen , fut élu , par le Chapitre,
à la fin de Novembre 1 487 , & préfenté au Pape par le Duc
François, & enfuite par la Ducheffe Anne; mais il ne put ob-
tenir {qs Bulles , & ne prit que la qualité d'Elu de Nantes. La
ijx _ N A N
guerre que l'on faifoit à la France fit ceffer les études de l'Univer-
nté j la robe rouge du Refteur fut mife en dépôt chez les Pères
Carmes. Cette cefTation d'études , jointe à Tincertitude où l'on
fut pendant plus d'un an de parvenir à une paix folide , dé-
rangea confidérablement ce Corps , parce que les ProfelTeurs
& les Ecoliers fe retirèrent ailleurs.
Le canon de Tarquebufe ou fufil, qui eft aujourd'hui de fer
percé au foret , étoit alors de cuivre ou d'un autre métal , &
s'appelloit bâton. La ville acheta, en 1487, cinq mille cinq cents
foixante-fix livres de métal pour faire des fufils de cette der-
nière efpece. Comme on foupçonnoit que la ville feroit bientôt
affiégée , les Paroifliens de Saint-Nicolas firent defcendre les vitres
de leur Eglife , &: enfouirent leurs Reliques & leur argenterie.
Il eft à croire que les autres Paroifîes , les Monafteres , & les
particuliers prirent aufli les fûretés convenables.
Gilles de Bourbon , Comte de Montpenfier , Lieutenant du
Roi Charles VIII, parut devant Nantes, le 20 Juin 1487. Les
Français prirent leurs quartiers à Saint-André , à Saint-Clément ,
à Richebourg , & fur les ponts. Ils n'en avoient aucun du côté
de la Foffe j ce qui laifîbit aux afliégés les moyens de fe pro-
curer facilement des vivres. Le Duc quitta le château dès le
commencement du fiege , & fe retira dans la ville. Il dut fe fça-
voir bon gré de cette précaution 5 car , à la féconde décharge
de l'artillerie des afïiégeants , un boulet de canon donna dans la
fenêtre de fa chambre.
Malgré toutes les précautions que le Duc avoit prifes , il
craignoit beaucoup l'ilTue du fiege. On peut juger de fa crainte par
ie vœu fingulier qu'il fit. Il promit de préfenter à Notre-Dame de
l'Annonciade de Florence , la figure de Nantes , en cire. Le cou-
rage de fes fujets, & le fecours de cinq à fix mille hommes
que lui amena le Comte de Dunois, le tirèrent d'inquiétude,
& forcèrent les Français à lever le fiege après fix femaines d'une
attaque vigoureufe. Le Duc fit auffi-tôt réparer les fortifications.
Au mois de Novembre 1487, on frappa, à Nantes, une mon-
noie qu'on ^^^eWà gros d' Orléans ^ avec quelques autres de plus baffe
loi. Les habitants de Nantes avoient fait de grandes dépenfes pour
la défenfe de leur ville, pendant le fiege dont on vient de parler.
Pour les récompenfer , le Duc leur accorda le feigneuriage de la
monnoie , qui valoir , par an , environ cinq cents marcs d'argent,
La Communauté de Nantes a joui long-temps de ce profit & du
privilège de nommer les Monnoyeurs , & d'en.prendre le ferment.
Cette
N AN 153
Cette guerre diminua confidérablement les efpecesj &: le Duc,
en conféquence , fut obligé de hauffcr le prix des monnoies d'or
qui couroient en Bretagne. Les différents noms de ces monnoies,
étoient : l'écu d'or à la couronne , L'écu de Dauphinéy Vécu de Bre-
tagne y Vécu de Guyenne , Vécu de Foix , Vécu au fole'd , les
réaux , les faluts , les ducats , les riddes , les nobles , les lions ,
les mailles d'Utrecht , les florins d' Allemagne , les florins du'
eaux, & les florins au chat. Le marc d'argent étoit alors à onze
livres.
M. Varillais alTure qu'en 1488, le Duc François II fortit de
Nantes , parce que cette ville étoit alors ravagée par la pefle.
Ce Prince fe retira à fon château de Coueron, fitué fur la rive
droite de la Loire , à trois lieues au deffous de Nantes. Il y fit
fon teftament , rapporté le 8 Septembre de la même année , &
non le 11, comme le prétend Dom Lobineau : il fe trouve
dans les archives du château de Nantes. Le Maréchal de Rieux
y ell nommé curateur des deux Princeffes , filles du Duc , &
Adminiftrateur-Régent de la Bretagne , fans autres Hmites de poa-
voirs que l'obHgation de prendre l'avis du Seigneur de Condom ,
qui étoit défigné pour fuccefTeur du Maréchal , au cas que celui-
ci vînt à mourir le premier. Les Moines ne font pas oubUés
dans le teftament : il légua aux Carmes de Nantes cinq cents
foixante livres de rente ; cent Hvres aux Religieufes de Sainte-
Claire y la même fomme aux Cordeliers d'Ancenis ; autant à ceux
de Cliflbn & de Savenai. Ces legs furent exaftement acquittés
après la mort du teftateur , arrivée , félon les uns le 8 , 6c
félon les autres le 9 Septembre 1488. Son corps fut apporté de
Coueron à Nantes , & inhumé dans l'Eglife des Pères Carmes,
auprès de Marguerite de Bretagne , fa première femme. Le deuil
s'appelloit alors béguin , parce que ceux qui le portoient avoient
un béguin ; les hommes fous le chaperon , & les femmes fous la
coëffe. Les Gens de la Chambre des Comptes , en qualité d'Of-
ficiers de la maifon du Duc , eurent leur béguin , ou robe de
deuil , comme les autres Officiers de la Ducheffe Anne , fille
aînée & héritière de François II. L'Evêché de Nantes étoit va-
cant en 1488. On y affembla , cette année , un fynode , après lequel
Robert V du nom , dit d'Epinai , fut transféré , par le Pape ,
de l'Evêché de Lavaur , ville du haut Languedoc , à celui de
Nantes. La Ducheffe fit défenfe à fes Officiers de Juftice de le
recevoir avant d'avoir reçu de nouveaux ordres de fa 'part. Cette
Princeffe ordonna aux Monnoyeurs de Nantes de fiiire des moa*
Tome UL Y '
,54 NAN
noies blanches , à fix deniers de loi , & au cours de douze de-
niers monnoie , & inftitua le Maréchal de Rieux, fon tuteur,
Gouverneur de cette ville.
L'Hôpital de Saint-Clément , qui avoit beaucoup fouffert pen-
dant le dernier fiege , ne put iuffire au foulagement des malades
dont il fut rempli dans le cours des années 1488 , 1489 , & 1490. Il
eut recours à la Communauté de ville, qui lui fit donner les fecours
dont il avoit befoin.
L'an 1488, les (Euvres de Jean Mechinot , Nantais d'origine,
intitulées Us Lunettes des Princes ,- furent imprimées , à Nantes &
au Mans, en carafteres gothiques, par Pierre l'Archer. On en
fit trois éditions , à Paris , en peu de temps. Ce Mechinot fut fur-
nommé le Banni de Liejje , & fut fucceflivement Maître-d'hôtel
des Ducs de Bretagne Jean V, François I , Pierre II, Artur III,
& François IL Les Rois Charles VÏII & Louis XII le conti-
nuèrent dans fon emploi : il mourut le 1 2 Septembre 1 5 04 ,
après avoir pafTé plus de foixante ans à exercer la charge de
iMaître- d'hôtel , & à compofer des vers qu'on ne lit plus.
1489. Jean de Robien ell fait Gouverneur de Nantes, le 14
Avril , par la DuchefTe Anne , qui y fait fon entrée fur la fin de
l'année. Cette ville efi: furprife, en 1490, par Alain d'Albret,
qui la foumet à Charles VIII, qui lui en donne le Gouvernement.
(Je Seigneur tire du tréfor de la Duchefîe plufieurs baguesM'or
& d'argent -, deux flacons de vermeil , pefant enlemble deux cents
fept marcs quatre onces fept gros ; deux flacons de vermeil ,
pefant enfemble deux cents trente -trois marcs j & un facraire
pour mettre le Corps de Notre-Seigneur , pefant cinquante marcs -,
& envoie le tout à la monnoie , qui en fait , par fon ordre , des
gros de deux fols fix deniers , & autres efpeces. Le marc d'argent
étoit à treize livres. L'année fuivante , le Roi Charles VIII vient
à Nantes, accompagné de fes courtifans & d'un corps de troupes,
& fait fon entrée par la porte de la Poifionnerie , le 26 Mars
1491. Le Clergé féculier & régulier marche procefTionnellement ,
avec rUnivernté, au devant de Sa Majefi:é , jufqu'au pont de
la Belle-Croix, où Yves Bufnel , Refteur de ce Corps , en robe,
lui fait fon compliment j après quoi, précédé des deux bedeaux,
avec leurs maffues d'argent , il prend les rênes de la bride de fon
cheval , le conduit à la Cathédrale , & de là au château. Les
rues par oii le Monarque palTa , étoient tendues des plus
riches tapilTeries qu'on eut alors. Il féjourna à Nantes depuis le
16 Mars jufqu'au 14 Avril fuivant j il partit enfuite pour ClifTon ,
NAN 1^5
Se laifTa cent hommes de pied , à morte paie , pour la garde du
château de Nantes.
Pendant fon féjour en cette dernière ville , le Monarque con-
firma les privilèges des habitants , & leur en accorda de nouveaux.
Il leur permit, par lettres-patentes, d'acquérir des fiefs nobles^
& d'y tenir des métayers &l bordiers francs , exempts de toutes
tailles & fouages.
1 49 1 . Charles VÏII époufe la DuchefTe Anne , & nomme Alain
de Mont-Menard , Sire de Rochefort , au Gouvernement de
Nantes. L'année fuivante , Leurs Majeilés viennent à Nantes,
& y font frapper des carolus & des targes aux armes de Bre-
tagne. Charles y convoque les Etats de la province pour le 8
Novembre , & nomme , -pour fes Commiffaires , le Vicomte de
Rohan j Charles Guibé, Evêque de Rennes j Jean de Châlons,
Prince d'Orange, créé Gouverneur du Duché en 1488, &
continué par le Monarque ; Philippe de Montauban , ChanceHer
de Bretagne ; Guillaume Gueguen , Préfident à la Chambre des
Comptes j Jean François , Général des Finances j Thomas Roger,
Tréforier j & Jean de la Primaudaye , Contrôleur général des
Finances. C'eit la première tenue des Etats indiquée par les
Rois de France.
1492. Création des charges de Bailli d'épée & de Connétable.
Le premier commandoit la, Nobleffe, & le fécond la Milice
Bourgeoife. Le 12 Oftobre, un courier de la Cour apporte à
Nantes la nouvelle que la Reine Anne étoit accouchée d'un
fils. La Communauté de ville lui donna dix florins d'or de vingt-
quatre fols. Guerrande , Officier de la Reine , qui vint confirmer
cette nouvelle , fut gratifié de fix florins de même valeur.
1493. La Duchefle Catherine de Luxembourg mourut au mois de
Mars 5 dans un appartement de l'avant-cour des Chartreux. Cette
Dame , qui étoit veuve depuis trente -cinq ans , s'étoit retirée ,
après la mort de fon mari avec lequel elle avoit vécu qua-
torze ans. Elle voulut être inhumée , avec lui , dans le même tom^
beau. Les Chartreux regardoient cette excellente Princefl^e comme
leur mère , & lui permettoient , ainfi qu'aux Dames fes fui-
vantes , l'entrée de leur Fglife & de leur Monafl:ere j d'autant
mieux que les anciens fl:atuts de l'Ordre ne défendoientpas auffi étroi-
tement l'entrée de leurs maifons aux femmes que les flatuts
a6luels.
Cette Princefl'e fonda, pour elle & fon mari, un Lihera^ qui
doit être chanté , devant leur tombeau commun , par le Chapitre
ï5<J " ^ N A N
de la Cathédrale , lorfqu'il va en procefîlon aux Chartreux. On
conferve , dans ce Couvent , la bannière & le précieux Reli-
quaire d'Artur III. La Princeffe , qui avoit eu le dernier, de fon
mari , le donna aux Religieux : il eft en or , & travaillé avec
beaucoup d'art. Il contient au moins dix à douze marcs d'or.
On remarque encore , dans cette Communauté , une belle image
de la Sainte Vierge , fous une glace : la DuchelTe l'avoit dans
fa chambre , & récitoit fouvent deux Oraifons à l'intention de la
Mère du Sauveur , dans la penfée qu'elle gagnoit plufieurs milliers
d'années d'jndnlgences par cette pieufe pratique. Au bas de cette
image, font des vers en lettres ik en ftyle du temps. Les Char-
treux ont conferve jufqu'à nos jours le fauteuil de leur fondatrice.
Il n'eft pas fi élégant que ceux de nos jours : il eft en bois
& en gros cuir , fans fculpture , ni dorure. Ils ont aufîi les belles
& riches Heures de la Pnnceife.
Par a6le du 21 Mai 1493 , la Communauté de ville arrenta,
pour la fomme de cinq cents fols, non franchi ITable, une maifon,
allée , & place , près le Collège de Saint- Jean , & y ouvrit une
rue qui , de celle des Carmes ou de l'Echellerie, conduit à la rivière
d'Erdre & aux murs de ville.
1493. Robert d'iipinai meurt au mois de Juillet ou d'Août.
Jean d'hpinai IV du nom, fon frère, eft transféré de l'Evêché de
Mirepoix a celui de Nantes : il prend pofleffion de cet Evêché,
le 5 Juillet 1494, par fon Procureur, Guillaume Juhel , Refteur
de la Paroille de Vezin , au diocefe de Rennes. Le Pape Alexandre
VI permet à l'Archidiacre de Nantes de fiiire fes viiites par Pro-
cureur , & miême de vifiter pluiieurs EgHfes par jour.
Les regiftres de l'Evêché nous apprennent que Jean d'Epinai
fut troublé dans la poflefTion de fa dignité & de fes biens, par
Guillaume Gueguen , qui avoit été élu par le Chapitre au mois
de Décembre 1487, & préfenté au Pape par le Duc François
II, & enfuite par la DuchelTe Anne , comme il a été dit ci-de-
vant. Le jour de fon entrée à Nantes , au mois de Juillet 1494, il
promit, avec ferment, au Chapitre, de l'indemnifer de tous les frais
qu'il avoit faits pour la nomination de Guillaume Gueguen.
Les guerres qui s'étoient élevées entre la Bretagne & la France
fur la nn du règne de François II , & au commencement de celui
de la DuchelTe, fa fille, avoient détruit l'Univerfité naifTante de
la ville de Nantes. Le Roi écouta avec bonté les repréfentations
de ce Corps, & lui accorda, au mois de Novembre 1493,
quatre cents livres, fur les deniers communs de la ville, pour
NAN 157
Tentretien des Profefleurs. Le Monarque fixa aufli le nombre
des Membres de l'Univerfité à . . . . & accorda cent livres
d'appointements à chacun d'eux. La Communauté de ville , qui
deliroit le rétablifîement de ce Corps , propofa deux cents qua-
rante livres d'honoraires par an , avec un logement , à Jacques
Clatte , Dofteur & ProfefTeur en Droit à Angers. Le Dofteur
accepta l'offre, & s'engagea à commencer fes leçons à la Saint-
Jean. Quand il fut arrivé , le Clergé , qui avoir promis le loge-
ment , refula de le donner j de forte que le Bureau de ville fut
obligé de faire toutes les dépenfes. Le foin de la PoHce de
Nantes étoit alors confié à l'Univerfité, qui faifoit exercer cette
charge par fon Procureur général. Cet arrangement fubfifta juf-
qu'à l'éreftion de la Mairie , en 1564. Le Maire fut chargé de
ce pénible Se important emploi. D'abord, c'étoit le Duc & l'E-
vêque qui prenoient ce foin.
Au mois de Mai 1494, le Roi, étant à Lyon, fixa, par fes
lettres-patentes, dans la ville de Rennes , la Chancellerie de
Bretagne , qui fe tenoit ci-devant fix mois à Rennes & fix mois
à Nantes. Par d'autres lettres du 1 6 Juin , Sa Majefté défend
d'admettre à la profeffion d'Avocat , dans les Barres de Rennes
& de Nantes , tout homme qui ne fera pas Licencié , ou , pour
le moins , Bachelier.
Dans le courant de la même année , la Communauté de ville
fit bâtir l'Infirmerie des Religieufes de Sainte-Claire , &: la maifon
de la Prévôté qui étoit aux Changes. Le Roi lui avoit donné
ce logement pour y tenir fes affemblées , parce qu'il étoit plus
commode que l'arfenal , autrement la maifon des Engins , au
Bouffay. On lui avoit même permis de le faire rebâtir & de
Taccroitre par l'acquêt des maifons voifines. La charpente feule
coûta , à peu près , cinq mille hvres de notre monnoie. Le pont
dErdre , dans la rue de la CafTerie, fut en même tcm.ps refait à neuf.
Il n'y avoit point alors de maifons à droite & à gauche de ce
pont , comme aujourd'hui.
On commença , en 1 494 , à travailler au grand vit âge de l'Eglife
de Saint-Nicolas. C'eil le plus beau de toute la province , &
peut-être du Royaume. Les principaux événements de la vie
du Sauveur y font repréfentés. Le portrait de ce Dieu-Homme
y cil tiré avec tant de reffemblance , en vingt endroits , ou
même plus , qu'on n'y remarque pas la plus légère différence ,
foit dans les traits du vifage , foit dans l'enfemble & les pro-
portions du corps. Ce vitrage fut payé par le moyen dune
158 NAN
impofîtion , tni(è par les Grands- Vicaires , de cinq fols fur chaque
ménage , & de deux fols fîx deniers fur les perfonnes non
mariées.
Extrait du teftament de G. Berri , Prêtre de Saint-Nicolas,
du 16 Novembre 1494. Le teftateur donne d'abord fes ordres
pour la cérémonie de fes funérailles. Je veux , dit-il , quon prenne
quatre enfants , qui auront chacun une rohe de drap hlanchet , avec
un cierge allumé d'une main, & de F autre un pot de terre neuf y,
dans lequel il y aura hrafier de charbon & encens fur icelui , & moi
enfépuhuré ,• lefdits pots feront jettes dans ma fojfe , ainji quil efl de
bonne coutume de faire . . . /^ veux & ordonne qu'il foit célébré ^
dans UEglife de Saint-Nicolas , le nombre de trois cents Mejfes , &
qu'au jour de mon enterrement il foit offert à toutes perfonnes hon-
nêtes qui le voudront prendre , des doubles valant deux deniers tour-
nois. Item, je veux quau même jour , & pendant l'oclave, il foit
payé aux Chapelains de ladite Eglife de Saint-Nicolas , une fomme
de vingt-cinq fols monnoie tournois , pour être convertie en un ban^
qiiet CL leur plaifir ; à l'ijfue d' icelui , qu'ils rendent grâces à Dieu ,
en difant De profundis & les Oraifons pénitentes. Ce tellament
donne une idée des cérémonies funèbres du quinzième fiecle.
Les Négociants de Nantes & ceux de Bilbao en Efpagne ,
avoient fait une afîbciation d'amitié & d'intérêt. Le Roi , étant à
Nantes, au mois de Décembre 1494, confirma cette union, &
accorda aux Efpagnols le droit de tenir bourfe & maifon à
Nantes. En conféquence de ces privilèges , fut érigée la Con-
frairie de la Contraftation , l'an 1495, dans l'Eglife des Pères
Cordeliers , où elle avoir une Chapelle & un autel fous le nom
de la Sainte Vierge. Elle fubfilla jufqu'en 17. . . qu'une augmen-
tation d'honoraires pour les Services des Frères défunts , ordonnée
par M. Turpin CrifTé de Sanfai, Evêque de Nantes, l'éteignit
& la fit tomber entièrement.
Le 2 Juillet 1495, Jean d'Epinai , Evêque de Nantes , ordonne ,
de l'avis des gens de bien , par forme de ftatut & de mande-
ment , l'étabhlTement d'un Crieur public , dans la ville &: les Pa-
roiffcs du diocefe , pour avertir, fur le minuit, par le moyen
d'une clochette & à haute & intelligible voix , les Fidèles de
prier pour les défunts ; & , pour engager à cette pieufe pratique ,
le Prélat accorde quarante jours d'indulgences à ceux qui s'en
acquitteront.
L'an 149(3, pendant la guerre d'Italie, le Roi Charles VIII
demanda aux villes de Bretagne , deux caraques ou grands vaif-
N A N __ 159
féaux, pour le tranfportde fon artillerie Se de fes munitions. Les
Députés des villes de la province s'afTemblerent à Nantes , au
mois de Février , pour délibérer à ce fujet. La demande fut ac-
cordée , & , au mois de Juin , la Communauté de ville emprunta ,
au denier vingt, une fomme de trois mille fept cents cinquante
livres monnoie , pour la conilruftion de ces deux vaifTeaux , qui
étoient chacun du port de mille tonneaux. Le Duc de la Tri-
mouille étoit alors Gouverneur de Nantes. Le Roi écrivit , en
cette année , aux habitants de Nantes, au fujet de la nomination
de leurs Capitaines.
1498. Charles VIII venoit de mourir, & la Reine, DuchefTe
de Bretagne, avoit abandonné une Cour où elle n'avoit plus de
pouvoirs , pour fe rendre en fes Etats. Elle arriva à Nantes le 8
Novembre. La cérémonie de l'entrée fut très-lugubre. Le Clergé
s'avança procefTionnellement , avec les faintes Reliques , au de-
vant de la Princeffe , jufqu a la porte Sauve-tout , oii elle fut
reçue fous un dais de velours noir , précédé d'étendards de fatin
noir , violet & blanc , de croix noires , & fuivi de bannières de
même couleur. Le Doyen la complimenta en l'abordant, & le Grand-
Vicaire du diocefe lui rendit le même devoir au nom du Clergé,
de la ville , & du Chapitre , à l'entrée de la Cathédrale où
elle fut conduite. Lorfque Sa Majefté fe retira pour fe rendre
au château , le Doyen la remercia au nom du Chapitre , & la
pria d'avoir foin de fon EgUfe. La ville préfenta à cette Prin-
ceffe deux pots d'argent , deux baffins , deux flacons , & fix tafles
couvertes -, le tout pefant enfemble cent marcs trois onces
deux gros & demi, à douze livres le marc , non compris la
façon & le vermeil qui coûtoient cent cinquante - huit ducats
& demi.
On remarqua , à cette entrée, une jeune fille fuperbement
vêtue, qui , portée dans une tour fur le dos d'un éléphant,
préfenta à la Reine les clefs de la ville en trouiïeau. Deux
Sauvages conduifoient cette bête , qui étoit de bois , & mife
en mouvement par des hommes qui , fans paroître , la faifoient
marcher. Dans la fuite , on fe livra plus à la joie : la ville donna , au
carrefour du Pilori , une morifque de moralité ; on repréfenta
la feinte de fortune , au carrefour Saint- Jean ; la feinte du myf-
tere des vérités , au carrefour Saint- Vincent ; une paflorale , dans
un bocage artificiel drefTé exprès j & le . my ftere du jugement
de Paris , ou de la fable des trois Déefîes , Junon , Pallas , ôc
Vénus.
i6o N A N
La Reine Anne donna , à fon arrivée , l'Hôpital qui étoît
auprès du château , aux Religieux Dominicains , pour agrandir
leur Couvent. C eft dans leur Eglife que fut enterrée Françoife
de Dinan , Dame de Laval , morte cette année. Artur l'Epervier,
Seigneur de la Bouvardiere , fut nommé Gouverneur de Nantes
le i^"". Novembre 1498.
1499. Louis XII, coufîn & fucceffeur de Charles VIII, fait
déclarer nul fon mariage avec Jeanne de France , fille de
Louis XI ; vient à Nantes , & y fait fon entrée , le 7 Janvier ,
fous un dais de velours bleu , à quatre écufîbns en broderie ,
deux aux armes du Roi, Se deux aux armes de la DuchelTe Reine.
Les articles du mariage de cette Princeffe avec Louis font
dreffés le même jour au château , & on convient de reftituer
le temporel de l'Evêché de Nantes , faiii depuis la mort de
Pierre du Chaffaut , en 1488. Le lendemain 8 du mois, Yves
du Quirifec , Grand- Vicaire de FEvêque abfent , accorde une
difpenfe de trois bancs , & le mariage efl: célébré , dans la Cha-
pelle du château , par le Cardinal de Rouen. Leurs Majeflés
partent peu après de Nantes.
On arrivoit alors au Port-Maillard par un pont de bois , qui
étoit fur un foffé à l'entrée du port. Le pont fut démoli , le
foffé comblé & pavé, au mois de Mai 1499. Par ordre de la
Reine , on fit bâtir , pour la décoration du château , plufieurs
maifons du côté de la ville , & deux autres à l'entrée de Ri-
chebourg. Pour élargir l'entrée de ce fauxbourg , le Bureau de
ville acheta quelques maifons qui étoient du côté de la Motte
Saint-Pierre , & les fit démolir. On ignore quand les prairies qui
étoient entre Richebourg & Saint-Clément , furent occupées par
des maifons j tout ce qu'on fçait , c'efl qu'en 1425 elles s'étenr
doient encore au delà des Urfulines.
Un ancien règlement pour la Collégiale nous apprend que le
Chefecier & les Chanoines étoient tenus d'aflifiier à l'Office les
jours de diflribution , fous peine de perdre ce qui leur revenoit.
Ils recevoient deux deniers pour leur droit d'affiltance à Matines,
& deux deniers pour leur droit d'affiftance à Vêpres : dans les
fêtes folemnelles, la diftribution étoit double.
1499. La Communauté de ville fait bâtir un nouvel Hôpital
dans la rue nommée du Vieil-Hôpital , fur la rivière, d'Erdre , à
l'endroit 011 cette rivière fe jette dans celle de Loire , & l'on
y conftrutt , en même temps , un nouveau pont de bois, C'eft aufli
fur la fin de cette année que la ParoifTe de Saint-Nicolas détruit fon
autel ,
N A N , . i^i
autel, & en commence un nouveau fur le modèle de l'ancien : il fut
achevé en 1501. Le facraire , que nous appelions aujourd'hui
tabernacle^ étoit derrière l'autel, avec un degré de pierre pour
y monter. On Ht dans un extrait des regiftres de cette Paroiffe ,
que , dans ce temps , l'Evêque ou fon Grand-Vicaire ordonnoit ,
avec le confentement des Paroiffiens , des tailles ou importions
par tête , pour Je befoin d'une Eglife ; affermoit les biens
d'une Cure vacante ou en litige j fe tranfportoit fur les lieux
pour faire les fermes ; donnoit des lettres de Cure ; & que
le Grand -Vicaire mettoit l'niterdit fur l'Eghfe pour laquelle
il y avoir pr.ocès , le levoit de fon autorité , & en tiroit des
droits,
1500. La Chambre des Comptes eft transférée de Vannes à
Nantes , par le Roi , qui lui donne l'hôtel de la Suze. La Com-
pagnie vivoit alors en communauté , aux dépens du Roi. A la
même époque , la ville fait abattre la galerie qui étoit attachée
à la muraille du Bouffay. On fait auffi démolir plufieurs maifons
pour continuer la conflruftion du boulevard & de la porte de
Saint-Nicolas , à la muraille de laquelle on attache une galerie
femblable à celle qu'on venoit de détruire au Bouffay, tSi qui
fubfiltoit encore en 1750. La ville eft ravagée par la pefte.
On implore la proteftion du Ciel , & on fait une procefiion
générale à Saint-Sébaftien : on nous a confervé le détail de
cette proceffion. Deux trompettes précédoient le Clergé & le
peuple , & fonnoient la marche \ venoient enfuite des Prêtres qui
portoient une bougie de deux cents brafTes. Ce cierge immenfe
faifoit le tour de la ville , & pefoit vingt Hvres un quart. Rendu
à Pirmil , on le tranfporta , par eau , jufqu'à Saint-Sébaflien.
Quelque temps après , on fait encore une nouvelle proceffion géné-
rale avec le Saint-Sacrement ; on fe rend d'abord à la Chapelle de
Saint-Marc , au Collège , & de là à l'Hôpital de Saint-Clément.
La contagion continue fes ravages , & emporte , en peu de
temps , plus de quatre mille perfonnes. Les plus riches habi-
tants abandonnent la ville , qui devient prefque défer'te. Les
Grands- Vicaires & beaucoup d'autres Prêtres s'étoient réfugiés au
Loroux-Bottereau. Ce fait efl prouvé par les comptes de la Fa-
brique de Saint-Nicolas y qui afTurent que deux Prêtres de la
Paroiffe , qui venoient d'être nommés Curés , furent obligés
d'aller y prendre leurs lettres de Cure du Grand - Vicaire.
Il étoit d'ufage d'expédier ces lettres au Synode , mais les
circonffances ne permettoient pas d'en affembler alors. Jean
Tome IIL X
iGz NAN
d'Epinai {a) avoit été transféré à l'Evêché de Saint-Pol-de-Léon ,
au commencement de Tannée. La Reine Anne engage le Roi à
demander des Bulles pour Guillaume Gueguen , qui avoit été
élu par le Chapitre dès l'an 1487. Ce Prélat les reçoit le 12
Avril, & prend pofTeffion de fon Siège. Il fait imprimer, en
1501 , un Miffel , en très-beaux caractères gothiques. En 1502,
il dépenfe une fomme de deux mille huit cents livres pour la
conftruClion des Chapelles de Sainte-Magdeleine & de Saint-
Hervé. Il fait aufli rebâtir une partie de fon Palais épifcopal ,
ruiné par les guerres précédentes , & y met fes armes qu'on y
voit encore. La même année 1502, un bedeau de rUniverfîté
vole le Ciboire de la Cathédrale , & jette les Hofties dans un
lieu caché & à l'écart. Le profanateur facrilege eil découvert
& forcé d'indiquer le lieu où il avoit jette les faintes Hofties.
L'Evêque va procefîionnellement les prendre , & les rapporte
folemnellement dans le tabernacle.
Le 10 Février 1504, le Roi étoit à Nantes; il y rendit une
Ordonnance , qui foumettoit les habitants de la ville à faire le
guet dans la ville & au château.
La Chapelle de Sainte-Catherine fut bâtie , en 1504 , près la
rivière d'Erdre j & le Commandeur y fit célébrer la MefTe ,
par permifîlon du Grand-Vicaire , le jour de la fête de la Pa-
trone , quoique le bâtiment ne ï\xt pas achevé. Elle ne fub-
fifle plus; elle fut démolie environ l'an 1756. La conftruftion
de l'autel rappelloit l'ancien ufage , qui étoit de laifTer un vuide
derrière l'autel , & d'y pratiquer un petit degré pour monter au
tabernacle , où on confervoit la fainte Euchariflie pour la com-
munion des Fidèles. Le Sous-Diacre fe plaçoit dans ce degré ,
d'où il examinoit , pendant une grande partie de la MelTe , ce
qui fe paflbit dans l'Eglife. Dans l'Abbaye de Tournus , fondée
par Charles le Chauve, & érigée en Collégiale l'an 1^23 , eft
un éventail fingulier dont le Diacre fe fervoit pour empêcher
les petits animaux volants de tomiber dans le CaHce. Je n'ai
rien trouvé qui puifle faire croire qu'on ait pratiqué cela en
Bretagne dans la Chapelle dont je viens de parler; il y en
avoit une autre beaucoup plus ancienne , dont j'ai ci-devant fait
mention.
( d ) Nous avons de ce Prélat un Ri-
tuel , qui , félon l'ancien ufage , ordonne
de donner l'Extrême-Onflion avant le faint
Viatique ; ôc des Statuts, qui défendent de
fe confefTcr à aatre Prêtre qu'à fon Curé ,
fans la permiflion de l'Evêque ou du \ i-
caire général.
NAN léj
1505. La Reine Anne part de Nantes le 4 Juillet , fe rend à
Morlaix, & de là -^ Samt-Jean du Doigt. L'Evêque de Nantes, qui
l'accompagne dans ce voyage, meurt à fon retour, dans la nuit
du 23 au 24 Novembre 1506. Le 16 du même mois, il eft en-
terré devant l'autel de Samt-Clair , dans la Cathédrale. Ce Prélat
étoit Abbé Commendataire de Saint - Sauveur de Redon. Ro-
bert VI du nom, dit GuiU , Evêque de Rennes, lui fuccede.
On lit dans un compte de la Fabrique de Saint-Nicolas, des
années 1504 & 1505, qu'on ne donnoit point la communion
au baluftre , mais à une table élevée & poféc fur des tréteaux ,
dont on fe fervoit encore l'an 1537. On y donnoit un peu de
vin à ceux qui en vouloicnt , moyennant quelques deniers qu'on
laiffoit fur la table , au profit de la Fabrique. Ceci feroit croire
que les communiants fe tenoient debout , à l'imitation des Juifs ,
qui mangeoient de cette façon leur Agneau Pafchal. Les comptes
de la même Fabrique nous apprennent qu'on habilloit autrefois
les images des Saints , de linges fins & des étoffes les plus pré-
cieufes. Depuis la Touffaiîit julqu'à Pâques , on couvroit de paille
le pavé de l'Eglife j & depuis Pâques jufqu'à la Toufîaint, on y
répandoit des teuilles d'arbres , du jonc verd , & des fleurs. Cet
ufage dura jufqu'en 1633. On lavoit aufll , le jeudi de chaque
femaine , les autels , de vin bouilli avec des herbes aromati-
ques ; & l'on mettoit dans les lampes du vin & de l'huile. Ces
cérémonies étoient générales , & ufitées à la ville comme à la
campagne.
Le 25 Mai 150(5, on tranfporta , avec beaucoup de pompe,
de l'Eglife Cathédrale de Nantes à celle des Pères Carmes , le
corps de Marguerite de Foix , féconde femme du Duc Fran-
çois II , & mère de la Reine Anne. Cette tranflation fe fit en
vertu d'une Bulle du Pape Jules II. La Reine avoit déjà donné
ordre à Michel Colom , Sculpteur célèbre du diocefe de Saint-
Pol-de-Léon , de travailler au tombeau de fon père dans l'Eghfe
des Pères Carmes. En conféquence , cet Artifte fit le fuperbe
maufolée dont nous parlerons ci-après.
Les tapiffenes que la Reine avoit au château , furent portées,
en 1509, à Saint-Nicolas , & tendues à toutes les grandes fêtes
de l'année, jufqu'au 16 Oftobre 1512. Il y a même apparence
qu'elles fervirent à cette Eghfe jufqu'à la mort de la Princeffe.
La Ducheffe Marguerite de Foix avoit fait préfent à cette Pa-
roifle d'un Calice précieux. La Reine Anne , non moms zélée
que fa mère , lui en donna un d'or , avec des orceaux de
1^4 NAN
même métal , ^ un ornement complet. La Reine Claude , époufe
de François I , donna auffi un riche ornement violet. Ce der-
nier eu le feul monument qui refte aujourd'hui à la ParoilTe de
Saint-Nicolas , de la piété de ces augufles PrincefTes.
1511. Robert Guibé , Cardinal & Evêque de Nantes, réfigne
fon Evêché à fon neveu François Hamon : c'eft le fécond Evê-
que du nom de François ; il ne fit fon entrée que l'an 1 5 1 4.
L'an 1 5 1 3 , François de Chateaubriand , Grand-Chantre de
la Cathédrale de Nantes , Chanoine & Comte de Lyon , fonda
l'autel de Saint-Lazare , dans la Chapelle de la Sainte-Epine de
FEghfe Cathédrale , comme le prouve l'infcription latine , en
cara61eres gothiques , qu'on voit au defîus de cet autel.
La Reine Anne mourut à Blois , le 9 Janvier 1514, âgée de
trente-fept ans moins feize jours. Son cœur fut apporté à Nantes
le 1 9 Mars , & dépofé dans l'Eglife des Chartreux , fur le tom-
beau d'Artur III , où il relia jufqu'au 1 9 du même mois , qu'il
fut porté aux Carmes fous un poêle d'or foutenu par l'Abbé
de Quiniperlé , Vice-Chancelier de Bretagne , accompagné d'un
grand nombre de Seigneurs & de -tous les Corps de citoyens.
Les rues, depuis la porte Saint -Pierre jufqu'aux Changes &: de
là aux Carmes , étoient tendues de noir , avec des cierges &
des éculFons aux armes de la Reine , placés d'efpace en efpace :
cent pauvres habillés de noir aux dépens de la ville , & cent
hommes en grand deuil , tenant à la main une torche de cire
du poids de deux livres , précédoient le convoi , qui marchoit
au fon de toutes les cloches de la ville ; ils éto:cnt fui vis du
Clergé Séculier &: RéguUer , qui célébra cent Méfies baffes ,
pour le repos de l'âme de la Reine , à deux fols de rétribu-
tion chacune. La ville fit tous les frais , qui montèrent à la
fomme de fept cents quatre-vingt-quatorze livres fix fols trois
deniers , non compris quatre-vingt livres de cire que donnèrent
les Frères de la Véronique , parce que la Reine étoit de leur
Confrairie. Cette fomme fait plus de mille écus de notre mon-
noie , puifque le marc d'argent étoit à douze livres quinze fols.
Les deux Chapitres reçurent de gros honoraires , mais le Curé
de Saint-Vincent & la plupart de fes Confrères ne voulurent
accepter aucune rétribution. Après la Méfie , qui fut célébrée
dans l'Eglife des Carmes par François Hamon , le cœur de la
Reine fut mis dans le tombeau de fes père & mère , par Phi-
lippe de Montauban , Chancelier de Bretagne & Chambellan du
Roi. Ce tombeau ou maufolée renferme , outre le cœur de la
NAN 1^5
Reine Anne , les corps de François II & de fes deux femmes ,
Marguerite de Bretagne &" Marguerite de Foix. Il eft de marbre
blanc , noir , & rouge , élevé de cinq pieds , & pofé fur un
focle de marbre blanc de quinze pouces trois lignes , faifant le
pourtour du tombeau , qui a neuf pieds trois pouces neuf lignes
de longueur , fur quatre pieds quatre pouces de largeur. Le
couronnement , qui eft de marbre noir , a dix pieds de longueur ,
fur cinq pieds un pouce de largeur , & forme une faillie de
huit pouces dans tout fon tour. Sur le tombeau font couchées
deux flatues de hauteur d'homme , avec une couronne & le
manteau ducal : celle qui eft à la droite , repréfente le Duc
François II j & celle de la gauche , Marguerite de Foix , fa
féconde femme. La tête de chacune de ces flatues eft foutenue
d'un oreiller , tenu par trois Anges de deux pieds deux pouces
<ie- hauteur. Aux pieds du Duc , eft une figure de lion cou-
ché fur le ventre , & tenant entre fes deux pattes les armes
de Bretagne pleines -, & aux pieds de la Duchefle , eft un lévrier
couché fur le ventre , & tenant entre fes pattes l'écuflbn aux
armes de la DuchelTe , partie de Bretagne & de Foix , entouré
d'une cordelière d'un travail fini. Aux quatre angles , font quatre
figures pedcftres de hauteur naturelle , repréfentant les quatre
Vertus cardinales , avec leurs attributs : celles-ci font accom-
pagnées de quatre écuiïbns aux armes pleines de Bretagne, avec
une couronne ducale ; toutes ces figures font en marbre blanc.
Aux deux côtés font les figures des douze Apôtres , en marbre
blanc , de la hauteur d'un pied dix pouces , placées dans des
niches de marbre rouge , dont les impoftes font de marbre
blanc. Entre ces niches font des pilaftres en marbre blanc , avec
leurs bafes & chapiteaux de l'ordre componte. A l'un des bouts
du tombeau & fous la même hgne des douze Apôtres , fous
la tête du Duc , eft un Saint François d'Affife ; & fous la tête
de la Duchcfte , eft la figure de Sainte Marguerite , en marbre-
blanc. Ces deux figures ont chacune vingt- deux pouces de hau-
teur , & ont les mêmes ornements que celles des Apôtres. A
l'autre bout , du côté des pieds , font deux autres figures de
même hauteur que les deux précédentes ; l'une repréfente l'Em-
pereur Charlemagne , & l'autre , le Roi Saint Louis.
La bafe du maufolée eft décorée de fcize petites figures qui
ont le vifage & les mains de marbre blanc , & le refte du
corps en marbre noir : elles repréfentent feize pleureufes , placées
dans des niches rondes de treize pouces de diamètre j les unes
i66 NAN
font à genoux , les autres accroupies. Ce tombeau eft ifolé 8c
entouré d'une grille de fer. Il fut placé en 1507, dans le chœur
de cette Egiiie , en face du grand autel, dont il elt éloigné de
dix-fept pieds quatre pouces.
La Reine Anne laifîà dans fa tréforerie , au château de Nantes,
pluiieurs riches effets & de très-belles tapilTenes. L'inventaire
qui en fut fait , le 4 Avril 1 5 14 , ell à la Chambre des Comptes.
Les bijoux furent donnés à Madame Claude de France , fiiie de
la Reine , mais les tapilTeries relièrent au château.
Au vitrage de -la Chapelle de Saint-Hervé & de Sainte-Mag-
deleine , dans l'Eghfe Cathédrale de Nantes , fe voit le portrait
de Mathurin de Pledran , Refteur des Lglifes paroiffiales de
Saint-Denis & Saint-Sébafticn , au diocefe de Nantes, nommé
Evêque de Dol en 1505, & mort le 10 Décembre 1523. Ce
Prélat efl repréfenté à genoux, mitre en tête, la Croix Ar-
chiépifcopale à la main, & revêtu d'une chape d'or femée de
macles d'azur.
En conféquence d'une délibération de la Communauté de
ville , aflemblée au château en 1 5 1 4 , on bâtit le pont d'Er-
dre en bois. C'eft le premier qui ait été conllruit en cet en-
droit. Les titres de la Cham.bre des Com.ptes, qui étoient à Vannes,
furent alors apportés à Nantes. On ignore l'établilTement de
cette Cham.bre , & par conféquent , le nombre des Officiers
dont elle fut d'abord compofée : elle n'a confervé dans fes ar-
chives aucun titre qui puiiîe inilruire le Pubhc là-delTus. On
prétend qu'elle fut fondée par les premiers Princes Bretons. Elle
vivoit d'abord en communauté , aux dépens du Souverain , &
n'étoit point attachée à une ville plutôt qu'à une autre. Elle demeura
quelque temps à Muffillac , où l'on voit encore les ruines du
bâtiment qu'elle occupoit. Il fut brûlé par les Anglais , avec la
plus grande partie des archives qu'il renfermoit. De -là vient,
fans doute , la difette des anciens titres.
La Chambre étoit à Vannes en 1490 relie étoit pour lors
compofée de deux Préfidents , de cinq Maîtres , de neuf Au-
diteurs , d'un Procureur général , d'un Huiffier , & d\in Payeur
de gages. Charles VIII , après fon mariage avec Anne de Bre-
tagne , confirma l'étabUfiement de la Compagnie , par lettres-
patentes du mois d'Août 1492. Après diverfes il la fixa
à Nantes, dans l'hôtel de la Suze , ou maifon de Montfort, que
le Chapitre de Notre-Dame avoir acquife après la mort de
Gilles de Laval, Seigneur de Retz. La Compagnie ne trouva
N A N 1^7
pas cette maifon commode , & tint fes féances aux Cordeliers.
Louis XII , qui avoit projette de lui faire bâtir un Palais à
Nantes , fit acheter , par fes Receveurs des Fouages , plufieurs
maifons , cours, & jardins, fur les bords de la rivière d'Erdre,
& ordonna de commencer l'édifice ; mais les guerres que ce
Monarque eut à foutenir ne lui permirent pas de le continuer,
de forte qu'il ne fut achevé que fous le règne de Henri IL
1515. Louis Xïï meurt le i Janvier, emportant au tombeau
les regrets d'un peuple dont il fut le père bienfaifant. François ,
Comte d'Angoulême^fon fucceffeur , avoit époufé Madame Claude
de France , héritière de Bretagne. Ce Monarque pourvoit aux
affaires de la Bretagne , fans préjudice des droits de Madame
Renée , féconde fille de Louis XII & de la Reine Anne.
Les Eghfes fervoient alors d'afyle aux coupables , dont on
n ofoit fe faifir dans ces lieux confacrés au Service divin , fous
peine d'excommunication. Un prifonnier , échappé des prifons
de Nantes en 1 5 1 5 , fe retira dans l'Eglife de Saint-Nicolas ,
&: y palTa huit jours aux frais de la Fabrique , à quinze de-
niers par jour. Un compte de Fabrique nous apprend encore
qu'un autre prifonnier ^ retiré dans cette EgHfe , y pafFa huit
jours , à raifon de dix deniers tournois ; que les enfants expofés
demeuroient aux charges des ParoifTes fur lefquels on les trouvoit ,
& qu'on ne les portoit point, à l'Hôpital comme on fait aujour-
d'hui. Ce fut pendant le Carême de cette année qu'on toléra ,
pour la première fois _, l'ufage du beurre & du lait , mets dé-
fendus jufques-là fous peine d'excommunication.
Les Paroifles du diocefe avoient beaucoup de dévotion à Saint-
SébalHen j outre qu'elles y alloient en procefîion , elles y en-
voyoient encore des cierges. La ParoifTe de Saint-Nicolas lui en
donnoit tous les ans un , du poids de quatre-vingt Hvres , qui fer-
voit pendant toute l'année , au bout de laquelle la Fabrique de
Saint-Nicolas prenoit ce qui en refloit , & en donnoit un nou-
veau , qui étoit porté proceffionnellement dans une gabare ou
petit vaifTeau , auquel il fervoit , pour ainfi dire , de mât.
Infcription qu'on voit fur une plaque de bronze , attachée au
mur de la Chapelle de la Sainte-Epine , en l'Eglife Cathédrale.
Par la pointe & venin d'Atropos,
Gift ci-dedans &: eft mis en repos
Le corps de feu très-noble & très-fcient ,
Maître François did de Chateaubriand,
léS N A N
En Ton vivant , cyens Chantre & Chanoine ,
Et de Lyon Comte & Chanoine ydoine ,
Reéleur de Oudon , de Jans , & Cordemais.
Or , il a prlns de la inort l'entremais ,
Lui qui étoit fi fage & fi bon Prêtre,
Commandateur du Prieuré du Pertre ,
Frère puifné du Sire de Beaufort ,
Et d'Orange encor qui eft plus fort,
Nepveu étoit
Du Cardinal de Saint- Martin des Monts ,
Et de Bordeaux mêmement Archevêque ,
Nepveu étoit d'autres Pafteurs , avecque
Des Evêques Valence 6i Mirepoix ;
Fondateur fut de deux Chapellenies ,
Ici-dedans données & bien garnies ;
De Saint-Lazare a le double fondé.
Et une Meiïe ; & mort l'a afcondé ,
Doze en Novembre &: mil cinq cens & felze.
Prie à Dieu que l'ame au ciel fe aife.
La belle maçonnerie du Puits-Lori fut faite environ l'an 1516.
On y voyoit cinq grofTes pierres taillées en figures d'animaux,
& on y arrivoit par un degré de pierres de taille. On le dé-
truifît au commencement de ce fiecle pour élargir la place , &
la maçonnerie fut transférée fur la place du Bouffay. On ap-
pelloit ce puits , le grand puits j & c'étoit , fans contredit , un
des ornements de la ville.
Le Parlement de Paris déclara , Tan 1 5 1 (3 , que la procédure
en première inftance à la Cour de Rome , étoit abufîve , &
condamna, par fon Arrêt, l'Evêque de Nantes & fes Grands-
Vicaires à révoquer & annuUer la fentence d'interdit & les cen-
fures portées contre le Curé & la ParoifTe de la Cornouaille ,
en fon diocefe. L'année fuivante , le Roi fit détruire les éclufes
qui étoicnt fur la Loire , parce qu'elles nuifoient à la naviga-
tion. Les ordres du Monarque furent exécutés avec tant d'exac-
titude , qu'on ne voit pas aujourd'hui les moindres veiliges de
ces éclufes.
On croit que ce fut vers ce temps-là que fut fondée , dans
l'Eglife de Saint -Nicolas , la Confrairie de Notre-Dame de la
Chandeleur. L'an 1600, le Pape Clément VIII y attacha de
forte*
NAN 169
fortes Indulgences , qui la rendent très-nombreufe. A quatre
heures & demie en été , & à cinq heures en hiver , on dit tous
les jours une Melîe baffe pour les Confrères : elle efl: feulement
chantée le famedi. Lorfqu'un Confrère vient à mourir , on cé-
lèbre , pour le repos de fon ame , un Service général , & on
lui fait dire trente Meffes.
Yves du Quirifec , Chanoine de la Cathédrale & ci - devant
Grand -Vicaire du diocefe , homme de mérite, fonda le Salut
qui fe chante à la Cathédrale tous les famedis de l'année , après
Comphes , devant l'autel de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle : il
fonda auffi deux Chapellenies , de chacune deux Meffes par fe-
maine. Il mourut, à Nantes , le 15 Janvier 15 18, & fut enterré
dans la Cathédrale. Sa fépulture ell: couverte d'une tombe de
cuivre avec cette infcription,
Yvonem du Quirifec , utrlufq, juris Doclore ment'ijjimïi ,
Eccliar Nannetenjis Canonial , Veneteh Scholaflicu , Trecorcîijîs
Thefaurariu , fermais Quadragefiœ , atque Saluas fabhadnœ devo^
tijjimu Fundatore , Britanniœ Senatûs diadema , indulgendffimu
pâtre , utile mudo , nobis neceffanu , amicor fpem , mor fpecimen ,
virtutù templum , pauper cofugiu , honeflat ymagine , nobilitatis
nomia , litterar fîudior amatorc , Cleri luce , tpefiivè nubes
mortis ex hus turbulenti mundi tempefiatib i prœdara coelor
palacia {a), die XVI mef Januani ano uginei partûs ibiS,
Cujus reliquiœ requiefcwit hic fub tumulo^
La peffe défola la ville de Nantes aux mois de Janvier & de
Février. Pendant cette épidémie , on commit deux Sergents , à
trois livres de gages .chacun par mois , pour évacuer les maifons
où il y avoir eu des peffiférés , les fermer , & les fceller du
fceau de la ville. Le Roi François I , la Reine Claude , Du-
cheffe de Bretagne , fon époufe , accompagnés de Madame
Louife , Comteffe d'Angoulême , arrivèrent à Nantes le 1 3 Août
1 5 1 8. Leurs Majeftés firent leur entrée , le 20 du même mois y
par la porte Saint -Nicolas, où elles furent reçues fous deux
dais. A loccafion de cette fête , le Bureau de ville avoir fait
conftruire plulieurs théâtres : fur le premier , qui étoit près la
■ 1 -
(^j) Subauditur^yw/?///ir.
TomcIIL Y
,7o N A N _
porte Saînt-Nîcolas , on avoit placé une petite fille fuperbement
vêtue, & portée fur un petit globe de métal, entre deux lions,
qui préfenta les clefs de la ville au Roi. Elles étoient au nombre
de fix , & de fer argenté. Les autres théâtres , qui étoient aux car-
refours de Saint-Nicolas , de la Barillerie aujourd'hui de la Caf-
ferie , du Puits-Lori , de Saint-Denis , & des Jacobins , étoient
garnis de Chanteufes. La ville n'en fit point élever fur la place
Saint-Pierre & au carrefour des Jacobins : elle laifTa ces deux
endroits à décorer aux Chapitres de la Cathédrale & dé la Col-
légiale, qui les laifTerent comme ils étoient.
La Communauté de ville fit préfenter au Roi un vaifTeau d'ar-
gent doré , du poids de trente-deux marcs fept onces , à treize
livres le marc , non compris la façon & la dorure , à laquelle
on employa cent ducats d'or , de quarante-un fols fix deniers.
Le préfent qu'elle offrit à la Reine Claude , fut un cœur d'or
accollé de deux hermines de même métal , pefant fix marcs. On
employa à cet ouvrage quatre cents vingt-fix écus & demi au
foleil , de quarante fols. Celui de Madame la Comteffe d'Angou-
lême , mère du Roi , fut douze taffes de vermeil avec leur cou-
vercle aufîi de vermeil. On employa , pour les dorer , cent trente-
huit ducats deux tiers de faluts , de quarante-un fols fix deniers.
Il y a apparence que la matière d'or étoit alors très-rare à Nantes ,
puifqu'on employa , pour tous ces ouvrages , des monnoies de
cours. Les préfents & les frais de l'entrée coûtèrent à la Ville
trois mille deux cents cinquante-cinq livres trois deniers , fomme
équivalente à trente mille livres de notre monnoie aftuelle, puif-
que le marc d'or étoit à cent quarante-fept livres, & le marc
d'argent à treize livres.
La proceffion de la Fête-Dieu continuoit de fe rendre de Saint
Pierre à Saint-Nicolas, & devenoit tous les ans plus folemnelle.
En 1518, les Paroifies & les Confrères y firent porter, pour
la première fois, des cierges de cire. En 1520, la Paroiffe de
Saint-Nicolas en fit faire un qui pefoit quatre-vingt livres : il fut
porté par quatre hommes qui le plaçoient fur un brancard. Cette
multitude de cierges fit bientôt naître des jaloufies & des dif-
putes affez férieufes. C'étoit à qui auroit le pas ; & l'affaire fut
pouffée fi loin que , l'an 1522, les Magifi:rats furent obligés de
régler les rangs de chacun des cierges. Dans la fuite , on abolit
la coutume de faire des cierges de cire , parce que l'envie
qu'avoient les différents Corps de fe furpaffer mutuellement les
engageoit à faire des dépenfes trop confidérables. On fubftitua
_ N A N _ 171
donc aux cierges de cire des machines de bois artiflement tra-
vaillées, fur le fommet defquelles on mettoit un petit cierge.
Ces machines fubfiftent encore : on les porte même tous les ans en
proceflion j elles font d'une grofleur prodigieufe , & font toujours
appellées cierges.
L'an 15 19, peu de temps après le départ de la Cour, les
Fermiers du domaine tentèrent d'établir le falage en Bretagne,
On ne fçait fi c'eit par ordre du Roi ou de leur propre mouve-
ment. Tout ce qu'on fçait , c'efl: qu'ils fe flattoient d'être ap-
prouvés, La Communauté de ville, qui avoit des Députés en
Cour , leur envoya des ordres précis de fe plaindre vivement de
la tentative des Fermiers ^ & les Etats , affemblés à Nantes au
mois de Septembre fuivant , prirent des mefures contre ces in-
novations , & firent échouer le projet. Le Roi vint à Nantes le
5 Septembre de l'an 15 20; mais on ne fçait combien de ..temps
il y demeura, & quel fut le fujet de fon voyage. "-^^'^'^
Depuis quelques années, l'Univerfité avoit un Profefleur, '^i don-h-
noit fes leçons de Droit dans le cloître du Prieuré de Saint-Martin, ^z**^
auprès de l'Eghfe de Sainte-Croix de Nantes. En 1521 , la ville -^f'^
forma le projet de bâtir un Collège dans ce lieu, & d'y unir ^^^
ce Prieuré pour l'entretien des Profeffeurs j mais fes follicitations ^'
furent inutiles..
Le Roi étoit à Nantes le 9 Juillet 1522. Cette année & la
fuivante y la ville fut défolée par la perte. On eut recours au
remède dont on s'étoit déjà fervi avec fuccès : ce fut de faire
vuider , fermer , & fceller les maifons où étoient morts les pefli-
férés, par des Commiflaires nommés à cet effet.
L'an 1524, Gilles de Comacre , Secrétaire du Roi, apporta à
la Chambre des Comptes une commifîion , qui chargeoit la com-
pagnie de convoquer à Nantes, les Prélats , Princes , Barons,
Gentilshommes, vaffaux, & fujets du Duché de Bretagne, &
les Officiers tant de Juftice que des Finances , & d'y recevoir
leur ferment de fidéUté au nom de Sa Majeflé.
Environ le même temps , François de Rohan , Evêque d'Angers,
fit , dans l'Eglife Cathédrale de Nantes , la cérémonie de
Saint Gohard , qui y avoit été maffacré, avec un grand nombre
du peuple, le 24 Juin 843 ; & fixa fa fête au 25 Juin, à caufe
de la fête de Saint Jean , qui arriva le jour du mafîacre.
La Reine Claude mourut le 20 Juillet 1524. Les Etats s'affem-
blerent à Rennes, le 28 Septembre fuivant; & la ville de Nantes
reçut ordre du Roi ,, qui étoit à- Avignon , d'y envoyer fes-
lyi _ ^ N A N
Députés pour lui prêter le ferment ordinaire de fidélité. Ceci feroît
croire que la commiffion ci-delTus rapportée fut fans effet. Le
Roi palfa par Nantes au mois de Juillet 1525, en revenant
d'Efpagne, où il avoit été conduit prifonnier. Il accorda un pri-
vilège à l'Abbé de Saint-Sauveur de Redon. ( Voyez Redon. )
Le Chapitre de la Cathédrale de Nantes n'avoit pas eu , jufqu'à
l'an 1525, d'autres bedeaux que les Sergents de fa Jurifdiftion ,
qui fervoient dans leur habit ordinaire. Le 16 Mars , il fut ré-
folu de leur donner des robes , dont ils ne dévoient fe fervir que
dans les cérémonies de l'EgUfe. Le Diacre de la Cathédrale étoit
alors à la nomination & en la préfentation du Re6:eur de Saint-
Séballien.
Le Chapitre avoit alors des droits fmguliers. Le Prévôt de
Vertou donnoit au Doyen, pour étrennes, au premier de l'an,
cinq échaudés , ( efpece de gâteau , ) trois aux Dignitaires , &
deux à chaque Chanoine. L'Abbeffe du Roncerai d'Angers faifoit
donner , le jour de Noël , à chaque Chanoine , une grande me-
fure & un tiers de pot de bon vin , avec onze onces de pain.
Un particuUer devoir apporter, le jour de Pâques, après-midi,
aux Chanoines affemblés fur la place Saint - Pierre , une raquette
& deux balles de paume de redevance. UnArtifte, un Artifan,
ne pouvoient exercer leur art ou leur métier , fur le fief du
Chapitre , fans en avoir obtenu la permiffion.
L'an 1525, François Hamon fit faire un MifTel , fur lequel il
fit mettre fes armes ; ce qu'on n'avoit encore point vu fur aucun livre
d'Eglife. On trouve, dans quelques exemplaires de ce Milfel,
une lifte allez longue des Canons pénitentiaux & des cas réfervés,
avec cette condition que , fi c'eft l'Evêque qui pèche , on lui
double la pénitence. Par délibération du 1 3 Février 1527, le
Chapitre réfolut de tenir une lampe allumée devant le Saint-Sa-
crement. Cette année fut accablante pour le peuple du Comté
Nantais, qui, déjà malheureux par la difette extrême des vivres,
vit encore détruire une partie de fes moiiïons par les déborde-
ments de la Loire. La difette continua jufqu'en 1532. L'Eglife
paroifTiale de Saint-Vincent portoit alors le nom de Saint-Aubin.
Anne de Montmorenci , Grand-Maître de la Maifon du Roi ,
Maréchal de France, Gouverneur de Saint-Malo & de la Baf-
tille, fut nommé Capitaine de Nantes en 1527. La ville lui
payoit cent livres monnoie d'appointements , fans logement ni
meubles.
L'an 1529, l'Evêque approuva les ftatuts du Chapitre , qu'on
N A N 175
venoit de corriger. On auroit pu encore les retoucher; on eût
eu moins de peine à les obferver , dit un auteur. La pelle rava-
gea Nantes, depuis le mois de Décembre 1530 jufqu'à 1535.
On lit , dans un afte de délibération de la Communauté de
ville, du 24 Février 1 531 , que le Roi François I emprunta deux
mille cinq cents écus d'or au foleil , pour retirer le Dauphin &
le Duc d'Anjou , fes deux fils , qui étoient détenus prifonniers en
Efpagne , pour gages de la rançon de leur père , qui avoir été pris
à la bataille de Pavie , par le Connétable de Bourbon , Général
des troupes de l'Empereur. Le Monarque étoit refté treize mois
en Efpagne, & n'avoir pu en fortir qu'en livrant fes deux fils. On
délibéra en même temps de récompenfer ceux qui avoient tra-
vaillé aux affaires de la ville : mais l'affemblée délibéra à fon
profit ; il fut décidé qu'il n'y auroit point de récompenfe.
Les Cordeliers de Nantes préfenterent en même temps une
requête à la Communauté de ville , dont ils imploroient l'afTif-
tance, fous prétexte qu'ils étoient les plus pauvres de ceux de
leur Ordre , dans le diocefe. Le 24 Février 1531 , la ville leur
donna une fomme de dix livres , pour les défrayer dans le voyage
qu'ils dévoient faire l'année fuivante à Saint-Martin de Teille,
dans le diocefe , où fe devoit tenir l'afTemblée du Chapitre pro-
vincial de leur Ordre.
1532. François Hamon meurt le 7 Janvier. Le Chapitre s'af-
femble pour procéder à l'éleftion de fon fuccelTeur , lorfqu'il
reçoit ordre du Roi de ne pas pafTer outre , avant de montrer à
Sa Ma j elle fes privilèges par un Député de fon Corps. Le Dé-
puté efl élu , de fe prépare à partir , lorfque le Chapitre apprend
que le Roi vient de nommer Louis d'Acigné, Chanoine de Nantes.
Depuis ce temps , le Chapitre ne s'avife plus d'élire fes Prélats.
Louis d'Acigné prend pofTefîion le 3 1 Mai même année : il efl
le premier Evêque de Nantes que le Roi ait nommé par Induit
de la Cour de Rome. "^
La difette étoit alors fî grande à Nantes , que la ville fut obligée
d'établir des Hôpitaux pour y nourrir les pauvres : il y en avoit
un à Richebourg , à Saint- Antoine où font aujourd'hui les Mi-
nimes ; & un autre à Touffaint , fur les ponts.
1532. Le Roi, après avoir vifité les villes de Rennes, de Cha-
teaubriand , & de Vannes , où fe tenoient les Etats , vint à Nantes
le 3 1 Juillet. La Reine Eléonore , féconde femme du Roi , fît
fon entrée à Nantes le 1 4 Août fuivant , vers les quatre heures
du foir. Elle fut reçue, à la porte Saint-Nicolas, fous un dais
174 , NAN
magnifique , porté par quatre hommes fuperbement vêtus , & pré-
cédés de trois Compagnies de jeunes gens, dont la première
portoit la livrée de la Reine ; la féconde , celle du Dauphin ; èc
la troifieme , celle de la ville. On avoir fait conftruire , à cette
occafîon , des arcs de triomphe & des théâtres en cinq endroits:
fçavoir , à l'entrée de la ville, aux carrefours de Saint-Nicolas,
des Changes , du Pilori , & de Saint-Denis. Pendant que la Reine
paffoit, on jouoit fur ces théâtres des myfleres, autrement des.
feintes , de la compofition de Dubuchet , Procureur du Roi à
Poitiers. Un des arcs de triomphe fe terminoit par une demi-fleur
de lis & une demi -hermine : il étoit, comme tous les autres,
orné d'écufîbns aux armes du Roi , de la Reme , de M. le Dau-
phin , de la Province , & de la Ville.
François , Dauphin de France , venoit de fe faire couronner à
Rennes, fous le nom de François III, Duc de Bretagne : il avoit
fait fon entrée à Nantes le 1 8 du même mois. La Ville , pour
célébrer l'heureufe arrivée de ce Prince , avoit fait mettre fur les
quatre principales portes, cinq éculTons de plomb doré, en relief,
avec leurs émaux, dans les plus vives couleurs, aux armes du
Roi, de la Reine, du Dauphin, de la Bretagne , & de la Ville.
Les Magiflrats av oient fait faire fix coupes d'argent doré, de trais
marcs chacune : la première fut pour le Dauphin j la féconde,
pour la Princelîe d'Angoulême 5 & les quatre autres , pour les
Dames & Seigneurs de leur fuite. On avoit auffi fait faire deux
baflins d'argent doré : le premier , qui pefoit quatre marcs , conte-
noit une lamproie auffi d'argent doré -, dans le fécond , du
poids de trois marcs, étoient des limons & des oranges en ver-
meil. On avoit acheté & fait venir de la balfe Bretagne trois
haquenées & deux lévriers, qui furent donnés au Roi, à la Reine,
& à M. le Dauphin , Duc de Bretagne. Les Magillrats avoient
eu foin de faire réparer les pavés , les palTages , & les ponts de
la ville, fur-tout, celui de Sainte-Radegonde , qui conduifoit de
la Cathédrale au château.
Pendant fon féjour à Nantes, le Roi donna un Edit pour l'union
de la Bretagne à la Couronne. Cet Edit fut enrégiflré au Parle-
ment de Paris, le 21 Septembre; & au Confeil de Bretagne, le
8 Décembre 1532. Sa Majefté ôta auffi l'adminillration des Hô-
pitaux aux Eccléfiailiques qui s'en acquittoient mal , & la donna
aux Laïques. On remarque , dans les titres de la Communauté
de ville , qu'elle nommoit l'Adminiflrateur de ces maifons , &
€[ue c'étoit à elle feule qu'il rendoit fes comptes. Leurs Ma j elles
N A N 175
fe rendirent à Tours fur deux galiotes que la ville fît conflruire
à fes frais. Le Roi revint à Nantes au mois d'Oftobre fuivant.
La Confrairie de TouiTaint fur les ponts adminiftroit l'Hôpital
de ce lieu , que j'ai dit avoir été fondé par Charles de Blois &
Jean IV ( a ). Cette Confrairie fut maintenue dans la régie de cet
Hôpital , par Arrêt du Confeil du 1 4 Décembre 1532, & par
lettres du Roi Henri IV, données à Angers au mois d'Avril
1 598. A cette première époque^ la famine & la pefte ravageoient
Nantes, & l'Hôpital de Touffaint nourriiloit plus de feize cents
pauvres de fon revenu. Il eft à croire que fes revenus étoient
confidérables. Il ne fubfifte plus aujourd'hui : il fut réuni , avec
toutes fes pofTelîions , à l'Hôtel-Dieu de Nantes , avec obliga-
tion à ce dernier de recevoir tous les étrangers paffants qui
demandent à loger, comme on le pratiquoit à l'Aumônerie de
Touffaint. La Confrairie de ce nom continue de nommer un Au-
mônier pour l'acquit des fondations & des fervices qu'elle fait faire.
Elle étoit autrefois très-célebre : les Ducs & les grands Seigneurs
Bretons ne manquoient pas de s'y faire infcrire.
L'an 1532, on fit rebâtir à neuf la porte de ville de Saint-
Pierre qui donnoit fur les Lices ^ autrement le Cours des Etats.
La date .;,qui étoit au deffus , nous apprend qu'elle fut achevée,
en 1534, fous le règne de Henri , Dauphin de France & Duc
de Bretagne : cette porte a été démolie il y a quelques années.
L'an 1532, la pique & l'épée étoient les feules armes de la
Milice Bourgeoife ; les arquebufes étoient rares, & d'un poids qui
les rendoit prefque inutiles. Claude Bourbon , Fondeur de la
ville , en fondit douze , & y employa quatre cents trente-deux
livres de cuivre j aind , chaque arquebufe pefoit trente-fix livres,
non compris le baflinet & la monture en bois. La même année
fut établie lamaifondu Sanitat , aujourd'hui l'Hôpital général, au
bas de la Foffe , pour les perfonnes attaquées du mal de Naples ,
qui commençoit à fe répandre, & qu'on regardoit comme une
pefte. Cette maladie avoit pris fon nom de l'endroit où les Fran-
çais l'avoient prife. Le 9 Décembre , fut paffée une ferme pour le
droit de méage , à raifon de douze mille livres monnoie par
chaque année.
On trouve , chez quelques curieux , un écu d'or au milléfime
( <z) Quelques hiftorlens prétendent, je ne fçais fur quoi fondés , que cette Confrairie eft
beaucoup plus ancienne que ces deux Princes.
lyé N A N
de 1532. On croit qu'ail fut fabriqué à Nantes , pendant le féjour
du Roi François I , à l'imitation de celui que fit frapper la Du-
chefle Anne , pendant qu'elle étoit en cette ville , avec le mil-
léfîme de 1498. Le fceau de la Ville repréfentoit alors une maifonj
& celui des Pères Carmes repréfentoit la Sainte Vierge tenant
l'Enfant Jefus entre fes bras , en champ d'hermines , un Carme
à genoux aux pieds de la Sainte Vierge , fous une grande cou-
ronne. La proceflion de la Fête-Dieu , qui alloit à Saint-Nicolas ,
par la grande-rue , les Changes , & la CafTerie , s'en retournoit
ordinairement par le même chemin ; mais , en 1532, elle prit
un plus grand tour, & devint tout-à-fait folemnelle. D'abord,
elle ne fortoit que dans les environs de la Cathédrale , & n'étoit
qu'une proceflion particulière ; mais , l'an 1 500, toutes les Eghfes
s'unirent; &, l'an 1506, elles s'affemblerent , pour la première
fois, à la Cathédrale. Le Chapitre, voulant rendre cette céré-
monie tout-à-fait folemnelle , permit , fans pourtant tirer à confé-
quence pour l'avenir, aux ParoilTes & aux Confrairies, de faire
apporter & arranger leurs cierges à la Cathédrale , dès la veille ,
afin que tout fût prêt à l'heure indiquée. La proceffion fe fit;
& le Saint-Sacrement fut porté , d'abord à Saint - Nicolas , &: de
là à Notre-Dame , où il fut pofé fur le tombeau du Duc Pierre
II. L'Univerfité & la Chambre des Comptes ne marchoient point
encore à cette cérémonie.
Dès que le Roi fut forti de Nantes, la pefte, caufée par la fa-
mine , commença à fe déclarer. A ce fléau terrible fe joignit le
mal de Naples, qui fe communiqua rapidement, & qui fit d'au-
tant plus de ravages qu'on ne fçavoit pas le guérir. La Commu-
nauté de ville prit les mêmes précautions contre les deux mala-
dies. Le 7 Août 1533, elle fit pubHer une défenfe à tous les
malades , même à ceux qui étoient guéris , & à ceux qui les fré-
quentoient ou qui logeoient avec eux, de fortir de leurs maifons ,
fous peine d'être pendus ; & aux Bouchers , de tuer aucune
bête avant de l'avoir fait vifiter par les Commifiaires nommés
exprès.
L'année fuivante eu remarquable par la violence & la longueur de
l'hiver , qui dura , fans interruption , pendant près de
Le I z Juin , le Bureau de ville accorda aux Jacobins une fomme
de cinquante livres , pour le rétablifTement d'un ancien égout qui
fervoit à leur Couvent & aux maifons voifines.
Le 28 Décembre 1539, fe célébra, dans l'EgHfe Cathédrale,
la fête des Innocents , efpece de farce fcandaleufe & abufive.
Heureufement
N A N 177
Heureufement on commençoit à en fentir toute rindécence. Le
Chapitre défendit aux Enfants de promener , félon leur cou-
tume , leur petit Evêque ; de porter des habits ridicules , &
d'avoir des tambours & des trompettes. On leur laifla les autres
ufages , très -mal à propos fans doute ; & l'on ne peut trop
s'étonner qu'on n'ait pas aboli , long-temps auparavant , une céré-
monie bizarre & feulement digne de la Religion des Payens dont
elle retraçoit les Saturnales.
Ce jour-là, les Chanoines cédoient leurs places aux Enfants
de chœur & aux autres Enfants de la ville , qui tous enfemble
faifoient les fonctions facerdotales : ils élifoient même un Evêque
C{ui tenoit la première place au chœur , tandis que les Chanoines
faifoient les fondions des Enfants -, de manière que fouvent le
plus refpeftable des Prêtres étoit obligé d'aller offrir de l'encens à
ces marmots.
Gabriel Naudet dit que la fête des Innocents fe célébroit avec
des cérémonies plus extravagantes que n'étoient autrefois les fo-
lemnités des faux Dieux. Il rapporte que , dans certains Couvents , le
Gardien & les ReHgieux Prêtres n'alloient point au chœur ce jour-
là , & qu'ils cédoient leurs places aux Freres-Lais , qui célébroient
une efpece d'Office de la manière la plus indécente. Ils fe revê-
toient d'ornements facerdotaux , déchirés, & tournés à l'envers.
Ils tenoient à la main des livres , dans lefquels ils faifoient fem-
blant de lire avec des lunettes faites d'écorce d'orange. Ils ne
chantoient ni Hymnes , ni Pfeaumes , ni MefTes à l'ordinaire ;
mais tantôt ils murmuroient certains mots , tantôt ils pouffoient
des cris, avec des contorfions qui faifoient horreur à des gens
raifonnables.
L'an 1534, le Roi permit d'acheter la maifon de Querlus,
pour agrandir le Palais de la Chambre des Comptes , auquel on
travailloit par intervalle. La Ville obtint auffi des lettres pour'Ie
defféchement du lac de Grand-lieu : mais ce projet n'eut point
de fuite.
Les Quinze- vingts venoient de Paris à Nantes , où on leur
permettoit de quêter , avec obligation d'employer l'argent de leur
quête en marchandifes achetées dans la ville. Ils manquèrent à
cette obligation , l'an 1555, & l'on fit arrêter les deniers de leur
quête. Ils fe virent pour lors obligés d'exécuter, malgré eux, ce
qu'ils avoient promis.
Lettres-patentes , données à Paris le 22 Janvier 1535, portant
règlement pour les féances de la Chambre des Comptes. Elle
TamcIIL Z
178 N A N
s'afîembloit ci-devant quatre fois l'année. Le Roi réduifît ces
quatre leances à deux , qui contenoient un fervice aufïï long que
les quatre enfemble. L'ouverture de la première féance fut fixée ,
par Sa Majefté, au Dimanche de la Quajimodo^ pour durer trois
mois entiers ; & la féconde fut fixée au premier Oftobre , pour
finir la veille de Saint Thomas, qui arrive quatre jours avant Noël.
Par lettres du mois de Juin même année , le Roi exempte celui
des habitants de Nantes qui abattra le papegault,de tous devoirs,
impôts , & billots qui feroient dus pour cinquante tonneaux de
vin de France qu'il pourra vendre ou foire vendre en détail pen-
dant l'année de fa Réauté. Ces lettres furent enrégiftrées à la
Chambre des Comptes , le i6 Décembre de la même année , &
au Parlement , féant à Nantes , le 27 Odobre 1 5 44.
Par lettres du mois d'Août 1 531 , le Confeil & la Chancellerie
de Bretagne dévoient tenir fix mois à Rennes & fix mois à
Nantes. Le 9 Mars 1533, le Bureau de ville fe plaignit que les
ordres de Sa Majefté n'avoient point été exécutés, & que la
Chancellerie & le Confeil ctoient à Rennes depuis cinq ans. En
conféquence , il fe tint à Nantes , l'an 1535.
Par afte de ferme du premier Juin 1 5 3 6 , on voit que le Prieuré
de Saint-Cyr doit à l'Evêque, quinze livres huit fols pour la pro-
curation & le befan d'or apprécié à vingt-huit fols -, à l'Archi-
diacre , foixante-dix fols j au Curé de Saint-Léonard , trois fep-
tiers de feigle , & vingt-cinq boiiTeaux de froment , mefure de
Nantes ; & neuf livres douze fols au Chapitre.
François , Dauphin de France & Duc de Bretagne , mourut
le I 2 Août 153^; Henri , fon frère , lui fuccéda dans tous fes titres,
Epitaphe qu'on voit au haut de la nef de Saint - Pierre , fur
une plaque de cuivre.
Hic jacet venlis ac cîrcumfpecliis Dus Giddo de Guilfiflre,
hujus ac hte Marie Nanneten Eccliar Canocus ac Priorats Sti
Nicollay dePrigneyo Commendr ^ nec-non Sti Na:^arii &de Elven
pro liu Eccliar Reclor^ qui ^JinguUs dominicis diehus , falutaticnc
in hoc TempLo pojî decatatio i Vefperâr^ aliafque multas fwida'
tiones fundavit. Obiit die prima menfis Jaiiuarii ibjy.Spiritus
in pace quiefcat. Amen.
La Reine de Navarre vint à Nantes le 22 Novembre 1537.
La Ville fit équiper deux gabares à Barbin , pour aller prendre la
N A N 17^
PrincefTe au château de la Gafcherie , en la Paroiffe de la Cha-
pelle fur Erdre , où Sa Majefté étoit avec fon beau-frere le
Vicomte de Rohan, Seigneur de l'endroit. La Princefle fit fon
entrée à Nantes par la porte de Saint-Pierre. On lui préfenta le
dais : mais elle le refufa , apparemment parce qu'elle jugea qu'il
ne lui étoit pas dû dans un pays dont elle n'étoit pas la Souve-
raine. Elle logea à l'hôtel de Briord, & alla, dès le lendcmam,
voir le port de la FolTe. Elle ne relia pas long-temps à Nantes ;
&, lorfqu'elle en partit , la Ville lui fit équiper une galiote, qui la
conduifit jufqu'à Ingrande.
Le Rai François I , qui étoit à Nantes à la fin du mois de Sep-
tembre 1539^ en partit pour fe rendre à Châtellerault , ville du
Poitou, oii il vouloit attendre & recevoir l'Empereur Charles-
Quint , fon beau-frere. Avant fon départ , Sa Majeflé ordonna à
la Communauté de Nantes de faire lever le plan du contour de
l'enclos de la ville & des ponts , Se de l'envoyer en Cour. Mat-
thieu de Goui fut chargé de l'exécution de cet ouvrage , pour
lequel il reçut dix écus. Michel Dinois , qui avoit écrit le nom
des différents lieux , reçut quarante-cinq fols. Malheureufement,
ce plan n'a point été confervé à la Maifon de ville : il nous au-
Toit appris des particularités dont, peut-être , jamais nous ne
ferons inftruits.
Le 4 Octobre 1539, le Roi permit aux Adminiftrateurs de
THôpital de Nantes de faire des quêtes dans toute la Bretagne.
Par fon Ordonnance du 14 Janvier de l'année fuivante, Fran-
çois I fixa une lettre , ou marque monétale , pour chacune des
villes de fon Royaume où l'on battoit monnoie. Nantes & Rennes
n'en eurent point pour lors. La lettre T, dont la première de
ces villes fe fert, lui fut donnée par le Roi, qui étoit alors à
Saint-Menehould en Champagne ; & le numéro c) , qui eu attri-
bué à Rennes , étoit commun à toutes les Cours de Monnoie
de la province de Bretagne.
Le premier Avril 1541 , le Bureau de ville réfolut de bâtir
une maifon pour les peiHférés, auprès du cimetière de Sainte-
Catherine , fiir le terrein de la Commanderie. L'Evêque donna
feize pieds d'arbres , qui furent pris dans la forêt de Sautron, pour
la charpente de cet édifice , qui fut achevé par les charités
des Fidèles.
Louis d'Acigné fit fon entrée à Nantes le 4 Novembre 1541^
neuf ans après fa nomination à l'Evêché. Il fut porté par les quatre
Barons du diocefe, ou par leurs Députés, depuis l'Hôpital de Saint-
i8o N A N
Clément jufques fur le pont de la porte Saint-Pierre. Il fut pris
en cet endroit par quatre Chantres , qui le portèrent jufqu'à l'en-
trée de fa Cathédrale , où il fut comphmenté par l'Univerfité
& enfuite par le Chapitre. Le Prélat jura à ces deux Corps de
les maintenir dans leurs ufages , droits , & privilèges ; après quoi
il entra dans fon Eglife. Il ne refta pas long-temps à Nantes ; il
mourut , dans le courant de la même année , au château de
Fontenai , fitué dans la Paroilfe de Chartres , au diocefe de
Rennes. Le Siège vaqua près de quinze mois : mais le Chapitre
ne s'avifa pas cie procéder à l'éleftion d'un nouvel Evêque j il
abandonna pour jamais fes droits réels ou imaginaires fur ce
point. Jean V du nom , Cardinal de Lorraine , fut nommé
Evêque Commendataire de Nantes, & il tint ce Siège depuis
1543 jufqu'au 10 Mai 1550.
1542. Le Sénéchal de Nantes adreife une lettre circulaire à
tous les Vicaires des Paroifles du diocefe & à quelques Seigneurs
des lieux , pour les prier de quêter ou faire quêter , chacun en
fon endroit , afin de fub venir aux befoins de l'Hôpital. Il eft à
remarquer que les lettres font adrelTées aux Vicaires & non aux
Curés ou Re6leurs , parce que ces derniers ne réfidoient point
encore , & que ce n'étoit pas l'Evêque , mais le Roi ou le Sé-
néchal qui permettoient la quête. La rétribution pour les Méfies
étoit de deux fols alors.
1543. Jean de Bretagne , Seigneur de Broffe , Comte de Pen-
thievre Se Duc d'Etampes , eft nommé Gouverneur de Bretagne ,
par lettres du 2 5 Février , & fait fon entrée à Nantes le 5 Avril.
Comme cette ville étoit menacée d'un fiege , le Duc y établit
une garnifon de Gentilshommes , fujets au ban & à l'arriere-ban
du Duché.
La même année, le cimetière de Sainte-Catherine fut arrenté
pour y bâtir des maifons. L'an 1545, la flimine fe fit fentir à
Nantes , avec d'autant plus de violence que les pauvres y
abondoient de toutes parts. Jean Dono , Chanoine & Che-
fecier de la Collégiale , fonda à l'Hôpital une Meffe , qui
doit fe célébrer tous les vendredis , avec l'Evangile de la
Paffion fccundum Joannem. Il affigne à cette maifon cinquante
livres de rente pour l'acquit de cette Méfiée , à condition qu'on
y recevroit les pauvres femmes & filles enceintes pour y faire
leurs couches.
Un compte de la Fabrique de Saint-Nicolas , du 3 i Juillet 1545,
nous apprend que le grand autel étoit une efpece de lit, avec
NAN _ i8i
ciel , rideaux , & vergettes. On en avoit apparemment pris le
modèle fur ceux des Payens , qui , dans les temps de calamité ,
dreflbient dans les Temples des Dieux des lits appelles pulvi-
naires. On pouvoit encore avoir conftruit cet autel d'après les
tentes fous lefquelles les Juifs plaçoient l'arche d'alliance avant
la conftruftion du Temple de Jérufalem.
1547. Un afte capitulaire de la même Fabrique nous apprend
que les Paroifîiens , defirant former un chœur de Prêtres dans
leur Eglife, demandèrent le confentement de Guino de Fontana,
leur Refteur, qui approuva leur deflein. En conféquence le
Général s'afTembla , & décida que ce chœur feroit formé de douze
Prêtres, compris le Curé & fon Vicaire ; que les dix autres feroient
élus à la pluralité des voix , & qu'à cette éleftion la voix
du Curé en vaudroit deux , & celle du Vicaire autant , quand il
y feroit appelle ; que ces Prêtres , ainfî nommés , feroient aux
gages de la ParoilTe , & qu'ils feroient, en préfence du Refteur,
du Vicaire , des Paroifîiens , ou de leurs Procureurs , ferment à
Dieu , en mettant la main fur la poitrine , de fe bien & honnê-
tement comporter & conduire au fervice de la ParoifTe , & d'ob-
ferver entièrement le contenu du préfent traité. Leurs obligations
principales font , d'aller procefTionneilement & en bon ordre ,
vêtus de leurs furplis , en la compagnie du Refteur , du Vicaire ,
ou du plus ancien d'entr'eux , en l'abfence des deux premiers
pour caufe légitime , quérir les corps des trépaffés ^ & les accom-
pagner à l'Eglife en chantant les fuffrages accoutumés. Les ré-
tributions font partagées par portions égales entre les Chapelains^
fauf que le Refteur & fon Vicaire prendront pour eux deux
la portion de quatre. Les honoraires des Prêtres furent réglés
d'abord , à trois fols quatre deniers pour la procefîion j à dix lois
pour les vigiles des morts à neuf leçons ; à trois fols pour trois
leçons; & pour les MefTes chantées de Requiem^ avec Diacre
& fous-Diacre , à cinq fols dix deniers , qui dévoient être par-
tagés entre les Chapelains , fi ce n'eft que le Célébrant avoit
lui deux fols. En conféquence , il fut réglé que ces MefTes fe-
roient célébrées ad tumiim par les Chapelains, à moins que
les héritiers du défunt n'exigeaffent quelles le fuffent par le
Curé ou fon Vicaire. Outre ces rétributions , les Chapelains
reçoivent des honoraires particuliers de la Fabrique de la
ParoifTe.
Le Roi François I mourut à Rambouillet , le 3 1 Mars 1 5 47.
Ce Prince avoit fait avec le Pape le fameux Concordat pour
i8i N A N
la préfentation des Bénéfices. Il eut la douleur de voir s'intro-
duire en France , cette héréfie qui fit tant répandre de fang.
Se qui fit chanceler plus d'une fi^is {es fucceffeurs fiir le Trône.
Henri II , refié feul des trois fils de ce Monarque , lui fuccéda ,
& fit la guerre à l'Empereur.
Marie Stuard , Reine d'EcolTe , âgée d'environ fept ans , arriva
à Nantes le 22 Septembre 1548: elle y fut reçue par les ha-
bitants avec toutes les marques de diftmftion poffibles , félon.
les ordres précis du Roi & du Gouverneur , qui avoient sécrit à
la Communauté de ville à ce fujet. Les Ambafîadeurs d'Angle- .
terre, qui fe rendoient à Paris , accompagnoient Marie. C'eft cette.
Princefie aimable dont les malheurs font l'opprobre de la for-
tune. Née fur le Trône , comblée de toutes les faveurs de la
nature , elle ne fut heureufe qu'à la Cour de France , où elle
parut à peine. Après une infinité de revers , elle monta fur
l'échafaud , jugée par une Reine étrangère qui ne pouvoit avoir
de droits fur fes jours.
En conféquence de l'Arrêt du Parlement du 15 Oélobre
1548, la Communauté de ville fait intimer aux habitants d'An-
cenis , Saint-Julien de Vouvantes , la Chapelle-Glain , Saint-Pere
en Retz , le Loroux - Bottereau , Plefie , Savenai , Pontchâteau ,
Mac^ecou , Bouin , & Bourgneuf , de faire adminifirer leurs Hô-
Î)itaux par des Commiflaires laïques , nommés par le Général de
eurs Paroifles. La plupart de ces maifons ont été depuis unies
à THôtel-Dieu , ou à l'Ordre de Saint-Lazare.
Le Mifeur de la ville acquit , l'an 1550 , au nom de la
Communauté , la maifon de la Porte - blanche ou de la Porte-
de-fer , fituée dans la rue de Saint - Gildas , aujourd'hui des Car-
mélites ', maifon que la Ville affermoit pour y tenir fes Ecoles
de Droit.
Par Edit donné à Rheims , au mois de Mars 1 5 5 1 , le Roi
érigea le Siège ou la Barre royale de Nantes en Préfidial , com-
pofé d'un Baillif, d'un Sénéchal, d'un Lieutenant, de fept Con-
feillers , d'un Avocat du Roi, & d'un Greffier -d'appeaux. Sa
Majeflé attribua quatorze cents livres de gages à ce Siège , de
même qu'à ceux de Rennes , de Vannes , de Quimper , & de
Ploermel , qu'elle créa par le même Edit. Les habitants du reffort
de Nantes , fur lefquels on mettoit une impofition pour le paiement
de ces gages , fe délivrèrent quelque temps après de cet em-
barras , en comptant une fomme confidérable au Roi , qui fe
chargea de les payer à l'avenir. Le nouveau Préfidial jugeoit
N AN _ 185
en dernier refîbrt toutes les caufes qui nexcédoient pas la
fomme de deux cents livres en principal, ou dix livres tournois
de rente.
1551. La Communauté de ville , occupée de l'arrivée du Roi
Henri II qu'on attendoit à Nantes , s'afTemble au château le 20
Mai , pour délibérer fur l'entrée de ce Monarque. On décida
qu'à l'avenir les Avocats affifteroient à l'entrée des Rois Se des
Reines en habits décents , à cheval ou montés fur des mules.
Le Roi fe rend de Chateaubriand à Nantes avec la Reine Ca-
therine de Médicis, & y feiit fon entrée, le 12 Juillet, par la
.porte Saint-Nicolas. La Ville fit dreffer , fur le pafiage de Leurs
Majeftés, aux carrefours de Saint-Nicolas, du Change, & du
Pilori , des diéatres dont on ignore la conftru61:ion. On ne fçait pas
mieux à combien montèrent les dépenfes que la Ville fit à cette
occafion. Tout ce qu'on fçait , c'elt que la Reine montra fa gé-
nérofité par des aumônes multipliées. Le Gouverneur de la pro-
vince faifoit tout ce qui efi: aujourd'hui du refTort de l'Intendant,
pour l'exécution des ordres du Roi.
Jean Huard , Chanoine de la Cathédrale , fonda , Tan 1552,
dans cette EgUfe , la fête des Epoufailles de la Vierge avec Saint
Jofeph , pour être célébrée tous les ans le 1 5 Janvier.
Charles , Cardinal de Vendôme & Archevêque de Rouen ,
tenoit l'Evêché de Nantes en commende depuis 1550. Il avoit
obtenu un Induit du Pape Jules III , pour préfenter les Bénéfices,
admettre les réfignations , & recevoir les permutations dans le
diocefe de Nantes , en tous les mois. Il fit exercer ce droit par
Jean de la Touche , Doyen du Chapitre & fon Grand-Vicaire ,
qui, effeftivement , préfenta tous les Bénéfices qui vinrent à va-
quer pendant les années 1551, 155^', & i553* Mais, à cette
époque , Antoine de Créqui & de Canaples , Prince de Poix ,
Abbé de Saint-JuUen de Tours , de Sehncourt , & de Valloires,
Chancelier de l'Ordre de Saint-Michel , ayant été transféré de
l'Evêché de Terouane en Artois à celui de Nantes , l'Archevê-
que de Rouen, par fon mandement du 17 Janvier 1554, ôta
ce pouvoir à fon Grand- Vicaire , &c nomma le nouveau Prélat
fon feul Grand-Vicaire ad hoc. Ce Cardinal exerçoit encore ce droit
au mois d'Août 1557, mais feulement pour les Bénéfices à la
nomination du Pape ; les autres étoient préfentés par l'Evêque.
Il paroît qu'Antoine de Créqui eut quelques différents avec fon
Chapitre , puifqu'il l'obhgea , par un Arrêt du Confeil , à recon-
noître fon autorité & fa Jurifdiclion épifcopale.
î84 NAN
On prit , Tan 1553, cîes mefures contre les Calviniftes , qui
commençoient à s'introduire à Nantes & d'y répandre des er-
reurs. La ville étoit délolée par une maladie contagieufe depuis
1547. René de Sanfai , Capitaine du château, fe plaignit au
Gouverneur de la négligence des Magillirats au fujet de cette
maladie.
Par l'Edit rendu au mois de Mars 1553, il eft dit que le Parle-
ment, qui avoit été fixé à Vannes en 15 14, tiendra fa première
féance à Rennes , aux mois d'Août , Septembre , & Octobre ; & la
féconde à Nantes , aux mois de Février , Mars , & Avril. En
vertu de cet Edit, les Evêques de Rennes & de Nantes font
Confeillers-nés du Parlement , avec voix & oppofition délibé-
ratives. L^année fuivante, le Roi permit aux habitants de Nantes
de lever certaines impofitions , avec exemption des aides , à
condition que le produit de ces impofitions feroit employé aux
réparations & fortifications de la ville. On remarque que la
Communauté de Nantes envoyoit tous les ans , félon l'ufage ,
aux Minifires , quelques lamproies , dans le temps qu'on commen-
çoit à les pêcher.
Les Magifirats , informés que les Religieufes de Sainte-Claire
recevoient dans leur maifon plus de Filles qu'elles ne dé-
voient , leur défendirent , le 2 1 Juillet 1554, de pafl^er le nom-
bre déterminé par leurs fondations. Ils défendirent auffi à leurs
Direéleurs & Confefi^eurs de recevoir , de certaines perfonnes ,
des préfents qui les engageoient à perfuader à ces Religieufes
d'admettre toutes les Filles qui fe préfentoient dans leur Couvent.
Les Filles du Quint -Ordre de Saint - François , à leur arrivée
à Nantes en 1 5 1 2 , s'étoient chargées d'infl:ruire les jeunes per-
fonnes de la ville & des fauxbourgs , moyennant un falaire
honnête. Elles fe relâchèrent de ce foin en 1554, pour s'atta-
cher davantage aux feules penfionnaires , & s'en procurer , par
ce moyen , un plus grand nombre. Cette façon d'agir déplut à
la Communauté de ville , qui leur en fit des reproches. Il eft
à croire qu'elles remplirent exaftement leurs obligations dans la
fuite , puifqu'elles conferverent la maifon qu'on leur avoit donnée
dans la rue des Caves , près la Chambre des Comptes. Elles y
refterent jufqu'en 1632 , qu'elles occupèrent leur Couvent du
Marchix , comme nous le dirons ci-après. Elles étoient libres alors
& fans clôture.
A la fin du mois de Juillet 1554, le Duc d'Etampes, étant à
Nantes, donna des ordres pour mettre les côtes du diocefe à
l'abri
N A N 185
Tabri des incurfîons des Efpagnols qui les ravageoient. Il y avoit
f)eu de temps que deux galères de cette Nation avoient couvert
a Loire pendant neuf mois , depuis Nantes jufqu'au Pèlerin. La
Milice Bourgeoife étoit alors commandée par un Officier qui
portoit le nom de Connétable , auquel la Ville payoit foixante
livres monnoie de gages. Le portier de la ville étoit pour l'or-
dinaire Gentilhomme. Cette place étoit plus honorable qu'avi-
lifTante , puifqu'elle marquoit la grande confiance qu avoit le
Prince dans la probité de celui qui en étoit revêtu.
1555. Le Palais de la Chambre des Comptes fut achevé cette
année , & la ftatue équeftre de Henri II fut placée au defîus
de la principale porte. Le Monarque y créa deux nouvelles
charges de Maîtres aux Comptes , & abandonna la Bretagne au
Duc de Valois , fon gendre , qui difpofa des finances & des
charges , fans préjudice néanmoins des droits de Madame Renée ,
féconde fille du Roi Louis XII & de la Reine Anne. Le 2
Septembre , le Roi donna une Déclaration , qui portoit que les hom-
mages & aveux fe rendroient à fa Chambre des Comptes de
Bretagne , comme à celle de Paris.
Formule de l'hommage qui fe rend au Roi, ci fa Chambre des
Comptes de Bretagne,
. Le Greffier lit à haute voix le brevet d'hommage , qui con-
tient la qualité de celui qui le rend , celle de la terre pour la-
quelle il le rend , comment il efi: venu en polTeffion de cette
terre , fi c'ell: par acquêt ou fucceffion héréditaire. Pendant cette
lefture , le rendant hommage efi: à genoux fur un couffin , aux
pieds du Préfident , toutefois s'il eft d'extra6lion noble ou
revêtu d'Office royal de judicature j car autrement il eft reçu
debout, fans autre formalité que d'un afte décerné. La lefture
finie , le Préfident met les mains du vafTal entre les fiennes ,
pour marquer qu'il eft homme du Seigneur & Hé par fon ferment.
Il lui tient enfuite , à voix bafle , un difcours qui n'eft entendu
de perfonne , de même que la réponfe du vaflal , qui fe relevé ,
va s'affeoir dans un fauteuil que lui a préparé un Huiffier , &
fe couvre , pendant que les gens du Roi donnent leurs conclu-
fions pour la confervation des droits de Sa Majefté. Après quoi ,
l'Huiffier , qui fe tient derrière le fauteuil du vafiTal , l'avertit
d'ôter fon chapeau & de fe lever , pendant que le Préfident
prononce l'Arrêt à peu près en ces termes:
« La Chambre a décerné a6le au Sieur N. . . . de l'hommage
Tome UL A i
ï86 N A N
» préfentement fait par lui au Roi , pour les chofes contenues
» en fon brevet j ordonne qu'il en fournira aveu & dénombre-
» ment dans le temps porté par la coutume , à peine de faifie ,
» & communiquera en même temps fa quittance de rachat,
» û ceû par fuccefîîon ; ou de lods & vente , Ci ceû par ac-
» quêt. Et fî aucune faille avoit été apportée faute de prefta-
» tion dudit hommage , la Chambre lui en a donné main-levée ,
» payant les frais de Juftice , fans préjudice des fruits de
» mal-foi requis par le Procureur général du Roi. »
Par marché conclu le 1 4 Juillet 1555, le puits de la place
Saint-Pierre fut creufé à deux cents pieds de profondeur , à
quatre livres le pied , & achevé au mois d'Oftobre fuivant. Le
pilori de la Juftice du Roi, qui étoit jadis à la place Saint-Pierre,
n'y fubfifloit plus alors : il avoit été porté au milieu de la grande-
rue , à l'endroit qui en retient encore le nom , près le Puits-
Salé ou grand-puits , ou enfin le puits du Pilori. A l'établifTement
du Préfidial , le pilori fut tranfporté à la place du Bouffay ,.où
il ell refté jufqu'à préfent.
L'an 1555, Jean Cornichon tenoit la porte au nom du Roi ,
par ferme ou privilège , fournilToit des chevaux ou des portillons ,
Se prenoit les lettres pour Paris & route. Il ert le premier qui
ait tenu , à Nantes , le Bureau de la Porte &: de la Meflagerie,
Avant cet établiflement , on fe fervoit des occartons qui fe pré-
fentoient j & , fî l'affaire étoit prefTante , on y envoyoit des
MefTagers exprès.
1555. Au mois d'Avril, le Roi établit une Amirauté à Nantes.
L'Edit , donné à ce fujet , ert enrégiftré à la Chambre des
Comptes , au mois de Mai. La Maîtrife particulière des Eaux Se
Forêts , créée l'année précédente , ert érigée en grande Maîtrife
par Edit du mois de Novembre , & cette éreftion ert confirmée
au mois de Février 1556. Les habitants de Rennes fupplient le
Duc d'Etampes d'employer fon crédit pour obtenir du Roi que
le Parlement ne foit point transféré à Nantes , dont les habitants
le demandoient. Les Etats afTemblés dans la même ville , le 27
Septembre, délibèrent de faire marcher le ban & arriere-ban ; &,
le 2 Mai 1556, le Roi écrit de Villers-Coterets au Connétable
de Montmorenci , de le convoquer fur le champ , pour s'oppofer
à la defcente des Efpagnols fur les côtes de Bretagne.
Le Bureau de ville fait réparer , en 1556, l'Aumônerie de Touf-
faint , où l'on recevoit alors tous les pafTants & tous ceux attaqués
de la maladie de Saint-Méen. La Ville faitaufTi réparer l'Hôpital
NAN 187
de Saint-Clément, dont elle vouloit faire un Collège , & fait paver,
pour la première fois , la place du Bouffay . Au mois de Mars 1566,
le feu prend dans 1^ rue de la Mercerie, aujourd'hui des HalUs ,
qui ell réduire en cendres. Plufieurs particuliers font abfolument
ruinés par cet accident : le marc d'argent valoit alors quatorze
livres cinq fols.
Nous avons , d'Antoine de Créqui, un Rituel, un Bréviaire, &
des Statuts , publiés aux années 1555 & 1556 : ils défendent aux
Prêtres de fe charger de plus de huit Meiles , & aux Curés de
fe fervir de Prêtres étrangers pour l'admimftration des Sacrements,
avant de lui avoir préfenté les titres de l'Ordination de ces étran-
gers , & le dimifîbi're de leur Evêque en bonne forme. Ils re-
commandent de tenir exaftement des regiftres de baptême.
1 5 5^7. Le Roi règle la Chambre des Comptes de Bretagne
à Tinflar de celle de Paris. Depuis ce temps, les Préfidents , les Maî-
tres, les Auditeurs, les Avocats & Procureurs généraux , ont eu
les mêmes gages , ont été également traités , à la fubordination
près , & nommés tous & qualifiés Confeillers ou Gens des Comptes.
L'Angleterre & l'Efpagne faifoient alors la guerre à la France.
Le 1 1 Juillet , la Ville s'affembla pour déhbérer fur l'étabhffe-
ment du Collège à l'Hôpital de Saint -Clément. On forma le
projet d'en tranfporter les malades à l'Aumônerie de Touflaint fur
les ponts, & de faire venir de Paris des Profe fleurs , avec un
Principal, gagés pour trois ans. On traça, cette année, les ali-
gnements pour la nouvelle ville du Marchix. La crainte qu'on
avoir des Anglais & des Efpagnols , engagea les habitants à faire
un dénombrement de tous les citoyens en état de porter les^
armes. Suivant le rapport des Marguilliers aux Magiftrats, le 23
Août , il fe trouva , dans la ville & les fauxbourgs , deux mille
trois cents dix hommes capables de prendre les armes dans le
befoin j non compris les deux Chapitres & les Couvents re-
ligieux.
Le Calvinifme fut introduit dans le diocefe de Nantes par les
prédications de Jean Carmel , furnommé Fleuri & Fleurier , amené
en Bretagne , l'an 1558, par François de Coligni , Seigneur d'An-
delot. Loifeleur, dit Villiers , féconda Fleuri, & prêcha avec
lui à Nantes , à Blain , dans les châteaux de la Breteche , de
MifliUac j à la Rochebernard , & , non loin de cette ville , au
château de Lourmaye, Paroifle de Nivillac , dont d'Andelotétoit
Seigneur. Ce Gentilhomme , qui étoit Calvinifte zélé , mena fes
deux Prédicateurs au Croific , & les fit prêcher dans l'Eglife de
i88 ^^ NAN
Notre-Dame de Pitié. Le Clergé de la ville en avertit Antoine
de Créqui , fon Evêque , qui partit fur le champ pour aller s'op-
pofer aux Hérétiques. A fon arrivée au Croiiic, au mois de Juin,
le Prélat fit une proceflion où fut porté le Saint-Sacrement , &
alla attaquer la maifon où Ton prétendoit que les Proteflants
s'étoient retirés avec leurs Miniftres. Elle étoit une des plus fortes
du lieu , Se appartenoit à Guillaume Roi , Bourgeois dillingué
parmi fes concitoyens. La nombreufe troupe de gens de mer ôc
de payfans qui compofoient la proceflion , fit le fiege de la
maifon , par ordre du Prélat , qui , pour animer davantage fa
pieufe milice , lui fit donner plufieurs bariques de vin de Bordeaux.
La maifon fut battue par une groffe coulevrine qui tira cinq cents
coups, & défendue avec beaucoup d'opiniâtreté par dix-neuf braves
qui s'y étoient renfermés , mais qui , fe voyant trop inférieurs en
iorces , décampèrent à la faveur de la nuit , & fe rendirent au
château de Carheil , tandis que l'Evêque étoit à fouper. ( Le châ-
teau de Carheil elt fitué à une lieue trois quarts de-là , dans la
ParoifTe de Guérande. )
Cette expédition militaire manquée , l'Evêque revint à Nantes
couvert de confufion , & fut blâmé de la Cour , d'en être ainii
venu aux voies de fait fans permifîion du Souverain , ce qui
n'avoir point eu d'exemple , & d'avoir manié les armes , contre
la défenfe des faints Canons.
La charge d'Avocat général de la Chambre des Comptes fi;t
créée par Henri II, en 1558 , & exercée, pour la première fois,
par Jean Boulomer , ci-devant Auditeur. Quelque temps après ,
Guillaume de Francheville , Procureur général , la fit fupprimer ,
& rembourfa à Jean Boulomer la fomme qu'elle lui avoit coû-
tée. Le Roi Henri III la créa de nouveau, en 1 575 , & la donna
au même Guillaume de Francheville , qui fe démit de fa charge
en faveur de Jean de Francheville, fon fils.
1558. Ordonnance de Police, qui permet à l'Exécuteur de la
haute- Juilice de prendre , à fon profit , tous les cochons qui fe
trouveroient égarés dans les rues & places de la ville. Les mou-
lins de Barbin font aliénés. On donne permifîion aux Pères Corde-
liers de tirer , pendant trois ans , d'où bon leur femblera , quarante
pipes de vin , fans payer aucuns droits. Les glaces de l'iiiver en-
traînent les ponts de Pirmil & de la Saufaye.
Il y avoit alors quarante -fix Notaires ruraux pour le Comté
de Nantes. L'inflitution de ces Officiers étoit très-récente , puifque
le premier afte pafTé pardevant Notaires fut pour un marché
NAN 189
de quatre mille pefant de balles de fer , que la Ville acheta aux
forges de la Poiteviniere , Paroifle de Riaillé : cet a6le eft du
mois de Juillet 1558.
La porte nommée depuis de la Poiffbnnene , s'appelloit , dans
ce temps, la porte Chalandiere ou de la Prévôté, Ces noms, qu'on
lui donnoit indifféremment , lui venoient de la Prévôté qui tenoit
fon Bureau dans l'une de fes tours , & des bateaux nommés
chalands , qui pafToient fous le pont de cette porte en cette
année. Depuis la deflruftion de la chauffée & du moulin qui y
étoient en 1 48 5 , le paffage fut ouvert & élargi.
1559. L'Evêque obtient un Arrêt du Confeil , qui foumet le
Chapitre à fa Jurifdiftion épifcopale , & fait la viiite de ce Corps
& de fon Eglife Cathédrale, Henri II eff bleffé à mort , dans un
combat, par le Comte de Montgommeri, le 10 Juillet. François
II , fon fils & fon fucceffeur , donne la direftion des affaires aux
Guifes , l'Intendance de la guerre au Duc de ce nom , & celle
de la Religion au Cardinal , fon frère. Les Calviniftes commen-
cent à s'affembler & à former des projets. La Renaudie , Gen-
tilhomme d'Angoumois, eft chargé , par les principaux de fa Sefte,
d'aller dans toutes les villes exhorter les Proteftants à envoyer
des Députés à Nantes , dans le temps que le Parlement devoit
s'y raffembler , afin que l'affluence du peuple les empêche d'être
découverts. La Renaudie s'acquitte de fa commifîion en homme
habile , & les Députés fe rendent à Nantes , au jour marqué , au
nombre de plus de cent cinquante , fans qu'on s'apperçoive de leur
arrivée , & l'entreprife d'Aniboife eft concertée dans cette affem-
blée, au mois de Janvier 1560. Georges de la Forêt, fécond
chef de la conjuration contre les Guifes , accompagne la Re-
naudie dans fon entreprife. Le projet eff découvert , & la Re-
naudie eft tué à la tête des troupes qu'il commandoit dans la
forêt d'Amboife ( a ). Telles furent les premières étincelles de
l'incendie qui penfa confumer la France. Ce fut dans ce temps
qu'on donna le nom de Huguenots aux Calviniffes.
1560. Ereftion de la Mairie & de l'Echevinage de Nantes,
par lettres - patentes données à Blois au mois de Janvier, Ce^
lettres , qui confirment la création de la Communauté de ville,
veulent que le Maire foit élu tous les ans , & les Echcvins de
trois ans en trois ans , pour veiller aux intérêts de la ville. Ces
( <2 ) Cette forêt appartient au Roi , & peut contenir environ feize mille arpents dç
terrein. :
190 , N A N
lettres font vérifiées au Parlement le 30 Avril de la même année.
Le 9 Mai , René de Sanfai , Gouverneur de la ville , fe plaint au
Duc de Montmorenci , Gouverneur de la province , que les
Calvinifles afEchoient des placards indécents aux portes de la ville
& des hôtels des maifons , & que les habitants refufoient de
monter la garde pour empêcher les délbrdres. Il lui apprend
enfuite que le dernier ouragan a rompu le pont du château, &
qu'il paroît néceffaire de le faire rétablir au plus vite : il finit ,
en le priant de donner promptement des ordres pour remédier
aux troubles.
François II meurt le 1 5 Décembre. Charles IX , fon frère ,
lui fuccede. On alTemble les Etats généraux pour avifer aux
moyens d'arrêter les progrès du Calvinifme.
1 561. Droit de pafîiige étabh fur les ponts de Nantes , pendant
qu'on étoit occupé à les réparer. Permifiion donnée à la Com-
munauté de lever une impofition pour l'acquit des dettes de la
ville. Le Préfidial, voyant le Curé de Saint-Nicolas abfent, com-
met un Vicaire pour deffervir la ParoifTe , & fait faifir les re-
venus de la Cure. Les Calviniftes s'affemblent publiquement,
mais en petit nombre , dans un preflbir , à Barbin. Ils s'affem-
blent, une féconde fois, le 18 Juillet, au nombre de plus de
mille. Deux Libraires de Genève font amener à Nantes deux
charges de livres fufpe8:s , qui font faifis par le Grand- Vicaire.
Dans la nuit du 7 au 8 Décembre , René de Sanfai , Gouver-
neur de Nantes, & l'Archidiacre de la Cathédrale, fon neveu,
font mettre le feu au preffoir qu'avoir à Loquidie le nommé
du Harda:^ , & qui fervoit , comme celui de Barbin , de falle
d'affemblée pour les Calvinifles. Ces Seftaires, indignés de cette
injure, s'affemblent au nombre de trois cents, &, le 28 du
même mois, jour de Dimanche, ils entrent, à pied & à cheval,
dans la Cathédrale , tirent l'épée , jettent des pierres au peuple
qui étoit au Sermon , & ajoutent l'impiété à l'audace. On rap-
porte un procès-verbal de cette aftion , dont on ignore les fuites.
Les Changes étoient autrefois hors des murs de la ville , & y
communiquoient par une porte qui étoit à côté de l'Eglife de
Saint-Saturnin. Le 7 Janvier 1562, le Bureau permit à Pierre
Ferrault & à fa femme de dreffer leur ouvroir ( boutique ) au
devant de la maifon commune , vis-à-vis la porte de ville,
aux Changes. Cette place eft appellée camhiwn dans les anciens
titres , foit parce que les Changeurs ou Caiffiers y tenoient leur
bureau, ou parce qu'on y faifoit un change continuel d'argent
N AN 191
en denrées ou marchandifes -, elle étoit autrefois fort étendue ,
mais elle fut rétrecie par les maifons qu'on y éleva fur les fon-
dements des anciens murs. Elle reprit, en 1740, une partie da
fon ancienne largeur , parce qu'on recula les maifons qu'on y fit
conftruire à neuf dans ce temps.
L'ufage qui duroit depuis tant de fîecles , d'introduire les pé-
nitents à l'Eglife le jour du Jeudi-Saint, & de les abfoudre,
fut aboli en 1562. Le Chapitre de la Cathédrale fit, environ
ce temps-là, murer les portes de l'Eghfe du côté du cloître,
qui fubfirtoit encore , dans la cramte que fon tréfor ne fût enlevé
par les Calviniftes.
Marie de Beaucaire , Dame de Martigues , époufe de Sébaf-
tien de Luxembourg , Lieutenant général en Bretagne , fut reçue
avec la plus grande magnificence à Nantes. Elle logea à l'hôtel
de Briord , & y accoucha d'une fille qui fut nommée Marie*
Elle fut baptifée fix mois après fa naiflance , le 16 Juillet 1562.
Elle eut, pour parrain, Antoine de Bourbon, Roi de Navarre ,
& pour marraines , Marie Stuard , Reine d'Ecofle , & Marguerite
de France , fille du Roi Henri IL Les Députés du Prince &
des Princelîes furent reçus à Nantes , avec la plus grande dif-
tinftion.
Depuis l'appartement de la Dame de Luxembourg jufqu'à la
Cathédrale , les rues étoient tendues des plus riches tapineries. D'un
côté marchoient cent des principaux habitants , le cierge à la
main ; & de l'autre , cent Gentilshommes fuivis des Gendarmes ,
des Archers de la Compagnie , & des Officiers de la maifon
du père de l'enfant ; venoit enfuite un charriot plein de Nymphes
& de Muficiens qui jouoient de différents infi:ruments. Au haut
de ce charriot étoient ces mots , écrits en grofies lettres d'or 5
Tejfera militis Chnjliani j & de chaque côté étoient trois fentences
de l'Ecriture-Sainte , analogues à la cérémonie du Baptême. Après
le charriot venoient l'Univerfité & le Préfidial , fuivi de fix trom-
pettes qui précédoient le Héraut de Bretagne , vêtu de fa cotte
d'armes femée d'hermines.
Les Officiers de la cérémonie fùivoient en cet ordre : du
Gué de rifle , portoit la ferviette ; de Kerfimon , portoit l'eau ;
de Kermorvan , le baffin ; de Bizoges , le cremeau ; de Gou-
laine , le cierge -, & d'Afferac portoit l'enfant avec de Sevigné
& Tivoar-Arlin , le premier à fa droite & le fécond à fa gau-
che ', derrière eux , marchoit Châteauneuf , qui tenoit le bout
d'un drap d'or, femé de pierreries, dont l'enfant étoit couvert.
191 _ NAN
Les parrain Se marraines venoient enfuite, accompagnés d'un
grand nombre de Dames de la première diftmftion. Les rues
étoient bordées de quatre Compagnies de troupes , & de fept
Compagnies de la garde ordinan-e de la ville.
L'Eglife Cathédrale étoit magnifiquement parée. On avoit
dreffé au milieu de la nef un pavillon de la plus riche étoffe,
fous lequel l'enfant fut baptifé par Philippe du Bec , Evêque
de Vannes. Les grofles cloches annoncèrent le commencement
de la cérémonie , pendant laquelle on fit plufieurs décharges
d'artillerie au château & dans la ville. Le Théologal fit enfuite
un fermon , après lequel la Compagnie s'en retourna , dans le
même ordre , avec la nouvelle baptifée , qui époufa dans la
fuite le Duc de Mercœur.
Par déhbération du 29 Août 1562, le marché qui fe tenoit
aux Changes fut transféré à la place du Bouffay. Cette dernière
a toujours été dans l'enceinte de la ville , & fervoit jadis d'ave-
nue au Palais des anciens Comtes de Nantes. Le 17 Oftobre,
il fut arrêté au Bureau de la maifon commune , de faire paver
la rue du Port-Maillard , qui ne l'avoit point encore été , pour
la commodité des charrois.
1562. Antoine de Créqui efi: transféré à Amiens, & fait Car-
dinal , par le Pape Pie IV , au mois de Mars 1565. Antoine II ,
fon oncle , lui fuccede à l'Evêché de Nantes , par réfignation*
Une maladie contagieufe ravage Nantes en 1563. La ParoifTe
de Saint-Nicolas , qui n'étoit pas la moins affligée , implore la
miféricorde du Ciel, fans néghger les autres remèdes. Elle va
en procefïion à Saint-Sébaflien , trois lundis de fuite , & y envoie
un cierge du poids de huit livres , avec une bougie qui faifoit
le tour de fon EgHfe. On femoit le pavé de cette Eglife >
aux jours de Dimanches & de Fêtes , d'une grande quantité
d'herbes aromatiques. On remarque que , dans ce temps , les Fa-
briques des Paroiffes & les Hôpitaux de Nantes prêtoient de
l'argent à intérêt ufuraire.
Les ponts de Pirmil avoient été jufques-Ià en bois. Ils furent
alors bâtis en pierres , mais d'une manière fi peu folide , ou plutôt
fi défeftueufe , qu'ils écroulèrent vingt ans après.
1563. Les Calvinifi:es de Nantes tiennent publiquement des af-
femblées , en vertu de l'Edit de Janvier , donné en leur faveur»
Ils avoient des Temples au Marchix &L à Barbin. René de San-
fai , Lieutenant de Roi à Nantes , homme habile & Catholique
zélé, eut l'adreffe de faire détruire ces lieux, fans paroître
contrevenir
N A N I9J
'eontfevenîr à l'Edit. Ces Seftaires tiennent un Synode provincial à
la Rochebernard , le 23 Février 1564. Le Miniftre de Nantes
y aflîfte. (Voyez la Rochebernard.) Le 14 Août, la Commu-
nauté de ville s'alTemble à la Cathédrale , & prend la réfolu-
tion de fe plaindre , en Cour , des hérétiques , qui avoient eu le
fecret d'obtenir la maifon Guifchard , qui ell: à la fortie de Ri-
c'hebourg , au lieu de celle de Beauregard , pour y tenir leurs
affemblées.
Nous lifons dans le procès-verbal de Jean Coupé , commis
par l'Evêque de Nantes pour vifiter une partie de fon diocefe ,
que le Prieuré de Batz doit tenir fix Religieux , faire l'aumône
fix fois la femaine , & nourrir le Vicaire perpétuel de l'endroit
avec fon Domeftique. On y trouve aufîi les obligations des
Prieurés de Donges , de Pontchâteau , de Froflai , de Saint-Phil-
bert-de-grand-lieu , & de l'Abbaye de Blanche-Couronne. Toutes
ces obligations étoient publiques , avouées , & connues de tout
le monde , en 1 5 64 j mais elles font fi anciennes que peut-être ne
s'en fouvient-on plus. ( Voyez Donges , Pontchâteau , & les autres
lieux ci-deiTus dénommés. )
1564. Ereftion du Confulat , par Edit du mois d'Avril, enré-
giftré au Parlement le 10 Oftobre fuivant. Cette Jurifdi6^ion ,
compofée d'abord d'un Juge , nommé Mathurin Vivien , & de deux
Confuls , nommés Charles Chrétien & Guillaume Poullain , élus par
les trois Ordres de la ville affemblés , commence fes exercices
en 1 5(^5. Le Roi confirme l'établifTement de la Mairie de Nantes ;
& le 28 Novembre 1564 , efl élu pour premier Maire , Geoffroi
Drouet , Sieur de Langle , Paroiffien de Saint - Saturnin , dans
une affemblée générale faite au Couvent des Pères Cordeliers ,
où fe tenoit la Cour de Parlement. On confie la Police aux
Maire & Echevins , & le Roi confirme cet arrangement en
1 5 66. Il efl à obferver que l'éleftion annuelle du Maire n'a point
été confirmée par nos Rois avant 1 598, & que la charge d'Eche-
vin ennobliffoit celui qui en étoit revêtu.
En 1563 & 1564, les deux Grands -Vicaires firent des Sta-
tuts. Philippe du Bec fut créé Vicaire général de Nantes , cette
dernière année. Vers le même temps , fut faite une lettre en
forme de contrat entre le Roi & N. de Cucé , Confeiller ,
Maître des requêtes ordinaire , pour les mouHns de Joué près
Rennes , la Terre de la Jaquere , & le Pont en Verrais , qui
furent enfuite réunis à la recette de Nantes.
Sébailien de Luxembourg , Gouverneur de Bretagne , fit fon
Tome IIL B z
194 N A N
entrée à Nantes par la porte Saint-Nicolas , le 2 Juin 1 5(34 : il
fut reçu Tous le dais de la ville , qui étoit porté par quatre ha-
bitants , Se complimenté par le Reaeur de l'Univeriité à la tête
de fon Corps. La Communauté de ville lui fit préfent d'un
ba/îin, d'un vafe , & de fîx coupes , dont deux étoient couvertes,
le tout de vermeil & du poids de dix neuf marcs trois onces
un demi gros. La matière & la façon coûtoient enfemble la
fomme de cinq cents quatorze livres deux fols huit deniers :
on employa à la dorure vingt - fept croifats & demi d'or de
trois livres. Le préfent qu'on fit à la Vicomtefîe de Martigues
confifloit en confitures , dragées , & deux livres de foie d'Ef-
pagne.
Le premier a6le de l'autorité de la PoHce de Nantes , fut
une défenfe , faite le i o Janvier 1 5 <3 5 , aux charretiers à bras ,
d'aller au cabaret boire du vin d'Orléans & d'Anjou , & jouer
aux cartes & aux dés. Le vin d'Anjou ne valoit qu'un fol la bou-
teille , & celui d'Orléans un fol fix deniers.
L'année fe comptoit de deux façons différentes: les uns, la fai-
foient commencer à Pâques ; les autres , au premier Janvier. Par
Edit de l'an 1565 , il fut ordonné que, dans tout le Royaume,
on compteroit du premier Janvier.
Le Roi Charles IX fit fon entrée à Nantes , le 1 2 Oftobre , par
la porte Saint-Nicolas , où la Ville lui préfenta quatre clefs de
fer du poids de fix livres , & le reçut fous un dais de velours
bleu , doublé de toile d'or & d'argent , & femé de fleurs de lis
& d'écuflbns aux armes de France , fous lequel Sa Majefi:é mar-
cha jufqu'à la Cathédrale , & de-là au château. La Communauté
de ville avoit envoyé au devant du Roi, jufqu'à Chantoceaux,
une galère , fur laquelle le Monarque fe rendit à Nantes , & dont il
fit préfent à Claude de Sanfai , Sieur de Coffai , fils de René de
Sanzai , Lieutenant de Roi à Nantes ; mais le Bureau de ville
ia racheta , parce qu'il avoit emprunté les meubles qui l'ornoient,
ne croyant pas que Sa Majefté l'auroit retenue.
La Reine fe rendit auffi à Nantes après l'arrivée du Roi : les
rues furent fablées pour la recevoir. Le préfent qu'on lui fit ,
ainfi qu'au Monarque , confifloit en quatorze petits chevaux ,
nommés haquenées , & plufieurs tonneaux d'un vin excellent. De
Nantes la Cour fe rendit à Chateaubriand , petite ville affez
fouvent honorée de la vifite de nos Rois. L'entrée du Gouver-
neur , de la Reine , & du Roi , coûtèrent à la Communauté de
Nantes une fomme de dix mille quatre cents quatre- vingt-dix-fept
NAN 195
livres neuf fols huit deniers , fomme équivalente à quarante mille
livres de notre monnoie actuelle.
Pendant fon féjour à Nantes , Sa Majefté fit faifir les revenus
de l'Evêque & de plufieurs Bénéficiers , au prorata de leur
non-ré{îdence. Le 25 Oftobre , elle confirma, par un nouvel
Edit daté de Chateaubriand , celui donné à Troyes en Cham-
pagne , le 29 Mars de Tannée précédente , par lequel elle unit
& incorpore au Siège préfidial de Nantes les Jurifdiftions de
ToufFou , de Loyaux , du Gavre ; & le Siège des Eaux 6c Fo-
rêts du Gavre à celui des Eaux & Forêts de Nantes.
Les Calviniftes de Nantes s'étoient retirés à Blain, & en
avoient chaffé les Prêtres Catholiques ; de forte que , depuis deux
ans , on n'y célébroit plus l'Office divin pour les CathoHques. A la
ToulTaint 1565 , on recommença à y dire la Méfie.
Pierre Boifiuau , dit Launan , eut , de fon temps , une répu-
tation prodigieufe. Il publia plufieurs Ouvrages , entr'autres un
livre intitulé le Théâtre du Monde , dont on a fait plus de vingt
éditions : il mourut à Paris en 1566.
Antoine de Créqui céda l'Evêché de Nantes à Philippe du
Bec , Evêque de Vannes , qui lui donna en échange plufieurs
Bénéfices fimples. Philippe reçut , en 1 5 66 , fes Bulles de tranf-
lation du Siège épifcopal de Vannes à celui de Nantes , où il
fit fon entrée le 21 Décembre, à pied, pour abolir, dit -il,
l'ufage fafiueux de fe faire porter par les quatre Barons du dio-
cefe. Dans le même temps , les Maire & Echevins formèrent le
projet de faire creufer une fontaine publique dans la ville : ils
conclurent même un marché avec Cardin- Valence , fontainier,
demeurant à Orléans. On mit , à cette occafion , des impofitions
fur les habitants de Nantes j & le fontainier écrivit de Tours ,
le 18 Mai 1568, qu'il avoir plus de trois cents tuyaux & cent
pipes de ciment deflinés à l'exécution de l'entreprife , qui n'eut
point lieu , parce qu'il ne fut pas pofilble d'amener ks eaux
d une fontaine fituée fur les hauts-pavés , à travers les fofles de
la ville & la rivière d'Erdre.
I 568. Albert de Gondi , Comte de Retz, Général des galères,
& Maréchal de France , eft nommé Gouverneur de Nantes. Les
Capucins font reçus à Nantes , à condition qu'ils feroient les pre-
miers à fe porter aux incendies & à y travailler. Le Pape Pie
V , par fa Bulle du dernier Juillet , établit l'alternative dans le
diocefe pour cinq ans feulement. Cette Bulle efi: vérifiée au Par-
lement de Bretagne , le z8 06lobre, fur les lettres -patentes
19^ N A N
données à Rennes le 23 du même mois. Elle porte que le Prélat
jouira bien & duement du privilège accordé , tant & fi long-
temps qu'il fera réfidant dans fon Evêché, pendant les cinq
années mentionnées. On remarque que les Chanoines étoient en-
core tenus de loger les gens de guerre , & de porter les armes
pour la défenfe de la ville lorfqu'elle étoit attaquée.
La néceffité des temps & la multitude des affaires de la Ville
obligeoient à de grandes dépenfes. Les couriers qu'elle envoyoit
fréquemment en Cour pour donner avis de ce qui fe paffoit , de
recevoir les ordres du Roi , lui coûtoient des fommes immenfes.
Le 30 Août 1568, elle établit un meffager de Nantes à Paris
& route , aux gages de foixante livres par an. Ce meffager jouif-
foit du même privilège que les Membres de l'Univerfité , &
pouvoit prendre un falaire des particuliers dont il portoit & rap-
portoit les paquets & les lettres. Il partoit de Nantes tous les
lundis de chaque femaine. Le Roi Henri lïl fît une inftitution
à peu près femblable , l'an 1576.
Comme on craignoit les Calviniftes , on prit des mefures pour
les repouffer en cas d'attaque. Le Gouverneur de la province
avoir écrit le 9 Août, de faire une provifîon de vivres pour
trois mois j mais , comme fes ordres n'avoient point été exécutés ,
il menaça les Magiftrats de punition s'ils n'obéiffoient. En confé-
quence il y eut une affemblée aux Jacobins , qui donna ordre
de préparer l'artillerie qui étoit fur les remparts , & de conduire
aux fortifications, aux dépens des propnéta.ires^ tous les terriers
qui fe trouveroient aux portes des maifons & à la porte de Saint-
Nicolas. Il fut réfolu d'achever l'éclufe des murailles près le
Collège Saint-Jean , d'affeoir & de rempHr les gabions , de tra-
vailler à la tour du Duc fituée près le château , d'élever la
muraille qui féparoit le château & cette tour, de nettoyer les
fofïés , & de commencer par ceux du fer à cheval. On employa
à ces travaux ceux des habitants de la campagne qui étoient
exempts de faire le guet au château.
On fit efcarper les foffés du trépied en dehors , & on les
remplit en dedans. On fit applanir la Motte de Saint-André juf-
ques vis-à-vis le ranchis de la groffe tour, hauffer les murs entre
les Forts de Sauve-tout & les tours de ce nom , remplir ces Forts
de terre , hauffer les murs de ville derrière le pequoi des Jaco-
bins qui conduifoit hors de la ville , griller le batardeau du moulin
Fromenteau , autrement Coûtant , en la Paroiffe de Saint-Léonard j
préparer les chaînes des rues , vifiter les cafemates , les fouter-
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raîns fecrets de Thôtel de Briord , des rues des Carmes , de Saint-
Laurent , de Saint-Pierre , de Saint-Nicolas , de Sauve-tout , &
d'ailleurs j d'abattre les échelles & appentis attachés aux murs
de ville ; de faire des barrières aux portes de Saint-Pierre , de
Saint-Nicolas , & de Sauve-tout -, enfin , de vifiter les balles des
Colporteurs qui entreroient dans la ville , les hôtelleries , & les
îîiaifons , tant de l'intérieur que des fauxbourgs , tenues par des
perfonnes fufpeftes.
Le Siège de la Prévôté , qui avoit été fupprimé par l'Edit
général de la fuppreflion des baffes Jurifdiftions , fut rétabU au
mois de Novembre 1568. Les Etats s'affemblerent à Nantes
dans le même temps. Les eaux de la Loire débordèrent pendant
tout le mois de Janvier 1569. Il y avoit, dans ce temps, au
port Communeau , des moulins qui av oient coûté des fommes im-
menfes à bâtir. On en reconnut dans la fuite les inconvénients ;
on commença par les négliger , & Ton finit par les démoHr. On
n'en voit plus aucuns velliges, non plus que des deux éclufes,
dont l'une étoit à l'entrée & l'autre à la fortie des murs.
Les Maires , Echevins , & Juges de la ville étoient fujets à
faire le guet , à la garde des portes , Se à loger les gens de
guerre , qui faifoient encore abftinence au camp & en route
pendant le Carême.
L'Hôpital de Saint-Lazare fur les hauts pavés , où l'on tenoit
ordinairement les lépreux , fe trouva vuide au commencement
de l'année 1569. Le Doyen & les deux autres Adminiftrateurs
en firent leur rapport au Bureau de la maifon commune , le
4 Janvier j & , fur leurs repréfentations , on arrêta de mettre
en bail , pour trois ans , les revenus de cet Hôpital. On ne voit
pas que depuis ce temps on y ait mis des malades , puifque fés
revenus furent peu après unis à l'Hôtel-Dieu. Le 29 Mars, on
fit une proceiîion & des feux de joie , en aftions de grâces de
la vi6-l:oire que le Duc d'Anjou , frère du Roi , venoit de rem-
porter fur les Calviniftes , le 13 du même mois. Ce fuccès ne
raffura point les habitants de Nantes, qui reçurent ordre de fe
pourvoir de vivres pour trois mois , de faire la garde & le guet
jour & nuit , & de chaffer de la ville tous les étrangers. La
pefte fe joignit aux inquiétudes que caufoit la guerre , & fit de
grands ravages dans le diocefe. Le 10 Mai 1569, la Commu-
nauté de ville arrêta de gager un Chirurgien pour le traitement
des peftiférés , & d'acheter une maifon pour les loger. Le 7 Jan-
vier , le Roi avoit donné des lettres-patentes à ce fujet -, & la
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Ville , qui avoit pluiieurs appartements commodes , fupplia Sa Ma-
jeilé de nommer celui qui lui conviendroit : ces maifons étoient
celles de Chézine , au pied du roc Miferi^ près l'endroit aujour-
d'hui occupé par les petits Capucins ; du Clos-Daniel , de la Ba-
lue fur la Motte Saint-Nicolas, & de la Cyoniere près la tour
Mechiniere dans la ParoilTe de Saint-Donatien.
Les Etats s'afTemblerent à Nantes , par ordre du Roi , le 5 No-
vembre 1569. Jean d'Acigné , Seigneur de Fontenai & de Guer,
Chevalier de l'Ordre du Roi , préiida pour la Nobleffe , & Phi-
lippe du Bec , pour le Clergé.
1569. Lettres-patentes , portant étabHffement de l'Hôtel-Dieu
de Nantes; contrat de vente des Seigneuries du Pont en Verrais,
de la Jaquere , & de l'Ifle-Millau ; contrat de vente des moulins
des Halles , joignant la Seigneurie de la Jaquere , à Guillaume
d'Harouis. On avoit projette de conftruire un Fort dans le jardin
de la Chambre des Comptes ou dans celui des Pères Cordeliers ;
mais ce projet échoua, parce qu'on reconnut que la groffe bom-
barde de la tour du port Communeau fuffifoit feule pour défendre
la ville de ce côté-là. Le 29 du mois d'Août, mourut Sébaflien de
Luxembourg , Gouverneur de la province , d'une blelTure qu'il reçut
au fîege de Saint-Jean-d'Angély. Ce Seigneur faifoit fa principale
réfîdence à Nantes. Le Chapitre lui fit un Service folemnel dans
la Cathédrale , le 1 3 Décembre j & l'Univerfité lui en fit un autre ,
le 29 Janvier 1570, dans l'Eglife des Pères CordeHers. Jacques
Bigot , Principal du Collège de Saint-Clément , prononça l'Orai-
fon funèbre. Le Chapitre de la Cathédrale acceptoit alors des
fondations d'anniverfaires dans les Paroifles de Saint-Laurent &
de Saint-Denis , il alloit les acquitter en corps & l'aumuce fur
le bras: le 12 Avril 1570, il en donna afte au Refteur de
Saint-Laurent. On accorda dans ce temps cinq cents livres de
penfion au Sénéchal , mais fans tirer à conféquence pour l'avenir;
& , pour couper court aux prétentions de ceux qui pourroient un
jour occuper la même place , on déclara que cette penfion étoit
indépendante de l'Office de Sénéchal.
Un parti Calvinifie parut à Saint-SébafHen , de l'autre côté
de la Loire , le 2 1 Oftobre 1 5 70. Comme l'Edit de pacification
n'étoit point encore pubhé , on fit tirer le canon du château , qui
fit retirer l'ennemi. L'Edit accordé aux Calviniftes depuis quelques
mois , fut enfin pubhé à Nantes , & y remit la tranquiUité. On
y fit des réjouiflances pubHques , le 23 Novembre , pour le ma-
riage du Roi.
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L'Hôpital de Saint-Clément fut uni, Tan 1570, à l'Hôpital de
la ville fitué alors dans la rue d'Erdre. On voulut aufli y
unir celui de ToufTaint , mais la Confrairie qui en avoit la di-
reftion s'y oppofa. L'hiver fut très-rigoureux & dura trois mois,
fans la moindre diminution de froid. Jacques RoufTeau , Imprimeur,
préfenta une requête à la Communauté de ville pour s'établir à
Nantes j & fa demande lui fut accordée. Le bruit des armes
avoit beaucoup ralenti les Arts , & l'on s'empreflTa à les faire re-
vivre , Se à remettre la ville dans un meilleur état.
1 571. Le Roi permit aux Magiftrats de lever, fur les marchan-
difes qui fe débitoient à Nantes, des droits, dont le produit de-
voit être employé aux fortifications & réparations de la ville.
Le pont & la chauffée du Gué-aux- chèvres , fur l'étier de Mau-
ves au delà de Richebourg , furent faits en pierres , par adjudi-
cation du 28 Mars 1571. Le marché étoit de deux mille neuf
cents livres , qui furent payées par la Ville. Ce pont étoit aupa-
ravant en bois.
Comme les Gentilshommes du diocefe de Nantes étoient en-
core fujets au droit de bail , l'Evêque Philippe du Bec fupplia
le Roi de changer ce bail en rachat ; ce qui lui fut accordé
par lettres - patentes : mais ces lettres furent inutiles , parce
qu'elles ne furent point vérifiées au Parlement de Bretagne -, de
forte que Philippe de Cofpéan , fon fucceffeur , fut obligé d'en
demander de nouvelles à Louis XIII, l'an 1621. Le Monarque
y confentit , & les fit expédier félon les defirs du Prélat & des
Gentilshommes de fon diocefe.
Le i^^ Oftobre 1571 , on apporta au Bureau de ville une
coupe d'argent , que Jean Coupé , Chanoine de la Cathédrale ,
avoit légué à l'Hôpital , pour donner du vin aux malades après
la communion , pendant la quinzaine de Pâques , félon l'ufage
étabH. Par lettres du 8 Novembre , le Duc de Montpenfier ,
Gouverneur de la province, exempta les Maires, Echevins, Ju-
ges, Confuls, leurs Procureurs, Mifeurs & Contrôleurs, du guet,
de la garde des portes , & du logement des gens de guerre.
Le 26 Novembre , le Bureau de ville fixa le prix des vins qui
fe débitoient dans les cabarets de Nantes , fçavoir : le plus excel-
lent vin d'Anjou & de Gafcogne , à un fol trois deniers la bou-
teille ; & le moindre vin des mêmes crûs , à un fol. Le débitant
devoit avoir deux caves , l'une pour les vins étrangers , & l'autre
pour le vin de Nantes qui étoit bien moins cher. Celui qui demandoit
du vin pouvoit defcendre à la cave pour le voir tirer. Un fol trois
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deniers valoient environ trois fols neuf deniers de notre monnoie.
Aujourd'hui la même quantité de vin coûte au moins vingt fols.
La Police fixoit aufîi le prix des repas dans les auberges , &
de la nourriture des chevaux 3 le marc d'argent étoit à feize
livres.
