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DICTIONNAIRE.
RAISONNÉ UNIVERSEL
D'HISTOIRE NATURELLE.
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TOME PREMIER.
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A = AZU
A(J(Jirvil ea ad Aclani u( vjcJei^e£ Cjuicl vocai'ei ea .
Ocncoc , lA I.
DICTIONNAIRE
RAISONNE UNIVERSEL
D'HISTOIRE NATURELLE,
CONTENANT
L'HISTOIRE DES ANIMAUX , DES VÉGÉTAUX
ET DES Minéraux , et celle des Corps célestes ,
des Météores , et des autres principaux Phénomènes
de la Nature ;
AVEC
L'HISTOIRE DES TROIS REGNES, et le détail des
usages de leurs productions dans la Médecine, dans l'Economie
domestique et champêtre , et dans les Arts et Métiers j
Et une Table ioncordantè des Noms Latins , etc. et le renveî
aux objets mentionnés dans cet Ouvrage,
Par M, V A L M O N T - B O M A R E ,
Voyageur et Démonstrateur d'Histoire Naturell-e avoué du Gouvernement •
ancien Censeur Royal ; Directeur des Cabinets d'Histoire Naturelle
de Physique , etc. de S. A. S. Monseigneur le PRINCE DE GONDÉ ;
Honoraire de la Société Economique de Berne ; Membre des Académies
Royales des Sciences de Naples , de Médecine de Madrid , Impériale ^qs
Curieux de la Nature , Impériale et Royale des Sciences de Bruxelles ;
Associé Regnicole des Académies des Sciences , Belles-Lettres et beaux
Arts de Rouen et de Dijon ; des Sociétés Royale à^s Sciences de Mont-
pellier , Littéraires de Caen , d'Orléans , de la Rochelle , etc. , d'Agri-
culture de Paris ; Membre du Collège de Pharmacie.
Quatrième Edition , revue et considérablement augmentée
par l'Auteur,
TOME PREMIER.
A LYON,
Chez BRUYSET Frères.
M. Dec. XCL
AVIS DES ÉDITEURS,
Sur la quatrième Edition du Diclionnaire
Rnifojiné Univerfel d'Hijloire Naturelle^
Lj e goût & l'étude de rHiiioité Naturelle ont faît
des progrès tres-confidérabies dès le commencement
de ce (îecle. C'cft depuis cette époque que les efforts
réunis des Académies & à^s Sociétés lavantes , que les
travaux des Réaumur ^ des Buffon ^ des Jujfitu^ des
Duhamel , des Bonmt 6c de tant d'autres iiludres
Naturaliftes ^ ont fait naître les plus belles découvertes ,
& préCenré les observations les plus importantes fur
les trois règnes des Minéraux , des Fé^êtaux , & des
Animaux,
Depuis lors , la Chimie & la Phyfique fe font
beaucoup perfedionnées entre les mains de plufieurs-
Savans célèbres , dont les découvertes ont dû ne-
ceffairement répandre un grand jour fur THlf^oire
Naturelle , puifque la première de ces deux Sciences,
s'occupe uniquement de l'analyfe des corps , & que
l'autre n'a d'autre but que l'étude des phénomeiîes de
la Nature.
On a aulTi beaucoup écrit , depuis quelques années ;
fur l'Agriculture , fur l'Economie rurale , fur les Manu-
faclures ; & les Ouvrages des Savans qui fe font
appliqués à traiter ces objets , nous ont enfeigné
l'emploi que l'art doit faire des dons de la Nature ;
en forte qu'aujourd'hui il n'y a aucune branche de
THiftoire Naturelle , ni aucun des objets qui y font
Tome /, a
vj AFIS DES ÉDITEURS.
relatifs , fur" lefquels nous n'ayons un o« plufieurs
Traités , ou au moins quelques Differtations ou Mé-
moire^ ALadémiques,
Tant -de richeiies éparfes & répandues dans une
infinité de Volumes , fembloient attendre qu'une mai a
exercée à ce genre de travail les réunit & les rap-
prochât pour en former un enfemble & un corps
complet d'Hilloire Naturelle.
M. Valmont-Boniarc ^ connu trcs-avantagcufement
par les Cours publics qu'il fait à Paris fur cette
Science , pendant irente-deux ans , a entrepris ce
travail , auquel nous devons la rédaQion du DiclLcn--
nain Raljonné Univerfd (THiuoln Natur-zlle , dont la
première Edition a été préfentée au Public . en
1764 , la féconde en 1768 , & la îroilieme ea
: L'empreflement avec lequel le Public a accueilli cet
Ouva-age 5 en fait connoitre affez l'importance & l'uti-
Ut^. Larprenitre, la. féconde & la troiiieme Editions ^^
quoique: tirées à \\n grand nombre d'exemplaires , ont
été'j enlevées rapidement,. à Paris : il n'y a peut-être
point de livre qui ait été plus fouvent contrefait e».
différentes Villes de France & des Pays étrangers ; 61
jp^gré lin grand nom.bre de fautes gromeres & ridi-
Giiks ^^;ces -copies, informes <^nt trouvé, des. acheteurs.^
Git Oiiyi'ageVtout auffi varié que la Nature , & écrit
(i) M. Valmont-Bomare a le premier établi en France des Cour*.
fur toutes Us parties de i'Hiiloire Naturalle. II a vo} af^é pcndanr
plufieurs années, & toujours avec l'aveu & la protetlion du Gouver-
nement ; il n'a rien épargne pour fermer une CoIIedton convenable à
Il Science qu'il profelie. L'on a Vu dans fen Cabinet , Un .nombreux.
concoaYs d'Auditeurs rie Tua & l'autre fexe , de tout rang , & de
prefque toutes les contrées du monde -, des Princes & des Frinceffès
du Sang n'ont pas dédaigné de fuivie exa(n:ement (e^ leçons -, plu-
fteurs Souverains de l'Europe ont aiis le fceau à fa gloire , par leur
accueil ôcpar leurs préfens. Après trente-deux ans d'exercice public,
ce ProfefTeur a formé le projet de céder , dans foa entier , fon
ipyglgAfç St précieufe coliô^^ioia. M, de Condé en ayant été informé ^
AVIS DES ÉDITEURS, vi|
Ae manière à communiquer à fes Le£leurs une ceftaina
liberté d'efprit , une noble hardielTe de penfeîv,-qui efl
le germe de îa philofophie ; cet Ouvrage , difons-nous ,
a été commenté par des hommes très-difdngués par
leur favoir , entre autres par l'illuflre M. de Haîlcr»
Il a été traduit dans plulieurs Langues ; il a été accueilli
par toutes les Nations favanîes de l'Europe ; enfin ,
fa réputation cd folidement établie : ces fuccès ont
engagé l'Auteur à exciter &: à mériter , par fon zèle ^
par fon travail , & par le prix qu'il y a toujours atta-
ché , en un mot , par de nouveaux foins & par de
nouvelles recherches , l'attention & l'eftime à^^
Lecteurs.
Voici une quatrlem.e Edition , revue , & enrichie
d'additions très-curieufes , très-importantes, qui ont
rendu ce Di«^ionnaire plus volumineux Aq.s deux tiers
que la dernière Edition : il n'étoit pas poilible d'exé-
cuter un pareil travail fans multiplier les volumes ; &
par cette raifon , on avoit d'abord penfé à l'imprimer
in-folio , ou au moins in-A^.^ Mais pour mettre le
Public à portée d'avoir cet Ouvrage dans le format
des écrits de notre Auteur , d'en jouir plus prompte-
ment , & auffi dans îa vue d'en diminuer le prix y &
& voulant donner publiquement à ce Naturalise une marque dé
fon eftime pour fa perfonne & fes talens , & favorifer en quelque
forte fa jouiffance , en a fait l'acquilition ; en forte que le Cabinet
de Chantilly , qui étoLt déjà enrichi par de magnifiques préfens en
ce genre , faits par deux Souverains du Nord , & le Cabinet de
M. Bomare n'en forment plus qu'un , rangé par les foins & fuivant Iq
méthode des inftitutions de ce Profeffeur. Le Mercure de France ,
Décembre 1786 , dit à cette occafion : « Que le Cabinet du Château
de Chantilly fera déformais Pun des plus importans , des plus complets
Se des plus intérefîans , & que les Voyageurs curieux , que ce lieu de
délices attire , pourront étudier mieux dans le Temple confacré à la
Nature , le vafte tableau & la nombreufe férié de fes produftions , &
que M. Bomare , qui eft le Direfteur de ce précieux dépôt , aura
toujours fous les yeux Içs objets propres à exercer fon efprijç & f^
l^lume, &c, "j
viij Ans DES ÉDITEURS.
d'en rendre l'acquifition plus facile, on s'efl déterminé
à Pimprimer clans deux formais ; favoir :
//z-4.^ cara«:^ere de Ckcro , mèiV.e format de la féconde
Edition , en 8 Volumes ," d'environ 800 pages chacun ,
carré fin d'Auvergne.
On a tiré fur du papier velin d'Annonay , plus grand que
le format ordiraire , vingt exemplaires de cette Edition»
En grand in-S.^ caradere de Cicéro , même format de la
Minéralogie de no:;re Auteur (2), en 15 Volumes
d'environ 670 pages chacun , même papier.
On croit avoir ainii fatisfait au defîr de ceux qui
demandoienr un cara^ere facile à lire , & un format
commode pour le cabinet , & au goût de ceux qui
veulent à^s volumes portatifs , moins coûteux , plus
commodes peur la campagne , pour les voyages Ô£
pour les leéhu-es habituelles. Nous pouvons encore
ailurerque la pcirîie typographique foumife à Texamen
de quatre revifeurs CiiiTérens , a été exécutée avec
toute l'exa£titude poffible , & que toutes les feuilles
de chacune de ces deux Editions , ont été lues ., cor-
rigées & avouées par l'Auteur.
^^^ Pour prémunir les Acquéreurs de cet Ouvrage
contre la furprife des Editions qui pourroient être
contrefaites, nous les prévenons que l'Edition in-8^
porte notre iignature au revers de la faufle page du
Frontifpice, Tome ï.^^
(2) Ce Traité de Miniralogie , avec des tables fynoptiques , a été
réimprimé en dciu: Voluî-ne.-; en 1774, &l fe trouve thsz^ -5 iîi< ois U
leune , O/.ji d<s Au^ii;U:if , à Paris,
a ! ^'4^ .-^4 aJ« *j* ^a 4^ /}* jjj^^ ïjr **< »}• *j* jj/t ;^i 4«.f '*' 4'- 4^- 4* 4* 4' 4* 4* 4'* 4* 4* 4* tx î «
Il tîjk^ftifî» * ïï=î;J «vf-'^ï* ..;•;:;■:?•:?< ♦ ftSâ'ViJtlf
E FA C E.
^^0"^®îv
I
L n'y a point de fpe61acle plus întéreflant
que celui des Etres fans nombre qui peuplent
r Univers. Les merveilles nous environnent de
toutes parts ; & , pour qui fait voir , rien
n'eft indifférent dans cette immenfité d'objets
de toutes efpeces.
C'efl ce vafte & fublime Tableau que j'ai
déjà entrepris de crayonner & de préfenter
au Public qui a daigné Faccueillir : c'eft tout
le domaine en quelque forte de la Nature ,
dont je donne la defcription. »
Trois règnes remarquables par leur étendue
& leur importance , ont jufqu'ici partagé les
recherches & fixé l'attention des Obfervateurs.
Combien de parties m.êmes de chacun de ces
règnes ont eu des Hiftoriens particuhers !
a 3
v) PRÉFACE.
Les Animaux^ les Véoétaux & les Minéraux
ont prefque toujours été vus , recueillis , repré-
fentés à part. C'étoit auflî le plan que je m'étois
d'abord propofé de fuivre , comme je l'ai
annoncé dans ma Minéralogie ; mais , fans
abandonner ce projet , qui pourra trouver fon
exécution à la fuite des tlémens d'Hlftolre
Naturelle que je me propofe de donner dans
quelque temps , j'ai reconnu , par ma propre
expérience, combien il feroit utile & curieux
d'avoir un recueil qui offrît l'enfemble & la
réunion de tous les corps , qui exposât tous les
phénomènes ^ & en un mot , qui préfentât
l'inventaire de la Nature.
Il falloit , pour bien remplir cette idée^
adopter la forme la plus propre à répondre
fur le champ à la curiofité du Lefteur. Les
efpeces font fi variées^ fi multipliées, fi con-
fondues, que les plus habiles NaturaHfl:es ne
font pas encore parvenus à pouvoir leur afîi-
gner , d'une manière immuable & fixe , l'ordre
& le rang qui leur conviennent : on ne fait ,
fur les limites , comment claffer des Etres qui
femblent appartenir à plufieurs efpeces en
même temps. Vouloir , dans une defcription
rapide de tous les objets connus , fuivre les
déto^;rs de ce vafie labyrinthe, fans quitter le
fil de la méthode , ce feroit s'expofer à s^'égarer
avec ceux auxquels en fe propofe de fervir
de guide.
PREFACE. Tij
Je me fuis donc déterminé à fuivre , à
imiter, pour ainfi dire , la marche de la. Na-
ture 5 trop féconde pour compter ou pour
arranger fes productions , & qui par -tout
affefte un défordre fublime. Sa richeffe em-
prunte un nouvel éclat du contrafte m*ême qu'on
obferve dans fes divers ouvrages. L'ordre
alphabétique d'un Dlclionnaire raijbniié pouy oit
être regardé , à bien des égards , comme le
plus convenable , comme le feul qu'on dût
admettre , pour chercher , trouver facilement ,
& paffer en revue tous les objets qu'embralfe
l'étude de THiftoire Naturelle. Cependant
cette formée m.ême eft fufceptible d'un plan
méthodique , & celui que j'ai adopté tend à
mettre , fous l'afpeft le plus commode , la def-
cription des richeffes que la Nature étale à
nos yeux.
C'eft ainfi que j'ai eu l'attention de faire ,
de tous les articles principaux ou généraux ,
autant de points de réunion où le Lefteur peut
fe placer , & d'où il peut obferver l'analogie
des genres & des efpeces , & faifir la chaîne
des rapports -, ce qui doit lui faire parcourir
avec ordre & fucceffivement les objets de fa
curiofité.
Veut-on 5 par exemple y avoir une idée
générale des produftions de la Nature , on n'a
qu'à confulter l'article Hifwire Naturelle y on
Y verra la difpoiîtion du Cabinet le plus riche
a 4
vîi) PRÉFACE.
& ie plus magnifique : ç'efi: la Mappemonde >
en quelaue forte, de Ftinpire de la Nature,
où font préfentés fes trois règnes , & leurs
grandes divifions.
Défire-t-on plus de détails , on les trouvera
confignés dans les articles partimiiers , & en
fuivant toujours les termes correfpondans &
indiqués , on approfondira" la férié des Etres
d'une même clafî'e.
Chaque règne &: chaque clafTe font pré-
cédés par un grand article , ou plutôt par des
préliminaires qui en font connoître les carafteres
principaux & les dépendances relatives. Cha-
cune de leurs divifions eft pareillement décrite ;
& il y a une progreffion nicnagée , par laquelle
le Lefteur peut pafTer graduellement des géné-
ralités des genres & des efpeces à ce qu'ils
ont de particulier.
C'eft conformément à ce plan , que dans
l'article Animal^ je préfente les traits généraux
qui caraftérifent tous les êtres compris dans
le règne animal. L'article Homme foit connoître
les variétés de fon efpece , & les attributs qui
relèvent au-defius de celles des animaux. Les
articles Quadrupèdes , Amphibies , Cétacécs ,
Serrens , T égards , Oi féaux , Poi^fons , Co^
quilles , /îifecids , Polypes , Génération , &c.
offrent de même les formes diftinftives que
la Nature leur a données , & un précis de
leur oiganifation ^ de leurs fenfations , de
PRÉFACE. îx
leurs facultés , de leurs habitudes , de leurs
appétits.
J'ai lié 5 par une méthode femblable , tous
les articles correfpondans d'une même claffe ,
foit dans le règne végétal , foit dans le règne
minéral ; en forte que Ton pourra , fi l'on veut
s'en donner la peine , fe procurer la leBure
fuivie d'un Traité détaillé fur tel objet qu'on
voudra étudier.
Que l'on confulre , pour l'intelligence des
Végétaux y les mots Plante , Arbre , Bois ,
Racine , Tige , E cor ce , Feuille , Fleur ,
Fruit y Graine ^ &c. , comme pour la connoif-
fance des Minéraux , les mots Terre , Sable ,
Mines ^ Eaux , Sels , Pierres , Bitumes , &C-;
on verra dans ces articles les généralités^ les
principes , les caraft^es du genre , & comme
autant d'introduftions , qui conduifent à
l'examen particuHer des corps & des indi-
vidus.
Il y a des fingularités qui n'appartiennent
fouvent qu'à une efpece ; ce font des diffé-
rences, des propriétés caraftériftiques que je
n'ai pas cru devoir féparer du terme généri-
que , afin que le Lefteur trouvât rafl!emblé
fous un même point de vue, tout ce qui forme
& termine le tableau de l'objet qu'il veut exa-
miner. Ainfi j'ai rapproché dans un feul article
ce qui concerne les Abeilles , leur naiffance ,
leur accroiffement , leur façon de vivre , leur
X PRÉFACE.
fîolice , leurs travaux & leur induftrie : j'enfei^^ne
a façon de les gouverner, les moyens d'en
tirer le plus grand avantage , je décris les diffé-
rentes efpeces connues de ces mouches labo-
rieufes ; & je place tout de fuite les mots
Ejfaim y Alvéole , Propolis ^ Miel ^ Cire ^ &c. ,
en forte que cet article devient en quelque
forte, un Traité complet fur les Abeilles.
Je traite avec la même étendue ce qui
concerne les Chenilles , en décrivant dans le
même article leurs variétés , leur manière
d'être , leur induilrie particulière ^ leurs méta-
morphofes , leur état de chryfalides, la ftruc-
ture de leurs coques, en un mot tout ce qui les
concerne.
C'eft dans la même vue qu'au mot hifecle ,
après la defcription générale des lnfe6l-es ,
j'explique ce crue c'eft que Stigmate , Œil à
réfcau , &c. Je termine les Corallines ^ qui fucce-
dent au Corail , par la defcription des différentes
productions à Polypier, telles que Lithophytes ,
Efcarres y Eponges ^ Alcyons^ &c. Je donne à
l'article Fer, la defcription de ÏEmeril^ de Y Hé-
matite , de la Manganaife , de V Aimant , de la
Pierre de Périgord^ &c. j'ai rappelé , au mot
Champignon , fiiiffoire des Mouffercns , Mo-
j'iltes y Truies y Veffe de Loup , Oreilles de Judas^
&c. J'ai réuni au mot Pin^ riiiftoire des fucs
réfineux qu'on retire des Piceas , tels que le
S rai fec^ la Poix réjine , le Galipot^ le Barras^
PRÉFACE. xj
la Poix grajfe , le Bijon , YEJJence de Téré-
benthine , le Goudron , le Brol -gras , la
Poix navale , le Noir de Fumée , le Zopijfa ,
&c. &e.
Enfin 5 fans citer ici tous les articles où j'ai
fuivi cet ordre fynthétique, il fuffit d'avertir
le Lefteur qu'il a été obfervé par-tout où il
pouvoit répandre plus de netteté , plus de
lumières, 6i former un enfèmble curieux par
rhiiloire comparée de certains objets, qui,
appartenant au même genre, ont cependant des
formes différentes.
Je me fuis appliqué principalement à pro-
portionner rérendue des articles de ce Dic-
tionnaire , à l'importance & à l'utilité des objets
qui y font traités. On fent qu'il eut été in>
poffible , inutile même , de donner une des-
cription également détaillée de toutes les pro-
duâiions de la Nature.
Une fimple ébauche , quelques traits prin-
cipaux , ont fuffi pour efquiffer îe vulgaire
des Etres répandus avec tant de profufion fur la
furface de la terre. J'ai même paffé fous
filence quelques Végétaux peu remarquables,
& rayé de la lifte de vie certains Animiaux fa-
buleux , qui n'ont d'exiftence que dans les
Relations des Voyageurs crédules ou menteurs,
& trop facilem.ent adoptés par le goût du
merveilleux ou le caprice de l'imagination qui
fe plaît à embellir, & plus fouvent à dénaturer
xij PRÉFACE.
ce qui ne paroît pas afTez extraordinaire. Un
Diclionnaire à' Hifloirc NcaurdU doit être le
dépôt des vérités de la Nature ; l'Ecrivain
ne doit donc rien négliger pour éviter que le
faux ne s'y mêle avec le vrai ^ en confé-
quence, je dis ce qu'on doit penfer de ces
fantômes qu'offrent certains lacs ,' & de ces
fpeftres appelés Lilnh , Draoo?i , &c.
Mais j'ai dû m/arrêter avec complaifance fur
tous les objets qui méritent notre attention par
leur utilité prochaine , par la îingularité de
leurs formes , par les avantages de leurs pro-
priétés 5 & par l'intérêt que nous avons de les
connoître , de nous en fervir , ou de nous en
garantir.
Combien d'animaux fe pîaifent dans notre
fociété , oii ils font compagnons de nos tra-
vaux, efclaves laborieux , domeftiques attachés,
amis agréables ! plufieurs d'entre eux , indigènes
& naturalifés dans notre climat , ou étrangers ,
fourniffcnt à notre nourriture, à notre entretien ,
aux commodités , aux plaifirs de la vie , & font
d'un commerce lucratif. Ces efpeces fi pré-
cieufes ne peuvent être trop examinées , trop
foignées, trop muitipHées; c'eil pourquoi elles
occupent, des places diftinguées dans cet Ou-
vrage. On aimera , fans doute , à confi-
dérer le tableau fidelle de leur ftrnfture , de
leur taille, de leur figure, de leur infrinft , de
leurs mœurs , de leur éducation ^ & le tableau
PRÉFACE. xîîj
(îe leurs paffions : on eft curieux de les voir
naître , s'élever , fe reproduire , & prendre
foin de leur pcftérité. Ils nous intéreflent trop
pour négliger d'étudier leurs maladies, & pour
ne point nous empreffer de chercher les re^
medes convenables à leurs maux. A l'égard
des Animaux fauvages , on a parlé de leurs
rufes , de leurs guerres , de leurs demeurer ,
du temps de leur geftation, de leurs façons de
vivre & d'élever leurs petits , de leurs mi-
grations , &c. Que l'on confulte les articles
Eléphant^ Coq^ Cheval^ Chien y, Ccfior^ Taureau ,
Morue , Hareng , Thon , Tortue , Léming ,
Bélier , Cerf ^ Lapin , Autruche , Baleine ,
FormicaAco , Fourmi ^ Vers à foie , Cochenille ,
& mille autres : ces articles piqueront la curio-
iité de tout lefteur , foit par Fhiftoire même
des Animaux , foit par l'expofîtion des reflburces
qu'ils préfentent à nos befoins.
Les mêmes motifs m'ont engagé à décrire ,
dans les occafions convenables , les avantages
que le commerce retire de certaines efpeces 5^
comme la préparation du blanc de baleine , de
la colle dé poiffon , du chagrin ; l'ufage du
cafloreurà^ du mufc ^ de la civett$ , Sic, -, l'art
d'élever fans poule des poulets ^ l'origine &
l'ufage de la refîne lacque , du kermès ou
graine d'écarlate , de la pourpre du buccin &
du murex ; la manière de ramaffer les coquiU
lagesj de les encaifler & de pêcher le corail ^
la préparation des inteftins de ï agneau ;
xîv PRÉFACE.
l'article Momie ofFre l'art des embaume-
mens.
J'ai décrit les riifes de la chaffe ; j'ai parlé
de fes lois , de {ts, plaifirs , de fes peines ;
j'ai indiqué la manière de tendre des pièges
à toutes les peuplades du règne animal ; celle
d'attaquer & de prendre les efpeces puiffantes
ou dangereufes , foit pour leur donner la
mort ^ foit pour les foumettre à l'efclavage
de la domefticité. J'ai fouvent rapporté les
moyens qu'on emploie pour dreiier & inftruire
des animaux à féconder cette lutte entre
l'homme & fes fujets , ordinairement très-
rebelles.
J'ai parlé de la tonte de l'animal qui nous
habille de fon fuperflu j de la caftration , qui
eft devenue un art pour perfeéLioiiner à notre
avantage certaines efpeces deflinées à notre
nourriture , ou un moyen de dompter des ca-
rafteres fauvages que nous avons intérêt de
plier à notre fervice.
Je n'ai pas omis les arts du Manige , de la
Pèche y de la Fauconnerie y & tous les procédés
particuliers de l'induftrie , qui font valoir les
productions ou les dépouilles de certaines
efpeces.
Parmi les animaux qui fervent à notre
wfage , il en eft quelques-uns dont il efl
eilentiel pour uous de conferver les belles
PREFACE. xy
formes^, & que nous voulons perpétuer avec
toute la franchife de leur origine : j'ai marqué ,
à cet égard , l'utilité du croilèment des races ,
sfin d'empêcher qu'elles ne dégénèrent & ne
s'abâtardiffent. Ici, les articles Bélier ^ Cheval^
&c. peuvent être cités en exem.ple j S^ fi l'on
confulte les articles Jurnart & Léocrocotte , on
reconnoîtra que la Nature eft quelquefois
trom.pée , comme forcée par des méfaliiances
les plus difparates : c'eft de ces unions fî
étranges^qu'il réfulte , quoique rarement , des
muUts par excès»
Il eft d'autres fortes d'animaux ennemis du
genre humain , malfaiteurs de naifTarîce ^ &:
dont l'homme a prononcé la profcription ;
après les avoir dénoncés , après avoir donné
leur fignalement bien circonftancié , après
avoir décrit leur caraftere méchant & leur
înftinft perfide , j'ai enfeigné les moyens les
plus efficaces pour éloigner ou détruire ces
tyrans de la fociété. On peut en voir des
exemples aux mots Crocodile^ Requin ^ S crp eut ^
Hanneton , Bruches ^ Charançon ^ Coujin , Fucc ,
Punaife , Pou , Teigne , Sauterelle ^ Kers
rongeurs de vaiffea,ux , Ver folitaire ^ & tant
d'autres , dont les efpeces ne font malheureu-
fement que trop communes & trop ré-
pandues.
J'ai recueilli avec foin les réflexions &
ks découvertes anatomiques les plus récentes ^
^vj PRÉFACE.
qui rendent raifon de plufieurs irrégularités
dans quelques animaux. Il y a une oblërvation
curieufe , qui juftiiîe le Coucou du reproche,
j'ai prefque dit du crime, d'introduire lès œufs
dans des nids étrangers , & de donner fes petits
à nourrir par des oifeaux qui stn croient les
pères.
rexpofe l'appareil des os & des mufcîes
peftoraux dans les (Hfeaux, & la mécanique
de leur vol. Je rapporte de quelle #ianiere
s'exécute la refpiration dans le Cygne &: le
Péiican , & ce que l'on doit penfer du chant
mélodieux du Cygne ; je fais connoître la con-
formation finguliere de V Eléphant , du Paref-
Jeux ^ de la Loutre & des Ruminans\ je décris
la bizarre procréation du Crapaud pipai ^ du
Sarigue , du Limaçon Sc des Crujîacées ^ la
formation des écailles du poiffcn , celle des
cornes, des poils , des dents , des os , de la
peau & des ongles des Quadrupèdes. J'ex-
plique quels font les mufcles qui fervent à
redreffer èz. à développer la queue du Paon
& du Coq- d'Inde , ou à élever & abaiffer la
crête de la Huppe ; pourquoi les plumes de
certains oifeaux ne font que peu ou point
altérées par l'air ou par la pluie : je fois
remarquer la confirmation finguliere du cœur
& du poumon de la Tortue , la fl:ru6ture
extraordinaire de la queue de la Poule & des
pieds du Cormoran , celle de la langue du
Pic & du Fourmilier j la fingularité de l'orifice
&
PREFACE. xvij
&: du cloaque du Parejfeux , qui eft fejTiblable
â celui des oifeaux : je fais connoître la cauie
d'où dépend la couleur rouge de la chair du
Saumon , ainiî que la couleur noire de XAfri^
quain : j^expofe la grande multiplication dii
Lavin & du Lierre j je décris l'organe hy-
draulique des animaux défignés fous le nom
de Poijfons fouffleurs , la conformation de l'œil
du Chat , la force expanfîve & contra6live
des mufcles peauffiers dans te Rat mufqué , Ten*
gourdiflement léthargique du Loir^ de la Mar-
motte , &c* Je dis de quel ufage eil la grandeur
de la glande pinéale de VtLlan , & de la
trachée- artère dans le Kari^ & en quoi dépend
la force digeflive de Teftomac des Chiens :
j'expofe à l'article Oifeau la manière dont la
digeftiôn s'opère dans les bipèdes , la divifion
qu'ont faite les Phyhologiiies des animaux à
ventricule , foit mufculeux , foit moyen , foit
membraneux , la nature & l'ufage du fuc gaf-'
trique. L'article Homme offre le Tableau de
V économie animale,^ &i de la délicateffe infinie
des organes de nos /ens : enfin , je cite la
découverte de la fubftance qui , dans les mois
où la lettre R n'entre pas , rend les Moules &
fou vent les Huhrcs dangereufes à manger. Je
rapporte les expériences & les obfervations
qui ont été faites fur la reproduction des
Limaçons décapités ^ &c.
Le même plan a été obfervé pour les Vé-
gétaux* Les plantes utiles 6c les plantes ufueîles.
lonie u Jd
ïviij PRÉFACE.
exotiques ou indigènes, cultivées ou fâuvages ,
terrellres ou aquatiques , enracinées ou para-
{itQS j ont été traitées avec une certaine étendue.
