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AVIS
Sur le Diciionnaire Hijlorique & Géographique
de la Province de Bretag^ne.
\J N Ouvrage aufîi volumineux que le Diftionnaire de Bretagne,
un Ouvrage qui embrafle autant d'objets , étoit fufceptible de beau-
coup d'erreurs & d'omiflions. Il étoit , en quelque forte , impofîible
de ne pas oublier des faits importants , des remarques utiles , des
réflexions néceffaires ; on ne pouvoit fçavoir bien des chofes qu'on
ne peut apprendre que des perfonnes intérefTées à les publier.
L'Auteur ell fâché de ce qu'on lui ait envoyé trop tard une mul-
titude d'anecdotes intérelTantes , qui auroient pu enrichir fon Livre ;
mais ce mal ne paroît pas irréparable : le Supplément qu'il fe pro-
pofe de faire , corrigera les erreurs nombreufes dans lefquelles il
avoue fincérement être tombé, malgré l'attention la plus fcrupu-
leu e , & réparera les oublis & les omiflîons effentiels qu'il n'étoit
pas en fon pouvoir d'éviter. Pour parvenir à fatisfaire , par ces cor-
reftions indifpenfables , le Public ,& la Nation à laquelle il a dédip
fon Ouvrage j il invite fes lefteurs & les perfonnes éclairées à lui
fournir les notes néceffaires ; car , pour corriger une erreur , il faut
la connoître. L'Auteur en connoît un grand nombre : mais il a lieu
de croire quun plus grand nombre encore peut lui échapper.
Cet aveu, qui prouve fa franchife , fa bonne volonté, & le defir
toujours confiant qu'il a de fatisfaire le Public , doit le mettre à
l'abri des reproches qu'il pourroit effuyer dans la fuite. On fent
qu'on ne feroit pas fondé à lui ajouter des fautes qu'on auroit pu
lui épargner, en les lui indiquant; fur-tout, fi ces objeftions lui
étoient faites par des perfonnes intérefTées à relever ces fautes.
Le Supplément contiendra une Table générale & alphabétique
de toutes les villes & bourgs de la Province ; & à chaque article
on fera les obfervations convenables : il formera un Volume z/z-^^,
dont on retardera Timpreffion le plus qu'il fera pofTible , pour
donner la facilité à ceux qui auront des remarques à faire , de lui
envoyer leurs notes, qu'il recevra ^franches de port ^ à fon adreffe,
au faux bourg de Gigan ^ à Nantes^
DICTIONNAIRE
«
HISTORIQUE
E T
GÉOGRAPHIQUE,
DELA P ROVJKCE
DE B R E T A 'i|i^^ E :
DÉDIÉ ^~:C^
A LA NATION BRETONNE;
Par M, O GÉE^ Ingénieur-Géographe de cette Province»
TOME QUATRIEME.
'^
-^
2?^ nom Imprimenc,
Va T a R , fik aîné , feul Imprimeur - Libraire ordinaire du Roi , & de la Chambre à.^%
Comptes , à Nantes , place du Pilori,
M. D C C. L X X X.
Avec Approbation & Privilège du Roi,
AVIS.
Le Public ejl averti que cette Edition , faite fous les yeux de
r Auteur , efl la feule à laquelle on doit ajouter foi : on la reconnoîtra.
à la flgnature & au paraphe ci-dejfous^ ^ /* ^ — \
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DICTIONNAIRE
iï / 5 r O il / Q t/ £
E T
GÉOGRAPHIQUE
DE LA PROVINCE
DE BRETAGNE.
R
ADENAC ; à 7 lieues deux tiers au Nard de Vaniies , Ton
Evêchéj à \6 lieues & demie de Rennes; & à 2 ligues de Jof-
félin, fa Subdélégation. Cette Paroifle , dont la Cuie efl à l'al-
ternative, reflbrtit a Ploermel , & compte 950 communiants. Son
territoire , d'une fuperficie plane , offre à la vue des terres cul-
tivées, des prairies, des arbres à fruits, 6^ des landes. En 1067,
Maeng , Evêque de Vannes, donna aux Moines de Sainte-CroiX
de Quimperlé , tout ce qui dépendoit de fon Evêché dans la Pa-
roifle de Radenac. En reconnoiffance de ce don , ces Religieux
donnèrent au Prélat un cheval & foixante fols , & s'obligèrent à
lui donner un repas dans l'année. La maifon noble de Ker-ual'el
appartenoit, en 1430 , à Jean de Lantivi,
4 R AN =RED
R ANNÉE ; fur la route de la Guerche à Chateaubriand ; à 9
lieues à l'Eft-Sud-E/l de Rennes , Ton Evêché ; de à une demi-
lieue de la Guerche , fa Subdélégation & f^ trêve. Cette Paroiffe
compte , y compris ceux de la Guerche , 3 600 communiants :
la Cure ell à l'alternative. La haute-Juftice des Régaires appar-
tient à M. l'Evêque de Rennes. Le territoire eft plat , fi l'on en
excepte un vallon coupé par la petite rivière d'Ardenne } on
y voit des terres bien cultivées , beaucoup d'arbres à fruits , peu
de landes , le bois de la Haye , Oc partie de la forêt de la
Guerche.
REDENÉ ; fur une hauteur ; à 1 2 lieues à l'Oueft-Nord-Ouefl
de Vannes, fon Evêché; à 29 lieues de Rennes j & à 3 heues &
demie de l'Orient , fa Subdélégation. Cette Paroiffe relevé du
Roi , reffortit à Hennebon , & compte 2000 communiants, y
compris ceux de Saint-David , fa trêve : la Cure ell à l'alter-
native. Il s'exerce une haute - Juftice dans l'endroit. En 1 070 ,
Maeng , Evêque de Vannes , donna aux Religieux de Sainte-
Croix de Quimperlé les dîmes qu'il poffédoit dans cette Paroiffe,
Le territoire , coupé de ruiffeaux qui arrofent des prairies , offre
à la vue des terres bien cultivées , quelques landes , des arbres
à fruits, & autres. Les maifons nobles qui exiffoient en 1440 à
Redené , étoient : le manoir de Rofengrat ouRofgrand, à Louis
du Tertre j la Villeneuve , à Jean le Bourhic ; Limiziec , à
Charles de Keriec -, le manoir du Pleffis , au Sieur de Quirech ;
le manoir de Prateufmonter , à Jean de Kerneau; le manoir
de Ker-doharn , à Jean de Renervenj & le manoir de Benerven,
à Robin le Digouedet.
REDON j ville fermée d'un rempart , fur la rivière de Vilaine ,
par les 4 degrés 2 5 minutes de longitude , & par les 47 degrés
36 minutes 20 fécondes de latitude; à 11 lieues de Vannes,
f on Evêché ; & à 1 3 lieues de Rennes. Cinq grandes routes
aboutiffent à cette ville , dans laquelle on remarque un Gouver-
nement de place , une Communauté de ville , qui députe aux
Etats de la province; une Subdéiégation, une Brigade de Ma-
réchauffée , une Pofce aux lettres ; une Paroiffe , & trois Com-
munautés , dont on parlera fous l'année de leur fondation. Le
nombre des habitants ell de 2500. Il fe tient dans l'endroit fept
foires confidérables par chaque année , & un marché tous les
lundis de chaque femaine. La Châtellenie de Redon appartient
RED j
à l'Abbé de Saint -Sauveur , de même que la haute- Juflice de
Saim-Nicolas i la haute-Juftice de la Rouardais, à M. du Bot de
la Grignonais ; la moyenne-Jullice de Lenruax , à M. Ofmond ;
& la moyenne-Juftice de Beaumoiit , à M. Mauduit de Ker-
livio.
L'hifloire rapporte que , vers Tan 833, Convion, homme d'une
naiffance liiuftre , & Archidiacre de l'Églife de Vannes , dégoûté
des plaiiirs du monde & porté d'inclination à la retraite , fe retira
avec quelques Eccléfialliques , admirateurs de l'on zèle & de fa
vertu , dans le lieu appelle Rothonum , & rélblut d'y bâtir un
Monailere. Comme il étoit fort inquiet du lieu où il devoit placer
fon Oratoire , il fe mit à genoux avec fes cogjpagnons pour de-
mander les lumières du Ciel. Vers la troilien^e^çijre , ils apperçu-
rent en l'air une croix éclatante, qui vint fe'jjxç^ans l'endroit
où eft aujourd'hui le Monailere de Redon. Je ne garantis point
le merveilleux de ce récit \ on fçait affez què"""c'étoit l'ufage
chez nos pères d'uiventer des miracles , ou de prendre pour des pro-
diges des effets très-naturels , que l'ignorance du temps faifoit re-
garder comme des événements extraordinaires , interprètes de la
volonté du Ciel. Ce qui paroît certain , c'eil que le Moriaftere
bâti par Saint Convion , a été le principe de l'exiftence de Redon,
Nominoé , qui étoit alors Gouverneur de la Bretagne fous Louis le
Débonnaire , attiré par la réputation de Convion , alla le voir ,
& conçut tant d'eflime pour lui qu'il lui fit des donations confîdé-
rables. Louis le Débonnaire , qui vint environ dans le même
temps en Bretagne, ajouta aux conceffions du Gouverneur,
&: accorda au nouveau Monaftere la poifeflion de la Paroilfe de
Bains dans laquelle il étoit fitué , l'endroit appelle Landegon ou
Langon , & plufieurs autres biens dont Nominoé leur confirma
la jouiffance dans la fuite. Nominoé, fur le Trône de Bretagne,
fuivit en tout les avis de Saint Convion , qui s'accordoient très-
bien avec fes vues , & fit de grands changements dans la Hié-
rarchie eccléfîaftique de fon Royaume. ( Voyez l'Abrégé de
l'Hiftoire de Bretagne, page Ixxxj du tome I de ce Di61ion-
naire. ) Ce Prince , fatisfait du faint Abbé , enrichit confidéra-
blement fon Monaflere , qui devint célèbre dans toute l'Europe.
Déjà cette Maifon le difputoit en richefTes & en réputation aux
plus fameufes Abbayes , lorfqu'en 869 , les Normands , qui ne
refpe6loient rien , la pillèrent & la ruinèrent. Ritcand , qui en
étoit Abbé, eut recours au Roi Salomon, & lui demanda une
retraite. Le Prince , touché du malheur de ces Solitaires , leur
é RED
donna Ton Palais de Plélm, où ils féjournerent quelque temps,
& régla que les Abbés de c. t e Maifon feroient à l'avenir élus par le
Chapitre de la Communauté, iuivant la Kcgle de Saint-Benoît.
Quelques années après , ils firent bâiir leur Monallere & leur
Egliie. La conftruftion de ces deux édifices annonce leur ancien-
neté : ils font fitués au bord de la rivière de Vilaine.
Après la mort de l'Abbé Mainard ,en 1029 , dit l'hirtoire , les
Religieux de Redon coniulterent Dieu, le Duc, leur Evêque,
& les Barons , fur le choix d'un autre Pafleur. 11 fe tint, à cette
occafion , une nombreufe alTemblée des Eccléliartiques & des
Grands du Duché dans cette Abbaye. Catuallon , frère du Duc
Alain m , fut élu. Le Prince , ravi de ce choix , donna , par re-
connoilTance , aux Moines , l'ifle de Belle-îlle & plufieurs autres
biens. L'Abbaye de Redon avoit encore beaucoup fouiïert des
incurfions & des pillages des Normands : à ces maux temporels ,
fe joignoit le refTcntiment d'avoir lailîé échapper la plupart des
droits fpirituels; l'Abbé avoit perdu fon droit de fupériorité indé-
pendante fur {on Abbaye. Les Moines s'en plaignirent vivement
à Judicaël , Evêque de Vannes , & le fuppherent d'accorder à
Catuallon le Préfulat , Prœfulatum , & l'Archidiaconat , Archidia-
conatum , dont fes prédécefTeurs jouiiToient jadis par concellion
& du confentement des Evêques de Vannes. Le Prélat acquiefça
à leurs demandes , & , par reconnoilTance , les Rehgieux s'obli-
gèrent à dire fept fois l'Office des Morts pour l'Evêque Judicaël
&fesfucce(reurs lorfqu'ils viendroient à mourir, àinfcnre leur nom
fur le martyrologe , & à réciter trois fois l'Office des Morts pour les
Chanoines de la Cathédrale. Dans la fuite, les fucceffeurs de
Judicaël refuferent de reconnoître la légitimité des droits accordés
à l'Abbé de Redon : il y eut des conteilations très-féncufes à ce
fujetj la Cour de Rome s'en mêla; enfin, l'Evêque Morvan fe
laiffa vaincre , & confirma cette Abbaye dans la jouifTance des
droits concédés par fes prédécefîéurs. Cette Maiibn étoit très-
riche dès le onzième fiecle ; elle faifoit venir d'Anjou le vin
dont elle avoit befoin. On trouve une lettre de 1038 , adrefîee
par l'Abbé Catuallon à Hildegarde , ComtefTe d'Anjou , qu'il
prie de protéger un de fes Moines qui va acheter du vin dans
îbn pays, dans la crainte que la méfintelligence qui regnoit entre
les Princes Bretons & Angevins ne lui fît éprouver des obftacles
infurmontables.
En 1069, le Pape Alexandre juge une conteftation qui s'étoit
élevée entre les Moines de Marmoutier 6c de Redon, au fujet
RED 7
de l'Eglife de Baîrîac, au diocefe de Nantes. On ne connoît
point aujourd'hui d'Eglife qui porte ce nom ; on croit que c'eft
Sauit-Jean-de-3eré à Chateaubriand. Les Moines de Redon, pré-
voyant que la déciiion du Pape ne leur feroit pas favorable,
avoient feint de vendre cette ÊgUfe. Cette rufe ne réuflit pas:
i'Abbé de Redon fut déclaré excommunié jufqu'à ce qu'il eût
reftitué cette Eglife.
L'an 1116, Alain Fergent , Duc de Bretagne, fe fentant at-
taqué d'une maladie dangereul'e , fe retira dans l'Abbaye de Saint-
Sauveur Je Redon , félon la coutume du temps , qui ne vouloit
pas qu'on mourût lans le froc d'un Moine. Cette coutume géné-
rale venoit de la haute idée qu'on avoit de la fainteté de vie des
Religieux. îorfqu'on gucrifloit de fa maladie, on rentroit dans
le monde, & l'on reprenoit fes occupations civiles. Alain,
plus fcrupuleux , ou peut-être dégoûté des plaifirs du monde
& du rang fupréme , plaifirs qui ne font jamais fans inquiétude ,
renonça tout de bon à fon Trône , & reila dans fon Abbaye.
A fon exemple, Ermengarde, fa féconde femme, fe fit Reli-
gieufe dans l'Ordre de Fontevrault , qu'elle quitta pour entrer
dans celui de Cîteaux. Alain Fergent mourut dans fon Monaftere ,
& y fut inhumé. Tous les Evêques & les grands Seigneurs af-
filièrent à fes funérailles , qui fe' firent avec une pompe funèbre qui
rappelloit les belles aftions & la gloire d'un Prince qui fe montra
toujours digne de fon rang.
Sur les anciennes vitres de l'Eglife de cette Maifon , on re-
marque les portraits de plufieurs Ducs & DuchcfTes de Bretagne,
& de quelques Seigneurs des maifons de Rohan , de Rieux, de
Rochefort , de Chateaubriand , & de Malcflroit. Selon toutes les
apparences, ce font les bienfaiteurs de cette Communauté. Cô
fait prouve la reconnoiffance des Religieux, & ne peut que leur
faire honneur 5 il ell même à croire que , plus judicieux que plu-
fieurs Chapitres & Communautés de la province , ils conferve-
ront ces monuments érigés à la bienfaifance , & ne détruiront
pas ces relies précieux de l'antiquité, qui font le fondement le
plus fur des vérités hillonques.
1 1 26 ou II 27. Olivier de Pontchâteau s'étoit révolté & met-
toit tout à feu & à fang en Bretagne. Le Duc Conan III marcha
contre lui , le pourfuivit , & le prefTa fî vivement qu'il le força
à fe cacher dans TEghfe de Saint-Sauveur de Redon , qu'il
fouilla parles plus abominables facrileges. Après le fiege, Hervé,
Abbé de Redon , pria les Evêques de réconcilier fon Eglife.
8 RED
Conan , qui avoit été en quelque partie caufe de ce qu elle
avoir été fouillée, fe repentit d'avoir pouffé les rebelles fi loin,
& écrivit au Pape pour lui demander pardon, & le prier de
rétablir l'Eglife de Redon dans fon ancien état. Hervé , Abbé
de Redon , porteur de cette lettre , expofa au Pape l'état mal-
heureux de fon Monaftere & les torts occafionnés par ce fiege.
Le Saint-Pere , indigné , ordonna au Légat du Saint-Siege de punir
les coupables fuivant les Canons, & de les forcer à réparer les
dommages caufés par eux -, il permit enfuite à l'Abbé ^ d'appeller
tous les Eccléiiaffiques qu'il voudroit pour la réconciliation de
fon Eglife. Celui-ci appella l'Archevêque de Tours & les Suffra-
gants, qui fe rendirent au mois de Novembre à Redon, où, en
préfence du Duc & de la Ducheffe Ermengarde , fa mère , ils
confacrerent le principal autel , & réconcilièrent l'Eglife. Les
Seigneurs Geoffroi & Alain de Porhoët , Payen de Malertroit,
Guethenoc de Rieux , Savari de Donges , Garzire de Retz
& fon fils Arfcoid, Guethenoc d'Ancenis , Geoffroi de Chateau-
briand , Haimon de la Guerche , Raoul de Montfort , affifterent
à cette cérémonie , avec un peuple innombrable. Les Evêqucs
s'affemblerent enfuite en Concile ; mais les aftes de cette affem-
blée ne font pas venus jufqu'à nous. Ce Concile eff placé fous
l'année 1133 par d'autres hiftoriens , qui difent que Hildebert,
Archevêque de Tours , y préfida , & que Guegon de Blain y
donna aux Moines de Redon quelques domaines qu'il poffédoit
dans la Paroiffe de Pierric. Les Moines de Redon, à l'exemple
des autres Monafteres , qui craignoient toujours que des mains
profanes n'envahiffent leurs biens, fuppHerent le Pape de les
prendre fous fa proteftion & celle du Saint-Siège. L'an 1147,
le Pape leur accorda cette faveur lignalée , & leur écrivit à ce
fujet. La lettre du Saint-Pere porte : « qu'à la mort de l'Abbé ,
5» fon fucceffeur doit être élu du confentement général de la
» Maifon, & que, s'il ne fe trouve parmi eux perfonne digne
» de cette place , ils doivent recourir au Souverain Pontife , qui
y> leur donnera un Abbé de fa propre main j que les Moines
» nommés pour deffervir les Cures , doivent être préfentés à
M l'Evêque diocéfain , afin que , fi le Prélat les juge incapables
» de cet emploi , il les éloigne du miniftere ; que ces Moines-
M Curés font tenus de rendre compte au Prélat du gouverne-
»> ment fpirituel , & aux Moines des revenus temporels de leur
» Paroiffe , & qu'ils doivent prendre les Saintes-Huiles de la main
v> des Evêques , pourvu qu'ils ne foient pas excommuniés , ou
» qu'ils
RED 9
* qu'ils ne fafTent pas difficulté de les accorder; car , en ce
» cas , il leur eft r srmis d'en demander aux Evêques voifms. »
La place de Sén-chal à Redon étoit occupée, l'an 11(^7, par
Guillaume Lanvallei. Les Moines de Quimperlé donnèrent . Tan
1172, l'Eglife de Notre-Dame de Nantes à l'Abbaye de :>ajit-
Sauveur de Redon , qui la garda plus de quatre cents ans.
( Voyez Nantes. )
1208. L'Evêque de Vannes & l'Abbé de Redon étoient depuis
long-temps en conteftation. Le premier prétend oit la fupériorité
fur le fécond; & celui-ci foutenoit fon indépendance de tout
autre que du Pape. Après plufieurs traités & tranfaftions , tou-
jours inutiles, les parties convinrent de s'en rapporter à la dé-
cifion des Evêques de Nantes & de Saint-Brieuc , & jurèrent
d'exécuter le jugement qu'ils prononceroient. Les Juges, après
un mûr examen , reconnurent que l'Abbé de Redon étoit in-
dépendant de la Jurifdiftion du Prélat ; mais que les Eglifes
polTédées & deffervies par les Religieux du Monaftere , telles que
Bains, Langon , Brains, les deux ParoifTes de Redon , dédiées à
Saint-Pierre & à Notre-Dame , ( aujourd'hui il n'y en a qu'une,)
& Saint-Gozual , dévoient reconnoître l'autorité de l'Evêque ,
qui , cependant , à caufe de la petitefTe de ces Eglifes , ne
pouvoit prendre que quatre procurations , quoiqu'elles fuffent
au nombre de fîx. Le Pape confirma cette fentence , Tan
Ï2I0.
L'an 1227, la NoblefTe de Bretagne s'aflembla à Redon,
pour prendre des mefures contre le Clergé. Elle avoir à fa tête
le Duc Pierre de Dreux. Dans ce temps, la majeure partie du
territoire de Redon & des environs étoit plantée en vignes , qui
y font aujourd'hui très -rares. Les conteftations , ci-devant alTou-
pies entre les Evêques & les Abbés de Redon , s'étoient renou-
veliées en 1237. Ils convinrent de prendre un intervalle de
quinze ans pour difcuter leurs droits refpeftifs : on ne fçait point
la fuite de cette affaire.
L'Abbaye de Redon étoit prefque déferte en 1253 , dit l'auteur
de l'Hiftoire de Bretagne , par les mauvais traitements que
Pierre de Dreux fit elTuyer au Clergé de fou Duché. Cette
Maifon enfin rétablie dans fa première tranquillité , les Moines
fugitifs retournèrent en leur Couvent , qu'ils trouvèrent en (î
Tiiduvais état qu'il leur fallut le rebâtir, il ne leur en coûta pas
beaucoup : les aumônes oC les bienfaits des Fidèles contribue-
tent en partie à cette dépenfe. Une Dame que l'hiftoire
Tome IF. B
lo RED
nomme la Comtejfe Agnès , leur fit préfent du Crucifix que
Ton voit encore au (grand autel de leur Eglife.
Jean de Tréal , ABbé de Redon , qui fuivoit le parti de
Charles de Blois dans la fameufe guerre pour la fucceffion à
la Couronne de Bretagne , fut fait prifonnier , & ne recouvra fa
liberté qu'en payant une rançon confidérable. Il eut la douleur de
voir tous fes domaines expofés au pillage de l'ennemi j & la
vilk de Redon auroit fans doute éprouvé le même fort , fi cet
Abbé n'eût pris la précaution de l'entourer de bonnes murailles.
De cette manière, il fçut la défendre & la conferver jufqu'à la
bataille d'Aurai. Charles ayant perdu la vie dans ce combat,
en 1 3 64 , l'Abbé de Redon fongea à faire fa paix avec le
Comte vainqueur. Il n'attendit pas qu'il fe préfentât devant fes
murailles -, il alla le trouver , accompagné des principaux habi-
tants de la ville , & conclut avec lui un traité qui portoit :
« que l'Abbaye & la ville de Redon feroient confervées dans
» la pofTeffion de tous leurs droits , & que l'Abbé jouiroit du
» privilège de nommer le Capitaine ; » privilège qui a fubfillé
jufqu'à l'étabhfiement des Commendes.
L'an 1422 , le Duc Jean V établit à Redon un Hôtel des
Monnoies. L'Abbé de Saint-Sauveur , regardant cet étabUffement
comme préjudiciable à fes droits , s'en plaignit au Duc , qui
eut la bonté de l'afTurer qu'il n'avoit eu aucun deiTein de lui
faire tort , puifqu'il n'avoit violé aucuns des privilèges de fon
Abbaye 5 mais que , fi les Monétaires faifoient quelques fautes ,
il lui donnoit toute permiffion de les punir, malgré leur privilège:
il ajouta que cette fabrique de monnoie ne fubfifi:eroit à Redon
que pendant deux ans, qu'ainfi il pouvoit être tranquille.
Le Roi Charles VII , étant à Nantes le 12 Juillet 1425,
accorda aux Moines de l'Abbaye de Redon le droit de quin-
taine fur les nouveaux mariés. Les Officiers de la Jurifdiftion ,
en robes ^ à la tête des Moines , font préfents à cette cérémo-
nie bizarre.
L'an 1429 , Guillaume Chefnel, Abbé de Redon, fit com-
mencer la conrtruftion , en pierres , des ponts & chaufîees de
Saint-Nicolas , qui auparavant étoient en bois. Il obtint , pour le
dédommager de cette dépenfe , la permiffion de lever des droits
fur les denrées qui entroient dans la ville. Yves le Sénéchal,
fils d'Even , Seigneur de Carcado , fuccefieur de Guillaume
Chefiiel , fit achever ce pont , que la mort de fon prédécefieur
avoit laifie imparfait. On ne connoît pas l'époque de la fonda-
RED II
don de THôpital de Redon ; tout ce qu'on fçair de plus ancien
fur cette maifon, c'eft qu'en 1439, Louis, Député du Concile
de Bafle , en Bretagne , permit de bânr une Chapelle èc un au-
tel pour la commodité & fatisfaftion des malades qu'on rece-
voit dans cet Hôpital.
En 1449 , le Duc François I obtint du Pape l'éreftion de
l'Abbaye de Redon en Evêché. Il devoit erre compofé des Pa-
roilFes qui dépen(;loient immédiatement de l'Abbaye & de quel-
ques autres détachées des Evêchés de Rennes ôc de Saint-Malo.
L'Evêque de Saint-Brieuc fut chargé de l'exécution de la Bulle ;
mais les Prélats intéreffés s'y oppoferent fortement , & la mort du
Duc fit échouer ce projet , auquel on ne penlàplus dans la fuite.
En 1453, le Pape Nicolas V chargea l'Abbé de Saint-Sauveur
de Redon d'ordonner , de fa part., aux Evéques de Bretagne ,
de refferrer & même diminuer les afyles. Ces lieux-, dans lef-
quels la Jullice ne pouvoir exercer aucune Jufifdi^bion , étoient
très-multipliés en Bretagne ; toutes les Egtifes jouiiroient de ce
privilège : on regardoit aufii comme afyles inviolables les endroits
célèbres par la demeure de quelques Saints , & plufieurs autres
cantons, comme, par exemple, la ville de Sa.int-Malo.
L'an 1455 5 ^^ Comte de Tancarville époufa , à Redon,
Yolande de Laval. La cérémonie de ce mariage fut faite avec
beaucoup de magnificence. Louis , Dauphin de France , fit ,
environ le même temps, dans l'Eglife de Redon, une fondation ,
pour laquelle il donna douze cents écus d'or.
Au mois d'Avril 1460 , & au mois de Septembre 1461 , le
Duc François II aflembla fes Etats à Redon. Ils lui accordèrent
un nouveau fouage de cinquante-deux fols fix deniers , par chaque
feu , dans l'étendue de fon Duché. L'année fuivanre , François fe
rendit à Redon pour recevoir le Roi de France. Ce même Duc ,
en 1463 , envoya une ambaflade au Pape au fujet des différents qu'il
avoit avec l'Evêque de Nantes. Les Ambafiadeurs, fuivant les ordres
de leur maître , fe plaignent vivement de la nomination d'Artur
de Montauban à l'Abbaye de Redon. C'étoit cet Artur connu
il défavantageufement par la mort de l'infortuné Gilles de Bre-
tagne. Pour éviter les rigueurs de la Jufbce , ce cournian , am-
bitieux & coupable , s'étoit fait Céleibn & enfuite Bénédidin.
Yves le Sénéchal, Abbé de Redon , s'étoit démis de fa- dignité,
à la foUicitation du Roi , en faveur de cet homme noirci de
tous les crimes. Les Ambafiadeurs dévoilèrent aux yeux du Pape
la conduite fcandaleufe d'Artur. Le Saint-Pere , furpris , le fit citer
it RED
en Cour de Rome , & cette citation fut publiée en Bretagne.
L'Evêque de Vannes fut chargé de pourfuivre le coupable ôc fes
complices. Yves le Sénéchal, voyant l'orage qui menaçoit Artur,
reprit le gouvernement de ce Monaftere. Cette affaire n'eut pas
de fuites. Montauban renonça à (es prétentions , & fçut fi
bien fe conferver les bonnes grâces du Roi, qu'il fut nommé
Archevêque de Bourges.
Le 3 Août 1475 , ^^ ^"^ François II alTembla fes Etats à
Redon , & ratifia , pendant cette tenue , le traité de paix qu'il
venoit de conclure avec le Roi Louis XI.
1487. La Noblefle du parti du Roi, affiege Redon, & fait
prifonniere la Dame de Rieux , qui fe trouvoit dans cette ville.
Cette Dame eft rendue à fon mari, à la follicitation du Roi,
qui écrivit de Chateaubriand au Chef de l'armée.
1489. Odet de la Rivière , Abbé de Redon , donne à la Du-
chefïe Anne un calice d'or , du poids de feize marcs , que l'on
confervoit depuis long -temps dans cette Abbaye. .En recon-
noiflance de ce préfent , la Reine donna à l'Abbé un autre
calice d'argent , du poids de trente marcs , & lui afTigna cent
livres de rente fur fon domaine. L'hiitoire ne dit point quel
ufage fit la Princeffe du calice.
En 1536, on connoifToit , dans le territoire de Redon , les
maifons nobles de Beaumont , à N... de Tehallac ; Buhurel , à
Bertranne Juguen, qui pofTédoit aufîi les Chapelais; le Parc-
Angers, à N... Coudeloué ; le Boèguidon , à Guillaume Coflardj
le Fezet, à Guillaume Lambartj Brais , Langal, & la Diarrais,
à Jean Boisjean.
Au mois de Mars 1588, le Duc de Mercœur entra dans la
ville de Redon , fans aucune réfiflance de la part de la garnifon
de cette place , gagnée par les Moines , qui font Seigneurs d'une
partie de la ville. Talhouet en fut nommé Gouverneur , & y
commanda pendant toute la guerre de la Ligue ou de la Sainte-
Union. En 1595, ce Gentilhomme , voyant que le Duc de
Mercœur ne vouloit pas faire fa paix avec le Roi , prit le fage
parti de fair^ fon accommodement particulier. Il fe rendit au
camp devant Comper , auprès du Maréchal d'Aumont , qui lui
fit préfent , de la part du Roi , d'une écharpe blanche , de la
valeur de cinq cents écus, & lui promit l'expeftative de l'Ab-
baye de Redon pour un de fes enfants. Il l'afTura aufîi de la
fomme de vingt mille écus de gratification , d'un brevet de
Maréchal de Camp dans l'armée du Roi, & le continua dans
R ED = R E G ij
fa place de Gouverneur de Redon , dont la furvivance fût pro-
mife à fon fils. Le Duc de Mercœur , voulant punir Talhouet ,
eflaya de furprendre Redon , mais inutilement. Ne pouvant réuf-
fir par la rufe , il Tattaqua à force ouverte j mais le vaillant
Gouverneur fe défendit u bien , que le Prince Lorrain fut obligé
de renoncer à fon entreprife.
Les Etats de la province s'aiTemblerent à Redon en 1 612. Les
Religieufes Bénédi6Hnes & Urfulines , qui ont des Communautés
dans cette ville , furent fondées dans ce fiecle.
En 1644, deux Moines de l'Abbaye de Saint -Sauveur de
Redon fe rendirent à celle de Sainte-Croix de Quimperlé , d où
ils apportèrent los d'un bras de Saint Gurloës, premier Abbé
de cette dernière Maifon. Cette Relique fiit dépofée , avec une
grande folenmit^ , dans l'Eglife des Bénédiftines du Calvaire ,
à Redon.
Arrêts du Confeil, des années 1752 & I7<^^, portant aug-
mentation d'oftrois pour la ville & Communauté de Redon , qui
faifoit réparer la chauffée de Saint-Nicolas,
Les Abbés de Redon ont des revenus confidérables & des
Jurifdi6lions très-étendues , avec droit de menée au Préfîdial de
Rennes. Ils poffedent la majeure partie de la ville , ôc jouiffoient
autrefois du château qui exifloit auprès de leur Abbaye. Le tré-
for de leur Eghfe renferme des ReHques précieufes : au devant
du grand autel, eu un Crucifix d'argent , d'une grandeur pro-
digieufe , que quelques-uns difent être celui que Saint Félix ,
Evêque de Nantes, plaça dans fon Eglife Cathédrale,
REGUINI j à 8 lieues au Nord de Vannes , fon Evêché ; à
18 lieues de Rennes; & à 3 lieues de JofTelin , fa Subdéléga-
tion. Cette ParoilTe relTortit à Ploermel , & compte 1200 com-
muniants : la Cure efl à l'alternative. Le territoire , d'une fuper-
ficie plane , renferme la fource de la rivière d'Evelle qui l'ar-
rofe , des terres bien cultivées , des prairies , & des landes ; il
produit beaucoup de fruits.
Les hifioriens de Bretagne difent que Saint Clair, premier
Evêque de Nantes, mourut dans cette Paroiffe , le 10 Oc-
tobre 309.
En 1430, on connoiflbit dans cette Paroiffe , le manoir de
Ker-efcon, qui appartcnoit à Euftache Serot j Boudoul , à Anne
de Gouezillac ; Châteauriec , au Sieur d'Efluer ; Ker-angail , à
Olivier Gicquel. On y connoit aujourd'hui le château de Porman ,
,4 R EG=REM
décoré de bois de futaie , étang & moulin ; la maifon feigneu-
riale de Coetrigueni le manoir de Bergare, avec haute, moyenne
& bafleJuftice -, domaines qui relèvent du Duché de Rohan , èc
appartiennent à M. de la Touche-Porman : la lîiaifon feigneu-
riale de Rutauvré , avec moyenne - Jultice , à M. de Montigni 5
& le Rello , avec haute , moyenne & baffe-Juilice , qui relevé
du Comté de Porhoèt, à M. Colas.
RELEC j Abbaye de l'Ordre de Cîteaux , dans la ParoifTe
de Plouneourmencz ; à 7 lieues au Sud-Eil: de Saint -Pol- de-
Léon , fon Evêché j & à 3 5 heues de Rennes. Cette Maifon ,
fîtuée près la fource d'une petite rivière , dans un vallon , au
defîlis duquel efl une allez grande forêt , fut fondée le 1 2 des
calendes d'Août 1132. On n'en connoît point les fondateurs : les
uns nomment les Comtes de Penthievre , les autres les Comtes
de Léon ; tout ce qu'on en peut dire de certain , c'efl qu'elle
a été bâtie fur les ruines d'un ancien Monaflere , nommé Gerber^
qui exiftoit du temps de Saint Pol , premier Evêque de ce dio-
cefe. On ignore le nom de fon premier Abbé.
RÉMINIAC; fur la route de Maleftroit à Guer ; à 19 lieues
au Sud-Sud-Oueft de Saint-Malo , fon Evêché ; à 1 1 lieues de
Rennes ; & à 4 lieues de Plélan , fa Subdélégation. Cette Pa-
roifTe reffortit à Ploermel , & compte 5 5 o communiants : la Cure
efl à l'alternative. Le territoire offre à la vue des vallons , des
coteaux, des monticules, quelques terres en labeur, des prai-
ries, beaucoup de landes. Le fol efl de mauvaife qualité. Le
château de la Villemorin appartenoit , en 141 2, à Yves de
Lantivi , aujourd'hui à M. de Lantivi, de la même famille ; la
maifon noble de la Boue appartenoit, en 1420, à Jean de
la Boue.
REMUNGOL^ à 7 lieues au Nord-Nord-Oueft de Vannes,
fon Evêché ; à 20 lieues de Rennes ; & à 4 lieues de Pontivi,
fa Subdélégation. Cette ParoifTe reffortit à Ploermel, & compte
a,ooo communiants , y compris ceux du Moufloir , fa trêve : la
Cure efl à l'alternative. Le territoire , arrofé de la rivière d'E-
velle , efl un pays plat & couvert d'arbres & buiffons. On y
remarque des terres bien cultivées , quelques prairies , & beau-
coup de landes. Au mois de Juin 1296, Henri de Kergouet
vendit au Vicomte de Rohan toutes les rentes qu'il pofîëdoit
• RE M =H E N 15
dans cette ParoifTe. En 1400, on y connoilToît le manoir de
Ker-grois , au Sieur de Kergrois j ( cette Terre , qui a une bafTe-
Juftice , appartient aujourd'hui à M. de Lambili : ) le Polfan , à
Jean Guillard j le manoir du Brel , à Jean le Godec; le manoir
de Ker-efequel ,-à Jean de Keraudren ; 6cCoët-Hardenion , à Jean
le Beaudouin. Les Terres de Ker-veno , Meneguen , & Ker-
aaron , ont chacune une bafTe-JufHce , & appartiennent à M. de
Lambili , qui poffede encore dans la même Paroiffe une verrerie,
qui fut conlbuite lur les ruines d'une forge à fer.
RENAC ; fur la route de Rennes à Redon ; à 1 2 lieues à l'Eft
de Vannes , fon Evêché ; à 1 o heues & demie de Rennes -, &
à 2 lieues & demie de Redon , fa Subdélégation. Cette Paroiffe
reffortit à Ploermel, & compte 1200 communiants : la Cure ell
à l'alternative. Il fe tient deux foires par an dans l'endroit. Le
territoire , arrofé des eaux de la Vilaine , offre à la vue de belles
prairies , beaucoup de marais qui donnent la facilité aux habitants
de nourrir beaucoup de bétail , des terres en labeur d'affez bonne
qualité , des landes très-étendues , & des carrières d'ardoifes ,
dont quelques-unes font exploitées. Cette Paroiffe eff très-ancienne.
En 850, Charles le Chauve la donna aux Moines de l'Abbaye
de Saint-Sauveur de Redon. Les dîmes de la Vieille-Perche ap-
partenoient , en 1390, à Jean Herpedaine & à Jeanne d'Apre-
mont , fon époufe. La Seigneurie du Bois-Raoul & de Renac
appartenoit à la Comte ffe d'Etampes & de Vertus, mère du Duc
François II , qui , par fes lettres datées de Nantes le 1 3 No-
vembre 1462, donna ces deux Terres à Tanguy du Châtel,
fon Chambellan & fon Maître- d'Hôtel , &c le créa Chevalier
Banneret , avec permiffion de faire conffruire , au lieu du Bois-
Raoul , un château & place forte , & de lever , fur les hommes
fujets defdites Terres, un guet pour la garde de ce château.
En 1530, on voyoit dans cette Paroiffe les maifons de la
Touche, à Jean Buinard de la Villevoifin j le Broffai Se le pont
de la Peffelaye , à Julien Conay; le Vau-Boueffis & Piguel, à
Jean du Frefne; Crepeon , à Pi.obert Gougeon ; la Noë, à Guil-
laume Michel i le Frefche, à Robert du Frefne j le Gaff , à
Tannegui de la Grée ; le Petit-Bois , au Sieur du Juret , ( cette
Terre a une moyenne-Juffice , & appartient à Madame Peland : )
Virel , à Jean du Frefne ; elle a auffi une moyenne -Juffice, 6c
appartient à M. du Frefne de Virel : & Launaye , au Sieur de
la Ville-Créon de Couvrantorler ; cette dernière a encore moyenne
,é REN •
& bafîe-Juftice , & appartient à M. Morau du Deron, quîpof-
fede auffi la moyenneJuftice du Pont , la moyenne-Juftice de
Pinet, & la moyenne & baffe de Juft. La haute-Juflice de
Renac appartient à M. du Frefne de Renac y AUerac , haute-
JulHce , à iM. le Fournier d'AUerac -, la Durantais , moyenne- Juftice ,
& le Bot , moyenne - Juîlice , à M. Collobel du Bot; le Val-
Hamon , moyenne-Juftice , à M. de Becdelievre de Saint-Maure j
& Couefpel , moyenne-Juftice , à M. Gouyon de Couefpel ; le
moulin à vent de Couefpel forme un des beaux points de vue
de la province.
RENNES ; ville épifcopale , par les 4 degrés 2 minutes 4 fé-
condes de longitude , & par les 48 degrés 6 minutes de latitude.
Le diocefe de Rennes eft borné, au Nord, par ceux de Dol
& d'Avranches j au Sud , pai celui de Nantes ; à l'Eft , par ceux
d'Angers & du Mans; & à l'Oueft, par ceux de Vannes & de
Saint-Malo. Il renferme deux cents vingt-une Paroiffes , dix villes,
deux cents onze bourgs , onze trêves ou fuccurfales , trois Ab-
bayes d'hommes , deux de femmes , quinze Couvents d'hommes,
dix-fept Couvents de femmes, fix Hôpitaux , un Hôtel -Dieu,
trois Collégiales , fept Doyennés ruraux, cinquante-deux Prieurés,
quatorze forêts , & plufieurs rivières. On y compte 290900 com-
muniants. Le territoire produit du grain , des pâturages abondants ,
du beurre très-eftimé , du lin , Se d excellent cidre. L'Eglife Ca-
thédrale eft fous le vocable de Saint-Pierre. Le Chapitre eft
compofé de cinq Dignitaires , feize Chanoines , quatre Semi-Pré-
bendés , d'un Sous-Chantre , & d'un Sacrifte. Onze grandes routes
aboutiffent à cette ville , qui eft fermée d'un mur en mauvais
état , & qui a mille quatre cents trente-fept toifes de pourtour :
fes fauxbourgs font d'une grande étendue ; ils comprennent ,
avec la ville , dix Paroiffes , deux Abbayes , dix Prieurés , fept
Chapelles , fept Couvents d'hommes , treize Communautés de
femmes , quatre Hôpitaux ; une Ecole des Droits , un Collège , trois
Ecoles Chrétiennes pour les garçons , fix pour les filles , une Ecole
gratuite de Deffein relative aux arts & métiers ; de belles Biblio-
thèques publiques , parmi lefquelles on diftmgue celle des Avocats ,
qui ouvre trois fois la femaine ; le grand & le petit Séminaire , ce
aernier eft gratuit, pour l'inftruftion des je'mes gens qui afpirent
aux Ordres facrés. Les Cures des Paroiffes font à la nomina-
tion de différents préfentateurs. Saint-Etienne eft préfenté par les
Chanoines de la Cathédrale ; Touffaint , Saint-Pierre-en-Saint-
Georges,
■ R E N tf
Georges j Saint-Sauveur , fous le fief du Roi , pat FAbbefle de
Saint-Georges ^ Saint-Germain, Tous le fief du Roi , par un Cha-
noine j Saint-Laurent, par un Chanoine ; Saint-Aubin, par l'Evê-
que ; Saint-Helier , par un Chanoine; Saint-Jean & Saint- Martin,
par l'Abbé de Saint-Melaine ( cz ). Les Prêtres qui defîervent la
Chapelle Sainte-Anne , font nommés par la Confrairie érigée
fous l'invocation de Saint Roch & de Saint Eutrope. Les deux
Abbayes font de l'Ordre de Saint-Benoît : celle de Saint-Me-
laine pour les hommes , & celle de Saint-Georges pour les fem-
mes. Les Couvents d'Hommes font : les Jacobins , les Carmes ,
les Cordeiiers, les Capucins, les Auguftins, les Minimes, & les
Carmes-Déchaufies. Les Communautés de Filles font : les grandes
& petites Urfulines , les Calvairiennes de Saint-Cyr , les Carmé-
lites , les Hofpitalieres , la grande Vifitation , la Trinité , les Cal-
vairiennes de Cucé , les Vilitandines du Colombier , les Filles de
Saint-Thomas-de-Villeneuve, les Filles du Bon-Palleur , les Filles
de la SagefTe , & les Sœurs de la Charité. Les quatre Hôpitaux
font : Samt-Yves, l'Hôpital-Général , l'Hôpital de Saint -Méen,
& les Incurables. La Chapelle de Brequigni eft une fuccurfale
de Saint-Etienne. L'Evêque eft Seigneur d'une partie de fa
ville épifcopale , qui peut compter 42600 habitants. On remarque
à Rennes une Cour de Parlement , une Chancellerie , une Cour
des Aides, une Table de Marbre, un Siège préfidial ; les Sièges,
du Confulat , des Eaux , Bois & Forêts , de la Prévôté , de la
Police , & plufieurs autres Jurifdiftions qui s'exercent dans la
baffe falle du Préfidial , & qui appartiennent à différents Sei-
gneurs , fçavoir, les Régaires de l'Evêque & ceux du Chapitre,
Brequigni , l'Abbaye de Saint-Georges, l'Abbaye de Saint-Me-
laine , le Comté de Mejufleaume , la Châtellenie de la Motte-
au-Vicomte , la Freflonniere , la Martiniere , le Prieuré de Saint-
Cyr , Cucé , la Cotardais , les Gailleuls , les Loges , le Prieuré
de Saint-Moran , le Prieuré de Saint-Michel , Montbarot , la Pré-
valaye , la Thébaudaye-Chenaudiere , la Vicomte , la Ville-Afie-
lin , le Prieuré de Saint-Martin , la Plefiê , les Chefnai , & la
Lande-Coëtlogon ; ces deux dernières s'exercent dans la ParoifTe
de Saint-Martm.
Rennes eft un Gouvernement particulier de la Lieutenance du:
Roi en Breragne. Dans la même ville eft l'Intendance de la
(<ï) Les Cures qui font à la nomina- Tentées par l'Evêque diocéfain , parce que
ùon de l'Abbé de Saint-Melaine , font pré- l'Abbaye eft unie à TEvèduv
Tonu IV^ C
,8 R E N
province, quoique le Siège de cette Généralité dût être à Nantes,
où réfident les Généraux des Finances Se Tréforiers de France
réunis à la Chambre des Comptes. Le Prévôt général de la Ma-
réchaufTée fait aufli fon féjour à Rennes , avec trois Brigades. On
remarque un Hôtel des Gentilshommes , une Commiflion Inter-
médiaire qui s'afTemble deux fois lafemaine, le Greffe des Etats,
une Communauté de ville , une Recette des Domaines , les Poftes
aux lettres & aux chevaux, un Bureau de Meffagerie, Sec.
Le commerce de Rennes n'eft pas fort étendu : il confifte prin-
cipalement dans l'importation & l'exportation des denrées né-
ceffaires à la vie. On trouve néanmoins dans la ville plufîeurs
manufactures , de bonnets , de bas , de toiles , d'étoffes , & de
fayance. L'occupation la plus ordinaire des femmes du peuple eft
de broder la mouffeline pour le linge. Le beurre eft la branche
la plus étendue du commerce des Rennois ; ils en font paffer
une quantité prodigieufe à Nantes c^ dans les autres villes de
Bretagne, & même jufqu'à Paris. La fituation de leur ville
ne leur permet pas de fe livrer immédiatement au commerce
maritime. La Vilaine leur donne la facilité de faire venir de
Redon & d'y conduire , par le moyen des éclufes conftruites
fur cette rivière , les marchandifes importées & exportées ; mais
cette navigation eft pénible & coûteufe , & il n'eft pas vraifem-
blable que jamais la ville de Rennes brille par fon commerce,
à moins qu'on ne rende navigables les rivières qui font dans
cette partie de la province. Aulîi le peuple , qui n'a pour toute
reffource que le revenu modique d'un travail journalier & peu
lucratif, eft-il généralement pauvre. Le corps du commerce eft
compofé des Marchands de draps, Epiciers, & Merciers. La
rivière d'Ifte , qui traverfe deux des fauxbourgs & qui fe jette
dans k Vilaine , n'eft point navigable.
Fv.ennes eft certainement une des anciennes villes des Gaules,
mais l'époque de fa fondation eft abfolumcnt inconnue. Les fa-
bles qu'on a débitées, les conjeftures qu'on a formées, fur fon
origine , ne prouvent que l'impoffibilité de la découvTir. Je ne
rapporterai point ici les différentes opinions adoptées par les
amateurs du merveilleux : je me bornerai à dire , qu'avant la
conquête des Romains , Prennes fe gouvernoit en RépubUque
comme les autres villes de l'Armorique , qui ne reconnoiffoient
aucun Souverain particqlier. On ne peut mieux comparer leur
Gouvernement qu'à celui des Suiffes , ou à celui qui fe forme
actuellement dans le Nord de l'Amérique. Jules -Céfar, après
R E N 19
avoir conquis une partie des Gaules , envoya CrafTus contre
Rennes. Ce Lieutenant la prit & la fournit à la domination ro-
maine. Les anciennes cartes géographiques lui donnent le nom
de Condate Redonum ; nom qu'elle a quitté pour prendre celui
du peuple qui l'habitoit , Rhedoncs , dont , par corruption , on
a formé le mot Rennes, Le pays de ces Rhedones s'étendoit le
long de la Vilaine jufqu'à la mer. Quelques hiiloriens préten-
dent que cette ville étoit anciennement iituée fur la rivière
d'Ille , & que fon enceinte s'étendoit depuis la Paroifle de Saint*
Martin jufqu'à celle de Saint-Laurent, qui efl: encore une des
ParoilTes de la ville. Quoiqu'elle en foit éloignée de trois quarts
de lieue, on a remarqué, dans" cet intervalle , une longue fuite
de murs qui commencent au bas de la rue de Saint-Dominique ,
dans le champ de la Cochardiere. On y apperçoit l'emplace-
ment d'une grande tour, qui fe connoît à la couleur du gazon
qui eft bien moins frais qu'aux environs. Quoi qu'il en foit,
Céfar donna le Gouvernement de Rennes à Craffus , qui l'avoit
prife. Ce Romain fut en même temps Magiftrat & Gouverneur,
& plutôt le Roi que le protecteur des Rennois. Ils ne pouvoient
rien entreprendre ni rien décider fans fon approbation; il préii-
doit à toutes les affemblées , & fa volonté étoit une loi qu'il
falloit fuivre. Cette forme de Gouvernement s'établit de telle
forte dans cette ville , qu'elle fubfiftoit encore dans le quinzième
fiecle. Les plus anciens titres qui fe voient aux archives de la
Maifon de -Ville , font des années 1410 & 141 8 : ils nous ap-
prennent que l'autorité réfidoit toute entière dans la perfonne du
Gouverneur ; en fon abfence , dans celle de fon Lieutenant ; &
fucceffivement dans les deux Connétables. On ignore les révo-
lutions que peut avoir éprouvées la ville de Rennes , quoiqu'il
foit vraifemblable qu'elle n'en a pas été exempte ; mais nous
croyons devoir rapporter deux infcriptions , qui ne peuvent qu'aider
à percer l'obfcurité des premiers fiecles de notre Ere. Sur un
des parements de la porte Mordelaife , fe lit celle-ci :
IMP, CJES, ANTONIO.
GORDIANO. PIO. FEL. AUG. P. M,
TR, P. COS. O. R. le. Clv'uas Redonis^
S'il étoit certain que l'infcription & la pierre euffent été pFa-
cées là à deflein, on pourroit aiïurer que cette porte fut bâtie
dans le troifieme fiecle, puifque Gordien fut reconnu Empereur
lo R E N .
en 236, Se qu'il fe tua en 238. On pourroit encore conclure
de là que l'ancienne ciré de Rennes , qu'on appeila la Ville-
Rouo-e , fut bâtie dans les deuxième & troifierne fiecles ; mais
ce n'ell qu'une foible conjedure, puifqu'il fe peut très-bien faire
que cette pierre , détachée d'un monument érigé à l'Empereur
Gordien , ait été placée là fans autre defiein du ccnftrufteur
ou du maçon, que celui de faire ufage d'une pierre commode.*
Cette infcription ne peut donc rien prouver Voyons maintenant
fi l'autre nous donnera des connoifîances plus certaines. Elle fut
trouvée, en 1741, fous une lame de bronze , dans la cour de
M. de Salis , près la place de la vieille Monnoie. La voici :
Heic ubï Junonis cchhrantur facra momtce, ,
Venus & Liber jongont pia Numina dextras ;
Non procul à madidis qiice ambit Vivcnia praùs ,
Turba Sacerdotom , Martis Jlreidcnte procella ,
Condit hiimi paieras , cyathofq. & vajti Liceî.
Nu niji pojl longam cztatcm , ferofque ncpotes ,
Com reget Armoricas Princtps aquijf. oras ,
Effodientur opes : hic diva tcmpla momtce^
Rejiituet , facramque viris plaudcntibus cedem
Aura , non color ejl , ni jujlo fplcndeat ufu.
Cette infcription , trouvée dans le terrein formé par la porte
Mordelaife , ell certainement du temps des Romains. Elle nous
apprend qu'il y avoir dans cet endroit un tempie confacié à Junon-
Monete ; que ce temple n'étoit pas éloigné de la Vilaine j &
que, dans un temps de guerre & de pillage , les Prêtres , crai-
gnant que leurs tréfors ne devinrent la proie de l'ennemi , les
avoient enfoui fous terre dans le lieu même. On i^ait qu'à Rome
le temple de Junon-Monete étoit deftiné à conferver l'argent
monnoyé : celui de Rennes pouvoir fervir au même ufage.
Au travers des nuages qui nous dérobent la lumière , on n'ap-
perçoit qu'une foible clarté qu'on ne peut prendre pour guide
qu'aux rifques de s'égarer : cependant , en réuniflant les conjec-
tures formées par les deux infcriptions , on peut croire que l'en-
droit, où la cierniere a été trouvée, faifoit partie de l'ancienne
cité de Rennes j & , félon toutes les apparences , la ville des
Celtes-Rennois étoit dans ce lieu-là. Malheureufement ce monu-
ment eft fans date , & l'on ne peut fçavoir quelle étoit cette
R E N II
guerre qui défoloit alors la Bretagne. Pouffons encore plus loin
nos conje6lures , d'après les découvertes faites depuis quelques
années. Au côté oriental de la place de la vieille Monnoie , on
trouva, en creufant les fondements d'un édifice, en 1774, à
environ fept pieds de profondeur , quelques offements , & une pa-
tere décorée de feize médailles impériales. Cette patere ell d'une
efpece unique par fa grandeur , ayant neuf pouces cinq lignes
de diamètre : elle eft ornée, dans le fond, d'un bas relief qui
repréfente les Bacchanales. Les ouvriers trouvèrent de plus , dans
le même endroit , quatre-vingt-quatorze médailles , de pur or
comme la patere : elles font de différents Empereurs, depuis
Néron, qui fe tua l'an de grâce 70, jufqu'à Aurclien, qui par-
vint à l'Empire vers 270. On trouva encore quatre médailles en-
châffées dans des cercles travaillés en filagrammes , avec une be-
liere à chacune, & trois chaînes d'or. Ces précieux monuments,
qui fe font confervés , pefent enfemble huit marcs cinq onces
quatre gros d'or. Le Chapitre les envoya à M. le Duc de Pen-
thievre , Gouverneur de la province , qui fut prié de les pré-
fenter au Roi. La même année , les ouvriers employés au bâ-
timent du Chapitre , trouvèrent , dans le même heu , une mé-
daille d'or , d'Antonin le Pieux , qui parvint à l'Empire l'an
138 de lEre chrétienne.
On voit que , parmi les médailles ou monnoies trouvées , il
y en a qui font de la fin du troifieme fiecle : ce n'eff donc que
dans ce fiecle , ou dans l'autre , qu'elles ont été mifes en terre j
& de là on peut préfumer que la guerre dont parle l'infcription ,
eft celle que caufa l'arrivée de Maxime & de Conan dans l'Ar-
morique. Je fçais" bien qu'on peut m'objefter que Rennes avoit
des Ev £'ques quelque temps avant cette époque ; mais ces Evê-
ques n'avoient qu'un très-petit troupeau. Saint Clair , Evêque de
Nantes , n'avoit pas deux cents feftateurs dans fa ville épifcopale;
& il efl probable que l'Evêque de Rennes n'avoit pas fait de
plus grands progrès. Le Paganifiiie fubfifta dans l'Armorique , non-
feulement jufqu'au règne de Conan , mais encore long-temps
après. D'ailleurs, je ne prétends pas donner cette opinion pour
une vérité incontellable : ce n'eff qu'une conjefture fondée , qui
ne peut fe changer en certitude , ou fe détruire , que par de
nouvelles découvertes. Il feroit donc à defîrer que l'on continuât
ces fouilles , & qu'on les poufîilt plus avant : mais , pour en tirer
tout l'avantage qu'elles fcmblent annoncer , il faudroit que l'entre-
prife fût protégée par le Gouvernement , & qu'elle fut confiée
li ï^ E N
à quelque fçavant antiquaire. Il paroît que Ton ne perdroit pas
tout à -fait fon temps, li l'on en juge d'après l'infcription & les
précieux monuments qu'on a déjà trouvés.
L'hiftoire politique de la ville de Rennes n'offre prefque rien
de certain avant l'arrivée de Maxime & de Conan Meriadec. Elle
obéiiToit aux Romains, & fuivoit les loix de l'Empire. La Reli-
gion Chrétienne commencoit à s'y établir. Il y avoit enviion
quarante ans que Modéran , fon premier Evêque , y avoit jette
les femences de la foi ; mais elle tenoit encore à fes anciennes
erreurs, & peu de perfonnes avoient eu le courage de les aban-
donner. Maxime, fuivi de Conan & d'une armée nombreufe de
Bretons, débarqua dans l'Armovique , vers l'an 383. D'après le
récit des hiiloriens , il eft probable qu'ils mirent pied à terre à
l'embouchure de la Vilaine. Ils remontèrent cette rivière, & ayant
défait les troupes qui s'oppofoient à leur paffage , ils fe préfen-
terent devant Rennes , & fommerent cette ville de fe rendre.
Sulpice , Capitaine Gaulois , qui y commandoit pour l'Empe-
reur, obéit fur le champ, & ouvrit fes portes. Nantes fe fou-
rnit enfuite , & toute l'Armorique fuivit l'exemple de ces deux
villes. Maxime donna à Conan le pays qu'il venoit de conqué-
rir , & continua fa route ( a ).
On croit que les Eglifes paroiffiales de Saint-Etienne , Saint-
(d)Tci,il fe préfente une quaftion que
l'on a louvent agitée , & qui pourtant n'a pas
encore été réiolue. Quelle éloit la capitale
du Royaume de Conan & de la Bretagne,
dans les fiecles fuivants & jufqu'à nos
jours ? £toit-ce Rennes ? t toit-ce Nantes?
Il ne paroit pas que le conquérant de l'Ar-
morique ait jamais penfé à aflîgner un rang
à ces deux villes. Nous a ons vu qu'avant
d'être fournis à la domination roiHaine ,
«lies fe (îouvernoient en République. Dans
cet état d'indépendance . ni l'une ni l'autre
ne pouvoit piéienJre au titre de préémi-
nence. Réunies fous le même joug par les
Romains , illes reconnoilToient la Métro-
pole de la t.-oifieme 1. yonnaife , 6c ne te-
noient par conféquent que le rang de villes
fubalternes- Conan , devrnu maitre de la
Bretngne , ne fut pas afl'ei tranquille fur
fon Trône pour fe fixer dans une de ces
villes plutôt que dans l'autre. S'il fit fon
féjour orc^inaire à Nantes plutôt qu'à Ren-
nes , c'eft que fes affaires exigeoient fa
préfence dans cette dernière. La baiïe Bre-
tagne étoit tranquille fous fes loix, & l'autre
côté de fon Royaume n'avoit pas beaucoup
à craindre , puifque les provinces qui
loignoient TArmorique reconnurent l'em-
pire de Maxime tant qu'il vécut. C'é-
toLt donc du côté de l'Aquitaine que
Conan avoit de fortes précautions à prendre.
Ce pays, riche & peuplé, qui s'étendoit
depuis Nantes jufqu'auxfrontieresde l'Efpa-
gne , obéiffoit aux Empereurs , qui avoient
donné ordre à leurs Lieutenants de
réprimer l'audace des Bretons. La crainte
& l'ambition dévoient donc retenir Conan
à Nantes. Maxime, en le quittant, lui
avoit même ordonné d'entrer dans l'Aqui-
taine , & de pouffer fes conquêtes dans
cette partie aulfi loin qu'il le pourroit. Le
Prince Breton exécuta (es ordres, & tout
le canton , depuis la Loire jufqu'à Tiffau-
ges , fut fournis à fes loix. On ne peut
donc rien décider fur cet objet pour le
règne de Conan. Ses fuccefleurs , par le
même motif, fe fixèrent à Nantes de pré-
féreace , juf^u a ce que la Bretagne , par-
REN ij
Germain^ Se de ToufTaint, furent fondées vers la fin du qua-
trième fiecle , ou au commencement du cinquième. On prétend
qu'alors les Eglifes n'étoient point dans l'enceinte des cités,
parce qu'on craignoit que, fous prétexte d'entendre la Mefle,
des étrangers , mal-intentionnés , n'entraflent dans les villes & ne
les furprilîent. 11 n'y avoit , dit-on, dans la cité de Rennes,
d'autre Chapelle que celle de Notre-Dr.me , qui fervoit de Cathé-
drale. Les dix Paroifles, avec les Abbayes de Saint-Melaine 6c
de Saint-Georges , ont été pendant long-temps hors des murs ; &
ce n'eft que par l'agrandifl'ement de la ville qu'elles fe trouvent
aujourd'hui renfermées dans fon enceinte , comme on le verra
dans fon temps.
L'hiftoire politique & civile de Rennes ne nous offre aucuns
faits dignes de mémoire dans les quatrième , cinquième , &
tagée entre plufieurs Souverains, formât,
pour ainfi dire , autant d'Etats différents
qu'elle avoit de villes. Pendant plufieurs
fiecles , Nantes, tantôt françaife tantôt
bretonne, ne put obtenir la primauté, ni
la céder à une autre. Sous Nominoé ,
c'eft Dol qui joue le premier rôle. Cette
ville obtient le titre de Métropole ,& fon
Archevêque jouit du privilège de facrer
les Rois. Ce privilège lui fut enlevé a. ec
fon titre , & les Ducs prirent la Couronne
à Rennes. Il femble que dès -lors cette
dernière devoir être regardée comme ca-
pitale du Duché. Point du tout , diront
ceux qui favorilent la ville de Nantes.
Conclure^-vous que Rheims eft la capitale
de la France , parce que Us Rois vont s'y
faire fjcrer ? // efl vrai que les Souverains
de Breijgne prenaient la Couronne à Rennes,
maij ils fai/oient ordinairement leur fejour à
fiantes, il n'ell pas facile de réfuter ce
raironncment , & l'on peut encore re-
garder jufqu'alors la queftion comme in-
décife.
Sous les derniers Ducs de Bretagne ,
Nantes commençoit à occuper la première
place, & elle auroit infailliblement pris le
dedus fans la révolution qui urit la Bre-
tagne à la Couronne ; elle conferva même
La fupériorité fous les règnes de C harles
VIll & Louis XII. Ce dernier Monarque
parut même vouloir lui afTurer la préémi-
nence , en y Bxant la Chambre des Comp-
tes ; mais dans la fuite tout changea de face ,
& Nantes ne put que cooferver l'égalité.
Lors de rétab'.iiïement du Parlement, les
deux villes firent leurpoflible pour obtenir
cette Cour. Pour les fatisfaire , on décida
que les féances feroient partagées entr'elles.
Cet arrangement ne fubhlla pas longtemps.
Chacune des villes , voulant l'emporter fur
fa rivale, mit tout en oeuvre pour obtenir
i:n Arrêt du Confeil tavorable à (es pré-
tentions. Rennes fut favorilée, & devoit
l'être par les raifons qui fe trouvent dé-
taillées dans l'Arrêt du Conleil de 1580.
Nantes ne renonça pourtant point encore
au titre de capitale , & demanda qu'il lui
fût confirmé : elle obtint même un Arrêt
du Confeil à ce fujet ; mais le Parlement
ne l'enrégiftra qu'avec cette clau/e , fans
préjudice des droits de la viiie de Rennes, Le
Roi Henri IV , par fes lettres - patentes
données à Nantes , en 1 590, qualifie Nantes
de capitale de la province.
Cependant Nantes n'a pu conferverfon
rang : on s'eft accoutumé à regarder .Rennes
comme la capitale de la province. C'eft
dans cette ville que le Gouverneur fait fa
première entrée ; que le Commandant ré-
fide; que le Parlement tient fes féances;
que l'Intendant s'eft fixé. C'eft dans cette
ville , enfin , que les Etats de la province
s'affemblent ordinairement. Bientôt on aura
oublié jufqu'aux prétentions de la ville de
Nantes. En vain furpafl"era-t-e!le fa rivale
par fa magnificence & fes richelTes ; elle
fera plus brillante- mais moins confidérée
que celle d'où partent les loix & les rè-
glements.
14 R E N
fixieme fiecles. En ^93 , l'Eglife de Saint-Melaine fut réduite en
cendres. Salomon , Roi de Bretagne , la fit rebâtir y & cette
conftruftion l'a fait regarder, par quelques hiftoriens , comme le
fondateur de cette Abbaye. La Martiniere combat ce fentiment,,
& attribue cette fondation à Saint Paterne , Evêque du Mans.
On peut prendre un milieu entre les deux opinions. Il eft certain
que i'Evêque Paterne fit conllruire ce Monaftere ; mais il eft
douteux s'il y attacha des revenus , & s'il y plaça des Religieux.
Salomon lui donna des biens confidérables , mais on ne fçait en
quel temps les Moines de Saint-Benoît l'habitèrent. Salomon»
voulut être enterré dans cette Abbaye , dont il eft reconnu le
principal bienfaiteur. Elle a été depuis attachée à la Menfe
épifcopale , & les Evêques de Rennes en font les Abbés nés.
658. Les Français prennent Rennes, & la foumettent à la
domination du Roi Clovis.
843. Charles le Chauve, Roi de France, aflemble fon armée
à Poitiers, & vient faire le fiege de Rennes. Cette ville efi fî
bien défendue que le Monarque eit forcé d'abandonner fon en-
treprife.
874. Après la mort de Salomon, Pafquiten & Gurvand , fes
meurtriers, fe partagent la Bretagne. Pafquiten eut , pour fon
partage , Vannes & tout le pays fitué au Midi de la pro-
vince ', & Gurvand eut le Comté de Rennes. Ces deux Comtes
ne vécurent pas long-temps en bonne intelligence. Pafquiten,
gendre de Salomon , plus ambitieux que fon rival, voulant régner
feul , appella une troupe de Normands à fon fecours , entra fur
les terres du Comte de Rennes, & y commit les plus affreux
ravages. Il marche enfuite contre la ville & l'affiege. Les habi-
tants , étonnés du grand nombre des ennemis , prennent la fuite -,
il ne refte à Gurvand qu'environ mille braves difpofés à féconder
fon courage. Ils lui repréfenterent cependant qu'il n'étoit pas pof-
fible de fe foutenir contre une fi grande armée , & s'efforcèrent de
lui perfuader qu'il falloir céder aux circonflances & attendre une
meilleure occafion , & qu'il valoir mieux éviter le danger que
de s'expofer à une mort certaine , en réfiftant à une armée fi
nombreufe. Gurvand , naturellement intrépide , leur répondit que
jamais une honteufe fuite ne terniroit la gloire qu'il s'étoit acquife
dans les combats ; qu'il préféroit une mort glorieufe à la honte de
vivre dans l'ignominie & l'exil ; & que la viftoire ne dépendoit
pas toujours du nombre des combattants & de l'aveugle fortune ^
mais du Dieu des armées & du courage des foldats^ Ces braves ,,
excités.
R E N zj
excités par ce difcours , promirent à Gurvand de le fuivre & de
périr avec lui's'il le falloir. Ils firent une fortie , &: attaquèrent fî
vigoureulement l'ennemi qu'ils le mirent en fuite. Pafquiten re-
tourna dans fes Etats ; & les Normands , échappés du carnage , fe
retranchèrent dans l'Abbaye de Saint-Melaine , d'où ils n'olerent
fortir qu'à la faveur de la nuit , pour fe retirer en Heu de fureté.
Raoul, Chef des Normands, avoit époufé la fille du Roi de
France , qui lui avoit donné la Neuflrie & la fouveraineté de la
Bretagne. Ce dernier don devoit paroître d'autant plus fîngulier,
que les Rois de France ne jouifToient de cette fouveraineté qu'au-
tant qu'ils pouvoient contraindre ( a ) , par la force des armes ,
les Bretons à la reconnoitre. Mais le Roi qui vouloit s'attacher
l'étranger , 6c qui d'ailleurs étoit bien aife de mettre de la divi-»
fion entre deux peuples redoutables, confidéra moins la juflice
que fes intérêts en cette occafion. Le Duc Normand ne fut pas
plutôt établi dans le pays qui lui avoit été afligné , qu'il fomma
les Comtes de Bretagne de venir lui rendre hommage. Ils n'é-
coutèrent cette fommation qu'avec colère , & y répondirent avec
indignation. Raoul entre en Bretagne en 910, &, par des fuc-
cès multipliés , force Berenger , Comte de Rennes , à lui faire
hommage. Cet a6le de foumiffion déplut entièrement au peuple j
mais la Bretagne , trop foible pour repouffer les efforts de fon
ennemi , fut obHgée de plier. Dans la fuite , les Bretons ne vou-
lurent point acquiefcer aux prétentions injuites des Normands,
Fiers de leur liberté , ils bravèrent à la fois les Rois de France
& les Ducs de Normandie. Les hiftoriens de la nation , refpec-
tant les préjugés du peuple , ont quelquefois palIé fous filence
les humiliations auxquelles la force des armes & la néceffiré
força les Princes Bretons de fe foumettre. Par exemple , quel-
ques-uns ont prétendu que les Ducs de Bretagne n'ont jamais
rendu hommage aux Ducs Normands. Pour conferver l'honneur
de la nation, il ne s'agiffoit pas de taire une vérité reconnue»
Comme ce n'efl pas la force qui fait le droit , il falloit exa-
miner fi les prétentions des Normands étoient fondées , & en dé-
montrer rinjuflice ; ce qui ne paroît pas difficile. Si Pierre de
Dreux & fes fucceffeurs fe font fournis à faire hommage au Roi
de France , par devoir ou par intérêt de fe conferver la pro-
ie6lion de cette Couronne ; c'eft ce que je n'entreprendrai pas de
(a) DiiïertaiioQ fur le Uroii légitime»
Tome IK, D
i5 R E N
démontrer , d'autant plus que cette queflion eft très-indifFérente
aujourd'hui , puifque la province a le bonheur d'être unie à la
Couronne : je ne fuis entré dans ce détail que pour prouver
la mauvaife foi des auteurs Bretons au fujet de l'hommage rendu
au Duc de Normandie.
1007. Les Bourgeois de Rennes accordent le droit de Bouteil-
lage aux Chanoines de leur Eglife Cathédrale. Le Duc Geoffroi
ratifie cet afte de piété , dans la même Eglife , en préfence de
la Ducheffe & des Barons.
1020. AfTemblée des Evêques de Bretagne : on ne fçait dans
quel lieu. Les Prélats approuvent le rétabhfïement des Monafteres de
Saint-Gildas de Rhuis , de Lominé , & de Saint-Georges de Rennes.
La première Abbeffe de cette Maifon fut la fœur d'Alain, Duc
de Bretagne , qui dota l'Abbaye. Le premier terrein qu'il donna
étoit un champ qui , quoique petit , dit l'afte de concefTion ,
n'étoit pas à méprifer : il renfermoit des vignes abondantes , des
prairies arrofées par une rivière poifTonneuié , & deux moulins.
Ce champ touchoit , du côté du Nord , au chemin public ; du
côté du Midi , à la Vilaine ; du côté de l'Orient , à Saint-Me-
laine ; & du côté de l'Occident , aux fauxbourgs de la ville.
Le Duc leur donna, en outre, le village nommé Taiteniac^ avec
fon Eglife , fes biens préfents & à venir , & exempta de toute
impoiition les domaines de ces Rehgieufes, préfents &: futurs,
& leur permit , dans tous les lieux de fa domination , d'acheter
& de vendre toutes les marchandifes qu'elles voudroient , 6cc.
Sur la fin de l'acte , le Duc enjoint aux Evêques de Bretagne d'ex-
communier le premier audacieux qui ofera violer ou attenter aux
droits ci-defTus accordés. Cette pièce efl fignée du Duc Alain ; de
Junkeneus , Archevêque de Dol \ & de tous les Evêques de
Bretagne. L'Eghfe du Couvent de Saint-Georges fut bâtie fur les
ruines d'un ancien temple , dont on apperçoit encore quelques
veftiges, qui ont été adaptés à cette Eglife ; elle forme une des
Paroiffes de la ville. L'Abbaye de Saint-Georges ell le Monafliere
le plus célèbre & le plus diftingué de la province. On n'y
reçoit que des filles de condition noble , quoiqu'il n'y ait
aucune conftitution pour fondement de cet ufage , qui s'obferve
plus réguhérement que beaucoup de loix folemnelles. L'illuftre
naifTance d'Adelle de Bretagne, fœur du Duc Alain III, qui fut
la première Abbeffe de ce Couvent, où elle vécut avec des
Demoifelles du premier rang , a été le motif de Fexaftitude
qu'on apporte à n'admettre dans cette Communauté que des
R E N xj
perfonnes de la première diftinftion. Parmi les Religieufes de
cette Maifon , on compte phifieurs PrincefTes 5 & les plus an-
ciennes familles de la province fe font toujours fait honneur d'y
confacrer à Dieu des Dames de leur maifon. C'eft de là , fans
doute , que font venues les richeffes immenfes de cette Abbaye.
On fçait qu'autrefois , pour prendre le voile comme pour porter
le capuchon , il falloit faire des donations confidérables aux Mo-
nafleres dans lefquels on entroit. Plus on ctoit riche , plus on
exigeoit ; & il n'eft pas étonnant qu'une Communauté qui n'ad-
mettoit que les filles de grands Seigneurs , ait trouve le moyen
de fe faire des revenus prodigieux.
Le Prieuré de Saint-Cyr , litué à l'extrémité du fauxbourg
l'Evêque , fut fondé , vers l'an 1037 , par le Duc Alain III , qui
prit, à ce fujet, l'avis de plufieurs Abbés, & particulièrement
de Richard , Abbé de Saint- Julien , qui fe tranfporta fur les lieux,
& convint avec le Duc de faire habiter ce nouveau Monailere
par des ReUgieux de {q\\ Ordre , dépendants de fon Abbaye.
Alain, toujours porté à favorifer les Moines, donna, en 1039 ,
le dixième de la Seigneurie de Rennes à l'Abbaye de Saint-Me-
laine, comme nous l'apprend un cartulaire de cette Maifon. Il
fit en même temps frapper des fols & des deniers d'argent à
Rennes.
1055. GeoiFroi le Bâtard, Comte de Rennes, & Berthe de
Dol , fon époufe , font rétabHr l'Abbaye de Saint-Melaine , qui
avoit été ruinée par les malheurs de la guerre , & la donnent
à Even, Moine de Saint-Florent de Saumur, qui prit le titre
d'Abbé.
Eudon , Comte de Penthievre , tuteur de Conan II , fait frapper
des deniers &: des fols Rennois , avec une efpece de mon-
noie appcUée Popelicans ou Popelicains. Le 11 Septembre 1066,
le Duc Conan meurt en commençant la guerre contre le Duc
de Normandie : fon corps eft transféré à Rennes ", & porté par
les quatre Barons de Bretagne dans l'Eglife de Saint-Melaine,
où il eft enterré. Berthe , Comteffe de Blois , n-iere de ce jeune
Prmce , donne aux Chanoines de l'Eglife Cathédrale de Rennes,
pour prier Dieu pour lui, le tiers des pâturages qu'il pofTédoit
dans la forêt de Mon-Mohon. Even, Abbé de Saint-Melaine, fe
rend recominandable par la plus fage conduite. Son Abbaye ,
qui ci-devant ne pouvoit nourrir que quelques Religieux , eft
rétabhe dans fa première fplendciu: i fcs revenus font augmen-
tés, & fourmfTent aux befoms de cent Moines. L'Archevêquje
î8 R E N
de Tours affemble , en 1 079 , un Concile à Rennes , où fe trouve
le Duc Hoël. Cette aflemblée décide , « qu'un homme , à qui
» Ton a impofé une pénitence publique ou fecrette pour l'expia-
» tion de quelques grands crimes , ne peut , en fureté de conf-
» cience , ni s'appliquer au Commerce , ni porter les armes , à
» moins que cenefoit pour la défenfe de l'Ègliie , de la patrie,
» ou des pauvres. » En 1080, le Duc Geoffroi donne à l'Ab-
baye de Saint -Georges une prairie lituée fur les bords de la
Vilaine , qui , depuis ce temps , a pris le nom de prairie de
Saint-Georges. Au commencement de l'année 1084, le même
Prince cède à Sylveftre de la Guerche Evêque de Rennes,
fon droit de haute-Juftice autour de l'Eglife Cathédrale , du faux-
bourg l'Evêque , & dans la Paroiffe de Bruz j & (qs fucceffeurs
en ont joui jufqu'aujourd'hui.
1084. Hoël II, Duc de Bretagne, meurt le 13 Avril. Alain
IV , fon fils & fon fucceffeur , veut aller prendre la Couronne
à Rennes. Geoffroi, fon oncle. Comte de cette ville, lui en
refufe l'entrée. Ce procédé irrite le jeune Duc , qui vient affiéger
cette place , la prend d'affaut , & Geoffroi n'a que le temps de
fe déguifer pour fe dérober à la colère de fon neveu. Le Prmce,
fugitif, s'enferme dans le château de la Guerche , a huit lieues
trois quarts de Rennes. Alain fe fait couronner, & envoie contre
la Guerche une armée qui prend prifonnier fon oncle , qui , deux
ans après , meurt dans fon exil à Quimper. L'année fuivante
1085 , Alain époufe à Caen Conffance , fille de Guillaume le
Conquérant , Roi d'Angleterre. L'arrivée de ces deux époux à
Rennes eff célébrée par des fêtes & des réjouiffances. La Prin-
ceiîe meurt en 1090, fans pofférité , & ell enterrée dans l'Eglife
de Saint-Melaine. En TI19, l'Abbé & les Moines de Saint-Me-
laine font excommuniés , on ne fçait pour quelle raifon ; & le
Pape charge l'Evêque Marbodus de bien faire garder l'excom-
munication.
Le Duc Alain IV , revenant de la Terre-Sainte , où il avoit
été accompagné par un grand nombre de Seigneurs Bretons ,
trouve fon Duché rempli de défordres. Pendant, fon abfence, les
Grands avoient vexé le peuple , & la Juffice n'avoit point été
adminiffrée. Pour remédier à tous ces maux & en tarir la fource ,
il établit un Siège de Judicature à Rennes, y crée un Sénéchal,
& foumet à fon Tribunal tout le refte de la Bretagne , à l'ex-
ception du Comté de Nantes. Toutes les caufes dévoient reffortir
devant ce premier Tribunal , par contredit , qui étoit une forme
R E N ' . , *9
-de réclamation de jugement ou d'appel. Rennes eu affligée de
la difette en 1126. Les habitants écrivent au Duc Conan le
Gros & à la DuchefTe, fa mère , leur peignent leur fituation
malheureufe, leur défefpoir , & leur demandent des fecours.
Deux ans après, cette ville infortunée eft réduite en cendres. Le
Duc Conan a la douleur d'être témoin de ce trifte fpeftacle. On
continue toujours de battre monnoie à Rennes , & le Duc con-
firme, en II 39 & II 58, à l'Abbaye de Saint-Melaine , le don
que lui a voit fait, en 1039, le Duc Alain III, du dixième des
monnoies quife faifoient dans cette ville. Ce Prince haulTe , environ
le même temps , le prix des monnoies. Cette augmentation de
valeur idéale a des fuites fâcheufes. Le peuple de Rennes écrit
au Duc que ce changement a fait augmenter les denrées , qui
étoient déjà trop chères , & que les pauvres font réduits au
défefpoir; il finit par le iuppUer de rétablir les choies fur l'an-
cien pied. L'expérience a prouvé que les révolutions dans le
prix des monnoies, étoient toujours défavantageufes.
II 40. Ermengarde d'Anjou, veuve du Duc Alain III, fonde
le Prieuré de Saint-Michel , & fait bâtir, auprès de fon château,
une petite Chapelle fur une tour appellée la' Tour-au- Comte., où
font maintenant les prifons. La porte de Saint-Michel s'appelloit alors
la porte C hôtelière. L'année fuivante , le Duc Conan fait venir un
Rehgieux de l'Abbaye de la Roë, dans l'Anjou, pour delTervir
cette Chapelle, & fonde lui-même la Chapelle de Saint-La-
zare , qu'il donne à la même Abbaye , avec tous les revenus
attribués au Chapelain. La Chapelle de la Magdeleine , dans le
fauxbourg de ce nom , date de la même époque , & reconnoît
le même fondateur. Le fimxbourg de la Magdeleine ne porte
ce nom que depuis 1 400 ; il fe nommoit auparavant le faux^
bourg du Lazare,
Alain , furnommé le Noir , Seigneur de la Rochederien &
Comte de Richemont , fils cadet du Comte de Penthievre , époufe
Berthe , fille du Duc Conan III. Il a de fon mariage un fils ,
nommé Conan, & deux filles; & meurt le 30 Mars 11 46,
Berthe , fon époufe , prend , en fécondes noces , Eudes II du
nom , Vicomte de Porhoèt , à qui elle porte le Duché de Bre-
tagne après la mort de Conan III , fon père , arrivée l'an 1 1 48.
Conan , fils d'Alain , étoit pafTé en Angleterre. Après la mort
de fa mère, il demande du fecours au Roi d'Angleterre pour
chalTer de fon Trône le Vicomte de Porhoët , fon beau-pcre ,
qui l'occupoit injuflement. Le Monarque Anglais fe rend à fa
30 REN
prière, & Conan repafTe en Bretagne l'an 115 5 ou 11 5(5. Les
Bretons de ion parti fe joignent à lui & prennent quelques
places. Conan met le fiege devant Rennes , eft battu & forcé
de retourner en Angleterre. Il foilicite & obtient de nouveaux
fecours_, repafle la mer, &, plus heureux que la première fois ,
il fe rend maître de la ville , & met Eudon dans les fers.
D'Argentré dit que cette ville étoit alors fort étendue & bien
fermée. Je le crois , quant au fécond point ; mais, quant au pre-
mier , il paroît qu'il fe trompe , li l'on en juge par l'enceinte
de cette ancienne cité.
Au mois de Mai 1169, & non 115 5, comme le prétend
d'Argentré , Geoffroi d'Angleterre , fils du Roi Henri II , époufe
Confiance de Bretagne , fille du Duc Conan IV , & vient avec fou
époufe & le Roi , fon père , à Rennes , où ils font tous magni-
fiquement reçus par l'Evêque & le Clergé. Geoffroi eft reconnu
Duc de Bretagne , & prend» poffefîion de ce Duché dans cette
ville. Conan IV fe voit ainii dépouiller de fa Couronne fans
ofer proférer la moindre plainte , & le Monarque Anglais gou-
verne la Bretagne , au nom de fon fils , depuis 1 1 69 jufqu'en
II 82, que le jeune Prince, parvenu à l'âge de majorité , prend
lui-même les rênes de fes Etats.
II 76. Synode provincial , alïemblé à Rennes par l'Archevêque
de Tours : on ignore les aftes de ce Concile. L'an 1 1 80 , l'E-
vêque Philippe fait commencer la démolition de fon Églife
Cathédrale qui menaçoit ruine , & la fait rebâtir dans le même
lieu , mais fur un plan nouveau. Un hillorien de Bretagne dit
que ce Prélat n'avoit point d'argent pour cette enîreprife ^ mais
que , perfuadé qu'il trouveroit un tréfor dans la démolition de
l'édifice ancien , il n héfita point à commencer l'exécution de
fon projet. Il ne fut pas trompé dans fon efpérance : il trouva,
félon le même auteur , autant d'argent qu'il en falloit pour la
confeftion de l'ouvrage.
II 82. Geoffroi d Angleterre , Duc de Bretagne , âgé de vingt-
un ans , prend en main le gouvernement de lés Etats. Son père
veut le forcer à rendre en même temps hommage à Henri , fon
frère aîné , Roi d'Angleterre & Duc de Normandie , & au Roi
de France Louis le Jeune. Le Duc & les Seigneurs refufent
nettement d'obéir. Henri , outré de ce refus , envoie en Bre~
tagne une armée , qui prend Rennes & met cette ville à feu &
à iang. Geoffroi accourt à fon fecours , mais trop tardj il ne
lui refte que la coiifolatioa de réparer les, ruines de cette ville
R EN ji
faccagée. Il y afTemble fes Etats en 1185, ^ 7 P^"^^ ^^
fameule loi concernant le partage des fiefs de Baronnie & de
Chevalerie entre aînés & cadets nobles. Cette Ordonnance efl
encore appellée l'ajjife du Comte GeoffroL ( Voyez le tome
premier, page cxvij. )
Les Moines de Saint -Melaine , à la mort de leur Abbé,
avoient coutume de choifîr Ion fiiccelTeur parmi les Religieux
du Couvent de Saum.ur, lorfqu'il ne fe trouvoit perfonne parmi
eux capable d'occuper cette place. L'Abbé étant mort l'an
II 84 ou 1 185 , ils procédèrent à l ele6lion , & nommèrent un
des leurs. Le Duc Geoiiroi , apparemment fâché de n'avoir pas
été appelle au Chapitre , ou confulté fur le choix , fit enlever
l'élu , & traita les Moines avec la dernière rigueur. L'Abbé ,
pour appaifer le Prince , fe démit de fa place , & les Pveligieux
de Saint-Melaine jetterent les yeux fur un fujet du Couvent de
Saumur. Cette éleélion ne fut pas plus du goût de Geoffroi
que la première. Ce Prince nomma un Moine d'une autre
Maifon , & le mit , par force , en pofîeffion de fa place. Une
conduite fi oppofée aux principes de l'Eglife , fit fuir prefque
tous les Bénédidins de Saint-Melaine. Ils fe retirèrent à Saumur,
& inftruifirent le Pape de ce qui fe pafibit. Le Pontife écrivit
fur le champ à FEvêque d'Angers, à l'élu de Nantes , & à
l'Abbé de Thouars , &: les chargea de fe rendre à Saint-Me-
laine , de choifir éanoniquement un fujet , & de l'établir
Abbé de cette Maifon , en vertu du pouvoir qu'il leur donne ,
malgré les Moines eux-mêmes, s'ils ofoient s'y oppofer. On ne
fçait point la fuite de cette affaire; mais il eft à croire que
les ordres du Pape furent exécutés. L'an 1194 , la DuchefTe
Confiance accorda à l'Abbaye de Saint-Melaine le droit de
faire rendre la jultice à fes vafiaux j elle ne fe réferva que le
droit de glaive.
Pierre de Dinan , Evêque de Rennes , établit quatre Cha-
noines-Réguhers dans fon Eglife Cathédrale , & leur affigne des
fonds & des revenus pour leur fubfiftance , à la charge d'y
afllfter , comme les autres Chapelains , à toutes Heures cano-
niales, & d'y célébrer la MelTe.
Les Chapellenies de Saint-Michel & de Saint-Lazare, fondées
par la Duchefie Ermengarde & le Duc Conan III , ayant été
données au Chapitre de la Cathédrale, furent réunies , pour être
defiervies dans la fuite par un feul Religieux de l'Abbaye de
la Roë , qui devoit fervir de Chapelain dans la Cathédrale. Les
32. ï^EN
Moines & le Chapitre convinrent & décidèrent , « que le R-eligieur
» leroit nommé & choifi par le Chapitre ; qu'il aflifteroit à toutes
» les Heures canoniales dans la Cathédrale ; qu'on lui afligneroit un
» autel particulier pour dire la MelTe ; & , qu'au cas que , forcé.
» d'aller la célébrer dans la Tour-au-Comte , il ne pût la dire dans
» la Cathédrale , il feroit tenu de la faire acquitter par un Prêtre
» féculier. » On fit plufîeurs autres arrangements pour établir
une parfaite union entre l'Evêque , les Chanoines , les Chape-
lains , & les Moines , non-feulement pour ce qui concernoit le
fpirituel , mais même encore le temporel ; & le tout fut approuvé
par l'Evêque Pierre de Dinan, l'an 1206. L'original efl aux ar-
chives du Chapitre , avec plufieurs pièces de procédures pour
faire exécuter le règlement ; mais on n'a pu jufqu'ici y réuffir..
Les Moines ne font point de réfidence , & n'ont point dit la
Meffe qu'ils doivent tous les jours , depuis l'année 1656.
L'Abbaye de Rillé fourniffoit d'abord & afïez exaftement quatre
Chapelains à l'Eglife Cathédrale de Rennes ^mais fans aucune obli-
gation. Le Chapitre , par reconnoiflance , donna à ces Chapelains
la Chapelle de Saint-Denis , {ituée fur fon fief, avec fes dépen-
dances , quelques maifons pour fe loger , & autres revenus pour
leur fubfiftance. Ces Rehgieux , dégoûtés dé leurs occupations 5
fe retirèrent , fous divers prétextes, dans leur Abbaye. Le Cha-
pitre , voyant que l'Abbé favonfoit cette évafion , fans les obliger
à renoncer aux revenus & aux domaines qu'on leur avoir aiîi-
gnés , fe pourvut contre eux en Jullice. Après de longues procé-
dures, on confentit enfin à un accommodement, qui fut propofé
par les Moines. On convint , que l'Abbaye ne fourniroit pas au-
tant de Moines que par le paflé ; qu'au lieu de vingt livres qu'on
payoit ci-devant au Prieur , il n'auroit que vingt fols , le relte
demeurant au Chapitre ; que la Cure feroit préfentée par le
Prieur , qui feroit tenu à réfider & affifter exa^lement aux Offices
de jour 6c de nuit, & à dire ou faire dire , félon la coutume,
la MefTe à l'autel de Saint André. Cet accommodement fut ac-
cepté & ratifié , en 1 3 5 1 , par les parties ; mais les conventions
n'ont point été rempUes. Les Prieurs ont perçu les revenus fans
acquitter les charges , malgré les fentences & jugements obtenus
contre eux. Les originaux font aux archives du Chapitre : ils prou-
vent l'injuitice & la mauvaife foi des Moines, qui , depuis 165(5,
n'ont célébré aucune des Meffes qu'ils doivent tous les jours.
1210. L'Archevêque de Tours alTemble un Concile à Rennes.
On y termine la conteflation entre l'Evêque de Quimper &
Gui
R E N 3j
Gui de Thouars , Duc de Bretagne , au fujet du château que ce
dernier avoit fait bâtir contre les murs de Quimper. Le Prince,
qui avoit été excommunié , reconnoît Tes torts , fait démolir la
maifon, & en donne tous les matériaux au Prélat.
121 5. Pierre de Dreux, Duc de Bretagne, par fon ma-
riage avec Alix , héritière de ce Duché , va prendre la Cou-
ronne à Rennes. Pierre de Fougères , ci-devant Chancelier du
Duc Artur , alors Evêque de ce diocefe , fait la cérémonie
du couronnement , que nous allons détailler ici pour la fatis-
fa6lion des leéleurs.
Les Ducs fe préfentoient à la porte Mordelaife , & , avant
d*entrer , ils juroient de conferver la Foi Catholique , de pro-
téger l'Eglife de Bretagne , de défendre fes libertés , de gouverner
fagement fon peuple , & de lui rendre une exafte juftice. Ils
entroient enfuite dans la ville , & pafToient le jour & la nuit
devant l'autel de la Cathédrale , jufqu'après les Matines du len-
demain. Après les Vêpres & les Comphes , le Prince fe rendoit
à fon logis & s'y repofoit. Avant la Grand'Mefle du jour fui-
vant , on alloit proceiïlonnellement le chercher. Il fortoit de fa
chambre à l'arrivée de la proceflion ; & l'Evêque , en habit
pontifical , récitoit les prières d'ufage. Deux autres Evêques ,
aufli en habit de chœur , fe plaçoient à droite & à gauche du
Prince, & l'on retournoit à l'Eglife : les Barons & le peuple
fuivoient. On faifoit deux ftations , l'une à la porte de l'Eglife ,
l'autre à l'entrée du chœur, A ce dernier endroit , on donnoit à
deux Chanoines l'épée & le cercle Ducal, & l'on entroit dans le
chœur , que l'on avoit eu foin d'orner magnifiquement. Le Duc
étoit conduit par les Evêques jufqu'au maître-autel , où il fe
mettoit à genoux fur fon prie-Dieu. L'Evêque de Rennes fe pla-
çoit à fes côtés fur un autre prie-Dieu , & commençoit l'hymne
Veni , Creator^ après laquelle on chantoit les Litanies des Saints,
& on demandoit la bénédiftion du Ciel pour le Duc.
Pendant ces difTérentes prières , le plus ancien des Chanoines ,
au côté droit de l'autel , tenoit à la main l'épée nue j & un autre
Chanoine , au côté gauche , tenoit le cercle Ducal. Toutes les
Oraifons finies , le Chanoine donnoit l'épée à l'Evêque , qui
la béniffoit , & la préfentoit au Duc , en lui difant , à voix
moyenne : On vous donne cette épée au nom de Monfeigneur Saint
Pierre , comme on L'a donnée aux Rois & Ducs , vos prédécejfeurs ,
en Jîgne de Jufiice , pour défendre l'Eglife Ù le peuple qui vous
ç[i commis , en Prince équitabU^ Dieu veuille que ce foit par ceue
Tome IF. E
34 R E N
manière que vous en puijjie':^ rendre vrai compte au jour du jugement ,
au fauvemem de vous & dudit peuple»
Le Prélat lui ceignoit enfuite 1 epée , & lui pofoit le cercle
Ducal fur la tête , en difant : On vous baille , au nom de Dieu
& de Monfeigneur Saint Pierre , ce cercle qui déjigne que vous
receve^ votre puijfance de Dieu y le Tout-puijfant , puifqu étant rond y ~
il n'a ni fin m commencement. Ce Dieu vous réjerve une couronne
plus durable daîis le Ciel , fi vous remplijfe:^ vos devoirs , en con-
tribuant , par vos foins , à l'exaltation de la Foi ^& à la tranquillité
de V Egiife & de vos Jujets,
Après cette cérémonie , le Duc montoit à l'autel , & faifoit
le ferment ordinaire , en la forme qui fuit : Vous jurei à Dieu ,
difoit TEvêque , & à Monfeigneur Saint Pierre , fur les faints
Evangiles & les faintes Reliques qui font ici , que vous con-
ferverez les libertés, franchifes , immunités , & coutumes de
l'Eglife de Rennes \ que vous ne ferez aucun tort , aucune in-
juliice, ni à nous , ni à vos autres fujets; & que vous ferez
rendre la juftice félon votre pouvoir. Le Duc mettoit la main
fur l'autel, & répondoit , Amen. Il retournoit enfuite à fon prie-
Dieu , & l'Evêque , après quelques Oraifons , commençoit le
Te Deum ; après quoi , on faifoit une autre proceffion à la-
quelle alTiftoit le Duc , l'épée à la main^ De retour à l'autel ,
on la mettoit dans le fourreau, & on la donnoit au Maréchal,
qui la tenoit pendant la Meiïe. Tandis que le Prélat étoit à s'ha-
biller , le Duc recevoit l'hommage de fes Barons , & affiftoit
enfuite à la Melie du Saint- Efpnt qu'on céiébroit fur le champ.
1222. Le Chapitre de Tours demande à Pierre de Fougères,
Evêque de Rennes , la permilîion de faire une quête dans fon
diocefe pour les malheureux ruinés par la guerre. Après la mort
de celui-ci, Jofîèlin de Montauban , fon fuccefTeur , voulant
avoir dans fa Cathédrale deux Religieux de l'Abbaye de Saint-
Jacques de Montfort , donna à cette Maifon l'Eglife paroifîiale
du bourg des Comptes , avec tous les revenus qui en dépen-
doient. Le devoir de ces Religieux étoit de fervir au chœur de
l'Eglife Cathédrale , & d'y aliifter à tous les Offices. L'afte fut
drefîe & arrêté dans un Chapitre général , tenu le lendemain de
la Chandeleur. Trois ans après , la fondation fut augmentée
d'une Chapellenie nouvellement dorée par Guillaume Berenger,
Chanoine & Scholaftique de Rennes , pour le fonds de laquelle
les Moines de Saint- Jacques de Montfort donnèrent les deux tiers
des dîmes qui leur appartenoient dans la FaroifTe de Lang;.in,
R E N }^
au diocefe de Dol. Les deux Moines appelles troîîv ans après
pour le fervice de la Cathédrale , furent donc chargés de deC-
fervir cette Chapelle , moyennant les dîmes de Langan , dont
leurs fuccefTeurs ont joui jufqu'à préfent.
Les Prieurs de Saint-Mauran ont réfidé aflez exaftement dans
ces derniers temps ; mais ils n'ont rendu aucun fervice au chœur ,
& n'ont acquitté aucune Meffe depuis 1656. Ils ne doivent que
quatre Meffes par femaine , comme nous l'apprenons d'une fen-
tence de l'Officialité de Rennes, rendue dès l'année 1401. Cette
pièce , qui condamne le Prieur de ce temps à célébrer ou faire
célébrer quatre Melîes par femaine à l'autel de Saint-Jacques ,
dnns la Cathédrale , prouve que ce n'eft pas d'aujourd'hui que les
fondations ne font point acquittées.
123 I. Adam, Chanoine & Tréforier du Chapitre de Rennes,
fonde , dans fa Cathédrale , une Chapellenie ; pour le fonds de
laquelle il donne fa bibHotheque , qui étoit coniidérable pour le
temps. Les Rehgieux de l'Abbaye de Paimpont, au diocefe de
Saint-Malo , demandèrent cette bibUotheque , qui leur fut accor-
dée aux conditions fuivantes : 1°. de fournir un de leurs Reli-
gieux , qui feroit tenu de célébrer tous les jours la Méfie , Se
d'afiiller de jour & de nuit aux Heures canoniales. 2^. De lui
afligner un revenu fur & fuffifant pour fa fubfiftance. 3*^. De
ne point le révoquer , fi ce n'eft pour quelques excès j & , en
ce cas , d'en envoyer un autre , au choix du Chapitre. En con-
féquence , l'Abbé & les Moines de Paimpont offrirent trente quar-
tiers de bled à prendre fur les dîmes qui leur appartenoient dans
la Paroifie de Meffac. Ces trente quartiers produifent maintenant
quatre cents boifieaux , qui valent , année commune , environ,
huit cents livres de revenu. En 1237, on défîgna au Prieur la
petite Chapelle de Saint-Martin , qui fubfifte encore près l'Hôtel
de Ville , pour y célébrer la Méfie. Le tout fut approuvé & ra-
tifié par les Rehgieux de Paimpont , qui reconnurent avoir été
faifis de la bibliothèque. Quand la Chapelle de Saint-Martin ne
fut plus en état, on donna au Prieur la liberté de la célébrer
à l'un des autels de la Cathédrale, Un de fes fuccefieurs s'étant
enfuite plaint que la maifon de fon Prieuré étoit fi mauvaife ,
faute de réparations , qu'il ne pouvoit y féjourner plus long-temps
fans rifquer de perdre la vie , Bertrand de Marillac , alors Evéque
de Rennes , & fon Chapitre , ajoutèrent à la fondation, en 1 568,
la Chapellenie de Dom Raoul Hurel , chargée d'une Melle au
jour de lundi ^ & la mailbn qui lui cfl affeÛée vaut encore au
36 R E N
Prieur trois cents livres de revenu en logements : il s efl trouvé
chargé de huit Mefles par femaine en acquit des deux fondations.
Le tout eft conftaté par aftes dépofés aux archives du Chapitre.
Wais , malgré tous les bienfaits des Evêques & des Chanoines,
les Prieurs n'ont d'autre foin que celui de percevoir les revenus,
fans fe foucier d'acquitter les fondations auxquelles ils font tenus.
Le Chapitre , ennuyé de l'ingratitude des Moines & de leur mau-
vaife foi, s'en plaignit en JulHce , l'an 159^. Le Préfidial & le
Parlement les condamnèrent fuccefîivement à faire réiidence &
à afliiler à l'un des pupitres du chœur j &, en cas de refus,
ils autoriferent les Chanoines à faifir les revenus du Prieuré. Ces
jugements n'ont point été exécutés. Frère du Breil , pourvu de
ce Prieuré en l'an 1 7 1 9 , a bien fait réfîdence dans la ville
pendant dix ans ; mais il n'a point affifté au chœur , & par con-
féquent n'a point rempli fon devoir. Le Chapitre , voulant pour-
fuivre l'affaire , fe mit en devoir de faire faifir les revenus des
Prieurés. Les Prieurs , voyant cette façon d'agir , fe joignirent
tous enfemble , & prétendirent qu'étant Chanoines-Réguhers ils
dévoient avoir le rang & le pas, immédiatement après les Cha-
noines , devant les Semi-prébendés & le bas-chœur.
1237. Pierre de Dreux, Duc de Bretagne, fait creufer de
nouveaux foffés autour de la ville : ils font connus , dans les
anciens titres, fous le nom de Fojps-Gahier -, ils s'étend oient d'un
côté jufqu'aux mouHns du fauxbourg l'Evêque , & de l'autre côté
jufqu'au puits ou fontaine de Beaumont. C'eft ce que nous ap-
prend la réformation de l'année 144 5, qui dit, que le Duc pof-
lédoit des fonds près la Verrerie , fous le nom de Fojfés-Gakier,
Cette même année 1237, Pierre de Dreux affemble fes Etats à
Rennes , & abdique la Couronne en faveur de Jean I , dit le
Roux , fon fîis , qui eft reconnu fur le champ Duc de Bretagne
par l'affemblée. Le Prince va tout de fuite rendre hommage
de fon Duché au Roi , & revient à Rennes , où il fait fon
entrée , & fe fait couronner par l'Evêque Jean Gicquel , le 1 8
Novembre.
Les Abbé & Moines de Saint-Melaine avoient juré de ne point
donner leurs Bénéfices à des Prêtres féculiers -, fans doute , parce
qu'ils penfoient pouvoir les deffervir eux-mêmes. Dans la fuite,
ils fe repentirent de leur ferment , &: ils auroient bien voulu le
faire annuller. Ils firent part de leur embarras au Légat du
Pape , qui donna commifîlon à l'Evêque de Rennes de les re-
lever de leur ferment j ce qu'ils firent l'an 1243. A la même
REN 57
époque , Geoffroi de Pouencé & Geoffroi de la Guerche fondè-
rent, dans la Cathédrale, la Chapellenie de Saint - Martin. Le
Prieur de Saint-Martin de Rennes , Chanoine-Régulier de l'Abbaye
de Paimpont , fut chargé de la deffervir dans la Cathédrale. Les
Evéques de Rennes 8l de Saint-Malo foufcrivirent à cette fon-
dation.
1265. L'Evêque Maurice de Treziguidi cite le Duc de Bre-
tagne à la Cour du Roi de France , pour y répondre aux plaintes
qu'il portoit contre lui. Le Prince ne veut point fe foumettre à
cet ajournement , & fe contente d'écrire au Roi que , s'il ell né-
cefTaire qu'il plaide à fa Cour, il va citer l'Evêque à y com-
paroître , pour lui faire raifon des entreprifes continuelles qu'il
formoit fur fa Jurifdiftion. Le Prélat eft obligé d'en relier là.
1273. Le 22 Mai, fe fait l'ouverture du Concile affemblé à
Rennes , par Jean de Montforeau , Archevêque de Tours. Il nous
rerte fept Canons de ce Synode provincial. Le premier porte
excommunication contre celui qui frappera un Evêque, un Abbé,
ou une Abbeffe , & le déclare , s'il efl Clerc , privé de fes Béné-
fices & inhabile à en pofTéder de nouveaux ; & , s'il efl Laïque,
incapable , lui & fa pollérité jufqu'à la troifieme génération , de
recevoir la Tonfure. Le fécond veut que , puifque les biens des
Eccléfîalliques font le patrimoine des pauvres , & leur maifon com-
mune à tout le monde , les Gens d'Eglife doivent leur donner
tout leur fuperflu, & qu'une conduite contraire efl une ufurpa-
tion damnable. Il ajoute qu'on ne peut légitimement affermer
une Eglife paroifTiale , fans laifTer au fermier une portion fuffi-
fante pour exercer l'hofpitalité. Le troifieme & le quatrième font
l'explication de ce dernier : ils enjoignent aux Êccléfîafliques
d'exercer l'hofpitalité , de recevoir les pauvres dans leurs maifons,
de les confoler, & de loger les paffants.
1286. Les archives du château de Nantes confervent un con-
trat de cette année , qui porte que Hamon de Plumaugat vendit
au Duc Jean I une rente de quarante-cinq livres monnoie fur la
cohue de Rennes , que le Sieur de Plumaugat avoit achetée de
Raoul de Montfort. Cette rente coûta au Duc une fomme de
fix cents foixante-quinze livres.
Les Evêques de Rennes & de Dol étoient exempts de fuivre
en perfonne le Duc à la guerre -, mais ils étoient obligés d y faire
marcher leurs vaffaux. En 1294, le Duc , ayant alfemblé fon
armée , les hommes du fief de l'Evêque de Rennes y furent en-
voyés, à l'exception pourtant du Camérier, du Muletier, du
58 REN
Boulanger, & du Fournier du Prélat, qui en étoîent exempta*
En 1303, l'Evêque Egide fe ibumet à faire ferment de fidélité
au Duc , & à le reconnoître pour fon Souverain. L'Eglife com-
mençoit à abandonner fes prétentions ridicules , & les Princes
étoient réfolus de" brifer une idole qu^ils avoient trop long--
temps révérée. En 1315, pendant les Etats aflemblés à Ren-
nes , les Prélats Bretons reconnoiffent publiquement le Duc
pour le garde naturel & légitime de leur Eglife , & avouent
qu'en cette qualité il a le droit de percevoir les fruits & re-
venus des Evêchés vacants. Ils reconnoiffent de plus , que leurs
Jurifdiftions doivent reffortir au Parlement du Duc , & qu'ils
ne peuvent appeller des fentences de ce Parlement ailleurs que
devant le Pape. Cette déclaration , qui annonce la chute d'un
pouvoir illégitime &: l'aurore de la raifon , fut enrégiRrée au
Parlement, au mois d'Avril de cette année.
1332. Le Duc accorda à Nicolas de Bréal, Abbé de Saînt-
Melaine , la permiffion de tenir tous les ans une foire , le 14
Septembre.
Pendant la guerre pour la fucceffion au Duché de Bretagne ,
la ville de Rennes changea fouvent de parti. En 1341 , elle fut
affiégée par Jean de Montfort , qui, après plufieurs attaques,
défefpéroit de s'en rendre maître , lorfque les afîiégés , ayant
fait une fortie , perdirent Henri de Spinefort , leur Gouverneur.
Le Comte de Montfort reprit courage , & réfolut de tirer profit
de cet événement. Avant de tenter de réduire les habitants par
la force , il voulut effayer la rufe. Comme il fçavoit que Spine-
fort etoit cher aux habitants , il leur fit dire que , s'ils ne lui
rendoient fur le champ la ville , il alloit faire pendre le
Capitaine. Cette menace eut fon effet. Les Rennois , pour fau-
ver une vie fi précieufe , ouvrirent leurs portes , & le vain-
queur mit dans leur ville une bonne garnifon , dont il donna
hi commandement à Guillaume Cadoudal.
Au printemps de l'année 1343, Charles de Blois partit de
Nantes avec fon armée, & alla mettre le fiege devant Rennes,
qu'il pouffa avec tant de vigueur que la ville fut forcée de
capituler & de fe rendre au mois de Mai fuivant. La capitu-
lation portoit , que les troupes de Montfort fortiroient vies &
bagues fauves. En conféquence , Charles de Blois fit fon entrée
à Rennes , reçut le ferment de fes habitants , & leuf donna
lane bonne garnifon. Guillaume Cadoudal alla rejoindre la Com-
teffe de Montfort à Hennebon. La même année p le Roi d'Angle-
R E N ^ 39
terre vint en Bretagne , & afliégea en même temps les villes de
Rennes , de Nantes, & de Vannes. Il n'en put prendre aucune,
& réunit toutes Tes forces contre la première , dont il ne put
s'emparer , malgré toute Ton aftivité & fa valeur. Cette ville fut
tranquille jufqu'en 1356. Le 3 Oftobre de cette année, le
Duc de Lancaflre fe préfenta devant fes murailles avec une
armée coniidérable , invellit cette place de toutes parts , & ferma
fi bien toutes les ilTues qu'il étoit impofîible de ia fecourir &
de lui faire paffer des vivres. Le defîein du Prince Anglais
étoit de fe faire un afyle & une place d'armes de cette ville.
Il n'en avoit point dans toute la province , & il avoir juré qu'il
ne quitteroit Rennes que lorfqu'il s'en feroit rendu maître. Cepen-
dant , Bertrand du Guefclin , qui n'avoir pu s'enfermer dans la
ville afîiégée , cherchoit tous les moyens de faire échouer les
entreprifes des Anglais : il couroit la campagne , côtoyoit
perpétuellement les Anglais , s'emparoit de leurs convois , enle-
voit leurs quartiers, détroufToit leurs Vivandiers & leurs Mar-
chands , les battoit aux fourrages , & leur faifoit tous les jours
des prifonniers. En vain les afllégeants prenoient-ils contre lui
toutes les précautions pofTibles, il fe conduifoit avec tant de
fagelTe qu'ils ne purent jamais l'attaquer à leur avantage. Au
moment qu'ils fe croy oient bien éloignés , il étoit à leur trouffe,
& jamais ils ne le trouvoient où ils le cherchoient. Il fit pri-
fonnier un des Chefs de leur armée , nommé le Baron de la
Poole , recommandable par fa bravoure & fon illuflre naiffance.
Le nom de cet Anglais donna lieu à la plaifanterie des foldats
de du Guefclm , qui difoient que Vaille biaonne avoit plumé la
poule anglaife,
Bertrand , fâché de ne pouvoir entrer dans Rennes , ofTrit au
Baron la remife de fa rançon , à condition qu'il iroit demander
au Duc de Lancaflre , & en obtiendroit , pour lui & les fiens ,
la. liberté du pafTage pour pénétrer dans la ville. La Poole fe
rendit auprès du Duc , qui lui répondit qu'il fe garderoit bien
d'accepter une telle condition , 8c qu'il aimeroit mieux apprendre
que cinq cents Archers feroicnt entrés dans Rennes que du
Guefclin tout feul. Le Baron rejoignit fon vainqueur avec cette
réponfe , & fe conflitua fon prilbnnier.
Cependant le fiege continuoit malgré l'extrême rigueur de
l'hiver , & les incommodités de la faifon n'interrompoient point
les courfes de du Guefclin. Il n'avoir, pour l'ordinaire, le jour
& la nuit ', que le ciel pour couvert , di. les forêts de Renues 3c
40 R E N ^
de Châteaubiiand pour retraites ; ce qui fatiguoit extrêmement
les hommes & les chevaux : mais il étoit tellement aimé de fes
foldats qu'ils ne fe refufoient à rien fous fes ordres. Les Anglais
commencèrent à murmurer dans leur camp. Fatigués par le froid
excefîif , maltraités par ceux de la ville , ils ne vouloient plus
entendre parler d'aflaut ni d'efcalade. Le Duc de Lancaftre,
quoiqu'il fût auffi rebuté que fes troupes , ne vouloit pas aban-
donner fon entreprife avant d'avoir tenté tous les moyens pof-
fîbles. Il fit creufer un fouterrain , qui devoir aboutir au milieu
de la ville , par lequel il feroit entrer autant de monde qu'il
en faudroit pour la prendre. On commença fur le champ l'exé-^
cution de ce projet ; &c , en moins de fix femaines , cette ga-
lerie étoit prefque achevée , lorfque les afliégés s'apperçurent du-
danger qui les menaçoit. Ils vérifièrent bien exa6lement fi leurs
craintes étoient fondées ; Se , quand ils en furent certains , Ber-
trand de Saint-Pern fit faire l'ouverture de la mine , fe jetta
dedans avec quelques hommes d'élite , maiTacra un bon nombre
d'Anglais , poufla les autres , & mit le feu aux merrains qui
foutenoient les terres , & le fouterrain fut combla.
Cet échec enflamma le Duc de Lancaftre de colère , & iL
perfifia dans la réfolution de prendre Rennes. Effeftivement , il
feroit venu à bout de fon deffein fans les incidents qui l'en em-
pêchèrent. La difette commençoit à fe faire fentir , & la conf-
ternation étoit générale. Pour avifer aux moyens de fe tirer
d'affaire, Penhoët, Gouverneur de la ville, affembla fon confeiL
de guerre. On propofa divers expédients j mais ils ne pouvoient
remédier aux maux preffants de la ville. Le réfultat fut donc qu'il
falloit fe rendre , & tâcher d'obtenir une capitulation honorable-
Tous les habitants avoient été appelles à cette délibération, Se
la réfolution étoit prife de traiter avec l'ennemi , lorfqu'un Bour-
geois , connu dans la ville par fa vertu & l'amour qu^il avoit
pour fa patrie (^), fe leva & demanda audience. « Meffieurs y
» dit il , le parti que l'on vient de prendre me paroît un peu
» précipité j il eft extrême , & , s'il eu fuivi , notre Prince perd
» pour jamais le Duché de Bretagne. Cette confidération doit
i, a ) \ 'i\ifto';re auroit dû conferver le nom
de ce brave citoyen , comparable aux héros
de Calais. 11 méritoit , comme eux , une fta-
tue élevée dans la place publique : ce qui
Viaifen^blablement a empêché que fon nom
Ofi. foit parvenu jufq^u'à nous , ç'eil la chute
du parti pour lequel il combattoit. Si le
Comte de Blois fût monté furie Trône de
Bretagne , l'aftion de cet honnête Bour-.
geois lui eût valu , fans doute , une rér
compenfe qui auroit immortalifé fa gloire*.
î» nous
R E N ^ 41
» nous retenir, &, fur-tout, nous empêcher de rendre cette
» ville fans la participation de notre Souverain. Il faut le prévenir
» de notre Situation , 6c voici ce que j'ai à vous propofer : Je
» me rendrai au camp des Anglais; je feindrai un mécontente-
» ment qui m'a forcé de m'échapper de la ville j je dirai au
i> Duc de Lancaftre qu'on attend à tout moment ici un renfort
» de quatre mille hommes d'armes Français & Allemands ; je
» lui enfeignerai la route qu'ils doivent tenir , & l'engagerai à
« aller au devant d'eux pour les combattre , & ôter tout ef-
» poir de fecours à la ville , qui ell déjà à toute extrê-
» mité ; je tâcherai enfuite de m'évader & de me rendre à
» Nantes auprès de notre Souverain. Je fçais bien que l'ennemi
» me fera mourir s'il découvre mon projet 5 mais je fais , de
» bon cœur, le facrifice de ma vie à Dieu , à mon Prince,
» & à vous. Je n'ai qu'une grâce à demander : c'eft que ,
» fi je péris dans mon entreprife , l'alfemblée veuille bien pour-
ra voir aux befoins de ma femme & de mes enfants. »
Cette propo{ition fut reçue avec un applaudiffement général,
on fonna toutes les cloches en forme de réjouiffance , & le
lendemain on fait une fortie. Le brave Bourgeois, mêlé parmi
les foldats , fe rend aux Anglais , & demande à parler au Duc
de Lancaftre , qu'il a le bonheur de perfuader. Le Prince Anglais
Eart la nuit fuivante pour aller au devant du fecours prétendu»
e Bourgeois trouve le moyen de s'échapper , & prend le che-
min de Nantes. Il trouve fur la route du GuefcHn , auquel il
raconte fon ftratagême. Celui-ci , tranfporté de joie , fe tourne
vers fes gens , & leur dit avec enthouiiafme : « Marchons har-
» diment , nous entrerons aujourd'hui dans la ville. » Il retient
avec lui le Bourgeois , députe un des fiens à Nantes , & s'a-
vance vers Rennes. Arrivé au camp des Anglais , il charge la
garde avancée , la met en fuite , & entre pèle - mêle dans le
camp avec les fuyards. C'eft là qu'il déploie toute fa valeur,
A la tête de fa troupe , il fait du camp des Anglais un fpeftacle
de meurtres , de feu , èz de fang , prend enfuite le chemin de
Rennes , rencontre fur fa route deux cents charriots de farine
& de viandes que les payfans conduifoient aux Anglais , les fait
défiler vers la ville , & y entre lui-même à la tête du convoi ,.
avec fon butin & un bon nombre de prifonniers. 11 fut reçu
comme en triomphe , tous lui prodiguoient les noms de fauveur
de leur patrie , de leur honneur^ & de leur liberté. Il commença
par faire payer aux payfans la valeur de leurs marchandifes , les
Tome IF. I
41 ï^ E N
menaçant que, s'il s'appercevoit qu'ils fourniflent dans la fuite
des vivrez aux Anglais , il les feroit pendre. Il les chargea en-
fuite d aller trouver le Duc de Lancaflre ; de lui remettre , de
fa part , cent bouteilles d'excellent vin qu'il leur donna j de
l'affurer que , tandis qu'il en auroit , il fe feroit un vrai plaifir de
lui en fournir ; de lui faire obferver que , s'il lui avoit permis
d'entrer dans la ville , comme il l'en avoit prié , il lui auroit
épargné la peine de s'y introduire au prix de tant de fang an-
glais 5 & , enfin , de préfenter à ce Prince fon humble refpeél.
Les payfans s'acquittèrent de leur commiffion , rendirent compte
de ce qu'ils avoient vu , & apprirent au Duc que du Guefclin
n avoit avec lui que foixante hommes. Du Guefclin , après avoir
congédié les payfans , fe fit infi:ruire de tout ce qui s'étoit paffé ,
& vifîta toutes les fortifications de la place. En faifant fa ronde,
il apperçut de delTus les remparts un troupeau de plus de deux
mille porcs appartenant aux Anglais , dans la prairie du Pré-
Raoul , auprès des foffés. Vis-à-vis de cette prairie & de la rivière
qui la féparoit de la ville , étoit une fauffe porte qu'on tenoit
toujours fermée. Bertrand la fit ouvrir, y fit placer une truie, &
lui fit tenailler les oreilles. Aux cris de cet animal, tous les
cochons fe mirent à la nage , paflerent la rivière , & étoient déjà
entrés par la porte au nombre de plus de douze cents, avant
que les Anglais s'en apperçulfent. Ils accoururent; mais les foldats,
placés pour protéger l'opération , en tuèrent environ une tren-
traine, en prirent un pareil nombre , Se firent fuir les autres.
Ces heureux commencements ramenèrent l'efpérance & la joie
dans le cœur des Rennois. Le même jour, tous les Seigneurs
Anglais étant rendus chez le Duc , on parla de du Guefclin.
Ce qu'on en dit , & ce que le Prince fçavoit déjà , lui infpira
tant d'admiration pour ce Gentilhomme , qu'il témoigna ouver-
tement qu'il defiroit finguUérement voir de près un homme fi ex-
traordinaire. Le Comte de Pembroc lui dit que la chofe étoit
très-facile. A juger , dit-il , de du GuefcHn, par fa grandeur d'ame
& par tout ce que j'en ai oui dire , il me femble qu'il ne fera
pas difficulté de fe rendre ici à votre invitation. A l'inflant , le
Duc fit expédier un fauf- conduit, & un Héraut fut chargé de
le porter. Le lendemain , le Héraut fe préfente , & demande à
parler au Capitaine du Guefclin. Penhoët vient , reçoit le fauf-
conduit , le meffager , & lui montrant du Guefclin qui venoit
avec quelques Gentilshommes , il lui dit : « Celui que tu demandes
» eft précifément celui que tu vois vêtu d'un jupon noir avec fa
REN 4}
» hache pendue à fon col. >> Il n'efl pas poffible, répond le Héraut,
il a plus l'air d'un voleur de grand chemin que d'un Capitaine.
« Celt pourtant lui , reprend Penhoët j mais garde-toi bien de
» lui dire quelque chofe d'offenfant , il t'abattroit la tête avec fa
» hache. » Le Héraut profite de l'avis , met un genou en terre , &
dit à du Guefchn : Sire , le Duc de Lancaftre , mon maître ,
vous prie de le venir voir dans fon camp , & m'a chargé de vous
préfenter le fauf- conduit. Bertrand le fait lire tout haut, & ré-
pond que le Prince lui fait trop d'honneur pour qu'il n'ait pas
celui d'aller lui baifer les mains. Il fe prépare fur le champ à ce
voyage , & fait donner au Héraut un Jupon de velours & cent
florins d'or; fomme confidérable pour le temps. Après fon dîner,
il part avec trois Gentilshommes , & fe rend au camp des An-
glais , à l'entrée duquel il trouve quatre Seigneurs qu'on avoit
envoyés pour le recevoir. Le bruit de fa venue avoit attiré un
grand nombre d'Anglais fur fa route -, ils étoient tous étonnés de
fon air. Les uns le trouvoientlaid , les autres noir , d'autres difoient
qu'il avoit les poings quarrés ; mais tous le regardoient avec ad-
miration. A la porte de l'appartement du Duc , il fut reçu par
Jean Chandos , le du Guejclin de V Angleterre* Ce Prince étoit
environné de toute fa Cour. Bertrand entra & mit un genou
en terre fuivant Tufage. Le Duc le releva promptement , & lui
fît mille honnêtetés \ mais du Guefclin ne put entendre de fang
froid la propofition qu'il lui fit de quitter le parti de Charles de
Blois pour s'attacher à celui du Roi d'Angleterre. «Ma foi cil
» engagée, dit-il avec fermeté, elle n'eft plus à moi. Charles de
» Blois eft mon légitime Souverain , & je me déshonorerois en
V l'abandonnant. » La converfation fut interrompue par l'arrivée de
Guillaume Brembro , Chevalier Anglais , qui , fans refpefter la
préfence du Duc, vint droit à du Guefclin , & lui dit : Bertrand,
vous êtes Gentilhomme , j'ai une prière à vous faire. Vous avez
tué de votre main Brembro , mon parent , il faut m'en faire raifon.
Du Guefchn lui tendit fièrement la main. « Je n'ai jamais refufé
vperfonne, lui dit-il, je vous accède votre demande.» Le Duc
approuva le combat & le fixa au lendemain , avec afTurance à
du Guefchn qu'il ne lui feroit rien fait contre les loix de l'hon-
neur , foi de Prince. Brembro étoit homme de qualité ; mais cela
n'empêcha pas que fon a<^ion ne tournât au détriment de la répu-
tation du Duc de Lancaftre. On s'imagina qu'il n'avoit invité du
Guefchn à le venir voir , & ne lui avoit fait tant d'amitié que
pour le faire infulter par Brembro , & le commettre vis-à-vis du
44 Ï^EN
plus vaillant & du plus adroit Gendarme qui fût en Angleterre:
mais ces accufations font dénuées de preuves j le Prince jouilîoit
d'une réputation qui les détruifent. Il fit préfent du plus beau
de fes chevaux à du Guefclin , qui fut reconduit avec les
mêmes cérémonies que la veille. Le lendemain , le héros Breton
fe prépara au combat , malgré tout ce que (es amis , qui crai-
gnoient quelques perfidies , purent lui dire pour Fen détourner.
Il communia , fe fit armer , & promit , en partant , à fa tante ,
qui fondoit en larmes , de venir manger avec elle un bon dîner
qu'il la pria de préparer. A la fortie , il trouva le Chevalier
de Penhoèt , qui lui permit d'aller rempUr fa promeffe. Il trouva
hors des portes les trompettes anglaifes qui l'attendoient , & qui
le conduifirent fur le champ de bataille , où étoit déjà Brembro
& tous les Seigneurs Anglais. Les deux champions étoient armés
de toutes pièces , & montés avantageufement. Le fignal fe
donne , & le combat commence. La première courfe eft heu-
reufe pour du Guefclin , qui bleffe légèrement fon ennemi. La
féconde ell: inutile , & , à la troifieme , l'armure de du Guefclin
efl: fendue ; &, fans la bonté de cette pièce , il eût peut-être
perdu la vie. Le combat devoit finir là , puifqu'on n'avoit de-
mandé que trois coups d'épée ; mais Bertrand dit à Brembro :
Jufqu'ici je vous ai ménagé par égard pour la préfence du Prince,
mais , fi vous voulez , nous fournirons une quatrième carrière en
l'honneur des Dames , & vous verrez ce que je fçais faire. Le
Duc le permit. Brembro , piqué de la bravade , efpéroit avoir
raifon de fon adverfaire. En effet , il courut avec tant de
fureur que fon épée perça fi fortement l'écu de Bertrand qu'il
ne la put retirer. Celui-ci profita de l'événement, & lui pafla
fon épée au travers du corps jufqu'à la garde. Brembro chancela
deux ou trois fois fur fon cheval , & tomba mort. Du Guefclin
faifit vite les rênes , falua le Prince , le remercia , & retourna à la
ville, où il fut reçu aux acclamations de tout le monde. Cet
événement avoit opéré une trêve de deux jours , pendant la-
quelle les Anglais avoient confi:ruit un beffroi , efpece de tour
quarrée de la hauteur des remparts , avec un pont roulant que l'on
pouffoit jufqu au parapet des murs ; de forte que les affiégés &
les afTiégeants combattoient de la main à la main. L'utilité de
cette machine étoit d'épargner aux afîiégeants les peines & les
dangers de l'efcalade , les travaux de la mine & de la fappe.
Ces tours ne craignoient que le feu j & , pour les en garantir ,
on les couvroit de fer blanc & de cuirs de bœufs. Celle-ci fut
R E N 4j
conduite jufqu'aux pieds des murs , Se l'aflaut qui fuivit fut
très-meurtrier. Les foldats de la ville diminuoient tous les jours,
& il n'y reftoit prefque plus que des Bourgeois. Les afliégés
étoient très-inquiets du luccès , & ils n'avoient plus d'efpérance
û cette fatale machine fubfilloit. La feule reflburce étoit de la
brûler; mais l'entreprife n'étoit pas facile, parce que les An-
glais avoient pris des précautions. Du Guefclin ne fe laiiTa point
abattre par les difficultés : il forma le projet de détruire le bef-
froi , & l'exécuta. Il fit fortir cinq cents arbalétriers chargés chacun
d'une fafcine foufrée , & en difpofa cinq cents autres dans la ville ,
avec quelque Cavalerie ,pour les foutenir en cas de befoin. Au point
du jour, du Guefclin fort, une torche à la main, fon épée de l'autre,
charge vigoureufement les Anglais , en tue trois cents , pouffe les
autres, brife la porte de la tour à coups de hache , & la brûle avec
ceux qui étoient dedans. Le Duc de Lancailre , furieux , envoie
le Comte de Pembroc pour couper la retraite à du Guefclin,
qui reftoit là avec fes cinq cents arbalétriers poiâ" empêcher qu'on
n'éteignît l'incendie. Du Guefclin , voyant le deffein de l'ennemi,
& la tour étant déjà brûlée , marche aux Anglais, qui font en
même temps chargés en tête & en queue par le corps de ré-
ferve qu'on avoir placé au dedans de la ville. Ils font taillés en
pièces , & le petit nombre qui peut échapper prend la f\ïite. Le
Duc de Lancaftre accourt avec une troupe plus nombreufe ;
mais il eft défait , & eft forcé de s'en retourner fans avoir pu
tirer vengeance d'un échec fi terrible. Des fuccès fi conftants
de la part des affiégés , la longueur du fiege , l'affoibUffement de
l'armée des Anglais , la difette qui commençoit à fe faire fentir
dans leur camp , tout demandoit qu'ils levaflent le fiege ; mais
le Prince avoir fait un ferment folemnel de prendre la ville,
& il ne pouvoir fe décider à la quitter fans l'avoir rempli : fa
gloire auroit été compromife. Il lui fembloit bien dur de renoncer
à la prife d'une ville qui n'avoir prefque plus d'autre défenfe
que fa bourgeoifie , après avoir gagné tant de vi61:oires &c forcé
tant de places. Ne fçachant donc quel parti prendre, voici à
quoi il s'arrêta : il fit paffer dans la ville cinq ou fix Seigneurs
Anglais , fous le prétexte fpécieux de traiter avec les afliégés ;
mais , en effet , pour examiner l'état a6i:uel de la place. Il leur
enjoignit de ne donner aucune parole au Gouverneur ni aux
habitants , fe réfervant , fur leur rapport , de prendre le parti
qu'exigeroit la prudence. On propofa donc aux Rennois de re-
cevoir dans leur ville fix des principaux Seigneurs Anglais , &c
46 ,, ^^^
la propofition fut acceptée j mais, comme les aflîégés fentoient
bien le motif du Duc de Lancallre , ils voulurent leur rendre
fineffe pour iinefle. Du Guefclin fut celui qui trouva le meilleur
expédient ; ce fut d'ordonner aux Marchands de chofes comef-
tibles de mettre en parade fur leurs boutiques tout ce qu'ils en
avoient , & , pour faire paroître plus d'abondance , de drefler
des tonneaux , & d'en couvrir le fond comme s'ils euflent été
pleins & comblés. Cette rufe trompa les Anglais qui fe prome-
nèrent dans tous les quartiers , & qui crurent que la ville étoit
pourvue de vivres pour long - temps. Ils en parlèrent en ce
fens au Prince , qui en fut perfuadé comme ils l'étoient eux-
mêmes.
Il reftoit à fç avoir comment le Général Anglais fe tirer oit de
fon ferment , & fatisferoit fon honneur & fon fcrupule. On ima-
gina de propofer aux affiégés que le Prince entrât dans la ville,
lui dixième j qu'il plantât de fa main, comme s'il eût été vifto-
rieux , fon enfeigne fur une des portes , & qu aufîi-tôt il leveroit
le fiege. Les habitants ne refuferent pas la proposition , & , dès
le lendemain, le Duc entra dans la ville, oii il reçut tous les
honneurs dus à un vainqueur & à un Prince refpeftable à tous
égards. Penhoët fe trouva à la porte, & lui préfenta les clefs
de la ville. Le Duc fut compUmenté par tous les Ordres & Com-
munautés , enfin , traité magnifiquement & régalé de préfents.
Dans l'après-midi , il monta fur les murailles , & planta lui-même
fa bannière fur une des portes. Alors du Guefclin lui demanda
agréablement où feroit la guerre après la levée du fiege ? Le
Prince lui frappa fur l'épaule , en lui difant : «Intrépide Bertrand,
♦> foyez fur que je vous le ferai fçavoir. » Après la cérémonie , il
defcendit & reprit le chemin de fon camp. Comme il fortoit
de la ville , quelques-uns des habitants faillirent à tout gâter ^
ils arrachèrent la bannière anglaife, en criant affez haut pour
fe faire entendre : // a bien été dit quelle y feroit mife , mais non
pas quelle y rejleroit i & fur le champ ils la jetterent fur le
pont, préciiement aux pieds du Duc, qui en fut vivement of-
îenfé , & qui auroit bien voulu retenir fa parole ; mais elle avoit
été donnée avec trop d'appareil pour qu'il pût s'en dédire. Il
exécuta les conventions , leva le fiege _, quitta la province , &
emmena fon armée qui étoit diminuée de moitié. Charles de
Blois rentra dans Rennes^ & y remercia le Ciel , par de publi-
ques aftions de grâces , de lui avoir confervé cette place. Il ré-
compenfa fes bons ferviteurs , & fur-tout , du Guefclin , auquel
R E N ^ 47
il donna la Seigneurie de la Rochederien. Ce n'efl: pas , lui dit
ce bon Prince , la récompenfe de vos fervices , mais feulement un
témoignage de ma bienveillance que je vous donne , en attendant
que la fortune & votre valeur me fournilTent les moyens de
vous prouver ma reconnoiflance. Du Guefciin reçut avec refpe8:
un bienfait de la main de fon Prince ; mais le compliment dé-
licat dont il fut accompagné , le fit rougir. Il répondit modefte-
ment au Comte que l'honneur d'être né fujet de la Ducheffe,
fon époufe, l'obligeoit à facrifier fa vie pour fon fervice , & que ja-
mais rien ne lui feroit oublier un devoir fi facré. Le Prince l'embrafla
tendrement, & le carefla avec cette franchife naturelle anix hé-
ros, &c plus commune dans le quatorzième fiecle que dans le
nôtre. Telle fut l'iiTue du fiege de Rennes , fiege fameux par les
grandes allions qui s'y firent , la longueur , le nombre , & Tin-
trépidité des combattants. L'hiftoire nous en offre peu de plus
mémorables, &, par une contradidion affez étrange, peu de
moins connus. '
L'an 1352, Jean le Bart , Abbé de Saint-Melaine , avoit
acheté quelques maifons dans la rue du Four du Chapitre , près
la. Chapelle de Saint-Melaine le Petit, pour s'y loger avec fes
Moines à l'abri de l'infulte de l'ennemi. Les Chanoines confen-
tirent à cet étabHfTement , à condition qu'ils retourneroient
dans leur Abbaye aufli-tôt que la paix feroit faite, & qu'ils
vendroient leur hofpice à des laïques. La Bretagne n'ayant été
paifible que long-temps après , les Moines fe réferverent cet afyle
pour s'y retirer dans le befoin ; & ce ne fut qu'en 1614 qu'ils
afféagerent ces domaines à Paul Hay des Nétumieres & à Gilles
Dulis du Tertre , pour la fomme de cent livres de rente. L'Hô-
pital de Saint-Yves fut fondé , l'an 1358, par Eudon le Boutellier ,
Prêtre.
L'Eglife Cathédrale de Saint-Pierre , commencée Tan 1 1 80
par l'Evêque Philippe, ne fut achevée qu'en 1359; elle fut
confacrée , le 3 Novembre de cette année , par l'Evêque Pierre
de Guemené. L'édifice étoit vaûe ; le retable de l'autel , en
bois doré & fculpté , repréfentoit la naifTance & la vie du Sau-
veur. La menuiferie qui le couvroit , pour le confcrver , repré-
fentoit auffi quelques traits de l'Hifloire-Sainte & de l'Ancien-
Teftament. Les gradins du maître-autel , le parquet , & la ba-
lulhade du fanctuaire étoient aufïï en bois : on y voyoit feu-
lement quatre colonnes de cuivre furmontées d'une frife ornée
& d'un amortilTement de même métal. Les ftalles & l'entrée du
48 R E N . ,
chœur, avec les figures des douze Apôtres fur le couronnement^
étoient aufli en bois.
1362. Charles de Blois apporte de Lamballe à Rennes des
Reliques de Saint Yves , qui avoit été canonifé le 1 9 Mai 1 3 47»
Il en fit préfent à trois Eghfes différentes , auxquelles il les porta
pieds nuds. Le premier jour , il fe rendit à la Cathédrale ; le
fécond , à l'Abbaye de Saint-Georges ; & le troifieme , à l'Ab-
baye de Saint-Melaine. Il fit enfuite bâtir dans la Cathédrale
une Chapelle en l'honneur des Saints Salomon & Judicaël , Rois
de Bretagne; des Saints Martyrs Donatien & Rogatien , frères ;
& de Saint Yves. Il donna à cette Cathédrale des tapifferies
d'Arras & plufieurs ornements de grand prix.
Le Couvent des Jacobins de Rennes fut fondé par Jean de
Montfort. Pendant la bataille d'Aurai , ce Prince , voyant font
armée en défordre , fit vœu de fonder une Eglife & un Monaf-
tere à Rennes en l'honneur de la Sainte Vierge. Ses troupes
s'étant ralliées , & Charles de Blois ayant été tué , un Héraut
fe préfenta au Comte de Montfort, & lui dit : Monfeigneur ^
je vous annonce bonne nouvelle , vous êtes Duc de Bretagne, DariS
l'inftant , le vainqueur confirma fon vœu , & déclara pubUque-
ment que l'EgHfe qu'il feroit bâtir feroit dédiée à la Sainte
Vierge , fous le nom de Notre-Dame de Bonne- Nouvelle ; ce qu'il
ratifia aux Etats affemblés à Rennes en 1366. A la foUicitation
des Evêques de Nantes & de Tréguier , qui avoient été de
l'Ordre de Saint-Dominique , il voulut que cette EgUfe ïxit def-
fervie par des Jacobins. En conféquence , on écrivit fur le champ
à EHe Raimond , Général de l'Ordre , qui commanda au Pro-
vincial de France d'envoyer à Rennes des ReHgieux du Couvent
de Dinan , qui s'établirent d'abord dans la Chapelle Ducale de
Saint-Vincent , fituée près le cimetière Sainte-Anne , hors la ville,
& qui obtinrent , à peu près dans le même temps , l'EgUfe pa-
roifliale de Saint- Aubin, bâtie depuis quelques années. Le ter-
rein , où étoit fituée cette Chapelle Ducale , étoit trop petit
pour fervir d'emplacement au nouveau Monaftere j mais les pro-
priétaires des maifons & terreins contigus ne firent pas difficulté
de leur céder leurs poiTefTions dans ce quartier. L'an 1368, le
Refteur de Saint-Aubin s'oppofa à cet établiffement des Reli-
gieux , qu'il prévoyoit devoir lui caufer quelque préjudice ; mais
l'Evêque Raoul de Tréal fçut fi bien ménager cette affaire que le
tout s'arrangea à l'amiable. On commença donc l'édifice , & , le
z du mois de Février 1369, le Clergé fe rendit proceflionnel-
lement
R E N 49
lement fur les lieux , avec le Duc , les Seigneurs de fa Cour ,
& le peuple. Après les cérémonies de TEglife, le Duc , paré
d'un tablier garni de fourrures d'hermines , muni d'une truelle &
d'un marteau d'argent doré , pofa la première pierre , & fe dé-
clara fondateur de la Communauté. Il donna enluite cent flo-
rins d'or à l'offrande : les Seigneurs & le peuple donnèrent aufli ,
chacun félon fes facultés , de forte que les offrandtis de cette
journée payèrent une partie de l'édifice.
Au mois de Janvier 1373 , Bertrand du Guefclin époufa ,à
Rennes , Jeanne de Laval. Ce mariage fut célébré avec beaucoup
de magnificence.
L'an 1382, le Duc Jean IV afiembla fes Etats dans cette
ville, dans le Couvent de Bonne-Nouvelle,. & y inftitua l'Ordre
de l'Hermine. Le collier, compofé de deux chaînes d'or, étoit
attaché par les deux bouts à deux couronnes ducales , dans lef-
quelles étoit renfermée une hermine pafTante. Une de ces cou-
ronnes pendoit fur la poitrine , & l'autre fur le col. ( Voyez
Brech. ) Les fucceffeurs de Jean IV ajoutèrent un autre colUer,
nommé de M Epi , parce qu'il étoit compofé d'épis de bled.
L'an 1386, le Roi Charles VI voulut empêcher le Duc de
Bretagne de faire battre de la monnoie blanche. Le Duc foutint fon
droit , qui avoit été reconnu lui appartenir par le Roi Charles V ,
fon pcre. (Voyez l'Abrégé de l'Hilloire, pag. dix du tome pre-
mier de ce Diftionnaire. )
Une lettre de Dame Julienne du Guefclin , AbbelTe de Saint-
Georges, en date du 5 Août 1399, qui fe trouve aux archives
du château de Nantes, nous apprend que cette Dame avoit
confenti à la levée d'un fubfide de vingt fols par feu fur les
hommes & fujets des Paroiffes de Tinteniac & de Hedé , pour
trois ans feulement. Nous croyons que c'ell là l'époque de l'éta-
bbllemcnt des fouages en Bretagne.
Le plus ancien compte qui fe trouve aux archives de Rennes,
nous donne une idée de l'état de cette ville en 1400. A cette
époque , la porte Mordelaife , ainfi nommée parce qu'elle con-
duit à la Paroiffe de Mordelles , s'appelloit la Porte Royale^
Anciennement , dit-on , il y avoit tout auprès un temple dédié
à Minerve. Quoi qu'il en foit, c'étoit par cette porte que les
Ducs & les Evêques faifoient leur entrée. Les murs s'étend oient
depuis cet endroit jufqu'à la tour de Saint- Vlauran ; de là à la
Motte, où étoit le château; du château, fuccefîlvement aux portes
de Saint-Michel , de Saint-James , & de Jacquet. ( Cette dermere
Tome IV. G
50 R E N
ouvroît fur la rue de la Bourcerie , depuis nommée des Changes
ou du MefniL ) De là , ces murailles pafToient par les rues Neu-
ve &: Tnllain, au carrefour de la Laiterie & de la Poiffonnerie,
où étoit une porte appellée Baudrerle , qui a donné fon nom aux
rues Baudrairies ; puis continuoient jufqu'à la porte Aiviere ,
porta aquaria , ainfi dite , de la proximité de la rivière ; & ai-
loient joindre la poterne , s'étendant enfuite le long du Pré-
Raoul jufqua la tour du Fourgon : elles enfermoient dans
leur enceinte le placis Conan ou place de la vieille Monnoie,
& finiffoient à la porte Mordelaife. Dans cette enceinte , il n y
avoit de principaux édifices que l'Eglife Cathédrale avec (qs
cloîtres , le manoir épifcopal , Notre-Dame de la Cité, qui joi-
gnoit le temple de Minerve ; les quatre Prieurés de fondation
ducale , fçavoir , Saint-Denis , Saint-Martin , Saint-Mauran , 6c
Saint-Michel ; l'Eglife paroifîiale de Saint-Sauveur ; les Ecoles pu-
bliques fituées dans l'endroit où étoit anciennement la Syna-
gogue , entre la porte Mordelaife & la tour de Saint-Morand j
l'Auditoire de la Juftice ordmaire ; une petite place fur laquelle
étoit un pilier ; & la grande & la petite halle , près Saint-Sauveur:
ony voyoit auiîi trois temples des faux Dieux, l'un fitué au côté
feptentrional de la porté Mordelaife , connu fous le nom de
temple de Minerve ; l'autre , près la tour , derrière Saint- James ;
& un troifieme , près l'Abbaye de Saint-Georges. Cette cité avoit
cinq portes qui fermoient & ouvroient avec une poterne qui
avoit une ifTue fur la rivière avec un petit pont fort étroit :
elle ne comprenoit pas plus du quart de la ville afliuelle.
141 5. Pierre de la Morinaye , Abbé de Saint-Melaine , obtient
du Pape Jean XXIII le privilège de porter les ornements pon-
tificaux. Le Pape Nicolas V confirme ce privilège en 1449.
Le 25 Oftobre 141 5, fe donna la fameufe bataille d'Azin-
court , bourg fitué au diocefe d'Amiens en Picardie , où les
Anglais viftorieux avoient détruit toutes les forces de la nation
Françaife. Ces fiers vainqueurs , ne trouvant plus d'ennemis à
combattre , ravagèrent les provinces feptentrionales de la France.
Les traitements cruels que ces étrangers, enorgueillis de leurs
fuccès, firent aux Normands, les forcèrent à quitter lear pays,
& à fe réfugier en Bretagne. La plupart fe fixèrent à Rennes;
&, pour vivre plus agréablement dans cette nouvelle retraite,
ils y établirent des manufa6lures de draps , qui enrichirent à la
fois les ouvriers & les habitants. Le nombre de ces réfugiés étoit
fî grand que la ville ne pouvoit les contenir. Le Comte de
REN 51
Richemont , étant à Rennes lors de ces émigrations , confeilla
au Duc Jean V de faire agrandir l'enceinte de cette cité. Le
Prince fuivit un confeil Ci utile à fes intérêts , & fit commencer,
en 1421 , la rue Neuve, qui ne fut achevée qu*en 1428. La di-
rection de l'ouvrage fut confiée à Jean de Saint-Gilles , Seigneur
de Betton , comme le prouvent les lettres du Duc Jean V , du
12 Juillet 1421, lefquelles difent pofitivement qu'il en fut chargé
aux appointements de deux cents livres. Les nouveaux édifices
s'étendoient depuis le château jufqu^à la porte au Foulon , qui
prit fon nom du moulin à fouler les laines , qui étoit dans cet
endroit. Ce mouHn étoit dans un des foliés larges & profonds de
la ville, où paflbit une partie de la Vilaine. De la porte au
Foulon , on conduifit les murs jufqu'à la poterne , aujourd'hui
la porte Saint-François j de là , à la Tour-le-Bal , à la porte Saint-
Georges y ik. de ce point , en fuivant la rivière , jufqu'à la porte
Saint-Germain ; on conilruifit trois tours dans ce dernier efpace :
de la porte Saint-Germain , les murs furent continués jufqu'à celle
de Vilaine & à l'ancienne clôture, près la poterne , derrière
Saint-Yves. Cet accroiflement occafionna la démolition de la
porte Jacquet & de la porte Baudriere , qui , fe trouvant renfer-
mées dans la nouvelle enceinte , devenoient inutiles.
141 9. Le Duc Jean V tombe malade de la rougeole à Rennes,
& , pour obtenir fa guérifon , il fait vœu de faire le voyage des
fept Saints ; ce qu'il exécute en la compagnie du Sire de Porhoet,
Cette dévotion étoit autrefois de mode en Bretagne -, il y avoit
même un chemin tracé exprès, & dont on voit encore îesvef-
tiges près Dinan. On croit que ces fept Saints étoient , Saint
Pol de Léon , Saint Malo , Saint Tugdual , Saint Samfon , Saint
Méen , Saint Judicaël , & Saint Corentin.
La Chapelle de Briller , derrière le grand autel de la Cathé-
drale , fut fondée par l'Evêque Guillaume Briller , oncle des Sei-
gneurs des Nétumieres , fur la pierre qui fervoit de clef à la
voûte de cette Chapelle. Le Prélat fit graver fes armes , qui
étoient d'argent à trois têtes de loup de fable. Il y fonda deux
Chapellenies , dont l'une étoit de quatre Méfies par femaine : oui
ne fçait point combien en portoit l'autre.
Le 31 Août 1429, Olivier du Tertre légua à l'Eglife Cathé-
drale de Rennes quelques rentes & domaines, pour la fondation
d'une Chapellenie dans la Chapelle de Saint-Luc , en l'honneur
de Dieu & des Saints Corne & Damien ; elle doit trois Méfies
par femaine, félon les titres dépofés au Chapitre.. La préfenta-
ji R E N
tion de cette Chapellenie appartient à M. de Saint-Gilles , en fa
qualité de Seigneur de la Durantaye.
Thomas Conefte , Religieux Carme , né à Rennes , fe rendit
célèbre par fon talent pour la chaire, & un zèle trop ardent
qui le perdit. Ce ReUgieux avoit une telle réputation que , dès
qu'il étoit arrivé dans une ville , on lui dreffoit un théâtre , fur
lequel il moutoit fur le champ pour prêcher. Il ne manquoit pas
d'auditeurs -, il déclamoit fur-tout contre le luxe & la parure des
femmes. Bayle dit de ce Religieux , qu'il étoit regardé comme
un nouvel Apôtre : fon éloquence étoit (î perfuafive , que les
femmes de la première qualité , qui accouroient à fes fermons,
fe fentoient touchées au point que quelques-unes lui portoient -
leurs joyaux , qu'il faifoit brûler publiquement fur le théâtre où il
étoit monté pour prêcher j mais , lorfqu'il étoit parti , on oublioit
bientôt le Prédicateur & fes principes, & on reprenoit fa façon
de vivre ordinaire. Le zélé Rehgieux parcourut ainfi la France ,
palTa enfuite en ItaHe , & réforma l'Ordre des Carmes à Man-
toue. De là il fe rendit à Venife , & accompagna les Ambaf-
fadeurs de cette RépubUque à Rome. Les mœurs corrompues de
cette grande ville excitèrent fon indignation : il fe hvra à toute
l'ardeur de fon zèle , s'emporta contre les vices , fans épargner
le facré Collège , & porta même la témérité jufqu'a blâmer pu-
bliquement la conduite du Pape Eugène IV. Le Pontife , irrité , fit
faifir & mettre en prifon l'audacieux Carme, & donna ordre
aux Cardinaux de Navarre & de Rouen de lui faire fon procès.
Il fut condamné à être brûlé & exécuté fur la place publique à
Rome, l'an 1441 ou 1442.
Le premier agrandiiïement de la ville de Rennes, commencé,
comme nous l'avons dit , par ordre du Duc Jean V , ne fut
achevé que vers l'an 1440 :1e fécond fut confié aux foins de
Henri de Villeblanche , créé Lieutenant delà ville en 1442, &
Gouverneur en 1450. Cet accroifTement commençoit au coin
d'une place nommée la Buanderie de Saint-Georges , vis-à-vis la
rue des Voifins , & fut poufïé jufqu'au boulevard de Porte-
Blanche , qui prit fon nom de Henri de Villeblanche , qui y fit
graver fes armes. Sur deux pierres , qui étoient au deiTus de la
porte, fe hfoit une infcription en partie effacée à coups de ci-
•îeaux. Voici ce qu'il en refloit en 1769:
Pierre , Prince d'un grand renom ,• ,
Le derrain jour, fin de Septembre,
R E N 5J
A ceft portail donna ce nom.
Comme il remembre ,
Deflus étoit écrit mil quatre cent
Que fut cinquante & deux ans.
Les armes de Henri de Villeblanche fubfîfterent à cette porte ,
jufqu'à fa démolition, qui fut faite en 1775.
L'Eglife de ToufTaint fut enfermée dans la ville , & on fit
une porte du nom de cette Eglife. L'enceinte fut conduite juf-
qu'au bout de la rue Champdolent , où l'on reconftruifit une
nouvelle porte ; & l'ancienne & la nouvelle clôture fe joignirent
à la tour du Fourgon , que l'on croit être la plus ancienne des
fortifications de Rennes , comme fa caducité femble le confirmer.
Les portes de Saint-Germain, Baudriere, & Aiviere, qui fe trou-
voient renfermées dans cette enceinte , furent fupprimées.
Les murs du premier accroiffement n'étoient pas encore ache-
vés lorsqu'on commença celui-ci ; le tout n'étoit fermé que de
palifTadc'S en bois. Cette nouvelle enceinte étoit très-étendue, &
devoit coûter des fommes immenfes, fur-tout, dans un pays où
la pierre eu fort rare. Les murs ne pouvoient fe conftruire
qu'avec beaucoup de temps & une grande dépenfe , à laquelle
la Ville n'étoit point en état de fournir. Aufîi le premier re-
nable de ce dernier accroiflernent ne fut-il rendu qu'en 1460,
comme le prouve le procès-verbal du 4 Oftobre de la même
année. Il ' reftoit encore beaucoup d'ouvrage à faire ; mais on n'y
travailla pas fur le champ , & ce ne fut que long-temps après
que l'on procéda au rembourfement des particuliers dont on
avoir pris les fonds pour ces travaux. Suivant une commiflion du
Duc François II , référée au compte de l'an 1 464 , les ouvrages
qui reltoient à achever croient les boulevards & les nouvelles
portes , qui ne furent finis qu'en 1490; on y ajouta dans la
fuite plufieurs fortifications , auxquelles on travailla jufqu'en 1530.
Le Duc François I , par fes lettres données à Nantes , le 6
Juillet 1448, permit aux Religieux grands Carmes de s'étabHr à
Rennes , Se engagea tous les fujets de fon Duché à contribuer
à cette fondation , par argent , meubles ou héritages. Le Prince
nomma Frère Olivier-Jacques, du Couvent de Nantes, Proçu-
j4 R E N
reur du nouveau Monaftere , pour demander & recevoir les
dons , bienfaits , & aumônes qu'on voudroit bien lui accorder
pour ce nouveau Monaftere. Jean , Sire de Maleftroit , Maréchal
de Bretagne, fut un des premiers à donner l'exemple de la
générofité. Pour cette fondation monaftique , il accorda aux
Religieux une maifon , avec un jardin , anciennement appellée
V Hôtel du Vicomte , & fituée dans l'ancienne cité de Rennes ^
entre la rue des Dames & celle du Chapitre , à condition que
Jean de Maleftroit auroit fon logement , avec deux lits , au Cou-
vent des Carmes, lorfqu'il viendroit à Rennes. Le Duc Fran-
çois II, en 1475 ^ ^47^) donna à ces Religieux le Four com-
mun , avec trois maifons & deux jardins, & n'exigea des Moines,
pour toute rétribution , qu'une place fituée auprès de l'Hôpitai
Samt-Yves , qu'ils avoient achetée à très-bon marché , pour y
bâtir un four & une maifon j de forte que ce Monaftere ne
tarda pas à être établi fur de folides fondements. Les bâtiments
font vaftes & décorés d'un grand & beau jardin.
L'an 1449, Mathurin le Lyonnais , Abbé de Saint-Melaine , fe
rendit à Rome , pour fe plaindre au Saint-Pere , & lui demander
juftice contre l'AbbefTe de Saint-Georges & les Archidiacres de
Rennes, qui lui difputoient le premier pas dans les cérémonies
publiques. Ces plaintes furent fuivies d'une convention qui por°
toit , que les parties s'en rapporteroient à l'arbitrage des Evêques
de Rennes & de Saint-Brieuc j de Robert d'Epinai , Grand-Maître
de la maifon du Duc ; & des Sénéchaux de Rennes & de
Vannes. Les Arbitres décidèrent que l'Abbé auroit le premier
rang après le Prélat , & que , dans l'abfence de ce dernier ,.
i'Abbé &: la première Dignité du Chapitre porteroient enfemble
Le Saint-Sacrement , l'Abbé à droite , & le Chanoine à gauche».
Le Duc Pierre II & Françoife d'Amboife , fon époufe , arri-
verent à Rennes au mois de Septembre 1450, & donnèrent des
ornements précieux à l'Eglife de Bonne-Nouvelle. Le Duc fit
conftruire dans le même temps les prifons de la SénéchaufTée de
cette ville. L'Auditoire de la Prévôté , commencé à bâtir en
1440, étoit achevé. Le Duc y étabht un Juge pour connoître
des caufes mobiliaires des habitants des ville & fauxbourgs de
Rennes. La SénéchaufTée comprenoit alors non-feulement cet Evê-
ché, mais encore partie de ceux de Tréguier & de Saint-Brieuc»
On agrandit le bâtiment de cette Prévôté , & on en fit l'Audi»
toire commun de toutes les Jurifdiftions de la ville. Les Juges
du Duc retinrent l'étage fupérieur , & le raiz-de-chauffée fut deftiné
R EN . . SS
pour les Juges des Seigneurs particuliers, dont les Jurifdiflions
s'exercent dans ia ville. Comme les procès n'étoient pas fort
nombreux, la conftitution du Duc Jean V, de l'année 1420, dé-
fendoit à tous les Juges fubalternes de tenir plus de huit audiences
par chaque année , en matière d'immeubles , ni plus de feize au-
diences mobiliaires ; &c par conféquent cette falle étoit afTez grande
pour le temps. Mais les affaires s'étant multipHées , les Juges fe
trouvèrent trop refTerrés. Ceux de Vitré fe logèrent dans la par-
tie baffe du bâtiment , & la falle fer vit pour les Jurifdiélions des
Seigneurs particuliers qui y tenoient leurs plaids généraux. En
cette année 14^0 , Henri de Villeblanche , Gouverneur de Rennes,
& Renée de Bargas , fon époufe , firent bâtir la Chapelle de
Saint-André, derrière le choeur de l'Eglife Cathédrale. En 1452,
le 13 Juillet, le Duc Pierre II affembla à Rennes fes Etats , dont
l'ouverture fe fit par une procefîion folemnelle de l'EgHfe Cathé-
drale à celle du Couvent de Bonne-Nouvelle , dont la fondation
fut de nouveau confirmée. Les Etats accordèrent une augmen-
tation de privilège à ce Monaftere.
La conteflation qui s'étoit élevée entre les Abbés de Saint-Me-
laine & les AbbelTes de Saint -Georges , pour la préféance ,
n 'étoit point encore terminée. Ils avoient l'un & l'autre une chaife
dans l'Eglife Cathédrale de Rennes aux jours des grandes fêtes.
En 1453 , la difpute fe renouvella avec plus de force que jamais.
L'affaire fut portée devant le Pape , qui ordonna que l'Abbé de
Saint -Melaine , dans toutes cérémonies rehgieufes & politi-
ques , auroit la préféance , « d'autant mieux , dit le Pontife , que
» perlbnne n'ignore combien il eft dangereux & même fcandaleux
>» de voir des Religieufes , oubliant les loix de la clôture & de
» l'honnêteté , de la pudeur & de la modeffie qu'exige leur fexe ,
» fe mêler dans les affemblées publiques , s'offrir aux regards des
» hommes , & s'expofer à offcnfer l'Etre-Suprême à qui elles fe
» font confacrées , &c. » Le Duc Pierre II intervint dans cette af-
faire , & parvint à conciUer les parties. Il fut dit , que l'Abbé,
dans toutes les occafions , occuperoit la première place , par
honneur pour la dignité facerdotale ; & que cependant, s'il leju-
geoit à propos, il l'offriroit, par galanterie, à l'Abbefîe , qui ,
par humilité, la rcfuferoit. Ce traité fut conclu à Chateaubriand,
le 28 Mars 1453 , & les parties promirent de le faire agréer
& ratifier par leurs Communautés refpeftives.
1455. Le Duc Pierre II &: la Ducheffe , fon époufe, vien-
nent à Rennes , & font une magnifique réception au Prince de
56 R E N
Navarre qui Ce rend dans cette ville. Uannée fuivante , le Pape
annuUe la fentence qu'il avoit portée contre les Officiers du
Duc à la Sollicitation de TEvêque de Rennes -, & , reconnoiflant
que le Prélat étoit le plus coupable , il mande aux Abbés de Saint-
Méen , de Quimperlé , & de Bégars , d'abfoudre ces Officiers
de l'excommunication lancée contre eux,
1461. Arrivée du frère du Roi Louis XI à Rennes. Toutes
les prifons font ouvertes , & tous les prifonniers élargis.
L'Evêque Jacques d'Epinai affembla un Synode à Rennes , le
jeudi d'après la Pentecôte 1465 ; & , félon la coutume du temps ,
il fit divers llatuts en faveur de l'Eglife. Il prononça excom-
munication contre les perturbateurs du repos de l'Eglife , les in-
frafteurs de fes loix , & les violateurs de fes privilèges multi-
pliés. Il défendit , fous la même peme d'excommunication & de
dix livres d'amende , de citer les Prêtres & les Clercs devant
les Juges féculiers, & aux Juges d'agir contre eux , & fe ré-
ferva à lui feul la faculté d'abfoudre les coupables. Il recom-
manda exprefTément l'obfervation des fêtes de la Circoncifion ,
de l'Epiphanie , des Saints Fabien & Sébalben , Martyrs ; de
Saint Vincent, de la Converfion de Saint Paul, de la Purifi-
cation de la Vierge , de la Chaire Saint Pierre , de Saint Ma-
thias _, de l'Annonciation , des trois fêtes de Pâques , de Saint
Marc , des Saints Philippe & Jacques , Apôtres -, de l'Invention
de la Sainte Croix , de Saint Jean Porte-Latine , de Saint Yves ,
de l'Afcenfion , des deux fêtes de la Pentecôte , de la Fête-
Dieu , de Saint Barnabe , de la Nativité de Saint Jean-Baptifte,
des Saints Pierre & Paul , Apôtres ; de la Vifitation , de Sainte
Marie-Magdeleine , de Saint Jacques , de Saint Pierre aux liens,
de la Transfiguration , de Samt Laurent , de l'Affomption , de
Saint Barthelemi , apôtre; de la Décollation de Saint Jean-
Baptifte, de la Nativité de Notre-Dame, de l'Exaltation de
la Sainte Croix , de Saint Michel , de Saint Denis & de {es
Compagnons , de Saint Luc , Evangélille ; des Saints Simon &
Jude , Apôtres ; de tous les Saints , de la Commémoration des
Défunts, de Saint Melaine, de Saint Martin , de Saint Malo ,
de la Préfentation de Notre-Dame, de Sainte Catherine, de
Saint André , de Saint Nicolas , de la Conception , de Saint
Thomas, de la Nativité de Notre-Seigneur , de Saint Etienne,
de Saint Jean , Apôtre & Evangélifle ; des Saints Innocents ; &
quelques autres. Il impofa une amende de dix fols monnoie à
toutes perlonnes qui s'appuieroient fur l'autel ou fur les fonts
de
R E N 57
de baptême , de même qu'à ceux qui s'entretiendroient de choies
inutiles dans l'Eglife. Il ordonna enfuite d'exécuter la Bulle du
Pape, qui avoit enjoint de faire des proceflions , tous les premiers
Dimanches du mois , pour les Croifés j mais de tous ces ftatuts
fynodaux , le plus utile , à mon avis , eft celui qui fait un de-
voir aux Curés de tenir un regiltre exaft des morts , des naif-
fances , & des mariages.
1467. Les habitants de Rennes forment le projet de fe procurer
une horloge pubUque. On choiiit , pour la placer , une tour de
la ville , lituée derrière la Chapelle Saint-James. Cette tour , de-
venue inutile par les différents accroiflements de la cité , avoit
été donnée par le Duc à un Seigneur de fa Cour , duquel les
Bourgeois de Rennes l'achetèrent pour l'exécution de leur en-
treprife. Le Duc François II voulut que cette horloge fût une
des plus belles de fon temps , & il recommanda expreffément
aux habitants de ne rien épargner pour la rendre parfaite. Le
premier marché pour la fonte de la cloche fut fait le 17 Jan-
vier 1468, &c ne fut rempli qu'en 1470. Cette fonte fe fit à
l'endroit où eft fitué le puits du Champ-Jacquet ; & la cloche ,
manquée jufqu'à trois fois , réuffit à la quatrième. La charpente
de l'édifice étoit d'une beauté admirable $ le bois en fut pris fur
les Terres de la Seigneurie de Treflan , dans la ParoifTe de
Longaulnai. La cloche fut montée par le moyen d'une grande
ouverture faite à la tour. Un compte de l'an 1483 , nous ap-
prend que cette cloche s'étant cafi^ee , fans qu'on fçache par quel
accident, on la defcendit pour la refondre. Pierre Hurel «L^ Jean
Guiibert, Fondeurs, Normands, qu'on avoit fait venir, fe char-
gèrent du projet , pour une fomme de trois cents trente-trois livres,
qui leur fut payée , tant pour la fonte de la cloche que pour celle
des trois appeaux. On y employa trente-neuf mille deux cents
foixante-trois livres de métal , & quatre cents trente-fept livres
d'étain. Le nommé Jean Saliou^ Menuifier, reçut une fomme de
trois cents vingt livres pour monter & defcendre cette cloche.
En 1 564 , elle fe fendit j & comme le froiflement des deux lèvres
empêchoit de bien compter les heures , on fut obligé de la faire
fcier , en 1 565 , & elle fervit de cette façon jufqu'en 1720 qu'elle
fut fondue dans l'incendie qui brûla une partie de la ville. Dans fou
entier , elle avoit huit pieds de diamètre , fix pieds de hauteur , non
compris les anfes : fon épaifleur , à la lèvre , étoit de huit pouces.
Le 29 Mars 1476, le Duc François H donna commifîion aux
Capitaine , Sénéchal , & Prccuicui de k ville de Rennes y de
Tome IK H
58 REN
vifîter les maifons des habitants , & de faire procès-verbal de
leurs armes, vivres, & munitions. Le 8 Février 1485,1e même
Prince aflembla fes Etats dans la grande falie du Palais épifcopal
à Rennes , pour affurer la furvivance de fon Duché à fa fille
aînée. Les Seigneurs & les autres Membres de l'aflemblée jurè-
rent , fur la Croix & les famtes Reliques que leur préfenta
l'Evêque Guibé , qu'après la mort du Duc ils reconnoitroient
pour leur Souveraine , Anne de Bretagne , & , à fon défaut , la
PrinceiTe Ifabeau , fa fœur.
Il y a apparence que la grande halle , qui étoit auprès de la
place de Saint-Sauveur, avoir été conftruite avant l'an 1400: il
n'en eft fait aucune mention dans les archives de la ville qui
reftent de ce fiecle ; mais les lettres que les habitants obtinrent ,
en i484,^pour la conftruftion des trois autres halles ou cohues,
infinuent que la première fubfiftoit déjà depuis long-temps. De
ces trois, une fut placée près l'Eglife de Saint- Germain ; une
autre , à la Poiflbnnerie ; & la troifieme , à Cartage , pour les
poids , les cuirs , & les merceries. Elles furent bâties aux années
1485 & i486 : il n'en relte plus qu'une aujourd'hui. Celle de
la PoifTonnerie , qui étoit conftruite fur la rivière , eft tombée -,
& celle de Cartage fut incendiée en 171 2.
Le 17 Mai i486, le Duc François II ordonna d'augmenter de
nouveau l'enceinte de la ville de Rennes. Ce dernier accroiffe-
ment de voit être beaucoup plus confidérable que les précédents,
puifqu'il devoir s'étendre depuis la tour derrière Saint-Georges,
enfermer l'Abbaye de Saint-Melaine , pafTer derrière le Tabor ,
fe rendre à la Barre Saint- Juil: & aux moulins de Saint- Martin,
& j le long de la rivière d'Ifle , au pont du fauxbourg l'Evêque , &
tout en droiture jufqu'à l'ancienne clôture près la porte ou tour
de Champdolent ; ce qui faifoit un contour de dix-huit mille
huit cents pieds de Roi. Pour faciliter l'exécution du projet, le
Confeil du Duc avoit arrêté d'établir un impôt fur le vin qui fe
débiteroit dans le diocefe de Rennes ; mais la mort du Duc , qui
arriva le 8 Septembre 1488, & les guerres qui en furent la
fuite , firent évanouir ce projet. Henri IV le reprit , & en or-
donna l'exécution, par fes lettres du 3 Juillet 1609, expédiées
en conféquence de l'Arrêt du Confeil du jour précédent : elles
font aux archives de la ville. La mort du Monarque fit encore
échouer ce projet , & la Communauté de ville en obtint la
décharge, par Arrêt du Confeil du 15 Juin 1610. Avant de
mourir , le Duc , qui defiroit ardemment l'exécution de ce projet,
R E N 59
avoît acheté, l'an 1488, quelques terreins auprès de la ville,
pour y conftruire des fortifications. Le journal étoit alors compté
à leize filions, contenant chacun trois cordes trois quarts bc
foixante cordes au journal , la corde de vingt-quatre pieds. C etoit
précifément les trois quarts de notre journal aftuel.
Le 28 Juillet 1488, les Français, commandés par le Duc de
la TrimouiUe , vamquirent les Bretons à la fameufe bataille de
Saint-Aubin du Cormier. Le lendemain de cette journée , le
Général Français fit fominer les habitants de Hennés de fe fou-
mettre &: d'ouvrir leurs portes à l'armée du Roi. On demanda
un délai de quatre jours pour délibérer. Le Duc le refufa , & les
menaça de marcher fur le champ contre eux, s'ils ne luidonnoient
uneréponfe prompte & décifive. En conféquence , on s'aflembla
dans l'Eglife Cathédrale; & , après une mûre délibération, il hit
réfolu de braver les forces de la France. On députa le Seigneur
du PlefTis-daliflbn ; Jean le Voyer, Chanoine de la Cathédrale;
& Jacques Bouchard, Greffier du Pailemcnt du Duc, avec
ordre de fe rendre à la porte de la ville , & de déclarer au
Héraut la réfolution des habitants. Le Duc de la Tnmouille ne
voulut point fe bazarder à faire le fiege de la ville , il décampa
fur le champ, & marcha vers la bafîe Bretagne.
Au mois d'Oèlobre 1490 , la DuchefTe Anne rendit une Ordon-
nance, portant défenfeaux Chapitres & aux Abbayes debretagne de
procéder à aucune élection d'£vêques ou d'Abbés fans l'aveu de
cette Fnnceiîè , & de recevoir aucunes Bulles qui n'auroient pas été
préfeniées au Confeil de la province , fous peine de banniffement
& de faifie du temporel des infra8:eurs de l'Ordonnance. Au
mois d'Oftobre de la même année , Louis, Duc d'Orléans, vint
à Rennes , par ordre du Roi Charles VI II, ik y fut reçu avec
beaucoup de joie par les habitants , qui efpéroient que l'arrivée
de ce Prince pourroit faire cefler les troubles. C'étoit aufii le
dcfièin du Roi & de fon Ambafîadeur. La Duchefle Anne étoit
promife à Maximilien , Roi des Romains , & le mariage étoit
fur le point de fe conclure , lorfque Charles , confidérant de
quel intérêt il étoit pour lui d'empêcher cette union , prit le
fage parti d'époufer lui-même la PrinceiTe Bretonne. Le Duc
d'Orléans fut chargé de venir la demander. Cette commifiion
ne pouvoit lui être bien agréable. Il aimoit pailionnément la
Duchefle , & il étoit forcé de la difpofer à donner fa main
à un autre ; mais ce Prince étoit déjà marié , & le bien de
VLidt cxi^eoit ce grand facnfice. Il eut le bonheur de réufllr.
éo R E N
La PrincefTe confentit à cette union , Se le Roi vint la voir à
Rennes, au mois de Décembre 1491 : il relia peu de temps
dans cette ville , & partit pour Langeais , où la DuchelTe le
fuivit , & où cet heureux mariage fut célébré.
Ifabeau de Bretagne , Ibeur de la Duchefle Anne , étoit morte
à Rennes, le 10 du mois de Juin 1490 : elle fut inhumée dans
le choeur de l'Eglife Cathédrale. Lors de la démolition de cet
édifice, en 1755 > ^^ trouva une plaque de cuivre enchâflee
dans un mauvais parquet, fur laquelle étoient ces mots < Cy gifi
le corps JUfabelU de Bretagne^ jœur unique de la Reine Anne ^
qui décéda le X de Juin M. IIIICC^ IIII^X. IX,.,.. de fon âge.
L'écu de Bretagne au bas de la plaque étoit accompagné de
ces mots : Prie:^ Dieu p. elle. Cette plaque fut mife entre les mains
du Chapitre de la Cathédrale , avec obligation de la repréfenter
quand il en feroit requis. Le corps de la jeune Princefle étoit
dans un cercueil de bois, pofé fur deux barres de fer , dans un
caveau en maçonnerie. Ce cercueil étoit prefque tout pourri;
on y trouva une partie du crâne , des cheveux trelTés & ornés
de perles , des morceaux de velours cramoili , avec des fourrures;
mais, dès qu'on y touchoit , tout tomboit en pouffiere. Ces
triftes relies furent mis dans une boîte de plomb , & confiés
aux Chanoines de la Cathédrale.
Un compte de l'an 1492 nous apprend que la Chambre des
Comptes du Duc fe tenoit, en ce temps-là , aux Cordeliers de
Rennes. Après l'union de la Bretagne à la Couronne , la con-
tagion qui regnoit à Nantes , en 1587, obhgea le Roi à trans-
férer cette Cour à Rennes , où elle tint fes féances au Couvent
des Carmes. Ce fait eft prouvé par un procès-verbal & un bail
des réparations qui furent faites à cette Communauté de la part
de la Ville. Les habitants de Rennes , qui defiroient que la
Chambre des Comptes continuât de tenir fes féances dans leur ville ,
préfenterent , à ce fujet , un placet au Roi, qui leur accorda
leur demande, mais fans aucun effet.
L'an 1492 , la Communauté de Ville fit venir à Rennes les
eaux d'une fource très-abondante , qui fe trouva fur le bord
d'une pièce déterre , à une demi-lieue de la ville , fur le grand
chemin de Dinan , & fit creufer le réfervoir du Puits-Laurent
pour les recevoir. Elle y joignit aufli d'autres fources qui fe
trouvèrent dans la pièce de Goule-Brunes. En 1652, l'eau fortoit
gros comme le bras, par deux gargouilles, à la fontaine de la
place du Cartage , qui fut détruite en 1679. ^^^ partie de
R E N 6i
cette eau reftoit au pont Saint -Martin pour l'ufage du faux-
bourg , & l'autre , à la porte Saint-Pierre , devant le portail de
la Cathédrale. Ce dernier réfervoir fut fupprimé en 1 680.
Dans la fuite , la fource s'étant affoiblie, on y en joignit quelques
autres qui avoient été découvertes aux environs du Puits-Laurent.
Elles portoient leurs eaux à la gargouille du pont Saint-Martin
Se à une autre gargouille placée au bas de la rue Saint-Louis,
Se non devant l'Eglife des Minimes, où elle avoit été d'abord.
La caufe de l'affoiblifîement de la première fource vint de la
conceffion faite, le 4 O8:obre 161 3, au Sieur de la Touche-
Cornulier , Général des Finances , propriétaire de la maifon des
Trois-Croix , d'un douzième des eaux , à condition qu'il n'en ufe-
roit , dans fa cuiline, que par une clef qu'il y feroit pofer pour
le fervice aftuel de fa maifon ; mais le robinet demeura ouvert.
Se on en accrut l'ouverture. Suivant le compte de i')06, l'eau
du Puits-Laurent & de Goule-Brunes pafToit fous la rivière au
pont Saint-Martin ; il en coiita cinquante-cinq livres pour la faire
pafîer fur le pont. Par le compte de 1507, nous apprenons que
la Communauté de Ville déiintéreifa le propriétaire de Goule-
Brunes , pour avoir la difpolition de trois fources, qu'elle réunit
dans un baflln qui y fut conllruit. Ces eaux étoient les meilleures
de toutes celles qui fe rendoient à Rennes. Vers la fin du der-
nier fiecle , on ht pofer fur chacune des fources une groiïe
borne de pierre de grain , de trois pieds de hauteur. Pour con-
ferver la conduite des eaux libre & prohibitive fur les terreins
oii elles pafîbient, & pouvoir faire tous les travaux nécelTaires
pour l'entretien des canaux, la Communauté de Ville commença
par acheter le terrein fur lequel ils pafToient dans la largeur de
îept pieds, fpécialcment depuis la Chapelle Sainte -Marguerite
juiqu'au jardm du presbytère de Saint-Etienne : elle avoit même
acheté les pierres du Puits-Laurent & de Goule-Brunes. En con-
féquence, il fut défendu d'enfermer ou d'occuper ces terreins;
& , quand il eu arrivé ^ quelqu'un d'y faire creufer ou d'y jetter
des immondices , ou d'y établir des fofles - mortes , la Commu-
nauté y 3l fait mettre ordre , tantôt par Juflice , tantôt de plein
droit, par fes Députés.' Le 4 Mai 1630, le Sénéchal de Rennes
rendit une fentence contre tous les voifins de la conduite : ils
furent condamnés à enlever les immondices qu'ils y avoient jettées,
& à démolir les latrines qui fe trouvoient le long des canaux ;
.faute de quoi , on y mettroit des ouvriers à leurs frais , & , en
cas de récidive , ils furent taxés à fix livres d'amende. Deux Arrêts
éa R E N
de la Cour de Parlement, des années 1605 & 1705 , portent
injon6lion aux propriétaires des terreins adjacents à ceux de la
conduite prohibitive , de les faire clorre inceiïamment par un
mur ou une haie d'épines double ; en forte que perfonne ne
puifle pafler fur ces terreins, & à ceux qui pourroient y avoir
conilruit des maifons , creufé des foliés , &c. de les détruire in-
ceflamment , avec défenfe d'y creufer à l'avenir. Au mois de
Juillet 1632, la Communauté fit faire un procès-verbal par fes
Députés; &, par fa délibération du 12 Oftobre 1662 , elle
chargea de nouveaux Députés de détruire tous les étabhfléments.
qui fe trouveroient fur les terreins du palTage des eaux. Perfonne
n'a jamais voulu s'oppofer aux ouvertures nécélîaires pour viiiter
& réparer les canaux. Les ReUgieufes de la Trinité , voulant
s'exempter de l'embarras de ces ouvertures , ont fait faire une
voûte avec des tuyaux , de manière qu'on peut faire la vifite
fans ouverture. Le 27 Novembre 1690, on arrêta de faire tranf-
porter la conduite entre les rues Haute & BafTe ; mais les Ex-
perts, nommés en 1700, ayant reconnu que ce changement
étoit très-dangereux, ce projet fut abandonné.
L'époque de la conltruftion de l'Hôtel de Ville & de la place
de la Monnoie , n'cil pas bien certaine ; il paroît néanmoins
qu'ils furent commencés l'an 1493 , puifque , le 24 Juillet de
cette année , un Seigneur d'Epinai forma oppofition à la conf-
truftion de cet édifice. Lors de l'entrée du Roi Henri IV à Rennes^
en 1598, il fut réparé & embeUi. En 1693 , il étoit en fi mau-
vais état, qu'on forma le projet de le bâtir à neufj ce qui fut
exécuté aux années 1695 & 1696. On employa à cette conllruc-
tion les quatre mille huit cents cinquante-cinq livres dont les
Sieurs Loaifel fe trouvèrent redevables à la Communauté de Ville.
L'édifice fut augmenté d'un pavillon , vers le foffé de la ville ,.
en la forme alors uiitée. Pendant le temps du travail , les affem-
blées fe tenoient chez les Pères Minimes , Se elles ne fe firent
à l'Hôtel de Ville qa'en l'année 1697.
Le 8 Mai 1493 , Michel Guibé , Evêque de Rennes, publia
des ftatuts. Ce Prélat y recommande l'ufage de faire des terta-
ments, comme très-utile au falut des âmes. Il fe plaint de quel-
ques Relieurs des Paroiffes, qui détournoient les malades du def-
fein de configner fur le papier leurs dernières volontés ; &, pour
remédier à cet abus, il défend exprelTément à tous Refteurs &
autres Eccléiialhques , fous peine de fufpenfe , d'excommunica-
tion j ôc de dix livres monnoie d'amende , d'empêcher les teita-
R E N (?j
ments , & il ordonne à tous les Refteurs de mettre , tous les mois ,
aux mains de l'Official ou Commiflaire député en caufe de tefla-
ment , les noms & furnoms des hommes & femmes décédés dans
leurs Paroifîes , avec cliftin61:ion de ceux qui ont fait leur tefta-
ment d'avec ceux qui ne l'auront pas fait. Il fut enjoint à chaque
Curé de publier , tous les Dimanches, ces ftatuts aux prônes des
Meffes Paroifliales. Un autre abus , dont le Prélat fe plaignoit,
étoit que les faintes Huiles étoient portées çà & là par des Laï-
ques. Il défendit aux Refteurs de leur en donner la permifîion,
fous peine d'excommunication & de dix hvres d'amende.
Environ le même temps, le Pape permit aux Religieux de
Saint-Melaine de percevoir les héritages qui leur viendroient en
mobilier , comme s'ils étoient dans le monde.
La Chapelle de Guibé fut fondée par Robert Guibé , Evêque
de Rennes & Seigneur de Saint-Jean fur Coefnon. Le Vicaire
de cette Chapelle ell à la nomination du Marquis de la Do-
biais , de la Seigneurie duquel elle dépend. Ce Marquifat appar-
tient aujourd'hui à M. Paul Hay , Chevalier , Marquis des Né-
tumieres , du chef de Dame Marie-Rofe de Latran de Kercadio
de Rochefort, fon époufe , petite -fille du Préfident de la Co-
querie, Patron, fondateur, & préfentateur de la Chapelle de Guibé.
L'Eglife paroifTiale de ToufTaint avoit été bâtie par les pre-
miers Comtes de Rennes , dans un heu aflez éloigné de la ville.
Elle étoit d'abord ifolée j mais , dans la fuite , les terreins vagues
qui l'environnoient furent afféagés à des particuliers qui y firent
conftruire des maifons. En 1 505 , on projetta d'y faire un cime-
tière, pour l'emplacement duquel Gui , Comte de Laval , Seigneur
du lieu , donna quelques maifons dont le Général de la ParoifTe
s'obligea de lui payer la rente , avec un cierge à la Chande-
leur. On plaça , par reconnoiflance , plufieurs écuflbns aux armes
de cette maiion , dans l'EgUfe de Toufiaint & au coin du nou-
veau cimetière. Jufques-là , le presbytère de la Paroifle avoit été
dans la rue du Chapitre , renfermée dans l'ancienne cité. Les
habitants , qui fentoient combien cet éloignemcnt étoit incom-
mode pour eux & pour leurs Prêtres, achetèrent, en 1506, un
terrcin plus voifin de l'Eglife, où ils placèrent la Cure. L'année
fuivante 1 507 , leur nouveau cimetière fut béni.
L'an 1508 , le Roi Louis XII & la Reine Anne accordèrent
aux Paroifiiens de ToufTaint le terrein de la rue Traverfine ,
pour l'incorporer à leur cimetière. Cette rue féparoit l'ancien
cimetière du nouveau & de leur Eglife.
64 R E N
Les regilîres de la Communauté de Ville nous apprennent qu*eii.
ce temps , Jacques de Tours , Médecin , avoit îbixante livres
d'appointements. Il étoit , félon toutes les apparences , le feul
de ion art qui réfîdât à Rennes.
Par lettres données à Blois, au mois de Mai 1510, la Reine
Anne accorda de nouveaux privilèges au Couvent des Jacobins
de Rennes , & y fit de nouvelles fondations : elle donna à ce
Monaftere fa couronne ducale , avec trois ornements complets,
pour la célébration du Service divin. Le premier avoit été fait
* de fa robe de noces avec Charles VIII , & de fon manteau ducaL
Il étoit inappréciable , parce que ces vêtements étoient ornés
de pierreries d'une grande beauté : ce riche préfent ne fub--
fifte plus. En 1 5 1 9 , on établit une foire franche à Rennes pen-
dant quinze jours j foire qui depuis a été fupprimée , on ne fçait
pourquoi. Le z6 Novembre 1 52.4 , les Etats , affemblés à Rennes^
rendirent hommage au Roi , qui envoya dans cette ville des Com-
mifîaires pour recevoir le ferment de fidélité de cette afTemblée.
En 15 16, Noël du Margat, Abbé de Saint- Melaine , fit réparer
l'Eglife & les bâtiments de fon Abbaye, qui tomboient en ruines..
On doit rendre juftice à cet Abbé , dont la fageffe réforma les
abas de fa Maifon & les défordres de fes Moines. Les AbbeiTe
& Rehgieufes de Saint - Georges fe déshonoroient alors , par
une conduite très-Hcencieufe , fous le gouvernement d'Ifabeau
Hamon , fœur des Evêques de Nantes Se de Vannes , élue Ab-
befTe en 1523. Ce Couvent porta le défordre à fon comble j il
continua fous Chriftine Touftain ( a ) , qui mourut en 1 5 27. Le
( J ) Je ne fçais pourquoi Taillandier ,
continuateur de Dom Morice , a pafle fous
fiJence Chriftine Touftain. Il eft à croire qu'il
ne la connoifToit pas : elle fe trouve néan-
moins mentionnée dans une efpece de
vieille hiftoire eccléffeftique & monaftique ,
imprimée in-4°. & dans un autre gros in-
4°. qui eft à la bibliothèque de Saint-Geor-
ges. Dans l'un de ces deux livres , on a
mis Toutain au lieu ds Touflain , faute com-
mune à beaucoup d'auteurs & imprimeurs,
qui penfent que Vf ne fe prononce pas.
Elle eft aufïi rappellée dans des mémoires
domeftiques ; mais on ne fçait fi elle étoit
bâtarde ou légitime. Cependant la dignité
à laquelle elle fut élevée ne permet pas de
ibupçonner aucune tache dans fa naiflance.
On çonnoit l'exai^tude des Religieufes de
cette Abbaye à n'admettre parmi elles que
des perfonnes de la première diftinftion;
On ne fçait pas mieux fi cette Chriftine
Touftain étoit de l'ancienne maifon de Touf-
tain-Frontebofc en Normandie , laquelle a
donné les Marquis & Comtes de Carenci
en Artois , les Marquis & Comtes de Virai
en Lorraine, les Châtelains d'Ecrennes en
Beauce , & dont une branche eft repréfen-
tée en Bretagne par M. le Vicomte de
Touftain-Richebourg , reconnu, avec la qua-
lité de Chevalier , au Parlement de Rennes ,
& affilié aux Etats de la province, en vertu
de fa naifl^ance & de fon mariiige avec De-
moifelle du Bot de la Grée-Calac.
Toftain,Thorftein, Tuftin ,Tuftain, Touf^
tain,Turftain ,Tofton,nom avantageufement
rappelle dans les cartulaires de Normandie
refpedlable-
R E N éj
refpeftable Evêque , Yves de Mayeuc , defîrant faire cefTer un
fcandale qui ne pouvoit que nuire à la Religion , voulut ufer
de fon autorité pour rétablir la difcipline dans cette Abbaye j
mais le mal avoit pris de trop fortes racines. Les Religieufes
mépriferent fes avis & bravèrent fon autorité. Le Prélat fut
obligé d'avoir recours à la puiflance royale , avec le fecours de
laquelle il parvint à faire rentrer dans le devoir & dans la retraite
ces Dames que l'amour du monde avoit fçu féduire.
L'année 1527 eft remarquable par l'établilTement de la Chambre
& d'Angleterre , dès le dixième fiecle , &
dans les Chroniques 6c monuments du
Nord , dès le faptieme , eft , au fentiment
de M. Hu2t, dans fes Origines de Caen^ &
deM.Taflin , dans fa Diplomatique ,\^ même
nom Danois diverfement écrit & prononcé :
Tujlanus y génère Danorum , dit le Monajli-
con Anglicanum , fous l'an 970. Sans qu'il
foit néc:flaire d'établir une jondHon avec
la maifon de Steinftur , ( anagramme de
Turftcin , ) dont étoit,en 1521, le grand
Adminiftrateur de Suéde ; ni avec la maifon
de Torftenfon , ou fils de Torftein , très-
dlftinguée dans le même Royaume ; ni avec
les Tulfton &Stoufton , Pairs d'Angleterre:
il eft certain que dans une famille Nor-
mande , de nobhfTe immémoriale , ce nom
ne peut annoncer qu'une origine antique &
îlluflre. Il étoit afFe£té par des Chefs , Sei-
gneurs , & Guerriers , Danois ou Scandi-
naves , attachés à leur idole Tur ou Tor ,
( Dieu du tonnerre , ) auquel ils facrifioient
fur une pierre,en tudefque,y?«Vî. A cette racine
trcs-plaufible , adoptée parle fçavant Huet ,
M. de la Sauvagere en fubftitue une autre
affez vraifemblable , & qui n'ôteroit rien de
l'antiquité du nom. Ce font bien les mêmes
mots , mais l'interprétation eft différente.
11 le fait donc dériver de la racine tur ,
<jui fignifie , en hébreu & en celte , mon-
tagne , & de Jlein , qui veut dire , en tudef-
que , rocher ,. pierre. Or , dit-il , les Seigneurs
d'un château fitué fur une haute montagne ,
ainfi qu'étoient bâties toutes les fortereffes
dans lantiquité , en auront pris le nom de Turf
tein , d'où , par corruption , fera venu le mot
Toujlain. Tur, fuivant Ménage , a fignifié /ô/--
tis , audaXy & flein , regio , pagus ; en forte
^ue Turjlàn auroit pu fignifier originaire-
ment le guerrier , le chef, le défenfeur du
Ëays. Il eft encore à remarquer que les
formands , ayant u -.e fois embrafle le
Tome IV^
Chriflianifme , le nom de Touftaln fut
fouvent pris au baptême par de grands
Seigneurs , & que plufieurs de leurs def-
cendants l'ont enfuite adopté comme fixe
& patronimique , en mémoire des a^î^ions,
dignités , & vertus de leurs ancêtres. Ceux
qui ne fçavoient pas que l'y du nom fe
prononce , ont quelquefois écrit Toutain.
Par exemple , on lit dans l'hiftoire de
Rouen , par Favin , Chapitre de l'ancienne
Nobleffe , Guillaume Toutain , Seigneur de
Betencourt & de Honguemare , à la
montre des Nobles de i486, au lieu de
Guillaume Touftain , &c. Ce Guillaume
Touftain , mari de Demoifelle Jacqueline
Gouel , héritière de Limefy-Frontebofc,
vendit , en 1487 , au Seigneur Gouel de
Poville , le fief noble de Hautbert & de
Betencourt , dont Colin Touftain , Ecuyer ,
fon arrière grand-oncle , avoit payé le re-
lief & treizième au Seigneur de Baque-
ville , en 1 284 , après l'avoir acheté du
Seigneur de Bré\4Lle. Quant à la Terre
de Honguemare , entrée dans la même
maifon par le mariage de Jean Touftain^
Ecuyer, aïeul dudit Guillaume , avec De-
moifelle Jeanne le Vavaffeur , elle n'en
eft fortie qu'en i68a , environ trois cents
ans après cette alliance. Tous les aftes
jufHficatifs de cet expofé ont été produits
& reconnus à la Commiftion Intermé-
diaire , au Parlement , & aux Etats de
Bretagne, en 1774. Plufieurs Touftain ont
été Comtes d'Hyefmes au onzième fiecle ;
& l'étymologie celtique du nom de cette
ville, telle que la donne M. Deric, page 5 a
de fon Introdu6Kon à rHiftoireEccléfiaftique
de Bretagne, auroit la même fignification
que celle donnée par M. de la Sauvagere
au nom Touftain. ( Voyez la page cv
du tome premier de ce Di^bonnaire. )
\
6S R E N
Royale à Rennes, pour la réformation de laNobleffe. Le travail
dura plus de vingt ans. Au mois d'Août 1532, les Etats s'af-
femblerent à Vannes , le Roi y aflifta. L'aéle de l'union de la pro-
vince à la Couronne fut pafle le 12 de ce mois, & le Dau-
phin fut reconnu Duc de Bretagne. Le 9 Août 1532, les ha-
bitants de Rennes furent avertis que le Prince devoit faire fon
entrée dans leur ville. René de Montboucher , Seigneur du Bor-
da2;e, premier Pannetier de la Reine & Gouverneur de Rennes,
fit ^:ous les préparatifs pour la réception du nouveau Duc , qui
arriva le 1 2 du mois d'Août , fur les onze heures du matin : il
n'entra point en ville ; il fe retira à l'Abbaye de Saint-Melaine.
On tira toute l'artillerie , & on fonna la groffe horloge en ma-
nière de tocfin. Le Prince étoit accompagné du Cardinal de
Grammont i du Marquis du Pont, fils aîné du Duc de Lorraine j
du Sire de Chateaubriand, Lieutenant général en Bretagne j &
de quelques autres Seigneurs. Cette iliuftre compagnie dina à
Saint-Melaine. Après le dîner , le Prince donna audience aux
Seigneurs qui avoient droit d'affifler au couronnement. Louis de
Rohan , Sire de Guemené , demanda d'être maintenu dans fon
droit de tenir & garder , pendant le couronnement , la couronne
du Prince -, ce qui lui fut accordé : mais il fut dit que , fans
déroger au droit dudit Seigneur de Rohan , & pour cette fois
feulement , le Marquis du Pont prendroit la couronne fur la tête
du Prince , pour la donner au Sire de Guemené , fur un carreau
préparé à cet effet. Ce premier point réglé , le Sire de Quebriac ,
Grand-Ecuyer , à caufe de fa Terre de Brecé , fut reçu à porter
l'épée d'honneur devant le Prince à fon entrée. François de
Niaure, & Alain de Trouvarlen , Seigneur de la Terre de Molac,
furent reçus à porter les deux premiers cantons du poêle fur la
perfonne du Dauphin : René Tornemine , & François Brulon,
Sieur de la Muce , furent reçus à porter les autres cantons du
même poêle -, mais Pierre Chauvin , Sieur de la Muce-Chauvin ,
& Claude de Maleftroit, Sieur de Keraër, prétendant au même
privilège , le Confeil décida que , fans préjudicier aux droits des
parties , & pour terminer le différent , le poêle feroit porté par
Antoine de Montboucher , Seigneur du Pleffis, François de Maure,
Ôe Alain de Trouvarlen.
Le lendemain , 1 3 du même mois , on dreffa à la porte de
l'Abbaye de Saint-Melaine un grand théâtre décoré de belles
tapifferies en or & en foie , fur lequel le Prince fe plaça dans
un fauteuil de velours yerd, accompagné des premiers de fa
R E N ^7
Cotir ; & on fit pafTer devant lui trois colonnes de gens de pied
armés en guerre, avec piques, hallebardes, & fulils, qui for-
moient un nombre de quinze cents hommes. La première étoit
habillée de blanc , gris , & violet ; & les deux autres avoient la
couleur de la ville , blanc & noir. Les Capitaines étoient accou-
trés des couleurs de leurs troupes , en velours & draps d'argent ,
avec des bofles d'or & des devifes relatives à la cérémonie.
Chaque Capitaine, à fon rang, préfenta au Duc le fervice de fa
Compagnie , & lui fit un compUment en vers. Ces trois colonnes
étoient fuivies d'une autre troupe richement vêtue , en velours ,
fatin , & taffetas , nommée la troupe de la Ba-^oche , avec fes
Capitaines & Officiers , faifant en tout trois cents hommes de
Eied. A leur fuite , parut le Clergé fécuUer & réguUer , en ha-
its de chœur , avec les croix & les bannières. Les ReHgieux de
Saint-Melaine portoient leurs ReHques à cette cérémonie. René de
Montboucher , Capitaine de la ville , précédé des quatre Trom-
pettes , avec des robes aux armes de la ville , dont l'écufTon étoit
environné d'une cordelière, paroiffoit richement habillé, & ac-
compagné des Officiers municipaux & des principaux Bourgeois
magnifiquement parés , au nombre d'environ deux cents. Quand ils
furent devant le théâtre , les Trompettes commencèrent leurs
fanfares. Le Capitaine mit pied à terre avec les Connétables
& fept à huit des plus notables Bourgeois , & harangua le
Prince. Louis du Defert, Confeiller , Maître des Requêtes du
Prince , & Garde-fcel en fa Chancellerie , répondit à la harangue,
& témoigna le contentement du Prince. Ceux-ci étoient luivis
des Sergents , des Notaires , & des Avocats , en robes de Palais &
bien montés : ils précédoient les Officiers fupérieurs. Pierre d'Ar-
gentré , Sénéchal de la ville , defcendit de cheval , & fit fa
harangue.
Suivoient le Chapitre de la Cathédrale, portant les ReHques;
les Trompettes de la ville , & les Hérauts d'armes ; le Vice-
Chanceher j les Maîtres des Requêtes ; les Abbés de la Chaume
& de Montfort j les Evêques de Saint -Malo & de Coutances,,
(ce dernier étoit Grand-Aumonier ; )le Sire d'Avaugour portant
le bâton de Maréchal j & Louis de Nevers , chacun en leur
rang. Le Duc , vêtu d'une robe de velours bleu avec des bro-
deries en or , monté fur un cheval enharnaché de velours noir
avec des boucles d'or , paroiffoit enfuite , ayant à fa droite le
Cardinal de Grammont , & à fa gauche le Marquis de Lor-
Baine. 11 étoit fuivi de Louis Hainaft , Chevalier de l'Ordre diL
é8 R E N
Roi , Gouverneur du Duc , & de plufieurs autres Seigneurs. Lorfque
le Duc commença à marcher , la grofle horloge fonna jufqu'à
ce qu'il fût arrivé à l'Eglife de Saint-Pierre. Quand il fe pré-
fenta à la porte au Foulon , le peuple cria : P^ive le Duc , & l'ar-
tillerie tira. Cette porte étoit fermée fuivant l'ufage. L'Evêque
de Rennes, accompagné du Sire de Chateaubriand, qui fit ou-
vrir la porte , préfenta au Duc le livre des Evangiles & les Re-
liques, fur lefquels le Duc fit ferment de conferver les droits
de l'Eghfe de Bretagne , Se {es Minières dans leurs privilèges &
anciennes libertés. Le Seigneur de Chateaubriand reçut le même
ferment pour la NoblelTe , les Villes , & le Peuple. Le Duc en-
tra , & on lui préfenta un riche poêle de damas bleu & de fatin
blanc , orné de fleurs de lis d'or & d'hermines , fous lequel étoit
le Seigneur de Quebriac , Grand-Ecuyer , à cheval , & ayant
l'épée ceinte avec une écharpe émaillée de fleurs de lis d'or. Ce
Seigneur fe retira, & céda fa place au Duc, devant lequel il
continua de marcher. Les rues étoient richement tapifl^ees , & les
carrefours étoient décorés de théâtres , avec des emblèmes & des
devifes relatives à la cérémonie. Quand le Prince fut rendu au
manoir épifcopal, le poêle que le Sire de Maure prétendit lui
appartenir , fut faifi par les domelliques de ce Seigneur. Le Duc
entra à Saint- Pierre , monta au chœur , & fe plaça , pour aflifl:er
à Vêpres , fous un poêle de drap d'or qu^on lui avoit préparé
du côté de l'Evangile. A Magnificat , l'Evêque donna l'encens
au Duc & au Gouverneur de la province. Après les Vêpres , le
Duc fe retira au Palais de l'Evêque ; & le lendemain 1 4 , à
fept heures , le Clergé de la Cathédrale , portant les Reliques ,
les Evêques de Rennes , de Saint-Malo , & de Coutances , en
habits pontificaux , & accompagnés des Abbés de Montfort &
de la Chaume , fe rendirent au Palais épifcopal , & trouvèrent le
Duc au bas du vefl:ibule. L'Evêque lui préfenta un livre , qu'il
baifa , & enfuite il fit ferment de défendre la Foi CathoHque,
l'Eglife de Bretagne , & fes Minifl:res. On marcha enfuite pro-
ceflionnellement à la Cathédrale. Le Clergé commehçoit la
marche : venoient enfuite les Trompettes ; le premier Huifîier
du Duc ', deux Maîtres-d'Hôtel , vêtus de robes de fatin violet ,
leurs bâtons blancs à la main ; les Hérauts de Bretagne & de
Champagne ; Claude de Villeblanche, Seigneur de Broons, por-
tant un carreau de drap d'or ; le Marquis de Lorraine ; le Duc
de Nevers ; puis le Duc , ayant à fa droite le Cardinal de Lor-
raine , & à fa gauche le Gouverneur j le Seigneur d'Humieres j
R EN ^9
& le Grand-Maître des Eaux & Forets , avec plufîeurs grands
Seigneurs , tous magnifiquement vêtus, & les Archers de la
garde.