Lorfque la Ville établit le Collège à l'Hôpital de Saint-Clément,
l'an 1555, le Chapitre flipula que le lavement des pieds des
pauvres, qui fe faifoit le Jeudi -Saint à cet Hôpital, fe feroit
fous le portail de l'Eghfe Cathédrale ; que l'Hôpital paieroit
aux vingt-quatre Chantres qui chantoient à cette cérémonie ,
un dîner qui leur feroit fervi au Collège. En 1571 , la Commu-
nauté de ville, au lieu du dîner, donna cinq livres monnoie
à partager aux vingt -quatre Chantres, qui, en 1572., deman-
dèrent que le dîner leur fût donné ou fait apprêter par ar-
gent. On conclut , en conféquence , un arrangement ; Si le ij
Mai fut paffé un a6le , qui portoit que le lavement des pieds
feroit fait par les Maire & Echevins fous le portail de la Ca-
thédrale. Cette cérémonie eft abolie depuis long-temps j mais
l'Hôpital n'en paie pas moins tous les ans une rente de huit livres
dix fols au Chapitre.
L'an 1572, la Communauté de ville acheta de N. du Cernis,
la maifon de l'Afnerie , au bas de la FolTe : elle coûta mille
neuf cents livres, fomme équivalente à cinq mille fept cents litres
de notre monnoie. Dès le 10 Mai 1569, on av oit pris cette
maifon à ferme , Se l'on y avoit envoyé des malades , félon le
projet qu'on avoit d'en faire un Hôpital. Les revenus de la fon-
dation furent augmentés , en 1 661 , par de nouveaux bienfaits de
la Communauté de ville , qui fe prétend , à jufle titre , fondatrice
de cet Hôpital , connu aujourd'hui fous le nom de Sanitat , &
dont , par conféquent , elle doit avoir la principale adminiftration.
1 572. MalTacre de la Saint-Barthelemi. Le Duc de Montpen-
fîer engagea , par une lettre , la Communauté de Nantes , à
égorger les Proteilants qui fe trouveroient dans la ville , fans
diftinftion de fexe ou de condition. Les Magiilrats eurent hor-
reur d'une telle barbarie , & refuferent d'obéir. S'il eft une oc-
cafîon où la défobéiffance foit permife , c'eft fur-tout dans celle-
ci j & le généreux refus des Nantais ne peut que leur faire hon-
neur. Il eft évident que la feule voix de l'humanité retint leurs
bras , puifqu'en défobéiftant ils refterent dans le devoir.
La ville de Rennes, qui avoit obtenu le Parlement, demanda
encore la Chambre des Comptes en 1572, mais elle ne put
l'obtenir»
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l'obtenir. Le Roi Charles IX y créa deux nouvelles charges de
Préfidents , huit de Maîtres , & dix d'Auditeurs , avec un nou-
veau femeftre , qui fut appelle feme/ire (T hiver. Il fut réglé que
les deux Préfidents feroient Français & non Bretons j que des
huit Maîtres & des dix Auditeurs il y en auroit la moitié de
Bretons & l'autre moitié de Français. Les privilèges des Bedeaux
& des Parcheminiers de l'Univerfité furent confirmés ; & le Séné-
chal de Nantes eut une penfion de huit cents livres. La porte
de ville Sauve-tout avoit été murée , & les habitants du Marchix
ne pouvoient entrer en ville que par la porte de Saint-Nicolas.
Louis de Bourbon , Prince Souverain de Dombes , Duc de
Montpenfier, fit fa première entrée à Nantes, le 23 Décembre
1572, par la porte de Saint-Nicolas, vers les quatre heures de
l'après-midi, & alla defcendre à l'hôtel de Briord. On obferva
le même cérémonial , en cette occafion , qu'à l'entrée de fon pré-
décefleur. La Paroiffe de Saint-Nicolas fe diftingua : elle fit faire
deux enfeignes , chacune de quatorze aunes & demie de fatin ,
fur lefqueiles elle fit peindre des écuflbns aux armes du Roi &
du Gouverneur ; elles coûtèrent, de façon, quatre-vingt-neuf livres
dix fols fix deniers.
La crainte qu'on avoit d'être furpris par les Calvinifles , obli-
geoit les habitants à faire, jour & nuit, la garde des portes delà
ville. Les Chanoines & les autres Eccléfialriques , qui étoient fu-
jets à ce fervice , firent de vives repréfentations au Gouverneur ,
qui voulut bien les en exempter ; mais, comme cette exemption
n'étoit pas dans les formes , il leur fallut reprendre le moufquet
l'année fuivante, comme à l'ordinaire.
1573. Le 27 Avril , on arrêta en plein Chapitre que le Saint-
Sacrement fer oit porté , le jour de la Fête-Dieu , fur un bran-
card , par des Prêtres , félon Pancienne coutume. Cet ufage ne
fubfifta pas long-temps , & le Saint-Sacrement continua d'être porté
par l'Evêque ou la première dignité du Chapitre. Les Calvmiftes
avoient repris les armes , & faifoient la guerre avec vigueur.
Le Gouverneur de la province , qui fçavoit qu'ils en vouloient à
la ville de Nantes , écrivit , du camp devant la Rochelle , de
prendre toutes les précautions pofîibles pour éviter la furprife.
On permit en même temps aux habitants de jomdre deux mou-
lins à eau aux fix autres qui fubfiftoient déjà fur les ponts : ils
furent conftruits fur le champ.
1574. Charles IX meurt à Vincennes le 30 Mai. Au mois de
Juillet , la Ville lui fait faire un fervice folemael dans la Cathédrale.
Tome. 11 L C 2
aox N A N
On remarque que les Chanoines portoient alors la robe rouge
aux jours ae grandes fêtes & de cérémonies.
Dès le règne de François II , on avoit formé le projet de faire ,
du fauxbourg du Marchix , une ville neuve ou nouvelle. Les cir-
conftances & le malheur des temps avoient fait échouer le projet,
Charles IX le reprit en 1 573 , & fit expédier des lettres-patentes,
en exécution defquelles un Ingénieur en forma le plan au mois
de Juillet 1574, & fit commencer l'ouvrage. Henri III confirma
les lettres de fon prédécefTeur , par celles qu'il donna le 28 Dé-
cembre 1574, le 19 Février 1575, & le 22 Août i')'j6. Ce
n eft donc point , comme on l'a prétendu , le Duc de Mercœur
qui en donna l'idée , puifqu'il ne fut nommé Gouverneur de Bre-
tagne qu'en 1582. Le Prince Lorrain poulTa effeftivement les
t/ravaux avec beaucoup d'aftivité , en 1584; mais, malgré la
diligence des ouvriers , on travailloit encore à cet ouvrage Tan
161 2. En 1624, les repréfentations de la Communauté de ville
firent abandonner ce projet, comme préjudiciable au bien pubhc ;
de forte que la ville neuve demeura imparfaite. Dans la fuite ,
on recommença les travaux fous de meilleures aufpices ; &
Sa Majelté ayant afféagé les terreins vagues qu'elle pofTédoit
de ce côté , on y a effeftivement bâti une ville , qui , félon le
premier projet & devis, contenoit , avec les foffés Se courtines,
fix mille huit cents toifes , qui font deux lieues deux mille toifes.
Le domaine du Roi augmenta confidérablement à Nantes par
ces afféagements , & il n'en coûta rien au Public.
Epitaphe de René de Rieux , aux Cordeliers de Nantes.
Rmato. Rlufo. AJfaraco. juniori. Equiti.
Torquato. regio. ant'iqu'iff^. Bùiiforum. &. in,
Illujlrijf. Ducum, Arcmoricor. Jîlrpis. Régi.
A. cuhiculo. Legato, turmae^ cataphractor.
Equie. Principis. Condaei. Margaraa, Conana,
Dulcijjîmo. conjugit
yixit. annis XXXV,
Hoc, ego. u, modico. conjunx. tua. fida. fepulchro,
Compofui. AJfaracœ. fios. &, OcelU. domus,
Nec. tantum. meâ. curd. tuos. componimus. anus.
Tota. mea. in. morte, efl. vita. fepulta. tua.
Quum. prope. depojitam. me. ingratd. in. luce. relinquis,
Quum, luum, quum, tu, gaudia, nojîra. rapis.
N A N loj
Sam que. m'ihï. tu, lux. tu. gaudia, nojîra, fuljîî,
Care. vir. o. anima, maxima. jlamma. mece.
Nunc. t'ibi. Jîm. quidvis. vd. fi. vis. Jim. tibi. conjunx.
Dummodo. tu. mihi.Jis. quod. mea. vita. mihi. ejl,
Obiit. XXF. Aug. MDLXXr.
Les Calviniftes avoient juré de prendre Nantes , & la Com-
munauté prenoit toutes les mefures poffibles pour les empêcher
d'effeftuer leur projet. Il y eut une aflemblée générale au châ-
teau, le 25 Mars 1575,011 il fut décidé d'appeller inceffam-
ment la Nobleflé non-luipefte à la défenfe de la ville , de
changer les clefs des portes tous les mois , de couler à fond
tous les bateaux de la rivière , &: de drefîer des batteries de
canon à toutes les portes. Le mercredi 13 Avril, on fit murer
les portes de Sauve-tout (a) , du Port-Communeau , & du Port-
Maillard j réparer & fortifier le boulevard de la Saufaye , fur le
bord de la rivière , vis-à-vis la poterne à bled & le râteau
d'Erdre ; & abattre tous les appentis attenant à ce boulevard,
& qui pouvoient en faciliter l'entrée. La Cour envoya aufîi
ordre de murer les deux poternes du château , & d'y faire
monter jour & nuit la garde aux habitants. On fit conduire fur
la tour des Jacobins les deux grofl'es pièces d'artillerie qui étoient
fur la porte Saint-Pierre , où elles ne pouvoient être d'une grande
utilité.
Les Rochelais tenoient la mer, & leurs corfaires fermoient
l'entrée de la Loire ; de forte que les denrées étoient au plus
haut prix. Le fel fe vendoit jufqu'à quatre livres le quartaut , ce
qui revient à douze livres de notre monnoie. Le peuple s'en
plaignit à la Communauté de ville , qui , dans fon aflemblée du
30 Juin, ordonna que , pendant cinq jours, y compris le Diman-
che , le quartaut de fel noir de la baie de Bretagne feroit vendu
cinquante-cinq fols , & celui d'Efpagne & de Portugal trente-
cinq fols. Il falloit qu'il y eût alors bien peu de marais falants
en Bretagne , puifque le fel étranger y étoit à meilleur marché
que celui du pays.
Environ le même temps , la Communauté de ville réfolut de
vendre les trois maifons dont elle jouiflToit à Nantes, pour acheter
( û ) Celle-ci venoit d'être ouvçrte depuis peu de temps , à la follicitatioa des hahi-
lants du Marcliix»
204 N A N
celle de Bizart, fituée dans la rue de Verdun. On remarque
qu'alors on tiroit le canon du château à l'inftallation du Maire.
Depuis long-temps , le Bureau de la ville & le Préfidial fe difpu-
toient le pas & la préféance dans les aflemblées. Par Arrêt du
Confeil , du 14 Décembre 1575, il fut réglé que le Sénéchal
ou l'Alloué , ou , dans leur abfence , le plus ancien des Confeillers ,
précéderoient le Maire & les Echevins dans toutes les affemblées
de la Ville j ce qui fut confirmé par Arrêt du 29 Novembre , en
faveur du Sénéchal.
Les Etats s'allemblerent à Nantes , le 26 Septembre 1 57^.
François du Gué de Servon y préfida pour la NoblefTe , &
Louis Buet , Abbé Commendataire de Meilleraye , pour le
Clergé , parce qu'aucun des Evêques de la province ne parut à
ces Etats.
René Tornemine , Baron de la Hunaudaye , nommé par le
Roi, le 3 Mars 1575 , pour comimander en Bretagne en -l'ab-
fence du Gouverneur & de fon Lieutenant général , vint à Nantes j
& , par fon Ordonnance du 7 Janvier 1 576 , y créa fix Compa-
gnies de Milice Bourgeoife de cent hommes chacune : il en
exempta tous les Gens d'EgUfe , foit féculiers , foit réguliers , qui
n'en furent pas fâchés , & plufieurs autres perfonnes dont l'état
n'étoit pas compatible avec cet étabUflement.
Les travaux, pour le creufement des foffés de la nouvelle ville
du Marchix , continuoient fous la direftion de l'Ingénieur envoyé
de la Cour , à Nantes , pour la conduite de l'ouvrage. Le 5 Mai
1576, cet Ingénieur préfenta au Bureau de ville un plan pour
conduire les eaux de la rivière d'Erdre , par les foffés de Saint-
Nicolas , dans la Loire. On commença à travailler en confé-
quence j mais , après bien des dépenfes inutiles , on abandonna
ce projet , qui paroît effectivement plus défavantageux qu'utile
au PubHc.
Le Duc de Montpenfier , Gouverneur de Bretagne , vint à
Nantes, avec la DuchefTe , fon époufe , le 25 Septembre 157(5.
La Communauté de ville lui fit un préfent de dragées , de con-
fitures , & de fix livres de foie plate de Grenade de différentes
couleurs. La livre de cette foie coûta vingt-quatre livres treize
fols quatre deniers , donc les fix livres coûtoient une fomme
de quatre cents quarante-quatre livres de notre monnoie.
Par Arrêt du Parlement, du 9 Avril 1 576, le nombre des Pro-
cureurs au Siège Préfidial de Nantes fut fixé à quarante. Environ
le même temps , le Roi créa les quatre premières charges de
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Correcteurs de la Chambre des Comptes, trois charges de Maî-
tres , fix d'Auditeurs , & une d'Avocat général.
Les premiers germes des fanglantes divifions qui défolerent la
Bretagne , & en particulier le Comté de Nantes , pendant plus
de vingt ans, commencèrent à paroître l'an 1575. L'Evêque &
le Clergé , qui ne pouvoient tolérer la nouvelle ieRe , nommè-
rent des Députés qu'ils chargèrent de leurs procurations auprès
du Pape Grégoire XIII & du Roi Henri lïï. On demandoit un
Concile général & les Etats généraux du Royaume , pour s'op-
poler aux progrès de l'héréfie. Les efprits étoient échauffés , &
ne pouvoient garder de modération. Les intrigues de la Cour
de Rome , le fanatirme du peuple , l'ambition des Grands , la
haine qui regnoit entre les deux partis , toutes ces caufes con-
coururent à allumer l'incendie qui fut fur le point de confumer
l'Etat. Bientôt fut formée cette ligue redoutable , décorée du beau
titre ^Union-Sainte ; mais qui ne de voit fa naiflance qu'à l'am-
bition de quelques particuUers. Le peuple , toujours attaché au
culte de fes pères , crut qu'en prenant les armes il feroit une
aftion agréable à l'Etre-Suprême , avec d'autant plus de con-
fiance qu'il y étoit engagé par les Miniftres de la Religion ,
gens qu'il ne pouvoir foupçonner capables de l'égarer. D'un bout
du Royaume à l'autre , on ne parla plus que d'exterminer les
Calvinilles & de venger le Ciel outragé. Henri III , qui étoit
aiîis fur le Trône de la France , fut fi effrayé de la puiffance
de la ligue , qu'il prit le parti de s'en déclarer le chef, aux Etats
tenus à Blois au mois de Novembre 1576. Philippe du Bec,Evê-
que de Nantes , affiffa à cette affemblée , & concourut à toutes
les délibérations qui s'y firent contre les Calviniftes. Le 8 No-
vembre , il partit de Nantes , muni de pleins pouvoirs , & revint
le 1 5 Janvier 1 577.
Les EgKfes Cathédrales de Nantes & d'Angers firent une af-
fociation l'an 1 576. Cette union, infpirée par la charité chrétienne ,
ne fut pas difficile à former. Il fut convenu qu'à la mort de
l'Evêque ou d'un Chanoine de Nantes , l'Eglife d'Angers lui feroit
un Service folemnel , auffi-tôt qu'elle feroit avertie de fon trépas ,
& que la Cathédrale de Nantes en feroit autant à la mort de
l'Evêque ou d'un Chanoine d'Angers ; que fi quelqu'un des mem-
bres de l'un des Chapitres étoit obligé de fortir de fa ville pour
éviter la perfécution d'un homme puiffant , il pourroit fe retirer
chez fes frères affociés , prendre fa place dans leur chœur &
dans leur Chapitre , & y donner fon avis j que le Chapitre de
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l'Eglife , dont il feroit membre , lui tiendroit compte de Tes re-
venus, mais qu'il ne pourroit plus s'abfenter du chœur & quitter
l'habit de la ville où il feroit réfugié, en reftant dans le même
lieu dès qu'une fois il l'auroit pris , fous peine de cinq fols
tournois d'amende aM profit des Enfants de chœur. Il fut aufli
dit que ces réfugiés ne pourroient afTifter à l'éledion des Evêques ,
ni prétendre à la préfentation des Bénéfices. On remarque que y
dans ce temps, il y avoit des Hôpitaux à Savenai, au Bourg-
de-Batz , à la Rochebernard , au Loroux-Bottereau , à Saint-Pere
en Retz , & à Rofet en PlefTé. Les Chanoines joignoient à leurs
Canonicats deux ou trois Cures , qu'ils faifoient deflervir par des
Vicaires.
On commença l'année 1577 parla publication d'un Jubilé, ac-
cordé par Grégoire XIII , pour obtenir du ciel qu'il lui plût bénir
des projets formés pour fa gloire. Ces projets étoient d'exterminer
les Calviniftes.
Les ouvrages de la ville neuve du Marchix étoient cefles. Les
habitants demandèrent qu'on en comblât les foffés qui leur étoient
préjudiciables ; ce qui leur fut accordé par déUbération de l'afTem-
blée du 6 Septembre 1577. Le 31 Juillet, la Communauté de
ville demanda & obtint du Roi la permiflion de bâtir une prifon pour
y renfermer les infrafteurs des règlements de la Police. On projetta
de la placer dans une des tours de la ville.
L'ancienne Confrairie de Saint- Jean de l'Hôpital , près les Cor-
deliers, fut tout-à-fait fupprimée ou s'éteignit d'elle-même en 1 577»
Son drap mortuaire, qui étoit très-riche , fut donné à l'Hôpital de
Notre-Dame de Pitié en Erdre, à condition qu'il feroit loué à tous
ceux qui le demanderoient , moyennant une rétribution de vingt fols
au profit des pauvres. On voyoit , il y a quelques années ,
dans la Chapelle de Saint-Jean, des monuments qui attelloient
fon antiquité.
Le 7 Oftobre 1 5 77 , la C ommunauté de ville reçut du Roi ,
qui étoit à Poitiers , des lettres qui lui donnoient avis de l'Edit
de pacification , & delà paix que SaMajeflé venoit d'accorder à
fes fujets Calvinifies. Cet Edit , qui fut pubHé au Préfidial de
Nantes le 19 du même mois, avoit été déclaré nul par l'Uni-
verfité dans fa féance du 13 du même mois. L'audace de ce
Corps prouve combien l'autorité royale étoit peu rel'peélée dans
ces temps malheureux. Le Duc de Mercœur vint à Nantes cette
même année. Pour lui faire honneur , on arrêta qu'on enverroit
au devant de lui quelques-uns des notables habitants j qu'on feroit^
N A N 2.07
à fon arrivée , une décharge de l'artillerie de la ville ; que la
Milice Bourgeoife prendroit les armes , & qu'on donneroit à diner
à ce Prince dans la grande falle des Jacobins , où il feroit fervi
par quelques Notables de la ville.
Le Préfidial entreprit de faire tranfporter de la place du Bouffay
à celle de Sainte-Catherine, les fourches patibulaires & autres inf*
truments fervant à Texécution des criminels. La Communauté de
ville, & le Commandeur , propriétaire du lieu , s'y oppoferent for-
tement , & firent échouer le projet. Le nom des Juges-Confuls
étoit, en ce temps, infcrit fur le livre doré.
1578. Sur les ponts de la Belle-Croix, à Nantes ^ eft un mo-
nument placé dans la muraille , en mémoire du fupplice du Ma-
réchal de Retz , exécuté en 1 440. On y voit les Images de la
Sainte Vierge , de Saint Gilles , Se de Saint Laud. Le 7 Janvier
1 579 , la Communauté de ville arrêta d'y faire placer une cou-
verture d'ardoife faillante, pour la confervation de cet antique
monument. Le 21 du même mois , la Communauté acheta de
Jacques de la Charte-Buhers-d'Aillon la charge de Connétable
ou de Commandant de la Milice Bourgeoife de Nantes. Cette
charge , c[ui coûta cent cinquante-quatre écus d'or au foleil > a été
depuis attachée à la Mairie ; de forte que le Maire eil Colonel-né
de la Milice Bourgeoife. Le 21 Février, le Bureau de ville tint
une affemblée générale , en conféquence des ordres du Roi que
les cntreprifes des Calviniltes inquiétoient. Comme ils paroifToient
toujours en vouloir à Nantes, on crut devoir prendre de nou-
velles précautions contre la furprife. On réfolut de faire exafte-
ment la garde jour & nuit , & d'y employer non-feulement le
peuple , mais encore le Clergé tant féculier que régulier , les
Officiers de la Chambre des Comptes , de Juilice , & les Gen-
tilshommes , auxquels il fut enjoint , en vertu des ordres du Roi,
de la monter en perfonne ou de la faire monter par des per-
fonnes capables , à leur tour & rang , comme les autres habitants.
Le Duc de Montpenfier arriva à Nantes, avec la DuchefTe, fon
époufe, le 2 Avril 1578, & logea à l'hôtel de Briord , que la
Ville avoir fait préparer pour le recevoir. Il féjourna douze jours
à Nantes , & caufa beaucoup de dépenfes. Il avoit un train de
cinquante-cinq chevaux, qui furent nourris à l'auberge, aux dépens
de la Communauté, à douze fols par jour pour chaque cheval.
Aux affemblées du 12 & du 22 Août, il fut décidé d'abattre
& d'applanir le bas de la Motte Saint-Pierre , de rendre plus uni
& plus commode le chemin qui coupe cette promenade , & qui
2o8 N A N
conduit à Richebourg & à la rivière. A cet effet , on conûrmfit un
mur affez fort pour ibutenir les terres fur les bords de la Loire , &
on exécuta le projet ci-defTus mentionné. Cet ouvrage fubiifte
encore j mais le chemin n'elt que pour les gens de pied. La
Communauté acheta , dans le même temps , la maifon Bizart ,
autrement de Derval , dans la rue de Verdun , pour une fomme
de quatre mille quatre cents quatre-vingt écus d'or au foleil &
un tiers d'écu ; & cinq fols de cens à la Seigneurie des Derva-
lieres, en la ParoifTe de Chantenai : le marc d'or valoir deux
cents vingt-deux hvres j & l'écu d'or , à la taille de foixante-douze
& demie , couroit à foixante fols. Ainfi , la maifon Bizart
coûta une fomme de quarante mille livres de notre monnoie.
Tous les anciens bâtiments furent démolis pour former l'Hôtel de
ville. Cette maifon releva pendant long-temps de la Seigneurie
des Dervalieres : mais, par Arrêt du Parlement, elle ne relevé
plus que du Roi. Le pont de Sainte-Radegonde & l'EgHfe de ce
nom , qui étoient en bois , furent démohs & rebâtis en pierres.
L'Eglife fublille toujours , mais il ne paroît plus aucunes traces
du pont.
Pendant les années 1578 & 1579, on fabriqua à Nantes des
monnoies de cuivre fin, nommées doubles d>c petits deniers. Quel-
ques-uns de ces doubles font marqués de la lettre Ty & l'on
penfe que c'eil la première monnoie frappée à Nantes , avec
cette monétale qui lui fut accordée par Henri liï. C'étoit jadis
la marque des monnoies fabriquées à Saint -Menehould , petite
ville de Champagne , où l'on n'en battoit plus fous le règne de
Henri liï. On croit que c'eft le même Monarque qui accorda le
numéro p à la ville de Rennes. La Communauté de ville de
Nantes , à qui le Duc François iï & la Reine Anne , fa fille ,
avoient accordé certains droits fur l'hôtel de la Monnoie , en
retiroit toujours beaucoup de profit. Dans le courant des mois
de Mars , Avril , & Mai , elle fit porter à la monnoie huit cents
trente-trois marcs de cuivre, qui furent convertis en doubles &
deniers ;, & cent quarante-trois marcs de billon , qui furent réduits
en liards ou quarts de douzain. L'empreinte de cette dernière
monnoie étoit une H couronnée au miheu de trois fleurs de lis,
avec la légende : Henri III ^ Roi de France & de Pologne, i^yg.
1579. Les eaux de la Loire avoient débordé avec tant de
violence , pendant les mois de Janvier & de Février , qu'elles em-
portèrent tous les ponts de bois qui étoient fur les rivières de
Loire &: d'Erdre. Elles endommagèrent beaucoup la Chapelle de
l'Hôpital
N A N 209
l'Hôpital de Notre-Dame en Erdre , qui fut réparée fur le champ.
On conllruifit de nouveaux ponts en bois , plus folides que les pré-
cédents , avec un râteau de fer , & l'on fortifia d'une nouvelle
tour la porte de Sauve-tout. Le Roi , content de la vigilance &:
des talents du Maire de Nantes, lui accorda une penfion viagère
de trois cents livres. Ce Magiftrat méritoit effeftivement la re-
connoiffance publique , par des foins multipliés & dignes d'éloges.
11 ne réuiîiffoit pourtant pas toujours : il entreprit , cette année ,
de conduire au centre de la ville les eaux de la fontaine des
Rouaudieres, fituée fur les hauts pavés. Cétoit la troifieme ten-
tative de cette efpece : elle n'eut pas de fuccès , & ne fit que
confirmer la difficulté de l'exécution du projet. Depuis quelques
années , les Officiers municipaux de Nantes demandoient que le
Parlement de la province fût fixé dans leur ville : ils renouvel-
lerent leurs fupplications en 1579, & offrirent une fomme de
trente mille livres pour obtenir plus facilement leur demande.
Albert de Gondi , Doyen-Baron de Retz , Maréchal de France
& Gouverneur de Nantes , fe rendit en cette ville le 8 Avril ,
& y fut reçu avec les honneurs ordinaires. La Ville lui fit pré-
fent de deux haquenées & de trois pipes de vin d'Anjou &
d'Orléans. Les Etats s'affemblerent à Nantes le 27 Septembre.
Gui de Scepeaux , Baron de Beaupreau , Comte de Chemillé , &
gendre du Seigneur de Châteauneuf, y préfida pour la NoblefTe j
& Philippe du Bec pour le Clergé. *'
1 5 80. On commença à bâtir les ponts de la Magdeleine & la
halle qui étoit fur la place du Bouffay le long du mur de ville.
Le Roi confulte les C)fficiers municipaux de fes principales villes
fur les moyens d'augmenter les petites monnoies , devenues rares
par le tranfport que les Changes en faifoient. La Communauté de
ville s'afîemble le 3 1 Janvier , & décide qu'il faut faire fabriquer
des fix blancs & des trois blancs d argent de même loi que le
franc d'argent. Le mémoire du maître 1 raiteur qui fournifToit à la
Maifon de ville, fe montoit à treize livres dix-fept fols fix deniers :
il avoit fourni quatorze repas.
1 5 8 1 ., L'Univerfité , depuis fon étabHfiement à Nantes en
1460, n'avoit admis au Reftorat aucun de fes Membres mariés.
Dams fon afiemblée du mois d'Avril , elle propofa de les admettre
à cette dignité, à l'exemple de l'Univerfité d'Angers, qui ne
croyoit pas devoir les en exclure. Une propofition auffi raifonnable
fut acceptée d'une voix unanime. On défendit , dans le même
temps , un abus aufix dangereux qu'indécent ; c'étoit l'ufage , établi
Tome IIL D 2.
zïo N A N
de temps immémorial , de faire voler un pigeon blanc dans la
Cathédrale , le jour de la Pentecôte j de jetter du jubé ou de la
tribune, dans le chœur, des étoupes allumées ^ & de tirer plu-
sieurs coups de fufil en mémoire de la defcente du Saint-Efprit
fur Jefus-Chrifl: en forme de colombe, & en forme de langues
de feu , avec grand bruit , fur les Apôtres. L'honoraire des Méfies
balles étoit réglé alors à quatre fols par le Général de la Pa-
roiffe de Saint-Nicolas, avec réduâlion des MelTes dont les ré-
tributions étoient à deux fols.
D'abord, les Echevins étoient au nombre de dix; mais, au
mois d'Août , ils furent fixés par Arrêt du Confeil à fix , fans
qu'à l'avenir on en pût créer un plus grand nombre. Le même
Arrêt portoit que le Maire feroit deux ans en exercice , tandis
qu'auparavant fa charge étoit annuelle. Le quai du port au vin
fut refait à neuf dans le courant de cette année, & il en avoit
befoin. La place de ce nom fut augmentée du côté de la rivière.
Le ï6 O6lobre, le Roi écrivit à la Communauté de ville d'or-
donner des proceffions & des prières pubhques, depuis le pre-
mier Dimanche de l'A vent jufqu'à pareil jour de l'année fuivante,
dans toutes les Eglifes & Paroiffes du diocefe, pour attirer la
bénédi6lion du ciel fur fon mariage avec Louife de Lorraine, fœur
du Duc de Mercœur. On ne fçait pourquoi le Roi s'adrelTa
plutôt à la Ville qu'à l'Evêque dans cette circonllance.
1582. Par lettres du* 13 Mai, le Roi permit aux Officiers mu-
nicipaux de faire conftruire la halle de la place du BoufFay , &
d'en affermer les étaux à leur profit. Le Collège de Saint-Clé-
ment avoit fait tomber celui de Saint-Jean , comme celui-ci avoit
fait tomber celui de Sainte-Croix , beaucoup plus ancien. On ne
voulut pourtant pas que celui de Saint-Jean devînt inutile : on le
rétablit, & il a fubfifté jufqu'en 1664.
Dès le mois d'Avril , la pefte fe fit reffentir & enleva beau-
coup de monde pendant les mois de Septembre , Novembre, &
Décembre. Le i o de ce dernier mois , on commença à fuivre à
Nantes le calendrier du Pape Grégoire XIII , en paffant tout-à-
coup par un retranchement de dix jours du 10 au 20 Décembre.
Les eaux débordèrent fur la fin de ce mois Se au commencement
de Tannée fuivante , avec tant de violence que les habitants de
Saint-Vincent & de Saint-Léonard ne pouvoient fortir de leurs
maifons. La Communauté de ville leur fit porter du pain dans
des bateaux.
1583. L'avis que la Communauté de ville avoit donné, par
NAN zTi
fa délibération du 31 Janvier 1580, ne fut pas long-temps fuivi.
Au mois de Mars 1583 , on fabriqua à Nantes des douzains, des
liards , des billons , des doubles , & des deniers de cuivre. Les
Magiilrats reprirent le projet de faire couler l'Erdre dans la Loire
par les foffés & les ponts de Saint-Nicolas, de rompre 6z d'ef-
carper le rocher qui étoit fous le pont de la porte de Sauve-tout.
On fit, à ce fujet, de grandes dépenfes , qui ne fervirent à rien ,
parce que le projet fut abandonné avant d'être exécuté , avec
d'autant plus de raifon que les frais à faire pour U^orfeftion
de l'entreprife ne feroient pas compenfés par ïa.yaM}^^^}Gn
reviendroit au public. ^^^^^^^^^ji-
chelTe d'Etampes Se de Penthievre , & Vicomteffe de Martigues ,
l'une des plus riches héritières du Royaume. En 1582 , Louis de
Bourbon , Duc de Montpenfier , s'étant démis du Gouvernement
de Bretagne , le Roi , par fes lettres du 5 Septembre même
année , le donna au Prince Lorrain , qui arriva à Nantes le 1 9
Mai 1583 : il logea à l'hôtel de Briord qu'on avoit fait meubler
exprès. Cette vafte maifon appartenoit alors à Madame de Bouille
& au fameux de la Noue Briord*
Deux mois furent employés aux préparatifs pour l'entrée folem-
nelle de ce Prince , qui fe fit le premier Septembre , entre les
cinq à fix heures du foir , par la porte Saint-Nicolas. Le Clergé
& les deux Chapitres, revêtus de leurs plus beaux ornements y
fortirent au devant de ce Seigneur , qui fut reçu par l'Univerfité
à la porte de la ville, & conduit à la Cathédrale au miheu de
la Milice Bourgeoife fous les armes. On employa huit cents
quarante-neuf livres de poudre à canon en plufieurs falves d'ar-
tillerie. La pompe de cette cérémonie furpafîa tout ce qu'on avoit
fait précédemment à l'entrée des Ducs Ôc des Rois. Le Chapitre
de la Cathédrale en fit inférer le détail fur fes regillres , 6c la
narration finit par une note qui prouve qu'il regardoit le Duc de
Mercœur comme le Souverain de la Bretagne.
Peu de temps après, la Communauté de ville fit de nouvelles
tentatives pour obtenir le Parlement j & elle fe flattoit d'autant
mieux de réuffir qu'elle penfoit qUe le Prince Lorrain, charmé de
l'attachement que luimontroient les Nantais, appuyeroit fortement
fes demandes.. Cependant fes follicitations furent inutiles , & le
Parlement reûa conilamment à Rennes^.
an _ _ ^ N A N
On conftruifolt , l'an 1583 , des galères fur la place du Port
au vin : mais, comme cette place étoit trop petite pour des
ouvrages de cette efpece , on réfolut de tranlporter la conf-
truftion à la prairie dite Gloriette , qui étoit alors fans quai , &:
qui s'étendoit jufqu'au pont de la Belle -Croix & au pilier de
ÎSotre-Dame de Saint-Gilles & de Saint-Laud. Elle tire fon nom
d'un château nommé Gloriette , dont François II fit préfent à un
de fes Officiers, à la charge de lui fournir tous les ans, par
forme de cens annuel , un épervier propre à la chalTe de l'oi-
feau. Au mois de Novembre , le Duc de Mercœur fe rendit à
Nantes pour affilier aux Etats qui y avoient été convoqués pour
le 25 du même mois. Bonaventure Chauvin , dit de la Alujfe ,
defccndant de rillullre Chancelier de ce nom , y préfida pour la
NoblefTej & Louis Buet , Abbé Commendataire de Meilleraye ,
y préfida pour le Clergé.
1584. Le Duc de Mercœur pouffe vivement les travaux de la
nouvelle ville du Marchix , auxquels il emploie les habitants des
Paroiffes de cinq à fix lieues à la ronde. Le 18 Avril, le Parle-
ment de Rennes permit , par un Arrêt , aux Officiers municipaux
de Nantes de mettre, pendant trois mois, fur les riches de la
ville , une taxe ou imposition , pour fubvenir aux befoins des pau-
vres dont la ville abondoit. Le premier Oélobre , les Etats s'af-
femblerent à Nantes -, & , peu de temps après , on déclara la
guerre aux Calviniftes dans toute la Bretagne. Jean Brofîàrd, Sieur
du Pleffeix , étoit alors Capitaine du château de Pirmil.
1586. Le Collège de Saint-Clément , qui, lors de fon établif-
fement, n'étoit compofé que d'un Principal & de quatre Régents
pour les Humanités , fut augmenté , le 13 Février , d'un Profeileur
de Philofophie & d'un premier Régent. Environ le même temps ,
un Nantais fe faifoit remarquer à Paris par fon adreffe admi-
rable. Cet homme avoit quarante ans , dit l'hillorien ; &: , quoi-
qu'il n'eût point de mains, il écrivoit, ôtoit fon chapeau, rinçoit
un verre , jouoit aux quilles , aux cartes , & aux dés , tiroit de
l'arc, & fe fervoit très-bien des armes à feu. L'année 1586 fut
malheureufe. Toutes les productions de la terre manquèrent, les
eaux débordèrent avec violence , & les glaces , qui étoient en ri-
vière dès le 9 Novembre , détruifirent plufieurs des arches du
pont de Pirmii. La communauté de ville emprunta deux mille
écus fols pour le foulagement des pauvres de la campagne.
1587. Les Avocats & les Procureurs paroiffent, pour la pre-
mière fois, au repas qui fe fait, à l'inllallation du Maire, à la
NAN iij
Maifon de ville. On reprend encore Tentreprife formée depuis
û long-temps , de faire palTer la rivière d'Erdre par les fofîes de
Saint-Nicolas. Le marché eft conclu le 21 Septembre, pour une
fomme de huit mille trois cents livres tournois ; mais l'accident
qui arrive le 27 Janvier fuivant fait encore abandonner le projet,
Une mine , creufée dans le rocher , a un effet fi violent qu elle
enlevé des éclats de pierre d'une groffeur prodigieufe , qui vont
tomber fur une maifon du Marchix , dont ils enfoncent la cou-
verture & le plancher.
1 588. Les Prédicateurs de Nantes commencent à faire la quête.
A cette époque , ils étoient payés par les Eghfes qui les employ oient.
La Communauté de ville payoit celui de la Cathédrale. Il y avoit
encore des femmes mariées & des Calviniftes qui, par brevet du
Roi , poffédoient des Bénéfices & percevoient les revenus de cer-
taines Abbayes. Les Etats s'aflemblent extraordinairement à Nantes
le 1(5 Mars, On imprime, dans le même temps , par ordre de
Philippe du Bec , un Miffel félon le rit romain , & des Sermons
prêches à Nantes , qu'on peut lire avec avantage & même avec
plaifir. Jean Frero , Gentilhomme Verrier , demande la permiffion
de travailler à Nantes , & l'obtient : il eft le premier de fon art
qui ait paru en cette ville.
Pierre le Galle , Archidiacre de Nantes , mort en 1 583 , avoit
légué à l'Hôpital fa riche bibliothèque , qui n'avoit point encore
été vendue depuis fa mort. Le Cardinal de Vendôme , frère du
Duc de Mercœur , venoit d'en offrir douze mille écus fols ; mais
rUniverfité confeille à la Communauté de ville de la retenir. Le
17 Novembre, on tient une affemblée à ce fujet , & l'on acheté
la bibhotheque , qui coûte une fomme de douze . cents écus d'or
au foleil , dont on s'obHge à payer l'intérêt à l'Hôpital , à raifort
du denier douze ; c'eft-à-dire , trois cents livres de rente annuelle ,
franchiffable à la volonté des Magiftrats. On fait préparer à l'Hôtel
de ville un lieu commode pour la placer & la rendre publique :
on la confie , fous cautionnement , à la garde d'un particulier ,
qui en prend fi peu de foin que tous les livres font enlevés les
uns après les autres. Il n'en eft refté aucun de ce temps à la bi-
bliothèque pubHque , qui exifte aujourd'hui chez les Prêtres de
l'Oratoire.
• Le Roi, qui avoit découvert les projets am.bitieux des Guifes,
les avoit fait maffacrer pendant les Etats généraux de Blois. II.
vouloir aulîi faire arrêter le Duc de Mercœur , qu'il foupçonnoit
d'intelUgence avec eux -, mais la Reine , fa fœur , l'avertit du.
114 . NAN
danger qui le menaçoit , &: lui procura les moyens de décamper
fecrétement. Le Monarque l'avoit retenu jufques-là dans le de-
voir, en le flattant de le faire Duc de Bourgogne : mais, dès que
le Duc vit les Guifes morts, il n'héiita plus & réfolut de faire
revivre les prétentions de fon époufe fur le Duché de Bretagne ^
prétentions auxquelles fes ancêtres avoient tant de fois renoncé»
La conjon6lure étoit favorable , & il crut pouvoir en profiter. A
l'exemple des Princes Lorrains, il appella les Efpagnols à fon
fecours , & mit des garnifons dans les plus fortes places- de la
province. Il fe rendit d'autant plus redoutable cju'il étoit maître
de la ville & du château de Nantes. Il commença les hoflilités,
le 2 Mars 1589, par l'emprifonnement de trois Seigneurs qu'il
fit enlever fur la route de Rennes à Paris, & conduire fecréte-
ment au château de Nantes. Ces trois prifonniers étoient , le Sei-
gneur de Ris , Premier Préfîdent du Parlement de Bretagne ; fon
fils j & Ifaac Loifel de Brie , fon gendre , Confeiller au même
Parlement. On ignora pendant long-temps ce qu'ils étoient de-
venus ; mais , enfin , on apprit qu'ils avoient été arrêtés par une
Compagnie de Gendarmes commandés par le Capitaine de Vignan-
court , qui les avoit menés au château de Nantes. La Dame
de Ris intérefla le Parlement & la Communauté de ville de
Rennes à cette affaire. Ils nommèrent des Députés , qui vinrent
à Nantes demander au Duc des nouvelles des prifonniers , &
le prier de punir cette violence. Le Duc répondit qu'il n'en avoit
point de connoiffance , & g-igii^ enfuite les Députés , qui ne rap-
portèrent que ce que le Duc avoit voulu leur difter. L'ambitieux
Gouverneur leva alors le mafque , & commença la guerre civile.
Il s'attacha d'abord à bien fortifier le château de Nantes , où il
iaifoit fa réfidence ordinaire : il y fit conllruire deux ballions,
l'un du côté de la ville & l'autre fur la Loire , avec un bon
rempart , fur lequel fe voit la double croix de Lorraine. Il
rendit cette place très-forte : elle eil flanquée de quatre grofl!es
tours du côté de la ville & de deux demi-lunes du côté de la
promenade , & entourée de fortes murailles , avec un large &
profond foflTé qui communique à la Loire , qui baigne l'autre côté
du château auiïï bien fortifié.
Au mois de Janvier 1 589 , le Roi Henri III donna des lettres-
patentes , portant confirmation du don de la Chapelle de Saint-
Antoine de Pade , des bâtiments, iprdins, & lieux en dépen-
dants , fait aux Pères Minimes par i'^s prédéceflTeurs. Le Monar-
que ajouta à ce bienfait toutes les Chapellenies nouvellement
NAN ^ 215
fondées dans la Chapelle de Saint-Antoine , Se permit aux Reli-
gieux de bâtir un Couvent, félon l'acte de la première conceffion.
Ces lettres furent portées au Parlement , mais les circonflances
& le malheur des temps empêchèrent leur exécution. Environ
le même temps, on arrêta de ne plus faire de dîner à la
Maifon de ville lorfque le Maire feroit continué , afin d'éviter
des dépenfes considérables ik fuperfîues.
Le 12 Avril, le Roi transféra, par un Edit, la Chambre des
Comptes , rUniveriité , & la Cour des monnoies à Rennes -, &
le Prélidial à Chateaubriand , parce que la ville de Nantes ne
reconnoiflbit plus d'autre Souverain que le Duc de Mercœur.
Les habitants de cette ville cherchoient à fe garantir de la fur-
prife des R.oyalill:es. Ils firent bâtir à l'entrée de Richebourg,
près la contrefcarpe , une porte très-forte , dont on ne voit plus
aucuns vclhges. Le 2 1 Mai , la Ducheile de Mercceur accoucha ,
au château , d'un fils , qu'elle fit nommer Louis , Prince &
Duc de Bretagne. Ce jeune Seigneur mourut le 11 Décem-
bre 1 590.
Le i-^ Juin 1589, le Comte de Soiflbns , Lieutenant général
en Bretagne , fut furpris , avec le Comte de Vertus , à Château-
giron , petite ville du diocefe de Rennes , par un détachement
des troupes du Duc de Mercœur , qui les conduilit au château
de Nantes. Le Comte ne refta pas long-tem=ps en prifon : il s'a-
vifa , pour en fortir , d'un ftratagême allez plaifant , qui lui
réuffit. Comme il fe faifoit fervir par un Traiteur, il fe mit
dans un panier dans lequel on lui avoit apporté à dîner j il fe
fit couvrir de linge & de vaifTelle , & fut porté dans cet équi-
page , par les garçons Cuifiniers , hors du château , fans q\ie
les gardes s'en doutalTent. Il fe rendit avec dihgence à Angers ,
d'où il écrivit au Duc de Mercœur qui n'étoit pas encore inf-
truit de fon évafion. On croit que la Duchefle de Mercœur avoit
favorifé la fuite de ce Prince , pour lequel elle n'avoit pu s'em*
pêcher d'être fenfible.
Les Frères mendiants , appelles Bons-hommes , aujourd'hui Mi'
lûmes , s'établirent fur la Foffe de Nantes , avec la permiffion
de l'Evêque , dans l'endroit aftuellement occupé par les grands
Capucins. Ils n'y relièrent que quelques mois , api es lefquels
ils prirent poiTefîion de la maifon qu'ils habitent aujourd'hui ; mais
leur Eglife ne fut bâtie que dans le fiecle fuivant. Après la
mort du Duc de Mercœur , le Roi leur donna le jardin du Duc.
1590. La Communauté de ville, qui craignoit un fiege , prie
2i6 NAN
des mefures pour ne point manquer de farine dans le befoin.
Elle fit faire des moulins en bois , & les plaça en différents quar-
tiers de la ville. Celui qui fut mis dans la baffe rue de Verdun ,
lui donna fon nom , qu'elle a confervé jufqu'à préfent. Ce moulin
fubfiffoit encore l'an 1 660. On ouvrit alors la porte de la groffe
tour de la Chambre des Comptes , & l'on y plaça fur le champ
un corps-de-garde. Le Duc de Mercœur mit cette année une
impofition de cinq mille deux cents écus d'or fur les habitants
de la ville & des lieux voifins , pour l'entretien de la garnifon.
La Paroiffe de Saint-Nicolas étoit taxée, pour fa paH, à cinq
cents quarante-quatre écus. Le Prince Lorrain faifoit fortifier de
plus en plus la ville de Nantes. Avant fon arrivée , on avoit
commencé un Fort de terre auprès du Port-Cornmuneau : il le
fit continuer avec vivacité , & força le peuple de la ville &: de
la campagne à venir y travailler. Ceux qui vouloient s'en exempter
pay oient cinq fols par femaine. La conffruftion de ce Fort fut
très-difpendieufe , d'autant plus qu'on fut contraint de jetter un
pont fur la rivière d'Erdre, pour fe procurer les terres du ma-
rais. La Communauté de ville poffédoit dans cette partie plu-
fieurs maifons , qui furent employées à ce Fort, qui s'élevoit en
forme de montagne , avec une caverne au milieu , où l'on étoit
à couvert & d'où l'on grimpoit fur la montagne.
Le 24 Septembre , le Chapitre ordonna une proceflion , qui
fe fit trois jours de fuite : le premier, aux Jacobins j le fécond,
aux Carmes j &: le troifieme aux Cordeliers. Elle commençoit
entre huit & neuf heures du foir ; les Chanoines y marchoient
en chemife , une torche d'une main & une croix dans l'autre ,
en chantant les Pfeaumes de la Pénitence pour demander la
paix. Le 26 du même mois , le Duc de Mercœur, étant à Dinan ^
donna des lettres-patentes , qui portoient que le Parlement de
Rennes feroit transféré à Nantes pour y rendre la juftice. Le
Duc avoit déjà établi , dans cette dernière ville , un Confeil
fouverain , qui , par" déUbération des Etats de fon parti , fut
compofé de dix-huit perfonnes , dont fix étoient à la nomination
du Prince Lorrain ; les douze autres étoient nomjnées par les Etats
& tirées de fon Corps , quatre de chaque Ordre. Le foi-difant
Parlement, nouvellement créé , ne tint fa première féance à Nantes
que le i ^K Janvier 1 5 9 1 . Il débuta par une défenfe à toutes
perfonnes de prêter ferment & d'obéir aux Princes , Prélats , Sei-
gneurs , Gentilshommes , & Gens de guerre qui occupoient les
villes de Bretagne , &: qui refufoient de reconnoître le Duc de
Meicœur
N A N iiy
Mercoenr pour leur Souverain j il défendit en outre de fortifier
les maifons & les châteaux , de bâtir aucune fortereffe , avec
ordre de démolir toutes celles qui avoient été bâties depuis trente
ans. Le Parlement de Rennes , qui tenoit pour le Roi , ne put
fouffrir l'infolence de la Cour du Duc : il rendit un Arrêt , qui
condamnoit quatorze Membres du foi-difant Parlement de Nantes ,
comme faufïaires , criminels de leze-majeilé au premier chef,
pour s'être faufTement attribués la qualité de Juges j & , pour
avoir adhéré , approuvé , & participé à l'exécrable parricide
commis en la perfonne facrée du feu Henri III , à faire amende
honorable en expiation defdits crimes, à être pendus, étranglés,
leurs corps traînés fur la claie , pour être enfuite portés aux
fourches patibulaires , y être attachés , & leurs Offices fupprimés.
L'Arrêt fut exécuté en effigie , le 4 Mars 1591 ; mais, deux ou
trois jours après , le Parlement du Duc rendit auffi fon Arrêt ,
portant que certain imprimé , fait par le prétendu Parlement de
Rennes . contre celui de Nantes , feroit brûlé dans la place
publique , & les cendres jettées au vent par l'Exécuteur de la
hauteJuftice.
Le Fort de Saint-Léonard & le mur qui en foutenoit les terres ,
écroulèrent l'an 1 5 90. Les réparations, que cet accident occafionna,
coûtèrent plus d'un milHon à la ville. Ce Fort étoit d'une hau-
teur prodigieufe , puifqu'il dominoit fur l'ancienne & la nouvelle
ville. Le terrein où il étoit eft aujourd'hui occupé par des mai-
fons qui le couvrent entièrement , & par la place du Port-Com-
muneau & le jardin des ReHgieufes de Sainte-Magdeleme. La
tour Guifchard, fituée dans le quartier de Sainte - Catherine ,
prit le nom de tour des Espagnols , parce qu'elle fervoit de loge-
ment aux troupes de cette nation , que le Duc avoit appellées
' à fon fecours. Elles étoient ii mal vêtues qu'on fut obhgé de
faire des quêtes pour leur procurer du linge & des habits. On
remarque que la fête du Papegault ne fe célébroit plus depuis
qu'on faifoit la guerre au Roi.
1591. Les Etats s'affemblerent à Nantes au mois de Mars. Le
Parlement de la hgue fit frapper des pièces de fix blancs ou
des trente deniers tournois , au nom & au coin du Roi de la
ligue, Charles X. Le Mifeur de Nantes, qui prévcyoit que cette
monnoie ne feroit pas de long cours , parce qu'elle n'avoir pas
la taille que la Communauté de ville avoit propofée, en 1580,
au Roi Henri III , demanda qu'on le déchargeât des diminutions
auxquelles cette nouvelle efpece de monnoie pourroit être fujette.
Tome IIL E 2
zi8 _ NAN _
Sa demande lui fut accordée , à condition qu'il tîendroit regiftre
chaque jour de la recette Se de la mife des pièces de iix blancs.
Cette monnoie tomba , comme on l'avoit prévu , & le Mifeur en
fît fon rapport , à la prière de la Communauté de ville , au Par-
lement du Duc. Le 24 Mai , les Capucins , quelques autres Ec-
cléfiaftiques & Laïques , firent une procefîion à la Cathédrale, fur
les neuf heures du foir , en chemife , pieds nuds , la torche en
main , pour demander au Ciel qu'il lui plût favorifer les armes
du Duc de Mercœur. Environ ce temps -là, fut aboli Tufage
d'appeller aux enterrements les Chanoines de la Cathédrale,
parce qu'ils exigeoient , pour leurs honoraires , une fomme de
cent livres , ( environ deux cents cinquante livres de notre mon-
iioie. ) Ces Eccléfiafliques polTédoient la plus grande partie des
Cures de la ville , & c'efl apparemment à caufe de cela que
les Curés ne faifoient pas difficulté de céder les honneurs
au Chapitre dans les cérémonies pubKques , ce qu'ils ne font
pas aujourd'hui. Le 1 4 Juin , le Duc de Mercœur fit préfent à
la Cathédrale de plufieurs ornements , & d'un riche dais de ve-
lours cramoifî. C'étoit la couleur en ufage dans les folemnités
du Saint-Sacrement , avant que le rit romain eût fait une efpece
de loi de fe fervir du blanc. On commença la cafemate de
la douve Saint-Pierre , entre le boulevard de ce nom & la tour
Chauvin , près du trépied. La DuchefTe de Mercœur y pofa la
première pierre , le 1 2 Août , au bruit du canon & au chant
des Muficiens de la ville. Le 22, tous les Manœuvres & Ma-
çons , qui travailloient au pont de Pirmil , furent employés à cet
ouvrage j & l'on fit un pont de communication avec la Motte
Saint-André , pour la commodité des ouvriers. Dans le même
temps , furent faites une porte & une barrière près les Char-
treux. Le 29 Oftobre , la Communauté de ville fit applanir,par
une troupe de Lamballais , le terrein de la Motte Saint-André ,
depuis l'éperon ou la cafemate , jufqu'à la defcente au port
de la grone tour. Ce port étoit bien autrement fitué qu'il ne
l'eft aujourd'hui. Cet applanifTement avoit été fait pour la com-
modité des Dames qui vcnoient danfer en cet endroit, appelle
la danfe des Dames, La DuchefTe de Mercœur étoit la première
danfeufe.
Une partie du cimetière de l'Hôpital de Sainte-Catherine fut
alors dellinée à la fépulture des pauvres. On transféra le corps-
de-garde de la tour Chauvin à la grofTe tour j on acheta quel-
ques maifons pour ouvrir une petite rue vis-à-vis le Couvent des
N A N 219
Carmes. Elle n'exifte plus ; elle paffoit de la rue du Moulin ,
ci-devant rue baffe de Verdun , à la rue de Briord , pour la
commodité des Gouverneurs qui habitoient ordinairement l'hôtel
de ce nom , qui appartenoit à la Ducheffe de Mercœur. Il n'y
avoit point encore de quai à la Foffe pour la décharge des
marchandifes qui abordoient au delà de la Chapelle Saint-Julien :
il y en avoit feulement un au port-au-vin.
Lorfque les Capucins firent la proceffion dont j'ai parlé au
a 4 Mai , ils n'avoient point encore d'établiffement fixe à Nantes.
Au mois de Novembre , le Duc de Mercœur les plaça dans
l'endroit aujourd'hui occupé par les Religieufes Cordelières de
Sainte-EHfabeth , au Marchix : & , au commencement du fiecle
fuivant , ils furent transférés à la Foffe , dans la maifon qu'ils
habitent aujourd'hui. Dans ce temps , fi la Communauté de ville
n'avoit pas été fatisfaite du Maire que les habitants avoient élu , elle
n'auroit point fait faire fon portrait. Chaque Maire a le fien dans la
grande falle de l'Hôtel de ville , oii ils font tous rangés par
ordre de fucceffion.
Phihppe du Bec , Evêque de Nantes , fut un de ceux qui
travaillèrent le plus ardemment à la converfion du Roi Henri IV.
Ce Prélat fut conftamment oppofé à la ligue. Il affiffa à l'affem-
blée de Mantes , & enfuite à celle de Chartres , en 1 5 9 1 ? oh
l'on déclara la Bulle du Pape Grégoire XIV , que ce Pontife
n'avoit donnée qu'à la fuggeftion des ennemis de la France. On
décida que cette Bulle n'étoit point à craindre pour des fujets
qui reconnoiffoient un Souverain légitime. Le Parlement de Tours
la fit brûler par l'Exécuteur de la haute-Juftice -, mais elle fut
mieux reçue à Nantes. Le Parlement de la Hgue la fit publier,
le 8 Août , à la Cathédrale , où le peuple s'étoit affemblé pour
une proceffion générale j &, le 19 du même mois , on condamna,
par repréfailles , l'Arrêt du Parlement de Tours , qui avoit con-
damné la Bulle au feu , à être brûlé lui-même. Ce qui fut exé-
cuté le même jour à Nantes. Ce diocefe & prefque toute la
Bretagne effuyoient , pendant ces jours d'erreurs & de mépris
pour les loix les plus facrées , tous les fléaux de la colère de
Dieu , la famine , la peile , & toutes les horreurs de la guerre
civile j les pillages , les exécutions rnilitaires , les viols fe mul-
tiplioient chaque jour, & faifoient de ce pays un théâtre d'abo-
minations.
1592. Le Duc de Mercœur fait différentes fondations , entr'au-
Itres, celle d'une lampe ardente qui doit brûler jour & nufl
110 ^ N A N
devant le Saint - Sacrement , dans l'Eglife de Saint-Vlncent ; il
fonde , en même temps , plufîeurs Services à la Cathédrale. Le
cimetière de cette dernière Eglife étoit fur la place Saint-Pierre,
& feulement clos d'une haie d'épines : on le fait fermer de murs ,
dans le courant de cette année , & l'on place un corps-de-garde
à l'un des coins de ce cimetière. Sur la fin de Juillet , les troupes
du Roi font un des Grands- Vie aires prifonnier. Le Chapitre ne
veut point lui donner de fuccefTeur , & charge fon confrère de
remplir fa' place. Le 8 Novembre , la DuchefTe de Mercœur
accouche , à l'hôtel de Briord , d'un garçon & d'une fille , qui
font baptifés le même jour à Saint-Vincent , fans aucune pompe.
On choiiit pour les parrains & marraines des pauvres mendiants,
à qui l'on nt une penfion viagère. Le jeune Prince , nommé
François , meurt le 13 de Mars de l'année fuivante , & efl: en-
terré dans un cercueil de plomb , avec fon frère Louis , dont
j'ai rapporté ci-delTus la naiffance & la mort , dans un caveau
creufé exprès dans l'Eglife des ReHgieufes de Sainte - Claire ,
avec une infcription qui marque leur delHnée. La PrincelTe,
nommée Françoife , époufa , dans la fuite , le Duc de Vendôme ,
fils naturel de Henri IV, On continue vivement les fortifications
de la ville , auxquelles on emploie ,^ fans relâche , les citadins
& les habitants des ParoifTes voifines. Au milieu de tant d'occu-
pations , le Duc de Mercœur fait une nouvelle fondation à la
Collégiale , pour laquelle il donne douze cents quarante écus fols,
1593. Le Pape Clément VIÏI confirme, par une Bulle, l'éta-
bliffement des Capucins au Marchix. Le Chapitre de la Cathé-
drale demande à ce Pontife , qu'il foit permis à fes Chanoines
de tenir des Cures avec leurs Canonicats , & de devenir riches ,
( fieri divhes: ) Environ ce même temps , le Curé & les Prêtres
de Saint-Nicolas , ayant chanté pendant quinze jours une Mefle
extraordinaire , avec les Vêpres & la Bénédi6lion , préfenterent
une requête à leurs Paroifliens , pour obtenir une récompenfe
de ce Service. Les habitants, ayant égard à la cherté des vivres,
leur font délivrer une fomme de dix écus fols. On fait travailler
au Couvent des Pères Minimes , & à une nouvelle tour qu'on
pLice auprès de la Chambre des Comptes. La Duchelîe de Mer-
cœur en pofe la première pierre. On a , pendant long-temps , tiré
le Papegault fur cette tour, dont il ne relie aujourd'hui que l'em-
placement , également que des ouvrages qui l'environnoient.
1594. Le Chapitre de la Cathédrale obtient du Pape Clé-
ment VIII la réunion de plufieurs Bénéfices. Philippe du Bec
NAN ■ _ zii
eft transféré à Rheîms , à l'âge de foixante-dix ans , par le Roi
Henri IV. Ce Prélat avoit beaucoup fouffert de la ligue. Sa mé-
moire fera toujours chère aux bons Français. Il fervit fon Prince
avec zèle & fidélité j & il étoit , fans doute ^ digne d'un meilleur
Clergé ou plutôt d'un meilleur temps , puifque les Nantais ne
tardèrent pas à rougir de leurs fureurs, 8c à détefter l'inftant
qui les avoit rendu coupables. Il efc le premier Evêque de Nantes
qui ait préfenté les Bénéfices alternativement avec le Pape. Jean
du Bec , fon neveu , devoit lui fuccéder par réfignation , mais il
n'eut point fes Bulles & ne prit point pofTelîion de fon Evêché.
Il permuta , du confentement de fon oncle , au mois d'Oftobre
1596, avec Charles de Bourgneuf, Evêque dé Saint-Malo. On
juroit encore, par fentence de jalhce, fur les Myfteres les plus
faints & les plus redoutables. Les regiftres de la Cathédrale font
mention d'un particulier, c{ui , par Arrêt du Parlement de Nantes,
prêta ferment, le 24 Juillet 1594, fur la Sainte-Euchariftie , ex-
pofée à cet effet fur le grand autel de la Cathédrale.
1595. La Communauté de ville fait nettoyer, par l'avis des
Médecins, le puits du carrefour aujourd'hui de la place Saint-
Pierre , dont les eaux étoient corrompues. On y travaille pen-
dant la nuit du 22 Avril , depuis neuf heures du foir jufqu'à
quatre heures du matin. Les habitants des rues qui conduifoient
depuis la porte Saint-Pierre au Port-Maillard , avoient devant
leurs portes des cuves pleines d'eau nette & claire , avec ordre
d'en jetter de temps en temps fur le pavé , pour faire couler
plus promptement les eaux corrompues & en divifer la mauvaife
odeur. Le Chapitre de la Cathédrale préfente une requête au
Duc de Mercœur, pour obtenir un impôt fur le vin, avec pro-
meffe d'en employer les deniers aux réparations de la Cathédrale
qui tomboit en ruine -, réparations que le Chapitre ne pouvoit
faire avec fes, modiques revenus. On ne fçait û la demande fut
accordée. Le 1 2 Mars , les Officiers municipaux font conllruire
un très-beau & très-commode corps-de-garde , en maçonnerie ,
fur la courtine du mur de ville , entre la groffe tour & le Fort
de terre de la Chambre des Comptes , avec une guérite , qu'on
appelloit alors Gloriette. Le 3 i du même mois , on fait la vifîte
des corderies qui étoient fur la Motte, où elles ne fubfiflent plus,
& on commence la chauffée Choifmet, qui conduifoit à la prairie
du même nom , aujourd'hui le Parc-aux-Fumiers , près la Cha-
pelle de la Magdeleine. La maifon qui eff auprès de cette Cha-
pelle eff de même date , elle eit du domaine du Roi. Un Secre-
212 N A N
taire de Philippe II , Roi d'Efpagne , vient à Nantes le 1 5 Juin ,
où il attend , pendant quelque temps ^ le Duc de Mercœur ,
auquel il préfente , de la part du Roi fon maître , une écharpe
rouge enrichie de diamants. Le Prieuré de Batz , près le Croific ,
eft uni au Collège de Saint-Clément , moyennant une penfion
que la Ville s'oblige de payer au Prieur, fa vie durant. L'Abbaye
de Landevenec , de laquelle dépendoit le Prieuré , s'oppofe for-
tement à cette union. Les Magiftrats achètent, pour la première
fois , des fceaux de cuir , des crochets , & autres uilenfiles
/nécefTaires aux incendies, d'autant plus communs & plus dange^
reux que les maifons étoient prefque toutes en bois , & feulement
féparées par des terrafîes ou des rues fort étroites. On projette de
creufer un puits devant la groffe horloge du Bouffay , & le
marché eft conclu pour une fomme de vingt-cinq écus. Par Ordon-
nance de Police , les TonneHers font obligés à mettre des
marques diflinftives fur les futailles neuves qu'ils fabriquoient,
La récolte , qui manque cette année, fait craindre une famine.
1 596. Le quai de la Poterne eft élargi, fur la requête des ha-
bitants du Heu, & l'abord en eft rendu plus commode. Pendant
le Carême , les maladies épidémiques fe manifeftent & font crain-
dre des fuites dangereufes. On indique une proceffion générale
à Saint-Sébaftien pour le mercredi d'après Pâques. Le déborde-
ment des eaux & le mauvais temps empêchent la proceffion
d'aller jufqu'à Saint-Sébaftien, & l'obHgent de s'arrêter à Saint-
Jacques. Le 29 Août fuivant , on fait une féconde proceffion à
Saint-Sébaftien , parce que la contagion continuoit toujours.
Depuis ce temps , on fait , tous les ans , une proceffion générale
au même lieu. Les pluies continuelles & abondantes détruifent
encore la récolte , & la famine fe joint à la pefte & à la guerre.
Les gens de la campagne > qui ne peuvent fubiifter chez eux,
viennent en foule à Nantes, & rempHftent cette ville. On fait
des quêtes pour leur fubfiftance , & l'on en occupe une partie
aux travaux des fortifications. La porte du Port-Communeau étoit
murée depuis long-temps : l'incommodité pubhque engage la Com-
munauté à demander au Duc la permiffion de l'ouvrir. Il y con-
fent , à condition qu'on y fafle faire un foifé avec un pont-levis :
tous ces ouvrages n'exiftent plus aujourd'hui. Comme l'Evêque
tenoit le parti du Roi , il avoit été forcé de fuir de fa ville épif-
copale qui étoit au pouvoir des ligueurs. Les Refteurs, voyant
le Prélat abfent , refufent de payer les droits -de vifitç. Le Fermier
du temporel de l'Evêchif les appelle en Juftiçe > i'Official pro-
N A N 21J
nonce en leur faveur , par la raifon qu'on ne devoit point payer
des vifites qui n'étoient point faites : mais le Duc , qui percevoit
les revenus de l'Evêché , fait caffer la Sentence de l'Official par
fon Confeil d'Etat & des Finances établi à Nantes , & les Rec-
teurs font forcés de fe foumettre à des loix aufîi dures. On levoit
alors , dans les Paroifles du diocefe , un devoir , appelle pardons
ou indulgences accordées à ceux qui donnoient l'aumône. Cette
aumône confifloit en laine , filalTe , poulets , argent , &c. & étoit
attribuée à l'Hôpital de Saint-Lazare , dès-lors uni à THôtel-Dieu.
On celfa de la demander vers Fan 1600. Pendant le Carême,
on quêtoit, dans la ville, du linge, comme draps, ferviettes,
&c. pour le fervice de l'Hôpital. Il y avoit alors un moulin à
poudre fur la place de Sainte-Catherine , à Nantes. Charles de
Gondi , Marquis de Belle-Ifle en mer , Duc de Retz , & Amiral
de Bretagne , eft tué au Mont-Saint -Michel par Kermartin,
Capitaine au fervice de Henri IV. Son corps eft apporté à
Nantes, &: mis en dépôt dans l'EgUfe des Chartreux pendant
deux jours. Le troifieme jour, le convoi fe fait, ^ le Duc de
Mercœur y aflifte , tenant par la main le jeune Marquis de Belle-
Ifle , âgé de iix ans j après la Meffe , le Duc reconduit le
deuil. Quelques jours après , on fait un fécond Service , & le
corps ell mis dans un carroffe couvert d'un drap mortuaire,
pour être conduit à Machecou. Le Prince Lorrain l'accompagne
jufqu'au pont Roufleau. Le quai du Port - Maillard , commencé
en 1588, eft enfin achevé cette année par le nommé Briquet,
1597. On continuoit de battre monnoie à Nantes, au coin
du Cardinal de Bourbon , élu Roi par la hgue , fous le nom
de Charles X, La légende du côté de la croix étoit : Carolus X.
D, G, Francorum Rex i5gy ; & du côté de la pile ou de l'écu:
Sit nomen Domini benediclum T. Cette monnoie étoit à onze de-
niers de loi , & à la taille de vingt-cinq un cinquième au marc.
Le Cardinal, Roi prétendu , étoit mort ,dès le 18 Mai 1590, au
château de Fontenay-le-Comte , en Poitou ; mais les affaires de
la hgue exigeoient qu'on fe fervît de fon nom , & que fes mon-
noies couruuent.
Le Duc de Mercœur fit conftruire cette année le baftion de
la Motte Saint-Pierre, qui a été démoli en 1742. On creufa
dans cette place , à la hauteur d'une pique , jufqu'à la Croix qui
étoit vis-à-vis la rue des Minimes , le jeu de paume , qui étoit,
en cet endroit , le chemin qui conduit à la rivière entre deux.
On découvrit, en travaillant, l'ancienne porte Charriere & un
"4 N A N
vieux chemin fort large & pavé , qui conduifoit de Richebourg
dans la ville & à une vieille tour couverte d'ardoife. La Loire
déborda encore , & les pluies continuelles firent évanouir l'efpé-
rance de voir bientôt finir la famine. La pelle coritinuoit tou-
jours fes ravages , & la guerre les fiens. Le bon accueil que la
Ville avoir ci-devant fait aux pauvres qui étoient venus les an-
nées paffées , en attira un grand nombre qui furent reçus avec
bonté : on en compta jufqu'â fix mille cinq cents , auxquels on
donna tous les fecours pofTibles.
1Ç98. Le i^"". Avril, on defcendit du haut de la nef de la
Cathédrale les drapeaux pris à l'armée du Roi , à la trifle journée
de Craon. Le 4 du mois , on chanta le Te Dewn dans cette
Eglife , pour remercier Dieu d'avoir infpiré au Roi la volonté de
donner la paix au Duc de Mercœur j & , pour la première fois , on fit
entendre à Nantes le cri chéri de Vive le Roi Henri IV. Ce
fut là le trépas de la Hgue. Le Prince Lorrain fentant enfin que
fon ambition ne feroit jamais fatisfaite , fe rendit à Angers au-
près du Roi , qui lui fit des avantages confidérables. Il lui ac-
corda deux cents trente mille écus de dédommagement, & dix-
fept mille écus de penfion , avec la garde des villes & châteaux
de Lamballe , Guingamp , Montemeurs ; & fiança fon fils légitime
Céfar,Ducde Vendôme, avec Françoife, fille du Prince Lorrain.
Après les fêtes ordinaires , le Roi partit d'Angers pour fe rendre
à Nantes, où il arriva le 13 Avril 1598. Il dîna à ChafTais,
maifon de plaifance de l'Evêque de Nantes. Philippe du Bec ,
ci-devant Evêque de ce diocefe , accompagnoit le Roi : il vit
avec fatisfaftion fa ville épifcopale , où il n'étoit pas entré de-
puis neuf ans , par attachement pour les Rois Henri III &:
Henri IV. Il y eut ordre de fermer les boutiques , & on défendit aux
habitants fous les armes de charger & de tirer aucune arquebufe ,
fous peine de la vie. Le Roi fit fon entrée à cheval , fur les
fix heures du foir , par la porte Saint-Pierre , & defcendit au châ-
teau. Charles de Bourgneuf , Evêque de Saint-Malo, déligné Evê-
que de Nantes , vint le compUmenter à la tête de fon Chapitre
au nom du Clergé. Les Magiflrats vinrent aufîi lui rendre leurs
devoirs. Sa Majellé étoit accompagnée de Charles Miron , Evê-
que d'Angers , des Ducs d'Elbeuf & d'Epernon , & du Comte
de Schomberg. Le lendemain mardi ,14 du mois , le Roi vint , fur
les neuf heures du matin , à l'Eglife Cathédrale , où l'on avoit
mis les armes de Sa Majeflé au defTus de la grande porte & du
chœur. Les deux Chapitres j en habits de cérémonie , le reçurent
à
N A N 115
à l'entrée de l'Eglîfe : le Monarque , qui fe mit à genoux fur un
couffin de velours cramoifi , pour baifer la Croix que Charles
de Bourgneuf lui préfenta , promit , en cet endroit , de garder 8c
défendre les libertés de l'Eglife , & entra dans la nef , où il relia
pendant le Te Deum ; il monta enfuite dans le chœur , fe plaça
Ibus le dais qu'on lui avoir préparé , & entendit la MefTe qui
fut chantée ( ^ ) par un de fes Aumôniers. Pendant toute cette céré-
monie , le Roi étoit accompagné de fes Gardes. Le jeudi 23 , Sa
Majeflé reçut à l'Eglife Cathédrale le collier de l'Ordre de la
Jarretière , qui lui fut envoyé par la Reine Elifabeth. Pour rendre
la cérémonie plus augufte , on avoit préparé deux dais à l'en-
trée du chœur , un de chaque côté , le premier à la chaife de
l'Evêque , & l'autre à celle du Tréforier. Ces décorations furent
inutiles : le Roi fe plaça dans la chaire du Scholaftique , & l'Am-
baffadeur Anglais dans la chaire du Doyen , Chantre en dignité.
Le Monarque affifta à l'Office avec le grand collier de fort
Ordre & celui de la Jarretière qu'il venoit de recevoir. Ce grand
Roi , en voyant la force & la beauté du château , dit à ceux
qui l'accompagnoient : V entre- faim-gris , les Ducs de Bretagne
nétoient pas de petits compagnons. Pendant le féjour du Roi à
Nantes , il fit plufieurs Règlements pour le bonheur de la ville
& de la province : il rappella la Chambre des Comptes qui
étoit à Rennes depuis 1589^ y créa deux places de Maître,
& confirma celles créées par le Duc de Mercœur en 1590. Il
régla que le nombre des Maire & Echevins refiant toujours le
même , il feroit procédé , tous les deux ans , avec les cérémonies
accoutumées , à l'éleftion de trois perfonnes , dont une feroit
choifie par Sa Majeflé pour faire les fondions de Maire. Il donna
des lettres-patentes confirmatives des privilèges des habitants de
Nantes , avec qualification pour cette ville du titre de capitale
de la province. Ces lettres furent enrégilbrées au Parlement de
Bretagne , avec cette claufe , fans préjudice des droits de la ville
de Rennes, Ce que le Monarque fit de plus remarquable , eft
le fameux Edit de Nantes , donné le 3 o Avril. Le Préfident de
Thou & le Chancelier de Navarre drefferent les mémoires d'a-
près lefquels il fut fait. Les Réformés fournirent des écrits 011
ils expofoient leurs plaintes , leurs droits , & leurs demandes,
Daniel Chamier , habile Calvimlle , y travailla de coacert'avec
C^) Di.e & chanter la MefTe étoient | Mcffe baffe & MeJ[è à no te, ^ Mejfc chanià.
mots fynonymes. Mefle à compt€r,figmfioit ] ©u votive,.
Tome III^ F 2.
ii6 N A N
le Préfident Jeannin & M. de Schomberg. Ce traité accordoit aux
Calviniftes le libre exercice de leur Religion , dans tous les lieux
où il avoit été établi aux années i 596 & 1 597 , avec permiflion
aux Gentilshommes d'avoir des Minières dans leurs châteaux.
Les Proteftants pouvoient être élevés aux emplois , & exercer
toutes les charges poffibles , tant dans le civil que dans le mili-
taire. On leur accorda même des Chambres mi-parties , où ils
étoient jugés & défendus par des gens de leur fefte. En un
mot , ils furent confirmés dans tous les privilèges accordés par
les Edits précédents, û multipliés & fi îbuvent violés. Le Par-
lement , qui n'étoit pas encore entièrement purgé du venin de la
ligue , refufa long-temps de publier cette loi -, mais il fe rendit
enfin aux fages & judicieufes raifons du Roi , & l'enrégifira le
I ç Février de l'année fiiivante , pour être exécutée félon ia forme
& teneur , &:. être regardée comme loi fondamentale du Royaume,
& Edit perpétuel & irrévocable. Une loi fi fage , fi utile , fi
nécefiTaire même au bonheur des deux partis , ne fut pourtant
pas du goût de tout le monde. Les haines n'étoient point éteintes:
le zèle extrême du Clergé ne pouvoir fouffrir que des hommes
qu'il regardoit comme des réprouvés , ennemis de fon culte ,
marchaffent de pair avec les partifans de l'Eglife Romaine.
La Religion paroifibit en danger , & , pour fatisfaire les Catho-
liques , il auroit fallu profcrire la doftrine de Calvin Se fes fec-
tateurs. L'amour qu'on portoit à Henri IV , & la crainte de défo-
béir à un Monarque éclairé & chéri , empêchèrent les mal-in-
tentionnés d'éclater pendant qu'il vécut ; mais , dès qu'il fut mort,
on fit à l'Edit mille infraftions , pour lefquelles il fallut demander
6c donner une infinité d'expUcations. D'un autre côté , la foiblefi^e
de l'adminiftration fous Louis Xill, les mécontentements des Grands
Seigneurs Çathohques, qui fe joignoient afi^ez fouvent aux Ré-
formés , enhardirent ceux qui demandèrent avec hauteur le
redreflement de leurs griefs. Ils poufiérent même leurs prétentions
beaucoup plus loin que fous Henri IV , d'autant mieux que leurs
plaintes étoient jufies , & que le Gouvernement étoit plus foible.
Les deux partis prirent les armes , & les poferent fans avoir pu
mettre les chofes fur un pied llable. Les affaires changèrent de face
fous le minifi:ere de Richelieu. Les Calvinifies , vaincus , furent
obligés de recevoir la loi que leur impofa la Cour. Le fage Mi-
niftre ne voulut pourtant pas ôter aux Réformés les privilèges
qui leur avoient été accordés par le Grand Henri. Il fit confir-
mer l'Edit de Nantes, qui étoit toujours regardé comme loi
M
N A N 217
fondamentale du Royaume ; mais cette confirmation ne fut ac-
cordée que comme une grâce , & non comme un effet de la
juftice du Roi. Le Cardinal fe flattoit de ramener les Calviniiles
à la Religion Romaine par la perfuafîon , bc ne vouloir point
pouffer à bout un parti dont le défefpoir auroit pu caufcr des
troubles dangereux & funeftes à l'Etat. Il chercha feulement à
l'affoibhr & à le ruiner par des voies fecretes. Les Protcffants
fe plaignirent; mais ils étoient fi humiHés & fi abattus, qu'ils n'ofe-
rent remuer : ils redoutoient un Miniftre aftif , infatigable , puif-
fant , éclairé , qui n'ignoroit aucune de leurs démarches , & qui
leur oppofoit fans ceffe des barrières difficiles à franchir. Sous
l'adminiffration du Cardinal Mazarin , on les traita encore plus
durement : on leur fufcitoit fans ceffe de nouvelles querelles -, on
leur difputoit des Eglifes , des cimetières , des Collèges , & on leur
enlevoit infenfiblement leurs privilèges. Ils fe plaignoient , mais ils
n'obtenoient rien , ou bien peu de chofes : encore faifoit-on Ibnner
bien haut les moindres faveurs qu'on leur accordoit. Louis XIV
avoit juré l'obfervation de l'Edit de Nantes ; mais le Clergé , par
fes remontrances ; les Jéfuites , par des infinuations envenimées j
le Chancelier le Tellier , & Louvois fon fils , lui firent bientôt
oublier fes ferments. Au mois de Janvier 1 669 , on fit une in-
fraction frappante à l'Edit , en fupprimant dans tous les Parle-
ments les Chambres mi - parties , & l'on ne fouffrit dans celui
de Paris qu'un ConfeiUer Réformé. Dès-lors , on ne garda plus
de mefures avec eux : on les repréfenta comme des fujets dan-
gereux , toujours prêts à lever l'étendard de la révolte : on leur
défendit d'époufer des filles Catholiques , & on les exclut des
fermes , des emplois , & des Corps des arts & métiers. On défendit
de leur faire violence , mais la défenfe fut mal obfervée. En
1 68 1 , le Roi rendit une Déclaration , qui portoit que les enfants
des Réformés feroient reçus à changer de Religion à l'âge de
fept ans , & l'on en enleva quelques-uns , de force , des mains
de leurs parents. Ces vexations firent déferrer un grand nombre
de familles , qui pafferent chez l'Etranger. On prit des mefures,
mais inutilement , pour arrêter les émigrations. On finit enfin
£ar révoquer l'Edit de Nantes , comme nous le dirons en fon lieu.
e Clergé ^ la Nobleffe , & le Peuple , avoient tous contribué
pour honorer l'entrée du Roi Henri IV à Nantes ; elle coûta une
fomme de vingt-deux mille livres ; fomme confidérable après neuf
ans de guerre , & prefqu'autant de peffe & de famine. Le marc
d'or étoit à deux cents vingt-deux livres. Le 6 Mai, ie Roi
xi8 N A N
partit pour Rennes, & alla coucher dans la ParoifTe de Chartres,
au château de Fontenay , appartenant à la Maréchale de Briffac ,
à une lieue trois quarts de la ville.
Sur la permiflion que le Roi venoit de donner , la Communauté
de ville de Nantes nt démoUr l'éperon de terre qui étoit fur la
Motte Saint-Pierre , & fit appianir cette Motte depuis la barrière
de la ville jufqu'à Richebourg. Après une longue procédure ,
l'Hôpital de Touflaint fut enfin uni à THôtel-Dieu de Nantes. En
conféquence de cette union , l'Hôpital doit donner, d'obligation,
l'hofpitaUté à tous les paflants qui fe préfentent , & les garder
un jour comme faifoit celui de TouiTaint. A la vue de quelques
maladies qui parurent au mois d'Août , on craignit que l'épidémie
des années précédentes ne renouvellât fes ravages dans la ville. En
conféquence , on fit une proceffion à Notre-Dame de Miféricorde ,
pour demander au Ciel la grâce d'être préfervés de ce fléau. La
ville ne fut pas effe£l:ivement affligée de celui-ci : mais elle fut
frappée d'un autre qui , quoique moins terrible , fit beaucoup
fouffrir les habitants. Les vignes manquèrent entièrement, Se un
ouragan furieux renverfa plufieurs édifices. Charles de Bourgneuf
eut fes Bulles le 3 1 Août , & prit pofleflion de fon Evêché le
29 Mars de l'année fuivante. Par délibération de la Communauté
de ville , du 3 Décembre , les barricades , tranchées , foliés ,
portes , & remparts , qui avoient été faits pendant la guerre de
la ligue, étant devenus inutiles, furent démoHs & détruits. On
cefîa auffi i'ufage de porter , tous les foirs , au château , les clefs
de la ville.
1599. Le Roi donne un règlement pour l'éleftion des Maires
Se Echevins , Se ordonne qu'il y aura huit jours d'intervalle entre
la connoifi^ance du choix que le Roi feroit Se l'inllallation. On
remarque que les Juges-Confuls avoient alors un banc dans l'E-
glife Cathédrale , pour affilier aux Sermons Se autres cérémonies.
La porte de Sauve-tout , murée depuis fi long-temps , efi: ouverte
Tan 1600.
1601. L'Empereur Rodolphe II, connoiflant les talents militaires
du Duc de Mercœur, lui fait offrir le commandement de fon armée
contre les Infidèles. Il l'accepte , Se part fuivi de Henri , Comte
de Chaligni , fon frère , Se d'une nombreufe compagnie de Gen-
tilshommes du premier mérite , qui , lafîes du repos où les re-
tenoit la paix, faififfent avec emprefiement l'occafion d'acquérir
de la gloire Se de fe fignaler dans des climats étrangers , Se , fur-
tout , contre une nation que le peu de philofophie du fiecle fai-
N A N 229
foît regarder comme digne de l'exécration des Chrétiens. Parmi
eux , on comptoir cent Gentilshommes Bretons & quelques Com-
pagnies de gens de guerre du même pays. François Giflard ,
Seigneur delà Grange-Marbonniere , étoit Lieutenant de la Com-
pagnie du Duc de Mercœur. Ce Seigneur meurt en Hongrie , &
ordonne d'apporter chez les Pères Carmes de Nantes (on cœur
& fes armes. Après d'éclatants triomphes, le Duc prend congé
de l'Empereur pour retourner en France. Il eft attaqué en chemin
d'une fièvre maligne , & meurt à Nuremberg le 19 Février 1602.
Son corps efl: transporté en Lorraine , & inhumé avec ceux de
fes ancêtres. Saint François de Sales prononça fon oraifon funèbre
dans la Cathédrale de Paris , 011 le Roi Henri IV lui fit faire un
Service folemnel. Les monuments pubHcs qui nous reftent à Nantes
de ce fameux Gouverneur de Bretagne, font les ouvrages qu'il
fit faire au château , & le baftion qui cil fur le nouveau chemin
de Rennes , près le Port-Communeau , au delà de la rivière
d'Erdre , où il avoir fait commencer un rempart pour enfermer
le fauxbourg du Marchix ; rempart qui devoir continuer jufqu à
la Loire, & comprendre la FoiTe dans fon enceinte. Les autres
ouvrages faits par fon ordre , font tous détruits. On affigne un
cimetière aux Calviniftes de la ville vis-à-vis le Fort de Mer-
cœur , au bas de la Motte Saint- André. On y plante deux croix ,
Tune à l'entrée & l'autre à la fortie , près la rue Saint- André.
La Chambre des Comptes & le Préfidial plaidoient au Grand-
Confeil pour la préféance dans les cérémonies publiques & à la pro-
ceffion de la Fête-Dieu. La Chambre des Comptes , comme Cour
Souveraine, vouloir avoir le pas, & le Préfidial ne vouloir pas le
céder. L'Arrêt du Confeil décide « que les Officiers de la Chambre
» des Comptes précéderont en Corps ceux du Siège préfidial de Nantes ,
w en toutes afîemblées générales, même en la proceflion du Sacre,
»en laquelle les Officiers dudit Siège préfidial prendront leurs
» rangs & places après eux. Auront aufli les Officiers de ladite
» Chambre même préféance en particuUer fur les Officiers dudit
»Siege,fors & excepté que le Préfident du Préfidial & le Séné-
» chai ne pourront être précédés par les Corre8:eurs & Auditeurs;
»& leur fera pareillement confervé l'autorité qu'ils ont de préfider
»aux afTemblees de la ville , èfquelles néanmoins les Officiers de
»la Chambre des Comptes auront lieu & rang honorable quand
» ils y viendront , tout ainfi que les Officiers du Parlement dudit
»pays. Enjoint Sa Majefté auxdits Officiers, tant de la Chambre
f>des Comptes que du Siège préfidial , de garder inviolablement^
250 NAN
»à l'avenir , Tordre , rang , & féance , déclarés par le préfent Arrêta
w à peine d'amende arbitraire. Veut , en outre , Sa Majefté , que
»le Sieur de Montbazon , Gouverneur & fon Lieutenant général
»en la SénéchaufTée & Evêché de Nantes, fafïe informer foigneu-
>>fement des auteurs de port d'armes, émotion , & tumulte , arri-
» vës à la dernière proceflion du Sacre , pour lui en donner avis >
» & être pourvu par elle ainfî que l'affaire le demandera. Fait au
» Confeil d'Etat , le 17 Août. » Dans le courant du même mois , fur
les fept heures du matin , il furvint un violent orage , accom.pagné
d'un tonnerre affreux. L'hiftoire rapporte que la foudre tomba
d'abord fur la Collégiale , dont elle fendit & noircit le clocher
qui eft en pierres. Les Chanoines , qui étoient à chanter Matines,
n'eurent aucun mal j &, de tous ceux qui afiiffoient à la Meffe,
la feule perfonne qui fut bleffée fut une Dame dont la coëffe
fut emportée, & les yeux affedés au point que la vue lui de-
meura tournée toute la vie. En fortant de Notre-Dame , le globe
enflammé fut tranfporté à l'Eglife des Rehgieufes de Sainte-Claire^
dont il découvrit le clocher fans y mettre le feu. De là , il fe
rendit à la Chapelle de Miféricorde , fituée à l'extrémité du faux-
bourg du Marchix , à un quart de heue du Couvent dont je
viens de parler, où, après avoir brifé une partie des Images, il
fortit par le clocher & abattit le mouton de la cloche. Ce voyage
de la foudre paroît tout au moins douteux j mais, comme il efl
certain que les trois Eglifes ci-deffus en furent endommagées , il
faut croire qu'elle tomba à peu près dans le même temps fur
les trois édifices, & que c'eft ce qui perfuada au peuple que
c'étoit la même éruption. Les Chanoines de la Collégiale, pour
remercier le Ciel de les avoir préfervés d'un fi grand péril, fon-
dèrent une proceffion qui fe fit pendant trente ans , à pareil jour ,
à l'Eglife des Carmes, à l'iffue de Matines. Environ le même
temps , le feu prit à quelques vaiffeaux dans le port de la Foffe.
Le Seigneur de l'endroit prétendit que les reftes lui en apparte-
noient par droit de bris -, droit qui n'étoit plus exercé depuis
1 1 27. La récolte fut très-abondante cette année , en grains &
vins : le marc d'argent valoit dix-neuf livres^
1602. Les villes de Rennes & de Nantes fe difputent le Par-
lement , & offrent au Roi des fommes confidérables pour l'ob-
tenir. Les Etats de la province , qui font pris pour Arbitres , ter-
minent la contefiation en faveur de Rennes. Les Officiers munici-
paux de Nantes contra8:cnt pour fept cents cinquante mille livres
de dettes. Le 2 5 Avril , Charles de Bourgneuf approuve les ilatuts
NAN ip
de la Confrairie des Tailleurs, & la transfère de Sainte-Croix à
Sainte-Radegonde : elle eft retournée , depuis ce temps , à Sainte-
Croix , où elle eft encore deftervie. Le 17 Septembre , la
Communauté de ville arrête de prendre à ferme les logements du
bois de la Touche , pour y mettre les malades foupçonnés de
pefte ; de faire des feux , tous les foirs , dans les carrefours , pouf
purifier l'air j de donner aux Médecins & Chirurgiens des pefti*
férés les clefs de la tour de Sauve-tout, pour aller fur fon fommet
y refpirer un air plus pur ; & de tenir au dehors de la ville les
marchés du famedi. Le 24 du même mois, on fait cadenaffer les
portes des maifons où il y avoit eu & où il y avoit encore des
malades, avec ordre de leur donner par les fenêtres ce dont
ils auroient befoin. On défend aux Bouchers d'expofer en vente
aucune viande foufïlée ou buffetée.
1603. La Ville fait faire des tentes de toile pour retirer les
convalefcents du Sanitat , à qui on permet de paroître dans la
ville , après avoir pafîé quelques jours dans cet endroit , mais avec
une baguette à la main , pour avertir qu'ils avoient été infeftés
de la pefte, & qu'on devoit les éviter par précaution. On bâtit
un jeu de paume dans la rue du Chapeau-rouge. Les Dames
Carmélites des Couëts remercient les Carmes de Nantes , & pren-
nent , de la main de l'Evêque , des Prêtres pour les conduire &
diriger. Les Religieufes de Sainte-Claire, julques-là dirigées par
les Cordeliers , font mifes , par l'Evêque , fous la direftion des
Prêtres féculiers. Les Francifcains refufent d'obéir , & appellent
comme d'abus du règlement de l'Evêque. Le Parlement , fans avoir
égard à la requête du Provincial des ReHgieux , ni à celle des
Rehgieufes qui refufent la réformation , met les parties appellantes
hors de Cour, & confirme les difpofitions du règlement de l'E-
vêque, par fon Arrêt du 6 Oftobre , fauf aux Rehgieufes à fe
pourvoir pardevant le Pape , comme elles verroient. Les Magif-
trats défendent de débiter le vin nouveau, dans les cabarets,
avant la Saint-Martin , parce qu'on craignoit qu'un vin mal
cuit & mal épuré ne caufât de nouvelles maladies. Cet ufage
étoit encore obfervé en 1625.
1605 & 1606. Les Prêtres Irlandais font renvoyés de Nantes,
on ne fçait pour quelle raifon. Les pêcheries des fontaines de
Bon-Secours & de la Belle-Croix font données à N.... de Langle,
pour y pêcher depuis le lever du foleil jufqu'à fon coucher. On
fait la chauflee qui conduifoit de Richebourg à la prairie de la
Hanne , & l'on commence l'Hôtel de ville qui fubfifte aujourd'hui.
^^^ NAN
On remarque qu'aux grandes fêtes de Tannée on donnoit à chacun
des Officiers municipaux une écritoire , des plumes , un canif, du
papier, de la cire d'Efpagne, & de la bougie.
1 607. Au mois de Février , la Communauté de ville fait faire
un facraire ou tabernacle de bois de noyer pour l'Eglife des Pères
Carmes : le tout coûte trente-fix livres. On ouvre le chemin
qui defcend de la Motte Saint-André à la rivière d'Erdre j paf-
fage jufqu'alors bouché, & , aujourd'hui 1779, ^^^ ^^^ P^^^
agréables promenades de la ville. Le froid dure depuis le 29
Décembre 1607 jufquau mois de Février 1608 , avec tant de
violence que les voitures chargées palToient fur la Loire comme
fur un grand chemin. On ne fe rappelle pas que les glaces de
ce fleuve aient jamais été auffi épaiffes que celles-là.
1608. La Ville fait faire le moulin Grognard, qui ne fubfifte
plus, de même que^ celui que le Chapitre de Notre-Dame avoit
dans le même lieu. Le 27 Oftobre , Céfar , Duc de Vendôme ,
Gouverneur de Bretagne , arrive à Nantes , & y fait fon entrée ,
qui coûte une fomme de quarante-cinq mille Hvres de notre mon-
noie. Le Prince fe rend enfuite aux Etats affemblés à Rennes^
où la Ville envoie quatre Députés. Les Officiers municipaux
montoient alors à cheval pour aller au devant des Gouverneurs^
lorfqu'ils faifoient leur entrée.
1609. La Ville donne une fête magnifique aux Etats afTem-
blés à Nantes. Un Prêtre du diocefe d'Angers, pourvu d'une Pré-
bende à la Collégiale de Nantes, par provifion apoftohque, fe
préfente à Charles de Bourgneuf , & lui demande fon vifa. Le
Prélat, voulant s'inftruire de la capacité du/tujet, lui mit des
queftions bien faciles à réfoudre. Le Prêtre ne peut traduire ces
mots j nobis ommibus:^^ interrogé comment fait le verbe /Jareo
au parfait , il répond qu'il fait parji. L'Evêque ne veut point
le recevoir.
1610. Les Députés de Nantes, au nombre de quatre, fe
rendent à la Cour, où ils font ferment à Louis XIIL Le Cha-
pitre de la Cathédrale arrête que fes délibérations , ci - devant
écrites en latin, feroient , à l'avenir, écrites en français. Il n'y
avoit alors qu'une feule chaudière à eau-de-vie à Nantes , & les
femmes ne faifoient point encore ufage du vin.
161 1. La place Saint-Pierre , qui fcrvoit jadis de cloître &
de cimetière aux Chanoines , efl: deftinée à fervir aux réjouif-
fances publiques. On y place fur un piedeftal une colonne aux
armes du Roi , du Duc de Vendôme , & de la Ville. C eft là
que
_ NAN ijj
que fe tire la quintalne du Roi, que fe font les feux de joie
écc. Les maladies contagieufes , qui recommencent cette année
ne durent pas long-temps.
1612. La Communauté de ville fait bâtir une Chapelle &
quelques nouveaux logements à l'Hôpital du Sanitat , &, par dé-
libération du 10 Janvier 1613 , ordonne démettre fes armes fur
la cloche , pour laifTer à la pollérité un monument qui prouve que
tout a été fait aux dépens de la ville. Le 13 Août 161 3, Charles
de Bourgneuf érige , dans i'Eglife de Saint-Nicolas , la Confrairie
du Saint-Sacrement. Le Chapitre de la Cathédrale obtient la le-
vée d'une impofition de dix fols par chaque pipe de vm aui
palTeroit fur les ponts de Nantes. Les Jéfuites de Rennes & de
la Flèche obtiennent auifi la moitié des droits du R.oi fur le Pa-
pegault de cette ville.
161 4. Les Officiers de la Chambre des Comptes portent, pour
la première fois , à la proceffion de la Fête-Dieu , le dais , qui
ci-devant étoit porté par des Prêtres. Le 7 Août , le Bureau arrête
de faire faire un dais de velours rouge , de fept pieds en lon-
gueur , & de fix en largeur , garni de crépines d'or & de clin-
quants, avec les armes du Roi en broderie. La façon feule coûte
fix cents livres. Le 1 2 du même mois , le Roi Louis XIII ar-
rive à Nantes avec la Reine , fa mère. Le famedi 1 6 , au
matin , Leurs Majeftés vifitent la Foffe , y dînent , & ont le
plaifir de voir le fpeftacle d'un combat naval, de l'attaque &
<ie la prife d'un château fur la rivière , vis-à-vis la Foffe. Sur le
foir , le Roi , fous fon dais , & la Reine fous le iien , font leur
entrée folemnelle par la porte Saint-Nicolas , où étoient placés
des trophées, des théâtres, des joueurs d'inftruments , Sec, Le
Maire préfente au Roi des clefs bien différentes de celles qu'on
avoir préfentées jufqu'alors en pareilles cérémonies : elles étoient
d'argent doré , du poids de deux marcs moins cinq g: os , à
trente -fix livres le marc. Leurs Majeftés fe rendirent à i'Eglife
Cathédrale, où le Te Deum fut chanté. On brûla, dans ce
jour & celui de l'arrivée du Roi, dix-fept cents cinquante-fept
livres de poudre à canon au fervice de l'artillerie. Cette entrée
coûte de grandes fommes à la Ville. Le Comte de Trêmes , à
raifon de la charge qu'il occupoit dans la maifon du Roi, veut
avoir douze tapiffenes & trois tapis qui avoient fervi au
théâtre : mais la Ville les racheté pour une couverture de laine,
qui coûte cent cinquante écus de foixante fols , dont il lui fait
préfent en échange. Le 20 Août , la Ville affemble , dans les
TomQ 111% G 2
^54 . NAN_
prairies de la Magdeleine & de Gloriette , aujourd'hui de FHô-
pital , les Compagnies de la Milice Bourgeoife , dont elle fait
deux Corps , pour faire connoître au Roi l'état des forces de la
ville. Le 24, on fait tirer , fur la plate-forme des tours de Saint-
Pierre , un feu d'artifice dont Leurs Majeftés ont le fpeftacle fans
fortir du château. Les Etats s'étoient affemblés le 18 : Henri,
Duc de Rohan, Baron de Léon, y prélide pour la NoblefTe;
& Antoine Revol , Evêque deDol, pour le Clergé. La Nation,
repréfentée par ce Corps augufte, demande au Roi la démoli-
tion de la tour de Pirmil, qui lui ell refufée; mais elle obtient
celle des châteaux de Guérande , de Touffou en la ParoifTe du
Bignon , & des fortifications qui avoient été faites depuis trente
ans au château de Saint-Mars de la Jaille. Le Roi part de Nantes ,
le 29 Août. On fait tirer un feu d'artifice fur la rivière , la veille
de fon départ. Le Cardinal de Richelieu , qui avoir accompagné
le Monarque , fait faire quelques nouveaux ouvrages au château,
& fait pofer fes armes fur les murs Se fur le vitrage de la
Chapelle. Le 28 Décembre, on célèbre, dans la Cathédrale, la
fête des Innocents , avec les extravagances ordinaires.
161 5. Lettres-patentes, portant permifîion aux ReHgieufes du
Tiers-Ordre de Saint-François , de prendre , fur la cour de la
Chambre des Comptes, un terrein de huit toifes de longueur
fur quatre de largeur, pour bâtir une Chapelle. Dans le même
temps , le Chapitre de Nantes adopte le Rit romain , qui efi: en-
fuite ordonné dans tout le diocefe, où, ci-devant, il étoit arbi-
traire , & fuivi feulement par un petit nombre de Prêtres.
1617. Le 19 Février, on arrête d'établir fix pleureurs pour
inviter aux enterrements des notables Bourgeois , & de leur
fournir des habits de deuil, propres & convenables, aux dépens
de la ville. Les Prêtres de l'Oratoire s'établiflent à Nantes , dans
le Collège de Saint -Clément. Charles de Bourgneuf meurt à
Chartres, le 17 Juillet. On n'ell: inilruit de fa mort que le 26
ou 27. La bibliothèque de ce Prélat ell: donnée aux Pères de
l'Oratoire , à condition qu'elle ne fortira point de Nantes. Ce
Prélat avoit donné un Catéchifme , un Proceffionnal , Se un Ri-
tuel : ce dernier étoit celui du Pape Paul V , avec des additions.
Henri V du nom de Bourgneuf d'Orgeres , fuccede à fon oncle,
par réfignation , à l'Evêché de Nantes. On remarque qu'alors
une partie de la place Saint-Pierre étoit occupée par les reftes
du cimetière des Chanoines , & par de grands arbres qui déro-
boient la vue des maifons voifines. La pierre nantaife étoit fameufe,;
NAN _ 135
elle étoit efcarpée , fort unie , & avoit près de quarante pieds de
hauteur. Les étrangers, qui venoient à Nantes, la regardoient
comme une chofe rare & curieufe j ils admiroient , fur-tout ,
TadrefTe des enfants de l'endroit qui s'étoient accoutumés à y
grimper , & qui la montoient en fautant. Elle n'eil plus fi élevée
aujourd'hui , elle a été rompue depuis ce temps. Il y avoit alors
une Chapelle à l'Hermitage.
1618. Le 30 Janvier, la Reine mère arrive à Nantes. L'Eglife
des Récollets , fondés fur les ponts l'année précédente , eft bâtie.
Les ReHgieufes Carmélites de la Réforme de Sainte-Thérefe av oient
obtenu des lettres-patentes pour s'établir à Nantes, & avoient
acquis une maifon dans la rue de Saint-Gildas. Le 8 Février ,
elles font enrégillrer leurs lettres à la Chambre des Comptes , qui
leur fait défenle de s'accroître davantage. L'édifice qui leur fert
de Chapelle , étoit une maifon qui leur fut donnée par un habi-
tant, dont la fille prit le voile dans leur Couvent. Le 22 Juin,
les Etats s'alTemblent à Nantes. Environ le même temps, le Prince
de Montbazon propofe d'établir un manège fur la Motte de Saint-
André , & le projet eft accepté par les Officiers municipaux. On
fait bâtir dans le cimetière de Saint-Clément un corps-de-garde ,
& une Chapelle, nommée du Champ-Fleuri^ qui eft aujourd'hui en
ruines. On y voit un ancien tombeau avec infcription : on recom-
mence à travailler au bâtiment de la Cathédrale qui n'a point
encore été achevé. On bâtit, aux dépens de la ville, la Poifibnnerie
de Nantes , & l'on y place une table de marbre achetée &
gravée à Paris : on n'en prenoit point encore à Angers.
1620. Création de huit Offices de Sergents à la Mairie &
Maifon de ville de Nantes.
Les Comptes des Fabrique* de Saint - Nicolas & de Sainte-
Croix nous apprennent qu'on avoit alors l'ufage de joncher le
pavé des Eglifes de paille fraîche , aux Fêtes de Noël & de
l'Epiphanie , en mémoire , fans doute , de l'étable de Bethléem , où
le Sauveur du monde avoit pris nailTance. ~On les jonchoit de
fleurs & de feuillages pendant l'été. On préfentoit auffi une coupe
pleine de vin & un morceau de pain à ceux qui communioient
dans la quinzaine de Pâques , &: on tendoit les EgUfes de draps
noirs, femés de croix blanches, le jour du Vendredi-Saint. Ces
ufages durèrent jufqu'en 1633. On voyoit encore, à la Saufaye,
les reftes d'un gros mur, qu'on prétendoit avoir été bâti par Saint
Félix, Evêque de Nantes, dès 550, avec un autre mur de clôture
«Je l'ancienne ville. On lit , dans quelques titres de la Chambre
Z55 NAN
des Comptes , que ce mnr fut bâti par ordre du Maréchal de Rieux
àc du Sénéchal de Nantes , quelque temps après la mort du Duc
François II, & qu'ils l'avoient deftiné à fervir de boulevard à la
Saufaye & à la ville, comme celui qu'on avoif placé au Port-
Maillard, lequel a fubfifté jufqu'en 1755.
162 1. Henri de Bourgneuf, élu de Nantes, jouiflbitdes revenus
de l'Evêché , fans avoir fes Bulles. Il eft transféré à Saint-Malo
au mois de Janvier. PhiHppe Thibaut , Religieux Carme , nommé
par le Roi pour lui fuccéder, refufe cette dignité éminente, re-
mercie Sa Majefté, Se lui indique l'Evêque d'Aire. Dom Lobmeau
a donné la vie de ce modefte Religieux dans fa Légende des
Saints de Bretagne. Philippe III du nom , dit de Cofpéan , Evêque
d'Aire , eft transféré à Nantes. Ce Prélat fe fait diftinguer par
fon éloquence , & par un jugement très-fain , qui l'engage à re-
jetter les citations profanes fi fréquentes dans les Sermons de fou
temps , & à y fubftituer l'autorité des Apôtres , des Prophètes,
& des Pères.
1612. Le 18 Mars, Philippe de Cofpéan fait fon entrée à
Nantes & à la Cathédrale, où il eft reçu avec applaudiffement
de tout le peuple. Il compofe une inftruftion catéchiftique pour
la communion , & un Propre. Il a un différent très-férieux , à
fon avènement , avec fon Chapitre , au fujet des émoluments du
fceau pendant la vacance du ftege , qu'il demande , & que le
Chapitre prétend lui appartenir. Ce dernier fait imprimer , à cette
occafion , un écrit fort long , qui ne lui fert de rien. Le Roi Louis
XIII arrive à Nantes , le 9 Avril , à trois heures de l'après-midi ,
& en part le 12 du même mois , pour aller coucher à Vieille-
vigne. La Reine mère étoit à Nantes , d'où elle n'étoit prefque
pas fortie depuis fa première entrée. En 161 4, la PrincelTe,
fœur du Roi , y vient aufïi dans le même temps , fe rend à
Bourgneuf pour voir la mer, & revient à Nantes. L'Evêque
Philippe de Cofpéan vifîte, le 7 Août, l'Eglife de Saint-Nicolas;
oblige les Prêtres , qui logeoient prefque tous dans les fauxbourgs,
à prendre des logements dans la ville , pour dire la Melle du
matin , & leur enjoint d'afTifter plus refpe8:ueufement & plus
réguHérement à l'Office.
Les Seigneurs de la Hautiere avoient faitcreufer, auprès d'une
fontaine qui joignoit le rocher -du Miferi , une voûte ou cave
deftinée à ferrer les vins qu'ils cueilloient fur ce coteau alors
planté en vignes ; dans la fuite , ils avoient encore bâti une petite
maifon pour loger un homjne qui veilloit à la fureté de la cave,,
N AN t57
En 1529, un Hermite obtint des Seigneurs de la Hautiere ,
pour fa retraite , cette maifon , qui fut fucceflivement habitée
par plufîeurs Solitaires , qui y firent bâtir une Chapelle un peu
au deffus de la vieille cave , & nommèrent leur demeure HHer^
mitage de Saint- Franc ois. En 1 609 , la cave , la fontaine , & la
Chapelle furent renfermées d'un mur de clôture , parce que , dit
l'hiftoire , les Hermites étoient troublés dans leur folitude par les
chants des bergers & autres perfonnes de la campagne. En 1622,
le dernier Hermite étant mort, les Récollets de Nantes firent leur
pofîible pour obtenir ce terrem des Seigneurs de la Hautiere ,
mais ils furent refufés : les Capucins , qui le demandoient aufli , fu-
rent plus heureux j le terrein leur fut donné le 1 3 Juin de cette
année. Le généreux donateur ajouta à la conceflion tout le ter-
rein occupé par les Religieux Capucins. En 1683, on abandonna
le premier édifice qui étoit dans le plus mauvais état , & l'on
en commença un nouveau dans le même endroit, fur la pointe
du rocher, du côté de Nantes, comme on le voit aujourd'hui,
à l'exception de l'Eghfe , qui , depuis trente ans , a été augmentée
d'un tiers. L'an 1688, le Roi donna un Edit, qui portoit que tous
les Couvents bâtis depuis 1 660 , qui n'auroient point obtenu de
lettres-patentes , feroient détruits. En conféquence , le Sénéchal
de Nantes eut ordre de faire fortir les Capucins de l'Hermitage.
La juflion leur en fut faite le famedi de Pâques ; mais l'exécution
en fut remife jufqu'au premier jour de Mai fuivant. Ce délai
donna le temps aux bons Pères de parer le coup qui les mena-
çoit. Ils s'adreflerent au Marquis de Thianges , neveu de
Madame de Montefpan , & Gentilhomme de la Chambre du
Dauphin, qui obtint des lettres-patentes qui les maintenoient en
pofî'ellion de leur Couvent, à condition qu'ils chanteroient tous
les matins le Pfeaume Exaudiat , avec une oraifon , pour la
confervation des jours de Sa Majefté. La réponfe que Louis XIV
fit au placet que lui préfenta M. Coibert , ne pouvoit être plus
gracieufe. Le Monarque demanda au Miniftre fi l'Hermitage , dont
on lui parloit, étoit ce rocher où on lui avoir fervi de fi bons
raifins & dont la vue étoit fi belle : il lui répondit , que c'étoit
pofitivement le même endroit. Hé bien , dit le Roi , qu'on mô
préfente demain ce placet dans mon Confeil , je m'approprierai ce
rocker , & je veux qu'on accorde aux Capucins qui y demeuroient
tout ce quils demandent. Sur cette déclaration , on expédia des
lettres-patentes très-flatteufes & très-avantageufes pour les Reli-
gieux, Elles furent homologuées au Parlement de Bretagne, &;
a}8 NAN
enrégiflrées à la Chambre des Comptes. Le Sénéchal de Nantes ,
qui avoit fait fortir les Moines de leur Couvent , reçut ordre de
les y reconduire folemnellement : ce qu'il fit , en la compagnie
au Procureur du Roi & du Greffier. Cette Maifon eft de treize
Religieux, & connue fous le nom de Couvent des petits Capu-
cins de IHennitage, Elle eft dans la plus belle fituation , & elle
feroit 5 fans contredit , un féjour enchanteur , fi la liberté régnoit
dans les Cloîtres.
Le Parlement rend, l'an 1622, en faveur des maîtres Rôtif-
feurs de Nantes , un Arrêt , qui défendoit aux Taverniers & Ca-
baretiers de la ville de cuire ni débiter aucune viande ni poifTon
aux habitants. Les Etats s'affemblent à Nantes. Jean de Rieux ^
Marquis d'AiTerac , y préfida jufqu'à l'arrivée du Marquis de Rof-
jnadec , auquel il céda fa place.
1623. Comme il n'y avoit point de Religieufes Bénédi6lines
à Nantes, le 23 Janvier, l'Evêque propofe à fon Chapitre d'y
receroir les Religieufes Calvairiennes , qui demandoient à s'y éta-
blir. Le Chapitre y confent , à condition qu'elles s'établiront
hors de la ville. La même proportion efl: faite au Bureau de
ville par Raoul de la Guibourgere , & acceptée fous les mêmes
conditions qu'avoit exigées le Chapitre , & , en outre , avec cette
claufe , qu'elles ne bâtiroient point fans l'avis de la Commu-
nauté. L'aflfaire ne peut fe terminer fur le champ. Le Roi per-
met à la ville de bâtir un Hôpital dans un vague de la nou-
velle ville du Marchix , & d'y renfermer les pauvres mendiants.
Le projet ne réuffit pas , parce que le terrein accordé ne fe
trouve pas convenable. On affigne pour le même objet l'Hô-
pital du Sanitat , jufqu'à ce qu'on ait trouvé un lieu plus com-
mode. On y renferme les pauvres , & le Chapitre met une im-
pofition fur chacun de fes Membres pour l'entretien de ces pau-
vres malades. Les Dignitaires font taxés à foixante-cinq folsj
les Chanoines logés , à trente-trois fols ; & les non-logés , à vingt-
deux fols une fois payés. Le 1 7 Décembre , Philippe de Cof-
péan confacre le grand autel de la Cathédrale. La Ville fait
réparer le pont de Gaubert , fur la route d'Angers , à trois lieues
de Nantes. On arrête de faire planter le mail , accordé par le
Roi en 1621 , fur la prairie de la Magdeleine.
1624. Le Procureur-Syndic reçoit ordre de s'oppofer à l'éta-
blifTement d'une nouvelle verrerie , projettée par quelques par-
ticuliers , comme pouvant faire tomi^er celle établie en 1 598.
1625. La verrerie ell réparée, La pelle afflige la ville. Les
NAN 2,39
Marchands Flamands établis à Nantes , qui fouffrent beaucoup de
ce fléau , demandent , le 24 Août , aux Magiftrats , un lieu con-
venable pour y bâtir un logement pour les malades de leur
nation , avec promeffe de les faire traiter & médicamenter. Le
3 Août y les Capucins offrent deux de leurs Religieux pour affilier
les malades du Sanitat , à condition qu'on leur faffe une petite
loge pour fe retirer près de cet Hôpital. Les Magiftrats accep-
tent l'offre , & leur bâtiffent une petite maifon dans une vigne
qui féparoit la maifon de la Touche & l'Hôpital.
1626. Les Religieufes Urfulines demandent, le 23 Avril, un
établiffement dans un des fauxbourgs de Nantes. On leur permet,
à condition qu'elles fe chargeront d'mftruire les jeunes filles. La
Communauté de ville fait des préparatifs pour l'entrée du Roi ,
& fait placer fur la place Saint-Pierre les canons qu'elle avoit
pris fur la Loire depuis Nantes jufqu'au Croific , & ceux qu'elle
avoit fait venir du Pouliguen & autres lieux. Le 3 Juillet , le
Roi fait fon entrée à Nantes avec toute fa Cour , au bruit d'une
nombreufe artillerie , & au milieu de toutes les Compagnies de
la Milice Bourgeoife rangée fous les armes. Olivier Gerbaud,
Canonnier du Croific , que la Ville avoit fait venir pour fervir
le canon , efi: tué , fur la prairie de la Magdeleine , d'un éclat
d'une pièce que la Compagnie de la Foffe, qui étoit pofi^e là,
lui avoit fait charger plus qu'il ne falloir , pour fe diftinguer &
faire plus de bruit. La Ville établit un corps -de -garde fur la
Motte , afin que les Gardes-du-Corps foient plus près du château ,
où Sa Majefté étoit logée. La Reine mère pofa la première
pierre du Couvent des Calvairiennes , dans le pré nommé Bal-
Une , près la Motte Saint- Nicolas. Raoul , Evêque de Dol , à la
tête du Chapitre de la Cathédrale de Nantes , fait la cérémonie ,
en Tabfence de Philippe de Cofpéan. Le 9 Juillet, la Commu-
nauté de ville donne un bal magnifique 5 les Muficiens d'Angers
y jouent (a). L'ouverture des Etats fe fait le 11 Juillet , en pré-
fence du Roi , de la Reine , fa mère , & de Monueur , fon frère;
le Roi adreffe la parole à l'affemblée , & dit : « Meffieurs , je
v> fuis venu vous voir pour tenir les Etats , & mettre ordre aux
>> grands maux dont la province efi: menacée , comme vous le
» dira , de ma part , le Garde-des-Sceaux. » Le Garde-des-Sceaux
( û ) Ceci prouve que , dans ce temps ,
les Muficiens n'étoient pas aufTi communs
à Nantes qu'ils le font. On ne doit pas
s'en étonner. L'hifloire nous apprend que
le Roi , lui-même , n'avoit pour toute mit;
fique que fut à fept mauvais Violons.
Z4Ô N A N-
fait un très-beau compliment aux Etats , & dit : « Meffieurs , plu-
» iîeurs objets ont amené Sa Majefté dans fa province , pour
w vifiter fes bons & fidèles fujets , fe faire voir & connoître à
» eux, parce qu'il eft perfuadé que fon Nom & fa Couronne
» font en vénération en Bretagne. » Le même jour , le Roi
nomme Pons de Laufieres , Marquis de Themines & Maréchal
de France , au Gouvernement de Bretagne , en la place du Duc
de Vendôme , que Sa Majeflé emploie ailleurs» En vertu d'un
Arrêt du Confeil , Antoine Revol , Evêque de Dol , préfide ,
pour le Clergé , à cette affemblée. Sa Majellé accorde aux Etats
la démolition de toutes les places & fortifications inutiles en
Bretagne.
Monfieur , frère unique du Roi , époufe , à Nantes , Marie de
Bourbon , Duchefle de Montpenfier , Souveraine de Dombes. Les
fiançailles font faites au château de Nantes , dans l'antichambre
de l'appartement du Roi , entre quatre & cinq heures du foir ,
par le Cardinal de RicheHeu , en préfence de Leurs Majefiés ,
de la mère de la PrinceiTe , & de toute la Cour. Le Garde-des-
Sceaux & autres Officiers de la Couronne affiflent à la céré-
monie. Le même jour , entre les dix à onze heures du foir , le
Cardinal de Richelieu donne la Bénédiftion nuptiale aux deux
époux , par commiffion de N.... Blanchard , Grand - Vicaire de
Nantes , qui avoir accordé la difpenfe de trois bans , en préfence
& du confentement des Curés de Saint-Denis , de Sainte-Rade«
gonde, & de Saint-Clément (a), à l'hôtel de la Mironnerie^
aujourd'hui le Couvent de la Vifitation, La nouvelle mariée fe
retire au château 5 & , le lendemain , le Cardinal dit la Méfie
dans l'EgUfe des Minimes , & donne la bénédiftion aux deux:
époux. Ce mariage caufe de grands événements à la Cour , où
le parti oppofé au Cardinal de RicheHeu , vouloir que Gafi:oîi
époufât une Princefîe étrangère , pour le rendre indépendant du
premier Minillre. On avoir confpiré contre la vie du Cardinal ^
qui devoir être afiaflîné dans fa maifon de Fleuri. Le complot
avoir été découvert. Henri de Tallarand , Comte de Chalais ,
Maître de la Garde -robe, étoit , dit -on, entré dans la con-
juration. Il avoit été arrêté au château le 8 Juillet. Le lende-
main même de la célébration du mariage, le Roi nomme des
{a ) Monfieur , logeoit au château , Pa-
liffe de Sainte-Radegonde ; la Princeffe , Clément,
roi
dans la Paroiffe de SSnt-Denis : & la ce
rémonie fut faite dans la Paroiffe de Saint?
Commifl!aires
N A. N _ Z4I
CommlfTaires pour inftruire fon procès. L'Arrêt , qui fut prononcé le
i8 Août, le déclare atteint & convaincu du crime de"leze-ma-
jefté , fans fpécifier en quoi fon crime confiftoit ; le condamne
à avoir la tête tranchée fur la place du Bouftay de Nantes ,
ordonne que fa tête fera mife au bout d'une pique fur la porte
de Sauve-tout , & fon corps en quatre quartiers , qui feront atta-
chés à des potences aux quatre principales avenues de la ville ;
que fa poftérité fera ignoble & roturière , & qu'il fera appliqué
à la queftion pour plus ample révélation des complices. Mais le
Roi réduit toutes ces peines au fuppKce ordinaire , d'avoir la
tête coupée ; & ordonne qu'il fera feulement préfenté à la quef-
tion , & que fon corps fera livré à fa mère après l'exécution ,
pour être mis en terre fainte , fuivant la très-humble fuppUcation
qu'elle en avoir faite à Sa Majefté. Le jour de l'exécution , le
Êourreau de Nantes ne s'étant pas trouvé dans la ville , on tire
des prifons un compagnon Cordonnier , qui devoir être pendu
trois jours après , & qui s'offre de faire l'office de Bourreau , à
condition qu'il auroit fa grâce. Chalais , monté fur l'échafaud ,
dit à l'Exécuteur qui lui bandoit les yeux : Ne me fais point
languir ; mais il étoit fî mal-adroit , qu'il lui donna plus de
trente coups de hache avant de lui trancher la tête. Elle eft
auffi-tôt mife avec fon corps dans un cercueil, & enfuite dans
un carrofTe qui attendoit au pied de l'échafaud , & qui conduit
ces triftes reftes au Couvent des Cordeliers. Le Comte de Cha-
lais eu enterré dans la nef de leur Eglise , devant la Chapelle
des Efpagnols , en préfence de fa mère , qui avoit eu foin de le
faire enfevelir. Le Maréchal d'Ornano , confident de Monfieur ,
eft mis en prifon à Vincennes , où il meurt. Madame de Che-
vreufe fe fauve en Lorraine , Meffieurs de Vendôme font arrêtés;
le Comte- de Soiffons fe retire à Rome , & le Cardinal obtient
une Compagnie de Gardes pour la fureté de fa perfonne. Mon-
fieur , qui avoit vivement follicité la grâce du coupable , irrité
de ce qu'on ne veut pas la lui accorder , fe retire à Chateaubriand ,
& ne paroît plus à ISlantes. Le 16 Juillet , la Reine mère , affiftée
de tOus les Officiers de fa maifon , donne le pain-bénit à l'EgUfe
de Saint-Clément , fa ParoilTe. Le Roi part de Nantes , le 24
Août , pour fe rendre à Rennes.
Peu après , les maladies contagieufes recommencent» La tour
de Pirmil eft en partie démolie ; & la charge du Mifeur ert
titre eft érigée ; cette place fe donnoit avant cela par éle^lion.
Le 19 Novembre, les Pères Carmes j qui mendioient eacore ,
Tome HL H 2.
141 N A N
demandent à la Communauté de ville des fecours pour de5
peftiférés qu'ils avoient chez eux. Le Bureau leur accorde vingt
écus , & , le (3 Décembre fuivant , cent livres d'aumônes. Le 20
Juin de la même année , ils avoient encore obtenu une fomme
de quatre cents livres , pour fermer leur jardin de murs. On
donne aufîi aux Capucins pour quarante iols de viande par
femaine , pendant un mois & demi ; & cinquante livres , pour
acheter un millier de fagots. Les Officiers municipaux font bâtir
trois maifons près la Belle-Croix , & paver fept pieds fix pouces
de terrein , en largeur , autour de la Chapelle de Miféricorde.
Par délibération du 17 Mai, ils arrêtent de faire conftruire un
égout pubUc dans la rue du Bignon - Leftard , pour conduire
les immondices dans la douve ou fofles de Saint - Nicolas. On
en fait faire un autre au haut de la rue Gaudine , pour l'écou-
lement d'une foffe ou cloaque qui s'y trouvoit. Le puits du Dionis,
dont il eft fi fouvent parlé dans les anciens titres , & dont il
ne paroît plus rien aujourd'hui, fubfiftoit encore le 26 Avril de
cette année , près les murs de ville , fur la place du Bouffay,
La halle qu'on y a bâtie depuis l'a fait difparoître. Les Prêtres
de l'Oratoire acquièrent la maifon qu'ils occupent encore aujour-
d'hui, entre Saint - Clément & le fauxbourg de Richebourg. La
pelle défoie Nantes dans les mois de Septembre , Octobre , No-
vembre , & Décembre 1616 : elle n'étoit pas encore cefTée au
mois d'Avril fuivant. Les Religieufes Urfulines font fondées le 30
Mars 1627, à l'entrée du fauxbourg de Saint-Clément.
Le 20 Mai , le Marquis de Themines , Gouverneur de Bre-
tagne , fe rend à Nantes. La Communauté de ville lui fait fervir
à dîner à la maifon de la Saufiniere , d'où ce Maréchal part le
même jour pour faire fon entrée par la porte de Saint-Nicolas.
Le Maire lui préfente cinq clefs d'argent , & le reçoit fous un
riche dais porté par quatre Echevins fuivis du Maire. La marche
commence par les Croix & les Bannières des ParoifTes de la ville ,
fuivies du Clergé régulier & féculier , le Chapitre de la Collé-
giale en chape. La proceffion fe rend à la Cathédrale , par les
rues ordinaires , qui étoient tapilTées comme à la Fête-Dieu , &
ornées de tableaux & de trophées. Le Chapitre de la Cathédrale ,
qui n'étoit point forti, reçoit le Maréchal à l'entrée de fonEglife,
& le conduit au choeur , où l'on chante le Te Deum, A la fortie
de l'Eglife , les quatre anciens Echevins , précédés du Corps de
ville, reprennent le dais, & conduifent le Gouverneur à l'hôtel
de Briord , fon logement , par la grande-rue , qui étoit toujours
_ N A N 243
tapiffée. Cette cérémonie eft extraordinaire , Se n'avoit pas même
été pratiquée pour les Rois , lors de leur entrée à Nantes. On
ne trouve nulle part qu'ils aient été conduits fous le dais à leur
logement en fortant de la Cathédrale. Les valets de pied du
Maréchal vouloient retenir le dais , & la Ville eft obligée de
le racheter pour une fomme de dix piftoles.
Le Maréchal de Themines meurt à Aurai le l^^ Novembre
de la même année. Son corps efl: apporté à Nantes le 26 , &
dépofé dans l'Eglife des Capucins , au Marchix , & le même jour
tranfporté à Saint-Nicolas. Le Chapitre de la Cathédrale , accom-
pagné du Clergé féculier & réguHer , fait l'enUef du corps , qui
eit porté à la Cathédrale le 27 , au miHeu de la MiHce Bour-
geoife fous les armes. La Communauté de ville fuivoit le corps
porté par vingt Prêtres & couvert d'un drap mortuaire , dont
deux Echevins en charge & deux anciens portoient les cornières.
Les Officiers & les Domefliques du défunt entouroient le corps
& le deuil , qui étoit compofé de la Noblefle , &c étoit mené par
Henri de Montbazon , Gouverneur de la ville. La Chambre des
Comptes & le Préfidial n'étoient point au convoi, quoique invités,
à caufe d'une conteflation furvenue entr'eux pour la préféance.
Us fe trouvent feulement à la Cathédrale , pour le Service.
Après la MelTe , le corps eu conduit, avec les mêmes cérémo-
nies que ci-defTus , jufqu'à Bon-Secours , où il eft mis dans un
carrofle couvert de deuil , qui le conduit à Cahors en Querci ,
lieu de la naiffance du Maréchal. ,
1628. Le Cardinal , Duc de Richelieu , efl fait Gouverneur de
Bretagne. Les Etats s'affemblent à Nantes le 5 Janvier. Le 6 Juil-
let, les Minimes demandent qu'il leur foit permis d'ouvrir un
chemin pour aller à leur Couvent , dont l'entrée étoit difficile.
On leur en accorde la permiffion , & le chemin eu ouvert. L'E-
glife Cathédrale reçoit une nouvelle décoration par les grandes
voûtes qu'on y commence. On en pofe la première pierre le 24
Juillet. Le 16 fuivant, le Chapitre crée deux Maires Chapelains,
&: fait achever les peintures du chœur , auquel on travailloit
depuis 1624. La nouvelle difpofîtion du chœur actuel n'a pas
permis de les laifler fubiiller. La Ville fait bâtir la halle du
Bouffay, fuivant la permiffion accordée par lettres-patentes. Phi-
lippe de Cofpéan , Evêque de Nantes, pofe la première pierre
du Couvent des Capucins , à la Fofle , & le dédie fous révo-
cable de Notre-Dame des Anges. Le logement de l'Exécuteur
de la haute-Juilice , au Bouffay , ell détruit à l'occafion de la
^44 NAN
bâtifTe de la nouvelle halle, & transféré à la place de Sainte-
Catherine : il demeure, depuis 175(5, fur la tour de la porte
de Sauve-tout.
1629. Les ReHgieufes Urfulines commencent à bâtir leur Mo«
naftere, avec le confentement de la Communauté de ville. Le
Prieuré de Toute-Joie , près l'Hôtel de ville , efl uni , à perpé-
tuité & irrévocablement , au Collage de l'Oratoire , par lettres-
patentes. Procès très-férieux entre les Cordonniers & les Savetiers
de la ville. Les premiers ne veulent pas que les féconds em-
ploient du cuir neuf à faire des fouliers. L'affaire eft portée au
Parlement.
Les Capucins , appelles par le Duc de Mercœur , s'étoient éta-
blis à Nantes pendant la Hgue. Ils avoient toujours fervi leur bien-
faiteur avec fidélité. Fondés fur l'attachement qu'ils avoient montré
au Prince Lorrain , ils préfentent , le 7 Novembre , une requête
au Duc & à la Duchefie de Vendôme , pour les fupplier de leur
obtenir la permifiion de pafler à la FofTe ; ce qui leur ell accordé.
Sur ces entrefaites, les Feuillants demandent à s'établir à Nantes.
On y confent, à condition qu'ils ne mendieront point & qu'ils
fe pourvoiront d'un fonds fumfant pour vivre. On leur confeille
de s'arranger avec les Capucins pour leur maifon du Marchix :
mais le projet manque, parce qu'ils ne la trouvent pas conve-
nable. Les Capucins vendent alors, avec la permilîion du Pape,
leur maifon aux Religieufes de Sainte -Elifabeth. On obfervoit
encore de donner , la veille des Rois , du vin , des confitures , &
un repas , aux perfonnes diltinguées j ce qui coûtoit des fommes
immenfes à la Communauté de ville.
1630. Les maladies contagieufes, qui avoient fait beaucoup de
ravage les années précédentes , continuent avec la même force.
Les ReHgieufes UrfuHnes obtiennent l'amortifTement des jardins &
maifons de Malvoifine , de la Collette , & de la portion de la
tenue de JBellevue. Le 6 Avril , les Pères Carmes font la folem-
nité àe la canonifation de Saint André de Corfin. La Chambre
des Comptes & la Maifon de ville , qui avoient été invités à la
proceflion , y afliftent en robes de cérémonie. Le Préfidial , of-
fenfé de n'y avoir point été appelle , envoie deux Huiffiers
avec deux Recors, au Prieur des Carmes, qui l'ajournent à com-
paroître à l'inilant pour rendre raifon de fa conduite. Le Prieur
obéit, &: dit au Siège que fa Communauté n'avoit fait une faute,
en cette occafion , que par ignorance des ufages de la ville. Ces
raifons fatisfont le Préfidial. Les Religieufes de la Vifitation de
N A N 14Î
Notre-Dame demandent à s'établir à Nantes. On leur permet,
à condition qu'elles fe logeront dans un des fauxbourgs, & qu*elles
ne mendieront point. Elles s'établiffent fur le champ au lieu de
Malvoifîne , ci-devant occupé par les Urfuiines. Les Pères Cor-
deliers , qui , depuis leur établilTement , avoient vécu de leurs
revenus, commencent à mendier, parce que la ville & les en-
virons manquoient de grains. Les Etats, affemblés à Ancenis,
mettent , pour la première fois , une impofition fur les épiceries
& l'eau-de-vie qui fortoient de Nantes. Le Parlement fait dé-
fenfe de tirer les grains d'un Evêché dans l'autre. Cette défenfe
rend le grain fi rare à Nantes , qu'il fe vend au marché dix-huit
livres le feptier ; ce qui fait quarante livres de notre monnoie.
L'Evêque inftitue un Pénitencier ; dignité qui ne fubfifte plus. Ce
n'efl que depuis ce temps qu'il y a une Police exafte pour le
pain à Nantes.
163 1. On donne aux perfonnes attaquées de la pefte un habit de
bougran noir , avec des croix blanches , pour les faire reconnoître
dans les rues, de loin, & donner aux paiïants le moyen de les
éviter. Philippe de Cofpéan bénit la nouvelle Eglife des Capu-
cins de la Folfe, & y fait l'Ordination le 20 Décembre. La Cure
de la Paroiffe de Saint-Simihen eil incendiée.
1632. Les Capucins étoient à la FolTe dès 1630. Les Reli-
gieufes de Sainte-Elifabeth , qui avoient acheté leur maifon du
Marchix, vendent celles qu'elles pofTedent dans la rue des Caves,
& vont prendre polTefîion de leur nouvelle Communauté , du
confentement de la Ville. On préfente à la Communauté de ville
un brevet du Roi pour l'établillement d'une banque à Nantes ,
en faveur du Sieur le Brun , valet-de-chambre de Sa Majefté. Les
Auditeurs de la Chambre des Comptes avoient demandé au Roi
la fuppreffion des charges de Corre6tion ; & Sa Majeilé les avoit
abolies par l'Edit de l'an 1627 & l'Arrêt de 1628. Cette année,
il rend un Edit confirmatif des précédents, & crée deux nouvelles
charges de Corre8:eurs & de deux Maîtres aux Comptes. Le 2
Mars, le Cardinal de Richelieu ell fait Gouverneur de Nantes.
A la demande de la Ville, les Pères de l'Oratoire fe défirent
du droit de committimus , tant en demandant qu'en défendant,
qu'ils venoient d'obtenir. La Communauté de ville fe charge de
payer le Prédicateur de la Cathédrale. Elle projette de couper. la
chauffée de Barbin , & n'exécute pas cette entreprife. Elle permet
aux Religieufes de la Vifîtation , qui , depuis deux ans , logeoient
par hofpice , au lieu de Malvoifme , ( aujourd'hui le Séminaire, )
246 _ NAN
de s'établir à Tancien logis de la Mironnerie, près le Collège
-de Saint-Clément j maifon qu'elles avoient acquife des Pères de
l'Oratoire , & d'y bâtir leur logement , leur cloître , & leur
Eglife. Les Pères Carmes, qui n'avoient point enc'bre mendié,
mendient. On s'en plaint d'autant plus fortement qu'il y a lieu
de croire que ces Religieux font aifez riches , puifqu'ils refufent
d'affifter aux enterrements des particuliers. Les Cordeliers & les
Jacobins font le même refus, & excitent les mêmes plaintes. Ces
derniers adoptent la réforme en vertu d'un Arrêt du Parlement.
Le 8 Juin, les Etats s'alTemblent à Nantes. Le 25 Septembre,.
le Prince de Condé vient a Nantes : on ne fçait par quel
motif.
1635. La Communauté de ville , qui faifoit bâtir les quais &
murs qui font depuis la Saufaye jufqu'à la prairie de la Magde-
leine , projette de faire conllruire ceux qui l'ont du côté oppofé,
Se qui vont jufqu'à la prairie Gloriette ou de l'Hôpital. On pro~
pofe une Polie aux lettres, de deux couriers par femaine , de
Nantes à Paris & route , à deux fols par lettres d'une demi-feuille ,
& cinq fols par paquet d'une once. La Communauté de ville
Eromet une gratification à celui qui avoit été pourvu de cet éta-
lifTement , au cas qu'il réulTît dans une entreprife fi utile & fi
defirée du public. Depuis que Philippe de Cofpéan étoit Evêque
de Nantes , la pefte , qui avoit prefque fans cefl'e ravagé fa ville
épifcopale , l'avoit fouvent forcé de s'éloigner de fon troupeau^
Ce Prélat efl: transféré cette année à l'Evêché de Lifieux ea
Normandie. De fon temps, le bail des Terres nobles du diocefe
de Nantes avoit été changé en rachat. Gabriel de Beauvau fut
fon fuccefleur. En 1636, il prend polTefiion de fon Evêché. La
pefie celle tout-à-fait au mois de Novembre. Les Officiers mu-
nicipaux & les habitants , pour témoigner au Ciel leiar reconnoif-
fance de ce bienfait, font un voyage à Saint -Sébafiien le 23
Novembre , où la Melîe eft célébrée , & donnent , pour pré-
fent , trois cents livres tournois , qui font employées à la réédifi-
cation de l'autel de cette EgHfe. Le 27 Décembre , les Etats s'af-
femblent à Nantes. L'infcription qu'on trouve à la fortie du pont
de la Belle-Croix , avec les armes du Cardinal de Richelieu ,
nous apprend que les quais qui conduifent à la prairie de la
Magdeleine furent achevés en 16365 mais les maifons qui bor-
dent ce quai n'ont été faites que depuis ce temps.
1637. La pefte , que l'on croyoit éteinte, n'étoit qu'un feu
couvert fous la cendre. Elle reparoît dans les fauxbourgs de Saint-
N A N 447
André & de Saînt-Clément. Le 19 Avril, les habitants de cette
Paroifle demandent qu'il leur foit permis de prendre quelques
pieds de terrein de la place publique , qui étoit entre l'Eglife
Sl leur cimetière , pour l'accroifTement & l'embelliiTement de cette
Eglife. Les Magii'crats y confentent , à condition qu'on ne prendra
rien qui foit utile au public. On obferve encore l'ufage de diihi-
buer des cierges aux Maires & Echevins , anciens & nouveaux ,
à la Chandeleur.
1 63 8. La proceffion de la mi- Août fe fait , pour la première
fois , à Nantes, en conféquence des ordres du Roi, qui l'établit
dans toutes les villes de fon Royaume. Le Corps de ville y
marche immédiatement après la Chambre des Comptes. Monfieur,
frère du Roi, arrive à Nantes, le mercredi 20 Oftobre 1638,
fe rend à Saint-Nazaire , & revient à Nantes le famedi fuivant:
nous ignorons le motif de ce voyage. Les Etats s'affemblent le
23 Novembre chez les Pères Carmes.
1639. Gabriel de Beauvau fait des llatuts , dont quelques-uns
ont été imprimés. On y Ht que les confefîions que les Prêtres ré-
guHers entendent ailleurs que dans leurs Eghfes, fans le confen-
tement des Curés, font nulles, & que ceux qui appellent ces
Prêtres , à l'infçu du Curé , pour fe confefTer à eux , pèchent
mortellement & fe rendent indignes de l'abfolution. Le 5 Mai,
une troupe de Comédiens demande qu'il lui foit permis de re-
préfenter à Nantes. On lui répond que la fituation de la ville ,
alors attaquée par des maladies contagieafes , ne permet pas de
fe livrer aux divertiffements. Environ le même temps, les Reli-
gieufes du Tiers-Ordre de Saint-François s'offrent pour fervir les
pauvres de l'Hôpital. On leur répond qu'on s'informera de la
nature de leur fervice , & on les renvoie. Le moulin à farine
fitué à Barbin , eu. employé à faire du papier.