J'ai rapporté non-feulement leurs propriétés en
médecine, leurs ufages dans les alirnens, ou
pour les arts de l'ébénifterie , du tour , de la
menuiferie , du charronnage ^ de la teinture , & .
de tant d'autres, mais encore ce qui concerne
la culture , avec une inftruftion fur les la-
hours y fur la manière de fumer , marner , femer,
greffer & planter. Les articles Figne , Ray-
^rafs y C/iénêy Hêtre , Peuplier^ Erable^ Garance^
Pajhl y L'in^ Chanvre^ LuTcrne ^ Ga^oîi^ Foin,
Prairies artificielles , Landes , Marne , Fumier ^
&c. en fourniffent une multitude d'exemples,
notamment l'article du Blé , où j'ai expofé la
pratique la plus accréditée pour conferver les
grains. Je n'ai pas paffé fous filence les m^oyens
dont la Nature fe fert pour femer elle-même
les plantes.
Je me fuis plu à décrire les procédés qu'on
fuit pour élever ces belles fleurs qui font le
charme des yeux & les délices des Amateurs ,
telles que les Rofes , les Œillets , les Oreilles
d'ours , les Tulipes , les Renoncules^ l^s Jacinthes y
les Anémones. J'ai préfenté fur tous ces objets
plufieurs obfervaîions générales , qui peuvent
aufîi s'appliquer à la culture des autres fleurs.
Je me fuis ordinai remuent contenté de décrire
\ts plantes par leurs carafteres les plus frappans ,
PRÉFACE. lâx
& dWdiquer leurs principales propriétés par
les termes Carminative , Alexitere , Vermifuge ,
Hyfiérique ^ Scc ^ mais on trouvera à la fuite du
mot Plante , une explication plus étendue de
leurs vertus, des termes propres, & un détail
des carafteres botaniques. Notre premier intérêt
eft en effet de connoître les fecours que nous
pouvons attendre de ces végétaux , dans nos
maux & pour nos befoins. Ceft auffi ce qui
m'a engagé à donner ^ dans l'occafion , plu-
fieurs préparations ufuelles , telles que celles de
V Agaric de Chéne^ de V Amadou , des Fins d'Ab-
jirithe , de Genièvre , à'Alkekenge , du Sirop
d^ Orgeat , de YEJfence de Jafmin , & du re-
mède contre la maladie du vernis des Chinois.
Je rapporte les bons effets qu'a produits , dans
des maladies dangereufes & défefpérées, Fuiacre
interne & difcret du Napel , de la Ciguë ^ de la
Pomme épineufe , de la Jujquiame , du Colchique ,
& d'autres plantes femblables , fuivant la
nature du climat & du fol : en un mot, pour
le bien de l'humanité , j'ai eu foin d'indiquer
les efpeces nuiiîbles $ & , dans ces articles , le
remède eft à côté du mal.
Je fais connoître la préparation de V Indigo ,
du Roucou , du Maniaque^ de XOrfeille , de
la Garance , du Paftel , de la Giu^ du Sagou^
du Salop 5 de la Térébenthine, Vd\ décrit l'art
de conferver les Fleurs dans leur forme avec
leurs couleurs & une partie de leur odeur. Je
parle des différens aromates ou parfums , des
b X
XX P R É F A CE.
fards adoptés par plusieurs Nations , & du
moyen de fixer le Pajlel à.Qs tableaux.
Je défigne la manière dont on récolte le
Lahdanum , la Manne , les Datus , les Olives ,
la Vanille , le fuc que fournit ïarhre du
J^ernis de la Chine j je rapporte les meilleures
méthodes de hâter la maturité de certains
fruits, comme des figues, &c.
Je décris la manière de fe procurer , pour
l'ufage des cabinets , les différentes efpeces
d'animaux , Injecles , Poijfons , Reptiles ,
Oijeaux , Quadrupèdes ^ &c. &c. j celle de les
préparer , & de les envoyer des pays que
parcourent les Voyageurs.
On fait que chaque fiecle , chaque âge ,
chaque pays eft marqué par de nouvelles dé-
couvertes , & lé temps préfent ajoute toujours
au paffé : j'ai recueilli tout ce qui eft relatif à
cet objet. J'ai reconnu que le bois jaune eft le
même arbre que le Tulipier ou arbre aux
tulipes , & que Tarbre de la Folie eft celui
d'où découlé la réfine Caragne. Il eft reconnu
auffi que les animaux défignés fous les noms
^Alpa^ne , Guanaco , Glama , Lama , Vigogne ,
Paco , &c. font des individus de la même
efpece , ou d'une efpece liiccurfale , & qu'il n'y
a de différence réelle entre ces quadrupèdes ,
•que quelques légères nuances occafionnées par
l'état d'efclavage. L'hiftoire du Paco , celles du
Tapir & du Sangliçr^ fourniffent des exemples
PRÉFACE. xxj
que, dans toutes les langues , on donne quel-
quefois au même animal plufieurs noms diffé-
rens , dont l'un fe rapporte à fon état de
liberté , un autre ^ celui de domefticité. Auffi
les efpeces font- elles rangées dans ce Diftion-
naire , fous leurs véritables dénominations ;, &
tous 5 ou prefque tous les noms triviaux ,
favans, nationaux ou étrangers, étant rapportés
par renvoi à ces vrais noms , on voit
s'éclaircir la confufion. Il y a dans la Nature
certaines productions qui , au premier aipeft y
paroiflent avoir quelque reffemblance avec des
objets qui nous font familiers, & dans ce cas,
il eft affez ordinaire aux Amateurs , même
aux Naturaliftes , de tranfporter le nom de ces
objets aux êtres naturels dont ils offrent une
image ébauchée. Ces dénominations , quoique
fouvent triviales , font néanmoins d'autant plus
admiffibles en Hiftoire Naturelle , qu'elles
expriment dans un feul mot le caraftere qui
fe tire du port , & qu'il eft fi difficile de
rendre par une defcription. On trouve dans ce
Diftionnaire beaucoup d'exemples de pareilles
dénominations : Ckajujfc' trappe , Chirurgien ,;
Cœurs-unis , Coutelier ou Manche de cou-
teau , Dévidoir , Drap-£or , Fufeaii , Harpe ^
Luth , Marteau , Mufique , QuenQuille , Sou^^
fiet, &c.
Je rapporte les phénomènes finguliers que
préfentent les animaux , les végétaux & les
minéraux : les effets de la Senjitive , de l'a Tour--
xxîj PRÉFACE.
maline , de la Torpille , de X Aimant , Src,
font mentionnés à leur place ; & j'ai eu foin
de marquer les objets qui appartiennent à
l'ancien Continent ou au nouveau. Je fais
obferver que les plus grands quadrupèdes ,
tant vix ipares qu'ovipares , font fous la Zone
Torride.
II y a des produftions étrangères que le
commerce nous a rendu familières , & dont
l'ufage eil: devenu un befoin : elles nous inté-
reffent trop , pour négliger de les connoître ;
j'ai cru qu'à ce titre on liroiî avec plaifir les
détails curieux qui concernent le Thé , le Café ,
le Coxao^ le Poivre^ le Girofle^ la Mufcade ,
le Quinquina^ le Cachou^ le Coton ^ la Canne à
fucre^ le Tabac , &c.
Comme l'homonymie , fur-tout en Botani--
que, offre un chaos difficile à débrouiller pour
les Amateurs , & même pour les Etudians , j'ai
tâché de donner des épithetes courtes & pré-
cifes , lefquelles aplanifîént les difficultés en ce
^enre : c'eft pour faciliter l'intelligence de ces
iortes de contradiftions , à toutes fortes de
perfonnes , fur-tout aux Etrangers , qui ne font
pas famiHarifés avec les noms françois , & aux
Voyageurs de notre Nation qui fe trouvent
en pays lointains , que j'ai donné , à la fin de
cet Ouvrage , une Table latine , concordante
& alphabétique des phrafes des Auteurs, ainfi
PRÉFACE. xxiij
que des noms èi des mets dont j'ai parlé dans
ce Diclionnaire.
La dcfcription des Pvîinéraux n'efl: pas la
partie la moins efTentielle de cet Ouvrage. La
Nature , admirable dans tous fes Règnes , fem-
ble avoir renfermé , dans le Pœgne Minéral ,
ks tréfors les plus riches. Toutes les pro-
duftions de ce genre méritent d'être connues
particulièrement ; je les ai décrites avec plus
ou m.oins d'étendue , à raifon de leurs propriétés
& de leur importance.
J'ai rapporté les fentimens les plus accré-
dités fur l'origine , la formation & les ufâges
de ces corps : je n'ai pas oublié l'Iiiftoire des
Jeux de la Nature ; larticle Monjîre indique
(ts caprices ou fès erreurs : j'ai m.arqué le
mécanifir.e des Dendrites ou arborifations , &
celui des Stalaclius ; la manière de retirer le
fel Ammoniac , de filer X Amiante ^ & la foie
de la Pinne marine , ainfi que le procédé
employé pour imiter les Perles ^ au moyen
de la matière nacrée que fourniffent les écailles
de quelques poiffons. Je détermine la nature
de X Alun de plume des Droguiftes , le véri-
table Albâtre des Anciens , le Succin élajli-
que des Curieux j & en quoi confifte la
différence du Cinabre naturel y du Cinabrt
faux. J'ai fait connoître la nature de la Pierre
obfidienne & des Agates , tant naturelles
que factices : j'ai donné leur defcription ^ &
b'4
xxiv PRÉFACE.
rhiftoiie des Métaux & demi-Métaux , de la
Tourbe , des FoJJiles , des Pyrites , des Pierres
précieufes. Je parle des expériences qu'on a
faites depuis quelques années fur le Diamant ,
fur la Platine , fur la Zéclite , je fais connoître
les carafteres d'une Ardoife de bonne qualité ;
je parle auffi du travail àts mines de Cuivre ,
d'Or , de Mercure^ de la mine ^Argent , du Sel
gemme , &:c. Je découvre aux regards des
Amateurs cqs^ laboratoires profonds de la Na-
ture , où elle fémble fe dérober loin de notre
vue pour former, dans îe plus grand fccret,
les tréfors que nous fofnmes fi jaloux de dé-
couvrir & de lui arracher. Je me flatte qu'on
trouvera dans cet Ouvrage , des recherches
fur différens points importans du Syfteme du
Monde.
Le Tableau univerfel de XHifioire Naturelle
eft complété , dans ce Diélionnaire, par le
rang qu'y occupent les corps céleftes , les pla-
nètes , l'hiftoire de notre Globe , les météores ,
les mouvemens de l'atmofphere , le fon appelé
Echo y les propriétés des Elémens , & tous ces
phénomènes fi étonnans , fi importans , où la
Nature fe montre dans l'éclat de fa puiffance ,
& dans tout l'appareil de fa majefl:é.
Les Naturaliftes avoient abandonné cette
étude aux Phyficiens ; mais on me faura gré
de la réclamer ici comme une des plus belles
parties du plan que je me fuis propofé de
remplir.
PRÉFACE. XXV
Pour juger de ce que j'ai écrit fur le
Syftême Planétaire , il fuffira de jeter un
coup d'œil fur les articles y^fire , Ciel , Comète ,
ConfltUation , Eclipfe , Globe ( terreftre & ce-
leile) planète , &c. Les articles Âir , An-
neau de Saturne , Arc -en- ciel^ Atmofphere ,
Aurore boréale , Brouillard , Chaud , Crê^
pujcule y Eclair , Etoile tombante , Exha^
laifons , i^^r/ électrique , Feux-follets , Foudre ,
Froid y Globe de feu , Grêle y Glace, Glaciers^
Harmatan , Lauvines , Lumière :^odiacale ,
ilf<?/- glaciale , Neige , Nuées , Orage , Oura-
gan , Parhélie , pluie , Tempête , Tonnerre ,
Travates , Trombe , Vapeurs & J^ents , donne-
ront une idée des influences météorologiques.
On prendra auffi des idées fur la configuration
de notre Globe , en confultant les articles
Chaos y Filons , Fleuve & Fontaine , (î(9/)^ ,
7/7e, Z<7C , Marais , Mer, Mines , Montagnes ,
ÏV/-^ , Vallées. On apprendra les révolutions
ou altérations que notre Globe a éprouvées , en
lifant les articles Atterriffement , Cataracie ,
Couches de la terre , Courans , Déluge , 2?e-
r/'^ir , Dunes , Flux ( reflux & macaret )
F alun 5 Fojpdes , Grotte , Laves , Pétrifications ,
Tremblemens de terre & Volcans.
On me faura gré , fans doute, d avoir étendu
un très-grand nombre des articles qui paroif-
foienf les plus importans : ces articles font
dans Iç Règne Animal, les mots Abeille^ ^^g^^j
Alcyon , Alouette , Amphibie , ^/2e , Anguille j,
xxvj PREFACE.
animal , Ara , Araignée y Armadïlle , Au--
rochs , Autruche , Baleine , Bélier , ^//(^/z
Bouvreuil , ^r//?^ , Ca/<^a , Caméléopard^ Canard
Carnivore , Cerf^ Chauve- fouris , Cheval , 67^e
vreuil , Chien , Chien de mer , Cigogne y Coq
Crapaud^ Crocodile^ Cyg'^^ j Dorade'Chinoift
ou Poijfon-doré y Dronte ^ Ecrevijfe ^ Eléphant
Ejlurgeon , Etoile de mer , Faijan , Faucon
iourmi , Frégate , Garelle , Géant ^ Génération
Gerboife , Germe , Goiland , Grenouille
Hamjier , Hermaphrodite y Hippopotame , ///•
rondelle , Homme , Lamentin , Léming , Lér^ard
Lion , Z/o/z marin ., /(^rz , Zoz*^ , Mamajit
Maringouin , Marmotte , Méfange , Moi/ieau
Momie , Mouche , Moule , Nacre de Perles
Nain , Nègre , (E^/y', O^*^ , Orang-outang
Ouijlity , Oi/z-j" , Paon ^ Perdrix , Perroquet
Pigeon 5 Phoque , Rhenne , Requin , Ruminans
Sang y Sanglier , Sangfue , Sarigue , Singe
Taupe , Taureau , Thouyou , Zit^^r^ , Torpille
Tourterelle , Trembleur^ Trompette-agami ^ Vache
marine , Vautour , Vipère y Vivipare , Zibeline
Zoophyte. Ceux du Règne Végétal , font les
mots : Acacia , ^/c^èj- , Ananas , Arbre à pain
Arbre à fuif , B agnaudier , Batatte pomme de
terre , Bignone- catalpa , ^/d ^^ Turquie y Bois
Bois de Bréjîl y Bois de dentelle , Camphre
Cannelle , Chèvre- feuille , C/z(5z/ , (7(7C(? & Co-
cotier^ Courge^ Cytife y Ecorce^ Erable ^ JF rai- .
yz^r 5 Ge/z^r , Herbier , Zza/z^ , Mancelinier ,
Manihot , Mûrier , Navet , 0/g"e , Réfinc-
PRÉFACE. xxvij
élaflique , i?// , Seigle , Yvraie, Les articles du
Règne Minéral , font les mots : Ambre gris &
jaune , Bafalte , Bitume , Charbon minéral ,
Criflal ^ Diamant ^ Emeraude ^ Galet ^ Granité j
Gypfe / Humus , Marbre , Pétrole , Pierre
calcaire ou ^ chaux , 5*^/ commun ou marin ,
Tourbe*
Je vais citer auffi les articles les plus inté-
reflans , & qui font nouveaux dans cette qua-
trième Edition. Le Règne Animal fournit les
mots : Acouchi ^ Bufle à queue de Cheval ,
Carpeau , Chat-bi-^aam , Chien-crabe , Chien-
raton , C/"ic/: , Evolution , Frugivore , Ghainouk^
Labbe , Langaha , Mifgurn , Martin , Mufo-
phage 5 Pâtira ^ Tardifére , Tinamou» Le Règne
Végétal ofee les mots : Anjloloche , Anguicide ,
Bohon-upas ^ Dolic , Glaciale , Vulpin, Ceux
qui font propres au Règne Minéral offrent les
mots : l'omaine ardente , Lagonis , Pierre
aërophane , Pierre de Labrador^ &c. Quantité
d'articles plus curieux les uns que les autres ,
& qui appartiennent aux Météores , ont été
revus & corrigés prefque en leur entier. Le
défir d'être utile m'a fait parler des Gas meur-
triers 5 & des moyens de rappeler à la vie
les afphixiés.
Telle eft l'idée fommaire de l'Ouvrage que
je préfente au Public : je puis me flatter qu'il
efl: le feul qui ait encore paru en ce genre.
Dès le premier coup d'œil , oii reconnoîtra
xxviij P R É F A CE.
combien il efl: différent des Diftionnaires de
Lémery & de F omet , & des deux Livres qui
ont paru , iiy a déjà quelque temps, l'un fous
le nom de Diawnnaire ponauf d'HiJloire Na-
turelle , & l'autre fous celui de Manuel du
Naturalljle,
J'ai tâché de ralTembler & de décrire , avec
le plus d'exaâitude qu'il a été poffible , toutes
les richefies de l'Hiftoire Naturelle ; & de
donner une efquiffe précife de chaque objet ,
depuis l'inftant où il fort des mains de la
Nature , jufqu'à celui où l'art & le génie de
l'homme l'emploient pour notre ufage , ou
pour l'embeUiffem.ent de notre féjour. En un
mot, c'eft dans ce cercle de connoiffances
que fe trouvent renfermés le fpeftacle , , les
propriétés & l'emploi des produftions natu-
relles.
Cette Colleftion peut donc fervîr de guide
fidelle à l'Amateur qui veut étudier l'Hiftoire
Naturelle , ou examiner avec utilité les beaux
Cabinets qui renferment les produftions de
tous les pays. Ce Recueil peut être regardé ,
à beaucoup d'égards , comme un Traité de
Matière médicale , d'Agriculture , de Jardi-
nage , de Commerce , des Arts & de Phyfî-
que ; puifqu'on y envifage chaque objet par
l'utilité qu'on en tire dans la Médecine , dans
l'économie domeftique & champêtre , & dans
les Arts & Métiers.
P RÉ F A CE. xxis
Ceft le fpeftacle le plus fublime , le plus
touchant pour un cœur reconnoiffant , qui fait
admirer le Créateur dans ks œuvres , & pour
quiconque défire de s'inftruire. Le Savant
trouvera , dans ce Diftionnaire , le réfultat de
fes connoiffances & de fes études : l'homme
du monde , pour qui tout eft quelquefois
nouveau dans la Nature , y cherchera un
amufement utile , fatisfaifant & digne de fa
cu^-iofité j peut-être y trouvera-t-il un fujet
fécond de méditations profondes j la lefture
de cet Ouvrage enfin préparera aux Voyageurs
des connoiffances qui ont tant de charm.es
pour nous : & comme j'ai tâché d'écrire avec
cette décence qui convient aux bonnes mœurs,
& qui en permet la lefture à tout le monde ,
ne dois-je pas me flatter que ce Livre entrera
dans le plan d'éducation des perfonnes bien
nées de l'un & de l'autre fexe , s'il eft vrai
qu'on ne peut , fans fe rendre coupable ,
demeurer fpeâateur indifférent des biçns que
la Providence a femés , avec tant de libéralité ,
fous nos pas ?
J'ai voulu être utile , înftruftif , intéreffant ,
& ce n'eft qu'à la fuite de recherches immenfes,
d'un travail long , & après des efforts confidé-
rables 5 que j'ai pu efpérer d'approcher du but
que je m'étois propofé.
J'ai puifé l'hiftoire des faits de la Nature dans
les écrits des Obfervateurs les plus célèbres ^
XXX PREFACE.
anciens & modernes , & dans les relations des
Voyageurs & des Navigateurs les plus accré-
dités chez toutes les Nations, J'ai confulté les
Journaux François & étrangers , les Mémoires
des Académies , & un grand nombre d'Ou-
vrages & de Traités fur toutes fortes de ma-
rieres , même cet Ouvrage commenté par
divers Sav^s , & imprimé à Yverdun , ficc.
J'ai fur-tout interrogé l'expérience ; j'ai vu ,
j'ai comparé, j'ai décrit avec fidélité & exac-
titude la plupart des productions de la Nature ,
foit dans les divers dépôts qui font raffemblés
fous nos yeux , foit dans celui même que
i'avois formé pour les démonftrations de mes
Cours d'Hiftoire Naturelle , & qui ell main-
tenant incorporé avec celui que j'ai arrangé au
Château de Chantilly ; foit d'après les obfer-
vations que j'ai été à portée de faire dans mes
voyages dans les Provinces de la France , &
en différentes contrées de l'Europe. J'ai tiré ,
par analogie des genres & des efpeces , beau-
coup d'obfervations particulières; & peut-être
ai-je préfenté des vues utiles fur certains objets ^
peut-être ai-je femé des germes de décou-
vertes j qui pourront fe féconder & fe réalifer
par la fuite avec fuccès. Je dois aufii confeffer
que j'ai tiré beaucoup de connoifîances des
entretiens des Artiftes , & fur-tout de la cor-
refpondance ou de la converfation de plufieurs
Savans illuftres , qui font y de nos jours , \(zs
oracles & les interprètes de la Nature. Je doi$
PRÉFACE. xxx)
encore avouer que nombre d'exemplaires des
premières éditions de cet Ouvrage , ayant
péffé dans les différentes contrées du Monde
commerçant , plufieurs de mes LeQeurs ont
fécondé m.on zele, en corrigeant les erreurs
que j'avois écrites d'après les Hilloriens &: en
m'adreffani leurs obfervations. Puiffent ceux
qui habitent l'Afie , l'Afrique & l'Amérique ,
regarder l'aveu public que je fais ici , comme
une marque de la fmcérité de ma reconnoif
fance ! Puiflent les mêmes témoignages de ma
gratitude m'acquitter envers les Savans de l'Eu-
rope , qui ont bien voulu m'éclairer de leurs
lumières !
J'ai été obligé de faire mention de plu-
fieurs objets qui n'ont p^s un rapport immédiat
avec FHilioire Naturelle. Il s'agit des mé-
dailles, des vafes & morceaux antiques , des
habillemens & armes des Sauvages. La curio-
fité eft excitée par le concours & l'afpeâ de
tous ces objets : & on nous a fait obferver
que tenant à FHiftoire des arts , à celle de
riiomme , à la Chronologie , Se'c. & faifant
aujourd'hui partie des Cabinets des Curieux ,
nous devions en dire quelque chofe y oous
l'avons fait, mais très-fuccinftement.
Cet Ouvrage , le fruit de plus de quarante
années d'obfervations , de courfes &i de
travaux , n'eft donc pas feulement un Voca-
bulaire , mais Mn Dictionnaire raijonné ^ une
XXXi)
PRÉFACE.
Analyfè fuivie , difcutée , comparée , & mé-
thodique de toute l'Hiftoire Naturelle. Mon
intention a été de faire une fuite complète de
Mémoires fur tous ou prefque tous les objets
que préfente la Nature j & je les ai rangés
dans un ordre alphabétique , uniquement pour
la commodité des recherches.
DICTIONNAIRE
1 ffiwi^s^ips^^i^
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^IHI^HPr
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P^^HHy ' \ ^B id^^H
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DICTIONNAIRE
RAISONNE
D'HISTOIRE NATURELLE.
ri:îp£3ÈH=3^^§?=^;^;^5=i^2)tt
A
A V O R A 5 AvouRA ou Aouara» Friiît d\ine
efpece de grand palmier qui fe trouve dans l'Afrique
& aux Antilles. Limeri fait mention d'un Aouara qui
eft de la groffeur d'un œuf de poule. La chair de ce
fruit eft jaune , les Indiens en mangent ; fon noyau efl
dur, offeux, de la groffeur de celui de la pêche, avec trois
trous aux côtes , dont deux plus petits l'un proche de
l'autre. Il renferme une amande blanche, fort aUrin-
gente & propre à arrêter le cours de ventre. Voyez
Palmier- Aouara,
AB AB AYE. Foyei PAPAYER.
Tome I, A
2 A B E
ABABOUY. Nom que les Caraïbes donnent au pru-
nier épineux du Père Plumier , Ximenia acuLcata, 0nM
trouve à Saint-Domingue. '
ABADA ou Bada. Le Rhinocéros eft connu Q)us ce
nom dans les Indes, à Bengale, à Patane, à Java. Voyez
Rhincciros.
ABAJOUES. Voyez ce que c'eft à Tarticle Singe.
ABANGA. Les habitans de l'Ifle Saint - Thomas
fîonnent ce nom au fruit de leur palmier : ce fruit cil:
de la groffeur d'un citron , auquel d'ailleurs il re/Tem-
ble beaucoup. C Bauhln dit que les Infulaires en font
prendre trois ou quatre pépins par jour à ceux de
leurs malades qui ont befoin de pedoraux. Voyez
Palmier,
ABEILLE , Apis, De tous les infedes que les Natu-
ralises ont étudiés , l'abeille eil le phis admirable. Il y
en a plufieurs efpeces , qui , quoiqu'elles ne nous foient
point auiîi précieufes , parce que nous ne pouvons
point en retirer d'utilité comme des abeilles communes,
méritent cependant notre attention par l'induflrie qu elles
nous font voir. Je ferai l'hifloire de ces diverfes efpeces
d'abeilles d'après les obfervations de M. de Réaumur y
ti d'après l'abrégé que nous en a donné un ingénieux
Ôi favant Naturalise.
Je parlerai d'abord de l'abeille commune , infe^le lî
précieux par fon utilité , qu'il feroit avantageux pour
le bien de la fociété, qu'on le multipliât davantage.
Viendra enfuite FhiSoire ^qs abeilles villageoifes : fous
ce nom générique lont compris les abeilles bourdons ou
bourdons velus , qui vivent au nombre de cinquante ou
foixante dans une mêm»e habitation ; les abeilles qu'on
trouve réunies dans un même lieu , mais qui n'y for-
ment point une efpece de fociété , appelées abeilles
folltaires ; telles font les abeilles perce- bois ^ les abeilles
maçonnes de différentes efpeces , les abeilles qui creufent
la urre^ les abeilles coup euf es de feuilles y celles qui font
leurs* nids dans des murailles avec des efpeces de mem-
A B E 3
branes foyeufes , &c les abellUs tapJJ/îercs : fpe£^acle
admirable , oii fe trouvent réunis l'utile & î agréable :
ouvrages remplis de merveilles , oii Fon reconnoît la
main puifîante qui en a i'emé tout l'Univers.
Abeille tommimt ou Mouche à mid,
iJ abeille commune ou mouche à miel ^ en latin ^pîs^
cil un infefte de l'efpece des mouches à quatre ailes ;
elle e^ à peu près trois fois auffi groffe que la mou-
che commune , velue , d'une couleur brillante , mais
brune.
Cette efpece de mouche apprivoifée efl du nooibre
de celles qui vivent en fociété & travaillent en com-
mun. Autrefois elles étoient toutes fauvages , habitant
les vaftes forêts de la Mofcovie & des autres contrées
du Nord, où elles fe logeoient dans des creux d'ar-
bres ou de rochers : l'homme les a foumifes à fon
domaine pour profiter de leurs travaux, & les a raf*
femblées dans des efpeces de paniers qu'on nomme
ruches , &c qui différent peur la forme ou pour la ma^
tiere dans les divers pays.
L'ordre qui règne dans les différentes fondions des
cheilles domejliques , leur gouvernement, leur induilrie,
tant d'art dans leurs ouvrages , tant d'utilité dans leurs
travaux , leur ont attiré l'attention des Philofophes
anciens & modernes : on en a vu paifer une partie de
leur vie à les étudier. Mais plufieurs fe laifTant entraî-
ner par l'enthoufiafme , leur ont prêté bien de fauffes
merveilles , qui ont encore été enrichies par l'imagina-
tion de l'élégant Virgile. Swammerdam ^ Maraldi^ Rèaw-
mur , en dépouillant leur hifloire du faux merveilleux,
l'ont rendue plus intéreffante par la certitude des vérités
qu'ils annoncent, & par ime multitude de nouvelles
particularités , également sûres &: curieufes.
A X
'4 A B E
Z>efcrlpùon des trois efpeces de Mouches qui font dans
une ruche.
Les cbfervations les plus exa£Ves nous ont appris
qu'en' certain temps de l'année il y a dans une ruche
trois fortes de mouches bien diftin£tes. La première ,
la plus nombreufe des trois , font les abeilles commu-
nes , qu'on appelle auffi abeilles ouvrières , parce qu'elles
recueillent le miel &: la cire ; ou mulets^ parce qu'elles
n'ont point de fexe. La féconde , moins abondante ,
font les faux bourdons , ainfi nommés pour les diflin-
guer de ces bourdons velus , qui volent dans la cam-
pagne ; ou bien mdUs , parce qu'ils le font réellement.
La troiiieme , qui eft la plus rare , font les femelles ,
qu'on nomme reine s- abeilles ou reines-meres , parce qu'elles
font mères d'une nombreufe poftérité ; & non point
rois , comme le croyoient les Anciens , puifqiie ce font
vraiment des femelles.