On avoit préparé une efpece d'échafaud dans la Cathédrale,
pour le couronnement. Quand le Prince fut arrivé , il fe mit à
genoux , au bas de cet échafaud , fur un carreau que lui préfenta
le Seigneur de Broons ; & , quand il eût fait fa prière , il fut
conduit , par le moyen d'un petit pont , fur lechafaud , par le
Gouverneur & le Cardinal de Grammont. Le Sire d'Avaugour
tenoit l'épée ducale. Le Duc s'affit fur une chaife de drap d'or:
on lui ôta la robe qu'il avoit , & on lui mit un manteau de ve-
lours pourpre & fourré d'hermines , qui étoit ouvert par les cô-
tés. M. de Nevers lui mit le coUier de l'Hermine, Se enfuite
celui de l'Ordre du Roi. Le couronnement fe fit à la manière
accoutumée, comme on l'a dit ci-devant. Après la Méfie, le
Duc fut reconduit au Palais épifcopal , & on cria , à haute
voix , « que le Duc tiendroit Cour ouverte , & que ceux qui vou-
» droient fe trouver à fon dîner n'en feroient pas empêchés. »
Le Duc , ayant quitté les ornements ducaux , excepté la cou-
ronne , vint dans la falle du fefiin. Quand il parut, les Trompettes
fe firent entendre j & , quand on voulut fe mettre à table , on
lui ôta la couronne. A chaque fervice , les Trompettes répétoient
leurs fanfares. Les grâces furent dites par le Cardinal de Gram-
mont , & le Duc donna , pendant deux heures , audience à ceux
Sui avoient afi'aire à lui. Il alla à Vêpres au Monafi:ere de Saint-
reorges , accompagné de fa Cour & des gens de Jufiice. Les
Compagnies qui avoient affilié à l'entrée , ayant été averties , fe
trouvèrent à la fortie du Duc , le conduifirent à Saint-Georges ,
& le ramenèrent à fon logis , au miUeu des décharges réitérées
de l'artillerie. Quand il fut rentré , le Comte de Laval , le Sei-
gneur du Bordage , & les principaux de la ville, lui offrirent,
au nom des habitants, une hermine d'or émaillée , entre fix lis,
environnée d'un riche chapeau de triomphe , du poids de huit
marcs d'or : c'étoit la figure de l'union qui venoit de fe faire ,
aux Etats de Vannes , de la Bretagne à la Couronne. On fit
une harangue au Duc , qui ôta fon bonnet , & témoigna fa
fatisfaftion.
Le mercredi , 1 4 Août , au foir , un des Ecuyers du Roi
vint à Rennes , où il apporta la nouvelle que le Roi étoit à
Nantes ; qu'on y préparoit un tournois ; & que l'intention de
Sa Majefté étoit , que le Dauphin , Duc de Bretagne , fe rendit
70 R E N
à Nantes. En conféquence , le Prince partit le lendemain, Se
fut conduit par le Seigneur du Bordage & fa troupe jufqu'à la
lande Salibart, où ils prirent congé de lui, & lui recomman-r
derent la ville & les habitants de Rennes. Le Cardinal de
Grammont répondit que le Prince étoit fort content des Rennois ,,
qu'il les remercioit -, puis il prit congé d eux. Alors les troupes
firent une décharge générale de leurs armes & s'en retournèrent ,
& le Dauphin marcha vers Nantes»
Les premières éclufes qui parurent fur la Vilaine , furent conf*
truites, l'an 1539 , par ordre du Roi; &, l'an 1542 , on com-
mença à naviger fur cette rivière , depuis Rennes jufqu'à Meffac.
Les premiers bateaux étoient , comme ceux d'aujourd'hui , fort
plats , & ne portoient qu'environ vingt milliers» La première pierre
de l'Eglife Cathédrale de Rennes fut pofée le 1 5 Septembre
15 41, comme on le voit dans les archives de la ville. Dom
Lobineau prétend que ce fut Yves de Mayeuc qui la pofa j il fe
trompe : ce Prélat étoit alors dangereufement malade à Brutz , &
mourut de fa maladie. La cérémonie fe fit donc feulement en fon
nom.. Ses tours , au nombre de deux , réuniffent les cinq
ordres d'archite6lure , qui font entafTés les uns fur les autres. La
plate-bande du portail efl admirée de tous les connoiffeurs. En
1755 , le vailTeau de cette Eglife menaçant ruine, elle fut dé-
molie , à l'exception des deux tours qui fubfiftent encore. On
y trouva le corps d'Yves de Mayeuc dans une châiTe de plomb ,
avec fa bague d'Evêque au doigt» ■
La ville de Rennes efluya, en 1544, un tremblement de
terre fi violent , que les meubles s'entre-choquoient dans les
piaifons,
1 5 5 4. Le Roi Henri ïî établit , au mois de Novembre , un Siège-
de Grand-Maître-Réformateur des Eaux & Forêts à Rennes. Le
même Monarque créa aufli fix charges de Maîtres des Requêtes
dans la Chancellerie de Bretagne, oii ci-devant il n'y en avoit
que fix. On voit au nombre des lettres de nos Rois , concernant
les privilèges de la Communauté de Rennes,, trois copies des-
lettres de Charles VIII ^ portant que la Chancellerie étoit fixée
à Rennes , indépendamment du Parlement , qui n'y fiégeoit que
quelques mois. Ce règlement fut confirmé par les lettres du Roi
François I -, mais aux dernières lettres de l'an 1631 , on a joint
les pièces d'une groffe procédure au Confeil , pendant les années
1542 & 1543 , contre les habitants de Nantes, qui avoient furpris.
zxL Dauphm Henri ,^ Duc de Bretagne ^ deux lettres portant que
R EN 7r
la Qiancellerie tiendroit fix mois à Nantes , & fix mois à Rennes,
fans jugement décifif fur ce point. On ne trouve même
aucune fentence qui fixe la Chancellerie près le Parlement. Le
Siège préfidial de Rennes, compofé de fept Confeillers , d'un
Avocat du Roi, & dun Greffier, fut créé, par Edit du Roi
Henri II , donné à Rheims au mois de Mars 1 5 5 1 . Le Parlement
fut créé en 1 5 5 3 , & tint fa première féance au mois d'Août 1554,
dans le Couvent des Cordeliers. (Voyez tome premier , pag. cciv.)
Cette Cour, qui s'eft toujours diflinguée par fes lumières, fon
équité, & fa fageffe, fait foigneufement obferver les loix. La
province fent tout le prix d'un établiffement fi nécefTaire. La for-
tune des citoyens eft aftuellement en fureté : le riche & le puif-
fant n'oppriment plus impunément le pauvre & le foible , & l'on
n'a point à craindre l'ambition & la rufe d'un injufte raviffeur.
Mais , fi la Bretagne retire beaucoup d'avantages de fon Parle-
ment, la multiplicité des Jurifdiftions inférieures eft un abus qui,
félon bien des gens , mérite l'attention d'une adminiftration éclai-
rée. C'eft à ceux qui connoifTent le mal d'indiquer le remède.
Le 15 Juin 1559 , le Roi Henri II entra au Parlement, pour
s'inftruire , par lui-même , du nom & des qualités des fauteurs de
la nouvelle doftrine. Il Rit auffi furpris qu'indigné de voir plu-
fieurs Confeillers fe déclarer en faveur de la prétendue réforme.
Il les fit arrêter , & ordonna de leur faire leur procès. Cette fé-
vérité n'empêcha pas deux nouveaux Minifi:res de prêcher en Bre-
tagne. On fit à Rennes la cérémonie de la Cène , la veille du Di-
manche des Rameaux , dans la maifon de la Prévalaye j & on la
renouvella, à la Pentecôte , dans la maifon de la Motte-au-Chan-
ceher , fituée hors la ville , dans la Paroilfe de Saint-Etienne.
Artur de Collé, fils de Charles, Comte de BrifTac, Maréchal
de France, fut nommé Abbé de Saint-Melaine , Tan 1560, &
Evêque de Coutances , en 1561. Ce Prélat, qui aimoit beaucoup
l'argent, enleva à l'Abbaye de Saint-Melaine les vafes facrés,
l'argenterie , & les plus précieux ornements de l'Eglife. Les Moines
s'en plaignirent j mais leurs plaintes eurent un mauvais fuccès.
Artur, irrité, fe faifit de toute leur vaifTelle & de tout ce qu'il
trouva de fon goût : il traita même durement les Moines; &,
quand il vit qu'il ne pouvoit plus rien leur prendre , il permuta ,
en 1570, avec l'Abbé du Mont-Saint-Michel.
L'an 1565 , les Jurifdiftions royales deHedé & de Saint-Aubin
du Cormier furent unies & incorporées à la Sénéchauflée de
Rennes , par Edit du mois d'Odobre.
71 R E N
Avant l'union de la Bretagne à la Couronne de France , Fran-
çois II, par {es lettres du 22 Septembre 1485 , avoir établi un
Parlement, qui devoit fe tenir à Rennes & à Vannes. Cet arran-
gement iubfiita jufqu'en 1 5 5 ^ j époque de lereftion du Parlement
aftuel , qui fut fixé pendant fîx mois à Rennes , & pendant fîx
mois à Nantes. Cette alternative donna lieu à de grandes & longues
conteftations entre ces villes , qui vouloient polTéder cette Cour
inclufivement. Les Nantais fuccomberenti & l'Arrêt du Confeil
du 2 Mars 1580, décida que le Parlement demeureroit dans la
ville de Rennes., Comme cette affaire étoit niiportante , les habi-
tants de Rennes n'avoient rien épargné pour faire juger en leur
faveur. Le 8 Février de cette année , ils avoient député le Vi-
comte de Mejufîeaume ; François Dugué , Chevalier des Ordres,
du Roi, Gouverneur de leur ville;. & le Sieur de Meziere, pour
aller défendre leur caufe en Cour. Les Nantais ne s'étoient pas
oubliés : ils avoient aufîl fait partir des Députés ; mais leurs raifons.
n'étoient pas aufîi fortes que celles de leurs adverfaires. La ville
de Rennes avoir , à Paris , Gilles Lezot de la Ville-Geffrai , fon
Procureur-Syndic, qui repréfenta « combien il étoit incommode
»- de porter de Rennes à Nantes les regjftres du Parlement, tous
>x les fix mois. » Il ajouta : « que la ville de Nantes , déjà riche
» par fon commerce , n avoir pas befoin de cette nouvelle fource-
» de richeffes ; & qu'étant fîtuée à l'un des bouts de la province,.
» à près de quatre-vingt lieues de Brell: & de Saint-Renant ^
» c'eût été porter un préjudice très-grand aux habitants de ces,
w cantons , que de fixer fi loin d'eux une Cour , où ils ne pou-
>> voient manquer d'être obligés d'aller chercher la Juflice. >>
1 5 89. Commencement des guerres de la hgue en Bretagne. Le.
2 Mars , le Duc de Mercœur fit arrêter fecrétement le Seigneur
de Ris ^ Premier Préfident du Parlement , avec fon fils & fon
gendre , qui revenoient de Paris. Ils furent conduits & enfermés
au château de Nantes. Quelques jours après ,, on fit trois pro-
cefTions générales à Rennes pour la confervation de la Religion;
Catholique. Le peuple y marcha avec des cierges & des flam-
beaux : plufieurs y marchèrent pieds nuds j & les autres fimple-
ment en chemifes. Cette dévotion ne fut pas approuvée du Gou-
verneur de la ville , René-Marc de Montbarot ^ Huguenot zélé^
qui , après les procefîions y s'empara de toutes les forterefles , où.
il mit des troupes de fa ReHgion & les Catholiques qu'il crut
ks plus fivdelesau Roi , dans la crainte que, par un zèle aveugle, les
Catkoliques ne livrafTent la ville au Duc de Mercœur» Celui-ci ^
n'ayant
R E N 7j
n'ayant pu mettre la ville de Rennes dans fes intérêts , transféra ,
de fon autorité privée, le Préfidial &: la Cour des Monnoies à
Dinan. Le 1 2 Mars de la même année , un foldat catholique , qui
croit en fa6tion à la tour de la porte au Foulon , fut arraché de
fon polie par violence , & on lui fubftitua un foldat de la Reli-
gion Proteftante. Ce procédé caufa la plus prompte révolution.
Les Cathohques, mécontents , fe précipitèrent dans cette tour,
& s'en rendirent les maîtres. Dans le moment , toutes les rues
fiirent barricadées ; Ôr , deux jours après , on introduifit le Duc
de Mercœur dans la ville, où il fut comblé d'honneurs par les
EccléfîalHques , les gens de Juftice , & les habitants. Il relia à
Rennes jufqu'au 28 du même mois , qu'il partit pour Fougères.
Le Prince Lorrain ne fut pas long- temps le maître de Rennes.
Le 5 Avril, le parti du Roi voulut faire un dernier effort pour
arracher cette place au Duc de Mercœur. Gui le Méneux de
Brequigni , Sénéchal de Rennes , concerta avec plufieurs fidèles
fujets du Roi le moyen d'exciter unx émotion dans la ville , en
faifant crier, Vive le Roi, dans toutes les rues & les fauxbourgs,
L'entreprife eut le plus heureux fuccès. Dans l'inflant que les cris
fe firent entendre , l'émotion devint générale ; les Royaliftes furent
les plus forts : le Capitaine Charonniere , commandant pour le Duc
de Mercœur , fut obligé de remettre les clefs de fa place au Sé-
néchal , qui eut la fatisfaftion de foumettre à fon maître la capi-
tale d'une grande province. Cette généreufe aftion fut récom-
penfée. Les Etats ordonnèrent à leurs Tréibriers de faire frapper
une médaille d'or , avec une chaîne , du poids de trois cents
foixante écus , fur un côté de laquelle feroient les armes de Bre-
tagne , & de l'autre , celles du Seigneur de Brequigni , avec cette
légende : La ville de Rennes a jait pour fon libérateur , ce quon
faifoit autrefois pour ceux qui avoient bien fervi la République, Le
parti du Roi reprit donc le deffus dans Rennes j les Ligueurs fu-
rent forcés de fe cacher, & les fujets fidèles qui, dans le temps
de la révolution , avoient pris la fuite , retournèrent au fein de
leurs foyers. Ce qui venoit d'arriver faifoit craindre pour l'avenir.
Le Gouverneur, René de Montbarot, crut devoir prendre toutes
les précautions que lui diftoit la prudence , pour éviter la furprife
d'un ennemi ruié & aftif. Jufques-là , il avoir été d'ufage que
rAbbeffe de Saint-Georges fût la dépofitaire de la clef de la porte
de ville de Saint-Georges. Montbarot abolit cet ufage , qui depuis
n'a plus été renouvelle. L'Abbeffe aftuelle, outre qu'elle avoit
obligation de fa dignité au Duc de Mercœur , étoit encore tante
Tome IV^ K
74 R E N
de la Ducheffe , Ton époufe. Deux motifs auflî puiffants ne pou-
voient manquer de faire pencher rAbbeffe en faveur de la Ligue ;
& Montbarot ne pouvoit , fans imprudence , lui laifTer les moyens
de fe livrer à fon penchant. Il la pria donc de lui remettre cette
clef; ce qu'elle ne put lui refufer. Le 12 Avril, le Roi rendit
un Edit , portant tranllation de la Chambre des Comptes , de
la Cour des Monnoies , & de l'Univerfité , de Nantes à Rennes,
€n punition du parti que cette ville avoit pris contre fon Prince,
Le Roi Henri III ayant été afTafliné à Saint-Cloud , le 2 Août
1589, le Duc de Mercœur , qui étoit alors à Fougères, fut
celui qui reçut le premier la nouvelle de cet horrible attentat.
Sur le champ , il dépêcha le Sénéchal de Fougères à Rennes ,
pour y porter la nouvelle de la mort du Roi & la publier. Le
Sénéchal ne fut pas plutôt arrivé qu'il s'acquitta de fa commif-
fîon. Le Parlement , fans s'informer û la nouvelle étoit vraie ou
faufîe , & jugeant que l'intention du meflager étoit d'exciter
unefédition , le fit arrêter, lui fit faire fon procès, & le fit pendre,
comme perturbateur du repos public , le foir même de fon arrivée.
Ce procédé irrita le Duc de Mercœur , qui s'en vengea , quelque
temps après , fur le Juge d'une Jurifdiétion du Maine , qui
avoit eu l'indifcrétion de condamner le Duc de Mercœur comme
rebelle à fa Jurifdiftion. Ce malheureux , ayant été pris , fut
pendu fur la place du Bouffai , à Nantes , plutôt pour venger la
mort du Sénéchal de Fougères, que pour punition de fon audace.
Le 8 Janvier 1590, la Chambre des Comptes tint fa pre-
mière féance au Couvent des Carmes à Rennes. Le 27 Février,
le Parlement rendit un Arrêt qui déclaroit fauffaires quatorze
Membres de la Chambre Souveraine du Duc de Mercœur , pour
s'être fauflement attribués la qualité de Juges , & en outre , cri-
minels de leze-majefié, comme compHces de l'exécrable parri-
cide commis en la perfonne du feu Roi ; & , comme tels , il les
condamne à faire amende honorable , à être pendus & étranglés ,
à être traînés fur la claie ,&, vingt-quatre heures après , à être
attachés à la juftice patibulaire , & leurs offices fupprimés. L'Ar-
rêt ne fut exécuté qu'en effigie.
Noël du Fail, Seigneur de la Heriffaye , Confeiller au Parle-
ment de Rennes , Jurifconfulte célèbre , fe faifoit alors remarquer
par fes connoiiTances profondes dans la Jurifprudence : il a com-
pofé plufieurs Ouvrages , notamment une Hiltoire de Bretagne j
ôc a fait un Recueil d'Arrêts de fon Parlement , en trois Hvres.
Eginard Baron & François Duaren , l'engagèrent à réduire le Droit
R E N 7î
Civil en lieux communs. Il entreprit cet Ouvrage , à leur folli-
citation , & l'acheva. Il enrichit le public de plufieurs autres
produ6Hons , comme nous l'apprend la Bibliothèque Françaife ,
par la Croix du Maine.
Le 14 Mai 1590, on commença les retranchements derrière la
rue de la Reverdiais , fauxbourg de Rennes. Le 20 du même mois,
on fit une procefîion générale à Rennes , pour demander à Dieu
un temps favorable & une bonne paix. Le Parlement , la Chambre
des Comptes , tous les Ordres & Corps de citoyens y marchèrent.
Le 3 Août , on fit , dans la Cathédrale , l'anniverfaire des
obfeques du feu Roi Henri ÏII. Le Prince de Dombes y aflifia,
avec un grand nombre de Gentilshommes. Des difficultés fur le
cérémonial, entre la Noblefi^e & le Parlement, empêchèrent cette
Cour de s'y trouver. Quelques jours après, elle fit faire un Ser-
vice particuHer dans l'EgUfe des Pères Cordeliers , dans le Cou-
vent defquels elle tenoit alors fes féances. Le Dimanche ,10 Dé-
cembre , on fit une féconde procefîion générale & folemnelle ,
pour demander à Dieu qu'il lui plût bénir les armes du Roi. Le
27 du même mois , l'ouverture des Etats fe fit dans le Couvent des
Jacobins de Rennes : il ne s'y trouva pas un feul Evêque. L'Ordre
de l'Eglife n'étoit compofé que de cinq perfonnes ; celui de la
Noblefîe , de quarante ; & de fept , dans l'Ordre du Tiers-Etat.
Ces cinquante-deux perfonnes conclurent les Etats dans un très-
court efpace de temps. Le 3 Novembre 1591, le Théologal de
Rennes & le Prieur des Carmes eurent un différent très-férieux :
ils portèrent leur animofité au point qu'ils ne s'épargnoient pas
même dans leurs fermons:
« Tant de fiel entre-t-il dans lame des dévots ? »
Jufqu'ici nous n'avons point parlé de l'ére^Hon de la Commu-
nauté de Ville de Rennes , parce que , comme on l'a remarqué
au commencement de cet article , les Capitaines ou Gouverneurs
de la ville tenoient Heu de Maires & Echevins. Les révolutions
qui fe firent dans le gouvernement & dans l'état de la ville ,
donnèrent nailTance à cette Communauté. Les différents accroif-
fements, les foins qu'ils exigèrent, l'augmentation des habitants,
l'union de la province à la Couronne , l'éloignement du Souve-
rain , de nouveaux principes , néceffiterent fa création. La
première chofe qu'elle s'appropria , après l'adminiflration des
travaux publics & de la police , fut celle du produit du
devoir de doaifon. Elle continua de nommer , tous les ans ,,
76 R E N
des habitants pour en faire la perception, avec akributîon de
quatre deniers pour livre. A mefure que la Communauté fe forma ,
elle nomma tous les Officiers qu'elle jugea néceffaires , tant mu-
nicipaux que fubalternes , à l'exception du Procureur - Syndic ,
dont la nomination fe fit d*abord par les Ducs. Au commen-
cement , elle ne s'afTembloit qu'une fois par mois , & le Dimanche
feulement. Il eu prouvé par les anciens com.ptes , qu'elle n'avoit
point de Greffier , ni même de lieu fixé pour fes afïemblées.
Elle tint , en premier lieu , fes féances , dans la tour de la porte
Mordelaife , qui fervoit de logement au Gouverneur , & , dans
la fuite , tantôt au reverfaire de la Cathédrale , tantôt au Cha-
pitre des Cordeliers , & quelquefois dans une maifon fituée au
grand bout de la cohue -, maifon qui appartenoit à un de (es
Membres : elle y avoit dépofé un coffre qui fermoir à trois clefs ,
dans lequel elle confervoit fes titres. Au défaut de Greffier , les
déhbérations étoient fignées de tous les affifi:ants. Vers l'an 1509,
elle acheta un logement fur la place de la Monnoie.
La préfidence aux aifemblées fut continuée , félon l'ancien
ufage 5 au Capitaine-Gouverneur ; en fon abfence , à fon Lieu-
tenant j & , au défaut de celui-ci , au Connétable.
Par Edit du mois de Mars de cette année , la Communauté de
Ville ayant été érigée en Corps de ville régulier , la préfidence
leur fut encore accordée par continuation. Ils en jouirent pai-
fiblement jufqu'en 1659. A cette époque, les Officiers du Pré-
fidial voulurent s'en attribuer le droit, & furent déboutés de
leurs prétentions.
Par Arrêt du Confeil du 13 Mai 1^559 , les Gouverneurs,
Lieutenants , & Connétables , furent maintenus dans leur an-
cienne pofieffion , conformément à un autre Arrêt du Confeil
du 29 Mars 1629, qui porte, qu'en leur abfence la préfidence
fera attribuée aux Députés eccléfiafi:iques des Officiers préfi-
diaux. En 1592, la Communauté avoit demandé la création
d'un Maire , & que cette charge fût jointe à la place de Gou-
verneur ; elle obtint fa demande , par Edit donné au camp
devant Rouen, au mois de Mars 1592.
Le 14 Février de cette année , le Parlement donna un Ar-
rêt , portant défenfe à toutes perfonnes de la ville & des faux-
bourgs, de manger de la viande pendant le Carême , & à tous
Bouchers & Traiteurs d'en fournir , fous peine d'être pendus.
C'étoit , fans doute , les Protefi:ants qui avoient donné lieu à
cet Arrêt. Les papiers de ce temps nous apprennent que Ion
R E N 77
ne faifoit prefque plus d'abftinence à Rennes, On mangeoit pu-
bliquement de la viande dans les rues j ce qui fcandalifoit les
Catholiques zélés & pieux. Les Etats, aiTemblés à Rennes, dans
le Couvent de Bonne-Nouvelle, le 27 Décembre 1592. , fup-
plierent le Roi de ne mettre des garnifons que dans les villes
de Rennes, Vitré, Ploermel , Malelboit, Moncontour , Mont-
fort , Paimpol , & dans les châteaux de Tonquedec , de Chffon ,
de Derval , & de Maumuran. L'aiïemblée nationale ne fut pas
nombreufe : elle termina fes féances le 4 Janvier 1593.
Un événement iîngulier fe paiTa à Rennes en 1593. Françoife
Couaron , qui tenoit l'auberge de la Bannière , dans la rue
de la Fannerie , tomba en léthargie , pendant le cours d'une
maladie dangereufe. On la crut morte , & on fe difpofa à l'en-
terrer. Sa fœur , qui étoit à la campagne , arriva comme on alloit
la porter en terre. Elle fit arrêter le convoi &c ouvrir la châffe.
A la vue de cette fœur qu'elle chériffoit , elle fit un cri perçant,
& pria Notre-Dame de Bonne -Nouvelle de reflufciter la dé-
funte. Sur le champ , cette femme recouvra l'ufage de fes fens,
guérit de fa maladie , & , quinze jours après, elle fe rendit au
Couvent de Bonne-Nouvelle remercier le Ciel de la grâce qu'il
lui avoir faite , 6c fit porter , dans l'Eglife de ce Monallere , fon
fuaire & fa châfTe , qui y furent dépofés.
Le 28 Décembre 1593 , fe fit l'ouverture des Etats, au Cou-
vent de Bonne-Nouvelle. Cette alTemblée créa les Commifùons
Intermédiaires , pour régir les affaires de la province depuis une
tenue jufqu'à l'autre. Ces Commifîions font au nombre de neuf,
une dans chaque Evêché. Celle de Rennes , qui fait la corref-
pondance générale , ell compofée de dix-huit perfonnes ; les au-
tres font compofées de neuf perfonnes feulement , trois de l'Eglife ,
trois de la Nobleffe , & trois du Tiers. Le 16 Janvier 1594*
on fit une procefîion générale à Rennes, pour demander la paix.
Le Maréchal d'Aumont , le Parlement , & tous les Corps de la ville
y affiiterent. Le 22 Mars, même année, on reçut à Rennes la
nouvelle de la reddition de Paris fous l'obéiffance du Roi -, nou-
velle qui caufa une joie inexprimable , qui fe manifeila par le
chant du Te Deum, &: une proceflion générale , à laquelle tous
les Corps affilièrent. Le Maréchal d'Aumont , qui avoit été blefle
à la jambe, y marcha à cheval , à côté des Préfidents Harpin &
Rogier, qui étoient à la tête du Parlement. Après cette adion
de grâces , le Capitaine Fontelebon , qui venoit d'arriver à
Rennes, alla trouver le Maréchal, ôc lui dit, qu'il venoit de
yS R E N
foumettre à lobéiffance du Roi le château de Quebriac , atl dîo--
cefe de Saint -Malo. Le Parlement fit arrêter & emprifonner
Fontelebon, pour l'obligera acquitter fes dettes. Le Maréchal,,
piqué de l'outrage fait à un guerrier fidèle , chargea le Préfi-
dent de la Grée de prier le Parlement de mettre ce brave 8c
courageux Gentilhomme en liberté. Sur le refus de la Cour, le
Maréch-al fe rendit lui - même à la prifon , en fit enfoncer les
portes, & mit le prifonnier en liberté. Ce Gentilhomme étoit
venu à Rennes avec un fauf-conduit , 8c il venoit de faire une
bonne aftion. Le procédé du Maréchal n'eut pas de fuites. Le
Parlement fe contenta de faire rapporter un procès-verbal de rup-
ture ^ mais ayant trouvé , quelque temps après , l'occafion de mor-
tifier le Maréchal, il la faifit. Ce Gouverneur avoit mis une
impofition fur les habitants de Rennes , qui préfenterent au:
Parlement une requête pour s'en faire décharger. Elle fut ré-
pondue d'un qu'il en fou communiqué avec M, le Maréchal, Ce Sei-
gneur fe rendit au Parlement , & eut le défagrément de voir
toute la Compagnie s'élever contre luio Le réfultat fut qu'il laif-
feroitles habitants en repos..
D'Aumont avoit pafTé fa vie dans le métier des armes : il avoit
blanchi fous le cafque.. Après une carrière longue & glorieufe,
malgré le froid de l'âge , il fut la viftime d'une paffion terrible»
Ce fut l'amour , qui abrégea les jours de ce vieux guerrier. Il
aimoit paflionnément Anne d'Alegre , ComtefTe de Laval , Dame
du château deComper. Cette place importante étoit au pouvoir des.
Ligueurs, qui, en connoifTant toute l'utilité, y entretenoient une
bonne garnifon. La ComtefTe , certaine de L'empire qu'elle avoit fur
le Maréchal , le prefTa de l'affiéger , & employa de fi bonnes rai-
fons qu'elle y réuffit. Le vieux Général accorda tout à l'amour.
Il ^ le fiege , & le pouffa avec vigueur; mais il fut bleffé aU;
bras , & contraint d'abandonner fon entreprife. Cette blefTure ,,
qui d'abord n'avoit pas paru dangereufe , devint mortelle , foit
par l'ignorance des Chirurgiens , ou par les chaleurs de l'été. Le
Maréchal mourut au Palais épifcopal de Rennes, le 19 Août
1595. On rendit à ce Gouverneur tous les honneurs dus à fa
dignité : fon corps fiit embaumé, & expofé fur un lit de parade
julqu'au 6 du mois fuivanî , dans la Chapelle de l'Evêché. La
cérémonie de fes funérailles fe fit dans la Cathédrale , qui étoit
toute tendue de velours noir, à cinq rangs dans le chœur &
trois dans la nef, avec les armes du défunt, & une grande illu-
aaination. Tous les Corps de ville afîiflerent à cette pompe
R E N 79
fonebre , dont la cérémonie fut faite par iEmar Hennequin ,
Evêque de Rennes. L'Oraifon funèbre fut prononcée par Pef-
chard. Le Comte de Chappes fut le feul de la famille du Maré-
chal qui aflifta à fes funérailles , après lefquelles il fit porter le
corps de fon père dans la province de Poitou , où il fut enterré»
Le Général fut regretté de toute la Bretagne : il étoit aimé du
peuple , Se d'autant plus eilimé qu'il n'avoit jamais chancelé dans
le fervice du Roi. Il avoit gagné l'affe^on des foldats par (es
libéralités & fa franchife. Le Marquis de Lavardin fut honoré
à fa place du bâton de Maréchal de France. Le 6 Oftobre de
cette année , on chanta , dans la Cathédrale de Rennes , un Te
Deum folemnel , en aftions de grâces de ce que le Pape Clément
VIII avoit levé l'excommunication lancée contre le Roi Henri
rV & fes fidèles ferviteurs.
Le 10 Décembre 1595, la Communauté de Ville rendit fa
première Ordonnance : elle prefcrit aux habitants de placer , à
leurs frais , de douze en douze maifons , des lanternes publiques
pour éclairer pendant la nuit. Le 19 Février 1621 , elle renou-
vella la même Ordonnance, qui fut encore réitérée en 1629,
& confirmée par un Edit de l'an 1697. L'étabhlTement de ces
lanternes a duré jufqu à nos jours , qu'elles viennent d'être chan-
gées en réverbères , qui éclairent beaucoup mieux.
La nouvelle d'une trêve entre le Roi & le Duc de Mercœur ,
& la converfion de ce Monarque , cauferent tant de joie aux
habitants, que, le 26 Décembre i Ç95 , on fit une procefTion gé-
nérale à Rennes, Le Parlement , la Chambre des Comptes , le
Préfidial , la Maifon de Ville y affifterent en habits de cérémo-
nie. Cette proceflion fe rendit à l'Eglife de ToufTaint , où l'Evêque
célébra pontificalement. Le foir, on alluma, dans toutes les places
publiques , des feux de joie , & la fête continua au fon de toutes
les cloches & au bruit du canon. Elle réjouifToit autant les
Cathohques qu'elle déplaifoit aux Proteftants. La joie fut diminuée
par la difette qu'occafionna l'abondance des pluies. Les moiflbns
manquèrent entièrement , & la guerre multiplioit fes ravages. On
fit une nouvelle proceflion, le 29 Novembre , pour demander
à Dieu la paix.
Au mois de Mars 1597, le bled étoit fi cher que la majeure
partie des habitants étoit réduite à mendier dans les rues. La
campagne n'étoit pas plus heureufe ; de forte que la Commu-
nauté de Ville rendit une Ordonnance qui portoit , qu elle feroit
une aumône publique aux malheureux qui manquoient de pain.
8o R E N ^
Le 15 Juillet de cette année, mourut la Dame de Montbarot.;,
époufe du Gouverneur de la ville. Elle étoit de la Religion Pro-
teftante , mais d'un mérite rare. Le lendemain , fur les huit heures
du foir , Ton corps fut porté à Saint- Aubin , dans une châfTe de
plomb, par des Gentilshommes & des Officiers de la maifon de
îbn mari , pour être inhumé dans l'enfeu de fa famille. Le convoi
étoit compofé d'un grand nombre de Calviniftes : il n'y avoir ni
Prêtres ni Moines , mais pluiieurs pauvres en habits noirs , avec
des flambeaux. Le Gardien de Samt-Yves les avoit rangés par
ordre , il les conduifoit , & ils marchoient devant le corps. Pierre
AUeaume , Refteur de Saint-Etienne , accompagna le convoi avec
une grande multitude de Bourgeois, quelques-uns des Echevins,
& quelques Membres du Parlement , mais tous marchant fans<
ordre.
Le Duc de Mercœur , voyant fon parti abattu , & la foudre
prête à l'écrafer, écouta enfin le confeil de la prudence, & fit
îa paix avec le Monarque. Cette heureufe nouvelle fut portée
à Rennes par de Montmartin. Le Te Deum fut chanté au bruit du
canon & au fon de toutes les cloches de la ville, & l'on finit les
réjouiflances par une proceffion générale. Le 6 Mai 1 598 , le Roi
Henri IV, accompagné de l'Amiral, du Grand-Ecuyer, des Ducs
de Bouillon, de BrilTac , du Chanceher, du Grand-Prévôt, 8c
des Officiers de fa maifon , partit de Nantes pour fe rendre à
Rennes. Sa Majefté alla coucher au château de Fontenai. Cette
place , qui eft fituée dans la ParoifTe de Chartres , appartenoit à
la Maréchale de BrifTac. Le Roi partit le 9 du château de Fon-
tenai pour fe rendre à Rennes. La Communauté de Ville alla au-
devant de Sa Majefté , jufqu'au delà du fauxbourg de la Magde-
leine , où elle reçut le comphment des Officiers municipaux, aux-
quels elle dit: /^ vous annonce la paix générale dans tout mon Royaume^.
ce qui fit beaucoup de plaifir à tout le monde. Toutes les Com-
pagnies de la Mihce Eourgeoife étoient fous les armes. Lorfque
le Roi fut prêt d'entrer fur le premier pont de la porte de ville
de ToufTaint , qui étoit fimplement parée des armes de France Ô£
de Navarre y le Maréchal de BrifTac prit des mains de Montbarot,
Gouverneur de Rennes , trois clefs de la ville , & les préfenta
à Sa Majefléyqui les reçut &les baifa,en difant : Voilà de belles
clefs , mais j'aime mieux encore les clefs des cœurs des habitants»
Enfuite le Monarque pafîa les deux autres ponts, & entra dans la
ville , au bruit du canon & au fon de la cloche de lagrofTe horloge*
Comme le Roi avoit défendu de faire des dépenfes pour fon
entrée 3,
REN 8i
entrée , on avoit ' Simplement placé , entre les deux tours de la
porte Saint-Germain , un arc de triomphe , en verdure , avec
le portrait du Roi au naturel. On plaça auffi fon portrait à
l'Evêché , où il logea. Le Parlement , en Corps & en robes
rouges, alla faluer le Roi, fur les trois heures de l'après-midi,
dans l'Églife Cathédrale. Le lendcmam lo , jour de la Pentecôte,
Sa Majefté entendit la MefTe , qui fut célébrée dans la Cathé-
drale par Charles de Bourgneuf , Evêque de Nantes , qui com-
munia le Monarque. Après la MefTe , le Roi toucha les malades
des écrouelles , qui étoient en grand nombre dans la cour de
l'Evêché. Dès le foir précédent , on avoit fait pubUer , à fon de
trompe , que ces malades eulTent à fe trouver à la Cathédrale.
A quatre heures du matin , le Cardinal de Joyeufe arriva à
Rennes , où il relta avec le Roi. Le 1 1 , le Roi fit une partie
de chafTe , & alla dîner au château de la Piévalaye , à trois
quarts de lieue au Sud-Sud-Efl de Rennes , au bord de la ri-
vière de Vilaine. Ce même jour , il arriva un accident dont
le Roi fut fort touché. Le Prince de Moldavie & de Valachie ,
qui étoit à la Cour de France, fut tué, dans la rue Reverdiais,
par fix Anglais. Le Roi apprit cette nouvelle à fon arrivée; mais
on ne crut pas devoir pourfuivre la vengeance de cette affaire,
d'autant mieux qu'on n'en fçavoit pas la véritable caufe. On croit
feulement que cet afTaflinat s'étoit commis chez des femmes pu-
bHques. Monrgommeri fe fit prefque prier pour venir voir le Roi
à Rennes. Pour le mortifier , le Roi dit , en fa préfence , à Sour-
déac : Sourdcac , la Jête des Rois efl paffée. Il .Vouloir dire par
là , qu'avant la paix , il y avoit autant de Rois que de Capi-
taines en Bretagne. Le 13 , le Roi retourna à la chalTe à la
Prévalaye. On prit un loup , & un lièvre remarquable par fa
iîngularité : il avoit deux corps, huit jambes, une tête, & trois
oreilles. Cette chafle fut fuivie de luttes &: de plufieurs diver-
tiffements. Le 1 5 , comme le Roi fortoit de la Meffe de la Ca-
thédrale , un des habitants , nommé GraveUe^ fe préfenta devant
Sa Majefté , & lui dit : « Je fuis Duc de Bretagne , & je vous
H fais prifonnier. » Cette extravagance fut accompagnée de plu-
fieurs autres folies , dont le Roi eut l'air de rire ; mais on fe hâta
d'éloigner ce fou , & de le conduire en pnfon. Montbarot fut
fort blâmé de ne l'avoir pas fait enfermer plutôt. Le Roi devoit
partir ce jour-là pour aller coucher à Vitré , mais il fut retenu
par le defir de voir la fille de Jean Yger de Launay , Avocat de
Rennes , qui étoit parfaitement belle. Cette jeune perfonne toucha
Tome IF. L
8i REN
le cœur fenfible du Monarque , Se Ton prétend qu'il eut un tète*
à-tête avec elle. Quoi qu'il en foit, le Roi ne partit que le i6,
à quatre heures du matin , & alla coucher à Laval , d'où il
écrivit , le 17 , pour la convocation des Etats , dont l'ouverture fe
fit, le 18, au Couvent de Bonne -Nouvelle. Toute la Nobleffe
s'étoit rendue à Rennes lors de l'arrivée du Roi. Avant l'entrée
de ce Monarque en leur ville , les habitants étoient obligés de
monter la garde jour & nuit aux portes & fur les remparts. Le
Monarque abolit cette coutume , & la garde ne fut plus montée
que la nuit pour le bon ordre & la police.
L'an 1599, le Roi accorda à l'Hôpital de Saint-Yves, pouir
neuf ans , le quart des cafuels de la SénéchaulTée , pour récom»
penfer cette maifon des dépenfes qu'elle avoit faites pour foigner
les foldats bleffés & malades qu'elle avoit reçus & traités pen-
dant les neuf années de guerre & de troubles dans cette pro-
vince. Le 6 Juin 1602, la Maifon de Ville marcha, pour la
première fois , en Corps , à la proceflion de la Fête-Dieu. Le
déjeuner de ce jour, référé fur. fes regiftres, ne monta qu'à la
fomme de vingt-une livres onze fols. Ce fut dans ce temps que
Jean Jubin , Prieur de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle , fit élar-
gir fon Eglife du côté du cloître. Le fommet des tours de la
ville fut démoli, en 1602 & 1603 , par ordre du Monarque.
Le 25 Août 1586 , fut faite la première délibération pour
Fétabliffement des Jéfuites à Rennes , dans le Prieuré ou Collège
de Saint-Thomas , qui dépendoit de la Communauté , à raifon
du don qui lui en avoit été fait dès l'an 1533. Les archives
de la Communauté de Ville n'ont point confervé le nom du
donateur, parce que les comptes de ce temps manquent. La
Communauté de Ville entretenoit , dans ce Collège, un Principal
& divers Régents , qui y donnoient des leçons publiques , depuis
qu'on avoit transféré dans cet endroit les Ecoles qui auparavant
fe tenoient au bas de la rue de la Cordonnerie, dans un ancien
bâtiment fitué près la Synagogue. La réputation des Jéfuites en-
gagea la Communauté à leur donner ce Collège. Le Roi approuva
le projet & donna un Edit en conféquence. Le 18 Juin 1604, on
décerna afte à la Communauté de la repréfentation de l'Edit rendu
à ce fujet , & il fut arrêté qu'il feroit enrégiftré. Le 27 Oftobre
1606, fut faite la repréfentation du contrat paffé avec eux pour
la fondation du Collège , qui fubfille encore aujourd'hui. La Com-
munauté cède à ces Pères les maifons & les jardins de Saint-
Thomas , avec toutes leurs dépendances j le tout bien préparé
R E N 85
pour les recevoir. On leur donna encore trois mille livres de
rente , à prendre fur le papegai i & , dans la fuite , elle leur pro-
cura &: unit à leur Collège les Prieurés de Brequen, Fains,
Noyai , & Livré. La Communauté de Ville acheta encore le
terrein fur lequel leur Eglife çft bâtie, avec fes dépendances,
& la fit conilruire à fes dépens j ce qui lui coûta des fommes
immenfes.
Le 17 O6lobre 1^07, la Communauté reçut, pour la pre-
mière fois , fes redevances ; ce qu'elle a continué depuis ce
temps. Le 8 Août 161 4, les Jéfuites requirent , pour la première
fois , la Communauté de Ville d'aflifter aux jeux publics & à
la difbribution des prix qu'elle a fondés. Les regiltres de l'an
1620 & les fuivants portent précifément , que la MefTe que les
Jéfuites dévoient à la Communauté de Ville , le jour de Saint-
Luc , à la fin de laquelle ils lui préfentoient un cierge armorié,
pour marque de leurs redevances, doit être célébrée en musqué,
èc fuivie d'un régal. Ils manquèrent une fois à s'acquitter de ce
devoir, & la Ville s'en plaignit vivement. Le 22 Juillet 1624,
fut pofée la première pierre de l'Eglife de ces Pères : elle fut
dédiée & confacrée le 2 Septembre 1657.
Le 28 Août 1658 , la Communauté de Ville décida que
les Jéfuites feroient leurs jeux publics dans la cour de leur Col-
lège , & non ailleurs ; qu'ils en viendroient donner avis , & pré-
fenter les profpectus à la Communauté, un mois avant l'exécu-
tion ; & qu'à la Saint-Luc , époque fixée pour l'ouverture des
clafTes , ils apporteroient la lifte des livres claffiques dont ils fe
ferviroient. On a compté jufqu'à quatre mille Ecoliers dans ce
Collège, où les Jéfuites ont enfeigné jufquà la fuppreffion de
la Société en 1764. Dans le plaidoyer de M. Arnaud, pag. 37,
il eu dit que les Jéfuites excitèrent une fédition à Rennes -, mais
il ne dit pas en quelle année & à quelle occafion. Ce Collège
eft aftuellement dirigé par des Prêtres féculiers , & fert de Sémi-
naire pour l'inflru^lion des jeunes Etudiants qui afpirent aux
Ordres facrés.
L'an 1 604 , la Communauté de Ville acheta le fonds pour Féta-^-
bliffement des Pères Capucins : il coûta une fomme de cinq mille
fix cents vingt livres. La Ville y fit conftruire, à fes frais , les
enclos, les logements, & la Chapelle; elle acheta le tableau
du maître-autel, qui coûta une fomme de huit cents livres. Ce
tableau fut peint par Corcord , Peintre de Nantes , qui fit aufli
le portrait du Roi Louis XIII, qui efl dans la chambre duConfeili
84 R E N
de la Ville. Le 4 Juillet 161 4, il fut arrêté que la Communauté
de Ville afîifleroit à la dédicace de l'Eglife des Pères Capucins ,
en fa qualité de fondatrice de ce Monaftere.
1605. La Communauté de Ville forme le projet d'ouvrir la
rue d'Orléans , & de bâtir le Pont -Neuf qui eft au milieu,
afin d'établir une communication entre la haute & la baffe ville.
Elle obtient , à ce fujet , des lettres-patentes du Roi Flenri IV ;
&, en 1606 , elle fait procéder à la levée du plan & au procès-
verbal des ouvrages. Les maifons & jardins qu'on prit pour for-
mer cette rue, furent achetés & payés aux propriétaires. Phi-
lippe , Comte de Bethune , Lieutenant général en Bretagne ,
Gouverneur de Rennes , & ci-devant Gouverneur du Duc d'Or-
léans, nomma la nouvelle rue, rue £ Orléans, Ce Seigneur partit,
peu de temps après , pour Saint-Malo , accompagné de Bertrand
du Guefclin , furnommé /^yi^^ Roberie , & de plulieurs autres Sei-
gneurs. Ils s'embarquèrent pour fe rendre à l'ifle Cefembre,
éloignée d'une lieue de la ville j mais le vaiffeau qui les portoit
ayant été battu de la tempête , toute cette illuftre compagnie fe
noya dans le trajet. L'an 1609, fe fit le procès-verbal du devis
de la conftruftion du Pont-Neuf, dont l'adjudication fut faite le
23 Janvier 1610. Il nous apprend que ces travaux & la conf-
truftion de l'éclufe de la Poinonnerie , coûtèrent une fomme de
vingt mille huit cents livres. La première pierre de ce pont
fut pofée au mois de Juin 161 2. Ce fut alors que le Roi voulut
faire exécuter les projets d'agrandiffements dont j'ai ci-devant
fait mention fous l'année i486; mais la Communauté de Ville
obtint la décharge de ces travaux , par Arrêt du Confeil- du 1 5
Juin 1610. Le 3 Avril 161 5 , la Communauté de Ville reçut les
Religieufes Urfulines , qui s'établirent au heu du Pré- Botté; &,
le 21 Avril 1620, on accorda à ces Rehgieufes la cloche de
la porte de Touffaint , qui fervoit à annoncer l'ouverture ou la
fermeture de cette porte. Les Urfuhnes s'obHgerent à la rendre
quand elles en feroient requifes.
Le 4 Janvier 161 6, la Communauté arrêta d'établir la pa-
trouille 5 pour la fureté & la tranquillité des citoyens , pendant la
nuit ; & , en conféquence , on acheta vingt - quatre moufquets ,
pour cet ufage. Le 21 Décembre 1618 , on admit à Rennes les
Rehgieufes Carmélites; &, par a6le paffé le 19 Janvier' 161 9,
il fut expreffément ftipulé qu'elles feroient mettre les armes de
la Ville fur la principale porte de leur Couvent ; ce qu'il leur fut
encore ordonné de faire. Le 16 Janvier 1638 , la Communauté
R E N 85
prît le titre de leur fondatrice , en vertu du don de Cix mille
livres qu elle leur fit pour leur étabiiflement. II ne paroît pas cepen-
dant qu'elles aient exécuté les ordres de leurs Officiers munici-
paux. La délibération de 1638 nous apprend que la rente de
deux cents livres que leur paie la Communauté, aux termes de
l'Arrêt du Confeil de 1681 , provient dune fubrogation que leur
fit le Sieur de la Bodinaye-Lezot, par a6le du 16 Odobre
ï6i6 , du conftitut de cette rente, pour trois mille deux cents
livres de principal que la Communauté avoit emprunté pour
acquitter la fomme de fix mille livres qu'elle avoit accordée aux
Religieufes pour leur fondation. Le 30 Avril 1619, fur les huit
heures & demie du foir, on entendit dans la ville de Rennes,
& à plus d'une lieue à la ronde , un bruit qui reflembloit à celui
de plufieurs charriots roulants , avec un vent confidérable , qui
fut fuivi d'un tremblement de terre.
Le Maréchal de Briflac , Lieutenant général pour le Roi en
Bretagne , mourut à Rennes, le 5 Juillet 1621. Après les céré-
monies des funérailles , fon cœur fut mis dans une boîte de
plomb , qui fut enfermée dans un petit coffre de pierre de taille ,
couvert d'une plaque de cuivre avec une infcription, & on le
dépofa dans la Chapelle de la Vierge , fous l'orgue de l'Eglife
Cathédrale. Son corps fut transféré à Brifiac en Anjou , où il fiit
inhumé. Le jour de la mort de ce Général , fe fit à Rennes
l'ouverture des Etats.
Comme il n'y avoit point encore de Pofte établie , par déli-
bération du 1 1 Novembre & par Ordonnance du Maréchal de
Briflac & du Parlement , on avoit établi un courier à pied , toutes
les femaines , pour Paris. Le 30 Juin 1674, l'entreprife des Hol-
landais fur Belle-Ifie néceflita l'établiflement d'un courier extraor-
dinaire pour Vannes & Aurai. Il ne fubfill:a que jufqu'au 25 Juillet
fuivant qu'on apprit la retraite de l'ennemi. La celTation de cette
dépenfe fut fuivie d'une autre. La Communauté de Ville fit une
levée de trois cents hommes qu'elle arma , &: qu'elle défraya jufqu'à
Belle-Ifle ; & , en 1692 , comme elle craignoit une nouvelle def-
cente dans la provmce que menaçoient les Hollandais, elle fît
un pareil armement pour Dinan j ce qu'elle réitéra aux années
1702 & 1703.
La Chapelle de Bonne-Nouvelle, rebâtie , comme on l'a dit,
par Hyacinthe Charpentier , Prieur de ce Couvent, fut dédiée
& bénite , le 22 Février 1622, par Pierre de ComuUier , Evêque
de Rennes. Ce Prélat contribua beaucoup à 1 étabiiiTement des
86 R E N
Pères Minimes , qui furent fondés dans la rue Saint-Louis. La Com-
munauté de Ville reçut ces Religieux j &^ le 25 Mai 1635 , ^^^^
leur donna la cloche qui étoit au defTuJde la porte de Saint-
Michel, aux mêmes conditions qu'on avoit accordé, en 1620,
celle de Touffaint aux Urfulines j mais il paroît que ces Reli-
gieux n'acceptèrent pas le don, puifqu'on voyoit encore une
cloche fur cette porte en 1701. L'obhgation que la Ville con-
traria d'entretenir le pavé au devant du Couvent des Pères
Minimes , eft une grâce particulière qu'elle leur accorda, le 12
Février 1621 , fans tirer à conféquence pour les autres Monaf»
teres. Par un contrat du 4 Décembre 1655, les Pères Minimes,
s'obligèrent à célébrer la MefTe du premier jour de l'an, Se
d'y convier la Communauté de Ville quelques jours auparavant»
Ils s'obHgerent aulTi , par ce contrat , à mettre , aux deux extré-
mités du dehors de leur mur, deux éculTons aux armes de la
ville , gravés fur une pierre de grains j mais il ne paroît pas qu'ils
aient rempli cette obhgation.
Le 24 Août 1626, le Roi partit de Nantes pour fe rendre à
Rennes. Nous ignorons quelle réception les habitants firent à
ce Monarque. Le premier Septembre 1628, les Religieufes de
la Vifitation s'établirent à Rennes , dans la rue de Saint-Melaine.
Le 26 Janvier 1629 , il fut arrêté que les Mifeurs de la ville
enverroient , au jour de la Chandeleur , deux cierges de cire
blanche , chacun d'un quarteron , à tous les Membres du Corps 5
ce qui fut enfuite étendu jufqu'à leurs veuves , par délibération,
du 16 Janvier 1 646 , & l'on arrêta de donner quatre livres de
bougies pour accompagner ce cierge. Cet ufage n'exiftoit plus
en 1700. Le 12 Juillet 1630, les Religieufes du Ca^Kire fu-
rent reçues à Saint-Cyr , & placées à l'extrémité du fauxbourg^
FEvêque.
Une maladie contagieufe défoloit la ville & le diocefe de
Rennes. Pour appaifer la colère de Dieu , les habitants de cette
capitale , qui ont toujours témoigné une dévotion particuHere à
la Sainte Vierge , firent vœu de préfenter à Notre-Dame
de Bonne-Nouvelle un monument en argent , qui repréfentoit
k ville. Le 2 Oftobre 1626, fur l'avis donné à la Commu-
nauté d'une proceffion générale pendant trois jours, pour ap-
paifer la contagion , il fut arrêté qu'elle y marcheroit en habits
de cérémonie. La fomme pour l'acquit de ce vœu, fut formée
par une quête faite dans toute la ville. L'ouvrage fut travaillé
par des Orfèvres de Paris, & ne fut achevé que deux ans
R E N 87
après. Il repréfente la ville, fes portes, Tes remparts, fes tours,
& fes principaux édifices. L'image de la Sainte Vierge domine
fur le refle du monument : elle a la main étendue fur la ville ,
& le p,etit enfant qu'elle tient entre fgs bras , eft repréfente
donnant la bénédiction : le tout pefe cent dix-neuf marcs. Il fut
apporté à Rennes au mois d'Août 1 63 4 , & dépofé dans l'Hôtel
de Ville jufqu'au 8 Septembre fuivant , jour de la Nativité,
qu'on le porta à l'Eglife Cathédrale , avec la plus grande fo-
lemnité. Les Hérauts de la ville , parés de leurs cafaques de velours
blanc femé d'hermines, ouvroient la marche de la cérémonie:
ils étoient fuivis de violons & de cent enfants fuperbement
vêtus , fous douze guidons. Les mufettes , la grande enfeigne ,
& les hautbois précédoient le vœu , qui étoit porté fur un bran-
card, & couvert d'une houlTe de fatm blanc fûjeé d'hermines j
il étoit environné de vingt-quatre enfants , habin|â*',comme on
repréfente les Anges -, chacun d'eux portoit un t^lè^ en écu ,
où étoit repréfente quelque miracle de la Saûgîfr^¥ierge.
Tout le Corps de Ville fuivoit. On avoit drelfé , dans^^Bjaut
de la nef de la Cathédrale , un autel , autour duquel %s^ (A^-
noines, les Religieux de l'Abbaye de Saint - Me laine , IcPà*-.
lement, le Préfidial en robes, étoient placés. Le Corps de Vill^*
fe plaça au bas du parquet , auprès du vœu. Pierre de Cor^
nullier , Evêque de Rennes , fit un fermon , après lequel il célébra
pontificalement la Mefle. Quand elle fut finie , les Echevins
préfenterent le vœu à ce Prélat, qui le reçut fur l'eftrade de
l'autel. Les deux Connétables & le Procureur-général-Syndic ,
après avoir expofé à l'Evêque le fujet du vœu & de l'aflemblée,
le fupplierent de le recevoir , de le bénir , & de l'offrir à la
Sainte Vierge , au nom de la ville & de fes habitants. Lorfqu'il fut
béni, on termina les prières par le Te Deu/n ^ qui fut chanté
en mufique , & on fit une proceffion générale à Notre-Dame de
Bonne-Nouvelle. La marche commença par les Confrairies , fui-
vies des bannières de toute la ville , des Muficiens vêtus de
coton , des cent enfants , & de quatre hautbois avec des robes
de flanelle blanche rayée de rouge , & des couronnes de fleurs.
Ces inllruments jouoient l'hymne : Ave , maris Jlella, Le Clergé
régulier marchoit enfuite , chaque Communauté fous fa croix:
il étoit fuivi des Prêtres féculiers , qui avoient des cierges à la
main. Après eux , venoient les Rehgicux de Saint-Melaine , vêtus
de leurs plus beaux ornements, & iuivis de quatre hautbois vêtus
de cafaques de futame blanche rayée de foie bleue & incarnat , &
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couronnés de fleurs. Ils jouoient l'hymne : Ogloriofa Domina, Le
grand étendard de la cérémonie paroiflbit enfuite : il étoit de taffetas
blanc, de dix-huit pieds en quarré, femé de fleurs de lis &
d'hermines. D'un côté , étoit repréfentée la Sainte Vierge tenant
l'Enfant Jefus entre fes bras , & élevée au deffus de la ville ;
de l'autre , étoient peints Saint Sébaftien & Saint Roch ; & , au
au bas de l'enfeigne , étoient les armes de France & de la
Ville. Vingt-quatre enfants , vêtus en Anges , marchoient fous
cet étendard j leurs habits étoient d'étoffes d'or ou d'argent , ils
avoient la tête couronnée de petits foleils d'or entourés de lau-
riers , & le vœu étoit au miUeu d'eux. Les Mufîciens , qui ve*
noient immédiatement , précédoient le Chapitre de la Cathédrale ,
qui étoit fuivi du Parlement , du Prélldial , du Corps de
Ville 5 & de plus de cinquante mille perfonnes. Les rues par
où paffa la proceffion, étoient tendues de tapifferies. A l'entrée
du cimetière Sainte -Anne, on avoit dreffé un arc de triomphe,
qui avoit vingt-cinq pieds de hauteur , & qui étoit orné de fept
tableaux. Au côté droit de cet arc , étoit un choeur de mufîque»
La porte du cimetière de Bonne-Nouvelle étoit ornée des armes-
du Pape , du Roi , de la Bretagne , du Cardinal Duc de Ri-
chelieu , de l'Evêque , & de la Ville. A l'entrée de l'Eghfe de
Notre-Dame de Bonne-Nouvelle , étoit un portique décoré de
trois pyramides , entre lefquelles on voyoit deux figures d'Anges ,,
vêtues de fatin blanc en broderie d'or. D'une main elles donnoient
de l'encens, & de l'autre elles préfentoient des fleurs. Lorfque
la proceflîon fut entrée dans l'Églife , on plaça le vœu fur ua
autel de marbre noir , fur deux colonnes de marbre jafpé , de
l'ordre Corinthien , avec leurs chapiteaux dorés. On y voyoit
une plaque aufli de marbre noir, fur laquelle étoient gravés^
en latin & en lettres d'or , ces mots : Vœu confacré à Dieu &
à la Sainte Vierge , Mère , pour avoir délivré de la pefte la ville
de Rennes , Van z(^jz. Dès que le vœu fut placé, on s'en re»
tourna à la Cathédrale dans le même ordre. En paflTant fur les
Lices , on mit le feu à un bûcher qu'on y avoit préparé. Les
cérémonies durèrent jufqu'au foir de cette journée , dans laquelle on
commença les prières de quarante heures. Le lendemain , la procef-
fion générale fe fit à l'Hôpital de la Santé. L'Evêque célébra, dans
la Chapelle de cette maifon , une Meffe , pour ceux qui étoient
morts de la pefte; & on porta les clefs de cet Hôpital & les
autres clefs qui avoient fervi à fermer les portes des pefl:iférés
morts 3^ devant l'image de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle. La
cérémonie
REN 89
cérémonie dont on vient de parler, dura quatre jours, pen-
dant lefquels il étoit venu du monde de toute la Bretagne , de
la Normandie , du Maine , & de l'Anjou ; & l'on afTure qu'il y
avoit à Rennes plus de deux cents cinquante mille perfonnes,
y compris les habitants. Le 7 Septembre 163 5 , on arrêta que tous
les ans , le lendemain de la Nativité de la Sainte Vierge , jour auquel
on avoit offert le vœu dont on vient de parler , en la Chapelle
de Bonne-Nouvelle , le Cerps de Ville iroit entendre une Mefle
qu'il fonda dans la Cathédrale, avec le confentement du Prélat,
du refte de la quête faite pour la dépenfe du vœu , & que , de là ,
il fuivroit la proceffion générale , aufîl fondée tous les ans
à pareil jour , à l'Eghfe de Bonne-Nouvelle ; mais deux chofes
forcèrent la Ville d'abandonner cette fondation. La première ,
fut le refus obftiné de l'Evêque de laifTer appofer les armes de
la ville au retable de la Chapelle , qu'on conjftruifit exprès pour
deflervir cette fondation dans la Cathédrale , au bout de 1 aile
qui joignoit le manoir épifcopal , contre la convention exprefle
inférée dans l'afte paffé entre lui , le Chapitre , & la Commu-
nauté de Ville, le 7 Septembre KJ35 , à raifon de la fomme
que cette dernière avoit donnée pour la conftruftion de cette
Chapelle , comme nous l'apprennent les regiftres de ce temps-là.
La féconde raifon fut que, le 8 Septembre 1637 , la Com-
munauté ayant été avertie que quelques Confeillers du Préfî-
dial , fans former Corps, vouloient prendre le pas fur elle à la
procefîion , en fuivant immédiatement les Membres du Par-
lement qui y afliftoient par dévotion , le Syndic fe plaignit au
Préfident de Marbœuf, qui décida en faveur de la Commu-
nauté : mais , l'année fuivante , le Préiidial ayant pollé fur les
avenues tous les Sergents , pour s'en faire appuyer dans la
marche, la Communauté de Ville arrêta de ne plus fe trouver,
ni à la Meffe de fondation , ni à la proceflion qui devoir fe
faire enfuite ; mais de fe rendre feulement en droiture à l'Eglife
de Bonne-Nouvelle , pour afTifter à la Meffe que les Religieux fe
font obligés de dire à perpétuité , en confidération de l'exemption
des droits d'éclufes , qui leur a été accordée , & dont , depuis ce
temps , il a été fait expreffe réfervation dans tous les baux qui en
ont été adjugés. La Communauté arrêta encore que le cierge
qu'elle recevoir tous les ans des Pères Jéfuites, le jour de Saint-
Luc , feroit , au même temps , porté à Bonne-Nouvelle , préfenté
à la Sainte Vierge , 6c allumé pendant ladite Meffe ; ce qui ,
peu après , tomba en défuétude. Au furplus , la Communauté
Tome IF. M
90 RE N
s'étant pourvue au Confeil contre le Préfidial , à faifon de ceâ
troubles, elle obtint en 1693 un Arrêt, qui défendoit aux Mem-
bres de ce Siège de marcher devant elle , fi ce nei\ en Corps.
Le Préfidial fe pourvut contre cet Arrêt , & il en fut rendu un
fécond qui, pour couper cours à ces conteftations, portoit, que
la Communauté de Ville ne marcheroit plus en Corps aux pro-
cédions publiques , que lorfque le Parlement & le Préfidial y
marcheroient.
Ce fut le 5 Septembre 1658 , que , pour la première fois, deux Re-
ligieux Jacobins allèrent convier la Con>munauté de Ville d'aflifter à
laMefîe du vœu en leur Eglife ; ce qui s'efl: toujours pratiqué depuis.
Le premier Septembre 1 668 , fur la crainte qu'on avoit que la
pefte , qui ravageoit alors la Normandie , ne vînt en Bretagne, il
fut arrêté que , le 8 du mois , il feroit fait une proceffion géné-
rale , à laquelle ledit vœu fut porté par des Echevins détachés
du Corps de Ville , qui y affilia en habits de cérémonie.
Le 3 Mars 1634, il fut permis aux Religieufes de la Vifitation
de faire un fécond établilTement de leur Ordre au Colombier.
Les 23, 26, & 27 Juinde cette année , furent marqués par des
réjouiffances. Le fils d'un Prince de Guinée fut baptifé par TÈvêque
de Rennes, & tenu fur les fonts de baptême , au nom du Roi, par
M. de Cucé , Premier Préfident au Parlement , & la Demoifelle
de Coëtquen. Le 4 Juillet 1636, les Religieufes de Sainte-Cathe-
rine , de l'Ordre de Saint-Dominique , obtinrent la permiffion de
s'établir à Rennes , dans la rue Hue. Le 22 Juin 1638 , fur ce que
le Parlement avoit arrêté de ne point marcher à la proceffion de
la Fête-Dieu , à caufe de quelques différents qu'il avoit avec l'E-
vêque , la Communauté de Ville arrêta qu'elle n'y marcheroit pas
non plus. Le 1 3 Août, fut repréfentée la Déclaration du Roi Louis
XÏII , au fujet de la proceffion qui fe faifoit tous les ans , en exécution
du vœu du Monarque ^ qui avoit mis fon Royaume fous la protec-
tion de la Sainte Vierge. La proceffion fefit , pour la première fois,
à Rennes, le 1 5 du mois d'Août 1638. Le 22 Juin 1642, furent
reçues les ReHgieufes Hofpitalieres, & , le 3 Juillet 1676 , on leur
donna la Chapelle de Saint- Yves. Le 17 Novembre 1645 , la Com-
munauté , réfléchifTant fur l'établifTement des Maifons Religieufes,
qu'elle avoit reçues au nombre de huit depuis cinquante ans , ar-
rêta de n'en plus recevoir , & fit homologuer la déUbération prife
à ce fujet , par Arrêt du 24 du même mois. En 1609, la Commu-
nauté pouvant difpofer de fes deniers, par la fin de la guerre,
aux frais de laquelle elle avoit été obligée de les facriiier jufqu'à
REN / 91
çe jour, commença à projetter la con{lru6lion du Palais pour le
Parlement , & obtint la permiiîlon de bâtir cet édifice , par lettres
du Roi Henri IV y lettres qui furent vérifiées au Parlement le 2 Dé-
cembre 161 3. Le 31 O8:obre 161 4, fut préfemé à la Communauté
de Ville, le premier plan, qui futdreffépar ordre de la Cour. Le Roi
accorda à ce Corps politique le droit de lever un fol par pot de
boiflbn qui fe débiteroit , à condition d'employer les deux tiers
du produit de cet impôt à la conllruftion du bâtiment projette , &
l'autre tiers pour les néceffités des habitants. En conféquence , la
Cour ordonna par un Arrêt , que les maifons & héritages qui fe
trouvoient fur le lieu deftmé à ce Palais , feroient inceflamment pri-
fés & eflimés, afin qu'on en pût payer le montant aux proprié-
taires. Le 15 Septembre 161 8, fut pofée la première pierre ; &,
le 26 Mars 1624 , le Sieur Cormeau , Architefte , fut nommé pour
conduire l'ouvrage à fa perfeftion. L'édifice ne fut achevé qu'en
1654. Il confiée dans une grande cour bordée de galeries & de
boutiques de Marchands , dans un arriere-corps , & quatre gros
pavillons. Le grand efcaUer eil très-beau & admiré des connoif-
feurs. Le Parlement, qui tenoit ci-devant fes féances au Couvent
des Cordeliers , fit fon entrée au Palais le 11 Janvier 1655. Les
cérémonies de cette entrée furent très-brillantes , par les foins de
la Communauté de Ville , qui n'oubha rien pour refidre cette fête
folemnelle. Les acclamations du peuple , les décharges d'artille-
rie , & les feux de joie peignoient l'alégrefTe publique. Le Corps
de Ville, en habits de cérémonie, avec fes Officiers ordmaires,
fe trouva fur le perron ; & , lorfque le Parlement fe préfenta dans
toute fa pompe , le Sieur Douart , Procureur-Syndic , le compli-
menta, & le pria d'aller occuper ce Siège, & rendre fes oracles
dans ce nouveau Palais. Tout le peuple donna à la Compagnie
mille bénédiftions , & demanda que ce jour folemnel î\M marqué
furies rcgiilres , comme un des plus fortunés pour la ville. La MefTe
fut célébrée dans le Palais j &, lorfqu'elle fut dite , on alla à la
Grand'Chambre de l'Audience , dans le parquet de laquelle s'étoit
placé le Corps de Ville pour recevoir les Magiftrats , qui accor-
dèrent à la Communauté le droit de faire mettre fes armes fur le
haut du perron. A Tiflue de l'Audience , le Corps de Ville , avec
fes Officiers , fe retira dans le même ordre qu'il étoit venu , &
alla mettre le feu au bûcher préparé devant le Palais , où le
peuple , qui étoit afTemblé , témoigna de nouveau fa joie par
des acclamations réitérées & par une nouvelle décharge d'artil-
lerie. La première caufe , ou procès, qui fut plaidée dans le nouveau
91 R E N
Palais , fut celle des Fermiers du domaine. Le Maréchal de BrifTac;
mort à Rennes l'an 1621 , pofledoit , fous le fief du Roi, plu-
fîeurs Seigneuries, dont les Fermiers demandoientle rachat. Le Duc
de Briflac contefta la demande , & fut condamné par Sentence
du Préfidial. L'appel fut porté au Parlement , Se plaidé.
Le Parlement ayant , comme nous Tavons obfervé , permis à
la Communauté de Ville de faire graver fes armes fur le haut du
perron du Palais de la Juftice, les Officiers municipaux les firent
fculpter en 1656 fur une pierre; mais, avant de la placer, il fut
arrêté qu'on feroit refTouvenir le Parlement de cette concefTion,
que cette Cour parut avoir oubliée , & les armes ne furent point
pofées. La même année , pendant la proceffion de la Fête-Dieu , un
Proteflant commit une irrévérence devant leSaint-Sacrem.ent, lorf-
qu'il pafToit devant le puits du Mefnil. La populace & les Eco-
liers vengèrent l'outrage fait à la majeflé du Sauveur du monde,
en brûlant , le Dimanche fuivant , le temple des Calvinillcs. Le
18 Août de cette année , on préfenta à la Communauté des let-
tres du Roi , portant permilTion de tranfporter le Couvent des
Rcligieufes de la Cordonnerie au Pré- Botté ; ce qui ne fut pas
exécuté pour lors : l'entreprife en fut remife au 24 Mai 1681,
& difTérée jufqu'en 1693.
L'an 1659, des voleurs enfoncèrent la porte de la chambre où
étoient renfermés les anciens titres delà Sénéchauffée de Rennes,
des lettres-patentes , des mandements des Ducs, &c. Ces fcélé-
rats emportèrent prefque tous ces papiers , & les vendirent à des
Marchands Epiciers. On s'en apperçut, mais trop tard : on ne
put recouvrer qu'un petit nombre de ces monuments. La Ville,
qui avoit déclaré ne vouloir plus recevoir de Religieux , confentit
pourtant à recevoir , en 1 663 , ceux de la Trinité , auxquels
elle donna l'alignement pour l'étabUfTement de leur Couvent. Le
27 Août fuivant , elle donna aux Auguftins une maifon & des jar-
dins , en forme d'hofpice , au haut du fauxbourg l'Evêque. Ces Re-
ligieux , ne fe trouvant pas bien dans cet endroit, font defcendus
jui'qu'à l'entrée de ce fauxbourg, par la proteftion des PuifTances.
Magdeleine delà Fayette , Abbefie de Saint-Georges , fit rebâtir,
dans le courant de cette année , une partie de fon Monaftere.
René-Jofeph Tornemine naquit à Rennes, l'an 1661 , d'une an-
cienne & illullre maifon de cette province. C'étoit un Jéfuite
célèbre par fa belle érudition : il travailla long-temps au Jour-
nal de Trévoux , ce qui lui procura une correfpondance avec
les fçavants du premier mérite. Il fut fait Bibliothécaire de la
R E N . . 9J
Maifon ProfefTe , à Paris , & forma lui-même une bibliothèque
de plus de fept mille volumes choiiis. Il mourut à Paris ,
l'an 1739.
Le 15 Juillet 166^ , fe fit une députation pour l'ouverture de
la poterne. L'ouvrage qui avoit été interrompu , fut renouvelle ,
en exécution d'Arrêts donnés à ce fujet le 8 Juillet 1667 & le
8 Mars 1668. Le terrein des deux côtés, au dedans de la ville,
fut donné aux Cordeliers , à la charge de dire, tous les ans, une
MefTe folemnelle , le jour de Saint- François, & de veniry inviter la
Maifon de Ville. La Communauté de Ville arrêta qu'elle y aflif-
teroit en habits de cérémonie ; ce qui s'efl pratiqué jufqu'à ce jour.
Depuis l'ouverture de la poterne , il y a une porte de ville ,
nommée /a porte de Saint-François ; elle ne fert que pour les gens
de pied, lorfque le Parlement eft affemblé, & l'on y met une
barrière pour empêcher les voitures de paffer. On levé la bar-
rière lorfque l'afTemblée eft féparée. L'an 1670, on découvrit,
fous la tour qui eft à l'entrée de l'Eglife de Saint-Melaine , les tom-
beaux de Conan II , Duc de Bretagne ; de la DuchelTe , fon
époufe ; & de Berthe , Comteffe de Blois , fa mère.
Gui-Alexis Lobineau, Religieux Bénédiftin , né à Rennes en
1 6GG , fe livra à la feule étude de l'Hiftoire : il finit celle de la
ville de Paris , que Dom Fehbien avoit très-avancée. Elle parut,
en 1725 , en cinq volumes in-fol. Il acheva auffi l'Hiiloire de Bre-
tagne , à laquelle le Père le Gallois avoit long-temps travaillé.
On lui a attribué les Aventures de Pomponius , Chevalier Romain ;
mais on afTure que cet Ouvrage fatyrique efl dû à M. le Che-
valier de Jaucourt-Chemifeuil.
Les RcHgieufes du Petit-Calvaire furent établies dans l'hôtel
de Cucé , a la grande pompe , & furent reçues par Madame de
Cucé , époufe du Premier Préhdent au Parlement. L'a61:e , en date
du 25 Novembre 1671 , appuyé des lettres-patentes du Roi, fut
pafTé fans participation de la Communauté de Ville. Ces Reli-
gieufes s'étoient d'abord introduites dans la maifon d'Afferac ,
près la place Saint-Pierre , au haut de la rue des Dames , & y
avoient fait arborer une croix fur la porte, vers l'an 1658 ou
1659. Sur la remontrance qu'en avoit faite le Sieur de la Gue-
rinaye-le-Comte , alors Syndic, il avoit été arrêté de faire def-
cendre cette croix, & de renvoyer les Rcligieufes dans leur Cou-
vent de la porte Saint-Cyr, parce qu'il ne leur avoit été accordé,
le \6 Février 1657 , que la fimple permifïïon dun petit hofpice,
à raifon de leur éioignement des Médecins.
94 R E N
:• Il ' y avoit anciennement à Rennes trois fortes d'oifeaux ^ ou:
papegais , qui dépendoient de la Communauté de Ville. Les deux
premiers , félon la permiflion qui en fut donnée fan 1 544, furent
établis à la place de la Butte , & prirent leur nom du but qui
y étoit pofé ; il s'étendoit le long du mur de Champ- Jacquet ,
depuis l'hôtel de Tizé jufqu'à l'efcalier qui monte fur ce mur.
Le troiiieme , nommé de VArquebufe , étoit planté fur la tour du
Chefne, derrière l'Hôtel de Ville. Il ne fe trouve plus à l'Hôtel
de Ville aucun des titres primordiaux de leur inlHtution ^ foit
qu'ils aient été divertis , foit qu'en conféquence du tranfport qui fe
m des droits des deux premiers aux Jéfuites , pour leur fubfiftance ,
on les eût aufli rendus propriétaires des titres. Quoi qu'il en foit ,
ils furent abolis , & il ne refta plus que le papegai de i'arque-
bufe, qui ne fubiîfta que du peu de revenu qui y demeura at-
taché. On apprend néanmoins , par la lefture de pluiieurs pièces,
qui fe trouvent dans la liafle de celles qui concernent les deux
papegais , qu'ils furent inflitués , pour la première fois , par le Duc
François II, l'an 1460, & qu'ils furent depuis confirmés par le
Roi Charles IX , aux années 1 566 & 1 568. Au refte , il eft porté
dans tous les anciens regiftres , que la préfentation de cette der-
nière efpece d'oifeau , confîilant dans une forme de pigeon , s'eft
toujours faite par le Prévôt & le Roi de chaque année ;.
qu'avant le premier de Mai , le Roi le préfentoit tous les ans
à la Communauté , pour l'examiner , & juger fî la fabrique ea
étoit bonne , & l'alTemblée l'acceptoit ou le rejettoit. An-
ciennement , fa fabrique étoit de fer bien battu , & il étoit planté
au bout d'une gaule , auiïi de fer bien battu , d'environ c[uatre
pieds de longueur ; de groffes goupilles l'arrêtoient par deffus ^
& de gros boutons , qu'on attachoit par deffous , le garantif«-
foient de quantité de coups. Cette gaule étoit attachée, par
fon extrémité du bas , à une longue pièce de bois , élevée ,
en forme de mât, fur une machine de charpente, qu'on plantoit
fur la tour du Chefne , & on le tiroit de delTus un parquet qu'oa
conftruifoit exprès tous les ans auprès du mur de l'Hôtel de Ville
qui regardoit la tour. Il étoit très-difEcile de l'abattre , & il du-^
roit quelquefois plus d'un mois ; mais , en 1 700 , on Le fit de
bois , & on fe contenta de l'attacher , à hauteur d'homme , à uïi
poteau; ce qui faifoit qu'il ne duroit que quatre à cinq jours.
A l'égard des droits & attributs qui y font reftés attachés , orL
voit , par une déclaration du c^ Janvier 1670, que la Commu-
nauté de Ville donnoit à celui qui Tabattoit cent quinze livres
R E N 95
fur les anciens Devoirs ; & , en conféquence d'un Arrêt du Conleil
du 27 Juillet 1671 , il devoit toucher du Fermier des Devoirs
cinq cents livres, Se quelquefois davantage , pour l'exemption de
vingt tonneaux de vin. Le Roi de la fête , outre Toifeau , devoit
encore j^réfenter , avant le premier Mai , à la Communauté de
Ville , un fufîl, de la valeur au moins de dix écus, pour tirer au
blanc. Les Chevaliers tiroient à tour de rôle , & celui qui ap-
prochoit le plus près du centre , devenoit le pofTefTeur légitime
du fufîl ', mais , par un abus affez étrange , on laiffoit tirer le
premier venu qui Te préfentoit. Le i6 Mai 161 4, il fut enjoint
à l'Huifîier de la Ville d'avertir , auffi-tôt l'oifeau abattu , le Pro-
cureur-Syndic de fe trouver, avec le Greffier, en l'Hôtel de
Ville, pour affilier à fon adjudication & au ferment du Roi de
la cérémonie! Le 28 Avril 1625 , on arrêta que le papegai ne
feroit point tiré cette année, & que fon revenu feroit employé
au foulagement des malades , qui étoient d'autant plus nombreux
que la ville de Rennes étoit défolée par une épidémie. Le 25
Mai 1632 , la Communauté ayant jugé que l'oifeau avoit été
mal abattu , il fut ordonné que le revenu en feroit employé à
la conftruftion des murs de l'Hôpital de Santé, auquel on tra-
vailloit alors. Il n'y a aucun titre aux archives de la Commu-
nauté de Ville, qui fafTe mention des droits du jeu de l'Oie : elles
difent feulement que le Dire6leur des Devoirs avoit coutume
d'accorder le débit de deux à trois banques de vin à ceux qui
le couroient. Ce jeu eft aboli depuis plufieurs années , ainfi que
celui du papegai , fupprimé en 1770. Le 13 Décembre 1685, la
Communauté de Ville affilia au Te Dmm chanté en aftions de
grâces de l'union des Proteltants à l'Eglife. Le Parlement , qui
avoit été transféré à Vannes l'an 1675 , fut rappelle à Rennes,
par Edit du mois d'Oftobre 1689. Le Roi y créa un Préfident à
Mortier & fix Confeillers , trois par femeftre. Les Carmes-Dé-
chaulTés , voulant s'établir à Rennes , demandèrent la proteftion
de Madame de Pontchartrain , Chanceliere de France, par l'in-
terceffion de laquelle ils furent reçus le 11 Mai 1690, aux con-
ditions portées dans la délibération. Par un Edit de l'an 1691,1e
Roi fupprima l'Amirauté de Rennes. Le 1 1 Novembre de cette
année , la Communauté réfolut de conftruire deux arches , l'une,
vis-à-vis la ruelle de Gronmalon, au delà du pont Saint-Martin;
& l'autre , au bas de la prairie de la Lande , hors la barrière
du même pont j afin de faciliter le paffiige dans ces endroits. Ce
fut en 1 696 que fut impofée , pour la première fois , la Capitation
ç)6 R E N
à Rennes. L'inventaire fait , par ordre de la Communauté de
Ville, en 1698, des aftes & titres de l'Hôpital Saint- Yves , nous
apprend qu'il fut fondé, comme on l'a dit ci- devant, par
Eudon le Bouteiller , Prêtre du diocefe de Tréguier , en 1358,
& que la direftion en fut dès-lors commife à la Communauté y
qui nommoit deux Bourgeois pour exercer cette charge , & à l'Au-
mônier de Saint-Melaine , auquel elle fut d'abord conférée -, ce
qui a toujours continué , & c'eft à la Communauté que les
comptes de l'adminiftration de cet Hôpital ont toujours été rendus.
La Communauté de Rennes nomma les Gardiens & autres
Prêtres de cet Hôpital , & celui de Sainte-Anne , qui font ref-
peftivement tenus, à tous les premiers jours de l'an, de repré-
fenter leurs clefs à la Communauté -, & les regiftres apprennent
que le Gardien de Sainte-Anne remplit ce devoir en 1605. Le 5
Juillet 1 676 , la Chapelle de Saint-Yves fut accordée aux Reli-
gieufes HofpitaUeres qui , depuis leur réception à cet Hôpital , k
27 Juin 1644, i^e s'étoient fervi que d'une petite Chapelle pra-
tiquée au dedans de leur enclos. Le 13 Février 1562, & autres
jours fuivants , fe fit une délibération très-férieufe pour la fubfif-
tance des mendiants. En 1563 , fe fit l'établilTement de l'Hôpital
de Santé, à l'endroit nommé la Croix- Rochcraud ^ pour les pelli-
férés mendiants; & , le 5 Juin 1626, fut fait l'enrégiftrement de
plufieurs articles du règlement à ce fujet. Au mois d'Avril 161 5 , les
Officiers municipaux nommèrent des Collefteurs des aumônes qu'on
voudroit donner à cet Hôpital, fur les rôles des Cinquanteniers,
fuivant une fentence de Police j ce qui fut encore renouvelle le
25 Avril 1625. Le Parlement, ne jugeant pas devoir tolérer ces
quêtes , donna plufîeurs déclarations pour en abolir i'ufage, fans
qu'on fçache précifément le temps où il ceffa. Ce qu'on peut dire
de certain, c'efl qu'il exifloit encore en 1636. Quoiqu'il en foiî,
on en rappella la pratique en 1680 & 1681 , mais on changea la
forme de la perception ; au lieu qu'auparavant chacun étoit libre de
donner ce qu'il vouloir félon fes facultés & fon intention , on fixa,
par une taxe générale, non le don, mais l'obligation de chaqi^
citoyen. Le 16 Février 1657, on forma le projet d'ériger un nouvel
Hôpital pour y renfermer les pauvres mendiants , & de faire de
celui de la Santé un Hôpital général. Les articles des règlements
de cette nouvelle maifon avoient été rédigés, & ils furent repré-
fentés en Communauté le 8 Juillet 1658 : ils furent confignés fur
les regiflres de la Ville , avec l'Arrêt de leur homologation y le 26
Décembre 1659 j fur quoi s'efl arrêté l'Hôpital général.
Le
R E N 97
Le 3 Juin 1 6j6 , la Communauté de Ville confentît que l'Hô-
pital-général fût établi en celui de la Santé , à condition que les
pauvres en fortiroient en cas de pefte. Le 20 Juin 1680, l'affem-
tlée de la Ville prit des mefures pour faire joindre à cet Hôpital le
refte de l'ancien droit du papegai. Le 14 Août, on fit une autre
affemblée pour avifer aux moyens d'établir une taxe fur les habi-
tants pour la fubfillance des pauvres, & l'on nomma des Députés
pour paflér, avec la Dame Budes , l'afte du don qu'elle vouloir faire
à cette maifon ; afte qui fut repréfenté en l'afTemblée fuivante.
Le 27 Février 1681 , on députa vers i'Adminillrateur de l'Hôpital,
pour conférer fur la fixation du fonds néceffaire pour la fubfif-
tance des pauvres; &, le 29 du même mois, on lui accorda une
fomme de douze mille livres par an , à prendre fur les habitants de
Rennes. Cette fomme ayant été trouvée trop confidérable , on ceffa
de la percevoir en 1702. Par Arrêt du Conl'eil du 2 1 Mars , elle fut
transférée fur l'entrée des vins & cidre. La taxe fut fixée à quatre li-
vres dix fols fur chaque tonneau de vin étranger ; à quarante-cinq
fols par tonneau de vin de Nantes , & autre du crû de la province j
& à vingt-cinq fols par chaque tonneau de cidre & de bière. Le 24
Juillet 1686, on fit, à la requifition de l'Evêque, une députation
pour afîifter à l'examen du compte de cet Hôpital.
Dans une maifon près la porte Mordelaife , étoit un puits , dans
lequel un maçon, qui travailloit auprès, en 1703 , laifla tomber fon
marteau. Il defcendit pour le chercher ; mais , lorfqu'il fut à
une certaine diftance de l'eau , il tomba mort. Un autre y def-
cendit , pour retirer le noyé , & mourut auffi. Un troifieme , qui
fuivit , eut le même fort. Un quatrième fe préfenta pour y def-
cendre , mais on prit des précautions : il s'enivra à moitié , on le
mit dans un grand panier attaché à une corde , & on le defcendit
de cette forte , après lui avoir bien recommandé de crier lorfqu'ii
fentiroit la moindre incommodité. Etant arrivé à une certaine dif-
tance de l'eau, il cria, & on le remonta aufli-tôt. Il dit qu'il
avoit fenti une chaleur dévorante , qui lui brûloir le corps ; &
l'effet de cet air brûlant avoit fait des progrès fi rapides , que
cet homme mourut au bout de trois jours. On defcendit enfuite
un chien , qui cria à l'approche de l'eau ; on le retira , & il mou-
rut prefque fur le champ. On buvoit de l'eau de ce puits,
& perfonne n'en étoit incommodé; mais, après cet événement^
on le combla , dans la crainte de pareil accident.
Le petit Séminaire fut établi à Rennes , par lettres-patentes du
mois de Mai 1708. La Table de Marbre fut fupprimée, parEdit
Tome IV, N
o8 REN
du mois de Mal 1711. La ftatue équeftre du Roi Louis XIV,
en bronze , qu'on voit fur la place du Palais , arriva à Nantes,
Dans la nuit du 21 au 22 Décembre 1720, un Menuifîer,
qui étoit ivre , mit le feu à fa boutique , fituée vers le milieu de
la rue Triltain. Le feu gagna fur le champ les maifons voifmes,
& dans très-peu de temps , les deux côtés de la rue & la rue
Neuve furent embrafés. Comme les maifons n'étoient bâties qu'en
bois , & les rues fort étroites , l'incendie devint bientôt général.
La charpente de l'horloge , fituée fur la tour derrière Saint-James ,
fut brûlée ; la cloche , qui pefoit près de quarante milliers, tomba
avec toute la charpente , le 23 , vers les deux heures du matin;
" elle fit un bruit terrible. Le feu dura fept jours, puifqu'il ne s'é-
teignit que le 29. Il y eut huit cents cinquante maifons c enfu-
mées, dans une étendue de feize journaux foixante-quatorze cordes
quarrées de terrein j ce qui faifoit à peu près le cinquième de cette
ville, qui contient en tout quatre-vingt-huit journaux quarante-
une cordes de terrein renfermé entre fes murs. Cette grande quan-
tité de maifons réduites en cendres ne fut pas regardée comme
la plus grande perte j mais ce fut celle des meubles, de l'argent
monnoyé , & autres. Les titres de la plus grande partie des fa-
milles de la province , qui fe trouvoient chez les Juges , Avocats ,
Procureurs, & Notaires, furent brûlés prefque fans exception.
Dans ce temps , les rues , comme on vient de le dire , étoient
à fort étroites ; & les maifons bâties en bois étoient fi élevées , que,
les rayons du foleil ne pouvant pénétrer dans les rues , eHes
étoient toujours fort humides & très-fales. La Communauté s'oc-
cupant de la reconftruftion des maifons incendiées, il fut dreffé
deux plans par le Sieur Robelin , Ingénieur. Le premier, pour
rélévation des façades ; & le fécond , pour le plan & la coupe
ordinaire des maifons , fur deux différentes grandeurs. Ces plans
furent communiqués à la Communauté de Ville , pour y faire fes
■ ' obfervations. Préfentés au Confeil du Roi , ils furent agréés; &,
le 14 Juin 1723 , Sa Majefté ordonna qu'ils feroient exécutés.
L'Ordonnance contient neuf articles, i''. Que les maifons feront
toutes à la hauteur marquée dans le plan des façades ; mais
qu'au lieu de trois étages qui y font deffinés , il fera libre à ceux
qui feront bâtir de n'en faire que deux, excepté néanmoins fur
les places publiques, où le plan doit être exécuté, tant pour la
hauteur que pour la diftribution des étages. 2^. Que , hors les
places publiques , il fera permis de faire des cours à porte
R E N 99
cochefe fur la rue, fans obligation d'obferver , à cet égard , la façade
marquée fur le plan , au lieu de laquelle on fuivra celle qui fera
propofée par l'Ingénieur , & approuvée par le Commiffaire dé-
parti. 3°. Que les maifons feront bâties de pierres de taille juf-
qu'au premier étage , & percées en arcades , ainfi qu'il eft mar-
qué fur. le plan. 4^. Qu'il fera libre de faire des caves à l'ordi-
naire, ou de les coûter, ainfi qu'il fera jugé à propos par celui
qui fera bâtir. 5^. Qu'on ne fera point de conduits publics pour
les maifons à rebâtir , mais des fofTes d'aifance dans chacune
fauf à employer les moyens convenables pour remédier à l'in-
commodité que les maifons qui fubfiiî:ent actuellement pourroient
recevoir de la fuppreffion des anciens conduits. 6^. Qu'il fera libre
à ceux qui bâtiront de faire les murs d'entre-fonds de leurs mai-
fons , foit de pierres , de brique , de bois , ou autrement , ainfi
qu'ils aviferont j bien entendu néanmoins que , s'ils y adoffent des
cheminées , ils feront obligés de faire les murs de pierres, "j^. Que
la couverture des maifons fera faite à la manfarde. 8°. Que les
particuliers & Communautés qui feront bâtir feront obligés de fe
conformer aux ufages prefcrits par les anciens règlements , à
peine de démolition ou telle autre peine infligée par le Commif-
faire départi. 9^. Que les plans drelTés par le Sieur RobeHn , &
vifés par le Commiffaire départi , feront dépofés à l'Hôtel de
.Ville , avec l'expédition en forme dudit Arrêt , pour y avoir re-
cours dans le befoin. Enjoint, Sa Majefté , au Commiffaire dé-
parti de tenir la main à l'exécution du préfent Arrêt , qui fera
exécuté, nonobstant oppofîtion ou autre empêchement quelconque.
Le 9 Mai 1724, le Confeil donna un autre Arrêt , concernant
les biens incendiés appartenant à l'EgHfe : il porte, que les ter-
reins eccléfiafliques délîgnés dans le plan pour le rétabliffement de
la ville de Rennes , feront vendus & adjugés avec les autres ter-
reins compris dans l'emplacement où ils font fitués , tout ainfi &
de la même manière que les terreins appartenant aux Laïques
doivent l'être , aux termes de l'Arrêt du Confeil. Ces terreins
n' étoient vendus qu'après que les propriétaires avoient déclaré ne
vouloir ou ne pouvoir rebâtir , pour fe conformer au plan , afin
de ne pas laiffer la Ville à moitié bâtie dans fon intérieur , ce qui
auroit paru ridicule.
Philippe Néricaut des Touches, né à Rennes, ci-devant chargé
des affaires de France à la Cour d'Angleterre , fut reçu à l'Aca-
démie des Belles-Lettres, le 25 Août 1724. Le 29 Avril 1725,
le Confeil d'Etat avoit approuvé , par fon Arrêt , les changements
ïoo R E N
faits par le Sieur Gabriel aux plans drefTés pour la conftruârioîî
de la ville de Rennes. On avoit projette de bâtir cinq ponts
fur la Vilaine, qui traverfe la ville, afin de faciliter les commu-
nications. Sa Majefté les réduifit à trois , qui font , le pont de
riflette , le Pont-Neuf, & le pont Saint-Germain , qui parurent
fuffifants. Les obfervations & changements du Sieur Gabriel font
fort étendus ; & c'efl la raifon qui m'empêche de les inférer ici :
je dirai feulement que le Roi nomma le Sieur le Moufleux , Archi-
tefte , Ingénieur en Chef, aux appointements de quatre mille
livres par an , & le Sieur Huguet , Sous-Ingénieur , pour veiller
à l'exécution des projets du Sieur Gabriel. Les Etats , voulant
contribuer au rétabliflement de la ville de Rennes, donnèrent,
le II' Décembre 172.4, une fomme de trois cents mille livres,
qu'ils deftinerent à cet objet. Un Arrêt du Confeil , du 3 Août
1725 , approuva cette délibération. La Communauté de Ville
avoit fupplié Sa Majefté d'ordonner que cette fomme fût employée,
i^. au rétabHlTement de l'horloge publique. 1^. A la réparation
des Fontaines. 3 °. A rendre la rivière de Vilaine navigable pen-
dant toute l'année , au moins depuis Rennes jufqu à Meffac , dans
une longueur de huit lieues. 4*^. A la conftruftion d'un nouvel
hôtel pour le logement du Lieutenant général au Gouvernement
de Bretagne , au Heu où étoit l'ancien hôtel détruit par l'incendie.
Les habitants de la Paroiffe de Saint-Sauveur de Rennes préfen-
terent aufli leur requête au Roi , pour obtenir quelques fecours >
fur la fomme de trois cents mille livres , pour le rétablifTement
de leur Eglife paroiffiale , qui avoit été en partie détruite par l'in-
cendie. Le Roi déclara fes intentions fur l'emploi & la deftina-
tion de cette fomme de trois cents mille livres. Il ordonna qu'il
feroit prélevé une fomme de vingt mille livres pour le rétablif-
fement de la Cathédrale, & que le furplus feroit employé, i^. au
dédommagement du Sieur du Crevi , pour les terreins & ma-
tériaux de fa maifon iife dans la partie incendiée , laquelle
maifon devoir être démolie pour exécuter les plans projettes 5 dé-
dommagement que Sa Majeflé avoit évalué à vingt mille livres,
2^. A la dépenfe jugée néceffaire pour le rétabhffement de la
façade & de la place du Palais , qui devoit être baiflée de plu-
fieurs pieds pour en adoucir la pente , & pour l'indemnité des
Religieux Cordeliers qui ont deux boutiques fous le perron du
Palais, qui doit être démoli. 3°. A la conftru6lion des conduits
publics de la ville , ordonnée par l'article 1 4 de l'Arrêt du Con-
feil du 29 Avril , Se des Fomaines d'eau potable , qui feront
R E N ^ ^ loï
jugées néceflaîres pour la commodité Sc l'utilité publiques des
habitants de Rennes. 4°. Aux écluies & autres ouvrages nécef-
faires pour rendre la rivière de Vilaine navigable , pendant
toute l'année, au moins depuis Rennes juiqu'à Meflac. 5°. A la
réédification de l'horloge publique. 6^. A la conllruftion de l'hôtel
du Lieutenant général e\\ Bretagne , au même lieu où étoit l'an-
cien hôtel détruit par l'incendie ; & enfin , au rétablifTement de
l'Eglife paroifliale de Saint-Sauveur , jufqu'à la concurrence de
trois mille livres feulement ; & feront les fommes néceflaires à
chacune des deftinations ci-defTus , prifes , par préférence les
unes aux autres , fuivant l'ordre & rang dans lefquels elles font
ordonnées. Enjoint, Sa Majeité , au Commilîaire départi pour
l'exécution de fes ordres en la province de Bretagne, de faire
exécuter le préfent Arrêt. Fait au Confeil d'Etat , à Chantilly ,
le 3 Août 1725. Cet Arrêt fut fuivi d'un autre donné à Fon-
tainebleau, le 16 Novembre 1727, portant fixation du prix des
bois & chantiers publics de la ville de Rennes. Le Roi avoit
accordé mille arpents de bois , à prendre dans les forêts de
Rennes & du Gavre , pour le rétabUffement de la Ville. Les dé-
bris de la tour de l'horloge, avec les efcaliers & leurs empla-
cements, furent vendus, le 28 Avril 1729, à MM. Defclos Se
Boishamon , au profit de la Communauté de Ville , qui en retira
une fomme de cinq mille fix cents livres. La Chapelle de Saint- James
fut rebâtie à neuf, l'an 173 i , par M. de Cucé.
La première pierre de l'Hôtel de Ville , où eflla grolTe horloge, ^
futpofée en 1742, avec cette infcription : « Ce jour jeudi, pre-
» mier Février 1742, cette première pierre a été pofée par
>♦ Haut & Puiflant Seigneur Meiîire Antoine-Arnaud de la Briffe,
» Chevalier , Seigneur d'Amilly , Confeiller du Roi en tous fes
» Confeils , Maître des Requêtes ordinaire de fon Hôtel , Pre-
» mier Préfident du Parlement de Bretagne. » La promenade
des Champs-EUfées fut plantée au mois de Janvier 1744, auprès
du Mail , autre promenade publique qui a trois cents foixante-
douze toifes de longueur , avec quatre rangs d'arbres , de
chacun cent quatre-vmgt-fept : ce qui fait , pour les quatre
rangs , fept cents quarante-huit arbres ; mais il en manque plulieurs.
L'Hôtel des Gentilshommes fut établi , à Rennes , par lettres-
patentes de 1748 & 1749- Ces lettres renferment des ftatuts &
des règlements pour cet Hôtel. En 1752 , le Roi donna de nou-
velles lettres-patentes pour la réunion de quelques maifons à cet
Hôtel. En 1746 , on avoit fait un Mémoire pour l'établiffement
loz REN _
de cette Maifon , en faveur des Gentilshommes dénués de for*
tune. On commença par faire des fondations de brevets. Ces
brevets font des places fondées , dont les fondateurs ont pu fe
réferver la nomination , & la lailîer , après eux , à ceux qu'ils ont
voulu choifir. Elles font chacune de trois cents livres de rente ,
qui pouvoient être données en argent ou biens-fonds , ou être
hypothéquées fur telle terre ou eiiets fûrs qu'on vouloit affigner..
Le fécond étoit la réunion des dénéfices fimples à cet établiffe-
ment. Les préfentateurs pouvoient aulîi fe réferver la nomination
aux brevets fondés du revenu de ces Bénéfices. La chanté , tou-
jours ingénieufe , infpira aux perfonnes bien intentionnées plufieurs
autres moyens d'aflurer & d'augmenter cette belle enîreprife*
On nomma , par chaque diocefe , deux Gentilshommes , auxquels
on pouvoit s'adrelTer pour ce qui concerne rétabliffement en
queftion. Ils recevoient les différents dons qu'on vouloit faire re-
mettre à cette Maifon -, & , comme tout le monde n'étoit pas en
état de fonder des brevets , chacun avoit la facilité de donner ,
félon fes facultés , une fomme plus ou moins grande. Sur le re-
venu de trois cents livres , on devoit retenir le brevetaire pen-
dant toute l'année , & le faire jouir de tous les avantages de
la Maifon, où il demeuroit jufqu'à ce qu'il fût libre de prendre
lui-même un parti. L'âge de réception eft depuis fept jufqu'à
douze ans. On exige que les jeunes récipiendaires n'aient pas
de maladies contagieufes , ni reçu de la nature certaines dif-
graces qui puiffent les empêcher de prendre parti dans les armes
ou dans l'Eglife. L'objet de cet étabUflement étant l'éducation
de la feule pauvre Nobleffe, la .loi fondamentale eft qu'on ne
doit y recevoir aucun enfant qui ne foit noble & pauvre , &
conféquemment aucun penfionnaire , fous quelque prétexte que
ce foit. La pauvreté fe prouvera par trois atteftations , i °. de
l'Evêque du diocefe , & , en fon abfence , du premier Grand-
Vicaire j 2°. & 3°. des deux Gentilshommes ci-defTus. On en-
tend par pauvreté , une Situation de fortune qui met hors
d'état de payer la penfîon d'un enfant au Collège , pour y faire
fes études. Quant à la nobleffe , il faut qu'elle foit prouvée par les
anciennes réformations , ou au moins par celle de 1 668. Les ré-
cipiendaires font préfentés par une perfonne établie à Rennes,
& connue , pour y avoir recours au befoin. On travaille princi-
palement à les former à la reHgion & à la piété , & à leur
infpirer des fentiments d'honnête homme. Pour cela , on met
en ufage les règlements des penfîons les mieux dirigées. Dès
R E N loj
qu'ils font capables de Sixième , ils vont étudier au Collège de
la Ville. Aux études ordinaires , on joint ce qui peut concourir
à leur donner une éducation digne de leur naiflance , comme
l'Hiftoire , le Blafon , le DefTein , la Géographie , les Fortifica-
tions , & la Navigation. On leur donne à tous des Maîtres de
Danfe , & , à ceux qui f'e deflinent au monde , des Maîtres
d'Armes. Pour éviter les méfintelligences que pourroit occafionner
la jaloufie entre ces jeunes gens , ils font tous également vêtus
& nourris. Les Laïques ont un habit blanc complet avec un
bouton de cuivre doré -, & les Eccléiîafliques font habillés de
noir. Aucun ne fort de la Maifon fans être accompagné d'un
Maître ou fuivi d'un domeftique. Quand ils ont fini leurs exer-
cices & leurs clafles, on fait fon pofîible pour rendre le bien-
fait complet , en leur donnant la fomme dont ils ont befoin pour
embrafler l'état dont ils ont fait choix. Le gouvernement de la
Maifon eft confié à un Supérieur Principal , noble de naiffance, qui
peut prendre un fécond &: un troifieme , s'il ell néceifaire, fur
lefquels il puifle fe décharger d'une partie des exercices de la
maifon & -du temporel. Il prend auiîi des Maîtres & des do-
meftiques fuivant le befoin. L'Affemblée ou le Confeil décide, à
la pluralité des voix, de la réception des fujets ; on examine les
titres de nobleffe , les preuves de pauvreté , & autres conditions
requifes. Le Confeil efl: compofé de TEvêque de Rennes , & , en
fon abfence , de fon prem.ier Grand- Vicaire; de deux Gentils-
hommes connus dans la province ; & du Supérieur Principal. Tous
les papiers concernant l'établifTement , font mis en dépôt dans
une armoire de la Maifon , afin d'y avoir recours dans le befoin :
l'Evêque , celui des deux Gentilshommes le plus voifin de la
ville , & le Principal , en ont chacun une clef. On a cru ne pou-
voir donner de nom plus convenable à cette Maifon que celui
d'Hôtel des Gentilshommes, Lors de fon établiffement , il y en
avoit douze.
L'an 1 749 , M. le Duc & Madame la DuchefTe de Penthievre
donnèrent leurs portraits à la ville de Rennes. La ftatue pé-
deftre du Roi Louis XV , avec les figures de la Bretagne &
de la Santé , en bronze , de la fculpture du Sieur le Moine , fut
pofée fur la Place Royale , à Rennes , pendant les Etats aflem-
blés en cette ville, l'an 1754. Cette aiiemblée gratifia cet Ar-
tifte d'une fomme de cinquante mille livres, dont elle lui fit
préfent. Arrêt du Confeil du premier Oftobre 1754, ^ lettres-
patentes du 5 Novembre fuivant , qui permettent à la Communauté
104 R E N
de Ville d'emprunter une fomme de trois cents mille livres. Pendant
les Etats affemblés à Rennes en 1757, les Evêques de la pro-
vince inflituerent la fête des Anges Gardiens du Roi & du
Royaume , en avions de grâces de ce que Dieu avoit confervé
Louis XV de l'horrible attentat du nommé François -Robert
Damiens,
Auguflin-Marie Duparc Poullain , Avocat au Parlement , mar-
cTiant fur les traces de fon père , qui pafla pour un des plus
fçavants Jurifconfultes du Royaume, étudia, dès fa jeunefTe,.
nos Coutumes & nos Loix. Ses mœurs , fes connoifîances , fon
mérite lui acquirent de bonne heure l'eftime de fes concitoyens ^
il la méritoit, & il l'a prouvé : il a donné au Public un Ou-
vrage immenfe , fruit d'un travail afTidu pendant plus de vingt
ans , fur la Coutume , les Ordonnances , & le Droit Public» La
reconnoiflance publique a payé fon zèle j la gloire a couronné
fes talents j & le Roi récompenfa fes travaux , en lui accordant ,,
en 1763 , des lettres de nobleffe.
Les Dames Budes , de Rennes , cédèrent leurs maifon & terrein
à la Communauté de Ville , & tranfporterent leur demeure au faux-
bourg de Saint-Helier , en 1768. Le Roi donna des lettres-patentes,
portant permàffion à la Ville , de vendre les terreins & bâtiments
acquis des Dames Budes. Le 3 Mai 1770, la Cour de Parlement
rendit un Arrêt , portant qu'il feroit fait , en fon nom , un em-
prunt de la fomme de quatre-vingt-dix mille livres , pour être em-
ployée en achat de bled venant de l'étranger, que l'on vendroit
dans les lieux où la difette fe faifoit fentir plus vivement. Il
permit aux Généraux des ParoifTes de prendre dans leurs coffres
l'argent néceffaire pour acheter du bled , du pain , du riz , &
autres comeftibles , à diftribuer aux pauvres. Au mois de Septembre
1771 , le Roi donna un Edit, portant fuppreffion & rembourfe-
fnent d'Offices dans le Parlement de Bretagne ; Edit qui fut fuivi
d'un autre , portant création d'Offices dans cette même Cour. Le
Roi Louis XVI a rétabli dans leurs charges les Magiftrats dé-
poffédés.
Les Etats , toujours occupés du bonheur de leurs concitoyens ,,
fondèrent , en 1 778 , un Hôtel , à Rennes , pour un certain
nombre de jeunes Demoifelles de condition , qui y feront re-
çues , après avoir donné des preuves de nobleffe , & y vivront
fous k direftion de plufîeurs Dames, & de M. l'Abbé de Ker-
gus , Direfteur de l'Hôtel des Gentilshommes , dont on a parlé
en l'année de fa fondation.
Après
R E N .105
Après avoir parlé des différents établiflements faits dans la
capitale de la Bretagne , qu'il me foit permis de montrer mon
étonnement de ce qu'une aufli grande province n'ait point encore
formé une Académie Royale des Sciences 1 II y en a dans toutes
celles qui nous avoilinent. La Normandie , la Bourgogne,
le Languedoc , ont des Académies florifTantes , qui y opèrent un
accroilîément remarquable dans les Sciences & dans les Arts:
ne pourrions-nous pas nous procurer le même avantage }
Je fçais qu'un particulier de la ville de Nantes a propofé d y
former une Société des Sciences & des Ans, Le commerce étendu
qui s y fait efl: propre à féconder fes vues patriotiques ; mais
les circonftances favoriferont-elles fes intentions ? Il eft à fouhaiter
que tout fe prête à un projet aufli noble.
\]n Officier , dont le mérite eft connu, M. de Pommereul ,
Capitaine au Corps Royal d'Artillerie , Correfpondant de
l'Académie Royale de Marine , m'a communiqué un projet de
règlement ( a ) pour l'établiflement d'une Académie Royale
( <j ) « Les voluptés du patriote font de faire
il le bien , de le méditer, de le vouloir conf-
ia tamment, de le provoquer fortement de la
»> part des autres , lorfqu'il n'a pas le crédit
») ou les moyens de l'opérer par lui-même. »
Difc. fur le Patrieiifme ; par M. Elie de
Beaumont.
La plus grande partie des provinces de
France , à l'imitation de la capitale , ont
formé des Sociétés pour le maintien & l'en-
couragement des Sciences & des Arts.
Plufieurs d'entr'elles , beaucoup moins
vaftes que la Bretagne , ont tellement re-
connu l'utilité de ces inftitutions , qu'elles ne
fe font pas bornées à en avoir une feule.
Pourquoi la Bretagne , en créant chez elle
un femblable établiffement , n'y ajouteroit-
elle pas la perfc6lion dont il eft fufceptible ,
& dont il manque prefque par - tout ? elle
peut même , en imitant , devenir créatrice.
Ceft à une nation qui a conferv'é le noble
privilège de s'aflcmbler en Corps, pour dif-
cuter les droits les plus chers , décider fes
intérêts les plus précieux, & pourvoira fes
befoins bien reconnus ; c'eft à une telle
nation qu'il appartient de démontrer qu'elle
eft à la fois vigilante , éclairée , & q.i'at-
tentive à tout ce qui peut contribuer à fon
bien - être ou à fa gloire , elle ne fçait né-
gliger aucuns des moyens qui tendent à
procurer à fes concitoyens une plus grands
Tome IV,
fomme de connoiflances & de bonheur.
La Bretagne eut, il y a peu d'années , la
fagelTe de former une Société d'Agricul-
ture, & la gloire de la créer la pre-
mière. Toute la France , à l'envi , s'em-
prefTa d'adopter cette heureufe idée ; &
l'on ne fçauroit fe diiTimuler le bien que
ces Sociétés , à peine naiffantes , ont déjà
procuré. Ce bien eft moins encore dans
les expériences , dans les recherches , dans
les obfervations utiles qu'elles ont faites &
publiées, que dans l'amour qu'elles ont inf-
piré pour le féjour de la campagne , qu'elles
apprennent à mieux connoître dans le goût
de l'agriculture qu'elles ont communiqué
aux riches propriétaires , feuls en état de faire
des eflais en grand. Ce goût de l'agricul-
ture , le premier des Arts , fur lequel repo-
fent les fondements de la profpérité des na-
tions ; celui de l'hiftoire naturelle , aujour-
d'hui fi répandu , femblent avoir réconci-
lié les Dieux de la terre avec la na-
ture &c les champs. Leur féjour s'embellit
& s'enrichit de leur préfence ; & , peut-
être , ces goûts , réunis , feront le germe
de la plus heureufe des révolutions. Peut-
être , on leur devTa de voir renaître les
mœurs & l'antique fimplicité ; peut-être que
notre poftérité , meilleure que nous & nos
aïeux , n'ayant ni nos vices ni leur igno-
rance , étonnera le monde , en lui offrant le
o
io6 R E N
DES Sciences , en Bretagne. Comme ce morceau n'a que
quelques rapports avec ce que j'ai dit, & qu'il n'eft pas de
moi , je l'ai mis ici en note.
fpeflacle d'une génération à la fois inftruite
& vertueufe.
Dans des temps orageux , qu'on doit s'em-
prefler d'oublier , la Société d'Agriculture ,
qui avoit honoré la Bretagne , & s'étoit
elle-même illuftrée , participa aux malheurs
qu'efluy erent la plupart des Corps , & tomba
dans un tel état de langueur & d'inertie ,
que fes fondateurs mêmes crurent devoir
retirer fes fonds devenus inutiles. Lorfqu'un fi
grand nombre de Corps fe font vus détruire
& bientôt après régénérer , la Société d'Agri-
culture feule ne pourroit-elle relever fa tête
du milieu de tant de débris ? ne pourroit-
elle efpérer de fe voir auflî reffufciter par
ceux dont autrefois ells reçut la vie ?
Je n'examinerai point fi l'état de lan-
gueur dans lequel elle étolt tombée, n'eft
pas une forte de léthargie inhérente à fa
nature , & fi le \'ice conftitutionnel de n'a-
voir qu'un feul but , un feul objet, ne l'ex-
poferoit pas à une féconde rechute après
Ion rétabliflement. Quoi qu'on en pulffe croi-
laBretagne, qui l'avoit créée, peut per
re
feftionner fofi premier ouvrage. On ne fçau-
roit douter que le nouvel exemple qu'elle eft
la maîtrefle de donner aux nations , ne folt
bientôt fuivi par elles , & n'excite leur
admiration , & leur reconnoiflance pour un
peuple, qui, enparoiffant ne s'occuper que
de fes propres intérêts , fçait former des éta-
bliflements d'une utilité générale , & leur
donner une perfeiiion capable de les faire
fervir de modèle.
C'ell ainfi qu'en fervant fon pays , on
fert l'humanité entière. Qui pourroit , en
effet , ne pas fentir le bien que lui ont fait
les Académies , ces affociations de fçavants ,
qui , depuis deux fiecles , ont répandu l'éclat
d'une lumière inconnue,perfa£tionné tous nos
arts , & ajouté à toutes nos jouifTances ? Si^
l'homme peut vivre des jours plus heureux;
fi fes lumières ont augmenté les degrés de
fa civilifation & le nombre de fes plaifirs ;
fi les crimes font devenus plus rares , moins
■atroces, & l'obéiffance aux loix plus en-
tière ; fi les gouvernements mêmes , forcés
de fuivre la direftion des lumières répan-
dues , & la pent« irréfiftible des efprits ,
ont pam s'occuper davantage du fort des
hommes : ofonsle dire , ces heureux effets ne
font que le réfultat des grandes révolutions
qu'ont produit les Sciences & les Arts.
Il fut un temps , fans doute , où leur
utilité dut être moins grande & moins (tn-
tie. Quand des inondations de Barbares rava-
gèrent la France ; quand on s'occupa d'en
chafler les Anglais qui l'opprimoient fous
un fceptre de fer ; quand , dans nos mal-
heureufes diffenfions civiles , il fallut l'em-
pêcher de fubirle joug Efpagnol ; l'art le
plus néceflaire devint, avec raifon, celai de
la guerre. Le moment de s'occuper des
fciences n'efl point celui où il faut repouf-
fer la force qui vient vous charger de fers.
Mais depuis que la conftitution de l'Europe
eft devenue telle que les peuples, & fur-
tout en France , ne s'apperçoivent de l'hor-
rible fléau de la guerre que par l'accroifle-
ment des contributions , il femble que la
nécefîité de propager les lumières fe foit
augmentée : les peuples n'éprouvant plus
de grandes révolutions , jouiffant d'un re-
pos prefque abfolu , & ne pouvant guère
être heureux ou malheureux que par les
loix de l'adminiftration , leur devoir , comme
leur premier befoin, eft de chercher aies
connoître & à les perfeâionner. Si les im-
pôts augmentent , il faut , pour ne pas tom-
ber dans la mifere , que l'indurtrie fuive
leurs progrès. Comment un peupla fera-t-il
faire ce chemin à l'induftrie , fi , tout entier
occupé de pourvoir aux befoins du moment,
il n'eft pas aidé des fecours , & dirigé par
les lumières d'une claffe fupérieure , qui fait
fa gloire & fon bonheur de veiller aux
fiens. Cette claffe éclairée doit donc s'oc-
cuper effentiellement des moyens d'accroî-
tre fon commerce & la culture de fon pays ;
ces deux branches d'induftrie auxquelles
tiennent & dont dépendent tous les autres
arts , fans cependant néghger de cultiver
certaines fciences , qui , n'étant pas propre-
ment deftinées à grofïlr la maffe des ri-
cheffes de ce peuple , tendent d'une autre
manière à augmenter fa civilifation , fes
joulffances , & fa félicité.
On auroit pu douter autrefois de la pofTibilité
d'établir une Académie en Bretagne. En effet,
ce n'étoit que de loin à loin , & dans le long
REN
107
L'utilité des Académies n'eft point équivoque ; je peux en
donner pour preuve le dépériflement fenfible qui s'eft manifefté ,
éfpace de fix cents ans , que cette province
avoit produit , Abailard , Baron, le Baud ,
d'Argentré , Duaren , du Fail , le brave &
fçavant laNoUe , le célèbre Duc de Rohan ,
& Hai du Châtelet. La plupart des fça-
vants qui leur ont fuccédé font morts dans
ce fiecle ; mais depuis qu'elle a donné , en
même temps , un Secrétaire perpétuel à
l'Académie Françaife , un Préfident à l'Aca-
démie Royale de Pruffe , un Hiftoriographe
à la France ; depuis qu'elle a vu naître L)u-
clos , Maupertuis , Saint-Foix , la Mettrie ,
le Comte de Bréhand de Plélo , l'Abbé
Trublet , la' Croze , le Sage , Bouguer ,
le Comte de la Garaye , BofFrand ; les
Pères Tornemine , Bougeant , Hardouin,
Pezron : quand elle voit un des trônes de
la Littérature trançaife dignement occupé
par M. l'Archevêque de Boisgeflin , &
qu'elle peut encore s'honorer de MM. de
la Chalotais , Duparc Poullain , de Ker-
fuelen , de Keraho , Robinet , le Comte
e la Touraille , le Vicomte de Touilain ,
le Chevalier de Catuelan, de la Bedoyere,
Ginguené,Bonami,Montaudouin,ie Marquis
de Luker , Girard , l'Abbé Ruffelet , l'Abbé
Deric, M. Maréchal, &c. &c. il femble'
qu'elle doit être fûre de trouver , parmi
tes feuls enfants , une Société de gens
de lettres , qui , diftingués par elle &
réunis en Corps , formeront la fouche d'où
doivent fortir des rejettons capables d'il-
hiftrer à la fois & la province dont les
bienfaits & les encouragements leur auront
donné naiflance , & l'Académie dont les
places auront été le but & le prix de leurs
travaux.
On propofe donc , à NofTeignein-s les
Etats , de créer l'Académie Royale de Bre-
tagne; d'afligner, pour fes dépenfesjun fonds
annuel de vingt-quatre mille livres ; de lui
faire obtenir du Roi des lettres-patentes,
& de défigner l'hôtel deftiné à fes féances.
Après avoir lu avec attention les régle-
jnents d'un grand nombre d'Académies ,
voici celui qui nous a fcmblé le plus avan-
tageux à la bonne conftitution de l'Aca-
démie Royale de Bretagne : le Roi & les
Etats font d'ailleurs les maîtres de l'adopter
ou de le modifier.
L'Académie Royale de Bretagne aura
pour Protçdteurs Nofleigneurs les Buts , 6c
fera compofée d'un Vice-Protefteur , d'un
Diredleur , de deux Secrétaires perpétuels ,
d'un Tréfoner , de fix Académiciens hono-
raires , de quatorze Académiciens penfion-
naires , de vingt Académiciens ordinaires,
de vingt Affociés hbres , & d'un nombre
iUimité de Correfpondants ; en tout , foixan-
te-deux Membres, non compris les Cor-
refpondants.
Le Vice-Prote£teur fera éligible au choix
de l'Académie. Le Direfteur, amovible,
fe tirera au fort tous les trois mois , & ne
pourra être pris que dans la clafle des
penfionnaires ; des deux Secrétaires perpé-
tuels , pris dans cette même clafle ou dans
celle des Académiciens ordinaires , l'un,
fera pour les Sciences & Arts, & l'autre
pour les Belles-Lettres. Le Tréforier fera
toujours le Tréforier général de la province»
L'éleftion d'un Secrétaire fera vaquer la
place qu'il occupoit dans la claffe dont il
fera tiré.
Des quatorze Académiciens penfion-
naires , trois feront Géomètres , Agrono-
mes , ou Méchaniciens ; trois Anatomifles ,
Chymiftes , ou Botanifles ; deux Phyfi-
ciens ; & fix feront connus par des Ou-
vrages d'Hiftolre , de Poéfie , de Légifla-
tion , d'Economie rurale ou politique , ou
de Belles-Lettres. Les vingt Académiciens
ordinaires feront également partagés en qua-
tre claflesjde même efpece que celles ci-
defTus. La première &. la féconde feront
compofées de quatre Académiciens chacune ;
la troifieme le fera de trois ; &. la qua-
trième de neuf. Les Académiciens penfion-
naires & ordinaires feront nés Bretons , &
ne pourront être reçus s'ils ne font connus
par un Ouvrage imprimé, qui indique l'ef-
pece de fcience qu'ils ont cultivée , & dont
le fuccès puifle juftifier le choix de l'Aca-
démie. Les honoraires feront provinciaires
ou feulement habitants de la province , &
recommandables par leur goût pour les
Lettres , & par leur intelligence connue
dans quelques parties des Sciences ou des
Arts. Les Aflbciés libres & les Corref-
pondants feront indifféremment extra-pro-
vinciaires ou Bretons. Les réguliers feront
admis dans la feule clafle des honoraires.
Les Académiciens penfionnaires feront pris
à l'anciennctc parmi les ordiioaires, fuivant
io8 R E N
foit dans la Littérature foit dans les Manufaftures des provinces
où l'amour des Lettres a éprouvé un relâchement fenlible. Mon
l'ordre de leur réception & l'efpece de la
place qui fera vacante ; c'eft-à-dire , qu'un
penfionnaire de la première ou de la qua-
trième clafTe fera remplacé par le premier
Académicien ordinaire de la première ou
quatrième claffe , afin que la compofition de
l'Académie puifTe fe maintenir telle que,
fuivant ce plan , on a jugé qu'elle devoit
être pour fe rendre également utile en tout
temps.
Le Vice-Protefteur , le Direfteur , les
deux Secrétaires perpétuels , les Académi-
ciens honoraires , penfionnaires , & ordi-
naires , auront feuls voix délibérative dans
les élevions & les affaires concernant l'Aca-
démie. En matière de fciences & pour le
jugement des prix , les AlTociés libres don-
neront leurs voix.
Les Académiciens honoraires , penfion-
naires , & ordinaires , & les Affociés libres ,
n'auront point de rang entr'eux aux féan-
ces de l'Académie : chacun fe placera fui-
vant l'ordre dans lequel il fera arrivé à la
féance. A l'une des extrémités de la ta-
ble , feront deux fauteuils deftinés , l'un au
Vice - Protecteur , qui ne pourra jamais
être occupé que par lui ; l'autre au Di-
refteur , que lui feul aura droit de prendre.
A l'extrémité oppofée , feront pareillement
deux fauteuils femblables , qui devront être
occupés par les Secrétaires perpétuels.
Ceux des Membres des Etats , dont les
connoifïànces dans le Droit Public leur au-
ront fait un nom dans cette illuftre aflem-
blée , n'auront pas befoin d'autres titres
pour être éligibles en qualité d'Académi-
ciens. Ceux-là feuls feront au deffas de la
loi précédemment énoncée , qui veut que
nul ne puifTe être élu fans avoir. fait un
Ouvrage imprimé , dont le fuccès foit ca-
pable de juftifier l'éleftion de fon auteur.
C'eft , fur-tout , à l' Académie Royale de
Bretagne , que les lumières des Montmu-
ran , des Chevaliers de Guéri, ne peuvent
manquer d'être utiles.
L'Italie , dont la France n'a fait que fui-
vre l'exemple en établiffement des Acadé-
mies , n'a pas cru devoir en interdire
l'accès aux femmes. L'Académie des Jeux
Floraux , à Touloufe , les Académies de
Lyon , de Rouen , &c. ont imité en cela
liîalie. L'exclufion qu'on leur a donnée
ailleurs , efl un refte de barbarie gothique.'
Des femmes , juftement célèbres & con-
nues par des Ouvrages imprimés , pour-
ront donc être admàfes à l'Académie Royale
de Bretagne , mais dans la feule clafie des
Affociés libres, & fans pouvoir y avoir
voix délibérative.
Les différentes clafTes dans lefquelles on
a partagé l'Académie Royale de Bre-
tagne , ayant pour objet d'exciter l'émula-
tion & le travail, ce ne fera point de
droit que les Affociés libres deviendront
Académiciens ordinaires. L'Académie , lorf-
qu'il vaquera une de ces places , choifira
celui des Affociés Hbres qu'elle jugera le
plus en état de la rempUr , ayant tou-
jours foin de ne pas changer , par des
choix mal faits , l'ordre de la compofition
de fes claffes. Il en fera de même des Cor-
refpondants , qui ne pourront devenir Affo-
ciés Hbres que par le choix de l'Académie.
Nul ne pourra folliciter de vive voix , ou
par écrit , fon admiflîon à l'Académie. De
pareilles démarches , tendant toujours à
forcer la Hberté des fuffrages , feront feules
un motif d'exclufion ; mais tous ceux qui defl-
reront y être reçus , feront obligés de fe faire
infcrire chez l'un des Secrétaires perpétuels ,
& de lui remettre , en même temps, les
Ouvrages imprimés dont ils feront les au-
teurs , & en vertu defquels ils afpirent à
une place d'Académicien. Ce Secrétaire
rendra compte au Direfteur de leur infcrip-
tion , de leur defir , & préfentera les Ou-
vrages qu'il en aura reçus.
Tous les Académiciens auront droit de
propofer les objets fur lefquels l'Académie
pourroit avoir à délibérer. Les Secrétaires
prendront note de ces propofitions , qui ne
pourront être mifes en délibération qu'à la
féance fuivante. Dans l'intervalle de ces
féances,les Secrétaires devront prévenir les
Membres de l'Académie réfidents , & qui
fe feroient trouvés abfents à la première
féance , des objets fur lefquels on devra
délibérer dans la fuivante.
Ces formes duement remplies , toutes les
délibérations prifes aux deux tiers des voix ,
l'affemblée étant au moins compofée de
douze Académiciens , non compris le Di-
refteur , feront valides.
Le jour des élections aux places vacantes
R E N 109
fentîment trouvera fûrement des critiques ; mais il n'y aura point
de gens fenfés qui ne foient de mon avis , & qui ne croient ,
fera fixé , un mois d'avance , & tous les
Académiciens réfidant en Bretagne devront
en être prévenus par les Secrétaires, qui leur
écriront dans les trois ou quatre premiers
jours de ce mois, afin qu'ils aient le temps de
fe rendre , s'il eft pofTible , à ces impor-
tantes convocations. Les Secrétaires , quant
au travail des délibérations & convocations
de l'Académie , le feront par femeftre ;
quant à fa correfpondance , leur titre indi-
que fuffifamment celle dont chacun doit
être chargé.
Pour être élu Correfpondant , Aflbcié
libre , Académicien ordinaire , penfionnaire ,
honoraire , Secrétaire perpétuel , Direfteur ,
Vice-Prote£teur , il faudra réunir , par la
voie du fcrutin , les deux tiers des fuffrages
des Membres préfents à la délibération , la
convocation ayant été faite dans la forme
prefcrite ci-deffus. Le Directeur, dans tou-
tes les délibérations , recueillera les fuf-
frages , & annoncera les décifions de lAca-
démie. Les différents Afpirants à ces places
feront propofés par le Directeur , d'après
les notes que lui auront remifes les Secré-
taires , & les Ouvrages des impétrants fe-
ront tous fur le bureau. Quant aux charges
ou dignités de l'Académie , le Direfteur
fera obligé de propofer au moins trois fu-
jets pour chacune , & de changer fa pro-
portion , fi l'un des trois premiers propofés
ne réunit pas au fcrutin les deux tiers des
voix.
Lors de la nomination d'un Académicien
ordinaire à la place de penfionnaire , celui
qui l'obtiendra pouvant fe trouver trop riche
pour avoir befoin de la penfion attachée à
cette place, tous ceux qui feront appelles
à l'occuper , feront tenus , lors de leur élec-
tion , de déclarer & de faire porter fur les
regiftres de l'Académie , qu'ils acceptent
ladite penfion pour en jouir , ou qu'ils
l'abandonnent à l'Académie ; mais , dans
ce cas, ils refteront les maîtres d'en défi-
gner l'emploi, foit qu'ils veuillent qu'elle
ferve à l'achat des ftatues & tableaux dont
il fera parlé , foit qu'ils la deftinent à aug-
menter les fonds de la bibliothèque , ou
des cabinets d'antiques & d'hifloire natu-
relle , ou à l'achat d'inftruments de Phyfi-
ffue , ou enfin aux émoluments annuels
Qun nouveau prix , dont ib auroient le
droit de propofer le fujet à l'Académie.
Pour commencer à former l'Académie,
il convient que les Etats nomment les deux
premiers Académiciens honoraires , les trois
premiers penfionnaires , les trois premiers
ordinaires. Ces huit Académiciens, aflem-
blés i choihront enfuite fux Académiciens
penfionnaires. Ces quatorze Académiciens
nommeront alors le Vice-Protefteur , le
Dire6teur , un Secrétaire , &. formeront
enfuite, parleur choix fucceflif, le Corps
complet de l'Académie , qui n'aura de fé-
cond Secrétaire que lorfque fes Membres
feront au nombre de trente.
L'Académie Royale de Bretagne aura
tous les ans deux grandes féances publiques ,
au jour anniverfaire de la délibération des
Etats qui l'auront créée , & à celui de l'ex-
pédition des lettres -patentes du Roi qui
l'auront autorifée. La diflribution de (es
Êrix fe fera dans ces deux grandes féances.
Ile aura , en outre , quatre autres féances
publiques , aux anniverfaires des jours de
i'avénement au Trône par François I , le
reftaurateur des Lettres ; Louis XII &
Henri IV, les pères de la patrie ;& Louis
XIV, le protecteur des Sciences , des Arts ,
& le fondateur des Académies. Dans ces
quatre féances , un Orateur de fon choix
prononcera l'éloge de l'un de ces Monarques.
Les afTemblées ordinaires de l'Académie
fe tiendront tous les jeudis de chaque fe-
maine. Si une fête fe rencontre aux jours
fixés pour quelqu'une de fes féances , elles'
feront renvoyées au premier jour ouvrable
fuivant , & fe tiendront toujours l'après-
midi.
L'Académie aura fes vacances pendant la
quinzaine de Pâques , depuis Noél jufqu'aux
Rois ; & de la Nativité à la Saint-Martin.
Elle fera dire , tous les ans , le jour de
Saint-Louis, une Grand'Meffe , à laquelle
elle affiliera en Corps ; &. un Prédicateur ,
nommé par elle , prononcera , après la
Mefle , alternativement par année, les pa-
négyriques de Saint Cnarlemagne & de
Saint Louis.
Les Etudiants du Collège de Rennes ,'
qui , dans le cours de l'année précédente ,
auront remporté les premiers prix , auront
le droit d'affifter à toutes les féances pu-
bliques de l'Académie , dans des places
,10 I!^ EN
comme moi, qu'une Académie, qui ne s'éloignera point des
principes de fbn inflitution , dont les travaux feront continuelle-
ou'elle leur afTignera. Cette faveur fera un
nouveau fujet d'émulation , ajouté à tous
ceux qu'on doit prodiguer à ces jeunes
fujets qui font alors l'elpérance de la pa-
trie , & qui peuvent un jour faire fa gloire.
L'Académie publiera tous les ans trois
recueils féparés , fous le format in-4°. des
Mémoires faits par fes Membres ou Cor-
refpondants , & adoptés par elle : l'un , fous
le titre à'Hijhirc , Légijlaùon , Adminiftra-
tion ; l'autre , fous le titre de Sciences &•
Arts ; le troifieme , fous celui de Littéra-
ture. Elle fera tous les ans , fous le même
format, un recueil des Ouvrages qu'elle
aura couronnés ; & , tous les deux ans ,
elle ira , en Corps , le préfenter aux Etats ,
lorfqu'ils fe tiendront à Rennes , & leur
enverra une députation , lorfqu'ils feront
aiiemblés ailleurs , pour leur rendre le même
hommage. Le Direfteur , lors de cette
cérémonie , aura le privilège de pouvoir
haranguer les Etats ; dans fon abfence , le
Chef de la députation jouira de la même
prérogative. Le Direfteur , ou le Chef de la
députation , remettra à chacun des Préfidents
des trois Ordres des Etats , un exemplaire
des Ouvrages couronnés les deux années
précédentes. L'Académie aura foin de faire
imprimer , toujours fous le même format ,
tous les Difcours de réception de fes Mem-
bres , lefquels feront aftreints , après les
compliments d'ufage , à traiter ,, dans ces
Difcours, un fujet de leur choix; les ré-
ponfes des Direéeurs à ces Difcours , les
harangues prononcées par les Députés aux
Etats , & les éloges funèbres faits par l'un
des Secrétaires perpétuels à la mort de
chaque Académicien. Tous les Ouvrages,
anunis de l'approbation de l'Acadéipie , &
faits par un de fes Membres, pourront,
fans paffer à aucune autre cenfure , ctre im-
primés fous le privilège fpécial qu'à cet
effet le Roi lui accorde par cet article.
Tout Breton qui aura remporté un des
prix de l'Académie , à l'exception de celui
de Deffein, fera de droit Correfpondant
de l'Académie ; tout Breton qui en aura
remporté trois , obtiendra de droit la pre-
mière place vacante d'Aflbcié libre.
L'Académie aura , dans l'hôtel deftiné à
fes féances , une bibliothèque publique , qui
fera ouverte trois fois la femaine i §C un
cabinet d'hiftoire naturelle , qui le fera le
même nombre de fois. On commencera
par raflembler à la bibliothèque tous les
Ouvrages imprimés ou manufcrits , relatifs
à l'Hiftoire civile , politique , eccléfiaf-
tique , & du Commerce de Bretagne ,
avant d'en acheter d'une autre efpece^
Près de la bibliothèque , fera un cabinet
d'antiques & de médailles trouvées en Bre-
tagne , ou ayant rapport avec l'hiftoire de
cette province. La colleâion du cabinet
d'hiftoire naturelle comprendra d'abord
celle de tous les végétaux & minéraux de
Bretagne , fa conchyliologie , fes oifeaux,
animaux , & poiflbns defféchés ou empail-
lés. On raffemblera dans le jardin de l'hô-
tel de l'Académie toutes les plantes de la
province , & celles enfuite qui pourroient
en faire une Ecole de Botanique.
Le Bibliothécaire fera en même temps
garde du cabinet d'antiques ; & le Natura-
lise , chargé du cabinet d'hiftoire natu-
relle , le fera aufli du jardin de Botanique.
Choifis parm.i les Académiciens penfion-
naires & ordinaires , leurs emplois feront
à vie , & ils devront tous les deux être
logés , comme les Secrétaires perpétuels ,
dans l'hôtel de l'Académie.
Les économies que l'Académie pourra
faire fur fes fonds , & les bénéfices réfultant
de la vente de fes recueils , dont fon Im-
primeur , nommé par elle , fera obligé de
tenir compte à 1 un des Secrétaires perpétuels,
feront employés à fe procurer les portraits
de tous les Hommes illullres de Bretagne,
ou à faire exécuter en marbre leurs buftes
ou ftatues , lefquels feront deftinés à orner
les falles de fon hôtel , & à éternifer , par
l'éclatant homnwge rendu à leurs vertus ou
à leurs talents , la mémoire des héros ou
fçavants qui auront illuftré leur patrie. Pour-
quoi cette apothéofe civique ne feroit-elle pas
le germe fécond qui reproduiroit & rendroit
à la Bretagne les grands hommes dont elle
n'auroit voulu , par cette glorieufe inflitu-
tion , que perpétuer le fouvenir ?
L'Académie jouira du privilège exclufif
de publier une feuille périodique pour la
Bretagne , qu'elle fera compofer par un de
fes Membres , & dont l'auteur s'attachera ,
fur-tout, à remplir les objets que le journal
des fçavants , les obfervations de Phyfique,
REN m
ment dirigés vers le plus grand bien pour les hommes, ne foit
une Société précieule pour la province qui aura le bonheur
le journal de Jurifprudence , & les bonne»
feuilles littéraires le font efforcés jufqu'ici
de remplir. Le produit de cette feuille fera
employé , foit aux dépenfes ci-deflus , foit à
l'augmentation de la bibliothèque.
L'Académie s'occupera principalement de
la rédaftion d'une bonne hiftoire de Bre-
tagne, cherchera tous les moyens qui ten-
droient à améliorer le fol , augmenter l'in-
duftrie , étendre le commerce de cette pro-
vince ; cultivera l'étude de fon Droit public
& particulier , toutes les autres Sciences , &
les Belles-Lettres , qui forment le but ordi-
naire des autres Académies. Elle fera , en
français , les infcriptions de tous les monu-
ments publics de Bretagne , la légende des
jetons des Etats , &c. C'eft ainli qu'elle
pourra réunir les mérites variés des Aca-
démies des Sciences , des Infcriptions ,
Belles - Lettres , 6c Arts , des Sociétés
d'agriculture , de commerce , & d'ému-
lation.
Le fujet du prix d'Hiflolre que l'Acadé-
mie diftribuera , fera d'abord , & le plus
fouvent que faire fe pourra , tiré de l'hif-
toire de Bretagne , ou du moins y fera
analogue. Celui d'Eloquence fera l'éloge des
Guerriers , Magiftrats , Eccléfiaftiques ,
Ecrivains, ou Artiftes, dont la province
peut s'honorer. Les programmes qu'elle pu-
bliera , détermineront , au refte, le fujet des
prix de Poéfie , de Mathématiques , de
Chymie , de Botanique , d'Agriculture , de
Commerce.
L'Ecole gratuite de Defleln , établie à
Rennes , expofera les defleins de fes Ele-
vés , à un jour fixé , dans une des falles
de l'hôtel de l'Académie. Les defleins feront
fignés par l'auteur , & certifiés par le Pro-
feiïeur de Defleln. Cette expoîitlon fera
publique, & durera quinze jours. L'Aca-
démie décernera le prix de Deffein à celui
qui aura le fuccès le plus mérité.
Voici quel fera l'emploi des fonds accor-
dés à l'Académie , &. fes dépenfes :
Prix d'Hlftoire 300 1.
— — d'Eloquence 300
de Poéfie 300
— — de Mathématiques 300
Ci 1100 1.
Ci- contre. . . 1200 1%
Prix de Phyfique , Chymie , Sc
Botanique , alternative-
ment 300
d'Agriculture 300
de Commerce 300
de Defleln 300
donné au meilleur projet
pour la province 30O
Achats pour la bibliothèque , & le
cabinet d'antiques
& médailles. . . . 300O
le cabinet d'hlftolre
naturelle & jardin
des plantes. . . . 2000
Penfions des quatorze Académi-
ciens penfionnaires. . 8400
Traitements des deux Secrétaires
perpétuels. . . . 2000
— — du Bibliothécaire. . 1500
du Naturalifte. ... 15 00
Gages du Suifle , logé dans l'hô-
tel . . . . ^03
Pour frais de Mefles , feu , bougie ,
& meubles 1400
d'imprefllon des Re-
cueils, 5cc 1000
Total 24000 1,
Cette fomme , dans fes différentes fubdî-
vifions , feroit comptée à l'Académie fans
aucune retenue de la part du Tréforier , &
même fans l'acquit des droits de fac & de
quittance. Lorfqu'il s'aglroit du paiement des
prix , le Tréforier le délivrerolt fur un
mandat du Direfteur, fcellé du fceau de
l'Académie , dont feroit chargé le plus an-
cien Secrétaire. Lorfqu'il s'aglroit des autres
fonds , les mandats, toujours fcellés du fceau
de l'Académie , ferolent fignés par le Di-
refteur, les deux Secrétaires , le Biblio-
thécaire , le Naturalifl:e, chacun pour fa
partie. LeSulffe feroit payé fur un mandat
du Directeur. Quant à l'acquit des pen-
fions , la quittance de chaque penfionnalre
fufliroit à la comptabilité du Tréforier. Les
fonds deflinés à la bibliothèque , ferolent
remis , par le Dlreéleur , au Bibliothécaire ;
& ainfi pour ceux deflinés au cabinet d'an-
tiques , a celui d'hiftoire naturelle , au jardin
des plantes. Les fonds uccenaires aux autres
„i REN
de la pofféder. Ces affemblées font , ordinairement , compofées
de perlonnes nées dans la province où elles fe tiennent , ou qui
y ont fixé leur féjour : elles ont , par conféquent , un intérêt
égal , à augmenter les connoifTances & à prodiguer leurs veilles
pour épurer les moeurs. Ce dernier foin n'eft pas le moins utile
de ceux qu'on doit attendre d'elles : les effets s'en étendent ,
peu-à-peu , fur les claffes des citoyens , & préparent à la poftérité
un bonheur dont on ne connoît le prix que lorfqu'il exifte.
Je laiffe à mes lefteurs le plaifir de faire , fur cette note , les
réflexions qu'elle doit faire naître dans un pays où régna û long-
temps l'ignorance. Il efl flatteur pour un citoyen de contribuer
aux progrès des Sciences & des Arts ; il jouit , en quelque forte ^
par Tefpoir des établiflements qui procurent leur perfeftion.,
On aura , fans doute , de la reconnoiflance pour l'Officier efti-
mable qui a conçu ce projet, que je publie de fon aveu.
dépenfes de l'Académie , feroient partagés
éc^alement entre les deux Secrétaires char-
gés de folder ces dépenfes._
Tous les ans , ces différents Officiers
rendroient leur compte, le même joui-, à
l'Académie , qui , fur le vu de leurs quit-
îlances & de leurs achats, feroit expédier
au Tréforier une quittance générale , fcellée
du fceau de l'Académie , que figneroient
le Direfteur & les deux Secrétaires.
Nous ofons croire qu'un tel établiffement
mérite d'être fondé par les Etats. Si des
événements, qu'il ne nous eff pas permis
de prévoir , amenoient la fuppreffion de
quelques Maifons Rehgieufes dans la ville
de Rennes , ne pourroient-ils pas obtenir
du Roi que leurs bâtiments fuffent méta-
morphofés en ce mufcEum que la province
auroit confacré à l'utilité publique , à l'en-
couragement des Sciences & Arts , à l'em-
belliffement & à la décoration de fa ca-
pitale ? Quant aux moyens d'affurer le
fonds annuel de vingt-quatre mille livres
à l'Académie Royale de Bretagne , nous
penfons que le moins onéreux feroit d'ob-
tenir du Roi , que ce paiement annuel de
Tingt-quatre miÛe livres fut luie des con-
ditions ajoutées au Bail des Fermes de
la province , qui , pour cette modique
rétribution , pour cette charge de plus ,
»e rifqueroit pas de voir les compagnies
de Financiers diminuer leurs enchères , ou
fe montrer moins avides de les obtenir.
D'autres citoyens, plus éclairés, trouve-
ront , fans doute , mille autres moyens de
fe procurer ces vingt-quatre mille livres.
Nous avons propofé le nô-tre , c'eft à
eux à faire connoître ceux qu'il faudroit
préférer à celui que j'indique.
Si c'eft une forte de crime envers la
patrie que de ne pas divulguer un projet
qui lui peut être utile , la pubUcité que
nous donnons aux idées que nous venons
de développer , porte avec elle fon ex-
cufe. Le bon Abbé de Saint-Pierre , dom
un grand Prince nommoit les projets les
rêves d'un homme de bien , mourut fans
avoir la fatisfaélion de les voir exé-
cuter. Nous jouilTons aujourd'hui du fruit
de fes heureufes méditations , & l'on n'a pas
allez remarqué que la moitié de fes idées
s'eft déjà réalifée , fans qu'on ait même,
fongé à en faire honneur à fa mémoire.
11 y auroit trop de préfomption 3 fans
doute , à croire que le projet que nous
venons de donner aura plus de fuecès que
ceux de cet excellent citoyen , & nous
fommes très- éloignés de nous bercer de
cette chimère ; mais le fort qu'ont enfin
eu les fiens,nous avertit afTez qu'une idée
utile n'eft pas toujours perdue , qu'il faut
la femer dans le Public , qu'elle y germe
plus ou moins lentement , & qu'enfan elle
îe développe & porte avec elle les fruits
qu'on avoit droit d'en attendre. Faudroit-il
donc ne jamais confier aucune femence a
la terre , parce qu'on n'eft pas toujours
certain de rec\ieillir^
Tableau
R E N
IlOMS.
Tableau des Gens de
KailTances. Morts.
1531.
1509.
1531.
1579-
Ï593-
1142.
II 17,
1509.
1550.
XI Siècle,
Abailard. IO79.
Robert d' A rbriffelles.
XII , XIII , xiy^
Siècles,
Rien.
XF Siècle,
Mefchlnot.
Eginard-Baron, ^495'
Lebaud.
xri Siècle,
Cartier , vivoit ea
Le P. CheflTontaînes,
Jéiuite , & enfulte
Archevêque.
Bertrand d'Argentré.
Duaren.
Du Fail , vivoit en
1550.
LaNoiie, bras de fer.
Le Duc de Rohan.
Hai du Châtelet.
XVII Siècle,
Le P. André , léfuite. 1673. ^7^4
Le Père Bagot , Jéf. 1764
L' Abb.de Beilegarde. 1648. 1734
Pelordeau.
L'A b. Hois- Morand. 1680. 1740
Boffrand. 1667. ^754
Le Père Bougeant ,
Jéluite. 1690. 1743
Bouguer. 1698. 1754
Le P. du Cambout ,
Jëfuite. 1634. 1690
Charnacé. 1^37
D'Argenrré , Evéq. 1673. 1740
M''^- Deicartes. 1706
Frairt.
Le f. deCenne<;,Jér. 1687. 1748.
Tome IV„
595-
590.
559-
591.
638.
636.
Le P. Baudori, Jëf.
Le P. Beauvais , Jél.
Bertrand.
L'Ab. de la Rletterle.
Le Com. deBréhant
de Plélo.
Corvaifier.
Desforges - Maillard.
1684.
1677.
1666.
1698.
i6)0.
Lettres de la Bretagne,
Noms. Naiffances.
Le Comte de la
Garaye.
Du Gué - Trouin.
Le Père Hardouin ,
Jéfuite.
Hévin.
La Roque.
Le Père la Santé ,
Jéfuite.
Le Sage.
Dom Loblneau.
Maupertuis.
Menard.
Montplaifir , vivoit
en 1650.
Dom Morice.
Le Père Nepveu ,
Jéfuite.
L'Abbé Noulleau,
Le Pays.
Perchambault.
Le P. Pezron , Ora-
torien.
Le Card. de Rohan.
La Princ. Eléonore
de Rohan.
Le P. de Saint-Luc.
Sauvageau.
Le P. Tornemine >
Jéfuite.
L'Abbé Trublet.
L'Abbé Vauge.
LeP. Vlfddou, Jéf.
6>c Archevêque.
XVIII Siècle,
1639.
1604.
1636.
1639.
i6z8.
1661.
1697.
1710.
1693.
1701.
1696.
1719.
1699.
p
iij
Morts,
1673.
1735.
1646.
1729.
I66I.
I73I.
1763;
»747-
1747-
1759-
1717.
1^93. 1750.
I (372;
1690.
170^.
1681.
1674. 1749.
1739-
1770.
Ï739'
1656. 1737.
1749.
1770.
175X.
1772.
1734-
1758.
1768.
114
Noms.
Naiirancei
Duclos.
1705.
Duport Dutcrtre.
1715.
Freron.
1719.
Kerfaufon,
La Croze.
1661.
La Mettrle.
1709.
L'Abbé Moreau de
Saint-Etienne.
17OI.
R EN
Morts.
1772.
»759-
1776.
1739-
1751.
1754-
Noms.
PontBriand.
Le Père Plefle, Je-
fuite.
Saint-Foix.
Travers , Prêtre.
Rofnevet,
Dom Jamin.
Robinet.
NaiiTaiices.
1704.
1698.
Mortj.
1767.
17^(3.
1776.
17 $0.
i<S83. 175S.
Cette nomenclature, toute imparfaite qu'elle peut être, pourra
fervir de guide, à celui de nos auteurs Biographes qui voudra
enrichir notre Littérature nationale de recherches fur la vie des
auteurs précédents , & d'une analyfe raifonnée de leurs Ouvrages.
Ce travail , intéreffant pour la Bretagne , lui manque abfolument.
J'aurois pu ajouter ici la liite affez nombreufe des auteurs Bretons
vivants j mais j'ai cru devoir m'en difpenfer.
Cat ALOGi/E hiflorique des Evêqucs de Rennes» •
*
Quelques écrivains ont prétendu , contre toute vraifemblance,
que la ville de Rennes avoit des Evêques long-temps avant le qua-
trième {îecle. Ils admettent un Maxnnien , du temps des Apôtres,
Prélat imaginaire, qui, félon eux, eut pour fuccefleurs,Suffremin,
Rambert , Servius , Saint Jull , Honorât , & Placide , Martyrs ;
& Saint Léonore. Le premier Evêque de Rennes, dont on ait
connoiffance , & dont l'exiftence foit prouvée , eft Modéran , que
les uns placent en 358, & les autres en 388.
Saint JulHn fut fon fuccefleur. Dom Lobineau prétend qu'il
avoit été Difciple de Saint Clair , premier Evêque de Nantes.
EUeran ou Eie6lran, fut le troifieme Evêque de Rennes.
Jean , furnommé Alhius , monta enfuite fur le Siège. C'eft fou5
fbn Epifcopat que s'opéra la révolution qui arracha 'Armorique
aux Romams , & la fournit à Conan Meriadec.
Riothifme ou Riothime , fut le cinquième Evêque de Rennes,
il l'on en croit un manufcrit de la Bibliothèque publique de Nantes.
Ces cinq Evêques ont occupé le Siège épifcopal dans l'ordre ci-
delîus. Tous les hiftoriens font d'accord fur ce pomt ; mais on ignore
ce qu'ils ont fait l'année de leur avènement à l'Epifcopat, & celle de
leur mort. Ils n'avoient point encore de domaines temporels : ils
n'exerçoicnt fur les Fidèles que l'autorité que leur donnoit la
dignité fpirituelle ; autorité plus réelle, plus refpeftable que celle
dont jouiffent aujourd'hui nos Prélats. Les premiers éairices, con-
REN 115
facrés publiquement au culte du vrai Dieu, à Rennes, furent,
fans doute , élevés fous l'Epifcopat d'Albius ou de Riothifme.
Athenin, Atheme ou Artenius, afîlfta aux Conciles de Tours,
en 461 , &: de Vannes, en 461 ou 465. C'ell le premier Evêque
de Rennes qui foit bien connu.
Saint Amand , élu vers l'an 47 5 , gouverna fon Evêché jufqu en
508 , année de fa mort. Il fur enterré dans le lieu où l'on a
depuis bâti une Eglife à Saint Melame , fon fuccelTeur. La ville
de Rennes regarde Saint Amand comme fon Patron , ëc elle
Tmvoque , en cette qualité , dans toutes les nécefTités publiques.
Saint Melaine , né dans la ParoifTe de Brains , au diocefe de
Vannes , fuccefleur de Saint Amand , afîifla au Concile d'Or-
léans, en 511. La réputation de ce Prélat fut fi grande, qu'elle
lui mérita l'eftime de Clovis, Roi de France, alors maître de
Rennes. La Gaule étoit alors partagée en cinq dominations:
celle des Français , des Romains , des Bretons , des Vifigots ,
& des Bourguignons. Saint Melaine mourut le 6 Novembre 530,
& fut enterré auprès de Saint Amand , fon prédéceffeur. L'an
531 , Saint Paterne & les habitants de Rennes firent élever, fur
le tombeau de ces deux faints Evêques , une Eglife d'une grande
beauté. Cet édifice , dit Saint Grégoire de Tours , néioit pas
un maufolée , mais une Eglife , ou Bafilique , où l'on entrait par
plufieurs portes j & le bâtiment étoit très-vafle. Telle fut l'origine
de l'Abbaye de Saint-Melaine , aujourd'hui fort riche.
Febediol, Evêque de Rennes, aflifta au Concile d'Orléans,
en 540.
Victorien ou Viâ:oire , affifta à la dédicace de l'Eglife de Nantes ,
fous Clotaire , en 559 ou 560; au Concile de Paris, en 559;
& à celui de Tours , en 567 ; 8c foufcrivit à la lettre que les
Evêques écrivirent à Sainte Radegonde.
Marius fut élu, en 594. Ce fut fous fon Epifcopat que Salomon,
Roi de Bretagne, fit rebâtir l'Eglife de Saint-Melaine , qui a voit été
réduite en cendres , comme on vient de le dire. Quelques-uns
regardent ce Prince comme le fondateur de cette riche Abbaye.
Duriothere affilia , par Procureur , au Concile de Châlons , en
644 i &, félon d'autres , en 6ço.
Guillaume fut nommé Evêque, en (^55 , & mourut fan 686.
Defiderius lui fuccéda, en 687.
Agathée , Evêque de Rennes , fut en même temps Evêque
de Nantes & de Rennes j mais c'étoit un de ces Evêques qui
portoient tour -à -tour la mitre & l'épée : il mourut l'an 703.
lié R EN
Saint Modérand ou Morand , élu en 703 , alla en pèlerinage
à Rheims , & enfuite aux tombeaux des Saints Apôtres , avec
le confentement du Roi Chilperic. De retour à Rennes, en
718, il abdiqua en 720, & fe retira au Monaftere de Berifte ,
où il mourut, en odeur de fainteté , le 22 Oftobre 730. ^
Aurifcand fut Evêque de Rennes , vers l'an 720 , par l'abdi-
cation de Modérand.
Rothand fut le fuccefleur d"* Aurifcand.
Etienne , qui occupa enfuite le Siège épifcopal , vit , en 8 1 1 ^
Charlemagne conquérir une partie de la Bretagne , & s'emparer
de la ville de Rennes.
Aurifcand II du nom , vit fa ville afîiégée par le Roi Charles
le Chauve , qui ne put la prendre, en 843. A cette guerre étran-
gère fuccéderent les dilTenfions domeftiques entre Pafquiten &:
Gurvand.
L'an 887 , Guarin monta fur le Siège épifcopal. Les Pères du
Concile de Toul lui écrivirent. Le Père Sirmond dit mal-à-propos
que ce Prélat étoit Evêque d'Aleth : il eft confiant qu'il étoit Evêque
de Rennes.
Elearan fut élu l'an %66.
Nodoard lui fuccéda.
Aurifcand , qui fut enfuite Evêque de Rennes , eft placé , paf
la chronique de Nantes , fous l'année 987.
Deotbalde ou Theobalde, fe maria pendant fon Epifcopat. De
fa première femme , il eut Galter ; & , de fa féconde , Trifcan,
Gaiter , fils aîné du précédent, lui fuccéda, vers 1000 : il fe
maria , & eut un fils nommmé Garin.
Garin fut le fucceffeur de fon père.
Trifcan , oncle de Garin , & frère de Galter , monta fur le
Siège épifcopal après la mort de fon neveu.
Maine ou Maino,fut Evêque de Rennes, en 1047. Il aflifla
au Concile de Rome , tenu, l'an 1050, contre Berenger, Chef
des Sacramentaires. Le Pape Léon IV y préfida. Maine mourut
au mois de Janvier 1076.
Sylveftre de la Guerche , Seigneur de Pouencé , avoit été
marié , & avoit eu deux fils , Guillaume & Geofïroi de la
Guerche. Après la mort de fon époufe , ce Seigneur entra dans
l'Etat eccléfiaflique , & fut fait Evêque de Rennes en 1 076. Le
Duc de Bretagne & le Comte de Rennes lui donnèrent le faux-
bourg l'Evêque , qui , depuis ce temps , a toujours dépendu des
Evêques de Rennes. Ce n efl que depuis qu'on y a confirait des
R E N 1 17
maifons , qu'il porte le nom de fauxbourg. La coutume vouloit
alors, qu'à la mort des Evêques de Rennes, les gens de la mailbn
du Comte semparafTent de tous les meubles du Prélat défunt.
Cet ufage fut aboli fous Tépifcopat de Sylveftre , avec défenfe
de le renouveller. L'amitié que Geoffroi , Comte de Rennes ,
avoit pour Sylveflre , le porta à donner à ce Prélat fon droit
de Jurifdiftion autour de l'Eglife Cathédrale , dans le fauxbourg
l'Evêque , & dans la Paroifle de Brutz. Voici les propres termes
de la donation : « Le Comte Geoffroi donne à Saint -Pierre,
» pour le falut de fon ame , pour l'ufage des Evêques à per-
» pétuité , tout ce qu'il avoit acquis du droit confulaire dans
>» le cloître de Saint-Pierre , dans le bourg Saint-Pierre , tant au
» dedans qu'au dehors de la ville , & dans la paroiffe de Brutz. »
Sylveftre de la Guerche , Evêque de Rennes , mourut , au mois
d'Avril 1 096. Hardouin lui donne , pour fuccelTeurs , un Hoël &
un Gosfrede , qui font fuppofés.
Marbodus , élu en 1096, fut facré au mois de Mars de la
même année. Sous fon Epifcopat, les Moines de Saint-Melaine
furent excommuniés , on ne fçait pour quel fujet ; & le Pape recom-
manda à ce Prélat de bien faire garder l'excommunication. Pendant
le Concile de Tours , tenu par le Pape Urbain II , Marbodus
abdiqua, & prit l'habit de Bénédictin: il mourut en 1123. Le
Siège fut vacant pendant quelques années.
Rotalde ou Roalde , fuccelTeur de Marbodus , ne refla pas long-
temps fur le Siège.
Hamelin fut élu l'an 1 1 27. Lobineau dit que ce Prélat permit
à deux perfonnes , qui avoient un différent , de le terminer en
duel. Il mourut l'an 1140 ou 1141.
Alain fut élu Evêque de Rennes en 11 41. Le Pape lui écrivit,
en 1 1 5 3 , de rappeller un Prêtre qu'il avoit mis dans une Eglife
appartenant aux Moines de Marmoutier , fans les confulter. Alain
mourut en 11 56. Nous avons de lui une lettre écrite à l'Abbé
Suger en 11 48.
Etienne de la Rochefoucaud , Abbé de Saint-Florent , homme
fçavant , éloquent, & religieux, fut fon fucceffeur, en 11 56,
cC mourut en 1 1 66 : il fut inhumé dans le cloître de l'Abbaye
de Saint-Melaine, auprès de la porte de l'EgUfe, où il avoit
choifi fa lépulture.
Robert, Chanoine de l'Abbaye de Rillé , près Fougères, fut
nommé , le 9 Décembre de la même année , Evêque de Rennes,
& mourut en 11 67 ou 1168.
ii8 REN
Etienne de Fougères , homme fçavant & lettré , Chapelain
de Henri II , Roi d'Angleterre , fut élu Evêque de Rennes , l'an
II 69. Ce Prélat reçut Geoffroi, fils du Roi d'Angleterre, lorf-
qu'il fit fon entrée à Rennes, l'an 1178. Etienne de Fougères
mourut le 23 Décembre de cette année.
Philippe , Abbé de Clermont , de l'Ordre de Cîteaux , au
diocefe du Mans, fut élu, Tan 1178. Il fit commencer la démo-
lition de fon Eglife Cathédrale, qui menaçoit ruine. Le jeune
Duc Geofîroi le fit Chancelier de Bretagne : mais il n'exerça
cette charge que fort peu de temps j il la perdit , avec la vie ,
l'an 1181 ou II 82.
Jacques , fon fucceffeur , ne fut Evêque que deux ans : on
place fa mort fous l'année 11 84.
Herbert ou Hubert , qui monta fur le Siège Tan 1 1 84 , mou-
rut le 10 Décembre 11 98 : il fut inhumé dans fon Eglife
Cathédrale , que l'on bâtilToit alors. On lui attribue des miracles
après fa mort.
Pierre de Dinan , fils de Roland , Seigneur de Montafilant ,
Chanoine & Archidiacre de l'Eglife d'York en Angleterre , fut
élu, en 1199, Evêque de Rennes. Il fut fait Chancelier du Duc
Artur , & mourut en 1206.
Henri , fuccelTeur de Pierre , mourut en 1 208.
Pierre de Fougères , ci-devant ChanceHer du Duc Artur,
élu en 1 208 , couronna , dans fon Eglife Cathédrale , Pierre de
Dreux , devenu Duc de Bretagne , par fon mariage avec Théri-
tiere du Duché. Ce Prélat mourut en 1222.
JofTelin de Montauban, nommé en 1222, fonda, en 1234,
dans fon Eglife Cathédrale , dans les EgHfes de Saint-Melaine
& de Saint-Georges , des anniverfaires qui doivent être célé-
brés le vendredi avant la ToufTaint. Ce Prélat mourut le 31
Oftobre 1234 , & fut inhumé dans l'Eglife de l'Abbaye de
Saint-Jacques de Montfort.
Alain , qui lui fuccéda , fit une efpece de traité avec les
Moines de Saint-Melaine , comme le prouvent les cartulaires
de cette Abbaye. Ce font les feules preuves de l'exiftence de
ce Prélat : il n'en eft fait mention nulle part ailleurs , &
les hifloriens ne mettent point d'Evêque depuis 1234, époque
de la mort de JofFelin, jufqu'à l'an 1239.
Jean Gicquel , né en la ParoifTe de Guer , au diocefe de
Saint-Malo , monta fur le Siège épifcopal ce Rennes, en 1239.
Ce Prélat couronna Jean I , dit le Roux, Duc de Bretagne,
R E N IT9
L'Evêque Gicquel foufcrivit , en 1 243 , à la fondation de la
Chapellenie de Saint-Martin , faite par les Seigneurs de la Guerche
& de Pouencé. Il fit le voyage de la Terre-Sainte , au rapport de
Joinville , qui dit que ce Prélat fe fignala dans les combats
que les Croifés livrèrent aux Sarralins. il fonda un anniverfaire
dans fon Eglife Cathédrale, & mourut au mois de Novembre
I2Ç7 ou 1258.
Égide lui fuccéda , en 1257, & mourut en 1259.
Maurice de Treziguidi , né au château de Treziguidi , ParoifTe
de Saint -Ségal, au diocefe de Quimper , fut nommé Evêque
de Rennes en 1160, Ce Prélat cita , en 1265 , le Duc, fou
Souverain, à la Cour du Roi de France, où ce Prince ne vou-
lut point comparoître. Maurice mourut le 6 Septembre 1282,
Jean , qu'on croit avoir été fon fucceffeur , n'ell pas bien
connu pour Evêque.
Guillaume de la Roche-Tanguy , Do£leur en Théologie , &
très-verfé dans les Sciences, fut nommé en 1283 , & mourut
en 1297.
Jean de Semois , de l'Ordre de Saint-Benoît , félon les uns ,
& , félon les autres , de celui des Freres-Mineurs , ne fit que
paroître fur le Siège.
Egide , fon fucceffeur , fit ferment de fidélité au Duc , en ces
termes : « Moi, par la grâce de Dieu, Evêque de Rennes, je
» jure & promets à mon très-illuftre Seigneur, Jean, Duc de
» Bretagne, d'être fujet fidèle & fincere , de lui obéir, & de
» l'honorer comme fondateur de mon temporel. Fait au mois de
» Mars, &c. » Ce PréLit mourut en 1302.
Yves, qui le remplaça, mourut en 1304. Au mois de Juillet
de cette année, Robert Raguenel, Chevaher, Seigneur du Châ-
telaugers , fonda la Chapellenie de Notre-Dame du Pilier , dans
FEghfe Cathédrale de Rennes , & la dota de plufieurs revenus. 11
s'en réferva , à lui & à (es héritiers , la préfentation , & en
laifla la collation à l'Evêquc de Rennes.
Egide, élu en 1305 ou i';o6, fait ferment de fidélité au
Duc , & meurt dans le coure; ut de l'année.
Alain de Châteaugiron , Secrétaire du Duc Artur II , & Tré-
forier de TEghfe Cathédrale de Rennes, fut nommé en 1306,
& mourut en 1327.
Alain de Châteaugiron II du nom , Archidiacre de Rennes,
élu au mois de Juin 1327, mourut au mois d'Oftobre 1328,
& fut inhumé derrière lé grand autel de la Cathédrale.
110 R E N
Guillaume Ouvroing fut fuccefleur d'Alain de Châteaugîron,
On ignore l'année de fa mort.
Yves de Rofmadec , nommé en 1347, mourut le 15 Oâ:o-
bre 1349.
Arfcand , qui le remplaça , mourut en 1354.
Pierre de Laval, élu en 1354, mourut ou fut transféré ail-
leurs en 13 57.
Guillaume , fucceffeur de Pierre , efl connu par les cartu-
laires de Saint-Méen & de Saint-Melaine. Sous fon Epifcopat,
en 1358, Eudon le Bouteiller, Prêtre, de l'Evêché de Tré-
guier , fonda l'Hôpital de Saint -Yves, à Rennes j Hôpital qui
eft gouverné par des Prêtres qui y font les fondions curiales.
Les malades y font foignés par les Religieufes Hofpitalieres de
la Miféricorde.
Pierre de Guemené fit fon entrée le 3 Novembre 1359, &
confacra, le même jour, l'Eglife Cathédrale de Saint - Pierre ^
qui avoit été rebâtie : elle avoit été recommencée par l'Evêque
Philippe , l'an 1 1 80. Cet édifice étoit vafte & d'une grande
beauté.
Raoul de Tréal , homme riche & d'une famille diftinguée,
élu eu 1563 , employa une grande partie de fes revenus à l'em-
belliffement de fon Eghfe Cathédrale, & au foulagement des
pauvres. Il travailla avec fuccès à la réformation de fon dio-
cefe , & défendit avec fermeté les droits de fon Siège. Il
eut un différent très-féneux , au Concile d'Angers , avec l'Evêque
du Mans pour la préféance. De retour à Rennes, il s'appliqua
à faire obferver les Canons de ce Concile j ce qui lui attira
quelques difgraces. Sa fermeté, & peut-être fon zeie, lui firent
des ennemis : il fut accufé d'adultère & de plufieurs autres cri-
mes. Soit que l'accufation fut vraie ou fauffe , le Pape nomma,
le 21 Juillet 1383, des CommifTaires pour en informer, avec
pouvoir de le livrer au bras féculier , au cas que l'accufation
fût fondée. On ne fçait quelle fut la fuite de cette affaire : û.
eft à croire cependant que Raoul confondit fes accufateurs. Il
mourut le 13 Février 1383, &: fut inhumé dans fon Eglife
Cathédrale.
Guillaume de Briz fit fon entrée folemnelle à Rennes , an
mois de Juin 1385. Il avoit été recommandé au Duc par le
Pape Clément VII , qui avoit la Bretagne fous Ion obédience.
Il changea un ufage très-ancien dans la cérémonie de l'entrée
des Evêques, La veille de ce jour , ces Prélats defcendoient à
l'Abbaye
R E N XII
l'Abbaye de Saint-Melaine , où ils étoient nourris aux dépens
de la Communauté. Guillaume de Briz y defcendit comme ies
prédécelTeurs j mais , au lieu de la nourriture, il convint avec l'Abbé
& les Moines, qu'il recevroit d'eux la fomme de foixante ibis,
& que la même fomme feroit payée à fes fucceffeurs. Ce Prélat
mourut au commencement de l'année 1387.
Antoine de Lovier , originaire du Dauphiné , élu le i 8 Avril
1387, lut transféré fur un autre Siège en 1389.
Anfelme de Cantemerle , recommandé au Duc par le Pape
Clément Vil , fit fon entrée folemnelle , l'an 1390. Les rares qua-
lités de ce Prélat lui attirèrent l'eftime & l'amitié des Ducs de
Bretagne. Il fut, fur-tout, l'ami intime d'Artur , Comte de Riche-
mont , Connétable de France , & frère du Duc Jean V. Ce fut
ce Prélat qui établit la fête de la Préfentation de la Vierge ,
dans fon Eglife. 11 accompagna le Duc dans le voyage qu'il
fit à Tours, ea 1389, à la Cour àe France. Il légua, en mou-
rant , aux ParoilTesde fon diocefe ,un calice d'argent , à chacune,
du poids de vingt livres. Sa mort eft rapportée au premier Sep-
tembre 1427 : il fut inhumé dans fa Cathédrale.
Guillaume Brillet , natif de Vitré , fut transféré de l'Evêché
de Saint-Brieuc à celui de Rennes, l'an 1427. Ce Prélat fe ren-
dit recommandable par la douceur de fon caraélere & fa piété.
L'an 1433 , ^^ Clergé de Bretagne lui donna commiflion de
lever un mipôt fur les biens eccléfiaftiques du Duché. Ce Prélat
abdiqua en 1447, ^ mourut le premier Février 1448.
Robert de la Rivière , fils de Jean , Seigneur de la Rivière ,
Chambellan & Chancelier de Bretagne , fut nommé Evêque de
Rennes, en 1447, fur la démiflion de Guillaume, fon oncle &
fon prédécefleur. Il affilia au Concile d'Angers , en 1448. Le
Duc lui avoit envoyé cinq cents faluts pour payer les frais
de fon entrée. L'an 1449 , ce Prélat fut envoyé vers le Roi de
France , Charles VII , pour lui demander du fecours contre les
Anglais qui avoient furpris la ville de Fougères. Robert mou-
rut en 1450.
Jean de Coètquis, élu en 1450, fut transféré à Tréguier au
mois de Juillet 1453.
Jacques d'Epinai occupa le Siège épifcopal, à Rennes, en
vertu d'une Bulle du Pape, que le Duc défapprouva , parce que
le Prélat étoit accufé d'avoir confpiré à la mort de Gilles de
Bretagne. Jacques d'Epinai fut prcfque toujours en mauvaife in-
telligence avec les Ducs Pierre II , Artur 111 , & François IL
Tome IK» . Q
lii R E N
Il fut obligé dé faire le voyage de Rome , où il plaida û bien
fa caufe , qu'il obtint du Pape un Bref jullifîcatif , avec lequel
il revint en Bretagne. Il tint, pendant quelque temps, une con-
duite plus réglée, & rentra même dans les bonnes grâces du
Duc Pierre IL Son efprit, brouillon & pétulant , le ht bientôt
fortir des bornes de la fageffe. Il excommunia quelques Officiers
du Duc i & , par cette démarche imprudente , il s'attira une
foule de nouvelles difgraces. Infenfible à la colère du Prince,
il cherchoit bien plus à augmenter qu'à appaifer fon reffentimentj
de forte que le Duc , ne pouvant plus tolérer de femblables
excès , le fomma à comparoître devant lui , & donna ordre de
ramener de force , s'il refufoit d'obéir. Il commit encore quelques
violences dans fon diocefe, & Landais profita de cette circonf-
tance pour porter des plaintes au Pape contre le Prélat. Le Pon-
tife nomma des Commiflaires pour informer des crimes dont on
l'accufoit ; fon temporel fut faifi , & cet Evêque mourut de
chagrin, au mois de Janvier 1482 ou 1483. Il fut inhumé dans
l'Eglife Collégiale de Champeaux : il avoit pubUé des llatuts
en 1464.
Michel Guibé, Evêque de Dol & Coadjuteur de Jacques
d'Epinai , avec expectative , fut reconnu Evêque de Rennes au
mois de Janvier 1482 ou 1483. Ce Prélat étoit fils d'Adenet
Guibé & d'Olive Landais , lœur du fameux Tréforier de ce
nom. Ce Prélat publia des ftatuts , le 12 Mai 1483. Le dernier
défend à tous les Eccléfiaftiques du diocefe , fous peine de dix
fols monnoie ufuelle , appHcables à la bourfe aumôniere du
Prélat, de porter de longues barbes & des cheveux longs, à
moins qu'ils ne foient en voyage ; Se il leur enjoint de porter
de longues robes jufqu'aux talons, & de ne point hanter les
cabarets & autres lieux déshonnêtes. Il publia encore de nou-
veaux flatuts , en 1493 , & mourut en 1499.
Robert Guibé, transféré de Tréguier à Rennes en 1499, fut
encore transféré de Rennes à Nantes en 1506.
Gui, le Lyonnais, fut élu en 15065 mais, voyant que fon
éleftion déplaifoit à la Duchefle Reine Anne de Bretagne , il
abandonna fes prétentions.
Pierre le Baud, Doyen de Saint-Tugdual de Laval, s'étoit
attiré Feftime & les bonnes grâces de la Reine Anne , par la
publication d'une hilloire de Bretagne , qu'il avoit préfentée à
cette PrincefTe. Anne , pour lui témoigner fa fatisfaftion , l'avoit
fait fon Aumônier , & lui fit donner l'Evêché de Rennes , en 1 5 06*
REN iij
Ce Prélat ne jouit pas long-temps de fa nouvelle dignité : il
mourut le 19 Septembre de cette année.
Yves de Mayeuc , né dans la Paroiffe de Plouvorn , au dio-
cefe de Saint-Pol-de-Léon , de parents qui faifoient le commerce
dans le pays, entra chez les Dominicains, le 27 Août 1487. Il
devint ConfefTeur de la Reine Anne , qui le fit nommer à l'E-
vêché de Rennes, Tan 1506. Il obtint fes Bulles le 29 Janvier
1507. Il affilta, par Procureur, au Concile de Tours, en 1528^
fit des flatuts^qui ne font encore que manufcrits ; & couronna.
Duc de Bretagne ,1e Dauphin, fils de François I & de la Reine
Claude, le 12 Août 1537. Il prit, en 1539, pour Coadjuteur,
Claude Dodieu : il mourut le 17 Septembre 1541 , & fut inhu-
mé , le 20 du même mois , dans fon EgUfe Cathédrale. Claude
Dodieu , fucceffeur d'Yves de Mayeuc , mourut à Paris le 4
Avril 1558. Ce Prélat avoit été AmbalTadeur auprès du Pape
Paul III & de l'Empereur Charles V. Il afîifta au Concile de
Trente.
André Dodieu, nommé Evêque en 1559, fut envoyé, par
le Roi, en Efpagne , en 1560, & y demeura jufqu'en 1561.
Bernardin Bouchetel , Secrétaire des Rois François I & Henri
II , nommé Evêque de Rennes , ne fut point facré. Il fit ferment
de fidélité le 3 Février 1565. Il fut chargé de différentes négo-
ciations ; mais il fut peu de temps Evêque de Rennes : il fe
démit de fon Siège dans la même année.
Bertrand de Marillac , Religieux de l'Ordre des Frères-Mi-
neurs, nommé Evêque de Bennes en i'j6<^, prêta ferment de
fidélité le 23 Janvier 1566 , & mourut le 29 Mai 1573. U
pafTa pour un des grands Prédicateurs de fon temps.
iEmar Hennequin , défîgné par le Roi en 1 573 , prit féance
au Parlement de Bretagne , comme Confeiller-né de cette Cour,
Il afîilla aux Etats de Blois , en 1576 ; à l'afTemblée du Clergé
de France, en 1577; au Concile de Tours , en 1583 j réforma
le Bréviaire de Hennés, en 1589; mourut le 13 Janvier 159^^,
& fut inhumé dans fa Cathédrale. Il étoit fçavant. Nous avons
de lui quelques Opufcules théologiques & des Traductions. On le
blâme d'avoir favorifé le parti rebelle.
Arnaud Doffat , né dans un village du Comté d'Armagnac ,
de parents pauvres , nommé par le Roi à l'Evêché de Rennes,
obtint fcs Bulles le 9 Novembre 1596. Il fut fait Cardinal-Prêtre ,
du titre de baint-Eufebe , en 1 598 , & fut transféré à Bayeux en
1600. Ce Prélat efl un des plus grands Hommes & des meilleurs
IZ4 R E N
citoyens qu*ait eu la France. Nous avons de lui un volume de
Lettres qui paiTent pour un chef-d'œuvre de politique. Le
Père Turquin Guliés , Jéfuite, a fait l'oraifon funèbre de ce
grand Homme.
Séraphin Olivier , né à Lyon , fut fait Auditeur de Rote ;
emploi qu'il exerça pendant quarante ans. Les Papes Grégoire
XIII, Sixte IV , & Clément VIII, l'employèrent en diverfes non-
ciatures. Ce dernier le fit Patriarche d'Alexandrie. Nommé, en
1600, par le Roi Henri IV, à l'Evêché de Rennes, il fut fait
Cardinal en 1602 , & réfigna fon Evêché à François l'Archiver.
François l'Archiver, originaire de la ParoiiTe dePlouezoc, au
diocefe de Tréguier , Evêque de Rennes par réfignation du
Cardinal , fit fon entrée folemnelle le premier Septembre 1 602 ;
fit imprimer le Propre des Saints de Rennes en 1 609 ; affifta aux
Etats Généraux à Paris, en 1614 & 161 5 ; & mourut le 22 Fé-
vrier 1619. Ce Prélat, fi digne de l'être, fe conduifoit par cette
maxime de l'Evangile : Kous ave^ reçu gratuitement , donne\ de
même. En conféquence , il ne permit jamais que fon Secré-
taire reçût la moindre rétribution pour les expéditions qu'il dé-
livroit.
Pierre Cornullier, transféré de Tréguier à Rennes en 1(^19,
fit fon entrée folemnelle le 24 Mai 5 affifta à l'afiemblée du Clergé,
en 1621 j & mourut le 22 Juin 1639.
Henri de la Motte Houdancourt , défigné en i<^39 , facré le
6 Janvier 1642, affilia aux alTemblées du Clergé des années
1653 & 1654, pour la réception de la Bulle du Pape Innocent
X, contvQ ï Augujlinus de Janfenius , donnée le 31 Mai K553.
Ce fut lui qui fit inférer cette Bulle dans les regiirres du Parle-
ment, le 10 Septembre 1655. Ce Prélat mourut l'an 1660.
Charles -François de la Vieuville , facré le 30 Avril 1661,
mourut l'an 1679.
Jean-Baptifte de Beaumanoir de Lavardin , nommé en 1 6jjy
affifta àTaflemblée du Clergé, à Paris, en 1681 j afiemblée dans
laquelle on reconnut l'indépendance du Roi dans le temporel,
la fupériorité du Concile général fur le Pape, qui fut jugé non-
infaillible. Ce Prélat affilia auffi au Concile provincial de Tours , en
1699, fit des fiatuts en 1682, & érigea la place de Grand-
Pénitencier dans fon diocefe ; place qu'il dota , en y unifiant
ies revenus de quatre Chapellenies , dont il fupprima les titres,
du confentement des Patrons laïques : il mourut en 1712.
Louis-Chrifi:ophe Turpin Crifle de Sanzai , défigné en 1 7 1 2 ,
R E N = R EZ 115
fut un des quarante Prélats qui, en 171 4, reçurent la Bulle
Unigenitus , & y joignirent des commentaires pour l'expliquer.
Ce Prélat fut transféré à Nantes le 17 Oftobre 172.3.
Charles-Louis-Augufte le Tonnelier de Breteuil , fut nommé le
17 Oftobre 1723 , facré le 15 Juillet 1725, mourut le 24
Avril 1732.
Louis-Gui Guerrepin de Vauréal , nommé l'an 1732, facré
le 24 Août de la même année , envoyé Ambafladeur auprès de
Sa Majefté Catholique, en 1741 , mourut l'an. . . .
N Defnos , Abbé de Redon , fut facré Evèque de
Rennes le 1 6 Août 1761^ & transféré à Verdun l'an. . . .
M. François Barreau de Girac , transféré de l'Evêché de Saint-
Brieuc à celui de Rennes, en 1770, gouverne aftuellement
le diocefe.
RETIERS ; à 6 lieues Se demie au Sud-Eft de Rennes , fon
Evêché & fon refTort j & à 2 lieues un tiers de la Guerche,
fa Subdélégation i on y compte 2200 communiants : la Cure
eft à l'alternative. Cette ParoiiTe eft très-ancienne. On prétend
qu'elle exilloit du temps du Roi Salomon , en 860. L'an 1190,
Briand de Coefmes donna la moitié des dîmes de Retiers à
l'Abbaye de Savigné , fituée dans la Normandie. Briand de
Coefmes pofTédoit alors le manoir de la Chefnaudiere , qui , en
1420, appartenoit à Jean de Coefmes, l'un de fes defcendants.
La Terre & Seigneurie de Coefmes devoir, en 1294, un Che-
valier à l'armée du Duc de Bretagne. Cette Seigneurie , qui ap-
partient à M. du Hallai , a une haute- Juftice. Le même Sei-
gneur poiTede aufli la haute-Juftice de Retiers. En 1330, Guil-
laume du Hallai pofTédoit , dans le même territoire , les manoirs
de la Borderie & du Bois-Macé. Le château du Hallai fut forcé ,
pillé , & brûlé , en » 5 90 , par les partifans du Duc de Mer-
cœur : c'étoit une place forte. En 1430, le manoir de la Pe-
tite-Onglée appartenoit à Guillaume Bagar. Dans le même
temps , Jean le Bigot pofTédoit la maifon noble de la Bigotiere :
cette Terre a moyenne-JufHce , & appartient à M. de la Bigo-
tiere. Le territoire de Retiers, couvert d'arbres & buifTons, eft
arrofé au Nord par la rivière de Seiche : il produit du grain,
du foin , & du cidre j on y voit des landes.
REZÉ ; dans un fond ; à deux tiers de lieue au Sud de Nantes, fon
Evêché, fa Subdclégation , & fon refTort j on y compte 3700
1x6 RE Z
communiants : la Cure, jadis préfentée par FAbbé de Saint-
Jouin , a été remife , depuis quelques années , à l'Evêque dio-
céfain. Le territoire , couvert d'arbres & buiffons , renferme des
terres en labeur, des prairies excellentes fur le bord de la Loire,
des vignes , & quelques landes au Sud de fon bourg , fur le
chemin de Nantes à la Rochelle. Cette ParoifTe relevé du Roi.
Ce bourg a long-temps exercé la plume des écrivains ; mais
tous ces écrits ne nous ont rien appris de certain touchant fon
antiquité. Les uns , fans aucun motif fondé , ont prétendu que
c'étoit jadis la pnncipale cité des Nantais, tandis que la rail'on
&■ Ihirtoire fe réunifToient pour contredire cette opinion. Les
Romams , difent-ils , ayant défait les Venetes , vinrent à Nantes ,
dont les habitants furent traités avec la dernière rigueur par ces
conquérants , qui vouloient les punir d'avoir fecouru leurs voi-
fins. L'ancienne cité de Nantes fut rafée ; & c'ell: de là que
Rezé a pris fon nom. Les autres , enchérilTant fur ce fyllême ,,
& ajoutant l'extravagance à l'erreur, ont voulu que la tour de
Pirmil ait été bâtie parCéfar, qui lui donna ce nom, en l'hon-
neur du célèbre Paul-Emile , vainqueur de Perfée , Roi de Ma-
cédoine. Ainfî, par l'analogie de ces deux noms , tout ell ex*
pliqué, tout eu découvert; & voilà une vérité hiftorique dans
tout fon jour. Rien de plus certain que cette affertion : « le bourg
M de Rezé a , fans doute , été une ville que les Romains ont rafée j
>» & Pirmil a trop de relTemblance avec Paul-Emile pour qu'on
» puifTe nier que cette tour doit fa fondation aux Romains. » Il faut
convenir que voilà une plaifante manière de décider une quelîion.,
Mais , dira-t-on , qu'eft-ce qu'étoit Rezé dans fon origine ? Je
n'en fçais rien , &: , vraifemblablement , on ne le fçaura jam.ais..
11 en eÛ de ce bourg comme des villes de Nantes , Rennes ^
d'Aleth , de Vannes , &c. dont on ne peut affigner la fondation..
Les Celtes, nos pères, qui feuls pouvoient nous en inftruire , n'ont
laifTé aucun monument qu'on puifTe confulter. Cependant , û R'èzé
eût été le chef-lieu des Nantais , détruit par les Romains , il eft
à croire que Céfar & les autres hiftoriens de cette nation n'au-
roient pas pafTé fous filence la dellruftion d'une cité aufîi con-
sidérable : les Nantais auroient d'ailleurs confervé des domaines
dans cette partie, & un certain attachement pour leur ancien
féjour ; & l'on içait que , dans les premiers fiecles , les habi-
tants de cette ville regardoient ceux de la rive oppolee comme
des étrangers pour eux. Rezé ne dépendoit pas de l'Evêché de
Nantes , mais de celui de Poitiers, & faifoit partie de l'Aquitaine»
R E Z 117
Cependant Rezé étoit un lieu confidérable : les ruines qu'on y
remarque le prouvent ; & l'on peut affurer que ce lieu étoit
très-anciennement habité. Il eft même à préfumer que c'étoit là
une des principales villes du pays de Retz ; & , ft l'on y fait
quelque jour des fouilles , la conjecture pourra fe changer en
certitude. Quoi qu'il en foit , Saint Lupier , que l'on nomme
Saint Lucien , eft né dans cette ParoiiTe , & y a reçu le bap-
tême, l'an 3 40 , fous l'Epifcopat d'Eumelius , Evêque de Nantes,
par Saint Hilaire , Evêque de Poitiers ; & , en ce temps , Rezé
s'appelloit Rofiaré, Après la mort de Saint Lupier , les miracles
qui fe firent fur fon tombeau, engagèrent le peuple à bâtir,
en fon honneur , une Chapelle , qui forme aujourd'hui un riche
Prieuré, qui appartient à l'Abbaye de Genefton. Conan Me-
riadec avoit conquis une partie de l'Aquitaine , & les Princes
Bretons , qui tenoient Rezé fous leur domination , y faifoient
battre monnoie en 570. Il nous en relie un tiers de fol d'or , avec
une tête ceintrée d'un diadème perlé , & deux légendes portant
ces mots, Ratiate & Theodoncom, Cette médaille eft probable-
ment du Comte Théodoric , fils de Budic , Comte de Vannes,
Le diadème qu'on y remarque nous le montre régnant à Rezé.
Le bourg de Rezé , dit l'auteur de la DifTertation fur les Mon-
noies de Bretagne , lieu remarquable par les grandes ruines
qu'on y voit, & où il y avoit autrefois un Port que quelques-
uns foupçonnent être le portas Sichor ou portas PiBonum , eft
afTurément la ville de Ratiate. On y trouva , il y a peu d'années ,
des médailles de l'Empereur JuUen , dans des fondements. Cette
ville , riche par fon commerce de mer & fur la Loire , fut
ruinée , par un débordement d'eau , dans le feptieme fiecle. Le
château de Begon , fur la rive gauche de la Loire, en Rezé,
fut bâti par Begon , époux de Hildegarde , fille de l'Empereur
Louis le Débonnaire. Charles le Chauve , fon beau-frere , le
fit Comte de Poitiers , après la mort du Comte Rainauld , tué
par Lambert l'an 843. Gunfer prit ce château, & y fit fa de-
meure jufquen 853 , qu'il fut brûlé par les Normands. En 1292,
le Seigneur de Rezé devoir un Chevalier au Duc, pour la re-
monte de fes troupes, tant pour le fief de Rezé que pour les
habitants du lieu. En 1625 , il fut érigé deux foires à Pont-
Roufleau , en faveur de Jacques Barrin , Premier Préfident de
la Chambre des Comptes. La Terre & Seigneurie de Rezé ,
avec haute-Juftice , fut érigée en Comté, Tan 1681, en faveur
de N.... de Monti , à la pollérité duquel elle appartient encore.
ii8 R E Z= R I A
En 1450 , l'Abbé de Villeneuve avoit une maifon dans cette
Paroifle. La Salmoniere appartenoit , dans le même temps, à
Jean Morin ; la Grande-Haye , au Sieur de Ses-Maifons ; la mé-
tairie de la Chaterie , à Robert l'Epervier j & celle de la Fouexon-
niere , à Georges l'Epervier.
RIAILLÉ j dans un fond , près la rivière d^Erdre ; à 9 lieues
au Nord-Elt de Nantes, fon Evêché & fon reflbrt 5 à 16 lieues
de Rennes j & à 5 lieues un quart de Chateaubriand , fa Sub-
délégation. On y compte 1300 communiants : la Cure eft à
rOrdmaire. Le territoire deRiaillé, arroie de la rivière d'Erdre,
qui le coupe, & de plufieurs étangs, renferme des terres en
labeur , des prairies , & des landes très-étendues , dont le fol
paroît mériter les foins du cultivateur. Il produit du cidre. Au
Nord de fon clocher, eft la forêt d'Ancenis, qui contient en-
viron trois mille arpents de terrain planté en taillis & futaie j.
elle appartient à M. le Duc de Charoft, Seigneur de Riaillé»
Ce fut dans cette forêt que l'on prit le bois pour la conftruc-
tion des trois plus beaux vaifleaux de hgne qui aient paru fous
le règne de François I. Ces vailîeaux, qui fe nommoient le
Nompareil , le grand Henri , & le grand Carraquon , furent conf-
truits à Nantes. A l'un des bouts de cette forêt , font les ruines
d'une Chapelle dédiée à Saint Laurent , que la tradition dit être
très-ancienne. Les habitants du pays , ayant trouvé quelques
pièces d'argent dans fes ruines, prétendirent qu'il y avoit un
tréfor caché daijs fes fondations. En conféquence, plufieurs y
ont fait des recherches très-inutiles. On remarque , dans le même
territoire , trais forges à fer , qui font , celles de la Vallée , de.
la Provôtiere , & de la Poiteviniere. L'an 1558, la Communauté
de Nantes acheta quatre miUiers de balles de fer à cette forge;
elle appartenoit alors à Madame de Rieux ,. aujourd'hui elle eft à
M. le Duc de Bethune , qui pofTede aulîi les deux autres.
En 1420, on connoiffoit dans ce territoire les maifons nobles
fuivantes : la Meilleraye , à Jean du Pont ; elle a une haute-
Juftice , & appartient à M. de Vouvantes : le Bouais, à Jamet
de Rougé ; Samt-Ouen , dont il ne refte plus que les ruines , à
Guillaume le Vicomte , Sieur de Saint-Ouen ; Pannecé & Che--
vane , haute-JulHce , à M. de Lavau de la PiardierCc
RIANTEC j au bord de la mer ; à 9 lieues à FOueft de
Vannes, fon Evêché & fon refibrt^ à 28 lieues de Rennes^
RI A = RI E 119
& à I lieue un quart de l'Orient , fa Subdélégation. Cette ParoifTe
relevé du Roi, & compte 3200 communiants : la Cure eft à
l'Ordinaire. Le territoire , borné au Sud par la mer , renferme
des terres très-fertiles & affez exaftement cultivées. Il offre à la
vue des monticules & des vallons. Dans l'ifle Sainte - Cathe-
rine , formée par la rivière de Blavet , eft un Couvent de Ré-
collets, fondé , l'an 1446, par Louis de Rohan , Seigneur de
Guemené , & Louife de Rieux , fon époufe. L'an 1590, les
Seigneurs d'Aradon forcèrent ce Couvent, où le Duc de Mer-
cœur avoit mis une garnifon , qui fut prefque toute paffée au fil
de l'épée. Le petit nombre qui échappa fut dangereufement
bleffé.
Maifons nobles : en 1530, Rochedan , à la Demoifelle de la
Pommeraye; Ker-pulz ou Ker-palz , à Marie de Kerpulz ou
Kerpalz ; les Salles , au Sieur de Cadoudal ; Toulelan , à Pierre
de (Jombourg ; Coetnos-Ker-bern , à N,.,. Coëtros 5 & Ker-fabiec,
à Claude des Portes.
RIEC; fur une hauteur; à 8 lieues au Sud-Eil de Quimper,
fon Evêché ; à 34 Heues de Rennes; &à trois lieues de Quim-
perlé , fa Subdélégation & fon reflbrt. On y compte 2500 com-
muniants : la Cure eft à l'alternative. M. le Marquis de Pont-
callec eft Seigneur de cette Paroiffe , où il pofTede le château
de la Porte-neuve. Le territoire , borné au Sud par la mer ,
offre à la vue des terres bien cultivées , des prairies , des val-
lons , des coteaux , & quelques landes. En 1400 , le Sire de Rof-
madec étoit Seigneur de l'endroit , où l'on remarquoit alors les
manoirs de Coetaffan , à Quequen-Richard ; Godenet , à Guil-
laume Bifîen ; Ker-tutgoal , au Sire Demur : le château de Bel-
Ion appartient à M. de Tinteniac. Alain Morel & Alain An-
gal , nés dans cette Paroiffe , occupèrent le Siège Epifcopal de
Quimper : le premier , dans le treizième fiecle ; & le fécond ,
dans le quatorzième.
RIEUX ; dans un fond , au bord de la rivière de Vilaine ;
à 10 lieues & demie à l'Eft de Vannes, fon Evêché ; à 14 heues
de Rennes ; & à i lieue de Redon , fa Subdélégation. Cette
Paroiffe reffortit à Ploermel , & compte 1800 communiants, y
compris ceux de Saint-Jean des Marais, fa trêve : la Cure ell
un Prieuré , qui , en 1630, dépendoit encore de l'Abbaye de
Saint-Gildas de Rhuisj mais, depuis, elle a été mife à l'alterna-
Tomc IK R
I50 RIE
tive. Le territoire offre à la vue des terres bien cultivées > de
bonnes prairies , des marais j la forêt de Rieux , plantée en bois
taillis ; quelques autres bois ; & une grande quantité de landes ,
particulièrement au Nord-Oueft de fon clocher.
Rieux étoit une ville confidérable autrefois , & par fes forti-
fications 5 Se par l'avantage de fa fituation , avec un château
très-fort qui dominoit fur la Vilaine. Il n'y a plus qu'un des
fauxbourgs qui porte le nom de ville : la charrue palfe main-
tenant fur les anciens murs. Il y avoir un pont de bois fur la
rivière , qui apparemment fe rompoit pour le paffage des navires*
On tient que des frégates de trente pièces de canons pouvoient
monter jufqu'à Rieux , qui avoir un autre fauxbourg au bout du
pont , dans la ParoifTe de Fégréac -, fauxbourg dont on apperçoit
encore des veftiges & du tuilage des maifons. Dom Maurice a
donné une Géographie ancienne où l'on voit que Rieux portoit
un autre nom dans des temps plus reculés -, nom plutôt celtique
que latin , & que je ne me rappelle pas. Ce qui ell certain ,
c'eft que cette ville portoit fon nom a6luel dès le huitième
fiecle. Je n'en parlerai ici que d'après des hifloriens dignes de
foi, les titres originaux, & les cartulaires. En 1490, la Reine
Anne, pour fe venger , félon toutes les apparences , du Maré-
chal de Rieux , ordonna de démoHr les châteaux d'Elven , de
Rochefort , d'Ancenis , & de Rieux , qui appartenoient à ce
Seigneur , auquel elle accorda pour indemnité une fomme
de cent mille écus : il ne paroît pourtant pas que ces ordres
aient été exécutés quant au château de Rieux , qui ne fut com-
mencé à démohr que du temps de la Ligue. Sous le miniftere
du Cardinal de Richelieu , on commanda dix-fept Paroiifes pour
le faire fauter , mais tout cela n'aboutit qu'à faire tomber quel-
ques pans de murailles dans les fofTés , où ils font encore , & à
faire pencher le donjon , qui eft refté dans la même attitude ,
fans qu'il s'en détache une feule pièce. Il y avoit autrefois un
port ou baffin fous le château , mais ce n'eit , depuis bien du
temps , que marécages & prairies. Une vieille chronique impri-
mée , qu'on lit à Redon , dit que le bateau que l'on conferve
précieufement dans l'EgUfe de Saint-Sauveur , fe préfenta , pouffé
par la marée , dans ce port , il y a environ dix (iecles ,
n'ayant pour nautonnier, que le Crucifix, plus que de grandeur
naturelle , & couvert d'une feuille d'argent, qui occupe le reta-
ble du maître - autel ; mais que des lavandières le repouffe-
rent avec leur battoir , &c qu'ainfi renvoyé il monta jufqu'à
RIE 751
Redon , 011 les Religieux le reçurent : il avoit donné fa malédic-
tion au port de Rieux ; & dès-lors de pieux Anachorètes , qui
ne meurent pomt Se qui Ibnt toujours mineurs fans l'être jamais ,
ont fî bien tiré parti de ce prétendu miracle , qu'ils ont attiré à
Redon tous les navires & le commerce , & que le port de Rieux
eft devenu défert ; en quoi ils ont été bien fécondés par la né-
gligence des Seigneurs de Rieux , beaucoup plus occupés alors
de guerre & du Gouvernement féodal que du bien-être de leurs
vafTaux.