1 640. Le moulin à poudre à canon , qui étoit à la place Sainte-
Catherine , eft transféré au moulin Coûtant , où il étoit moins à
craindre pour le pubHc. Le 9 Juin , le Bureau de ville arrête
de faire bâtir une Chambre de Commerce qui manquoit à Nantes,
Le 24 Juillet, Elie BrolTet, Entrepreneur ordinaire des ouvrages
publics , s'en charge pour une fomme de huit mille trois cents
livres. Cet édifice ell nommé r/iôicl de la Bourfe, Les Négo-
ciants s'y affemblent tous les jours , depuis onze heures du matin
jufqu'à deux du foif , pour y traiter des affaires de leur com-
merce. Il ell: très-expreffément défendu aux banqueroutiers d'en-
trer dans cet hôtel, ainfi que fur la place qui ell au devant,
248 N A N
pendant les trois heures que dure l'afTemblée -, punition bien foible
& beaucoup trop douce , lorfque la banqueroute eft frauduleufe.
On remarque que les Bouchers de Carême n'étoient obligés à
aucune redevance envers l'Hôpital, en 1640.
1642. Charles de la Porte, Duc de la Meilleraye , Maréchal
de France , eft nommé au Gouvernement de Nantes , vacant
par la mort du Duc de RicheHeu. Gabriel de Beauvau érige en
Séminaire la maifon de Malvoifine , fituée entre les Minimes &
les Urfulines , & afîied , fur des fondements foUdes , cet établifTe-
ment utile , avant lequel une retraite de quelques jours fuffifoit
pour la préparation aux Ordres facrés. Les Conférences du dio-
cefe font établies dans le même temps , ainfî que la Confrairie
de Saint-Michel en la Chapelle de Notre-Dame de Miféricorde.
On accorde au Chapitre de la Cathédrale un oftroi de ûx années,
dont le produit devoit être employé à la confl:ru61ion & répa-
ration de fon Eghfe. La Communauté de ville fait placer fur
ie Bouffay une chaire, un poteau, & une bafcule. De ces trois
jnftruments de Juftice , il ne refte plus que le poteau : la chaire
& la bafcule étoient ce qui , dans les anciennes conftitutions des
Ducs de Bretagne & dans quelques Conciles , eft appelle l'é-
chelle, /c(2/a , fur laquelle on mettoit le coupable dont le crime
ne méritoit pas la mort , pour l'élever en l'air & le donner en
jfpeftacle au peuple.
1644. L'Hôpital d'Erdre eft transféré à la petite prairie de la
Magdeleine ou Gloriette , en vertu des lettres-patentes du Roi,
On exhaufle le terrein de plufîeurs pieds, pour rendre le loge-
ment moins humide & plus fain. Ce terrein étoit bordé d'un
canal que l'on croit avoir été fait par ordre de Saint Félix,.
Evêque & Gouverneur de Nantes. 11 conduifoit , à travers la
prairie, les eaux de la Loire, du canal de Bieffe à la Saufaye,
Se on en voyoit encore des veftiges au commencement de ce
iieclc. Dans le même temps, on accorde aux Rehgieufes Car-
mélites une fomme de douze cents livres, à prendre fur les
oftrois concédés au Chapitre de la Cathédrale. C'eft aufîi de cette
année que date la dévotion c{ui fe pratique tous les ans à Mi-
féricorde , depuis l'Afcenfion jufqu'à la Pentecôte , en mémoire
de ce que la Sainte Vierge relia onze jours dans le défert après
l'Afcenlion de Jefus-Chrift. Le 1 1 Août , la Reine d'Angleterre
fe rendant aux eaux de Bourbon, arrive à Nantes, fur les ûx
heures du foir. Elle eft faluée , à fon entrée , de toute l'artillerie
de k ville ôc du château^ .& portée en chaife^^ fous un riche
daisv
_ N A N z4g
dais , depuis la potte Saint-Nicolas jufqu'à la Cathédrale ; les
rues étoient tapilTées.
1645. Par adjudication du 28 Juin, Jacques Malherbes , Ar-
chiteâe , eft chargé de l'édifice du portail de l'hôtel de ville ,
pour une fomme de fix mille cinq cents livres. Ce morceau
d'architeélure n'eil pas fans beauté , & mérite d'être vu. Au deflus
du portique , à gauche , en entrant , on lit ces mots gravés fur
une table de marbre :
ANTE MORI Ql/JM TE VIOLEM;
Par allufion aux armes de Bretagne , fculptées au deflus. A
droite , font les armes du Maréchal Duc de la Meilleraye , avec
.ces mots :
MONSTRANT INSIGNIA FATUM.
Au defTus du grand portail , du côté de la rue & à côté du
burte du Duc de la Meilleraye , eft gravée , en lettres d'or , fur
une table de marbre noir , l'infcription fuivante :
MIS S US IN MAGNUM IMPERIUM.
A côté du bulle , qui repréfente Madame la Maréchale de la
Meilleraye :
ALTERA NON DEFICIT ANNA.
1646. Cent vingt Efpagnols faits prifonniers à la bataille de
Rocroi , livrée en 1 643 , font amenés à Nantes , & renfermés
dans la tour Guifchard , autrement appellée des Efpagnols, Synode
afTemblé par le Grand- Vicaire de PEvêque. A l'entrée de l'Hô-
pital ou THôtel-Dieu , eft repréfentée la figure de la Charité ,
avec l'infcription fuivante.
Régnant Louis XIK , Roi de France & de Navarre , cette
Maifon de Charité fut conflnàte par la magnificence de Haut
& Puiffant Seigneur Meffire Charles de la Porte , Seigneur
de la Meilleraye Gouverneur des ville & château de Nantes;
de Haute & Puiffante Dame Marie de Coffé , fon époufe ;
& autres deniers publics ^ étant lors Maire M\ Mathurin Boux ,
Seigneur du Teil & de la Varenne , Confeiller du Roi , &
Maître de fes Comptes en Bretagne , &c. En mémoire de quoi
cette table fut pofée en 1 646.
Le 5 Novembre même année , Frère Gilles Durand , Hermite
Tome IIL I z
250 ; NAN
de Saint-Antoine, obtient de la Ville la permiffion de bâtir un
Hermitage Se Chapelle en la ParoifTe de Saint-Similien , à peu
de diftance du pont du Sance , dans le lieu appelle le petit-pré^
dépendant de la maifon de la Porcherie , à condition d'y de-
meurer feul & de ne point mendier. Le Curé & les Paroifîiens
lui avoient donné leur confentement le 6 Janvier.
1647. Le 24 Février, la Ville arrête de démolir l'horloge
qu'elle avoit au Port-Maillard. Les Etats s'afTemblent à Nantes
le 12 Mars.
1648. Le 10 Janvier, les Comédiens repréCentent , pour la pre-
mière fois , à Nantes , au profit de l'Hôpital. Le 24 du même
mois , Dominique Ségal , Vénitien , joueur de marionnettes , de-
mande & obtient la permifiion d'amufer le public. Il efl le pre-
mier baladin qui ait paru à Nantes.
1649. Le 27 Mai, Gabriel de Beauvau tient fon Synode,
&: publie dix-fept llatuts qui ont été imprimés. Le premier
défend aux Prêtres , fous peine de fufpenfe , de porter en terre
les corps des morts , félon l'ufage. En conféquence , la Ville
nomme quelques perfonnes pour rempUr ces fondions , & leur
ordonne de porter une tunique noire.
1650. Les eaux débordent coniîdérablement fur la fin de cette
année & au commencement de la fuivante : elles montent
jufqu'au haut du choeur de FEglife des Pères Carmes , rem-
phflent les caves de la Maifon de ville , & couvrent la place
du Bouffay.
1651. Les Prêtres de l'Oratoire, qui jufques-là n'avoient eu
qu'une petite Chapelle pour le Service divin , commencent à
fotir leur Eglife. Le 1 8 Mai , le Roi Louis XIV & la Reine fa
mère , revenant de leur voyage de Guyenne , pafTent par Nantes.
Comme Leurs Majeftés n'avoient donné aucun avis de leur ar-
rivée , il ne fe fait rien d'extraordinaire à leur entrée. La Com-
munauté de ville voyant que l'hôtel de la Bourfe , qu'elle avoit
fait bâtir pour la commodité des Commerçants , ne fervoit point
à l'ufage auquel il avoit été deftiné , l'afferma, le 28 Juin, pour
la fomme de cent foixante-cinq livres , à condition pourtant que
les locataires n'y vendroient point de vin en détail. Les Négo-
ciants , piqués du procédé , en demandent la ferme , pour y traiter
de leur commerce , conformément à fa deilination. Iles Magiftrats
y confentent , & en donnent les clefs aux Juges-Confuls , le 27
du mois d'Août. La récolte manque prefque tout-à-fait. Les Bé-
nédidins , Curés primitifs de FEglife de Sainte-Croix de Nantes,
N A N zj,
qu'ils n'avoient abandonné qu'à la fin du quinzième fiecle , for-
ment le projet de fe remettre en poffeffion de ce Bénéfice , &
de s'y établir. Les habitants , informés de ce qui fe pafie , pren-
nent des mefures pour faire échouer l'entrepnfe. Ils fe plaignent,
non fans raifon , qu'il y avoit déjà afîez de Monafteres dans la
ville , fans en augmenter encore le nombre. Ils remportent la
viftoire fur les Religieux , qui font forcés d'abandonner leurs pré-
tentions.
L'an 1(352 , meurt à Nantes Patrice de Commersford , Evêque
de Waterford & de Lifmore en Irlande. Perfécuté par la faftion
Anglaife , ce Prélat avoit quitté fa patrie & fon troupeau : il
efi: enterré dans la Cathédrale.
1653. La Police défend aux artifans , fous peine de prifon ,
d'aller au cabaret & au jeu, les jours de travail, L'ufage de
porter des cierges de cire , à la proceffion de la Fête-Dieu , n'étoit
pas encore aboli : la Ville en avoit un mafîif de cette efpece,
mais fi ancien & fi brifé qu'on ne pouvait plus le changer de
place. Le 16 Mai, le Bureau arrête de le vendre , & d'en em-
ployer le produit à l'achat d'un nouveau, du poids de cent livres:
on le fait faire de bois , avec fculpture & dorure , & il coûte
fix cents livres. La Communauté , qui vouloit conferver fon riche
dais pour l'entrée des Princes & des Gouverneurs, l'enferme
dans' fes archives ,, avec défenfe de le prêter fans l'ordre du
Bureau. L'Eglife des Jacobins étoit prefque fans abord & ifiue :
les Religieux demandent la permiffion d'acheter un emplace-
ment clos de murailles , fervant de cour & de jardin, au logis de
N.... de la Pinfoniere , alors Sous-Maire. Cet emplacement étoit le
long de la Chapelle de Sainte-Catherine , fituée à l'entrée de l'Eglife
de ces ReHgieux. Le Bureau y confent , & même il donne fix
cents livres aux Jacobins pour payer une partie de l'acquêt , à
condition que la portion de la cour qui leur fera inutile , fera
employée à faire une place pubHque. Cette condition du traité
n'eft pourtant pas rempUe : la cour & le jardin , qui avoient
autrefois fervi de cimetière à la Chapelle , félon la coutume du
temps , en ont fervi pendant très-long-temps à la Paroifi^e , dans
le territoire de laquelle ils font renfermés. L'hôtel de Drouges ,
aujourd'hui de Rofmadec , eft bâti par Céfar de Renouard ,
Seigneur de Drouges , Tréforier général des Etats de Bretagne ,
dans la rue de Verdun , près le carrefour Saint- Jean.
La ville de Nantes avoit alors , pour fa défenfe , les tours de
'Sauve -tout 5 de Grimaud, de Corbin, de Saint - Nicolas , de
^^% NAN_
Guifchard ou des Efpagnols , du Connétable , de Barbe-à-canne ^
du Râteau 5 de la Prévôté, de Saint-Pierre, du Trépied, de
Saint- Jacques , des Jacobins , du Duc , du Mûrier autrement de
Saint-Laurent , du Moulin , de l'Arbalêtrie ou de Saint-Clément ,
du Papegault , & celles qui étoient aux quatre portes de la
ville. Prefque toutes ces tours avoient été bâties du temps du
Duc François II , ou peu de temps avant lui. Celles qui font
moins anciennes ont été bâties du produit des oftrois. L'Ecole
de Théologie 5 qui étoit chez les Prêtres de l'Oratoire en 1 6^3 ,
étoit l'unique qui fût dans la province. Le nombre des Ecoliers
de Philofophie étoit de cent foixante.
1654. Il y avoit en ce temps, dans la ville, plus de deux
cents chaudières à l'eau-de-vie & à la bière. La Police défend
ces dernières dans tout le diocefe , parce que cette fabrique
confommoit trop de bois & de grains. Le Roi accorde une
fomme de deux mille livres pour la réparation des ponts de
la ville.
Epitaphe d'Hercule de Rohan , Duc de Montbazon , Gouverneur
de Nantes , qui fe voit dans l'Eglife des Récollets.
Herculls de Rohan , ex prima & anàquâ minons Bii-
tanniœ Regum & Principum ftirpe mafculâ , Pans Franciœ ,
Duels de Montha:^on , cor magnanimum hâc urnulâ cond-
nctur, Qiiod egreglum fecit , fervat hifiona, Optimè im"
peravit , ohtemperavu optimè, Ohiit ly caL Novemb, anno
à Chriflo i6b4y œtads LXXXVL
Jean-François-Paul de Gondi , Coadjuteur , puis Archevêque
de Paris & Cardinal de Retz , homme intriguant , fa6tieux , &
plus propre à manier l'épée, comme il en convient lui-même
dans fes mémoires , qu'à porter la mitre , joignoit à ce carac-
tère turbulent une ambition démefurée. La minorité de Louis XIV,
& la haine que le peuple portoit au Cardinal Mazarin , lui firent
concevoir les efpérances les plus flatteufes &: les plus étendues.
Il forma le projet de faire chafîer le premier Miniflre & -de fe
mettre à fa place. La difficulté de l'entreprife ne le rebuta point j
les dangers qu'il couroit ne furent pas capables de refFra}'er ,
tant eft violente la paffion de s'élever. Pour parvenir à fon but ,
il falloir mettre le défordre dans l'Etat , foulever le peuple contre
le Gouvernement, rompre les liens qui uniffent les fujets aux
N AN _ 15J
Souverains , efFacer du cœur des premiers tout fentîment d'amour,
de refpeft , & d obéifTance ; fomenter les haines , fe faire chef
de parti , violer les loix , braver la puifTance légitime , lui ré-
fifter ; faire répandre des ruilTeaux de fang , expofer fa fortune,
fa vie , & peut-être caufer la ruine de l'Etat : toutes ces con-
fidérations ne l'arrêtèrent point , & , s'il ne réufTit pas , il fit du
moins tout le mal poffible pour réuffir ; mais , enfin , il fut arrêté
& conduit prifonnier au château de Nantes en 1654. On fent
combien la captivité devoit être dure pour un homme du ca-
raftere du Cardinal. Auffi penfa-t-il ù s'en délivrer le plutôt pof-
fible. Il fit agir tous les reflbrts que fon efprit , fertile en expé-
dients , put lui fournir. Il gagna facilement le plus grand nombre
des habitants , par le moyen de quelques-uns de fes amis qui
Tavoient fuivi à Nantes. Le peuple faimoit , parce qu'il étoit
Evêque & Cardinal ; dignités qui ne permettoient pas de le
croire coupable. Il avoir , d'ailleurs , fçu s'attirer l'affeftion publique
par des difcours artificieux , & par un zèle apparent pour les
intérêts du peuple , qui le regardoit comme un de fes plus intré-
pides défenfeurs. Dans le temps que le Prélat fe préparoit à l'exé-
cution des projets qu'il avoit formés pour fortir du château de
Nantes , la Cour, qui fut informée de fes intrigues , envoya au
Maréchal de la Meilleraye les ordres les plus précis , de refferrer
fon prifonnier plus étroitement que jamais. La vigilance du Gou-
verneur rompit toutes les mefures du Cardinal , & prolongea fa
captivité. Les amis qu'il avoit dans la ville , lui propoferent
un expédient affez fingulier : ce fut de faire un coffre dans
lequel fon Eminence auroit pu fe mettre & fortir du château ,
chargée fur une mule , avec différents ufi:enfiles qu'elle portoit &
rapportoit de la place. Le refus du Cardinal fit échouer ce
nouveau projet. Sur ces entrefaites , il fit venir de Paris l'Abbé
Rouffeau , frère de fon Intendant , homme ingénieux & bien
capable de féconder les vues de fon maître. Après avoir balancé
long-temps fur les différents moyens de tromper la vigilance
du Maréchal , ils s'arrêtèrent à celui-ci : ce fut d'attacher au bout
d'une corde un morceau de bois, qu'on nomme palonnier , avec
une ceinture & une boucle pour lier le Cardinal par le milieu
du corps , afin d'éviter les accidents -, de le faire affeoir fur ce
morceau de bois , & de le defcendre ainfi de la tour à terre du
côté de la rivière. Tout étant difpofé pour l'exécution , le Car-
dinal fe rendit, le 3 Août 1654, fur le rempart du côté de
la Loire , accompagné de l'Abbé Rouffeau , qui portoit fous fa
Î54 . . NAN
foutane tous les inftruments nécefTaires. Le Prélat , arrivé fur
la terra/Te du baftion de Mercœur , fe promena quelque temps
avec l'Abbé. Un inftant après , il demanda à boire , & envoya
un de fes gens chercher du vin. Après que fon maître eût bu ,
le Domeftique offrit à boire à la fentinelle , qui trouva le vin
bon , & qui dit qu'il ne feroit pas fâché de vuider la bouteille ,
qui étoit de bonne mefure , à la famé de fon Eminence : le Do-
meftique ne demandoit pas mieux. Il donna la bouteille au foldat ,
& lui confeilla de fe cacher derrière fa guérite , afin de n'être
point découvert & de boire plus à fon aife. Pendant que ceci
le paffoit , le Cardinal quitta f^ fîmarre rouge , qui fut placée
fur un bâton entre deux créneaux , pour faire croire à la fentinelle ,
lorfqu'elle feroit revenue à fon pofte , que c'étoit le Cardmal
lui-même. Le prifonnier fut defcendu & reçu dans un bateau,
qui le conduifit jufqu'à l'entrée de Richebourg , où il monta à
cheval j mais il étoit il troublé qu'il ne fçavoit ce qu'il faifoit :
fon cheval qui étoit fougueux , fe cabra j & comme le Cardinal ne
tenoit pas même la bride , l'animal tomba fur le pavé , & fra-
caffa fort le cavaUer qui fe trouva engagé defîbus , & qui eut même
l'épaule droite démife. On le remonta promptement à cheval ,
& il fe fauva avec ceux de fa fuite à Beaupreau , petite ville
de l'Anjou, fur la rivière de Lizere, où ils n'arrivèrent qu'avec
beaucoup de peine. De-là le Cardinal fe rendit à Rome , & y
fit fa paix , en 1661 , avec le Roi , en donnant la démiflion de
fon Archevêché de Paris. Le Monarque , en dédommagement >
lui donna l'Abbaye royale de Saint -Denis, & lui confirma la
poiïeliion de celles de Buzai & de Sainte-Croix de Quimperlé ,
la première dans l'Evêché de Nantes , & la féconde dans celui
de Quimper. Le Cardinal de Retz, déformais dégoûté du monde,
voulut rendre fon chapeau de Cardinal au Pape Clément X ,
qui , à la follicitation du Roi , lui ordonna de le garder. Il paffa
le refie de fa vie darfs la folitude , où il s'occupa à peindre les
fcenes tumultueufes où il avoit joué un fi grand rôle , & à ac-
quitter trois millions de dettes qu'il eut la confolation de payer
avant fa mort, arrivée à Paris le 24 Août 1679.
Le I^^ Décembre 1655,1a Chambre Souveraine, établie à
Paris au fujet des francs-fiefs , donne un Arrêt , qui , confirmant
une fentence du Lieutenant d'Angers , maintient les habitants
de la ville de Nantes, en conféquence de leurs privilèges, dans
l'exemption des droits de francs-fiefs & nouveaux acquêts qu'ils
poffédoient dans la province d'Anjou, C'efl: un des privilèges des
N A N 155^
habitants de cette ville , qui jouiffent encore de l'exemption des
droits de francs-fiefs & nouveaux acquêts des terres nobbs &
des lods & ventes , des acquêts faits en l'enclos de la cité &
fous le fief de la Prévôté , moyennant une rente annuelle de
deux cents livres. Le même privilège porte exemption de fouages
pour les biens roturiers qui ne font pas à plus d'une lietïe de
diflance de Nantes.
Les Pères Carmes de Nantes , déjà riches , augmentèrent
encore leurs revenus par l'acquêt de plufieurs maifons. La Com-
munauté de ville en fut mécontente, & , le 21 Novembre 1665 ,
elle prit des mefures pour empêcher ces bons Pères de s'accroî-
tre davantage. Ces Religieux incommodoient confidérablement
le public, parce qu'ils ne vouloient pas que perfonne eût des
maifons dont les fenêtres donnaffent fur leur Communauté , dans
la crainte , fans doute , qu'on ne vît & qu'on ne publiât ce qui
s'y pafToit.
1656. On pofe la première pierre du bâtiment du Collège de
Saint-Clément, qui eft conftruit aux dépens de la Ville, comme
nous l'apprend l'infcription qu'on y voit.
1657. La Communauté de ville s'oppofe à l'établiffcment dun
marché dans les ParoifTes de Chantenai , Saint-Herblain , &
Vigneux. En conféquence , ces marchés , obtenus par les Seigneurs
des lieux , font fupprimés. Les Etats s'affemblent à Nantes le i ^\
Octobre.
1658. La Ville fait conflruire le pont Roufieau , fur la rivière
de Sevré , & y fait placer une obélifque en pierres , avec une
infcription qui marquoit l'époque de la conftru6lion de l'édifice ,
les noms du Gouverneur & des Magiftrats de la ville.
1659. Les Officiers municipaux font préfent à Saint-Sébailien
d'un riche ornement , qui coûte une fomme de huit cents vingt-fix
livres. Le 20 Juin , les Etats s'affemblent à Nantes. Le froid com-
mence avec force à la fin du mois de Novembre 1^59, & les
glaces reftent en rivière jufqu'au 29 Avril de l'année fuivante,
qu'elles commencent enfin à fe brifer & à fondre. Le tombeau
de i'Eglife des Pères Carmes, qui n'étoit renfermé que d'un
vieux baluftre de bois, fut clos d'une grille de fer en 1660.
Dans ce temps , les Jacobins tenoient des Ecoles d'Humanité ,
de Philofophie , & de Théologie , pour les externes de la ville ,
c[ue l'on fit ceffer, à caufe des dérangements que cela caufoit
au Collège de Saint-Clément.
i6<Si. Ceft pour la première fois que fe fait l'adjudication
z^6 ; ^ NAN
de la boucherie de Carême, à Nantes, pour une fomme de
cent livres , au profit de THôpital. En conféquence , on augmente
le prix de la viande. Aujourd'hui le bail eil de huit mille
livres , quelquefois davantage , au profit de l'Hôpital. Le 1 8
Août , le Duc de la Meilleraye fait l'ouverture des Etats à
Nantes. Louis XIV arrive en cette ville le i ^r. Septembre fuivant,
entre midi & une heure. Comme le Monarque avoit couché à
Ancenis, & devoit dîner au château de Clermont , en ia Pa-
roilTe du CeUier , perfonne ne va au devant de lui , parce qu'on
ne l'attendoit que fur le foir 5 mais Sa Majeflé juge à propos
de fe rendre fur le champ à Nantes , & entre au château par
la porte qui donne fur le Cours des Etats. Le Duc de la
Meilleraye , qui va recevoir le Roi , le prie d'agréer que le Corps
de ville vienne lui préfenter les clefs & lui rendre fes hom-
mages avant tous les autres Corps. Après le dîner , le Corps
de ville, en habit décent, les haches hautes, ell introduit &
préfenté à Sa Majellé par le Duc de la Meilleraye. Les Maire &:
Echevins mettent un genou en terre , & le premier fait , dans
cette poflure , une harangue au Roi , & FalTure de la foumiffion ,
obéifîance , & fidélité de tous les habitants de la ville &: des faux-
bourgs. Il lui préfente, dans un bafTm d'argent, quatre clefs
d'argent doré , fur les anneaux defquels étoient , d'un côté , les
armes de France , & de l'autre , les armes de Bretagne. Après
cette cérémonie, le Roi, d'un air majeftueux & fatisfait, remer-
cie le Corps de ville, & dit , en ôtant fon chapeau par forme
de falut & de remerciement, à N.... de la Vincendiere, Maire , de
retenir les clefs qui étoient en très -bonnes mains. Le Sieur de
la Vincendiere étoit premier Avocat du Roi au Siège préfidial
de Nantes. Le Roi ne fait point d'entrée folemnelle ; mais tous,
les Corps ont ordre de fe rendre au château , pour faluer le
Roi. Le Siège préfidial s'y rend en robes & bonnets de Palais,
Se Fun des Membres, le genou en terre, fait une harangue au
Roi , qui étoit dans un fauteil , entouré de fes courtifans. Les
autres Corps font enfuite admis. Le Maréchal de la Meilleraye
eft obligé de fortir du château , & d'aller loger au doyenné pour
faire place au Roi.
Le 5 Septembre , le célèbre Fouquet , Surintendant des Fi-
nances, eu arrêté à Nantes. Il étoit bien éloigné de foupçonner
le fort qui l'attendoit. On rapporte même qu'il dit à celui qui
l'arrêtoit de la part du Roi : ne vous trompez vous pas ^ Eil-
ce Fouquet que vous avez ordre de faifîr r Le prifonnier eft
conduit
/
N A N 257
conduit à Paris , Se enfermé à la Baftille , comme criminel d'Etat.
On crée une Chambre de Juftice à l'Arcenal , pour inftruire
fon procès. Tout le monde eft furpris de la dilgrace de ce
Seigneur fi confidéré par fes charges. Il avoit été Procureur
général du Parlement de Paris , & il étoit aftuellement Surin-
tendant des Finances , & Intendant de Bretagne. La fortune avoit
fait fur lui l'effet qu elle fait prefque fur tous les hommes : elle
avoit corrompu fes moeurs, & l'avoit rendu infolent , fuperbe ,
ambitieux , & prodigue. Il étoit accufé de diffiper les Finances
par des libéralités exceflives , & par un luxe extraordinaire.
Sa magnificence égaloit celle des Rois ; la richeffe de fes
ameublements & la fomptuofité de fa table n'étoient pas moins
blâmables. Quelque temps avant le départ du Roi pour Nantes,
Fouquet lui avoit donné , dans fa maifon de Vaux , une fête
dont le repas feul avoit coûté cinquante - mille écus. Louis XIV
avoit été étonné & même ofFenfé des profufions du Surintendant j
mais ce qui l'avoit fur-tout choqué, étoit l'infolence de ce Mi-
niflre , qui avoit ofé mettre à prix les faveurs de la Demoifelle
de la VaUiere que le Roi aimoit. Le 1 4 Novembre 1 664 , Fou-
quet eft conduit devant fes Juges , & , quelques jours après ,
il efl condamné au bannifTement perpétuel j mais le Roi com-
mue la peine en prifon perpétuelle , & le coupable y refle
jufqu'à fa mort , arrivée vingt ans après. Quelques - uns ont
prétendu que Fouquet étoit accufé d'avoir fortifié Belle -Ifle ,
& d'avoir tiré de plufieurs perfonnes des écrits qui les enga-
geoient dans fes intérêts -, mais fon véritable crime étoit la dif-
fipation des Finances , fon infolence , & fon îuxe , qui av oient ,
difent quelques hifloriens , donné de la jaloufîe à Louis XIV lui-
même.
On trouve dans les regiflres de Sainte-Radegonde , que, lorf-
que le Roi couche au château de Nantes , il doit trente - cinq
fols par nuit au Curé de la Paroiffe dans le territoire de laquelle
cette place eft fituée. L'obligation eft prouvée par l'acquit de
cette îbmme, payée par l'Abbé de Coiflin, Aumônier de Louis
XIV , au Curé de Sainte-Radegonde , qui lui en donna quittance.
Je n'ai pu découvrir , malgré mes recherches , l'origine de ce
droit fingulier. Le 6 Septembre 1661 , le Roi part de Nantes j
le lendemain , Gabriel de Beauvau afïemble fon Synode à An-
cenis , & cette aflemblée caufe plufieurs différents entre lui &
fon Chapitre.
1661, Le Préfîdial, à l'exemple de TUniverfité, qui, dans le
Tome III* Kl
X58 • N A N
fiecle précédent , temps de fa gloire , avolt pris îa robe rouge ,
& du Chapitre qui la portoit aux fêtes folemnelles , demanda la
permiffion de porter cette marque de dignité dans les cérémonies,
& l'obtint au mois de Février. Les Ofliciers de ce Siège la pren-
nent , pour la première fois , le 3 Novembre fuivant. La difette
des grains, dans les mois de Mai & de Juin, avoit occaiionné
des maladies contagieufes. Le Roi mande , dans ce temps , le
Maire en Cour : mais ce magiftrat ne peut y aller pour caufe
de maladie. La même année , la Communauté permet aux
Récollets de bâtir leur Couvent fur le terrein où il avoit été
fondé en 1617. On forme le projet de nettoyer la Loire, depuis
Nantes jufqu'à fon embouchure , qui en eft éloignée de onze
lieues.
1663. Les Officiers municipaux , voulant exciter Témulatioii
parmi les EcoHers du Collège , achètent pour cent francs de livres ,
qu'ils font diftribuer à ceux qui les méritoient par leurs talents ou
leur application. De-là , l'origine des prix qui fe diftribuent tous
les ans. La tour du Bouffai , où ei\ l'horloge , commencée en
1661, eft achevée en 1663. On fait pofer fur fon fommet une
baluftrade de fer , qui forme une plate-forme en galerie. La même
année , la cloche de l'horloge efl fondue par René Landouillet ,
montée, & attachée à la charpente -, mais , comme elle ne fe
trouve pas du poids convenu par le marché , il elî: condamné à la
refondre , & à y ajouter plufieurs milliers de métal. En confé-
quence , elle eu defcendue , rompue , augmentée , refondue près
la Chambre des Comptes , & manquée. Elle fut fondue , pour la
troilieme fois , & remontée, avec fix appeaux qu'on ajouta aux deux
anciens , pour compléter le nombre des fons. L'horloge , le ca-
dran, les huit appeaux qui fervent à marquer les quarts & les
demies , & à annoncer le fon des heures , par le chant de l'hymne
du jour , ne font achevés que l'année fuivante. L'infcription qui
efl: fur la cloche , nous apprend qu'elle pefe feize mille cinq
cents trente-deux , & qu'elle fe nomme Charles-Marie , nom du
Duc & de la DuchefTe de la Meilleraye , fes parrain & marraine.
L'autre infcription , qui efi: fur le mur de la tour, efl de 1664:
elle nous apprend que tout l'ouvrage , tant de la tour que de
l'horloge, avoit été fait aux dépens de la Ville, fous le Gouver-
nement d'Armand-Charles , Duc de Mazarin de la Meilleraye ,
&c. le tout coûta au Bureau une fomme de feize mille neuf
cents cinq livres.
1663. Les Etats, qui dévoient tenir à Ploermel le ^ Août,
N A N 159
font renvoyés à Nantes , & s y aiïemblent le ii du même mois.
On laifTe tomber en ruine le jeu de longue paume , qui étoit
dans la douve, près la tour du Papegault & la Chambre des
Comptes. Le 25 Septembre 1661 ^ les Jéfuites avoient demandé
la permifTion d'établir un Hofpice au Marchix ou au Bignon-
Leftard , fous les conditions qui leur feroient prefcrites. Ces condi*
tions font propofées & acceptées , le 1 1 Septembre de cette an-
née, dans une aflemblée générale de la Ville. Les DuchefTes de
la Meilleraye , de Mazarin , de BrifTac , & de Saint-Simon , fe
trouvent enfemble à Nantes pendant les Etats.
1 664. Le bail du Collège de Saint-Clément , qui n'avoit encore
été que de ûx ans _, efl fait pour vingt ans , en faveur des Prê-
tres de l'Oratoire. M. Colbert écrit , le 1 8 Mai , au Bureau de
ville, au fujet de rétabliffement du Commerce & de la Compagnie
des Indes Orientales. Le Père de la Motte , Religieux de la
Merci , vient à Nantes , & follicite la Communauté de ville de
s'intéreffer pour fon Ordre auprès de l'Evêque , & de lui ob-
tenir la permiffion de s'établir dans la Paroiffe de Saint-Donatien.
Il eft refufé j & l'on prend des mefures pour empêcher cet éta-
bliffement, non -feulement dans la ville, mais même dans le
Comté Nantais. Mais on ne tient pas long-temps cette réfolution :
on fe laifTe vaincre , & on permet , enhn , à ces Religieux de
s'établir dans la Paroiffe de Saint-Similien , près le pont du Sance ,
à l'Hermitage , alors occupé par deux Hermites de Saint-Antoine.
Le 28 Décembre, l'un deux reçoit ordre de fortir du diocefe ,
8c l'autre, d'apporter au Bureau de ville une atteftation de
fes vie & mœurs : ce dernier fe nommoit Frère Antoine de Saint'
Gabriel,
1665. Le 19 Janvier, ceux des Commerçants de Nantes in-
téreffés dans la Compagnie des Indes , députent N.... de la Hau-
tiere-Ramé à Taffemblée de Paris , indiquée au premier Février ,
pour y folliciter une Chambre de Direction à Nantes , comme
dans un lieu avantageux, à tous égards, pour le Commerce des
Indes. La Compagnie confent à tout , & décide que la Chambre
fera compofée de fix fujets, dont cinq réfideront à Nantes, &
le fixieme à Paris. En conféquence , les Intéreffés font le choix de
fix perfonnes qu'ils jugent les plus propres aux fondions auxquelles
on les deftinoit. Le 1 4 Mai , jour de l'Afcenfion , un foldat de
la garnifon de Nantes, furpris à voler dans la rue des Halles,
reçoit quelques coups de poing. Il court fur le champ fe plaindre
à fon Capitaine, fans lui dire le fujet pour lequel on l'avoit
2éo _ N A N"
maltraité. Le Capitaine, en colère,' rafTemble fa garnifon, & la
fait fortir du château , balle en bouche , mèches allumées , &
une botte de paille à la main , pour mettre le feu chez les ha-
bitants des Halles & des Changes, dont le foldat fe plaignoit.
Les amis de cet Officier, informés de ce qui fe paffoit, courent
au devant de lui , & l'empêchent , par leurs repréfentations , d'aller
plus loin. La Commvmauté de ville ne manque pas d'en porter
fes plaintes en Cour , & de pourfuivre vivement la garnifon ,
qui n'étoit , pour ainfi dire , compofée que de voleurs. Cette fcene
fut utile en ce qu'elle procura des Règlements & des Ordonnances
néceflaires, contre cette garnifon , pour les Ecoliers , les Laquais , &
les Compagnons de métiers , qui fe faifoient chaque jour des que-
relles afTez fanglantes. Arrêt du Parlement de Bretagne , qui
foumet les Boulangers de Verrais & de Pirmil à la Police de
Nantes. Séballien , Comte de Rofmadec , Marquis de Molac , eft
nommé au Gouvernement de Nantes.
1 666. Au mois de Mars , on fait trois Services pompeux à la
Cathédrale de Nantes pour la Reine Anne d'Autriche, mère de
Louis XIV , morte au mois de Janvier. Le clocher de la Paroifle
de Saint-Nicolas, bien différent de ce qu'il efl aujourd'hui, me-
naçoit ruine , quoique peu ancien & foutenu par quatre gros
piliers aifez récents. Le 4 Juillet , le Général de la Paroiffe
arrête de le faire démolir & rebâtir. Pour fournir aux frais de
cette dépenfe , il eft réfolu de faire une quête , & de vendre
un ancien caHce qui , depuis fa confécration , avoit fervi aux com-
munions : mais tout cela ne peut fuffire , & la Fabrique eit obhgée
d'emprunter de l'argent. Les Religieufes de la Vifitation font bâtir ,
du confentement de la Ville , le portail d'entrée de leur Couvent.
La Police enjoint aux Marchands de fe trouver à la Bourfe , de-
puis onze heures du matin jufqu'à deux heures de l'après-midi j
& cette Ordonnance efl: confirmée par Arrêt du Parlement. Les
Religieux de la Charité , qui s'étoient déjà offert pour adminif-
trer l'Hôpital, offrent, pour la féconde fois, leurs fervicef. Les
Prêtres de l'Oratoire demandent des bancs neufs , pour les claffes,
aux Officiers municipaux , qui les refufent , & les condamnent à
faire ces réparations à leurs frais.
1667 & 1668. Gabriel de Beauvau fe démet de fon Evêché,
&: meurt à Grammont, près Chinon, au diocefe de Tours. Gilles
I du nom de la Baume le Blanc de la Valiere , fon fucceffeur,
prend poffeffion, par Procureur, le 12 Juin 1668 , & met une
couronne à fes armes j ce qu'aucun Evêque n'avoit encore pra-
N AN i6i
tiqué. Lors de foii entrée , le Corps de ville va le faluer , &
lui fait le préfent ordinaire de douze flambeaux, de douze pa-
quets de bougie , & de douze bouteilles de vin de Grave. On
décide en même temps que , fi les Jcfuites s'établiflent à Nantes ,
ils ne s'établiront point entre les rivières d'Erdre & de Loire. Le
lo Septembre, le Coniéil rend un Arrêt, qui porte qu'on fera
le portrait de tous les Maires qui auroient fervi, en cette qualité,
pendant deux ans. En conféquence , il efl: dit , que chaque por-
trait fera payé une fomme de trois cents livres.
1669. L'Evêque de Nantes donne un mandement, portant dé-
fenfe, fous peine d'excommunication, de célébrer, dans lesPa-
roiffes de fon diocefe, une fête finguliere, toujours accompagnée
& fuivie de beaucoup de défordres. Le Seigneur de laParoifTe,
ou un de fes Officiers , laiflbit tomber une boule dans l'aiTem-
blée , & celui qui s'en faifilToit remportoit le prix , qui étoit
une certaine quantité de pots de vin.
1670. Tout le Corps de ville eft continué dans les charges,
fans éle61:ion,par ordre du Roi. Cette Communauté difpofoit encore
de l'Hôpital du Sanitat , comme du propre bien de la ville qui
l'avoit fondé. Arrêt du Confeil, qui décharge la Communauté de
payer les rentes des emprunts à conftitut. Le 4 Mai , fe fait dans
i'Eglife des Pères Carmes , la folemnité de la canonifation de
Sainte-Magdeleine de Pazzi. La Communauté de ville y aflifte
en Corps & en habits de cérémonie , ainfi que la Chambre des
Comptes, ayant à fa tête Sébaftien de Rofmadec , Gouverneur
de la ville , qui marchoit entre les deux Préfidents. Le 6 Juillet,
fe fait la cérémonie de la canonifation de Saint-Pierre d'Alcan-
tara , dans I'Eglife des Récollets. La Communauté de ville y
aflifte , & on fit tirer le canon. Le feu prend au château dont
il confume une partie : on la rebâtit à la moderne , & elle fert
de logement aux Gouverneurs. Les appartements font décorés
d'anciennes tapifferies du garde -meuble du Roi. La Ville fait
aufîi conftruire , à fes frais, le pont en bois de la Poiflbnnerie,
& y fait graver une infcription. Le 22 Mai , les héritiers de
N.... de Marques , Sieur de la Motte , paient une fomme de
dix mille livres , léguée par ce dernier , pour la conllruftion
de la falle des petits garçons de l'Hôtel-Dieu de Nantes, comme
nous l'apprend l'infcription qui fe voit au defliis de la porte de
ce logement. Le 26 Septembre , l'Evêque de Nantes ; N... de la
Mufle , Seigneur du Pont-Hus ; & N.... de Montulée , Seigneur
de Longlée , font un traité en conféquence de l'Arrêt du Con-
^€^ N A N
feil rendu pour le defféchement Aqs marais de Barbin. L'Uni-
verfité, qui avoit fuccombé dans le procès entrepris il y avoit
quelques années, pour s'approprier les Mefîageries de Bretagne,
en entreprend un autre, en 1.670, pour avoir la MefTagerie de
Rennes. Le 1 5 Septembre , la Communauté de ville intervient
au procès ; mais l'Univerfité n'efl pas plus heureufe que la
première fois.
1 67 1 . Le 22 Janvier , le Confeil donne un Arrêt , qui renvoie
la requête de l'Evêque de Nantes au Commis à l'exercice des
charges de Tréforier de France en Bretagne , lui ordonne de faire
une defcente dans les marais de Barbin , & de drefTer procès-
verbal des dires des propriétaires riverains. Le defféchement n'a pas
lieu. Les moulins de Barbm, qui font aujourd'hui à la Ville, appar-
tenoient , en ce temps , à l'Evêque. Il s'élève alors une contellation
entre ce Prélat & les Curés de fon diocefe, au fujet du droit
de procuration. L'affaire eft terminée par un Arrêt du Parlement,
( & non du Confeil , comme quelques-uns le difent , ) qui porte que
l'Evêque ne peut exiger ce droit que lorfqu'il viîite les Paroiffes
de fon diocefe , d'après les conftitutions des Papes & des Con-
ciles , qui défendent aux Evêques d'exiger la procuration , quand
ils ne vifitent point, fous peine de relHtution du double , fans
pouvoir même s'en exempter par la remife ou la vifite de l'Eglife
après le mois paffé. Le premier Février , le même Prélat tranfigea
avec Auguftin Servien , Abbé de Saint- Jouin de Marne , de
l'Ordre de Saint-Benoît , fondé , avant le fîxieme fîecle , dans.
l'Evêché de Poitiers , pour la préfentation de plufieurs Cures que
cet Abbé prétendoit lui appartenir, puifque fes prédéceffeurs y
avoient nommé. Gilles-Jean-François de Beauvau , fucceffeur de
l'Evêque de la Valiere , fit homologuer ce traité au Parlement
de Bretagne, le premier 061:obre 1689.
Le premier Février 1(^71 , la Baume le Blanc donne un man-
dement pour établir l'adoration perpétuelle du Saint-Sacrement
dans fon diocefe. Il partage les douze mois de l'année entre les
différentes Paroiffes j de forte qu'il n'y a pas un feul inffant où le
Saint-Sacrement ne reçoive des adorations dans l'Evêché de Nantes.
Les Jéfuites , qui occupoient , comme Hofpice , une maifon de
louage hors les murs de la ville, achètent le fpacieux hôtel de
Briord , fîtué dans la rue de fon nom , au centre de la ville , où
l'avoit fait bâtir, en 1473, ^^ fameux Pierre Landais, Tréforier
du Duc François IL Ils y mettent auffi-tôt des ouvriers pour y
faire les réparations néceffaires , &: mettre cette maifon en état
N A N 2^3
de les loger. Les habitants murmurent, la Communauté s'oppofe
à cet établiflement concraire aux promelTes des Jéfuites lors de
leur entrée à Nantes. La Prévôté ne néglige rien pour faire échouer
le projet de ces bons Pères -, 6c le Procureur du Roi repréfente
qu'il ne convient pas d'augmenter le nombre , déjà trop grand ,
des Maifons eccléiîaftiques dans l'enclos de la ville , qui n'étoit
que trop peu étendu. Ces raifons étoient d'autant plus jufles qu'on
avoit déjà refufé l'hôtel de Briord aux Prêtres de l'Oratoire;
Congrégation plus utile & moins dangereufe que la Société des
Jéfuites. Aux oppofitions des Magiflrats , fe joignent celles du
Relieur & des Paroiffiens de Saint- Vincent; mais tout eft inutile.
La Société , qui étoit alors au plus haut point de fa gloire & de fa
puiflance , détruit tous les obllacles , & obtient des lettres-pa-
tentes qui lèvent toutes les oppofitions, & leur permettent d'ac-
quérir des fonds jufqu'à la concurrence de deux mille livres de
rente. Ainfi , le premier étabhffement de la Société , à Nantes ,
fut fondé par la mauvaife foi de fes Membres. Le haut de l'E-
gUfe de Sainte-Croix fut bâti vers ce temps : le bas de l'Eglife
&: le clocher ne le furent qu'en 1685.
1672. Le Collège de la ville ell donné, à perpétuité, aux
Prêtres de l'Oratoire : mais les Maire & Echevins s'en réfervent
la police , qui leur efi: confirmée par des lettres-patentes. La falle
de l'Hôtel-Dieu de Nantes efi: achevée. L'infcription qu'on y voit
nous apprend que le Duc de la Meilleraye avoit légué vingt
mille livres pour la conftruftion de cet édifice, & que cette
fomme avoit été acquittée par le Duc de Mazarin , fon fils. Le
Général de la ParoilTe de Saint-Nicolas continue l'édifice de fon
clocher j & , pour fournir aux dépenfes qu'il exige , il fait argent
de tout ce qui efi: fufceptible d'être vendu. Le 24 Avril , il ar-
rête de vendre fes vieux livres , les écrits fur vélin en lettres
anciennes, comme, Mififels, Bréviaires, Manuels, Antiphonaires,
Légendaires, &c. Il taxe les bancs de l'Eglife à cinq foisle4>ied,
qui depuis font devenus bien plus chers. Les Filles Pénitentes
doivent leur premier établifiTement , à Nantes, au zèle de Dom
l'Evêque , Prêtre Mifilonnaire du diocefe. La maifon qu'elles oc-
cupent étoit d'abord fans clôture. En j 672 , on en fait une re-
traite pour les filles perdues , qu'on y renfermoit , par autorité dé
la Police ou des parents, pour faire pénitence de leurs défordres,
fous la dire6lion de la veuve Bienvenu, première Supérieure de
cette Communauté. L'Inftitut eft changé depuis environ foixante-
dix ans. Ce font préfentement des filles fans tache, de vérita-
zé4 N A N
bles Religieufes , qui s'y confacrent à Dieu , avec vœu de clô-
ture , fous le nom de Filles de Salme-Magdeleme , à la pénitence
de laquelle elles prennent part fans en avoir pris à fes excès & à
fes crimes. On remarque que l'Univerfité donnoit alors à fes
Membres la permiffion de prêcher, fans avoir béfoin du confen-
tement de l'Evêque 5 droit qu'elle a perdu depuis. Des regiftres
de ce temps nous apprennent auffi que les Curés , qui ne fournif-
foient rien pour les vifîtes de l'Evêque , étoient contribuables
pour un tiers lorfque le Prélat viiitoit trois ParoifTes dans le
même jour.
1673. Sédition au fujet du papier timbré & du tabac, qui corn--
mençoient à paroître, excitée par deux femmes, dont l'une étoit
Confituriere, & l'autre époufe d'un Menuifier. Celle-ci eft arrêtée
& enfermée au château par ordre de Sébaftien de Rofmadec.
L'Evêque , qui fort pour appaifer le peuple & le faire rentrer
en fon devoir , court rifque de fa vie, "La Confituriere le fait
arrêter & enfermer dans la Chapelle de Saint-Yves , avec me-
naces qu'il fera traité de la même manière que la femme du Me-
nuifier enfermée au château j & que , fi l'on a l'audace de la
pendre , il fera auffi pendu fur le champ. Le Gouverneur eft
obligé de relâcher cette femme , pour fauver le Prélat de la fureur
des féditieux. La conduite de Sébaftien de Rofmadec , en cette
occafion _, eft blâmée de la Cour. On lui fçait mauvais gré de
n'avoir pas marché contre les rebelles , à la tête de fa garnifoiï
6c de la NoblefTe qui le fuivoit. Il a beaucoup de peine à fe
juftifier , & eft à la veille de perdre fon Gouvernement. Malgré
le peu de durée de la fédition , & la foiblefte de fes chefs qui
n'étoient fuivies que de la plus vile populace , la Cour , crai-
gnant un foulévement général , envoie à Nantes quelques troupes
qui y reftent en garnifon, & vivent fort tranquillement avec
les habitants.
1674. Dom René l'Evêque, Prêtre Miffionnaire du diocefe de
Nantes , jette les fondements d'une Communauté de Prêtres au
fauxbourg de Saint-Clément, & fait enrégiftrer au Parlement
l'afte de fondation ; mais l'établiftement ne peut être achevé qu'en
1 674. C'eft un des Membres de cette Communauté qui eft Rec-
teur de Saint-Clément. La maifon fait aujourd'hui la matière d'un
procès très-férieux entre M. l'Evêque de Nantes & le Clergé
de fon diocefe , lequel vient d'être jugé par le Confeil en fa-
veur du Prélat. On reprend , en 1 674 , les travaux ci-devant
interrompus de l'édifice du Collège de Saint-Clément , comme il
eft
^ NAN ^ 1^5
eft prouvé par l'infcriptlon latine qu'on voit dans le fond de la
cour de ce Collège. La voici :
Régnante Ludovico XIV , pro Rege totius Britanniœ D, D, D.
Carolo d'Ailli de Pequigni , Duce de Chaulnes , Pari Franciœ ,
&c. Guhernatore regio urbïs ^ arcis ^ & Comitatûs Nannetenjîs ,
D, D. Sebajllano de Rofmadec , Marchione de Molac ; Majore
urbis danjjlmo D. D, Joanne Régnier^ Régi à Confiliis , &c.
opus hoc interruptum continuatum efi impenfis Urbis , anno
f allais , i6y4,
1675. UEvêque de Nantes fait un Propre , mieux digéré, plus
fage que ceux de 1622 &: 1639, & P^^^^ chargé que celui de 1611.
On penfe que ce Propre devroit encore être retouché par d'ha-
biles Eccléfialliques. Outre cet Ouvrage , le Prélat fait encore
imprimer un Catéchifme pour la Confirmation j différents Statuts
fynodaux, qui ne valent pas ceux de Gabriel de Beauvau, fon
prédéceffeur j & un Livre fous le titre de Lumière du Chrétien ,
dont on a fait trois éditions : la dernière, quifefaifoit à Nantes ,
en 1693, avec des corre6tions , fut arrêtée. Le Synode , affemblé
par cet Evêque en 1670, avoit retranché quatorze à quinze
têtes. Le peuple n'avoit pas approuvé ces retranchements, &
continuoit de les obferver ; mais, enfin, elles furent tout- à -fait
fupprimées en 1682. L'article 4 du Synode du dernier ftatut de
la Baume le Blanc efi: fingulier : il défend aux Eccléfiafiiques, de
quelques dignités qu'ils foient , de porter perruque fans la permif-
fion par écrit du Saint-Siège ou de l'Evêque.
1677. Le Prélat fe démet de fon Evêché, & s'en repent bien-
tôt! Cette inconfl:ance de fa part retarde l'expédition des Bulles
de fon fuccefleur , & occafionne une contefi:ation aflez férieufe.
Le Chapitre veut prendre la régie , & le Prélat refufe de la
céder. 11 étoit Jéfuite ;,mais il n'en porta jamais l'habit, par difpenfe
du Pape. Il mourut trente ans après avoir donné fa démifiion. L'édi-
fice du Collège de Saint-Clément efi: enfin achevé. Dans le même
temps , la Ville fait planter une croix fur la place du fauxbourg
de l'Hermitage , aujourd'hui très-peuplé , & alors prefque déiert.
Outre le Couvent des Capucins , on n'y voyoit que quelques
cafés de pêcheurs.
1678. Arrêt du Confeil, & lettres-patentes fur icelui , portant
commiffion à N,.., Bechamiel , de faire un état & rapporter
Tome UL L 2
i65 NAN
procès-verbal des archives dépofées au château Se à la Chambre
des Comptes à Nantes.
1(579. Gilles-Jean- François de Beauvau , neveu des deux Evê-
ques précédents & leur luccefîeur , reçoit enfin fes Bulles , èc
prend polTeffion de fon Evêché. Les intérêts changent. Le 23
Oftobre , le denier dix-huit fuccede au denier feize, & dure
jufqu'au 22 Avril 1720. Vient enfuiteje denier cinquante, qui
dur'e^jufqu au premier Juillet 1724; &, après ce dernier, le de-
nier vingt, jufqu'au 12 Juillet 1725. On confervoit encore, en
1(379, un ufage aflez fîngulier à l'Eglife de Saint-Laurent de
cette ville. Le Marguillier fortant de charge , mettoit la clef
du tréfor de la ParoifTe fur le maître-autel , oii le Fabriqueur élu
alloit la prendre. Le premier n'étoit ccnfé déchargé qu'après
cette cérémonie , qui annonçoit au fécond que Dieu , lui-même ,
l'établilToit fur fes biens , en cette Eghfe , & lui en confioit la
garde. Cette ParoifTe n'avoit alors, pour tous revenus , que fix
livres de rente conftituée, & fe fervoit de deux écuelles de
terre pour faire fes quêtes. Elle relia dans cet état de pauvreté ,
jufqu'au temps de N..., Caflard , fon Recteur , qui , par fes foins
ôc fes propres dons , la rendit plus riche.
1680. Les Dignitaires & les Chanoines abandonnent les Cures
de la ville , dont ils polTédoient une partie de temps immémo-
rial. Le corps - de - garde du quartier nommé Dofdâne efl: bâti
par les foins & aux dépens du Bureau de ville , comme le
prouve l'infcription qu'on y lit & qui y fut gravée par Simonin,
Le 1 7 Avril , à une heure du matin , le feu prend à la rue de
la CaiTerie ; & , comme les maifons étoient de bois , il fe com-
munique avec rapidité , & réduit en cendres tous les édifices des
rues de la CafTerie , de la Clavurerie, de Saint-Nicolas , & du
Bois-tortu. Règlement , qui défend aux Marchands qui débitent
la poudre à tirer , d'en avoir plus de cinq livres chez eux.
1681. Arrêt du Confeil , qui charge la Communauté de ville
de l'entretien des ponts. Le 19 Août, les Etats s'afTemblent à
Nantes.
1682. Du 9 au 10 Avril, le feu réduit en cendres vingt-neuf
maifons des rues de la Clavurerie , de la Boucherie , & de Lé-
rault. La porte de Saint-Louis, fur les ponts, eil bâtie en 1684,
comme le prouve l'infcription gravée par Simonin , qui eft au
defTus : ( elle vient d'être détruite. )
1685. Commencement des armements pour la traite des Nègres
à la côte de Guinée. Le magafin qui appartient à l'Hôpital , près
N A N 167
la halle de la Poiflbnnerle , efl: bâti par les foins d'un Chanoine
de la Cathédrale j de François Giraud , Ecuyer , Sieur de la
Jailliere , ConfeiUer au Préfidialj & de noble homme René Liger,
Sieur de Lumière , pères & gouverneurs des pauvres de l'Hôtel-
Dieu de Nantes.
On étoit enfin lâlTé des Calvinifles. On réfolut de leur ôter
toute reflburce, en caflant FEdit de Nantes. C'étoit la fin des
odieux traitements qu'on leur avoit fait effuyer. En conféquence,
au mois d'Oftobre 1585 , fut donné un Edit qui profcnvoit la
Religion Calvinifle , bannifToit fes Miniftres , & dépouilloit fes
feftateurs des droits de citoyen, en cas de perfévérance dans leur
foi. On rapporte que le ChanceHer le Tellier, en fignant cette
pièce , s'écria , plein de joie : Nunc dimittis Jervwn tuum , Do^
mine , quia viderum ocull mei falutare tuum. Les uns ont exceflî-
vement blâmé cet Edit, les autres l'ont loué : mais les deux
partis , aveuglés par les préjugés ou l'mtérêt , ont tout outré ,
parce qu'ils necoutoient que la pafTion. Il me femble que l'on
pourroit prendre un milieu entre les deux opinions. Certaine-
ment , l'intention du Monarque étoit louable : on ne peut,
fans une injuftice évidente, accufer Louis XIV de cruauté. Sa
belle & grande ame étoit incapable de fe livrer à cet affreux &
pénible lentiment. Tout ce qu'il a fait & tout ce qu'il a dit
prouve que , s'il vouloir être le maître , il vouloit être aufîi le
père de fes fujets. Le defi^ein de ce Prince étoit de faire régner
la concorde & l'union parmi le peuple , en rendant la croyance
la même , & , fur-tout , de détruire des femences de révolte ,
dont le paffé faifoit craindre les fuites. La plus longue & la plus
terrible expérience avoient appris qu'un Etat n'eft jamais tran-
quille lorfque les citoyens font divifés par le culte ; que la di-
verfité des opinions faifoit infailHblement naître des haines; &
enfin , que les mécontents trouvoient toujours des défenfeurs &
des protefteurs de leurs révoltes , en appuyant leurs delTeins du
prétexte de la Religion. On craignoit que les fcenes atroces des
règnes précédents ne vinffent à fe renouveller dans la fuite ; & ,
peut-être , ces craintes n'étoient pas fans fondement. Ce n'eft
donc pas le légiflateur qu'il faut blâmer , ni même la loi ; mais
bien plutôt ceux qui furent chargés de la faire exécuter. La
manière dont ils s'y prirent changea le remède en poifon. Au lieu
de ramener les Calviniftes au fein de l'Eglife Romaine , par la
douceur & la perfuafion ; de leur infpirer de la confiance , en
paroiffant plaindre leur erreur & s'intérefTer à leur malheureux
2.68 _ N AN
fort, on multiplia les injuftices envers eux, on les poufra à boiit*
& on les força de cette manière à fuir leur patrie. Louvois ^
pour empêclier ces émigrations , fit garder les frontières, &
remplir les prifons des fugitifs qu'on faifîiToit. Ces précautions ne
purent retenir dans le Royaume une multitude de familles , qui
emportèrent avec elles leur argent comptant & leur induftrie.
L'Allemagne , l'Angleterre , & la Hollande fe peuplèrent de Fran-
çais , qui portèrent leur goût & leurs arts chez les étrangers
qui s'enrichirent des pertes de la France. Le nombre des fugitifs
etoit de plus d'un million. On en arrêta plufieurs , qui , attachés
fur des galères ou enfermés dans des prifons , n'en étoient pas
moins des citoyens perdus pour l'Etat. Ceux qui demeurèrent fu-
rent perfécutés par les Catholiques , avec cette férocité qu'infpire
à des fanatiques la différence des Religions. Ces malheureux ,
pouffes à bout, prirent dans la fuite les armes fous le nom
de Camifards ; mais trop foibles pour réfiffer , ils ne voyoient de
tous côtés qu'un affreux précipice , la fuite , la mort , ou les fers.
Le fameux Flechier , depuis Evêque de Nifmes , vint alors à
Nantes , par ordre de la Cour , prêcher la controverfe ; mais
n'ayant pu , malgré toute fon éloquence , convertir les Calvi-
niffes , on envoya des Dragons vivre à difcrétion chez ces
feftaires. A la voix de ces nouveaux Apôtres , il fe fit beaucoup
d'abjurations ; mais on ne vit aucune converfion fincere. Enfin ,
on s'ell peu à peu accoutumé à les voir , à les fréquenter , 6c
à les aimer. Les foibles reftes de ces malheureux vivent aujour-
d'hui tranquilles fous la proteftion des loix , & n'ont plus à crain-
dre , ni pour leur vie , ni pour leurs biens. Changement fortuné
qui prouve que l'humanité & la raifon ont repris leurs droits.
1688. L'année précédente, la Ville avoit accordé aux Maîtres
Apothicaires de Nantes un jardin , pour y cultiver des plantes
de toutes efpeces. En conféquence , le Roi donne des lettres-
patentes, qui permettent aux Apothicaires c}e faire un jardin dans
Tendroit où fe tiroit autrefois le Papegault, fitué le long du
mur de l'enclos des Religieufes du Calvaire j de planter dans
ce jardin toutes fortes de plantes & de fimples néceffaires à la
Médecine , & d'y conftruire des laboratoires ou fourneaux pour
la compofition des remèdes chymiques , à condition pourtant que
la propriété du terrein appartiendra toujours à la Communauté
de ville , & que les Apothicaires ne pourront en difpofer que
pour y cultiver des plantes , fans pouvoir l'affermer , & qu'ils
paieront au Bureau de ville fix deniers par forme de reconnoif-
N A N ^ ^ 269
fance. Les lettres portent auffi que , d le jardin cefToit de fervir
à l'ufage auquel il efl deftiné , le Bureau de ville rentrera dans
la pleine pofleffion du terrein.
1689. Jacques II, Roi d'Angleterre, pafTe à Nantes, 3c loge
au château , où il eft reçu au bruit de l'artillerie , toute la Milice
Bourgeoife fous les armes.
1691. Edit du mois de Juin , enrégiftré au Parlement le (>
Juillet , portant éreftion d'un Siège d'Amirauté à Nantes. Peu de
temps après , font créés les Sièges des Eaux & Forêts , & des
Traites. Les Confeillers- Auditeurs à la Chambre des Comptes
étoient autrefois appelles Clercs des Comptes, ils obtinrent , par
l'Edit de 1644, les privilèges de la Noblefle , qui leur furent
confirmés par la Déclaration de l'an 1645, l'Edit de 1669, &
l'Arrêt du Confeil du mois de Décembre 1692. Arrêt du Confeil
du mois de Décembre de cette année , & lettres-patentes , en
conféquence , données au mois d'Avril 1693 , portant réunion
des Offices de Courtiers à la Communauté des Marchands de la
ville de Nantes. Au mois de Mai 1(393 , la fonftion de Lefteur
efl: érigée en Office , & enfuite vendue à l'Hôpital général de
cette ville.
1 694. Les Religieufes de Sainte - Catherine de l'Ordre de
Saint-Dominique , s'établifTent dans la maifon de la Touche , à
la Chapelle de Saint-Gabriel , près le Couvent des grands Ca-
pucins. Environ le même temps , les Rehgieux de la Merci for-
ment un Hofpice fur le chemin de Rennes , à l'endroit appelle
rHermitage , Paroifle de Saint-SimiUen. A la même époque , le
petit Séminaire efl: établi par N.... Fouré , Chanoine de Nantes :
& les Ecoles de Charité pour les filles , font fondées ; elles doivent
leur étabhflTement à la Demoifelle de Bras. La Communauté du
Bon-Pafl:eur , qui prend alors naiflTance , doit fon établiflTement au
zèle d'une fimple Lingere , nommée la Gandin , & au Diacre
N.... Barbot de la Periniere. Les Prêtres Irlandais fe raflemblent
auffi , & forment une efpece de Couvent dans la rue du Chapeau-
rouge , alors appellée rue de la Paume , du jeu qui y étoit , lequel
fut détruit en 1745. Ces difi!erents établiflTements ne fubfifl:ent
pas tous aujourd'hui : l'Hofpice de la Merci & le Couvent de
Sainte-Catherine ont été fupprimés par l'Edit du P.oi contre les
établiflTements fans lettres-patentes. L'Evêque de Nantes , à qui
le Couvent de Sainte-Catherine étoit revenu comme domaine de
l'Evêché, le donna aux Prêtres Irlandais, aux mêmes conditions
(i^ue les ReHgieufes le tenoient de lui.
Z70 N A N
1(595. N.... de la Tullaye, Procureur général à la Chambre
des Comptes, arrente le terrein nommé la Butte ^ & le cède
pour y tirer le Papegault. Edit du Roi, qui ordonne une im-
pofîtion pour i'étabiilîement des lanternes à Nantes. Création de
la charge de grand Bailli d'épée au Préfidial de Nantes , avec
droit de commander la Noblefle quand elle s'aflemblera. N.... Sa-
lomon Binet de la Blotiere ell pourvu de cette place , qui ,
après avoir été exercée par M. de Jaflbn , vient d'être fupprimée.
1697. En conféquence des ordres du Roi, les Officiers mu-
nicipaux font un achat de lanternes , à l'acquit des propriétaires
& locataires de la viile , pour une fomme de cent cmq mille
deux cents trente-fept livres cinq fols , & dix mille cinq cents
vingt-trois livres quatorze fols fix deniers pour les deux fols pour
livre de cette fomme. Par Arrêt du Confeil de l'année fuivante,
il efl: permis au Bureau de ville de lever un nouveau droit de
fîx deniers par pots de vin qui feront détaillés dans la ville &
les fauxbourgs , à commencer au i «f. Janvier 1 702 , pour £nir
à pareil jour 1708 , à la charge d'employer le produit des
fommes qui en proviendront au paiement des lanternes. C'eft
depuis ce temps qu'on a fait fonds , fur l'état du Roi , de la fomme
de quatre mille deux cents neuf livres neuf fols neuf deniers pour
le bail & fournitures -àcs chandelles néceffaires pour éclairer la
ville pendant trois mois de l'hiver. Ces lanternes étoient au nom-
bre de cinq cents cinquante.
1699. Arrêt du Confeil, portant création de fîx Commiflaires
de Police. Le Séminaire eft démoli & reconftmit à neuf par les
foins de N.... de Songere Couperie , Archidiacre de la Mée.
1704. Louis-Alexandre de Bourbon, Comte de Touloufe, lé-
giîijné de France , grand Amiral & Gouverneur de Bretagne ,
fe rendant à Breft, pafTe par Nantes , y fait fon entrée , le 1 8 Avril,
au milieu de la Bonrgeoifie fous les armes , & va loger à l'Evêché,
Il ne veut point d'autres gardes que les Bourgeois. Le Roi crée
quatre charges de Préfîdents , dix de Maîtres, quatre de Gé-
néraux des Finances , fix de Correfteurs , fîx d'Auditeurs , &
deux de Subftituts du Procureur Général à la Chambre des
Comptes.
1706. Edit du mois de Novembre, portant confirmation de
NoblefTe aux Maires &. Echevins élus depuis 1687. Ouragan
furieux qui ruine & détruit les marais falants j les fels , amoncelés
fur les bords de ces marais , font emportés & perdus : un vaifTeau
de la rade de Paimbœuf eil foulevé , & jette par la mer & le
NAN 171
vent dans un jardin, où il tombe entre quatre mnrailles. Un
autre vaifîeau ell: pouilé il loin dans la prairie de Donges, q^^izn
eil oblic^é de faire un canal pour Ten retirer. Le bois des Pères
Récoliets de Nantes ell renverle , 6c la galerie de pierre qui
ell i'ur la porte de rEvêché ell abattue. Le vent arrache une
annelure de plomb de la couverture de la Cathédrale , & la Ibu-
rient en l'air julqu'à la porte de TEgLle de lOratoire. La tem-
père tait un dégât immenre dans le dicceie , S: particulièrement
lur les bords de la Loire 6c les côtes, par ie débordement inopiné
des eaux.
1708. Edit du Roi , qui oblige N.... de la Chapelle-Coquerie à
raârandiilTerQenc de Tiile de Chezine , qui s'étendoit depuis le
Sanitat julqu'au rocher de Nîiferi , dit aujourd'hui V Hcrrr.'.tige,
On fait conlb-uire dans cette iile une chaulTée & un pont fur
la petite rivière la Ckerïm , Ôc Ton ouvre un chemin qui com-
munique de Nantes à THennirage ; paîTîge jufqu'alors imprati-
cable. Le 4 Avril , rOiSce de Lieutenant général de Police
eil réuni à la Communauté de ville , pour être exercé par le
Bureau ^ le Procureur du Roi de ladite Comm^jnauté.
1709. Cette année eft remarquable par le noid excefllf , qui
la fat appeller U grand hiver : il dure , fans interruption & fans
relâche , depuis le 5 Janvier julqu au mois d'Avril. L'année fm-
vante , le Roi crée la place d'Arimeur dans le port de Nantes,
171 1. Charles Thevenon, Ingénieur de la province , nommé
p:ur examiner les réparations urgentes à taire aux f>onts de
Pirmil , qui avoient été en partie emportés par les eaux pen-
dant llùver, commence l'es cpérarions le i- Mai, & les fait
imprimer im mois après. Suivant le devis de cet Ingénieur, on
juge que l'ouvrage coûtera quatre-vingt-cinq m3 lie livres. Le 30
Juin, le Confeil donne un Arrêt, qui porte que la moitié de
cette fomme fera levée , en deux termes , fur les habitants des
\ ille S: fâuxbour^is de Nantes , & l'autre moitié fur les habitans
de la campagne dépendant du diocefe. On voyoit alors, vis-
à-vis la Chapelle de Bon-Secours , une porte de ville , au deffous
de laquelle étcit une galerie.
1-13. Mandement ou Ordonnance de l'Evêque de Nantes,
qui règle la préféance des Vicaires fur les Prérres de choeur.
::, qui appellent au Parlement, font condanmés , & le
- ^ _ . : ..ent du Prélat e^ homologué. Arrêt du CorJeil , qui dé-
ttr.z de faire de l'eau-de-vie avec du marc de raiiîn, & d'en
taire commerce dans tout le Royaume 5 pratique alors très-
2.72, N A N
uiîtée. Edît , qui confirme , moyennant une certaine fbmme ,
dans le privilège de noblefle , les defcendants des Maires &
Echevins de Nantes , depuis l'an 1 600 jufqu'au premier Janvier
de l'année 171 4. Les Etats avoient accordé , l'année précédente
171 3, une fomme de cent dix mille livres pour la réparation
des ponts de Nantes.
1 7 1 5 . On envoie dans les colonies quatre-vingt-fept vaifîeaux ,
qui rapportent à Nantes dix mille huit cents cinquante-quatre ba-
nques & mille fix cents cinquante-cinq quarts de fucre. Le Roi
permet d'en envoyer dix mille bariques aux étrangers, fans aucuns
droits de fortie. Nos colonies étoient alors très-abondantes en fucre ^
mais le Commerce n'étoit pas fur : il fe faifoit des faillites mul-
tipliées, caufées plutôt par les circonilances que par la mauvaife
foi des Commerçants. Comme l'argent étoit rare , les ma^-
jchandifes reftoient dans les magafins, & étoient inutiles aux
propriétaires.
1 7 1 7. Arrêt du Confeil , qui ordonne que les Maires & Eche-
vins de Nantes exercent leurs charges pendant deux ans. Gilles-
Jean-François de Beauvau , Evêque de Nantes , meurt le 7
Septembre 1717. Comme il y avoit près de deux fiecles qu'on
n'avoir vu les Evêques mourir dans leur ville épifcopale , on avoit
oublié le cérémonial ufité en pareil cas. Les conteiliations , qui
s'élèvent , à cette occafion , entre le Chapitre & les ReÔeurs
des ParoifTes, font fufpendre les honneurs qu'on devoir à la
mémoire du Prélat défunt. Le Chapitre négHge d'indiquer les
prières ordonnées par le Concile de Trente éc l'afTemblée de
Melun. Ces prières, qu'on faifoit à la mort des Evêques, étoient
pour obtenir un digne fuccelTeur. Louis II du nom de la
Vergne de TrefTon , élu de Vannes , dont il n'avoit pas eu les
Bulles , d^ Aumônier de M. le Duc d'Orléans , Régent du
Royaume , eil nommé Evêque de Nantes au mois de Septembre ,
& facré à Dinan le 10 Juillet de l'année fuivante 171 8 ,
pendant la tenue des Etats aflemblés en cette ville.
1718. La halle ou cohue, qui étoit fur la place du Bouffay,
eft brûlée. L'année fuivante efl remarquable par une grande
fécherelTe.
17 19. Lettres-patentes, en forme de commifîion, données à
Paris le 3 Octobre, portant établifiement d'une Chambre Royale
en la ville de Nantes , pour faire le procès aux chefs de
quelques cabales qui s'étoient faites en Bretagne & lieux cir-
convoifms , contre le fervice du Roi &c le repos de l'Etat. En
exécution^
N A. N 2.73
exécution des ordres ci-defTus, le procès fut inftruit. La Sen-
tence portée contre les accufés , qui étoient détenus priibnniers
au château, les déclare duement atteints & convaincus du crime
de félonnie j & , en réparation , les condamne à avoir la tête
tranchée fur un échafaud drelTé dans la place publique. Plufîeurs
de leurs compHces , qui avoient pris la fuite , furent condamnés
à foufFrir la même peine, en effigie, dans un tableau attaché
à une potence plantée dans la même place ; leurs biens , meu-
bles , & immeubles , en quelques lieux qu'ils fuffent , acc;nis Se
confifqués au profit du Roi, fur iceux préalablement pnfe la
fomme de trente mille livres , applicable aux Hôpitaux de Nan-
tes, de Rennes, & de Vannes. La Chambre ordonna que tou-
tes les marques de feigneuries & d'honneurs , qui étoient dans
les maifons & châteaux des condamnés, tant préfents que fugi-
tifs , feroient démoHes , abbatues , & effacées ; tous les foffés de
leurs maifons & châteaux comblés, & tous les bois de haute
futaie , comme avenues Se autres fervant de décoration , cou-
pés à la hauteur de neuf pieds. Les quatre prifonniers furent
exécutés à Nantes , le 27 Mars 1720, fur les neuf heures du
foir, en la place du Bouffay : leurs corps furent portés dans
l'Eglifç des Carmes , où ils furent inhumés. Par lettres-patentes
du mois d'Avril de la même année , on accorda amniftie Se
pardon général ' à quelques autres accufés de la province.
1720. Dans une des tours de la Poiffonnerie, étoit une maifon
de Charité , fervant d'afyle aux pauvres & aux vagabonds qu'on
trouvoit dans la ville. Ils vivoient tous enfemble , fous la conduite
des Adminiftrateurs qui s'étoient volontairement chargés de les
gouverner. Le Bureau de ville accorda à ces Adminiflrateurs une
fomme de mille livres par an , à la charge à eux de faire balayer ,
par les vagabonds y renfermés , les places publiques de la ville.
La récolte manqua cette année dans toute la province : les
vivres étoient très-chers, & le peuple fouffroit. La Communauté de
ville s'affembla pour tâcher d'adoucir , autant qu'il lui feroit pof-
fible , la rigueur des temps. Elle arrêta d'accorder une fomme
de cinquante livres par an au Bureau d'Ingrande , pour avoir un
état des grains qui defcendoient la rivière de Loire. L'Intendant
de la province approuva le projet. Se enjoignit aux Commis de ce
même Bureau de fatisfaire les Maire Se Echevins, afin d'empêcher
le monopole. La Police défendit , dans le même temps , d'ap-
porter de la campagne aucun raifin à vendre dans la ville. Le
ÎParlement, pour féconder les bonnes intentions des Magiftrats,
Tome III M 2
2.^4 ^ -À ^
permit , par un Arrêt , à tous les Bouchers Se Boulangers des
villes & bourgs voifins de Nantes , d'y apporter tous les jours,
& d'y vendre à toute heure pain , viande , & autres comefti-
bles , fans que perfonne pût les inquiéter; & défendit à toute
perfonne de faire des magafins de bled , fous quelque prétexte
que ce fût , avec ordre aux Officiers municipaux de faire,
au moins une fois la femaine , la police fur le pain. Le îloi ac-
corde à la Communauté de ville le tirage d'une loterie de la
fomme de vingt-mille livres, à la charge de n'en retirer, pour
tout profit , qu'une fomme de cinq mille livres pour acheter des
pompes & autres uftenfiles néceffaires en cas d'incendie. Cette
loterie étoit de dix mille billets & de cent douze lots , dont le
plus confidérable étoit de mille écus. L'Intendant de la province
permet de créer deux nouveaux Archers pour le bien du fer-
vice. Au mois d'Août , fe fit l'adjudication de la fomme de onze
mille livres , pour la conftruftion d'un quai projette à la place du
port Lorido , le long de la rivière de Loire. On fit auffi fermer
de murs la promenade de la Motte Saint-Pierre , afin de pré-
venir les accidents qui y arrivoient continuellement , par les car-
rofies & les chevaux qui y entroient facilement en revenant de
l'abreuvoir. En 1 7 1 8 , des chevaux attelés à un équipage prirent
le mors aux dents , franchirent un mauvais parapet à demi écroulé ,
& fe précipitèrent dans la Loire avec le carrofTe qu'ils traînoient.
On fit auffi ouvrir, pour l'utilité publique, les puits de la place
Saint-Pierre & des Changes , qu'on avoir ci-devant bouchés. Pour
prévenir les accidents , il fut ordonné qu'ils feroient couverts d'une
grille de fer. Le Bureau repréfenta, dans le mêm.e temps, que,
par l'Ordonnance de Marine de l'an 1681 , il étoit ordonné
aux Direfteurs des Hôpitaux d'envoyer, tous les ans, deux ou
trois des enfants qui étoient élevés dans ces maifons , ap-
prendre l'Hydrographie , & de leur fournir les livres & iuftru-
ments néceffaires pour l'étude de cette fcience ; & que cet
article important de cette Ordonnance n'étoit point obfervé à
Nantes. Le 27 Septembre , Vi61:or-Marie d'Eflrées, Grand d'Ef-
pagne & Maréchal de France , qui avoir été nom/mé Gouver-
neur de Nantes en 171 7, fît fon entrée dans cette ville. Le
Maire lui préfenta deux clefs d'argent. Au mois d'061obre ,
la llatue équeltre de Louis XIV arriva , par la Loire , de Paris
à Nantes , éc fut dépofée fous un angar fur la place du Port-
au-vin. Les Magillrats de la ville demandèrent ce monument,
pour le mettre dans celle des places publiques de Nantes qi.ii
NAN lyç
fefoit choifie & indiquée par les Etats pour lors aflemblés à
Ancenis j mais ils furent refufés. La ftatue fut conduite à Rennes ,
& placée devant le Palais de la Cour de Parlement. Au mois de
Novembre , le Bureau de ville projetta de faire l'acquifition entière
de la prairie de la Magdeleine , dont partie fait un Bénéfice ec-
cléfiaftique ; & de la prairie au Duc , que le Roi avoit aliénée
en faveur de l'Hôtel-Dieu & de l'Hôpital général. L'intention des
Magiftrats étoit de faire conftruire , fur la prairie au Duc , un
quai , des maifons , & des magafins ; & de faire , de l'autre , une
promenade publique décorée de bâtiments. En conféquence , ia
Communauté de ville s'alTembla , & arrêta de fupplier le Ma-
réchal d'Eftrées & l'Intendant de la province , de féconder le
Bureau dans l'exécution de ce projet. Les deux Seigneurs pro-
mirent d'employer leur crédit , & l'on préfenta une requête au
Roi. Pour faciliter la réufïïte de l'entreprife , la Communauté de
ville s'engagea à payer les deux terreins , fuivant Yeibm-^.tion
faite par les Commifîaires nommés à ce fujet par Sa Majolzé;
mais le Clergé & les Hôpitaux firent échouer le projet , un Jes
plus beaux qui ait jamais été formé pour i'embellifîement de ia
ville. Le bâtiment , qui fert de corps-de-garde , près la Monnoie ,
fut bâti , en cette année , avec la halle où fe tient la Poifibnnerie :
elle coûta une fomme de quinze mille cent cinquante livres.
1721. Arrêt du Confeil , du 22 Avril, qui ordonne de ré-
parer les ponts de Nantes , conformément à l'ellimation finte ,
montant à la fomme de cent quarante-huit mille cent foixante-
deux livres dix fols , portée au devis pour fervir à l'adjudica-
tion defdits travaux. Le même Arrêt ordonne aufîi de faire , à
la charge des propriétaires , une féconde adjudication pour le
rétabhffement des pavés , tant de la ville que des fauxbourgs ,
qui étoient dans le plus mauvais état. Le 1 5 Mai , le Confeil
donne un autre Arrêt , fur les plaintes portées par le Bureau de
ville , au fujet du leftage Se déleflage des navires de la ri-
vière depuis Nantes jufquà Paimbœuf. Depuis 1693, que les
Adminillrateurs de l'Hôpital avoient fait l'acquêt de la place de
Déleiî:eur, en faveur de cette maifon, cette partie avoit entière-
ment été négligée. Ordonnance de Police , qui défend à tous
bateUers de paffer quelqu'un fous le râteau , qui fermoir l'entrée
du pont d'Erdre , après dix heures du foir. Le 1 5 Juillet , le
Maréchal d'Eftrées écrit au Maire qu'il a obtenu du Roi un Ingé-
nieur militaire , réfidant à Nantes , pour veiller aux fortifications
de la ville & du château. Ce n'eiî que depuis ce temps que Sa
lyé _ N A N
Majeilé tient un Ingénieur dans cette ville. Lettres-patentes , por-
tant augmentation de fix deniers par chaque pot de vin vendu
en détail , au profit des Hôpitaux de la ville. Sur la requête
préfentée aux Magiftrats par les Juges-Confuis , qui deliroient qu'on
fît creufer & nettoyer le lit de la rivière , comblé par les fables,
le Bureau de ville fait au Confeil de nouvelles repréfentations qui
ont enfin leur effet. Le 30 Septembre, le Confeil de la Marine nom-
me N.... la Fond , Ingénieur du Roi à Nantes , pour prendre con-
noiffance de l'Etat de ce fleuve, depuis Nantes jufqu'àPaimbœuf,
avec ordre de faire tout ce qu'il conviendroit pour rendre la
navigation plus commode. Dans le même temps , on place deux
chaînes de fer, l'une, près le jeu de paume de la rue du Cha-
peau rouge i l'autre, vis-à-vis la maifon du Bon-Palleur, pour
empêcher les charrettes d'entrer dans la ville , les jours de mar-
ché , après neuf heures du matin, en été, & après dix heures,
en hiver. Création d'un Bureau de fanté, compofé du Maire, des
Echevins , d'un Médecin , & d'un Chirurgien , à la charge de
veillera ce que les maladies contagieufes, qui affligeoient différents
pays , ne pénétraffent pas dans la ville. Le 1 2 Septembre , le
Confeil permet , par fon Arrêt, au Bureau de ville de faire une
provifion de mille barils de farine , par chaque année , pour la
fubfiftance des habitants. Un autre Arrêt, du 14 Novembre fui-
vant, lui permet de faire conflruire un mouHn fur bateau, dans
la Loire, à condition de payer au domaine du Roi une rede-
vance annuelle de dix livres. Le Bureau obtient encore , moyen-
nant une pareille redevance , le terrein de la grève de la Sau-
faye , contenant trois arpents trente-fept perches : c'efl ce qu'on
appelle aujourd'hui Ijlc'Feydeau, Dès Tannée fuivante 1722 , on
commença à bâtir les magnifiques maifons qu'on y voit. C'eft à
cette occafion que M. Chevaye, de Nantes, fit les vers latins que
nous mettons ici fous les yeux du lefteur:
Langucbat Ligeris vajlo diffufus in alve?
Pauper aquœ , afpeciu ingratus ; fcd provida curât
Mens Brovii ( ^ ) •* exumplb contractas piilchrior undas
Volvit , & invifcs cumulis miratur arènes
Celfa fuperbarum fuccedere tccla domorum,
La conilruftion des quais a coûté des fommes confdérables.
^ — I . ■ I ■- - ~ "
(<2) M. Feydeau de Brou, alors Inten- j public a fait donner fon nom à ce beau
dant de la province. La reconnoiflaijce du | quartier.
N A N 177
1722. Le 24 Avril, le Confcil permet de faire radjudication
delà fomme de foixante-dix mille livres pour la reconftruftion
d'un nouvel hôtel de la Bourfe , en place de l'ancien qui tom-
boit en ruines , & de la Chapelle de Saint-Julien toujours unie
à ce bâtiment. Le 6 Juin , M. Laillaud , Architefte à Nantes ,
fe chargea de l'ouvrage , à condition de rendre fon renable dans
trois ans. L'augmentation de l'ouvrage fit augmenter de vingt mille
livres le prix de l'adjudication j de lorte que l'édifice entier coûta
quatre-vingt-dix mille livres. La Bourfe ne fut pas bâtie dans
l'emplacement de l'ancienne , comme on l'avoit projette : elle
refta néanmoins fous le fief des Régaires. Le même Architefte
fe charge, pour la fomme de cent vingt mille livres, delà conf-
truftion de trois arches a faire aux ponts de Pirmil, fous l'inf-
pe6lion du Sieur Goubert , Ingénieur du Roi. On projette de faire
des cafernes à Nantes , pour un bataillon d'Infanterie 5 èc une
écurie afîez grande pour contenir les chevaux d'un efcadron de
Cavalerie. La Pohce défend aux particuHers de laifler courir
leurs volailles dans les rues j ufage abufif , pratiqué de temps
immémorial. Elle défend auffi d'apporter vendre à la ville des
raifins & du verjus. Le 2 Décembre , on monte , pour la pre-
mière fois , la garde , au corps-de-garde qu'on venoit de conf-
truire fur la place du Bouffay. Dans le courant du même mois ,
ell pafTé le contrat de vente & d'aliénation de la Traite doma-
niale de Nantes , en faveur du Maréchal de Berwick. Les Etats
s'aflemblent en cette ville, le 17 Décembre 1723. SupprefTion
de la Compagnie de MiUce Bourgeoife de la FofTe , & création
de quatre nouvelles Compagnies dans ce quartier trop étendu
pour être gardé par une feule. Le 28 Janvier , Louis de la Vergue
de Treiïan , Evêque de Nantes , donne un long Mandement pour
les écoles , tant de la ville que de la campagne : il recom-
mande aux Maîtres & Maîtreifes la lefture du Nouveau-Tefta-
ment , & l'ufage du Catéchifme delà Noë-Menard, dans lequel
il avoir fait inférer un Arrêt du Parlement , nouvellement rendu ,
qui défendoit à toutes perfonnes de tenir école & d'enfeigner
dans les maifons , fans la permiffion du Re61:eur de la ParoifTe.
En conféquence de l'Arrêt du Confeil du 22 Mai, le pont de
Sauve-tout, ci-devant en bois, eil conltmit en pierres, pour la
fomme de onze mille huit cents quatre-vingt-douze livres. On
obtient auffi la permiffion de démohr le mur de ville , en cette
partie , afin d'ouvrir un chemin de la rue Saint-Léonard à la porte
de Sauve-tout , & de détruire l'efcalier par où l'on montoit à la
278 N A N
place de Bretagne. Cet efcalier , compofé de quatre-vingt mar-
ches , étoit très-incommode pour le public , & très-difpendieux
pour la ville.
Le 20 Avril, il y eut ordre de détruire toutes les pêcheries
conftruites fous les arches des ponts , avec défenfe d'en reconf-
truire de nouvelles à l'avenir. Les propriétaires reçoivent , en.
dédommagement , une fomme de quatre mille cinq cents douze livres
dix fols fix deniers , qui leur eft payée par les Receveurs des
oftrois. Pour le fonds de cette fomme, la Communauté de ville
obtient le droit privatif de la pêche , à la charge de faire pêcher
avec des filets & autres uftenfiles de cette efpece. On fait net-
toyer la rivière d'Erdre , depuis le râteau jufqu'au deffus des
mouHns des halles. Les Fermiers du domaine & la Commu-
nauté de ville paient chacun la moitié des frais , qui montent à
la fomme de quatorze mille deux cents foixante livres. C^ell
depuis cette année que la Maifon commune ou Hôtel de ville ,
qui relevoit ci-devant de la Seigneurie des DervaHeres _, en la
ParoiiTe de Chantenai , relevé du Roi , par Arrêt du Parlement
du 23 Mai. La Compagnie des Indes, qui avoir projette de
s'établir à Nantes , fait réparer , par ordre du Pvoi , le pont &
ia chauffée de Chézine. Le 17 Juin, efl: rendue une Ordonnance,
qui porte que tous Marchands de bled. Boulangers, & autres,
qui font commerce de grains & de farines, foit par commifTion
ou pour leur compte, feront tenus de faire, dans vingt -quatre
heures, la déclaration delà quantité qu'ils en ont, foit dans leurs
magafins , bateaux , navires , ou autres endroits , tant dans la ville
que dans les fauxbourgs & les environs , fous peine de confifcation
defdits grains & farines, &, en outre, de cinq cents livres d'amende
exigibles des propriétaires des lieux oii ils feront fitués , & des
Marchands qui contreviendront à la préfente Ordonnance.
Louis de la Vergne de Trefîan efl transféré de l'Evêché de
Nantes fur le Siège archiépifcopal de Rouen , au mois d'06lobre.
Chriflophe-Louis Turpin Crifîé de Sanfai efl transféré de Rennes
à Nantes , dans le courant du même mois : il ne prend pofTef-
lion , par Procureur , que le 1 1 Décembre de l'année fuivante ,
à la demande du Chapitre, qui l'avoit prié de difTérer cette
cérémonie , pour faire pubHer par deux mandements , l'un du
Chapitre , l'autre du Grand-Vicaire , la vacance du Siège , & Isi
Bulle ou Jubilé accordé, le 10 Juin 1724, parle Pape Benok
XIII , à fon avènement au Pontificat j & renouveller les appro-
bations des ConfeiTeurs»
N A N _ 179
1724. Arrêt du Confeil, du 7 Mars , qui ordonne de conf-
îruire un quai à Chézme, avec plufieurs magaiïns , tant pour
l'utilité publique des habitants que pour la commodité du Com-
merce & de la Navigation. Autre Arrêta qui porte qu'on conf-
truira des quais depuis le pont de la Belle-Croix jufqu'à la maifon
Laurencin. Dans la nuit du 28 au 29 Avril, le feu prend à la
maifon de Nicolas la Ville , fituée au carrefour de la Cafferie.
Un ouvrier , qui fe portoit av^jc zèle à éteindre les progrès du
feu , y perd la vie. Le Bureau donne à fes héritiers une fomme
de quatre cents cinquante livres. Les Marchands détaillants font
exclus de l'Echevinage , par Ordonnance de M. le Maréchal
d'Eftrées, Gouverneur de Nantes.
1725. Le 25 Janvier, Chriftophe-Louis Turpin CrifTé de Sanfai
fait fon entrée à Nantes , furie foir. La Communauté de ville , qui
avoit fait applanir & fermer de murs la Motte Saint-Pierre ,
obtient la permiilion d'y planter trois rangs d'arbres.
Le 29 Oftobre , le Confeil rend un Arrêt , qui permet aux
propriétaires du terrein de la grève de la Saufaye , ou lile-Fey-
deau , de conltruire , à leurs frais , un pont de trois arches fur
le bras de la rivière de Saint-Félix , pour établir une commu-
nication de cette Ifle aux places du Port- au -vin &z de la
Bourfe , avec cette claufe, que les propriétaires ne pourront
prétendre aucun dédommagement pour les frais de l'entreprife , &
que le Bureau de ville demeurera chargé des réparations à faire ,
un an après l'entière perfection de l'ouvrage. Ce pont étoit d'autant
plus utile qu'il n'y avoit que le pont de bois de la PoilTonnerie,
pour entrer à Nantes du côté du pays de Retz & du Poitou.
Le 9 Novembre, la Communauté de ville adreffe à l'Intendant
de la province un plan de la prairie de la Magdelcine &
des embeUifTements projettes. Le deffein des Magiiîrats étoit
d'en faire une promenade publique & d'y planter des arbres.
L'Intendant approuve le projet , & donne fcs ordres pour \e
faire exécuter. Le Gouverneur de la %'ilie l'appuie de fon crédit,
mais inutilement : les propriétaires du terrein s'oppofent , de
toutes leurs forces , à cette entreprife , 6c parviennent 'à la faire
tomber, comme ils avoient déjà fait en 1720. Arrêt du Con-
feil , qui défend de réparer ou bâtir des maifons dans la ville
de Nantes avec d'autres matériaux que la pierre ou la brique.
1726. Par lettres du 24 Mars, le Roi permet aux Officiers
municipaux d'affigner un terrein , hors de la ville , pour fervir
de fépulture aux perfonnes de la Religion Proteftante. Le ^o
iSo N A N
Mars , Arrêt du Confeil , qui permet d'augmenter le Bureau de
ville de trois Direfteurs , pour qu'il fe trouve être compofé de
fept perfonnes , dont l'Evêque eft le Chef, & le Préfident-né
de ce Bureau. Le 2 Avril , le Confeil accorde aux Chartreux
la jouifTance de l'étang de Barbin.
Le 1 3 Juillet , le Confeil donne un Arrêt , qui permet à M. de
BecdeHevre , Premier Préfident à la Chambre des Comptes , de
prendre féance au Bureau des Hôpitaux de Nantes , immédia-
tement après l'Evêque , & d'y préfider en fon abfence. Les Che-
valiers du Papegault reçoivent ordre de prendre les armes , &
d'aller défendre les côtes de Bretagne , menacées par les ennemis
de l'Etat. La Police rend une Ordonnance pour la confervation
des vignes dans le Comté de Nantes.
1726. Le Dimanche 18 Août, on fait à Nantes de grandes
réjouiffances , & des feux de joie, avec illumination générale,
au fujet de la convalefcence du Roi. Le Te Deum ell chanté
folemnellement dans l'EgUfe Cathédrale & dans toutes les Eglifes
de la ville. Le 21 du même mois , les Officiers municipaux
pofent , au nom du Maréchal d'Eftrées, la première pierre des quais
& calles de Chézine , qui font nommés quais ou ports d'EJlrées,
Le 27 Septembre , M. le Comte de Maurepas , Miniftre & Se-
crétaire d'Etat , envoie au Maire de Nantes un ordre du Roi 5
qui obligeoit les Capitaines des navires de la rivière , d'apporter
des Colonies & autres pays des plantes & des graines médicales
pour le jardin des Apothicaires. Le même ordre eit envoyé aux
Commiflaires de la Marine , pour les prévenir des obHgations
impofées , & les avertir de faire remplir exa6lement les mten-
tions de Sa Majefté. L'Intendant du jardin royal des plantes
fait palTer , aux Maîtres Apothicaires , plufieurs graines dont ils
manquoient. Le 3 Décembre , le Maréchal d'Ellrées & Madame
fon époufe arrivent à Nantes , & y font reçus avec beaucoup
de magnificence. Dans le même temps , la Compagnie des Indes
renouvelle fon projet de s'établir à Nantes , & de bâtir des ma-
gafins au bas de la FofTe.
1727. Le 21 Mai, M. le Comte de Maurepas paffe à Nantes.
La Communauté de ville envoie (es Députés au devant de ce
Miniftre jufqu'au Temple de Maupertuis. Soixante jeunes gens ,
en habit d'écarlate , s'avancent jufqu'à Sautron , & accompagnent
ce Seigneur jufqu'à Nantes. Environ le même temps , M. Mel-
lier , Maire , du confentement du Gouverneur de la province
^ de l'Intendant , établit dans l'hôtel de la Bourfe le Concert
fpirituel ,
N A N iSx
fpîrituel , ou rAcadémle de Mufique , compofé de deux cents
habitants , taxés à cinquante livres chacun j ce qui fait un re-
venu annuel de dix mille livres. On fait défenfe au Syndic des
Apothicaires de prêter les clefs du jardin des plantes à différentes
perfonnes, qui alloient s'y divertir & y caufoient beaucoup
de dégâts.
Le 20 Août, le Roi envoie à l'Intendant de la province des
ordres pour les Maire Se Echevins de Nantes , à l'effet de faire
l'ouverture du magnifique tombeau qui eft dans l'EgUfe des Car-
mes. Ces ordres portoient que , fi les clefs de ce maufolée fe
trouvoient égarées , Sa Majefi:é permettoit au Maire de le faire
ouvrir en fa préfence , celle des Députés commis à cet effet,
& des Religieux Carmes ; qu'après la vifite & defcription faite
des chofes y contenues , il feroit refermé & mis dans fon pre-
mier état , pour y reffer jufqu'à nouvel ordre , avec injonaion
aux Carmes d'obéir à l'Ordonnance, qui fut reçue à Nantes le
27 Oélobre. Le 16 Se 17 fuivant, on procéda au procès verbal
du tombeau. On leva d'abord la pierre tombale , au deffous de
laquelle fe trouva un vuide de trois pieds trois pouces de lon-
gueur , de deux pieds onze pouces de largeur , fur trois pieds
de profondeur. Dans le bas étoit im mur maçonné en pierres
de taille , lequel fut percé , Se fut trouvé avoir quatre pieds
d'épaiffeur. Dès que l'ouverture fut pratiquée , on fit entrer un
homme dans le tombeau : il rapporta ' un petit coffre * qui étoit
placé du côté gauche , entre deux cercueils pofés fur des grilles
de fer ; le coffre étoit de plomb , & formoit un quatre de onze
pouces de longueur , fur fix pouces neuf lignes de largeur , Se
huit pouces fix lignes de hauteur. Au deffus étoit un couronne-
ment en forme de cercueil, de deux pouces fix lignes de hau-
teur , chargé de huit hermines en relief. Ce coffre étoit fans ou-
verture Se fondé de toutes parts ; il avoit deux anfes mobiles aufîî
de plomb , orné de fix hermines en deux rangs , fur chaque
face de fa longueur. Aux deux faces du bout , étoit un écu
d'armoiries , portant neuf macles fans blafon , pofées 3 , 3 , 2,1,
fommées d'un lambel en chef à quatre pendants. Ce coffre
en renfermoit un autre de fer, avec une anfe mouvante de même
matière. Il étoit tout baigné d'eau Se prefque mangé par la
rouille. On y remarqua pourtant , aux deux extrémités , quelques
ouvrages en relief, mais qu'on ne put diffinguer, parce que
tous les' traits étoient effacés par la rouille. On y trouva ren-
fermée une boîte de plomb, de fix pouces fix Hgnes de longueur ,
Tome IIL N 2
^%^ _ NAN
de trois pouces fix lignes de largeur, fur cinq pouces fix lignes
de hauteur, dans laquelle étoit renfermée une autre boîte d'or,
de forme ovale , approchant de celle d'un cœur , qui avoit fîx
pouces de longueur, fur quatre pouces dix lignes de largeur,
avec une couronne d'or fieurdelifée , d'un pouce quatre lignes
de hauteur , jufqu'à la pointe des fleurs de lis. Cette boîte étoit
aufîi entourée d'une cordeUere d'or y adhérente. Sur le cercle
de la couronne étoit écrit, en lettres capitales émaillées de verd,
d'un côté : de l'autre :
CFEVR DE VERTUS ORNÉ, DIGNEMENT COURONNÉ,
Au deflbus de la couronne font écrits , d'un côté de la boîte
ou cœur d'or , en capitales , ces mots émaillés de verd :
EN : CE : PETIT : VAISSEAU : DE : FIN : OR : PUR : ET : MUNDE :
REPOSE : UNG : PLUS : GRAND : CUEUR : QUE : ONQUE :
DAME : EUT : AU : MONDE :
ANNE : FUT : LE : NOM : D'ELLE : EN : FRANCE : DEUX : FOIS :
ROINE :
DUCHESSE : DES : BRETONS : RO YALE : ET : SOUVERAINE :
MCV, XIII,
De l'autre côté font écrits ces vers , en mêmes carafteres , &
en capitales :
Ce : cœur : fut : Jl : très-haut : que : de : la : terre : aux : deux :
Sa : vertu : libérale : accroijjoit : mieux :
Mais : Dieu : en : a : reprins :fa : portion : meilleure :
Et : cette : part : terrejlre : en : grand : deuil : nous : demeure,
IX^, Janvier,
Au defTus & au milieu de la couronne , étoit une M adhérente
à la cordehere par fon milieu , & en partie émaillée de verd.
Cette M a huit hgnes de hauteur & fix hgnes & demie de lar-
geur. Dans cette boîte , eft renfermé le cœur de la Reine Anne,
enveloppé d'un fcapulaire d'étoffe prefque pourri. La boîte pefoit ,
avec fa couronne , deux marcs une once & demie & deux gros
d'or. Le caveau a neuf pieds neuf pouces de longueur , fix pieds
neuf pouces de largeur, avec une voûte, en tuffeau, de fix pieds
N A N iSj
de hauteur fous clef. A deux pieds fix pouces du fol , font pofées
deux barres de fer, de deux pouces fix lignes de largeur, fur
neuf lignes d epaifïeur , placées de champ , écartées d'un pied
les unes des autres , & fcellées dans les murs -, de forte qu elles
forment une grille fur laquelle font pofés trois cercueils de plomb.
Celui du milieu eft parfemé d'hermines en relief du côté de la
tête j &, au côté droit, eft l'infcription fuivante , gravée fur une
plaque de plomb , en écriture gothique :
Cy-dedans gifi le corps du Duc François II de ce nom ,
lequel régna trente ans Duc de Bretagne , puis trépajfa à
Coueron , le 8 Septembre Uan mil quatre cent quatre-vingt-huit ,
& fut céans enfépulturé,
A la tête du même cercueil , efl un écu aux armes de Breta-
gne , en reUef , avec une table de plomb , fur laquelle efl une
couronne ducale.
Le cercueil de la droite eft pareillement femé d'hermines , en
relief; & à fa gauche, vers la tête , ell une infcription gravée
fur une table de plomb , en carafteres gothiques :
Cy-dedans gifi le corps de Marguerite de Bretagne , fille
aînée du Duc François I du nom , & d'Ifaheau , fille aînés
du Roi d'Ecoffcy & première femme de ce Duc François II ;
laquelle trépajfa l'an M, IV C* LXXX ^ le z5 Septembre , <&
fut céans enfépulturée*
A la tête du même cercueil , eft un écu aux armes de Bre-
tagne, en relief, pofé fur une table de plomb, avec une cou-
ronne ducale. Le cercueil à gauche a auffi une infcription gra-
vée du côté de la tête , à droite , fur une lame de plomb , en
carafteres gothiques :
Cy-dedans gifi le corps de Marguerite de Foix _, Duchejfe ,
& féconde femme du Duc François II , laquelle trépajfa l'an
M. IVC. LXXXIIy le ib Mai; de laquelle ledit Duc eut
deux filles ^ dont Anne^ la fille aînée ^ fût Reine de France deux
fois , & fit apporter ce corps de Saint- Pierre de Nantes, qui
premier avoit été céans enfeveli , & le fix mettre cy & pofer en
fépulture, l'an M, Z>. VII y le zb Mai.
Le Commerce augmentoit tous les jours , & les Juges-Confuîs
ne pouvoient fufîire au grand nombre d'affaires qu'il faifoit naître,-
i84 N A N
Les habitants demandèrent une augmentation d'Officiers à la
Cour du Confulat , & l'obtinrent par l'Edit du 23 Juin 1727,
qui , au lieu de deux Confuls , en crée quatre. L'éleftion du
premier Juge & des quatre Confuls fe fit le 25 Juillet fuivant.
Depuis ce temps, la forme de leleftion ell changée : deux des
Confuls fortent tous les ans d'exercice , & font remplacés par
deux nouveaux fujets qui fiegent pendant deux ans.
1728. Les arbres qui décorent le jardin de l'Hôtel de ville,
font plantés, au mois de Février, d'après le plan de M. Gabriel,
Contrôleur général des bâtiments , jardins , & manufacture du
Roi.
Au mois de Décembre , la Communauté de ville repréfente
qu'il feroit utile qu'il y eût un marché le lundi. Sa demande lui
eft accordée par lettres-patentes du 28 Avril 1729. En cette
année , fuppreffion des droits de péage , prétendus , fur la rivière
de Loire & autres lieux , par les Abbé, Prieur, & Religieux de
Genefton, par Arrêt du Confeil du 8 Mars. La manufafture
royale de verrerie eft rétablie au bas de la Foffe. Démolition de
Tancien porche de la rue du Bois-tortu , par ordre de l'Intendant,
M. Louis Laillaud, Archite6le à Nantes, fe charge , pour une
fomme de cent quatre-vingt-dix mille cinq cents livres , de la
conllruftion des ouvrages à faire au pont de Pirmil , fuivant le
devis de M. Gabriel , premier Ingénieur des ponts Se chauffées
du Royaume. Dans le courant de Septembre, il ne fait prefque
point de vent. La farine manque & caufe une difette dont tout
le monde fe reffent. Elle auroit eu des fuites fâcheufcs , fi les
provinces voifines n'avoient fait conduire , par la Loire , des fari-
nes en cette ville.
Arrêt du Confeil, du 11 Oftobre 1729, qui ordonne à tous
les particuliers qui feront bâtir des maifons dans la ville ou les
fauxbourgs, d'en faire voûter les caves en pierres. Confirmation
d'un bref du mois de Juin 173 i , qui érige la Communauté des
Filles Pénitentes de Nantes en Monafi:ere Régulier de l'Ordre
de Sainte-Marie-Magdeleine.
1732. Le nouveau tarif des droits dus aux Prêtres & aux
Fabriques de la ville & des fauxbourgs , pubUé par un Man-
dement de l'Evêque, fait tomber la Confrairie de la Contrafta-
tion , établie l'an 1601. Cette Confrairie étoit une cfpece
d'aflbciation entre les Négociants de Nantes & ceux de Biltao ,
en Efpagne. Elle faifoit fes cérémonies de religion, & prenoit;
fes délibérations dans le Couvent des Cordeliers.
NAN_ _ _ i8j
1733. -^^5 Frères des Ecoles Chrétiennes, înflltuées, en 1681,
par Jean-Baptifte de la Salle , Chanoine de la Métropole de
Rheims , font appelles à Nantes par Chriftophe-Louis Turpin Criffé
de Sanfai , pour y enfeigner gratuitement les pauvres enfants de
la ville. Ils n'ont d'abord pour vivre que les charités de quel-
ques perfonnes pieufes , qui defiroient les retenir dans la ville.
On leur aiTigne enfuite quelques revenus qui ne font que mo-
mentanés, par la fouftraftion des fonds promis. Ils logent à
louage pendant dix ans , & changent fouvent de demeure j mais ,
en 1742, l'Evêque, pour obvier à ces déplacements incommodes,
obtient du Roi un terrein de quarante-cinq cordes en fuperficie,
dans les fofles de Mercœur, & fait conftruire des Ecoles & un
logement convenable aux Frères qui les dirigent. L'Arrêt du
Confeil eft du 6 Juin. Dans le même temps, le Chapitre de la
Cathédrale, voulant donner une nouvelle forme au chœur de
fon Eghfe , fait combler une crypte qui étoit au haut de ce
chœur , & rafer les tombeaux des Evêques T^enri le Barbu &:
Pierre du Chaffault. Ils veulent en faire autant à celui du Duc
Jean V , mais le Subllitut du Procureur général s'y oppofe. Le
Chapitre en écrit en Cour, & ne peut rien obtenir. On lui per-
met feulement de placer l'autel , de manière que le tombeau
qui étoit précédemment devant fe trouve aujourd'hui derrière.
Cette entreprife coûte des fommes confîdérables , & le Cha-
pitre efl: obligé de vendre le crucifix d'argent de l'ablide avec
les images de la Sainte Vierge & de Saint Jean, du même
métal , qui accompagnoient ce Chrift. Les précieufes mitres des
anciens Evêques, prefque toutes couvertes de lames d'or, de
perles fines, de pierreries, & tous les autres monuments de la
piété de nos Pères , difparoiflent pour l'ornement du chœur ,
de l'autel, de la grille, & de la baluftrade, qu'on voit aujour-
d'hui à cette Eglife. Il faut convenir que ces changements étoient
nécefiaires. Avant quils fufient faits , le peuple , qui affiftoit à
l'Office , ne pouvoit voir m le Célébrant ni les Chanoines ,
parce que le chœur étoit fermé de toutes parts. La vente de
la Compagnie des Indes, qui, jufques-là, s'étoit faite à Nantes,
efi: transférée à l'Orient.
1735. P^^ Déclaration du i^»". 06lobre, enrégiftrée au Par-
lement le 1 2 fuivant , les deux Facultés des droits font tranf-
férées de Nantes à Rennes, & y font l'ouverture de leurs leçons
le 2 Janvier 1736. Les autres Facultés refi:ent à Nantes. Le
pont de Sainte-Catherine, qui étoit en bois, tombe & écrafe
zU NAN
par fa chute deux ou trois perfonnes. La Ville en fait re-
conftruire un autre de deux arches , en pierres.
1738. UEvêque bénit & pofe la première pierre de l'édifice
de la Chapelle de la Retraite des femmes, dans la Paroiffe de
Saint-Léonard. Louis-Touffaint , Duc de Brancas , Grand d'Efpa-
gne & Maréchal de France, eft nommé Gouverneur des ville
&: château de Nantes , le premier Avril , & fait fon entrée le
8 Septembre fuivant.
1739. O6lrois de cinq fols par pipe de vin pafîant fur le
pont de la porte de ville de Saint-Pierre, accordés pour neuf
années à l'Eglife Cathédrale, à compter du i^\ Mars 1739.
1742. Le pont de la Cafferie, qui étoit en bois, tombe &
caufe des accidents fâcheux & des pertes confidérables. La Ville
le fait reconilruire en pierres , pour lui donner plus de foHdité*
Environ le même temps , le Vicaire de Saint- Léonard , fortant
de l'Eglife fur le foir , laifTe dans la facriftie un flambeau mal
éteint, qui fe rallume & met le feu. L'incendie fe communique
avec rapidité , & détruit toute l'Eglife. Le feu prend aufîi à la
halle de la grande boucherie , & la réduit en cendres : les uns
attribuent cet accident aux foins des greniers qui s'étoient échauffés
& enflammés -, d'autres penfent , au contraire , qu'il venoit de
l'imprudence de quelqu'un , qui , en fe retirant le foir, avoir laiflé
tomber quelques étincelles de feu en cet endroit. Confl:ru6lion
de la porte de Brancas.
1743. On commence à bâtir le quai qui conduit de la poterne
au Port-au-vin, & l'on démolit la contrefcarpe & la porte neuve,
bâties , par le Duc de Mercœur , à l'entrée du Marchix. Arrêt du
Confeil , qui fixe les débornements du terrein accordé aux Frères
des Ecoles Chrétiennes , dans les fofîes de Mercœur. Les cha-
rités qui faifoient fubfifl:er ces Frères étant fupprimées par la
mort fucceflive de leurs bienfai8:eurs , plufieurs perfonnes de
confidération les prefl^ent d'ériger un penfionnat, qui, en leur
procurant un certain bien-être , les mettroit en état , fans être
à charge à perfonne , de continuer leurs fervices au pubhc , par
rinftruélion gratuite que près de trois cents enfants reçoivent
annuellement dans leurs Ecoles de Charité. Le nombre des
penfionnaires , qui y font reçus depuis l'âge de huit ans jufqu'à
quatorze inclufivement , ell: fixé à foixante , parce que leur
logement ne leur permet pas d'en admettre davantage. On leur
enfeigne la Rehgion , les bonnes mœurs , & on les difpofe à la
première Communion j on leur apprend à lire le latin , le français y
N A N 287
Se les écritures manufcrites^ les écritures de toutes efpeces pour
les cabinets & les bureaux ji'arithmctique pratique & raifonnée;
la partie du Commerce , con{îfi:a'i>t dans la tenue des livres en
parties doubles & (impies , les changes étrangers ; les éléments de
géométrie , &:c. &c. :, v^*
1744. Le Chapitre de la Collégia^yVqui vouloit former un
nouveau chœur & un autel à la roniaiîip^^ détruit l'ancien jubé,
& fait ôter les tombes & les épitaphes ^i s'y trouvoient. Il y
avoit dans cet endroit, du côté de l'E^àhgile , depuis le quin-
zième fiecle , un tombeau , en bronze , d'un Seigneur & d'une
Dame de Thouaré , que Pierre de Bretagne , depuis Duc fous
le nom de Pierre II , avoit laiiïe comme il étoit dans le temps
qu'il avoit fait bâtir cette Eglife. Les Chanoines , moins fcrupuleux
que le Prince Breton , le font enlever , & n'en laiflent plus fub-
filler aucuns veftiges. L'année fuivante , on fait réparer & élargir
le quai de la poterne.
1746. Chrillophe- Louis Turpin Criffé de Sanfai meurt h,
ChafTais , le 29 Mars , & ell: inhumé dans fa Cathédrale , au
mois d'Avril fuivant. Pierre III du nom , dit Mauclerc de la Mu*
■:^anchere , eft nommé pour lui fuccéder, le 17 Avril; facré le
8 Oftobre ; prend poifeAion , par Procureur , le 3 Novembre ;
& fe rend à Nantes le 2 Janvier 1747.
Louis- Je an-Marie de Bourbon, Duc de Penthievre , nommé
Gouverneur de Bretagne le 31 Décembre 1736, arrive à
Nantes, le 7 Février 1747 , fur les fept heures du foir , avec
Madame Marie-Thérefe-FéUcité d'Eft de Modene , & les Dames
de Saluées & de Clermont , qui étoient dans le même carrofTe,
Cette illuftre compagnie eft reçue à la porte de Saint-Nicolas ,
par le Lieutenant de Roi , & le Maire qui préfente au Prince
les clefs de la ville. Son Alteffe fe contente de les toucher,
& dit qu'elles font en bonnes mains. La Milice Bourgeoife &
le Régiment de Roth, Irlandais, étoient fous les armes, & bor-
doient les rues jufqu'à l'hôtel de Rofmadec, dans la rue de Verdun,
où vont loger le Prince & les Dames. Le lendemain, M. le Duc
& Madame la Duchelle fe rendent à la Cathédrale , & font reçus
par l'Evêque , à la tête de fon Chapitre , qui chante un Te Dewn
folemnel. Quelques jours après, le Prince va dîner à TEvêché,
& fe rend incognito au château pour en examiner la (ituation
& les forces. Le i 5 Février , la Maifon de ville efl magnifique-
ment illuminée , & fait tirer un feu d'artifice , pour l'amufement
de M. le Duc qui refte près de cinq mois à Nantes. M. le
i88 N A N
Marquis de Braiîcas eft nommé Gouverneur de cette ville , le 20
Février. Lettres d'arrentement de la Chapellenie de Sainte-Cathe-
rine, deffervie , dans l'Eglife de Saint-Similien , par Jofeph le
Roux , Prêtre , enrégiftrées à la Chambre des Comptes le 1 1
Mars. Le 20 ou 21 Mars, quatorze Religieufes du Couvent de
Saint-Cyr de Rennes arrivent à Nantes , pour fe rendre , les
unes à Loudun, les autres à Tours, où elles avoient ordre d'aller
par lettres de cachet. Elles logent chez des particuliers, parce
que les Religieufes Calvairiennes refufent de les recevoir. L'Evê-
que & fon Chapitre décident que la procefîion de la Fête-Dieu
n'ira plus à Saint-Nicolas , comme à l'ordinaire. Pendant cette
cérémonie , il furvient une pluie û abondante qu'on elt obligé
d'entrer le Saint-Sacrement à Saint-Saturnin. Le peuple , toujours
fuperl-titieux , fe met à crier que c'ell une punition du Ciel irrité
du changement qu'on avoit fait dans l'ordre de la proceffion. Le
23 Juin, la DucheiTe de Penthievre part de Nantes pour Paris,
& M. le Duc va vifiter les côtes de Bretagne. Ce Prince revient
à Nantes , le lundi 23 O6lobre fuivant , à fept heures trois quarts
du foir , & part le lendemain pour Paris , à huit heures du matin,
après avoir entendu la Meffe à Notre-Dame.
1748. Le Préfidial qui , depuis le 16 Janvier , tencit fes féances
aux Jacobins , fait fa première entrée au Palais qu'on venoit de
rétablir fur la place du Bouffay. Le 16 Janvier, Pierre Mauclerc
vifîte fon diocefe , qui ne l'avoit pas été depuis fept ans. La Chan-
cellerie exiftoit encore , en 174S, auprès du Palais du Préfîdial.
La Prévôté eft réunie à ce Siège , l'an 1 749 , en vertu d'un
Arrêt du Confeil , rendu au mois d'Avril.
1 7 5 1 . La maifon du Bénéfice des Saulner, dans la ParoifTe de Saint-
Léonard, efl: donnée à THôtel-Dieu , moyennant une certaine re-
devance annuelle ou titulaire , par Arrêt du Confeil & lettres-pa-
tentes en conféquence. C'eft préfentement l'auberge du Cheval-
blanc , remarquable parle valle bâtiment qui la forme. Dans la nuit
du 1 4 au 1 5 Mars , on elTuie à Nantes le plus terrible ouragan.
1752. Arrêt du Confeil & lettres - patentes , portant réunion
de l'Office de ChevaUer d'honneur au Corps des Officiers du
Siège préfîdial de Nantes. Tranflation des foires & marchés de
chevaux , boeufs , &c. de la place de Bretagne à la place de
Viarme, au profit de la Communauté de ville. Lettres -patentes
fur Arrêt , portant homologation d'un traité conclu entre l'Evêque
de Nantes & ks Officiers municipaux , au fujet des moulins de
Burbin cédés à la Ville par le Prélat.
1753*
NAN 189
1753. Le Bureau de ville fonde, en veftu d'un Arrêt du
Confeil, la Bibliothèque publique, projettée dès 1588 : elle ell:
placée chez les Prêtres de l'Oratoire , & compofée de celle
de cette maifon , de celle de Charles de Bourgneuf , Evêque de
Nantes j des bienfaits de l'Abbé Barin, Grand-Vicaire deTEvêque;
& des livres que la Ville acheté pour les y placer. Elle n eft ou-
verte que trois jours dans la femaine , depuis deux heures de
l'après-midi jufqu'à cinq en hiver , & fix en été. Homologa-
tion ordonnée par lettres-patentes , de la délibération du Bureau
de ville , portant qu'il fera payé , tous les ans , aux Juges-Con-
iuls, une fomme ae cinq mille livres.
1755. Les deux tours du pont de la PoifTonnerie font démo-
lies , avec le cavalier & les fortifications qui étoient fur le Port-
Maillard , auprès de la porte de ce nom. Les batardeaux pour
la conftruftion du pont d'Aiguillon , furent faits en 1756. La
première pierre de la culée de ce pont , du côté de la ville , fut
pofée le 27 Septembre 1757; & celle du côté de la Saufaye,
le 29 061:obre 1758, par M. le Duc d'Aiguillon , Commandant
en chef dans la province ; & Madame la Marquife de Becde-
lievre, époufe de M. le Premier Préfîdent de la Chambre des
Comptes. Enfin , le 1 2 Juin 1 760 , fiit pofée la clef & dernière
pierre de la voûte de cet édifice, fur lequel on voit les armes de M. le
Duc. Sous la première pierre fut pofée l'infcription fuivante:
Régnante Ludovico XK dilecHJJlmo , ilL ac pot, Dom,
Emm, Ami, DupUJJis-Rich, Dux d* Aiguillon , Par Fr, Reg.
Ord, Eq. torq. nob» Gen, Armoricœ Prœf, mil, Leg, gen, urhis
Nannetenjis alter conditor , Commercii patronus , felicitatis pu-
blicœ propagator , toto plaudente & exultante populo , Anglomm
vicions apud S, Caft, in fept, Arm, plaga , die Sept, XI, &
prov, lib, féliciter reducis prcefentiâ recreato ^ pontis anteà lignei^
vulgb dicli de la PoifTonnerie , nunc lapidei , nuncupati d'Ai-
guillon, & Fougeroux de Blaveau, rei mar, mach, reg, opéra
extrucli , piimum huncce lapidem pofuit , JEdilihus D, D, Equité
Gellée de Prémion , Majore y Joubert du Colet , Bridon , de
Naviere^ Haugardiere^ Equité Libault-Terrien ; Giraud ^ Proc,
regio, anno Domini M, DCC, LVIII, die Ocl, XXIX,
1756 & 1757. M. Cacaud , Architede , levé le plan de la
Tome IIL O 2
z^Q N A N
ville , par ordre des Officiers municipaux , qui le dédient à M. la
Marquis de Brancas. La pofTeflion de l'endroit appelle Pon-Com*
muneau, eft confirmée aux Religieufes de Sainte -Marie -Magde-
leine , dites Pénitentes» On leur permet d'en augmenter leur en-
clos , à la charge de n'y faire aucun bâtiment , & à condi-
tion qu'en cas de guerre la Ville en difpofera félon fon boti
plaifir. En conféquence les Religieufes s'obligent à payer, à la
décharge de la Ville , les rentes de vingt-trois livres feize fols , de
fept livres treize fols , & d'une livre dix fols , auxquelles le terrein
eft fujet depuis le 20 Août 1702 & le 20 Février 1703. Peu
de temps après , la Ville reprend une partie de ce terrein pour
agrandir la place du Port-Communeau , fur laquelle et oit jadis
la tour , dite groffe bombarde , au bord de la rivière d'Erdre,
L'Académie de Mufique eft fupprimée, en 175 8, faute de fouf-
cripteurs.
1759. Etablifîement des fabriques d'indiennes à Nantes. Lettres-
patentes concernant le gouvernement, de l'Hôpital : elles portent
que le Bureau fera compofé des Directeurs fuivants , fçavoir , de
l'Evêque , du Premier Préfident de la Chambre des Comptes ,
du Préfident du Siège préfidial , & d'un Membre de la .Commu-
nauté de ville , lefquels feront nommés par leurs Compagnies ,
6 auront féance & préfidence dans le rang ci-delTus. Outre
ces Direfteurs, le Bureau fera -en outre compofé de huit élus _,
nommés par le Bureau lui-même, & pris du Corps de la No-
bleffe , ou principaux habitants & Bourgeois de la ville &: des
fauxbourgs , qui auront féance près les Députés-nés , & préfide-
ront en leur abfence fuivant l'ordre de leur nomination. Eta-
bUfîement d'une Société de Lefture , ou Chambre Littéraire , avec
approbation du Roi. Depuis ce temps , il s'en eft établi deux
autres en cette ville.
Comme le Palais de la Chambre des Comptes étoit en très-
mauvais état & menaçoit ruine, le Confeil donna un Arrêt, le
7 Oftobre 1759, qui portoit que les archives de cette Chambre
leroient tranfportées au Couvent des Cordeliers , où la Com-
pagnie commença à tenir fes féances en 1760. On démolit fur
le champ ce Palais, pour le reconftruire à neuf dans l'endroit
où il eft aujourd'hui iitué. En conféquence, le 28 Mai, le Roi
donna un Arrêt & des lettres -patentes pour cette entreprife,
lefquels portoient don & approbation des fonds y deftinés. Le
19 Juillet 1763 , furent creufés les fondements du nouvel édifice,
& la première pierre en fut pofée, le 6 Septembre fuivant,
N A N 291
par M. le Duc d'Aiguillon , Commandant en la province , ôc
par Madame la Marquife de Becdelievre , époufe de M. le Pre-
mier Préfident , en préfence des Commifiaires de la Chambre
des Comptes.
L'infcription fuivante fut gravée fur une lame de cuivre , qui
fut incrullée dans cette première pierre:
Régnante Ludovico XV , optimo Pnncipe , Lud. Joan, Mar,
Borh, Duce Pentheverio , Provindam féliciter gubemante , ill,
ac pot, Dom, Emm, Arm, DiipleJJis-Richelieu , Dux Aiguil-
lonius , Par Franc, reg, Ord, Eq. torq, nob, Gen, mil. Légat, gen,
Alfacioe Prœfes , reg, Armoriccc Prœfe&us , Comitat, Nannet,
Prcetor^ Provincice defenfor , fugatis ad S, Catuodum Anglis ^
Artium tutor & cultor , Nannet, alter conditor ^ in communi
temporum difficultate , Rege & Aîm, Comitiis opes largientibus ,
&c, cedificatœ hujus fupremce rationum regiarum Curice primum
hune lapidem^ anno Domini M, DCC, die Sept, IK^ Proto^
Prœjide D, D, Hilarione-F rancifco , Marchione de Becdelievre ,
&c, fummo Procuratore regio, D, Henrico-Annà-Salomone de
la Tullaye , nobilibus operis moderato ribus , duce & autore J, B,
Ceinerai , Arc/iit,
l'y 60, Lettres-patentes, portant confirmation de l'établifTement
de l'Hôpital du Sanitat. Les Etats , affemblés à Nantes , donnent
une fomme de vingt mille livres pour applanir les Mottes de Saint-
Pierre & de Saint-André , & combler les fofTés de la ville en
cette partie , afin d'en faire des promenades. Ce travail devoit
être fait par les pauvres. Ces promenades fe nomment aujourd'hui
ie Cours des Etats : elles font décorées de deux allées d'ormeaux
& d'un petit bofquet de tilleuls.
1762. Le Roi Louis XV honore la ville de Nantes de fon
portrait enrichi d'un cadre magnifique. Ce précieux monument
eil placé dans la grande falle de l'Hôtel de ville.
Les Jéfuites ont long-temps exercé la place de Profefleur royal
d'Hydrographie & de Mathématiques à Nantes. Lors de la dif-
folution de cette Compagnie , le l^ureau de ville nomma , le 5
Août 1762, M. RoufTeau, ProfefTeur de Phyiique dans la Congré-
fation de l'Oratoire, pour remplir cette place. M. le Duc de
enthievre. Amiral de France, en vertu des droits de fa place.
^()^ NAN
y nomma M. Lyons ; ce qui occafionna un procès, le 22 Mai
1767 : le Parlement de Bretagne rendit, pour lors, un Arrêt , qui fait
défenfes à toutes perfonnes d'exercer la place de Profefleur d'Hy-
drographie & de Mathématiques, au port de Nantes, fans être pour-
vues par l'Amiral de France j & M. Lyons fut maintenu dans la
pofleflion de fon emploi. En 1771 , M. le Duc de Penthievre
nomma à fa place M. l'Evêque , qui l'exerce maintenant : ce
dernier eft Membre de l'Académie royale de Marine , de la So-
ciété Philantropique , & auteur de plulieurs Ouvrages fur l'Aftro-
nomie & la Marine.
1764. Le Bureau de ville obtient du Confeil la permifîîon d'em-
prunter la fomme de trois cents mille livres pour la confe61:ion des
travaux publics. L'année fuivante , la Communauté des Savetiers ou
maîtres Carreleurs , eft réunie à celle des Cordonniers , pour ne for-
mer qu'un feul Corps de métier, par lettres du Confeil du 26
Mars , & lettres-patentes du 10 Avril enrégiftrées au Par*
lement.
176(5. Commencement des embellifTements projettes a Nantes*
Les lettres-patentes données à ce fujet portent que Sa Majefté ,
s'étant fait repréfenter en fon Confeil l'Airêt rendu , &c. ayant
égard aux repréfentations du Sieur Duc d'Aiguillon , a approuvé &
autorifé, approuve & autorifeles nouveaux projets d'embelliflements
tracés fur le plan du Sieur Ceinerai , Architefte-Voyer de ladite
ville , & veut qu'ils foient exécutés. En conféquence , Sa Ma-
jefté permet aux Ofticiers municipaux de vendre , arrenter , &
difpofer de tous les terreins vagues qui font lavés fur le plan en
couleur grife , à la charge d'en employer le produit auxdits em-
belliftements , &c. &c.
1767. Lettres-patentes du 24 Mars, confirmatives de l'établif-
fement du Séminaire des Prêtres Irlandais à Nantes, avec per-
mifîîon d'acquérir par dons de legs , dotations , &c. Les lettres
autorifent l'Evêque à pourfuivre , félon les règles & formes ca-
noniques , la fupprefFion du titre du Prieuré de Saint-Crefpin en
bas Anjou, pour les fruits & revenus de ce Bénéfice être an-
nexés , à perpétuité , audit Séminaire.
1768. Arrêt du Confeil, qui permet au Prieur Commendataire
de Saint-Martin en Sainte-Croix de Nantes , & de la Magdeleine
en Bois , fon annexe , d'afféager , au profit de ce Prieuré , des
landes fituées dans les ParoiTfes de Doulon , Sainte-Luce , Car-
quefou, & Thouaré. Lettres - patentes , portant permifîîon aux
Keligieufes deSainte-Marie-Magdeleine, ^iiQS F émuntçs , àQ faire.
NAN 19J
racqmiition de deux jardins & d'une maifon pour agrandir
leur enclos.
1769. Arrêt duConfeil & lettres-patentes , qui permettent au
Bureau de ville d'emprunter des Commerçants une fomme de
deux cents mille quatre cents livres pour la reconflruftion de
l'hôtel de la Bourfe.
1 770. Au mois de Décembre , les eaux de la Sevré débordent
avec tant de violence qu'elles emportent le pont RoulTeau. La
Ville y fait faire un bac pour paffer gratis les voyageurs & les
voitures.
1771. Etabliflement des fiacres, ou carrofles publics, à Nantes,
1772. Lettres-patentes, portant confirmation de l'établifTement
de la Communauté du Bon-Pafteur , pour fervir de retraite aux
femmes & filles qui s'y préfenteront volontairement pour expier
leurs défordres palfés , à la charge de les y recevoir, gratis, La
Communauté de ville obtient la permillion d'emprunter , au de-
nier vingt, une fomme de trois cents mille livres, exempte du
dixième & des quatre fols pour livre , à condition d'en faire le rem-
bourfement en fix années , à compter du premier Janvier 1773 9
par tirage en forme de loterie, à la charge d'employer cet ar-
gent au rétabliflemcnt des banlieues des routes de Paris, de Rennes ,
de ClifTon , de Machecou , & à la reconftruftion du pont
RoufTeau.
Arrêt du Confeil & lettres-patentes , portant don & conceffion
à la Communauté de ville , des atterrilîements faits & à faire ,
par digues & autres travaux , dans la rivière de Loire , au defTus
& au deflbus des ponts.
1774. Le grand cimetière public eft béni , le 25 Octobre ,
par le Refteur de Saint - Saturnin , en préfence des autres
Refteurs. Pierre Mauclerc de la Muzanchere meurt dans fon
Palais épifcopal , & eft enterré dans fon Eglife Cathédrale;
M. Jean-Auguftin de Frétât de Sarra eil transféré de l'Evêché
de Tréguier à celui de Nantes. Ce Prélat eft le cent quinzième
Evêque de Nantes.
Le 23 Mai 1777 , M. le Comte d'Artois, frère du Roi, arriva
à Nantes fur les cinq heures du foir. La préfence de ce Prince
caufa une joie inexprimable aux habitants , qui s'empreflerent de
lui témoigner leur amour par des acclamations réitérées. Deux
Compagnies de jeunes gens de la ville , au nombre de cent qua-
rante-huit , l'une en uniforme de Dragons , & l'autre en uniforme
de Cuiralïïers , avoient formé , fur la route de Vannes , un camp
^94 N A N
dans lequel étoient deux marquifes également parées. Dans celle
à droite , occupée par les Dragons , on avoit fervi une table
de quatre-vingt couverts j dans celle à gauche , occupée par les
Cuiraffiers , étoit une falle préparée pour les rafrc..khifîements.
A l'arrivée du Prince en cet endroit , M. Drouin , C ommandant
des Dragons , accompagné de M. Giraud , Capitaine des Cuiraf-
fiers , alla le complimenter , & le fupplia de vouloir bien que
les deux Compagnies lui ferviffent de Gardes pendant fon fé-
jour à Nantes. Le Prince y confentit , & continua fa marche ,
précédé des Dragons & Cuiraffiers , dont les chefs étoient aux
portières. Le chemin , depuis le camp jufqu au château , étoit bordé
d'une fouie immenfe de peuple , & de deux haies des habitants
fous les armes. Son Altelie Royale fut compUmentée par les Of-
ficiers municipaux , qui lui remirent les clefs à la porte de
Saint-Nicolas. On avoit fait dreffer en cet endroit un arc de
triomphe, orné d'infcriptions analogues à l'heureufe arrivée du
Prince , qui y fut falué par vingt-un coups de canons. Il traverfa la
ville avec toute fon efcorte , & alla loger au château. De là
il fe rendit , à pied , au fpe&cle ; on joua la Partie de Chaffe
de Henri IV , & les Afteurs eurent l'adreffe de faire entrer quel-
ques couplets à la louange de ce fpeftateur augufte.
Le lendemain , Son AltefTe Royale alla voir le tombeau qui
eft dans l'EgUfe des Pères Carmes , & fut reçue fous le dais par
le Prieur du Monaflere. On lui donna ce jour-là un bal paré
dans la falle de fpeftacle j & toute la ville fut illuminée pen-
dant la nuit , comme elle avoit été la nuit précédente. Le Di-
manche 29 au matin , M. le Comte d'Artois partit pour la Ro-
chelle , accompagné des deux Compagnies de Cavalerie qui le
conduifirent jufqu'au pont Roufleau.
Le 14 Juin, l'Empereur Jofeph II arriva incognito à Nantes,
environ une heure de l'après-midi. Ce Monarque étoit dans une
voiture couverte de poumere , & vêtu d'un habit brun qui con-
trafloit parfaitement avec fon rang fuprême. Il ne refta pas
long-temps dans cette ville , il en partit le lendemain de fon
arrivée , fâché , dit-on , d'avoir été reconnu. Il parut effeftivement
peu fatisfait de trouver fans ceffe , fur fon paffage , une foulé
de peuple , toujours importune pour un Philofophe qui cherche
la vérité & non les honneurs. Au mois d'Août 1 777 , la Com-
munauté de ville fait commencer la reconllruftion du pont Rouf-
feau, qui fut achevé à la fin de l'année 1778.
Les ParoilTes de la ville de Nantes font ; Notre-Dame j la Cure
NAN _ . '^9?
tft prérentée par le Chapitre de cette Collégiale : Sainte-Croix ,
& ToiifTaint , fa trêve ; la Cure eft préfentée , à l'alternative , par
le Théologal de la Cathédrale & l'Abbé de Marmoutier : Saint-Cié-
ment ; la Cure eu annexée à la Communauté de même nom ,
& defiervie par un de l'es membres : Saint-Denis j la Cure eft
préfentée par le Chapitre de la Cathédrale : Saint-Jean en Saint-
Pierre ; la Cure eft préfentée par le Doyen ; Saint-Laurent ; par
le Chapitre : Saint-Léonard -, par l'AbbefTe du Roncerai d'Angers :
Saint-Nicolas ; par le Chapitre : Sainte-Radegonde -, idem : Saint-
Vincent , Saint-Saturnin , & Saint-Similien ; par le Chapitre.
Les Couvents d'hommes font : les grands Capucins , les petits
Capucins , les Carmes , les Chartreux , la Communauté de Saint-
Clément , les Cordeliers , les Frères des Ecoles Chrétiennes ,
les Jacobins , les Prêtres Irlandais , les Minimes , les Prêtres de
l'Oratoire , les Récollets , & le Séminaire.
Les Couvents de femmes font : les Calvairiennes , les Car-
mélites , les Carolines , les Filles du Bon-Pafteur , les Hofpitalieres
de l'Hôtel-Dieu , les Hofpitaheres du Sanitat , les HofpitaHeres
des Incurables , les Pénitentes ou Religieufes de Sainte-Marie-
Magdeleine , les Rehgieufes de Sainte-Claire , les Cordelières de
Sainte-Ehfabeth , les Vifitandines , les Urfulines , &: les Soeurs
de la Providence , dites Sœurs-Grifes,
La Cathédrale eft dédiée à Saint-Pierre. L'édifice eft vafte ,
compHqué , mais imparfait. Quoiqu'il foit d'une architefture go-
thique , trop chargé de décorations extérieures , il offre néanmoins
des beautés dignes de curiofité. On y remarque fur-tout deux
tours quarrées fort hautes , & la porte principale qui eft couverte
de bronze. L'intérieur eft majeftueux , la nef & les deux ailes
font d'une architefture hardie , & le chœur eft fermé par un
très-beau grillage de fer. Mais ce qu'il y a de plus curieux
dans cette Eglife , eft fon admirable fonnerie , la plus belle peut-
être qui foit en France , tant par le nombre que par les pro-
portions" des cloches. Le Chapitre eft compofé de dix-neuf Cha-
noines , non-compris les Dignitaires qui font , le Doyen , les
deux Archidiacres , le Chantre , le Tréforier , &: le Scholaftique.