Entre les parties extérieures de l'abeille ordinaire,
les plus remarquables font la tête , le corfelet ou la
poitrine , le corps ou le ventre. A la tête on remarque
deux yeux à réfeau placés fur les côtés , deux antennes,
deux dents , ferres ou mâchoires , qui jouent en s'ou-
vrant & fe fermant de gauche à droite : ces ferres
leur fervent pour recueillir la cire , la pétrir , en bâtir
leurs alvéoles, jeter hors de la ruche ce qui les incom-
mode. Au-defîbus de ces deux dents on apperçoit une
trompe qui a l'air d'une lame afTez épaifte , très-lui-
fante, de couleur de châtaigne : cette lame eft repliée en
deux , & on ne la voit dans fa longueur que lorfque
la mouche eft occupée à la récolte du miel. Cette
trompe ell une machine étonnante, dont M. de Réau-
mur-à développé les refTorts avec une faga cité admirable:
c'efl dans fes Ouvrages qu'il faut voir la defcription de
cet organe , compofé de plus de vingt parties. A l'œil
fimpleelle paroît enveloppée de quatre fortes d'écaillés ?
A B E ç
quî forment enfemble un canal, par lequel le miel efl
conduit : la trompe qui efl dans ce canal , eu un corps
mufculeux, qui , par fes mouvemens vermiculaires , fait
monter le miel dans le gofier. Lorfqu'on a féparé les
dents , on obferve à l'orifice de la trompe une ouver-
ture qui efl la bouche , & au-defTus un mamelon charnu,
qui eft la langue : toutes parties dont nous verrons l'ufage.
Le corfelet tient à la tête par un col très- court :
il porte quatre ailes au-defTus & fix jambes au-defTous,
dont les deux dernières font plus longues que les au-
tres, & ont extérieurement dans leur milieu (que M.
de Réaumur appelle la palette triangulaire ) , un enfon-
cement en forme de cuiller , bordé de poils un peu
roides : c'efl dans ces efpeces de corbeilles que les mou-
ches ramaffent peu- à- peu les particules de cire brute
qu^elles recueillent fur les fleurs , de la manière dont
nous le dirons dans la fuite ; les extrémités des fix
pattes fe terminent en deux manières de crocs , avec
lefquels les mouches s'attachent enfemble aux parois de
la ruche , & les unes aux autres. Du milieu de ces
deux crocs s'élèvent à leurs quatre jambes poflérieures,
quatre brofTes , dont l'ufage efl de ramaffer la poufîiere
des étamines attachée aux poils de leur corps ; ces
brofTes font l'effet des mains , comme nous le verrons
plus bas.
Le corps, proprement dit , ou le ventre, efl uni au
corfelet par une efpece de filet , &c compofé de fix
anneaux écailleux. Tout le corps des abeilles ^paroît
très-velu , même à la vue fimple. L'âge les fait un peu
différer de couleur ; celles de l'année font brunes &
ont des poiîs blancs ; celles de l'année précédente ont
des poils roux & des anneaux moins bruns , & affez
fouvent leurs ailes font un peu déchiquetées. On peut
obferver fur le corfelet & fur les anneaux du corps ,
de petites ouvertures en forme de bouche , par oii
l'infedle refpire : ce font fes poumons , on les nomme
fii^matcs. Cette partie , d'une flru^ure merveilleufe ^
6 A B E
leur cft commune avec tous les înfeâes en général
f^oyei Stigmates à l'article Infecle,
L'intérieur du ventre confifte en quatre parties : les
inteftins , la bouteille de miel ; celle de venin\ Se l'ai-
giiillon. Les inteilins , comme dans les animaux , fer-
vent à la digeflion de la nourx^iture. La bouteille de
miel , lorfqu'elle eft remplie , eft groffe comme un petit
pois, tranfparente comme le criftal , & conti€nt le miel
que les abeilles vont recueillir fur les fleurs , & dont
une partie demeure pour les nourrir ; la meilleure efl
rapportée & dégorgée dans les cellules du mrgafm ,
pour nourrir toute la troupe en hiver. La bouteille de
venin eft à la racine de l'aiguillon , au travers duquel
Tabeille en darde quelques gouttes, comme au travers d'un
tuyau, pour les répandre dans la piqûre lorfqu'elle efl
irritée. L'aiguillon efl fitué à l'extrémité du ventre de l'a-
beille , long d'environ deux lignes , & pénètre avec beau-
coup de vitefTe par le moyen de certains mufcles placés
fort près de l'aiguillon , qu'on apperçoit facilement ea
prefîant le derrière de l'abeille. Ce petit dard, qui paroît
fi délié à l'œil , eu un petit tuyau creux de matière
de corne ou d'écaillé , qui contient l'aiguillon , com-
pofé lui-même de deux aiguillons accollcs , qui jouent
en même temps, ou féparément , au gré de l'abeille.
Leur extrémité efl taillée en fcie , dont les dents font
tournées dans le fens d'un fer de flèche , qui entre aifé-
jnent Se ne peut plus fortir fans faire des déchirures
terribles ; aufîî prefque toujours la piqûre que fait une
mouche lui efl-elle fatale , l'aiguillon entraînant avec
lui la vefîîe , & quelquefois une partie des inteftins.
Leur piqûre eil prefque toujours accompagnée de dou-
leur, d'inflammation , de tumeur. Elles font la guerre à
îa manière des Sauvages , avec des flèches empoifoii-
nées. Le poifon en efl: plus adif dans l'été ; la tumeur
qu'il occafionne efl plus ou moins confidérabl fuivant
les tempéramens. Il y a des perfonnes pour qui ces
fortes de piqûres ne font prefque rien , tandis qu'elles
A B E 7
jCaiifent à d'autres une enflure prodigicufe ; toujours
cil-il confiant qu'un certain noir.bre de piqûres occa-
fionneroit des inflammations , des irritations , & une
forte de hevre qui feroit fuccomber l'homme le plus
robufle. On trouve dans les livres des remèdes à choiHr,
ainfi que pour un grand nombre d'autres maux : oa
propofe l'urine , le vinaigre , le jus de diverfes plantes,
l'huile d'olive , que l'on prétend même propre contre
la morflire de la vipère. Tous ces remèdes & l'eau feule
foulagent pour un infiant , mais la douleur reprend
après , &c l'inflammation continue. Si ces remèdes ^
ainfi que bien d'autres , ont paru opérer , c'efl que- le
poifon n'agifToit point avec vigueur dans ces circonf-
ftances. Le moyen le plus sûr pour empêcher les fuites
fâcheufes de ces blefTures , c'efî d'ôter l'aiguillon de la
plaie aufîi-tôt qu'on efl blefTé, & de la laver avec de
l'eau qui amortit la vigueur du poifon.
Les faux bourdons ou mdlcs font très-faciles à diflin-
guer des ouvrières. Ils font plus longs d'un tiers &
ont la tête plus ronde & plus chargée de poils ; leurs
antennes n'ont que onze articulations , celles des au-
tres en ont quinze. Leurs yeux à réfeau couvrent tout
le defTus de la partie fupérieure & poflérieure de la
tête ; au lieu que les yeux à réfeau des abeilles ouvriè-
res , forment chacun une efpece d'ovale fur chaque
côté. Ils ont le corfelet plus velu & les anneaux plus
liffes. Leurs dents font beaucoup plus petites que celles
des abeilles ouvrières ; aufîi ne leur font-elles point
d'ufage , comme aux abeilles , pour la récolte de la
cire. Leur trompe efl plus courte & beaucoup plus
déliée ; ce qui fait qu'ils ont beaucoup de peine à
puifer le miel dans les fleurs où il efl caché dans des
glandes à une grande profondeur; ils ne s'en fervent
que pour fucer celui qui leur efl néceffaire pour les faire
vivre , & ils n'en font point de récolte. Ils n'ont point
de palette triangulaire à leurs pattes ; leurs broiTes ne
font point propres au même ufage que celles des abeiliesv
A 4
8 A B E
La nnnire leur ayant refiifé les inflrumens propres ati
travail , femble les en avoir exemptés ; aufîi ne travail-
lent-ils point ; tout leur emploi eft de féconder les rei-
nes. Leur organiiktion intérieure prouve que telle ell
leur deftination. Que l'on prefTe le derrière d'un faux
bourdon , on en fait fortir deux efptces de cornes , au
milieu defquelles on apperçoit un corps charnu , qui
s'élève en defTus en fe contournant en arc : cara61erç
diflinclif de fon fexe. Ge corps efl: rempli de vaifTeaux:
tortueux , qui contiennent une liqueur îaiteufe ; enfin il
n'a point d'aiguillon.
Les 7ncrcs abeilles , comme les faux bourdons , n'ont
point aux jambes poftérieures de palette triangulaire
propre à recevoir la récolte de la matière à cire. Leurs
dents 5 quoique plus petites que celles des abeilles ,
font cependant plus grandes que celles des faux bour-
dons. Elles n'ont point de broiTes à l'extrémité à^s
pattes. Les mères abeilles font plus longues que les
faux bourdons. Ce qui aide le plus à faire connoître
une mère abeille , c'efl: le peu de longueur de fes ailes ,
dont les bouts fe terminent fouvent au troifieme an-
neau , au lieu que le bout des ailes des abeilles ordi-
naires, & fur-tout de celles àzs faux bourdons ^ vont
par-delà l'extrémité du corps. Avec des ailes ii courtes,
la mère abeille vo^e plus difficilement que les abeilles
ordinaires; auffi lui arrive-t-il peu de fois dans fa vie
de faire ufage de fes ailes. Son derrière efl armé d'un
aiguillon , qui furpaffe de beaucoup en grandeur celui
d'une abeille ouvrière ; mais qui au lieu d'être droit ,
ed: un peu courbé vers le ventre. El'e ne s'en fert que
lorfqu'elle a été irritée fort long- temps , ou peut-être ,
comme nous le verrons dans la fuite , pour difputer
l'empire à d'autres reines. Dans l'intérieur de fon corps ,
les œufs font diflribués en deux ovaires. Chaque ovaire
efl un aflemblage de vaiffeaux qui vont aboutir à un
canal commun , & qui tous font remplis d'œufs dans
le tems de la ponte.
A B E 5^
Dans la defcription de ces trois efpeces d'mre£^es ,
on a pu obferver un rapport admirable &c toujours
confiant , ainfi que dans toutes les œuvres du Créateur,
entre la f]:ru£lure des parties de chacun de ces infedles
6c leur delHnation. Nous pouvons même dire avec
M. Dtkuie , que tous les infeftes du genre des abeilles
ont effentiellement la même fl:niâ:ure ; les feules diffé-
rences au'on y obferve , confiilent dans les proportions
des parties & dans les couleurs. Ajoutons encore aux
caraàeres généraux indiqués cl-delîiis , que ces mou-
ches ont , outre les yeux à réfeau , trois petits yeux
liffes fiu' le derrière de la tète ; que leurs antennes
paroifTent brifées , parce que leur première articulation
eu beaucoup plus longue que les autres ; les ailes infé-
rieures font aulîi plus courtes que les fupérieures.
Après avoir vu les inftrumens des abeilles nécef-
faires pour leurs travaux , il faut développer l'indullrie
de leurs ouvras;es.
Récolte Je la Propolis & de la Cire pour la conjlriicilon
des alvéoles.
Le nombre des habitans d'une ruche eft très - confî-
dérable. Il s'y trouve une reine qui eft feule de fon
fexe, avec deux, trois, jufqu'à fept ou huit cents
&: même mille mâles ou faux bourdons , & quinze à
feize mille & plus d'abeilles fans fexe , qui font les
ouvrières ou le gros de la nation. Lorfque les mouches
s'établiiTent dans une ruche , leur prem-ere occupation
eft de boucher tous les petits trous ou fentes qui s'y
trouvent , avec une matière gluante , tenace , molle
d'abord , mais qui durcit enfuite ; on lui a donné le
nom de propolis. On croit que c'eft fur les peupliers ,
les bouleaux , les fapins , les pins, les ifs, les faules ,
qu'elles en font la récolte ; cependant M. de Réaumur ,
cet infatigable Obfervateur , n'a pu les découvrir occu-
pées à cette récolte , 6c il a vu des abeilles employer
10 A B E
la propclls dans des pays oii il n'y avoit aucuns de ces ar-
bres : c'efl une découverte qui refle à faire. Quoi qu'il en
foit, \d.propoUst^i une réfuie difToluble dansrefprit-de-vin
te rhuile de térébenthine. Ellen'efi: pas toujours la même
en confnlance , en odeur , en couleur ; communément ,
quand elle efl échauffée , elle donne une odeur aro-
matique ; il y en a qui mériteroit d'être mife au rang
des parfums. La propolis efl d'un brun roiigeâtre en
dehors , jaunâtre en dedans. Outre l'ufage qu'on en fait
en Médecine comme digeftive , quelques expériences
ont fait connoître à M. di Rèaumur^ que cette fubUance
diiTôute dans l'efprit-de-vin ou l'huile de térébenthine,
pourroit être fubflituée au vernis qu'on emploie pour
Aonn^x une couleur d'or à l'argent ou à i'étain réduit
en feuilles. Si, par exemple, on Tincorporoit avec le
maflic ou \q fandaraque , elle feroit très-bonne pour faire
des cuirs dorés.
L'emploi de la propolis eft un des ouvrages les plus
pénibles des abeilles : elles s'y prennent , pour en faire
la récolte & pour s'en décharger , de la même manière
que nous verrons qu'elles font la récolte de la cire ; la
ténacité de la matière rend feulement ce premier travail
phis difficile.
. L'aclivité efl ii grande parmi les abeilles , que pendant
que les unes bouchent les fentes de la ruche , les autres
travaillent à la conll:ruâ:ion des gdtcaux ou rayons^
compofés d'alvéoles ou cellules très-régulieres.
Chaque rayon a deux ordres d'alvéoles oppofés l'un
à l'autre , qui ont leur bafe commune ; & l'on obferve
que la bafe de chaque alvéole eft formée de trois pièces
qui font partie des bafes des trois alvéoles de l'ordre
oppofé. Chacun de ces rayons eil dans \\n^ direction
verticale ; &: il n'y a entre deux rayons qu'autant d'ef-
pace qu'il en faut pour que quelques abeilles puiiTent
pafler à la fois. H y a des trous qui traverfent chaque
rayon pour leur abréger le chemin, L'épaifTeur de cha-
cun de ces rayons eiî d'un peu moins d'im pouce ;
A B E II
ainfi la profondeHr de chaque alvéole , deftiné pour les
abeilles ouvrières , eft d'environ cinq lignes , & leur
largeur efl conflamment de deux lignes deux cinquiè-
mes dans tous les pays où il y a des abeilles. Voilà^pnc
une mefure qui ne peut jamais varier, que tout le
monde connoît , qui le trouve par-tout , en un mot ,
une règle univerfelle en fait de mefure.
Outre ces alvéoles , qui font les plus nombreux ,
elles en conflruifent un petit nombre d'autres , qui font
un peu plus grands , deilinés à recevoir les œufs def-
quels doivent naître les faux bourdons ; au lieu que
les premiers font deftinés pour ceux d'où doivent fortir
les abeilles ouvrières. Ces cellules , qui , ainii que les
premxicres , varient pour la profondeur , font auiîi tou-
jours d'un diamètre confiant , qui efl de trois lignes &
demie ; de forte que vingt de ces cellules , dedinées
aux faux bourdons couvriroient une ligne de cinq
pouces dix lionnes , & un peu plus ; tandis que vingt
cellules d'abeilles ouvrières ont juile quatre pouces de
longueur.
Les abeilles commencent à établir la bafe de Tédî-
fîce dans le haut de la ruche , &c travaillent à la fois
aux cellules des deux faces. Dans des circonflances où
elles font prefTées par l'ouvrage , elles ne donnent aux
nouveaux alvéoles qu'une partie de la profondeur qu'ils
doivent avoir ; elles les laifTent imparfaits , Si différent
de les finir jufqu'à ce qu'elles aient ébauché le nom-
bre de cellules qui font nécefTaires pour le temps pré-
fent.
La conflru£lion des gâteaux leur coûte bien de la
peine : le plus grand nombre de nos ouvrières efl oc-
cupé à dreffer , à limer , à polir ce qui efl encore
brut , à perfedionner le dedans des alvéoles ; elles en
fînilTent les côtés & les bafes avec une û grande déli-
cateffe , que trois ou quatre de ces côtés , pofes les
uns fur les autres , n'ont pas plus d'épaiffeur qu'une
feuille de papier ordinaire. Elles conflruifent encore
li A B E
pluficiirs autres alvéoles deftinés à être le berceau du
reines : pour lors elles abandonnent leur archite£lure
ordinaire; elles bâtiflent exprès des cellules de figure
arrondie & oblongue , qui ont beaucoup de folidité.
Une feule de ces ce'iKiles pelé autant que cent ou cent
cent cinquante cellules ordinaires : il y a moins d'é-
conomie dans celles - ci ; la cire y eft employée avec
profufion, les dehors en font gifillochés ; ce font des
cellules vraiment royales : elles font en petit nombre
en comparaifon des autres. Le^ travailleufes favent ou
paroîiTent favoir eue leur mère ne doit pondre, pour
î'crdinc^re , que quinze à vingt œufs par an , d'où naî-
tront d'autres mères, & qu'au contraire elle donnera
naiffance à plufieurs milliers de mouches ouvrières & à
plufieurs centaines de mâles. Quelquefois elle n'en
pond eue trois ou quatre des premiers , quelquefois
point du tout, ^ dans ce cas la ruche ne donne pas
d'efTaim.
\^x\ gâteau compofé d'alvéoles eft un fpe£lacle char-s-
mant : tout y cft difpofé avec tant de fymétrie 6c fî
bien fini qu'à la première infpedion on eft tenté de
le regarder comme un chef-d'œuvre de l'indu^rie des
infedes. Nos Archimedes modernes admirent comment,
dans la difpofiti^n & la forme de ces alvéoles qui font
hex?.gones & à fix pans , ( & dont les bafes font for-
mées chacune de trois trapèzes , dont les angles obtus
formant l'angle folide du fond , font d'environ cent dix
degrés ) , on trou.ve réiblu par un mécanifme naturel
un des plus beaux & des plus difîiciles problêmes de
la Géométrie : Faire unir dans le, plus petit efpace pof-
Jihle le plus grand nombre de cellules & les plus grandes
pofjibles , avec le moins de matière pojjible. Une observa-
tion très-curieufe , eft que les abeilles varient l'incli-
naifon & la courbure de leurs rayons félon le befoin.
Au rcfle , dit M. Deleu^e , quiconque aura pu voir
les abeilles travailler à la conilrudion de leurs gâteaux,
ou obfervé avec quelque attention è!^% gâteaux com-
A B E ïj
hiencés, fentîra le vice de l'explication mécanique
que divers Naturalifles ont voulu donner de cette ré-
gularité de figures , en luppofant qu'elle n'eft que le
réfultat nécefTaire de ce qu'un grand nombre d'abeilles
travaillent dans un efpace étroit ; d'où il fuit que la
figure ronde qu'elles tendent à donner à leurs alvéo-
les , devient hexagone par la prefîion que chacune
éprouve de toutes parts. On voit au contraire que les
pièces font faites l'une après l'autre , & ont chacune ^
dès leur première conftruftion , la figure régulière qui
leur eft propre , fans aucun indice d'une comprefiion
qui ne peut avoir lieu ni dans une ruche peu peuplée^
ni fur les bords des gâteaux.
Lcuwenhoeck , en examinant les yeux des abeilles au
microfcope , avoit cru obferver que la lumière , mêlée
aux ombres , peignoir fur leur rétine des cellules fem-
blables à leurs rayons, ce qui lui avoit fait conjec-
turer que ces animaux, en travaillant , ne faifoient
qu'exécuter ce qui s'ofFroit à leurs yeux. Nous ne
nous arrêterons pas à difcuter cette iinguliere expli-
cation.
Revenons à confidérer l'induflrie de nos abeilles.
C'eft avec un vrai plaifir qu'on les voit travailler, cha-
cune fuivant fon diflrift, à l'ouvrage commun. Elles
volent fur les fleurs de diverfes plantes , & s'y roulent
au milieu des étamines , dont la poufîiere s'attache à
une forêt de poils dont leur corps efl couvert ; la mou-
che en paroît quelquefois toute colorée. Elles ramaf-
fent enfuite toute cette poufîiere avec les brofTes que
nous avons vu qu'elles ont à l'extrémité des pattes ,
& l'empilent dans la palette triangulaire : chaque pa-
lette eft de la groffeur d'un grain de poivre un peu
aplati. Quand les fleurs ne font pas encore bien épa-
nouies, nos mouches preflTent avec leurs dents les
fommets des étamines , oii elles favent que les grains
de poufllere font renfermés , pour les obliger à s'ou-
vrir & y faire leur récolte. On yoi,t bientôt les abeilles
14 A B E
rentrer dans la ruche , chargées , les unes de peîofcs
jaunes , les autres de pelotes rouges , ou d'autres di-
veries nuances, félon la coultur des différentes pouf-
fieres. Cette pcufTicre qu'elles rapportent çû la matière
à cire ou la cire brute , car elles ne rencontrent nulle
part la cire toute faite.
A peine les mouches , ainfi chargées de la récolte ,
font-elles arrivées , qu'il vient plusieurs abeilles qui
détachent avec leurs ferres une petite portion de cette
matière à cire, qu'elles font paiTer dans un de kurs
cftcmacs , car elles en ont deux , l'un peur le miel &
l'autre pctir la cire. C'cfl dans cet eflomac que fe fait
une merveilleufe élaboration ; la véritable cire y eft
extraite en très-petite quantité de la cire brute , dont
une partie leur fert d'aliment , & le refle cft rejeté en
excrément ; ce que M. de Rèaumur a prouvé par un
calcul ingénieux. Il obferva que dans une ruche de
dix-huit mille abeilles , chaque abeille pouvoit faire
quatre à cinq voyages par jour ; qu'il falloit huit pe-
lotes de cire pour le poids d'un grain ; que les mcuxhes
rapportcient pendant fept ou huit mois confécutifs cent
livres & plus de cette matière ; & que cependant li
l'on tire au bout d'une année la cire d'une ruche fem-
blable , on n'y trouve qu'environ AtwiL livres de vraie
cire ; d'où il fuit néceffairement que la cire brute fait
partie de leur nourriture , & qu'elles en extraient peu
de véritable cire. Les mouches dégorgent cette cire fous
la forme d'une bouillie ou pâte par la bouche q^\Ç:
nous leur avons vue ; &c à l'aide de leur langue , de
leurs dents , de leurs pattes , elles conftruifent ces al-
véoles , dont nous avons admiré la figure. Dès que
cette pâte eft feche , c'eft de la cire telle que notre cire
ordinaire.
Les gâteaux nouvellement faits font blancs , mais ils
perdent peu-à-peu lewr éclat en vieillifTant ; ils jaunif-
fent, & les plus vieux deviennent d'un noir de fuie;
les vapeurs qui régnent dans l'intérieur de la ruche ^
À B E 15
les dépouilles des vers , &c le miel en font la caiife ; la
cire qui a été originairement blanche , recouvre fa
blancheur , étant cxpofée a la rofée ; mais toutes les
abeilles ne font pas la cire également blanche ; ce
qui dépend moins de rinfe£l:e que de la nature des
efpeces de poulîieres d'étamines qu'il va recueillir. On
éprouve même dans les blanchifferies , qu'il y a des
cires qu'on ne peut rendre d'un beau blanc.
Dans les mois d'Avril $1 de Mai , les abeilles recueil-
lent , du matin au foir , de la matière à cire. Mais
lorfqu'il fait plus chaud , comme dans les mois de Juin
& de Juillet, c'efl fur-tout le matin jufque vers les
dix heures qu'elles font leurs grandes récoltes > parce
qu'alors les poiiiîieres des étamines étant hume£i:ées par
la rofée de la nuit , font plus propres à faire corps
les unes avec les autres , &c à être réunies dans une
mafTe. Ces pouiîieres ainii réunies qui forment la cire
brute , différent eiTentiellem.cnt de la véritable cire ,
qui fe ramollit fous le doigt , devient flexible comme
ime pâte , & eft duâ:ile ; au lieu que la cire brute ne
s'amollit point fous les doigts , n'y prend point de
duOilité 5 mais s'y brife.
Des expériences très-faciles démontrent que les pouf-
fieres d'étamines font les principes de la cire , mais ne
font point la cire. Si l'on met une boulette formée de
plufieurs petites pelotes de cire brute dans une cuiller d'ar-
gent fur des charbons allumés, au lieu de fondre commue
la cire , ces pelotes confervent leur figure , fe deffé-
chent & fe réduifent en charbons. Si l'on fût un petit
^let de ces pelotes en les roulant entre les doigts , &c
qu'on le préfente à la flamme d'une bougie , il brû-
lera fans couler comme un brin de bois fec réfineux.
Si l'on jette la cire brute dans l'eau , on la voit tom-
ber au fond, au lieu qu'on verra la cire furnager :
tous ces carafteres difrindifs prouvent d'une m^aniere
inconteftable l'élaboration qui fe fait dans le corps de
ces infedes.
i6 À B E
M. i^e Riaîimur^ dont le moindre objet d'utîlité atti-
rcit l'attention , a fait plitTieurs tentatives pour voir
s'il ne feroit pas poiTible de tirer par art la cire toute
faite de la cire brute : il fe proporoit de concourir
avec les abeilles à la fabrication de la cire ; mais fes
expériences n'ont abouti qu'à lui apprendre qu'il ne
nous efi pas plus aifé de parvenir à taire de la vraie
cire avec les étamines des fleurs , qu'il ne l'eft de faire
du chyle avec les différentes fubilances qui nous fer-
vent d'aliment , ou qu'il le feroit d'extraire de la foie
des feuilles de mûrier.
! Après avoir vu la manière dont les abeilles conf-
tridfent leurs alvéoles , paffons à leur ufage.
Ufage des Alvéoles, Police des Abeilles ; leur gênératlohé
Les alvéoles fervent à contenir le miel , la cire
brute que récoltent les ouvrières , & le couvain que
la reine mère y dépofe. Voyons d'abord comment elle
y dépofe fes œufs , l'efpérance de la république.
L'abeille qu'on nomme la reine , eft une mère pro-
digieufen'icnt féconde ; c'efl: à elle feule que doivent
leur naifiance toutes les nouvelles mouches qui naiifent
dans une ruche : aufTi n'eft-il point d'attachement qui
puifTe aller plus loin que celui que les abeilles ont
pour elle. Elles lui rendent tous les fervices , tous les
hommages dûs à une fouveraine : elles lui font un
cortège plus ou moins nombreux , foit qu'elle veuille
faire la revue de fes états, ou prendre l'air, &c, ;
elles la careffent avec leur trompe; elles la fuivent
par-tout où elle va ; c'efl: Didon , entourée de Tyriens.
Qu'on redonne une mère aux abeilles qui étoient dans
une parfaite oifiveté, parce qu'elles avoient perdu la
leur , les voilà dans l'inftant déterminées à travailler ,
& cela proportionnellement à la fécondité de cette nou-
velle mère. La feule efpéronce de voir naître bientôt
ime mère pariiii elles ^ fufîit pour les y exciter j car fî
au
A B E if
Su lieu d'une mère abeille on met iimplement dans la
ruche une nymphe de mère abeille , le travail renaît
auïïi-tôt.
La mère abeille eu Tame de la ruche ; û elle vient
à périr , tous les travaux cefTent , 6c les abeilles fe laiA
fent mourir de faim. Leur attachement pour elle eft
cgal à Futilité dont elle eftà Ibn peuple, & cette reine
ne fait fervir qu'au bonheur de fes fujets le pouv<:^t"
dont elle jouit. La fécondité de cette reine eft telle ,
qu'elle peut mettre au jour, en fept ou huit femaines,
dix à douze mille abeilles 6c plus. Suivie de fon petit
cortège , & toujours occupée des foins du gouverne-
ment & de la population , elle entre d'abord la tête la
première dans chaque cellule , apparemment pour voir
û elle eft en bon état ; elle en reftbrt , &c y fait enfuite
entrer fa partie poftérieure pour dépofer dans le fond
de la cellule un œuf qui s'y trouve collé à l'inftant*
Elle pafle ainli de cellule en Cellule , & pond jufqu'à
deux cents œufs par jour. La nature lui apprend à
choifir les alvéoles les plus grands , lorfqu'elle va pon*
dre des œufs d'où doivent naître les faux bourdons ;
& les cellules royales , lorfqu'elle eft prête à mettre au
Jour les œufs d'oii doivent éclore les reines. Au bout
de deux ou trois jours , plus ou moins , félon qu'il
fait plus ou moins chaud , il fort de l'œuf un ver que
l'on voit au fond de la cellule. Ce ver eft long , blanc ^
toujours dans la même attitude , c'eft~à-dire , roulé en
anneau , appuyé mollement fur une Couche aftez cpaifte
de gelée ou de bouillie d'une couleur blanchâtre que
les abeilles ouvrières y ont apporté, & c'eft de cette
gelée qu'il fe nourrit»
Les abeilles ouvrières conftruifent non^feulement les
gâteaux , elles font encore les nourrices que la Nature
a accordées aux vers. Elles ont grand foin de viftter
chaque alvéole , pour reconnoître ft le ver qui y eft
logé , a tout ce qu'il lui faut. L'aliment du ver eft le
miel & la cire préparés dajcis le corps des abeilles»
Tome /, B
ïS A B E
Elles ont un foîn particulier des œufs d'où doivent
éclore les reines : elles leur donnent de la pâture avec
profafion. En moins de fix jours, le ver prend tout
ion accroiffement ; alors les abeilles, qui connoifTent
qu'il n'a plus befoin de manger, ferment la cellule
avec un petit couvercle de cire. Le ver , qui jufqu'alors
s'ëtoit tenu dans le plus parfait repos , fe déroule ,
s'alonge , puis il tapiffe de foie les parois de fa cellule;
car il fait filer , ainfi que les chenilles. Il faut obferver
qu'avant que le ver commence à filer , il a confumé
toute fa provifion de gelée ; les nourrices ont foin de.
ne lui en point mettre plus qu'il n'en peut confommer.