Alain Rebré ou le Grand, fils de Pafquiten , Comte de Vannes,
fut d'abord , à la mort de fon père , Comte de Vannes autre-
ment Broherec , & Seigneur de Rieux , l'une des principales for-
terefles de ce Comté. 11 fut élu Duc de Bretagne , par toute
la nation , après la mort de Judicaël , en 879 : Ion féjour ordi-
naire étoit le château de Rieux , qu'il avoit fait rebâtir vers l'an
870 , & dans lequel il venoit fe délaffer de fes expéditions mi-
litaires. L'ancien cartulaire de l'Abbaye de Redon dit , que , le
fils aîné de ce Prince étant à l'extrémité , le père fe rendit, avec
toute fa Cour , à Saint-Sauveur , pour y faire fa prière devant
le grand Crucifix dont je viens de parler ; que , pendant qu'il
en étoit occupé , toutes les cloches de l'Abbaye fe prirent à
fonner d'elles-mêmes ; & que , s'en retournant à Rieux , il trouva
des gens qui venoient lui annoncer la parfaite guérifon de ce
cher fils. La démarche peut être vraie , elle ell: même naturelle ;
mais on defireroit fçavoir quels bras invifibles pouvoient être
foupçonnés d'avoir mis les cloches en branle. J'ai rapporté cette
anecdote d'une autre manière , & avec des circonftances diffé-
rentes à l'article Allaire, Les hiftoriens ne s'accordent pas fur ce
prétendu prodige. Alain chafTa les Normands qui infeftoient tout
le pays , où ils s'étoient rendus redoutables par leurs cruautés ,
&: les repouffa fi vivement que , tant qu'il vécut , on n'en vit
plus reparoître : il mourut l'an 907 , & on s'apperçut bientôt
que ce Prince n'étoit plus. Les Normands reparurent en fi grand
nombre & avec tant de fureur , qu'ils refi:erent les maîtres , avec
d'autant plus de facilité , que de tous les Princes voifins , occupés
eux-mêmes à s'en 'défendre , aucun ne put donner fecours. La
famille d'Alain fut obligée , comme les autres , de céder au tor-
rent des Barbares , de pafier la mer , & de fe réfugier dans la
•Grande-Bretagne j elle y refi:a pendant tout le temps de ces défo-
lations , qui durèrent tien des années , & repalFa enfin : mais
pous ne voyons pas qu'aucun des fils d'Alain ait occupé le Trône
151 RIE
du père. Raoul I, Tun d'eux & peut-être l'aîné de tous, fut
Comte de Vannes & Seigneur de Rieux ; Terre qui fît enfuite
tout le patrimoine de fa famille. Il prenoit le titre de Prince,
& le premier qui prit le nom de Rieux fut fon fils, Raoul II,
qui paroît , avec Alain , fon fils , dans une charte de l'Abbaye
de Redon , de 102 1 : il avoir un autre fils, nommé Raoul ^ comme
lui , qui paroît dans les aftes de ce temps. Dom Lobineau &
Dom Maurice après lui , font remarquer que , dès le dixième
fiecle , les Seigneurs de Rieux paroijfoiem avec éclat à la Cour
des Ducs , & quils en tenoient une confidérahle cheT^ eux» Guethe-
noc de Rieux comparut, en 11 12, avec plufieurs Chevaliers
de fa fuite , ferè cum omnibus fuis militibus , à la donation que le
Duc Conan III fit à l'Abbaye de Redon , pour l'entretien d'Alain
Fergent , fon père , qui s'y étoit retiré.
Les Seigneurs de Rieux ont un droit de coutume fur les mar-
chandifes , bateaux , & barques qui montent Se defcendent la
rivière de Vilaine. L'acquit de ces droits fe faifoit anciennement
vis-à-vis le château de Rieux, où le bureau étoit établi; il fe
fait préfentement à Redon , pour la commodité des marchands.
Autrefois , vis-à-vis ce château , étoit un pont , auquel aboutiffoit
un chemin pavé qu'on apperçoit encore par intervalle : il con-
duifoit de Fégréac à Rieux, Il ne refle plus que des débris du
pont, qui fubfiftoit encore l'an 1543. Les marchandifes voiturées
par terre , payoient , en pafTant deflus , un devoir ou coutume ,
dont les deniers étoient employés à fon entretien. Quelques-uns
prétendent que l'origine de ce droit efl: de 1281 , & que les
Seigneurs de Rieux ne fe chargèrent des réparations à faire à
ce paffage , que moyennant certaines redevances, qui leur furent
accordées par le Duc Jean I. On trouve , dans les archives du
château de Nantes , un afte du lundi d'après la Converfion de
Saint Paul , qui dit que Geoffroi de Rieux avoir été en procès
avec le Duc , à l'occafion du pont de Rieux , que Geoffroi ne
vouloir point entretenir & qu'il avoir remis au Duc. Par le
même aère il le rend à Guillaume , fils de Geoffroi , qui promet
& s'oblige , fur tous fes biens, de le tenir en bon état j mais cette
pièce ne parle point des droits exigibles pour ce paffage. Quoi
qu'il en foit , en 1 543 , ce pont ayant été détruit , on y fubffi-
tua un bac , qui eff encore affermé au profit des Seigneurs de
Rieux. Le paffage d'Auqueferre , fur la rivière d'Ouff , dans le
territoire de Rieux , fait partie de cette Seigneurie. Anciennement
il avoit été afféagé aux habitans du village de fon nom, fous
RIE ijî
Tobligation d'y entretenir des batCv^ux , & de payer au Sire de
Rieux une rente annuelle de quatre deniers ; rente dont ils
rendirent des aveux aux années 1407 & 1504. Ce paffage fut
ainfi poiïédé par les habitants jufqu'à l'année 1 542 , qu'ils l'aban-
donnèrent : il retourna donc à la dilpofition du Seigneur de
Rieux , qui le donna , aux mêmes conditions , au Sieur du Pleflis-
Limeur , qui en rendit incontinent aveu à la Seigneurie. Ses def-
cendants le poffederent jufqu'en 1670 , que , la maifon du Plefîis
ayant été vendue judiciairement , le Seigneur de Rieux retira
le tout par droit de fief. En 1672 , on propofa de conftruire
un pont dans cet endroit : la pierre étoit déjà taillée & les
matériaux tous préparés pour l'exécution de l'entreprife , lorfque
l'on fentit que cet établiflement nuiroit à la navigation, & le
projet fut abandonné. Ce pafTage eft encore affermé à un par-
ticulier , qui , en conféquence de fa ferme , eft obligé à une re-
devance dont l'acquit fe fait d'une manière bizarre. La nuit de
Noël , ce palTager eft obligé de fe trouver à la MefTe de minuit,
dans l'Eglife de Saint-Sauveur de Redon , & il fe place à l'en-
trée du chœur. Entre les deux élévations , les Diacres lui crient
à haute voix, par trois fois: Pajfager d' Auque ferre ^ P^J^l ^^ ^''^^^
que vous devei au Seigneur. Le fermier obéit , & met fur l'autel
quelques pièces de monnoie. Cette cérémonie , aufîi ridicule
qu'indécente , feroit croire que les Moines de Redon feroient les
Seigneurs de ce pafTage. J'ai demandé à ce fujet des inflru6tions
que je n'ai pu obtenir.
Roland de Rieux avoit amené des Religieux Trinitaires de la
Terre-Sainte fur la fin du douzième fiecle ; ils furent entretenus
dans le château , oii ils firent l'Office pendant plus d'un fiecle , &
jufqu'en 134c. On voit même que, vers la fin du treizième
fiecle, Anne de Rieux, fille de cette maifon, morte en 13 18,
le 19 Avril, leur avoit déjà donné des rentes & une Chapelle
garnie , Capella mun'ita. Le 1 6 Janvier 1345, Jean de Rieux ,
premier du nom , fonda , & fit bâtir à fes frais auprès
de fon château , l'Eghfe & le Couvent de ces Rehgieux , &
dota leur Monallere de terres, prairies, rentes, fournitures de
poifTon & bois , pour la fubfifiance de neuf Religieux , à la
charge d'acquitter les prières portées dans l'afte de fondation ,
de tenir de lui & de fes fuccefTeurs tous ces biens , & de ne
pourfuivre , en première infiance , fes vafTaux , que par fa Cour.
La féconde fondation , qui efl: un fupplément à la première ,
fut faite par Jean de Rieux, fils du précédent, le 26 Juin 14».^:
154 RIE
ce Seigneur ajouta de nombreux revenus aux anciens, aux
mêmes conditions , 8c les Religieux fe fournirent à lui obéir ,
comme les vaflaux font tenus de faire à l'égard de leur Seignv ur^
& même ils s'obligèrent à lui préfenter , chaque année , une
paire de gants blancs , & à l'appeller aux aflemblées pour 1 élec-
tion des Minières j aflemblées dans lefquelles fon fuffrage vau-
droit deux voix. Les Seigneurs de Rieux ont toujours joui de
ce droit. Il y avoit jadis un ancien Prieuré de Bénédiftins , au bout
du fauxbourg de Rieux : ce Prieuré n'exifte plus que pour le
produit , l'Eglife ayant été abandonnée à la Paroifle.
La Terre de Rieux a titre de Comté, & relevé du Roi : elle
s'étend dans les diocefes de Vannes & de Nantes j quinze Pa-
roifles , la plupart très-grandes , en relèvent , & cinq rivières
navigables la traverfent. La Juftice s'y rendoit dans trois Sièges ^
qui font ; Rieux , Peillac , & Fégréac : ce dernier vient d'être
réuni à celui de Rieux. Lobineau dit que Peillac portoit titre
de Comté dès le dixième iiecle : ce qui le perfuaderoit encore ^
c'efl: que deux Terres, qui en étoient dérivées très-anciennement
par inféodations , ont toujours porté titre de Vicomte , & qu'elles
le portent encore. J'ai fait quelques voyages dans ce pays , mais
peu de féjour ; je n'y ai rien remarqué de plus ancien que le
château de Rieux, û ce n'efl le grand chemin qui doit être de
conftruftion romaine ; il reflemble parfaitement aux autres ou-
vrages qui nous reftent de ces conquérants. Je ne l'ai vu que
dans la forêt de Rieux , & ne l'ai fuivi qu'une demi-lieue de chemin ,
n'ayant point eu d'occafîon de le fuivre , ni en avant , ni en ar»
riere. On dit qu'il partoit de Nantes , paffoit le pont de Rieux ,
& aboutifl!bit à Vannes. Le vulgaire , pour qui tous ouvrages font
égaux , veut que ce foit la Reine Anne qui ait fait conftruire
celui-ci , pour voyager d'une de ces villes à l'autre , fans penfer
combien cette confliruftion étoit au deflus des forces d'une Sou-
veraine de Bretagne. D'ailleurs , dans quel temps cette PrincefTe
àuroit-elle fait exécuter cette conilruftion ? Auroit-ce été pendant
une minorité orageufe , & troublée fans cefTe par mille traverfes
& par des armées étrangères ! car c'eft Tunique temps qu'elle ait
habité la province. Une autre raifon contre cette idée , c'eft que les
annales & les archives de la nation auroient confervé le fouvenir
d'une conftruftion de cette nature, & il ne fe trouve aucun mo*
nument qui en fafîe mention. Avouons donc que c'eft une erreur
d'attribuer a la Reine Anne ces ouvrages, & les autres de la
même efpece qui fe trouvent dans la province. Sur les bords de
R I E = R I M 135
la Vilaine, du côté oppofé & pour ain^î dire en face de la
ville , eft une butte de terre très-élevée -, ouvrage des hommes
plutôt que de la nature. On ne fçait à quel ufage elle étoit
deilinée ; mais il eu à croire qu'elle ell d'une grande antiquité.
Les ténèbres qui couvrent l'origine de la ville de Rieux , qui
peut-être étoit une ville confidérable des Celtes, rendent inu-
tiles toutes les conje6lures que l'on pourroit faire fur cette
montagne.
J'aurois defiré joindre ici la généalogie de la maifon de Rieux ^
qui n'a point encore été imprimée exa6lement ; mais , comme
mes connoifTances fur cette famille n'étoient point alTez éten-
dues , j'aurois craint de joindre des inexactitudes à celles qui
fe trouvent dans les hiftoriens qui nous ont précédé : je me
bornerai à dire qu'elle a l'avantage de tirer fon origine de la
maifon fouveraine de Bretagne ; elle réunit la gloire d'être al-
liée à l'iUuftre maifon de Bourbon , & d'avoir produit des
Maréchaux de France & de Bretagne. Certainement il efl: peu
de familles , dans l'Europe , qui puilTent lui difputer pour l'an-
cienneté. Ses armes font : contre-écartelé de Bretagne, fur le
tout de gueules à deux faces d'or qui eil Harcourt -, & , pour
devile , à toute heure , Rieux,
Outre la haute-Juftice du Seigneur , on connoît encore dans le
territoire de Rieux celles de Commenant , haute-Juftice , à M. de
la Bedoyere j de la Jouardais - Beaulieu , moyenne-Juftice , oc
des Allaires , moyenne-Jultice , à M. de la HoufTais ; & de la
Tabariais, moyenne- Jullice , à M. de Folval. En 1530 , on
voyoit dans cette Paroifle les maifons nobles des Grais , au
Sieur de Carmenan : de Launay & de la Bourrelais, à Marie
de la Bourrelais ; ( cette maifon s'appelle aujourd'hui la Boujfe-
lais , & appartient à M. de Forge : ) la Lande appartenoit
au Sieur de Helfau j Guengo , au Sieur de Guengo j Limeur ,
au Sieur de Limeur ; la Ricardais , à François de Chambalan j
la Villeneuve , au Sieur du Pleffis-Saint-Dolai ; la Terre , à Jean
Gaberit j & Rohedas , à N.,.. de la Pommeraye. '
»
RIMON ; au bord de la rivière de Couefnon ; à 5 lieues au
Sud-Eft de Dol , fon Evêché j à 7 lieues de Rennes ; & à 1
iieues d'Antrain , fa Subdélégation. Cette Paroifle , qui fe trouve
enclavée dans le diocefe de Rennes , relevé du Roi , refTortit
à Bazouges , & compte 600 communiants : la Cure eft à l'Or-
dinaire. Le territoire, pays couvert d'arbrçs & builTons , efl
i3é RIM =ROC
alTez bien cultivé , & produit du grain , du foin , Se du cidre.
La maifon noble du Bois-Baudri appartenoit, en 1350 , à Guil-
laume du Bois-Baudri, François du Bois-Baudri époufa , au mois
de Juillet 1505 , Ifabeau, fille de Guillaume de Sevigné & de
Jacquette de Montmorenci. François du Bois-Baudri fut Che-
valier de Malte, en 161 5. Gilles du Bois-Baudri, Sieur de
Langan , étoit Avocat général au Parlement de Bretagne , en
1 670 ; cette Terre a une haute- Juftice , & appartient à Made-
jnoifelle de la Ville-Théar : la maifon de Montmoron , avec haute-
Juftice , appartenoit , en 1280, à Jamet de Sevigné j en 1 371,
à Jean de Montmoron , Ecuyer dans la Compagnie de Bertrand
du Guefclin j &c aujourd'hui, à M. du Haflai.
ROCHEFORT j petite ville Se trêve de la Paroiffe de PIu-
herHn , près la rivière d'Ars ; à 7 lieues à l'Efl de Vannes , fon
Evêché j à 1 5 lieues de Rennes ; & à 4 Heues & demie de
Redon , fa Subdélégation. Le féjour de l'endroit eu. fort agréa-
ble ; on y remarque un très -beau château Se une Collégiale*
Le plus ancien Seigneur de Rochefort , que nous connoiflions ,
eft Thibaud, qui vivoit en 1280; il portoit pour armes j vairé
d*or Se d'azur. Cette Seigneurie fut érigée en Châtellenie , l'an
1304 , par le Duc Jean I , en faveur de Thébaud, auquel Artur
II, par fes lettres de Tan 1309, donna la qualité de Bachelier.
Guillaume de Rochefort fut pourvu de l'Evêché de Saint-Pol-de-
Léon. L'an 1349, la Seigneurie de cette ville pafla dans la
maifon de Rieux , par le mariage de Jean III du nom , Sire de
Rieux, avec Jeanne de Rochefort, Baronne d'Ancenis , le 16
Février 1374. L'an 1440 , Jean , Sire de Rieux , fonda le Monaf^
tere des Cordeliers de Saint-François de BodeHo, à trois quarts
de lieue de Rochefort : c'eft une maifon de force. Jean , Sire
de Rieux Se de Rochefort, Maréchal de Bretagne, ordonna,
par fes lettres du 30 Mars 1498, de dire tous les jours , pen-
dant fa vie, en l'Eglife de la Tronchaye, fituée dans la ville
de Rochefort, Matines, Prime, Tierce, Sexte, None, Vêpres^
Se Compiles, avec une MefTe votive, à Diacre Se Sous-Diacre,
comme dans les EgUfes Cathédrales ou Collégiales : il défigna
même les Meffes qu'on devoit célébrer , Se les prières Se hymnes
qu'on devoit joindre à l'Office. En conféquence , il créa fix Cha-
pelains Se un Doyen , Se afligna aux premiers trente livres
monnoie, de rente. Se aux féconds quarante livres, Se quinze
livres qu'il promit pour l'entretien du luminaire 3 ce qui faifoit un
total
R O C = RO H 137
total de deux cents trente -cinq livres : le Sire de Rieux le
réferva le droit de congédier ceux des Chapelains qui ne s'ac-
quitteroient pas de leur devoir , en leur payant leurs honoraires
pendant le temps qu'ils auroient paffé au fervice de cette Cha-
pelle. Comme cette fondation n'étoit que pour la vie du Maré-
chal , Claude de Rieux , fon fils , par fes lettres du premier Juin
1527 , la rendit perpétuelle, & voulut que cette Collégiale fôt
deflervie par un Doyen , un Chantre , cinq Chanoines , quatre
Chapelains , & deux Enfants de chœur. Il fe réferva la pré-
fenration du Doyenné , & laifTa la collation des Prébendes au
Chapitre , qu'il dota de fix cents dix livres de rente , rachetable
pour la fomme de douze mille deux cents livres.
Au mois de Novembre 1592, le Prince de Conti & le Ma-
réchal d'Aumont alîiégerent les ville & château de Rochefortj mais
cette place réfifla à leurs attaques , & à plus de deux mille cinq
cents coups de canons qui ne purent faire une brèche pour
l'aflaut. Le 10 Décembre fuivant , le Duc de Mercœur fit
lever le ficge. En 1594, N.... de Talhouet prit le château, &
le fit rafer. Il a depuis été rebâti fur fes ruines , &: efl tombé
dans la maifon de Nétumiere , qui en jouit aujourd'hui. Roche-
fort , Keralio , & annexes , forment une haute-Jullice , qui appar-
tient à Madame de Nétumiere.
ROCHE-MENTRU ; fur une hauteur ; à 1 2 lieues au Nord-Efl
de Nantes, fon Evêché & fon refibrt ; à 16 heues de Rennes;
& à 6 lieues de Chateaubriand , fa Subdélégation. On y compte
200 communiants : la Cure eu un Prieuré préfenté par l'Abbé
de ToufTaint d'Angers. Ce territoire , qui joint la province
d'Anjou , eft très-peu étendu & mal cultivé ; on y voit beau-
coup de landes, dont on pourroit tirer parti; & un vallon coupé
par le ruifTeau de Mandie , qui traverfe la ParoifTe , & qui fer-
tilife les prairies qui font ,fur fes bords. Les habitants font du
cidre. La haute-Juftice de l'endroit appartient à M. le Prieur.
ROHAN ; petite ville, avec titre de Duché-Pairie de France ,
fur la rivière d'Ouft ; à i o heues au Nord de Vannes , fon
Evêché; à 17 lieues de Rennes; & à 3 Heues de Pontivi,
fa Subdélégation. Cette ville refîbrtit au Parlement , & compte
1200 communiants, y compris ceux de Saint-Gouvri , fa trêve:
la Cure eft à l'alternative. M. le Duc de Rohan-Lliabot en
ell le Seigneur. Le territoire renferme des terres bien cultivées.
Tome IV* S
158 ROH
des prairies , des bois , & des landes. On y fait du cidre 5
il s'y tient un marché par femaine & plufieurs foires par an.
La maifon de Rohan eft une des plus anciennes & des plus
illuftres de la Bretagne ; elle s'ell , de tout temps , mainte-
nue dans le plus grand éclat , tant par elle-même que par fes
alliances. Ceux de cette famille ont rang de Princes en France ,
en qualité de defcendants des premiers Souverains de Bretagne ,
comme il eft conflaté par les aftes du Parlement général af^
femblé à Nantes, l'an 1087-, par le Duc Alain Fergent , qui
y régla les rangs des Evêques & des Barons. Un a8:e de ce
Parlement , qui fait mention de cette reconnoilTance , & qui fe
trouve dans les archives de la Chambre des Comptes de Bre-
tagne , fut reconnu pour authentique par le Roi Louis XIV ,
féant en fon Confeil ,1e premier Avril 1692. Cette famille pof-
fede , depuis près -de 800 ans , les biens qui lui tombèrent en
partage j & fes domaines , loin de diminuer par le laps de temps,
n'ont fait qu'augmenter jufqu'à nos jours. Quelques hiftoriens
ont donné le nom de Royaume aux Terres de la maifon de
Rohan. Ils entendoient , félon toutes les apparences , les Vicomtes
de Rohan & de Porhoët , qui fe joignent & font effeftivement
une alTez grande étendue de pays , puifque la Vicomte de
Rohan a, fous fon fief, 112 Paroiffes, qui en relèvent proche-
ment & qui relTortilTent aux Barres de cette Seigneurie. Le
grand nombre des vaflaux obligea le Vicomte de multiplier leurs
Jurildiftions. En 1479, ^^ Seigneur de Rohan établit des Sièges
à Pontivi , à Gouarec , à Corlai , à Loudéac , & à Baud. Sous
les Ducs ; quand ces Princes mettoient quelques taxes fur les
vins vendus en détail , ou même des fouages , des tailles , &
autres impôts fur les fujets de la province j les vaffaux de
Rohan , Peret , Noyai , Pontivi , &c. étoient exempts de payer
ces impôts , à raifon de l'indépendance de la Vicomte de Rohan.
Le château de Rohan fut bâti, l'an- 11 04, par le Vicomte de
Porhoët. Alain I du nom fut aufîi le premier des Seigneurs de cette
famille qui prit le nom de Rohan : il portoit le titre de Prince ,
comme il eft prouvé par plufieurs aftes. Il affifta , l'an 11 27,
avec le Duc Conan III , à la bénédiftion de l'Eglife de Saint-
Sauveur de Redon, qui avoir été fouillée par Olivier de Pont-
château & Savari de Donges. La même année , Alain , Vicomte
de Rohan , fonda , dans le bourg de Rohan , à la porte de fon
château , un Prieuré , qu'il donna aux Moines de Marmoutier ,
établis dans le Prieuré de Saint-Martin de JolTelin.
R OH =:R O M 13^
L'an 1345 , le Comte de Northampton , envoyé en Bretagne
par le Roi d'Angleterre au fecours du Comte de Montfort , prit
le château de Kohan , le fit piller & brûler. Cette place fut
rebâtie , Se pafToit pour une des plus fortes de la province , dans
le quinzième fiecle. En 1456 , le Cardinal d'Avignon, Légat
en France , permit au Vicomte de Rohan d'avoir un autel por-
tatif, pour y faire célébrer la MefTe. Le Roi Charles VIII,
par les lettres données à Amboife , le 8 Mars 1495 , en faveur
du Vicomte de Rohan, lui permit de lever, pendant cinq ans,
le droit d'impôt & billot fur les vaflaux de fes Seigneuries , pour
lui faciliter les moyens de réparer fes places & châteaux , fitués
dans le Duché de Bretagne , lefquels avoient été en partie dé-
molis & ruinés par les guerres. La Vicomte de Rohan fut érigée
en Duché-Pairie par le Roi Henri IV, l'an 1^03, en faveur de
Henri , Vicomte de Rohan , fon coufin , petit-fils d'Ifabeau d'Al-
bret , fœur de la Reine de Navarre. Le Duché qui s'étend dans
les Evêchés de Vannes , de Saint-Brieuc , & de Saint-Malo , eft
diftingué par des coutumes particulières , qu'on nomme ufances de
Rohan. Il efi: pafle dans la maifon de Chabot, en 1645 , par le
mariage de Marguerite , fille unique & héritière de Henri , Duc
de Rohan , avec Henri Chabot , Gouverneur d'Anjou , qui prit
le nom de Rohan , & en faveur duquel le Roi Louis XIV re-
nouvella l'éreftion de cette Pairie. Cette maifon a contra6lé
plufieurs alliances avec la maifon Royale & les autres familles
Souveraines de l'Europe. Elle portoit jadis , au premier de gueu-
les , aux raies d'efcarboucles pommetés d'or , à la double chaîne
en fautoir de même, qui efi: Navarre; au quatrième de France,
au bâton compofé , d'argent & de gueules , brochant fur le tout ,.
qui ell Evreux j au deuxième & troifieme de gueules , à neuf
macles d'or 3. 3. 3. qui eft Rohan: fur le tout d'argent, à la
guivre ou biffe ondée d'azur en pal , jettant un enfant de
gueules par la bouche , qui eft Milan»
ROMAGNÉ ; fur un coteau , & fur la route de Rennes à
Fougères; à 8 lieues au Nord-Oueft de Rennes , fon Evéché;,
& à I lieue de Fougères , fa Subdélégation & fon reifort. Cette
Paroifle relevé du Roi , & compte 1500 communiants; la Cure
elt préfentée par l'Evêque. Les Innclcs occupent tout le terrein
qui elt au Nord & à l'Ouefl: de fou bourg : au Sud & à l'Ell font
les terres labourées, des prairies , des arbres fruitiers & autres, &
plufieurs ruilTeaux qui vont fe jetter dans la rivière de Couefiion^
ï4o ROM
ROMAZI ; au bord de la rivière de Couefnon , fur la route
de Rennes à Saint- James , en Normandie ; à 7 lieues au Nord-
Nord-Efl: de Rennes , fon Evêché j & à 2 lieues d'Antrain , fa
Subdélégation & fon relTort. Cette Paroiffe relevé du Roij on
y compte 300 communiants : la Cure eft un Prieuré préfenté
par l'Abbé de Saint-Florent d'Angers. Son territoire , peu étendu ,
ofFre à la vue des terres cultivées , des prairies , des landes ,
& des arbres fruitiers qui produifent beaucoup de cidre.
Auprès du bourg, eft un chemin Romain, au fujet duquel j*ai
demandé des inftruftions que je n'ai pu obtenir. Le 21 Juillet
1596, René de Montbarot,fe rendant du château du Bordage
à Pontorfon , où il alloit tenir fur les fonts de baptême l'enfant
de Montgommeri , les habitants de Romazi, voyant ce Gentil-
homme pafler avec fa fuite, crurent que c'étoient des ennemis,
leur dirent des injures , & leur tirèrent même des coups de fufils,
mais fans bleffer perfonne. Mombarot fe vengea bien de cette in-
fulte , après la cérémonie du baptême : ilrevmt à Romazi, bien ac-
compagné , tua quatorze des habitants , & fit mettre le feu au
bourg , dont une partie des maifons fut confumée.
ROMILLEYjà II lieues au Sud de Saint Malo, fon Evêché 5
à 3 lieues & demie de Rennes , fon relTort ; & à 2 lieues de
Montfort , fa Subdélégation. On y compte 2000 communiants :
la Cure ell préfentée par l'Abbé de Saint-Jacques de Montfort.
Le territoire , couvert d'arbres & buiifons & d'une fuperficie
plane , eft très-bien cultivé ; il produit des grains de toutes ef-
peces , beaucoup de foin , & le plus excellent cidre du canton. Ce
pays eil marécageux ; on y remarque un bois taïUis , qui peut
avoir une lieue & demie de circuit. Il s'y tient quatre foires par an.
Romilley eft très-ancien : c'étoit autrefois une ville {ituée
auprès du château, qui étoit encore très-fort en 1480. C'eft une
Châtellenie qui relevé du Roi : elle étoit jadis du nombre de
celles qui étoient tenues baronnéaiwient , avec le droit de fe dé-
livrer à congé de perfonne & de menée à la Barre & Sénéchauflee
de Rennes ; ce qui étoit le privilège des Terres tenues baronnéau-
ment. Celle-ci fut long-temps pofTédée par les Seigneurs de Laval.
En 1 5 1 o , elle appartenoit à Jean de Laval , Sire de Chateau-
briand j elle efl aujourd'hui à M. de Saint-Gilles-Perronnet. Le
château de Saint-Gilles-Perronnet eft une Seigneurie de la Pa-
roille, qui paffe pour une des plus diftinguées du re (Tort de Rennes j
elle appartenoit, en 1350, à Rodolphe de Saint-Gilles. Gilles-
R O M =ROS 141
Olivier, fon fils, fut Gentilhomme de la Chambre; Françoife
de Saint-Gilles époufa, en 1607, Pierre de Chateaubriand. Elle
a une haute, moyenne & balle -Juftice , & avoit encore un
château fortifié en 1500; il appartient à M. de Saint-Gilles-Per-
ronnet , qui poflede aufli la Durantais-Perronnet , hauteJuftice.
La maifon noble de Vaunoife n'eil: pas moins ancienne. Jean de
Vaunoife , né dans cette maifon , fut d'abord Abbé de Saint- Jac-
ques de Montfort, puis Evêque de Dol , l'an 1189. ^^ ^^^ ^^
fa confidération que Geoffroi , Seigneur de Montfort , céda à
l'Abbaye de ce nom tous les droits qu'il avoit fur la Terre de
Vaunoife. En 1520, elle appartenoit , avec la métairie Chevrier,
à François de Vaunoife ; elle a une moyenne-JulHce qui s'exerce
à Plumeleuc , &: appartient à M. de Saint-Gilles- Perronnet.
La Melléere , avec haute-Jufiice , jadis pofTédée par les Tem-
pliers , fait préfentement partie d'une Commanderie de l'Ordre
de Malte : cette Terre étoit noble d'ancienneté dès le quator-
zième fiecle. Le Breilhay appartenoit , en i 5 1 2 , à Bertrand de
Keradreux. Dans le même temps, la Couplaye appartenoit à
Pierre de Partenay : Launaye , jadis à Jean de Saint-Pern ; en
1512, à Guillaume Penelais : le Guirper , à Guillaume Duguéj
la Haye, à Michel le Bart ; Quinformer , à Bertrand de Quin-
former ; la Couvrie , à Bertrand Gaefdon ; la Touche , à Jean
de Bouquille ; la Geluezaye , à N.... ; la Cage , à N.... j le Breil-
hay , moyenne-Juftice , appartient à M. de Cacé.
ROSCANVEL; à 10 lieues au Nord-Ouefl de Quimper , fon
Evêché & fon reflbrt ; à 47 lieues de Rennes ; & à 6 Keues du
Faou , fa Subdélégation. On y compte 550 communiants :1a
Cure efi: préfentée par un Chanoine de Daoulas. Ce territoire
forme une prefqu'ifle ou pointe , qui s'avance dans la rade de
Bref!:. Il ne fournit pas à la fublifiance des habitants, parce que
le fol eu plein de rochers ou couvert par les fables de la mer. Us
font tous marins ou pêcheurs.
Au mois de Mars 1594, les Efpagnols , qui étoient venus au
fecours du Duc de Mercœur , en Bretagne , commencèrent la
confl:ru6lion d'un Fort dans la pointe de Kofcanvel. Leur deflein
étoit d'empêcher l'entrée des vaifTeaux dans le port de Brefi: ,
qui n'efi: qu'à une lieue & demie de cette pointe , Se de tenir,
en cet endroit, un grand nombre de vailTeaux à couvert, pour
incommoder toute cette partie de la cote & s'en rendre les maî-
tres. Ce Fort , qui avoit une forme triangulaire , étoit environné
141 R O S
de précipices de tous côtés, à l'exception de l'entrée qui avoit
environ quatre-vingt toiles de largeur , avec deux baftions , un
de chaque côté de la porte. Les gens du pays avoient pris la
fuite à l'approche des Efpagnols , mais ces étrangers , qui
avoient befoin d'ouvriers , les pouriuivirent & fe faifirent de
plufieurs, qu'ils forcèrent de travailler aux ouvrages du dehors;
car il leur étoit défendu d'entrer dans l'intérieur du Fort , où les
feuls Efpagnols pouvoient pénétrer. Ils firent venir d'Efpagne la
chaux & les pierres toutes taillées , & conftruifirent cet édifice ,
qui avoit environ cent cinquante pieds de hauteur du côté de
la mer. Lorfqu'il fut achevé & mis en état de défenfe, on y
plaça une» garnifon de quatre cents Efpagnols , commandée
par Thonias Praxelde , Capitaine brave & expérimenté. Cette
garnifon ne refla pas long-temps en repos -, Je Fort fut attaqué par
Farmée du Roi Henri IV , que commandoit le Maréchal d'Au-
mont , & après un fiege aiïez long , qui fit périr beaucoup de
monde y la place fut forcée le 1 8 Novembre de l'année de fa
''conftruftion. Toute la garnifon fut paffée au fil de l'épée , &
les gens du pays détruifirent fur le champ ce Fort qui leur
avoit été fi nuifible. Depuis ce temps , cette pointe porte le
nom de Pointe des Efpagnols, En 1420, le manoir du Sez ap-
partenoit à Olivier de Keraer»
ROSLANDRIEUX ; à une petite lieue à l'Oueft de Dol ,
fon Evêché & fa Subdé'égation ; & à 1 1 lieues de Rennes.
Cette Paroiffe refTortit à Dinan , & compte 850 communiants:
la Cure eft à l'Ordinaire. Le territoire offre à la vue , du côté
du Nord & de rEft , des marais qui font partie de ceux de
Dol ; du côté du Sud & de l'Efi: , des terres bien cultivées ,
de bons pâturages , & quelques landes. Les produftions du ter-
roir font , le grain , le cidre , le lin , & le chanvre. A peu de
diftance du bourg , efi: le moulin à vent de la Ville-Julienne ,
qui forme un beau point de vue. La maifon noble de la Chef-
naye eft très- ancienne : elle appartenoit , en 1200, à Geoffroi
le Bouteiller , Sieur de la Chefnaye; &, en 145Q, à Georges
le Bouteiller , qui fut Chambellan des Ducs Jean V , Fran-
çois I, & Pierre IL Ce Seigneur mourut , l'an 1454, ne laifiant
qu'une fille unique, qui porta fes biens dans la maifon de Par-
tenay , par fon mariage avec le Seigneur de ce nom. Clémence
de Partenay porta cette Seigneurie à Louis de Quenquet _, qu'elle
époufa ea 152.0» Les autres maifons aobles, en 1500 ^étoient :;
R O s I4J
le Gage , à Jean de Chux ; la Coretigere , à Bertrand De-
lormej la Chefnaye & la Cour-de-Ros, à Jean de Partenayjle
Han & la Metrie , à Jean du Han ; l'Iflette , à Guillaume de
Vauclerc; la Maugatelaye , à Pierre Guitté ; Montrien , à Fran-
çois Marzuei ; la Roche , à Jean de Tremigon ; les Salles , à
Olivier de Mauclerc ; le Petit-Motrien , à Gilles du Cobaz -, Ig
Guihemoraye , à Georges Louvel ; la® Ville Julienne , à N... ; 1^
Haute-Folie, à N.... j & le Hac-Boutier, à N....
ROSNOHENj fur la rivière d'Aulne; à 6 lieues & demie
au Nord-Nord-Oueft de Quimper , fon Evêché -, à ^i^^ues de
Rennes ; & à une petite lieue du Faou , fa trêve & ^^Subdé-
légation. Cette ParoifTe refîbrtit à Châteaulin , relevé du -Jlq}^.
& compte 1 1 oo communiants : la Cure eft à l'alternative, te^lti
territoire, borné à l'Ouell par la rade de Breft , Se au Sud p^^
la rivière d'Aulne , offre à la vue des terres bien cultivées , deSj^^î^^
prairies de bonne qualité , des vallons , des monticules , & quel- ^^^^
ques landes. En 1420 , on connoiflbit dans cette Paroiffe les ^'
manoirs de Rinadguinieuc , au Vicomte du Faou ; Ker-guftan-
lun , à Olivier de Keraèr ; Quillibihan , au Sieur du Juch;
Ker-audren, à Jacob Clerc ; de Léfarte, à Jacob Dufeu; du
Pareil , à Hervé du Parch ; de Langan , à Marguerite du Faou^
3c Ker-modien, à Noël de Kermodien.
ROSPEZ ^ à 3 lieues à l'Ouefl: de Tréguier , fon Evêché j à
32 lieues de Rennes; & à i lieue de Lannion , fa Subdéléga-
tion & fon reffort. On y compte 850 communiants : la Cure
eft à l'Ordinaire. Le territoire renferme des terres bien cultivées,
des prairies , Se des landes. A peu de diftance au Sud-Eft du
bourg , eft une butte fort élevée , en forme de cône , fur le
fommet de laquelle eft un très-beau point de vue. Les maifons
nobles de l'endroit font ; Ker-non & Ker-litel.
ROSPORDEN ; petite ville qui relevé du Roi , Se trêve de
la Paroiffe d'Elliant ; à 4 lieues & demie au Sud-Eft de Quim-
per , fon Evêché ; à 3 5 lieues de Rennes ; & à 2 lieues Se de-
mie de Concarneau , fa Subdélégation. I3eux grandes routes ar-
rivent à cette ville , où il y a une Pofte aux chevaux , & où
l'on compte 900 habitants. 11 s'y tient quatorze foires par an, Se
un marché par femaine. On y remarque un très-bel étang , qui
forme la rivière de Pont-d'Aven, L'an 1334, le Duc Jean IIÏ
144 R O S
donna à Jean de Bretagne ,fon fils, la petite ville de Rofporden,
avec toutes les Seigneuries & Jurifdiftions qui en dépendoient,
& les foires & marchés qui y étoient établis. La Jurifdi6lion
royale de cette ville fut unie & incorporée au Siège préfidial de
Quimper , par Edit du Roi Charles IX , donné à Troyes en
Champagne, le 29 Mars 1564. La haute-Juftice de Coëtcanton
appartient à M. de Ploeuc ; & la haute- Juilice de Garlot , à
M. de Guernifac.
ROS-SUR-COUESNON; fur une hauteur ^ à 3 lieues au
Nord-£iL de Dol , fon Evêché & fa Subdélégation ; & à 1 1
lieues -tP Rennes , fon relTort. Cette ParoifTe relevé du. Roi, &
compte 1250 communiants : la Cure eft à l'Ordinaire. Son ter-
ritoire , borné au Nord & à l'Eft par la mer , forme à-peu-près
une plaine , fi l'on en excepte deux ou trois vallons. Les terres
exactement cultivées produifent du grain , du Hn , & du chanvre*
L'an 1143 , Hervé le Bouteiller , Seigneur de Roflandrieux,
donna l'Eglife de Ros-fur-Couelhon aux Moines de Saint-Florent
^d'Angers i & , en 1199 , Hervé le Bouteiller , fon fils, & Ytier
de Ros, donnèrent aux Moines de Saint-Florent , fous Dol, la
troifieme partie des dixmes de la ParoilTe. La maifon feigneu-
riale de Malchapt appartenoit , en 1371 , à Berthelot Mal-
chapt , Ecuyer au fervice du Roi de France Charles V ; &
Geoffroi de Malchapt , fon fi-ere , fervoit dans la Compagnie de
Bertrand du Guefclm , Connétable de France : cette maifon ^
qui a haute-Juftice , appartient à M. Bruner de Mont-Louet. En
1 500 , Launay-Morel , haute-Juftice , à Chriftophe de Lignieres.j
aujourd'hui, à M. du Bois-Baudri : la Commanderie du Temple
de Carentoir , moyenne-Juftice , jadis poffédée par les TempUers,
appartient aujourd'hui à M. le Commandeur de l'Ordre de
Malte : Chantegruë, en 1500 , à François du Bois-Baudri 5 Mon-
tortour , à Pierre Jehan & à Afiénette de la Marche , fon
époufe j Launay-Henri , à N.... : la moyenne-Juftice de Chemel
appartient à M. de Beaumont-l'Orgereft j & celle de Chevert,,
à M. de Vauvert Marc-Bodin,
P.OSTRENEN ; petite ville , fituée au pied d une montagne,
fur la route de Pontivi à Carhaix j à 15 lieues à l'Eft-Nord-Eft
de Quimper , fon Evêché ; à 26 Heues de Rennes ; &. à 4 lieues
de Corlai , fa Subdélégation. Ceft une trêve de la Paroiffe de
Ker-grift-Moelou , qui relTortit à la Barre royale de Carhaix.
Oa
ROS=KOU 145
On y voit une Eglife Collégiale, dont Madame la Princefle
d'Elbeuf préfente les Canonicats. Il y a dix foires par an , &
marché tous les mardis de la femaine. En 800 , toute cette ville
confiftoit dans le château de ce nom , dont il ne relie plus que
les veftiges ; château qui appartenoit aux Seigneurs de Roftre-
nen. Cette famille eft très-ancienne , & tous les hiftoriens de-
meurent d*accord que c'eft elle qui a donné à la France fon
premier Connétable , fous l'Empereur Louis le Débonnaire. Ce
Connétable mourut au fervice de fon Prince, l'an 834. Elle a
produit plusieurs autres grands Officiers de la Couronne : fes ar-
mes font de Bretagne à trois faces de gueules.
Le 8 Avril 1593, René de Rieux , Seigneur de Si^urdéac ,
Lieutenant pour le Roi en Bretagne , donna commiffion au Ca-
pitaine du Lifcouet de fortifier les ville & château de Roftrenen,
& d'obliger les habitants de quarante ParoiiTes des environs à venir
travailler , deux jours par chaque mois , aux fortifications de cette
place, qu'on vouloit mettre en état de défenfe. L'an 1727, le
Seigneur de Rortrenen fit un grand nombre d'afféagements , qui
lui procurèrent un des fiefs les plus confidérables & les mieux
cultivés de la province.
ROUANS j fur la rivière du Tenu ; à 5 lieues & demie au
Sud-Sud-Ouelt de Nantes , fon Evêché & fon refTort ; à 23
lieues de Rennes ; & à 3 lieues trois quarts de Bourgneuf , fa
Subdélégation. On y compte 1 800 communiants : la Cure efi: à
l'Ordinaire. C'efl: un Prieuré qui a long-temps dépendu des Ab-
bayes de Saint-Serge & de Saint-Bach, qui poffédoient la Cha-
pelle de Saint-André de Prono. Le territoire eft très-exaélement
cultivé & très-fertile -, il produit du grain & du foin en abon-
dance , & une petite quantité de vin. Sous l'Epifcopat de Budic ,
qui fut Evêque de Nantes depuis 1041 jufqu'en 1049, Glavichen
nt don à l'Aobaye de Saint-Serge d'Angers de tous les droits ec-
cléfiaftiques qu'il avoit à Rouans , dont le nom , porté dans les
titres , étoit alors Roniote ou Rotohenge au pays de Retz j & fonda ,
par fa donation, le Prieuré de ce lieu.
ROUGÉ ; fur une hauteur & fur la route de Rennes à Cha-
teaubriand i à 1 5 lieues au Nord de Nantes , fon Evêché ; à 8
lieues un tiers de Rennes , fon reffort ; & a 2 lieues de Cha-
teaubriand, fa Sabdéîcgation. On y compte 30 o communiants,
y compris ceux de Soulevache , fa trêve : la Cure ell à l'Ordi-
Tomc IV. T
,4é ROU
naire. Le territoire, qui eft aflez exa6lement cultivé & fertile,
produit du grain, du foin, & du cidre. Dans le bois de la ga-
renne de Rougé , on remarque les ruines de l'ancien château des
Salles , on en diilingue encore les douves qui paroiffent fur une
largeur de douze ou quinze pieds , avec un puits qui peut avoir
huit à dix pieds de profondeur ; mais la maçonnerie de ce der-
nier efl tout-à-fait dégradée. Auprès de ces ruines , eft une riche
mine de fer, qui fournit abondamment aux forges de Martigné,
de la Hunaudiere , & de Pouancé. On remarque auffi , dans ce
territoire , les ruines de l'ancien château de la Minière ; il parok
encore deux mafles détours, au midi de la cour de ce château,
dans lefquelles on voit des canonnières. Ce qui reftoit du principal
corps du logis , écroula en 1742. M. de Boiileve en prit les plus
belles pierres pour la conftruftion du château & de la Chapelle
de Chamballan. La Seigneurie de la Minière , haute- JulHce , s'é-
tend dans les Paroilîes d'Ercé , de Fercé, & de Rougé. En 1766 ,
M. de Gouyon vendit les droits féodaux de la Mmiere à M. du
Bois-Péan; &;, en 1768, les héritiers de M. de Gouyon vendi-
rent à M. de Geril le château & les domaines de la Seigneu-
rie , avec les Seigneuries de Chamballan & du Rouvre : ces deux
dernières ont chacune hauteJullice. Le château du Rouvre ap-
partenoit, en 1400, à Jean, Seigneur du Rouvre. Vers 1594,
du temps des guerres de la Ligue , ce château fut pillé , brûlé,
& réduit en cendres : on n'y remarque plus que quelques par-
ties des douves qui le cernoient, avec un pavillon qui paroît
d'une conftru61ion plus moderne. En 1400, Jean du Rouvre
pofledoit les maifons nobles du Verger & du Bouail-Bournin -, le
château de Chamballan appartenoit , dans le même temps , à
Charles , Seigneur de Chamballan , qui pofTédoit auffi le Bois-
Jouan , Treguel , & la Fourche -Encoul. En 1400, la Marbon-
niere appartenoit à Jean delà Ferriere ; elle aune haute- Jufti ce,
& efl poffédée par Madame Lambert de Lorgeril : la Grée,
haute-JulHce , à M. de la Vallette 5 la Plumante, moyenne- Juf-
ticô , à M. de la Ville-Blanc ; ces deux dernières iont dans la
trêve de Soulevache. Auprès de l'Eglife de cette trêve , eil une
ancienne tour fous laquelle on prétend qu'il y a un fouterrainj
mais je n'ai pu fçavoir rien fur cette antiquité.
La maifon de Rougé , l'une des plus anciennes de la province
de Bretagne , tire fon nom de la Seigneurie de Rougé. Les pre-
miers Sires de Rougé dont on ait connoifTance , vivoient au com-
mencement du onzième fiecle. Jufqu'à Yvon de Rougé , qui
R O U 147
vîvoit en 11 30, ils ne font connus que par des donations ou
fondations d'Abbayes. En 1183 , Bonabes I de Rougé , fe ligua
avec plufieurs Seigneurs contre Henri II , Roi d'Angleterre. Bo-
nabes Il eft fouvent cité aux Etats de Rennes, pour avifer aux
moyens de venger l'aflaflinat du Duc Artur. En 1275, Olivier
de Rougé époufa Agnès de Derval ; elle lui apporta la Baronnie
de Derval & tous les biens de cette maifon iiluftre. Son fils, Guil-
laume de Rougé, époufa la fille du Sire de Neuville, qui lui donna,
entr'autres , beaucoup de biens fitués dans la province d'Anjou.
Au commencement du quatorzième fîecle , la maifon de Rougé
fe fépara en plufieurs branches : la cadette s'établit en Anjou ,
où , félon l'ufage du temps , elle prit le nom de la Terre des
Rues , qu'elle eut en partage en confervant les armes de fa
maifon. La Roque , dans fon Traité de la Nobleffe , au nombre
des Barons , Bannerets , Chevaliers, mandés parle Roi en 1350,
cite le Sire de Rougé à l'article Bretagne , & le Sire de
Rougé à l'article Touraine , Anjou, & Maine. MM. de Rougé,
établis en Anjou, y ont toujours pofTédé la Terre des Rues &
la pofTedent encore ; ils ne reprirent leur nom qu'après l'extinc-
tion de leurs aînés. Bonabes IV de Rougé quitta le fervice du Duc
de Bretagne , & s'attacha à celui du Roi Jean. Il fut fait prifon-
nier avec lui à la bataille de Poitiers , en 1356; &, après avoir
payé fa rançon , ce Monarque lui donna la Vicomte de la Guerche.
Gal-Hot de Rougé , fon fils , époufa Marguerite , fille de Jean
de Beaumanoir , Maréchal de Bretagne , & de Marguerite de
Rohan : Jean de Rougé, fon fils, époufa Béatrix, fille de Jean
de Rieux, Maréchal de France, & de Jeanne de Rochefort,
fa fœur & fon héritière : Jeanne de Rougé porta les grands
biens de fa branche dans la maifon de Maleftroit-Châteaugiron)
fa fille Valence époufa Geofïroi de Maleflroit , fon coufin ; fon
fils, Jean de Malelboit , Seigneur de Châteaugiron , de Derval,
de Rougé , &c. époufa Hélène de Laval , fille de Gui IV , Comte
de Laval & de Montfort, Baron de Vitré , & d'Yolande de Bre-
tagne, fille du Duc de Bretagne Jean V, &de Jeanne de France,
fille du Roi , Charles VI , & d'Ifabeau de Bavière : les biens
de la branche aînée de la maifon de Rougé pafî'erent fuccefïï-
vement dans les maifons de Laval , de Montmorcnci, & de
Condé j c'efl M. le Prince de Condé qui en pofî'ede aujourd'hui
la principale partie. Les montres & revues du temps prouvent
le rang que les Sires de Rougé tenoient dans leur province, &
les grands biens qu'ils y poffédoient j ils prirent leurs alliances
Î48 R O U = R U C
dans les maifons de Derval , Neuville, la Rochedîré, Rîeux,
Beaumanoir , Tornemine , Maillé , Châteaugiron , & autres :
ils font connus indiilinftement fous le nom de Sire de Rou^éy
Sire de Derval, & Vicomte de la Guerche. Depuis la donation
du Roi Jean, Pierre des Rues reprit, dans le quinzième fiecle,
le nom de Rougé,- après l'extinftion de fes aînés. Le Vicomte
de Rougé , Capitaine de Cavalerie avec promefTe d'obtenir
le premier Régiment qui viendroit à vaquer , fut tué à la bataille
de Minden ; & l'Evêque de Périgueux , fon frère , mourut en
1773. Gabriel-François de Rougé, dit le Comte de Rougé ^ au-
jourd'hui Maréchal des Camps , a pour époufe Mademoifelle de
Croy , fille de feu M. le Duc d'Havre, Lieutenant général, tué
au fervice de fon Prince , en 1761 : Pierre-François, Marquis de
Rougé , Lieutenant général , Gouverneur de Givet & de Char-
lemont, a été tué à la bataille de en 1761 j il avoit époufé,
en 1748, JuHe de Coëtmen , fille du Marquis de Coëtmen, Ma-
réchal des Camps & Commandant en baffe Bretagne , & de
Jeanne- Julie de Goyon : il en a eu deux filles , mariées au Comte
Doria & au Baron de Vifme, & deux garçons, Bonabes- Jean-
Catherine-Alexis , Marquis de Rougé , Colonel en iécond du
Régiment delà Fere , marié , depuis 1777, à Vifturnienne-Del-
phurie-Nathalie de Mortemart , fille de feu M. le Duc de Mor-
temart , Duc & Pair de France , & de Charlotte-Nathalie de
Manneville j & François -Pierre -Olivier de Rougé, Comte du
PlefTis-Belliere , Capitaine au Régiment de Flandres , marié , en
1779 , à Marie-Jofephe-Vincente de Lignerac , fille de M. le Duc
de Caylus , Grand d'Efpagne , & de Marie Odette de Levi.
MM. de Rougé ont verfé beaucoup de fang au fervice de leurs
Rois , comme anciennement à celui de leurs Ducs. Leurs der-
nières alHances font celles des maifons de Lorraine , de Crequi ,
d'Albert , de Chaulnes , de Coëtmen , de Croy , de Rochechouart ,
de Mortemart , de Lignerac , &c.
RUCA j à 7 lieues à FEfl de Saint-Brieuc , fon Evêché ; à i 5
lieues de Rennes ; & à 3 Heues & demie de Lamballe , fa Sub-
délégation. Cette Paroiffe reffortit à Jugon , & compte 450 com-
muniants : la Cure efi: à l'alternative. Le territoire, d'une fuperficie
plane , efi: coupé par un bras de la rivière de Frémur & par
un ruifTeau : on y voit des terres bien cukivées , & beaucoup
d'arbres à fruits. En 1470, on connoifToit dans ce territoire les
maifons nobles ci-après : le Bois-Gerbault , à Guillaume Coudri j
R U C = R U F 149
elle a haute-Juflice , & appartient aujourd'hui à M. de Kergus ,
qui poflede aufîi les hautes-Jullices du Bois-Riou & de la Tou-
che-Richebois : le manoir du Merga , à Bertrand du Bois-Riou ;
le Caign, à Alain Berat, Sieur de la Ville-Héart ; l'Hébergement
de la Ville-Piron , à Gilles Simon ; la Ville-Hulin , au Seigneur
des Amais : la haute-JulHce de Galinée appartient à M. Picot -,
Se la moyenne-Juftice de la Salle , à M. de Guerrande.
RUFFIAC j dans un fond ; à 9 lieues à l'Efl-Nord-Ell: de
Vannes , fon Evêché ; à i 3 lieues de Rennes ; Se k i lieue Se
demie de Maleftroit , fa Subdélégation. Cette Paroiffe reflbrtit à
Ploermel , & compte 2400 communiants, y compris ceux de
Saint-Nicolas , fa trêve : la Cure eft à l'alternative. Le territoire ,
coupé par la rivière d'Oufl & arrofé de plufieurs petits ruifTeaux ,
offre à la vue des terres fertiles en toutes fortes de grains , de
belles prairies , des- arbres fruitiers , & des landes très-étendues ,
qui paroifTent mériter les foins du cultivateur. Le Prieuré de
lluffiac, haute, moyenne & baffe -Juilice, à l'Abbaye de Re-
don; le Greffin, moyenne & baffe-Juffice, à M. de Menorayj
la Houffays,& la Salle, moyenne & baffe-Juffice,
RUFFIGNÉ ; fur une hauteur ; à 13 lieues au Nord de
Nantes , fon- Evéché & fon reffort ; à 9 lieues de Rennes ; Se
à 2 heues de Chateaubriand , fa Subdélégation. On y compte
950 communiants. M. le Prince de Condé eft le Seigneur de
la Paroiffe , dont la Cure eff à l'alternative. Le territoire eft
occupé au Nord Se à l'Oueft par une partie de la forêt de
Teille , qui contient environ quatre mille arpents de terrein ,
planté en futaie Se taillis , Se qui appartient à M. le Prince de
Condé : le refte du terrein eft affez bien cultivé , Se produit
du grain , du foin , Se du cidre.
L'an 1221 , Geoffroi , Seigneur de Chateaubriand , fonda,
dans la forêt de Teillé , la Chapelle de Saint-Martin , qui fut
donnée aux Jacobins. Ces Religieux y bâtirent un Couvent au
commencement du quinzième fiecle ; & , en 1428 , Robert de
Dinan , Seigneur de Chateaubriand, mit, dans ce nouveau Mo-
naftere , des Cordehers Réformés , qui y font reftés jufqu'à ce
jour. La maifon Seigneuriale du Rouvre appartenoit, en 1371 ,
à Elie , Chevalier , Seigneur du Rouvre , au fervice du Roi de
France Charles V. Cette Terre , avec celle de la Malorais ,
forme une haute-Juftice , qui appartient à M. de la Cheviere.
1^0 s A F
^ AFFRÉ ; à 7 lieues au Nord de Nantes , fon Evêché & fon
reflbrt ; à 1 5 lieues de Rennes ; & à 4 lieues de Derval , fa
Subdélégation. On y compte 2000 communiants : la Cure eft à
l'alternative. Ce territoire , d'une lUperficie plane , & couvert d'ar-
bres & buifTons , eft très-étendu. On y remarque la forêt de
Saffré , plantée en bois taillis j elle contient environ mille quatre
cents cinquante journaux , & appartient à M. O-Riordan , Sei-
gneur de la Paroiffe. Les productions ordinaires font le grain ,
le vin , & le cidre -, les landes y font fort-étendues , malgré la
bonté du fol qui mérite certainement tous les foins du culti-
vateur : il paroît fur-tout excellent pour la plantation du bois ,
qui y croît très-promptement ^ & il eft certain qu'on tireroit un
parti avantageux de ces landes , fi l'on y femoit du gland. L'air
du pays eft fort humide. C'eft dans ce territoire qu'eft la
fource de la petite rivière d'Ifac , qui va fe jetter dans la Vi-
laine. La Seigneurie de Saffré relevé du Roi ; elle a titre de
Châtellenie , avec haute-Juftice. Le château ne paroît pas avo-ir
jamais été une place bien forte , quoique l'hiftoire affure qu'il a
ibutenu des {îeges. Les Seigneurs de Saffré tenoient un rang dif-
tingué à la Cour des Ducs de Bretagne.
A peu de diftance du château , dans un terrein marécageux
qui forme une prairie, eft un gouffre dont on ne trouve point le
fond On prétend que c'eft la principale fource de la rivière
d'Ifac. C'eft d'abord un torrent dont les eaux coulent dans un
petit lit l'efpace d'un quart de lieue ; il fe perd enfuite fous
terre , fans qu'on puiffe dire quelle eft fa vraie direftion , & va
enfin fe jetter dans la rivière d'Ifac. Ce gouffre eft plein de
poiffon 5 l'eau en eft très-froide en été & chaude en hiver. Il
y a quelques années qu'on voyoit , dans la forêt de Saftré , les
ruines d'un édifice , que l'on dit être le château du fief Robert :
©n n'y voit plus qu'un puits en partie comblé. On ne fçait ce
que c'étoit , ni à qui cette maifon appartenoit. Les anciens di-
fent qu'il y a environ foixante-dix à quatre-vingts ans , qu'auprès
de ce château étoit une vigne appel lée la vigne du fief Robert,
Aucun monument n'a confervé le fouvenir des poffeffeurs de
cette habitation. On peut croire que le terrein occupé par la forêt,
étoit autrefois habité , puifqu'on y voit encore une fontaine
revêtue de murs , qu'on appelle la fontaine des Chaffeurs. Il y
avoit autrefois des maifons dans ce lieu-là. On faifoit de la chaux
à Saffré en 1490. Le Maréchal de Gié y prit celle dont il avoir
s A F = s A I T 5 1.
befoin pour la confliuftion de fon château de la Motte-Glain.
En 1 590, le Prince de Dombes prit le château de SafFré, défendu
par les troupes du Duc de Mercœur. *.
SAINT-AARON ; à 4 lieues à l'Ell de Saint-Brieuc , Ton Evê-
ché &c fon reflbrt ; à 16 Heues un tiers de Rennes; & à i lieue
un quart de Lamballe , fa Subdélégation. On y compte 300
communiants : la Cure ei\ à l'alternative. Son territoire eft un
pays plat , couvert d'arbres & buiflbns. L'Eglife de Saint-Aaron
fut poflédée comme héritage laïque jufqu'en l'année 11 44, que
Trehéan , qui en étoit propriétaire , la remit à Roland , Evêque
de Saint-Brieuc, pour la donner à des Moines de Marmoutier
qui réiîdoient à Saint-Aaron , & dans le Monaftere defquels
Trehéan prit l'habit de Saint-Benoît. Cette Paroifîe reconnoît
pour fon Patron , Saint-Aaron , qui vivoit dans le fixieme fiecle,
dans l'iile d'Aaron , aujourd'hui Saint-Malo. En 1207, Guillaume,
Evêque de Saint-Brieuc , donna la collation de la Cure de cette
Paroilîe à l'Abbaye de Marmoutier , qui depuis l'a mife à l'al-
ternative. En 1254 , Pierre de Lamballe , né à Saint-Aaron, étoit
Archevêque de Tours. Beauregard , movenne-Juflice , appartient
à M. le Bégéré de Beauregard : IHôpital , balTe - Jultice , à
M. Duquellcnec j & Porterio , baffe - Juftice , à M. de la Ville-
Blanche.
SAINT-ABRAHAM ; fur une hauteur -, à 20 lieues au Sud-
Sud-Oueil de Saint-Malo , fon Evêché j à 1 3 lieues & demie de
Rennes ; & à 2 Ueues de Ploermel , fa Subdélégation & fon
relTort. On y compte 400 communiants : la Cure ell: à l'alter-
native. Le territoire eft bien cultivé ; il offre à la vue des mon-
ticules , des coteaux , & quelques landes de très-peu d'étendue.
La Terre & Seigneurie du Crevi appartenoit , en 1330 , à Jean
de Derval , Seigneur du Crevi. Cette Terre paffa à Anne , Ba-
ronne de Montejan , qui la vendit, en 1554, à Guillaume de
Queleneuc , Sieur de la Ville-Hubault , pour une fomme de fept
mille fix cents livres ; elle valoir davantage , mais comme elle
devoit des rentes conddérables en grain, au Prieuré de Saint-
Armel & à celui de Saint-Nicolas , l'acquéreur refufa d'en donner
un plus haut prix. La Baronne la retira pourtant lors de fon ma-
riage avec Jean d'Acigné , &c elle la revendit , pour la féconde
fois , au même , en 1 5 6 3 , pour la fomme de douze mille livres.
En 1593, les Capitaines de Lahideuc , de lu Connelaye , Se
1^% s A I
autres , qui étoient dans Maleftroit , allèrent affiéger cette place,
qu'ils ne purent prendre malgré la vivacité de leurs attaques. Ce
château appartient maintenant à M. de Briac*
SAINT- AIGNAN ; fur le bord du lac de Grand - Lieu -, à 2
lieues trois quarts au Sud-Oueft de Nantes , fon Evêché , fa Sub-
délégation , & fon refîbrt j & à 24 lieues trois quarts de Rennes.
On y compte 1000 communiants : la Cure efl: à l'Ordinaire,
& doit deux Méfies par femaine. La Chapellenie de Jeanne
Bidé , préfentée par fes héritiers , doit une MefTe , le vendredi
de chaque femaine , à l'autel de Saint- Jean ; & le Salut , aux
quatre Fêtes folemnelles , à l'ifTue des Vêpres. La Chapellenie
des Trois-Maries , préfentée par le Seigneur temporel de Saint-
Aignan , doit trois MelTes , par femaine , à l'autel de la Vierge.
La Chapellenie de Souche , préfentée par le Seigneur de Souche,
doit une Méfie, le mercredi, à l'autel de la Magdeleine. Le Légat
de Matthieu le Teiller , préfenté par les Fabriqueurs , doit une
Meffe, par femaine , à l'autel de la Vierge. Le Légat de M. Jean
de Fuys , préfenté par les Fabriqueurs , doit aufii une Méfie , par
femaine , à l'autel de la Vierge. Le Légat du feu Miflire Pierre
Gérard , préfenté par la famille , doit une Méfiée , par femaine , à
l'autel de la Vierge. Le territoire de Saint-Aignan efi: borné au
Sud par le lac de Grand-Lieu , qui efi: bordé de prairies & de
marais : on y remarque des terres en labeur , des vignes , des
bois , & des landes. Le Pvoi a plufieurs fiefs dans cette Pa-
roifie , dont la Forêt bafi^e fait partie. (Voyez le Pont-Saint^
Martin. )
Les hiftoriens difent que le Duc Alain Barbe-torte attaqua les
Normands , retranchés dans une plaine , à peu de difiance du
lac de Grand-Lieu, dans la Paroifie de Saint - Ai gnan j que la
vi8:oire demeura indécife ; que les Bretons, excédés de fatigue,
fufpendirent le combat ; & qu'il alla , avec fon armée , fe rafraî-
chir à la fontaine de Fauxcboux, qui exifie encore aujourd'hui.
Cette fontaine efi: en grande vénération dans le pays. Alain ,
après quelques heures de repos , retourna au combat , atta-
qua les Normands , en tua un grand nombre , & obligea les
autres à prendre la fuite. Cette aftion fe paffa l'an 936. (Voyez
Nantes. ) Au bord du lac , près le château de Saint-Aignan , on
voit l'ifie d'Un , dans laquelle on remarque les veftiges d'un
camp retranché , & entouré de douves pleines d'eau. Ce camp
pourroit contenir quatre mille hommes, & il efi à croire qu'il
fut
s A I 153
fut fait par les Normands. L'ifle fut arrentée , au mois d'Avril
171 5 , pour trois tonneaux de bled feigle, au profit des Religieux
de l'Abbaye de Villeneuve. René Roufleau , Procureur général
à la Chambre des Comptes de Bretagne , obtint une foire , qui
doit fe tenir, le 6 Avril de chaque année , au bourg de Saint-
Aignan. La haute-Juftice appartient à M. de Saint-Aignan. Le
château de Souche , avec titre de Châtellenie , étoit autrefois
une tortereiTe fituée dans un marais : il a foutenu plufieurs fieges 5
on y voit encore les veitiges de fes fofTés. Il appartient à M. de
Souche.
SAINT-ALBAN; dans un fond; à 4 lieues à l'Eft - Nord - Eft
de Saint -Brieuc , fon Evêché & fon relTort ; à 17 lieues de
Rennes ; & à 2 lieues &: demie de Lamballe , fa Subdélégation.
On y compte 850 communiants : la Cure ell à l'alternative.
Le territoire , borné au Nord par la mer , offre à la vue des
terres de bonne qualité, quelques prairies , & beaucoup de landes
dont le fol paroît mériter les foins du cultivateur. On remarque
dans le bourg les veihges d'un chemin que l'on dit être des
Romains ; il conduit de Matignon à Saint - Brieuc. Saint Guil-
laume , Evêque de Saint-Brieuc , naquit en cette Paroiffe , l'an
1 1 84. Ce Prélat alloit fouvent au château de l'Hôtellerie d'Abra-
ham , qui lubfiftoit alors , & crui appartenoit , en 1 530 , à Mar-
guerite de Brehand , qui pofîédoit auffi les maifons nobles de
Beleftre & de Mefenic. En 1 400 , on connoiffoit dans ce terri-
toire les manoirs nobles nommés , la Ville-Tual , les Salies , la
Ville-Renaud , Saint-Vergnes , les Fontaines , Traveffement , l'Hô-
tellerie , la Goublai , Horealo, les Clos, la HoufTaye , Mauny,
la Ville-Etienne , la Ville-Meno , la Ville-Nain , Saint-Ureguet ,
Beaulieu , la Chapelle , Traver-Pettel , les Venereuc , Vaunabre ,
la Ville-Marquer , la Villéon , la Ville-Feffan , Haut-Reollo , la
Ville-Piron , Château-Preux , la vallée Saint-Alban , la Ville-Bot-
terel , la Ville-Cottars , Lire , la Vi'.le-Blanche, & la Vilie-Théard :
cette dernière appartenoit, en 1650, à François Vifdeloup ,
Sieur de la Ville-Théard , qui eut un fils Evêque de Samt-Pol-de-
Léon. En 1662 , Jacques Vifdeloup, ChevaUer de l'Ordre du Roi ,
époufa l'héritière de Lohéac. La bafTe-Juflice de Saint-Ureguet
appartient à M. d'Argarai de Saint-Ureguet.
SAINT-ALLOUESTRE j dans un fond ; à 6 lieues au Nord de
Vannes , fon Evêché j à j 8 lieues de Rennes ; &: à 3 Heues
Tome IK V
154 S A I
de JoiTelin , fa Subdélégation. Cette Paroiffe fefTortît à Ploermeî 9
& compte 1500 communiants, y compris ceux de Buléon , {i
trêve : la Cure eft préfentée par le Chapitre de la Cathédrale
de Vannes. Des terres en labeur , des prairies , des landes , Se
le bois de Ker-enrioj voilà ce que ce territoire offre à la vue.
En 1280 , Pierre de Tronchâteau , ChevaUer , Seigneur de
Tronchâteau, vendit cette Terre à Geoffroi de Rohan. En
1400, le manoir de Ker-jualan, à Jean Loret 5 Bernac , à Eon
Chefney ; & la Ferriere , à Pierre de Lantivi , Sieur de la
Ferriere.
SAINT-ANDRÉ-DES-EAUX ; à i ^ lieues à l'Oueft-Nord-Ouefî:
de Nantes, fon Evêché; à 22 lieues de, Rennes; & à 2 lieues
de Guérande, fa Subdélégation & fon refTort. On y compte
1200 communiants : la Cure eft à l'Ordinaire. La Chapellenie du
château , qui eft préfentée par le Seigneur de Saint-Denac , doit
une Mefte par femaine. Les Chapellenies de Saint -Vincent &
de Guillio, préfentées par M. de Ses- îVlaifons, doivent chacune
une Mefte par femaine. Les Chapellenies de Notre-Dame & de
Notre-Dame de la Blanche , doivent chacune une Mefte par fe-
maine. La Chapellenie de Notre-Dame eft préfentée par M. de
Saint-Denac , & doit une Mefte par femaine. Le territoire ren-
ferme une partie des marais de Montoir, d'où l'on tire des
mottes à brûler ; des terres en labeur , des prairies, & des landes.
Le Roi y poftede plufieurs fiefs. On voit dans cette Paroiffe les
ruines du château d'Uft, qui avoir des Seigneurs de fon nom,
très-diftingués à la Cour des Ducs de Bretagne. Cette Terre a
une haute-Juftice , & appartient , depuis plufieurs fiecles , à M.
de Ses-Maifons. En 1473 ? J^^" ^^ Ses-Maifons , qui avoir été
fait prifonnier par les Français , paya fa rançon , montant à inille
royaux , au timbre de Martres & ftx arbalêtres. La maifon
noble de Ker-cabu appartenoit , en 1460, à Jean de Kercabu ;
& celle de Coëft"al , en 1480, à Michel Boteuc , Sieur de Coëf-
fal : Saint-Denac , haute-Juftice , à M. de Saint-Denac ; RanUen ,
haute-Juftice, à M. du Drenen. Depuis environ douze ans, on
a étabU à Saint- André-des-Eaux un marché , qui fe tient tous
les mardis , dans le bourg , où l'on à conftruit une halle & un
auditoire pour les Ofticiers de la Jurifdiftion.
S AL\T- ANDRÉ -DES -EAUX; à 6 lieues au Sud-Oueft de
Dol , fon Evêché ; à 8 lieues un quart de Rennes , & à 2 lieues
s A I T55
de Dinaii, fa Subdélégation & fon refTort. On y compte 400
communiants : la Cure eft à l'Ordinaire. Le territoire , arrofé
des eaux des rivières de Rance &c de Linnon , eft fertile en grain
& fom ; il produit aufli du cidre. On y trouve un fable , que les
habitants nomment faMe de Saint-Grégoire , dans lequel on trouve
beaucoup de coquilles entières, particulièrement des coeurs, des
cannes , des teillieres , des peignes , des dents de poillbns , du
corail blanc , des madrépores , des gallets , & des vermiffeaux
tubulaires.
SAINT-ANDRÉ-DE-TREIZE -VOIX j à 7 lieues au Sud-Sud-
Eft de Nantes, fon Evêché & fon refTort; à 29 lieues de Rennes;
& à 4 lieues de ClifTon , fa Subdélégation. On y compte 900
communiants. Cette ParoifTe ell un ancien Prieuré , jadis occupé
par des Bénédiftins , qui l'abandonnèrent pendant les guerres de
la Ligue. Le Roi , de qui dépendoit ce Prieuré , le donna à la
Cathédrale de la Rochelle , qui le préfente. Le Curé retient le
titre de Prieur. M. de Juigné eft Seigneur de cette ParoifTe , dont
Vieillevigne étoit autrefois la trêve. Le territoire produit du grain ,
du foin , & du vin : il efl borné à l'Efl, à l'Oueft, & au Sud, par
la province du Poitou.
SAINT - ARMEL ; fur un coteau ; à 3 Heues au Sud - Eli: de
Rennes , fon Evêché , fa Subdélégation , & fon refTort. On y
compte 650 communiants : la Cure efl à l'Ordinaire. Cette Pa-
roifTe doit fa naifTance à Saint Armel , à qui le Roi Childebert
donna des terreins vagues , dans TEvêché de Rennes , où il
édifia un Monaftere dans lequel il vécut avec plufieurs de fes
compagnons. Il mourut dans le fixieme fiecle , & fut enterré
dans fon Monaflere , qui fut peu après érigé en ParoifTe , fous le
nom de fon glorieux fondateur , dont on voit encore le tombeau.
Cette Paroifîe relevé du Roi. Son territoire , arrofé des eaux
de la rivière de Seiche , produit du grain , du foin, & du cidre:
les landes font très-étendues. Les terres bolaires font afTez com-
munes dans le diocefe de Rennes ; on en voit de couleur de
chair , de jaunes , de rouges , & de blanches : il s'en trouve de
très-pures , & le fablon des autres eft fi fin qu'on ne le trouve
qu'entre les dents. L'on trouN e dans ce territoire , dans la lande
de Saint-Armel, un bol de couleur rougeâtre, & en afTez grande
quantité. Le 24 Juillet 1589, cette ParoifTe fut ravagée par les
troupes du Duc de Mercœur , qui pijlerent le bourg , violèrent
156 s A I
les femmes & les filles , Se commirent toutes fortes de cruautés,'
La Riviere-Orant & le manoir de la Prunelai , font des maifons
nobles très-anciennes. La Vicomte de la Motte Saint-Armel &
Chambiere forment une haute-Juilice , qui appartient à M. de Sars-
fiels : la Châtellenie de Meneuf, haute-JuÔice , à M. l'Evêque
de Clermont.
SAINT- AUBIN-D'AUBIGNÉ -, fur la route de Rennes à Saint-
James , en Normandie -, à 4 lieues au Nord-Nord-Efl: de Rennes ,
fon Evêché , fa Subdélégation , & fon refîbrt. On y compte 800
communiants : la Cure eft un Prieuré., qui dépendoit encore,
en idoo, de l'Abbaye de Saint-Melaine , & qui efl aujourd'hui
préfentée par l'Abbeffe de Saint-Sulpice. Le territoire offre à la
vue des terres en labeur , quelques prairies , des bois , des lan-
des , & beaucoup d'arbres fruitiers. On y trouve du fable , que
les habitants appellent faille de Saint- Grégoire , & dans lequel font
des coquillages, des dents de poiffons, & autres foffiles. En 1 500,
le manoir de Saint-Aubin appartenoit à Bonabes Freflon ; ceux
de Gatinen , de la Guesfrais , de la Rivière , de la Corbière ,
de la Grande-Rivière , & de la Pignelais , à N....
SAINT-AUBIN-DES-BOIS j Abbaye de l'Ordre de Cîteaux ,
fituée dans la forêt de la Hunaudaie ; à 6 lieues un quart à l'Eft
de Saint-Brieuc , fon Evêché ; & à 14 lieues deux tiers de Rennes.
Cette Maifon , dont Philippe fut le premier Abbé , fut fondée ,
le} Janvier 1 137, par Olivier de Lamballe, Comte de Penthievre.
Elle fut brûlée l'an 1240, & rebâtie par les bienfaits de Denife ,
Dame de Matignon. L'EgHfe fut achevée & confacrée l'an 1255.
En 161 4, la Réforme de Cîteaux fut introduite , par l'Abbé Jean
Pépin , dans ce Monaftere , qui a une haute-Jultice.
SAINT-AUBIN-DES-CHATEAUX ; près la rivière de Chère -,
à 13 lieues au Nord de Nantes, fon Evêché & fon reffort ; à 10
lieues de Rennes ; & à 2 Ueues de Chateaubriand , fa Subdélé-
gation. On y compte 1200 communiants : la Cure eft à l'Or-
dinaire. Ce territoire offre à la vue des terres en labeur , des
prairies , des landes , des arbres à fruits & autres. Le cidre éll:
de médiocre qualité. L'an 1183 , Bonabes de Rougé donna les
dîmes qu'il pofîedoit dans cette Paroiife à l'Abbaye de Meilleraye,
le jour que l'on fit la dédicace de l'EgHfe de ce Monaflere. En
1420, on connoiffoit dans cette Paroifîe les manoirs nobles fui-
s A I 157
vatits : le Plefîîs , au Sieur de Vendôme ; la Coquerie , à Yves
Beaucen ; & la Conobetiere , à Jean Beaucen. La haute , moyenne
& baffe - Jullice de Saint -Aubin appartient à M. de Virel ^ &
îa haute , moyenne & bafle - JulHce de Domnaiche , à M. de
Lavaux.
SAINT-AUBIN-DES-LANDES ; fur un coteau ; à 6 lieues &
demie à l'Eft de Rennes , (on Evêché & ion refTort j & à i
lieue & demie de Vitré , fa Subdélégation. On y compte 600
communiants : la Cure eft préfentée par l'Abbé de Saint- Melaine.
Le territoire , couvert d'arbres & buifTons , Se arrofé de la ri-
vière de Vilaine & d'un ruilTeau fur lequel le bourg eil iitué , pro-
duit du grain & du cidre.
SAINT -AUBIN-DU-CORMIER ; petite ville qui relevé du
Roi , fur la route de Rennes à Fougères ; à 5 lieues un tiers au
Nord-Eft de Rennes , fon Evêché. On y compte 1 200 commu-
niants : la Cure eft préfentée par le Roi. On y remarque une
JurifdiôKon royale & une Subdélégation. Il s'y tient un marché
le jeudi , & cinq foires par an. Le territoire offre à la vue des
terres en labeur , quelques prairies , des landes , & les bois de la
Chaine & de Rumigon , qui appartiennent à Sa Majeffé : le pre-
mier peut contenir cent foixante arpents ; & le fécond , deux
cents foixante. On prétend que fous l'un de ces bois coule
un torrent , fur lequel j'ai demandé des éclairciffements que
je n'ai pu obtenir. Les hiftoriens de cette province s'accordent à
dire que les ville & château de Saint-Aubin-du-Cormier furent
fondés l'an 1223 , par Pierre de Dreux, Duc de Bretagne, qui
fit conffruire cette place pour défendre l'entrée de fon Duché
du côté de la Normandie & du Maine. Comme ce Prince aimoit
la chaffe , il fe plaifoit beaucoup dans cette nouvelle habitation ,
qui joignoit la forêt du grand & petit Sevail , qui s'en trouve
maintenant éloignée d'environ une demi-heue. Cette forêt fe
confondoit , dans le même temps , avec celle de Rennes , dont
* elle eft auffi féparée aftuellement. Les arbres ont été coupés dans
une affez grande étendue -, & le terrein a été défriché , de forte
que ces forêts ne renferment maintenant qu'un très-petit efpacc,
en comparaifon de celui qu'elles occupoicnt. Le Duc Pierre de
Dreux n'acheva que le donjon du château , le refte fut fait à
plufieurs reprifes ; & l'on a remarqué que les ouvrages faits par
le Duc Pierre étoient plus foUdes que les autres : ce que IVn
158 , . s AI
peut vérifier par les débris du donjon que le Roi Charles VIIÎ
fit abattre -, le mortier à chaux & ciment eft plus dur que la
pierre. Auprès de ce château , étoit un étang qui fubfifle encore»
Pierre de Dreux , pour peupler plus promptement Tendroit , ac-
corda plufieurs privilèges aux habitants : il les exempta de tailles^
des coutumes, & des péages; il leur permit de trafiquer par
toute la Bretagne , moyennant une redevance de cinq fols ,
payables à la fête de Noël de chaque année , & à la charge
de prendre les armes , dans le befoin , pour la défenfe du pays.
Il leur accorda encore le privilège d'envoyer leurs belHaux
paître dans la forêt , & d'en prendre le bois mort pour le chauf-
fage. En 1^37, ce Prince établit un marché à Saint- Aubin-du-
Cormier , pour être tenu le mardi -, mais cet arrangement déplut
à André de Vitré , qui ayoit aufîi établi un marché à Chevré ^
au jour de mardi. Il fit , à ce fui et , des repréfentations au Duc^
qui fixa le fien au jeudi, afin de ne pas porter préjudice au
Baron de Vitré. L'an 1341 , Charles de Blois arriva, avec fon
armée, devant Saint-Aubin-du-Cormier, qui tenoit pour le Comte
de Montfort. Les habitants , ayant à leur tête la garnifon de leur
ville , firent une fortie pour repouflTer l'ennemi. Charles les at-
tendit de pied-ferme , les vainquit , & les pourfuivit avec tant
de vivacité, qu'il entra avec eux dans la ville, qu'il brûla.
Thomas James, né à Saint- Aubin- du -Cormier, fut d'abord
Chapelain du château de Saint-Ange , fous le Pontificat de Sixte
ÏV. En 1478, il fut nommé à l'Evêché de Saint-Pol-de-Léon , &
transféré à celui de Dol en 1 48 2 : il obtint plufieurs privilèges-
des Papes , & fut efl:imé du Duc François II , qui l'envoya en
AmbafTade , & le chargea de plufieurs commiffions honorables»
Ce Prélat mourut, l'an 1503 , regretté de tous les gens de bien.
Le 28 Juillet 1488, fe donna la faineufe bataille de Saint-
Aubin-du-Cormier , entre l'armée du Roi de France Charles VIII
& celle du Duc de Bretagne François IL Les Bretons furent
vaincus , & perdirent environ fix mille hommes , parmi lefquels
étoient plufieurs Seigneurs diftingués. La perte des Français fut
d'environ quinze cents hommes. Le Général vainqueur fit démolir
les fortifications de Saint-Aubin- du- Cormier. Le château étoit
petit, mais très-fort. Je ne m'attacherai point à faire un plus
long détail de cette aftion , rapportée dans toutes les hifioires
de France &: de Bretagne. La Jurifdiftion royale de Saint-Aubin-
du-Cormier fut unie & incorporée à la SénéchaufTée de Rennes,,
par lettres du Roi Charles IX , données au mois de Mars 1 564^
s A I 159
SA1NT»AUBIN-DU-PAVA1L ; à 4 lieues à TEft-Sud-Eft de
Rennes, ion Evêché, Ta Subdélégation , ^fon relîbrt. On y compte
650 communiants : la Cure ell à l'alternative. Le territoire, au
milieu duquel paffe le grand chemin de Rennes à la Guerche,
offre à la vue des terres en labeur, quelques prairies, peu de
landes , beaucoup d'arbres &: huilions j les habitants font du cidre.
Les manoirs de Saint-Aubin & de la Challaye appartenoient ,
en 1400, au Sieur de Saint-Aubin, & celui de la Touche-Fou*
quet, à Alain de Châteaugiron.
SAINT-BENOIT-DES-ONDES ; à 3 lieues à FEil-Sud-Eft de
Saint-Malo , Ton Evêché & fa Subdélégation ; & à 1 3 lieues de
Rennes. Cette ParoifTe reffortit à Dinan , & compte 450 com-
muniants. Le territoire , borné au Nord par la mer , forme une
plaine arrofée par la rivière de Bied-Jean. Les terres font très-
bien cultivées j mais les fables de la mer couvrent une partie
du terroir , particuHérement du côté de Cancalle , où eft une
grève fur laquelle on a établi une pêcherie. La haute-Juftice de
Saint-Benoît appartient à M. de la Chalotais»
SAINT-BREVIN j fur la côte j à 10 Heues à l'Oueft de Nantes,
fon Evêché & fon refTort j à 23 Heues de Rennes j & à 2 Heues
de Paimbœuf , fa Subdélégation. Cette Paroifle relevé du Mar-
quifat de la Guerche ; on y compte 1 1 00 communiants : la Cure
eil à l'Ordinaire. Cette Paroifle fut d'abord pofTédée par des
Laïques , qui y étabHflbient des Prêtres à leur gré , pour y faire
le Service divin. Ces Prêtres n'avoient d'autre approbation que
celle des poffefTeurs de la Cure , qui les renvoyoïent quand bon
leurfembloit jmais , fous l'Epifcopat de Benoît , Evêque de Nantes,
Barbotte , propriétaire de ce Bénéfice , intimidé par les me-
naces des Conciles, qui avoient prononcé excommunication contre
les Laïques poffefTeurs de biens eccléfiaffiques , prit le parti de
donner fon Eglife aux Moines de Saint- Aubin d'Angers. L'Evêque
Benoît approuva cette pieufe réfolution , & l'Abbé de Saint-
Aubin vint en Bretagne. L'afte de la donation fut paffé, l'an
II 04, en préfence de l'Evêque & de fon Chapitre, du donateur,
de fa mère , de l'Abbé de Saint-Aubin , & de pluHeurs autres
Eccléfiaffiques & Laïques. Cette pièce porte : « qu'en récom-
» penfe de ce bienfait , les Moines donneront l'habit de leur Ordre
>> aux deux fils de la mère du donateur, & une certaine rede-
» vançe à fa fille j & que , fi l'enfant de cette jeune perfonne
i6o ^ A ï .
» eft un garçon, Se qu'il devienne Prêtre, les mêmes Religieux
» feront tenus de lui abandonner une partie des revenus de l'E-
M glife de Saint - Brevin , & de l'en établir Prieur jufqu'à fa mort:
» après quoi , ils en refteroiertt les feuls & uniques pofTefTeurs. »
Ce Prieuré ne pouvant fuffire à l'entretien de deux Moines,
l'Abbé de Saint-Aubin , qui poffédoit aufTi celui de Sainte-Oppor-
tune dans la même ParoifTe , pria l'Evêque Daniel d'unir en-
femble ces deux Prieurés. Le Prélat y confentit , & l'acle d'union
fut paffé eh 1319. H porte : « que les deux Moines réfideront
» à Saint-Brevin , qu'ils y feront l'Office , & qu'ils feront tenus
>^ de dire deux MefTes , par femaine , dans la Chapelle de Sainte-
» Opportune. » Ceft tout ce que l'on fçait de plus ancien fur
cette ParoifTe.
La tradition veut que Saint-Brevin ait été jadis un lieu confî-
dérable , qui avoir même le titre de ville. C'étoit un port de
mer où les barques & les navires abordoient fort heureufement ;
mais , par le laps de temps , il s'eft bouché , & cet endroit
a eu le fort de tous les autres , qui font abandonnés fi - tôt
qu'ils font bouchés , & fermés à la navigation & au commerce.
Les habitants fe fouviennent que , dans leur enfance , c'eft-à-dire ,
il y a environ foixante-dix ans, les eaux de la mer baignoieat
les murs de leur cimetière , dont elle efl aujourd'hui éloignée de
cinq cents toifes. Saint-Brevin n'a confervé de fon ancienne gran-
deur que le Fort de Mindin , û célèbre parmi les Etrangers & ceux
des nationaux qui ne l'ont pas vu; mais ce fameux Mindin, que
plufieurs regardent comme une ville, n'efl qu'un fimple rocher
fitué fur le bord de la mer , avec un Fort de fon nom , bâti , en
1754, aux frais du Roi. Il y avoit autrefois, dans ce lieu, un
village qui n'exifle plus. Ce qui lui a donné la réputation éton-
nante dont ir jouit, c'cfl la fureté de fon mouillage , précifément
à l'embouchure de la Loire. C'efl de là que les marins datent
leur départ , pour les voyages de long cours , & leur entrée en
rivière à leur arrivée.
La Terre & Seigneurie de la Guerche fut érigée en Marqui-
fat, par lettres du mois de Février 1682 , enrégiflrées à la Chambre
des' Comptes en 1684 , & au Parlement en 1686, en faveur
de René de Bruc, Chevalier, Seigneur de Montplaifir, Maréchal
de Camp , 81 Lieutenant de Roi des ville & château d'Arras.
Cette Seigneurie , avec haute-Juflice & piUers à quatre poteaux ,
appartient aujourd'hui à M. le Marquis de Bruc de Montplaifir,
Chevalier de Saint - Louis , &L Colonel d'Infanterie. Il y a à
Saint-Brevin
s A I i6i
Saint-Brevin trois Jurifdiftions ; fçavoir : celle de M. de Bruc,
qui eft la plus étendue ; celle de Taron-Limur ; & enfin , celle
du Roi , qui eft la moins confidérable. Le territoire , borné au
Nord par la rivière de Loire , & à l'Ouelt par la mer , renferme
des terres bien cultivées, des prairies , quelques cantons de vignes,
& la forêt de la Guerche , qui appartient à M. le Marquis de Ëruc.
Les fables couvrent environ mille journaux de terrein dont on ne
peut tirer aucun parti.
SAINT-BRIAC -, à i lieues à l'Oueft-Sud-Oueft de Saint-Malo ,
fon Evêché; à 14 lieues de Rennes j & à 4 lieues de Dinan ,
fa Subdélégation & fon reffort. Cette Paroiffe compte 1200 com-
muniants : la Cure eft à raiternative. Ce territoire , borné au
Nord Se à rOueft par la mer ^ offre à la vue deux vallons dans
lefquels pafTent deux bras de mer ; des terres bien cultivées , &
au Sud une lande fort étendue. On y remarque la maifon noble
de Pontbriand ; elle appartenoit, en 1485, à Jean de Pontbriand,
que le Duc François II chargea de la défenfe de Chateaubriand,
menacé par les Français. Le Seigneur de Pontbriand accompagna
la DuchefTe Anne , lorfqu'elle fe rendit auprès du Roi Charles
VIII , qu'elle devoir époufer. Le 4 Avril 1 562 , le Duc d'Etampes
donna un brevet de Capitaine d'Artillerie, de l'arriere-ban de
Saint-Malo , à Julien du Breil , Chevaher , Seigneur de Pont-
briand ; place vacante par la mort de Jean l'Evêque , Sieur de
Pont-Harouar. Le 27 Août 1589, Henri de Bourbon, Prince de
Dombes , Lieutenant général en Bretagne pour le Roi Henri III,
envoya à Julien de Pontbriand un ordre, daté du camp devant
Vitré , de fortifier fon château de Pontbriand , & d'y établir
trente Arquebufiers à pied , fous l'autorité du Roi , pour la
défenfe de cette place, qui fut attaquée, l'an 1590, par les
habitants de Saint-Malo & de Dol , qui en firent le fiege, & la
battirent avec quatre pièces de canons. Le Seigneur de Pont-
briand , qui étoit dans la place , la défendit avec la plus grande
valeur j mais , ayant été dangereufement blefle , il fut forcé de
capituler & de rendre la place au Duc de Mercœur , qui en fit
démohr les fortifications. La Paroiffe de Saint-Briac cil fous la
mouvance de la Châtellenie de Pontbriand.
SAINT-BRICE ; fur la route de Dol à Fougères ; à 9 lieues au
Nord-Nord-Eff de Rennes , fonEvêchéj &: à 3 lieues de Fougères,
fa Subdélégation & fon reffort. On y compte 1200 communiants:
Tome IK, X
i6l s a I
la Cure eu préfentée par l'Abbé de Saint-Florent de Saumur , qui
poflede aufTi le Prieuré de Saint-Brice, avec l'Eglife de Saint-Ger-
main & celle de Saint-Léodegars , avecfes dépendances. Il y avoit
encore des Moines dans ce Prieuré en 1636. Le territoire, d'une
luperfîcie plane , paroît exaétement cultivé & produit du cidre.
La Terre & Seigneurie de Saint-Brice fut érigée en Marquifat,
en 1650, en faveur d'Amice de Volvire , Seigneur de Saint-
Brice , Confeiller au Confeil d'Etat & Privé , & de celui de
Finances : elle forme , avec les Seigneuries de Saint-Etienne &
du Rocher-Portail, une haute - JulHce , qui appartient à M, le
Marquis de Saint-Brice.
SAINT-BRIEUC -, ville épifcopale ; à trois quarts de lieues de
la mer , par les 5 degrés 5 minutes 2 fécondes de longitude , &
par les 48 degrés 30 minutes 18 fécondes de latitude j & à 20 lieues
de Rennes. L'Evêché de Saint-Brieuc ell: borné, au Nord , par
dix-huit lieues de côtes de mer ; au Sud , par l'Evêché de Vannes ;
à ÏEû , par celui de Saint-Malo ; & à l'Ouelt , par les Evêchés
de Quimper & de Tréguier. Il renferme plufieurs villes , cent
quatorze Paroifles, douze trêves ou fuccurfales , non compris
quatorze ParoifTes & une trêve de Dol enclavées dans ce dio-
cefe j quatre Abbayes , quatre Collégiales , dont deux de fonda-
tion ducale ; huit Prieurés , des Duchés , des Baronnies , quatre
forêts & des bois. Le nombre des habitants efl de 173200. Le
territoire eft fertile , mais il n'eft pas cultivé par-tout -, & le
grand nombre de landes qu'on y voit encore aujourd'hui, ne
prouve que trop la juftice des plaintes de M. Hamel du Mon-
ceau, un de nos plus célèbres agronomes. Il rend néanmoins
juftice aux payfans des environs de Saint-Brieuc. « Il y a , dit cet
» auteur , aux environs de Saint-Brieuc , un petit canton où la cul-
» ture des terres eft depuis long-temps portée à fon plus haut point
» de perfeftion ; & cependant l'exemple de ces laborieux cultivateurs
» influe peu fur leurs voifîns. » On va effeftivement , par curiofité,
vifiter ces champs , qu'on ne peut voir qu'avec admiration. Ces
eftimables agriculteurs ont trouvé le fecret de faire croître de
très-beau bled fur des rochers -, & il femble que la nature fe plaît
à récompenfer , par les plus abondantes récoltes , leurs foins in-
duftrieux & pénibles.
On trouve dans le diocefe de Saint-Brieuc plufieurs fources
d'eaux minérales. Ces eaux font , en général, ferrugineufes , ôc
contiennent une portion de Mars très-divifée , qui , au bout de
s A I 1^3
quelques jours , fe dépofe dans des vafes fous la forme d'une
ochre jaune. Les plus célèbres font celles dePaimpol, de Saint-
Brieuc, de Lamballe , du Fail près Quintin 5 & il n'y a pref-
que pas de Paroiffe dans l'Evêché où il ne s'en préfente aux
yeux de l'obfervateur le moins attentif. Ces fources indiquent des
mines de fer , qui font efFeftivement fort abondantes dans ce
diocefe , quoiqu'il n'y ait que celle du Vaublanc qui foit ex-
ploitée. Quelques recherches qu'on ait faites, on n'a pu encore
découvrir , dans ce diocefe , des pierres calcaires. Celles qui pa-
roiffent en approcher le plus , telles que celles de Plouriveau &
de Pledran , font de vrais cailloux , qui refirent à l'aftion du
feu ; mais on trouve , aux environs de Lanvollon & dans la Pa-
roiffe de Plounez , une efpece de tuffeau qui fe durcit à l'air.
Cette pierre fe travaille ailément , & ell: très-propre à faire des
tombeaux , des bas reliefs , des écuffons. Ce diocefe fournit aufli
quantité de beau granit , qu'on envoie jufqu'à Paris. Les bornes
de la place de Louis XV en font tirées. L'air du pays eft doux
& tempéré à caufe du voifînage de la mer. Les principales
rivières qu'on y remarque font , l'Ouft , l'Arguenon , le Demen ,
Gouet , &c. La mer y forme auffi plusieurs ports , dont les prin-
cipaux font ceux de Saint- Brieuc , du Légué, de Binic , de Paim-
pol , de Daouet , &c.
Le commerce des Briochins a plufieurs branches , dont voici
les principales. 1°. Les toiles appellées de Bretagne , qui fe
fabriquent à Quintin , Moncontour, Uzel , Loudéac , & Paroiffes
circonvoifînes , font de deux efpeces : les unes appellées trois
quarts , les autres petites laifes. Les trois quarts ont de laife trente-
cinq pouces ,& les petites laifes vingt-cinq. Lorfque ces toiles font
pliées en coupons , on les met en balles , en diftinguant le gros
d'avec le commun , le fin d'avec le fuperfin , les trois quarts
d'avec les petites laifes. Les balles des trois quarts contiennent
ordinairement foixante pièces ou coupons de cinq aunes chacune j
ce qui fait trois cents aunes. On en fait aufli de cinquante pièces
de fix aunes : on les appelle balles réduites à cinq & Jix aunes.
Les balles de petites laifes contiennent ordinairement cent pièces
de cinq aunes , faifant cinq cents aunes : ces toiles en balle ne
font point de débit dans le Royaume j les Négociants les vendent
à Saint-Malo , Morlaix , Saint-Brieuc , & Nantes , pour être por-
tées à l'Etranger , ou bien ils les envoient eux-mêmes pour leur
compte. On a fupputé que, de ces quatre ports ,il fortoit, chaque
année , en temps de paix , fept mille balles de toiles , dont le
1^4 S A I
prix varie fuivant les cîrconftances. Il y a encore une autre ef-
pece de toile en deux tiers de laife , qui fe fabrique , en petite
quantité , à Uzel & à Loudéac. Ces toiles font vendues en pièces
longues , fans aucune forme ni apprêt que le blanc. 2°. La pêche
de la morue. Les ports de Saint-Brieuc , Bmic , Daouet , Por-
trieuc , envoient , en temps de paix , chaque année , à cette pêche ,
le nombre d'environ quinze ou feize vailTeaux depuis cent juf-
qu'à trois cents tonneaux. Ces vaifTeaux , pour la plupart , vont
vendre leur morue dans les ports de Marfeille , Nantes, le Ha-
vre , &c. Les retours font en huiles , favons ^ fruits fecs , & autres
denrées. La navigation de Terre-Neuve efl fort avantageufe à la
province , qu'elle enrichit , & au Royaume en général , par le
grand nombre d'excellents navigateurs qu'elle produit ; efpece
d'hommes aufli néceflaire que précieufe à l'Etat, tant en temps
de paix qu'en temps de guerre. 3°. Les bleds, lorfque l'expor-
tation efl permife. 4°. Le fer des forges du Vaublanc , dont
il fe fait un grand débit dans la province , fur-tout en temps de
guerre , pour les armements de la Marine. 5°. Le plomb de la
mine de Châtel-Audren. Cette mine, découverte en 1762, par
M. Valmont de Bomare , fçavant Naturalifte , offre une nouvelle
fource de riche ffes , où l'on commence à pnifer avec avantage:
elle étend fes rameaux dans les Evêchés de Tréguier & de Saint-
Brieuc. Elle eft une galène grenelée & à tifTu d'antimoine ; on
y trouve aufli de petits cryftaux très -durs de mine fpatique de
plomb. Le minéral contient depuis fept jufqu'à dix onces d'ar-
gent par c{uintal ; mais l'arfenic en rend l'exploitation un peu
difficile , èc a déjà fait abandonner quelques puits. 6°. Les fils.
Ils font de plufieurs fortes, & il s'en fait un grand commerce
dans les marchés du diocefe. Les fils de Quintin , Uzel , Lou-
déac , Moncontour , Ploeuc, & ParoilTes circonvoifmes, font les
plus fins, & font employés à la fabrique des toiles appellées
Bretagne ; ceux de Saint-Brieuc , Lamballe , Binic , Panupol ,
font bons pour les teintures de Rennes , & font aufTi employés
à faire des toiles moins fines. 7*^. Le cabotage. C'efl le com-
merce que font les barques dans les difTérentes parties du dio-
cefe de Saint-Malo , au Croific , Bordeaux, Rouen, Bayonne ,
&c. Ce commerce ell: d'une utilité très-grande : il verfe dans
la province les réfines, les graines de lin , les charbons de terre,
&c. 8°. Les cires & les miels forment aufîi une branche de
commerce , qui deviendroit plus importante fi elle étoit culdvée.
Cinq grandes routes aboutifTent à la ville épifcopale , où l'on
s Aï 165
compte 6600 habitants : elle ne renferme qu'une ParoifTe , fous
le nom de Saint-Michel , dont la Cure ell: à Talternative ; les
Couvents des Capucins , des Cordeliers , des Calvairiennes , des
Urfulines , des Sœurs de la Croix ; un Hôpital , un Collège , &
un Séminaire. On y remarque un Gouvernement de place, une
Lieutenance de Roi, un Bureau de la Commiffion Intermédiaire,
une Communauté de ville avec droit de députer aux Etats ;
un Siège royal , qui a plus de cent Paroi ffes fous fon reflbrt ,
& des fiefs en trois Evêchés ; une Amirauté { a) , une Jurifdic-
tion des Traites, un Bureau des ClafTes , une Subdélégation, une
Recette ; & les Portes aux lettres & aux chevaux. 11 s'y tient
deux marchés par femaine , le mercredi & le famedi , & quatre
foires par an. La ville de Saint-Brieuc porte pour armes d'azur
au griffon d'or, armé-béqué & lampaffé de gueules. L'Eglife
Cathédrale eft dédiée à Saint Etienne. Le Chapitre eft com-
pofé du Doyen , du Tréforier , des Archidiacres de Penthievre
& de Goëlo, du Scholaftique , du Chantre, & de vingt Pré-
bendes, dont une eft affeftée à la Pfallette , & une autre au
Principal du Collège. M. le Duc de Penthievre eft Chanoine
honoraire de cette EgUfe. Les Prébendes font à l'alternative.
La Collégiale eft dédiée à Saint Guillaume.
La ville de Saint-Brieuc eft mal bâtie , & fes pavés font
mal-propres. On y remarque feulement la Cathédrale , l'Hôtel
de ville ; l'hôtel "'& le parc de M. le Marquis de Maillé , Sei-
gneur d'une partie de la ville. Ce parc eft la feule promenade
des habitants. M. l'Evêque eft Seigneur des trois quarts de la
ville. Sa Jurifdiftion des Régaires reffortit au Parlement : il re-
tire de l'Office de Sénéchal des Régaires fept cents cinquante
Hvres par an ; trois cents cinquante livres de celui de Procu-
reur fifcal j foixante-douze livres de chaque Office de Notaire &
de Procureur ; & douze livres de chaque Sergent. J'ignore ce
qui fe pratique ailleurs 5 mais il feroit à defirer que la Juftice
fût rendue gratis , &: que les Prélats & les Seigneurs de fiefs
imitaffi^nt , en ce point , le défintéreflement de Tt^vêque & du
Chapitre de Saint-Malo. La Jurifdiftion des Régaires s'étend fur
la ville , le territoire de Saint-Brieuc , & fur les Paroifîes de
Trégueux, Langueux, & Floufragan. Le Juge du Prélat a droit
de police dans la ville , comme on le verra ci-après.
( û ) Les Jurifdiftions des Traites & de | Portrieuc , Binic , Paimpol , Brchat , Er-
r Amirauté s'étendent iur les ports du Légué, ! qui , Daouet , & le por. Aladuc.
i66 S AI
En qualité dfe Seigneur temporel , TEvêque de Saint-Brieuc
jouit de plufieurs droits féodaux. Tel eft celui de quintaine ( a ) ,
qui s'exerce , le lundi de Pâques , fur les poifTonniers , & le pri-
vilège de faire fa provision de beurre , dans les mois d'Avril
& de Mai , avant que perfonne la puifle faire. Ce droit tient
encore à l'anarchie féodale , & eftprefque aufîi ridicule que ceux de
marquette & de cuifTage que les Moines s'attribuoient. Si le
Prélat avoit la mauvaife volonté de retarder fa provifionjufqu'au
dernier jour du dernier mois , il faudroit donc fe priver de cette
denrée d'utilité première. Le droit le plus fingulier dont jouifîe
le Prélat eft celui-ci : Sur une maifon fituée rue de l'AUée-
Menault , dans la ville de Saint-Brieuc , il efl dû à l'Evêque douze
deniers monnoie de rente féodale. De plus , au jour de la fête
de Saint Jean-Baptifte , le propriétaire de la maifon , à l'heure
des Vêpres , efl: obHgé de fortir , un bâton blanc à la main , de
frapper par trois fois dans l'eau qui paffe vis-à-vis la maifon,
& de crier , à la première & féconde fois : Paix , grenouilles ,
Monfeigneur dort y & , à la troifieme fois : TaiJe\-vous , gre-
nouilles , laijjei dormir Monfeigneur. Suivant ce droit , il faut que
l'Evêque de Saint-Brieuc dorme pendant les Vêpres.
Le Port de Saint-Brieuc , diftant de trois quarts de lieue de
la ville , eft appelle le Légué. Ce port efl facile d'entrée , fur-
tout par les vents de Nord & de Nord-Eft. La rade eft un
peu incommode par fon éloignement. Il eft fur & très-bon , &
il pourroit devenir coniidérable ft on vouloit le creufer. Les
Etats de la province y ont fait bâtir à leurs frais des quais , qui
prouvent leur zèle pour le bien public. Le Père Touflaints de
Saint-Luc dit, que les Briochins font de leur naturel, bons, civils ,
& dociles 5 qu'ils aiment l'étude & les fciences j & que l'expé-
( tf ) La quintaine , telle qu'elle fe pra-
tique à Saint-Brieuc, eft une forte de jeu
ou d'exercice militaire , qui confifte à frap-
per fi adroitement la figure d'un homme
armé , qu'on puifle éviter le coup qu'on
en recevroit foi-même , fi on ne la frappoit
pas comme il faut. Cette figure eft pofée
fur un poteau , & tourne fur un pivot :
de forte que celui qui , avec fa lance , ne
frappe pas cette figure au milieu de la
poitrine , mais aux extrémités , la fait
tourner ; & , comme elle tient de la main
droite un bâton ou une épée , & de
la gauche un bouclier , elle en frappe celui
qui a mal porté fon coup. Cet exercice étoit
fort à la mode autrefois : il en eft parlé
d?ns les chroniques de Bertrand du Guefclin.:
Devenu un droit feigneurial , il n'eft plus
exercé que par des vaflaux , qui ne s'en
acquittent que par néceflité. À Nantes , où.
l'Evêque jouit du même droit , la cérémo-
nie eft différente. On plante folidement en
terre un poteau , qui , dans le haut , préfente
une furface plate , de la largeur d'environ un
pied. Le vaffal , monté fur un cheval , dont
quelqu'un tient la bride , court contre ce
poteau , & y brife , s'il le peut , une gaule
qu'il tient à la main. Le même exercice fe
tdXt fur la rivière , en bateau.
s A I i6y
rience fait voir qu'ils réufllfTent dans tous les états où ils font
appelles. C eft peindre en peu de mots les Briochins , & en donner
l'idée la plus avantageufe.
Cette partie de la province de Bretagne , qui forme aujourd'hui
le diocefe de Saint-Brieuc , n'a pas toujours porté ce nom ; elle
n'a pas toujours formé un canton diflingué, un pays qui eut fes
bornes & fes limites particulières , & un nom qui lui fut propre.
Cette partie de l'ancienne Armorique fut d'abord habitée par les
Venetes , les Offirmiens , & les Curiofolites, peuples ancienne-
ment célèbres , dont la domination s'étendoit fort au loin , même
au delà de la province de Bretagne. L'hiftoire de ces anciens
peuples eft donc aufli celle des Briochins. Ce font les Briochins
qui, fous le nom de Venetes , de Curiofolites , & d'OfTifmiens,
font des conquêtes en Italie & en Allemagne , y établirent des
colonies , entretiennent un commerce floriflant avec les habitants
de la Grande-Bretagne , combattent courageufement contre
Céfar , font des derniers à pKer fous le joug de la domination
Romaine , & des premiers à recouvrer leur liberté. On ne fçait
point jufqu où s'étendoit , dans le diocefe de Saint-Brieuc , le do-
maine de chacun des peuples dont je viens de parler , ni quelles
en étoient les bornes précifes. On fçait feulement, en général,
que la partie du Sud étoit habitée par les Venetes -, celle de
TEll, par les Offifmiens ; & celle de l'Oueft, par les Curiofo-
lites. Il paroît que le territoire des CuriofoHtes ne s'étendoit
point , de ce côté - là , au delà de la ParoifTe d'Iffiniac. C'eft
le fentiment du fameux Géographe M. Banville. Il fe fonde
fur l'analogie du nom d'Iffiniac , avec le terme latin ad fines,
ordinairem-ent employé dans les anciens Itinéraires & dans la Table
Théodofienne , pour marquer des bornes & des limites. La capi-
tale des Venetes s'appelloit Dariorigum. Il eft bon d'obferver que
ces trois peuples , réunis aux Nantais , aux Rennois , & aux Dia-
blintes , formoient , dans l'Armorique , autant de petites Répu-
bliques dont le Gouvernement étoit ariftocratique. Indépendantes
les unes des autres , elles fe réunifToient pour la défenfe com-
mune ; mais elles formoient chacune un Etat à part, qui avoit
fes loix , fes ufages , fes Magillrats , un Sénat , une cité ou
ville capitale , &: un territoire dépendant de la cité. Dans ce
territoire , étoient compris plusieurs cantons particuliers , appelles
pagi. Comme on ne connoiiToit point encore ce que c'étoit que
fief, vafl'alité , feigneurie , tous ces cantons ou pagi dépendoient
de la ville principale , & en recevoient la loi. Il eft probable
,68 S AI
que pMeurs de cespagl ont donné naiffance à plufieurs de nos
villes d'aujourd'hui , dont quelques-unes font devenues affez con-
fidérables par la fuite pour éclipfer même les anciennes
cités. Le pafTage & l'établiffement des Bretons infulaires dans
l'Armorique , dans les cinquième & fixieme fiecles , apportèrent de
grands changements dans le Gouvernement civil & politique de
cette province. Les nouvelles villes qu'ils y fondèrent , les nou-
veaux Evêchés qui s'y établirent alors , introduifirent de nou-
veaux noms, de nouvelles divifions géographiques , qui infen-
fiblement firent oublier les anciennes. Les Offifmiens , les Dia-
blintes , les Curiofolites difparoiflent alors de notre hiftoire : ils
font remplacés par les Malouins , les habitants de Dol , les Brio-
chins ; &: c'erf ici la féconde époque de l'hilloire de Saint-
Brieuc.
On forme fur l'origine de cette ville deux principaux fyftêmes.
Les uns la font fort ancienne , & prétendent qu'elle exiftoit long-
temps avant Saint Brieuc ; & que c'elt d'elle dont il eft parlé
dans Ptolomée , fous le nom de Bidiie ou Biduce, Les autres
croient que cette ville n'exiftoit point encore , lorfque Saint Brieuc
paffa dans l'Armorique avec fes Difciples, &: que ce font eux
qui en jetterent les premiers fondements. On ne peut pas diiîi-
muler que le premier fentiment s'accorde difficilement avec ce
que l'hifloire & les anciens monuments nous apprennent des
Biducéens. Les Biducœfi ou Biducaffi de Ptolomée font , fuivant
M. Valois, le même peuple que les Viducaffes de Pline : or,
les Viducaffes de PHne font indubitablement un peuple de Nor-
mandie , qui n'a jamais habité à Saint-Brieuc. On voit encore
aujourd'hui les ruines de leur ancienne capitale , à deux heues
de la ville de Caen , dans la ParoilTe de Vieux , à quelque
diftance de la rive gauche de la rivière d'Orne. Les mé-
dailles , les infcriptions , les débris de colonnes , un gymnafe ,
un aqueduc , & plufieurs autres reftes d'antiquités, découverts
en cet endroit , prouvent qu'il y avoit là , autrefois , une ville
célèbre ; & le fameux marbre de Thorigni ( a ) ne permet
pas de douter que cette ville n'ait été la capitale des Viducaffes
ou Biducéens.
( a ) Ce marbre , trouvé à Vieux , fut
tranfporté à Thorigni , fous le reene de
François I , par les foins de Joachim de
Matignon. On voit , par l'infcription qui
fe lit fur ce marbre , qu'il fervoit de bafe
à une ftatue que les trois Gaules avoient
fait ériger en l'honneur de P. Sennius So-
lennis , natif de la ville des Viducafles.
Ceux
s A I 1(39
Ceux qui ont voulu faire defcendre les Briochins des anciens
Caleti ou Caletcc , dont il eft parlé dans Pline & dans Ptolomée ,
n'ont pas été plus heureux dans leurs conjeftures. On fçait au-
jourd'hui que ces Caleti étoient aufli un peuple de Normandie ,
qui habitoitle pays de Caux, & dont la capitale étoit Liflebonne.
Il eft donc très-probable que la ville de Saint-Brieuc n'exirtoit
point lorfque Saint Brieuc pafîa dans l'Armorique , & que c'efl
lui qui en a jette les premiers fondements. Lorfque Saint Brieuc ,
ou lés Difciples , vinrent aborder au port ou havre du Légué,
il ne paroît pas qu'il y eut là , ni aux environs , d'autres habi-
tations que celle du Comte Rigual. Ce Seigneur , qui y avoir
un château fitué au milieu d'un bois , ayant reconnu Saint Brieuc
pour fbn parent , lui céda cette habitation pour y bâtir un Mo-
naftere. C'efl: ce Monaftere qui a donné naiiîance à la ville de
Saint-Brieuc : mais , quand a-t-il été bâti , ce Monaltere ? c'eft
fur quoi il n'ell pas facile de prononcer aujourd'hui. La difficulté
vient de ce qu'on n'eil pas d'accord fur le temps auquel Saint
Brieuc a vécu : fes aftes ne le marquent point j on ne peut donc
former là deffus que des conje6^ures plus ou moins probables.
Ces conjeftures roulent principalement fur le Saint Germain dont
Saint Brieuc a été Difciple. Ce premier point éclairci, les autres
difficultés difparoiiTent , ou cefTent d'être embarraffantes : l'époque
du Maître fixe alors celle du Difciple ; mais , quel étoit-il ce
Saint Germain ? Etoit-ce Saint Germain d'Auxerre , ou Saint Germain
de Paris , ou un certain Germain ou Gorman , Evêque d'Ir-
lande, qui vivoit dans le feptieme fiecle ^ Ce dernier fentiment,
qui eft celui de Baillet, paroît abandonné aujourd'hui par les
fçavants. Nous nous bornerons à rapporter fuccinftemcnt les
principales preuves des deux premiers. Ceux qui croient que
Saint Brieuc a été Difciple de Saint Germain de Paris, fe fon-
dent I °. fur l'autorité de fes anciens aftes , qui le difent très-formelle-
ment : Mittetis eum ad civil atem Parifîacam , ad beatum vwum Ger-
maman ejufdem civitatis Epifcopum. 2°. Sur ce que Saint Brieuc,
ayant été contemporain de Rigual , ou Hoël I , Roi de Bretagne ,
mort en 54c, & lui ayant même furvécu , il n'a pu être Dif-
ciple de Saint Germain d'Auxerre , mort pkis d'un fiecle aupa-
ravant. Autrement, il taudroit dire que Saint Brieuc a vécu plus
de cent ans ; ce qui eft contraire à {qs aftes. Ces preuves,
quoique folides , ne paroifTent pas décifives à ceux qui veulent
que ce foit de Saint Germain d'Auxerre & non de Saint Germain
de Paris que Sr-int Brieuc ait été Difciple. Au témoignage de
Tome IV. Y
lyo S A I
l'ancienne légende , ils oppofent celui de la nouvelle , qui dit ;
que c'eft aux ibins de Saint Germain d'Auxerre que Saint Brieuc
fut confié par fes parents -, Beato Germano , Altijjidiorenjî Epif"
copo y eîidiendus traditur : & ce qui prouve clairement , nous
difent-ils , la méprife de l'ancien légendaire au fujet du Saint
Germain dont il fait Saint Brieuc Dil'ciple , c'efl: ce qu'il ajoute
lui-même au fujet de Saint Patrice & de Saint Hiltut. Il dit, que
Saint Brieuc eut le bonheur de trouver ces deux Saints à l'école
de Saint Germain , & qu'ils formèrent avec lui une étroite liai-
fon : Duo , prce. cœteris , Patricius Jcilicet & Eltutus , Jinc^ro eum
amore ampkxad funt. Or , Saint Patrice & Saint Hiltut n'ont cer-
tainement point été Difciples de Saint Germain de Paris , beau-
coup poftérieur au temps où ont vécu ces deux Saints : ils n'ont
pu l'être que de Saint Germain d'Auxerre j c'ell: donc de ce der-
nier que l'ancien légendaire a voulu parler , quoique , par er-
reur , il ait mis Saint Germain de Paris. Quant à l'obje^lion tirée
du Prince Rigual , qu'on veut avoir été contemporain de Saint
Brieuc , elle ne paroît point embarraffante à ceux qui foutien-
nent que Saint Brieuc a été Difciple de Saint Germain de Paris.
Ils difent donc que le Rigual des aftes de Saint Brieuc n'eft
point du tout ce fameux Rigual , ou Hoël I , Roi de Bretagne ,
que fa valeur & fes exploits rendirent fi célèbre dans le fixieme
fiecle. La raifon qu'ils en donnent , c'eft que Saint Brieuc étoit
Prêtre , ou même Evêque , lorfqu'il fut connu de Rigual , &
qu'il en reçut le fonds fur lequel il bâtit fon Monaftere. Or,
Hoël I , Roi de Bretagne , étoit mort long-temps auparavant que
Saint Brieuc eût été ordonné Prêtre j s'il eft vrai , comme on le
prétend , qu'il ait été fait Prêtre par Saint Germain de Paris :
car Saint Germain ne fut promu à l'Epifcopat qu'en 5 5 5 , &
Rigual, ou Hoël, Fvoi de Bretagne, étoit mort dès 545. Le
Rigual des aftes de Saint Brieuc n'eft donc point celui qui regnoit
en Bretagne au milieu du fîxieme iiecle. L'anachronifme eft
ici trop fenfible. En vain voudroit-on lui fubftituer Rigual, ou
Hoël II , aufli Roi de Bretagne. La mort précipitée de ce Prince ,
arrivée deux ans après celle de fon père , s'oppofe encore à
cette fuppofition. Mais, quel étoit donc ce Rigual, ouRivallon,
fi célèbre dans l'hiftoire Briochine , & qui a partagé avec Saint
Brieuc l'honneur de fonder une des principales villes de la pro-
vince ? Ce Rigual étoit un Seigneur particulier fort riche, fort
libéral envers l'Eglife , mais dont on ne fçait que ce que les
a6les mêmes de Saint Brieuc nous apprennent.
s AI 171
L'auteur du Chronicon Briocenfe , qui vivoît dans le quatorzième
{îecle , nous apprend que Childebert , Roi de France , fut fort
libéral envers les Monafteres de Saint-Brieuc , de Saint -Tug-
dual, & de Saint-Samfon : Plurlmas iibenates & franchlfias coti-
cejjît Monafieriis Sancii Tugdualdi , Sancli Brïoci , & Sancli Sam-
fonis. On fçait que Childebert eli mort en 558. Le Monaftere
de Saint-Brieuc exiftoit donc dès-lors. Or , ii on fait Saint Brieuc
Difciple >de Saint Germain de Paris , on ne peut pas dire qu'il eût
dès-lors bâti Ton Monaftere , puifqu'il n'auroit eu , en 558, que
douze ou treize ans. En voici la preuve. Saint Brieuc étoit fort
jeune lorfqu'il fut envoyé , par fes parents , à l'école de Saint
Germain. 11 n'avoit qu'environ dix ans 5 Cum nondàm decimum
cEtatis annum excederet : & Saint Germain étoit dès-lors Evêque.
Saint Germain n'eft monté fur le Siège de Paris qu'en 55c. En
fuppofant donc même que Saint Brieuc lui ait été confié dès
la première année de fon Epifcopat , il s'enfuivroit toujours qu'il
n'auroit eu en 558, temps de la mort de Childebert, que
douze ou treize ans. Dira-t-on qu'il avoit dès-lors bâti fon Mo-
naftere ? on fent tout le ridicule d'une pareille fuppofîtion.
Il faut avouer que cette dernière preuve , fi elle n'eil pas dé-
cifive , donne au moins une très-grande vraifemblance au fen-
timent de ceux qui veulent que Saint Brieuc ait été Difciple
de Saint Germain d'Auxerre , Ôc qu'il ait par conféquent jette
les premiers fondements de la ville qui porte aujourd'hui foa
nom , vers la fin du cinquième fîecle , ou au commencement du
fixieme. Les miracles qui éclatèrent fur fon tombeau, après fa
mort , appellerent dans ce lieu un grand nombre d'habitants, qui,
à l'exemple de ceux qui s'y étoient fixés pendant la vie du
Saint Prélat , s'y bâtirent des maifons , qui fe multiplièrent de
telle forte qu'elles formèrent en peu de temps une ville con-
fidérable.
Alain Barbe-torte remporta , en 939, une viftoire complette
fur les Normands , auprès de Saint-Brieuc. Pour récompenfe de
ce fervice , il fut proclamé Duc de Bretagne , par une accla-
mation générale des Grands & du Peuple.
Eudon , Comte de Penthievre , chef de cette maifon , mourut
en 1079 , & fut enterré dans l'Eglife Cathédrale de Saint-
Brieuc (a). Cet Eudon efl le chef de la maifon de Pendue vre ;
& quelques-uns ont prétendu que c'cioit de lui , ou de fon fuc-
■ ' ' I I i.iiMr I ,
( û ) Son tombeau a été détruit lors de la rcédification de cette Egllfe.
lyi S A I
cefleur, qne les Evêques de Saint-Brieuc tenoient leur Jurifclic-
tioii temporelle j cette opinion compte peu de partifans. On
dit , avec plus de vraifemblance , que la ville de Saint-Brieuc
n'a jamais fait partie de la Seigneurie de Penthievre j que Saint
Brieuc reçut, en toute propriété , du Comte ëe Rigual, le ter-
rein où il bâtit fon Monaftere , & celui qui l'environnoit^ que
les Rois Dagobert & Nominoé accordèrent à ce Couvent plu-
fieurs droits & privilèges -, & que , fi les premiers Seigneurs de
Penthievre furent enterrés dans la Cathédrale, s'ils y reçurent
des honneurs , qui ont été confervés à leurs defcendants & à
leurs fuccefîeurs , c'eft qu'ils furent les bienfai8:eurs particuliers
de cette Eglife -, c'eft à raifon de leur naiflance illuilre , puif-
qu'ils étoient de la maifon régnante. Ils augmentèrent, peut-être,
fa Jurifdiftion ; mais ils ne la fondèrent pas. Ces Princes étoient ,
d'ailleurs , regardés comme des Souverains dans leur canton.
Penthievre , dans fon origine , comprenoit près d'un tiers de la
province. Ces Princes avoient toujours une Cour fort brillante;
ils reconnoifToient peu l'autorité des Ducs de Bretagne , & don-
noient à leurs principaux valTaux le titre de Barons ; titre faf-
tueux alors , & fi refpefté qu'on le donnoit aux habitants du
Ciel. On difoit le Baron Saint Jacques , comme on a dit ,
depuis , Monfeigneur Saint Denis; & comme les payfans di-
fent encore , le bon M, Saint Pierre , la bonne Madame Sainte
Anne, On s'embaronnoit alors , comme on s'eft emmarquifé de-
puis. Geoffroi Rufus , Archevêque de Dol , tint un Concile à
Saint-Brieuc. On y termina les différents furvenus entre les
Moines de Saint-Melaine & différents particuliers, au fujet de
l'ifle de Bréhand. Etienne , Comte de Penthievre , étant mort ,
l'an 1 1 3 8 , fut inhumé , dans la Cathédrale de Saint-Brieuc ,
auprès du Comte Eudon, fon père. L'an 1148 , Rolland, Evêque
de Saint-Brieuc , donne aux Moines de Marmoutier l'Eglife de
Saint-Aaron ; il fe réferva feulement les droits de repas , de
procuration , & de redevance fynodale. Cette Eglife avoit été
poffédée par un Laïque , qui l'avoit remife entre les mains de
l'Evêque , pour la donner à Marmoutier , où il s'étoit fait Moine.
12 10. Pierre, Evêque de Saint-Brieuc, obtient des Moines
de Saint-Serge d'Angers , une partie des Reliques de Saint-Brieuc ,
c'eft-à-dire , un bras , deux côtes , ou un morceau de la tête ou
du col. Ces Reliques avoient été tranfportées à Angers du temps
d'Erifpoé , pour les dérober aux profanations facrileges des
Normands. Cette tranllation, par l'Evêque Pierre/ fe ht. avec
s A I 175
la plus grande folemnité. Alain , Comte de Penthievre , le plus
puiiTant Seigneur du Duché , reçut ces précieux relies entre fes
bras , & voulut les porter , lui-même , dans l'Eglife Cathédrale ,
en préfence de tout le peuple. Une ancienne chronique dit
qu'alors Alain commandoit dans la ville de Saint-Brieuc , ap-
paremment comme Lieutenant de la Duchefle AUx, qui avoit
été promife en mariage à Henri , fon fils aîné.
1223. Juhel , Archevêque de Tours, vifite le diocefe de Saint-
Brieuc. C'ell à cette époque que commença l'exiftence de la
Paroiiïe de Saint-Brieuc. Elle exifloit bien dès le commen-
cement de la ville , mais elle étoit attachée à la Cathédrale.
L'Archevêque , pour laiffer plus de temps aux Chanoines de
faire l'Office, les déchargea du foin de la FaroifTe , & leur
permit de nommer un Vicaire , approuvé de l'Evêque , avec
deux Chapelains fous lui. Cet Archevêque établit auffi les
Prêtres , Diacres , & Sous -Diacres du bas- chœur de la Ca-
thédrale.
1235. Enquête faite fur les droits de Henri d'Avaugour ,
Comte de Goëlo. Il eft dit, dans cette enquête , qu'Alain, Comte
de Penthievre, a tenu la régale de Saint-Brieuc , & que l'Evê-
que Sylveflre a été préfenté à Henri , fon fils. Ceux qui croient
que la ville de Saint-Brieuc a fait autrefois partie des do-
maines de Penthievre , ne manquent pas de faifir cette preuve.
1259. Raoul, Evêque de Saint-Brieuc, efi: envoyé en Angle-
terre , pour négocier le mariage de Jean de Bretagne , fils aîné
du Duc Jean le Roux , avec Béatrix , fille de henri III , Roi
d'Angleterre.
En 1376, le Roi Charles V accorda les fruits de la régale à
Laurent de la Paye , élu de Saint-Brieuc ; ce qui prouve que le
Roi commandoit alors dans l'Evêché de Saint-Brieuc : c'étoit le
temps des brouilleries du Duc Jean IV avec la Cour de France.
En 1394, le Connétable Olivier de ChfTon fit le fiege de la
ville de Saint-Brieuc. Les Briochins fe réfugient dans la Cathé-
drale , & y font forcés après quinze jours de fiege , pendant lef-
quels les affiégeants battirent la place avec des machines , &
firent des brèches confidérables. Le Duc , touché de cette perte,
tacha de la réparer. Il marcha vers Saint-Brieuc avec une armée
de beaucoup fupérieure à celle de Chflon , 6c lui fit offrir le
combat. Clilfon , certain de ne pouvoir être forcé dans fes re-
tranchements , ne juge pas à propos d'en fortir. Le Duc l'at-
tendit inutilement , pendant cinq à fix jours , fur les grèves de
174 S A I
Hillion. La Cour de France ayant offert fa médiation pour ap-
pailer ce différent , Cliffon & les Français qui étoient avec lui
dans Saint-Brieuc , eurent permifîion d'en fortir j & le Duc con-
gédia fes troupes. Ce Duc , quoique grand Capitaine , n'étoit pas
heureux dans fes entreprifes fur Saint-Brieuc -, il en avoit déjà
levé le fîege une autre fois en *'i375 : ce qui prouve que cette
ville , ou plutôt la Cathédrale , étoit une place forte en ce temps-
là. Il paroît que la tour de Ceffon n'exiitoit point encore, puif-
qu'il n'en efl point parlé dans ces guerres. C'ell: peut-être dans
ce temps-là qu'elle fut bâtie ; & je l'aflurerai d'autant plus volon-
tiers , que j'ai lu quelque part que Louis de Robien en étoit Ca-
pitaine en 1395.
En 1 404 , Guillaume Angers , Evêque de Saint-Brieuc , affifte
à l'hommage que rend Jean V , Duc de Bretagne , à Charles VI ,
Roi de France. Après bien des conteftations fur la nature de
cet hommage , il fut convenu qu'on le recevroit tel qu'il devroit
être, félon le droit & l'ancien ufage. Ceux qui prétendent, dit
M. l'Abbé Ruffelet , que cet hommage étoit hge y nous donnent
une fauffe idée de l'hommage lige ; cet honneur n'étoit dû que
pour un fief originairement détaché de la Couronne , & par con-
îequent ne pouvoit convenir à la Bretagne qui n'efl point un
démembrement.
En 1 406 , les habitants de Saint-Brieuc fe révoltent contre le
Duc de Bretagne. Apparemment que quelques importions nou-
velles en étoient le motif. Le Duc y envoya fon frère , le Comte
de Richemont , avec quelques troupes. Ce Prince vint aifément
à bout d'y rétabHr le calme & la tranquillité. Ce font les pre-
mières armes de ce fameux guerrier , qui devint , dans la fuite ,
Connétable de France , & enfin Duc de Bretagne , par la mort
de fes deux neveux François I & Pierre IL
1441, Les Etats s'affemblent à Vannes , oii Jean Pregent , Evê-
que de Saint - Brieuc , difpute la préféance à celui de Vannes.
Ce n'étoit pas encore la coutume que l'Evêque diocéfain préfidât
de droit aux Etats affemblés dans fon diocefe. On voit même
que fous les Ducs , les Evêques de Dol étoient en pofTefïion de
précéder les autres. En 1468, le Duc de Berri, frère du Roi
Louis XI , ayant fait fon entrée à Saint-Brieuc , l'arrivée de ce
Prince fait ouvrir les prifons^, & tous les prifonniers font élargis.
En 1484, fut pafîee , entre l'Evêque & le Chapitre de Saint-
Brieuc , une tranfaftion , par laquelle le Chapitre efl: maintenu
dans les droits de iods & ventes ^ hommage & aveu fur fes
s A I 17S
vaflaux ; &: le droit de Jurifdiélion efl confervé à l'Evéque fur
lefdits vafTaux.
1503. Etabliflement des Cordeliers à Saint-Brieuc. Ces Reli-
gieux, appelles à Saint-Brieuc dès 145 1 , par le Duc Pierre II,
logèrent d'abord dans un Hôpital ruineux , dit r Hôpital de Saint-
Antoine , qu'on croit avoir été ntùé près le Légué. Ils avoient
commencé à y bâtir , lorfque Chriftophe de Penmarch , Evêque
de Saint-Brieuc , ayant acquis, en 1503 , de Thibaud de Kerei-
merk & de Jeanne de Couvran, fon époufe , la maifon de la
Haute-Garde , à condition qu'ils feroient reconnus , &: leurs def-
cendants , pour fondateurs , y fît bâtir le Monaftere que ces Re-
ligieux occupent aujourd'hui. L'Eglife ne fut achevée que fous
Olivier du Châtel , qui en fit la dédicace le 26 Juillet 151 5.
La maifon de Couvran efl: aujourd'hui fondue dans celle de
Eudes : elle tiroit fon origine , fuivant le Laboureur , des anciens
Seigneurs de Caouvren , dans l'ancien Comté de Hasbain. Sous
l'Epifcopat d'Olivier du Châtel , mort en 1 5 2 5 , fut bâtie , ou du
moins rétabUe, la Chapelle de Sainte- Anne , dans l'Eglife Collégiale
de Saint-Guillaume. Cette Eglife efl fort ancienne , & l'on n'en con-
noît point l'origine. Lobineau fe trompe , lorfqu'il dit qu'elle n'a été
bâtie que depuis la mort de Saint Guillaume. Les livres de compte
de cette EgHfe , fort antérieurs à cette époque , prouvent qu'elle eft
beaucoup plus ancienne. Elle étoit connue alors fous le nom de
Notre-Dame de la Porte. Après la mort & la canonifation de Saint
Guillaume , les Chanoines demandèrent & obtinrent qu'il leur fût
permis de choifîr ce faint Evêque pour leur fécond Patron. Cette
Collégiale eft royale , & fes Bénéfices , comme ceux des Cathé-
drales , tombent en régale , & hors le temps de la régale , font
fujets à l'alternative du Pape & de l'Evéque , excepté ceux qui
font en patronage laïque. La Chapelle de Saint- André , dans la
même Eglife , a été fondée par les Seigneurs de la Ville-Bou-
gault , fous l'Epifcopat d'André le Porc de la Porte , qui en fit
la dédicace le 24 Août 1625. La Confrairie de la Croix, qui
s'afTemble dans cette Chapelle, a commencé en 1707, & eft
par conféquent plus ancienne que celle de Saint-Pierre, qui n'a
commencé qu'en 17 10. Cette dernière tint fes premières afTem-
blées dans la Chapelle de Notre-Dame de la Fontaine. Ce ne
fût qu'en 171 6 que les Confrères de cette Société obtinrent de
Madame de Plelo la permifTion de s'afTembler dans la Chapelle
de Saint-Pierre , qu'ils ont depuis rebâtie & décorée.
1539. Etabliflement du Papegault dans la ville de Saint-Brieuc,
176 SAI
par le Roi François I : il a été fupprimé , comme tous les autres ,
en 1769. La feule ville de Saint-Malo a confervé ce privilège
en Bretagne. En 1565, fut donné un Edit portant réunion de
la Seigneurie royale de Goèlo à la Seigneurie de CelTon , &
tranflation de Lanvollon à Sai||f-Brieuc. Cette tranflation , qui
avoit été follicitée par la Communauté de Saint-Brieuc , donna
lieu à un fort long procès entre cette Communauté & l'Evêque
de Saint - Brieuc , au fujet des droits de cette Jurifdiétion. Ce
procès fut terminé par une tranfaftion du 2 Juillet 1580, par
laquelle il fut reconnu que l'Evêque avoit feul , à Saint-Brieuc ,,
toute haute-Juflice & tout droit de Police. Les Juges royaux
acquiefcerent à cette tranfaftion , & aux lettres-patentes confir-
matives du droit de l'Evêque, du 23 Septembre 1580. Cinquante
ans après cet accord , ils renouvellerent leurs prétentions au fujet
de "la Police. Ils en furent déboutés par l'Arrêt du 25 Juin 1630,
par lequel les Officiers de l'Evêque furent maintenus au droit
& pofTeffion de faire la Police dans la ville de Saint-Brieuc , avec
défenfe aux Juges royaux & à tous autres de les y troubler. Les
Juges royaux s'étant oppofés à l'exécution de cet Arrêt , il fut
confirmé par un autre du premier Juillet 1^33, contradi£loire
avec tous les Officiers de la Jurifdiftion royale. Ces Arrêts font
fondés fur ce que le Roi n'a ni proche-fief , ni Jurifdi6î:ion dans la
ville , ni dans l'étendue des Régaires de Saint-Brieuc.
1591. Siège de la tour de Cefîbn, proche Saint-Brieuc, par
Saint- Laurent , Capitaine du Duc de Mercœur. C'étoit le temps
de la Ligue en Bretagne ; temps d'horreur & de confufion.
Le château de CefTon tenoit pour le Roi, & Saint-Laurent étoit
zélé hgueur. Rieux de Sourdéac , Commandant pour le Roi en
baffe Bretagne j accourt au fecours de cette place. Saint-Laurent,
averti de fa marche , vient au devant de lui. Le combat efl vif
de part & d'autre : la viftoire , long-temps difputée , fe déclare
enfin pour les RoyaUlles. Saint-Laurent efl: fait prifonnier & ren-
fermé dans cette même tour où il avoit compté d'entrer d'une
autre manière. Parmi ceux qui fe diflinguerent à cette aftion ,
on fait principalement mention des Sieurs de Sourdéac , Kergomar,
Kermorvan , fon freré, Pécréan , Lifcouet , & François Budes 5
qui y fut bleffé d'un coup de pique dans la gorge. Le Duc de
Mercœur ne tarda pas à venger l'honneur de fon Lieutenant ,
il vint lui-même mettre le fiege devant cette place, & la prit
par capitulation , après lui avoir fait effuyer quatre cents volées
de canons. Elle demeura au pouvoir des ligueurs jufqu'en 1598,
qu'elle
s A I 177
(qu'elle fut reprife par le Maréchal de Brifîac. On ne fçait pas au
jufle quand cette tour avoit été bâtie : il paroît que ce fut vers la
fin du quatorzième {iecle , par le Duc Jean, dit le Conquérant^
pendant fon mariage avec Jeanne de Navarre , fa troifieme femme,
comme on peut le prouver par les armes de Navarre, qu'on voit
en alliance , fur cette tour , avec^celles de Bretagne. Après les lon-
gues & funeftes guerres qui avoient défolé la Bretagne fous
Henri III & Henri IV, ce dernier , enfm devenu paifible
pofTefTeur du Royaume , pour prévenir les maux infinis que les
garnifons de plufieurs places fortes avoient caufé à la Bretagne,
en ordonna la démolition. De ce nombre fut la tour de Cellon.
Les Sieurs de Pécréan , & Ruffelet , Sénéchal royal de Saint-
'Brieuc, furent chargés, en 1598, de l'exécution des ordres du
Roi , & cette tour fut démolie la même année. Ce qui en refle
aujourd'hui , fait voir combien elle étoit folidement bâtie.
1592. La ville de Saint-Brieuc efl pillée par l'armée des Ef-
pagnols , Lorrains , Lanfquenets , & autres gens de guerre. En
1.60 1 , Saint - Brieuc ell: affligé d'une pefte , qui emporte beau-
coup de monde. Les Etats s'aflemblent à Saint-Brieuc en 1602.
1609. Délibération pronale en l'Eglife de Saint-Brieuc , où l'on
nomme des- Egailleurs & Collcfteurs , pour caufe des aides dus
au Roi fur la ville de Saint-bneuc. Cette ville ell: exempte de
fouages , moyennant une fomme annuelle de quatre cents vingt
livres, qui, en 1609, 1615, & 1620, s'égailloit encore fur le
général des habitants. Cette fomme , qui fe paie aujourd'hui fous
le nom laides , a paflé en nature de charge ordinaire , fuivant
les Arrêts du Confeil de I670& 1681 , portant règlement pour
cette Communauté. Bertrand , Havart , & Jean , Chapelains ,
députés de Saint-Brieuc, afliftent, en 1609, aux Etats de Nantes.
11 paroît, par plufieurs lettres de Henri IV, écrites à la Commu-
nauté de ville , qu'elle a eu autrefois le droit de députer deux no-
tables Bourgeois aux Etats de la province. Cet ufage fubfifloit en-
core lors de l'Arrêt de règlement pour cette Communauté , du
18 Août 1670. En i6i2, le pont de Gouedic fut conftruit. Le
Couvent des Capucins fut fondé , l'an 161 5, par MM. de Bré-
hand. La Communauté de ville favorifa aufll cet établifTement ,
pour lequel elle donna une fomme de trois mille fix cents livres-,
& lors de la confl:ru6bon du nouveau bâtiment, en 1733, ^^^
en accorda une autre de deux mille livres.
1624. La Révérende mère Fortin, àSx.^ des Anges ^ Supérieure
des Urfulincs de Dinan , eft envoyée à Saint-Brieuc , à la prière
Tome IV, Z
lyS S A I
de l'Evêque , pour y fonder une maifon de Ton Ordre. On lui
avoir donné pour compagnes trois Mères de Chœur & deux
Sœurs Converfes. L'Evêque de Saint-Brieuc leur fit bâtir un très-
beau Monailere , dont l'Eglife eft fous l'invocation de Saint
Charles. Les BénédiéHnes de la Congrégation du Calvaire , re-
çues la même année à Saint-Brieuc , logèrent d'abord dans un
hofpice , près le Collège , & ne prirent poffeffion de la maifon
qu'elles occupent aujourd'hui qu'en 162^. En 1628, on com-
mença à bâtir les murailles de la ville de Saint-Brieuc. Sous la
première pierre , fut pofée une plaque de cuivre , où font gravées
les armes d'André le Porc de la Porte , Evêque de Saint-Brieuc ;
de Nicolas le Clerc , Sénéchal royal -, & du Syndic de la Com<-
munauté.
En 1643, Denis de la Barde, Evêque de Saint-Brieuc, pro-
nonce , en préfence des Etats aÔemblés à Vannes , l'Oraifon fo-
nebre du Cardinal de Richelieu, Gouverneur de la province.
En 1664, ce Prélat, voulant fonder le Séminaire de Saint-Brieuc,
acheta la maifon de la Grenouillère , où il bâtit à neuf le grand
corps de logis qu'on y voit aujourd'hui -, enfuite l'Eglife , qui ne
fut achevée qu'après fa mort. Il mit cette maifon fous la direc-
tion des Prêtres de la Congrégation de la Miffion , dite de Saint"
La:{CLre,
1 667, Lettres-patentes du Roi , portant provifion du Gouver-
nement de la ville de Saint-Brieuc & tour de CefTon , en faveur
d'Yves-Olivier de la Rivière , fon fils aîné j ledit Gouvernement
vacant par la démiffion de Meffire Claude d'Acigné , Chevalier,
Seigneur de Carnavalet. Le premier Gouverneur de Saint-Brieuc
dont on ait connoiilance , efl Elie du Rouvre , Seigneur du Bois-
BoeiTel , qui vivoit en 1 3 8 1 ; mais il ne faut pas s'imaginer que
nos Gouverneurs de villes & châteaux fuffent fous nos Ducs
ce qu'ils font aujourd'hui. Ce n'étoit ordinairement que des com-
miflions données pour un certain temps , pendant la guerre ou
pendant l'abfence des Ducs. Ces commifîions n'a voient d'autre
durée que celle du befoin qui les occafionnoit. Le Gouvernement
de Saint-Brieuc, qui, depuis 1667, eft dans la maifon de la Ri-
vière , vient d'y être fverpétué par la furvivance que M. le Comte
de la Rivière en obtint , en 1 766 , pour fon neveu le Vicomte de
la Rivière.
1669, Arrêt du Parlement de Bretagne, rendu entre le Sei-
gneur , le Chapitre , & le Seigneur du Bois-Boëflel , la Commu-
nauté de ville intervenant, par lequel les habitants de Saint-
s A I 179
Brieuc font confirmés dans le droit de choifir, parmi les moulins
de ces trois Seigneurs , celui qu'ils voudront. Vers 1672 , mourut
Jean-Baptifte Nouleau , né à Saint-Brieuc en 1 604 : il étoit entré
dans la Congrégation de l'Oratoire à vingt ans, & avoit été pourvu
de la Théologale de Saint-Brieuc en 1 640 : il fe livra à la pré-
dication & à la compofition de plufieurs ouvrages de fpiri-
tualité , mais l'indifcrétion de fon zèle & quelques-uns de fes
livres lui attirèrent des difgraces. Les Etats tinrent à Saint-Brieuc
en 1677, & l'Evêque Fortin de la Roquette y préfîda pour le
Clergé. Ceil fous l'Epifcopat de Marcel de Coètlogon , en 1681,
que le Roi d'Angleterre , Jacques II , vint à Saint-Brieuc. Le bon
accueil que le Prélat fit à ce Monarque malheureux , fut tel ,
que Louis XIV daigna lui en témoigner fa reconnoiffance. En
1687, les Etats s'aflemblent à Saint-Brieuc. Cette tenue eu.
célèbre par les règlements que les Etats s'y firent à e«x-
mêmes , fous le bon plaifir de Sa Majefté , & qui fervent en-
core aujourd'hui de bafe à leur adminiflration publique &: par-
ticulière.
1688. Ordonnances de Louis XIV pour l'établifTement des
Milices. Celles du diocefe de Saint-Brieuc ont fervi, avec dif-
tin6Hon , fous M. le Maréchal de Saxe & dans les dernières
guerres. Cette MiUce a quelque rapport avec l'ancienne Milice
Bourgeoife des Romains & avec celle des Communes , qui a fub-
ûûé en Bretagne jufqu'au règne de Charles VII. En 1691 , fe
fait l'établifTement de la JurifdiRion des Traites & du Siège
royal de l'Amirauté de Saint-Brieuc. En 1692 , fut donné l'Edit
de création des Maires & autres Officiers Municipaux. Ces charges
furent fupprimées en 1717^ rétablies en 1722; fupprimées de-
rechef en 1724 i & rétablies fur le pied où elles font à préfent
en 1733. Avant l'établifTement des Maires , la Communauté
étoit gouvernée par des Syndics , dont l'origine , également que
celle de la Communauté , fe perd dans l'obfcurité des temps.
On peut cependant conjefturer que ce fut vers le douzième
iîecle que les Communautés de Bretagne fe formèrent , à l'exemple
de celles de France , qui prirent nailTance dans le même fiecle.
Louis le Gros, pour mettre les habitants des villes en état defe
défendre des Seigneurs , dans ces temps de violence , leur ac-
corda une efpece de Sénat , & des Milices , qui dévoient être
prêtes à marcher aux ordres du Souverain. C'étoit rendre aux
villes un droit qu'elles avoient eu fous les Romains. Les grands
Seigneurs , & fur-tout les Ducs de Bretagne , imitèrent cet exem-
i8o S AI
pie. Tel efl le rétabliffement du droit des Communes en France
& en Bretagne.
1697. Mort d'Ange le Prous , de l'Ordre des Hermites de Saint-
Auguftin. La reconnoifTance publique a confacré fa mémoire. Sa
charité envers les pauvres le porta à inftituer une Société de Filles
pieufes pour le lervice & le rétablifTement de plufieurs Hôpitaux,
pour lors négligés. Il mit cette Société fous la proteftion de Saint
Thomas de Villeneuve , qui venoit d'être canonifé. Cette Société
s'ell répandue dans toute la Bretagne , où elle exerce , fous nos
yeux , les plus pénibles & les plus importants emplois.
1700. Le Sieur Coulon de Portalain , Tréfoner de l'Eglife
paroiffiale de Saint-Michel de Saint-Brieuc , fait abattre l'aiguille
du clocher de cette EgHfe j elle étoit , dans fon origine , une
Chapelle dédiée fous l'invocation de cet Archange. On ne fçait
point précifément quand cette Chapelle efl devenue Paroifle ;
mais il paroît que ce fut vers la fin du quinzième fiecle. La Pa-
roilTe de Saint-Brieuc , non moins ancienne que la ville même ,
n'a pas toujours été régie de la même manière. D'abord , elle
fut deffervie par des Moines , & dépendit du Monaftere que
Saint Brieuc avoit bâti. Ces Moines , devenus Chanoines , ne
perdirent pas pour cela leur qualité de Palleur j & l'Eglife du
Monaftere , devenue Cathédrale , continua d'être', comme aupa-
ravant , le Siège des fondions curiales. Juhel , Archevêque de
Tours, faifant fa vifite à Saint-Brieuc, en 1233, trouva que le
nombre des Chanoines , qui n'étoit que de douze , fuffifant à
peine pour les fondions du chœur , il étoit néceffaire de les dé-
charger des fondions curiales : c'eft pourquoi , après en avoir
conféré avec Saint Guillaume , pour lors Evêque de Saint-
Brieuc , il établit un Vicaire , avec deux Chapelains , qui
furent chargés du foin de la ParoiiTe ; mais l'exercice des fonc-
tions curiales continua de fe faire , comme auparavant , dans
la Cathédrale ; le Vicaire & les Chapelains étoient même obligés
d'y afTifler aux Heures Canoniales , lorfque leurs fonélions le leur
permettoient j &, dans l'afte de Juhel, il n'eft fait aucune men-
tion de l'Eglife de Saint-Michel. La Cure s'appelloit alors
Vicariat de Saint-Brieuc, Ce ne fut que vers la fin du quinzième
fiecle que le nombre des habitants s'étant beaucoup multiplié ,
& les fondions curiales troublant l'Office pubUc , on commença
à permettre au Vicaire & à fes Chapelains d'exercer une
partie de leurs fonèHons dans la Chapelle de Saint- Michel 5 &
c'eft ainfi que , peu à peu , cette Chapelle efl devenue Pa-
s A I i8i
roifîe. D'anciens ftatuts de ce diocefe nous apprennent que le
Vicaire perpétuel de Saint-Michel étoit tenu de donner , le jout
de Pâques , à l'Evêque & à fes Chanoines , des balles de paume
& des raquettes. Cette récréation étoit fort en ufage parmi le
Clergé : les Chanoines d'Auxerre fe la permettoient jufques
dans l'Eglife même j abus qui a été fagement réformé. Ce fut
aufîi vers la fin du même fiecle , c'ell-à-dire vers 1490, que
fut bâtie la tour de Saint-Michel. Il eft probable que l'Eglife fut re-
bâtie , ou du moins beaucoup accrue dans le même temps. La Cha-
pelle du Bois-BoëfTel , qu'on y voit aujourd'hui, eft un ouvrage du
dernier fiecle , & a été bâtie par Jehan de Bréhand , mort en
1640 ; mais elle a fuccédé à une autre beaucoup plus ancienne,
& on voit que, dès 1496, les Seigneurs du Bois-BoèlTel préfen-
toient à une Chapelle fondée en Saint-Michel. Juhel , Arche-
vêque de Tours , fit un règlement pour la réfidence des Cha-
noines : il la réduifit à fix mois, mais elle n'a pas toujours été
religieufement obfervée. Il y a d'anciens flatuts du Chapitre de la
Cathédrale , qui n'exigent que trois mois. Ces flatuts , qui fen-
toient le relâchement , furent abolis , & l'on en revint à la réfi-
dence de fix mois. M. Vivet de Montclus l'a étendue jufqu'à
neuf, & c'eft la règle d'aujourd'hui. C'ell: à cette occafion qu'un
poète Briochin a dit :
Sic Clcro injigni Vivet , pîctatis amator ,
Aurea connexlt vincula , vincla taimn.
C'eft en 1706, fous l'Epifcopat de N.... de BoifTieux , que
les Filles de la Croix furent établies à Saint-Brieuc. Les Etats
s'afTemblent , en 1709, dans cette ville. N.... de Boifîieux y
Êréfide pour le Clergé, & le Duc de Rohan pour la Noblefi^e.
n 171 1 , les Soeurs de la Charité font appeliées à Saint-Brieuc,
parle Sieur l'Abbat, Chanoine de la Cathédrale; étabhfi^cment
précieux , qu'on ne fçauroit trop favorifer & multipher. Les Etats
s'afiTemblent , en 1715 , à Saint-Brieuc. N.... de Boifiieux y pré-
fide pour le Clergé; il affifie aufïï , en 1720, aux Etats d'An-
cenis, 011 il fe montre zélé défenfcur des droits de la province,
& meurt quelques jours après la clôture des Etats, emportant
avec lui les regrets des bons patriotes. La Communauté de
Saint-Brieuc fait une penfion de trois cents livres à M. Jacques
Concri , Doftcur en Médecine. Cette penfion , augmentée de cent
livres, fut continuée à fonfils , aufli Dofteur-Médecin ; &, après fa
mort, elle ell pafTée à M. Cartel. N... Lenduger, célèbre MifFion-
i8i S AI
naire , Chanoine & Scholaftique de l'Eglife Cathédrale de
Saint-Brieuc , & auteur d'un Livre intitulé , Bouquet de la Mif-
fion, mourut en 1722. Les Etats s'affemblerent à Saint-Brieuc
en 1724, 1726, & 1729. A^cette dernière époque, furent conftruits
les ponts du Légué & de Saint- Barthelemi. Le nouveau pont
de Gouedic fut fait Tan 1744. Le Sieur Vittu de Querfain eft
inftallé, en 1734 , Maire ancien , Mi-triennal en titre de la ville-
de Saint-Brieuc , & fes provifions font enrégillrées.
Dès 1609, le Collège fut fixé dans l'endroit où il eft aujour-
d'hui. La Communauté de ville avoit eu intention de le placer
dans la rue Saint-Pierre, & avoit acheté, pour cela, une mai-
-fon qui y étoit fituée , avec des terres en dépendantes. Ayant
changé d'avis , elle revendit cette maifon à Jean de Bréhand , Vi-
comte de Lille j &, en 1609, elle acheta celle où fe tient le
Collège, & où il fe tenoit dès-lors, pour la fomme de mille
huit cents quatre - vingt-dix livres. Les bâtiments ont reçu depuis
différents accroiffements. La Chapelle & le grand bâtiment qui
raccompagne furent commencés en 1739. La Communauté fournit ,
pour la confeftion de cet édifice, une fomme de trois mille
livres. Il n'eut point d'abord de Profeffeur de Théologie. Cet
établiffement eft dû à N... de la Vieuxville , Evêque de Saint-
Brieuc i & celui du Second Régent de Philofophie , à N... de
Montclus. Le ton des bonnes études, le mérite , & les talents de
ceux qui y préfident , rendent ce Collège un des plus célèbres de
la province. En 1740, l'illuftre Pape Benoît XIV donna la
Bulle qui établit le concours. En 1742, la Cour rendit, furies
conclufions du Procureur général , un Arrêt , qui ordonne que le
Général de la Paroifîe de Saint-Michel demeurera détaché de
la Communauté de ville. En 1743 , le Sieur Vittu de Querault
f\it inftallé Avocat du Roi de la Communauté de Saint-Brieuc.
La finance eft de douze cents trente livres , & les gages de
trente fix livres. Lettres-patentes du Roi , enrégiftrées au Parle-
ment de Bretagne , qui confirment le Chapitre de la Cathédrale
de Saint-Brieuc dans le droit qu'il a de jouir des dîmes de FE-
vêché pendant la vacance du Siège, parce qu'il demeurera
chargé lui feul des réparations & ornements de l'Eglife Cathé-
drale. En 1746, le Sieur Buegni fut reçu & inftallé en la charge
de Lieutenant de Roi de Saint-Brieuc : la finance étoit de fix
mille neuf cents dix-huit livres quinze fols. La même année , le
Confeil rendit un Arrêt , par lequel il eft ordonné que le Mifeur
de la Communauté de Saint-Brieuc aura rang, féance,& voix
s A I 18}
délibérative , Immédiatement après le Maire , dans les affemblées
de la Communauté , & prendra place, immédiatement après lui,
dans les alTemblées publiques. Arrêt de la Cour , portant règle-
ment pour la Paroiffe de Saint-Michel de Saint-Brieuc. M. le
Duc de Penthievre , qui , fur la nouvelle de la defcente des
Anglais à l'Orient , étoit accouru au fecours de la province , fait
fa première entrée dans la ville de Saint-Brieuc , & eft reçu ,
en grande folemnité , Chanoine honoraire dans l'Eglife Cathédrale.
Plufieurs Seigneurs de France jouiflent du même titre dans dif-
férentes Eglifes du Royaume. Nos Rois font Chanoines -nés
d'Angers , d'Auxerre , de Tours , de Lyon , &c. C'étoit autre-
fois une dévotion à la mode , & plufieurs Seigneurs fe faifoient
un honneur d'aflifter, en cette qualité, & revêtus d'habits ec-
cléfîailiques , aux Offices divins. Le pieux & fçavant Roi Robert,
fils de Hugues-Capet , ne manquoit jamais , aux jours de grandes
fêtes , d'amrter à l'Office , revêtu d'une chape précieufe , & d'y
chanter avec les Chantres , la couronne fur la tête & le fceptre
à la main. Ces Canonicats , ou Prébendes , dont les Laïques
jouilTent en différentes EgUfes , ne font point de vrais Bénéfices :
ce font des efpeces de preflimonies que les Eglifes accordent
en reconnoiffance des biens ou de la prote6lion qu'elles ont
reçus , ou bien , ce font des droits que ces mêmes Seigneurs fe
font réfervés en les fondant.
1748. Arrêt du Parlement de Bretagne , portant règlement
fur le droit de minage en la ville de Saint-Brieuc. Ce droit eft
de deux onces par boiffeau de bled expofé en vente au mar-
ché pubhc. Procès- verbal des Juges de Saint-Brieuc , qui donne
pour apuré que le boiffeau pubHc de cette ville contient feize
pots, mefure de Chapitre , qui fe trouvèrent pour lors pefer
quarante livres fix onces & un feizieme d'once. Arrêt di*
Confeil , qui réunit aux Communautés de ville les Offices
municipaux non-aHénés. Les Offices réunis à la Commu-
nauté de ville de Saint-Brieuc, font, 1°. une des charges de
Maire i 2°. celle du Procureur du Roi Syndic ; 3°. celles de deux
Lieutenants de Maire, de quatre Echevins, de quatre Afrefleurs,
de deux Secrétaires-Greffiers , & de deux Contrôleurs du Greffe.
Les Offices aliénés font , i °. une des charges de Maire ; 2^. celle
d'Avocat du Roi; 3". celles de deux Contrôleurs Se de deux
Receveurs des octrois. La Communauté de Saint-Brieuc eft au-
jourd'hui compofée de quatre Ordres de déhbérants ; 1°. des
Officiers municipaux ci-deffus en exercice ; i"^, des anciens
i84 S AI
Officiers municipaux ; 3®. des premiers Capitaines des fept
Compagnies de Milice Bourgeoife j 4°. de quatre Habitants
notables élus par la Communauté , conformément aux ordres de
M. le Duc de Penthievre , enrégiilrés au Greffe de cette ville
les 23 Avril & 24 Mai 1756. Les Offices non-aliénés font à
la nomination de la Communauté j refte précieux de l'ancienne
liberté des éleftions.
En 1750, furent données des lettres-patentes , confirmatives de
rétabliiît ment de l'Hôpital de cette ville , fous le titre d Hôtel-
Dieu Royal , pour jouir des privilèges attachés à ce titre , lef-
dites lettres enrégiftrées au Parlement le 6 Mars 175 1. Le foin
de cet Hôpital fut confié aux Filles de Saint-Thomas -de -Ville-
neuve , en 1666:, mais il exiiloit auparavant; &, dès 1620,
la Communauté de Saint-Brieuc étoit en poffeffion d'en nommer
l'Adminilîrateur , comme il paroît par une fentence de la Ju-
rifdiftion royale de Saint-Brieuc , de la même année , qui dé-
boute le Sieur Dutertre - Clavier de fon excufe d'accepter la
charge d'Adminiftrateur de l'Hôpital de la Magdeleine , à la-
quelle il avoir été nommé, pour un an , par la Communauté
de ville. Cet Hôpital a , peut-être , fuccédé à un autre plus
ancien, qui tomboit en ruines, appelle de S aint- Antoine , &
que le Duc Pierre II donna, en 1453, aux Pères Cordèliers ,
pour y bâtir un Couvent ; donation qui fut confirmée par le
Duc Artur , en 1457. La tradition nous apprend qu'il y avoit
encore un autre petit Hôpital , ou Hofpice , proche Saint-Brieuc.
Cet Hôpital joignoit la Chapelle de Goëdic, à Tentrée de la
ville. La Chapelle de Goëdic ou Goadic avoit été fondée en
1337, & elle fut réunie, par une Bulle de Jules II, à la Pa-
roiffe de Ceffon , en 1509. Autres lettres-patentes, qui permet-
tent à la Communauté de Saint-Brieuc de lever , pendant vingt
ans, les oftrois, tant anciens & nouveaux que par augmenta-
tion , confiftant en deux fols par pot de vin , neuf deniers par
pot de cidre, huit deniers par pot de bière, & trois deniers
par pot d'eau-dè-vie , qui fe vendent en détail dans la ville ,
fauxbourgs , & quarts de Heue aux environs de Saint-Brieuc.
Ces oftrois ont fucceffivement augmenté. Sous Henri IV , en
1 603 , ils n'étoient encore que d'un fol par pot de vin , & trois
deniers par pot de cidre ou de bière. Le bail de 1750 eft de
quinze mille fix cents livres.
1751. Réédification de la façade de THôtel de Ville de Saint-
Brieuc Cet Hôtel confifle en plufieurs corps de logis, qui ont
été
\
s A I 185
été achetés à différentes reprifes. La première partie vers le four
Pohel , confiftant en deux corps de logis , l'un au devant fur la place
du Pilori , l'autre au derrière avec un jardin , a été achetée ,
en 1609, pour la fomme de quatre mille livres: &: la féconde
partie , qui regarde l'hôtel du Samt-Efprit , pour celle de cinq mille
cinq cents Hvres. La Communauté de Ville s'afîémbloit , aux années
1608 & 1609, dans la Chapelle de Saint-Gilles. En parlant des
acquittions faites par la ville de Saint-Brieuc , il ne faut pas
oubher de parler de fes canons : la manière dont les Briochins
les ont acquis eft trop honorable pour qu'il n'en foit pas fait
mention dans cet article. Voici le fait : La France étoit en
guerre avec l'Allemagne & la Hollande , en 1675 j une frégate
Oilendaife , pourfuivant un vaiileau marchand de l'Evêché de
Vannes , vint échouer fur la grève de Plerin. Les Milices de
Plerin , commandées par les Sieurs Gauthrot & Ruffelet ; celles
de Saint-Brieuc , aux ordres du Sieur de Kerfïchard , fe mettent
aulîi-tôt en marche, & viennent l'attaquer. Les Oflendais font la
plus vigoureufe réfiftance j les Milices montent à l'abordage,
malgré le feu des ennemis, & les obligent enfin à fe rendre.
Telle eft l'hilloire de la conquête des canons de Saint-Brieuc ,
dont le Roi voulut bien faire préfent à la Ville ; récompenfe mi-
litaire bien honorable aux Briochins. La Ville avoir déjà deux
canons ; elle en a huit aujourd'hui , dont deux font hors de
fcrvice.
En 1754, fe fit l'inflallation du Sieur Souveftre de la Villemain
en la charge de Confeiller du Roi , Maire ancien en titre &
^i-triennal de la ville de Saint-Brieuc. Par Edit de 1733 , con-
firmatif de celui de 1706, il avoit été créé dans toutes les
Communautés de Bretagne deux charges de Maire, Tun ancien,
l'autre alternatif. La charge de Maire ancien a été levée par
M. de la Villemain : celle de Maire alternatif eft demeurée
réunie au Corps de la Communauté , qui a droit d'y éhre. Les
Ecoles Chrétiennes avoient été fondées dès 1 746 , dans la ville
de Saint-Brieuc, par M. du Pleflis de Querfaliou , Chanoine &
Doyen de l'EgHfe Cathédrale , pour enfeigner gratuitement aux
pauvres de la ville , fauxbourgs , & dépendances d'icelle, à lire,
écrire, l'arithmétique, Se le catéchifme. En 1757, le Comte
de la Rivière , Gouverneur de Saint-Brieuc , eft reçu , par le
Roi , Capitaine-Lieutenant des Moufquetaires noirs , à la place du
Marquis de Montboiflier.
1758. Le 13 Janvier, le Juge des Régaires de Saint-Brieuc
Tome JV, A 2
i8é S AI
rend une Sentence pour la pancarte des droits de coutume &
entrées que l'Evêque prétendoit lui être dus , aux fins d'aveu &
d'inféodations , & en vertu dune polî'efTion immémoriale. En 1771,
le Confeil rend un Arrêt qui adjuge la provifion feulement à
l'Evêque. La même année 1758, combat à Saint-Caft , où les
Anglais font vaincus. Les Etats afTemblés à Saint -Brieuc font
frapper une médaille , pour conferver la mémoire de cet événe-
ment. Cette médaille préfente , d'un côté , l'effigie du Roi j de
l'autre , on voit la Bretagne , fous l'emblème d'une femme , avec
une ép'ée , & les troupes qui avoient com>battu pour fa défenfe ,
fous celui' d'un guerrier, la foudre à la main. Chacune de ces
figures élevé & paroît vouloir attacher un bouclier à un
palmier. On lit fur celui préfenté par la femme , vinus duàs &
militum j & fur l'autre , foutenu par le foldat , vlrtus nobilitads &
populi armorici. M. le Duc d'Aiguillon préfide à ces Etats , célè-
bres par l'acquifition qu'y fit la province des domaines , con-
trôles , fiancs-fiefs , impôts , billots , & autres droits , pour la
fomme de quarante millions. MM. l'Evêque de Saint-Brieuc &
le Duc d'Aiguillon mettent la première pierre au quai du Légué,
avec cette infcription :
Régnante Ludovlco XV,
aufpicibus
Armando Rkhelio ab Aiguilloîiio Duce ,
AngLici exercitûs in Caftrenfi ripa viclore ',
illuflrijjimo Prœfule & Domino
H, iV. Thepault du Breignon ;
adniteiite
gênerai, provincice Comitiorum munificentiâ^
cxtruBa moles ^
marltimi Gommerai prœfidium ^
Briocenjis ponûs tutamcn & omamentum :
pofuêre
Armandus Richelius ab Aiguillonio Dux ^
Britannicc vindex ;
Herveus - Nicolaus Thepault du Breignon ,
Prcefulurbis ^ Dominus & pater:
M. DCC LVIIL
Vers 1760, mourut un célèbre Wrateur Briochin : c'eil le
Père Pleffe , fort diflingué chez les Jéfuites , dont il avoit em-
s A I 187
brafTé l'inflitut. Il étoit affocié au Père Bertier dans la compofî-
tion du journal de Trévoux. En 1762, le Parlement ordonna par
un Arrêt, que les héritiers du feu Abbé des Bois ne feroient
tenus qu'aux réparations ulufruitieres & locatives de la maifon
Prébendale que cet Abbé occupoit, & que le Chapitre feroit
les grofles réparations abfolument néceflaires. Cet Arrêt fut con-
firmé par un autre du Confeil d'Etat privé , du 2 5 Avril 1 768.
Par un accommodement pollérieur fait entre le Chapitre & l'Evê-
que , toutes les maifons Prébendales ont été réunies au Chapitre ,
excepté celle qui joint le Palais épifcopal auquel elle a été
annexée ; & il a été créé fur ces maifons un certain nombre
de penfions , qui ne pourront être données qu'à des Chanoines ,
mais dont la préfentation a été réfervée à l'Evêque , pour le
dédommager de celle des maifons qu'il avoir auparavant : ledit
accommodement pour avoir Heu à la mort des Chanoines qui
pofledent aujourdhui ces maifons.
1765. Mort du Marquis de Bréhand , Maréchal de Camp &
Infpefteur général d'Infanterie , Seigneur d'une partie de la Pa-
roifle de Saint-Michel de Saint - Brieuc. Ce Gentilhomme n'a
laifle qu'une fille , mariée au Comte de Maillé , de l'illuftre
famille de ce nom , qui , par ce mariage , eft devenu proprié-
taire de la Terre du Bois-Boëilel. Selon quelques-uns, cette Terre
étoit l'ancien féjour du Comte Rigual ou Rivalon , qui accueillit
fi gracieufement Saint-Brieuc ; mais , comme il n'en donne point
de preuves , il cil permis d'en douter. C'ell à caufe de cette
Terre que les Seigneurs de Bréhand ont prétendu être les Vi-
dâmes de l'Evêché de Saint-Brieuc ; qualité abfolument inconnue
en Bretagne , & qui confifioit à défendre l'Eghfe contre fes en-
nemis , & à conduire à l'armée les Milices dont les Evêques
étoient autrefois tenus envers l'Etat. Les Evêques leur contelfent
cette qualité, & ne leur accordent que celle d'Ecuyer, ou de
Sergent féodé. Ces Sergenteries féodées étoient autrefois très-
confidérables. Les Seigneurs de Quintin , de Matignon , de la
Hunaudaie , étoient Sergents féodés du Duché ; celui de Molac
rétoit de la Vicomte de Kohan. Pour fe former une idée de
la charge d'Ecuyer, par rapport aux Evêques de Saint-Brieuc,
il faut fe tappeller quelques-unes des cérémonies qui fe prati-
quoient anciennement à leur entrée ; cérémonies ridicules , il elt
vrai , m:Ji qui fondent encore aujourd'hui quelques prétentions.
Au jour marqué pour l'entrée de l'Evêque , le Seigneur du Bois-
BoëfTel alloit le recevoir à la porte de la ville , & là oa
i88 S A I
préfentoit au Prélat une haquenée richement caparaçonnée j le
Seigneur du Bois-Boëffel , en qualité d'Ecuyer féodé , tenoit
rétrier tandis que l'Evêque montoit fur cette haquenée , & la
conduifoit enfuite par la bride jufqu'au Palais épifcopal. Lorfque
le Prélat étoit defcendu , il prétendoit que la haquenée devoit
lui appartenir. Dans le feftin de cérémonie qui fuivoit cette en-
trée , le Gentilhomme qui avoit le titre de Maître-d'Hôtel féodé
de l'Evêque , lui donnoit à laver avant qu'il fe mît à table -, il
lui verfoit à boire pendant le repas , & il prétendoit avoir pour
cela l'aiguiere , la ferviette , la coupe d'or ou d'argent dans la-
quelle le Prélat avoit bu , & ce qui reftoit de viande dans le
grand plat , pour en manger ce qu'il voudroit -, le relie il devoit
le donner au Maréchal ferrant : celui-ci , après en avoir mangé
aufli autant qu'il vouloit , alloit aux priions de l'Evêque inviter
les prifonniers à faire bonne chère de ce qui reftoit ; le Maréchal
ferrant étoit obHgé de ferrer la haquenée -, le Maître - d'Hôtel
étoit tenu , & cette obhgation fubfifle encore aujourd'hui , de
donner les hautbois , mufettes , & violons, avec un jambon , le
jour du mardi-gras de chaque année , fur la place du Martrai
à Saint-Brieuc ; & tous les Cabaretiers de la ville font obhgés
d'apporter à la table, du jambon, un pot de vin ou de telle
autre boilTon qu'ils débitent. Ce droit eft attaché à la Terre de
l'Epineguen; & celui du Maréchal ferrant à une maifon fîtuée
rue Clinquaine. Au refte , les Seigneurs du Bois-BoëfTel pré-
tendent encore au droit de haquenée à l'entrée de chaque Evê-
que , fans aucun fervice de quelque efpece que ce foit. Les pré-
tentions refpeftives des Prélats & de ces Seigneurs, ont occafionné
un procès dont j'ignore la décifion ; peut-être n'eft-il pas en-
core terminé.
Par Déclaration du Roi, Sa Majefté a décidé qu'il ne feroit
à l'avenir pourvu qu'à vie aux Offices de Gouverneurs & de
Lieutenants de Roi, créés par l'Edit de 1733, & que l'emploi
des gages ou appointements, qui feroient réglés fuivant leurs fi-
nances , feroit fait dans les états de l'Ordmaire des Guerres.
En 1767 , le Confeil rendit un Arrêt, qui ordonne que le Comte
de la Rivière , Gouverneur de Saint-Brieuc , continuera de jouir
des logements qu'il occupe aftuellement dans l'Hôtel commun
de cette ville , en la même forme & manière qu'il en a joui
jufqu'à préfent ; veut & ordonne en outre , Sa Majeflé , que ledit
Cotr.te de la Rivière continue à jouir de fix cents livres en ef-
peces , payables , par chacun an , par la Communauté de Saint-
s AI 189
Brîeuc , fuivant l'Arrêt du Confeil du 1 8 Juillet 1 68 1 . On voit par
ce dernier Arrêt , qu'en cette même année les charges ordinaires de
la Communauté de Saint- Brieuc ne montoient qu'à deux mille huit
cents quarante-deux livres , non compris cependant le fol pour
livre du prix des baux des oftrois dus au Mifeur. Ces charges
ont augmenté depuis confidérablement , puifqu'elles montent à
près de fept mille livres.
M. Ogier , Préhdent honoraire au Parlement de Paris, eft
nommé par le Roi, en 1768, pour tenir les États extraordinai-
ment convoqués dans la ville de Saint-Brieuc : ils fe tiennent
encore dans cette ville dans le courant de la même année j
c'eft la quatorzième fois qu'ils s'y aflemblent depuis 1567. Ces
deux dernières tenues font des plus célèbres, & fournilTent des
preuves éclatantes de l'amour des Bretons pour leurs Rois.
C'eft aux foins de M. Bagot , Do6leur-Médecin &: ancien Maire
de Saint-Brieuc , que cette ville doit la reconnoifTance d'une
bonne adminiil:ration. C'efI: par fa vigilance que le port du Légué ,
près Saint-Brieuc , a été mis en état de recevoir des vaifTeaux
d'un certain rang : il a facilité l'entrée du port en faifant
faire une faignée dans le canal. Ce canal feroit encore fufcep-
tible d'accroilfement , il fuffiroit de déblayer le ht de la rivière :
à ce moyen , deux navires pourroient entrer enfemble , fans être
expofés à s'aborder & à briiér leurs manœuvres j ce qui eu pour-
tant arrivé , eu égard à la pofition trop étroite du canal , 6c
occafionna une avarie Se un procès. Au furplus , la dépenfe à
faire ne feroit pas excefiive ; pour l'agrément & commodité
du port , on pourroit faire un quai femblable à celui d'Aurai , du
côté de la ville , en face de la côte de Plerin. Cette ville ob-
tint, en 1776, un Arrêt du Confeil, qui lui accorde la fran-
chife de fon port & la hberté d'armer pour les Ifles & Colonies
Françaifes, en conformité des lettres -patentes du mois d'Avril
171 7. C'eft encore à M. Bagot que l'obligation en eu. due,
également que de l'établifTement du Bureau de la marque aux
toiles. Rien n'égale le zèle que M. Bagot montra pendant fa
Mairie.
Des Négociants Briochins ont déjà envoyé des toiles à Cadix,
& leur navire avoit un chargement complet. Lorfque les fpécu-
lateurs auront combiné les avantages de la diminution des frais
pour le tranlport des toiles de Bretagne & la fureté du port du
Légué , il elt certain qu'on accordera la préférence à ce port fur
celui de Saint-Malo. Deux raifons concourent pour le décider
1^0 s A I
ainfî : la première , eft la facilité d'y tranfporter les toiles de
Quintin , Uzel , &: ailleurs , d'être près de fon domicile , &
d'être à l'abri des dangers du pafTage de Dinard à Saint-Malo,
paflage très-périlleux : la féconde , c'ell que le port du Légué
efl à l'abri des mauvais temps , étant placé entre deux mon-
tagnes j au lieu qu'à Saint-Malo un navire qui fait un charge-
ment de toiles , refte fouvent deux & trois mois dans la Rance y
expofé à des coups de vent fi violents par fois, qu'un navire,
tendu à quatre amarres, n'en chalTe pas moins fur l'arriére &
fait de l'eau. Tout le monde fçait l'événement arrivé aux navires
le Grelot ôc le Condé -, & il n'ell aucun Négociant qui ne con-
noiffe le danger d'expofer un chargement de toiks à être mouillées,
comme le furent celles de ces deux navires. Il feroit utile d'éta-
blir un Confulat à Saint-Brieuc. Ce Tribunal feroit plus com-
mode que d'aller à Saint-Malo chercher une juftice très-éloignée,
& rendue par des Juges plus inftruits de la navigation que des loix»
Le Chapitre de la Cathédrale de Saint-Brieuc obtint , au mois de
Juin 1778, des lettres-patentes, par lefquelles Sa Majefté con-
firme aux impétrants le droit de jouir , pendant la vacance en
régale du Siège épifcopal de Saint-Brieuc , des dixmes & revenus
fpirituels de l'Evêché , comme il en jouilToit de temps immé-
morial , fuivant les conftitutions des Ducs de Bretagne & depuis
la réunion de cette province à la Couronne. Ces lettres-patentes
ont été enrégiftrées au Greffe du Parlement le 17 Août 1778,
à la Chambre des Comptes le 15 Septembre ;, au Greffe de la
Généralité des Finances ie 22 Septembre, & au Siège royal de
Saint-Brieuc le 10 Oftobre , fur les conclufions de M. Befné de
la Hauteville , ancien Avocat au Parlement , comme Subftitut de
M. le Procureur générai. Le premier titre produit par le Cha-
pitre, eft de 1424. Ce droit fut confirmé alors par le Duc Jean
IIL Les autres titres , qui juftifient le droit & la poffeffion du
Chapitre, font des années 1525, 1 596 , 1618 , 1653 , 1654,
1705, 17C6, 1707, 1727, & 1745. Ce droit de régale eit
l'unique dont les Chapitres du Royaume jouiffent.
Catalogue Historique des Evêques de Saint-Brieuc^
On ignore , comme on l'a déjà dit , le temps précis de la vie
de Saint Brieuc. Il naquit en Angleterre : on ne fçait dans quel
canton. Il fonda, dans fa patrie, un Monaftere , qu'il fut forcé
d'abandonner , pour fe dérober aux ravages des Piftes & des
Saxons. Il fe réfugia en Bretagne , & fut gracieufement accueilli
s A I 191
du Comte Rigual ou Rivalon, fon parent, qui lui donna un
terrein où il bâtit un Monaftere. L'abftinence , le travail des
mains, l'éloignement du monde , & le chant des Pfeaumes ,
faifoient Toccupation & la règle monaflique de ces pieux So-
litaires. Saint Brieuc étoit Evêque : l'infcription trouvée fur fa
châfTe le prouve clairement j mais il ne fut point reconnu fous
cette qualité en Bretagne , fi ce n'efl: fous le titre A' Evêque
régionnaire. Tous les hiftoriens s'accordent à dire que le Siège
épifcopal de Saint-Brieuc ne fut érigé que vers l'an 848 , par
Nominoé , Roi de Bretagne , qui , en même temps , créa un
Archevêché à Dol & un Evêché à Tréguier. Clutwoyon fut
le premier Evêque en titre , nommé par le Prince , en 848
ou 849.
Garrubrius lui fuccéda. Le Concile de Toul en fait mention.
On ne fçait point quels furent fes fuccefTeurs jufqu'en 990.
Peut-être n'en eut-il aucun , dans ces temps de défolation où les
Normands firent fentir leur férocité à Saint-Brieuc comme ail-
leurs. C'efl: vers 860 qu'on croit que le corps de Saint Brieuc
fut tranfporté à Angers.
Rocladus ou Roaldus fut élu en 990 , félon une charte de
Saint-Michel.
Adam , fon fuccefTeur , foufcrivit à la fondation de Saint-
Georges de Rennes , vers 1030.
Hamon , élu en 1069 , mourut, félon Lobineau , en 1088. Les
CommifTaires du Pape tinrent un Concile à Saint-Brieuc , fous
fon Epifcopat , au fujet des prétentions des EgUfes de Dol &
de Tours pour le titre de Métropole.
Guillaume I, en 1088, foufcrivit à l'afte de la donation de
la ComtelTe de Porhoët, en fiiveur de Sainte-Croix de JofFelin,
& fonda un anniverfaire dans fa cathédrale.
Etienne, nommé en 1095 , , mourut quelques années après.
Guillaume 11, dit le Bej'cheux , mourut vers 1106.
Jean , élu en 1 1 09 , aiîiila aux Conciles de Latran en ii\6 ,
de de Rheims en 1131. 11 ordonna de faire des cimetières, &
défendit d'enterrer déformais les corps auprès des croix placées
fur les grands chemins ; il ratifia les donations faites à Saint-Flo*
rent de Saumur , & lui donna les Eglifes de Planguenoual & de
Bréhand : la dernière appartenoit, à titre d'héritage, à des Laï-
ques, qui s'en démirent entre les mains de leur Evêque. Geoffroi
le Roux, Archevêque de Dol , tint, fous fon Epifcopat , à Saint-
Brieuc , un Concile , dans lequel on termina les différents furvenus
191 s A I
entre des particuliers & les Moines de Saint -Melaine , au
fujet de l'ifle de Bréhand.
Rolland fut facré par le Pape, à condition de reconnoître
l'Archevêque de Dol. Il eft fait mention de ce Prélat dans deux
chartes de Marmoutier , où il eft dit qu André , Evêque de Saint-
Brieuc en 1255 , confirma ce qu avoir fait autrefois l'Evê-
que Rolland , fon prédéceffeur.
Robert lui fuccéda. Albert de Morlaix & jM. l'Abbé Ruffelet
le donnent pour fuccefleur à Guillaume I : j'ai préféré le fen-
timent de Martene , qui dit qu'il fut ordonné par Geoffroi ,
Evêque de Dol, en 11 30.
Jofcius ou Jofthon, en 1151 , fut transféré à Tours en 11 57.
Judicaël mourut en 1161. La chronique de Nantes en parle
svec eloffe.
Olivier du Teillai, de Tilli , ou du Rillet, lui fuccéda.
Geoffroi , élu en 1 1 63 , affifta au troifieme Concile de La-
tran, en 1179.
Pregent, élu en 11 80, mourut l'an 1192.
Geoffroi Hernon , Evêque de Saint-Brieuc , dédia l'Eglife de
Notre-Dame de Lamballe , en 1200.
Joffelin, qui lui fuccéda vers 1202, mourut en 1206.
Guillaume III ne fit que paroître fur le Siège.
Pierre, élu en 1207, obtint , en 1210, de l'Abbé de Saint-
Serge d'Angers , une partie des Reliques de Saint Brieuc.
Sylveftre , élu en 1213 , mourut en 1220.
Guillaume IV , dit Pinchon , d'une famille noble du diocefe de
Saint-Brieuc , fut d'abord Chanoine de Saint-Gatien de Tours.
Elevé fur le Siège épifcopal de Saint-Brieuc, en 1220, il dé-
fendit avec zèle les droits de l'Epifcopat contre les prétentions
de Pierre de Dreux. Obligé de fe retirer à Poitiers , pour éviter
les effets de la colère du Prince , il y fit , pendant quelque
temps, les fondions de Coadjuteur de l'Evêque diocéfam , qui
étoit infirme. De retour en fon diocefe , il entreprit de bâtir fon
Eglife , qui tomboit en ruines. Il ne put l'achever , ayant été fur-
pris par la mort au mois de Juillet 1234. Les miracles nombreux
qui éclatèrent fur fon tombeau , engagèrent Innocent III à le
canonifer treize ans après fa mort. Les offrandes des Fidèles
fournirent de quoi achever l'Eglife qu'il avoit commencée. Ainfi
s'accomplit , dit M. l'Abbé Ruffelet , la prédiftion qu'il a voit
faite, que, mon ou vij\ il bàtiroit fon Eglife, Après la mort ^ de
Saint Guillaume , le Chapitre, affemblé , nomma Nicolas, Maître
^ des
s A I 193
des Ecoles , ou Théologal de l'Eglife de Saint- Brieuc ; mais
réle6lion fut trouvée défeftueufe & déclarée nulle. Il s'afîembla
une féconde fois , Se nomma Alain , Tréforier de l'Eglife de
Vannes & Chanoine de celle de Saint -Brieuc. Cette élection
eut le fort de la première ; & l'Archevêque ufa de fon droit
en nommant lui-même l'Evêque.
Philippe, nommé & facré, en 1234 , par l'Archevêque de
Tours, acheva, par le moyen des offrandes des Fidèles, l'EgUfe
que fon prédécefleur avoit commencée ; ceiie Eglife ell: d'une
architefture gothique , comme toutes nos anciennes Cathédrales
mais d'un gothique qui n'ell pas dépourvu de beautés.
Jean II étoit Evêque de Saint-Brieuc en 1247.
André , en 1251 , écrivit , en 1255 , à .Pierre de Lam-
balle , Archevêque de Tours.
Raoul, en 1257, fut envoyé en ambaffade en Angleterre
ôc mourut en 1259, ou fut transféré ailleurs.
Simon, en 1260, s'excufa auprès de l'Archevêque de Tours
de n'avoir pu affifler au facre de l'élu de Nantes, en 116}, Se
de celui de Saint-Malo , en 1 264 : il mourut en 1 270. Quelques-
uns lui donnent pour fucceffeur un Thébaud de Pouencé , qui
ne fut jamais Evêque de Saint-Brieuc , mais de Dol.
Pierre de Vannes, élu en 1271 , fut choifî par Jean le Roux,
Duc de Bretagne, pour un de fes exécuteurs teftamentaires.
Alain de Lamballe , défigné en 1290, mourut en 1297.
Guillaume V, dit Gueguen ^ élu en 1297, affifta au Concile
de Rome, en 1302, & fit beaucoup de bien à fon Eglife.
Geoffroi , élu en 1303, mourut en 131 1.
Louis d'Avaugour , fon fucceffeur , a été omis par la plupart
des hifloriens : il mourut en 1320, & fut enterré chez les Cor-
deliers de Guingamp.
Jean III, fils de Henri d'Avaugour, Comte de Goélo , Se de
Marie de Brienne, élu vers 1320 , fut transféré à Dol vers 1327.
Matthieu , élu en 1328, a été omis par prefque tous les
hifiioriens.
Raoul Defcar ou de la F'eche , élu en 1334, mourut en
I335-.
Gui de Montfort , élu, confirmé, & facré, en 133 5, mourut
en 1359 : on lui attribue la fondation de la Chapellenie de
Montibrt.
Hugues de Montrelais , d'une famille noble de Bretagne, fut
fuccellivement Chantre, Doyen, Archidiacre, élu de Nantes,
To.-'c IV, B 2
^94 S A I
puis Evêque de Trégmer , d'où il fut transféré à Saînt-Brieuc. Il
fuivit le parti du Comte de Blois , Se affifta , en qualité de Plé-
nipotentiaire de la Comtefle , fa veuve , au traité de Guérande.
Son attachement à la maifon de Penthievre ne le rendit point
fufpeft à Jean le Conquérant , qui l'éleva à la dignité de Chan-
celier de Bretagne j place importante , où il fervit utilement
fon Prince. Il donna des preuves de fon zèle & de fa capa-
cité, lors de l'hommage rendu par le Duc Jean IV au Roi
Charles V. Il foutmt ôc prouva iî bien que cet hommage' ne
devoit point être lige , qu'on fe détermina à le recevoir tel qu'on
le voudroit rendre. Cependant , ennuyé de vivre dans un pays
fans ceffe bouleverfé par des faftions & des guerres , il fe retira
à Avignon. Grégoire IX , connoiffant fon mérite , le revêtit de
la pourpre, en 1375, & lui donna l'Evêché de Sabine j il prit
Je titre de Cardmal de Bretagne.
Robert , fait Evêque de Saint-Brieuc , fur la démifîion de fon
prédéceiTeur , a été omis par plufieurs hiftoriens.
Geoffroi de Rohan , ci-devant Evêque de Vannes , admis par
les uns , rejette par d'autres. Albert lui donne pour fuccelTeur un
Alain de la P.ue , qui eft fuppofé.
Laurent de Faye , Maître des Requêtes de l'Hôtel du Roi
Charles V, élu en 1376, fut transféré à Avranches en 1379.
Albert place ici Thébaud de Maleftroit , qui n'a jamais été Evê-
que de Saint-Brieuc , mais de Tréguier & de Quimper.
Guillaume VI, en 1379, ratifia le traité de Guérande, &
mourut en 1385.
Guillaume Angers VII du nom , fils de Thibaud , Seigneur
du Plcffis- Angers , & de Marguerite de Chateaubriand, mourut
en 1404.
Etienne Cœuvret , fon fuccefiTeur , fut transféré à Dol au
commencement de 1405. ^ r^ >
Jean de Maleflroit , en 1405 » '^^'^ nommé, par le Conné-
table Olivier de Clifion , pour un de fes exécuteurs tellamen-
taires. Il fut transféré à Nantes en 141 9. C'efi: lui qui donna
au Chapitre de Saint-Brieuc la Terre de Brie, au diocefe de
Rennes. Il aflifia , par Procureur , au Concile de Pife.
Alain de la Rue, Chanoine de Nantes, Dofteur en Droit,
Evêque de Saint-Brieuc en 1419? mourut en 1424.
Guillaume VIII , dit Bnllet , natif de Vitré , recommandable
par fa piété & la douceur de fon caraftere , fut pourvu de l'Evêché
de Sàint-Brieuc en 1 424 , & fut transféré , la même année , à Rennes,
SAI Î95
Guillaume IX, dit Eder^ Doyen de l'Eglife de Nantes, fuc-
ceffeur du précédent , affilta , en 1 43 1 , au Concile de Nantes.
Son teftament nous refte : il eft du 4 Décembre 1431. Après
fa mort , le Chapitre élut Guillaume de Maleftroit , qui ne fut
pomt agréé du Duc.
Hervé Uguet, élu par l'autorité du Duc en 1431, eut de
grandes conteftations avec les Moines de Beauport. Le Pape
nomma le Doyen de Liège pour connoître de cette affaire. II
paroît que le jugement ne fut pas favorable à l'Evêque. Cétoit
alors le règne des Moines.
Olivier du TiUai fut transféré , par le Pape Eugène IV , de
l'Evêché de Léon à celui de Saint-Brieuc , en 1435. Pierre de
Laval, qu'Albert fait Evêque en 1440, eft fuppoié.
Jean l'Epervier , en 1439, sffifta en perfonne au couronne-
ment du Duc François l-, à l'hommage que ce Prince rendit au Roi
Charles VII ; & , par Procureur , au Concile d'Angers , en
1448.
Jean Prigent fut tt-ahsféré de Saint-Pol-de-Léon à Saint-Brieuc^"
en 1450. Cette tranflation ne fut point approuvée du Pape, qui
nomma à cet Evêché Jacques Peurel de Penhoëdic j ce qui
occafionna un long procès entre les deux prétendants. Jacques
Peurel fut fait Auditeur de Rote, en 1461; & Jean Prigent,
devenu paifible polTeffeur de fon Siège , fit bâtir la belle Cha-
pelle du Samt - Sacrement , où repofent les cendres de Saint
Guillaume. C'eft fous fon Epifcopat que fut enfin réprimé l'abus
des Minihis ou Aziles.
Pierre de Laval , fils de Gui , Comte de Laval , & d'ifabelle
de Bretagne, fut élu Evêque de Saint-Brieuc en 1472 , &
transféré à Rheims par le Pape, qui lui permit de tenir l'Evêché
de Saint-Brieuc en commende pendant trois ans. Il obtint une
autre Bulle pour retenir l'adminillration de cet Evêché pendant
fa vie, mais le Duc s'y oppofa. Cette oppofition occafionna
un long procès entre Pierre de Laval & Chrifiophe de Pen-
march , fon fuccefîeur, qui eut enfin l'avantage. L'Archevêque
s'en dédommagea , en quelque forte , puifqu'il obtint une
Bulle qui lui donnoit l'Evêché de Saint-Malo en commende. Ce
Prélat avoit , en outre , trois Abbayes.
Chriftophe de Penmarch , fils de Louis , Sire de Pcnmarch ,
& d'Ahx de Coëtivi , transféré de Dol à Saint-Brieuc , fous le
bon plaifir du Duc , aflifia au contrat de mariage de la Reine
Anne avec Louis XII , fit des confiitutions en 1476, &: mourut,
19e s A I
en ifo5, au mois de Janvier. Il eu. le fondateur de la Cha-,
pellenie de Saint-Gilles.
Olivier du Châtel , fils d'Olivier , Sire ^ du Châtel , & de
Marie de Poulmic , fut pourvu de l'Evêché de Saint-Brieuc en
1505, fit des conftitutions en 1523, & mourut, en 1525,
le 16 Mai. Il renouvella les ilatuts fynodaux de fes prédécef-
feurs , & y en ajouta de nouveaux.
Jean de Rieux , troifieme fils du Maréchal de Rieux, & d'I-
fabelle de Brofîe , dite de Bretagne , fut d'abord pourvu de l'Ab-
baye de Prières , Se nommé à l'Evêché de Saint-Brieuc. N'ayant
encore que dix-huit ans , il en adminiftra le temporel pendant
vingt ans ; mais enfin , préférant l'épée à la mitre , il donna fa
démiflion en 1545, & époufa , en 1548, Béatrix de Jon-
cheres , dont il eut deux garçons & deux filles. Les deux gar-
çons ont fait les deux branches de Châteauneuf & de Sourdéac,
qui font aujourd'hui éteintes. Il avoit eu pour SufFragant, Geof-
froi , Evêque de Tibériade. On appelloit alors Evêques Suffra-
gants ou Coadjuteurs , ceux qui faifoient les fondions épifcopales
pour ceux qui les employoient. On les appelloit aufli Evêques
portatifs : ils ne fuccédoient point de droit à ceux dont ils
étoient les Coadjuteurs.
François-Michel de Mauni , fut pourvu de l'Evêché de Saint-
Brieuc, fur la démiflion du précédent , en 1545, & fut transféré
à Bordeaux en 1553. La Cour de Rome ne voulut point le re-
connoître , & nomma fucceflivement trois Prélats , qui n'eurent
que le titre d'Evêque , fans en avoir les revenus. Le dernier de
ces Prélats , nommé Jean du Bellai , céda fon droit.
Jean Dutillet , fur la démiflion du précédent , fit ferment de
fidélité, le 8 Décembre 1553. H réfigna à Nicolas Langelier , en
retenant une penfion ; il compofa plufieurs ouvrages de dogme
& de piété. Jean de Vienne , Chanoine de Luçon , fut nommé
par le Roi , fur le bruit que Jean Dutillet étoit mort. C'eil fous
î'Epifcopat de Jean Dutillet, en 1562, que le Roi donna un
Edit en faveur du Clergé de Saint-Brieuc. Les Ofliciers de Juf-
tice , ne faifant point aflez d'attention à l'efprit de la loi , fai-
fiflbient les Bénéfices de ceux qui ne réfidoient pas , quoique
ces Eccléfiaftiques fiflent deflervir leurs Bénéfices par des Prêtres
approuvés : ces faifies étoient fuivies des plus injuiles vexations
qui confommoient les revenus entiers des Bénéfices. Le Clergé,
ne pouvant plus fupporter ces perfécutions , eut recours au Roi ,
qui donna un Edit, portant qu'il feroit permis à tout Prêtre de
s A I 197
pofféder deux ou plufieurs Bénéfices qui obligêoient à réfidence,
pourvu qu'on fît deffervir celui ou ceux dans lefquels on ne ré-
fidoit pas , par des perfonnes approuvées de l'Evêque. Le même
Edit donnoit en même temps main-levée de tous les Bénéfices
faifis. Cet Edit fut adreffé à la Cour de Parlement , & aux Juges
de Rennes, Nantes, Vannes, Quimper , Goëlo, ècc.
Nicolas Langelier , pourvu fur la démiflion de fon prédécefieur
en 1565, fut un des plus zélés défenfeurs des libertés de l'Eglife
Gallicane : il s'acquit une grande réputation , & il étoit digne
de l'Epifcûpat , autant par fes vertus que par fes talents ; il en
remplit toutes les obligations avec un zèle infatigable. Il affilia,
en 1583, au Concile provincial de Tours, dont il rédigea les
aftes. Ce Concile eft un des plus célèbres de cette province.
Il ordonna d'établir des bibliothèques communes dans toutes les
Eglifes Cathédrales & Collégiales , & prefcrivit la forme des
furplis ; mais l'Arrêt le plus terrible qu'il porta , fut contre les
barbes des Moines qu'il ordonna de rafer. Apparemment que les
Capucins avoient des privilèges ou qu'ils obtinrent des difpenfes,
puifqu'ils ont trouvé le fecret de conferver leurs barbes jufqu'à
préfent. Nicolas Langelier fut député de la province aux Etats
de Blois en 1588, & plufieurs fois en Cour pour des affaires
importantes. Il répondit toujours à l'idée qu'on avoir conçue -de
fon mérite. On lui reproche fon attachement à la Ligue ; atta-
chement qui fait une tache à la mémoire de cet Evêque , fi re-
commandable d'ailleurs. Il mourut en 1595.
Melchior de Marconai , d'une famille noble du Poitou &
Abbé de Rillé , fut pourvu de TEvêché de Saint-Brieuc en 1601,
Son zèle pour la difcipline eccléfiaflique le porta à recueillir les
anciens ftatuts de fes prédécefTeurs , auxquels il en ajouta de
nouveaux, & le tout fut imprimé en 1606. Voici ce qu'on y
remarque de particulier : i^. la défenfe faite aux Eccléfiafiiques
d'attifer leurs cheveux & leurs barbes à la façon des mondains.