L'Evêché de Nantes a quatre-vingt-quatorze lieues de circon-
férence : il renferme , dans fon enceinte , dix-huit villes , deux
cents cinquante-fix Paroifles , treize trêves ou fuccurfales , dix
Abbayes d'hommes , vingt-deux Communautés d'hommes & vingt-
une de femmes , trois hglifes Collégiales , quatre Doyennés ,
cent quarante-cinq Prieurés en commende, & vingt -une forêts
z^6 ^ N A N
dont la plupart appartiennent à Sa Majefté. Cet Evêché efî
borné au Nord par la rivière de Vilaine & le diocefe de
Rennes ; au Sud , par le Poitou j à l'Eft , par l'Anjou ; Se à
i'Oueft, par vingt-lept lieues de côtes de mer. Le nombre des
habitants, en général, eft d'environ quatre cents trente-un mille
deux cents , lans y comprendre ceux des Paroiffes de l'Anjou
qui dépendent du diocefe. Les habitants de la ville peuvent
former un total de quatre-vingt mille , non-compris les étrangers
qui vont & viennent pour leur commerce.
La ville de Nantes a une Communauté de ville , avec droit
de députer aux Etats ; une Commiflion Intermédiaire , une Sub-
délégation , une Brigade de MaréchaufTée -, deux Portes aux lettres ,
grande & petite ; une Pofte aux chevaux ; & un Bureau de MefTage-
rie. Ses armes font , de gueules au vailTeau à la voile , le navire eft
d'or & les voiles d'argent, au chef auffi d'argent , chargé de cinq
hermines de fable , avec cette devife : In te fperant oculi omnium.
Cette ville étoit autrefois une place forte , flanquée de bonnes
murailles , de tours , de baftions , & autres ouvrages , avec des
fofîes accompagnés de leurs glacis. De toutes ces fortifications ,
il ne refte plus que le château qui eft afTez étendu , & muni d'un
bel arcenal. Le baftion , chargé de la double croix de Lorraine ,
qui eft du côté des Jacobins , fut fait par ordre du Duc de
Mercœur. Cette place forme aujourd'hui un Gouvernement par-
ticulier , compofé d'un Gouverneur , d'un Lieutenant de Roi
commandant à Nantes , d'un Major , & d'un Aide-Major , qui
ont à leurs ordres deux Compagnies d'Invalides de foixante hommes
chacune. Le Roi vient d'y établir un parc d'Artillerie.
L'Office de Lieutenant général de Police eft réuni au Corps
de ville , exercé par M. le Maire , Colonel-né des dix-huit Com-
pagnies dé MiUce Bourgeoife , qui montent , à tour de rôle , la
garde pendant la nuit , pour le bon ordre & la fureté des ha-
bitants. Outre le Colonel , cette MiUce compte un Lieutenant-
Colonel, un Major, un Aide - Major , feize Capitaines, feize
Lieutenants , feize Enfeignes , un Sergent-Major , un Tambour-Ma-
jor ,& cent trente-quatre Sergents j au total, trois mille quatre cents
foixante-trois hommes. L'uniforme eft, habit & culotte bleus jvefte ,
parements , & collet , cramoifîs j boutons jaunes , & chapeau
bordé d'or. Les armes font les mêmes que celles des troupes
d'Infanterie.
La Chambre des Comptes de Bretagne; le Préfîdial ; la Sené-
chauffée ; l'Amirauté j le Confulat 5 la Cour des Monnoies ; les
Eaux,
N A N 197
Eaux, Boîs, Se Forêts ; la Maréchauflee ; les Traites j la Prévôré ;
Saint-Pere-en-Retz ; ToufFou : toutes ces différentes Jurifdiftions
font des hautesJuftices qui appartiennent au Roi.
La Chambre des Comptes eft compofée de huit Préfidents ,
jde trente-trois Confeillers-Maîtres, de huit Confeillers-Correfteurs,
de trente-quatre Confeillers- Auditeurs , de deux Greffiers en chef,
d'un principal Commis-Greffier , de neuf Huiffiers , d'un Garde
des archives , d'un Payeur des gages , & de cinq Procureurs :
elle a auffi fon Imprimeur en titre. Le Parquet conlifte en deux
Avocats généraux , un Procureur général , & fon Subflitut. Le
Bureau des Tréforiers de France , Généraux des Finances , en
Bretagne, efl compofé de (ix Tréforiers, d'un Adjoint, & de
deux Huiffiers.
Le Préfidial , aujourd'hui compofé d'un Sénéchal ou Pré-
fîdent préfidial , d'un Alloué - Lieutenant général , d'un Juge cri-
minel , d'un Lieutenant civil & criminel , de dix Confeils , de
deux Avocats du Roi , d'un Procureur du Roi , de deux
Greffiers civils & d'un Greffier criminel , d'un premier & d'un
fécond Huiffier. Les plaids généraux fe tiennent les lundis
d'après le 20 Mars, le 20 Juin, & le 20 Novembre.
Les Régaires , haute- Juflice , à M. l'Evêque de Nantes , qui
efl Seigneur temporel d'une partie de la ville. Cette Jurifdiftion
efl confidérable , & les appellations vont direftement au Parle-
ment de Bretagne, dont le Prélat efl Confeiller-né. L'Officialité ,.
haute-Juflice ; la Police , idem ; l'Archidiaconé de Nantes , idem ,•
l'Archidiaconé de la Mée , idem ,• le Chapitre , idem ; le Prieuré
de Sainte-Croix , idem ; le Prieuré de Pirmil , ide/îi ; la Comman-
derie de Saint - Jean & de Sainte - Catherine , idem ; Toute-
Joie , idem ; Sainte - Julite & Bongarant , idem ; les Derva-
lieres , idem; laGafcherie, idem. Les Maréchaux de France ont
un Lieutenant pour le Comté Nantais , & un Lieutenant à
Nantes.
Il y a auffi, à Nantes , un Ajulleur pour les poids &
mefures , une Recette des deniers royaux , une Direction gé-
nérale des traites, tabac, & gabelles j& un Bureau pour les ma-
nufactures. M. Duménil , Commiffaire-Direfteur général pour les
poudre & falpêtre, a l'mfpcftion fur les Entrepofeurs de Rennes,
de Saint-Malo , & du Port-Louis.
L'Univerfité , fondée en 1460, efl compofée des Facultés de
Théologie , de Médecine , des Arts , & de celle des Droits
tiansférée à Rennes par Déclaration du Roi, Le Collège efl
Tome IIL P i
Z98 N A N
très-beau, & peut loger environ cent penfionnaîres. Il y a des
Profeffeurs pour toutes les ClafTes , & même pour la Théologie.
Il eil dirigé par les Prêtres de l'Oratoire , citoyens utiles , reA
pe6lables , & bien dignes de remplir ce pénible & important
emploi. Leur Corps fut toujours un afïemblage d'hommes de
génie , amis des lettres & de la vertu j & ceux qui remplifTent
aujourd'hui les différentes chaires , ne méritent pas moins que
leurs prédécelTeurs l'eftime & la reconnoiffance publique.
Les Ecoles de Théologie de l'Univerfité font à l'Oratoire ;
celles du diocefe font au Séminaire , qui eft dirigé par les Sul-
piciens. Ces dernières font très-fréquentées , de même que les
ClafTes des Maîtres -es -Arts agrégés à l'Univerfité. On remar-
que encore , à Nantes , une Ecole d'Anatomie & de Chirurgie ,
une Société d'Agriculture , du Commerce , & des Arts ; un Jardin
royal des plantes , une Ecole publique & gratuite d'Hydrogra-»
phie , de Mathématiques , & de Navigation j une Ecole pubUque
de DefTein , & trois Chambres Littéraires. La BibUotheque pu-
blique efl chez les Prêtres de l'Oratoire.
Nantes efl la patrie de plufieurs hommes célèbres dans les
Sciences Se dans les Arts , quoi qu'en dife le rédafteur de l'ar-
ticle Nantes de l'Encyclopédie , qui s'exprime en ces termes :
Nantes na pas été trop fertile en Gens de lettres , du moins ma
mémoire ne m'en fournit que dans le Jiecle pajfé. UUniverfité fut
fondée en 1460 ^ mais cejl l'Univerfité du Commerce qui brille en
cette ville. Un citoyen zélé , voulant venger fa patrie de l'im*
putation injurieufe du rédaâeur, ^t les vers fuivants:
Ils feront confondus ces détradleiirs jaloux ,
Qui penfent que les Arts font étrangers chez nous ;
Et qu'au Commerce feul bornant notre induftrie ,
La Bourfe,en tous les temps, fut notre Académie.
Abailard , le Bouguer , & cent autres Nantois ,
Pour venger cette injure , élèveront leur voix ;
Et fans vous évoquer , mânes de ces grands Hommes ,
Nous en avons encor dans le fiecle où nous fommes....
Mais votre modeflie , auteurs contemporains ,
En m'impofant filence , arrête mes deffeins :
Que la poftérité , pour vous plus équitable ,
Vous donne dans l'hifloire une place honorable.
Comme citoyen de la même ville, je donnerai ici les nom'
K A N 299
de ceux qui l'ont illuftrée par des talents & des connoiflances
fupérieures. Le premier en rang comme en mérite eft Abailard ,
né au Paliet, dont tout le monde connoît les ouvrages & les
infortunes. Jacques Tiole , auteur de plufieurs poéfies & chan*
fons, imprimées au Mans en 1 568. Jacques Mechinot , furnommé
U Banni de Liejfe : il compofa , en vers français , un ouvrage , in-
titulé les Lunettes des Pnnces , imprimé à Paris en 1 5 3 4 ; & plu-
fieurs autres opufcules. Jean Morin de la Soriniere : il a fait des
recherches fur les monuments de la Bretagne. Pierre Boiihiau,
furnommé Launai , auteur de plufieurs ouvrages , & particulière-
ment d'un livre , intitulé le Théâtre du monde , qui a eu un fuccès
prodigieux. Pierre de Dreux , Duc de Bretagne : ce Prince n'étoit
pas Nantais , mais il paffa une grande partie de fa vie à Nantes-
René de Drain , commentateur des Ordonnances de Moulins ,
imprimées à Paris. Le Père Raphaël , Capucin j Jean de Code ;
Philippe du Bec , Evêque de Nantes j Jean Grand-ami j Jacques
Bouton j Juhen Perrant ; Pierre Cerifier , Jéfuite : il a mis en
vers le livre de la Confolation de la Philofophie , par Boëce,
Laurent le Brun , Jéfuite : on connoît de lui des poéfies latines ,
& la Vie de Saint Ignace , poëme héroïque. Pierre de Ses-Mai-
fons j Bonaventure de Sainte - Anne , Religieux Carme ; de la
Baume le Blanc de la Valliere , Evêque de Nantes : Vincent
ChrifH , Théologal de Nantes ; nous avons de lui deux volumes
de Sermons. Le Père Hervé , de TOratoire ; Gérard MelUer ,
Maire de Nantes , aulîi célèbre par fec talents littéraires que
par des vertus qui le rendirent l'oracle de fa patrie. Jean de
la Noë-Menard ; la Dame de Martigues , époufe du Duc de
Mercœur 5 le Père Bertrand , de l'Oratoire , auteur d'un livre ,
intitulé de Ara , liher fingularis -, Jean Boutin , connu par des
épigrammes ; Jean Rozelain j Mathurin Veffieres de la Croze ,
ami intime du célèbre Leibnitz , & auteur de plufieurs fçavants
ouvrages ; François de la Noue , dit Bras de fer ; Jean Barin ,
Grand-Chantre de la Cathédrale , auteur de la Vie de la Bien-
heureufe Françoile d'Amboife ; N.... Bridon de Lauberdiere ;
Pierre Biré j Catherine DoUo , Religieufe de Sainte-Claire ; Artus
de la Gibonnais , auteur de plufieurs ouvrages imprimés , entr'au-
tres , d'une Chronologie raifonnée des Ducs de Bretagne -, Gabriel
Clément , Médecin du Roi , auteur du traité intitulé le Trépas
de la Pefte : Jacques Denan , Notaire royal à Nantes ; on
connoît de lui un ouvrage , en vers français , intitulé le Com-
merce fidèle , 6* la Chanté Hofpitalicre, N Carpentier , Pré-
3O0 ^ N A N
fident du Parlement établi par le Duc de MefC(5eur , à Nantes::
MM. Barin , Marquis de la GalifTonniere , père Se fils ,
morts Lieutenants généraux des armées navales : le dernier de
ces deux hommes fameux , fut le vainqueur du célèbre & infor-
tuné Amiral Bing, Commandant de la flotte Anglaife envoyée
au fecours de Port-Mahon. Pierre Bouguer , un des plus grands
Mathématiciens que l'Europe ait produit, naquit au Croific ,
( diocefe de Nantes, ) le lo Février 1698 : il a publié plufieurs
ouvrages excellents fur la navigation & autres fciences. Je ne
puis m'empêcher de rapporter une anecdote finguliere tirée de
l'hifloire de la vie de cet illuftre Académicien. Bouguer étoit
encore dans la plus tendre enfance, lorfqu'on l'envoya étudier
au collège des Jéfuites, à Vannes. Pendant qu'il étoit en Cm-
quieme, fon Régent, qui avoit entendu parler de fes connoiffances
en Mathématiques , fut curieux d'en faire l'efl^ai; & le trouvant,
en effet , très-fçavant dans cette partie , il pria le jeune Ecolier
de lui donner des leçons. Bouguer y confentit, & il s'établit
entr^eux un commerce de fciences & de httérature _, qui pro-
bablement n'avoit jamais eu lieu entre un Ecolier de Cinquième
& fon Profefl^eur. N CaflTard, un des plus excellents marins
que la France ait jamais eu. ( Voyez les notes de l'Eloge de
m. du Guai-Trouin, par M. Thomas.) N... Vié, qui, après avoir
combattu avec faccès pour fa patrie & pris plus de cent cin-
quante navires & vaiffeaux, pafla au fervice de la République
de Gênes , enfuite à celle de Venife , & fut tué par un boulet
de canon , à bord de l'Amiral Vénitien , pendant la guerre qui
fut terminée par la paix de PafTarovitz.
André Portail , fils & frère d'Archite8:es de Nantes , Archite6le
& Peintre lui-même, fe fit une réputation éclatante & jullement
méritée à la Cour; Germain Boffran, de l'Académie d'Architefture
de Paris, né en 1667; Charles Errard, Peintre célèbre, né en
1689; Paul Vigneu, mort Secrétaire du Général du Commerce:
François-Séraphique Bertrand, Avocat défintéreffé & Poète célèbre ;
ce grand homme mourut en 1752, & fut univerfellement regretté
des Nantais, qui n'admiroient pas moins fes talents que fes vertus.
Nicolas Travers, auteur de plufieurs ouvrages imprimés & manuf-
crits ; N.... Greflan , connu par la douceur de fes mœurs , par
des connoiffances très-étendues , & quelques ouvrages qui font
l'éloge de fes talents ; N.... des Forges-Maillard , né au Croific.
Je pourrois augmenter cette liffe de beaucoup d'autres noms
célèbres ; m^is , outre que la plupart fe trouvent déjà dans le
_ N A N 301
courant de cette hifloire , ils font afTez connus par ce qu'ils ont
fait. L'envie , qui ne pardonne jamais l'éloge des vivants , ne me
permet pas d'en citer ici qui tiennent une place diftinguée dans
la république des lettres ; leur modeftie d'ailleurs s'y oppofe.
Au refte, je fuis bien éloigné de penfer qu'ils aient befoin de
mes fuffrages ; je fuis perfuadé que la pollérité, qui fçait appré-
cier le mérite , rendra juftice à leurs talents. Ceux des jeunes
gens de Nantes qui s'appliquent aux beaux Arts , montrent , en
général , beaucoup de dilpofitions : ils réufliffent , fur-tout , dans
le DefTein , que l'on cultive foigneufcment en cette ville.
La Jurifdiftion de l'Amirauté ell: formée d'un Lieutenant gé-
néral , d'un Lieutenant particulier, & de quatre Confeillers , avec
un Avocat du Roi , un Procureur du Roi , un Greffier, un Huiffier-
Viiîteur & Délefteur , un Huifîier-Audiencier : il y a aufii un Re-
ceveur des droits de l'Amiral, trois Interprètes des langues étran-
gères , un Officier-Lefleur & Délefteur , un Maître de quai j deux
JProfeiîeurs d'Hydrographie , dont l'un réfide au Croific ; quatre
Courtiers , deux Jaugeurs de vaifTeaux , deux Chirurgiens , &
un Apothicaire, attachés à ce Tribunal.
Le Général du Commerce eft repréfenté par les Juges-Confuls
.de la Jurifdiftion Confulaire. A ce Corps , font attachés un
Avocat & Confeil , un Commis , un Chapelain , un Commis à
l'entrepôt du café , & un Concierge de la Bourfe. L'Efpagne ,
la Pologne , le Danemarck , & la Suéde , ont des Confuls à
Nantes.
Il eft peu de villes dont la Situation , par rapport au Commerce ,
foit ft avantageufe que celle de Nantes. La mer lui ouvre une-
communication avec toutes les Nations de la terre -, & la Loire
lui procure toutes les facilités pour faire palier fes marchandifes
dans l'intérieur du Royaume. Les fables de la Loire ne permet-
tent pas aux gros vaifleaux de monter jufqu'à Nantes : les na-:
vires de trois &" quatre cents tonneaux viennent jufqu'à Paim-
bœuf ; & ceux d'un très-grand port mouillent à Mmdm , qui eft-
à deux lieues plus bas.
On afTure qu'autrefois la Loire étoit beaucoup plus profonde:
& plus commode pour la navigation, & il n'eft guère poffible
d'en douter. Il paroît qu'elle a été bouchée par des pluies abon-
dantes, qui ont entraîné dans fon lit ces énormes bancs de fable
qu'on y voit aujourd'hui. Quoi qu'il en foit , toujours eft-il conf-.
tant que la navigation fur cette rivière devient de jour en jour
plus difficile, 6c que le mal ne peut aller qu'en augmentant, parce
301 NAN
que les bancs de fable retiendront d'autant plus de gravier qu'ils
préfenteront une furface plus large. Cette raifon eu. toute fimple :
la navigation fe détruiroit donc fur la Loire ? Pourquoi pas ?
Ce ne feroit pas la première rivière qui auroit éprouvé un pareil
changement -, mais cet accident , dans la fuppoiition qu'il arrive
quelque jour , n'eft pas fans remède. Quand la place de Nantes
verra fon commerce interrompu par des obftacies, dit un écri-
vain judicieux , elle cherchera les moyens de le rétablir , Se
vraifemblablement elle préférera à tout autre , celui de creufer
un canal jufqu'à la pointe de Mindin ou à celle de Saint-Nazaire.
Peut-être qu'aftuellement ce projet paroîtroit impraticable ; il ne
le paroîtra plus , û jamais fon exécution devient abfolument
néceffaire.
Si nous en croyons quelques hiiloriens, le flux & le reflux
montoit, dans le quinzième fiecle, jufqu'à Ancenis, tandis qu'il
fe fait à peine fentir aujourd'hui jufqu'à Mauves , qui n'efl qu'à
trois lieues de Nantes, & par conféquent à douze lieues de Paim-
bœuf. Il me femble que c'efl: encore un effet de ces amas énor-
mes de fable, qui font néceflTairement refluer les eaux de la mer
dans fon fein,& qui boucheront peu à peu l'entrée de la rivière ,
au point que les marées ne feront peut-être plus fenflbles à
Nantes avant un fiecle.
Le commerce fe fait à Nantes par deux cents Négociants*
Armateurs, & quantité d'autres Commerçants regnicoles & étran-
gers. Nous diviferons ce commerce en intérieur & extérieur-
J'entends par commerce intérieur, l'échange des denrées du pays,
-& des ouvrages fabriqués dans le Royaume. Cette branche em-
brafîe toutes les parties de la confommation ; les vins , les bleds ,
& les toiles de la province , forment en particulier un objet
important. Les fels, qui en forment un non- moins coniidérable^
fe font prefque tous dans le territoire de l'Evêché de Nantes ,
dans les aires des marais falants de Bourgneuf , de Guérande ,
Sa du Croiflc. Outre les manufaftures de verre , de cotonnade ^
d'indienne, & de faiance, nous avons encore une vingtaine de
raffineries de fucre, plufieurs fabriques de ferges fur fil & coton,
d'étoffes de laine, & de toiles, allez eftiméesj une manufacture
de cordages, à laquelle font continuellement employés cent à
cent vingt ouvriers; & des manufactures de cuirs, tres-riches &
bien dirigées. Les Corps de Maîtrifes ou Jurandes font au nombre
de trente-cinq. La Loire, par fon union avec les rivières de Sevré,
d'Erdre, de Mayenne, de Sarthe, de Thoué, du Loir, de Vienne,
N A N 30Î
du Clain, du Cher, de l'Allier, & les canaux d'Orléans & de
Briare , fournit aux Négociants la facilité de faire un commerce
confîdérable avec une partie de la France j le Poitou , d'où l'on
tire des clincailleries de la manufafture de Châtellerault ; avec le
haut & bas Maine; l'Anjou, qui nous donne (es vins; le Limoufîn
& laTouraine, qui nous font pafTer leurs étoffes de laine & de foie 5
l'Orléanais & l'Ille- de-France , qui reçoivent les épiceries que nos
Commerçants tirent de l'Amérique & des hides ; le Nivernois , le
Bourbonnais , & l'Auvergne , qui nous fourniffent des mâts pour les
navires & autres bois de conftruftion ; & enfin , avec GenewQ , &
fur-tout Lyon qui nous fait paffer fes précieufes étoffes ; &c.
Le commerce extérieur ell: i^. celui qui fe fait dans les dif-
férents pays de l'Europe, èc qu'on appelle cabotage : 2°. en Guinée;
3^. avec les Ifles de l'Amérique : 4^. aux Indes Orientales.
Le cabotage eft le plus ancien commerce de la ville de
Nantes : il ell aujourd'hui prefque entièrement tombé , à caufe ,
dit-on , de l'affujettiffement des marchandifes aux droits des cinq
groffes fermes. Avant cette entrave, Nantes fervoit comme d'en-
trepôt pour les marchandifes de l'étranger & celles du Royaume.
La plupart des nations qui font aujourd'hui le cabotage , vien^
nent à Nantes , ou avec des marchandifes de leur crû , ou fabri-
quées dans leur pays , ou fur leur leff. Les Hollandais , qui
voyagent à meilleur marché que les Français , font la plus
grande partie de cette navigation.
L'importance du commerce de Guinée eff connue (a). Les co-
lonies de l'Amérique ont un befoin néceffaire des Nègres pour la
culture des terres , qui ne fçauroit être faite par des propriétaires
trop peu nombreux. Aufïi , les Négociants de Nantes s'y livre-
rent-ils dès qu'ils en eurent obtenu la permifîion. Les Français font
les premiers qui aient formé des établiffements fur la côte de Guinée.
Nos divisons domeiHques interrompirent nos progrès dans cette
partie du Monde ,&nosvoifins profitèrent de nos découvertes. On
affigne, vers l'an 1364 , l'époque de notre étabhffement fur la côte de
Maniguette , vers le huitième degré de latitude nord. Pendant plu-
sieurs années , ce commerce fut fait exclufivement par une Com-
pagnie. Dans la fuite , il fut permis à tous les Négociants de s'y
livrer. Les armements de la place de Nantes pour la Guinée
( û ) On obfervera que je ne parle ici
<du Commerce de Guinée qu'en Politique ,
§(. ngn en Philofophe, Je n'ignore point
combien il eft outrageant pour l'humanité ,
& contraire aux principes fondamentaux
de la loi naturelle.
304 , NAN
font auflî confidérables aujourd'hui que ceux de prefque toutes leH
autres places du Royaume. La valeur de la cargaifon d'un na-
vire négrier doit être en proportion du nombre des efclaves qu*on
veut acheter , & le bâtiment doit pouvoir contenir au moins quatre
cents Nègres. Quoique quelques-unes des marchandifes employées
à cette traite , foient d'un moindre débit que les autres , il ne faut
en négliger aucunes , parce que le fuccès dépend d'un pareil af-
fortiment ; parce que ce commerce fe fait par échange , & que
les efclaves n'y ont point une valeur fixe & réelle comme nos
marchandifes : le caprice des Nègres en décide. Souvent ils pré-
féreront une étoffe ou un inftrument de peu de valeur , mais qui
flatte leur goût, à quelque chofe de grand prix qui ne leur
plaira pas. Les caurisfont la monnoie courante des peuples de Gui-
née : ils fervoient autrefois à la traite des Nègres , mais aujour-
d'hui ils ne font plus employés qu'à l'achat des denrées les plus
communes , ou pour l'ornement des NégrefTes d'une petite for-
tune , qui en font des colHers dont elles fe parent avec grâce.
Les Hollandais en ont des magalins bien fournis , ils les vendent
en raifon de trois mille fix cents pour une livre tournois. Lorf-
que le navire eu arrivé au port de Cabenda , ou à quelque
autre endroit de ces parages , le Capitaine du navire , accom-
pagné de l'Interprète , va faluer le Roi du pays , lui fait les pré-
lents d'ufage, amfi qu'aux principaux Officiers de fa Cour, &
convient avec lui de la manière dont il doit faire fa traite. Les pré-
fents pour le Roi confiflent dans un collier de corail, ou un mi-
roir de moyenne grandeur, ou un manteau d'écarlate , ou une
robe de chambre de damas ou de fatin , doublée d'un tafietas à
flammes , d'une couleur bizarre , avec une cave de liqueur ou
d'eau-de-vie. Les préfents qu'on fait au Mafouq & au Manbouq ,
font ordinairement une cave d'eau-de-vie , & des étoffes de la
valeur de quatre à cinq pièces à chacun. Outre cela , le Roi
& fes Officiers lèvent des coutumes affez confîdérables , entr'au-
tres, un droit domanial, pour la perception duquel le Prince éta-
blit, à la porte du comptoir, un Officier qui tient note des elclaves
achetés. L'effentiel de ce commerce confîfte à faire valoir les
marchandifes de la cargaifon , à fe défaire de celles qui font
plus nombreufes ou de moindre valeur, & à mettre un prix
modéré fur les premiers Nègres qu'on acheté , parce que ce prix
fert ordinairement de règle pour toute la traite. Dès qu'elle eff
finie, les navires fe rendent aux liles Françaifes de l'Amérique,
pour y vendre les Nègres qui font ordinairement échangés contre les
marchandifes
NAN 505'
marchandifes OU denrées du pays. La poudre d'or , l'ivoire , les
gommes , & autres objets précieux, également achetés en Gumée,
Ibnt apportés en Europe. Le prix des efclaves , à l'Amérique,
varie félon le befoin , la rareté , & l'abondance. Les Nègres qui
font dans toute la vigueur de l'âge & de la force , y font vendus
depuis cent piftoles jufqu'à quinze cents livres. Ce commerce
n'eft pourtant pas auffi lucratif qu'il le paroît , parce qu'il eu rare
qu'il ne meure quelques Nègres pendant la route de Guinéeà
l'Amérique. Les efclaves depuis feize à trente ans , bien faits , &
mâles , font les plus chers & plus recherchés que les autres.
Le commerce aux colonies Françaifes de l'Amérique , efl: le plus
aftif & le plus avantageux commerce que faflent nos Négociants.
Tout le monde le connoît ; & tous ceux qui peuvent s'y livrer le
font avec le plus grand fuccès.
Le premier établiiTement du Commerce aux Indes Orientales ,
eut pour auteur, en 1(342, le Capitaine Ricaut, qui forma une
Compagnie, & obtint, pour dix ans, une concefîion exclufive
de commercer feul avec fes AfTociés. Ce privilège lui fut con-
firmé au mois de Septembre de l'année fuivante -, mais , comme
la France avoit alors befoin des Hollandais , la Compagnie , pour
ne pas les indifpofer , ne poulTa pas bien loin fes entreprifes : elle
alla néanmoins jufqu'à Surate & fur toute la côte de cette partie
de l'Inde. Les troubles de la minorité affoiblirent coniidérablement
la Société , qui cependant obtint une nouvelle concefîion à
l'expiration de la première : mais , peu de temps après, fur les
rapports de Pronis, premier Gouverneur de Madagalcar , & infi-
dèle ferviteur de fes anciens maîtres , le Maréchal de la Meille-
raye s'empara, par furprife , de cette ifle , malgré les droits &
les oppofitions des premiers pofTelTeurs : il en demeura en pof-
fefTion jufqu'à fa mort ; & , après lui , M. le Duc de Mazarin ,
fon fils , & fes AfTociés , cédèrent enfin leurs prétentions & leurs
droits à la fameufe Compagnie des Indes , établie en 1 664. Rien
de plus beau que le projet de cet établifTement , & les règle-
ments fur lefquels il fut fondé : on peut les voir dans le Diftion-
naire du Commerce. Le Roi avança la plus grande partie des
fonds, qui ne montèrent qu'à fept à huit millions, quoiqu'il eût
été décidé qu'ils feroient portés jufqu'à quinze. On avoit conçu
de grandes efpérances j mais le mauvais choix du premier entre-
pôt Hxé à Madagafcar , ifle mal faine è<: habitée par un peuple
cruel & indomptable i la mort des plus hribiles Directeurs, les
fautes des autres & leurs divifions , enfin , les guerres que la
Tome IIL Q 2
^o6 _ N A N
France eut à foutenîr , réduifirent la Compagnie dans le plus trifle
état j de forte que, malgré fes fuccès, maigre les privilèges les
plus favorables , malgré les bienfaits du Roi , fes affaires allèrent
de mal en pis, & elle fut enfin forcée de céder fes droits à
différents particuliers. Il fe forma , dans la fuite , plufieurs Com-
pagnies des Indes , mais qui n'étoient que l'ombre de la première.
Tous ces établiflements furent réunis au commencement du
règne de Louis XV , & la Compagnie fembla reprendre fon an-
cienne fplendeur : elle prêta même au Roi de grandes fommes
pour acquitter les dettes de l'Etat j & , peut-être auroit-elle réuffi ,
Il M. le Duc d'Orléans , Régent du Royaume , ne l'eût réunie à
la Banque royale. Le mauvais fuccès &c la ruine de cette der-
nière entraînèrent la ruine de la Compagnie j & , depuis ce
temps , le mal n'a fait qu'augmenter jufqu'au moment de fa dif-
folution. Aujourd'hui, le commerce fe fait librement par tous
les Armateurs quelconques ; mais , comme les voyages font de
deux à trois ans , très-difpendieux , & les profits petits , les Né-
gociants penfent qu'il ne peut fubfiiler fur le pied où il eft actuel-
lement j & qu'il tombera enfin tout-à-fait.
Defcriptlon topographique de la ville de Nantes.
Nantes eft la féconde ville en rang , la plus belle & la plus
riche de la province. Elle a toujours été célèbre dans l'hiftoire ,
tant par fon antiquité que par le commerce , la richefi^e de fes
habitants , & les grandes chofes qui s'y font paffées. Il s'en faut
pourtant bien qu'elle ait toujours eu le même éclat qu'elle a de
nos jours. Sous les Ducs fouverains de cette province, elle ne
préfentoit à la vue qu'un amas confus de maifons entafîées les
unes fur les autres, des rues étroites, obfcures & mal pavées,
& des cloaques fans nombre qui infeftoient l'air. Elle eft fituée
fur le penchant d'une coUine , en terroir également fertile &
varié de prairies immenfes , de coteaux chargés de vignobles , & de
forêts abondantes en gibier ; fur la rive droite de la Loire , qui
reçoit la rivière d'Erdre à la féparation de la ville d'avec le
fauxbourg de la Fofle , & celle de Sevré .un peu au defîbus
de Pirmil.
Sept grandes routes arrivent dans cette ville. On y remarque
douze à quinze ponts très-beaux , de mille toifes de longueur ;
onze places publiques , trois halles , quatre pompes , environ cent
rues principales , près de cinq cents réverbères , diftribués , depuis
N A N 507
deux ans , dans les différents quartiers pour les éclairer pendant
la nuit ; un chantier pour la conftruftion des navires marchands
&: des frégates , un aflez beau port & de magnifiques quais.
On trouve à Nantes fix à lépt promenades pubhques , non
compris les avenues de la ville qui ne font pas les moins
agréables. La plus belle de toutes efl: le Cours des Etats , ou
la Motte Samt-Fierre : elle aboutit , du côté du Midi , à la rivière
de Loire; & du côté du Nord, à celle d'Erdre. Elle efl dé-
corée d'un bofquet de tilleuls plantés en quinconce , & de
quatre rangs d'ormeaux , avec des fieges de diftance en diflance.
Son point de vue elt admirable : on y découvre fur la Loire
& fur la prairie de Mauves , aufTi loin que la vue peut s'étendre ;
& , au Midi , on a la perfpeftive du coteau de Saint-Séball:ien ,
décoré de plufîeurs maifons de plaifance & d'une campagne
riche & fertile. Au Nord , on voit le port de Barbin , qui com-
munique à la promenade par le moyen d'une levée de terres
rapportées, qui a coûté de grandes fommes d'argent au Bureau
de ville. Cette levée , qui ne fubfille que depuis trois ans , ref-
ferre l'Erdre dans un lit plus étroit , & a remplacé les marais ,
d'une odeur défagréable & mal faine , qui bordoient les deux
côtés de cette rivière. C'efl aujourd'hui une promenade très-fré-
quentée , que l'on peut comparer aux fameux boulevards de
raris. D'un côté , eft un petit bois de haute futaie ; & de l'autre,
au bas du Cours , font des jardins & quelques marais prefque
defTéchés , où l'on a defTein de planter un mail. Lorfque l'ou-
vrage fera fini , ce fera , fans contredit , une des plus belles
promenades de France. Ce qui augmente encore la beauté de
ce heu, font les magnifiques édifices qui font à droite & à
gauche , & qui paroilfent plutôt des palais que des maifons
occupées par des particuliers.
L'enceinte de la ville eft petite , les rues étroites & aiîèz mal
percées. On les élargit de jour en jour autant que l'on peutf
mais il n'efl pas fi facile de remédier parfaitement au dernier
défaut, malgré que l'on s'en apperçoive bien. Ce qui rend en-
core le terrein plus précieux dans le centre de la ville , &
les changements plus difticiles , c'elt le grand nombre de Mai-
fons Rchgieufes qui s'y trouvent. Outre l'intérieur de cette ville,,
on y compte quatre fauxbourgs qui font, le Marchix, au Nord^
Samt-Clétaent-Kichebourg , au Levant; les ponts ^. au Midi; & la
FofTe, au iJouchant. Ils font beaucoup plus étendus &: aulîi peu-
«plésque la ville. On remarque auMarcmx la place de Viarme , aùi
3o8 ^ N A N^
fe tiennent les foires de beftiauxj à Saint-Clément, le Collège
& l'Egli/e des Prêtres de l'Oratoire , une des plus belles de
Nantes , & ornée de tableaux d'après le PoulTin.
L'Ille-Feydeau ell le quartier le plus régulièrement bâti de toute
la ville : il offre à la vue un rang de maifons d'une archite6lure
hardie & majellueufe, qui forment quatre façades j au Couchant,
eft un petit bofquet dont les arbres font taillés en orangers j &
à l'Orient , efl: la Chapelle de Bon-Secours , qui vient d'être re-
conftruite , avec des décorations intérieures , dignes , autant que
les ouvrages des hommes peuvent l'être , de la Majellé de l'Etre-
Suprême qu'on y adore , & de la fainteté éminente de la Reine
du Ciel à qui elle eft dédiée. Cette mère bienfaifante de Jefus-
Chrifl y eft dans une finguliere vénération : les marins fur-tout
ne manquent jamais , au retour de leurs voyages , d'aller la
remercier des fecours vifibles qu'elle leur accorde dans les périls
& les tempêtes de la mer.
Le Palais de la Cham.bre des Comptes eft digne de la cu-
riofîté des étrangers j c'eft un bâtiment fort {impie , avec des
colonnes d'ordre ionique , & une couverture à l'Italienne. L'Hôtel-
de-ville mérite auffi l'attention des connoilTeurs.
La Foffe eft fans contredit l'endroit le plus agréable , le plus
riche , & le plus aftif de Nantes j il formeroit lui feul une ville
confidérable : il commence à la place de la Bourfe , qui eft
ornée de deux rangs d^ormeaux. Depuis cette place jufqu'à Ché-
zine, dans une longueur de cinq cents toifes , règne, à une dif-
tance à peu près égale des quais & des maifons , un autre rang
d'ormeaux : mais ce qui ajoute à l'agrément de ce quartier ,
c'eft l'admirable vue de la Loire , couverte de navires & de
bateaux j le riant afpeft d'une vafte campagne , qui fe préfente
comme en amphithéâtre à l'oppoftte & derrière les illes formées
par la rivière , au deflus & au deffous des ponts , au bout def-
quels on découvre co'mme en perfpe6live le quartier de Pirmil,
qui femble une nouvelle ville. Ce point de vue a fait com-
parer la FofTe de Nantes à la fameufe perfpeftive de Conf-
tantinople , dont la pofîtion pafte pour la plus avantageufe de
rCJnivers. Selon le plan projette , on doit continuer les quais
depuis le Port-Maillard jufqu'à la prairie de Mauves , à l'orient ;
& depuis le Couvent des petits Capucins , jufques vis-à-vis l'E-
glife de Chantenai , oii l'on fe propofe de planter un mail :
ce qui formera une promenade de plus d'une lieue , & pour
ainfi dire en ligne droite. Les maifons , qu'on voit le long de
, NAN ^ .309
tes quais, répondent à l'opulence de ceux qui les habitent (a) :
elles font toutes bâties en pierres de grifon , marnai , Saint-Sa-
vinien , creflanes , & tuf, avec des ferrades & balcons. A l'ex-
trémité de la FolTe eil le parc Launai j promenade délicieufe ,
^refque devenue publique par l'honnêteté du propriétaire M. de
la Chapelle-Coquerie , qui permet à tout le monde d'aller s'y
récréer.
Malgré l'étendue , je ne dis pas de la ville {b) qui eft beau-
coup trop petite , mais des fauxbourgs , il s'en faut bien que
les édifices foient trop multipliés à Nantes. Les maifons nouvelles
qu'on bâtit tous les jours font à peine à moitié faites que le
raiz-de-chauilée ell déjà occupé. On a vu, dans ces dernières
années , au moins cinquante familles étrangères , Américaines ou
commerçantes , qui vouloient fe fixer à Nantes , obligées , faute
de logement , de porter ailleurs leurs richelTes & leur indullrie.
Il feroit donc nécelTaire de former de nouveaux étabHfTements ,
& l'avantage public comme le particulier exigent que les pro-
jets conçus par des citoyens zélés & univerfellement applaudis ,
foient exécutés le plus promptement pofTible. Malgré tout ce que
nous avons dit des édifices ae la FolTe , nous fommes forcés de
convenir qu'ils font plus beaux que commodes. Des maifons
louées cinq, fix, & jufqu'à huit mille livres, (à divers locataires,
car le Négociant le plus riche n'occupe pas feul une maifon,)
n'ont point de portes cocheres j on n'y entre que par des allées
que la petitelTe des cours rend très-obfcures ; enfin , comme on
ne fuivoit d'abord aucun plan , ou plutôt comme on ménageoit
excelîivement le terrein , on n'a laifle aucune ilTue charretière dans
toute la longueur de la FolTe , pour la communication avec les
derrières qui font par -là devenus inutiles. On ne peut y pé-
nétrer que par des ruelles étroites , vilaines , & même dangereufes,'
C'efi: pourtant le véritable lieu où devroit être placée la ville
commerçante , pour l'intérêt & la commodité des Négociants ,
dont la plupart font obligés d'affermer des magafins , & même
de fe choifir des logements dans des quartiers éloignés du centre
du commerce.
( <i ) Un étranger , mauvais plaifant ,
jettant les yeux fur les édifices delà FofTe,
idemanda à ceux qui Taccompagnoient fi
les Lingeres de Nantes étoient Princefles.
Il étoit choqué de la grande quantité de
linge qu'on voit , en tout temps , attaché
^ux fenêtres.
( ^ ) Ce peu d'étendue de la ville ne
nuit point à la beauté de Tenfemble , parce
que ces murs font pour la plupart démolis ,
au point qu'il n'en refte pas même de
veftiges , & que la cité fe confond avec
les fauxbourgs ; de forte qu'on ne diiliiigua
ces derniers que par le norn^
jio , NAN
Jufqu îcî ces terreins , fi précieux par leur fîtuatîon , paroiflbîen^
perdus fans reffource ; mais M. Graflin, déjà connu par des entre-
prifcs d'utilité générale & des vues très-fages , vient de former le
projet de lever toutes les difficultés qui s oppofent à i'accroiffement
de la ville de ce côté-là. Il a réuni un grand nombre de pro-
priétés différentes, qui fe commandoient les unes & les autres, & ne
permettoient pas d'ouvrir les communications néceffaires. Il fe
trouve aujourd'hui propriétaire d'un terrein qui contient neuf jour-
naux de Bretagne, dans un feul tenant, & qui n'ell éloigné du
port de la Folle, & même de la Bourfe , que de quarante à
cinquante toifes , à travers duquel il confent que la Ville ouvre
des rues fpacicufes dans tous les fens , & qu elle y forme des places
publiques. Un projet auffi vafte & auffi bien conçu, ne peut que
lui acquérir la reconnoiifance de fes concitoyens.
Les vœux publics fe réuniffent pour demander la reconftruc-
tion de l'hôtel de la Bourfe. Cet éd&e , démoli il y a neuf à
dix ans , a été remplacé par une baraque de bois très-ridicule ^
& qui contrafle bien avec l'opulence des Négociants. On defi-
reroit aufli qu'on fît une nouvelle falle de fpeftacle , mieux:
difpofée que celle qui fubfîfle aftuellement. Je prévc ïs bien que
comme la Comédie ne plaît pas à tout le monde , plufieurs per-
fonnes me fçauront mauvais gré de m'intéreffer à cet objet. Sans
faire ici une longue énumération des maux réels, & des avan--
tages peut-être douteux des fpe^èacles dans l'état aftuel des-
chofes , je me bornerai à dire , pour ma juftification , qu'il ne
dépend pas de moi qu'il y ait ou qu'il n'y ait point de théâtres ^
& que , puifqu'il en faut abfolument , on doit au moins defirer-
qu'ils ne réuniffent pds a la fois , comme celui de Nantes , le&
maux phvfiques & moraux.
Il faut ménager la famé du citoyen jufques dans fes erreurs..
Notre falle de fpeftacle ell une efpece de cave humide , ou plutÔÊ:
une efpece depnfon, où, pour fon argent, on va fe faire preffec-
& refpirer un air étouffé Si mal f ain. Souvent même , au lieu de
s'aniulér, on fouffre , pendant toute la pièce , le mal-aife le plus
fenfible. Cette falle, d'ailleurs, n'a qu'une iffue très-étroite; & il
efl certain que , fi le feu prenoit pendant le fpeftacle , il feroit
très-difficile que la moitié feulement des affiflants pût fe fauver^
On pourroit s'étonner que , dans une ville telle que Nantes , on.
fe contentât de fc plaindre Ci long-temps d'un défagrément que
tous ceux qui fréquentent les théâtres paroiffent fi bien feiitir, fi
loa ne f^avoit qu'il n'efl pas facile de ùrouver un lieu commode y
NAN^NAU ; ^n
Se que d'ailleurs des objets plus intéreffants captivent, depuis bien
des années, l'attention de nos vigilants Magiftrats.
Nous devons , fur-tout , rendre juftice au zèle de M. le Maire (a) :
c'efl: par fes foins que , depuis plufîeurs années , la ville a pris une
nouvelle face & s'eft accrue d'un quart. Les rues font foigneufe-
ment pavées & nettoyées ; & les réverbères, établis depuis peu, ont
rendu les voleurs plus timides & les méchants plus circonfpefts.
Les cloaques qui , quoiqu'en petit nombre, ne laiflbient pas d'être
nuifîbles , ont été comblés , & le terrein qu'ils occupoient fert au-
jourd'hui de promenade , ou eft occupé par de beaux édifices.
Encore vingt ans de paix & d'un commerce aftif, Nantes éga-
lera, fi elle ne furpaife par la magnificence & l'étendue, les
plus belles villes de l'Europe.
Les pompes confiées à des Officiers aftifs , intelligents , &
diftribuées dans les différents quartiers , doivent raffurer les habi-
tants contre les ravages & les progrès des incendies. Il ne refte
plus à defirer , pour la fureté des habitants , qu'une garde exafte
pendant la nuit , pour contenir dans le devoir une foule d'étran-
gers fans aveu qui y commettent mille défordres ; des vagabonds,
des voleurs -, efpece incommode dont Nantes fourmille , parce
qu'ils n'y font pas beaucoup inquiétés : un guet , bien formé 6c
bien dirigé, ne manqùeroit pas de les éloigner.
D'après les obfervations &: les évaluations le plus exaâlement
faites, la confommation annuelle ell, à Nantes, au moins de
dix-huit mille tonneaux , ou de cent quatre-vingt mille feptiers
de grain j ce qui fait environ cinquante tonneaux ou cinq cents
feptiers par jour. On peut juger par-là de la confommation des
autres denrées.
NAUSTANG $ fur la route de Lande van au Port-Louis ; à
7 lieues & demie à l'Ouefl-Nord-Oueft de Vannes , fon Evêché j
à 25 lieues trois quarts de Rennes j & à 2 lieues de Hennebon,
fa Subdélégation & fon reiTort. On y compte 900 communiants :
la Cure eft à l'alternative. Cette Paroiffe a une haute- Jullice ;
& il s'y tient, par an, quatre foires conndérables de beltiaux. Son
territoire eft rempli de vallons , arrofés de ruiffeaux , & renferme
des terres très-exa6lement & très-foigneufement cultivées : on y fait
( <j ) M. Gellée de Prémion , citoyen
aum refpeftable par fes profondes connoif-
fances & fes lumières , que par la beauté
de fon arae & le déûntéreflement le pWï
vifible.
jii NAU=NÉA
du cidre , & les habitants vivent dans une honnête aîfance qu'ils
ne doivent qu'à leurs travaux.
NÉANT j fur la route de Ploermel à Dinan ; à 1 5 lieues trois
quarts au Sud-Oueft de Saint-Malo , fon Evêché ; à i o lieues
un quart de Rennes 5 & à 2 lieues un tiers de Ploermel , fa Sub-
délégation & fon relTort. On y compte 1 500 communiants : la
Cure ell: à l'alternative. Ce territoire eft un pays affez générale-
ment plat & couvert, qui fe termine à l'Ell à la forêt de Paim-
pont , & à rOuefl: à la rivière d'Inel : on y voit des terres en
labeur , des arbres à fruits , des prairies , & des landes. Il fe
Jtient un marché , le vendredi de chaque femaine , dans la cour du
château du Bois de la Roche , qui eft la maifon feigneuriale de
la ParoilTe. Cette maifon ell très-ancienne , & nommée du lieu
de fa fituation qui eft fur le haut d'une allez haute montagne,
voifine d'un bois coupé par la rivière d'Inel , qui paiTe par l'é-
tang au Duc , entre Ploermel Se le bourg de Taupon. Le châ-
teau du Bois de la Roche échut , en 1340 , à Renaud de Mon-
tauban I du nom , fils d'Olivier de Montauban , qui , par fon
mariage avec Amice du Breil , fille unique Se héritière de Guilr
laume du Bois de la Roche , devint Seigneur de cette Terre.
Il eut un fils , nommé Renaud de Montauban , qui fut un des plus
grands guerriers de fon temps. Philippe de Montauban , Seigneur
du Bois de la Roche , fut très-fçavant dans la Jurifprudence , &
très-habile dans les armes. Le Duc François II le fit Gouver-
neur de Rennes & ChanceUer de Bretagne en 1487. Ce Sei-
gneur & le Comte de Comminges dirigèrent les démarches de
la Reine Anne , après la mort de fon père , & empêchèrent le
mariage de cette Princefie avec le Sire d'Albret. Lorfqu'il fut
quefiion de faire la paix en Bretagne , & de faire confentir la
Ducheffe à époufer le Roi Charles VIII , Philippe de Montaubaa.
fut le feul qui put la réfoudre à conclure cette alliance , pour la-
quelle elle avoit peine à confentir. Après ce mariage fi defiré ^
le Roi Charles VIII employa Philippe dans les charges les plus,
importantes; &, lorfqu'il fupprima la place de Chancelier dei
Bretagne , il lui donna le titre de Gouverneur & de Garde de la
Chancellerie de la province. En 1 5 1 3 , le Roi Louis XII érigea
en Vicomte la Terre & Seigneurie du Bois de la Roche , & celle
de Saint-Brice , que Philippe avoit acheté de M. de Scepeaux ,
en Baronnie. Ce fut environ le même temps que ce Seigneur
fit fermer de murs le parc du château du Bois de la Roche.
Philippe
N É A 315
Philippe de Montauban tomba malade, & fit fon teflament à
Rennes , le 27 Juin 1 514 : il mourut le I^^ Juillet fuivant. Son
corps fut porté à Ploermel , & mhumé dans la Chapelle de No-
tre-Dame i Chapelle qu'il avoit fondée lui-même dans l'Eglife des
Pères Carmes de la même ville : on y voit Ton tombeau avec
l epitaphe fuivante :
Cy-gifi haut & puijfant Seigneur Philippe de Montauban ^
Baron de Grenonville , de Ba:^oges ^ & de Sens ; Vicomte du
Bois de la Roche , Chancelier de Bretagne , fondateur de cette
Chapelle ; qui décéda^ à Rennes ^ le z^''. jour de Juillet 1Ô14,
Prie^ Dieu qu'il lui fajje pardon,
Anne du Chatelier , fon époufe , lui furvécut quelque temps ,
& fut inhumée , après fa mort , à côté de fon époux.
La Seigneurie du Bois de la Roche pafFa dans la maifon de
Volvire , qui eft une des plus anciennes du Royaume , puifqu'elle
exiftoit fous le règne de Robert, trente-feptieme Roi de France,
qui commença à régner en 996. Ce fait eft prouvé par un aé^e
confervé dans les archives de cette maifon , lequel , dit Quingelien,
Vicomte de Volvire , vivoit du temps de ce Monarque. René
de Volvire, Baron du Rufec , époufa Catherine de Montauban,
fille de Philippe de Montauban , qui lui porta fes biens. Phi-
lippe de Volvire fut Chevalier des Ordres du Roi , Gentilhomme
ordinaire de fa Chambre, &, en 1 567 , Capitaine de cent lances
de {qs ordonnances. Le Roi Charles IX le retint en cette qualité
en fon Confeil , par brevet donné à Saint-Germain en Lave , le
4 Juillet 1570. Quelque -temps auparavant, le Roi lui avoit fait
don de fix mille livres ; & dans l'expédition des lettres données
à ce fujet, le 17 Novembre 1567, le Monarque le qualifie de
fon coufin. Le 1 2 Décembre 1570, il fut envoyé en ambaflade
vers les Princes d'Allemagne , en place du Comte de Retz
qui étoit tombé malade. Cette ambaiîade étoit pour traiter du
mariage de François de France, Duc d'Alençon, frère du Roi,
avec la féconde fille d'Augufte , Duc de Bavière , pour aflurer
le Landgrave de HefTe & le Duc de Wittemberg de l'amitié
de ce Prince , & entretenir l'inteUigence qui étoit entr'eux & la
Couronne de France. Le mariage projette ne réuflit pas , mais
ce voyage ne laifTa pas de faire honneur à PhiUppe de Vol-
vire , qui , à fon retour , eut la Lieutenançe générale de Bretagne,
Tome IIL R 2"
V4 NÉ A
vacante par la mort du Seigneur de Bouille : il n'occupa pas
cette place , parce qu'il fut prefque aufli-tôt décoré de la Lieu-
tenance générale & du Gouvernement du pays d'Angoumois,
L'an 1582, le Roi Henri III, voulant s'attacher les Grands du
Royaume, inflitua l'Ordre du Saint - Efprit , compofé de cent
Chevaliers. Philippe de Volvire fut fait Commandeur de cet
Ordre , le dernier jour de Décembre de la même année : ce ne
fut pas la dernière faveur qu'il reçut du Roi , qui , le 23 Juillet
1583, lui donna la Lieutenance générale de Saintonge & le
Gouvernement de la Rochelle & pays d'Aunis , en l'abfence du
Roi de Navarre , qui étoit Gouverneur de Guyenne. Ce Seigneur
étoit âgé de cinquante-trois ans , & allure du premier bâton de
Maréchal de France vacant , lorfque la mort vint le furprendre
au commencement de l'année 1585 : il étoit en fi grande véné-
ration dans fon Gouvernement d'Angoumois , que les habitants
du pays députèrent à Paris pour demander fon corps à Madame
Anne d'Aillon , fon époufe , & l'inhumèrent dans la Cathédrale
de Saint-Pierre , avec tous les honneurs dus à fon mérite &
convenables au zèle de ceux qui faifoient les funérailles.
Anne d'Aillon, époufe de Philippe, fit fon telîament le 2^
Juin 161 8, & demanda à être enterrée aux Carmes de Ploermel,
dans la Chapelle & enfeu des Seigneurs du Bois de la Roche :
elle ordonna auffi de mettre fon cœur dans le même vafe de
plomb où étoit celui de fon mari, qu'elle avoit toujours foi-
gneufement confervé , & de le porter dans l'Eghfe Collégiale
de Saint-André du Rufec , à laquelle elle légua dix livres tour-
nois de rente , pour une MefTe baffe par femaine. Ses entrailles
furent dépofées dans la Chapelle de Saint-Brice , & fon corps
fut porté , quelque temps après , aux Carmes de Ploermel , pour
y être inhumé. Le convoi fut affiflé de fes enfants, de tous les
Gentilshommes voifîns , & d'un grand concours de peuple. Guil-
laume le Gouverneur , Evêque de Saint-Malo , fit la cérémonie
des funérailles , & prononça l'Oraifon funèbre. Le Comte du
Bois de la Roche & le Baron de Saint-Brice , fes enfants,
av oient fait faire des ornements de velours noir , comme cha-
fubles , dalmatiques, chapes, parements d'autel, drap mortuaire,
qu'ils iaifferent aux Rehgieux Carmes. Le corps fut dépofé dan»
le caveau , auprès de celui de PhiHppe de Montauban cc autre*
Seigneurs de cette maifon. Avant de mourir , cette Dame avoit
eu la douleur de voir fon château du Bois de la Roche af-
iàégé Se pris, en 1592 , par les Seigneurs de Camors , qui
NÉA= NEV 315
mirent le feu au bois qui le joint , & en brûlèrent une grande
partie.
Henri de Volvire , fécond fils de Philippe & d'Anne d'Aillon >
fut tenu fur les Fonts Baptilmaux par le Roi Henri III & Mar-
guerite , DuchelTe de Savoie : il fe diftingua dans les guerres
où il fervit. Son Maître , le R.oi Henri IV , voulant reconnoître
les fervices que lui & fes ancêtres avaient rendus à l'Etat ,
érigea la Vicomte du Bois de la Proche en Comté , comme on
le voit par les lettres de ce Monarque , du mois de Février
1607 , publiées & enrégiftrées au Parlement les 22 & 23 Juin
1 609. Ce Seigneur avoit été Préfident de la NoblefTe , aux Etats
afTemblés à Ploermel , l'an 1606, Le 16 Avril 161 6, le Roi
Louis XIII le créa Capitaine de cinquante hommes d'armes de
fes ordonnances , pour récompenfe de fes fervices , & lui donna
le titre de Confeiller en fon Confeil d'Etat. Henri de Volvire
mourut en fon château du Bois de la Roche, le 8 06lobre 1645 ,
& , huit jours après , fon corps fut porté procefîionnellement aux
Carmes de Ploermel : la Jultice & la Noblefîe aifiilerent à fes
funérailles en corps & en habit de deuil.
Son fils , nommé Charles , mourut aufîi au château du Bois de
la Roche, le 26 Février 1692 : le lendemain fon corps fut porté
aux Carmes de Ploermel , pour y être enterré dans l'enfeu de
fes ancêtres. Son convoi funèbre fut mené par les Refteurs des
Paroifles de Néant, GuilUers, Loyat, & Tréhoranteuc. Il lailTa
de fon mariage plufieurs enfants : Jofeph , l'ainé de tous , fut
Colonel du Régiment de Bretagne, Infanterie, en 1688, &:
Gouverneur de la ville de Ploermel. La Terre & Seigneurie
du Bois de la Roche appartient préfentement à M. de Saint-Pern
Ligouyer.
En 1420, la maifon duBoiffic appartenoit à Raoul de Bois-Jacu ;
la Touche, à Guillaume l'Ecuyer; la Saudraye, à Jean le Pré-
vofi: ; la Roche , à Olivier de la Regneraye ; le Frêne-Daniel ,
à Olivier Jolivet j le Bochet , à Michel des Prés.
NEVEZ ; fur une hauteur ; à 6 lieues deux tiers au Sud-EIl
de Quimper, fon Evêché j à 35 lieues de Rennes j & à 2 heues
un quart de Concarneau , fa Subdélégation & fon reflbrt. Cette
ParoifTe relevé du Roi, & compte 1500 communiants: la Cure
ell préfentée par un Chanoine de l'Eglife Cathédrale de Quimper.
Ce territoire eft plein de monticules , fertile , & très-exa6tement
cultivé. Il efl borné au Sud par la mer , qui l'arrofe par le moyen
}ié NEV=NIV
de plufieurs canaux. Hervé , Chevalier , Seigneur de Nevez ,
vivoit en 1260. Jacques de Nevez, Chevalier, fut Capitaine
de cinquante hommes d'armes , & Gentilhomme ordinaire de la
Chambre du Roi. Claude , fon fils , époufa en 1595 Elifabeth
d'Acigné , de laquelle il eut un fils , nommé Claude , qui fut
marié à Françoife d'Avaugour. De ce mariage fortirent René ,
Colonel du Régiment des VaifTeaux , qui mourut en 1 660 ; &:
Malo , qui fe maria & eut plufieurs enfants.
NEUILLAC 5 fur la route de Pontivi à Corlai & Guingamp j
à 1 8 lieues un quart à l'Eft-Nord-Ell de Quimper , fon Evêché ;
à 2 1 lieues de Rennes ; & à i lieue & demie de Pontivi , fa
Subdélégation. Cette ParoifTe reffortit à Ploermel , & compte
4500 communiants, y compris ceux de Ker-grift &de Mouftoir,
fes trêves : la Cure elt à l'alternative. Ce territoire eft un pays
plat & couvert , où l'on voit des vallons coupés de petits ruif-
îeaux qui vont fe dégorger dans la rivière de Blavet , des
terres bien cultivées , des prairies , des landes affez étendues , &:
des arbres à fruits.
NïVILLAC ; dans un fond , à peu de diilance de la rivière
de Vilaine; à 14 lieues deux tiers au Nord-Ouell de Nantes,
fon Evêché & fon reflbrt ; à 1 6 lieues trois quarts de Rennes 5
& à deux tiers de lieue de la Rochebernard , fa Subdélégation.
On y compte 2000 communiants: la Cure, qui ell un Doyenné,
ell à l'Ordinaire. ( Voyez la Rochebernard. ) Des vallons très-
étendus , des terres bien cultivées, des prairies, & des landes dont la
plupart ne méritent pas les foins du cultivateur : voilà ce qu'on re-
marque dans ce territoire. Nivillac relevé de la Baronnie de la
Rochebernard , à caufe du château de Lourmois, maifon Seigneu-
riale du lieu , qui relevé , en arriere-fief , de cette Baronnie. La
Terre de Lourmois appartenoit , en 1 5 00 , à Louis d'Aaron , Sieur
de Lourmois.
Auprès de l'étang du Rodouer, font les ruines du château
de la Grée , qui , dit-on , étoit jadis occupé par des faux mon-
noyeurs ; on croit qu'il fut démoli en 1526: on y remarque
plufieurs fouterreins , qui annoncent que ce château étoit autrefois
une maifon de conféquence.
Sur la montagne du Rofo , près le village de Trevigneu ,
eft un fouterrein taillé dans le roc, à peu de diftance de la
rivière de Vilaine -, mais on ne peut fçavoir à quel ufage il
NI V=N OR }i7
étoit deftiné. Le Ros & le Bois-Gervais font des maifons nobles.
NIZON ; fur une hauteur ; à 8 lieues un quart au Sud-Sud-
Ell: de Quimper , fon Evêché ; à 33 lieues 3z demie de Rennes j
& à 4 lieues de Concarneau , fa Subdélégadon & fon reffort.
Cette Paroifle , dont la Cure eil à l'alternative , relevé du Roi ,
& compte 1700 communiants, y compris ceux de Pont-d'Aven,
fa trêve.
En 1250, le château de Ruftefant appartenoit à Blanche de
Caftille, époufe de Louis VIIÎ, Roi de France ; &, en 1420 ,
au Sieur de Guemené : on en voit encore les ruines. Dans le
même temps , Ker-meno & Ker-malhe-Hauffre , à N.... -, le Plef-
fis-Nizon , à Yves du PlefTis - Nizon -, la Seigneurie du Henan ,
haute, moyenne & balTe - Juftice , à M. le Marquis de Pont-
Callec. Des vallons , des monticules , des terres fertiles & abon-
dantes en grains , de bons pâturages , & quelques landes : voilà
ce que ce territoire offre à la vue.
NORT ; gros bourg , fur la rivière d'Erdre ; à 5 lieues deux
tiers au Nord-Nord-ES de Nantes , fon Evêché & fon reffort ;
à 17 lieues de Rennes; & à 6 lieues un quart de Derval , fa
Subdélégation. On y compte 3200 communiants. M. de Goyon,
Maréchal des camps & armées du Roi , eu Seigneur haut-Juf-
ticier de cette Paroiffe. Il s'y tient un marché tous les vendredis ,
& la Cure eff préfentée par le Chapitre de Nantes.
Les ponts de Nort , fur la rivière d'Erdre , furent commencés
à bâtir en pierres de taille en 1753 , & ne furent finis qu'en
1775 : ils ont coûté plus de cent cinquante mille livres à la
province. Cette Paroiffe eff divifée en trois parties , qui font :
Nort , Saint-Georges , & le Port-Mulon. Ce dernier eft comme
le magafin d'une grande partie du bois & du charbon qui fe
confument à Nantes : on y amené auffi de ce port , par eau,
le fer des forges de Moifdon & de Riaillé , & une grande
quantité de charbon de terre , tiré de la mine de Langfeen ,
fituée dans cette Paroiffe. C'eft dans cette mine qu'il y a une
pompe à feu très-curieufe ; elle fert à pomper l'eau des puits, qui
ont plus de trois cents pieds de profondeur. Cette mine fut
ouverte en vertu des lettres -patentes du 15 Juillet 1746, por-
tant permifîion à Simon Jarie d'avoir des ouvriers & de les
occuper à tirer du charbon de terre dans la mine de Languen.
Tous les vendredis de l'année, plus de deux cents Marchands
5i8 NOR '
de beurre, de volailles, & autres denrées des environs de
Chateaubriand , de la Guerche , de Vitré , de Rennes , &c.
viennent s'embarquer au port de Nort , pour fe rendre à Nantes
au marché qui s'y tient le famedi. Le territoire de Nort ell fort
étendu ; on eflime qu'il a fept lieues de périmètre : il renferme
plusieurs fiefs qui relèvent du Roi, de M. le Prince de Condé,
& de plufieurs autres Seigneurs ; on y voit des terres en labeur ,
des prairies, des landes immenfes qui font fituées au Nord du
côté de Saffré, & quelques bois peu étendus. On trouve par-tout,
dans le bourg de Nort, des tombeaux ou chafles de pierres ardoi-
fînes, dont on ne voit des pareilles qu'à trois lieues, vers Nozai,
ce qui fait croire que ce ne font pas des tombeaux du menu
peuple , parce qu'il a fallu faire de grandes dépenfes pour les
faire venir à Nort. Il n'y a aucunes mfcriptions fur les pierres ,
& les oflements qu'elles renferment font entièrement confumés,
à l'exception de quelques efquilles ou de quelques dents. On
peut conclure de là que l'endroit étoit plus confidérable autrefois
qu'il n'eft aujourd'hui , & qu'il eft un des plus anciennement
habités de la contrée. Il y en a peu qui foient plus avantageux
fement fnués , pour devenir ville avec le temps.
Le Prieuré de Hénord, aujourd'hui Nord^ fut fondé, en 1075 ,
par les Seigneurs du lieu , ceux de CafTum , ( c'eft CafTon , ) &
le Refteur , qui y attachèrent des droits qu'ils avoient dans l'Eghfe
de Saint- Chrillophe de Nort, à l'exception des dîmes qu'ils fe
réferverent. Quiriac, Evêque de Nantes, approuva leur donation,
&C appella ce Prieuré du nom de Saint-Georges.
La maifon de Quiheix appartient aux Moines de l'Abbaye de
Meilleraye : on y voit une Chapelle très-ancienne.
L'an 1480, Michel Guibé, Evêque de Dol, obtint TEglife
paroifliale de Nort par les Minoribus.
Le château de Lufliniere appartenoit , en 1 460 , à Pierre de
Cornuliier, Chevalier. Pierre, fon fils, fut Capitaine , en 1487,
des Arquebufiers à cheval de François , Comte de Laval , Sei-
gneur de Chateaubriand. Pierre de CornuUier & Claude de Cor-
nuliier furent fuccefîivement Tréforiers des Finances de Bretagne.
On commença à démolir les fortifications du château de Lufîi-
niere en 1 589 ; mais quelques foldats , auxquels la défenfe de la
place avoit été confiée, empêchèrent qu'elle ne fût entièrement
détruite. Pierre de Cornuliier , Abbé de Saint-Méen & de Blanche-
Couronne , fut transféré de l'Evêché de Tréguier à celui de
Rennes, au mois de Mars 1619. Jean de CornuUier, Chevalier,
NO R = NO Y 5,9
Seigneur de l-uffiniere , fut Grand-Maître des Eaux Se Forêts de
Bretagne. Claude de Cornullier , Préfidcnt -au Parlement , cpoufa
Renée Haye de Nétumiere. Touffaint de Cornullier fut Préfiderjt
au même Parlement j & Pierre de Cornullier fut Maître de l'Ora^
toire de Monfieur , frère unique du Roi. Cette Seigneurie appar-
tient encore à la même famille. Le château de Montreuil a aufîi
(es fiefs particuliers, & appartient à M. de Saint - Mars - Boux,
En 1563, les Calvinill:es av oient un Pafceur à Nort , mais fans
titre.
NOUVOïTOU ; fur un coteau , à peu de diftance de la rivière
de Seiche ; à 2 lieues trois quarts au Sud-Eft de Rennes , fon
Evêcbé, fa Subdélégation, & fon reffort. On y compte 2000
communiants ; la Cure eft préfentée par TArchidiacre du Dé-
fert. Ce t^^rritoire , couvert d'arbres à fruits , renferme des terres
bien cultivées, des prairies, & des landes. C'ell un pays riant,
avantageufement fitué , & dans un très-bon air.
NOYAL ; fur la route de Rennes à Lamballe ; à 4 lieues deux
tiers de Saint -Brieuc, fon Evêchéj à 15 lieues deux tiers de
Rennes j te à deux tiers de lieue de Lamballe, fa Subdéléga-
tion. Cette ParoilTe reifortit à Jugon , & compte 550 commu-
niants. M. le Duc de Penthievre en eft le Seigneur : la Cure
eft à l'Ordinaire. Cario-Beaubois , moyenne-Jullice , à M. Defnos
des Foliés ; Noyai, -tjalîe-Juitice, à M. Chatton des Morandais ;
Plouaifon, baffe- Juilice, à M. du Mené de Lezurec. Ce terri-
toire eft peu étendu , mars très-exaftement cultivé , & fertile en
toutes fortes de grains.
NOYAL -MUSSILLAC; à 5 lieues un quart au Sud-Efi de
Vannes , fon Evêché j à 1 7 lieues deux tiers de Rennes -, & à
3 lieues de la Rochebernard , fa Subdélégation. Cette Paroiffe,
dont M. de Rochefort eu. Seigneur, compte 2200 communiants,
y compris ceux de Guerne , fa trêve : la Cure eft à l'Ordinaire..
La haute-Juftice de Clofné reffortit au Préfidial de Vannes, Sc
la moyenne-Juflice de Tremodec à Rochefort. Des terres en la-
beur , des prairies , des landes j voilà ce que ce territoire offre
à la vue.
La Seigneurie de Coatquibihen dépendoit jadis de la Vicomte
de Rohan j mais, par tranfa6tion panée en 1428, Alain, Vicomte
de Rohan, donna à Raoul de Montfort cette Seigneurie, quj,
jio NO Y
s'étendoit alors dans les Paroifles de Queftember &c de Sulniac.
De la maifon de Montfort elle paffa dans celle de Carné. Chrif-
tophe de Carné fut fait Chevalier du Porc-Epic , par Charles , Duc
d'Orléans , qui inftitua cet Ordre. En 1 440 , Roland de Carné
i du nom , tut Echanfon du Duc de Bretagne , Maître-d'hôtel
de François , fon fils aîné ; & Triftan de Carné fut Maître-d'hôtel
de la Reine. Marc de Carné, Vice- Amiral & Grand-Maître
des Eaux &: Forêts de Bretagne , époufa , en 1 5 06 , Gillette de
Rohan. Jean de Carné , Chevalier de l'Ordre du Roi , Gentil-
homme de fa Chambre , & Gouverneur de Guingamp , époufa
Françoife de Kernefme. Le 2 Mars 1 5 1 3 , la Reine Anne de Bre-
tagne écrivit de Bourges à Triftan de Carné , pour lui dire
qu'elle defiroit avoir fon fils à fon fervice , & qu'elle en prendroit
tout le foin pofïible. Par lettres données à Blois le 23 Novembre,
cette PrincefTe accorda des provisions de Capitaine de cinq cents
hommes d'Infanterie, qu'elle avoit fait lever pour la défenfe du
pays de Bretagne , à Triftan de Carné , alors Gouverneur de
Guérande. Le 18 Février 1568, le Roi Charles IX écrivit de
Paris à Jérôme de Carné, Lieutenant des ville & château de
Brefl: , pour le prévenir qu'il l'avoit fait Chevalier de fon Ordre ,
dont il lui envoyoit le Collier, pour lui témoigner de plus en
plus combien il étoit content de les fervices. François de Carné
fut Gouverneur du Dauphin , fils du Roi Henri IL
La Terre & Seigneurie de Coatquibihen appartient préfente-
ment à M. de Rochefort, qui pofTede aufîi celle de Ker-alio.
NOYALO; fur la route de Vannes à Sarzeau; à i Heue deux
tiers au Sud-Eft de Vannes , fon Evêché , fa Subdélégation , &
fon reffort ; & à 20 lieues un quart de Rennes. On y compte
250 communiants : la Cure eft préfentée par le Chapitre de la
Cathédrale de Vannes. Ce territoire efi: un pays plat & joint au
Morbihan : il efi: arrofé de plufieurs petits bras de mer , & pro-
duit du grain en abondance. On y voit quelques petites landes
du côté du village de Crapen, & quelques marais falauts peu
confidérables.
NOYAL-PONTIVI ; à 10 lieues dz demie au Nord de Varnes,
fon Evêché j à 1 8 lieues trois quarts de Rennes ; & à i lieue
& demie de Pontivi , fa Subdélégation. Cette ParoifTe reffortit à
Ploermel , & compte 8000 communiants , y compris ceux de
Gueltas , Ker-fourne , Saint-Geran , & Saint- T huriau , ks trêves.
M.
NO Y ^zr
M. le Duc de Rohan en eft le Seigneur : la Cure efl à l'alter-
native. Ce territoire eft d une grande étendue , & plein de val-
lons dans lefquels coulent des ruifleaux qui vont fe décharger
dans les rivières de Blavet & d'Ouft. Le terroir eft fernle en
grains , lin , & fruits : il eft en partie occupé par plufieurs bois ,
dont le plus confidérable eft la forêt de Branguily , & des landes
très-étendues. Il fe tient trois foires par an à Noyal-Pontivi , fça-
voir , celles de Noyai , de la Houffaye , & de la Brolade : elles
font très-anciennes, & d'autant plus confidérables qu'elles font
franches & exemptes de tous droits d'entrée. La plus célèbre eft
celle de Noyai , qui fe tient au commencement de Juillet. On
y obfervoit jadis des coutumes ftnguheres ; nous ignorons fî on
les pratique encore aujourd'hui. Tout Marchand qui auroit ofé
vendre , avant que le Receveur de la Vicomte de Rohan , ou
autre Commis du Vicomte , eût porté le gant /^ve'pour cette foire,
auroit perdu toutes fes marchandifes , qui étoient confifquées an
profit du Seigneur. On trouvoit à cette foire plus de trois mille
chevaux : mais on ne pouvoir en vendre un feul qu'après le gant
levé. Toutes ces cérémonies fe faifoient au lieu accoutumé , nommé
Bellechere, Les Marchands faifoient enfuite pafter en revue , de-
vant le Vicomte ou fon Commis , tous les chevaux à vendre ,
& il en prenoit le nombre qu'il vouloir , au prix fixé par fon
Ecuyer ou fon Maître-d'hôtel. Si quelqu'un vendoit avant ces
formalités, l'animal vendu étoit confifqué fur le champ au profit
du Vicomte , qui en difpofoit félon fon bon plaifir. Pour le bien
général de tous ceux qui étoient à la foire , le Seigneur de Rohan
y tenoit fes plaids généraux , & l'on y jugeoit toutes les caufes
pendantes dans les Cours ou Sièges du refTort de Pontivi, de
Corlai , de Loudéac , & de Baud. Les Avocats de ces différents
endroits avoient foin de s'y rendre , pour y plaider devant les Ju-
ges du Vicomte. Un autre avantage plus confidérable , c'eft que les
différents ou procès qui s'élevoient entre les Marchands , étoient
Jugés fur le champ , de préférence à tout autre , depuis le com-
mencement jufqu'a la fin de la foire , qui duroit plus de quinze
jours. Pour la fureté des Marchands & de leurs effets , le Vicomte
avoir ie droit de faire affembler tous les habitants de la ParoifTe ^
qui, pendant la nuit, accompagnoient le Receveur de ce Sei-
gneur , ou autre par lui commis , pour faire le guet dans les rues
& dans les endroits où étoient les marchandifes j & fi quelqu'un
des habitants eût refufé d'obéir ,. il auroit été puni , taxé , & exé-
cuté par les Officiers de. la Seigneurie» Les Seigneurs de Rohaa
TQm& lîL S X
'^12. ' N O Y
ont eu , de tout temps , le droit & poffefTion d'avoir , donner
& tenir, par toute la Vicomte , des mefures pour les Cabaretiers ,
les Marchands de bled & de draps \ & aucun de ceux-ci n'au-
roit oik. vendre une aune d'étoffe , fans avoir pris des Officiers ou
Commis de ces Seigneurs , un étalon ou verge de mefure , qui
leur coûtoit quatre deniers par an.
En 1440, Bellechiere ou Bellechere , & Ker-melin, au
Seigneur de Rohan j Calhuerne , au Sieur de Maleftroit j Ker-inque-
lon y à Jean de Kerinquelleau : ce manoir fe nomme aujourd'hui
Ker-niquelo , & appartient à M. de la Touche - Porman 5 il a
haute , moyenne & baiTe-Juilice. Ker-bourhis , à Jean de Larlan \
cette terre a bafle-JuiHce , & appartient à M. de Menifoille : les
Fontainenez , à Jean le Bodic j Ker-mabo , à Guillaume de la
Flaye \ Ker-boutier , au Sieur de Lantivi ; Ker-ner , à Henri le
Parifî j Tremais, au Sieur de Tremais; Ker-hourhet, à Guillaume
de Coëtmeur ; Ker-lagadeuc , à N... Leftrelan : la plupart de ces
manoirs font aujourd'hui en ruines , & n'ont que le nom de mé-
tairies. La maifon de Coëttuhan , balTe-Juftice , appartient à M.
le Préiident de Langlej & le Stangui, à N....
NOYAL-SOUS-BAZOUGES ; à 7 Heues au Nord de Rennes,
fon Evêché ; & à 2 lieues & demie d'Antrain, fa Subdélégation,
Cette ParoifTe refîbrtit à Bazouges, & compte 1050 commu-
niants : la Cure eft préfentée par le Prieur de Saint-Denis de
Rennes. Ce territoire , plein de rochers & couvert , renferme des
terres bien cultivées , des prairies , & des landes j on y fait du
cidre. Beauvais-Moulienne , haute , moyenne & baffe- Juilice , à
Mademoifelle de Beauvais ; le Cartier , haute , moyenne & baffe-
Juffice , à M. de la Prévalaye.
NOYAL-SUR-BRUZ ; dans un fond; à 01 Heues au Sud-Eff
de Rennes , fon Evêché &: fon reffort ; & à i lieue & demie de
Chateaubriand , fa Subdélégation. On y compte 450 commu-
niants : la Cure eft à l'Ordinaire. La Vicomte de Fercé, le Bois-
Péan , la Bernardiere , la Minière , & le Bois-Bréhant , haute-
Juftice , à M. du Bois-Péan , Seigneur de la Paroiffe ; la Be-
rhaudiere , moyenne & baffe-Juftice , à Mademoifelle Lambert de
Lorgeril ; le Pleffis-Ramé , baffe- Juffice , à M. Jouneaux du Pleffis.
Le territoire , couvert d'arbres & buiffons , fe termine au Nord
aux forêts Neuve & d'Araize : il renferme des terres bien cul-
tivées , quelques prairies , & des landes.
NOY jîj
NOYAL-SUR-SEÏCHE 5 fur une hauteur ; à 2 lieues un quart
au Sud-Sud-Eft de Rennes , fon Eveché , fa Subdélégation , &
fon refîbrt. La Paroiffe relevé du Roi, & compte 1500 com-
muniants : la Cure eft à l'Ordinaire. Le territoire, couvert d'ar-
bres & buifîons , renferme des terres fertiles en grains , fom , lin ,
&c chanvre : on y voit des arbres fruitiers & des landes. Il y
avoit jadis des manufaftures de toile , où l'on en fabriquoit pour
plus de trois cents cinquante mille livres par an. Cétoit de greffes
toiles crues , qui fervoient à faire des voiles de navire : ce com-
merce eft entièrement tombé , parce que le Roi a établi des ma-
nufa6lures de ces toiles dans les différents ports de fon Royaume.
En 1420, la maifon noble des Carreaux appartenoit au Sieur de
Bloffac ; celle de la Méanciere, à Renaud Boterelj & celle du
Pleiîls, à N...
NOYAL-SUR-VILAINE ; à 2 lieues un quart à FEff de Rennes ,
fon Eveché , fa Subdélégation , & fon reffort. On y compte
1500 communiants : la Cure ell préfentée par l'Abbé de Saint-
Melaine. Il s'y exerce cinq hautes- Juffices & trois moyennes. Le
territoire , couvert d'arbres & buiffons, & arrofé des eaux de la ri-
vière de Vilame & de plufieurs petits ruiffeaux , eft très- exaftement
cultivé , & produit du grain , du foin , & d'excellent cidre.
Les décimes de Croyal, en cette Paroiffe, furent données,
en 1 1 00 , à FAbbaye de Saint-Melaine de Rennes , par Simon de
Viffeiche & Aufrai , fon frère. L'an 1 1 80 , Simon de Viffei-
che , fon iils, donna à l'Abbaye de Saint-Melaine les décimes
qu'il poffédoit dans Noyai. En 1294, Guillaume de la Roche- .
Tanguy, Evêque de Rennes, unit i'Eglife de Noyai à l'Abbaye
de Saint-Melaine.
En 1390 & 1420, Launaye & Hidouzet, à Guillaume de
Clin ; le Patiz , à Olivier du Cellier j Beauchefne , à Jean du
Cellier; la Terraye, à Pierre de Clinj la Chefnaye, à Guillaume
le Coq; Gofne , à Pierre Yvette; Buner, à Jean Benazé; le
Gué, à Georges du Gué, qui poffédoit auffi les manoirs de Li-
niere & de la Rouerie; les Tenieres, à Guillaume de Chaufne;
ViUiers , au Sieur Dcigrées ; Beaujardin , à Jean le Maire ; les
Touches & le Bois-Orcant, à Placide Dupé; la Breterie & le
Pleflis-d'Ohvet , à Guillaume de Sevigné ; Tatous , à Olivier
de Saint-Etienne; la Motte de Noy^l, au Sieur de Tizc ; Pocé,
à Bertrand de Montboucher; la Touche, à Jean de Mencerel ;
la Touche ^ à Roland de la Gralotaye ; le Rigoler , à Thomas
514 NO Y =NOZ
Bouder; Se la Rivière, à Robine Texué. Il y a dans cette Pa-
roiffe une manufafture de toiles crues , nommées toiles de Noyai:
elle étoit confidérable avant que les Hollandais & les Anglais en
eufîent chez eux, & avant celles établies par Sa Majefté dans
les principaux ports de mer. On les employoit à faire des voiles
de navire.
NOZ AY ; petite ville dans un fond , fur la route de Nantes
à Rennes ; à 8 lieues au Nord de Nantes , fon Evêché & le
refTort de fa hauteJuftice ; à 1 3 lieues & demie de Rennes ; &
à 2 lieues trois quarts de Derval , fa Subdélégation. M. le Prince
de Condé eft le Seigneur de cette ParoifTe, où l'on compte 1 500
communiants. Il fe tient un marché confidérable de grains tous
les lundis dans le bourg , où l'on trouve auffi une Brigade de
MaréchaufTée , & une Pofte aux chevaux. La Cure eft à l'Or-
dinaire. Le Prieuré de Saint -Florent fe préfente par l'Abbé de
Saint-Florent le Vieil : celui de BeauHeu , par l'Abbé de Saint-
Gildas des Bois j ce dernier eil un fief ennobli dans le quator-
zième fiecle.
Bernard , Evêque de Nantes , donna à Matthieu , Abbé de
Saint-Florent , l'EgHfe de Nozay , tant pour acquitter la promeffe
qu'il lui avoir précédemment faite, que pour l'ame de fon père,
mort Moine dans ce Monaftere , vers l'an 1 1 1 8. Le Prieuré de
Saint-Saturnin de Nozay dépend de l'Abbaye de Saint-Florent de
Saumur , Ordre de Saint-lienoît : en 1624, ce Prieuré étoit en-
core occupé par un Moine -, mais il a été féculanfé depuis , &
efl: maintenant deffervi par un Refteur & un Vicaire.
En 1200, la Seigneurie de Nozay appartenoit à N... de Rieux,
&, en 1500, à Jean de Rieux, Maréchal de Bretagne : elle
palTa enfuite dans la maifon de Montmorenci ; & , de celle-ci,
dans celle de Condé. La Ville-au-chef , maifon feigneuriale de
Nozay, étoit autrefois un fort château , avec titre de Châtellenie:
il eft aujourd'hui en ruines , & dépend , comme autrefois , de la Ba-
ronnie de Derval. En 1 420 , la Ville-Fougeré , à Jeanne Huet, Dame
de la Ville-Fougeré ; Beaumont, à Pierre deMenouel, Sergent féodé
du Sieur de Rieux ; Rogabonnet , à Jean Grimant ; Lorriere , à
Jean de Lorriere i la métairie de la HoufTaye, à Robin Bazin,
qui devoit fergenterie au Seigneur de Rieux j le Coudrai , à
Dom Jean Gicquel ; le domaine de la Touche , à Jean Sorin ,
Sieur du Trouer : le château de la Touche a long-temps appar-
tenu aux Seigneurs de Montmorenci j M. le Duc de Montmorenci
NOZ=:ORG jiy
Y mourut en 1745» La maifon pafla alors à M. de Kercado,
Lieutenant général des Armées du Roi. Après la mort de ce
dernier, la Terre de la Touche fiit acquife par M. de Cor-
nuUier , qui en jouit aujourd'hui : la maifon ell décorée d'un
parc planté en bois dune afTez grande étendue.
L'an 1595 , l'Eglife de Nozay fut polluée parles Calvinifles,
& réconcihée en vertu d'un Induit de Rome , parce que l'Evêque
de Nantes n'étoit pas alors fur les lieux. Le territoire , arrofé de
plufîeurs ruiiTeaux & étangs , & couvert d'arbres & buiffons ,
renferme des terres affez bien cultivées & fertiles , des prairies ,
& des landes dont le fol excellent mérite les foins du cultiva-
teur. On apperçoit en différents endroits beaucoup de pierres
d'ardoife j mais , jufqu ici , on ne s'eft pas occupé de faire l'ou-
verture des mines. Les bois du Défert & le parc de la Ville-au-
chef appartiennent à M. le Prince de Condé.
o
RGERES ; fur une hauteur ; à 3 lieues un quart au Sud
de Rennes , fon Evêché , fa Subdélégation , & fon reffort. Il s'y
exerce une haute- Juftice. On y compte 1500 communiants : la
Cure eft préfentce par l'Evêque. Ce territoire efl plat & cou*
vert d'arbres & buiifons : on y voit des terres bien cultivées,
peu de prairies, & des landes en afTez grande quantité. La
mine du Pont-Péan efl dans le voifînage. La Terre & Seigneu-
rie d'Orgeres fut érigée en Baronnie en 1641 , en faveur de Ga-
briel de Bourgneuf , Seigneur de Cucé , Préfident au Parlement
de Bretagne, commis par lettres-patentes pour procéder à la
réformation ou rédaftion de la Coutume de Bretagne. La maifon
de Bourgneuf a donné de grands Hommes à l'Etat. Avant la créa-
tion du Parlement , Julien de Bourgneuf étoit Chef delà Juflice dans
la province, &, depuis l'établilTeinent de la Cour, les Seigneurs
de cette famille y ont eu les premières charges. Ils comptent fept
Premiers Préfidents de leur nom, tant au Parlement de Paris
qu'à celui de Bretagne ; fept Préfidents à Mortier , cinq Maîtres
des Requêtes Intendants de Juflice dans les provinces & les ar-
mées, & plufieurs alliances avec les principales maifons du
Royaume. Charles de Bourgneuf, Evêque de Nantes en 1598,
mourut en 1617 : il paffa pour un des grands Prélats qu'eut
alors la France, Il réfigna fon Evêché à Henri de Bourgneuf, fon
neveu , qui s'en démit entre les mains du Roi , au mois de Jan-
vier 1621 , pour pafTer fur le Siège épifcopal de Saint -Malo,
jzg O R G=0 SS
Cette famille s'éteignit en la perfonne de Henri de Bourgneuf , Pre-
mier Préfident du Parlement de Bretagne , Magiftrat plus illuftre
encore par Tes grandes qualités , qui le font révérer comme un
Saint & regretter comme le père de fa patrie , que par fa
naiffance dilHnguée. Député par fa Compagnie auprès du Roi,
il mourut à Pans le 27 Août 1660. La Daronme d'Orgeres,
haute , moyenne &c balTe-JulHce , appartient aujourd'hui à M, de
la Rochedurand.
ORVAULT ; fur une hauteur ; à i lieue trois quarts au Nord-
Nord-Oueft de Nantes, fon Evêché , fa Subdélégation, & fon
reflbrt j à 20 lieues un tiers de Rennes. On y compte 1 100 com-
muniants : la Cure eft préfentée par le Chapitre de la Cathé-
drale. Par a6le pafTé à Orvault le 1 2 des calendes de Mars
850, Cadalun donna à l'Abbaye de Saint-Sauveur de Redon, un
fief qu'il avoit à Coueron , avec les métairies qu'il y tenoit &
les efclaves qui les cultivoient.
Hervé Dupé , Chevalier , Seigneur d'Orvault , vivoit en 146^0.
Charles, fon petit-fils, fut Gentilhomme ordinaire delà Chambre
du Roi, & Gouverneur de Guérande. Le Pleflis, haute , moyenne
& bafîe-Juftice , appartient à M. Dupé d'Orvault. Des terres en
labeur très-fertiles , des vallons arrofés de ruilTeaux qui fertilifent
les prairies qui font fur leurs bords , & des landes très-étendues,
dont le fol mérite les foins du cultivateur -, voilà ce que ce
territoire offre à la vue. Les habitants font paflablement aifés.
Se feroient riches s'ils défrichoient leurs landes -, d'autant mieux
qu'ils font aux portes de Nantes , où les denrées font à un prix
excelTif : ils cueillent beaucoup de châtaignes , dites marrons,
dont ils tirent un gros revenu. Ce territoire eft recommandable
pour les pierres de grifon , les plus belles pour le grain , & les
plus groffes , peut-être , qui foient en Bretagne : c'eft dans ces
carrières qu'on a pris les pierres pour la conftru£lion de l'Eglife
Cathédrale de Nantes.
OSSÉ ', dans un fond ; à 3 lieues & demie à ITll-Sud-Efl: de
Rennes , fon Evêché , fa Subdélégation , & fon reflbrt. On y
compte iioo communiants : la Cure eft à l'Ordinaire. Son terri-
toire , arrofé des eaux de la rivière de Seiche , renferme des
terres fertiles ik des prairies. En \ 400 , le manoir du Pleflis-d'OfTé
appartenoit au Sieur du Pan ; & le manoir des Grés , à Jean de
Montbeilie. En 1570, le château du Pleliis-Rafîlé étoit à Raoul-
O s S= OUD 317
Îe-Roi , Seigneur du lieu. 11 fut afliégé , en 1589, par les troupes
du Roi Henri IV , qui s'en emparèrent , & y firent un butin
confidérable.
OUDON ; gros bourg , dans un fond , au bord de la rive
droite de la Loire , fur la route de Nantes à Angers j à 5 lieues
deux tiers à l'Efl-Nord-Eft de Nantes , fon Evêché & fon reiïbrt j
à 20 lieues de Rennes ; & à i lieue trois quarts d'Ancenis ,
fa Subdélégation. On y remarque une Maîtrife des Eaux & Fo-
rêts , qui appartient à M. le Prince de Condé , Seigneur de l'en-
droit 5 deux Poftes , Tune aux lettres , l'autre aux chevaux. On
y compte 1600 habitants : la Cure eft préfentée par l'Abbé de
Saint-Aubin d'Angers ; le Prieuré de Saint-Aubin efl préfenté par
le même Abbé ; & la Chapellenie de Saint-Jean , par M. le
Prince. Oudon , Châtelienie , haute , moyenne & bafîe-Juilice ,
à M. le Prince de Condé ; Omblepieds , haute , moyenne &
baffe- Juflice , à M. Fleuriot. Des terres fertiles en grain , de
belles prairies , des vignes , & quelques landes peu étendues :
voilà ce que ce territoire offre à la vue. On y trouve du charbon
de terre en affez grande abondance , mais on n'exploite point
les mines qui le renferment.
Albert le Grand & quelques autres , difent que TEglife d'Ou-
don fut bâtie à la fin du quatrième fiecle , du temps d'Ari-
fius , fixieme Evêque de Nantes , & que ce Prélat contribua gé-
néreufement à la fondation de cette Eglife. Je crois que ces
écrivains fe font trompés , & que , fi Arifius fit quelque fonda-
tion , ce ne fut pas celle de cette Paroiffe , mais plutôt de quel-
que Monaftere. La magnifique tour ou fortertfiè d'Oudon fut
bâtie, vers Tan 850, par le Comte Lambert, qui vouloit gêner
la navigation fur la Loire. Les fortifications qui environnent
cette tour ont été bâties, félon toutes les apparences, dans le
quatorzième fiecle. Ce qui concourt à prouver ce fentiment eff
une lettre de Jean de Malefiroit , Seigneur d'Oudon , confervée
dans les archives du château de Nantes. Ce Gentilhomme y fait
mention de la permiflion qu'il vient d'obtenir , de bâtir des for-
tifications à Oudon , & du ferment de fidélité qu'il a fait au
Duc : la date de fa lettre efi: du 22 Mai 1392.
La Terre & Seigneurie d'Oudon eut jadis des Seigneurs de
fon nom. N.... d'Oudon , unique héritière de cette famille ,
porta fes biens dans la maifon de Châteaugiron , par fon mariage
avec Alain, qui vivoit en 13 10.
jiS O U D
Le Prieuré de Saînt-Martin , qui fert aujourd'hui d'Eglife pa-
roifliale , fut fondé en 1 1 3 o. Brice , Evêque de Nantes , donna
aux Moines qui étoient à Oudon , un terrein , pour y conftruire
une Eglife & un cimetière , avec des maifons pour les loger ,
mais à condition qu'ils n'auroient aucun commerce avec les par-
ticuliers , qu'ils ne leur parleroient que par nécefîité , en un mot ,
qu'ils vivroient dans la plus exafte retraite. Par afte pafle le
27 Septembre 1 1 3 8 , le Seigneur d'Oudon donna l'Eglife pa-
roiffiale du lieu , du confentement de Brice , Evêque de Nantes ,
à l'Abbaye de Saint-Aubin d'Angers. L'an 11 40, Geoffroi d'Ou-
don , ayant été blefle dans un combat , voulut fe faire porter an
Couvent de Saint -Martin d'Oudon , pour y prendre l'habit
Monaftique. Ses amis , à qui ce projet ne plaifoit pas , lui firent de
{i fortes repréfentations qu'ils l'empêchcrent de l'exécuter : il fe con-
tenta feulement de donner au Monallere un terrein pour y conllruire
un mouUn , une braie pour pêcher du poifîon , & un terrein planté
en vignes. Le Prieuré de Saint-Aubm a été fondé dans ce temps.
L'an 1235, la tour d'Oudon, alors gardée par les Anglais,
fut prife par l'armée du Roi de France Louis IX. Les troupes
Françaifes firent des ravages affreux dans les environs. La Terre
& Seigneurie d'Oudon , qui avoit été portée , comme on vient
de le dire , par l'héritière de cette maifon , dans celle de Châ»
teaugiron , appartenoit, en 1380, à Jean de Maltllroit , Che-
valier , Seigneur de Chàteaugiron & d'Oudon. Ce Seigneur
donna à fes frères Thébaud & Alain de Maleilroit , la Châtel-
lenie & le château de la Vieille-Cour , dont les ruines fe voient
encore fur les bords de la petite rivière du Havre. En 1 400 ,
la Binbouere & le manoir du Pleffis appartenoient au Seigneur
d'Oudon j le Val ^ à Nicolas de l'Ecorce , Sieur du Val. Le 10
Juillet 1420, le Duc Jean V donna à Jean de Maleflroit, Sei-
gneur d'Oudon , le fief de la Tour , qui s'étend dans cette
ParoifTe & dans celle de Coufïe.
L'an 1526, la fortereffe d'Oudon étoit habitée par Jean &
Julien de Maleflroit , qui forçoient leurs vafTaux à prendre la
fauffe monnoie qu'ils fabriquoient. Le Roi François I voulant les
punir , les fit afîiéger dans leur place par Nicolas , dit Gui XV î
du nom , Comte de Laval , Amiral & Gouverneur de Bretagne»
Ils furent pris & conduits dans les prifons du BoufFay y à Nantes ,
où l'on inflruifît leur procès. Ils furent convaincus & condamnés
à mort par Guillaume l'HuiHer , commis fiar le Roi pour faire le
procès, à tous les faux monnoy eurs qui fe trouvoient en Bretagne-
Les
O U D = P A C 319
Les Terre , Seigneurie , & Châtellenie d'Oudon furent confis-
quées au profit de Sa Majeflé , & vendues à Raoul du Juch, Sei-
gneur de Maulac &: de Pratauroux , pour la fomme de vingt-quatre
mille livres.
p
ACÉ ; à I lieue trois quarts au Nord-Ouefl de Rennes , fon
Evêché & fa Subdélégation. Cette Paroifle relevé en partie du
Roi , & il s'y exerce cinq hautes-Juftices , une moyenne , & une
bafie , qui toutes reflbrtiflent au Préfidial de Rennes : on y
compte 2200 habitants; la Cure eft préfentée par l'Abbé de
Saint-Melaine de Rennes. Ce territoire renferme d'excellents pâ-
turages , & le beurre qu'on y fait pafie pour le meilleur de la
province après celui de la Prévalais : le cidre ell: auffi de la
meilleure qualité. Le Pont-de-Pacé eft un village fur la rivière
de Flamis ou d'Olivet , dans lequel il y a une Polie aux
chevaux.
L'an 1 2 ï 6 , Guillaume de Paimpont , Abbé de Saint - Jacques
de Montfort, tranfigea avec l'Abbé de Saint-Melaine de Rennes,
pour les droits de la Chapelle ou Prieuré de la Bretonniere , en
la Paroifle de Pacé. Au mois de Juillet 1304 , Robert Raguenel ,
Chevalier , Seigneur de Châtel-Ogé , donna les dîmes qu'il pof-
fédoit en cette Paroifl^e aux Chapelains qui deflerviroient , par
fucceflion , la Chapellenie de Notre-Dame du Pilier , qu'il ve-
noit de fonder dans l'Eglife Cathédrale de Rennes. En 1390,
la Rouxignoliere , à Bertrand de Montboucher ; le Plefîis de
Champagne , à Amauri de la Motte ; la Touche , à Raoul de
la Touche ; le Bouais , à Bertrand du Bouais -, la Mandardiere ,
à Guillaume Mandard ; la Riotelaye , à Jean le Bard ; la Bre-
tonniere , à Guillaume Guerif ; le Breil , à Pierre Joufler ; la
Ville-Benoifte , à Pierre le Sénéchal j Champalaune , à Bertrand
de Saint-Pern.
Le 20 Novembre 1597, les garnifons qui étoient, pour le Duc
de Mercœur , à Hedé & à Québriac , formèrent un détache-
ment qui ravagea plufieurs Paroifles qui étoient foumifes au Roi
Henri IV. Celle de Pacé fut une des plus maltraitées : les bar-
bares foldats tuèrent une grande partie des habitants , emmenè-
rent les plus riches auxquels ils firent payer une forte rançon,
violèrent les femmes & les filles, brûlèrent la majeure partie
des maifons , & réduifirent cette Paroifle dans le plus déplo-
rable état.
Tome Ilh T 2
350 PAI
PAIMB(EUF; petite ville, fur la rive gauche de la Loire; k
8 lieues & demie à l'Oueft de Nantes , fon Evêché & fon reflbrt ;
& à 21 lieues & demie de Rennes. On y compte 5000 com-
muniants : il s'y tient un marché les mardis & vendredis. On
y remarque une Subdélégation , une Brigade de MaréchaulTée ,
une Pofle aux lettres , un CommifTaire aux Clafles , un Hôpital ,
deux Interprètes des langues étrangères , un Bureau des Fermes ,
& fix Vifiteurs pour les chargements &c déchargements des na-
vires. La Seigneurie appartient à M. le Marquis de Bruc , qui
a haute , moyenne & bafle-Iuftice.
Il eft probable , & tous les hiftoriens penfent que le château
de Penochen, dont j'ai parlé dans l'Abrégé de l'Hifloire de
Bretagne , étoit fitué dans l'endroit où eu. aujourd'hui Paimbœuf,
Penochen font deux mots celtiques , pen &: ocken , qiii iignifient
tête de boeuf. Derrière la ville , efl: une métairie nommée le Boïs^
Gautier , où l'on voit des veftiges d'un ancien château , d'un co-
lombier , d'une chauffée de pierre , &c. La tradition vulgaire
veut que ce foit une maifon de plaifance d'Hoël , Comte de
Nantes : c'eft fans doute le château de Penochen. Il y a cent
ans qu'on ne voyoit à Paimbœuf que deux métairies , & la Cha-
pelle de Notre-Dame, Prieuré fondé en 1052 par Glevian ,
Prince de Bécon , qui le donna à l'Abbaye de Saint-Sauveur
de Redon : c'elt le plus ancien monument du lieu. Paimbœuf
n'a été érigé en Paroiffe que depuis un fiecle , fon EgHfe efl:
dédiée à Saint Louis. Cette ville efl aujourd'hui fort remarquable
par la quantité des navires marchands qui s'y arrêtent. Le com-
merce maritime de Nantes augmentant , & les grands navires
ne pouvant monter chargés juifqu'au port de cette ville , il a
fallu un endroit pour les armer & défarmer : la fituation avanta-
geufe de Paimbœuf l'a fait choifîr pour cet effet , de forte que
c'efl proprement le port de Nantes ; on y voit des vaiffeaux de
toutes les nations alliées & commerçantes , & quelquefois même
des frégates. Il efl: à croire que cette ville, déjà floriffante , s'aug-
mentera infenfiblement , & deviendra confidérable. Elle s'efl pro-
digieufement accrue depuis quarante ans , & , fans les deux der-
nières guerres , elle feroit bien plus fîoriffante qu'elle ne l'efl.
Prefque toutes les maifons font occupées par des Négociants ,
des Capitaines de navires , des Boutiquiers , & des Aubergiftes.
On compte, dans le feul département de Paimbœuf, environ
fix cents matelots. Les Pilotes peuvent aller àufîi loin qu'ils veu-
lent dans la mer au devant des navires j ils font payés fuivant
la longueur du chemin : ils doivent conduire les bâtiments qui
fortent jufqu'à l'endroit nommé Les Charpentiers ^ & donner en-
fuite la route pour éviter les autres écueils. On fçait que les Pilotes
font des mariniers établis pour conduire les vaifîéaux à l'entrée &
à la fortie des ports , havres, & rivières. Les navires ne mon-
tent ordinairement que jufqu'à Paimbœuf , où ils font en fureté.
On fe fert de barges & gabarres , ( efpece de bateaux fort or-
dinaires dans la rivière de Nantes, du port depuis cinquante juf-
qu'à cent vingt tonneaux,) pour charger ou décharger les mar-
chandifes qui font portées à Nantes , ou qui en font exportées.
On a reconnu qu'il fe débourfe à Paimbœuf, par chaque an-
née , environ un million , pour les radoubs & armements qui
s'y font.
Déclaration du Roi du mois de Février 171^, portant éta-
bliiTement d'un Hôpital à Paimbœuf; établiffement que la grande
quantité de marins qui s'y trouvent rend très-utile. En 1748,
cette maifon obtint des lettres-patentes , qui lui accordoient le
privilège exclufif de vendre les châlTes pour la fépulture des
morts. Ce fut environ ce temps-là que Paimbœuf fut érigé en
ParoifTe, à la demande des habitants, vers l'an 1750. L'Hôpital
fe trouvoit dans un état fâcheux ; il avoit peu de revenus , & étoit
beaucoup endetté. Des citoyens, amis de l'humanité, réuffirent
à lui procurer des oftrois de fix deniers par pot de vin dont il
a toujours joui depuis. Cette jnaifon eft grande & proprement
meublée : on y peut recevoir cinquante malades. La chambre
des hommes eft dans le bas , & celle des femmes dans le haut.
Il y a , à Paimbœuf , un magalm où font dépofées les poudres
du Roi.
PAIMPOL; trêve de la Paroifle de Ploneis ; à 7 lieues au
Nord-Oueft de Saint-Brieuc , fon Evêché & fon relTort j & à 27
lieues de Rennes. Cette trêve relevé du Roi ; c'eft un membre
de la Baronnie d'Avaugour : on y compte 1 800 communiants.
M. le Prince de Soubife en eft le Seigneur : la Cure fe préfente par
l'Evêque. Les Jurifdiftions font : le Comté de Goèlojhaute-Juflice,
à M. le Prince de Soubife ; l'Ifle de Brehat , haute- Juftice ,
à M. le Duc de Penthievre; l'Abbaye de Beauport , haute-
Juftice , à M. l'Abbé ; Dannot , haute , moyenne & baffe-Juftice j
Porzon , haute-Jullice, aux héritiers de M. de TrefTan : le Gonidec ,
le Cofquer , haute- Juftice ; Ker-huel , haute-Juftice , à M. de
Coëdvi : Moulauarn , haute-Juftice , à M. de Queret de la Ville-
îjt PAI
Bernau; Ploubannalec , haute - Jullice ; Kef-yti, haute - Juflice j
Peros-Hamon , haute- Juftice , à M. le Baron du Thiers : Lanvi-
gner , haute- Juftice ; Plourivo , hauîe-Juflice -, Plonnez , haute-
Juftice , à Madame la Princeffe de Guiftelles ; Ploueze , haute-
JuiHce ; Ker-raoul , haute-Juftice ; Ker-iti-Ydias , haute- Juftice ,
à M. de Kerraoul-Vittu j Lanvignec , moyenne- Juftice , à M. Mo-
raud de la Sauvagere j & Lanneven , moyenne- JulHce , à M,
Armez du Poulpry.
L'an 1325, Henri , Comte de Goëlo , Baron d'Avaugour , &
Jeanne de Harcoet , fon épou^'a , ratifièrent la cefiîon du terrein
que Jean de Kerraoul avoit donné pour faire le cimetière de
l'Eglife de Notre-Dame de Paimpol , qui fut bénite , dans le.
courant de la même année , par Jean d'Avaugour , leur fils ,
alors Evêque de Saint -Brieuc , d'où il fut transféré à Dol
l'an 1329.
L'an 1591 , les Anglais, qui trouvoient le port de Paimpol &
la pofition du bourg avantageufe , choifirent cet endroit pour en
faire leur place de fureté. Paimpol appartenoit alors au Comte
de Vertus. Le château de l'Eftang appartenoit , en 1370 , à Charles
du Halgoët, ChevaHer, Seigneur de l'Eftang.
PALMPONT ', Abbaye & Paroifte , fituée dans la forêt de
fon nom j à 15 lieues au Sud-Sud-Oueft de Saint -Malo, fon
Evêché j à 7 lieues Se demie de Rennes , fon refTort j & à trois
quarts de lieue de Plélan , fa Subdélégation. On y compte 4000
communiants , y compris ceux de Saint - Peran , fa trêve : la
Cure eft préfentée par le Chapitre de l'Abbaye , & c'eft un
Moine de cette maifon qui fait les fondions de Curé. Ce terri-
toire eft un pays montagneux & couvert, qui renferme des terres
labourées , des landes , & la forêt de Paimpont ou de Brécilien ,
qui peut contenir environ vingt-trois mille arpents de terrein,
planté en futaie & fur-tout en taïUis. A l'extrémité de cette
forêt eft une forge à fer, renommée par la bonté de la matière
qu'on y élabore. C'eft de là que l'on tiroit jadis le fer dont on
avoit befoin pour l'arcenal de Breft. On prépare & on blanchit
tous les ans , dans le village du Canet , pour plus d'un miUion
de fil & de toile. Les Jurifdiftions font : Brécilien , Maitnfe parti-
culière des Eaux , Bois , & Forêts , haute - Juftice , à MM. le
Préhdent de Cuillé & de la Chafîe - Dandigné , Seigneurs
des forges de Paimpont : la haute- Juftice de Brécihen par Cor-,
zanne , 6c des hautes & bafîes rivières , appartient aux mêmes
P AI = PAN 355
Seigneurs. Le Brieux , haute-JulHce ; Brécilîen par Guillard &
la Ville-d'Anet , haute-Juftice , à M. de Montigni : Brécilîen par
Beauvais , haute- Juftice , à M. de Farci de Saint-Laurent : Bréci-
lien par Thelouet, Trudo, Trédeal , & le Heri , haute-Juftice ,
à M. du Bouexic-Campel j Brécilîen parSaint-Penas, haute-JulHce,
aux Religieux de Paimpont -, Brécilien par Folle-penfée & le
Pertuis-Néanti , haute-Juilice , à M. du Breil de Ruis ; Beaulieu ,
haute- Juftice , & la Ville-Cerf, moy enne- Juftice , à M. de Ser-
vaude. L'Abbaye de Paimpont fut fondée, en 630, par Judicael,
Roi de Bretagne, qui la fournit à l'Abbaye de Saint-Méen de
Gaël. Il s'y tient une aflemblée confidérable aux fêtes de la
Pentecôte. L'an 1138, la forêt de Paimpont étoit peuplée de
plufteurs faux Piermites de la fe8:e d'Eudon ou Eudes de l'Etoile ,
impofteur infigne, né à Loudéac : il fe difoit fils de Dieu, &
fe faifoit adorer en cette qualité par fes difciples. Ces fanatiques en
vouloient beaucoup au Clergé , fur-tout aux Evêques : ils fe mul-
tiplièrent de telle forte , en Bretagne , que Conan le Gros fut
obligé d'envoyer des troupes contre eux. On en arrêta un grand
nombre qui furent condamnés à mort. ( Voyez Loudéac. ) On
remarque dans la forêt de Paimpont des veftiges d'un ancien
château dont on ignore le nom. Je n'ai rien trouvé dans l'hiftoire
qui ait pu donner les moindres notions fur cette place. On ne
peut même faire à cet égard aucune conjefture raifonnable.
Ce fut l'an 1273 que le Monaftere de Paimpont fut érigé
en Abbaye-Paroifle & donné aux Chanoines-Réguliers de Saint-
Auguftin, pour y faire les fondions de Pafteurs & de Curés,
fous le nom de Notre-Dame de Saim-Salomon de Paimpont, Le
Seigneur de Loudéac contribua généreufement au nouvel étabHf-
fement de ces Moines j leur accorda le droit de chafle , & la
permiflion de prendre tout leur bois de chauft'age dans la forêt.
L'étang de cette Abbaye & celui de la Forge font la principale
fource de la rivière d'Aph , qui va fe jetter dans celle d'Ouft.
La trêve de Saint-Peran, le Prieuré de Talhouet, Franquemont,.
& la maifon de la Guillarde, font dans ce terntoire.
PANCÉ ; fur un coteau ; à 5 lieues trois quarts au Sud-Sud-
Eft de Rennes , fon Evêché , fa Subdélégation , & fon reftbrt.
On y compte 1300 communiants : la Cure eft préfentée par
l'Abbé de Saint-Melaine. Son territoire eft un pays couvert d'ar-
bres & buifîbns : on y voit des terres en labeur de bonne qualité,
des prairies , & quelques landes. La rivière de Bruc ou de
354 PAN = PAR
Semnon arrofe ce territoire , qui , en 1380, renfermoit le châ-
teau du Frétai , qui appartenoit à Jean de la Marzeliere , qui
pofledoit auffi , dans la même ParoilTe , le manoir de la Bef"
iieraye.
Le 19 Novembre 1442, le Duc François I donne permilTion
à Pierre de la Marzeliere , fon Chambellan , de faire fortifier fon
château du Frétai , & de contraindre fes vafTaux à y faire le guet.
En conféquence , le Duc décharge ces valTaux de toute im.poii-
tion quelconque. L'an 1556, le Roi Henri II, par lettres données
à Fontainebleau, accorda à Pierre de la Marzeliere la permiflion
d'établir , à Pancé , une foire , pour être tenue tous les ans le 2 5
Novembre , jour de Sainte Catherine. Ce Seigneur avoir époufé
Françoife , Dame de Pontorfon & de Bonne-Fontaine. ( Voyez
Antrain. )
Le Roi Henri III , par fes lettres entérinées au Parlement de
Bretagne , le 13 O8:obre 1 578 , érigea la Terre & Seigneurie du
Frétai en Vicomte , en faveur de Renaud , Chevalier , Seigneur
de la Marzehere & du Frétai , qui avoit rendu de grands fer-
vices à ce Monarque dans les guerres qu'il avoit foutenues contre
fes fujets rebelles. Le château du Frétai fut furpris , en 1592,
par les troupes du Duc de Mercœur , & repris dans le courant
de la même année par le Baron de Molac , Capitaine au fervice
de Henri IV. Cette place étoit gardée pour le Roi, en 1595 ,
par une bonne gamifon , aux ordres du Capitaine Saint-Gilles.
PANNECÉ ; fur une hauteur ; à S lieues au Nord-Eft de
Nantes , fon Evêché & fon refTort ; à 17 lieues un tiers de
Rennes ; & à 3 lieues d'Ancenis , fa Subdélégation. On y compte
1200 communiants : la Cure eft à l'Ordmaire. Au Nord & à
rOueft de ce bourg , on voit des landes très-étendues : le fol
paroît bon , & on ignore pourquoi les habitants ne s'occupent pas
à les défricher, d'autant plus que les terres en labeur de ce
territoire font de bonne qualité , & que ces landes deviendroient
de même, fi elles étoient cultivées.
PARAMÉ ; au bord de la mer , fur la route de Saint-Malo
à Dol j à deux tiers de lieue à l'Éft-Nord-Elt de Saint-Malo,
fon Evêché & fa Subdélégation ; & à 1 4 Heues de Rennes.
Cette Parcifle reflbrtit à Dinan , & compte 1800 communiants:
1^ Cure eft à l'alternative. Le territoire eil: fertile en grains ; ceû.
un pays plat & très-exaftement cultivé. Beauvais , haute, moyenne
PAR 355
& bafîe-Juflice , à M. Grout de la Motte ; Saint-Hideul & lé
Vau-Salmon, moyenne-Juftice , à M. de la Haye, Comte de
Plouer j rifle-Ernoul & le Gras -larron, moyenne-Juftice , à
M. Goret de la Grand-Riviere j la Ville-Anne , moyenne-Juftice,
à M. Gallicet. Les maifons nobles de cette Paroiiîe étoient, en
1500, le Boudou, à Jean, Vicomte de Rohan j les Touches,
à Sébaftien de Miniac ; la Grand-mere , à Jean du Tertre ; là
Brientaye , à Pierre Picot ; le Bondeau , à Simon de Lorgeril ;
le Vau-Salmon , à Jean de la Chapelle ; la Vigne , au Doyen
du Chapitre de Saint-Malo ; la Ville-Ernaud , à Jeanne Tranchant ;
le Bois-Botterel , à Marc Henri ; la Salmonnaye , à Hamon Jon-
chée; la Fofle-au-loup , à Jean du Buat ; les Yliaux , à Guil-
laume de Vauclerc ; la Ville-au-chat , le Pont-Pinel , la Baftille,
le Tertre - Barre - noble , la Havardiere , la Grand-Riviere , la
Petite-Rivière , 6c la Toutenaye , à N....
PARCE j fur une hauteur ; à 8 lieues trois quarts à TEft-Nord-
Eft de Rennes , fon Evêché ; & à i Heue trois quarts de Fou-
gères , fa Subdélégation & le reflbrt de fa haute & moyenne-
Juftice. On y compte 1 3 00 communiants : la Cure eft à l'Ordinaire.
Le terroir eft fertile & très-exaftement cultivé : on y voit le
château de Vauxhoudin , auprès duquel eft un bois , le feul qui
foit dans la Paroifle. Les autres maifons nobles font : le Pleftis &
la Pierre. La rivière de Maigrefec prend fa fource à peu de
diftance du bourg.
PARIGNÉ; fur une hauteur; à 10 lieues trois quarts au Nord-
Eft de Rennes , fon Evêché j & à i lieue trois quarts de Fou-
gères, fa Subdélégation & fon reflbrt. On y compte 1200 com-
muniants : la Cure eft à l'Ordinaire. Cette Paroifle relevé en
partie du Roi. Son territoire eft un pays couvert & très-exafte-
ment cultivé. La Seigneurie de Parigné , haute , moyenne Sc
bafîe-Juftice , à M. de Saint-Brice : on y voit les châteaux de
Bois-Gui & des Acres , avec les maifons de la Chefnaye , les
Terroyes , le Bechet , la Rinaudiere , le rocher des Boulier,
Coyec , Dohin , la Jaunaye , & Mebenaril.
PARTENAY ; â 2 lieues trois quarts au Nord-Oueft de Rennes,
fon Evêché, fa Subdélégation, & fon reflbrt. On y compte 350
communiants : la Cure eft préfentée par l'Archidiacre du Défert.
Les produélions du territoire font des grains de toutes efpeces :
35é P A R = P E A
c'eft un terrein plat , couvert d'arbres & buiflbns , & bien cultivé.
Partenay, haute, moyenne & bafîe-Juftice j Saint-Ehan , haute,
moyenne & balTe-Juliice j Sevigné , haute , moyenne & bafîe-
Juftice, à M. le Marquis de Cucéj Limeul, haute, moyenne &
bafle-Juftice ; Rouaudiere, haute , moyenne & baffe -Juftice ; Se
le Temple , haute , moyenne & baffe- Juftice , aux enfants de
feue Dame de Liré-Bourdonnaye.
L'Eghfe de cette Paroiffe fut fondée , en 1365 , par Guillaume
de Samt-Léan. Raoul Georgier en fut le premier Curé ou Refteur,
Cette fondation fut approuvée, en 1375 , par Raoul de Tréal,
Evêque de Rennes , & par Alain de Saint-Léan , fils du fonda-
teur. Jean de la Guerre en étoit, dans ce temps, fécond Refteur.
Le feptier de froment ne valoit que cinq fols , & tous les autres
comeftibles à proportion : le marc d'argent étoit à cinq livres
cinq fols.
En 1 430, la Coutardiere, à Alain Louvel , aujourd'hui à M. de
Servaude j la Gicquelaye , à Gilles de Saint-Brieuc -, la Fontaine
& le petit Bouais, à N... La Touche-Partenay fut long -temps
Eoffédée par les Seigneurs de Partenay , qui ont occupé les plus
elles places chez les Rois de France & chez les Ducs de
Bretagne.
PAULE ; fur une hauteur ; à 1 2 lieues à TEft-Nord-Eft de
Quimper , fon Evêchéj à 28 lieues de Rennes j & à 2 Heues
de Carhaix , fa Subdélégation & fon reffort. On y compte 1 800
communiants : la Cure eft à l'alternative. Ce territoire eft arrofé
de piufieurs ruiffeaux qui coulent dans les vallons & vont fe
jetter dans la rivière d'Aulne. On y voit des terres bien cultivées ,
des prairies , & des landes , principalement au Sud & à l'Eft de
ce bourg , oii font les montagnes noires. Le manoir de Ker-en-
guevel eft dans cette Paroiffe.
PAULX j dans les baffes- M arches ; à 7 lieues au Sud-Ouefl
de Nantes, fon Evêché & fon reffort i à 29 lieues de Rennes ; & à
I lieue de Machecou,fa Subdélégation. On y compte 1400 com-
muniants : l'Abbé de Saint-Serges , préfentateur de la Cure, la remet ,
lorfqu'elle eft vacante, entre les mains de l'Evêque de Nantes
pour y pourvoir. Ce territoire eft très -bien cultivé : il pioduit du
grain , du vin , & du foin. On y voit la maifon de la Caraterie.
PEAULE j fur une hauteur -, à 7 lieues à i'Eft-Sud-Eft de Vannes ,
Ton
P E A = P E D 3 57
fon Evêché Se fon reflbrtj à 17 lieues de Rennes; & à 2 lieues
de la Rochebernard , fa Subdélégation. On y compte 1 800 com-
muniants : la Cure, qui elT: un Doyenné, eft à l'Ordinaire. Le
Roi a plufieurs fiefs dans cette Paroilfe , dont M. du Hellec efl: le
Seigneur. Il s'y tient tous les ans cinq foires confidérables par la
grande quantité de beftiaux qui s'y trouvent. Ce territoire ren-
ferme des terres bien cultivées , des prairies , des landes fort éten-
dues , & plulieurs carrières d'un très-beau grifon. Peaule , haute ,
moyenne & balTe-Jullice , à M. du Hellec le Mentier ; le Tertre
& Quillinic , moyenne & baffe- Juitice , à M. du Hellec le Maître.
Maifons nobles : en 15C0, Coafquel , à Jeanne de Coafquel,
veuve de Jean, bâtard de Rieux j le manoir de Lefcouet, Ker-
thoraas, & le Bois de la Salle, à N...,
PEDERNEC; fur un coteau, & fur la route de Guingamp à
Lannion ; à 4 lieues au Sud de Tréguier, fon Evêché j à 28
lieues de Rennes j & à i lieue trois quarts de Guingamp , fa
Subdélégation. Cette Paroiffe reffortit à Lannion , & compte 4000
communiants ,, y compris ceux de Mouflerus & de Treglamus , fes
trêves : la Cure eft à l'alternative. La montagne de Brée , une
des plus hautes de la province, eft dans ce territoire. Il fe tient
fur le fommet de cette montagne plufîeurs foires par chaque an-
née , auprès d'une Chapelle. Cet endroit eft fort renommé dans
l'hiftoire. Les Evêqùes de Bretagne s'y afîemblerent pour prendre
des mefures contre Conobre , Comte de Vannes , dont les crimes
infpiroient tant d'horreur qu'on lui donna l'épithete de maudit : le
maudit Conobre. Conobre , fils de Hoèl le Grand , mort en 545,
étoit Comte de Vannes & de Léon. Il avoit quatre frères , Hoël,
Budic , Varoch , & Maeliau , avec lefquels il fut obligé de par-
tager les Etats de fon père j mais l'ambition qui le dévoroit le
rendit infenfible à la voix de la nature , & il réfolut de fe dé-
faire de fes frères : il commença par Hoël, qu'il tua en 547,
& époufa fa veuve; mais, s'étant apperçu qu'elle étoit enceinte^
il la fit mourir. Il fit fubir le même fort à Budic & Varoch , Ces
frères ; & Maeliau ne conferva fa vie qu'en s'exilant de foa
pays & de fes Etats : enfin , ce Prince paffoit pour le plus re-
doutable , le plus puifTant , & le plus inflexible fcélérat de fon temps»
Il avoit un château au pied de la montagne de Brée , c'eft pour-
quoi les Evêques s'y aflemblerent pour l'excom.munitr. Il fut tué , en
560, dans le combat que C hramne livra à Clotaire , Roi de France,
dans les environs de Guérande. Le château de Conobre n'exifts
Tome IIL V z.
3 58 PED = PEN
plus. Tropont , haute-Juftice 5 Collangrouh , moyenne , & baffe-
Juftice , à M. de Kerprigent Riou. Ce territoire eft fertile &
bien cultivé.
PEÏLL AC ; fur une hauteur , & fur la route de Redon à Ma-
leftroit ; à 8 lieues & demie à l'Eft-Nord-Efl: de Vannes , ion
Evêché j à 1 3 lieues de Rennes ; & à 3 lieues de R.edon , fa
Subdélégation. Il s'y tient deux foires par an. Cette Paroiffe ref-
fortit à Ploermel , & compte 1500 communiants : la Cure eft
à l'alternative. Cranhac , haute -Juftice , à M. le Marquis de
Gefvres; la Guedemais, haute-Juftice , à M. de la Bedoyere; le
Pleflis, haute- Juflice , à Madame de Saint-Maur j Rieux à Peillac,
haute- Juftice , à M. de Rieux. La Seigneurie de Peillac eft une
Châtellenie : elle faifoit jadis partie de la Seigneurie de Rieux.
En 1 5 00 , les maifons nobles de Villeneuve &: du Bignon apparte-
noient à Jean de Villeneuve ; elles font aujourd'hui à M. le
Marquis de Gefvres , par fon mariage avec l'héritière de la maifon
des du Guefchn. Le château de la Grae eft très-ancien : il ap-
partenoit, en 1290, à Robert de la Lande. Le territoire de
Peillac eft borné au Nord par la rivière d'Ouft j & au Sud par
celle d'Ars. Les terres font fertiles , exaâement cultivées , 8c abon-
dantes en grains & fourrages j les landes n'y font pas fort
étendues.
PENHART ; à trois quarts de lieue à l'Oueft de Quimper ,
fon Evêché , fa Subdélégation , & fon reflbrt ; & à 3 9 lieues de
Rennes. On y compte 500 communiants : la Cure eft à l'Ordi-
naire. Son terrein eft plein de monticules & de valions , mais
fertile , abondant en grains & foin , & très-bien cultivé. On voit
dans cette Paroiffe les veftiges du château de Prat en Rouzé ,
qu'on appelle dans le pays le temple des faux Dieux. L'hiftoire
ne parie point de ce château ; de forte qu'on ne fçait rien , ni de
fa fondation , ni de fa démolition : on n'en connoît pas même
les pofîefTeurs , quoique la tradition populaire afture que c'étoit
un ancien Prieuré habité par les Templiers ; mais cette conjec-
ture ne nous paroît pas ailez fondée pour y ajouter foi. Le châ-
teau de Ker-moifan appartenoit , en 1300, à Geoffroi de Ker-
moifan , dont le fils rut Evêque de Quimper en 1361.
PENMARCH; port de mer; à 5 lieues & demie au Sud-
Oueft de Quimper', fon Evêché & fon reftbrt j à 43 lieues de
PEN 3 59
Rennes ; & à 2 lieues de Pont-Labbé , fa Subdélégation. On y
compte 1 000 communiants : la Cure eil: à l'Ordinaire.
En 1 400 , Demoifelle Claude du Juch étoit Dame de Padan-
roux, de Pozmellec , de Ker-uquel , de Ker-riant, de Coëtgolan,
3c de Ker-valgan , maifons fituées dans ce territoire , où l'on
voyoit encore les manoirs de Coëtcanton , de Pratauron , de
Ker-aulan , & de Ker-caradec. Le territoire de Penmarch eft
plein de démolitions. Les pierres , qui font entaflees çà & là les
unes fur les autres, fuffiroient pour bâtir une ville : on ne fçait
de quels édifices elles proviennent. Avant l'établifTement de la
pêche de la morue au banc de Terre-Neuve , on pêchoit fur la
côte , près Penmarch , beaucoup de merlus qu'on faloit , & qui
fervoient de poiiTon de carême comme la morue.
PENNETIN ; au bord de la mer , à l'entrée de la rivière de
Vilaine; à 16 lieues au Nord-Oueft de Nantes, fon Evêché; à
20 lieues de Rennes ; & à 3 Ueues de la Rochebernard , fa Sub-
délégation. On y compte 1000 communiants : c'étoit autrefois
une trêve de la Paroiiie d'Afferac, érigée en Paroiffe l'an 1767.
La haute-Juftice du Heu refîbrtit au Marquifat d'Afferac. Le ter-
ritoire renferme plusieurs marais falants ; les terres font très-fertiles
en grains , mais très-peu cultivées : on ne voit par-tout que des
landes qui paroiifent mériter les foins du cultivateur. L'an 1 4 1 9 ,
les Abbés & Moines de Saint-Gildas de Rhuis s'obligèrent à cé-
lébrer , par chaque année , quatre anniverfaires pour le Duc , en
reconnoiifance de ce que ce Prince avoir bien voulu les exempter
de la Cour de Guérande , à laquelle ils étoient foumis à caufe
des terres qu'ils poilédoient dans la Paroiffe de Pennetin. Par Edit
du Roi Charles IX , donné à Troyes en Champagne le 29 Mars
1564, le quartier nommé Pennetin Se le fief de F rangaret furent
unis au Siège royal de Guérande.
PEN VENANT -, à i lieue un quart au Nord-Nord- Ouefl de
Tréguier , fon Evêché & fa Subdélégation ; & à 3 1 Heues
de Rennes. Cette Paroiffe relevé du Roi , reffortit à Lannion ,
& compte 1700 communiants : la Cure eft à l'Ordinaire. L'an
1233, Etienne, Evêque de Tréguier, unit cette Paroiffe à la
menfe épifcopale. Ce territoire renferme des terres bien cultivées
& fertiles en toutes fortes de grains. A peu de diflance du bourg,
près la Chapelle de Saint-Mandé , font deux moulins à vent , fur
une élévation qui forme un très-beau pouit de vue. Guermel,
^340 P E N = P E R
Lancivilien , Se Pean-coët-larzan , font des maifons nobles*
PERET ; trêve de la ParoifTe de Silfiac , fur le bord de la
route de Pontivi à Roftrenen ; à 1 5 lieues au Nord-Nord-Ouefl
de Vannes, fon Evêché j à 23 lieues de Rennes j & à 2 lieues
& demie de Guemené , fa Subdélégation. Le château d^s Salles,
dont on voit encore les ruines, étoit habité, en 1 511 , par Jean,
Vicomte de Rohan , qui le nomma le manoir des Salles de Perety
dans l'afte qu'il fit palier pour la fondation de l'Hôpital de Lan-
derneau. La forêt de Quenecan , qui peut contenir environ huit
mille arpents de terrein planté en bois taillis , eft fituée dans
ce territoire. On remarque, à l'extrémité de cette forêt , deux
étangs qui fervent aux forges à fer de Rohan, qui font peu
éloignées de là. On trouve, dans ces étangs & aux environs , des
cailloux, au milieu defquels font des macles que les habitants
du pays appellent lardons , ( ce font les armes de la maifon de
Rohan , ) & qui peuvent avoir quatre pouces de long fur quatre
à cinq lignes de large. Leur plan efl quarré , leur matière très-
dure , luifante , de couleur d'indigo ou jaunâtre. Quelquefois ,
au lieu de macles , ce font de petites croix plates avec des
noyaux qui occupent le centre & les quatre angles; quelque-
fois auffi, ce n*eil qu'une marque au milieu de deux ligues qui
fe croifent , fuivant la grofleur des cailloux.
Dom Morice prétend que c'efl à Peret que Saint Meriadec
fit fa réiidence & mena une vie folitaire ; & il ajoute que ce
Saint étoit fils de Conan , Roi de Bretagne , d'oii eft fortie riiluftre
famille de Rohan. Nous avons un Saint Meriadec , qui fut or-
donné Evêque de Vannes en 629.
PERGUET ; à 2 lieues trois quarts au Sud-Sud-Efl de Quim-
per , fon Evêché; à 38 lieues de Rennes; & à 2 lieues un tiers
de Concarneau , fa Subdélégation & fon relTort. Cette ParoifTe
relevé du Roi, & compte 750 communiants : la Cure efl à
l'alternative. Le territoire efl: borné au Sud par la mer, très-fer-
tile en grains , & très-exaftement cultivé : on n'y voit prefque
point de landes.
PEROS-HAMON; à 21 lieues à l'Oueft-Nord-Ouefl de Dol,
fon Evêché ; à 28 Ueues de Rennes; & à deux tiers de Heue
de Paimpol , fa Subdélégation. Cette ParoifTe refTortit à Saint-
Brieuc , & efl enclavée dans le diocefe de ce nom. On y
PER = PES 541
compte Soô communiants , y compris ceux de Lannevez & de
Lanvignec, fes trêves : la collation de la Cure appartient à
l'Abbé de Beauport. Ce territoire eft borné par la mer , au Nord ,
à ïEû , 6c au Sud : il eft fertile & bien cultivé.
PEROS-QUIREC ; fur une hauteur , au bord de la mer , qui
forme un petit port en cet endroit j â 28 lieues à l'Oueft-Nord-
Oueft de Dol , fon Evêché j à 3 3 lieues de Rennes j & à 2
lieues 8c demie de Lannion , fa Subdélégation & fon reffort.
Cette Paroifîe , qui eft enclavée dans le diocefe de Tréguier ,
relevé du Roi, & compte 1400 communiants : la Cure eft à
l'Ordinaire. Ce territoire eft riche & très-exaftement cultivé : les
habitants vivent dans une honnête aifance -, récompenfe due à
leurs travaux. On a ouvert un grand chemin de Lannion à Pe-
ros-Quirec , pour faciliter & faire fleurir le commerce de ce
petit port. Les maifons nobles de Peros-Quirec font : le Pont-
Guennec , le Suhel , Dantec , Tromargat, la Salle-au-Chevalier,
Ker-jegu , Se Ker-nuz.
PERSQUEN ; à 1 1 lieues au Nord - Oueft de Vannes , fon
Evêché; à 24 lieues de Rennes; & à i lieue de Guemené,
fa Subdélégation. Cette Paroifîe refîx)rtit à Hennebon , & compte
900 communiants : la Cure eft à l'alternative. Ce territoire eft
un pays couvert , plein de coteaux , de vallons , & coupé de plu-
sieurs ruifîeaux qui arrofent des prairies , & vont fe jetter dans
les rivières de Blavet &c d'Efcorff. Les terres produifent du
grain & du cidre ; mais elles ne font pas exaftement cultivées ,
puifqu on y voit des. landes très-étendues. Le manoir de Penvern
fut vendu, l'an 1370, par Jean, Sire de Longiisval , & Jeanne
de Beaumer, fon époufe, à Jean Vicomte de Rohan : cette terre
eft une Juveignerie de la Principauté de Guemené; elle a haute,
moyenne & balTe-JulHce , & s'appelle aujourd'hui Penvern du
Pereno ^ à M. de Penvern. En 1430^ on vo'yoit aufll dans ce
territoire les maifons nobles de Ker-guefon & Boteren, à Alain
le Picot ; le manoir de Hoaribac , à v harles le Pervez ; le ma-
noir de Sailladou , à Charles le Guellec ; & celui de Ker-meno ,
à Hervé Coëteven.
PESTIVÏEN; dans un fond; à 16 lieues à l'Eft-Nord-Eft de
Quimper, fon Evêché ; à 26 lieues de Rennes ; & à i lieue & demie
de Callac , fa Subdélégation. Cette Paroifîe relevé du Roi , &
341 P E S = P E T
compte 1 100 communiants, non compris ceux de Bulat, fa trêve*
Elle refTortit à Carhaix , & la JuiHce de Botdeliau reflbrtit à
Callac : la Cure eil à l'alternative. La rivière de Guer prend fa
fource dans ce territoire , & va fe perdre dans la mer. Les
terres font bonnes , mais mal cultivées ; les landes font très-
étendues. Le château de Peftivien , place jadis forte , apparte-
noit , en 1 3 50 , à Triflan , Chevalier , Seigneur de Peftivien , qui
fervoit Jean , Roi de France , dans la Compagnie de Jean de Beau-
manoir. La Maifon noble de Gouaz-Lennois , en 1480, à Henri
Hamon , Sieur de Pleven & Gouaz-Lennois ; Pennanpont , à N....
de Jars.
PETIT-MARS j fur une hauteur , & fur la route de Nantes à
Chateaubriand; à 4 lieues & demie au Nord-Nord-Eft de Nantes,
fon Evêché & fon refTort ; à 1 8 lieues de Rennes j & à 4 Heues
d'Ancenis , fa Subdélégation. On y compte 1000 communiants:
la Cure ell à l'Ordinaire. L'ancien bourg de Petit-Mars eu dans
les marais , au bord de la rivière d'Erdre. Le bourg aftuel étoit
un village où l'on voyoit la Chapelle de Patience : c'ell de cette
Chapelle, que l'on augmenta, que fut faite l'EgUfe paroifîiale,
bénite , le 1 6 Septembre 1 649 , par l'Abbé Michel Laubi , Vi-
caire général & Officiai de Nantes. Le Dimanche fuivant, 19
du mois , François Dudart , Refteur de la ParoifTe , conduiiit la pro-
ceffion de l'ancienne Egiife à la nouvelle, & y chanta folem-
nellement la Grand'MefTe pour la première fois. Depuis ce temps ,
le village eft devenu le chef-lieu de la ParoifTe de Petit-Mars ;
mais l'Eglife a toujours porté fon ancien nom de Patience. L'E-
glife du vieux bourg exifte toujours, quoiqu'en mauvais état, &
l'on y célèbre encore quelquefois la MefTe. Ce territoire eit un
pays plat , qui renferme des terres bien cultivées & fertiles , quel-
ques landes peu étendues , & des marais qui peuvent contenir environ
mille quatre cents journaux , grand journal de Bretagne. En 1727,
on forma le projet de deflécher ces marais , aux frais des proprié-
taires, qui font , M. l'Evêque de Nantes , & M. Gouyon de Marcé^
Seigneur de Petit-Mars : mais ce projet n'a pas été fuivi. Le
château du Pont-Hus, maifon feigneuriale de Petit-Mars , apparte-
noit , en 1 200 , à Hux de la Muffe de Pont-Hus. Jeanne de laMufTe^
Dame de Pont-Hus, feule héritière de cette Seigneurie, époufa,
en premières noces , Jean , Sire de Derval , & , en fécondes
noces. Guide Rochefort. Jeanne de la Muffe de Pont-Hus, aufîi
feule héritière, époufa, en 1459, ^^^^ Chauvin, fils de Guil-
P E T = P I E 345
laume Chauvin , Chancelier de Bretagne fous le Duc François 11:
( c'efl le Chancelier que Landais m périr de mifere ; voyez
Nantes , année 1485. ) Leurs enfants prirent le nom de la Mufle.