Lorfque le ver a ainfi tapiffé l'intérieur de fa cellule ,
il pafTe à un état connu fous le nom de nymphe ,
c'eil-à-dire , qu'il perd toutes les parties dont il avoit
befoin étant ver , comme la filière & autres. Les par-
ties qui lui font néceffaires pour fon nouvel état de
mouche , fe développent. Cette transformation , une
des plus admirables qiie nous préfente la Nature , étant
commune à toutes les mouches , ainfi qu'à l'abeille ,
nous renvoyons à l'article Nymphe , pour en avoir un
détail plus circonftancié , & conncître la différence de
deux mots fouvent confondus, Nymphe^ ChryfaUdc^a),
(û) M. Schïradi , l'un des Oofervateurs de îa Société des Abeilles établie
en Luzace , fous les aufpices de UElecieur de Saxe, a miridé à M,
Bonnet f que toute portion de couvain pouvoit donner ui:e reine- abeille ^
lors même qu'il ne s'y trouvcit point de cellule royale^ parce qu'un œuf
contient le principe d'un ver de reine , & que l'indinél des abeilles fa-
voit difccrner cet œuf. M. Schirach prétend même que les vers qui fe
transforment en abeilles communes, c'eft-à-dire , cuvrierts neutres ^ peuvent
suffi fe transformer en reines. C'eft , dit-il, un ver âgé de trois à quatre
jours, que le gros du peuple abeille choillt pour devenir reine. Si ce
fait exifte, toutes les abeilles communes appartiennent originairement au
fexe féminin , & le développement des organes qui caraftérifent ce fexe,
cépend , fuivant notie Obfervateur , d'une certaine nourriture appropriée
& adminiltrée dans un logement aflez fpacieux ; 6c fans ces deux conditions,
J'abeille commune eft condamnée à une virginité , ou plutôt à une ftéri-
lité perpétuelle ; ainfi la mère- abeille eft féconde fans accouplement, &
elle peut être , dit M. Boyinet , fembîable en cela aux pucerons qui ont
un principe de fécondité pour plufieurs générations. Mais que fera donc
Tuffige fecret t'es faux bourdons ? pourquoi la fage Nature les auroit-elle
pourvus d'an û gr^nd appareil d'organes fécondateurs? Il faut ici con-.
 B E 19
Vakîlle y dans fon état de nymphe , eft enveloppée
d'une pellicule fi mince & il déliée , qu'on apperçoit (es
fîx pattes rangées fur fon ventre , &c la trompe cou-
chée dans toute fa longueur : l'abeille dans cet état ed
d'abord blanche ; dans la fuite , toutes les parties du
corps fe colorent par degrés , &c fe développent infen-
lîblement : on y reconncît la marche de la Nature ,
qui, dans toutes {es opérations , va toujours par nuan-
ces infenfibles ; l'abeille eil ordinairement dans fon
état de perfedion au bout de vingt & un jours. Elle
fait iifage de fes dents pour fortir de fa prifon &C
rompre fon enveloppe : c'eft une opération très-diffi-
cile pour la jeune abeille ; il y en a quelquefois qui
ne peuvent en venir à bout : cependant les abeilles
ont, ainfi que bien des animaux, jufqu'à un certain
temps marqué par la Nature , tous les foins imaginables
pour leurs petits ; ce temps efl-il pafTé , leur amQur fe
fulter, dît M. Schirach , la Contemplation de la Nature ^ part. VIII. c. ^.
Voilà des ohfervatlons neuves qui tendent à détruire la théorie que
nous avions fur les abeil/es ; & lefavantM. Bonnet répond atout ceci,
que la liqueur féminale eft un fluide nourricier & un fiimuîant qui peut
produire les plus grands changeniens dans les parties intérieures àes
embryons. Qui frit fi les mâles ne répandent pss leur fperme dans les
cdluLes royales où Loge actuellement un œuf ou un ver? qui fait fi ce
fperme n'eft pas mêlé à la neurriture fur laquelle repofe Toeuf ou lever^
ou fi ce fperme ne pénètre point dans le ver par d'autres voies que nous
ne faurions deviner ni découvrir ? M. Bonnet , en expofant i'es vues
philofophiques fur cet objet difcuté par MM. Schirach èc ÏTilhelmi , dit,
avec raifon : Q^uel ahyme aux yeux du Sage qu'une ruche d*abeilles . ... I
M. Riem , maître en Fharmacie , & membre de la Soc-e'té (Economique ,
établie à Lauter , dans le Palatinat , a mandé à M. Bonnet , qu'il avoit
répété avec foin toutes les expériences de M, Schirachj & que les
réfultats qu'il en a eus font contraires à tout ce que l'Obfervateur de
Luz?ce avoit écrit; ils tendent aufiî à renverfer un àes principaux fon-
demens de la théorie Réaumurienne. Les abeilles ouvrières , dit M. Riem,
pondent au befcin , ôc donnent ainfi naiffance à des vers de l'une ou de
l'autre forte. Tant de contrariétés multiplient nos doutes, & nous mon-
trent, dit M. Bonnet, avec quelle circonfpefi;ion le Naturalifte philo-
fophe doit procéder dans la recherche des lois qui regiffent les êtres
vivans. D'après cet expofé, nous tenons encore à la logique de l'illuftre
Réaumur. Confultez le Journal de phyfique , Avril , Mai , Juillet lyyy.
On lit dans un des derniers volumes ^es Tranfaci. philofoph. des détails
qui tendent à prouver que la fécondation chez les abeilles , s'opete hor«
«du corps de la femelle,
B 2
io A B E
change en îndifFérence : contraire qiii fait fentîr la dif-
férence de l'inflind 6c de la raifon. Cependant , dès
que la mouche efl fortie , viennent d'autres mouches
raccommoder la cellule, la nettoyer & la préparer
pour recevoir ou de nouveau couvain , ou du miel.
La pellicule qui enveloppoit la jeune abeille , fe
trouve appliquée exaûement contre les parois de la
cellule ; ce qui en fait paroître la couleur différente.
A peine la jeune abeille en cft-elle fortie , à peine (es
ailes font-elles déployées, que la voilà qui vole aux
champs : elle eft tout aufli habile à recueillir & le
miel ôc la cire, que les autres abeilles. Ce font ces
jeimes mouches qui , lorfqu'elles feront toutes éclofes,
& fe trouvant en trop grand nombre dans la ruche ,
formeront en partie la nouvelle colonie , que l'on
nomme ejffaim , pourvu qu'il fe trouve une reine à
leur tête , comme nous le verrons dans la fuite.
Tandis que des abeilles , les imes prennent foin d'é«^
lever l'efpérance de l'État , les autres travaillent aux
récoltes précieufes de la cire brute & du miel ( car l'un
& l'autre confHtuent leur nourriture ) , les abeilles
qui reviennent à la ruche chargées de deux petites pe-
lotes de cire brute , vont s'en décharger dans des al-
véoles vides , à moins que d'autres ne viennent les
décharger à l'inftant pour l'employer : elles ont foin
de pétrir ces pelotes , de les prefTer , de les arranger :
autant en font celles qui fuivent. Elles en remplirent
ainû des gâteaux entiers , qui font de diverfes cou-
leurs : ce font des magalins oii elles ont recours au
beibin , foit pour couvrir les alvéoles où font enfermés
leurs petits , foit pour boucher ceux qui font pleins
4e miel, foit pour fe noiu*rir.
Récolte du MieL
Une récolte tlçn importante poiir les abeilles ^ eft
celle du miel.
A B E îi
M. Llnnœus a mieux obfervé qu'on ne l'avolt fait
avant lui , que les fleurs ont au fond de leurs calices
des efpeces de glandes pleines d'une liqueur miellée.
C'eft dans ces glandes neélariferes que les abeilles vont
puifer le miel , & c'efl: dans leur eftomac qu'il fe fa-
çonne. On avoir cru autrefois que le miel étoit une
rofée qui tomboit du ciel : on ne le croit plus aujour- .
d'hui ; on fait au contraire que la rofée & la pluie
font très-contraires au miel. De tout temps nos abeilles
ont connu ces glandes que nos Botanifles moder*
nés ont découvertes ; de tout temps elles y ont été
chercher leur miel. Quelquefois elles trouvent cette
liqueur épanchée fur des feuilles. Un Obfervateur at-
tentif peut voir au printemps , des arbres , & l'érable
entre autres , dont les feuilles font toutes enduites d'une
efpece de miel ou de fucre qui les rend luifantes ; &
{i l'on pofe une de ces feuilles fur la langue ,. on y
reconnoît bientôt une faveur mielleufe. Soit que cette
liqueur réfide encore dans les glandes , fcit qu'elle en
foit fortie , elle eft la matière première du miel :
c'eft elle que l'abeille cherche & ramafle pour en com-
pofer un aliment propre pour fa nourriture & pour
celle de i^s compagnes. La trompe lui fert à la récolte
du miel , & le conduit dans le premier eftomac , qui ,
lorfqu'il efl rempli de miel , a la figure d'une vefîle
oblongue. ( Les enfans qui vivent à la campagne , con-
noifient bien cette veffie ; ils la cherchent même dans
le corps des abeilles , & fur-tout dans celui des bour-
dons vdus y pour en fucer Te miel). Il faut que les
mouches parcourent beaucoup de fleurs pour ramaflTér
ime quantité fuflifante dé miel , qui puiflb remplir leur
petite velîie. Quand les veflles font pleines , les abeilles
retournent à la ruche., A les voir rentrer fans pelotes
de cire aux pattes, on les prendroit pour àes paref-
feufes ; mais toute leur récolte efl: dans l'intérieur de
kur corps , car elles ne trouvent pas toujours l'occafion.
de faire ces deux récoltes enfemble, Auflî-tôt qu'elles.
B3
22 A B E
font arrivées , elles vont dégorger le miel dans im
alvéole. Comme le miel qu'une abeille porte à la fois
n'eil qu'une petite partie de celui que l'alvéole peut
contenir , il faut le miel d'un grand nombre d'abeilles
pour le remplir.
Quoique le miel fcit fluide , & que les alvéoles
foient comme des pots couchés fur le côté , elles ont
cependant l'art de les remplir. Qu'il y ait peu ou beau-
coup de miel dans rn alvéole , on remarque toujours
deffus une efpece de petite couche épaiffe , qui , par
fa confnlance , empêche le miel de couler. L'abeille
qui apporte du miel dans l'alvéole , fait pafTer dans
cette pellicule les deux bouts de fes premières jambes,
6c par cette ouverture elle lance 6c dégorge le miel
^ont fon eflom.ac efl plein. Avant de fe retirer , elle
raccommode la petite ouverture qu'elle avoit faite :
celles qui fui vent font de même. Comme la maffe du
miel augmente , elle fait reculer la pellicule , & la cel-
lule fe trouve , par cette induflrie , pleine d'un miel
fluide. Les abeilles ont foin de couvrir d'un couvercle
de cire les alvéoles où ell: le miel qu'elles veulent
conferver pendant l'hiver ; mais ceux où eil le miel
deiliné pour la nourriture journalière , font ouverts &
à la difpofition de toutes les mouches. Le miel qu'elles
réfervent pour l'hiver , efl toujours placé dans la partie
fupérieure de la ruche. Souvent l'abeille, au lieu d'aller
vider fon miel dans une cellule , fe rend aux atteliers
des travallkufes ; elle alonge fa trompe pour leur offi'ir
du miel , comme pour empêcher qu'elles ne loient dans
la néceïïité de quitter leur ouvrage pour aller en chercher.
Quand les abeilles ont commencé à naître dans
une ruche , on en voit quelquefois plus de cent fortir
de leurs cellules en un jour ; la ruche fe peuple rapi-
dement , 6c dans l'efpace de quelques femaines le nom-
bre des habitans devient (i grand , qu'à peine elle peut
les contenir ; ce qui donne lieu à cette colonie qu'on
appelle jeton ou cjfaim^
A B E ij
DiS Ejfaïms ou Jetons»
Le favant Auteur des Confidérations fur hs corps
organifés , ( M. Bonnet ) a dit qu'une ruche eft , aux
yeux du Sage , un abyme où fe perd le génie le plus
vafte.
Lorfqu'une ruche fe trouve fi remplie de mouches
que fa capacité ne fuffit plus pour les loger à l'aife , il
en fort une colonie qui va fonder ailleurs fon éta-
bliflement. L'émigration de cette colonie , qu'on ap-
pelle jeton ou ejjaim , n'a lieu que lorfqu'elle a un chef,
c'eil - à - dire , une reine propre à perpétuer l'em-
pire qu'elle va fonder. Une feule reine fuffit pour
conduire l'effaim. Lorfqu'une nouvelle mère a quitté
fa dépouille de nymphe, au bout de quatre à cinq
jours elle efl: fécondée & prête à pondre ; par con-
féquent elle efî: en état de fe mettre à la tête d'une
troupe difpofée à la fuivre par-tout : tel eft l'attache-
ment des abeilles pour leur reine. Lorfqu'on peut faifir
la reine abeille , on eft sûr de conduire les mouches
d'une ruche dans tel endroit qu'on voudra. Cet oit
l'unique fecret de M. Wïldmann , qui , en préfence de
la Société de Londres , fe faifoit fuivre par un eiTaim,
le faifoit pafTer d'une partie de fon corps fur une "autre :
changeoit-il de place la mère abeille , bientôt tous fes
fujetsndelles la fidvoient ( quelques abeilles colériques,
car c'eil un vice de leur caractère , pourroient rendre
ce jeu affez fatal ) : ainfi M. W^ildmami nous apprend un
moyen prompt & facile pour faire pafTer les mouches
d'un panier à im autre. Il tranfporte fa ruche dans un
lieu où il ne règne que la lueur d'un crépufcule , &
la renverfe. La mère abeille , dont la nature eft ,
comme nous l'avons dit, des plus vigilantes pour le
bien de fon état , fe préfente des premières. Il la faifit ;
la tenant une fois , il efl: maître des mouches ; il la
met dans une ruche vide, toutes les abeilles la fuivent;
B4
S4 A B E
il s'empare du mîel , de la cire , reporte le couvâîn
dans la nouvelle ruche qu'habitent les abeilles , & la
place dans le rucher.
Les efl'aims fortent naturellement en différens temps ;
& dans le même pays ils Ibrtent tantôt plutôt , tantôt
plus tard , félon que la iaifon a été plus ou mojns favo-
rable. Les ruches dans lefquelles il y a le plus de mou-
ches , effaiment les premières , parce que la mère y
ayant été tenue plus chaudement tout l'hiver , le prin-
temps vient pour elle plutôt que pour d'autres ; elle
peut donc recommencer fa ponte de meilleure heure.
Le temps le plus ordinaire de la fortie des efTaims dans
ces pays - ci , eft au commencem.ent ou au milieu de
Mai , jufqu'à la fin de Juin ; les efTaims qui viennent
plus tard , ne peuvent guère réufîîr , a moins que d'être
mariés , c'eil- à-dire , réunis à d'autres.
Pludeurs fignes annoncent la fortie prochaine d'un
efîaim.. i.^ Lorfau'on com.mence avoir voltigjer des faux
bourdons devant la ruche , c'eil: une marque que cette
ruche eifaimera dans quelques jours ; les faux bour-
dons ayant été tous mafïacrés avant l'automne ^ comme
nous le verrons , leur retour annonce un nouveau peu-
ple. 2.° Lorfque les mouches font en fi grande quan-
tité, qu'une partie eft hors de la ruche. 3.^ Lorfque
îe foir on entend un bourdonnement très-confîdérabîe.
4/^ Le figne le moins équivoque , &c qui annonce un
efTaim pour le jour même , c'eft lorfque les abeilles
ouvrières ne vont point à la campagne en aufii grande
quantité qu'elles ont coutume d'y aller, quoique le
temps femble les y inviter, & lorf qu'elles demeurent
chargées de leur récolte auprès de la ruche.
Ce n'ell: guère que fur les dix à onze heures du
matin , & jufqiie vers les trois heures après midi ,
que les eiTaims fortent des ruches. Un foleil piquant
qui fuccede à un nuage ou à quelques gouttes de pluie,
pccafîonne dans la ruche une chaleur fi inlupportable,
^ue 1^5 mciiches fe hâtent de prendre leur parti, Alors,
A B E 2$
au bourdonnement qui ëtoit très-granJ la veîUe, éc
qui avoit toujours été en augmentant, fuccede tout à
coup un grand filence ; en moins d'une minute , toutes
les mouches qui doivent compofer reffaim , défilent
avec rapidité de la ruche , & fe difperfent en l'air ,
où on les voit voltiger comme des flocons de neige.
Quelquefois les mouches , en fortant de la ruche , s'é-
lèvent beaucoup , fur-tout s'il fait du vent ; 5c elles
vont fi loin, qu'on les perd de vue. Si on leur jette
du fable ou de la poufîiere , elles s'abaiflent à Finftant,
parce qu'apparemment elles prennent ces grains de fa-
ble , dont elles font frappées , pour de la pluie : on
les arrête sûrement en leur jetant de l'eau qui fafle af-
j>erfion de pluie. Prefque tous les gens de la campagne
ont pour habitude de courir après leurs eifaims , en
battant à toute force fur des chaudrons & fur des
poêles ; ils croient que ce charivari les engage , comme
le bruit du tonnerre , à chercher un afile ; mais il paroît
que tout ce tintamarre n'arrêteroit point un eflaim
difpofé à prendre fon vol , car quelque brmt que l'on
faffe auprès d'une mouche occupée fur une fleur à fa
récolte de miel ou de cire , elle ne fuira point à fa
ruche.
Les abeilles favent prévoir les orages , heureufement
pour nous : on efl: quelquefois furpris de voir les
mouches accourir & rentrer dans la ruche à flots
précipités. Que l'on regarde , on verra de loin un
nuage qui porte l'orage dans fes flancs.
Lorfqu'une nouvelle colonie cherche à s'établir , 11
ne paroît pas que ce foit la reine qui faffe le choix
du lieu où il leur convient de fe raflembler. Plufieurs
mouches, qui vont à la découverte , & auxquelles
une branche d'arbre a plu, fe déterminent à venir fe
pof(?r deffus : elles y font fuivies de beaucoup d'autres :
la mère fe pcfe elle - même auprès de cette branche ;
ôc ce n'efl que quand la couche des mouches s'efl
épaiffie, qu'elle va fe joindre au gros de la troupe.
16 A B Ë
A peine s'y efl-elle rendue, que le peloton gro/Ht
d'inftant en inftant ; fouvent en moins d'un quart-
d'heure tout devient calme. Quelquefois l'effaim, qui
a deux ou plufieurs reines. Te divife & fe place en
deux pelotons féparés l'un de l'autre ; mais comme
les abeilles n'aîment point à vivre en petite fociété , le
plus fouvent les mouches du petit peloton s'en déta-
chent peu à peu , & vont rejoindre le gros.
Lorfque les mouches font ainfi fixées , on les fait
entrer dans une ruche frottée de miel ou d'herbes d'ime
odeur agréable : il faut que celui qui recueille l'ef-
faim , ait grand foin de fecouer les deux pelotons dans
la ruche , dans le cas où ils ne fe feroient pas réunis au-
paravant. Sans cette précaution , on rifqueroit de voir
fortir toutes les mouches de la ruche pour retourner
à la branche , parce que la mère peut fe trouver dans
ce peloton. Il arrive quelquefois qu'un inftant après
qu'on les a recueillies , on les voit défiler & retourner
à la ruche d'où elles font forties. Ce retour à la mère
ruche efl vraifemblablement occafionné, parce que la
jeune reine , qui étoit aux portes & prête à les accom-
pagner , ne les a pas fui vies , pour n'avoir pas eu la
force & peut-être la hardieffe de fe fervir , pour la
première fois, de fes ailes.
Les abeilles du nouvel eflaim ne fe mettent point
férieufement à l'ouvrage , qu'elles ne foient affurées
d'une mère féconde & unique : toutes les mères furnumé-
raires de ce nouvel effaim font mafTacrées , on n'y
conferve la vie qu'à une feule. Probablement la reine
qui eft confervée , a , dans \é plus haut degré , la vertu
qui intérefTe les abeilles , celle de mettre beaucoup
d'oeufs au jour : c'efl peut-être la première née & la
plus prête à pondre ; peut-être aulîi que deux mères,
}aloufes l'une de l'autre , fe livrent un combat dont la
plus foible efl la viftime. Il peut fe faire que la mère
régnante , comme la plus forte & la plus vigoureufe,
tue toutes les furnumérairçs. Les femelles font armées
A B E î7
d'un aîguîllon , dont elles n'ont guère d'autre occafion
de faire ufage. Le fort des reines mères qui reftent
dans la ruche natale , n'y eu pas plus heureux ; elles y
font également mifes à mort : on fait périr de même
celles qui font encore au berceau , & quelquefois on
y en tue un bon nombre. Il eft donc inconteflable qu'il
y a un temps oh les abeilles ne fouffrent pas pkifieurs
femelles , &c qu'il n'en faut qu'ime feule aux mouches
d'un effaim.
Il efl: à obferver que l'effaim eu compofé d'abeilles
de tout âge , èz qu'il refte aufÏÏ dans la mère ruche
des abeilles de tout âge. Quelquefois l'effaim eu com-
pofé de quarante mille mouches ; le poids d'un pareil
effaim efl d'environ huit hvres , car il faut cinq mille
trois cents foixante & feize abeilles pour le poids d'une
livre. Ces efiaims fi forts & fi puifTans ne font pas
toujours les meilleurs , parce qu'ils contiennent trop
de faux bourdons ; les mouches ne pouvant fufEre à
les tuer avant l'automne , comme nous le verrons , ils
affament la ruche. Un excellent eflaim pefe fix livres;
un bon , cinq ; un médiocre , quatre livres.
C'efl une chofe admirable de voir l'adivité avec
laquelle les mouches travaillent dans la nouvelle ruche.
Quelquefois en moins de vingt - quatre heures , elles
font des gâteaux de vingt pouces de long fur plus de
fept à huit de large : on voit fouvent des ruches
plus d'à moitié remplies de cire en quatre ou cinq
jours ; aufîi un effaim fait- il fouvent plus de cire dans
les quinze premiers jours , qu'il n'en fait dans tout le
refle de l'année. Lorfqu'un efTaim a été confidérable ,
^l qu'il a paru de bien bonne heure , il donne quel-
quefois un autre efTaim dans la même année; mais le
plus ordinairement un efTaim n'en donne un autre qu'à
la féconde année.
28 A B E
MaJJacre des faux bourâonsl
Les abeilles laiffent vivre fix femaines ou envîroa
les mâles ou faux bourdons, à compter du jour de
rétabliiTement de la colonie , afin qu'ils aient le temps
de féconder la reine. Une mère abeille qui fe trouve
feule de fon fexe dans fa ruche avec fept ou huit
cents , & même quelquefois mille mâles , eft dans le
cas de la reine d'Achem , qui a un fërail d'hommes à
fes ordres. Si ces 772^7^5 ou faux bourdons euffent été tous
des maris adHfs & pétulans , qui euflent voulu tous
être les maîtres dans le même moment , ce n'eût été
que chaos & confufion. Comme il a été établi qu'une
feule femelle habiteroit avec un millier de mâles , il
devoit l'être que ces mâles feroient tous fort peu a£lifs
& comme engourdis; qu'ils ne pourroient être réveillés
que par elle; qu'elle feroit hbre de choifir entre tous,
celui qu'elle voudroit honorer de fes faveurs. Ceft
aufTi ce qui arrive , comme l'a appris par l'expérience
M. de Réaumur.
Il renferma dans un valfTeau de verre une jeune
reine avec un mâle ; il vit avec furprife que toutes les
prévenances que les abeilles ordinaires ont pour une
mère , la jeune reine les a voit pour le faux bourdon -
elle le carefToit , foit avec fa trompe , foit avec fes pat*
tes, en tournant autour de lui : elle lui ofFroit du miel:
le faux bourdon foutenoit ftupidement tant d'agaceries;
cependant , au bout d'un quart d'heure , il parut s'ani-
mer un peu; & lorfque la femelle , placée vis-à-vis
de lui en regard , eut broffé avec ies jambes la tête de
cet infcnfible , & qu'elle eut fait jouer doucement {t^
antennes , le mâle fe détermina enfin à répondre à {t%
avances par d'autres de la même nature : par ces pré-
ludes pafîionnés, la reine excita enfin fon indolent
époux 5 qui devint plus aâ:if & s'anima de plus en plus.
On apperçut diflinàement qu'une partie de ces organes
A B E 29
intérieurs , dont nous avons vu la defcriptlon , paroif-'
foient au dehors : tout ce manège dura trois ou quatre
heures , pendant lefquelles il y eut des temps de repos
& des reprifes d'amour ; enfin le faux bourdon tomba
dans un repos qui parut à la reine de trop longue du-
rée ; elle voulut le retirer de Ta léthargie , en le failif-
iant par le corfelet avec les dents ; mais fes foins em-
preffés furent inutiles , il étoit mort. Il n'eft pas le
feul infefte qui périfTe dans ces momens critiques.
L'Obfervateur voulut confoler cette veuve ; il lui donna
Hn autre époux jeune & plein de vigueur : mais à fon
grand étonnement , elle demeura tout le refte du jour
attachée contre le cadavre de fon premier époux. Le
lendemain matin on ôta le cadavre , & on lui pré-
fenta un nouvel époux , avec lequel elle fe com-r
porta de la même manière qu'avec le défunt ; une
feule mut fut fuffifante pour que notre Artémife ou-
bliât fon Maufole.
La reine , ainfi fécondée dans le mois de Juin , eft
en état de pondre dans les mois de Juillet & d'Août y
6c même au mois de Mai de l'année fuivante , des
milliers d'œufs : ces derniers œufs ont donc été fécon-
dés neuf à dix mois avant qu'ils aient été pondus , 6>C
cela lorfqu'ils étoient encore d'une petitefïe inconce-
vable.
Lorfque la reine mère a été mife en état de pou-
voir donner de la poflérité , les abeilles déclarent une
guerre cruelle aux mâles : pendant trois ou quatre
jours , c'efl: une tuerie effroyable. Malgré la fupériorité
que les mâles fembleroient avoir par leur taille , ils
ne fauroient tenir contre les ouvrières ; armées d'un
poignard qui porte le venin dans les plaies qu'il fait ,
elles fe mettent trois ou quatre contre un feul. Le
moment de la profcription arrivé , la mort s'étend
également fur ceux qui refpirent , & fur ceux qui ne
refpirent pas encore ; ce qui eft ver mâle , ce qui n'eft
«ncore qu^efpérance dç l'être ^ ççnjc qui font au berceau ,
3© A B E
& qiie Ton a nourris jurqu'alors avec une tendrefle de
mère , tout cil mailacré , difperfé : elles traînent à cha-
que infiant les corps des mâles , morts ou mourans ,
hors de la ruche. Tout le fexe doit être anéanti , &
il l'efl : l'amour fe change en fureur , la haine fuccede
aux ioins maternels. Dans ces trifles momens , tout le
devant des ruches n'eft qu'un théâtre d'horreur & de
meurtre. Il y a des ruches où ces carnages fe font
plutôt , d'autres où ils fe font plus tard , luivant que
les effaims y font entrés. On en voit dans les mois de
Juin , de Juillet & d'Août. Il y a des cas où on voit
aufn ces mouches jeter dehors des nymphes de jeunes
abeilles ; c'tft lorfque la reine eu trop féconde , qu'elles
ne peuvent fiiffire à les élever, & qu'elles n'ont plus
de cellules pour mettre du miel. D'autres fois elles
tuent les bouches inutiles d'entre elles ; ces mouches
difpendieufes affameroient la ruche , & le falut du peu-
ple laborieux doit être la première loi de l'Etat.
Combats des Abeilles,
Dans les beaux jours d'été , où le foleil brille avec
toute fa vivacité, on a fouvent occafion d'obferver des
combats entre les mouches d'une même ruche ; ce font
de véritables duels. On voit les combattantes , réci-
proquement failles avec leurs pattes , tête contre tête,
derrière contre derrière , contournées de façon qu'elles
forment enfemble un cercle ; elles pirouettent ainfi
fur la pouiïïere, dardant leurs aiguillons avec rapidité.
Comme les abeilles font bien cuirafTées , le combat
dure quelquefois très-long-temps ; quelquefois ne pou-
vant fe bkller ni l'une ni l'autre, elles quittent prife;
mais fouvcr.t l'une des deux trouve le moyen de plon-
ger fon poii:;riard ernpoifonné aux défauts des cuirafTes,
& la vidorieufe laiffe l'autre étendue fur la poufîiere.
Souvent ia vidtoire lui devient fatale , elle perd fon
aiguillon. Outre ces duels particuliers d'abeille à abeille ,
A B E 31
11 arrive quelquefois des combats généraux , lorfqu'une
colonie de mouches , abandonnant fes lares domeftiques,
va chercher quelque demeure nouvelle dans le pays
étranger , û elle tomJ^e malheureufement dans un pays
déjà habité , c'eft- à-dire , dans une ruche dont d'autres
font déjà en poiTeilion, il fe livre une bataille générale,
p^ie des Ahellhs, Quds font leurs ennemis.
Il y a deux faifons qui épuifent les ruches de mou-
ches , l'automne &; le printemps. L'Abbé de la Ferrierc
dit qu'il en meurt plus d'un tiers dans chaque ruche en
automne , & qu'il n'en meurt pas moins au prin-
temps ; ce qui l'empêche de croire , avec quelques
Auteurs , qu'elles vivent fept ans & plus. Les grandes
mortalités caufées par le grand froid , les maladies &
mille autres accidens , lui font croire, avec aiffez de
probabilité, qu'elles ne vivent guère qu'un an ou deux.