Cette défenfe pour les barbes feroit penfer que les Eccléfiaftiques
n'avoient pas encore obéi aux déciets du Concile rapporté ci-
deflus. 2°. La défenfe faite aux mêmes Eccléfiaftiques de faire
les fonctions d'Avocats ou de Procureurs devant des Juges fécu-
iiers. 3°. La liberté de fe fervir en particulier du Bréviaire Ro-
main, ou Briochin, à fa volonté, pourvu que ce dernier fût feul
en ufage dans l'Office public. 4^'. La permiffion donnée à quel-
ques Eccléfiafliques de dire deux fois la Meffiï le Dimanche ,
ce qui prouve une rareté de Prêtres. 5''. La défenfe faite aux
198 s AI
ConfefTeufS d'enjoindre des pénitences publiques pour des péchés
occultes j ce qui femble indiquer que, pour les péchés pubUcs , la
pénitence pubHque étoit encore en ufage. 6°. La défenfe de
porter des bagues aux doigts , d'affifter à la condamnation des
coupables punis de mort , d'écrire leur fentence , &c. 7*^. La
fufpenfion des Prêtres concubinaires , s'ils perfiftent après les mo-
nitions requifes. 8*^. La défenfe de tenir plufieurs Bénéfices à
charge d'ames , & de recevoir dans le diocefe les quêteurs 8c
porteurs de certains pardons accordés par le Concile de Trente.
9°. Les Fêtes à obferver dans le diocefe , au nom|||e de cjua-
rante-huit. Ce Prélat fit aufli imprimer un Rituel , où il parle
des lépreux, & emploie un Chapitre entier à marquer la ma-
nière dont ils doivent être féparés du refte des Fidèles ; ce qui
prouve qu'il y avoit encore alors des lépreux en Bretagne. Cette
maladie , autrefois fi commune en France , y avoit été apportée
par les Croifés , & y avoit fait de fi grands ravages , qu'il n'y
avoit prefque pas de ville & même de bourgade un peu con-
fidérable qui n'eût fa Léproferie ou Ladrerie -, car c'eft le nom
qu'on donnoit aux Hôpitaux defl:inés pour les lépreux , parce
qu'ils étoient dédiés fous l'invocation de Saint Lazare , que le
peuple appelloit , par corruption , Saint Ladre, Melchior de Mar-
conai mourut en 161 8.
André le Porc de la Porte de Vefins , originaire d'Anjou ,
fils de René le Porc & d'Anne de la Tour-Landri , fut nommé
en 161 9, publia des ftatuts en 1624, & mourut en 1631,
par l'ignorance des Médecins , qui , dit-on , le laifïerent périr
de faim.
Etienne de Villazel , Touloufain , Abbé de Saint-Severe & Pré-
dicateur du Roi, fut facré par l'Archevêque de Paris le premier
Février 1632, affifta aux Etats de Dinan l'année fuivante, à
FaiFemblée du Clergé en 1639, & mourut en 1641.
Denis de la Barde , Chanoine de Notre-Dame de Paris, Au-
mônier & Prédicateur du Roi, fut facré en 1642, approuva le
livre de la Fréquente Communion le 24 Juin 1643 , ck afîifta ,
en 1653 , à raffemblée du Clergé où fut reçue la Bulle
contre Janfenius. Auffi éloquent que fçavant , il s'acquit une
grande réputation par fes Oraifons funèbres. Il préfida aux Etats
de Saim-Brieuc en 1659, & à ceux de Nantes en 1661 Se
1663. La fondation du Séminaire eft un monument qui prouve
fon zèle. Ce fut lui qui fit défendre à la Marquife de la Mouf-
faye de continuer fon château de Quintin , & d'y tenir des
s À I 199
aflemblées de gens de fa religion , c'eft-à-dire de Calvinifles. Ce
Prélat étoit lié d'amitié avec le Maréchal de Guébriand , avec
lequel il avoit fait fes premières études. Il facra , dans la Cathé-
drale de Saint-Brieuc , Pierre le Neboux de la BrofTe , Evêque
de Saint-Pol-de-Léon , & mourut le 22 Mai 1674.
Hardouin Fortin de la Hoquette , natif de Périgord , Agent du
Clergé en 1670, fut nommé, en 1675 , à l'E'^éché de Saint-
Brieuc, & fut transféré à Poitiers en 168 1 j il mourut Archevê-
que de Sens en 171 5.
Louis Marcel de Coëtlogon , Abbé de Begars , Evêque de
Saint-Brieuc en 1681 , étoit d'une maifon illullre de ce diocefej
ce qui fit dire à Louis XIV qu'il l'avoit fait Prophète dans fon
pays. Peu de Prélats ont été plus chers à leurs diocéfains , &
ont mérité davantage leur attachement : affable , populaire , bien-
faifant, humain ; ces vertus recevoient encore un nouveau luftre
des manières obligeantes dont ce bon Evêque fçavoit les accom-
pagner. Sur quelques conteftations qui s'étoient élevées au fujet
de l'exercice de la Police dans la ville de Saint-Brieuc, il paffa,
en 1695 , une tranfaftion avec les Juges royaux de cette ville,
par laquelle ils acquiefcerent à fon univerfalité de Jurifdi6lion &
de Pohce dans la ville & les fauxbourgs de Saint-Brieuc , même
fur les maifons prébendales & les fiefs amortis. C'ell ce Prélat
qui fit , au Roi d'Angleterre Jacques II , la belle réception dont
nous avons ci -devant parlé. Voici comment le Père PhiHppe
décrit la manière pleine de douceur avec laquelle M. de Coët-
logon , pour lors Evêque de Saint-Brieuc , travailla à la conver-
fion des Hérétiques de fon diocefe , lors de la révocation de
l'Edit de Nantes. « L'Evêque arrête le foldat qui venoit à fon
» fecours , & accompagné feulement du Marquis de la Côte ,
» Lieutenant général en baffe Bretagne , illuilre ami dont les
« vertus répondoient à celles du Prélat, il va chercher les brebis
î> errantes , s'infinue dans les coeurs , les convertit , les change ;
>> & le Lieutenant général voit , avec plaifir , fon miniftere de-
^> venu inutile par la douceur du Prélat , qui fçait tout vaincre
»> fans autre fecours que celui des armes Evangéliques. » Louis
Marcel de Coètlogon fut transféré à Tournai en 1705.
Louis de Frétât de Boifîieux , parent des Cardinaux de Noailles
& de Polignac , & d'une très-bonne maifon d'Auvergne , avoit
d'abord fervi dans la Marine où il s'étoit diilingué. Il étoit Ca-
pitaine de Vaifleau , lorfqu'au retour de la campagne qui lui
avoit mérité cet honneur, il voulut faire une retraite pour fc
2.00 S A I
difpofer à faire fes Pâques. Le fruit de cette retraite fut de lui
infpirer un grand dégoût du monde , qui le porta à renoncer aux
efpérances flatteufes qu'il lui offroit , pour fe confacrer entière-
ment à Dieu dans l'Etat Eccléfîallique. Pourvu de TEvêché de
Saint-Brieuc en 1705 , il fe fit remarquer par lardeur de fon zèle
ôc la fainteté de fes mœurs. Prélat digne des premiers fiecles
de l'Eglife , il ne fut occupé , pendant fon Epifcopat , que des
befoins de fon troupeau, dont il fut toujours le père & le mo-
dèle. Il entreprit de rebâtir la grande voûte de fon Eglife qui
menaçoit ruines ; & quoique déjà plufieurs eulTent aflez mauvaife
opinion des facultés d'un Cadet d'Auvergne , il en vint à bout
arec les fecours que lui procura M. le Comte de Touloufe ,
Gouverneur de la province , & ceux que lui fournifToit fa ma-
nière de vivre fimple Se frugale : on lui doit aufll l'autel à la
Romaine de l'Eglife Cathédrale. Perfuadé qu'un trop grand nombre
de fêtes eft plus nuifible qu'avantageux , il en retrancha plu-
fîeurs de celles qui s'obfervoient dans fon diocefe. En 17149
il fit une Ordonnance fynodale pour l'acceptation pure Se fimple
de la Bulle l/nigemtus , & la condamnation du Livre des Ré-
flexions morales du Père Quefnel. Il tint un Synode en 1720, &
mourut la même année à Ancenis , peu de jours après la clôture
des Etats , pendant lefquels il s'étoit difiingué pour la défenfe
des droits & des privilèges de la province. Son corps fut ap-
porté à Saint-Brieuc , & les cérémonies de fes funérailles furent
faites par l'Evêque de Saint-Malo. Il fut enterré dans le choeur
de la Cathédrale , au pied du grand pilier qu'il avoit fait conf-
truire. Les Chanoines , en reconnoiflance de ce que ce Prélat
avoit fait pour fon Eglife, arrêtèrent qu'on feroit, chaque année ,
un Service folemnel , avec fon de cloches extraordinaire , pour
le repos de fon ame. On a placé au deffus de la fépulture de
ce digne Prélat un marbre noir, fur lequel eft gravée , en lettres
d'or , fon épitaphe , qui contient en abrégé les principaux faits
de fa vie.
Pierre-Guillaume de la Vieuville , Abbé de Carnoët Si Grand-
Vicaire de Nantes , fut nommé le 8 Juin 1721 , fit imprimer les
fiatuts du diocefe de Saint-Brieuc en 1723 , préfida aux Etats
affemblés à Saint-Brieuc en 1724 , & mourut d'apoplexie au mois
de Septembre 1727. C'efi: fous fon Epifcopat que mourut l'Abbé
Gallet, Briochin , qqj a réfuté l'Abbé de Vertot au fujet des origines
Bretonnes. On dit que l'Abbé de Vertot ayant lu l'ouvrage
de Gallet , avoua qu'il s'étoit trompé & que celui-ci avoit raifon,
Louis-
s A I 2.0I
Loiûs-François Vivet de Montclus , Abbé de Franquevaux &
de Beauport , fut nommé le 20 Oftobre 1727, & facré en 1728 :
il étoit fils de Jacques Vivet , Préfident en la Chambre des
Comptes & Cour des Aides de Montpellier. En 1 731, il fit
imprimer un nouveau Propre pour Ion diocefe. Le Roi ayant
donné , en 1742 , une Déclaration touchant le concours des
Cures de Bretagne , M. de Montclus donna un Mandement , le
29 Août de la même année , pour ordonner l'exécution de cette
Déclaration dans fon diocefe. La voie du concours , pour parvenir
aux Bénéfices-Cures , a été inconnue dans TEgUfe jufqu'au temps
du Concile de Trente. Les Pères du Concile , confidérant l'impor-
tance des devoirs qu'impofent les Cures à ceux qui en font
pourvus, jugèrent à propos d'étabHr le concours pour ces fortes
île Bénéfices. Le concours n'eft cependant reçu en Bretagne, que
pour les vacances qui arrivent dans les mois du Pape. Comme
une des conditions de l'alternative étabHe entre les Papes & les
Evêques de Bretagne , étoit que les Cures , vacantes dans les
mois affe61és aux Papes , feroient données à des Eccléfiaftiques
Bretons , cela attiroit à Rome un grand nombre d'Eccléfiafliques.
Pour remédier aux abus qui pouvoient en arriver , Benoît XIV
donna , en 1740, une Bulle, par laquelle il ordonna que le con-
cours pour les Cures de Bretagne ne fe feroit plus à Rome ^
mais devant les Ordinaires des lieux où feroient fituées ces Cures.
Cette Bulie, revêtue de lettres- patentes , fut enrégiftrée au Parle-
ment de Bretagne le 6 Février 1741. Elle n'empêcha cependant
pas que quelques Eccléfiaftiques , qui craignoient l'examen de leur
Evêque , ne continuaflent encore à fe faire pourvoir en Cour
de Rome , les uns pcr oh'num , les autres /'ar dévolut. Pour arrêter
ce dcfordre , Louis XV , à la prière des Evêques , donna , ea
1742 , une nouvelle Déclaration , par laquelle il afTigne au con-
cours une forme confiante , & ote à l'ambition tout moyen de
fe foufliaire à une loi fi fagement établie , & Ci propre à donner
à l'Eglife des Minifires éclairés. C'eft aufTi fous l'Epifcopat de
M. Vivet de Montclus, que le Général de la Paroifîé de Saint-
Michel de Saint - h'ricuc fut détaché de la Communauté de ville.
C'étoit elle qui auparavant nommoit leurs Tréforiers & recevoir
leurs comptes. Le premier Tréforier de cette Paroiflc,dont nous
ayons connoifTance , efi: un nommé Thomas Durans , en 1 490.
Il paroLt que cVfl aufîi à-peu-près ce temps où cette Eglife eft
• devenue Paroiire. Le cimetière qui la joignoit étoit peut-être aufîi
l'ancien cimetière de la Cathédrale , dans le temps où il n'étoit
Tome IF. C 2
2.02» o A 1
pas permis d'enterrer dans les villes ; permîilîon qui n'auroît
jamais dû être accordée. M. de Montclus fut transféré à Alais,
en 1744'
Hervé - Nicolas Thépault du Breignon, Chanoine & Grand-
Vicaire de Quimper , fils de Maurice , Seigneur du Breignon ,
3c d'Anne -Marie -Hélène du Châtel de Kerlech, fut nommé le
3 Septembre 1744, & facré le 7 Mars 1745. En 175 i,U
donna un Mandement portant condamnation d'un livre intitulé.
Lettres Ne revuo-nate , comme contenant plufieurs proportions ref^
peftivement captieufes , téméraires , impies, contran-es à l'Ecriture-
Sainte , & renouvellant des erreurs déjà condamnées par l'Eglife.
Il préfida aux Etats de Saint-Brieuc en 1758, & fut député de
la province de Tours à l'alTemblée du Clergé de 1765 5 alTem-
blée célèbre par la condamnation de plufieurs livres que la re-
ligion réprouve. 11 fit des règlements très-fages pour les céré-
monies Eccléfiaftiques , s'appliqua à détruire des fuperftitions grof-
fieres, & mourut en 1766, pleuré fur-tout des pauvres, dont
les larmes font toujours l'éloge de la bienfaifance -, il fut inhumé
dans fa Cathédrale, fous un tombeau de marbre, avec cette
épitaphe :
D, O. M.
Hic jacet R. R. in XO. P, D. D. H. N. Thépault du
Breignon , Ep, & D» San-Briocenjis , religlonis quam femper
coluit & fovit
Aniantïjjimus ;
în pauperes profufus ,
In omms beneficus :
Obiit die %6 Jan. lyCC,
Requiefcat in pau,
M. François Barreau de Girac , natif d'Angouléme , nommé
& facré en 1766, fut transféré à Rennes en 1769.
M. Perron de la Ferronais, facré en 17^9 ) ^ ^^^ transféré à
Bayonne. , -k» -n
L'Eglife de Saint-Brieuc efl aauellement gouvernée par M. Re-
gnault de Bellefcife.
Le territoire de Saint-Michel renferme plufieurs maifons nobles ,
doiit on va donner les noms. Trompés par de faux renfeigne-
ments , on a placé à l'article Châtelaudren la Terre du Bois-
s A I 20}
BoëfTel ; c'eû une erreur qu on doit re6Hfier. Elle eft à un quart
de lieue de Saint-Brieuc ; fa Junfdiftion s'exerce dans cette ville ,
dans l'auditoire des Régaires de l'Evêché , par emprunt de terri-
toire : elle appartenoit , en 1 3 8 1 , à Elle du Rouvre , Gouver-
neur de Saint-Brieuc. Elle pafTa , dans le feizieme fiecle , à la
inaifon de Bréhand, par le mariage de Jean de Bréhand avec
Jacquemine , fille de Bertrand , Seigneur du Rouvre. M. le
Marquis de Bréhand , Maréchal de C amp , étant mort fans pof-
térité mafculine , fa fille unique l'a portée dans la maifon de
Maillé , par fon mariage avec M. de Maillé , premier Gentil-
homme de M. le Comte d'Artois. Les Seigneurs prétendent que
cette Terre eft une Vidamie de l'Evêché de Samt - Brieuc ,
( voyez ce que l'on a dit ci-deflus fous l'année 1765.) En i «op-,
la maifon de Sainte-Claire , à Ifabelle Dollo ; la Ville-Jijiefe
à Françoife Dollo , femme d'Olivier Poullain; la Ville-Hàk)j^>
jadis à Alain de Ploufragan , en 1500, à Alain Sylveilre ;.|bsy^
Rues, à Jean Tourmeboy ; la Vilie-Berno , à Pierre Moro ^,^^L%'j0k
Grange , à Chriftophe Tournegouet -, Clofa , à la veuve du Sieuî' ^%
de Penmarch ; le Pré-Tifon , en litige entre Jean le Voyer,^^jJl
Fourrier du Roi , & le nommé Hazais ; la Ville-Ernaud , à Jean ^'^^
Rofmar ; la Huguenorais , à Jacques Tournegouet ; Ker-foa , à X^
Rolland le Neveu ; la Ville-Salio , à Hélène Sollet ; Pleine-Ville-
Gouicquet , à Alain Gouicquet ; la Pleine-Ville & la Ville-Geoffroi ,
à Alain Vifdelou»
SAINT-BRIEUC-DE-MAURON ; dans un fond; à 14 lieues
au Sud-Sud- Oueft de Saint -Malo, fon Evêché ; à 11 lieues
de Rennes ; & à 6 lieues de Montauban , fa Subdélégation.
Cette Paroiiîe refibrtit à Ploermel, & compte 650 communiants:
la Cure eft préfentée par l'Abbé de Paimpont. Le territoire offre
beaucoup plus de landes que de terres cultivées. La maifon
noble delà Gaptiere appartenoit, en 1430, àSébaiHen TroufTiers
de la Gaptiere. Jean Trouffiers fut ChevaHer de l'Ordre du Roi.
Le Pont-Menard appartenoit, en 1430, à Guillaume de Saint-
Brieuc ; & la Ville - Jourdan j à N,... le Métayer, Sieur de
Lai vrai.
SAÏNT-BRIEUC-DES-IFFS; dans un fond; à 9 lieues au
Sud-Sud-Ell de Saint-Malo , fon Evêché ; à 5 lieues un quart de
Rennes ; & à i lieue de Hédé , fa Subdélégation & fon refibrt.
On y compte 600 communiants : la Cure eil amovible. Le
»
*-
104 ' S A I
territoire , plein de vallons & de collines , offre à la vue des
terres en labeur , des prairies , & des landes ; il eft couvert d'ar-
bres fruitiers qui produifent beaucoup de cidre. En 1420, on y
remarquoit plufieurs maifons nobles ; fçavoir : la Boucheraye , la
Rougeraye , la Rabiere , Bourg - Marin , Gourmelet , la Gode-
linaye , la Bouderaye , la Durantaye , la Pied-Louay , la Becoe-
zaye, la Calmachiere , la Pontelaye , Camboul , la Medeliere,
la Motte-Pontel , les Lichieres , & le Pont de la Haye.
SAINT -BROLADRE; dans un fond, au bord d*un ruifleau
qui fait la fource du canal de la Banche ; à 3 lieues à l'Eft-
Nord-Eft de Dol , fon Evêché & fa Subdélégation ; & à 1 1
lieues de Rennes , fon relTort. On y compte 1500 communiants:
la Cure efl: préfentée par l'Abbé du Mont-Saint-Michd. Le ter-
ritoire , borné au Nord par la mer , offre à la vue quelques
vallons & coteaux, des terres exaftement cultivées & fertiles
en grains , lin , & chanvre. Une partie des dîmes & autres droits
facerdotaux de cette Paroiffe , fut donnée , en 1075, à l'Abbaye
du Mont-Saint-Michel , par Tréhan de Saint-Broladre ; & , l'an
II 10, Guillaume d'Irfois-Croifé lui donna l'autre partie des mê-
mes droits. Le Prieuré de Bourgrain étant tombé en régale , le
Roi Henri II y nomma, en 1548, Guillaume de Lignieres,
Confeiller au Parlement de Bretagne ôc^Abbé de Saint- Aubin-
des-Bois. Les maifons nobles de ce territoire font : la Ville-
Guillaume , moyenne & baffe-Juffice , à M. le Cordier de Par-
fouroj Carlac , moyenne & baffe-Juffice , à M. de Saint-Pair de
Carlac j Juette & Cheros , moyenne-Juftice, aux enfants de
M. de Saint-Pair de la Jugaudiere ; la Pichaudiere, moyenne-
Juftice , à M. Uguet de Laumône ; les Hommeaux , moyenne-
Juftice , à M. de Saint-Geni. Auprès de cette dernière , font des
moulins à vent fur une monticule, fur le fommet de laquelle
on découvre une grande étendue de pays.
SAINT-CARADEC ; dans un fond , au bord de la rivière
d'Oulh à 21 lieues à l'Eft-Nord-Eff de Quimper, fon Evêché;
à 19 lieues de Rennes 5 & à 3 lieues de Pontivi, fa Subdé-
légation. Cette Paroiffe reffortit à Ploermel , & compte 1 500
communiants : la Cure eft à l'alternative. Le territoire ell: coupé
de ruiffeaux qui coulent dans les vallons, & vont fe jetter
dans la rivière d'Ouff. Ceft fur leurs bords qu'on voit des terres
en labeur & quelques prairies j le reffe du terroir n'eff point
s A I - 205
cultivé , ce font des landes d une étendue conddérable. Quelques
particuliers en ont défriché une partie qui leur procure d'abon-
dantes récoltes. Il eft à croire que l'intérêt engagera leurs com-
patriotes à les imiter. Il fe tient une foire dans l'endroit , tous
les premiers mardis du mois , depuis le mois de Mars jufqu'à
celui d'Oftobre. Louis-Eudo de Kerlivio , né en cette ParoifTe
le 14 Novembre 1621, fut Refteur de Plumergat , au diocefe
de Vannes, où il mourut, en odeur de fainteté , le 21 Mars
1685. La moyenne -JuiHce de Carcado appartient à M. de
Molac.
SAINT-CARADEC-HENNEBON j ParoifTe féparée de la ville
de Hennebon par la rivière de Blavet. On y compte 2200 com-
muniants : la Cure eft à ralternative. Le territoire produit du
grain & du foin. La Terre & Seigneurie de Saint-Caradec ap-
partenoit, en 1334, à Guillaume TrefTan : elle relevoit de la
Seigneurie de Hennebon , qui appartenoit à Hervé de Léon. Il
fe tient deux foires , par chaque année , dans cette ParoifFe , où il
fe vend une grande quantité de beftiaux. Le manoir de Merdi
appartenoit, en 1420, à Pierre Raoullinj & le manoir de Ker-
lehouez , à Jean du Pont : ceux de Ker-goufluon , Ker-andruff,
Ker-amoalez , & Ker-flemzre , font plus modernes.
SAINT-CARADEC-TRÉGOMEL ; à 13 lieues au Nord-Ouefl
de Vannes , fon Evêché ; à 26 lieues de Rennes -, Se k 6 lieues
de Hennebon , fa Subdélégation & fon refTort. On y compte
1300 communiants : la Cure eft à l'alternative. Le territoire,
coupé de ruiffeaux & par la rivière de Scorf, renferme des
terres en hibeur , des prairies , & des landes. C'eft un pays
couvert , qui produit beaucoup de fruits. Il fe tient un marché
tous les fa médis , & une foire tous les m.ois de l'année. La
conftruftion de la Chapelle de Ker-nafqueden eft admirée des
connoilleurs. La Terre & Seigneurie de Guerlofquet appartient
à M. du Cluoraifon , Seigneur d'une partie de la ParoifTe. Ker-
merien & le Crano , haute , moyenne & bafTe-Juftice , aux
héritiers de M. de Saint-Georges : Ker-aingar , l'hôtel du Rof-
quet, le PlefTis-Briand , le Rufquet , & Ker-merien, font des
maifons très-anciennes.
SAINT-CARNÉ ; fur une ! hauteur ; à 6 lieues au Sud-Oueft
de Dol, fon Evêché j à 10 lieues de Rennes j & à 1 lieue de
zo6 S A I
Dinan , fa Subdélégation & fon reflbrt. On y compte 600 com-
muniants : la Cure efl à l'Ordinaire. Le territoire , arrofé des
eaux de la rivière de Rance & de plulieurs ruilTeaux, offre des
terres bien cultivées , quelques prairies , & peu de landes. Ceft
un pays couvert , qui produit beaucoup de cidre. La haute-
JulHce Dupin appartient à M. de Bruc.
SAINT-CAST ; fur la côte 5 à 8 lieues à FEft-Nord-Eft de
Saint -Brieuc , fon Evêchéj à 15 lieues de Rennes j & à 5
lieues de Lamballe , fa Subdélégation. Cette Paroiffe reffortit à
Jugon, & compte 1000 communiants. M. de Valentinois en eft
le Seigneur : la Cure ell à l'alternative. Le territoire , borné au
Nord, à rOueft, Se à rEft,par la mer, forme une prefqu'ifle^
Elle ofFre à la vue de très-beaux coteaux , fur lefquels font fîtués
les moulins à vent du Chefne & d'Anne , d'où l'on découvre de
fort loin des terres affez bien cultivées , mais dont une bonne
partie eft couverte par les fables de la mer. En 1520, onvoyoit
dans cette Paroiffe le Bois-Berard , à Marguerite Berard j Beau-
lieu, à Jean de la Ville -Hermoifcj la Garde, à N... de Tréal,
Sieur de Beaubois : Buzantel , au Sieur du Bois-Raiîier 5 Pen-
guen, au Sieur de Launay-Gouyonj Huchegault, à Mathurin de
Bréhand j Beaucorps , au Sieur de Beaucorps -, & le Champ-Ge-
rault , à Catherine de la Lande,
Le 3 Septembre 1758, à cinq heures du matin, la flotte
Anglaife , compofée de cent neuf voiles , parut à fix lieues du
Cap-Frehel , & , à fix heures du foir , elle vint mouiller à une
lieue par l'Eft du château de la Latte. Le 4 , à dix heures du
matin , elle vint mouiller devant la baie de Saint-Briac , &: y
débarqua , fans obftacle , huit mille hommes , dont quatre cents
Dragons à cheval. L'Infanterie campa au bas de la montagne
Garde-Guerin , & les Dragons dans les villages voifins. Quelques
détachements de Dragons, pour reconnoître le pays , s'avancèrent
jufquà la pointe de Dinart , & fe retirèrent le foir. Six corfaires
de Saint-Malo & la frégate du Roi, la Renoncule ^ s'embofferent
devant Dinart & à l'ouverture de la rade , pour défendre aux
Anglais l'entrée de la rivière de Rance. On craignoit qu'ils euf-
fent deffein de venir par- là s'emparer de la pointe de la cité,,
pour y établir des batteries & bombarder Saint-Malo. La nuit
du 4 au 5 , les Anglais brûlèrent vingt-deux barques de pêcheurs
dans le port de Saint-Briac. Le 5 , à quatre heures du matm, ils
diviferent leur premier établiffement en trois camps , dont un fut:
s A I " 207
pouffé jufqu'à une demi-lleue de la pointe de Dînatt. Ils portè-
rent fur la rive gauche de la rivière de Rance quelques déta-
chements d'Infanterie & de Dragons , que le feu de nos corfaires
obligea de fe retirer. Ce jour-là, M. le Comte de la Tour d'Au-
vergne , Colonel du Régiment de Boulonnais , qui étoit à Saint-
Malo , ayant reçu ordre, à midi, de faire fortir les Grenadiers
de fon Régiment , pour obferver la marche des ennemis , MM. le
Comte de Robien , Lieutenant des Grenadiers à cheval ; le
Marquis de Cucé , Sous-Lieutenant de la première Compagnie
de Moufquetaires ; le Comte du Bois de la Motte , Capitaine des
vaifleaux du Roi ; le Marquis de Montaigu , Colonel retiré ;
Dorey , Capitaine d'Invalides & Chevalier de Saint-Louis ; de
Narbonne & de Caud , Gardes-du-Corps du Roi j de Boifeau-
voyer & des Tullais , Moufquetaires j de Kerguezec , de la
Cornilliere , de Montrnuran , de Scot , de Pont-Fili , & de Vau-
couleurs , Officiers de corfaires , Gentilshommes Bretons , qui
s'étoient rendus à Saint-Malo de différents endroits de la pro-
vince , au premier bruit de la defcente , fe joignirent , en qua-
lité de Volontaires , à la Compagnie des Grenadiers du Régiment
de Boulonnais , & fortirent avec elle de Saint-Malo. Cette Com-
pagnie fut occupée à obferver l'ennemi, à l'inquiéter dans (qs
marches , & à faire la petite guerre jufqu'au i o qu'elle rejoignit
fon Régiment. Elle fit , dans ces cinq jours , plufîeurs prifon-
niers. Les 6 & 7 , les troupes débarquées, à l'exception des
partis & des détachements , réitèrent dans le même état , & les
vaifTeaux ne remuèrent que pour éviter les courants & les mau-
vais mouillages. Le 8 , à trois heures du matin , les Anglais bat-
tirent la générale : à fept heures, ils baifferent leurs tentes, &
relièrent en bataille, à la tête de leur camp , jufqu'à midi, que,
fe reployant par leur droite , ils allèrent camper à Saint-Jacut ,
appuyant la droite de leur nouveau camp à la rivière du Guildo ,
& la gauche au marais Drouet, M. le Duc d'Aiguillon , Com-
mandant dans la province , arriva à Lamballe , d'où il envoya
un Bataillon de Volontaires-Etrangers , avec un Efcadron du Ré-
giment de Dragons de Marbœuf , aux ordres de M. le Comte
d'Aubigni , occuper Dinan, dont la fureté étoit importante, tant
pour conferver la communication , que parce que nous y avions
des magafins, &: que c'étoit le lieu de raffemblée d'une colonne
de nos troupes. M. Rioull de Villes-Audrains , habitant de Ma-
tignon, informé, la nuit précédente , delà pofition des Anglais,
raffembla environ quatre-vingts hommes payfans & autres, & f e
xo8 S AI
propofa d'empêcher les Anglais de pafTer le gué du Guîldo : îî
pofta fa petite troupe dans les mailbns du port &c derrière les
murs du jardin , le long de la rivière , qui fe trouvoit alors à
fec , la mer étant retirée. Entre neuf & dix heures du matin ,
l'armée parut , & fe difpofa à palTer ; mais elle fut arrêtée par
le feu vif & continuel de la troupe de M. de Villes-Audrains ,
dont les ennemis ne connoilToient pas la foiblefTe : ils fe retirè-
rent avec perte. Vers les trois heures de l'après-midi , les Dra-
gons fe préfenterent pour palTer à Quatrevaux ; mais ils en furent
empêchés par une partie de cette petite troupe de braves. Ils
£rent venir trois pièces de canons , &c tentèrent encore inutile-
ment le palTage , que le retour de la marée rendit enfin imprati-
cable. Ils fe repHerent fur leur camp, en brûlant toutes les mai-
fons du village fur la rive droite. M. le Duc d'Aipuillon en-
voya ordre à M. d'Aubigni de fe porter à Plouer avec le Ré-
giment de Brie , le premier Bataillon des Volontaires-Etrangers,
le Bataillon de Marmande , trois Bataillons de Garde-côtes , &
deux Efcadrons de Marbœuf M. de Pohgnac , Colonel de Brie ,
qui fut tué dans le combat , avança jufqu'à Pleurtuit avec un fort
détachement. M. de Béon , Lieutenant-Colonel de Boulonnais ,
fortit de Saint-Malo avec un détachement de cinq cents hommes,
pour fe porter fur Ploubalai à la droite de M. de Polignac &
à la gauche des ennemis. Le lendemain 9 , à la pointe du jour,
le feu recommença de part & d'autre , & dura jufqu'à cinq
heures du foir, que les ennemis trouvèrent le moyen de faire
reconnoître la petite troupe , par un efpion qui échappa à la
vigilance de M. de Villes-Audrains. Les ennemis pafTerent fur le
champ le Guildo , & campèrent entre Saint-Jeguhel & le Bois-
Duval. M. de Saint-Pern fut détaché , pendant la nuit , avec fix
cents hommes , pour éclairer leur marche. Le 10, à quatre
heures du matin , les Anglais fe portèrent à Matignon , & y
établirent leur camp. M. d'Aubigni pafTa le Guildo avec fon dé-
tachement , & fut joint , vers les deux heures après-midi , par-
la Compagnie des Grenadiers de Boulonnais & Le Corps de
Noble fTe qui s'y étoit incorporé le 5 a Saint-Malo , par le Régi-
ment de Boulonnais, le Bataillon de f ontenay-le-Comte , & deux
Bataillons de Garde-côtes. M. d'Aubigni arriva dans cet état ^ à
quatre heures du foir , fur les ennemis , par leur droite. Il parut
à toute fa divifion que c'étoit le moment d'attaquer , & les
troupes montroient le plus grand defir de combattre j, mais
M. d'Aubigni jugeant l'ennemi trop nombreux , n'ayant point
d'ordre y.
s A I 2.09
d'ordre, & ignorant où étoit M. le Duc d'Aiguillon, qu'il avoit
fait chercher inutilement par M. de Laumône , Gentilhomme Vo-
lontaire qui connoiffoit le pays , il étabUt fes troupes par
échelons dans les champs à droite & à gauche du grand chemin,
& fe repha , dans cet ordre , fur la droite de Samt - Potan , où
il paffa la nuit. M. le Duc d'Aiguillon y arriva le foir ; & M. de
Broc , avec un détachement de trois cents hommes , fut chargé
d'inquiéter les polîes avancés des ennemis , Se d'éclairer leurs
mouvements pendant la nuit. Le 11, à fix heures du matin ,
M. de Broc rendit compte de fa nuit à M. le Duc d'Aiguillon ,
& l'informa que les ennemis avoient commencé leur retraite ,
& qu'ils travailloient au rembarquement de leurs troupes dans
l'anfe de Saint-Caft. Sur le champ, la colonne de M. d'Aubigni
fe mit en marche , &c arriva, en courant, fur les hauteurs de
Saint-Call. La flotte ennemie étoit en hgne , & les chaloupes
travailloient au rembarquement. L'arriére - garde des ennemis ,
compofée de trois mille hommes, étoit fur la plage, dans le
fond de l'anfe , préfentant le plus bel ordre de bataille , derrière
des retranchements de trois pieds d'élévation. Dès que notre In-
fanterie fut apperçue fur la montagne , fept frégates & quatre
bombardieres , emboffées tout près des terres, commencèrent un
feu très-vif. Nos troupes refterent en bataille , dans cet endroit,
environ une demi-heure , tandis qu'on preflbit la marche des
canons qui fuivoient nos Régiments. Huit de ces canons arrivè-
rent & furent fur le champ mis en batterie , & commandés avec
la promptitude & la valeur qui caraftériient M. de la Ville-
Patour , aujourd'hui ïnfpefteur général du Corps royal d'Artil-
lerie , Maréchal de Camp , Grand-Croix de l'Ordre de Saint-
Louis. Cet illullre Officier fçut , par fon feu , retenir dans leurs
retranchements les ennemis, qui parurent vouloir fe former en
colonne par leur centre , & marcher à nous fur la grève. Ils
dévoient être attaqués , en même temps , par la droite , par la
gauche , & par le centre. C'étoit , dit-on , le plan de M. le
Duc d'Aiguillon ; mais , foit que M. d'Aubigni jugeât la colonne
capable d'enfoncer celle des ennemis , ou qu'il craignît qu'ils.
ne fe rembarquaffent , à notre barbe , fans combattre , comme
ils avoient fait, trois mois auparavant, à Cancalle, il n'y eut-
que la colonne gauche, qu'il commandoit , à charger. Rendue,
vers les dix heures du matin , au village du Ros , par un petit
chemin coupé derrière la montagne , la tête fit une halte d'en-
viron un quart d'heure , pour donner le temps à la queue de
Tome IV. D 2
2,10 S A I
joindre. M. cfAubigni arriva & commanda de marcher. La tète
de cette colonne étoit compofée , fur la gauche , d'une Compagnie
de Grenadiers des Volontaires-Etrangers -, au centre , de douze
à quinze Officiers & Gentilshommes Bretons , faifant le premier
rang de la Compagnie des Grenadiers de Boulonnais ; & fur la
droite , les Grenadiers de Brie. Ceux de Boulonnais débouchè-
rent les premiers du village, par un défilé qui comportoit à
peine quatre hommes de front. Ils effuyerent des vaifTeaux
emboffés un feu particulièrement dirigé fur ce débouché. Ils
gagnèrent , en courant environ trente pas , une petite dune ,
derrière laquelle ils fe formèrent & dont ils s'épaulèrent pendant
trois à quatre minutes , ne jugeant pas qu'il fût poffible de fran-
chir près d'une demi- lieue de grève plate , prefque fous les
vaiiTeaux, pour aller attaquer l'ennemi. Dans cet endroit &
dans ce moment , M. le Marquis de Cucé reçut un coup de
fufil à l'épaule, dont il mourut; M. le Marquis de Montaigu,
un coup de fufil à la jambe , dont il mourut ; M. de Narbonne ,
un coup de fufil au travers de la cuifiTe ; M. le Comte d'Au-
vergne fut renverfé de trois coups de fufil , dont un lui cafToit
les reins & un autre le genou , ce qui ne l'empêchoit pas d'en-
courager fes Grenadiers avec une gaieté Se des expreffions dont
lui feul eft capable dans de femblables moments. Prefque tous
les Officiers des Grenadiers avoient été dangereufement bleflTés,
& la Compagnie ne marchoit pas. M. d'Aubigni , qui donna,
par habitude , des preuves de la plus grande valeur & de la
plus ferme intrépidité, accourut aux Gentilshommes Volontaires,
qui faifoient le front de l'attaque : Allons , Mefjieurs , leur dit-il ,
dojijiei l'exemple à ces gens-là. Sur le champ , les Volontaires
partent & courent de toutes leurs forces aux retranchements. Ils
font accompagnés des Grenadiers de Boulonnais , qui fe mêlent
avec eux , en courant à toutes jambes , fous le feu continuel de
l'artillerie & de la moufqueterie des vailTeaux , & en efiîiyant
cinq décharges de la moufqueterie de terre. On arriva à vingt
pas des retranchements. Les Volontaires & les trois Compagnies
de Grenadiers qui faifoient le front de l'attaque , déjà confidé-
rablement entamés , ne pouvant attendre , dans une pofition fi
défavantageufe, la colonne à peine fortie du débouché ,, em-
ployèrent leur feu, qu'ils avoient confervé jufques-là, & fe mi-
rent à pouffer unanimement, de toutes leurs forces, les cris de
ViUoire , Vive le Roi , en courant, aux retranchements avec les
bayonnettes. Cette valeur , dont il n'y a pas d'exemple , puifqu'à
SAI iir
peine étoient-ils trois cents hommes raflemblés , & qu'ils arrivoient
par deux , par trois , à toutes jambes & fans ordre , épouvanta
l'ennemi & lui fit prendre la fuite. A l'exception de quelques
foldats , qui défendirent pendant quelques moments l'entrée des
retranchements à coups de bayonnettes , chacun jetta fes armes ,
en criant , Mijérkorde , brave France y & chacun chercha à fe
fauver, foit en gagnant la pointe de l'anfé oii étoient les cha-
loupes , foit en fe jettant dans la mer pour fe rendre aux vaiffeaux
à la nage. M. le Chevalier de Caud , qui reçut , dans cette
occafion, un coup de bayonnctte à la cuifTe & une bleffure à
la tête , entré un des premiers dans les retranchements , appella
les étendards. 11 fe fervit , par habitude , de cette expreflion
propre à la Cavalerie , & elle fut répétée par le cri de pajfc
parole , dans toute la colonne , quoiqu'il n'y eût que de l'Infan-
terie. Les ennemis , qui n'a voient pu fortir des retranchements,
y étoient à genoux , fe couvrant de chapelets , & criant , miféri-
corde; mais, comme le feu continuoit des vaiffeaux qui tiroient
dans ce moment à mitraille , & nous tuoient beaucoup de monde,
le foldat , furieux , ne fit guère de quartier dans le commencement;
& il y a grande apparence qu'il auroit fini de même , {i M. d'Au-
bigni , qui conferva toujours fur la gauche la hauteur de notre
première hgne, ne fe fût porté par-tout, avec autant de valeur
que d'humanité , pour arrêter la rage des vainqueurs , faire ceffer
le feu , & ordonner qu'on fît des prifonniers; Les Officiers &
foldats entroient dans la mer jufqu'à la gorge pour arrêter les
ennemis qui cherchoient à fe fauver , ou gravilloient après eux
fur les rochers. De trois mille Anglais qui étoient à terre, au-
cun ne regagna les vaiffeaux y mille à douze cents- furent tués
fur la place, huit cents périrent dans l'eau , & le refle, dont
trente Officiers de remarque , fut fait prifonnier. Quatorze
Compagnies de Grenadiers , de mille hommes chacune , &
deux Bataillons des Gardes à pied du Roi d'Angleterre, l'élite
des troupes de cette nation, furent défaits dans ce combat , où
les troupes Françaifés donnèrent les plus grandes preuves de
valeur, & où la Noblefîé Bretonne fignala fon zèle ordinaire
pour le fervice du Roi & la défenfc de la patrie. Le feu finit à
une heure après-midi. Les troupes fe formèrent fur la montagne,
& M. le Duc d'Aiguillon leur envoya ordre de rentrer fur le
champ dans leurs quartiers, laiffant feulement fix cents hommes
pour enterrer les morts 8c pour obferver la flotte. Telle fut
i'iflùe du combat de Saint - Cafl , qui fit tant d'honneur au
iii SAI
Commandant de la province. Le peuple étoit dans renthouiiafme;
& les poètes Bretons s'emprefferent de célébrer cette viftoire
par des pièces de poéfîes , dont quelques-unes font l'éloge de
leurs auteurs. Non-feulement la Noblefle Bretonne montra , dans
cette occafion, qu'elle n'avoit point dégénéré de la valeur de
fes ancêtres , & de fon zèle pour la défenfe de fon pays , mais
tous les citoyens , en général , prouvèrent qu'ils étoient prêts à
facrifier leurs vies à l'intérêt de la patrie. On a confervé les
noms de plufieurs de ceux qui s'y trouvèrent ; & ils méritent
d'être tranfmis à la poftérité. Les voici : MM. le Baron de
Pontual ; Grou, père & fils; Beauvais , né à Rennes, & Pro-
cureur à Saint-Malo , ( il mourut de fa bleffure , le 6 Oftobre
1758; ) de Quelent , Exempt des Gardes du Roi; de la Bli-
naye , Officier au Régiment de la Reine , Dragons ; de la Bli-
naye , Sous-Lieutenant au Régiment des Gardes-Françaifes -, du
Bois-Geflin , de la Baronnais, Baudran de Maupertuis, Bédé de
la Boëtardais , de Bois-Hardi, le Chevalier de Bois-Huè ; de la
Bretonniere , ( il fut blefîé ; ) de Caflan , de Chateaubriand , de
CGueffin , de Bart de la Ville-Tanet , Ferron du Chêne , le
Gobien , de la Goublais , de Langegu , de Langourla-Sanglois ,
de Sceaux , de Trouffier , de la Ville-Esbrune -, Duvantion , ( il
fut tué; ) du Champ-Millet, Loquet du Château d'Acy, Magon
de la Ville-Huchet , Carlac de Saint-Pere , ( il fut tué ; ) de la
Ville-Saint-Germain , de la Villéon ; de la Ville-Valio ,. fils , au-
jourd'hui Chevalier de Saint-Louis j la Motte deLefnagé, Nouail
de la Ville-Gille , Saint-Pern du Lattai , de la Motte Villes-
Comte , le Chevalier de Prémorvan , de la Planche ; des Landes-
Daniel , bourgeois de Saint-Malo ; de la Barre, du Rocher-Nodé,
Saint-Pern-Ligouyer , Menard , du Rocher, du Bois-Bollan; Minet,
frères ; Quêtier, fils ; de l'Aulne , ancien Officier de corfaire ; & Davy
de Villée , Procureur à Rennes. L'aflemblée des Etats de Bretagne,
deux mois après , récompenfa , par des penfions , la conduite
de MM. de Caud & de Narbonne. Il y eut trois autres Volon-
taires penfionnés , dont on ne fe rappelle pas les noms. L'affem-
blée demanda des lettres de noblefle pour M. Soyer de Vau-
couleurs , auffi Volontaire. Le Roi accorda des penfions , la
commiffion de Capitaine , & la Croix de Saint-Louis , à MM. de
Narbonne , Boifeauvoyer , des TuUais , & de Caud , quoique
ce dernier n'eût que trois ans de fervice dans les Gardes du
Roi. Le Chapitre de Saint-Malo fonda un Service folemnel,
à perpétuité , pour le repos des âmes des Officiers & foldats
s A I iij
Français tués à Saint -Caft : cette fondation efl dîgfte de re-
marque , & fait honneur à ce Corps eccléfiaftique.
route
fon Evêché & fon reflbrt j & à 3 lieues de Vitré , fa Subdélégî
tion. On y compte 300 communiants : la Cure eft préfentée
par l'Abbé de Saint-Florent de Saumur. En 1630, deux Moines
de cette Maifon y faifoient encore les fondions curiales. Le
territoire offre à la vue des coteaux , un étang très-étendu , près
le bourg ; des terres affez bien cultivées , & beaucoup d'arbres.
Il elt environné de landes qui , je crois , ne font pas dans
fon enceinte. Les hautes-Juftices de Malnoë & de la Ronce ,
appartiennent à M. de Farci de la Ville-du-Bois.
SAINT-CHRISTOPHE- DE- VALAINS; à 7 lieues au Nord-
Nord-Elt de Rennes , fon Evêché ; & à 2 lieues & demie de
Saint-Aubin-du-Cormier , fa Subdélégation & fon reffort. Cette
Paroiffe relevé du Roi, & compte 200 communiants : la Cure
eft préfentée par l'Abbé de Rillé. Le territoire, coupé par les
rivières de Couefnon & de Minette , eft peu étendu. Les terres
produifent du grain , du foin , & du cidre j on y voit peu
de landes.
SAINT - COLOMBIN -, dans les baffes Marches ; à 5 lieues
au Sud de Nantes , fon Evêché & fon reffort j à 27 lieues de
Rennes ; 8c à 5 lieues un quart de Cliffon , fa Subdélégation.,
On y compte 1 200 communiants : la Cure eft à l'alternative. M. le
Prince de Soubife en eft le Seigneur. Le territoire , dont la fu-
perficie eft plane , offre à la vue des terres bien cultivées , des
prairies , des vignes , & beaucoup de landes, dont le fol excellent
paroît mériter les foins du cultivateur. En 1500, les maifons
nobles de Beffon & la Rouliere appartenoient à Jean de la Tri-
bouille. Les droits de péages, prétendus par les Abbé, Prieur,
ôc Moines de Genefton , fur le Pont - James , fitué fur la ri-
vière de Boulogne , furent fupprimés par Arrêt du Confcil , du
8 Mars 1729.
SAINT-CONGAR ; dans un fond ; à 8 lieues à l'Eft-Nord-
Eft de Vannes , fon Evêché j à 1 3 lieues de Rennes j & à i
lieue & demie de Maleftroit , fa Subdélégation. Cette Paroiffe
214 SAI
refTortit à Ploermel , & compte 600 communiants : la Cure efî
à l'alternative. Le territoire renferme quelques terres labourables,
beaucoup de landes -, Ôc un Couvent de Camaldules , fondé , l'an
i6ji, par Henri de Guenegaud , Marquis de Plancy. La maifon
noble de Brignac appartenoit, en 1480, au Sieur Decaftelan j,
& celle de Billic , à N. ... : la moyenne - Juftice de Beflée 6c
annexe, appartient à Madame de Boyac.
SAINT-COULIT ^ à 3 lieues & demie au Nord de Quimper ,.
fon Evêché ; à 38 lieues de Rennes j & à trois quarts de lieue
de Châteaulin , fa Subdélégation & fon reflbrt. Cette ParoifTe
relevé du Roi, & compte 500 communiants : la Cure eft à l'al-
ternative. Le territoire , coupé au Nord par la rivière d'Aulne ,,
offre à la vue , dans cette partie , des terres fertiles & bien
cultivées j mais au Sud , font des montagnes & des landes dont
la valeur eft prefque nulle.
SAINT-COULOMB ; à 4 lieues au Nord-Oueft de Dol , fon^
Evêché ; à 1 4 lieues de Rennes j & à 2 lieues de Saint-Malo ,
fa Subdélégation. Cette ParoifTe, qui eft enclavée dans le diocefe
de Saint-Malo, reffortit à Dinan, & compte 1400 communiants:
la Cure eil à l'Ordinaire. Le territoire , borné au Nord par la
mer, offre à la vue des coteaux, des vallons coupés de ruif-
feaux qui vont fe perdre dans la mer , des terres très-exaftement
cultivées. L'an 1026, Bertrand, premier du nom, & un des
ayeux de Bertrand du Guefclin , acheta la Seigneurie de Saint-
Coulomb. Le château de Guarphc ou du Guefclin , fitué fur
un rocher , à quelques dillances dans la mer , fut bâti , l'an 1 160,.
par Bertrand II, dit le Jeune , qui venoit de quitter le châ-
teau Richeux , qu'il habitoit dans la ParoifTe de Saint - Meloir.
Dans le même territoire de Saint - Coulomb , étoit un autre châ-
teau , place forte, nommé le Plejfis- Bertrand, L'an 1207, les
partifans du Roi d'Angleterre fortifièrent le château de Guarplic
ou du Guefclin ; & les Anglais vinrent en prendre poffefTion au
nom de leur Maître. Ce Monarque étoit fâché du mariage d'Ahx
de Bretagne avec le Duc Pierre de Dreux , & il fe rendit
maître de plufieurs places du Duché : il ne fut pas long -temps
polTefTeur du château du GuefcHn , le Roi Philippe le fit afîiéger
par le Comte de Saint-Pol , qui en chafTa les Anglais. Le châ-
teau du Hindré appartenoit , dans le même temps , au Seigneur
du Guefclin. En 1230, Henri d'Avaugour prêta ferment de
s A I 115
fidélité au Roi Louis IX, pour la garde du château du Guefclin,
qui, en 1500, appartenoit à Guillaume de Chateaubriand. Ce
Seigneur polTédoit auffi la Terre de Beaufort. En 1589, Dame
Charlotte de Montgommeri , Douairière de Beaufort , vendit à
Gui de Rieux, Seigneur de Châteauneuf, la- Terre du Plefîis-
Bertrand avec toutes fes dépendances , & l'emplacement du
château du Guefclin , qui venoit d'être démoli par ordre du
Roi Henri III. La Terre du Pleffis - Bertrand fut érigée en
Comté, au mois de Juin 1702, en faveur de Jacques - Louis
Beringhem.
La Terre & Seigneurie de la Motte- au -Chauf efl aufli très-
ancienne. Hervé le Chauf, né en 1030, Chevalier, Seigneur de
la Motte -au -Chauf, époufa Adélaïde de Lohéac. Les Seigneurs
de ce nom ont pris des alliances dans les maifons de Khuis ,
de Châteauneuf, de CHfTon , & de Derval. Charles le Chauf,
Grand-Chambellan & Capitaine de la ville de Rennes , figna
le traité fait, en 1427, entre le Duc de Bretagne & le Comte
de Belfort , & époufa Jeanne de Château-d'Acy . Alain fut Grand-
Sénéchal & Gouverneur de Lamballe : Catherine le Chauf vendit,
en 1658 , la Terre de la Motte-au-Chauf, avec moyenne-Juf-
tice qui s'exerce à Cancalle , à N.... Grou de la Ville-Jaquin ;
elle appartient actuellement à M. Grou de la Motte. L'ancienne
& illultre famille des Chauf fubfifte encore aftuellement
dans la perfonne de M. le Chauf , demeurant à Guérande.
En 1500, on voyoit, dans le même territoire, les maifons
nobles de Bouais , du Cartier , de la Ville-Galbrun , du Vieux-
Châtel , de la Motte-Jean , de la Foffe-Hingant , & de Saint*
Thomas.
SAINT-CYR ; à 8 lieues au Sud-Ouefl de Nantes , fon Eve-
ché& fon reffbrt ; à 30 Heues & demie de Rennes; & à i
lieue de Bourgneuf, fa Subdélégation. On y compte 1 100 com-
muniants : la Cure eft un Vicariat amovible , dépendant de la
Cure de Bourgneuf. Le territoire, borné à l'Oueft par la mer,
produit du grain de toutes efpeces & du vin. Autrefois il y
avoit beaucoup de marais falants dans ce canton , mais à pre-
fent que la mer perd de ce côté , les falines diminuent tous les ans.
En 1 3 1 2 , Daniel , Evéque de Nantes , s'étant plaint au Pape
Clément V que fon Eveché ne valoit que mille quarante livres
petit tournois de revenu annuel; le Pontife lui permit , par une
Bulle donnée à raifon , d'unir la Paroifle de Saint-Cyr à la Menle
2i6 s A I
épifc opale. La baffe- Juftice de la Touche-Gerbaud appartientà
Mademoiielle Montaudouin.
SAINT-DENOUAL ; à 6 lieues à l'Eft de Saint-Brieuc , fou
Evêché ; à 1 5 lieues de Rennes j & à 2 lieues un quart de
Lamballe , fa Subdélégation. Cette Paroiffe reffortit à Jugon ,
& compte 350 communiants. Le territoire eft coupé par deux
grands chemins qui conduifent de Saint-Malo à Lamballe : on y
voit des terres labourables , quelques prairies , des landes , &
quelques arbres & buiffons. La Terre & Seigneurie de Saint-
Denoual a titre de Vicomte -, elle appartenoit , en 1 440 , à
Pierre de Saint-Denoual. Le 13 Août 1482, le Duc François îï
fit remife à Olivier , Chevalier , Seigneur de Saint-Denoual , du
rachat de cette Terre, dont il hérita par la mort de Jean de
Saint-Denoual, fon oncle. En 1667, Amauri- Charles de la
Mouffaye étoit Vicomte de Saint-Denoual. Cette Seigneurie a
haute-Juflice , & appartient à M. de la Mouffaye , qui poffede
auffi les hautes-Juftices de Saint-Quetas , de Henan , Châtellenie ,
& de Langourian. Au commencement du quinzième fiecle , on
connoiffoit dans le territoire les maifons nobles nommées la
Touche-aux-Louis , à Pierre de Saint-Denoual ; la Gourhandais ,.
à Jean de Guérande j la Guymaye , à Gilles l'Effanchu j
le Parc - Guéri , à André Rivalen 5 & le Bignon , à André:
Maupetit. ,
SAINT -DIDIER; à 4 lieues & demie à FElt de Rennes,,
fon Evêché & fon reffort ; & à 3 Ueues un tiers de Vitré , fa
Subdélégation. On y compte 900 communiants : la Cure eft
préfentée par l'Abbé de Saint- Melaine. Le territoire eff coupé,,
au Nord de fon bourg , par la rivière de Vilaine , & de plu-
fieurs ruiffeaux qui arrofent de bonnes prairies : les terres font
très-exa^lement cultivées , & produifent du grain & du cidre*
Les auteurs de la vie des Saints de Bretagne , difent que Saint.
Goulven , fixieme Evêque de Saint- Pol- de- Léon , quitta fon»
Siège , quelques années avant fa mort ^ pour fe retirer dans une
folitude , au territoire de Saint - Didier j qu'il y bâtit un petit
Oratoire, dans' lequel il mourut; & que c'eff précifément dans
cet endroit que l'on plaça l'EgUfe paroiffiale de Saint - Didier ,
dans laquelle on dépofa les ReUques de Saint Goulven. En 1300^
Béatrix de Bourgogne , Comteffe de la Marche & d'Angoulême ,,
poffédoit un château très-fort à Saint-Didier.. Les maifons nobles,
de
s AI txy
He ce territoire font aujourd'hui , la Rocherie , le Val-Marîon , Se
le château du Pleffis-Raffré , fitué au bord d'un étang , dont les
eaux remphlTent fes foliés : cette place a foutenu des fieges
pendant les guerres de la Ligue. La haute-Jullice de Meneui
appartient à M. de Cucé.
SAINT-DOLAY ; à 1 3 lieues au Nord-Ouefl de Nantes , fou
Evêché & fon refTort ; à 1 6 lieues de Rennes j & à 2 lieues
un tiers de la Rochebernard , fa Subdélégation. On y compte
1700 communiants : la Cure eil à l'Ordinaire. On affure qu'elle
eft la meilleure du Comté Nantais , & , en ce cas , on peut éva-
luer fes revenus à quinze ou feize mille livres. M. le Marquis
de Cucé eil Seigneur de l'endroit. Le territoire offre à la vue des
vallons , des coteaux , des terres en labeur , des bois , & une
prodigieufe quantité de landes , au miheu de l'une defquelles eil
un bois de haute-futaie , peu confîdérable , que l'on nomme U
bois de la Table- ronde. M, du Cange dit que la Table -ronde
étoit une joute ou combat fingulier , & que les combattants al-
loient fouper chez celui qui avoir donné la ïète , où ils étoient
afîls à une table ronde. Les hifforiens Bretons affurent que ce fut
Artur, Roi ou Duc de Bretagne , qui inventa les tournois , la joute,
& la Table-ronde. Ce fait n'elt pas prouvé , & peut-être n'ell-il
pas probable. XJn. zèle inconfidéré pour la gloire de leur patrie , a
îbuvent porté les écrivains à inventer des menfonges & à trahir
la vérité : ils ne réfléchiiïbient pas , fans doute , que des fables
ne font jamais que des fables , & que ce qu'on ne peut prouver ne
doit pas être avancé. Les Anglais , par un principe aulli ridicule ,
& fur des motifs auffi peu tondes, prétendent que la première
Table-ronde qui ait parue , & qui a donné fon nom à toutes les
autres , eft celle qui eil attachée à un mur de l'antique château
de Winchefter. Quoi qu'il en foit , le Bois dont je viens de
parler porte le nom de Table-ronde ; mais je n'ai remarqué aux
environs aucuns vciligcs d'anciens bâtiments. En 1 400 , les mai-
fons nobles de l'endroit étoient : le Cleyo , à Jean Bezit de
LefquilUou ; la Coudraye , à Pierre de la Grenaudaye i l'Armor,
au "seigneur de Mareil ; & Cadouzan , à Jacques du Bezit :
la raaifon noble du PleiTis eil plus moderne , elle fut bâtie en-
viron l'an 1430, & elle appartenoit , en 1480, à Gilles du
Guel'clin , parent du Connétable ; elle appartient aftucllement à
M. le Duc de Gêvres, qui a époulé l'héritière de cette illuilre
famille : elle forme, avec celle de Fai^ une moyenne -Juilice.
Tome IV, E z
/
ii8 SA!
M. de BegafTon de la Lardais pofTede la moyenne - Jufllce de
la Frefnai , de Mareil , & annexes. Dans la même Paroiffe font
deux Chapelles , l'une dédiée à Sainte Anne , & l'autre à Sainte
Lienne,
SAINT-DOMINEUC ; fur la route de Rennes à Saint-Malo 5
à 7 lieues au Sud-Sud-Eft de Saint-Malo, fon Evêché 5 à 7
lieues de Rennes ; & à 2 lieues de Hédé , fa Subdélégation^
Cette Paroifle reffortit à Dinan , & compte 900 communiants:
la Cure eft préfentée par l'AbbelTe de Saint-Georges de Rennes.
Le territoire , aflez bien cultivé & couvert d'arbres & buiffons,
produit du grain, du foin, & du cidre.
SAINT - DONAN -, fur une hauteur ; à 2 lieues un tiers à
rOueft-Sud'Oueft de Saint-Brieuc , fon Evêché Se fon reiïbrt j
à 2 1 Heues de Rennes 5 & à 2 Heues de Quintin , fa Subdélé-
gation. On y compte 2000 communiants : la Cure eft à Tal-
ternative. Le territoire eft coupé de ruiffeaux qui coulent dans
les vallons , & qui vont tomber dans la rivière de Gaël. On y
voit des terres en labeur , des prairies , des landes , & beau-
coup d'arbres à fruits. Les maifons nobles , en 1500 , étoient :
le Rufflai, à Triilan du Rufïlai ; elle a moyenne -Juftice , &
appartient à M. du Port-Martin, Seigneur de la ParoifTe : la
Villeroux , la Terre-Neuve , & le Billet , à Jean du Rufïlai ; le
Four-Janvier, à Louife du Lifcouet ; la Follevilie , à Jean Boi-
zart 5 la Ville-Boutier , à Gilles le Gafcoing j Flfle-Milon , à Syl-
veftre de Kervenan & ThomalTe de Robien , fon époufe ; Gui-
cois , à François Joffe ; Lanlande & Brangol , à Pierre le Fo-
relHerj la Ville -Taneau , la Salle, & la Ville - Sufanne , à
Jeanne de Rofmadec ; Brangol , à N... le Charpentier de Ker-
gonan j & le Clos-Briand , à N....
SAINT-DONATIEN -, fur la route de Nantes à Angers ; à un
tiers de lieue au Nord-Nord-Eft de Nantes , fon Evêché , fa
Subdélégation, & fon reffortj & à 22 Heues de Rennes. On
y compte 4000 communiants : la Cure efl: à l'Ordinaire , ainfî
que les Chapellenies qui s'y deffervent. Le territoire eft d une
grande étendue : on y voit des terres labourables, des prairies,
des vignes , & beaucoup de jardins qui fourniffent une bonne
partie des légumes qui fe vendent à Nantes. Ces jardins , ainfi
que ceux des ParoifTes voifines de la ville, font d'un revenu
s A I 2.1^
confîdérable , puifque des curieux ont remarqué qu'il fe vend oit,
par an , à Nantes, pour plus de vingt mille livres de raves
feulement. Cet objet , fi petit en apparence , doit faire juger du
refle. Cependant , malgré les avantages qu'ofFre le voifmage
d'une ville peuplée & nche , fon territoire n eft pas exadement
cultivé : on y apperçoit des landes qui n*ont aucune valeur au-
jourd'hui , & qui fer oient vivre â Taife trois à quatre mille âmes 5
ce qui prouve l'indifférence blâmable des propriétaires. Les ha-
bitants font prefque tous Jardiniers, Blanchifieurs , Cotonniers,
Journaliers , ou Laboureurs. Le nombre de ces derniers eft
petit. Les Jardiniers & Bianchiffeurs vivent dans une honnête
aifance.
L'Eglife de Saint-Donatien efl très-ancienne. Albert de Mor-
laix & autres , difent qu'elle fut bâtie par ordre de Kerariun-
dus , Evêque de Nantes, en 488. Kerariundus, Juif converti,
fut Evêque en 475 ; mais on ne trouve rien qui prouve qu'il
ait bâti cette Eglife : il ell: même probable qu'elle exiftoit long-
temps avant ce Prélat , mais dans un autre emplacement , & ,
félon toutes les apparences , plus près de la ville. L'hiiloire nous
apprend qu'Ennius, fécond Evêque de Nantes, depuis 310 jufqu'en
330, eut l'honneur d'élever le premier temple dédié au vrai
Dieu , dans la ville de Nantes , & que cet édifice fut conilruit
fur la fépulture des Saints Donatien & Rogatien. Il eil à croire
que , depuis ce temps , cette Eglife a été plufieurs fois rebâtie
& même changée de place. Landran , Evêque de Nantes en
886, mourut le 5 Février 896, & fut inhumé, dans l'Eglife
de Samt-Donaticn , fous une tombe de marbre. Ce fut fous
TEpifcopat de ce Prélat que l'Eglife de Saint-Donatien fut don-
née , l'an 893 , à l'Abbaye de Saint-Médard de SoifTons : elle
en jouit julqu'en 1003 , qu'elle la donna aux Moines de
Bourgdéols , ou Bourg -Dieu. Le Chapitre de la Cathédrale de
Nantes , fous prétexte que cette aliénation n'avoit pu fe faire
fans fon confentemcnt , mais, en effet, dans la crainte que les
Moines n'enlevalîent les Reliques des Saints Patrons de la ville,
fe faifit de cette Eglife. Le procès fut férieux , &: ne finit que
l'an 1092. L'Eglife de Samt-Donatien reffa à l'Evêque Benoît &
à fon Chapitre , qui , dans la crainte que le jugement ne leur
fût pas favorable , avoient déjà enlevé de TEchfe en htige les
plus précieux ornements , & fur-tout , les châfies des deux Mar-
tyrs, qui furent dépofées dans la Cathédrale. Les Moines de
Bourgdéols &: ceux de Saint-Médard de Soiffons n'ont jamais
iio SA!
habité , félon toutes les apparences , h Saint-Donatien. Foulcher ,
aufli Evêque de Nantes , après Landran , mourut en 906 , Se
fut inhumé dans l'Eglife de Saint-Donatien, Le Prieuré de Lan-
chaillou fut fondé, l'an 1076; celui du Grand-Loquidi ^ droit
de quintaine, & dépend de l'Archidiaconé de Nantes. On voit,
dans ce territoire , au bord de la rivière d'Erdre , les ruines d'un
ancien château , nommé Laverriere , 011 l'on remarque encore des
fouterrains. Les habitants du pays tiennent , par tradition , que
le Seigneur de ce château, dont ils ne fçavent pas le nom, étoit
fouvent en guerre avec le Seigneur du château de Launay- Vio-
let , qui eft à peu de diftance de celui-ci , & dans le même ter-
ritoire : on n'en apperçoit plus que les ruines.
Par lettres du 4 Septembre 1398, le Duc Jean IV permit
aux Abbés & Moines de Blanche-Couronne, d'avoir une ga-
renne dans le territoire de Saint-Donatien , & leur donna un
tenement appelle les Grandes-Dimes , pour avoir part à leurs
prières. La Seigneurie de Porterie appartenoit , en 1430, à
Geoffroi du Perrier , Sieur de Quintin j elle eft aujour-
d'hui à M. le Marquis de Rofmadec. Le château de Belle-ifle,
dont il ne refte plus que les ruines , appartient à M. de la
Tullais, Procureur général de la Chambre des Comptes de Bre-
tagne , qui polTede aufli le Port-Duran , & la Terre feigneuriale
du Piefîis-Tifon , où il a une maifon de plaifance , dont le fé-
jour eft très-agréable ; ces trois Terres ont une haute- Juftice. Le
Petit -Port eft à iViM. les Prêtres de la Congrégation de l'Ora-
toire de Nantes. La Dennerie , qui appartenoit , en 1480 , à
Pierre Léel, Chevalier, eft aujourd'hui à M. de Trevellec : la
maifon de TEpronniere , ancienne maifon de plaifance des Ducs
de Bretagne , appartient aujourd'hui à M. le Méneult , Che-
valier de Saint-Louis.
SAINTE-AVÉ ; dans un fond ; à i heue au Nord-Nord-Efl
de Vannes , fon Evêché , fa Subdélégation , & fon reflbrt } & à
20 lieues de Rennes. On y compte 1200 communiants : la Cure
eft à l'alternative. Le territoire oftre à la vue des terres en la-
beur , quelques prairies , & des landes dont le fol paroît de mauvaife
quaUté. L'Eglife de cette Paroifle eft dédiée à Sainte Avé , com-
pagne de Sainte Urfule , qui vivoit dans le cinquième fiecle.
SAINTE-COLOMBE -, fur une petite élévation ; à 6 lieues &
demie au Sud-Eft de Rennes , fon Evêché & fon reflbrt 5 &: à
s A I IH;
5 lieues de Chateaubriand , fa SubdélégatîOn. On y compte
250 communiants : la Cure eft à l'alternative. Le territoire eft un
pays plat , & produit du grain & du cidre.
SAINTE -LUCE; à i lieue & demie à l'Eft - Nord - Eft de
Nantes, ion Evêché , fa Subdélégation , 6^: fon reffort ; & à 22
lieues de Rennes. On y compte 800 cominuniants : la Cure eft
préfentée par le Chapitre de l'Eglife Cathédrale. Ce territoire,
borné au Sud par la rivière de Loire , offre à la vue un pays
riche , de belles prairies , des terres abondantes en grains ,
des vignes , & des landes qui méritent d'autant mieux les foins
du cultivateur , qu'à l'avantage d'être aux portes de Nantes, elles
joignent la fertilité du fol. Il faut convenir que les hommes fça-
vent bien peu apprécier les dons de la nature , nous allons cher-
cher la fortune au loin , tandis qu'elle eu à notre porte. Ce
lieu s'appelloit autrefois Chcjsait ou Chefs cil ^ parce que le ruif-
feau le Feil y prend fa fource. Fortunat y place la belle mai-
fon de l'Evêque de Nantes Saint Félix , & l'appelle Cariacum ,
nom latin qu'on a traduit par celui de Chaffais ^ que porte ac-
tuellement cette maifon , toujours dépendante de l'Evêché de
Nantes. C'eft Saint Félix qui l'a fait bâtir en 550. Un de fes
fucceffeurs y unit trente-fept livres de rente , par a8:e du mois
de Septembre 1291. Amauri d'Acigné fit creufer , en 1461, les
foffés qui font autour de ce château , & y fit conftruire quel-
ques fortifications. En 1 5 00 , on remarquoit dans le même terri-
toire les maifons nobles fuivantes : la Belle-Riviere , à Jean de
la Rivière ; la Minière , à Pierre Gilles & à Jean Pineau ; & la
Haye , à Guillaume de Montigné ; c'étoit alors une métairie ,
c'ell aujourd'hui une belle maifon environnée de bois de haute-
futaie & taiUis.
SAINT-ENOGAT ; à trois quarts de lieue à l'Oueft-Sud-
Ouefi: de Saint-Malo , fon Evêché ; à 1 4 lieues de Rennes ; &
à 4 lieues de Dinan , l'a Subdélégation & fon reffort. 0\\ y
compte 1400 communiants : la Cure efl à l'alternative. Le ter-
ritoire , borné au Nord & à l'Eit par la mer , eft d'une fuperfi-
cie plane , & bien cultivé. A une demi-lieue au Sud de fon clo-
cher, commence une lande qui s'étend à plus de deux lieues
vers Dinan. L'an 1324, Olivier & Geoffroi de Montfort fondè-
rent , dans ce territoire , l'Eghfe de Saint- Jacques & de Saint-
Philippe , nommée jadis Y Hôpital - B cchct , pour des Religieux
ail S A I
Mathurîns, en mémoire de ce qu'ils avoient été rachetés des
mains des Infidèles par des Religieux de cet Ordre,
SATNT-ERBLON ; à 3 lieues au Sud-Sud-Eft de Rennes, fon
Evêché , fa Subdélégation , & fon reflbrt. On y compte 1250
communiants : la Cure eft préfentée par le Théologal. Le ter-
ritoire , arrofé par les eaux de la rivière de Seiche , eÛ plein
de marécages 5 il produit du grain, du foin, & du cidre.
L'Eglife de cette ParoiiTe fut bâtie en l'honneur de Saint-Erblon ,
mort dans l'Abbaye d'Indre , près Nantes , le 25 Mars 720. L'an
1304, Robert Raguenel, Chevalier, Seigneur du Châtel-Oger,
fonda la Chapelleme de Notre - Dame du PiUer , dans l'Eglife
Cathédrale de Rennes ; il donna au Chapelain qui la deflcrvoit,
les dîmes qui lui appartenoient dans cette ParoifTe. Le Châtel-
Oger appartenoit, en 1420, au Vicomte de la Belliere ; il a
une hauteJuftice , qui appartient à Mademoifelle du Château-
Létard. Dans cette même année , on voyoit dans ce territoire
le manoir de Bon-Efpoir, à Gérard Raguenel -, le Château-
Leflart ou Létard , à André du Fail j le manoir de Cajan , à
Jean du Bouais j &: le manoir de Lourmais , à N„..
SAINT - ETIENNE - DE - CORCOUÉ ; dans les baffes-Mar-
ches , fur la route de Nantes aux Sables - d'Olonne ; à 28
lieues de Rennes. Cette Paroiffe compte 300 communiants, &
fait partie du Comté de Nantes -, mais elle eu du diocefe de
Luçon.
SAINT -ETIENNE- DE -MERMORTE; à 7 lieues au Sud-
Ouell: de Nantes , fon Evêché & fon reffort ; à 29 Heues de
Rennes j & à 2 lieues de Machecou , fa Subdélégation. On y
compte 700 communiants r la Cure ell: à l'Ordinaire. Le territoire
eft borné, à deux mille toifes au Sud , par la province de Poitou:
on y voit des terres bien cultivées, des vignes, des prairies. Se
des landes. En 1400, le Seigneur de Retz avoit dans cette Pa-
îoiffe un fort château , oii il avoit un Capitaine.
SAINT-ETIENNE-DE-MONT-LUC ; au bas d^un coteau ; â
4 lieues à l'Oueft-Nord-Oueft de Nantes, fon Evêché & fora
reffort j à 20 lieues de Rennes j & à 6 Heues de Pontchâteau ,
fa Subdélégation. On y compte 3000 communiants : la Cure eft
jpréfeatée par le Doyen de l'Eglife Cathédrale j & la Chapelle
s A I iij
de Saint-Thomas , par l'Evêque diocéfain. Le territoire offre à la
vue des prairies d'une étendue confidérable , des marais , des
terres en labeur de très-bonne qualité , des vignes , & beaucoup
de landes dont le fol paroît excellent : les habitants ont com-
mencé à en défricher une partie , mais ils n'ont pas encore fait
beaucoup de progrès ; il eft à efpérer que peu-à-peu ils vien-
dront à bout de faire difparoître ces landes.
Les archives de la Seigneurie de Savenai font mention qu'il
y avoit jadis une Abbaye ou Couvent , de l'Ordre de Cîteaux,
à l'endroit appelle Saint-Thebaud , fur le bord de la Loire, au
territoire de Saint-Etienne-de-Mont-Luc : ce Monaftere ne fubfille
plus. Les Bénédi61ins & Bernardins avoient alors cinq Couvents,
dont on ne voit plus que les ruines , dans les Paroifles de
Saint-Eticnne-de-Mont-Luc , de Lavaux , & de Cordemais. En
1 188 , il n'y avoit à Saint-Etienne qu'un Chapelain, qui fe nom-
moit Samfon, Le Seigneur de cette ParoifTe étoit alors Guerin
de Saint-Etienne , qui eut une grande conteftation avec Huon ,
Prieur de Pont-Château, au fujet des dîmes de la Paroiffe de
la Chapelle - Launay , que ce Prieur prétendoit lui appartenir.
Après de longues procédures , Guerin les obtint pour fon Cha-
pelain. La Paroifîe ne portoit point encore le furnom de
Mont -Luc.
Dans les quatorzième & quinzième fiecles , la maifon d'Acigné
avoit de riches polleiîions dans cette Paroiffe ; mais nous ignorons
les noms des Terres & châteaux qu'elle poffédoit. Amauri d'Aci-
gné, élu Evêque de Nantes en 1461 , étoit né à Saint-Etienne-
de-Mont-Luc. En 1470 , Jean de Querci étoit Seigneur de la
Juliennaye j & Guillaume de Boifchaud , Seigneur de la Biliaye,
On remarque dans ce territoire les ruines dun ancien château
que les habitants du pays appellent le Tertre des bonnes Dames ; Sc
l'on y apperçoit encore d'anciens foffés. Cet édifice étoit effeftive-
ment fitué fur le coteau du Tertre , ôc il fe peut faire qu'il ait
pris fon nom du coteau , ou qu'il lui ait donné le fien 5 mais
on ne fçait pourquoi on y a ajouté le furnom de Tertre des
bonnes Dames. La JuHennaye appartenoit , en 1 666 , à Céfar
d'Aiguillon, dont la fille unique, nommée Anne , époufa,-le 2
Mars 1 677 , Jean-Gurtave de Rieux , Marquis d'Afferac , Comte
de Châteauneuf, & Vicomte de Donges. La Seigneurie de la
Juliennaye a une haute - Juilice , qui appartient aujourd'hui à
M. de la Bourdonnaye de Mont-Luc. En 1590, on avoit mis
dans le château de la Juliennaye des prifonniers de guerre.
114 S A I
qui avoient été pris par le Capitaine de Lefnaudieres. La HayCr
Mahéas haute-Juftice , appartient à Madame de Coutance.
SAINT-ETIENNE-DU-BOIS ; dans les baffes-Marches j à 3 2
lieues de Rennes. Cette Paroiffe , qui eft dans l'Evêché de
Luçon, dépend, comme toutes celles qui fe trouvent dans les
Marches , des Gouvernements de Poitou & de Bretagne , &
fait partie du Comté de Nantes j elle compte 2400 communiants:
la Seigneurie appartient à M. Danieres , Seigneur de Paluau.
Le terriioire , coupé de quelques ruiffeaux , offre à la vue des
coteaux, des vallons, différents points de vue très -agréables,
des terres en labeur très-fertiles , de bonnes prairies , des vignes ,
quelques bois de peu d'étendue , & des landes en quantité. Je
dois une juftice aux habitants du pays, & fur-tout aux agri-
culteurs : ils ont le talent précieux de fertilifer leurs terres ; elles
produifent, par leurs foins , des moiffons abondantes : mais un
préjugé malheureux les empêche de fe hvrer aux défrichements.
Ils ne peuvent s'imaginer que ces landes immenfes, qu'ils ont fous
les yeux , puiffent les récompenfer de leurs travaux -, idée per-
nicieufe, qui, tranfmife de père en fils,, détruit L'émulation la
plus utile. Cette opinion leur eu commune avec la plus grande
partie de nos laboureurs ; mais l'expérience en a démontré le peu
de fondement. Dix mille journaux de terrein , refiés fans cul-
ture &: fans valeur depuis fept à huit fiecles , font aujourd'hui
une fource de richeffes pour ceux qui ont pris la peine de les
cultiver. Ils ne promettoient pas cependant des avantages bien
flatteurs , mais ils ont plus donné qu'on n'ofoit l'efpérer. La
nature ne fait, rien d'inutile ; elle eft toujours a6live , ik elle
répond prefque toujours à des foins opiniâtres & à des travaux
intelligents. Ne foyons pourtant pas injuftes : c'eft moins au
iîmple laboureur qu'il faut s'en prendre , qu'aux Seigneurs & aux
riches particuHers propriétaires des fonds ; & ,. fi l'on doit s'éton-
ner de quelque chofe , c'eft que des perfonnes inftruites , dont
une éducation fage a rectifié le jugement , qui ont des connoif-
fances étendues , loin de s'attacher à détruire des préjugés nui-
fibles , contribuent à les accréditer parmi les ruftiques villa-
geois. Nous terminerons ces réflexions par une vérité aujourd'hui
généralement reconnue ,. c'eft que les landes n'ont prefque au-
cune valeur , & que de toutes celles qu'on a défrichées on n'en
a trouvé aucune dont le fol n'ait pas répondu aux foins du
cultivateur : les unes ont produjt &: produifent annuelleraenî
d'abondantes;
s A I zz^
d'abondantes molflbns , les autres ont fait de belles prairies ,
& celles qui n'ont pu remplir ces deux premiers objets d'utilité,
ont été plantées en bois. Les habitants de Saint-Etienne font
affez généralement aifés. Les privilèges dont ils jornlfent , la
fertilité de leurs terres , un pays charmant , un air pur , ren-
dent leur condition fortunée j & ils n'auroient rien à envier à
leurs voifins , s'ils avoient le courage de défricher leurs terres
incultes , & de forcer la nature à leur prodiguer fes trélbrs.
Le maître-autel de l'Eghfe paroifllale eil très-beau : c'efi: l'ca-
Vrage d'un excellent fculpteur , nommé le Sueur.
La Seigneurie de Rochequairie appartient à M, de Roche-
quairie , Seigneur de la Motte - Glain : elle a droit de banc
dans l'Eglife du côté de l'Epître. Le fief noble de Bellenouë
appartient à M. Savin de Bellenouë , Bourgeois de l'endroit.
Il fe peut faire qu'il y ait dans la Paroifle d'autres terres
nobles que nous ne connoifTons pas.
SAINT-ETIENNE-DU-GUÉ-DE-L'IST.E; dans un fond, près
la rivière de Liés j à lo lieues au Sud de Saint - Brieuc , fon
Evêché j à 1 6 lieues de Rennes ; & à 4 lieues de JofTelin , fa
Subdélégation. Cette ParoiiTe refTortit à Ploermel , Se compte
800 communiants : la collation de la Cure appartient à M. de
Carcado. Le territoire offre à la vue des terres en labeur, des
Erairies , un bois d'environ une lieue de circuit , des landes , &
eaucoup d'arbres fruitiers. Le château du Gué-de-l'IUe , maifon
feigneuriale de l'endroit , vint en la poffeffion de la maifon de
Rohan , par le mariage d'Eon de Rohan , fils d'Alain VI du nom.,
avec Aliette , Dame du Gué-de-l'Ifle. Yolande de Rohan la porta
dans la maifon- de Carcado , par fon mariage avec Guillaume le
Sénéchal. Cette Terre a plufieurs hautes- jullices , & appartient;
à M. de Carcado-
SAINT-ETIENNE-EN-COGLAISj fur une hauteur, & fur la
route de Dol à Fougères ; à 9 heues au Nord-Eil de Rennes , fon
Evêché & fon reffort ; & à 2 lieues un quart de Fougères , fa
Subdélégation. Cette Paroiffe compte 1800 communiants : la Cure
eit un Prieuré préfenté par l'Abbé de Touffaints d'Angers ,
& deffervi par un Moine de cette Maifon. Le territoire ,
coupé au Nord de fon bourg par la rivière de l'Oifance , offre
à la vue des coteaux , des vallons , des terres très-exa6lement
cultivées, 6c des arbres fruitiers. En 1420, on y remarquoit les
Tome IV^ F i
2,i5 S A 1
maifons nobles de Saînt-Etienne & du Boîs-Henrî, à la Damé
de Saint - Etienne ; ce dernier eft auprès d'un bois , le feul que
nous connoiffions dans la Fàroifîe : le Fail appartenoit au Sieur
de Bonne-Fontaine j & le Vau-Garin , au Sieur du Fratoy.
SAINT-EVARZEC ; fur une hauteur 5 à i lieue & demie au
Sud-Sud- Eft de Quimper, Ton Evêché ; à 39 lieues de Rennes;
& à 3 lieues de Concarneau , fa Subdélégation & fon reflbrt.
Cette ParoifTe compte 700 communiants : la Cure ell à Talter-
native. Le territoire, borné à l'Oueft par la rivière d'Odet, 6c
coupé de ruiffeaux qui arrofent des prairies , offre à la vue des
terres en labeur , des arbres à fruits , & plufîeurs cantons de
terres incultes dont le fol efl: entièrement ftérile. Les Murs-Hunes
& Gueriven forment une haute - Juftice , qui appartient à M. le
Comte de Coigni. Les manoirs de Montarlan ôc de Montergoet
font très-anciens.
SAINT-FIACRE ; fur une hauteur j à 3 lieues au Sud-Efl de
Nantes , fon Evêché , fa Subdélégation , & fon refTort j & à 25
lieues de Rennes. On y compte 500 communiants : autrefois
l'Abbé de Saint-Jouin préfentoit cette Cure j mais, en 1774» il
en remit la collation à FEvêque diocéfain. La Chapellenie de
M. Benoît Thomas eft préfentée par l'Ordinaire. Le 30 Août, il
fe tient une foire en cette ParoifTe. Le territoire efl borné au
Nord par la rivière de Sevré , & au Sud par celle de Maine ;
il produit du grain , du vin de bonne qualité , & du foin. L'Eglife
paroifTiale de Saint-Fiacre fut fondée par les Seigneurs de Gou-
laine, qui ont en cette ParoifTe leur Jurifdiftion des Cleous ,
dépendant du Marquifat de Goulaine. La Jurifdiftion de la
Ganterie Se la moyenne-Juftice de l'Epinai , relèvent des Cleous.
SAINT-GEORGES-DE-GREHAINE ; fur une hauteur ; à 5
lieues à l'Eft de Dol , fon Evêché & fa Subdélégation ; & à 1 1
lieues de Rennes, fon refTort. On y compte 500 communiants:
la Cure eft préfentée par l'AbbefTe de Saint-Georges de Rennes.
Le territoire , borné au Nord par la mer , & à l'Eft par la ri-
vière de Couefnon qui fépare la Normandie de la Bretagne ,
préfente une fuperficie plane , ft vous en exceptez une petite
montagne de forme triangulaire, fur le fommet de laquelle eft
fitué le bourg de la Paroiffe , & un très-beau coteau à l'Oueft :
les terres font très-exaftement cultivées. La Chapelie-Vauclerc ,
s A I 117
jmaîfon noble , appattenoit , en 1 5 00 , à Guillaume de Vauclerc ;
le Montorton , à Pierre de la Marche ; les Verdieres , à Jean
de la Binolaye ; le Pont de la Rufel & Haut de la Grève , à
N.... : le Prieuré de Saint - Georges , haute -JulHce, appartient à
l'Abbefle de Saint-Georges. En 1274, l'Abbeffe de Saint-Georges
tranfigea avec les Chanoines de Dol pour les dîmes de cette
ParoifFe. Le Prieuré de Mont-Rouault , haute-Juftice , à l'Abbaye
du Mont-Saint-Michel ; le Comté de Poilley , haute , moyenne
& baffe Juftice , à M. d'Apreville.
SAINT-GEORGES-DE-REINTEMBAULT ; gros bourg , dans
un fond ; k 11 lieues au Nord-Eft de Rennes , fon Evêché ; &
à 3 lieues deux tiers de Fougères , fa Subdélégation & fon
reifort. Cette Paroiffe compte 3000 communiants : la Cure eft
à l'alternative. Le territoire efl borné à l'Eft , au Nord , & à
rOuefl: , par la province de Normandie ; il offre à la vue des
coteaux, des vallons, des terres exaftement cultivées, des ar-
bres fruitiers , &: les deux petits bois de la Bourdonnaye & de
la Martinaye. Il fe tient quatre foires par an , Se un marché par
femaine , dans cette Paroiffe.
La Terre Ôc Seigneurie d'Ardennes fut donnée originaire-
ment , par les Barons de Fougères , à celui qui faifoit la recette
de leurs rentes & revenus dans le baiUiage de Saint-Georges-de-
Reintembault , & qui mettoit les Mandements & Ordonnances
des Juges à exécution. On voit que c'étoit une Sergenterie
féodée , & elle étoit d'abord connue fous ce nom. Elle fut érigée ,
en 1684, en Marquifat , fous le nom de Romilley , en faveur
de François , Chevalier , Seigneur de Romilley ; elle a haute ,
moyenne & baffe-Juffice , qui s'exerce en la Paroiffe de Ferré,
Julien Maunoire , célèbre Miflionnaire , naquit en cette Paroiffe,
le premier Oéfobre 1606, &: mourut dans celle de Pleven le
28 Janvier 1683.,
SAINT-GERÉON ; fur la route d'Ancenis à Redon ; à 7 lieues
au Nord-Eff de Nantes , fon Evêché 6c fon reffort ; à 20 lieues
de Rennes ; & à un tiers de Heue d'Ancenis , fa Subdélégation»
On y compte 700 communiants : la Cure eff un Prieuré pré-
fente par l'Ordinaire , quoique l'Abbé de Bourg-Dieu en revendi-
que la préfentation. Le territoire renferme des terres en labeur , des
prairies , des vignes , & peu de terres incultes : on y voit la fon-
taine de la Ragotiere , qui , à ce que Ton prétend , a flux & reflux.
iig SAÏ
Le Prieuré de Saînt-Geréon tomba en f égale l'atî 15; 57, Se
fut donné, par le Roi , à Gilles de Gaud , Evêque de Ravennes, &
Coadjuteur de l'Evêque de Nantes. La Junfdiftion des Régaires
de Saint-Geréon fut acquife,le 9 Décembre 15 62, par Antoine
de Créqui , Evêque de Nantes , qui la paya une fomme de
quatre mille fix cents livres , comme on le voit dans les titres
de l'Evêché. Les Religieufes Urfulines , qui font à l'entrée de la
petite ville d'Ancenis , font dans la Paroiffe de Saint - Geréon*
( Voyez Ancenis. ) Les Régaires de Saint-Geréon forment une
haute-JulHce , qui appartient à M. l'Evêque de Nantes ; & le
Prieuré de Saint-Geréon, haute - Juftice , qui appartient à M. le
Prieur.
SAINT-GERMAIN-DE-LA-MER -, fur une hauteur ; à 8 Keues
à l'Efl-Nord-Eftde Saint -Brieuc, fon Evêché j à 16 lieues de
Rennes ; & à 4 heues trois quarts de Lamballe , fa Subdélégation.
Cette Paroiffe reffortit à Jugon , & compte 800 communiants :
la Cure eft à l'alternative. M. de Valentinois en eft le Seigneur. Le
territoire , borné au Nord par la mer & par l'entrée de la rivière
de Frémur, forme une pointe environnée de fable, qui occupe,
dans cette partie , beaucoup de terrein ; mais du côté de Ma-
tignon , qui eft une dépendance de la Paroiffe , on voit des
terres en labeur , fertiles en grains de toutes efpeces : on n'y re-
marque point de landes, mais beaucoup de villages ou hameaux,^
& un grand nombre de maifons nobles. En 1 400 , on y con-
noiffoit la Rouxiere , au Sieur de Châteauneuf j l'Iflarao, à Mar-
guerite l'Abbé ; le Vaull: , à Jean RouUet-Ruiffier ; la Ville-Saloux ,
à Bertrand de Cognets ; la Vigne , à Alain de la Vigne ; le
Clos, à Gilles de Tremereuc ; le Breil , à Hervé de la Lande j
Saint-Jean , à Artur Gruel ; Saint-Gallery , à l'Abbé de Saint- Au-
bin ; la Ville-au-Prenaire, à N... ; la Chenaye-Tanniot , à Henri
Tremereuc ; la Chabaffaye , la Cour , la Ville - Corbin , Roi-
nel , la Gargouillay , la Ville - Audren , & Beauvoir. GueiTouet ,
Commanderie de l'Ordre de Malte , forme une haute- Juftice.
SAÏNT-GERMAÎN-DES-PRÉS ; à 18 lieues au Sud de Saint-
Malo , fon Evêché ; à 6 lieues & demie de Rennes , fon reffort;
& à 4 lieues de Plélan-le-Grand , fa Subdélégation. On y compte
300 communiants: la Cure eft préfentée par l'Abbeffe de Saint-,
Sulpice. Le territoire , traverfé par le grand chemin de Rennes
à Redon , eft couvert d'arbres $c buiffons -, les terres y font fer-
s A I 229
tîles en grriîns de tomes efpeces, maïs on y voit beaucoup de
landes. Ce n eft que depuis 1578 que cette Paroiffe exifte , puif-
qu'à cette époque , c'étoit un Prieuré de Filles , dont Sœur
Jeanne le Voyer étoit Prieure. Le Bois-au-Voyer eft une mailbii
noble , fituée dans fon territoire.
SAINT-GERiMAIN-DU-PINEL ; à 9 lieues à l'Eft-Sud-Eft de
Rennes , fon Evêché & Ion reffort ; à 3 lieues de Vitré , fa
Subdélégation. On y compte 1000 communiants : la Cure eft
préfentée par l'Abbé de la Roë , & c'eft un Chanoine-Régulier
qui y fait les fondions de Refteur. Le territoire , d'une fuper-
ncie plane , eft coupé de deux petits ruiffeaux , formés , l'un par
l'étang du Bois-Halbran , & l'autre par celui du moulin de la
Paluere. Au Nord du bourg eft le bois Pinel , qui contient en-
viron trois cents cinquante arpents , & la lande des Touches-
Vaux qui le joint : le refte de ce territoire eft bien cultivé , & pro-
duit des grains & du cidre.
SAINT- GERMAIN- EN -COGLAIS; fur une hauteur; à 10
lieues au Nord-Eft de Rennes , fon Evêché ; & à 2 lieues de
Fougères , fa Subdélégation & fon reffort. On y compte 2400
communiants : la Cure eft préfentée par un Chanoine de l'Eglife
Cathédrale. Le territoire offre à la vue des monticules , des
coteaux , des vallons , un petit bois qui joint le bourg , beau-
coup d'arbres fruitiers , des terres bien cultivées , & beaucoup
de villages ou hameaux : il y a quelques terreins incultes , dont
on croit le fol de mauvaife qualité.
SAINT - GERMAIN - SUR - ISLE ; à 3 lieues au Nord-Nord-
Eft de Rennes , fon Evêché , fa Subdélégation , & fon refîort.
On y compte 300 communiants: la Cure eft à l'alternative. Le
territoire , arrolé de la rivière d'ifle , produit des grains , du foin,
& du cidre.
SAINT-GILDAS-DE-RHUIS , Abbaye, de l'Ordre de Saint-
Benoît , & ParoifTe du nom de Saint Gouftan ; au bord de la
mer, dans la prefqu'ifle de Rhuis ; à 4 lieues au Sud-Sud-Oueft
de Vannes, fon Evêché; à 25 heues de Rennes; Sz à i heue
& demie de Sarzeau, fa Subclélégation & fon reffort. Cette Pa-
roiffe relevé du Roi ; on y compte 900 communiants : la Cure
eft préfentée par l'Abbé de Saint-Gildas. Le territoire eft fertile
ijo S A I
en grains ; on y voit auiTi quelques cantons de vignes dont lé
vin eu de médiocre qualité.
L'Abbaye de Saint-Gildas eu célèbre dans l'hiftoire , mais les
annaliftes ne s'accordent point fur Tépoque de fa fondation. Les
uns prétendent qu'elle fut fondée par Grallon , Roi de Bre-
tagne , l'an 43 4 i ce qui ne peut s'admettre , puifque Saint Gildas
n'arriva d'Angleterre dans l'A rmorique , que vers l'an 530. Les
autres placent fa fondation en 389 , & l'attribuent à Judicaël, qu'ils
fuppofent premier Evêque de Vannes. Pour détruire ces deux
alfertions , nous dirons , d'après les hilloriens les plus véridiques
& les plus fuivis , que le premier Evêque de Vannes , élu en
441 , fe nommoit Maiifuet , & que Saint Gildas , n'étant né qu'en
499 , ne pouvoit être Abbé cinquante-huit ans avant fa nailTance..
Saint Gildas arriva donc en Bretagne , l'an 5 3 o , & obtint de
Varoch , Comte de Vannes , un château que ce Prince poffé-
doit fur le bord de la mer ; château que le Saint Solitaire chan*
gea en Monallere. C'eil le fentiment de l'hiftorien Dom Morice ,
qui dit, « que Gildas le Sage s'établit , vers l'an 530, dans la
» prefqu'ifle de Rhuis, oii il écrivit les deux Traités que nous
» avons de lui j Traités que l'on regarde com.me la meilleure
» fource de l'ancienne hiftoire , & que ce Saint mourut l'an
» 570. » Comme cette Abbaye eft fur le bord de la mer ,
elle fut plusieurs fois pillée par les Normands ; & les ravages
fréquents de ces barbares en avoient exilé tous les Moines , en
1008. Les murs étoient prefque tous renverfés, & il s'étoit élevé
des arbres qui bouchoient les portes & les fenêtres de la maifon,.
qui ne fervoit plus que de refuge aux bêtes fauvages d'une vaftc:
forêt qui exilloit dans cette prefqu'ifle , & aux plus venimeux,
reptiles ^ dont le canton abonde. Geoffroi I , Duc de Bretagne,
touché de la mauvaife fituation de ce Monaftere , demanda à
Gauzelin , Abbé de Saint-Benoît-fur-Loire , des Moines pour le
rétablir. Gauzelin le fatisfit , & , parmi les Religieux qu'il en-
voya , il en choifit un nommé Félix , homme infatigable , que le
Duc chargea du rétabliflement de l'Abbaye., Ce Moine remplit
avec tant de zèle & d'intelligence les intentions du Prince
Breton & de fon Abbé , qu'en peu d'années il rendit cette
Maifon floriffante ; & , quand il la vit bien réparée , il alla en
rendre compte à l'Abbé Gauzelin , qui lui en donna le gouver-
nement. Félix , de retour , continua fes réparations , gouverna
fagement fa Communauté , &: mourut , en odeur de fainteté , en
1038. On prétçad qu'il étgit à Rheims lorfque la mort vint le
s A I 'iji'
furprendre. La Cônftru6Hon de l'Eglife eft fort ancienne. Parmi
un grand nombre de Reliques qu'elle renferme dans fon tréfor,
on remarque un morceau qui pafTe pour être de la vraie Croix ,
6c im morceau du Ibulier de Notre-Sauveur. ,
Le fameux Pierre Abailard , né au Pallet , près Nantes , fut
Abbé de cette Maifon, l'an 1125. Ses Moines ayant voulu l'em-
poifonner & enfuite raflafliner , il fut obligé de la quitter. Mi-
chel Ferrand , Abbé Commendataire de cette Abbaye , y intro-
duifit la Règle de la Congrégation de Saint-Maur , en 1649.
Elle fut réunie à l'Evêché de Vannes , le 7 Août 177Z. En
1430, ce territoire renfermoit la maifon noble de Ker-enoel, qui ap-
partenoit à Antoine Lehenj Se celle de Ker-illegan,à Jean deLohan.
SAINT-GILDAS-DES-BOIS , Abbaye , de l'Ordre de Saint-
Benoît , & Paroifîe ; fur une hauteur ; à 1 1 lieues au Nord-
Oueft de Nantes, fon Evêché & fon refTort ; à 16 heues de
Rennes ; & à 2 lieues de Pontchâteau , fa Subdélégation. On
y compte 1200 communiants : la Cure eft en la prélentation
des Mornes. Le territoire offre à la vue beaucoup de marais,
des prairies, des terres bien cultivées , & des landes très-éten-
dues , dont la plupart mériteroient d'être cultivées. On y re-
marque deux moulins à vent, qui portent le nom du lieu, ôc
defquels on découvre à dix lieues à la ronde.
Simon, fils de Bernard, Seigneur de la Rochebernard , fonda,
l'an 1020 , l'Abbaye de jSaint-Gildas-des-Bois , ( de nemore , ) près
la fource de la rivière de Pontchâteau , dans un lieu nommé
Lampridic. Les anciens titres l'appellent quelquefois C Abbaye de
la Lande y de Laiidâ^ & de SamceL Cette fondation fut faite
du confentement du Duc de Bretagne Alain IIÏ , & de Budic,
Comte de Nantes. Simon de la Rochebernard , la renouvella &
confirma, en 1026, en préfence de Gautier, Evêque de Nantes;
de Guerin , Evêque de Rennes j du Duc Alain 111 ; & du jeune
Comte Mathias , fils du Comte Budic. Les fondateurs fe réfer-
verent un fommier ou cheval de charge , de cens , lorfqu'il
leur faudroit aller à l'armée au loin. Cette Abbaye efi la feule
du diocefe dont l'Abbé porte les ornements pontificaux. Ce
privilège lui fiit accordé pendant le Concile de Bafle , mais avec
les reftriftions portées par la Bulle de Clément IV. Ce fut l'Ab-
baye de Redon , alors dirigée par Catwalon , qui peupla le nou-
veau Monaftere. Helogonus en fut le premier Abbé. Les trois
foires qui s'y tiennent par chaque année , furent accordées par
i^t ^ A I
lettres -patentes de 1592. L'Abbaye a une haute-Juflice , &
M. de Lefquen en poiïede une moyenne dans ce territoire.
SAINT-GILLES ; près la route de Rennes à Breft ; à 2 lieues
Sz demie à TOueft-Nord-Oueft de Rennes , fon Evêché , fa Sub-
délégation , & Ion reflbrt» On y compte 1200 communiants-:
la Cure eft préfentée par l'Abbé de Saint-Melaine. Le terri-
toire , d'une fuperficie plane , offre à la vue des terres bien-
cultivées & des pâturages très-abondants. Le beurre &: le cidre
y font de la meilleure qualité.
SAINT-GILLES-LE-VlCOMTE ; à 3 lieues & demie au Sud-
Sud-Eil: de Tréguier , fon Evêché ; à 27 lieues de Rennes -, &:
à 2 lieues de Guingamp , fa Subdélégation. Cette Paroiffe
Teffortit à Lannion , Si compte 950 communiants : la Cure eit
un patronage laïque , Se eft préfentée par M. le Duc de Lorges.^
Seigneur du lieu. C'étoit jadis une trêve de la Paroiffe de Pom-
merit-le-Vicomte. Le territoire renferme des terres en labeur,
des prairies, des landes, & des bois,
SAINT-GILLES-PLIGEAU , fur une montagne ^ près la route
de Guingamp à Pontivi ; à 19 lieues à l'Eft-Nord-Eff de Quim.-
per , fon Evêché -, à 24 lieues de Rennes , & à 2 lieues de
Corlai, fa Subdélégation. Cette Paroiffe reffortit à Saint-Brieuc,
8c compte 2600 communiants , y compris ceux de Ker-per
Se de Saint-Conan , fes trêves : la Cure eft à l'alternative. Le
territoire offre à la vue des terres en labeur , des prairies ,
des landes , des coteaux , des vallons , des monticules , des
arbres fruitiers j & l'Abbaye de Coetmaloën , Ordre de Cîr
teaux. ( Voyez Coetmaloën. )
SAINT-GLEN; à 13 lieues à l'Oueff-Sud-Oueff deDol, fon.
Evêché j à 14 lieues un quart de Rennes j & à 3 lieues de
Lamballe , fa Subdélégation. Cette Paroiffe , qui eft enclavée
dans le diocefe de Saint-Brieuc , reffortit à Jugon , & compte
600 communiants : la Cure ell à l'Ordinaire, Le territoire ,,
borné au Sud par les montagnes du Mné , renferme des terres
en labeur & beaucoup de landes. C'eft un terrein plan. Saint-
Glen, haute-Juftice , à M. Quimper de Lanafcol , Chaufliere ,,
moyenne-Juftice , à M. Deshayes -, & la Ville-Tanet , moyenne-
Juffice, à M. Bouexiere de la Ville-Tanet.
SAINT-GONDRAN ^
SAINT-GONDRAN ; dans un fond; à lo lieues au Sud-Sud^
Eu de Saint-Malo , fon E|pché ; à 4 lieues Se demie de
Rennes ; 8^: à i lieue un quart de Hédé , fa Subdélégation &
fon refTort. Cette ParoifTe relevé du Roi, & compte 300 com-
muniants : la Cure efl: à l'alternative. Le territoire , traverfé au
Sud par la route de Rennes à Dinan, offre à la vue des terres
très-exactement cultivées , beaucoup d'arbres fruitiers , Se autres.
Les habitants récoltent beaucoup de lin,.
SAINT -GONLAI; à 13 lieues au Sud de Saint-Malo , fon
Evêché ; à 6 lieues & demie de Rennes, fon refTort ^ & à 3.
lieues de Plélan , fa Subdélégation. On y compte 900 commu-
niants : la Cure efl préfentée par l'Abbé de Montfort. Le terri-
toire , borné au Nord par la rivière de Muel , & au Sud par
la forêt de Paimpont, renferme des terres en labeur &: beau-
coup de landes qui paroifTent mériter les foins du cultivateur.
Le Changée appartenoit , en 1 400 , à Philippe Haloret.
SAINT-GONNERI; à 12 lieues au Nord-Eft de Vannes,
fon Evêché ; à 18 Heues de Rennes ; & à 3 lieues de Pon-
tivi, fa Subdélégation. Cette ParoifTe refTortit à Ploermel, &
compte 700 communiants : la Cure efl à l'alternative. Ce ter-
ritoire eft en partie occupé par la forêt de Branguilly , qui
appartient à M. le Duc de Rohan. Lé furplus offre à la vue
des terres en labeur de médiocre qualité , quelques prairies ,
6c des landes..
C'efl dans ce territoire qu'efl fitué le château de Carcado ,
rnaifon feigneuriale de Saint-Gonneri , qui a pris fon nom d'une
famille auffi ancienne que diflinguée. Une lettre écrite par Dom
Morice , le 4 Avril 1740, dit qu'il n'y a pas de preuve que la
maifon de Kercado foit iffue de celle de Rohan , mais qu'il y a
des conjectures qui rendent cette opinion probable. La première
ell tirée de la reffemblance qui le trouve entre les armoiries
des anciens Seigneurs du Gué-de-Lifle , & celles des premiers-
Sénéchaux de Rohan. Ce dernier fe fervoit , en 1300 , d'un fceau
chargé de fept macles & d'une bande tirée du premier au qua-
trième quartier. Eon de Rohan , qui vivoit dans le même temps,
& qui a fait la branche des Sires du Gué-de-Lifle , s'efl toujours
fervi d'un pareil fceau. Cette conformité de fceaux infînue une
même origine , car il ne paroît pas croyable que cet Eon ait pris-
les armes de fon Sénéchal féodé, fi ce Sénéchal n'étoit pas iffu
Tome m G 1
2-Î4 S AI
de la maîron comme lui. D ailleurs , les Officiers cîes maîfofis por-
tent les armes de leurs maîtres : 1^ Sénéchaux les portoient avec
une bnfure j ils étoient donc plus que fimples Officiers , Se par
conféquent puînés. Les droits d'afyle & honorifiques annexés à la
SénéchauiTée , font encore un grand préjugé en faveur de celui
qui l'a reçue à titre d'héritage. Le Vicom.te ne s'étoit pas contenté
de lui céder le droit qu'il avoit de juger fes vaffaux , il lui avoit
encore affigné des biens tels que n'en avoient pas alors les cadets
de fa maifon. En 1 299 , Alain VI , Vicomte de Rohan , partagea
deux de fes cadets, JolTelin & Guiart, à qui il ne donna pas
deux cents livres de rente. Les Terres que le Vicomte tenoit
alors en Bretagne , produifoient quatre mille cinq cents livres
de rente. Le Sénéchal avoit le vingtième denier de ferme. Selon
une enquête faite en 1258, il lui revenoit donc deux cents cin-
quante livres par an fur les revenus de la Vicomte , fans compter
les fonds annexés à fa charge , que l'on nommoit la Sénéchaujfée
féodée , & la part qu'il avoit dans les amendes , les tailles , & les
aides ; fes revenus excédoient donc ceux des cadets de fa mai-
fon dans ces premiers temps. Il ne paroît pas vraifemblable que
des Seigneurs , qui fe conduifoient avec beaucoup de fagelTe , aient
donné tant de prérogatives à un étranger, tandis qu'ils ne pou-
voient pas faire les mêmes avantages à leurs propres cadets. Il
eft donc naturel de croire que les Sénéchaux de la Vicomte de
Rohan étoient cadets de cette illuftre maifon.
Plufieurs raifons porteroient à regarder la SénéchaufTée , ou
Sénéchalie de Rohan, & les fiefs & droits qui y furent atta-
chés, comme une Juveigneurie de la maifon de Rohan, &par
conféquent pourroient faire préfumer que les premiers qui pof-
fédèrent cette charge, étoient fortis , comme on vient de le
dire , de la maifon de Rohan , ou étoient des cadets de la maifon
de Molac , dont le dernier du nom fut Gui VII de Molac ,
Sire, Baron de Molac, mort en 1411, lefquels pouvoient aufli
être fortis de la maifon de Rohan. L'identité des écuffons 6c
armes de ces deux maifons qui , dès les dixième & onzième
fiecles , étoient de fept macles pofées 3. 3. & i , comme la
maifon de Rohan les portoit alors , mais différenciées feulement
dans les maifons de Molac & de le Sénéchal , par les émaux
ou brifures , qui étoient le caraftere diilinftif des cadets ou des
Juveigneurs des maifons illuftres , &c. De plus , le Seigneur
de Molac pofTédoit dès-lors la Terre de Molac de fon nom,
fituée au diocefe de Vannes , ôc le fief de Molac-au-Breton , fitué
s A I 23.
en la Paroîfle de Saint-Caradec , lequel fieF de MoIac-au-Breton
fait partie des fiefs de la Sénéchalie féodée de Rohan ; & lefdites
armes de Molac , Paroiffe du diocele de Vannes , & de Molac-
au - Breton , étoient , dès le onzième fiecle , les mêmes , fept
macles j. j. & i.
Les Seigneurs Vicomtes de Rohan, qui tirent leur origine, en
ligne mafculine , des premiers Rois de Bretagne , & dont la
maifon a toujours fort approché des maifons fouveraines, avoient
dans leur Vicomte , qui a pafTé de tout temps pour une des plus
illuftres & des plus confidérables de l'Europe , beaucoup de vaf-
faux nobles , des premiers noms de Bretagne , entre lefquels
celui qui tenoit le premier rang étoit le Sénéchal féodé & hé-
réditaire , comme les Sires de Joinville l'étoient des Comtes de
Champagne , & les Sires de Vergi des Ducs de Bourgogne , 8c
apparemment par un ancien partage de cadets , fuivant la vieille
coutume qu'avoient les grandes maifons , tant en France que
hors de ce Royaume , d'avoir leurs cadets pour Sénéchaux hé-
réditaires , ainfi qu'on en voit plufieurs exemples.
Le Sénéchal a toujours été le premier à la Cour des Empe-
reurs, des Rois, & des autres Souverains. Son emploi étoit en
même temps civil & mihtaire. Chargé de rendre la juflice aux
fujets du Prince , il vifitoit , en certain temps , les provinces ,
écoutoit les plaintes des particuhers , réformoit les mauvais juge-
ments , punifToit les Juges & autres Miniftres de la Juftice , 8c
les changeoit fi le bien du Public le demandoit. Dans les ar-
mées, le Sénéchal conduifoit l'avant -garde, lorfque le Prince
marchoit à l'ennemi, & l'arriere-garde après l'aftion. Dans les
combats , il portoit la bannière du Prince , & , en fon abfence ,
il commandoit les troupes. Cet office , qui étoit , dans la pre-
mière infiitution , une dignité perfonnelle , devint dans la fuite
héréditaire, & le Vicomte de Rohan y avoit afFefté une très-
belle Terre , nommée la SénéchaUe de Rohan , pour la tenir de lui
en fief& hommage lige; elle s'étendoit dans plufieurs Paroifles,
& avoit toutes les marques d'une grande Terre , telles que font
la haute, moyenne & bafTe-Jufiice , les épaves gallois, & le
droit de fe délivrer , au premier jour des plaids généraux de la
Vicomte, à congé de menées & de perfonnes, alternativement
avec les Seigneurs du Gué-de-Lifle-Rohan : en un mot, tout ce
qui caraftérife une grande Seigneurie fe trouvoit dans la Terre
de la Sénéchalie , &: , de plus , des droits utiles & honorifiques ,
qui rendoient cet office très-confidérable j de forte que les Séné-
2.}i5 s A I
chaux féodés de Rohati n*étoient point inférieurs aux Sénéchmit
héréditaires des autres provinces.
La première des prérogatives dont jouifToit le Sénéchal féodé
Se héréditaire de Rohan , lui donnoit le vingtième denier de
termes & baillées , des tailles & des aides , des taxes & amendes
de la Vicomte -, la féconde lui attribuoit le droit d'inftituer des
Lieutenants dans toutes les Barres & les Jurifdiftions de la Vi-^
comté , pour y rendre la juftice , & de mettre un Sergent général ^^
lequel , fuivant l'ancienne coutume , devoit être noble. En vertu
d'une troifieme prérogative, il portoit la bannière, lorfque le
Vicomte alloit à la guerre , & , en fon abfence , il comman-
doit les Nobles du pays.
Les premiers Seigneurs qui exercèrent la charge de Sénéchal
& en portèrent le titre , ne font pas connus. Les vieilles chro-
niques qui ont parlé de cette famille illuftre , & depuis fi long-
temps puifTante en Bretagne , ne nous ont rien appris de certain ,
ou plutôt n'ont point prouvé ce qu'elles en ont dit. Quoique tout
ce qu'on y trouve foit fort glorieux pour cette maifon , nous le
paflerons fous filence , parce qu'elle n'a pas befoin de ces faits
douteux 5 pour fa gloire. Ceft dans les hiftoriens Bretons , reconnus
pour véridiques, qu'on trouvera & qu'on doit chercher les faits
honorables qui ont toujours diftingué les Seigneurs de Molac.
La branche des Seigneurs de Carcado a pour auteur Eon ou
Eudon le Sénéchal, frère cadet d'Olivier III du nom , qui eut
en partage les Terres du Bot-au-Sénéchal , Molac-au-Breton , en
la Paroiffe de Saint-Caradec , dépendantes & démembrées des
fiefs de la Sénéchalie féodée de Rohan : fa poftérité pofiede
encore aujourd'hui ce partage & le furnom de Sénéchal , qu'il
portoit & qu'il tranfmit à fes defcendants. Eon ou Eudon le
Sénéchal avoir époufé , en 1 3 1 4 , Olive , Dame & héritière de
la Terre & Seigneurie de Carcado.
Corentin-Jofeph le Sénéchal , ci -devant Abbé de Carcado,
eft préfentement Marquis de Molac , Maréchal des Camps &
Armées du Roi , Commandeur de l'Ordre de Saint-Louis , Gou-
verneur de Quimper. Il a époufé Dame Marguerite - Louife-
Françoife le Sénéchal , héritière principale & noble de Louis-
Alexandre-Xavier le Sénéchal , Marquis de Carcado. Ce mariage
a fait la réunion de la féconde branche à la première.
SAINT-GOUENO -, dans un fond -, à 7 lieues au Sud-Sud-Eft
de Saint-Brieuc 5 fon Evêché ^ à 15 lieues de Rennes, fon ref-
s A I 137
fort; & à i lieues un quart de Moncôntôur, fa Subdélégation.
On y compte 700 communiants : la Cure ell à l'alternative. Le
territoire eft occupé au Nord & à l'Ell par les montagnes du
Mné, dont le fol elt abfolument llérile ; mais, au Sud & à l'Ouefl,
font des terres en labeur très-fertiles, quelques prairies, & quel-
ques landes. Carmené ,• haute-JulHce , appartient à M. de Car-
mené :1a Ville-Delée , haute- Juftice, à M, le Veneur de la
Ville-Chaperon. Le manoir du Coudrai 6c le manoir de Langle
font fort anciens.
SAINT-GRAVÈ; fur la route de Redon à Maleftroit; à 7
lieues & demie à l'Ell de Vannes , fon Evêché & fon refTort ; à
14 lieues de Rennes; & à 4 lieues de Redon, fa Subdéléga-
tion. On y compte 900 communiants : la Cure eft à l'alterna-
tive. Le territoire , coupé par les rivières d'Ouft & de Clayes,
préfente une fuperficie plane , & renferme des terres en labeur,
des prairies, des bois, & des landes. En 1480, les maifons no-
bles de l'endroit étoient : le Cancouet, la Chouallais, la Haye,
Bréchéan, la Grenaudaye , le Bas-Montrait, & le Montrait,
SAINT -GRÉGOIRE j à i lieue au Nord de Rennes, fon
Evêché, fa Subdélégation , & fon reflbrt. On y compte 1200
communiants : la Cure eft préfentée par un Chanoine de la
Cathédrale. Le territoire , coupé par la rivière d'Ifle , offre à la
vue des terres très-exaftement cultivées , & beaucoup d'arbres &
buiflbns. On trouve , dans certains cantons , des amas de fables ,
que vraifemblablement la mer y a dépofés , & qui paroiftent un
detritum de coquilles : il reffemble affez à ce fable que les la-
boureurs emploient à fertilifer leurs terres. Les habitants le
nomment fable de Saint-Grégoire : il contient des coquilles en-
tières & des loftéocles. Les maifons nobles de cette ParoiiTe ,
en 1420, étoient ; le Defert-Seul & la Hautiere , à Pierre de
Pocé ; la Grimaudayc & le Val, à Jean le Prêtre ; la Bréteche,
à Guillaume Mandart ; la Pleffe , Launai , les Chefnais , & Hau-
debert , à Jean du Breil j la Vizeulle , la Saudraie , & les Char-
bonnières, à N
SAINT-GUINOU ; dans un fond , au bord des marais ; à 2
lieues à l'Oueft-Nord-Oueft de Dol , fon Evêché ; à 1 2 lieues
de Rennes ; & à 3 lieues de Saint-Malo , fa Subdélégation.
Cette Paroiiîe reflbrtit à Dinan , & compte 700 communiants :
x}8 S AI
la Cure eu à l'Ordinaîre. Le territoire eft coupé à TEft
par le ruifTeau de Bied-Jean j au Sud, font les marais de DoL
Les terres font fertiles en grains & foin , & très-exaftement cuir
tivées. Les maifons nobles du lieu étoient , en 1 5 oo , la Ven-
tiere , à Briand de Tréal ; Ker-yoUis , à Jean Quelleneuc ^ la
ViUe-Aubel , à Alain Clohan -, le Buat , à Jean Bouaye -, le
Pré , à Jean de Quelleneuc ; la Motte & la Landelie , h
Pierre de la Motte 5 & Maupertuis , à Jean le Bouteilier.
SAINT-HELEN; à 3 lieues trois quarts au Sud-Oueft de Dol^
fon Evêché & fa Subdélégation ; & à 10 lieues de Rennes»
Cette ParoifTe reffortit à Dinan, & compte 900 communiants:
la Cure eil à l'Ordinaire. Le territoire renferme la forêt de
Coetquen , des terres en labeur , des prairies , & des landes :
il produit beaucoup de cidre. Il fe tient deux foires conlidé-
rables par an à Saint-Helen.
Le château de Coetquen eft la maifon feigneuriale de Saint-
Helen : c'eft lui qui a donné fon nom à l'illuftre famille de
Coetquen , dont l'origine fe perd dans l'obfcurité des fiecles»
Dupas 5 dans fon hiftoire , prétend quelle fort des anciens
Comtes de Dinan , &: que le premier qui prit le nom de
Coetquen , fut Olivier y fils de Rivallon , & frère de Godefroi ,,
Comte de Dinan. Cet Olivier vivoit à la fin du douzième
fiecle , fi l'on en croit l'hiftoire citée ; mais il fe trompe , puif-
que les titres de cette maifon prouvent que Raoul de Coetquen
vivoit l'an 11 50, & qu'Olivier, fon petit-fils, fe trouva aux:
Etats afîemblés à Vannes en 1203. Ce feroit donc Raoul &:
non Olivier qui auroit pris le premier le nom de Coetquen j mais
ceci eft fort indift'érent, dès qu'on prouve que les Seigneurs de
cette maifon tenoient un rang diftingué en Bretagne dès le dou-
zième fiecle. Jean de Coetquen mourut prifonnier en Angleterre
pendant les guerres entre le Comte de Montfort & Charles de
Blois , au fervice duquel il étoit attaché. Raoul , fon fils , fut
Gouverneur de Redon & du château de Léhon , près Dinan.
Raoul de Coetquen afllfta, comme Banneret , aux Etats de Vannes,
en 1 408 j Marie de Coetquen , fa fœur , époufa Jean , Sire
d'Acigné ; Raoul de Coetquen , Gouverneur de Dinan & Maré-
chal de Bretagne, époufa Marguerite de Maleftroit ; Jean, Grand-
Maître de Bretagne , époufa Catherine de Chateaubriand j un
autre aulîi nommé Jean, fut Lieutenant de Roi en Bretagne ->.
& c'eft ea fa faveur que le Roi Henri III érigea la Terre &
s A 1 i}9
Seigneurie de Coetquen en Marquifat , Tan i Ç75 •, il époufa Phi-
lippe d'Acigné, qui lui porta le Comté de Combourg. Henri IV
le fit Gouverneur de Saint-Malo , & le nomma Chevalier de
fes Ordres en 1 595 , mais ce Seigneur mourut avant d'avoir reçu
le collier : Jean de Coetquen , fon fils , époufa Renée de Rohan -,
& Louis de Coetquen , Henriette d'Orléans. Malo , Marquis de
Coetquen, prit en mariage Marie - Charlotte de Nouailles : ces
Seigneurs furent fucceffivement Gouverneurs de Saint-Malo j
mais leur poflérité mafculine s'étant éteinte , leurs biens font
tombés en la maifon de Duras , par le mariage de l'héritière de
cette maifon avec M. le Maréchal Duc de Duras, Pair de France,
qui jouit aujourd'hui du Marquifat de Coetquen.
En 1500 , on connoifToit dans ce même territoire les maifonS
nobles fuivantes : la Ville-Bougaut, à Guillaume le Bigot ; Murs-
Fille , à Henri le Prévofi ; la Folletiere , à Jean Cadiou -, le
Plefîis, à Guillaume de Lanteretj le Pont-Riou , à Gilles Pépin;
la ThyeuUaye , à Charles Grinuel -, & la Falaife , à Jean de
Rougé.
SAINT-HELÎER , à une demi-lieue à l'Efi-Sud-Efl de Rennes ,
forme un des fauxbourgs de cette ville. On y compte 2000 com-
muniants : la Cure efl: préfentée par un Chanoine de la Cathé-
drale. C'efi: dans ce bourg que fe fait l'embranchement des
routes de Rennes à la Guerche , & de Rennes à Chateaubriand ,
& que font fituées les fourches patibulaires du Parlement ^ que
l'on nomme la Quarréc, Le territoire produit du grain , du
foin , & du cidre. Aux environs de la maifon de Braye , on
trouve dans des rochers , du fpalt qui efi: très-feuilleté 5 il y en
a de dur , & d'autre fi tendre qu'on l'écrafe avec les dqigts.
La Terre & Seigneurie de Cucé , fituée dans ce territoire ,
appartenoit jadis à la maifon de Bourgneuf , qui a produit des
hommes d'un mérite rare. JuHen de Bourgneuf rendoit la JuHice
dans la province avec le titre de Préfidenr de Bretagne ; &: , lors
de l'inltitution du Parlement , le Seigneur de Bourgneuf fut
nommé Premier Préfident, charge que fes defcendants ont pof-
fédé long-temps. La Seigneurie de Cucé fut érigée en Mar-
quifat, l'an 1644, en faveur de Henri de Bourgneuf, Seigneur
de Cucé , Premier Préfident au Parlement de Bretagne. Ce Ma-
giftrat , ayant été député par fa Compagnie auprès du Roi ,
mourut à Paris , fans poftérité , le 27 Août 1 660 , regretté de
la nation Bretonne , qui le pleura comme un père bicntaifant.
X4^ S A I
SAINT-HERBLAIN ; fur une hauteur ; à i Heue deux tkri
à rOueft de Nantes, fon Evêché , fa Subdélégation , & fon reffort ;
& à 23 lieues de Rennes. Cette ParoifTe relevé du Roi : on y
compte 2000 communiants -, la Cure eft préfentée par le Chapitre
de l'Eglife Cathédrale. Le territoire , borné au Sud par la rivière
de Loire , efl: coupé de ruiffeaux qui arrofent de riches prairies -, le
pays eu très-agréable, & l'air très-fain: les terres font fertiles en
grains , & vin de médiocre qualité ; mais ce dont on ne peut
trop s'étonner , c'eft de voir à l'Eft-Nord-Ell: de ce bourg , ôc
pour ainfî dire aux portes de Nantes , des landes très-étendues ^
dont le fol paroît mériter les foins du cultivateur. L'EgUfe de
Saint - Herblain fut bâtie en l'honneur de Saint Herblon , qui
mourut, dans le Prieuré d'Indre, le 25 Mars 720.
La maifon Seigneuriale de cette Paroifïe eft le château du Mar-
quifat du Bois de la MufTe , en la ParoifTe de Chantenai 5 le Sei-
gneur a les mêmes droits dans l'Eglife de Saint-Herblain que dans
celle de Chantenai, & en outre les droits de foires & marchés.
Cinq fiefs de haute - Juftice , fitués dans la ParoifTe de Saint-
Herblain , dépendent de ce Marquifat , fçavoir : le Bois , Ses-
Maifons , le PlefTis , la Bouvardiere , & la Hunaudais. Les mai-
fons nobles de la PetifTiere ^ de la Bourgonniere , du PlefTis-
Bouchet, de la Jolie-Reine, de la Chauviniere, du Vigneau ^
de la Bourderie , de la Moftiere , de Carcouet , de la Bernar-
diere , du Fonteni , & de la Rabotiere , en relèvent à foi , hom-
mage , & rachat. En 1500, la Bouvardiere & l'Angeviniere ap-
partenoient à François l'Epervier de la Bouvardiere j, la première
appartient aujourd'liui à Madame de Coutance : le PlefTis-Bou-
chet, à Guillaume Lcayfelj la Patuiere ou la Petifîiere & la
Morefliere, à Guillaume de SafTré ; la Bourgonniere , à Guilr
laume Carreau de la Bourgonniere j Teillai , à Claude Mareil 5;.
la Chauviniere , à Jean-Baptifte du DifTaut 5 & la Boudardiere ^ à
Guillaume le Texier,.
SAINT-HERBLON 5 fur une hauteur 5 à 9 lieues à l'Efl-Nord-
Eû de Nantes , fon Evêché & fon reffort ; à 20 lieues de Rennes j
& à 2 lieues d'Ancenis , fa Subdélégation. Cette ParoifTe relevé
du Roi : on y compte 1 400 communiants j la Cure ell à l'Or-
dinaire. Le territoire efl coupé de ruifTeaux qui vont tomber
dans la rivière de Loire , & produit du grain , du foin , & beau-
coup de vin qui eft de bomie qualité: on ne remarque ni bois^
ci landes , dans la ParoifTe , tout efl cultivé. L'Eglife paroifTiale
fut
s Al i4t
fut élevée en l'honneur de Saint Herblon , qui mourut , le 2 5
Mars 720, dans l'Abbaye d'Indre. En 1196, André, Seigneur
de Varades , laifla , par tellament , dix fols à l'Eglife de Saint-
Herblon : Je marc d'argent valoit alors cinquante lois. En 1430,
on voyoït dans ce territoire les maifons nobles fuivantes : la
Seherie , que Jean , Secrétaire d'Ancenis , acquit de Jean Du-
pont , Chevalier ; la Métaine , aux Religieules Hofpitalieres j
Beaubois , à François de Bretagne , Seigneur de C hàteaufremont.
L'Abbé & les Moines de Pontotrain polTédoient dans le même
temps quatre métairies dans ce territoire. La Templerie , à l'Or-
dre de Malte , aujourd'hui au Commandeur de la Guerche : la
Graflene , la Koche-Paliere, 6c la Bourelliere font plus modernes;
elles exiftoient en 1 500. Le Marquifat de Châteaufremont , haute-
JulHce , à M. le Préiident de Cornullier : la Ragotiere & la
Bilhere , haute-Juftice , à M. d'Achon.
SAINT - HERNIN ; dans un fond ; à 9 lieues & demie au
Nord-Eft de Quimper , fon Evêché ; à 3 1 lieues de Rennes ; &
à I lieue & demie de Carhaix, fa bubdélégation. Cette Paroiffe
relevé du Roi, reffortit à Châteauneuf, & compte 1200 com-
muniants : la Cure eft à l'alternative. Le territoire , borné au
Nord par la rivière d'Aulne , & au Sud par les montagnes noires ,
offre à la vue des terres bien cultivées , des prairies , & beau-
coup de landes ; le pays eft riant , très-agréable , coupé de val-
lons , & couvert d'arbres & buifîbns.
La Terre & Seigneurie de Ker-goat eft très-ancienne ; elle
étoit poffédée , en 1200, par Yves le Moine. Yves, fon petit-
fîls, prêta ferment de fidéhté au Comte de Montfort , en 13(39.
Il eut un fils , nommé Yves Hingoit de Kergoat , qui fut Médecin
ordinaire du Duc Jean V, qui lui procura l'Evêché de Tréguier
en 1402; mais il ne garda ce Siège qu'environ deux ans:
il fît bâtir le magnifique château de Ker-goat , qui palTa pour
une place très-forte, & mourut en 1403. Après fa mort, ce châ-
teau appartint à Olivier le Moine, Grand-Ecuyer de Bretagne,
dont le fils, auffi nommé Olivier, fut Chambellan & Grand-
Ecuyer de Bretagne; il appartenoit, en 1590 , au Seigneur de
Kercolé , qui y avoir de grandes nchcfîès. Le Capirame la Trem-
blaye réfolut d'en faire fon profit , & , dans ce dellem , il afîiégca
la place ; mais elle fut fi bien déftndue qu'il fut obligé d'aller
chercher fortune ailleurs. En 1675 , il y eut dans les environs
de Carhaix , comme dans pluficurs autres cantons de la province.
Tome IV^ H 2
2.42^ ^ S AI;
des révoltes confîdérables à loccafion des nouveaux droits, da
papier timbré , du contrôle , &c. on en a des relations^ bien cjr-
conllanciées , qui prouvent quelle fut la fureur des révoltésé,
Le château de Kergoat fut brûlé, dans le même temps, par les
vafTaux de M. Trevigni , Seigneur propriétaire de cette belle}
Terre. Les incendiaires fe plaignoient d'une augmentation très-
confidérable fur leurs redevances , & de Tinjuilice vraie ou im^vi
ginaire de leur Seigneur. Cette action ne demeura pas impunie.
Les coupables furent condamnés folidairement les uns pour les
autres , à payer de groffes fommes au Seigneur de Trevigni ,.
pour la réparation des dommages qu'ils lui avoient caufés. François,
de Coëtlogon , Evêque de Quimper,.joua un très-beau, rôle d^ns
cette affaire. Les coupables s'adrefferent à lui , & éprouvèrent)
fes bontés : touché de leur repentir , il leur fervit de médiateur 9.
&: fe chargea de leur procuration. Il fit une répartition modérée.
& réduite , d'une fomme de foixante mille livres , qui reftoit à
payer par les Paroifles où demeuroient les incendiaires. Ce traité
fut accepté par M. Henri Barin de Bois-Jaffrai, Curateur du.
jeune Seigneur de Trevigni. La Terre & Seigneurie de Ker-gpat ,
haute- Juftice , appartient aujourd'hui à M, de Roquefeuille , Lieur
tenant général des armées navales.
SAINT - HÏDEULT j. à 4. lieues & demie au Nord-Oueft de
Dol , fon Evêché j à 14. lieues de Rennes; & à trois quarts de
lieue de Saint-Malo, fa Subdélégation. Cette ParoifTe , enclavée
dans le diocefe de Saint-Malo, reffortit à Dinan , & compte 4.00
communiants : la Cure eft à l'Ordinaire. Le territoire , borné au
Nord & à rOueft par la mer , offre à la vue deux vallons qui
font à rOueft de fon bourg , &: des terres très-exa8:ement cultivées.
SAINT-HILAIRE-DE-CHALÉONS ; à 6 lieues à l'Oueff-Sud-
Oueft de Nantes , fon Evêché &: fon reffbrt j à 27 Ueues de
Rennes; & à 2 lieues un tiers de Bourgneuf, fa Subdélégation,
On y compte 1000 communiants: la Cure eu. à l'Ordinaire-
M. le Marquis de Juigné , Seigneur de la Paroiffe , a les prières
nominales , & préfente un Bénéfice , nommé de Saim-Laurent , def-
fervi dans cette Eglife. Le territoire efl , en général , très-fertile
en froment , & bien cultivé ; il produit auffi du vin de médiocre
qualité. La rareté des prairies & des fourrages occafionne celle
du bétail néceffaire pour la culture , & du fumier qui fert à cngraif-^
fer les terres. Les agriculteurs font obligés d'ailçr à deux lieues-
s A I 24J
Se plus chercher des engrais , qu'ils ne conduilent qu'avec beau-
coup de peine par des chemins de traverfe; chemins imprati-
cables pendant la moitié de l'année. Ces difficultés font un obf-
tacle très-préjudiciable aux progrès de l'agriculture & du com-
merce j & il fer oit à defirer que ceux qui ont l'autorité en main,
ou la facuhé de faire le bien , employaffent les moyens conve-
nables pour donner aux habitants de ces cantons la facihté de
fe livrer au commerce.
Le pays de Retz eft , fans contredit , le meilleur de la Bre-
tagne , le plus fertile , & le plus riant dans la belle faifon ; &
un des plus grands biens qui pût arriver à la ville de Nantes
de même à tout le Comté Nantais , feroit de lui ouvrir des
communications avec ce Duché. C'ert de là que l'on tireroit une partie
des grains néceffaires pour la confommation de cette ville ; & les ha-
bitants de ce canton fertile , trouvant un débouché Hbre , prompt,
& lucratif de leurs denrées , augmenteroient d'aftivité , & feroient
de leur pays un nouveau Pérou. Ce n'eft point exagérer , &
nous en appelions hardiment à tous ceux qui connoiffent le
local : ils ne nous contrediront certainement pas. Pour tirer de
ce pays tous les avantages qu'il femble promettre , il faudroit
d'abord commencer par rendre les chemins de traverfe plus com-
modes , foit en creufant des banquettes des deux côtés , foit en
les exhauifant , ou en détournant le cours des eaux qui les inon-
dent. Il feroit auffi très-facile de faire des prairies artificielles,
pour fuppléer aux prairies naturelles qui manquent en ce pays -,
. & même la difpofition du terrein fait efpérer que l'on en pour-
roit former de très-bonnes de l'une & de l'autre efpece. Enfin ,
on pourroit exécuter un canal, déjà tracé par la nature & en
partie formé par elle , dans les marais qui viennent aboutir aflez
près du bourg de Saint-Hilaire-de-Chaléons & de celui de Che-
meré , & qui continuent jufqu'à l'étier de Haute - Perche , c{ui
conduit à Pornic. Par-là , tout ce pays auroit une communica-
tion libre avec Nantes par la rivière du Tenu , & avec la mer
par Pornic. Rouans, Sainte-Pazanne , Saint-Hilaire-de-Chaléons,
Chemeré , Arton , Chauve , Prigné , le Bourg des Moutiers , le
Clion , &: même Pornic , prendroient une nouvelle exillence.
Cette dernière ville, quoique fituée fur les bords de la mer,
«n retireroit un grand avantage , tant parce que ion port feroit
plus fréquenté, que parce qu'elle ne feroit plus expolee à faire
voiturer fes denrées par mer ; exportation toujours dangereiife
& en même temps très-coûteufe. On épargneroit , par ce moyen ,
144 S A I
les frais de tranfport, qui abforbent une partie des profits du
laboureur , & le laiffent dans fon indigence & fa parefle. Car ,
il faut le dire , malgré la fertilité du fol , il s'en faut bien que
le Duché de Retz foit exaftement cultivé : on y remarque en-
core beaucoup de terres incultes. En temps de guerre , ce canal
offriroit un autre avantage. Les navires, battus parla tempête,
ou pourfuivis par l'ennemi , auxquels les vents ou la pourfuite ne
permettroient pas d'entrer dans la Loire, pourroient s'y réfugier,
& de là envoyer à Nantes , par le nouveau canal , leurs mar-
chandifes fans aucuns rifques. Il y a dans ce bourg un ruifTeau
très-petit, qui a flux & reflux, quoiqu'il n'ait aucune communi-
cation vifible avec la mer , qui s'en trouve éloignée de trois
lieues.
En 1400 , Jean R efignant permuta, du confentement del'Evêque
de Nantes , fa Cure de Chaléons avec la Chapellenie de Saint-
Martin , deflérvie dans l'Eglife Collégiale de Nantes par Jean
Robin. Si la Cure de Saint-Hilaire valoir alors ce qu'elle vaut
aujourd'hui, Jean Robin ne perdoit pas au change, pmfque cette
Cure vaut dix mille Hvres. Le Bois-Rouaud , MaubufTon , ViUe-
Morice , Hunaudais, Sicaudais , & Vue, forment une moyenne-
Juftice , qui appartient à M. le Marquis de Juigné : le Marais de
la Salle, moyeniie-Jufl:ice , à M.Charette de 6ois-Foucaud ; la
BaflTe-Ville , moyenne-Jufl:ice , à M. Montaudouin. L'Ordre de
Malte & l'Abbaye de Bufai pofledent des domaines & des
dîmes dans cette Paroifl!e. Le Duché de Retz y a aufli des fiefs.
SAINT-HILAIRE- DES-LANDES ; à 7 lieues un quart au
Nord-Efl: de Rennes, fon Evêché j & à 2 lieues & demie de
Fougères , fa Subdé légation & fon reflx)rt. Cette Paroifle relevé
du Roi , & compte 1 200 communiants : la Cure efl: à l'alterna-
tive. Le territoire offre à la vue des terres en labeur, quelques
prairies , des landes , & beaucoup d'arbres fruitiers & autres.
Le château de la Haye-Saint-Hilaire , avec haute- Jufl:ice , efl
la maifon feigneuriale de l'endroit : il appartenoit, en 1480, à
Jean de la Haye, Chevalier, Seigneur de Saint-Hilaire j en
1670 , à Chriftophe de la Haye, Gouverneur de Fougères; &,
aujourd'hui , à M. de la Haye-Saint-Hilaire , de la même famille.
Le Feu-Saint-Hilaire efl: une Terre noble, pofl^édée , de temps
immémorial , par la feule famille noble de ce nom en Bretagne.
L'incendie de cette maifon en 1635, & des ennemis puiflants ,
pccafionnerent aux du Feu une efpece d'interlocution en 1668 >
s A I 245
ils retirèrent aufïi-tôt à la Chambre des Comptes leur attache à
Jehan , quaHfié Seigneur du Feu à la réformation de 1513, &
prouvèrent leur delcendance de Jehan, né en 139(5. Ce Jehan
eft qualifié de Seigneur du Feu , Sz du titre de Baron , fans
qu'on voie quel droit il pouvoit avoir à cette dernière qualité.
Il donna à fon fils , en le mariant avec une de Porçon , le
Feu-Saint-Hilaire , & eut , d'un fécond mariage , une fille uni-
que , qui époufa Jacques de Jouin , Ecuyer. S'étant rendu cau-
tion dudit Jouin , il fut forcé de vendre le Bois-Cornillé , dans
la Paroiffe d'Yzé , & le Feu , ParoifTe de Montreuil. Jacques
de Jouin ayant été fait prifonnier , le Duc de Bretagne lui
donna trois cents foixante- trois livres pour payer fa rançon.
Jean, né en 1431 , pafTe à la réformation de 15 13 fous la
qualité de Seigneur du Feu , & meurt en 151 4. Charles , fon
nls , paroît à l'alTemblée des Nobles, en 1480 , & a pour fils
Gilles du Feu, employé, en 153^ & 15 53? ^ ^^ garde du châ-
teau de Fougères. Georges & François, fes enfants, comp^roif-
fent, en 1562, avec le Sénéchal, leur parent, à l'arriere-ban.
La Liniere , haute - Juftice , & Leurmond , haute -Juftice , à
Mademoifelle de Rochefort ; le Feil , moyenne-Juflice , à M. le
Pelletier de Rofambo j ck les Flégés , moyenne-Jufhce , à M. des
Flégés-BegafTe.
SAINT-HILAIRE-DU-BOIS ; à 7 lieues au Sud-Eft de Nantes ,
fon Evêché & fon reiïbrt j à 29 lieues de Rennes ; 6c k 1 lieue
de Chflbn , fa Subdélégation. On y compte 800 communiants.
Cette ParoifTe fe nommoit d'abord Saint-HiIaire-des-Foréts , p^vce
que , lors de fa fondation , elle étoit toute entourée de forêts :
elle fut donnée à l'Abbaye de Saint-Jouan-de-Marne , dont les
Abbés ont préfenté la Cure jufqu'en 1774, qu'ils la remirent à
l'Evéque diocéfain. Le territoire eu borné au Sud & à l'Ouefl:
par la province du Poitou ; il eft très-exa£lement cultivé , &: pro-
duit du grain , du foin , &: du vin.
SAINT-JACQUES-DE-LA-LANDE ; à i lieue un tiers au
Sud-Sud-Oueft de Rennes, fon Evêché, fa Subdélégation,
& fon reflbrt. On y compte 600 communiants : la Cure eft
préfentée par l'AbbelTe de Saint-Georges. Le territoire offre à
la vue des terres abondantes en grains, des prairies, des landes,
& beaucoup d'arbres à fruits. Les Templiers y avoient jadis
des poffeffions, »
%±6 S A r
SAINT JACQUES-DE-PIRMIL. ( Voyez Saint-Sébaftien. )
SAINT JACUT , près la rivière d'Ars j à 9 lieues à l'Eft dé
-Vannes , Ton Evêché & fon reffort ; à 1 4 lieues de Rennes j &
à 2 lieues de Redon, fa Subdéiégation. On y compte 1200
communiants : la Cure ell à l'alternative. Le territoire , varié
de vallons , de coteaux , & de monticules , offre à la vue des
terres bien cultivées , des prairies , des marais , des landes , &
beaucoup d'arbres à fruits. En 1500, il renfermoit les maifons
nobles de Caloën , du Mortier , de la Guedemaye , &: d'Ar-^
dillac.
SAINTJACUT ; à 7 lieues au Sud-Eft de Saint-^Brieuc , fon
Evêché; à 13 lieues de Rennes, fon relTort ; & à 3 lieues de
Moncontour , fa Subdélégation. On y compte 1000 commu-
niants , y compris ceux de Saint-Gilles-du-Mné , fa trêve : la
Cure eft à l'alternative. Le territoire eft plein de montagnes j il
renferme une quantité prodigieufe de landes & peu de terres en
labeur. C'eft là où commence cette longue chaîne de mon-
tagnes qui s'étend jufqu'à la baie de Douarnenez, auprès de
Crozon, dans une étendue de trente-cinq lieues. En 1450,
le manoir de la Guerinaye appartenoit à l'Abbaye de
Saint -Jacut : Bonnit , haute , moyenne & baffe -JulHce , à
Mademoifelle Texier ; & le Parc-Lomaria , haute , moyenne-
& baffeJuffice , à Madame du Gage.
SAINTJACUT, Abbaye & Paroiffe ; à 7 lieues à l'Ouefl:
de Dol, fon Evêché ; à 14 lieues de Rennes; 6ç à 4 lieues
de Dinan , fa Subdélégation , & fon reffort. On y compte 400
communiants : la Cure eft préfentée par l'Abbé de SaintJacut*
Le territoire ne comprend qu'une prefqu'ifle environnée de fa-
bles que les marées couvrent , de forte qu'on ne peut y entrer
que du côté du Sud. Cette prefqu'iffe ne contient que la Pa-
roiffe & l'Abbaye , avec un moulin à vent , fans aucun village.
Elle renferme environ deux cents vingt journaux de terres en
labeur, grand journal de Bretagne. Le fol eft de bonne qua-
lité , & paroît très-bien cultivé.
La Patoiffe de Saint- Jacut eft nommée, dans les anciens titres,
Notre-Dame de Landouan, L'Abbaye efl: de l'Ordre de Saint-Benoît»
Elle eft , ainfi que la Paroiffe , enclavée dans l'Evêché de
Saint-Malo : elle fut fondée , vers Tan 440 ^ par Grallon , Roi
s A I * 247
(de Bretagne,, & elle eut , pour premier Abbé , Jacob ou Jacut,
dont elle a toujours porté le nom. Il étoit frère de Saint Win-^
galois, premier Abbé de Landevenec 5 & fils de Fracan, parent
de Conan Meriadec, Le 17 Février 141 8, Alain IX du nom.
Vicomte de Rohan , donna cent écus d'or à Guillaume , Abbé
de Saint- Jacut , pour la célébration d'un anniverfaire dans l'Eglife
de fon Abbaye. Par a6le pafTé le 17 Février 1414, le même
Abbé s'engagea à faire , tous les ans , un Service folemnel pour
le Duc de Bretagne Jean V , en confidération de ce qu'il avoit
déchargé fes vaflaux de quelques fubfides. Ce fut cet Abbé qui
obtint du Pape Nicolas V la permiffion de porter les ornements
pontificaux. Bertrand de Broons fut élu Abbé de Saint-Jacut, ,
en 1461 , & mourut en 1471. Sur le champ , François II fit dé-
fendre aux Moines de procéder à l'éleftion de fon fuccefTeur ,
fans fon agrément. Pierre de Francheville , Re6leur de Combourg ,
élu Abbé en 161 6, voulut introduire les Bénédiftins Anglais
dans fon Abbaye ; mais le Parlement refufa d'enregiftrer les
lettres-patentes que ces Moines étrangers avoient obtenues,, Se,
par Arrêt du 7 Juillet 1643 , il leur fut défendu d'entrer dans
aucune des Abbayes de Bretagne. Les démarches que Pierre
de Francheville faifoit pour obtenir la caffation de cet Arrêt ,
déterminèrent le Parlement à en rendre un autre , l'an 1646,
qui ordonne que les Bénédiftins de la Congrégation de Saint-
Maur feront admis dans l'Abbaye de Saint - Jacut. Ce dernier
Arrêt fut exécuté félon fa forme & teneur, le 29 Mars 1647,
par Dom Germain Morel , Prieur de l'Abbaye de Saint-Melaine
de Rennes. La fituation de cette Abbaye , furie bord de la mer,
Ta fouvent expofée aux ravages des ennemis de l'Etat , qui ont
détruit une partie des anciens monuments qu'elle confervoit. Elle
a une haute-Juflice qui appartient à M. l'Abbé : la moyenne-Juf-,
tice de Carquete appartient aux Moines..
SAINT-JEAN-DE-BOISEAU; à 3 lieues un quart à l'Oucfl-
Sud - Ouefl de Nantes , fon Evêché , fa Subdélcgation , de fon
refTort. On y compte 1300 communiants: l'Abbé de Geneflon
préfente la Cure , qui efl un Prieuré dépendant de fon Abbaye,
Le territoire , baigné au Nord par la rivière de Loire , ofTre à
la vue de riches prairies, beaucoup d'ifles formées par la Loire,
des terres en labeur très-fertiles , des vignes dont le vin efl de
médiocre qualité , Se des landes très-étendues qui n'attendent que
les foins du. cultivateuf. pour rapporter d'abondanies récolteSi La
148 . ^ ^ ^ . .
maifon noble cîe la Hubaudiere eft la Seigneurie de cette Pa-
roilTe j elle appartient à M. Daux.
SAINT-JEAN-DE-BREVELAI ; à 4 lieues & demie au Nord
de Vannes , fon Evêché & fa Subdélégation ; & â 1 8 lieues de
Rennes. Cette ParoifTe refTortit à Ploermel , & compte 1800
communiants : la Cure eft à Talternative. Le territoire coupé de
vallons , dans l'un defquels eft la fource de la rivière de Clayes ,
qui, après un cours de fept lieues , va fe jetter dans celle d'Ouft,
offre à la vue des terres labourables , quelques prairies , des lan-
des, des arbres fruitiers & autres. Il fe tient quatre foires par
an dans le bourg. Les habitants font commerce de grains & de
beftiaux. La maifon noble du Quenhoet appartenoit , en 1400,
à Pierre de la Haye , Sieur du Quenhoet : celle de Ker-angat
eft à N
SAINT- JEAN-DE-CORCOUÉ ; fur une hauteur ; à 6 lieues
un quart au Sud de Nantes , fon Evêché & fon refTort ; à 28
lieues un quart de Rennes j & à 4 lieues de Machecou , fa Sub-
délégation. On y compte 900 communiants : la Cure eil à l'Or-
dinaire. Le territoire offre à la vue des terres très - exaftement
cultivées , des prairies , & des vignes. C eft dans ce territoire
qu'eft la fource de la rivière du Tenu, du Ht de laquelle ii
feroit à defirer qit'on fît un canal dans la longueur de trois
lieues , c'eft-à-dire , jufqu'à Saint-Mêmes , où cette rivière com-
mence à porter bateaux ; & alors toutes les Paroiffes des envi-
rons , au nombre de quatorze à quinze , pourroient faire conduire
à Nantes , par eau , les produftions d'un canton très-étendu &
très-fertile : produftions qu'on eft forcé de confommer fur les lieux,
par la difficuké de les conduire , par terre , à Nantes , où elles
ne peuvent être tranfportées qu'avec beaucoup de peine & de
dépenfe.
Par accord f^t à Tours , l'an 1 1 64 , entre Bernard , Evêque
de Nantes , & les Moines de Tournus , il fut convenu que la
préfentation de la Cure de cette Eglife appartiendroit aux Moines
de cette Abbaye.
SAÏNT-JEAN-EN-COGLAIS; fur une hauteur; à 10 lieues
au Nord - Nord - Eu de Rennes , fon Evêché ; & à 4 lieues de
Fougères, fa Subdélégation & fon reffort. On y compte 1450
communiants : la collation de la Cure appartient à l'Abbé de
Saint-Melaine
s A I 249
Saînt-Melalne de Rennes. Le territoire , borné au Nord par la
province de Normandie , offre à la vue des terres en labeur ,
des prairies , le bois de Gashis , des landes , des vallons , beau-
coup d'arbres fruitiers & autres. La Bretonniere , haute - Juftice ,
appartient à M. de Noyan j les Longrais & Malbré, moyenne-
JulHce , à M. des Autieux.
SAINT- JEAN-SUR-COUESNON ; dans un fond -, à 6 lieues
un quart au Nord-Eft de Rennes , fon Evêché j & à trois quarts
de lieue de Saint-Aubin-du-Cormier , fa Subdélégation & fon
relTort. On y compte 1 100 communiants : la Cure eft un Prieuré
qui a long-temps dépendu de l'Abbaye de Saint-Florent de Sau-
mur. Ce Monaftere poffédoit aufîi la Chapelle de Saint-Aubin ,
(îtuée dans ce Prieuré, qui étoit encore deffervie par des Moines
en 1636 : il a été depuis fécularifé , mais les Abbés de Saint-
Florent s'en font toujours réfervé la préfentation. Le territoire ren-
ferme des terres en labeur , des prairies , des landes , & quelques
petits bois ; il ell couvert d'arbres & buiffons , & produit beau-
coup de cidre.
La maifon noble de la Dobiais , Seigneurie de la ParoifTe , ap-
partenoit, en 1370, à Jean Gedouin , Sieur de la Dobiais. Guil-
laume , fon petit-fils , Sénéchal de Rennes & Procureur général
de Bretagne, époufa, en 1498, Jeanne du Bois-Baudri. Michel
Guibé , alors Evêque de Rennes & Seigneur d'une partie de cette
ParoifTe , fonda dans fa Cathédrale la Chapellenie des Guibés ,
qui fait aujourd'hui partie de la Seigneurie de la Dobiais ; elle
fut érigée en Marquifat , l'an 1645 > ^^^ faveur de René Gedouin,
Sieur de la Dobiais , Préfident au Parlement de Bretagne , qui
avoit époufé Marguerite de Montclair , de laquelle il eut un hls
nommé René- i/rlpainyGouwevneur de Morlaix;& un autre, nom-
mé Julien^ qui fut Refteur de Saint- Jean de Rennes. Ce Mar-
quifat paiîa enfuite à la maifon de Nétumieres , & il appartient
aujourd'hui à M. de la Belinais , Marquis de la Dobiais , qui , en
cette qualité , préfente la Chapellenie des Guibés en la Cathédrale
de Rennes.
SAINT.JEAN-SUR-VILAINE ; fur la route de Rennes à Vitré ;
à 5 lieues à l'Ell de Rennes , fon Evêché &: fon reffort -, 6c
à 3 lieues de Vitré, fa Subdélégation. On y compte 11 00 com-
muniants, y compris ceux de Saint-Melaine , fa trêve : la colla*
tien delà Cure appartient à M. de Châteaugiron. Le territoire.
Tome IF. I 2
ICQ S A I
coupé par la rîvîere de Vilaine , offre â la vue des terres bieiî
cultivées , des prairies , quelques petites landes , & beaucoup d'ar-
bres fruitiers & autres. Les maifons nobles de l'endroit, dans le
quatorzième (iecle , étoient : la Hammonaye , la Flouraye , la
Fontenelle , & le manoir de Dieu-Lefit. Le Prieuré de fayel ,
haute - Juftice , appartient aux Religieux de Savigni : & la
Porte-Duval , aufli haute-Juftice , aux enfants de M. du Bois-Péan.
SAINT - IGNEUC ; fur la rivière d'Arguenon ; à 7 lieues uo
quart à l'Eft-Sud-Eft de Saint- B rieuc , fon Evêché j à 13 lieues
de Rennes j & à 3 lieues un quart de Lamballe , fa Subdéléga-
tion. Cette Paroiffe reffortit à JugGn , & compte 500 commu-
niants : le Roi en eft le Seigneur ; la Cure eft à l'alternative.
Des terres bien cultivées, des prairies, quelques landes, des
vallons , des coteaux , & beaucoup d'arbres à fruits & autres ;
voilà ce qu'on apperçoit dans ce territoire. Dans le quinzième
fîecle , il renfermoit les maifons nobles fuivantes : la Ville-Guil-
laume , à Pierre Quettier ; la Touche , à Guillaume le Gallays ;
la Gereziere , à Jean Rouxel -, Follideuc , à Alain Quettier j la
Lande , à Pierre Texier ; les Loges , au Sieur de Kergus -, la
Prévotais , à François Guillemet ; la Broffe , à Georges du Breil j
& Ranléon, à Jean Poullain : la Jartiere , Carna, la Touche,
Pont-Gautier , l'Orgeril , & Péroufe , font plus modernes ; cette
dernière a moyenne-Juftice , & appartient à M. de Kermenan,
En 1346, Geoffroi le Verger & fon époufe donnèrent les dîmes
de cette Paroiffe à l'Hôpital, qu'ils fondèrent à Tremeur,
pour quatre Frères de Sainte -Croix , de l'Ordre de Sain^
Auguftin.
SAINT-JOUAN-DE-L'ISLE ; fur uti coteau , & fur la route
de Rennes à Breft ; à 9 lieues & demie au Sud de Saint-Malo,
fon Evêché ; à 9 heues de Rennes ; & a 3 lieues de Montau-
ban , fa Subdélégation. Cette Paroiffe reffortit à Ploermel , &
compte 600 communiants : la Cure eff à l'alternative. Le terri-
toire , arrofé par la rivière de Rance , renferme dcs terres en la-
beur , des prairies , des landes , & des bois ; on y fait beaucoup
de cidre. Quatre grandes routes y aboutiilent , & on y remar-
que une Poffe aux chevaux. Il s'y tient deux foires par an , Se
un marché par femame. Ses maifons nobles, en 14.10, étoient:
Saint - Jean & la Menegmé , à Alain de Landugcn ; le manoir
de Saint - Jouhn , ancienne Chevalerie , à Chaiies de Landu-
s A I ijr
gen ; l'Ifle , à Jean de l'Ifle ; la métairie du Temple , à Amaury
de la Mouffaye ; & Ker-gouet , à Edouard de la Mouflaye :
Saint - Jouan - de - l'IUe , haute - JufHce , à M. de Saint - Pern,
SAINT-JOUAN-DES-GUERETS -, fur la route de Rennes à
Saint-Malo j à i lieue un tiers au Sud-Eft de Saint-Malo , fon
Evêché & fa Subdélégation j & à t 3 lieues de Rennes. Cette
Paroifîe refîbrtit à Dinan , & compte 750 communiants : la
Cure eft à l'alternative. Le territoire , borné à l'Oueft par la ri-
vière de Rance , au Sud par une anfe où la mer entre à toutes
les marées , offre à la vue une monticule fur laquelle font trois
maifons de remarque, le Château -Malo, le Château - Doré , &
la Tournerie ; elle forme un très-beau point de vue. Les terres
de cette Paroiffe font très-bien & très-exa<!:l:ement cultivées. En
1420, les maifons nobles de l'endroit étoient : Launai-Quinard,
à Jean de Broons ; Launai-Trochard , à Charles le Coq : la Ville-
ès-Oifeaux , à Georges Chauffée; elle a haute-Juftice , & appar-
tient à M. Magon de Clos-Doré : les Clos , à Jean de Pontual ;
le manoir de la Motte , à Eon de la Motte , qui poffédoit aufli
la Landelle ; la Chaire , à Pierre Guille j la Brientaye , à Jean
Beaubois ; le Bois - Bernier , à Etienne Thomaffe j la Motte-
Rouxel , à Aubert de Saint-Germain ; & le Tronchai , à N :
la haute - Juilice de Saint - Jouan appartient à M. Piochan de
Saint-Jouan.
SAINT - JUDOCE ; à 4 lieues & demie au Sud-Oueff de
Dol , fon Evêché j à 8 lieues un quart de Rennes ; & à 4 lieues
un quart de Montauban , fa Subdélégation. Cette Paroiffe ref-
fortit à Dinan , & compte 600 communiants : la Cure eff pré-
fentée par l'Abbé de Marmoutier. Le territoire , couvert d'arbres
&: buiffons, renferme des terres en labeur de bonne qualité, des
prairies , des landes , & les bois des Rués , de la Garde , & de
Pontual. Saint Judoc , honoré fous le nom de Saint Joffe , fils
d'Hoèl III du nom , Roi de Bretagne , eff le fondateur & le
Patron de cette Paroiffe : il vivoit dans le feptieme fiecle. La
Seigneurie du Pont-Harouart appartenoit , en 1500, à Antoine
l'Evêque , Seigneur du Pont-Harouart, qui poffédoit au/ïi la mai-
fon de la Corbina) e ; le Pont-Harouart paffa dans la fuite à la
famille de Grignard de Champfavoi , qui ont leurs armes gra-
vées en boffe fur des pierres de taille , qui forment une Uiiere
€n dedans & en dehors de l'Eglife , ain{i que fur les bancs fer-
iji s A î
mes du Pônt-Harouart. Cette Seigneurie appartient aujourd'hui â
M. Baude de la Vieux-Ville: la Riollais, en 1500, à Maurice
Troufier ; le Margat , à Jean le Charpentier j le Beffo , la Ville-
Mere, & la Fontaine , à Charles de Beaumanoir -, le Fait , à Louis
du Fournel j le haut & le bas Fournel , à Gilles du Fournel ; la
Ville-Main , au Sire de Chateaubriand ; le manoir de la Cha-
pelle , à la Demoifelle de l'Hôpital j le manoir de la Motte-
Evêque, à Louis de Guangan ; Champfavoi , à Jean Grignard de
Champfavoi j le Portai , à Ponce de l'Hôpital ; la Garde , à
Bonabes de Lefquen , qui pofTédoit aufîi la Sanfonnaye j &
Quenard , à Louis de Quanquan,
SAINT- JULIEN-DE-CONCELLES ; à 3 lieues à l'Eft-Nord-
Eft de Nantes , fon Evêché , fa Subdélégation , 6c fon reffort j
& à 22 lieues de Rennes. Cette Paroifîe relevé du Roi : on y
compte 3000 communiants; la Cure efl: préfcntée , à l'alterna-
tive , par l'Evêque de Nantes &: l'Abbé de Saint-Florent de
Saumur. Le territoire , borné au Nord & à l'Oueft par la rivière
de Loire, ell très-exaftement cultivé, & produit du grain, du
vin, & du foin. L'an 11 04, Benoît, Evêque de Nantes, à la
follicitation d'Alain Fergent , Duc de Bretagne , confirma Guil-
laume , Abbé de Saint-Florent de Saumur, dans la poffeffion de
l'EgUfe de Saint-JuUen de Concelles &: des Chamelles de Saint-
Symphorien & de l'Oratoire.
La Châtellenie de l'Epine-Gaudin & la Sénéchalliere , pofîe-
dées par Marguerite de ClifTon, furent confifquées par le Duc
Jean V, en 1420, en punition de l'attentat des Penthievre fur
fa perfonne & celle de fon frère Richard de Bretagne. Le Duc
fit aufîi faifir , dans le même temps , le fief de la Tour , parce
que le propriétaire de ces domaines étoit partifan des coupables.
Ces trois Terres furent données par le Duc à Jean Angers,
Seigneur du Pleffis-Angers , dans l'Evêché de Saint-Malo ; & le
Duc ne retint , pour droit de rachat , qu'un épervier qui lui
étoit dû fur la Seigneurie de la Sénéchalhere. ( Voyez l'hilloire
du Duc Jean V, tome premier de ce Diftionnaire. ) En 145^,
le Duc Pierre II donna permiiTion à Jean Angers & à fes fuc-
cefleurs , de faire élever une jufiice patibulaire à quatre po-
teaux en la Châtellenie du Gué-au-Voyer. Cette Seigneurie ap-
partient aujourd'hui aux héritiers d'Arquiftade.
SAINT-JULIEN-DE-LA-COTE j fur la route de Saint-Brieuc à
s A I 155
Quintia ; à 2 lieues au Sud-Sud-Oueft de Saint-Brieuc , fon Evê-
ché & fon reflbrt j à 20 lieues de Rennes j & à 2 lieues un
huitième de Quintin, fa Subdélégation. On y compte 650
communiants : la collation de la Cure appartient à M. le Mar-
quis de Langeron , Seigneur de la Paroilîe. Le territoire , arrofé
par la petite rivière de Goèt , offre à la vue des vallons , des
terres fertiles en grains , des prairies , & peu de landes. C'efl
un pays couvert d'arbres & buiflbns , qui produit beaucoup de
cidre. La Seigneurie de la Côte appartenoit , en 1380, à Robin
du Gourai, Sieur delà Côte : Gui du Gourai époufa , en 1616 y
Renée Budes , fœur du Maréchal de Guebriant. Jean-François
du Gourai, Marquis de la Côte, étoit Lieutenant de Roi en baffe
Bretagne, en 1670; il époufa Marie-Magdeleine de Rofmadec:
cette famille efl éteinte.
SAINT-JULÏEN^DE-VOUVANTES ; fur une hauteur Se fur
la route de Chateaubriand ci Candé pour Angers j à 1 2 lieues
au Nord-Nord-Efl de Nantes, fon Evêché & fon reffort; à 15
lieues de Pennes ; & à 3 lieues de Chateaubriand , fa Subdé-
légation. On y compte 1600 communiants ; la Cure ell: pré-
fentée par la Communauté de ville de Nantes, & annexée au
Collège des Prêtres de l'Oratoire. Le Légat de Milîire Simon
Liard eft à l'Ordinaire. Le territoire , varié de coteaux , de
vallons, de monticules, & coupé de ruiffeaux, offre à la vue
des terres très-fertiles, des prairies, quelques bois taillis, & des
landes. Les plus étendues font au Sud & à l'Ouell de fon bourg.
On y trouve des carrières de pierres de taille de très-bonne
qualité, appellées pierres de Beaumont. Lorfque Pierre de Rohan,
Maréchal de Gié , fit bâtir le château de la Motte-Glain , en
1497, il fit prendre des pierres dans ces carrières. (Voyez la
ChapcUc-Glain. ) En 1748, on établit un marché par femaine
à Saint-Julien ; mais il fut aboU deux ans après , & il ne s'y
tient feulement qu'une foire par an.
L*an II 04, Guillaume, Abbé de Saint-Florent de Saumur,
fut confirmé par Benoît , Evêque de Nantes , dans la pofTeffion
de l'Eglife de Saint-Julien-de-Vouvantes , par la protection du
Duc Alain Fergent. En 1163 , Alain de Saint-Michel-du-Bois
& Ruellan d'Erbrée donnèrent à la même Abbaye de Saint-
Florent les dîmes de Saint-Julien-de-Vouvantes & celles de la
Cliapelle-Glain. Bernard , Evêque de Nantes , leur confirma ce
don , & celui qu'Alain de Moifdon & fon époufe leur firent , en
donnant l'habit de Religieux à leur fils dans ce Monaftere. L'u-i
nion des dîmes de la Cure de Saint-Julien au Collège de l'Ora-
toire , fut confommée, par un traité du 21 Avril 1559, entre
le Curé de cette Paroifle & la Communauté de ville. En 1572,
cette Cure fut exemptée des décimes , en confidération de fon
union au Collège.
On remarque dans le bourg de Saint-Julien plufîeurs ruines
d'anciens murs, qui annoncent que c'étoit anciennement une
place de défenfe ; mais nous n'avons rien trouvé qui prouve^-
qu'elle ait foutenu des fieges , ni qui faffe connoître fes fortifi-
cations. On voit dans l'Eglife une chaîne de fer , que les habi-
tants du lieu difent être celle d'un homme condamné aux ga-
lères , Se voici comme ils racontent le fait : Plufieurs de ces
malheureux , que l'on conduifoit à Brefl: , pafferent par Saint-
JuHen. Un d'eux demanda & obtint la permiffion d'aller faire
fa prière à l'Eghfe. Aprçs quelques minutes, on le preffa de re-
joindre fes compagnons ; & , comme il n'obéiffoit point , on
voulut l'y forcer, en le maltraitant: mais , à peine l'eut- on
frappé que fes chaînes tombèrent ; on l'enchaîna de nouveau , mais
la même main invifible , qui l'avoit délivré la première fois , le
remit encore en liberté , & ce fut inutilement qu'on efîaya de
l'enchaîner. On prétend qu'on rapporta procès -verbal de ce
prodige , opéré l'an 1650. Auprès de l'Eglife, font trois fon-
taines voifines. Dans le fond de celle nommée la fontaine de Saint-
Julien , eft une pierre de taille , fur laquelle eft empreint un fer
à cheval, que l'on dit être celui de Saint Julien. Tous les ans, environ
huit à neuf cents Bretons du diocefe de Vannes viennent en
voyage à Saint- Julien-de-Vouvantes j & , après avoir fait leur prière,
il fe fait une lutte , dont le prix eft un louis d'or , donné au
vainqueur par le Seigneur de la Motte-Glain. La Terre de la
Briaye , aujourd'hui divifée entre plufieurs particuliers, çonfiftoit
autrefois en fiefs , dîmes , & domaines , & appattenoit , en 1350,
à MM. CoHn de la Biochaye. JuHen Cohn , Chevalier , Capi-
taine de cent hommes d'armes , Seigneur de la Briaye , de la
Herbetiere , & d'Ardennes , & auteur de MM. de la Biochaye ,
habitoit cette Terre , en 1 400 : il fonda , dans cette même
année, la Chapellenie de Sainte-Catherine, deflervie dans l'Eglife
paroiffiale de Saint-Julien-de-Vouvantes , & s'en réferva la pré-
Icntation & nomination pour lui & fes fuccefleurs portant fon
nom. Il mourut, l'an 1401 , comme il fe voit par la préfenta-
tion de ce Bénéfice , faite la même année. L'a6le original porte 9.
s A I ' 155
<que « noble Cateline de Saint-Didier , veuve de feu noble homs
t> Julian Colin , Chevalier , Capitaine de cent hommes d'armes,
» fondateur de cette Chapailenie , en l'honneur de Dieu & de
» Madame Sainte Catherine, en l'Eglife de Saint- Julien-de-Vou-
y* vantes, comme mère & tutrice d'André Colin, leur fils , pré-
» fente à M. l'Evêque de Nantes , noble homs de Samt-Didier ,
w leur coufîn , pour être pourvu de ladite Chapailenie. » Ce titre
eft fîgné fur le replis, par le commandement de ladite Dame
Morel, pafTé & fcellé d'un fceau A queue de cire, portant l'em-
preinte d'un écuffon de trois merlettes d'un côté, & d'un lion
de l'autre. JuUen Colin fut enterré , dans l'Eglife de Saint-Julien-
de-Vouvantes , devant l'autel de Saint-Jean. Son tombeau , élevé
de terre, portoit cette infcription, en lettres gothiques : Cy gijl
noble homs Julian Colin ; Chevalier , Capitaine de cent hommes
d'armes , Seigneur de la Briaye & de la Herbetiere ; & l'on y
voyoit l'écuÀTon de fes armes. Ce tombeau , ayant été démoli
pour la commodité des procefîions , le Général de la ParoiiTe ,
pour en rétablir & perpétuer la mémoire & celle de la fonda-
tion de la Chapellenie , a fait pofer , vis-à-vis l'emplacement de
ce tombeau , une plaque d'airain , avec l'éculTon en aUiance
des armes dudit Julian Colin & de Cateline de Saint-Didier,
fa femme , & l'infcription fuivante : Git noble Julian Colin ,
Chevalier , Capitaine de cent hommes d'armes , Seigneur de la Bnaye
& de la Herbetiere , décédé en i^ot , fondateur , en Van 1400^ de
la Chapelainie de Sainte-Catherine ^ qui fe dejfert dans cette Eglife^
& dont la préfentation appartient , par droit de fang , à MM. Colin
de la Biochaye , i^us dudit fondateur : une MeJJe par femaine,
Requiefcat in pace.
La Baronnie de la Roche appartenoit à M. de Laval, en
1430J & la Selle, à Jamet Godart, Seigneur de la Selle : Vou-
vantes , haute, moyenne &: bafle-Juflice , à M. de Vouvantes 9
Haut-Bois, haute, moyenne & balle - Juftice , à M. de Bruc ,
& autres.
SAINT- JUST ; dans un fond ; à 1 2 lieues & demie à l'Elt-
Nord-Ell de Vannes, fon Evêché ; à 10 heues de Rennes; &
à 3 lieues de Redon, fa Subdélcgation. Cette ParoiiTe reflbrtit
à Ploermel , & compte 900 communiants : la Cure ell à l'al-
ternative. Le territoire , coupé de plufieurs vallons , offre à la
vue des terres en labeur, quelques prairies, & beaucoup de
landes. En 1 5 00 , on y voyoit les maifons nobles d'Allerac ,
la RohuUaye , la Rivière - CoUombert , la Barbarinais , & la
Morlais.
SAINT- JUV AT; fur la Rance; à 8 lieues au Sud de Saint-
Malo , ion Evêché ; à 9 lieues de Rennes ; & à 3 lieues & demie
de Montauban , fa Subdélégation. Cette ParoifTe relevé du Roi,
reflbrtit à Dinan , & compte 950 communiants : la Cure ell
préfentée par les Religieux de Léhon. En 1 640 , des Moines
de Marmoutier faifoient encore les fonctions de Curé dans cette
ParoifTe. Le territoire , très-exadement cultivé , produit du grain
& du cidre. On trouve, dans quelques cantons, du fable, ap-
pelle de Saint-Grégoire , dans lequel font beaucoup de coquillages
entiers, particulièrement des cœurs , des canes , des tellines , des
gallets , & des vermifleaux tubulaires.
SAINT-LAUNEUC ; à 1 2 lieues au Sud-Oueft de Dol , fon
Evêché j à 10 lieues de Rennes; & à 4 lieues de Montauban,
fa Subdélégation. Cette ParoifTe refTortit à Ploermel , & compte
500 communiants : la collation de la Cure appartient à M. de
Saint-Pern. Le territoire, borné au Nord par la rivière de
Rance , ofTre à la vue des terres en labeur , peu de prairies ,
des landes , & la forêt de la Hardouinaye. Le Château , haute-
Juftice, à M. de Saint-Pern : cette place eft célèbre dans
l'hilloire , par la mort de l'infortuné Gilles de Bretagne , frère
du Duc François I. Ce jeune Prince, chéri de la nation, avoit
époufé , pour fon malheur , Jeanne de Dinan , qui étoit la plus
belle femme de fon temps. Artur de Montauban , favori de
François , c[ui aimoit la PrincefTe , réufîit à jetter dans l'efpriî
de fon Maître des foupçons violents contre la fidélité de fon
frère , & fçut mettre dans fon parti un grand nombre de Se>-
gneurs , qui perfuaderent au Duc que Gilles étoit fûrement cou-
pable. Les apparences étoient contre l'accufé ; & François , qui
étoit foible , fit arrêter fon frère, en 1446, dans fon château
du Guildo. Le prifor nier fut conduit de prifon en prifon , &
enfin enfermé dans ie château de la Flardouinaye , où il fut
mis dans une chambre fouterraine , qui n'étoit éclairée que
par une fenêtre grillée , qui donnoit fur les fofTés. Là , on
lui fit efTuyer les outrages & les traitements les plus durs &
les plus cruels ; mais fon tempérament , qui étoit robufle , ré-
fif^a aux chagrins, à la douleur , & au poifon même. On prit
donc alors ie parti de le laifTer mourir de faim; genre de
mort
s A I 257
mort le plus affreux de tous , mais digne de trouver place dans
l'efprit des ennemis de ce Prince. Cependant les cris qu'il poufToit,
fes gémifTements , attendrirent une pauvre femme , qui fe glilTa
adroitement dans le foffé, & lui donna un morceau de pain.
Les fecours de cette payfanne retardèrent de quelques jours
la mort de Gilles , qui , fe voyant fans aucun efpoir , lui de-
manda un Confeffeur. Elle lui amena , pendant la nuit , un Fran-
cifcain, qui le confefla au travers de la grille de la fenêtre.
Après la confeiTion , le Prince découvrit fon nom au Religieux ,
lui apprit tous les maux qu'il avoit fouffert , & le pria d'aller
trouver le Duc , fon frère , dont il n'avoit pu fléchir l'injufle
colère , & de le citer au Jugement de Dieu , pour lui faire rai-
fon des cruautés qu'il exerçoit fur lui. Le Moine lui promit , &
le quitta.
La fanté du Prince étoit altérée , & , malgré les fecours de la
compatiffante payfanne, il prévoyoit bien que fa fin approchoit j
lorfque fes Gardes, ou plutôt fes bourreaux , ennuyés de le voir
vivre fi long-temps , entrèrent un matin dans fa chambre Se
l'étoufferent entre deux matelas. Quand ces fcélérats , qui étoient
au nombre de trois , eurent confommé leur crime , ils lui bou-
chèrent le nez & les oreilles , afin qu'il ne piit fortir de fang
de fon corps , & le couchèrent dans fon lit comme s'il fût mort
de maladie. Quand on fçut en Bretagne que Gilles n'exiftoit
plus , le peuple ne doutant point qu'on eût avancé fes jours ,
montra la plus vive indignation. Le Comte de Richemont, qui
aimoit le jeune Prince , fit les plus fanglants reproches au Duc ,
fon neveu , qui , pour fe juftifier , dit que c'étoit fans fes ordres
qu'on avoit traité fi cruellement fon frère -, mais perfonne ne le
crut, & il refta chargé de l'horreur du forfait.
Le Duc étoit en Normandie , occupé au fiege d'Avranches ,
lorfqu'on lui annonça la mort de fon frerc. Comme il s'en re-
tournoit dans fes Etats , il rencontra , auprès du Mont-Saint-Mi-
chel , le Religieux qui avoit confeffé le Prince dans fon cachot.
Ce Religieux s'approcha du Duc , &c lui demanda une audience •
particuHere. Les Courtifans fe retirèrent , & le Cordelier prenant
la parole , dit au Prince avec fermeté : Jt; fuis chargé de la pan
de Aîonfeigneur Gilles , de vous citer à comparoitre dans quarante
jours au Tribunal de Dieu , après quoi il fe retira. Le Duc , déjà
déchiré de remords , fut effrayé de ce difcours , qu'il cacha pour-
tant à ceux de fa fuite j mais , quand il fut rendu à fon château
de plaifance , près Vannes , il fut furpris d'une maladie dange-
Tomc IK K 1
158 SAI
reule , vraîremblablement caufée par le chagrin Se les remords ,
&c qui , augmentée par (es terreurs , le précipita au tombeau l
quarante jours après la mort de fon frère. Nous ne garantiflbns
pas ce dernier point comme très - certain ; mais il n'eft pas in-
croyable pour tous ceux qui font perfuadés qu'il eft un Dieu
vengeur des crimes. La mort de Gilles de Bretagne a fourni à
M. d'Arnaud le fujet dune de ces anecdotes attendrifTantes , dont
cet écrivain enrichit notre Httérature.
SAINT-LAURENT ou LAN-LAURENT -, à 4 Heues au Sud
de Tréguier , fon Evêché ; à 27 lieues de Rennes j &: à 2 lieues
de Guingamp , fa Subdélégation. Cette Paroifle relTortit à Lan-
nion , & compte 500 communiants : la Cure eft préfentée par
M, le Duc de Lorges. Le territoire , borné à l'Efl par la rivière
de Trieuc , & à l'Oueft par celle de Tréguier , eft très - mal
cultivé j c'eft un terrein plan où l'on n'apperçoit prefque que
des landes.
SAINT-LAURENT-DE-GRENEUC; fur une hauteur; à 8
lieues à l'Eft-Nord-Eft de Vannes, fon Evêché; à 13 lieues de
Rennes ; & à i lieue de Maleftroit , fa Subdélégation. Cette Pa-
roilTe reiTortit à Ploermel , & compte 250 communiants. Le ter-
ritoire , arrofé des eaux de la rivière d'Oull, eu fertile en grains
Sl abondant en foin ; on y voit quelc[ues landes dont le fol pa-
roît mériter les foins du cultivateur. La Terre & Seigneurie de Beau-
mont , avec haute , moyenne & baffe-Juftice , appartenoit , en
1500,3 Louis de Maleflroit ; elle elt aujourd'hui à M. de la
Bourdonnaye , qui , en qualité de Seigneur de la Paroiffe , en
préfente la Cure.
SAINT-LEGER ; fur la route de Nantes à Machecou & Bourg-
neuf; à 4 lieues à l'Oueft-Sud-Oueft de Nantes, fon Evêché,
fa Subdélégation , & fon reffort ; & à 26 lieues de Rennes. On
y compte 750 communiants: la Cure elt à l'Ordinaire. Le terri-
toire , borné au Sud par le lac de Grand-Lieu , ell: afTez exacte-
ment cultivé ; il produit du grain , du hn , & du foin. L an
1 1 3 9 , l'Eghfe & les dîmes de cette Paroiffe furent données à
l'Abbaye de Saint - Florent d'Angers par Robert & Guillaume
le Chat.
SAINT -LEGER; à 8 lieues au Sud-Eft de Saint - Malo , fon
s A I 159
Evêché ; à 8 lieues de Rennes ; & à 4 lieues de Hédé , fa Svb-
délégation. Cette Paroifle reilortit à Bazouges, & compte 450
communiants : la Cure eft à l'alternative. Le territoire oft're a la
vue des terres en labeur , quelques prairies , des arbres fruitiers
& autres , avec des landes.
SAINT - LÉONARD -, à i lieue au Sud-Sud-Eft de Dol , fon
Evêché & fa Subdélégation j & à 10 lieues de Rennes. Cette
ParoifTe relTortit à Dinan,& compte 250 communiants: la Cure
eu à l'Ordinaire. Le territoire , couvert d'arbres & builTons , offre
à la vue des terres en labeur de bonne qualité , quelques prai-
ries , beaucoup de landes , & des pommiers. Le château des
Ormes efh la maifon feigneuriale de l'endroit ; c'efl: la maifon de
plaifance des Evêques de Dol, fortifiée, l'an 1299 , par Thebnud
de Pouencé , Evêque de Dol , qui mit des troupes pour garder
cette place. Ce Prélat ^ comme fes confrères, étoit en mauvaife
intelligence avec le Duc de Bretagne. La Corbonnaye & Vilouet
forment une moyenne- Juftice , qui appartient à M. le Saige de la
.Ville-Brune.
SAINT-L'HÉRI j dans un fond; à 3 lieues au Sud de Saint-Malo,
fon Evêché ; à 9 lieues de Rennes ; & à 4 lieues Se demie de Mon-
tauban , fa Subdélégation. Cette ParoifTe reflbrtit à Ploermel , &
compte 300 communiants : la Cure eft préfentée par l'Abbé de
Saint-Méen. Le territoire , couvert d'arbres & buiflbns , renferme
des terres labourables, des prairies , Se des landes. Cette ParoiiTe
porte le nom de fon fondateur Saint l'Héri , à qui Judicacl , Roi
de Bretagne, donna, l'an 632 , un terrein pour y bâtir un Mo-
ïiaftere , où il demeura avec fes compagnons. Ce Monaflere ayant
été ruiné par les guerres , on a édifié fur fes ruines une Eglife pa-
roiffiale en l'honneur de ce Saint.
En 1400, le manoir de Saint -l'Héri appartenoit à Jean de
Saint-l'Héri ; le manoir du Loup , à Pierre Thomas , aujourd'hui
à M. du Loup des Grées ries maifons de Lanloup , de la Noë-
Vcrtc , de Ker-divcl , Ker-vernec , Ker-guiftin , & du Pleffis-au-
Prévôt , font plus modernes.
SAINT-LIPHAR ; à 13 heues à l'Oueft-Nord-Ouell de Nantes,
fon Evêché ; à 20 lieues de Rennes; & à 3 lieues de Guérande,
fa Subdélégation &: fon reflbrt. On y compte i oco communiants :
la Cure eu à l'Ordinaire. Le territoire efl en partie occupé à
2.6o s A I
l'Eft par des marais qui joignent ceux de Montoir , appelles
la grande bruere , d'où l'on tire les mottes à brûler : on y voit en
outre quelques terres en labeur , un bois taillis , & des landes
d'une étendue prodigieufe -, de manière que les habitants , faute
d'induilrie , de courage, & d'aifance , n'ont de reffource que
celle que leur procurent les mottes à briller : ils pourroient vi-
vre plus à l'aife & être plus utiles à l'Etat en défrichant leurs
terres incultes. En 1390 , il y avoit dans l'endroit plufieurs can-
tons de vignes qui dépendoient du manoir de Faugaret : on ne
voit plus à Faugaret qu'une Chapelle qui dépend de la Com-
manderie de Saint- Jean & Sainte-Cathernie de Nantes, de l'Or-
dre de Malte. Le Roi eft Seigneur d'une grande partie de cette
Paroiffe , où il y a cinq Frairies. A la fortie du bourg , du côté
du Nord , efl un rempart en terre, qui fe continue prefque fans
interruption jufqu'à Ponpas , dans une longueur de trois quarts
de lieue : on appelle ce rempart le grand fojfé , il peut avoir
quinze pieds de hauteur fur dix de largeur ; on ignore pour-
quoi & le temps où il a été conllruit. Son Eminence M. de
Rohan de Poldux , Grand-Maître de l'Ordre de Malte , poffede
dans cette Paroifle la Jurifdiftion de Cremeur & de Ker-cabu ;
cette dernière a été transférée à Guérande depuis quatre à cinq
ans : ce Prmce poflede encore dans le même Heu la moyenne-
Juftice de Ville-James , Renelona , & Crenigan. On voit dans
ce territoire les ruines de la Chapelle de Breca , où il fe tenoit
jadis une affemblée confidérable le i^''. Mai & le 25 Juin de cha-
que année : les défordres , qui regnoient dans ces aflemblées, ont
occafionné leur fuppreiïïon vers 1740.
SAINT-LORMEL j dans un fond 5 à 8 lieues & demie à l'Efl
de Saint-Brieuc , fon Evêché j à 13 lieues un quart de Rennes;
& à 4 Heues & demie de Lamballe , fa Subdélégation. Cette
ParoilTe reiïbrtit à Jugon , & compte 300 communiants: la Cure
eft à l'alternative. Le territoire elt coupé de quatre à cinq ruif-
feaux qui coulent dans les vallons , & qui vont fe perdre dans
la rivière de l'Arguenon j on y voit des terres bien cultivées, àQS
prairies , & des landes. Auprès du bourg eft une monticule
qui forme un très-beau point de vue , & fur le fommet de la-
quelle eft le moulin à vent de Lormel. Il fe tient une foire par
an dans ce bourg. En f 500 , on connoilToit dans ce territoire
le manoir de l'Argentay , au Sieur du Pleffis- Bordais ; la Salle,
au Sieur de Guébriand -, la Motte , à Jacques Bofchier > les Cour-
s A 1 iGi
rils-Longs , h Amaurî Sauvaget : la Ville-Biens , la VîUe-Meneuft ,
& la Ville-Robert , font plus modernes.
SAINT-LUMINE-DE-COUTAÏS -, fur une hauteur ; à 4 lieues
au Sud-Oueft de Nantes , fon Evêché & fon reilort ; à 16 lieues
de Rennes ; & à 2 lieues & demie de Machecou , fa Subdélé-
gation. On y compte 1 1 00 communiants , le Roi en efl: le
Seigneur , & la Cure eft à l'Ordinaire. Le territoire , borné à
l'Efl: par le lac de Grand-Lieu, renferme un grand nombre de
marais , des terres fertiles en grains , des vignes dont le vin eft
de médiocre qualité , &: quelques landes. A peu de diftance du
bourg , efl: une monticule , fur le fommet de laquelle font quatre
à cinq moulins à vent. Elle forme un très-beau point de vue ,
ainfi que le moulin de la Marfelle. Le jour de la Pentecôte de
chaque année , il y a une affemblée en cette Paroifle ; & fur
la place eft un cheval de bois , qu'on nomme le cheval Merlene,
autour duquel danfent plufieurs perfonnes vêtues d'une chemife
de toile peinte , fur laquelle font deilinées des fleurs de lis , &
un de la compagnie eft obligé de chanter une chanfon nouvelle ,
qu'on envoie en Cour. C'ell le Sacriltain qui compofe ordinai-
rement cette chanfon grotefque. La cérémonie fe fait devant les
Officiers de la Jurifdidion , qui ont tous l'épée à la main. Le
Prieuré de Saint-Philbert , haute-Jufbice , appartient à M. le Prieur
de Saint-Vincent du Mans ; le Prieuré de Villeneuve , haute-
Juftice, à l'Abbaye de Villeneuve.
SAINT-LUMINE , PRÈS CLISSON ; à 5 lieues au Sud-Eft
de Nantes , fon Evêché & fon reflort j à 27 lieues de Rennes ;
& à I lieue de Cliffon , fa Subdélégation. On y compte 1 200
communiants : la Cure efl à l'Ordinaire. Le territoire eft un pays
plat, couvert d'arbres & buifîbns , & très-exa6temcnt cultivé: il
produit des grains , du vin, & du foin. En 1591 , le Duc de
^^rcœur chargea le Seigneur de Goulaine de bloquer le château
de la Courbe-Jolliere , qui fut enfuite démoH. Les Seigneurs en
ont fait rebâtir un nouveau fur les ruines de l'ancien j mais lans
fortifications. C'ell la maifon feigneuriale de l'endroit.
SAINT-LUNAIRE ; au bord de la mer ; à i lieue & demie
à l'Ouell-Sud-Oucft de Saint-Malo , fon Evêché; à 14 lieues
de Rennes; & à 4 lieues de Dinan, fa Subdélégation & foa
refîort. On y compte 600 communiants : la Cure efl à l'alter-
26i s A I
native. Le territoire , prefque fans inégalités , efl: coupé d'un ruif-
feau qui prend fa fource auprès de la maifon de Pontual , vient
pafler auprès de ce bourg , & va fe jetter dans la mer. Les terres
en font exaftement cultivées , fi ce n'eft à trois quarts de lieue
du bourg , où commence une lande qui eft fort étendue. Nous
ignorons cependant fi elle dépend de la ParoifTe de Saint-Lu-
naire. Les habitants honorent la mémoire de Saint Léonor. On voit
dans l'EgUfe paroifTiale , fon tombeau élevé de deux pieds de
terre , & l'on y conferve fes Reliques. Sa tête efl dans un Re-
liquaire d'argent , & les deux autres ofTements dans deux Reli-
quaires de bois d'ébene vitrés, Saint-Lunaire , haute- Juflice , à
M, de Pontual.
SAINT - MADEN -, fur la rivière de Rance ; à 7 lieues un
quart au Sud de Saint-Malo , fon Evêché -, à 8 Heues de Rennes ;
& à 2 lieues trois quarts de Dinan, fa Subdélégation & fon
reffort. Cette ParoifTe relevé du Roi, & compte 550 commu-
niants : la Cure efl à l'alternative. Le territoire , couvert d'arbres
& buifTons , renferme des terres en labeur cultivées avec foin ,
des prairies , & quelques petites landes : il produit beau-
coup de cidre. La HoufTaye , haute - Juflice , appartient à
M. Lambert.
SAINT-MALO; ville épifcopale Se port de mer, dans la
Manche ; par les 4 degrés 22 minutes 30 fécondes de longi-
tude , & par les 48 degrés 38 minutes de latitude ; & à 14 lieues
de Rennes. Ce diocefe efl borné , au Nord , par la mer ; au
Sud , par celui de Rennes -, à l'Efl , par celui de Dol ; & à
rOuefl, par ceux de Vannes & de Saint-Brieuc. C'efl un des
diocefes le plus étendu de la haute Bretagne : il renferme cinq
Abbayes d'Hommes en commende , deux Abbayes de Femmes j
trente-huit Prieurés , cent foixante - une ParoifTes , vingt-quatre
Succurfales; vingt Communautés d'Hommes , vingt-fept de Filles,
deux Séminaires; & compte 23 65 cohabitants. L'air y efl tem-
péré, affez doux, & afTez fain , quoique le voifmage de la mer
le rende un peu vif & humide. Le terroir efl bon & fertile en
grains , légumes , & pâturages; mais il n'efl pas exaftement cultivé:
on y trouve à chaque pas des landes & des marais très-étendus ,
ui ne prouvent pas l'aftivité & le courage des agriculteurs. Un
e nos plus célèbres agronomes dit , da"ns fon Traité de la
Culture, des terres , << qu'en Bretagne , malgré les efforts des
l
s AI 2^j
w Etats , la culture n'efl point portée au point de perfeéllon qu'on
« pourroit defirer ; cependant la Déclaration du Roi du 6 Juin
» 1768 , & les lettres - patentes de Sa Majedé du 8 Avril
» 1769 , au fujet du défrichement ou deflechement des terres
» incultes ou inondées , accordent de grands privilèges à ceux
y> qui en pofledent , 6c qui veulent les défricher, defTécher,
» & cultiver. » Il feroit à defirer , pour l'utilité générale &
particulière , qu'on arrêtât toutes les familles pauvres Se vaga-
bondes , qui n'ont pas de quoi fubfifter , ou qui font fans
afyle , & qu'on les fit tranfporter dans les landes & fur le bord
des marais du diocefe , pour les défricher & defïécher. Lorfque
ces terreins feroient en rapport , alors on les céderoit , en tout
ou en partie , à ces colons , par afféagement , arrentement , ou
à telle autre condition qu'on voudroit ; on rendroit par-là le plus
grand fervice aux mœurs , à l'humanité , & à la province. Ces
défrichements multiplieroient l'abondance , & bientôt le diocefe
de Saint-Malo n'auroit point à envier le fort des plus fertiles
provinces , puifqu'il eft prouvé que la richeffe la plus certaine
d'un pays ell le revenu du fol. Il en réfulteroit d'ailleurs un
très-grand avantage pour le commerce , dont l'aélivité augmen-
teroit prodigieufement ; & c'eft ce qui doit , plus que toute autre
chofe, infpirer aux Malouinsle goût de l'agriculture. Mais ce projet,
également beau & difficile , ne peut être exécuté que par une
Compagnie de citoyens avoués par le Gouvernement , & afTez
riches & défintéreiîés pour faire des avances confidérables , long-
temps avant de retirer l'intérêt de leur argent.
Le Chapitre de la Cathédrale eft compofé d'un Doyen, des
Archidiacres de Dinan 3c de Porhoèt , d'un Grand-Chantre , de
feize Chanoines , de quatre Semi-Prébendés-Chanoines , de quinze
Chapelains , huit Choriiles ou Muficiens , fix Enfants de chœur ,
& un Sacrifie , fans y comprendre les Prêtres amovibles & les
Muficiens non-bénéficiers , dont le nombre, toujours très-grand,
n'efl point fixé. L'Eglife Cathédrale efl dédiée à Saint Vincent,
Martyr. L'Evêque & le Chapitre font Seigneurs temporels de
la ville épifcopale , & nomment aux charges de la Jurifdiftion
ordinaire & commune de l'endroit, qui s'exerce en leur nom.
Trois grandes routes aboutiflent à cette ville, oii l'on compte
deux ParoifTes. La première , fous le vocable de Saint Malo ,
dont la Cure efl préfentéc par le Chapitre , efl dans la ville , &:
a une fuccurfale fous le nom de Notre-Dame des Anges ; la
féconde, dédiée à Saint Servais, ell dans le fauxbourg Saint-
2^4 s A I
Servan : fa Cure efl à l'alternative. Le nombre des habitants
eft de 18000. H fe tient deux marchés par femaine dans cette
ville , & une foire confidérable , par chaque année , au fauxbourg
Saint- Servan : elle commence le 13 Mai , & dure quinze
jours. ,
On remarque à Saint-Malo un Gouvernem.ent militaire , corn-
pofc d'un Gouverneur , d'un Commandant , d'un Lieutenant de
Roi , d'un Major , d'un Lieutenant d'Artillerie , & de deux Ingé-
nieurs pour le Roi au département de Saint-Malo ; une Commu-
nauté de ville avec droit de députer aux Etats de la province^
une Commiffion Intermédiaire , un Bureau de M. le Duc de
Penthievre, Amiral de France -, un Bureau des ClalTes , une Sub-
délégation , une Brigade de MaréchaulTée , un Bureau de la
Société d'Agriculture , un Bureau des Oftrois , une Infpe61:ion des
Haras de Bretagne pour l'Evêché de Saint-Malo , une Infpeftion
pour les Manufactures & Toiles , une Direftion des Fermes gé-
nérales du Roi, une Diredion des devoirs, Impôts, & Billots j
une Recette générale des droits du Roi ; les Portes aux lettres
& aux chevaux ; une MiHce Bourgeoife , commandée par un
Connétable-Colonel; & les Ecoles d'Hydrographie , de DefTein,
&c. Les Communautés , au nombre de quatorze , font : le Sé-
minaire , les Capucins, les Récollets , les Frères des Ecoles Chré-
tiennes ( a ) , les Bénédiftins , les Urfulines , les Filles de Saint-
Thomas-de-Villeneuve , les Filles de la Charité, les Calvairiennes,
les Filles du Bon-Pafteur , & les Filles de la Croix. Les Jurif-
diftions de Saint-Malo , avec haute-Juflice , font : la Jurifdiftion
ordinaire & commune , dont les appellations vont direftionnelle-
ment au Parlement ; les Régaires , le Chapitre , l'Officialité ,
l'Amirauté , le Confulat , & les Traites.
Le port de Saint-Malo, quoique d'un accès très -difficile,
à caufe des rochers qui le bordent, eft, fans contredit, un des
plus beaux de la France. La fureté de fes rades & de fon
mouillage , les commodités qu'il offre pour la conllruftion des
vaiffeaux & les armements , font des avantages que peu de villes
peuvent lui difputer. Cette ville efl une des clefs du Royaume,
&: un des boulevards de la Bretagne. Depuis le commencement
de ce fiecle , qu'elle a été embellie & accrue d'une nouvelle
enceinte, elle peut pafler pour une des plus fortes & des plus
(a) Ces Communautés d'Hommes , 1 doubles : it y en a à Saint-Malo & à
& les cjuatrc fuivantes de Femmes j font | Saint-Servan.
jolies
s A I 1^5
jolies places de la France. Ses remparts font d'une ma-
gnificence royale , & forment une promenade fuperbe. Ses for-
tifications , qui la mettent à l'abri de toute infulte , font confidé-
rables & méritent qu'on s'y arrête. Le château , quoique ancien ,
ell encore regardé comme un bon ouvrage : il eft bien entretenu,
bien muni de canons & de munitions de guerre, & gardé par
une forte garnifon d'Invalides ; il ell: fait en forme de carroffe ,
Se flanqué de quatre grofles tours principales , avec de vaftes
& protonds foffés. Il doit fon exigence a la Reine Anne. Cette
PrincefTe, ayant eu quelques démêlés avec l'Evêque , touchant
le droit de régale , fit fortifier le château , malgré les excom-
munications lancées par le Prélat contre les entrepreneurs &
ouvriers, & y fit ajouter de nouveaux ouvrages, nonobilant les
oppofitions de l'Evêque. Elle fit. en cette occafion, ufage de
cette fermeté dont elle donna n feuvent des preuves. Pour
montrer qu'elle étoit véritablement & qu'elle vouloit être Sou-
veraine de Saint-Malo , elle fit graver, en boffe , fur une des tours,
ces mots bien expreflifs : Qui que?i grogne , aijifi fera , ceft mon
plaifir ', par corruption de ces mots : Quiconque en gronde. Cet
événement a fait nommer cette tour , Qui qu'en grogne -, nom
qu'elle a confervé jufqu'aujourd'hui. Le terrein qu'occupe Saint-
ÎVlalo formoit anciennement une ifle 5 mais ce n'efl: plus aujour-
d'hui qu'une péninfule , qui communique à la terre ferme par
une belle chauffée qu'on appelle le Jiiloji. Les murs de ville iont
afîis fur le roc , &. flanqués de tours & de bafl:ions , garnis
d'une nombreufe artillerie. La batterie de la Hollande , qui donne
fur la rade , efl: compofée de plus de vingt pièces de canons , dont
plufieurs font du plus fort calibre. Les Forts avancés , bâtis iiir
des rochers dans la mer, font au nombre de quatre : le Fort-
Royal, le petit Bé, Me Herbois , & la Couchée; ce dernier,
ouvrage de l'immortel Vauban & *digne de ce grand homme,
efl le plus confidérable de tous ; il elt à une lieue en mer , iiir
un rocher qui n'eil acceflible que par un feul côté. L'abord y
efl: dangereux , même dans le beau temps ; & , s'il n'efl peut-
€tre pas imprenable, il efl toujours vrai de dire qu'il n'efl pas
facile de s'en emparer. Il a été inutilement attaqué, fous le règne
de Louis XIV, par les Anglais, qui l'ont refpe61:é fous celui de
Louis XV. Le Fort de la Varde n'efl pas fitué comme les
autres : il efl fur une langue de terre qui domine fur la merj
il a été rebâti, en 1758 , & fortifié à la moderne, avec fofl^es,
chemin couvert , & glacis. Enfin , on vient de bâtir , fur la
Tome IV. L 2
%GG SA!
montagne où étoit lâ cité d'Aleth , un ouvrage qui met Jà ville
à couvert de toute inlulte de la part de l'ennemi. L'arfenal ell
beau & mérite la curioiité des étrangers ; mais , ce qui doit
lurprendre & exciter l'admiration , c'elt le flux & reflux de la
mer, dans les mois de Septembre & de Mars : elle iBonte à
quatre-vingts pieds de hauteur, avec des ibulévemenrs furieux,
& laifle , en fîx heures de temps , le rivage à fec l'efpace de
plufleurs lieues. La mer a infenflblement gagné, dans cette partie,
un terrein très-vafl:e ; & tandis qu' elle le retire de la côte , au Sud-
Ouefl de la Bretagne, elle envahit les terres iituées au Nord de la
province. Un procès fameux entre les Ducs d'une part, l'Evêque
& le Chapitre de Saint-Malo de l'autre , nous apprend que le
terrein fltué entre la ville & l'ifle de Cefembre , qui en eil
éloignée d'une lieue , & celui qui ell: fitué entre la cité d'Aleth
& Dinard , offroient à la vue des prairies & à^i» marais qui ap-
partenoient au Chapitre. Le Duc de Bretagne revendiquoit ces
domaines ; mais la fentence des Juges de la Sénéchauflee de
Rennes ne lui fut pas favorable , & les Receveurs de TEvêché
& du Chapitre en font encore mention dans leurs comptes,
quoiqu'ils n'en retirent point de revenus. C'efl: une précaution
très-fage pour la confervation de leurs droits , dans le cas qu'ils
puilfent quelque jour les faire valoir.