Bonaventure de la Mufle , un d'eux , fut Chambellan du Roi
Henri III , & Commiflaire nommé , pour le diocefe de Nantes , à
la réformation de la Coutume de Bretagne, en 1575 : il préflda
aufli aux Etats aflTemblés à Nantes par le Duc de Mercœur,
au mois de Novembre 1583. Le château de la MuflTe Pont-Hus,
qui étoit très-beau & très-bien fortifié , fut démoli Se rafé , & les
bois qui en dépendoient coupés à hauteur d'homme , par Arrêt
du Parlement de Bretagne du 10 Mai 1622, parce que David
Chauvin de la MuflTe de Pont-Hus s'étoit rendu à l'afl^emblée de la
Rochelle , & fe tenoit dans cette ville rebelle. Céfar de la MuflTe
étoit Seigneur du Pont-Hus en 1680 ; depuis ce temps , cette
Seigneurie efl: paflTée à M. Gouyon de Marcé , Maréchal des
camps & armées du Roi , qui la poflTede aujourd'hui , & qui a
fait rebâtir le château il y a quelques années.
En 1 440 , la maifon noble de la Loherie appartenoit à Guil-
laume de la Loherie , Préfident de Bretagne. II fe tient deux foires
par an à Petit-Mars.
PEUMERIT-CAPj à 3 lieues & demie à l'Oueft-Sud-Oueft
de Quimper , fon Evêché & fon refljort -, à 44 lieues de Rennes ;
& à 2 heues de Pont-l'Abbé , fa Subdélégation. On y compte
1 200 communiants : la Cure efl: à l'alternative. Ce territoire ell:
dans le voiflnage de la mer : il efl rempli de monticulies & de
vallons , mais fertile , & très-exa8:ement cultivé. Ses maifons no-
bles , en 1440, étoient: Pratanftang , Borzjull , Ker-ebil , Sl Pen-
quilly , où fe tenoient alors les plaids de la Paroifl^e.
PEUMERIT-QUINTIN ; à 17 lieues au Nord-Efl de Quimper,
fon Evêché j à 2 5 lieues de Rennes ; & à 4 lieues de Quintin ,
fa Subdélégation. Cette Paroifl^e refl^brtit à Carhaix , & compte
300 communiants : la Cure efl: à l'alternative. Son territoire efl
fort petit j il oflre à la vue des terres en labeur , des prairies ,
& des landes : c'efl: un pays couvert,
PIERRIC; à 12 lieues au Nord- Nord -Oueft de Nantes, fon
Evêché & fon reflx)rt ; à i o lieues de Rennes ; & à i lieue un
quart de Derval, fa Subdélégation. On y compte 1200 commu-
niants , trois hautes - Juflices , & une moyenne : la Cure efl à
Î44 PI E=:PIR
l'Ordinaire. La Seigneurie de Baliac appartenoit, l'an 1 1 27 , à Oli-
vier de Pontchâteau , qui la donna aux Moines de Saint-Sauveur
de Redon, pour réparer les torts & dommages qu'il leur avoit
caufés. Ceux-ci en firent un Prieuré qui fubiille encore. ( Voyez
Pontchâteau. )
L'an 1 1 3 3 , Guégon de Blain , homme pieux & zélé pour
le bien de l'Eglife , donna à l'Abbaye de Samt-Sauveur de Re-
don un terrein qu'il poilédoit dans le territoire de Pierric , aux
environs du château de Baliac , qui , dans ce temps-là , étoit
plein de vagabonds qui s'y étoient établis malgré les Moines,
& que Guégon en chaffa. Par- là les Moines de Redon devinrent
polïèireurs de la majeure partie des terres de cette Paroille. Ce
territoire eft arrofé des eaux de la rivière de Cher ; c'ell un pays
couvert qui produit des grains de toute efpece ; on y voit des
landes qui paroifîent mériter les foins du cultivateur.
PIPRIAC ; dans un fond ; à 20 lieues au Sud de Saint-Malo,
fon Evêché j à 9 lieues de Rennes ; & à 5 lieues de Plélan , fa
Subdélégation. Cette Paroifle refTortit à Ploermel , & compte
3000 communiants , y compris ceux de Saint-Quenton , fa trêve :
la Cure eft à l'alternative, il s'exerce dans le bourg une haute-
Juftice qui eft celle de Pipriac, deux moyennes, & une baiïe»
Pipriac a titre de Châtellenie ; elle étoit , en 982 , du domaine
du Comté de Rennes. On y connoît plufîeurs maifons nobles :
celle de la Thebaudais appartient à M. Huchet de la Bedoyere ^
le Bois-Hulin appartenoit, en 1420, à Alain le Sage, Sieur du
Bois-Hulin, aujourd'hui à M. de la Bourdonnaye de Bois-Huhn,.
Procureur général Syndic des Etats de Bretagne. BofTar, la Bou-
tardais , la Perdrilais , la Boslais , Boffa-Caular , & la Bottellerai,
font les maifons nobles qui fe trouvent dans ce territoire , dont
les terres excellentes produifent des récoltes abondantes en grains
& foin ; les landes y font malheureufement très-étendues. Un
des beaux points de vue de la province efl celui qu'on appelle
le Foutcau de Mourenne , fur le bord du grand chemin de Rennes
à Redon.
PIRE ; fur la rivière de Quinquenpois ; à 4 lieues deux tiers
à l'Eft-Sud-Eit de Rennes , fon Evêché , fa Subdélégation , & le
reffort de fa haute-Juftice. On y compte 4000 communiants , y
compris, ceux du Bois-Tru daine , fa trêve : il s'y tient un marclié
le lundi j la Cure eft préfentée par l'Evêque,.
Maifons
P I R . us
Maifons nobles: en 1500,1e grand Flouré appartenoit au
Baron de Laval } Epinai & la Chapelle , à Pierre de la Mar-
zeliere ; la Bouvaye , à Guillaume de Silles -, la Bertherie , à Ju-
lien le Vahais ; le manoir du Pleffis , à Guyar de Coëtlogon ,
Sieur de Mejufleaume , aujourd'hui à M. de Rofnivinen, Seigneur
de Pire. ( Voyez Loc-Eguiner. )
Des terres bien cultivées , des prairies , beaucoup de bois taillis ;
voilà ce que ce territoire préfente à la vue : c'eft un terrein plat,
& couvert d'arbres à fruits pour le cidre.
PIRÏAC ; au bord de la mer j à 1 8 lieues à l'Oueft-Nord-
Ouefl: de Nantes, fon Evêché j à 23 lieues de Rennes ; & à 2 lieues
de Guérande , fa Subdélégation & fon refTort. On y compte 1 000
communiants : la Cure , jadis préfentée par TAbbé de Saint-Gildas
des Bois , eft maintenant à l'Ordinaire. Cette ParoifTe relevé du Roi.
Ker-jurion , haute-Juftice , appartient à l'Abbaye de Saint-Sau-
veur de Redon ; Camzillon , haute-Juftice , à M. Jacquelot ; Tré-
valay , moyenne-Jullice , à M. de Kermeno j Treverant-en-Piriac,
moyenne-Juftice , à M. Guibertj Pucelle , moyenne-Juftice , à
M. le Préfident de la Biochais.
L'an 1 1 1 2 , le Duc Conan III donna aux Moines de Redon les
tailles que lui & fes prédécefTeurs Ducs avoient droit de lever fur les
habitants de Piriac , pour récompenfer ces Moines qui avoient
reçu chez eux le Duc Alain Fergent , fon père , qui avoit abdi-
qué la Couronne en faveur dudit Conan , fon fils. Les port &
havre de Piriac furent unis au Siège de Guérande , par Edit du
Roi Charles IX , donné à Troyes en Champagne , le 29 Mars 1 5(34.
François Baron , né à Piriac , arriva au Croiiic fur la fin de
Juin 1562 , pour y occuper la place de Miniftre des Calvinifles.
Il venoit de Genève , où on l'avoit envoyé pour fe faire infiruire
dans les principes de fa fefte. En 1 563 , l'Eglife de Piriac étoit
occupée par les Calviniftes , qui y avoient un Pafteur ou Miniftre.
L an 1590, quatre mille cinq cents Efpagnols débarquèrent
au port de Saint-Nazaire, où ils reçurent ordre de fe rendre à
Piriac , pour y retenir fous TobéifTance du Duc de Mercœur
les habitants du lieu qui vouloient fe foumettre à Henri IV (a)»
( <z ) Il y a , à Piriac , beaucoup de mo-
numents antiques & curieux que j'aurois
été charmé d'inférer ici : mais j'ai en vain
fupplié , à différentes fois , quelques per-
sonnes de l'endroit de rm faire pafTer les
détails concernant ces antiquités ; elles ont
conftamment gardé le filence , & n'ont pas
fait attention a n>cs prières. Je fuis fâché
d'avoir été importun ; je rcfpederai défor*
naais leur repos , ôcc.
Tome III, X i
34Ô PIR=PLA
Ce territoire eft fertile en grains: on y voit un canton aflfez
étendu planté en vignes , & des landes dont le foi excellent
mérite les foins du cultivateur qui ne s'emprelTe pas de les
défricher.
PLAINE-HAUTE j à 2 lieues un tiers au Sud-Oueft de Saint-
Brieuc , fon Evêché , fa Subdélégation , & fon relTort; & à 20 lieues
& demie de Rennes. Cette ParoifTe , dont la Cure eft à l'Ordi-
naire , compte 1 800 communiants : M. le Duc de Lorges en ell
le Seigneur, & la haute-Juftice de l'endroit eft unie à fon Du-
ché. Le territoire offre à la vue des vallons , des monticules ,
des coteaux, des terres en labeur, des prairies, des landes, &:
des arbres fruitiers. Le château de Crenan ell: une ancienne Che-
valerie , qui, en 1430, appartenoit à la maifon de Nepvou :
elle palîa dans la maifon de Perrien , par le mariage de Mau-
rice de Perrien avec la Dame du Vois , fille de Magdeleine le
Nepvou , héritière de Crenan. Pierre de Crenan fut grand
Echanfon de France; Pierre, Marquis de Crenan, fut Gouver-
neur de Cazal , & Lieutenant général des armées du Roi. Cette
Seigneurie , après avoir été pofîédée par les maifons de Lannion
& de la Haye , tomba , par alliance , à celle de Bellingant , qui
en jouit aujourd'hui. L'an 1450, la Ville-Daniel appartenoit à
Eon le Voyer ; la Ville-Chaperon, à Henri de la Roche; l'Hô-
pital , à SylveHre du Ruflai ; Saint-Armel , Bien-affis , la Ville-Ca-
des , Belle-Fontaine , & le Clos-au-Toty , à N....
PLAîNTEL ; fur une hauteur ; à 2 lieues trois quarts au Sud-
Sud-Ouefl de Saint-Brieuc , fon Evêché & fon reffort ; à 19
lieues de Rennes ; & à i lieue & demie de Quintin , fa Subdé-
légation. Cette ParoifTe efl une Vicomte dont la Seigneurie ap-
partient à M. le Duc de Lorges. On y compte 4800 comnm-
niants , y compris ceux de Saint-Brandan , fa trêve : la Cure efl
à l'Ordinaire. Des vallons , des coteaux , des monticules , des
landes , une partie de la forêt de Lorges , des arbres à fruits pour
le cidre , des prairies , & des terres fertiles en grains ; voilà ce qui
fe voit dans ce territoire. Plaintel efl une ancienne Chevalerie
qui appartenoit à Jean de Dol , un des Chevaliers Bretons qui
lé trouva à la tête de fa Compagnie à la bataille de Bouvines,
Tan 1 2 1 4. Il eut un fils nommé Nicolas , qui fut Seigneur de la
Ville-Maingui & de Plaintel. Sa poflérité mafculine s'étant éteinte ,
Jeanne de Dol, Dame de Plaintel, fille unique de Guillaume
PLA 347
■ de Dol , époufa Rolland Gautron , dans la maifon duquel elle
porta Tes biens. Rolland de Gautron fe fignala au fiege de Rennes
en 1356; il étoit petit -fils de Jean Gautron, qui fut tué à la
bataille de Poitiers , en 1 3 5 6 , en combattant pour Jean , Roi de
France. Jacques Gautron , Vicomte de Plainte! , Sieur de la
Ville-Maingui & de la Ville-Hamon , Chevalier des Ordres du
Roi , & Capitaine des villes & port du Croific , époufa Claude
de Robien , fille de Jacques de Robien. Chriftophe Gautron ,
leur fils , Chevalier des Ordres du Roi & Gentilhomme de fa
chambre, obtint, en 1(^05, des lettres du Roi Henri IV, qui
furent enrégillrées au Parlement de Bretagne , pour prendre le
nom de Robien. Il époufa Catherine de Bourgneuf de Cucé ,
de laquelle il eut Sébaftien de Robien , Confeiller au Parlement
de Bretagne , marié à Françoife du Gage : leur poflérité
jouit encore de la Seigneurie de Robien & de la Ville-
Maingui.
Maifons nobles : en 1500, la Coudrais, à Jean Robien, Che-
vaUer ; la Cofte , à Pierre Dollo ; le manoir de Crapado , à
Jeanne le Boutellier, Dame duclit lieu & du Pleiîis-BalufTon j
le Pré-au-Roi , à François le Fevre--^ la maifon du Pleflis , à
Pierre du Pleflis; la Grand -Ville- , à Pierre de la Garenne; le
manoir de la Ville-Jagu , à Amauri Crehallet ; le manoir de
Crehennic , à François Fortin ; le manoir de la Villerio , à
Jean Guillouy ; le manoir des Preturquis , à Marguerite Dollo ;
Trebual , à Guillaume Guillochen ; le Bois au Fauchours , à
i rançois Pellouefel ; Belle-Noë , a Yvon Jourdan ; le Frefne , à
Jean Dollo ; Saint-Guyonic vel Guyonnic , à Pierre de la Rivière j
la Goupilliere , à Pierre Rouefïel ; la Carnelle , à Yvon Caflbn ;
la Garenne , à Triftan-Perffon ; le Gourlay , à Demoifelle Mar-
geUe la Morgant ; la Coudraye , à Claudine du Boisgelin ; le
Chernots , à Yves de la Fofle ; les Tennieres , à Bien-veim-le-
Moine ; les quatre Veaux , à Yves Budes , Sieur du Tertre-Jouan j
la maifon du Quartier, à Vallence Pellepore; Boezel-au-Chefnay ,
aux héritiers de Pierre Bonefel ; Preturquis , à Anne Saoullet ;
la Perthenault-au-Pleflis , à Pierre Perthenault ; la Coudraye ,
à Olivier d'Arcelles ; le manoir du Frefne , au Comte de Laval ;
la Villenyo , à Michel Guilloumay ; la Cheverne , à Guillaume
de la Rivière; le Préoré , à François le Fevres; la Villegoures,
à Charles Budes ; la Grand-Ville , à Pierre de la Garenne ; Cra-
pado, à Jean de la Rivière j & le manoir de Louvoural , à Henri
Etienne.
348 P L A
PLANCOET 5 fur la route de Saint-Malo à Lamballe , & fur la
rivière d'Arguenon 5 à 8 lieues à l'Eil de Saint-Brieuc , Ton Evêché;
à 1 3 lieues un quart de Rennes j & à 4 lieues &: demie de Lam-
balle , fa Subdélégation. îl s'y tient un marché tous les famedis de
chaque femaine , & une foire par chaque année. Cette ParoilTe
reflbrtit à Jugon , & compte 600 communiants : la Cure eft à l'Or-
dinaire. Plancoët, haute-Jullice j la Hunaudaye , haute-JulHce ; &
Montafilant , haute- Juilice , à M. le Comte de Rieux : l'Argen-
tais , haute-Juftice , à M. Lefquen-l'Argentais ; la Ville-Menue ,
haute- Jullice qui s'exerce à Plancoët & à Pluduno , à M. de
Lefquen de la Ville-Menue ; Cariquet , moyenne- Juftice , à Ma-
dame de Montboucher j la Herfardais , moyenne- Juflice , à Ma-
demoifelle de Racinous j la Lande-Gruel , moyenne-Jullice , à
M. Lézard de la Lézardiere j le Pleflis-Bouexiere , moyenne-Juf-
tice , à M. de Varennes ; le Trait , moyenne-Juflice , à M. Tal-
houet de Bon-Amour -, la Ville-Varet , moyenne- Juflice , à M.
Tranchant de l'Evinair j le Veau-Joyeux , moyenne- Juftice , à
M. Bouen de la Ville-Bouquai j le Vaumadeuc , moyenne-Juftice,
à M. Minet. En 1223, Rolland de Dinan , ChevaHer, Seigneur
de Montafilant , donna g^^J'Abbaye de Saint-Sulpice , Evêché
de Rennes , une mine de froment de rente annuelle & perpé-
tuelle fur les moulins de Plancoët. Le Prieuré de Saint-Maur de
Plancoët dépend de l'Abbaye de Saint-Jacut , ( Evêché de Dol, )
qui préfentoit même la Cure du lieu en 1680 : depuis ce
temps , elle eft préfentée alternativement par le Pape ou
l'Evêque.
Plancoët eft une petite ville fort longue , coupée par la rivière
d'Arguenon , & dont partie eft dans la ParoilTe de Corfeul ,
termmée, de ce côté-là , par la maifon des Jacobins de Nazareth,
fondée l'an 1648. Cette ville, qui ne paroît pas avoir jamais été
clofe , avoit un château pour défendre le paiïlige de la rivière ,
qui fut pris & rafé par le Duc Jean IV en 1389. Il y a en-
viron trente-fix ans qu'il y paroiffoit encore des reftes d'une
tour quarrée , dont on ne voit plus rien j on y laboure , & on
pourroit en dire , en petit, nunc feges ubi Troja fuit.
Un bras de mer amené des navires de foixante à quatre-vingt
tomieaux jufques dans le centre de la ville de Plancoët. Autre-
fois le grand chemin ferré., nommé le chemin C/iauJfée , prolon-
geoit Plancoët d'un bout à l'autre, fans qu'il en paroifle rien
aujourd'hui. Il en eft peu comme celui-là , qui , après dix-huit cents
ans, fe foit confervé de façon à en reconnoître toute la beauté
P L A 349
& la folidité , dans une continuité de cinq lieues , c*eft-à-dire ,
depuis IfEniac jufqu à Hennen , où il femble entrer dans les terres
labourées , & que le feul foc de la charrue retrouve quelque-
fois y en forte qu'il difparoît là , & ne fe retrouve plus qu'au
Couvent de Nazareth , où il eft beau & folide jufqu'aux appro-
ches de Montafilant , au territoire de Corfeul , où il difparoît
totalement.
PLANGUENOUAL ; fur la route de Lamballe au port d'Aouet;
à 3 lieues à l'Eit-Nord-Eil: de Saint-Brieuc , fon Evêché j à 1 8
lieues de Rennes , fon reilort ^ & à 2 Heues de Lamballe , fa
Subdélégation. On y compte 1 1 00 communiants. L'an 1 1 3 i ,
Jacques , Evêque de Saint-Brieuc , donna l'Eglife de Plangue-
noual à l'Abbaye de Saint-Meiaine de Rennes: depuis ce temps,
il a toujours préfenté la Cure , qui a titre de Prieuré.
Saint-Denoual , haute-Juitice , à M. de la MoufTaye ; la Ville-
Auvais , haute-JulHce ; le Hourmelin , moyenne- Juftice , à M. le
Metaer du Hourmelin : la Viile-Men , moyenne-Juftice , à M. de
la Villion ; le Tertre-Defnos , bafle-Juftice , à M. de la Bouexiere
du Tertre-Defnos ; le Val , moyenne-Jull:ice , à M. de Rabec : la
Crouet , la Ville -Hervé, Veauvert, & la Ville-Gourio f cette
dernière appârtenoit, en 1380, à Rolland de la Viliéon. Ce
Seigneur étoit Confeiller du Duc de Bretagne , qui l'envoya en
Angleterre , pour gagner à fon maître les Grands du Royaume ,
auxquels il avoir ordre de diftribuer une fomme de fix mille
livres. Jacques de la Viliéon , fon fils , fut Procureur général ,
& Chancelier des Ducs Artur III & François II. Perronnelle-
Angéhque de la Viliéon époufa René-Hyacinthe de Coëtlogon,
dont la poftérité fubfifte encore. Ce territoire , qui eft borné au
Nord par la mer , forme une plaine , à quelques vallons près ;
il renferme des terres en labeur , & des landes qui paroilTent
mériter les foins du cuhivateur par la bonté de leur fol.
PLATJDREN; fur une hauteur; à trois litiies au Nord-Nord-
Eft de Vannes , fon Evêché , fa Subdélégati: n , & le reffort de
fa haute- Juitice ; & à 18 lieues de Rennes. On y compte 3000
communiants , y compris ceux de Loqueltas & Monterblanc ,
fes trêves : la Cure eÛ préfentée par le Chapitre de la Cathédrale
de Vannes. La Chapelle ou Prieuré de Saint-BiU fut fondée par
Saint BiH , Evêque de Vannes , en 892. La Paroifle de Plaudren
fut annexée à la Menfe capitulaire , par Yves de Pontfale ,
350 P L A = PL E
Évêque de Vannes , en vertu d'une Bulle du Pape Pie II , en date
du 7 Oftobre 1452. Le Chapitre perçoit les deux tiers des dîmes
de l'endroit.
Les maifbns nobles, en 1420 , étoient: Canizon, ( aujourd'hui
Camzon , ) & Penancleuz , à Louife de la Forêt -, la première ap-
partient aéluellement à M. de Robien-Camzon , Procureur géné-
ral Syndic des Etats de Bretagne. Le Quervazic , à Jean de
Quervazic -, le Trefl'ai & Ker-gourion , à Gilles d'Aurai ; le Né-
don , à Pierre Lorveloux -, le Mazianet & Trédéec , à Louis du
Trefîay ; Ker-mengui , à Jean de Kerveno; le Coz~Portz , à Jean
le Meilleur ; Ker-louUe , à Julien de Kerfoulle ; Ker-go , à Ber-
trand le Tailliec -, & Régnai , à François du Hancoèt. Ce terri-
toire eu arrofé des eaux de différentes branches de la rivière
d'Aurai j il renferme des terres en labeur , des prairies , & quel-
ques landes : c'eil un pays couvert qui produit beaucoup de
cidre.
PLEBOULE j fur une hauteur j à 7 lieues à l'Eft-Nord-Eft de
Saint-Brieuc , fon Evêché & fon relTort ; k 16 lieues de Rennes j
& à 4 lieues de Lamballe , fa Subdélégation. On y compte 600
communiants : M. de Valentinois elt Seigneur du lieu , dont la
Cure eft à l'Ordinaire. Ce territoire eft fertile en grains , & très-
exaftement cultivé. A peu de diftance du bourg eft un moulin
à vent , fur une élévation qui forme un très - beau point de
vue.
Beaucorps, haute- Juflice qui s'exerce au Temple-en-PlebouIe ,
à M. de Matignon -, Saint-Caft, haute-Juftice , idem ; la Comman-
derie de la Guerche , haute-Juftice , à M. le Commandeur j Lau-
nai-Caulnelais , baffe-Juftice , à M. Thomas de la Reignerais ; la
Ville-Salou , moyenne-Juftice , à M. Lefquen de l'Argentais : le
château de Pleboule , place jadis forte , appartient à M. de Mont-
bran ; il eft aéluellement en ruines. La maifon de la Ferriere ap-
partenoit, en 1472, à Jean, Chevalier, Seigneur de la Ferriere.
Roch de la Ferriere fut Gentilhomme ordinaire de la chambre
du Roi Louis XII , & Maître des requêtes de l'hôtel de la
Reine Anne.
PLECHATEL ; fur un coteau ; à 5 lieues trois quarts au Sud
de Rennes , fon Evêché , fa Subdélégation , & fon reffort. On y
compte 2000 communiants. Il y a une affemblée confidérable
au bourg de cette Paroiffe le jour de la fête de Saint Pierre.
PLE 351
L'Eglife efl un Prieuré fondé en 873 par Salomon , Roi de
Bretagne , qui le donna à l'Abbaye de Saint-Sauveur de Redon ,
qui venoit d'être transférée à Plélan. Cette Abbaye a toujours
poffédé depuis ce Prieuré , & préfenté la Cure. La maifon du
Pleffis-Bardoul appartenoit, en 1340, à Pierre de Neufville.
Son petit-fils : Pierre de Neufville fut détenu prifonnier par les
Anglais en 1 416. Cette Seigneurie paffa en 1 570 à Jean le Ménager,
qui eut une poftérité nombreufe. Jean , fon fils aîné, époufa Jeanne
de Tanouarn. Leurs enfants prirent des lettres , en 1662 , pour por-
ter le nom de Tanouarn, L'abbaye de Saint-Sauveur de Redon pof-
fedela haute- JulHce de Plechâtel. Les rivières de Vilaine & de Sem-
non arrofent ce territoire , qui renferme des terres bien cultivées ,
des prairies , & des landes. C'efl un pays couvert qui produit du
cidre.
PLEDELIAC ; à 6 lieues à l'Efli-Sud-Eft de Saint-Brieuc , font
Evêché i à 14 lieues de Rennes ^ & à 2 lieues de Lamballe , fa
Subdélégation. Cette ParoifTe refîbrtit à Jugon, & compte 1500
communiants. M. le Comte de Rieux en eft le Seigneur : la Cure
efi: à l'Ordinaire. Launay , moyenne-Juilice , à M. Moifan de la
Ville-Hirouet ; la Morinais , moyenne- Juftice , à M. du Bilier-Brunet ;
le Chef-du-Bois , moyenne- Juftice , à Madame de Keranroux de
Fontelebon j Cario , rrioyenne-JuHice , à M. Launaye , Recteur de
Saint-Potan j le Guilliers , moyenne-Juilice , à M. Brunel du Guil-
liers j Lorgeril , moyenne-Juflice , à M. de Lorgeril ; la Ville-
Lirouet , la Herfardais , le Saint-Efprit des Bois , Prieuré attaché
à la Cure de l'endroit ; & l'Abbaye de Saint- Aubin , Ordre de
Cîteaux. ( Voyez Saint-Aubin. )
Le château de la Hunaudaye , maifon feigneuriale de cette Pa-
roifTe, efi: compofé de cinq groffes& moyennes tours, qui forment
un pentagone , avec des bâtiments apphqués aux gros murs par le
dedans de la cour : iln'efi: que d'une moyenne antiquité , puifqu'il
ell prouvé qu'il n'exifloit point encore en 1214. il paroît qu'il a
été commencé incontinent après cette époque : mais tout prouve
que ce n'a pas été l'ouvrage d'un feul fiecle. En voici l'o-
rigine :
Il efl très-certain que Tomemlné ^ père ou aïeul d'Olivier, dont
nous allons parler , paffa d'Angleterre dans l'Armorique , avec
une fuite digne d'un grand peribnnage , ( ceci efl pris chez Jes
hifloriens j ) & , s'il n'étoit pas né Prince , c'étoit au moins un
grand Seigneur , puifqu'il ell: prouvé qu'il y époufa AddU , Pria-
3 51 . PLE
celTe de la mairon de Penthievre , dont il eut poftérité qui dura
jufqu'à nos jours.
Olivier Tornemine , leur fils ou petit-fils , plaidoit encore en
1214 pour le partage de fa mère ou aïeule, & alors le Duc
Pierre de Dreux , qui avoir époufé Alix , héritière du Duché , Se
qui s'étoit emparé de la Comté de Penthievre , tranfigea , du
confentement d'Alix, Comtefle de Bretagne, fa femme ( ^ ), avec
ledit Olivier , auquel , par a6le donné à Rennes au mois d'Oc-
tobre 1214, ils cédèrent plufieurs ParoifTes , & en particulier
la forêt de Lamballe , allas de Lanmur {b). L'endroit où eil: fitué
le château de la Hunaudaye étoit alors place nue ou marécage.
Je ne devinerois pas quelle a pu être l'origine de fon nom , car fon
fondateur n'avoir point nom Hiinaud^ ni aucun de fes defcendants,
fi l'on ne voyoit point un hameau qui n'en efl qu'à un huitième
de lieue , aujourd'hui nommé le village Saint-] dan , à caufe d'une
Chapelle fous l'invocation du Saint qui y fubiille d'ancienneté ,
& s'appelloit encore , il n'y a pas deux cents ans , la ville de la
Hunaudaye, Il s'y tenoit tous les ans plufieurs foires; il y avoit
marché tous les lundis , auditoire & audience le même jour. Le
martrai fubfifi:e encore, quoique le terrein en foit beaucoup ré-
tréci par les jardins que les habitants riverains ont pouffé en
avant. Il paroît que la Chapelle étoit jadis fuccurfale ; & la
grande quantité d'offements , qui fe font trouvés jufques fous les
murailles en les réédifiant , en feroit une preuve. Bref, on voit,
dans le contour de ce village , des mafures & des décombres j
& , félon les apparences , l'état où ce lieu étoit alors porta le
nouveau Seigneur à en donner le nom au château quil fit
commencer.
Ce château étoit d'une force redoutable avant l'ufage du canon:
il l'étoit même encore du temps de la ligue qu'il tenoit pour le
Roi , & où il y eut toujours une Compagnie de deux cents hom*
mes de pied, qui faifoit tête à la garnifon du château de Lam-
balle qui tenoit pour le Duc de Mercœur. Les détachements de
l'une & de l'autre garnifon fe cherchoient & fe rencontroient
journellement j ce qui faifoit répandre beaucoup de fang , fans
( <z ) 11 eft étonnant que Pierre , qui ne
regnoit que par fa femme » la qualifie de
Comtefle , & qu'il prend pour lui le titre
de Duc ôc de Comte de Richemom , qu'il
lenoit aufll d'elle.
( ^ ) N. du Fail , dans fou Entrepede,
imprimé à Rennes en r6o6 , dit que cette
forêt s'appelloit la forêt noire avant d'être
nomaiée Lanmur ; fon nom fut enfuite de
Lamballe y & , depuis quatre fiecles , /<»
fora de Ll Hunaudtiyc^
que
que cela aboutît à rien : enfin, ils en vinrent à fe refpe61er ir.a-
tuelleinent , & à faire un traité , en forme de trêve , par lequel il
fut dit que chacun garder oit fa place fans fe guerroyer j ce qui fut
exécuté. Il falloit cependant foudoyer ces garnifons qui jufques-
là n'avoient fubfiflé que de pillage. Le Seigneur de la Hunaudaye,
toujours dans les armées royales, étoit rumé j & le Duc de Mer-
cœur , quoique très-riche , manquoit fouvent d'argent. On prit le
Earti de partager les Paroifles circonvoifmes , & de les faire contri-,
uerpour cet entretien. Ces levées fefaifoient-elles fans exaélions,
& ces exaftions étoient-elles toujours modérées? C'étoit un. cadet
de MM. Defnos-DesfofTés , qui étoit alors Capitaine du château
de la Hunaudaye. *.
La Hunaudaye fut érigée en grande Baronnie des Etats par
lettres-patentes du Duc François II, du 6 Septembre 1487. Les
Etats difputent aujourd'hui cette prérogative. Cette Terre s'étend
dans beaucoup de Paroiffes, avec des mouvances confidérables en
proche & en fupériorité, & elle efl: devenue d'une grande dif-
tinction depuis la jonftion de Momafilant , ancienne bannière de
la Châtellenie de Plancoh ^%l autres- annexes. La Terre & Sei-
gneurie de la Hunaudaye appartiennent préfentement à M. le
Comte de Rieux. Le territoire de cette Paroifle eft fertile en
grains & pâturages : on y voit des landes & beaucoup de bois.
PLEDER ; à 2 lieues un tiers au Sud-Ouefl de Dol , fon Evê-
ché & fa Subdélégation j & à 9 lieues de Rennes. Cette ParoifTe
reffortit à Dinan, & compte 600 communiants : la Cure eft à
l'Ordinaire. Le territoire renferme des terres en labeur, des
prairies , & des landes : c'eft un pays couvert qui produit beau-
coup de cidre.
La Motte de Beaumanoir, moyenne & bafle-Juftice , à M. le
Chevalier de Lorgenl.
* PLEDRAN \ dans un fond ; à i lieue & demie au Sud-Sud-
Eil de Saint-Brieuc , fon Evêché ; à 1 9 lieues de Rennes , fon ref-
fort ; & à 3 lieues de Moncontour , fa Subdélégation. On y
compte 3 000 communiants , y compris ceux de Samt-Careuc , fa
trêve : la Cure eft à l'Ordinaire. Le territoire efl plein de mon-
ticules & de vallons, mais fertile & aflez exa^lement cultivé : les
landes y font rares. L'an 1233, Saint Guillauaie, Evêque de Saint-
Brieuc, donna l'Eglife de Pledran au Chapitre de fa Cathédrale,
pour la fondation & l'entretien de deux Canonicats qii'il venok
Tonu IIL Y z
V
Î54 . , PL E
de créer. La Vicomte de Pledran , après avoir été long -temps
dans les maifons de Pledran , du Louet , de Montmorenci , eft
entrée dans celle de Poitiers-Gefvres , par le mariage de Léon-
Louis Poitiers de Luxembourg , Duc de Gefvres , avec Eléonore-
Marie de Montmorenci-Luxembourg , fœur du Prince-de Tingri.
M. le Duc de Montmorenci pofTede aujourd'hui cette Seigneurie.
f Pledran, Vicomte, haute, moyenne & bafTe-Jullice , & la
Seigneurie de Pirnit , haute , moyenne & baffe-Jullice , à M. le
Duc de Montm.orenci ; la Commanderie de Crehac , haute ,
moyenne & balTe-Julnce , à M. le Commandeur de Malte : le Bu-
chon , haute , moyenne & baffe-JulHce -, le Hirel , haute , moyenne
& balTeJulHce j Ciineuf, haute, moyenne & baiîe-luftice ; le
Pleflis-Lelay , haute, moyenne & baffe- Juftice ; la Sauniere ,
haute , moyenne & baffe -Juflice ; Se la CorniUiere , haute,
moyenne Sz baffe-Juffice , aux héritiers de M. du Pkffis-Lelay ;
cette dernière appartenoit , en 1370, à Jean de la CorniUiere,
Ecuyer dans la Compagnie de Bertrand du GuefcHn , Connétable
de France. Beaurepaire, haute, moyenne & baffe-JulHcej Craf-
faut , haute , moyenne & baffe-JulHce ; Carmené , haute , moyenne
Se baffe- Juilice ; & Clair-Fontaine , haute , moyenne & baffe-Juf-
tice, à M. de Carlan : la Houffaye , haute, moyenne & baffe-
JuiHce ; & Coeffurel, haute, moyenne & baffe-JulKce , aux hé-
ritiers de M. de la Houffaye : la Ville-HeUo , haute , moyenne
Se baffe- Juffice , aux héritiers de M^^. de Montmorenci ; le Vau-
morin , haute , moyenne Se baffe-Juffice , aux héritiers de M. de
la Mouffaye ; Penguilly , moyenne & baffe-Juffice , à. M. de la
Rivière -, la Ville-Meneuc , moyenne Se baffe-Juffice , à M. de la
Ville-Coleu de la Guerrand , qui poffede aufii la moyenne Se
baffe-Juffice de Belleville. La mailbn du Pleffis-Eudes , dans la
trêve de Saint-Careuc , eff le lieu de la naiffance du Maréchal
de Guébriand.
PLEGUIEN ; à 3 lieues Se demie au Nord-Oueffde Saint-
Brieuc , fon Evêché , (a Subdélégation, Se fon reffort ; à 24
lieues de Rennes. On y compte 1 200 communiants : la Cure eff
à l'Ordinaire. Des vallons , des coteaux , des monticules , des
ruiffeaux , des prairies , des terres bien cultivées : voila ce que
ce territoire offre à la vue.
PLÉHÉDEL ; ffir une hauteur ; à 5 lieues au Nord-Oueff de
Saint-Brieuc , fon Evêché Se fon reffort j à 2 5 lieues de Rennes j
PLE 35J
Se k 1 lieues un quart de Paimpol , fa Subdélégation. Cette Pa-
roifle relevé du Roi : elle a haute-Juftice , & compte i ooo com-
muniants. M. de Boifgeflin en eÛ le Seigneur : la Cure efl: à
l'alternative. Son territoire efl borné par la mer & arrofé de plu-
iîeurs ruiffeaux qui vont fe jetter dans la rivière du LiefL Les
terres en font très-fertiles & très-exaftement cultivées. Vers l'an
1364, Pierre Poulard , Chevalier - Bachelier , Confeiller du Duc
Jean IV, donna quatorze livres de rente, qu'il pofTédoit fur le
manoir de Tuon-joces , en la Paroiiïe de Pléhédel , avec les dî-
mes de la Paroiffe de PlefTelas , appellées dîmes de Brehcc ,
valant iîx tonneaux de froment , à l'Abbaye de Beauport , pour
fonder une MefTe ;, à perpétuité , dans l'Eghfe de cette Maifon , du
confentement de Conilance de Kerraoul, fon époufe. Cette MeiTe
doit fe dire tous les jours.
Pléhédel efl une Vicomte qui appartenoit jadis à la maifon de Be-
ringhem : elle efl aujourd'hui à la famille de Boifgeflin , qui tire fon
nom du château de Boifgeflin,connu en cette ParoifTe -, dès l'an 1 300,
il appartenoit alors à Guillaume Chevalier , Seigneur de Boifgeflin.
Les Seigneurs de cette maifon ont eu des emplois diflingués chez les
Ducs de Bretagne & dans les différentes Croifades , tant pour le fer-
vicç de mer que fur terre. M. le Vicomte de Boifgeflin fut nommé
Gentilhomme de la chambre des enfants de France en 1760.
PLEHEREL ; fur une montagne , au bord de la mer ; à 7 lieues
un quart à l'Efl-Nord-Ell de Saint -Brieuc , fon Evêché ; à 17
lieues de Rennes ; & à 5 lieues de Lamballe , fa Subdélégation.
Cette ParoifTe reffortit à Jugon , & compte 700 communiants.
M. le Comte de Rieux en efl le Seigneur : la Cure efl à l'Or-
dinaire. Ce territoire forme une plaine à l'exception de deux mon-
ticules , fur l'une defquelles efl le bourg , avec un moulin j l'autre
efl une lande affez vafle. Les fables de la mer couvrent une par-
tie du terrein j de forte que les habitants récoltent à peine afTez de
de grain pour fe nourrir , parce que les landes font très-éten-
dues dans cette ParoifTe.
Le Vaurouault , moyenne- Juflice, à M. Goayon du Vaurouault;
la Ville-Morhen, moyenne- Juflice, à M. Hehguenj la Ville-Roger,
moyenne-Juflice , à M. de Coetanfao ; la Ville-Roland , m.oyenne-
Juflice , à M. de Tremcreuc ; le Meurtel , moyenne - Jufrice , à
M. l'Abbé de Meurtel j le Prébrall, moyenne-Jufcice , à M. He-
liguen ; la Salle-pique , moyenne-Jullice , à M. des Congnets de
l'Hôpital. La Terre du Papeu étoit , en 1380, à N.... Gerril ,
356 PLE
Chevalier , Sieur du Papeu. Depuis ce temps , cette Terre a
toujours refté dans la même famille.
PLEIBEN ', fur la route de Châteaulin à Carhaix ; à 5 lieues
au Nord-Nord-Eil de Quimper , Ton Evêchéj à 37 lieues d&
Rennes ; & à 2 lieues de Châteaulin , fa Subdélégation & fon
reiîort. Cette Paroifle relevé du Roi , & compte 6000 commu-
niants , y compris ceux du Cloître , fa trêve , & ceux de Samt-
Ségal , fon annexe : la Cure eft à l'Ordinaire. Ce territoire efl
un pays couvert , très-défagréable pour les voyageurs à caufe des
montagnes & des vallons dont il eil plein. ïl eiî arrofé de plu-
iîeurs ruifleaux qui vont fe jetter dans la rivière d'Aulne. Les
terres font bien cultivées , les pâturages abondants , les prairies
très-bonnes ; mais les landes font malheureufement très- étendues.
Il fe tient quatre foires par an à Pleiben. La moyenne & baffe-Juf-
tice de Léun & Ker-guillai appartient à M. de la Rivière. Le
château de Trelîguidi & la famille de ce nom font très-anciens.
Un Seigneur de cette maifon fut nommé Capitaine ou Gouver-
neur de Paris, le 19 Février 1380. M. de Kergris de Kervégan
poiTede aujourd'hui cette Seigneurie. Les autres maifons font :
Ker-iriou, Quiliien , Ker-yvon , les Salles, Penhouet , Lérault ,
Trouane, Ker-andourguet , Ker-brient, Ker-veno, & Ker-gadalen.
PLEIBERT-CHRÎST ; à 5 lieues au Sud-Sud-Eil de Saint-
Pol-de-Léon , fon Evêché ; à 3 6 lieues de Rennes ; & à i lieue
trois quarts de Morlaix , fa Subdélégation. Cette ParoifTe reffortit
à Brcft, & compte 2600 communiants. M. de Lefcouet en ell
le Seigneur : la Cure efl préfentée par l'Evêque.
Le château de Lefquifiou, Châtellenie , avec haute, moyenne
&c bafTe-Juilice , efl: une Juveignerie des anciens Vicomtes du
Faou : il appartenoit, en 1540, à Jean le Borgne, Sieur de
Lefquifiou. Vincent le Borgne, fon arrière petit-fils , étoit Capitaine
dans le Régiment du Maréchal de Brezé en 1680. Le Roi Louis XIII
honora d'une eflime particuhere ce Seigneur , qui époufa Mar-
guerite Budes. Une de leurs filles fe maria au Comte de Bethune,
& leur fils aîné époufa Marie de Coëtlofquet. Cette Terre appar-
tient préfentement à M. de Lefcoat. Le château de Coëtlofquet
appartenoit , en 1 400 , à Jean de Coëtlofquet , dont le fils fut
Evêque de Limoges , & Précepteur des Enfants de France. Les
autres mailbns nobles font : Ker-oval, Ker-viU , Ker-vrach,
Lohennec , Treuzcoet , & Ker-ampuil. Ce territoire eil plein de
PLE 357
vallons , Se renferme des terres en labeur, des prairies, & des
landes. La rivière de Morlaix y prend fa fource.
PLEIBERT-SAINT-EGONEC ; fur la route de Morlaix àBreflj
à 4 lieues au Sud-Sud-Ell de Saint-Pol-de-Léon , fon Evêché ; à
39 lieues de Rennes; & à 2 lieues de Morlaix, fa Subdéléga-
tion. Cette ParoifTe reflbrtit à Brell, & compte 3200 commu-
niants : la Cure eu préfentée par l'Evêque. Ce territoire , coupé
de vallons , renferme des terres en labeur & des landes qui ne
font que trop étendues : on y voit les maifons nobles de Pen-
fort, du QuiUenec , du Heiiin, de Ker-ennot, du Gai, de
Coëtgoulouarn , de l'Hoennec , de Ker-morin , de Luzec , & de
Penfaou.
PLEINE-FOUGERE; à 3 lieues à TEfl deDol, fon Evêché
& fa Subdélégation; & à 10 lieues & demie de Rennes. Cette
ParoifTe relevé du Roi , & . reffortit à Bazouges ; on y compte
2400 communiants. La Cure fe préfente par l'Abbé de Saint-
Florent. Pleine -Fougère, haute, moyenne & baffe -Juftice, à
M. duPieiTis; la Pkmdiere , moyenne & baffe Jufli ce , à M. de
la Reigneraye-Thomas : Mont-Louet, moyenne & baffe-Juflice,
à M. de Brunes de Mont-Louet ; cette Terre appartenoit , en
1500, à Gilles de Mont-Louet: le PlefTis-Chofnel , moyenne &
bafîe-Juftice , à M. Ruellant du Tierxent. L'an 1068, Jean de
Dol obtint l'agrément du Pape Grégoire VII pour la fondation
du Monaflere de Saint-Florent , près Dol , dans l'endroit alors
nommé Meiuoit. Gedouin de Dol, frère du fondateur, & pre-
mier Abbé du nouveau Monaflere , unit à cette Maifon l'Eglife
& les dîmes de Pleine-Fougere. Les Moines gardèrent cette Eglife
jufqu'en 1 184 , que Guillaume de Dinan la donna , avec celle de
la Bofce, à l'Abbaye de Saint-Florent de Saumur, Ordre de
Saint-Benoît, en prenant l'habit monaflique dans cette Maifon,
Depuis ce temps , les Moines de cette Abbaye ont toujours pré-
fenté la Cure de Pleine-Fougere.
Les maifons nobles de ce territoire, en 1500, etoient : la
Marre-Ferron , à Raoul Ferron ; la Ville-Auger, à Philippe de
Flouraille ; les MouHnes & Rozet , à Jean Laily ; le Bodel & la
Ville-Cherel , à François du Houx ; le Buat & la Ville-Clere , à
Jean du Buat ; le Châtelet & Brefamin , à Jean du Han ; l'Eclufe
& Reimon , à N.... ; la Fontenelle & la Ville-Alain , à N.... : à une
demi-lieue à l'Efl du bourg , fe trouve la rivière de Couefnon,
3 58 , PLE
qui fépare la Bretagne d'avec la Normandie. Ce territoire efl uh
pays couverr d'arbres & buifTons : on y cueille des grains de
toutes efpeces ; on y voit d'excellents pâturages. Il fe tient deux
foires par an en cette ParoilTe , où il fe vend beaucoup de
beftiaux.
PLÉLAN-LE-GRAND j gros bourg , fur la route de Rennes à
Ploermel ; à 1 5 lieues au Sud de Saint-Malo , fon Evêché -, & à
7 lieues de Rennes. Cette ParoilTe a titre de Châtellenie , avec
une hauteJuftice , qui reffortit au Préfidial de Rennes. Il s'y exerce,
en outre , deux autres hautes-Juftices & deux moyennes , & il s'y
tient un marché le famedi. Le Roi y polTede pluiieurs fiefs : la
Cure eil préfentée par l'Evêque. Le nombre des habitants eft de
2200 , y compris ceux de Trefandel , fa trêve. Il y a à Pléian
une Subdélégation & une Polie aux chevaux. L'an 869 , le Mo-
nailere de Saint-Sauveur de Redon, ayant été ruiné par les Nor-
mands , l'Abbé Ricand, fuccefTeur de Saint Convion, premier
Abbé de ce Monallere , alla trouver Salomon , Roi de Bretagne, qui
étoit pour lors dans fon château de Brecilien, à Pléian , & lui
demanda une retraite pour lui & fes Moines. Le Prince, touché
de leur fituation , les transféra à Pléian , dans fon château de Bre-
cilien , où il avoir fait commencer un Monaflere, du temps même
de Saint Convion , pour fervir d'afyle à fes Moines pendant la
guerre. Cette Maifon fut appellée Monajîere de Salomon. Lorfqu'il
fut achevé de bâtir , ce Prince lui fit plufieurs préfents : il lui
donna le corps de Saint Maixent , qu'on venoit d'apporter en Bre-
tagne , d'où on l'avoit ci-devant tranfporté en Poitou, pour le fouf-
traire aux profanations facnlcges des Normands , un calice
d'or & une croix de même métal , garnis de pierreries & couverts
d'un habit de drap d'or , qui lui avoient été donnés par le Roi de
France Charles II ; & trois grofTes cloches. La Reine Wembrit
mourut à peu près dans le même temps, & fut inhumée, par
ordre du Roi, dans la nouvelle Eglife de Pléian. C'efl là l'époque
de la fondation de l'Eglife de Pléian, qui, depuis ce temps, a
toujours dépendu de TAbbaye de Saint-Sauveur de Redon : elle
porte toujours le nom de Saim-Maixent de Pléian. Le Roi Sa-
lomon fut pris dans l'Eghfe de Pléian par Pafquiten , fon gendre ,
& Gurvand , gendre d'Erifpoé, fon filleul, qui, félon le rapport
unanime des hiftoriens , lui crevèrent les yeux , le livrèrent
.enfuite à des foldats français , qui l'enchaînèrent & le conduilirent
en baffe Bretagne , où ils lui coupèrent la tête le 2 5 Juin 874 ,
PLE 359
dans l'endroit ou depuis on a bâti une Eglife en fon honneur ,
fous le nom de Notre-Dame du Martyre : elle elt fituée en la Paroifle
de Pioudiri , Evêché de Saint-Pol-de-Léon ; & on croit , par tra-
dition, que le grand autel de cette Chapelle eil placé pofitive-
ment dans l'endroit oii le Saint fut mafTacré. ( Voyez la Martyre. )
Wembrit ou Gyenbret , époufe de Salomon , morte en 864 ou
865 , fut enterrée dans l'Eglife de Plélan-le-Grand. Il ne refte plus
que quelques veftiges du château de Brecilien & du Monaitere
qui étoit auprès. L'EgUfe a été rebâtie plusieurs fois depuis fa
fondation.
En 1420 , Brelas , au Sieur de la Chapelle ; Cancouet, au Sieur
de Baulac ; le Pont-Muflart , à GeofTroi Touet ; Villeneuve , à
Olivier de Marezac \ la Chéze , à Eon Robin: Breil-HoufTou , à
Guillaume Caflenel ; cette Terre a haute, moyenne & bafle^
Juftice , & appartient à M. Joulneaux de Breil-Houfîbu : Beau-
lieu , à Jean de la Ville-au-cerf j cette Terre a haute-Juftice ,
& appartient à M. de Servaude , qui pofTede aufli la Ville-au-
cerf , qui a moyenne- Juflice : ces deux dernières Jurifdiftions
s'exercent au Gué de Paimpont ; & celle de Breil-HoufTou, au
château de ce nom. Les hautes-Jullices de Plélan & de Chéze
s'exercent dans le bourg de l'endroit : elles appartiennent à M de
Montigni. Ce territoire eft coupé pa,r plufieurs vallons : on y
voit des terres de bonne qualité , des prairies , beaucoup de lan-
des , & la forêt de Paimpont qui s'étend en partie dans ce
territoire.
PLÉLAN-LE-PETIT; à 6 lieues au Sud-Sud-OuelHeSaint-Malo,
fon Evêché ; à 1 1 lieues de Rennes ; & à 2 lieues & demie de
Dinan, fa sSubdélégation & fon reffort. On y compte 1250 com-
muniants , y compris ceux de Saint-Michèl , fa trêve : la Cure fe
préfente par l'Abbé de Beaulieu. Son territoire efl: un pays plat,
couvert d'arbres & buiffons : on y voit des terres bien cultivées,
des prairies , & des landes d'une grande étendue. Saint-Malo
de Bourfeul ,haute-Jufl:ice , à M. Nouail \ Beaubois , haute-Juftice ,
à M. de Bruc; la Roblinaye , haute-Juftice, à Madame la DuchelTe
de Coigni ; les Foffes , haute-JulHce , à M. Defnos-DesfolTés ; la
Folinaye , bafTe-Juilice, à M. de la Goublaye de Sirty. Les mai-
fons nobles font : en 1420 , le Veau-Potier , à Rolland le Mitier;
la Métairie , à Jean Taillefer j le Miroir , à Jean de la Chapelle ;
le Bois-Motay , à Jean de Bois-Billy \ la ViUe-de-Loz , à Rolland
de Plorec 5 la Ville-Halou , à Gdles du Bouais j la Lieuraye,
5éo P L E
maifpn franche & fergenterie féodée de la Cour de Dinan ; la
Bardelave , à Jean Ereillant ; Trougat , à Olivier Hue , Seigneur
de Pargas, & Béatrix de Plorec , la lœur ; les Ronces , à Jean de
laBouexiere, qui y faiibit Ion féjourj la Toulchey, à Jean Bouel-
tard : les Folles 6t la Bordelais l'ont plus modernes.
PLELAUFF ; à 1 5 lieues au Nord-Nord-Oueft de Vannes , fon
E% êché ; à 26 lieues de Rennes j & à 3 lieues de Corlai, fa Suh-
délégation. Cette ParoiiTe relîbrtit à Pioermel , & compte 1 200
communiants. M. le Duc de Rohan en eil le Seigneur, & la
Cure eft à l'alternative. Ce territoire efl: montagneux , couvert
de bois , 3c coupé de pkiiieurs ruilTeaux : les terres font bien cul-
tivées , mais la plupart font pierreufes èc llériles. On y fait du
cidre. Le fer qu'on tire des mines du pays elt envoyé aux forges
de Rohan, qui n'en font pas éloignées. Les maifons nobles de ce
territoire , en 1 440 , étoient : le manoir de Quavinien , à Maurice
de Ker-mancheanj le manoir de Ker-nevez, à MefTire GuilLiume
de Ker-man : le château de la Villeneuve appartient à M. de
Kerdaniel.
PLELIN ', à 2 lieues trois quarts au Sud de Saint-Malo , fon
Evêché ; à 1 2 lieues de Rennes j & à 2 lieues de Dinan , fa Sub-
délégation & fon reflbrt. On y compte 1000 commiuniants : la
Cure efl: à l'alternative. Son territoire eft un pays plat , dans
lequel on voit le bois de Plelio, des terres de bonne quaHté ,
des prairies , & des landes : on y voit le château de la Roche,
qui eft très-ancien.
PLELO; à 3 lieues à TOuefl de Saint-Brieuc , fon Evêché,
fa Subuélégation , Ôc fon relTortj à 23 lieues de Rennes. Cette
ParoiiTe, dont la Seigneurie appartient à M. le Duc d'Aiguillon,
compte 3800 communiants : la Cure, qui efl un Prieuré , eu
préfentée par l'Abbé de Beauport , & deffervie par un Moine de
îbn Abbaye , qui eft de l'Ordre de Saint-Auguflin, Le Roi pof-
fede plufieurs fiefs dans cette ParoifTe.
Plelo, Comté, haute-Juflice j Treffignaux, haute -Juflice; &
Lourfiere , haute-Juftice , à M. le Duc d'Aiguillon. Le château
de Saint-Eihi eil la maifon feigneuriale de la Paroifle : elle appar-
tint d'abord à la maifon de Bréhand , famille très-ancienne , qui
tire fon origine de Bréhand-Loucéac ; elle efl aujourd'hui à M. le
Duc d'Aiguillon. Deux anciens cartulaires de l'Abbaye de
Mannouder
PLE jg,
Marmoutier nous apprennent : i°. que l'an looo, Geniius de
Brehand fit une donation au Prieuré de Léhon , près Dinan ;
2°. qu'en l'an 1080, Brehand , dit U Vieux ^ fit aufîi une dona-
tion au Prieuré de Saint-Martin. Etienne de Brehand , Chevalier,
époufa N.... de Rohan , fille d'Alain de Rohan & d'Eléonore ,
deuxième fille d'Eudes , Vicomte de Porhoët ; il mourut à la
Terre-Sainte , en 1 270 : fes fuccefieurs occupèrent les places les
plus diftmguées chez les Ducs de Bretagne & autres Princes,
L'an 1723 , Louis-Robçrt-Hippolyte de Brehand , Comte de Plelo,
époufa Louife Phclipeaux de la Vrilliere , fœur du Comte de
Saint-Florentin, Miniftre 8c Secrétaire d'Etat. L'an i729,Louis-
Robert-Hippol}'te de Brehand , Comte de Plelo , fut envoyé en
ambafîade à la Cour de Danemarck , & fut tué en 1734 de-
vant Dantzic , en attaquant les retranchements des troupes Pruf-
fiennes qui faiibient le fiege de cette ville. Louife-Félicité de
Brehand, feule héritière du Comté de Plelo, époufa, en 1740,
Emmanuel-Armand du Pleflis-Richeheu , Duc d'Aiguillon , Pair
de France , 8cc. à qui elle porta les Terres de Saint-Bihi , de
Plelo , de Pordic,& autres. Chàteau-Goèllo appartenoit^ en 1300,
à Guillaume de Mordelle , Sieur de Château-Goello ; 6c , en 1700,
à Louis de Mordelle , Chevaher , Seigneur de Chàteau-Goèllo , un
de fes defcendants : LeiTmeuc , en 1450, à Jean Courfon , au-
jourd'hui à M. Courfon de Lefîineuc , de la même famille : en
1490, la Guerche , au Sieur de Parcevault , aujourd'hui à fa
famille : la Villeneuve appartient à N... Villeneuve-Gelin , Che-
vaher , Seigneur dudit heu ; la Ville-Balin 8c Lanloup , à N
Ce territoire eft un pays couvert, on y voit beaucoup de bois,
des arbres , ^ buifîbns ; des terres de bonne qualité , des prai-
ries , ^ peu de landes.
PLEMET ; fur une hauteur ; à 8 Heues ^ demie au Sud-Sud-
Efl: de Saint-Brieuc , fon Evêché ; à 1 5 lieues de Rennes \ &: à
6 lieues de Joflehn , fa Subdélégation. Cette ParoilTe , dont la
Cure eft à l'Ordinaire, relTortit à Rennes, 8c compte 2700 com-
muniants. Il s'y tient un marché le lundi. Beaumanoir , haute-
Juftice ; Bodifet , haute, moyenne & baffe - Juftice , à M. de
Beaumanoir.
La maifon de Beaumanoir eft une des plus confidérables 8c
des plus diftinguées de la province : elle a pofTédé , pendant plu-
iîeurs fiecles , la Baronnie de Lavardm puis Marquifat y dans le
Maine. Ouiliaume de Beaumanoir étoit Chambellan du Roi de
Tom^ IIL Z 2
56i PLE
France en 1 404. Ces Seigneurs ont occupé les plus belles places
en Bretagne.
Ce territoire renferme les forges du Vaublanc , fituées fur Té-
tang de ce nom , qui fait la principale fource de la rivière du
Lielt : on y voit des terres en labeur , quelques prairies , beau-
coup de landes , & le bois de Bodifet (itué auprès de la maifon
de ce nom.
PLEMEUR-BODOU j à 4 lieues à TOueft de Tréguier, foti
Evêché ; à 3 3 lieues de Rennes ; & à i lieue de Lannion , fa
Subdélégation & fon reffort. Cette ParoiiTe relevé du Roi , &
compte 1 200 communiants : la Cure eil à l'alternative. Son ter-
ritoire , borné à l'Oueft par la mer , eft fertile en grains de
toutes efpeces : on y voit peu de landes. Ses maifons nobles font :
Créchariou , le Bouloin , le Cleuzmeur , Goaradur , Ker-modeft ,
Ker-uzec , Penvern , & Mefanhaye.
PLEMEUR-GAULTIER ; à i lieue un quart à l'Efl-Nord-Eft
de Tréguier , fon Evêché ; à 29 lieues de Rennes ; & à 2 lieues
de Pontrieux , fa Subdélégation. Cette ParoiiTe refîbrtit à Lannion ,
& compte 3000 communiants, y compris ceux de Lezardrieux,
fa trêve ; la Cure eft à Talternative. Son territoire eft. un pays
plat dont les terres produifent d'abondantes récoltes en grains &
lin ; on y voit des landes afTez étendues. La maifon noble de
Lezartrevu appartenoit, en 1230, à Jean Alain, Sieur de Lezar-
trevu , dont le fils , nommé A/ain , fut Evêque de Tréguier en
1262. Le château du Botloy , place jadis forte , fut démoli en
1592 j il n'en relie plus que quelques veftiges , & un colombier
en partie écroulé. Cette Terre , qui a haute , moyenne & bafle-
Juflice , a long-temps appartenu à la famille de Richelieu. L'an
1773 , M. le Prêtre de Châteaugiron l'acheta de M. le Maréchal
Duc de Richelieu : ce château étoit fitué près la rivière de Trieuc.
Le château de Poulglau appartenoit, en 1340, à Robert de Ker-
gariou , Chevalier , Seigneur de Kerépol. Les autres maifons font :
le Goueflou , Ker-marquer-les-Hardrien , Ker-mengui , le Merdi ,
Ker-meuri , Pont-Glo , &: Trovoas.
PLEMY ; à 4 Heues &: demie au Sud-Sud-Eft de Saint- Brieuc ,
fon Evêché ; à 16 lieues de Rennes, fou refTort ; & à i lieue
de Moncontour, fa Subdélégation. On y compte 2600 commu-
niants. M. le Comte de Rieux en eft le Seigneur : la Cure eft à l'Ordi-
PLE 363
naire. La Ville-Maupetz, haute, moyenne &: bafTe-Jullicei Lefcouet,
haute, moyenne & balTe - Juftice , à M. de Carcado : la Ville-
Norme , haute , moyenne & baffe - Juftice ; Limoelan , haute ,
moyenne & baffe -Juftice; Bogard, haute, moyenne & baffe-
Juftice j la Brehaudiere , haute , moyenne & balîë-Juffice , à M.
de la Noué : Launai-Cotio , haute, moyenne & baffe - Juffice j
d'Enhaut , haute , moyenne & baffe - Juffice ; d'Enbas , haute ,
moyenne & baffe-Juffice , à M. l'Abbé de Quemereuc : Quilmen ,
haute , moyenne &: baffe-Juffice , à M. du Gage -, le Vauclair ,
haute , moyenne & baffe - Juffice , à M. le Comte de Pdeux ;
Brangolo, moyenne-Juftice , à M. de Boncours. Ce territoire ren-
ferme des terres cultivées , quelques prairies , & les landes im-
menfes de Fanton , pour le défrichement defquelles on a fait juf-
qu'ici beaucoup de dépenfes inutiles : il paroît que le fol du ter-
rein n'eft pas bien fertile, ou que les chefs de l'entreprife n'en-
tendent pas l'Agriculture.
PLENÉ-JUGON ; dans un fond ; à 7 lieues à l'Eff-Sud-Eff de
Saint-Brieuc , fon Evêché ; à 1-3 heues un tiers de Rennes ; èz à
3 lieues un quart de Lamballe , fa Subdélégation. Cette Paroiffe
reffortit à Jugon , & compte 3300 communiants. Le Roi y pof-
fede plufieurs fiefs -, Madame la Comteffe de Coigny eft Seigneur
du lieu : la Cure eff à l'Ordinaire. Il fe tient un marché le
famedi à Plené- Jugon , dont le territoire , coupé par plufieurs
vallons , offre à la vue des terres bien cultivées , des prairies ,
& des landes ; on y voit aufîi la forêt de la Mouffaye , & l'Ab-
baye de Bofquen. ( Voyez Bofquen. ) Bofquen , hauteJuftice , à
l'Abbaye de Bofquen,- les Clos, haute - Juffice , à Madame de
Froulaye , qui poffede aufli la Terre de la Villeneuve , avec
haute-Juftice ; les Clos , moyenne-Juftice , à N...; le Pont-taille-fer,
moyenne-Juftice , à M. de Benazé -, le Riveul , moyenne - Juftice ,
à M. du Rocher de Saint-Riveul -, la Touche-Sauvaget , moyenne-
Juftice , à M. Talhouet de Bon-amour -, la Ville-Blanc , moyenne-
Juftice , à M. d'Andigné de la Chaffe j la Ville-Breheu , moyenne-
Juftice , à M. du Rocher de Saint-Riveul ; la Ville-Pierre , baffe-
Juffice , à M. Bertho de la Ville-Pierre 5 le Val-Martel , baffe-
Juftice , à Madame du Trait-Tranchant j Saint-Mirel , baffe-JulHce ,
à M. Urvoye de Saint-Mirel j Bougueneuf, baffe -Juftice, à M.
du Rocher-Pargas j le petit Carbiffan , baffe-Juffice , à Madame
du Trait-Tranchant ; la Grand-Mere , baffe-Juftice , à M. le Re-
bour de Vaumadeuc 5 Saint-Ouen , baffe-Juftice , à M. Gouyon
3^4 P L E
de Chaumatz ; le Tertre-Volance , bafTe-Juftice, à M. de Tre-
maudan de Tariac. Le château de la Mouflaye , maifon feigneu-
riale de Plené-Jugon, appartenoit , en 1160 ^k Olivier, Che-
valier , Seigneur de la Mouflaye. Bertrand de la Mouiïaye, Cham-
bellan cS^: Grand-Véneur de Bretagne , eut Amauri , fon fils , pour
fuccefleur. En 1487, Jean de la Mouiïaye fut Chambellan du
Duc de Lorraine , & Colonel de Cavalerie. La Terre & Sei-
gneurie de la MoufTaye fut érigée en Marquifat par le Roi
Louis XIII, en 1^15 , en faveur d' Amauri de Goyon , qui avoit
époufé Catherine de Champagne de la Suze , de laquelle il eut
un fils nommé Amauri ^ troifîeme du nom, qui prit en mariage,
en 1629, Henriette-Catherine de la Tour, fille de Henri de la
Tour , Duc de Bouillon , Vicomte de Turenne , Maréchal de
France , & d'Elifabeth de NafTau. La poftérité mafculine d'A-
mauri s'étant éteinte , le Marquifat de la MoufTaye efl venu ,
par héritage , à René de Montboucher , Marquis du Bordage ,
du chef de fa mère EUfabeth Goyon , fille d'Amauri , troifieme
du nom. La Seigneurie de la MoufTaye appartient préfentement
à Madame la ComtefTe de Coigny.
PLENEUF ; fur une hauteur ; à 4 lieues au Nord-Efl de Saint-
Èrieuc , fon Evêché & fon relTort ; à 1 8 lieues de Rennes j &:
à 3 lieues de Lamballe , fa Subdélégation. On y compte 900
communiants : la Cure efl à l'alternative. Le territoire , borné
par la mer , offre des terres de bonne qualité , des prairies , &
des landes. Le château de Guemadeuc , dont l'emplacement fe
diftingue à peine, au bord de la mer, a foutenu piufieurs fieges.
Il appartenoit , en 1300, à Rolland Madeuc. Pierre lî érigea
cette Seigneurie en Bannière, l'an 1451 , en faveur de Thomas
de Guemadeuc, Grand-Ecuyer héréditaire de Bretagne. Rolland,
fon fils , Chambellan du Duc François II , époufa , en 1 460 ,
Ifabeau Goyon. Rolland de Guemadeuc époufa Perronnelle de
Coëtquen, fille de Jean de Coëtquen , Grand-Maître de Bretagne.
Jacquemine fut mariée à Alain du Cambout ; & Thomas, Grand-
Ecuyer de Bretagne , à Jacquemine de Beaumanoir. Françoife
de Guemadeuc époufa François de Vignerot , dont elle eut Ar-
mand , Duc de Richeheu. Ce château n'exifle plus j ayant été
afliégé, l'an 1 592, il fut démoli. Cette Seigneurie a haute-Juflice ,
& appartient à M. Baudouin.
Le port de Daouet efl célèbre par le grand commerce de
toutes fortes de grains qui s'y fait. Pour le rendre plus facile &
P L E 5^5
plus florlffant, on a faît.ouvrir un chemin qui conduit de Lamballe
à ce port : mais on devroit aufli faire elcarper un gros rocher
qui fe trouve dans la mer , à fon entrée , & qui empêche les bar-
ques d'y entrer facilement.
PLERGUET ; fur une hauteur ; à i lieue deux tiers à l'Ouefl-
Sud-Oueft de Dol , fonEvêché&: fa Subdélégation ; à lo lieues
un tiers de Rennes. Cette ParoifTe reflbrtit à Dinan , & compte
2400 communiants : la Cure ell: à l'Ordinaire. Des terres en la-
beur , peu de prairies , & des landes j voilà ce que ce territoire
offre à la vue.
Le Tronchet , haute- Juftice , à l'Abbé du Tronchet ; Beaufort ,
hauteJuflice , aux héritiers de feue Madame de Goyon; la Cha-
pelle Vauclerc , moyenne & balTeJuflice , à Madame de Cra-
pado. Les maifons nobles font: en 1500, la Hire- Bechaye , à
Jean Cadiou j la Ville-Gourou , à Raoul de la Mouteliere ; Saint-
Gluen, à Olivier le Chevrier j les Rochars , à Geoffroi de Rein-
dre j la Jugandiere , à Gilles Cherrugers ; le LefTart , à Jean
de Lanvallai ; la Ville-Morin,. à Guillaume Saliouj le Tertre-
Pin , à N..».
PLERIN , fur une hauteur ; à trois quarts de lieue au Nord-
Nord-Ouell de Saint- Brieuc , fon Evêché & fa Subdélégation j
à 20 lieues trois quarts de Rennes , fon reflbrt. On y compte
2400 communiants j la Cure eft à l'alternative : M. le Duc de
Penthievre en eft le Seigneur. La moyenne & bafïe-JulHce de.
ia Villerault appartient à Mademoifelle de la Lande de Caflan.
La Montagne , le Gué , le Couvran , les Fi-olTaires , & les Male-
brouffes , font les maifons de ce territoire , qui eft borné par la
mer , & où fe trouve le port du Légué. ( Voyez Saint- Brieuc. )
Les terres y font fertiles en toutes fortes de grains j on y voit
peu de landes : c'eft un pays coupé par plufieurs grands val-
lons , dans lefquels palTent des ruiiTeaux qui vont fe jetter
dans la mer.
La piété de deux filles donna naifTance , en 1706 , au Monaflere
des Filles du Saint-Efprit ; maifon très-utile , puifqu'elle efl la ref-
fource des pauvres.
On remarque encore en beaucoup d'endroits de la Bretagne,
fur-tout de la baiTe , des pardons fuperjîitieux , des fêtes inutiles
& toujours dangereufes , où les gens de la campagne vont s^'en-
ivrer , dépenfer leur argent , perdre leur temps , fe battre , &
366 P L E
fouvent commencer des procès ruineux. En voici un exemple. A
un quart cle lieue de Plerin, eu une Chapelle dédiée à Saint
Eloy, dont la fête fe célèbre au mois de Juin. Les payfans des
environs ont rendu ce Saint le Patron des juments & des che-
vaux. Tous les ans , au jour de la fête , les habitants des Paroifles
de dix lieues à la ronde y viennent en pèlerinage. Après leurs
prières faites à la Chapelle , ils vont à la fontaine qui fe voit
auprès , y puifent de l'eau avec une écuelle , & la jettent dans
la matrice & dans les oreilles de leur jument , & en arrofent
les tefticules de leur cheval, dans la perfuaflon que cette eau
a la vertu prolifique. Cette opinion eft fi bien gravée dans
l'eiprit de ces bonnes gens, qu'il feroit impoffible de l'en déra-
ciner. Ce n'ell pas le feul abus de cette afi^emblée : les hom.mes
s'enivrent ; & , lorfqu'on en voit quelqu'un dans cet état , tout
le monde s'écrie : il a la goutte. Celui qui efi: à cheval , pour
montrer qu'on fe trompe, fe met à courir à toute bride, & il
n'efi: pas furprenant de voir fuivre des accidents très-fâcheux de
ces excès. Outre l'ivrognerie , on pourroit encore mettre au rang
des abus le libertinage & le défordre qui fe commettent dans
cette afiTemblée. Il n'elt pas rare de voir des filles que la fon-
taine de Saint-Eloy rend aufii fécondes dans l'année. C'efi: à ceux
qui difpenfent la loi d'apporter le remède : ce feroit aux Rec-
teurs à veiller avec foin fur ces pieux pèlerins , ou plutôt à re-
courir à l'autorité pour obtenir la fuppreffion de ces fêtes. Mais
n'y auroit-il point de l'indifcrétion à exiger d'eux ce facrifice ?
Avec cela , dit Rabelais , le Recieur met la poule au pot,
PLERNEUF j à 2 lieues à l'Oueft de Saint-Brieuc , fon Evêché,
fa Subdélégation, & fon reffort ; à 22 Heues de Rennes. On
y compte 700 communiants : la Cure efi: à l'alternative. M. le
Prince de Soubife en efi: le Seigneur. Ce territoire forme un pays
plat , couvert d'arbres & buiflTons : il efi: coupé par plufieurs grands
vallons. On y voit des terres en labeur bien cultivées , des
prairies , & peu de landes. On y fait d'excellent cidre.
PLESCOP ; à I lieue trois quarts au Nord-Ouefi: de Vannes,
fon Evêché , fa Subdélégation, & fon refiTort ; à 21 lieues de
Rennes. On y compte 650 communiants : la Cure efi: à l'alter-
native. Son territoire efi: un terrein plat , dont les terres font de
bonne qualité. On y remarque des prairies & des landes afifez
étendues. Le bois de Ker-ango , fitué auprès de la maifon de
P L E 3^7
fon nom , eft très-beau. Ker-ango eil la malfon de campagne des
Evêques de Vannes.
Les maifons nobles, en 1430, étoient : Ker-du , à Renaud de
Beaumont ; Ker-ango , à i'Evêque de Vannes -, Branbec , à Jean de
Branbec ; Thuon , au Sieur de Thuon j Coëtdic , à Amauri de
Coëtdic j Quirifoit, à Thomas Sequallonj Ker-lannenan , à Oli-
vier Lorveloux -, l'Ébergement de ivlalieville , à N... -, le village
de Saint-Ducar, à Ihomas de Saint- Ducarj le Moufl:oir,à
Sylveftre Lorveloux. En 1 500 , les manoirs de Guernic , de Quer-
valai, & de Sanducat, à N....
En 1456, les habitants de cette ParoifTe trouvèrent le corps
de Saint Hamon, Chevalier Breton , caché dans des broufTailles,
On en fit l'enlief avec la plus grande folemnité , & l'on fit bâtir
dans Tendroit une Chapelle en fon honneur.
PLESSÉj à 10 lieues au Nord-Oueft de Nantes, fon Evêché
& fon reilort j à 1 5 Heues de Rennes j & à 3 lieues de Blain ,
fa Subdélégation. M. le Duc de Rohan eft Seigneur de cette Pa-
roifTe, où l'on compte 3000 communiants, y compris ceux de
Rofet, fa trêve. La hauteJullice de l'endroit reffortit au Mar-
quifat de Blain : la Cure efl: à l'Ordinaire , & la Chapellenie de
l'Hôpital du Roi eft préfentéè par le Roi. Le Prieuré d'Eflival
dépend de l'Abbaye de Saint-Sauveur de Redon. L'an 900 , Alain
le Grand , Duc de Bretagne , donna l'Abbaye de Saint-Serges
d'Angers à Rainon, Evêque du lieu. L'afte de cette concemon
qualifie le Prince du titre de Roi : il fut paffé au château de Se,
in cajlro Seio , dans la Paroifie de PlefTé , à plehe Seia , au dio-
cefe de Nantes , près Blain. Il ne paroît plus aucuns veftiges du
château. La Frefnaye , maifon feigneuriale du lieu , appartient à
M. le Duc de Rohan. Le 6 Février 1 3 1 4 , le Duc Artur fonda
l'Aumônerie de Rofet en Plefie , & lui donna deux cents livres
de revenu , à la charge au Chapelain de donner l'hofpitalité &
l'aumône , de dire trois Méfies , & de réfider fur les lieux , fans
pouvoir eiî être difpenfé. Des deux cents livres , le Chapelain eu
touchoit cinquante , le refiie devoit être diilribué aux pauvre»
félon l'intention du fondateur. Le 18 Novembre 1443 , le Duc
François I accorda des lettres à Jacques de la Touche , fon Ma-
réchal de falle , pour lui permettre de marier une de fes
filles avec Pierre de l'Epinay, demeurant en la Paroifle de
Plefifé. Ces lettres lui donnoient auffi le privilège de vendre, fans
payer aucun impôt, ou faire vendre vingt pipes de vin, de
jé8 P L E
quelque pays qu*il fût , par chaque année , en la Paroiffe de
PlefTé. Ce territoire , où le Pv.oi pofTede plusieurs fiefs , ei\ un
pays plat : on y voit des terres fertiles en grains, des prairies,
&: des landes d'une étendue fi confidérable qu'elles occupent
plus de la moitié de ce territoire qui avoifine la forêt du Gavre.
PLESSELAS ou PLESSALA -, dans un fond ; à 6 lieues au
Sud-Sud-Efi: de Saint-Brieuc , fon Evêché ; à 4 lieues trois quarts
de Moncontour, fa Subdélégation; & à 15 lieues de Rennes,
fon refix)rt. On y compte 2500 communiants : la Cure efi: à l'al-
ternative. La majeure partie de ce territoire eu occupée par les
montagnes du Mné, qui font au Nord de fon bourg , & dans
lefquelles fe trouvent beaucoup de pierres & de roches. Outre cela,
il y a plufieurs autres cantons où le terrein ell fi:érile & joint èk
des landes qui font fort étendues ; de manière qu'il n y a qu'une
petite portion de ce territoire en rapport.
CrenoUe , haute, moyenne & bafie-Jufi:ice ; jCornéan, haute ^
moyenne & bafi"e-Jufi:ice ; Penhouet , haute , moyenne & balle-
Juftice , à M. de CrenoUe : la ViUe-Orio , haute , moyenne &
bafTe-JulHce , à M. du Halgoët. L'an 1364, Pierre Poulard , Che-
vaHer , Bachelier , & Confeiller du Duc Jean IV , donna , du
confentement de Confl:ance de Kerraoul , fon époufe , les dîmes
de la Paroifi!e de Plefi^elas, appellées dîmes de BreheCy valant fis
tonneaux de froment , à l'Abbaye de Beauport , avec quatorze
livres de rente qu'il polTédoit fur le manoir de Tuonjoces , en
la Paroifle de Plehedel , pour la fondation d'une Meffe, à per-
pétuité , dans l'Eglife de cette Abbaye. Pierre Poulard étoit
frère de Guillaume , Evêque de Saint-Malo. £n ce temps , le
marc d'argent étoit à cinq livres cinq fols.
PLESTAN; fur la route de Rennes à Breft; à 5 lieues &:
demie à l'Eil-Sud-Eft de Saint-Brieuc , fon Evêché j à 1 4 lieues &
demie de Rennes ; & à i lieue & demie de Lamballe , fa Sub-
délégation. Cette Paroiffe reffortit à Jugon, & cortipte 1300
communiants. M. le Duc de Penthievre en eft le Seigneur : la
Cure efi: à l'alternative. Ce territoire produit des grains de toutes
efpeces, & du cidre. C'eft un pays plat, dont les terres font
bonnes & bien cultivées. La rivière de Goueffan y prend fa
fource. La maifon de Gardifeul efi très-aiicienne : elle fut pof-
fédée , pendant plufieurs fiecles , par les Seigneurs deForfanz,
maifon illultre , originaire de Gafcogne près la ville de Condom.,
dont
P L E ^^^
dont la Seigneurie leur appartenoit en partie. Un Seigneur de
Forfanz épouia la fille d'un Comte d'Armagnac, Duc de Guyenne
en 1025. Le premier qui vint en^Bretagne , corr.mr.ndoit la Com-
pagnie des Gendarmes du Sire d'Aibret , Ion parent. En 148-^
un cadet de cette maifon s'établit en £'retsgne , èk y acquit U
Terre de Gardifeul , l'an 1526. Parmi les defcendants , on
compte trois Gentilshommes de la maifon du Roi , un Gouver-
neur des ville & château de Dinan , & un MclLe-de-C an^p d'un
Régiment d'Infanterie, en 1680. La Seigneurie de Gardifeul a
une haute-Juftice ; elle appartient aujourd'hui à M, de la Mouf-
faie , qui poflede auiîi Carcouét , haute-Juflxe ; & Brefiimere
haute-Juftice : Gautrel , moyenne-Juitice ; le Val, moyenne-Juf-
tice,à M. Poullain de Tramain: Guilliers,bafie-Juftice ; la Chéze
moyenne- Juftice , à M. Brunetdu Guilliers : les Perrieres, moyenne-
Juftice , à M. de Lorgeril; le Bois-Menard , baffe-Juibce , à M. Ur-
voi de Kertangui ; le Verger , moyeaine-Juflice , à M. Bertho de
la Ville-JolTe. En 1460, Carcouët , la Ville-Auléon, Bréhiguen,
la Torche, la Houflaye , les Salles, Sauboffeq, à N... : la Ville-
Heliou, à Jean de la Chapelle , Sieur de la Beuvre & de Ple-
dran ; le PleiTis-Budes , le Brancher , le Couefîavet , à Thcbaud
de Queryennec , Sieur du Quillio ; Hirel de Gaft , Boetua de
Coeffurel , à Bertrand Budes ; la Touche , la Ville-Gual , à Jean
Budes : la maifon de Budes eft très-ancienne. L'auteur d'un ar-
moriai breton dit qu'un Pape , qu'il ne nomme pas , ayant fait
mourir, dans la ville de Moron, Sy Iveflre Budes, un des plus
braves guerriers de fon temps , fur le rapport de {es ennemis ^
fut fi fâché de fa mort, quand il eut reconnu l'innocence de ce
Gentilhomme , que , pour en témoigner fon repentir , il changea
l'écufi^on de fes armes , & donna une Bulle qui déclaroit toutes
ks Terres dont ce Seigneur jouiffoit avant fa mort , exemptes de
dîmes ; Si fes defcendants jouifToient encore de ces privilèges
en 1680.
Les manoirs de Saze , de Vaumorin , & de Salles-Cipheron , à
Charles de Couveran ^ les manoirs de la Ville- Auger , de la Ville-
Guerdret, & de la Garde, à GeofFroi Hidoux ^ le manoir de la
Fontaine-Menet , à Guillaume Graflion -, les manoirs de la Ville-
Glé & du Chalonge , à Jean le Mentier , à caufe de fon mariage
avec Jeanne le Sénéchal , héritière de ces deuxTerres , vers l'an 1488..
PLESTIN ', à 6 lieues â FOueft-Sud-Ouefi: de Tréguier, fon
Evêchéj à 34 lieues de Rennes j & à 4 lieues de Morlaix, fa
Tome llh A 3
^w.
37Ô PL E
Subdélégation & Ton refîbrt. Cette ParoifTe relevé du Roi ; elle
conipte 3300 communiants, y compris ceux de Tremel , fa trêve:
la Cure eil à l'alternative. Son territoire , borné au Nord par la
mer , eft fertile en grains de toutes efpeces Se lin : on y voit peu
de landes j on y connoît une mine de plomb non exploitée.
Le Mais & Pleftin , haute-Jullice , à M. de Bloflac & autres j
la Haye-Quer , haute-Jurtice , à M. du Lézard j la Motte-Olivet ,
haute- Juflice , à M. de Pont-Briand.
L'an 480, Saint Eflam , arrivant d'Irlande, fa patrie, en Bre-
tagne , bâtit , pour la première fois , la Chapelle de fon nom ,
qu'on voit aujourd'hui au bord de la grève. On aflure que le Saint
defcendit de fon bateau précifément dans l'endroit où ell plantée la
croix que la mer couvre à toutes les marées. Le pays n'étoit alors
qu'une vafte forêt, dans laquelle ce Saint bâtit un Hermitage,
qui , dit-on , étoit dans l'endroit où eft la Chapelle : il y mourut
le 6 Novembre 512.
L'an 984 , Geoffroi I , Duc de Bretagne , fonda TEglife paroif-
fiale de Pleilin; &, lorfqu'elle fut achevée de bâtir, en 992,
Paul , Evêque de Tréguier , leva le corps de Saint Eflam , & le
dépofa dans cette Eglife dont il eft le Patron : on y voit fon
tombeau , un peu élevé hors de terre , & entouré d'une grille
de fer.
Le château du Rumen, maifon très-ancienne. En 1326, Even
de Baigaignon , de la maifon du Rumen , fe fit Religieux chez
les Dominicains à Morlaix. Nommé Evêque de Tréguier en
1362, il fit des ftatuts en 13(^5 , aflifta au Concile d'Angers en
1366, & fe démit de fon Siège en 1371. Ce Prélat s'attacha
au Pape Grégoire II, qui le fit Cardinal : il mourut en 1378.
L'an 1424 , Jean de Penhoët, Chevalier , Chambellan & Amiral
de Bretagne , étoit Seigneur de Pleftin. C'eft en fa faveur que
cette ParoifTe fut transférée de la Cour de Guingamp à celle de
Morlaix, par lettres du Duc Jean V, données le 8 Juin 1425.
PLEUBIAN ; à 2 Heues au Nord-Eft de Tréguier , fon Evêché
& fa Subdélégation j à 30 lieues de Rennes. Cette ParoifTe ref-
fortit à Lannion , & compte 3400 communiants, y compris ceux
de Ker-bos , fa trêve : la Cure fe préfente par l'AbbefTe de
Saint-Georges de Rennes.
Le Prieuré de Saint-Georges , haute , moyenne & bafîe-Juflice,
à Madame du Halgoèt , Prieure de Saint-Georges; le Rechou,
moyenne & balTe-Juftice , qui s'exerce au Prieuré de Saint-Georges,
PLE 571
en cette Paroifle , à Mademoifelle Sarsfiel : Trezel-Ker-allion ,
moyenne & baffe - JufHce , à M. de Trezel ; elle s'exerce au
Prieuré de Saint-Georges : Troguerat - Lezaudani , baffe-Juftice ,
à M. de Coatuellan : Villeneuve-Ker-fallou , haute , moyenne &
baffe- Juftice , à M. de Villeneuve-Cillart j François de Keroufi , Sei-
gneur de cette Terre , obtint du Roi Henri IV le droit d'une
foire par an à la Chapelle de Saint-Nicolas, en cette Paroiffe.
Jean de la Vieuville , Refteur de Pleubian en 1242, donna
des avis fort fages à Yves Elor , qui fut dans la fuite Refteur
de la Paroiffe de Lohanec. Celui-ci en profita fi bien qu'il par-
vint à la plus haute piété , & que fa mémoire fut honorée de
toute la France.
Ce territoire , borné au Nord par la mer , offre des terres eh
labeur de bonne qualité , des prairies & pâturages : on y voit peu
de terres incultes.
PLEUCADEUC; à 6 lieues trois quarts à l'Eff-Nord-Eff de
Vannes , fon Evêché & fon reffort j à 1 4 Heues de Rennes j &:
à I lieue un quart de Maleffroit, fa Subdélégation. On y compte
1200 communiants: la Cure eff à l'alternative.
Lieuzel , & annexes, moyenne & baffe- Juftice , à Mademoifelle
de Soulange , qui poffede auffi la Morinais , moyenne & baffe-
Juftice.
En 1500, on voyoit dans cette Paroiffe les maifons nobles
de Lieuzel , de Villebonnet , d'Igouray , de Bohal , de la Vieille-
Ville, de Launaye,de la Morinaye, de laCornté, de Begaffon,
de la Ville-d'Aval , & la Villeneuve.
Ce territoire , arrofé des eaux de la rivière de Claye , offre à
la vue des landes immenfes , & qui paroiffent plus étendues que
les terres en rapport.
PLEUDANIELj à 2 lieues un quart à l'Eft de Tréguier, £on
Evêché; à 28 lieues de Rennes; & à 2 lieues de Pontrieux , fa
Subdélégation. Cette Paroiffe reffortit à Morlaix , & compte 1700
communiants : la Cure eft à ralternative. Les maifons nobles
de Ker-merquer , de Ker-deuzert , & du Tertre-Anneur , font
dans cette Paroiffe , dont le territoire, borné à l'Eft par la rivière
deTrieux, renferme des terres bien cultivées, des prairies, &
des landes.
PLEUDIHEN j fur une hauteur 5 & fur la route de Diaan à
J71 P L E
Châteauneuf pour Saint-Malo ; à 3 lieues un quart à l'Oueil-
Sud-Oueft de Dol , fon Evêclié j à 1 1 lieues de Rennes j & à
3 lieues un quart de Saint-Malo, fa Subdélcgation. Cette Pa-
roifTe relevé du Roi, reflbrtit à Dinan , & compte 3600 com-
muniants : la Cure ie préfente par le Tréforier de l'Eglife Ca-
thédrale de Dol.
L'an 1244, le Chapitre de Dol céda à Jean, Abbé du Tron-
chet , les dîmes de la Paroifle de Pleudihen pour celles de la
ParoilTe d'Epiniac. Le château de la Beliiere appartenoit , en
1300, à Raoul Chevalier, Seigneur de la BeUiere. Par tef-
tament du 3 Novembre 1329, il donna au Monallere des Jaco-
bins de Dinan une mine de froment de rente à prendre fur les
dîmes qu'il avoir en cette ParoilTe. L'an 1362, Philippe de
Dinan , Vicomte de la BeUiere , fonda une Chapellenie dans
l'EgUfe paroifliale de Pleudihen. Le 22 Mai 1451, cette Terre
fut érigée en Bannière par le Duc Pierre, en faveur de Jean
de Maleftroit , Seigneur de Largoët , Vicomte de la BeUiere ,
Maréchal de Bretagne. Cette Seigneurie a une haute-JulHce , qui
•appartient préfentement à M. du Frefne de Pontrieux. La Ville-
Gicquel appartenoit, en 1360, à Pierre Henri, Sieur de Vau-
rouel. Louis , fon petit- fils , fut Contrôleur & Tréforier de la
DuchelTe.... Robert de Vaurouel fut Capitaine des Francs-Ar-
chers de Saint-Brieuc , en 1551. La Chapelle & viUage de Saint-
Piat , avec titre de Seigneurie , appartenoit jadis à MM. Hubert
de la Maiîue -, cette Terre a haute , moyenne & baffe- Juftice , & ap-
partient aujourd'hui à M. le Maréchal Duc de Duras. Cette Seigneu-
rie avoit des droits particuliers , comme celui de quintaine,de faut
de poiflbnniers , alternativement avec le Roi ; droit d'enfeu prohi-
bitif dans le Couvent de Saint-François de Dinan ; & le Sieur
Hubert avoit aufli le droit & privilège de fe préfenter lorfque
le Roi faifoit fon entrée à Dinan, de tenir les rênes. de la bride
du cheval fur lequel Sa Majeilé étoit montée , & de le conduire
jufqu'à fon château , & là ie cheval lui appartenoit de droit.
Tous ces privilèges, franchifes, & droits, furent accordés aux
Sieurs Hubert par les Ducs de Bretagne, & furent confirmés
par le Roi Henri IV. La maifon de Hubert eft très -ancienne.
On voit qu'un Seigneur de cette maifon étoit compagnon d'ar-
mes du Connétable Bertrand du Guefclin , & qu'un Hubeit fut
Evêque de Rennes en 1184. En 1500, la maifon noble de
Sainte-Agathe appartenoit à Matthieu de Mur j le Bois le Rault,
à François de la Barre j le Gué , à Guillaume le Jeune j le
PL E 57}
Colombier, à François delà Barre; le Guillon , à Raoul du Reilj
Saint-Melanne , à René de Saint-Melanne ; la Touche , à Robert
de la Salle; la Motte -Pilandelle , à Gilles du Bois-Riou ; le
Couesbouc , à Rolland du Bouais ; la Vilie-Morven, à N...
Ce territoire, borné à l'Ouefl par la rivière de Rance, offre
à la vue des terres en labeur de bonne qualité , des prairies ,
& quelques cantons en landes. Le pays eû couvert d'arbres ôc
builFons : on y voit le bois de Coicautel.
PLEVEN ; à 7 lieues un quart à l'Eft de Saint-Brieuc , fon
Evêché ; à 1 3 lieues & demie de Rennes ; & à 3 lieues un
quart de Lamballe , fa Subdélégation. Cette Paroiffe reffortit à
Jugon , & compte 5 00 communiants. M. le Comte de Rieux en eft
le Seigneur : la Cure eft à l'alternative. Son territoire , baigné
des eaux de la rivière d'Arguenon , efl en partie occupé par la
forêt de la Hunaudaye , des terres en labeur, des prairies , & peu
de landes. Il eu une chofe remarquable : on voit communé-
ment, dans bien des endroits, des mottes élevées anciennement,
& apparemment dans le temps de barbarie , pour la défenfe 8c
le refuge des habitants. Mais, près le château de la Hunaudaye,
eft une place très-grande , qui a dans fon enceinte deux efpia-
nades féparées , capables de contenir trois ou quatre légions en
bataille. Du côté du terre-plein , & oii il n'eft rien que de moyens
coteaux , ce font des remparts très-élevés avec des grands foffés
en dehors. Les efplanades du côté de l'Eft dominent fur la rivière
d'Arguenon , à une très-grande hauteur , en coteau perpendicu-
laire tout hérilîe de rochers ingraviffables. De ces deux efpla-
nades , la moindre paroît avoir été la citadelle de l'autre : elle
étoit féparée de la grande par une petite gorge feulement , &
défendue, outre fa fituation , par un foffé particulier, du côté de
la grande efplanade , par des demi-tours en terre , outre une
autre de même matière , d'une groffeur & d'une hauteur extraor-
dinaires , qui avoir un grand fofié tout autour taillé dans le
roc. Quelque chofe de furprenant , c'eft qu'à peine y a-t-il un
pied de terre fans trouver le roc , & qu'on n'apperçoit nulle ca-
vité aux environs , où on auroit pu tirer l'étonnante quantité de
terre qui compofe cette maffe énorme & tous les remparts. On
n'y voit point de veftiges de murailles en pierres, mais feulement
des débris de t*les quarrées. Eft-ce ici un ouvrage des temps bar-
bares , ou bien, eft-ce une ftation des Romains.'* Les Barbares
étoient plus occupés du pillage que de précautions j les Romains
}74 ^ f ^ .
voyoient de plus près à leur fureté. Ce qui m'étonne le plus ,
ceil que le peuple , fi ardent à adopter les fables les plus lingu-
lieres & à les débiter , n'a nulle tradition fur cette forterefîe :
elle s'appelle les Bourgs Heujfas , & dépend de la Terre du
Vaumacieuc.
Le manoir de Montboucher appartenoit , dit Dom Morice , erj
1050, à Geoffroi de Montboucher, qui donna à l'Abbaye de
Saint-Georges de Rennes les dîmes dont jouiffoit cette maifon ,
pour la dot de fa fille qui avoit pris le voile dans ce Monaftere»
En 1440 , cette Terre appartenoit à Dame Honorée de Montbou-
cher. Le château de Peillard ell auffi très-ancien , il apparte-
noit, en 1250, au Sire de Guemadeuc : on voit aufîi dans ce
territoire les Terres & Maifons nobles du Vaumadeuc , la Dieu-
faye , le Rocher annexé au Guebriand.
Le Père Maunoir, célèbre Miflionnaire , mourut à Pleven, le 28
Janvier 1683.
PLEVENON j dans un fond j à 7 lieues & demie à l'Eft-
Nord-Efl: de Saint-Brieuc , fon Evêché ; à 17 lieues de Rennes 5
& à 5 lieues de Lamballe , fa Subdélégation. Cette ParoifTe , dont
la Cure efl: à Talternative , refTortit à Jugon, & compte 550
communiants. La moyenne-Juftice de Meurtel appartient à M. de
Tremereuc de Meurtel j &: la baffe-Juftice de la Salle-Pique , à
M. Gefril du Papin. Ce territoire forme une prefqu'ifle , il s'étend
jufqu'au Cap-Frehel. La lande de Frechet, qui eft d'une grande éten-
due , en occupe une partie j elle eft fituée dans la pointe du Cap-
Frehel : le furplus de ce territoire ell exaftement cultivé. Le châ*
teau de la Latte fut bâti par les Seigneurs de Matignon»
PLEUGRIFFET ; à 8 lieues un quart au Nord-Nord-Efl de
Vannes , fon Evêché ; à 1 6 Heues de Rennes ; & à 2 lieues de
Jofîelin , fa Subdélégation. Cette Paroiffe reflbrtit à Ploermel , &
compte 1500 habitants : la Cure efl: à l'alternative. Le château
de Pleugrifïet étoit jadis une forte place, dans laquelle il y avoit
garnifon & Capitaine. Les guerres ont entièrement ruiné ce châ-
teau. La Seigneurie qui porte fon nom fut érigée en Marquifat
l'an 1622, & réunie par le Roi au Marquifat de Coëtlogon ,
iîtué dans la ParoifTe de Laurenan , en faveur de René , Marquis
de Coëtlogon ; cette Terre a haute , moyenne & baffe-Juflice ,
elle appartient à M. du Lifcouet j la Bouexiere appartenoit , en
1420, à Robin du Chêne, Sieur de la Bouexiere 5 la moyenne
PLE 375
6^ bafle-Juflice de la Tertre appartient à M. de Rofcanvec. Ce
territoire , borné à l'Eft par la rivière d'Oull , offre des terres en
labeur , des prairies , & des landes.
PLEUGUENEUC ; fur la route de Rennes à Saint-Malo ; à
3 lieues trois quarts au Sud-Sud-Ouefl de Dol , fon Evêché &
fa Subdélégation i & à 8 lieues de Rennes. Cette Paroifl'e ref-
fortit à Dinan , & compte 1250 communiants : la Cure eft à
l'Ordinaire. Le territoire renferme des terres bien cultivées , des
prairies , & des landes.
En 1 500 , le Gage , à François Rafton , Sieur du Gage : cette
Terre qui a haute , moyenne & baffe-Juftice , appartient aftuel-
lement à M. de la Villethéard de Vifdeloup : la Coulombiere,
à François de la Barre ; le Leix , à Jean Ruffier j le Parguer , à
Jean de la Fontaine, le jeune j la Motte-Gruel , à Charles Gruel j
Bazoges , à Jean de Bintin ; l'Aumône , à Jean de la Fontaine i
Lorgeril & le Badon , à Guyonne , Dame de Lorgeril & du
Badonj les Perrons, à Guillaume Bachelier ; Papigné Se la Guya-
gan , à Pierre Botherel -, les Champs - Grenu & la Frefnaye , à
Guillaume Geflin ; la Motte de Linquon , à Yvon Chouffé j la
Bourbanfaye , la Cillerais , & la Vilie-Hac , font plus modernes,
PLEVIN ; à 1 1 Heues un quart à TEft-Nord-Eil: de Quimper,
fon Evêché; à 28 lieues deux tiers de Rennes ; & à i lieue &
demie de Carhaix , fa Subdélégation & fon reffort. On y compte
1300 communiants : la Cure eft à l'alternative. Ce territoire offre
à la vue des terres en labeur bien cultivées, des prairies , &
beaucoup de landes.
Le château de Ker-louet appartenoit , en 1 3 70 , à Yves Ca-
nabert. Sieur de Kerlouet ; en 1670 , à René Canabert , ChevaHer ,
Seigneur de Kerlouet & Gouverneur de Carhaix. Les maifons
nobles de Penhoët & de Crachqueta font dans ce territoire.
PLEUMELEUC ; à 1 1 lieues au Sud de Saint-Malo , fon Evê-
ché j à 4 lieues de Rennes , fon reffort ; & à i Ueue de Mont-
fort , fa Subdélégation. Cette Paroiffe , dont la Cure ell préfentéé
par l'Evêque , compte 1200 communiants. Son territoire ell plat,
couvert d'arbres & buiffons : les terres y font bien cultivées -, on
y voit peu de landes ; on y cueille des fruits dont on fait du cidre.
La Benneré , qui exiftoit dès 1 400 , appartient , avec fa haute-
Juffice , à M. de la Benneré , qui poffede aufîi la haute-Juffice
Ls&ÎL^'.
jyé P L E
de Pleumeleuc : en 1400, le Bois-Houel, à Nicolas Chef-de-
Maille j la Betulais ^ à Guillaume Chef-de-Maille : leFail, à Ber-
trand de* la Doëneliere ; cette Terre qui s'appelle aujourd'hui le
Fail de Couefan , a une moyenne & baffe-Juftice qui appartient
à Madam.e de Viarme : la Valouais , à Guillaume Renier j cette
Terre , qui s'appelle préfentcment Vaunoife , a une moyenne &
baiïeJuftice , qui appartient à M. de Saint- Gilles : le Châtel , à
Jean Lambour f Lofîenaye , à Guillaume du Guell 5 la Boulon-
naye , à Jean Marquer ; la Haluchaye , à Jou..n Ramars ; la Be-
linaye , à Guillaume du Guergier ; la haute-Juftice du Prieuré de
Hédé appartient aux Moines de Samt-Melaine de Rennes.
PLEURTUIT ; à I lieue deux tiers au Sud-Sud-Oueft de Saint-
Malo , fon Evêché ; à 1 3 lieues de Rennes j & à 3 lieues de
Dinan , fa Subdélégation & fon reffort. Cette ParoifTe relevé du
Roi, & compte 4000 communiants : la Cure eft à l'alternative..
Ce territoire ell: un pays plat : on y voit une lande , à la fortie
de ce bourg , qui a plus de deux lieues de longueur fur un tiers
de lieue de largeur ; le furplus du terroir eft cultivé. Les Jurif-
diftions qui s'exercent en cette Paroifle font : le Comté de
Plouer , haute-Juftice y à M. de Plouer ; la Crochais & Vicomte,
haute-Juftice , à M. de la Crochais j le Comté de Pontbriand ,
haute-Juftice , à N j la Ville -Botherel, moyenne-Juftice , à
M. du Marier; le Vieuville, moyenne-Juftice , à M. Ladvorat ;
le Die 5 baffe-Juftice , à Mademoifelle Dupin- Dudic. Au mois
de Novembre 1287, Raoul de Dinan, Vicomte de la BelUere ^^
vendit au Prieur & Chapitre de Saint-Malo toutes les dîmes qu'il
poffédoit en la ParoifTe de Pleurtuit , pour une fomme de cent
livres monnoie courante. Ces dîmes valoient alors vingt-cinq mines
de bled par chaque année , mefure de Becherel , fçavoir : cinq
mines de froment, dix mines de feigle, & dix mines d'avoine*
Les lettres en furent fcellées à la Cour de Raoul de Dinan ,
établie dans la ville de ce nom : le marc d'argent étoit alors à
cinquante-quatre fols fept deniers.
Les quatre poteaux de la Juitice patibulaire qu^on voit dans
la lande de Pleurtuit furent conftraits au mois de Novembre 1470,^
par ordre de Rolland de Beaumanoir , Chevalier , Seigneur du Bois.
de la Motte.
PLEUVIN-FOUESNANT ; à 2 lieues au Sud-Sud-Eft de Qulm-
per ,foii Evêché > à 39 lieues de Rennes j & à 2 lieues & demie
de
X P L E = P L O 577
de Concarneau , fa Subdélégation & fon reflbrt. Cette ParoifTe
compte 450 communiants : la Cure eft à l'alternative. Son terri-
toire eft borné à l'Oueft par la rivière d'Odet , il efl rempli de
vallons & monticules , mais exaftement cultivé ; on y voit peu
de landes. La haute , moyenne & bafle-JulHce de Bodiguio ap-
partient à M. de Chef-Fontaine. En 1400, les manoirs ce Ker-
raret , de Méozigaouet , & de Treulenan , fe voy oient dans ce
territoire.
PLOABENEC ; fur la route de Brefl à Lefneven ; à 8 lieues
à rOueft-Sud-Oueil de Samt-Pol-de-Léon , fon Evêché j à 45
lieues de Rennes j & à 2 lieues un quart de Lefneven , fa
Subdélégation & fon refîbrt. Cette Paroifîe relevé du Roi : on y
compte 3300 communiants; la Cure fe préfente par l'Evêque.
Son territoire efl coupé par un grand nombre de vallons , dans
lefquels pafTent des ruilTeaux ; on y voit des terres fertiles en
grains de toutes efpeces , d'excellents pâturages , & peu de
landes.
L'an 600, la forêt de Talamon , qui eft aujourd'hui coupée
par la route de Landerneau à Breft , s'étendoit jufqu'à Ploabenec.
L'Eglife paroiffiale doit fa fondation à Saint Tenenan, feptieme
Evêque de Saint -Pol- de- Léon , qui la fit bâtir à fes frais. Ce
faint Prélat mourut dans cette ParoiiTe en 63 5 j on y garda long-
temps fes reliques , qui furent tranfportées ailleurs pour les dérober
aux profanations des Normands. On prétend que le château de
Lefquelen , qui n'exille plus aujourd'hui , fut bâti dans le même
temps. La Jurifdiftion de la Châtellenie de Ker-alguezen , qui
s'exerce en cette ParoifTe, appartenoit , en 13 10, à Maurice de
Keralguezen : Lannofler appartenoit, en 1500, à Chriflophe
Gourio , Sieur de Lannofler. Les autres maifons nobles font : le
Gourequer , Ker-annou , Ker-brat , Ker-grech , Ker-babu , Ker-
halz , le Mendi , Pentré , & le Refl-Baudies.
PLOBANNALEC ; fur une hauteur ; à 4 lieues au Sud-OuefI:
de Quimper , fon Evêché &c fon reffort ; à 42 Heues de Rennes;
& à cinq fixiemes de lieue de Pont-l'Abbé , fa Subdélégation. On
y compte 2100 communiants : la Cure efl à l'alternative. Son terri-
toire , borné à l'Ouefl par la mer , efl coupé de montagnes &
de vallons : les terres y font fertiles en toutes fortes de grains ,
mais il y en a bien d'incultes par la mauvaife qualité du fol. Cette
ParoifTe reconnoît pour Patron Saint AUore ou Albin, troifieme
Tome IIL B 3
578 P L O
Evêqiie de Qulmper. On voit , à une demi-îieue de ce bourg ,
une Chapelle bâtie en l'honneur de cet Evêque.
PLOEiMEL ; à 5 lieues à l'Oueft de Vannes , fon Evêché ; à
25 lieues de Rennes ; & à i lieue & demie d'Aurai , fa Subdé-
légation & Ton reffort. On y compte 1300 communiants : la
Cure efl: à l'alternative. Son territoire eft fertile en toutes ef-
peces de grains ; on y voit peu de landes. Cette ParoiiTe relevé
du Roi.
PLOEMEUR; à 11 lieues à l'Oueft de Vannes , fon Evêché ;
à 30 heues de Rennes j & à i lieue de l'Orient, fa Subdélé-
gation. Cette ParoifFe refîbrtit à Hennebon , & conjpte 8000
communiants : la Cure eft à l'alternative. Ce territoire ell fort
étendu : il eft borné au Sud par la mer ; il renferme plus de dix
mille journaux de landes dont le fol paroît de bonne qualité. Le
relie du terrein confifle en des terres bien cultivées & des prai-
ries. La haute-Juftice de l'endroit eft annexée à la Baronnie de
Ker-aër , & celle de la Baronnie de Lanvaux s'exerce à Pleuvi-
gner. Cette Paroiffe fut unie à la Menfe capitulaire par Hervé
Tors, Evêque de Vannes, en 1287. Ce Prélat fit rebâtir dans
le même temps le château de la Motte. Dans ce temps , on pê-
choit des fardines au village de Larmor , qui eft un petit port
fort renommé par la pêche de ce poiffon , qu'on met en baril
pour l'hiver. En 1400, on voyoit dans ce territoire les maifons
nobles de Ker-perennes , à Louis du Tertre ; le Favouil , à N....:
en 1500, Penhoèt , à Jean de Caravern ; le Tertre, à Pierre
du Tertre ; Breuçon , au Sieur des Portes.
PLOERîN; à 2 lieues à l'Oueil: de Vannes, fon Evêché &
fa Subdélégation j à 23 Heues de Rennes. Cette Paroilfe refîortit
à Aurai , & compte 1 000 communiants : la Cure eil à l'alter-
native. Ce territoire , borné au Sud par le Morbihan , offre à la
vue des terres de bonne qualité , & peu de landes. En 1 440 ,
Ker-marquer appartenoit à Pierre de Kermarquer ; le Parc-Denis,
à Olivier du Thono ; Quelefquéne , à Prigent de Coëflagat : le
manoir de Porégon , conllruit en 1432 , appartenoit à Jean Cre-
folle : Ker-lan, bâti en 1437 par Jean Loret : le château du
Mézo appartient à M. de Gouy on. Seigneur duMézo & autres lieux.
PLOERMEL; par les 4 degrés 44 minutes 8 fécondes de
PLO 379
longitude , & par les 47 degrés 5 5 minutes 5 3 fécondes de la-
titude ; à 1 8 lieues & demie de Saint-Malo , fon Evêché ; & à
1 2 lieues de Rennes. Quatre grandes routes arrivent à Ploermel ,
où l'on trouve une Sénéchaufiee royale qui relTortit au Préfidial
de Vannes , un Gouvernement de place ; une Communauté de
ville , avec droit de députer aux Etats de la province ; une Sub-
déiégation , une Brigade de Maréchauflee , une MelTagerie ; deux
Polies , l'une aux lettres , l'autre aux chevaux ; une Direction des
Devoirs , une Paroifîe ; les Couvents des Carmes, des Carmélites ,
des Urfulines, & un Hôpital. Le nombre des habitants eft de
4000 : la Cure eft à l'alternative. L'Eglife paroilîiale eft dédiée
à Saint Armel, né en Angleterre vers l'an 482 , dans la même
province où Saint Pol de Léon reçut le jour. ( Voyez Saint-Ar-
mel , au diocefe de Rennes. ) Cette Eglife eft belle , vafte , &
ornée dans le goût gothique : on y voit cependant des Dauphins
aux gouttières , ce qui femble annoncer une conftru6:ion plus
moderne. L'Eglife des Carmes eft aufîi fort grande , & fon reta-
ble , qui eft en bois , eft eftimé des connoilieurs. Celle des Car-
mélites eft régulière , ornée de colonnes de beau marbre , Se
de très-belles ftatues. Celle des Urfulines eft une des plus johes
Chapelles de la province , fur-tout aux jours de fêtes, où elle
eft décorée d'une magnifique tapifterie d'Aubufîon , repréfentant
la vie de Saint Auguftin. L'Hôpital eft conftruit à neuf , fitué
dans un air très-fain , & féparé de la ville par un large fofîe. Les
revenus de cet Hôpital font adminiftrés par un Bureau compofé
du Maire , des Juges , du Refteur , & de douze Bourgeois. Ces
revenus font infiniment petits , à raifon du grand nombre de pau-
vres que cette maifon eft obhgée de recevoir. La rente princi-
pale Se cafuelie confifte dans le revenu de cafernes fuperbes
pour la Cavalerie^ fouvent vuides , parce que Ploermel , rele-
vant du Roi , n'a point de protefteurs intermédiaires qui balan-
cent le crédit des Seigneurs des villes voifines. La pofition de
Ploermel eft cependant infiniment avantageufe pour les troupes:
les fourrages y font bons , abondants , l'air fain , & les loge-
ments commodes.
M. Tuault , Maire aftuel & Sénéchal de Ploermel , citoyen
vraiment eftimable par fa probité & fon amour pour la patrie ,
m'a fait l'honneur de m'écrire une lettre fort touchante fur le mai-
heureux état de la ville de Ploermel. « Le tiers , du-i/ , de nos
» concitoyens eft pauvre , & le refte mal à fon aife , à l'exception
» de quelques Bourgeois. On ne doit pas s'en étonner. La ville
'380 P L O
» de Pioermeî^ fîtuée au centre des terres, fans port ni rivîere,
>> n'ayant aucune branche de commerce j ne fublîflant, pour ainii
» dire , que du fervice de la Sénéchaufîee , qui efl: immenfe , de-
» vient plus pauvre à mefure qu'on devient plus raifonnable. Elle
» pourroit reprendre un peu de vie fi l'on étabîilToit une commu-
» nication, ( ce qui ell poffible, ) pour les voitures , entre elle
» & Saint-Malo , en rendant fes abords & ceux de Dinan prati-
» cables fur cette route ; elle deviendroit un entrepôt nécelTaire
» & commode des marchandifes de Saint-Malo pour les villes de
» Joflelin , Maleilroit , Redon , Vannes , & leurs dépendances :
» mais ce projet , difté par l'intérêt public , efl: traverfé fans
» doute par des vues particulières j & nous réitérons encore long-
y> temps plongés dans notre mifere. »
L'établiffement d'un quartier de Cavalerie y feroit avantageux
pour les troupes , & nécefTaire au pays qui n'a point d'autre dé-
bouché pour fes denrées.
La SénéchauiTée eil la troifieme dans l'ordre des quatre grandes
Barres du Duché ,.( voyez l'Ordonnance du Roi Charles VIII,
du mois de Mai 1494, au chapitre, argumentation de gaiges:")
elle comprend deux cents ParoifTes & trêves , parmi lefquelies font
Corlai , Baud, Rieux, & Saint -Jouan. Outre la SénéchaufTée
royale, il s'exerce à Ploermel quatre hautes -Juftices & deux
moyennes , & il s'y tient un marché le lundi : c'eft là tout le
commerce de cette ville. On ne connoît point l'époque de la
fondation de Ploermel : tout ce qu'on fçait , c'eft que du temps
de Saint Armel , dans le cinquième fiecle , ce n'étoit qu'un vil-
lage peu confidérable. Ce village s'eft accru dans la fuite , &
a formé une ville affez grande , plus importante autrefois qu'elle
ne l'efî: de nos jours ; il efi: même à croire qu'au lieu de reprendre
fon ancien éclat, elle diminuera de plus en plus. Elle eft mal
bâtie , mal pavée , fans ahgnement ni niveau ; & , ce qui eit
pire que tout cela , elle eft pauvre. Par une fuite de fa fitua-
tion malheureufe , le nombre des habitants doit diminuer de
jour en jour. On eft peu attaché à une patrie où l'on n'a que
des maux à fouffrir. Les feules villes de commerce font aujour-
d'hui fufceptibles d'embelliftement & d'augmentation : on y accourt
de toutes parts dans l'efpérance d'y faire fortune , &: l'intérieur
du pays refte défert. Il eft à préfumer que Ploermel étoit une
ville confidérable dès le dixième fiecle. L'hiftoire de ces temps
reculés n'en fait pas fouvent mention il eft vrai , mais elle ne
parle pas davantage des autres villes. L'ignorance regnoit alors
P L O 381
en Europe , & plus encore en Bretagne que par-tout ailleurs : on
fçavoit faire la guerre , combattre , mourir , faire des fondations ,
donner des biens aux Eçcléfialliques , &c fur-tout enrichir les
Moines ; mais on ne penfoit pas à écrire les belles aftions des
grands Hommes , à décorer les villes , & à faire fleurir les Arts.
La plus ancienne anecdote que nous ayons fur cette ville efl: de
1222. Amauri de Craon fe révolte, avec les autres Barons^
contre Pierre de Dreux. Amauri efl fait prifonnier , & , pour
obtenir fa liberté, il abandonne Ploermel au Duc. Maurice de
Craon revendique cette Seigneurie en 1289. Le Duc nomme
des CommifTaires pour examiner fes prétentions. La fentence des
Juges eft favorable au Prince , & Maurice efl: forcé d'aban-
donner fes prétentions.
1240. Aiïemblée des Etats à Ploermel. Le Duc Jean I , à la
demande des Evêques, des Barons , & de tout le peuple , chafTe
les Juifs de fes Etats. Perfonne, dit l'Edit donné à ce fujet, ne
pourra être accufé ni condamné pour avoir tué un Juif. Le Prince
jure d'obfêrver cette loi , & fe foumet à Fexcommunication , èc
tout fon pays à l'interdit , s'il vient à la violer -, il veut même
qu'on fafîe jurer à fes fuccefTeurs de la garder. Les Evêques , les
Barons , & les VafTaux , jurent tous d'y être fidèles.
1294. Le Duc convoque à ploermel tous les Seigneurs qui doi-
vent lui fournir des hommes en temps de guerre. Ce Prince venoit
d'être nommé Général de l'armée anglaife, & c'efl: pour cette raifon
qu'il trouva peu de Seigneurs à Ploermel , parce que les Bretons
n'aimoient pas faire la guerre contre la France. Le Duc Jean II
fe réferve de vérifier , après la guerre , fî les déclarations étoient
exaftcs. L'Evêque de Dol fuivit le parti delà France, par per-
miffion du Pape.
Pendant que le Roi de Sicile & Philippe , fils aîné Ôc fuc-
cefTeur de Sahit Louis , achevoient le traité de paix avec le
Roi de Tunis, Edouard, Prince de Galles, fils de Henri III,
Roi d'Angleterre , Se Jean , Comte de Richemont , fils du Duc
de Bretagne Jean I , fe rendirent au Mont-Carmel , où le Roi
Louis IX avoit déjà fait un voyage en 1244, & pafTerent, par
le moyen d'un fauf-conduit , fous l'habillement de pèlerins , juf-
qu'à Jérufalem , où ils vifiterent les faints Lieux. Le Comte de
Richemont amena avec lui deux Carmes , qu'il avoit obtenus du
Prieur du Mont-Carmel, & les logea dans le fauxbourg, dit
aujourd'hui i/e l'Hôpital, jufqu'à ce que leur Couvent fût fondé &
bâti. Ces Religieux occupèrent d'abord un Prieuré , nommé de
jSi PL O
Villeneuve, qui depuis fut changé en Hôpital. On y a vu, pen-
dant long-temps , iix cellules , qui avoient été pratiquées dans
l'épaiffeur des murs de la Chapelle , au miHeu de laquelle étoit
l'autel , conformément aux règlements que les Carmes avoient
reçus, depuis peu, d'Albert, Patriarche de Jérufalem. Comme
le Couvent de Ploermel eft la première Communauté de Carmes
étabhe en Bretagne , je vais donner un précis de la fondation
de ce Corps.
Aimeri , Légat & Patriarche apoftolique , fous le Pape Alexandre
III, élu l'an II 59, voyant qu'un grand nombre d nommes venus
d'Occident, pour fuivre , difoient-ils , les règles de la vie héré-
mitique , viv oient difperfés çà & là , par troupe , fans états ni
aveu , forma le projet de les raffembler , & les conduifit au
Mont-Carmel, lieu célèbre par le féjour qu'y avoir fait le Pro-
phète Ehe. Il leur procura les moyens d'y vivre & de s'occuper
utilement. Les Sarrafins , fous la conduite d'Omar, fucceneur
de Mahomet , s'étant rendus maîtres de la Terre-Sainte , défen-
dirent, aux Carmes de porter des capuchons ou habits blancs y
parce que ce vêtement étoit , parmi ces Infidèles , la marque
de la plus grande diftinftion. Les Carmes , obligés > d'obéir à
leurs vainqueurs , prirent des manteaux bariolés , & furent ap-
pelles Frères barrés , lorfqu'ils paiTerent dans l'Occident. Cet
Ordre fut réformé, l'an 1205, fous le Général Berthold II du
nom. Le Pape Honoré IV confirma cette réforme en 1285, &
ordonna aux Carmes de changer leur habit , qui étoit peu con-
forme à l'état de Religieux. Ils fupprimerent donc leurs barres,
& prirent un habit noir fous un manteau blanc. A leur arrivée
à Ploermel , ils plantèrent trois croix de pierres de taille , en
forme de celles du faint fépulcre de Jérufalem. On les voit
encore aujourd'hui près la Chapelle de l'Hôpital , que ces Moines
occupoient d'abord. Sur ces entrefaites , le Comte de Richemont,
fous les aufpices duquel les Carmes étoient venus en Bretagne,
& qui vouloit y fonder une colonie de cet Ordre , fit com-
mencer ( a ) l'édifice de leur Couvent dans l'endroit qu'il avoit
choifi en dehors de la ville , près la porte appellée d'en bas ;
mais cet édifice , qui devoit être d'une grande magnificence , ne
fut achevé que long-temps après. L'Eglife avoit cent foixante-
( 4 ) L'emplacement du Couvent des
Carmes ,& la Chapelle qu'ili, occupèrent
à leur arrivée à. Ploermel , appartençleat
aux Seigneurs de Molac , qui les vendirea*
au Prince»
PLO 58}
deux pieds de life franche , non compris les Chapelles , fur vingt-
huit pieds de largeur. Aux deux côtés du grand autel , étoient
deux Chapelles , celle de Notre -Dame de Recouvrance , à
droite, & celle de Sainte-Barbe, à gauche. On voyoit , dans
la première , une image magnifique de la Sainte Vierge , qui
fut rompue en 1592. Au deflbus de la Chapelle de Notre-Dame ,
il y en avoir une autre dédiée à Saint Gildas , ornée de la figure
de ce faint Abbé. Cette ftatue étoit de marbre & très-belle : elle
fut emportée, dit-on, par un Bourgeois de Ploermel , qui la dé-
pofa , en 1 5 1 I , dans une Chapelle du territoire de Taupon ,
lors de l'incendie qui confuma le Couvent des Carmes. Au grand
autel , étoient quatre colonnes de cuivre, avec de petits Anges,
Se une crofle pendante , comme dans les Cathédrales , dans
laquelle on dépofoit la fainte Hollie. Au deflus , étoient les
images magnifiques des trois Maries -, celle de la Sainte Vierge ,
qui étoit au mifieu , étoit de marbre blanc. On ne fçait de quelle
matière étoient les deux autres. Le chœur de l'Eglife avoit
trente-trois pieds de longueur , fur vingt-huit de largeur , orné
de foixante-quatre chaires , tant hautes que bafiTes , avec leurs
dofîiers très-bien travaillés & ornés de fculptures ; en un mot ,
cette Eglife étoit aufîi belle que les Cathédrales de la province.
Le cloître , qui étoit aflez vaile , étoit compofé de foixante-
douze voûtes , & orné de belles peintures. Au milieu , étoit un
puits, avec un très -beau colombier au defTus. Les bâtiments
étoient confidérables. Le Duc , fondateur, y avoit fon logement.
Le Prince y conduifit les Carmes , en 1296. Outre le loge-
ment , ce Duc leur donna cent livres de rente , monnoie de
Bretagne (a). Cet établiflement fut confirmé par le Duc Jean
III, au mois de Novembre 1318; par le Duc Jean IV, au
mois de Novembre 1369 ; & par le Roi Charles VIII, au mois
de Mai 1492. Les Souverains de la province ont accordé plu-
fîeurs privilèges à cette Communauté , comme de moudre fon
grain franc , & de ne payer aucuns droits fur les rivières de
Loire & de Vilaine, ni entrée de ville. Dès que les Carmes
furent foUdement étabhs, plufieurs perfonnes de la première
qualité & autres demandèrent à être enterrés dans leur Eglife.
Les Eccléfiaftiques des Paroiffes voifines , qui par-là fe voyoient
privés d'un revenu confidérable , fe plaignirent vivement , &
{a) L'afte de fondation , qui eft de 1303 , porte que k Communauté ne fera compofé*
que de vingt-cinq Moines.
384 ..PLO
prétendirent que ces R^eligieux n'avoient aucun droit d*enterrer
chez eux. Ceux-ci eurent recours à leur fondateur , qui conleilla
aux Carmes d'avoir recours au Saint-Siège. Ils fuivirent ce confeil ,
Se Boniface VIII leur fit expédier une Bulle , le 28 Septembre
1 3 00 , & leur permit d'enterrer dans leur Eglife & dans leur
cimetière tous les Fidèles qui y demanderoient leur fépulture.
Cette Bulle fe conferve encore dans les archives de la Com-
munauté.
Le Duc Jean II , Comte de Richemont , mourut à Lyon le
18 Novembre 1305 ou 1306, nouveau llyle , pendant la céré-
monie qui fut faite à l'occafion du couronnement du Pape Clé-
ment V. Son corps fut porté à Ploermel , où on lui érigea , au
milieu du chœur de l'EgUfe , un riche & fomptueux fépulcre
de marbre noir , fur la table duquel eft couchée l'effigie de
ce Prince , en albâtre. Il eft repréfenté armé de pied en
cap , avec une cotte de maille qui lui defcend jufqu'aux
genoux , & fon écu armoriai , fufpendu par une courroie ou
baudrier attaché fur fa cuifTe gauche. Ses armes font d'azur échi-
queté d'or , à la bordure de gueules , à un quartier de Bretagne :
ce font les armes que portoient les Ducs depuis Pierre de Dreux.
A l'entour & fur le bord de la table de ce tombeau , on lit ^
en grofles lettres , l'épitaphe fuivante :
Cy-glfi Jean , jadis Duc de Bretagne , qui trépajja à
Lyon fur Rhône , le jeudi dans U octave de Saint-Martin
d'hiver , Van ijo3, ( Vieux Jîile, ) Priei^ Dieu pour
Vame de lui^
L'an 1309,1e Duc Artur II, fuccefTeur de Jean II, convoqua
les Etats à Ploermel. Ce fut la première fois que le Tiers-Etat
fut appelle à cette aflemblée nationale , qui d'abord ne fut com-
pofée que de la NoblefTe. Les Evêques & Abbés y furent ap-
pelles à mefure que les Evêchés furent érigés & les Abbayes
fondées. Les Ducs ne pouvoient faire aucune levée fur leurs fu-
jets , fans le confentement des Etats généraux \ & il leur falloit
même le confentement des Seigneurs particuliers pour mettre
des importions fur leurs vafTaux. Tous les impôts qui fe levoienî
en Bretagne étoient regardés comme deniers d'o6trois ; & cha-
que Duc , à fon a\^énemcnt à la Couronne , juroit de maintenir les
Etats dans le Duché.
Dès r«a 1309 j le nombre des Carmes de Ploermel furpaiToit
celui
P L O 3^5
celui marqué par leur fondateur ; de forte que leurs, revenus ne
fuffifoient pas pour leur entretien. Heureufement , ils trouvèrent
des bienfai6:eurs qui les enrichirent. Les Seigneurs de Beaumont
furent les premiers qui leur firent du bien après le Duc.
Le Duc Artur II mourut le 30 Avril 13 12 ; fon cœur fut dé-
pofé dans le tombeau de fon père , aux Carmes de Ploermel.
L'an 1332, Jean Parifi , Evêque de Vannes , augmenta la por-
tion du Vicaire perpétuel de Ploermel , de fix tonneaux de fro-
ment & de deux tonneaux de feigle.
Le Duc Jean III mourut à Caen, le 30 Avril 13 41 5 fon corps
fut porté aux Carmes de Ploermel, où Jean, Comte de Mont-
fort , lui lit ériger un magnifique tombeau de marbre , artifte-
ment travaillé, avec fon effigie d'albâtre qui le repréfente avec
des cheveux longs , la tête ceinte d'une couronne enrichie de
pierreries , le corps armé d'une chemife de maille habilement
faite , & qui paroît fous fa cotte d'armes femée d'hermines ,
avec fon écu armoriai fufpendu à une courroie , fon épée , fon
poignard , & un bon à {qs pieds. Ce tombeau eil admiré des con-
noiîîeurs j on lit autour l'épitaphe fui vante :
Cy-gifl Jean III du nom , Duc de Bretagne , Vicomte
de Limoges , qui trépajfa à Caen , en Normandie , le der-
nier jour d Avrd Van mil trois cent quarante-un^ Prie'{^
Dieu pour lui,.
Auprès eft le tombeau du Duc Jean II , ayeut de Jean IIL Oa
lit fur ces deux tombeaux quelques vers en llyle du temps.
1°, Pour Jean IL
Partant , tu vois ici les tombeaux magnifîq«es
De deux 6c Souverains Ducs des peuples armoriques ;
Princes , lorfqu'ils vivoient , puilTants & valeureux ,
Iffus du Sang Royal des vieux Comtes de Dreux.
Le premier affilia Saint Louis , Roi de France ,
Aux guerres d'outre-mer , contre la mécréance
De la race Ottomane, 64 fut au Mont-Carmel,
D'oîi les Carmes premiers vindrent à Ploermel,
Amenés par ce bon Se dévot Prince ,
Defireux d'établir cet Ordre en la province :
Tome IIL C 3
jS^ PLO
Et , après qu'il les eut logés commodément
En ce Couvent , par lui bâti fuperbement ,
Au voyage qu'il fît à Lyon, fur le Rhône,
Oii Clément V reçoit la Papale Couronne ,
Là , par un grand malheur , ce bon Duc trépafla ,
Par la chute d'un mur qui tout fon corps froifTa.
Sa dépouille mortelle eft fous ce marbre enclofe :
Plaife à Dieu qu'à jamais fon ame au Ciel repofe.
z°. Pour le Duc Jean IIL
L'autre, de qui tu vois l'effigie marberine ,
Portant un écuffon femé de maint hermine,
C'eft Jean tiers de ce nom , & fils du Duc Artus ;
Et qui fage, uniffant les royales vertus
Et la dévotion de fes ayeul & père,
Fut plein d'un faint amour pour ce Monaftere :
En retournant de Flandre oii , contre les Anglois,
L'avoit mené le Roi Philippe de Valois,
Il fe veid inverti d'une âpre maladie ,
Qui le fit trépafTer à Caen , en Normandie.
Ici , près fon ayeul, font inhumés fes os :
Son ame vive au ciel en éternel repos.
On voyoit jadis une enceinte, formée par un treillis de fer
arriftement uni & étroitement entrelacé , pour garantir & con-
ferver ces glorieufes dépouilles.
L'an 1346, on donna le Gouvernement de Ploermel à ce Brem-
bro , qui , par fes violences & fes cruautés , révolta la NoblefTe
de Bretagne. Beaumanoir Tappella en duel , & cette contellation
caufa la bataille des Trente , dans laquelle Brembro fut tué , le
27 Mars 1 3 5 1 . Ce combat fî fameux fe donna entre Joiïelin &
Ploermel , dans le territoire de la Croix-Helléan. ( Voyez la Croix-
Helléan. ) En ce temps , l'image de Saint Armel étoit fur la petite
porte de ville de Ploermel.
L'an 1386, Jean Barré, homme de très-grande réputation &
plein de mérite , étoit Prieur des Carmes de Ploermel.
L'an 141 2, les Adminiftrateurs de l'Hôpital de Ploermel ne
voulurent pas fouffrir que les Chapelains de cet Hôpital levaffent
les dîmes qui lui étoient dues fur le fief de Beaumont. Les Cha-
I
P L O 387
pelains alléguoient pour prétexte qu'ils avoient joui de ce pri-
vilège du vivant des Sieur & Dame de Beaumont. Les Carmes
intervinrent & firent celTer la difpute. Ils prouvèrent que la por-
tion de dîmes que Guillaume de Beaumont avoit donnée à l'Hô-
pital n'étoit que pour un temps limité, & que ce temps étant
expiré , ni les Adminiflrateurs , ni les Chapelains , ne pouvoient
plus rien prétendre : ainfi les Carmes demeurèrent poneffeurs de
toutes les dîmes.
Maifons nobles qui exiltoient , en 1430, dans le territoire de
Ploermel : la Garoulaye , à Jean du Guini ; MorfoualTe , à Jean
Picaud j Saint -Malo , à Jean de Keradreux ; la Rouë-Rouiïe, à
Guillaume Perotin ; la Motte , le Gourher , le Clos , le Clos-Ha-
vart , Malleville , la ViUe-Jarno , Bouenac , la Ville-Bouquaye ,
la Gaudinaye , Quehéon , le Bois-Hellio , & la Ville-Court.
L'an 1 44 1 , Yolande , Comtefle de Montfort , fille de René ,
Roi de Naples & de Sicile , & d'Ilabeau de Lorraine ^ fon époufe ,
voulant participer à jamais aux prières de l'Ordre des Carmes , 8c
fur-tout des Religieux de Ploermel , fonda une MefTe de Requiem
chantée , qui doit être célébrée à perpétuité , entre Prime & la
Grand'Meffe conventuelle , au grand autel. Les Moines font tenus
d'avertir le peuple que la MefTe va commencer , par le fon de
la groffe cloche de leur EgBfe qui fonne douze gobets ^ entre
chacun defquels on doit mettre un intervalle fufHfant , c'efl-à-dire ,
environ le temps néceffaire pour réciter VAve , Maria > après
quoi on doit faire la fonnerie en grande volée , & célébrer la
MefTe.
L'an 1 487 , le Roi Charles VIII afTiégea Ploermel , qu'il prit
& fit piller par fes foldats. L'an 1488 , le Duc François II fit
démolir les fortifications de Ploermel , pour ne pas afFoiblir le
nombre de fes troupes par des garnifons fuperflues j & donna, à
perpétuité , aux Carmes le droit de mouture franche au moulin
au Duc, par a8:e du 17 Avril 1488.
L'an 1498 , le Clergé de Bretagne s'afTemble à Ploermel, à la
requifition du Pape qui demande de l'argent pour faire la guerre
aux Turcs. Les Evéques de Rennes , de Quimper , & de Saint-
Brieuc , fe trouvent en perfonne à cette afTemblée ; les autres
EVêques n'y affilient que par Députés. Ceux de Nantes & de
Vannes ont une difpute férieufe pour la quantité d'argent qu'on
devoit envoyer à Rome. On convient enfin de donner vmgt-cinq
mille livres au Pontife : c'étoir Alexandre VI.
Le Roi Henri li érigea un Siège préfidial à Ploermel en 1 5 5 1 ,
}88 P L O
avec les mêmes pouvoirs , gages , appointements , nombre d'Offi-
ciers , que ceux érigés à Nantes , Rennes , Vannes , & Quimper.
Ce Préiidial fut fupprimé en 1552, & uni à celui de Vannes.
Par lettres-patentes du mois de Février 1555, le Roi tranfporta
de Vannes à Pioermel le Siège principal du Grand-Maître des
Eaux & Forêts. Ces difpofîtions ont été changées depuis : le Grand-
Maître demeure aujourd'hui à Hennebon.
L'an 1564, le Roi Charles IX, visitant fes Etats, vint en Bre-
tagne avec Catherine de Médicis , fa mère , & Marguerite de
France, fa fœur , depuis Reine de Navarre, & époufe du Roi
Henri le Grand : le Monarque logea au Couvent des Carmes
auxquels il fit un préfent confidérable , mais nous ignorons ce
que c'efl:.
Le 1 5 0<5lobre 1580, les Etats afTemblés à Pioermel réformè-
rent la Coutume de Bretagne ; c'eft celle qu'on fuit aujourd'hui.
L'an 1587, les Etats extraordmaires s'aflemblent à Pioermel.
Le Monaflere des Carmes , qui faifoit tout l'ornement & la
gloire de Pioermel , fut détruit pendant les guerres de la ligue.
La ville , qui étoit foible de murailles & incapable de réfiftance ,
fe maintint au fervice du Roi , du mieux qu'elle put , fans le
fecours d'aucunes troupes , jufqu'à ce que le Sieur de Trévégar
y entra , avec quelques foldats , pour la conferver plus fûrement
au Roi. Le lendemain de l'arrivée de ce Capitaine , Saint-Lau-
rent & la Chenaye-Vaubonnet , partifans du Duc de Mercœur ,
fe préfenterent avec cinq ou fix cents hommes de guerre devant
les portes de cette ville -, la garnifon étoit trop foible pour ré-
fifter , &: demanda fur le champ à capituler. L'ennemi entra dans
la ville , fe faifit des effets les plus précieux des habitants , & en
fortit chargé de butin. Saint -Laurent fe rendit à Joffelin qu'il
traita comme Pioermel. Quelque temps après , le Baron du Pont,
premier Meltre-de-Camp de l'armée du Roi en Bretagne , entra en
cette ville , & y irùt une garnifon fous le commandement du Capi-
taine la Fontaine , qui avoit pour Lieutenant François James , Sieur
de Ville-Caure ou Ville-Carre. La Fontaine mourut , & Ville-Caure
lui fuccéda , fous l'autorité du Baron du Pont. Mais ce dernier
ayant été bleffé d'un coup d'arquebufe , au camp devant kn-
cenis , fe lit tranfporter à Rennes, où il mourut le 17 Mars 1590.
Après la mort de ce Baron , le Gouvernement de Pioermel fut
donné , par le Roi , à N.... de Guemadeuc , fous l'autorité du-
quel le Sieur de Ville-Caure continua d'exercer la charge de Capi-
taine , ayant pour Lieutenant le Sieur de Cahideuc. ViUe-Caure ,
PLO 389
quî avolt juré la ruine du Couvent des Carmes , chercha les
moyens de fatisfaire fa pafTion j il fit approuver fes coupables
defîeins à Cahideuc , qui s'en rendit l'exécuteur , & à Pierre Ro-
ger , Sieur de la Peroufe , Calvinifte , & Seigneur du Crévei
par fon mariage avec Robert de Quelenneuc , fille de Guillaume
de Quelenneuc , Sieur de la Ville-Jubault , qui avoit acheté la
Terre du Crévei. Ce Roger defiroit plus que perfonne la ruine
de ce Couvent , d'autant plus que fon intérêt l'engageoit à dé-
truire cette maifon : il étoit obligé de payer, par chaque année,
quarante mines de bled de rente , qui avoient été léguées aux
Religieux, en 1337, par Jean de Derval , Seigneur du Crévei.