M. de Réaumur penfe de même, quoique les expérien-
ces qu'il a faites à cet égard n'aient pu lui donner de
certitude ; ainfi ce que Ton dit de la durée de la vie des
abeilles eft encore bien incertain. Au reile, les ruches
font comme les villes, dont les habitans fe renouvel-
lent fouvent , & dont la durée efl infiniment plus lon-
gue que celle des particuliers qui les compofent. Outre
le grand nombre de mouches qui périflent de mort
naturelle 5 il en périt beaucoup de mort violente : elles
ont hors de la ruche une mAiltitude d'ennemis. Quoi-
qu'armées d'un aiguillon venimeux , pluiieurs oifeaux
les avalent toutes vivantes ; les hirondelles &: les mé-
fanges en font de grandes captures ; mais l'oifeau qui en
détruit le plus , c'efl le moineau ; il les avale comme des
grains de blé. On a vu un moineau porter à la fois trois
abeilles à fes petits, une dans fon bec, & les deux
autres dans fes pattes. La guêpe & le frelon ouvrent
à belles dents le ventre de l'abeille, pour fucer tout
ce qui y eft contenu. Les Voyageurs difent que phi-
32 A B E
fleurs de nos Ifles de rAmériqiie manquent d'abelîles 9
parce que les guêpes y font en fi grand nombre , qu'elles
les détruifent toutes : dans ces pays-ci les guêpes ne font
pas ordinairement un fi grand ravage. Cependant l'an-
née 1767 n'a été que trop favorable à la multipli-
cation des guêpes ; aufîi ces mouches ont - elles fait
beaucoup de tort dans les ruchers. Elles font d'abord
venues en piller quelques-uns : les abeilles qui les ha-
bitoient, ont cherché à fe réfiigier dans d'autres ruches;
mais les anciennes habitantes leur en ont difputé l'en-
trée ; il s'efl livré de fanglans combats, oii il eft péri
ime mAiltitude de mouches ; ainfi les guêpes ont été
doublement fatales aux abeilles. On a éprouvé auffi
dans les jardins le tort que les guêpes ont fait aux
faiits.
Les araignées font fort peu redoutables pour les
abeilles : les lézar^is, les grenouilles, les crapauds en man-
gent , quand ils peuvent les attraper ; mais ils en attrapent
îi peu dans une année , qu'il* ne font pas grand tort aux
ruches. L'ennemi le plus dangereux des abeilles dans
l'hiver , efl le mulot ; en une nuit d'hiver , lorfque les
mouches font engourdies par le froid , il eil capable
de déirulre la niche la mieux peuplée ; il ne leur mange
ordinairement que la tête & le corfelet. Feroit-il le
même traitement aux oifeaux ? Ce qu'il y a de certain,
c'eil qu'on a trouvé quelquefois les petits de l'alouette
commune étalés fur les bords du nid , auxquels il ne
manquoit que la tête &c le cou. Les abeilles , princi-
palement les vieilles , font fujettes à avoir une efpece
de pou qui eft de la grofleur d'une tête d'épingle &
de couleur rouge âtre : il s'attache fur leur corfelet ;
fa troîiipe eil propre à s'introduire entre les écailles ,
mais il ne paroît pas incommoder beaucoup la mouche.
Cependant , comme ces poux ne s'attachent qu'aux
vieilles , on n'a pas bonne idée d'une ruche où la
plupart des mouches en font attaquées.
Teigne
A B E 33
Teigne de la Cire,
Les abeilles ont un ennemi bien plus dangereux;
car ce n'efl pas feulement aux abeilles qu'il fait
tort , en détruifant , mangeant & bouleverfant leurs
travaux , mais encore à nous-mêiies , gu'iî prive de
Fefpérance de partager avec elles un bien que nous
regardons comme commun entre elles & noas. Cet
ennemi fi dangereux eft im infede que l'on appelle
tcignz de la cire , à caufe du dégât qu'il en fait. C'efl:
une petite chenille tendre , délicate , fans armes & fan^
défenfe , qui fait vivre aux dépens des travaux de plus
de dix-huit mille ennemis , tous bien armés , dont elle
eft environnée continuellement , & qui tous veillent à
la garde de leur tréfor.
Notre mangeufe de cire efl- du genre à^sfatijfcs teignes J
^oyei Teigne, Son papillon eft du genre à(ts phatmcs ^
c'ell- à-dire , de ceux qui ne volent que la nuit. Ce
papillon , ami de l'obfcurité, profite de la nuit où tous
ks êtres de la Nature font livrés au fommeil ; il trouve
le moyen de s'infmuer dans utlq ruche , de tromper la
vigilance des abeilles , de traverfer une armée formi-
dable pour aller dépofer fes œufs dans le coin de
quelque gâteau. Au bout de quelques jours l'œuf éclôt;
il en fort une petite chenille à feize jambes, rafe, donc
la peau eft blanchâtre , la tête brune & écailleufe :
cette chenille , qui naît environnée d'ennemis prompts
à la vengeance , ne peut éviter la mort que par fon
extrême petiteffe , qui dérobe les premiers momens de
fa naiffance aux regards àts furveillans , & par la
promptitude avec laquelle elle file dans Tinftant , &:
s'enferme dans un petit tuyau de foie , qui fuffit alors
pour mettre fes jours en fureté : voilà donc fon feul
bouclier. Ce fourreau eft d'abord proportionné à fa
groÛeur ; il efl collé contre les alvéoles de cire ; ainli
elle trouve la nourriture tout autour de fa porte,
Tom^ /. C
34 A B E
Lcrfque l'aliment lui manque , elle alonge un tuyau
qui forme une galerie , & marche ainfi cherchant fa
nourriture au milieu de fes ennemis en chemin couvert.
A micfure que la chenille croît & a befoin de nourri-
ture, elle alonge &C élargit fa galerie, qui efl tortueufe, &
qui va de celhiles en cellules. Plus elle avance en pays
ennemi , plus elle fortifie fa galerie : elle n'étoit en
commençant que de pure foie ; mais à mefure qu'elle
l'agrandit, elle en couvre les dehors avec des morceaux
de cire qu'elle hache , & avec fes excrémens qui ont
la forme de poudre à canon : elle unit tous ces maté-
riaux avec des fils de (oie, & fe forme un rempart
inexpugnable aux traits des abeilles : l'intérieur efl
garni d'une foie douce, en forte que fon corps dé-
licat repofe très - mollement. Cette galerie , qui n'é-
toit d'abord que de la groifeur d'un fil , devient , à me-
fure qu'elle eft alongée èl agrandie, de la groiTeur d'une
plum.e à écrire. Comme la teigne de la cire eu obligée
de mettre la tête dehors peur prendre fa nourriture ,
fa tête & fon premier anneau font armées d'écailIes ,
contre lefquelles l'aiguillon de l'abeille ne peut rien. Il
faut croire qu'il n'efi pas poiîible aux abeilles de détruire
ces galeries , car cet ennemi fe miultiplie quelquefois à
tel point dans la ruche, qu'il hache & renverfe tous
les travaux , & réduit les mouches au point d'abandon-
ner leur logement. Cet infede defîrudeur, arrive à fon
dernier degré d'accroiffement , file une coque à l'extré-
mité de fa galerie , s'y renferme , y fubit la métamor-
phofe commune aux chenilles , & en fort en papillon.
Il feroit très-avantageux de pouvoir trouver le moyen
de l'anéantir : il paroît dans les m^ois de Juin & Juillet.
Mais il convient de défignér ici ce papillon , qui , après
avoir ravagé les ruches , efl: encore la caufe des guerres
cruelles qu'on voit entre les abeilles, parce qu'elles
veulent fe réfugier dans la république ou ruche voi-
fme : alors les abeilles de chaque ruche fe battent en
duel : qu'on juge du meurtre & du carnage, Lç papillon.
A B E 3^
^onî noufî parlons e(i un phaUjie , qui porte les ailes
couchées &: parallèles à l'horizon ; il, efl cl'u.ne couleur
grife obicure. Toute perfonne qui fe fait un plaiiir d'é*
lever des abeilles , n'a que trop de facihté de le con-
noître , loriqu'elle vient à enlever la cire de quelques-
unes de fes ruches.
Des précautions à prendre pour la confcrvatlon
des Abeilles,
Les abeilles nous font d'une fi grande utilité par ks
récoltes de miel &: de cire qu'elles font , &; qu'elles
feules favent faire , que pour nous mettre à portée de
les partager avec elles , nous devons les aider de notre
mieux à fupporter les faifons fâcheufes : elles nous
récompenfent amplement des foins que nous prenons
pour- elles- Les àzwiL plus grands fléaux des ruches ,
font le fi-oid & la faim : en voulant les garantir de
l'un, on les fait quelquefois périr de l'autre. En hiver,
lorfqu'il gelé, les mouches font entaffées & preiiées
les unes contre les autres pour tenir peu de place :
elles font pour l'ordinaire vers la partie fupérieure , ou
vers le milieu de la ruche. Le froid les engourdit , &:
elles refient ainfi jour & nuit, fans prendre de nourri-
ture. Si le dégel furvient , ii l'air fe radoucit , & f.ir-
tout fi les rayons du foleil échauffent la ruche, elles
fortent alors de cette efpece de léthargie. Auiîi-tôt
que Ta di vite leur efl: rendue , elles fentent le befoiii
de prendre de la nourriture. Comm.e la campagne ne-
fauroit leur en fournir , elles ont recours à leurs pro-
vifions , en commençant par manger le miel des gâ-
teaux inférieurs. Plus l'air continue d'être doux en
hiver , plus la confommation eft grande , <!k les abeilles
courent plus de rifque de manquer &: de mourir de
faim avant le retour de la faifon des fleurs. Si l'hiver
ell: trop rude , elles rifquent de périr de froid. Ainiî
un hiver trop rude ôc un hiver trop doux leur font
également funedes. H y a des perfonnes qui renferment
C X
3« ^ .^ ,^
leurs ruches dans des celliers l'hiver ; maïs comme îa
température du lieu fe trouve très- douce, pour peu
que le froid diminue , les abeilles confomment davantage
de nourriture , &C périffent de faim ; d'ailleurs l'air qui
ne fe renouvelle point dans la ruche , devient humide
& fait mourir les mouches. D'autre part , ceux qui
les laifTent expofées à un froid trop vif fans les en
garantir , rifquent de les voir périr ; & il efl affez fré-
quent de trouver le matin au bas de ces ruches des
poignées de mouches engourdies , au point que les muf-
cles n'ont plus affrz de force pour les tenir fufpendues
en groupe. Ces mouches paroifTent f>blolument mortes;
& pourvu qu'il n'y ait point pluficurs jours qu'elles
foient dans cet état , on les rappelle à la vie en les
approchant d'un feu doux. Les anciens n'ont point
ignoré cela ; mais ils ont regardé ce changement d'état
comme une réfurredion , laquelle fe réduit à ce que
ces infedhs peuvent perdre tout mouvement pendant
un certain temps, fans ceffer de vivre.
Un des meilleurs moyens pour mettre les mouches
en état de réfifter à ces deux fléaux, c'e 11 d'avoir tou-
jours des ruches bien peuplées ; car plus il y a d'ou-
vrières , plus elles ont pu faire de récoltes , èz plus la
chaleur qu'elles occafionnent dans la ruche les met à
portée de réfifter au froid , qui , lorfqu'il efl fort , ne
fait que les engourdir fans les faire mourir , & qui
ceoendant les met hors d'état de confommer trop
promptement leurs provifions.
Mariage des EJfalms,
Le moyen d'avoir des ruches toujours nombreufes,
c'eft lorqu on recueille des effdims , d'en mêler deux
ou trois enfemblefi on les trouve trop foibles ; ce qu'on
appelle marier les ejfaims. Rien de plus facile que d'unir
ainfi deux efTaims ; le mieux efl de le faire dès Tiniilant
de leur fortie de la mère ruche j car pour lors , comme
A B E 37
elles n'ont poînt encore de gâteaux ni de provîfîons ,
on les détermine plus facilement à paffer d'une ruche
dans une autre. On fait cette opération dilFéremment ,
fuivant la forme des ruches. On les abouche l'une à
l'autre , &c on les m.et l'une au-defTus de l'autre ; &: k
l'aide de la fumée , on fait pafTer les abeilles d'une ruche
dans l'autre. Le mieux eu. de faire l'opération le foir;
ces deux peuples étant étourdis par la fumée, ne fon-
gent point à fe hvrer bataille ; ces le lendemain ils
vivent de bonne intelligence , après que l'une des deux
mères abeilles a été tuée. Si les premiers jours où un
effaim eu nouvellement établi dans une ruche , font
froids, pluvieux, & que les mouches ne puiflent aller
aux champs , il faut avoir foin de leur donner de la
nourriture , faute de quoi elles périroient de faim.
Moyens de confcrvcr les Ruches foibles.
Si , faute d'avoir marié les efTaims , on a des ruches
foibles, il y a cependant un moyen de les conferver.
M. de Réaumur s'en eil affuré par l'txpérience : il a
choifi des ruches très - foibles, qui n'avoient qu'une
poignée d'abeilles. Il s'ell propofé les trois objets que
doit avoir en vue tout hom.me qui veut conferver (es
^ruches. Le premjer , de mettre fes abeilles à l'abri des
plus grands froids. Le fécond , de ne point boucher la
porte de leurs ruches , afin qu'elles aient la hberté dé
fortir dans les beaux jours , &: que l'air puiffe s'y re-
nouveler. Le troiiieme , de leur faire trouver leur
nourriture dans la ruche même , afin qu'elles ne foient
point obligées de l'aller chercher au dehors , & de s'y
expofer aux atteintes du froid. Il propofe de former ,
avec ce o^Ae: l'on voudra , deux cloifons des deux côtés
de la planche oui foutient les ruches ; 6^ laiflant les
ruches à leur diilance ordinaire , les couvrir dans toute
leur hauteiu" de terre bien defTéchée ; de pratiquer à
chaque ruche un tuyau de bois , qui ferve d'ouverture
3S A B E
à Ja ruche pour renouveler l'air , & de mettre fous
chaque ruche une affiette avec provifion de miel. Par
ce moyen , dit-il , les plus grands froids font des froids
médiocres, qui les jetteront dans ce doux engourdif-
fem.ent qui leur ell falutaire. On peut fubilituer du
foin fin ou les ba'ayures de grenier à la terre deffé-
chv'e , dont la propriété eu. d'alDforber les vapeurs hu-
mides qui tranl'pirent à travers la ruche. Il paroît que
deux livres de miel ont fuffi pour nourrir pendant tout
l'hiver une ruche ainfi empaquetée , qui contenoit un
bon nomibre d'abeilles. Quoiqu'il foit avantageux de
laiiTer à ces petits animaux la liberté de fcrtir , cepen-
dant au comimencement du printemps il en meurt un
grand nombre , qui , fe laiflant tromper par une aurore
brillante , volent aux champs , où ils périlTent faifis par
le froid. La chaîeu.r efl la vie de ce précieux infeôe ;
un degré de froid, inférieur à celui qui congelé l'eau,
le faiût au point de le faire mourir : une douzaine d'a-
beilles tenues dans un bocal , dans un lieu oii la tem-
pérature étoit de onze degrés , y font péries de froid.
Le moyen d'éviter ces pertes , qui font affez confidé-
rable« , eft d'avoir devant chaque ruche un grillage fin,
qui laiffe entrer Tair , &c qui ne permette point aux
mouches de fortir : celui qui prend foin des ruches fe
gardera bien d'ouvrir le petit grillage , lorfque le ther-
momètre marquera le degré de la congélation ; mais il
leur ouvrira les portes , lorfqu'il marquera la tempé-
rature des caves. Si l'Auteur de la Nature a voulu que
la population fïît excefîive parmi ce petit peuple d'in-
fectes , la deftrudion y eft confidérable ; c'eft fur-tout
dans les infedles qu'on peut obferver la juileffe de
la fublime réflexion de M. ^e Bi/ffon , qui dit que
la Nature roule fur deux pivots inébranlables , la
dellrudion fans nombre , &C la multiplication fans
nombre.
A B E 39
PllUgz des Ahdllzs.
Indépendamment des ennemis qui afUegent les abeilles
de toutes parts , elles trouvent , ainfi que Fliomme , un
ennemi dans leur femblable. Dans les mois de Juillet
& d'Août les eflaims foibles & tardifs , qui n'ont point
encore fait beaucoup de proviflons , vont comme des
brigands fe jeter dans les autres ruches pour piller le
miel : il fe livre de fanglantes batailles , dans lefquelles
il périt beaucoup d'abeilles; le pillage efl quelquefois
il confidérable , que Ton rifque de perdre tout fon ru-
cher. C'eft fur- tout deux ou trois jours après la pluie
que le pillage eft le plus à craindre , parce qu'alors la
faim preffe plus vivement celles qui ont fouffert par
défaut de provilions.
On connoît qu'une ruche eft livrée au pillage , lorf-
qu'on entend un bruit plus grand qu'à l'ordinaire , &
qu'on en voit fortir les abeilles avec plus d'aîlluence
& de précipitation que de coutume. Le fecret le plus
efiicace pour prévenir le pillage , c'efl de n'avoir que
des ruches fortes & bien fournies. Pour c^t effet , il
faut foigner attentivement les abeilles dans les temps
critiques , fournir abondamm^ent à leur lubfiflance ,
veiller exaûement à leur propreré , réunir &: miarier
dans le temps tous les petits eifaims enfemble ; en forte
que l'on n'ait point de ruches foibles , foit à l'entrée
de l'hiver , foit dans les autres faifons , dont les abeilles
foicnt contraintes d'aller au pillage pour vivre. On
peut empêcher le pillage en fermant les niches avec un
grillage , où il ne puiiTe pafTer que trois ou quatre abeilles
à la fois ; alors la ruche la plus foible fera en état de
tenir tête aux aûaillans les pkis nombreux.
Maladies des Abeilles,
Les maladies connues des abeilles ne font pas ea
grand nombre. La plus dangereufe efl la dyffenterie
40 À B E
ou le dévoîement. M. de Rêaumur penfe qiie cette ma-
ladie provient de ce que les abeilles ont été obligées
de fe nourrir de miel pur, & de ce qu'elles n'ont pu
fe nourrir en partie de cire brute : ce fentiment ell:
fondé fur l'épreuve qu'il a faite de ne nourrir les abeilles
que de miel pur pendant quelque temps ^ ce qui leur
a donné effedivement le uux de ventre. Le moyen le
plus naturel de les guérir de cette m.aladie , efî de leur
donner un gâteau, dont les alvéoles foient remplis de
cire brute , puifque c'eft l'aliment dont la difette a caufé
la maladie ; mais il paroît qu'en hiver la confomma-
tion qu'elles font de la cire brute eftjîeu confidérable ,
au lieu qu'en été elle eft très- abondante. Ce devoie-
ment efl: une maladie contagieufe , qui fait mourir
prefque toutes les abeilles d'une ruche : voici comment
le mal fe communique. Dans l'état naturel il n'arrive
pas que les excrém.ens des abeilles , qui font toujours
liquides , tombent fur d'autres abeilles , ce qui leur
feroit un très-grand mal. Dans le dévoiement cet incon-
vénient arrive , parce que les abeilles n'ayant point
aflez de force pour fe mettre dans une pcfition con-
venable les unes par rapport aux autres , celles qui
font au-deiTus laiiTent tomber fur celles qui font au-
defTous une m.atiere gluante qui leur bouche les organes
de la refpiration. Il eft donc imxportant de porter re-
mède à cette maladie. Si l'on n'a point de cire brute ,
on peut leur donner une liqueur réduite à confiflance
de firop , faite avec une chopine de vin , une demi-
livre de fucre & autant de miel.
Com.me la chaleur eft la vie de ces infefles, que
c'eft elle qui les excite au travail & qui les conlérve ,
le mieux eft d'expofer fon rucher au midi , de manière
qu'il profite de bonne heure du foleil levant , & que
le foleil ne le quitte que le plus tard qu'il foit pcfti-
ble : il eft eiïcntiel que les ruches foient garanties , de
Cîuelque manière que ce foit , de la pluie & de la trop
-^ran.de ardeur du fokil 3 qui fero^ fondre le miel ÔC
la cire.
A B E 41
avantages que Von retire du travail des Abeilles.
Le profit que l'on retire des abeilles varie extrême-
ment , félon les pays ; & dans le même pays il ne
faiiroît être le même chaque année. Les pays remplis
de prairies, qui font prefque toujours ëmaillées de
fleurs , entrecoupées de petits ruiifeaux ; ceux où il y a
beaucoup de bois, des plaines couvertes de farrafm,
de fainfoin , de luzerne , font les plus favorables aux
abeilles , & où par cônféquent le produit eft plus con-
fidérable. Les fleurs des plantes crucifères , notamment
celles du chou , de la roquette , de la moutarde ôc du
navet , leur fourniiïënt aufîi des p- ovifions. On voit
encore les abeilles rechercher les faules , l'olivier fau-
vage , les grcfeilliers , la bruyère , le jonc marin, le
pois , le fafran , le tufTilage , la ronce 6.qs haies , le cerifier,
les groïïes fèves , le chèvre - feuille , l'aubépine , la
vefce , le tournefol , le chêne , l'érable , le frêne , le
peuplier , le mélèze. Comme on trouve des miels d'une
blancheiu' , d'une odeur & d'une faveur plus agréables
les uns que les autres , il faut l'attribuer à la nature à^s
fleurs : les pays abondans en thym , roiiers à fleurs
fmiples , lavandes , jafmins , jonquilles , marjolaines ,
niclifies , mélilots, fauges , origans , ferpolet , romarin,
genêts &: autres herbes odoriférantes, doivent donner
un miel balfamique ; tels étoient chez les Italiens le
miel du mont Hybla en Sicile , & chez les Grecs , le
miel du mont Hymette ; tel efl: auffi notre miel des
coteaux du Rouflillon & de la montagne de Clape
au]5rès de Narbonne.
Il efl difficile de croire qu'il y ait autant de plantes
défavorables aux abeilles , que le aiienl certains Au-
teurs; s'il y en a quelques-unes qui puiîTent rendre
leur miel pernicieux , ce feroient peut - être nos
plantes narcotiques, telles que la jufquiame & autres;
mais l'expérience , du moins dans ces pays-ci , ne nous
'41 A B E
a rien appris à cet égard. Il paroît cependant qiie le mîel
peut , dans certains pays , avoir quelquefois de mau-
vaiies qualités. Xcnophon , dans Thifloire de la fameufe
Retraite des dix mille , rapporte qu'auprès de Trébi-
fbnde les foldats n'épargnèrent pas le miel de plufieurs
ruches , après quoi il leur prit un devoiement par haut
& par bas ; ils reffembloient à des ivrognes ou ^ à^'^
pérfonnes furieufes ou moribondes. On voyoit la terre
jonchée de corps comme après une bataille ; néanmoins
perfonne n'en mourut , & le mal cefTa le lendemain
environ à la même heure qu'il avoit commencé , de
façon que le troifieme jour les foldats fe levèrent dans l'é-
tat d'afFoîblifTement où l'on eft après avoir pris une forte
médecine. M. d& Tournefon , dans fes voyages , cbferva
dans ces lieux une plante très - venimeui'e , appelée
chamœrodendros ; & il penfe qiie ce miel fi dangereux
pouvoit avoir été extrait par les abeilles fur cette plante.
M. Biic^hoi cite d'autres fleurs nuifibles aux abeilles ,
celles de l'orme & du narcifle , du fureau , d'arroche
fétide , de cornouiller fanguin , de l'auréole des bois ,
d'apocin , de tithymale , d'ellébore , de tilleul , d'orme ,
de rue , d'ail , de ciguë , de fabine : voilà les fleurs
qui leur occafionnent le fiux , ou des maladies qui les
font périr, ou ce qui donne une mauvaife qualité à
leur miel.
Quoi qu'il en foit, il faut proportionner le nombre
de ruches à la quantité de nourriture que peut fournir
le canton , & ne pas placer cent ruches dans un lieu
qui n'en peut nourrir que cinquante , cjiioique l'éten-
due de ce canton puifTe être regardée comme de deux
lieues à la ronde , fi , comme on le dit , elles vont
chercher leur récolte jufqu'à deux lieues & plus.
Il étoït d'ufage chez les Egyptiens de tranfporter
les ruches à miel dans des bateaux fur le Nil , afin de
faire jouir les abeilles de la richefTe des fleurs , lorf-
qu'il n'y en avoit point dans le lieu de leur domicile.
Lcrf qu'on jugeoit que les abeilles avoient moifTonné
A B E ' 4Î
les environs à deux ou trois lieues à la ronde, on
conduilbit les bateaux plus loin à la même fin, &:
ainfi de iuite. Les Italiens , voiiins des rivages du Pô,
ont la même pratique ; ils voiturent fur ce fleuve leurs
ruches jufqu'au pied des montagnes du Piémont. On
dit que ces voyages par eau font aulli d'ufage à la
Chine. Tel eil l'avantage d'être voifm d'une grande
rivière ; on peut par ce moyen réunir en faveur des
abeilles le printemps d'un pays fec avec l'automne d'un
pays gras & ombragé , & fuppléer par - là abondam-
ment à la difette natureUe du canton qu'on habite.
Des perfonnes indurtrieufes ont trouvé que, compen-
fation faite de la dépenfe & du produit , on pouvoit
aufTi les faire voyager par terre , lorfqu'on n'avoit point
la commodité de l'eau. On lit dans ColumdU ^ que les
Grecs de l'Achaïe voituroient ainfi leurs ruches en
Afâque , où la faifon des fleurs étoit tardive. Aujour-
d'hui on pratique cette méthode dans le pays de Juliers :
on a vu & on voit encore en France dans le Gâtinois ^
un économe intelligent faire tranfporter fes ruches en
charrette , après la récolte dit fainfoin , dans les plaines
de Beauce, où abonde le méhlot ; puis en Sologne ,
où la campagne eft couverte de farrafin fleuri jufque
vers la fin de Septembre. La plupart des habitans de
ce pays font maintenant dans l'ufage d'imiter notre
économe, & de faire en petit ce qu'il fait en grand.
Nous apprenons par un Mémoire de M. Duhamel^
que le profit que l'on retire des abeilles de ce pays-là
avec de pareils foins , efl très-confidérable. Dès le com-
mencement de Juillet , lorfque les mouches à miel
ont jeté leur eifaim, & fait une ample récolte fur les
fainfoiiis , on s'approprie tout le miel & la cire , en
faifant pafîer les miouches dans une ruche vide , par le
moyen de la fumée ; on s'empare promptement de la
ruche pleine, dont on ôte les gâteaux oiri contiennent
le couvain ; on les attache avec des bâtons en croix
dans une ruche vide , ôc on y fait rentrer les mouches
'44 A B E
qui prennent foin de leur couvain : il éclot une multi-
tude d'ouvrières, qui les aident bientôt à taire de nou-
veaux travaux , & les mouches travaillent avec une
nouvelle aâ:ivité. On tranfporte enfuite les mouches
dans des pays où elles trouvent d'abondantes récoltes
de fleurs. Si la faifon eil belle , & que les fleurs foient
abondantes , les ruches , qu'on a changées au premier
Juillet , font très-bien remplies à la fin du mois d'Août,
Quand cela eft , on les vide une féconde fois , ayant
grand foin de ménager le couvain. Aufîi-tôt que les
abeilles ont été changées une féconde fois, on les tranf-
porte dans les pays de farrafin ; &c lorfque la faifon a
été favorable , les ruches font alTez remplies , pour
qu'on puilTe rogner les gâteaux près d'un demi-pied.
Voilà, à l'aide de l'induftrie humaine, dts récoltes
furprenantes ; mais il faut avouer que toutes les années
ne font pas fi favorables, & que qiielouefois on ne
peut les changer au plus qu'une fois. D'ailleurs il y a
des mouches plus laborieufes les unes que les autres :
on a vu des paniers de mouches très- vigilantes , qui,
au bout de vingt-quatre heures, fe font trouvés aug-
mentés de fix livres , tant en cire qu'en miel.
On retire d'un bon panier dans le Gâtinois foixante
à foixante & dix hvres de miel, & deux hvres un
quart & demi de cire. Le grand art dans ce pays , &C
celui que ne doit jamais perdre de vue un bon économe,
eil d'avoir des paniers extrêmement peuplés de mou-
ches. Dans les pays qui ne font point fi riches en fleurs, &C
cù Von ne prend point de femblables foins , le profit
oue l'on retire des mouches efl bien moins confidérable.
Dans les endroits du royaume oii la fituation efî:
m.oins favorable pour les abeilles , on en peut cepen-
dant encore tirer un aflTez bon profit. Dans ce pays-ci,
par exemple , un bon effaim de deux ans peut donner
deux livres 6c demie de cire, & depuis vingt jufqu'à
tx-ente livres de miel & plus. Si l'on joint à ce produit
celui de l'efTaim , on conclura qu'un grand nombre de
A B E 4ç
niclies qui ne coûtent prefque rien dans ïe cours de
l'année , peuvent être à la campagne d'un grand profit.