Cette ville efl principalement célèbre par {ts> armements & fon
commerce , &: c'efl: par-là que fes habitants fe font fignalés &
ont rendu d'importants fervices à l'Etat. Nous le dirons, à la
louange des Malouins & à la honte de quelques autres places,
aucune ville n'a montré autant de zèle pour la gloire de la
patrie que Saint-Malo. De fon port , font fortis des eflfaims de
corfaires , de vaillants Capitaines , d'intrépides matelots , des ma-
rins habiles , hardis , & expérimentés , qui ont fait trembler les
ennemis de la France , & ont défolé leur marine. Que ce foit
plutôt l'intérêt que l'amour de la gloire ou le patriotifme , qui
ait excité & conduit ces braves marins , peu importe \ la vertu
diflingue fims doute le motif, mais la patrie ne voit que le
bienfait. L'hifloire de Saint-Malo va prouver ce que j'avance ;
mais nous ne devons pas oublier un fait qui doit être confervé
à la poflérité. Les Malouins ont donné , au commencement de
ce flecle , un exemple de généroiité , digne des anciens Romains j
ils ont agrandi l'enceinte de leur ville , & l'ont re •. êtue , à
leurs propres dépens , de remparts dont la magnificence étonne.
Un citoyen de Saint-Malo , bien connu dans la république
s Al zSj
des Lettres , a célébré cet événement par ce diftique latin ;
Hk œdes , hinc naves , pontus amicus ,
JEdibus his prcebuit fumptum atque locum.
En temps de paix , fon commerce a plufieurs branches très-
étendues : il fe fait i°. avec nos colonies de l'Amérique; 2°»
avec la Hollande ; 3*^. avec l'Angleterre j 4*^. avec l'Elpagne,
ce dernier eft le plus aftif Se la principale fource des nchcfies
de Saint-Malo. Il efl: d'autant plus avantageux qu'il tire de la
Bretagne les toiles fabriquées dans fon fein , & que les retours
font toujours en efpeces d'argent & en marchandifes précieufes,
& d'un débit afluré. Il confifte principalement en toiles dites
de Bretagne , étoffes d'or & d'argent , fatins de Lyon & de
Tours , étoffes de laine d'Amiens ik de Rheims ; marchandifes
<jui font portées direftement à Cadix , & de là tranfportées
dans les Indes Efpagnoles. On emploie tous les ans environ
quinze frégates à ce riche commerce. Le temps de leur dé-
part de France fe détermine fur les avis que Ton reçoit du dé-
part des galions & des flottes d'Efpagne. Les voyages font
longs , puifqu'ils durent ordinairement quinze à feize mois , &
quelquefois deux ans ; mais ils font fi avantageux qu'ils rappor-
tent fouvent jufqu'à douze millions en efpeces, & jamais moins
de fix à fept. Cependant ce commerce ne fe fait jamais fans
beaucoup de rifqucs , en temps de guerre , & fans de grandes / i^
difficultés, même en temps de paix, par la défenfe exprefîe,
fans ceffe renouvellée en Efpagne a tous les étrangers , de faire le
commerce aux Indes j mais on emploie des noms fuppofés ou
étrangers , tant dans les lettres que fur les adreffes , dans la
crainte qu'elles ne foient interceptées. Malgré toutes ces tra-
verfes ôc les inquiétudes qu'il caufe , ce commerce eft parfai-
tement bien établi ; & il n'y en a point de plus unie au pu-
bhc comme aux particuliers.
Celui qui fe fait avec la Hollande eft bien moins aftif &
ne peut être auffi avantageux. Les Hollandais font eux-mêmes
leurs retours, & les Malouins n'envoient guère dire^lement
dans les ports des Provinces -Unies. Les villes commerçantes
de l'Angleterre, & fur-tout les ifles de Jerfey &: de Garneley,
envoient tous les ans plus de cent navires à Saint-Malo : ils ap-
portent beaucoup de marchandifes , mais dont la valeur ne peut
cependant fuffire à payer tout ce qu'ils emportent en denrées
& marchandifes de France ; & cet excédent eft payé en argent
2é8 s A I
comptant , ce qui rend ce commerce très-lucratif. Les Maîouirrs
font encore des armements confidérables pour la traite des
Nègres , & fur-tout pour la pêche de la morue , au banc de
Terre-Neuve , où ils envoient tous les ans près de foixante na-
vires. Cette navigation eft une pépinière de bons^ matelots &
d'excellents marins. Comme les armements de ce geo^e emploient
tous les ans fept à huit mille hommes , & comme , par un règle-
ment très-fage & très-fagement exécuté , fur cent hommes d'é-
quipage il y a toujours trente novices ; il fe trouve tous les
ans deux mille nouveaux matelots ,-fujets précieux à l'Etat. C'eft
par ce moyen que le département de Saint-Malo a fourni dans
tous les temps aux flottes royales plus abondamment qu'aucun
autre , & que fes matelots font recherchés & employés par pré-
férence pour le fervice de Sa Majefté. Cette ville fait aulîi le
commerce de la Chine & des autres parties de l'înde , depuis
la fuppreffion de la Compagnie. Depuis la dernière guerre juf-
qu'en 1777 inclufivement , elle a armé plus de deux mille na-
vires Marchands.
Les marchandifes que les Malouins exportent de la Bretagne ,
font les toiles fabriquées dans le pays , les cires & les miels ,
les bleds , & les fers des forges de Paimpont. La fayance , dont
on vient d'établir une manufafture à Saint-Servan , fait efpérer
un heureux fuccès. Le dernier goût y eil: exaftement obfervé ,
& on fe flatte qu'elle égalera bientôt les autres manufactures
du Royaume. On y fait auffi des briques de toutes efpeces , pour
les fours , les cheminées , & le pavé des falles , de la grandeur
& largeur que l'on veut. La maifon de la Providence , étabhf-
fement auffi favorable aux mœurs & au commerce , que louable
dans fes effets , efl une manufacture précieufe à laquelle on em-
ploie les pauvres ; & ces malheureux , loin d'être à charge au
public , lui font utiles par leurs travaux.
De' cette aftivité dans le commerce, naît l'abondance & la
richefle : auffi la ville de Saint-Malo offre-t-elle à la vue des
édifices fuperbes qui annoncent l'opulence. Ceux qui bordent les
remparts font des Palais qui furprennent les étrangers. L'EgHfe
Cathédrale , quoique dans le goût gothique , a des beautés qui
la font encore regarder comme une des plus joHes de la pro-
vince : le choeur fur-tout eft très-beau. On voit encore avec
plaifir l'Eglife des Bénédiftins , & les trois ftatues de marbre
qui font au maître-autel ; l'Eglife de Saint-Sauveur ; l'Hôtel-Dieu ,
& les ftatues de Notre-Dame & de Saint-Chriflophe , de hau-
s A I 2^9
teur naturelle , qui font au delTus de la porte principale ; les
citernes , & la pompe publique , qui , par des canaux fouterrains
qui pafTent par deflous un bras de mer , conduit l'eau douce dans
la ville , des fontaines éloignées d'un quart de lieue. On admire
auffi la falle de fpeftacle , qui , quoique petite , eft un chef-
d'œuvre , elle vient d'être incendiée : & une belle & grande fon-
taine , près l'Eglife paroifliale de Saint - Servan , qui fournit
de l'eau douce aux habitants , & pour les armements des grands
vaifTeaux,
On peut voir aufll avec plaifir les habits de la Confrairie
de Meffieurs de Saint-Jean. Cette ancienne Confrairie , dont
on ignore l'établiflement , eu unie à celle du Saint-Sacrement j
elle eu compofée de deux Abbés & de douze Jurats laïques,
choifis entre les notables de la ville : elle fubfiftoit avec éclat
dès le quatorzième fîecle. Jean de Morte - Fouace , Capitaine
de Saint-Malo en 1376, lui donna la maifon qu'on appelle au-
jourd'hui C Abbaye Saint-Jean. Ceci détruit l'opinion de ceux qui
veulent que cette Confrairie blanche foit un reile de l'Amende-
honorable ( a ) faite par les Malouinsau Duc de Bretagne, puifque
cette Confrairie étoit établie avant l'Amende , qui ne fe fit qu'en
1 384. Le Duc n'exigea cette humiliation que pour le jour de fon en-
trée, r l'afte pafTé à ce fujet en fait foi. Comme d'ailleurs la
ville ne refufoit de reconnoître le Duc , que pour fuivre le parti
de fon Evêque , le Clergé fit fon Amende-honorable le premier :
& fi la Confrairie étoit une fuite de cette foumiffion , le Cler-
gé auroit dû fupporter fa part de l'affront ; ce qui ne peut fe
dire , puifqu'il n'y a que quelques années que le Chapitre ac-
compagne les Mefîieurs de Saint-Jean le jour & la veille de la
fête. Les Afibciés ont pour eux quelque chofe de plus : c'elt une
médaille qui repréfente d'un côté un Duc de Bretagne , & de
l'autre un des Confrères. Ce Prince s'étant trouvé à Saint-Malo
au jour Saint-Jean , affifia lui-même à cette proceiïion , ik permit
à ces Meffieurs de fe fcrvir , dans leurs cérémonies , d'un vête-
ment pareil à l'habit Ducal.
On a auffi prétendu que l'efpece d'étole que portent les Con-
frères , étoit le fymbole de la corde de l'Amende - honorable ;
mais ce n'eft autre chofe qu'une cfpece de baudrier , dont les Ducs
fe décoroient dans les cérémonies publiques. Dans un mamifcrit
que j'ai fous les yeux , on lit , à l'occafion de cette Confrairie :
(4) Nous parlerons de cette Amende-honorable dans Ton lieu, (voyez année 138^.)
^^o S A I
Les Malouins dlffimuUnt le motif ; la vérité ejl que cette Amende-
honorable ejl la réparation du lâche affajjinat , commis en la perfonne
du nommé Desfontaines , dans la pnje du château par les habitants
de Saint-Malo. Je fuis impartial , & je dis, vrai. Je n'entrepren-
drai point de combattre une opinion pour faire triompher l'au-
tre. La Confrairie fubfifte avec éclat , c'eft un honneur d'y
être admis aujourd'hui ; qu'importe le motif de l'étabhffement ^
La ville de Saint-Malo offre plufieurs coups d'œil très-amu-
fants , les afpefts font toujours variés , & les tableaux différents..
D'un côté, la vue fe perd fur une mer tantôt femblable à une
glace unie, ou aux champs de bleds qu'un vent léger agite &
fillonne ; tantôt écumante , foulevée par les vents &: ouvrant de
profonds abyfmes. Ce fpeftacle ell: toujours frappant & fublime ^
il élevé & agrandit l'ame. Le flux &: le reflux diverfifie en-
core ce tableau , qui , cependant , n'efl jamais monotone au point
d'ennuyer. Dans la pleine mer on n'apperçoit que les eaux ,
mais, lorfqu'elle efl retirée, on découvre une longue chaîne de
rochers , dont on ne foupçonnoit pas même l'exiftence : d'un au-
tre côté , un fauxbourg plus grand &: plus beau que plufieurs villes
confidérables , féparé de Saint-Malo feulement par un petit bras
de mer qui découvre deux fois le jour , & plufieurs villages
contigus , forment une perfpeftive charmante , dont la vue eft
terminée par de belles maifons de campagne & des bois dans
l'éloignement. Plus loin , dans l'enfoncement de la rade , le petit
golfe de Dinard , qui préfente un payfage admirable en forme
d'amphithéâtre , achevé de rendre ce point de vue , finon fupé-
rieur , du moins égal aux perfpeftives les plus vantées.
Saint- Servan , fauxbourg de Saint-Malo, plus grand que la
ville & afTez bien peuplé , efl: dans une belle fituaticn au Sud,
entre la mer & la campagne , & fert de promenade aux Ma-
louins. Ses rues font larges , bien pavées , & garnies de belles
maifons ; d'un côté il regarde Saint-Malo , & de l'autre la cam-
pagne j fes dehors offrent une très-;belle perfpeftive. 11 deviendroit
bientôt une ville confidérable ,. marchande & riche , lî l'on exé-
cutoit le plan du Maréchal de Vauban. Suivant ce plan , dé-
pofé aux archives de la Maifon & Communauté de Saint-Malo,
ce feroit une des plus fortes & des plus belles villes du Royau-
me. Le nom feul de l'auteur efl garant de la beauté , comme
de l'utilité du projet. Ce fauxbourg n'a rien de remarquable que
la Chapelle de Saint- Pierre , autrefois Cathédrale de l'Evêché
d'Akth, 6c les débris du château de Sohdor , autrefois Stiridor,
s A I 271
dont Tancienne tour fert à la défenfe du port de fon nom & du
port Saint-Pere , & à loger les prifonniers en temps de guerre.
Le port de Solidor eu un des plus commodes que l'on connoifTe :
c'eit là que l'on conftruit les grands navires & les frégates pour
les voyages de long cours ; on pourroit même en faire un port
pour la marine royale. Les vaifieaux de Sa Majefté , ainfi que
ceux de la Compagnie des Indes , y mouilleroient en toute fu-
reté. Après la fameufe &c malheureufe bataille de la Hougue en
1^92, quinze vaifTeaux de ligne , à hauts bords , s'y réfugiè-
rent , fans aucuns rifques ni accidents.
Voilà ce que j'ai à dire fur la fîtuation Se l'état aftuel de
Saint- Malo. Je vais maintenant rapporter ce que l'hifloire nous
en a appris : je parlerai d'abord de la ville d'Àleth , qu'on peut
appeller /a mère de Saint-Malo , puifque , fans la première , la
féconde n'eût peut-être jamais exifté.
Alet/i , Alethum , ou Giadala in Reiomhus , a conferv.é' ibu
ancien nom celtique de Gui -d'Aleth ou Guic-Aleth ; c'eft, au-
jourd'hui'le fauxbourg Saint-Servan dont on vient de faire mei}- .
tion. LaifTant aux amateurs de l'antiquité & aux fçavants la ''^M -^at^
che , peut-être impofTible , d'aiïlgner l'époque de fa fondation ,V/fc^^^
nous ne perdrons pas le temps à bazarder des conjectures fur ^f"'
fon origine : nous raifonncrons d'après les hiitoriens , & nous ^f^
tirerons àQ.% conféquences de ce qu'ils nous ont appris. Il efl:
probable & nous penfons que la ville d'Aleth eft une des plus
anciennes de la Bretagne armorique. Tout fe réunit pour ap-
puyer cette opinion , le canton où elle eft fituée étoit , fans
doute , habité par un peuple quelconque , & ce peuple avoit
une ville à laquelle les anciens hilloriens donnent le nom ^A-
let/i ; leur lîlence , l'état aftuel du pays , & l'hiftoire , nous font
croire qu'il n'y en avoit pas d'autres dans les environs. Dol ,
félon toutes les apparences , n'exifloit point avant la conquête
des Romains , ou ce n'étoit qu'un village de peu d'importance.
Il faut donc convenir qu'elle étoit le chef-Heu &: la principale
cité de cette partie de la Bretagne ; mais la difliculté ell de
fçavoir quel étoit le peuple qui l'habitoit. Ici les fentimcnts font
partagés , les uns la donnent aux Diablintes , les autres aux Cu-
riofolites. Le premier fentiment , qui nous femble le meilleur,
eft celui d'Antonin , dans fon Itinéraire du Père Dom Denis dans
la GalUa Chrifliana , & paroît être celui de Céfar dans fes Com-
mentaires. La féconde opinion n'eft pas fort fuivie , & n'elt fon-
dée que fur des conjedurcs. Le bourg de Corfcul qui fe trouve
lyi s A I
à quatre lieues de Saint-Malo , a donné lieu à ces conje6lures ;
voici ce qu'on a dit: « Corfeul appartenoit aux Curiofolites ,
» donc Aleth leur appartenoit auffi. ^> Il eit facile de fentir le foible
ou plutôt le ridicule de ce raifonnement. Les Curiofolites pou-
voient pofféder Corfeul, & les Diablintes Aleth, malgré la pro-
ximité de ces deux places , comme le Roi de France poffede les
villes en deçà du Rhin , & l'Empereur celles qui font au delà.
D'ailleurs, quoique les Gaulois formaffent un nombre infini de
petites républiques , on fçait qu'ils vivoient dans une grande in-
telligence , confervée & entretenue par l'identité de rehgion , de
mœurs , & d'ufage. Mais je dirai plus , c'efl: que rien ne prouve
que Corfeul ait été l'ancienne ville des Curiofolites. Le mot Cor-
jeul, dit-on, eft un abrégé de celui de Curiofolites , & même
le premier fe trouve renfermé dans le fécond ; & , d'après une
analogie fi parfaite (a), il efl: hors de doute que cette ville-là
étoit capitale des Curiofohtes. Ce principe , en facilitant la déci-
fîon des queftions les plus épineufes , multipUeroit prodigieufe-
ment les erreurs hiftoriques ; & il y a long-temps que les fça-
vants le rejettent. On doit d'autant moins en faire ufage ici , que
tous les monuments anciens combattent l'opinion qu'il favorife.
CuriofoUtum ell: un mot latin , Corfeul un mot français, qui
ont pu fervir l'un à nommer les Curiofolites , & l'autre à nom-
mer le bourg de ce nom , fans aucun rapport des premiers au
fécond ; & fi l'on vouloir juger de la fituation d'un peuple par
le nom que portent aujourd'hui les différents cantons, où trou-
veroit-on une analogie plus parfaite que celle du mot latin Cu-
riofolitwn & Curiofolites, Or , le premier de ces mots ell le nom
latin de l'Evêché & de la ville même de Quimper , qui eft re-
gardée comme la capitale des Curiofolites. D'ailleurs , que prou-
vent les monuments trouvés dans les ruines de Corfeul ? Une
feule chofe , qui efi: que le pays a été foumis aux Romains ,
puifque tous ces monuments font des ouvrages des Romains , &
non des Gaulois ; & l'on pourroit même conjefturer, avec raifon ,
que Corfeul n'étoit peut-être qu'une bourgade ou un château bâti
par les conquérants des Gaules. Ce qui me feroit pencher pour
ce fentiment , c'efi: que les Gaulois plaçoient toujours , autant
qu'ils le pouvoient , leurs villes fur le bord de la mer : Aleth ,
(û) C'cft avec ce raifonnement qu'on
a voulu faire croire que Paris , fils de Priam ,
éioit le fondateur de Paris : que Troyes , en
Champagne , devoit fon exiftence à un
autre Prince Troyen.
Quimper,
f.
s A I 27}
Quimper , Vannes , & Nantes , en font la preuve. Or , puifqu'ils
avoient une fi belle, occafion de bâtir fur cette côte une ville
maritime , pourquoi placerent-ils Corfeul à plus de trois lieues èc
demie de la mer ? ( Voyez la DifTertation à ce fujet , page
Ixiv , tome premier. ) Avouons donc que l'on ne peut conteikr
la cité d'Aleth aux Diablintes , fans choquer ouvertement le bon
fens & la raifon.
La Notice de l'Empire & Fltinéraire d'Antonin nous appren-
nent que , fous la domination Romaine , Aleth avoit une garnifon
comme toutes les autres places importantes. Nous ne fçavons rien
de plus fur l'état de cette ville dans ces temps reculés. Les
médailles trouvées en 1759, ne fervent, tout au plus, qu'à
confirmer ce que l'hiftoire nous a tranfmis. La révolution qui
arracha l'Armorique à l'Empire , fournit la ville d'Aleth aux
Princes qfti avoient conquis cette province : elle refta fous leur
puiffance jufqu'au commencement du fixieme fîecle , qu'une armée
de Frifons , commandée par Crifolde , leur Chef , que Clovis
avoit envoyés en Bretagne , s'en empara , & la garda quelque
temps. Budic , qui regnoit alors , ne put réfiiler à ces étrangers;
mais Hoël le Grand , fon fils & fon fucceffeur , la reprit Se
chaiïa les Frifons de fon pays. On prétend que cette ville,
ayant reçu l'Evangile dès les premiers fiecles de l'Ecylife , fut
gouvernée par des Evêques régionnaires , dont Saint Budoc fut
le dernier. Il faut reléguer cette opinion au rang des chofes dou-
teufes & d'ailleurs peu intéreflantes. Le fixieme fiecle eft , peut-
être , l'époque la plus brillante de la religion en Bretagne. Elle
étoit alors peuplée d'une foule de faints Solitaires , Anglais , Ecof^
fais, Irlandais, qui venoient, loin de leur patrie, s'y confacrer
à la pénitence. De ce nombre étoient plufieurs Evêques , qui
rétablirent ou fondèrent des Eglifes qui fubliflent encore. Saint-
Malo , qui, félon Moréri , étoit fils d'un Gentilhomme Irlandais,
nommé ff^ent ou Guent , & coufin-germain de Saint Samfon &
de Saint Magloire (^ ), ayant été élu Evéque de Guic-Callel,
& ne voulant point occuper ce Siège , fur lequel il avoit été
placé de force &c contre fon gré , s'échappa fecrétement de fa
patrie , & pafîa en Bretagne. Il fe mit fous la conduite d'un
faint Solitaire , nommé Aaron , qui avoit bâti un Monailere dans
une ifle voifine de la cité d'Aleth. Déjà prefque toute la. Bretagne
avoit renoncé au paganifme , le culte des taux Dieux avoit été
(j) Selon d'autres , Saint Malo ctoit Ecoflais^ de nation, C^ Evcqiie de Winceâcr,
Tome IV. M 2
lyA. S A I
profcrit, & TEvangile regnoit fur les coeurs Si les esprits» Les
habitants d'Aleth , voyant leur Eglife parfaitement établie , pen-
ferent à fe choifir un Pafteur en chef & d'un ordre fupérieur»
Témoins des vertus de Saint Malo , leur voifin , ils jetterent les
jeux fur lui, & le proclamèrent Evêque de leur ville , d'un confen-
tement unanime. Il accepta , quoiqu'avec peine , cette pénible
& importante fonftion , & gouverna fon peuple avec fagefîe.
Après la mort du faint Hermite Aaron , il fut auffi élu Supé-
rieur de fa Communauté , qu'il dirigea avec beaucoup de pru-
dence. Ses diocéfains , enchantés de vivre fous fes loix , & pleins
de vénération pour fes vertus , fe foumirent à lui pour le fpi-
rituel Se le temporel , & lui donnèrent la Seigneurie de leur
pays. Ses libéralités lui attirèrent la haine & la perfécution de
fon Souverain. Hoël le Grand étoit mort , & avoit lailTé à fes
barbares fils le Royaume de Bretagne. Celui qui regnoit dans
cette partie de la province o\x ell fitué Saint-Malo, perfécuta le
vénérable Evêque; il ne put voir, fans jaloufie , l'attachement
des Alethiens pour leur Pafteur , Se réfolut de l'en punir. Le
Prélat ne voulut point réfiller à fon Souverain. Ne fe fentant
pas capable de braver la tempête , il prit le fage parti de
l'éviter : il quitta fon troupeau , Se fe retira dans une folitude
de la Saintonge. Hoël ne tarda pas à fe repentir de fon injuf-
tice : il reconnut fa faute , rappella le faint Evêque -, & , pour
montrer qu'il étoit fincérement fâché de ce qui s'étoit paffé, il
confirma à Saint Malo toutes les donations précédentes , & y
ajouta de nouvelles pofieflions , avec beaucoup d'or & d'argent.
Voilà , félon toutes les apparences , l'origine de la jurifdiftion
temporelle des Evêques de Saint-Malo. Le faint Prélat ne refta
pas long-temps , après cet accommodement , dans fon diocefe :
il retourna dans fa folitude de Saintes , & y mourut. Quelques
années après , on éleva une Eglife , en fon honneur, dans l'ifle
de Saint-Aaron , & cette ifle prit le nom de fon Patron. En 762 ,
un jeune homme d'Aleth apporta de la Saintonge les Reliques de
Saint Malo , qui furent dépofées dans l'Eghfe de fon nom , par
Bily , Evêque de ce diocefe.
L'hiftoire de ces temps reculés ne nous ofFre pas un grand
nombre de faits relatifs à la ville d'Aleth. Il paroît qu'elle fut
fouvent expofée aux ravages & aux incurfions des Barbares,
Elle fut attaquée Se prife , en 8 1 1 , par une armée de Français ,
que l'Empereur Charlemagne avoit envoyés conquérir la Bretagne
Armorique. Elle relia fous la puifiance des Empereurs jufqu'au
o A I î-TÇ
règne de Nominoé. En 817, Louis le Débonnaire confirma à
Helocar & à fes fuccefTeurs la pleine & paiiible pofreflion du do-
maine èk de la Seigneurie d'Aleth & de Saint-Malo , conformément
aux lettres précédentes , accordées par Charlemagne , fon père.
Les lettres-patentes données à ce fujet , qui font le plus ancien
titre qu'il y ait à Samt-Malo , nous apprennent que , peu aupa-
ravant, la ville d'Aleth avoit été pillée par les Barbares, & que
les titres de cette Eglife avoient été brûlés. Cell vraifemblable-
ment à la fureur de ces étrangers que l'on doit attribuer la def-
truftion de l'Eglife dédiée à Saint Malo , qui , félon le témoi-
gnage des hiftoriens , fut brûlée dans le neuvième fiecle. L'Evê-
que Helocar la fit rebâtir , <Sc la dédia à Saint Vincent , Martyr j
mais, fi l'Eglife changea de nom, l'ifle ne quitta point le fien ,
& conferva toujours le nom de Saint-Malo.
Quelques écrivains ont prétendu , fans beaucoup de fonde-
ment, que cette ville avoit été ravagée parles Sarrafins j mais
l'hiftoire ne nous apprend rien de poiitif là-defTus, &, ce qui
eft plus certain , c'ell qu'en 969 les Normands défoloient la Bre-
tagne par leurs pillages. Ces brigands , impies & facrileges , ne
refpeftoient pas davantage la rehgion que les hommes. Salvator ,
Evêque d'Aleth , craignant pour TEghfe de Saint-Vincent , fe
faifit des ReUques de Saint Malo , ôc les porta à Paris comme
dans un afyle afTuré. La tête & le bras de ce Saint furent dans
la fuite apportés en Bretagne , & dépofés fous le grand autel
de Saint Vincent, Martyr, où ils font toujours reliés depuis,
enchàflés dans un ReHquaire très-riche.
Cependant , les habitants , fatigués de ces fréquentes incur-
fions, 6c dégoûtés d'une ville où ils avoient fans cefle à craindre
pour leurs richefi'es , leur Hberté , 6c leur vie, cherchèrent à s'éta-
blir dans un heu plus fur & plus à couvert des entreprifes des
Barbares. L'ifle d'Aaron , ou plutôt de Saint-Malo , leur parut
un lieu propre à s'y fortifier : ils étoient d'ailleurs attirés dans
cet endroit , par la vénération qu'ils confervoient pour leur pre-
mier Evêque Ils y firent donc confiruire plufieurs édifices, & dé-
ferrèrent en foule leur ancien féjour ; en forte que peu-à-peu
l'iUe fe peuploit , tandis que la ville devenoit dél'erte. Benoît ,
Evêque - Adminifi:rateur d'Aleth , voyant le grand nombre de
peuple que renfermoit l'ifle de Saint-Malo , donna à l'Abbaye
de Marmoutier l'Eglife de Saint-Vincent &: tout ce qui en dé-
pendoit , avec obligation d'y établir une quantité funiiante de
kehgitux pour y faire les fondions de Palleurs, Cette donation
rj(, * S A I
fut approuvée du Pape Pafchal II, l'an 1 109. Les chofes ref-»
terent en CQt état jufqu'à FEpifcopat de Jean de Chatillon , dit
de la Grille, Ce Prélat voyant que bientôt Tancienne ville
d'Aleth ne feroit qu'une bourgade prefque déferte, & que fon
troupeau , préférant la fituation de Saint-Malo , ne ceffoit d'y
former de nouveaux établiflements , réfolut de le fuivre , & d'y
transférer le Siège épifcopal. En conféquence, il enleva l'Eglife
de Saint- Vincent aux Religieux Bénédiftins , & en fit fa cathé-
drale, qu'il donna à des Chanoines-R.éguliers qu'il fit venir de
Paris. J'entrerai dans le détail de cette affaire dans le Catalogue
hiftorique des Evêques de Saint-Malo : je me contenterai ici d'ob-
ferver que les Papes Innocent II, Anaftafe IV, & Adrien IV,
approuvèrent cet arrangement , qui fut auffi confirmé par le
Duc Conan le Gros. Ce Prince fit plus : il accorda à la ville
de Saint-Malo tous les privilèges dont jouifîbit l'ancienne cité
d'Aleth , & y ajouta , de nouveau , celui d'afyle & de fauve-
garde. Tout criminel & tout débiteur étoit en fureté, dès qu'il
étoit parvenu fur fon territoire , qui s'étendoit depuis la* cité
d'Aleth jufqu'au village de Menhic ou Lomimhi ^ par corruption
de deux mots latins, mane hïc^ demeure-là. Cet afyle étoit in-
violable : on en peut juger par ce trait d'hiftoire.
L'an 1 479 , François II , Duc de Bretagne , livre aux Am-
baffadeurs de Richard , Roi d'Angleterre , le jeune Comte de
Richemont , Prince Anglais , qui s'étoit réfugié auprès de lui ,
fuyant la perfécution des York , bourreaux de fa famille. Le
Prince Breton avoit été trompé par les Ambafladeurs , qui de-
mandoient le Comte , fous prétexte que Richard vouloir lui faire
époufer fa fille ; mais, averti que le deffein du Monarque étoit
d'immoler à fa fureté ce dernier rejetton de la famille des
Lancallre , il envoya en difigence le chercher à Saint-Malo ,
où il devoit s'embarquer. Richemont étoit déjà fur les vaifTeaux
Anglais qui alloient mettre à la voile. Dans ce péril extrême,
l'Envoyé trouve le moyen d'amufer les Ambaffadeurs : le Prince
s'échappe , & fe réfiigie à Saint-Malo. Les Anglais , informés
de fon évafion , ont recours au Député , & le preiTent de leur
remettre le Comte entre les mains. Leurs inftances font inutiles:
l'Envoyé leur répond « qu'il n'ignore pas que l'afyle de Saint-
» Malo efi: inviolable, & que par conféquent le Prince Anglais
» n'eft plus fous la jurifdiction du Duc. » Les Ambaffadeurs,
convaincus qu'ils font découverts , partent pour l'Angleterre ;
Richemont retourne auprès du Duc , & devient dans la fuite
s A I * 177
Roi d'Angleterre ', fous le nom de Charles VIL Ses fujets,
heureux fous fon règne , lui donnèrent le furnom glorieux de
Salomon de U Angleterre,
Ceft en accordant de pareils privilèges que Louis XI repeupla
la ville de Paris , défolée en même temps par la guerre 6c une
épidémie. Il fit publier des lettres , portant permillion à tous
bannis & criminels de venir s'y établir , pour y jouir des mêmes
franchifes que celles accordées à ceux qui fe réfugioient dans
les villes de Saint-Malo & de Valenciennes. On a depuis fup-
primé ces afyles , qui n'étoient propres qu'à multiplier les crimes
& les criminels. Les franchifes de Saint-Malo lui furent aufli
accordées par Conan le Gros. Toutes fortes de marchandifes y
entroient & en fortoient fans payer aucuns droits ; & les étran-
gers, qui venoient s'y établir , jouilToient des mêmes privilèges
que les habitants naturels j privilèges que cette ville polTéda
long-temps, malgré les révolutions qu'elle éprouva.
1242. EtabUfîément de l'Hôtel-Dieu de Saint-Malo , à l'endroit
nommé la Licorne , proche la Chapelle de Saint-Thomas , qui
eft aujourd'hui celle de l'Hôpital. Cette maifon doit fon exif-
tence à Geoffroi , Evêque de ce diocefe , qui lui donna les
dîmes de la Paroiffe de Broons. Le fuccelTeur de Geoffroi eut
un différent très-férieux avec les habitants de Saint-Malo , &
l'affaire fut portée fi loin , que l'interdit fut jette fur cette ville.
En 1362, le Prélat étant mort quelque temps après, les Ma-
louins eurent recours au Chapitre, qui confentit à lever l'inter-
dit , à condition qu'on fatisferoit aux volontés du défunt 5 ce
qui fut exécuté.
1373. La Bretagne jouiffoit , depuis dix ans, d'une paix qui
lui faifoit oublier les malheurs , lorfque la guerre , qui fe ralluma
entre la France & l'Anorleterre , vint troubler i'heureufe iituatioii
de ce Duché. Jean IV , qui avoit en quelque forte obligation
de fa Couronne aux Anglais, ne vouloir pas être ingrat envers
une nation qu'il avoit tant de raifon de chérir ; aufli la fa-
vorifoit-il de tout fon pouvoir. Mais il porta trop loin la recon-
noiffance , & s'attira la haine de fes fujets. La Cour du Prince
étoit pleine d'Anglais, qui y jouiffoient d'une confidération {in-
guliere , & qui obtenoient toutes les faveurs & toutes les grâces.
Les Seigneurs Bretons furent choques de la préférence que le
Duc donnoit à ces étrangers : les efprits étoient déjà aigris, lorf-
que le Comte de Salisbury , Commandant d'une flotte Angiaife
qui amenoit en Bretagne des troupes de débarquement, aborda
iy2 S A I
"à Saint-Malo , & y brûla fept vaifleaux Efpagnols qui étoient
dans Je port. Les holHlités commifes fur les terres des Bretons
envers un peuple ami , & la complaifance exceflive & conti-
nuelle du Duc Jean IV pour les Anglais, achevèrent d'indifpofer
les efprits contre ce Prince , acculé d'avoir appelle cette flotte.
Cependant tout étoit encore tranquille & fournis , lorfque le Duc,
par une imprudence inexcufabie , ne gardant plus de ménage-
ments , donna le gouvernement oe fes places tortes aux étran-
gers , & leur confia la garde de fa perfonne. L'mdignation fit
fur le champ naître la révolte ; les Seigneurs fe liguèrent , levè-
rent des troupes contre leur Souverain , & l'obHgerent à fe ré-
fugier en Angleterre. Une armée de Français , commandée par
le Connétable du Guefchn , entra en Bretagne , & fe faifit des
meilleures places. Saint-Malo fut forcé de lui ouvrir fes portes,
malgré tous les efforts & l'habileté de Robert KernoUes, Gou-
verneur de la province , qui ne put empêcher la révolution.
Après quelques années d'exil , le Duc prit enfin la réfolution
de rentrer dans fes Etats ; mais il vouloit , avant de fe mettre
en chemin , avoir Saint-Malo en fa difpofition : il fe flattoit
même d'en être bientôt le maître avec le fecours des Anglais.
En 1376, le Duc de Lancafire vint affiéger cette ville avec
une flotte formidable. Il commença par brûler plufieurs vaiflTeaux
chargés de vin , qui étoient dans le port , & ravager le pays
circonvoifin. Il ouvrit la tranchée du côté du gros fiUon , &
voulut fapper le donjon qui faifoit alors tout le château. Il le
battit en brèche , & livra plufieurs afîauts très-opiniâtres. Il y
en eut un qui dura une journée entière ; mais tous les efforts des
affiégeants furent inutiles , ils furent toujours repouffés avec perte.
Le Capitaine Jean Morte-Fouace, qui commandoit dans la ville,
la défendit avec un courage & une valeur véritablement dignes
d'éloges , & fut bien fécondé par les habitants. Enfin , le Con-
nétable s'étant avancé avec fon armée au fecours de la place 9
le Duc de Lancafl:re , défefpérant du fuccès de fon entrepnfe,
retourna en Angleterre. Lorfqu'on répara la brèche faite au
gros donjon, on y mit trois boulets des Anglais, qu'on y voit
encore aujourd'hui.
Ce fut dans ces circonffances que le Roi, croyant l'occafion
favorable, voulut fe faifir du Duché de Bretagne & l'unir à
fa Couronne , fit déclarer le Duc criminel de leze-majefl:é , &
fes Etats confifqués à fon profit. Les Seigneurs Bretons, infor-
més des intentions du Monarque Français , abandonnent fa
s A I Z79
Cour, reviennent en Bretagne , Se rappellent leur Duc. Ce
Prince part d'Angleterre , & vient débarquer auprès de Saint-
Malo, d'où il fe rend à Dinan.
Jean IV étoit enfin tranquille & commençoit à jouir du fruit
de fes travaux , lorlque , à l'exemple de ces Evêques qui avoient
autrefois bravé la puiiïance de leur Souverain , Joflelin de
Rohan , Evêque de Saint-Malo , entreprit de fe fouftraire à fon
autorité. Un Prélat d'une naiflance inférieure, n'eût peut-être
pas ofé former un projet fi téméraire j mais JofTelin étoit d'une
maifon pour ainfi dire indépendante. Il prétendoit que Saint-
Malo étoit bâti fur un terrein eccléfiaftique , & que cette ville
ne devoit reconnoître d'autre Supérieur que le Pape. Sur ce prin-
cipe , il refufa nettement de reconnoître Jean IV pour fon Sou-
verain. Les Malouins , par attachement pour leur Evêqae , adop-
tèrent ce fyftême , & fe préparèrent à réfifter fortement , en
cas qu'on vînt les attaquer. Le Duc , irrité , fit faifir le temporel
du Prélat & du Chapitre, Se tous les biens des habitants qui
étoient en terre ferme , & prend des mefures pour empêcher
les vaiiïeaux d'entrer à Saint- iVlalo. On emprifonna plufieurs
Eccléfiafliques , Se on traita , avec la dernière rigueur , les
partifans du Prélat, qui ne manqua pas , de fon côté, de lancer
des excommunications réitérées. Cette folle entreprife ne fut pas
foutenue. L'Evêque fe vit forcé de plier fous la puiflance du
Duc, Se de fe foumettre à fa Jurifdiftion. L'an 1384 , Jean
IV fit fon entrée à Saint-Malo , en quaHté de Seigneur Sou-
verain de la ville. Les habitants n'obtinrent leur pardon qu'à
condition que , dans la cérémonie de cette entrée , ils ie met-
troient à genoux devant le Prince , Se qu'après avoir quitté
\eurs ceintures , l'un d'eux , portant la parole , demanderoit
pardon au Duc pour toute la ville , Se lui jureroit une fidélité
inviolable. La fierté de- l'Evêque de Saint-Malo ne lui permit
pas de fe trouver à cette cérémonie humiliante : il en chargea
l'Evêque de Dol qui , à la tête du Chapitre Se du Clergé,
marcha proceflionnellement au devant du Prince , avec la Croix
Se les Reliques. Le Duc defcendit de cheval , fe mit à ge-
noux , baifa la Croix Se les KeHques , Se fit fon entrée con-
formément au traité. Le lendemain , la Duchefi'e fit auïïi la
fienne ; & , le jour fuivant , le Duc , le Chapitre , Se les ha-
bitants , jurèrent l'obfervation du traité.
Saint-Malo fut tranquille jufqu'en 1387. Le Duc fiiifoit alors
la guerre au Connétable Olivier de CliiTon. Robert de Quitté
iSô S A I
8c Geoffroi Ferron, partifans de ce Connétable, profitant de
rabfence des Seigneurs de Montauban , de Châteaugiron , & du
Vicomte de la Belliere , qui , avec leurs Compagnies , étoient
çn garnifon à Saint-Malo , & traitoient fort durement les habi-
tants, fe préfenterent la nuit du lo Oftobre aux pieds des mu-
railles , au lieu que leur avoient indiqué les Malouins , qui , de-
puis long-temps , cherchoient à fe délivrer de la tyrannie de leurs
Gouverneurs , & par efcalade entrèrent dans la ville , dont ils
s'emparèrent au nom du Roi de France , qui la fit fortifier.
Dans la fuite , le Duc Jean IV s'étant réconcilié avec la France ,
& étant rentré en pofTeffion de fon Duché , fomma les habitants
de Saint-Malo de reconnoître fa Souveraineté ; mais les Evêques
de cette ville , marchant fur les traces de Joffehn de Rohan ,
avoient gagné le peuple & lui avoient infpiré la réfolution de
392. bien reloiu de 1 emporter
bloqua fi étroitement qu'on ne pouvoit y entrer ni en fortir.
Il fit faifir les revenus de l'Evêque & des habitants , les mit au
ban de fon Duché , les abandonna au feu & aux armes de ceux
qui voudroient s'en emparer ou les ravager -, & , pour empêcher
qu'il n'entrât des fecours par mer dans la ville , il chargea le
Seigneur de Matignon de croifer devant le port avec un nom-
bre fuffifant de vaiffeaux. Le fiege dura plufieurs mois , & le Duc ,
voyant qu'il ne faifoit aucuns progrès , réfolut de le lever. Pour
s'en venger , il fit bâtir le Fort de Stiridor ou Solidor , à l'em-
bouchure de la rivière de Rance , afin d'empêcher les Malouins
de faire commerce avec Dinan & les pays voifins.
L'année fuivante , l'Evêque & les habitants de Saint-Malo fe
fentant trop foibles pour réfifi:er aux forces d'un Prince a£lify
éclairé , & opiniâtre , qui ne ceflbit de leur faire tout le mal
poflible , & prévoyant bien qu'ils feroient un jour forcés de re-
cevoir la loi d'un vainqueur irrité , cherchèrent les moyens de
prévenir les malheurs qui les menaçoient ; ils eurent recours au
Pape Clément VII , ( c'étoit au temps du fchifme , ) & lui repré-
fenterent que l'Evêque & le Chapitre de Saint-Malo étoient Sei-
gneurs temporels de leur ville , & que c'étoit un fief qui relevoit
immédiatement du Saint-Siège ; qu'étant fans cefle expofés aux
courfes des Anglais , ils avoient imploré les fecours de la France ,
qui avoit fait de grandes dépenfes, 6c qui leur avoit envoyé
des troupes pour les défendre j & que , puifqu'il étoit vifible que
cette
s AI 281
cette Couronne feule étoit capable de les mettre à couvert des
efforts de leurs ennemis , ils fupplioient Sa Sainteté de céder à
la France tous les droits qu'elle avoit fur leur ville. Le Pape
ne fit aucune difficulté de céder un droit fi chimérique ; & ,
contre toutes les règles de la jufiice , tranfporta pour jamais au
Roi de France la Souveraineté de Saint-Malo. Le Monarque,
oubliant alors, & fes devoirs & fon rang , reçut , des mains du
Pontife , le don d'un domaine qui ne lui appartenoit pas j en-
voya fon Chambellan & fon Tréforier prendre pofieffion de cette
ville , & y mit une forte garnifon , avec ordre d'augmenter les
fortifications de la place.
Dans la fuite , le Roi reconnut fon injuftice , Se ne voulant pas
paroître admettre une maxime qui auroit en quelque façon
prouvé que les Papes avoient le droit de difpofer des Etats en
faveur de qui bon leur fembloit , il reilitua , l'an 141 5 ou
1416, fans en donner avis au Pape, la ville de Saint-Malo au
Duc Jean V , fon gendre , & en fit fortir les troupes qui la gar-
doicnt pour lui. Peu de temps après , le Duc y fit fon entrée
folemnelle. Tous les habitants fortirent au devant de lui pour le
recevoir ; ils étoient , dit un auteur , accoutrés de robes mi de
livrées de Bretagne , qui font blanc & noir , & les petits enfants
portoient des petits guidons ou étendards d'hermines. Ce Prince
fut reçu à la porte de la ville par l'Evêque & fon Clergé. Il par-
donna aux uns & aux autres leur obftination dans la révolte ,
leur rendit leurs terres qui avoient été faifies par fes Officiers,
reçut leurs hommage & ferment de fidélité , & nomma pour
Gouverneur de la ville Pierre de Rieux. Jean V craignant , mal-
à-propos , qu'un autre Prince , favorifé de la Cour de Rome ,
ne lui enlevât derechef Saint-Malo, fe fit confirmer la refii-
tution de cette ville par le Pape Martin V , en 1424. Il dé-
truifit , à la vérité , par ce moyen , toutes les prétentions que la
Cour de Rome auroit pu former dans la fuite fur cette ville :
mais cette aftion n'eil pas moins blâmable , parce qu'elle femble
reconnoitre les droits des Pontifes ; & l'on pourroit conclure de
cette confirmation , que la rellitution de Saint-Malo étoit plutôt
un don du Roi qu'un afte de juftice. Heureufement les circonf-
tances font telles aujourd'hui , que l'imprudence de Jean V ne
peut avoir aucunes fuites fàcheufes !
Les Anglais avoient en mer, l'an 1405 , une flotte qui défo-
loit les côtes de Bretagne , & caufoit un dommage confidérable
au pays. Les Bretons fongerent à fe venger. Ils armèrent , 6c
Tome IK N r
lîz s AI
deux mille Chevaliers & Ecuyers s'embarquèrent à Saint-Malo,
fous le commandement des Sires de Chateaubriand , de la Jaille ,
& du Châtel. Cette flotte , après quelques fuccès , alla descen-
dre au port d'Yarmouth , où elle fut reçue par fîx mille Anglais,
L'avantage fut d'abord du côté des Bretons , qui tuèrent quinze
cents Anglais ; mais le nombre de ceux-ci augmentant à chaque
inllant, les premiers fuccomberent enfin, & furent prefque tous
tués ou pris. Guillaume du Châtel , ne voulant fe rendre aux
ennemis , y perdit la vie. Le refte de la flotte rentra dans le
port, après cette malheureufe expédition. L'intrépide Tangui du
Châtel , qui étoit alors en Efpagne , apprit , à fon retour , la fâ-
cheufe nouvelle de la mort de fon frère. Il ne s'amufa point à
le pleurer, mais il penfa à le venger. Il arma une flotte nou-
velle , & fuivi de quatre cents Gentilshommes de fes amis & de
quelques autres troupes , il alla furprendrc le port d' f armouth ,
réduilît cette ville en cendres , courut pendant deux mois les
côtes d'Angleterre , pillant , brûlant , faccageant tout ce qui lui
tomboit fous la main , & revint dans le port de Saint-Malo , chargé
d'un riche butin, l'an 1406. Ce feroit , fans doute, faire injure
à du Châtel que de le juger d'après cette expédition cruelle.
Si la douleur & le regret d'avoir perdu un frère le rendit bar-
bare cette fois , il prouva , dans d'autres occaflons , que fon ame
étoit auflî belle que magnanime.
1 421. La pefl:e défoie la Bretagne; la ville de Saint-Malo efl:
celle qui fouflre le plus de cette épidémie.
1439. Un Normand, qui demeuroit à Saint-Malo , efl: foupçonné
de trahifon. Il efl: arrêté , & fon procès efl inflruit fur le champ.
Convaincu d'avoir voulu livrer la ville aux Anglais , il efl: con-
damné à avoir la tête tranchée fur un échafaud, devant la
porte de la Blaterie. *
1488. Depuis 141 5 , la ville de Saint-Malo étoit fous la do-
mination des Ducs de Bretagne ; mais, l'an 1488, l'armée Fran-
çaife , vi8:orieufe à Saint-Aubin-du-Cormier , fous le commande-
ment du Duc de la Trimouille , Lieutenant du Roi Charles VIII,
vint mettre le flege devant cette place. Ce Général poufla le
flege avec vigueur : il avoir drefl^é fes batteries fur la grève qui
efl au deffous de l'ancienne cité d'Aleth -, & , quoique la mer la
couvrît deux fois le jour , les Français garantifloient fl bien leurs
canons tous chargés, en les couvrant de peaux & de cuirs trem-
pés dans le fuif & la cire , qu'incontinent après le reflux ils les
faifoient tirer fans que la poudre fe refl^entît de l'humidité de
s AI 28?
Teau : après quelque réfiflance la ville capitula Se fe rendit.
Le Roi 5 pour retenir les habitants fous fon obéiffance , leur con-
firma tous les privilèges dont ils jouiflbient. Le Roi, ayant en-
fuite époufé Anne , Ducheffe Se héritière de Bretagne , rendit
cette ville à la Reine , fon époufe. Peu de temps après cet
heureux mariage , les Malouins équipèrent une flotte , qui battit
& difperfa l'armée Anglaife qui amégeoit le Mont-Saint-Michel.
En reconnoiflance du fervice que les habitants de Saint - Malo
lui avoient rendu , le Roi Charles VIII leur accorda, par fes lettres-
patentes , l'exemption , pour plufieurs années , de tous droits fur
les marchandifes qu'ils tireroient de l'intérieur du Royaume. Ce
fut environ le même temps que la Reine Anne fit fortifier la
ville de Saint-Malo , pour fe venger de l'Evêque & de fon
Clergé. Cette PrincefTe ne voulut point leur ôter la Seigneurie
du heu , mais elle vouloir , & à jufie titre , en être la Souve-
raine. Elle donna un Règlement en forme d'Edit , en date du
1 3 0£lobre 1 5 1 3 , qui confirme au Clergé tous les droits de
Seigneurs hauts-Jufi:iciers : il porte en outre que les Eccléfiafi:i-
ques feront convoqués aux affemblées de ville , pour s'y trou-
ver , s'ils le jugent à propos ; que les Officiers perpétuels de la
ville , comme le Capitaine , Lieutenant , Sec. feront nommés par
le Roi , Sz non par d'autres ; que les étrangers qui viendront
à Saint-Malo avec des navires, obtiendront du Gouverneur de
la ville , Se non de l'Evêque , la permilîion d'entrer dans le
port.
Ce Règlement défend au Chapitre de Saint-Malo de concéder
des grâces & rémiflions , de commuer les peines , parce que
c'ell un droit qui ne peut appartenir qu'au Souverain ; il oblige
néanmoins les Gouverneurs de faire ferment au Chapitre de
garder & défendre les droits Se privilèges de l'Eglife ; il décide
que les portiers de la ville , &: les chiens dogues qu'on élevoit
pour faire la garde pendant la nuit , feront nommés Se inftitués
par le Roi : il défend de plus au Chapitre de faire l'inventaire
des navires , Se règle les droits du fceau , d'entrée de vin Se de
poifibn , d'étalage , du mefurage , des fours bannaux , &c. ( a )
ce dernier droit a occafionné , entre les Eccléfiafiiques Se les
habitants , un procès qui vient d'être jugé au Parlement. Il fuit
de l'Arrêt rendu par la Cour , que fi le Parlement a cru devoir
{a) Par l'Edlt d> la R?ine Anne, il ctjit permis à tout habitant d'avoir un four doi»
fa uiailon , pour ion ulago particulier.
i84 ., , ^^^ '
refpefter la propriété du Chapitre , il a dû juger que leur droit,
odieux en lui-même , devoir être fubordonné à la faveur que mé-
ritera toujours l'mtérêt public.
Ce que cet Edit nous offre de plus fingulier , eft la permiffion
qu'il donne aux habitants de faire fonner les deux cloches de
leur ParoifTe, fans qu'il foit befoin, comme auparavant, de de-
mander le confentement du Chapitre ; confentement que l'on
avoit coutume de payer. La PoHce fut laiflee aux Juges fécu-
liers du Chapitre , & la Reine ordonna qu'on indemniferoit les
Chanoines , des terres & fiefs dont elle s'étoit emparée pour la
conliruftion de Saint-Malo.
François I étant venu en Bretagne avec la Reine Claude , fon
époufe , honora la ville de Saint-Malo de fa préfence , & y pafia
quelque temps. Pendant le féjour qu'il y fit , il fit tenir en fon
nom fur les fonds de Baptême , par Jean Galeas , fon Ecuyer,
l'enfant d'un notable , nommé Groult , dont la pofiérité fubfiile en-
core dans cette ville. Nous ne fçavons rien de plus fur le voyage
de ce Monarque , qui , en 1 527, donna un Edit en forme de Règle-
ment pour Saint-Malo , qui ne paroît avoir eu aucun effet.
En 1566, il fut réglé par Arrêt de la Cour, que l'Hôpital de
Saint-Malo feroit adminiftré par un Chanoine &: deux Bourgeois
de Saint-Malo.
Le mercredi 24 Mai 1570, Charles IX fit fon entrée à Saint-
Malo. Jamais réception n'avoit été plus magnifique. Les Malouins
avoient fait équiper une vingtaine de bateaux en forme de ga-
lions : les deux principaux qui étoient commandés par Hamon
& Guillaume de la Jonchée , frères , offroient le plus riant fpec-
tacle , le premier avoit la forme d'un grand navire , & le fé-
cond d'une gaUote à la morefque ; ils étoient ornés de flammes ,
de banderoles , & de drapeaux , aux armes du Roi , & étoient
montés, ainfi que les autres, par la jeuneffe de la ville. Ils par-
tirent de Saint-Malo le mercredi au matin , avec les Officiers Mu-
nicipaux , & s'avancèrent au devant du Roi , qui s'étoit embar-
qué à Dinau fur la rivière de Rance : à la rencontre du Roi ,
on fit une décharge d'artillerie , & on aborda fon bateau. Le
Monarque entra dans le principal gaUon , au fon des trompettes
& autres inffruments. La Cour étoit nombreufe & brillante : le
Roi avoit avec lui la Reine , fa mère ; Monfieur , fon frère ; &
un grand nombre d'autres Seigneurs. En entrant dans le port de
Solidor , le navire le Croijfant fit une décharge de fon artillerie,
& le Monarque fe rendit à bord vifiter ce navire , tandis que la
s A I 185
Reine continua fa route. Les habitants avoîent formé quatre Com-
pagnies de gens de pied , qui fe montoient de fix de fept cents
nommes : ils portoient pour la plupart des écharpes de taffetas
bleu & violet. Les enfants de la ville , au nombre de trois à
quatre cents , avec des arcs & flèches à la main , formoient
une cinquième Compagnie à la porte de la ville. Les clefs fu-
rent préfentées au Roi , qui fut harangué par Jean le Gobien
des Douetz (a), Sénéchal de Saint- iMalo. Le Monarque fut reçu
fous le dais , & fit fon entrée , précédé des enfants qui faifoient
retentir l'air des cris de Vive le Roi,
Le lendemain , jour de la Fête - Dieu , le Roi afTifla à la
procefîion avec le Prince , fon frère j M. le Chevalier ,
ion fils naturel j les Cardinaux de Bourbon & de Lorraine -, la
Reine , mère -, Marguerite , fœur du Roi ; le Duc de Guife ,
les Comtes du Lude & du Perron. L'Evêque de Nîmes faifoit
la cérémonie , & celui de Saint-Malo marchoit à côté du Roi.
Le foir , après Vêpres , le Roi monta dans fon gaUon , & alla
vifiter i'ifle de Cezembre. Le lendemain, il reçut les préfents
que lui firent les Bourgeois : ils confii1:oient en un vafe d'argent
doré , en une coupe couverte de même métal , &: dans une col-
leftion de couteaux & de cuillers aufîi d'argent doré j l'étui qui
les renfermoit avoit la forme d'un rocher , c'étoit un ouvrage
fini : le préfent offert au Duc d'Anjou , fut une haquenée blan-
che. Les Bourgeois demandèrent alors au Roi diverfes grâces ,
entr'autres , un Juge & deux Confuls , pour adminiflrer la juf-
tice aux Marchands. Dans l'après-midi du même jour , le Roi
eut le fpeftacle d'un combat naval entre deux gaHons , dont l'un
fut coulé à fond ; l'équipage fe fauva à la nage. Le famedi , le
Monarque partit , & fe rendit coucher à Dol. Le Roi Henri III
accorda au Chapitre de Saint-Malo, par les lettres-patentes du
mois de Février 1582, le droit d'étabHr , dans la ville, des
poids , balances , 6c mefures publiques , jufles & égales , pour
pefer & mel'urer toutes les denrées & marchandifes qui pour-
roient s'y vendre & débiter. En conféquence de ces lettres.
( a ) Jean le Gobien fut un des grands
hommes de fon temps : il fut deux fois
député par les Etats de Bretagne aux Etats
généraux du Royaume , & s'y diftingua
par fon zèle &. fon éloquence. La ville de
Saint-Malo, qui lui avoit des obligations
particulières , avoit fait placer dans un lieu
éminent,dans la Cathédrale , fon portrait,
avec ceux de les enfants : Pierre le Gobien ,
Archidiacre de Porhoët, Chanoine & Of-
ficiai de Saint-Malo ; &. Jean le Gobien ,
Chanoine de la même Eglife. Dans le der-
nier bombardement, en 1696, une bombe,
qui per^a la voûte de la Cathédrale , mit
en pièces le portrait de cet illuftre Magiftrat.
lU s A I
la Cour de Parlement, avant de les vérifier, rendit un Arrêt
qui ordonne que les Seigneurs Evêque , Doyen , & Chapitre ,
ne prendront pas plus de deux deniers par poids de cent livres ,
& qu'ils ne retireront aucune rétribution des marchandifes qui pe-
feront feulement vingt-cinq livres & au deffous. Il fut dit que
la pancarte des devoirs exigibles feroit affichée dans un lieu
éminent , avec le préfent Arrêt , afin que perfonne ne pût être
trompé. Dans la fuite ^ foit que le premier Arrêt n'eût pas pré-
venu tous les abus , foit mauvaife volonté de la part des habi-
tants , ou vexation de la part des Fermiers du Chapitre , il s'é-
leva un procès qui fut porté au Parlement , & terminé par l'Ar-
rêt qui porte que ledit Chapitre fera mettre & afficher , en
lieu pubUc & éminent , la pancarte des devoirs qu'il levé , &
fait prohibition & défenfe aux Fermiers de prendre & exiger
des habitants plus de huit deniers tournois , par boifieau , pour
cuifiTon & buaille , & plus de fix deniers pour devoir d'aunage
de toiles vendues en fardeau. 11 défend encore au Chapitre
d'exiger quelque rétribution pour la fépulture de ceux qui feront
enterrés dans l'Eghfe de Saint-Malo , & pour la fonnerie des
cloches de la Paroifîe. Le même Arrêt porte que le Curé de
la Paroiffe fera tenu , en temps de contagion , de fournir , pour
affifier les malades , un Prêtre dont les gages feront pris fur les
deniers defiinés à l'Hôpital de la Santé 5 & que le Chapitre fera
forcé de rendre le chemin commode & facile pour aller aux
fours bannaux nouvellement confiruits.
Saint-Malo eut auffi part aux troubles de la Ligue. Le Duc
de Mercceur , dès le commencement de la guerre , s'etoit em-
paré du Fort de Solidor. Les M alouins, craignant le voifinage
de ce Prince , qui pouvoit gêner leur navigation , le fupplierent
de retirer fes troupes de ce polie , & de leur en confier la garde.
Dans la vue de les attacher à fon parti , il leur accorda leur de-
mande. On verra dans la fuite fi fa pohtique n'étoit pas en dé-
faut en cette occafion. Les habitants de Saint-Malo mécontents
du Comte de Fontaines , leur Gouverneur , élurent alors quatre
Capitaines généraux & un Colonel , tirés d'entre les principaux
Bourgeois. Ce Colonel fit plufieurs Règlements , fous les yeux
& comme fous l'autorité du Gouverneur , qui , ne pouvant s'y
oppofer , prit le fage parti de diffi.muler. A la mort de Henri III ,
le Comte ayant voulu faire reconnoître Henri IV , on en vint
à une rupture ouverte. Il fut alors obligé de confentir à un
accommodement, qui portoit que la ville de Saint-Malo ne
s A I _ 187
prendroit aucun parti , mais qu'elle fe conferveroit indépendante
& neutre , fous l'autorité du Gouverneur , juiqu'à ce que la
France eût un Roi Catholique , reconnu par les Etats généraux
du Royaume légitimement afTemblés j qu'enfin , pour lubvenir
aux dépenîes néceilaires , il feroit levé un nouveau droit fur les
marchandifes qui entreroient ou fortiroient , qu'ils en auroient la
diredion , & donneroient quatre mille écus par an au Comte
de Fontaines , pour lui tenir lieu de fes appointements. Cet
accord fubfirta : le Roi, le Parlement, & le Prince de Dombes
effayerent vainement de gagner les Malouins , & d'en tirer de
l'argent. Sur ces entrefaites , le Roi étant venu en Bretagne ,
le Comte de Fontaines déclara que , (î Sa Majcllé fe préfentoit
devant Saint-Malo , il ne pourroit fe difpenfer de lui ouvrir fes
portes. Les Malouins , alarmés , fongerent à éviter le péril. Ce
qui les effraya encore davantage , fut le bruit qui fe répandit ,
que le Comte vouloit introduire des troupes dans la ville , im-
pofer une taxe fur les Marchands , Se s'y. acquérir une autorité
ablblue. Il n'en fallut pas davantage pour les rendre ennemis
mortels du Gouverneur. Ce Gentilhomme avoit été comblé de
biens par Charles IX , & l'on foupçonnoit que fes richeffes
étoient dans le château. La cupidité , la vengeance , l'amour de
la liberté , & le fanatifme , fe réunirent pour la perte du Comte
de Fontaines. Les Malouins formèrent le hardi & même témé-
raire projet de fe rendre maîtres du château , & d'exterminer
fa garnifon. L'entreprife ne pouvoir paroître poffible qu'à des
gens intrépides & accoutumés à grimper aux cordages. Ils ré-
folurent d'efcalader la tour , appellée la Générale. Après une dé-
libération prife par un affez grand nombre de Bourgeois & te-
nue fort fecrete , on choifit cinquante-cinq jeunes hommes har-
dis & vigoureux , auxquels on donna pour chefs Jean Pépin de
la Bhnais &: Michel Fortct de la liardeUere. Le 1 1 Mars , jour
fixé pour l'exécution , ceux qui avoicnt été choifis , &: qu'on
avoit raffemblés dans une maifon de la ville , reçurent leurs inf-
truftions , &, vers les dix heures du foir, defcendirent avec des
cordages de defl'us le mur de ville , & s'approchèrent du pied
de la Générale. Aufîi-tôt un foldat &. un canonnier du château,
qui étoient gagnés , leur jetterent une corde , à laquelle ils
attachèrent une échelle de corde à trois montants. Cette échelle
fut tirée en haut , & liée à l'extrémité d'une coulevrine qui ibr-
toit par les embrafures du parapet. La hauteur de la tour , qui
ell de plus de cent pieds , n'cil point capable de les étonner :
i88 S AI
chacun difpute l'honneur de monter le premier , & les deur -
chefs ont bien de la peine à régler le rang. La tour fut efca-
ladée dans l'inllant. On laifTa douze hommes fur la plate forme
pour garder ce polie , tandis que les autres affaillants , féparés
en deux bandes , & conduits par les deux foldats qui étoient
de la confpiration , fe rendirent par deux endroits différents au
corps-de-garde , qu'ils furprirent. On tua fept à huit foldats , le
refte fe rendit , & fut défarmé. La garnifon réveillée par le
bruit, accourt, & attaque les affaillants j mais les croyant en plus
grand nombre , elle fe retire dans le donjon & dans les chambres
du château.
Cependant tout étoit en rumeur dans la ville , oii l'on n*en-
tendoit qu'un bruit confus de coups de moufqueterie , de cris
affreux , & le fon des cloches. Les deux Compagnies des habi-
tants qui faifoient la garde , & celles qui étoient prêtes de les
relever, occupoient la place qui eft devant le château. Elles
effayerent , mais inutilement , d'enfoncer la porte. Un feul Bour-
geois , nommé des Landelles , put y entrer , par le moyen d'une
échelle appuyée d'un côté fur le pont - dormant , & de l'autre
fur une jettée de pierres qui fervoit de bafe au pont-levis. Il
fe fit ouvrir le guichet , & alla attaquer la Peraudiere , Lieu-
tenant du Gouverneur, qui s'étoit retiré dans fa chambre avec
trente hommes. Il le fomma de fe rendre , en lui difant qu'il
avoir plus de cinq cents hommes dans le château , tant des
habitants que des troupes du Duc de Mercœur. La Peraudiere
crut à ce difcours , tout faux qu'il étoit , & fit ouvrir fa porte.
Il fut défarmé & conduit au corps-de-garde avec les autres,
mais, un inftant après, on le fit monter au donjon dire au Gou-
verneur qu'on étoit prêt de lui accorder telle capitulation qu'il
voudroit. Il y alla & revint, au bout de trois quarts - d'heure ,
dire aux habitants que le Comte avoit été tué d'un coup d'ar-
quebufe , en regardant par une fenêtre , & que la Bruere , Ca-
pitaine de fes Gardes , étoit réfolu de fe défendre. On alla
auffi-tôt attaquer la Bruere , & on le fomma de fe rendre ;
mais il ne répondit que par des injures & des coups d'arque-
bufe. Com.me les habitants s'étoient emparés du magafin à
poudre , on le menaça de le faire fauter : il eut peur , &
ouvrit fa porte.
Pendant que tout ceci fè paffoit , on avoit efcaladé la tour
de Qui qu'en grogne. La BardeHere , un des chefs , trouva
dans. le donjon la veuve du fils cadet du Comte de Fontaines ,
qui
s A I 189
qui lui remit fept à huit mille écus en or : cette ibmme fut.
diftribuée à ceux qui avoient efcaladé la Générale. Le Syndic
des Bourgeois & les deux Capitaines partagèrent les joyaux de
la Comtelfe , qui étoit alors abfente. Les chevaux furent laiHés
à ceux qui s'en failirent ; la vaiflelle d'argent , les meubles , &
enfin tout ce qui étoit dans ce château , furent pillés & enlevés.
On fit enfuite la vifite des papiers du Comte de Fontaines : on
trouva plusieurs lettres qui faifoient voir que ce Gouverneur,
fincérement attaché à fon maître , avoit deflein de livrer la
ville aux Royaliftes : on prétend même que le Prince 02
Dombes s'étoit déjà mis en marche pour exécuter le projet.
Le Parlement , inllruit de ce qui s'étoit pafTé , rendit un
Arrêt foudroyant contre les Malouins, fans en excepter les
femmes. Un valet de chambre du Comte de Fontaines, qui,
voyant fon maître mort , avoit faifi & emporté quelques joyaux ,
fut arrêté , à la requifition de l'Abbé de Saint-Melaine , oncle
du Comte 5 & ce malheureux fut condamné à être pendu,
quoiqu'il proteftât que fon intention étoit de remettre ces bijoux
à la Comteffe de Fontaines.
Le Duc de Mercœur apprit avec joie la révolution arrivée
à Saint-Malo. Il fe flattoit que cette ville alloit embrafTer ion
parti, mais il fe trompoit : les Malouins refuferent conflamment
fes offres , & prirent le parti de fe gouverner en Républicains.
En vain le Duc employa-t-il les promefTes & les menaces , ils
furent toujours inflexibles. Ils gardèrent eux-mêmes leur ville Se
leur château, & firent le commerce & la guerre en leur nom:
ils donnèrent néanmoins du fecours à la Ligue , mais dans la
fuite ils fe brouillèrent avec le Duc de Mercœur , & fe faifirent
de quelques châteaux qui lui appartenoient. Ils avoient demandé
auparavant à ce Prince un aveu par écrit & dans les formes, de
ce qui s'étoit palTé à la prife du château -, mais ce Prince n'a-
voit jamais voulu y confentir, & leur opiniâtreté à refufer de
reconnoître fon autorité l'avoit fort irrité contre eux. Dans une
Audience que le Prince Lorrain avoit donné à leurs Dépurés , à
Dinan , ceux-ci lui avoient dit que leur intention n'étoit pas de
fe fouttraire à l'obéifiance des Rois de France , mais qu'ils
étoient trop bons Catholiques pour fe foumettre au Roi de Na-
varre. Le Duc leur avoit aum-tot répondu avec colère : P^ous
me parlai d'un Roi : fçac/ici que les Rois ne m'ont jamais fait la
loi , & que je n'ai pas hejoin de votre fecours pour leur réfijlen H
avoit enfuite délibère de faire arrêter les Députés ; mais ils avoient
Tome IF. O 1
200 S A I
été inflruits de foh intention , & ils s'étoîent retirés. Ils Te con^
ferverent long-temps indépendants & redoutables. Ils fe défioient
également de l'un &: l'autre parti , quoiqu'ils parufTent plus fa-
vorables à la Ligue. Ils firent même arrêter Charles de Bourg-
neuf, leur Evêque , & le retinrent long-temps prifonnier, quoi-
qu'il fût zélé Ligueur.
Cependant , comme ils craignoient que quelque jour on ne
leur fît un crime de la manière dont ils avoient agi envers lé
Comte de Fontaines , ils prirent la réfolution d'obtenir un aveu
en forme de quelques-uns des chefs. Bien perfuadés que le Duc
de Mercœur ne leur accorderoit jamais leur demande , qu'à
condition de reconnoître fon autorité , ce qu'ils n'étoient pas
difpofés à faire , ils eurent recours au Duc de Mayenne. Celui-
ci^ flatté d'avoir dans fon parti une ville aulTi puifTante , s'em-
prefTa de les fatisfaire , & leur donna même des lettres de re-
commandation pour la fureté de leur commerce.
Cette complaifance du Duc de Mayenne ne fit pas plaifîr
au Duc de Mercœur -, mais il fçut difîimuler , & ne s'en plai-
gnit point. Il continua toujours de fauver les apparences avec
les Malouins , qui , de leur côté , lui rendoient de fréquentsfer-
vices j mais la politique dirigeoit les démarches des uns & des
autres. On en vit des preuves certaines à l'occafion des Etats
que le Duc convoqua, à Nantes, en 1591. Il y invita les Ma-
louins, par deux lettres difTérentes. Ils refuferent toujours de s'y
rendre , fous prétexte que les chemins étoient difliciles & dan-
gereux ; mais ce n'étoit pas là le vrai motif de leur refus. Ré-
folus & décidés à conferver la forme de leur Gouvernement &
leur liberté , ils craignoient qu'en paroilTant dans une affemblée
convoquée par le Prince Lorrain , on ne les regardât comme
fournis à fon autorité. Les Etats fe tinrent au mois de Mars,
& accordèrent une impofition fur les marchandifes. Mercœur eût
bien defîré que les Malouins eulTent adopté ces règlements , &
il leur en fit faire la propofition. Ils répondirent que la guerre
continuelle qu'ils étoient obligés de faire pour leur défenfe pro-
pre & en faveur de la Ligue , les avoir épuifés , & qu'ils ne
pouvoient admettre aucune impofition , fans fe ruiner entière-
ment. Ils continuèrent leur commerce & la guerre encore quel-
ques années , & prirent l'iUe de Brehat , Châteauneuf , & le
Piefîis-Bertrand ; mais, en 1594, ils prirent des fentiments plus
modérés & plus louables. Ils avoient toujours proteflé qu'ils n'en
vouloient point à la Majeflé Royale , & qu'ils étoient prêts
s A I , ^91
d'obéir à un Roi Catholique. Ils avoient d'ailleurs à craindre
qu'on ne leur fît un crime de la prife de leur château , & ces
craintes n'étoient pas fans fondement. La fille unique du Comte
de Fontaines avoit époufé le jeune Seigneur de Bellegarde,
fils du Grand-Ecuyer de France, dont le crédit auprès du Roi
étoit fans bornes ; & il étoit probable qu'il auroit demandé une
vengeance éclatante de cette aftion. En conféquence , après
plufieurs délibérations , ils avoient fait parler d'accommodement
au Maréchal d'Aumont , qui avoit bien reçu leurs Députés.
Comme d'ailleurs le Roi fe faifoit inftruire dans la religion Ca-
tholique & paroifToit difpofé à abjurer fes erreurs , ils fe pour-
vurent devant le Monarque , qui , ravi qu'une ville fi impor-
tante rentrât fous fon obéiflance , leur fit les conditions les plus
avantageufes qu'ils pouvoient jamais efpérer. Le Roi leur promit
même de ne leur donner pour Gouverneur qu'une perfonne qui
leur feroit agréable. Le Duc de Montpenfier fut le premier qui
occupa cette place, qui fut deux ans après donnée au Marquis
de Coetquen. Voilà la manière dont Saint - Malo fe conduifit
pendant les troubles j & il eft à croire que cette ville fe feroit
confervée en République , fi , pour le malheur de la France , la Li-
gue eût triomphé de la valeur de Henri IV.
Quoi qu'il en foit , les Malouins, déformais foumis à leur Prince
légitime , reflerent depuis dans l'obéifi^ance ; & lors de la con-
juration qui fit rentrer Dinan dans le devoir, ils y envoyèrent
un détachement de huit cents hommes , qui contribua beaucoup
à la furprife de cette ville , qui étoit la place d'armes de la
Ligue. Après le fuccès de cette expédition , ils députèrent au
Roi un de leurs principaux citoyens , pour lui apprendre la nou-
velle. C'étoit une de ces âmes franches & naïves , qui ne con-
nurent jamais l'impofture ; qui , dans leur fimplicité , font le bien
par in{l:in6l , & fçavent intéreffer & plaire , malgré leur rufi:icité.
Il fe préfente tout hors d'haleine , & dit , fans autre détour , au
Roi , avec fon accent Malouin : Sire , j'avons pris Dinan, Le
Maréchal de Biron s'écria aufTi-tôt que cela ne fe pouvoir pas.
Le Député regardant le Roi d'un air familier , lui dit , d'un ton
railleur : Kai ^ il le fçaura. mieux que mai qui y étas ! Il rapporta
enfuite quelques circonfi:ances de la furprife de la place , & de-
manda à boire & à manger. Le Roi lui fit un très-bon accueil ,
& ordonna de le régaler. Avant fon départ , le Monarque lui
demanda s'il vouloir être Gentilhomme; il le refufa, &ne demanda,
pour toute récompenfe , qu'un cheval de l'écurie de Sa Majefté,
xpi s A I
parce que le fieii étok péri de fatigues en arrivant à Pari:?,.
Henri IV s'amufa beaucoup , avec {qs Courtifans , de la franchife
& de l'accent du Malouin.
Le 20 Février i6ii , les Pères Bénédiftins furent établis à
Saint-Malo. Le Couvent des Cordeliers qui étoit à l'ifle de Ce-
zembre (a) , fîtuée à une lieue au Nord-Oueft de Saint-Malo ,
fut réformé par ordre de la Cour, Se leur hofpice fondé dans
la ville , en 161 7.
Le Chapitre de Saint-Malo avoit obtenu , en 1616 , des lettres-
patentes pour l'augmentation du devoir de cuiflbn > mais ces
lettres ne furent point vérifiées au Parlement , au contraire ,
la Cour rendit un Arrêt qui déboutoit le Chapitre de fa de-
mande de l'entérinement defdites lettres , & le condamnoit aux
dépens.
En ï6ii , pendant le fiege de la Rochelle, Saint-Malo équipa
une flotte de vingt-cinq à trente vaifleaux , armés en guerre ,
dont elle donna le commandement à N.... Porée , un de fes ci-
toyens , qui a eu dans fa poftérité de dignes héritiers de fa va-
leur : les équipages étoient prefque tous compofés de Malouins.
Cette flotte fe joignit à celle du Roi , & contribua beaucoup
à réduire à l'obéiflance ce dernier rempart de la rébellion en
France. Sous le même règne , les Malouins enlevèrent au Roi
de Danemarck l'Ifle-de-Fer ; entreprife hardie qui leur fit beau-
coup d'honneur. Dans le même temps , ils brûlèrent fur la côte
de Groenland trente-huit vaiffeaux ennemis. C'elt fur-tout fous
le règne à jamais mémorable de Louis le Grand que les Ma-
louins fe rendirent célèbres par leurs expéditions militaires. Ils
firent cependant, en 1654, un armement qui ne fut pas heu-
reux : une flotte de trente-fîx vaifl!eaux qu'ils envoyoient à la
pêche de la morue , au banc de Terre-Neuve , fut rencontrée dans
la Manche par trois frégates Anglaifes qui l'attaquèrent. Un
petit nombre des navires Malouins s'échappa pendant l'action ,
& parvint heureufement à Terre-Neuve. Les plus hardis com-
battirent , mais ils furent vaincus : les uns furent coulés à fond ,
les autres conduits en Angleterre, quelques-uns rentrèrent dans
le port , mais fi fracafTés qu'ils n'en purent fortir. Le 1 2 Janvier
1641 , le Parlement rendit un Arrêt qui confirmoit les privilèges
de la Police de Saint-Malo. En 1653 , l'Alloué de la jurifdi6lioii
( <i ) Cette ille peut contenir cinquante | tagne : on y trouve du talc en feuillsSjj.
journaux de terrein , grand journal de Bre- | très-étendu, uni ÔL tranlparent»
s A I 29 j
de Saînt-Malo , ufant des droits de foti Sîege , donna une Sen-
tence de Police contre un des habitants , qu'il condamna à
trois livres d'amende à la Seigneurie , trois livres à l'Hôpital ,
& à quinze livres envers fa partie adverle , avec défenfe au cou-
£able de retomber en pareille faute , fous les peines qui y échéenr,
e condamné appella au Parlement , qui confirma la Sentence de
Police , & mit l'appellation au néant. Dans le courant de la
même année, le Chapitre de Saint -Malo projetta de changer
la forme du Corps politique de la ville. Il fit un règlement qui
portoit , que la Communauté de Ville feroit délormais compofée
du Gouverneur ou de fon Lieutenant , qui feroient reconnus
Préfidents-nés des afîemblées , des Députés du Chapitre , des Ju-
ges & Officiers , du Procureur-Syndic , de l'Adminiflrateur de
l'Hôpital _, des Mifeurs , des quatorze Capitaines de la Garde ,
des Juges - Confuls , des deux BaiUis des Eaux, du Contrôleur
de l'Artillerie , des trois Commis à la PoHce , de quinze ou vingt
des plus notables , & d'un Membre ou deux de chaque Corps
de métier , qui feroient appelles pour traiter & délibérer fur les
affaires publiques. Ce règlement ne plut pas aux habitants , &
occafionna un procès qui fut porté au Parlement. La Cour ren-
dit un Arrêt qui déboutoit le Chapitre de fa demande , & remit
les chofes fur l'ancien pied. En 1(^55 , M. l'Intendant défendit,
par fon Ordonnance , aux Juifs , de s'établir dans la ville de
Saint-Malo , & dans tout autre lieu de la province. En 16(^9,
le Confeil rendit un Arrêt , portant que les habitants députe-
roient alternativement des Officiers de Jullice &: des Bourgeois
aux Etats de la province. Les Malouins , que cet Arrêt blenoit ,
repréfenterent que les Officiers de JulHce dépendoient de l'Evê-
que j que les habitants ayant le privilège de garder leur ville ,
ils dévoient jouir de celui de députer aux Etats ceux qu'ils ju-
geroient les plus capables ; qu'ils avoient toujours coutume d'en-
voyer à cette affemblée des Négociants, qui ne pouvoient man-
quer d'y être utiles par leurs lumières & leurs connoiffanccs dans
le commerce ; & que , s'ils étoient obligés d'y députer des ci-
toyens d'un autre état , il ne pouvoit manquer d'en rèfulter un
grand mal , parce qu'il ne fe trouveroit plus perfonne dans l'af-
femblée qui fût inftruit du commerce. Le Roi eut égard à ces
raifons, & leur permit de nommer ceux qu'ils jiigeroient à pro-
pos , comme par le paffé. Sa Majeilé defirant favorifer les Maires
de Saint-Malo , & ceux qui , en leur abfencc , en feroient les
fon£lions, leur accorda, par l'Arrêt de fon Confeil, du 10 Février
2.94 S A I
1680 , la préfëance fur les Confeillers-Secretaires du Roi, réiîdant
en ladite ville.
Les Armateurs de Saint-Malo fe rendirent fur-tout redoutables
dans la guerre allumée par la fameufe Ligue d'Ausbourg , où
toutes les Puiflances de l'Europe fe réunirent pour rabaiffement
de la France : les Anglais fur-tout eurent beaucoup à foufFrir
de leur part ; aufîi formerent-ils le projet de détruire cette ville
téméraire , qui ofoit méconnoître leur prétendu empire fur la
mer. Ils imaginèrent de la faire fauter , par le moyen d'une
machine infernale , compofée d'un bâtiment de quatre-vingt-dix
pieds de longueur , qui avoir la forme d'une galiote à bombes,
& qu'ils avoient rempli de poudre , de bombes , de boulets ,
de grenades , de morceaux de fer , &c.
Les Anglais fe croyoient fi fûrs du fuccès , que le fameux
Adiflbn chanta d'avance , dans fes vers , l'entière deftruftion de
cette ville. Le 16 Novembre 1693, les Malouins apperçurent
une flotte de dix vaifTeaux de ligne , depuis cinquante jufqu'à
foixante-dix canons , & de cinq galiotes à bombes , qui mouillè-
rent à la FofTe-aux-Normands. On ne prit d'abord aucune pré-
caution , parce qu'on s'imagina que c'étoit une flotte Françaife
qu'on attendoit du Havre ; mais on découvrit bientôt , à leurs
manœuvres , que c'étoit les ennemis. Sur le champ on fit armer
les Forts , & prendre les armes aux habitants , dont les princi-
paux étoient abfents pour leurs aflFaires. Le Gouverneur , le Syn-
dic , & le Connétable , étoient aufli abfents. Le Fort-Royal leur
tira d'abord un coup de canon , auquel ils ne répondirent point -,
Se , à fept heures du foir , ils commencèrent à bombarder la ville.
On dépêcha promptement de Saint-Malo deux couriers , l'un au
Duc de Chaulnes , Gouverneur de la province , à Rennes j &
l'autre à M. de Guemadeuc. Les Andais bombardoient fans relâ-
che : la plus grande partie de leurs bombes tomba fur la grève
près l'Eperon ; il n'en tomba fur la ville que cinq , qui endom-
magèrent la Cathédrale & trois maifons. On permit aux femmes
& aux enfants de fortir de la ville.
Le 27 , l'ennemi s'empara du Fort de la Couchée qu'on
commençoit à bâtir , y arbora fon pavillon , mit le feu aux ba-
raques des ouvriers , & les emmena , eux - mêmes , à bord de
l'Amiral : il recommença à jetter des bombes , & n'eut pas
plus de fuccès que la veille. Le feu des remparts & du Fort-
Royal l'ayant forcé de s'éloigner , il ne tomba que douze bom-
bes fur la ville pendant toute la nuit. Le Canonnier du grand
s A I 295
Bé pointa fi bien fon canon , qu'il démonta une galiote ; mais
malheureufement cette pièce creva , & blefla dangereufement
l'adroit Canonnier , qui mourut huit jours après. Pendant un
feu très - vif de part Ôc d'autre , un détachement de la flotte
Anglaife alla s'emparer de l'ifle de Cezembre , & s'y livra à tous
les excès.
Le 28 , il ne fe pafTa rien de bien remarquable. MM. le Duc
de Chaulnes , l'Intendant de la province , les Comtes de Châ*
teau-Renaud , de Bienafîis , & de Saint-Maure , arrivèrent à Saint-
Aï alo. Ce dernier fit armer un canot de douze hommes, alla
jufqu'à la portée du moufquet des Anglais , s'en revint rangeant
leurs galiotes , & coupa leurs amures : on lui tira quelques
coups de canons qui pafTerent fous fon bateau. La nuit fe pafTa
tranquillement. Le Dimanche 29, furies cinq heures du matin,
ils jetterent cinq bomibes qui ne firent aucun mal. Le Gouver-
neur de la ville arriva fur les onze heures du matin , & on ne
fit rien le refte de la journée ; mais à huit heures du foir ,
temps de la pleine mer , la machine fatale vint à toutes voiles
vers Saint-Malo , un coup de vent la jetta heureufement fur un
rocher , où elle échoua. Ce contre-temps & les boulets qu'on
lui envoyoit du Fort-Royal , prefTerent le Capitaine d'y faire
mettre le feu. L'inventeur de la machine en fut la viêlime :
l'artifice ne lui donna pas le temps de fe fauver avec fon ca-
not , il périt avec quarante hommes qui l'accompagnoient. C'en
étoit fait de Saint-Malo , fi l'effet eût été tel que l'ennemi avoit
lieu de l'attendre. L'explofion fut terrible , & le bruit fi ef-
froyable que la terre en trembla. Le bâtiment fauta en l'air
à cinquante pas des remparts -, toute la ville fut ébranlée , les
cheminées tombèrent , les vitres & les ardoifes furent brilées ,
Se les maifons , non-feulement celles de Saint - Malo , mais de
plus de deux Heues à la ronde , furent découvertes. Les mâts
& les débris de ce vaiffeau remplirent les rues ; un virevau
de dix-huit à vingt pieds de long tomba debout fur une maifon,
& la perça depuis le haut jufqu'en bas : il fauta plufieurs bom-
bes & carcaffes fur la ville ; on trouva deux canons cliargés
dans deux greniers , Se , dans un jardin , une carcafie remplie de
bitume , qui s'enflamma aufli-tôt qu'il eut pris l'air. Quand la
mer fut retirée , on trouva trois cents bombes Se trois cents ba-
rils remplis d'artifice. Cet amas de matières defl:ru£Hves ne fit
mal à perfonne ; il n'y eut qu'un chat tué dans une gout-
tière. Le lundi 30 , l'Amiral tira un coup de canon , Se appareilla,
1^6 S A I
avec la honte de n'avoir pu nuire à Saint-Malo ; Se les habitants
de cette ville s'emprefTerent de remercier le Ciel de les avoir
préfervés d'un danger fî éminent.
Les Malouins , loin d'être intimidés par la fureur de leurs en-
nemis , ne fongerent qu'à prendre vengeance des maux qu'ils
leur avoient faits, & de ceux qu'ils avoient voulu leur faire.
Les Anglais, fans cefle pourfuivis par ces Armateurs habiles Se
opiniâtres , voyoient leur commerce détruit & tombé. Ils ne
pouvoient fe relever tant que Saint-Malo fubfifteroit 5 ils prirent
donc encore la réfolution de la bombarder. En conféquence ,
le 14 Juillet 1(^95 , une flotte de trente vaifleaux de guerre
de foixante-dix à quatre-vingts canons , de vingt-cinq gaUotes ,
de quinze frégates ou flûtes , parut à la hauteur de Saint - Malo.
Les Hollandais s 'étoient joints aux Anglais pour cette expédition ,
qui étoit d'une utihté commune aux deux peuples. Le Sieur de
Ponthaye entra , à la vue de cette flotte , avec une prife Hollan-
daife de quatre cents tonneaux , chargée de bled feigle. Les
ennemis mouillèrent en Hgne au Nord de la Couchée , qu'ils ca-
nonnerent & bombardèrent toute l'après - midi. Ils ne tuèrent
qu'un feul homme , & en blefferent un autre. Deux galères du
Roi y commandées par MM. de la Pailleterie & de Langeron ,
fe pollerent au Sud-Eft de la Couchée pour obferver de près
l'ennemi , & tâcher de lui enlever quelques galiotes ; mais la force
du vent & la proximité des gros vaifleaux les empêchèrent
d'exécuter ce dernier projet. Toute la nuit fe paflâ fans aucune
aftion de part & d'autre -, Se le vendredi 1 5 , le vent étant favora-
ble aux Anglais , ils vinrent mouiller dans la Fofle-aux-Normands.
MM. de la Pailleterie Se de Langeron , avec fix doubles cha-
loupes du port de Saint-Malo , armées chacune d'un canon de
quatre livres de balle , Se commandées par M. le Chevaher de
Saint-Maure, fe préfenterent pour leur difputer le pafl^age 5 mais
ils ne purent en venir à bout , parce que le vent augmentoit
toujours. Les galères Se les chaloupes canonnerent l'armée en-
nemie , qui continuoit de battre la Couchée , afin que ce Fort
ne pût lui nuire pendant qu'elle bombarderoit la ville j ce qu'elle
exécut-a 5 entre fept Se huit heures du matin, avec la plus grande
vigueur. Quinze galiotes bombardoient fans relâche , Se lorf-
qu'une étoit fatiguée , elle étoit aufli-tôt remplacée par une au-
tre. Le feu des ennemis dura onze heures fans intervalle : ils
jetterent au moins feize cents bombes , dont huit à neuf cents
t^^naberent fur la ville. Les Forts Se les remparts répondoient avec
la
s A I ' i97
îa même vivacité j il y eut dix perfonnes tuées , fept mail'ons
brûlées , Sz huit cents endommagées : le bon ordre empêcha
le progrès du feu. Le 14 , les ennemis bombardèrent encore
la Conchée, qui leur répondoit avec beaucoup de vigueur j ils
détachèrent deux brûlots , dont l'un échoua , l'autre s'attacha au
Fort, & brûla quelques baraques avec des munitions de guerre.
On ne fçait pas précifément quel dommage reçurent les affaïUants j
mais leur retraite précipitée , dans le temps qu'ils pouvoient défoler
la ville , fait croire qu'ils en avoient beaucoup fouffert. Suivant
le rapport du Sieur Giraudin , commandant le Fidèle , qui avoit
pris & conduit leur paquebot à Morlaix , l'Amiral n'étoit pas
content de fon expédition , vu qu'il y avoit perdu quatre à
cinq cents hommes. Le 18, les Anglais mirent à la voile , &
difparurent. Ces deux bombardements ne ralentirent point l'ar-
deur des Malouins à pourfuivre par-tout leur fiers ennemis , des
dépouilles defquels ils s'enrichirent. Dans cette feule guerre , ils
prirent plus de quinze cents vaifTeaux , dont plufieurs étoient
chargés d'or, d'argent, de pierreries, & autres effets précieux,
fans compter un nombre considérable qu'ils brûlèrent. La paix
qui fuivit dura peu : la fucceflion à la Couronne d'Efpagne ra-
mena la guerre. Saint-Malo recommença fes armements avec le
même fuccès , & fit en même temps le commerce le plus im-
menfe , qui la rendit , pendant quelques années , la plus opu-
lente ville du Royaume. C'eft du Pérou que les vaifTeaux de
Saint-Malo tiroient ces richefTes , qui mirent les habitants de cette
ville en état de prêter , en 171 1 , au Roi , une fomme de trente
miUions j fomme qui ranima l'efpérance abattue par tant de
défaites , & fervit à ce grand Roi à maintenir fon petit-fils fur
le Trône d'Efpagne , & à défendre fes propres frontières. La
Compagnie des Indes , fupprimée depuis , étoit alors à Saint-Malo.
Les richefTes qu'elle apportoit dans cette ville furent employées
au fervice de l'Etat , dans la fameufe expédition de Rio-Janeiro»
Les Malouins eurent la gloire de Tentreprife , en firent les dé-
penfes , & en partagèrent les périls , fous la conduite du fameux
Dugué-Trouin , leur concitoyen.
En 1709 , on bâtit des caferines pour loger dans la ville une
troupe de cinq cents douze hommes. L'établifTement du Sémi-
naire, fait à Saint-Servan en 1707, fut confirmé par lettres-pa-
tentes de 171 2. D'autres lettres de même date, portent établif-
fement de l'Hôtel-Dieu de Saint-Servan , fondé par le Sieur de
la Roche-Prouvofl & Julienne d'Anicaru
Tome IV. P 2
198 s A I
En 17T3 , les habitants de Saint-Malo tranfigerent avec M. le
Duc de Penthievre, au fujet des droits & devoirs d^entrée qui
fe lèvent entre les rivières de Couefnon & d'Arguenon, qui
appartiennent à ce Prince, Se qui font partie de fon Duché.
M. Trouflet de Valincour , Secrétaire général de la Marine , au
nom du Prince ; & M. Moreau de Maupertuis , au nom des
habitants de Saint-Malo , s'aflemblerent chez M. Defmarets , Eve*
que de Saint-Malo, qui étoit alors à Paris, & convinrent de
ce qui fuit : 1°. Il fut reconnu que les devoirs d'entrée fur toutes
les boifTons , marchandifes , denrées , fruits , foit de la province ,
du Royaume , ou des pays étrangers , qui entrerît par la Man-
che , & font tranfportées dans les ports , havres , & villes , fitués
entre les rivières d'Arguenon & Couefnon , foit que ces marchan-
difes & denrées foient confommées dans les mêmes lieux ou tranf-
portées ailleurs , font dus à M. le Duc de Penthievre , confor-
mément à la pancarte du 18 Août 1571 j pancarte autorifée
par Arrêt du Parlement de Bretagne, du 18 Juin 161 9. Il fut
pareillement reconnu que les droits ne font point dus fur ces
marchandifes lorfqu elles entrent à Saint - Malo , qu'elles y font
confommées ou tranfportées par mer ailleurs que dans le terri-
toire fxtué entre les rivières de Couefnon & d'Arguenon. En con-
féquence , il fut dit que les Malouins & autres pourroient dé-
charger de leurs vailleaux dans le port de leur ville , fans être
obligés d'en faire déclaration au bureau du Prince ; mais qu'ils
ne pourroient rien décharger de nuit , fi ce n'eft en cas de
tempête , dans les lieux où les droits font dus à Son Akefîe , fans
déclaration préalable & paiement des devoirs , à peine de trente
livres d'amende , & de confifcation. Il fut convenu que ceux
des habitants qui voudroient faire tranfporter des marchandifes
dans les Heux ci - defTus dénommés , avertiroient les Receveurs
ou Commis à la perception des droits du Prince , d'affiiler à la
fermeture des ballots pour y mettre les armes de Son AltefTe
Séréniffime ; que les mêmes habitants pourroient fans payer aucuns
droits, mais non fans déclaration, qui doit être reçue gratis par les
Commis , faire jjanfporter & charger , de quelque manière que
ce foit , les marchandifes de leur ville dans les navires & ba-
teaux qui fe trouveroient dans leur port , pourvu qu'elles fuffent
deftinées pour d'autres lieux c|ue ceux qui fe trouvent entre les
deux rivières. Il fut ftipulé que les toiles de Laval , Pontivi ,
Quintin , tranfportées de Saint - Malo dans le territoire ren-
fermé par ces mêmes . rivières , ne paieroient aucuns droits 5
s A I 2^a
mais que celles de Hollande , Morlaix , Lannion , &c. feroient
fujettes aux droits fpécifîés dans la pancarte. On fît un règle-
ment femblable pour les chanvres , en diilmguant ceux qui ve-
noient de Dol & des environs , de ceux de Morlaix , & autres
lieux. Il fut décidé que les droits ne font point dus pour les
poilTons falés , apportés du territoire d'entre les rivières de Couef-
non , d'Arguenon , Se tranfportés enfuite dans le même territoire ;
mais comme tous les droits font dus pour les poiflbns faiés qui ,
entrés par la mer à Saint-Malo , font enfuite tranfportés dans les
lieux mentionnés , pour éviter la fraude , il fut dit qu'on en
feroit déclaration , dont la copie feroit délivrée gratis. Les Par-
ties convinrent enfuite que toutes les Sentences , obtenues ci-
devant par les uns ou les autres des contraftants , feroient ré'
putées nulles , & que tous les procès commencés à ce fujet de-
meureroient éteints : elles ajoutèrent que la préfente tranfaftion
ne pourroit nuire & préjudicier à leurs droits refpe6lifs , ni à
ceux du Seigneur Evêque. Comme on avoir oublié , dans cette
tranfaftion, de faire mention des matières propres à la conflruc-
tion , les Malouins firent , à ce fujet , des repréfentations à M,
l'Amiral , qui , par {es lettres de l'année 1 7 1 4 , déclara qu'il
exemptoit des droits ordinaires , le bray , le goudron , les plan-
ches , les mâts , les prufTes , les chanvres , les cables & les
cordages , les toiles à voiles , les clous , le fer , & généralement
tout ce qui eft porpre à l'ufage & fervice des vaiffeaux. Nonobf-
tant cette tranfaftion , il s'élevoit tous les jours de nouvelles
difficultés avec les Fermiers des devoirs , & de là venoient
fans cefle de nouveaux procès. Pour tarir la fource de tous ces
différents , la Communauté de Saint-Malo s'avifa d'un expédient
qui lui réuffit. Elle fit propofer , en 1756, à M. le Duc de
Penthievre , de lui afféager , à perpétuité , la perception de ces
droits. Le Prince f confentit , & l'afte en fut pafTé à Paris ,
en 1757. La Communauté de Saint-Malo s'obligea à payer tous
les ans , au Tréforier de M. le Duc de Penthievre , une fomme
de cinq mille livres , &c à compter au Receveur de ces droits
une fomme de dix-fept mille livres , pour indemnité de la réfi-
liation de fon bail , dont il devoit encore jouir pendant huit
ans. Cet arrangement fut approuvé du Confeil d'Etat , qui l'ho-
mologua par fon Arrêt du 22 Novembre 1757. En conséquence
de cet Arrêt, Sa Majeflé accorda des lettres-patentes à la Com-
munauté de ville de Saint-Malo , Se le tout fut enrégiftré au
Parlement de Bretagne & à la Chambre des Comptes en 1758.
}oo s A I
Cet afféagement n'a pas rempli l'objet qu'on s'étoît pfopofé:
les difficultés ne font pas moins fréquentes , & les procès moins
nombreux. Voici ce que m'écrit, à ce fujet, M. Befné de la
Hauteviîle , Avocat au Parlement : « Tandis que j'étois Con-
» feiller à la Compagnie des Indes à Saint - Malo , je m'occupai
» à corriger les abus qui s'étoient gliffés dans les perceptions
» des droits de Couefnon & d'Arguenon , dont la ville de Saint-
» Malo accable le Commerce. Comme, à raifon de ce droit , on
» plaidoit devant les Juges royaux de Dinan , & de là au Par-
» lement , Se qu'il y avoit une foule de procès indécis à ces
» Tribunaux , j'obtins un Arrêt du Confeil général des Finances,
» en Septembre 1771 , qui évoqua toute conteftation à ce fujet,
» au Roi & à fon Confeil. Je fis notifier cet Arrêt avec la
» Commiffion, qui fut accordée en mon nom, par le Roi, aux
» Maire & Echevins de Saint-Malo , avec défenfe de continuer
» la perception du droit. Cet Arrêt fut également notifié au
» Greffier du Parlement & à celui du Siège royal de Dinan.
» La conteitation fur ce droit eft indécife au Confeil , & il fe
» perçoit comme à l'ordinaire. »
En 1720, la maladie contagieufe qui défoloit les ifles de
Jerfey & Garnefey , & les provinces du Languedoc , de la
Provence , & du Dauphiné , occafionna la défenfe qui fut faite
aux Malouins de commercer avec ces différents pays ; défenfe
qui fut levée par Arrêt du Confeil de l'année fuivante. Le 12
Septembre 1733 , le Confeil d'Etat rendit un Arrêt qui déboute
les Marchands de draps , foie & laine , mercerie , clincaillerie ,
& épicerie de la ville de Saint-Malo de leur demande. Arrêt
du Confeil, du 18 Juin 1748, qui permet à la Communauté
de ville de Saint-Malo de percevoir , pendant douze années , à
commencer du i^/. Novembre 1748, un droit fur les boiffons
qui entreroient dans la ville , le fauxbourg* de Saint - Servan ,
èc havres en dépendants. Arrêt de la Cour de Parlement, du
13 Août 1750, qui défend aux Marchands de bois de conduire
& de vendre à Saint-Malo & à Saint -Servan des bûches qui
foient moindres de trente pouces de longueur , & du fagot au
defibus de vingt-deux pouces fous hart ; leur ordonne de faire
la braffe de bûches de mefure compétente, en hauteur & longueur,
fuivant l'ufage du lieu.
Par Arrêt du I«^ Mai 1753, le fauxbourg de Saint -Servan
fut réuni & incorporé à la ville de Saint-Malo , pour ne former
avec elle qu'une même Communauté , jouir des mêmes avantages,
s A I 301
Se payer les mêmes charges. A l'occafion de deux balles de
toiles faifîes au bureau de Dinart , le 19 Août 1755, ^^ Parle-
ment rendit un Arrêt qui défend d'exiger les droits de la traite
domaniale lur les marchandifes qui ne font tranfportées que d'une
ville à l'autre dans l'intérieur de la province de Bretagne , &
défend d'inférer dans les pafle-ports , que les marchandifes font
deftinées à fortir de la province ; défend pareillement d'exiger
les droits de la traite domaniale fur les marchandifes qui vont
par mer , & leur enjoint de fe conformer à la pancarte de 1 5 12 ;
ordonne au furplus que ladite pancarte fera affichée dans tous les
bureaux , & condamne le Receveur de Dinart à vingt livres
d'amende. En 1757, l'Intendant de la province rendit une Or-
donnance , qui défendoit aux Juifs de s'étabHr dans la ville de
Saint-Malo & dans toutes les autres places de la province.
Le Dimanche 4 Juin 1758, au matin, on découvrit au Nord
de Saint-Malo , à la hauteur de Cancalle , une flotte Anglaife
de cent voiles; l'après-midi, elle parut augmenter de cinq &
cingler vers Saint-Malo. Le 5 , on ne douta plus qu'elle n'en
voulût à cette ville , & le foir , vers les fix heures , elle mouilla
à Cancalle , & y débarqua des troupes. M. le Comte de France
de Landal , commandant la Milice Garde-côte de Saint-Malo ,
courut fur le champ , avec fîx cents hommes , s'établir à Can-
calle fur un petit Fort armé de quatre canons , pour s'oppofer
à la defcente ; mais n'ayant que douze coups à tirer , & réunif-
fant tout le feu des ennemis , la place cefla bientôt d'être te-
nable : il marcha enfuite , avec fes foldats, au lieu du débarque-
ment , & fut appuyé par un détachement du Régiment de
Boulonnais , qu'on venoit de retirer de Saiiit-Servan où il étoit
en garnifon ; mais ne pouvant réfifter au feu des vaiffeaux , il
fut obligé de reculer , & Boulonnais rentra à Saint-Malo. M. de
Landal eut un domelHque & un cheval tués. Avant de fe re-
tirer , il fit fauter fon Fort , & mit le feu à deux barges de fa-
gots , pour dérober à l'ennemi la connoifiance de i'a retraite.
Les Anglais n'ayant pas trouvé d'autre réfiflance , parce qu'il
Y\y avoit pas de troupes à leur oppofer dans cette partie de
la province , mirent à terre quinze mille hommes , commandés
par Milord Malboroug. M. de la Châtre , Gouverneur de
Saint - Malo , montra beaucoup de fagefle & d'a6livité en cette
occafion.
Les premiers débarqués des ennemis fe répandirent dans la
campagne , emmenèrent les payfans avec les outils du labourage ,
joi s A I
& firent travailler au retranchement d'un camp, dans le lieu
de la defcente & dans une pofition propre à favorifer leur re-
traite. Ce fut l'opération du lundi & lendemain mardi. Ils
firent reconnoître les environs par quelques détachements, tandis
que M. de la Châtre faifoit rompre les digues de la mer &
ruiner les chemins j ce qui obligeoit les ennemis à un grand
détour , par des routes pour ainli dire impraticables : il ordonna
auffi-tôt des fortifications au dehors des murs d'enceinte , fit
placer des batteries fur les quais , difpofa les troupes , & affigna
des poftes aux Bourgeois qui étoient fous les armes. M. de
Lauret , Capitaine au Régiment de Boulonnais , qui formoit toute
la garnifon de la ville , fut envoyé avec un détachement de
Volontaires harceler les ennemis , ou les retarder, s'il étoit poffi-
ble , dans leur marche : il pouffa jufqu'à leur grande garde ,
leur tua quelques foldats , & en perdit quelques-uns. Un déta-
chement des ennemis , commandés par un Officier , entra à
Saint-Servan vers les cinq heures du foir : ce parti , après avoir
fait rafraîchir fes chevaux , alla mettre le Teu à une corderie
de la ville , & fe retira dans le nouveau camp que l'ennemi
occupoit à Paramé. La frayeur fut fi grande^, qu'elle- fit fuir
la majeure partie des habitants de ce fauxbourg , qui emportèrent
avec eux leurs effets les plus précieux _, de forte qu'il en refia
à peine vingt en état d'être utiles. Le mercredi , le bataillon de
Fontenai-le-Comte arriva : le Général Anglais , avec une armée
que l'on jugea de douze mille hommes, entra à Saint - Servan ,
& fit diftribuer & afficher plufieurs manifeftes , par lefquels il
engageoit les habitants à continuer leurs travaux & à ne point
quitter leurs maifons , proteftant qu'il n'en vouloit ni aux hom-
mes , ni aux habitations , m.ais feulement aux effets du Roi , de.
la marine, & aux perfonnes portant les armes contre l'Angle-
terre ; menaçant de faire piller & détruire les maifons qu'il trou-
veroit abandonnées. Il fit venir le Syndic pour fe faire conduire
dans différents endroits : dans ce moment , efcorté de quatre
Dragons , il fe porta à cheval fur une pointe qui commande
la ville de Saint- :Vîalo , qu'il examina quelque temps avec une-
lunette d'approche; mais un coup de canon, tiré des remparts,,
ayant tué un de fes Dragons , il rentra à Saint-Servan , & or-
donna de porter le feu à deux corderies & à un magafin qui
étoient proche TEglife. Le Refteur , informé de fon deffein ,.
courut avec fon Clergé fe profferner devant lui , & le fupplier
de ne pas détruire une ville qui n'avoit point pris les armes , 3c
s A I 30}
de faire refpefter fon Eglife & les Communautés (a). Après
s'être affuré qu'il n'étoit pas poffible de brûler les magafms lans
rilquer d'incendier la ville , il fit tranfporter fur un vaifleau en
rade , tous les effets de marine & de conltruftion , & y fit
mettre le feu. Il prit chez le Refteur logement pour lui & fon
Etat-Major. Il commanda la difeipline la plus févere, raffura
lui-même les habitants , donna toutes les fauve - gardes qu'on
demanda, & engagea les femmes à s'éloigner de Saint-Servan,
dans la crainte qu'on y jettât des bombes de Saint - Malo. Ce
Général fit enfuite diftribuer des vivres à fes troupes , & alla
examiner la place , dont il vifita les dehors , toujours accom-
pagné de quatre CavaHers & de quelques Officiers. Les Ca-
nonniers de Saint-Malo , qui fe difputoient l'honneur de le tuer,
faifoient feu dès qu'ils voyoient parokré un habit rouge. Il ne
perdit cependant qu'un homme ce jour^là. On ne peut conce-
voir quel étoit fon but , en courant tant dé rifques pour exa-
miner cette place ; il né paroît pas qu'il ait eu deffein de l'af-
fiéger , puifqu'il n'avoit'fait mettre à'- terre ^ùe deux pièces de
campagne de quatre livres; . '"^
Le 8, au matin, ce Général envoya -un Trompette à Saint-
Malo , avec une lettre adreffée.'au Maire , pour le Ibmmer de
rendre la ville , avec proméffe de n'en exiger d'autres fubfides
que ceux qu'elle payoit au -Roi de France. Le Maire répondit
que la ville étant occupée par les troupes du Roi & fes com-
mandants , il n'avoit aucune qualité pour en difpoier , mais
feulement de bons canons & de bons bras pour la défendre.
Sur cette réponfe , Milord Malboroug fit porter le feu à tous
les bâtiments qui étoient mouillés - en Tatare , Trichet , Levai ,
Challe , & Solidor , & au magafin des poudres , qui , heureu-
fement , avoit été vuidé la veille. Il y eut foixaiue-onze vaif-
feaux brûlés, dont vingt propres pour la mariioëdu Roi, &
trente bateaux ou gabares i après cette expédition , il fe retira ,
avec une partie de fes troupes , dans un camp qu'il avoit établi
à Paramé , pour fiivorifer la communication de. fes vaifTcaux
avec Saint-Servan , laill'ant dans ce fauxbourg fes équipages & le
refte de fes troupes, qui le joignirent fur le- foir. L'après-midi,
( <z ) Milord étoit irrite; il répondit aux
teprci'entations avec beaucoup de vivacité :
« Il n'y a qu'un quart-d'hcurc , dit-il , que
» j'ai penfé l'aire mettre le feu aux Quatre
« coins de la ParoilTc. Un coquin lur la'
)> pince A iair un fignal , & auill-totun
«coup dî'c^rtlon m'a été tiré. SH. pa^'oi^
» ti'ôiux cA hcrame , je l'aurois fait pendre
)) fur le champ. »
304 s A I
différents partis de Cavalerie vinrent reconnoîtreles moulins à vent
qui font au long du fîllon de Saint-Malo , à l'abri defquels l'ar-
mée penfoit à faire les approches. Le canon du château tua
plufieurs de ces Cavaliers , &♦, comme ces moulins étoient minés,
on fit fauter les plus propres à couvrir l'ennemi. La réunion des
troupes Anglaifes, à Paramé , fit craindre aux Malouins que
l'ennemi n'eût deiîein d'affiéger la ville pendant la nuit : fa ma-
nœuvre fembloit l'annoncer ; & peut-être l'aflaut ne fut-il empê-
^ ché que par un orage terrible , tel qu'on n'en avoit pas vu depuis
long-temps , accompagné d'une pluie violente , de tonnerre , &
de grêle, qui dura depuis neuf heures du foir jufqu'à une heure
du matin. On avoit fait fortir de Saint-Malo , à l'entrée de la nuit ,
un détachement de troupes & de Noblefle volontaire pour aller
reconnoître l'ennemi. Ce détachement chargea, avec avantage,
un parti Anglais ; mais , ce parti ayant été foutenu , nous eûmes
huit foldats bleffés & deux tués.
Le 9, à cinq heures du foir , il entra à Dol quinze cents
ennemis, dont la moitié de Cavalerie, qui y refterent jufqu'au
lendemain , une heure après-midi. Le Commandant & quelques
Officiers prirent leur logement chez le Maire -, le refte de la
troupe s'établit fous les halles & le long des rues , fans entrer
dans aucunes maifons : ils payèrent exaftement tout ce qu'on leur
fournit , n'infulterent perfonne , & n'exigèrent aucune contribu-
tion. Les Anglais occupèrent paifiblement Saint-Servan , Paramé ,
Saint-Meloir , & Saint-Coulomb , c'eft-à-dire , tout le terrein fitué
entre la ville & Cancalle -, jufqu'au Dimanche 1 1 au matin,
que le Général retira fes équipages, & fit défiler toute fon ar-
mée fur Paramé , qui fut évacuée l'après-midi. Les Anglais fe
replièrent fur leur camp de Cancalle, & les prifonniers qu'on fit
il rapportèrent qu'ils travailloient férieufement à fe rembarquer,.
Quoique nous euffions des troupes deftinées à les charger , 8c
rendues fur les lieux à cet effet , il fut impoffible de contrarier,
leur embarquement, vu la pofition avantageufe & les retran~
chements de leur camp , & plus encore l'artillerie de leurs vaif-
féaux emboffés tout près de terre. Leurs bateaux de tranfport
levoient cent hommes , & chacun de ces bateaux étoit précédé
de deux courfiers armés de quatre canons. Les foldats avoient
ordre d'être fous les armes dans les bateaux , & prêts à remettre à
terre au premier fignal. L'embarquement fut fini le 1 2 au foir, ils n'a-
voient plus de troupes à terre à onze heures : ils appareillèrent pen-
dant la nuit , &: 5 le 1 3 au matin , on ne voyoit plusieurs vaiffeaux.
La
s A I 305
La Nobleffe volontaire, qui s'étoit rendue à Saint-Malo au
premier bruit de la defcente , fe diftingua dans toutes les for-
ties de jour & de nuit. MM. le Duc d'Aiguillon &c de la
Châtre fe portèrent par-tout avec un zèle infatigable. M. de
Caud , Garde-du-Corps du Roi , qui s'étoit rendu !à , de Rennes,
comme Volontaire , remplit , en cette occafion , les fondions
d'Aide de camp , & fut chargé de pluficurs expéditions qu'il
rempht avec beaucoup de valeur & de fageffe. Il fit prifonnier
un des Gardes du Roi d'Angleterre. M. l'Ecoufle , Syndic des
habitants de Saint-Servan ; les Prêtres de cette ParoiiTe , & quel-
ques-uns des Membres du Général fe conduilirent , dans cette
circonftance , avec beaucoup de courage , d'intelligence , & de
fageffe. M. de la Vigne-Hercouet , Capitaine Garde-côte de la
Capitainerie de Plancoët , relégué avec dix-huit hommes dans
un moulin défendu par des piquets & quelques fafcines , em-
pêcha les Anglais de pénétrer fur la grève de mer baffe , &
retarda quelque temps leur invalion dans le fauxbourg Saint-
Servan ; il tua quelques maraudeurs Se un Officier- Major des
troupes Anglaifes , fit faifir les chevaux , fon équipage , les fit
vendre, & en diflribua le produit aux foldats de fa Compagnie:
il obtint une récompenfe des habitants. Ce citoyen , honnête de
courageux , demeure à Dinan , où il vit dans la médiocrité,
jouiffant de l'eflime de fes concitoyens. On juge que les An-
glais eurent quinze à vingt hommes tués , on leur fit vingt-cinq
prifonniers. Nous n'eûmes , en tout , que deux hommes tués &
fîx bleffés. L'ennemi , en fe rembarquant , renvoya les différents
payfans qu'il avoir pris pour le conduire dans fes routes. Au
mois de Septembre de la même année , les Anglais firent une
autre defcente à Saint-Cafl. ( Voyez Saint-Caff. )
Avant de finir cet article , je dois faire mention des privilèges
de la ville de Saint-Malo ; privilèges dus à fon zèle pour le lér-
vice du Roi. Le Roi François , par fes lettres & fa déclaration
de fan 1534 , accorda à celui des habitants qui abattroit le pa-
pegai, le droit de billot fur trente pipes de vin j &, l'année
fuivante , ce Monarque confirma ce privilège par de nouvelles
lettres données à Nîmes. Le Roi Henri en donna auffi à ce
fujet : elles accordent la permifîlon de vendre vingt tonneaux
de vin à celui qui abattra le papegai avec farquebufe j vingt
autres , à celui qui l'abattra du ti a t de l'arbalète j & vingt-
quatre , à celui qui l'abattra du trait de l'arc. François II con-
firma cette nou elle conccfîlon au mois de Mars i^çi Henri
Tome IK^ \ Q i
3o6 S A I
III, par fes lettres da 7 Juillet 1575 ; Henri IV , par fes lettres
du mois d'Avril 1601 ; & Louis XIII, aufli par lettres-patentes
du mois de Juin 161 o. En 1661, ce privilège occafionna un
procès entre les habitants de Saint- iVîalo, & Louis de Rohan,
Prince de Guemené , Engagifte des Impôts & Billots de ce diocefej
procès qui fut terminé par l'Arrêt de la Cour, qui maintient
les habitants dans leur droit de papegai & d'exemption de
devoirs de trente-cinq tonneaux de vm, qui feront débités fous
deux brandons feulement. Par Arrêt du Confeil du 27 Juillet
1671 , le Roi confirma les villes de la province , qui av oient
droit d'abattre le papegai, dans la polTefTion de leurs droits.
Les Fermiers des Devoirs de la ville de Saint-Malo , en 1 707 ,
ne voulant point reconnoître les privilèges de rabatteur du pa-
pegai , lui intentèrent procès ; mais ils furent condamnés par
Arrêt de la Cour du 10 Janvier 1708. Les Fermiers en appel-
lerent au Confeil ; mais ils ne furent pas plus heureux , ayant
été déboutés de leurs demandes , par Arrêt du 14 Février
1713 , qui ordonne l'exécution de celui du Parlement. Nous
ignorons ce qui s'ell: paiTé depuis à ce fujet ; mais on fçait que,
lors de la fuppreffion générale des papegais en Bretagne, en
1770, la feule ville de Saint-Malo fut favorifée & confervée
dans fon droit de tirer le papegai.
De temps immémorial , le foin & la garde du port de Saint-
Malo font confiés à deux Officiers, appelles Baillis ^.^ choifis
par la Communauté pour veiller & maintenir ce port en bon
état , faire remplir les fouilles & creux formés par les vaifîeaux ,
entretenir les ponts & les tranchées qui font aux avenues de
la ville , les pots auxquels s'amarrent & s'attachent les vaifîeaux ,
& les balifes qui font pofées en plufieurs endroits fur les ro-
chers pour avertir les marins de s'en écarter 5 &, comme tout
cela ne fe peut faire fans frais, les Malouins lèvent un droit
d'ancrage fur chacun des vailTeaux qui mouillent dans la rade.
Les Baillis n'avoient point été inquiétés dans la percep-
tion de ce droit jufqu'en 1(359, que la Chambre des Comptes
ordonna , par fon Arrêt , qu'ils lui rendroient déformais compte
de la recette & de l'emploi de ces deniers. La Communauté
de ville eut recours au Confeil , qui la confirma dans fon ancien
privilège , avec défenfe à la Chambre des Comptes de poufîer
plus loin cette aflfaire. Trois ans après, les Juges-Baillis furent
encore inquiétés dans Texercice de leurs charges par le Gou-
verneur de la tour de Sohdor, qui prétendoit que le droit
s A I 307
d'ancrage lui appartenoit. Ils fe pourvurent encore au Confeil,
& obtinrent un Arrêt qui déboutoit le Gouverneur de fes pré-
tentions. La Communauté de ville ^ voulant abolir un uiàge
abufif & dont l'expérience avoir prouvé le danger , celui d'al-
lumer du feu dans les vaiffeaux du port pendant la nuit, pré-
fenta , à ce fujet , une requête au Parlement , qui , le 18 No-
vembre 1665 , rendit un Arrêt conforme à fes intentions, avec
ordre aux Juges-Baillis de le faire exécuter. En 1670, ces
derniers rendirent une Sentence qui , entr'autres chofes , défen-
doit , fous les peines méritées , de porter devant d'autres Juges
les caufes dont la connoifTance leur appartenoit. Cette Sentence
fut fuivie d'une autre , portant défenfe aux voituriers de mettre
leurs chevaux fur les quais & fur la poterne de la croix du
Fiel. La même année, un pilote, qui étoit allé au devant d'un
navire , pour le conduire dans le port , n'avoit pu convenir de
prix avec le Capitaine. En conféquence, il avoit laiffé là le
navire , dont l'équipage , qui ne connoilToit point ces parages ,
n'avoit pu éviter les écueils multipliés qui bordent la côte, &
le navire étoit péri. Les Juges-Baillis , informés de cet accident
& de fa caufe , rendirent une Sentence qui commandoit aux
bateliers-pilotes d'aller, à l'ordinaire , au devant des vaiffeaux,
avec défenfe de faire le prix pour leur pilotage , à peine de pri-
vation de leur falaire , de reftitution de ce qu'ils auroient touché ,
& de trente livres d'amende appHcables aux réparations &
entretien du port. Les mêmes Juges & la Communauté de ville
firent différents règlements, en 1670, concernant la recette des
deniers du BaiUiage &: la pohce du port; règlements qui furent
approuvés par Arrêt du Confeil du 14 Mars 1702. En 1723 ,
la charge de Leileur & Délerteur fut réunie au Bailliage . par
contrat pafTé avec le pofTeffeur de cette charge. Lorl'que les
liabitants de Saint-Malo fe fournirent au Roi Henri IV , ce Mo-
narque donna un Edit en leur faveur : il leur accorda d'abord
une amniftie générale pour le paffé , renouvella leurs anciens pri-
vilèges , les exempta des tailles & importions pendant fix ans,
& leur permit de lever les oftrois comme par le paffé. La li-
berté du commerce leur fut accordée généralement dans tous
les pays , avec celle de fondre le canon néceffaire pour la fu-
reté de leur navigation : ceux de leurs biens qui avoient été
confifqués furent rcflitués ; &: le Monarque , voulant de plus en
plus les attacher à fon fcrvice , érigea un Conf'ulat dans leur
ville. Mais le plus précieux ^ le plus honorable de ces privi-
jo8 S A I
leges , eft celui de garder leur propre ville ; privilège , en fa-
veur duquel ils furent exempts du ban & de l'arriere-ban ,
mais ce privilège a eu le fort de toutes les inftitutions humaines.
Bon en lui-même , & accordé comme une faveur méritée , il
eft devenu une fource d'abus , qui , peut - être ^ fe multiplieront
au point que le Gouvernement fe verra dans la néceinté de lé
révoquer. Plufieurs des habitants de cette ville voient le mal , s'en
plaignent, & défirent le remède. Cependant, pour me garantir
dufoupçon de malveillance, je dois déclarer ici que je n'ai point été
moi-même témoin des défordres que je rapporte : je parle d'après
quelques particuliers dignes de foi , & d'après les notes qui m'ont été
communiquées par des témoins oculaires. M. Befné de la Hauteville,
Avocat à Saint-Brieuc & ci-devant à Saint-Malo , m'a particulière-
ment fait connoître ces abus, qui fe trouvent aufîi détaillés fort au
long dans un Mémoire fait pour être préfenté au Mmiftre ; mais ce
ne fera qu'avec la plus grande circonfpeftion que je me fervirai
de cette dernière pièce , dont l'auteur ne paroît pas exempt de
prévention : je m'en tiendrai à des faits connus.
Dans le temps de la defcente des Anglais à Saint-Malo, en
1758, un nombre confidérable des plus riches fit tranfporter
fes effets en lieu de fureté , & quelques-uns même prirent la
fuite : ils fe montrèrent à la fois peu zélés , mauvais citoyens ,
Se peu dignes de participer au privilège. Cette inculpation ne tombe
pas , fans doute , fur le général des habitants j mais un exemple ,
fi dangereux par les fuites qu'il peut avoir, devoir être puni.
Quelqu'un , qui ne veut pas défendre fa patrie, n'efl: pas digne
de jouir des avantages qu'il trouve dans fon fein ; & celui
qui met (es biens hors d'une ville menacée , ne peut prendre
beaucoup d'intérêt à fa confervation , dont il paroît défefpérer.
La ville de Saint-Malo efi: compofée de citoyens , qu'on peut
ranger en trois clalTes : les riches , les artifans , & les pauvres.
Les uns & les autres participent au privilège , & les
derniers feuls en portent tout le poids ( a ). Quoique , aux termes
( <z ) Rien de plus cruel que ces exemp-
tion; dans toutes nos villes. C'eft toujours
le peuole qui efl foulé. Prefque tous les
riches trouvent le moyen de fe mettre au
deffus de la loi. C'efl un abus qui fera ré-
formé tôt ou tard. Qui pourroit , par exem-
ple , approuver l'ufage que l'on fuit pour
le logement des gens de guerre? Un Ré-
giment arrive dans une ville , où feront
logés Cis braves foldats, qui nous défen-
dent , qui fouvent , au milieu de l'hiver ,
font des routes longues & pénibles , par
des chemins fouvent impraticables & le
mauvais temps : harafles , excédés de fa-
tigue , où iront-ils fe repofer ? chez le
riche , auprès d'un bon feu , ou dans un
bon lit ? Non : ce fera chez un malheureiTX
père de famille , qui fouvent n'a pas de
lit pour coucher les enfants, ni de pain
à leur donner.
s A I 509
des Edits , Déclarations , & Arrêts de la Cour , tous les habitants
de la ville , fans exception , font fujets à la garde , les Méde-
cins , les Procureurs , les Chirurgiens , les Valets de ville même
s'en exemptent , fous divers prétextes , malgré la conftitution
politique de Saint - Malo , qui , bien différente de celle des au-
tres villes , ne peut permettre ces fortes d'exemptions ; & c'efl
pofîtivement l'exaftitude de M. de Coëtquen , le dernier Gou-
verneur de ce nom , à faire obferver les Edits , qui lui atttira
la haine des Malouins. Ce Seigneur, avec tout fon zèle & fa
bonne volonté , ne put réufîir à réformer l'abus.
C'eft donc le pauvre qui fournit à toute la dépenfe : il donne tous
les quinze jours une fomme de douze fols , ce qui fait quinze livres
par an ; & l'on a vu des malheureux pères de famille , qui ne pou-
voient payer la taxe impofée , dépouillés de leurs meubles ,
tandis que le voluptueux opulent jouiffoit tranquillement de fa
fortune fans contribuer. Voilà un abus criant, qui faifoit dire à
M. Lorin , Sénéchal a6tuel de Saint - Malo , dans un Mémoire
imprimé : Le privilège de nous garder nous-mêmes , ejl un privilège
dans un fens , & une charge dans l'autre.
Un autre abus , c'ell que la garde de la ville efl confiée à
une poignée de malheureux, au nombre de cinquante à foixante,
que les Officiers municipaux ont trouvé le fecret de s'attacher:
ils montent exaftement la garde aux frais des habitants , qui
paient jufqu'à leurs habits , depuis le premier jour de l'an juf-
qu'au dernier inclufivement. Leur fit eft au corps-de-garde , &
il n'y en a pas un qui n'y ait fon matelas. Fatigués de cet em-
ploi , on les a trouvés fouvent endormis dans leurs guérites. On
doit fentir combien cette négligence eil: dangereufe j en voici
une preuve. En 1776, le feu prit à la maifon de M. de Cha-
teaubriand , Seigneur de Combourg : cet hôtel eft fitué vis-à-vis
le corps-de-garde de Saint-Vincent , où il y a toujours une fen-
tinelle jour & nuit ; mais elle dormoit , & la maifon alloit de-
venir la proie du feu , qui commençoit à fe communiquer aux
édifices voifins , & menaçoit quelques greniers à foin , lorlque l'in-
cendie fut découvert , non par le foidat qui ne put être éveillé
par l'aftion du feu , quoique très- vive, mais par les cochers du
carrofie pubUc , qui partoit cette nuit - là de Saint-Malo pour
Rennes. Ils coururent au corps -de-garde , tout y dormoit; il
fallut crier au feu pour réveiller ces gardiens inutiles , & l'on
ne put y parvenir qu'à force de cris. 11 fallut enfuite aller cher-
310 S Al
cher le Tambour, & le fecours ne vint, pour ainfi dire, que
lorfquil n'en étoit plus befoin.
Si les abus font dangereux en temps de paix , comment doit-
on les envifager en temps de guerre , fur-tout dans une ville
dont la confervation eft importante ? Il eft à croire que les
Officiers municipaux réfléchiront fur leurs vrais intérêts , & qu'ils
ne s'expoferont pas à perdre un privilège qui leur fait tant
d'honneur. En copiant ici les reproches qu'on leur fait , je
ne me rendrai point garant des motifs fur lefquels ils font
fondés.
Au mois d'Août 1643 , Louis XIV confirma les Malouins
dans la jouiffance de tous leurs privilèges. Arrêt du Confeil,
du 20 Août 1751, qui règle les affembléts de Ville de Sainte
Malo , & maintient les Officiers municipaux dans la jouiiTance
de tous leurs droits , privilèges , & prérogatives. Autre Arrêt ,
du 13 Juillet 1756, confirmatif de la conceffion des droits pa-
trimoniaux accordés à la ville de Saint - Malo. Cette ville de-
manda la franchife de fon port , mais toutes les autres villes
commerçantes s'y oppoferent , & firent échouer le projet des
Malouins. En 1772 , M. Magon du Bos voulut établir un bac ^
pour les voitures , au paffage de Jouvante : il eut des ennemis
qui traverferent ce projet, qui fut enfin approuvé. M. le Duc
de Fitz-James décida, en 1773 •> ^^'^^ auroit lieu-, mais la mort
de M. Magon du Bos , & l'état aftuel de fes affaires , l'ont laiffé
fans exécution.
La ville de Saint-Malo a produit des hommes célèbres , dont
le nom mérite d'être confervé & tranfmis à la poftérité. Le plus
ancien que nous connoiffions , eft Jacques Cartier , célèbre Na-
vigateur, qui, en 1554 , découvrit le Canada , & donna une
defcription exafte des ifles , des côtes , des détroits , & des terres 5
qu'il avoit vus.
M. de Bauchêne-Bouin a découvert le paffage du Cap-Hom,
pour pénétrer dans la mer du Sud.
De tous les hommes célèbres qui ont pris naiffance à Saint-
Malo , aucun ne lui a fait autant d'honneur que l'illuftre Dugué*
Trouin , ce Héros fi bien peint par M. Thomas. Le difcours
de cet Académicien & les mémoires de ce grand homme me
difpenfent d'entrer dans le détail de fes avions ^ mais fi l'ad-
miration, qui excite lefouvenir d'un homme vertueux , d'un guer-
îier courageux , humain , & bon patriote , n'eft pas inutile , ne.
s Al j 1 1
devfoît-on pas faire en forte de ne pas laifTer éteindre ce fen-
timent dans les cœurs. Deux Officiers de cette province , très-
diftingués dans la république des lettres , ont propofé , il y a
quelques années , d'élever un monument aux Héros de la ba-
taille des Trente. Ce projet devroit être adopté pour tous les
hommes qui ont fervi l'humanité & leur patrie ; & je m'étonne
que les habitants de Saint-Malo n'aient pas confacré une llatue
au plus célèbre de leurs concitoyens : cet hommage pubUc ho-
noreroit également la ville & le Héros. « En palîant à Lam-
» balle , dit M. le Vicomte de Touftain , nous aurions été bien
» plus édifiés des pèlerinages qui s'y font , fi nous avions eu la
» fatisfa6lion d'y appercevoir la fi:atue du brave la Nouë-Bras-
» de-fer , tué au pied de fes murailles. » Ce feroit , d'ailleurs ,
un fujet d'émulation pour les habitants de Saint - Malo. Quel
homme pourroit , fans enthoufiafme , fans concevoir un noble
defir de l'imiter , contempler l'image de ce guerrier intrépide 1
L'hilloire d'Alexandre fit Céfar ; la ilatue de RicheHeu remplit
d'enthoufiafme le Légiilateur de la Rufiie : & pourquoi celle
d'un Héros Malouin ne feroit - elle pas impreffion fur fes com-
patriotes }
Dans la guerre de 1 744 , un de ceux qui fe diflinguerent
le plus fut Matthieu Loifon de la Rondiniere , Capitaine de na-
vires ; il étoit grand manœuvrier , intrépide , hardi , & entrepre-
nant. Lors de la defcente des Anglais à Cancalle , il projetta
d'aller brûler leurs navires , lors échoués ; projet qu'on ne lui
permit pas d'exécuter. L'unique récompenfe qu'il obtint fut l'é-
pée du Roi.
Pierre Guyomark , fils d'un Marchand de draps , mérita aufli
par fes fervices , & obtint la même faveur.
Ecuyer , Yves-Marie Roche, né à Saint-Malo, ancien Capi-
taine de la Compagnie des hides , a aufli droit au fouvenir de
fa patrie , dont il a bien mérité, hifatigable dans le travail ,
intrépide dans le combat , hardi dans les entreprifes , courageux
& actif dans l'exécution, il fauva , dans la dernière guerre, rifie-
de-France de la famine. Avec un équipage qu'il avoir choifi ,
il fit plufieurs prifes fur les ennemis de l'Ltat , dans les parages
de rinde. Charge de convoyer des bâtiments Français, qui fe
rcndoient avec des vivres à l'Ifle-de-France , il fçut éviter une
efcadre Anglaife qui étoit à croifcr pour les attaquer, & arriva
hcureufement à fa dclbnation. Le temps preflbit , il n'y avoir
plus que pour trois jours de vivres dans Me. Cet OiHcier eut
}ii S A I
la Croix de Saint-Louis , à la demande du Gouverneur Se des
Commandants de Tille : il en étoit digne , & il la reçut avec
modeftie. On voulut lui faire une penlîon , mais un ennemi fe-
cret , jaloux d'une fortune due à fes travaux , expofa qu'il
étoit affez riche. M. Roche méprifa ce trait : il étoit moins
jaloux de la penfîon , que fatisfait d'avoir mérité un bienfait de
fon Roi.
Ceux qui ont lu le voyage autour du Monde , fait , il y a quel-
ques années , par M. Bougainville , ont dû voir que le Sieur
Chenard de la Giraudais étoit un Officier digne de concourir
à fon exécution: il a donné des preuves non équivoques de fori
expérience & de fes talents.
Jacques-Pierre Méfié de Grand-Clos, Négociant & Armateur,
a aufli obtenu des lettres de nobleffe -, digne récompenfe de
fes travaux & de fon zèle.
Cette Hfte eft peu nombreufe , fans doute , mais ce n'eft pas
ma faute ; j'ai demandé , inutilement , des renfeignements fur
cette ville , que l'on m'a conilamment refufés. Le lefteur fup-
pléera à ce qu'il y a de trop peu , en réfléchiffant qu'il n'eft
pas poflible que dans une ville , qui , depuis trois fiecles , a fait
des entreprifes auffi honorables qu'utiles , il ne fe trouve pas un
plus grand nombre de marins dignes d'éloges. S'il étoit permis
de louer les vivants , je pourrois citer MM. de la Ville-au-Brun,
Landais , & du Clos-Guyot ; & je n'oublierois pas MM. Sébire
& Bouvet, Officiers fur la frégate la Belle-Poule. La pollérité,
qui apprécie le mérite des hommes , leur rendra juftice.
Il n'eft pas furprenant que la ville de Saint -Malo n'ait pas
produit beaucoup de gens de lettres. Le defir d'acquérir des
richeffes , & de parvenir aux honneurs par le commerce & la
navigation , eft plus fort que celui de courir après la gloire par
des travaux pénibles & la plus longue étude. Cependant on
ne peut enlever à Saitit-Malo l'avantage d'avoir donné naiffance
à quelques hommes , qui fe font fait une réputation dans la répu-
blique des lettres, dans des genres différents.
Le Père Daniel , Carme , neveu de Guillaume le Gouverneur ,
Evêque de Saint-Malo , Théologien profond , fut auteur de plu-
fieurs fermons , panégyriques , & d'un livre intitulé , le Théologien
Français , fur le Myjîere de la Trinité.
N... Offi-ai de la Metne , Médecin ; homme fîngulier , qui a
donné plufieurs ouvrages que le Public a lus avec avidité , mais
que les perfonnes fenfées ont jugé dignes de l'oubli : les plus
connus.
s A I 3TJ
connus , font ; l'Homme plante , l'Homme machine , & Machiavel.
On ne peut refufer à ce Médecin beaucoup de génie , un llyle
net & féduiiant -, mais il fe laiffa égarer par fon imagination déré-
glée : il adopta des fyftêmes que la raifon & la religion prof-
crivent mutuellement. Ce qu'il y a d'étonnant dans ce Malouin ,
c'eft qu'il haïffoit les Médecins , pour le moms autant que
Molière : & fi ce Poète , & avant lui l'expérience , nous ap-
prennent que le genre humain ell: la vi6lm"ie des Médecins , on
peut dire que la Metrie fe rendit viftime de fon art. Il fe fit
îaigner fans art , & contre les règles de l'art , après une indi-
gelhon , &: mourut des fuites de cette opération : c'étoit un
homme aimable , avide de plailîrs , & d'un caraftere extrême-
ment gai.
Louis Moreau de Maupertuis , Préfîdent de l'Académie de
Berlin , attaqué ou plutôt perfécuté par Voltaire : cet Académi-
cien fut envoyé par le Roi Louis XV , en 1736, dans le Nord,
pour déterminer la figure de la terre. Au retour de ce voyage ,
ion portrait fut orné , par Voltaire , des quatre vers fuivants ;
Ce globe mal connu , qu'il ofa mefurer ,
Devient un monument où fa gloire fe fonde l
Son fort eft de fixer la figure du Monde ,
De l'inftruire , & de l'éclairer.
On peut ajouter à l'éloge de ce Phyfîcien ces autres vers:
Revole , Maupertuis , de ces déferts glacés ,
Où les rayons du jour font fix mois éclipfés :
Apôtre de Newton, digne appui d'un tel maître.
Né pour la vérité , viens la faire connoitre.
Si Maupertuis dut s'indigner contre Voltaire , s'il s'irrita con-
tre les foupçons de plagiaire , il eut le mérite & la générofité
de lui pardonner j & la poflérité jugera , comme Madame la
Marquife du Châtelet , que cet Aitronome a des droits à l'ef-
time & à l'admiration des gens de goût. Ses ouvrages forment
quatre volumes. Au refte , li ce Phylicien ne put fe venger des
farcafmes du Poëte , il lui témoigna , par un billet doux , que
le courage ne lui manquoit pas. Voici ce qu'il lui écrivit :
« Je vous déclare que ma faute ell afîéz bonne pour vous
y aller trouver par-tout où vous ferez, pour tirer de vous la
Tome IF, Ri
314 SAI
» vencreance la plus complette. Rendez grâce au refpeft & à
» robéiflance qui ont jufqu'ici retenu mon bras. Signé , Mau-
» pertuis. » Voltaire ne répondit rien. Il fe renferma dans le ref-
peft qu'il portoit à l'Edit des duels : il fe tira d'affaire par de
mauvaifes plaifanteries , en publiant l'art de bien argumenter en
Philofophie , réduit en pratique par un vieux Capitame de Ca-
valerie , travefti en Philofophe , réfidant à Fernei. Le Roi de
PrufTe 5 qui avoit attiré M. de Maupertuis auprès de lui , l'ho-
nora toujours de fon amitié. Ce fçavant , qui étoit pensionnaire
de l'Académie des Sciences & Membre de l'Académie Françaife ,
mourut à Balle , en Suiffe , le 27 Juillet 1759, ^^^^ ^^^ ^^^^j"
ments d'un fage , qui avoit perfeftionné la Philofophie en mé-
ditant la rehgion.
La France a perdu un autre homme illuftre , à qui Saint-
Malo fe glorifie d'avoir donné naiffance , & que cette ville
revendique au nombre de fes citoyens : c'eil Jacques-Claude-
Marie-Vincent de Gournai , Confeiller honoraire au Grand Con-
feil & Intendant du Commerce. Il s'ell uniquement occupé
toute fa vie à étudier & perfeftionner cette partie précieufe
de la profpérité publique -, il s'y appliqua dès fa jeunefle , ôc
ne fe borna pas à connoître fes différentes branches , & les
moyens ordinaires de l'étendre ; il approfondit , en Philofophe
& en homme d'Etat, toutes les parties de l'économie politique
&L tous les rapports de cette fcience compHquée & fi peu con-
nue. Il devint Intendant du Commerce en 175 1 : alors , il tourna
toutes fes vues du côté de la perfeélion des Manufaâiures , &
s'appHqua particuhérement à ôter, autant qu'il dépendoit de lui,
ce qui pouvoit gêner toutes efpeces de commerce. Son zèle, à
cet égard , fe manifefl:e dans les écrits qui font refi:és de lui.
Ce vrai patriote , dans la ftrifte fignification de ce terme ,
mourut, à Paris, le 27 Juin 1759, âgé de 47 ans. On peut
voir dans le Mercure de France, du mois d'Août 1759, fon
éloge ; monument qu'un homme de lectres a élevé à la mémoire
d'un bon citoyen , & qui nous difpenfe d'entrer dans le détail
de fa vie : nous nous contentons de jetter quelques fleurs fur le
tombeau d'un homme vertueux que la patrie regrette.
M. Duporc du Tertre, auteur de la France Littéraire, d'un
Abrégé de l'Hifioire d'Angleterre , & de quelques autres Ou-
vrages, efl: originaire de Saint-Servan : cette maifon portoit au-
trefois pour armes , d'or au fanglier de fable en furie ; elle tire
fa fource de la maifon des Barons de Vefins en Anjou , qui
s A I 315
à fourni un Evêque de Saint-Brieuc. Cette famille porte préien-
tementjde gueules au croiflant monté d'hermines, rebordé d'or.
M. TAbbé Trublet, Membre de l'Académie de Berlin, au-
teur des Effais de Morale & de Littérature , eft auffi originaire
de Saint-Malo. Le rang diilingué qu'il tenoit parmi les Littéra-
teurs & la réputation méritée dont il jouit , font fon éloge.
M. Turpin _, né à Saint - Malo , &c gratifié des lettres de
citoyen Malouin par fes compatriotes , fait honneur à fa patrie
par fes talents.
Les Malouins font robuftes , vigoureux , braves , & intrépides :
ils ne redoutent ni le fer de l'ennemi, ni les périls de la mer;
mais ils ont des défauts qui tiennent à leur manière d'être. Ils
font , en général, durs , grolfiers , opiniâtres. Se fuperftitieux. L'ha-
bitude de la navigation, la proximité de la mer, leur infpirent
cette rudefle qui eft affez ordinaire aux gens de mer , mais
qui ne prouva jamais une ame méchante & vicieufe. L'Etat qui
profite de leur aftivité & de leur induftrie , la Patrie qu'ils fer-
vent & qu'ils défendent , ne font pas attention à ces dehors , mais
à l'utihté que l'on retire de leur courage. On ne peut cepen-
dant s'empêcher de les engager à étudier les Mathématiques.
Tout homme qui veut aller loin dans fon état , doit en connoîrre
les principes fondamentaux j & fi les habitants de Saint - Malo
négligent l'Hydrographie & les autres fciences néceffaires aux
navigateurs , la patrie de Dugué-Trouin fournira peut-être en-
core long-temps de vigoureux matelots , mais non pas d'excel-
lents marins , d'habiles Officiers : le courage feul ne fuffit pas pour
vaincre , & le Héros qui fit trembler l'Angleterre & la Hol-
lande n'eût été qu'un homme ordinaire , s'il n'eût eu des con-
noiffances égales à fon courage. L'habitude du commerce a in-
flué fur le cara6lere des Malouins , comme fur celui de toutes
les villes commerçantes. Dans le négoce, comme dans la guerre,
on fe fert de rufe malgré ioi -, on. trompe , parce que Ibuvent
on a été trompé , ou parce qu'on craint de l'être. Quant au fana-
tifme qu'on reproche aux Malouins , voici la preuve qu'on en
fournit. En 1776, un Prêtre, dont la conduite étoit exemplaire,
mais dont les fentimcnts n'étoient pas conformes à la Bulle
l/nigenitus y mourut : il avoit été adminiftré en vertu d'un Arrêt
du Parlement. Le peuple alloit fe livrer aux excès du fanadfme,
enlever le corps & le jctter à la voirie ^ lorfque , pour éviter
le fcandale , on mit des gardes à la porte du défunt j il fut en-
terré la bayonnettc au bout du fuiil.
3i6 S A I
Ces excès font fans doute condamnables ; maïs que conclure
de là , fînon que les Malouins ont confervé , peut-être , la plupart
des vices de nos pères , & qu'ils n'ont pas pris les nôtres ? Nous
les trouvons grofîiers , parce que nous fommes voluptueux &
efféminés j durs , parce que nous fommes énervés & d'une dé-
licatelfe excefïive : mais trois (iecles de gloire , mais mille vic-
toires remportées , mais des fervices éclatants rendus à l'Etat
qu'ils ont enrichi & protégé ; tout cela racheté bien des défauts ,
& doit peut-être placer les Malouins au deffus des habitants
de toutes les autres villes Bretonnes. Aujourd'hui , n'eil-ce pas
encore d'eux que notre commerce attend fon rétabliffement ?
Déjà ces terribles marins commencent à paroître , & les cor-
faires Anglais commencent à fuir. Auffi-tôt qu'ils ont pris les
armes , nos fiers ennemis ont paru nous craindre.
Continuez, braves citoyens, défendez, vengez votre patrie,
&: comptez fur la reconnoilfance publique.
Catalogue des Evêques de Saim-Malo,
Cette ville , difent quelques hifloriens , habitée par les Dia-
blintes , eut des Evêques dès les premiers fiecles de l'EgUfe ,
& ces Evêques s'appelloient Diahlinûens. Nous n'affurerons pomt
la vérité d'un fait que l'hiftoire n'a pomt confirmé. Le premier ,
dont elle nous ait confervé le fouvenir , ell: Saint Malo , né dans
la Grande-Bretagne. Ce Saint , d'une famille noble , fe confacra
au Seigneur dès fa plus tendre jeuneffe , & vécut dans la fo-
litude. La réputation qu'il s'acquit par fes vertus , engagea les
habitants du pays où il vivoit à le choifir pour leur Evêque :
ils l'enlevèrent , & le placèrent malgré lui fur le Siège épif-
copal. Malo , qui n'avoit accepté cette place qu'avec répugnance ,
réfolut de la quitter au plus vite. En conféquence il s'embarqua ,
pafia en Bretagne , & fe mit fous la conduite du faint Moine
Aaron , qui avoir bâti un Monaftere dans une ifie voifine de la
ville d'Aleth.
La Bretagne étoit alors entièrement foumife au Chriftianifme ,'
& peuplée d'une foule innombrable d'Hermites , qui donnoient
l'exemple de toutes les vertus. Les Fidèles penferent à fe choifir
des Evêques pour les conduire plus fûrement dans la voie de
la rehgion. Les habitants d'Aleth, témoins des veitus de Saint
Malo , jetterent les yeux fur lui , & le conjurèrent de prendre
le foin de leur falut. Il y confentit , & gouverna fon peuple
avec fageffe. Il fut auffi élu Supérieur du Monaftere de Saint-
s A I J17
Aaron, après la mort de ce dernier; Se les Solitaires fournis
à fes ordres lui conferverent toujours un attachement inviola-
ble. Les habitants d'Aleth , enchantés de vivre fous les loix du
faint Evêque , lui accordèrent la Seigneurie temporelle & fpi-
rituelle de leur ville. Celui des fils d'Hoël le Grand qui re-
gnoit dans cette partie de la Bretagne , fut jaloux de ces con-
cèiîions, qui tendoient à diminuer fon autorité. Il perfécuta
Saint Malo , qui prit la fuite & fe retira dans une folitude de
la Saintonge. Le Prince fe repentit , dans la fuite , des mauvais
traitements qu'il avoit fait effuyer à Malo : il le rappella , con-
firma toutes les donations qui lui avoient été faites précédem-
ment , ajouta de nouveaux domaines à ceux qu'il poflédoit déjà ,
& le combla de biens , lui & fon Eglife. Telle efl , je crois ,
l'origine de la jurifdiftion de l'Evêque & du Chapitre de Saint-
Malo. Ce dernier , qui avoit goûté le repos dans fa folitude ,
ne l'avoit abandonnée qu'avec peine : dès qu'il eut afTuré la
tranquillité de fon troupeau , il le quitta , & retourna dans la
Saintonge , où il mourut. On n'eft pas d'accord fur l'année de
fa mort , non plus que fur celle de fon arrivée en Bretagne.
Selon les uns , il aborda dans ce pays vers 540, & mourut en
565 i félon d'autres , il vint en 580 , & mourut en 612 ou 627,
Nous ne prononcerons point entre ces différents écrivains ; d'ail-
leurs le fait eft allez indifférent , Se chacun peut adopter , à
fon gré, l'opinion la plus vraifemblable. Dans le feptieme iiecle,
on bâtit , dans l'ille d'Aaron , une EgUfe en l'honneur de Saint
Malo. Après fa mort , le Siège fut occupé par différents Eve-
ques , dont l'hiffoire ne nous a confervé que les noms.
Saint Gudwal ou Gurval. Saint Colaphm. Saint Ermagile.
Saint Enogat ; il fut auffi Abbé de Saint-Méen. Saint Malmon ou
Maëlmon. Saint Godefroi. Ocdinal ou Adinal. Hamon. Noëdius,
Riatuval ou Ritual. Tutamene. Ravilius.
Bili. Pendant fon Epifcopat , les Reliques de Saint Malo fu-
rent apportées par un jeune homme de Saintonge à Alcth , Se
dépofécs dans î'Eglife élevée à l'honneur de Saint Malo , dans
l'ille d'Aaron. La iete de cette tranfl.ttion eft célébrée le fécond
Dimanche de Juillet , dans ce diocefe.
Mœnus. Ebonus ou Ebodus. Guibert ou Guibon.
Cadocavanus ou Cadocanannis. Bollandus croit que c'eff lui
qui foufcrivit au Concile de Rheims , en 682, fous le nom de
Cadoenus ; mais ce fait n'tff pas croyable , fur-tout fi l'on ad-
met que Saint Malo mourut en 61 2 ou 627 , depuis lequel temps ,
Îi8 SAI
jiifqu'à 6Si ^ on trouve dix-fept Evêques. Il faudroit alors fup-
■pofer , ce qui n'eft guère poiîible , qu'ils n'euflent occupé , les
uns pour les autres, le Siège que cinq ans.
Rivallon. Judicaël. Reginalde. Menfenicus. Benedi6lus oti
Benoît,
Tels font les Evêques que nous ont confervés les anciens
Catalogues. Taillandier en ajoute encore quelques autres, mais
dont l'exiitence nous a paru trop incertaine pour les pla-
cer ici.
Helocar ou Helogar , élu en 814, obtint un diplôme de
Louis le Débonnaire , qui le conferve dans les archives de la
Cathédrale de Saint-Malo. Ce Prélat étoit Abbé de Saint-Méen.^
.comme on le voit par les titres de cette Abbaye.
Ermorus , élu en 833 , la première année de l'empire de Lo-
thaire qui venoit d'arracher la couronne à fon père , étoit d'une
naiffance diftinguée , comme le prouve foft nom , qui , en langue
celtique, fîgniiie Prince d'une jamille illujlre,
Jarnwalt , élu en 836, gouverna fon Eglife jufqu'en 840.
Mahen, Maine ou Maën, fon fuccefTeur , fut élu en 841,
la même année que 'Tambitieux Lothaire combattit contre fes
frères.
Salacon , qui occupa enfuite le Siège , fut dépbfé , comme
{imoniaque , par les Evêques afTemblés à Redon. Ce Prélat efî:
appelle & reconnu Evêque de Dol 5 & , fi nous le mettons au
rang des Evêques d^Aleth , ce n'eft que d'après quelques hifto-
riens, qui affurent qu'il gouvernoit les deux Eglifes avant les
changements faits par le Roi Nominoé.
Rethwalatre, Rivolatre ou Rivoladre , fuccéda à Salacon»
Sous l'épifcopat de Rivoladre , un particulier , dont l'hiftoire
n'afligne point la condition , & dont le nom étoit Vinhomare ,
tua , dans un moment de fureur , trois de fes enfants. L'Evêque
lui impofa une pénitence rigoureufe. Le criminel , touché de
repentir , partit pour Rome , & le Pape adoucit la rigueur de
la pénitence : il l'obligea feulement de fe tenir trois ans à la
porte de l'Eglife pendant la MelTe , de refter fept ans fans com-
munier , de ne point manger de viande le refte de fa vie , &
de fe priver de vin pendant fept ans, fî ce n'ell: aux* jours de
Fêtes & Dimanches. Il lui permit de demeurer avec fa femme,
à moins qu'il ne tombât en adultère \ lui ordonna de marcher
nuds pieds pendant trois ans : on lui accorda la permi/Tion de
manger du fromage , en lui ôtant la liberté de porter les
SA! 3 19
armes J le refte de fa vie , û ce n efl contre les Payens,
Ratuili ou Ratwilius , Evêque d'Aleth, vivoit en 872.
Bilius , fon fuccefleur , fut élu fur la fin du neuvième fiecle.
Salvator vivoit du temps d'Alain Barbe -torte, vers 950. Il
tranfporta à Paris les Reliques de Saint Malo , pour les dérober
aux profanations facrileges des Normands , qui ravageoient
alors la Bretagne : ces Reliques furent apportées , l'an 969 ,
à Saint-Malo.
Rethvalatre II du nom , vivoit en 990.
Raoul occupoit le Siège épifcopal d'Aleth en ioc8, comme
il eft prouvé par une ancienne charte de la fondation de
Saint-Méen.
Hamon , fuccefTeur de Raoul , fe trouve dans la charte de
la fondation de Saint-Georges de Rennes, vers l'an 1031.
Martin étoit Evêque d'Aleth en 1054, & affilia au Concile
de Châlons en 1056. Après fa mort, l'Eglife d'Aleth fut divi-
fée en deux parties, comme l'a obfervéle Père le Large dans
fon hiftoire du diocefe de Saint-Malo , & il paroît qu'on éta-
blit un nouveau Siège à Saint -Malo- de - Baignon , qui exifta
pendant foixante ans (a).
Rainauld ou Renold, Evêque de Saint-Malo , mourut vers
1063.
Daniel , fon fuccelTeur , dont perfonne , avant Taillandier,
n'avoit parlé, mourut en 1085.
Benoît, quahfié Evêque d'Aleth, dans des A6les de 1092 Sc
1099, mourut en II II. Ce Prélat excommunia Guégon , le
Vicaire du Seigneur de Plouer , qui avoir forcé & pillé l'Eglile
^ j ) On ne fçait , à bien dire , ce qu'on doit
penfer de cette divifion de l'Evéché. Dans
un Catalogue manufcrit , compofé par un
fçavant célèbre , & qui avoit fait l'étude
la plus longue de l'Hiftoire Eccléfiaftique
de Bretaçn
on ne trouve aucune men-
tion de ce partage. Il donne à tous les
Prélats le nom a Evêque d'Aleth , & fait
un même Evcque de Benoît & de Judicaël.
Voici l.s propres termes de l'auteur : Ju-
dicjël , fur/iommé Bcnoit ^ ou Binoit ,fur-
noTZTz; Judicaël , fut élu vers l'an 108 j,
La différence des noms de ce Prcl.it , qui ,
tantôt c(l appelle Judicaël, tantôt Benoît, a
donné lieu à l'erreur d' Albert , qui /ait trois
Evéqucs d'un feul. On voit que l'auteur
n'a pas même foupçonné cetfe divifion ,
dont il eft parlé dans les hillorigns i & je
ferois tenté de fuivre fon fentlment. En
effet , ne pourroit-il pas fe faire que ces
Evêques eufTent pris le nom d'Evéques de
Saint-Malo , foit par dévotion pour le pre-
mier Evêque du diocefe, ou bien plutôt,
parce qu'ils faifoient leur demeure dans l'ifle
de Saint-Malo , ou à Saint-Mcdo-de-Bai-
gnon ? On a des exemples de ces qualifi-
cations étrangères. Dans le Concile d'Agde,
l'Evêque de Poitiers prit le nom d'Evéïjue
du Pallet, parce que ce Prélat avoit une
maifon de plaifance au Pallet, où il faifoit
fa réfidence. Ses p'-édécelfeurs prenaient
fouvent le titre d'Evéques de /?«{ , parce
au'ils faifoient aflez fouvent leur léjour
ans ce p-iys , qui d^pondoit de leur dio-
cefe ; & les hiltori;ns ont remarqué que
cet ufagc étoit général.
310 S A I
d*Aleth. Guégon , étant tombé malade l'été fulvant , demanda
pardon à l'Evêque , fit amende-honorable , & rendit à l'Eglife
un morceau de terre, appelle le -pré Brexel, &, par corruption,
le pré Mefel , que Robert , fils de Brexei de Ploiier , avoit au-
trefois donné à l'Eglife d'Aleth. Depuis ce temps , l'Evêque &
le Chapitre ont abandonné cette partie de terre au Refteur de
Saint-Servan , pour lui tenir lieu d'une portion congrue de trois
cents livres. Celui-ci a arrenté ce terrein à pluiieurs parti-
culiers , qui Y ont fait bâtir de belles miaifons ; & ces empla-
cements donnent aujourd'hui au Refteur environ huit cents
livres de rente.
Judicaël , qualifié tantôt Evêque d'Aleth , tantôt Evêque
de Saint-Malo , mourut en 1 1 1 2.
Daniel II , élu en 11 1 2 , affilia au Concile que Baldric de
Dol affembla dans l'Eglife de Saint-Samfon , l'an 1113, &
mourut dans le courant de Mars 11 14.
Rigual ou Riwal , occupa enfuite le Siège d'Aleth. L'hillo-
rîen des Saints de Bretagne lui donne pour fucceffeur un Al-
bert , qui paroît fuppofé.
Donoald ou Donald, de l'Ordre de Saint-Benoît, réunit,
dit-on, les deux Sièges divifés depuis foixante ans. Il fut élu
l'an 1 1 20 , affilia aux Conciles de Redon & de Rheims en
1127 & 1132, & mourut en 1140. Benoît, qu'Albert lui
donne pour fucceffeur, elt fuppofé.
Jean de Châtillon , dit de la Gnlle , monta fur le Siège , Tan
II 40. Les vertus de ce Prélat, &: la révolution qui fe fit fous
fon épifcopat, exigent que je le faffe connoître» Il naquit en
Bretagne, l'an 1098, d'une famille honnête & m.édiocrement
riche. En 1121 , il fe fit Religieux de l'Ordre de Cîteaux,
dans l'Abbaye de Bégars, & devint dans la fuite Abbé de
cette Maifon. Elu Evêque d'Aleth , il vit que les habitants
du lieu faifoient bâtir une quantité prodigieufe de maifons dans
l'ifie de Saint-Malo , & que l'ancieiuie ville d'Aleth devenoit dé-
ferte , il prit le parti de luivre fon troupeau , &: d'étabHr dans
cette ifle fon Siège épifcopal. Il fentit bien les difficultés de
l'entreprife ; mais il n'en fut point effrayé. L'EgHfe , qu'on
avoit bâtie dans ce lieu à l'honneur de Saint Malo , avoit été
brûlée &: rebâtie en l'honneur de Saint Vincent, Martyr. Cette
Eglife , oii repofoient les ReUques de Saint Malo , étoit la feule
propre à faire une Cathédrale r mais elle avoit été donnée aux
Bénédiftins, par Benoît , Adminiflrateur de l'Evêché d'Aleth^ &
il
s A I 3n
Il étoit d'autant plus difficile de leur arracher cette Eglife ,
qu'elle étoit très-riche , puifque les Bénédiftins avoient été fubiH-
tués aux droits des Evêques d'Aleth dans toute l'ifle. Il s'atten-
doit bien qu'ils ne verroient pas de fang-froid la perte d'un do-
maine Il confîdérable : il demanda d'abord l'agrément du Saint-
Siège & du Duc Conan le Gros , & l'obtint. Il chafîa fur le
champ les Moines Bénédiftins ., s'empara de leur Eglife , y
créa un Chapitre de Chanoines-Réguliers qu'il fit venir de Paris,
■ & y établit fon Siège. Les Bénédi61ins , chafTés, ne s'endormi-
rent pas : ils traduifirent le Prélat en Cour de Rome. L'affaire leur
fut d'abord favorable : on nomma des Juges , que le Prélat
avoir raifon de foupçonner fes ennemis. Les Bénédiftins , dès-lors
extrêmement riches^ furent accufés d'avoir corrompu la Cour
de Rome à force d'argent. Le malheureux Prélat fe vit fur le
point d'être dépofé. L'affiiire dura dix-huit ans , pendant lef-
quels Jean de Châtillon fit trois fois le voyage de Rome ,
à pied.
Les Evêques de France, & même Henri., frère du Roi Louis
le Jeune , qui connoilToient & admiroient les vertus de i'Evêque
d'Aleth , voyant l'injulHce qu'on lui faifoit , prirent fon parti avec
chaleur ; mais ce qui lui ièrvit davantage fut la prote8:ion de
Saint Bernard. Cet Abbé fameux prit hautement la défenfe de
l'opprimé , & , par fon autorité & fon éloquence , il fit celTer la
pourfuite de fes ennemis. La Sentence du Pape fut favorable au
Prélat , & , depuis ce temps , les Bénédi6lins ont perdu toutes
leurs prétentions. C'eft à cette époque qu'on doit rapporter la
lettre d'Odon , Légat du Pape, à I'Evêque de Saint -Malo,
auc[uel il défend d'empêcher les Moines de Marmoutier de célé-
brer l'Office divin dans leur Oratoire de Becherel.
Quoi qu'il en foit , le Prélat , enfin viftorieux de fes ennemis ,
fît accroître l'Eglife de Saint- Vincent , & la fit décorer. On lui
doit la tour ou le clocher qui fubfille encore aujourd'hui. Après
des travaux innombrables, il mourut le premier Février 11(^3,
emportant avec lui les regrets de fon troupeau & l'eltime de
fes contemporains : il fut inhume dans ion tglife Cathédrale ,
dont il fut le fondateur. On voit encore fon tombeau dans le
chœur de cette Eglife : on l'encenfe à la Grand'Mefle & à
Vêpres. La grille de fer dont on l'a environné pour empêcher
le peuple d'en approcher , lui a fait donner le farnom de Jt^an
de la Grille,
Les Malouins ont toujours eu & confervent encore une
Tome /F. S 2
jii s A I
fïnguliere vénération pour ce Prélat. Le Pape Léon X, informé
de plufieurs miracles qui fe faifoient fur fon tombeau, permit,
en 1517? à Denis Briçonnet , Evêque de Saint-Malo , Ambafla-
deur du Roi François I, à Rome , de célébrer la fête, quoiqu'il
ne fût pas canonifé.
Ceft depuis la révolution faite par Jean de la Grille, que
les Evêques de ce diocefe ont quitté le nom à^Aléthiens pour
prendre celui de Malouins , fous lequel ils font connus au-
jourd'hui.
Aubert ou Albert, fut facré Evêque de Saint-Malo l'an 11(^3.
Son épitaphe, rapportée par Sigebert, met fa mort en 11 82,
tandis que d'autres la placent en 1 1 84. Voici cette épitaphe :
Anno ii8z , obiit venerabilis vir Albenus , Epifcopus Alethcnfîs ,
quem moderni de Sanclo-Madovio vocant , cujus Epifcopatus ami''
quitus civitas Aletha vocabatur. Albert accorda à Robert, Abbé
de la Trinité de Combourg , deux portions dans les revenus de
l'EgHfe de Notre-Dame de cette ville.
Pierre Giraud, qui fut élu en 1184, mourut en 1218.
Raoul, fon fucceffeur , occupa le Siège depuis 12 18 jufqu'er>
1230.
Pierre II du nom, mourut ou abdiqua en 1231.
Geoffroi , qui lui fuccéda , fonda l'Hôpital de Saint-Malo , &
réiîgna fon Evêché à fon fucceffeur, l'an 1255.
Nicolas de Flac , fut Evêque de Saint-Malo depuis 1255 juf-
qu'en 1 262 , année de fa mort.
Philippe , nommé par le Pape , ne voulut point accepter la
dignité d'Evêque.
Frère Simon de ClifTon, de l'Ordre des Frères Prêcheurs,
facré le jour de la fête des Apôtres SS. Pierre & Paul, en 1264,
mourut en 1286.
Robert du Pont occupa le Siège depuis 1286 jufqu'en 1309.
Sous fon épifcopat, en 1307, trois Eccléfiaftiques de Saint-Malo,
accufés d'avoir tué un homme, nommé Rufier., furent emêtés ÔC
mis dans les prifons du château de Léhon , près Dinan. L'Archi-
diacre évoqua la caufe à fon Tribunal , & , après informations
& dépofitions des témoins , il déclara les accufés innocents. On
trouve dans les titres de Marmoutier, fous les années 130(5,
I3»6 , 1323 , 1326, & 1327, fix quittances données au Prieur
de Léhon par le Collefteur des deniers accordés par le Pape
au Roi de France fur les biens eccléfiaftiques du diocefe de
Saint-Malo. Cette impofition , qui devoit être employée au foula-
s A I 31 j
gement des Fidèles dans la Terre-Sainte, fe montoit, pour ce
diocefe , à la fomme de trois cents vingt-fept livres : les autres
Eglifes de Bretagne furent auffi taxées à proportion de leurs ri-
cheffes , &: payèrent.
Raoul Rouxelet, élu vers 13 10, mourut en 13 17.
Alain Gontier , fon fucceiïcur , en 1318, aflilta au Concile
de Saumur en 1 3 1 9. Ce Prélat , voyant que de toutes les Ca-
thédrales de la. province celle de Samt-Malo étoit la feule qui
eût un Chapitre régulier , pria les Pcres du Concile de fe
joindre à lui pour obtenir fa fécularifation. Ils y confentircnt,
Ôc le Concile demanda une Bulle à ce fujet au Pape Jean XXil,
qui ne fit aucune difficulté de l'accorder. La Bulle eil darée
d'Avignon, le 27 06lobre 13 19. Le même Pape ordonna à
Alain de valider le mariage d'Olivier de Monrauban & de
Julienne de Tornemine , parents au troifîeme degré , qui avoient
contracté de mauvaife foi , puifqu'ils n'avoient pas voulu de-
mander de difpenfes , quoiqu'ils fçuffent être parents. Leurs
enfants , nés & à naître , furent déclarés légitimes. Alain fut
transféré à Quimper en 1333.
Yves du Bois-Breffel ou BoefTel , transféré de Quimper à
Saint-Malo , mourut en 1348, félon Taillandier ; Lobineau place
fa mort en 1335 j les titres de Marmoutier le font vivre jufqu'en
1340; & nous préférons de nous en rapporter à Taillandier.
Guillaume Matthieu ou Mahé , fon fucceffeur , ne garde le
Siège qu'un an.
Pierre Benoît, élu fur la fin de Tannée 1349, ou au com-
mencement de la iuivante, publia des llatuts en 1350, & mou-
rut en 1360. Guillaume le Gouverneur, Evêque de Saint-Malo,
fait une mention honorable de ce Prélat.
Guillaume Poulard , afiifla au Concile provincial d'Angers en
1366 : l'année de fa mort efl ignorée.
Geofïroi Pargas, fit ferment de fidélité au Duc le 4 Février
1371-
JofTelin de Rohan, fut élu Evêque de Saint-Malo en 1375. Ce
Prélat efl célèbre par le différent qu'il eut avec k Duc Jean
IV, fon Souverain. Il mourut en 1388. (Voyez ce que nous en
avons dit ci-devant dans l'hiflorique de la ville de Saint-Malo.)
Robert de la Motte, élu en 1390, ne fut pas plus fournis à
fon Souverain que ne l'avoit été fon prédécefTeur ; il mourut
en 1423.
Guillaume de Montfort, élu en 1423, mourut Cardinal du
324 s A I
titre de Sainte-Aiiaftafie , le 27 Septembre 1432 : il avoît faît^
en 1426, des ftatuts , que Guillaume le Gouverneur a confacrés
par des éloges.
Guillaume Boutier, Abbé de Beaulieu, élu par le Chapitre,
n'eut point Tes Bulles.
Amauri de la Motte, frère de Robert, déjà Evêque d'un
autre diocefe , fut transféré à Saint-Malo en 1432, publia des
ftatuts en 1434, & mourut la même année. Guillaume Boutier
fut élu une féconde fois, mais il ne fut pas plus heureux que
la première. Ce choix fait ' l'éloge de cet Eccléfiaftique.
François, 8r , félon d'autres, Pierre Piedru , fut transféré de
Tréguier à Saint-Malo, en 1434, malgré le Duc & le Roi de
France , qui demandoient que Guillaume fût pourvu de cet
Evêché. Le Pape fut inflexible. L'an 1448 , François Piedru
publia des ftatuts dont Guillaume le Gouverneur fait mention
avec éloge. Il fonda, dans la Cathédrale de Nantes, l'Office
folemnel de Saint Malo , & mourut en 1449.
Jacques d'Epinai , ne fut Evêque de Saint-Malo que trois
mois & demi, en 1450.
Jean l'Epervier, fit ferment de fidélité le 17 Septembre 1450,
publia des ilatuts en 1452 & 1460 : il fit deux fois le voyage
de Rome , fut nommé Premier Préfident de la Chambre des
Comptes en 1477, & mourut en i486, comme le prouve le
Bref du Pape Innocent VIII en faveur de Pierre de Laval. Jean
l'Epervier avoit un Coadjuteur quahfié Evêque de Dromore.
Pierre de Laval & de Montfort, Archevêque de Rheims,
nommé Evêque commendataire de Saint-Malo en i486, par
le Pape qui en avoit demandé la permiffion au Duc de Bre-
tagne, mourut le 14 Août 1493, & fut inhumé dans l'Eglife
de Saint-Aubin d'Angers.
Guillaume Briçonnet , fit ferment de fidélité en 1493 , fut
créé Cardinal en 1495 , Archevêque de Rheims en 1497, Ar-
chevêque de Narbonne en 1511 , & mourut dans la même an-
née. On voit , dans la SacrilHe de la Cathédrale , au Heu où
les Chanoines s'habillent , ces mots , Mémento Cardinalis Bri"
çonnet.
Denis Briçonnet, fils légitime de Guillaume, fuccéda à fon
père en 1 5 1 1 , publia plufieurs fiatuts , fe fit donner pour Coad-
juteur fon neveu François Bohier, en 1534, & mourut en
^535-,
François Bohier , fuccefleur de fon oncle , fit ferment de
s Al 315
fidélité au Roî , le 5 Janvier 1555, afîifta au célèbre colloque
-de Poifly en 1561 , à l'afTemblée du Clergé de France en 1 567,
& mourut en 1569. Le Roi fit faifir le temporel de l'Evêché.
Guillaume Rufé , nommé par le Roi Charles IX en 1 570 ,
abdiqua en faveur de François 1 home en 1573, & ne retint
qu'une penfîon de cinq mille livres ; il ne fut point facré Evê-
que de Saint-Malo , mais il fut dans la fuite nommé à l'Evêché
d'Angers.
François Thomé , nommé en 1573 le 25 Février, prêta fer-
ment de fidélité au Roi en 1574, allifia aux Etats de Blois en
1576, à l'afTemblée du Clergé de France en 1577, aux Etats
de Bretagne , tenant à Ploermel , en 1 580 j & abdiqua en faveur
de Charles de Bourgneuf.
Charles de Bourgneuf, prit pofreflion , par Procureur, le 2^
Février 1 587, 6^ fe rendit de Home à Saint-Malo en 1 590. Il fut
mal reçu des habitants , qui le foupçonnoient de favoriier Henri
IV : ils le retinrent même quelque temps dans une efpece de
captivité. Ils fe trompoient néanmoins. Ce Prélat fut toujours
du parti de la Ligue : il permuta avec Jean du Bec , Evêque
de Nantes.
Jean du Bec, fit fon entrée le 4 Avril 1599, & mourut le
20 Janvier 1610.
Guillaume le Gouverneur, élu le 29 Janvier 1610, fut facré
au mois de Février 1611, fit fon entrée le 20 Mars de la
même année, afîifla aux Etats généraux du Royaume en 1614
& 161 5 , pubha des Statuts en 1612 de 1620, & mourut en 1(530.
Ce Prélat avoir un mérite rare.
Le Père Michel de Paris , Capucin , connu fous le nom d'Oc-
tavien de Marillac , eut la modeflie de refufer l'Evêché de
Saint-Malo , auquel il avoit été nommé.
Achille de Harlai de Sanci , nommé l'an 1630, prit pofTefTion
en 1632, &: mourut le 20 Novembre 1646.
Ferdinand de Neuville , facré Coadjutcur du précédent , qui
étoit fon oncle , fut fon fucceileur , afiiibi aux afTemblccs du
Clergé en 1653 & 1654, & fut transféré à Chartres en 1657.
François de Ville - Montée , fit ferment de fidélité en 16605
fut nommé Commifiairc , par le Pape,, pour les affaires du Jan-
fénifme ; & mourut en 1670.
Sébaflien de Guemadeuc, fut facré &: prit pofTcffion au mois
de Juin 1671 , afîilhi aux afTemblées du Clergé en 1680 , 1682,
& 1685 i 3c mourut en 1702.
ji6 SAI
Vincent - François Defmarets , élu & facré en 1701, préfida
aux Etats de Dinan en 171 8. Dans la lifte nombreufe des con-
teftations qui fe font agitées entre un Evêque & fon Chapitre ,
dit M. Belhé de la Hauteville , dans un manufcrit -, il n'en eft
point de plus célèbres que celles qui ont exifté entre M. Defma-
rets & le Chapitre , & les Chapelains mêmes de la Cathédrale.
Ce fut aux yeux du Royaume que le Chapitre donna l'exemple
du fcandale le plus marqué: il lit imprimer des mémoires aufli
peu mefurés dans les termes , que faux dans les principes , &
injuftes dans les conféquences. M. Froftin, Avocat à Saint-Malo ,
défendoit le Prélat avec cette fermeté , cette précilion , cette
folidité de raifonnements ,, & cette force de génie, qui firent ad-
mirer fes mémoires. L'Evêque n'eut que cet Avocat pour le dé-
fendre au Confeil de Sa Majefté.
M. Defmarets ne pouvoit décemment demander une concilia-
tion au Chapitre , qui l'avoir injurié dans fes mémoires , & qui
avoir tort dans fes inveftives comme dans fes prétentions : aulîi
ne propofa-t-il aucun arrangement. Le Chapitre s'ennuya de
plaider. On feroit deux volumes in-folio des mémoires fournis
refpe Vivement. L'affaire étoit prête de recevoir une décifion lorf-
que le Chapitre , par un retour heureux , propofa un arbitrage.
L'Evêque auroit cru manquer à fa dignité de s'y refufer j il eut
l'honnêteté & la bonté de l'accepter.
L'arbitrage fut remis à MM. de Brilhac , Premier Préfîdent au
Parlement de Rennes ; de Brou , Confeiller d'Etat & Intendant
de la province ; Se de la Villeguerin , Avocat général au Par-
lement de Bretagne ; fur l'avis defquels fut rendu l'Arrêt du Con-
feil d'Etat, le 4 O6tobre 1727 , qui régla plufieurs articles con-
teftés entre l'Evêque & fon très -litigieux Chapitre. Les lettres-
patentes données à ce fujet , furent fignifiées à ce dernier , le
J27 Mars 1728, en la perfonne de M. Mellet , Archidiacre,
Chanoine , & Syndic du Chapitre. Il feroit trop long d'entrer
dans le détail, qu'on peut voir dans les pièces originales, û l'on
en a la curiofité.
Sans m'arrêter à commenter cet Arrêt , j'obferverai feulement
qu'on n'y a rien contrevenu depuis : on a fait payer aux Cha-
pelains & au bas-Chœur la portion de frais qu'on a voulu dans
les procès fomentés par la chicane du Chapitre. Quoique cet
Arrêt devoit être le principe & le fondement de la paix entre
l'Evêque & les Chanoines de Saint-Malo , il donna naiffance à
un procès fcandaleux. L'Evêque y donna lieu , contre fon in-
s AT _ 317
tentîon. Ce Prélat étoît accufé de Janfénifme par le Chapitre,
qui ne l'aimoit pas. Pour détruire tout foupçon , il déclara ac-
cepter la fameuie Bulle Unigemtus , par un Mandement du 20
Août 1728. Comme il aimoit l'ordre, il crut devoir le rétablir
en mettant la difcipline dans fon Chapitre. En exécution de
TArrêt du Confeil , il fit un Règlement , qu'il maniferta par une
Ordonnance de vifite , du 23 Jum 1729. Cette Ordonnance fut
le fignal de la révolte. On vit fur le champ l'Autel s'élever contre
l'Autel : le Chapitre entier fe porta Appellant , devant le Roi
& fes CommifTaires , de l'Ordonnance de vifite j plufieurs de ces
Eccléfiafi:iques furent même d'avis d'appeller au futur Concile.
Tel fut l'excès du délire des i hanoines & des Chapelains. Mais
malgré leurs infoknts mémoires , dont l'Evêque pourfuivit la
radiation , ils ne purent réufîir ; l'Ordonnance de vifite fut
adoptée. Forcés d'obéir , les ennemis de l'Evêque tinrent enfin
une conduite moins oppofée à l'efprit de leur état ; mais , s'ils
ne fe révoltèrent plus contre une autorité légitime , ils ne purent
refter tranquilles entr'eux , & jufqu'ici ils n'ont pu abandonner
la fureur qui les porte à procéder. Ruiné par fes querelles Hti-
gieufes, le Chapitre, qui avoir renoncé par le non-ufage , à fon
droit , reconnu légitime , d'exiger les lods & ventes au denier
fix , & qui ne les exig^oit qu'au denier huit , arrêta , par une
délibération capitulaire , de les percevoir au denier fix. Les Sei-
gneurs n'ont rien changé à l'ancien ufage , mais le Chapitre efl:
bien éloigné de les imiter.
L'unique chofe fur laquelle on n'a point varié , c'a été fur la
pourvoyance des Offices des Jurifdiftions , qui fe donnent gra-
tuitement , non au plus riche , mais au plus digne ; & ce n'efl
pas un petit fujct d'éloge pour l'Evêque & le Chapitre de Saint-
Malo. Plut à Dieu qu'ils enflent des imitateurs de ce définté-
reflement !
M. Defmarets gouverna fagement fon diocefe. Entre les Rè-
glements qu'il fit, il en efi: un qui mérite des éloges ; c'ell: celui
qu'il donna pour l'Hôpital de Saint - Malo , & qui fut imprimé
chez le Comte.
Jean-Jofeph de Fogafles de la Bafi:ie , nommé Evêque de Saînt-
Malo en 1739, ^'icré en 1740, mourut , le 29 Janvier 1767:
Théologien profond , Canonifte éclairé , Logicien unique , ce
Prélat fe fit une réputation brillante & méritée , il mit le bon
ordre dans fon diocefe , y excita la piété par la fienne , s'occupa
fans celle de tout le bien qu'on peut faire & dont un Evcque
}i8 S A I
doit s'occuper. En deux mots j'aurai fait l'éloge de M. de la
Baftie , en difant que c'étoit un Prélat digne des temps Apofto-
liques , qui faifoit le bonheur de fon Eglife & l'ornement de
celle de France. Lors de fa mort , la voix publique avoit
prévenu celle du Roi. Le Roi Louis XV confirma le vœu
des Malouins & de la province , en nommant à l'Evêché de
Saint- Malo
M. Antoine - Jofeph des Laurents , facré le 2 Août 17(37. Ce
Prélat , digne de Ion prédécefTeur , dont il avoit été le Vicaire
général , imite le modèle qu'il eut autrefois fous les yeux. Les
Ordonnances Synodales , imprimées à Saint-Malo , prouvent fon
zèle. PuilTe la Providence le conferver pour le bonheur de fes
diocéfains !
SAINT- MALO- DE- BAIGNON; dans un fond; à 17 lieues
au Sud de Saint-Malo , fon Evêché ; à 8 heues de Rennes j &
à I lieue un tiers de Plélan, fa Subdélégation. Cette ParoilTe
reffortit à Ploermel, & compte 150 communiants : la Cure efl:
à l'alternative. Le territoire , coupé de vallons très-profonds , eft
mal cultivé, & renferme une plus grande quantité de terres
incultes que de terres en labeur. La maifon feigneuriale , nom-
mée le château de Baignon , efl la maifon de plaifance des Evê-
ques fie Saint-Malo j elle leur fut donnée , félon d'Argeritré , par
le Seigneur de Montfort : elle a une haute-Jullice qui a titre de
Régaires.
SAINT -MALO- DE -PHîLIS; fur une hauteur; à 19 lieues
au Sud-Sud-Efl de Saint-Malo , fon Evêché ; & à 6 Heues de
Rennes , fa Subdélégation. Cette ParoifTe reffortit à Dinan , &
compte 700 communiants : la Cure eft à l'alternative. Le ter-
ritoire , borné à l'Elî: par la rivière de Vilaine , offre à la vue
des vallons , des monticules , des terres en labeur , des prairies ,
des landes, & beaucoup d'arbres fruitiers. En 1380, le manoir
de la Driennaye appartenoit au Seigneur de Guignen ; cette
Seigneurie a une haute-Juflice , & appartient à M. du Bouexic de
la Driennaye : le manoir de la Richardiere appartenoit, en
142.0, au Seigneur de Treguent ; la Fouchais , à Payen de la
Fauchais ; & Ja Gaudineray , à Pierre du Frefne.
SAINT -MALON; à 13 lieues au Sud de Saint-Malo, fon
Evêché j à 7 lieues un quart de Rennes j 6c à 3 lieues de
Plélan ,
s A I 329
Plélan , fa Subdélégation. Cette Paroiiïe reflbrtit à Ploermel , &
compte 900 communiants. Le territoire , borné au Nord par la
rivière de Muel , &c au Sud par la forêt de Paimpont , offre à
la vue des terres en labeur , quelques prairies , des landes , &
beaucoup d'arbres fruitiers, & autres. Saint-Jean Sz. les Maifons-
neuves , fiefs très-anciens , forment une haute-Juftice qui appar-
tient à M. de la Chaffe-d'Andigné. En 1420, le Bois-Durand,
à Guillaume Poul - de - Bedéfe j Saint -Malon , à Guillaume de
Saint-Maion ; Tremel & la Martiniere , à Olivier de Tremel y
la Touche -Guehennou , à Yves le Métayer; la Ville - Houx ,
à Jean Lorence ; le Bois -Raoul , à Olivier Mel , Seigneur du
Bois-Denard.
SAINT - MARCAN ; fur une hauteur , près le canal de la
Banche ; à 2 lieues à l'Ell-Nord-Eft de Dol , fon Evêché & fa
Subdélégation ; & à 1 2 lieues de Rennes , fon reffort. On y
compte 700 communiants : la Cure eu à l'Ordinaire. Le terri-
toire , borné au Nord par la mer , n'efl coupé que de deux
ruiffeaux j les terres y font exaftement cultivées. Les maifons
nobles de la Ville-Duë , Dupreft , & du Bois-Hermez , font très-
anciennes. La moyenne-JulHce de Pont-Etal appartient à M. Ruel-
lan du Pleflis du Tierxent.
SAINT-MARCEL-BOHAL ; dans un fond ; à 6 lieues à l'Eft-
Nord-Eft de Vannes , fon Evêché ; à 1 4 lieues de Rennes ; &
à I lieue de Maleftroit , fa Subdélégation. Cette Paroiffe reffortit
à Ploermel , & compte 600 communiants : la Cure elt à l'alter-
native. Ce territoire , borné au Sud par la rivière de Claye ,
renferme , de ce côté , beaucoup de terres en labeur & des
prairies de bonne qualité ; au Nord , font des landes.
SAINT -MARC -LE- BLANC; à 7 lieues & demie au Nord-
Nord-Eft de Rennes , fon Evêché ; & à 2 lieues d'Antrain , fa
Subdélégation Se fon reffort. Cette Paroiffe compte 900 commu-
niants : la Cure eft à l'alternative. Le territoire , borné au Sud
par la petite rivière de Minette , eff couvert d'arbres & buiffons,
& renferme des terres en labeur , des prairies , des landes , 6c
des bofquets. En 1420, on y voyoit la maifon noble de la
Ville - Guerin , à Jean le Prêtre ; le Bois - Geffrai , au Sieur de
Béton i le Huutbrin , à Pierre d'EffourbiUon : la Bclinaye forme
une haute - Juflice qui appartient à M. de la Belinaye ; & le
Tome IV, T 2
3^0 S A ï
Tierxent , aufîi haute- Juftice , qui eft à M. Rueilan du Tierxent î
la moyenne-Juftice de la Vairie , à M. du Hochet.
SAINT - MARC - SUR - COUESNON ; fur une colHne ; à 6
lieues & demie au Nord-Efl de Rennes , fon Evêché j & à i
lieue de Saint- Aubin-du-Cormier , fa Subdélégation & fon reffort*
On y compte 650 communiants : la Cure eil à l'alternative.
Le territoire , arrofé des eaux de la rivière de Couefnon , offre
à la vue des terres bien cultivées , des arbres fruitiers & autres,
& des landes.
Dans cette ParoilTe ell: la Terre de Saint -Marc, avec fiefs
& jurifdiftion fimple , qui donne la Seigneurie de l'endroit ;
elle eft venue à la branche des du Feuplacé de Saint -Marc,
par leur mariage, en 1640, avec une le Provots , dont la
maifon l'avoit eue par aUiance , en 1330, avec une de Saint-
Marc. Cette maifon eft ancienne, elle a donné une AbbefTe de
Saint-Georges de Rennes, & plufieurs Capitaines qui fe font
diftingués fous les Ducs de Bretagne , comme Tifon du Feu , né
en 1296, qui fut un grand guerrier.
SAINT-MARC-SUR-ISLE ou SAINT-MÉDARDSUR-ISLE5
fur une hauteur , près la rivière d'Ifle ; à 4 lieues au Nord de
Rennes , fon Evêché j & à 2 lieues & demie de Hédé , fa Sub-
délégation & fon reffort. On y compte 600 communiants : la
Cure eil à l'alternative. Le territoire , qui eft affez bien cultivé,
produit des grains de toutes efpeces & du cidre. La Seigneurie
du Bois - G effroi devoit , en 1290, un ChevaUer à la Com-
pagnie du Baron de Vitré , lorfqu'elle étoit au fervice du Duc
de Bretagne. Cette Terre a haute- Juftice qui appartient à M. de
Bavalan.
SAINTE-MARIE-DE-PORNIC ; fur la côte; à 10 Heues un
quart à l'Ouell-Sud-Oueft de Nantes , fon Evêché ; à 16 lieues
de Rennes j & à 4 lieues un tiers de Paimbœuf , fa Subdélégation.
On y compte 1 200 communiants : la Cure eft un Prieuré à la
nommation de l'Abbé de Pornic. Le territoire , borné au Sud
par la mer, eft fertile en grains & très-bien cultivé. L'an 105 1,
Glevian , Prince de Becon au pays d'Herbauges , donna à l'Ab-
baye de Redon l'Eglife de Sainte-Marie-de-Pornic , la moitié de
fes dîmes , & quelques autres domaines : Airard , Evêque de
Nantes , confentit à ce don. La Guerche & le Bois-Macé , avec
s A I 35t
hautes- Juftices, appartiennent à M. de Chevîgné du Bois de ChoUet:
Breff & Sableau , moyenne-Juftice , à M. ie Prince de Condé.
SAINT-MARS-DE-COUTAIS ; fur la rivière du Tenu ; à 4
lieues au Sud-Oueft de Nantes, fon Evêché & fon reflbrt ; à 26
iieues de Rennes; & à.3 lieues un quart de Machecou , fa Subdé-
légation. On y compte 1350 communiants: la Cure efl à l'Or-
dinaire. Le territoire , en partie compoi'é de marais qui le trou-
vent le long de la rivière du Tenu , fur laquelle le bourg efl
fîtué , & le long du lac de Grand - Lieu , ell très- exactement
cultivé , & produit abondamment du grain, du foin , & une petite
quantité de vin. Cette ParoifTe a une hauteJuftice , qui appar-
tient à M. Boux de Saint-Mars.
Saint-Mars-de-Coutais eft très-ancienne , puifqu'il eft reconnu
que le fameux Saint-Amand y prit naiflance l'an 588 , au villacre
d'Herbauges , fitué fur le bord du lac de Grand-Lieu : il fut
Evêque de Macotrich , & gouverna plufieurs autres Eglifes.
Après avoir rempli toute la Gaule de l'éclat de fes vertus 6c du
fruit de fes travaux Apoftoliques , il fe retira dans un Monaftere
qu'il fonda auprès de Tournai , & dans lequel il mourut , le 6
Février 679. Sur la fin du feizieme fiecle , on en faifoit l'Ofîice
à trois leçons à Nantes , avant que le Clergé de ce diocefe eût
adopté le Bréviaire Romain. On remarque dans ce territoire les
veftiges d'un ancien château , que les habitants appellent la
Motte - Margolle j château qui , félon la tradition , appartenoit
jadis aux anciens Seigneurs de Retz. Au bord de la rivière du
Tenu , à l'endroit nommé le Pon-Beffon , efl une pierre adoffée
& foutenue , d'un côté , par un ravin fort efcarpé , & de l'autre
par deux pierres de camp , de forte que cette énorme pierre
couvre une chambre ou galerie , que les habitants de l'endroit
appellent la Salle des Fées , & croient très - fermement que ces
êtres chimériques font les conftrufteurs de cette chambre , qui a
huit pieds de hauteur , y compris l'épailTeur de la couverture ,
fur dix pieds de largeur en quarré.
En 1308 , Nicolas de Guemené , Curé de la ParoifTe de Saint-
Mars-de-Coutais , fut député vers Clément V. (Voyez Nantes ,
année 1308.) La maifon d'Ardennes appartenoit, en 1420, à
Alain du Croifil , Juveigneur d'Ardennes; & le Bois-Jouan, à
Jean Gallery. En 1591, le Duc de Mercceur fit afliéger le châ-
teau de Saint-Mars-de-Coutais , qui fut auffi-tôt emporté. Ce polie
ouvroit le pays de Retz.
2 21 S A I
SAINT -MARS -DE- LA -JAILLEj fur la rivière d^Erdre, &
fur la route d'Ancenis à Chateaubriand ; à lo lieues au Nord-
Nord-Eil de Nantes , fon Evêché & fon reffort ; à 1 5 lieues &
demie de Rennes i & à 5 lieues d'Ancenis , fa Subdélégation. On
y compte 800 communiants : la Cure eft à l'Ordmaire , quoique
l'Abbé de Saint - Nicolas d'Angers , qui préfente le Prieuré , fe
prétend auiïï le préfentateur de la Cure. Le territoire , plein de
vallons , de coteaux , & de monticules , offre à la vue quelques
petits étangs , des bois , la forêt de Saint-Mars qui contient en-
viron fix cents quatre-vingts arpents de terrein en bois taillis ,
des terres en labeur , des prairies , & des landes , parnculiére-.
ment au Nord & à TEft de fon clocher. Ce territoire fe termine,
à un quart de lieue àl'Eft, à la province d'Anjou.
Le château ou la maifon feigneuriale de Saint-Mars-de-la-Jaille
fut bân, vers l'an 1334, par Jean de la Porte j il pafîoit jadis
pour une place très -forte. Le 15 Décembre 1595, le jeune
Malaguet , un des plus rufés Capitaines de fon temps , entre-
prit de furprendre le château de Samt-Mars, qui étoit du parti
du Duc de Mercœur , pour le foumettre au Roi Henri IV. Le
jeune mihtaire fe déguifa en fille , s'avança jufqu'auprès du
pont du château ; fuivi de deux foldats déguifés en payfans , &
les larmes aux yeux , il demanda à parler au Capitaine Saulaye
qui commandoit dans la place. La fentmelle donna dans le piège ,
& baiffa le pont-levis pour les faire entrer. Il paya cher fon
imprudence , Malaguet lui caffa la tête d'un coup de pillolet ,
& jetta fon corps dans le foffé. Malaguet , l'aîné , qui étoit en
embufcade , parut fur le champ , pénétra dans le château avec
fa troupe , fe rendit maître de la place , & la foumit au Roi
qui fit démolir les fortifications en 1598. En 1774? le château
tomboit en ruines, M. de la Feronnaye , Seigneur propriétaire
de cette place , le fit rebârir à neuf dans le goût moderne.
Cette Seigneurie a une haute -Juftice , & jouifloit ci-devant du
droit de quintaine , du droit de ban & de guet fur les vaffaux
de ce château : c'eft à M. de la Feronnaye à qui appartient
aujourd'hui cette place.
SAINT- MARS -DU -DESERT; fur une hauteur; à 4 lieues
un quart au Nord-Nord-Efl de Nantes , fon Evêché & fon reffort ;
à 1 8 Heues & demie de Rennes ; & à 4 lieues d'Ancenis , fa
Subdélégation. On y compte 1000 communiants : la Cure eft
préfentée par le Chapitre, Le territoire , coupé de vallons ^
s A I 333
renferme des marais , des terres en labeur , quelques prairies ,
& des landes. On y voit les maifons nobles de la Roche-For-
diere & de Caderan.
SAINT-MARTIN-DES-PRÉS i à 19 lieues à l'Eft-Nord-Ell de
Quimper , Ion Evêché & fon refTort j à 22 lieues de Rennes j
& â I lieue de Corlai , fa Subdélégation. On y compte 1300
communiants : la Cure eft à l'alternative. Des terres en labeur,
des prairies , quelques petits bois , des landes , & des arbres
fruitiers, voilà ce qu'on apperçoit dans ce territoire. Clehuorant,
haute, moyenne, & bafle - Jufliice , à M. de l'Iile j & Ker-vert ,
haute-Juftice , à M. de Kervert.
SAINT-MARTIN-SUR-OUST ; à 8 lieues à l'Eft-Nord-Efl de
Vannes , fon Evêché ; à 1 3 lieues de Rennes ; & à 3 heues de
Maleftroit , fa Subdélégation. Cette Paroifle reflbrtit à Ploermel ,
& compte 1200 communiants: la Cure eft à l'alternative. Le
territoire , coupé par la rivière d'Ouft , offre à la vue des terres
bien cultivées , des prairies fertiles , quelques bois , des arbres
fruitiers , & des landes. On y voit les maifons nobles de la
HoufTaye , avec moyenne & baffe - Juftice ; elle ell fituée dans
la prairie de fon nom. Cette Terre eft poffédée , de temps im-
mémorial , par les Seigneurs de ce nom , lefquels , dès le dou-
zième fiecle , paroiffoient avec diffinftion dans la province , &
y ont joui depuis de plufîeurs titres d'illuffration. En 1 200 ,
Alain de la Houffaye avoit la quaHté de Chevalier , & on voit
cette qualité continuée dans fes defcendants.
Euffache de la Houffaye fut nommé , en 1379, Maréchal de
Bretagne , par les Seigneurs & Nobles de la province , ailociés
pour s'oppofer à l'mvafion du pays : il fut depui» nommé Am-
baffadeur , tant pour le Duc , auprès du Roi d'Angleterre , que
pour les Seigneurs Bretons auprès du Duc , alors retiré en An-
gleterre , & fut depuis employé dans les emplois les plus dif-
tingués , également que fon frère , OUvier de la Houffaye , qui
fe voit employé, en 141 8, avec dix Ecuyers de fa Compagnie.
En 1373, Alain de la Houffaye avoit une Compagnie d'un
ChevaHer & de vingt-huit Ecuyers.
Alain de la Houffaye , Chevalier , Seigneur dudit lieu , chef
de la branche aftuelle de la Houffaye qui cxifte maintenant
en Bretagne , fut un des Seigneurs qui ratifia le traité de Gué-
rande. Guillaume de la Houffaye, ion fils, ell employé, en
354 ~ SAI
1379, pour cent trente-cinq livres tournois d'or, tant pour ùs
gages que pour ceux de deux Chevaliers Bacheliers , & fept
Ecuyers de fa Compagnie. Jehan de la Houflaye , fils du pré-
cédent, eft* compris dans les comptes de Hamon Raguier , Tré-
forier des guerres -, en qualité d'Ecuyer. Jehan , fon fils, en 1442,
accompagna le Connétable au fîege de Sainte - Severe en Lan-
guedoc : le Sire de la HoufTaye cil appelle , parmi les Bannerets ,
aux Etats tenus à Vannes, en 1455. Depuis ce temps, les Sei-
gneurs de ce nom n'ont point celle de fe diftinguer au fervice ,
tant des Ducs de Bretagne que des Rois de France , depuis
l'union de cette province à la Couronne ; & tous ont pris des
aUiances dans les meilleures maifons nobles de la Bretagne.