Ces trois Officiers, abufant de l'autorité qu'ils avoient à Ploermel,
firent mettre le feu à un des dortoirs de ce Monaflere , fitué du
côté de la ville. Ils efpéroient que, dans le tumulte occafîonné
par l'incendie , il leur feroit facile d'enlever les titres des Moines,
fi toutefois ils pouvoient échapper aux flammes. Cette première
entreprife ne réuffit pas : les habitants , qui apperçurent le feu au
bout du dortoir , accoururent promptement au fecours , & éteigni-
rent l'incendie. Le mauvais fuccès de cette entreprife ne les rebuta
point : quelques jours après ils envoyèrent une partie de la gar-
nifon , compofée d'Anglais & de Calvinilles , mettre , pour la
féconde fois, le feu. à ce dortoir, & achever ^e confumer ce
qui étoit reflé de la première incendie. Les foldats exécutèrent
les ordres de leur Général , & déjà le feu menaçoit l'Eghfe &
le corps du logis de la grande fa lie , lorfque le peuple vint au
fecours , & fauva ces deux édifices. Ce fut alors que Cahideuc
montra tout fon acharnement contre les Carmes. Un des foldats
de fa garnifon qui étoit Catholique , & qui , en cette quaHté ,
ne vouloit pas fe prêter à allumer l'incendie , fut tué fur le
champ par ce cruel Capitaine. Quelques perfonnes d'autorité , qui
fe trouvoient pour lors à Ploermel , empêchèrent pourtant qu^on
ne détruifît totalement le Couvent. Mais comme ce n'étoit pour
ainfî dire que des Calviniftes , la haine qu'ils avoient pour les
Eghfes, les Prêtres, & les ReHgieux , les porta à avancer leur
perte , dans l'efpérance de profiter de leurs dépouilles. Ils ne
voulurent pourtant pas agir ouvertement , ils fe contentèrent de
pourfuivre l'exécution de leurs mauvais deffeins par des voies
fecretes. Ces moyens, qui faifoient tramer l'affaire en longueur,
furent encore abandonnés. Ils eurent recours à l'autorité légitime ,
& cachèrent leurs noirs projets , fous le prétexte fpécieux du
bien public. Ils préfenterent au Prince de Dombes une requêta,
390 PLO
dans laquelle ils s'efforçoient de prouver que, pour mettre la
ville de Ploermel en état de réfill:er au Seigneur de.... , qui avoit
formé le defTein de la foumettre au Duc de Mercœur , il étoit
nécefîaire de la faire fortifier , & fur-tout de faire démolir le Couvent
des Carmes , qui , fe trouvant près des murs & hors de la ville ,
étoit très-mal litué pour la confervation de la place. Les Reli-
gieux , informés de ce qui fe paflbit , réfolurent de prévenir , s*il
étoit pofTible , l'orage qui les menaçoit. Ils députèrent au Prince ,
Julien Pléard , leur Prieur , qui lui repréfenta qu'il étoit faux que
le Couvent , dans la pofition où il étoit , pût porter préjudice
à la ville , puifque le pignon de leur Eglife , qui étoit l'endroit
le plus élevé du Monallere , étoit encore trop bas pour nuire
en aucune façon -, qu'il dominoit feulement la balTe-ville qui avoit
été bâtie depuis peu , mais que cette raifon ne pouvoit engager
à le détruire , puifque le Prince de Dombes avoit donné lui-
même des ordres pour la démolition de cette nouvelle ville , qui
étoit fituée hors des murs de Ploermel , & dont la poiition étoit
favorable aux ennemis pour s'emparer de la ville fortifiée.
Comme les requêtes du Sieur de Guemadeuc & des Religieux fe
contredifoient , le Prince ordonna que les Juges de Ploermel &
leurs Officiers aviferoient avec les Capitaines à ce qu'il y auroit
à faire pour la défenfe de la ville , & que , s'il étoit expédient
de démolir le Couvent , on dreffât procès-verbal de fon état ac-
tuel , pour que le Roi pût le faire rebâtir à fes frais à la fin de
la guerre -, & donna des ordres pour conferver .& mettre en lieu
de fureté les matériaux & merrains qui en fortiroient. Cette Or-
donnance fut rendue à Rennes , le 24 Janvier , fignée BraJJeu
Cette requête entérinée & l'Ordonnance du Prince de Dombes^
étoient trop favorables aux deffeins des Capitaines , pour que les
Carmes pufTent efpérer de conferver leur Communauté. En con-
féquence , ils n'attendirent pas que leurs ennemis envoyaffent des
ouvriers pour travailler à. la démolition, Auffi-tôt que leur Prieur
fut revenu de Rennes , ils firent defcendre la grande vitre du
grand autel qui étoit fituée à l'Orient , ck firent mettre les pan-
neaux dans Lur Chapitre , & ôter & abattre ce qui paroifToit
plus préjudiciable à la ville : mais comme les Juges Se le Pro-
cureur du Roi de Ploermel s'étoient retii-és à Rennes , le procès-
verbal ne fut point drefTé dans le temps ordonné par le Prince
de Dombes ; il fut fait à la hâte, au mois de Juin 1592. , parce
que les Capitaines prefibient la démolition générale de l'Eglife
& du Couvent , dans la crainte que le Duc de Mercœur , qui
PLO 391
venoît de faire lever le fiege de Craon en Anjou, & de battre
l'armée des Princes de Dombes & de Conti , au mois de Mai
dernier, vînt attaquer Ploermel. En conféquence , le Gouverneur
envoya pour faire la démolition de l'Eglile , ( le Couvent avoit
été détruit ci-devant,) trois cents Anglais , qui ôterent la char-
pente de l'Eglife , & en abattirent enfuite le pignon & les autres
murs, de manière qu'en peu de jours tout fut démoli : les autels,
qui étoient au nombre de dix-fept , furent détruits & mis au
pillage par ces étrangers, qui, non contents d'avoir démoli l'E-
glife , calTerent & briferent les vitrages , tant des deux pignons
que des Chapelles particulières , & les tuyaux de l'orgue , pour
en tirer le plomb qu'ils employèrent à faire des balles pour leurs
moufquets ; ils entrèrent même , pendant la nuit , dans l'endroit
où avoit été mife la charpente , tant de l'Eglife que du bâtiment,
Se y mirent le feu , de forte que tout fut réduit en cendres. Heu-
reufement que les images des Saints & les chaires du chœur
avoient été tranfportées à Saint-Armel , avec les ornements & les
vafes facrés. Le dommage le plus coniidérable fut la ruine de
deux riches tombeaux en marbre , des Ducs Jean II Se Jean III , qui
furent ruinés par les Anglais , qui , en defcendant la charpente
de l'Eghfe , prenoient plaifir à jetter deifus les plus grofles pièces
de bois , & les plus grolTes pierres lors de la démolition des
murs : on en tranfporta les morceaux dans l'Eghfe du Prieuré de
Saint-Nicolas , Ordre de Saint-Benoît , fitué hors de la ville. Le
Gouverneur Se les autres Officiers des troupes firent couper , par
leurs foldats , tous les arbres fruitiers des jardins Se vergers des .
Pères Carmes , pour en faire du bois de chauffage pour l'hiver»
Le 8 Février 1592, la garnifon de Ploermel, renforcée de
plufieurs habitants , fit une f ortie , & attaqua un Corps de troupes
Efpagnoles , qu'elle battit , Se auquel elle enleva un grand nombre
de prifonniers Se un butin confidérable. Le Duc de Mercœur fe
relTentit beaucoup de cette perte.
Sur la fupplique des Carmes , la Communauté de ville s'aflem-
bla , le Dimanche 18 Octobre 1592 , Se léfolut de préfenter une
requête au Roi , pour le fupplier d'affigncr un logement commode
à ces Religieux. Sur cette réponfe , le Prieur fe rendit à Rennes, .
Se préfenta une requête au Prince de Dombes, qui avoit pris
le nom de Duc de Montpenfier depuis la mort de fon père. Ce
Prince expédia la requête , Se ordonna aux habitants Se Capi-
taines de Ploermel de préparer un logement aux Moines dans
les Prieurés de Saint-Nicolas ou de Taulpon. Le Prieur, à fon
391 P L O
retour , fignifie cette Ordonnance aux Capitaines & à la Com-
munauté de ville. Il fut décidé de leur donner celui de Saint-
Nicolas, parce qu'il ne parut pas décent de les envoyer à celui
de Taulpon , qui étoit hors des murs de la ville. En conféquence,
les Capitaines des troupes & les habitants les conduiiirent & les
accompagnèrent jufqu'au Prieuré de Saint-Nicolas , où ils entrè-
rent le 2 2 Novembre , environ cinq mois après la démolition
de leur Monaflere. Les corps des Ducs Jean II & Jean III étoient
reftés dans leurs tombeaux , quoiqu'ils eufTent été brifés & dé-
truits , comme on l'a rapporté ci-deffus. Les Carmes , qui avoient
eu avis que quelques ibldats avoient commencé à creufer pour
parvenir à ouvrir leurs chafï'es , dans lefqueiles ils s'imaginoient
trouver quelques joyaux d'un grand prix, préfenterent une re-
quête aux Juges de la ville, pour les fuppiier de s'oppofer à
l'infolence des foldats , & obtenir la permiiiion de faire tirer les
corps de ces deux Princes hors du lieu où ils repofoient , & de
les tranfporter folemnellement & procefîionnellement au Prieuré
de Saint-Nicolas : ce qui leur fut accordé. Ce tranfport lé fit le
2 1 Juin 1593 avec beaucoup de folemnité.
Le Duc de Mercœur , qui vouloir , à quelque prix que ce
fût 5. s'emparer de Ploermel , donna ordre à quelques-uns de (es
Capitaines de s'y rendre le jour du Vendredi-Saint , & de tâcher
de la furprendre pendant l'Office. Il en feroit venu à bout, fi
Jean Perret , qui s'étoit par hazard abfenté du Sermon pour des
affaires particulières, n'eût apperçu par fa fenêtre, qui donnoit
fur le jeu de paume , fix hommes habillés en payfans , qui s'avan-
çoient fur le pont 6c qui attaquoient les foldats de la garde.
Cette fcene fixa heureufement Ion attention : il regarda &c ap-
perçut plufieurs autres perfonnes cachées dans le jeu de paume
& fous le pont. Il cria aufîi-tôt aux armes, defcendit prompte-
ment de fa chambre , & fe pofia auprès de fa maifon , qui joignoit
la porte de ville , pour s'oppofer à l'ennemi, Pierre d'Efquier ,
& Pierre Perret, Sieur des Crolais, Sénéchal de Ploermel, fe
îTÛrent promptement à la tête du peuple , & repoufferent , à
l'aide de la garnifon , l'ennemi , qui perdit, en cette occafion ,
environ deux cents cinquante hommes, tués , bleffés ou prifonniers..
En mémoire de cette vi61oire, on fit , dès le jour, une proceffion ,,
qui depiiiS ce temps a toujouis été faite. Ce fait efi: prouvé
par la lettre du Capitaine Villc-Caure au Maréchal d'Aumont ,,
datée de Ploermel, le 21 Avril, jour du Vendredi-Saint , de
PLO 395
Le 8 Juillet 1600, le Provincial des Carmes, étant arrivé à
Ploermel , pour y faire la vifite du Couvent de Ton Ordre, con-
féra , pendant fon féjour dans cette ville , avec les habitants
pour la reconftruftion du Monaftere. Il trouva tout le monde
difpofé à y contribuer ; mais on étoit en doute du lieu où on
devoit le bâtir. Après bien des difcuffions , il fut arrêté qu'on le
placeroit dans le même endroit , & fur les anciens fondements
du premier , qui étoient reftés dans leur entier. Il ne reftoit plus
qu'à chercher de l'argent pour une entreprife auffi confidérable.
La Providence y pourvut. Les Etats, affemblés à Rennes au
mois de Décembre 1597, av oient taxé les Eccléfiaftiques , les
Gentilshommes, Officiers de Juftice , Bourgeois, & Habitants de
Ploermel , à la fomme de quatre mille écus , pour leur part de
celle de deux cents mille écus , qui devoit être levée dans la
province pour fournir aux dépenfes que le Roi feroit avec Ton ar-
mée en Bretagne. Comme le Roi ne fit pas un long féjour dans
cette province , cette fomme de quatre mille écus ne fut pas em-
ployée ; de forte que les habitants de Ploermel prirent la réfo-
lution de ne point la rendre aux particuliers , & de la faire
fervir à la conllruftion du Couvent. Le 1 5 Janvier 1601 , le Pro-
vincial de l'Ordre des Carmes paiîa ra6te de ce confentement
avec les habitants dé Ploermel ; mais comme la plupart des
Gentilshommes , qui avoient contribué à cette répartition , ne fe
trouvèrent point pour lors à la ville , le Corps de ville fut chargé
de leur faire agréer la deftination de cette fomme : ce qu'ils
firent généreufement. Il fut encore décidé que les perfonnes qui
avoient droit d'enfeu 8c de Chapelle dans l'Eglife de ce Cou-
vent , feroient appellées pour fe voir condamner à les faire re-
bâtir , à leurs frais , comme elles étoient auparavant ; faute de
quoi , elles perdroient leurs droits & privilèges , & qu'il feroit
permis aux Carmes de les donner Se tranfporter à d'autres qui
voudroient les faire rebâtir. Les Etats de la province avoient accordé
deux cents écus pour contribuer aux frais de cet édifice. La No-
blefTe du pays & les habitants de la ville ne donnèrent la fomme
ci-defTus aux Carmes, qu'à condition qu'ils diroient tous les ans,
au 2 1 Avril , une Mefîe pour la profpérité des bienfaiteurs & la
confervation de la ville : ce qui s'exécute fidèlement. Lorfque
ce nouveau Monaflere fut achevé , les Religieux quittèrent , en
1620, le Prieuré de Saint-Nicolas , & allèrent prendre pofTeffion de
leurMaifon , où ils firent tranfporter leurs meubles. Ils exhumèrent ,
pour la féconde fois, les corps & ofTements des Ducs Jean II,
Tome IIL D 3
594 PLO
Jean III , Sc autres, Se les placèrent dans le chœur de leur-
Eglife, dont la dédicace fe fit, le 24 Avril 1622, par l'Evêque
de Saint-Malo.
En 1646, les tombeaux des Ducs Jean II & Jean III furent
tranfportés au haut du grand autel , du côté de l'Evangile , où
on voit un éculTon aux armes de Bretagne.
Mathurine Berthelot , Religieufe du Tiers-Ordre des Carmes ,
née à Ploermel d'une honnête famille, mourut, en odeur de
fainteté , le 6 Décembre 1 669 , âgée de trente-trois ans , & fut
inhumée devant l'autel de Notre-Dame , dans l'Egliie des Carmes
du Bon-Don , près Vannes.
1676. Les UrfuHnes de Ploermel font enfermer leur enclos de
murs. Dans cet enclos fe trouvoit une maifon qui appartenoit
à Jean le Petit , qui l'avoit donnée à ces Religieufes à leur ar-
, rivée à Ploermel.
Au commencement du mois de Décembre 1690, le Roi d'An-
gleterre , Jacques II , partit de Saint-Germain pour venir en Bre-
tagne faire la revue de fes troupes nouvellement venues d'Irlande.
Ce Prince arriva à Ploermel la veille de Noël , vers les fix heures
& demie du foir. N... du Chênevert , Maire de Ploermel , pria
les Carmes de le loger : mais ces Religieux , craignant l'embarras,
refuferent de recevoir ce Monarque chez eux -, de forte que François
Perret , Sieur de Lezonnet, Sénéchal de la ville , fut obligé de le lo-
ger vers le minuit. Il étoit accompagné du Duc de Berwick , fon fils
naturel j du Seigneur de Molac, Gouverneur de Nantes; du Ca-
pitaine de fes Gardes , & d'un Jéfuite , fon ConfelTcur, qui
allèrent entendre la MefTe de minuit chez les Pères Carmes. Le
lendemain de Noël , Jacques partit pour Saint-Brieuc , Saint-
Malo , & Dinan , où le refle de fes troupes avoir pris des quar-
tiers d'hiver.
Le 23 Mai 1693 , la NoblefTe du Perche arriva à Ploermel
pour y féjourner. Celle d'Anjou , de la Touraine , & du Maine ,
fut envoyée à Vannes , Saint-Brieuc , & autres villes , pour la
garde des côtes de Bretagne , où l'ennemi menaçoit de faire
une defcente.
Le Siège royal de Ploermel , haute-Jufllce , à M. le Duc de
Penthievre; Bois-Helio, haute-Juflice , aux Carmes de JofTelin;
laGaudinaye, haute- Juftice , à M. de Coëtlogon ; Gourher^ &
annexes, haute-Jullice , à M. de Bavalan ; le Crevi , haute-
Juftice , à M. de Brilhac -, Lezonnet , Jurifdi6hon qui appartient
à M. le Préfident de Cornullier , & s'exerce dans la folie du
PLO 395
Palais à Ploermel ; la Jurifcliftion de Malleville , à M. de Carcado ;
Morgand, à M de Lambily; Quchéon , à M. Picaud de Que-
héon : Saint-Jean de Villenart efl une Commanderie de l'Ordre
de Malte.
PLOESIDI; à 8 lieues au Sud-Sud-Eft de Tréguier, fon Evê-
ché ; à 25 lieues de Rennes j & à 2 lieues trois quarts de
Guingamp , fa Subdélégation. Cette ParoiiTe reiïortit à Lannion,
& compte 3300 communiants , y compris ceux de Saint-Fiacre,
Saint- Pever , & Senvenlehart , fes trêves. M. le Duc de
Lorges eft Seigneur du lieu , où il poflede les trois hautesJuflices
de SuUé , de Ker-omen , & de Ker-liviou , qui refîbrtifient à
Guingamp : la Cure efl: à l'alternative. Ce territoire , arrofé
des eaux de la rivière de Trieux & de plufîeurs petits ruiiTeaux ,
renferme des pâturages abondants , des terres en labeur , Se
beaucoup de landes. 11 fe tient deux foires par an dans l'endroit.
Le château d'Avaugour , une des premières Baronnies de Bre-
tagne, fitué dans cette ParoiiTe, dépendoit en 1034 du Comté
de Guingamp. Il fut porté dans la maifon de Penthievre par le
mariage de Havoife , fille & héritière du Comte de Guingamp ^
avec Etienne de Bretagne , fécond fils du Comte Eudon , frère
du Duc Alain Fergent. Etienne , après la mort de GeofFroi ,
fon frère aîné , s'intitula Comte de Penthievre. Comme la ParoiiTe
de Ploëfidi étoit environnée de forêts, fes defcendants bâtirent,
à l'extrémité de ce territoire , le château d'Avaugour , pour leur
fervir de retraite lorfqu'ils iroient prendre le divertiiTement de la
chaiTe. La Baronnie d'Avaugour fut confifquée & le château
démoU, en 1420, par ordre du Duc Jean V, Le 24 Septembre
1480, le Duc François II fit revivre les titres de cette Baronnie,
la rétablit dans tous fes droits , & la donna , avec toutes fes dé-
pendances , pour apanage ,v à François de Bretagne , fon fils na-
turel ; mais le château ne fut pas reconilruit , on n'en voit plus
que les veiliges.
PLOEUC i à 3 lieues & demie au Sud de Saint-Brieuc , fon
Evêché j à 1 9 lieues de Rennes , fon reiTort ; & à 3 lieues de
Moncontour, fa Subdélégation. On y compte 6000 communiants,
y compris ceux de Gauiîbn , fa trêve : la Cure eil à l'alternative.
Il y a dans le bourg une Chapelle dédiée à Sainte Marguerite ,
laquelle a été bâtie des ruines de la maifon du Pont-à-lAne.
Ploeuc eft une ancienne Bannière qui appartient aux Seigneurs
39^ P L O
de la Rivière. La famille de ce nom , une des plus illuftres de
Bretagne , tire fon origine de Graflon-Mur & de Budic-Mur ,
Comtes de Cornouailles. Elle a pris des alliances dans les maifons
de Rohan , de Dinan , de Tornemine , de Goyon-Matignon , de
Beaumanoir , de Roftrenen , de Kergorlai , &c. & a toujours
foutenu l'éclat de fon nom par les places diftinguées qu'elle a
occupées. La maifon de la Riviere-Ploeuc commença en la per-
fonne de Pierre du Plefîîs de Ploeuc , fils de Pierre , Sieur de
Saint-Quiouail & de Julienne de Vaucouleurs. Il époufa Mar-
guerite Bouexel , fille de Jean & de Marguerite de Caftello des
Granges , maifon illuftre en Piémont , d'où font fortis les Mar-
quis de Carheil & les Comtes de SaufFrai. Jean, fon fils, Com-
mandant de cent Arquebufiers à cheval , fut père de Mathurin ,
Capitaine de cinquante Chevaux -Légers & de cent hommes
d'Infanterie. Son fils , Olivier , eut , de fon mariage , Yves-Oli-
vier de la Rivière , Seigneur du Pleffis , Chevalier de l'Ordre
du Roi , Gentilhomme de fa Chambre , Gouverneur de Saint-
Brieuc , qui fut bleffé au fiege de Montauban en Qucrci. C'eft
en fa faveur que la Seigneurie de Ploeuc fut érigée en Comté,
par lettres-patentes du 14 Avril 1696, & par autres de furan-
nation , du 11 Juin 1699. Ces lettres portent que « ladite Ban-
> nierede Ploeuc ell érigée en Com.té , en confidération de l'iUuftre
> maifon & de l'ancienne noblefTe des Seigneurs de la Rivière,
> iifus des Comtes de Cornouailles, Juveigneurs des Sieurs de
> Rohan , &c. & en confidération des fervices qu'ils ont rendus,
> comme l'hifioire le rapporte notamment ceux de Thibaud de
> la Rivière , fameux Capitaine. » Yves-Olivier époufa Vincente ,
fille unique d'Ohvier de Kermartin , Capitaine général des Gar-
de-côtes de Bretagne , Colonel d'Infanterie , Gouverneur de
Tréguier , &' Capitaine des ifle & château de Brehat, de
laquelle il eut Charles-Yves-Jacques , Comte de Ploeuc , Page
du Roi , Aide de camp du Maréchal de Boufilers , Enfeigne
des Gendarmes Anglais , Gouverneur de Saint-Brieuc & de la
tour de Ceflbn. Il fut élu par la Noblefie pour préfider aux
Etats affcmblés à Saint-Brieuc en 1709 , Se eut l'agrément du
Roi & du Dauphin , qui fignerent fon contrat de mariage ,
pour époufer Marie-Françoife-Célefte de Voyer de Paulmi, fille
unique de Jean-Armand , tué à la bataille de Senef-Fontaine , en
Champagne , l'an 1674. Jacquemine , tante de ce dernier,
avoir époufé, en 1^55, Jean de Goyon-Matignon.
Du jnariage de Charles- Yves-Jacques , Comte de Ploeuc , for-
PLO 397
tirent plufieiifs enfants , qui font : i ^. Charles-Yves Thlbaud de
la Rivière , Comte de Ploeuc , Lieutenant général des armées du
Roi , & Gouverneur de Saint-Brieuc ; marié à Julie Barberin de
Reignac , ci-devant Dame du Palais de la Reine Douairière d'Ef-
pagne , dont deux filles , l'une mariée à M. de la Rivière , fon
parent , & l'autre à M. de Lufignan-Lezai. 2°. Jacques-Charles
de la Rivière , dit U Comte de Mur, 3*^. &: 4^^. Deux filles ma-
riées , l'une à un Grand-Maître des Eaux & Forêts de France ;
& l'autre à un Maître des Requêtes. La Seigneurie de Ploeuc ,
haute , moyenne & baffe - Juftice , à M. de la Rivière \ l'Ifle ,
moyenne & baffe- Juftice , à M. de Brehand j l'Hôtellerie-Abraham ,
haute, moyenne & baffe - Juffice , à M. le Deilt-Bolidoux , qui
poffede la Vieuxville , avec haute , moyenne & baffe- Juflice : Saint-
Eloy , vieux château , avec une grande Chapelle & une prifon ,
le tout en mafure ; cette Seigneurie , qui a haute , moyenne &.
baffe-Juftice , laquelle s'exerce à Saint-Eloy , appartient à Madame
de la Rivière : la Touche-aux-Moines , manoir en ruines , a haute ,
moyenne & baffe-Juffice 5 le Gué , haute , moyenne & baffe-Juf-
tice j & la Hazais , moyenne & baffe-Juffice , à M. de Carlan :
le Pont-à-l'Ane, ancienne maifbn, avec une Chapelle en ruines,
auprès de laquelle efl un étang qui fait tourner un moulin , a une
haute , moyenne & baffe-Juffice , qui appartient à M. de la Ri-
vière. On voit auprès de la Chapelle du Pont-à-TAne une fla-
tue de Saint Pierre j les habitants de la Paroiffe & des environs
y portoient jadis avec eux, lorfqu'ils alloient invoquer ce Saint,
un paquet de genêts , avec lequel ils fouettoient la flatue , pour
obtenir leur guérilbn ou autre faveur. On voyoit des tas de ces
arbriffeaux , dont les fermiers de l'endroit profitoient. Cremeur ,
manoir avec Chapelle, étang, moulin, & fuie, haute- Juffice , à
M. le Sage de Cremeur. La Corbière eft un château qui n'a point
été achevé , avec une Chapelle & un étang d'une étendue con-
fîdérable , lequel joint la forêt de Lorges. Dans le village de
Saint- Juff , elf une Chapelle rurale dédiée à Saint Juff. Bayo efl
un heu noble , où l'on trouve une Chapelle deffervie par les
Prêtres de la Paroiffe. Ce territoire renferme une partie de la
forêt de Lorges , des terres fertiles en grains , &: des landes. Quoi-,
que le teirein foit bon , on trouve pourtant dans la Paroiffe une
affez grande quantité de mendiants.
PLOEVEN-PORZAY ; à 5 lieues au Nord-Oueff de Quimper ,
fon Evêché j à 42 lieues de Rennes 3 6c à 3 heues & demie, du
398 P L O
Faou , fa Subdélégation. Cette ParoifTe reflbrtit à Châteaulln , Se
compte 750 communiants : la Cure efl à ialternative. Son terri-
toire eft borné au Nord & à l'Efl par les montagnes de Me-
neham , & à l'Ouell par la mer , à l'endroit oii le trouve la
lieue de grève , traverfée par le grand chemin de Quimper à
Breft. Une partie de ce terrein ell entièrement ftérile , tant par
les rochers que par les fables de la mer qui couvrent fa fur-
face ; de manière que l'on n'en voit qu'une petite portion en
rapport.
PLOEZAL ; à I lieue & demie au Sud-Sud-Efl: de Tréguier ,
fon Evêché ; à 28 lieues un tiers de Rennes -, & à trois quarts
de lieue de Pontrieux , fa Subdélégation. Cette ParoifTe refTortit
à Lannion , & compte 3 200 communiants , y compris ceux de
Saint-Yves de Pontrieux , fa trêve : la Cure ell: à l'alternative.
Des terres en labeur , des prairies , de bons pâturages , & quel-
ques landes } voilà ce que ce territoire offre à la vue.
Le château de la Roche -Jagu appartenoit , en 1280, à Ri-
chard, Chevalier , Seigneur de la Roche - Jagu ; &, en 1393,
au Duc Jean IV. Olivier de Cliffon , Connétable de France , le
prit Se y mit une forte garnifon. Pierre II, Duc de Bretagne,
érigea cette Seigneurie en Bannière , par fes lettres datées de
Vannes le 24 Mai 145 1 ; Se en Baronnie , l'an en faveur d'un
nommé Péan : elle pafTa dans la fuite à la maifon de RicheUeu,
Se M. le Maréchal de ce nom la vendit, en 1773, à Madame de
Treffan le Gonidec. Le château eft très-fort , on y voit quelques
pièces de canon en mauvais état j il a haute , moyenne Se baffe-
Jullice , avec droit de Quintaine. Le château de Ker- marquer,
connu dès 1280, appartient à Madame de Treffan le Gonidec j
fa moyenne - Juftice s'exerce à Pontrieux , ain{i c|ue celle de
la Roche-Jagu. On remarque , dans la cuifine du château de
Ker-marquer , l'entrée d'un fouterrein qui paffe fous la rivière de
Trieuc , Se conduit au château de Frinaudour , dans la Paroiffe
de Quimper-Guenezec , à une lieue de Ker-marquer. On a bou-
ché l'entrée de ce fouterrein , afin d'éviter les accidents. Plufieurs
de ceux qui ont voulu jadis y entrer y ont perdu la vie , Se
les autres ont eu beaucoup de peine à retrouver leur route pour
en fortir. Le château de Ker-icuf appartenoit , en 1 400 , à Raoul ,
Sieur de Kerguezeç : en 1460, les manoirs de Ker-houarn Se de
Launay appartenoient à Yves Baz-loi j Coëtgui-Jardel , au Sieur
Se Dame de Kerdaniel.
PLOGOFF ; dans la pointe du Bèp cS'^atz , fur la côte j à
9 lieues à l'Oueft de Quimper, fon Eysche-'^fon relTort ; à 48
lieues de Rennes ; & à 2 lieues trois quarts ''â«, Pontcroix , fa
Subdélégation. Cette Paroiffe relevé du Roi-, -S^:^ compte 900
communiants : la Cure ell à l'alternative. Le'' territq^e , borné
à l'Ell & au Sud par la mer , ell fertile en tov^e's fortes de
grains.
PLOMELINj dans un fond, fur la rivière d'Odet; à i lieue
un tiers au Sud-Sud-Ouell de Quimper , fon Evêché , fa Subdé-
légation , & fon reflbrt ; à 40 lieues de Rennes. On y compte
800 communiants : la Cure eu à l'alternative. La maifon noble
de Ker-dour appartenoit , en 1480, à Yves le Torcol , Sieur de
Kerdour 5 le Tremeur , à -N L'Abbaye de Notre-Dame de
Ker-lot , Ordre de Cîteaux , fut fondée dans ce territoire , le 2^
Mars 1652, par Pierre de Jegudo, Chevalier , Seigneur de Ker-
olain. Elifabeth , fœur du fondateur , en fut la première AbbefTe.
Ce territoire eft un terrein irrégulier , on y voit des terres en la-
beur & quelques petites landes.
PLOMEUR j à 4 lieues & demie au Sud-Ouefî: de Quimper,
fon Evêché & fon reifort ; à 42 lieues de Rennes ; & à i lieue
de Pont-l'Abbé , fa Subdélégation. Cette Paroiffe relevé du Roi,
& compte 1800 communiants : la Cure eft à l'alternative. Ce
territoire , qui eil borné au Sud par la mer , renferme des teires
abondantes en toutes fortes de grains , & très-exaftement culti-
vées par les. habitants qui font laborieux & habiles Agriculteurs.
Sainte Nmnoch étoit fille d'un Prince de la grande Bretagne,
defcendant du grand Guthierne , & nommé Brech-Han, Ce Sei-
gneur étoit fî riche & fi puiffant qu'on le nomma Roi du pays : il
époufa Menedux , Princeffe du Sang du grand Conflantin , qui
lui donna quatorze enfants , du nombre defquels fut Sainte Nin-
noch. Dans un âge tendre encore , elle quitta le monde & (ts
plaifîrs, & fe fit Relîgieufe dans un Monaflere dont elle fut
nommée Abbeffe. Quelques années après , elle l'abandonna &
arriva en Bretagne l'an 456: elle s'arrêta fur la côte, dans la
Paroiffe de Piomeur , àc y édifia un petit Oratoire , pour y vivre
avec les Religieufes qui l'avoient accompagnée. Erech , Roi de
Bretagne, y fit bâtir en 458 un Monallere , qu'il nomma l'Ab^
baye de Sainu-Ninnoch : elle fut long-temps célèbre par la grande
quantité de Religieufes qui y entroient, & par les Religieufes
400 P L O
qu'elle po^édoit. L'hiftolre nous apprend & il efl: probable , que
c'eû un des premiers Monafleres établis pour les Reiigieufes en
Bretagne : on voit encore quelques vertiges de cette maifon.
En 1380, exifloient les manoirs de Cos-Ker-aër , Torcoèt^ Tre-
niillec , Jacob-Paën , Ker-floux , la Forêt, Ker-pullich , Ker-coez,
Penfour , Ker-coullas , &c Ker-rouant.
PLOMODIERN -, à 4 lieues un tiers au Nord-Ouefl de Quim-
per , fonEvêchéj à 42 lieues de Rennes; & à 2 lieues un tiers
de Châteaulin , fa Subdélégation & fon reflbrt. On y compte
1900 communiants : la Cure eil à l'Oidinaire. Quelques auteurs
difent que cette Paroifle exiftoit dès l'an 434, & que Grallon,
qui regnoit alors en Bretagne , donna une mailbn qu'il avoit dans
cet endroit pour en faire un Monaftere, qui fut , quelques années
après , habité par Saint Corentin , premier Evêque de Quimper.
Dans le temps dont je parle , ce Prélat vivoit, près la montagne
de Saint-Cofme , dans une folitude fituée dans la forêt de Men-
îier , qui renfermoit plus de terrein que n'en occupe aujourd'hui
la ParoiiTe de Plomodiern : il 7 a bien des fiecles que cette forêt
n'exille plus. Ce territoire efl: borné à TOueft par la mer , au
Nord & à l'Eft , par les montagnes de Meneham : quelques terres
en labeur , des rochers , & des landes -, voilà ce qu'il préfente
à la vue.
PLONEIS ; fur la route de Quimper à Pontcroix ; à i lieue
trois quarts à l'Oueft-Nord-Oueft de Quimper , fon Evêché , fa
Subdélégation , & fon refTort ; à 42 lieues de Rennes. On y
compte 1 000 communiants : la Cure efl: à l'alternative. La haute-
Juftice de Ker-ven s'exerce à Quimper. Des vallons , des mon-
ticules , des terres bien cultivées & fertiles , & quelques landes j
voilà ce que ce territoire offre à la vue ; la rivière de Pontcroix
y prend fa fource.
PLONEOUR ', fur une montagne ; à 3 lieues un tiers au Sud-
Oueil de Quimper , fon Evêché & fon refTort ; à 42 heues de
Rennes j & à i lieue un tiers de Pont-l'Abbé , fa Subdélégation.
On y compte 2600 communiants : la Cure eft préfentée par le
Chapitre de l'Eglife Cathédrale de Quimper. Ce territoire , pays
couvert d'arbres &. buifTons , & plein de vallons & de monticules ,
produit des grains de toutes efpeces & du cidre. La maifon no-
ble de Lelozet eil: fituée dans cette ParoiiTe,
PLONIVEL ^
P L O 401
PLONIVEL ; à 4 lieues un quart au Sud-Sud-Oueil de Quim-
per, fon Evêché & fon reffort ; à 41 lieues de Rennes; & à i
lieue de Pont-l'Abbé , fa Subdclégation. On y compte 650 com-
muniants : la Cure eft à l'akernative. La mer borne au Sud ce
territoire , dont les terres font très-exadement cultivées & fertiles.
PLOREC ; à 6 lieues au Sud-Oueft de Saint-Malo , fon Evê-
ché ; à 1 3 lieues de Rennes ; &: à 4 lieues de Lamballe , fa Sub-
délégation. Cette Paroiffe refîbrtit à Jugon , & compte 1000 com-
muniants , y compris ceux de Lefcouet , fa trêve : la Cure eft à
l'alternative. Ce territoire forme , à quelques vallons près , une
plaine dont les terres font affez exaftement cultivées & fertiles ;
les landes n'y font pas fort étendues. La maifon feigneuriale de
l'endroit eft le château du Bois-Billy , avec haute , moyenne &
baffe-Juflice : Olivier du Bois-Billy fut préfent au contrat de ma-
riage palTé , en 1 283 , entre Alain , Vicomte de Rohan , & Anne
d'Avaugour ; cette Terre appartient actuellement à M. de Coë-
trieux : Lorgeril appartenoit , en 1430, à Simon de Lorgeril ;
cette Terre s'appelle aujourd'hui Lorgeril- Lambert , elle a une haute-
Juftice , & appardent à M. de Lorgeril-Lambert. Le PlefTis , en
1400, à Jean de la Boefliere ; cette Terre s'appelle le Plcffis-
Boejfiere : il y a quelques années que M. Minette l'a achetée de
M. de Varennes. Le Bois-Adam , en 1400, à Jean du Bois-Adam,
aujourd'hui à M. de Becafîbn, par fon mariage avec Théritiere
de cette Seigneurie : Cariguel ou Carrillet, en 1400 , à Jean Gna-
lefnel j cette Terre a été pofTédée par les Seigneurs du Guefclin ,
elle appartient préfentement à M. de Marbœuf. En î 400 , la
Domneraie, à Jean de Beaumanoir, aujourd'hui à M. de Fonde-
bon de la Jarretière: le Temple-Nouvel, à Jean Bodin j Claye,
à Martin Vagouet ; la Ville-Morinenu , à Rolland le Forêtier ; la
Mezerai , à Jean de la Motte ; la Motte , à Jean QueiHer ; Lau-
naye , à Bertrand Galefnel j la Cochaye , à Etienne de la Fon-
taine , aujourd'hui à M. Bignon le Moine ; la Ville-Lambert , à
GeofFroi Jarnovan ; la Metrie-Martin , avec moyenne- Juftice , à
M, Bédé de la Bouetardais.
PLOUAGAT-CHATEL-AUDREN ; fur la route de Châtel-Au-
dren à Guingamp ; à 7 lieues au Sud-Sud-Eft de Tréguier , fon
Evêché 5 à 2 5 lieues de Rennes ; & à 2 lieues de Guingamp , fa
Subdélégation. Cette Paroiffe reflbrtit à Saint-Brieuc , & compte
5300 communiants, y compris ceux de Laurodec & de Samt*
401 P L O
Jean-Ker-danîel , Ces trêves : M. le Duc de Rohan-Soubife en eft îe
Seigneur. La Cure , qui eft préfentée par l'Abbé de Beauport , doit
deux deniers de rente féodale à la Baronnie d'Avaugour. Ce ter-
ritoire renfermoit jadis beaucoup de landes, mais les habitants les
ont défrichées en partie , & il eil à efpérer qu'ils continueront.
Le taillis ou bois de Mallaunai eft très-étendu.
Le 12 Janvier 1422, le Duc Jean V donna la Seigneurie de
Plouagat, qui venoit d'être confifquée fur les Comtes de Pen-
thievre , à Pierre Eder , fon Chambellan & fon Maître- d'Hôtel.
Par contrat pafTé à Vannes le 6 Juillet 1 466 , Jean Eder , Sieur
de la Haye-Eder , de Brouftai , & de Plouagat-Châtel-Audren ,
vendit à Françoife d'Amboife , DuchefTe de Bretagne , les hé-
ritages qu'il poiTédoit dans cette Paroifle , pour une fomme de
cinq cents écus d'or. La DuchefTe acheta ces biens pour les donner
à l'Abbaye de Nazareth , qu'elle fonda à Vannes , par lettres du
24 Mars 1467 : elle acquit aufîi de Guillaume , Chevalier, Sei-
gneur de Rofmar , les dîmes de Saint-Guenin , en la même Pa-
roiffe. La Princefle donna ces deux acquifitions aux Religieufes ,
à valoir fur les fix cents livres de rente qu elle leur avoir promifes.
L'an 1480, le Duc François II fit revivre les titres de la Ba-
ronnie d'Avaugour, & la donna pour apanage à fon fils Fran-
çois de Bretagne. Le Prince, qui vouloir réunir la ParoifTe de
Plouagat à fa Baronnie , propofa à Gilles Eder, petit -fils de
Pierre Eder , de lui vendre cette Terre. Celui-ci , qui avoir déjà
chargé fa Seigneurie de quelques rentes qui fe paient encore
aujourd'hui, la vendit, par afte paffé en 148 1.
PLOUAGAT-GUERRAND j Paroiffe qui relevé du Roi; à 8
lieues au Sud-Oueil de Tréguier, fon Evêché ; à 34 lieues &
demie de Rennes j & à 2 heues de Morlaix , fa Subdélégation ^
fon refTort. On y compte 1000 communiants : la Cure efl à l'al-
ternative. Ce territoire efi: un pays plat & couvert , qui renfer-
me des terres bien cultivées, des prairies, quelques landes, &
le bois de Guerrand , qui peut avoir une Heue de circuit. Les
habitants de l'endroit font beaucoup de cidre. Le château de Lo-
maria-Guerrand eft la maifon feigneuriale du lieu j il appartenoit,
en 1480 , à Jean Duparc , Chevalier , Seigneur de Lomaria , qui,
fi nous en croyons les hiftoriens , fit fermer de' murs le parc de
ce château , qui elt d'une étendue immenfe. Louis XIII , voulant
récompenfer Vincent Duparc de Lomaria des fervices qu'il lui
avoir rendus , érigea cette Seigneurie en Marquifat , par lettres-
P L O 405
patentes données au mois de Mars 1^37, vérifiées au Parlement
le 13 Janvier 1 63 9 , en faveur de ce Seigneur, qui étoit Enfeigne
dans la Compagnie des Gendarmes du Cardinal de Richelieu,
au fîege de la Rochelle & pendant les guerres d'Allemagne. Il
avoit épouie Claude Nevet : il préfida par éleftion aux Etats af-
femblés à Fougères, le 20 Oftobre 1653. ( Ce n'ell: que depuis
lereftion de ce Marquifat que cette ParoilTe s'appelle Plouagat-
Guerrand j avant ce temps , elle s'appelloit Amplement Plouagat. )
En 1680, ce Marquifat appartenoit à Louis -François Duparc ,
Marquis de Lomaria , Maréchal des camps & armées du Roi ; il
a une haute-Juftice , qui appartient à M. le Marquis de Lomaria ,
qui poflede aufli la Terre de Ker-allon, avec haute -Juftice : le
Pont-Houx , haute- Juftice , à N...,
PLOUAGAT-MOISAN ; à 7 lieues & demie au Sud-Ouefl de
Tréguier , fon Evêché j à 3 3 heues de Rennes ; & à 3 lieues &
demie de Morlaix , fa Subdélégation & fon reflbrt. On y compte
1 1 00 communiants : la Cure efl à l'alternative. Ce territoire ell
coupé de plufieurs gros ruifTeaux , & fertile en grains & foin ; les
landes y font peu étendues , & les arbres à fruits en très-grande
quantité. En 1 5 1 3 , la Terre de Trogoff appartenoit à Claude
de Ville-Blanche , Sieur de Broons j elle a une haute- Juftice ,
6c appartient à M. Defnos-DesfofTés.
PLO VAN ; fur une hauteur , au bord de la mer ; h 4 lieues
un quart à l'Ouefl-Sud-Ouell: de Quimper , fon Evêché & fon
reffort j à 43 lieues de Rennes ; & à 2 lieues un tiers de Poht-
Labbé, fa Subdélégation. Cette ParoifTe relevé du Roi, & compte
1 1 00 communiants : la Cure eft à l'alternative. Le territoire efl
fertile & très-exaftement cultivé. Les maifons nobles de l'endroit,
en 1380, étoient : la Villeneuve, la Ville -Ker-nabas, Penan-
couët , Combout , Collouzat , & Ker-feven.
PLOUANE; fur 'une hauteur; à 8 lieues au Sud de Saint-
Malo , fon Evêché ; à 7 Heues de Rennes ; & à 2 lieues de Mon*
tauban , fa Subdélégation. Cette Paroiffe reflbrtit à Dinan , &
compte 2400 communiants : la Cure eft à l'alternative. Benoît,
imnommè Judicaël , Evêque de Saint-Malo en 1086, & mort en
1 1 1 1 , donna , pendant fon Epifcopat , i'Eglife de Plouane aux
Moines de Marmoutier ; donation qui fut confirmée par Donoald,
Evêque de ce diocefe en iiio» L'Oratoire de Becherel, dans
404 . P L O
cette Paroifle , étoit alors occupé par des Moines de Marmoutîef*
Le Vau-Ruffier , haute & baffe- Juftice , à M. de la Chalotais ,
Procureur général au Parlement de Bretagne ; le Prieuré de
Vieille-Tour , haute & baffe-Jullice , au Prieur de Vieille-Tour ;
Boulais -Ferriere , haute & moyenne -Juftice , à M. de Vau-
couleurs j Launaye-Bertrand , moyenne- Juftice, à M. de la Reigne-
rais ; le Pleflis-au-gat , moyenne- Juftice , aux héritiers de M. du
Pleffis-Brin-de-joffe. Ce territoire eft un pays couvert , qui ren-
ferme des terres en labeur , des landes , & les bois de la Pom-
merais , de la Ville-Raut , & de Fervond : ce dernier ell le plus
confidérable -, il peut avoir une lieue & demie de circuit.
PLOUARET; à 6 lieues au Sud^Oueft de Tréguier, fbnEvê-
ché ; à 3 2 Heues de Rennes j & à 3 lieues & demie de Lan-
nion , fa Subdélégation. Cette Paroiffe reffortit à Morlaix , 8c
compte 4000 communiants : la Cure eft à l'alternative. Ce ter-
ritoire eft plat , fertile en grains , & abondant en foin -, les landes
n'y font pas fort étendues.
Guillaume de Coetmohan , Sieur de Guernachané , Grand-
Chantre de l'Eglife Cathédrale de Tréguier , Dofteur-Régent en
Droit de la Faculté de Paris , né au château de Guernachané , en
cette Paroiffe, fonda, par teffament du 20 Avril 1325 , le Col-
lège de Tréguier, à Paris.
Le Vieux- Marché , village de cette Paroiffe, étoit jadis un
endroit confidérable, puifqu'en 13341e Duc Jean III donna à
Jean de Bretagne , fon fils , les Terre & Seigneurie du Vieux-
Marché , avec haute , moyenne & baffe-JulHce , & les foires &
marchés qui y étoient établis. La Jurifdiftion du Vieux-Marché
appartient aujourd'hui à M. de la Rivière. Ce n'elt plus qu'un
village , avec une Chapelle -, il s'y exerce plufieurs Jurifdiftions
qui font : la Haye-Ker-ernborgne , haute- Juflice , à M. de Per-
ricn j Guernachané, moyenne -Juffice , à M. le Préfident de
Robien. Ker-anraix , moyenne-Juflice j cette Terre eft ancienne :
un Seigneur de cette maifon fe trouva à la bataille des Trente 5
elle appartient aujourd'hui à M. de Bontêville.
PLOUARZEL; fur la côte; à 13 lieues à l'Ouefl-Sud-Ouefl
de Saint-Pol-de-Léon , fon Evêchéj à 50 lieues de Rennes; &
à 4 lieues de Brcff, fa Subdélégation & fon reffort. Cette Pa-
roiffe relevé du Roi, & compte 2100 communiants : la Cure
eil préfentée par l'Evêque. Albert de Morlaix prétend que ce
P L O 405
fut Saint Armel qui donna Ton nom à cette Paroiiïe, vers Tan 540.
Laugola, en 1360, à Bertrand du Châtel ; le château de Ker-
veatou , en 1400, à Guillaume Touronce ; Ker-locouenan , en
1440, à Alain de Kerjean. Ce territoire ell arrofé par plufieurs
bras de mer, fertile en grains de toutes efpeces , & très- exac-
tement cultivé.
PLOUAY j gros bourg ou petite ville , fur la route de Hen-
nebon à Guemené & à Gourin j à 1 1 lieues au Nord-Oueft de
Vannes , fon Evêché ; à 27 lieues de Rennes , & à 3 lieues de
Hennebon , fa Subdélégation & fon reflbrt. Trois grandes routes
arrivent à Plouay. On y compte 5000 communiants : la Cure
eft à l'alternative. Il y a un marché le lundi & une foire par
mois. Ce territoire fournit une quantité prodigieufe de fougère
& des landes. Les terres cultivées produifent du grain , du cidre ,
& du lin. C'eft un terrein afTez plat & couvert. L'an 1281 , le
Duc Jean I & Hervé de Léon firent un accord entr'eux , qui
portoit que , puifque le Duc avoit acheté de la Dame Tihenry
& de Geoffroi , fon fils aîné , ce qu'ils poffédoient dans la Pa-
roifTe de Plouay & à Becherel ; ce Prince , par cet acquêt ,
devoit avoir la moitié du marché de Plouay. En conféquence,
ils y firent faire , à frais communs , une halle ou cohue, qui
coûta une fomme de cent foixante-dix-huit livres, y compris le
fonds de la terre où elle fut conftruite & la place qui l'environne.
L'an 1430, le manoir du Pont, à Jean, Sire du Pont ; cette
Terre, avec celle de Cunfiou , forme une haute -Juilice , qui
appartient à N... : le manoir de Ker-mougant , à Jean de Ker-
oual ; Ker-lHUy , à Henri le Porchien j & le manoir de Jean
Rouxeau : ces manoirs n'exiftent plus fous le même nom ; on
n'y voit que ceux de Ker-ohan , de Ker-dréo , de Ménéhouarn ,
&: de Ker-ohel , qui font plus modernes.
En 1500, Ker-niden & Ker-morgant appartenoient à Anne du
Pont ; Saint-Foz & Ker-dréot , â N... j le Pont-Callec , haute ,
moyenne & bafle-JulHce , à M. de Pont-Callec.
PLOUBALAY; fur une hauteur, & fur la route de Saint-
Malo à Matignon ; à 2 lieues un tiers au Sud-Oueil de Saint-
Malo, fon Evêché; à 13 lieues de Rennes; & à 3 heues de
Dinan , fa Subdélégation & fon reflbrt. Cette Paroifie relevé du
Roi 5 & compte 1700 communiants : la Cure ell à l'alternative.
La Roche-Glé, haute-Juftice , à M. de Pont-Phily ; Launaye-
40(5 P L O
Commatz , moyenneJuflice , à M. Goyon de Launaye-Commat?:'.
Ce territoire , coupé par deux ruiffeaux qui , au travers de deux
vallons , vont fe jetter dans l'océan , eft borné à l'Oueft par
les iables de la mer qui occupent une grande partie du terrein.
Le furplus forme une plaine dont les terres font fertiles en grains :
on n'y voit point de landes» Le bois de la Cochaye ^ qui pou-
voit avoir environ deux lieues de circonférence , n'exifte plus.
Les maifons nobles de cette ParoifTe , en 1 400 , étoient : Saubort y
la Vallée , Launai , la Motte , la Ville-Bagues , la Ville-Paumier ,
la Couldraye , le Pontcornou jla Cochaye, la Boëllardiere , Lauron-
del, la Lande, la Vilie-Bouette , la Ville-Neuve , laVinaries, la
Donelaye , la Gueraye , la Ville-au-proft , & la Recouvrée.
PLOUBAZ-NALEC ; fur une hauteur , au bord de la mer ; à
7 lieues trois quarts au Nord-Oueft de Saint-Brieuc , fon Evêché &
ibnrefTort j à 28 lieues de Rennes j & à deux tiers de lieue de Paimpol^
fa Subdélégation. Cette ParoiiTe , dont la Cure eft à l'alternative ^
aune haute-Juftice qui s'exerce à Paimpol j on y compte 1 200 com-
muniants. Ce territoire eft peu étendu , mais fertile & très-exa61:ement
cultivé : on y voit les maifons nobles de Poulois & de Ker-fach
PLOUBEZRE ', à 4 lieues à l'Oueft-Sud-Oueft de Tréguier,
fon Evêché j à 3 2 lieues de Rennes ; & à trois-quarts de lieue
de Lannion , fa Subdélégation. Cette ParoiiTe reffortit à Morlaix^
& relevé du Roi. On y compte 2000 communiants : la Cure eft
à l'alternative. Ce territoire , arrofé par les eaux de la rivière
de Guer , renferme des terres fertiles en grains, des pâturages
abondants , & quelques landes. C'eft un pays plat & couvert , où
l'on fait beaucoup de cidre. Les maifons ou manoirs nobles font :
en 1380, Ker-emel &Coëffret,au Sire de Penhoët ; Guillaume
de Penhoët , qui poffédoit ces deux places en 1 460 , fit forti-
fier fon manoir de Coëffret , qui devint une place forte , puifque,
le 24 Juillet 1592 , le Duc de Mercœur donna ordre de fe
rendre maître de ce château , dont la pofTefiion lui étoit très-
utile pour l'accomphlTement de fes deffeins: Ker-Hervé , en 1430,
à Jean du Quelennec; Ker-orin, à Yves, Sieur de Kerorin.
PLOUDALMEZEAU ; fur la côte; à 11 lieues à l'Oueft-Sud-
Oueft de Saint-Pcl-de-Léon , fon Evêché -, à 49 lieues de Rennes j
& à 4 lieues & demie de Breft , fa Subdélégation & fon relîort*
Cette ParoiiTe , qui relevé du Roi , fe nommoit jadis Guitalmc'^
P L O 407
^eau. On y compte 3900 communiants , y compris ceux de Saint-
Fabu , fa trêve : la Cure eft préfentée par l'Evêque. La maifon noble
de Ker-iber appartient à l'illuilre maifon de Sanfai. Albaud , fils
de Giraud , Duc de Bourgogne , Comte de Poitou & de Rouf-
iillon , fut Comte de Poitou. Albaud , fon fils, fe maria à Mahaud ,
fille de Pépin , dernier Roi d'Aquitaine , & d'Abelle , fille du
Roi de Thuringe. ( Pépin II, Roi d'Aquitaine, mourut vers l'an
8^5. ) Guillaume, fils d'Albaud & de Mahaud, fe maria à
Bonne , fille du Duc de Normandie. Son fils , Guillaume ,
époufa , en premières noces , Agnès de Salle de Biel , ComtefTe
de Sanfai , & , en fécondes noces , Hemer , fille du Com.te de
Flandre. Gui , fils aîné de ce dernier , époufa la fille du Roi de
Navarre ; & Armand , fon frère cadet , prit le nom tSc les armes
de Sanfai. Guillaume , fils aîné de Gui & de N de Na-
varre , époufa Jeanne d'EcofTe , dont il eut Aliénor qui , l'an
II 37, époufa Louis VII, Roi de France. Après la mort de fon
beau-pere , le Roi prit poffeffion du Comté d'Aquitaine ; mais ce
Monarque répudia dans la fuite Aliénor , qui n'avoit eu de fon
mariage avec lui que des filles , & elle fe remaria avec le Roi
d'Angleterre , à qui elle porta TAquitaine.
Alix de Sanfai , fœur d'Aliénor, époufa Raoul de Sermandais,
Régent de France. Les Seigneurs de Sanfai furent fuccefîivement
Grands - Chambellans des Rois de France, Philippe de Valois,
Charles VI, Charles VIII, Louis XII, François I, & Henri IL
Chriflophe de Sanfai , Chevalier de l'Ordre du Roi , Seigneur
de Saint-Macaire & de Vau-Chrétien en Anjou, vivoit en 1600.
Auguflin, Chevalier , Seigneur de Sanfai , vivoit en 1680. Chrif-
tophe- Louis Turpin Griffé de Sanfai, transféré de l'Evêché de
Rennes à celui de Nantes le 17 Oftobre 1723 , mourut
dans fon Palais épifcopal à Nantes, le 29 Mars 1746.
Le château de Ker-lech appartenoit , l'an 1 3 60 , à Bertrand ,
lils de Tangui du Châtel , par fon mariage avec l'héritière de la
maifon de Kerlech , dont , par convention , il prit le nom & les
armes. Ce territoire renferme des terres fertiles & très-exafte-
ment cultivées. Il fe tient dans l'endroit trois foires par an, où
il fe trouve beaucoup de belHaux.
PLOUDANÏEL ; fur la route de Landerneau à Lefneven ; à
6 lieues au Sud-Ouefi: de Saint-Pol-de-Léon , fon Evêché ; à 44
lieues de Rennes ; & à 2 heues un tiers de Landerneau , fa SvJj-
délégation. Cette ParoilTe reffortit à Lefneven , Se compte 4000
4o8 P L O
communiants , y compris ceux de Saint-Méen & de Tremaouefan ,
fes trêves : la Cure efl: à l'alternative. Ce territoire renferme des
terres fertiles en grains , des pâturages , & quelques landes peu
étendues. Oeû un pays plat & couvert. Le manoir de Ker-guern
appartenoit , en 1260 , à Bertrand de Kerrems ; cette Terre de-
voir un Chevalier au Duc de Bretagne pour la remonte de fes
troupes.
L'an 133^, Hervé de Léon fonda l'Hôpital de Landerneau , &
lui donna les dîmes de la ParoifTe de Ploudaniel , avec le droit
de prendre du bois de chauffage dans la forêt de Ploeanaz.
PLOUDIRY ; à 6 lieues au Sud-Sud-Ouefl de Saint-Pol-de-
Léon , fon Evêché ; à 40 lieues de Rennes ; & à i lieue &
demie de Landerneau , fa Subdélégation. Cette ParoifTe relTortit:
à Lefneven , & compte 4500 communiants, y compris ceux de
Loc-Eguiner , Peneran , Roche-Maurice , la Martyre , & Pont-
chrit , fes trêves : la Cure efl: préfentée par l'Evêque. Des terres
en labeur , des prairies , des landes , des vallons , des coteaux ,
des ruiffeaux , & le bois de la Ferfe ^ qui peut avoir environ une
lieue de circuit -, voilà ce que renferme ce territoire. En 1 3 80 ,
la maifon noble de Bréfal appartenoit à Yves de Bréfal. Son fils
fut Capitaine des Francs- Archers du diocefe de Saint-Pol-de-
Léon , en 1 479.
PLOUEC ; fur la rivière de Trieuc ; à 2 lieues & demie aa
Sud-Sud-Efl de Tréguier , fon Evêché; à 28 lieues de Rennes 5
& à une demi-lieue de Pontrieux , fa Subdélégation. Cette Pa-
roiffe refTortit à Lannion , & compte 2400 communiants , y
compris ceux de Runan , fa trêve : la Cure eft à l'alternativeo
Le terroir produit des grains , du foin , du lin , & du cidre y les
landes y font rares. Il fe tient fept foires par an dans l'endroit-
Le château de Châteaulin , fitué fur une éminence , au bord de
la rivière de Trieuc , étoit jadis une place forte qui a foutenu
plufieurs fieges : il fut démoli en 1420, par ordre du Duc Jean
V , pour punir les Seigneurs de Penthievre auxquels il appar-
tenoit ; on n'en voit plus que les ruines : il appartient aujour-
d'hui à M. le Prince de Soubife. Le château de Ker-cabin efl
très-ancien , comme le prouvent les monuments qu'on y remarque :
il a été pofTédé par l'illullre maifon de Lannion , & appartient
aujourd'hui à Madame de Stapleton , de la même famille. Le
(château de Ker-louet fe voit auffi dans cette ParoifTe.
PLOUEDERNi
P L O 409
PLOUEDERN ; à 6 lieues au Sud-Ouefl de Saînt-Pol-de-Léon ,
fon Evêché ; à 44 lieues de Rennes j & à i lieue de Landerneau,
fa Subdélégation. Cette Paroiffe refTcrtit à Lefneven , & compte
1 200 communiants : la Cure efl: préfentée par l'Evêque. Ce ter-
ritoire eft un pays couvert , qui offre à la vue des terres en la-
beur , des prairies , & des landes. Les maifons de l'endroit font :
Chef-du-Bois, le Foreftic, Penancoët, Ker-autret , TrefFuyen, &
les Granges ; cette dernière fut unie & incorporée à la maifon
de Carman, vers l'an 1640.
PLOUENAN; à 2 lieues au Sud de Saint-Pol-de-Léon , fon
Evêché & fa Subdélégation ; à 40 lieues de Rennes. Cette Pa-
roifle relevé du Roi , & reffortit à Lefneven. On y compte 2600
communiants : la Cure efl: préfentée par l'Evêque. Ce territoire,
coupé de vallons & de ruiffeaux , offre à la vue des terres très-exac-
tement cultivées & fertiles , des prairies , & quelques petites landes.
C'ell: un pays couvert. En 1400, on voyoit dans ce territoire les
manoirs fuivants : Penhoèt , au Sire de Penhoët ^ Penmarch ,
Chevalerie ancienne , au Sire de Penhoët; Pennanech, ancienne
Chevalerie , au Sire de Kermorvan ; Peuflang , à Yvon Paul ;
Trefbry , au Sieur de Kerouferé ; Meffrunon , à Derien Aufray;
Ker-anguen , à Jean de Keranguen ; Ker-ver , à Hervé de Méaz-
goezj Meafgaezel, à Guillaume Kernient ; Ker-anguen, à Yvon
Guilen ; Ker-amprovoll: , au Sire de Kermavan ; Measbellen , à
Guyon de Kermelleuc ; Lannuzouarne , à Hervé de Lannuzouarne;
Ker-provoft , à Hervé de Kerguez ; Ker-mellec , au Sire de
Kermellec j Ker-guiziou , au Sieur de Penhoët ; Penantuoucher ,
à Hervé de Kermeulleuc j & le Prieuré de Locpreden , au Cou-
vent de Saint-Mahé.
FLOUER ; à peu de diftance de l'endroit que Ton appelle
pajfage de Jouvante , fur la rivière de Rance ; à 3 lieues au Sud
de Saint-Malo , fon Evêché j à 1 1 lieues de Rennes ; & à i lieue
un tiers de Dinan , fa Subdélégation & fon reffort. Cette Paroiffe
relevé du Roi , & compte 2400 communiants : la Cure ell à
l'alternative. Le territoire eft un pays montagneux & couvert ,
dont les terres font très-exaftement cultivées & les pâturages
excellents : on y fait du cidre. L'an 1750, la Terre & Seigneurie
de Plouer fut érigée en Comté , en faveur de Jean de la Hâve,
Seigneur de Plouer , Capitaine de Dragons , par Arrêt du Confeil,
qui lui permettoit d'y établir des foires & marchés. On connoit
Toms IIL F 3
4IÔ PLO
dans cette ParoîfTe les maifons nobles de Treflaint , de la Dom-
meray , du Pargat , & de Ker-cabin.
PLOUERDUT ; fur la route de Pontivi au Faouet ; à 1 3
lieues au Nord-Oueft de Vannes , fon Evêché ; à 26 lieues de
Rennes ; & à 2 lieues de Guemené , fa Subdélégation. Cette
Paroiffe reflbrtit à Hennebon , & compte 4000 communiants , y
compris ceux de Locuôri j fa trêve. Il s'y exerce une haute-Jul-
tice : la Cure eu à l'alternative. Ce territoire eft coupé de ruif-
feaux qui vont fe jetter les uns dans la rivière d'Efcorff, les
autres dans celle d'EUé. Des pâturages excellents , des terres en
labeur , beaucoup de landes , & des arbres à fruits pour le cidre ;
voilà ce qu'on y remarque , avec deux fort beaux points de vue.
Le premier eft à la Chapelle de Lochrift ; & le fécond , fur le
fommet d'une montagne fort élevée , qui fe termine en cône. On
y voit une Juftice patibulaire. En 1 400 , ce territoire renfermoit
les maifons & manoirs nobles de Liflechou , à Pierre Efmas ;
Baras , à Olivier Bernier; Ker-ambariller , au Sire de Guemené;
Ker-lagadec , à Guillaume de Kerman ; Deftain , à Henri Rouflel ;
Ker-mapguennou , à Jean Peftivien j Ker-ufau-en-daule , à Jean
Leftobie -, Guerne , à Jean Beftic j Ker-audren , à Pierre Efme ;
Ker-melahil , à GeofFroi Guillo j Guernapin , à Maurice , Sieur
de Leftuz j Guenebarien , à Eon Bofchier ; Coëtven , au Sire de
Guemené j & Ker-unden , à Alain de Kerunien ; Ker-ouchain ,
& Launay , font plus modernes.
PLOUESCAT; à 3 lieues à l'Oueftde Saint-Pol-de-Léon, fon
Evêché & fa Subdélégation ; à 43 lieues de Rennes. Cette
Paroiffe relevé du Roi , & reflbrtit à Lefneven. On y compte
1800 communiants : la Cure eft préfentée par l'Evêque. Ce ter-
ritoire , borné au Nord par la mer , renferme dés terres bien culti-
vées & abondantes en grains de toutes efpeces. Les maifons nobles
font: Penanprat, la Voyal , Ker-oiiez , Saint-Georges , Ker-goual,
Ker-naour, le Bréhonic , Goureploiié , Ker-vova, Ker-ovara , Lan-
nurien , Lezerec. Ker-ouferé-Trogoff , avec haute-Juftice , appar-
tient à M. Eon du Vieux-Châtel de Saint-Malo.
PLOUEZOCHj à 9 lieues & demie à l'Oueft-Sud-Oueft de
Tréguier, fon Evêché j à 36 lieues de Rennes; & à 2 lieues
de Morlaix , fa Subdélégation. Cette Paroifle , qui relevé du Roi,
reflbrtit à Saint-Brieuc , de compte 1 200 communiants : la Cure
PLO 4n
câ à ralternative. La haute - Juftice de Tendroit appartient à
Madame la Princefle de Ghuiftelles. Ce territoire offre à la vue des
terres bien cultivées , & des landes qui pourroient être mieux
einployées.
L'an 1320, Hervé de Léon , Seigneur de cette Paroiffe , y
poffédoit la ville de Plouezoch, avec les moulins de Hinbez,de
blecrez , de Foulerez , & l'Etang au Rochie , avec fon moulin.
Les- ancêtres de Hervé de Léon y avoient établi un marché.
Le château de la Noë-Verte, appartenoit, en 1220, à Aufrai,
ChevaHer , Seigneur de Goèsbriand , Capitaine de cinquante
lances, fous le Duc Pierre de Dreux. Aufrai de Goèsbriand
fut Gouverneur des ville & château de Saint - Macaire en
Guyenne , & Lieutenant général en Bazadois , fous le Roi de
France Charles VII, en 145 5' François de Goèsbriand, époufa
en 1461 Marguerite du Builîbn ,& fut fait prifonnier à la ba-
taille de Saint-Aubin du Cormier, le 28 Juillet 1488. Marie de
Goèsbriand époufa François de Coètlogon. Jean de Goèsbriand
fut Gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roi , & Gouverneur
de Morlaix : Yves de Goèsbriand , Gouverneur du château du Tau-
reau , vivoit en 1 670.
La Villeneuve ell le lieu de la naiflance de Louis Polart,
nommé Frère Louis de Morlaix , Capucin , dont le corps repofe
<lans une Chapelle de l'Eglife de Saint-Matthieu de Morlaix , où
Dieu a opéré , dans le feizieme fiecle , plufîeurs miracles par
l'interceffion de ce faint Religieux,
PLOUFRAGAN5 à I lieue auSud-Oueftde Saint-Brieuc, fon
Evêché , fa Subdélégation , & fon reffort j à 2 1 lieues de
Rennes. On y compte 1200 communiants. M. l'Evêque de
Saint-Brieuc en eft le Seigneur : la Cure eft à l'Ordmaire.
Ce territoire , qui eft coupé d'une infinité de vallons , offre à la
vue des terres bien cultivées , fertiles en grains , & fur-tout en
légumes : on n'y voit point de landes.
L'an 418, Fragan, proche parent de Conan Meriadec , pre-
mier Roi de Bretagne , fut reçu à Tifle de Brehat par ce Prince ,
qui lui donna , ainli qu'à fa famille qui l'avoit fuivi, un établif-
fement dans l'endroit où efb aujourd'hui cette Paroiffe , qui depuis ce
temps a toujours été appellée Plouf ragan , du nom de fon pre-
mier Seigneur. En 1420, le manoir de la Morandais apparte-
noit à Sylveflre du Ruflay ; l'Epinaz , à Jean de Guyre ; Coèf-
quen, à Olivier de Beaulieu 3 Dergantel , à Olivier Guiliochonj
411 P L O
la Forte-Terre , à Jean Robert ; le Châtelet , à TEvêque de Saint-
Brieuc 5 le Tertre , au Sieur du Ruflay ; la Barre , à Jean Budesj
Dollo , à Jean Dollo ; la Ville-Viily , à Jean le Bigot ; la Croix-
Cholan , à Hervé Gourés ; la Pommeraye , à Jacques Tourne-
gouet j la Soraye , à Jean Heliguen ; l'Epinay , à Guillaume de
Beau j Ploufragan , à Guillemette de Ploufragan j le Tertre-Jouan ,
à Philippe du Ruflay j les Landes & le Macé-Rouault, à N....
Olivier de Plouffy, Bertrand Budes , & Jean Dollo du Tron-
chet , avoient des manoirs dans cette Paroiiïe : la maifon du Pré-
Rio elT: plus moderne.
PLOUGARS j à 3 lieues un tiers au Sud-Oueft de Saint-Pol-
de-Léon , fon Evêché ; à 42 lieues de Rennes ; & à 3 lieues un
tiers de Landerneau , fa Subdéiégation. Cette ParoilTe , qui relevé
du Roi , reflbrtit à Lefneven , & compte 2600 communiants , y
compris ceux de Bodilis, fa trêve : la Cure ell préfentée par
l'Evêque. Ce territoire renferme des terres en labeur & des landes
très-étendues : c'eft un pays plat & couvert d'arbres & buifTons.
Saint Pol-Aurelien , premier Evêque de ce diocefe en 514,
fonda le Monallere appelle Moujler-Pol ^ lequel fut ruiné par
les guerres en 878. On rebâtit fur fes ruines l'Eglife de Plougars,
qui fut érigée en ParoiiTe fous le règne du Duc Alain Barbe-
torte,
PLOUGASNOU ', à 9 lieues à FOuefl-Sud-Ouefl de Tréguier,
fon Evêché; à 37 lieues de Rennes; & à 3 lieues de Morlaix,
fa Subdélégation &" fon reffort. On y compte 3000 communiants,
y compris ceux de Saint-Jean-du-Doigt , fa trêve : la Cure ell à
l'alternative. On remarque dans cette ParoilTe deux monuments
très-anciens. Le premier eft la Chapelle dédiée à Saint Samfon,
premier Evêque de Dol , & qu'on prétend avoir été hctiQ du
vivant même de ce Prélat j le fécond ell: le château de Pri-
mel, place forte, dont on voit les veftiges au bord cie la mer.
On prétend qu'il a foutenu plufieurs {îeges. L'an 1039 , la Du-
cheiTe Berthe, veuve du Duc Alain III, donna la Prévoie de
Saint-Georges, en cette Paroiffe, à l'Abbaye de Saint -Georges de
Rennes. La maifon noble de Penanvern appartenoit, en 1300,
à Jean Jegou ; le Cofquer , en 1360, à Alain, Chevaher , Sei-
gneur du Cofquer. Jofeph du Cofquer , Chevalier , Seigneur de
Rofambo , étoit Confeiller au Parlement de Bretagne en 1672.
11 eut une fille qui paroît avoir été la feule héritière de cette
PLO 413
maîfon : elle fut mariée à M. le Préfident le Pelletier de Ro-
jfambo. Ker-groas appaitenoit , en 1400, à Guillaume de Ker-
groas , Sieur de Kemiorvan ^ le Rolland , à Yves de Goësbriand,
Seigneur du Cofquerou , qui époufa Louife Budes en 1649.
La maifon de la Fayette a produit un Maréchal de France ,
qui négocia la paix entre le Roi de France & le Duc de Bour-
gogne j une Abbefle de Saint-Georges de Rennes ; & une Prieure
de Saint-Georges en Flougafnou. Ce territoire, borné au Nord
& à rOueft par la mer , renferme des terres fertiles & très-exac-
tement cultivées j les terres incultes y font très-rares.
PLOUGASTEL-DAOULAS j à 10 lieues au Nord-Oueft de
Quimper , fon Evêché & fon refTort ; à 44 lieues de Rennes ;
& à 3 lieues de Landerneau , fa Subdélégation. On y compte
3800 communiants : la Cure efl: préfentée par un Chanoine de
Daoulas. Ce territoire , baigné des eaux de la mer , forme une
prefqu'ifle qui joint la rade de Breft. Les terres font bien cul-
tivées & fertiles en toutes fortes de grains. Il y a un puits dans
Tauberge de ce bourg , dont l'eau diminue quand la mer monte ,
& augmente lorfqu'elle defcend. A une lieue trois quarts au
Sud-Ouellde Plougaftel, dans la baie de Brell, efl l'Ifle-Ronde,
dans laquelle on remarque une carrière de marbre noir. L'an
1 186 , Hervé , Vicomte de Léon , donna à l'Abbaye de Daoulas
les dîmes de Rof-Ker-admel & le village de Saint-Pol en Plou-
gaftel. Ce Seigneur polTédoit encore dans cette Paroifîe la Châ-
tellenie de Ker-angoalan. Le QuiUiou appartenoit , en 13(30, à
Guillaume le Barbu , qui eut un fils nommé Gui le Barbu , élu
Evêque de Saint-Pol-de-Léon en 1385. Le Pape Clément VIÏ,
qui eftimoit ce Prélat , le recommanda au Duc de Bretagne
Jean le Roux. Le manoir de Ker-engofF appartenoit , en 1 3 §0 ,
à Jean, Vicomte de Léon.
PLOUGASTEL-SAINT-GERMAIN; à 2 lieues à l'Oueft-Sud-
Oueft de Quimper, fon Evêché, fa Subdélégation, & fon ref-
fort j à 42 heues de Rennes. On y compte 1 1 00 communiants ;
la Cure eft à Talternative. En 1400, on connoifToit dans cette
Paroifîe les maifons nommées le Quillio, Ker-boutoul , Drevers,
Ker-quen , Ker-rerun , le Hilguit , Ker-y venies , Ker-ourien , Ker-
daniel, Ker-guigoudon , Ker-matchan , Trevery , les Logueil,
Guiller-Saint-Germain , Ker-ronenquen , Coëtcanton , Ker-riar-
neau, Penancoët, &: le Rin qui appartenoit à Jean le Dreniel,
414 PLO
Sergent féodé du Vicomte de Rohan. Des terres très-fertiles , des
prairies , des vallons , des monticules j voilà ce que ce territoire
offre à la vue.
PLOUGOMMELIN ; à 3 lieues à l'Oueft de Vannes, fon Evê-
ché j à 23 lieues de Rennes; & à i lieue d' Aurai, fa Subdé-
légation & fon reflbrt. On y compte 1 500 communiants : la Cure
eft à l'alternative. Ce territoire , arrofé de plusieurs bras de mer
& coupé de vallons , eft très-bien cultivé Ôc fertile en grains de
toutes efpeces.
Le Comté de Largoët , haute-Juftice , qui s'exerce à Aurai &
reffortit au Préfidial de Vannes. En 1 400 , le château de Pont-
Sale appartenoit à Jacques de Pont-Sale , qui eut un fils nommé
Yves ^ ordonné Evêque de Vannes en 1449 ou 1450, par Bulle
du Pape Nicolas V, donnée au mois d'Oélobre 145 1 : ce Prélat
mourut le 7 Janvier 1475. -^^ M 3^? la Terre de Pont-Sale ap-
partenoit à Henri de Launai : en 1 43 o , le manoir de Ros , à Jean
Halfehuiche \ Gorsfy , à Louis de Beaupré ; Ker-drech , aux Che-
valiers du Saint-Efprit : en 1530, Treufal , à Michel Guillard ;
Trevelen , à Jean Lorveloux ; le Ros , à Olivier de Coltedo , &
Ker-dréan, à Jean de Mulillac.
PLOUGONNEC ; fur la route de Quimper à Breft , par Lan-
vaux ; à 2 lieues un tiers au Nord-Oueft de Quimper , fon Evê-
ché , fa Subdélégation , & fon refTort ; à 41 lieues de Rennes.
On y compte 2400 communiants : la Cure eft à l'alternative. Ce
territoire , coupé de vallons 8c plein de monticules , renferme des
terres bien cultivées & des landes ; c'eft un pays couvert , où
l'on fait du cidre. La maifon noble de Lopeau , en 1400^ appar-
tenoit à Jean de Kerpaen j Ker-finie , à N....
PLOUGONVEN 5 à 10 lieues au Sud-Oueft de Tréguier, fon
Evêché i à 34 lieues de Rennes j & à 2 lieues un quart de Mor-
laix , fa Subdélégation & fon reffort. Cette Paroiffe relevé du
Roi, & compt3 3000 communiants, y compris ceux de Saint-
Eutrooe , fa trêve : la Cure eft à l'alternative. La rivière de Mor-
laix prend fa fource dans ce territoire , qui eft coupé de vallons ,
&: renferme des terres fertiles , des prairies & des landes. Ker-
anguen appartenoit , en 1440, à Hervé de Keranguen : dans le
même temps , Ker-loaquen &: Rofampoul , à Maurice de Kerloa-
quen , Préfident de la Chambre des Comptes & Commiflaire pour
P L O 415
la réformatîon de la Nobleffe en 1 446. Guillaume de Kerloaquen ,
fon fil§ , fut Prévôt de l'hôtel du Duc François II , qui permit ,
en 1486, à Jean de Kerloaquen, Sieur de Rofampoul, de faire
conftruire une Juftice patibulaire à quatre poteaux fur la Terre
& Seigneurie de Rofampoul : cette haute-Juftice s'exerce au Chef-
lieu de la trêve de Saint-Eutrope j elle appartient à M. Duparc-
Keryvon. Pen-ar-Stang appartenoit, en 1585 , à François de Ici.
Tour , Evêque de Tréguier , qui mourut dans cette maifon en
1593 : fon corps fut inhumé dans l'Eglife de Plougonven, fans
enfeu ni épitaphe. Le Bourg-en-Retz & Cludon , haute-JulHce ,
aujourd'hui à M. du Gage j le Gafpern , moyenne - Jultice , à
M, de Kerfaufon.
PLOUGONVER. CHAPELLE -NEVEZ; à 8 lieues au Sud-
Sud-Ouefl de Tréguier , fon Evêché j à 28 Heues de Rennes j &
à 2 lieues un quart de Callac , fa Subdélégatiôn. Cette ParoilTe
relevé du Roi , reflbrtit à Lannion , & compte 3 200 commu-
niants : la collation de la Cure , qui eil à l'alternative , appar-
tenoit autrefois à l'Abbaye de Quimperîé. On affure que dans le
bois de Coëtnec , qui eft auprès du bourg , eft une mine de
plomb qui paroît très-abondante. Les maifons nobles font : le
château de Cludon, haute-Juftice , qui appartenoit, en 1340, à
Jean de Guergorlay ; le Drefnay , en 1 440 , à Renaud du Dref-
nay , Lieutenant du Roi de la Ville d'Ath en Flandres , fous
le Roi Charles VU. Ce territoire offre des terres en labeur Ôc
des landes.
PLOUGOULM ; à i lieue au Sud-Sud-Oueft de Saint-Pol-
de-Léon , fon Evêché & fa Subdélégation ; à 40 lieues de
Rennes, Cette ParoilTe relevé du Roi , reffortit à Lefneven , &
compte 1800 communiants: la Cure eft préfentée par l'Evêque.
-Ce territoire , borné au Nord par la mer, & coupé de ruiffeaux
dans lefquels la mer entre à toutes les marées, renferme des
terres très-exaftement cultivées & des prairies. Entre la mer & le
château de Maillé , en cette Paroilfe , eft un étang d'une gran-
deur confidérable j de manière qu'on croit voir la mer , lorfque des
appartements de la maifon on jette les yeux fur cet étang. Ce
château eft très-ancien : il appartenoit jadis à la famille de Car-
man , comme le prouvent les armoiries qu'on remarque dans la
grande falle qui eft au premier étage. On lit cette devife au bas
3e l'écuffon : Carman y Dieu seul avant» Le Pont-Lofquet
4ié P L O
appartenoit en 1 400 à Even de Silguy , Sieur de Courtîrbefcom ;
Ker-azret , maifon confidérable & célèbre , qui a fourni un Capi-
taine d'hommes d'armes & Prévôt de la Ducheffe Anne.
PLOUGOUVELIN j fur une hauteur; à 14 lieues au Sud-
Oueft de Saint-Pol-de-Léon , fon Evêché ; à 49 lieues de Rennes ^
& à 3 Heues de Breft , fa Subdélégation & fon relTort. Cette Pa-
roiffe relevé du Roi, & compte 2800 communiants, y compris
ceux du Conquet-Lochrift , fa trêve : la Cure eft préfentée par
l'Evêque. Ce territoire , borné par la mer au Sud , à l'Eft , &
à rOueft , renferme des terres fertiles en grains. Les habitants
paffent pour être fort bons cultivateurs.
Le 29 Juillet 1558, une flotte de vaifTeaux Anglais & Fla-
mands débarqua au port du Conquet ; les foldats accoururent à
Plougouvehn , qu'ils pillèrent , & mirent le feu aux quatre coins
du bourg : en moins de trois heures , deux cents vingt maifons avec
i'Eglife paroiffiale furent confumées. Le château de Plouliorech,
iitué à peu de diltance du bourg , fut aufîi pillé par l'ennemi ,
qui prit , tant en meubles qu'en vaiffelle or & argent , artillerie
& munitions de guerre , pour une forrme de douze mille cinq
cents livres ; mais il ne brûla pas le château qui appartenoit à
Baflien Poncelin , Gentilhomme du pays. De Kerfimon , Capi-
taine de Brefl , averti de ce qui fe pafToit , fe mit à la tête de
fa gamifon , & vint attaquer les Anglais qui a voient déjà pillé
tout le pays : il en tua près de dix mille , & fit feize cents pri-
fonniers , qu'on envoya à Jean de Bretagne , Seigneur des Brofîes ,
Comte de Penthievre , Duc d'Etampes , & Gouverneur de Bre-
tagne , qui les employa à la démolition des fortifications de Lam-
balle. Dans cette Paroifie efl le Fort de Berthaume , lequel eft
conflruit fur un rocher dans la mer j on ne peut y entrer que
par le moyen d'un bateau , foutenu eu l'air par de gros cables
qui le conduifent par le moyen de deux couhfTes : il feroit diffi-
cile d'y pénétrer autrement , parce que la mer eft , en cet endroit ,
furieufe & pleine de rochers , contre lefquels fe bnferoient les
vailTeaux qui voudroient y aborder.
PLOUGRAS ; à 8 lieues au Sud-Ouefl de Tréguier , fon Evê-
ché ; à 3 i lieues de Rennes ; & à 5 lieues de Morlaix , fa Sub-
délégation. Cette ParoifTe relTortit à Lannion , & compte 3000
communiants , y compris ceux de Lohuel & de Loquivi , fes
trêves : la Cure efl à l'alternative. Ce territoire eit un pays
couvert
PLO 417
couvert , qui renferme des terres bien cultivées & beaucoup de.
landes. La haute -Juftice de Guerneven appartient à Madame
de la Fruglais de Kervers.
PLOUGRESCAN; dans une plaine; à i lieue & demie au
Nord de Tréguier , fon Evêché & fa Subdélégation j à 31
lieues de Rennes. Cette Paroiffe reflbrtit à Lannion , & compte
1300 communiants : la Cure ell: à l'alternative. Ce territoire
forme une prefqu'ifle environnée de la mer. Les terres font très-
exaftement cultivées & abondantes en grains. Saint Gonnery efl
reconnu Patron de cette Paroiffe, où il mourut le 17 Juillet
dans le fixieme fiecle. On a bâti fur fa fépulture une Chapelle
qui lui a été dédiée. Sa tête & quelques autres de fes offe-
ments , enchâffés en argent, font confervés dans l'Eglife Cathé-
drale de Tréguier. On prétend qu'il étoit Breton & né de pa-
rents nobles. L'an 1233, Etienne, Evêque de Tréguier, unit
les dîmes de cette Paroiffe à la Menfe épifcopale. Le château
de Ker-grefcan ou Ker-grefq appartenoit , en 1380, à Charles
du Halgouet. Guillaume du Halgouet fut Evêque de Tréguier
en 1594, & mourut dans fon palais épifcopal , en i<5o2 : fou
corps fut inhumé dans la Chapelle de Saint-Gonnery , en PIou-
grefcan , qu'il avoit enrichie , & où il s'étoit fait préparer une
fépulture de fon vivant. Magdeleine du Halgouet, fa fœur, fut
Abbeffe de Saint-Georges de Rennes. Ker-anftivel ou Ker-amffinel
appartenoit , en 1 400 , à Jean Cillart , Sieur de la Villeneuve : fes
enfants lui fuccéderent.
PLOUGUENAST -, dans un fond ; à 6 lieues au Sud-Sud-Eft
de Saint- Brieuc , fon Evêché ; à 16 Ueues de Rennes , fon
reffort j & à 2 lieues de Moncontour, fa Subdélégation. On y
compte 3600 communiants : la Cure eft à l'alternative. Ce ter-
ritoire , qui efl borné au Sud par la forêt de Loudéac , ell un
pays montagneux , où l'on voit des terres bien cultivées , des
prairies , &c une quantité prodigieufe de landes. La rivière du
Lié y prend fa fource. Les montagnes du Mné ne font pas éloi-
gnées de cet endroit. Gomené, haute, moyenne & baffe-Juftice,
à M. de Beaumont ; le Pont-Gamp , haute , moyenne & baffe-
Juflice , à M. de la Mouffaye ; le Rancouët , moyenne & baffe-
Jullice , à M. Laurent de Rochefort ; la Viile-Danne , moyenne
Se baffe-Jufficc , à M. Coupé de Carmené & des Effarts, qui
polïede aufîi la Ville-Guérie , avec moyenne & baffe- Juflice :
Tome IIL G 3
4î8 PLO
la Touche-Bfondineuf ou Carmené , moyenne & baiïe-Juftice, à
M. de Trafaiegan ; Montorien , à M. de Montonen.
PLOUGUER-CARHAÎX ; à 1 1 lieues de Quimper , Ton Evê-
ché; à 30 lieues de Rennes; & à peu de diilance de Carhaix ,
fa Subdélégation & Ton refTort. On y compte 1 500 communiants,
y compris ceux de Saint-îgeau & Treffrem, fes trêves : la Cure
ell à l'alternative. Son territoire eft le même que celui de Car-
haix ; ( voyez Carhaix. ) Cette Paroiffe relevé du Roi.
PLOUGUERNEAU ; à 9 lieues à l'Ouefl de Saint -Pol- de-
Léon , ion Evêché ; à 48 Heues de Rennes ; & à 3 lieues un
tiers de Lefneven , fa Subdélégation & fon refTort. Cette Paroifîe
relevé du R.oi , & compte 1600 communiants : la Cure cfl: pré-
fentée par l'Evêque. La rivière de P^rac/i ou d'Arhrewrack , qui
arrofe ce territoire , forme à fon embouchure un petit port de
mer, qui fait fleurir le commerce à Plouguerneau. Les terres font
très-fertiles & très-exa6fement cultivées par les habitants. Cette
Paroiife ell mife au rang des plus anciennes du diocefe. Saint
Johevin , ordonné Evêque par Saint Pol , donna la Cure de
Plouguerneau à Saint Kerenan , pour y rernphr les fondions de
Refteur. On prétend que c'étoit en cet endroit qu'étoit fituée
l'opulente ville de Tolente , fur la rivière de Vrack ; ville qui
fut entièrement détruite & réduite en cendres, vers l'an 875,
Le château de Ker-odern appartenoit , en 1450, à Alain No-
bletz , Sieur de Kerodern. Hervé de Kerodern étoit un des cjuatre
Notaires publics qui étoient dans cet Evêché. Les places de No-
taires & tous les Offices de judicature ne pouvoient alors être
occupés que par des Gentilshommes. Hervé le Nobletz fut père
de Michel le Nobletz, né au mois de Septembre 1557 : il fut
un de ces célèbres Miffionnaires qui eurent tant de fuccès en
Bretagne. Suivant l'exemple de Saint Vincent-Ferrier & de Saint
Yves de Kermartin , il inrroduiiit les Catéchifmes & Inftruftions
famiheres , les feuls qui foient à là portée des habitants de la
campagne : il mourut le 5 Mai 1652. Carman , haute , moyenne
& bafle-Juftice , à M. de Gontault-Biron ; Coëtquenan , haute,
moyenne & balfe-Iuftice , à M. de Carné.
PLOUGUERNEVEL ; fur une montagne ; à 16 lieues à l'Eft-
Nord Eft de Quimper, fon Evêché j à 25 lieues de Rennes; &
à 3 lieues de Callac , fa Subdélégation. Cette ParoilTe reffortit
P L O 419
à Hennebon, &: compte 3800 communiants, y compris ceux
de Bonen , Locmaria , Gouarec ou Saint-Gilles , fes trêves : la
Cure eft à l'Ordmaire. L'an 1 246 , Hervé de Landelleau , Evêque
de Quimper , unit au Chapitre de fa Cathédrale i'Eghfe de Plou-
guernevel. La Terre de Coituai appartient à M. de Coitual : la
maifon eft très-belle ; elle efl bâtie près l'ancien château , & l'on
y voit encore des douves & des vertiges d'une ancienne forte-
reffe. En 1370, Henri de Coitual étoit compagnon d'armes de
Bertrand du Gueiclin. La Seigneurie de Coitual a droit de haute,
moyenne & baffe-Juihce ; mais elle ne s'exerce plus. Le 9 Jan-
vier 1669 , les Seigneurs de Coitual fondèrent un Séminaire ou
Communauté de Prêtres, dans ce bourg, pour l'éducation de la
jeunefTe : on y fait une école gratuite & des retraites eccléiiaf-
tiques & laïques. La Communauté eft compofée de cinq Prêtres,
qui font Recteurs de la ParoilTe, qui ell confîdérable, puifqu'on
y célèbre quatre Grand'Mefles par Dimanche. On remarque
dans l'Eglife quatre Fonts baptifmaux. En 1400, Quermcur ap-
partenoit à Hervé de Quermeur ; Ker-neul , • à Alain de Ker-
neul j Trevelept & Ker-lan , à N.... ; la haute , moyenne &
bafle-Juftice de Rell-Rouaud , à M. de Kervier. Ce territoire pré-
fente à la vue des terres bien cultivées, des prairies, des bois,
des landes , des ruiffeaux , des montagnes , & des vallons.
PLOUGUIEL ; fur une hauteur ; à un tiers de lieue au Nord-
Nord-Oueil de Tréguier , fon Evêché & fa Subdélégation ; à
3 1 heues de Rennes. Cette ParoifTe refTortit à Lannion , Se
compte 2000 communiants : la Cure eft à l'alternative. Ce ter-
ritoire , arrofé des eaux de la rivière de Tréguier & de plufieurs
ruiffeaux , renferme des terres fertiles en toutes fortes de grains ,
des prairies , & d'excellents pâturages. Les Cordeiiers de Tré-
guier furent fondés en cette Paroiffe , en 1483 , par le Duc
François IL
La maifon noble de Ker-oufy efl: très-ancienne : elle a fourni,
fous les Ducs, des hommes dirtingués dans les armes. Bizieii
de Keroufy fut créé Capitaine de vaiifeau par le Duc François
II , & , peu après , Lieutenant général de l'Amirauté de Bre-
tagne ; place qu'il remplit à la fatisfaftion de ion maître. La
maifon de Keralio a tourni à la Bretagne plufieurs guerriers,
parmi lefquels on diflingue Guillaume de Keralio, qui fut tué
l'an 1423 au fiege de Rhodes, après avoir donné, pendant le
fiege qm dura huit mois , des preuves de fa valeur» Le Maître^
410 P L O
d'Hôtel de la Reine Anne étoit de cette maîron ; &, lorfque
cens Princefle eût époufé le Roi Charles VIII , elle fit ce Gen-
tilhomme Chambellan de France ôc Lieutenant général pour Sa
Majefté en baffe Bretagne , comme on le voit par les lettres-
patentes de cette Princeffe , en date du 6 Février 1489.
PLOUGUIN; à 10 lieues & demie à l'Oueft-Sud-Oueft de
Saint-Pol-de-Léon , fon Evêché ; à 49 lieues de Rennes j &: à 4
lieues de Brell, fa Subdélégation & fon reffort. Cette Paroiffe
relevé du Roi , & compte 2000 communiants : la Cure cû pré-
fentée par l'Evêque. Ce territoire , arrofé par plufieurs bras de
mer & coupé de vallons, offre à la vue des plaines & des
coteaux -, les terres font fertiles & très-exa6lement cultivées.
PLOUHA ; fur une hauteur ; à 4 lieues un quart au Nord-
Oueft de Saint-Brieuc , fon Evêché & fon reffort ; à 2 5 lieues
de Rennes ^ & à 3 Heues de Paimpol , fa Subdélégation. On
y compte 3000 communiants : la Cure eft préléntée par
l'Abbé de Beauport. Ce territoire, borné à l'Eft par la mer,
offre à la vue une campagne cultivée & fertile en toutes fortes
de grains. Il fe tient par chaque année , à Plouha , deux foires
remarquables par la quantité de beftiaux qui s'y trouvent. Plouha,
haute-Juffice , à Madame la Princeffe de Ghuiftelles : Lifandré ,
haute-JulHce ; Ker-maria , haute-Juffice ; ces deux Terres appar-
tiennent à M. Callouet de Tregomar : Ker-gallot, Ker-bincon,
moyenne-Juftice , à Madame de Ros.
PLOUHARNEL ; au bord de la mer 5 à 6 lieues à l'Oueff-
Sud-Oueft de Vannes , fon Evêché , à 27 Ueues de Rennes -, Se
à 3 heues d' Aurai , fa Subdélégation & fon reffort. Cette Paroiffe
relevé du Roi , & compte 1 200 communiants : la Cure ell: à l'al-
ternative. Quoique les habitants foient prefque tous marins , les
terres ne reftent pas fans culture : les femmes , qui font très-labo-
rieufes , les cultivent avec foin.
PLOUHINEC j à 8 lieues à l'Oueft de Vannes , fon Evêché
& fon reffort ; à 27 lieues de Rennes j & à 2 heues de l'Orient,
fa Subdélégation. Cette Paroiffe relevé du Roi , & compte 2000
communiants. Ce territoire, borné à l'Oueff par la rivière d'Etel,
& au Sud par la mer, efl fertile en grains & très -exactement
cultivé.
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Contrat de mariage pafTé, l'an 1320, entre Alain, Vicomte
de Rohan , & Jeanne de Roftrenen , à laquelle on affigna deux
cents livres de rente à prendre fur la Seigneurie de cette ParoifTe ,
qui eft le château de Guemené - Guingamp. Après la mort de
Pierre de Roitrenen , cette Seigneurie échut en partage à Jeanne,
fa fille , veuve d'Alain , Vicomte de Rohan , qui la céda au Duc
Jean IV , pour une rente viagère de mille livres , par a6le du
29 Mai 137Ï. Ce château a titre de Châtellenie , avec une Sé-
néchauflee. C'étoit autrefois une place forte qui a foutenu plu-
sieurs fieges : elle fervoit de dépôt pour les poudres de la Com-
pagnie des Indes.
PLOUHïNEC ; fur une hauteur ; à 6 lieues un quart à l'Oueft
de Quimper, fon Evêché & fon refTort ; à 45 lieues de Rennes j
& à trois quarts de lieues de Pontcroix , fa Subdélégation, On
y compte 2000 communiants : la Cure ell à l'alternative. Ce ter-
ritoire , borné à l'Oueft par la rivière d'Audiern ç & au Sud par
la mer , renferme des terres fertiles en grains de toutes efpeces,
PLOUJAN 5 à 10 lieues un quart à l'Ouell-Sud-Oueft de Tré-
guier , fon Evêché j à 3 7 lieues de Rennes ; & à trois quarts
de lieue de Morlaix , fa Subdélégation & fon refTort. Cette Pa-
roifTe relevé du Roi , & compte 2400 communiants : la Cure efl
à l'alternative. Ce territoire efl très-bien cultivé , il produit du
grain, du lin, & du foin. On y voyoit , en 1500, les maifons
nobles nommées Larmorique , au Sieur de Coulouarn ; Ker-an-
roux , à Alain de la Forefl ; Coatainguy , à Louis TrogofT, Trof-
fent-Tenio , à Guillaume Guicaznou -, Coetembourg , à François
Quintin j Coëtmorvan , à Yvon Pezdrou -, Ker-ourgo , à Jacques
Doulgouet ; RofcerfT , à Jean Quintin j le Lezit , à Pierre Ker-
volguen j & Coëtcongar , à N.... : Ker-gariou , à Jean de Ker-
gariou. Henri III, par fes lettres données à Paris le 19 Juillet
1586, donna le brevet de Gouverneur des ville & château de
Morlaix à Alexandre de Kergariou. Cette maifon porte pour de-
vife : Là ou ailleurs , Kergariou, hdL BoifTiere efl une maifon cé-
lèbre : un Seigneur du heu fut Gentilhomme ordinaire de la
Reine Anne , qui lui fit l'honneur d'aller loger chez lui lorfqu'elle
vifita ce pays.
PLOUIDER ', fur une montagne ; à 5 lieues à l'Ouefl-Sud-
Ouell: de Saint-Pol-de-Léon , fon Evêché j à 44 lieues de Rennes -,
& à I lieue de Lefheven , fa Subdélégatîon & fon refTort. Cette
Paroiiïe relevé du Roi , 6c compte 2400 communiants : la Cure
eft préientée par i'Evêque.
Saint Goulven , fixieme Evêque de Saint-Pol-de-Léon , naquit
en cette ParoilTe , de parents "pauvres. Godien , homme riche ,
pourvut à l'éducation de ce jeune homme, qui, après avoir fini
le cours de fes études , fe retira dans Tendroit que l'on appelle
aujourd'hui le Penid de Saim-Goulven , où ce Samt Hermite at-
tira un grand nombre d'hommes qui vécurent avec lui dans la
plus exa&e difciphne. Even , Comte de Léon , ayant remporté
une grande viftoire fur les Normands , par l'intercefiion de ce
Saint , lui donna le Heu qu'il habitoit avec quelques autres terres ;
ce qui augmenta la réputation de Goulven , qui , peu de temps
après , fut nommé à l'Evêché de Saint-Pol-dc-Léon.
On connoît dans cette ParoifTe les maifons nobles nommées
Mefle-Perenes , Liftourdu , Penanprat , Coetmenech , Pratalan , la
Flèche, Ker-vélégan , Ker-ouriou-Lochan , & Leftevenec. Ce ter-
ritoire , qui eft arrofé des eaux de pluiieurs bras de mer , efl fer-
tile & très-exa61:ement cultivé.
PLOUIGNEAU ; au bord de la route de Rennes à Breft ; à
9 lieues au Sud-Oueft de Tréguier , fon Evêché j à 3 ^ Heues de
Rennes ; & à 2 lieues de Morlaix , fa Subdélégation & fon ref-
foft. Cette Paroiffe relevé du Roi, & compte 4000 communiants,,
y compris ceux de Lanneanou ^ fa trêve : la Cure eft à l'alter-
native. Des terres en labeur , des prairies , des landes ; voilà ca
que ce territoire préfente à la vue : c'eft un pays couvert , fort
abondant en cidre. Cette Paroifle exiftoit dès l'an 714, fous
l'Epifcopat de Martin , fixieme Evêque de Tréguier.
Le château de Goèsbnand appartenoit , en 1220, à Aufrai ,
Seigneur de Goësbnand , Capitaine de cinquante lances, fous le
règne de Charles ViL Aufrai de Goèsbnand fut Gouverneur des
ville & château de Saint-Macaire , & Lieutenant général en Ba-
zadois. Ker-veniou , haute -Juftice j cette Terre appartenoit,. ea
1371 , à Thomas de Kerveniou , Ecuyer dans la Compagnie de
Pierre de Tornemine , Chevalier , Seigneur de la Hunaudaye ,
au fervice du Roi de France : elle appartient préfentement à
M. le Maréchal Duc de Richelieu. Le château de Lanidi appar-
tenoit, en 1430, à Pierre Talhouet , Confeiller du Duc Jean V..
Jean Talhouct , fon petit-fils, fut Evêque de Tréguier en 1502^
Jeaa Talhouet ^ Sieur de Lamdi ,, fon frère , fut envoyé par la
PLO 41J
DuchefTe Anne en ambaflade à Francfort. La Ferté , Gouarquen ,
Ker-gariou , & Ker-denis ; ces quatre Terres ont chacune une
haute-Juilice, qui appartiennent à M. le Maréchal Duc de Ri-
chelieu.
PLOUÎSI j fur une hauteur ; k 4 lieues 'Se demie au Sud de
Tréguier , fon Evêché ; à 27 lieues de Rennes ; & à i lieue de
Guingamp, fa Subdélégation. Cette Paroiffe relTortit à Lannion,
Sz compte 3000 communiants, y compris ceux de Saint-Michel,
fa trêve : la Cure eft à l'alternative. En l'an 1 500 , cette Paroifle
étoit trêve de Saint-Michel ; & aujourd'hui, Saint-Michel eil trêve
de Plouifi. Le grain & les fruits pour le cidre font les prmci-
pales produftions de ce terroir , qui eft aflez bien cultivé : on
remarque quelques prairies dans les vallons. Dans le quinzième
fiecle on voyoit dans ce territoire les maifons nobles de Ker-ybo ,
à Yvon le Rougé j les Salles , à N.... de Mondragon -, le Guerlan ^
à l'Abbaye de Begar ; Ker-efort , à N Merien j Creufugit , à
Bertrand Fleuriot , Sieur de Kernabat -, & Ker-urien , à François
Emery. L'an 1 506 , la Reine Anne fit bâtir la Chapelle de Notre-
Dame de Grâce en cette Paroiffe.
Les Cordeliers de Guingamp dont le Couvent avoit été ruiné,
s'adreflerent au Duc de Mercœur , qui leur donna la Chapelle
de Notre-Dame de Grâce, où ils s'étabUrent en 1633. Le corps
de Charles de Blois , qui avoit été inhumé à Guingamp dans l'an-
cien Couvent des Cordeliers , fut tranfporté dans ce nouveau Mo-
naftere avec une grande pompe.
PLOULECFI ; à 4 lieues un quart à l'Oueft-Sud-Oueft de Tré-
guier , fon Evêché ; à 3 3 heues de Rennes ; & à i lieue &
demie de Lannion , fa Subdéiégation & fon refîbrt. On y compte
II 00 communiants : la Cure ell à l'alternative. L'ancienne ville
ou cité de Lexobie étoit fituée dans cette Paroiffe , à la pointe
de la rivière de Léguer ; cette ville , qui fut le premier fîege
des Evêques de ce diocefe , fut détruite dans le neuvième fîecle
par l'armée de l'Empereur Charlemngne ; on y trouve des ruines
qui femblent favonfer cette conjefture. On a conflruit une Cha-
pelle pour rappeller à la mémoire que c'eft le premier fiege des
Evêques de Tréguier. Ce territoire , qui eft borné au Nord &
à rOuefl de la rivière de Léguer , & au Sud par la mer , ren-
ferme des terres fertiles en toutes fortes de grains & quelques
landes. On y voit les maifjns nobles de Carcaradec, de Coëtfrec,
42^4 P L O
Ker-Ioas, Ker-daniel, Ker-nimon , Ker-uranguen, Ker-louenan, Le-
fenor, & Coatedres,
PLOUMAGOER ; à 6 lieues au Sud-Sud-Eft de Tréguier, Ton
Evêchéj à 27 lieues de Rennes j & à un tiers de lieue de Guin-
gamp , fa Subdélégation. Cette ParoifTe reflbrtit à Lannion , &
compte 4000 communiants , y compris ceux de Pabu-la-Poterie
& de Saint- Agathon , Tes trêves : la Cure eft à l'alternative. La
haute-Juftice de Munehore appartient à M. de Munehore. Ce
territoire ell un pays couvert , où l'on voit des terres bien culti^
vées & àes pâturages abondants. L'an 12(37, Daniel, Abbé de
Sainte-Croix de Quimperlé , tranfigea avec l'Evêque de Tréguier,
pour la propriété de l'Eglife de Ploumagoër.
Rolland de Coat-Coureden , Seigneur de Lomaria en cette
ParoifTe , fut un des braves Chevaliers de ion temps. Son cou-
rage & fes vertus lui valurent l'eftime de Charles de Blois^
qui le fit fon Sénéchal univerfel en Bretagne , vers l'an 1 3 46.
Cadoualan appartenoit , en 1 470 , à Jean Pinard , Sieur de
Cadoualan. Barthelemi , fon petit-fils, époufa , en 1573 , Ifiibeau
Budes. François Pinard, qui vivoit en 1680, eut plufieurs en-
fants , parmi lefquels on diftingue Guillaume , Chevaher de
Malte. Les autres maifons nobles qui exiftoient en 1470, font:
Ker-onio , Ker-ofporel, & Corfon ; ( ces trois maifons apparte-
noient à Jacques Duparc : ) Ker-men , le Ruftang , Ker-morvan ^
Ker-meno , Ker-jean , & Ker-grée.
PLOUMILLIAU ; à 5 lieues au Sud-Oueft de Tréguier , fon
Evêchéj à 32 lieues de Rennes; & à 2 Heues de Lannion, fa
Subdélégation. Cette ParoifTe refTortit à Morlaix , & compte 2200
communiants , y compris ceux de Ker-audi , fa trêve : la Cure
eft à l'alternative. Le terroir , qui efi: afTez bien cultivé , produit
des récoltes abondantes, du lin, & des pâturages excellents; on
y voit des landes par cantons. Ker-huelle-Ker-biriou , haute- Juf-
tice , à MM. de TrogofF ; Lanafcol , moyenne-Juftice , à M» de
LanafcoL
PLOUMOGUER; à 13 lieues à FOuefl-Sud-Oueft de Saint-
Pol-de-Léon , fon Evêché ; à 5 1 lieues de Rennes ; & à 3 lieues
deux tiers de Breft , fa Subdélégation & fon refTort. Cette Pa-
roille , qui relevé du Roi, compte 1800 communiants, y com-
pris ceux de Lamper , fa ueve : la Cure ell préfentée par
l'Evêque.
P L O 415
TEvêque. Le château du Pouldu appartient à M. le Duc de
Rohan. Ce territoire avoifîne la merj il eft très-fertile.
PLOUNEOURISTRÉS -, à 6 lieues à l'Oueft de Saint-Pol-
de-Léon , fon Evêché ; à 46 lieues de Rennes ; & à 2 lieues de
Lefneven , fa Subdélégation & fon refîbrt. On y compte 2600
communiants : la Cure eft préfentée par l'Evêque. Cette Paroifïe
relevé du Roi. Le Duc Jean V , après avoir fondé le Chapitre
de Notre-Dame du Folgoët en 1 409 , lui donna les dîmes qu'il
poffédoit dans la Paroiffe de Plouneouiiftrés. Ce territoire , qui
forme une prefqu ifle , eft très-exaftement cultivé.
PLOUNEOURMENEZ j à 7 lieues au Sud-Sud-Eft de Saint-
Pol-de-Léon, fon Evêché ; à 36 lieues de Rennes ; & à 4 lieues
de Morlaix , fa Subdélégation. Cette Paroiffe reffortit à Lannion ,
& compte 3300 communiants : la Cure eft préfentée par l'Evêque.
La Seigneurie de l'endroit , qui a haute-Juftice , appartient aux
Moines de l'Abbaye du Relec , qui, en 1288, poîîédoient dans
ce territoire le manoir de Ker-mageriou : on y voyoit auffi les
maifons nobles de Penhoët , Lefquelen, Ker-gus, Mofineou , Coét-
lofquet , & la Salle. Ce territoire renferme partie des montagnes
Darés , des landes , & le bois du Relec ; voilà ce que préfente à
la vue ce territoire , qui eft un des moins fertiles de la province.
On conçoit facilement que les habitants de ce pays ne doivent
pas être riches.
PLOUNERÏN j à 7 lieues au Sud-Oueft de Tréguier , fon Evê-
ché 5332 lieues de Rennes ; & à 5 lieues de Morlaix , fa Sub-
délégation & fon reffort. On y compte 1000 communiants : la
Cure eft à l'alternative. Ce territoire eft un terrein plat , fertile
en grains , & bien cultivé. Le château de Bruilhac , haute-Juftice ,
qui appartenoit, en 1280, à l'illuftre famille du Châtel , & au-
jourd'hui à Madame de laBedoyere. La Seigneurie de Plounerin ap-
partenoit, en 1424, à Jean de Penhoët, Chevalier , Chambellan,
& Amiral de Bretagne , fils de Guillaume de Penhoët & de
Jeanne de Fronfac , fon époufe. Cette Paroiffe fut transférée du
reffort de la Cour de Guingamp à celle de Morlaix , en faveur
de ce Seigneur , par lettres du Duc Jean V , données le 8 Juin
1425. En 1 500 , Ker-prigent, à Jean du Perrier , Sieur du Mené ;
le Bezuon , à Guillaume de la Lande j Coettéon , à Yves du
Cofquer ; Ker-lan , à Henri de Kergabin y Ker-egoan , au Vicomte
Tome IIL H 3
4i6 P L O
de Rohan ; Ker-ouach , Ker-meno , Ker-ls , Ker-agus , le Cofou ,
éc Quellennec , à N... : la Haute-Juil:ice de Lefmoal Ôc de Fa-
vet appartient à M, de Kerfaufon.
PLOUNEVENTER ; à 5 lieues au Sud-Oueil de Saint-Poî-
de-Lécn , fon Evêché ; à 43 lieues de Rennes ; 6c à 2 lieues de
Landerneau , fa Subdélégation. Cette Paroiil'e reiTortit à Lefneven ,
& compte 2800 communiants, y compris ceux de Saint-Servais,
fa trêve : la Cure eil préfentée par ^E^ êque. Ce territoire eft
un pays plat, où Ton voit des terres en labeur, des prairies,
& des landes, La maifon noble de Ker-antron appanenoit , en
1560, à Jacques le Voyer , Baron de Tregomar, Chevalier des
Ordres du Roi , Gentilhomme de fa Chambre , & Commiflaire
nommé par les Etats pour la réformation de la Coutume de
Bretagne , en 1580. _ -
PLOUNEVEZ ; à 4 lieues à rOue/1-Sud-Oueft de Saint-Pol-
de-Léon , fon Evêché : à 44 Heues de Rennes j & à 2 lieues de Lef-
neven , fa Subdélégation & fonreiïbrt. On y compte 2300 commu-
niants : la Cure efl: préfentée par l'E^êque. L'ancien Prieuré de Lo-
chrill: fe ^'oit dans ce territoire , borné au Nord par la mer , oc très-
fertile en grains de lin.
PLOUNEVEZ-DU-FAOU ; à 7 Heues au Nord-Ell de Quim-
per , fon Evêché ; à 3 5 Heues de Rennes ; 8c à 4 lieues un quart
de ChâteauHn , fa Subdélégation & fon relTort. Cette Paroifle re-
le^'e du Roi, &c compte 66co communiants, y compris ceux de
Colorée &: de Loqueffret , fes trêves : la Cure eu préfentée par
l'Archidiacre de Poher. Il fe tient trois foires par an au bourg
de Plounevez. Des monticules , des vallons , des ruiffeaux qui
viennent fe dégorger dans la rivière d'Aulne , des terres en la-
beur , des prairies , & des landes ; voilà ce que ce territoire pré-
fente à la vue : c'ell un pays couvert d'arbres à fruits.
Le château du Granec , ancien apanage de Château-Gai , en
la ParoifTe de Landelleau, fut fortifié par BeHangcr - Premaria ,
qui le mit en état de ne point craindre d'infulte. En 1 593 , on
y voyoit fix pièces de canon de fonte verte : ce château étoit re-
gardé comme une place très^mportante en temps de gueiTC. Un
Seigneur de Chàteau-Gal , nommé Denel , donna le château du
Granec, avec les droits julliciers , en fondation, aux C:—^
Déchauffés de Rennes, qui le poffedent aujourd'hui, ou ^
P L O 417
ils ise jfOfi^Mji^^M. ciac dlç I2. ^t:.z'.t.r^ : car es cMtesz
par FosEiendiJSe pensiiM: k-r "" :-- 'r "■ 'ït '^- -. '-.:- :- ■ _
îraiK^sïst cfes doiinrcs &: <d.i - .. ... naonce; . ^
ce : : : ' es qui psouFent qoeùes ttusroot JracaiBdae &; Ja ibircâ de
ce A co6£ , €&. oœ r . appaiôesnt asix Camsiies.
h' . : ^immuMililaig. ^sbe& .. . — : . .je Ses iâB2Ôibsas mAAtaôs
FI" w'NZ^'EZEL ; fîff mne lianitenr ; à 10 lâesss éc ^fîEÎc
f<: - e èass&hesae. es. Caâiaâs.^ ù. SdbtSéU^^atâiaini &: Ibr. : '"
'^ ' : '.n^.':x}e 1200 commimBaiEiSy y cooniouts ceux «Se . -. - -é*
Cl : - : t - : S-Tis?ç4dBfflBet , lê$ trêves : la Cire dâ à FaJbeEaajâvc
V- 1 : : i . ■ e (fia Roî. Ce tiHi*iii(iiiMe , qam eft ssmaie <l<fç
e^ .:: lA^ine, ren&Kme des ttErces e ' ?
r 1 i^ - ' -D!C ; fis- me haateor , & lins- li rsœ
^e C _.;..... à ^ Eeœs an SBadI-Schii-OsaÊâ: ds Tré-
:' - T T ; a 3 1 jliesaes de ResMiesi & à 4 âijao^s (Se
^' . _ . e-^jatkm. Cette Psoëé^ lembsioii a I^nmar- : c ^
u : -' - :z 1 : : : . .j^^^omancs : la Cve eâ. à rafisesnasis^e. Kar*
a ~ ' -^i^zse-JuBli&ce , à M. de Boratsniille ^ K£r-|xige&siL--iL£r'lM'
1:: .:'::£, à M. de Lapatcdl, Sams^Lolia^ saiy-jÊsaie &;
!^ '^. Di]|)aic-£envaD. Ce n^niiMtoige , hsxssé a JTEi^
: -^Tûoer, icunfirtiiie des tenes en lalieo- , (ks
'.'i-'.es. âc : cnnî ïbiffî: plus éÊesafâssss <|me tioaiES ceUes
flujmp^if de PqtfflaiBBpaïc appaifsiKsar,
' ".ssganovi, OaewaWr, SeK^acor (ie
^ de LanBonLAiesaBidre de Ker-
gsjrkm y 1B1 de : t : : .1 poorw da GcciFemifgHapsTar cie
Modiaiz, par lanne» «ûw «mûà ia£oâ IH^ dtuBBPes à Paiis le 18
JmSks: ifS^.
PLOlJ?<£E\'EZnPORZAI; âr la raote de QmaD|!ia^ à Bteft
par Lanvanx 9 à 3 lîessfs & dene an Nonl-Oiidi; de Odamper,
£sri Erêdbéj à 41 fienses de Keosies^. & à : !::-:-' '? Osaseaa-
4i8 . P L 0
lin, fa Subdëlégatîon & fon refTort. On y compte 2200 com-
muniants , y compris ceux de Ker-las , fa trêve ; la Cure eft à
l'Ordinaire. Ce territoire , borné au Nord Se à l'Efl: par les mon-
tagnes de Ménéham , & à l'Oueft par la mer , offre à la vue
des terres bien cultivées , des prairies , & des landes. Le châ-
teau de Moèllien appartenoit, en 1420, à Jean, Chevalier,
Seigneur de Moëllien ; il appartient encore aujourd'hui à la
même famille.
PLOUNEVEZ-QUINTIN ; fur une hauteur; à 16 lieues au
Nord-Eft de Quimper , fon Evêché ; à 2 5 Ueues de Rennes ; &
^ 5 lieues de Quintin , fa Subdélégation. Cette Paroifle reflbrtit
à Carhaix, & compte 2600 communiants, y compris Ceux de
Tremargat , fa trêve : la Cure eft à l'alternative. Les Jurifdiftions
& maifons nobles font : Roftrenen , Baronnie , avec haute ,
moyenne & baffe - Juftice , à Madame la Ducheffe d'Elbeuf:
Vieux-Châtel , haute , moyenne & baffe-Juftice ; Touran , haute,
moyenne & baffe-Juftice ; & Plounevez-Quintin , haute , moyenne
& baffe-Juffice , à Mademoifelle de Lannion : Scoadec, haute,
moyenne & baffe-Juffice ; & Quercomdec , moyenneJuffice , à
M. de Saint-Pern - Ligouy er : Leurivault , moyenne & baffe-Juf-
tice , à M. de Coëtrieux ; Quenemnan, moyenne & baffe-Juffice,
à M. Trogoff ; Quergontraly , moyenne & baffe - Juftice , à
M. Perrein. M. de Kernizan poffede le château de Ker-borne,
par la cuifîne duquel paffe la rivière de Blavet , qui prend une
partie de fa fource dans cette Paroiffe ; cette rivière eft fort poif-
îbnneufe, fur-tout en truites. Le Château de Penquer-le-Borde
fe voit aufli dans ce territoire, où font des terres bien culti-
vées & des landes.
PLOUNEZ ; fur une hauteur ; à 7 lieues au Nord-Oueff de
Saint-Brieuc , fon Evêché & fon reffort j à 27 lieues de Rennes,
& à un tiers de lieue de Paimpol , fa Subdélégation &c fa trêve.
On y compte 3000 communiants, y compris ceux de Paimpol:
la Cure eft préfentée par M. de la Noue. Ce territoire , borné à
l'Eft par la mer , & à l'Oueft par la rivière de Trieuc , renferme
des terres bien cultivées & des pâturages abondants. La maifon
noble de Ker-helouri appartenoit , en 1400, à Raoul -Rolland de
Ker-helouri. Son fils, auffi nommé Raoul - Rolland , fut Evêque
de Tréguier , vers l'an 1445. On y connoît encore les maifons
nobles de Ker-biguet , de Ker-eral , & de Pennelan.
PLO 419
PLOURACH ; fur une hauteur ; à 1 4 lieues au Nord-Eft de
Quimper , fon Evêché j à 30 lieues de Rennes ; & à 2 lieues
& demie de Callac , ûi Subdélégation. Cette Paroiffe relevé du
Roi , & reiTortit à Carhaix -, on y compte 800 communiants : la
Cure eft à l'alternative. La haute , moyenne & baffe- Juftice de
Coatrecar appartient à M. Duparc-Keryvon. Ce territoire eft
peu cultivé : il elt occupé par des landes , & les montagnes
Datés , qui forment une chaîne ou rideau qui continue jufqu'au
Faou , dans une longueur de onze Heues.
PLOURAY ; fur une hauteur , & fur la rivière d'EUé j à 1 5
iieues au Nord-Nord-Ouell de Vannes , fon Evêché ; à 27 lieues
de Rennes 5 & a 3 lieues un quart de Gourin , fa Subdélégation.
Cette Paroiffe reffortit à Hennebon , & compte 1 200 commu-
niants : la Cure eft à l'alternative. Des terres en labeur, des
prairies , des landes très-étendues , & le bois de Langoët , qui
peut avoir deux lieues de circuit j voilà ce que ce territoire pré-
fente à la vue. C'eft un pays couvert , coupé de vallons & de
monticules. En 1296, le Duc Jean II rendit un jugement qui
portoit , que Hervé de Léon feroit à jamais poffeffeur de la Pa-
roiffe de Plouray. La maifon noble de Lohingart appartenoit , en
1400, à HenriKergouhizinj Saint-Loup , à Henri de Saint-Loup.
PLOURHAN ; fur une hauteur ; à 3 lieues au Nord-Oueff de
Saint-Brieuc , fon Evêché , fa Subdélégation , & fon reffort j à
23 Heues de Prennes. On y compte 1400 communiants : la Cure
ell: à l'alternative. Ce territoire , qui eil dans le voifînage de
îa mer, eft fertile en grains de toutes efpeces : c'ell un pays
couvert & coupé de ruiffeaux , où l'on voit des prairies & des
landes peu étendues.
Au commencement du quinzième fîecle , on voyoit dans ce ter-
ritoire les maifons nobles de Langonnet , ancien château , au Vi-
comte deCoëmen; Buhen , à Marie du Rufflay ; la Ville-Morel,
à Rolland Morice ; la Grandville , à Rolland Henri -, la Fon-
taine-Saint-Pere , à AHx Rochefort ; Saint-Mande , à Jean du Ruf-
flay ; Tourguigne , à Pierre du Rufîlay ; la Ville-Gléjo , à Guif-
laume Geflin ; la Ville-Rade , à Jeanne du Rufflay ; la Ville-Juif-
fan , à Jeanne Pridon ; le Pont-Lo & la Ville-Gueffon , à N.r.
PLOURIN j à I o lieues un quart au Sud-Oueft de Tréguier , fon
Evêché i à 36 lieues de Rennes; & à i lieue de Morlaix, fi
450 P L O
Subdélégation Se fon refîbrt. On y compte 3200 communiants,
y compris ceux du Cloître , fa trêve : la Cure eft à l'alternative,
La Paroiffe relevé du Roi. Ce territoire offre à la vue des terres.
bien cultivées , des prairies , des marais , & une quantité prodi-
gieufe de landes. Les habitants de l'endroit font beaucoup de
cidre. La maifon & fortereffe de Bodifter appartenoit , en 1 3 60 ^
aux Seigneurs de Chateaubriand , qui en jouifToient encore en
1500. Coëtanfcourt appartenoit, en 1380, à Yves de Coëtanf-
court 5 qui époufa Plczoic de Goësbnand vçrs l'an 1400. En.
1 500 , Coëtelan , à Pierre le Sénéchal j Ker-vezec , à Yves de
Kcrlogan j le Meidy , à Jean du Parcj la Boexiere , à Chriilo-
phe de la Boexiere j Penanguern , à François le Mauran. Oa
voit un Couvent de Mniimes , qui fut fondé dans cette Pa-
roifle^ran....
PLQURIN; à 12 lieues à l'Ouefl-Sud-Oueft de Saint-Pol-de-
Léon , fon Evêché j à 50 lieues de Rennes, & à 6 lieues de
Lefneven , fa Subdélégation. Cette ParoiiTe refTortit à Brell: , Se
compte 2000 communiants, y compris ceux deBreles, fa trêve:
la Cure eft préfentée par l'Evêque. Breles eft un Gouvernement
qui appartient au Seigneur de la Terre de Ker-groades , qui a
haute, moyenne & baffe Juftice. Ce territoire, borné par la mer ^
efl très-fertile & bien cultivé. On remarque à Plourin le plus an-
cien monument qui foit connu en Bretagne. C'efl le château que
Conan Meriadec y fit bâtir vers l'an 3 87 , qu'il appella de fon
nom Cajlel-Meriadec : ce Monarque y féjournoit affez fouvent.
Les Seigneurs du Châtel ont fondé dans le territoire de Plourin ,
à peu de diflance de leur château , une Chapelle dédiée à Saint
Tangui & à Sainte Haude , fous le nom de Chapelle de Ker-faint
ou Ker-féan : ils y faifoient autrefois célébrer le Service divin.
Le Châtel appartenoit , en 1 280 , à Hervé , Chevalier , Sei-
gneur du Châtel. Bernard, fon fils , prit en mariage , l'an 1330,
Aliénor de Rofmadec ; un autre Bernard époufa l'héritière de
Ker-lech , Se Olivier , Jeanne de Ploeuc ; Tangui , fon frère , fut
Grand-Prévôt de Paris , Gouverneur de l'Ifle-de-France , & Séné-
chal de Provence. Guillaume du Châtel , Grand - Pannetier de
France, Ecuyer du Fvoi Charles V, rendit de grands fervices jà
fon maître , & mérita l'honneur d'être enterré à Saint-Denis , dans
le tombeau de nos Rois. Tangui du Châtel s'attacha d'abord au
Roi Charles VI , qu'il fei vit avec fidélité j mais , lorfque les mal-
heurs, accumulés fur la tête du Monarque , eurent mis le Royaume
PLO 431
à deux doîgs de fa perte, Tangui du Châtel, qui était zélé
pour fa patrie , aima mieux s expofer à perdre fa fortune & fa
vie, que de refter dans une Cour vendue au Roi d'Angleterre*
Il alla offrir fes fçrvices au légitime héritier Charles , Dauphin
de France , Prince infortimé , qui fe voyoit exclus du Trône de
fes pères par une mère dénaturée. Tangui, qui chérifîbit (incé-
rement fon jeune maître, lui donna des avis fages & prudents,
qui , peut-être, lui conferverent la Couronne. Sur ces entrefaites,
le Duc de Bourgogne, qui depuis long-temps favorifoit les An-
glais , parut vouloir les abandonner. Soit que ce changement fut
îincere ou fîmulé, il demanda à Charles une entrevue pour ter-
miner leur conteftation ; Charles y confentit , & lui donna rendez-
vous à Montereau-faut- Yonne , dans la Brie.
Les deux Princes s'affemblerent fur le pont qui eu en cet en-
droit , fur la rivière d'Yonne. Ils étoient chacun accompagnés de
dix hommes. Pendant la converfation , du Châtel qui ne quittoit
jamais fon maître , offenfé de quelques paroles hardies échappées
au Duc de Bourgogne, faifît fa hache , & en frappa le Prince,
qu'il étendit mort à fes pieds. Cette a6lion efl fans doute blâma-
ble , mais elle n'en eu pas moins la preuve de l'amour que Tan-
gui portoit à Charles VII. Les fuites de cet afTafîinat, & la guerre
-qui défola enfuite la France , ne font pas de mon fujet. Il fuffira
de dire que Charles VII , pour récompenfer ce généreux Breton ,
fon favori & fon zélé ferviteur , le fit Grand-Ecuyer de France &
Gouverneur du Rouffillon. Cependant, malgré les fervices qu'il
ayoit rendus à fon Prince , malgré Teftime que le Monarque avoit
pour lui , il fut éloigné de la Cour & envoyé en exil ; mais fa
difgrace fut un triomphe. ( Voyez l'Honneur Français , par M. de
Sacy. ) Après un règne iemé de défaites Se de viftoires écla-
tantes , Charles VU mourut à Meun fur Sevré , en Brie , le 22
Juillet 1461 , avec la douleur de voir fon propre fils révolté
<;ontre lui. Dans cette occafion , perfonne ne s'occupoit des funé-
railles du Monarque j & la pompe funèbre de ce grand Roi
n'auroit pas été différente de celle d'un particuher fans les foins
de Tangui (a). Il prodigua généreufement fa fortune pour ho-
norer la cendre de fon maître , & montra par-là qu'il étoit di-
gne d'être favori puifqu'il étoit défintéreflé , bien différent de ces
ambitieux qui s'enrichirent des dépouilles de l'Etat fous le Roi
( ^ ) Le corps du Roi fut porté à Saint- j paya toutes les autres dépenfes des fiinç;
Peiiis , aux frais de du Châtel , qui j railles.
4}i P L O
François II. Les Guifes, que ce dernier Monarque avoit comblés
de faveurs & de biens , montrèrent la plus noire ingratitude à
la mort de ce Prince , dont les funérailles fe firent fans aucun
appareil. Leur conduite blâmable & criminelle donna lieu à l'inf-
cription gravée , à la louange du Chevalier Breton , fur le cercueil
de François. Cette infcription ne contenoit que ces mots : Tangui
du Châtel y où ej-tu ?
La Terre & Seigneurie du Châtel , avec titre de Châtellenie
& privilège de fe délivrer à congé de perfonne & de menée à
la Barre & Jurifdi61ion ducale de Saint-Renan , fut érigée en
Bannière par lettres du Duc Pierre II , données à Vannes le 1 2
Novembre 1455 , ^^ faveur de François du Châtel, Chambellan
du Duc.
La maifon noble de Ker-roc appartenoit , en 1460, à Chrif^
tophe Mathezou \ & , en 1 700 , à M. Mathezou de la même fa-
mille : Brefcanuel , en 1430, à Yves le Roux : Ker-gournadec ,
Belair , Ker-ohic , Ker-pléan, Ker-groades, Ker-jar , Ker-vzaouen,
Ker-oulas , & Ker-gadiou ; un Seigneur de cette maifon étoit Se*
cretaire du Duc François II en 1478.
PLOURIVO \ fur la route de Pontrieux à Paimpol ; à 7 lieues
au Nord-Oueft de Saint-Brieuc , fon Evêché & fon reiîbrt ; à
27 lieues de Rennes j & à i lieue de Paimpol , fa Subdéléga-
tion. On y compte 1500 communiants : la Cure eft à l'alterna-
tive. Ce territoire , pays couvert & arrofé par la rivière de
Trieux qui le borne à TOueft , & par celle du Lieft qui le borne
au Sud , produit des grains , du lin , du foin , & des fruits pour
le cidre. Ses maifons nobles font : Ker-ambelec , Ker-nuel , &
Ker-lo. La haute-Juflice du Bourg-Blanc appartient à iM» Arinez.
du Poulpry.
PLOUVARA ; fur une hauteur ; à 3 lieues à l'Oueft de Saint-
Brieuc, fon Evêché, fa Subdélégation , & fon refTort j à 23 lieues
de Rennes. On y compte 1400 communiants : la Cure ell pré-
fentée par l'Abbé de Beauport. Les Jurifdi6tions qui s'exercent ea
cette ParoifTe font : les Régaires de Plouvara , haute-Juftice , la-
quelle appartient au Chapitre de l'Eglife Cathédrale de Vannesj
Creheren-Rohan , haute-Juflice , à M. de Mont-Boifîier. Ce terri-
toire offre à la vue des terres en labeur, des ruifTeaux qui ferti-
lifent les prairies qui font fur leurs bords , & des landes j c'efl un
pays couvert , abondant en lin & en cidre.
jPLOUVORNii
PLO 45Î
PLOUVORN ; à 2 lieues un quart au Sud-Sud-Oueft de Saint-
Pol-de-Léon , fou Evêché & fa Subdélégation j à 41 lieues de
Rennes. Cette Paroiffe reffortit à Lefneven, & compte 4200 com-
muniants , y compris ceux de Mefpaul &c Sainte - Catherine ,
fes trêves : la Cure fe préfente par l'Evêque. Des valions , des
ruiffeaux , des prairies , des terres bien cultivées & abondantes
en grains , lin , & fruits pour le cidre ; voilà ce que ce territoire
préfente à la vue. Yves de Mayeuc , né dans cette ParoifTe l'an
1462 , fut Confefîeur de la Reine Anne, qui lui donna l'Evêché
de Rennes en 1506. La maifon noble de Ker-avefan appartenoit,
en 1320, à Henri Trémie, Sieur de Keravefan. Jean Trémie,
fon petit-fils , fut Chevalier des Ordres du Roi.
. PLOUVYEN ', à 8 lieues à l'Oueft-Sud-Oueft de Saint-Pol-de-
Léon , fon Evêché ; à 47 lieues de Rennes ; & à 3 lieues &
demie de Breft, fa Subdélégation. Cette ParoifTe reflbrtit à Lef-
neven , & compte 4000 communiants , y compris ceux du Bourg-
Blanc , fa trêve : la Cure eft préfentée par l'Evêque. Ce terri-
toire y arrofé par plufieurs bras de mer , eft fertile en grains , lin ,
& fruits j les landes y font peu étendues. La maifon de Coëtivi ,
■fîtuée en cette ParoifTe , a fourni des hommes d'un mérite écla-
tant , parmi lefquels on diftingue Prigent de Coëtivi , Maréchal
& Amiral de France ; le Cardinal de Sainte-Praxede , & Alam de
Coëtivi , Légat Apoftolique en France & en Bretagne , pour
vaquer à la canonifation de Saint Vincent Ferrie*" , à Vannes ,
le 5 Juin 1456. Cette Terre appartenoit, en 1677 , à la Ducheffe
de BrilTac. Le château du Brignou , fitué dans un étang , étoit
autrefois une place forte.
PLOUYÉ ; à 9 lieues au Nord-Eft de Quimper , fon Evêché ;
à 3 4 lieues de Rennes j & à 3 lieues de Carhaix , fa Subdé-
légation. Cette ParoifTe refTortit à Lefneven , & compte 2000
communiants : la Cure efl à l'alternative. Ce territoire renferme
des terres en labeur , des prairies , & des landes très-étendues 5
c'efl un terrein inégal. Le Roi poiTede plufieurs domaines en cette
ParoifTe.
PLOUZANÉj à 13 lieues au Sud-Ouefl de Saint-Pol-de-Léon ,
fon Evêché ; à 49 lieues de Rennes j & à 3 lieues de Brell , fa
Subdélégation & fon refTort. On y compte 4000 communiants,
y compris ceux de Lomaria , fa trêve. La majeure partie de la
Tome IIL I 3 .
4 PLO .
Paroiffe relevé du Roi. Il s'y exerce une moyenneJuflice Se fept
baffes. Son territoire , borné au Sud par la mer & coupé de ruif-
féaux qui arrofent des prairies , eil fertile en grains de toutes ef-
peces ; on y voit beaucoup de landes. L'Eglife de Plouzané étoit
autrefois un temple confacré aux Idoles. Saint Sané efl: regardé
comme le Patron du lieu. On remarque dans cette Eglife plufieurs
monuments qui prouvent fon antiquité. Auprès du porche efl: une
Croix de pierre fort haute, fur laquelle font des inscriptions qu'on
ne fçauroit lire. A peu de diftance de l'Eglife de Lomaria , on
remarque deux grandes Croix de pierre , que l'on prétend avoir
été plantées par Saint Sané , après qu'il eut converti le peuple
de ce pays à la Foi CathoHque. Ces Croix ont toujours été tort
révérées du peuple , & ont été long-temps reconnues comme des
afyles inviolables. Les malfaiteurs qui s'y refugioient ne pouv oient
être faifis , ni punis. On voit auffi dans le cimetière une pierre
d'autel où Saint Sané célébra la première fois la Meffe , en pré-
fence des nouveaux convertis , dans le fixieme fiecle. Plouzané
6c la Chapelle de Lomaria étoient alors environnées d'une grande
forêt , au milieu de laquelle elles étoient iituées. Les maifons
nobles de l'endroit font : Ker-vifien , ( elle eft fur le fief du Roi ,
de Saint-Renan , réuni à celui de Breft ; ) Penanprat , Ker-chafel ,
Coëtenez , le Dreïfec , le Goulven , Ker-edec , le Halgoët ,
Ker-guizio , Ker-vaftoué , Ker-fcao-vijac , Lefconvel , Nevent ,
&: Rofarnou.
PLOUZEC ; fur une hauteur ; à 5 lieues & demie au Nord-
Ouell de Saint-Brieuc , fon Evêché & fon reffort j à 2 5 lieues
& demie de Rennes ^ & à i h eue & demie de Paimpol , fa Sub-
délégation. On y compte 2400 communiants : la Cure eit pré-
fentée par l'Evêque. Ce territoire , qui eft borné au Nord & à
rOucil: par la mer , renferme des terres fertiles en grains , foin ,
& lin , èc des landes très-étendues. On voit dans cette Paroiffe
l'Abbaye de Beauport. ( Voyez Beauport. ) Les maifons nobles
de Gouz-Froment , Ker-y blanc , Plouzec , Ploutra , Plounez , Yvias ,
Se Lanvignez ; ces cinq dernières forment une haute-Julbce qui
s'exerce à Paimpol.
PLOUZELEMPRE ; à 5 lieues & demie au Sud-Oueft de
Tréguier , fon Evêché ; à 32 lieues de Rennes ; & à 3 lieues de
Lannion , fa Subdélégation. Cette Paroiffe reffortit à Morlaix , &
compte 600 communiants : la Cure ,eil à l'alternative. La haute-
PLO = PLU 435
Juftice de Ker-veguen appartient à M. du Lude. Ce territoire
efl un pays plat & coupé de ruiiïeaux qui vont tomber dans
la mer. On y connoît les maifons nobles de Lanafcol Se de
Rumabela.
PLOUZEVEDÉ ; à 3 lieues au Sud-Ouefl de Saint-Pol-de-Léon ,
fon Evêché & fa Subdélégation; à 41 lieues de Rennes. Cette
Paroifle relevé du Roi , reflbrtit à Lefneven , & compte 1 400
communiants : la Cure eft préfentée par l'Evêque. La maifon no-
ble de Ker-vafdoué appartenoit , en 14(30, à Jean de Kerf^uiziau:
Jean de Kerguiziau fut fait Chevalier en 1(339. On connoît dans
la même Paroifle les maifons de Cotangars , de Landebocher &
de Mefcanton. Ce territoire renferme des terres en labeur & des
landes très-étendues.