Dans les pays où l'on craint une difette de fleurs ,
& où les mouches , que l'on feroit paffer dans une ru-
che vide , rifqueroient de ne point trouver de récoltes
aiTez abondantes , & d'être ilirprifes par des temps plu-
vieux &: orageux , une excellente méthode eft de leur
mettre des haujfcs y c'eil- à-dire , des efpaces vides , au-
defTous de la ruche , de la même forme & de la même
matière. Les mouches rem.pliffent cet efpace de miel &
de cire ; car ces infectes travaillent toujours à raifon
de l'efpace vide qu'ils trouvent, pourvu qu'il ne leur
paroifTe point trop fpacieux. On s'empare enfuite de
ces haulTes , & on partage leurs travaux fans les faire
périr. Combien entendent peu leurs intérêts , ceux
qui , pour recueillir le miel & la cire , font périr les
mouches par la vapeur du foufre ! Cette coutume con-
damnable eft adoptée dans bien des pays : elle devroit
être défendue , comme on dit qu'elle l'eil en Tofcane ;
on fauveroit chaque année un grand nombre, de ru-
ches , & l'on parviendroit à les multiplier beaucoup
dans le royaume , où il ne fauroit y en avoir trop.
Une méthode qui paroît r.'unir tous les avantages
qui doivent concourir pour faire réuiiir les mouches ,
même dans les pays les moins riches , efl celle que
M. Palteau a donnée dans fa nouvelle con{lru61:ion des
ruches de bois , comme nous le verrons dans la fuite.
Dans d'autres pays, pour s'emparer d'une partie
des provifions des abeilles , on renverfe les ruches ,
on enfume les mouches , & avec un couteau on coupe
les gâteaux de miel. Cette méthode , moins mauvaife
que celle dont nous venons de parler, a auiîi beau-
coup d'inconveniens : il périt dans cette opération
beaucoup de mouches ; on détruit des gâteaux de cou-
vain , & quelquefois on perd la ruche en entier. Le
feul cas où l'on doit faire périr les mouches, c'efî:
lorfqu'on ne veut point multiplier le nombre des ruches ;
46 A B E
car même dans le cas où le corps d'une ruche cfl trop
vieux, & que le temps l'a prelque détruite, eu lori-
qiie les faufî'es teignes fe lont ttlkment emparées d'une
ruche , que les véritables propriétaires Ibnt lur le point
de la leur céder , on peut taire pnfler ces mouches
dans des paniers foibles. Il faut avouer cependant que
ces tranihiigrations de mouches dans une autre ruche ,
ne réufTiiîent pas toujours.
Ufage du Miel ^ de la Cire ^ de la Propolls,
Lorfqu'on a enlevé aux abeilles une partie de leurs
gâteaux de miel , on les rompt , on les pofe fur àts
claies d'ofier , & on met deflbus des vaifTeaux bien pro-
pres : il découle un beau miel blanc , Xiui le durcit : c'efl
ce qu'on appelle wiel vierge^ ou jniel de goutte. Comme
tout le miel ne découle point de la ibrte, on exprime
ies gâteaux fous la prefte ; ce fécond miel n'eft pas fî
beau , parce que , s'il fe rencontre des vers ou des mou-
ches dans le miel, la prefTe les écrafe & les y mêle.
On peut auffi faire couler ce dernier à l'aide d'une
douce chaleur. La meilleure méthode efl de laifier le
miel affez long-temps fur des clayons peur qu'il puifTe
s'écouler , & de lui procurer fur la fin une douce cha-
leur ; on peut enfuite laver les gâteaux avec de l'eau ,
dont on fera de l'hydromel.
Le miel récolté dans le printemps eft plus eflimé
que celui qui l'a été en été, &: celui d'été plus que
celui d'automne, à caufe des fleurs. On préfère aufîi
celui des jeunes effaims à celui des vieilles mouches.
Il y a des payfans qui , pour faire paraître leur miel
plus blanc , y délaient de la fleur de farine ou de l'a-
midon bien pulvérifé ; d'autres , avec les feuilles &
fleurs de romarin fur lefquelles ils le font couler, lui
donnent l'odeur & le goût du miel de Narbonne. La
couleur du miel le plus blanc s'altère lorsqu'il vieiUit :
le vieux miel eft ordinairement jaune ; mais il y en a
_ A B E 47
€|Ui l'eft dès qu'il vient d'être dépofé dans les alvéoles
des gâteaux. Le miel fait du fuc des fleurs de bruyè-
res eu toujours très- jaune : il n'efl point eflimé ; celui
de Sologne , recueilli fur le farrafin , eft dans le même
cas. M. ^e Rlaumur a vu du miel vert dans une de
ces ruches ; & ce miel fut trouvé d'un goût plus agréa-
ble que les miels ordinaires. L'iUuftre Académicien
foupçonne que cette couleur , qui eft très-rare , venoit
de la difpofition intérieure des mouches.
Le miel pris en fubilance efl pe£loral , laxatif &
déterfif : il aide à la refpiration, en divifant la pituite
grofîîere ëpailîie dans les bronches pulmonaires , &
facilite l'expedoration. Le miel blanc fe prend inté-
rieurement ; le jaune, plus acre, efl employé dans
les lavemens. On fait , par expérience , que le miel
étendu fur du pain dans lequel il y a de l'ergot de
feigle , empêche qu'il ne faffe de mauvais effets fur le
corps humain. L^ifage du miel n'efl point bon aux
tem.péramens i^cs dz bilieux , parce qu'il fermente
facilement. M. Bour^zols , prétend que le miel efl
encore très - nuifible aux tempéramens qui ont beau-
coup d'acide dans les premières voies, avec lequel il
fermente & fe décompofe; c'efl par cette raifon, dit-il,
que les femmes hyfl:ériques 6c les hypocondriaques doi-
vent s'en abilenir. On fait avec le miel diverfes efpeces
d'hydromel; il entre dans un très -grand nombre de
compofirions. Le marc des mouches , qui efl ce qui
refle après qu'on a exprimé la cire &: le miel , & qui
efl compofé de la foie que le ver a filée & de la dé-
pouille des nym.phes , efl réfolutif. Les maréchaux en
font ufage pour les foulures des nerfs àes chevaux.
Comme il rcfle toujours un peu de cire dans ce marc,
on le vend encore à ceux qui préparent la toile cirée,
La cire efl émoUiente , adouciffante & réfolutive.
On appelle cire vierge , la cire telle qu'on la retire des
gâteaux. Ces gâteaux, comme nous l'avons dit, nou-
vellement travaillés par les abeilles 5 font ordinairement
48 A B E
d'un très-beau blanc : ils perdent leur couleur , &
donnent une cire jaune , que l'on rappelle à fa pre-
mière blancheur , en la faiiant fondre , &c la réduifant
à plufieurs reprifes en lames plus fines qu'un ruban
très-mince , & en l'expofant un grand nombre de fois
à la rofëe pendant plulieurs mois. Lorfqu'on fait fon-
dre la cire , pour rendre la blancheur plus parfaite 6c
plus luflrce , on y ajoute du criiîal de tartre qui la
clarifie. Voyez à 1 article Cire.
Les plus belles cires blanches de ce pays-ci, vien-
nent de Bretagne & d'Anjou. On préfère la cire de
Sologne à celle de Beauce ou du Gâtinois.
La cire grenée efl de la cire blanche fondue & bat-
tue avec des verges.
La cire s'emploie peu intérieurement , à caufe de fa
ténacité : elle çfl la bafe de prelque tous les onguens
dont on fe fert en Médecine.
Il y a des cires colorées par les ingrédiens qu'on y
ajoute : telles font la cire verte ramollie par de l'huile
de térébenthine , & colorée par le vert-de-gris , d'ufage
pour les cors des pieds : la cire rouge , colorée par la
racine d'orcanette ou avec le vermillon ; elle fert à
appofer les fcellés : la cire à gommer , qui ell de la
cire fondue & mêlée avec de la poix graffe ; les Tapif-
fiers s'en fervent pour gommer leurs coutils. A l'égard de
la cire Punique décrite par Plim^ c'efl, dit M. de Lorgna^
un favon formé par l'union de la cire & du natron :
on s'en fervoit pour peindre à l'encauftique.
La propolis qui efl , comme nous l'avons dit , une
efpcce de réfine dont les abeilles font ufage pour bou-
cher les plus petites fentes de leurs ruches lorfqu'elles
s'établifTcnt , eft très-propre à avancer la maturation
des abcès ; fa vapeur reçue par le moyen d'un enton-
noir , pendant qu'on en jette quelques morceaux fur
un réchaud de feu , adoucit la toux férine à: invé-
térée.
Racket
A B E 4^
Ruches des Ahâlks,
Il y a des ruches de pîiifieurs figures &: de différen-
tes matières , fuivant les difierens pays. Les unes ne
font qu'un tronc d'arbre creux; d'autres iont faites
d'oller ou de quelque autre bois liant ; d'autres , de paille
treflée : elles tiennent prefque toutes de la figure d'une
cloche. Celles de paille de feigle font les meilleures ;.
parce qu'elles font propres à défendre les abeilles con-
tre la rigueur du froid en hiver, & contre la trop
grande chaleur de l'été ; dans les pays où le hege eiî
commun , celles faites d'écorce de liège font excellentes.
Ces logemens iimples leur fufîifent.
Le défir de fuivre les abeilles dans toutes leiu's
opérations , a fait imaginer les ruches vitrées. Plme
nous apprend que le Philofophe Arïflomaclms avoit
étudié ces infedes pendant près de foixante ans , &
qu'un Sénateur Rom.ain £t faire des ruches avec la
corne la plus tranfparente. Une ruche vitrée , préfente,
à toutes les heures du jour , ôc dans prefque toutes les
faifons de l'année , \\i\ fpedacle amufant & infiniment
varié.
M. Paiuau a donné , dans im livre intitulé NoiivelU
conflruclion de Ruches ds bois ^ la defcription d'une nou^
velle efpece de ruche , qui paraît réunir tous les avan-,
tages propres à conferver, foigner, multiplier & châtrer
les mouches, fans l'inconvénient de les faire périr ou-
de les afîoiblir : voici une légère efquifîe de cette nou-
velle ruche.
Elle efl compofée de plufieurs efpeces de boîtes car-
rées, de trois pouces de haut &: d'un pied en carré , qui
n'ont ni fond ni couvercle ; on en emploie pour une
ruche le nombre que Ton veut ; ce qui donne la faci-
lité de la faire grande ou petite , félon le befoin. ha
partie fupérieure efc couverte de petites planches qi;i
fervent de couvercle : la ruche Q£t iowtQwwQ par un
Tome L D
plateau de boîs percé par fon milieu ; on y ajufte une
crpece de tiroir , par le moyen duquel on donne du
miel aux mouches lorfqu'elles en ont befoin , fans les
fatiguer le moins du monde : on adapte à cette ouver-
ture , qui fe trouve au-deifous de la ruche , des gril-
lages de crin à jour pour leur donner de l'air. Lorf-
qu'on le veut , on peut les réchauffer par le moyen de
la cendre chaude que l'on met fous la ruche. Toutes
ces boîtes carrées s'appellent des haujjcs ; &c plufîeurs
réunies & placées les unes fur les autres, forment la
ruche ; elles font recouvertes d'une grande boîte qui
a un toît pour l'écoulem.ent des eaux ; & fur le devant
eft une ouverture ronde , divifée en quatre parties ,
dont l'une , ouverte en plein , eft d'ufage dans les mois
où le travail eft grand ; l'autre eft en arcade pour em-
pêcher le pillage ; une autre eft percée de trous , pour
tenir les mxouches enfermées fans les priver d'air ;
la dernière eft pleine, & fert à enfermer les mouches
abfolument.
Ces ruches , comme l'on voit , font propres pour
fatisfaire à tous les cas indiqués , & pour tirer tout
l'avantage pofTible des abeilles. Les deux points les
plus avantageux de cette ccnftru6lion , font cette ou-
verture ronde à quatre parties , qui met en état de
difpofer des mouches , & d'agir fuivant que les cir-
conftances l'exigent ; &C l'autre , plus eflentiel encore ,
eft cette forme de ruche divifée par hauftes. On a par
ce moyen l'avantage de châtrer les mouches fans les
afFoiblir , de s'emparer du meilleur miel , en enlevant
la hauffe fupérieure ; on excite les mouches au travail ,
""en ajoutant des hauffes par le bas , à raifon de Tadivité
avec laquelle elles travaillent : on ménage la vie des
ouvrières qui font fi précieufes ; on taille les mouches
dans la faifon où on le veut , & on ne fait point périr
'de couvain, parce qu'il n'cfl jamais dans la partie fupé-
rieure de la ruche.
Cette méthode ingénieufe , qui réunit beaucoup
A B E 51
d^avantages , & qui part d'après la dirpofition intérieure
des ruches , pèche maiheureufement par un défaut efîen-
tiel : elle n'eft point afîez fimple, elle ne pourra jamais
être à la portée des payfsns , & elle éû toujours coû-
teufe dans ce pays - ci. Chaque économe qui veut
adopter cette méthode , peut , en partant des deux
points effentiels que nous avons obiérvés, chercher à
la fimplifier & à la rendre moins coûteufe, fuivant les
idées.
M. de la Nux a préfenté à l'Académie royale des
Sciences, le modèle en paille d'une nouvelle ruche à
miel. C'ell un cylindre creux placé horizontalement ;
il confeille de donner aux ruches cette forme & cette
pofition , d'après l'expérience qu'il en a faite à Tifle de
Bourbon , à l'exemple des Sauvages de Madagafcar ,
qui mettent leurs abeilles dans des troncs d'arbres creu-
{és & couchés horizontalement. M. de la Nux préfère
les ruches de paille , comme moins coûteufes , plus fai-
nes , plus légères, plus faciles à employer , moins
accefîibks aux animaux nuifibles , plus favorables à la
folidité du travail des abeilles , & plus commodes pour
les foigner ; ces ruches, faites de torons de paille, doi-
vent avoir intérieurement douze pouces de diamètre ,
vins;t-deux pouces de longueur ; les torons doivent être
afliijettis , maintenus par des baguettes qui pafTent à
travers l'ouvrage. Chacune de ces ruches a deux fonds
qui font faits de paille roulée & coufue , ainfi que celle
du cylindre. Confultez le Journal de Phyjique j &c, par
M. CAhhl Rosier y Février, 1773.
Abeilles Villageoises.
Le genre des abeilles n'efl point borné à la feule
efpece de mouches dont nous avons admiré l'induflne,
&; qui nous fourniffent le miel & la cire : il y a plu-
fieurs autres efpeces d'abeilles qui ont été nommées
villageoifes , vraifemblablenient parce qu'elles font répan-
D z
52 A B E
dues dans les campagnes , & qu'on ne les rafiembîe
point en ruches. Quoicfue ces efpeces ne travaillent
point utilement pour nous , 6c qu'elles foient peu con-
nues , elles méritent cependant de l'être , par l'art ad-
mirable que chacune dans ion genre va nous préfenter.
Abc'dks bourdons,
Uakeilk bourdon efl feule dans les commencemens ,'
mais elle fait fe faire peu à peu à elle-même une nom-
breufe compagnie, & fe pi-ocurer des fujets qui parta-
geront avec elle les charges du ménage.
Ces abeilles bourdons , qui ferment une efpece de
petite flimilie, périffent prefque toutes dans l'autom.ne;
&Z il ne s'en échappe qxxq: quelques femelles fécondées ,
qui cherchent une retraite dans des trous de mur, ou
dans des creux qu'elles font elles-mêmes en terre. Elles
y paffent la mauvaife faifon dans un jeûne, abfolu de
toutes chofes , & dans une inaction parfaite ; miais le
printemps qui ranime toute la Nature , leur rend le
mouvement & la vie.
L'abeille bourdon , qui paroît ailez groiîe , eft cou-
verte d'une multitude de poils longs, très-preffés ; en
volant elle fait un grand bourdonnem.ent , ce qid lui
a fait donner le nom de bcurdcn. Notre abeille n'a
rien de plus prefTé que de conftruire un nid pou.r y
loger la famille à laquelle elle donnera le jour. Elle
arrache brin à brin, avec fes deux dents écaille ufes,
de la nioufTe fine qu'elle arrange , & à laquelle elle
donne une forme de voûte d'un pouce d'épaiffeur, ^
fouvent de deux. Au premier coup d'œil ce nid paroît
n'être qu'une motte de terre un peu élevée & recou.verte
de mouile ; mais lorfqu'cn l'obfcrve , on voit qu'il a
été conftruit avec art. Le plancher de ce petit nid eft
couvert de mxcufle , ajfin aue l'humidité de la terre ne
puifie nuire à ce qu'elle a deiTelnde pofer defTus. Elle
^'ole à la cainpagne , y fait récolte de miel Cv de cire ;
A B E 55
elle en forme une petite mafTe qui reiTcmble à <le la
pâte 5 & qui eft le coiTimencement d'un gâteau , qu'elle
place dans fon nid. En formant cette maile , elle pond
&C enferme dans le centre deux ou trois œufs. Pen-
dant qu'elle continue le même travail , pour parvenir
à de nouvelles pontes, les premiers œufs éclofent; les
vers nailTent au milieu de la nourriture qui leur tû
propre , car cette pâte eu. l'aliment que leur mère leur a
defliné. Après avoir reflé quelques jours dans l'état de
vers 5 ils fe filent une coque dans laquelle ils s'en-
ferment , s'y changent en nymphes , & en peu de tem^ps
deviennent des nbeilles : ils fe mettent à l'mihmt h tra-
vailler avec la mère commune , à compofjr de la pâtée,
à entretenir & pei'fe^iionner le nid , :\ augmenter les
provillons. C'eit ainfi eue p?u ?. peu un nid fe peuple,
& que notre abeille , de folita^e qu'elle éîoit d'a-
bord , devient bien accompagnée , &c mère d'une fa-
mille nombreufe.
Parmi les abeilles qu'elle a mifes rai jour , il y a ,
ainfl eue parmi les m.ouches à miel , des mdks , des
femelles èc des abeilles fan s J exe. Ce qu'on y trouve de
plus , c'efl que les mâles y font de deux grandeurs ;
les petits paroilTent pHis agilfans ôc plus adroits, iSc
les grands plus forts. Les très-grands bourdons font les
femelles ; ceux de moyenne grandeur font les miales , de
deux efpeces , & les plus petits font dépourvus de fexe ;
ces derniers , ain-fi que les femelles , ont un aiguillon ;
les mâles n'en ont point, Ces diiFércns bourdons , &
les différentes parties d'un même bourdon, montrent
des couleurs variées, qui ne font que celles de leurs
poils : les diverfes parties de ces abeilles , néceffaires
pour le travail & pour la récolte , font pour l'eiTentiel
conftruites comme celles de V abeille commune.
Les abeilles bourdons ne font jamais plus de cin-
quante à foixante réunies dans le même domicile. La
mère fondatrice de la colonie pond prefque autant d'œufs
de femelles ^ que d'œufs de mdles 6c d'ouvrières. Il n'y;
D. 1.
54 A B E
a point de préférence fur les fon£^lons du fexe. Tons
les bourdons , de quelque efpece qu'ils foient , mâles ,
femelles , ouvrières , la niere même , mettent la main
à l'œuvre , 6z travaillent aux gâteaux. Ces gâteaux
font un aiTemblage afTez irréguîier de coques , entre-
mêlées de maffes inf<^*mes , d'une couleur brune &
fans ordre ; il y a de ces mafles qui , pour la couleur
& la figure , reffemblent à des truffes ; elles font la
pâtée même. Il y en a où l'on trouve en les ouvriint
vingt ou trente œufs, ou bien des vers; d'autres où
il n'y en a que deux ou trois. Ces maffes de pâtée
font non-feulement le berceau , mais aufîî la nourri-
ture des vers. Ces vers, en mangeant la pâtée qui les
environne, fe trouvent expofés à l'air ; mais leur mère,
ou quelqu'un de la famille déjà en état de travailler,
rapporte de la pâtée fur les endroits où elle a été
confommée, afin de tenir toujours lamafTe fufHfamment
épaifïe. Les vers étant ainfi renfermés dans une pâte
molle , il leur eu facile d'y façonner une cavité qui
fert de moule &c de point d'appui au tiflù des fils de
foie 5 avec lefquels ils conflruifent leurs coques. Lorf-
que la coque efl finie, les bourdons enlèvent la pâtée
dont elle eil: couverte , & la mangent eux-mêmes , ou
la portent dans d'autres endroits.
On trouve de plus dans leurs nids, trois ou quatre
petits pots pleins d'un fort bon miel. Lorfque les Fau-
cheurs découvrent ces nids , ils ne manquent pas d'tn.
fucer le miel.
A voir ces mouches revenir à leurs ruches les pattes
chargées de petits fardeaux de cire , on croiroit qu'elles
s'y prennent de la même façon pour apporter la mouffe
dont elles conflruifent leurs nids ; mais en obfervant
la Nature , on trouve à chaque infiant occafion de
remarquer combien elle fe plaît à diverfifîer fes ouvra-
ges. Au lieu de tranfporter la mouffe par l'air, comme
on fi roit tenté de le croire , elles la roulent , pour
ainfi dire , par terre. Rien de plus facile que de leur
A B E 55
voir rétablir un nid , & d'obferver la manière dont
elles manient la nioufTe : on le peut fans danger; car
ces abeilles , quoique armées d'un dard empoilbnné ,
.encore plus terrible que celui des mouches à miel ,
font plus douces & plus pacifiques. Que Ton détniife
la voûte de leurs nids , qu'on la répande à quelque
dillance , on verra l'abeille revenir chercher la mouffe
qu'on a tranfportée ; elle Ce pofe fur fes jambes , tour-
nant le derrière au nid , & la tête à la moiuTe qu'elle
faifit avec fes dents ; les premières jambes cclaircifîent
les brins , les cardent , pour ainfi dire ; ce qui a fait
donner aufîi à ces niouches le nom ^ahilUs cardeufes.
Ces premières jambes font paffer la mouiîe fous le
ventre; les fécondes la reçoivent & la donnent aux
jambes de la troifieme paire , qui pouffent le petit pa-
quet de mouffe auffi loin qu'il peut aller. En répétant
cette manœuvre , la mouche forme un petk tas , qui
n'a fait qu'un chemin bien court, puifqu'il n'a guère
été plus loin que la longueur du corps de l'animal ;
cela fait , l'abeille cardeufe , fi elle efl feule , fe remet
devant le tas , & elle recommence la même opération
pour porter la moufle jufqu'au nid. Le plus ordinai-
rement 5 elles fe mettent plufieurs à la file ; c'cfl un
charme de les voir difpofées en chaîne , au milieu
d'une traînée de moufTe : la première la pouffe à la fé-
conde ; la féconde à la troifieme, &; ainfi de fuite ,
jufqu'à ce qu elle foit apportée au nid, oii elles arran-
gent & entrelacent les brins avec beaucoup de dextérité.
Nous avons vu le nid fait à la hâte par la mère
toute feule , couvert fimplement de moufle ; un toit
femblable ne fufHroit point pour garantir le nid de la
pluie :^ aufîi les abeilles forment-elles un plafond d'une
efpece de cire qui unit les brins de moufTe, & les
affujettit contre l'effort du vent ; & , quoiqu'il foit
fimplement d'une épaiffeur double de celle d'une feuille
de papier, il devient impénétrable à l'eau. Cet enduit
eft d'une matière qui a l'odeiur de cire : c'efl une cire
D4
56 A B E
brute qui , quoique plus tenace que celle des abeilles
ordinaires , n'a pas reçu les préparations ncceilaires
pour la rendre une véritable cire : elle eil d'un gris
jaunâtre. Si on fe donnoit la peine de l'étudier , on
pourroit peut-être en tirer quelque avantage. Mêlée
avec de l'huile de térébenthine , elle fe ramollit 6c
devient propre à prendre des empreintes : on peut la
pctrir avec les doigts fans qu'elle s'y attache.
La dernière partie de l'édifice eu une galerie de
nioufTe qui conduit a un trou placé dans le bas du nid ,
par ou elles entrent fans être vues.
Malgré le peu de multiplication de nos abeilles bour-
dons , elles ont des ennemis qui en font une terrible
deflrudion , les mulots , les blaireaux , & les fouines
fur-tout. Ces bourdons font encore expofés à la rapa-
cité d'un gros ver , qui provient d'une mouche du genre
des frelons , lequel mange & la pâtée , & les vers &
les nymphes. De plus , elles font fujetes à de petits
poux qui les fucent ; on les voit quelquefois par cen-
tanies fur le corfelet ou fur d'autres parties des abeilles
bourdons. Ces mêmes poux fe trouvent fur les gâteaux:
deS' nids. On rencontre différentes chenilles , qid s'at-
tachent à la cire des plafonds & les mangent. On trouve
encore dans ces nids , ôc en grand nombre , diit^irentes
efpeccs.de vers qui fe transforment en de petites mou-
ches , ôc qui vivent aux dépens des bourdons Les mères
font fu}etes à être mangées par des vers qui s'attachent à
leurs œufs ; enfin les fourmis font très-friandes de leur
miel. La Nature a pris plaifir, comme on aura lieu
d'obferver plus d'une fois , à femer les êtres dans les
êtres : ils fc détruifent les uns les autres , & par-là io.
çonferve un équilibre prefque toujours égal entre les
êtres crées.
Alàlks foUtaires.
luobi'-"
On trouve les abeilles "folitaires réunies dans un
mçaie lieu \ mais elks o'y fout point une véritable
A B É 57
fociété, comme les deux premières efpeces dont nous
avons parlé.
Les diiTérentes efpeces di abeilles folitaîres ^ dont on
va faire ici l'hifloire , exécutent diverfes fortes d'ou-
vrages fort indudrieiix , qui tous tendent à la confer-
vation de leur poilérité.
AhàlUs perce, - bols»
' L'efpece des abeilles perce-bols n'efl point aufîî com-
mune que les précédentes. ïl n'y a cependant guère
de jardins oii l'on n'en puifTe voir quelques-unes dans
dinérentes faifons , mais fur-tout au commencement du
printemps. Elles volent le long des murs expofés au
fcleil 5 & dans les heures de la plus grande chaleur ,
fur-tout s'ils font garnis de treillage. Celle qui rôde
ainfi dans un jardin au printemps , y cherche un en-
droit propre à y faire fon établillement : c'eil quelque
pièce de bois mort , d'une qualité convenable , qu'elle
entreprendra de percer; comme un échalas, une pièce
de bois qui ftrt de foutien aux contre-efpaliers y un
contre-vent , un banc de bois y une poutre : jamais
cette m.cuche n'attaque des arbres vivans , ni du bois
vert ; la Nature lui a appris à connoître les bois qu'elle
pouvoit percer avec le plus de facilité.
Le corps de ces efpeces d'abeilles efl lifTe , Iiiifant
&: d'un noir bleuâtre; elles volent avec bruit; leurs
quatre ailes font d'un violet foncé; elles ont fur les
côtés , autour du derrière &; fur le corfelet , de longs
poils noirs ; leur trompe efl: , pour l'eilentiel , faite
comme celle des niouches a miel ; elles font arm.ées
d'un aiguillon ; & , comim.e dans toutes les efpeces d'a-
beilles , le mâle Vitn a point ^ mais à l'extérieur il
reffemble beaucoup à la Km.elle.
La demeure de cette efpece d'abeilles n'efi point
difF-cile à reconnoitre : lorfqu'on. rencontre à la cam-
pagne une pièce de hois fec percée clans quelque en-
î8 A B E
droit d'un trou capable de laifTer pafTer le doigt Index ^
& au-deffous de ce trou de la fciure de bois , on
eu sûr d'y trouver une abeille perce-bois , qui travaille
à (on Jpâtinient. Il lui faut de la force , du courage ,
de la patience pour fon ouvrage ; le trou qu'elle ouvre
fe dirige vers l'axe du bois un peu obliquement , afin
que les fciures qu'elle détache puiiTent couler. Quand
elle a creufé fon trou à quelques lignes de profondeur,
elle lui fait prendre une autre diredion ; elle le con-
duit parallèlement à l'axe; elle perce le bois en flûte;
& fi la groileur du bois y peut fuftire , elle perce trois
ou quatre de c(^s longs trous dans l'intérieur. Quel-
quefois cepencknt elle dirige le trou obliquement d'un
bout du morceau de bois à l'autre ; ces trous ont fou-
vent plus de douze à quinze pouces de longueur.
Cette abeille, pour faire des trous fi confidérables ,
n'a d'autres inflrumens que deux dents , qui font d'une
écaille très-folide , courbées , & qui fe terminent en une
pointe fine & t»rès-forte. Cet ouvrage occupe l'abeille
pendant des femaines & même des mois entiers. C'efl
pour loger les vers qui doivent fortir des œufs que
cette perce- bois doit pondre , qu'elle ouvre de fi longs
trous. Cette galerie n'ef!: que la cage d'un bâtiment oii
fe trouvent pliifieurs pièces en enfilade. Chaque pièce
efl proprement un alvéole de bois defliné à contenir
l'œuf que l'abeille y doit pondre f car il faut un alvéole
pour chaque ver : elle divife la cage en dix ou douze
chambres , féparées par un plancher.
Elle commence par rapporter, dans la partie infé-
rieure qui correfpond au trou que l'on voit au-dehors,
de la pâtée faite de cire brute & de miel , & qui a la
confiilance d'une terre molle ; elle y dépofe un œuf
qui fe trouve ainfi placé au milieu de la nourriture
qui fera néceffaire au ver qui en doit fortir ; elle en
met la jiifle quantité dont il a befoin pour parvenir
à l'état de nyniphz. L'abeille , après avoir ainfi pourvu
le petit qui doit éclore , bouche l'alvéole avec un
A B E 59
plancher de l'épaifleur d'un écii : ce plancher paroît
formé de cercles concentriques ;. on diroit qu'il a été
fait fur le tour. Pour le conûruire , elle va ramaiTer la
fciure de bois qui ell au bas du trou : elle l'humede
d'une matière vifqueufe , &c en forme un plancher qui
fert de couvercle à la première cellule conilruite, &
de fond à la féconde ; ces alvéoles ont près d'un pouce
de profondeur. L'abeille réitère la même manœuvre ,
& remplit ainfi la cage de dix ou douze alvéoles.