Cette Terre appartient maintenant à M. Louis - Jofeph de la
Houflaye , Chevalier , Seigneur dudit lieu , ancien Capitaine d'In-
fanterie , lequel , de fon mariage avec Dame Charlotte Drouet
de la Regontais , a quatre fils , qui font : François-Marie-Jofeph ,
Chevalier de Saint-Louis , Lieutenant des vaifleaux du Roi ; Euf-
tache , Capitaine d'Infanterie -, Hyacinthe , Garde de la Marine 5
& Vincent-Auguflin , Chevalier de Malte.
La Terre de la Galiafier & la Touche-ronde , avec chacune
moyenne & baflTe-Juftice , appartiennent à M. de la Houflaye :
Catelan , haute , moyenne & balIe-Juftice ; cette Terre , poflédée
anciennement par les Seigneurs de ce nom, d'une des plus an-
ciennes maifons de Bretagne , étoit pafl^ee dans celle de Carné ,
dont elle a repafl^e dans celle de Catelan , qui la poflTede à pré-
fent également que celle de Trelan.
La Luardaye, moyenne & bafle-Jufl:ice , pofl^édée ancienne-
ment par les Seigneurs de Saint - Martin de Kerpontdarmes ,
maifon éteinte en cette Paroifle j enfuite par les Seigneurs de
Cicé , & aujourd'hui par M. Guerin , Procureur fifcal de
Ps.ochefort.
L'Aulne , à Madame le Douarin de Trevele61:.
SAINT-MATTHIEU-DE-FINE-TERRE j au bord de la mer ;
à 1 5 lieues au Sud-Ouefl: de Saint-Pol-de-Léon , fon Evêché -, à
5 2 lieues de Rennes j & à 4 lieues de Brefl: , fa Subdélégation
6 fon reflx)rt. On y compte 250 communiants : la Cure eft
préfentée par l'Abbé de Saint-Matthieu. Le territoire , borné au
Sud & à l'Ouefl: par la mer , efl très-exaftement cultivé & très-
fertile. L'ancien port de Liogan , bâti en briques , & fltué entre
Saint-Matthieu 6c le Conquet , n'efl: préfentement qu'une petite
SAI 35Î
rade foraine , Se (e nomme la rade de Lwcam, La couleur de la
terre , pleine de fable blanc & de talc , efl: brillante & fort belle.
L'Abbaye de Saint - Matthieu , Ordre de Saint - Benoît , fait
partie de cette Paroifle. Elle efl très -ancienne , & bien des
hiftoriens prétendent qu'elle fut fondée par Saint Tangui , Soli-
taire , qui vivoit en 572. Hervé, Vicomte de Léon, donna
toute la Terre de Saint-Matthieu aux Moines de cette Abbaye ;
&,en reconnoiiïance de ce bienfait , l'Abbé & les Moines arrêtè-
rent, le 10 Juillet II 57, que leur bienfaiteur participeroit à
tous les Offices qui feroient célébrés dans leur EgHfe. Au mois
de Janvier 1296, une flotte Anglaife de plus de trois cents
cinquante voiles, arriva à Saint - Matthieu pour y prendre des
rafraîchiflements. Ces étrangers ayant été mal reçus des Bretons ,
s'en vengèrent d'une manière éclatante. Ils pillèrent l'endroit,
forcèrent l'Abbaye , enlevèrent tous les ornements de l'Eglife ,
& fe faifirent même de la tête de Saint Matthieu qu'on y
confervoit très-refpe6lueufement j mais l'Amiral Anglais n'efpé-
rant pas , félon toutes les apparences , retirer un grand profit
de cette Relique, il la fit rendre aux ReHgieux. En 1332, le
Duc Jean 111 permit à ces Moines de bâtir une fortereiîe pour
fe mettre à l'abri des infultes des ennemis. Dans un Chapitre
tenu par Guillaume , Abbé de Saint-Matthieu , on régla que les
Prieurs de Goèio & Forell: diroient , à perpétuité, trois MefTes,
par femaine , pour les Seigneurs de Léon , bienfaiteurs de ce
Prieuré & de l'Abbaye de Saint-Matthieu. En 1374, le Comte
de Montfort arriva d'Angleterre avec une flotte conlidérable , &
débarqua à Saint-Matthieu, dont il traita cruellement les habitants,
qui tenoient pour Charles de Blois , fon compétiteur.
Le 29 Juillet 1558, une flotte Anglaife & Flamande dé-
barqua au havre du Conquet , & une partie des ennemis fe
rendit à Saint-Matthieu , dont elle pilla les habitants , & brûla
enfuite l'Eglife avec cinquante maifons. L'Abbaye ne fut pas
épargnée ; ils prirent les facraires qui étoient d'argent doré ,
deux paires d'orgues , beaucoup de livres , deux clociies , avec
tous les ornements de l'Eglife , & enfuite mirent le feu au
Couvent. L'incendie confuma le dortoir , la lacrilHe , une partie
de l'Eglife , les dehors de l'Abbaye , les greniers , l'auditoire ,
& les halles. La perte des Moines fut évaluée à fix mille livres
monnoie du temps.
SAINT - MAUDÊ -, fur une hauteur ; à 4 lieues &: demie au
33^ S AI ■
Sud - Sud - Ouefl de Saint - Malo , fon Evêché j à 1 2 lieues de
Rennes ; &c k i lieue & demie de Dinan , fa Subdélégation.
On y compte 250 communiants. Le territoire renferme des
terres bien cultivées , quelques prairies , un petit bois , & des
landes. L'Eglife eu dédiée à Saint Maudé , qui , félon quelques
écrivains , étoit fils d'Ereleurs , Roi d'Hibernie , qui confacra ce
fils à Dieu avant fa naifîance , comme la dîme de fa famille.
Maudé arriva, difent-ils , en Bretagne vers l'an 528 , & fe re-
tira où eft aujourd'hui la ParoifTe de Lanmodez , dans le diocefe
de Tréguier , & après fa mort on conilruifit l'Eglife paroif-
fiale qui lui fut dédiée , & qui porte encore aujourd'hui fon
nom. On prétend que dans la fuite elle fut donnée aux Tem-
pliers. On remarquoit encore , il y a quelques années , les vef-
tiges d'un cloître &: des figures en bas relief autour de la
Croix du cimetière , qui annoncent être de la plus grande anti-
quité. L'ancienne Eglife , qui étoit très-belle , ne pouvant fubfifter
par fa vétullë , vient d'être reconlliuite fur un nouveau plan.
La Cure ell un Prieuré , avec * haute - Juftice , préfenté par
FAbbé de Montfort , & c'efl le Refteur ou Prieur qui eft Sei-
gneur de la ParoifTe. Le château Thomas eft une maifon noble
qui appartient à M. Thomas Goyon.
SAINT-MAUGAN j à 12 lieues au Sud de Saint-Malo , fon
Evêché ; à 7 Heues de Rennes , fon refîbrt ; & à 2 heues de
Montfort , fa Subdélégation. On y compte 750 communiants:
la Cure eft préfentée par l'Abbé de Saint-Jacques de Montfort.
Le territoire , coupé au Sud par la rivière de Muel , offre à
la vue un terrein plan & couvert d'arbres , des terres bien
cultivées , quelques prairies , & des landes. La maifon noble
du Vau-Ferrier, avec haute - Juftice , appartenoit , en 1370, à
Jean de Vau-Ferrier , & aujourd'hui à M. du Vau-Ferrier, de la
même famille : en 1400 , la Haye-des-Hêtres & la Baffe- Ardaine,
à Jean du Vau-Ferrier; aujourd'hui, avec moyenne - Juftice , à
M. Thomas de la Baffe -Ardaine : la Sanneliere , à Louis de la
Chaffe j Montorai, à Jean Damont de la Regneraie j la Mouf-
fardiere , à Guillaume de Saint-Malon j la Houffaye , à Pierre
Godet j & la Cognardiere , à Briant de Miniac. -
SAINT-MAURICE-DE-CARNOET -, Abbaye de l'Ordre de
Cîteaux; à 10 lieues à l'Eft-Sud-Eft de Quimper , fon Evêché j
à 3 1 heues de Rennes ; Se k i lieue 6l demie de Quimperlé.
Cette.
. ^^ ^ , 337
Cette Maifon , fituée près la rivière de Laîta , à l'entrée de la
forêt de Carnoët , fut bâtie , l'an 1 1 70 , par Saint Maurice ,
avec l'agrément du Duc Conan IV, qui, outre l'emplacement,
donna encore plusieurs autres domaines à ce faint Relif^ieux.
Saint Maurice, premier Abbé & fondateur de ce Monaftere,
étoit né en la ParoiiTe de Loudéac , au diocefe de Saint-Brieuc ;
il tira tous fes Religieux de l'Abbaye de Langonnet , dont il
avoir été ci-devant Abbé , & gouverna fagement fon Monaftere
jufqu'au 5 O6}obre 1191 , jour de fa mort. Cette Abbaye a
confervé le nom de fon fondateur. Guillaume de Kerifper ,
Abbé de Saint - Maurice , fit faire , en 1 407 , le chœur de
l'Eglife & plusieurs ornements. Henri de Coeflrieux fit faire les
chaires en 1472 j la belle Croix de vermeil, qui fe confervé
dans l'Abbaye , eu due à l'Abbé Bizien de Kerampuil , qui la
donna en 1505. Pierre du Vieux - Châtel , pourvu de cette
Abbaye en 1583, fit travailler aux réparations des bâtiments
de fon Abbaye , qui ayoient été très-négUgés par fes prédécef-
feurs. Il étoit occupé de ces travaux, lorfque, pendant les hor-
reurs de la Ligue en 1590, il fut tué par des payfans. La
forêt de Carnoët appartient au Roi j ^elle contient mille quatre
cents arpents de terrein en futaie & taillis , & plus de fix
cents arpents en landes , où Ton pourroit faire avec fuccès des
plantations., fi le fol n'étoit pas propre au grain.
On voit encore les vefiiges de l'ancien château de Carnoët,
qui avoit fon parc avec fa forêt , anciennement appellée de
Mendaon. Les Ducs y réfidoient quelquefois. La forêt avoit alors
plus de fept lieues de périphérie , & étoit entourée de douves &
de murs dont on connoît encore la continuité. Ces douves &
ces murs pafToient la rivière de Laita , & renfermoient , du côté
de Vannes , des bois taillis d'une étendue confidérable , bien
diminués depuis ce temps j mais ce qui en refie dépend tou-
jours de la forêt : ils font appelles les bols du Duc , comme ces
immenfes clôtures font appeilées les murs du Roi. Dans les en-
virons , on trouve plufieurs veftiges de retranchements.
SAINT-MAYEUX ; à 18 lieues à l'Eil-Nord-Ell de Quimper,
fon Evêché ; à 22 lieues de Rennes; & à 4 lieues de Quintin,
fa Subdélégation. Cette Paroifle reffortit à Plocrmel , & compte
2700 communiants , y compris ceux de Caurcl & du Vieux-
Marché , fes trêves : la Cure eft à l'altc rnati\e. Le territoire
offre à la viic des terres en labeur , quelques prairies , beaucoup
Tome IF. V 2
358 SAI
de landes, Se des mines de fer. Le manoir de Saint -Dridaiî
appartenoit , en 1450, à Henri Rouffeau.
SAINT-MEAUDAN ; à 9 lieues au Sud de Saint-Brieuc , fon
Evêché j à 17 lieues de Rennes ; & à 6 lieues de Joffelin , fa
Subdélégation. Cette ParoifTe refTortit à Ploermel, & compte
400 communiants : la Cure efl: à l'alternative. Le territoire , arrofé
des eaux de la rivière d'Ouft & coupé de ruifleaux , renferme
des terres bien cultivées , des prairies , & des landes -, il produit
du cidre.
SAINT - MÉEN ; gros bourg , fur la route de Dinan à Ploer-
mel j à 1 1 lieues au Sud-Sud-OuefI: de Saint-Malo , fon Evêché j
à 8 lieues trois quarts de Rennes ^ & à 3 lieues de Montauban ,
fa Subdélégation. Cette ParoifTe reifortit à Ploermel , & compte
1500 communiants : la Cure efl: préfentée par les Direfteurs du
Séminaire. Trois grandes routes aboutilTent à ce bourg , où l'on
voit un Hôpital , & où il fe tient deux foires confîdérables de
befliaux par an , & un marché par femaine. Le territoire , cou-
vert d'arbres & buifTons , renferme la forêt de Saint-Méen , qui
appartient au Séminaire , & qui contient environ deux cents
quatre-vingts arpents , des terres bien cultivées , des prairies , Se
des landes -, il produit beaucoup de cidre. Les Jurifdi61ions de
l'endroit , font : Saint-Méen , haute- Juftice , à M. TAbbé de Saint-
Aubin ; Crouaix , haute-Juftice , à M. le Prieur Lazarifte ; l'Au-
mônerie , moyenne - Juftice , aux Millionnaires de Saint-Méen j
Couaridouc , baffe-Juftice , à M. de Couaridouc.
Le Monaftere de Saint-Méen fut bâti l'an 565 , fi l'on s'en
rapporte aux annales Eccléfiaftiques de France ; & , en 600 , fi
l'on en croit Dom Morice, Hillorien de Bretagne, par Saint
Méen, qui obtint, pour cet effet, l'agrément du Roi Hoël. Le
territoire étoit alors plein de bois & très-favorable à des Reli-
gieux qui doivent chercher la folitude. Saint Méen y appella
des Moines de l'Ordre de Saint - Benoît , Se les gouverna en
qualité d'Abbé. C'efl cette Abbaye qui a donné naiffance au
bourg , ou à la petite ville de Saint-Méen , que l'on appelle aufîi
Saint-Jean de Saint-Méen.
Hoël III , Roi de Bretagne , eut de Pratelle , fon époufe ,
vingt-un enfants. Judicaël , l'aîné de tous , prit l'habit de Saint-
Benoît , Se reçut la tonfure par le minillere de Saint - Méen.
Après quinze ans de folitude dans cç Monaflere , il le quitta ,
s A I 339
Se força Salomon , Ton frère , à lui céder la Couronne , qui lui
appartenoit en qualité d'aîné. Quelques-uns ont prétendu qu'il
ne quitta le cloître qu'après la mort de Salomon. Quoi qu'il en
foit , Judicaèl monta fur le Trône , & ne vécut pas en bonne
intelligence avec les Français. Le Roi Dagobert lui envoya
Eloy , depuis Evêque de Noyon , qui fe plaignit , au nom de
fon maître , des courfes & des ravages que les Bretons faifoient
fur les terres de fon obéifTance. Judicaèl, qui aimoit la paix, fe
rendit à la Cour de France pour terminer les différents à l'a-
miable. De retour ert Bretagne , Hoel, ennuyé du rang fuprême ,
ne tarda pas à abdiquer une Couronne pour laquelle il n'avoit
eu qu'un goût paiTager. Il reprit l'habit Monailique , qu'il porta
encore vingt ans, &: mourut dans fa folitude , le 17 Décembre
659. L'Eglife l'a mis au rang des Saints, & il elt honoré en
Bretagne fous le nom de Saint Gicquel , Roi des Bretons.
Ce Prince fit beaucoup de donations à fon Abbaye , &: en
augmenta considérablement l'édifice ; mais il fut ruiné fur la
fin du huitième fîecle , vraiferablablement par les Barbares du
Nord. Enogat, qui en étoit Abbé, étant devenu Evêque d'Aleth,
obtint du Roi Charlemagne la permifîion de le rebâtir , & ce
Monarque confirma à ce Monaflere tous les biens qui en dé-
pendoient. Louis le Débonnaire lui accorda la même faveur
en 816.
L'an 1 000 , Alain III , fils du Duc GeofFroi I , donna à Hu-
gueton , Abbé de Saint-Méen , les Terres & Seigneuries de Gaèl ,
de Trémorel , & de Quédillac , avec les forêts de Saint-Méen ,
de Recan , de Hâte , & de Treucar , fituées dans le voifinage
de fon Abbaye. De ces quatre forêts , nous ne connoifTons plus
que celle de Saint-Méen, alors très- étendue , & aujourd'hui
prefque réduite à rien. Quand Alain fut fur le Trône , il établit
à Saint-Méen un change d'or & d'argent , avec permifTion
à l'Abbé & aux Moines d'en haufTer ou baiffer le prix. Comme
ce Monaflere avoir été ruiné par les Normands, le Duc & la
DuchefTe Havoife , fa mère , chargèrent l'Abbé de Saint - Jacut
de le rétablir. Il exécuta ces ordres d'autant plus facilement
qu'on lui fournit tout l'argent dont il avoit beibin.
En II 50, les Religieux de Saint-Méen, voyant le défordre
qui regnoit dans leur maifon , tant par la négligence de leur
Abbé que par leur propre inexaditude , réfolurent de le dé-
ofer & d'en élire un autre plus digne d'occuper cette place.
Is firent part de leur dcffein a l'Archevêque de Tours , qui
r.
340 S A I
les approuva , Se qui confirma même Téleftion qu'ils en avoient
faite ; mais dans la fuite il changea de fentiment. Le nouvel
Abbé fut perfécuté par fes Ordres , & même traité indignement.
Les Moines de Saint-Méen , voulant mettre fin à tant de fcan-
dales, écrivirent au Pape Eugène III. Nous ignorons la fuite
de l'affaire.
L'an 1182, Raoul, Evêque d'Angers; Herbert, Archidiacre
de la même ville ; & Simon , Abbé de Savigni , rendirent un
Jugement qui porte, que les Moines de Paimpont doivent re-
connoître & honorer , comme leur légitime Abbé , celui de Saint-
Méen , & qu'on ne doit point nommer de Prieur à Paimpont ,
fans le confentement de l'Abbé & des Moines de cette Abbaye.
Pierre CornuHer , Evêque de Rennes & Abbé de Saint-Méen ,
efi: le fondateur du bel Hôpital qui fert à loger 'les pauvres &
les pèlerins qui viennent en voyage à Saint-Méen pour la galle
ou lèpre blanche. Ce Prélat mourut le 22 Juin 1639. Achille
de Harlai de Sanci , Evêque de Saint-Malo , fut nommé à l'Ab-
baye de Saint-Méen au mois d'Août 1639, ^' ^^ ^^ Oftobre
1643 , il. obtint la permifiion d'ériger un Séminaire dans cette
Abbaye. Cette permifîion fut confirmée par lettres-patentes du
mois de Mars 1 646 , portant union de la Menfe conventuelle des
offices clauftraux & des bâtiments de l'Abbaye au Séminaire qui
avoir été donné aux Lazariftes. En 1400 , ce territoire renfermoit
les maifons nobles du Bois-Riou, à Jean des Salles, & de la Gra-
velle , à Georges Befchart.
SAINT-MELOIR-DES-ONDES ; â i lieue trois quarts à l'Efl
de Saint-Malo, fon Evêché & fa Subdélégation; & à 13 lieues
de Rennes. Cette ParoilTe refTortit à Dinan , & compte 1700
communiants : la Cure eft préfentée par l'Abbé du Mont-Saint-
Michel , dont les Moines ont deffervi cette Cure jufqu'en 1515:
qu'on y nomma un Prêtre fécuHer. La haute-JulHce de l'endroit
appartient encore au Mont-Saint-Michel. Ce territoire, borné
à l'Ell: par la mer , eil: traverfé du Nord au Sud par un côteau-
Les terres font très-fertiles & très-exaftement cultivées. On re-
marque plufieurs maifons nobles dans cette Paroiffe. Celle nom-
mée le château Richeux , appartenoit , en 1 090 , à Bertrand &
Ohvier du Guefclin , frères , qui avoient chez eux un neveu ,
nommé Pierre , avec lequel ils s'enrôlèrent pour le premier voyage
de la Terre-Sainte, en 1096. Bertrand du Guefclin II du nom,
dit k Jeune , fut obligé , en 1 1 60 , d'abandonner fon château
s A I 341
Richeux , parce que , dans ces temps de guerre , cette place ,
fîtuée au bord de la mer , étoit expofée à tous les ravages des
ennemis. Il fe retira dans la Paroifle de Saint-Coulomb , dont
la Seigneurie avoir été acquife par fes ancêtres.
En 1 500, les maifons nobles de Saint-Meloir-des-Ondes étoient:
le Prieuré , aux Moines du Mont-Saint-Michel j Treleix , à Jac-
ques de la Motte ; Limonaye , à Jean l'Evêque j Vauleraut , à
Catherine Remelin -, Tronc-Noble, à Raoul Houel ; la Chapelle-
Maltere , à Jean Martin : la Coudre , à Rolland Rouxel ; aujour-
d'hui, avec moyenne-Juftice, aux héritiers de M. Bâillon : les
Clos-Nobles , à Guillaume de Chateaubriand , Sieur de Beaufort j
la Tréhaunai , à Jean Cohu: le Fléchai, à Henri de Québriacj
aujourd'hui à M. le Fer de la Bargoulai : la Jaunaye , à Oli-
vier Chaton ; le Pont-Perrin , à Berthelot Chevaher -, la Ville-
Volans , à Jean le Filleux ; la Bardoulaye , à Etienne Bardoul ;
Limonaye , à Jean le Clerc 5 la Prohorie , à Henri Main -, les
Fouefnays , à Hamon Martin j la Ville-Aufrai , à Jean Bonnierj
Langanan, à Gilles Barlet ; la Villes-Gilles, à Guillaume Tirgot;
la Barbotaye , à Etienne Picot ; Tregeuri , à Rolland Poile\'é ;
le Tertre, à Raoul Regnaud. En 1572, Jean le Gobien, Séné-
chal de Saint-Malo , pofTédoit la maifon noble des Douets.
Charles le Gobien fut Chevalier de Saint-Michel, & Guillaume,
Dofteur de Sorbonne. La Terre des Douets, avec baffe- JulHce,
appartient préfentement à M. de la PaHer-Chrifti : les Landes ,
haute-Juftice , à M. de Nouail , qui poffede auffi la Virgile ; le
Val-Ernoul , moyenne-Juffice , à M. Robert de la Mcnnais ; la
Chenais-au-Boutciller , à M. de Treffes ; la Reinbaudais & le
Haut-Affis , baffe-Juftice , à M. Hébert de la Porte-Barré ; Blef-
fain , baffe-JulHce , à M. de la Pluffinais le Breton ; le Pavillon,
à M. du Chênaie-Poulain j la Jaunaye, à M. du Clos-Joliff ; la
Blanche, à M. Grou de Belefmc j le Parc & le Bois-Garin, à
M. du Bois-Garin-Magon; le Parc des Ormes, à M. de Samt-
Gilles i Beauregard , à M. de la Boifîiere, ancien Conieiller au
Parlement; &C Vautouraude, à M. du Fougerai-Garnier. Il y a
quelques années que l'on trouva , dans un champ de terre dé-
pendant de cette maifon , plufieurs morceaux de fonte : ces
morceaux reffemblent à des bayonnettes ou à des couteaux
de cuifine.
SAINT-MELOIR-PRÉS-EOURSEUL; à 7 lieues &: demie à
POueft-Sud-Cueil de Dol , Ion Evéchéjà 12 lieues de Rennes j
î4^ S A I ^ ^ ^
& à < lieues de Lamballe , fa Subdélégation. Cette Paroiffe ref-
fortit à Dinan , & compte 250 communiants: la Cure eft à
l'Ordinaire. Le territoire , couvert d'arbres & buiflbns , renferme
des terres en labeur , des prairies , & des landes ; on y fait du
cidre. Tremigon eft une famille ancienne en Bretagne. Evrard
de Tremigon fut Evêque de Dol en 1385. Triftan de Tremigon
fut Chevalier de l'Ordre du Roi. Les maifons nobles fuivantes
exiftoient , en 1500, dans cette ParoifTe : la Porte , à François
le Febvre ; Saint-Samfon , à Olivier Hus ; le Bois-Roland , à
Raoul le Begafîbux ; la Villeras , à Louis du Fournet j la Ville-
Rue appartient à M. de Tremigon j & le Mirois , à N.....
SAINT-MELOIR-SOUS-HÉDÉ ; dans un fond ; à 5 lieues
un tiers au Sud de Dol , fon Evêché ; à 5 lieues deux tiers de
Rennes ; & à deux tiers de lieue de Hédé , fa Subdélégation &
fon reflbrt. On y compte 600 communiants : la Cure eft à
l'Ordinaire. Cette Paroiffe eft enclavée dans le diocefe de Saint-
Malo 5 & le territoire eft plein de monticules & de vallons. On
y remarque des terres en labeur , quelques prairies , des landes ,
& des arbres à fruits j on y connoît la maifon noble de la Bar-
botay : on y voit un monument des Romains , qui s'eft très-bien
confervé. Ce font quatre pierres anciennes, en forme d'étoiles,
dont l'une eft creufe & percée pour laifter couler la liqueur des
libations que les Payens faifoient en l'honneur des morts. On
y lit cette infcription:
IMP, CAES.
AVONIO'FICTORINO
F: E: F: I:S: C O
qu'on veut interpréter ainfî :
Imperatori Ccefarl y Avonio P^i&onno ^ patrl exercituum , Pnn-
cipi invicio , S enatus-confulto , libenus ejus vivens curavit j ou , ft
on aime mieux : Imperatori Cœfarl , Avonio Viclorino , pio ,
feiici 5 Principi invicio , S enatus-confulto , legatus ejus vovet , con-
fecrat. Car il paroît qu'au lieu de F, E, comme dit Lobineau,
il faut lire F. F. on trouve Avonius F, F, mais jamais Avo-
nius F, E, Viftorinus fut tué par fes foldats en 267 , ou au
commencement de 268 , & fut fur le champ mis au nombre
s A I 34J
des Dieux. Sur quelques monnoies , on trouve Plvanlus , Plavo-
nius , & Piovonius , au lieu de XAvonius de notre infcription. En
1728, on imprima à Paris, chez Simart , que les lettres P. I,
foit qu'elles fuflent mifes avant ou après le mot Avonio , don-
noient le même fens , & iignifioient Prince invuicibU,
SAINT-MERVON ; à 10 lieues au Sud-Sud-Ouefl de Dol,
fon Evêché j à 7 lieues de Rennes , fon reflbrt ; & à i lieue
de Montauban , fa Subdélégation. On y compte 300 commu-
niants : la Cure efl: à l'alternative. Cette Paroifî'e fe trouve en-
clavée dans le diocele de Saint-Malo. Le territoire , couvert
d'arbres & buiiïons , renferme des terres en labeur , des prai-
ries, & des landes.
SAINT-MESMES -, fur la rivière du Tenu ; à 6 lieues au Sud-
Oueft de Nantes, fon Evêché & fon reflbrt ; à 28 lieues de
Hennés ; & à i lieue de Machecou , fa Subdélégation. On y
compte 500 communiants : la Cure eft à l'Ordinaire. Le terri-
toire ell excellent , & produit du froment & des pâturages en
abondance. La rivière du Tenu forme , dans cette Paroilie , un
petit port très- fréquenté par de petites barques qui vont à
voiles & à rames lur cette rivière , qui communique d'un côté
au lac de Grand-Lieu , & de l'autre à la Loire. Ce port
feroit bien plus avantageux fi l'on creufoit un canal dans la
longueur feulement de trois quarts de lieue , c'eil-à-dire , jufqu'à
Machecou , où il fe joindroit avec le canal qui de Machecou
communique à la mer : alors le canal que nous avons pro-
pofé pour Saint-Jean-de-Corcoué , pour Saint-Mefmes , y auroit
aufTi communication 3 & alors le fertile pays de Retz devien-
droit fans doute le plus riche de la France. La province a
déjà commencé à fcivorifer le commerce de Saint-Mefmes,
puifqu'elle a fait tracer un grand chemin qui conduit de ce
bourg à Machecou. Que l'on examine le local , & on verra
combien ce projet efl: digne de fixer l'attention , par les avan-
tages réels qu'il promet. En 1420, les maifons nobles de
l'endroit étoient : la Ganiere & le domaine du Bois-Foucaud ,
à Maurice Poilevin ; le temple & l'Ebergement du Pin, à Pierre
de la Landelle j l'Ebergement de Geneft-Jalian , à Jean le
Blanc ; la maifon de la Pichoterie , à Sylveftre Goui. Les
Moines de la Chaume avoient , dans le même temps , une
maifon franche dans la ParoiiTe,
344 S Aï
SAINT-MHERVÉ ; à 9 lieues un tiers à PEft de Rennes, Ton
Evêché & fon reflbrt j & à i lieue trois quats de Vitré, fa
Subdélégation. On y compte 2000 communiants : la Cure efl
préfentée par M. de Châteaugiron. Le territoire , borné à une
demi-lieue à l'Eft par la province du Maine , renferme des
terres très-exaftement cultivées , & produit beaucoup de cidre j
on n'y voit ni bois , ni landes. Au Nord du bourg , eu. un coteau
ik une monticule , nommée /a Piverdiere , qui forme un très-beau
point de vue. Cette montagne eil: traverfée par le chemin de
Vitré à Erné dans le Maine. La moyenne-Juftice de la Bourga-
tiere & la baffe-JuHice de la Malerie , appartiennent à M. de
la Bourgatiere.
SAINT -MICHEL-DE -CHEF -CHEF; à 10 lieues à l'Oueft
de Nantes, fon Evêché & fon reflbrt ; à 24 lieues de Rennes;
& à 3 lieues de Paimbœuf , fa Subdélégation. On y compte
600 communiants : la Cure efl à l'Ordmaire. Le territoire ,
borné à TOuefl par la mer, renferme des terres bien cultivées,
quelques prairies , & beaucoup de landes dont le fol paroît
mériter les foins du cultivateur. Les habitants font prefque tous
marins & pêcheurs , & voilà pourquoi l'agriculture eil ii négli-
gée dans cette ParoifTe. Charon , haute-Juilice , aux héritiers de
M. Michel; Souchais , moyenne-Juftice , à M. de Peillac.
Vers l'an 11 04, Garfire de Retz donna l'Eglife de Saint-
Michel -de-Chef-Chef à l'Abbaye de Saint- Serge d'Angers , qui
y établit une Communauté de Moines, qu'on y voyoit encore
en 1 206. Jean III du nom , dit de Maleftroit , nommé Evêque
de Nantes en 1 4 1 9 , acquit de Gilles de Retz la ParoilTe de
Saint-Michel-de-Chef-Chef , avec les Terres de Prigné , de Vue ,
du Bois-Tréan , & plufieurs autres fituées dans le pays de Retz ,
pour une fomme de quatorze mille écus d'or , ce qui feroit au-
jourd'hui deux cents mille livres.
SAINT -MICHEL -EN -GREVE; fur la route de Morlaix à
Lannion; à 5 lieues & demie à l'Oueft-Sud-Oueft de Tréguier,
fon Evêché; à 33 lieues de Rennes; & à 2 lieues de Lannion,
fa Subdélégation & fon reifort. On y compte 400 communiants ;
la Cure eft à l'alternative. Il fe tient dans l'endroit deux foires
confidérables par an. Le territoire , borné au Nord par la mer,
renferme des terres bien cultivées , & une grève de fable qui
commence à la fortie du bourg & qui peut contenir environ
douze
s A I 345
douze cents journaux de Bretagne. Vers le milieu de cette grève,
eft une croix de pierre plantée fur un rocher : elle eft couverte
pendant les grandes marées. Les habitants du heu prétendent
qu elle eft placée dans l'endroit où débarqua Samt Eflam , en
arrivant d'Irlande , fa patrie , & que cette grève étoit alors oc-
cupée par une forêt très-fpacieufe.
SAINT-MOLF; à 15 lieues à l'Oueft-Nord-Oueft de Nantes,
fon Evêché ; à 24 lieues de Rennes ; & à 2 heues de Guérande , fa
Subdélégation &: fon reffort. On y compte 800 communiants:
l'Eghfe & la Cure relèvent du Roi ; cette dernière eil à l'Or-
dinaire. Le territoire ell coupé au Nord par un bras de mer qui
procure aux habitants la faciHté de faire du fel. Au Sud , on
«pperçoit une immenfe étendue de landes , dont le fol paroit
mériter les foins du cultivateur ; mais comme la plupart des
habitants font marins , pêcheurs , ou paludiers , ils négligent
l'agriculture , ou l'abandonnent aux femmes , qui , quoique très-
aftives , n'ont point aflez de forces pour tirer de leurs terreins
tout le parti qu'on pourroit en attendre. Les maifons nobles de
cette Paroifîe , font : le grand & petit Quifillre, compofant , avec
la Terre de Tréhembert, en la ParoifTe de Mefquer , le Mar-
quifat de BecdeUevre ; Clin , moyenne Se baflb-Julbce, à M. de
Befné ; la Salle-Branguen , b a (Te- Ju iHc e , aux Jacobins de Gué-
rande ; Funfegat , à M. le Flo de Kerleau ; Ker-guenec , à
M. le Chauffi le Bois de la Cour, à l'Abbaye de Prières ^ &
Ker-eilrauvuil , à M. le Mée.
SAINT-NAZAIRE j au bord de la merj à 10 lieues & demie
à rOueft de Nantes, fon Evêché; à 23 lieues de Rennes; &
à 4 lieues de Guérande, fa Subdélégation & fon relfort. Cette
ParoifTe relevé du Roi ; on y compte 3000 communiants : la Cure
eft à l'Ordinaire. Le territoire eft très-bien cultivé &: fertile; il
produit toutes fortes de grains , le meilleur froment du Comté
Nantais , du vin de médiocre qualité , & beaucoup de loin.
On remarque néanmoins, dans cette ParoifTe , quelques landes,
& un banc de fable trcs-étcndu Sz traverfé par le grand che-
min de Savenai à Guérande. C'efl dans le bourg de Saint-
Nazaire que réfident prefque tous les pilotes qui entrent dans
la Loire les vaifTeaux marchands , & les conduifcnt à Paimbœuf.
Le port de Saint-Nazaire ne contient que des barques à caufe
du grand nombre de rochers qui fe trouvent dans ce port; ro-
Tome IF. X 2
?4^ S A I
chers contre lelqueîs fe briferoient infailliblement îes navires dans
les grands vents. 11 faudroit , pour la fureté de ce port , un mole
qui avançât au moins de cent cinquante toifes dans la mer. Alors
il en réfulteroit deux avantages : le premier , c'eft que ces barques
pourroient refter dans ce port à l'abri de ce mole j & le fécond ,
que les pilotes pourroient fortir , même pendant la tempête , pour
aller fecourir les vaiiTeaux qui font fouvent jettes par les vents à l'en-
trée de la rivière de Loire, où ils périfiént allez fouvent, parce
qu'il eu impofîible aux pilotes de fortir , dans le mauvais temps^
fans s'expofer à être brifés avant d'avoir évité tous les écueils
qui bordent la côte. Il fe tient un marché par femaine à Saint-
Nazaire. Il s'y exerce pluHeurs Jurifdiftions, fçavoir : la Motte-
Allemand , haute-Juftice , à M. le Chauff ; cette Terré étoit pof-
fédée , en 1400, par un de Volvire , enfuite par un Guema-
deuc ; en 1590, par N. le Valori de Seréac -, elle paffa depuis
à MM. de la Rouziere , qui la vendirent à MM. de la Haye
du Sable j le 29 06lobre 1770, M. de la Haye du Sable la
vendit à M. le Chauff, qui la poffede aujourd'hui : le Prieuré
d'Aine, haute-Juftice , à M. le Prieur j Bois-Jolan , haute-Juilice,
& Cleux, haute-Juflice , à M. de Ses-Maifons : Marzin , Vi- •
comté & Baronnie , & Cleux-Coyaun , haute-Juftice , à M. de
Viarme & aux héritiers de Madame de Langan ; le grand Hen-
ieix-Rofan, haute-Juftice, à M. Buart j Trébalé , moyenne- Juf-
tice , à M. de Crangal - Rote , les Boiilieres ;, moyenne - Juf-
tice , à Demoifelle Martine des Boiffieres ; Henleix-Pommerais ,
moyenne-Juftice ^ à M. de Kermaflbn ; le Pleffis , moyenne-Juf-
tice , & la Ville-au-Févre , moyenne-Juftice , à M. de Siltz j
Paquelais en Méan , bafle-Juftice, à M. de la Freloniere j Ben,
baiie-Juftice , à M. Jégo.
La Paroifle de Saint-Nazaire eft très-ancienne. L'hiftoire nous
apprend qu'en 5 77 la Bretagne étoit foumife à trois Comtes ,
& que Varoch , Comte de Vannes, le plus puifTant de tous,
avoit un château à Saint-Nazaire. Ce Prince , ayant refufé de
payer à Chilperic , Roi de France , le tribut ordinaire , fut
attaqué par une armée de Français , qu'il eut le bonheur de
vaincre. Varoch, victorieux, vient à Saint-Nazaire. Un de fes
Officiers apprend qu'on a fait préfent d'une riche ceinture au
Patron de cette Paroifte , & va pour s'en emparer j cet Officier
eft puni de mort. Varoch fe foumet au Monarque Français , &
lui donne fon fils pour gage de fa fidélité. Varoch enrichit
l'Eglife de Saint-Nazaire de plufieurs bienfaits. On lit dans i'rlif-
toire Eccléfiaftique du Père Thomaflin , qui parle d'après Gré-
goire de Tours , qu'à la fin du fixieme fiecle , un Abbé , ou
Curé de Saint-Nazaire , s'oppofa à l'enlèvement d'une offrande
faite à fon Eglife. L'auteur ne nomme pas le ravifleur , mais le
fait prouve que Saint-Nazaire avoit , dès ce temps-là , le titre
de Paroilfe.
f riold , Seigneur de Donges , fonda , en 1079, ^^ Prieuré
de Saint-Nazaire , auquel il donna une Chapelle dédiée a Saint
Jean-Baptifte ; il donna aufli quelques cantons de vignes & des
terres en labeur , avec une partie des dîmes , Se un four qu'il
avoit dans le bourg. En même temps , il inftitua une foire pour
la fête de Saint Jean-Baptifte. En 1178, il y eut une conteita-
tion entre le Chapelain qui deflervoit TEgHle de Saint-Nazaire
& les Moines du Prieuré du heu. Ces derniers vouloient par-
ticiper aux oblations de l'Eglife , & le Chapelain n'étoit pas dif-
pofé à les fatisfaire. Robert II , Evêque de Nantes , informé
de ces conteftations, les termina par un Jugement qui portoit,
que les Moines ne pouvoient avoir aucunes prétentions fur les
revenus de l'Eglife , comme le Chapelain n'en avoit aucunes
fur ceux du Prieuré.
L'an 1380, le château de Saint-Nazaire étoit gardé par une
forte garnifon, commandée par Jean d'UftÇ Capitaine expéri-
menté. Ce Gouverneur , ayant appris que les Efpagnols vou-
loient afîiéger fa place , fit des provifions en tous genres , &: fe
prépara à une vigoureufe réfiftance : il fit arborer, fur la plus
haute de fes tours, une enfeigne aux armes du Duc de Bre-
tagne, & fit dire aux Efpagnols que, s'il y avoit quelqu'un
parmi eux qui voulût faire le coup de lance avec lui , ou
combattre avec toutes autres armes , il fortiroit volontiers,
moyennant un fauf-conduit ; mais on ne lui fit point de réponfe.
Quelques jours après , l'Amiral Efpagnol , s'étant préfenté devant
Saint-Nazaire avec fa flotte, Jean d'Ult lui envoya dire par
un de fes Officiers, nommé Jean de Henleix ^ Seigneur de la
maifon de ce nom, dans la Paroiffe de Saint-Nazaue , que, s'il
vouloit mettre quelqu'un des fiens à terre , il lui feroit voir la
place , & qu'il donneroit un otage pour la fureté de celui qui
viendroit l'examiner. La propofition fut acceptée : un Efpagnol
fut député , & , d'après fon rapport , l'Amiral , jugeant que la
place étoit trop forte , abandonna fon projet , ^c lailfa d'Ull en
repos. Jean d'Ull étoit Seigneur du château d'Ull, maifon feigneu-
riale de Saint-Andié-des-Eaux , dans le voifinage de Saint-Nazaire.
348 S AI
Les ports & havres de Saint-Nazaire furent fournis au Siège
ro^al de Guérande , par Edit du 29 Mars 1564 , donné à
Troyes en Champagne.
Au mois d'Oftobre 1586, le Capitaine la Tremblaye marcha
à Saint-Nazaire avec fa Compagnie & quelques autres troupes
du Roi. Les foldats Français coupèrent la tête au Gouverneur,
& la portèrent au Prince de Dombes , qui étoit alors à Rennes,
Le Duc de Mercoeur fut très-irrité de cette cruelle exécution.
En 1624 , le Duc de Vendôme envoya un renfort de cent
hommes de troupes à Saint-Nazaire , qui étoit menacé par les
Calviniftes. Au mois d'Oftobre 1637, Monfieur , frère du, Roi,
partit de Nantes pour Saint-Nazaire , où il refta trois jours : nous
ignorons le fujet du voyage de ce Prince. En 1756, M. le Duc
d'Aiguillon fit conftruire , aux frais de la province , au bord de
la mer & dans le territoire de cette ParoiiTe , deux tours , fur
le fommet defquelles on allume des feux , pendant la nuit , pour
guider les vaiffeaux qui entrent dans la Loire. Ces deux bâtiments
utiles font nommés les tours d'Aiguillon,
A un tiers de Heue au Nord-Ouell de Saint-Nazaire, au mi-
lieu d'un champ , fe voient trois pierres , dont deux font prefque
enterrées; la troifieme , foutenue par les deux autres, peut pefer
fix milhers. Un p&ticulier de l'endroit, faifant creufer dans ce
champ , trouva une vingtaine de médailles avec les noms des
Empereurs Auguile, Claude, Néron, & Vefpafien. Il en donna
quelques-unes à M. de Pontcarré de Viarme , alors Intendant de
la province , & quelques autres aux Etats. Il en conferva en-
viron une douzaine. Cette découverte feroit croire que ces trois
pierres font un monument des Romains, vraifemblablement un
autel ou un tombeau. Une vieille tradition , confervée de père en
fils parmi les habitants , veut que le château où commandoit
Jean d'Ufl: en 1380, &: dont on voit encore les vertiges au-
près de i'Eglife paroiiïiale , qui occupe une partie de fon em-
placement , ait été bâti par Brutus. Cette opinion n'ell: peut-
être pas mal fondée j & , fi elle efl vraie , Saint - Nazaire eil
aufTi ancien que la ville de Tours , puifque l'hifloire nous apprend
que Brutus bâtit une tour pour fe défendre contre les attaques
des Rois d'Aquitaine , & que cette tour donna le nom à la
ville de Tours, capitale de la Touraine.
Il y a à Saint-Nazaire une ReHque que l'on dit être de la vraie
Croix , & qui efl en grande vénération parmi le peuple. On
afTure qu'il s'y efl opéré plufieurs miracles j mais les informations
s A I 549
qu'on a prifes fur les lieux , & la déclaration des perfonnes les
plus dignes de foi, ne contribuent pas à accréditer l'opinion du
peuple, qui ne paroît pas «tayée-de motifs bien puiflants. A
une demi-lieue au Sud-Oueft de Saiftt-Nazaire , efl: une Croix
révérée de tous les marins. Depuis un temps immémorial, tous
les navires qui pallent devant cette Croix W^iluent d'une dé-
charge de toute leur artillerie, pendant qufn^uipage chante
le Salve , Regiîia , & le Vcni , Creator , obleryant de laifTer un
intervalle fuffifant entre les coups de canons ; en revenant de
leur voyage , ils font encore une décharge de leurs canons ,
en paiïant devant cette Croix , & chantent le Te Dcum. La
Chapelle qui étoit dans cet endroit , a été convertie en corps-
de-garde. Tous les ans , le mardi de la Pentecôte , il s'y tient
une affemblée coniidérable. On croit qu'aux environs de cette
Croix ell un rocher qui renferme de l'aimant , & que cet ai-
mant fait varier la bouilole des marins. Ce qui le fait croire ,
c'eft que , dans ce canton , dans un champ nommé de Loime^
près la maifon de la ViUe-Martin, on trouve une grande quan-
tité de pierres d'aimant , pour peu que l'on creufe dans la terre.
Cette pierre ell de différente groffeur \ & , quoiqu'elle ne foit
point armée , elle attire néanmoins la limaille de fer.
Il y a foixante-dix à quatre-vingts ans qu'en fouillant dans le
grand cimetière de Saint-Nazaire , on trouva plufieurs cadavres qui
avoient plus de fept pieds de hauteur , &: dont quelques-uns
avoient encore des cafques. L'Eglife de Saint-Nazaire cil: avan-
tageufement fituée : elle efl comme une fortereffe , au bord de
la mer , & forme un très-beau point de vue. Dans le grand
cimetière , eil une ancienne Chapelle qui fert de corps-de-
garde.
SAINT-NIC 5 à 6 lieues au Nord-Ouefl de Quimper , fon
Evêchéj à 42 lieues de Rennes; & à trois lieues du Faou,
fa Subdélégation. Cette Paroilfe reiïbrtit à Châteaulin , &
compte 800 communiants : la Cure e(l: à l'akernative. Le ter-
ritoire , borné au Nord par les montagnes de Meneham qui
font pleines de rochers , au Sud par une lieue de grève , &:
à rOuefl par la baie de Douarnencz , eft encore traverfé par
la route de Quimper à Brell:, de manière qu'il \\y a qu'une
partie de ce terrein qui foit cultivée. Ajoutez à cela qu'on y re-
marque encore des landes qui font aflcz étendues. C'eit dans
ce territoire , vis-à-vis la baie de Douarnencz , que fe trouve
3^0 S A I
une montagne qui domine cette baie de plus de cinq cents pieds.
Cette montagne préfente trois fommets à-peu-près de forme trian-
gulaire. Sur celui à l'Ouefl: , eu une grande pierre plate , pofée
fur quatre piliers de pierre brute , de chacun quatre pieds de
hauteur : elle a trois pieds d'épaiffeur , feize de longueur , & fept
de largeur , fur une forme quarrée. Le milieu eft plus creux &
plus noir que les bords. Plus on examine cette pierre , plus on
fe perfuade qu'elle n'efl: pas de la même nature que celles qui
fe trouvent fur cette montagne. Ce qui rend ceci inconcevable , c'ell
la manière avec laquelle on l'y aura charroyée ou tirée. Sur le
fécond fommet , qui eft au Sud du précédent & à fix cents pas
plus loin , eft une petite plame d'environ trois cents toifes de
longueur fur trente de largeur, jadis enceinte de murailles, dont
les veftiges fubfiftent encore ; en y montant , on voit çà & là
des fouches très-larges , dont les renaifîances prouvent qu'elles
font de chêne ; arbre très-refpefté des Druides , & fur lequel
on trouvoit jadis un arbrilTeau , appelle GuL Au Nord de cet
endroit , il y a un troifieme fommet , fur lequel il n'y a rien
de remarquable ; mais , en regardant une féconde fois les mo-
numents qui fe trouvent fur les deux autres fommets , on eft
convaincu que , fur l'un d'eux , fe faifoient les facrifices humains
qu'on reproche aux Druides , & que fur l'autre ils s'aflembloient
pour délibérer fur qui , fous prétexte de rehgion , tomberoit
leur vengeance. Leurs bois facrés venoient, fans doute , de ce
qu'alors il y en avoir prefque par-tout dans cet endroit.
Tout le monde fçait qu'à caufe des aftemblées des Druides
& de leurs facriflces humains , Tibère ordonna de les égorger
& de rafer leurs bois dans toutes les Gaules ; mais il paroît que
cet ordre ne fut pas exécuté dans l'Armorique , & que ce n'a été
que dans le feptieme fiecle qu'on eft parvenu à les détruire ,
©u plutôt à leur ôter la Prêtrife. ( Voyez l'Abrégé de l'Hiftoire
de Bretagne , dans le premier tome de ce Dictionnaire. )
SAINT-NOLFFj fur une hauteur j à 2 lieues & demie au
Nord-Eft de Vannes , fon Evêché , fa Subdélégation , & fon refîbrt j
& à 18 lieues de Rennes. On y compte 1200 communiants:
la Cure eft à l'alternative. Le territoire , coupé par plufieurs val-
lons & monticules , offre à la vue des terres bien cultivées , des
prairies, & des landes. C'eft un pays couvert d'arbres & buiftons,
tort abondant en cidre. Le Halgouet , Ker-boulart, & Burzigol,
font les maifons nobles qu'on y connoît.
SAI 351
SAINT. ONEN ; à 1 1 lieues & demie au Sud-Sud-Ouefl de
Saint-Malo , fon Evêché ; à 8 lieues de Rennesj & à 3 lieues
de Montauban , fa Subdélégation. Cette Paroiflé reflbrtit à Ploer-
mel, & compte 900 communiants : la Cure efl préientée par
l'Abbé de Saint-Méen. Le territoire , coupé par le grand chemin
de Rennes à Saint-iViéen , efl d'une fuperficie plane ; on y ap-
perçoit des terres en labeur, des prairies, des arbres fruitiers,
& des landes. En 1400, cette Paroifle fe nommoit la Chapelle
Saim-Onen ; elle renfermoit alors les maifons nobles ci-après : le
Bois-Baflet , à Jean Morice ; le Plefîis-Coetdo & la Chapelle ,
à Yvonde Coetdo ; le Pirouil , à Guillaume Moezon ; le PlefTis-
Hefte , à Pierre de la Houffaye j le Tertre , à Guillaume
l'Evêque -, la Monneraye , à Jean de la Bouexiere j & le Pleflis-
Chardel , à Olivier de la Reneraie.
SAINTE-OPPORTUNE ; fur la route de Paimbœuf à Pornic; *
^ à 8 lieues & demie à l'Ouefl de Nantes, fon Evêché & fou
refTort ; à 24 lieues de Rennes ; & à 2 lieues de Paimbœuf,
fa Subdélégation. Cette Paroifle relevé du Marquifat de la
Guerche , & compte 450 communiante : la Cure efl: à l'Ordi-
naire. Le territoire , borné à l'Ouefl par la mer , eft coupé par un
ruiffeau , le long duquel font des prairies & 'des marais. On y
remarque la forêt de la Guerche, qui appartient à M. le Mar-
quis de Bruc ; des terres bien cultivées , quelques cantons de
vignes , & des landes au Sud-Ouefl de fon bourg.
Le Prieuré de Sainte -Catherine, fïtué dans la forêt de la
Guerche, a long-temps dépendu de l'Abbaye de Saint-Aubin
d'Angers, qui a confervé la préfentation de ce Bénéfice, qui
fut réuni à celui de Saint-Brevin , & qui efl: maintenant pofTédé
par un des Grands-Vicaires de Rennes. La Chapelle du Prieuré
efl en ruines , & l'on ne voit plus préfentement que les veftiges
du Monallere , jadis habité par des Moines de Saint-Aubin,
qui, fi l'on en croit la tradition, y vivoient d'une manière (i
fcandaleufe qu'ils furent obligés de l'abandonner. Nous igno-
rons le temps de fa fondation. L'an 1 040 , Simon , fils de Ca-
vallon , fonda le Prieuré de Sainte-Opportune dans la ParoifTe
de ce nom. On voit dans ce territoire les maifons de l'Amandoir ,
de la Raudiere, de la Giraudiere, 6c delà Morandiere.
SAINT-OUEN-DES-ALLEUX ; fur une hauteur ; à 6 lieues
&: demie au Nord-Nord-Efl de Rennes , fon Evêché ; &c à
551 S A I
I lieue trois quarts de Saint-Aubin-du-Coriuier , fa Subdéléga-
tion 8c {on reflbrt. Cette Paroiffe relevé du Roi ; on y compte
600 communiants : la Cure eft préfentée par l'Abbé de Rillé.
Le territoire , arrofé des rivières de Couelnon & de Minette ,
produit du grain , du foin , & du cidre ; les landes y font affez
étendues. La Belinaye , haute-Jufiice , appartient à M. de la
Belinaye.
SAINT-OUIN-DE-LA- HOIRIE ; à 9 lieues un quart au Nord-
Nord-Eft de Rennes , fon Evêché & fon reflbrt ; à trois quarts
de lieue d'Antrain, fa Subdélégation, On y compte 1200 com-
muniants •: la Cure efl: a l'Ordmaire. Le territoire , borné au
Nord par la province de Normandie , produit des grains de toutes
efpeces & des landes. La haute-Juftice du Prieuré appartient à
M. le Prieur,
Le château de la Roirie , maifon feigneuriale de la Paroifîe,
efl: très-ancien. Un afte, qui fe trouve dans les cartulaires de
l'Abbaye de Saint - Sauveur de Redon , nous apprend que Rivalon
de la Roirie accompagna Conan le Tort , Comte de Rennes,
lorfque ce Prince fit fon entrée dans fa ville , l'an 5)90. Roger
de la Roirie époufa Raenteline , fille de Rivalon de Combourg
& d'Aremberge , fon époufe. Le Seigneur de Combourg avoit un
fief, avec Junfdiftion , en la Paroifl^e de Saint-Ouin-de-ia-Koirie,
qu'il donna pour dot à fa fille ; & ces deux époux eurent de
leur mariage un fils , nommé Henri , qui mourut jeune , & une
fille , nommée Berthe , qui demeura feule héritière : elle époufa
Robert Tuflîn , l'an 11 46. Le Duc de Bretagne Conan III, dit
h Gros , aflifla à leurs noces. De ce mariage vint Raoul Tuffin ,
Chevalier , Seigneur de la Roirie , qui fut un des grands guer-
riers de fon temps. Depuis lui, fes fuccefleurs ont eu leur fé-
pulture dans le chanceau de l'Eglife de cette Paroifl!e , avec
leurs armes en lifiere autour de l'Eglife , excepté dans la Cha-
pelle de Saint-Nicolas, qui, quoique renfermée dans cette Eglife,
appartient au Prieur de Combourg, comme il eft porté dans
l'accord pafl^é entre le Prieur & le Seigneur de la Roirie.
Guillaume Tuflin fut Chevalier des Ordres du Roi & Gentil-
homme ordinaire de fa maifon. Cette Seigneurie , avec haute ,
moyenne & bafl^e-Juflice , appartient aujourd'hui à M. le
Vicomte Tuflin de la Roirie, de la même famille. Le ma-
noir de la Bretonniere appartenoit , en 1420 , à Jeanne du
Châtelien
SAINTE-P AZANNE ;
SAI 3^5
SAINTE-PAZANNE ; fur la route de Nantes à Paimbœut'i
à 5 lieues un quart au Sud-Oueft de Nantes , Ion Evêciie &
fon relTort ; à 25 lieues de Rennes j &à 3 lieues de Machecou ,
fa Subdélégation. On y compte 1500 communiants : la Cure
ell: à l'Ordinaire. Le territoire, arrofé par la rivière du Tenu
&c coupé de plufieurs ruifleaux , eft très-bien cultivé & produit
du grain, du vin , & du foin. Le 3 du mois de Juillet 1400,
fur les quatre heures du matin , un ouragan furieux , qui dura
environ un quart-d'heure , renverfa une partie de l'Eglife de
cette ParoifTe. Le mouUn Henriette , haute , moyenne & baile-
Julhce , à M. Charette de Bois-Foucaud : Ardennes , haute ,
moyenne ôc bafTe-Juftice , à M. Chancerel.
SAINT-PERE-MARC-EN-POULET ; à 2 lieues au Sud-Ell
de Saint-Malo , fon Evêché &: fa Subdélégation ; & à 1 2 lieues
de Rennes. Cette Paroiffe reflbrtit à Dinan , & compte 1000
communiants : la Cure eil: à l'alternative. Le territoire renferme
des terres fertiles &• très-exa61ement cultivées ; on n'y remarque
qu'un vallon qui eft au bas du bourg. En 1500, il renfermoit
plufieurs maifons nobles , fçavoir : la Ville-NefTant ou Hermef-
iant , à Guillaume de Guitté ; Laplan & la Motte-Guerin , à
Chriftophe Defprés ; la Ville-Maingui , à Jean le Bouteiller j
le Bois-Bonnier, à N... ; le Bofq de la Piaudaye , à Hervé le
Jar ; la Yille-Malherbe , à Rolland Rouxel ; la QuenouiUiere , à
Alain le Jeune -, le Prieuré de la Maire , à N.... ; la métairie
de Langan à la Dame de la Morandaye j la Ronce, à Pierre
de Quebriac -, le Chêne , à Guillaume de Guitté ; Launaye , à
Gilles de Launaye; & la Boulierve, à N...
SAINT-PERE-EN-RETZ ; fur la route de Paimbccuf à Pornic ;
à 8 lieues un tiers à l'Ouefl: de Nantes , fon Evéché &: fon
reflort ; à 24 lieues de Rennes y &: à 2 lieues de Paimbœuf, fa
Subdélégation. Cette Paroiffe relevé du Roi, & compte 1400
communiants : la Cure eft à fOrdinaire. Il s'y tient un marché
le Dimanche. On y remarque une Pofte aux lettres & une
Commanderie de l'Ordre de Malte. Le territoire renferme des
terres en labeur très-fertiles, des prairies, quelques vignes, Si,
quelques cantons de landes. Le 7 Janvier 1065 , Quiriac,
Evêque de Nantes , étant à Marmoutier , ratifia de nouveau ,
mais pour fa vie feulement , le don que Rodoald ou Rouaud
avoitrait aux Moines de Marmoutier, de plufieurs Eglifes , du
Tome IF. Y 2
55^ ,. S AI
nombre defquelles étoît celle de Saînt-Pere-efi-Retz. Au mois
d'Août 1345 , Philippe VI, Roi de France, donna à Jean de
Laval , Chevalier , Seigneur de Pacy , la Xerre que polTédoit
ci-devant Jean de Bretagne , Comte de Montfort , dans la Pa-
roiffe de Saint-Pere-en-Retz , avec tout ce qui en dépendoit. Il
tenoit cette Terre du Duc , & elle valoir cent quatre-vingt-dix
livres de rente : le marc d'argent étoit alors à cmquante-quatre
fols fept deniers. Le château de l'endroit étoit alors très-fortifié j la
Seigneurie a le titre de Châtellenie. Le Duc François II, par
fon mandement, donné à Nantes le 12 Janvier 1488, ordonna
de mettre en poflefTion de la Seigneurie de Saint-Pere-en-Retz,
Gilles de la Rivière, Vice-ChanceHcr de Bretagne, & les en-
fants de Jacques de la Villéon.
Il s'exerce à Saint-Pere-en-Retz plufîeurs Jurifdi61:ions , fça-
voir : les Biais , Commanderie de l'Ordre de Malte , à M. le
Commandeur : Bougon , haute- Juftice j la G ruais , haute-Juftice ;
Limur , haute- Juftice ; & Charon , haute- Juftice , à M. Bidé :
le Plefîîs , haute- Juftice ; Bois-Jolli , haute- Juftice ; & la Rouau-
diere , haute-Juftice , aux héritiers de M. Simon de la Carterie :
la Bellotiere & la Gruaie appartenoient , en 1430 , à Gilles
Heaume. On y voyoit, dans le même temps, la maifon des
Hofpitaheres de Couldrie -, cette ParoifTe eft encore décorée
du château de Laverie à M. le Marquis de Bruc.
SAINT-PERN ; à 8 lieues au Sud de Saint-Malo , fon Evê-
ché ; à 7 heues de Rennes ; & à 2 Ueues de Montauban , fa
Subdélégation. Cette Paroilîe reffortit à Dinan , & compte
9ÇO communiants : la Cure eft à l'alternative. Le territoire offre
à la vue des terres labourables , des prairies , & peu de landes j
il produit du Hn & du cidre.
Le château de Ligouyer eft très-ancien , & poffédé, de temps
immémorial , par l'iiluftre maifon de Saint-Pern. Dans un extrait
de la Chambre des Comptes de Bretagne , on lit que Bertrand
de Saint-Pern II du nom, étoit, en 131 1, Gouverneur du
château de la Rochederien , place alors très-forte , & qu'il y
commandoit prefque avec une autorité abfolue. C'eft ce Seigneur ,
dont la famille étoit dès-lors fi diftinguée en Bretagne , qui fur
le parrain de l'immortel Connétable Bertrand du Guefchn. Ber-
trand de Samt-Pern fut auffi un de ceux qui accompagnèrent
Jean , Sire de Beaumanoir , dans la célèbre ambaffade qui con-
duiiit en Angleterre les enfants de Charles de Blois , pour otages
s AI 5JJ
de la rançon de leur père. Par un extrait du catalogue des
Abbefles de Saint -Georges de Rennes, tiré des archives de
cette Abbaye , Se fcellé du fceau de la Maifon , il efl: conflaté
que Phelipote de Saint-Pern , élue en 1352, fut la vingtième
AbbefTe de cette Communauté , & qu'elle portoit les armes de
fa famille. Un extrait des baptêmes de la Paroiiïe de Saint-
Pern , du dernier Septembre 1562, apprend que Jean de Saint-
Pern étoit fils de Judes de Saint-Pern & de Catherine de
Chateaubriand.
Judes de Saint-Pern , Seigneur de Ligouyer , fe fit diftinguer
par fon mérite & fa valeur : il époufa , en 1543 , Renée de
la Marzehere , fille de Renaud de la MarzeHere & de Gillette
de Pont-Rouaud. René de Saint-Pern , fon fils , fut aufR Che-
valier des Ordres du Roi , en 1598. La Terre &: Seigneurie de
Ligouyer^ avec moyenne -Juiîice, appartient à M. de Saint-
Pern delà même famille. En 1500, les autres maifons nobles
de ce territoire , étoient : la Ville - Ernoul & la Pignelais-Pa-
geaux , à Jacques de Beaumont ; la Pugnelaye-Guébriac , à
N... i la Pignelaye-Sauzon, & la Ville-au-Vé , à Gilles de
Garnedain; la Motte , ancienne métairie noble , à N... ; laBrehau-
diere , à Bertrand Pontelin ; le Breil-Harel & MaubufTon , à
Guillaume Tirecoq ; l'Eftaque & la Voye-Gillaud , à Robert
Coueflel j la Ville-Geloart , à François de l'Efpinai j la Tour,
à N.... j Launay-Bertrand , Liffon , Leauraix , les Hourmettes ,.
le Breil-Matcille , & la Guilhaudiere , â N... -, & les Saults-aux-
Chevaliers j, à Raoul du Bouais.
SAINT-PHILBERT-DE- GRAND-LIEU; fur la rivière de
Boulogne ; à 5 Ueues au Sud-Sud-Ouefl de Nantes , fon Evêché
& ion reffort j à 27 heues de Rennes ; & à 3 Ueues de Ma«
checou , fa Subdélégation. On y compte 2400 communiants ;
l'Eglife eil fur le fief du Roi , & la Cure efl à l'Ordinaire.
Le territoire offre à la vue des terres labourables très-abon-
dantes en. froment & en feigle , de vafles & belles prairies ,
des marais , des vignes , & des landes aflez étendues au Nord-
Ell de fon bourg , dont le fol paroît mériter les Ibins du culti-
vateur. On a commencé à en défricher une partie , & l'on
efpere que les fuccès que l'on a lieu d'attendre engageront ,
par l'appas du gain , les habitants à cultiver tous ces terreins
aujourd'hui inutiles. M. Juchaut de Monceaux y pofTede trois
hautes -Juilices, qui font : l'EchafTaud, qui s'exerce k Saint-
55^ S AI
Philbert & à la Lîmoufîniere , la Monclere Se le Pie - Piîu
La haute- Juftice du Prieuré, au Prieur de Saint-Vincent du
Mans f le Port-Bofîînot , bafTe-Juftice , à M. Flaminque , qui pof-
fede aufîi la bafle-Juftice de Vicque.
Je dois commencer cet article par dire quelque chofe de
la cité d'Herbauges , û fameuie dans le Comté Nantais. Quel-
ques hilloriens ont prétendu que c'étoit jadis une ville célèbre,
qui fubfilloit dans les premiers fiecles de l'Ere Chrétienne , &
voici ce qu'ils nous en ont appris. Jules Céfar ayant vaincu
& fubjugué les Venetes , vint à Nantes , traita les habitants de
cette ville avec beaucoup de dureté , & fit rafer tous les édi-
fices qui étoient au Sud de la Loire. Une partie du peuple
prit la fuite , & alla fe réfugier , avec ce qu'il avoit pu em-
porter, fur les bords de la rivière de Boulogne. Cet afyle ayant
paru agréable & commode à ces fugitifs , ils réfoîurent d'y
bâtir une ville , & de la fortifier. Tout contribuoit à les con-
firmer dans ce deflein ; l'agrément du Heu , les avantages qu'il
ofiroit pour le commerce , la fureté , & même la facilité de
fuir & de gagner les bords de la Loire , par le fecours de la
marée , au cas qu'on pût être forcé dans un lieu également
fortifié par la nature &c par l'art. En conféquence , ils y conf-
truifirent des habitations , & formèrent une ville , qu'ils appelle-
rent Herhauges , & qui devint bientôt une des plus peuplées
& des plus florifTantes cités des Gaules. Leurs fuccès & leurs
richeffes énorgueilUrent ces téméraires habitants ; & les vices ,
qui vont prefque toujours à la fuite de l'opulence , corrompi-
rent tellement leurs efprits & leurs cœurs , qu'ils perdirent de
vue tous leurs devoirs & fe livrèrent à tous les défordres. On
ne dit point s'ils reçurent d'abord le ChrilHanifme , & s'ils le
rejetterent enfuite ; mais on le fuppofe , puifqu'on dit qu'ils
avoient entièrement oublié leur religion , & qu'ils adoroient les
ll:atues , de Jupiter qui étoit d'or , de Mars , de Mercure , de
Diane , de Vénus , & d'Hercule. Il n'étoit pgs pofTible de ra-
mener ce peuple incrédule dans la voie du falut : il avoit conçu
tant d'averfion 6l de mépris pour la religion Chrétienne , qu'il
ne vouloit recevoir aucun Prédicateur ; & il portoit fi lojn
cette antipathie , que , pour n'avoir aucune fociété avec les
Chrétiens , il ne venoit jamais à Nantes. Saint Fehx , Evê-
que de ce diocefe en 550 , voulant faire un dernier effort
pour retirer du précipice cette partie de fon troupeau , engagea
Saint Martin , Abbé de Vertou , à aller lui annoncer l'Evangile.
/
^ Aï 55,
Le Saint étant arrivé , fut rejette de tout le monde , excepté
d'un homme nommé Romain , chez lequel il logea pendant le
féjour qu'il fît en cette ville. Il fe mit à prêcher publiquement
& avec beaucoup de zèle , mais inutilement. On l'écouta d'abord
avec indifférence ; mais à la fin , ennuyés des avis & des fer-
mons du Prédicateur, les Herbaugicns lui défendirent la chaire,
& pouffèrent l'infolence jufqu'à le maltraiter. Saint Martin, dik.{(^i-
pérant de convertir cette nation endurcie , fe difpofoit à s'en
retourner, lorfqu'il lui fut révélé que le Ciel , lafTé des défordres
de ce peuple , alloit le punir , &: détruire cette ville , qui ,
depuis fîx fîecles qu'elle exifloit , avoit accumulé les crimes
dans fon fein. Saint Martin inftruifit fon hôte & fon époufe de
fa révélation , & les exhorta à fuir avec lui une cité que la
vengeance du ciel menaçoit. A peine étoient-ils fortis, que la
ville difparut & fut engloutie fous les eaux , & c'efl ce qui a
formé le lac de Grand-Lieu.
Telle efl l'hiftoire , ou plutôt la fable tiffue par Albert de
Morlaix , & autres hifloriens aufTi amateurs du merveilleux. Une
tradition qui , peut-être , n'ell qu'une fuite de l'hiftoire ci-defTus
rapportée , mais qui fe conferve de père en fils dans le Comté
Nantais , veut que cette ville ait réellement exifté , & qu'elle
ait été engloutie pour les crimes de fes habitants : ce qui perfuade
les plus incrédules , c'efl que le Bréviaire de Nantes fait mention
de cette cité prétendue. Ce qui a paru confirmer cette opinion ,
c'eft quelques uflenfiles de cuifine & autres inflruments qu'on a
tirés du lac ; mais ce ne peut être une preuve , parce qu'il efl
très-pofTible que des barques chargées de ces inflruments aient
fait naufrage fur le lac , & dès lors il n'y aura plus rien
d'étonnant. La meilleure raifon que l'on puilTe donner contre
l'exiflence de la cité d'Herbaugcs , raiibn qui doit perfuader
tout homme fenfé , c'cfl qu'aucun manuscrit , aucun titre du
temps de Saint Félix , aucun monument, n'en fait mention : c'éfb
enfin que Grégoire de Tours n'en a point parlé j & certainement
ce père de notre hifloire n'auroit pas manqué de rapporter un
fait de cette conféquence , s'il en avoit eu la connoifî'ance : &
pouvoit-il l'ignorer ?
Le lac de Grand-Lieu contient environ quinze mille arpents
de terrein couvert par les eaux : quatre rivières viennent s'y
jetter , 6c celle du Tenu qui s'v réunit a fon embouchure dar^s
la Loire &: y porte les eaux du lac. Ce lac efl en partie fitué
dans le territoire de Saint-Philbert j il efl environné de marais
558 SAI -
dans lefquels on trouve une quantité prodigieufe de bois , qu^
fon long féjour dans l'eau a noirci & durci j on y trouve même
des arbres entiers d'une grofleur conlidérable , & c'eft ce qui
prouve que la prétendue cité d'Herbauges n'étoit qu'une forêt
qui aura été renverfée par ces tremblements de terre ou oura-
gans affez fréquents dans le fixieme fiecle. C'eft l'opinion que
je trouve la plus fenfée , & nous croyons devoir la fuivre juf-
qu'i ce qu'on en donne une plus conforme à la raifon. Saint-
Philibert a pris le furnom de Grand- Lieu , du lac qui l'avoifine.
Cette ParoilTe tire fon origine d'un village nommé Adias ou
Déas , dans le Comté d'Herbauges , fiir le bord du lac de
Grand-Lieu. Les Moines , laiffés par Saint Philbert en l'ifle de
Moirmoutier , craignant de tomber entre les mains des Normands
qui couroient les mers , fongerent à fe choifir une habitation ,
qui, fans être éloignée de leur ancien domicile, fût plus avancée
dans les terres , & pût leur offrir un afyle afTuré contre les
irruptions des Barbares. Ils s'àdrefferent , pour cet effet ^ à Louis
le Débonnaire , qui leur permit , en 8 1 9 , de bâtir un Monaffere
à Adias ou à Déas, fur le bord du lac de Grand-Lieu, pour
s'y réfugier au befoin. Pépin , Roi d'Aquitaine ,. fécondant les
bonnes intentions de fon père, donna, l'an 826, à ces Moines,
(ix bateaux francs , qui pouv oient aller 6r venir fur toutes les
rivières de fon Royaume , & par-là , il les expofa à la tenta-
tion de faire un négoce continuel : ils n'étoient point encore
à Déas alors, mais ils y vinrent l'an 830, après avoir enfoui
le corps de Saint Philbert , qui étoit leur tréfor , dans fon iffe ,,
afin que perfonne ne pût l'enlever ; mais , fix ans après , le croyant
plus en fureté à Adias, ils l'y portèrent, & obtinrent, l'aa 839,
de Louis le Débonnaire , le village & le territoire de Scobrit ,.
avec l'Eglife de Saint-Viau, au pays de Retz. Ainfi fe forma
l'Abbaye de Déas , qui n^'eut pas une longue exiflence. En 847
ou 848 , les Moines ne trouvant pas encore ce lieu bien fur
contre les invafions des Barbares , prirent le parti de Taban-
donner. Ils allèrent , pendant plufieurs années , avec les reliques
de leur Patron qu'ils avoient emportées j enfin , ils s'arrêtèrent , du
confentement de Charles le Chauve , au château de Tournus ,
en 875, & formèrent dans ce lieu une nouvelle Abbaye , à
laquelle ils unirent tous les biens qu'ils avoient poffédés ea Bre-
tagne & dans l'Aquitaine. Il efl à croire que le riche Prieuré
de Déas, aujourd'hui Saint -Philbert -de -Grand- Lieu , tire fon
nom de celui du canton» On voit dans un des marais, une pierre
s A I Î59
très-ancienne , qui , félon toutes les apparences , étoît andennc-
ment confacrée à Cybelle , mère des Dieux , que Ton appelloit
la Déejfe par excellence ; & , en conféquence , le lieu aura été
nommé Déas , le pays de la DéeJJe , & le Monaftere aura con-
fervé ce nom. Cette maifon ne tient plus de Moines depuis
environ cent foixante ans : les Titulaires y placent cinq Prêtres
féculiers pour y faire l'Office divin. 11 ell prouvé , par le procès-
verbal de vifue de Jean Coupé , par commiflion de Philippe ,
Evêque de Nantes en 1 5 64 , que le Prieuré de Saint-Phiibert
doit nourrir quatre Religieux Prêtres & deux Novices ; faire
une aumône générale les dimanche , mercredi & vendredi , &
une aumône particulière les autres jours , à ceux qui la de-
mandent. Un autre procès- verbal de vifite , rédigé fous l'auto-
rité du même Evêque en 1572, nous apprend que la fondation
d^ cette Abbaye erf de fix Moines; que le Prieur doit tous les
jours de l'année Grand'MefTe & Vêpres , l'Office entier aux
Meffes folemnelles & aux Fêtes de la Vierge , l'aumône trois
fois la femaine aux pauvres du lieu, & à toute heure aux paf-
fants. Il pourroît bien fe faire que cette dernière obligation ne
fût pas remplie bien exaftement. Le Prieur titulaire n'aura
vraifemblablement pas recommandé à fes SublHtuts de confa-
crer , au foulagement des pauvres , une partie de ces rentes ,
ou ne les aura pas chargés de ces aumônes , en leur affignant
des revenus plus nombreux. Ce n'eft pas un très - grand mal ,
fi toutefois ce n'en eit pas un de ne pas remplir les intentions
du fondateur; ce neû pas, dis -je, un très -grand mal que ces
aumônes ne fubfiftent plus : l'expérience a prouvé qu'elles étoicnt
plus pernicieufes qu'utiles , parce qu'elles font l'aliment de la
parefïe. Mais ces biens que la chanté de nos aïeux a deitinés
aux pauvres n'en font pas moins leur patrimoine , & ils de-
vroient être dépofés entre les mains des Payeurs , pour le fou-
lagement des vrais infortunés.
Pierre II , dit du Chaffault , Evêque de Nantes , étant arrivé
de fon voyage de Rome, le 22 Septembre i486, accorda,
pendant un an , quarante jours d'Indulgences à ceux qui travail-
leroient à la chaulTée de Saint-Philbert-de-Grand-Lieu ; ouvrage
d'une utilité générale. En 1459, on propofa , dans le Confcil
du Duc François II , de faire écouler les eaux du lac &: de le
dcffécher, pour tirer du terrcin immcnfe qu'il occupe un parti
beaucoi'p plus avantageux. Le Duc nomma des CommWbires
pour l'exécution de l'entreprife , que le malheur des gacrres
5éo S A I
leur fit manquer. Vers l'an 1506, on forma le projet de faire
du lac de Grand-Lieu un baffin pour les vaifTeaux de la marine
royale , qu'on y auroit conduit par . un canal ouvert depuis
Bourgneuf jufqu'à ce lac -, mais ce projet parut impraticable aux
Ingénieurs chargés d'en examiner la pofîibilité.
£n 1559, le Roi Henri II donna des ordres pour le defleche-
ment du lac de Grand-Lieu -, ordres qui ne furent point exécutés.
En 1572 & 1573 , le Roi Charles IX voulut aufîi tenter le
même projet , mais fans fuccès. En 1705 , on en parla encore,
mais l'entreprife ne fut pas poufîee. Voilà donc un Duc de Bre-
tagne Se trois Rois de France qui ont demandé en vain ce defîe-
chement : on ne dira pas qu'il foit très-facile de l'exécuter , mais ,
s'il étoit permis de dire fon avis , le mien feroit que l'entreprife
n efl point du tout impofTible , & qu'elle coûteroit même peu
en comparaifon de l'avantage qu'on en retireroit. Aujourd'hui ,
il efl d'une valeur prefque nulle , & , s'il étoit defféché , il rap-
porteroit pour plus de deux cents mille francs en grains Ôc
fourrage ; fomme qui feroit vivre quatre cents payfans dans l'ai-
fance , d'autant, mieux qu'ils auroient un débouché facile de
leurs denrées par la Loire , dans laquelle va tomber la rivière
du Tenu.
SAINT-PIERRE-DE-BOUGUENAIS ; fur une hauteur & fur
la rive gauche de la Loire ; à i Heue & demie au Sud - Oueft
de Nantes , fon Evêché , fa Subdélégation , & fon relTort ; & à.
23 lieues & demie de Rennes. On y compte 2000 communiants:
la Cure eft à l'alternative , ainfi que la Chapellenie des Baillons.
Le Prieuré de la Bouvre dépend de l'Abbaye de Genefîon : le
Roi pofTede plufieurs fiefs dans cette ParoifTe , & les bois taillis
de la Morandiere , du Chêne - Pointu , & du Pafcheneau , qui
peuvent contenir enfemble deux cents cinquante-fix arpents de
terrein ; ces bois tenoient jadis à la forêt de Touffoux , & ne
formoient enfemble qu'une feule forêt. Dans ce temps , le ter-
ritoire de cette Paroifle étoit peu cultivé , n'y ayant que les
coteaux le long des prairies de la Loire qui étoient en rapport j
mais aujourd'hui l'agriculture y eft obfervée avec beaucoup de
foin : à l'exception de quelques cantons de landes , le refte du
terroir produit beaucoup de grain , foin , & vin de médiocre
qualité ; de manière que la Cure , qui ne valoit que fort peu
de chofe autrefois , vaut aujourd'hui environ fix mille Hvres à
foa Relieur j 6c les défrichements que les habitants font par
continuation
s A I }5i
continuation de leurs terres incultes , donnent Heu d'efpérer que
cette Cure deviendra, fous peu d'années , d'un revenu plus confidé-
rable. Par une tranfaftion faite entre l'Evêque de Nantes & M. le
Re61:eur aftuel de Bouguenais, pafTée en 1 773 , confirmée par lettres-
patentes du Roi , & homologuée au Parlement de Bretagne , le
Refteur eft devenu feul décimateur de la ParoilTe , moyennant
la fomme annuelle de quinze cents livres qu'il paie au beigneur
Evêque de Nantes. Outre les bois que le Roi polTede dans cette
Paroiffe , on y voit encore ceux de Bougon , du Chaffaut , du
Breuil , de la Caillere , & du Défert ; mais de tous ces bois ,
ceux de Bougon font les plus confidérables.
On ne fçait en quel temps l'Eglife paroifîiale de Bouguenais ,
dédiée à Saint Pierre , a été bâtie ou rebâtie dans la forme oii
elle eft. Sa tour ou clocher en pierres de taille pourroit être
plus ancienne que le corps de l'Eghfe : ceux qui montent à
cette tour , divertiffent agréablement la vue de quelque côté
qu'ils jettent les yeuxj c'eft un des beaux points de vue du
Comté Nantais.
Le château de Bougon , avec titre de Châtellenie , efi: la
Seigneurie de Bouguenais , qui appartient à M. Robineau de
Bougon. Certains cantons de la Paroiffe reffortiffent à cette
Seigneurie ; d'autres du Chaffaut , à M. Choran , Négociant à
Nantes i d'autres du fief des Religieufes Carmélites des Couètsj
d'autres de la Chaboiffiere , à M. l'Abbé de Pontual j 6z enfin ,
d'autres du Breuil , à M. l'Anglois de la Rouffiere : outre ces
maifons, on y en remarque une grande quantité d'autres remarqua-
bles , &: on y compte environ vingt Chapelles domefliques.
Le Couvent des Couëts , habité par des Religieufes Carmé-
lites , fut fondé par Hoël VI , Comte de Nantes : ce Prince
avoir une fille , que l'on nomme Odeline , Religieufe dans l'Ab-
baye de Saint-Sulpice , au diocefe de Rennes , en confidération
de laquelle il donna , l'an 1 1 49 , à cette Abbaye , fon manoir
de Secretus , ou, félon une" autre leçon, de Secouetus , que Dom
Lobineau interprète la maifon des Couëts. L'année fuivante ,
le Comte ajouta à fon préfent l'ifle de Groais , fîtuée dans la
Loire, avec le Prieuré de Sainte - Radegonde , en la Paroiffe
du Loroux , & celui de Sainte - Honorine , en la Paroifle de
Héric. Voilà à-peu-prcs ce que l'on fçait de l'étabhfîément de
la Communauté des Couëts. En 1 1 77 , Robert II du nom ,
Evêque de Nantes , approuva deux donations faites au Monaf-
tere des Couëts , l'une à la Communauté des Hommes , & l'autre
Tome IF. 1 i
36i S A^„ .
à la Communauté des Femmes j c'étoit des Bénédi6Hns & des
Bénédièlines. Dans le même temps , il y avoit aufîi deux Cou-
vents à Buzai , l'un d'hommes , l'autre de femmes. Dans la fuite
les Conciles défendirent ces fortes d'établiffements abufifs. Le
Prieuré des Couëts fut ôté aux Bénédiftines , l'an 1477, & donné
à des Carmélites étrangères , en faveur de la Bienheureufe
Françoife d'Amboife , veuve du Duc de Bretagne Pierre II.
Cette Princeffe , qui avoit pris l'habit de Notre-Dame des
Carmes, l'an 1458, mourut AbbefTe ou Prieure perpétuelle
des Couèts , au mois de Novembre 1485. On voit fon
tombeau dans le fond de l'Eglife de cette Abbaye.
SAINT-PIERRE-DE-PLESGUEN ; fur la route de Rennes à
Saint-Malo ; à 3 lieues au Sud-Oueft de Dol , fon Evêché ôc
fa Subdélégation ; &: à 9 lieues un quart de Rennes. Cette Pa-
roifle refîbrtit à Dinan, & compte 1700 communiants : la Cure
eft à l'Ordinaire. Ce territoire , couvert d'arbres &c buiflbns ,
renferme des terres abondantes en grains , des prairies , les bois
de Louvre & de la Sauvagere , & des landes peu étendues. En
1500, le Rouvre, à Rolland du Rouvre ; aujourd'hui, avec
moyenne- Juftice , à M. du Rouvre : Bafogel , à Jean de Bintin:
la Sauvagere , à Rolland Geffroi ; ( cette Terre , qui a moyenne-
Juilice , s'appelle aujourd'hui la Sauvagere-Ferron^ Se appartient
à M. Jonchée de Saint-Malo : ) Grignart , à Jean Grignart ; le
Gage , à Jean de Cleuë -, la Frefnaye , à Guillaume Geflin ;
Pépin , à Gilles Pépin 5 les Chapelles , à Jean MafTuel : la Jehar-
diere , à Artur Barde ; ( elle a une moyenne- Juftice , & appar-
tient à M. de Châteaugiron : ) & Corbon , à GeofFroi Corbon j
la Chefnaye-au-Porc , avec moyenne -Juftice , appartient à
M. de Lys.
SAÏNT-POL.DE.LÉON5 ville épifcopale Se capitale de h
Principauté de Léon -, par les 6 degrés 20 minutes 20 fécondes
de longitude , & par les 48 degrés 40 minutes 5 2 fécondes de
latitude 5 & à 42 lieues de Rennes. L'Evêché de Saint-Pol-de
Léon contient 122 lieues quarrées : il eft borné au Nord & à
rOueft par l'Océan , au Sud par l'Océan Se l'Evêché de Quim-
per, Se à l'Eft par celui de Tréguierj il renferme quatre villes,
quatre-vingt-une ParoifTes de campagne, trente-quatre trêves,
deux Abbayes d'Hommes , douze Couvents d'Hommes , fix Cou-
vents de Femmes , quatre Hôpitaux , dont un eft militaire , un
s AI 56J
H6tel-Dîeu , & compte 186800 habitants. Le volfinage de la
mer rend l'air un peu humide èc épais. Le terroir eil exafte-
ment cultivé , & produit des grains de toutes efpeces , du lin ,
du chanvre , & du cidre. Trois grandes routes aboutiffent à Saint-
Pol-de-Léon , oii l'on compte 5400 habitants. Une Teule Paroifle,
nommée le Minihi , formée de fept qui exiftoient auparavant ,
& qui a pour trêve la petite ville de Rofcoff, avec port de
mer ; & cinq Communautés , qui font : les Carmes, les Minimes,
le Séminaire, les Urfulines , &: l'Hôtel-Dieu. On remarque, dans
la même ville , une Communauté avec droit de députer aux
Etats , une Subdélégation , une Pofte aux lettres , trois foires
par an , & un marché tous les mardis. Le commerce de la ville
n'eit pas confidérable , & ne peut l'être , n'ayant d'autre a6livité
que celle que lui donne le port de Rofcoff , qui eft à trois
quarts de lieue de Saint-Pol-de-Léon. Ce port , creufé par la Na-
ture elle-même > efl: très-beau & très -fur pour les vaiffeaux mar-
chands , qui y font à l'abri des vents & de la tempête ; ce qui
rend ce petit endroit floriffant.
L'Eglife Cathédrale efl: dédiée à Saint Pol, premier Evêque
de Léon. Le Chapitre eft compofé d'un Chantre , de trois Ar-
chidiacres , de feize Chanoines , & de fept Prébendes , dits
Vicaires. La ville porte pour armes , d'or au lion de fable
cantonné de trois molettes de même. La Principauté de Léon
s'étend depuis Quimper jufqu'à la ville de Saint-Pol-de-Léon ,
dans une étendue de vingt-quatre lieues , fans y comprendre la
Seigneurie de Bourgneuf , près Carhaix , qui renferme quatre
lieues, & qui eft un membre de la Seigneurie de Léonj elle a
une haute-Juftice , qui s'exerce dans la ville épifcopale , & qui
connoît de tous les délits , à l'exception de celui de faulFe mon-
lîoie. Les Sièges de Landivifiau , de Roche-Morice , de Coèt-
Merieur , &: de Peuret , avec Sénéchaux , Baillis , Lieutenants ,
&c. dépendent de la même Seigneurie. Lçs'Régaires de l'Evêque ^
Seigneur fpirituel & temporel de la ville , forment une Jiante-Juf-
tice* Le Roi Charles IX étabHt , en 1 5 64 , a Saint-Pol-de-
Léon , un Juge qni connoît des cas royaux feulement.
La ville de Saint-Pol-de-Léon eil très-ancienne , &: fa fon-
dation efl: inconnue. Céfar en fait mention dans fes commen-
taires , fans lui donner d'autre nom que celui de ville des Of-
fifmiens ; nom du peuple qui l'habitoit. D'après le récit des an-
ciens géographes & des fçavants, il efl: à croire que cette ville
étoit la Capitale de tout le canton que renferment aujourd'hui
3^4 ^ ^ ^
les Evêchés de Léon , de Tréguier , & de Saint-Br îeuc. Les Ro-
mains y avoient établi une garnifon , qui y fubfîila jufqu'à la
conquête de l'Armorique par Maxime & Conan. Les autres
révolutions que peut avoir éprouvé cette ville dans les pre-
miers fîecles , nous font abfolument inconnues. Elle n'a jamais été
bien célèbre dans l'hiftoire , même dans les fîecles poftérieurs j & cet
article n'occupera pas une grande place dans cet Ouvrage.
En 421 , des marchands apportèrent d'Egypte en Bretagne
le corps de Saint Matthieu, qu'ils préfenterent à Salomon. Le
Prince , pieux , reçut ces précieufes Reliques comme un don du
ciel , & les fit dépofer , avec honneur , dans la ville des Oflif-
miens. Pour marquer à Dieu fa reconnoifTance d'avoir rendu
fes Etats dépositaires du corps de ce faint Apôtre , il aboHt la
loi qui condamnoit à l'efclavage les enfants de ceux qui ne pou-
voient payer les taxes auxquelles ils avoient été impofés. Cette
coutume barbare avoit été introduite par les derniers Magiflrats
Romains , qui commirent beaucoup de vexations dans la Bretagne ;
vexations qui occafionnerent la révolte de 409. La Chapelle
de Notre-Dame dans Me Callot , vis-à-vis Saint-Pol-de-Léon ,
fut bâtie en mémoire de la défaite du corfaire Corfol , & de
cinquante mille Danois qui furent taillés en pièces par le Roi
Rivalon Murmacon , l'an 502.
La ville des Oiîifmiens fut érigée en Evêché dans le cin-
quième fiecle , & la conduite de cette EgUfe fut confiée à
Saint Pol Aurelien. ( Voyez ci -après le catalogue des Evêques. )
Après la mort de ce vertueux Pafi:eur, les habitants donnèrent
fon nom à leur ville -, nom qu'elle a confervé jufqu'à nos jours.
Les premiers Rois de Bretagne y firent quelquefois leur réfidence ,
& il y a apparence qu'elle étoit alors une des principales cités
de leur petit Royaume. Le 10 Mai 643 , Alain, furnommé le Long ^
Roi de Bretagne , alTembla fes Etats dans la ville de Saint-Pol-
de-Léon , & s'occupa , de concert avec l'afTemblée nationale ,
dé'Tâféfcrînation de plufieurs abus.
En 1163 , le^Du.c de Bretagne Conan le Petit, ayant marié
fa fille unique Confiance à Geofi'roi , fils de Henri , Roi d'Angle-
terre , le Comte Eudon , pour fe mettre en état de réfifter
à fon fils Conan , époufa la fille de Hervé, Vicomte de Léon,
prit le parti de ce Seigneur rebelle , leva des troupes , & fit
des courfes dans le Duché. Le Roi d'Angleterre , inftruit des dé-
marches du Comte Eudon, vint en Bretagne avec une armée
confidérable , rafa les châteaux de Saint-Pol-de-Léon , de Trebez,
s A I 3^5
Air la rîvîere de Morlaix Se de Lefneven , & força ce Vicomte
à fe foumettre & à lui donner des otages.
En II 72, la mer, fortant de fes limites ordinaires, inonda
une partie de l'Evêché de Léon. Les eaux , en fe retirant , dif-
férent fur les terres une grande quantité d'immondices & d'infeftes,
qui , par leur corruption , cauferent une épidémie qui emporta
beaucoup de monde.
En 1177 , le Duc Geoffroi entra dans le pays de Léon avec
une armée confîdérable. Il pouffa vivement le Vicomte , lui prit
toutes {es places , & le contraignit à venir fe jetter à fes pieds.
Cette reffource , Ci humiliante pour le Vicomte , lui valut fon
pardon & la reftitution de toutes fes places , à l'exception du
château de Morlaix , qui étoit la clef du Comté de Léon.
L'an 1 1 89 , Richard , Roi d'Angleterre , ne pouvant avoir en
fa puiffance le jeune Artur, Duc de Bretagne, que, pour plus
grande fureté , on avoit enfermé dans le château de Breft , en-
voya une armée de brigands, nommés les Cotereaux, en Bretagne,
avec ordre de ravager la Seigneurie de Léon , & de faifir
André de Vitré , qui étoit la principale caufe qu'Artur avoit
été enfermé dans le château de Breft. Cette troupe ne manqua
pas d'exécuter les ordres de fon Souverain , quant aux ravages ,
mais elle ne put prendre le Baron de Vitré.
L'an 1 1 96 , pluficurs compagnies de voleurs fe réunirent &
commirent les plus affreux défordres dans le pays de Léon. Le
Duc de Bretagne fit marcher contre eux des troupes qui les
prirent. Ces fcélérats furent interrogés, jugés, & condamnés aux
plus rigoureux fuppHces. En 1205 , Philippe - Auguffe , Roi de
France, fit le fiege de Chinon , prit cette ville , & délivra Conan de
Léon, furnommé/e Coun, qui y étoit détenu prifonnier. Conan ctoit
d'une force extraordinaire : d'un feul coup de poing , il affom-
moit rhomme le plus robufte , ou le cheval le plus vigoureux.
En 1250, le Duc Jean I, dit le Roux ^ voulut, à l'exemple
de fon père , jouir du droit de bris fur les terres du Seigneur de
Léon , & lui ôter le privilège de donner des brevets à fes vaf-
fauxi privilège dont les Vicomtes jouiffoient de temps immé-
morial. Le Seigneur de Léon rejetta hautement fes prétentions;
& , fur fon rems d'abandonner ces précieufes prérogatives , qui
effeftivement ne dévoient appartenir qu'aux Souverains, le Duc
entra fur fes terres , prit quelques places , les pilla , & les
brûla. Après cette expédition , qu'on pourroit quaUfier de bri-
gandage , il fe retira fans en exiger davantage ; cependant ,
^66 S AI
comme il étoit extrêmement jaloux des droits de la fouveraîné
PuifTance, il acheta, en 1275, la Seigneurie de Léon, & s'en
appliqua tous les privilèges. L'inconduite du Seigneur de Léon
y donna lieu. Le Vicomte avoit mis fes affaires en fî mauvais
état, qu'il fe vit forcé de vendre volontairement une partie de
fon bien, & qu'il fut dépouillé de l'autre par des faifies-réelles.
Le Duc Jean I ne laiffa pas échapper l'occafîon du retrait , &
de réunir à fa couronne les vaftes & magnifiques pofTefîions du
Vicomte. La plupart de fes contrats font mentionnés dans les
titres du Duché , des années 1273,1 274 , 1 27 5 , 1 276 , & 1 278 :
ils portent acquifition des ports & villes de Saint- Mahé , de
Brefl, de Saint-Renan, du Conquet, & généralement de tout
ce que les anciens Seigneurs poflédoient au pays de Léon. Le
Vicomte vendit même la propriété de la légitime de fon frère,
dont il n'avoit que l'ufufruit fuivant l'ajfife au Comte Geoffrou
Depuis cette révolution , la Vicomte a été pofTédée par les
Princes de la maifon de Bretagne, d'où elle eft tombée dans
l'illuflre famille de Rohan, en faveur de laquelle elle a été
érigée en Principauté.
Pierre de Bretagne , Vicomte de Léon , Prince prodigue ,
avoit acheté, en 1291 , à Paris, des chevaux qu'il ne paya pas.
Au temps marqué pour le paiement, fon créancier le prefTa
vivement de le fatisfaire ; & , comme le Prince n'avoit pas
d'argent, il n'eut d'autre parti à prendre, pour fe délivrer de
ce mauvais pas, que d'avoir recours à fon père, qui paya fa
dette , à condition qu'il hypothéqueroit tous les biens qu'il avoit
en Bretagne. Pierre, émancipé en 1294, cède à fon père tous
les droits qu'il avoit fur la Vicomte de Léon , pour une fomme
de quatorze mille livres. Cette ceffion fut faite en préfence de-
Phihppe le Bel , & confirmée par fes lettres du mois de Fé^
vrier 1294.
En 13 10, Henri Boich, Jurifconfulte célèbre, né à Saint-
Pol-de-Léon, compofa, fur les Décrétales ^ fur les Clémentines,
un livre qui fut imprimé à Venife , en 1576, & qui a été
confervé manufcrit dans la Cathédrale de Cambrai,
En 1344, le Roi d'Angleterre, ayant appris que l'on avoit
décapité, à Paris, Olivier de CUfTon & plufieurs autres Gen-
tilshommes, à caufe de leurs intrigues & deleurs liaifons avec
la Grande-Bretagne , réfolut d'ufer de repréfailles pour venger
la mort de ces Seigneurs , & voulut faire couper la tête à Henri
de Léon, qui avoit été pris cette année au fiege de Vannes.
s AI 3(J7
Le Comte de Derbi , inftruit des intentions de Ton maître , lui
repréfenta que c'étoit une injuftice criante, de faire périr un Che-
valier eftimable , prifonnier de guerre , qui n'avoit aucune part
à la mort d'Olivier de CliiTon. Edouard fe calma , fit venir
Henri de Léon , & lui fit grâce.
Le Duc Jean IV & la Duchefie , fon époufe , fondèrent , en
1348, le Couvent des Pères Carmes, dans la vilîe de Saint-Pol-
•de-Léon , & firent rebâtir , dans cette ville , la Chapelle de
Notre-Dame de Creilquer , fondée très - anciennement par un
Chanoine de la Cathédrale.
Guillaume de Rochefort , Evêque de Léon, en 1349, fit cou-
vrir de lames d'argent , empreintes de fes armes , un livre écrit
de la main de Saint Pol , premier Evêque de Léon , & le dé-
pofa dans le tréfor de fa Cathédrale. Le Duc Jean IV afliégea,
l'an 1374, la ville de Saint-Pol-de-Léon , & pafTa toute la gar-
nifon Françaife au fil de l'épée. En 1385, Gui le Barbu , de
la maifon du Quilliou , en la ParoilTe de Plougallel , Evêque
de Saint-Pol-de-Léon , fit bâtir fon tombeau dans la Chapelle
de Saint- André , à laquelle il donna vingt marcs d'argent, deux
cents écus d'or , fa crofle , & fa mitre.
Le 1 5 Septembre 1 444 , fut pafTé un a6le entre le Vicomte
de Rohan , Seigneur de Léon , &: le Chapitre de fa Cathédrale,
pour régler leurs obligations refpeftives. Le Vicomte fonda, dans
la Cathédrale, deux anniverfaires , pour la célébration defquels
il donna , à perpétuité , au Chapitre , toutes les dîmes qui lui
appartenoient dans la Paroifie de Ploeiieven , Se cinq quanUrs
de froment pour le pain du Chapitre. En reconnoilfance , le
Chapitre promit au Vicomte & s'obligea à le recevoir , lui
& fes fuccefleurs. Chanoines en fon Eglife, de la même manière
que l'on recevoir les Seigneurs temporels Chanoines en l'Eglife
Métropolitaine de Tours. C'ell: en conféquence de cette obhga-
tion que , lorfque le Viconite entroit à Saint-Pol-dc-Léon ,
TEvêque , en habit pontifical , accompagné de fon Chapitre ,
alloit proceffionnellement au devant de lui avec la croix 6l les
bannières , & , au fon de toutes les cloches , lui préfentoit un
furplis dont il étoit fur le champ revêtu, le conduifoit à l'Eglife,
où il prenoit place à côté de ce Prélat , pendant qu'on chan-
toit le Te Dcum pour célébrer f :i hcureufe arrivée \ & lorf-
qu'il fortoit de l'Eglife, un certain nonibre de Lhanoines, en
habits de chœur , le conduifoient jufqu'à fon log^is , où il étoit
nourri aux dépens du Chapitre. 11 fur. llaiu ^ u la mort du
368 S A I
Vicomte & de fes fucceffeurs, toutes les cloches fonneroîent
pendant huit jours ; qu'on placeroit dans l'endroit le plus émi-
nent de la Cathédrale , & pour plus grand honneur, douze
bannières aux armes du Vicomte -, qu'il leroit fait un Service
folemnel avec des tentures aux mêmes armes -, que dès le mo-
ment le Chapitre les feroit graver en pierres en deux endroits
de i^glife indiqués par le Vicomte ; & que les deux anniver-
faires feroient célébrés en cérémonie , l'un à la fête de la Con-
ception , & l'autre le jour de Saint - Yves. Le Duc François I
approuva cette fondation , par fes lettres données à Vannes ,
le 14 Oftobre 1444.
\Jn des plus finguliers droits que nous offre le Gouvernement
féodal , eft celui de Motte , attribué au Seigneur de Léon. Ses
vaffaux , appelles ferfs de Motte , ne pouvoient aller demeurer
ou choifir une habitation ailleurs que fur les terres du Vicomte,
& , s'ils le faifoient , le Seigneur ou fes Officiers pouvoient les
faifir , leur mettre la corde au col , les ramener à leur Motte ,
& leur infliger une peine corporelle Qu pécuniaire. Si ces ferfs
avoient des enfants qu'ils fifl^ent étudier, ces jeunes gens ne pou-
voient obtenir la tonfure ni aucuns Ordres Eccléliaftiques , fans
lettres - patentes du Vicomte. Si quelques - uns déUnquoient ou
manquoient à leurs obligations envers les Seigneurs , leurs en-
fants perdoient les biens préfents & futurs auxquels ils pouvoient
prétendre en ladite Vicomte , & de plus , ils étoicnt bannis du
pays. Le château de Roche-Morice avoir droit de Capitainerie ,
Lieutenant , & Garde ; cette place , jadis une des plus fortes de
Bretagne , efl: maintenant en ruines.
Pierre Carnenge , Kernengui , ou Kermengi , de l'Ordre des
Grands Carmes , Do6leur en Sorbonne , né à Saint-Pol-de-Léon ,
s'acquit une grande réputation dans les fciences : il nous a laiffé
une Hiftoire Eccléfiaftique , l'Hiftoire de fon Ordre , une critique
des ConfHtutions & des Commentaires fur Arillote ; il mourut
en 1471. Le Roi Louis XII & la Reine Anne , fon époufe ,
furent reçus à Saint-Pol-de-Léon, en 1503, par Jean de Ker-
mavan, Evêque de ce diocefe. En 1548, la Princeffe Marie
Stuard , venant d'Ecoffe en France , débarqua à Rofcoff , &
fonda une Chapelle dans l'endroit où elle defcendit de fon
bateau j cette Chapelle fut dédiée fous le vocable de Saint
Ninien,
François Eguinard , Baron , natif de Saint-Pol-de-Léon , en-
feigna le Droit à Bourges. Le célèbre Duaren , aufli Breton ,
vivoit
s A I 369
Vîvoît dans la même ville. L'émulation leur mit la plume à la
main l'un contre l'autre , & ce dernier écrivit , contre Baron ,
l'Apologie de la Jurifdi^lion & de l'Empire : dans la fuite , Lv
conformité d'emploi fervit à les réconcilier. Baron mourut le 2 2
Août 1550, & Duaren , pour laifTer à la poftérité un témoi-
gnage de l'ellime & de l'amitié qu'il avoit pour ce fçavant Ju-
hfconfulte, fit fon épitaphe. L'Hifloire nous apprend qu'en 1^461
la mer jetta une baleine fur le rivage , vis-a-vis Saint-Pol-de-
Léon : l'Evêque s'en faifît fur le champ ; mais le Duc revendi-
qua ce poiflbn , & foutint qu'il ne pouvoit appartenir qu'à lui
feul, L'Evêque réfifta pendant quelque temps , mais enfin l'af-
faire s'arrangea à l'amiable.
En 1569, Rolland de Neuville, Evêque de Saint-Pol-de-
Léon , grand Prédicateur , inllitua , dans prefque toutes les Pa-
roiffes de fon diocefe , la Confrairie du Saint-Sacrement , malgré
toute la réfiftance des Huguenots qui abondoient en ce temps-là
dans la Bretagne. En 161 8 , le Couvent des Pères Carmes, qui
avoit prefque été entièrement ruiné par les malheurs des guerres ,
fut rebâti, en quelque forte, à neuf, par les bienfaits du Boi
Louis XIIL Les Capucins furent établis à Rofcoff, en 1621 &c
1622. Les Révérends Pères Minimes furent fondés, dans la ville
de Saint-Pol-de-Léon , par Prigent de Coatelez , Tréforier du
Chapitre de la Cathédrale , qui donna fa maifon canoniale
pour faire ce Monaftere; &, le 24 Mars 1626 , la première pierre
de l'Eghfe fut pofée. En 1625 , l'EgUfe Cathédrale de Saint-Pol-de-
Léon & les Chapelles qui s'y deffervent , ayant été interdites ^
les Chanoines firent le fervice dans la Chapelle de Creifquer
pendant l'interdit. ( Voyez la caufe & les fuites de cette grande
affaire dans le catalogue des Evêques. )
En 1630, au mois de Décembre, les Religieufes Urfulines
furent reçues & fondées à Saint-Pol-de-Léon. Le tonnerre tomba
fur le clocher de Notre-Dame de Creifquer , abattit la pointe
de la flèche , tua une femme qui étoit dans l'Egiife , fondit la
moitié du chanceau qui étoit en bronze au devant du maître-
autel , brifa l'efcalier du clocher, & deflecha tous les bénitiers.
Lettres-patentes de l'an 1751 , pour la reconllruélion du Pa-
lais épifcopal.
Catalogue hipcr'iijue des Evêijucs de S aim-Pol' de-Léon,
L'Eghfe Cathédrale de Saint-Pol-de-Léon doit fes premiers
fondements à Saint Pol ,, né au pays de Galles , en Angleterre.
Tome IV ^ A \
Ce Saint le consacra J dès fa plus tendre jeuneffe, à la vîê
Relieieiife , & vécut long-temps dans la compagnie de Saint
Gildas le Sage , fous la difcipline de l'Abbé Hildut. Arrivé en
Bretagne , il le retira avec fes Difciples dans l'ifle de Batz , &
Witur , Seigneur du pays , lui donna du terrein pour édifier un
Monaftere. Il fixa fa demeure dans ce lieu , & alla prêcher l'E-
vangile aux Oiîifmiens. Les Grands Se le peuple , pleins de véné-
ration pour ce faint homme , fupplierent le Roi Childebert de
le faire facrer- Evêque de Léon. Le Monarque y confentit , Se
fit venir Saint Pol à fa Cour. Voilà la manière dont ce fait
efl rapporté dans une ancienne légende de l'Eglife de Léon»
«< Le Monarque , fçachant combien les habitants de Léon defî-«
» roient d'avoir Pol pour leur Evêque , & connoiffant, lui*
» même , l'éminente famteté de cet humble ferviteur de Dieu ,
» lui adreffa ces paroles de l'Evangile : Courage , bon ferviteur ^
w puifque vous ave:^ été fidèle jufquici dans les moindres chofes ^
» je vais vous donner un emploi plus important , cefi de veiller fuf
» vos frères , de les inflruire , de les gouverner avec fag^ffe , 6* de
» les conduire dans la voie du cieL
^> Pol , faifi d'étonnement & effrayé de l'immenfe étendue des
>> devoirs qu'on lui préparoit, fe jette aux pieds du Roi qui
r> le relevé avec bonté , & prenant le bâton Pafloral d'un autre
» Evêque là préfent, il le met dans les mains du modefte Soli-»
>* taire , qui ne peut réfiller aux ordres de fon Roi , & qui efl
» facré fur le champ par les Prélats de fa Cour. Après cette
» cérémonie , le Roi le renvoya dans fon Evêché , & lui afligna
» des revenus fufîifants pour fa fubfiflance. » Les hifloriens ne
font pas d'accord fur l'année de l'éreêlion du Siège de Saint^
Pol-de-Léon; les uns la placent en 529, & les autres en 580*
Sa naiffance , placée par plufieurs fous l'année 487 , & fa mort
fous l'année 579, font rejetter la dernière opinion. Quoi qu'il
en foit , après avoir gouverné fon diocefe quelque temps, il ré-*
figna fa place à Saint Johevin , Joava ou Jovin , qu'il avoit or*
donné lui-même.
Saint Johevin , ne fut Evêque qu'un an.
Thiarmaile ou Ermel , qui avoit auffi été fait Prêtre par Saint
Pol , ne fut pas plus long-temps fur le Siège de Léon.
Saint Pol reprit encore le Gouvernement de fon diocefe , qu'il
gouverna pendant quelques années , & fe retira dans fon Mo-
naftere de l'ifle de Batz, où il mourut dans l'endroit nommé
U Fcniti de Saint Pol ^ le 12 Mars 573 , & félon les autres 579*
s A I 571
Cetomerin , parent de Saint Pol , prit enfuite le titre
d'Evêque.
Saint Goulven , fut le cinquième Evêque de Saint-Pol.
Saint Tenenan. Saint Houardon. Saint Gocrnove. Gilbert.
Omene. Guyomark. Léonore.
Libéral , fut dépofé , vers 848 , comme iîmoniaque , par Nomi-
noé , Roi de Bretagne,
Paulin ou félon d'autres Paulinien , voyant la Bretagne dé-
chirée par fes propres enfants & par les Barbares du Nord ,
après la mort du Roi Salomon , quitta fon Evêché , & prit la
fuite avec les Reliques de Saint Matthieu , vers la fin du neu-
vième fiecle.
O61:réon, qui occupa enfuite le Siège de Saint-Pol , avoit l'Evê-
ché de Nantes en commende.
Hoflion , fut fon fuccelfeur en 940.
Marbon ou Mabbon , n'eil trouvé que dans un catalogue ma-
îiufcnt qui eu à la BibUotheque publique de Nantes.
Cunan ou Conan , élu vers 960.
Jacob , originaire de la Grande-Bretagne & Abbé de Saint-
Mefmin , élu Evêque de Léon à la demande d'Alain Barbe*
torte , confentit à fon éleftion , & fut facré ; mais il ne put
fe réfoudre à quitter fon Abbaye , & y pafTa le relie de
£es jours»
Bretcand , fut élu en 990.
Eudes, fut fon fuccefîeur en 995 : la coUeftion de Nantes en
fait mention.
Salomon I , élu en 1025 , eft connu par les cartulaires de l'Ab-
baye de Saint-Georges de Rennes.
Omnefe , vivoit du temps d'Alain Caignard & d« Saint
Gurlois.
Jacob, fut élu vers Tan 1099.
Galon Walon , Morne de Landevenec , élu Evêque de Léon ,
affifta aux Conciles de Vienne l'an 1 1 1 2 , de Touloufe en 1 1 1 9 ,
& mourut en 1 134.
Gui y élu en 1145 , confirma, dans le courant de la même
année , à l'Abbé de Saint - Melaine , toutes les donations faites
par les Comtes de Penthievre.
Salomon II , fut témoin d'une donation faite à Saint -Sulpice ,
Tan 1 1 49 , par Hoèl , Comte de Nantes.
Hamon, fils de Hervé, Vicomte de Léon, confirma, le 10
Juillet 1157, les privilèges accordés par Hervé, Vicomte de
Î72. s A I
Léon , fon père , à l'Abbaye de Saint-Matthieu : il prît les armes 3
l'an 116} , pour venger l'affront fait à fon père & à fon frère
par les Seigneurs du Faou , & , à l'aide du Duc , il les mit en
liberté , prit les Seigneurs du Faou , & les renferma au château
de Daoulas. Après la mort du Vicomte Hervé , fon père , il fe
brouilla avec Guyomark , fon frère , qui le chalTa de fon Siège,
Le Prélat, exilé , fe retira auprès du Duc Conan , qui , à fa foUicita-
tion , fit la guerre aux Seigneurs de Léon , les vainquit , & rétablit
Hamon fur fon Siège; mais cet Evêque fut tué en 1171,1e 25
Février , par ordre de fon neveu. En expiation de cette faute ,
Guyomark , félon la coutume du temps , fonda, en 1 173 , l'Ab-
baye de Daoulas , d'après les confeils de l'Evêque de Quimper;
Après la mort de Hamon , un des Archidiacres de Saint-PoI-de-
Léon fut élu j mais l'éieftion fut déclarée fimoniaque , en 1 1 7 5 ,
dans le Concile de Rennes , & par le Pape Alexandre III : l'élu
îie fut point facré.
Gui, affilia au Concile de Latran Tan 1179.
Yves Touill , Eveque de Léon , vivoit fous le règne de Geof-
froi , fils du Roi d'Angleterre.
Jean , fon fucceffeur , affilia aux Etats tenus à Vannes en
1202 , & donna, en 1216, l'Eglife de Saint-Michel de Lefnevea
à l'Abbaye de Saint-Sulpice de Rennes.
Dernier ou Derrien , élu en 1227, mourut en 1238.
Gui , élu en 1238, donna, en 1246, le Patronage de Notre-*
Dame de Morlaix , à Marmoutier.
Yves, élu en 1262, fcelîa , en 12(35, ^^ traité paffe entre
le Duc Jean le Roux , & Hervé , Vicomte de Léon , pour les
coutumes de Saint-Mahé. Guillaume de Léon , que Dom TaiU
landier lui donne pour fucceffeur , n'efl connu que par le cata-
logue de ce fçavant Bénédiélin.
Guillaume de Kerfaufon , fut commis par le Pape Jean XXII
pour abfoudre Ifabeau de Caffille , du vœu qu'elle avoir fait
d'aller à Saint-Jacques en GaHce. Par une lettre adreffée à cette
Princeffe , ce Pape accorde une remife de dix jours de péni-
tence à ceux qui , après s'être confeffés avec de bonnes difpo-
fitions , prieront Dieu pour elle ; & , par une lettre de date pof-
térieure , il lui permet de choifir un Confeffeur à fon goiàt , au-
quel il donne la permiffion de l'abfoudre de tous fes péchés, à
l'exception de ceux fur lefquels il eft befoin de confulter le Saint-
Siège. Guillaume de Kerfaufon fit bâtir la Chapelle de Saint-Mar-
tin , dans fon EgUfe Cathédrale.
. . . ^ ^ ^ . 375
Pierre Bernard , originaire de la ParoifTe de Guemené , au
diocefe de Nantes , fit fa foumilTion à la Chambre Apollolique ,
le lo Juin 1328. On ignore l'année de fa mort. Quelques-uns
lui donnent pour fuccefîeur un Yves de Trefiguidi , qui ne pa-
roît pas admiflible.
Guillaume Ouvroing , transféré de Rennes à Léon en 1347,
mourut en 1349.
Guillaume de Rochefort , élu en 1349 , affifta au Concile
d'Angers en 1365. Albert place fa mort en 1366, Ôc Hardouin
en 1367.
Jean du Juch, foufcrivit, en 13^9, à la fondation de l'Abbaye
de Bonne-Nouvelle , le 2 Février , & mourut dans le courant
de la même année , dit Albert de Morlaix. Cet écrivain lui
donne pour fucceffeur un Pierre Ouvroing , qui paroît fup-
pofé.
Thomas , fuccéda à Jean du Juch : le cartulaire de Léon en
fait mention.
Gui le Barbu , frère de Henri , Evêque de Vannes , fît fa fou-
miffion à la Chambre Apoftolique , le 17 Avril 1383. Le Pape
Clément VII , qui elHmoit ce Prélat , le recommanda au Duc
de Bretagne.
Jean , fon fucceffeur , fit ferment de fidélité au Duc pendant
les Etats tenant à Rennes, le 22 Août 1395.
Gui, élu le 25 Février 1396 , chargea, au mois d'Avril de
la même année , Jean le Jeune , tant en fon nom qu'en celui
de fon Chapitre , de rendre foi & hommage au Vicomte de
Léon, Seigneur temporel de fon Eglife. Dom Taillandier n'a
point fait mention de Jean , & a confondu Gui le Barbu avec
celui-ci, qui mourut au mois de Septembre 1410.
Alain de Kcrafred ou de la Rue, Chanoine de Nantes,
Dofteur en l'un & l'autre Droit , fut élu en 1 4 1 o , & mourut
en 1420.
Philippe de Coëtquis , Chanoine de Tournai , Dofteur en
Droit Civil & Canonique , fit fon entrée folemnelle le 17
Mars 1421. Nous allons entrer dans le détail de cette céré-
monie , dont le récit pourra intércffer les fçavants.
« Le 17 Mars 1421 , le Révérend Perc en Dieu, Phihppe
» de Coëtquis , arriva , en belle compagnie , au fauxboure qui
w conduit de Saint-Pol à la Magdeleinc , & s'arrêta près le
»♦ cimetière. Là, fe préfenta Tangui, Seigneur de Kermorvan ,
» lequel, obcillant à la fomraation que lui fiç le Seigneur
574 ^^^
» Evêque , mit pied à terre, puis prenant la bridé du cKevaîç.
» & mettant le chapeau bas , il conduifit le Prélat jufqu'au
» portail de l'Eglife de Saint-Pierre. Dans cet endroit, i'Evêque
» defcendit, pendant que le Seigneur de Kermorvan lui tenoit
» i'étrier droit , à raifon de quoi le cheval fut reconnu lui ap-
» partenir avec tout l'équipage. Cela fait, ce Prélat s'affit
» dans une chaife placée dans le porche à côté droit de la
» porte ,011 le même Seigneur lui ôta fes éperons , tira fes
» bottes , fe faiiit de Ton chapeau , de fon manteau , & garda
» le tout. Les Chapelains de I'Evêque l'habillèrent enfuite de
» fes ornements pontificaux , & le Prélat entra dans l'Eglife ,
» précédé du Clergé. Quand il eut fait fa prière , il appella
» les Seigneurs de Kermorvan , Alain de Coëtivi , & Guyo-
» mark de Kervern , & leur dit , qu'à eux , comme vafTaux
» de fon Eglife & nobles Chevaliers , appartenoit l'honneur
» de porter trois des pihers ou poteaux de fa chaife , en foa
» entrée foiemnelle dans fa ville épifcopale. Enfuite , il les
» fomma de le défendre , lui & fon Eglife,, de toutes injures,,
» violences , & opprefîions , & de lui aider de tout leur pou-
» voir à adminiftrer la jullice & à défendre fon EgHfe , comme
» ils y étoient obligés par les droits & fan61ions légitimes. Ils
» répondirent unanimement qu'ils étoient prêts d'obéir. Cela fait^,
» fe préfenterent Prigent de Coëtmenech , Chevalier , Procu-^
» reur de fon père , & Henri , Seigneur de Penmark , âgé d'en-
» viron huit ans, qui repréfenterent , par l'organe d'Ecuy et Yves.
» de Kermelec, qu'autrefois il y avoir eu un procès^ entre le
» Seigneur de Coëtmenech & Demoifelle Guillemette Le-
» velli , chacun contellant le droit & privilège de porter le
» quatrième poteau de la chaife de I'Evêque , & de percevoir
» la quatrième partie des uftenfiles de la cuifine épifcopale ^
» au jour de fon entrée j lequel droit de la Demoifelle Le-
» velli étoit dévolu au Seigneur de Penmark. Le Procureur de
>♦ ces Seigneurs ajouta : que les Parties étoient convenues, par
>♦ accommodement , de porter le Seigneur Evêque à tour de
» rôle , c'efl-à-dire , qu'ils partageroient , par portions égales ^
» le chemin & les uAenfiles de cuifine. Il finit par fupplier le
>» Prélat de leur accorder cet honneur. Le Prélat répondit que,
» ne connoiflant pas leurs droits , il ne pouvoit leur accorder
^ leur demande , qu'il ne fçavoit pas fur quoi étoient fondées
» leurs prétentions refpeftives , & que d'ailleurs le procès com-
» mencé par eux n'étoit pas terminé. Il ajouta : que le Seigneur
s A î 3^j
^ de Coëtmenech n'avoit poinf fuffifante procuration, Se que le
» Seigneur de Penmark étoit trop jeune. En conféquence , il fe-
» quellra ce droit entre fes mains jufqu'à plus amples informa-
M tions , & le donna , pour cette fois feulement & fans préjudice
s> des droits des Suppliants, à ïjgnnj Seigneur du Châtel , &c au
» Seigneur de Kerafred. ^i^
» AufTi-tôt la proceiîion fortit & marcha vers la ville. Les
M Chanoines , revêtus de leurs plus beaux ornements , précé-
>» doient le Prélat , qui s'arrêta au portail de l'Eghfe , & là
»> prêta ferment aux Seigneurs de Kermorvan , de Coètivi , de
» Kervern , du Châtel & de Kerafred , repréfentant les Che-
» valiers & Nobles du diocefe de Léon , leur promettant de
» défendre , maintenir , & conferver les libertés &c franchifes de
» l'Eglife Léonnaife , de ne point en aliéner les biens hors les
» cas permis par le droit , & de recouvrer ceux qui pourroient
» avoir été aliénés. Il promit encore, par ferment, de défendre,
» maintenir, & conferver les libertés, franchifes, privilèges, an-
» ciennes & louables coutumes des Nobles de fon diocefe :
» après quoi, il monta dans la chaire , dont le Seigneur de Ker-
» morvan prit le poteau droit , le Seigneur de Coètivi le gau-
>> che du devant , le Seigneur de Kervern le droit , &c les
^> Seigneurs du Châtel & de Kerafred le gauche du derrière ;
>» & le Prélat fut porté le long de la rue de Verderel jufqu'à
y> la porte de la ville , qui joint l'Eglife de Notre-Dame de
i> Creisker. Les habitants de la ville , qui avoient fermé leurs
»> portes, firent fortir par le guichet Ecuyer Guillaume Henri,
» leur Procureur-Syndic & Mifeurj &, par fon organe, ils re-
» quirent le Sieur Evêque de prêter le ferment accoutumé avant
» d'entrer dans la ville : ce qu'il fit , en promettant au Député
s> de conferver les droits de fon Eglife cîc ceux des habitants
» de la ville. Le Procureur-Syndic requit a6te du ferment, &:
n fur le champ la porte s'étant ouverte , la procefîion entra
^> dans la ville , &: le Prélat fut honorablement reçu des Bour-
» geois , qui l'accompagnèrent jufqu'au portail de la Cathédrale.
-> Le Sieur de Vigeris , Archidiacre , fe trouva là , & requit le
» ferment dû par' les Évoques au Chapitre à leur entrée folem-
•/> nelle -, ce qui fe fit en cette manière , par interrogations &
)> réponfes : Etes-vous le Seigneur de Coètquis , que Notre Saint
» Père le Pape envoie pour Palpeur & Evêque de ce diocefe
^> de Saint-Pol-de-Léon ? Oui. Ne promettez -vous donc pas,
H comme bon Pilleur c<c Evêque de Léon, de ne point ahéner
37^ 5 A 1
» les rentes , pofTeiTions , & autres biens immeubles de votre
♦» Eglife , hors les cas permis par le droit , mais les garder fidé-
w lement ? Nous le promettons. Ne promettez - vous pas de
» faire revenir au droit & propriété de votre Egliie les ren-
» tes , poffeffions , & autres b^s immeubles , û vous trouvez
M ou appercevez qu'il y en ait ^elques-uns d'aliénés? Nous le
» promettons. Promettez-vous aufîi de défendre , maintenir , Se
» conferver les droits , franchifes , libertés, immunités eccléfîaf-
» tiques de cette Eglife , Chapitre , & Bénéfàciers , & de main-
» tenir les Eccléfiaftiques dans leurs droits, privilèges , franchifes,
» & libertés, comme l'ont fait vos prédécelïeurs Evêques de
» Léon ? Nous le promettons. Promettez-vous d'obferver les fta-
» tuts de ladite Eglife & les louables coutumes y reçues ? Nous
H le promettons. Vous promettez donc de tenir , garder , & fidé-
V lement accompUr toutes & chacunes des chofes delTus dites ?
» Ainfi , Dieu vous aide , & fes faints Evangiles. Amea,
» Alors toutes les portes de l'Eghfe furent ouvertes , & l'Eve-
» que fut porté jufqu'à l'entrée du chœur où l'Archidiacre lui
» fit réitérer le même ferment. Se enfuite devant Le grand
» autel où le Prélat fit fa prière , Se entra au Chapitre , qui
» exigea un troifieme ferment , toujours par le minillere de l'Ar-
» chidiacre. L'Evêque embraffa fes Chanoines j Se , après la MefTe
» qui fut célébrée folemnellement , on alla prendre un bon
» dîner. Le repas fini , les Seigneurs qui avoient porté le
»> Prélat fe faifirent de toute la vaiflellé & de tout le linge
>> qu'on y avoit employé. >» Philippe de Coëtquis,fut transféré
à Tours en 1427.
Jean Validire de Saint-Léon , de l'Ordre des Frères Prêcheurs y,
Confeffeur du Duc Jean V , fut élu en 1428 , Se transféré à
Vannes en 1433 : il avoit aflifté au Concile, tenu à Nantes
par Philippe de Coëtquis , Archevêque de Tours, en 143 1»
Olivier du Tillei , Chanoine de Saint-Malo , élu en 14333
fut transféré à Saint-Brieuc en 1436.,
Jean Prigent , Archidiacre de Léon , fut nommé à cet
Evêché en 1436, Se transféré à Saint-Brieuc , en 1438.
Guillaume de Mclla , fut confirmé pendant le Concile de
Ferrare par le Pape Eugène IV. Alain de Kerouferé , qu'Al-
bert place ici, doit être rayé du catalogue des Evêques de
Saint-PoUde-Léon.
Guillaume le Ferron, élu Se confirmé dans le Concile de
Florence , auquel il affiila en 1439, mourut en 1471- Le
temporel
s AI 377
temporel de l'Evêché fut aufli-tôt faifi par les Officiers
du Duc.
Vincent de Kerleau , Abbé de Bégars Se de Prières , élu
Evêque de Léon, fit ferment de fidélité au Duc , le premier
Juillet 1472., & ne fut que trois ans Evêque, étant mort en
1476. Il étoit de la maifon de l'Ile, au territoire de Goëlo : il
fut Préfident de la Chambre des Comptes , & le Duc le char-
gea de plufieurs négociations importantes.
Michel Guibé , Chanoine de Nantes , éiu Evêque de Léon
par le crédit du Tréforier Landais, fit ferment de fidélité au
Duc , le 16 Avril 1477, ^ ^^^ transféré à Dol en 1478.
Thomas James, nommé en 1478, fut transféré à Dol en
1482.
Alain le Moult, Chanoine de Quimper & Confeiller du Duc
François II, fut élu le 18 Mars 1482, fit ferment de fidélité le
2 Août fuivant , & fut transféré à Quimper en 1484.
Antoine de Longueil , fils de Jean de Longueil , Préfident au
Parlement de Paris, fit ferment de fidélité le 15 Juillet 1484,
& mourut le 25 Août 1500. Le Roi Louis XII l'avoit envoyé
en ambafi^ade dans lés Cours de Vienne , de Savoie, d'Efpagne,
& d'Angleterre.
Jean d'Epinai , transféré de Nantes à Léon, l'an 1500, par
le Pape Alexandre III, mourut en 1503.
Jean James de Kermorvan , fut nommé Evêque commcnda-
taire de Léon, en 1503.
Gui le Clerc , de l'Ordre de Saint-Augufiin , Abbé de Saint-
Jacques-de-Montfort & Aumônier de la Reine Claude , fut nom-
mé à l'Evêché de Léon en 1 5 1 4 , fit fon entrée folemnelle le
13 Mai 1520, réforma le Bréviaire de (on diocefe , mourut,
félon les uns, & fe démit, félon les autres, en 1521.
Chriflophe de Chauvigné , Abbé de Boquen , fut nommé
le 3 Juin, fit ferment de fidélité au Roi le 12 Novembre
1521, & abdiqua, en 15 54,. en faveur de Rolland de Chau-
vigné , fon neveu.
Rolland, fit ferment de fidélité le premier 06lobre 1554»
8^ fe démit en 1 562»
Rolland de Neuville , puîné de la maifon du Plcffis-Bardoul,
Abbé de Saint- Jacques-dc-Montfort , obtint l'Evêché de Léon,
par la prote6Kon du Duc d'Etampes , en 1 563 , 8c fit ferment de
fidélité le 25 O^obre 156c. Ce Prélat affilia au Concile de
Tours en 1583 , & demeura toujours fidèle à fon Roi pendant
Tome ir. B 5
3y8 S AI
les troubles de la Ligue. Il mourut le 5 Février K313, après
cinquante ans d'Epilcopat.
René, fils de René de Rieux de Sourdéac, Abbé du Relec,
de Daoulas, & d'Orbais , fit ferment de fidélité le 23 Oc-
tobre K319, & alTifta aux Etats de Guérande en 1625. Ce Pré-
lat èft célèbre dans l'Hiftoire Eccléfiaftique du dix-feptieme fiecle ,
par les traverfes qu'il éprouva. Le Pape avoir donné un bref ^
portant que tous les Monafteres de Femmes de l'Ordre de Notre-
Dame du Mont-Carmel & de la Réforme de Sainte-Thérefe ,
érigés & à ériger , reconnoîtroient pour leur Supérieur & Vifi-
teur le Père de Berulie, fondateur de la Congrégation de l'O-
ratoire de France. Les Religieufes de Morlaix , ayant refufé
d'obéir à ce bref, les Cardinaux de la Rochefoucault & de la
Valette , Commiffaires du Pape , chargèrent Etienne Louytre ,
Doyen de Nantes , de les pourfuivre & de faire exécuter le
bref du Pape. Ce Doyen rendit une Sentence contre elles ; mais
elles n'en tinrent compte , & réfillerent fi vivement qu'elles de-
mandèrent à être déliées de leurs vœux de clôture : elles firent
plus ; elles quittèrent leur Monaftere , fe rendirent à Saint-Pol-
de-Léon , & furent reçues par le Prélat , qui les confola , les
logea dans fon palais, & les transféra enfuite au château de
Breft , dont étoit Gouverneur M. de Sourdéac , père de l'Evêque.
Louytre, voyant cette obftination , rendit, le 12 Avril 1625 ,
une Sentence d'excommunication contre les Religieufes , nom-
mées Sœurs Marguerite de Saint-Fiançoïs ^ Théreje- Angélique de
Jefiis , Claire de Jefus , Maiie-Thérefe de Saint-Jofeph , Béatrlx
de la Conception , Genrude de Jefus-Maria, Annc-Thérefe de Jefus ^
Marguerite de Saint-François ^ & Marguerite de la Mère de Dieuj
avec défenfe à toutes perfoTines , fous peine d'excommunication,
de les hanter ou fréquenter , & aux EccléfiaiHques féculiers &
réguliers , même aux Evêques , de leur adminiftrer aucuns Sa-
crements , foit en fanté, foit à l'article de la mort même,
qu'auparavant elles n'eufl'ent demandé , en toute humilité & dou-
leur , l'abfolution die l'excommunication encourue par elles , avec
promefTe de leur part , d'obéir au Siège Apofi:olique , félon la
forme prefcrite par le bref du Pape. Ces Religieufes avoient
appelle au Saint-Siège , mais l'appel avoir été déclaré nul par
le Juge qui , abufant du minifiere dont il étoit chargé , ofa in-
terdire i'Eglife Cathédrale de Saint-Pol-de-Léon & l'Evêque lui-
même. La Sentence fut fignifiée à l'Evêque, qui en donna avis
à l'ailemblée du Clergé tenant à Paris. Les Prélats , jugeant
, 379
l'affaire de conféquence , réfolurent de convoquer tous ceux de
leurs Confrères qui fe trouvoient à Paris , & de conférer avec
eux fur un fait de cette importance. En conféquence , les Agents
du Clergé avertirent tous les Evêques du réfultat de la délibé-
ration , & tout le monde fe rendit au jour indiqué , qui étoit
le i6 Juin 1625. L'Evêque d'Orléans fit la le61ure de tout ce
qui avoit été fait à l'occafion de ces Religieufes , & enfuite
de la déclaration de l'afTemblée -, déclaration que l'on vouloir
rendre publique , Se qui fut généralement approuvée ; la voici :
« Les Cardinaux, Archevêques, Evêques, & Eccléfiaftiques,
» Députés de toutes les provinces de ce Royaume en cette ville
» de Paris, & encore les Archevêques & Evêques qui fe font
» trouvés en ladite ville , à très-Révérend Père , notre vénérable
» Frère & Collègue René , Evêque de Léon , nos Frères les
» Doyen Se Chanoines de fon Eglife , à tous les Fidèles étant
» fous fa charge , & autres qu'il appartiendra , charité &: paix
» en Notre-Seigneur.
» Ce qui s'ell pafTé en votre diocefe , nous a paru fi étrange ,
» que , fi les aftes n'en enflent fait foi , à peine eût-il été tenu
» pour véritable j car jamais préfomption n'alla fi loin , Se les
» îiecles pafl^és ne fourniflTent point d'exemples d'un attentat fi
V plein d'impiété. Vous avez donc vu dans votre diocefe un
» Prêtre interdire une Eglife Cathédrale , interdire la maifon de
V l'Evêque , le menacer d'irrégularité , lui faire des commande-
» ments , le prononcer indigne de l'entrée de fon Eglife , &
» finalement , par tous ces degrés d'impiété & d'audace , monter
» jufqu'à le fufpendre de fes fonctions épifcopales ? Il ne s'efl
» pas contenté d'une peine , la qualité d'un Evêque lui a fem-
» blé en mériter un amas & une furcharge. Qui en confidérera
^> le particulier , n'en pourra jamais coter toutes les ignoran-
» ces , ni toutes les impiétés. Qui ne s'étonnera de l'interdic-
^> tion d'une Eglife Cathédrale , qui eft le centre de la com-
» munion des Fidèles du diocefe, le lieu le plus chéri de Dieu,
w Se d'où , plus volontiers , il exauce les voeux Se les prières de
» fon peuple , la ParoiflTe des ParoifTes , l'Eglife merc des autres ,
V le féjour Se la flation des Anges tutélaires du diocefe ; qui ,
*♦ par conféquent , ne peut être interdite qu'on ne mette tout
» un diocefe en deuil Se en affli^Hon ? Qui voudroit examiner
» tous les autres attentats , ne croiroit jamais qu'ils eufl^ent été
» prononcés par un Dofteur ; comme rinterdi8:ion de la maifon
(t épifcopale, par laquelle il retranche la communication des Fidèles
58o S AI
» avec leur père , Se , d'ailleurs , qui eu comte l'ufage ordinaire de
» l'Eo-life , qui réferve plutôt ces punitions pour ranger les Laïques
» à le^ur devoir que les Eccléfîaftiques. Combien d'injures a-t-il fait
» à la dignité épifcopale , de l'avoir violée par tant de mé-
» pris , par tant d'injonftions & de commandements fi arrogants
» 6^ Cl éloignés de fon pouvoir ? Ces interdirions & ces fuf-
» penfions , qu'il a prononcées contre un Evêque avec une pré-
» f bmption épouvantable , qu eft-ce autre chofe finon prononcer
» que non-feulement l'Evêque foit privé d'offrir le divin facri-
» hce pour fon peuple , de préfenter fes prières à Dieu , de
» l'unir avec fon fils , de lui procurer toutes les grâces parti-
» culieres & toutes les bénédiftions , qui , libéralement & abon-
» damment , defcendent d'enhaut par les mains des Evêques ;
» mais aufli prononcer que tous les Fidèles du diocefe en foient
» privés ? Finalement , il n'y a point de crime fi abominable
» devant Dieu que le fchifme & la divifion. C'efl: à quoi il a
» travaillé , en fa commiflion , à divifer les Eccléfiaftiques d'avec
» leur chef , le peuple d'avec fon Evêque , le troupeau du Paf-
>if teur , & les rendre des enfants fans père , des difciples fans
» maître. Mais encore que tous ces attentats fentent l'irréligion
» & le facrilege -, il n'y a rien qui en faffe mieux paroître la
» préfomption & l'audace , que les nullités qui fe trouvent en
» fa procédure , comme le défaut de pouvoir procéder contre un
» Evêque , qui feul rend tout ce qu'il a fait contre lui nul &de nulle
» valeur , quand même il ne feroit pas accompagné d'une
» infinité d'autres nullités -, & toutefois , quoique cette aftion
» foit pleine d'ignorance , d'impiétés , & de nullités , & par
» conféquent qu'elle ne doive donner aucune crainte , ni aucune
» appréhenfion , il s'en eft trouvé parmi vous , au grand regret
» de toute cette alTemblée , qui ont fermé la porte au père de
» famille pour l'ouvrir au larron ; qui ont méprifé la voix du
» Pafleur pour obéir à celle du loup ; & qui , prévenus &
» abufés de l'audace de ce Prêtre étranger , ont abandonné celui
» qui eft établi de Dieu pour les conduire & éclairer. C'eft
» pourquoi, defirant promptement étouffer ce fcandaJe & em-
» pêcher que la divifion ne croifle , nous avons jugé néceffaire
» de vous écrire la préfente , par laquelle nous déclarons abufif ,
» nul , & de nul effet , tout ce que M^. Etienne Louytre a fait
»- & prononcé contre la maifon , l'EgUfe , & la perfonne de
n votre Evêque, ayant été fait par attentat, fans pouvoir, Sc
» contre les faims Canons. Nous mandons, autant qu'il aous
s AI 38t
» eu pofrible,*& vous exhortons par cette paix que Notre-Sei-
» gneur a laifTé à fon Eglife , que , fans avoir égard à ces té-
» méraires interdictions & furpcnfions , vous ayez à luivre la
» voix de votre Evêque , vous ranger avec lui , ouvrir les
» portes de votre Eghle , y rétablir le fcrvice de Dieu , afin
» que le peuple & vous étant unis avec lui ,^ vous puifTiez , par
» fon moyen & fon union , jouir de la communion & fociété
» univerfelle de Jefus-Chrill. Fait en l'alTemblée du Clergé gé-
» néral de France , à Paris. »
Cette lettre fut adreffée à l'Evêque de Rennes , qui fut
prié de contribuer de toutes fes forces à faire refpefter la dé-
claration du Clergé. L'afTemblée voulant punir rigoureufement
un pareil attentat , ne s'en tint point la ; elle écrivit à tous les
Prélats du Royaume une lettre circulaire accompagnée de toutes
les pièces qui prouvoient la témérité du coupable & la julHce
de cette condamnation. Voici ce qu'il y avoit de plus remar-
quable dans cette lettre : Si le fait du (leur Louytre vous fcmhle
aujf. extraordinaire & aiijji digne de punition qu'aux Prélats de
cette ajfcjnblée , vous fere'^ ce qu'ils ont tous réfolu & promis de
faire , qui efl de lui dénier , dans leur diocefe & autres lieux , toutes
fortes de commiffions , 6* de n'avoir aucune part ni aucune fociété
avec lui , & de le tenir en cet état jufquà ce qu'il fe fou rendu
devant fon Archevêque & les Evêques de fa province , pour recevoir
le châtiment de fon attentat. Par une lettre particulière , l'Evêque
de Nantes fut prié de punir le coupable , ik de lui faire recon-
fioître la grandeur & la témérité de fa faute. La Faculté de
Théologie de Paris ayant reçu une copie de la déclaration ci-
defTus , qui lui fut préfentée par ordre de l'ailemblée , en fit
remercier la Compagnie ; & , comme le Doyen étoit un de fes
membres , elle le cira à comparoître pour rendre compte de
fes allions , & voir procéder contre lui ; elle demanda même la
permifiion à l'Archevêque de Paris de lui refufer la commu-
nion des Fidèles , pour lui faire fentir plus vivement fes torts.
Cependant la Cour de Rome avoit été informée. de la déclaration
de l'afemblée générale du Clergé,& le Pape, ne voulant point laillcr
opprimer le Doyen , avoit cafie cette déclaration , par un bref
qu'il avoit envoyé au Légat , avec ordre de le faire publier.
Le Légat prévoyant l'orage que cette publication alloit occa-
fionner , ne fe preflli pas d'obéir , voulant du moins attendre
que l'alTemblée fe fût féparée. Les Evêques , de leur côté , ne
s'endormirent point : ils eurent recours au Roi, & le fupplierent.
381 s AI
en trois ou quatre audiences , de leur accorder fa prote£lion ,
Itii afîurant qu'ils ne vouloient faire aucune démarche dans une
affaire de cette importance , fans l'avis de fon Confeil. Le Roi
ayant répondu favorablement , les Députés lui demandèrent
quatre chofes : 1°. Qu'en préfence du Légat, du Nonce, des
Dofteurs Italiens , des Pères de l'Oratoire , & du Confeil , les
Prélats puffent démontrer les impertinences , ignorances , atten-
tats , témérités de Louytre , parce que leur déclaration ne pou-
voit être calomniée , & que le Pape n'avoit pu y toucher fans
les entendre. 2°. De faire fupprimer ce bref, foit en envoyant
à Rome un courier exprès , Ibit en faifant voir au L^at les
inconvénients qui en pouvoient réfulter ; & , pour cet effet , on
donna à Sa Majeflé un mémoire d'inftruftion pour fon Ambaf-
fadeur à Rome. 3°. Que ii l'affaire ne pouvoir s'accommoder ,
qu'il permît un Concile national pour y voir & demander un
Concile général. 4°. Qu'il permît aux particuUers les appels
comme d'abus de toutes les bulles & brefs qui regardoient les
Pères de l'Oratoire & les Carmélites , afin de réduire teut cela
fous les Evêques , & altérer cette impudente ambition qui vouloit
ha:^ardcr un fchifme pour maintenir fon orgueil. Ces moyens furent
approuvés du Roi , & il fut réfolu d'en faire ufage : le mémoire
à î'Ambaffadeur contenoit de très-amples inffruftions , des raifons
folides , & des menaces indireftes. On faifoit craindre au Pape
de compromettre fon autorité par une entreprife qu'il feroit
peut-être forcé d'abandonner , d'autant mieux que les Parlements
regardoient la fentence de Louytre comme abufîve contre le
• Droit & le Concile de Trente. Il eff à préfumer que le Pape
fupprima fon bref , puifque , le 29 Décembre , Louytre fut admis
dans l'affemblée , pour y faire une fatisfaélion publique , après
en avoir fait une particulière : en conféquence , l'affemblée avertit
tous les Prélats du Royaume de la foumiffion du coupable , par
une lettre circulaire du 13 Janvier 1626. René de Rieux fut
tranquille pendant onze ans; mais, en 1635, ^ccufé d'avoir
favorifé la fortie de la Reine Marie de Médicis hors du Royaume,
& d'avoir féjourné dans les Pays - Bas fans la permiffion de Sa
Majefté , il fut traduit devant les Evêques Commiffaires du Pape ,
& fut privé de l'adminiffration de fon diocefe par Sentence dii
3 1 Mai. La crainte de déplaire au Roi arrêta les murmures du
Clergé, & on attendit fa mort avant d'en parler. Le Père
Eauni , Jéfuite, publia les Statuts de René de Rieux, en 1629
& 1630.
s AI 38J
Charles Talon, nommé par le Roi le 28 Août 1(335 , ne put avoir
fes bulles , & fe démit , entre les mains du Roi , de tous les droits
qu'il pouvoit avoir fur l'Evêché de Léon, en 1639.
Robert Cupif, originaire d'Anjou, Doyen du Folgoèt , Archi-
diacre , Officier , & Grand-Vicaire de Quimper , fut facré , le z6
Mars 1640, dans l'Eglife de Saint-Germain-des-Prés ; mais René
de Rieux , ayant été relevé des cenfures portées contre lui , &
rétabli dans fes droits , Robert Cupif fut transféré à Dol
l'an 1648.
René de Rieux , qu on a vu ci-devant dépofer , fut rétabli , à la
demande des Evêques , en 1 646 -, mais , comme Robert ne vouloit
pas lui céder fon Siège , il n'y remonta qu'en 1648 :René mourut
le 8 Mars 165 1.
Henri de Laval de Bois-Dauphin , nommé Evêque en 165 1 ,
affifta à l'afîemblée du Clergé en 1654 & 1656, ôc fut transféré
à la Rochelle en 1661.
François Vifdeloup , Coadjuteur de Quimper , futle fucceiïeur
de Henri. On voit dans l'Eglife Cathédrale fon tombeau en
marbre blanc -, cette pièce ell digne de la curiofité des
étrangers.
Jean de Montigni , mourut pendant la tenue des Etats à
Vitré , l'an 1 67 1 .
Pierre de Neboux de la Brofle , nommé en 1671 _, aflifta aux
Etats à Vitré en 11673 , à Dinan en 1675 , à Vannes en 1691 ,
aux aflemblées du Clergé à Paris en 1695 & 1696, 6c mourut
en 1701.
Jean-Louis de la Bourdonnaye , Grand -Vicaire de Nantes,
nommé le 31 Oftobre 1701 , facré le 23 Avril 1702, affilia à
l'affi^mblée du Clergé en 1710, & mourut au mois de Février
Ï745 , h Breft , où il fut inhumé.
N. de Goyon de Vaudurand , Vicaire général de Coutance ,
nommé le 24 Avril 1745 , prêta ferment &c fut facré au mois
de Septembre de la même année.
N. Dandigné de la Châfîc , nommé en 1763 , fe démit
en 1772.
M. de la Marche, nommé en 1772 , gouverne a^luellcment
l'Eglife de Saint-Pol-de-Lcon,
SAINT-POTAN ; fur une hauteur ; à 7 lieues à TEH de Saint-
Brieuc , fon Evêché ; à 1 4 lieues de Rennes ; & à 4 lieues de
Lamballe , fa Subdélcgation, Cette Paroiffii reffortit à jugon , &c
384 s A I
compte 1 200 communiants : la Cure eu à Talternative. Ce territoire ,
arrofé par les eaux de la rivière de Guébriand , eft très-exafte-
ment cultivé , très-fertile , & produit des grains de toutes efpeces ,
du cidre & du foin. En 1500^ on voyoit dans cette ParoifTe
les maifons nobles fuivantes : Vaudine-Loifel , à Pierre de Mos j
( c'elt aujourd'hui un château avec haute-Juilice , il fe nomme
Veaume-Loyfel , Se appartient à M. Gouyon de Beaucorps : ) le
Pré-Morvan , à Jean l'Anglois j ( cette Terre a une haute-Juftice
qui s'exerce à Pluduno , & appartient à M. l'Anglois : ) la FoiTe ,
à Julien Gouyon ; le Dieu-Dit , à Julien Bouan , Sieur de la
Grignardiere ; la Lande de Brefeillac - BafTe , à Gilles de la
Lande ; le Val , à François du Val ; le manoir de Liftaval , à
François Gouyon; Gallinée , à Mathurin de Brehant ; Guilloir,
à Charles Corbal j Launaye - Gouyon , à Gouyon - Gouyon ; le
Haut-Bart, à Charles du Val, Ker-oualbo, au Sieur de Mati-
gnon j la Cremeraye , à Bertrand Bouan -, Vau-Balieuzon ^ à Jeaa
Defnos ; la Grignardaye , à Bertrand de la Bouexiere -, les Ro-
ches , à Jean le Fefte , Sieur de Guébriand j le VauJoyeux , à
François de Saint-Guedas j la Ville-Gicquel , à Jean Erogeard ,
Seigneur du Veau - Couronné ; Habel , à François Habel ; le
Charrie , à François Denos -, la Touche-Habel , à Julien Habel ;
la Pajollais , à François Madeuc , Sieur du Vaumadeuc ; les
Landes-Blanches , à Guyon du Val -, la Ville-Even , à Jean de
la Lande -, la Couyere , à la veuve de Jean Guitton ; Bonne-
Vie , à Pierre Gouyon ; & le Chefné , à Geoffroi de Saint-
î^ellet : la haute- Juflice de l'Ifle-Avart appartient à M. de la
Rivière.
SAINT-QUAY; dans un fond , au bord de la mer; à 18
lieues à l'Ouefl: de Dol , fon Evêché ; à 23 lieues de Rennesj
& à 3 lieues de Saint-Brieuc , fa Subdélégation & fon refîbrt.
On y compte 1600 communiants. Les Bénédiftins de Léon fe
prétendent les préfentateurs de la Cure , dont l'Evêque diocé-
iain s'attribue auffi la collation. Il s'y tient tous les ans une
foire remarquable par la grande quantité de fils & de beftiaux
qui s'y vendent. Le territoire , borné au Nord & à l'Eu par la
mer, eft bien cultivé & produit beaucoup de grain 5. fur-tout
clu froment. On trouve dans l'anfe de Saint - Quay , du fable
magnétique , noir , brillant , & auffi pefant que la limaille de
fer. Les naturalises l'appellent ferrugbicux , & il eft fortement
attiré par la pierre d'aimant : il n'entre cependant pas en
effufîoa
s AI 585-
effuiîon au feu des fourneaux , fa nature efl à-peu-près la même
que celle du graint , efpece de pierre très-commune en ce pays,
qui refTemble beaucoup au granit qu'on trouve û abondamment
en Egypte. En 1500, les maifons nobles de l'endroit étoient:
la Ville-Morio , au Sieur de la Roche-Jagu ; les Fontaines &: le
Minihy, à Jacques Bertho.
SAINT-QUAY ; près la route de Lannlon à Peros ; à 3 lieues
& demie à l'Oueft-Nord-Ouefl: de Tréguier , fon Evêchc ; à 3 3
lieues de Rennes ; & à i lieue & demie de Lannion , fa Subdclcga-
tion & fon refTort. On y compte 300 communiants : la Cure eit à
l'alternative. Le territoire ell fertile & bien cultivé. Le ma-
noir de la Ville - Moriou appartenoit , en 1 5 00 , à Guillaume
d'Acigné*
SAINT -REMI- DU -PLAIN; à 5 lieues au Sud-Sud-Ell de
Dol , fon Evêché ; à 7 lieues de Rennes ; & à 2 lieues un tiers
<l'Aiitrain , fa Subdélégation. Cette Paroifl'e relevé du Roi , ref-
fortit à Bazouges , & compte 550 communiants : autrefois la col-
lation de la Cure appartenoit à l'Abbé de Rillé , elle eil: pré-
fentement en commende. La Paroiffe eft enclavée dans le
diocefe de Rennes : le fol en eft mal cultivé , puifque les terres
incultes font beaucoup plus étendues que les terres en labeur.
La Hays-d'Is, le Pleffis - Guet , & Treait , forment une haute-
Jultice , qui appartient à M. de Montboucher.
SAINT-RENAN ; gros bourg , dans un fond ; à 1 2 lieues un
quart à rOueft-Sud-Oueft de Saint-Pol-de-Léon , fon Evêché ; à
50 lieues de Rennes j & à 3 lieues de Brell , fa Subdélégation
èc fon refTort. Cette ParoifTe relevé du Roi , ôc compte 1 000
com.muniants : la Cure eil: préfentée par l'Evêque. Trois grandes
routes aboutifTent au bourg. Le territoire eu. abondant en grains
Se .fourrages : les chevaux qu'on y élevé font forts & vigoureux.
Il efl: prouvé , par la vie des Saints de Bretagne , que cette
Paroifle eft fort ancienne , & qu'elle doit fes premiers tonde-
inents à Saint Renan , fon Patron , qui bâtit un Hermitage dans
la vafte forêt de Nemée , depuis nommée c/c Nevet , qui occu-
poit le terrein qui compofe aujourd'hui cette Paroiil'e. Saint
Kenan mourut, l'an 395, dans fon Hermitage, fur lequel on
édifia une Eglife paroifîiale en fon honneur. Kcr-uzas appartient
à M. de la Bedoyere.
Tome IF, C 3
î86 S A I
SAINT-RIEUL; à 6 lieues â l'Eft-Sud-Efl de Saint -Brieuc,
fon Evêché ; à 14 lieues un quart de Rennes j & à i lieue
trois quarts de Lamballe , fa Subdélégation. Cette ParoilTe ref-
fortit à Jugon , & compte 300 communiants : la Cure eft à
l'alternative. Ce territoire , traverfé par le grand chemin de
Dman à Lamballe , renferme des terres en labeur, des prai-
ries & des landes ; on y fait du cidre. La haute-Juftice de
Saint-Rieul appartieiit à M. de Fontelebon , Seigneur de la Paroiffe.
SAINTS ; à 3 lieues à l'Efl de Dol , fon Evêché & fa Sub-
délégation j & à 1 1 lieues de Rennes. Cette ParoiiTe reflortit à
Bazouges , & compte 900 communiants : la collation de la Cure
appartient au Chapitre de Dol. Le territoire eu coupé au Nord
par plufieurs étangs , fur lefquels font des moulins , & dont les
eaux vont fe perdre dans la rivière de Couefnon -, au Sud il efl
borné par le chemin de Dol à Pontorfon : dans cette partie ell
une lande très-étendue , la feule que nous connoifTions dans
cette ParoifTe ; le refte des terres eft bien cultivé , & produit du>
grain & du cidre. La hauteJuftice de Langeviniere appartient
à M. Hué de Montaigu , qui pofTede aufTi la moyenne-JulHce
de Sennedavy -, la première appartenoit , en 1 480 , à Gilles de
Lexure, &la féconde , à Robert Turpin : le Val-aux-Bretons , à N...
SAINT - SAMSON 5 à 10 lieues un tiers au Sud de Saint-
Brieuc , fon Evêché; à 16 lieues & demie de Rennes; & à
4 lieues & demie de Joffelin , fa Subdélégation. Cette ParoifTe
reflortit à Ploermel , & compte 800 communiants : la collation
de la Cure appartient à l'Abbaye de Rilié. M. le Duc de
Rohan & M. de Carcado en font les Seigneurs. Le territoire,
arrofé des eaux des rivières d'Oufl: & de Lié , offre à la vue
des terres fertiles en grains , des prairies , des landes , des arbres
fruitiers & autres , des buiflbns ; & les maifons nobles de la Ville-
Thébaud , de Vaunoife , & du Guengo. _
SAINT-SAMSON-JOUXTELIVET ; fur une hauteur , près la
rivière de Rance ; à 4 lieues à l'Oueft de Dol, fon Evêché; à-
10 lieues & demie de Rennes; & à 1 lieue de Dinan , fa Sub-
délégation & {on reffort. On y compte 400 communiants : la
Cure ell à l'Ordinaire. Le territoire, plein de vallons & de
monticules , renferme des terres en labeur de bonne qualité , des
prairies , & des landes.
s A I ' ,87
SAINT-SAUVEUR-DES-LANDES ; à 8 lieues un quart au
Nord-Efi: de Rennes, fon Eiêchéj & à i lieue un tiers de
Fougères, fa Subdélégation & fon reffort. On y compte 900
communiants ; la Cure eu à l'Ordinaire. Le territoire , pays plat &
couvert , renferme une quantité prodigieufe de landes , ^ fi peu
de terres en labeur que les récoltes ne fuffifent pas pour la
fubfiftance des habitants.
L'Eglife de Saint-Sauveur-des-Landes eft un Prieuré fondé l'an
1040, par un Gentilhomme, nommé le Maine , qui donna à
Marmoutier une Terre nommée Savignac , fur laquelle fut bâti
le Prieuré. En 1630, un Moine delîervoit encore la Cure, qui
depuis a été mife à l'Ordiiiaire. Il a une moyenne-Julhce _, qui
appartient aux Prêtres du Séminaire de Rennes.
SAINT-SÉBASTIEN j fur une hauteur, au bord de la riva
gauche de la Loire 5 à i lieue à l'Efî: de Nantes, fon Evêciic
fa Subdélégation , & fon reffort j & à 23 lieues de Rennes. L'Eglife
de cette Paroiffe relevé du Roi, & compte 5000 communiants : la
Cure étoit préfentée autrefois par l'Abbé .de Saint-Jouin , mais, depuis
quelques années , la collation en a été remife à fEvêque diocé-
fain. Le territoire s'étend jufqu'aux portes de Nantes , &: renferme
une partie du fauxbourg de Pirmil & tout le fauxbourg de Saint-
Jacques, où efl: fitué le Prieuré de ce nom, habité par des Eé-
nédiftins. Les terres font très-bien cultivées & produifcnt du fro-
ment , du feigle, du vin de médiocre qualité , & beaucoup de foin.
Dans une enquête de 1 206 , on lit : que le Prieuré de Pirmil
formoit une Communauté de Religieux de la dépendance de l'an-
cienne Abbaye de Vertou, mais on en ignore la fondation. Le
nom de Saint-James , qu'il portoit plus anciennement , feroit
croire qu'il doit fa fondation à quelques Seigneurs Anglais. L'E-
glife , tombant de vétullé , fut rebâtie , fur la fin du quinzième
îiecle, par Thomas James, Evêque de Dol. On voit les armes
de ce Prélat au deffus de la porte , avec cette infcription , en
lettres capitales:
Révérend Père en Chrifl ^ Thomas, Evêque de Dol y
Prieur perpétuel , Commendataire de S aim- Jacques, Apôtre y
A rétabli, dès les fondements , avec gratidc diligence.
Cette Eglijc qui , de jour à autre , menaçait de tomber.
L'an du Jcilut 1484.
Ce Prélat* confacra auffi , le 16 Mars 1499, l'Eglife de Saint-
Sébartien , comme le prouve l'infcription qu'on voit au du^ffus
388 _ S AI
de la porte âe la Sacriftie de cette Eglife. Celle de Saînt-Jac-
ques , autrefois paroifîiale , n'efl plus qu'une fuccurfale , depuis
qu'elle a été réunie à Saint-Sébaftien , en faveur des Moines qui
depuis n'ont plus qu'un Prêtre à payer : ce qui prouve que l'E-
glife de Saint-Jacques fut autrefois ParoifTe , font les fonts bap-
tifmaux qui paroiffënt un refte de l'ancienne Eglife , tant ils
font anciens.
La pefte qui défola Nantes en T500, porta les habitants à
faire un vœu à Saint-Sébaftien. On y fit une proceflion, à la-
quelle on porta une bougie qui faifoit tout le tour de la ville
par fa longueur. La Communauté de ville s'obligea , par fon vœu ,
à aller, tous les ans , le 20 Janvier, jour de la fête du Saint, à
l'Eglife de Saint-Sébaftien , où elle recevroit la fainte Euchariftie.
Cette dévotion fe fît pendant cent cinquante ans. Toutes les
ParoifTes de la ville & de la campagne avoient la plus grande
dévotion à Saint Sébaftien : elles y alloient procefïïonnellement ,
& y portoient des cierges. La ParoifTe de Saint-Nicolas en don-
noit un du poids de quatre-vingt livres : il fervoit toute l'année ;
& , quand il étoit fini , on en portoit un autre & on prenoit ce
qui reftoit de l'ancien. Cette cérémonie étoit brillante : le cierge
étoit placé fur une gabarre à laquelle il fervoit de mât, & étoit
accompagné de tout le Clergé & d'un nombre infini de peuple.
Le 21 Oftobre 1570, un parti de Calvinilles parut à Saint-
Sébaftien ; mais le canon du château l'obligea de fe retirer au
plus vite. C'étoit alors le Curé de Saint-Sébaftien qui nommoit
& préfentoit le Diacre de l'Eglife Cathédrale : nous ne fçavons
comm.ent il avoit acquis ce droit & comment il l'a perdu. L'arche
ou pont de la Grezilliere , en Saint-Sébaftien, fut bâti, l'an
1624 , aux frais de la Communauté de ville de Nantes. Le 20
Janvier 16^^, cette Communauté fit préfent à l'Eglife de Saint-
Sébaftien d'un ornement de fatin verd doublé de taffetas incarna-
din , garni de galons & de dentelles d'or & d'argent : le tout
coûta une fomme de huit cents vingt-fix Hvres. Le 15 Avril
1726, la Communauté de ville arrêta de procéder à l'adjudi-
cation de l'ouvrage pour la réparation de l'autel de Saint-Sébaf-
tien dans l'Eglife paroifTiale de ce nom ; autel qu elle s'étoit obli-
gée de réparer par le vœu folemnel de l'an 1500, qui avoit
été approuvé par le règlement du Confeil du Roi, l'an i68î.
En conféquence, la première pierre pour cette réparation fut
pofée, au nom de la Ville de Nantes, le mercredi 5' Juin 1726,
6c on mit, dans les fondations, plufieurs jetons de bronze aux.
s A I jgc,
armes de la Communauté. Le territoire de Saint-Sébaftien ren-
ferme les maifons nobles de la Patouillere , des Jaunais , de la
Sivelliere ; Ses-maifons , haute-Juftice , à M. de Ses-Maifons; & le
Prieuré de Pirmil , liaute-Jufticc , aux Bénédidins de Saint-Jacques.
SAINT-SEGLIN ; dans un fond ; à 1 9 lieues au Sud de Saint-
Malo, fon Evêché j à 8 lieues de Rennes j &: à 4 lieues de
Plélan , fa Subdélégation. Cette ParoifTe refTortit à Ploermel , &
compte 600 communiants : la collation de la Cure appartient à
l'AbbefTe de Saint-Georges. Le terriroire, couvert d'arbres frui-
tiers & de buifTons , renferme des terres en labeur de bonne
qualité , des prairies, des landes , & le bois de la Sauvagere. En
1430, les maifons nobles de l'endroit étoient : la Ville, la Hau-
liere , la Sauvagere , le Jaroczai , Tréguhere , & l'hôtel de l'Ab-
baye , à l'Abbeife de Saint-Georges de Rennes.
SAINT-SENOUX ; fur une hauteur; à 18 Heues Se demie au
Sud-Sud-Efl de Saint-Malo , fon Evêché ; & à 5 lieues un quart
de Rennes, fa Subdélégation & {on reffort. On y compte 750
communiants : la Cure ell à l'alternative. Cette Paroiiïe ell en
partie entourée de montagnes , & fon territoire eil borné à un
quart de heue à VEû par la rivière de Vilaine : il eft coupé
de ruiffeaux & ell de mauvaife quahté , puifqu'on y remarque
plus de terres incultes & rtériles que de terres en labeur. La
Molière , haute-Juflice , appartient à M. de la Molière.
SAINT-SERVAN ; dans un fond ; à 7 lieues 6c demie au Nord-
Eft de Vannes, fon Evêché; à 14 lieues de Rennes; & à i
lieue de JofTelin , fa Subdélégation. Cette Paroifîe refTortit à
Ploermel , & compte i 200 communiants : la Cure cil à l'alter-
native. Le territoire eft borné , à un tiers de lieue à l'Eil: ,
par la rivière d'Ouil: : il offre à la vue des terres aficz exaéle-
ment cultivées, des prairies, des landes à rOucll de fon bourg,
des coteaux, & des vallons. Le Pleffis-Monteville , haute-JulHce,
appartient à M. de Brignac : Maugremieux , Juveigneurie de
Porhoët, hauteJuftice , à M. Bonindc la^'illebouquai, qui poiTede
aufîi la moyenne- Juflice de Guemaheas ; la Châtellcnie de Que-
len , haute-Juftice , à M. le Duc de Lavauguyon ; Caflcl , moycnne-
Juftice, ù M. de CafTel.
SAINT-SOLEMN; à 4 heucs au Sud-Oucfl de Dol , fon
590 S A I
Evêché ; à 9 lieues de Rennes ; & à i lieue de Dinan , fa Sub-
délégation & fon reflbrt. On y compte 400 communiants : la
Cure ell préfentée par M. du Chefne-Ferron. Le territoire eft en
partie occupé par la forêt de Coètquen , qui appartient à M. le
Maréchal de Duras ; on y voit , en outre , des terres bien culti-
vées , quelques prairies , & des landes. Les habitants font du
cidre , qui leur fert de boiffon ordinaire. La Verrerie a une
moyenne-Juftice, qui appartient à M. Ferron du Cheûie.
SAÏNT-SULIAC ; à 2 lieues au Sud-Sud-Eft de Saint-Malo,
fon Evêché & fa Subdélégation j & à i 2 Heues de Rennes. Cette
ParoifTe relTortit à Dinan , & compte 1 5 00 communiants : la
Cure eft à l'alternative. Le territoire eft borné , à deux cents toifes
à rOuell, par la rivière de Rance. Au Nord, ell: une' anfe cou-
verte des fables de la mer , laquelle peut contenir environ quatre
cents vingt journaux de terrein : elle eft coupée par de petits
bras de mer , de forte qu'à fon extrémité , on a creufé des
marais falants, qu'on voit à TEft du bourg, où font auiTi des
marais qui ne font féparés de ceux de Dol que par le bourg
de Châteauneuf , qui ell voifin de celui de Samt-SuHac. A trois
cents toifes au Sud de ce dernier , eft une monticule qui peut
avoir un tiers de lieue de longueur fur trois cents toifes de lar-
geur. Son fommet eft couronné par un moulin, d'où l'on découvre
une étendue immenfe de pays. La petite quantité des terres dont
jouifîent les habitants eft très-bien cultivée , & rapporte des ré-
coltes très-abondantes.
L'an 1256, F aoul , Vicomte de la Poudouere , & fon époufe ,
permirent aux Moines de Saint-Malo de Dinan de continuer à
percevoir le droit de vinage dans la ParoifTe de Saint-SuHac ,
dont P».aoul étoit Seigneur. En 1 597 , Saint-Laurent, à la tête
d'un corps de troupes , s'empara de la Paroifte de Saint-Suliac , &
y étabht fon quartier. Toutes les Paroifles des environs furent
■pillées , & leurs dépouilles conduites à Dinan par des barques qui
venoient les prendre. Les Malouins portèrent leurs plaintes de ce
brigandage au Capitaine la Tremblaye, guerrier excellent pour
les coups de main. Il fut convenu que les Malouins le feconde-
roient dans cette entreprife , & que , tandis qu'il attaqueroit Saint-
Laurent d'un côté avec huit cents hommes, ils l'attaqueroient
auffi. Deux galères & deux canons de gros calibre arrivèrent
devant Saint- Suhac , qui, en peu de temps, fut forcé. Saint-
Laurent fe réfugia dans l'Eglife avec deux cents cinquante
s A I 391
hommes J maïs il n'y put tenir. La place fut emportée , &c
tous les afîiégés , à l'exception de douze , turent paffés au fil
de l'épée. En 1500, on voyoit dans cette ParoilTe les mailbns
nobles fuivantes : la Motte - Cohinac , la Bagaye , Baifle qui
dès ce temps étoit démolie , & le Vaudoré. En 1 400 , l'Ab-
baye de Saint-Aubin-des-Bois avoit pluiîeurs cantons de vignes^
dans ce territoire , mais , en 1 5 00 , elles n'exiiloient plus.
SAINT-SULPICE ; Abbaye de Bénédiftines ; à 3 lieues au Nord-
Eft de Rennes , Ton Evêché , à Tentrée de la forêt de Rennes.
Cette Abbaye reconnoit pour fon fondateur Raoul de la Futaye,
qui avoit été Moine de Saint-Benoît dans l'Abbaye de Saint-
Jouin-de-Marne. Attiré par la grande réputation de Robert d'Ar-
briffîHes , Raoul quitta fon Monaftere pour venir partager les-
travaux de ce faint homme. Voulant fuivre en tout l'exemple
de fon maître qiii venoit de fonder l'Abbaye de Fontevraulr ,
en II 06, Raoul entreprit un pareil étabiiiïement dans la forêt
de Nid-de-Merle , aujourd'hui la forêt de Rennes , où il jetta les
fondements du nouveau Monaflere. Il y plaça deux Couvents ,
l'un d'Hommes , l'autre de Femmes , & les foumit tous deux
à la Supérieure du Monaftere des Femmes -, ce dernier eft le feul
qui y exifte aujourd'hui.
Marie , fille d'Etienne , Roi d'Angleterre , fut la première Ab-
beffe de cette maifon , à qui elle procura de grands biens.
Henri II, Roi d'Angleterre, lui donna le manoir de l'Ille-Her-
ché avec toutes fes dépendances. Nme fuccéda à Marie d'An-
gleterre , & fut Abbeiïé l'an 1161. Elle fit confirmer , par le
Pape Alexandre III , toutes les donations qui avoient été faites
à fon Abbaye , en confidération de ce qu'elle avoit bien voulu
recevoir dans fa Communauté Enoguent , fille d'Alain , Comte
de Richemont , & de Berthe , Duchefie de Bretagne. Le Duc
Conan IV lui donna le lieu de Merle , où eft préfentement
cette maifon; Se , en 1181 , elle obtint de l'Evéque de Rennes
la confirmation de toutes les concevons que fes prédcceffeurs
avoient faites à cette Abbaye. L'an 1331, l'Abbeue de Saint-
Sulpice fe plaignit au Pape des Vicaires perpétuels qui delTer-
voient les Eglifes dépendantes de fon Abbaye , & le Pape char-
gea l'Abbé de Saint-Melaine de terminer TalTairc le plus équita-
blement que faire fe pourroit.
L'Abbaye de Saint-Sulpice avoit autrefois le droit de prendre
tous les ans , dans la forêt de Rennes , quatre-vingt cordes de
391 S A I
bois de trois pieds & demi de longueur. Les AbbefTes ne man-
quoient pas de faire choifir les plus beaux arbres , & eulTent-ils
été au milieu de la forêt, il failoit les abattre & les conduire
à la maifon , de forte qu'il failoit faire un chemin commode , à
qaelque prix que ce fût. Les Abbayes de Saint- Melaine & de
Saint-Georges avoient le même droit , & n'en ufoient pas avec
plus de modération , de forte que cette forêt fe ruinoit infenfî-
blement. Cet abus , fi préjudiciable , après avoir duré bien des
fiecles , fut enfin fupprimé il y a environ ans. On a pris
le fage parti de faire couper ce bois , & de le diftribuer à ces
Monalleres; & comme ce bois n'eft ou ne doit être que pour
le chauffage , on a foin de ne pas prendre le meilleur. 11 faut
convenir que les Princes Bretons n'entendoient guère leurs vrais
intérêts , lorfqu'ils faifoient des conceflions fi extraordinaires : ces
générofités déplacées leur ont fouvent été nuifibles , & elles
étoient d'autant moins raifonnables , que leurs protégés n'en
avoient pas befoin. L'Abbaye de Saint-Sulpice a une hautc-Juf-
tice qui appartient à l'AbbefTe.
SAINT - SULPICE - DES - LANDES ; à 8 lieues au Sud de
Rennes , fon Evêché & fon refîbrt j & à 3 lieues de Derval , fa ,
Subdélégation. On y compte 600 communiants : la Cure ert à
l'alternative. Ce territoire offre à la vue la forêt de Teille , des
terres en labeur , & des prairies. Cette Paroiffe eft appellée
Salm-Sulpice-des-landes , parce qu'elle efi: en partie entourée de
landes j mais il n'y en a aucunes dans l'enclave de fon territoire.
Les terres y font affez bonnes , & produiroient abondamment du
bled noir , du feigle , & même du froment , fi elles étoient
mieux cultivées. Les fils , les toiles , les ferges , & les cochons ,
qu'on vend aux marchés voifins , font les feuls objets qui faffent
circuler quelque argent : en général l'induftrie y manque.
La maifon noble de la Roche-Giffard étoit autrefois poffédée
par les Seigneurs de la Chapelle , Marquis de la Roche-Giffard ,
defcendants d'Olivier de la Chapelle , Maréchal de Bretagne au
commencement du quatorzième îiecle. Ces Seigneurs, zélés Pro-
teflants , portèrent toujours les armes pour Henri 111 & Henri IV,
contre les Ligueurs ; & l'un d'eux fervit en qualité de Lieute-
nant général dans l'armée royale en Bretagne. Après la révo-
cation de l'Edit de Nantes , ils fe réfugièrent en Angleterre , &
ia Roche-Giffard & leurs autres Terres furent vendues aux re-
quêtes du Palais , à Paris , & adjugées au Maréchal de Créqui ,
qui
SAI 393
qui féjourna long-temps à la Roche-Giffard ; cette Terre a été
revendue depuis: elle appartient aujourd'hui à M. de Lavau ,
reconnu Seigneur fondateur & univerfel de Saint - Sulpice. Il
s'exerce dans cette ParoifTe une haute - Juftice qui relTortit ^
Chateaubriand.
SAINT-SULPICE-DES-LANDES ; fur une hauteur , & fur la
route d'Ancenis a Chateaubriand ; à ii lieues au Nord-Eil de
Nantes , fon Evêché & fon relTort j à 1 5 lieues de Rennes ; (Se
à 4 lieues de Chateaubriand , fa Subdélégation. On y compte
800 communiants. M. de Kochequairie en cil le Seigneur , iS:
la Cure elt a Le territoire , borné à mille toifes au Sud-Ell
par l'Anjou , elt arrofé par le ruifleau de Mandie , & renferme
une quantité prodigieufe de landes , très-peu de terres en labeur,
& une partie de la forêt de Saint-Mars ; ( voyez Saint-Mars-de-
la-Jaille. ) On voit dans les titres de l'Eglife Cathédrale de Nan-
tes , qu'en 1 1 5 1 les Moines de Marmoutier tenoient en com-
mun avec les Religieux de Saint-SuIpice-des-landes l'Eglife de
Sainte-Marie-des-landes : nous ignorons de quel Ordre étoient
ces derniers , qui fe prétendoient exempts de la Jurifdiftion de
Bernard , Evêque de Nantes ; mais ce Prélat leur réfilla avec
fermeté. La Cour de la Marzelle appartenoit , en 1440 , au
Sieur de la Chapelle-Glain -, elle ei\ aujourd'hui à M. de Ro-
chequairie.
SAINT - SULPICE - PRÈS - L'ABBAYE ; dans un fond -, à 3
lieues au Nord-Efl: de Rennes , fon Evêché & fon reflbrt ; & à
3 lieues de Samt-Aubin-du-Cormier , fa Subdélégation. On y
compte 350 communiants : la Cure eft préfentée par l'AbbcfTe
de Saint-Sulpice. Cette Paroifîe cft fituée au bord de la forêt
de Rennes , qui appartient au Roi , &: contient environ cinq
mille cinq cents vingt arpents , plantés en futaie &: taillis ; il
n'y en a qu'une partie dans ce territoire , qui eft arroféc de
différents ruiffeaux , qui prennent leur fource dans l'étang Neuf
& l'étang des Comtes, (itués à l'entrée de la forêt : au rcfte,
les produ61:ions du terroir font le grain , le foin , & le cidre.
L'an II 60, Etienne, Evêque de Rennes, accorda à Marmoutier
la préfentation de cette Cure &: les deux tiers du cafuel.
La Paroiffe a deux hautes - Jultices , dont l'une s'exerce à
Vitré i elles appartiennent toutes les deux à TAbbefTe de Saint-
Sulpice.
Tome IF. D 3
594 S A I
SAINT-SYMPHORIEN j à | lieues au Nord-Nord-Oue^ da
Rennes , fon Evêcbé ; & à un tiers de lieue de Hédé , fa Sub-
délégation & fon relTort. On y compte 500 communiants : la
Cure eu préfentrée par l'Abbé de Saint -Melaine. Le territoir-e ,
couvert d'arbres & buiffons , produit beaucoup de grains & du
cidre -, il eft bien cultivé. Les maifons nobles de la Breteche &
de la Salle , font très-anciennes.
SAÏNT-THELO ; fur une colline , près la rivière d'Ouft ; à
7 lieues au Sud de Saint-Brieuc , fon Evêché j à 1 9 lieues de
Rennes ; & à 4 lieues de Quintin , fa Subdélégation. Cette Pa-
roifle reflbrtit à Ploermel , & compte 2000 communiants : la,
Cure eft à l'alternative. Le territoire eft traverfé au Nord par
les montagnes du Mné , & renferme des terres en labeur , des
prairies , & beaucoup de landes j les habitants font du cidre.
La haute-Juftice de iionamour appartient à M. de Bonamour,
SAINT-THOMAS-DE-BAILLÉ -, à 7 lieues & demie au Nord-
Eft de Rennes, fon Evêché j & à 2 lieues un quart de Saint-
Aubin - du - Cormier , fa Subdélégation & fon reffort. On y
compte 350 communiants: la Cure eft à l'alternative. Le ter-
ritoire , arrofé par les eaux de la petite rivière de Minette , eft:
d une fuperficie plane , oftre à la vue des terres en labeur de
bonne qualité , quelques prairies , beaucoup d'arbres frmtiers &
autres, des buiffons, & quelques petites landes. En 1400, les
maifons nobles de l'endroit étoient : le manoir de la Roclierie,
à Nicolas Boilet j Monteval , au Sieur du Tiercent^ & Flaige , à
Jeanne du Tiercent.
SAINT-THONAN ; à 7 lieues au Sud-Oueft de Sain^Pol-de-
Léon, fon Evêché j à 45 lieues de Rennes; & à i lieue un
quart de Landerneau , fa Subdélégation. Cette Paroiffe reffortit
à Lefneven , & compte 450 communiants. Le territoire oftre à
la vue des vallons , des monticules , des coteaux , des terres en
labeur très-fertiles & bien cultivées , quelques prairies , & peu de
terres incultes,
SAINT-THOYS; à 5 lieues & demie au Nord-Eft de Qulm-
per, fon Evêché ; à 35 lieues de Rennes; & à 4 lieues de
Châteaulin, ùl Subdélégation & fon refîbrt. On y compte 900
communiants ; la Cure eft à l'alternative. Le territoire, borné
39s
au Nord par la rivière d'Aulne , 8c au Sud par les montagnes
Noires , renferme des terres en labeur de bonne qualité , des
prairies , le bois de la Roche , & beaucoup de landes , dont le
fol , plein de rochers Ss. de cailloux , ne paroît pas mériter
les foins du laboureur. Le manoir de Ker-guelen appartcnoit
en 1400, à Guillaume de Quelen j & celui de la Roche au
Sieur de Roftrenen.
SAINT - TUAL ; fur une hauteur ; à 5 lieues au Sud-Sud-
Oueft de Dol , fon Evêché v à 7 heues de Rennes ; Ôc k t
lieues un tiers de Montauban, fa Subdélégation. Cette Paroiiîe
reflbrtit à Dinan , & compte 700 communiants : la Cure ell
à l'Ordinaire. Le territoire ofFre à la vue des terres bien cul-
tivées , des prairies , des landes , beaucoup d'arbres fruitiers &
autres , des buifTons , & le bois de Saint - Tuai qui peut avoir
une lieue & demie de circonterence. Cette Paroiflé eu enclavée
dans le diocefe de Saint-Malo.
SAINT-TUGDUAL ; à 14 lieues au Nord-Oueil de Vannes,
fon Evêché -, à 16 lieues de Rennes ; & à 2 Heues & demie de
Guémené , fa Subdélégation. Cette ParoifTe reiîortit à Henne-
bon,. & compte 2000 communiants, y compris ceux de Croixti,
fa trêve : la Cure eft à l'alternative. Le territoire offre à la vue
des terres en labeur , des prairies , des landes , & des bois , dont
le plus confidérable elt celui de Ker-mehzederas _, qui peut avoir
une lieue & demie de circuit.
SAINT -VERAN} à 8 Heues un quart au Sud-Efl de Saint-
Brieuc , fon Evêché ; à 1 2 lieues de Rennes j & à 5 Heues de
Lamballe , fa Subdclégation. Cette Paroifle refTortit à Jugon , &
compte 1 000 communiants : la Cure ert à Talternative. Le ter-
ritoire , d'une fuperficie plane , offre à la vue des terres en la-
heur & beaucoup de landes. Les maifons nobles de l'endroit,
dans le quinzième fiecle , étoient : Langourla , le Botdeu , & la
Houliere , à Jean de Langourla : le Gué-Yvon , à François de
Broons j i'Orfeil & la Ville - Chevier , au Sieur de l'Orteil -,
Brigneu , à François de Plumaugat ; le manoir de Guenon ,
à Catherine de l'Hôpital j & la Touche , à Catherine de la
Touche.
SAINT- VL4U ; à 9 Heues un quart à l'Ouefl de Nantes ;, fou
39^ S A I
Evêché Se fon relTort ; à 22 lieues de Rennes; Se à trois quarts
de lieue de Paimbœuf, fa Subdélégation. On y compte 1200
communiants : la Cure ei\ à l'Ordinaire ; mais l'Abbé de Tournus
s'en prétend le préfentateur. Le territoire eft bien cultivé , Se
offre à la vue des terres en labeur, des prairies , & des vignes,
dont le vin efl: de médiocre qualité : le pays eft riant Se l'air
très-pur. Les habitant^ font en partie marins. La haute - Jufticô
de Saint-Viau appartient à M. du Bot de Talhouet. On connoît
dans cette ParoifTe les maifons de la Galegré , de la Guinar-
diere , du Plus-haut-midi , de l'Aumondiere , de la Môriniere , Se
des Tumieres.
Saint Viau , autrement Saint Vital , Anglais d'origine , vivoit ,
en 740, dans le Monaflere d'Her , aujourd'hui Noirmoutier. Le
defir d'une vie plus retirée le fit paffer au pays de Retz , où il
mourut la même année qu'il s'y étoit retiré , fur le mont Scobrit.
C'efl dans cet endroit que , peu de temps après fa mort , on
commença à bâtir le bourg que l'on a continué d'appeller
Saint-Viau, On y voit un rocher dans lequel l'on montre une
grotte , que l'on prétend avoir été la demeure de Saint Viau,
On y a planté une Croix, à laquelle on alloit jadis en pèleri-
nage pour les maux de reins. Le corps de Saint Viau efl con-
fervé dans TEglife de l'Abbaye de Tournus , où il fut transféré
Tan 878 , à l'exception de l'os d'un bras que l'on conferve dans
l'Eglife de Saint-Viau. En 839, les Moines laifTés par Saint
Philbert à l'Ille-d'Her ou de Noirmoutier , obtinrent de l'Empe-
reur Louis le Débonnaire, le village de Saint-Viau, au Gou-
vernement de Retz , dans l'Aquitaine. ( Voyez Saint-Philbert de
Grand-Lieu. )
Dans le Concile de Loudun , affemblé le 18 061obre 11 09 y
où préfidoit Gérard d'Angoulême , Légat du Pape , fut réglée une
affaire férieufe entre l'Evêque Se le Chapitre de Nantes d'une
part , Se les Moines de Tournus de l'autre , au fujet de l'EgUle
paroifîiale de Saint-Viau : ils en avoient déféré le jugement au
Légat , qui donna l'Eghfe de Saint - Viau aux Moines. Par un
accord paffé l'an 1164, entre Bertrand, Evêque de Nantes,
Se les Moines de Tournus , il fut convenu que ces derniers pré-
fenteroient la Cure de Saint-Viau.
SAINT-VINCENT-DES-LANDES ; fur une petite hauteur ; à
II heues au Nord de Nantes, fon Evêché Se fon reffort ; à 12
lieues de Rennes ; & à 3 lieues un quart de Derval , fa Subdé-
s A I 397
légation. Où y compte 800 communiants : la Cure eu préfentée
par l'Abbé de Saint-Florent de Saumur. Le territoire , arrofé des
eaux de la rivière de Corne & d'une fuperficie prefque plane ,
offre à la vue plus de landes que de terres labourables, & la
plus grande partie de ces landes paroît mériter les foins du
cultivateur , foit pour la femence des grains , foit pour la plan-
tation des arbres qui , à coup lur , y «oîtroient à merveille :
les habitants font du cidre de médiocre qualité. Les carrières
d'ardoife qui fe trouvent dans cette Paroiffe , ne fervent qu'à
la couverture des maifons des habitants , parce que le tranfport
en feroit trop coûteux pour les rendre dans les villes de cette
province , qui , d'ailleurs , en peuvent tirer des carrières moins
éloignées. Le Val de Coiratel efl: la feule maifon noble que nous
connoiffions en ce territoire. En 1594, l'EgHfe fut polluée par
les Calvinilles ; &: , comme FEvêque de Nantes n'étoit pas fur
les lieux , elle fut réconciliée à la faveur d'un induit de Rome.
SAINT-VINCENT-SUR-AOUST i fur une hauteur, & fur la
route de Redon à Maleltroit -, à 9 lieues deux tiers à VEÛ de
Vannes , fon Evêché ; à 1 3 lieues de Rennes ; & à 2 lieues
de Redon , fa Subdélégation. Cette Paroiffe reffortit à Ploermel ,
& compte 1400 communiants, y compris ceux de Saint-Pereuc,
fa trêve : la Cure eft à l'alternative. Le territoire eff plein de
vallons & de monticules , & couvert d'arbres & buiffons ; il
offre à la vue des terres en labeur , des prairies , & des landes-
Dans le quinzième fiecle , il rcnfermoit les maifons nobles de
Billi , de Launai , du Bouais , de Bouro , & de la Drullaye.
SAINT-UNIAC ; à 9 lieues & demie au Sud-Sud-Oucff de
Dol , fon Evêché ; à 6 lieues de Rennes , ôc k i lieue de
Montauban , fa Subdélégation. Cette Paroiffe , qui i'e trouve en-
clavée dans le diocefe de Saint-Malo , reffortit à Ploermel , &
compte 6co communiants : la Cure eff préfentée par l'Abbé de
Saint-Méen. Le territoire , couvert d'arbres & buiffons , renferme
des terres de bonne qualité , très-bien cultivées , des prairies ,
& peu de terres incultes; il produit du cidre. En 1440, on y
connoiffoit plufieuis maifons nobles , nommées la Touche , le
Breil , le Coudrai, la Ville-Durand , la Villc-Soriez , la Rcuve-
ray , le Pleffis , & Scburon.
SAINT-VOUGAY ; à 3 lieues au Sud-Oucff de Saint-Pol-
398 ^ S A I
de-Léon , fon Evêçhé ; k 42 lieues de Rennes ; & à 3 lieues
de Lefoeven, fa Subdélégation & fon refTort. On y compte
1200 communiants : la Cure eft préfentée par l'Evêque. Le
territoire , couvert d'arbres & buiflbns , produit des grains , du
cidre , & du foin ; on y apperçoit des landes aflez étendues.
La vie de Saint Vougay nous apprend qu'il étoit Irlandais , qu'il
vint en Bretagne avec un certain nombre de difciples-, & qu'il
vécut dans un Hermitage jufqu'en 585. Ses difciples l'inhurae-
rent, & élevèrent fur fon tombeau une Chapelle qui lui fut
dédiée. Saint Tenenan , feptieme Evêque de Saint- Pol - dcr
Léon , rérigea en Eglife paroifTiale , qui a toujours porté le nom
de fon Patron.
Le château de Ker-jean, un des plus beaux de la province,,
eft la Seigneurie de la Paroifle & a titre de Châtellenie : il a
foutenu des fieges fous les Ducs. Son fuperbe donjon fut démoli
dans le dernier fiede. Au mois de Juillet 1618, cette Terre fut
unie aux Châtellenies de Languen , Ker-biguet , Rodalvez , &c
Trocurum, & érigée en Marquifat en faveur de René Barbier,
Seigneur de Kerjean, Chevalier de l'Ordre de Saint-Michel &
Gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roi , en confidération
de fon ancienne nobieffe & pour récompenfe de (qs fervices. Le
Marquis de Kerjean eut de fon époufe Marie de Percevaux,
Dame d'Honneur de la Reine , un fils nommé François , que la
Nobieffe du diocefe de Saint-Pol-de-Léon choifit , d'une voix unar
nime , pour fon Commandant, Sébaftien , fon cadet , fut de même
élu pour Major. François de Kerjean avoir époufé, en 1619L,
Catherine de Goësbnand j & Marie Barbier de Kerjean, époufa ;,
en premières noces, Jean, Seigneur de Penhoèdic, &, en fé-
condes noces, Vincent du Louet, Seigneur de Coët-Jonval 5
dont elle fut la troifîeme femme. De ces mariages font
fortis des Chefs d'Efcadre , des Colonels , & autres Officiers dans
les troupes du Roi , & des Chevaliers de Malte. Cette maifon
fe trouve enfin réduite à une feule branche dans la perfonne de
Claude- Alain Barbier, Comte de Lefcouet, qui quitta le fer-
vice à la paix de 1748 , & fe retira dans fon château de Ker-
no au territoire de Tregarantec , près de Lefneven. De fon ma-
riage avec Françoife-Perrine le Borgne de Lefquifiou , il lui
refloit fix fils , dont quatre et oient au fervice du Roi j le troi^
fieme étoit Chevalier de Malte , & le fixieme avoit embraffé.
l'Etat eccléfiaftique. Cette nombreufe famille étant morte fans
poftérité , le Marquifat de Ker-jean tomba dan^ la maifon de Coëtanf-
SA I — SA R 399
cour , qm s'éteignit auffi , vers i 769 , par la mort d*Akxandre-
Vincent de Coètanfcour. Dans le commencement du quinzième
fiecle , le territoire renfermoit les manoirs nommés Ker-ouferé-
Bihan , Ker-faufon , le Cloeftre , Mangouerée , Trouhern , Ker-
navalo , Penfemeniou , Ker-ouar&n , -Kjer-lan^ & Ker-maingui.
SAINT-URIAL ; fur le petit vivier de Frinbois ; à 1 5 lieues
au Sud de Saint-Malo , l'on Evêché ; à 4 lieues un quart de
Rennes , fon relTort ; & à 2 lieues & demie de Plélan , fa Sub-
délégation. On y compte 1000 communiants : la Cure eft à
l'alternative. Le bourg eft environné de rochers; mais la cam-
pagne offre à la vue des terres en labeur bien cultivées , des prai-
ries , & des landes beaucoup trop étendues. Les habitants font
du cidre. En 1 420 , ce territoire renfermoit plufieurs maifons
nobles , fçavoir : Francbois, au Sieur de Treguenéj Bonnœuvre,
à Guillaume Caffort ; Marezac , à Guillaume Mauni ; la Chefnaie ,
à Pierre Pain-d'Avoine ; & la Motte , à Geoffroi Chouan ; cette
dernière , avec moyenne-Juftice , appartient à M. Loyer : la
Cheze , moyenne-Juftice, appartient à Mademoifelle de la
Cheze-Turmel.
SAINT-URIELLE ; k 9 lieues un quart à l'Oueft-Sud-Oueft de
Dol , fon Evêché ; à 1 1 Heues & demie de Rennes ; & à 4 lieues
un tiers de Lamballe , fa Subdélégation. Cette Paroiffc , qui eft
enclavée dans le diocefe de Saint-Malo , reffortit à Dinan , &
compte 4C0 communiants : la Cure étoit autrefois à la nomi-i
nation de l'Abbé de Rillé ; mais elle eit aftuellement en com-
mende. Le territoire , arrofé par les eaux de la rivierc d'Argue-
non & d'une fuperficie plane , eft très-bien cultivé. Les terres
produifent beaucoup de grain. Eti i 500 , la maiibii noble de la
Plcffe étoit à François Millon. La moyenne-Juftice de la BaïUig
appartient à M. des Cougnets de THôpitai.
SARZEAU ; petite ville fans clôture ; par les 5 degrés 6 mi*
nutes 36 fécondes de longitude, & par les 47 degrés 31 minutes
10 fécondes de latitude; à 3 lieues im quart de Vannes, fon
Evêché ; & à 23 lieues un quart de Rennes. On y compte 5400
communiants : la Cure eft préfentée par l'Abbé de Saint-Gildas
de Rhuis ; cette ville relevé du Roi. On y remarque une Cour
royale , une Communauté de ville avec droit de députer
aux Etats de la proviiKC , une Subdclégation , ik deux Commu-
400 S A R
nautés , qui font les Récollets & lesTrinitaires. Le territoire de Sar-
zeau occupe la plus grande partie de la prefqu'ifle de Rhuis.
Le climat eu beau , mais très-fujet aux vents. L'agriculture n'y eft
pas fort aftive par le défaut de monde -, de forte que les terres,
quoique très-bonnes , n'y font pas cultivées. Les vignes commen-
cent à y être mieux foignées que ci - devant. Les marais a fel
font bien entretenus ; mais le commerce de cette denrée fe perd
totalement , & les habitants feront obligés d'abandonner leurs
ceillets, parce qu'ils ne trouvent point d acheteurs. Le feul com-
merce ei\ celui des grains du pays. Les vins en faifoient autre-
fois une branche confidérable j mais les vexations des Fermiers
à l'égard des marchands, enlevant tous les profits, ont ôté cette
reiïburce aux habitants. Anciennement , on regardoit la prefqu'ifle
de Rhuis comme un fécond paradis terreilre : un fol fertile y
produifoit en abondance des grains de toutes efpeces , des vins,
du hn , des pâturages excellents, des fruits , & enfin tout ce que
les plus riches contrées peuvent produire pour la vie de l'homme.
Le fel , le bois , les laines , le miel , le poifTon , le gibier , s'y
trèuvoient en quantité. Le Duc Jean le Roux , charmé de l'agré-
ment de ce lieu , y fit bâtir le fort château de Sucinio , où lui
& fes fuccefleurs faifoient fouvent leur réfidcnce. La nature du
fol n'ell pas changée , & on en retireroit les mêmes avantages
fi on employoit les mêmes moyens qu'autrefois. Cette prefqu'ifle
contient quatorze Heues de circonférence , dont neuf lieues trois
quarts de côtes de mer , y compris le Morbihan. Le fiilon qui
l'attache à la terre ferme du côté de l'Ouefl-, a un tiers de lieue
de largeur : il efl: à l'entrée du havre du Morbihan , à l'embou-
chure des rivières de Vannes & d' Aurai, qui portent des vaif-
féaux de moyenne grandeur. La prefqu'ifle de Rhuis renferme
trois Paroifl^es , une Abbaye , & plufieurs maifons de remarque.
( Voyez la carte de Bretagne par l'auteur de ce Di6lionnaire. )
Le peuple de Sarzeau elt bon & doux contre l'ordinaire des
peuples fitués fur la mer ; mais , s'il n'a pas le défaut de ces
derniers , il n'en a point auffi les qualités eflimables &" utiles : il
manque d'induftne dans la fituation la plus avantageufe pour le
commerce, foit intérieur, foit extérieur j il vit dans l'mdigenee
& le repos.
Le château de Sucinio, place forte, qui appartient à M. le
Duc de la Vahere, a un parc d'une étendue confidérable &
fermé de murs : il efl: fitué à une petite lieue au Sud-Sud-Efl:
de Sarzeau , à peu dediftance de U nier. Le Duc Jean le Roux
détruifit
SAR= SAV 401
détruifît , pour le bâtir, l'an 1249 , un ancien Monaftere de ViÛq
de Rhuis. Cet attentat ne fit qu'augmenter la haine du Clergé ;
mais ce Prince, éclairé, fe mocquoit de Ton refîentiment.
Le Couvent des Trinitaires de Sarzeau fut fondé, en 1341 ,
par Jean IV, Comte de' Montfort , pour quatre Religieux de
la Merci, à condition qu'ils feroient le fervice divin dans une
Chapelle qu'il leur fit conllruire. Par lettres données au châ-
teau du Sucinio, au mois d'Avril 1341 , il afligna , pour la
fubfiftance des Moines , & des pauvres malades qu'ils dévoient
recevoir chez eux comme dans un Hôpital , deux cents livres
de rente , à prendre fur les domaines de la prefqu'ifle de Rhuis.
En 1380, le château de Sucinio étoit gardé par Jean de
Maleftroit. Une flotte Efpagnole , après avoir fait des tentatives
■inutiles fur Saint-Nazaire & le Croific , alla débarquer des troupes
dans la prefqu'ifle de Rhuis ; mais elle ne réuflit pas mieux dans
cette expédition que dans les deux autres. Ses troupes furent
taillées en pièces par Jean de Maleftroit , qui étoit forti de fa
place avec fa garnifon ; Se l'Amiral Efpagnol ne s'avifa plus
de faire des defcentes en Bretagne. En 1458, le Duc François
H fonda le Monaftere des Récollets de Bernon , au bord du
Morbihan , à trois quarts de Ueue au Nord-Oueil: de Sarzeau &:
dans fon territoire. Il y avoir, en 1488, une forêt très-fpacieufe
dans ce canton, & une Maîtrife des Eaux & Forets. En 1420,
le territoire renFermoit plufieurs maifons nobles j fçavoir : Callac,
à Olivier du Quirifec ; le manoir de Caden, à Jean Joczon ; le
manoir duTreff, à N. Runezonj le manoir de Langoëdic, à Olivier
du Bois de la Salle ; le parc de Bernon, à Gilles Saufon ou Semfon:
Ker-léan, le Treft , Ker-nabru , Ker-befton , Ker-inis, Ker-aluel,
Cadena , Coètquenaud , l'Hermitage , Ker-olivier, & Trufcat,
font plus modernes.
SAVENAI ; fur une hauteur ;' à 7 Keues à l'Oueft-Nord-
Oueft de Nantes, fon Evêché & fon reflort ; à 19 lieues de
Rennes j & à 3 lieues de Pontchâteau , fa Subdélégation. On y
compte 2700 communiants, y compris ceux de Boue, fa trêve;
la Cure ell à l'Ordinaire. Savenai ell une petite ville , mal conf-
truite; mais elle a l'avantage de la plus belle fituation ik d'uri
magnifique point de vue : elle eil fur-tout célèbre par fes foires
de bclliaux , les plus conlidérables de la province. On y remarque
deux Communautés ReHgicufcs , l'une de Cordeliers, l'autre de
Cordelières ; un Hôpital ; luic Brigade de Maréchauffée ; ua
Tome IF. E 3
401 S A V ■
Bureau de Pofte aux lettres ; & une Pofte aux chevaux , à l'endroit
nommé le Moire. Le territoire renferme des terres en labeur,
d'excellentes prairies, & des landes beaucoup trop étendues, qui
paroiffent mériter les foins du cultivateur. Il eft difficile d'excuier
les habitants de ce canton, fi bien fitué pour l'exportation de
leurs denrées. Outre le grand chemin de Nantes à Vannes , &
l'embranchement de cette route qui pafTe par Savenai pour fe
rendre à Guérande , ils ont encore la voie de la mer , de laquelle
ils peuvent le fervir pour commejcer avec toutes les villes ma-
ritimes ; mais , à chaque pas que l'on fait dans cette province , on
trouve des preuves de l'inconféquence , de l'indolence , du dé-^
faut d'induftrie de nos concitoyens. Si, cependant, les Savenais,
méprifant le commerce de la mer , vouloient s'en tenir à celui
des beiliaux , qu'ils font avec tant de fuccès j le meilleur moyen de
l'augmenter , feroit de convertir leurs terres incultes , foit en terres
labourables , qui pendant le repos deviennent de bons pâtu-
rages , foit en prairies naturelles ou artificielles. C'eft un confeil
difté par le patriotifme, & les intérefles doivent en fentir tout
l'avantage. Il fe tient un marché tous les mercredis à Savenai.