PLOZEVET 5 fur une montagne; à 5 lieues un quart à l'Oueil
de Quimper, fon Evêché & fon reflbrt ; à 44 lieues de Rennes;
& à 2 lieues de Pontcroix , fa Subdélégation. On y compte 2200
communiants : la Cure ell préfentée par un Chanoine de l'EgUfe
Cathédrale de Quimper. Ce territoire , qui eil borné par la mer ,
renferme des terres fertiles , fur-tout en grains & lin,
PLUDUAL ; fur une hauteur ; à 4 lieues un quart au Nord-
Oueft de Saint -Brieuc, fon Evêché, fa Subdélégation , & fon
relTort ; & à 24 Heues un quart de Rennes : cette Paroilfe ,
dont la Cure eft à lalternative , relevé du Roi , & compte 700
communiants. Des ruiffeaux , des vallons , des prairies , des terres
fertiles en grains & lin : voilà ce que ce territoire préfente à la
vue. Les maifons nobles font : en 1 5 00 , le château de Langarzeau ,
qui appartenoit à Pierre de la Feuillée ; Grand-Pré , à Pierre Selic-
zon ; Ker-amprat , à Olivier Leshiivry ; Ker-guidouc , à Louis de
Coëtquauran; & le château de Pludual, àN... ; ce dernier exif-
toit dans le treizième fiecle.
PLUDUNO ; à 8 lieues à l'Eft de Saint -Brieuc , f^^n Evêché ;
à 14 lieues de Rennes; &à 4 lieues de Lamballe , fa Subdé-
légation. Cette ParoiiTe reffortit à Jugon , & compte 1 400 commu-
niants ; la Cure eft à l'alternative : le Pré-Morvan , haute- Juftice ,
& le PleiTis-Men , moyenne-Juftice , à M. TAnglois Dupré-Morvan ;
le Rocher , moyenne-Juftice , à M. Vincent des Guimerays. Par
a8:e du 20 Février 13^1 , Charles de Blois donna à Etienne Goyon,
4îé PLU
Sieur de Matignon , en récorapenfe de fes fervices , la maîfon de la
Ville-Hamon , avec toutes fes dépendances. La Ville-Robert apparte*
noit , en 1 260 , à Jean de la Ville-Robert j en 1 440 , à Alain de Saint-
Meloir , Sieur de la Ville-Robert : Jean , fon fils , époufa Anne Goy on
de Matignon , l'an 1 5 1 5 : cette Terre a moyenne-Juflice , & appartient
àM. deSaint-Meloir. LechâteaudeGuébriand appartenoit,en 1280,
à Guillaume Budes , Chevalier , Seigneur d'Uzel jSylvelIre , Ton fils,
fut Lieutenant-général, & Gonfalonier de l'iiglife Romaine. Louis,
Duc d'Anjou , frère du Roi , donna , le 29 Août 1372, cent francs
d'or, pour récompenfe, à un autre Sylveflre Budes. Jean & François
furent Ecuyers du Duc de Bretagne ; Bertrand fut Procureur-
général au Parlement 5 & François , fon frère , Maître-d'Hôtel de
la Reine. Jean-Baptifte Budes , né le 2 Février 1602 , de Charles
Budes & d'Anne , Dame de Quatre-Vaux , fut fait Maréchal de Camp
en 1636 : la prife d'Ordingen , dans le pays de Cologne, & le
gain de la bataille du même nom, furent les commencements de la
campagne de 1642 , & méritèrent à Jean-Baptifle Budes, Comte
de Guébriand , le bâton de Maréchal de France , que Louis XÎÏI
lui envoya dans le courant de la même année. Ce Général ne
jouit pas long-temps de cette dignité éminente ; le 7 Septem-
bre 1643 , il affiégea Rotewel , ville Impériale , en Suabe , alliée
des Suiâes ; les Impériaux vinrent au fecours des afîiegés , &
furent vaincus par Guébriand : mais ce Maréchal reçut , dans
le combat, dix-fept coups de fauconneaux, dont il mourut le 17
du même mois , après la prife de la ville j fon corps fut porté à
Paris, ôc inhumé, avec la plus grande pompe , dans l'Eglife de
Notre-Dame , & fon cœur fut dépofé dans l'Eglife des Incurables :
ce Seigneur n'eut point d'enfants de Renée du Bec Crepui , fon
époufe , Dame d'aufïï célèbre famille que Ion mari ; la Cour,
qui connoifToit fes talents , la nomma AmbafTadrice , pour accom-
pagner , en 1645 , Louife-Marie de Gonzague , Reine de Pologne;
c'ell la première femme qui ait été décorée de ce titre : elle mou-
rut le 27 Septembre 1659 , à Périgueux , ville Epifcopale & Ca-
pitale du Périgord : elle avoit été nommée première Dame de la
Reine : fon corps fut mis dans le tombeau de fon mari. Le Ma-
réchal de Guébriand avoit un frère nommé Yves , qui n'eut , de
fon mariage , qu'une fille nommée Renée , qui porta l'héritage de
fa maifon dans celle de Rofmadec, par fon mariage avec Sébaflien,
Marquis de Rofmadec & de Molac , Gouverneur des ville &
château de Nantes , en 165 5 ; cette terre a une haute- Juflice , qui
appartient préfentement à M. Vincent de Guimerais,
PLU 457
La Mettrîe - Martin apparrenoit à René Bédé , Sieur du Bois-
Berand , qui époufa , en i ddd , Françoife Goyon de Vaurouault j
aujourd'hui, à M. Bédé du Bois-Berand , de la même famille. En
1660 , la Ville-Menue, à Jofeph de Lefquen, Chevalier, Seigneur
de la Ville-Menue , aujourd'hui , à M. de Lefquen ; cette terre
a une haute-Juilice , qui s'exerce à Pluduno & à Plancoët : les
autres maifons nobles font ; le Bois-Feuillet , Mont-Plailir , la Gri-
gnardais, Saint-Pere , le Pleffis-Trehen , la Ville-Roux , & la Ville-
Briand. Ce territoire , coupé de ruiffeaux qui vont fe jetter dans
la mer , produit du grain , du foin , du lin , & du cidre.
PLUFFUR ; fur une hauteur j à 7 lieues au Sud - Oued: de
Tréguier , fon Evêché j à 34 heues de Rennes , & à 4 lieues de Lan-
nion , fa Subdélégation & fon reflbrt. On y compte iggo com-
muniants ; la Cure eft à Talternative : Ker-armoux , haute-JufHce , à
M. le Préiîdent le Pelletier^ Pleffis-Eon tk Ker-prigent, moyenne
Juftice , à M. du PlefTis - Quelen ; Guernan - Haftel , moyenne ,
& bafle - Juftice , à N... Le territoire, coupé de ruilTeaux & couvert
d'arbres & de buiffons , produit du grain , du foin , du Hn , &
du cidre ; on connoît , dans cette Paroille , les maifons nobles de
RofambaultjKer-vidonné, & Ker-anroux : cette dernière pafla , dès
l'an 1630, à la famille de Duchâtel Coëtangars.
PLUGUFFAN ; fur une hauteur ; à i lieue trois quarts à
rOuell-Sud-Oueft de Quimper , fon Evêché , fa Subdélégation ,
& fon reflbrt j à 40 heues de Rennes : cette ParoiÏÏe re-
kve du Roi , & compte 1500 communiants : la Cure efî:
préfentée par le Tréforier de l'Eglife Cathédrale. Ce territoire ,
qui ell plein de vallons , eft couvert d'arbres & de buiffons ; il
renferme des terres bien cultivées & fertiles. Les maifons nobles
de Coëtfao , Quernefic , la Boèxiere , & Tremillec , appartenoient,
en 1380 , à René de Tremillec , Sieur de la Boëxiere & de
Tremillec.
PLUHERLIN ; à 6 lieues à l'Eft de Vannes , fon Evêché &
Ibn reflbrt ; à 1 5 Heues de Rennes ; & à 4 Heues & demie de
Redon , fa Subdélégation. On y compte 2000 communiants,
y compris ceux de Rochefort , fa Trêve. La Seigneurie appar-
tient à Madame de Nétumieres : la Cure eft à l'alternative. Cler-
gerel , haute - Juftice j Boturel , moyenne - Juftice j Talhouet ,
moyenne-Juftice , à M. du Bot de la Ville-Pelotte, Cette maifon
4)8 , PLU
fut portée , il y a environ deux cents quarante ans , dans cette
famille , par ïfabeau de Talhouet. Cette ParoifTe fut annexée à
la Menfe capitulaire, par Yves de Pont-Sale , Evêque de Vannes,
en vertu d'une Bulle du Pape Pie II, en date du 7 Oftobre 1452.
La Grationnaye , la Gngnonnaye , Se la Viile-Aubert , font des
maifons nobles. Des terres bien cultivées , des prairies , des lan-
des d'une grande étendue , plufîeurs carrières d'ardoifes dont la
plupart font abandonnées , des arbres fruitiers j voilà à peu près
ce que l'on voit dans ce territoire.
PLUMODANj à 6 lieues au Sud-Sud-Oueft de Saint-Malo,
fon Evêché ; à 9 lieues de Rennes 5 & à 2 lieues de Dinan , fa
Subdélégation & fon refTort. Cette ParoifTe relevé du Roi , &
compte 900 communiants : la Cure ell à l'alternative. Becherel,
haute-Juftice , à Madame de Kerrohan ; Beaubois , haute-Juflice , à
N.... Beaulieu , moyenne-Juftice , à M. l'Abbé de Beaulieu -, Lefgas
& Bois - Thomelin , moyenne - Juftice , à M. de Lanjamet. Ce
territoire , coupé de ruilîeaux qui vont fe perdre dans la rivière
de Rance , offre à la vue une campagne riche , des terres en la-
beur , très-fertiles & très-exaftement cultivées.
L'Abbaye de Notre-Dame du Pont-Pillard , qui ne fubfiile plus ,
fut fondée , l'an 1 1 80 , par Rolland , Vicomte de Dinan , pour des
Chanoines-réguliers de l'Ordre de Saint- Auguftin. L'an 1 182 , l'Abbé
de Saint-Melaine de Rennes , céda l'Eglife de Plumodan à l'Abbaye
de Beaulieu; Aubert , Evêque de Saint -Malo , donna cette
Eghfe à l'Abbaye de Sainte-Marie de Pont-Pillard , & on accorda
à Guyerne , Abbé de Saint-Melaine , la terre de Stephani-Cleriti,
pour l'indemnifer de cette çeffion. Cette difpofition fut encore
changée dans la fuite, &, l'an 1284 , cette Eglife fut remife à
l'Abbaye.
L'an 134^, Geoffroi Leveyer & Jeanne , fon époufe , fondèrent
un Hôpital au territoire de Tremeur , pour quatre Frères de Sainte-
Croix , de l'Ordre de Saint-Auguftin ; ils leur afTignerent trente
mines de froment , de rente , fur le fromemage de la ParoilTe de
Plumodan , qui pafTe pour être très-ancienne.
La maifon Seigneuriale de l'endroit eft le château de la vallée
de Plumodan, qui appartenoit, en 1400, à Olivier de la Motte,
Chevalier , Seigneur de Plumodan; en 1680, à Jean-Georges de
la Motte , qui époufa Françoife de Becdelievre. Cette terre a
haute , moyenne , & baffe-Juftice , & appartient à Madame de
Marniere, Les autres maifons nobles qui exilloient en 1 400 : font
PLU 439
la Roche , poffédée par Jean de Partenai ; la Haterie , à Mahé
de la Vallée ; la Pignonnayc , à Guillaume de la Vallée ; le Lecs ,
à Jean Recourfe j le Quilly , à Raoul de la Mouffaye ; la Gau-
deyfier , à Eudes de la MoufTaye -, les Touches , à Jean le Bouri-
chon j le Péern , à Pvaoul de Trehiou : la Gouffaye , le Temple ,
ia Martinaye , les Epinayes , la Touche , & Qu'eneleuc , à N. . , ,
PLUMAUGATj à lo lieues au Sud-Sud-Ouefl de Saint-Malo,
fon Evêché j à 9 lieues de Rennes ; & à 3 Heues & demie dç
Montauban , fa Subdélégation. Cette ParoilTe refTortit à Ploer-
mel, & compte 1500 communiants : la Cure eft à l'alternative.
Outre la haute - Juitice de Plumaugat , qui appartient à M. de
Bruc , il s'exerce encore cinq baffes - Juffices dans ce territoire ,
lequel ei\ arrofé des eaux de la Rance , &: efl fertile en grains , lin ,
ôc foin ; c'eff un pays couvert d'arbres , fur-tout de pommiers.
Les landes qu'on voit dans cette Paroiffe ne font que trop étendues,
& pourroient être mieux employées. L'an 1370, Cafo de Plumau-
gat & Macé de Plumaugat étoient compagnons d'armes de Bertrand
Duguefclm , Connétable de France. En 1420 , le manoir de
Saint-Malo appartenoit au Vicomte de Rohan ; Malleville & la
Porte-Bregaut , à Alain Gombert ; le GouHc , à Jean du Rocher:
la Ville ou Vieille-Court , ancien manoir connu dès le douzième
îiecle, en 1420, à Guillaume de Guengo ; la Ville-Jarno , aufîi
ancien que le précédent, à Alain Beyleve : la Garoulaye, à Jean
Duguin ; la Ville-Nart , à Olivier Brunard : Morfouace , en 1230,
à Jacques Picaud , & en 1420 , à JeanPicaud ; la Ville-Bouquaye ,
en 1200, à Jean Dequelan , & en 1420, à Jean Dequelan, de la
même famille : le Boucat , à Jean Thebaud : le Clos-Avart , en
1260, à Jacques Avart , & en 1420, à Jean Avart : Guehéon ,
à Guillaume du Houlle ; le Clos, à la Dame du Closj Querhéon,
à Pierre Duguin ; le Rouez-Ouze , à Guillaume Perrotin -, le Bois-
Helio , à Jean du Bois-Jagu : le château du Lozier eu plus moderne,,
il appartient à M. du Bois-Huë Guehenneuc : le moulin du Temple,
fur la rivière de Rance , appartient à la Commanderie de la Guer-
che , de l'Ordre de Malte.
PLUMELEC ; fur une hauteur ; à 4 lieues & demie au Nord-
Nord-Efl de Vannes , fon Evêché j à 1 7 lieues de Rennes ; &
à 3 Heues & demie de Joffehn , fa Subdélégation. Cette Paroiffe
reffortit à Ploermel, & compte 2000 communiants , y compris
ceux de Saint-Aubin, fa trêve : la Cure eft préfentée par ks
440 _ ^ PLU
Religieufes du Prieuré de Locmaria , iitué dans ce territoire. Ce
Prieuré dépend de TAbbaye de Saint-Suipice , Ordre de Saint-
Benoît , Evêché de Rennes. Le 15 Avril 1400, N... de Coèt-
quen. Prieure de Locmaria , rendit aveu au Seigneur de Rohan,
& cet aveu fut approuvé par Jeanne , AbbeiTe de Saint-Sulpice.
Cadoudal , haute , moyenne & balTe-Juftice , à Madame de Mar-
bœuf. Un Chevalier de cette famille prit le parti du Comte de
Montfort contre Charles de Blois. Montfort , qui l'eflimoit , le
fit Gouverneur de Hennebon. La Forêt , haute, moyenne ôc
baffe- Juilice ; Callac, haute , moyenne & baffe-Juftice , à Madame
de Marbœuf; Treganteur , haute, moyenne & baffe-Juftice , à
M. de la Viile-Bouquai. Ce territoire , arrofé des eaux de la ri-
vière de Claye , offre à la vue des terres bien cultivées , des
prairies , des bois , des arbres à fruits , & des landes.
PLUMÉLIAU j fur une hauteur j à 8 lieues au Nord-Nord-
Oueft de Vannes , fon Evêché j à 2 1 lieues de Rennes ; & à 3
lieues de Pontivi , fa Subdélégation. Cette Paroiffe reffortit à
Ploermel, & compte 3 500 communiants , y compris ceux de Saint-
Nicolas-des-Eaux , fa trêve : la Cure eft à l'alternative. La haute-
Juftice de Talavern s'exerce à Saint-Nicodême. Ce territoire , borné
à l'Efl: par la rivière d'Evelle , & à l'Oueft par celle de Blavet ,
efl encore coupé de ruiffeaux qui arrofent & fertilifent les prai-
ries qui font fur leurs bords. On y voit , en outre , des terres
bien cultivées , des arbres fruitiers , des landes très-étendues , &
le bois de Queue , qui peut avoir deux lieues de circuit : ce
bois fervoit jadis de retraite à des troupes de voleurs qui infef-
toient ce canton. Le manoir de la Ville -Nelle appartenoit, en
1250, à Alain, Vicomte de Rohan. En 1420, Ker-méno ap-
partenoit à Thébaud de Kerméno j Taluern , à Jean Thomelin j
Ker-efperlan , à Olivier AUonet j Ker-Jacu , à Jeanne Dupont j
Bot-Bézouj à Guiilaum'e Maillard.
PLUMELIN ; à 5 lieues au Nord-Nord-Ouefl de Vannes, fon
Evêché; à 20 Heues de Rennes ; & à 5 lieues & demie de Pontivi ,
fa Subdélégation. Cette Paroiffe reffortit à Ploermel, & compte
1700 communiants : la Cure eff à l'alternative. Des ruiffeaux,
des terres en labeur , des prairies , des arbres fruitiers , & des
landes ; voilà ce que ce territoire offre à la vue. La maifon
noble de Ker-bourlec eft à peu de diftance du bourg. L'an 1296,
Henri de Kergouet vendit à Alain , Vicomte de Rohan , tous fes
biens
PLU 441
biens Se la rente, appellce trevijîere , qu'il avoit dans la Pa-
roiiïe de Plumelin. En 1430, le manoir de Ker-légou apparte-
noit à Jean de la Ville-Audren.
PLUMERGAT ; à 3 lieues au Nord-Oueft de Vannes, fou
Evêché j à 22 lieues de Rennes j & à 2 lieues d' Aurai, fa Sub-
délégation & fon reflbrt. Cette ParoifTe relevé en partie du
Roi , & en partie des Carmes de Sainte- Anne , à caufe du fief
de Bojulte. On y compte 1700 communiants, y compris ceux
de Meriadec , fa trêve : la Cure efl: à l'alternative. Il s'exerce
deux hautes-Juftices dans le bourg du lieu. Ce territoire eft un
pays plat , coupé de ruifîeaux & arrofé des eaux de la rivière
d' Aurai. On y voit des terres en labeur , des prairies , des arbres
fruitiers, & des landes. Les maifons nobles: en 1430, Ker-guil-
lau , à Jean d' Aurai , Sieur de Kermadec j Coetin , à Jean le
Guernj Leymer, à Jean le Harfcouètj & Ker-lan, à Thébaud
de Kerveno. "*
PLUMIEUX ; fur une hauteur ; à 9 lieues un tiers au Sud-
Sud-Eft de Saint-Brieuc , fon Evêché 5 à 15 lieues de Rennes;
& à 5 Heues de JolTelin , fa Subdélégation. Cette ParoifTe , dont
la Cure eft à l'alternative , reffortit à Ploermel , & compte 3700
communiants. Ce territoire , coupé de ruifTeaux qui vont fe
perdre dans la rivière du Lié , offre à la vue des terres en labeur ,•
des prairies , des arbres fruitiers , & des landes qui paroifTent mé-
riter les foins du cultivateur. La Trinité , haute , moyenne &
LafTe-Juftice ; la Cheze , haute , moyenne & baffe- Juftice , à
M. le Duc de Rohan ; Cambout , haute , moyenne & baffe-
Juftice , à M. le Prince de Lambefq ; Coètlogon , haute , moyenne
& baffe-Juftice , à Madame de Carné ; Saint-Lau , haute , moyenne
& baffe-Juftice , à M. le Prieur de Saint-Lau.
Par accord fait en 1280, le Vicomte de Rohan donna à
Thomas de Chemillé la Terre de la Rivière , avec toutes fes
dépendances, fituée en la paroiffe de Plumieux. En 1500, le
manoir de la Couet & celui de la Ville-Eonet appartenoient à
Jean de la Vallée ; la Châtaigneraye, à Louife le Cointe j le Gué-
de-l'Ifle , à François de la beiilé & à Demoifelle Cyprienne de
Rohan i le Cambout & le Bofq, à Jean du Cambout; le Bois-
Courtel, à Jean de Pongréalj la Noë & Bordeleus, à Antoine
Folliart ; Kerbu , à Alain de la Vallée ; Belle-vue , à Gilles
Chauffon ; & la Barre, à Pierre Bodegaft/
Tome IIL K 3
44^ ^ PLU
PLUNERET ; à 3 lîeues à l'Oueft-Nord-Ouefl de Vannes ,
fon Evêché i à 23 lieues de Rennes j & à un tiers de lieue d' Aurai,
fa Subdélégation & fon reffort. Cette Patoifle relevé du Roi , èc
compte 2000 communiants : la Cure eft à l'alternative. Ce ter-
ritoire eft un pays couvert, où l'on voit des terres en labeur,
des prairies , & des landes.
Pluneret eft un lieu célèbre depuis le rétablilTement de la Cha-
pelle de Sainte- Anne , mère de la Sainte Vierge j au village de
de Ker-anna. Cette Chapelle, bâtie dès les premiers temps de
rétablilTement du chrilHanifme dans l'Armorique , avoit été dé-
truite Se ruinée par les Normands , dans le huitième ou le neu»
vieme fiecle ; mais les payfans de l'endroit confervoient , par tra-
'dition , le fouvenir de la dévotion pratiquée par leurs ancêtres,
d'autant plus facilement que leur village , nommé Ker-anna , leur
rappelloit fans celTe à la mémoire le nom de leur Patrone. L'exif-
tence & l'antiquité de la Chapelle font d'ailleurs prouvées par la
dépolition d'Yves Nicolaiîc , laboureur, du village de Ker-anna,
& inventeur de l'image miraculeufe de Sainte Anne ; dépofition
fondée fur la révélation que lui en fit l'aïeule de Jefus-Chrift ,
elle-même. Les révélations & les vifions de cet honnête & ver-
tueux agriculteur fe trouvent détaillées fort au long dans un petit
livre intitulé , la gloire de Sainte Atine , fait par un Jéfuite de la
Maifon de Vannes, imprimé en 1682, & très -connu dans la
province. Nous y renvoyons le lefteur pour ce qui concerne
les apparitions de Sainte Anne, fes converfations avec Nicolafic,
& autres miracles dont cette invention fut précédée , & qui
ne font point de mon fujet j je paflerai à la découverte de ri-
mage , à l'étabHfTement de la Chapelle & de fon culte.
Ce fut le 7 Mars 1625 , que le bon Nicolafic , déjà averti
par la Sainte , depuis près de deux ans , de l'exiftence de cette
image , rebuté par fon Refteur , contrarié par les RR. PP. Ca-
pucins d' Aurai , qu'il avoit consultés j & traité de fou &. de vi-
fionnaire par tous ceux auxquels il s'étoit adreffé , pour la conf-
truftion de la Chapelle qu'il lui étoit ordonné d'édifier , prit enfin
la réfolution de céder aux impulfions divines , & fe rendit , ac-
compagné de quatre voifins , & précédé d'une lumière miracu-
leufe , au champ nommé le Bocennu, Quand ils y furent arrivés,
la lumière s'arrêta fur un certain endroit , fit trois fauts , & dif-
parut. Nicolafic ayant dit à un de fes compagnons de fonder
le terrein, celui-ci n'eut pas plutôt donné quatre à cinq coups
de pelle qu'il fentit de la réfiilance. On alla chercher un cierge
PLU . 44î
bénît , à la lueur duquel on découvrit une ftatue demi-pourrie , c-c
fî défigurée que l'on ne fçavoit ce que c etoit. Cette ftatue fut
appuyée fur le prochain folié , & , dès le lendemain , la découverte
devint publique. La populace , dévote & curieufe , vint en foule
y faire fes prières & y répandre fes offrandes, & dès les cinq &
fîxieme jours, on vit des pèlerins y accourir en fi grand nombre,
qu'un des coopérateurs à l'exhumation de l'image , crut devoir
mettre à fes yeux un efcabeau & un grand plat d'étain , pour re-
cueillir les offrandes. Tel fut l'autel fur lequel l'image de la Sainte
fut long -temps expofée au culte & à la vénération des fidèles :
le Refteur de Pluneret , toujours incrédule , inflruit de ce qui
fe paffoit , envoya fon Vicaire pour s'oppofer à la nouveauté :
le Vicaire , dans les mêmes principes , renverfa l'image , jetta ,
d'un coup de pied ^ le plat & les offrandes , maltraita Nicolafic ,
Se gourmanda les pèlerins fur leur fuperflitieufe dévotion -, mais il
en porta bientôt la peine, ainfi que le Refteur : quant à Nicolafic,
fans fe troubler & fans rien répliquer , il releva l'image & recueiUit
l'argent qu'il garda avec fidélité. Les chofes reflerent en cet état
jufqu'au 3 de Mai , que les payfans de Ker - anna , voyant
î'aifluence des pèlerins qui augmentoit de jour en jour , lui dref-
ferent une cabane couverte de genêt. Cependant , Sébaflien de
Rofmadec , Evêque de Vannes, inflruit de ce qui fe paffoit , fit
interroger , par des Prêtres , des ReHgieux , & des Magiflrats , Se
interrogea lui-même le bon Nicolafic , dont la franchife , les ré-
ponfes conflamment uniformes & fages, furprirent & convainquirent
les interrogateurs. Après tous ces examens , l'honnête vieillard reçut
enfin la permifîion de bâtir une Chapelle j en attendant, il fit un
Oratoire en planches , dans lequel on célébra la Meffe , le jour
que la première pierre fut pofée au nom de l'Evêque -, c'elf-
à-dire , le propre jour de Sainte Anne, 1625. On affure qu'il fe
trouva trente mille âmes à cette cérémonie; les offrandes, que
l'on évalue, depuis l'invention jufqu'à cette époque , à près de 40CQ
écus, & qui fe foutinrent toujours, mirent cette Chapelle en état
cl'être bientôt finie, & les RR. PP. Capucins la defl'ervirent pen-
dant près de deux ans ; mais comme ce maniement d'argent ne
s'accordoit pas avec leur inltitut , on y fit venir des Rehgieux
Carmes réformés, qui prirent pofïèfllon du fanftuaire le 21 Dé-
cembre 1627. L'affluence des pèlerins, preuve vifible de lafainteté
du lieu , s'y eu toujours foutenue , & leurs libéraHtés ont mis les
Religieux en état de changer la Chapelle en une très-belle Eghfe,
très-riche j Se très-bien décorée. Les murs font couverts d'une infinité
444 PLU
d'ex Voto^ tribut de la reconnoiflance des fidèles , & témoignage
non-fufpeél de la quantité des miracles qui s'y font opérés jour-
nellement. Le tréfor de la facriilie eil rempli de reliques & autres
préfents faits à l'Eglife , parmi lefquels le plus précieux & le plus
remarquable eil une relique de Sainte Anne, donnée, en 1639,
par Louis XIII , pour l'accomplilTement d'un vœu fait par la Reine ,
& auquel ce pieux Monarque attribua la naifTance, du Dauphin,
depuis Louis XIV : elle fut préfentée par l'Evêque de Vannes &
parle Préfidialde la même ville, & portée proceiTionneliement,
dans le plus grand appareil, d'Aurai à Sainte-Anne.
Je fuis bien perfuadé que les efprits forts du fiecle vont me
traiter comme on traita le bon vieillard Nicolafic , & tourner
en ridicule le férieux de cette hilloire. Que m'importe ? La vé-
rité n'en paroîtra pas moins belle aux yeux de ceux qui l'aiment ,
& les fuffrages des âmes pieufes & honnêtes me dédommageront
amplement des farcafmes d'une philofophie infenfée. Les faits que
je viens de rapporter font encore récents , & les preuves en font
évidentes & nombreufes. La Bretagne entière a été témoin des
miracles multipliés qui s'y opèrent j & , fî parmi ceux qu'on pu-
blie & qu'on a publiés , il s'en trouve quelques-uns qui pa-
roiffent très-douteux , il n'ell: pas moins certain qu'on ne peut
raifonnablement & fans injuftice , nier la certitude d'un grand
nombre d'entr'eux, atteftés par des perfonnes éclairées & di-
gnes de foi.
La maifon des Religieux eil: très-grande & très-commode , mais
fans magnificence. L'enclos & les jardins très-vaftes , parfaitement
bien entretenus , offrent les promenades les plus agréables & les
plus diverfifiées. Les environs , remplis de marais & trop couverts
de bois , ont rendu long-temps le lé jour mal-fain , & il y a ap-
parence que l'on ne connoiffoit pas le principe du mal , puif-
qu'on n'y apportoit pas de remède. Enfin , les efprits fe font
éclairés , & l'on s'efl: emprefle de détruire cette fource de ma-
ladie. On a defféché des marais , on a coupé & élagué des
bois , & cette double opération a rendu l'air falubre & le fé-
jour agréable. Il s'en efi: fuivi un autre bien , les Religieux ont
pris du goût pour les défrichements , goût utile & par la quan-
tité de manouvriers qu'il fait vivre & par les produ6lions de
ce terroir fi long-temps inculte j enfin , des terreins qui fans lui
feroient encore des cloaques , commencent à prendre figure de
campagne , & à rembourfer les Rehgieux des avances qu'ils ont
faites. Je rendrai juftice aux Pères Carmes , en difant que leur
PLU 445
maifon réunit à tant d'avantages une décence & une honnêteté
qui la rendent auffi refpeftable quelle ell délicieufe : aufTi eil-
elle le féjour le plus ordinaire des Provinciaux. Si la charité des
Fidèles a fait, dans le principe, toute leur fortune , & contribue
encore à leur aifance , ils n'en font point ingrats ; ils fçavent ren-
dre aux pauvres une grande partie de leur fuperflu ; mais leurs
aumônes faites avec connoiflance de caufes , & diflribuées fans éclat
par les mains des Relieurs des Paroiffes voiiines , foulagcnt ceux
à qui elles font deilinées , fans devenir la proie de ceux qui peu-
vent travailler & auxquels on fournit de l'ouvrage. Il s'efl: formé ,
autour de ce Monaftere , une efpece de bourgade de merciers ,
qui ne laiffent pas que de faire un débit afTez confîdérable de
joujoux d'enfants & de bagues de verre, qu'ils tirent deSaumurj
mais les deux articles de plus grande confommation font les cha-
pelets & les fcapulaires.
En 1 300 , les manoirs de Ker-jouan & de Ker-ambaz , à N... de
Couzquet : en 1 400 , Talhouet , à Jean Dufl: ; le Leftai , à Henri
le Parify j Ker-audren, à Olivier de Keraudren : en 1530 ,
CoefTal , à Alain de CoefTal ; Ker-morinant , à Gilles Perro ;
Ker-madio , à Gilles d' Aurai ; Ker-feyghant , à Raoul de Ker-
guyris.
PLURIEN ; fur une hauteur -, à 6 liei s à l'ElVNord-Eft de
Saint- Brieuc , fon Evêché j à 17 lieues de Rennes ; & à 4 lieues
de Lamballe , fa Subdélégation. Cette Paroiffe reifortit à Jugon ,
& compte 600 communiants : la Cure efl: à l'alternative. Ce ter-
ritoire eil borné au Nord par la mer , qui couvre de fes fables
une grande partie du terrein , à l'endroit qu'on nomme la Bow
che-d'Erquy, le reile eft fertile en grains cie toutes efpeces. La
Vigne , moyenne- Juftice , à M. de Beaucours ; la Ville-Roger ,
moyenne- Juilice , à M. des Cougnets de l'Hôpital ; le Bois-Ri-
peaux, moyenne - Juftice j & Salle - Pique , moyenne -Juftice, à
N.... La maifon noble du Lehen appartenoit , en 1 400 , à Pierre
de Tremereuc , Chevalier , Seigneur du Lehen. Bertrand , fon fils ,
époufa Jeanne de Ploeuc en 1442; cette Terre a une haute-Juf-
tice qui appartient à M. de Tremereuc , de la même famille , qui
poflede aulfi le Pont-Joli , avec moyenne-Juftice,
PLUSQUELEC i à 14 lieues au Nord -Eft de Quimper,fon
Evêché ; à 29 lieues de Rennes j & à i Heue de Callac , fa
Subdélégation. Cette Paroifîe relevé du Roi , & reffortit à Carhaix ;
446 PLU
elle compte 3(300 communiants, y compris ceux de Botmel Ôc
de Callanhuel , fes trêves : la Cure eft à l'alternative. La haute ,
moyenne & bafTe-Juftice de Coetléan appartient à Madame du
Loch. Ce territoire , plein de vallons & de monticules , borné
au Sud par la rivière d'Hiere , offre à la vue des terres en la-
beur , des prairies , des arbres fruitiers , & des landes. La Sei-
gneurie de la Rivière appartenoit jadis à Olivier du Gourvinec,
Capitaine des Gardes du Duc de Bretagne , Jean IV , il époufa
Marguerite de Maleftroit, &: mourut en 1403.
PLUSSULIEN; à 18 Heues à l'Eft-Nord-Eft de Quimper, fou
Evêché i à 23 heues de Rennes ; & à i heue de Corlai , fa Subdé-
légation. Cette Paroiffe reffortit à Ploermel , & compte 1300 com-
muniants : la Cure ell à l'alternative. Des terres en labeur , des prai*
ries, & beaucoup de landes j voilà ce que renferme ce territoire.
PLUSUNET j fur une hauteur -, à 4 Heues au Sud-Sud-Ouell de
Tréguier, fon Evêché j à 30 lieues de Rennes j & à 3 heues de
Lannion , fa Subdélégation & fon reffort. On y compte 1800
communiants r la Cure eft à l'alternative. Le Roi y poffede plu-
sieurs fiefs. Le château de Coetnizan , avec haute-Jullice , ap-
partenoit, en 1286, à Alain, Chevalier , Seigneur de Coetnizan j
il paffa enfuite à Jean de Kerprigent, qui le poffédoit en 1450:
Jean, fon petit-fils, époufa, en 1509, Catherine de Guébriand j
Pierre , petit-fils de ce dernier, fe maria, en 1565 , à Denife
Luday , de la maifon de Goazirec -, celui-ci eut un fils auquel il
donna les dîmes appellées grandes dîmes de Coemifan , dues par
les habitants de Plufunet à la Seigneurie de Coetnifan. Ce châ-
teau , qui pafie pour un des plus beaux de la province , appartient
préfentement à M. de la Bourdonnaye de Mont-Luc. Ce territoire
renferme- des terres en labeur, & beaucoup de landes dont o»
pourroit tirer un meilleur parti..
PLUVIGNER j à 5 lieues à l'Oueft-Nord-Ouefl de Vannes^
fon Evêché; à 23 lieues de Rennes ; & à 2. lieues d'Aurai , fa
Subdéiégation &: fon reffort. Cette Paroiffe eft une ancienne
Châtellenie , qui relevé du Roi , & compofe l'ancienne Baronnie
de Lanvaux : on y compte 4000 communiants j la Cure eft à l'ai-
ternative. La Haye de Lanvaux , haute , moyenne & baffe-Juf^
tice , aux Rehgieux de l'Abbaye de Lanvaux 1 Pluvigner, haute,,
idoyemie &baffe-Juftice j Ker-ambourg, haute , moyemie é. baiTe-
P L U= P O I 447
Juflice ; le Val , haute , moyenne & bafTe-Jufllce , à M. le Pré-
iîdent de Robien. En «320 , Hervé de Léon poffédoit la Rue de
Lohéac , avec fon Parc & le fief de Guemené-Thebaë , qui avoit
étang & moulin, le tout fîtué dans cette Paroifle : en 1420, le
manoir de Ker-bâtard appartenoit à Guillaume de Keroualan j
Ker-ofen , à Jean de Coetmagoer j Ker-onnic , à Henri de Lau-
nay ; Ker-yangun , à Alain Talhouet ; Jégado , à Guillaume de
Jégado j Botevens , au Sieur de Peillac : le château de Moncaii
appartenoit , en 1480 , à Jean Morin , qui comparut , en 1492 , à
l'arriere-ban de Languedoc ; Jean Morin , un de fes defcendants ,
fut Gentilhomme ordinaire de la chambre & Maître-d'Hôtel du Roi
Louis XIIL Ce territoire eft arrofé des eaux de la rivière d' Aurai j
c'eft un pays plat , où l'on voit des terres bien cultivées , des pâ-
turages excellents , & des arbres à fruits pour le cidre.
POCÉ ; dans un fond , au bord de la rivière de Vilaine ; à 7
lieues àl'Eft de Rennes, fon Evêché & fon relTort ; & à trois quarts
de lieue de Vitré , fa Subdélégation. On y compte 600 commu-
niants : la Cure elt préfentée par lAbbé de Saint - Melaine de
Rennes. Le territoire offre à la vue des terres en labeur , des
prairies , & des arbres fruitiers ; c'eit un terrein couvert. Il s'exerce
une moyenne-Juflice dans le bourg. Le château de Gazon appar-»
tenoit , en 1408 , à Raoul Buflbn , Chevalier , Seigneur de Gazon,
Chambellan du Duc Jean V , & Capitaine de Rennes , lequel eut
un bras coupé en défendant fon Maître , lors de l'attentat des
Penthievres , qui firent ce Prince & fon frère Richard prifon-
niers , au Pont de la Tourbade , le 13 Février 141 9. Lorfque le
Duc fut forti de prifon , il donna à Raoul BufTon une rente de
500 liv. à prendre fur les domaines de Bretagne.
POILLEY ; fur une hauteur; à 11 lieues au Nord - Efl de
Rennes , fon Evêché ; & à 3 lieues de Fougères , fa Subdélé-
gation & fon refîbrt : cette Paroiffe relevé du Roi , & compte 1 000
communiants. La Cure efl préfentée par l'Abbé du Mont Saint-
Michel. Des coteaux , des vallons , des terres très-bien cultivées ,
des arbres fruitiers , & autres : voilà ce que ce territoire préfente à
la vue. L'an 1050, Maine, Evêque de Rennes , donna l'Eglife de
Poilley à l'Abbaye du Mont Saint-Pviichel , & , Tan 1 1 1 9 , Guil-
laume Epine donna le droit de Patronage de cette Paroiffe à
la même Abbaye -, depuis ce temps , les Moines en ont toujours
été les Relieurs & les Préfentateurs depuis que les Cures font
44» PO L = POM
gérées par des Prêtres féculiers. La terre & Seigneurie de Poilley
fut érigée en Comté , l'an i6}6 , en faveur de Julien de Poilley.
POLIGNÉ j fur une hauteur , & fur la route de Rennes à Nantes ;
à 5 lieues & demie au Sud de R ennes , fon Evêché , fa Subdé-
légation , & fon reffort. On y compte i loo communiants : la
Cure eft à l'alternative. Au mois de Juillet 1304, Robert Ra-
guenel , Chevalier , Seigneur de Châtel-Ogé , donna les dîmes
qu'il polTédoit dans la ParoiiTe de Poligné , au Chapelain de Notre-
Dame du Pilier , qu'il venoit de fonder dans l'Eglife Cathédrale
de Rennes : à un demi-quart de lieue au Sud du bourg de Po-
ligné , eu une colline appellée le Tertre-gris , au bord de la rivière
de Semnon. Quelques Naturalillies prétendent qu'il y eut jadis un
volcan dans cet endroit ; mais , félon toutes les apparences , ils
fe trompent , puifque aucun Hiilorien n'en a fait mention. On
trouve fur cette colline des pierres noires qui peuvent fervir de
crayon , & d'autres pierres de couleur de chair , les unes molles
& les autres dures , qui refTemblent alTez au tripoli. Celles qui
font dures , rendent un fon égal à celui que rend la tuile bien
cuite. Les Naturalises , qui ont examiné ces différentes pierres
dans l'endroit , ont cru y reconnoître l'organifation végétale , &
ont décidé que cette matière provenoit d'une grande quantité
d'arbres engloutis en cet endroit ; quoi qu'il en foit, ces pierres
font mêlées à une terre dans laquelle il fe trouve du foufre , dont
elle a la couleur , Se des rochers parmis lefquels font des grès
feuilletés comme de l'ardoife fauife. La colline du Tertre peut
avoir quatre cents foixante toifes de longueur , fur deux cents
foixante pieds de hauteur , depuis fon fommet jufqu'au bas de la
petite prairie dans laquelle eft le lit de la rivière.
Poligné , Baronie , haute , moyenne & baffe-Juftice , à M. de
la Bourdonnaye de Mont-Luc ; la Jurifdiftion du Sel-des-Monts , â
N.... Les maifons nobles font : le Chêne-Blanc , à M. le Coriîn j
Chante - Loup , à M. de la Grignonnais ; Coutance , à M. du
Bois, Médecin -, la Marche , à M. du Bois-Hamon. Des vallons,
des coteaux , des terres bien cultivées & fertiles : voilà ce que
ce territoire préfente à la vue»
POMMELEUC; dans un fond j à 19 lieues au Sud-Oueft de
Saint-Malo , fon Evêché ; à 1 5 Heues de Rennes j & à i Heue
de Joffehn , fa Subdélégation. Cette ParoifTe , qui eft une Com-
nianderie de l'Ordre de Malte , reifortit à Ploermel , & compte
P O M 449
250 commnmants ': la Cure eft prcfentée par l'Abbé de Saint- Jean
des Prés : il s'exerce dans l'endroit une moyenneJuftice , qui rel-
fortit au Comté de Joffelin. Le territoire , qui eft peu étendu ,
plein de vallons & de coteaux , eft borné , au Nord , par la forêt
de la Noué ; on y voit des terres bien cultivées , quelques petites
landes , & des arbres à fruits.
POMMELVEZ 5 à huit lieues au Sud de Tréguier , fon Evêché ;
à 2(5 lieues de Rennes j & à 3 lieues & demie de Guingamp , fa
Subdélégation : cette ParoifTe reffortit à Lannion , & compte
900 communiants. La Cure efl préfentée par le Commandeur du
Paraclet , Ordre de Malte , Seigneur de l'endroit , où il pofTede la
Commanderie de la FeuiUée , avec haute- Juftice , qui s'exerce à
Callac. Ce territoire oftre à la vue des terres bien cultivées , des
prairies , & des landes : le château de Coatcoureden , haute-JulHce.
POMMERET ; dans un fond ; à 2 lieues de Saint-Brieuc , fon
Evêché j à 18 lieues de Rennes , fon reffort j & à 2 lieues & demie
de Moncontour, fa Subdélégation. On y compte 500 communiants;
M. le Duc de Penthievre en efl le Seigneur : la Cure ell à l'al-
ternative. Ce territoire , qui ell couvert d'arbres & de buiiïbns ,
renferme des terres en labeur, fertiles en grains & lin , des prairies,
& des landes très-étendues. Ourxigné , moyenne- JulHce j Limoelan,
moyenne -Juftice, qui s'exerce à Sainte-Anne; Carlan, moyenne-
Juftice , idem , à M. le Noir de Carlan.
POMMERIT-JAUDÎ ; dans un fond , fur la route de Pontrieux
à la Rochederien ; à i lieue de Tréguier , fon Evêché ; à 30 lieues
de Rennes; & à i lieue tk un quart de Pontrieux ,faSubdélGgation.
Cette ParoifTe reflbrtit à Lannion , & compte 1 500 communiants:
la Cure eft à l'alternative. Le territoire renfermiC des terres en
labeur , & quelques petites landes. La maifon de Rocumelen ap-
partenoit , en 1370 , à Yves , Chevalier , Seigneur de Trogoff &
de Rocumelen: Ker-faliou étoit pofTedé , dans le même temps,
par Rolland de Kerfaliou , compagnon d'armes de Bertrand Du-
guefchn , Connétable de France : cette maifon a produit des
hommes très-diftingués.
POMMERIT-LE-VICOMTE; à 4 lieues un quart au Sud-Sud-Ell:
de Tréguier, fon Evêché; à 26 lieues de Rennes ; & à i heue
& demie de Guingamp , fa Subdélégation, On y compte 2700
Tome IlL L 3
45© POM = PON
communiants f M. le Duc de Lorges en eft le Seigneur , & , en
Cette qualité , préfente la Cure , qui eft un Patronage laïque. La
Seigneurie du lieu eft une ancienne Bannière , qui , dès le dou-
zième {iecle , appartenoit aux Seigneurs du Châtelier. En 1451
& 1455 , Jean du Châtelier, Vicomte de Pommerit , affilia , en,
qualité de Ciievalier Banneret , aux Parlements généraux , tenus
par le Duc Pierre II. Cette Terre a une haute - Juftice qui ap-
partient à M. le Duc de Lorges. La Seigneurie de Montafilan
a pludeurs fiefs dans ce territoire , dont le terrein, plat & couvert,
ell: abondant en grains , foin , lin , & fruits -, les bois & les lan-
des de Pommerit font fort étendus. En 1500, le manoir de Ker-
millon appartenoit au fieur du Champ , Garde naturel du Vicomte
de Pommerit , fon fils. Le Refte-meur , aujourd'hui le Remeur , à
Jean de la Lande ; Ker-gongar , à Vincent le Charpentier ; Ker-
venon, à Pierre Poences ; le Mouldan, au fieur du Vieux-Châtel ;
Ker-brelTellec , à Yves le Roux -, Bugily , à Jeanne le Roux ; le
Rofmeur-en-Moifan , & Refmeur-en-Pellec , à Robert le Borgne,
Ker-boufTa , à N. . . .
PONT - CHATEAU ; gros Bourg, fur la route de Nantes à
Vannes j à 10 lieues à l'Oueft-Nord-Ouefi: de Nantes, fon Evê-
ehé & fon reflbrt ; & à 1 8 lieues de Rennes. On y compte 4000
communiants , y compris ceux de Sainte-Reine , fa trêve : la Cure
efl: à l'alternative. On trouve à Pont-Château une Subdélégation ,
& un marché tous les Lundis ; c'efi: une Seigneurie confidérable,
qui envoie aux États , comme Baronnie , mais elle n'a qu'une feule
voix avec le Seigneur de Pont - Labbé. Pont - Château , haute-
JulHce , à M. le Comte de Menou , Seigneur de l'endroit , & Lieu-
tenant de Roi à Nantes : le Crevi , moyenne & baffe-JulKce , à
M. le Sénéchal de Ker-guifé ; Langle-Ruine , moyenne & baffe-
Juilice , à M. Charette de la Colmiere.
L'an 1050, Jarnogan, Seigneur de Pont-Château, fit une do-
nation au Prieuré de Saint -Cyr de Nantes, connu aujourd'hui
fous le nom de Saint-Léonard.
Benoît , Evêque de Nantes , donna , en 1080 , TEglife de Pont-
Château au nommé Rodoald , avec tous les droits qu'il avoit dans
cette ParoilTe , malgré la défenfe du Concile tenu à Rome en
1049 5 lequel défapprouve & condamne des donations femblables,
faites à des laïques. Rodoald , étant tombé malade , eut envie de
fe faire Moine , félon la folie du temps , dans l'idée que cela
feul fuffiroit pour expier toutes les fautes qu'il avoit pu faire 5
PON 451
maïs comme il falloit beaucoup d'argent pour avoir la contola-
tion de mourir avec un froc , il n'eut d'autre parti à prendre que
celui de donner Ton Eglife de Pont-Château à l'Abbaye de 'Vîar-
moutier. On ne refula pas fon préfent , 6c le capuchon monacal
lui fut fur le champ accordé. De pareilles bévues peignent très-
bien les mœurs de ces temps d'ignorance , & nous montrent juf-
qu'où peut aller une aveugle cévotion. Rodoald avoir une femme,
& un fils à la mamelle , & il aima mieux laiffer ces deux foi-
bles créatures dans la plus afFreufe indigence , que de mourir hors
du cloître ; il fe contenta de les recommander à Benoît , Evêque
de Nantes , fon bienfaiteur , qui eut lui-même la foiblefle de
confentir à cette donation infenfée Se cruelle. Dès que Rodoald fut
mort, Bernard, Abbé de Marmoutier, fe rendit à Nantes, chez
les Moines de fon Ordre , qui y demeuroient alors , dans la Paroifle
de Sainte-Radegonde ; l'Evêque Benoît , ayant appris l'arrivée de
cet Abbé , lui parla , & l'engagea à pourvoir au befoin de la veuve
& du fils du donateur ; mais celui-ci le refufa , & dit très-pofitive-
ment & très-monaflïquement , qu'il n'en feroit rien. Quelque temps
après , il partit pour prendre pofTeffion du riche héritage qu'on
lui avoit fi mal-à-propos laiflé. Heureufement le Baron & les autres
Seigneurs des environs , qui fe trouvèrent à cette prife de pofTef-
fion , lui repréfenterent avec tant de force qu'il étoit jufle qu'il
fît fubfifter cette malheureufe famille , que , cédant à leurs impor-
tunités, peut-être plutôt qu'à la juftice , il confentit de donner
l'habit de Moine à l'enfant lorfqu'il feroit en âge , & que , s'il vou-
loir refter dans le monde , il pourvoiroit à fes befoins. Depuis ce
temps l'Eglife de Pont -Château efl reftée aux Moines de Mar-
moutier , qui en ont toujours perçu les dîmes , qui produifent ,
année commune , au moins cent tonneaux de grains : il faut pour-
tant avouer qu'ils en abandonnent la cinquième partie au Recteur.
Après cela , qui ne loueroit pas leur générofité ? L'an 1 1 16 , JofTelin,
Seigneur de la Pvochebcrnard , donna au Prieuré de Pont-Château,
la troifieme partie des dîmes de fon fief de Plaifance. L'an 1 125 ,
Olivier, Seigneur de Pont - Château , fils de Jarnagon j Savary ,
Seigneur de Donges ; & quelques autres Seigneurs , accompagnés
d'une troupe de brigands , fe rendirent à Redon , ôc pillèrent les
vafîkux des Moines de Saint-Sauveur. Le Duc Conan III en-
voya contre ces Seigneurs, des troupes qui les prefTerent \\ fort
>qu'iîs furent obhgés de fe réfugier dans l'Eghfe de l'Abbaye ,
où ils fe crurent en fureté ; mais ils fe trompèrent , l'Eglife fut
bloquée , & les alliégés , pr elles par la faim , fe virent contraints
45i P O N
de fe rendre prifonniefs; ils furent conduits à Nantes , & en-
fermés dans le château du BoufFay , où ils réitèrent jufqu'en
II 27 : ce fut à cette occafion que le Duc fit rafer le châ-
teau de Donges. Olivier de Pont-Château, qui avoit été excom-
munié , ne put recevoir rabfolution , ni s'accommoder avec les
Moines de Redon , qu'en fe dépouillant , en leur faveur , de fa
terre de Ballac , iîtuée dans la Paroiffe de Pierric , terre qui
depuis a formé un riche Prieuré , dont jouiffent les Bénédic-
tins de Redon ; cette cérémonie fe fit avec la plus pieufe for-
malité, aux pieds des autels, le 24 Oftobre 11 27. L'an 1132,
Olivier , plus irrité que jamais contre les Moines de Redon , pilla
les pofTefîions qu'ils avoient dans la Paroilîé de Moais , où il leur
caufa un dommage qui fut évalué à environ 500 fols. Brice ,
Evêque de Nantes , lança aufîi-tôt contre lui les foudres de l'excom-
munication , que le coupable ne put faire lever que par la do-
nation qu'il fit de la terre de Brengoen , qui étoit à peu de
diitance de celle de Ballac. L'Ecrivain qui rapporte ce fait , afTure
qu'Olivier ne voulut plus s'expofer une troifieme fois à mériter
la difgrace de ces Rehgieux.
L'an 1 1 89 , Eudon de Pont-Château , voulant réparer les in-
jures qu'il avoit faites aux Moines de Marmoutier , qui dcffer-
voient alors l'EgUfe de Pont - Château , & fe réconciUer avec
eux , les exempta de plufieurs droits qu'ils dévoient à fa Sei-
gneurie , particuUérement des quatorze fols de rente qu'ils lui
dévoient pour le droit de pêche dans la rivière, & leur donna
de plus un clos de vignes & deux pièces de terre qui dépen-
doient de fa Seigneurie. L'an 1225 , la terre de Pont -Château
pafTa à la maifon de Rohan , d'où fortirent les Seigneurs de
Pont-Château. L'an 1236, Conll:ance , Dame de Pont-Château,
fille d'Eudon de Pont-Château , fit plufieurs dons à l'Abbaye de
Blanche -Couronne. Autrefois, pour honorer les morts, on allu-
moit des lampes fur leurs tombeaux ; Eudon de Pont -Château
en fonda une, en 1258, dans l'Eglife de l'Abbaye de Blanche-
Couronne, pour brûler, jour & nuit, devant la fépulture de (on
père, qui y étoit inhumé. On avoit encore , en ce temps , la
coutume de mettre dans les tombeaux âiQS pots avec du charbon
allumé & de l'encens j on en trouve plufieurs preuves dans
riiilloire. Durand remarque que cet ul^ige n'étoit pas général.
L'an 1 274 , Nicole , Dame de Lefquern , donna au Prieuré
de Pont-Château les deux tiers des dîmes & des prémices qu'elle
avoit dans fon domaine de Pont-Château 6c de l'Ecran , avec
PON 455
un champ Se un manoir qui y étoit joint. Guillaume de Lefquern ,
fon fils , ratifia cette donation , & y ajouta onze fols fix deniers
de monnoie courante, de rente. L'an 1290 , le Seigneur de
ClifToJi étoit Seigneur de Pont-Château.
Pierre de Rohan , Baron de Pont-Château , mourut en 1 5 1 8 ,
Se fut inhumé aux Cordeliers de Rennes ; ce Seigneur avoir fait
fon teftament dans la maifon de la Thebaudais , le 1 2 Juin ,
& confirmé le 22 fuivant -, il porte qu'il fera dit dix mille
MefTes bafîés , ck qu'on fera , à deux mille pauvres , le jour de
fon fervice à Pont-Château , une aumône d'un liard à chacun,
fi tant ell: que le nombre compétent puifle s'y trouver j il fonda ,
par ce même teflament , dans l'Eglife de cette ParoifTe ,,une Méfie
quotidienne , à Diacre & fous-Diacre , laquelle doit être chantée
par fix Prêtres & quatre Chantres ; il affigna une rente annuelle
de 72 liv. monnoie courante, à prendre fur la Baronnie de Pont-
Château.
L'an 1625, René de Cambout , Marquis de Coiflin , Grand-
Maître des Eaux & Forêts de France , acquit la Baronnie de
Pont-Château , & époufa Françoife Dupleffis , tante du Cardinal
de Richelieu, de laquelle il eut deux fils ; l'aîné, nommé Jean,
fut Chevalier des Ordres du Roi , Lieutenant de Roi en Breta-
gne , & Gouverneur des ville & château de Brell:.
Au mois de Juillet 1 709 , Louis-Marie Grignon de Montfort ,
un des grands Miffionnaires de fon temps , fit à Pont - Château
une mifïion , qui eft regardée comme une des plus fameufes qu'il
ait faite dans la province ; cet Eccléfiallique zélé , voulant faire
conllruire un Calvaire , exhorta le peuple à le féconder dans fon
deffein : tout le monde s'y prêta avec joie , & l'endroit pour la
conflruftion de ce Calvaire fut choifi dans une lande, à une
demie heue à l'Oueft - Nord - Oueft de Pont - Château , fur une
petite éminence , d'où l'on découvre 7 à 8 lieues de pays. A la
voix du Mifîionnaire , les habitants de la campagne fe rendirent
en foule pour travailler aux foffés qui étoient néceffaires pour
_ empêcher les befliaux d'approcher de la croix qu'on vouloir
planter -, ce Millionnaire, voyant la grande quantité de peuple
qui venoit travailler à cet ouvrage , forma un plus grand projet;
il fit creufer de grandes douves , qui avoient cinq cents pieds de
circonférence , fur vingt pieds de largeur , & autant de profondeur
dans oeuvre ; les terres provenant du creufemeut de ces dou-
ves furent amoncelées pour faire une montagne. On employa
quinze mois à ce travail j les gens de la campagne y venoient
454 P O N
de douze à quinze lieues à la ronde , hommes , femmes , garçons,
& filles i il y avoit ordinairement trois cents perfonnes à travail-
ler par jour, & chacun y apportoit des provifions & des inftru-
ments. Le faint Millionnaire , pour augmenter leur a£livité , fe
mettoit à leur tête , & béchoit comme eux , en chantant des
cantiques , qu'ils répétoient ; enfin , on parvint à faire une mon-
tagne de cent quarante pieds de large , fur environ quatre-viqgt
de haut , fur le fommet de laquelle le Millionnaire planta trois
grandes croix d'une hauteur confidérable j celle du miUeu avoit
quarante-un pieds trois pouces de hauteur -, l'arbre qui fervit à
cette croix, étoit un châtaignier qui appartenoit à un payfan des
environs. Le Millionnaire , qui lui avoit écrit pluiieurs fois, fans
retevoir de réponfe, prit le parti d'aller lui-même le trouver,
accompagné de deux charpentiers ; Se ayant, par fon éloquence,
arraché un léger confentement , il fit fur le champ couper cet
arbre , & le fit traîner , par vingt-quatre bœufs , au Calvaire ;
-c'étoit peut-être le plus bel arbre qu'il y eût dans tout le Comté
Nantais , & même dans la province. Louis-Marie Grignon vou-
loir faire bâtir quinze Chapelles autour de ce Calvaire , dans
lefquelles auroient été repréfentés , de grandeur naturelle , les
quinze myfteres du Rofaire ; trois étoient déjà bâties , lorfque le
Roi Louis XIV , craignant que cet endroit ne devînt , dans la
fuite , une citadelle avantageufe à la rebeUion , ordonna de dé-
truire ce Calvaire. En conféquence des ordres de la Cour , les
ParoiîTes du voifinage furent commandées pour démolir ce qui
leur avoit coûté tant de peine à conftruire. On voit encore
les refies de ce Calvaire , qui annoncent que c'étoit une grande
entreprife.
Lettres-patentes fur Arrêt du Confeil , de l'an 1 774 , portant
établifiement de fix foires , par an , à Pont-Château , en faveur
de M. le Comte de Menou. Le territoire de Pont-Château offre
à la vue des terres de la meilleure qualité , des prairies excel-
lentes , 8c une quantité prodigieufe de landes dont le fol paroît
mériter les foins du cultivateur : on y voit plufieurs bois taillis
•afiez grands 5 celui qu'on nomme la forêt de la Magdeleme efi le
-plus étendu»
PONTCROIX ; gros bourg , dans un fond , fur la route de
•Quimper à Audierne ; à 6 heues un quart à l'Ouefi-Nord-Oueft
de Quimper , fon Evêché ; à 46 Ucues de Rennes. On y compte
760 communiants» L'Eglife Collégiale de Pomcroix fut fondée
PON 455
par les Seigneurs du Heu. Le Marquifat de Pontcroîx ou de Rof-
madec a une haute-Juftice qui reflortit au Préfidial de Quimper.
On y remarque, en outre, une Subdélégation , un marché par fe-
maine , Se huit foires par an. Llkiiloire fait une mention fî honorable
de la maifon de Rofmadec qiion peut la regarder comme une
des plus illuftres de la province , tant par les grands hommes
qu'elle a produits , que par fon ancienneté & fes alliances avec
la maifon Royale , les maifons de Luxembourg , de Léon , de la
Trimouille , de Montmorenci , & autres. L'an 1191 , la Terre &
Seigneurie de Rofmadec appartenoit à Ri^alon de Rofmadec ,
qui fit plusieurs donations à l'Abbaye dé Landevenec , du con-
fentement de fon époufe. Hervé , leur fils , accompagna le Duc
Pierre de Dreux au voyage de la Terre-Sainte, l'an 1235. Jean
de Rofmadec , Chambellan du Duc Jean IV , l'accompagna , en
1383 , en Flandres, où le Prince Breton fe rendit, avec deux
mille lances , pour donner du fecours au Roi de France contre les
Anglais. Bertrand de Rofmadec , fils de Guillaume , Seigneur de
Rofmadec , Se de Marguerite du Châtel , fa féconde femme , fut
Confeiller & Aumônier du Duc Jean IV , Se Evêque de Quimper,
en 141 6. Jean de Rofmadec comparut, en qualité de Chevalier
Banneret , au Parlement du Duc, aux années 145 1 , 1455, ^
1462. Le 19 Février 1 505 , Jean , fon petit-fils , époufa dans le châ-
teau de Blois , en préfence du Roi Louis XII & de la Reine Anne ,
Jeanne , Dame de la Chapelle & de Molac ; Jeanne de Rofmadec ,
fa fœur , époufa Vincent , Sire de Plorec ; Tangui de Rofmadec
époufa, en 1561 , Marguerite de Beaumanoir ; Jacques de Rof-
madec , fon frère , époufa Jeanne de Montboucher ; Alain fut
Vice- Amiral de Bretagne ; Guillaume , fon fils , Gentilhomme de
la chambre du Roi , en 1 579 , fut pourvu de la charge de Grand-
Maître des Eaux & Forêts de Bretagne. La Terre Se Seigneurie
de Rofmadec fut érigée en Marquifat , l'an 1 608 , en faveur de
Sébafi:ien de Rofmadec , Baron de Molac. Ce Marquifat fut con-
tinué & confirmé fous le nom de Pomcroix , par lettres-patentes
du mois de Février 1719 , enrégifirées en la Chambre des Comptes
de Bretagne , en faveur de René-Alexis le Sénéchal , Comte de
Carcado , Lieutenant général des armées du Roi. Sébaftien de
Rofmadec , fils de Jean de Rofmadec 5 Seigneur du Pleflis-JofFe ,
fut pourvu de l'Abbaye de Paimpont , puis de l'Evêché de Vannes,
en 1624. Séballien de Rofmadec époufa Françoife de Montmo-
renci. Charles fut Evêque de Vannes , puis Archevêque de Tours.
Sébaftien , Lieutenant général en Bretagne , fut nommé , au mois de
456 PON
Décembre 1(3(^5, Gouverneur des ville & château de Nantes;
il époula Renée Budes , Marquife du Sacei, & mourut en 1693. Sé-
baiHen de Rormadec lui fuccéda au Gouvernement de Nantes ,
& mourut en 1700. L'an i6'8i , Marie-Anne de Rofmadec époufa
Alexis le Sénéchal , Comte de Carcado , Lieutenant général des
armées du Roi , auquel elle porta les riches domaines de fa mai-
fon. Le Marquifat de Pontcroix fut acquis , en 1756, par Ma-
dame la Comteffe de Forcalquier , qui poiTede cette Seigneurie
avec haute , moyenne & bafle-JulHce.
En 1 400 , le manoir de Ker-argant appartenoit au Sieur de-
Pretanroux ; Ker-balanech & Ker-ouant , à Jean de Penquilly :
Loz-coz-gan & Ker-guenec , au Sieur de Kerharo j Ker-vefech,
à Alain du Fou ; Ker-levefque & Ker-ronrech , à Adelife de Ker-
logan j Ker-erouet , à Jean de Saint-Juzel , Sieur de Kererouet j
Rer-guiUio , à Jean Molien , Chevalier , Sieur de Kerguillio ; Na-
ligien-fans-peff, à Vincent de Ploeuc : la haute , moyenne &
baffe- Juilice de Lezouach , à M. Mafcarene de la Rivière.
PONTIVI ; par les 5 degrés 17 minutes 50 fécondes de lon-
gitude , & par les 48 degrés 4 minutes 10 fécondes de latitude;
à 1 1 lieues de Vannes , fon Evêché ; & à 20 lieues de Rennes.
On trouve à Pontivi une *Subdélégation , une brigade de Maré-
chauffee ; deux Portes, l'une aux lettres & l'autre aux chevaux;
une Paroifle dont la Cure eft à l'alternative ; les Couvents des
Récollets , des Urfulines , & un Hôpital. Cette ville elt renom-
mée par fon commerce en grains , fil , toiles , chevaux , befliaux ,
& autres marchandifes de toutes efpeces. Les marchés , qui font
confidérables , font les lundi & jeudi de chaque femaine ; il s'y
tient tous les ans trois principales foires , aux mois de Mars , Juin ,
& Oftobre. A ces foires , qui duroient autrefois jufqu'à huit à
dix jours , fe rendent des Négociants des provmces adjacentes ,
& des Marchands des villes voifines. La Communauté de ville,
érigée par lettres-patentes , a acheté , à fes frais , toutes les
charges municipales , fors celle de Lieutenant de Roi ; & perçoit
les droits des anciens & nouveaux oftrois qui font fes deniers
patrimoniaux. Pontivi efl, pour ainfi dire, le centre de la province ,
dont les principales villes y aboutiffent par huit grandes routes:
c'efl le premier Siège de la Duché-Pairie de Rohan , qui a un
ufement particulier de fon nom. De ce premier Siège , qui -ref-
fortit dire^-tement au Parlement , relèvent cinq membres parti-
culiers , qui font : Loudéac , la Cheze , Rohan , la Trinité , &:
Goarec ;
Goarec ; outre environ foixante Jurifcliftions inférieures, tant en
proche qu arriere-fiefs. M. le Duc de ilohan , Soigneur de l'en-
droit, y polTede un châceau entouré de douves itches, & flan-
qué autrefois de quatre tours , donc une a été démolie.
Saint JofTe , Moine , frère de Judicaél , Roi de Bretagne ,
mourut, en odeur de fainteté , le 13 l.^éccmbre 660, dans l'Ab-
baye ou Monaftere de Pcntivi. Ce iVlonaftere étoit la feule mai-
fon qu'on vît alors à Pontivi : cet endroit dépcndoit, en ce temps,
de la Paroifle du Cohazé , dont Pontivi eil encore trêve aujour-
d'hui j mais le Cohazé n'ell plus regardé comme une Paroi iTe ,
on y célèbre feulement la Meffe les jours de Dimanches & i êies.
Le château des Salles , fitué fur la rivière de Blavet , à Pontivi ,
efl: le premier édifice qui a formé cette ville , après l'Abbaye
dont je viens de parler. Il faut que ce château foit bien ancien,
puifqu'on trouve dans les archives de la Principauté de Gue-
mené , qu'il ne coûta que foixante - douze deniers pour la main
d'œuvre de fa conftruftion ; le furplus fe fit par corvée.
L'an 1457, Alain, Vicomte de Rohan , voulant fonder un
Monaftere de Frères Mineurs Obfervantins , leur donna & tranf-
porta , le 9 Novembre de la même année , le lieu & l'emplace-
ment qui fut autrefois le Châtel de Pontivi , près ladite ville ,
nommé & notoirement appelle les Salles , avec deux pièces de
terres en parc & courtil , les jardins , & le droit de pêche dans
la rivière de Blavet , à la charge auxdits Rehgieux de lui donner
cent anguilles par an ; droit qu'il fe réferva pour lui & fes fuc-
ceffeurs. Pour dédommager le Curé de Pontivi du préjudice qui
pouvoir réfulter de cette fondation , le Vicomte , par un autre
afte du 1 7 Oftobre précédent , lui abandonna &: lui permit
d'annexer à fa ParoifTe la Chapelle & Chapellenie de la Magde-
leine , fituée à la fortie de Pontivi , dans la partie méridionale , avec
le droit de patronage & de préfentation ; les dépendances & iflues
de ladite Chapelle j le lieu angulaire y atteignant, fur le grand che-
min qui conduit de Pontivi à Vannes ; & un pré nommé en breton
j)rat en Receveur , (le pré au Receveur. ) Ce Couvent, qui avoir été
fondé en faveur des Frères Obfervantins , ell aujourd'hui polTédé
par les Pères RécoUcts, qui en prirent poiTelIion en 1632, en
vertu d^un Arrêt de la Cour du Parlement de Bretagne.
Le château de Pontivi , qui avoit été ruiné par les guerres ,
fut rebâti à neuf en 1485 : par lettres du Duc François II , données
à Nantes le 16 Décembre 148^,11 ell: permis à Jean, Vicomte
de Rohan , de rétablir le guet dans fon château de Pontivi. Ces
Tome IIL M 3
458 PON
lettres furent approuvées & confirmées par le Roi Charles VIII ^
le 23 Décembre i49i»
En I ^3 3 , les Dames Urfulines de Ploermel propoferent une
fondation d'un Monailere de leur inilitut, près la ville de Pon-
tîvi. Elles obtinrent de N..,. le Mouenne & fon époufe , Sieur &
Dame de Saint - Julien , le lieu, métairie, Se dépendances de
Toulboubou , dans l'Evêché de Quimper , au Nord & à peu de
diflance de Pontivi, au delà d'un ruifleau qui fépare ledit Evê-
ché de Cornouailles de celui de Vannes , &: traverfe une partie
de l'enclos des Récollets. Ce lieu de Toulboubou n'étant point
commode pour les Dames Urfulines , tant à raifon de la proxi-
mité de la rivière , que par les dangers que couroient les jeunes
filles qui venoient à leur Ecole , en paffant le ruifleau de fépa-
ration , elles obtinrent de Jean Bernard &c femme , le lieu , mai-
fon , & dépendances de Saint- Joly , près la Chapelle de la Mag-
deleine. Il falloir pour cela le confentement du Seigneur de Rohan
& celui de la Communauté de ville de Pontivi , qui s'alTembla ,
à ce fujet , le 29 Octobre 1633. Le Refteur de la ParoifTe ,
citoyen zélé & défintérefié , déclara non-feulement trouver l'éta-
bUffement propofé , utile pour le bien public , mais qu'il confen-
toit encore que la Chapelle de la Magdeleine , qui avoir été
abandonnée à fa Cure, en 145^, par le Vicomte de Rohan, fût
accordée pour ce nouvel établiffement des Dames Urfulines j en
conféquence , il déclara fe démettre , en leur faveur , de tous
droits & profits particuliers qui lui appartenoient en icelle , en
qualité de Refteur , fous le bon plaifir toutefois du Seigneur Evê-
que de Vannes , & de la ville & Communauté de Pontivi. C'ell
à cette époque qu'il faut fixer l'établifTement des Dames Urfulines ,
qui , depuis ce temps , ont agrandi leur clôture , par Tacquêt de
différents terreins circonvoifins.
L'hiftoire fait rarement mention de Pontivi , & nous en fommes
d'autant plus furpris , que les veftiges qui refient de fes murs
prouvent évidemment que cette ville étoit très-forte. On y re-
marque quatre portes principales.
A trois lieues de diftance de Pontivi , dans le territoire de la Pa-
roifle de Bieuzi , efi un village nommé Cajienec. Les habitants ont
des franchifes , mais , en reconnoifi^ance , ils font obhgés , chaque
année , d'apporter à Pontivi, la veille du premier Mai, aux Offi-
ciers du Seigneur de Rohan , une tête de chevreau , dans un
plat qui doit être d'argent. Cette prefi:ation s'exécute exaftement,
L'Hôpital 5 qui efi: fous la diredion des Filles de Saint-Thomas
PO N 459
de Vilîeneute , fut fondé par la maifon de R.ohan , dans le faux-
bourg d'Outreleau , & bâti aux hais des habitants.
PONT-LABBÉ ; petite ville avec port de mer ; à 3 lieues &
demie au Sud-Sud-Oueft de Quimper , fon Evêché ; à 42 lieues
de Rennes : c'eit une trêve de Ploubanalec. La haute-Juilice de
l'endroit appartient à M. de Perebaud , de Saint-Malo. On trouve
à Pont-Labbé un Couvent de Carmes & une Subdéiégation. Il
s'y tient un marché tous les jeudis, & fept foires par an. La
Seigneurie de Pont-Labbé eft coniidérable , elle envoie aux Etats,
mais elle n'a qu'une voie avec celle de Pont-château, parce que
les deux enfemble ne font qu'une Baronnie , qui ont voie à
ralternarive.
L'an 1372, Hervé, Seigneur de Pont-Labbé, fonda une Cha-
pelle dans le château de ce nom. Cette fondation fut approuvée
par l'Evêque de Quimper , le 3 Septembre de la même année.
Le 4 Mai 1383 , le même Hervé & Péronnelle de Rochefôrt,
fon époufe , fondèrent le Couvent des Carmes de Pont-Labbé ,
& lui donnèrent la maifon de Ker-anguen , fife entre le marché
au bled & la mer , avec toutes fes dépendances , à condition
que ces Religieux célébreroient , à perpétuité, à l'heure de Prime,
une Meffe pour le repos de l'ame des Fondateurs , & les re-
commanderoient folemnellement aux prières , les Dimanches Se
Fêtes.
Le 2 Septembre de la même année, Hervé de Pont-Labbé,
& Hervé de Trevaloët firent ferment de fidélité au Duc , pour
la garde du fort château de Pont - Labbé ^ fous l'obéillance
de ce Prince. L'an 1588, la petite ville de Pont-Labbé fut
afïiégée & prife par les troupes du Roi Henri III ; elle appar-
tenoit alors au Duc de Mercœur, qui y avoit mis une bonne
garnifon,
PONTRIEUX ; petite ville Située à Tembouchure de la rivière
de Trieuc -, à 2 lieues un quart de Tréguier , fon Evêché 5 à 28
lieues de Rennes : cette ville a deux Eglifes , c'efl une trêve
de la ParoifTe de Quimper-Quezennec ; on y compte 1 500 ha-
bitants. On y trouve un port de mer où les barques de quatre-
vingt tonneaux peuvent arriver ; on prend dans ce port douze à
quinze cents faumons par an : cette rivière prend fa fource d'un
étang près l'Abbaye de Coat-ma-Louan , & fe perd dans la mer»
Son entrée & celle de Houel étoient autrefois défendues par un
4éo PON
château nommé Fmaudour ^ parce qu'il efl fîtué entre ces deux
rivières j il appartient à M. de Coëtrieux , comme Seigneur de
Pontrieux : cette ville efl très - ancienne , & eft connue dans
l'hiftoire pour avoir été & être encore l'entrepôt de Guingampj
elle eft bâtie au pied du château de Châteaulin , qui la défendoit ,
& a été deux fois affiégée & prife, avec ce château , par les An-
glais , qui les brûlèrent & détruifirent en entier la dernière
fois. Cinq grandes routes arrivent en cette ville , où il fe tient
un marché , le Lundi \ il eft très-confidérable pour les. bleds , mais
fur-tout pour le fil \ depuis 20 fols jufqu'à 9 liv. la livre , il
s'en vend communément pour vingt à trente mille liv. par cha-
que marché ; il fe tient trois foires célèbres par an : à celle du
1 4 Septembre , on y vend beaucoup de poulains de fix mois à
un an , qui font prefque tous enlevés par les habitants de l'Evê-
ché de Quimper. Le Commerce confiite en plus de cent mille
livres par an , en vente de graine de lin en barils , venant du
Nord , & qui fe vendent au mois de Mai j en froment & autres
fortes de bleds y en lin en verges , fil , & toiles. La ville efl par-
tagée en deux principaux fiefs , dont celui de Pontrieux appar-
tient à M. de Coëtrieux , Préfentateur de la ParoifTe de Quim-
per , fur laquelle ell fitué un Bénéfice de 6000 liv. de revenu.
Ker-loet , Ker-goc-Ker-bois de la Roche , moyenne-Juftice , à
M. de Langle ; Ker-riou , haute- Juftice , à M. de Treflan Gonidec ;
Ker-navalet, haute - Juftice , à M. de Coëtrieux ; Châteaulin-fur-
Trieux , avec titre de Baronnie d'Avaugour , & titre de Comté
de Goello , à M. le Prince de Soubife \ la Roche-Jagu , haute-
JulHce , à Madame de TrelTan ; Ker -cabin-Troniou-Toupin ,
moy enne-Juftice , à M. de Stapleton ; Ker-icuf-le-héau , haute-Juftice ,
à M. de Kerguezec 5 Lifquilly-Briantel , hauteJullice , à M. de
Kerifac \ Ker-hoz-poirier , haute-Juftice , à M. de Caradeuc , Pro-
cureur-général du Parlement ; Ker-ouarn-Coatalec , moyenne-
JulKce , à M. Lepelletier ; Coat-Canton, haute-Juftice , à M, du
Brieuc. Il y a aulii une Subdélégation.
Le 19 Août 1773 , cette Ville a efTuyé une crue d'eau qui
emporta plufieurs maifons , avec fon pont , l'eau ayant monté de
douze pieds au deflus de fon niveau ordinaire. Le 3 Avril 1777,
elle efiûya un incendie qui confuma toute la rue des Gallcries.
Le 25 Janvier & 20 Juillet 1778 , elle eflliya encore deux
nouvelles crues , qui ont répété tous les ravages de la première,,
& on les attribue à l'encombrement du lit de la rivière en-
tre les deux moulins.
POR 4^1
PORDIC ; petite ville , dans un fond , au bord de la mer ;
à I lieue & demie au Nord-Nord-Ouelt de Saint- Brieuc, fon
Evêché , fa Subdélégation , & fon reflbrt ; à 2 1 lieues & demie
de Rennes. On y compte 3000 communiants : la Cure eft pré-
fentée par l'Abbé de Beauport , & deffervie par un Moine de
cette maifon : la haute-Juilice de l'endroit appartient à M. le
Duc d'Aiguillon , Seigneur , Baron de Pordic : cette Seigneurie
eft un ancien fief de Hautbeft , qui appartenoit , en 1030, à
Eudon , Comte de Penthievre , de la Seigneurie duquel elle
dépendoit ; elle en fut démembrée , & appartint fucceliivement
aux maifons de Chateaubriand , de la Jaille , de la Porte , &
Dandigné : elle fut achetée par les Seigneurs de Brehand-Moron,
Se elle a été portée dans la maifon de Richelieu , par Marie-
Félicité de Brehan , qui époufa , en 1740, M, le Duc d'Ai-
guillon , Pair de France , &c.
On remarque , dans cette ParoifTe , un monument très-ancien j
c'efi: un camp , que l'on prétend avoir été conftruit par Céfar >
il eft fitué avantageufement , bien fortifié , & de figure trian-
gulaire : à l'un des bouts , on voit encore les vefYiges d'une
tour , qu'on nomme la Tour de Céfar, Pendant long-temps on
y alluma un fanal pour la fureté de la navigation. Les culti-
vateurs ont trouvé ,& trouvent encore , par fois , des médailles,
des pièces d'argent, & des armes Romaines , d'ans les ruines
de cette Place. 11 feroit à fouhaiter que quelque curieux, fça-
vant dans la fcience des médailles , fe donnât la peine de
faire des recherches qui feroient fans doute utiles à notre
hifloire.
En 1500, le manoir de la Ville-Audren , à Jean du Bois-
Billy j la Ville-Sapron , à N. . . ; Teftel , à François Taunegouet,
Sieur de la Hacque - Morvie j la Ville - Papavet , à Demoifelle
Catherine Robin , veuve de Pierre Courneft 5 Lanoé , à Guil-
laume de Lanoé -, la Ville-au~Veneur , à Olivier le Veneur ; le
Chat , le Prë-Orchand, la Ville - Gléen , la Ville - Raoul , la
Ker-faint, & 'Higonay, à N.... Ce territoire renferme des terres
très - fertiles , bien cultivées , & de gras pâturages.
PORHOET ; pays confidérable , au diocefe de Saint-Malo , &
compris au centre de la Bretagne , dans la partie de cette provnice
qui reçut le plus tard ou retint le plus long-temps le nom de Don-
monie. On fçait que cet ancien Comté , berceau de la maifon de
Rohan , étoit une Juveignerie du Duché de Bretagne. Joffelin en
^6t P O R
eft la Capitale , & j*ai rendu compte , à l'article de cette ville , des-
plus intéreflantes particularités hiftoriques & politiques concernant
le Porho'ét, Ce mot dérive , par adoucilfement , du Breton , Pontre-
co'ét , qui iignifie pays au delà des bois, ( Voyez le GloÔaire de
Lobineau , & les Motes critiques de Morice & de Gallet.) En
effet , le territoire de ce nom efl: prefque entouré de forêts ; je
îie donnerai pas ici la lifte des cinquante-deux ParoilTes & trêves
qui le compofent , ou qui en relèvent ; on les trouvera dans
leur rang alphabétique. Aux Offices ou Plaids, font tenus de fe
préfenter en perfonne , ou par Procureur , les Seigneurs de Mer-
drignac , du Motais , du Bois de la Fvoche , de la Chapelle-
Serent , de Callac , de Vaucouleur , de Maugrenier , de Coueflo»
Ce Comté pafTa , par alliance , dans la maifon de Fougères , en
123 1 ; dans celle de Lufignan , en 1253 ; il vint , par legs ou
confifcation , au Roi de France, en 1307 & 13125 fut donné
au Comte d'Alençon , Prince du Sang, en 1328 j vendu au
Connétable de Cliflbn, en 1370 & 1373 } il rentra dans la mai-
fon de Rohan , en 1 408 , ( le Vicomte Alain VIII , héritant du
Connétable, fon beau-pere ; ) il paffa , en 1645 , ^^^^ ^^ v^d^r
fon de Chabot, qui le polTede encore. Le canton qui le forme
n'eft pas riche , & a le défaut des pays de petite culture , où
beaucoup de bras n'exploitent que peu de terres ; l'ufance ou
l'ufement propre à fept ou huit Paroiffes ou trêves de ce Comté,
renferme trois articles. Le premier, un partage des terres rotu-
rières entre roturiers ; en fucceflion direfte , les cohéritiers mâles,
en quelque nombre qu'ils foient , emportent les deux tiers , &
les filles le tiers. Les Nobles ne font pas aftreints à cette loi , &
fuivent la coutume générale. Le fécond \ en fuccefTion collaté-
rale entre perfonnes roturières, &: pour héritages de même qua-
lité , les mâles fuccedent les uns aux autres , à l'exclufion des
filles , & les filles pareillement héritent les unes des autres , à
l'exclufion des mâles. Le troifieme j les acquêts non-appropriés ,
& les meubles , fe partagent également entre les mâles & les*
filles : on voit par-là que les Comtes de Porhoët exerçoient le
pouvoir légiflatif , mais toujours avec l'attention de refpefter les
•droits des Nobles , leurs pairs ou leurs premiers vaflaux. Les
Barons de Léon , dit Morice , lors de leur conteftation fur la
prééminence avec les Barons de Vitré , négligèrent , fliute de
lumière , de s'appuyer eflentiellement fur le titre de Comtes
de Porhoët , & de Vicomtes de Rohan. Par Arrêt de 1748 ,,
le Siège de JolTelin efl de nouveau confirmé dans toutes le»
P O R 4^j
nouvelles prérogatives des Jurifdiftions des hautes Baronnies.
Les Princes de Porhoët , à l'inflar des Souverains , ont eu des
Seigneurs de leur propre fang à leur fervicejtels que les Rohan,
les d'Avaugour , fortis , aind qu eux , des anciens Rois de Bre-
tagne ; & leur poftérité a choifi quelquefois fes principaux
Officiers dans les clafles dilHnguées de la Nobleffe , tels que
les Maleilroit , Quellenec , Goyon , Talhoet , du Cambout ,
le Sénéchal , Coetlogon , Quelen , Chambort , Dufou , du
Bot , Rofnivinen , Parés , du Moulin , Pioger , Treceffon , Ker-
eradeuc , &c. &c.
Porhoët eft , dans l'ordre eccléfiaftique , un Archidiaconné ,
fous lequel font les Doyennés de Montfort, Beignon , Lanouée,
Se Loyat ou Lohéac , qu'il ne faudroit pas confondre , fi tous
ces Doyennés n'avoient perdu leurs anciens privilèges.
PORNIC ; petite ville & port de mer ; à 9 lieues un tiers
à rOueft-Sud-Oueft de Nantes, fon Evêché ; à 25 lieues de
Rennes j & à 4 lieues de Paimbœuf , fa Subdélégation. On y
compte icoo communiants : la Cure efl: préfentée par l'Abbé
de Notre-Dame de Pornic ; il s'y tient un marché le Lundi.
Pornic , membre du Duché de Retz , a une haute -Juftice , qui
appartient à M. le Duc de Villeroi.
L'an 1050 , Glévian , Prince de Bécon , & Drolavius , Seigneur
d'un canton d'Herbauges , donnèrent à l'Abbaye de Saint-Sauveur
de Redon l'EgUfe de Sainte - Marie , avec la moitié des dîmes
de la Paroifïe de ce nom , & plusieurs autres domaines. Airard ,
Abbé de Saint-Paul de Rome , & Evêque de Nantes , approuva &
confirma cette donation.
L'an 1 1 1 2 , les Moines de Saint-Sauveur de Redon firent un
«change de l'Eglife de Sainte-Marie de Pornic , & de tout ce qui
leur avoit été donné précédemment par Glévian & Drolavius.
Les Moines de Saint-Serges vinrent s'établir à Pornic , Se l'année
fuivante 1 1 1 3 , ils y firent bâtir une Chapelle , & s'attribuèrent
les droits reftoriaux. Brice , Evêque de Nantes , informé de leurs
démarches , leur fit défenfe de rien entreprendre fur les fondions
des Prêtres , de baptifer les enfants , de vifiter & communier les
malades , & de partager avec les Prêtres les honoraires des fu-
nérailles ', il leur défendit , en outre , de dire leur MefTe conven-
tuelle les Dimanches & Fêtes après la MelTe paroifîiale que cé-
lébroient le Curé & fes Clercs , & de fortir proceffionnellement
au dehors, fans leur permiflion, excepté au jour de Saint André,
4^4 P O R = P O S
titulaire de la Chapelle de ces Moines , & au jour de fa dédicacer
Le Prélat leur permit de faire , aux jours ci-deffus mentionnés ,
une procefîion folemnelle , de dire une première Mefîe dès le
jnatin , & une autre à l'heure de Tierce , & de recevoir des of-
frandes & legs teftamentaires , à la charge de payer au Siège
de Nantes unbizant ou marabotin d'or, de cens annuel. Ce bizant
& le marabotin étoient des monnoies étrangères de feize à la
taille , ou de demi-once d'or chacun. Le bizant venoit de Conf-
îantmople , & le marabotin étoit fabriqué par les Maures d'Ef-
pagne. Le marc d'or étoit à vingt livres , & le marc d'argent à
deux livres. L'an 1 1 1 4 , les Moines de Pornic bénirent eux-mêmes
la Chapelle qu'ils venoient de conilruire. Ils fe fervirent, pour
cette cérémonie , d'eau mêlée de vin & de cendre , qu'on ap-
pelle Grégorienne , que l'Evêque feul doit bénir j mais les Moines
obtinrent la permiffion de le faire , de TArchevêque de Tours ,
qui faifoit pour lors la visite du diocefe de Nantes. C'eft-là la
véritable époque de l'exiftence de l'Abbaye de Sainte-Marie de
Pornic , long-temps habitée par des Chanoines-Réguhers de l'Ordre
de Saint- Au guftin.
Le château de Pornic eft lîtué au bord de la mer , & paroît
avoir été très-fort dans fon temps. Les Ducs de Bretagne y avoient
toujours garnifon.
L'Abbé de Sainte -Marie de Pornic étoit jadis affujetti à un
ufage finguHer , dont je ne connois , ni le principe , ni la caufe.
Il donnoit un pain & un pot de vin aux femmes de l'endroit qui
venoient fe purifier à l'Eglife paroiffiale , après leurs couches.
René Blezeau , Prêtre de Pornic , qui payoit cette efpece de
droit, par ordre de l'Abbé Régulier , Guillaume Pinceau , lui forma
aftion le 22 Mai 1608, pour fe faire payer des avances qu'il
avoit faites à ce fujet. L'Hôpital de Pornic fut fondé & établi
en 1721.
POSPODER ; au bord de la mer; à 13 lieues à l'Oueft-Sud-
Oueft de Saint-Pol-de-Léon, fon Evêché ; à 51 lieues de Rennes 5
& à 7 lieues de Lefneven , fa Subdélégation. Cette Paroiffe
relevé du Roi , & refTortit à Breil. On y compte 1 800 commu-
niants : la Cure eft préfentée par l'Evêque. Le territoire eft exac-
tement cultivé , & produit abondamment du grain & du foin. Le
château de Ker-menou appartenoit , en 1330, à Yves , Chevalier ,
Seigneur de Kermenou : la maifon noble du Rotz appartenoit,
en 1 400 , à Hervé de Keroulas , Chevalier , Seigneur du Rotz.
FOUILLÉ 5
POU 465
FOUILLÉ , fur une hauteur j à 8 lieues & demie au Nord-
Ell: de Nantes , fon Evêché & fon reflbrt; à 18 lieues de Rennes j
& à 2 lieues un quart d'Ancenis , fa Subdélégation. On y compte
5 5 o . communiants : la Cure eft à l'Ordinaire. Ce territoire, ar-
rofé d'un gros ruifleau c[ui fe jette dans la Loire, auprès d'An-
cenis, offre à la vue des terres bien cultivées, & des landes d'une
grande étendue.
POULDREUZÎC ; fur une montagne ; à 4 lieues & demie à
rOueft de Quimper , fon Evêché & fon reffort ; à 44 lieues de
Rennes j & à 2 lieues de Pontcroix , fa Subdélégation. Cette
Paroiffe relevé du Roi , & compte 700 communiants : la Cure
eft à l'alternative. Ce territoire , fitué dans le voifînage de la
mer , renferme des terres fertiles en grams & très-exaftement
cultivées , des vallons, des coteaux, des monticules, &c. En 1380 ,
on connoiffoit dans cette Paroiffe les manoirs nobles de Leflan ,
Tregoguen , Cremenec , & Ker-ardelec.
POULDREGAT ; à 4 lieues à l'Oueft-Nord-Oueft de Quim-
per , fon Evêché & fon reffort ; k 47, lieues de Rennes j & à 2
lieues de Pontcroix , fa Subdélégation. On y compte 1800 com-
muniants , y compris ceux de Poldavi , fa trêve : la Cure eft à
l'alternative. Ce territoire eft arrofé des eaux de la rivière de
^ Poldavi , que le flux & reflux de la mer rend navigable ; les
terres font très-exa8:ement cultivées par les habitants , qui paffent
pour très - laborieux & très -bons cultivateurs. Les femmes
mêmes, fuivant l'exemple de leurs maris, montrent une a6Hvité
6 un courage qui peuvent fervir de modèle à leur fexe , &
faire rougir les hommes de plusieurs Paroiffes de la province où
rina61ion règne. Il fe tient , par an , à Pouldregat , trois foires ,
célèbres par la quantité de beftiaux qui s'y vendent. Du côté
de Poldavi on remarque les veftiges du fameux chemin Romain ,
que le vulgaire appelle Hcnt-Ahès , ou Chem'm-£ Ahès ; il conduit
de Carhaix jufqu'à la baye des Trépaffés ,. dans l'endroit où Ton
prétend qu'étoit autrefois la fameufe ville d'Is , qui , peut-être ,
n'exifta jamais : il y a encore quelques parties de ce chemin
pavé de pierres de tailles.
Coulanezre, haute, moyenne & baffeJuftice; Vieux - Châtel ,
haute , moyenne & baffe-Juftice , à M. du Halna du Frelayel :
Guerquelen , haute , moyenne &: baffe-Juftice , à M. du Coidic 5
Ker-Hazo , haute ^ moyenne & bafle - Juftice , à M. de Ploeuc >
Torm ÎÎL N 3
4^6 ' P O U = P R I
Nevet , Marquifat , haute , moyenne & bafTeJuflice, à Madame la
Comtefle de Coigni.
POULLAN5 à 5 lieues un quart à FOueil-Nord-Oueft de
Quimper , fon Evêché & fon relTort -, à 44 lieues de Rennes ;
& #'- I lieue un tiers de Pontcroix , fa Subdélégation. On y
compte 1 400 communiants : la Cure eft à l'alternative. Le châ-
teau de Ker-venargant eft la maifon feigneuriale de l'endroit.
Le territoire , borné au Nord par la mer , renferme des terres en
labeur, des prairies , de bons pâturages , & des landes peu étendues,
POULLAOUEN j à 10 Heues & demie au Nord-Eft de Quim-
per , fon Evêché ; à 3 2 lieues de Rennes ; & à 2 lieues de
Carhaix , fa Subdélégation & fon reffort. On y compte 3 600
comm.uniants , y compris ceux de Saint-Tudec , fa trêve : la Cure
eft à l'alternative. On exploite , par continuation , à Pouilaouen ,
une riche mine de plomb , qui donne un peu plus de deux marcs
d'argent par quintal. Le château de Tmieur , haiite , moyenne
& balTe-Juftice , à M. le Comte de BlofTac. Ce territoire offre à
la vue des terres en labeur , des prairies , & beaucoup de landes.
Le Roi y pofTede plufieurs fiefs.
PRAT j à 2 lieues au Sud-Oueft de Tréguîer , fon Evêché ; à
2.9 lieues de Rennes j & à 3 lieues de Lannion, la Subdélégation
& fon reffort. On y compte 1400 communiants : la Cure eft à
l'alternative. Ce territoire renferme la Terre du Fougerai-rouge ,
qui appartient à M. l'Evêque de Tréguier , à raifon de fa dignité.
Le terroir de Prat eft un pays plat , arrofé des eaux de la rivière
de Tréguier; il eft abondant en grains, Hn , & autres denrées.
Coatelan-Coatconien , moyenne-Juftice , à M. le Borgne de Lau-
naye ; Cofquer-Lullenec , moyenne-Juftice , à M. de Bois-Rouvré.
PRIÈRES j Abbaye de l'Ordre de Cîteaux , dans la Paroifîe
de Biiliers, & dans un fond , à peu de diftance de la mer; à 5
lieues un tiers au Sud-Eft de Vannes, fon Evêché; à 20 iieues
de Rennes. Cette Abbaye , qui eft en règle , fut fondée , l'an
1250, par le Duc de Bretagne, Jean I, qui garda dans cet
établiflement toutes les formalités prefcrites par les droits com-
muns. Ce Prince étoit alors excommunié , & ne voulut rien faire
fans l'agrément de l'Evêque diocéfain ; comme il fçavoit que le
Prélat ne devoit pas être content de fes manières envers lui, il
P R I 467
lui fît demander Ton confentement par la Duchefle, fonépouR-;
Cadioc , ne réfiila point , approuva la fondation , & écrivit au
Chapitre de Cîteaux qu'il y confentoit , à condition que les droits
de l'Eglife paroifTiale de Billiers Se les liens leroient conlervés.
Quelques perfonnes fcrupuleufes rejettent la fondation, en difant
que l'Eglife ne peut rien recevoir des excommuniés : l'intérêt
l'emporte ; le Pape approuve la fondation , & écrit à Cadioc
d'mtroduire , dans le nouveau Monallere , les Moines de Cîteaux,
fî , toutefois , le Duc a pourvu à tout ce qui étoit nécelTaire à
la fubfiftance des Moines. L'année fuivante , le Chapitre fait vi-
fîter le nouveau Couvent , il eft trouvé commode , & l'Abbé de
Buzay reçoit ordre d'y envoyer des Moines , qui y font intro-
duits par Cadioc. Le Duc met la dernière main è cette fondation ,
par fes lettres-patentes du mois de Novembre 1252, dans lef-
quels il fait l'énumération des biens qu'il a donnés à l'Abbaye,
biens qu'il avoit acquis de Pierre de MuffiUac , de Guillaume de
Bignan , de Guillaume de la Rochebernard , de JofleHn de Pen-
nemur , d'Eudon , de Maleflroit , & d'Agathe , fon époufe ; &
Geoffroi Gauffridus fut le premier Abbé de ce nouveau Mo-
naftere. L'an 1253, le Pape Innocent IV approuve la fondation
de Prières , & accorde , par la Bulle donnée à ce fujet , plu-
sieurs indulgences aux Abbés & ReHgieux de cette Maifon. On
trouve une copie de cette Bulle au château de Nantes -, le Duc,
fondateur, meurt le 8 Oftobre 1286, & fut inhumé félon fes
defîrs , dans l'EgUfe de Prières. Yfabeau de CalHUe , DuchefTc
de Bretagne , morte le 24 Juillet 1328, fut inhumée dans le
chœur de la même Eglife. Jeanne d'Angleterre , époufe du Duc
Jean IV , mourut à Nantes , à la fin du mois de Septembre 1 3 84 j le
corps de cette PrincelTe fut porté à Prières , où il fut inhumé, comme
elle l'avoit ordonné par fon teftament du 25 du même mois.
L'Abbaye de Prières a eu plufieurs Abbés d'un mérite rare.
Dom Henri le Barbu , né au château de Quilliou , au diocefe de
Quimper, fut d'abord Abbé de Prières , Nonce du Pape , puis
Evêque de Vannes en 1383 ; ce Prélat étoit fi pauvre que le Pape
ordonna, par une Bulle de l'an 1385 , à tous les Evêques de
Bretagne , de lui donner une fomme , ( l'auteur ne dit pas com-
bien , ) pour l'aider à fubfiiler , ck d'excommunier ceux qui re-
fuferoicnt de contribuer à ce pieux don. Cet Evêque _, ennemi
juré de l'injufiice , fe plaignit au Pape , du Duc Jean V , fon
Souverain , qui n'étoit pas fcrupuleux fur les moyens de fe
procurer de. l'argent , & qui même , par le plus étrange abus
468 P R I
de fon autorité , faîfoît battre de la monnoie falfifiée. Henri fut
transféré du Siège Epifcopal de Vannes à celui de Nantes, l'an 1 404.
Jean Raoul , Dofteur en Théologie , fuccefTeur de Henri , à
l'Abbaye de Prières, vers 1405 , obtint du Pape, pour lui &
fes fuccefTeurs , l'ufage des ornements pontificaux , & la permif-
fion de bénir le peuple. Cet Abbé îoufcrivit à la vingtième
cefllon du Concile de Confiance , fut recommandé au Duc de
Bretagne par le Pape Martin V, & député, en 1430 , par le
Chapitre général de fon Ordre , au Concile de Bâle ; il établît,
dans fon Eglife, la Fête folemnelle de la Préfentation de la Sainte
Vierge auTemple,& mourut le 28 Juillet 143 9; il fut inhumé dans la
falle du Chapitre de fon Abbaye , où l'on voit encore fon Epitaphe-
Dom Melchior de Serent, nommé Abbé de Prières , en 1681,
gouverna cette maifon jufqu'en 1727 ; cet Abbé fit rebâtir la
majeure partie de fon Monaflere , & fit conftruire une nouvelle
Eglife fur le plan de M. Cote , Archite61e du Roi. Avant de
commencer la démolition de l'ancienne, qui fe fit en 171 5,
on leva le corps du Duc Jean I , & lorfque le nouveau bâtiment
fut achevé , on le plaça dans le tombeau qu'on lui avoit érigé
dans le chœur , du côté de l'Evangile. La première pierre de l'Lghfe
avoit été pofée le i Avril 1716, au nom de M. le Duc d'Or-
léans, Régent de France, par M, Feydeau de Brou , Intendant
de Bretagne : elle fut confacrée le 20 Juillet 1726, par Antoine
Fagon , Evêque de Vannes. L'édifice efl vafle Se magnifiquement
décoré de fculptures & de tableaux nouvellement peints , qui font
de la main du fieur Valentin , né dans le diocefe de Quimper ,
& élevé des Académies de peinture de France & de Rome.
Cette Abbaye a eu des Abbés Commendataires , depuis l'an 1 501
jufqu'à l'an 1630, qu'elle fut remife en règle, en faveur de la
réforme qu'elle avoit embraffée. Dom Jean -Louis de Meaux ,
Abbé aftuel , efl le huitième depuis la réforme , & le trente-
deuxième Abbé depuis la fondation de Prières ; il a été nommé
par le Roi, le 9 Mars de l'année 1766.
PRIGNÉ ; fur la côte ; à 8 lieues à l'Ouefl-Sud-Ouefl de
Nantes , fon Evêché & fon reffort ; à 30 lieues de Rennes; &
à 2 tiers de lieue de Bourgneuf , fa Subdélégation. On y compte
2 GO communiants : la Cure efl à l'alternative. L'afte de la con-
fécration de l'Eglife de Saint-Nicolas d'Angers , faite par le Pape
Urbain II , met la ParoifTe de Prigné au rang des biens dépen-
dants de cette Eglife. Benoît , Evêque de Nantes , confirma , aux
P R I 4(?9
Moines de l'Abbaye de Redon , la pofTefTion des Eglifes d'Arton ,
de FrofTé , & de Chauve , par afte paffé au mois de Juillet 1 104,
dans le Cloître des Religieufes de Sainte -Marie de Prigné. Ce
Prélat affembla fon Synode diocéfain, l'an 1105 , à Prigné. Le
Prieuré de Saint-Nicolas de Prigné , jadis de la dépendance de
Saint-Jouan de Marne , a été réuni au Séminaire de Nantes ; la
Chapelle de ce Prieuré eft en ruines. On connoît, dans la même
Paroiiïe , le Prieuré de Saint -Philbert , fort ancien ; mais nous
ignorons l'époque de fa fondation. L'hiftoire ne dit rien de Prigné ;
mais j'ai trouvé , dans un manufcrit digne de foi , que c'étoit
autrefois une ville allez confîdérable , & qu'elle a foutenu plufieurs
fieges. La bute qu'on voit auprès du bourg , & que plufieurs
croient n'être qu'un monceau de terre rapportée , ell: un fou-
terrein voûté & muré en pierres de tailles , à l'épreuve de la
bombe & du canon ; il ell à préfumer que ce lieu fervoit autre-
fois de magafin de poudres. Je n'ai vu aucun titre qui fît men-
tion de la fondation des Religieufes de Prigné , dont il eft parlé
ci-delTus ; j'ignore de même quand cette maifon a cefle d'être.
Des terres fertdes & bien cultivées , de bons pâturages , ôc
des marais falants ; voilà ce que ce territoire offre à la vue : oh
n'y fait pourtant pas tant de fel qu'autrefois , parce que la mer
perd beaucoup en cet endroit , & peut-être, avant un demi-fîecle,
en fera-t-elle éloignée d'un quart de lieue,
PRIMELIN j fur une montagne , au bord de la mer ; à 8 lieues
à rOueft de Quimper , fon Evêché & fon relTort ; à 47 lieues de
Rennes ; & à 2 lieues de Pontcroix , fa Subdélégation. Cette Pa-
roifle relevé du Roi , ôc compte 900 communiants : la Cure efl
à l'alternative. Le territoire , borné au Sud par la mer , renferme
des terres fertiles en grains de toute efpece , & bien c?ultivées par
les femmes , qui font fort laborieufes : elles prennent le foin de la
culture de leurs champs, tandis que les hommes s'occupent à la
pêche ou à la navigation.
PRINCE ; fur une hauteur ; à 10 lieues à l'Eft de Rennes , fon
Evêché & fon refTort ; & à 3 Ueues de Vitré , fa Subdélégation.
On y compte 1300 communiants : la Cure ell: à l'alternative.
L'Abbaye de Saint-Sulpice , haute- Juftice , à Madame l'AbbefTe :
l'Épronniere , moyenne & baffe- Juftice ; & Courdoifie , moyenne
& baffe-Juffice , à Madame veuve Legonidec. Ce territoire eft
borné , à un quart de lieue à l'Eff , par la rivière de Vilaine ,
470 P R I
qui fépare le Maine d'avec la Bretagne, & qui prend fa fource
dans plufieurs étangs , 8c fur-tout dans ceux de la Cordelière ,
qui font les plus conlidérabies de cette ParoifTe. Des grains de
toute efpece , du foin , des fruits , de bons pâturag-rs , telles font
les productions du terroir : c'eft un pays couvert , où l'on voit
des vallons , des coteaux , & des landes qui s'étendent dans une
longueur d'une lieue un quarts , depuis un quart de lieue à
rOueft de ce bourg jufqu'à l'étang de Châtillon.
PRINQUEAUj à 8 lieues à l'Ouefl - Nord - Oueft de Nantes,
{oh Evéché & fon reifort j à 19 lieues de Rennes ; & à 2 lieues de
Pont-Château , fa Subdélégation ; cette ParoifTe relevé du Roi , Se
compte 1 000 communiants : la Cure eu à l'Ordinaire. Ce territoire
renferme des terres bien cultivées , des prairies , des marais , & des
landes. On y voit la maifon noble de Curay , auprès de laquelle ell
un bois taillis j la haute- JulHce de Coiflin appartient à M. de Befné.
Un ufage , peut - être blâmable , ne veut pas qu'on loue les
hommes vivants ; je l'ai fuivi jufqu ici , cet ufage , avec une fcru-
puleufe exactitude ; mais en ce moment , je prie mes lefteurs de
vouloir bien m'en affranchir, pour publier des vertus vraiment
dignes d'être célébrées. Tous les habitants du Comté de Nantes
rendront , comme moi , juftice à M. Jonic , Refteur de Prin-
queau ; fa conduite , toujours fage , mérite d'être propofée pour
modèle à tous les Eccléfiaftiques j il règne , par l'empire de la
vertu , fur fes paroiffiens , qui le font l'arbitre de tous leurs diffé-
rents j depuis qu'il eu Reâeur de Prinqueau on ne voit plus de
procès entre les habitants , qui vivent dans la plus étroite union ,
formée & entretenue par ce refpeftable Pafteur ; mais ce qu'on
trouvera de plus étonnant , c'eft que fa probité eft fi aimable , fon
caractère fî doux, fon commerce fi agréable , que ceux qui font
le moins fufceptibles d'aimer les EccléfialHques , ne peuvent s'em-
pêcher de le chérir &c de l'admirer dès l'inflant qu'ils l'approchent.
PRÎZIAC j fur la route de Guemené au Faouet; à 14 lieues au
Nord-Ouefl: de Vannes , fon Evêché ; à 28 lieues de Rennes; &
à 4 lieues de Guemené, fa Subdélégation : cette Paroilîê refTortit
à Hennebon , & compte 2000 communiants : Crevenec &: le Deor
forment une hautc-Juftice , qui reflbrtit à la Principauté de Gue-
mené : la Cure efl à l'Ordinaire. A un quart de lieue au Nord de
Priziac , font les ruines du château de Belair , auprès de l'étang
de ce nom j j'ignore l'année de fa démolition , il n'y paroît plus
PRI=.QUE 471
qu'une Chapelle. Ce territoire ci\ un terrein plat & coupé de
ruiffeaux ; il renferme des terres bien cultivées , des prairies , &
des landes ; les habitants font beaucoup de cidre , qui eft leur boif-
fon ordinaire. Les maifons nobles font, en 1430, Penqueflen, qui
appartenoit à Pierre de Kermerien j Ker-menec , à Pierre Lefmei,
Sieur de Régautj Ker-ual , à Guillaume Rotuel ; Treruz , à Charles
LeicaufF, Sieur de Quecanquen de Menezgouen ; Ker-menquen ,
à l'Abbé de Langonnet -, Mindrouch , à Guillaume Philippe.
PUCEUL ', à 7 lieues au Nord de Nantes , fon Evêché & fon
refibrt ; à 1 5 lieues de Rennes ; & à 4 heues de Derval , fa Sub-
délégation. On y compte 900 communiants : la Cure ell à l'Ordi-
naire. Bohalard , haute , moyenne & balTe-Juflice , qui s'exerce
à Puceul. Près la rivière d'ifac eil le village de la Chevallerais,
dans lequel eft une Chapelle deflervie par un Prêtre qui n'a aucun
revenu fixe ; il demeure dans ce village , & vit des quêtes qu'il
fait chez les habitants qui l'avoifinent. Des terres en labeur , des
prairies , & des landes très-étendues , dont le fol paroît excellent;
voilà ce que préfente à la vue ce territoire , qui eft un terrein
plat d>c uni. Le fol , à mon avis , ell , plus que tout autre en-
droit de la Province , fertile en bois , qui y croit très-bien , quoi-
que rongé par les heftiaux. On pourroit donc au moins changer
en taillis ou forêts , les landes immenfes de cette ParoifTe , fi l'on
n'a pas le delTein de les défricher & d'en tirer un meilleur parti ,
en y femant du gland.
V^UÉBRIAC ; dans un fond; à 8 lieues au Sud -Sud -Fil de
SaiiiLiMalo , fon Evêché ; à 6 lieues de Rennes ; & à i lieue de
Hédé, fa Subdélégation & fon reflbrt. On y compte 1200 com-
muniants : la Cure eft préfentée par l'Abbé de Rillé. Le territoire,
pays couvert , renferme des terres bien cultivées , des prairies ,
& des landes ; les habitants font beaucoup de cidre. La Seigneurie
de Québriac eft très - ancienne ; fous les Ducs de Bretagne, le
pofTciTeur de cette Seigneurie avoir le titre héréditaire de premier
Écuyer du Prince. L'an 13ÇO Guillaume de Québriac ferv oit dans
la Compagnie de Jean , Vicomte de Rohan ; & le Normand de
Québriac , fon frère , dans la Compagnie de Thebaud , Sire de
Rochefort. Dans les lettres que le Duc Jean IV expédia à fon
ParlcïTient général , aifemblé à Vannes , en 1 3 9 5 , ce Prince qualifie
^infi le Seigneur de Québriac ; Notre bUn - aimé & féal héritier^
471 QUE
Seigneur de Quéhnac, Ces lettres portoient confirmation d'un droit
coutumier en faveur des Seigneurs de cette maifon. La Seigneurie
de Québriac fut érigée en Bannière par le Duc Pierre II , en 145 1 ,
en faveur de Thomas , Seigneur de Guemadeuc , grand Écuyer de
Bretagne, & Chevalier des Ordres du Roi. Jean de Guemadeuc ^
Chevalier , Seigneur de Québriac, ayant été blelTé dans un combat
qui fe livra auprès de Loudéac, mourut le 1 1 Juillet 1592 ; fon
corps fut porté à Rennes , & dépofé pendant quatre jours dans
l'Eghfe paroifliale de Touflaint , d'où il fut tranfporté , avec la plus
grande pompe, à Québriac , où il fut inhumé. L'an 1 594 , la gar-
nifon que le Duc de Mercœur avoir à Québriac , furprit & tailla
en pièces celle que le Roi Henri IV avoir au Pont-Arguel. A la
fin du mois de Mars de la même année , de Fontelebon prit le
château de Québriac, & alla lui-même porter au Maréchal
d'Aumon , à Rennes , la nouvelle de cet heureux fuccès.
Au mois d'Oftobre 1595, Saint-Laurent , Capitaine du Duc
de Mercœur , partit de Dnian avec des troupes & deux pièces
de canon , pour aller affiéger le château de Québriac. Fontelebon
étoit alors abfent , & à fon retour , ce brave guerrier , qui s'étoit
rendu maître de ce château , ne put rentrer dans fa place qu'a-
près des tentatives multipliées pendant trois jours , & fçut fi
bien la défendre , que Saint-Laurent , dangéreufement bleffé , fut
obligé de lever le fiege, après avoir perdu un grand nombre àç.s
fiens. L'année fuivante , les troupes du Duc de Mercœur afîié-
gèrent encore Québriac , & plus heureufes que la première fois ,
elles s'en emparèrent. Ce château fut démoli , en 1 599 , par ordre
du Roi Henri IV^
QUÉDILLAC ; fur îa route de Rennes à Saint -Brieuc ; à 9
lieues & demie au Sud-Sud-Ouefi: de Saint-Malo , fon Evêché ^
à 8 lieues de Rennes ; & à 2 lieues de Montauban , fa Subdé-
légation. Cette Paroiffe reffbrtit à Ploermel , & compte 1400
communiants : la Cure efi: à l'ai^rnative. Des grains , du foin ,
des fruits ; telles font les produftions ordinaires de ce territoire ,
qui contient quelques landes dont on pourroit tirer parti. L'an
3 Qoo , Alain III , fils de GeofFroi I ^ donna la Terre & Seigneurie
de Quédillac à FAbbaye de Saint-Méen, - En 1350,, la maifon
noble de Brebuan , à Jean Riou j la Peleraye , à Pierre de Lau-
naye ; la Guerandais , à: N.... : en 1400, la Bodinaye, à Guil-
laume Gruel j Ranléort , à Eufi:ache de la Houflaye ; la Houf-
faye, à Jean Léonnais j. la Pillerais, à Olivier l'Abbé j^ la Boue,
à
QUE 475
à Alain de Landugen. R.anlcon , haute- Juftice , aux enfants de
M. de Saint-GeniCi la Bougere , haute-Juflice , à M. de Bini
de Langeron ; la Heuzelais , haute & moyenne-Juftice , à Madame
de la Riolais; la Régnerais - en - Plumodern , bafTe-Juftice , à Ma--
dame de la Saudraye-Gautier.
QUEMENEVEN ; à 3 lieues au Nord de Quimper , fon Eve-
ché ; â 39 lieues de Rennes; & à i lieue un quart de Châ-
teauHn , l'a Subdélégation & Ion reflort. On y compte 1 200
communiants : la Cure efl: à l'Ordmaire. Des coteaux , des mon-
ticules , des vallons , des terres excellentes , des prairies , des
landes , & la forêt au Duc , qui peut avoir trois lieues de circuit ;
voilà ce qu'on remarque dans ce territoire. Les maifons nobles:
en 1420, le manoir du Pouidu appartenoit à Pierre Tregoret j
Gomalon , Coetquiriou , Ker-iegouan , Pontigou , le Hue , Penan-
coët , & Pencoët , à N
QUERFEUNTUN -, à l'extrémité d'un des fauxbourgs de Quim-
per , fur la route de Châteaulin. On y compte 1 200 commu-
niants : la Cure eft à FOrdinaire. C'eil dans cette ParoifTe que
font {itués , l'Hôpital de Sainte - Catherine , l'Hôpital général , &
le Prieuré de Locmaria de Quimper. Ce territoire offre à la vue
une campagne bien cultivée , abondante en grains , fourrages 6c
fruits , variée de coteaux & de monticules. Les maifons nobles
de l'endroit font : le Loch , Ker-lividic , le Parc , le Brieuc , Coet-
bili , & Parc-Poulie.
QUERRIEN ; fur une hauteur ; à 9 lieues à l'Eft de Quimper ,
fon Evêché ; à 3 1 lieues de Rennes j & à 2 Ueues de Quim-
perlé , fa Subdélégation & fon reflort. Cette ParoilTe relevé du
Roi, & compte 3000 communiants : la Cure eil à l'alternative.
Des terres bien cultivées, des prairies, & beaucoup de landes;
voilà ce que ce territoire préfente à la vue : c'ell un pays
couvert par endroits , Se fort abondant en cidre. La maifon noble
de Ker-iomar fe trouve dans cette Pareille.
QUERNEVEL ; dans un fond ; à 5 lieues un quart à l'Ell-Sud-
Eft de Quiinper, fon Evéché ; à 34 lieues de P».cnnes , & à 3
lieues de Concarneau , fa Subdélégation & fon reffort. On y
compte 1700 communiants : h Cure eil à l'alternative. Ce teni-
toiie, axfofé de plulieurs luilP^îaux, renferme des terres en labeur ,
ï^omc IIL G ;
474 .. QUE
des prairies , des landes , & produit beaucoup de cidre. Ses mai"
fons nobles, en 1400, étoient : le Quinilit, le Gouazel,Ker-eronay,
le Querlot , Ker-gouet , Trelouarn , & Bihan.
QUESSOY ; fur la route de Saint-Brieuc à Moncontour ; à 3
lieues au Sud-Eft de Saint-Brieuc, fon Evêché ; à 17 lieues de
Rennes , fon reffort j & à i lieue & demie de Moncontour , fa
Subdélégation. On y compte 1800 communiants : la Cure eÔ: à
l'alternative. Des terres bien cultivées & des landes, voilà ce
(Qu'offre à la vue ce territoire , qui ell fort peuplé d'arbres frui-
tiers. Le village de l'Hôpital , vulgairem-ent appelle l'Hôpital de
Quejfoy^ furie grand chemin de Saint-Brieuc, eft une Comman-
derie de l'Ordre de Malte. La Salle, la Roche-Rouffe , Robien,
le Boifglé , Bofliguel , le Bottier , le Botrel , le Bohu , & Laubé ;
ces neuf maifons nobles ou fiefs ont tous haute , moyenne &
balTe-JulHce , à Madame veuve du Plancher : Saint - Queneu ,
haute , moyenne & baffe- Juftice , au Prieur de Léhon ; Brefeillac,
haute , moyenne & baffe-Juftice , à M. de Trévoux ; la Ville-
Merue , haute , moyenne & bafle-Juflice , au Prieur de Léhon :
la Commanderie de QuefFoy , haute , moyenne & baffe- Juftice ;
Collinée , haute , moyenne & baffe - Juflice ; Plaine - Haute ,
haute , moyenne & baffe-Juflice; & Planguenoual , haute , moyenne
& baffe-Juflice , à M. le Commandeur de Malte : Quilhel , moyenne
& bafîe-Juftice , à M. de Beaucours 5 la Vieuxville , moyenne
& baffe- Juflice , à M. de la Villevolette.
QUESTEMBER ; gros bourg ; à 5 lieues à l'Efl de Vannes ,
fon Evêché & fon reffort ; à 1 7 lieues de Rennes ; & à 6 lieues
de Redon, fa Subdélégation. On y compte 3600 communiants:
la Cure efl à l'alternative. Ker-david-Quintin, haute - Juflice j
Carné , haute-Juflice. Ce territoire , pays plat & couvert , offre
à la vue des terres bien cultivées , des prairies , des vallons , des
coteaux , & des landes très-étendues dont le fol paroît mériter
les foins du cultivateur. On y remarque le moulin à vent de la
Beurgne , fîtué fur une élévation qui forme un très-beau point
de vue. Il fe tient fix foires confidérables , par an , à Queflember,
& marché tous les lundis.
En 430, Erech , fils d'Audren , Roi de Bretagne, fit bâtir,
dans le territoire de Queflember , un château , qu'il appcUa , de fon
nom , Erech. Cette maifon , un des plus anciens monuments de la
province^ appartient aujourd'hui à M. de Pont-Carré de Viarme.
Q U E= Q U I 475
On remarque plufîeurs veftiges d'anciens retranchements dc.ns
cette Paroiffe , mais on ignore s'ils ont été conftruits par les Ro-
mains , les Normands , ou les Bretons. Les maifons nobles : en
1420, Ker-bourdin, à Eon de Carné ; Malbrehat , à Eon Macéj
le Forn , à Jean Mal-Enfant ; Trehurnan , à Pierre Peintel ; Coet-
droc , à Jean , Seigneur de Peni : Ker-edren , Talhouet , le Con-
zon , Ker-bourdm , Ker-onion , Ker-guilloux , Ker-ambart , Ker-
villy , Treiunion , Ker-roiiauft , Ker-enfis , Trefenail , Ker-abraham,
font d'autres maifons nobles.
QUEVEN ; fur une hauteur ; à 1 1 lieues à l'Oueft-Nord-Ouefl
de Vannes , fon Evêché ; à 29 lieues de Rennes ; & à i lieue
de l'Orient , fa Subdélégation. Cette Paroiffe reffortit à Hennebon ,
& compte 1500 communiants : la Cure ell à l'alternative. Des
terres en labeur , des prairies , des arbres à fruits -, voilà ce que
préfente à la vue ce territoire , qui eft très-bien cultivé. On a fait
un grand chemin qui conduit de la route de Quimperlé au bourg
de Queven.
QUEVERT 5 fur une hauteur ; à 4 lieues au Sud de Saint-
Malo , fon Evêché -, k 10 lieues de Rennes ; & à un tiers de
lieue de Dinan , fa Subdélégation & fon reffort. On y compte
650 communiants : la Cure efl à l'alternative. Ce territoire con-
tient des terres en labeur , des prairies , & quelques landes. Le
château de la Broffe appartenoit , en 1400, à Jean du Bois-Riou ,
Chevalier, Seigneur de la Broffe, lequel mourut en 1453. Bertrand,
fon fils , Chambellan du Duc François II , fut père de François, qui
époufa Anne de Montauban. Gilles de Bois-Riou fut fuccefïive-
ment Gentilhomme de la chambre du Duc François II , & Maître-
d'Hôtel de la Reine Anne, en 1508 j & Anne du Bois-Riou fe
maria à Chnffophe de Beaumanoir. Cette Seigneurie appartenoit,
en 1680, à François du Bois-Riou, qui la laiffa à fes enfants:
le château eff maintenant en ruines -, il paroît qu'il étoit affez
bien fortifié , mais l'hiftoire ne dit point qu'il ait foutenu de
fiege.
QUIBERON ; prefquifle ; à 7 lieues au Sud-Oi^eft de Vannes,
fon Evêché ; à 27 lieues deux tiers de Rennes j &: à 5 lieues
d'Aurai , fa Subdélégation & fon reffort. On y compte 1 1 00
communiants : la Cure eff préfentée par l'Abbé de Saint-Gildas
de Rhuis, Cette prefqu'iÛe ne tient plus au continent que par
476 .QUI
une langue de terré , qui , fous le Fort Penthiev-re , bâti à
l'entrée de Quiberon , n'a pas vingt-cinq toifes de large , ôc
prefqu aucune élévation au deflus du niveau de la mer : une
partie de cette langue de terre efl couverte d'eau, à marée haute,
ôc le paffage n'eft praticable , pour fe rendre à Quiberon , qu'à
marée baffe. La rade de Quiberon eft aufli vaffe que fûre , elle
offre par-tout un bon mouillage ; c'eff une efpece de golfe ,
dont les deux caps les plus avancés font la pointe de Quiberon
& celle de Saint-Giidas. Le feul port de Quiberon eft le port
Haliguen , fermé par un môle en pierres feches , & ne pouvant
recevoir que des bâtiments de cent cinquante à deux cents
tonneaux.
Quiberon étoit riche , & peuplé de bons navigateurs. Des vingt-
deux villages que contient la prefqu'iile , les Anglais en brûlèrent
onze , en 1 746 , ainfi que tous les bâtiments qu'ils trouvèrent
dans les havres ou à la côte ; à peine depuis ce temps a-t-on
pu rebâtir les villages j & aujourd'hui la petite marine de Qui-
beron , réduite à trente-fîx chaffe-marées , ne reviendra , de long-
temps , à l'époque brillante où , avec ce même nombre de chaffe-
marées , elle mettoit en mer jufqu'à quarante bâtiments de
foixante à deux cents tonneaux. Les Anglais , qui ont la réputa-
tion de guerriers généreux, la démentent fouvent quand ils font
intéreffés à détruire des établiffements de commerce & d'induffrie.
Le Roi vint au fecours des malheureux qu'ils avoient ruinés ; il
accorda des fommes pour leur être remifes j mais ils fe pla)gnent
que ces grâces, arrêtées dans leur courfe , n'ont pu arriver jufqu'à
eux. La feule défenfe de Quiberon confifle en quelques batteries
répandues fur la côte & dans le Fort Penthievre , qui ne peut
empêcher l'ennemi de ruiner la prefqu'ifle , , mais qui peut lui
fermer le chemin du continent.
Le peuple de Quiberon eft d'une plus belle efpece que celui
de toute cette côte : un air de fanté , de gaieté, de propreté, lui
eft apparemment donné par l'aifance & la propriété. Ses maifons
font bien bâties , prefque tous {es habitants font propriétaires j
les portions de terres y font prodigieufement fubdivifées , & par
,cela même , le territoire général eft d'un plus grand produit :
heureufement pour cette honnête peuplade , on n'y voit que deux
ou trois fermiers. Le Roi , comme propriétaire foncier de Qui-
beron , prélevé un quart des récoltes : Henri IV avoir exempté
de cette énorme redevance , beaucoup de terres qu'il avoir ré-
duites à ne payer que le douzième. Les incendies , allumés en
..QUI 477
5746 par les Anglais, ont fait perdre aux habitants les titres
de la conceflion de ce bon Roi. D'autres terres avoient eu la
faculté de racheter toutes leurs redevances ; & , totalement libé-
rées , on les connoifToit fous le nom de terres quittes ; aujour-
d'hui les unes & les autres font indiilinftement forcées de payer
au Seigneur cette première redevance d'un quart de leurs
récoltes.
La pêche de la fardine fe faifoit autrefois fur la côte de la
rade de Quiberon , & dans les parages voilîns , jufqu'au Mor-
bihan : le poiiTon préfère aujourd'hui ceux de Belle-îile & de
Groais. Beaucoup de preiïes , bâties à Quiberon & fur les bords
de la baie de la Trinité , en Carnac , près de Ker-navell: , font
tombées en ruines. Ainii doivent difparoître toutes les puiiTances
fondées fur un commerce fugitif ; il n'y a de ftable que
celles qui ont des richefTes foncières , une grande abondance de
matière première dont les peuples éloignés ont befoin , & qui
ne peuvent naître chez eux. La puiffance des Anglais, {1 fort
accrue par le commerce , eft donc plus précaire que jamais ^ & ,
après la perte de leurs Colonies , on pourroit calculer le mo-
ment où elle doit s'évanouir. Ce moment s'accéléreroit avec une
grande vîtefTe , fi des Nations tributaires de fon commerce vou-
loient s'efforcer d'imiter fon induftrie. On déclame beaucoup
contre la variété de nos modes , je ne déciderai point ii c'eft
bien ou mal à propos , j'obferverai feulement que fur toute cette
côte de la Bretagne , il n'ell pas deux villages dont le coflume ,
fur-tout pour les femmes , foit femblable : leurs habillements &
leurs coëffures , qui ne font pas toujours de bon goût , n'en font
pas moins chers. Les marchés des villes voifines , où affluent les
habitants de ces côtes , offrent , en ce genre , un fpeftacle très-
bizarre & très-varié. La fortune ne les fait pas encore quitter
leur coftume , & la feule différence entre les habits de la femme
d'un colon riche & d'un colon moins opulent , coniifte en ce que
les uns font de foie , quand les autres font de laine , mais tous
font de la même forme.
A la vue de tous les parages & de la chaîne de rochers qui
femble lier enfemble les iiles de Hédic , Houat , & Quiberon ,
on ne peut guère douter que toutes ces terres , & peut-être
même Belle-Ifle , n'aient fait autrefois une ou plusieurs prefqu'ifles
du continent de la Bretagne. Je dis prefqu'ifle , parce qu'il a tou-
jours fallu des iffues aux rivières d' Aurai , de Vannes , & de la
yiilaine j &: qu'en les réduifant à un feul débouché , il paroît
478 QUI
qu'il a toujours été dans l'efpace qui exifle entre Hédic & la
pointe de Piriac.
Le Prieuré de Quiberon fut rétabli, en 1027, par le Duc
Alain III , qui le donna à l'Abbaye de Saint-Sauveur de Redon ,
de laquelle il paffa depuis à celle de Saint-Gildas de Rhuis, qui
le ponede encore , & qui en nomme le Refteur ou Prieur. De-
puis fa fécularifation , ce Prieuré fut détruit par les Normands , &
les cruautés de ces barbares avoient jette une telle épouvante
parmi les habitants du pays , qu'on fut obligé , long-temps après y
de rappeller à Redon un Prieur de cette nation qu'on y avoit
établi, parce que fon origine efFrayoit tout le monde. En 1705 y
on vit un homme marin entre l'ifle de Belle-ïfle & Quiberon : il
fut appelle par des pêcheurs. Le Père Henriquez , Jéfuite , en fait
mention. On remarque dans cette prefqu'ifle plufieurs de ces
pierres énormes dont les antiquaires ont tant parlé.
QUILBIGNON; à 12 lieues au Sud-Sud-Oueit de Saint-Pol-
de-Léon , fon Evêché i à 48 Heues de Rennes ; & à trois quarts
de lieue de Brefl, fa Subdélégation & fon reflort. On y compte
2200 communiants : la Cure ell à l'alternative. Le fauxbourg de
Recouvrance , à Breft , dépendoit autrefois de Quilbignon. II n'y
avoit dans ce fauxbourg qu'une petite Eglife fuccurfale ; les deux
endroits ont été réunis depuis ce temps , & le Curé a fixé fon
féjour à Recouvrance , 011 il fe trouvoit plus agréablement placé qu'à
^ Quilbignon. Le territoire efl: un pays montagneux , mais très-fer-
tile en grains & pâturages : il eft borné au Sud par la mer. La
ballille de Quilbignon étoit autrefois une forte place : elle eft
maintenant en ruines. Les maifons nobles de l'endroit font : les
châteaux de Beauford & du Porzic. Le Fort du Mengan , fur le
bord du Goulet, qui fait l'entrée de la rade de Breft , tire fon,
nom d'un rocher qui eft dans le Goulet, où étoit jadis un petit
port nomme le Poux-de-Uevre.
QUÎLLY j au bord des marais de Saint-Gildas des Bois j à 8
lieues & demie au Nord-Oueft de Nantes , fon Evêché ; à 1 6 lieues
& demie de Rennes ; & à 2 lieues un tiers de Pont-Château,fa Subdé-
légation. On y compte <oo communiants; M. le Marquis de Coiflin
en eft le Seigneur : la Cure eft à l'alternative. Ce territoire offre
à la vue des terres, bien cultivées , des pâturages , & des landes»
QUILLY i à 7 lieues deux tiers au Nord-Eft de Vannes , fort
QUI 479
Evêché ; à 1 4 lieues de Rennes j & à 3 lieues de Maleftroit , fa
Subdélégation. Cette Paroifle reffortit à Ploermel , & compte 450
communiants : la Cure efl à l'alternative. Le Val fous Caftel ,
moyenne & baiTe-Juftice j & Haut-Quilly, moyenne & bafTe-Juf-
tice , appartiennent à M. de Cartel. Ce territoire offre à la vue
des terres en labeur & des landes.
QUIMERCH5 à 6 lieues deux tiers au Nord de Quimper, fon
Evêché j à 40 lieues de Rennes ; & à i lieue du Faou , fa Sub-
délégation. Cette Paroiffe refîbrtit à Châteaulin , & compte 1300
communiants : la Cure eft à Talternative. Ce territoire , plein de
montagnes , de vallons , & de coteaux , renferme des terres en
labeur, des prairies, des landes, & autres terres incultes^ & la
forêt de Grammont ou du Faou, qui peut contenir fix mille cent
arpents en futaie & taillis, & qui appartient au Seigneur de
Guimerch & du Faou. Il y avoit jadis un fort château,
avec Capitainerie , dont , en 1359? le Roi d'Angleterre donna
le Gouvernement à Olivier de Cliffon. Les maifons nobles : en
1500, les manoirs de la Mée & de Coatifcoul , appartenoient
au Sieur du Faou ; le Subot-Amifec , à Pierre de Kermar-
quern ; Ker-morvan de Leslun , à René de Kerlec ; le Bot & le
Menier-Aufrai , à Jean du Bot ; Villeneuve & Ker-acucaillaut ,
aux Sieur & Dame de Mondragon ; Penanmuer, à Jacques Lego j
Ker-anrec , à Olivier Lanfulien j Penandrun du Sul , à N..,. le
Barbu, & Ker-gal, à N.,.,
QUIMPER ; par les 6 degrés 27 minutes 2 1 fécondes de longi-
tude , & par les 48 degrés 20 fécondes de latitude j à 3 8 lieues un
quart de Rennes. Ce diocefe , qui renferme deux cents quatre-vingt-
quatorze lieues quarrées en fuperficie , eft borné au Nord parles
Evêchés de Saint-Pol-de-Léon & de Tréguier , à l'Ell: par ceux de
Vannes & de Saint- Brieuc ; au Sud & à l'Oueft par vingt-fîx
lieues ôc demie de côtes de mer. Le pays eft rempli de mon-
tagnes , celles que l'on nomme /es montagnes noires, font les plus
confîdérablesi: elles forment un rideau de la longueur de trente-
cinq lieues : ies montagnes Darés ont neuf lieues de longueur. On
compte dans le dïocefe de Quimper onze villes , dont quatre dé-
putent aux Etats ; cent foixaiite-treize ParoifTes , quatre-vingt-dix
trêves ou fuccurfales, cinq Abbayes d'hommes, une de femmes;
fix Couvents d'hommes , huit Couvents de femmes , cinq Hôpitaux ;
onze forêts , un grand nombre de ports & plufieurs rivières navi-
4So QUI
gables. L'air y eft pur & falutaire , & les côtes très-agréables. La
variété des objets, & les belles & riches campagnes qui s'offrent
à la vue, forment le fpeftacle le plus intérell'ant pour une ame
fenfible aux beautés de la Nature. L'intérieur du pays , a deux
ou trois lieues de la côte , eft loin d'avoir les mêmes agréments j
on n'y apperçoit que des montagnes , des landes , des terres in-
cultes, & des bois affez étendus.
La ville de Quimper compte 9500 habitants ; fept Pa-
roiiTes, y compris celles des fauxbourgs ; fçavoir , Saint -Sau-
veur, Notre-Dame de la Chandeleur , le Saint- Eiprit , Saint-
Ronan, Saint-Juhen, (ces cinq Paroiffes font delTervies dans la
Cathédrale par cinq Vicaires du chœur;) Saint Matthieu, (la
Cure eft préfentée par un Chanoine de la Cathédrale ; ) fk Lo-
niaria , dont la Prieure des Bénédi8:ines pr éfente la Cure ; ûx
Communautés , fçavoir , les CordeUers , les Capucins , l'Abbaye
des Dames de Ker-lot , de l'Ordre de Citeaux j les Urfulines ,
les Calvairiennes , & les Dames de. Locmaria : deux Hôpitaux ,
qui font , Sainte - Catherine , pour les malades , & Saint- Antoine
pour les infirmes : deux marchés par femaine , le mercredi
& le famedi j & iîx foires con(îdérables par an. On y remarque
un Gouvernement de place , un Siège préfidial , une Communauté
de ville , avec droit de députer aux Etats j une Amirauté , une
Subdélégation, une Brigade de MaréchaulTée , commandée par un
Lieutenant ; une Recette -, les Poiles aux lettres & aux chevaux j
& un beau Collège, jadis dirigé par les Jéfuites. Les armes de la
ville font de gueule , au cerf pafTant d'or , au chef de France.
Sa fituation eft ilir les rivières d'Odet & d'Eir , entre des mon-
tagnes allez élevées ; celle qui ell: au Sud peut avoir iix cents
pieds de haut. La rivière d'Odet forme un port avec flux &
reflux , les petits navires y peuvent aborder , & font fleurir le
commerce en cet endroit. Les denrées qui en font l'objet font 5
les fardines , le faumon & autres poiflîbns , le bétail , le papier,
l'ardoife , le cuivre , les grains , &c. Les deux rivières enferment
entre leurs lits un des fauxbourgs, qu'on appelle la terre au Duc.
on y entre par le pont de Saint-Médard. C'elt dans ce même
lieu que les Ducs av oient autrefois leur Jufl:ice, leurs prifons, &
que logeoient les Ofliciers de judicature : c'étoit là auflî que fe
tenoît le marché , fous une halle bâtie exprès. Les habitants de
Quimper font ufîige de la langue bretonne , comme les habitants
de Galles , en Angleterre. Les Jurifdi8:ions qui s'exercent dans leur
ville, fontj outre le Préfidial, la SénéchaulTée & l'Amirauté , les
Régaires
QUI 48t
Régaires de M. l'Evêque ; la haute - Juftice de Coatfao & de
Pratanouez , à M. le Prince d'Aremberg', la haute -Jufti ce de
Hilguy , à Madame de Treceffon j celle de Quemenet , à
Madame la Comteffe de Forcalquier j & celle du PlefTis-Ergué ,
à M. Gazon.