Outre le trou inférieur dont nous avons parlé & qui
fert d'entrée , on en voit un fécond dans la partie
fupérieure, & quelquefois un troisième dans le milieu,
par où l'abeille entre & fort , lorfqu'eîle a conflruit le
premier alvéole dans la partie inférieure ; car pour
lors le trou inférieur fe trouve bouché , & celui du
milieu lui abrège bien du chemin.
Chaque ver fe trouve ainfi placé dans une cellule
remplie de pâtée ; à mefure qu'il croît , fon logement
s'agrandit aux dépens de la pâtée , dont le volume di-
minue. Les vers y fubifient les métamorphcfes nécef-
faires pour parvenir à l'état d'abeilles. Lorfque la mère
abeille a travaillé de manière à mettre fes petits en
état de vivre , elle abandonne fon nid ; &c ainli eue
tous les autres infedes , elle furvit peu aux foins qu'elle
a pris de fa poftérité.
Voilà nos petits vers , qui feront bientôt de jeunes
abeilles , bien clos , bien enfermés , abandonnés de leur
mère ; comment fortiront-ils de cette prifon ? Chaque
abeille percera-t-tlle fa prifon par le côté Itérai ?
Quel ouvrage pour un infeâ-e naiffant ! La Nature
nous fait voir ici une induftrie admirable. Les vers oui
font dans les cellules les plus baffes , pondus les pre-
miers , font par conféquent plus vieux que ceux qui
font dans les cellules fiipérieures , auffi feront - ils les
premiers à fe transformer en nym.phes &c en mouches.
Le plus vieux , qui par conféquent éclôt le premier ,
fe trouve le^ plus près de la porte ^ il n'a qu'une petite
6o A B E
ouverture à déboucher pour fortir par ce trou obli-
que, de la groffeur du doio;t , par où l'abeille avoit
commencé fon ouvrage. L'abc-ille qui éclôt la féconde,
n'a c[iie fon plancher à percer , & elle fe troirve près
de la porte ouverte ; toutes les abeilles fupérieure^
n'ont chacune que leur plancher à percer , pour traver-
fer des cellules vides & ouvertes qui les conduifent à
la porte. La Nature fenible avoir voulu les mettre hors
d'état de fe tromper fur cette route ; car ces abeilles
naiiTent toutes la tête en bas ; en forte que leurs pre-
mières tentatives pour ouvrir leurs prifons , fe font
fur le feul endroit où il étoit à propos de le faire.
Il y a auiTi les abeilles charpenùeres : celles-ci font
im t>-ou dans les bois pourris , y entrent à reculons ,
dépofent leurs œufs avec du miel , ferment la loge où
le petit ver éclos fubit fa méîamorphofe.
V Ahdllz muçonnc.
L'amour de la poilérité efî: une paflion fi déterminée
6c fi vive chez les infedes , qu'excepté le foin de leiu*
nourriture , tout le reile de leurs allions paroît ne
tendre ou'à l'entretien , au'au logement & à la confer-
vation de leurs petits : tout ce qu'il y a déplus lurprenant
dans leur conduite , tous leurs travaux , tous leurs arts
paroiffent ne partir que de ce principe, dç.^ en con-
féquence , &: feulement pour le dépôt de fes œufs ,
que Vahdlle maçonne bâtit l'édince qui lui a fait donner
le nom de maçonne.
L'abeille femelle , q\îi feule , comme on l'cbferve
dans beaucou.p d'autres infedes , travaille à la conf-
trudion du nid, eft de la groffeur ^< aufîi longue c^wq
les m.âles des mouches à miel ; elle eft noire & fort
velue ; elle eft feulement un peu jaunâtre par-deffous;
à la partie poftérieure elle ed armée d'un aiguillon.
Les infoumens dort, elle fe fert pour conftruire fon
nid, font fes dents ôc i^s pattes. -Ses dents font deux
A B E 6r
mâchoires qiii jouent en lens horizontal , dont tes fur^
faces qui fe touchent font concaves &C bordées de poiîs ,
& propres par confcqucnî à contenir les petites mottes
de mortier , avec lefquelles elle conÛruit fon bâîim.ent.
Le mâle ne diffère de V abeille maçonne que par
fa couleur , qui cil fauve &: approchante de celle de la
mouche à miel ; le deïïïis de la partie poftërieure eft
chargé de poils noirs , & le ventre pareillement. Ce
mâle n'a point d'aiguillon : il t^i à peu près de la mèmet
groffeur que fa femelle ; ce qui n'efl pas ordinaire
parmi les infeftes , où les femelles font ordinairement
plus grandes & plus greffes. Les mâles , ainfi que parmi
les autres infe£tes , font pareiTeux ; auiîî-tôt que l'a-
mour a ufé de fes droits , ils laiiTent leurs femelles ,
&; s'en vont courir le m.onde , où ils mènent une vie
libre & vagabonde 5 fans fouci de leur poflérité. VabùlU
maçonna , au contraire , travaille laborieufement à la
conftrudion du nid.
Lor (qu'elle a reconnu fur un mur un endroit propre
au bâtiment qu'elle veut conflruire ( c'eft ordinaire-
ment fur les murs expofés au midi , 6z fur les angles
de ces murs , qu'elle travaille plus volontiers ) , elle va
chercher les matériaux néceifaires pour la ccnftruclion ;
elle choifit du fable grain à grain , qu'elle mêle avec
de îa terre , elle la détrempe avec une liqueur vif-
queufe qu'elle dégorge de ff:>n efiomac ; elle en forme
des cellules dont elle polit l'intérieur , pour lequel elle
emploie le fable le plus nn , oL laiffe le dehors grave-
leux. Chaque cellule a environ un pouce de hauteur ,
& près de fix lignes de diamètre. Elle travaille avec
tant d'a£i:ivité , qu'elle parvient à peu près à conilruire
une de ces cellules dans \\n jour. Lorfque la cellule eft
conflruite , elle y Gépofe la quantité d'alimens nécef-
faires pour fournir à l'accroilTement complet du ver
qui doit fortir de l'œuf qu'elle efl: prête d'y pondre ,
& le mettre en état de fubir toutes (qs métamorphofes.
Cette pâtée QÏi fiùîe de niid ^cà^ pouffiere d'étamines.
'(% A B E
Cette abeille n'ayant point de corbeilles, comme les
autres mouches à mkl , aux pattes poUérieures , elle
apporte les poufîieres d'ëtamines entre fes dents , &
dégorge defïïis le miel avec lequel fes pouiTieres doi-
vent être délayées pour compofer la pâtée.
A peine la première cellule eft - elle conilruite ,
qu'elle jette les fondemcns d'une féconde , qu*elle rem-
plit & finit comme la première. Elle en fait fouvent
îept à huit , plus ou moins , dans fon nid ; ces cellules
font difpofées fans ordre , & féparées les unes des
autres par un maiïif de maçonnerie.
Parmi les plus petits infeftes , comme parmi les
hommes , on veut quelquefois ufurper le bien de fcn
voifm, & s'approprier les travaux d'autrui. M. Duha-
md a obfervé plus d'une fois qu.e , pendant que l'abeille
maçonne étoit allé chercher des matériaux pour conti-
nuer fa cellule , une autre entroit fans façon dans cette
cellule, la vifitoit , la ragréoit, & ne vouloit point la
céder à la propriétaire , ce qui produifoit des difputes
& cccafionnoit un grand combat. Cefl dans l'air que
fe donnent les plus rudes chocs; elles ne fe faifiilent
point corps à corps , comme font les abeilles , mais
elles fe heurtent quelquefois tête centre tête : on a vu
de ces combats durer une demi-heure. YlahùlU ma-
çonne s'empare quelquefois fans injuflice des cellules
déjà comimencées , fi par quelque accident celle qui la
conftruifoit eft morte ; ou bien elle ragrée d'anciens
nids; mais ces vieux nids ne l'empêchent point d'en
bâtir de nouveaux , {oit parce que les \ieux ne fervent
que deux ou trois fois, foit parce qu'il y a plus de fe-
melles une année qu'une autre.
Lorfque l'abeille a conflruit les cellules , elle recouvre
le tout à\\n enduit épais de mortier ; & l'extérieur du
nid refTcmble à une bofTe pierreufe qui a la forme
d'un demi- œuf. Tout ce travail dure environ quinze
jours fans relâche. La mouche ayant mis fa poflcrité
en fureté , a fait tout ce qu'elle avcit à faire ; elle fe
A B E gf
retire Se abandonne ce nid qui n'a plus tefoîn de fes
foins. Parmi les infedes qui ne vivent qu'un an , comme
notre mouche, èc qui ne donnent qu'une génération
dans toute leur vie, les femelles n'ont plus befoin du
fecours de leur mâle , lorfqu'elles ont été mifes une
fois en état de perpétuer leur efpece : cela fait ^ le
defîein de la Nature eu accompli; & leur vie étant
déformais inutile , elles meurent bientôt après.
C'eft vers le 1 5 ou 20 d'Avril que ces abeilles com-
mencent à conftniire leurs nids ; ils font habités pen-
dant dix à onze mois confécutifs par les vers , enfuite
par les nymphes , dans lefquelles ils font transformés.
Ces nids , quoique peu coriimuns, ne font pas non plus
fort rares pour des yeux attentifs &: obfervateurs. On
en trouve fin* les faces des grands bâtimens qui font
expofés au midi, fur celles des châteaux ifolés, aux
fenêtres des églifes de campagne , & aux angles des
murs ; ils ne font jamais appliqués fur un crépi , tow
j.ours fur la pierre,
L'efpece des abàlUs maçonnes efl: répandue dans di-
verfes Provinces du Royaume : elles bâtiffent toutes
fur le même principe ; mais elles fe fervent des divers
matériaux que le pays fournit : auiii les nids varient-
ils en couleur , fuivant les pays ; l'ouvrage viQn efl
pas moins . pénible. Aux environs de Paris , ils font
d'un blanc qui approche de celui de la pierre de taille ;
en Touraine , de couleur grife ; ailleurs blancs. Le
mortier dont ces nids font compofés fe durcit au point ,
qu'il furpafîe en dureté nos enduits , foit de plâtre ,
foit de mortier. La Nature nous fait voir , fuivant la
remarque de M. de Rèamnur , qu'il peut exifter un ex-
cellent mortier , fait de grains de fable unis avec une
matière vifqueufe : celui qui trouveroit ce fecret ren-
droit un grand fervice à la poflérité. Si une fois on
étoit parvenu à faire \\n mortier liquide , lequel , en fe
féchant , pût acquérir en peu de temps la dureté des
pierres & du marbre , il n'y auroit plus qu'à le verfer
i54 A B E
dans des moiilcs j on en rireroit des pierres toutes tâll"
lées &c toutes façonnées. Des gens peu inflruirs dans
les arts , en voyant des pierres d'une grandeur énorme
employées claiiS des lieux où on ne pou voit imaginer
que rindufîrie hu.maine eût pu les tranfporter de fi
îoin , ont cru que les Anciens avoient eu le lecret de
fondre les pierres. Idée abfurde : la pierre ne peut être
fondue fans fe vitrifier du moins en partie. Si on leur
eût fuppofé l'art de mouler un mortier liquide qui
en féchant eût pu acquérir la dureté de la pierre 6c
■du granit, l'on n'auroit fuppofé rien d'irnpolîible.
Revenons à nos jeunes mouches enferm.ées dans une
prifon dont les murs font très - épais & . très-folides.
Les feuls inilrumens dont les abeilles fe fervent pour
en fortir , ce font leurs dents ; à la fuite d'eiîbrts réitérés ,
elles font un trou dans ce mur , contre lequel s'émouf-
feroient nos couteaux : c'efl par où elles fortent.
Les vers des abeilles maçonnes , quoique fi bien
clos & fi couverts , fe trouvent fouvent dévorés par
d'autres vers. H y a un genre de mouches , que l'on
nomme Ichmumoncs ^ dent il y a beaucoup d'efoeces
différentes, ainfi que nous le dirons au m.ot Mouche
ICHNEUMONE. Cette mouche , qui efl: carnaciere , efl
à Taffùt de l'inilant où la mouche maçonne quitte fon
Tiid 5 foit pour livrer combat , foit pour aller à la quête
de nouveaux matériaux ; elle s'introduit furtivement
dans la cellule , dépofe un œuf, d'où fort un ver qui
dévore l'enfant de la maifon. Ce ver efl pourvu de
dents propres A brifer les pierres , &: à percer le mur
de fa prifon : on trouve dans une cellule quelquefois
plus de trente de ces vers ; d'autres fois dix ou douze.
L'ennemi le plus terrible pour les vers des abeilles
maçonnes , efl un ver dépcfé furtivement auili dans
rintérieur du nid par un fcarabée. Ce ver, qui a à^s
dents très-fortes, au moyen defquelles il perce plu-
fieucrs cellules , &: dévore icute la ivimille , efl ^'wn beau
louge, d'une nuance plus forte que le couleur de rof::
A B E (?y
il eft ras; fa tête eft noire; il a fix jambes écailleiifes.
Ceft clans la cellule où il a fini fes ravages, qu'il ie
prépare à fa transformation; il y fait un retranchement
au moyen d'une toile bien tendue, qui a Tcpailleur 6c
la confiilance d'un parchemin , & dont la couleur eft
brune , plus claire que le café, il tapiffe de foie de
même couleur les murs du logement auquel il s'eft
reftreint. Puis après un long temps ( car on en a vu
pouffer ce terme jufqu'à trois ans ) , on voit fortir de
la nymphe un très-joli fcarahét , grand & long comme
une mouche cantharide. Ce fcarahéc a la tête & le cor-
felet d'un très-beau bleu; les fourreaux ou étuis des
ailes font rouges , & traverfés par trois bandes d'un
violet foncé. Le deffous de la tête , celui du corfelet
& celui du corps font entièrement veUis ; ce n'eft qu'au
travers de longs poils blanchâtres , qu'on apperçoit que
le ventre eft d'un beau bleu. Quoique ce ver n'ait
paru qu'au bout de trois ans fous la forme de fcara-
bée , il y a un moyen de le faire paroîrre plutôt
fous cette forme , en lui procurant une chaleur fuffi-
fante. Ce fcarabée eft une efpece de clairon. Voyez
ce mot.
Autres efpeces cTAheilUs maçonnes^
II y a une efpece d'abeille maçonne qui profite des
trous qu'elle trouve tout faits dans le bois, tels que
ceux qui fe rencontrent quelquefois dans des portes
ou poteaux. Elle n'a point été pourvue par la Nature
d'inftrumens propres à en faire : elle enduit l'intérieur
du trou d'une terre fine, le remplit de pâtée, y dé-
pofe un oeuf, & le bouche de la même matière. Cette
abeille maçonne reftemble aiffez à la mouche à miel ,
excepté que le deifus du corps a moins de poils, &
qu'il eft rougeâtre & luifant.
Une autre efpece choifit les trous des pierres pour en
faire des alvéoles. Cette abeille eft plus c^3iirte , plus
Tome /, ,: E
C6 A B E
grofle , plus velue qu'une mouche à miel ouvrière ;
elle eft lur-tout reconnoi {Table par clés poils de deux
couleurs : ceux du corps tirent fur Forangé ; ceux du
corfelet font noirs : fes dents reiTemblent aux lames des
cifeaux de Tondeurs, à cela près qu'elles font den-
telées. Elle a des antennes qui différent des antennes
ordinaires , en ce qu'elles font très-courtes , & ne font
pas flexibles. Cette abeille, après avoir choifi les trous
Gu'elle trouve dans les pierres , les enduit d'une terre
fine bien humeftée , les rétrécit s'ils font trop larges ,
y met la provifion néceffaire pour nourrir le ver qui
doit éclore de l'œuf qu'elle y pond , & elle bouche
l'alvéole.
Il y a encore des abeilles qui font des nids de fimple
mortier de terre : ces nids font attachés fur les miurs ,
comme ceux des abeilles maçonnes ; ils ont peu de fo-
lidité , aufîi n'ont-ils befoin que de durer trois femai-
nes ^ à compter du moment de la conftru(^ion jufqu'au
jour où la nymphe en fort en mouche. D'autres font
leur nid dans les mortiers des murs de clôture : il n'y
a rien de brillant ni de fmgulier dans leurs manœuvres,
'AhdlUs mlneiifes , ou AhdlUs qui creufmt la terre»
Les abeilles de cette efpece ne favent que creufer la
terre, &: y faire des trous cylindriques de la groffeur de
leur corps , fouvent profonds de cinq à fix pouces , quel-
quefois d'un pied. Ce qu'elles offrent de plus remar-
quable, eft la patience avec laquelle elles enlèvent la
terre prefque grain à grain , pour creufer leur trou.
Elles apportent la terre fur les bords , & en forment
un petit monticule ; le terrain le plus battu eft celui
que quelques-unes préfèrent. On voit quelquefois des
allées de jardin criblées de trous , qu'elles y ont creufés
prefque perpendiculairement. D'autres efpeces creufent
horizontalement. Chaque efpece choifit la terre ou le
fable qui'-liû convient. Les terres ou fables coupé*
A B E (?7
prefqu^à pic , qui s'élèvent au - defTus des chemins ,
offrent fouvent des milliers de ces trous. L'abeille dé-
pofe , dans le fond du trou , de la pâtée , y pond un
œuf, Si fait rentrer dans le trou la plus grande partie
de ia terre qu*elle en avoit ôtée ; par cette induilrie ,
elle empêche les fourmis d'aller piller la pâtée.
Parmi ces mouches qui creufent la terre , il y en a
de plus petites que les mouches d'appartement. On
rencontre quelquefois de celles-là fur diverfes fleurs ,
où elles fe faupoudrent de pouffiere d'étamines. D'au-
tres efpeces de ces abeilles égalent ou furpaffent en
grandeur les mouches à miel ouvrières.
Toutes CQs abeilles différent par la forme du corps
& la couleur. Celles qui fouillent dans les jardins
ont la couleur de mouches à miel : celles qui creufent
dans les fables gras , font noires &c ont les ailes d'un
violet foncé. Celles qui fouillent dans la terre ordi-
naire , font noires &: ont une file de houppes blanches
fur les côtés ; au lieu de faire un monticule à l'en-
trée du trou, elles étalent la terre.
Abeilles couveufcs de feuilles»
Ces efpeces d'abeilles creufent la terre c©mme les
précédentes , & conllruifent dans ces trous des nids
pour leurs petits. Elles les font avec è.^s morceaux de
feuilles de figure arrondie & un peu ovale , courbés
& ajuilés les uns fur les autres avec tant d'art , qu'il
eft peu d'ouvrages aufîi propres à nous donner une
idée de l'adreffe qui a été accordée aux infedles. Ces
abeilles coupeufes de feuilles cachent fous terre , tantôt
dans un champ , tantôt dans un jardin , leurs nids qui
font des tuyaux cylindriques , de la lon£;ueur des étuis
à cure - dents , & quelquefois de la même groffeur :
ces étuis font compofés de petits gobelets ench âfTés les
uns dans les autres , &: difpofés comme des dés à cou-
dre mis les uns dans les autres,
E t
68 A B E
On voit de ces rouleaux , de différentes groffeurs;
ce qu4 vient de ce qu'ils font l'ouvrage de plufieurs
efpeces d'abeilles qui différent en groff^ur.
Les abeilles qui coupent les feuilles de rofier^font
plus petites que les mouches à miel ouvrières ; ces
coupeufes n'ont point affez de poils fur le deffus des
anneaux du corps pour en cacher le luifant ; le deffus
des anneaux eft d'un brun prefque noir ; chaque cgté
du corps a un bordé de poils prefque blancs, formé
par une fuite de touffes, dont chacune part de chaque
anneau.
La coupeufe des marroniers ( car chaque efpece
d'abeilles choifit une feuille particulière) eft plus grande
que les mâles des mouches à miel ; le deffus du corps
cft roux , & le deffous du ventre eff d'un gris blanc.
Les dents font l'inffrument dont ces efpeces d'abeilles
fe fervent pour couper les feuilles. Elles les coupent
avec plus de promptitude, que nous ne le ferions avec
des cifeaux. Trois fortes de pièces entrent dans la com-
pofition d'un étui ; les unes font demi-ovales ; d'autres
ovales; d'autres rondes.
Il n'y a perfonne qui n'ait remarqué des feuilles de
rofier , oii l'on voit des pièces emportées avec la netteté
d'un emporte-pièce : c'eff-là que nos abeilles coupeufes
ont pris leurs matériaux. Le hafard peut quelquefois
préfenter à l'Obfervateur attentif ime de ces mouches
occupée à couper une feuille : c'eft-là qu'il admireroit
avec quelle juffeffe , fans compas , elle coupe une pièce
circulaire , qui efl de grandeur jufte à fe rapporter à
l'étui qu'elle conffruit , propre à boucher exadement
chaque alvéole, dans lequel elle dépofe un œuf avec
fa provifion , qui eft de couleur rougeâtre. H y a quel-
ques années qu'un Payfan labourant fa terre , rencontra ,
a chaque coup de bêche , de ces nids en forme de
rouleaux. Le Villageois faifi de frayeur , n'ofe y tou-
cher , il va chercher un de fes compagnons , forme un
confeil oii le Curé préfide. On raifcnne , au moins on
A B E , /9
ffarle beaucoup ; on conclut que c'eft un fort jeté fur
la terre ; peu s'en faut que le bon Pafteur n'en vienne
à l'exorcifme. Le Laboureur , pâle , inquiet , tremblant.,
accourt à Paris. On le queftionne , on l'envoie à M.
l'Abbé NolUt, Ce Phyficien calme fes alarmes , en lui
montrant de pareils nids ou rouleaux qui fervoient de
logement à des vers pleins de vie. A cette vue , Ife
Villageois refle furpris, ébahi , rougit & rit enfuite
groffierement de fa fotte crédulité , fe promettant bien
de ne plus confulter , en pareille matière , fon bon-
homme de Curé.
Le nid de l'abeille coupeufe de feuilles eft donc
tout compofé d'alvéoles placés ainfi au-defTus les uns
des autres. Lorfque les vers ont pris tout leur accroif-
fement , ils fe filent une coque de foie épaiffe & folide,
qui tapiffe les parois de la cellule. La foie de l'extérieiu-
de la coque ^Ç\ de couleur du café ; & les parois inté-
rieures font faites d'une foie très - fine & blanchâtre ,
unie & luifante comme le fatin : c'eft-là qu'ils fubif-
fent leur métamcrphofe , & paflent l'hiver fous terre
à cinq ou fix pouces de profondeur , ou fous la forme
de nymphe ou de mouche , bien enveloppés d'une
coque de foie. La même mouche ichneumone , qui va
dépofer its œufs dans le nid de l'abeille maçonne ^
vient les dépofer de même dans les nids de ces abeilles.
Abeilles qui font des nids de membranes foyenfes.
Cette efpece d'abeilîe fait fon nid dans le mortier
qui unit les pierres des murailles ; mais elle en tapiffe
l'intérieur de membranes foyeufes.
Cette abeille place toujours fon nid dans un mur
expofé en plein nord : elle eft la feule , avec une autre
forte de m.ouche , qui choifiiTe cette expofition. Tous
les animaux en général , & fur-tout les. infeôes volans ,
qui ne couvrent point leurs œufs ^ choifiiTent , pour
placer leur nid^ des endroits expofés aux rayons du
E3
70 A B E
foleil ; mais 11 n'efl point dans la Nature de lois fi géné-
rales , qti'elles n'aient quelques exceptions.
Les nids de ces abeilles , comme ceux des coupeufes^
font des efpeces de cylindres , faits de plufieurs cellules
mifes bout à bout, dont chacune a la figure d'un dé
à coudre. Le terrain , dans lequel Tabeille a creufé ,
décide du plus ou moins de cellules. Ces cellules ont
environ cinq lignes de profondeur , & deux lignes de
diamètre : la matière dont elles font formées , efl une
'membrane foyeufe.
Les vers à foie , & plufieurs autres infeâes , font
pourvus de filières , avec lefquelles ils forment leur tifiii.
Cette abeille porte , comme eux , dans fon ellomac
une matière foyeufe; mais n'étant point pourvue de
filière , elle la dégorge comme une écume , aufii fine
que celle des bouteilles de favon, & en forme une
efpece de membrane qui tapififc- la cellule. Ces mem-
branes multipliées lui donnent la folidité nécefi'aire :
elle dépoie dans cette cellule de la pâtée , y pond un
ceuf , la bouche , 6c réitère cette manœuvre pour toutes
les cellules.
Ces abeilles éclofent vers la fin de Juillet : elles font
plus petites que les mouches à miel ouvrières ; elles
ont 5 comme elles , fiir le corfelet , des poils roux ,
les anneaux du corps bruns , mais bordés de poils roux.
Leur trompe diffère notablement de celle des mouches
Si miel ; loin de fe terminer par une partie déliée , comme
celle des abeilles ouvrières , à quelque difîance du bout
elle s'évafe , & finit par ime partie plus large que le
refle. La flru£^ure du bout de cette trompe fait voir
qu'elle efl propre à exécuter bien des mouvemens, &
fa figure apprend que lorfqu'elle fe pHe en gouttière ,
elle peut retenir une matière vifqueufe.
La femelle , dans toutes ces efpeces d'abeilles , a uft
aiguillon , ôc le mâle n'en a point.
A B E 71
Abeilles taplffiercs»
En fe promenant au milieu d'une moifTon de blé ^
on peut oblerver quelquefois à fes pieds , dans les fen-
tiers , de petits trous décorés dans leur circuit d un
beau ruban couleur de feu : ce font les nids des abeilles
tapijjleres. Ces abeilles font les feules à qui ce nom foit
proprement dû : elles feules tapiffent à notre manière.
L'abeille tapifîiere eft d'une fort petite efpece : elle
eft plus velue que les mouches à miel ordinaires : elle
a le corps proportionnellement plus court ; mais fa cou-
leur approche fort de la leur.
Le premier travail d'une abeille tapifïïere qui veut
faire un nid , eil de creufer d'abord dans la terre un
trou perpendiculaire. Elle lui donne trois pouces de
profondeur , &; un diamètre égal depuis l'entrée du
trou jufqu'à fept ou huit lignes de profondeur ; &
elle l'évafe enfuite comme nos cafetières. Après que
€e trou eft creufé , il «ft queition de revêtir fes parois
pour foutenir les terres & contenir la pâtée. L'abeille
le tranfporte fur une fleur de coquelicot , oii elle taille
avec adreffe dans un des pétales une pièce qui a la
figure d'une m^oitié d'ovale. La tapifîiere entre dans
fon trou avec la pièce qu'elle a enlevée : elle la tient
pliée en deux entre fes pattes ; mais malgré cela la
pièce ne peut pas manquer de fe chiffonner en entrant
dans une cavité fi étroite : la mouche ne l'a pas plutôt
conduite à la profondeur 011 elle la veut , qu'elle la
déplie & retend le plus uniment pofTible. Elle applique
fur le fond & fur les côtés plufieurs feuilles qu'elle
unit avec art. Les dernières pièces qui terminent l'en-
trée du trou , débordent toujours de quelques lignes :
c'efl ce qui forme ce petit ruban couleur de feu , capa-
ble de fixer l'oeil d'un Obfervaîeur de la Nature.
Quand l'intérieur du trou a été fufHfamment tapifTé ^
l'abeille accumule , dans la oartie du fond qui efl évafée, la
E4
72 _ ^ A B E
quantité de pâtée nécefTaire pour fournir à l'accroifle*
ment du ver qui doit tclore de l'œuf qu'elle y depofe.
Cette pâtée eft faite de poufTiere d'aamines , 6c de
miel recueilli dans le nzcîarhnn des fleurs. L'œuf eft
dcpoie au milieu de la pâtée. Elle n'a garde de la' (Ter
à l'abandon & au pillage un travail qiri lui eft fi cher
& qui lui a tant coûté. Pour en prévenir la perte, elle
dérend toute la tapifTizrie qui fe trouve depu.s le bord
du trou , y compris même ce petit cercle qui débordoit
iiir la terre juiqu'èt ^a parce; & à meiure qu'elle la
détend, elle la pnufl'e vers le fond, & en recouvre la
furface. Lorlque la tapiiTcrie eft dépendue, le trousflui
avoit trois pouces de profondeur, efl réduit à n'avoir
plus au'un pouce ; c'efl la hauteur du fac qui ren-
ferme la pâtée Ôc l'œuf La mouche remplit enfuite
de terre les deux pouces de vide qui reiîe depuis
le defîiis du fac jufqu'à l'entrée du trou ; en forte que
quand l'ouvrage cil achevé , on ne fauroit plus recon-
noître l'endroit oii la terre a été percée.
L'abeille ne met guère que deux ou trois jours à
la conftru^ion de ce nid , qui doit paroître un travail
étonnant pour une fi petite mouche. M. de Riaumur
efl j)orté à croire qu'elle fait plufieurs de ces alvéoles y
& autant que d'œufs.
La Nature , aui a difpofé la transformation des
infefles fur le temps oii doivent paroître les alimens
qu'elle leur a deftinés , a ufé d'une double prévoyance
à l'égard de notre abàlU tapïjfurt .- elle ne lui fait
quitter fon état de nymphe pour être abeille, que
lorfque la fleur de coquelicot cuitte le bouton, afin
que la tapifîiere trouve dans le même moment & vi-
vres & meubles.