Par lettres du 17 Mai 1419 , le Duc Jean V fonda les Cordeliers
de Savenai , du confentement du Curé du lieu & du Chapitre de
Nantes , le Siège épifcopal vacant. Dans l'Eglife de ce Couvent ,
au côté droit de l'autel, eft le tombeau de Gui de Rieux , Vi-
comte de Donges , Baron de la Roche en Savenai, l'an 1637 :
il eft repréfenté , fur fon tombeau , en manteau ducal. Au mois
de Novembre 1435 , Gilles de Retz vendit la Seigneurie de Sa-
venai à Hardouin de Beuil , Evêque d'Angers. L'Hôpital de cette
ville fur fondé, le 12 Mai 1450, fous le nom à! Hôpital de.
Saint' Armel ^ de Saint-Fiacre^ & de S aint- Antoine ^ par Jean de
Châteaugiron , Curé de l'endroit. L'an 1550, la Communauté
de ville de Nantes fit intimer aux habitants de Savenai de faire
régir & adminiftrer cet Hôpital par des CommifTaires laïques,
nommés par le Général de la Paroiffe , conformément à l'Arrêt
du Parlement du 15 Oftobre 1548. Cette maifon , autorifée
par Arrêt du Confeil, eit aujourd'hui dirigée par le Refteur,
le Sénéchal , & le Procureur-fifcal de Savenai. Les Cordelières
ont été fondées l'an....
La Jurifdiftion de Savenai eft une Vicomte , qu'on dit être la
plus ancienne de la province : elle a , fous fa mouvance, plufieurs
fiefs & arrieres-fiefs , & les audiences des Jurifdi8:ions intérieures
fe tiennent après la levée du Siège fupérieur. La prifon, qui
s A V =S A U 405
eft très-forte , fert à tous les Seigneurs du dillrift. La Vicomte
de Donges , haute-JufHce , à M. le Vicomte de Querhoent , qui
polTede aufli la haute-Juftice de la Roche en Savenai ; la Haie
de Lavau , haute-JulHce , à M. le Préiident de Runefau j Coesbi,
moyenne-Juftice , à M. de Chevigné. En 1400, le château du
Maz appartenoit à Jean de Montauban j la Babinaye, à Pierre
de Moelhoël -, & Meneul , à Jean du Locaux.
SAULNIERE ; à 5 lieues au Sud-Sud-Eil de Rennes , (on
Evêché , fa Subdélégation, & fon reffort. On y compte 650
communiants , y compris ceux de la BolTe , fa fuccurfale : la
Cure eft à l'alternative. Le territoire, couvert d'arbres & buif-
fons , renferme des terres labourables , des prairies , & des
landes j les habitants font du cidre. En 1068, le Seigneur de
Châteaugiron , en confidération de fa fille qui s'étoit fait Re-
ligieufe à l'Abbaye de Samt-Georges de Rennes, donna à cette
Maifon la cjuatrieme partie des dîmes & du terrage de la Pa-
roiffe de Saulniere, avec une maifon qu'il avoit dans le bourg ,
pour y retirer ces dîmes , & en même temps fervir de loge-
ment a l'AbbefTe & aux Religieufes lorfqu'elles voudroient allei»
fe promener à Saulniere. Les Religieufes de ce temps jouif-
foient d'une grande hbertéj liberté peut-être aufli funelle à leurs
mœurs qu'à leur réputation. La médifance , ou , fi l'on veut , la
calomnie , fe déchaîna contre elles. Les Conciles & les Evêques ,
voulant empêcher un fcandaie nuifible à la religion , donnèrent
à ces Religieufes des avis fages; mais l'amour de la liberté, &,
peut-être , des plaifirs , faifoient bientôt oublier des confeils ,
falutaires à la vérité , mais qui faifoient un devoir de la péni-
tence. Enfin, le mal alla fi loin, qu'en 1527, Yves de Mayeux,
Evêque de Rennes , ne pouvant plus tolérer ces abus , eut recours
à l'autorité du Roi pour allreindre à la clôture les Religieufes
de Saint-Georges.
SAUTRON ; fur la route de Nantes à Vannes , à 1 lieues un
quart à l'Oueft-Nord-Oueil: de Nantes, fon Evêché, fa Subdé-
légation , & fon reflbrt ^ & à 2 1 lieues de Rennes. On y compte
500 communiants : la Cure ell préfentée par le Chapitre. Le
territoire , couvert d'arbres & buiflôns , renferme des terres en
labeur , des vignes , la forêt de Sautron qui contient environ
deux cents arpents en futaie & taillis , & qui appartient à
l'Evêché de Naïuesi quelques autres petits taillis, & beaucoup
404 s A U = s E G
de landes qui paroîfTent mériter les foins du cultivateur. Quelques
particuliers ont commencé à défricher , mais avec û peu d'aftivité
que les progrès font prefque nuls. La Chapelle de N. D. de
Bon-garant , qui fe voit auprès de la forêt de Sautron , fut
bâtie par le Duc François II, bénie & dédiée, le 6 Juin 1464,
par le Coadjuteur de Rennes ; elle fut d'abord fréquentée par
un grand nombre de Pèlerins de la province , & le Duc y
faifoit fouvent dire la MefTe , lorfqu'il alloit à la chaiTe dans la
forêt de Sautron , alors très-étendue.
SCAER ; fur un coteau , fur la route de Rofporden au Faouet,
& fur celle de Carhaix à Rofporden ; à 8 lieues à l'Eil: de Quim-
per , fon Evêché j à 3 2 lieues de Rennes ; & à 5 lieues un
quart de Concarneau , fa Subdélégation & fon refîbrt. Cette Pa-
roiffe compte 3800 communiants : la Cure eft préfentée par un
Chanoine de l'Eghfe Cathédrale de Quimper. Le territoire ren-
ferme la forêt de Coaloch , qui contient environ fix cents ar-
pents de terrein , planté en taillis & futaie ; elle appartient au
Roi : au milieu font les ruines du château de Coaloch , avec
les débris d'un ancien mur de clôture qui environnoit cette forêt
au Sud & à l'Eft -, l'un des bras de la rivière d'Aven la cernoit
de l'autre côté. Il y a apparence qu'elle fervoit de parc au châ-
teau , puifqu'elle étoit entourée de murs , & que les Ducs y
faifoient quelquefois leur féjour. Cette Paroiffe ell très-étendue.
Le fol produit des grains , du cidre , & du foin , & pourroit
être plus exaftement cultivé. Dans les environs du village du
Coudri , dans quelques pièces de terre , on trouve des pierres
métalhques qui repréfentent des croix en fautoir , des croix de
Saint- André, qui font belles & curieufes. Ker-vegat & Trevalot
forment une haute-Juftice -, elles appartiennent à M. de Coupi-
gny : les Salles, Ker-fac , le Rofoche , Ker-goat, & la Chapelle
de Saint-Guenolé , font des maifons nobles.
SEGLIEN j à 1 3 lieues au Nord-Oueft de Vannes , fon Evê-
ché j à 23 lieues un quart de Rennes; & à i lieue de Gue-
mené , fa Subdélégation. Cette Paroiffe reffortit à Ploermel , &
compte 2000 communiants , y compris ceux de Lefcharlins , fa
trêve : la Cure efl à l'alternative. Le territoire , couvert d'arbres
& buiffons , offre à la vue des monticules , des vallons , des terres
bien cultivées , des arbres , la fource de la rivière de Sare qui
va tomber dans celle de Blavet , &c beaucoup de landes au
SEGr=SEN '405
Nord-Kord-Eft de fon bourg. Il fe tient tous les ans , en cette
ParoiiTe , deux foires remarquables par la grande quantité des
beiHaux qui s'y vendent.
Le château de Coètanfao , maifon feigneuriale du lieu , ap-
partenoit , en 1420 , à Pierre de Querhoent ^ & , en 1616 , à Sé-
baltien de Rofmadec , Marquis de Molac , à caufe de la Dame
Renée de Querhoent , fbn époufe : cette Terre forme , avec celles
de Crenihuel , de Cocodu , & de Langouelan , une haute-Juilice
qui appartient à M. du Rumain : le manoir de Ker-madiou ap-
partenoit , en 1420, à N. de Maleftroit. L'AbbefTe de Saint-
Georges y pofledoit alors la métairie de l'AbbefTe. Treguher , à
Jean Mouraud j & le Geroufei , à Pierre Mouraud.
SÉNÉ; à I lieue au Sud-Sud-Eft de Vannes, fon Evêché ,
fa Subdélégation , & fon reffort ; & à 21 lieues de Rennes. On
y compte 1500 communiants : la Cure eft à l'alternative. Le
territoire forme une prefqu'ifle entourée par le Morbihan j il
renferme des terres en labeur , des marais faiants , & des landes
qui font au Nord de fon bourg. Les femmes font fort laborieufes,
& les hommes prefque tous marins ou pêcheurs. Il fe tient plu-
fîeurs foires par an dans cette ParoifTe. La Baronnie de Ker-aër,
avec haute - Juftice , relevé du Roi , & a droit de Menée au
Préfidial de Vannes. Cette Seigneurie ell une concefTion des
Ducs , qui en firent un fief de Chevalerie , dont la mouvance
demeura au Duché , avec l'obligation de fournir au Prmce un
ChevaHer en temps de guerre. La Menée , dans fon origine ,
n'étoit autre chofe que l'obhgation que s'impofoit celui qui rece-
voit une Seigneurie féodée , de fe trouver, avec tous les vaf-
faux , auprès du Seigneur , lorfqu'il l'exigeroit , fous certaines
peines contre les délinquants. Cette obligation de mener fes val-'
faux à fon Seigneur, d'oii eft venu le mot de Menée, ne fe
pratiqua d'abord que pour le fervice militaire , & ce ne fut
que long-temps après qu'elle fut traduite à la JuiHce. Les grands
vaflaux , ayant obtenu le droit de tenir trois à quatre fois par an
leurs plaids généraux , ou grands jours de leurs jurifdi^lions , ils
obligèrent leurs vaflaux de s'y trouver & d'y mener leurs hom-
mes , avec défenfe à quiconque de s'en abfcnter fans congé du
Seigneur fupérieur. En 1530, les maifons nobles de Séné étoient :
le manoir de Quentifac , au Sieur de Coethigat j le manoir de
Surzon , à Bertrand Curfo ou Carlot ; le Maydo, au Sicur de
Tredudai ; Ker-abraham , à Alain de Boyat ; la métairie de
4oé S E N = S E R
Talleguerec , au Sieur de Bodruel ; & Boifdihel , à N.... Pierre
le Nevé , Re6leur de la Paroifle de Séné , mourut en odeur de
fainteté , dans cette Paroiffe, le 23 Novembre 1749.
SENSj à 5 lieues & demie au Nord - Nord - Eft de Rennes,
fon Evêché ; & à 3: lieues d'Antrain , fa Subdélégation. Cette
Paroiffe reffortit à Bazonges , & compte 900 communiants : la
Cure eft préfentée par l'Abbé de Rilié. Le territoire offre à la
vue des terres en labeur de bonne qualité , des prairies , & des
landes. La Terre & Seigneurie de Sens a titre de Baronnie ; elle
appartenoit, en 1364 , à Bertrand du Guefclin : elle a une haute-
Juffice , 6d appartient aujourd'hui à M. le Marquis de Saint- Brice.
En 1427, la Bouefai étoit à Guillaume de Champeigné j aujour-
d'hui , avec haute-Juftice , à M. de Montboucher : la Gomeriaye,
à Rolland Sebille , fils de la fœur naturelle de Bertrand du
Guefclin , Connétable de France -, la Moulneraye , à Jean Ri-
chard j & la métairie de la Cheverie , aux Seigneur &c Dame
de Sens.
SERENT ; dans un fond ; à 6 lieues au Nord-Eft de Vannes,
fon Evêché j à 1 5 lieues de Rennes ; & à 2 Heues de Maleftroit,
fa Subdélégation. Cette Paroiffe reffortit à Ploermel , & compte
^000 communiants , y compris ceux de Lizio , de Roo-Saint-
André , & de Saint-Guiomart ou Saint- Maurice , (es trêves : la
Cure eff à l'alternative. Le territoire , pays couvert 8c d'une
fuperficie inégale , renferme des terres en labeur de bonne qua-
lité , des prairies , & des landes.
La Terre de Serent ou de la Chapelle en Serent, haute,
lïioyenne , & baffe-Juftice , a été érigée en Baronnie Bannerette ,
en 13 18, par Jean III , Duc de Bretagne ,en faveur d'Ollivier II ,
Sire de la Chapelle , Maréchal de Bretagne. Gui ou Guion , Sire de
la Chapelle , Baron de Serent & de Molac , tué au iiege de
Saint-James de Beuvron , en 1428 , fut Chambellan de Bretagne,
& Gouverneur de Pierre de Bretagne , fils du Duc.
Le Baron de Serent eff Seigneur fupérieur & prééminencier
de la Paroiffe de Serent & de fes trêves» Cette Terre eff le
berceau de l'ayeul de Jean de Serent, qui étoit à la bataille
des Trente en 1350: elle paffa dans la maifon de la Chapelle ,
par le mariage d'Ifabeau de Serent , héritière principale &
noble de la branche aînée de Serent , qui époufa Ollivier , Sire
de la Chapelle , 6c refta dans la maifon de la Chapelle jufqu'ea
s E R 407
1505, quelle pafla dans celle de Rofmadec , par l'alliance de
Jean III, Sire de Rofmadec, qui époufa Jeanne de la Chapelle,
héritière principale & noble delà Chapelle, Serent, & Molac;
ce mariage fut célébré dans la Chapelle du château de Biois,
en préfence de Louis XII ôc de la Reine Anne , qui avoir
fait ce mariage. La branche aînée des Sires de Rofmadec
s'étant éteinte dans la perfonne de Sébaftien III de Rofmadec,
Commandant en Bretagne, & mort fans poilérité l'an 1667,
la fucceflion pafTa à Marianne de Rofmadec, fa fœur aînée,
qui avoir époufé, en 1661 , René, Sire le Sénéchal, Vicomte
de Carcado , mort des blefïures qu'il reçut à la bataille de
Senef le 11 Août 1674. Cette Baronnie eft pofTédée préfen-
tement par M. Corentin-Jofeph le Sénéchal-Carcado , Marquis
de Molac , Maréchal des Camps & Armées du Roi , Comman-
deur de l'Ordre de Saint-Louis , Gouverneur de Quimper,
petit-fils de René , Vicomte de Carcado , & de Marianne de
Rofmadec , &:c.
Le Seigneur , Baron ^e Serent , a le droit de faire courir
une drague , le jour de Saint Pierre , patron de Serent ; & , le
Dimanche fuivant, cette drague, aux armes du Seigneur, eft
portée par douze perfonnes ou environ , qui font trois fois le
tour du cimetière, après la Grand'MelTe & les Vêpres. Le jour
de Saint Pierre, ainli que le Dimanche fuivant , le vaflal à
qui eft le rang de la faire courir , a le titre de Duc : il fe met
dans le banc du Seigneur, pendant l'Office, & fuit immédia-
tement le Refteur à la procefTion , & précède les Juges j il doit
être botté & éperonnée , avec un manteau. Il précède aufïï la
drague, fur un cheval très-bien caparaçonné, accompagné du-
Sergent ; & , à chaque tour , devant la principale paflée du ci-
metière, le Sergent dit à haute & intelHgible voix, trois fois:
gric à Molac , je garde qui voudra de la Guibre qui va cou"
rir : gric à Molac , fe garde qui voudra , &C. Le cri ou devife
des armes de Molac, efl En bon efpoir gric à Molac. Ce droit
efl fi ancien que l'on n'en connoît point l'origine ni l'étymolo-
gie exafte ; mais , par tradition , on dit feulement que , vers le
dixième fiecle , il fe trouva une bête énorme , qui Arailembla-
blement étoit une hyenne , qui dévoroit les femmes , enfants ,
& pâtres : elle fe retiroit dans le bois d'une Terre nommée
la Salle , fituée près le bourg de Serent. On la voyoit fouvenc
aller boire dans l'étang de la Salle. Le Seigneur de Serent ai-
fembla fes vaffaux, nobles & autres, pour mire la chafTc à cet
4o8 S E R
animal , & parvint à la tuer lui-même. Ses vaflaux de la Frairie
du bourg de Serent , en reconnoiffance , s'obligèrent, à tour &
rang, de faire courir une drague, tous les ans, le jour de
Saint Pierre & le Dimanche fuivant ; & le Seigneur de la Salle
s'obligea de fournir un boiffeau de farine de feigle , ( ce qui fait la
valeur d'une pochée , ) le baffin & le bois pour faire cuire la
bouillie de cette farine, laquelle bouillie fe fait fur un rocher,
près la maifon noble de la Salle , qui eft l'endroit où la tradition
dit que la bête fut tuée ; ce qui fe pratique depuis , tous les pre-
miers jours de Mai, & fe diflribue aux pauvres, vers les dix
heures du matin , en préfence des Juges en robes. Ceft le vaffal
qui a fait les fondions de Duc , à la Saint Pierre précédente ,
qui fait cuire cette bouiUie; enfuite il appelle à haute voix,
par trois fois, celui qui doit faire le droit l'année fuivante, &
chez lequel il a porté la tête de la drague , le lundi de Pâques
précédent , & lui remet le bâton qui lui a fervi à démêler la
bouillie en la cuifant. Si la perfonne appellée ne fe trouve pas
fur l'endroit , il lui envoie ce bâton chez lui par le Sergent ,
auquel il n'ell dû pour cela aucune rétribution.
Les terres nobles de la Paroiffe de Serent , & les Jurifdiftions
qui s'y exercent dans l'Auditoire de la Baronnie de Serent,
font : la Terre & Seigneurie de Tromeur , haute , moyenne &
baffe- Juftice ; cette Terre paroît avoir été , dans fon principe ;,
le chef-heu des Seigneurs de Serent : elle a fon banc dans le
chanceau de l'Eghfe de la Paroiffe , & a fon enfeu avec xxn
tombeau de marbre blanc , élevé de trois pieds , fur lequel on
voit un perfonnage , & armé des écuffons à l'entour , qui font
trois qumte^-feuilles j fur & autour de la table , eft écrit , en lettres
gothiques , depuis plus de trois cents ans : il y a quen cette.
Eglife , chœur , & chanceau , font enterrés les Seigneurs de Tro-
meur , ainfî l'a bien voulu le monde : Dieu veuille pardonner aux
âmes dont les corps font ici enterrés. Ce tombeau exiftoit dès 1300^
les trois quintes - feuilles qui font dans les écuffons fur le tom-
beau , étant les armes de la maifon de Serent , font préfumer
que c'eft un Seigneur de cette maifon dont la repréfentation
eft fur ce tombeau. Cette Terre fut donnée en Juveigneurie à
N. de Serent, aïeul d'Orfroife de Serent , qui époufa , vers l'an
1436, Henri Hingant, dont l'héritière époufa Jean d'Avaugour :
elle refta dans cette maifon jufques vers l'an 1630, que Sébaf-
tien de Francheville époufa N... d'Avaugour ; & , vers Fan
1664, Marin de Colonel » Seigneur du Bot-Langon , époufa
Thérefe
s E R 4^9
Thérefe de Francheville ; depuis cette Terre eft dans cette
maifon.
La Terre & Seigneurie de Bovrel, haute , moyenne & bafle-
JulHce : cette Terre a été polTédée , en 1400 &: 1500, par des
cadets de la maifon de Rofmadeci elle a pafTé depuis dans
celle de Saint-Maure, & elle étoit polTédée , en 1640, par
Pierre l'Ollivier , Seigneur de Saint-Maure & de Lochrift , Ôcc»
& préfentement elle appartient à M. de Ligouhier , Marquis de
Saint-Pern , qui a époulé Mademoifelle de Saint- Maure.
La Terre & Seigneurie de Brignac , haute , moyenne & bafTc-
Juftice ; elle étoit pofTédée , en 1 5 1 5 , par Julien de Brignac ,
Seigneur dudit lieu j en 1601 , par Dame Marie de Brignac,
Dame de Kerfily , & depuis elle pafla dans la maifon de Rof-
madcG , & a été pofTédée par Sébaftien de Rofmadec , Evéque
de Vannes, & elle fut acquife par N... de Talhouet de Ker-
avion , dans la maifon duquel elle ei\ préfentement, & ell pof-
fédée par M. l'Abbé de Brignac , Confeiller honoraire au Par-
lement de Bretagne.
La Terre & Seigneurie de la Ville-Reix 6c du Rufcouart,
haute, moyenne ik bafle-Juftice : elle étoit pofTédée, en 1460,
par Guillaume des Forges -, en 1 660 , par Jean des Prés de la
Bourdonnaye : elle appartient préfentement à M. l'Abbé de
Brignac.
La Terre & fîef de la Salle , haute , moyenne & bafTe-Juf-
tice : cette terre efl encore un démembrement de la Baronnie
de Serent , donnée en Juveigneurie , par N. de Serent , père
d'Ifabeau de Serent , à N. de Serent , fon cadet , dont les
defcendants l'ont toujours pofTédée depuis , c'eft-à-dire , Mademoi-
felle de Serent , à qui elle appartient , l'a vendue à M. de
Guerri, Confeiller au Parlement de Bretagne j mais elle s'en eft
réfervée la jouifTance pendant fa vie.
La Terre & Seigneurie de Caftiller , haute , moyenne &
bafïe-Juflice , étoit pofTédée , en 1430, par Jean de Malcflroit;
en 1554, par Sufanne Pechart , Dame de Caflelan-la-Salle j&, en
1602 , par Pierre Garault : elle appartient aujourd'hui à M. de
Tregarot , Confeiller.
La Terre & Seigneurie de la Chenaye-Morix , moyenneJuf-
tlce : elle appartenoit , en 1 400 , à Jean de Tregaranteuc , en
1603 , à Claude de Quelin : elle efl aujourd'hui à M. Boniii
de la Villebouquai , Confeiller au Parlement de Bretagne.
La Terre & Seigneurie de Bohurel , moyenne-Jufhce : elle
Tome IF. . F 3
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étoit pofTédée, en 13^0, par Jean du Bohurel ; en 1604, paf
Jean de Luxembourg & Dame Raoullette Cado , fon époufe j
& préientement, par M. le Goesbe, Sieur de Reron, Capitaine
d'Infanterie, & Chevalier de l'Ordre Royal èc Militaire de
Saint-Louis.
La Terre & Seigneurie de la Ville-Guihart , moyenne-Juftice ;
en 1560, à N. de Begaffon, aujourd'hui, à M. Grigniard ,
Chevalier de Champfavoy, du chef de Dame Mathurine-Sébaf»
tienne de BegafTon , fa mère.
La Terre & Seigneurie de la Villedez , haute , moyenne Se
bafle-Juftice -, en 1580, à Jean de Lezenet , Chevalier de l'Ordre
du Roi ; en 1648 , à SébalHen de Kermeno , Seigneur de Goyonj
elle paiîa enfuite à Yves -Jean Moro : elle eft aujourd'hui à
M. de Lys.
La Terre & Seigneurie de la Touche-Carné, haute- JulHce;
cette Terre paroît être la Terre du nom de Camé : elle appar-
noit encore à cette maifon en 1 60 1 , & étoit pofledée alors par
François de Carné , Chevalier de l'Ordre du Roi -, en 1655, elle
appartenoit à François Rogier, Seigneur du Crevi , Confeiller au
Parlement de Bretagne : elle ei\ aujourd'hui à Madame de Hays.
La Terre & Seigneurie du Val-Néant , moyenne-Juftice ; elle
appartenoit encore, en 1520, à la maifon de Néant; en 1600,
à Guillaume Poullain , Sieur du Pontlo, du chef de Jeanne de
Néant , fon époufe : elle ell aujourd'hui à M. le Douarin de
Trevellec.
La Terre & fief de la Ville-Chevrier , moyenne- Juflice ; en
1500, à Pierre Audrent & Raoul Roger, fon époufe, Seigneur
de Malleville , aujourd'hui à Madame Billy.
La Terre & fief de la Ville-des-Prés , baffe-Juflice ; en 1 540,
à Thibaud des Prés; en 1609, à Guillonne Becdelievre , Dame
de Bohal; en 1678, à Hyacinthe-Baptifle Henri, Seigneur de
BahaU aujourd'hui à M. du Bot, Seigneur de la ViUeneuve-
Bohal & autres lieux , du chef de Dame Hyacinthe de Bohal ,
fon époufe. 'i'
La Terre & fief de l'Abbaye Bourdin : cette Terre étoit pof-
fédée, en 1504, par Jean Bourdin; en 1640, par Robert le
Moine ; en 1665 , par Pierre Henri, Seigneur de la Noue : elle
eft aujourd'hui à Madame la ComtefTe douairière du Fou, qui
poffede aufTi, dans cette ParoifTe , les Terres & fiefs de la Noue
& de Villegros. -
La Terre noble de la Ville - Pierre , en 1601 , à Jacques
SERr^SEV 411
Johano, Sieur de la Ville - Pierre j aujourd'hui à M. Moi éan.
La Terre, iief, & Seigneurie de Quilly j en 1540, à Dame
Barbe Morio ; en 1601 , à Dame Renée de la Ville-Rang, Daire
de Quilly ; aujourd'hui à M. de Cartel, ChevaHer, Seigneui de
QuiUy & autres heux.
La Ville-Quello , haute , moyenne , & baffe - Juftice : cette
Terre efl: un démembrement de la Baronnie de Malellroit , ciii
s'étendoit en la Paroiffe de Serent , elle appartient à M. de
Serent , Baron de Malellroit.
La Terre & fief de Rohean , moyenne-Jullice ; en 1680, à
Hierofme de Carne , Seigneur de Caftclan-Rohean ; aujourd'hui
à M. Boiffet , Capitame au Régiment de Penthievre , Infanterie ,
du chef de Dame N. du Bot , fon époufe.
SERVET j fur une hauteur ; à 4 lieues à l'Oueft de Tréguier,
fon Evêché ; à 3 3 lieues de Rennes j & à i lieue de Lannion ,
ia Subdéiégation & fon reffort. On y compte 900 communiants :
la Cure eft à l'alternative. Le bourg de Servet efl: fitué fur la
rivière de Gucr , qui forme en cet endroit un petit port avec
flux & reflux. Le territoire ell borné à TEfl: par la mer , très-
fertile , & bien cultivé. On y connoît le fief du Minihi , à
^. l'Evêque de Tréguier -, &: la maifon noble de Ker-vigant.
SERVON ; dans un fond , au bord de la rivière de Vilaine -,
à 3 lieues à l'Elt de Rennes , fon Evêché , fa Subdélégation ,
& fon reffort. On y compte 1 100 communiants : la Cure efl
préfentée par un Chanoine de l'Eglife Cathédrale de Rennes.
Le territoire, couvert d'arbres & buiffons , eff très-bien cultivé j
il produit des grains de toutes efpeces , & d'excellent cidre.
On voit par les aftes de la réformation , qu'il n'y avoit aucune
maifon noble dans cette Paroiffe en 1427.
SEVERAC ; fur la route de la Rochebernard à Redon ; à
12 lieues au Nord-Ouefl de Nantes, fon Evêché & fon reffort j
à 16 lieues de Rennes; ck à 4 lieues de la Rochebernard , fa
Subdélégation. On y compte 700 communiants : la Cure ell à
l'Ordinaire. Le territoire , d'une fuperficie plane , n'offre que
peu de terres en labeur , qui ne prouvent pas le courage & l'in-
dulHe des habitants. Le château de Severac , maifon feigne u-
riale du lieu, appartenoit, en 1577, à François de Talhouct,
Maréchal des Camps & Armées du Roi , ChevaUer de fon
411 SEV=SIB
Ordre , Se Gouverneur de Redon. Louis de Talhouet , fbn ûU ^
fut Enfeigne des Gardes de Sa Majefté , Gouverneur de la
Niatre & de Redon. Cette Terre a une haute-Juftice , Se appar-
tient à M. du Talhouet de Bois-Orant : le château ell décoré
d'un bois de haute-futaie, remarquable par la grande quantité
de hérons qui y font leurs nids,
SEVIGNAC ; à 9 lieues au Sud-Oueft de Saint - Malo , fon
Evêché 5 à 1 1 lieues & demie de Rennes j & à 4 lieues &
demie de Lamballe , fa Subdélégation. Cette Paroifle reffortit
à Dinan , & compte 2500 communiants : la Cure eft à l'alter-
native. Le territoire renferme des terres bien cultivées , des
prairies , & des landes ; on y voit beaucoup d'arbres fruitiers
& autres, & la fource d'un des bras de la rivière d'Arguenon.
En 1420, on y connoiffoit les maifons nobles ci-après : la Ville-
Blanc , à Robert Ferré j & en 1 468 , à Pierre Ferré , Sénéchal
de Rennes : la Ville-Marie , à Jacques de la Ville-Coq ; la Ri-
vière , à Amauri de la MoufTaye , qui polTédoit aufTi la Quehe-
nochay e : les Salles , à Guillaume de Tremereuc ; Saint- André ,
à Jean de la Motte -, la Touche-à-Nifan , à Jean Geffron : Bron-
dineuf, à Jean de Broons j aujourd'hui, avec moyenne- Juftice ,
à M. de Saint-Pern-Brondineuf : Margaro , à Guillaume de Mar-
garo ; Bourgueneac , à Jean le Beruyer ; la Vigne , à Jean Du-
rand ; Pembro , à Jean du Fau ou du Fou ; Milica , à Bertrand
Bardoul ; les Aulnais , à Guillaume du Brofz -, le Bignon , à
Charles Ouri ; la Chapelle , à OHvier de Launaye : Limoèlan ,
à Gilles de Kerfaliou ; aujourd'hui , avec haute-Juftice , à M. Pi-
cot de Limoèlan : la Ville-Billi , à Olivier le Bernier ; le Chaux-
cheix , à Jean Gautron ; la Ville-Neuve , à Pierre Grignon j le
Quenar , à Raoul Coupliere ; le PlefTis-Bataille , le Loroux , la
Ville-au-Prévoft , & la Touche, à N.... En 1390, Eon Rouxel
avoit fait bâtir une belle maifon au village de la Ville -Léart.
Beaumanoir , haute-Juftice , appartient à M. Picot de Limoèlan ;
Cohineuc , moyenne - Juftice , à M. de la Goublaye de Saint-
Quereuc j Guernaon, moyenne - Juftice , à M. le Marquis de
Locmaria ; le PlefTis - Gautron , moyenne - Juftice , à M. du Ro-
cher de Saint - Riveul ; Pengave , moyenne - Juftice , à M. de
Launai-Guérif.
SIBERIE ; à I lieue & demie à l'Oueft-Sud-Oueft de Saint-
Pol-de-Lcon , fon Evêché & fa Subdélégation ; Se k 41 lieues
s I B 415
ide Rennes. Cette Parolfle reflbrtit à Lefneven, Se compte 1000
-communiants : la Cure efl préfentée par l'Evêque. Le territoire,
borné au Nord par la mer , eil fertile en toutes fortes de grains
& très-bien cultivé. Le château de Ker-ouferé efl: une des prin-
cipales Seigneuries de l'endroit; il appartenoit , en 1360, à
Alain de Kerouferé ; en 1421 , à Jean de Kerouferé , Echanfon
du Duc Jean V , gratifié de cent livres de rente par ce Prince,
pour récompenfe des fervices qu'il lui avoir rendus ; & , en
Î462, à Yves, Chevalier, Seigneur de Kerouferé, que le Duc
François II inftitua fon Confeiller 6c Chambellan , par fes lettres
données à Vannes , le 18 Juin de cette année ; en 1 590 , il étoit
poffédé par N. de Boiféon , Seigneur de Coëtnifan, Gentilhomme
attaché au fervice du Roi , qui s'étoit retiré dans cette place
avec de Guébriand , fon beau-frere , fes parents , & amis. La
garnifon étoit commandée par Kerdraon de Coëtnifan , guerrier
brave & cruel , qui ; par les ravages qu'il avoit exercés dans
les environs , s'étoit attiré la haine de tout le pays j les payfans
fupphoient depuis long - temps les Seigneurs de la Ligue de
les délivrer de cet ennemi terrible. Ils obtinrent enfin leur de-
mande. Le Seigneur de Goulaine , du Faouet , fon frère , &:
plufieurs autres Gentilshommes fe préfenterent devant la place ,
^ virent accourir à leur camp une multitude de payfans qui
ne refpiroient que la vengeance des maux qu'ils avoient fouffcrts.
Le château étoit une malfe de pierre , flanqué de quatre grofles
tours à créneaux & machecoulis ; & comme le Seigneur de
Coëtnifan s'attendoit bien qu'il feroit afliégé , il avoit fait faire
de nouvelles fortifications au dehors. Après quelques jours d'at-
taque , le Seigneur de Goulaine s'appercevant qu'il n'avoir fait
aucun progrès, jugea qu'il ne pouvoir réufTir fans canon : il en
envoya quérir à Brignon , maiibn (a) forte qui appartenoit au
Seigneur de Ploeuc , fon beau-frere. Kerhir , Gentilhomme ex-
périmenté & intrépide , fut chargé de la commiflion : elle lui
fut funefle. La garnifon de Breft , informée de fa route , lui drefTa
une embufcade ; mais comme elle ne fe trouva pas afTez forte
pour l'attaquer & l'empêcher de paiTer , un fbldat fe détacha
de la troupe embufquce , & à la faveur d'une haie qui le ca-
choit , il choifit Kerhir entre les autres , &: le rcnveria mort
ii'un coup d'arquebufc. Cet accident n'empêcha pas le détache-
{a) Cette maifon cft fituce dans le territoire de U trêve du BourgbUnc , Paroid?
de Plouyen , à 8 lieues de Kerouferc.
414 s I B = s I L
ment de conduire le canon au camp de Kerouferë. La batterie
fut dreffée & la brèche faite en peu de temps : les afiiégés
prévoyant le fort que leur réfervoit la populace , s'ils étoient
emportés d'affaut , fongerent à capituler. Les Seigneurs de Gou-
laine & du Faouet étoient bien difpofés à leur accorder une
honnête compofition j mais les payfans qui ne refpiroient que la
plus horrible vengeance , ne vouloient point entendre parler
de capitulation , & menaçoient de tout exterminer , mênîe la
noblefîe de leur parti , fi elle traitoit avec les affiégés. Ce ne
fut qu'avec beaucoup de peine qu'on parvint à les calmer, Ôc
la capitulation fut fignée. Elle portoit que les affiégés rendroient
la place avec tout ce qu'elle renfermoit , que les foldats for-
tiroient vie & bagues fauves , & que Coëtnifan , Guébriand ,
& Kerdraon , feroient prifonniers jufqu'à ce que le Duc de
Mercœur en eût autrement ordonné. Comme la nobleffe feule
avoit figné la compofition , la populace fe fouleva contre les
chefs , & fit tous fes eftorts pour s'emparer des prifonniers , afin
de les maflacrer. Les chefs des troupes de la Ligue coururent,
en cette occafion , un très-grand danger de la vie , & ne pu-
rent même fauver Kerdraon. Comme ce Gentilhomme avoit le
plus à craindre , il avoit eu la précaution de fe déguifer , mais
ion déguifement ne put le dérober à fon malheur : il fut re-
connu de quelques payfans , qui , fur le champ , tirèrent fur
lui , & l'attaquèrent avec tant d'impétuofîté que les gens de
guerre ne purent empêcher qu'il fût mis en pièces. Il n'y eut
pas un payfan qui ne voulût avoir le plaifir barbare de lui
donner un coup ^ ils affouvirent leur rage fur le cadavre de cet
infortuné Officier , & pouffèrent l'indignité jufqu'à lui couper
les parties viriles , qu'ils promenèrent dans le camp au bout
d'une pique. Cette fureur de la populace fut favorable aux au-
tres prifonniers , qu'on eut foin de mettre en lieu de fureté.
Coètnifan fut conduit prifonnier à Nantes j &, en 1602, le 25
Mai , le Roi , pour l'indemnifer , tant de fa rançon que de la
démolition de fon château de Ker-ouferé , lui accorda une fomme
de trente-cinq mille écus.
SILFIAC ; fur une hauteur , près la route de Pontivi à
Carhaix ; à 14 lieues au Nord - Nord - Ouefl de Vannes , fon
Evêché ; à 23 lieues de Rennes; & à 2 lieues de Guemené^
fa Subdélégation. Cette Paroiffe reffortit à Hennebon , & compte
1500 communiants , y compris ceux de Peret ^ fa trêve : la Cure
s IL= SI O 415
«{l à l'Ordinaire. Le territoire offre à la vue des terres en la-
beur, mais en petite quantité, beaucoup de landes, & des bois,
qui font les forêts de Cavern , Quenequen , & Poulancre , qui
bordent la rivière de Blavet. Dans le quatorzième fiecle , ces
forêts étoient plantées en futaie , 6c contenoient environ cinq
lieues de longueur , fur trois quarts de lieue de largeur ; elles
étoient remplies de bêtes fauves : aujourd'hui ce ne font plus
que des bois taillis , connus fous le nom de forêt de Quenequen ;
elle a deux lieues de longueur , fur une demi-lieue de largeur :
on y trouve beaucoup de mines de fer , qui y ont fait établir
des forges. Dans les environs du château de Peret , on remarque
des pierres & des arbres fur lefquels font figurées des macles.
Dom Taillandier prétend que ce fut à Peret que vécut , dans
la folitude , Saint Mériadec , fils aîné de Conan , Roi de Bre-
tagne , d'où font fortis les Seigneurs de Rohan. En 1420, le
manoir de Crenuhel appartenoit à Jean Frazqualle j & celui de
Quoètuder , à Pierre BulTon.
SION ; à 1 2 lieues un quart au Nord de Nantes , fon Evê-
ché & fon reffort j à i o heues de Rennes ; & à 2 lieues un
quart de Derval , fa Subdéiégation. On y compte 1800 commu-
niants : la Cure eil: à l'Ordinaire. Le territoire , arrofé des eaux
des rivières de Merdrec & de Chère , fur leiquelles on voit
une forge & un fourneau à fer , nommés les forges de la Hunau-
dlere , fournit beaucoup de mines de fer , & renferme des terres
en labeur , des prairies , & des landes. Le bourg de Sion fut
un de ces lieux que les Proteflants obtinrent , par TEdit de
Nantes & d'autres précédents, pour l'exercice public de leur
religion. On peut préfumer qu'il fut accordé en faveur des
Marquis de la Rochegiffard , anciens Seigneurs de Sion , ôc zélés
Proteflants , qui fervirent fidèlement les Rois Henri 111 &: Hen-
ri IV contre la Ligue. Le lieu d afl'emblée , dit le Prêche , lub-
fifle encore aujourd'hui , &: fert à préfcnt d'auditoire. On le four
vient encore à Sion des querelles, fouvent fanglantes, qui s'éle^
voient fréquemment entre les Catholiques & les ProtelLmts. Des
vieillards, qui prétendent le tenir de témoins oculaires, racon-
tent entr'autres le trait d'un Prêtre , nommé du Bois , qui tua ,
avec le bâton de la Croix , le cocher du Marquis de la Roche-
giffard , lequel conduifoit fon maitre au Prêche , &: retuloit de
s'arrêter pendant que la Proceffion Catholique paffoit. Telles
étoient les occafions de ces guerres entre ces deux partis, qui
4i6 SIO=SIX
coûtèrent tant de fang à la France , dans ces temps malheureux
& fanatiques. On n'a point encore oublié les moyens finguliers
qu'employoient les Dragons , pour convertir quelques entêtés
reliés dans ce bourg après la révocation de l'Edit de Nantes.
On y raconte toutes les perfécutions , les infultes , & les cruautés,
que leur faifoient éprouver ces Apôtres des Jéfuites , envoyés,
par Louvois ( a ).
On voit dans la Paroifle de Sion fept de ces énormes pierres
qui ont été plantées de mains d'hommes en différents endroits ^
on ne fçait trop à quel ufage & en quelle occafion : elles font
toutes fur la même ligne, au bord d'une petite lande, & aux
carrefours de quatre chemins. On ne peut douter qu'elles n'aient
été tranfportées là exprès, parce qu'il n'y a point aux environs
de carrières de pierres de la même efpece , elles ne font pas
toutes de la même groffeur , les plus groffes peuvent bien pefer
huit à dix milliers,
La Terre de Sion, qui relevé du Roi, appartient à M. le
Marquis de Juigné , Ambaffadeur extraordinaire à la Cour de
Ruffiej il y a une haute -JulHce qui reflbrtit au Préfidial de
Nantes. Les maifons nobles de cette Paroiffe font, la Fouaye
& l'Orme , avec haute- Juftice ; la première à M. Gafcher des
Burons , & la féconde aux héritiers de M. de la Garlaye , Eve-
que de Clermont : l'Orme appartenoit , en 1420, au Sieur de
l'Orme. La Roberdais eft aujourd'hui à M. du C
SIXTE ; fur une petite élévation ; à 1 1 lieues à l'Ell-Nord-
Eft de Vannes , fon Evêché ; à 1 1 Heues de Rennes j & à 3.
lieues un quart de Redon , la Subdélégation. Cette Paroiffe rei-
fortit à Ploermei , & compte 1700 communiants : la Cure ell
à l'alternative. Le territoire, arrofé des eaux de la rivière d'Aph,
offre à la vue des terres fertiles en grains , des prairies , &
des landes d'une étendue immenfe , particulièrement au Sud-Efl
de fon bourg : il s'y tient tous les ans une foire conlîdérable
de belliaux.
En 878 , le Prêtre Vidnimet donna à l'Abbaye de Redon une
partie de fa Terre , nommée Conc-hinoc, &, en ii3<S, Mahe
( a ) Cette petite Eelife a eu des Paf- . du parti , à la Cour , & d'y négocier ces
,., j:a: L. r\^ .„- j l'un.-- :.. ..•...'. _..: jC.„:,»-* ^,^C^.,a. '.^CTi.tnt
teurs diftingués. On trouve dans l'Hiftoire
de France un Miniftre de Sion, qui y joue
na lôle ; il étoit fouvcnt chargé des Maires
petits traités qui étoient^ prefque aufli-tôi
rompus qu'accordés.
dâr
s I X = S ou 4,7
de Sixte donna au même Monaftere les dîmes qu'il poiïédoit
dans cette ParoifTe. En 1500, Tregary , les Noës , la Châtei-
gnerais , le Chêne , & le PlefTis de Sixte , appartenoient à Jean
de Porcaro : la Touche - Queno , à Jean de la Ville- Juhel ; le
Bois - Garin , à René de la Bourdonnaye ; l'Abbaye Mou-
raud & Villeneuve , à JuHen Coué : Branc-Franc , à Jacques
de Maleftroit ; la Ville- Juhel , à Jean de la Ville-Juhel ; & la
Crapaudiere , à N. Pommeri , avec haute-Juflice , appartiennent
aujourd'hui à M. Gouro de Pommeri: Brai , haute-Jullice , &:
Boffour , haute-Juftice , à M. du Bot du Grego ; le Bois-Orant ,
haute-Juilice , à M. de Talhouet ; Trégary , haute - Juftice , à
M. du Bouexic de Pigneux j Bougervé , moyenne - Juilice , à
M. Rolland de Rangervé j le Bois-Guerin , moyenne-Juilice , à
M. Huchet de la Bennerais j & le Pleflis , moyenne-Juftice , à
M. Guitton.
SIZUN ; à 7 lieues au Sud de Saint-Pol-de-Léon , Ton Evê-
ché ; à 39 lieues de Rennes; &: à 3 lieues de Landerneau , i\\
Subdélégation. Cette Paroifle refîbrtit à Lefneven , & compte
3600 communiants, y compris ceux de Loemelar , fa trêve:
la Cure ell préfentée par l'Evêque. Le territoire offre à la vue
des terres en labeur , des montagnes , & des landes. En 1 1 86 ,
Hervé , Vicomte de Léon , donna les dîmes qu'il poffédoit en
cette ParoifTe à l'Abbaye de Daoulas.
SOUDAN j à 1 3 lieues au Nord - Nord - Eft de Nantes , (on
Evêché & fon reffbrt ; à 1 1 lieues de Rennes ; & à i lieue de
Chateaubriand, fa Subdélégation. On y compte 2300 commu-
niants : la Cure efl à l'alternative. Le territoire offre à la vue
des terres bien cultivées , des prairies, des landes, & des bois,
dont les plus considérables font ceux de Brichet &: de Gauli-
conniere. La haute-Juftice de Soudan appartient à M. de Bon-
amour ; la Chetaye , moycnne-Jullice , à M. de Ville-Blanc ; la
Croix-Cocu , baffe-Juftice , aux Trinitaircs de Chateaubriand ; &
le Bois-Durand , à N....
SOUGÉAL; fur une hauteur ; à 10 lieues au Nord-Nord-Eft
de Rennes , fon Evêché ; & à i lieue un tiers d'Antrain , fa
Subdélégation. Cette Paroilîe reffortit à Bazougcs , & compte
000 communiants: la Cure ell à l'alternative. Le territoire eil
borné au Nord par la province de Normandie , dont il eil: aufîi
Tome IF. G 3
4i8 SO U =SU C
féparé à l'Eft par la rivière de Couefnon ; les terres en font
très-bien cultivées , & les habitants font d'excellent cidre. Cette
Paroifle eu un riche Prieuré , dépendant de celui de Saint-Malo
de Dinan , qui, en 1 54c , tomba en régale. Le Roi Henri II
le donna à Jean de la Touche. Il a une moyenne- Juftice , qui
appartient au Prieur de Saint-Malo de Dinan.
'ISPEZET ; à 8 Ueues à l'Eft-Nord-Eft de Quimper , fon Evê-
ché ; à 3 2 lieues de Rennes ; & à 2 heues de Gourin , fa Sub-
délégation. Cette Paroifle reflbrtit à Carhaix , & compte 2400
communiants : la Cure efl préfentée par un Chanoine de l'EgHfe
Cathédrale de Quimper. Le territoire , borné au Nord par la
rivière d'Aulne , & au Sud par les montagnes Noires , efl: in-
culte dans bien des parties , particulièrement dans les montagnes
dont le fol efl de mauvaife quaHté : il n'y a , à bien dire , qu'au
Nord de la Paroifl^e oii le terroir foit bon.
SQUIFFIEC j fur une hauteur ; à 4 lieues au Sud-Sud-Efl: de
Tréguier , fon Evêché ; à 28 lieues de Rennes ; & à i lieue &c
demie de Guingamp, fa Subdélégation. Cette Paroifl^e reflbrtit
à Lannion , & compte 1000 communiants, y compris ceux de
Ker-moroch , fa trêve : la Cure efl à l'alternative. Le territoire ,
arrofé des eaux de la rivière de Trieuc , efl fertile en grains de
toutes efpeces & très-bien cultivé. On y remarque les vefliges
du château du Poirier , qui fut afllégé & pris , le premier Juin
1393 , par Olivier de Cliflbn , Connétable de France , qui , après
avoir pris cette place , la fit démoUr : elle appartenoit au Duc
Jean IV.
SUCÉ ; fur la rivière d'Erdre ; à 3 lieues au Nord de Nantes,
fon Evêché, fa Subdélégation, & fon reflTort ; & à 19 lieues
de Rennes. On y compte 1700 communiants : la Cure efl à
l'Ordinaire. Le territoire produit des grains de toutes efpeces,
fur-tout du feigle ; du vin de qualité médiocre ; & beaucoup
de châtaignes : on y remarque un châtaigner de vingt-neuf pieds
de circonférence , que les étrangers vont voir par curioflté. Sur
les bords de la rivière d'Erdre , font de vaftes marais , qui pro-
duifent du fourrage de mauvaife quahté , & il feroit avantageux
pour les habitants qu'ils fuflent deflféchés , ce qui ne feroit pas
très-diflicile : alors on verroit de belles prairies prendre la place
de ces marécages , dont la corruption infede l'air. Le péage du
s U C = S U L 4,9
bac établi à Sucé , pour paffer la rivière , appartient à M. l'E-
vêque de Nantes , Seigneur du lieu.
L'ancienneté de la ParoifTe de Sucé eft prouvée par un a6î:e
de l'an 952, par lequel Alain Barbe-torte donne à l'Abbaye
de Landevenec plufieurs Egliies , parmi lefquelles fe trouva la
moitié de la Vicairerie ôc de l'Eglife de Sucé , à cinq milles de
Nantes. En 1252, Jean, Abbé de Saint-Gildas-des-Bois , échan-
gea avec Galerand , Evêque de Nantes , tout ce qui pou voit 4{ii
revenir en 1253 de la Chapelle de Bref-Chalan , de fa mé-
tairie , & de l'ifle de Saint-Denis en Sucé , pour les domaines que
tenoient les Cordeliers , de l'Evêque de Nantes, dans la rue per-
due , où les Moines de Saint-Gildas avoient deflem de s'établir.
Ce projet ne fut pas effeftué : leur acquêt paffa , quelque temps
après , par échange , à la maifon de Rieux , qui en fit préfent
aux Cordeliers. Guillaume de Vern , Evêque de Nantes en 1267,
trouva , en montant fur le Siège , tous les domaines de l'Evêché
entre les mains du Duc Jean I , dit le Roux. Le Prélat expédia fur le
champ un ordre à fon Officiai d'aller trouver le Duc , Se de
lui faire , en parlant à fa perfonne , les monitions requifes de
vuider les maifons de l'Evêché , les manoirs de Sucé ; de réparer
tous les dommages qu'il avoit caufés ; & de reftituer tous les fruits
qu'il avoit reçus. En 1370, le château de Sucé étoit une des
maifons de plaifance de l'Evêque de Nantes ; Sz , par afte du
3 Décembre 1395 , Geoffroi de Malfchat & Alain de Brûlon,
s'obligèrent à garder cette place pour le Duc. Ce dernier fait
paroît détruire le premier, parce qu'en 1395 , l'Evêché n'étant
pas vacant , le Duc ne pouvoit mettre une garnifon dans ce
Château ; il fe peut cependant faire que les troubles de la pro-
vince l'y aient obHgé, & qu'il l'ait fait avec la permifTion de
l'Evêque. L'an 1572, les Calvinilles établirent un prêche à Sucé:
on voit encore les ruines de ce bâtiment auprès du bourg. Les
ruines du château paroilTent aufii fur la rive gauche de la ri-
vière d'Erdre : ces reftes annoncent que c'étoit une forte place,
quoique l'enceinte en fût petite. Sa ntuation étoit fur une mon-
ticule fort élevée au deflus de la rivière , avec un double fofl'é,
taillé dans le roc : il fut démoli en 1677. On trouva, il y a
quelques années , dans l'ille de Saint-Denis , qui fervoit de ci-
metière aux Pi otellants , plufieuis caveaux de maçonnerie , avec
des offements^
SULNIAC i à 3 Heues à ÏEÙ: de Vannes , fon Evêché ^ fa
4ZO S U L = TAD
Subdélégatiôn , & Ton reflbrt ; & à 1 8 lieues de Rennes. On y
compte 1 800 communiants : la Cure eft à l'alternative. Ce ter-
ritoire contient des terres en labeur de bonne qualité , des prai-
ries, le bois de Beauvelle , &: des landes. La mauvaife qualité
du fol de quelques-unes de ces dernières n'ôte rien à la fer-
tilité des autres, qu'on pourroit défricher avec fuccès. En 1400,
ce territoire renfermoit plufieurs maifons nobles , fçavoir j la Per-
rière 5 à Guillaume de Kerfalio ; aujourd'hui à M. de Rofmadec :
le manoir de Trevelan , à la Dame du Bois-Moraud : Ker-truel
& Boblais, font plus modernes.
SURZUR j à 2 lieues deux tiers au Sud-Eft de Vannes , fon
Evêché & fon refTort j à 21 lieues de Rennes; & à 2 lieues
un quart de Sarzeau , fa Subdélégation. On y compte 3000
communiants , y compris ceux de la Trinité & du Hézo , fes
trêves : la Cure eft à l'alternative. Des terres en labeur bien
cultivées , des prairies, des bois taillis, & beaucoup de landes j
voilà ce que ce territoire offre à la vue. On y remarque quel-
ques manufaftures de groffes étoffes de laines , & beaucoup de
boulangeries , dont le pain eft porté & vendu dans les Paroiffes
voifines. En 1775 , une fièvre putride & vermineufe enleva une
bonne partie des habitants de cette Paroiffe. En 13 50 , la maifon
noble de Ker-guifé appartenoit à Jean de Kerguifé ; &, en
1470, à Marc-Antoine de Kerguifé, Enfeigne des Gardes-du-
Corps. En 1440, Penbulzo , à Thomas de Penbulzo ; Brionel,
à N. Dainero ; le FuUe , à Guillaume le Baillif ; Granion , à
Renaud de Beaumont j & le Bois-Joyaux , à Jacquette de Muf-
filiac : Cohano & Perennes , font plus modernes.
X ADEN ; fur une hauteur ; à 4 lieues au Sud de Saint-Malo;
fon Evêché; à 10 lieues un tiers de Rennes; & à une demi-
lieue de Dinan , fa Subdélégation & fon reffort. Cette Paroiffe
relevé du Roi, & compte 1000 communiants : la Cure eft à
l'alternative. Le territoire , baigné des eaux de la rivière de
Pi.ance , renferme des terres très-bien cultivées & fertiles , & un
bois, dans lequel le Roi poffede dix-neuf arpents cinquante-une
cordes d'étendue. En 1 1 63 , l'Evêque de Saint-Malo termina un
différent que fon prédéceffeur avoit eu avec les Moines de Mar-
moutier , au fujet de l'Eghfe de Taden.
En 1378, Èon de Beaumanoir, irrité, on ne fçait par quel
TA D =TA L 4ir
motif, contre Aliette de Kergus , Dame d'honneur de Jeanne
de Navarre , VicomtefTe de Rohan , voulut la tuer ; mais il
manqua fon coup : fon épée, prenant une toute autre direftion
que celle qu'il avoit intention de lui faire prendre , ne blefla
que le cheval de la Dame de Kergus. Le Vicomte de Rohan,
inltruit de cette a6lion peu digne d'un Gentilhomme , condamna
le coupable à une amende de quatre cents écus d'or, à prendre
fur la ParoifTe de Taden , dont Beaumanoir étoit Seigneur , &
lur fes autres biens.
On remarque dans cette ParoifTe la maifon noble de la Ville-
Maillard; le château & le parc de la Garaye, devenu célèbre
par le dernier Comte de ce nom , dont les pleurs des pauvres
ont fait l'éloge. Tout intérelTe dans M. le Comte de la Garaye.
Sans études , il fçavoit beaucoup : il établit chez lui un Hôpital
pour les malheureux payfans , fes vaflaux , & y fonda une apo-
thicairerie. Il extirpoit la catarafte fupérieurement -, guérifToit de
la galle , de la teigne , & autres maladies ; & l'on doit fçavoir
que, s'il étoit le premier miniftre des pauvres qu'il fervoit lui-
même , que s'il a vécu avec eux , il a voulu mourir avec eux.
Dédaignant l'oftentation d'une pompe funèbre, il a voulu être
enterré au bas du cimetière de la ParoifTe de Taden , plutôt
que d'être inhumé dans un tombeau de marbre élevé par fes
ancêtres à l^inan. Les priibnniers de Dinan lui font redevables
d'une MefTe les Dimanches & Fêtes.- Cette ville lui a des obli-
gations immortelles, & doit conferver le fouvenir de fes bien-
faits , comme elle a fçu rendre juftice à Tes vertus. Ce Seigneur
n'a point laifTé de pollérité,
TAILLIS ; fur la route de Vitré à Fougères ; à 7 lieues &
demie de Rennes , fon Evêché & fon reflbrt ; &: h i lieue un
tiers de Vitré , fa Subdélégation. On y compte 550 commu-
niants : la Cure eft préfentée par l'Abbé de Saint-Serge d'An-
gers. Le territoire efl coupé de ruifîeaux , qui forment la rivière
de Cantache ou de Perouze. C'efl un terrein couvert , qui pro-
duit du grain , du foin , &: du cidre ; il n'ell: pas mal cul-
tivé. On y voit les maifons nobles de la Benerie , de la Tour-
mclaye, &:de la Cour de Taillis : cette dernière, qui a hautc-
Julhce, appartient à M. de Gouyon des Hurlieres.
TALENSAC ; fur une hauteur; à 13 lieues au Sud de Saint-
Malo , fon Evêché -, à 3 lieues trois quarts de Rennes , fou
4" TAL
reffort 5 & à i lieue un quart de Montfort , fa Subdélégatîon^
On y compte 1600 communiants , y compris ceux du Verger, fa
trêve : la Cure eft préfentée par l'ETeque , & le Seigneur nomme
le Vicaire perpétuel du Verger. Ce territoire , arrofé des eaux
de la rivière de Men , offre à la vue des terres en labeur , des
prairies y des landes , & les bois de Bintin & de la Bedoyere.
Dans le premier fe trouve une carrière de pierres maclées,.
de couleur rougeâtre , & dans les environs ,des améthylles. Les
dîmes de cette Paroiffe furent données , l'an 1 1 5 1 , à l'Abbaye
de Saint- Jacques de Montfort , par Guillaume de Montfort , fon-
dateur de cette Abbaye. Dans les quatorzième Se quinzième fiecles ^
on remarquoit à Talcnfac plufieurs maifons nobles. La Bedoyere,.
maifon feigneuriale du lieu , avec haute-Juftice , appartenoit ,.
en 1360, à Pierre Huciiet de la Bedoyere. Bertrand de la Be-
doyere fut Secrétaire dTtat, Garde des Sceaux, & Ambaffa-^
deur du Duc Jean V. Raoul de la Bedoyere époufa, au mois
de Mai 1463 , Charlotte de Cahideuc. Gilles 6c André de la
Bedoyere furent Procureurs généraux au Parlement de Bre-
tagne. Jean de la Bedoyere fut reçu Chevalier de Malte en
1656. Cette Seigneurie appartient aujourd'hui à M. Huchet de
la Bedoyere, delà même famille. En 1380, le Guern appar-
tenoit à Louis de Saint-Brieuc -, en 1420, la Bouax , à Pierre
de la Bintinaye. Jean de la Bintinaye fut envoyé en ambaffade ,
l'an 1450 , en Angleterre, où il mourut. Vincent de la Bin-
tinaye fut Gentilhomme ordinaire de la chambre de la Reine , en
1579. M. de la Bintinaye ^ Greffier aftuel des Etats de Bre-
tagne, eft de la même famille. En 1420, la Vallée , à Jean de
Morhan ; la Prévotaye , à Jean de Partenaye : le Bois , à Raoul
de Bintin , qui poffédoit auffi le Châtelier ^ cette dernière , qui
^ moyenne- Juftice , s'appelle aujourd'hui le Bois de Binais , &
appartient â M. de Logeois r la Touche , à Jean du Guel , dit
Cillart', le Mauduet , à René du Bois j le Pré du Hou, à Eon
le Loup ou Belou -, le Clos-Chef-Doué , à Guillaume Pied-de-
Vache; la Touche, à Guillaume Rolland j Collet, à Pierre de
Quédillacj la Chefnaye, à Urbain Rolland j Crabaffe, à Jouan
Trehel ; la Rivière , à Jean de Breiieuc : la Bonnax , à Guillaume
de la Bonnax; (elle fe nomme aujourd'hui la Bonnais , elle a
moyenne -Juftice, & appartient à M. Gourodi Pommeri : ) la
Robitelaye, à Jean de Breneuc; la Dazoaie, à Olivier du
Guelé; Tréjohn, à Guillaume de Tréjohn; le Mons , à Alain
ie. Mons; le Coudrai, à Thebaud de Quédillac ; Treveneuc , à
T A LzzzTAU 41 j
Pierre de Treveneuc ; la Rigadelaye, à Guillaume Toubary ;
Caiïet , à Olivier du Guern : & le Guern , à N... j cette der-
nière , qui a moyenne-Juftice , appartient aujourd'hui à M. de
la Beneré ; le Houx , moyenne-JulHce , à M. du Forfan du Houx.
TAULÉ ; à 2 lieues deux tiers au Sud-Eft de Saint-Pol-de-
Léon , ion Evêché ; à 40 lieues de Rennes j & à i lieue &
demie de Morlaix , fa Subdélégation. Cette ParoifTe relevé du
Roi, refîbrtit à Lelneven , & compte 5000 communiants,
y compris ceux de Carentec 6c de Henvic , fes trêves : la Cure
eft prélentée par l'Evêque. Le territoire eft très-bien cultivé, &
fertile en toutes fortes de grains. La haute - Juflice de Pcnhoat
appartient à M. de Kerouarts. Les maifons nobles de l'endroit font;
la Valoc , le Franfic , Ker-om.mes , Châteaumen , Chaftelenec ,
Coèt-Blouchou , Coëtidual , le Crech , Cofquerven , Cofquer*
meur , QuiftiUic , le Vieux-Châtel , Feuntenfpeur , Ker-vefec , le
Front , Goazquelen , Goëzou , Guernifac , Ker-angoaguet , Ker-
brigent , Ker-afTel , Ker-danet , Ker-gadoret , Ker-hallic , Ker—
unan , Ker-illi , les Crech , le Menée , Mahé-Ker-morvan , Pen»
fez', Penfornou, leTimen, Poulconquet , Lefireur, cette dernière
porte pour dévife dans fes armes : Dieu me tue.
TAU PONT ; dans un vallon; à 18 heues au Sud-Sud-Ouell
de Saint-Malo , fon Evêché ; à 1 2 Heues un quart de Rennes ;
& à un tiers de lieue de Ploermel , fa Subdélégation & fon
reffort. Cette ParoifTe relevé du Roi, & compte 1900 commu-
niants : la Cure eft à l'alternative. Le territoire , couvert d'arbres
& buiffons , &: arrofé des eaux des rivières au Duc & d'Ouil ,
eft plein de collines & de vallons ; fes produélions font les
grains & le cidre. Parmi les arbres fruitiers , on y remarque une
quantité prodigieufe de cerifiers , dont les fruits font renommés
dans le canton. Le château de Lambilly , haute-Juilice & mai-
fon Seigneuriale de la ParoifTe, appartenoit, en 1360, à Jean
de Lambilly. Jean , fon fils , fut Grand Chambellan Sz premier
Gentilhomme du Duc Jean IV, en 1487. Robert de Lambilly
fut élu Capitaine des Francs-Archers de ^E^■cché de Vannes.
Cette Seigneurie appartient aujourd'hui à M. de Lambilly , de
la même famille: le manoir de Cremenan appartenoit, en 1400,
à Jean de Lambilly ; la Ville-Eau-de-Vache , à Jean de Calkl ;
$c la Rivière , à Guillaume Brchault.
424 TE L = THE
TEILLÉ ', fur une hauteur ; à 7 lieues un tiers au Nord-Eft de
Nantes , Ion Evêché & fon refîbrt ; à 17 lieues de Rennes j &: à 3
lieues d'Ancenis , fa Subdélégation. On y compte 1000 commu-
niants : la Cure efl à l'Ordmaire. Le territoire , coupé par la
rivière du Havre , offre à la vue des terres en labeur , & une
quantité prodigieufe de landes : à deux vallons près , le terrein
eft de fuperficie plane. La maifon noble de la Guibourgere
appartenoit , en 1460, à Guillaume de la Guibourgere. Joachim
de la Guibourgere fut Aumônier du Roi. Jacques fut Confeilier
au Parlement , Grand Sénéchal de Nantes , & fucceffivement
Evêque de Saintes & de la Rochelle. Guillaume , Raoul , & Joa-
chim de la Guibourgere, ëtoient Confeillers au Parlement de
Rennes , en 1 670. Cette Terre a haute- Juflice , avec titre de
Châtellenie , & appartient préfentement à M. Pont -Carré de
Viarme : le Bois-Maquiau appartenoit, en 1691 , à Claude de
Cornullier , Sieur du Bois-Maquiau , Préfident à la Chambre des.
Comptes de Bretagne. *"
TELGRUC j fur la montagne de Meucon ; à 6 lieues 8c
demie au Nord-Ouefl de Quimper*, fon Evêché & fon reffort^
à 43 lieues de Rennes ; & à j lieues deux tiers du Faou , fa
Subdélégation. On y compte 1300 communiants: la Cure elt
à l'alternative. Le territoire , borné au Sud-Oueft par la mer ,
6c au Nord-Ell par les montagnes de Meneham , renferme des.
terres en labeur de bonne qualité , & des landes dont le fol
ne paroît pas mériter d'être cultivé. Le manoir de Ker-edaa
appartenoit, en 1400, à Jean de Keredan.
THEILLAC j trêve de MiiTillac ; à 1 2 lieues & demie au
Nord-Oueft de Nantes ; & à 1 5 Heues de Rennes. L'Eghfe dé-
pend de l'Abbaye de Saint-Gildas-des-Bois. Le château & mai-
fon feigneuriale de Theillac appartenoit, en 1360, à Guillaume
de Theillac. Un Seigneur de cette maifon époufa une Demoifelle
de Chateaubriand de Beaufort. Jeanne de Theillac époufa
Triftan de la Lande , Sieur de Guignen , à condition que leurs
enfants prendroient le nom & les armes de Theillac. François
de Theillac époufa Aliénor de Volvire , & René prit en ma-
riage Louife d'Epinai. En 1668, cette Terre appartenoit à Jean
Fourché , Sieur de Theillac ; & aujourd'hui , avec hauteJuf-
tice , à M. le Marquis de Bçcdelievre , Premier Préfident à la
Chambre
THE=THO 415
Chambre des Comptes , qui poflede encore la haute-Juflice de
la Roche-Hervé.
THEIX ; fur une hauteur , & fur la route de Nantes à Vannes j
à 2 lieues de Vannes , fon Evêché , fa Subdélégation , & fon
relTort j & à "21 lieues de Rennes. On y compte 2400 commu-
niants : la Cure eil à l'alternative. Le territoire , coupé par un
bras de mer qui fort du Morbihan , renferme des terres en
labeur , des marais , & des landes. Ses maifons nobles l'ont ; Tre-
dudai , Clerigo , le Granil , le Pleffis , Ker-nier , le Pltiîis-Joiro ,
Ker-audran , Ker-fape , Salarun , & le Pont-Cleze. On remarque ,
dans ce territoire , la Chapelle de Saint-Marc ; l'Eglife de la Tri-
nité-de -la -Lande , fuccurfale de laParoilIej & quelques mou-
lins à vent.
THORIGNÉ ; dans un fond ; à 2 lieues à l'Ell-Nord-Efl de
Rennes , fon Evêché , fa Subdélégation , & fon refTort. Cette
ParoilTe relevé du Roi , & compte 500 communiants : la Cure
cfl: préfentée par l'Abbé de Saint - Melaine. Le territoire ell
arrofé par les rivières de Vouvre & de Vilaine , & en partie
occupé par la forêt de Rennes ; les terres font exaftement cul-
tivées , &■ les habitants font beaucoup de cidre. En 1174,
Maurice , Abbé de Rillé, foufcrivit à l'accord fait entre Guil-
laume , Abbé de Saint-Melaine , & JofTelin , Abbé de Savigni ,
pour les dîmes de la Paroille de Thorigné. En 1 400 , le terri-
toire renfermoit trois manoirs nobles , qui font , le manoir du
Pleffis , le manoir du Seigneur de Guénour , & celui des
Landelles.
THOUARÉ ; à peu de diflance de la rive droite de la Loire ;
à 2 lieues un quart au Nord - Eil de Nantes , fon Evêché , fa
Subdélégation , & fon reiïbrL On y compte 600 communiants :
la Cure ell préfentée par le Chapitre de Nantes , &: la Cha-
pellenie de Saint-Vincent par le Seigneur de Thouaré. Le ter-
ritoire , borné par la Loire , offre à la vue les plus belles prai-
ries , des terres en labeur , des vignes dont le vin ell d'alfez
bonne quaUté j 8c au Nord de fon bourg , des landes dont le
fol paroît mériter les foins du cultivateur : ceux des habitants
qui font laborieux, commencent à défricher. L'an 11 23, la
poffeflion de l'Eglife de Thouaré fut confirmée à l'Evêque de
Nantes. Dès 1450 , on faifoit de bonne chaux à Thouaré.
Tome IF. H 3
4t6 T H O = T I N
Le premier Juillet 1 584 , fut baptifé dans l'Eglife de Thouaré^
par Guinebaud , Refteur de cette Paroiffe , Claude de Breta»
gne , fils de Charles de Bretagne & de Dame Philippe de
Samt-Amadour , fon époufe , Comteffe de Vertus, Baronne de
Coueffret , Vicomtefle de Guingamp , & Dame de Thouaré ;
le jeune Seigneur eut pour parrains , Philippe du Bec , Evêquê
de Nantes , & Paul-Emile de Frafque , Seigneur de la Senar-
diere , Gentilhomme de la Chambre du Roi ; & pour marreine ^
Françoife de Rochecouart , Baronne de Mofai , Dame Douai-
rière de la Touche-Limoufiniere. La haute-JulHce de Thouaré
appartient à la Dame de ce nom.
TINTENIAC i fur la route de Rennes à Saint - Malo ; à S
lieues un quart de Saint - Malo , fon Evêché ; à 5 lieues Se
demie de Rennes ; Se k ï Heue de Hédé , fa Subdélégation de
fon reffort. Cette Paroiffe relevé du Roi , & compte 2000
communiants , y compris ceux de Trimer , fa trêve : la Cure
eft un Prieuré à la nomination de l'Abbeffe de Saint-Georges
de Rennes. Le territoire , d'une fuperficie plane , eft cultivé
avec beaucoup de foin.
Dans le onzième fiecle , Guillaume de Tinteniac , Chevalier,
furnommé Ifmaëlite , fit bâtir dans fon château une Chapelle ,
avec la permifïïon de Rainauld , Evêque de Saint-Malo. L'Ab-
befîe de Saint - Georges de Rennes , à qui appartenoit l'EgHfe
paroifTiale de Tinteniac , fit des difficultés j mais l'affaire fe
termina par un accord paffé dans l'Abbaye de Saint-Georges,
en préfence du Prélat & des parties intéreffées. Il fut décidé
que l'Aumônier , deffervant la C hapelle , auroit la moitié des
oblations qui s'y feroient , & l'Abbeffe l'autre moitié , à con-
dition que les paroiffiens feroient tenus d'afîifler à la Meffe de
r£gUfe paroiffiale aux principales Fêtes de l'année , d'y faire
leur devoir pafchal , & que l'Aumônier ne pourroit baptifer , ni
donner la bénédiéHon nuptiale dans fa Chapelle , fans la per-
miffion du Curé. En 1168, Henri II , Roi d'Angleterre, affiégea
& prit le château de Tinteniac , qui appartenoit à Olivier de
Tinteniac. En 1 1 96 , ce dernier donna à l'Abbeffe de Saint-
Georges , pour la fondation d'une Chapellenie à l'autel de
Saint-Jean-Baptiile de fon EgHfe abbatiale , le heu , m.<noir ,
métairies , fiefs , Seigneurie , jurifdiftions , hommes & fujets de
la Ville-Ales , & les dîmes de Carleboitiere , de la Poocleterie „
de la Sante-Cochere , de la Boerie , & de la Méenerie. Cette
..TIN 4Z7
première donation fut fuivie d'une autre , faite du confentement
• de fa mère Eremburge , & de fa fœur Trefaine , pour le falut
des âmes de fon père Guillaume , de fon frère aîné Geoffroi
de Tinteniac , & de tous fes ancêtres ; c'étoit les dîmes de
Hédé qu'il donna à ce Monaftere , à la charge que les Reli-
gieufes feroient dire , à perpétuité , une MefTe par i'emaine dans
leur Eglife. L'Abbciye de Saint-Melaine éprouva aulfi les effets
de fa générofîté. Il fonda,. de concert avec fa fœur Trefdme,
une Meffe , qui doit fe célébrer tous les jours &: à perpétuité ,
par un Moine nommé exprès , pour le falut de fon ame , de
celle de fa fœur, 8c de leurs fuccefleurs refpe6lifs ; il donna,
pour l'acquit de cette fondation , les dîmes qu'il avoit dans la
Paroifle des Ifs. Le Chapitre de Saint-Melaine s'aflembla pour
la confeftion de l'acte paffé à ce fujet , qui fut figné en pré-
fence de Giraud , Evêque de Saint-Malo , de Péan de Bechc-
tel , de Guillaume d'Aubigné , & de plufieurs autres. Alam de
Tinteniac , fils d'Olivier & de Théophile , fon époufe , donna ,
en 1 260 , une mine de froment de rente à l'Abbaye de Saint-
Jacques de Montfort. On trouve dans les- archives de Saint-
Georges de Rennes, une tranfa6^on , de l'an 1271 , qui porte
qu'Obvier II du nom , Sire de Tinteniac , fe reconnoît , avec fon
nls Guillaume , Homme-lige de l'Abbeffe &: du Monailere de
Saint-Georges , auxquels ils promettent d'obéir , & aux Sénéchaux
dudit Monailere , comme Hommes-liges &: fujets doivent obéir
à leurs Seigneurs féodaux , pour tout ce qu'ils pofféderont au
territoire de Tinteniac ; proteflant qu'ils comparoîtront , lorfqu'iis
en feront requis, à la Cour defdites Dames AbbelTe 6l Rcli-
gieufes , pour y recevoir droit & juftice ; de laquelle Cour ils
pourront fe délivrer à congé de perfonne & de menée, félon
ia raifon & coutume du pays. La même tranfiiftion porte, qu'aux
fêtes de Saint-Bartheicmi ik de Noèl , les Seigneurs de Tinteniac
paieront à l'Abbaye de Saint-Georges la fomme de quarante
livres monnoie , moitié par moitié, pour dédommagement (.\\:^
' tailles que les AbbcfTe & Religieufes vouloient percevoir lur
les vaflaux dudit Obvier, dans fa Terre de Tmteniac, qu'il tient
d'elles , également que pour récompenfe des profits , émoluments ,
& droits qu'elles recevoient du marché de Tinteniac ; laquelle
fomme devoit fe payer double à la mort des Seigneurs de Tin-
teniac , qui , en outre , dévoient annuellement , à la même Com-
munauté , une rente en avoine. Les Religieufesfe réferverent toute
ia paille des dîmes de la Paroifî'e , à l'exception de celle de
4i8 TIN=TO
feigle qu'elles abandonnèrent à Olivier & à fes fuccefleufs^
Jean , Chevalier , Seigneur de Tinteniac , de Becherel , & de
Rouillé, s'acquit une grande réputation. Il fuivit le parti de
Charles de Blois , combattit pour les Bretons à la bataille des
Trente, & fut tué, en 1352, à celle de Mauron. (Voyez
la Croix-Helléan & Mauron.) Il avoir époufé Jeanne de Dol ,
Dame de Combourg , de laquelle il ne laifTa qu'une fille,
nommée Ifabeau de Tinteniac^ qui époufa Jean de Laval, à qui
elle porta fes biens. Le 5 Août 1399, Julienne du Guefclin,
Abbefle de Saint-Georges de Rennes, permit au Duc Jean IV,
de lever ■ vingt fols par feu fur les hommes de Tinteniac. En
141 9, Anne, Comtefle de Laval, de Vitré, & de Tinteniac,
obtint du Duc Jean V des lettres qui lui permettoient , de lever
fur fes fujets de Tinteniac , un fouage, dont les deniers dévoient
être employés à la réédification des fortifications du château de
cette Paroifle , qui avoir été ruiné par les guerres , & obtint la
continuation de ce fouage , par d'autres lettres de Tan 1428,
parce que la première fomme levée n'avoir pu fuffire à tous
les travaux. En 1553,1e Roi augmenta les foires de Tinteniac,
& accorda un oftroi de trente tonneaux de vin , pour celui qui
auroit abattu le Papegai de l'Arbatre ; & vingt tonneaux pour
celui qui l'abattroit avec l'arquebufe j toutes ces concefïions faites
en faveur de Gafpard de Coligni , Amiral de France , & de
Catherine de Laval , fon époufe , Seigneur & Dame de Tinte-
niac. L'illuftre famille de ce nom fubfifle encore en Bretagne ,
dans la perfonne de M. le Marquis de Tinteniac, iffu d'une
branche cadette de cette maifon.
TONQUEDEC ; à 3 lieues & demie au Sud-Oueft de Tré-
guier , fon Evêché ; à 3 1 Heues de Rennes ; & à 2 Heues de
Lannion , fa Subdélégation & fon reflbrt. Cette ParoifTe relevé
du Hoi, & compte 1700 communiants. L'Eglife efi: une Collégiale
en patronage laïque : les Canonicats font préfentés par le
, Seigneur de Tonquedec. Le territoire , d'une fuperficie plane,
eft arrofé des eaux des rivières de Tréguier & du Guer. Les
terres font exactement cultivées , & rapportent d'abondantes ré-
coltes en toutes fortes de grains.
Dès l'an 1400 , le Chapitre de Tréguier pofTédoit le
manoir noblç du Porzou : les autres maifons nobles de
Tonquedec, font j la Vieille-Motte ,Ker-huon, Ker - rel ^
& Troguendi.
' T O R = T R A 419
TORCÉ ; à 7 lieues à l'Efl de Rennes , {on Evêché & fon
reflbrt ; & à i lieue trois quarts de Vitré , fa Subdélégation.
On y compte 550 communiants : la Cure elt à l'alternative.
Le territoire , d'une fuperficie plane , offre à la vue deux petits
vallons , dans lefquels deux ruiffeaux prennent leur fource. Le
terrein eft couvert d'arbres à fruits, Se très-exa8:ement cultivé j
on y remarque les maifons nobles nommées , le Pleffis , le Frefne ,
la Chevalerie , le Châtel , la Beurerie , la Quemiere , la Rim-
bourgere , la Haie de Torcé , la Racinais , la Coliniere , & la
Gatellerie.
TOURCH5 à 4 lieues & demie à l'Eft de Quimper, fon
Evêché; à 35 lieues de Rennes; & à 4 lieues de Concarneau,
fa Subdélégation &: fon reflbrt. On y compte 600 communiants : la
Cure eftà l'alternative. Le territoire renferme des terres en labeur,
& beaucoup trop de landes. En 1380 , on connoiflbit dans ce ter-
ritoire, les manoirs de Ker-ninedel , de la Rivière , & de Coatafor.
La haute-Juflice de Coafl:eloret appartient à M. de Quimer.
TOURIE ; fur la route de Rennes à Chateaubriand ; à 6
lieues deux tiers de Rennes , fon Evêché &c fon reflbrt ; & â
3 Ueues deux tiers de Chateaubriand , fa Subdclégation. On y
compte 900 communiants : la Cure ell à l'alternative. Le ter-
ritoire , coupé de ruifleaux qui vont fe jetter dans la rivière de
Semnon, offre à la vue des terres très-bien cultivées , beau-
coup d'arbres & buiffons. La maifon noble de la Touche
appartenoit , en 1 400 , à Eon de la Touche.
TOUVOIS ; à 8 lieues au Sud-Sud-Ouefl de Nantes , fon
Evêché & fon reffort ; à 30 lieues de Rennes ; &: à 3 lieues
un quart de Machecou , fa Subdélégation. On y compte 1 ico
communiants : la Cure elt à l'Ordinaire. Ce territoire , borné
au Sud par la province de Poitou , renferme la forêt de Tou-
vois , des terres en labeur , quelques cantons de vignes , & des
landes. On y remarque la Chapelle de Notre-Dame de Fré-
ligné , Prieuré de la dépendance de l'Abbaye de Geneflon.
Touvois & Saint -Etienne -de-Mer- morte , forment une hautc-
Juflice , qui appartient à M. le Marquis de Juigné.
TRAMAIN ; à 7 lieues à TEfl-Sud-Efl: de Saint-Brieuc , fon
Evêché; à 13 lieues un tiers de Rennes; &: à deux lieues deux
430 TRAITRE
tiers de Lamballe , fa Subdélégation. Cette Paroifle reffortità Jugon;
on y compte 400 communiants : le Roi en ei\ le Seigneur , & la Cure
eu à l'alternative. Le territoire , d'une fuperficie plane , renferme
des terres bien cultivées , & quelques landes. La maifon noble de
la ViUe-Goures appartenoit , en 1500, à Pierre de Lorgerilj
& celle du Temple , à Pierre du Bois-Adam.
TRANS ; à 7 lieues au Nord-Nord-Eft de Nantes , fon Evê-
ché & fon reifort ; à 1 7 lieues de Rennes j & à 4 lieues d'An-
cenis , fa Subdélégation. On y compte 1 000 communiants : la
Cure eft à l'Ordinaire. La Chapellenie de la Grofliere efl: pré-
fentée par le Roi. Le territoire , arrofé des eaux de la rivière
d'Erdre , & d'une fuperficie plane , offre à la vue des terres
bien cultivées , des prairies , 6c beaucoup de landes. La haute-
Juftice des Chauvelieres appartient à M. de Lohéac.
. TRANS j fur la route de Dol à Fougères ; à 9 lieues au Nord
de Rennes , fon Evêché & fon reffort , & à 2 lieues d'Antrain ,
fa Subdélégation. On y compte 800 communiants : la Cure ell
préfentée par le Scholaftique. Le territoire eft en partie occupé
par la forêt de Villecartier , qui appartient au Roi & contient
environ mille fix cents foixante-dix-huit arpents , non compris un
bois taillis qui la joint , & dans lequel font deu.^ étangs. On
y voit, en outre , des terres labourables & des landes. En 1400 ,
le château de Villeaudon ou Villeandran appartenoit à Guillaume
du Bois-Baudri. Pierre du Bois-Baudri, Chevalier, Seigneur de
Trans , fut fait Capitaine de deux cents hommes de pied , par
lettres du Roi Henri III, données à Tours le 4 Juin 1 589 : cette
Terre , avec haute-Juftice , appartient préfentement à M. de la
Motte de Beaumanoir.
La Chefnelais appartenoit, en 1400, à Jean de Romillé j la
Baffe - Villarmoye , à Jean de la Villarmoye ; la Fontaine , à
Tiphaine de Senedavi , Dame de la Fontaine : la Haute-Villar-
moye , à Renaud de Launai -, le Vert-Bois , à Jean du Hallai j Se
l'Abbaye , à Guillaume Rouxel.
TRÉAL ; dans un fond j à ïo lieues à FEft-Nord-Eff de
Vannes , fon Evêché ; à 1 1 lieues de Rennes ; & à 2 lieues de
Maleffroit , fa Subdélégation. Cette Paroiffe reffortit à Ploermel,
& compte 1200 communiants : la Cure eft à l'alternative. Le
territoire, qui, en 13 00, étok pour la majeure partie planté en
TRE 45 r
vîgnes , n'offre plus aujourd'hui à la vue que des terres en la^
heur , des prairies , & beaucoup de landes ; toutes les vignes
ont été détruites , apparemment parce quelles ne produifoient
rien. Le Roi poiïede plulieurs fiefs dans cette Paroifle. En 1500,
les maifons nobles de l'endroit étoient : le Pleflis-Tréal , haute-
Juftice , qui appartient aujourd'hui à Madame Thébaud de U
Ruée: la Ville - Reguen , la Ville -Gleyo, au Sieur de Tréal :
les manoirs de la Rue & du Coiiedic , à Louis de la Bour-
donnaye ; ( cette dernière , qui a moyenne-Juftice , appartient à
M. Cartel de Landual : ) la Godon , à Raoul Perdic j la Gui-
chardais , Lefliac , la Beraye , 6: la Touche , à N. de la Gui-
chardais : la Provotaye , à Jean Bellouan ; la Logerais , au
Sieur de la Morlaix ; le Pré-Clos , à Guillaume Gouridon ; le
Bot-Sabri , à Jean de Bois-Bic ; la Chenot , aux héritiers de
Raoul de la Marche ; Fanhonnac , à N. du Bois-Guehenneuc , à
caufe de fa femme : & le Bois-Brun , au Sieur de Treceflbn ;
cette dernière , qui a haute - JulHce , appartient à M. de
Tourtat.
TREBABU; à 14 Heues au Sud-Oueft de Saint-Pol-de-Lcon ,
Ion Eveché; à 53 heues de Rennes; & à 3 lieues trois quarts
de Brelljla Subdélcgation & fon reflbrt. On y compte 300
communiants : la Cure ell préfentée par l'Evêque. Le territoire,
borné k l'Ouell par la mer , renferme des terres labourables &
des landes. En 1280, on y remarquoit le château de Ker-
morvan , qui appartenoit à Alain de Kermorvan ; cette Terre
devoir onze Chevaliers pour la remonte de l'armée du Duc :
elle fut érigée en Bannière , par lettres de Pierre II , données à
Vannes le 17 Février 1454, avec le privilège de fe déUvrer à
congé de perfonne & de menée , pour deux jours , à la Barre
de Lefneven, &c.
TREBEDAN ; à 7 lieues au Sud-Oueft de Dol , fon Eveché;
à 10 lieues un quart de Rennes; & à 2 lieues un quart de
Dinan , fa Subdélégation & fon reflbrt. On y compte 400 com-
muniants : la Cure eiî: à l'Ordinaire. Le territoire renferme beau-
coup de landes , les terres en labeur ne font pas mal cultivées.
En 1 500 , on connoiflbit à Trebedan les maifons nobles fuivantes;
le Nadai, à Guvon iNouel ; le Bois-Paflemalct , à Guillaume le
Puroux ; Lefcoubliere , à Jean le Selle , Seigneur de Lcfcou-
bliere j la Hauteville , à Jean Lambert ; 6c le Uulonge , à Vin-
451 TRE
cent Bouan ; cette dernière , qui a moyenne-Jufllce , appartient
aujourd'hui à M. de l'Orgeril.
TREBEURDENj fur une hauteur j à 4 lieues trois quarts à
rOueft de Tréguier, fon Evêché j à 34 Heues de Rennes ; & à
I heue & demie de Lannion , fa Subdélégation & fon reffort.
On y compte 550 communiants: la Cure eft à l'alternative. Le
territoire , borné à l'Oueil par la mer , eil très-bien cultivé , &
produit des récoltes abondantes. Anciennement on y voyoit les
maifons nobles nommées 5 Ker-aziou , Trauguern , Lefleinou , Ker-
avel , Ker-glezrec , Traouvern ; Melieau , & Peulan , donnée
vers l'an 1225, par Raoul de Calomnia , Efpagnol , à l'Ab-
baye de Begars.
TREBCEUFS -, à 6 lieues & demie au Sud-Sud-Eft de Rennes ,
fon Evêché, fa Subdélégation, & fon reffort. On y compte
1500 communiants : la Cure ell préfentée par l'Abbé de Saint-
Melaine. Ce territoire , coupé par la rivière de Semnon & quel-
ques ruiffeaux , eft couvert d'arbres & buiffons , il offre à la
vue des terres en labeur , de bonnes prairies , & des landes : les
habitants font beaucoup de cidre.
TREBRI; dans un fond ; à 5 lieues au Sud -Eft de Saint-
Brieuc , fon Evêché ; à 1 5 lieues de Rennes , fon reffort ; & à
I lieue un quart de Moncontour , fa Subdélégation. On y
compte 1 000 communiants : la Cure eft à l'alternative. Le ter-
ritoire , borné au Nord par les montagnes du Mné , renferme
des terres en labeur , & beaucoup de landes. En 1530, il ren-
fermoit plufieurs maifons nobles , fçavoir j le moulin Bernard , à
Jeanne de Moiffelles 5 les Fermes , à Jean Urvoi ; la Begaciere
& SuUian , à Pierre de Couefpel ; Duault & la Motte , à Fran-
çois de la Roche -, Lefpourez , Saint- Maudé , & Premaigné , à
Charles de Beaumanoir , qui avoir été Chambellan du Duc
François II , & avoir accompagné Charles VIII à la conquête du
Royaume de Naples. Il fe diftingua tellement à la bataille de For-
noue, que le Roi , pour le récompenfer , le fit Chevalier, fur le
champ de bataille , & lui ceignit , lui-même , le baudrier : il le fit
enfuite fon Chambellan. De retour en Bretagne , Beaumanoir
cpoufa Jacquemine Duparc , Dame de la Motte Duparc & de
Trebii. Pré-Maigné, avec haute- Juftice , appartient aujourd'hui
à M. du Mné de Lezurec , qui poffede auffi Lefpourez , haute-
Juftice ,
*^ ^ ^ 4U
Juftîce, & Trebri, haute-Juftice : la Touche-Trebrî, qui a haute-Juf-
tice , appartenoit , en 1530, à Jacques de la Roche, qui jouiflbit
aufli de la Viile-Robin. Les Poflelieurs de la Touche-Trebri ont
été pour la plupart Gouverneurs de Moncontour j ils ont pris
des alliances dans les maifons d'Avaugour , de Beaumanoir-La-
vardin, du Beflo , de Ker-goilai , de Carné , ôcc. Chrillophe de
la. Roche , Seigneur de la Touche-Trebri, fut Chevalier de
l'Ordre du Roi , & député de la nobleffe de Saint-Brieuc à la
réformation de la coutume, en 1580. Cette maifon fe confondit,
vers l'an 1656, avec celle de la Frefloniere. La Seigneurie
appartient aujourd'hui à M. de Bonamour : la haute -Jullice de
Belorient appartient à M. de Lanafcol , qui poflede aulîi
Duault, avec haute-Juftice.
TREBRIVANT ; à 1 2 lieues & demie à l'Eft - Nord - Eft de
Quimper , fon Evêché ; à 29 lieues de Rennes j & à i heue
trois quarts de Carhaix , fa Subdélégation & fon reïïbrt. Cette
Paroilîe compte 1800 communiants, y compris ceux de Mouf-
toir , fa trêve : la Cure eft à l'alternative. Le territoire , borné
à rOueft-Nord-Ouefl: par la rivière d'Aulne , renferme des terres
en labeur de bonne qualité , quelques prairies , Ôc des landes
aiïez étendues. L'Etang , la Brunaut , & Loflancoat , forment
une haute - JulHce , qui appartient à Madame la Comtefle de
Forcalquier : Lochrifte , haute - JulHce , à M. de Saint -Pern-
Ligouyer.
TREDANIEL -, iur une hauteur j à 4 lieues un quart au Sud-
Eft de Saint-Brieuc, fon Evêché; à 16 lieues de Rennes, ion
reffort ; & à une demi-lieue de Moncontour , fa Subdélégation,
On y compte 11 00 communiants: la Cure eu à l'alternative.
Le territoire, couvert d'arbres & bu liions , eil très-bien cultivé,
& produit des grains de toutes ei'peces , du hn , & du cidre.
En 1530, la maifon noble de la ViUe-du-Bois appartenoit à
François de Quédillac ; le Vaulorent , à Guyon le Poreilicr,
Sieur du Bois-Hardi ; Belorient , à Catherine de Quédillac ; les
Granges , à Antoine de Brehand , Sieur de Lille : le Plciîls-au-
Noir, & Vauruellan, à Claude de la Ville-Blanche : Tredaniel ,
à Charles Legadec ; la HoufTai , à Jean &: Gilles le Long ; la
Ville-d'Anne, à N. Prigent ; le Chaucheix ^ à Guillaume Léon;
la Ville -Amauri, à Guillaume de Kcrmené ; la Ville-Meur,à
François du Boiq ; la Ville - Moifan , à Jean Douarin ; les
Tome IV. 1 3
454 TRË _
Marziere , à N. cKi Parc de Lomaria ; Se TEpine , à Julien Peî-
lan. Les quatres hautes-Juflices de Catuelan , de Saint-Eloi , de*
Madieres , & du Pleffis - au - Noir , appartiennent à M. le Pré-
fldent de Catuelan : les hautes-Juflices de la Marre & de
Saint-Mirel , à Madame de Froulé : la Ville-Meno , haute- Juf-
ftice j la Roche , haute-Juftice ; 6c la Ville-Chaplé , haute-Juf-
tice , à N....
TREDARZEC ; fur une hauteur ; à une demi-lieue à l'Eft de
Tréguier , fon Evêché & fa Subdélégation ; & à 3 z Heues de
Rennes* Cette ParoilTe reflbrtit à Lannion , & compte 1300
communiants : la Cure qû préfentée par le Chapitre de Tréguier*
Ce territoire , borné par la rivière de Tréguier & arrofé de-
plufîeurs petits ruiffeaux, offre à la vue des campagnes riches
& bien cultivées. Par lettres , données à Paris au mois d'Avril
1579, le Roi Henri III accorda à François de Kerouzi , Sieur
de Quérir , une foire , qui doit fe tenir tous les ans , à la Cha-
pelle de Saint-Nicolas , dans cette ParoifTe , avec tous les pri-
vilèges dont jouiffent les autres Seigneurs des environs qui ont
des foires. Les maifons nobles du lieu font le Bot , Ker-ino , la
Chapponiere , Ker^vezec , Ker-vaëc, Ker-antrez, Ker-derien , Ker-
groas , Ker-guezec , Ker-hir , & le Verfer.
TREDIAS 5 à 8 lieues au Sud-Sud-OuefT: de Saint-Maîo , font
Evêché ; à 1 1 Heues de Rennes ; & à 4 lieues trois quarts de
Montauban, fa Subdélégation. Cette Paroifle reffortit à Dinan,
& compte 450 communiants: la Cure eft préfentée par l'Abbé
de Beaulieu. Le territoire , d une fuperficie plane & couvert
d*arbres & buiffons , renferme des terres fertiles en grains de
toutes efpeces. Par lettres, données à Dinan le 21 Juin i}6^ ^
le Duc Jean IV approuva la fondation du Prieuré de Saint-
Georges , faite par Geoffroi le Veyer , qui en voulut faire un
Hôpital.
TREDRÉS ; à 5 lieues à TOueft-Sud-Oueft de Tréguier , fon
Evêché j à 34 lieues de Rennes; & à 2 lieues de Lannion, fa
Subdélégation & fon refTort. Cette ParoilTe compte 1000 com-
muniants , y compris ceu^ de Loquemeau , fa trêve : la Cure
eft à l'alternative. Le territoire , borné par la mer , produit des
grains de toutes efpeces. La maifon de Ker-buzic efl dans
Loquemeau.
TRE 435
TREDUDER; à 5 lieues & demie à l'Oueft-Sud-Oueft de
Tréguier , fon Evêché j à 3 5 lieues de Rennes j & à 2 lieues
& demie de Lannion, fa Subdélégation & fon reiloit. On y
compte 400 communiants : la Cure eft à l'Ordinaire. Le terri-
toire , d'une fuperficie plane , efl: très-bien cultivé , 8c ne ren-
ferme que peu de landes. Les maifons nobles de la Paroifîb
font y Ker-aliou , la Rivière , Ker-armet , le Nivirit , de Rofcoët.
TREFGLONOU ; fur une hauteur ; à 9 lieues &c demie à
rOuefl-Sud-Ouefl: de Saint-Pol-de-Léon , fon Evêché j à 49 lieues
de Rennes j & à 4 lieues de Brell , fa Subdélégation & fon
reflbrt. On y compte 450 communiants : la Cure elt préftntée
par l'Evêque. Le Bourg eft peu éloigné d'un petit port formé
par le bras de mer nommé d'Abbrevrak , ce qui lui donne la
faculté de faire un petit commerce ; & , comme d'ailleurs le ter-
roir eft très-fertile en grains , les habitants rendent leur fort trcs-
heureux par le travail,
TREFFIAGAT ; fur une hauteur ; à 4 lieues au Sud-Sud-Ouefl
de Quimper, fon Evêché & fon refîortj à 42 lieues de Rennes j
& à deux tiers de Ucue de Pont-l'Abbé , fa Subdélégation. On y
compte 550 communiants : la Cuce ell à l'alternative. Le ter-
ritoire , borné au Sud par la mer , & rempli de vallons &
monticules, produit des grains de toutes efpeces. En 1400, il
renfermoit cinq manoirs nobles , qui font j Lanadehan , Gouet ,
Ker-gelHn , Cuiridan , & Ker-véa , qui appartenoit alors au Vi-
comte du Faou.
TREFFIEUC j à i o lieues au Nord de Nantes , fon Evêché
5c fon lefTort j à 1 2 lieues un tiers de Rennes j & à 2 lieues
trois quarts de Derval , fa Subdélégation. On y compte 500
communiants : la Cure efl à l'Ordinaire. Le territoire , coupé
par les rivières de Don & de Corne , offre à la vue un pays
couvert & plat; des terres bien cuhivcc?, des prairies, &: des
landes dont le fol paroît bon ; il ne faut qu'une bonne culture
pour en tirer un parti avantageux.
TREFFLAOUESNAN ; à 5 lieues Ôc demie au Sud-Ouefl
de Saint-Pol-de-Léon , fon Evêché j à 44 lieues de Rennes ; &
à I lieue trois quarts de Lefneven , fa Subdélégation 6: fon
reilort. On y compte 160Q communituits , y compris ceux de
4}é TRE
Saint-Jean , àe Querran , & de Trezilidé , fes trêves : la Cufé
eft préfentée par l'Evêque. Le territoire , couvert d'arbres &
buifîbns , & coupé de plusieurs ruifleaux qui coulent dans les
vallons , produit des grains de toutes efpeces , des pâturages
abondants , & du cidre. Les maifons nobles du lieu font 5 Cre-
chengar , Ker-melin , Ker-merien , & Lannorgar.
TREFFLÉAN ; dans un fond -, à 2 lieues à PEft-Nord-Eft de
Vannes, fon Evêché & fon reflbrt; & à 19 lieues de Rennes.
On y conpte 500 communiants : la Cure eft à l'alternative.
Des terres en labeur de bonne qualité & des landes , voilà ce
que ce territoire offre à la vue. Cette Paroiffe fut annexée à la
Pfallette de l'Eglife Cathédrale de Vannes, l'an 1459. En 1500,
on y remarquoit les maifons nobles de Ker-gourie , de Rendre-
car, & de Rofcanvec.
TREFFLES -, fur une hauteur ; à 4 lieues & demie à FOuefî
de Saint-Pol-de-Léon , fon Evêché; à 45 Heues de Rennes; ôc
à I Heue trois quarts de Lefneven , fa Subdélégation. On y
compte 1200 communiants : la Cure eft préfentée par l'Evêque.
Le territoire , borné au Nord par la mer , à l'endroit nommé
l'ance de Goulven , ell coupé par un bras de mer , & paffe
pour être un des plus fertiles de la province. Rivalon de
Treffles mourut Abbé de Landevenec , en 1256. La maifon de
Coëtelez eft la feule que nous connoiffions dans ce territoire.
TREFUMEL ; dans un fond ; à 7 Heues & demie au Sud
de Saint-Malo , fon Evêché; à 8 lieues de Rennes; &à 3 lieues
de iVlontauban , fa Subdélégation. Cette Paroiffe reffortit à Dinan,
& compte 350 Communiants : la Cure eft préfentée par l'Abbé
de Saint-Jacques de Montfort. Ce territoire , coupé par la Rance ,
offre à la vue des terres en labeur , des prairies, des marais,
& des arbres fruitiers : C'eft encore ici le lieu de parler du pro-
jet utile de rendre la *Rance navigable. Cette rivière a flux &
reflux, & porte bateaux jufqu'à Dinan. Depuis Dinan jufqu'à
Sain-Jouan-de-1'Ifle , elle eft bordée de vingt Paroiffes , dont le
terroir eft d'une fertilité reconnue; mais la difficulté du tranfport
empêche les habitants de faire circuler leurs denrées dans la
province. Il feroit facile de leur procurer cette commodité , en
creufant un canal de cinq Heues de longueur ; & l'on feroit
naître parmi les habitants du pays une aifance dont ils font
. TRE 437
encore éloignés. Le territoire de Trefiimel efl remarquable par
la grande quantité de Table , nommé de Saint-Grégoire , qu'on
y trouve. Ce fable renferme des coquillages entiers & bien
confervés , particulièrement des cœurs, des cames, des tellines,
des peignes , des dents de poifTons , du corail blanc , des ma-
drépores , & des vermifTeaux tubulaires ; ce qui prcuveroit que ce
canton étoit autrefois couvert des eaux de la mer.
Le château de Claire-Fontaine appartenoit , en 1 400 , à Charles,
Chevalier , Seigneur de Lanvallai & de TrefTain , fils de Raoul
de Lanvallai & de Marguerite de Tornemine. La Terre & Sei-
gneurie de Rougé fut érigée en Baronnie , en 1 576 , en faveur
du Seigneur de Coètquen : cette Baronnie , qui a haute-Juftice ,
appartient préfentement à M. de la Bintinaye , Greffier des
Etats de Bretagne , qui pofTede aulTi la moyenne-Juilice de
la Rivière.
TREGARANTEC; à 6 lieues à l'Oueil-Sud-Ouefl de Saint-
Pol-de-Léon , fon Evêché; à 45 lieues de Rennes; & à une
demi-lieue de Lefneven , fa Subdélégation & fon reflbrt. On y
compte 800 communiants : la Cure cil préfentée par l'Evêque.
Le territoire ell très-exaftement cultivé , & produit toutes fortes
de grains.
Après la prife de Carhaix , par le Comte de Montfort , en
1341, Hervé de Léon fe retira au château de Tregarantec.
Gautier de Mauni & Tangui du Châtel , qui foupçonnoient ce
Seigneur de méditer quelques entreprifes en faveur de Charles
de Blois , formèrent le projet de l'enlever avec fa compagnie.
Ils le furprirent en effet , & entrèrent dans le château par une
des portes qu'ils avoient brûlée : ils firent prifonniers tous ceux
qui s'y trouvèrent , brûlèrent la place , de firent paffer Hervé
de Léon en Angleterre, où il courut rifque de fa vie, comme
on l'a rapporté a l'article de Saint- Pot- de- Léon.
TREGASTEL; à 4 heues à l'Oucll-Nord-Oucft de Trcguicr,
fon Evêché ; à 34 lieues de Rennes ; & à 2 Heues de Lannion,
fa Subdélégation & fon reffort. 0\\ y compte 5C0 communiants:
la Cure ell: à l'alternative. Le territoire, borné au Nord &: à
rOueft par la mer , elt très-bien cultivé «Se très-fertile en grains.
Le château de Poulmanakh , qui a paffé pour une place forte
dans fon temps, fut afliégé & pris par le Maréchal d'Aumont ,
en 1594, fur les troupes du Duc de Mcrcœur,
4}8 TRE
TREGENESTRE; fur une hauteur ; à 1 4 lieues à rOueft-Sud-
Cuell de Dol 5 fon Evêché j à 17 lieues de Rennes , fon reffortj
& à 2 lieues de Moncontour , fa Subdélégation. On y compte
250 communiants : la Cure eft préfentée par.... Le territoire
ell: exaftement cultivé , & rapporte d'abondantes récoltes en
toutes fortes de grains.
TREGOMAR ; à 5 lieues & demie à l'Efl-Sud-Efl de Saint-
Brieuc , fon Evêché ; à 1 5 lieues de Rennes i & à i lieue èc
demie de Lambaile , fa Subdélégation. Cette Paroiffe reflbrtit à
Jugon , & compte 200 communiants : la Cure ell à Talternative.
Le territoire renferme des terres en labeur , des landes , & une
partie de la forêt de la Hunaudaie. Vers 1346 , Geoffroi le
Voyer , Baron de Tregomar , époufa Renée Madeuc , & fut
nom.mé Chevalier par le Comre & la ComtefTe de Dinan , qui
lui accordèrent une penfion fur les fermes de Dinan. Olivier
le Voyer , Baron de Tregomar , fut nommé Chambellan du Duc
.Pierre II, en 145 1. Jacques le Voyer , Chevalier des Ordres
du Roi & Gentilhomme de fa chambre , fut député de la No-
bleffe à la réformation de la Coutume de Bretagne, en 1580.
Pierre le Voyer, Baron de Tregomar, vivoit en 1680. Cette
Seigneurie , avec haute- Juftice , appartient aujourd'hui à M. Cal-
louet de Tregomar. En 1500, Bertrand le Voyer poiTédoit dans
cette Paroiffe, les manoirs de Tregomar, de Pont-Buffo , des
Trotrés , de la Buffonnaye , & de la Villéon. La baffe- Juftice de
la Ville-Bily appartient à Madame Nugent.
TREGOMEUR -, dans un fond , fur la route de Saint-Briçuc
à Lanvollon ; à 2 lieues un quart de Saint-Brieuc fon Evêché 6c
fa Subdélégation; & à 22 lieues un quart de Rennes, fon ref-
fort. On y compte 700 communiants : la Cure eft à l'alterna-
tive. Ce territoire , coupé de ruiffeaux qui coulent dans les val-
lons , & couvert de bois , eft très-exadement cultivé , à quel-
ques petites landes près. Ses produftions font : le grain , le foin ,
& le cidre. En 1500, on y connoiffoit les maifons nobles nom-
mées la Ville-Gourio , la Foffe , Raffrai , le Clas-Rouault , le Pont,
la Ville-Gillard , & Buhouart.
TREGON j fur une hauteur ; à 3 lieues au Sud-Oueft de
Saint-Malo , fon Evêché ; à 1 3 lieues & demie de Rennes ; &
à 3 lieues & demie de Dinan , fa Subdélégation & fon reffort.
TRE 439
On y compte 300 habitants : laCureeflun Prieuré préfenté par
l'Abbé de Saint- Jacut. Le territoire , d'une fuperficie inégale ,
renferme des terres exa6lement cultivées, à l'Hft , au Sud, &
à rOueft; mais, au Nord, eft une anfe confidérable couverte
par les fables de la mer. On y remarque les maifons nobles
de Bouillons &c de la Ville-Guerif , avec deux moulins à vent,
dont nn , nommé de la Vieuville , forme un beau point de vue.
TREGONNEAU -, à 4 lieues & demie au Sud-Sud-Ell de Tré^
guier , fon Evêché ; à 28 lieues de Rennes; & à 1 lieue de
Guingamp , fa Subdélégation. Cette ParoifTe refTortit àLannion,
& compte 400 communiants : la Cure eft à l'alternative. Le
territoire , coupé par la nviere de Trieuc , & couvert d'arbres
& buiflbns , eft allez exaèlement cultivé. Ses produ6Hons font,
les grains & le foin.
TREGOUREZ ; à 4 lieues & demie à l'Eil-Nord-Efl de
Quimper , fon Evêché & fon reflbrt ; à 3 5 lieues de Rennes j
& à 4 Heues de Châteaulin , fa Subdélégation. On y compte
1000 communiants: la Cure eft à l'alternative. Le territoire,
en partie occupé par les montagnes noires , & par des landes
dont le fol eil aufli peu propre à la culture que celui des mon-
tagnes, n'offre à la vue que quelques cantons de terres labou-
rables. On y remarquoit jadis la forêt de Coateol, qui avoit
trois lieues de circuit. Le manoir noble de Ker-gus appartenoit ,
en 1420, à Yves de Kergus , aujourd'hui à M. de Kergus de
Kerftang , de la même famille.
TREGROM; à 5 lieues au Sud-Sud-Oueil de Tréguier , fon
Evêché ; à 26 lieues de Rennes ; & à trois heues trois quarts
de Lannion , fa Subdélégation & fon reffort. Cette ParoifTe relevé
du Roi, & compte 1500 communiants : la Cure ell à l'alter-
native. Le territoire , d'une fuperficie plane , & couvert d'ar-
bres & buifTons , eft coupé par la rivière de Guer. Ses produc-
tions font ; les grains , le fom , le lin , & le cidre. On y con-
noît les maifons nobles de Ker-nafquiricc & de Ker-golhai ; &
la moyenne-Juihce de Ker-noteriou & de la Lande-PloumiUiau,
qui appartient à M. de Marbœuf.
TREGUENNEC ; à 4 lieues &: demie au Sud-Oueft de
Quimper , fon Evêché & fon reffort j à 44 lieues de Rennes ;
440. TRE
& à 2 lieues de Pont-l'Abbé , fa Subdélégatîon. On y compte 506
communiants : la Cure eil: à Talternative. Le territoire, borné
par la mer , eft fertile en toutes fortes de grains. Cette Paroifle
fut fondée par Saint AUore ou Albm, troiiieme Evêque de ce
diocefe. Sur le bord de la mer , eil une Chapelle dédiée à Saint
Vougai , & fort fréquentée des pèlerins : elle fut bâtie dans le
fixieme fiecle.
TREGUEUX j fur une hauteur & fur la route de Saint-Brieuc
à Moncontour; à deux tiers de lieue de Saint-Brieuc, fon Eve-
ché , fa Subdélégation , & fon refîbrt -, & à 1 9 lieues un tiers
de Rennes. On y compte 600 communiants : la Cure eft à l'al-
ternative. Le territoire , coupé de ruifîeaux , eft très-bien cultivé ^
& rapporte d'abondantes moilTons en grains de toutes efpeces..
TRÉGUIER ; ville épifcopale , avec port de mer , par les
5 degrés 35 minutes 10 fécondes de longitude, & par les 48
degrés 46 minutes 45 fécondes de latitude; à 32 lieues de
Rennes. Le diocefe de Tréguier eft borné , au Nord , par la mer ;,
au Sud , par l'Evêché de Quimper j à l'Eft , par celui de Saint-
Brieuc ; & à l'Oueft , par celui de Saint-Pol-de-Léon. Il compte
168950 habitants, & renferme cent neuf Paroifles , trente-une
trêves ou fuccurfales, une Abbaye, douze Couvents d'Hommes^
treize de Filles , deux Hôpitaux , & un Hôtel-Dieu. Le terroir
eft fertile & aflez bien cultivé. Ses produftions font ; les grains ,
le cidre , le Hn , & le chanvre. Le principal commerce des ha-
bitants confifte en beftiaux , lins , fils , toiles , bleds , papiers , &cc^
Trois grandes routes aboutiftent à la ville épifcopale , où Too:
remarque une Communauté de ville avec droit de députer aux:
États ', une Subdélégation , une Brigade de MaréchaufTée , un
Bureau de la Pofte aux lettres, &c. On y compte 3000 ha-
bitants , trois Paroiftes , qui font : le Minihi , Saint-Sébaftien-de-
ia-Rive , & Saint-Vincent, dit V Hôpital, dont les Cures font
préfentées par le Chapitre -, cinq Couvents , qui font : les La-
zariftes , les Filles de Saint-Paul , les UrfuUnes , les Hofpitalieres,
les Sœurs de la Croix , & l'Hôpital. L'Eglife Cathédrale eft
fous le vocable de Saint TugduaL Le Chapitre eft compofé d'un
Tréforier , d'un Chantre , d'un Scholaftique , des Archidiacres de
Tréguier & de Plufquellec , de quatorze Chanoines , & de ftx:
Vicaires. Les armes de la ville font : d'azur , à trois fleurs de
lis d'or formées d'épis de bled de même, 2 &: i»
T R E ^4t
11 s*exerce à Tréguier plufîeurs Jurifdiftions , fçavoir ; les Rc-
gaires , haute- Jullice , & la Prévôté, moyenne -Juftice, à M.
l'Evêque de Tréguier j Plouguiel , haute-Juftice , & Plougrefcant,
haute- Juftice , au Chapitre de la Cathédrale j Trouguendi , haute-
Juftice , à M. le Maréchal Duc de Richeheu ; Bois-Riou , haute-
Juftice , à M. de Coëtivi le Borgne j Villebafle , haute-Jullice ,
à M. de Tizé : Ker-ouarn , le Carpont , Coaltallec , & Tro-
queri , quatre moyennes- JulHces , qui appartiennent à M. de
Kerloret : le Donnant . moyenne-Jultice , à M. de Carné ; Ker-
alio-Lezernant , moyenne-Jullice , à M. de Kerfalio-Artur : Ker-
morvan , moyenne-JulHce ; Ker-moufter, idem ; & la Prévôté,
iedm , à M. de Kermorvan-Barazec ; Ker-fiel , moyenne- Juflice j
& Ker-deval , idem ; à Madame de Carné : Ker-martin , moyenne-
Juftice , à M, de la Rivière j Ker-ouezec , moyenne-Juftice , à
M* de Kerfaufon ; Ker-hir , moyenne -Juftice, à M. de la-Ville-
neuve-Allart ; Ker-prigent , bafTe-Juftice , à M. de Kermel j Ker-
maingui , hafTe - Juftice , à M. de Kerannio ; Launai-Bat-loi ,
moyenne-Juitice , à M. de Caradeuc ; le Hildri , moyenne-Juf-
tice , à Madame de Carné -, Verger-Lezerec , moyenne & bafTe-
JulHce, à Madame de Rays ; Languenau , baffe-JulKce , à
M. de Châteaugironj Lohon , baiîe-Juilice, à Madame du Ru-
men; Poulduran , bafTe-Juftice , à M. de Sarsfield ; Trolong ,
baiïe-Juflice , à M, du Halai. L'Evêque eli le Seigneur de la
ville épifcopale , qui reflbrtit à Lannion ; 'mais les Régaires ref-
fortifTent direftement au Parlement. Il y a, à Tréguier, un marché
le mercredi de chaque femaine , & une foire pendant l'octave
de la Fête-Dieu.
Tréguier n'a pas toujours été la capitale du canton qu'elle
occupe. La ville principale du peuple qui l'habitoit du temps
de Céfar, & que l'on croit être les OlHfmiens , le nommoit
J^exobie. Céfar , en conféquence , les appelle Lexobii. Cette
Lexobie étoit dans la ParoilTe de Ploulech , à la pointe de la
rivière de Loquez ou le Guer. Les habitants du pays , qui par-
lent la langue celtique , appellent l'endroit où font les ruines
de Lexobie , cofque audet , C'efl-à-dire , VieilU cité. Elle fut
ruinée par les Normands au commencement du neuvième liccle.
Ce qui a donné nailTance à la ville actuelle de Tréguier, cd
le Monaftere bâti par Saint Tugdual , fils d'Hoël le Grand ,
Roi de Bretagne, dans la prclqu'ille de Trecor. Ce Prince, de
la fiimille régnante de Bretagne , pafla en Angleterre pour fc
faire iiiftruire dans les fcienccs. Quand il fut en ctat de réfléchir
Tome IK K 3
442^ T R E
& d'exercer Ton jugement , il repaffa en Bretagne. Les brillantes
efpérances que lui auroit pu faire concevoir fa naifTance royale ,
ne le tentèrent point. Dégoûté du monde , il embrafla l'Etat
eccléiiaftique , & obtint la péninfule nommée Trecor ^ pour y
bâtir un Monaftere. Il fit, dit l'hiftoire , le voyage de Rome,
& fut facré Evêque ; mais il n'eut point de Siège épifco-
pal. Il fut , fans doute , un de ces Evêques régionnaires ,
fi communs dans le fixieme fiecle. On croit que c'eft lui
qui bâtit la Chapelle de Saint-Michel , à un quart de Heue
de Tréguier.
En 786 , le Lieutenant de Charlemagne prit Lexobie. En
836, les Danois 5 fous la conduite de Hafting , ravagèrent Lexo-
bie , & la détruifirent. Hafiiing , après cette expédition , fe
rendit au Monaftere de Trecor , qu'il pilla. Avant de fe rem-
barquer , il remarqua la commodité du lieu , & réfolut dy bâ-
tir un Fort. Il laifla donc un certain nombre de troupes , qui
s'y retranchèrent & y conllruifirent un Fort & des cabanes. On
croit même que la Tour qui joint l'Eglife Cathédrale & le
Palais épifcopal de Tréguier , & que l'on nomme tour de
Hafting , efi: un ouvrage de ces barbares. On remarque defTus
quelques mots latins , dont j'ignore le fens : c'eft le plus ancien
monument de la ville. Nominoé , après avoir chafTé les Danois
& affermi fon autorité, confidérant que le nombre des Evêchés
n étoit pas fuffifant en Bretagne , en plaça un au Monaftere de
Saint - Tugdual , Heu déjà célèbre par la quantité d'Evêques
qui s'y étoient réfugiés d'Angleterre pendant les ravages des
Scots & des Piftes.
C'eft-Ià le principe de la ville de Tréguier. En conféquence
des intentions du Souverain , on y bâtit une Eglife , qui fut
nommée Lamreguer , nom que les habitants du pays donnent à
la ville. Environ le même temps, le Monaftere de Saint^Tug-
dual fut rebâti, & l'on y dépofa les Reliques de ce Saint &
de plufieurs autres. La première EgHfe de ce Couvent fut d'abord
fous le vocable de Saint-André, Apôtre j mais, après avoir été
reconftruite &: érigée en Cathédrale, elle prit Saint Tugdual
pour fon Patron. ^.^
La ville de Tréguier eft fituée dans l'enclave dii Comté de
Guingamp, qui fait aujourd'hui partie du Duché de Penthievre;
mais il ne paroît pas que cette ville ait jamais dépendu des
Comtes de Guingamp. Saint Tugdual & fes fuccefîeurs , Abbés
& Evêques , pofféderent, en toute propriété , la péninfule de
T R E 445
Trecor , & ne reconnurent d'autres Seigneurs que les Princes
Souverains de Bretagne.
Le 17 Octobre 1253, naquit, au château de Ker-martin,
dans la Paroiiie du Minihi , à un quart de lieue de Tréguier ,
Yves , fils d'Helouri , Seigneur de Kermartin , & de Dame Azo
de Kerenguis , de la maifon du Pleffis , dans la ParoilTe de Pau-
merit-Jaudi : il embrafTa l'Etat eccléfialHque , & mourut au châ-
teau de Ker-martin, le 19 Mai 1303. 11 fut inhumé dans la
Cathédrale de Tréguier, & fut canonifé , en 1347, par le
Pape Benoît XIII. On rapporte qu'il exerça gratis la profcilion
d'Avocat , en faveur des veuves , des orphelins , 6c des pauvres;,
ce qui l'a fait furnommer ï Avocat des pauvres. Les Avocats
& les Procureurs ont pris pour leur Patron ce faint Eccléfiafli-
que , modèle inimitable de défintérefTement & de bienfaifance.
Le Roi lui faifoit une penfion de fîx deniers par jour, fomme
alors confidérable ; mais cette récompense due à fes travaux , il
l'employoit au foulagement des malheureux , &: vivoit de la
manière la plus frugale. En i 296 , il fit réparer l'Eglife de Tré-
guier. Pierre de Roltrenen , Seigneur du Minihi , lui permit de
prendre , dans la forêt de cette Paroifle , tout le bois nécellaire
pour ces réparations , qui ne furent pas d'une grande utilité. L'édifiée
étoit en fi mauvais état qu'on réfolut de le reconftruire à neuf. La
première pierre de l'édince en fut pofée l'an 1339. ^'"^ ^34^ ^^
ville de Tréguier fut pillée, & les Eglifes très -endommagées.
En 1386, Olivier de Cliflbn fit faire à Tréguier un château de
bois , de trois mille pas de diamètre , qui fe démontoit. Cette
machine devoit fervir à camper dans le pays ennemi. Quand
elle fut achevée, le Connétable la fit charger fur des barques,
& partit lui-même par mer , accompagné des Sires de Rohan , de
Laval , de Beaumanoir, de Dinan , de Maleilroit, & d'Ancenis,
avec cinq cents lances & une flotte de foixantc-douze voiles^
non compris les vaifleaux qui portoient la ville de bois, pour
aller faire une defcente en Angleterre. Cette flotte efluya une tem-
pête dans la traverfée , qui m perdre la majeure partie des pré-
paratifs fur les côtes de la Zelande ; & ces travaux immcnlés ,
qui avoient coûté plus de trois millions , tombèrent en pure
perte aux Français , par la lenteur affe^iée du Duc de Berri.
En 1420, le Duc de Bretagne Jean V , qui venoit d'accom-
plir à Nantes le vœu qu'il avoit fait à l'Eglife des Carmes ,
pendant fa détention à Chantoceaux , fit auffi délivrer trois
cents quatre -vmgts marcs , fept onces d'argent, qu'il avoit
444 T R E
promis de donner à Saint- Yves. Cette fomme fut employée ail'
beau monument que l'on voit dans l'Eglife Cathédrale de Tré-
guier. Le Prince , qui avoit une dévotion particulière à Saint
Yves , fit confbuire , en fon honneur , dans l'Eglife Cathédrale ,
du côté de l'Evangile , une Chapelle que l'on nomme commu-
nément la Chapelle du Duc ou des Ducs, Entre cette Chapelle
& un piher de la nef , le Duc fit faire un vafe de pierre , ar-
tiftement travaillé , dans lequel fut mis le corps de Saint Yves.
Ce tombeau efl: couronné d'un petit dôme de pierre, fculpté avec
beaucoup d'art : le tout eft entouré d'une grille de fer , & , en
dedans, le fépulcre eft garni d'une toile blanche. Il fonda une
MelTe jounnaliere dans cette Chapelle , en l'honneur de Saint
Yves. L'Eglife de Notre-Dame de Ker-martin , bâtie au bout
de l'avenue du château de Ker-martin , eft un lieu célèbre par
les pèlerinages qui s'y font. En général , les habitants du dio-
cefe de Tréguier ont beaucoup de dévotion à Saint Yves,
Ce diocefe le reconnoît même pour fon Patron , de même
que rUniverfité de Nantes , qui en célèbre la fête. On
bâtit , peu de temps après fa canonifation , une Eglife , en fon
honneur , à Rome ; & l'illuftre Pape Léon X y érigea une
Confrairie en faveur des Bretons , à laquelle il accorda plu-
fleurs privilèges.
Le Duc Jean V étant mort au château de la Touche , près
Nantes , fon corps fut renfermé dans un cercueil de plomb ,
couvert d'une caiffe de fapin goudronné, & dépofé dans le
chœur de la Cathédrale , à côté du tombeau du Duc , fon
père. Mais, comme Jean V avoit demandé, en 1420,
d'être inhumé dans l'EgHfe de Tréguier , le Chapitre de cette
Eglife intenta au Chapitre de Nantes un procès, qui fut jugé,
au bout de neuf ans , en faveur du premier; ^,^n i45i>
le corps du Prince fut porté de Nantes à l'Eglife de Notre-
Dame de Plouec , à deux lieues de Tréguier , où Jean de
Plouec , Evêque de cette ville , aîTiflé des Chanoines & Cha-*
pelains de fon Eglife Cathédrale & des Prêtres des villes &
paroifTes voifines , allèrent le chercher pour le porter à Tré-
guier , où il fut inhumé , dans la Chapelle qu'il avoit fait bâ-
tir , à côté du tombeau de Saint Yves.
En 1 5 1 6 , des particuHers , polTefTeurs de quelques vignes dans
le diocefe de Tréguier , ne fçachant comment détruire les che-
nilles & les hurebets qui les ravageoient , s'adrefTerent à l'Of-
iicial de Tréguier , auquel ils préfenterent une requête. Cet
T R E 4^j
Eccléfiaflique , après avoir mûrement confidéré la requête des
iuppliants , rendit une fentence , qui ordonnoit aux chenilles 8c
aux hurebets , fous peine d'excommunication & d'anathême ,
encourue par le feul fait, de fortir, dans fix jours, du diocefe
de Tréguier , & leur défendoit d'y caufer à l'avenir aucun dom-
mage. Je ne fçais fi ces infectes obéirent à une pareille fom-
mation : ce feroit un miracle digne d'être tranfmis à la polléritéj
mais malheureufement la fuite de cette affaire nous ell inconnue.
Il eil à croire que le Juge ne croyoit pas fon excommunication
toute-puiflante , puifqu'il eut foin d'engager les perfonnes inté-
reffées à demander au ciel la faveur d'être délivrées de ces
animaux malfaifants.
Les Cordeliers, qui manquoient de tout à Tlfle- Verte, l'une
des fept ifles où ils étoient établis, furent appelles par le Bue
François II à Morlaix. Une partie d'entr'eux refta à. Tréguier.
Jean de Keroufi & Jeanne de Barkh, fon époufe, leur don-
nèrent une maifon fituée au bord de la rivière de Guindi, dans
la Paroiffe de Plouguiel , près Tréguier. Le Siège royal de Lan-
nion fut transféré en cette ville , par Edit du Roi Charles IX,
donné à Troyes , en Champagne, le 29 Mars 1564; mais, de-
puis , il a été rétabli dans fon ancien féjour. En 1574, le Sei-
gneur de Kergroaifés , Gentilhomme de l'Evêché de Saint-Pol-
de-Léon , annexa au Collège de Tréguier, l'endroit nommé
de Ker-acrembert, En 1592, le 17 Septembre, une flotte Ef-
pagnole de deux galères &: de dix-huit vaifleaux entra dans ce
port. Les foldats pillèrent & brûlèrent une partie de la ville,
d'où ils emportèrent un bras de Saint Tugdual &: une dent de
Saint Yves. Au mois de Novembre 1607, les Etats s'affemble-
rent à Tréguier. Arrêt du Confeil , du 13 Mars i6î} , portant
règlement entre l'Evêque de Tréguier & fon Archidiacre , con-
formément aux Décrets du Concile de Tours, de fan 1 583 , tous
les Evêques de Bretagne intervenant & demandant l'obfcrxa-
tion du Concile à cet égard. Au mois de Septembre 1632, le
tréfor de l'Eglife Cathédrale de Tréguier fut brûle, par un acci-
dent dont on n'a jamais pu fçavoir la caufe. En 1634, les
Religieufes Urfulines furent fondées dans cette ville.
Catalogue Histori<ive z>es EvÈÇiUES de Tréguier.
Il feroit inutile de répéter ici les fables inventées par Albert
de Morlaix & autres, qui prétendent que Drennalus, Difciple
de Jofeph d'Arimathie , qui étoit venu prêcher l'Evangile en
44^ T R E
Angleterre, fut le premier Evêque de Tréguier, & qu'il eut
foixante-trois fuccefleurs jufquà Saint Tugdual. On fçait aujourd'hui
apprécier les rêveries de ce Religieux Dominicain , qui a plutôt
voulu bâtir un roman que compofer une hiftoire : nous reconnoî-
trons feulement Saint Tugdual pour fondateur du Couvent de
Trecor , & nous accorderons , fi l'on veut , qu'il fut facré Eve-
que ; mais on pourroit nier qu'il ait jamais été reconnu pour tel
en Bretagne. Il mourut, félon les uns, fur la fin du fixieme, &,
félon les autres , au commencement du feptieme fiecle. Ses. fuc-
ceffeurs au gouvernement de TAbbaye de Trecor , Evêques ou
Abbés, furent. Saint Ruelin , Plebecantus , Robertus , Stereleus,
Martinus , GouaranusouGoweranus , & Germanus. Le Cointe rap-
porte qu'après la mort de Saint Tugdual , qui avoit nommé Rwelin
pour fon fucceffeur ; Pergat, qui ne pouvoit fouffrir qu'on lui en
préférât un autre , prit le titre d'Evêque ou d'Abbé , & en vou-
lut faire les fondions. Les Evêques, appelles pour terminer ce
différent , fe rendirent à Lexobie. Pendant qu'ils étoient aflem-
blés. Saint Tugdual parut tout-à-coup au milieu d'eux, revêtu
des ornements pontificaux , & fit les plus terribles menaces à
Pergat , s'il n'abandonnoit fon entreprife. Celui-ci , faifi de frayeur ,
fe jette le vifage contre terre , demande humblement pardon à
Rwelin & à l'affemblée , qui n'étoit pas moins étonnée que
lui. Si le fait eft vrai , c'eft un miracle.
Léotherius ou Léothericus , ou Haëlvit , eft le premier Evêque ,
connu pour tel , du diocefe de Tréguier ; il fut nommé par le
Concile de Redon , & approuvé par Nominoé , en 849.
Feftgen , lui fuccéda vers 855. Les annales de ce temps Le
placent fous le règne d'Erifpoë,.
Gratien. Martin. Denis.
Confennanus , ou plutôt Conllantin , Evêque vers 990.
Gratien IL Paul. Soffrus.
Guillaume, foufcrivit à la fondation de Saint -Georges de
Rennes, en 1030»
Gui - Martin IL
Hugues: en 1086, il donna aux Moines du Mont-Saint-Mi'*
chel , le Mont-Hinglas & fes dépendances.
Raoul, foufcrivit au Concile de Dol,ran 1128^ & mourut
vers l'an ï i 34.
Guillaume , vers Fan 113 5 ; fiit accufé, vers l'an ii53r
de Simonie , de parjure , & autres crimes atroces. Le Pape
Anaûafe IV commit, en 1154;^ Angebaut j Archevêque de-
T R E 447
Tours , pour examiner la conduite de ce Prélat. Il eft à croire
que l'accufation fut trouvée faufle , puifqu'il refta fur fon Siège',:
il mourut l'an 1175 , félon Robert, Abbé du Mont.
Yves , Archiprêtre de Tours & Breton d'origine , fuccéda
à Guillaume, vers 11775 il mourut en chemin en fe rendant
à Rome.
GeofFroi Loiz , fils d'un Bourgeois de Guingamp , fut élu
& ordonné à fa place ; il affilia à la dédicace de l'Eglife de
Villeneuve , Ordre de Cîteaux , au diocefe de Nantes.
Etienne, lui fuccéda vers 1220, & ratifia la fondation des
Frères Prêcheurs de Morlaix , en 1237. Cet Etienne, qui étoit
Chanoine de Tours, ayant affilié à l'éleftion de l'Archevêque,
déclara que c'étoit en qualité de Chanoine , & non en qua-
lité d'Evêque de Tréguier , qu'il avoir affilié à cette nomination ,
afin que les fuccefleurs Evêques ne vouluffent prendre occafion
de là , d'étendre leurs prétentions jufqu'à fe croire en droit
de participer à l'éleftion des Archevêques. Avant d'être Evêque,
il avoit affilié , en 1 2 1 5 , au Concile de Tours , qui fit quatorze
Canons. Le fécond défend aux Eccléfialliques de fe livrer au
commerce & aux affaires féculieres , d'affilier aux fpe6lacles pu-
blics , & de fréquenter les cabarets. Le troifieme défend aux
Prêtres d'avoir chez eux leurs enfants bâtards , afin d'éviter le
fcandale ; & de porter des couteaux de chaffe & autres armes,
fi ce n'efl dans le cas d'une crainte bien fondée.
Pierre, confirma, Tan 1238 , une tranfaftion paffée entre
TAbbeffe de Saint-Georges de Rennes & un Chevalier nommé
Derien,
Hamon , fut facré Evêque de Tréguier , vers 1255.
Alain de Lezardrieuc , élu en Ji6i, mourut en 1267.
Alain de Bruc , qui lui fuccéda , fut inquiété par le Duc
Jean I ; ce Prince , qui ne cherchoit qu'à donner de fembarras
au Clergé , avoit imaginé avoir une autorité immédiate fur les
fujets de l'Evêque Sz du Chapitre. Cette prétention étoit injullc,
& le Prélat fçavoit bien que le Duc auroit perdu fon procès
s'il avoit voulu le pourfuivre en Cour de Rome ou à la Cour
des Pairs -, mais, comme il connoiffoit le cara6lerc du Prince, il
ne voulut pas fe brouiller avec lui , parce qu'il fentoit bien que
le Duc auroit toujours trouvé l'occafion de le mortifier. Il prit
donc une voie plus douce , & au lieu d'irriter le Prince , il s'en
fit un protefteur ; il confentit que les Ducs exerçafient le droit
de régale à la mort des Evcqucs de Tréguier. Le Duc , content
448 TRE
de cet avantage , renonça à toutes fes prétentions , & reconnut ,,
de bonne foi , qu'il n avoit aucune Jurifdiftion fur l'Evêque 6c
fur fes vafTaux.
Yves de Boisboëfîel ou le Prévôt, élu le 13 Novembre 1324,.
fut transféré à Quimper l'an 1330.
Alain Huëlori , élu en 1330, tint un Synode & publia des
Statuts en 1334. Le huitième défend d'admettre plus de trois
perfonnes à tenir un enfant fur les fonds de Baptême y fi c'eft
un garçon , il aura pour parrains & marraine deux hommes Se
une femme ; fi c'efl une fille ^ elle fera préfentée à l'Eglile par
deux femmes & un homme. Il recommande de ne point y ad-
mettre les enfants fans une extrême nécefTué , de peur que, ve-
nant à oublier la confanguinité , ils n'époufent quelque jour leurs
filleuls ou filleules., Le neuvième indique les cas réfervés au
Pape & ceux réfervés à l'Evêque. Le quarante-cinquième dé-
fend la chafTe aux Eccléfiafliques bénéficiers , fous peine d'ex-
communication. Ils font au nombre de quatre-vingt, & ne règlent ,
pour ainfi dire , que la conduite extérieure des Prêtres. En 1337,
il en publia de nouveau. Le neuvième ordonne de vifiter l'Eglife
Cathédrale de Tréguier, au moins une fois par an. Le quin-
zième prononce excommunication contre ceux qui font rompre
des mariages par malignité & fans empêchements légitimes. Les
derniers prononcent excommunication contre ceux qui ne regar-
doient pas les biens de l'Eglife comme des chofes facrées ,
auxquelles il n'étoit pas permis de toucher. Ce Prélat mourut
en 133.8.
Raoul ou Richard du Poirier, fut ordonné Fan 1339.
Alain Thomé , élu en 1351 , mourut en 1352.
Robert Peynel , fon fucceffeur , fut transféré à Nantes ert
1353.
Hugues de Montrelais , Doyen de Nantes, élu en 1353 , fut
transféré à Saint-Brieuc en 1356.
Alain , paya les droits de la Chambre Apoflolique , le 5:
Novembre 1358, & mourut en 1362 , fuivant les regiftres
confifloriaux.
Even de Begaignon , d'une famille noble de l'Evêché , entra
d'abord dans l'Ordre de Saint-Dominique , fut élu Evêque de
Tréguier le 19 Novembre 1362., publia des Statuts en 13(^57
^371 > 1372 , & 1374; afTifta au Concile d'Angers en 1366, &,
comme témoin, à la fondation de Notre-Dame de Bonne-Nouvelle ^
i Rennes j en 1368 ou 1369^ & abdiqua en 1371 , ayant
été;
cté créé Cardinal & Grand Pénitencier de rEgllfe Romaine.
^ Jean le Brun , Avocat en Cour de Rome , fut pourvu par
réfîgnation de fon prédéceffeur ; il fit des Statuts en 1374, &
mourut en 1378.
Thibaud de Maleflroit , élu en 1378, préfcnta , en 1379,
au Duc , les lettres Apolloliques qui confirmoient fon élection •
il publia, en 1380, des Statuts , qui défendent de donner les
biens de l'Eglife à ferme aux laïques , & fut transféré à Quim-
per en 1384. Le Duc fe faifit de la régale.
Hugues Poder de Keroulai ou de Keriouvalech , natif d\i
diocefe de Léon , Dofteur en l'un & l'autre Droit , fut élu en
1384, envoyé en ambailade auprès du Roi de France, & ne
fut Evêque qu'un an.
Pierre Morel , natif de Guingamp , élu en 1385 , afliila aux
Etats de Nantes en 1389, & mourut en 1401.
Bernard du Peyron, nommé par le Pape Benoît XIII, en 1401,
fut transféré , dans le courant de la même année , à Tarbes ,
parce qu'il ne fçavoit pas la langue Bretonne.
Yves Hingoèt de Kercoat, Médecin du Duc, élu en 1402,
fit ferment de fidélité ,. &■ mourut en 1403.
Hugues Scocquer , Jacobin , de Morlaix, 6c Do61eur en Théo-
logie , fut pourvu par le Pape Benoît XIII, en 1403. On lui
permit de fe faire ordonner par deux ou trois Evêqucs qu'il
pouvoir choifir à fon gré. De l-i efl venu l'origine de ne point
aller trouver l'Evêque Métropolitain pour le faire facrer. Be-
noît XIII accorda la difpenfe de cette coutume dans toute
l'étendue de fon obédience. Hugues ne fut point facré Evêque
de Tréguier j il fut transféré, à Vannes, en 1404.
Hervé de Keroulai, Archidiacre du Défert , nommé en 140c,
permuta , en 1 407 , avec Bernard de Tarbes.
Bernard de Peyron , fut de rechef Evêque de Tréguier , en
1408 j mais il ne paroît pas qu'il ait été reconnu en qualité
d'Evêquc.
Chriftophe ou Triftan de Hauterive , autrement de Kermarer,
de l'Ordre Erémitique de Saint-AugulHn , & Do6leur en Théo-
logie, affilia au Concile de Pife en 1409 &: 1416; \\ fonda
une Méfie annuelle dans le Collège de Tréguier à Paris.
Matthieu Macé ou Mahé du Coskcr , de l'Ordre Erémitique de
Saim-Augufiùn , fut élu en 1417, & mourut en 14 19.
Thébaud , fon fucccfi^eur , fut transféré, en 1424, à un autre
vecne.
Tome IK. L j
450 TRE
Jean de Bruc, publia des Statuts en 14^7? & fut transféré à
Dol en 1430»
Pierre Piedru , Nantais d'origine , élu en 1430, affifta au
Concile de Nantes , & publia des Statuts en 1431; fut député
par le Duc au Concile de Balle , & fut transféré à Saint-Malo
en 1434.
Raoul Rolland , natif du diocefe de Saint-Brieuc , & Doékur
en Droit, fut élu le 6 Septembre 1434; il publia des Statuts en
1436. Le quatrième défend de peindre ou fculpter des croix fur
la terre , fur des tombeaux , & fur des murs -, il ne donne d'au<
très raifons de cette défenfe , fînon que les loix humaines s'y
oppofent. Le fixieme défend au Caqueux ou Cordiers , efpece
d'hommes qu'une prévention mal fondée faifoit regarder comme
avilis , 8c comme infeftés de quelques maladies honteufes , de
fe mêler avec les autres , & leur ordonne de fe placer toujours
au bas des Eglifes, Il publia encore, en 1437, d'autres Statuts,
qui nous apprennent qu'il y avoit alors foixante douze fêtes
gardées dans le diocefe. Ceux qu'il y ajouta en 1440, défen-
dent le jeu nommé Mellat , fous prétexte qu'il étoit l'origine de
plufîeurs abus fcandaleux : on ne fçait ce que c'étoit. Ce Prélat
mourut en 145 1.
Jean de Ploeuc ou de Plouec , élu le 4 Mai 145 1 , publia
des Statuts, par lefquels il fupprima quelques-unes des fêtes
gardées dans fon diocefe : s'étant apperçu que quelques Gentils-
hommes , qui avoient fait graver leurs armes en lifiere autour
des Eglifes , prenoient occaiion de là de fe dire Seigneurs pro-
priétaires des Heux ; il donna une déclaration , qui portoit que
cela ne pouvoit donner aucun droit. Il mourut le 7 Avril 1453*
Dans l'enquête qu'on fit le 16 Août de cette année , fur les
droits de l'Eglife de Tréguier , un homme âgé de foixante-quinze
ans , attefta avoir connu les Evêques Hugues Poder , Morel ,
Hingoët , Scocquer , Chriftophe ou Triftan , Matthieu Macé , de
Bruc , Piedru , Rolland , & Jean de Plouec , dernier mort ; il
auroit pu ajouter à ces dix , les Evêques du Peyron , de Ker-
oulai , & Thébaud , & compter ainfi treize à quatorze Evêques
dans l'efpace de foixante-huit ans ; mais ce vieillard n'avoir pu
connoîrre les trois derniers , qui n'étoient jamais venus à Tré-
guier. C'ell: TEvêque Jean de Ploeuc ou Plouec qui érigea
l'Eglife de Tonguedec en Collégiale , & qui fit les funérailles
du Duc François I.
Jean de Coétquis ou de Croefquer , fut transféré de Rennçs
TRE 45,
â Tréguîer, en 145 3 » plublia des Statuts , & afTifta à l'élévatioii
du corps de Saint Vincent Ferrier. Il avoit pris pour Coadjuteur
Chriilophe du Châtel ; mais il eut lieu de fe repentir de Ion
choix. La conduite de ce dernier l'obligea d'avoir recours au
Duc, qui défendit , en 1463 , au Coadjuteur, de troubler l'Evê-
que dans fes fondions & dans la perception de fes droits. Il
mourut en 1464. Quelques-uns lui donnent pour fuccefîeur , un
Jean du Croefquer , qui s'excufa de n'avoir pu afTiiler aux Etats
en 1462. C'eil: une erreur. Jean de Coétquis & du Croefquer
font un feul & même perfonnage. Il eu d'ailleurs certain que
Jean de Coétquis mourut en 1464. Albert place encore ici ua
Hugues de Coatrez , qu'il allure avoir été élu en 1467, créé
Cardinal en 1468 , & avoir abdiqué la même année. Il cft
fuppofé , car le Pape Paul II, élu en 1464, & mort en 1471^
ne créa aucun Cardinal du nom de Hugues j &. Chriftophe du
Châtel , qui fuit, étoit Evêque dès l'an 1465.
Chriltophe du Châtel , ci-devant CoaSjuteur de Tréguier , fit
fon entrée en cette ville le 21 Juillet 1465 , prêta ferment en
1466 , fit pubher des Statuts par fes Grands Vicaires en 1467,
(il ne faifoit pas rélidence , ) & mourut le 9 Décembre 1479.
Le Duc fit faifir les revenus de l'Evêché. Pierre Chauvin , dé-
figné par le Duc François II , ne fut point admis par le Pape,
Raphaël, Cardinal du titre de Saint -Georges &: neveu du
Pape Sixte IV , fut nommé Evêque Commendataire de Tré-
guier , par ce Pontife , qui déclara excommuniés ceux qui rcfu-
feroient de le reconnoître. Raphaël fit ferment de fidélité au
Duc le 21 Septembre 1481. Ce Prince le reçut, à condition
qu'il réfîgneroit à Robert Guibé, promefTe qu'il exécuta quatre
ans après , pendant lefquels il avoit fait exercer les fondions
épifcopales par un Evêque nommé ad hoc.
Robert Guibé, fut pourvu en 1483: ce Prélat n'avoit pas
encore l'âge requis par les Saints Canons \ mais il obtint des
difpenfes le 20 Mai de cette année , & prêta ferment le même
jouti il fut transféré à Rennes en 1502.
Yves de Kermahouan , nommé par les principaux Seigneurs
Bretons , ne fut point admis , vraifemblablemcnt parce que Lan-
dais ne l'aimoit pas , ou que ce Favori crut qu'on ne i'avoit
nommé que par haine pour lui.
Jean de Talhouet ou de Callouet , Do6leur en l'un &: l'autre
Droit , & Chanoine de Quiniper , fit fon entrée le 4 Septembre
1502, Lpuis Xll le choifit pour fon Coufefleur , &: le fit Préfideun
451 T R E
de la Chambre des Comptes. Ce Prélat , véritablement digne
de l'être, mourut, le 7 Mars 1505, à Saint-Michel-en-Greve ,
& fut inhumé dans fa Cathédrale , ou Ton voit encore fon tom-
beau. Lorfqu'en 161 1 on ouvrit ce tombeau pour y dépofer
celui d'Adrien d'Amboife , on trouva fon corps entier , ainii que
fes ornements de taffetas jaune , félon le procès-verbal qui a
été confervé dans les archives de l'Eglife. Après la mort de
Jean de Callouet , la Reine Anne fit défendre au Chapitre de
procéder à aucune éleftion avant d'avoir reçu fes ordres. Dès
que le Chapitre fçut les intentions de Sa Majefté , il nomma
Jean de Grigneaux , qui fe démit en faveur de fon frère.
Antoine de Grigneaux , élu en place de fon frère, l'an 1505,
tint un Synode en 1515 , & mourut le 16 Novembre 1537. 1-e
Roi fit faifir les revenus de l'Evêché.
Louis de Bourbon , fils de François , Comte de Vendôme , Se
de Marie de Luxembourg, Cardinal, & Evêque de Luçon, du
Mans, Sec. prit pofieffion , par Procureur , en 1538.
Hypolite d'Eft, fils du Duc de Ferrare , prit TEvêché de
Tréguier en commende, en 1543 ou 1544. Quelques-uns lui
donnent pour fucceffeur Bartholomé Venturin , Tréforier- Cha-
noine de Tréguier , dont l'éleftion n'eft pas prouvée. Dom Tail-
landier en place ici deux autres , l'un nommé Jean de Rieux ,
qui , félon lui , fut transféré à Saint-Brieuc ; & François de Ma-
nus , mort ou transféré ailleurs en 1547. Je n'ai rien trouvé qui
put m'engager à les admettre.
Jean Juvenal des Urfins, défigné en 1546, fit fon entrée le
Dimanche des Rameaux 1549, affifta , par Procureur, au Con-
cile de Trente, Se mourut en 1566.
Claude de Kernavenoi , Abbé de Begars, nommé en 1^66^
abdiqua, en 1572, fans avoir été facré, parce qu'il ne put ob-
tenir fes Bulles.
Jean-Baptifte le Gras , de l'Ordre des Frères Prêcheurs ; fit fon
entrée en 1572^ affilia, par Procureur, aux Etats de Dinan en
1 573 j fit ferment de fidélité en 1 578 , mourut en 1 583 , & fut
inhumé dans fa Cathédrale.
François de la Tour, transféré de Quimper à Tréguier, en 1 583 ,
mourut en 1593.
Guillaume du Halgoët , élu en 1594, mourut le 29 061:o-\
bre 1602.
Adrien d'Amboife , fit ferment de fidélité en 1 604 , préfida
aux Etats tenus en fon diocefe en 1607, ^ mourut le 29 Juillet
T R E 45J
ï6i6i fort corps fut Inhumé dans le choeur de la Cathédrale,
fous une lame d'airain.
Pierre Cornullier , Abbé de Saint-Méen & de Blanche-Cou-
ronne , Confeiller au Parlement de Rennes, fut nommé en 1617,
& tranféré à Rennes en 161 9.
Gui Champion, nommé en 1620, fit ferment de fidélité la
même année, affilia, en 1621 , aux Etats de Rennes, Se fut
chargé de la grande dépuration en Cour. Cell fous fon Ponti-
ficat que les Récollets , les Capucins , les Carmélites , & les Calvai-
riennes, furent établis dans ce diocefe. Il mourut d'une attaque d'apo-
plexie , le 14 Septembre 163 5 , & fut inhumé dans fa Cathédrale.
Noël des Landes , né dans le diocefe de Tréguier , &c de
l'Ordre des Frères Prêcheurs, nommé par le Roi ,1e 29 06lobre
1635, mourut au mois de Février 1646.
Balthafar Grangier de Liverdi , défigné au mois de Février
1646, affifta à l'afTembié du Clergé, le 28 Avril 1^54, &
mourut le 2 Février 1679.
François-Ignace de Baglion , fuivit d'abordie parti des armes , qu'il
quitta pour entrer à l'Oratoire. On étoit fur le point de l'en
faire Supérieur général , lorfque le Roi le nomma à l'Evêché.
Il fut facré le 23 Juillet 1679, & fut transféré à Poitiers, au
d'Avril 1686.
Euflache le Sénéchal de Carcado , Abbé de Generton , élvi
en 1686 , mourut à Paris le 5 Mai 1694 : il avoir été d'abord
Aumônier de la Reine.
Olivier Jegou de Kerlivio , fils de Gilles , Seigneur de Ker-
livio, & de Marie Budec , nommé au mois de Juin, ^ facré
le 3 Octobre 1694, mourut en 173 1.
François-Hyacinthe de la Fruglaie de Kervert , Grand-Vicaire
de Quimper , nommé en 1731, au mois de Décembre, facré
le 4 Mai 1732; affilia à l'affismblée du Clergé, en 1745, en
qualité de Député de la Métropole de Tours , Se mourut au mois
de Décembre.
Charles-Gui le Borgne de Kermorvan , nommé le 3 Mar$
1746, facré le 11 Juillet, fut député veJS le Roi, en 1750,
&: mourut en 176 1.
N. de Cheylus, Doyen de TEgHfe Cathédrale de Lizicux, ftrt
fon fuccelTeur , en 1 761 , & fut transféré h Bayeux en 176(5.
M. de la Royere , facré en 1766 , mourut en....
M. Auguftin de Frétât de Sarra , fut transféré, en 177J , de
l'Evêché de Tréguier à celui de Nantes.
454 TRE
M. de Luberfac, nommé en 1775, gouverne a6luellement
cette Eglife.
TREGUIDEL ; à 3 lieues au Nord-Oueft de Saint-Brieuc,
fon Evêché, fa Subdélégation, ck fon reflbrt ; & à 23 lieues de
Rennes. On y compte 800 communiants : la Cure efi à l'alter-
native. M. de Tremargat efl: Seigneur de cette Paroifle , dont
le fol efl: de très-bonne qualité & affez bien cultivé. En 1500,
on y connoifToit la maifon de Villeneuve.
TREGUNC ; fur une hauteur , & fur la route de Quimperlé
à Concarneau j à 5 lieues de Quimper, fon Evêché 5 à 36
lieues de Rennes; & à 1 lieue de Concarneau, fa Subdéléga-
tion & fon relTort. Cette Paroifle relevé du Roi , & compte
3000 communiants : la Cure elî: à l'Ordmaire. Le territoire , borné
au Sud par la mer & coupé de ruifleaux qui coulent dans les
vallons , efl très-bien cultivé & fertile en toutes fortes de grains.
On remarque , près le grand chemin , une pierre d'une groflleur
prodigieufe , élevée d'environ quinze pieds de hauteur, & fou-
tenue en équilibre par les rochers fur lefquels elle efl: placée.
On la fait mouvoir fenflblement en la poufl^ant avec force des
deux mains. On la nomme la pierre aux cocus , parce que les
habitants du pays prétendent qu'elle réflile aux efforts de ceux
dont la femme n'efl pas fage ; de forte que celui qui ,
malgré fes efforts , ne peut lui donner du mouvement , efl: ré-
puté cocu. En 1420, le territoire renfermoit les neuf manoirs
nobles nommés, Ker-aergugruz , le Poullay , Ker-guen, Ker-
guern, la Motte, Pouleaul , Stanguen , Ker-madezoac, & la
Kiviere ; ce dernier appartenoit ,, en 1 3 60 , à Pierre de Roffrenen.
TREHORANTEUC j dans un fond -, h. 16 lieues au Sud-Sud-
Ouefl: de Saint-Malo, fon Evêché ; à 9 lieues & demie de
Rennes ; & à 3 Heues de Plélan , fa Subdélégation. Cette
Paroiffe reffortit à Ploermel, & compte 600 communiants : la Cure
eft préfentée par l'Abbé dePaimpont. Le territoire , couvert d'arbres
& buiffons, eft occupé par la forêt de Paimpont , des terres en
labeur , & des landes. Les habitants font du cidre*
TREILLIERES ; à 3 lieues au Nord-Nord-Ouefl de Nantes ,
fon Evêché, fa Subdélégation, & fon reffort ; & à 19 lieues,
de Rennes. On y compte 1200 communiants : la Cure efl pré^
T R E 4JÇ
fentée par le Chapitre de la Cathédrale. Ce territoire , d'une
Superficie plane, eft coupé d'un gros ruifTeau, fur les bords du-
quel font des prairies. On y remarque des terres en labeur de
bonne quaHté , quelques bois taillis , & un bois de haute-futaie,
fitué au milieu d'une lande , dont les arbres Ibnt de toute beauté.
On n'en connoît point le propriétaire. Les habitants de Treilleres
vivent dans la milere , faute d'aftivité ou de moyens pour dé-
fricher les landes immenfes qu'ils ont fous les yeux. Se dont le
fol paroît de bonne qualité. Jufqu'à ce jour, perfonne n'a voulu
entreprendre de les cultiver, La Chapelle des Dons, bâtie par
les Ducs de Bretagne , elt remarquable par une alTemblée qui
s'y tient tous les ans , la féconde fête de Pâques.
En 1283, Durand, Evêque de Nantes, unit à la Menfe épif-
copale les dîmes de la ParoifTe de Treilleres, Il s'eil: fait depuis
des changements : l'Evêque «Se le Chapitre ne jouifTent aftuelle-
ment que de la moitié de ces dîmes.
En 1 400 , le manoir de la Houflaye appartenoit au Seigneur
de Treilleres , & le pont de Gêvres , à Trillan de la Lande.
Le château de Gêvres , maifon feigneuriale de l'endroit , fut
bâti, en 1653 , par Céfar de Renouard , Seigneur de Drouges,
Tréforier général des Etats de Bretagne , qui l'embellit de Ipa-
cieux jardins , de bois de décorations, de canaux, de jets d'eau,
&c. 11 eut le crédit de faire détourner le grand chemin de
Nantes à Rennes , qui pafToit trop près de fa maifon , pour
le porter où il eft aujourd'hui ; cette Terre , avec haute-Juuice,
appartient préfentement à M. le Marquis de Rofmadec. Il y a,
auprès du château , une Pofte aux chevaux.
TRELEVERN ; à 2 lieues un quart au Nord-Oucft de Tré-
guier , fon Evêché & fa Subdélégation. Cette Paroilî'e relevé du
Roi, & compte 500 communiants : la Cure eft à l'alternative.
Cette Paroifte reftbrtit à Lannion. Son territoire , borné au Nord
par la mer , produit des grains de toutes efpeces. La maifon
noble de Ker-jean appartenoit , en 1450 , à Jean Paftour, Sieur
de Kerjean : Launai-Mezaneguen , Leilech , 6c Los-Ker-goanton ,
à N....
TRELIVAN; à 5 lieues au Sud-Sud-Oueft de Saint-Malo, fon
Evêché ; à I o lieues de Rennes j & à i lieue de Dinan , fa
Subdélégation &: fon rcft'orr. On y compte 600 communiants : la
Cure elt préfentée par les Moines de Léhon, Ce territoire ofl're
45é T R E
à la vue plus de landes que de terres en labeur. En 1440, où
y remarquoit plufieurs maifons nobles , fçavoir ; la Salle-Bardoul ,
à Jean Robert -, Bouecoiles , à Robin Garance j le Val , à Pierre
de la Vallée j Coëfmur , au Prieur de Léhon ; & Vaucoulé , à Guil*
laume Guitté : cette dernière s^appelle aftuellement Vaucouleurs y
elle a une haute- Juftice , & appartenoit , en 1 660 , à François»-
René de Derval , aujourd'hui à M. de Bruc , qui poflede aufH
Ker-hars, avec haute-Juftice^
TREMBLAY ; fur la route de Rennes à Saint- James , en Nor-
mandie j- à 8 lieues de Rennes , fon Evêché ; & à trois quarts
de Heue d'Antrain, fa Subdélégation & fon refTort. On y compte
1600 communiants : la Cure elt un Prieuré , préfenté par l'Abbé
de Saint-Florent de Saumur : ce Prieuré a une haute-Juftice. En
1630,1! étoit encore deffervi par trois Moines de Saint-Florent.
Le territoire , arrofé des eaux de la rivière de Couefnon , &
couvert d'arbres fruitiers & autres , renferme des terres en la-
beur de bonne qualité, des prairies, & des landes*
L'an 1190, GeofFroi de CefTon donna la moitié de fa Terre
de Tremblay à l'Abbaye de Savigné , fituée dans la Normandie ,
cette Terre lui avoir été donnée par Hervé de CefTon , fon
grand-pere. La haute-Juftice de Pont-à-vis, appartient à M. du
Haflai^
TREMEHEUC ; à 3 lieues un tiers au Sud-Sud-Eft de Dol ^
fon Evêché & fa Subdélégation ; &: à 7 lieues & demie de
Rennes. Cette ParoifTe relTortit. à Bazouges , & compte 4.00 conir
muniants : la Cure eft à la nomination privative de l'Evêqueo.
Ce territoire , d'une fuperficie- plane , contient plus de landes
que de terres en labeur. La Seigneurie de Tremeheuc fut érir
gée en Bannière, par le Duc Jean V , le 21 Juillet 1433, en.
faveur de N. du Bois de la Motte..
TREMELOIR ; fur une hauteur ; à 2 lieues au Nord-Oueil'
de Saint- Brieuc> fon Evêché & fa Subdélégation j& à 22 lieues
de Rennes , fon refTort.. On y compte 400 communiants : la
Cure efl à l'alternative. Le territoire , coupé de quelques ruifTeaux.
qui coulent dans les vallons ^ efl très-exafteinent cultivé 5 ii:
produit beaucoup de grains..
TR£MENECHj, à 9. lieues à l'Oueft de Saint-Pol-de-Léon^,
(bn.
ïbn Evêché j à 49 lieues de Rennes ; & à 3 lieues trois quarts de Lel-
neven ,fa Subdélégation & Ion reflbrt. On y compte 500 commu-
niants : la Cure ei\ préfentée par l'Evêque. Le territoire , borné par
la mer , eft très-exaftement cultivé , Se rapporte d'abondantes ré-
coltes en grains de toutes efpeces.
TREMEOC ; à 2 lieues au Sud-Ouefl de Quimper , fon Evê-
ché & fon reflbrt ; à 41 lieues de Rennes ; & à i lieue &
demie de Pont - l'Abbé , fa Subdélégation. On y compte 000
communiants : la Cure efl: à l'alternative. Cette Paroifl'e fut
fondée par Saint Allore ou Albin , troifieme Evêque de Quimper ,
qu'elle reconnoît pour fon Patron. Le territoire , rempli de vallons ,
de coteaux , &: monticules , elt exaftement cultivé ; il produit des
fourrages abondants, qui procurent aux habitants la facilité d'élever
beaucoup de beftiaux»
TREMEREUC ; à 2 lieues un quart au Sud-Sud-Ouefl de Saint-
^alo , fon Evêché ; à 1 2 lieues de Rennes j &: à 2 lieues un tiers
de Dinan , fa Subdélégation & fon reflbrt. On y compte 400
communiants : la Cure efl: préfentée alternativement par l'Abbé
de Saint-Jacut 6c le Seigneur de la ParoiflTe. Le territoire ell
d'une fuperflcie plane , fl vous en exceptez deux vallons , qui font
au Nord & au Sud de fon bourg. A peu de diilance à
l'Efl de fon clocher , eÛ une lande , qui a deux lieues de longueur
fur un tiers de lieue de largeur -, elle pourroit faire un très-beau
taiUis, û le fol n'étoit pas bork pour la culture des grains. Le refle
des terres efl: en labeur ou en prairies. On y remarque les mai-
fons nobles de la Gazé & de la Ville-Robert, avec deux grands
étangs , qui font tourner deux moulins. La hautc-Juflice de Tre-
mereuc appartient à M. de Plouer.
TRÉMÉVEN ; fur une hauteur ; à 9 lieues Se demie à TEfl-Sud-
EÛ de Quimper, fon Evêché j à 30 lieues de Rennes; &: à x
lieue de Quimperlé , fa Subdclégation & fon reflbrt. Cette
FaroiflÂs relevé du Roi, & compte 1000 communiants : la Cure
efl: à l'alternative. Le territoire , arrofé par les rivières d'ifolle
& d'Ellé , eft très-bien cultivé , Se produit beaucoup de grains
& de foin. En 1420, on y connoiflbit trois manoirs, fçavoir j
Rcflaudou , à Gauvin du Hilguiti Coetauhay, à Jean Chef-du-
Bois ', & Lancaru , au Sire de Kereimcr.
Tome IF. M J
\
45g TRE
TRÉMÉVEN; fuf une hauteur 5 à 5 lieues au Nord-Oueftdé
Saint-Brieuc , fon Evêché & fonrefîbrti à 25 lieues de Rennes j
& à 2 lieues trois quarts de Paimpol , fa Subdélégation. On y
compte 500 communiants. M. le Marquis de Rougé en ell le
Seigneur : la Cure eft à l'alternative. Le territoire , couvert d'ar-
bres fruitiers & autres , & rempli de vallons de monticules , ell
très-bien cultivé.
La Maifon de Coetmen efl une branche cadette de la Maifon
d'Avaugour & Penthievre, qui fortoit de la Maifon de Bretagne.
Geilinus de Coetmen , efl le premier qui en ait porté le nom.
Il étoit fils de Henri I du nom , Comte de Penthievre , & de
Mathilde de Vendôme : il eut la terre & feigneurie de Coetmen
en partage, l'an 11 51. Lui & fes defcendants prirent le titre
de Vicomtes de Coetmen, & quelquefois celui de Vicomtes de
Tonquedec & de Châteaugui, terres qu'ils poffédoient. MM. de
Coetmen prirent leurs alUances dans les plus grandes Maifons de
Bretagne. Ils ont toujours joué un grand rôle à la Cour des
Souverains de la Province ; & les ont fervis , foit à la tête des
armées , foit dans les négociations. Alain , fils de Henri de Coet-
men , époufa , l'an 1 202 , Perronelle , nièce du Vicomte de
Thouars , &l fonda l'Abbaye de Beauport , ordre de Prémontré*
Alain II du nom , époufa Confiance , fille d'André II , Baron
de Vitré. Rolland de Coetmen III du nom, fuivit le parti de
Charles de Blois , & fut un des chefs de fes troupes : il fut
fait prifonnier, à la bataille d' Aurai , le 29 Septembre i3<^4,
où Charles perdit la viftoire & la vie. Rolland de Coetmen,
fut un des principaux appuis du Connétable Olivier de ClifTon,
afîiégé, en 1394, dans la Rochederien, par le Duc Jean IV î
il fut obhgé de demander fa grâce. Ses biens , qui avoient été
faifis , lui furent rendus , à la foUicitation du Roi -, mais le châ-
teau de Tonquedec fut entièrement rafé , par ordre du Duc Jean
IV. En 1447, Rolland de Coetmen fit ériger l'Eglife paroifTiale
de Tonquedec en Collégiale. A la fin du quatorzième fiecle , la
maifon de Coetmen fe fépara en deux branches : la cadette
eut en partage la Terre du Bois-Guezennec , en 1487. En 1 497,
la Terre de Coetmen fut érigée en Baronnie , par le Duc Fran-
çois II , en faveur de Jean , Vicomte de Coetmen , époux de
Jeanne du Pont , fille.de Pierre, Baron du Pont, & d'Helene
de Rohan. Sa fille unique & héritière , Gillette de Coetmen ,
époufa Jean VI d'Acigné. Son petit fils , Judith d'Acigné , eut
, ^, , T R E 459
jpour fille Judith d*Acigné , héritière & Baronne de Coetmen ,
qui époufa, en 1573 , Charles de CofTé , Comte de Briflac ,
Maréchal de France , auquel elle porta la Baronnie de Coetmen.
Après avoir paffé dans différentes maifons, Coetmen revint à
fes premiers pofTefleurs , par l'acquifition qu'en fit le Marquis de
Coetmen , Maréchal de Camp & Commandant à Breft.
En 1505 , Olivier de Coetmen, chef de la branche cadette,
étoit Confeiller & Grand Maître de la Reine Anne. Après
l'union du Duché de Bretagne à la Couronne de France , M M.
de Coetmen fervirent leurs Rois comme ils avoient fervi leurs
Ducs. Sous le règne de Louis XIV , Olivier-Jof eph de Coetmen ,
Meftre de Camp de Dragons , fut tué à l'attaque de Douai.
Cette maifon , ancienne & lUuftre , s'ell éteinte en la peribnne
d'Alexis-René , Marquis de Coetmen , Meftre de Camp de Dra-
gons , Gouverneur de Tréguier , puis Maréchal de Camp , &
Commandant des ville & château de Brelt & des quatre Evê-
chés de bafTe Bretagne ; il époufa Jeanne-JuUe de Goyon , &
n'en eut que deux hlles : l'amée époula le Marquis de Rougé,
Lieutenant général des armées du Roi , Gouverneur de Givet
& Charlemont , tué a la bataille de PhiHnghaulén en 1761, &
lui porta la Baronnie de Coetmen. Son fils aine , M. le Marquis
de Rougé , Colonel d'Infanterie , en efl aujourd'hui poflefTeur. La
fille cadette de M. le Marquis de Coetmen a époufé M. le Mar-
quis de Caradeuc , fils aîné de M. de la Chalotais , & n'en a
eu qu'une fille. Il exifle un titre qui prouve combien la maifon
de Coetmen étoit confidérée dans fa province. Elle étoit prête
à s'éteindre , & ne pouvoir être relevée que par un Abbé de Coet-
men , Sous-Diacre. Sa Souveraine écrivit au Pape pour le faire
relever de fes vœux , alléguant pour raifon qu'elle ne pouvoit
fe réfoudre à voir s'éteindre une maifon aufli liluflre , ik qui lui
avoit rendu tant de fervices.
TREMEUR ', fur un coteau ; à 8 lieues au Sud - Ouefl de
Saint - Malo , fon Evêché j à 11 Heues de Rennes; & à 5
lieues de Lamballe , fa Subdélégation. Cette ParoifTe relevé du
Roi, reffortit à Dinan , & compte 550 communiants : la Cure
eft à l'alternative. C^e territoire, couvert d'arbres & buifrons,efl
affez exaftemcnt cultivé , 6s: produit du grain &: du cidre. Le
Prieuré de Saint- Georges , qui étoit autrefois un Hôpital, tut
fondé, en 1346, par Geoffroi le Voyer, Sieur de Tregomar ,
& Jeanne Rouxel , fon cpoufe , au bout de la chauffée de Trc-
460 ■ T R E
dien , en cette Paroifle. L'afte de fondation porte qu'il y aura
quatre Prêtres & quatre Frères de TOrdre de Saint - Auguftin ,
de l'Abbaye de Sainte-Croix de Guingamp ; pour la nourriture
defquels les fondateurs affignent trente mines de froment de
rentes , mefure de Plumodan , à prendre fur le fromentage de
cette Paroi fle ; dix mines de feigle , mefure de Jugon , à pren-
dre fur les dîmes de Saint - Igneuc & autres. M. Callouet de
Tregomar eft aujourd'hui dans les droits des fondateurs , defquels
il defcend, La haute-Juftice de Quenart appartient à M. de la
Bretonniere ; la moyenne-Juftice de la Gueurine , à M. de la
Goublaie de Saint-Quereuc j & la moyenne-Juftice du Nodai,'
à M. Nodai du Rocher,
TREMOREL ; à 1 1 lieues trois quarts au Sud-Sud-Efî: de Saint-
Malo , fon Evêché ; à 9 lieues trois quarts de Rennes ; & à 4 lieues
èc demie de Montauban , fa Subdélégation» Cette ParoilTe refTortit
à Dinan , & compte 2300 communiants, y compris ceux de
Lelocouet , fa trêve : la Cure eft préfentée par l'Abbé de Saint-
Méen. Il fe tient une foire de bétail à Tremorel à la mi-ca-
rême. Le territoire , d'une fuperficie plane , renferme des terres
en labeur de bonne qualité , quelques bois , Se des landes. La
Seigneurie de l'endroit fut donnée, en l'an 1000, à l'Abbaye
de Saint - Méen , par le Duc Alain IIL Le Pape Céleftin III ,'
par fa Bulle de l'an 1192 , confirma à cette Abbaye la
donation de l'EgHfe de Tremorel. En 1390, les manoirs de
Giffart & du petit Val appartenoient à Geoffroi de Beaumanoirj
& le Bois-Cleret , à Olivier de Coëtlogon.
TREMUZON ; fur une hauteur, & fur la route de Saint-
Brieuc à Guingamp; à i lieue & demie de Saint - Brieuc , foti
Evêché Se fa Subdélégation ; & à 2 1 Heues & demie de Rennes ,
fon refTort. On y compte 600 communiants : M. le Duc de
Penthievre en eft le Seigneur ; Se la Cure eft à l'alternative.
Le territoire , coupé de rUiiTeaux qui coulent dans les vallons ,
eft très-exaftement cultivé , & produit des grains de toutes ef-
peces & des pâturages. Le manoir de la Roche-Suart apparte-
noit, en 1440, à N. de Chateaubriand -, & le manoir de la Mo-r
randais , à Geoffroi de Couveran , Chevalier.
TRÉOGAN j à 4 lieues à l'Oueft-Sud-Oueft de Quimper,
fon Evêché & fon refîbrt j à 43 lieues de Rennes j & à 2 lieues
de Pont-l'Abbé, fa Subdélégation. On y compte 450 commu-
niants : la Cure eft à l'alternative. Le territoire , qui elt borné
par la mer , efl très - bien cultivé , & fertile en grains de
toutes les efpeces.
TREOGATj dans un fond; à 10 lieues un tiers à l'Eft-Nord-
Eft de Quimper , fon Evêché i à 3 1 lieues de Rennes j Se à i lieue
deux tiers de Gourin, fa Subdélégation. Cette ParoifTe relevé
du Roi, reflbrtit à Carhaix , & compte 550 communiants: la
Cure eft à l'alternative. Le territoire n'ell: compofé que de mon-
ticules , nommées Us montagnes Noires , qui forment une chaîne
depuis Evran jufquà Crozon , de manière que la plus grande
partie du terroir ell abfolument inculte : on y voit en outre la
forêt de Connevau , qui a deux lieues de circuit. En 1356, Jean ,
Seigneur de Treogat , avoit une Compagnie au fervice du Roi
Charles V. Les manoirs nobles de Pencoz , Ker-leaugui , Ker-
fredin , Ker-aflan , & le Mengui , exiiloient à la même époque ,
dans cette Paroifle.
TREOUESCAT ; à i o lieues trois quarts à l'Ouefl-Sud-Oueft
de Saint-Pol-de-Léon , fon Evêché; à 50 lieues de Rennes; &
à 3 lieues deux tiers de Breft , fa Subdélégation &: fon refîbrt.
On y compte 300 communiants : la Cure eft préfentée par l'Evê-
que. Le territoire elt très-bien cultivé.
TREOULTRÉ-PENMARCH 3 ( voyez Penmarch. ) Treoultré
relevé du Roi.
TRESSAINTS ; à 5 lieues au Sud-Ouell de Dol , fon Evêché ;
à 9 lieues un tiers de Rennes ; & à deux tiers de lieue de
Dinan , fa Subdélégation & fon refTort. On y compte 400
communiants : la Cure eft préfentée par l'Abbé de Beaulieu,
Le territoire , traverfé par la rivière de Rance & quelques ruif-
feaux qui vont s'y jetter , ell couvert d'arbres fruitiers & autres:
il eft très-bien cultivé ; fes produéHons font les grains , les pâ-
turages , & le cidre.
Du Pas dit que Raoul de Lanvallai , Chevalier , étoit Seigneur
de TrefTaints en 1300. Charles de Lanvallai fit fon tellament
le 28 Avril 1449, & déclara qu'il vouloir être inhumé dans
l'EgUfe paroiffiale de Treflaints , où il fonda deux MefTes par
femaine , aux jours de vendredi ôc de famedi. Raoul , fon fiL>
^67. T R E
& fon fuccefTeur , s'acquit une grande réputation dans les armes ^
& fervit fous les Ducs Jean V , François I , Pierre II , Artur III ,
& François II, auxquels il rendit d'importants fervices : il fut Ca-
pitaine de la ville de Dinan fous le Duc Jean V. En 1467, le
Duc François II lui permit d'élever une JulHce patibulaire à trois
poteaux ; lui donna la commiflion de tenir les montres des
nobles de l'Archidiaconé de Porhoët à Ploermel ; &, par lettres^
données à Nantes le 21 Mai 1468 , le nomma Capitaine du château
'de Landal. Ce brave Chevalier mourut en 1472 ; il jouifioit de
mille livres de rente , & avoir pour dix mille livres de meubles ,
aufîi paffoit-il pour un des plus riches Seigneurs de Bretagne : il
ne laifTa point d'enfants de fon époufe Jeanne , fille d'Eulla-
che de la Houffaye , Chevalier renommé , & de Jeanne de
Roftrenen.
TRESSE ; à 2 lieues & demie au Sud - Oueft de Dol , foa
Evêché 6l fa Subdélégation ; & à 9 lieues & demie de Rennes,
Cette ParoifTe refTortit à Dman , & compte 300 communiants r
la Cure eft à l'Ordinaire. Le territoire , couvert d'arbres &
buifTons , eft coupé par les grands chemins de Rennes à Saint-
Malo , & de Dol à Dinan : on y voit le bois du Mefnil , qui
Eeut avoir deux lieues de circuit , des terres en labeur de
onne qualité , 6c peu de landes. La moyenne - Juftice de
Launai - Baudouin , appartient à Mademoifelle du Monnier le
Bonhomme.
Cette ParoifTe fut fondée par les Seigneurs du Trèfle , mais
on en ignore le temps i tout ce que l'on fçait , c'efl: qu'on lit
dans une ancienne charte que Aduleaume du Trèfle , fous les
ordres de Pépin, dit Herî/iel , Maire du Palais, marcha, avec
fa troupe, contre les Saxons, l'an 690. L'an 1200, le Seigneur
de Courtenay , témoin de la bravoure de Guillaume du Trèfle,
ChevaUer Baneret Se rejeton d'une famille fi généreufe, lui
donna fa fille en mariage , nommée Ifabeau , avec cent écus
d'or. La maifon du Treiié , aufîi illufl:re par fon antiquité que
par fes aUiances , compte pour fes ayeuls maternels , les Torne-
mine , les Rohan , les Soral , les Duhellan , les Goulaines , les
la Touche-Lmiouzinieres , les Chevigné , les Safîré , &c. On peut
dire que cette Maifon, dont l'origine fe perd dans les temps
les plus reculés , ell au rang des plus anciennes de Bretagne :
elle fubfifl:e encore aujourd'hui dans la perfonne de M. du
Trèfle, Commiflaire des Etats de Bretagne, à Nantes*
T R E 4(î>
TRESSÎGNEAU; fur un coteau j â 3 lîeues trois quarts au
Nord - Ouefl de Saint - Brieuc , fa Subdélégation & fon refTort i
à 23 lieues trois quarts de Rennes. On y compte 450 commu-
niants : la Cure eft à l'alternative. Ce territoire , couvert d'ar-
bres & buifTons , eu abondant en grains & pâturages. En i cco
on y connoifToit les manoirs nobles de Ker-guilHn , Ker-raoul
Ker-biguet, Ker-errez, Vieuxchâtel, Ker-vivricq, Ker-allan,
Ker-gouet , & Pellan.
TREVE j dans un fond ; à 7 lieues un tiers au Sud de Saint-
Brieuc, fon Evêché j à 17 lieues trois quarts de Rennes; Se à
4 lieues trois quarts de Quintin , fa Subdélégation. Cette Pa-
roifïe refTortit à Ploermel , & compte 2400 communiants : la
Cure efl à l'alternative. Le territoire eft varié de coteaux , de
collines , & de vallons , & couvert d'arbres fruitiers & autres :
on y voit des terres en labeur , des prairies , des bois , ôc
des landes.
TREVENEUC ; dans un fond ; à 3 lieues au Nord-Nord-
Oueft de Saint-Brieuc , fon Evêché , fa Subdélégation , &c fon
reffort j & à 23 lieues de Rennes. On y compte 400 commu-
niants : la Cure eft à ralternative. Le territoire , borné par la
mer , eft fertile en grains de toutes les efpeces. En 1 490 , on
y connoiftbit les maifons nobles de Ker-cadoret & de Pommorio*
TREVEREC ; à 3 lieues & demie au Sud-Eft de Tréguier ,
fon Evêché ; à i6 lieues Sz demie de Rennes ; & à i lieue &
demie de Pontrieux, fa Subdélégation. Cette Paroifle refTortit à
Lannion , & compte 400 communiants : la Cure ei\ à l'alterna-
tive. Le terroir eft très-exa6lement cultivé. En 1380, on y con-
noiftbit trois maifons nobles , nommées Pedernech , Ker-oovie ,
& Ker-allain.
TREVERIEN j à 6 lieues trois quarts au Sud - Sud - Eft de
Saint-Malo , fon Evêché ; à 7 heucs un quart de Rennes ; &: à
2 lieues un tiers de Hédé, fa Subdélégation. Cette Paroifte
reffortit à Ploermel , & compte 700 communiants : la Cure eft
préfentée par les Rehgieux de Léhon. Le territoire , couvert
d'arbres & buiflbns , offre à la vue des terres labourables de
bonne qualité , des landes , &: le bois de la Fofle-aux-Loups , qui
peut avoir une lieue & demie de circuit. La rivière de Lmnon,
4^4 T R E
qui pafTe à peu de dillance au Nord de ce bourg , pourfok être
rendue navigable ; fa fource , qui n'eft pas fort éloignée de celle
d'Iile , qui va fe jetter dans la Vilaine , à Rennes , faciliteroit
Texécution du projet de joindre cette dernière à la Rance , dans
laquelle le Linnon fe perd , une lieue un quart au defTus de
la ville de Dinan. On remarquera feulement que ce grand projet
mérite un férieux examen avant d'en venir à Tentreprife.
TREVERON j à 6 lieues un tiers au Sud de Saint-Malo , font
Evêché ; à 8 lieues deux tiers de Rennes j & à 2 lieues de
Dinan, fa Subdélégation & fon relTort. On y compte 550 com-
muniants : la Cure efl préfentée par les Religieux de Léhon.
Le territoire , arrofé des eaux de la rivière de Rance & de
quelques ruiiTeaux , eft très-bien & très -exactement cultivé 5 il
offre à la vue beaucoup d'arbres fruitiers & autres. Le Château
du Chalonge appartenoit, en 1260, à Olivier, Chevalier , Sei-
gneur du Chalonge i il a une haute-Juftice , & appartient aujour-
d'hui à M. le Comte de Muée.
TREVOU ; à 7 lieues deux tiers à FEfl-Sud-Efl de Quimper,
fon Evêché ; à 3 2 lieues de Rennes ; & à 2 lieues de Quimperlé ,
fa Subdélégation & fon reffort. Cette Paroilfe relevé du Roi y
& compte 1500 communiants : la Cure eft à rakernative. Le
territoire eft couvert d'arbres , & coupé d'un grand nombre de
ruilTeaux. qui coulent dans les vallons j il offre à la vue des
terres bien cultivées , des prairies , des bois , & des landes.
TREVOUX-TREGUINEC ; à 28 lieues à TOueft-Nord-Oueft
de Dol, fon Evêché; à 32 lieues de Rennes ; & à 2 lieues
de Tréguier , fa Subdélégation. Cette Paroifle , qui eft enclavée
dans le diocefe de Tréguier, relevé du Roi, & compte 450
communiants : la Cure ell à l'alternative. Le territoire , borné aïi
Nord par la mer , eft fertile en grains de toutes efpeces*
TREZELAN ; fur une hauteur , près la 'rivière de Tréguier j
à 2 lieues trois quarts au Sud de Tréguier , fon Evêché ; à 29
lieues de Rennes j & à 3 lieues trois quarts de Guingamp , fa
Subdélégation & fon reffort,. Cette Paroiffe reffortit à Lannion ,
& compte 1 200 communiants , y compris ceux de Saint-Norvez ,
fa trêve : la Cure eft à l'alternative. Le territoire , pays couvert
d'arbres & buiflbns , renferme des terres de bonne qualité , &
quelques
T R E = V A L 4^5
quelques petites landes. L'Abbaye de Begars , qui eft fituée dans
cette Paroifle, y pofledoit quatre métairies , dès avant 1380. La
Roche-Huon exitloit à cette dernière époque»
TREZENI; à 2 lieues à l'Oueft - Nord - Oueft de Tréguier,
fon Evêché ; à 3 2 lieues de Rennes ; & à i lieue trois quarts
de Lannion , fa Subdélégation & fon reflbrt. On y compte 450
communiants : la Cure elt à l'alternative. Le territoire eit exac-
tement cultivé , & renferme des landes peu étendues. On y
connaît les maifous nobles de Ker-morvan , Ker-naleguen , &:
Ker-meno*
TRIGAVOUj à 3 lieues un quart au Sud-Sud-Oueft de Sain'-
Malo , fon Evêché j à 1 1 lieues deux tiers de Rennes j &: à i
lieue & demie de Dinan , fa Subdélégation , & fon reflbrt.
Cette Paroifl^e relevé du Roi , & compte 600 communiants ':
la Cure ei\ à l'alternative. Le territoire renferme quelques terres
en labeur & des landes. Le château du Bois de la Motte ,
maifon feigneuriale de la Paroifle , érigée en Bannière par
lettres du Duc Jean V, en date du 21 Juillet 1433 , fut érigé
en Marquifat l'an Ce Marquifat pafla à l'illullre maifon de
Cahideuc , en 1633, par le mariage de Guyonne de Mont-
bourcher , Marquife du Bois de la Motte , avec Sébaitien-René
de Cahideuc. Le château ell: décoré d'un bois , qui a une lieue
& demie de circuit : il a haute - Juftice , & appartient à M. le
Marquis du Bois de la Motte.
TROGUERI j à trois quarts de lieue au Sud de Tréguier y
fon Evêché &: fa Subdélégation 5330 Heues de Rennes. Cette
Paroifljs reflibrtit à Lannion, & compte 350 communiants : la
Cure eft à l'alternative. Le terroir efl: très-bien 6c uès-exa6le-
meot cultivée
V.
ALLET ; fur une hauteur ; à 5 lieues un quart à l'Efl-Sud-
Eli de Nantes , fon Evêché ik fon reffon ; à 27 lieues un quart de
Rennes ; & à 2 lieues de Clifl!bn , fa Subdélégation. On y
compte 3500 communiants: la Cure eft préfentée par le Chapitre
de Nantes. Le territoire cfl , pour ainfl dire , tout occupé par
des vignes , qui produifent Le meilleur vin du Comté Nantais >,
lomc IK. N ï
4é6 _ V A L = V A N
on y voit auffi des terres en labeur, des prairies, & des bois
peu étendus.
L'Abbaye de la Regrippiere , Ordre de Fontevrault , eft dans
cette ParoifTe. Je n'ai pu rien trouver pour la fondation de cette
Maifon. Le plus ancien Seigneur dont on ait connoifTance , efl
Lucas de Valiet, qui vivoit en 1188. En 1264, cette Seigneurie
appartenoit à Olivier de ClifTon. Le Prieuré Differon fut uni au
Couvent des Chartreux de Nantes, en 1577. L'Ecole publique
de Vallet fut fondée en 1626; & la préfentation du Principal
fut donnée au Chapitre de la Cathédrale de Nantes , qui perçoit
une bonne partie des dîmes de la ParoifTe. Union de Juflice à
Vallet , au mois d'Août 1739 , ^^ faveur d'Achille Rolland
Barrin , Confeiller au Parlement de Bretagne. Au mois de Juillet
1756, M. Marc-Achille Barrin, Seigneur de Fromenteau, ob-
tint l'établifTement de quelques foires , & d'un marché qui doit
fe tenir le lundi de chaque femaine. La Terre & Seigneurie
de Fromenteau , avec haute- Juftice , fut érigée en Marquifat , en
1760, en faveur de M. Marc-Achille Barrin, Meflre de Camp
du Régiment de Languedoc , Dragons , aujourd'hui Maréchal
des Camps & armées du Roi. La maifon noble de Bois-Benoît
appartenoit, en 1480, à Jean de Chevaegné du Bois-Benoît j èc
celle du Clairay , à Jean de la Fontaine , Chevalier.
VANDEL j fur une hauteur ; à 7 lieues & demie au Nord-
Eli de Rennes , fon Evêché j & à 2 Heues de Fougères , fa
Subdélégation. Cete ParoifTe refTortit à Vitré, & compte 500
communiants : la Cure efl à l'alternative. Le territoire , baigné
des eaux de la Couefnon , & couvert d'arbres & buifTons , efl
très-exa6lement cultivé. Ses maifons nobles font, le MouHn-Blot,
le Chantier , la Barberie , le Manoir , la Villaye , Saint -Ni-
colas , & le Pont-Notre-Dame fur la Couefnon.
VANNES ; ville épifcopale , avec titre de Comté , par les ç
degrés 6 minutes 16 fécondes de longitude , & par les 47 de-
grés 39 minutes 14 fécondes de latitude ; k ii lieues de Rennes.
Cet Evêché efl borné , au Nord , par ceux de Quimper , Saint-
Brieuc , & Saint-Malo ; à l'Efl , par celui de Rennes; au Sud,
par celui de Nantes & la mer ; & à l'Ouefl , par celui de
Quimper. Il compte 353950 habitants; cent-foixante-onze Pa-
roilTes , quarante-fept trêves , trois Abbayes d'Hommes , une de
Femmes , dix-neuf Couvents d'Hommes , dix-fept de Femmes j
neuf Hôpitaux, dont deux militaires , & un Hôtel-Dieu. L'air
y eft pur & falutaire , le Toi. el]J-fertile & affez bien cultivé
dans quelques endroits ; mais , 'rij^is j^iiiieurs autres, on n'apper-
çoit que des landes très-étendues," oôp^.on pourroit tirer un parti
avantageux en les défrichant. La ville ce Vannes compte i oogq
habitants ; quatre ParoifTes , qui font , Notre -Dame-du-Mné , ( la
Cure efl préfentée par l'Evêque , & c'eft toujours un Lazarifte,
le Supérieur du Séminaire , qui en eftRefteur;') Saint-Paterne, Saint-
Pierre , & Saint-Salomon , dont les Cures font préfentées par le
Chapitre de La Cathédrale ; onze communautés , qui font , les
Capucins , les Carmes-Déchaufles , les Carmes du Bon-Don , les
Dominicains , les Carmélites de Nazareth , les Dames du Père-
Eternel , les Cordelières , les Vifitandines , & les Urfulines. On y
remarque un Gouvernement de place } une Communauté de
ville, avec droit de députer aux Etats; un Préfidial , une Ami-
rauté , un Confulat ; une Maîtrife des Eaux , Bois & Forêts ; une
Brigade de Maréchauflee , une Sudélégation ; une Recette ; les
Portes aux lettres &z aux chevaux , &:c. L'Eglife Cathédrale efl
dédiée à Saint-Pierre. Le Chapitre ell compofé , d'un Grand-Ar-
chidiacre, d'un Tréforier, d'un Chantre, d'un Scholaftique , d'un
Grand-Pénitencier, de quinze Chanoines, & du Bas-Chœur.
L'Evêque efl Seigneur d'une partie de la ville : fa Jurifdi6lion
des Régaires eft très-étendue. Le commerce des Vannerais eil
confidérable : il confille en grains, en fers,8: en miel, que Ton
tire du pays , &: en fardines & autres poifTons , qu'on trouve en
grande quantité dans cette ville. Elle a un port très-fur , formé
par un bras de mer ou canal qui vient du Morbihan. Cette fî-
tuation , avantageufe , devroit y faire fleurir davantage le com-
merce j mais la commodité des ports qui l'avoifinent lui en
enlevé une partie. Celui de Vannes n'eit gueres fréquenté que
par les petites barques , qui fervent au cabotage iX' au commerce
intérieur : les feuls agréments de cette ville , mal bâtie , fe ré-
duifent au mail, à la lice, & au portj encore ce dernier n'efl-ii
pas fort agréable en été , à caufe de la mauvaife odciu- qui s'ex-
hale des vafes dont il eil rempli. Un très-bel étang , nommé
l'Etang au Duc , après avoir fait tourner quelques moulins , fe
décharge dans ce ba/ïïn, &: diminue un peu cette puanteur,
en emportant une partie des vafes, qui, peu-à-peu, ne man-
queroient pas de boucher le port , fi elles if ctoient entraînées
par la rapidité du courant. Il fe tient à Vannes deux marchés
par femaine, le mercredi &: le famedi; & neuf foires, par an*
4(58 VAN
Les habitants des campagnes fe fervent de la langue Bretonne;
mais corrompue : ceux de Vannes parlent le Français pur. Les
armes de la ville font, de gueules, à une hermine paffante au
naturel , d'argent mouchetée de fable & accolée de la jar-
retière flottante de Bretagne.
Il feroit ridicule de vouloir s'attacher à découvrir la fondation
de la ville de Vannes, nommée par les anciens, Danoriqum, Son
origine fe perd dans l'obfcurité des fiecles. Bâtie par les anciens
Celtes , elle n eft connue que depuis la conquête des Gaules &:
de l'Armorique par les Romains j cependant , Strabon , qui parle
fort au long des Venetes , les croit, conjointement avec les Cé-
nomans, fondateurs de Vénife , où ils furent conduits, l'an 164
de Rome , 590 ans avant Jefus-Chrifl: , parBellovefe ou Sinogvefe,
deux Chefs Gaulois. Une partie s'établit, dit-on, en Italie, &
appella fon pays Samnium^ èc l'autre fe fixa dans les ifles de
la mer Adriatique, & nomma la Ville qu'elle fonda Venife, en
mémoire de leur origine, & en conféquence de la conformité
des deux territoires qui font remplis de petites ifles : mais cette
tradition, qui s'eft confervée jufqu'à nous, n'efl: pas appuyée
de titres fufiifants pour mériter une entière créance, &: je pré-
fère le fentiment de Fhiftorien de Vénife, qui croit que cette
brillante république doit fon exiftence à la terreur qu'infpiroient
les Barbares qui inondèrent l'Empire Romain , & en partagèrent
les débris dans les quatrième & cinquième fiecles. Les peuples
du Continent , eff'rayés à la vue de ces étrangers , qui ne leur
oflroient que la mort, ou un efclavage pire que la mort même, fe
réfugièrent dans les ifles voifines , s'y fixèrent , & formèrent cet
Etat , qui joua depuis un fi grand rôle , & qui fe maintient au-
jourd'hui par la fagefle de fon gouvernement.
Quoi qu'il en Sit , les Venetes étoient un peuple puiflânt
parmi les Gaulois , & le plus confidérable de l'Armorique. Leur
ville étoit regardée comme la capitale du pays , & Darïonqum
étoit, félon toutes les apparences, le chef- lieu des aflemblées
particuUeres , comme Chartres celui des aflemblées générales de
la nation. Néanmoins , ce peuple , fi riche , fi puifî'ant , étonné
de la grande réputation de Céfar & de fes Romains , fe fournit
à la domination de la république , dès que parut Craflus , que
Céfar avoir envoyé , aVec la feptieme légion , à la conquête de
l'Armorique , & donna des otages , pour garants de fa fidélité.
Quelques temps après , Craflus , qui avoir pris fes quartiers dans
l'Anjou, venant à manquer de bled, envoya en demander aux
VAN 4^5
Venetes & aux habitants de l'Armorique. Ces braves Gaulois,
voyant dans les AmbalTadeurs plutôt des maîtres qui exigeoient
que des amis qui demandoient, réfléchirent à la perte de leur
liberté , & réfolurent de brifer le joug odieux qu'on leur avoit
impofé : ils fe faifirent des Ambaffideurs , & firent dire à
CraiTus , que, s'ilvouloit les avoir, il falloir qu'il rendît les otages
qu'on lui avoit donnés. Céfar , qui étoit éloigné , informé de cette
réfolution, par CrafTus, accourt en Bretagne, fe prépare à la
guerre contre les Venetes.
Un point intéreflant à découvrir , pour juger des manœuvres
du Général Romain , feroit la fituation & la véritable pofition
des villes des Venetes , & , fur-tout , de leur capitale.
M. de la Sauvagere efl le premier fçavant qui, en 1755,
publia les connoifFances qu'il avoit prifes fur le territoire de
Vannes , d'après les Commentaires de Céfar , où ce grand Ca-
pitaine a fait la guerre qu'il raconte dans fon onzième livre ,
qui n'a point été entièrement entendu dans les traduftions qui en ont
été faites, faute d'avoir fçu comparer les récits au local des
côtes de l'Armorique , & aux étymologies celtiques , qui indiquent
encore aujourd'hui les lieux défignés dans le texte latin, où
s'efi: paffèe cette aftion fi mémorable dans les fafi:es de Jules-
Céfar , par la defi:ru6lion totale des Venetes, fi formidables par
leur bravoure & leur marine ; & mes lefteurs me fçauront gré de
rapporter ici ce que M. de la Sauvagere en dit. « Les interprètes
» n'ont eu que des faufles idées fur la partie précifément de ces
n côtes maritimes , que les f^enen de la. Gaule occupoient alors,
>» ainfi que les géographes modernes , entr'autres Sanfon , qui
» s'eft bien trompé dans ce qu'il en a tracé dans ihn GalUa
» vêtus, » On peut voir fur ce que nous avons dit au mot
Camac , que Jules-Cèfar dut fe camper dans ce camp. « Il eft
» certain que Céfar étoit pofté de façon qu'il appcrçut fa flotte
» dès qu'elle déboucha de la Loire. Le vent qui foufîloit luii
» donna beaucoup d'inquiétude , parce que fes liburncs , el'peces
» de galères , étoient trop légères pour navigcr dans une aufii
» grofie mer. Brutus , Amiral de cette flotte, n'eut, de fou
M côté , pas moins d'inquiétude. Les vaiffeaux desVenetcs étoient
» fort gros, faits de bois de chêne, fort commun dans leur pays,
» à fonds plats pour pouvoir échouer, leurs poupes & leurs
» proues fort élevées , afin de mieux réliikr à la lame ; ce qui
» mettoit les foldats à couvert contre les traits , & leur donnoit
n une grande fupériorité fur les fiburnes Romaines, qui ne pou-
470 V A N _
» voient être mifes en comparaifbn , ni par la force, quant a\2
V choc , ni par la voilure des bâtiments des Venetes , dont les
» bordages étoient aufli de planches de chênes , fort épaiffes ,
» bien clouées les unes contre les autres ; & les bancs des rameurs
w étoient faits de poutres d un pied d'épaifleur -, au lieu de
» cables à leurs ancres , ils avoient des chaînes de fer , & leurs
» voiles étoient ,de peaux tannées , pour mieux réfiiler aux vents
» violents de ces mers. Ces vaiffeaux étoient armés d'un excel-
>> lent équipage , en matelots & en Officiers braves & expéri--
^ mentes dans la marine : les vieillards mêmes s'étoient em-
» barques. Cétoit un jour où il falloir vaincre ou périr. Tout
» étoit ainfi difpofé , lorfque la flotte Romaine parut -, celle des
» Venetes fe rangea en ordre de bataille , vis-à-vis , & pour couvrir
» l'entrée de leur port. Le Morbihan paroît évidemment être le même
» que Céfar appelle mare conclufum , dont le nom breton Morbihan ^
» compofé des mots celtes û/TTzor mer, & bihan petit, a la même
» {ignification que le latin des commentaires, mer renfermée ovi petite
» mer. Les villes des Venetes étoient bâties dans l'intérieur de cette
» petite mer ou golfe , remplies de langues de terre & ifles , au
» nombre detrois cents foixante-cinq, dont Tentrée étoit fort étroite j
♦> c'étoit fur ces pointes ou caps intérieurs quétoient bâties
»> toutes les places fortes des Veneti , dont l'accès étoit très-dif-
w ficile par terre , à caufe de la marée , qui , deux fois le jour,
» rempliflant d'eau tous les bas-fonds , fréquents dans ce pays, fer-
» moit les iffues par des marais impraticables j d'ailleurs , il
H étoit impoffible aux bâtiments Romains d'en approcher, par
» rapport au reflux qui les faifoit échouer fur la vafe ou fur
» des rochers ; ce qui les rendoit inutiles. Une grande partie de
» l'été s'étoit paflee , & Céfar avoir fait tous fes efforts dans le
y> Morbihan , oii la navigation étoit bien différente que dans le
w vafte Océan. Il prit donc le parti de renoncer à vaincre les
>> Venetes par terre , fentant qu'il n avoit de reflxDurces qu'en les
>> attaquant par mer. C'efl: à ce moment, où nous avons vu com-
» ment ils mouillèrent vis-à-vis leur port j tandis que l'Amiral
» Romain , voyant la mer agitée par le vent , trop fort pour qu'il
•» ofât attaquer les vaifleaux des Venetes , dont plufleurs à la
» voile cingloient d'un bord fur l'autre , pour montrer leur
» force & l'intimider , entra fagement dans un port de Me
» de Belle-Ifle , pour y attendre un temps plus favorable. » M. de
la Sauvagere a fixé cet endroit dans le port du Vieux-Château , à
caufe d'un retranchement d'un camp Romain qu'on y apperçoit,.