Les anciens annaliftes Bretons prétendent que Quimper fut
fondé par un certain Corineus , fugitif de Troyes. On ne pouvoit
imaginer une origine plus ilkiftre , &c ceux qui font amateurs du
merveilleux & de Hncroyable , fçauront fans doute gré à ces
auteurs d'une fi belle invention ; mais , com.me tout le monde
n'efl pas du même avis , on me permettra de ne point adopter
un fyitême qui eil fans fondement. Jules-Céfar eft le plus ancien
des hiltoriens qui aient fait mention de Quimper, fous le nom
de Curiofolkum , au fécond livre de fes Commentaires , où il dit
que les Vénetes , les Unelliens , les Curiofolites , les OfRfmiens ,
avoient été fournis aux Romains par PubHus-CralTus , qu'il avoit
envoyé, avec la feptieme légion , à la conquête de rArmonque,
Ce conquérant place toujours les Curiofolites fur les bords de
l'océan , & nous apprend qu'ils fournirent leur quote-part des
fix mille hommes que les Armoricains envoyèrent à Vereinge-
torix, dans la guerre contre les Romains. Pline n'a pas oublié ce
peuple , qu'il appelle Cariofulites , trompé fans doute par un ma-
nufcrit infidèle. Les vieilles notices de la Gaule nous parlent de
la ville de Quimper fous le nom de Confopitum , & de fes ha-
bitants fous celui Corifopites ou Confolites, Les géographes grecs,
comme Strabon & Ptolomée , n'en ont point fait mention , à
moins que le dernier n'ait voulu les défigner fous le nom d'^r-
viens , & leur capitale fous celui de Vagorit, 11 place ces Arviens
entre les Diablintes & les Nantais.
Quimper efl la capitale du pays de Cornouailles , &. l'hon-
neur qu'on lui a fait de lui donner un Evêque prouve clairement
que de tout temps elle a été une cité recommandable. Il ell inu-
tile d'approfondir la quellion de fçavoir ii fon nom latin Confo-
pitum eft le même que le Ker-is de l'anonyme de Ravenne , Ôc le
j^is de Dom Lobineau , qui a fuivi l'ufage des Bretons , en
donnant au Jj^ feul , le fon du Q , de VE & de VR, Il
ne feroit pas moins inutile d'examiner {i la prétendue ville d'Is
a été remplacée par Quimper , ou fi l'une & l'autre ont
fubfifté enfemble jufqu'au cinquième (iecle , époque de la fup-
pofée fubmerfion de la ville d'Is , aux environs du Ratz. Toutes
ces difcuffions . purement curieufes , doivent fe trouver à l'article
Tomç IlL P 3
48i QUI
Is (a). On obfervera feulement que les velKges du grand chemîii
qui fubfîflent encore aux environs de Cleden-Capfizun , femblent in-
diquer que , non loin de-là , il exiftoit une grande ville , mais il eft,
en faveur de l'ancienneté de Quimper , deux preuves locales,
je veux dire les rivières qui baignent fes murs au Couchant &
au Midi. La mer qui , deux fois le jour , monte au deffus du con-
fluent même de ces deux rivières , ell une troifieme preuve
naturelle qui conllate que Quimper a dû être bâtie prefque auffi-
tôt que TArmorique a été habitée. Car des lieux aufli avanta-
geufement fitués font toujours les premiers choifis & les premiers
habités. Le port de Benaudet , où il y a toujours vingt-fîx pieds
d'eau à baffe marée , ell: à l'embouchure de ces deux rivières. II
eft alfez grand & affez long pour contenir quatre cents frégates
& même des vaiffeaux de hgne , à l'abri des plus violentes tem-
pêtes ; mais le port de Quimper ne peut contenir que des barques
au defîbus de cent tonneaux , faute d'être creufé à la profondeur
de deux pieds feulement. Il eft facile , par Landevenec , de lui
procurer , avec Brelt , une plus courte communication que par
Crozon & par le port Launai même : il ne s'agit que de faire un
chemin entre ceux de Châteaulin & de Lanvaux j chemin qui
fera de la plus grande utilité aux fix Paroilles fur lefquelles il
paflera. Les deux autres grands chemins qui conduifent à Quimper
font ceux de Pont-Labbé, de Pont-Croix, & de Douarnenez , au
Sud-Oueft & au Nord-Oueft de cette ville j mais , à l'Eil Se au Sud ,
il n'y en a que deux , ceux de Rofporden & de Concarneau. II
en faudroit plufieurs autres , notamment un de Quimper à Mor-
laix, par Briec & Pléyben , & un autre à Roftrenen, par Cor-
rai, Roudouallec , & Glomel j car, plus grandes font les com-
munications du chef-lieu avec tout le relTort , plus il fe fait de
circulations de denrées , d'argent , & de tout ce qui vivifie la
fociété. On verra même qu'après ces communications établies
par-tout, on en fera quelques-unes par eau, notamment dans le
miheu de la province , en venant du Levant au Couchant , &
en profitant de la pente formée par la Nature. Voilà ce qu'on
a cru devoir obferver à ceux qui aiment le mieux à côté du bien.
Voici maintenant ce qu'on doit apprendre à ceux qui veulent
connoître les privilèges des villes & le principe de ces privilèges.
Avant la conquête de l'Armorique par les Romains , cette
{a) Cet article , qu'on avoit d'abord réfolu de fupprimer , le trouvera à la fin du dernier
volume, en fupplément.
QUI 48J
prerqu'ifle étoit libre , Se chaque cité avoit un Sénat. Céfar nous
atterie la jouiiïance de cette liberté & Texiilence de ces Sénats
particuliers ; il parle même d'une affemblée générale à Vannes.
Les Romains , après leur conquête , ne firent d'autre changement
que d'envoyer un Préfet dans chaque cité, & un Conful dans la
capitale. Chaque cité , en général , & chaque citoyen , en par-
ticulier , refta maître de fes propriétés. Alors & long-temps après ,
on ne connut plus l'amovibilité de ces propriétés. Quimper avoit
les fiennes , tant au dedans qu'au dehors de fes murs : elle a
encore des communes qui en font les relies. Chaque citoyen
avoit fes propriétés , & ne voyoit au deflus de lui que le
Préfet & les' Magiftrats. Une maifon à la ville & quelques
domaines à la campagne formoient le patrimoine de chaque
famille : ces domaines , appelles en celtique iec/i , & délignés par
les Romains fous le nom de villœ ou infulœ^ produifoient en bled
de quoi nourrir le particuUer & le pubhc , fans qu'on eût aucune
idée d'aller vendre aux Etrangers cette denrée de première né-
ceflité, ni d'alkr en chercher chez eux. Le fifc , répréfenté par
le Sénat , avoit auffi des amphithéofes pour fubvenir aux charges
de la petite RépubUque : il étoit l'héritier naturel des méchants
dont on confifquoit les biens , & de tous ceux qui ne laiffoient
aucuns parents ; mais ce cafuel étoit rare , parce qu'on héritoit
à l'infini , comme on le fait encore aujourd'hui , & fouvent fous
la fimple fimilitude de nom j tant ell: facrée la maxime qu'il faut
conferver fes propriétés à chaque famille , quand même elie$
tomberoient aw dernier ou au parent le plus éloigné de cette .fa-
mille , & au petit rifque de favorifer un intrus. Si , fous le gou-
vernement des Romains , .les propriétés continuèrent à être ina-
movibles & franches , on ne peut pas fuppofer qu'après qu^on eut
fecoué le joug de ces conquérants , & élu un Chef, ce Chef, ou
le Sénat qui le furveilloit, eiit voulu occafionner un changement
qui eût diminué les propriétés & la liberté. Des gens , afiez amis de la
liberté pour fecouer un joug modéré , n'euflent pas foufFert volon-
tiers la violation de leurs franc hiies. Il eft à croire que les
premiers Princes Bretons refpefterent les anciennes loix.
Grallon fut le premier Chef ou Seigneur en titre du Comté
de Cornouailles , & Saint Cçrentin en fut le premier Evêque*
Son éleftion eft poftérieure à l'expulfion des Magiftrats Romains j
c'efi: entre 434 & 445 qu'il fut nommé à l'Epifcopat. On a une
preuve écrite qu'il a affilié au Concile tenu à Tours , en 453.
ta recevant l'Epifcopat , il devint , fuivant l'ufage de ce temps y
484 QUI
Juge de paix. Il en fut ainfi de fes fuccefTeufs ; cela étoît con-
forme à un ufage , qui , du confentement des Empereurs , faifoit
de tous les Prélats des Juges temporels & fpirituels. Ils eurent
ces mêmes droits chez les peuples qui avoient fecoué le joug
des Empereurs. Les Papes y ajoutèrent bientôt le droit d'excom-
munier ^ pouvoir dont les Evêques n'uferent fréquemment que
lorfqu'ils cefTerent de devenir Saints, tels que l'ont été les cinq
à fix premiers , fi , du moins , on en croit la Légende \ & en-
core , pour ne pas révolter le peuple & fes chefs , eurent-ils re-
cours aux Papes , afin de pouvoir rejetter fur eux tout l'odieux
de ces excommunications. Il exille deux Bulles, de 1452 & 1454,
des Papes Eugène & Nicolas , par lefquelles Jean IV & Jean V,
Ducs de Bretagne , furent excommuniés , pour avoir voulu conf-
truire un château fur le terrein de l'Evêque de Quimper. Mais,
avant ces projets d'envahir toute l'autorité publique & toutes les
richeffes temporelles , on voyoit dans les Palpeurs le même déta-
chement des biens de ce monde , qu'on admiroit , depuis plu-
sieurs fiecles , dans les Prêtres de Rome & des Gaules. Le plus
petit logement pour eux ; une Chapelle telle que celle qui exifle
encore , & qu'on appelle Samt-Pamael j une écuelle pour rece-
voir les aumônes en monnoie ; des bariques pour les offrandes
en bled : voilà tout ce qu'il falloit , voilà tout ce qui a tenu lieu
de dîmes pendant près de neuf fiecles. C'eût été un crime dans
un Prélat , & un très-grand crime , de convoiter des propriétés.
Les Evêques , les Prêtres , & enfuite les Chanoines , n'ont vécu
que d'aumônes jufqu'au huitième fiecle , temps auquel Charle-
magne & fes enfants jetterent les fondements de la dîme , qui
n'eit devenue un droit pofitif que plufieurs fiecles après. Aufîi
voit-on nos premiers Evêques au nombre des Saints , & fans
doute les Chanoines méritoient pareillement ce titre. Tous ces
Evêques étoient , je le répète , dès Juges de paix , qui terminoient
les procès d'autant plus promptement , qu'on ne fçavoit alors , ni
lire , ni écrire. Les Chanoines & l'Evêque , au nombre de douze
feulement compris l'Evêque, ont vécu long -temps enfemble.
Ils fe regardoient , avec raifon , comme les imitateurs des Apôtres \
Se c'eft pour ne s'écarter en rien de cette imitation parfaite qu'ils
fe font fixés au nombre douze, jufqu'au commencement du trei-
fieme fiecle { 1223 , ) & ce nombre leur étoit d'autant plus cher,
qu'il étoit celui des mois de l'année & des fignes du zodiaque ;
mais aujourd'hui ils fe comptent dix-huit , compris l'Evêque. Ce
fut en 1223 , que le nombre de douze fut porté à quinze, mais.
QUI 485
on ne fçait point quand ont été érigées les trois dernières Pré-
bendes. Ce fut à peu près à la même époque que les jugements
jadis appelles de paix , commencèrent à fe faire par des duels.
En 13 51 5 un Capitaine ou Gouverneur de Quimper donna à
l'Evêque , des lettres par lefquelles ils déclaroit , pour Charles de
Blois , que la conllruftion d'un champ de bataille, dans la ville
clofe de Quimper, pour les duels juridiques, ne porteroit aucun
préjudice à l'Evêque, ni aux droits & Jurifdifbons de fon Eve*
ché. Cetre Jurifdiaion s'appelle Regaire-Raca , mot celtique figni-;
û^ni faire du bruit , qui efi: , dit-on , la racine de racaille & de Re^
gaire , & cela , fans doute , parce que dans un Auditoire où
tout le monde veut parler à la fois , il y a toujours grand bruit,
ou parce que cette Jurifdiftion fut exercée d'abord dans uw des
fauxbourg , qui, étant ordinairement le féjour de la he du peuple,
n'eft jamais fans tumulte & fans cris. Si cette étimologie ne
prouve rien en faveur des Evêques , du moins la poffefTion où
ils font de juger leurs ouailles concitoyennes , démontre que ce
droit continué jufqu'à nos jours, ne vient pas de ce qu'on entend
aujourd'hui par fief ( a ) , mais du choix que chaque ville épif-
copale fit de fon Pafteur pour fon juge de paix. Il en efi: ainfi
du droit de déshérence, qui ne vient que de la haute - Jufiice ,
& non de ce qu'on appelle fief. Il y a même tout lieu de croire ,
du moins à en juger par les rentes que les Evêques ont fur cinq
maifons feulement , que la crainte de fe trop agrandir en pro-
priétés , les a forcé de convertir leurs droits de déshérence en
profits pécuniaires ; car , fans une telle modération en eux , ou
beaucoup de précautions de la part des Echevins , le nombre
des rentes dues à l'Evêque feroit vingt fois plus confidérable.
Or , à les fuppofer juftes ou non , ces rentes ne font qu'au nom-
bre de cinq , & on remarque que , pour anéantir les privilèges
dont on va parler , on leur a donné tous les carafteres de chef-
rentes. Ces privilèges font de ne payer ni rentes , ni rachat , &
de ne fournir qu'un feul ôii ^même aveu. On remarque aufli que,
tout nouvellement , on a ajouté dans un contrat d'afcenfement
d'une maifon tombée en vacance , le droit inufité de lods &
ventes , & cela pour autorifer les Evêques à faire ce que d'a-
vides Financiers ont occafionné , relativement au fauxbourg ap-
( <z ) C'eft le fentiment de M. Girard ,
Avocat à Quimper , Auteur des UJements
ruraux de baffe Bretagne ^ qui a fait une
partie de cet article; & non c.^lui de l'au-
teur de ce Di^ionnaire ; ( voyez la fujje. )'
4ÎÔ QUI
pelle Terre-au-Duc , où , malgré rexemption immémoriale dont
©nt joui les anciens habitants de ce fauxbourg , de ne payer ni
rachat , ni lods , ni ventes , néanmoins , ils ont été affujettis à
payer ce droit aux Fermiers du domaine , par Arrêt. Jadis , ce-
pendant , les Evêques de Quimper n'avoient d'autre ambition que
celle de conferver les franchifes de leur ville. Voici ce que nous,
apprend , à cet égard , Hévin , dans fts Queilions Féodales ,
page 57 & faivantes. En 1209 , il fe fit une tranfaftion entre
Guillaume , Evêque de Quimper , & Gui de Thouars , Duc de
Bretagne , relativement au château que le Duc vouloit bâtir
contre les murs de la ville , au détriment des propriétés de plu-
sieurs particuliers. Dans la même année , ce Duc donna une re-
Conn&iiTance d'avoir entrepris injujlement de bâtir ce château , & un
confentement à fa démolition , avec le don des matériaux , qui
furent employés à la conftruftion de l'Eglife du Gueaudet ^ où
un vœu indifcret , ( quod notandum , ) fait brûler , par an , la fubf-
tance de cinq à fix pauvres au moins. En 1 2 1 3 , le même Guil-
laume ,' Evêque de Quimper , fe facrifie pour fon peuple ; il
reçoit une lettre du Duc Pierre de Dreux , par laquelle ce Duc
reconnoît que ce(l par pure bonne volonté que ledit Guillaume lui
a fourni fecours & aide. En 1368 , 1370, & 1379, Jean IV re-
connut , dans des lettres en forme , quV/ navoit point U droit de
lever aucune chofe fur les habitants de Quimper , & que U fouage
& autres impofitions , pour entrées & iffues , qu'il lèvera pendant le
temps qui lui étoit accordé ^ navoit d' autre fondement que la grâce ^
confentement , & tolérance de l' Evêque , & qu'il n'entend point les
lever après lefdits teimes finis , ni les tirer à conféquence contre Us.
droits & les libertés de l'Eglife, A la fin de 1339 ^ ^^ ^39^>5-
un Evêque de Quimper rendit des fentences d'excomniunicatioa
contre les Receveurs des droits du Duc , qui , fous prétexte de»
pefer & noter les marchandifes qui entroient & fortoient , fai-
îbient les plus grandes exàftions. Au mois de Janvier 1401 ,
Jean V donna des lettres de non-préjudice touchant lefdits droits
d'entrée & d'ilTue. Par d'autres lettres de la même année , h.
ville de Quimper eft déclarée exempte des droits créés fur les
ventes en gros , de vin , de poiflbns , de bled , & de miel. La ville
alors & fes fauxbourgs jouifToient de l'exemption des lods &
ventes & de rachat. Ce n'eft même que depuis peu de temps
que les Fermiers du domaine ont obtenu l'Arrêt du Confeil
4ont on a parlé , & qui alTujettit les vafTaux du Roi aux lods
& ventes. Comme une pareille innovation peut avoir des fuites ,
QUI 487
il faut mettre la ville de Quimper & Tes fauxbourgs , dans le
cas de fe prévaloir de les titres d'exemptions , & en état de
ie maintenir dans le droit de ne fournir qu'un feul & même
aveu. Ce ne fut qu'en 1472, époque des premiers fourniiïements
d'aveux dans toute la France , que , pour la première fois , on
fournit aveu au Duc , pour l'Evêché & au nom de l'Evêque , aveu
qui ne contient rien qui foit contraire aux franchifes dont on va
voir le détail.
Pour être en état de le fournir , l'Evêque s'étoit fait fervir par
tous fes vafTaux ; celui de la ville de Quimper efl: de 1 468 , il
eft collectif pour tous les habitants de la ville ; il ne parle que
de devoirs & obéiflances feigneuriaux , comme fidélité, honneur,
& autres chofes naturelles aux fmncs-fiefs. Cette expreffion de
jranchijc y efl expreffe , & qui efl bien remarquable dans un
premier aveu. Il faut encore remarquer qu'alors il n'étoit dû au-
cune rente à TEvêque , ce qui démontre que , des déshérences que
fes prédécefTeurs avoient eues , ils n'avoient tiré que des profits
pécuniaires & conventionnels. Hévin date aulîi trois anciens
comptes des revenus de l'Evêque, de 1459, 15^9» ^ M335
où il n'y a aucun article de lods & ventes, & de rachat , fur
la ville de Quimper , & encore moins concernant le retrait féo-
dal , que de nos jours on veut établir , pour pouvoir fe pro-
curer des lods & ventes d'une manière indifcrete. Le même
auteur parle auffi d'un compte du Receveur du Domaine à Quim-
per, qui prouve que, dès avant 1503 , la taille de 40 livres
monnoie , fe payoit médiatin entre le Duc & l'Evêque ; mais
cette taille & ce partage ne font pas négatifs des franchifes de
lods & ventes , de rachat & du droit féodal. Un quatrième
compte des revenus de l'Evêché, de 1542 , efl: le premier titre
où il foit fait mention de deux rentes au profit de l'Evêque ;
Tune de quatre deniers , & l'autre de douze fols ; ainfi , le filence
de ces quatre comptes fur d'autres rentes , &: fur des cafuels ,
tels que le rachat , les lods & ventes , & les prix d'une ceffion
de retrait féodal , efl: une nouvelle preuve de l'exemption qu'on
conftate ici avec tout le foin & toute l'exaéHtude dont on efl:
capable. On défie qui que ce foit de contredire ces titres ,
& les conféquences qu'on vient d'extraire d'une confultation faite
pour l'Evêque de Quimper , il y a plus de cent ans j mais , con-
tinuons un extrait qui ne peut que faciUter la défenfe de ceux
qui pourroient quelque jour être vexés par des Ofiiciers de juflice
de mauvaife foi. Dans le regillre de la réformation de 1539, &
488 .QUI
dans trois aveux fournis à l'Evêque par la Communauté feule , on
ne donne que le nom de taille à cette redevance de 40 livres
monnoie , partageable entre l'Evêque & le Roi , & de rentes à
ces preftations nouvelles de quatre deniers , de douze fols , &c.
qui , toutes comprifes , ne vont pas au delà du nombre de fix.
11 n'efl; donc pas étonnant qu'en 1746 , par Sentence du Préfi-
dial de Nantes , où l'afFaire avoit été renvoyée , tous ces privile--
ges aient été confervés , puifque dans ce procès , qui a duré plus
d'un fiecle , les Evêques ne demandoient que les lods & ventes,
& que le Siège Préfidial de Nantes les en a déboutés par dé-
pens , qui ont été payés par la fucceffion de M. de Farci , Evêque
de Quimper. Il efl: donc inconteilable que Quimper eft un nef
franc, un fief libre, un fief d'honneur , tel qu'il en exifte en Bour-
gogne , dans le Lyonnais, le Forez , le Beaujolois , le Maconnois,
l'Auvergne , & l'Armagnac. Tous nos auteurs feudiftes parlent de
ces fiefs comme de chofes toutes naturelles -, en vain dira-t-on
qu'en Bretagne nul ne peut tenir terre fans Seigneur : car cela ne
s'applique qu'aux Seigneurs eux-mêmes , & non à Aq^ Citadins,
qui n'ont chacun que de très-petites propriétés j jamais ceux - ci
n'ont voulu fe regarder comme indépendants j mais en confervant
foi , fidélité , & hommage , à un protefteur quelconque , ils ont
pu conferver en même temps leur exemption des devoirs féodeaux.
On ne fçait fi le franc-aleu qu'on vient de prouver, efi: unique
en Bretagne ; mais s'il y en a d'autres exemples , il fcroit bon
d'en faire connoître le principe.
Quant au Commerce qui fe fait à Quimper , on peut dire qu'il
augmenteroit des trois quarts , & en très-peu d'années , fi les che-
mins & les canaux, dont on a parlé en commençant, fe faifoient
lainfi qu'on les a défignés. On peut aufii efpérer , de la bonté &
de la pofition du port de Benaudet , ( Bout de î'Audet , ) qu'un
jour on en fera un établiffement de marine royale ou marchande.
Il y a foixante ans que l'Orient n'étoit qu'une lande , & il y a
moins de temps que Benaudet lui a difputé l'avantage de la Com-
pagnie des Indes j ainfi , fans pourtant trop s'abandonner à un
efpoir peut-être chimérique , ceux qui aiment les nouveautés {>eu-
vent efpérer de voir des vailTeaux & des quais à Benaudet. Mais
à l'égard de Quimper , il ne manque , pour en faire une ville
plus commerçante , que des chemms , 6l plus de profondeur à
fon port. Les plus confidérables & les plus riches foires font celles
des 1 5 Avril 8^ 1 Mai , où il fe vend des befiiaux pour des fommes
prodigieufes 3 il y a aufli des foires dans chaque Bourg ou villetes
de
QUI 48c,
de cet Evêché : on aura foin d'en fixer le nombre , afin de prouver
de plus en plus combien il ell néceflaire de faciliter les communi-
cations d'un lieu à un autre. Le port de Quimper efl fous le fief
du Roi 5 dans le terrem qu'on nomme du Duc y la mefure ufitée
en ce port, & qu'on appelle /a mtjure du B.0I , eil de cent livres
pefant ou environ , & de qudtre-vir.gt-quatrc au tonnecu. Le plus
ancien titre qui prouve l'exiflence de la Terre au Uuc , eft de
1209 j on le trouve dans le troifieme tome de Doitt Morice : on
y lit que le Duc donne à l'Evêque fon droit de Patronage fur la
Paroifle de Saint-Matthieu , ce c{ui prouve que ce fauxbourg , nommé
la Terre au Duc ^ exilloit plufieurs fiecles auparavant. La rivière
d'Eir fépare ce fauxbourg de la ville , ik va fe perdre à l'Odet ,
après avoir fait tourner un moulm , qui , dans le principe , n'a été
bâti que pour l'utilité du fauxbourg , mais qui aujourd'hui eft bien
nuifible , tant par lui-même que parce que fa chauffée fait re-
fouler l'eau fur une grande étendue de terrein : à deux cents
pas de l'endroit : oii Te fait le confluent des deux rivières , eft un
autre Moufin , qui appartient à l'Evêque , & qui eft caufe qu'un
tiers de la ville eft privé de recevoir les marchandifes des bâ-
timents mêmes , & que la Communauté ne peut prolonger un
pavé qui pourroit s'étendre aufli loin que le mur de ville ; mais
le plus grand tort que font ces moulins provient de ce que ceux
qui les afferment à un prix exorbitant , mettent , fous le prétexte
de cette cherté-là , le courtage fur les bleds , dans les marchés
pubhcs. Deux quais , de trois cents toifes de long chacun , pré-
féntent , d'un côté , une rangée de maifons & d'arbres , 6c de l'au-
tre , un très- beau parc, bien planté ; plus bas eft un autre petit
parc , qui , fans le moulin de l'Evêché , pourroit aller aufli loin
que le mur de la ville , & préfenter autant d'utilité que d'agré-
ment. Il y a , au Nord , au Levant , & même au Midi , d'autres,
communes qui devroient être aufli plantées f car, plus le bois de-
vient rare , plus dans chaque ville & bourg on doit avoir foin
de faire des plantations analogues au terrein , c'eft le moyen de
fuppléer aux forêts , qui fe détruifent infenfiblement ^ Sl ùq (q
mettre en état d'entretenir des vaifl!eaux pour la marine royale
&: marchande. Si , dans cette vue , la Communauté de ville avoit
foUicité le pafl'age du chemin de Pont-Labbé , par le marais qui
fe trouve au Sud-Oueft de fon port ; ce pafiage , qui eût été d'un
agrément infini , le long d'une rivière navigable , & qui eût ra-
courci le chemin d'une moitié , fur trois cents toifes , auroit pro-
curé à la ville l'agrément de pouvoir fuire des plantations à droite
Tome II h Q 3
490 QUI ,
èc à gauche de ce chemin , & de mettre alnfî en valeur & en
agrément un terrein inutile -, cet objet efl fi effentiel , que cha-
que Communauté de ville devroit avoir des femis bien clos &c
bien entretenus , dans les communes les plus faciles à garder ;
8c par une fuite d'économie à cet égard, il faut, en facilitant les
charrois par des chemins & des ouvertures de perrieres , faciliter
les bâtifTes en voûte ; mais jamais on ne parviendra à en faire au
meilleur marché poffible , qu'on n'ait trouvé le fecret de brûler ,
fur nos côtes, par le moyen d'un verre ardent ou autrement , les
monceaux de coquillages qui y abondent, & qui, convertis en chaux,
diminueroientd'un quart les dépenfesdes voûtes qu'il faut fublHtuer
aux poutres & planches. En donnant ces idées de plantations &
de bâtifTes , on doit obferver que la Communauté de Quimper
eft fi pauvre , qu'elle efl: hors d'état de faire aucune entreprife j
aufîi ne voit-on à Quimper, ni un Temple à la Juftice , ni un
Hôtel de ville, ni une habitation commode pour les prifonniers,
ni enfin une halle pour les marchés publics. Il y a pourtant du
terrein plus qu'à fumre ; mais il faudroit cent mille francs , qu'on
n'a pas , & que les charges de la Communauté ne lui permettent
pas d'emprunter. A ce fujet , on peut dire qu'il ei\ de la politi-
que du Gouvernement de procurer à chaque Communauté des villes,
un revenu net , proportionné à leur étendue ; fans cela , chaque
canton végétera dans l'état de mifere où il languit, & l'on ne verra
ni plantations , ni conftr unions de chemins , ni édifices , ni quais,
ni tout autre étabHflement utile. Si , depuis plus de deux fiecles ,
les 061:rois de Quimper eulTent été employés aux travaux publics,
cette ville feroit à préfent un paradis terreilre , aufîi agréable dans
toute fa banlieue qu'elle l'eût été dans la cité & dans les fauxbourgs.
Mais que ne feroit pas l'Europe entière , fi , depuis le même nom-
bre d'années feulement , on avoit employé par-tout , à des travaux
publics , les millions de milliards dépenfés à la guerre ? Au relie,
fi les confeils d'un Citoyen pouvoient être utiles , je croirois devoir
exhorter les Officiers Municipaux à faire , de leur argent, l'em-
ploi le , plus utile.
Bien des gens diront , pour tâcher de pafTer pour des hommes
plus fages que les économiftes , qu'il eft auffi ridicule de mettre,
tout en chemins , que tout en ports de mer , cela cil vrai : mais
on ne peut pas dire que la nature ait fait un ouvrage ridicule en
multipliant les veines & les artères du corps humain -, voilà ma
réponfe , elle eft l'interprétation de ma façon d'envifager les
objets.
QUI ^9,
Dans un ouvrage confacré à l'utilité publique , on ne doit pas
omettre deux mémoires envoyés au Miniftere , en 1768-; l'un,
concernant le port de Benaudet j & l'autre , fur l'utilité d'un
Confulat à Qmmper , & fur la néceffité d'unir cette Junfdi8:ion
à l'Amirauté de Cornouailles. Le plan de notre rivière , elf-il
dit dans le premier/, offre le plus beau port & les plus grandes
reffources en temps de guerre ; les plus gros vaiffeaux de ligne
peuvent y entrer à deux tiers de flot , & s'enfoncer deux lieues
dans la rivière , ayant par-tout bon m.ouillage de fable vafeux ,
8c vingt-fix pieds d'eau au coup de la plus baffe mer , en les
nouvelles & plemes lunes , même dans les marées équinoxiales.
Des flottes de cinq cents voiles, contrariées par les vents, ou chaf-
fées par les vaiffeaux ennemis , y trouvent un afyle affuré , où il
eft facile d'appareiller : ce port ne peut être bloqué , à caufe des
glenants ou des roches de Penmark , dont les dangers ne permet-
tent pas de tenir la croiflere ; mais la plus grande utilité qu'on
en peut retirer , c'efl: de pouvoir approvifionner Brefl: , s'il étoit
bloqué & gardé par les ennemiis ; c'eff ce qui fe démontre par
rinfpe8:ion même de la carte de Bretagne , levée par l'auteur de
ce Diftionnaire. On y voit , que fi les ennemis établifloient une
croifiere dans l'Iroife , ( on les a vu mouiller à Saint-Matthieu , )
il feroit très - diflicile de faire paffer à Brefl: des munitions de
guerre & de bouche ; que delà , on paffe au Midi , on verra ,
fur cette même carte , qu'il ell: un moyen Ample , & nullement
difpendieux , d'approvifionner Brefl: ; c'efl de faire entrer toutes
les munitions par la rivière , de Benaudet à Quimper , d'où on les
feroit paffer, le lendemain, en cinq heures, &:^ malgré tous les
éléments , par terre , à Châteaulin , dont la rivière fe jette dans la
rade de Brefl:.
Pour ne pas aller jufqu'au port Launai , éloigné d'une lieue ,
on peut rendre cette rivière navigable , dès Châteaulin même. La
pêcherie de faumons étabUe dans cet endroit , eft déformais un
trop petit objet pour ne pas lui fubflituer une navigation devenue
prefque néceffaire. Selon les informatins faites fur les lieux , on
trouveroit mille voituriers , de gré à gré , à dix livres le tonneau ,
de Quimper à Châteaulin , ce qui efl peu de chofé , fur-tout quand
les vaiffeaux font obligés d'avoir du vin, des farines , des canons,
pour voler au fecours d'une colonie , ou pour telle autre expé-
dition importante -, d'ailleurs , fi , au lieu de charger pour Rrell ,
on chargeoit pour Quimper , il en coûteroit moins , ^ pour fret
&: pour aflurance , ce qui feroit une compenlation des frais de
491 . QUI
tranfport de Qmmper à Châteaulin. Il faut encore remarquer,
qu'en prenant ce parti , on peut , par des moyens fimples , fourds,
èc économiques , munir Breft , fans avoir recours , pendant la
guerre , aux Hollandais , ni même aux navires des particuliers
Français , pour faire pafTer des munitions à Bre/l. Ces flottes coû-
tent beaucoup , les jours de départ & de relâche font prefque tou-
jours connus des ennemis ; il faut faire efcorter ces provifîons par
plufieurs frégates , qu'on pourroit em.ployer plus utilement pour
croiiieres & autres miffions , de forte que le meilleur parti que le
Roi pourroit prendre , feroit de fréter ou d'acheter des chaffes-
maréesde vingt-cinq à trente tonneaux j ces petits bâtiments, armés
de cinq hommes , vont de jour & de nuit , terre à terre , au mi-
lieu des rochers ; ils feroient , prefque fans aucun rifque , deux
voyages par mois , de Bordeaux à Quimper. Le port de Benaudet
a un autre avantage , il eil facile à fortifier : car , pour le mettre
à l'abri d'infulte , il fuffit d'y établir dix pièces de canons de
vingt-quatre livres de balles , à la pointe de Combrit -, dix autres
à celle de Saint-Gildas ; & enfin, dix autres pièces à l'endroit où il y
a aftuellement un corps de garde & quatre à cinq canons montés j
mais une précaution effentielle , indifpenfable à prendre, c'c-jI de
faire mettre fur des hauteurs autant de marques qu'il y a d'entrées
dans le port ; car le pilier quarré qui fert aftueilement de guide,
n'efl pas remarquable d'un quart de lieue , & il eil: feul pour trois
paflés différentes. Il fiudroit auffi faire mettre des bahfes de fer
fur les trois rochers qui font à l'entrée de ce port , Se par ce moyen,
tous les vaifTeaux pourroient entrer & fortir de tout temps, fans
aucun danger, & par le fecours des bahfes, profiter de toutes les
palTes , félon les différents vents.
Dans le fécond Mémoire , on s'expliquoit ainfi : « On avoit établi
» à Quimper une Jurifdidion Confulaire & un Siège d'Amirauté-
» La première fut fupprimée & unie au Confulat de Morlaix ;
» cette annexe , qui fait un grand tort au Confulat de Cornouailles,
» n'a fervi qu'à donner plus d'occupation aux Juges de Morlaix,
» & l'on croit qu'ils verront avec plaifir le rétabliffement du
» Confulat à Quimper. » Pour engager le Gouvernement à faire
cet établiffement à Quimper , il fuliiroit de lui obferver que cette
ville eu environnée de onze ports commerçants : fçavoir , Quim-
perlé , Pont-d'Aven , Concarneau , Pont-Labbé , Audierne, Pont-
Croix , Douarnenez , Camaret , le Faou , le Port-Launai , & Châ-
teaulin i & que les Négociants de tous ces ports dépenferoient
beaucoup moins en plaidant à Quimper qu'à Morlaix , puifqu'ils
QUI 495
peuvent , dans un feul jour , faire le voyage de Qulmper & s'en
retourner chez eux , au lieu qu'obligés d'aller à Morlaix , il faut
trois ou quatre jours pour faire un ferment & une affirmation de
voyage. Les ports que l'on vient de nommer forment l'arrondilTe-
ment de l'Amirauté de Cornouailles , & ce Siège eft de la plus
grande utilité pour Quirnper. Pourquoi ne pas y établir un Con-
fuiat, fur-tout à préfent que le Commerce eft confidérablement
augmenté dans cet Evêché ? cet établiffement feroit avantageux
aux Négociants de Cornouailles & à ceux de Morlaix , qui fe-
roient moins détournés de leurs affaires perfonnelles , par la di-
minution de celles qu'ils n'auroient plus à juger. Mais fera-t-il
également utile aux uns & aux autres qu'on uniffe deux Jurifdic-
tions qui ont tant de connexité entre elles ^ c'eft le fécond objet
de ce petit Mémoire. L'expérience apprend que dans les difcuffions
Confulaires , il fe préfente journellement des queftions de Droit ,
de la plus grande difficulté : or , c'eft pour aider les Confuls à
les juger , qu'on defireroit qu'ils enflent à leur tête les Juges de
l'Amirauté , qui , à leur tour, proflteroient des lumières des Confuls,
Il y a aftuellement à Quimper plus de dix Négociants éclairés ,'
qui feroient en état de faire les fondions de Juges-Confuls.... A
ces réflexions , diftées par le patriotifme , nous allons joindre les
événements remarquables , les révolutions , & les établiflements
qui peuvent entrer dans l'hiftoire de Quimper.
Grallon avoir porté le titre de Comte de Cornouailles, avant
d'être Roi de Bretagne ; Quimper , capitale du canton , fe nom-
moit alors , Quimper-Odet , du nom de la rivière fur laquelle elle
eft fltuée. Grallon avoir formé le projet de l'ériger en Evêché ,
& il l'exécuta , dès qu'il fe vit fur le trône j il donna fon Palais
pour faire une Eglife , & nomma Saint-Corentin pour premier Evê-
que : après la mort de ce Saint Prclat , les habitants , par refpe6t
pour fa mémoire , nommèrent leur ville Quimper- Coretitln , & adop-
tèrent ce Saint pour leur Patron. En 966 , la crainte qu'on avoir des
Danois engvigea les habitants à transporter fon corps à Paris , où,
par ordre de Hugues-Capet, il fut dépofé dans la Chapelle deSaint-
Barthelemy. On croit que dans la fuite il fut porté à l'Abbaye de
Saint-Corentin, fondé, en 1201 , près Mantes, dans le diocefe
de Chartres, par le Roi Philippe I, pour des Religieufes Béné-
diftines. Une partie des Reliques de ce Saint avoit été portée,
long-temps auparavant , à Montreuil-fur-Mer , dans la Picardie.
Quelques-uns foutiennent , je ne fçais fur quoi fondés , que ces
précieux reftes font acluellement à Marmoutier, près Tours, Ce
494 .....QUI
fur vers 461 que la Juriidiction temporelle des Evêques de Quira-
per commença à s'établir. Elle eut d'abord de grandes préroga-
tives, puilqu'elle furpaîToit même celle des Barons. On la regar-
doit comme une elpece d'image de la fouveraineté ; & c'ell pour
cela , plutôt que par toute railbn , qu'on lui donna la dénomina-
tion , encore aujourd'hui ulltée , de Régales ou de Régaires, Le
Prince ne retenoit que la fuzeraineté ; de forte que les appellations
des Régaires reflbmflbient diretlement au Parlement de la na-
tion. Les Prélats exerçoient alors toute l'autorité temporelle : ils
étoient les Pairs eccléliafliques du Duché, comme les Haronsen-
étoient les Pairs laïques. Saint Allore ou Albin , Evêque de-
Quimper , rendit de grands lervices à la patrie , & (o\\ nom doit
être conlervé précieulement dans nos annales , s'il eft vrai , comme
on dit , que ce tut lui qui traita de la paix entre Aétius , Gé-
néral de l'Empire , ^ les Bretons Armoricains , Tan 440. En
1066 y les Comtés de ^ annes & de Nantes furent unis , par al-
liance, à celui de Cornouailles. On ne connoit point l'époque-
de la fondation du Prieuré de Lomaria j ce qu^on fçait^ c'eil que^
l'an 1151 , ce Monaflere fe nommoit FAhhaxe de S aime- Croix ^
& qu'il fut donné par le Duc Conan IIl à l'Abbaye de Saint-
Sulpice ; donation qui fut approuvée & confirmée par Raoul ,
Evêque de Quimper. En 1172, Henri II , Roi d'Angleterre, fit
fortifier ce Prieuré. L'an 11 92, le Duc Gui de Thouars eut un
démêlé très-férieux avec TEvéque de Quimper : il bit terminé ,
comme nous l'avons dit ci-defius. Le 24 Novembre 1224 ,rEvêque
Rainault fonda le Couvent des Cordeliers de Quimper , le pre-
mier de cet Ordre étabU dans la Province de Bretagne. Les Sei-
gneurs de Pont-Labbé contribuèrent généreulement à la fonda-
tion de ce Monafiere.
Le Collège de Cornouailles , à Parfs , eut , pour premier fon-
dateur , Nicolas Gaierand de la Grève , Prêtre , qui , par fcn
teilament de 13 17, légua des fonds pour cet étabhfiement. Ses
exécuteurs tefiamentaires fondèrent cinq bourfes pour des Ecoliers
du diocefe de Quimper, ou des diocefes voifins, en cas que le
premier n'en eût point à préfenter. Jean de Guifixi, Chanoine des
Egiifes de Paris, de Nantes, & de Quimper, ajouta quatre
autres bourfes au Collège de Cornouailles , pour des Ecoliers du
même diocefe ; & , pour les loger tous enfemble , il donna une
maifon qu'il pofiedoit dans la rue du Plâtre. Les exécuteurs tef-
tamentaires joignirent encore une dixième bourfe à ce Collège,
^ s'earéiervereut la pr^îfentation pour la première fois feulement.
QUI 49$
-après quoi, elle devoît appartenir, comme celle des neuf autres,
à l'Archevêqije de Pans. En 1344 , Charles de Biois prend d'alTaut
la ville de Quimper , 6c la livre au pillage. Déjà près de quinze
cents peribnnes avoient été égorgées , lorlque Charles , attendri
par un de ces fpeclacles dont l'imprefiion ell lî forte fur les ameè
fenfibles , s'oppofe au carnage 6c retient les bras de Tes foldats.
Une femme a\"oit reçu le coup de la mort pendant qu'elle allai-
toit fon enfant. Cette innocente créature , aue le feul inlHnft
guidoit , navoit point abandonné la mamelle de cette femme
qui étoit baignée dans fon fang. Charles de Blois , qui paffe
par hazard dans ce lieu , apperçoit cet enfant , il frémit , fort
ame elt émue , 6c la voix de la nature, qui crie au fond de
fon cœur , le preîTe de faire celler le meurtre. Quelques hiilo-
riens ont avancé que le vainqueur avoit ordonné de démanteler
les parties de la ville qui rele^ oient de TEvéque , 6c de conferver
les fortifications de l'autre. En ce cas, Charles de Blois fit une.
faute irréparable -, dans une guerre civile , où il n étoit pas tou-
jours vainqueur , fon intérêt Im faifoit une loi de tout détruire ca
de tout conferver j il avoit trop d'expérience 6c de fageile
pour agir autrement , 6c ce qui prouve e&^Hvement qu'il ne fit
rien démolir, c'ell que, Tannée fuivante 1345 , les Anglais , qui
étoient venus au fecours du Comte de 51ontfort , aiïïégerent
cette ville,, fans pouvoir la prendre, tant elle étoit bien dé-
fendue par fes forrihcations. En 1349, le diocefe de Quimper ell
ravagé par une maladie contagieufe qui empone beaucoup de
inonde. En 1^64^ Mcnifcrt, vainqueur à Aurai, vint mettre le
iîege devant Quim.per , 6c preila \ ivement cette ville , qu'il fit
battre avec des machines énormes qu'il avoit fait venir de \ annes
6c de Dinan. Pendant ce temps, les troupes ravagèrent le pays,
6c traitèrent avec la dernière rigueur les partiians de la Com-
teffe de Blois, qui étoit pour lors à Nantes. Le 17 Novembre,
les habitants, fe voyant fans efpérance de fecours , le parti des
Penthie^re étant fans relTource , &: Montfort reconnu Duc parla plus
grande parrie de la narion^ capitulèrent 8c fe rendirent aux alllé-
geants. Dès que le Duc tut maitre de la place , il y établit une
Cour des Monnoies ; mais les Officiers qu'il y avoit placés la
quittèrent bientôt après , fans y avoir fait aucune des fonctions
de leur état : on ignore quelle fut la caufe de ce changement.
L'Evêque , pour marquer que fa foumiilîon étoit fincere, permit
à ce Prince de lever des droits fur les denrées 6c marchandées
de fa ville. Le 29 Août 1381 , le Duc Jean ÏV fait aux Abbé
496 QUI
& Religieux de Bon-Repos une rente perpétuelle de quatre ton-
neaux de vin fur le revenu du port de Quimper , & de cinq
cents merlus fur les pêcheries de Cornouailics , à la charge de
célébrer une MefTe du Saint-Efprit , durant la vie, au jour de
jeudi, & une Méfie de Requiem^ après fa mort, le vendredi de
chaque femaine. Sous la régence de Jeanne de Navarre , les
droits d'entrée & de fortie occafîonnerent des troubles à Quim-
per. Thébaud de Malellroit, Evêque de cette ville, qui venoit
de conclure la paix entre les Sires de Chffon, de Penthievre,
& la Duchefie , penfa troubler cette paix par un procédé vio-
lent. Jean de Maleftroit , parent du Prélat , Lieutenant de la
Duchefie, en Cornouailles , avoir fait iaifir dans le port de Quim-
per foixante pièces de vin, parce que les marchands n'avoient
pas payé les impôts étabhs par le feu Duc fur les boiflbns. Le
Prélat , informé de cette afi'aire , envoya prendre ces vins , Se
les fit conduire fur fon fief» Sur le Ibir du même jour , il parut
dans place publique, revêtu de fes habits pontificaux , & fuivi
de fon Clergé , & défendit , fous peine d'excommunication , la
levée d'aucun impôt dans fon diocefe. Jean de Maleftroit mé-
prifa ces menaces , & continua la perception des droits. L 'Evê-
que , piqué au vif de fe voir raéprifé , fur-tout par un homme de
fa famille, l'excommunia le 7 Février, & fit publier la fentence
dans tout fon diocefe. La Duchefie en appella à l'Archevêque
de Tours , qui lui rendit jufiice pendant le féjour qu'il fit cette
année en Bretagne ; mais il ne paroît pas qu'il ait rien fiatué fur
les prétentions de l'Evêque de Quimper. Les Procureurs que la
Duchefie avoir nommés pour pourfuivre cette affaire , étoient :
Jean, Seigneur de Maleftroit j Guillaume de Keraër , Dofteur
en Droit ; Jean de Poulmic , Henri & Jean du Juch , Alain de
la Roche , Guillaume de Kercaru ^ & Bernard de Keroneuf.
L'Evêque fe repentit d'avoir agi avec trop de précipitation -, il
fut taxé à quinze cent écus de France d'amende , fomme qu'il
promit de payer ; le Pape lui fervit de protefteur auprès du Duc.
En 14:2 , Jean de Poulmic & Henri du Juch furent nommés
Gouverneurs de Quimper, parle Duc Jean V. Le même Prince
acheté, en 1404, une maifon fituée dans la rue du Salé, à
Quimper , .pour y mettre les balances & poids pubHcs , nommés
k poids au Duc ,. aujourd'hui le. poids du Roi. Le moulm de
FEvêché, près le Palais épifcopal , fut bâti par ordre de Gatien de
Monceaux, facré en. 1408. L'Eglife Cathédrale fut reconfiruire ài
a^uf p4r ki Ibins. de Bertrand, de Rofmadec , fon fuccefieur^
Q U ï 497
Ceft à ce Prélat que le Duc Jean V permit, par (es lettres du
24 Janvier 1424, d'élever une Juftice patibulaire fur les Terres
dépendantes de Ton Evêché , pour l'exécution des criminels con-
damnés par la Juftice féculiere. Le 24 Février , même année, le
Duc , informé qu'il s'étoit commis un crime fous le portail de la
Cathédrale de Quimper, fit défenfe à fes Juges de fe mêler de
cette affaire , & leur ordonna d'en renvoyer la connoilîance à
ceux de l'Evêque. En 1432, Jean V fait commencer un château
dans le même endroit que Gui , Vicomte de Thouars , en a voit
entrepris un l'an 1209. L'Evêque s'oppofe au deflcin de fon
maître , & porte fes plaintes au Pape Eugène IV , qui , par fa
Bulle de 1434, ordonne au Duc de faire démolir cet édifice.
Celui-ci n'en tient compte, & fait continuer les travaux. Les
Evêques s'en plaignent vivement en Cour de Rome. Le Pape
Nicolas donne, l'an 1452 , une nouvelle Bulle qui obfige le Duc
Pierre II à démoHr ce château , fous peine d'excommunication.
Le Prince obtient du délai, & termine cette affaire par un ac-
commodement.
On voit , auprès de la porte de la Tourbie , une tour d'une
largeur extraordinaire , qui fervoit autrefois de château. Ne feroit-
ce pas un reffe de l'édifice dont nous venons de parler ? En
1483 , Jean CaJvi, Receveur du domaine à Quimper, fit conf-
truire , en pierres de tailles , fur le mont Frugi , les poteaux de
la Juftice pa.tibulaire de la Cour de Quimper, qui étoient aupa-
ravant en bois. Cet ouvrage , avec le mur qui fut bâti à l'en-
tour , coûta au Roi une fomme de foixante-treize livres dix fols.
Le même Receveur fit auffi réparer , aux frais du Roi , les pri-
fons &■ l'auditoire , qui , dans ce temps-là , étoient fitués au faux-
bourg de la Terre au Duc. Les anciens aveux nous apprennent
que les Sergents du bailliage ce Quimper étoient obHgés de con-
duire les Juges depuis leur demeure jufqu'à l'auditoire , là , de
leur préfenter leur verge ou bâton pour marque de leur autorité ,
& de les reconduire de la même manière à la fortie de l'Au-
dience. Ces Sergents étoient tenus de garder les prifons , de
faire les ajournements & exécutions , de mener les criminels jus-
qu'au lieu du fupphce , &c. Les habitants de Quimper payoient
dès-lors , au premier mai de chaque année , vingt livres monnoie
de rente , dite Taille de mai. Cette impofition eft perçue à l'al-
ternative y par le Roi & par l'Evêque. Louis XII , par les lettres
du 1 2 Avril 1510, confirma au Chapitre de Quimper la poffef-
flûtt du droit d'annate fur les Cures du diocefe. Ces lettres fa-
Tome III^ R j
498 qu l
rent fignifiées au Lieutenant de Quimper, le 4 Mai fuivant : elles
portent que tous les^ fruits , émoluments , revenus des Eglifes pa-
roiffiales & Cures du diocefe , vacantes par mort ou par réfî-
gnation , appartiendront au Chapitre de Quimper , qui les em-
ployera à l'entretien & réparation de FEglife . Cathédrale. En
1540, la cohue ou halle au Duc fut fermée de murs, afin de
la rendre plus commode pour les marchands. Au mois de No-
vembre 1552, le Siège Préfidial de Quimper fut érigé , par
Edit du Roi Henri II , qui le compofa d'un BaiUi , d'un Séné-
chal , d'un Lieutenant , de fept Conieillers , d'un Avocat du Roi ,
& d'un Greffier : il lui accorda mille quatre cents livres de gages ,
avec pouvoir de juger en dernier reffort toutes les caulés qui
n'excéderoient pas la valeur de deux cents Hvres en fonds , ou
dix livres tournois de rente. Ce fut à cette époque que les pri-
fons & fourches patibulaires furent tranfportées dans la ville. Par
Edit du 29 Mars 1564, les Jurifdiftions royales de Châteaulin ,
Rofporden , Beuzec-Capiizun , Beuzec-Capcaval , Beuzec-Conq ,
& Fouefnant , furent unies & incorporées à ce Siège Préfidial.
Quimper avoit été affez tranquille pendant les troubles de la
ligue , jufqu'à la mort de Henri lïl -, cette ville gardoit la neutra-
lité , mais la plus grande partie des habitants penchoit pour la
ligue. Le zèle du Sieur du Laurent , Sénéchal du Préiidial , lui
fit lever l'étendart de la révolte. Ce Magiftrat , qui aimoit fon
Roi , voulut contraindre les habitants à le reconnoitre , par une
injonftion pleine de menaces contre ceux qui refuferoient de
fe foumettre , & la fit publier à TAudience. Le peuple , qui fut
fur le champ inllruit de ce qui fe paiibit ^ fe fouleva , & affifié
des Pères Cordeliers qui avoient des arquebufes , il entoura l'Au-
ditoire j le Sénéchal ne fut pourtant pas maltraité , mais il ne
tarda pas à fortir de la ville , où il ne fe crut pas en fureté ,
& fe retira à Rennes. Ainfi le Duc de Mercœur ié vit le maître
d'une ville importante qu'il ne dut qu'à fa bonne fortune. Quim-
per jouit , pendant quelques mois , du repos , fous le Gouverne-
ment de Jean de Quelennec , Sieur de Saint-Gueret & du Hif-
gui , Gentilhomme prudent , fage , & foldat expérimenté. Ce
calme fut troublé par les habitants du château de Pont-Labbé,
fitué à quatre lieues de Quimper. Ce château étoit plein de Gen-
tilshommes du parti du Roi,&: autres , qui fiiifoient continuelle-
ment des courfes jufqu'aux portes de Quimper , fous la conduite
d'un nommé Trougat ^ homme d'une naiflimce obfcure , mais
brave & intelligent dans le métier des armes. Les habitants.
QUI 499
Voulant fe délivrer de ces voiiins incommodes , fupplierent les
Seigneurs du parti de la ligue de les affiéger. Lezonnet , accom-
pagné des deux Goulaines , frères , & autres , fe chargea de l'exé-
cution. Le château fat affiégé dans les formes , mais le canon
ne faifoit pas grand effet contre les murailles , & les affaillants
commençoient à défefpérer du fuccés , lorfque Trougat fut tué ,
en regardant par une fenêtre. Cette perte découragea tellement
les afiiégés . qu'ils capitulèrent : ils ne demandèrent que la vie
& abandonnèrent tous leurs biens. Il en coûta au Seigneur de
Querouant , qui étoit dans cette place avec fon fils , cinq mille
écus de rançon. Vers l'an 1593 , le Comte de Magnane , de
niluftre famille de Sanzai , un de ces brigands , qui , fans être
attachés à aucun parti , faifoient leur métier du pillage , fe trou-
vant dans l'Evêché de Quimper , jugea que ce canton , qui n'a-
voit point encore reffenti les malheurs de la guerre , devoir être
riche : il réfolut d'y faire une incurfîon , mais comme tous les paf-
fages avoient été rompus , il fentit qu'il avoit befoin de rufes
pour réuffir : il eut recours à cet expédient. Il fe fit annoncer comme
attaché au parti de la Hgue , & écrivit aux habitants de Quim-
per , pour leur demander pafTage à Châteaulin , alléguant , pour
prétexte, que le Duc de iViercœur lui avoit ordonné de venir
rafraîchir fes troupes dans ce pays. On lui accorda fa demande ,
■mais on eut bientôt lieu de s'en repentir. Il exerça les plus hor-
ribles brigandages dans tout ce canton , & ne ceffa de vexer
les habitants de la campagne, que lorfque le Duc de Mercœur,
informé de fa conduite , lui ordonna de le venir trouver.
En 1 594 , Lezonnet , qui avoit abandonné le parti de Mercœur
pour fuivre celui du Roi , fit tous fes efforts pour enga-ger les
habitants de Quimper à fuivre fon exemple 5 mais , voyant
qu'il ne pouvoir y réuffir , malgré les intelligences qu'il avoit
dans la ville , il prit des mefures avec le Maréchal d'Aumont
pour l'affiéger , tandis que ce dernier affiégeoit Morlaix. Lezonnet
îe préfenta devant Quimper , le 1 5 Septembre , avec un Corps
de mille hommes , tant infanterie que cavalerie. Comme les
habitants ne fe défioient de rien , peu s'en fallut que la ville ne
fût prife ; mais le fecours qui arriva peu de jours après aux af-
fiégés , les rendit les plus forts , de forte que Lezonnet fut obligé
de fe retirer après un combat très-meurtrier , dans lequel il reçut
une bleffure, de laquelle il mourut dans la fuite. Le Duc de
Mercœur , qui arriva dans la ville quelques jours après , engagea
les habitants à fe bien défendre s'ils étoient attaqués 5 mais la
50O QUI
plupart étoient déjà décidés à fe foumettre à lobéiffance du RoL
Dès que le Duc fut parti , ils envoyèrent au Maréchal d'Aumont
un homme de confiance , pour le prier de venir affiéger leur
ville. Ce Général n'eut pas de peine à les fatisfaire. Il arriva à
la vue de la ville, le Dimanche 9 Oftobre 1594, fur les trois
heures du matin, dans un fi grand filence que les habitants
crurent qu'il vouloit tenter l'efcalade , mais ce n'étoit pas fon
defTein. Il fit feulement attaquer les fauxbourgs , dont il n'eut pas
de peine à fe rendre maître. La ville fut fommée de fe rendre;
mais , comme elle refufa , le Maréchal réfolut de l'affiéger dans
les formes. Il écrivit néanmoins aux habitants de lui envoyer des
Députés , & leur déngna ceux qu'il vouloit qu'on chargeât de
cette commifîion ; c'étoit ceux qui tenoient le parti du Roi , en-
tre autres le Sénéchal Guillaume le Baud. Les Quimperois , qui
s'apperçurent de la politique de l'ennemi , donnèrent un farveillant
aux envoyés , mais ce ne fut qu'avec peine que le Maréchal
voulut bien l'admettre à l'Audience , encore ne fut-ce qu'après
l'avoir menacé de le faire pendre. Il fit aux Députés de très-
belles promeiTes , mais les aiTiégés ne voulurent point s'y fier ,
& tinrent ferme. Le motif de leur réfiftance étoit qu'ils attendoient
Talhouet , qui devoit apporter la trêve fignée ; mais le Maréchal
le retenoit par fupercherie dans fon camp , parce qu'il vouloit de
toute nécefîité prendre la ville. Ceux du parti du Roi firent alors
une afiemblée particuHere , & y appellerent le Gouverneur de
la ville ; comme ils étoient tous très-unis , leur fentiment l'em-
porta fur celui des Hgueurs qui fe trouv oient préfents. Le réfultat
fut que , fans tarder davantage , on enverroit dire au Maréchal
que la ville étoit prête à fe rendre , & qu'il pouvoir envoyer
un homme de confiance pour arrêter les articles de la capitula-
tion. D'Aumont profita de ce moment , ôc fit partir fur le champ
le Préfident de la Grée ; tout fut bien vite arrangé , parce que
le Maréchal ne fe rendit pas difficile. Les portes de la ville fu-
rent ouvertes aux royaliftes , qui ne fe mirent guère en peine
d'obferver les articles de la capitulation. Le vainqueur impofa
fur les habitants une taxe de douze mille écus , qui fut exigée
avec la dernière rigueur , jufqucs-là que le Tréforier de la Ca-
thédrale fut traîné en prifon. L'Èvêque ayant appris cette violence ,
alla trouver le Maréchal , & lui parla avec beaucoup de fermeté.
Celui-ci fit femblant d'ignorer l'emprifonnement du Chanoine, &
donna ordre de le délivrer , mais il n'en paya pas moins la taxe
à laquelle il avoit été impofé. L'Evêque, lui-même, fut fournis à
QUI 501
îa loi générale , & contribua à compléter la fomme exigée. Le
Maréchal afîiégea enfuite le Fort de Crozon , & le prit. Après
cette expédition , il revint à Quimper pour s'y repofer & faire
rafraîchir fes troupes, mais ce féjour leur fut funefte : cette ville
étoit alors défolée par une maladie contagieufe , qui , fans faire
paroître aucune marque extérieure , caufoit un violent mal de
tête qui emportoit le malade en trois jours. Cette épidémie dura
depuis le mois d'Oftobre jufqu'au mois de Janvier , pendant le-
quel temps il mourut , à Quimper , plus de feize cents perfonnes ,
de tout âge & de tout fexe , compris les gens de guerre qui
étoient logés dans les fauxbourgs , & qu'on enterra par monceaux
dans les jardins , fans aucune cérémonie funèbre. Les Anglais
auxihaires furent les plus maltraités. L'armée du Maréchal fut
tellement diminuée par cette maladie , que, fans le renfort con-
fidérable qu'on lui envoya , il n'auroit pas été capable de réfiller
aux forces de l'ennemi. Le Parlement rendit même un Arrêt qui
enjoignoit à la Noblefle de fe rendre auprès du Général. Au
commencement de l'année 1595 , le Maréchal fit commencer une
citadelle dans le haut bout de la ville , à l'endroit où eft la
tour de Bihan , mais cet ouvrage ne s'acheva pas. Il donna le
Gouvernement de la ville au Sieur de Kermarquer , avec feize
Compagnies non complètes , fous le Capitaine Dupré.
Au mois d'Avril 1 5 97 , Fontenelle , ce brigand dont nous avons
fîfouvent parlé, s'avança vers Quimper avec douze cents hommes,
tant infanterie que cavalerie , dans le defîein de furprendre cette
ville i mais , ayant été découvert , il ne put réufîir , & retourna
à rifle-Triflan où il étoit retranché. Le 30 Mai fuivant, Fonte-
nelle vint encore à Quimper avec des troupes j il fe croyoit fi
fur de s'en rendre maître , qu'il avoit fait venir des bateaux pour
emmener le butin ; fon dellein étoit de fortifier cette ville , &
d'en faire fa place d'armes. Les habitants l'apperçurent , comme
il arrivoit dans les avenues du château de Pralamar ; il força d'a-
bord la barrière qui étoit à l'entrée du fauxbourg où font aujour-
d'hui les Capucins , & pénétra jufqu'à la place de Saint-Matthieu.
Jean de Crecholain , qui étoit venu , dès le matin , de fon château
de Ker-lot , avec fept hommes & un trompette , ordonne fur le
champ de fonner la charge , attaque l'ennemi avec impétuofité ,
& ne lui laifie pas le temps de fe reconnoître. Fontenelle , qui
croit que c'eft l'avant - garde d'un gros corps de cavalerie , efi
épouvanté & prend la fuite. La jeunefTe de la ville court aux
armes , fe met à la pourfuite des fuyards , guidée par le Capi-
SOI QUI
taine Magence , & en fait un grand carnage dans les environs de
Saint-Sébaftien. Fontenelie perdit en cette occafîon cent cinquante
hommes , qui furent tués , & foixante-cinq chevaux , avec une par-
tie de fon bagage , que la précipitation de fa retraite ne lui per-
mit pas de fauver ; les charrettes qu'il avoit fait venir pour em-
porter le butin , fervirent à tranfporter les bleffés , & les bateaux
s'en retournèrent vuides à Douarnenez.
Le 21 Oftobre 1601 , les Etats s'aiTemblerent à Quimper ; ce
fut environ ce temps que les Capucins s'établirent en cette ville :
on leur donna , pour leur fervir d'Eglife , la Chapelle de Saint-
Sébaftien , auprès de laquelle ils firent bâtir leur Couvent ; les
Jéfuites s'établirent aufR à Quimper, en 161 9 5 & les Urfulines
en 162 ï. Le 16 Novembre 1034 , le Marquis de Rofmadec , Baron
de Molac , Chevalier des Ordres du Roi , fit fon entrée à Quim-
per , en qualité de Gouverneur ; deux cents Gentilshommes du
pays, & plus de 800 habitants fous les armes, allèrent au-devant
de ce Seigneur jufqu'à une demie-lieue de la ville , & l'accompa-
gnèrent jufqu'à fon Hôtel , où il fut falué & harangué par tous
les Ordres. L'ignorance , la fuperftition , & l'idolâtrie , exerçoient
encore leur empire à Quimper , à l'époque dont nous parlons ;
les femmes , qui avoient leurs maris en mer , alloient balayer la
Chapelle la plus voifine , & en jettoient la pouffiere en l'air , dans
l'efpérance que cette cérémonie leur procureroit un vent favorable
pour les ramener. Ceux qui n'avoient pas obtenu des Saints qu'ils
avoient invoqués , l'affiftance qu'ils en efpéroient , prenoient leurs
figures , les fouettoient & les jettoiont dans l'eau , fuivant leur ca-
price. Les uns mettoient dans leurs champs un trépied ou un
couteau crochu , pour garantir le bétail des loups & autres bêtes
féroces -, les autres avoient foin de vuider l'eau de tous les vafes
d*une maifon où quelqu'un venoit de mourir , crainte que l'ame
du défunt n'allât s'y noyer ; ils mettoient aufîi des fieges auprès des
feux de joie qu'on fait à la Saint-Jean , pour que leurs parents morts
pufTent $y chauffer à leur aife j la veille de la même fête , on
permettoit , en plufieurs endroits de la baffe Bretagne , au peuple
de danfer une partie de la nuit dans les Chapelles; &, comme
elles font fort multipliées dans le pays , l'abus étoit d'autant plus
difficile à réformer , qu'il étoit général , & qu'on le regardoit
comme une pratique de religion , propre à honorer le Saint ou la
Samte qu'on révéroit dans cette Chapelle. On fe mettoit à genoux
devant la nouvelle lune , & on dilbit un Pater Se un Ave à fon
intention. Au premier de l'an , on faifoit une efpece de facrifice
QUI 50J
aux fontaines publiques, par plufieurs morceaux de pains, couverts
de beurre , que chacun y offroit j dans certaines Paroifles , on por-
toit , le même jour , aux fontaines , autant de morceaux de pain
c{u il y avoir d'mdividus dans une famille , & par l'arrangement
qu'ils confervoient , en furnageant , on penfoit connoître ceux qui
dévoient mourir dans l'année. Il feroit facile d'ajouter au nombre
de ces extravagances , mais nous en avons dit affez fur ce fujet.
L'Abbaye de Ker-lot fut fondée en 1652, par Jegudo de Kerolin.
Le Roi n'avoit point de prifon en 1667 j les Fermiers du domaine
afFej-moient celle de l'Evêque. La Maifon de la Retraite fut bâtie
en î 670 , par les foins du Père Maunoir , célèbre Miffionnaire. Le
Re6leur de la ParoifTe de Guemevel , & N.... de Brenelio , furent
les premiers qui contribuèrent à cet édifice ; aulli-tôt que la pre-
mière pierre en eut été pofée , en grande cérémonie, par l'Evêque,
tout le monde s'empreiTa de cotifer ; les Dames de la ville , fur-
tout , montrèrent un zèle très-vif pour cet établiifement. Au mois
de Septembre 1730, fut procédé, par M. Thevenon , Ingénieur,
en préfence du Subdélégué & des CommilTaires députés par la
Communauté de ville , au devis des réparations à faire aux ou-
vrages publics , à la fontaine d'eau minérale , près la porte de la
Tourbie , & à la rivière , qui étoit en partie comblée par des fa-
bles & des cailloux , depuis les chauffées des Moulins au Duc &
de l'Evêché jufqu'au moulin de Lomaria : ces fables Se cailloux
furent delHnés à applanir la place d'armes , le long & au derrière
des murs de revêtement qui la formoient , & les pavés dégradés
de la ville & des fauxbourgs. Les ouvrages mentionnés au pré-
fent devis furent adjugés, à l'Intendance à Rennes , le 20 Février
173 I , à Jean Bougeart , Procureur au Parlement de Bretagne,
pour la fomme de 20500 livres. L'an 1761 , la Communauté de
ville obtint la permiflion de faire l'acquifition de quelques terreins
pour l'élargiffement des quais du port. Arrêt du Confeil & Lettres-
patentes fur icelui , portant approbation pour le nivellement de la
Cure de Quimper. Dans le territoire du fauxbourg de Lomaria ,
étoit le château du Roi Grallon, fit aé fur le bord de la rivière,
à l'endroit nommé Manoir de Poulquinan , à peu de difiiance du
château de l'Enniron , maifon de plaifance des Evêques de Quim-
per ; ce château fut détruit & reconfi:ruit à neuf, il y a environ
quinze à feizeans jil appartenoit, avant ce temps, à la maifon de
Becdelievre, qui le vendit au fieur de Vars , Receveur-général
des devoirs ; celui-ci , après l'avoir fait rebâtir , le revendit , il y a
fept à huit ans, à M. de Kermorvan le Borgne j il ne refle plus,
5°4 . QUI
de l'ancien château , qu'une petite tour qui efl: adaptée au nou^
veau bâtiment -, en fuppofant qu'il ait été bâti par Grallon , il avoit
treize fiecles d'exillence. On conferve , par tradition , à Quimper ,
la mémoire d'un miracle , que l'on rapporte de cette manière. Un
particulier avoit prêté un certain nombre de louis à un homme
de mauvaife foi , qui n'avoir point donné de reconnoiiïance -, quel-
que temps après , le prêteur demanda le rembourfement de fes
deniers , le débiteur lui répondit qu'il l'avoit payé , & qu'il ne
lui devoit rien : appelle en juftice , il fut condamné à faire le
ferment accoutumé en pareille occafion ; cependant fa confcience
n'étoit pas tranquille , fon crime le faifoit trembler ; pour diffiper
fes fcrupules , il eut recours à un expédient ; il avoit une canne
creufe , dans laquelle il renferma la fomme qu'il devoit , & lorf-
qu'il fut prêt de faire fon ferment , il pria fon créancier de tenir
fon bâton , pour qu'il pût avoir les mains hbres ; celui-ci ne fe
doutant de rien , ne fit pas difficulté de lui rendre ce fervice , &
le fripon , fe croyant exempt de crime , jura qu'il avoit rendu la
fomme qu'on lui avoit prêtée ; à l'inftant la canne s'ouvrit & ïeûi-
tua l'argent au prêteur ; & l'on ajoute que le Crucifix , devant
lequel avoit été fait le parjure , répandit trois gouttes de fang :
ce Crucifix s'eft conferve jufqu'à nos jours , & on le montre à
ceux qui font curieux de le voir.
Si , depuis long-temps, Quimper ne produit plus de Saints à cano-
nifer , du mioins en fort-il, par intervalle , des gens de mérite. Les
Pères Hardouin & Bougeant , Jéfuites , qui y ont reçu le jour, ont
fait honneur à leur patrie , par une fcience profonde -, mais celui
de tous les Quimperois qui s'eft fait une plus grande réputation,
dans les Lettres, eft M. Freron, auteur de l'Année Littéraire ; fes
écrits , répandus par toute la France , ont fait pendant long-temps
les déhces des gens de goût ^ il en avoit un très-fûr & très-bon;
s'il n'a pas toujours été jufte , & s'il a quelquefois mis trop de fiel
dans fes critiques , c'eft que fes rivaux lui en donnoient l'exemple ;
Jtr avoit des ennemis acharnés contre lui , & il a eu la gloire , û
noa de remporter la viftoire , du moins de la difputer , & de
ne pas la céder à fes adverfaires. Le plus terrible fut cet homme
étonnant, qui réuflit dans prefque tous les genres de httérature,
qui eut tant d'admirateurs & tant d'ennemis , qui mérite les plus
grands éloges -, mais peut-être une partie des reproches qu'on lui
a fait : cependant , Voltaire ,. malgré fa réputation , fon génie ,
fes amis ,. n'a pu que balancer les fuccès ,. & c'eft-là le meilleur
éloge de M. Freron* La Religion & les Lettres lui ont de grandes
obligations ^
QUI 505
obligations , 8c il fera toujours placé , par les gens exempts de
prévention , parmi les excellents Littérateurs dont la France s'ho-
nore; cet écrivain defcendoit, par les femmes , du poète Malherbe.
M. Royon , gendre de M. Freron , peut auffi être cité comme un
homme fçavant, dont les talents font honneur à fon pays. A en
juger par l'établiilement d'une chambre littéraire , qu'on voit à
Quimper depuis quelques années , on peut efpérer que d'autres
Citoyens de cette ville réuffiront dans la littérature , & mériteront
d'être placés à coté de ceux qu'on vient de nommer , quoique la
médifance , ou , fi l'on veut , la calomnie , prétendent que les
Quimperois aiment mieux un bon dîner qu'un bon livre. Il ne
faut pas oublier que le Chapitre de Quimper a aufîi produit un
auteur qui a fait une Hiltoire de la Ligue ; quoique fon ouvrage foit
encore en manufcrit , depuis quarante ans qu'il ell: fait , fon nom
( M. Moreau ) eft très-connu des littérateurs bas-Bretons.
Catalogue hijlonque des Evêques de Quimper,
L'Eglife Cathédrale efl dédiée à Notre-Dame & à Saint Co-
rentin. Le Chapitre eft compofé de l'Evêque, de deux Archidiacres,
d'un Tréforier , d'un Grand - Chantre , & de feize Chanoines.
L'Abbé de Daoulas eil le premier Chanoine , & autrefois , dans
les cérémonies publiques , fes ReHgieux marchoient à côté des
Membres du Chapitre, comme il marchoit lui-même à côté de
l'Evêque j il avoit même fa chaife fous le même dais que le Prélat.
Nous ignorons s'il a confervé fes privilèges.
Saint Corentin, Chourentin, ou Charilaton , fut le premier Eve-
que de Quimper. Les Pères du Concile de Bourges , du nombre
defquels étoient Léon de Bourges, Euftache de Tours, & Vic-
turus du Mans, lui écrivirent en 444 ; il affifta au Concile d'Angers,.
en 453. C'efl donc à tort qu'on prétend qu'il fut facré Evêque
par Saint Martin , qui étoit mort dès 397 j il mourut vers l'an 459 ,
& fut inhumé dans fon Eglife Cathédrale, où il repofa jufqu'en
966 , époque de la tranflation de fon corps à Paris.
Saint Guenegand ou Venerand , ell ce Prékt Breton qui aififla
au Concile de Tours, l'an 461.
Saint AUore ou Albin, afMa au Concile de Vannes en 4<3Ç ;
on croit que c'eft lui c|ui traita de la paix entre Aëtius &: les
Armoriquains , en 440.
Budic ou. Benoît , fucceda à Saint Allore , on ne fçait en quel
temps.
Tome IIl^ S 5
5°^ QUI
Litharc ou Gurbede , occupa , après lui , ie Siège Epifcopal
de Quimper ; il aflifta au Concile d'Orléans, en 5 1 1.
Harnietenec ou Harnietene , fut enfuite nommé Evêque -, fes
fuccefleurs ne font connus que par leur noms : fçavoir ;
Morguetene j Tremerin 5 Fragan ou Ragia^u j Salomon j Aluret j
Golhoet.
Hugues j depuis ce dernier jufqu'à Félix , qui fuit , on ne fçait
il le Siège refta vacant ou û le dernier fut le fucceffeur immé-
diat du premier.
Félix, élu Evêque de Quimper en 836 félonies uns , & 848
félon les autres , fut dépofé , comme fimoniaque , par autorité de
Nominoë , en 849.
Anaveten , nommé Evêque en 849 , par le Roi Nominoë ,
mourut en 865.
Félix fut rétabli en S66 5 le Concile de Toul en fait mention.
Jérémie fut Evêque vers 870 ; on trouve fon nom dans les
lettres du Roi Salomon au Pape Adrien.
Salvator lui fuccéda à la fin du neuvième fiecle.
Benoît, neveu de Grallon, Comte de Cornouailles, fut Evêque
de Quimper , ce Prélat ell célèbre dans l'hirtoire, par la beauté de
fa figure & de fa taille , la décence & la majeflé de fon main-
tien , & par des vertus qui le firent chérir de fon troupeau. Nous
avons un fermon de lui.
Blenlivet ou Bleulivelle, fuccéda à Benoît, vers l'an 971,
Orace fut nommé en 990.
Benoît II du nom , fils de Budic , Comte de Cornouailles ,
fut lui-même Evêque & Comte ; il fe maria, & eut des enfants j
il fe démit de fon Evêché en faveur d'Orfcand , & de fon Comté
en faveur d'Alain Cagnard , fes deux fils.
Orfcand , fur la démifîion de fon père , prit le titre d'Evêque,
en 1029 j ce Prélat bénit Saint Gurlois , premier Abbé de Sainte-
Croix de Quimperlé , Maifon fondée par Alain Cagnard ; fouf-
crivit à la fondation de Saint -Georges de Rennes , ëc fe maria ,
avec la permifnon de fon frère Alain Cagnard , qui mourut en
1054 : Orfcand mourut en 1064.
Benoît III, fils de l'Evêque précédent, fut Evêque de Quim-
per en 1064, & mourut en 11 12 ou 1113 , après quarante-neuf
ans d'épifcopat.
Robert , c[ui vivoit dans un Hermitage , à Locrenan , fut nommé
Evêque , l'an 1 1 1 3 , & mourut en 1 1 30.
Raoul lui fuccéda , dans le courant de la même année.
Q u I 507
Bernard de Moëlan , Eccléfiaflique effimable , Chanoine de
Chartres , fut élu Evêque de Quimper,vers 11 60, & mourut
l'an 1 1 67.
Geoffroi , fuccefTeur de Bernard, l'an 11 67, afiifta au Concile
de Latran , célébré l'an 1 179 , par le Pape Alexandre. . . . près
de trois cents Evêques affiiterent à ce Concile , qui , outre les
règlements qu'il fit pour les mœurs , défendit très - exprefTément
de porter des armes aux ennemis du Chriftianifme & aux Héré-
tiques , comme les Vaudois & les Albigeois.
Thébaud ou Théobalde, élu l'an 1 183 , fut confirmé l'an 1 187.
On prétend qu'il étoit Moine dans l'Abbaye de Sainte-Croix de
Quimperlé , lorfqu'il fut pourvu de l'Evêché de Quimper.
Robert , qu'on donne pour fuccefTeur à Thébaud , ei\ regardé
par quelques-uns comme fuppofé. Ceux qui l'admettent difent
que ce fut un méchant homme , qui ne fut pas regretté de fon
troupeau.
Willelme ou Guillaume, Evêque de Quimper, l'an 1192,
eut un démêlé très-férieux avec Gui , Vicomte de Thouars , qui ,
par fon mariage avec Confiance , DuchefTe de Bretagne , étoit
devenu Souverain du pays. La caufe de ce différent étoit la
conftruftion du château dont j'ai parlé : l'affaire fut terminée dans
le Concile de Rennes. L'Evêque Guillaume fit bâtir dans fa
ville une halle , pour y tenir le marché qu'il venoit d'établir.
Renault fut nommé Evêque de Quimper & ChanceHer du
Duc de Bretagne, au mois de Juillet 1219. Ce Prélat , afliilé de
Cadioc , Evêque de Vannes , fit la dédicace & la bénédiftioii
de l'Eglife de Daoulas. En 1222, il créa trois Prébendes dans
fon Eglife Cathédrale.
Hervé de Landelleau, fon fuccefTeur , étoit un Saint Evêque,
dont la mort efl rapportée au 9 Août 1261. Il avoir aiTifté , en
1253, au Concile de Saumur , oii il fut fait trente - quatre Ca-
nons. Le troifieme dit que les Hnges & les habits facerdotaux
doivent être lavés par quelques honnêtes matrones ou des vierges.
Le trentième défend un ufage afTez commun en Bretagne , c'étoit
de donner des Eglifes paroifîiales en commende. Le trente-unième
défend aux Evêques de réunir ces Eglifes à leur Menfe épifco-
pale , ou de les charger de nouvelles penfions. Le trente-deuxième
défend aux Prêtres de rien léguer à leurs enfants bâtards ou à
leurs concubines , fous peine de nullité du teflament , & de con-
fifcation des biens légués , au profit de l'Eglife.
Gui de Plounevez , qiii le remplace , meurt en 1 2^7*
5o8 QUI
Yves le Cabellic eft connu par les cartulaires de Saint-
Maurice , de Carncët , & de Daoulas ; il meurt en 1282.
Even de la Forêt , qui occupe enluite le Siège épilcopal , mé-
rite , par fes vertus & la fermeté , le titre de Pafteur vigilant &
de détenfeur de l'Eglile.
Alain Morel le remplace , & n'eft facré que long-temps après
fon éle6Hon , parce que le Siège de Tours étoit alors vacant.
Les cartulaires en font mention , ainfi que de la querelle fur-
venue entre le Pape Boniface & Philippe le Bel. Alain mourut
en 1320. Albert s'efl trompé en difant que ce Prélat avoit été
élu & confirmé en 1299 : toutes les chroniques, archives, &
cartulaires , qui en parlent , contribuent à faire regarder comme
certaine l'opinion que je viens d'établir. Dom Taillandier donne
pour fucceiîeur à Alain , un Raoul , dont l'exiilence ne me paroît
pas bien conftatée. Je n'aflure pourtant point que l'hiftorien cité
le trompe , puifqu'il met la mort d'Alain & de fon fuccefleur
dans la même année. Il fe peut faire que Raoul ait été effecti-
vement nommé , & que la mort , qui l'enleva prcfqu'auffi-tôt fon
éleftion , ne lui ait pas donné le temps de fe faire facrer , de
prendre pofTeflion , & d'exercer fa Jurifdiftion. En ce cas , ni
ceux qui l'admettent , ni ceux qui le rejettent , ne peuvent être
taxés de faufieté.
Thomas Denart , Eccléfiaflique zélé , étoit Doyen d'Angers,
lorfqu'il fut nommé Evêque de Quimper, le 12 Avril 13 21. Il fit
fon entrée dans le courant du même mois , & mourut le 1 9
Juin 1322 j il fut enterré dans l'Eglife paroifliale de Maure, au
diocefe de Saint-Malo.
Bernard , de l'Ordre des Frères Mineurs, nommé en 1322 , fut
transféré à Noyon en 1324.
Gui de Laval , fils de Gui , Seigneur de Laval , & de Tho-
mafîe de Mathefelon , élu en 1324 , fut transféré au Mans
en 132(3,
Jacques , de l'Ordre des Frères Prêcheurs , fut élu & fit fon
entrée en 1326. Le Pape Jean XXII le transféra à Toulon en
1329 ou 1330. Il ne faut pas fe rapporter à ce que dit Albert
de Morlaix de ce Prélat & des fuivanrs.
Yves de BoisboèfTel , de la famille Bretonne de ce nom ,
ui faifoit fon fcjour près Châtel - Audren , fut transféré de
réguier à Quimper en 1330, & de Quimper à Saint-Malo
en 1333.
Alain Gontier , originaire de Quimper , Prélat elHmable, &: fça-
?
.QUI _ 509
vant Théologien, fiit transféré de Saint-Malo à Quimper en 1533,
& mourut en 1356.
Alain le Gai , de la ParoifTe de Riec , homme d'une vie exem-
plaire^ fut pourvu de l'Evêché de Quimper en 1336, &: mourut
en 1358.
Geoffroi de Coètmoifan , élu en 1358, fut transféré à Dol
en 1374.
Jean de Kerenlouet , que le Duc nomma pour fon AiccefTeur,
ne fut pas long-temps fur le Siège, puifqu'il étoit vacant dès 1 376.
Geoffroi le Marhet ou de Slarec , Evêque digne d'être pro-
pofé pour modèle, fut facré en 1376, & termina, Tannée fui-
vante , le différent qu'Alain le Gai , fon prédéceffeur , avoir eu
avec Hervé, Seigneur de Juels : il mourut en 1383.
Thébaud , de Fillullre famille de Maleftroit , transféré de Tré-
guier à Quimper, fit ferment de fidélité au Duc en 1384, 8c
mourut au commencement du quinzième iîecle.
Gatien de Monceaux , Nantais d'origine , Confeiller des Ducs
Jean IV èc Jean V, facré Evêque fur la fin de l'année 1408,
affilia au Concile de Pile en 1 409 , 6c à celui de Confiance ,
par Procureur, en 141 5. Ceil dans le premier de ces Conciles
que le Pape Grégoire XII fut dépofé, Gatien mourut le 1 5 Oc-
tobre , après huit ans & vingt-huit jours d'épifcopat.
Bertrand , fils de Guillaume de Rofmadec 8c d'Anne du Châtel ,
élu en 1416 , paya, en 14 17, trente boucliers d'or à l'Archevêque
de Tours , qui avoit confirmé fon éleftion. Bertrand avoir d'abord été
Aumônier des Ducs Jean IV & Jean V ; élevé à l'Epifcopat , il le
donna tout entier au foin de fon troupeau. 11 fit démolir Ion Eglife
Cathédrale , 6c en fit conftruire une plus magnifique ; il pofa
la première pierre de l'édifice le 16 Juillet 1424, conjointe-
ment avec Jean de Languenoez , Procureur du Duc en cette
cérémonie. Il fit encore refaire les deux tours , la facriflie , les
orgues , les llatues d'argent qui accompagnent le Chrifl , & la
Pfalette, qu'il fonda pour l'entretien d'un maître 6c de fix enfants
de chœur : il fit fondre 6c placer la groffe cloche nommée la.
Bertrand j fonda kl lampe , 6c donna en outre un bâton de Croix 6c
deux grands chandeliers d'argent , une table de cuivre doré , 6c
une pifcine. Il n'oubha pas les pauvres , pour lefqueîs il affigna
un fonds de deux cents foixante livres de rente , qui leur doivent
être diffnbuées , tous les ans , par deux notables perfonnes , choifies
par le Chapitre. Ce Prélat mourut le 7 Février 1445, après vingt-
huit ans d'Epifcopat, 6c fut enterré dans la Chapelle de fon nom,
5IO QUI
en fon Eglife Cathédrale. On lui érigea un magnifique maufolée y
avec un épitaphe.
Alain de Coëtivi , transféré de Dol à Quimper en 1445 >
comme le prouvent les aftes du Vatican , fut de rechef tranf-
féré à Avignon en 1448. Les cartulaires du Chapitre de Quim-
per en font mention fous l'année 1447. ^^^ donc à tort que
Dom Taillandier prétend qu'il ne fut jamais Evêque de Quimper.
Alain de l'Epervier , de l'Ordre des Frères Mineurs , élu en
1448 , fut transféré à Céfarée en 1451. On croit qu'il mourut le
i6 Mars 1445 , & qu'il fut inhumé dans l'Eglife des CordeUers
de Quimper.
Jean de l'Epervier , neveu du précédent , & fils de Charles ^
Seigneur de Perfquen , Premier Préiident de la Chambre des
Comptes , & de Guillemette Painel , fut pourvu de l'Evêché de
Quimper, f»jr la réfignation de fon oncle, le 16 Janvier 1451..
Ce Prélat étoit Proto-Notaire Apoftolique & très-inflruit des droits
de fon Siège. Il en donna des preuves dans le différent qu'il eut
avec le Duc Pierre II , au fujet du château que ce Prince
vouloit bâtir à Quimper. Il mourut en 1472 , & fon temporel fut
faifi par les Officiers du Duc, le 18 Mai de la même année.
Thébaud de Rieux, facré en 1472 , fit ferment de fidélité au
Duc, en 1473 ? ^ mourut le 17 Février 1479. -^^^^^ ^^ Bailh ,
Chanoine, de Quimper , que le Chapitre avoir élu pour lui fuc-
céder , ne fut point reconnu en qualité d'Evêque par le Duc ,
qui n'avoit point été confulté fur fon éleftion. On ne doit point
le compter au nombre des Evêques de Quimper , puifqu'il ne
fut point facré , & qu'il n'exerça aucune Jurifdiftion.
Gui du Bofchet , Vice-Chancelier de Bretagne , fut nommé par
le Duc, à l'Evêché de Quimper, en 1479 -> prêta ferment le 10
A4 ai fuivant , & fut confirmé dans fa dignité par une Bulle du
Pape Sixte IV : il fit fon entrée folemnelle dans cette ville ,
accompagné de plufieurs Eccléfiailiques & Gentilshommes , le 1 5
Oftobre 1480, de la manière fuivante. Ce Prélat fortit le 1 4
de fon château de Larinon , un peu avant le coucher du foleil ,
& fe rendit à l'Eglife du Prieuré de Locmaria , dans un des
fauxbourgs. Après avoir fait fa prière , il frappa à la porte du
Prieuré & demanda à loger : la Prieure lui accorda le couvert
& fe faifit de fon manteau , qui , dit-elle , lui appartenoit , puif-
qu'elle lui donnoit l'hofpitalité. Le Prélat fut conduit dans une
chambre , où il n'avoit pour Ht qu'un peu de paille étendue fur
le plancher. La Prieure lui propofa de lui laver les mains &:
QUI 5ri
îa tête , & pour prix de ce fervice , garda fon bonnet & fcs
gants. Le Prélat conteila cette prétention , & lui dit qu'elle exi-
geoit au-delà de ce qui lui étoit dû. Le lendemain au matin ,
comme l'Evêque fe promenoir dans le jardin , la Prieure alla le
trouver & lui demanda s'il avoit une bourfe : le Prélat lui ayant
montré celle qu'il portoit à fa ceinture , la Religieufe prit tout
ce qu'il y avoit dedans ; c'étoit une fomme de quarante fols
monnoie. Après ces cérémonies bizarres , l'Evêque monta fur un
jeune cheval , & s'avança , avec fa compagnie , jufqu'à la porte
de fon Eglife Cathédrale , où Guiomark , ChevaUer , Seigneur
de Guengat, le defcendit de cheval. Il demanda la permiffion
de prendre des gants pour ôter les éperons & les bottes , mais
il fut refufé ; il protelLa contre ce refus & obéit. Il garda les épe-
rons , les bottes , & le cheval , en affirmant que tout cela lui
appartenoit. On appella enfuite Olivier de Quelen , Seigneur du
Vieux-Châtel , tenu d'alTifter à cette cérémonie , une baguette
blanche à la main ; comme ce Seigneur étoit indifpofé , Conan
de Pontcallec comparut pour lui. L'Evêque entra, dans ce mo-?
ment , dans une maifon voidne , pour fe revêtir de fes ornements
pontificaux ; & , lorfqu'il fut habillé , il revint au même endroit ,
fe mit dans une chaife , & fut porté par Jean de Quelennec ,
Vicomte du Faou , Amiral de Bretagne ; Henri , Chevalier , Sei-
gneur de Nevet ; Guillaume , Chevalier , Seigneur de Ploeuc ;
& le Seigneur de Guengat , dans fon Eglife Cathédrale , où il
fit le ferment accoutumé. Cet ufage de porter les Evêques,
étoit alors général en Bretagne ; ceux de Paris jouifToient du
même privilège. Gui du Bofcheî ailembla, l'an 1483 , un Synode,
dans l'EgUfe de Saint-Colomban de Quimperlé. La pefte , qui
défoloit alors fon diocefe , difperfa le Pafteur & les brebis. Le
premier fe retira à Nantes , où il ne put échapper à la mort ,
qui vint l'y furprendre le~io Janvier 1484. Dom Taillandier
dit que le Chapitre s'aiTembla dans l'Eglife de Coré , pour nom-
mer des Grands-Vicaires.
Alain le Moult, Confeiller du Duc François II , & Maître des
Requêtes de fon Hôtel , fut transféré de Saint-Pol-de-Léon à Quim^
per , le 7 Mars 1 484 , par ré{ignj.tion de Gui du Bofchet. Il fut
employé par le Duc , en différentes négociations : il mourut le
2 Novembre 1493 , & fut inhumé dans la Chapelle de la Mag-
deleine , en fon Eglife Cathédrale.
Raoul le Chauve , Aumônier du Roi Charles VÏII , & Chanoine
de Poitiers , fut pourvu de l'Evêché de Quimper , l'an 1493 , prêta
5'^ ,., . QUI
ferment de fidélité au Roi, le 28 Avril de Tannée fuivante , Se
afîifta aux obfeques de ce Monarque , en 1494. Le Roi Louis XII
le fit iecond Préfident de la Chambre des Comptes, en 1498:
il mourut le 31 Mai 1501 , & fut inhumé dans l'Eglife Cathé-
drale , dans la Chapelle de la Trinité.
Claude de Rohan , fils de Jean II , Vicomte de Rohan , &
de Marie de Bretagne , fut nommé Evêque de Quimper , vers
l'an 1501 ; il n'avoir encore que vingt-deux ans, & étoit déjà
Doyen rural de Porhoet , au diocefe de Vannes : il fiit facré le
6 Avril 1 5 1 o , dans la Chapelle du château de Blain , & fit fon
entrée à Quimper, le 6 Juin 15 18. Devenu héritier de fa maifori
en 1 5 27 , il employa fes grands biens à achever fon Eglife Ca-
thédrale & à bâtir le Palais épifcopal , qui fert encore de loge-
ment à fes fuccelTeurs. Il étoit d'un caractère doux & porté au
bien , mais fi fimple , que dans la crainte qu'on abufât de fa
bonté , on crut qu'il étoit néceflaire de lui donner un Coadjuteur.
Le Roi , dont on avoit imploré l'autorité à ce fujet , en écrivit
au Pape, en 1 532. On propofa au Saint-Pere , Jean de la Motte,
Archidiacre de Nantes , Abbé de Rhuis , lequel , félon Taillan-
dier , ne fut point agréé de la Cour de Rome. Je ne prononcerai
point contre le fçavant Bénédiftin , mais je trouve dans un auteur
juftement efi:imé , que Jean de la Motte fit ferment de fidélité
au Roi , en qualité de Coadjuteur de Quimper , le 2 Février
1532, & que ce Prélat mourut avant Claude de Rohan , qui ,
effeftivement , fe fit donner un fécond Coadjuteur. Ce fait eiî
d'ailleurs configné dans les archives de la Chambre des Comptes r
lib, i , mandatorum in caméra computorum, Claude de Rohan mourut"
au mois de Juillet 1 5 40 , au château de Guemené , & fut enterré
dans FEghfe Collégiale du même lieu. Ses entrailles furent por-
tées dans la Chapelle du château de Corlai.
Guillaume Eder, Abbé de Saint-Gildas des Bois, Coadjuteur
de Quimper , fut facré dans la Chapelle du château de Gou-
laine , & fit ferment de fidélité au Roi en 1541 , fit fon entrée
dans fa ville épifcopale le 29 Avril 1543 , & mourut le 22.
Mai 1546.
Philippe de la Chambre , Moine Bénédiftin , dit le Cardinal
de Boulogne , fils de Louis , Comte de la Chambre , & d'Anne
de Boulogne , veuve , en premières noces , d'Alexandre Stuard ,
Duc d'Albanie ; puis Cardmal , & enfin Evêque Commendataire
de Quimper , en 1 547 : il mourut à Rome , en 1 5 50, le 2 1 Février^
Nicolas, Caj,etaa , fils, de Camille , Duc de Sermonnette , &
QUI 51,
non de Sîmonnette , comme difent quelques-uns , fut fait Cardinal ,
Tan 1Ç38, puis Evêque adminiftrateur de Quimper en 1548, fit
ferment de fidélité en 1556, le 21 Février, & fe démit l'an
1559 j il mourut vers l'an 1584, & fut enterré dans i'Eglife de
Notre-Dame de Lorette.
Etienne Boucher , natif de Troyes en Champagne , fut pourvu
de l'Evêché de Quimper en 1559, prêta ferment de fidélité au
Roi en 1 560, & affifta au Concile de Trente , fous le Pontificat
de Pie IV : il mourut le 20 Août 1571. Le Siège vaqua deux
ans , & François de la Tour , de l'Ordre de Citeaux , fut facré
à Saint-Brieuc le 20 Décembre 1573 , fit ferment de fidélité
au Roi en 1575 , obtint main-levée de fon Temporel en 1576,
& fut transféré à Tréguier en 1582 ou 1583.
. Charles du Lifcouet , pourvu de l'Evêché de Quimper en
1583 , afiifta au Concile de Tours dans le courant de la même
année, aux Etats affemblés à Quimper en 1586, à ceux de
1598 & de 1604 ; il mourut en 1614 , & fut inhumé dans la
Chapelle de la Viftoire : ce Prélat avoit été figueur.
Guillaume le Prêtre , fils de Louis , Seigneur de Lezonnet ,
Gouverneur de Quimper & de Concarneau , fut nommé à cet
Evêché en 161 4, & affifta , en cette qualité, aux Etats affem-
blés à Rennes en 1616; il conféra les Ordres à Nantes en 1618,
Se mourut le 8 Novembre 1640, dans la cinquante-troifieme an-
née de fon âge. Il avoit fait rétablir fon Palais épifcopal, qui
avoit été fort endommagé pendant les guerres de la ligue. Il
laifTa néanmoins à fes frères &: fœurs pour plus de cent mille
écus de bien.
René du Louet , Chantre de I'Eglife de Saint -Pol- de- Léon ,
nommé en 1 640 , fut facré le 2 Février 1 643 , & prit pofTeflion
le 22 du même mois. Ce Prélat ayant reconnu que ces prédé-
cefTeurs n'avoient fait aucune vifite en règle , depuis vingt ans ,
voulut s'acquitter de ce devoir, & commença le cours de fes
vifites en 1644 ou 1645 j &, en 1650, il obtint, pour Coadju-
teur , François Vifdeloup. Il fit rétablir beaucoup de Chapelles
ruinées , augmenta & décora fon Eglife Cathédrale 8c fon Pa-
lais épifcopal , & fit de grandes réparations au château de
Lenniron.
François de Vifdeloup , fils de Gilles , Chevalier , Seigneur
de la Goublaye , & de Françoife de Quellenec , Chanoine &
Chantre de Quimper, fut nommé Coadjuteur de la même Eglife
en 1(550 ; il fut facré Evêque deMadaure^ le 7 Mai K351 , par
Tome III» T 5
514 QUI
l'Evêque de Dol , afîlflé des Evêques de Vannes & de Saint-
Malo : il fut nommé à l'Evêché de Léon , vers l'an 1 664,
François de Coëtlogon , fils de Louis , Vicomte de MejufTeau-
me , fut nommé à l'Evêché de Quimper , après la mort de René
du Louet. Ce Prélat foufcrivit à la requête qui fut préfentée
au Roi , au nom du Clergé , en 1 68 5 , & amfta au Concile
provincial de Tours en 1699: il mourut en 1707 , & fut inhumé
dans fa Cathédrale , fous une pyramide de marbre.
François-Hyacinthe de Ploeuc du Timeur , nommé & facré en
1707, fit fon entrée folemnelle au mois d'Août même année,
pubha des Statuts le 10 Avril 1710, & mourut en 1739.
Augufte-François-Annibal de Farci de Cuillé , nommé & facré
en 1739 , réunit , par Arrêt du Confeil , à la ville de Quimper,
fon château de Lenniron , qui dépendoit auparavant de la ParoifTe
de Locmaria ; il mourut en 1771.
N.... de Flammarens, nommé en 1771 , fut facré à Morlaix,
pendant la tenue des Etats en cette ville , au mois de Janvier
1772, & fut transféré à Perigueux, fur la fin de la même
année.
M. Conen de Saint-Luc , nommé en 1773 , gouverne actuelle-
ment l'Eglife de Quimper.
QUIMPER-GUEZENNEC; à 3 lieues au Sud-Eft de Tréguier,
fon Evêché j à 28 lieues de Rennes j & à deux tiers de lieue de
Pontrieux , fa Subdélégation. Cette ParoifFe eft un Patronage
laïque , dont M. de Coëtrieux eft le Seigneur. On y compte
3000 communiants, y compris ceux de Sainte-Clette, fa trêve. Il
s'y exerce une haute , moyenne & bafleJuftice , qui refTortit à
Lannion. Le Roi pofiede plufieurs fiefs dans ce territoire, qui eft
arrofé des eaux de la rivière du LielL II eft fertile en grains ,
foin Se cidre. Le château de Fniaudour , place jadis afiez bien
fortifiée, apartenoit, en 1393, au Duc de Bretagne Jean IV. Le
Connétable de CHfibn , qui faifoit la guerre à ce Prince , fe rendit
maître du château de Fniaudour, l'an 1393 j il appartenoit , en
1 5 1 2 , au Sire de Chateaubriand : il a été démoH depuis , l'on n'en
voit plus que les ruines & l'ouverture d'un fouterrain qui pafTé
fous la rivière de Trieuc , & conduit au châteu de Ker-marquer,
dans la ParoifTe de Ploezal. On en a fait boucher l'entrée pour
éviter les accidents qu'une curiofité imprudente occalionnoit
allez fouvent ; ce châteifu appartient préfentement à M. de
Coëtrieux.
QUI 5'S
QUIMPERLE ; ville tnaritime , dans un fond , fur la rivière
de Laita , par les 5 degrés 53 minutes 10 fécondes de longitude,
& par les 47 degrés 5 1 minutes 8 fécondes de latitude ; à 9
lieues deux tiers de Quimper, fon Lvêché ; à 14 lieues de
Vannes; & à 32 lieues de Rennes. Cette ville relevé du Roi,
& compte 3000 habitants; deux ParoifTes , Saint - Colomban ,
Saint-Michel; une Abbaye de l'Ordre de Saint - Benoît ; trois
Couvents , qui font , les Jacobins , les Capucins , les Urfulines ;
& un Hôpital. On y remarque un Gouvernement de place, une
Gruerie royale ; une Communauté de ville , qui députe aux
Etats de la province ; une Subdélégation , une Brigade de Ma-
réchaulîée ; tk deux Poftes , l'une aux lettres , l'autre aux che-
vaux. Sous la Sénéchauflee royale font trois Junfdiftions infé-
rieures, qui font , Sainte -Croix, Guimerch , & la Seigneurie
de Riec. Quimperlé porte pour armes , d'hermines au coq de
gueules, barbé, membre, 6c crête d'or. Quatre grandes routes
aboutiffent à Quimperlé. Le marché du vendredi eil confidérable
par les beftiaux , le bois , & les grains qui s'y trouvent ; les
îix foires qui s'y tiennent tous les ans feroient fans doute fleurir
le commerce ae cette ville , fi fon port n'étoit prefque comblé
par les fables qu'y dépofent les rivières d'Yfole & d'Ellé , qui
fe réunifTent en cet endroit , en fe jettant dans la Laita , qui a
flux & reflux , & fl les tanneries , autrefois confldérables , n'étoient
prefque entièrement tombées. Il faut pourtant efpérer que cette
branche importante de commerce reprendra fa vigueur. En 1753,
Jean-Jacques-Ulric Englier , originaire de la ville de Saint-Gai ,
en Suifle , vint fe fixer en cette ville , où il établit une manu-
fa6lure de tannerie ; il a fait venir plufieurs ouvriers Allemands
pour y travailler. Quimperlé efl: entouré de montagnes. La place
royale , qui efl à l'entrée de la ville , efl aflez belle ; on voit
encore avec plaiflr l'efcalier de l'Auditoire de la Jurifdi8:ion
royale & de la Sénéchauflee , fltué dans la rue du château :
au deflbus de cet Auditoire, font les halles, qui font très-
belles.
L'Abbaye de Sainte-Croix de Quimperlé, de l'Ordre de Saint-
Benoît, fut fondée, le 14 Oftobre 1029, par Alain Caignard,
Comte de Cornouailles , dont la fépulture fe voit dans le cha-
pitre de cette Abbaye , qui fut conflruite fur les ruines d'un
ancien Hermitage bâti par Saint Gunthiern , où il demeura dans
une Chapelle qui fubfifloit encore à la fin du dernier fiecle :
elle étoit fituée dans l'endroit où 1 on a bâti la maifon ab-
5i6 . Q U ^
batiale. Orfcand , Evêque de Quimper , frère du fondateur ,
bénit le premier Abbé, qui fut Saint Gurlois.
L'Egiife de cette Abbaye ei\ d'une ftrufture très-antique , com-
pofée en partie de l'ancien château qu'Alain Caignard donna
lorfqu'il fonda cette Maifon j on y voit une Eglife fouterraine ,
dans laquelle font les tombeaux de Saint Gunthiern Se de Saint
Gurlois. Cette Abbaye , dont les autres bâtiments font modernes ,
eft un des beaux Monafteres de la province : les Moines qui le
pofTedent, jouiiTent, par conceffion des Ducs de Bretagne, de
très-beaux droits en cette ville , où ih font Curés primitifs des
ParoiiTes de Saint-Michel d^ de Saint-Colomban.
Le premier Aoiàt 1088, Benoît, Evêque de Nantes, Abbé
Régulier de Quimperlé , admit à la Fraternité de cette Maifon
la Duchelle Confiance, qui fe fit long-temps prier avant d'ac-
cepter ce bienfait ; peut-être, dit un hiftorien, parce qu'elle
croyoit que la Communion des Saints lui fuffifoit pour participer
aux bonnes œuvres des Moines , dont l'unique occupation doit être de
prier jour & nuit pour tous les hommes; ou plutôt parce qu'elle Içavoit
que cette Fraternité exigeoit qu'elle rit j la Communauté quelques
riches donations , à quoi elle n'étoit vraifemblablement pas portée.
L'an 1 090 , l'argent étoit très-rare en Bretagne. Le Duc ,
qui en avoit un befoin preiïant pour fubvenir aux dépenfes de
la guerre qu'il faifoit à Geofïroi le Bâtard, Comte de Rennes,
ne trouva d'autres moyens de s'en procurer , que de vendre une
de fes Terres aux Moines de Quimperlé , pour une fomme de cin-
quante livres & un cheval.
Conan III , dit le Gros , Duc de Bretagne , étant à Vannes ,
le 6 Septembre 11 46, confirma la fondation" de l'Abbaye de
Quimperlé , & Ini donna l'iile de Belle-Iile , à condition que
l'Abbé feroit tenu de fervir à la guerre , de faire porter une
charge de pain à fon armée , ik d'y célébrer l'Office divin.
Cette communauté jouiiToit d'une Jurifdiftion très-étendue , puif-
qu'elle la poflédoit aux mêmes conditions qu'Alain Caignard.
L'an 1161, les Chanoines de Notre-Dame de Nantes intentè-
rent procès aux Moines de Quimperlé , qui poffédoient , depuis
plus de cent ans , une partie de leur Eglife , en vertu de la do-
nation que leur en avoit faite , du confentement de Quiriac ,
Evêque de Nantes , & du Comte Hoël , la DucheiTe Berihe,
veuve d'Alain, Ce procès fut très-férieux j les deux partis s'ex-
communièrent mutuellement, & ne purent s'accommoder. Les
Moines de Quimperlé , ennuyés d'une fi longue conteflation ,
QUI 517
cédèrent leurs droits à TAbbaye de Saint-Sauveur de Redon,
qui en jouit plus de quatre cents ans.
Guiomark , Vicomte de Léon , prétendoit jouir , de temps
immémorial , du droit de donner des brefs à fes vaffauxj & ce
droit lui étoit contefté par le Duc Jean I. On en vint aux voies
de fait : le Vicomte envoya des troupes qui brûlèrent & rédui-
fîrent en cendres le château de Quimperlé , l'an 1247, félon
d'Argentré , &, félon d'autres, en 1239.
Le Couvent des Jacobins fut fondé en 1255, par Blanche
de Champagne , époufe du Duc de Bretagne Jean L Lobineau
dit que cette PrincefTe fit bâtir ce Monaftere pour des Religieux
de l'Ordre de Saint-Dominique , qu'elle l'appella l'Abbaye Blanche ,
tant par rapport à fon nom, que pour ne pas la confondre avec
l'Abbaye de Sainte-Croix , qui eft habitée par des moines noirs.
On voit dans ce Monaftere une grande falle où le Duc Jean
III aflembla fes Etats, l'an 13 15.
Le Duc Jean I trouvoit la fituation de Quimperlé fi avanta-
tageufe & fi agréable , qu'il entreprit , vers l'an 1 27 1 , d'y bâtir
une nouvelle ville, à peu de dilîance de l'ancienne, qu'il ne
pouvoit enlever à TAbbaye de Sainte-Croix , à qui fes prédé-
cefleurs en avoient tant de fois confirmé la poffeflion. Mais ,
pour rendre plus confidérable fa ville , qu'il appella le Bourgneuf^
il traita avec les Moines : il demanda d'être affocié à partager ,
moyennant certaines rétributions , les revenus de la halle , des
moulins â moudre le grain & à foulon , du four à ban , & de
la rente feigneuriale , appellée taille ^ due par les habitants. Hors
ces quatre efpeces de revenus fpécialement exprimés , tous les
autres droits , mêiue ceux de haute-Jufiice , demeurèrent aux
Moines; il y eut pourtant dans la fuite un procès pour fçavoir
qui , du Duc ou des Moines , auroit le droit de Juftice. Il fut
plaidé, le 12 Mars 1402 , dans le Confeil du Duc, oii préfidoit
Jeanne de Navarre, Ducheffe de Bretagne , tutrice du jeune
Duc Jean V, fon fils. On ne fçait pas précifément quelle fut
la décifion de l'affaire ; mais on peut , en quelque forte , la
deviner parle contenu de l'aveu que rendit, l'an 1 541, Daniel,
Abbé de Quimperlé. Cette pièce nous apprend que la Jufi:ice
devoir fe rendre dans l'audience, comme dans l'Abbaye , les
mardis & famedis , par les Juges royaux de Carhaix , & en
leur abfence, par les Juges de l'Abbaye.
En 1342 , Louis d'Efpagne , après avoir ravagé le pays de Gué-
rande & des environs, vient avec fa flotte dans la rivière de
^i8 QUI
Laita ou de Quimperlé , & fait mettre pied à terre à ûx mille
hommes de Tes troupes , avec ordre d'aller piller les habitams
de l'endroit. Pendam qu'ils répandem la terreur à la ville Se
à la campagne , Gautier du Mauni , Amauri de Cliflbn , Yves
de Treziguidi, Landreman de Cadoudal , du parti de Montfort,
arrivent , avec trois mille hommes , attaquent les vaifîeaux qu'ils
trouvent fans défenle , s'en emparent , & vont à la rencontre
des ennemis qui, occupés de leur butin, couroient çà & là,
fans ordre. De fix mille qu'ils étoient , il ne s'en fauve que trois
cents , encore font-ils faits pnfonniers de guerre : tout le refle eft
tué. Louis d'Efpagne fe voit lui-même fur le point d'être pris ,
& ce n efl qu'avec beaucoup de peine qu'il arrive au camp de
Charles de Blois , après avoir perdu tout fon monde & abandonné
fa flotte à l'ennemi.
Jean , Comte de Montfort , Compétiteur de Charles de Blois ,
mourut à Hennebon, le 16 Septembre 1345 ; il fut porté à Quim-
perlé , & inhumé dans l'Eglife des Jacobins , dans un Tombeau
de bronze , recouvert d'une pierre tombale , marqué d'une fimple
Croix en rehef.
L'an 1590, Quimperlé étoit gardé par le Duc de Mercœur j
au mois de Mai de cette année , un détachement confidérable de
l'Armée du Roi arrive devant cette ville , au milieu de la nuit ,
attache des pétards aux Portes , & les fait fauter à la pointe du
jour , furprend la ville, & la pille. Le Gouverneur, François du
Châtel , Seigneur de Mêle , elt obhgé de fe fauver en chemife -,
les foldats s'emparent de tout , puis vont attaquer l'Abbaye de
Sainte-Croix , que les habitants avoient fait fortifier , pour y dé-
pofer ce qu'ils avoient de plus précieux. La Communauté eft for-
cée , & toutes les richefTes , tant des Moines que des habitants
font diilribuées aux foldats vainqueurs.
En 1665 , le Roi érige un Siège Royal à Quimperlé, & par
cet établifl^ement anéantit la Jurifdiftion des Moines. Ce Siège eft
compofé d'un Sénéchal de la SénéchaufTée , lequel eft Confeiller
du Roi, feul Juge de Police & des caufes de Sa Majeftéj d'un
Confeiller du BaiUi ou alloué -, & d'un Procureur du Roi.
Cette ville , & particulièrement la ParoifTe de Saint-Colomban ,
étoit autrefois fortifiée de bons murs , qui , a la prière de la
Communauté & du Corps Municipal, qui députe aux Etats , furent,
par permiffion du Roi , démolis l'an 1 680 ; les matériaux en
furent employés à la conftru£lion d'un quai, qui eft aflez beau ;
depuis cette démolition , la partie de cette ville qui étoit clofe y
QUI ^,9
a été impofée aux foiiages , qu'elle ne fupportoît pas précédem-
ment. Les chefs-rentes payées au Domaine du Roi , fur partie de
ces murs , en ont fait conferver quelques relies , qui annoncent
que les deux rivières en formoient les douves.
La Chapelle de Notre - Dame , dite la Chapelle des Ducs , efl
une ancienne Collégiale , fondée par les Souverains ; tous les
connoifTeurs admirent la conllruftion de cette Chapelle, bâtie
fur les ruines d'une Egiife dont les refies forment la nef, & annoncent
la plus haute antiquité; depuis 1765 , on y a tranfporté l'Eglife
paroiffiale de Saint - Michel , tombée en ruine ^ c'eft auprès de
cette Chapelle que font fitués les Couvents des Capucins & des
Urfulines ; l'un & l'autre fondés à la fin du dernier fiecle.
La Chapelle de Saint-Laurent & le Prieuré de Sainte- Catherine,
dont l'Eglife eft de la plu5 grande antiquité.
Dans un cimetière de Quimperlé , font des veines de terre , qui
ont la propriété de préferver de la corruption les corps qui y font
inhumés.
QUIMPERVEN ; à i lieue trois quarts à l'Oueft-Sud-Oueft de
Tréguier , fon Evêché ; à 3 1 lieues de Rennes ; & à i Heue de
Lannion , fa Subdélégation & fon reflbrt. Cette Paroiffe relevé du
Roi, & compte 700 communiants : la Cure eft à l'alternative.
Des terres labourables , des prairies , des landes , des arbres à
fruits , des bois , des buiflbns ; voilà ce que préfente à la vue ce
territoire , arrofé des eaux de la rivière de Tréguier. On y connoît
les maifons nobles de Kerlafl , de Rofmar , & de Ker-daniel.
QUINTENIC; à 6 lieues à l'Eil de Saint-Brieuc , fon Evêché;
à 1 5 lieues de Reiines ; & à 2 lieues de Lamballe , fa Subdé-
légation. Cette Paroiffe reffortit à Jugon , & compte 300 com-
muniants : la Cure efl à l'alternative. Bleporo , moyenne- Juflice ;
la Sorais , moyenne - Juflice , à M. d'Andigné de la ChâfTe ; la
Vallée, bafîé- Juflice , à M. Lefruglais de Lourmel. Ce territoire,
en partie occupé par la forêt de la Hunaudaye , contient peu de
terres labourables , quelques prairies , & des landes.
QUINTIN ; ville dans un fond , fur la rivière de Gouet , par
les 5 degrés 16 minutes de longitude , & par les 48 degrés 23
minutes 48 fécondes de latitude \ à 4 lieues de Saint-Brieuc , fon
Evêché ; & à 2 1 lieues de Rennes. Trois grandes routes abou-
tiflent à cette ville, où l'on trouve une Egiife Collégiale, une
510 Q U I
Paroiffe , fous le nom de Salm-Thunau ; deux Communautés ReK-
gieufes , qui font les Carmes , les Urfulines ; un Hôpital , une
Communauté de ville , qui a droit de députer aux Etats ; une
Subdélégation , une brigade de Maréchaulfée , une Maitrife des
Eaux & Forêts , & une Pofte aux lettres. On y compte 4600
habitants, & l'on y remarque un très-beau château , bâti dans
l'emplacement de l'ancien , qui avoit été démoli. Cette ville
porte pour armes, d'argent au chef de gueules brifé en chef
d'un lambeau à trois pendants d'or.
Quintin eft une ville très - commerçante ;, les m.archés qui fe
tiennent les Mardis & Vendredis font conlidérables par la quan-
tité de toiles larges & de fils qui s'y vendent ; mais c'eft peu de
chofe en comparaifon des quatre grandes foires qui s'y tiennent
par chaque année : cette ville eft le che-f-lieu du Duché de Lorges j
mais ce n'eft ni un Comté , ni une Vicomte , ce n'efr feulement
qu'une échpfe de la Baronnie d'Avaugour , démembrée en faveuF
d'un cadet de cette maifon j cette ville étoit autrefois bien for-
tifiée. Le premier Seigneur de Quintin , dont nous ayons con-
iioiil'ance , ell: GeoiFroi I du nom , fils d'Alain I , Comte de Pen-
thievre & de Goèlo , qui eut en partage la Seigneurie de Quintin ,
l'an 1 209 , &: la tranfmit à fa poilérité.
L'an 1363 , Hugues de Montrelaix, Evêque de Saint-Brieuc ,
conféra la Chapellenie de Saint-Jean de Quintin , à Jean Grenetj
cette Chapelle , qui fe nomme aujourd'hui le vieux Château^ s'ap-
pelloit alors Château-neuf ^ il en reile encore des vefliges.
Le 15 Mai 1405 , Geoffroi V du nom, Seigneur de Quintin,
& Beatrix de Thouars , fon époufe , fondèrent l'Eglife Collégiale
de Quintin , & lui afTignerent les dîmes de la Paroilfe de Quellby,
qui fournifToient environ trente - fix tonneaux fîx perrées de gros
bled , mefure de Moncontour , de rente annuelle , valant commu-
nément la fomme de 120 livres j cette Collégiale efl compofée
d'un Doyenné & de dix Canonicats , qui font préfentés par les
Seigneurs de Quintin.
L'an 141 4, Geoifroi , Seigneur de Quintin, & Beatrix de '
Thouars , fon époufe , firent une autre fondation de cinq Prében-
des canoniales , & de deux enfants de chœur , dans la Chapelle
de leur château , & afîignerent à cette fondation , trente-deux ton-
neaux de gros bled , mefure de Moncontour. Beatrix de Thouars
mourut dans le courant de cette année , fon, époux ne lui fur-
vécut pas long-temps, & ne lailTa point de pollérité.
Pleiou de Quintin » devenue héritière de la Terre de ce nom,
la
Q U I 511
la porta dans la maifon du Perrier, par fon mariage avec Geo.^rci,
Seigneur du Perrier, vers l'an 1424.
L'an 143 I , François de la Rue , Doyen de la Collégiale , fonda,
dans cette Eglife , une Prébende , pour laquelle il donna une
maifon & une métairie nobles.
L'an 1438, Jean du Perrier, Seigneur de Quintin, fonda en-
core trois autres Prébendes, qu'il dota de foixante raz de feigle,
mefure de cette ville , à prendre fur les dîmes de fa Seigneurie.
L'an 1451 , Pierre II, Duc de Bretagne, érigea la Seigneurie
de Quintin en Baronnie , en faveur de Triftan du Perrier , Sei-
gneur de Quintin ; cette Baronnie relevé encore aujourd'hui en
partage de celle d'Avaugour , d'après l'Arrêt rendu par le Par-
lement de Paris , toutes les Chambres aflemblées , le 16 Mai
1637. Le 10 Mars 1471 , Trillan du Perrier, Baron de Quintin,
fonda deux Prébendes dans la Collégiale , & les dota de quinze
juftes & trois boiiléaux de feigle ; la Baronnie de Quintm pafla
à la maifon de Rohan , par le mariage de Pierre de Rohan ,
Seigneur de Gie , avec Jeanne du Perrier , héritière de cette
Baronnie.
Au mois de Juillet 1487, la ville & château de Quintin furent
pris par les Capitaines de Rocerf & le Long , qui y commirent
les plus grands défordres. Pierre de Rohan voulut faire réparer
ces deux Places ; mais comme on étoit occupé à y travailler ,
le Capitaine Gouiguet y vint mettre le fiege , & s'em.para de la
Place , qui n'avoit pu fe défendre : elle fut encore reprife quel-
que temps après , de forte que dans l'efpace d'un an cette ville
changea trois fois de maître.
L'ancien Hôpital de Quintin , fondé par les premiers Seigneurs
du lieu , tomba en ruine , de vétufté , vers l'an 1498. Jeanne
du Perrier , époufe de Pierre de Rohan , donna une maifon avec
fes dépendances , fîtuée dans un des fauxbourgs près la grande
porte de ville , pour y tranfporter cet Hôpital ; on transféra ,
dans le même endroit, la Chapellenie de Saint-Jean.
Au mois d'Oftobre 1 592 , le Duc de Mercœur affiégea Quintin ,
qui pour lors appartenoit au Comte de Laval. Le Capitaine
Dulifcouet foutint , avec la plus héroïque valeur , tous les efforts
des aiiiégeants , pendant douze jours ; mais il fallut enfin céder
au plus fort , & rem.ettre la Place : Mercœur n'en fut pas long-
temps le maître ; les habitants , qui étoient fort attachés au Comte
de Laval , leur Seigneur , facilitèrent l'entrée de leur ville au Ca-
pitaine la GifFadiere , Officier brave & expérimenté , qui furprit
TorriQ IIL V 5
5a2. QUI
la garnifon , la mît en fuite , ôc fournit la ville & le château à
l'obéiiTance du Roi Henri IV.
On conferve , dans l'Eglife de Notre-Dame de Saint-Blain, .
(c'eil la Collégiale, ) à Quintin , un morceau de la cemture de
la Vierge Marie , apporté , dit-on , de Jérufalem , par les anciens
Comtes de Laval : il eft de réfeau de fil blanc , & les mailles
en font inégales ; on porte cette précieufe relique en proccilion ,
le jour de fAiîomption, à l'Eglife de Saint-Thuriau. Dans la nuit
du 7 au 8 Janvier 1600 , le Sacriilain , qui avcit coutume de cou-
cher dans cette Collégiale, s'étoit enivré, de forte qu'à n'eut pas
l'attention d'éteindre fa chandelle , qui mit le feu à fon lit j l'in-
cendie fe communiqua avec violence , brûla tous les ornements ôc
fondit les vaies , les croix , les châfîes , & les reHquaires d'or &
d'argent. Quatre jours après on remua les cendres, bi. Ion trouva
le coffre où étoit renfermé la portion de la 'ceinture de la Sainte
Vierge , qui étoit dans une boite de bois garnie de fer , & cou-
verte de trois autres ceintures d'une riche étoffe ; tout étoit brûlé
ôc réduit en cendres , à l'exception de la précieufe relique , qui
avoir feulement perdu une partie de fon éclat , fans être aucunement
endommagée. En aftion de grâces de cette miraculeufe conlérva-
tien , on ht une Proceflion folemnelle , & l'on chanta le Te
Deum,
Les Pères Carmes furent fondés à Quintin l'an 1620. André
le Porc , Evêque de Saint-Brieuc , bénit la première pierre de
leur Eglife, qui eff dédiée à Notre-Dame de Bonne-Nouvelle.
La Baronnie de Quintin entra dans la maifon de la TrimouiUe,
vers l'an 1636 j mais , comme le Parlement décida, par fon Ar-
rêt du 16 Mai 1637, que cette Seigneurie releveroit en partage
de la Baronnie d'Avaugour , le Duc de la Trimouille , ne voulant
pas fe foumettre à cet arrangement , qui FobHgeoit à faire hom-
mage au Seigneur d'Avaugour, la vendit peu après au Marquis
de la Mouffaye.
Henriette-Catherine de la Tour d'Auvergne, fille de Henri,
Duc de Bouillon , fœur du Vicomte de Turenne , & époufe
d'Amauri de Goyon, Marquis de la Mouffaye , Baron de Quintin,
étoit de la ReHgion Calvinifle ; en 1 666 , elle faifoit travailler à
la conftruftion du château dans lequel elle affembloit des per-
fonnes de fa religion. Denis de la Barde , Evêque de Saint-
Brieuc, ci-devant Aumônier & Prédicateur du Boi, ne put fouf-
frir la conduite de cette Dame , & s'en plaignit au Roi Louis
XIIL Le Monarque ne fut pas plutôt informé de ce qui fe paffoit,
QUI ^,3
qu'il fit défendre à la Marquife de continuer les travaux de ion
château , & d'y tenir des afTemblées réprouvées par les loix. Les
enfants du Marquis de la Mouflaye & de Htruiette de ia Tour
partagèrent la Baronnie de Quintin , l'an 1680 ,& la vendirent^
l'année fuivante , à Gui-Aldonce de Durfort , Capitaine des
Gardes du Corps, Chevalier des Ordres du Roi , Gouverneur de Lor-
raine , fils cadet de Gui-Aldonce de Durfort , Marquis de Duras ,
& d'Ehfabeth de la Tour. Comme ce Maréchal s'étoit fort dillingué
dans les armées qu*il commandoit , le Roi , pour récompenfe de
fes fervices , érigea en Duché la Terre de Quintin , avec union
«les Terres de Pommerit , d'Avaugour , & de l'Hermitage , pour
lui & fes fucceffeurs mâles ; les lettres furent vérifiées en Par-
lement , le 23 Mars 1691. Le Maréchal, Duc de Quintin,
mourut le 22 061obre 1702 , à l'âge de foixante-douze ans. II
avoit époufé Geneviève Fremont , fille de Nicolas Fremont , Sei-
gneur d'Auneuil , Garde du tréfor royal , de laquelle il eut Gui-
Nicolas qui fuit. Genevieve-Françoife de Durfort , mariée , le 8
Avril 1 69 5 , à Louis de Saint-Simon , Duc & Pair de France , Gou-
verneur de Blaye, & Grand-Bailli de Senlis : & Geneviève-Marie
de Durfort , qui époufa,le 21 Mai 1(395 , Antoine de Caumon ,
Duc de Lauzun , ChevaKer de la Jarretière , &c. Gui-Nicolas de
Durfort, Duc de Quintin, né en 1683 , époufa , le 14 Décembre
1702 , Elifabeth-Genevieve , fille de Michel de Chamillard, Com-
mandeur des Ordres du Roi , Minillre & Secrétaire d'Etat , & Con-
trôleur général des Finances , de laquelle il eut Gui-Michel de
Durfort.
Lettres-Patentes du 15 Décembre 1706, portant permifîion de
changer le nom du Duché de Quintin , en celui du Duché de
Lorges y en faveur du Duc de Lorges. Les Seigneurs de ce nom^
font une branche cadette de l'illufire maifon de Durfort , originaire
de la Province de Guyenne : ils jouifTent encore de ce Duché,
Le territoire de Quintin renferme le château de Robien , qui
appartenoit , en 1 3 4(5 , à Louis , Chevalier , Seigneur de Robien ,.
qui fe fignala au Siège de Rennes l'an 1356. Ce château fut
pris, pillé ,, & prefque détruit en i486. On y prit pour plus de
cinq mille livres de meubles, ce qui faifoit une fomme confidé-
rable alors.
Quintin , haute ,. movenne & bafle-Juflice ; A vaugour , haute y,
moyenne & bafie-Jufiice , à M. le Duc de Lorges : Robien ,.
Eaute, moyenne &: baffe >- Juftice ; la Ville- M aingui , haute ^
moyenne & baffe-Juiiice ,; à M. Le Préfident de Robien.. La Ville-
SH Qui_ ,
Maingui fut jadis pofîedée par le Capitaine Gauteron, qui fe
diilingua d'une manière fi éclatante , pour la défenfe du Royaume ,
que le Roi ordonna qu'il fût fait Chevalier de fon Ordre -, &
il reçut cette dignité à Poitiers le lo Juin 1 576 , par GuiDaiilon,
Lieutenant général du Poitou. Bienafîis , haute , moyenne & baffe-
Juflice j la Cote-Crapado , haute , moyenne & bafle-JulHce , à
M. le Marquis de Langeron ; Crenan , haute , moyenne & balTe-
Juflice , à M. de Crenan j la Noé-Seiche , haute , moyenne &
bafTe-JulHce , à M. de la Noé-Seiche ; le Grand-Quelennec , Ba-
ronnie du Pont, haute, moyenne & baiTe-JulHce ^ à M. de Cha-
vaignac -, Beaumanoir , haute , moyenne & bafle-Juilice , à N....;
Viile-Cadio , moyenne & baffe- Juftice , à M. de Coniac.
QUISTINIC ; à 8 lieues & demie au Nord-Oueft de Vannes ,
fon Evêché -, à 24 lieues & demie de Rennes j & à 3 lieues ae
Hennebon , fa Subdéiégation & fon reffort. On y compte 2000
communiants : la Cure eft à l'alternative. La rivière de Biavet
arrofe ce territoire , qui produit du grain , du foin , & du cidre ; on
y remarque des landes aflez étendues. Par lettres datées de Hen-
nebon, le 13 Septembre 1345 , le Duc Jean IV donna la Terre
& Seigneurie de Quillinic , tant en fief qu'en domaine , à Jeanne
de Beiieville , Dame de Cliffon Se de Llain.
La haute , moyenne Se baffe-Juftice de Villeneuve appartient
à M. de la Motte- Jacquelot : en 1400, Ker-arvet, au Sieur de
Saint-Nouaix j Guernen-Perennou , à Guillaume Coëtdou j Ker-am-
barnec , au Sieur de Camfon.
Fin dii troi/ieme Voliwie.
APPROBATION.
J 'ai lu , par l'ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux , le tome trolfieme ,
manufcrit, du Dlclionnaire. Hijloiiqitc & Géographique de U province de Bretagne ,
& je n'y ai obfervé rien qui puifle en empêcher l'impieflion. Donné à Paris,
ce 1 1 Janvier 1779.
Signé, PHILIPPE DE PRÉTOT,
Cenfeur Royal, des Académies d'Angers
& de Rouen,
taiB3tann| ppii'ni'.iPi| vyxijttixa| y^faiauCTni03BitfP|y^i "*"j3WJnniJiB|Cpoi>iJiUg
TABLE
JL z. :}p :bi: ^ JB :e: T X (^ xr M
DES VILLES,
PAROISSES , TREVES, ET ABBAYES,
Contenues dans ce Volume.
N
N.
I AIZIN.
Nantes.
Nauftang.
Néant.
Nevez.
Nevillac ; Kergrift Se le Mouftoir , fes
trêves,
Niv'illac.
Nizon ; Pont-d'Aven , fa tnve*
Nort.
Neuvoitou.
Noyai.
Nioyal-Muflîllac ; Guerne , fa trêve,
Noyalo.
Noyal-Pontivi ; Gueltas , Ker-Fourne ,
Saint-Geran , &, Saint-Thuriau ,
fes trêves,
Noyal-fous-Bazouges,
Noyal-fur-Crnz.
Noyai fur Seiche.
Noyai fur- Vilaine.
Nozay,
o.
o
RGERES.
Orvault.
Offé.
Oudon,
jr ABU-LA-POTERIE , trêve de Ploumar
goer , voye:^ Ploumagoer,
Pacé^
Paimbœuf.
Paimpol.
Pdimpont; Sainl-Peran,y2t trevc^
Pancé.
Pannecé.
Paramé.
Parce.
Parigné.
Partenay.
Paule.
Paulx.
Peaule.
Pedernec ; Moufterus & Treglamus ^
fes trêves,
Pelllac.
Penharf.
Peneran , trêve de Ploudiry , voye^ Plou?
diry.
Penmarc.
Pennetin.
Penvenant.
Peret.
Perguet.
Peros-Hamon ; Lannevez 6c Lanvignec,
fes trêves,
Peros-Quirec.
TABLE
Perfquen.
Peftivien.
Petit-Mars.
Peumerit-Cap.
Peumerit-Quintm.
Pierric.
Piriac ; Saint-Quenton , fa tnvt*
Pire ; le Bois-Trudaine > fa crevé*.
Piriac.
Plaine Haute.
Plaintel ; Saint-Brandan , fa trêve,.
Plancoût.
Planguenouat.
Plaudren ; Loqueltas 6c Monterblanc ,
fes trêves,
Pleboule. *
Plechatel.
Pledeliac»
Pleder.
Pledran ; Saint-Careuc , fa treve^
Pleguien^
Pléhédel.
Pleherel.
Pleiben; le Cloître, /ï trêve y^ Saint-
S^gal , fon annexe,
Pleibert-Chrift.
Pleibert-Saint- Egonec.
Plejne-Fougeres.
Plelan-le-Grand ; Trefandel,/^ trêve,
Plelan-le-Petii i Saint-Michel , fa trêve.
Pielauflr.
Plelin.
Plelo.
Plemet»
Pleraeur-Bodou.
Piemeur - Gaultier ; Lezardrieux ^ fa
trêve,.
Plemy.
Plené-Tugon,
Fleneuf.
Plerguet,
Plerin.
Plerneuf.
Plefcop.
PlefTé ; Rofet , fa treve^.
Pleffelas ou, FLefTala.
Pleftan.
fkjliîiii Tremd^, fa trêve».
ALPHABÉTIQUE»
Pleubian ; Ker-bos , fà trêve:,.
Pleucadeuc.
Pleudaniel.
Pleudihen,
Pleven.
Plevenon.
PleugrifFet»
Pleugueneuc.
Plevin.
Pleumeleuc,
Pleurtuit.
Pleuvin-Fouefnant.
PJoabenec.
Plobannalec.
Plocmel.
Ploemeur.
Ploerin.
Ploermel.
Ploefidi ; Saint-Fiacre , Salnt-Pever 5 &
Senvenlehart , fes trêves,
Ploeuc ; Gauffon , fa trêve,.
Ploeven-Porzay.
Ploezal.
Plogoff.
Plomelin.
Plomeur.
Plomodiern..
Ploneis,
Ploneour.
PloniveL
Plorec ; Lefcouet , fa trêve,.
Plouagat -Châtel-Audren ; Laurodècr
& Saint - Jean - Kerdaniel , Jb^
trêves,
Plouagat-Guerand.
Plouagat-Moifan,
Plovan.
Plouane.
Plouarct.
Plouarzel.
Plouay.
Ploubalay.
Ploubaz-Nalec.
Ploubezre.
Ploudalmezeau ; Saint-Pabu , fa trêve;
Ploudaniel ; Saint-Méen ôc Tremaoue-
fan , fes trêves.
f Loudiiy j, Loc - Eguiner y, Peneran ,
TABLE ALPHABETIQUE.
Roche-Maurice , la Martyre , &: Plounerin.
Pont-Chrift ,fes trêves,
'Pîouec ; Runan,y^ trêve»
Ploueclern.
Plouenan. ♦
Ploner.
Plouerdut ; Locuon,y2ï trêve,
Plouefcat.
Plouezoch.
Ploufragan.
Plougars ; Bodilis , fa trêve,
Plougafnou ; Saint- Jean-du-doigt , fa Plounez.
Plouneventer ; Saint-Servaîs , fa trêve*
Plounevez.
Plounevez-du-Faou ; Coloret & Lo?
quefFret , fs trêves.
Plounevezel ; Sainte - Catherine 6c
Saint- Idunet , fcs trêves,
Plounevez-Moedic.
Plounevez-rorzai ; Ker-las, fa trêve,
Plounevez -Quintin ; Tremargat , fa
trêve.
trêve.
Plougaftel-Daoulas.
Plougaftel-Saint-Germain.
PloLigommelin.
Plougonnec.
Plougoven ; Saint-Eutrope,ytf trêve,
Plougonvez-Chapelle-Nevez.
Plougoulm.
Plougouvelin.
Plourach,
Plouray.
Plourhan.
Plourin ; le Cloître , fa trêve,
Plourin ; Breles ,fa trêve,
Plourivo.
Plouvara.
Plouvorn ; Mefpaul & Sainte-Cathe-
rine , fes trêves.
Plougras ; Lohuel 6c Loquivi , fes Plouvien j le Bourgbianc , fa trêve.
trcves.
Plougrefcan.
Plouguenaft.
Plougiier - Carhaix ; Saint -Tgeau
TrefFrein , fes trêves,
Plouguerneau.
Plouguernevel ; Bonen , Locmaria , Pludual.
Gouarec ou Saint-Gilles , fes Pluduno.
trêves,
Plouguiel.
Plouguien,
Plouha.
Plouharnel.
Plouhinec.
Plouhinec,
Ploujan.
Plouider.
Plouigneau ; Lanneanou , fa trêve,
Plouifi ; Saint-Michel , fa trêve.
Ploulcch.
Plouyé.
Plouzanné ; Lomaria,y^ trêve,
Plouzec.
6c Plouzelempre.
Plouzevedé,
Plozevet.
Pluffur.
PlugufFan.
Pluherlin.
Plumaudan,
Plumaugat.
Plumelec ; Saint Aubin , y^ trevel
Plumeliau ; Saint - Nicolas des Eaux ,
fa trêve,
Plumelin.
Plumergat ; Saint-Meriadec , fa trêve,
Plumieux.
Pluneret.
Ploumagoer; Pabu-la-Poterie Se Saint- Plurien.
Agathon , fes trêves.
Ploumiliau ; Ker-audri , fa trêve,
Ploumauger ; Lamper , fa trêve,
Plouneouriftrés.
Plouneourmenez.
Plufquelec ; Bottemel & Callanhuçl,
Jes trêves,
Pluflulieri,
Plufunet.
Pluvigner.
TABLE ALPHABÉTIQUE.
Pouldregat , yoyei
Pocé,
Poilley.
Poldavi , trêve de
Pouldregat.
Poligné.
Pommeleuc.
Pommelvez.
Pommeret.
Pommerit-Jaudi.
Pominerit-le-Vicomte.
Pont-Château ; Sainte-Reine , yà trêve,
PontChrift, trêve de Ploudiry, voj'ei
Ploudiry.
Pont-Croix.
Pont -d'Aven, trêve de Nlzon, voyei
Nizon.
Pontlvi.
Pont-l'Abbé,
Pontrieux.
Pordic.
Porhoét.
Porniç.
Pofpoder.
Pouillé.
Pouidreuzic,
Pouldregat ; Poldavi, y^ trêve
PouUan.
PôûUaouen ; Saint-Tudec , fa trêve,
Prat.
Prières, Abbaye.
Prigné.
Primelin. ''^ ' ■*',
Prince.
Prinqueau.
Priziac, •
Puceul.
Q
^uebriac.
Quédillac.
Quemeneven.
Querfeuntun.
Querrien.
Quernevel.
Queffoy.
Queftember,
Queven.
Quevert.
Quiberon.
Quilbignon.
Quilly.
Quilly.
Quimerch.
Quimper. *
Quimper-Guezennec ; Saînte-Clette ^
fa trêve,
Quimperlé.-
Quimperven.
Quintenic,
Quintin.
Quiftinic.
Fin de la Table du trolfîeme Volume,
^/
Rare
Book.