VAN 471
i3ans fon affaiiTement des terres , par le laps des temps , où il
fait voir , dans la carte que ce fçavant y a joint , la marche
des fiburnes depuis la Loire à ce portifolé ; d'où , du mot cajîray
camp ou château , & de ces antiques retranchements , où l'on
reconnoît la manière romaine , il infère que c'elt de là « que
» l'Amiral Romain , profitant d'un grand calme , qui avoir pris
^ lui-même le commandement d'une de Tes galères , & avoir
» diftribué les autres, ayant mis fur chacune un Tribun Mili-
» taire avec un Centurion , & fait provilîon de beaucoup de
» faulx bien tranchantes, emmanchées à de longues perches,
» profitant de .la tranquillité où étoit la mer, & de l'avantage
» de la légèreté de leurs fiburnes , Brutus s'approcha avec fon
» armée navale, à force de rames , fur celle des Venctes. Les ayant
» joints , ils accrochèrent avec leurs faulx les cordages &: les
» coupèrent. Cette précaution étoit néceflaire , afin que , fi le
» vent, qui fouffloit un peu, s'étoit élevé tout -à -coup,
» ils ne pufient en être les viélimes. Dès ce moment , leurs
w manoeuvres devinrent inutiles , les Soldats Romains fautèrent
» à l'abordage , la terreur s'empara de ceux Armoricains 6c des
» équipages , ainfi que des matelots , où la confufion fe mit.
M Les Romains profitèrent de ce défordre, attaquèrent de toutes
» parts les vaifîcaux devenus immobiles , & ce qu'une feule
» fiburne ne pouvoir faire , elle en venoit à bout avec le fe-
» cours de quelques autres , où les foldats Romains maflacroient
» tout ce qui faifoit réfiftance. Peu de vaiffeaux des Venetes
>♦ échappèrent à la faveur de la nuit ; tous vieillards & enfants ,
» indiftinftement , furent pafi^es au fil de l'épée , & le carnage
» dura depuis la quatrième heure du jour jufqu'au coucher du
» foleil , d'où cette nation fut entièrement exterminée dans cette
w journée. »
Bien des Sçavants ont répandu divers fentiments fur le lieu
où étoit fituée leur capitale j car, en général, on vient de mettre
bien au clair quel étoit le territoire des Vencti des bords Armo-
ricains, dont on a dit que les Géographes modernes n'avoicnt
eu que des idées faufles fur fa fituation.
« M. Danville , ( pourfuit M. de la Sauvagere , ) cite Dom
w Lobineau , qui veut que la capitale des anciens Vaiifu ne ré-
» pondoit pas précifément à l'endroit qu'occupe aujourd'hui Vannes,
n Ce Sçavant Géographe offre un heu, nommé Durouec y à une
H Heue au deffous , à caufe de la reficmblance de ce nom avec
M celui de Dariorisr des anciens Romains : il cite le VinJana-
471 ' , VAN
» Portas de Ptolomée , comme étant le Morhihan , que Fou
» pourroit entendre par le port de Locmariaker , tout à l'entrée
» de ce golfe. » Et M. de la Sauvagere croit que le Pon-Navaloy
qui y joint , étoit un havre , où l'on conllruifoit les vailTeaux
Romains ; que c'étoit-là où on les carenoit , & où étoit l'arfenal
de marine, dont les Romains faifoient grand cas.
La grande difficulté de fixer le point où étoit {îtuée cette
capitale des Venetes , vient, fans doute, « de ce que Jules-Céfar,
» voulant éteindre à jamais un peuple aulîi formidable , il en
^^ fit détruire , fans doute , toute cette ville de fond en comble ,
M dont il traita , dans cette viftoire par ftratagême , le refte des
» habitants qu'il y trouva , avec une rigueur inhumaine inimagi-
>> nable j il fit trancher la tête à tous les Sénateurs , & vendit
» le peuple , à qui il conferva la vie de quelques-uns, à l'ancan. >♦
Et M. de la Sauvagere croit que cette capitale pouvoit être
iîtuée où elle eft aujourd'hui.
C'efi: d'après la lefture de fes recherches imprimées ,, fur les^
antiquités des environs de Vannes, que feu M. le Comte de
Caylus , cet illuflre & fi fçavant antiquaire , s'explique ainfi dans
fon fixieme volume de fes Antiquités Gauloifes , page 37$^.
« M. de la Sauvagere m'avoit fait faire quelques réflexions avant
» que d'avoir vu le manufcrit de M. le Préfident de Robien.
» Ces deux Auteurs font les feuls qui aient parlé , &c. Et pages
>^ 369 & 599, feu M. le Préfident de Robien, dans fon Hifr-
y> toire ancienne , manufcrite , de la Bretagne , démontre ,. ( dit M.
» le Comte de Caylus , ) que le peu de conformité qu'il y a
M entre la fituation de la ville de Vannes & la defcription que
w Céfar nous a laifTée des anciennes villes dépendantes des peu--
w pies Vened ^ fituées fur des caps ou des langues de terre,
» dont les avenues étoient couvertes deux fois par. jour par
w le flux de la mer , démontre que la ville de Vannes , qui ne
w préfente aucune de ces circonftances , ne peut erre une de
» ces anciennes villes dont Céfar fait mention : on n'y remarque
» d'ailleurs aucun monument de la magnificence & de l'antiquité
» qui doivent dilHnguer l'ancienne capitale de ces peuples* Ce^
» deux caractères fe trouvent au bourg de Locmariaker , où l'on
» découvre tous les indices d'une grande & ancienne ville , &
>» dont la fituation répond parfaitement à l'idée & à la defcripr
>» tion que Jules-Céfar nous en a donnée , & dont Ptolomée
» parle, comme capitale des Veneti ^ fous le nom de Dariongurrio
^' Ce bourg eft fitué fur le bord de la. mer , dans une efpece
de
VAN 475
w de prefqu'ifle ou de langue de terre , voyez le mot Locmanaker.t*
Le Public nous fçaura gré d'ajouter ce que notre recon-
noiiïance nous d'iEïe relativement à M. de la Sauvagere ;
voici comme en parle feu M. le Comte de Caylus : « L'Auteur
» eft fçavant dans fon Art , & l'Ouvrage ( fur les ajuijuitds de
» Vannes , ) fait en homme du Métier , préfente le carattere de
» l'intelligence & celui de la vérité. >► M. de la Sauvagere ne
s'eft pas contenté de nous éclairer, c'efi: à fes foins que le Roi
a confié toutes les forterefles , retranchements , Se batteries qui
ont été élevés fur les mêmes côtes , depuis la Vilaine julqu'à
Quimper , & même au delà de Brelt , à Saim-Matt/ucu , dan^
la guerre contre les Anglais, en 1746^ jufqu'en 1758. Dailleurs,
il devoir cet amour pour la Bretagne , puifque nous lifons par-
tout , qu'il en ell ifTu d'une ancienne maifon noble. Nous femons
que la modeftie de M. de la Sauvagere fera en fouffrance en
nous lifant , mais nous n'avons pu nous retenir de lui rendre cet
hommage.
Sous les Empereurs, il n'efl: point fciit mention des Venetcs
ailleurs que dans la vie de Saint Clair , qui leur annonça l'Evan-
gile. Conan Meriadec , qui vint dans le fiecle fuivant en Bre-
tagne , foumit les Venetes à fes loix , comme les autres peuples
de l'Armorique. Mais , depuis Céfar , cette ville n'a jamais re-
couvré fon ancienne fplendeur , & n'a jamais joué qu'un rôle
fubalterne dans la province. Albert de Morlaix , ^' M. Deric ,
Auteur de l'Hiftoire Eccléfiailique de Bretagne , veulent que le
Siège épifcopal de Vannes ait été érigé par Conan Meriadec ,
vers l'an 388. Albert nomme fon premier Evêque, Judicaèl , t^ M.
Deric lui donne le nom de Paterne : Lobineau veut qu'il n'ait été
érigé qu'en 46^ , & lui donne aufîi Paterne pour premier Evo-
que. Plufieurs placent cette éreâ^ion fous l'année 445 , ^' don-
nent Manfuet pour premier Evêque. Le Concile , airemblé ^
Vannes en 462 ou 465, confirma l'établifTcmcnt de ce Siège j
& quelques-uns penfent qu'il érigea celui de Quimper : on y fit
feize Canons, qui ne nous font pas connus. En 501, les Evê-
chés de Vannes, de Quimper, de Saint-Pol-de-Lcon , de Tré-
guier , & une partie de celui de Saint-Brieuc , furent réunis fous
la domination du même Prince Hocl II , &: formèrent le Royau-
me de Domnonée. En 513 , Riothime , Lieutenant général d'Hoël
le Grand, Roi de Bretagne , fit conllruire dans le Morbihan trois
cent bateaux , qu'il chargea de foldats , avec lefqucls il remonta
la Loire, & alla, dans le Berri , faire la guerre à Euric , Roi des
Tome IV. 0 3
474 VAN
Vifigots. En 547, les enfants d'Hoël le Grand, qui s'ét oient
partagés la Bretagne , commencèrent ces fcenes d'horreurs qui
ne fe voient gueres qu'entre des frères ennemis. Conobre , Comte
de Vannes , donna l'exemple : il fit tuer d'abord fon frère aîné ,
dont il époufa la veuve ; & enfuite Budic & Varoch. Macliau,
un autre de fes frères , échappa à fa cruauté , & devint Evê-
que de Vannes. C'efl ce Conobre ou Comore , qu'un Concile
maudit , en punition de fes crimes -, & ce Prince , horrible par
fes cruautés , ne fut plus connu que fous le nom de maudit
Comore: il périt, en 560 , dans un combat qu'il livra au Roi
Clothaire , dans le territoire de Guérande. Guerech ou Varoch ,
fils de l'Evêque Macliau , lui fuccéda au Comté de Vannes ,
dont le Roi de SoifTons , Chilperic , avoir joui quelques années
auparavant.
En ^58 , les Bretons firent d'inutiles efïbrts pour chafTer du
Comté de Vannes les Français, qui s'en étoient emparés. En 678 ,
les Vannetais fe fervirent du feu grégeois , pour brûler les vaif-
feaux que les Sarrafins avoient fur la côte. En 786 , Charlema-
gne chargea fon Grand Sénéchal , de la conquête de la Bre-
tagne. Ce petit Etat fut foumis au Monarque , qui donna le
Gouvernement du Comté de Vannes au Comte Frodoalde. Il en
fut chaffé , en 811, par les Bretons ; mais ce fuccès n'eut pas
d'heureufes fuites. Les troupes de Charlemagne , pour punir cette
rébellion , mirent à feu & à fang ]e Royaume de Domnonée,
En 818, Louis le Débonnaire, Roi de France & Empereur
d'Occident , vint à Vannes avec fon armée , & fit la revue
générale de fes troupes. Il livra enfuite bataille à Morvan , que
les Bretons avoient élu pour leur Roi , & qui fut tué dans le
combat; & convoqua, en 819, les Etats à Vannes. En 824,
Nominoé fut nommé Gouverneur de Bretagne. En 845 , le Roi
Charles le Chauve fit frapper à Vannes des deniers d'aigent,
avec l'infcription : Carlus gratiâ dl Francorum Rex j Veneus civitas»
Le cours de cette monnoie ne fut pas de longue durée. Nomi-
noé , après la mort de l'Empereur , ne fe croyant plus obligé
par fon ferment , forma le projet de fe faire couronner Roi de
la Bretagne , qui lui appartenoit par les droits du fang. Il affem-
bla au château de Coëtiou , dans la forêt de Vannes , les Evê-
ques & les Barons , qui applaudirent à fes defTeins , & qui l'ai-
dèrent à les exécuter. En conféquence , l'Edit donné à Pifle , en
854, décria la monnoie de Bretagne, comme frappée dans des
lieux que le Roi Charles ne pofTédoit plus.
En S 56, Erifpoé fut tué, par {on coufin Salomon , dans une
Eglife de l'Evêché de Vannes , aux pieds des autels : & le
meurtrier monta fur le trône de la Bretagne , que lui avoit
acquis fon crime. En 865, les Normands alllégerent Vannes,
la prirent , la pillèrent , & la livrèrent aux flammes. Le Comte
Pafquiten ik l'Evêque , qui a voient été faits prifonniers , furent
rendus fans rançon. Courantgenus , Evêque de Vannes , fit ré-
parer fon Eglife , qui avoit été brûlée. En 871 , Salomon, Roi
de Bretagne , aflembla fes Etats à Vannes , &c leur déclara qu'il
avoit formé le defl:ein d'aller à Rome. Ce Prince , tourmenté
de remords d'avoir affafliné fon coulin Erifpoé , vouloir aller
demander au Pape l'abfolution de fon crime. Les Etats lui re-
préfenterent fî fortement le préjudice que fon abfence alloit
caufer , qu'il fe décida à refter. Cependant il prit le parti d'en-
voyer au Pape fa flatue , de grandeur naturelle , d'or mafîifj
avec une mulle richement enharnachée ; trente pièces de tapif-
feries , brodées en laine de différentes couleurs j trente peaux de
cerfs ; trente pièces de draps , pour habiller les gens du Pontife j
& s'obligea à lui payer une rente de trente fols par chacun
an. Ce préfent valoit bien une abfolution , & le Pape l'accorda
de la meilleure grâce du monde. En 873 , le Roi Salomon
joignit fes troupes à celles de Charles le Chauve , Roi de France ,
qui alloit faire le ficge d'Angers, alors occupé par les Nor-
mands , qui en furent chaflés à l'aide de la valeur des Rretons.
Charles le Chauve , content de ce fervice , renouvella le traité
ci-devant fait avec Salomon , & lui confirma le titre de Roi ,
avec la permifïïon de faire battre monnoie & de porter toutes
les marques de la Royauté. Salomon , à qui fa conlcience repro-
choit , par continuation , un crime affreux , & qui venoit d'cf-
fuyer une maladie dangereufe , prit la réfolution de fe défaire
de fon Royaume , en faveur de fon fils , nommé JVigon, En
conféquence , il convoqua une afîemblée de tous les Evêqucs
& Seigneurs de la Bretagne, à Vannes; mais la plupart, déjà
gagnés par Pafquiten , fon gendre , & Gurvand , gendre d'Erif-
poé, refuferent de s'y trouver; 6c s'affemblerent ailleurs, où ils
prirent la réfolution de fe foulever contre leur Souveram. Paf-
quiten , qui étoit à la tête de la révolte , principalement excitée
par les mtrigues des Evêques , &: fur-tout de celui de Vannes ,
marcha contre le Prince , qui ne sy attendoit pas , ôc qui fut
obligé de prendre la fuite devant fes fujets. Il fe retira dans le
Monaflere de Plélan ; afyle qu'il croyoit inviolable , mais qui
47é _ VAN
ne put le garantir de la fureur de fes ennemis. Affiégé dans fa
retraite , il eft forcé de livrer fon fils , & le jeune Prince eft
maffacré fur le champ par les rebelles. Il eft lui-même obligé
de fe rendre à la difcrétion de ces furieux : le refpeft qu'inf-
pire fa préfence , arrête le poignard deftiné à l'égorger ; mais ^
livré à une foldatefque infolente , il eft conduit en bafle Breta-
gne , où on lui crevé les yeux ; traitement cruel , qui le conduit
au tombeau deux jours après.
La mort de Salomon laifTa la Bretagne à Pafquiten , Comte
de Vannes , fon gendre ; & à Gurvand , Comte de Rennes ,
gendre d'Erifpoé , qui polTédoit le Cotentin , en Normandie.
L'ambition , qui les avoit unis d'abord , ne tarda pas à les divifer.
En 877 , trois ans après leur partage , Gurvand tomba dange-
reufement malade. Pafquiten , informé de la fituation de fon
rival 5 crut devoir profiter du moment pour l'attaquer -, mais
Gurvand , s'étant fait porter dans une litière à fon camp , livra
bataille à fon ennemi , Se remporta la viftoire la plus complette-
Cependant il ne jouit pas de fon triomphe -, les efforts qu'il avoit
faits lui furent funeftes , il mourut pendant le combat. Pafquiten
ne tarda pas à le fuivre au tombeau , & laifTa le Comté de
Vannes , avec fes autres domaines , à Alain , fon frère. Judi-
caël , Comte de Rennes , ayant été tué , en 878 , dans un combat
où il vainquit les Normands j toute la Bretagne fe trouva réunie
fous la domination d'Alain , furnommé le Grand, qui, tantôt
prenoit le titre de Duc , tantôt celui de Roi ; il mourut l'an 907,
après un règne de vingt-neuf ans & quelques mois.
En 1070, Méen de Porhoet, Evêque de Vannes, donna au
Chapitre de fon EgUfe Cathédrale, la moitié de la Paroiffe de
Saint-Paterne; & l'autre moitié lui fut donnée, l'an 11 80, par
Guihenoc , autre Evêque de la même ville. En 1 1 63 , Eudon
de Bretagne & Alain de Rohan , donnèrent au Prieuré de Saint-
Martin de Joffelin, le droit de bouteillage dans le port de
Vannes. En 1203 , les Etats s'afTemblerent à Vannes , pour avifer
aux moyens de venger la mort du Duc Artur, affaffmé par
Jean Sans-terre, fon oncle. Jamais cette affemblée n'avoit été
plus nombreufe ; on y remarquoit , Gui de Thouars ; Alain ,
Comte de Penthievre j Etienne & Conan , fes frères ; Guiomar,
Hervé , Conan , & Soliman de Léon -, André de Vitré ; Guil-
laume de Fougères ; Jean de Dol -, Gedouin , fon fils -, Olivier ,
Vicomte de Rohan , avec fes frères & fon fils j Juhel de
Mayenne ; Geoffroi de Chateaubriand y Guillaume de Derval 5
VAN 477
Geoffroi d'Ancems ; Alain , Jacques , Se Galuron de Château-
giron j Alain de Rochefort ; Olivier de Dinan ; Richard le Ma-
réchal ', Alcot & Garfuire de Retz ; Bonabcs & Raoul de
Montfort ; le Sire de Lohéac -, Rolland de Rieux ; Geoffroi de
Poencé ; Jean de Montauban ; Alain de la Roche ; Etienne de
Pontchâteau ; Bonabes de Rouge ; Foulques Paincl , Sire d'Au-
bigné ; Olivier de Coetquen j Briand le Bœufj Hervé, Vicomte
de Donges ; Hervé & Geoffroi de Beaumanoir ; Péan de Ma-
ieflroit i Soudan , Vicomte du Faou ; Hervé & Eon Dupont ;
Goranton de Vitré ; Alain d'Acigné j Hervé ; les Sénéchaux de
Rennes & de Cornouaiiles ; avec une infinité de Gentilshommes
& d'Eccléfiaftiques. Les Etats montrèrent le plus grand zele ,
& jurèrent tous de fe iacriiier pour la caufe commune. Ils dé-
putèrent au Roi Philippe Augulle , & le fupplierent de fe
joindre à eux pour venger un crime qui avoit été commis lur
les Terres de fa domination , par un Roi , ion va liai.
L'an 1238, la Duchefle Blanche de Navarre accoucha, au
château de Vannes , d'un fils , que baptifa Cadioc , Eveque de
Vannes , qui le nomma Jean , nom de fbn père. En 1 249 , le Duc fit
frapper une nouvelle monnoie à Vannes ; clic commença à y
courir le 14 Aoiit : elle étoit à l'écu d'hermines plein , à la dif-
férence du grand blanc, qu'il avoit fait frapper à Nantes , quel-
ques années auparavant , aux armes de Dreux , au quartier d'her-
mines. Ce fut en ce temps que Dreux difparut des monnoies:
on n'y vit plus que des hermines , mais fans nombre fixe. Nous
en avons à6,à7,à8,&à9. En 1260, la famine & Ja
pefte défolerent enfemble la Bretagne. Le Duc Jean I , de concert
avec les Seigneurs de Maleflroit , établit, dans le courant de la
même année, les CordeHers, dans la ville de Varnes. Leur Eglife
ne fut dédiée qu'en 1265 , quoiqu'ils occupafîcnt dès 1260 la
maifon que le Duc leur avoit fait bâtir. Artur II, Duc de Bre-
tagne , étant mort , dans fon château de l'ille , au bord de la
Vilaine, dans la ParoifTe de Marzan, 1027 Août 131 2; lés en-
trailles furent enterrées dans l'Eglife des Révérends Pères Cor-
deliers de Vannes ; & fon corps, dans celle des Carmes de
Ploermel.
Pendant la guerre , pour la fucccfTion au Duché , entre les
Comtes de Montfort & de Blois , la ville de Vannes fut alliégée
trois fois; la première, en 1342, par Charles de Blois, qui
s'en rendit maitre fans rcfiilance , ik y mit une bonne garnilbn.
La Comtefîé de Montfort , qui, après le iiege de Henncbon, en
478 VAN
1342, étoit paflee en Angleterre, revint, avec une flotte cond-
dérable , débarquer auprès de Vannes , en 1343. La Comteffe
de Montfort avoit été attaquée en mer par Charles de Blois, &
s'étoit fignalée , dans ce combat naval , comme le plus intrépide
marin : elle voulut montrer qu'elle fçavoit aufîi bien combattre
fur mer que fur terre , & attaquer les places comme les défendre.
Elle forma le fiege de Vannes , dont les habitants fe défendirent
avec la plus grande valeur ; mais, pendant une nuit très-obf-
cure , Olivier de Mauni , s'étant approché des remparts , fit
planter des échelles dans un endroit qui étoit fans défenfes. Ses fol-
dats , mettant leurs bouchers fur la tête, montent fans bruit , entrent
dans la ville , & vont prendre à dos les afliégés , qui étoient à
défendre les deux brèches. Il y eut un combat tort opiniâtre;
mais , enfin , la viftoire demeura à Mauni , qui fe rendit maître
de la place. La Comteffe de Montfort y fit fon entrée ; & ,
après y avoir féjourné quelques jours , elle y mit Robert d'Ar-
tois pour Gouverneur, & partit pour Hennebon. Olivier de
CUffon & Hervé de Léon, qui étoient dans Vannes , furent
accufés de négfigence , en cette occafion. Ils furent fi fâchés de
cette imputation & de leur défaite, qu'ils réfolurent de rétablir
leur honneur en reprenant cette place : ils affemblerent leurs amis ;
tous les Gentilshommes, leurs vaffaux , qu'ils joignirent à quel-
ques troupes que leur avoit données Charles de Blois ; en com-
poferent un corps d'environ douze mille fix cents hommes , qui
fut encore augmenté de la troupe de Robert de Beaumanoir, Maré-
chal de Bretagne , & s'avancèrent vers Vannes , dont ils formè-
rent le fiege. Il fut pouffé avec tant de vigueur , qu'ils entrè-
rent par les mêmes brèches qui avoient fervi au dernier fiege ,
& qu'on n'avoir pas encore eu le temps de réparer. La gar-
nifon fut taillée en pièces , & Robert d'Artois , Gouverneur de
la ville , reçut une bleffure , dont il mourut en s'en retournant
en Angleterre. En 1344, le Monarque Anglais vint avec une
flotte en Bretagne, & débarqua au Morbihan. Pour jetter tout
d'un coup la terreur dans la province, il affiégea trois places
à la fois ; Vannes , Nantes , & Rennes. Pendant ce temps , Louis
d'Efpagne , qui tenoit la mer , enlevoit tous les convois qui ve-
noient de l'Angleterre , & incommodoit aufli beaucoup les An-
glais : il fit plus j il attaqua leur flotte dans le Morbihan , leur
prit quatre vaiffeaux, & en coula trois à fond. Le Roi d'An-
gleterre , pour conferver le refte de fa flotte , en envoya une
partie à Breft , & l'autre à Hennebon, Cependant , tous les efforts
VAN 479
des Anglais s*étoîent réunis contre Vannes ; le fiege étoit pouiTé
avec vigueur : tous les jours , il fe livroit quelque combat
dans une des forties journalières que faifoient les aliiégés. Hervé de
Léon & Olivier de ClifTon , furent faits prifonniers. La captivité
de ces deux guerriers n'abattit point le courage de la garnifon :
elle continua de fe défendre avec beaucoup de valeur , julqu'à
la levée du. fiege , qui fe fit en conféquence d'une trêve de
trois ans , entre Montfort & Charles de Blois. Olivier de Cliflbn
fut gagné par les Anglais, avec lefquels il convint de paroître
toujours attaché aux intérêts de Charles de Blois j mais, néanmoins,
de tenir en fecret le parti du Comte de Montfort. Le complot
fut découvert au Roi de France , par Salisburi , Seigneur An-
glais. Olivier fut arrêté à Paris , & perdit la tête fur un écha-
taudjavec pluiieurs de fes complices. (Voyez Nantes.) Olivier
Tornemine II du nom , zélé ferviteur de Charles de Blois ,
s'acquit une grande réputation dans ces différents ficges. Il eut
une très-grande part à toutes les belles actions qui s'y hrent :
il mourut, en 1344, laiffant plufieurs enfants; entr'autres , Oli^
vier , (i célèbre dans l'hiftoire , par les preuves éclatantes de
valeur qu'il donna en faveur de Charles de Blois , aux côtés
duquel il fut tué à la bataille d' Aurai, en 1364.
Le 10 Juin 1345 , Charles, Comte de Blois, ayant été fait
prifonnier à la bataille de la Rochederien, où il reçut dix-huit
bleffures , fut conduit à Vannes , qui etoit enfin tombée au pou-
voir de fes ennemis , & y refta un an entier , en attendant qu'il
pût être conduit en Angleterre. La ComtefTe , fon époufe, eut
permiflion de le venir voir dans fa prifon.
Le château de l'Hermine fut bâti, en 1387, par le Duc de
Bretagne Jean IV , dit /e Conquérant. Cette même année, ce
Prince, voulant fe venger du Connétable Olivier de Cliflon,
dont il étoit fort mécontent , l'engagea à le venir voir à Vannes,
fous prétexte de le confulter fur l'édifice qu'il faifoit élever.
Ils vifiterent enfemble tous les appartements , à l'exccptior. de
la groffe tour. Le Duc , qui avoir en tête l'exécution de fon
projet, s'arrêta à l'entrée de la porte , fous prétexte qu'il étoit
fatigué. Il pria le Connétable d'entrcrr , & de bien examiner
cette fortification , tandis qu'il s'entretiendroit avec le Sire de
Laval, auquel il avoir quelque chofe à communiquer. ClilFon,
qui étoit fans défiance , entra ; mais , à j)cine avoit-il fait
quelques pas dans les premiers logements, que des gens armés,
qui le tcnoient cachés dans une chambre, fe jettcrent fur lui,
48o VAN
l'arrêtèrent , & le chargèrent de fers. Le Sire de Laval , en-
tendant du bruit, & jugeant de ce qui fe paffoit, par l'alté-
ration qui paroifToit fur le vifage du Duc , lui dit : Ha!
Monfeigneur , par Dieu merci , que voule\ - vous faire ? N'aye^
nulle mal-volonté fur heau-frere Connétable, Le Duc lui ordonna
de fe retirer fur le champ , en lui obfervant qu'il n'avoit pas
befoin de fes avis. Ce Seigneur protefla qu'il .ne partiroit
pas fans fon beau-frere , & fortit cependant , pour ne pas ir-
riter le Prince. Beaumanoir , qui n'étoit pas mieux dans l'efprit
du Duc, &: qui avoir auffi été invité par les mêmes motifs,
furvint dans ce moment , & demanda le Connétable. Le Duc ,
que la colère rendoit furieux , s'avança contre lui , la dague à
la main, & le menaça de le frapper. Beaumanoir, effrayé, mit
un genou en terre, & fuppha le Duc de ne pas fe déshonorer
par un afîliffinat. Va , répliqua le Prince , tu n'auras ne
pis ne mieux que lui. Sur le champ , Beaumanoir fut conduit
dans la tour , où il fut enchaîné comme le Connétable. La nou-
velle de cette aftion fe répandit fur le champ dans les environs:
elle parut indigne , non-feuiement d'un Prnice , mais du moindre
Gentilhomme; & Ton difoit , afTez puWiquement, qu'il falloit
tirer vengeance de cet attentat , & forcer le Duc à le réparer.
Le Duc, toujours emporté par fa pafTion , fit venir, fur le foir,
un Gentilhomme de confiance , nommé Jean de Baivalen , &
lui commanda , en vertu du refpe6]:& de l'obéiflcnce qu'il lui de-
voir, de faire mourir Olivier de ClifTon , pendant la nuit, le
plus fecrétement qu'il feroit pofîible. Bazvalen , effrayé de ce
dt-ffein, prit la liberté de lui repréfenter les conféquences de
cette aftion , & les fuites funelles qu elle pourroit avoir. Le Duc
lephqua que fon parti étoit pris, & qu'il vouloir fe venger d'un
ennemi dont il avoit tant de fujets de fe plaindre. Bazvalen
voulut encore excufer le coupable j mais le Prince , fe laif-
fant aller à la colère , le menaça de lui faire fubir le même
fort ; de forte que le Gentilhomme promit d'obéir , & fe retira.
Le Sire de Laval , inflruit des ordres du Duc , par Bazvalen ,
vint fe jetter aux pieds du Prince, pour tâcher de le fléchir. Il
fe fervit des raifons les plus fortes pour le déterminer à laifTer
la vie au Connétable; il lui montra la Bretagne entière foule-
vée ; le Roi de France ; l'Europe entière , acharnée à fa perte ,
comme à celle d'un perfide , qui cachoit les plus infâmes projets
de vengeance fous les dehors de l'amitié ; il lui rappella les fer-
vices du Connétable, leurs anciennes liaifons, & lui dit que,
puifqu'il
VAN 481
pulfqinl étoit vrai que ce Seigneur l'avoir offenfé, il y avoit
des moyens plus doux de le punir ; qu'il pouvoir lui ôrer les
biens , & que , s'ils ne fuffifoienr pas pour réparer l'injure qu'il
prérendoir avoir reçue du Connétable, lui. Seigneur de Laval,
y contribueroir d'une parrie des liens. Le Duc tut inflexible , &
répondir feulement , que Clillon s'étoit , depuis long-temps , montré
fon plus ardent ennemi , & qu'il n'avoir formé le projcr de
marier fa fille au Comte de Penthievre, que dans le dellein de
le faire Duc de Bretagne. Il ne voulut plus rien entendre, &
congédia le Seigneur de Laval, qui fur obligé de le retirer. Le
Prince fe coucha, en jurant qu'il feroit, pour cette fois, vengé
de fon ennemi. Cependant, il lit, pendant la nuit , des réflexions
férieufes. Tantôt , la vengeance l'emportoit ; tantôt , la crainte
d'être la vi^^ime d'un procédé fi indigne , lui faifoit regretter
l'ordre qu'il avoit donné. Il croyoit déjà voir les Français ik les
Bretons , ligués enfemble , venir fondre fur lui , & le chaflcr
honteufement de fon Duché, comme un Prince en horreur à
l'humanité. Dès le point du jour , il fair venir Bazvalen , qui
lui dit , en entrant : vous êtes obéi. Qiwi / interrompt vivement
le Duc, Clijfon ejl mon ! Oui, Monjeigneur , réplique Bazvalen:
Cène nuit il a été noyé , & j'ai j ait mettre le corps en terre, dans
un jardin. Ha ! dit le Duc , ver:^ci un piteux réveil-matin ! plut à
Dieu , Mejfire Jehan , que je vous eujfe cru ! je vois bien que
jamais je ne ferai fans détrejfes i Ketirt:^-vous MeJfire Jehan, que
je ne vous voye plus.
A peine Bazvalen fut-il forti , que le Duc , déchiré par les
remords, & épouvanté du précipice qu'il s'étoit creufé, s'aban-
donna à la douleur, pouflant des cris affreux, comme s'il eût
extrêmement fouffert. Les domelliques , ignorant la caufe de Ion
mal, s'empreflenr de le fecourir; mais le Duc ne vouloir ni
boire, ni manger, ni parler à perfonne. Laval, qu'il aimoit
beaucoup, étant entré dans fa chambre, fut très-mal reçu, 8c
fut obligé de fe retirer, fans ofer lui parler. Bazvalen, qui ne
vouloit que laifTer au Duc le temps du repentir, n'attendit pas
long-temps à lui calmer l'efprit : il le prcfenta devant lui, malgré
l'ordre qu'il avoit reçu, & lui dit que, prévoyant bien toutes
les conféquences de la mort du Connétdble , il avoir olé lufpendre
l'exécution de les ordres , î^ que Cliflbn vivoit encore. A ces
mots, le Duc embraffe avec tranfporr le prudenr Gentilhomme,
& lui promir une récompenfe proportionnée au fervice qu'il
venoit de lui rendre. En ce moment, Laval entra, & le Duc,
Tome IV. P 5
481 VAN
affeélant un aîr fatisfait, voulut fe faire un mérite, auprès dé
lui, de n'avoir point ôté la vie au Connétable. « ClifTon vous
» doit la vie , lui dit-il ; mais j'exige de lui une fomme de cent
» mille francs , & les villes de Joflelin , Lamballe , Broons ,
» Jugon , Blain , Guingamp , la Rochederien , Châtel-Audren ,
» ClifTon , & Châteaugui. Sçachez de lui s'il eft difpofé à me
» rendre ces places fortes. » Laval fe rendit auprès du Conné-
table , qu'il trouva plongé dans le défefpoir , attendant la mort
à chaque inllant ; mais la vue de fon beau-frere le raffura. Il
promit tout ce qu'on lui demanda. Le traité fut réglé fur le
champ j & le Connétable , proteftant qu'il foufcrivoit fans con-
trainte , & de fa pure & libre volonté , à toutes les conditions,
jura , fur les Evangiles , & par la foi de fon corps , de les
remplir exaftement. L'afte fut fcellé des fceaux , du Connétable,
du Vicomte de Rohan , & des Sires de Laval , de Chateau-
briand, & de Rieux. Le Duc voulut que l'argent fût compté,
& les principales places rendues , avant d'élargir fon prifonnier.
Pour cet effet , il mit en Hberté Beaumanoir , qui alla chercher
les cent mille francs , & remettre une partie des places fortes
entre les mains des Officiers du Duc. Ce Prince exigea une rati-
fication du traité , qui fut datée de Moncontour , quoique fignée
au Château de l'Hermine. Le Connétable ne fut pas plutôt libre,
qu'il alla fe jetter aux pieds du Roi , pour lui demander ven-
geance : mais la Cour de France ne prit pas fon parti avec beau-
coup de chaleur ; ce qui fit que ChfTon prit le parti de fe faire
juftice par lui-même. Le Roi voulut néanmoins terminer cette
affaire ; mais les parties avoient de trop violents motifs de
défunion pour pouvoir refier amies : les traités furent prefque
aufîi-tôt rompus que fîgnésj & la guerre fut prefque continuelle
entre le Duc & le Connétable. En 1391, le Prince fît une
levée de cinq mille hommes , dans le diocefe de Vannes , pour
faire la guerre au Seigneur de CHffon.
En 1393, le Prince Pierre, Comte de Montfort , reçut la
confirmation des mains de Henri le Barbu , Evêque de Vannes,
qui changea fon nom de Pierre en celui de Jean. Cette même ftnnée,
le Duc arma une flotte confidérable dans le Morbihan , pour le
Duc de Lancaftre , fon neveu, qui avoir deffem de conquérir
l'Angleterre. En 1396, fut conclu le mariage du Prince Pierre,
nommé Jean de Bretagne , avec Jeanne de France , fille du Roi
Charles VL Ce joyeux événement fut célébré par de grandes ré-
jouiffances à Paris.
VAN 48J
Le 15 Mars 1401 , Henri de Lancaftre , Roi d'Angleterre &: d'Ir-
lande , époufa , par Procureur , à Vannes , Jeanne , Duchefle de
Bretagne , fille de Charles , jadis Roi de Navarre. Le 1 1 Mai
141 5, Jeanne de France, époufe du Duc de Bretagne Jean
V , accoucha d'un fils aîné , qui fut baptile , dans TEglife Ca-
thédrale de Vannes , par Jean de Malertroit , Evêque de
Saint-Brieuc. Il fut nommé François , & tenu fur les fonts de
baptême par David de Boviere , Seigneur de Himbercourt ,
repréfentant Charles, Duc de Guyenne. En 1437, Jean Vali-
dire de Saint-Léon , Evêque de Vannes , déclara que la Cure
de la ParoifTe de Saint-Salomon appartenoit au Chapitre de la
Cathédrale. Ce Prélat fit rebâtir le revcrtaire de (o\\ Eglife ,
la falle où fe tient le Chapitre , & la voûte de la Chapelle
de Notre-Dame , derrière le chœur.
Saint Vinccnt-Ferrier naquit à Valence, en Efpagne, le 23
Janvier 1357. A lage de dix-fept ans, il embrafîa la vie reli-
gieufe , dans l'Ordre de Saint-Dominique , au diocefe de Valence.
11 quitta ce Monaftere , & parcourut plufieurs villes , oii il en-
feigna la Théologie; alla à Rome, à Avignon; &, en 1397,
commença Tes miflions , qu'il fit en différents Royaumes. lE^n
141 7, le Duc de Bretagne Jean V, l'ayant appelle dans fcs
Etats ; le faint Religieux vint fe fixer à Vannes , diocefe dont il
a été nommé l'Apôtre. Il y mourut, le 5 Avril 1419, âgé de
foixante-deux ans deux mois treize jours. Il étoit fi coniidéré
dans l'Europe , que le Concile de Confi:ance l'envoya confulter
pour fçavoir de lui les moyens de faire cefler le terrible fchiime
qui défoloit alors l'Eglife. La Duchefie de Bretagne , époufe
Gu Duc Jean V , voulut elle-même enfevelir le corps de ce faint
homme, &: garda long-temps l'eau dans laquelle elle l'avoit lavé,
&■ elle s'en fervoit pour guérir les malades. Le Duc de Bretagne
Jean V , lui fit faire des obfeques de la plus grande magnifi-
cence , dans l'Eglife Cathédrale , où il fut inhumé , à côté du
grand autel. En 1425 , le Duc Jean V donna aux Carmes une
de fes maifons de campagne , fituée à un quart de lieue au
Nord de Vannes, pour y taire un Monailere ; 6c, à fon retour,
fur le foir , à fon château de l'Hermine , il annonça cette
nouvelle à la Duché ffe , qui lui répondit qu'il avoit fait un bon
don. Cette réponfe ne fut pas oubliée, & le Monaflcre fut en
conféquence nommé Bon-Don. Le Duc en pofa la première
pierre, avec l'Evêque de Vannes, en 1434. La Duchcfi^e
Jeanne de France mourut à Vannes, le 20 Septembre i433«
484 VAN
Son corps fut inhumé , dans la Cathédrale ^ auprès du tombeau
de Saint Vmcent-Ferrier. Marie de Rieux , époufe de Louis
d'Amboife , Vicomte de Thouars , Prince de Tahnont , mère de
la DuchefTe Françoife d'Amboife, mourut à Vannes , en 1433:
fon corps fut inhumé , dans le chœur de l'EgHfe Cathédrale de cette
ville, devant le grand autel. La Comteiïé de Montfort mourut,
le 17 Juillet 1440, au château de Plaifance , près Vannes, &C
fut inhumée aux Cordeliers de cette ville; ce château eft dans
la Paroifîe de Saint-Paterne , à un tiers de Heue , fur la route
de Vannes à Rennes -, il eft préfentement en ruines. Le Duc de Bre-
tagne François I , mourut aufTi dans ce même château , le 17 Juillet
1450 : fon corps fut trahfporté à Saint -Sauveur de Redon, &
inhumé dans l'EgUfe de cette Abbaye. Le 25 Mai 1451, le
Duc de Bretagne Pierre II , fit l'ouverture des Etats , afîemblés
à Vannes, & y fit couronner la DuchefTe Françoife d'Amboife,
fon époufe. Olivier du Méel , un des bourreaux de l'infortuné
Prince Gilles de Bretagne , fut conduit à Vannes , où il eut la
tête tranchée, avec quelques-uns de fes complices, en 145 1 j
leurs corps furent mis en quartiers, & expofés publiquement
fur les grands chemins. Les guerres qui avoient défolé la Bre-
tagne , avoient chaffé de leur pays plufieurs des habitants, qui
avoient porté ailleurs leurs arts & leur induftrie. On repréfenta
au Duc qu'il étoit à propos de les rappeller dans leur patrie,
par la concefTion de quelques privilèges. Le Prince fuivit ce
confeil ; & , par fes lettres-patentes des 5 Juillet & 1 1 No-
vembre 145 1 , accordées à la requête des habitants, il exempta
de toutes importions & corvées, les Tiflerands & les autres
Ouvriers en broderies & en draps ; il renouvella enfuite plu-
fieurs Loix , & en fit de nouvelles, comme on le peut voir,
page clxx du tome premier. Il défendit de jamais tranfporter
hors de l'Eglife Cathédrale , le corps de Saint Vincent -Ferrier,
en confidération de ce que la DuchefTe , fa mère , avoir voulu
y être inhumée, par la dévotion finguliere qu'elle avoir pour
ce Saint.
Au commencement du mois de Février 14559 le Vicomte
de Rohan époufa , à Vannes , Perronelle de Maillé ; mariage
qui fut célébré avec beaucoup de magnificence. Le Duc de
Bretagne Pierre II , y afTifla , donna quatre mille écus d'or pour
les frais de la noce , & acheta la maifon & Seigneurie du
PlefTis-Pv.afTré , pour en faire préfent à la jeune Perronelle de
Maillé. 11 fut fait , fur la place du marché , un caroufel , pour
VAN 48 j
honorer ce mariage , & celui du Comte de TancarvlIIe , qui
venoit d'époufer , à Redon, Yolande de Laval, le 13 de No-
vembre 1455. Les Etats de Bretagne, alTemblés dans la grande
falle des halles , à Vannes , approuvèrent le mariage de Marie
de Bretagne avec Jean de Rohan ; nous devons aufli obferver
que les Seigneurs de Rohan avoient jadis des devoirs de cou-
tumes dans le port de Vannes ; droits qu'ils donnèrent au Prieuré
de Saint - Martin de Joflelin. Ils avoient aufli un étang & un
mouHn , que l'on appclloit l'étang & le moulin de Rohan ^ près
l'un des fauxbourgs de Vannes , vers le Monallere du Bon-Don ,
qu'ils ont donné au Chapitre de l'Eglife Cathédrale de Vannes ,
qui en jouit encore. On remarque que les Seigneurs de Rohan
avoient le privilège d'accorder la grâce à un de leurs fujets qui
avoit commis un crime capital.
Le \6 du mois de Novembre 1455 , Marguerite de Bretagne
époufa le Comte d'Etampes , dans la Chapelle de Lilîé. Ce
mariage fut célébré par l'Evêque de Nantes , en préfence du
Duc , des DuchefTes , de Marie de Bretagne ; des Dames , de
Thouars , de Keraër , de Malellroit , de Penhoët , de Ploufra-
gan , &: de plufieurs autres Seigneurs & Dames. Marguerite de
Bretagne parut avec le plus grand éclat à cette cérémonitî : elle
étoit couronnée d'un cercle d'or , enrichi de pierreries , fur une
coëffure de fil d'or , fcmée de groifes perles \ fon coUier étoit
garni de magnifiques diamants ; ion habillement étoit un coriet
de velours cramoifi , fourré d'hermines , avec une grande robe
trainante , foutenue par Madame de Penhoët , qui ctoit en coriet
d'écarlate , & qui étoit iuivie de Madame de Keraër. L'Amiral
du Beuil tint le cierge du Comte d'Etampes , & le Sire du
Gavre celui de la Prmceiîe. La livrée du Duc étoit de damrc;
& fatin violet , fourré de peaux d'Agneaux noirs j celle du
Comte de même couleur , étoit fourrée de gris : il n'y eut qu'un
certain nombre de Gentilshommes qui portèrent cette couleur
ce jour-là ; mais , le lendemain , toute la Cour fut en gris. La
DuchefTe , avec huit autres Dames , étoient parées de rîoquarts:
&: portoient de groifes chaînes d'or au col : la première avoit
une robe à fleurons d'or , iur une étoffe fond cramoili , knirrée
de peaux de marte ; les autres avoient des robes de velours «S:
de fatin cramoili. Après la cérémonie , le Duc mena la Princeife:
dîner à fon château de l'Hermine , ik la plaça fous le milieu
du dais , auprès de la Ducheffe ; il y avoit cinq tables dans la
même falle : le bal fuivit , & le lendemain fut commencé le
486 VAN
tournois , qui dura quatre jours ; après quoi , tout le monde fe
retira , à l'exception de quelques jeunes Seigneurs qui voulurent
aller à la chafîe dans l'ifle de Batz ; mais ils furent pris par les
Anglais, en traverfant la mer. Le Duc obtint leur libertés quel-
ques temps après.
La cérémonie de l'exaltation de Saint Vincent-Ferrier, fe fit la
nuit du 4 au 5 Avril 1456, par le Cardinal Alain de Coëtivi ,
en préfence du Duc de Bretagne Pierre II , de quatorze Arche-
vêques & Evêques , d'un grand nombre d'Abbés , & d'un con-
cours prodigieux de peuple. On diftribua quelques-unes des Reli-
ques : la Duchefîe Françoife d'Amboife eut fon bonnet doftoral , fa
ceinture , & un de fes doigts. Cette canonifation , qui coûta con-
fîdérablement , obligea le Duc à mettre fur fes fujets un fouage
extraordinaire de cmq deniers par écuelle : le peuple s'y porta
avec beaucoup de zèle , Se jamais , peut-être , impôt ne fut
payé avec tant d'exaftitude éz d'empreflement. Le Duc Fran-
çois II, étant à Vannes, voulant fe concilier les bonnes grâces
du Pape , lui envoya , en 1 460 , des Ambafiadeurs , qui lui pré-
fenterent des lettres flatteufes , & qui prou voient la parfaite fou-
miflion de ce Prince au Saint-Siège. Le Pape en fut fi flatté ,
qu'il fit publier ces lettres. Ces Ambailadeurs étoient ; l'Evêque
de Saint-Malo j les Seigneurs de Laval , de la Ville-Blanche, de
la Roche , de la Motte , de Coètanezre , &c. Le 14 Juin 1462 ,
ce Duc fit l'ouverture de fon Parlement général , à Vannes ,
& publia plufieurs Loix & Ordonnances. Il renouvella celles qu'a-
voir porté le Duc Pierre II , en 1451, contre les jureurs &
blafphêmateurs ; Loix qui , jufques-là , avoient été mal obfervées.
Il taxa le prix des lignes d'écriture dans les procès , & ordonna
que ceux qui feroient convaincus de faux , fuflent condamnés à
recevoir un certain nombre de coups de bâton, par la main du
Bourreau , pour la première fois , au pilori , à avoir la main
droite coupée , & à perdre tous leurs meubles & biens ; qu'à la
féconde ils fuflent pendus. Que les faux témoins fufl^ent fouettés
par la main du Bourreau , pendant trois jours de marché , &
enfuite battus au pilori ou fur l'échelle patibulaire ; & qu'après
cette première punition , on leur coupât une oreille ; que tous
leurs biens fufl^ent confifqués , pour la première fois , & qu'à la
féconde ils fuflîent pendus.
Le Monaflere des Trois-Maries , près le Bon-Don , fut fondé
& bâti par la Duchefle Françoife d'Amboife, qui fit venir de
Flandres neuf Religieufes Carmélites pour l'habiter. Elle y entra
VAN 487
elle-même, $^1466 -, 8c, en 14(^9, elle prît Phablt de Reli-
gieufe , dans lïglife des Révérends Pères Carmes du Bon-Don ,
qui lervoit aux deux Monafteres. Cette Ducheffe fonda , par
afte du 24 Mars 14^7, le Couvent de Nazaretii , Se lui afîigna
lix cents livres de rente. Elle acheta fur le champ , de Jean
Eder , Sieur de la Haye-Eder & de Plouagat , les dîmes &
revenus de Saint-Guenen , en la Paroifle de Plouagat-Chûtel-
Audren , qui lui coûtèrent une fomme de cinq cents écus d'or,
Françoife d'Amboife fit profeflion au Monaftere des Trois-iMa-
ries , le 25 Mars 1470; & l'an 1475 , elle fut élue Prieure de
ce Couvent, où elle refta jufqu'en 1476, qu'elle en fortit ,
avec neuf de fes Religieufes , pour aller prendre poneflibn du
Couvent des Couèts , près Nantes. Celui des Trois -Maries fiit
dans la fuite uni & incorporé à celui de Nazareth , par la Du-
cheffe Anne j Se, au mois d'Avril 1539, vingt-deux Religieufes
des Couèts partirent pour aller en prendre poffeffion.
Lorfque la Ducheffe Marguerite de Bretagne fit fon entrée à
Vannes, la Communauté de Ville lui fit préfent d'une coupe,
d'une aiguière, & de quatre taffes d'argent, qu'elle donna , par
teftament du 22 Septembre 1469, à Jeanne de Vannes, fa
nourrice. En 1480, le Duc de Bretagne François II affembla
fes Etats â Vannes , & , en leur préfence , affigna la Baronnie
d'Avaugour à François de Bretagne , fon fils naturel , qu'il
créa premier Barort du Duché. En 1483 , il créa un Parlement
fédentaire à Vannes , pour y tenir régulièrement fes féances ,
depuis le 1 5 Juillet jufqu'au 1 5 Septembre. Ce Parlement étoit
compofé de douze Confeillers , fçavoir cinq Eccléfialliques &
fept Laïques , non compris les Sénéchaux de Rennes & de
Vannes. Cette même année 1483 , mourut le Chancelier Chau-
vin , que Landais avoir fait mettre dans le château de l'Her-
mine , fous la garde de Jean de Vitré & de Briand de Fonte-
naille : fon corps tut porté, par quatre pauvres, aux Cordeliers,
où il fut enterré ; parce qu'il étoit mort dans une fi grande in-
digence , qu'il n'avoir pas laiffé de quoi payer les frais de fes
funérailles. Au mois de Mars 1488, le Duc François II donna
ordre à Guillaume de la Noë , Sieur de Lifincùc, de fortifier
la Ville de Vannes. Dans le courant de la môme année , elle
fut affiégée par le Duc d'Orléans & le Seigneur de Chateau-
briand , à la tête d'une armée confidérable. Après huit jours
de iiege , la ville fe rendit par capitulation : les articles furent,
-4?8 VAN
que vingt des principaux Officiers de la garnifQ^^ feroient prl-
fonniers de guerre.
En 1490, le Pape ayant nommé à l'Evêché de Vannes, Jean-
Baptifte Cibo , Génois, Cardinal de Benevent, fon neveu, îa
Duchefle Anne ou fon Confeil s'oppoferent fortement à la prife
de poireffion de ce Prélat , & il fut défendu à tous les Chapi-
tres & Communautés de procéder à l'avenir à aucune éleftion,
de recevoir aucune Bulle , fans l'avis du Chancelier & du Con-
feil, fous peine de banniffement , & de faifie du temporel des
Bénéfices. Cependant , on fe relâcha en faveur du Pape , & le
Cardinal Cibo jouit des revenus de l'Evêché de Vannes. En
1491 , le Roi de France Charles VIII, étant prefque entière-
ment maître de la Bretagne , qu'il venoit de conquérir , convo-
qua les Etats de la province , pour s'affembler à Dinan , le 8
Novembre même année ; il nomma pour CommiiTaire^ ,^ l'Arche-
vêque de Rheims, le Vicomte de Rohan , le Maréchal de
Rieux ', Jean du Verger , Préfident en la Cour des Aides , en la
province de Normandie ; Jean-François de Gardonne , Général
des Finances; Thomas Bochior, Tréforier & Receveur-général j
Boudet, Contrôleur; & Guillaume de Beaune; avec ordre à
ces Commifîaires de demander , pour cette année , un fouage de
fix livres dix fols , par chaque feu , dans toute la province. La
Chambre des Comptes, qui étoit à Vannes, reçut un ordre
de la DuchefTe Anne, Reine de France, en date du ^23 Avril
1493 , de quitter cette ville, de fe rendre à Redon, d'y porter
tous les titres , & à'y exercer fes fondions jufqu'à nouvel ordre.
Des difficultés imprévues empêchèrent cette tranflation.
Le 13 Octobre 1494, la DuchefTe ïfabeau , fille du Roi
d'Ecoffe , veuve de François I , Duc de Bretagne , fit fon tep
tament , par lequel elle choifit fa fépulture dans l'Eghfe Cathé-
drale de Vannes , & y fonda une MefTe folemnelle à l'autel de
Saint Vincent-Ferrier. Elle donna , pour l'entretien de cette fon-^
dation perpétuelle , une fomme de deux mille écus d'or au coin
de France, dont le montant fut compté au Chapitre , en pots,
aiguières, baffins, colliers, anneaux, ferrures, bagues, joyaux,
pierreries , & autres bijoux &: vaifTelles d'or & d'argent. Dès
que la Reme Anne fut morte , le Comte d'Angoulênie , époux
de Madame Claude , fut mis en pofTeffion de fon Duché de
Bretagne, par afte du 27 Oftobre 1514. Ce Prmce régna en
Bretagne , fous le nom de François III', & fon premier afte
d^autorité
VAN 489
d'autorité, fut d'ordonner le Parlement fédentalre à Vannes ,
comme au centre du Duché. Les Prélidents étoient logés dans
un hôtel de cette ville , que l'on appelloit la maifon du Parle-
ment, Après la mort de la Reine Claude , le Roi , déclaré ulii-
frmtier du Duché , laifTa le titre de Duc au Dauphin , Ton fils
aîné; m.ais, avant que le jeune Prince en prît poilc filon, le
Monarque voulut que la province fut irrévocablement unie à
la Couronne de France. Il vint donc en Bretagne , en 1535
ou 1534, 8c s'arrêta à C hâteaubriand , en attendant l'ouverture
des Etats convoqués à Vannes. Il ne fut pas qucltion de déli-
bérer fi le Duché feroit uni à la Couronne. On fçavoit bien
que , depuis Charles Vlll , c'étoit l'intention de la Cour de
France , & les Bretons étoient bien déterminés à ne pas rejetter
cette union ; on agita feulement la queftion de fçavoir , il les
Etats la demanderoient eux-mêmes. Après bien des contcflations,
on conclut pour l'affirmative , &: la requête fut dreflee à ce
fujet ; elle étoit intitulée : Au Roi , notre fouverain Seigneur ,
ujujruitïer de ce Pays & Duché de Bretagne , Pcre & légitime.
Admmijlrateur de Monfeigneur le Dauphin , Duc & propriétaire de
ce Duché. Par cette requête , l'afTemblée nationale demandoit
au Roi, cju'il plût à Sa Majefté permettre que Monfeigneur le
Dauphin , Duc & Prince naturel de Bretagne , qui étoit alors
dans le pays , fit fon entrée à Rennes ; que l'ufufruit 8c l'ad-
miniftration du Duché fufient néanmoins réfervés à Sa Majellé,
qui étoit fuppliée d'unir , à perpétuité , le Duché au Royaume
de France , afin de détruire toutes les femences de guerres
entre les Français oc les Bretons ; à condition , pourtant ,
que les droits , libertés , & privilèges de la province feroient
confervés , comme ils l'avoient été jufqu'alors par les Rois
de France , ce que le Dauphin jureroit îi fon entrée ; qu'il
plût encore à Sa Majellé, défendre à tous ceux qui av oient
pris le nom de Bretagne^ du chef de leurs mères, de le porter
déformais , ôc leur ordonner de mettre des brifures à leurs armes j
ainfi qu'aux bâtards de Bretagne & à leurs defcendants , de porter
une cotice en barre à leurs armes. Le Roi accorda tous ces
articles, & unit, irrévocablement 8c à perpétuité, le Duché de
Bretagne à la Couronne de France. Les lettres-patentes , dreflces,
à ce fujet, à Nantes, 8c datées du mois d'Août, au Parlement
de Pans, le 21 Septembre, ^ au C onfeil de Brengne, le 8
Décembre de la même année. A cette tenue , le Bail des im-
pôts fur les vins 8c autres liqueurs , fut adjugé pour la fomme
Tome IV, Q î
490 VAN
de foixante-quatre tnilîe fix cents trente -cinq livres, par an;
le Bail des billots , qui fe prennent fur les liqueurs , outre les
devoirs d'impôt , fe montoit à trente-un mille huit cents foixante*
douze livres ; la fomme totale accordée au Roi , fe mon!
toit à quatre cents foixante-trois mille fquarante-deux livres qua-
torze fols dix deniers , fur quoi il falloit diminuer , pour les
charges ordinaires, quatorze mille quatre cents foixante - cinq
livres ; de forte qu'il ne reftoit plus au Roi que quatre cents qua-
rante-huit mille cinq cents quatre -vingt livres quatorze fols
dix deniers.
Le Préfidial de Vannes fut créé par le Roi Henri II, au
mois de Novembre 1552,. Ce Monarque créa , à la même épo-
que , un autre Siège Préfidial à Ploermel , qui fut incorporé ,
quelque temps après , à celui de Vannes. En 1553, la NoblefTe
de ce diocefe , commandée par le Seigneur d'Aradon , s'affembla
à Hennebon , pour aller défendre l'ifle de Belle-ïfle , qui étoit
menacée par les ennemis de l'Etat. Par Edit du Roi , donné à
Troyes, en Champagne, au mois de Mars 1564, les Jurifdic-
tions de Rhuis & de Muffillac furent unies au Siège Préfidial de
Vannes , & il fut dit , qu'il feroit établi , à Aurai , un Siège &
Lieutenance particuHere du Sénéchal de Vannes , dont les ap-
pellations reffortiroient direftement au Siège Préfidial de Vannes ,
tors es cas de l'Edit des Juges Préfidiaux. Les Etats fe font
afîemblés plufîeurs fois à Vannes , ordinairement & extraordinai-
rement , depuis la tenue de 1567, fç avoir j en 1572, 1577,
1581,1582 , 1599, 1610, 1619, 1629, 1632, 1643 , 1649 , 1664,
1691 , 1693 , 1695 , i<?99, 1703 , ôcc. En 1577, le Collège
de Vannes fut fondé par René , Chevalier , Seigneur d'Aradon ;
il fut dirigé par les Jéfuites depuis 1 63 1 , époque de l'établifTe-
ment de ces Pères à Vannes , jufqu'à la fuppreflion de cet
Ordre. En 1584, Guennel le Floch , Tréforier de l'Eglife
Cathédrale de Vannes , fonda le double de Saint Vincent-Fer-
rier , dans cette Eglife , & afTigna, pour cette fondation , huit livres
feize fols huit deniers.
Pendant les troubles , dont la religion fervit de prétexte ,
Vannes fe déclara pour la Ligue , & le Duc de Mercœur y
mit pour Gouverneur , Jean de Kermeno , Seigneur de Keraho,
qui, fur les foupçons qu'on eut de fon infidélité au Duc de
Mercœur , fut dépolîedé , par un rtratagême fmgulier. Sur quel-
ques brouilleries , qui étoient arrivées entre lui ik fes Officiers,
on lui fit envifager que , pour réunir les efprits , il falloit
VAN 49r
donner à manger à tous les Gentilshommes de la garnifon. 11
le crut j le jour fut pris & le repas préparé. Comme on étoit
convenu , il n'y eut qu'une partie des conviés qui ie rendirent
chez le Gouverneur. Keralio , après avoir attendu quelque
temps , voyant qu'ils ne venoient point , le détermina à aller
les chercher , fuivant le conl'eil de ceux qui étoient préfcnts
qui l'alTurerent qu'ils ne pourroient réiifter à une pareille hon-
nêteté. Ce conl'eil étoit un piège. Il ne fut pas plutôt forti du
château , que le Seigneur d'Aradon fît lever le pont , s'en em-
para , &: y fit entrer des gens affidés. Il refta Gouverneur de
la place , pendant les troubles , &c le Roi l'y laifla jufqu'a la paix j
le Gouvernement en a toujours été depuis polTédé par les defcen-
dants. En 1597, les Efpagnols augmentèrent les fortifications
de Vannes.
Les Révérends Pères Capucins furent fondés , dans le faux-
bourg de Calmont , en 161 3, par Laurent Pefchard , Sieur de
Lourme. Le château de l'Hermine fut démoli, par ordre du Roi
Louis XIII, en 161 5. La procefiion de Saint Vincent-Ferrier , qui fe
fait, tous les ans, à minuit , le jour de fa fête , fut fondée, dans
l'Eglife Cathédrale de Vannes, en 161 7, par Jean Morin, Sieur
du Bois-Tréan , Confeiller du Roi , Préfident - Préfidial &:
Sénéchal de cette ville , & Demoifelle Jeanne Hutteau , {on
cpoufe. Les Révérends Pères Carmes du Bon -Don, furent ré-
formés en 1624. Les Carmes-Déchaufles furent fondés , fur le
port, à Vannes, vis-à-vis la Chapelle Saint-JuHen, le 8 Dé-
cembre 1628 , par Jean Morin , Sieur du Bois-Tréan, qui
donna, pour cet effet, une de fes maifons , avec jardin &
prairies , l'iHe de Lerne , fituée dans la baie du Morbihan , &
cinq cents livres de rentes. Le fondateur voulut que ce Monaf-
tere fiit dédié à Saint Vincent-Ferrier; & , le 11 Mai 1629^
pendant la tenue des Etats, à Vannes, le Prince de Condé pofa
la première pierre de l'EgHfe ; celle du Monallere ne fut pofée
que le 11 Juin 1632, par Jean Morin, fondateur de ce Cou-
vent. Les Urfuhnes furent reçues , dans cette ville , au mois de
Septembre 1632. La même année, pendant la tenue des Etats ^
à Vannes, l'oraifon funèbre du Cardinal de Richelieu, Gouver-
neur de la province , fut prononcée par Denis de la Barde ,
Evêque de Saint-Brieuc. Les Jacobins furent fondés , dans le
£auxbourg de Saint-Paterne, en 1633 , par le Seigneur de Rof-
madec, qui, le 28 Octobre 1634, pola la première pierre de
TEglife de ce Couvent^ en grande cérémonie, en préfence de
491 VAN
rtvêque , Ton oncle , Se le Monaftere fut nommé de Saint-
Vincent. Les Reiigieufes de la Charité, & celles de la Vifita-
tion, ont été fondées, à Vannes, en 1635. En 1658, mourut,
à Vannes , en odeur de fainteté , Jean le Rigoleuc , célèbre Mif-
iionnaire , Jéfuite , né à Quintin. La mailbn de la Retraite
pour les hommes , à Vannes , a été bâtie par M. KerHvio ,
Grand-Vicaire & Relieur de la Paroiffe de Plumergat, en 1664:
c'ell: le premier établifî'ement de ce genre , qui ait paru en
France j celle de la retraite pour les femmes a été fondée ,
en 1 674 , par Catherine de Francheville , née au château de
Trufcat , près Sarzeau , dans la prefqu'ifle de Rhuis , le 2 1
Septembre 1620.
Arrêt du Confeil , de 1752, qui réunit les deux Offices de
Mifeurs de Vannes, à la Communauté de ville. Arrêt du Con-
feil, de 1763 , qui permet à la même Communauté d'emprunter
une fomme de cent cinquante mille livres , pour la confeftion
des travaux pubUcs. On rapporte qu'en 1764, un Antiquaire,
ItaUen , paflant à Vannes , fut fort étonné d'entendre les ha-
bitants fe glorifier de ce que Céfar avoir honoré leur pays de
fa préfence. On lui montra de vieilles tours , où logeoient des
pigeons, en lui difant que c'étoit des monuments bâtis par Cé-
îar. L'Antiquaire , ennuyé de ces propos , répondit nette-
ment , que ce ne pouvoit être que les endroits où ce conquérant
Romain avoir fait pendre leurs ancêtres. Cette faillie , naïve ,
déplut , & l'étranger fut très-mal accueiUi.
Catalogue Historique des EvÈquES de Vannes,
Manfuet , premier Evêque de Vannes , en 43 5 , foufcrivit au
Concile de Tours en 461 \ on afTure qu'il étoit Anglais d'origine.
Paterne I du nom , affifta au Concile qui fe tint dans fa
ville épifcopale , félon les uns en 462 , & félon les autres
en 465. On croit que ce Concile confirma l'éreftion de l'Evê-
ché de Vannes & même de celui de Quimper.
Modeftus , affifta & foufcrivit au Concile d'Orléans, en 511.
Macliau , eft connu par l'hiftoire de Grégoire de Tours : il
fut Evêque de Vannes, plutôt par néceffité & par intérêt que par
vocation. Fils d'Hoël le Grand , Roi de Bretagne , il embrafTa
l'état de mariage , & eut deux enfants. Menacé d'une mort cer-
taine , par Canao ou Conobre , fon frère , il quitta fon époufe ,
& fe fit Moine. Le Siège de Vannes ayant vaqué , il eut allez
'^
_ VAN 495
Se crédit pour fe faire élire & ordonner Evécfiie ; mais , Conobre
étant mort en 569, il s'empara de fes Etats, & reprit Ion
époufe. Cette démarche icandalifa tous fes fujets , & fur-tout
les Evêques, qui l'excommunièrent. Macliau méprifa leurs cen-
fures, & joignit le parjure à l'impiété. Il avoir juré une fidélité
inviolable à Budic , fon frère , & à fes defcendants ; cependant,
il chaffa de fes Etats Theodoric, fils de Budic, & s'empara
de fon apanage. Theodoric , après plufieurs années paiîées dans
la mifere , trouva des fecours , attaqua Macliau , & le fit
mourir , avec fon fils Jacob , l'an 577. Telle fut la fin de
ce Prince, qui n'avoir embraffé l'Etat eccléfiaflique que pour
fauver fes jours.
Ennius ou Eonius, fut fon fucceffeur. Grégoire de Tours
rapporte, fous les années 578 & 580, que ce Prélat étoit fî
adonné au vin , qu'il s'enivroit au point de ne pouvoir faire un
pas. Cette accufation ne s'accorde gueres avec ce que dit Dom
Taillandier , de Tintérêt que les Vannetais prenoient à ce Prélat.
Ennius, dit cet hiftorien, fut député par Varoch , fils de Ma-
cliau , vers le Roi Chilperic , qui , loin de l'écouter , l'envoya
en exil. Les Bretons , piqués de la conduite du Roi de France,
s'emparèrent du Comté de Rennes. Chilperic , pour arrêter les
conquêtes des Bretons, rappella Ennius, & l'envoya à Angers,
à condition qu'il ne retourncroit point à fon Eglife. Cette con-
dition ne fatisfit point les Bretons , qui continuèrent la guerre
oc ravagèrent le Comté de Nantes. Après cette expédition ,
Ennius retourna à la Cour de France , pour y folHciter la per-
miiTion de retourner à fon Eglife. La chronique de Tours , qui
nous fournit cet article , ne nous en apprend point la fuite ;
mais on doit dire que , s'il étoit vrai qu'Ennius eut été ivrogne
jufquà la crapule, Varoch ne l'eut pas chargé de fes intérêts,
& fes diocéfains ne feroient pas expofés à la colère d'un Prince
puifTant , pour lui faire obtenir fa liberté.
Regalis , efl qualifié Evêque de Vannes , par Grégoire de
Tours, en parlant du Traité de paix fait , vers l'an 590, entre
Varoch , Comte de Vannes , &; Ebrachaire , Comte des Marches
de Bretagne.
Dominius : au fujct de ce Prélat & des fuivants , jufqu'A
Agon & Ifaac , pendant près de deux ficelés , nous n'ayons rien
de certain , & c'efl avec raifon qu'on pcnfc que pluficurs font
fuppofés ; les voici : Clément , Amant , Saturnin , Saint Gucnnin ,
Saint Ignoroc , Ramald ou Rainai de , Sufannus , Junkchci ou Ju-
494 VAN
dicaël ; Judoc ou Budoc , honoré comme Saint dans la Cathé--
drale de Vannes , le 9 Décembre ; Saint Hincwetene ou Hin»
guetene ; Saint Mereadoc , ordonné vers l'an 659 , félon le pro-
pre de Vannes , mais cette ordination eft rejettée par Lobineau
&■ par le Calendrier de Tréguier , jufquesfous la fin du treizième
fîecle ; Saint Meldoc ou Meldroc , Hamon , Mabon , Maurice
ou Morvan ; Saint Gobrien ou Covian , mort , félon le Bréviaire
de Vannes, en 725 , & félon Lobineau, après m 5, (voyez
les raifons déduites plus bas , raifons que Lobineau , peu d'ac-
cord avec lui-même, allègue pour prouver fon fentiment : ) Dilis ,
Kerenomonoc ou Kerenmonoc , Saint Juflok , Jacut , Calgon o\i
Galgon , Luchenard ou Luetard , Bili I , Cunadan ou Enadan y
Blenlivet ou Bleviligat, Orfcand ou Aurifcand , & Agon. Voilà ^
depuis l'Evêque Regalis , dont Grégoire de Tours fait mention
en 590, vingt-huit Evêques , dans l'efpace de deux cents ans;. ''■"
qui ne fent pas que ce nombre eu invraifemblable , puifque les
■vingt-huit Evêques qui ont fuccédé , dans un temps où les tranf-
lations & les comimendes étoient fi fréquentes ^ ont rempli
un intervalle de quatre cents foixante-dix «ans.
Ifaac y fe trouve , en 797 ou 81 4 , dans les cartulaires de
Redon»
* Kermaric , en 8î8 : l'Empereur Louis le débonnaire, tint, fous
fon Pontificat , deux Conciles , à Vannes , l'un avant &: l'autre
après fon expédition contre Morvan , que les Bretons avoient
élu pour Roi. Pendant le dernier de ces Conciles, également
afTembiés pour les affaires de l'Etat comme pour celles de
l'Eglife ,. Marmonoc , Abbé de Landevenech , alla trouver l'Em-
pereur , qui , l'ayant interrogé fur la manière dont il conduifoit
fon Couvent & dont fes Moines étoient tonfurés , lui ordonnât
de fuivre , à cet égard , la coutume générale de l'Eglife^
Vinhoëloc, en 820.
Rahenher , en 824.
Raginaire , Rainald , ou Rainaire , en 827. Le Père Mabillon;
croit qu'il y eut un Concile , à Vannes, en 828 ; ce qui ne pa-
loît pas probable à M. Travers; c'eft en 833 que l'Empereur
y affembla les Evêques & les Grands.
Sufannus , en 839. Il fut dépofé, par ordre de Nominoë 5,
en 849.
Courant-gene ou Kerobrantgene , en 849,.
Dilis , en 864 ou 870.
Agon, 5 fécond du nom, lui fuccéda».
VAN ...
Kerenmônoc ou Chemmunoc , en 878. Le Pape Jean VIII lui
écrivit des lettres très-dures , qu'il ne méritoit pas. '
Saint Bili, en 8925 fous le règne de Gurmhailon.
Ifraël , vers 947.
Aurifcand , en 971.
Judicaël, frère de Geoffroi , Comte de Rennes, en 1008 i il
mourut en 1037.
Budic, Benoit, ou Budoc , lui fuccéda , en 1037.
Maën ou Maine, en 1047.
Morvan ou Morice , en 1088 ; aflifta au Concile d'Angoulême
en II 18, & mourut en 1128.
Jacques , fon fucceffeur , vivoit fous le règne de Louis , Roi
de France , Se de Conan , Duc de Bretagne.
Even, Evan , ou Yves, en 1143 5 mourut la même année.
Rodoald , Rouaud , ou Ruaud , Moine de Cîteaux , fut élu en
II 43. Geoffroi de Chartres, Légat du Saint-Siège, tint un Con-
cile, à Vannes, fous fon Épifcopat : il mourut l'an 11 77.
Geoffroi, élu en ii77,eft cru mort l'année de fon cleftion.
Si cela eff , le Siège vaqua près de cinq ans , ou Geoffroi eut
un fucceffeur qu'on ne connoît pas.
Guezenoc , Guehonoc , ou Guethenoc , Archidiacre de Rennes ,
élu en II 82, mourut en 1202. Albert de Morlaix dit que ce
Prélat obtint de l'Evêque de Nantes & de fon Chapitre , un bras
de Saint Félix , Evêque de cette Ville ; une partie de la tête
de Saint Donatien ; & des cheveux de Sainte Sehcine , Rcli-
gieufe de Nantes , à laquelle Dieu avoit daigné fe montrer plu-
iieurs fois , fous une forme vifible. On ne connoît point , à
Nantes , de Sainte Sehcine , c'eff une Sainte de l'invention d'Al-
bert. Guezenoc eft nommé entre les Prélats qui affilièrent à la
dédicace de l'Eglife de Meilleraie , &: aux obièques de la Du-
cheffe Conffance.
Guillaume, élu en 1203 , accorda, l'an 1218 , à fes Chanoines,
une loi qu'ils demandoient. Elle portoit , qu'a la mort d'un Cha-
noine , fes revenus de l'année fuivante feroient employés à payer
fes dettes , & à l'exécution de fon teffament : il mourut fur
Ja fin de cette année.
Robert, lui fuccéda, en 1227.
Cadioc ou Gadioc , élu en 1228, mourut en 1254; il affida
au Concile qui fe tint , en je ne fçais quel endroit de la pro-
vince de Tours. Il défend aux Prêtres &: aux Moines de tenir
des femmes ou fervantes dans leurs maifons y ik aux Cures , d'ex-
49é VAN
communier quelqu'un dans leur propre caufe , ou lorfqu'il s agît
de leurs intérêts. Il défend, auffi aux Evêques de prononcer trop
légèrement des excommunications. On trouve dans la vie de
Saint Louis , par Joinville , édluon de Poitiers , in-4°, Chap, 8z ^
un trait bien fage de ce grand Monarque. Les Evêques de
France, s'étant rendus en grand nombre auprès de lui, lui re»
préfenterent que la religion tomboit dans fon Royaume , & que ,
pour en empêcher la ruine totale , il étoit nécelTaire d'ordonner
à ceux qui avoient été excommuniés de fe faire abfoudre au
moins un an après l'excommunication lancée , & même de les y
faire contraindre par fes Officiers de Juftice. Cétoit adroitement
s y prendre pour obtenir ce qu'on defiroit ; mais le Roi s'ap-
perçut du motif qui faifoit agir les Prélats, & ne voulut pas
le féconder. Il leur répondit , qu'il vouloit bien les fatisfaire ,
pourvu qu'ils confentiffent auffi que fes Juges examinalTent fi
lexcommunication étoit bien ou mai fondée. Les Evêques refu-
ferent -, & le Roi qui s'y attendoit , leur dit : Eh bien 1 je ne
veux pas que vous vous mêliez auffi de ce qui regarde ma
Juftice. 11 ajouta : les Evêques de Bretagne ont tenu, pendant
fept ans , leur Duc fous le joug de l'excommunication ; il a
pourtant été abfous en Cour de Rome , comme innocent des
griefs qu'on lui imputoit. Si je l'avois forcé à fe faire abfoudre
un an après l'excommunication , il auroit été obligé d'acquiefcer
à toutes les demandes des Evêques , & j'aurois fait une injuftice
puifque je l'aurois contraint de renoncer à des droits légitimes.
Guillaume de Quelen ou de Quelené , élu en 1254, facré
cm 1255, mourut ou fut transféré ailleurs dans le courant de
cette année.
Alain, élu en 1256 , mourut en ïi6i.
Gui de CoUed , dédia l'Eglife des Cordeliers de Vannes eo.
1265, & mourut en 1270, au mois d'Oftobre.
Guidomarc de Conleu , en 1270, mourut en 1271.
Gui de Conleu , fut élu en 1 276. Le Siège étoit vacant en 1 278,
Hervé, nommé en 1278, mourut en 1287.
Henri Blokh , en 1 287.
Guillaume , fon fucceffeur , affifta à la dédicace de l'Eglife
de Buzai en 1288. Il ne faut pas s'étonner de ce grand nombre
d'Evêques , en (i peu de temps -, ils ne faifoient que paroître fuK
îe Siège, qu'ils étoient transférés ailleurs.
Henri le Tors, en 128^, mourut en 1310*
Yves<> lui fuccéda en 13 lo-
leaiîi
VAN 497
* Jean le Parifi , élu en 1 3 i 2 , fut un des exécuteurs teflamcn-
taires du Duc Artur II; il mourut le 20 Janvier 1334.
GeofFroi de Rochefort , & félon les autres de Sanit - Guen ,
fit fa foumiflion à la Chambre Apoftolique, en 1339.
Gauthier de Saint-Pern , fut élu le 27 Février 1347. On ne
fçait pas l'année de fa mort.
Guillaume, fut élu en 1357.
Jean de Lominé , élu en 1359 y ^^^it ci-devant Archidiacre
de Vannes.
Geoffroi de Rohan , fils d'Olivier, Vicomte de Rohan , &
de Jeanne , Vicomteffe de Léon , paya les droits de la Cham-
bre Apollolique, le 3 Novembre 1361. 11 donna quittance au
Duc & à fes Officiers , pour tous les dommages &: dégâts
qu'ils avoient fait fur les biens de fon Eglife. C'ell: le premier
Evêque de Vannes qui fe foit intitulé par la ^race de Dieu,
Jean de Montrelais , nommé, en 1378, par Urbain IV, fut
transféré à Nantes en 1381.
Simon de Langre , de l'Ordre de Saint-Dominique , fut tranf-
féré de Nantes à Vannes, & réfigna en 1384.
Yves , fut nommé , en conféquence de la réfignation de fou
prédéceiTeur.
Henri le Barbu , Abbé de Prières , fuccéda à ce dernier ,
& fut mis en pofTefîion du Siège de Vannes, l'an 1384, par
Thomas , Archevêque de Naples & Légat du Saint - Siège en
Bretagne.
Il ratifia, en 1387 , le douaire accordé à la Duchefle Jeanne
de Navarre , & affilia aux Etats de Nantes en 1389. Pourvu de
la charge de Chancelier , il accompagna le Duc , à Tours , l'an
1391 ; & fut témoin de l'accord fait entre ce Prince &: le Con-
nétable Olivier de Clifibn : il fut transféré à Nantes, en 1403.
( Voyez Prières & Nantes. )
Hugues Scocquer ou Lelloquer , de l'Ordre des Frères Prê-
cheurs , Chanceher & Confeffi-'ur du Duc , fut transféré de
Tréguier à Vannes, en 1404; il s'excufa auprès du P<ipe , qui
l'avoit prié de fe rendre à fa Cour : il mourut le 9 06i:o-
bre 1408.
Amauri de la Motte d'Acigné , élu en 1409» ^ut facré par
l'Archevêque de Tours , & recommandé au Duc par le Pape
Alexandre V, en 1410: il fut cité, par le Pape Martin V, à
comparoître en Cour de Rome , pour répondre à ce qu'on liH
reprochoit , de ne pas vouloir donner les Ordres aux Moines de
Tome IV. H 3
498 _ V A N
Prières , fans les examiner : il afllfta aux funérailles de Saint Vin-
cent-Ferrier , & fut transféré à Saint-Malo en 1432.
Jean Validire , fut transféré de Saint-Pol-de-Léon à Vannes ,
le 28 Novembre 1433, par le Pape Eugène IV j & publia des
Statuts , cette même année. Son Eglife tombant en ruines , il en
fît réparer la meilleure partie : il mourut en 1 444 , & fut in-
humé dans la Chapelle de Notre-Dame , où l'on voit encore fon
tombeau. •
Yves de Ponfale , de l'Ordre des Frères Prêcheurs , iffu d'une
noble famille du diocefe , embrafla d'abord la règle de Saint-
Dominique. Jean Validire l'admit dans fon Chapitre , dont il
fut fait Tréforier. Il fuccéda à ce Prélat , & fit les funérailles
du Duc François I , dans l'Eglife de Redon , l'an 1 449. Le
grand nombre de miracles que Dieu opéroit fur le tombeau du
B. Vincent-Ferrier , l'obligea à demander au Pape la canonifa-
tion de ce Saint. Le Pape lui accorda fa demande j &: , en
1456, commit le Cardinal de Coëtivi pour lever fon corps de
terre. Il mourut en 1475 , vieux flyle.
Louis de Salarun , qu'Albert lui donne pour fucceffeur , eft
fuppofé.
Pierre de Foix , de l'Ordre des Frères Mineurs , & frère de lâ
DuchefTe Marguerite de Foix 5 après une jeunelTe remplie de
bonnes œuvres , fut nommé à l'Evêché de Vannes , dont il prit
pofTefîion en 1475. Le Pape écrivit au Duc à cette occafîon,
& lui promit qu'à la première promotion il feroit fon beau-
frere Cardinal. Il fit ferment de fidélité à ce Prince , le 13 de
Mai , & fut , peu de temps après , nommé Cardinal du titre des
Saints Cofme & Damien. Son nom fe trouve dans les lettres
d'abolition , données aux Seigneurs qui avoient voulu fe faifir
du Tréforier Landais, en 1485 5 mais, craignant d'être inquiété
dans la fuite à ce fujet , il fe retira à Rome , où il mourut,
l'an 1 490 , Légat d'Avignon & du Comtat Venailîin j il fut
enterré dans l'Eglife de Notre-Dame del Popolo.
Après la mort du Cardinal de Foix, Guillaume le Borgne,
Chantre Chanoine de l'Eglife de Nantes & Premier Préfident
de la Chambre des Comptes , fut élu par le Chapitre , mais il
ne fut point admis par le Pape Innocent VIII , qui vouloit donner
cet Evêché à fon neveu Laurent Cibo.
Laurent Cibo , de Gênes , Archevêque de Benevent , & Car-
dinal du titre de Sainte-Cécile , fut fait Evêque Commendataire
de Vannes , en 1 490 -, il prit pofTeiTion , par Procureur , en
VAN 49,
1491 . iQUS le bon plaifir de la Reine, 'qui eut beaucoup de
peine à y confentir. Il mourut , le premier Décembre 1 503 , d'une
maladie occafionnée , dit-on , par la crainte de perdre Ion cha-
peau de Cardinal , fous le Pape Jules II , parce qu'il étoit bâ-
tard, Se que c'étoit contre les loix qu'il avoit été revêtu de
la Pourpre.
Jacques de Beaulne , frère de Martin , Archevêque de Tours
fils de Jacques, Seigneur de Samblançai , Tréforic-r de l'épargne;
& de Jeanne de Rufé , fut nommé par le Chapitre , en confé-
quence des ordres de la Reine Anne , quoiqu'il n'eut que dix-
neuf ans, le premier Février 1503 ou 1504. Il étoit Archidiacre de
Porhoèt , au diocefe de Saint-Malo , & Tréforier de l'iiglife de
Vannes. Après la mort du Cardinal de Benevent , le Pape avoit
nommé le Cardinal d'Albret à l'Evêché de Vannes; mais, ayant
fçu que la Reine en avoit difpofé en faveur de Jacques de
Beaulne , il lui accorda des proviiîons , pour ne pas défobliger cette
Princeffe. Il en avoit déjà accordé au Cardinal d'Albret , qui ,
n'ayant pu avoir l'agrément de la Reine , renonça à fcs préten-
tions. Jacques de Beaulne fit ferment de fidélité au Roi, le 30
Novembre, & mourut au mois de Janvier 1510.
Robert Guibé, Refteur de Saint- Julien de Vouvantes , Prieur
de Batz, de la Trinité de Fougères, de Sainte-Croix de Vitré,
Abbé de Saint-Gildas de Rhuis, de Saint -Mclaine , & de
Saint-Méen , ci-devant Evêque de Tréguier, puis de Rennes,
enfuite Evêque de Nantes , & Cardinal du titre de Sainte-Anaf-
tafie, fijt fait Evêque-Adminiltrateur de Vannes, en 1 5 1 i , &
mourut en 15 13. Le Roi fit faifir les revenus de l'Evêché.
Laurent Pucci , Florentin d'origine , fut fuccelîlvement , Pro-
tonotaire du Saint-Siège, Clerc de la Chambre Apoilohque,
Légat du Pape Léon X , à Florence , puis Cardinal , ik enfin
Evêque -Adminiftrateur de Vannes, dont il prit poflellion en
141 4; il céda fon Evêché.
André Hamon, protégé par le Roi Se la Reine, fut reconnu
Evêque de Vannes, par la cefiion du Cardinal Pucci; mais
celui-ci fe réferva le titre d'Evêque , le pri\'ilege de nommer les
Grands-Vicaires & les Bcnéficiers , Se plulicurs autres droits, dont
la privation ne laifToit à André que l'ombre d'une grande di-
gnité ; celui-ci s'en démit , en fe réfervant une penlion.
Geoffroi le Borgne, Prieur du Bon-Don & Evêque de Tiberiade,
fyt nommé, fur la démifhon de fon prédcceiTeur.
Laurent Pucci, reprit fon Evêché, le 18 Janvier 15245 ^
500 VAN _
le céda à foti neveu, Antoine Pucci , en 1530; mais il en
retint les revenus , avec la permiflion du Roi : il mourut , à
Rome , en 1532.
Antoine Pucci , Grand-Pénitencier de l'Eglife Romaine , Evê-
que de Sabine, nommé en 1530, fut fait Cardinal l'année
fuivante. Geoffroi le Borgne, Evêque de Tiberiade , continua
de faire les fon6lions épifcopales à Vannes , fous ce Prélat , en
qualité de Vice-gérent du diocefe. Antoine mourut en 1544.
Laurent Pucci , neveu du précédent , qui l'avoit fait nommer
fon Coadjuteur , fuccéda à fon oncle, en 1544? & mourut en
1548. Le Siège vaqua quatre ans.
Charles de Marillac , Abbé de Melun , fut nommé par
le Roi Henri II, à l'Evêché de Vannes, en 1551. Ce Prélat
ne réfida pas , mais il confia le foin de fon diocefe à Bertrand
de Marillac , fon frère & fon Grand-Vicaire , qui fut dans la
fuite Evêque de Rennes. Charles étoit ferme & bien intentionné
pour l'Eglife : il fut transféré à Vienne, en 1557.
N. de Bafle-Fontaine , Lieutenant du Roi en Flandre , fut
défigné Evêque de Vannes, en 1557'
Sébaftien de l'Aubefpine , auffi nommé la même année , ne
fut point facré j il céda fon Evêché , & fut pourvu de celui
de Limoges, en 1558.
Philippe du Bec j fut nommé à l'Evêché de Vannes, le 17
Avril 15585 prit polTefTion & fit ferment de fidélité au Roi, la
même année. Il aflifta au Concile de Trente , où il fe fit re-
marquer par fa fcience & fes mœurs. Il publia des Statuts ,
le 24 Juin 1565 , & fut transféré à Nantes en 1566.
Jean le Fevre , Chanoine & Chantre de l'Eglife de Vannes ,
fut pourvu le 1 4 Mars 1 5 66 , prit poffefTion le 1 4 Août fui-
vant, fit ferment de fidélité en 15675 & mourut en 1570.
Pierre de Saint-Martin, nommé le 8 Juin 1572, fit ferment
de fidélité au Roi, en qualité d'Evêque de Vannes j mais,
n'ayant pas été agréé de la Cour de Rome , il réfigna dans le
courant de cette année.
Jean de la Haye , de l'Ordre de Saint-Benoît, Dofteur en
Théologie , & Grand-Vicaire de Pierre de Saint-Martin , obtint
des Bulles pour l'Evêché de Vannes, en 15735 fit ferment de
fidélité au Roi, en 15745 & fut empoifonné , dans le courant
de la même année , par un garçon Apothicaire , qui fut exé-
cuté , peu de temps après, par Arrêt du Parlement de Bretagne.
Louis de la Haye , frère du précédent , lui fuccéda , en 1575.
VAN joi
Ce fut fous fon Pontificat que fut bâti le Collège de Vannes.
Il affifta au Concile d'Angers en 1583 , & mourut en 1588,'
fî pauvre , que le Chapitre fut obligé de faire les dépenfes de
fes funérailles. Il fut mis , dans la Chapelle de Notre-Dame
auprès de fon frère. Le Roi fît faifir les revenus de TEvêché.
Georges d'iVradon ; après avoir fait fes études avec fuccès
fiit reçu Confeiller au Parlement de Bretagne, en 1587. Il s'at-
tacha à la Ligue, qui lui procura l'Evêché de Vannes, en 1590,
Il fut facré , dans la Chapelle du Colltge de Navarre, par
l'Evêque de Plaifance , Cardinal du titre de Saint-Onuphre. Il
aflifta aux Etats Généraux , tenus à Paris , au mois de Février
1593 , en qualité de Député de la province de Bretagne; il
prit poflefTion de fon Evêché , le 6 Août fuivant , & fît fer-
ment de fidélité au Duc de Mercœur, le iode Septembre 1594.
Les regiftres de Nantes lui donnent le nom de François ; il
mourut le dernier jour de Mai ^')<)6 , & fut enterré dans une
Chapelle de fon Eglife. Le Siège vaqua trois à quatre ans,
Jacques-Martin de Belle-AfTife, natif de Bordeaux ; fut nommé,
par le Roi Henri IV , à l'Evêché de Nantes , quoiqu'il n'eiit
que vingt ans -, il fît ferment de fidélité , & prit pofléffion , en
1600; afîîfta aux Etats de Quimper en 1601 , à l'aflemblée
générale du Clergé en 1610; il gouverna fagcment fon dioceie,
y introduifit le Rit Romain , & fit préfent à fa Cathédrale d'une
riche tapifferie. Etant informé que la pauvreté empêchoit plu-
fieurs Clercs d'étudier la Théologie , il aflîgna un fonds de quinze
cents livres de rente , pour les aider ; il fît aufïî un établiflement
pour l'éducation de quinze pauvres fîllcs. Dégoûté, enfin des
affaires d'un diocefe fi vafle, il permuta avec SébafHen de
Rofmadec , Abbé de Paimpont , & fe retira à Paris , en 1611,
pour ne plus penfer qu'à fon falut. Il vouloit aller en pèlerinage
à Rome ; mais il mourut, attaqué d'une violente maladie , le 1 2
Janvier 1624 : il fut inhumé dans l'Eglifc des Célellins, près
la Chapelle d'Orléans.
Sébaftien de Rofmadec , Abbé de Paimpont ; fut pourvu de
l'Evêché de Vannes , fur la réfignaiion de fon fucceiieur , ad-
mife en Cour de Rome , & fut facré , en l'Eghfe de Saint-
Germain-des-Prés , le 11 de Février 1624, par Bertrand Def-
chaux , Archevêque de Tours ; prêta ferment au Roi , 6c pré-
fida aux Etats de la province. Ce Prélat , véritablement digne
de l'être , gouverna fagement fon diocefe , & publia des Sta-
tuts, qui prouvent fon zèle pour la vertu. Entr'autres chofes, il
jDi VAN
recommanda aux Curés de réfîder exaélement dans leurs Pa-
roiffes , d'aiîifter aux Synodes , de faire les réparations des Eglifes
dont ils perçoivent les revenus ; défendit les feflins fcandaleux ,
qui fe faifoient aux premières Meffes des Prêtres , taxa le prix
des Meffes; fit des règlements très-fages pour Tadminiflration.
des Sacrements , les cérémonies de l'Eglife , la régie des biens
des Eglifes paroiffiales , pour les mariages, l'éducation des enfants,
la vénération des Reliques , les regiltres des baptêmes , morts &
mariages, les enterremems , les fages-femmes , &c. A la fuite
de ces règlements , font défignés les crimes dont l'abfolution eil
réfervée au Pape & à l'Evêque. Les coupables qui doivent
s'adrefTer au Saint-Pere , font , les meurtriers d'un Prêtre , ceux
qui les maltraitent au point de leur faire des bleffures dange-
reufes j les incendiaires des Eglifes , les voleurs facrileges , ceux
qui auroient frappé un Evêque , ou celui qui les auroit excom-
muniés j les fimoniaques , les dueliilles , les provocations ou défits ,
& les ufurpations des biens de l'Eglife. Ceux qui doivent s'adrefler
à l'Evêque , font , les blafphémateurs , les magiciens , les noueurs
d'aiguillettes , les fuperftitieux par magie , les fédu6leurs des per-
fonnes confacrées à Dieu , les homicides , les inceflueux , &
ceux qui commettent le péché contre nature, les ufuraires, les
fauflaires , les perturbateurs du repos de l'Eglife , &c. Sébaftien
de Rofmadec mourut le 29 Juillet 1645 , & fut enterré dans
la Chapelle de Saint Vincent-Ferrier.
Charles de Rofmadec , Abbé du Tronchet , au diocefe de
Dolj nommé Evêque en 1647, f^cré, en 1648 , par René de
Rieux, Evêque de Léonj publia des Statuts la même années
aiTifta àlalTemblée du Clergé en 1655 j & fut transféré à Tours,,
en 1671.
Louis Caffet ou Cozet de Vautorte , fils de Louis , Préfident
au Parlement de Bretagne , fut transféré de Leitoure à Vannes ,
en 1 67 1 j & aflifta , la même année , aux Etats de Vitré.
François d'Argouges ; défigné en 1689 j facré en 1692 ; ap-
prouva le catéchifme de Gilles de Beauveau , Evêque de Nantes j
afîifta à i'alTemblée du Clergé de Tours, en 1699; & fut un
des quarante Evêques qui reçurent la Bulle Unigenitus ^ avec
les expUcations y jointes. Il pubUa des Statuts,, aux années 1693»
1705, & 1708 i & mourut en 17 16.
Louis de la Vergne de Treffan, premier Aumônier de M»
le Duc d'Orléans, défigné en 1716 ^ fut transféré à Nantes
en 1717,
VAN=VAR 50J
•"Jean-François-Paul le Fevre de Caumartin; Doyen de Saint-
Gatien de Tours , & Abbé de Buzai ; nommé en 1717; facré à
Dinan en 1 7 1 8 , en préfence des Etats , par l'Evêque de Saint-
Malo ; fut transféré à Blois , en 17 19.
Antoine Fagon , Abbé de Saint-Méen , Evêque de Lombez ;
fut transféré à Vannes en 171 9 ; prêta ferment en 1730, le 12
Mai; & mourut au mois de Février 1742.
Jean-Jofeph de Jumiliac , Abbé de Bonneval , Grand-Vicairé
de Chartres, défigné au commencement d'Avril 1742, facré
le 1 2 Août fuivant ; fut transféré à Arles en i y 46.
Charles-Jean de Bertin j facré en 1746; fut député au Roi,
par les Etats , en 1752.
M. Amelot , gouverne aujourd'hui le diocefe de Vannes.
VARADES ; fur la route de Nantes à Angers ; à i o lieues
trois quarts de, Nantes , fon Evêché & fon rerfort ; à 2 1 lieues
de Rennes j & à 2 Heues deux tiers d'Ancenis , fa Subdélcga-
tion. On y compte 3000 communiants : la Cure eu à l'Ordinaire j
& le Prieuré de Saint- Martin eft préfenté par l'Abbé de Mar-
moutier. Le territoire , borné au Sud par la rivière de Loire ,
coupé par un bras de cette rivière , & par deux autres ruif-
feaux qui coulent dans deux vallons , offre à la vue un pays ri-
che , très-bien cultivé , des champs de grains , des vignes dont
le vin eft de bonne qualité, & de très-belles prairies. La falu-
brité de l'air & la beauté du pays ajoutent encore à l'agrément
de ce féjour , dont les habitants n'ont point à envier le lort
de leurs voifins.
Ce pays ed fort peuplé de villages ou hameaux ; S: l'on y
voit pluneurs maifons de remarque , qui font; le Château, le
Coteau , l'Auvriere , la Blancherie , la Baffe-Boutiere , le Jar-
tier , la Haute-Boutiere , l'Epinay , la Fichctrie , l'Hopitcau , le
Doucet , & la Boultiere-Lon.
Le Prieuré de Rieux exiftoit dès 1400. Il n'y avoit alors aucune
maifon noble dans le territoire de Varades. Quiriac , Evêquè
de Nantes, étant à Tours, ratifia de nouveau, mais pour fa vie
feulement , la donation que Rodoald ou Rouaud leur avoit faite de
l'Eglife de Saint-Pierre de Varades , fans le Picsbytérat , c'eft-
à-dire , fans le patronage ou la nomination du Prêtre. Voilà le
plus ancien titre qu'on ait trouvé , pour conftatcr lexiftencc de
cette Paroiffe. L'an 1 1 20 , Briand , Seigneur de Varades , exempta
les effets des Moines de Marmouticr, des droits qui lui ctoicnt
504 VAR=VER
dus par toutes les marchandifes qui pafToient fur la Loire.
Olivier , fils de Briand , Seigneur de Varades , confirma , l'an
1150, à l'Abbaye de Marmoutier, la pofTeffion de l'Eglife de
Varades. Les Moines , alors très-puiffants , prétendirent que cette
Eglife étoit indépendante de la Jurifdiftion de Bernard , Evêque
de Nantes, ci-devant Moine de Cîteaux. Le Prélat, qui fça-
voit bien que l'Inftitut de Clairvaux n'approuvoit pas ces fortes d'in-
dépendances , leur réfilla fortement , & l'emporta fur eux en
11 51. L'an II 96, André de Varades légua , par fon teftament ,
vingt fols , pour la réparation ou reconllruftion de l'Eglife de
Varade ; neuf fols, aux Moines qui la deffervoient j & dix fols^
pour bâtir la Chapelle de Saint-Audouin.
Le 10 Décembre 1591 , les Capitaines Quinipili & Camors^
arrivèrent à Varades , avec leurs troupes & du canon , d'où ils
partirent le lendemain , pour aller affiéger l'Abbaye de Saint-Florent»
le-Vieil , de l'autre côté de la Loire , où le Roi Henri IV
avoir placé une garnifon de trente-fix hommes. Cette place fut
prife , le 13 du même mois ; & les vainqueurs , ufant avec
barbarie de leur viftoire , firent pendre le Capitaine &
fa Garnifon. J'ignore quel motif les porta à cet excès d'inhu»
inanité.
VAY ; à 7 lieues deux tiers au Nord-Nord-Oueft de Nantes ,
fon Evêché & fon reffort j à 14 lieues un tiers de Rennes -, &
à 2 lieues de Blain , fa Subdélégation. On y compte 1700
communiants : la Cure eft à l'Ordinaire j mais l'Abbé de Saint-
Gildas-des-Bois s'en prétend , mal-à-propos , le préfentateur. Le ter-
ritoire , d'une fuperficie plane , & couvert d'arbres & buifTons ,,
renferme des terres en labeur & des landes très-étendues. On y
remarque la maifon noble de la Sinerai.
VENEFLE ; à 3 lieues & demie au Sud-Eft de Rennes , fon
Evêché, fa Subdélégation, & fon reffort. On y compte 30a
communiants : la Cure efl à Talternative. Le territoire , baigné
des eaux de la rivière de Seiche & de plufieurs ruiffeaux, eft
couvert d'arbres & builTons , & en même temps rempli de
marais.
VERGEAL; à 7 lieues & demie à l'Efl de Rennes ,^ (01^
Evêché & fon reffort j & à 2 lieues un quart de Vitré, fa
Subdélégation. On y compte 600 communiants : la Cure efl:
préfentée
VER ,05
prefentée par M. de Châteaugiron. Ce territoire , d'une Tuperficie
plane , û vous en exceptez deux vallons , ei\ très-fertile & très-
bien cultivé. On y remarque plufieurs mailbns , içavoir ; le
grand Mesbiers , avec un bois ; le petit Mesbiers , la Prix , l'Hô-
tel-Pavi , Crozet, le haut Préamenu, Loilbnniere , & la Guenaifle.
VERN ; fur la route de Rennes à Chateaubriand ; à 2 lieues
de Rennes , fon Evêché , fa Subdélégation , Ôc fon relîbrt. On
y compte 1500 communiants : la Cure eft prefentée par l'Abbé
de Saint-Melaine. Le territoire , couvert d'arbres & builTons,
offre à la vue un bois taillis, nommé de Seuves, qui peut avoir
deux Heues de circuit. On trouve , en plufieurs endroits , de l'ar-
gile de différentes couleurs : elle ei\ douce & très-favonncufe. En
1420 , il renfermoit plufieurs mailbns nobles ; le Pleffis de Vern , à
Honorée de Montboucher , Dame du Pleffis de Vcrn ; la Touche
& le Boille , à Guillaume de la Touche ; la V'illc-Gaff , à Jean
de la Motte ; le Pleffi$-Hamelin , à Raoul du Pleffis-Hamelin ;
Mouille-Muffe , à Agaiffe d'Acigné ; Lcffard ^ à Jean Leffard ;
le Gandon , à Jean Pellerin y Sieur de la Rivière ; la Houffiere,
à Hervé de la Touche ; la Rivière , à Honoré Uguet, Archidiacre
du Defert ; la Gaillardicre , à N.,.. j le Clos d'Orriere, à Pierre
de la Touche , Pré-Auvé ; à Jean du Pré-Auvé : Peillac , le
Tertre, Mefmuffet du Fucel, les Bœufs & Launai , à N... Dans
le treizième (iecle , il y avoir fur la rivière de Seiche , qui coupe
ce territoire , un pont , nommé de Maugon , fur lequel étoit
établi un devoir de coutume. Le 28 Avril 1304, Robert Ra-
guenel , Chevalier, fonda un obit ,dans la Cathédrale de Rennes,
& affigna , pour l'acquit de cette fondation, trente lois de rente,
à prendre iiir les revenus de ce pont. Son époufe ,à fon exemple,
fit une fondation femblable , avec les mêmes conditions. Le
Prieuré de Vern étoit alors affermé trente-quatre livres dix fols.
En 1 3 18 , l'Evêque de Rennes fit un règlement pour l'établiffement
d'un Vicaire perpétuel dans l'Eghfe de Vern, alors deffcrvie par
des Moines de Saint-Melaine.
Le 24 Juillet 1589 , les troupes du Duc de Mcrcccur rava^
gèrent la Paroiffe de Vern ; les foldats fe portèrent à tous les
excès de la brutalité. Le viol , le carnage , & le pillage , réduî-
iîrent cette Paroiffe dans le plus déplorable état. Le 6 Mai , elle
effuya le même traitement des troupes Efpagnoles , qui , après
avoir affouvi Lur rage , mirent le feu à ciuclqucs maifons du
bourg, & brûlèrent entièrement le village ac la Vallée.
Tome IK^ S 3,
jo^ VER
VERTOU ; fur une hauteur ; à i lieue trois quarts au Sud-
Eft de Nantes , fon Evêché , fa Subdélégation , & fon refTort ;
& à 23 lieues trois quarts de Rennes. Cette ParoifTe relevé du
Roi, & compte 4400 communiants : la Cure efi: préfentée par
l'Abbé de SaintJouin de Marne. La Chapellenie de Mifîire
Gabriel Bretonneau , préfentée par la famille , doit une MelTe
par femaine. Ce territoire , baigné des eaux de la rivière de
Sevré , eft d'une grande étendue : il renferme des terres en
labeur de bonne qualité ; beaucoup de vignes , dont le vin n'eft
pas mauvais -, quelques bois de peu d'étendue -, & des landes
qui mériteroient d'autant mieux d'être cultivées que le fol en paroît
bon , & qu'elles font aux portes de Nantes & fur les bords de
la Sevré , qui porte bateaux j mais l'indolence eft générale en
Bretagne.
L'Eglife paroifliale de Vertou fert au Refteur & aux Moines.
Elle ell furmontée de deux clochers , dont un pour la Pa-
roifTe , & l'autre pour l'Abbaye , qui eft de l'Ordre de Saint-
Benoît. Ce Monaftere doit fon exiftence à Saint Martin de
Vertou , difciple de Saint Félix , Evêque de Nantes , vers
l'an 550. Ce Saint, après plufieurs voyages en différents pays,
où il fe fit remarquer par le fuccès de fes prédications , de retour
à Nantes , Heu de fa naiffance , éleva, dans la forêt duMenne,
un petit Oratoire , où il fe retira. Quelques folitaires s'étant joints
à lui , ils bâtirent une Communauté dans le lieu le plus reculé de
cette forêt , appelle Kenaw , depuis nommé Vertou , où il
établit une règle particuhere , qu'il avoir apportée d'ItaUe. Sa
réputation lui attira un fi grand nombre de Difciples, que ce
Monafiere ne pouvant fuffire à loger plus de trois cents Reli-
gieux , il fut obligé d'en édifier un autre dans l'endroit nommé
Durin , que l'on appelle préfentement Saint-Georges de Montaigu,
à fept heues de Nantes , fur la route de la Rochelle.
L'an 1105 , Bricius étoit Abbé de Vertou & de Saint- Jouin.
Raoul, qui lui fuccéda , ayant fixé fa demeure à Saint- Jouin,
l'Abbaye de Vertou ne fut plus gouvernée que par des Prépofés,
qui lui ont fiiit donner le nom de Prévôté, Dans le commence-
ment de leur inftitution , ces Prévôts furent amovibles , comme
le font aujourd'hui quelques Prieurs; mais , dans la fuite, cette
Prévôté prit une confifi:ance fixe , & le Prévôt , devenu inamo-
vible, jouit de toute l'autorité des anciens Abbés.
A la mort du Cardinal d'Avignon , Prévôt de Vertou , en
1 474 , le Pape Sixte IV , écrit au Duc François II , & le prie
VER .
d'agréer que le Cardinal , neveu de Paul II , folt pourvu de
cette Prévôté. Le Pontife , qui defiroit ardemment réuflir dans
ce deffein , & qui fçavoit cependant bien qu'il n'y réuffiroit
que difficilement , parce que François II refuibit conihmmcnt
de donner les Bénéfices de fes Etats à des étrangers , ufe de
beaucoup d'adrelTe, & tient au Duc les diicours les plus flat-
teurs , pour arracher fon confentement. Il ell à préiumcr que les
lettres du Pape , & les belles paroles de fon Envoyé , gagnè-
rent le Prince , qui , dans le courant de la même année , en-
voya au Pontife une ambaflade folemnelle , pour l'aflurcr de
fa parfaite foumifllon à l'Eglife. Sixte IV lui fçut gré de cette
démarche, & publia les lettres que le Prince lui avoir écrites,
en rendant un témoignage éclatant à fa piété. C'ell ainfi que
les Papes retenoient les Princes dans l'efclavage , par des louanges
données à propos & avec prudence & réferve , 6c par des pour-
fuites vives contre ceux qui manquoient à l'Eglife. Ce fut par
cette foumiffion refpeftueufe que le Duc gagna les bonnes grâces
du Pontife , qui , pour le récompenfer de fa docilité, lui ac-
corda , en 1475, ""^ faveur fînguHere j c'éroit de ne pouvoir
être excommunié par d'autres que par le Pape : il joignit à
cette grâce la permiffion de faire conflruire une fortereffe fur
les terres de l'Evêque de Saint-Malo , moyennant un dédom-
magement envers le Prélat; il lui fit témoigner, dans le même
temps , combien il defiroit que le Cardinal jouît de la Prévôté
de Vertou , qu'il lui avoit donnée en commende. Le Pape
avoir été fî content de Bertrand Millou , l'un des Ambafllideurs
du Duc , à Rome , que , pour lui témoigner fa fatisfaftion , il
lui donna un morceau de la vraie Croix. Ce trait fait l'éloge
de Bertrand. Sixte IV étoit un des hommes les plus éclairés de
fon (lecle , un grand Prince , un grand Pape , & il fçavoit ap-
précier le mérite. François II , qui lui avoit demandé un cha-
peau de Cardinal pour Pierre de Foix , Evêque élu de Vannes,
fon beau-frere , re^jUt , a ce fujet , la réponfe la plus Jatisfai-
fante , qui ne tarda pas à avoir fon eilet. Malgré toutes ces
grâces , le Duc ne laiiïbit pas perdre fes droits & fcs privi-
lèges, &, dans le cours de cette année, il rendit une Ordon-
nance , qui portoit défenle à toute perfonne , de quelque
qualité qu'elle fût , de publier des Bulles & Mandements
apoftoliques , avant de les avoir montrés au Confeil , &: fans
fa permifîion , fous' peine de banmircmciu & de conlU'cauon
de tous fes biens.
5o8 VER=VEU
On affure que la table de marbre , de dix pîeds de longueuf
fur quatre de largeur , qui eft dans l'Eglife de Vertou , eft la
même qui fervoit à Saint Martin pour célébrer l'Office divin.
En 1700, on voyoit encore, dans le cloître du Couvent, un arbre
que les gens de la campagne revéroient au point qu'ils s'elli-
moient heureux d'en polTéder une branche. Ce refpeo: extraor-
dinaire venoit de l'opinion reçue dans le pays , & qui fe con-
fervoit par tradition. On penfoit que Saint Martin , quittant Ver-
tou pour fe rendre à Saint-Georges de Montaigu , avoit planté
en terre fon bâton , qui avoit pris racine & avoit formé cet
arbre , qui exiftoit depuis près de mille ans. Je ne fçais s'il a
été abattu , ou s'il eft tombé de vétufté : dans le premier cas ,
je fuis perfuadé que les payfans auront murmuré contre les
Moines.
Arrêt du Confeil , du 2 Juin 1750, qui permet aux Religieux
de Vertou de conftruire une éclufe fur la chauffée de Vertou ,
avec établiffement de droits pour la conftruftion & entretien de
cette éclufe.
La Ramée , moyenne-Juftice , appartenoit, en 1390, à N. des
Ramées & de Biofîac : la Prévôté de Vertou, avec haute-Juftice ,
à M. le Prévôt ; la Maillardiere , haute-Juftice, à M. de Coëffal j
Goyon , à M. de Kergus de Kerftang.
VEUE j fur la route de Nantes à Paimbœuf, & fur la rivière
du Tenu ; à 6 lieues de Nantes , fon Evêché & fon reffort ; à
23 Heues de Rennes ^ & à 4 lieues & demie de Bourgneuf, fa
Subdélégation. On y compte 1 200 communiants : la Cure eft à
l'Ordinaire. Ce territoire offre à la vue, des marais, des prairies,
des terres en labeur , quelques vignes , & peu de bois ; c'en: un des
meilleurs du Comté Nantais. La rivière du Tenu , qui vient du lac
de Grand-Lieu & qui va fe jetter dans la Loire, procure aux habi-
tants la facilité de faire pafTer , par eau , leurs denrées à Nantes
& à Paimbœuf. Il y a dans l'endroit une manufacture de briques.
Veuë avoit autrefois le titre de ville. Le Roi Raoul , qui
mourut l'an 936 , prit fon château , que quelques Seigneurs d'A-
quitaine occupoient injuftement , & le rendit à Geffroi , à qui
il appartenoit. Un petit livre , fait fur les monnoies de Breta-
gne , par un Prêtre de l'Evêché de Nantes , nous a confervé
la defcription d'une monnoie frappée à Veuë. C'eft un tiers de
fol d'or, avec une tête ceinte du diadème perlé, les houpes
pendantes , une groffes perle ou pierre précieufe fur le front.
I
VEU = VIE J09
jpour légende, Viriliacof j^omï fit ; de l'autre coté une +, &
pour légende Fridericomon, Cette monnoie eft vraifemblablement
du Comte Théodoric , fils de Budic , Comte de Vannes , vers
570. Viriliac , dans rÀquitaine , eft le Fort où il fe retira, lorl-
ue Macliau , Comte de Vannes , qui cherchoit à fe défaire
e lui pour envahir fon petit Etat , l'eût obligé de s'éloigner.
Ces mots, ViRiLiACO fitu , que Bouterouë rend par Vinliaco
fitur , fe rendent , ce me femble , beaucoup mieux , par Virillaco
fit urbe , ou Virillaco fit in turre : monnoie du Comte Théodoric ,
fabriquée dans la ville ou château de Viriliac. Le Comte Geof-
froi , fils de Henri II , Roi d'Angleterre , afligna , à perpétuité ,
aux Religieux de Buzai , vingt livres Angevmes d'aumône an-
nuelle , à prendre fur les moulins de Veuë. Ces moulins &: ceux
de Pilon, furent détruits l'an 1534, lorfqu'on voulut dcflecher
le lac de Grand-Lieu. Pendant les troubles de la Ligue , cette
ville , qui tenoit pour le Roi , fut afîiégée par le Seigneur de
Goulaine , qui n'eut pas beaucoup de peine à la foumettre à
l'obéifTance du Duc de Mercœur. Celui-ci fit rafer les fortifica-
tions de cette petite place.
En 1400, le manoir de la Blanchardaie appartenoit au Sieur
de la Blanchardaie ; cette Terre , qui a haute-Jufl:ice , appartient
préfentement à M. Danguy. En 1400, Jean Proais étoit Châte-
lam &: Receveur de Veuë.
VEZIN ; fur la route de Rennes à Montfort 5 à i licue de
Rennes , fon Evêché , fa Subdélégation , & fon refTort. Cette
Paroifle relevé du Roi, & compte 500 communiants : la Cure
eft préfentée par un Chanoine de l'Eglife Cathédrale. Le terri-
toire , d'une fuperficie plane &: couvert d'arbres & buiffons , cfl
très-bien cultivé, & produit des grains & du cidre. En 1400,
ce territoire renfermoit les maifons nobles fuivantcs : Louzcret ,
à Jean de Beaulieu ; Montigné , à Jean Ragucncl ; le Bas-Vezin ,
à Pierre de Marbré ; le Memennicr , à Guillaume le Vaycr :
le Domaine de Lozoret & la Motte de Chevilli , à Pierre de
Beaucé.
VIEILLEVIGNE ; à 6 lieues au Sud-Sud-Ell de Nantes , foit
Evêché & fon reflbrt j à 28 lieues de Rennes; &: à 3 lieues
un tiers de CHflbn , fa Subdélégation. On y compte 6000 com-
muniants : la Cure efl: en la prcfcntation de l'Abbé de Le
territoire , d'une fuperficie prefquc plane 6c baigné des eaux
5,0 VIE
de la rivière de l'Oignon & de celle de Lifoire , offre à la vue
des terres en labeur de bonne qualité , des prairies , des vignes
dont le vin n eft pas très-excellent , quelques bois de futaie Se
taillis de peu d'étendue , & des landes très-vaftes , dont le fol
paieroit , fans doute , les peines que l'on prendroit de les cul-
tiver. Les habitants , très-peu aftifs , vivent dans l'indolence &
la mifere. Jamais l'émulation ne leur fit rien entreprendre pour
leur bonheur. Des fix mille habitants qui peuplent cette Pa-
roiffe , environ douze à quinze cents vivent dans une aifance
médiocre : deux mille , peut-être , s'occupent de l'agriculture j
& le relie fe borne à faire des coutils , efpece de toiles à
rayes blanches &c bleues , qui fert à faire des lits , & dont il fe
fait une confommation prodigieufe j mais ils ne tirent de ces
toiles qu'un profit très - médiocre , incapable de leur procurer
un bien-être. Il fe tient un marché, tous les lundis , dans le bourg,
& quatre foires par an. le Roi y polTede des fiefs. Le châ-
teau de Vieille vigne , avec haute-Jufticé & titre de Châtellenie,,
appartient à M. le Marquis de Juigné , Maréchal des Camps 6c
Armées du Roi. En 1564 , il y avoir à Vieillevigne un Pafleur
Calvinifle. Le Roi Louis XIII partit de Nantes , le 12 Avril
1622, & fut coucher à Vieillevigne, où Sa Majefté étoit at-
tendue par fîx mille hommes de pied & cinq cents chevaux,
La maifon & terre noble de Laudonniere appartient à M. le
^Marquis de Goulaine , chef de la branche cadette de cette il-
luflre famille -, branche aujourd'hui devenue rainée,par l'extmftion
de la première , qui s'eft confondue avec celle de Rofmadec.
Une autre branche des Goulaine s'efl étabhe dans le Poitou.
La Seigneurie de Lécorce appartient, à Madame veuve le
Maignan : le Marchaix , à M. le Maignan de Lécorce j & la
Pilotiere , à M. de Charbonneau.
VIEUVIEL 5 à 9 lieues trois quarts au Nord de Rennes , fort
Evéché j & à I Heue trois quarts d'Antrain , fa Subdélégation»
Cette Paroiffe refTortit à Bazouges, & compte 600 commu-
niants : la Cure efl à l'alternative. Le territoire produit des
grains & des fruits. La haute -JulHce de Brehand appartient à
M. Menard de Touchepret.
VIEUXVI SUR COUESNON ; à 6 lieues au Nord-Nord-Efî
de Rennes , fon Evêché ; & à 2 Heues deux tiers d'Antrain, fa
Subdéiégation. Cette Paroiffe relevé du Roi j^relTortit à Bazouges^,
VIE = VIL jii
Se compte 950 communiants : la Cure eH: à lalternatlve. Ce
territoire, arrofé des eaux de la rivière de Couefnon, ik cou-
vert d'arbres & buiflbns , offre à la vue des terres en labeur
de bonne qualité, les bois de Sève 8c de la Mirardais. La haiitc-
Juftice d'Orange appartient à M. de la Blinaye.
yiGNEUX ; à 4 lieues au Nord-Oueft de Nantes , fon Evé-
ché & fon relîbrt ; à 1 9 lieues de Rennes ; &: 3 lieues & de-
raie de Blain , fa Subdélégation. On y compte 2000 commu-
niants , y compris ceux de la Pâclais , fa trêve : la Cure eli: à
l'Ordinaire. Le territoire , arrofé de plufieurs ruiffeaux , &: d'une
fuperficie plane , offre à la vue des terres en labeur , des
landes très-étendues, & très-peu de prairies. La pierre de grains
s'y trouve en abondance. La carrière de la Roche eft la plus
confidérable. Les Architeftes de Nantes en tirent beaucoup de
pierres, fur-tout, pour les marches d'efcaliers , les foyers, &
les fourneaux des cuifines. En 1^57, la Dame de Vigneux
obtint un marché , qui devoit fe tenir en cette Paroiffe ; mais
la Communauté de ville de Nantes s'y oppofa , &: le fit fup-
primer. Le Buron Se les Bretonnieres font les deux maifons
feigneuriales de cette Paroiffe , dont M. le Duc de Rohan ell
Seigneur fupéricur. La première de ces maifons , avec celle
de la Joue , forme une haute-Juftice , qui appartient à M. du
Breil du Buron. Le village de la Boiffiere relevé du Chapitre
de l'Eglife Cathédrale de Nantes.
VIGNOC; à 4 lieues au Nord-Nord-Oucff de Rennes, fon
Evêché j & à I lieue de Hédé, fa Subdélégation &c fon
reffort. Cette Paroiffe relevé du Roi , & compte 900 commu-
niants : la Cure eft préfentée par l'Evêque de Rennes, en fa
qualité d'Abbé de Saint-Melaine. Ce territoire , coupé de ruif-
feaux & d'une fuperficie prefque plane , produit des grains 6c
du cidre. La haute-Juffice de Montbourcher appartient a M. de
Coigni. En 1420, fes maifons nobles étoient : Claire-Fontaine,
Gralfe-Vache , le Fail , & les Roncerais.
VILLA MÉE ; fur une hauteur ; à 1 1 lieues au Nord-Eff de
Rennes , fon Evêché ; &: à 2 lieues & demie de Fougères , fa
Subdélégation & fon reffort. Cette Paroiffe relevé du Roi , Se
compte ioco communiants : la Cure eft préfentée par l'Abbé
du Mont-Saint-Michel, à qui cette Eglife fut donnée par i'Evè-
511 "^ÏI- . .
que de Rennes en 1050. Ce territoire eft varié de coteaux ^
vallons , & monticules. La rivière de Beuvron y prend fa fource.
Le terroir eft bien cultivé. Outre des grains de toutes efpeces ,
il produit d'excellents pâturages & du cidre.
VILDÉ-BIDON ; fur la route de Dol à Dinan ; à i Heue de
Dol , fon Evêché & fa Subdélégation j & à i o lieues & demie
de Rennes. Cette Paroilîe refTortit à Dinan , & compte 3 50
communiants : la Cure ell préfentée par le Commandeur de la
Guerche. Le territoire eft marécageux , mais fertile en grains 5.
& abondant en foin ^ pâturages,.
VILDÊ-GUINGALAN ; fur la route de Dinan à Lamballe j à-
5 lieues de Saint-Malo ^ fon Evêché; à 10 lieues & demie de
Rennes ; & à i lieue un quart de Dinan , fa Subdélégation &
fon refTort. On y compte 450 communiants : la Cure eft pré-
fentée par l'Abbé de Beaulieu. Le territoire eft d'une fuperhcie
plane , & renferme beaucoup de landes , dont le fol ne paroît
pas de bonne qualité.
VILDÉ-LA-MARINE ; fur la route de Dol à Saint-Malo ; à 2
lieues de Dol , fon Evêché & fa Subdélégation j & à 1 2 lieues &
demie de Rennes, fon refTort. On y compte 300 communiants : la
Cure eft préfentée par le Commandeur de la Guerche. Le territoire
eft occupé, au Nord, parla grève de Cancalle , remarquable par
la belle pêcherie qu'on y a établie ; le refte du terroir forme
une plaine exaftement cultivée ,. 6c coupée par la rivière de.
Bied-Jea».
VILLENEUVE ; Abbaye de FOrdre de Cîteaux ; à 2 lieues
un tiers au Sud de Nantes, fon Evêché j & à 24 lieues un tiers
de Rennes. En 11 53, Hoël , Comte de Nantes , donna le terri-
-îoire de Villeneuve à l'Abbaye de Buzai , & la DuchefTe Conf-
iance, ayant fondé, dans cet endroit, nommé ia Grange Je
Conmaria ^ une Abbaye dont elle fit conftruire les édifices,
une colonie de Mornes fortit de Buzai, le 25 Mars 1200, pour
aller prendre pofleflion du nouveau Couvent qui, fe trouvoit
renfermé dans la forêt de Touffou , qui étoit alors d'une grande
étendue. Dans la fuite , la fituation de cette Abbaye ne fe
lïouyant pas convenable ^ elle fut tranfportée où elle eft
aujourd'hui
aujourdhui, par Gui de Thouars, qui donna un autre fonds, en
1205. La DuchefTe Confiance étoit morte dès 1201 , & avoir
demandé d'être inhumée dans l'Abbaye qu'elle avoir fondée. Ses
dernières volontés furent exécutées, & la cérémonie de tes fu-
nérailles fut faite par l'Archevêque de Tours , afîiilé de tous
les Evêqucs de la province. Les Prélats fe rendirent enfuite à
Nantes, oii ils s'aflemblerent en Concile. L'an 1203, Huo-ues,
Seigneur de Montaigu , accorda aux iVloincs de Villeneuve , le
droit de tenir une ïoire par chaque année. En 1224, les Evê-
ques, Etienne de Nantes, Guillaume d'Angers, Joflelin de Rennes,
Robert de Vannes , Hainauld de Quimper , Raoul de Saint-
Malo , Geoffroi de Tréguier, Jean de Léon, & Guillaume de
Saint-Brieuc , s'afîémblent à Villeneuve , Si. dédient l'Eghfe de
ce Couvent en l'honneur de Dieu , de la Sainte Vierge , & de
tous les Saints dont les Reliques étoient dans ce Heu. Le même
jour , furent enterrés la Duchefle Conllance , Gui de Thouars ,
fon époux , & Alix , leur fille , en préicnce de douze Abbés de
Cîteaux ; d'Aimeri , Vicomte de Thouars ; d'Amauri , Vicomte
de Beaumont , Sénéchal d'Angers ; d'André , Seigneur de Vitré ;
& de pluiieurs Barons & Seigneurs. Les trois corps avoient été
dépofés dans une Chapelle de ia mailbn , en attendant que
l'Eghfe fut finie»
VILLEPOT ; dans un fond ; ^ i o heues un tiers au Sud-Ell
de Rennes , fon Evêché & fon refTort ; & à 2 Ueues trois quarts
de Chateaubriand , fa Subdélégation. On y compte 1 200 com-
muniants : la Cure efl préfentée par l'Abbé de la Roë. Ce terri-
toire, borné à l'tfl par la province d'Anjou, & d'une luper-
ficie plane, offre à la vue la fource de la rivière de Verzée,
la forêt d'Araife au Nord de fon bourg , des terres en labeur;
& au Sud , une lande très-étendue , qui , peut-être , ne dépend
pas toute entière de cette Paroifl'e.
Thomafîé Babin , époufe de Jean de Coëfmes , morte en
1333 , avoit demandé, par teltamcnt, d'être inhumée dans TEglife
de Villepot , devant l'Autel de Notre-Dame , 6c en conlccjucnce
elle légua à cette Eglife fbixante fols de rente, pour l'acquit
d'une Meffe qui doit le dire , tous les premiers lundis de chaque
année , par le Redeur de la Paroille : elle alfigaa , en outre ,
une jaille de vin , de rente , pour la communion des fid^'lcs à la
fête de Pâques. La Vicomte de Fercé , hautc-Jullice , appartient
à M. du Bois-Péan,
TomcIK T 3
514 VIS=VIT
VISSEICHE ; fur la route de Rennes à la Guerche ; k 7 lieues
un tiers de Rennes, fon Evêché & fon reflbrtj & à i lieue
un huitième de la Guerche , fa Subdélégation. On y compte
1300 communiants ; la Cure eft préfentée par un Chanoine de
l'Eghfe Cathédrale de Rennes. Le territoire , coupé par la rivière
de Seiche , & d'une fuperficie affez plane , eft couvert d'arbres
& buifîbns ; il offre à la vue des terres bien cultivées. L'an
II 76, Simon de Viffeiche étoit Seigneur de cette ParoifTe. En
141 5 , Anne d'Epinai, Dame de Fontenaille , demanda, par
teftament , d'être enterrée dans l'Eglife de cette ParoifTe , &
ordonna qu'il feroit dit cinq cents Méfies dans cette Eglife , pour
le repos de fon ame.
VITRÉ j aux bords de la Vilaine & fur le penchant de deux
collines , par les 3 degrés 3 3 minutes de longitude , & par les
48 degrés 8 minutes de latitude j à 7 lieues trois quarts à l'Eft
de Rennes fon Evêché.
Quatre grandes routes aboutiffent à cette ville, qui efl confidé-
rable par Ton étendue , elle efl plus longue que large , & fe
termine d'un bout par le château , qui eft de figure triangulaire
& flanqué de trois groffes tours fort hautes , dans les trois an-
gles , & de plufieurs autres moins grofles , fur les côtés. La ville
n'a qu'un fimple mur & trois portes. On y remarque une Eghfe
Collégiale ; trois ParoifTes , qui font : Sainte-Croix , dont la Cure
efl à l'Ordinaire ; Saint-Martin , dont la Cure efl à l'alternative ;
Se Notre - Dame , aufîi à l'alternative. Les Couvents des Béné-
diftins , des Auguflins , des Jacobins , des Récollets , des Béné-
diftines , des HofpitaHeres , des Urfuhnes , & l'Hôpital 5 une
Maifon de retraite , un Collège , une Jurifdiftion des Traites j
une Communauté de ville , avec droit de députer aux Etats de la
province j une Subdélégation ; & les Pofles aux lettres & aux
chevaux. On y compte 8000 habitants. Il s'y tient un marché
le lundi de chaque femaine , Se plufieurs foires par an. Ses ar-
mes font de gueules au lion d'argent. Il s'y exerce plufieurs
Jurifdiftions -, fçavoir : la Baronnie de Vitré , haute - Juflice , à
M. le Duc de la Trimouille -, cette Jurifdiftion refîbrtit direfte-
ment au Parlement, comme haute - Baronnie de la province,
donnant le droit de préfider aux Etats: les Traites Se Gabelles,
haute- Juflice , au Roi : Bourg , haute- Juflice -, Launaye , idem ,• le
PlefTis , idem ; Rouvraie , idem -, & Trozé , idem , à M. du Plefîis
d'Argentré : Baudiere , haute- Juflice , à M. de Cucé : la Bouefïïere ,
VIT .,
haute- Ju{tice ; le Châtelet , idem ^ le Vau- Fleuri, Idem, à M.
Hay de Netumieres : le Prieuré de Sainte-Croix , haute-Jullice \
à M. le Prieur titulaire : la Charonniere , haute - Juftice ; &
Rouffiere , idem , à M. le Moine de Grand-Pré : Saint-Sulp'ice ,
haute-JulHce , à Madame l'Abbefle de Saint-Sulpice ; le Temple
de la Guerche, haute -Jullice , à M. le Commandeur de la
Guerche j la Motte , moyenneJullice , à M. Frain de la Motte y
PlefTis , moyenne - JulHce , à M. de Langle j la Bichetiere,
moyenne - Juilice , à M. Fournier ; la Berue, moyenne - Juflice ,
à M. de Kerians j la Corbinaye , moyenne-Jultice , à M. Vauhou-
dain - Leziart ; Baillé , baffe - Juftice , au Chapitre de Vitré j le
Prieuré de Saint-Serges , baffe-Jullice , aux Bénédictins de Saint-
Serges d'Angers ; Gazon , moyenne - Julhce , à M. Grimaudet j
Saint-Yves , baffe-JulHce , aux Hoipitalieres de Vitré ; la Gui-
chardiere , moyenne- JulHce , à M. de Kerambert ^ la Grande-
Verge , baffe-Juftice , à M. Bouverie de Gérard.
Malgré Ton éloignement de la mer , la ville de Vitré efl très-
commerçante. La principale branche du commerce confîffe dans
de groffes toiles de chanvre , dont les Anglais enlèvent une
grande quantité pour leurs Colonies d'Amérique , &: qu'on em-
ploie aulii à faire de petites voiles pour la navigation , 6c l'em-
ballage des marchandiles. L'occupation des femmes &: des filles
efl: de faire des bonnets , des bas , des gants de fil , ôcc. qu'on
envoie dans les Indes ou en Efpagne. Le féjour de cette ville
eft très-agréable ^ une pofition avantageufe , un air pur , le beau
fpeftacle de la nature , y charment les étrangers. A la fortie de
la ville elt un très-beau Parc , qui fcrt de promenade aux
kabitants.
On ht dans Moréri ce qui fuit : « Vitré , en latin Vitriacum
» ou Viti-uv'iacum , ville fort ancienne , bâtie long-tem])s avant
» Jefus-Chrill , par VUruvius , Troyen de nation. Llle reçut la
» foi l'an 70 de Jefus - Chriil , par Saint Clair, Evéque de
» Nantes. » Ces deux affertions nous paroiffent également fauffes.
La première n ell qu'une coniç6lare dénuée de vraifemblance ,
fans fondement , fans preuve. La féconde ell détruite par mille
raifons alléguées dans cet Ouvrage , en différents articles ,
( voyez Nantes , où l'on prouve que Saint Clair n'exilloit que
dans le troifieme ik. non dans le pieinier fieclc de f L^life. )
Quelle que foit (on origine , il efl probable que Vitré exifloit dans
l'antiquité la plus reculée , & qu'elle étoit un des pjo^i ou bour-
gades des Rennois^ LL eii auffi probable c(u'ellc reçut de Saint
5i6 VÎT
Clair les premiers documents de l'Evangile. L'hilloîre nous ap«
prend que ce Prélat y purifia deux Temples , dont l'un con-
iacré au Dieu Pan , étoit fitué au bord de la Vilaine , dans
l'endroit où eft aftuellement le Couvent des Auguftins ; &
l'autre confacré à Cérès , étoit dans l'endroit qu'occupe au-
jourd'hui l'Eglife paroiffiale de Notre-Dame. Toutes ces circonf-
tances , rapportées par d'anciens Hiiloriens , ne méritent pas une
entière confiance. On ne les rapporte que pour la fidélité de
i'hiftoire. •
Les premiers Seigneurs de Vitré ne font pas bien connus :
quelques-uns les font defcendre d'un Martin, Comte de Rennes,
dont l'exiftence n'efl pas prouvée. Néanmoins , tous les Hifloriens
de Bretagne s'accordent à dire que la maifon de Vitré étoit
une branche de celle de Bretagne , & il n'eft pas poffible de
nier un fait fi généralement reconnu. Le premier dont on ait
connoifTance , eil Rivalon le Vicaire , fils ou petit - fils d'un
Comte de Rennes. On lui donne quatre enfants , dont l'un
mourut fans poftérité , les autres firent les branches de Vitré &
d'Acigné. Leur mère , époufe de Rivalon le Vicaire , qui pre-
noit le titre de Vicomteffe de Rennes , fonda , dans le onzième
fiecle , le Couvent des Pères Auguflins. Robert , Baron de
Vitré, & Berthe de Craon, fon époufe, donnèrent, en 1097,
du confentement de leurs enfants , un vieux château & le terrein
fur lequel il étoit bâti , aux Moines de Marmoutiers. Ces Reli-
gieux y bâtirent un Monallere pour quatorze Moines, & ce
Monaftere forme à préfent le Prieuré de Sainte-Croix.
Robert eut de fon mariage deux enfants, André & Robert.
André, l'aîné, époufa Agnès de Montrelais. En 1 1 16 , il ôta l'Eglife
de Notre-Dame aux Chanoines qui la pofTédoient , & qui, par
leur conduite déréglée , fcandalifoient tout le peuple. Cette
Eglife fut donnée aux Moines de Saint-Melaine , qui en prirent
fur le champ pofTefîion , & qui y vécurent tranquilles jufqu'à
la mort du Baron André, arrivée en 113 5. Les Moines exilés
revinrent alors pour rentrer dans leur héritage , mais leurs efforts
furent inutiles , & ils furent contraints de fe retirer. Robert ,
fils & fucceffeur d'André , fut un maître dur & barbare. Il
traita fes fujets avec tant de cruauté , que le Duc , après lui
en avoir fait de fanglants reproches , lui ordonna de tenir à
l'avenir une conduite plus modérée , & de réparer le mal qu'il
avoir fait. Celui-ci s'étant mocqué du Duc j le Prince , indigné ,
marcha contre lui, fe faifit de fes places, & l'obligea à aller
VIT 517
chercher un afyle chez le Baron de Fougères. Le Duc , maître
de Vitré , & le Pape , qui avoir été fortement follicitc à cet
effet , prefferent Hamelin , Evêque de Rennes , de remettre les
Chanoines expulfés en pofTefîion de leurs biens ; ce qui fut exé-
cuté : mais ces Moines, ne fe conduifant pas mieux après leur
châtiment qu'auparavant , ils furent encore chalîés , &: les Moines
de Saint-Melaine leur fuccéderent.
Cependant , Conan , qui vouloit pouffer à bout le Baron de
Vitré , réfolut de gagner le Baron de Fougères, fon protecteur,
Sc'ûy réuffit , en lui donnant la Terre de Gahard & une partie de
la forêt de Rennes. Robert , abandonné , fe retira chez Juhel ,
Seigneur de Mayenne, que le Duc gagna encore, en lui fai-
fant époufer Conffance , la plus jeune de Tes filles , à laquelle
il donna la Baronnie de Vitré pour dot. Le Baron de Vitré ,
encore chaffé , eut recours au Seigneur de Laval , fon couhn-
germain , qui lui aida à faire la guerre à ceux qui tenoient la
Baronnie de Vitré ; mais il fe lafla , Se fut auffi féduit par les
préfents du Duc. Pour dernière reffource, il ne relloit plus au
Baron que Guillaume de la Guerche , aufîi fon parent , qui lui
fut enfin fidèle , & le fervit avec beaucoup de chaleur. Les
ravages que ces deux Seigneurs faifoient , forcèrent le Duc à
faire des levées , & à entrer en campagne. Le Seigneur de la
Guerche & Robert , qui n'avoient pas des forces fuftifantes pour
fe mefurer avec le Duc, fe mirent en embufcade dans des bois:
ils avoient avec eux , André , fils de Robert ; Thebaud de Ma-
thefelon , fon gendre ; & le Seigneur de Candé. Les troupes
du Duc filoient en défordre fur le pont de Viffeiche , dans le
territoire de la Guerche , lorfque Robert de Vitré , fortant tout-
à-coup de fon embufcade , les chargea avec vigueur , & les mit
en déroute. Le vainqueur profita du bagage du Duc , qui fut
pris en entier. L'équipage de Judicaël de Retz, & celui de
Geoffroi de Maleffroit, furent auffi pris j & le tout fut conduit
à la Guerche. Quelques Bourgeois de la ville de Vitré , qui
avoient aidé le Duc à s'en rendre le maître , fe trouvant la
confcience chargée , fe rendirent à Rome , pour avoir Tabfolu-
tion du Pape. Lucius, qui fiégeoit alors, leur ordonna de la faire
reffituerà fon Seigneur j ce qu'ils firent, par la même rufe dont
ils s'étoient fervi pour la hvrcr au Duc. Robert y rentra, &: fit
fon accommodement avec le Duc , par le moyen de fcs amis.
Il continua la guerre avec Judicaël , & la finit , par^ le moyen
du mariage de ion fils, qui époufu la foeur ou la fille de ce
5i8 VIT
Seigneur. Ce Baron confirma , en 1157, la fondation du
Prieuré de Notre-Dame , faite , par le Baron André , en faveur
de Saint-Melaine. Robert avoir époufé Emme de Dinan , de
laquelle il eut cinq enfants. En 1 1 64 , Garanton de Vitré donna
à l'Abbaye de Saint -Sulpice plufieurs biens, entr 'autres , un
morceau de terre, pour y conftruire une Chapelle & un cime-
tière. André , fils aîné & fucceffeur de Robert ,, époufa , i^.
Mathilde de Mayenne ; 2^, Enoquen de Léon ; 3^. Euilache de
Dais; 4^. Laër Painel. Robert, fucceffeur d'André, avoir fait
quelques dommages au Prieuré de Sainte-Cro^x, fondé par fes ancê-
tres pour quatorze Moines. Les Religieux s'étoient plaint â FEvêque
de Bennes, qui avoit fur le champ excommunié ce Seigneur,
Pour faire lever l'excommunication , il fut obUgé d'abandonner ,
pendant dix ans , une rente de vingt livres monnoie , que lui
dévoient les vaffaux des Moines -, d'accorder à ceux-ci quel-
ques droits fur les foires de Vitré y & de s'engager à défendre
leurs biens envers & contre tous. En 1172, Robert donna la
moitié des droits de la foire Saint-Blaife au Prieuré de Sainte-
Croix. L'année fuivante , fut fondée l'Aumônerie de Vitré ^ qui
fut donnée à l'Abbaye de Marmoutier. Robert laiffa de fon
époufe , N. de Dinan , deux enfants ; André & Alain. André
lui fuccéda. Rolland , Seigneur de Dinan , fe voyant fans pof-
térité , inftitua Alain pour fon héritier -, à condition qu'il pren-
droit le nom de Dinan. André III du nom, fonda, en 1209^^
la Collégiale de Vitré , dans la baffe-cour de fon château , &
y établit neuf Chapelains ou Chanoines» Pierre de Dinan,.
Evêque de Rennes , y en établit trois autres. Celte fondation
fut ratifiée par l'Evêque & le Chapitre de Rennes, En 12,30,
André rendit hommage -lige au Roi Saint Louis , dans fon
camp devant Ancenis , pour la Baronnie de Vitré , qui eff un
arrière -fief de la Couronne. Le Duc Pierre da Dreux , qui
avoir engagé les Barons à faire hommage au Roi d'Angleterre,
qui fe trouvoit alors en Bretagne avec une puiffante armée ^
fut très irrité de cette démarche du Baron de Vitré ^ Mais
celui-ci, perfiftant dans fa réfolution , fortifia fes places, & fe
prépara à faire une vigoureufe réfiftance , s'il étoit attaqué, foit
de la part des Bretons , foit de la part des Anglais , qui avoient
déjà mis des gardions dans plufieurs places fortes. Il ne pa-
roît pas qu'il ait été attaqué» En 1237 , le Duc de Bretagne
remit , à perpétuité , le bail en rachat. André époufa , en pre-
anieres noces ^. Catherine de Thouars, dont il eut une fille ^
VIT 5x9
nommée Philippe ; enfulte ThomafTe de Mathefelon , dont il eut
André IV , tué à la malheureufe bataille de la MalToure , qui fît
périr tant de Chrétiens, & mit le Roi lui-même dans les fers
des Infidèles. André n avoit point été marié. Philippe , devenue ,
par la mort de fon frère , Baronne de Vitré , époufa Gui de
Montmorenci , dit Laval, dont elle eut Gui Vil, père de Gui
VIII. Celui-ci aflifta à la bataille de Monfenpuelle , en 1304.
Gui IX, fon fils. Seigneur de Laval & de Vitré, eut de Héa-
trix de Bretagne , Gui X , qui mourut fans hgnée ; & Gui XII,
qui ne laifla qu'une fille , nommée Anne , Dame de Laval , de
Vitré, de Gaure , Daquigni , de Châtillon en Vendelais, d'Au-
bigné , ôcc. Cette riche héritière prit en mariage Jean de Mont-
fort de Kergorlai , qui , par fon contrat , s'obhgea à porter le
nom & les armes pleines de Laval. Il prit le nom de Gui XII y
ôc fuccéda à tous les biens de la maifon de Laval. Son époufe,
avant fon mariage , obtint du Duc Jean V , la permifîion de
lever un oftroi fur fes fujets de Vitré, pour la réparation de
fa ville; permifîion qui fut encore depuis renouvellée en fa fa-
veur. Elle fit conftruire un très-bon rempart pour la défenfe
de cette ville, en 1448.
Après la mort de fon mari , la Baronne de Vitré eut un dif-
férent avec Jacques d'Epinai, cet Evêque de Rennes, fi célèbre
par la fierté & la fougue de fon caractère. Voici quelle en fut
Toccafion. A l'entrée des Evêques de Rennes , les Seigneurs de
Vitré avoient le droit de porter un des bras de la chaife du Prélat j
& , en récompenfe de ce fervice , le cheval que l'Evêque mon-
toit ce jour-là , leur appartenoit. Les Seigneurs d'Aubigné pou-
voient aufii s'emparerdes vafes, vaifTelles, & ullenfiles, quilervoient
à la cuifine épifcopale , le jour de cette cérémonie. A l'entrce
de Jacques d'Epinai , la ComtefTe & fon fils , ne pouvant rcm-
pHr, par leurs mains, leurs obligations , avoient chargé quelques
Gentilshommes de leur procuration. Le Prélat ,• qui n'aimoit pas
la maifon de Laval , faifit cette occafion de moleftcr la Com-
tefTe ; il retint la batterie de cuifine & le cheval , fit chafTcr
les Procureurs de la ComtefTe & de fon fils , & les excommu-
nia. Non content de cela , il fit faifir un des Officiers de Juf-
tice du Comte, & un de fes vafTaux, les fit mettre en nrifon,
& fit maltraiter le vaflal , parce qu'il avoit tenté de s'écnapper
de fon cachot. Le traitement qu'on avoit fait clTuycr à ce malheu-
reux étoit fi cruel , qu'on lui avoit fait des bleflurcsdangcreufcs, qui
exigcoient les foins d'un Chirurgien ; mais l'Evéque, inhumain, ne
510 VIT
voulut point permettre de laiffer entrer celui qui fe préientoît
pour panfer les blefîures du payfan. Son refTentiment contre la
Comte fîe fut poufTé û loin , qu'il fit refufer la fépulture à un
autre de fes vafTaux qui avoit été tué.
La Dame de Laval , défefpérant de l'appaifer , jugea devoir
prendre des mefures pour fe garantir des effets de fa haine»
Elle porta fes plaintes au Pape , & le fupplia de la délivrer
de la Jurifdiftion de fon ennemi. Le Saint-Pere , qui connoif-
foit le caraftere de l'Evêque de Rennes , craignant qu'il ne s'é»-
levât , entre les vafTaux de l'Evêque & ceux de la ComtefTe ,
une guerre ouverte , fcandaleufe y & cruelle , ou que le Prélat
ne commît lui-même des injuflices criantes envers cette Dame,
fit attention à fa requête , & donna une Bulle qui portoit
que, durant l'épifcopat de Jacques d'Epinai, la ComtefTe , fon
nls , leurs Officiers , ck leurs vafTaux , ne reconnoîtroient d'autre
Jurifdiftion fpirituelle que celle de l'Archevêque de Tours, Si
déclara nul & de nulle valeur , fans fondement & fans confé-
quence , tout ce que l'Evêque de Rennes aftuel pourroit faire
contre eux.
Gui XIII fuccéda à Raoul de Montfort , fon aïeul paternel ,
aux Terres de Montfort , de la Rochebernard , &c. Il eut de
fa première femme Ifabeau de Bretagne , Gui XIV , mort fans
poflérité ; & Jean , père de Gui XV , Gouverneur & Amiral
de Bretagne , qui , de fa première femme Charlotte d'Arragon ,
PrincelTe de Tarente , fille aînée de Frédéric, Roi de Naples
& de Sicile , eut Anne de Laval , mariée , en 1 5 2 1 , à François
de la Trimouille ; dont fortit Louis III du nom , premier Duc
de Thouars , Prince de Talmond , qui époufa Jeanne de Mont-
lïiorenci; de laquelle naquit Claude, Duc de Thouars, époux
de C harlotte-Brabantine de NafTau , & père de Henri , Duc de
Thouars. C elui-ci prit en mariage , en 1619 , Marie, féconde fille
de Henri, Duc de Bouillon , Prince de Sedan , Vicomte de Turenne,
Maréchal de Franc i ; préiida à l'ouverture des Etats de Bre»
tagne , le 17 Septembre 1636, & mourut en 1674, Henri-
Charles , fon fils & fon fucceffeur , époufa Amélie , fille du
Prince fouverain de Hefîé-CafTel , de laquelle il eut Charles-Bel-
gique-Holand , qui époufa l'héritière de Crequi, de laquelle
il eut Charles Bretagne, Duc de Thouars, marié, en 17 17, à
Maric-Magdeleine de la Fayette , qui lui donna un fils , nommé
Charles- Armafid-René , Duc de Thouars^ Prince de Tarente &
de Talmond ^ Baron de Vitré ^ &c.
En
VIT 5ir
' En 1400, le territoire de Vitré renfermoit plufieurs mailons
nobles; fçavoir : la Galionaye , à Jean du Maz ; le Gaft , à
Pierre de Mebernard j le Pieflis , à Jean Javignier ; Chantelon,
à Jeanne de la Patriere ; l'Aunai & Pontbillon , au Seigneur de
Vitré; les métairies des Rochieres , du BouUai , de la Fernere,
de la Baillerie, de la Marre, de Clerheult , & de la fcilloniere,
à Guillaume de Sevigné ; la Morandiere & la Ripuiere , à Ro-
bert de Préauvay ; la Haute - Morandiere , à Gilles Sanczon ;
la Ruelle , à Jean le Voyer ; la Chefneliere , à Jean Tehel j
le Pont - JofTelin , à André Rabault ; & la Bafnerie , à Jean
Hardi.
En 1462, le Duc de Bretagne établit à Vitré des ouvriers
en foie , qu'il avoir fait venir d'Italie. Par délibération des Etats,
affemblés à Vitré en 1477, i^ l^^r ^^^ accordé un moulin. Le
Duc leur accorda des privilèges de naturalité , c<: leur afTura
fa proteftion , tant pour eux que pour leur famille. En 1488,
Gui, Comte de Laval, remit la ville de Vitré entre les mams
du Roi Charles VllL II ufa de rufe pour exécuter ce piojet : il
introduifit, par une poterne, dans fon château, les troupes fran-
çaifes , qui n'eurent pas de peine à fe rendre maîtrciles de la
ville , malgré les habitants.
En j 5 88, le Duc de Mercœur, qui avoir déjà formé des
projets , tâchoit de s'emparer des villes de Bretagne. Il venoit
de fe failir du château de Blain , mais il y avoit en Bretagne
une ville bien autrement importante pour lui. Vitré étoit la feule
place qu'on pût dire être du parti Huguenot dans la province. Ne
fe fentant pas en état de la réduire par la force , il eut recours
à la rufe , qui ne lui réuflit pas. Les chofes en reftcrent-là ,
parce que la rupture n'avoir pas éclaté ; mais, dès que Mercœur
eut pris le parti de faire la guerre au Roi , il réfolut d'afliéger
Vitré dans les formes. Cette ville étoit alors d'autant plus atta-
chée au parti de la Réforme , qu'elle étoit gouvernée par un
Seigneur de la maifon de Coligni : aufïï la Religion Calvinifte
y avoit-elle fait de iî grands progrès , qu'elle avoit, au milieu de la
ville, un Prêche fpacieux , qui fert encore aujourd'hui à l'afTem-
blée des Etats , lorfqu'ils fe tiennent en cette ville ; de forte
que la ComtefTe de Laval, mère du jeune Seigneur, n'eut pas
beaucoup de peine h conferver les habitants dans leur oppoli-
tion à la Ligue. Nous avons dit que Vitré n'avoit que trois
portes. Les deux qui font aux deux bouts de la ville , à l'Oricnc
& au Couchant , font défendues par deux tours ik par un rave-
Tomc IV. V 3
5" . VIT
lin qui les couvre. La troifîeme , qui eft vers le milieu , à Taf-
pe6l du Midi , ell: nommée la porte Gajlecel ; elle n'a point d'au-
tre défenfe que la tour de Sevigné , qui eft auprès. La place
eft entièrement commandée , du côté du Midi , par le terrein ,
qui s'élève infenfiblement. Le côté du Levant , où eft la porte
d'en haut , eft fortifié par une faufle braye. Enfin , le côté du
Nord eft un vallon efcarpé & peu large , qui fert de folTés à
la ville : ces fofTés font le lit de la Vilaine , qui n'eft pas fort
confidérable en cet endroit, & qui fe divife en plufieurs bras
que forment les petites prairies qui font fur {qs bords. Aux pieds
du château , font des moulins à eau. Le Duc de Mercœur fe
trouva fort embarrafTé pour former ce (iege , parce qu'il n'avoit
que peu de canons & de munitions , qu'il avoit fait venir de
Fougères ; mais il y avoit peu de gens dans la ville en état de
la défendre. La rigueur des Edits en avoit éloigné la plus
grande partie des Proteftants, qui n'avoient pu revenir depuis
que le Roi s'étoit réuni à eux. Cependant , comme on étoit
inftruit des intentions du Duc de Mercœur , la Comtefîe de
Laval avoit eu la précaution de faire entrer dans la ville la No-
blefle des environs , à la tête de laquelle fe trouvoit René de
Montbourcher , Seigneur du Bordage ; elle l'avoit aufîi pourvue
de vivres & de munitions pour long-temps. Les afîiégeants fe
logèrent , fans peine , dans les fauxbourgs , dont ils bouchèrent
les avenues en dehors & en dedans : leur premier foin fut de
mettre leurs canons en batterie , fur la hauteur du champ de
Sainte-Croix , qui eft au Midi de la ville. C'étoit l'endroit le
plus foible j le foffé n'étoit pas profond , & le pied de la mu-
raille étoit vu de la hauteur j mais aufti cet endroit étoit vu
de la groffe tour du château , dont il eut été difficile de ruiner
le flanc. La première fortie des afïiégés fîit heureufe j ils tuèrent
un Gentilhomme du voifinage , nommé du Taillis , & en pri-
rent un autre , qui leur apprit que les afîiégeants avoient chan-
gé de defTein , & que leur intention étoit d'attaquer la place
par le coin de la tour des prifonniers , qui eft plus haut , du
même côté. Ils y pointèrent efïeftivement leur batterie ; & leur
canon , donnant un jour dans l'efcaHer de la tour , emporta les
deux cuifTes du Sieur du Lac , Commandant de la place , qui
mourut, fur le champ , de fa blefTure. Le Seigneur du Eordage
lui fuccéda. Quoique les afTiégeants ne fiffent pas beaucoup de
progrès, vu leur petit nombre, les affiégés, après fept fcmames,
craignant enfin de fuccomber , voulurent eflayer s'ils ne pour-
roient pas tirer du fecours de Rennes. Deux de leurs Capitaines
defcendent , pendant la nuit , avec des échelles de cordes , par
defTus la muraille du Nord , paflent la rivière à la nage , & fe
rendent à Rennes par des chemins détournés. Ils s'adreflerent
aux Seigneurs de la Hunaudaie & de Montbarot , qui tmrent
un Confeil fecret dès le foir , & qui rétblurent d'envoyer un
renfort commandé par Lavardin , La Tremblaye , 6c Montbarot.
Ils partirent avec environ fept cents chevaux , & arrivèrent , par
des chemins détournés , au point du jour , lur les hauteurs ai)-
pellées Us terres noires , près le fauxbourg de Rachapt , au Nord
de la ville , fans que les ennemis s'en fulient apperçus. ils mar-
chèrent fur le champ a l'attaque , & fe rendirent maîtres du
fauxbourg, mais ils ne purent ié faifir des autres. Les ennemis,
ayant reconnu leur petit nombre , tinrent ferme , firent fonner
Je tocfin dans les ParoiiTes voilines , & virent arriver une foule
de payfans fous leurs drapeaux. Le fecours , ne pouvant faire
lever le fiege , entra dans la ville. Ce renfort devoit défefpérer
les afîiégeants j cependant ils n'en pourfuivirent pas moins vive-
ment leurs attaques. Les auxiliaires ne réitèrent pas aufli très-
long-temps à Vitré : les Chefs , craignant pour Rennes où ils
n'avoient laifTé que peu de troupes , prirent le parti de décam-
per. Ils firent conftruire , pendant la nuit , au Ion du tambour ,
afin de n'être pas entendus , un pont fur la rivière , & fortircnt
par la porte Gaftecel. Heureufement pour Vitré , il ne pafî'a
qu'une partie des troupes j le pont s'ctant rompu , le reile
fut contraint de demeurer dans la ville. Montbarot 6z la
Tremblaye furent de ce nombre, & comme, dans la fuite,
ils manquèrent de fourrage , ils firent fortir leurs chevaux un
à un , par une faulîe porte qui donne fur la rivière ; 6c dès
qu'ils paroifToient , ils les tuoient à coups d'arqucbuie , afin
d'empêcher les ennemis d'en profiter. Depuis ce temps , cette
porte s'appelle la porte aux Chevaux. Lavardin ne fe rendit à
Hennés que fur le foir , encore ne fut-ce qu avec bien de la
peine , ayant trouvé fur fa route les payfans accourus au fon
du tocfin. Le Duc de Mercœur , qui avoit donné le comman-
dement du fiege à Taihouet , s'y rendit enfin lui-même , dans
l'efpérance que la place ne tiendroit pas long-temps devant fes
troupes. En conféquence , dès quil fut arrivé , il ordonna de
faire une nouvelle attaque , au Nord 6c à l'Orient de la ville ,
à l'une des extrémités , entre la tour qui fait le coin 6c les
deux tours voifin^s. Voyant que foa artillerie ne taifoit point
514 VIT
d'effet , îl donna ordre de miner fur , le champ , la tôiir dU
com , mais la mine ayant été éventée , la tour n'éprouva d'autre
dommage qu'une légère commotion qui la fendit. Défefpéré de
voir fes projets û mal réufîir , il fit continuer l'attaque du Nord,
& parvint à faire une brèche à la courtine ^ entre les deux
tours , dont il ruina les flancs , ainfi que celui des autres tours
qui pouvoient l'incommoder. On voit encore l'endroit de la
brèche qui a été réparé , avec une infcription -, mais les flancs
des tours ne l'ont pas été , on a jugé plus à propos de faire
des ouvrages en dehors. Pendant que duroit cette attaque, que
les afliégeants ne pouflToient pas vivement faute de canons,
le Duc de Mercœur rouloit d'autres projets dans fa tête. Il fit
piller Châteaugiron & le bourg de Saint - Helier de Rennes ,
efpérant que par le moyen de ce tumulte , fes amis pourroient
occafionner une révolution en' fa faveur , & introduire des
troupes dans la ville ; mais il ne put réuflir. Il ne fit pas
donner d'aflàut , à fa nouvelle attaque , & d'ailleurs il n'étoit pas
facile d'y monter. Cet aflaut ne pouvoit même que lui être
funefl:e , parce que les afliégés , défefpérant de pouvoir défendre
leur ancienne muraille , criblée de coups de canons , en avoient
bâti une autre très-forte derrière celle-ci. Ces diflîcultés 8c
l'arrivée du Prince de Dombes à Rennes , déterminèrent le Duc
à lever le fiege , après avoir pillé & brûlé les fauxbourgs , &
cafîe, à coups de canons , la cloche de l'horloge. Le fiege ne
ceflTa pas par la retraite du Duc de Mercœur : les payfans tenoient
toutes les avenues fermées , & ne laiflx)ient entrer aucuns vivres.
^lontforeau partit de Rennes avec des troupes, & réduifit ces
payfans à l'obéifl^ance.
Le 3 Août de l'année fuivante , peu s'en fallut que Vitré
ne tombât au pouvoir de la Ligue. Guillaume de Rofmadec-
Meneuf , Gouverneur du château de Vitré , Gentilhomme très-
aff^eftionné au parti du Roi , y avoit laifl^é , en fon abfence ,
fon beau-frere, pour fon Lieutenant. Celui-ci ne fut pas à l'é-
preuve des propofitions du Duc de Mercœur, & voulut faire
entrer dans le complot quelques-uns des Ofliciers , qui , ayant
rejette avec mépris cette trahifon , furent fur le champ chaflTés
de la place. La difficulté étoit d'introduire les ennemis dans le
château , qui n'a de communication au dehors que par un
petit fouterrain , du côté de la rivière , oii un feul homme peut
palier. Ce fut cependant le feul endroit qu'il put trouver pour
l'exécution de fon deflein. Heureufement , au jour convenu avec
îes Ligueurs , ceux que le traître avoir chafTés , trouvèrent le
moyen d'avertir un Capitaine de la ville , nommé Rallon. Le
temps preffoit j car, dans le moment , celui-ci, ayant jette les yeux
dehors , apperçut Saint-Laurent , qui pouflbit devant lui environ
foixante hommes vers le fouterram. Il courut fur le champ fur
la contrefcarpe , & vit le grand pont & la planche levés. Il
ne perdit point la tête dans ce péril prelîant ; il conçut le plus
hardi projet dont on ait jamais eu d'exemple, &: l'exécuta avec beau-
coup de courage. Il fe fit apporter un pétard , & une échelle avec
laquelle il defcendit dans le folTé , qui cfl: profond &: à fond de
cuve , fuivi de fept à huit hommes. Il planta fon échelle contre
le pilier de la muraille , entre les deux ponts , expofé aux ar-
quebufades qu'on lui tiroir des mâchicoulis , &: dont il ne fut
que légèrement atteint , puis , à la faveur de la petitefTe de fon
corps , il fe ghiTa entre la planche & la petite porte , y attacha
fon pétard , auquel il mit le feu avec une fufée aflez courte ,
& fe rerira promptement , pour fe placer , le mieux qu'il put ,
à côté du grand pont, afin d'éviter les éclats. Le pétard réuifit ,
emporta la planchette dans le ïoi^é. , & la petite porte en de-
dans du Château. A l'inflant, il fe jetta dans la place, fuivi
de trois hommes feulement. Le traître , qui l'attendoit , lui tira
deux coups de piftolets , defquels il fut blelTé ; mais ce perfide
ayant été tué , ceux qui l'accompagnoient , étonnés de la valeur
de Rallon , fe rendirent à lui. Les autres , qui croient à rece-
voir les foldats de Saint-Laurent, croyant Rallon mieux foutenu,
prirent la fuite , & fe retirèrent en heu de fureté. Le lendemain
fut employé à la punition des plus coupables. Depuis ce temps ,
Vitré ne fut plus inquiété , &: relia pailible fous l'obéilfance
du Roi.
Les Révérends Pères Récollets furent reçus à Vitré , en i^io,'
par les habitants de cette ville ; établifiement qui fut confirmé
par Arrêr du Parlement, l'an 1611. En 1621, le Couvent des
Pères Jacobins fut fondé, dans le fauxbourg de Saint-Martin
de Vitré , par le Seigneur de Nétumieres. Les Etats s'alTemble-
rent à Vitré, en 1655, 1665, 1671, 1673, ^^79 5 '^^3>
1697 , & 1705.
L'exaftitude avec laquelle on doit rendre juflice à tous les
hommes célèbres , ne permet pas d'oublier M. Rcné-Jacc|ues de
Garengeot , de la Société Royale de Londres , Démonflrateur
Royal , Chirurgien-Major du Régiment du Roi , Confciller ^'
Chirurgien ordinaire du Roi au Châtclct, né à Vitré, le 16
5ié VIT = UZE
Juin 1688, Se mort à Cologne, le 10 Décembre 1759. Les
Ouvrages de ce célèbre Breton fe trouvent dans les Opufcules
de Chirurgie , par M, Morand.
VRITZ j fur une hauteur ; à 1 2 lieues un tiers au Nord-Eft
de Nantes , fon Evêché & fon reffort ; k 16 Ueues & demie de
Rennes j & à 5 lieues un tiers d'Ancenis , fa Suodélégation. On y
compte 1700 communiants : la Cure eft un Prieuré préfenté par
l'Abbé de Touffaints d'Angers , & deffervi par un Mome de cette
Maifon. Le territoire , borné , au Sud , à l'Eft , & au Nord , par
la province d'Anjou , eft coupé de deux ruiffeaux qui coulent dans
les vallons. On remarque , dans cette Paroiffe , une lande qui
forme une monticule , & qui peut avoir neuf cents toifes de
longueur fur fept cents de largeur. Cette lande en joint une
autre qui n'eft pas aufli étendue. Le refte du territoire eft bien
cultivé; il eft couvert d'arbres & buifîbns. En 1430, la maifon
noble de la Ramée appartenoit à Charles de la Ramée, la Lande >
en 1320, à Heftor de la Jaille ; &, en 1420, à Pierre Boivin :
la Bouveraye , à Jean Rouault j la métairie du Prieuré de Vritz,.
au Prieur.
UZEL ; fur une hauteur , Se fur la route de Pontivi à Quintini
à 5 heues deux tiers de Saint-Brieuc fon Evêché ; à 1 8 heues &
demie de Rennes ; & à 3 lieues de Quintin , fa Subdélégation,
Cette Paroifîe reflbrtit à Ploermel , & compte 1 800 commu-
niants : la Cure eft préfentée par M. Bofchat. Le territoire eft
d'une fuperficie très - irréguliere. On y remarque des coteaux ,
des vallons , des monticules , beaucoup d'arbres & buiflbns,
quelques ruifteaux qui vont fe jetter dans la rivière d'Ouft,
une partie de la forêt de Lorge , beaucoup d'arbres fruitiers ,
& autres , des prairies Se des terres en labeur , de bonne qua-
lité. Les habitants font un grand commerce de fils & de toiles ,
qui fe fabriquent & fe blanchiflent à Uzel , où il fe tient un
marché par femaine , Se huit foires par an. La Seigneurie de
cette Paroifîe , avec titre de Bachelerie ou de Bannière ,
appartenoit , en 1 280 , à Guillaume Budes. Sylveftre Budes ,
fon fils , fut Lieutenant général & Gonfanonier de l'Eglife Ro-
maine. Jean & François Budes , furent Ecuyers du Duc de
Bretagne. Bertrand Budes fut Procureur général du Parlement.
François , fon frère , fut Maître-d'Hôtel de la Reine. Jean-Bap-
tifte iiudes , Comte de Guébriand , fut Maréchal de France , &:c.
UZE=YRV ^^j
La Seigneurie d'Uzel paffa , par alliance , dans celle delà
Châtaignerais. Une Demoilelle de-gette mailbn la porta dans
celle de Maleftroit , d'où elle tomb^ d^ns celle de Coètquen.
En 1488, le Roi Henri III l'érigea en'Viçoiïité , en fliveur du
Marquis de Coëtquen. L'héritière de cette -opaSfcMi la pona dans
celle de Duras, par Ion mariage avec M' le Duc de Duras,
qui l'a vendue, depuis environ vingt ans, a -Ajwjiorchat, qui
la poffede aujourd'hui. ■ir'^
X FFINIAC ; fur la route de Rennes à Breft ; à i lieue un
tiers de Saint-Brieuc, fon Evêché &: la Subdélégation; & à 18
lieues un tiers de Rennes, fon reilbrt. On y compte 1000 com-
muniants \ M. le Duc de Penthievre en eft le Seigneur : la Cure
eft à l'alternative. Le territoire eft coupé par un bras de mer,
& très-fertile en grains de toutes les el'peces.
En 980 , cette FaroiiTe étoit compnlé dans la dépendance du
Comté de Rennes. La Seigneurie de la Ville-Volette eil auflî
très-ancienne : elle appartenoit , en i 200 , à Juhaël le Vicomte.
Guillaume le Vicomte fut Grand Pannetier de France , fous Phi-
lippe de Valois ; cette terre a moyenne-Jullice , 6c appartient
à M. le Vicomte de la ViUe-Volette.
En 1400, le manoir du bois de Pledran , & celui deCaroy,
appartenoient à Jean de la Chapelle , Seigneur de Bœuvre : les
manoirs de la Ville-Hclio , de la Ville-Tannet , & du Vaurault,
à François de Brehand. On y connoifToit , dans le même temps,
ceux nommés , la Ville-Hervé, Bois-BiUy , la Roche-Duval, le
Bois-Gilbert, Ker-jagu , la Frefnay, le Pleflls , le Pré-Glcn,la
Fontaine-Menard , la Ville-Guermel, les Cartes, la Motte-Glo-
rel, Languenac, la Ville-Loueze , &: la Croix-Berthelot. YfTiniac,
haute-Julhce , & Cabren , moyenne-Juitice , à M. du Bouilli de
Refnon : le Quellenec , haute-Juftice , & les Clos & annexes,
moyenneJulHce , au même : Rochc-Brehand & annexes, moycnnc-
Juftice, à Madame de Toucheprêt,
YRVILLAC ; fur la route de Quimpcr à Landerncau ; à 9
lieues & demie de Quimper , fon Evêché &• fon reilort ; à 41
lieues & demie de Rennes ; 6: à i lieue trois quarts de Lander-
neau , fa Subdélégation. Cette ParoilTc , qui a titre de Chûtel-
lenie , compte 2200 communiants , y compris ceux de Saint-
Eloy , fa trêve : la Cure ell préfentée par un Moine de DaouJas,
5i8 Y R V = Y V I
Beaucoup de vallons, des ruifleaux qui vont fe jetter dans la
rade de Brefl ; des terres en labeur , de bonne qualité ; des prai-
ries , quelques petits bois & des landes ; voilà ce que ce terri-
toire offre à la vue. L'an 1186, Hervé , Vicomte de Léon,
donna à l'Abbaye de Daoulas les dîmes de Lozonar , en cette
Paroiffe.
YVIAS ; fur une hauteur ; à 6 lieues Se demie au Nord-Oueil
de Saint-Brieuc , fon Evêché & fon reffort ; à 26 lieues &
demie de Rennes j & à i lieue trois quarts de Paimpol, fa
Subdélégation. On y compte 1800 communiants : la Cure eft
préfentée par l'Abbé de Beauport. Le Roi poffede quelques fiefs
dans cette Paroilfe , dont MM. le Prince de Ghiftelle , Lan-
geac , & Querault-Vittu , font Seigneurs. Le territoire , coupé par
la rivière du Liés, eft fertile & bien cultivé. En 1500, Dam-
noët appartenoit au Sieur du Pont-Quellenec : le Château-Car-
rec , au Sieur de Guemené j le Porzou-Herbrezellec , à Yves
le Roux 5 & Tranellang , à François de Kerlan,
FIN.
t»
M. Ogée fe fait un plaifir de déclarer ici , que te Diclionnaire
de Bretagne a été rédigé par M. Grelier , jeune homme de vingt-
cinq ans ^ Maître es Arts en VUniverfité de Nantes , & aBuellement
chargé de L'arrangement des Archives de l'Hôtel & Communauté de
la même ville»
TABLE
TABLE
^ JL jp UŒ ^ :jb jt :c X çi xr je
DES VILLES,
PAROISSES , TREVES, ET ABBAYES,
Contenues dans ce Volume.
R
R
.ADENAC.
Rannée.
Redené ; Saint-David , fa trêve.
Redon.
Regiini.
Relec , Abbaye.
Réminiac.
Rcmungol ; le Moufloir , fa trêve.
Renac.
Rennes.
Retiers.
Rezé.
Riaillé.
Riantec.
Riec.
Rieux ; Saint Jean-des-Marais,yâ trêve.
R'inon.
Rochefort.
Roche-Mentru.
Rohan ; Saint- Gouvri , yâ trêve.
Romagné.
Romazi.
Romilley.
Rofcanvel.
Roflandrieux.
Rofnohen.
Rofpez.
Rolporden.
Ros-rur-Coucfnon,
R')ftrenen;
Rouans.
Rougë ; Soulvache , fa trêve»
Ruca.
Tom, IF.
Ruffiac ; Saint-Nicolas , fa trêve,
Ruffigné,
S
OA.FFRÉ.
Saint-Aaron.
- Abraham.
— — Aignan.
Alban.
Alloueftre.
André des-Eaux.
André-des-Eaux.
André-de-Treize-Voix.
Armel.
Aubin-d'Aubigné.
Aubin-des-Bois , Abbayei
Aubln-des-ChAteaux.
- Aiibin-des-Landes.
Aubin-du-Cormier.
Aubin-du-Pivail.
Benolt-des- Ondes.
— — Brevin.
Briac.
Brice.
Brieuc.
- Brieuc-de-Mauron.
Brieuc-des-Itfb.
Broladre.
.^_ Caradec.
Caradec-Henncbon,
. Caradec-Tregomcl.
, Carné.
Caft.
C liartophe-dtfs-Bois.
Chriûophede-ValainJ,
X3
TABLE ALPHABETIQUE.
Sa'int-Colombln.
Congar.
— ~ Coulit.
Coulomb,
- Cyr.
Dénouai.
Didier.
Dolay,
Domineuc.
^— Donan.
Donatien.
Sainte- A vé.
Colombe,
Luce.
Marie de Pornic.
Opportune.
— — Pazanne.
Saint-Enogat.
Erblon.
Etienne-de-Corcoué.
Etienne-de-Mermorte.
Etienne-de-Mont-Luc.
Etienne- du-Bois.
Etienne-du-Gué-de-l'Ifle.
Etienne-en-Coglais.
— — Evarzec.
Fiacre.
Georges-de-Grehalne.
Georges-de-Reintembault.
Géréon.
Germain-de-la-Mer.
Germain-des-Prés.
Germain-du-Pinel.
Germain-en-Coglais.
•— Germain-fur-Ifle.
Gildas-dc-Rhuis, Abbaye.
Gildas-des-Bois , Abbaye.
Gilles.
Gilles-le-Vicomte.
Gilles - Pligeau ; Ker-per
Saint-Conan , fes trêves, "
Glen.
Gondran.
Gonlai. "
.- — Gonneri.
Gouëno.
Gravé,
Grégoire.
&
Sainî-Gulnou.
— — Helen.
Helier. ,^,
— — Herblain.
—— Herblon
Hernin.
Hideult.
Hilaire-de-Châléons.
■• Hilaire-des-Landes.
Hilaire-du-Bois.
Jacques-de-la Lande,
- Jacques- de-Pii mil.
Jacut.
Jacut.
Jacut , Abbaye.
— — Jean-de-Boifeau.
Jean-de-Brevelai,
—— Jean-de-Corcoué,
— — Jean-en-Coglais.
— — Jean-fur-Couefnon.
— — Jean fur-Vilaine ; Saint-Melaîne ^
fa trêve,
Igneuc.
- Jouan-de-l'Ifle.
- Jouan-des-Guerets.
Judoce.
Julien de-Concelles.
Julien-de-la-Côte.
Julien-de-Vouvantes,
Juft.
Juvat,
— — Launeuc,
Laurent ou Lanlaurent,
— — Laurent-de-Greneuc.
Léger.
Léger.
Léonard. -
L'Héry.
Liphar.
•— — Lormel.
Lumine»de-Coutais.
Lumine , près Cliflbn,
. Lunaire.
Maden.
Maio.
Malo-de-Baignon.
Malo-de-Philis.
"— Malon.
Saînt-Marcan.
—— Marcel-Bohal,
— — Marc-le-Blanc.
•""• Marc-fur-Couefnon.
'■"— Marc- fur -Ifle ou Saint-Médard-
fur-Ifle.
•— - Mars-de-Coutais.
»— Mars-de-la-Jaille.
— — Mars du-Défert.
-^ Martin-des-Prés.
—— Martin-fur-Ouft.
•— Matthieu-de-Fine-Terre.
— — Saint-Maudé.
"— Maugan.
— — Maurice-de-Carnoet.
^— Mayeux ; Caurel &: le Vieux-
Marché, y£:i trêves, .
^— . Meaudan.
^1—. Méen.
- Meloir-des-Ondes.
— — Meloir-près-Bourfeul.
.— Melolr lous-Hédé.
Mervon.
—~- Mefmes.
— — Mhervé.
Michel-de-Chef.Chef.
Michel-eii-Greve.
.^— Molf.
— ^ Nazaire.
Nie.
Nolff.
• — Onen.
Oiien-des-Alleux.
""* Oiiin-de-la-Roirie.
^~ Ptre-Mr»rc-en-Po..ilet.
"""" J'ere-en-Retz.
"~~" Pern.
Philbert-de Grand -Lieu.
*~~" Plerre-c!e-l-ouguenais.
"■"" Pierre de PL iguen,
"~~" Pol-tleLéon.
"~~" Potan.
Qiiay.
Qiiay.
- Rcini-du-Plain.
Renan.
— - Rieul.
Saints.
TABLE ALPHABETIQUE.
Saint Samfon.
Samlon-de-Iouxtclivet.
Sauveurdes-Landes.
Sébaftien,
Seglin.
— — Senoux.
Servan.
Solemn.
• Suliac.
Sulpice, Abbaye.
•— Sulpicc-des-Landes.
Sulpice des-Landes.
— — Sulpice-près-l'Abbaye,
Svmphorien.
thclo.
Thomas-dc-Bailié.
Thonan.
Thov$.
Tuai.
Tugdual ; Croixti , fa trêve,
Veran.
Viau.
—— Vincent-des-Landes.
Vincent-fur-Aouft ;Saint-Perreuc ,
fa trêve,
Uniac.
Vouguay.
Urlal.
UricUe.
Sarzeau.
Savenai ; Boue , /ii trcve.
Saulniere.
Sautron.
Scaër.
Seglien ; Lefcharlins, yû trêve.
Séné,
Sens.
Serent ; Lizio, Roo-Salnt-André, Saint-
Guiomart ou Saint -Maurice ,
fes trêves,
Servet.
Servon.
Severac.
Sevignac.
Siberii.
Silfiac ; Peret , fu trêve,
Sion.
Sixte,
TABLE ALPHABÉTIQUE.
SIzun ; Loemelar , fa trcve. Treffléan.
Soudan.
Soug-al.
Spezet.
Sqiaiffiec.
Sucé.
Sulniac.
Surzur ; la Trinité & Hezo ^fes trêves.
ADEN.
Taillis.
Talenfac ; le Verger , fa trêve,
Taulé ; Carantec & Henvic ,fes trêves.
Tau pont.
Teiilé.
Telgruc.
Theillac.
Theix.
Thorigné.
Thouaré.
Tinteniac ; Trimer , fa trêve,
Tonquedec.
Torcé.
Tourch.
Tourie.
Touvois.
Tramain,
Trans.
Trans,
Tréal,
, Trebabu.'
Trebedan.
Trebeurden.
Trebœufs.
Trebri.
Trebiivan ; Mouftoir , fa trêve,
Tredaniel.
Tredarzec.
Tredias.
Tredrés ; Loquemeau , fa trêve*
Treduder.
Trefglonou,
Treffiagat.
Trtffieuc.
Trefflaouefnan ; Saint- Jean , Queran 9
ôc Trezilidé , fes trêves»
Treffles.
Trefumel,
Tregarantec,
Tregaftel.
Tregeneftre.
Tregomar.
Tregoméur.
Tregon.
Tregonneau.
Tregourez.
Tregrom.
Treguennec.
Tregueux.
Tréguier.
Treguidel,
Tregunc.
TrehoranteuCo
Treillieres.
Trelevern.
Trelivan.
Tremblay.
Tremeheuc.
Tremeloir.
Tremenech,
Tremeoc.
Trémereuc.
Tréméven.
Tréméven.
Tremeur»
Tremorel; Leiocouet, fa trevil
Tremuzon.
Tréogan.
Treogat.
Treouefcat.
Tero u I tré-Penmarch.
Treffaints.
TrefTé.
Treffigneau.
Trevé.
Treveneuc,
Treverec.
Treverien.
Treveron.
Trevou.
Trévoux Treguinec.
Trezélan j Saint-Norvez , fa trevc^»
Trezeni.
Trigavou.
Trogueri,
V.
ALLET.
Vandel.
Vannes.
Varades,
Vay.
Venefle.
Vergeal.
Vern.
Vertou.'
Veuë.
Vezin.
Vieillevigne,
Vieuviel.
/^
trcve.
TABLE ALPHABETIQUE.
Vieuxvi-fur-Couefnonr
Vigneux ; la Pàclais ,
Vignoc.
Villamée.
Vildé-Bidon.
Vildé- Guingalan.
Vildé-la-Marine.
Villeneuve , Abbaye.
Villepot.
ViflTeiche,
Vitré.
Vritz.
Uzel.
FFINIAC.
Yrvillac; Saint-Eloi ,/: ircvc,
Yvias.
Fin de la TahU du quatrième & dernier Volume,
L E T T R E
A l'Auteur de ce DiÛionnaire.
D
Hûtet fater.iem reum.
ANS un Ouvrage tel que le vôtre , Monfieur; dans un Livre confacré à
l'honneur ôc à l'utilité de la Province ; il eft edentiel , comme je l'ai déjà
remarqué , que les inadvertances ou les erreurs gliffées dans un article ou
dans '^ " ■ ''■
bien puéril amour-propre, que de ne pas revenir fur Tes pas auflitôt qu'on
découvre la juftice & la néceflîté de le faire.
D'après ce principe, Monfieur, permettez - moi de configner dans votre
intéreffant Dictionnaire , mes remerciements à l'efiimable anonyme qui vous
donne fur moi gain de caufe,pour le récenfement de la Population de Bre-
tagne , malgré les épidémies fréquentes Se multipliées dont les Annales de
cette Province fourmillent depuis fes premiers temps hifloriques jufqu'à nos
jours. C'eft au N°. 27 de la Gazette d'Agriculture, de 1779, que j'a> lu cette
lettre inftru6live , où je ne fus pas médiocrement furpris d'apprendre la nullité
du prétendu dénombrement de 1755. Je i'avois rapporté fur la foi de VAmi
deshommes, qui , écrivant dans la Capitale du Royaume, à la fource ou au
centre des lumières en tout genre , n'auroit pas dii , fur ce point , tomber
dans un écart fait pour égarer fes LeCleurs. C'eft ainfi que je m'étois encore
laifTé , moi neuf centième, furprendre , aux réfultats affirmatifs d'un autre Cal-
culateur , qui , pareillement en faute avec d'aufîi bonnes intentions , avoir ,
publiquement ôc fans contradiction, diminué d'environ cent ibixante mille le
nombre des capitables de la Bretagne. Ce double exemple m'apprendra ,
Monfieur, à ne m'en rapporter délbrmais, en ce genre, comme en bien
d'autres, aux afferiions d'autrui , aux autorités les plus refpe(5lables , que lorf-
qu'elles feront appuyées de preuves évidentes. M. l'Abbé Expilly, qui, dans
fon Dictionnaire des Gaules, ne portoit d'abord la Population Bretonne qu'à
quinze cents mille âmes , fe trouve, dans fon tableau prélcnté dernièrement
au Roi , parfaitement d'accord avec vous , finon par la méthode , au moins
par les réfultats.
Mes projets , dépofés au- Greffe des Etats , fur les foulagcments , les amé-
liorations , & les embellififements dont la Province m'a paru le plus fufccp-
tible(^ ) ; mes Mémoires à la Comminion Intermédiaire fur les Communes
& fur la Capitation ; enfm , Monfieur , les vues & les idées cparfes dans mes
différents Opufcules , tant imprimés que manufcrits , prouvent , je crois, indé-
pendamment de ma conduite en plufieurs circonftanccs, que je fuis aufli peu
{a) Voyez, malgré quelque» légers trraia ,\i t >77'^i N". î & 81 de IT77 ; fie fur-toot les
Gazetie poliiiquc des Dcux-i'on», N*. 101 de | dcrDier» Suppknîcnii de 177S,
Tapologifte de rengourdiffement &c de la fainéantire , que le détrafl:eur du
travail ôc de l'indurtrie. Cependant, Monfîeur, il me paroît que vous jugez
trop révérement les indigents & défœuvrés citoyens, miférablement difperfés
dans les fauxbourgs de nos bourgades , fur les déferts de nos landes , vers les
brouillards de nos étangs , & près les fondrières de nos marais. Tout le mal
ne vient certainement pas de leur faute, ni même de celle des propriétaires,
fouvent moins excufables. Rappelions-nous les générofités vraiment royales,
que le Chef, le Légiflateur, le Général , & l'Hiftorien de Brandebourg , vient
de faire , non-feulement à fes peuples , pour prémices de la paix , mais à des
voifins , à des étrangers , qui ceiToient à peine d'être fes ennemis. Rappelions-
nous ce paflage d'un livre français , imprimé dans le Royaume , répandu par
toute l'Europe , & cité dans les deux Continents. " La culture eft fi languif-
„ fante en Portugal , ( 1 771 , ) que cette nation tire annuellement de l'étranger
,, le tiers du bled qu'elle confomme. Ce défordre peut ceffer.... La Cour de
5, Lisbonne tomberoit dans une erreur bien dangereufe , fi elle penfoir que le
5, temps feul amènera cette grande révolution. Il lui convient de la préparer
5, par la diminution des impôts , fur-tout , par l'adouciflement dans la per-
3, ception fouvent plus deftruélive que l'impôt même. Lorfqu'on aura levé les
5, obftacles , il faudra prodiguer les encouragements. Un des préjugés les plus
5, funeftes au bonheur des hommes , à la prolpérité des Empires , tû. celui qui
,V veut qu'il ne faille que des bras pour la culture. L'expérience de tous les
5V 3-gQS prouve qu'il ne faut beaucoup demander à la terre qu'après lui avoir beau-
5, coup donné ... Le Gouvernement doit venir au fecours des cultivateurs hors
5, d'état de faire les avances.... \Jn premier changement en affurera d'autres.
„ Les arts néceflaires à la culture naîtront infailliblement , & s'élèveront avec
,, elle de proche en proche; l'induftrie étendra , pouffera toutes fes branches,
„ & le Portugal ne montrera plus un peuple fauvage entre des peuples civi-
,,• lifés.... La fuperftition finira avec la parcffe , l'ignorance , le découragement...
5, Là nation , débarraffée de fes entraves , rendue à fon aftivité naturelle ,
5, prendra un effor digne de (es premiers exploits. „ Or , Monfieur , nos ma-
ladies politiques étant moins générales, moins graves, & moins compliquées,
nos remèdes étant par conféquent bien plus efficaces & plus faciles , nous avons,
fur-tout après les Edits bienfaifants prom.ulgués au milieu des hoftilités & des
manifefies , nous avons , dis-je , tout lieu d'elpérer notre guérifon radicale &
prompte, aufli-tôt que les maux plus preffants d'une guerre, noble & jufte
de notre part (^), cefferont d'abforber l'attention vigilante de nos Médecins,
mieux ntentionnés ou plus infl:ruits que ceux d'un pays en proie au monopole
de l'Angleterre , & à l'abrutiffement de l'Inquifition.
Pour troifieme 6>c dernière obfervation, Monfieur, permettez-moi de réprimer
les perfifBages ou les badauderies de quelques Parifiens fur les noms en Ker &
en/7/0, pUu -pu plou ; comme fi l'on ignoroit que ces fyllabes répondent
aux mots domÈiU , habitation , ville , cité ^ peuplade. KERBOT ^vicus Jive manjlo
Boti. KERM ART IN .oppidum vd domus Martini. PLOUFKAGJN , plebs ^
populus^.jeu regio , p^gus aut civitas ^ urbs Fracani\ ainfi que dans la même
p^'ince , CHATÈAUBRIANT ^ cajlrum ^ cajhllutn Brientii; & , comme en
(a) Voyez dans les Afficiies générales de Bre- | U lettre d'un Major de Cavalerie à un Jurlf-
tagne, No. 35 , ou 17 Août 1779 ; l'extrait de I conjulte.
Beauce,
Beauce, ROUFJLIE , TIGNONFILLE , Raoldî-vilU (a), Tignonîs-vUla -
en Normandie , ROGLRVILLE , TOUST AIN PAILLE , Rogmi-villa , Trufiini-
y'dla , &c. ( ^ ). Les mots de manoir & de mefnil ^ allez communs dans
cette dernière, ont la même fignification. Ceci me conduit naturellement à
terminer ma lettre par une réflex-on fur les étymologies. Le Père Labbe
reprochoit aux Auteurs des Racines Grecques leurs mots dérivés de cette Langue*
parce que , difoit le Jéluite , ils ne jont pas parvenus en France , fans avoir
pajje par le pays Latin ; mai:> , repondoient les Horts-Royaliftes , de ce que
les cabinets de la Chine palTent par la Hollande , avant d'arriver en France,
S*enruit-il qu'ils ceiïent d'être véritablement Chinois, 6i quM t'aille, les ap-
peller cabinets de HilUnde ? Cette réponfe , ou queftion , m'a paru très -péremp-
toire ; & je peni'e qu'elle peut s'appliquer à la plupa-^t des objedions de ceux
qui préfèrent les étymologies latines, espagnoles, &: italiennes, aux racines
de la Langue Celtique, mère de la plupart de nos Langues modernes, &,
peut-être même , plus ancienne encore que l'Hébraïque , puilque celle-ci , très-cor-
fompue ou mélangée depuis les premières difperiions 6i captivités du peuple
qui la balbutie , ne reflemble probablement gue'-es à celle que parloient
Moyfe & Abraham. Cependant, !e Celte, lui-même, ne me paroit que le
dialefle ,1e débris, ou le jargon très-altéré , d'un plus antique idiome fepten-
trional ; car c'eft encore plus au Nord qu'à TOrienr , qu'il nous faut chercher
la fource des peuples & des connoifTances , ainfi que l'ont récemment dé-
montré deux illuftres Auteurs ; M. Bailly , dans l'Hiftoire de l'Aftrouomie ,
& M. de BufFon , dans les Epoques de la Nature. En leur joignant les conjec-
tures , les recherches, & les découvertes du célèbre Boulanger ; l'on peut dire
que jamais les Sciences exaftes & les Belles-Lettres, jamais la Fhyfique Sc
l'érudition n'ont mieux fait fentir leur prix & leur mérite refpe6lifs , les avan-
tages de leur concours , & la force de leur union.
Je fuis très-parfaitement,
Monsieur,
Votre très humble & très-oKéifTant
ferviteur , C. G. T. ***
( a ) N'étant pas à portée de faire des reclicrclie»
fur cette Terre oc l'aroilfe , dont je ne connois l'hif-
torique que depuis environ 1480 , fans lui trouver de
polfeffeur du nom de Rou , Roi ou Raoul , je ferois
encore afTez tenté de conjeûurer que la première fyl-
labe de fon nom provient , ou de fa fituation en partie
fur le roc, ou du voifinage de la nvitrt enceiii'iue
ro ; je foupçonnc même que , par un jeu de mots,
trè$-comnmn jadis , la première de ces deux raifons
n*a pas médiocrement contribué a la faire dédier à
Saint-Pierre. Hoi plus habiles fcrutateurs d'ainquiiés
& d'étymoiogiesj ôcparmilcs plus récents, M.lePré-
fident de Broffes , ( Nléchanifme du Lang.ige); M.
l'Abbé Bercier,( Origine des Dieux ); M. Court de
Gebelin,f Monde Piimit^f); N.l'Abbé Deric,(H f-
toireEcdcfiaf^ique dcBrctng' . ) ; ont fort bien prou-
vé que, dans tous les pays & ''ans toutci les Laozues,
Tom. IV.
les noms de lieux font dérivés de leur pr [i-
que , des produftionsdu terroir , de quc.-,v,v .(., . té
naturelle ou accidentelle. Au nombre de ces qusl. et
accidentelles , je compfcainû q. ' ;' t Traité
de la NoblelFe ôc oesNoms) , !' rem-
pruntées ou imitées du no v.
tcrc, foit du Seigneur ou , ji»
tans ou coons. ( Note et M.. L.<i. i ^
(h )Lt bourg ou village-paroiffier , j'eil fonné dnt
le voifinage des Toufiaim , Comtes de M»ntiofi^
furie nom dcimicls on trouve, avec celui de Uurpno-
cipale 1 erre , les mêmes allufions Ac rapports ét^mo-
loj;iques que nous avons indiqués, pjg. 6) et ce
Volume, J la hn de la Note pour les Toy/lamê ,
Comtes d Hvennes , leurs parents .leurs roci^j*.
uiwc» , & cofitcoiporaiiu. (A«i« J* M.OOit.)
»•
9^ N O T E de Monjieur OgÉE.
L'Auteur de la Lettte que l'on vient de lire , occupé des foins tant
îpaternels que patriotiques , Membre de plufieurs Corps militaires , politiques,
& littéraires , confacre à l'étude & à la méditation les courts inftants que lui
laiflent des travaux plus indifpenfables , des devoirs auxquels (es goûts
font ou conformes ou fubordonnés. Nous devons à fa plume fçavante &
fidelle , l'analyfe impartiale & raifonnée que le Journal Encyclopédique de
Mars, Août, & Décembre 1779» a publiée, des trois premiers Volumes de
ce Diâionnaire ; & des trois premiers de l'Hiftoire Eccléfiaftique de Bretagne,
par M. ÏAbbc DerU', c'eft-à-dire , de tout ce qui a paru jufqu'à préfent de
ces deux Ouvrages, entrepris dans le même temps, fans que les Auteurs fe
foient connus ni confultés , & qui peuvent , à bien des égards , s'entretenir de
correélif & de complémeiit [l'un à l'autre. Voyez la Lettre de M. Grelier^
dans les Affiches générales de Bretagne, N°. 46, au 12 Novembre I779«
Nous indiquerons encore , pour réponfe à des reproches que nous ne mé-
ritons pas , les N°% 10 ^ 22, & 47 de 177S.
■1
J
APPROBATION DU CENSEUR ROYAL.
'ai lu , par l'ordre de Monfeigneur le Garde des Sceaux , le tome quatrième
du Dïclionnaire. Hiflorique. & Géographique delà provïna de Bretagne -y &C je n'y
ai'Obfervé rien qui puilTe en empêcher Timpreflion. Donné à Pans, le 7 Juin
1779.
Signé, PHILIPPE DE PRÉTOT,
des académies d^ Angers & de Rouen,
PRIVILEGE GÉNÉRAL.
JLi O U I s , par la Grâce de Dieu > Roi de France & de Navarre , à nos amés
& féaux Confeillers , les Gens tenant nos Cours de Parlement , Maîtres des Re-
quêtes ordmaires de notre Hôtel , Grand-Confeil , Prévôt de Paris , Baillits , Sé-
néchaux , leurs Lieutenants Civils, & autres nos Jufliciers qu'il appartiendra :
Salut. Notre amé le Sieur OgÉe Nous a tait expofer qu'il defireroit taire impri.
mer Redonner au Public un Ouvrage de fa compofnion , intitulé : Dïclionnaire
Hijloriquc & Géographique de la Province de Bretagne , s'il Nous plailbit lui
accorder nos Lettres de Privilège à ce néceffaires. A ces Causes, voulant
favorablement traiter l'Expofant , Nous lui avons permis & permettons de
faire imprimer ledit Ouvrage , autant de fois que bon lui fcmblera , & de
le vendre, faire vendre , par-tout notre Royaume. Voulons qu'il jouiflc de
l'effet du préfent Privilège, pour lui & fes Hoirs, à perpétuité , pourvu qu'il
ne le rétrocède à perfonne ; & fi, cependant, il jugeoit à propos d'en faire une
ceffion , l'acSle qui la contiendra , fera enrégiftré en la Chambre Syndicale de
Paris, à peine de nullité , tant du Privilège que de la ccflion ; & alors , par
le fait feul de la ceflion enréglftrée , la durée du préfent Pri\ilegc fera réduite
à celle de la vie de l'Expofant , ou à celle de dix années , à compter de ce
jour, fi l'Expofant décède avant l'expiration defdites dix années. Le tout
conformément aux articles IV &i V de l'Arrct du Conftil du trente Août 1777,
portant Règlement fur la durée des Privilèges en Librairie. Faisons déftnfesà
tous Imprimeurs, Libraires, & autres perfonnes , de quelque qualité & condition
qu'elles foient , d'en introduire d'imprelfion étrangère dans aucun lieu de notre
obéiflance ; comme aufii d'imj.rimer ou faire imprimer , vendre, faire vendre,
débiter ni contrefaire lefdits Ouvrages, (bus quelque prétexte que cepuiiïe être,
fans la permiffion expreffe & par écrit dudit Expofant , ou de celui qui le reprc-
fentera ; à peine de faifie & confiscation des exemplaires contrefaits ; de fix mille
livres d'amende , qui ne pourra être modérée , pour la première fois ; de pareille
amende, & de déchéance d'état, en cas de récidive ; Ôi tous dépens, dom-
mages, & intérêts; conformément à l'Arrct du Con.'cil du trente Août 1777»
concernant les contrefacjons. A la charge que ces Prélentes feront cnrégilhccs
tout au long fur le Regifire de la Comi!...nauté des Imprimeurs & Libraires de
Paris , dans trois mois de la date d'icclles ; que l'impreflion dudit Ouvrage fera
faite dans notre Royaume, & non ailleurs, en beau papier 6c beau caraôere ,
conformément aux Règlements de la Librairie, à peine de déchéance du préfent"
Privilège ; qu'avant de l'expofer en vente , le manufcrit qui aura fervi de copie à
l'impreflion dudit Ouvrage , fera remis dans le même état où l'Approbation y aura
été donnée, es mains de notre très-cher & féal Chevalier , Garde des Sceaux de
France, le Sieur Hue deMiromenil ; qu'il en feraen fuite remis deux exemplaires
dans notre Bibliothèque publique , un dans celle de notre Château du Louvre , un
dans celle de notre très-cher 6; féal , C hevalier , Chancelier de France , le Sieur de
Maupeou, & un dans celle dudit Sieur HuE DE MiROMENiL. Le tout à peine
de nullité des Préfentes; du co itenu defquelles vous mandons & enjoignons de
faire jouir ledit Expofant & fes Hoirs, pleinement & paifiblement, fans foufFrir qu'il
leur ibit fait aucun trouble ou empêchement. Voulons que la copie des Pré-
fentes , qui fera imprimée tout au long au commencement ou à la fin dudît
Ouvrage , foit tenue pour duement (ignifiée , &i qu'aux copies collationnées par
l'un de nos amés & féaux Confeillers- Secrétaires , foi foit ajoutéecomme à l'ori-
ginal. Commandons au premier notre Huifîier ou Sergent lur ce requis , de
faire pour l'exécution d'icelles , tous aâ^es requifs & néceflfaires , fans demander
autre permiflîon , & nonobftam ciameur de Haro , Charte Normande , & Lettres
à ce contraires : Car tel eft notre plaifir. Donné à Paris , le quinzième jour de
Juillet , l'an de grâce mil fept cent foixantedix-huit , & de notre règne le
cinquième. Par le Roi en fon Confeil. Signé , LE BEGUE.
Rcgijiréfur U Regijire XX ^ d& la Chambre Royale & Syndicale des Libraires
& Imprimeurs de Paris ^ N^. 1^66', fol. 3/2, conformément aux difpofitions
énoncées dans le préfent Privilège ., & à la charge de remettre à ladite Chambre
les huit exemplaires prefcrits par l^ Article CVIII du Règlement de lyz^ . A Paris ^
ce ly Juillet lyyS» Signé, A. M, LOTTIN, l'aîné; Syndic.
Rcgijiréfur le Regiflre N°. I , de ta Chambre Royale & Syndicale des Li'
hraires & Imprimeurs de Nantes, N°, i foL 1 , conformément aux Règlements ,
&pour leur maintien à l"* effet d^ empêcher les contrej actions . A Nantes 5 k i^ Mai
/77j). Signé, BRl/N, faîne; Syndic»
1/
Y
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Rare
Book
Rooff)