Ahdlks étrangères.
On trouve quelquefois en Mofcovie & aux Indes,'
dans les troncs des vieux arbres, une cire noire, for-
A B E 7?
feée en morceaux ronds ou ovales, de la groffeur
d'une mufcade : elle efl faite par de petites abeilles,
qui conilruifent leurs gâteaux d^ns le creux de ces
troncs , &C qui y portent un miel de couleur citrine ,
& d'un goût agréable Cette cire étant échauffée a
ime odeur de Baume ; elle efl très-rare en France.
Les abeilles de la Guadeloupe 6c de tout le Con-
tinent des Illes de l'Amérique , font de moitié plus
petites que celles d'Europe : elles font phis noires &c
plus rondes. Il ne paroît pas qu'elles aient d'aiguillon,
ou fi elles en ont , il faut qu'il (ok fi foible qu'il n'ait
pas la force de percer la peau. Elles font errantes &
vagabondes dans les bois ; elles fe retirent dans des
arbres creux , pour conftruire leurs ruches : fi l'efpace
eft trop grand, elles font une efpece de dôme de cire
qui a la figure d'une poire, dans le dedans duquel elles
fe logent ^ font leur miel & leurs petits. Leur cire
efl d'un violet foncé , douce au toucher &: s'étendant
facilement entre les doigts. On n'a pu parvenir à lui
faire changer de couleur, ni à en pouvoir faire des
bougies folides, car elle eft toujours trop molle \ on
ne s'en fert dans le pays qu'à faire des bouchons de
bouteilles, & pour tirer fort exadement les empreintes
des pierres gravées en creux. Les Moines de la Nou-
velle Efpagne & de la côte de Carac , s'en fervent pour
faire des cierges qui donnent une lumière fort trifte.
Les Caraïbes en compofent une efpece de maftic qu'ils
appellent many , fervant à différens ufages, comme à
recueillir le baume de Tolu , &:c. Ces abeilles ne font
point de rayons : elles renferment leur miel dans de
petites vefîies de cire , de la figure & de la groffeur
des œufs de pigeon, mais plus pointues, à peu-près
comme des vefîies de carpe. Quoiqu'on puifTe aifément
les féparcr les unes des autres , il ne paroît cependant
aucun vide entre elles. 'La plus grande partie de ces
vefîies efl remplie de miel : on trouve dans quelques
autres une certaine matière jaune , grenée comme des
j4 A B Ê
œufs de carpe : les Nègres difent qiie ce font les
€xcrémens des mouches. Si on peut juger par analogie,
on pourroit peut-être penfer que c'efl: de la cire brute.
Leur miel eft toujours liquide , ayant la confiftance de
l'huile d'olive &: une couleur d'ambre; il s'aigrit en
peu de temps. Les Créoles en imbibent de la caflave
fraîche, &: la mangent avec plaifir ; les Chirurgiens &C
Apothicaires s'en fei*vent comme de celui d'Europe.
On retireroit une quantité confidérable de ce miel , fi
on logeoit ces abeilles dans des ruches , comme on
fait en Europe ; mais on eft bien éloigné dans ce
pays-là de fe donner de pareils foins. Le Père Labat
dit qu'il n'a connu qu'an feul habitant qui en avoit
quelques eflaims dans des pots de raffinerie percés en
bas & bien couverts, où ces abeilles travailloient &
profitoient beaucoup. 11 faut, dit cet Auteur, que le
Père du Tertre, qui fe plaint de n'en avoir jamais pu
élever dans ce pays , n'ait pas trouvé le fecret de
délivrer fes abeilles des fourmis, qui, félon les appa-
rences , les auront incommodées au point de les obli-
ger de fe retirer.
La cire de cette efpece d'abeille eu excellente,
fuivant l'expérience du P. Labat , pour guérir les cors
des pieds éc les verrues des mains.
Les abeilles de la Louifiane font les mêmes qu'en
France : elles font leurs nids en terre dans des lieux
fées ; par ce moyen , elles fe dérobent aux ours qui
font très-friands de leur miel.
Vapper , dans fa Defaiption de V Àhyjjinïe , dit qu'il
y a en Ethiopie un grand nombre d'abeilles , fur-tout
de petites abeilles noires , qui font un excellent miel
& une cire d'une blancheur extraordinaire. Ces abeilles
n'ayant point d'aiguillon pour fe défendre & fe con-
fei-ver , ont recours à la rufe ; elles fe cachent dans
des creux fcuterrains , oii elles entrent par de petits
trous qu'elles ont Tadrefle de boucher fi-tôt que quel-
qu'un paroît ; pour cela elles fe mettent quatre ou
A B E 75
cinq au trou , & s'y placent tête contre tête , en forte
qu'étant de niveau avec la terre , on ne le découvre
point.
Sur la côte occidentale d'Afrique , il n'y a point de
canton qui ne foit peuplé d'abeilles ; le commerce de
cirey efttrès-confidérabîe parmi les Nègres. Les abeilles
en Guinée donnent d'excellente cire , 6c un miel déli-
cieux.
Kenoc , Anglois , diilingue dans fa Relation de l'Ifle
de Ceylan , trois fortes d'abeilles. La première , qui
refîemble à celles d'Europe , fe loge dans les creux
des arbres. Les Indiens en retirent facilement le miel ,
après avoir chafTé ces mouches , dont l'aiguillon n'eft
pas redoutable. La fecofide eipece fe loge fur les plus
hautes branches, où elles forment leurs niches fans
prendre foin de fe cacher. Dans certaines faifons , des
villes entières vont recueillir ce miel dans les bois ,
& tous en reviennent chargés. La troifieme efpece eft
plus petite que nos mouches communes : elles donnent
du miel en û grande quantité , que les Chyngulais
l'abandonnent aux enfans.
A la Chine , il y a grande abondance d'abeilles : la
cire qu'elles donnent y çR employée aux ufages de la
Médecine , & non à brûler.
Les abeilles ont été trouvées naturellement à l'Ifîe
de Bourbon & à Madagafcar , de là elles ont été por-
tées à rifle de France. Ces mouches à miel font plus
longues , mais moins groffes que celles de France. Elles
ne font jamais engourdies par le froid à l'Ifle de
Bourbon , & quoiqu'elles y trouvent toujours des
fleurs , elles ne travaillent pas toute l'année , car elles
ne fournifl^ent rien depuis la fin d'Avril jufqu'en Août
& Septembre. Le peu d'aclivité chez ces abeilles , de-
pendroit-il de la trop grande chaleur du climat ?
Les ahdlles font très-abondantes dans les contrées
des Hottentots en Afrique : on n'y apperçoit pas la
moindre différence avec les nôtres Les Européens ne
7§ A B E A B I
fe donnent pas la peine d'en élever , parce que pour
lin peu de tabac ou d'eau-de-vie , ou quelqu'autre ba-
gatelle , on peut acheter des Hottentots une bonne
quantité d'excellent miel , qu'ils vont chercher fur des
rochers efcaqDes ; mais ce miel efl mal-propre , attendu
qu'ils le mettent dans des facs faits de peau , dont le
poil efl tourné en dedans. Confului la defcrlption du
Cap di Bonne.' Efpirancz.
A B E L - M O S C ou Graine de Musc. Foye:^
Amerette.
ABHAL ou A AL. Les Indiens Orientaux donnent
ce nom au fniit d'ime efpece de cyprès. V Herbier d'Am-
hoine en diftingue deux efpeces , l'une à petites feuilles
& l'autre à feuilles larges ; on emploie l'écorce de ce
dernier pour donner au vin de Sagou un goût aro-
niaticfiie.
ABÎSME ou Abyme , fe dit généralement d'un
endroit très-profond , & qui , pour ainfi dire , n'a
point de fond. On fe fert auffi du mot abyme ^ pour
marquer le réfervoir imipenfe creufé dans la terre ,
où Dieu, ramaffa toutes les eaux le troifieme jour ;
réfervoir défigné dans notre langue par le mot mer y
dans Moyfe par le nom de grand abyme ^ & dans d'au-
tres Auteurs par chaos.
Les Hébreux ont penfé que les fontaines & les
rivières ont toutes leur fource dans Vabyme ou dans
la mer : elles en fortent , difoient-ils , par des canaux
invifibles , & s'y rendent par les lits qu'elles fe font
formés fur la terre. Au temps du déluge les abymes
d'en bas, ouïes eaux de la mer, rompirent leurs digues ;
les fontaines forcèrent leurs fources , & fe répandirent
dans le même temps que les catara£les du Ciel s'ou-
vrirent &c inondèrent toute la terre- Genef. rili, v. 2.
La terre fortit enfuite du milieu de Vabyme , comme
une lue qui fort du milieu de la mer, & qui paroît
tout d'un coup à nos yeux , après avoir été long-
temps cachés fous les eau::. Gcr.ef. i, z.
A B I 77
Woodward , en parlant du grand nhymz dans fon
"Hiftoire Naturelle de la Terre , Ibutient qu'il y a un
grand amas d'eaux renfermées dans les entrailles de la
terre , qui forment un vafte globe dans fon centre ,
& que la furface efl couverte de couches terreflres :
c'eft , félon lui , ce que Moyfe appelle le grand gouffre ^
& que la plupart des Auteurs entendent par le grand
abymc, L'exiflence de cet amas d'eaux dans l'intérieur
de la terre , femble confirmée par un grand nombre
d'obfervations. Le même Auteur prétend que l'eau de
ce vafle abyme communique avec celle de l'Océan
par le moyen de quelques ouvertures fouterraines;
mais le fait eft-il certain ? Voy^^{^ Us articUs Mer ,
DÉLUGE, Gouffre, Chaos & Terre.
Il eft fait mention dans les Mémoires de VAcadcmh
des Sciences , année ty^i , de la fontaine fans fond de
fable en Anjou, laquelle doit être mife au rang des
ahymes^ parce que ceux qui l'ont fondée n'y ont point
trouvé de fond; &; que félon la tradition du Pays
plulieurs beftiaux qui y font tombés , n'ont jamais
été retrouvés. C'ell une efpece de gouffre de vingt à
vingt-cinq pieds d'ouverture, iitmé au milieu & dans
la partie la plus baffe d'ime lande de huit à neuf lieues
de circuit, dont les bords élevés en entonnoir defcen-
dent par une pente infenfible jufqu'à ce gouffre , qui
en efl comme la citerne. La terre tremble ordinaire-
ment fous les pieds de tous les animaux qui marchent
dans ce baflin. Il y a de temps en temps des débor-
demens qui n'arrivent pas toujours après les grandes
pluies, & pendant lefquels il fort de la fontaine une
quantité prodigi-eufe de poiffons , & fur-tout beaucoup
de brochets truites, d'une efpece inconnue dans le
refte du pays. Il n'eil: pas facile cependant d'y pêcher,
parce que cette terre tremblante &: qui s'affaiffe au
bord du gouffre , & quelquefois affez loin aux environs ,
en rend l'approche fort dangereufe ; il faut attendre
pour cela des années fechcs, Sc où les pluies n'aient
78 A B L
pas ramolli d'avance le terrain inondé. Ce terrain feroît-
il la voûte d'un lac qui feroit au-defTous ?
On lit dans le Journal des Savani ^ année 1680 ,
page 1 2 , qu'il y a un goufFre dans la province de
StafFord en Angleterre, qid n'a pu être fondé que iiif-
qii'à la profondeur de deux mille fix cents pieds per-
pendiculaires. Dans les gorges qui entourent le Mont-
Blanc, il y a des précipices formés par la chute des tor-
rens ou par rafFaifTement des rochers , qu'on ne peut
évaluer , dit-on , à m.oins de neuf mille pieds de pro-
fondeur. Vabymc du Mont A^arath , antique foyer
d'un volcan qui s'efl éteint, parut incommenfurable
au Savant Tournefort, ( Voyage du Levant , tom, ni,
pag, iiG. )
AB LAQUE. Nom que les Commerçans François
ont donné à la foie de perles ou ardajjîne. Cette foie
vient par la voie de Smyrne : elle eft fort belle ; mais
comme elle ne fouffre pas l'eau chaude , il y a peu
d'ouvrages dans lefquels elle puille entrer. Voye^^
Bissus-PoiL DE Nacre.
ABLE ou Ablette , alhumus , WVdughb. en Suéde,
Benlcja ; en Danois ^ Luytr ; en Anglois , Bleak ; en
Allemagne y Welfsfifch & Bl'ug ; à Francfort , AlhUn ;
à Hambourg & dans le Slefwik , Wlnnck & Blicke,
PoifTon de rivière du genre du Cyprin. Il eft long de
quatre à fix pouces , & large d'un à deux pouces , &
sffez femblable à l'éperlan ; mais dont les écailles font
d'une blancheur plus vive & plus argentine. L'able,
fuivant la dcfcription de Rondelet^ a les yeux grands
& rouges , ( c'eft-à-dire , que leurs iris font marquées
dans leur partie inférieure d'une tache de couleur de
fang ) , le dos vert ou d'un bleu fombre , le ventre
blanc , la tête petite , le corps plat ; la hgne latérale
a la figure d'une S alongée ; le crâne eft comme
tranfparent. Il efl fans fiel , fa chair efl molle. Ce
poïfibn a une nageoire à l'anus, compofée de vingt
ofTelets ou rayons. On le prend faciîemexit à rhameçon.
A B L 7^
11 eft commun dans les rivières de Marne &c de Seine
en France , & dans plufieurs rivières d'Angleterre ,
d'Italie , 6c d'Allemagne. H y a quelques autres efpeces
de poifibns^ auxquelles on a donné le nom ^AhUtuSy
fans doute à caule de leur blancheur : l'ablette n'eft
pas très-bonne à manger , excepté en automne. M. Z^-
mcry met ce poiffon au nombre des apéritifs ; il dit
qu'on en peut extraire beaucoup d'huile &: de fel vo-
latil.
Des lnfe(^és &: des vermiiTeaux s'attachent quel-
quefois aux ouies des poiiTons ; ce qui a fait croire à
des Obfervateurs , mauvais Phyficiens , que certains
poifTons 5 & principalement les ablettes , engendroient
par les ouies de petites anguilles ; ce qui eft très-faux.
Le principal ufage que l'on tire de l'ablette , eft
d'employer {ç:s écailles nacrées , argentines pour con-
courir à la parure des Dames : on les emploie pour la
compofition des fauffes perles. L'invention de cet art
& fa perfedion font dues aux François. On enlevé les
écailles de l'ablette en ratilTant le poiffon à l'ordinaire :
elles font minces, peu adhérentes; on les met dans un
baiïin ou jatte de faïence remplie d'eau claire , où oil=
les frotte avec un linge fin , comme fi on vouloit \^%
broyer. Cette opération qui occupe à préfent dans
Paris un grand nombre d'Ouvriers , fe répète dans dif-
férentes eaux , jufqu'à ce que les écailles ne dépofent
plus de teinture. La matière argentée fe précipite au
fond : on verfe l'eau furabondante en inclinant le vafe,
& l'on s'arrête lorfqu'il n'y a plus qu'une liqueur ar-
gentine , que l'on nomme Efcnce cT Orient : on mêle à
cette effence un peu de colle de poiffon. Enfuite on a
de petits globes de verre très -minces , foufîlés à la
lampe d'Emailleur, de couleur de gyrafol ou de couleur
bleuâtre , dans lefquels on infmue , à l'aide d'un cha-
lumeau , ime goutte de cette effence d'Orient ou nacrée,
que l'on agite pour faire étendre la liqueur fur toute
la face intérieure des parpis. E.afin ^ pour donner à ces
8o A B L
fautes perles du poids & de la folidîté ^ on les l'em-
plit de cire qu'on y coule toute fondue. Voyez le
Dicilonnairc des Arts & Métiers»
Cette matière brillante & argentine ne fe trouve pas
feulement fur les écailles du poiflbn : la m.embrane qui
enveloppe Feftomac &. les inteftins, en efl toute par-
femée. On eft porté à croire que la matière argentée
fe forme dans les inteftins , qu elle pafTe dans les vaif-
feaux pour arriver à la peau & pour former les écailles.
Si c'efl - là le véritable mécanifme de la formation des
écailles de Vahle , celles des autres poifTons pourroient
avoir aufîi la même formation. Mémoire de M, de Réau-
mur.
On diftingue une autre efpece arable qui eft du genre
é.\xSalmone ; Salmo albula, Linn.; en Finlandois, Molkii ;
en Suédois , Sik-loja; en Allemand, Stïnt. On le trouve
dans les lacs , principalement en Suéde. Ses yeux ont
leur iris de couleur argentée ; la ligne latérale efl droite,
la nageoire de l'anus a feize rayons , dont le premier
cft très-court & délié. Willughby dit que quand le ciel
efl ferein, ce poifTon s'enfonce plus profondément dans
l'eau , & que dans les temps nébuleux , il remonte plus
près de la furface.
ABLETTE de mer, perça alburnus , Linn. C'eft
Valbumus Amerïcanus de Catesby. Cet Auteur obferve
eue ce poifTon fe trouve à la Caroline , & que le mar-
ché de Charlestown en efl abondamment pourvu , parce
qu'on en fait aflez de cas. Ce poifîbn a au m^oins un
pied de longueur ; il eft du genre des Perfegiies, Sa
couleur efl d'un bnyï clair , &: moins foncé encore fous
le ventre ; les iris des yeux font jaunes , les ouies ont
ime nuance pâle de rouge. La gueule eft large & armée
de dents très-pjtites, la miâchoire inférieure , qui eft
plus courte que la fupérieure , a cinq ou fix excroif-
fances charnues en forme de dents, & qui pendent en
dehors. La queue efl à peine écharxrée , & a fon lobe
inférieur plus long que le fupéricur.
ABOIEMENT.
A B O A B R 8i
ABOIEMENT. Mot qui exprime le cri du chien ^
Voyez à l'article Chien,
ABRICOTIER , Armcnïaca malus. Genre de plante
très-connu, & ainfi nomme , parce qu'il efl originaire
d'Arménie, Province du Levant , d'où Ton pVétend
qu'il ïui d'abord apporté à Rome , & depuis tranf planté
dans le re(le de l'Europe. Il y en a de p'ufieiirs efpcces
ou variétés ; entre autres on en remarque deux qui
différent en ce que l'amande de l'une eft douce, tandiâ
que celle de l'autre efl: amere*
V abricotier le plus cultivé ou commun, Armzniacà
frucîii majori ,nucUo amaro^Towm. Infl. 923. Prunus
urmeniaca , Linn. eft un arbre d'une grandeur médiocre;
fon écorce efl brune , Ion tronc eft aflez gros & {^s
branches fort étendues. Tes feuilles font arrondies 6^
pointues; elles fortent enfemble d'un même pédicule
au nombre de quatre ou de cinq. Cet arbre eft un de
ceux dont la fève fe met en mouvement des premières :
fes fleurs font feftiles & difpofées comme par bouquets
fur les rameaux ; elles paroiftent avant les feuilles au
commencement du printemps ; elles font en rofes ,
compofées de cinq pétales blancs ; le piftil fe change
en un fruit (appelé abricot) charnu , fucculent , prefque
rond (Se ffllonne dans fa longueur , contenant un noyau
ofîeux , lifte , ovale & comprimé , garni d'une future
éminente d'un bout à l'autre, dans lequel il y a une
femence ou amande. Ce fruit eft jaune en dehors &
en dedans , d'une faveur douce & agréable.
On cultive les abricotiers dans les jardins & les
vergers. Ces arbres doivent être mis en efpalier. Oa
les greffe en écufTon &: à œil dormant fur les aman*
diers 6l fur les pruniers de damas noirs. Ils fe multi-
plient aufîi par leur noyau ; & ils \'ieniient mieux
dans une terre légère &: fablonneufe, qu.e dans une
terre phis grafte. On taille ces fortes d'arbres fur^k
fin de Février, &: à-peu-près comme les pêchers : Cii
ks^dépaliffe ; on coupe tout le bois mort & les brau"
'lomc /, F
«2 A B R
ches cliiffonnées; on n'y laifle que les mères brancnesj
à bois & à fruit : on fait une féconde taille à la mi-
Mai. On doit étêter tous les fix ou fept ans ceux
qui font en efpalier , pour les renouveler.
Le fruit des abricotiers en plein vent a toujours plus
de faveur que celui des abricotiers en efpalier ,
parce que les premiers profitent davantage de toutes
les influences de Tair. Comme la fleur de TabriGotief
eil très-hâtive ^ il faut la garantir , au m.oyen de paillaf-
fons , des gelées &: des vents roux qui foufîîent affez
fréquemment dès le commencement du printemps *
ces vents , occafionnant une évaporatlon trop conu-
dérable , deffechent & font tomber la fleur ^ cette douce
& frêle efpérance. Le fruit de l'abricot , de même que
tous ceux qui pafîent vite , efl peu nourrifTant : il eft
dangereux d'en manger trop 5 car il fe corrompt faci«
lement , &; allume des fièvres comme tous les autres
fruits précoces. Il fait l'ornement des tables , foit cru ,
foit confît au fucre, ou préparé en marmelade', foit
en compote , &c. On fait avec les amandes d'abricot
une émulfion propre à arrêter les tranchées des fem-
mes nouvellement accouchées* Il découle des abricotiers
une gomme qui pourroit être employée comme adou-
ciiTante & incraÔante ^ au lieu de la gomme Arabique^
L'extravafion de cette gomme eft pour les abricotiers
ime maladie qui fait périr plufieurs branches.
Parmi les variétés nombreufes ^abricots qu'on a
obtenues par la culture ) voici les plus intéreffantes.
V abricot de Nanci-^ communément appelé aujourd'hui
Ui icot pêche ^V abricot blanc ^ V abricot précoce ^ ou hatif
mufqui ; V abricot Angoumois : Ibn amande efl douce & a
un petit goût d'aveline nouvelle ; V abricot d'Hollande , ou
amande aveline ; fon amande a un goiit d'aveline, & un
arriere-goùt d'amande douce fort agréable ; ^abricot viokt,
V abricot de Bruxelles y ou abricot prune ; V abricot de Sibérie :
Armeniaca betulce folio & facie , frucîu ex fucco Sibirica ^
prunus Sibirica y Lmn, Cç fruit furpaife un peu engroil^ur
l'aveline ordinaire.
A B îl §1
'ABRICOT DE Saint-Domingue. Ceft un nom
iqui ne convient guère à ce fruit que pour la couleuf
de fa chair ; car pour tout le relie il ne lui reflemble
point du tout. Ce fruit efl prefque rond , quelquefois
de la figure d'un cœur, depuis trois pouces jufqu'à fix
à fept pouces de diamètre : il efl couvert d'une écorce
qui eu. une pellicule mince , laquelle jaunit en mûnf-
faut. Cette pellicule enveloppe une matière fpongiei'fe,
filandreufe , blanchâtre ; on découvre enfuite une chaif
jaune, on£lueufe , de 3 34 lignes d'épaiffeur , parfemée
de petites veines ladées, d'une odeur fuave & aro-
matique 5 mais d'un goût un peu ainer & gommeux ;
& félon quelques - uns , fade & doux. On trouve
au milieu de ce fruit deux , trois ou quatre noyaux,
mais plus communément trois ; ils font gros , ovales ,
convexes en deffus , aplatis du côté où ils fe tou-
chent , compofés de plufieurs fîlamens pofés en tout
fens les uns fur les autres , de deux pouces & demi
de longueur , d'environ un pouce & demi de largeur ,
lifTes en dedans , & qui renferment une amande ligneufe,
d'un goût acre , de couleur brune , divlfée en deux
lobes.
L'arbre qui porte ce fruit eft très-beau , très-grand :
fa racine efl partie pivotante, partie traçante &c fibreufe,
de couleur grifâtre &; d'un goût aflringent. Son tronc
s'élève de 40 à 50 pieds Se même jufqu'à 60 , ôi a
jufqu'à trois pieds de diamètre ; ce font les plus gros.
Son écorce efl grife , écailleufe ; fon bois eil blanchâtre,
filandreux ou facile à fendre. Ses branches croifTent au
fommet Se s'élèvent également de toutes parts en py-
ramide , ou forment une tête très - touffue. Elles
font garnies de feuilles ovales > oppofées ^ obtufes ,
épaiffes , garnies chacune d'une côte très - faillante k
laquelle aboutiffent une infinité de nervures unies en-
femble par plufieurs petits filets, qui forment une
quantité de petits compartimens irréguliers. Ses feuilles
font d'un vert foncé en deûxis , clair en defibus , ôi
F z
S4 A B R
paroiiTent criblées d'une grande quantité de petits
trous 5 étant expofées entre le foleil & les yeux ; leut
plus grande largeur eft de 4 à 5^ pouces , &c leur
longueur commune ell de 8 à 9 pouces. Ses fleurs
mâles & fes fl.eurs femelles croifTent quelquefois fur
des individus diftérens. Le Père Nlcolfon dit , qu'il ar-
rive auffi ou que le même individu porte à la fois des
fleurs mâles & des fleurs femelles très - diflindles , ou
•qu'étant hermaphrodite ^ il ne produit qu'une efpece
de fleurs qui renferment les deux (qxqs. Sqs fleurs font
compofées de quatre pétales arrondis ^ obtus , creufés
en cuillier , blancs , d'une odeur douce , fuave , & d'un
goût aflringent. Le centre efl: occupé par un piflil
arrondi , environné de quantité d'étamiiies déliées ,
blanches , dont les fcmmets, c'efl-à-dire les anthères,
font jaunes &: oblougs : le calice efl: d'une feule pièce >
divifé jufqu'à la bafe en deux ou trois parties. Le
pifl:il de ces fleurs devient un fruit fphérique ; nous
en avons parlé ci-defîlis.
Cet arbre croît par-tout ; les plus beaux fe trouvent
dans les mornes. Il a été tranfplanté à Cayenne , dit
M. de Préfoma'me : cet Auteur ajoute, qu'il eft très*-
propre à être planté eh avenue & nullem.ent à faire
des allées couvertes , & qu'étant ifolé & expofé au
grand vent 5 il efl: fujet àfe caffer; eniîn, que fon bois
qui efl mou & filandreux, n'efl: d'aucun ufage à Cayenne;
il n'en efl pas de même à Saint-Domingue; on l'ex*
ploite avec fuccès dans plufieurs quartiers , & fur-tout
dans celui de JirémU , dit le Père Nïcolfon , oii il eO:
fort commun. On en fait des efTentes , du m.errain ^
des chaifes , des tables ^ des poutres ôc quantité d'au-
tres ouvrages.
On tire de fes fleurs , par la diflillation 5 une liqueur
renommée^ on l'appelle la Criok. Ses fruits que l'ort
eflime très-fains ^ ftomachiques & fort nourriffarts , fe
mangent ou crus infufés dans du vin avec du fucre„
Ou cuits en m.armelade. Les Efpagnols font aufli avec
A B R A B S 8f
te friùt une excellente marmelade , en y mêlant du ^
gingembre , des épiceries & des odeurs dont ils rem-
pliffent des oranges qu'ils font confire & fécher. Ils regar-^
dent Tufage de ces oranges , après le repas y. comme pro*
pre à faciliter la digeflion.
Il tranfïïide du tronc de l'abricotier dé Saint - Do-^
mingue , fur-tout quand on lui a fait une inciiion , urv
fuc gommeux qui tue les chiques. Voyez ce mot. Cet
arbre çû le Marml de Plumier , le Manchiboni de Carrere,
Abricot sauvage. Voye^ t article BouLET DE
Canon.
ABROTANOIDE. Nom donné par quelques-uns k
une efpece de corail perforé, oU plutôt de madré»
pore , qui fe trouve fur les rochers au fond de la-
mer. Sa couleur eft grife jaunâtre extérieurement , &:
blanchâtre en dedans. Les rameaux de l'efpece appelée
bois de cerf ^ font arrondis, pointus, & hériiTés en leur
l^iperficie de tubules faillantes étoilées en-dedans. Les
branches de ref[>ece appelée chou-fieur , font un peu
comprimées. On a donné le nom ^ahrotanoide à cette
efpece de polypier , parce que des Auteurs ont cru
que c'étoit ime plante marine qui avoit quelque ref-
femblance avec l'aurone femelle , appelée abretamim , &c^
ABROTONE mâle, c'eft Xawone, L'abrotone femelle-
eft la fantoline , petit cyprh. Voyez V article AURONE».
ABRUS. Voyei LîANE à ReGUSSE.
ABSINTHE j abfinthium, C'eft une plante vivace S>
petits fleurons jaunes , & à feuilles décoiipées , d'uni-
v-ert pâle ou blanchâtre , d'une odeur très-forte & aro- .
matique qui n'eft point agréable , & d'une faveur très-
amere. La tige de cette plante croît à la hauteur de
deux à trois pieds : elle ell cannelée , moëlîeufe, dure 5».
blanchâtre tz. branchue ; fa racine eil; épaiîTe , ligneufe,^
odorante, mais fans amertume : {^^ graines font nues:
& non aigrettées , mais portées fur' un placenta garni
d'un petit duvet. L'abiinthe vient naturellement eri:
EiirQpe dans les terrains fecSjinailtes, ôcun peu çhaudSs|,
86 A B S ^
Il y a quatre efpeces d'abrinthe; fa voir , celle qiienoiî^
venons de décrire & qu'on appelle grandi ahjlnthz^ ou
abfinthi vulgaire^ ou ahfîntkc romamey ou aluïm ; la petite
appelée pditiqiLi ; celle de mer qui croît fur les bords
marinmes ck: dc.ns les marais fal es ; & celle des Alpes ^
qu'on nomme gznlpl^ 6c dont on diftingue plufieurs
fortes. Foyei Genept, Cette plante peut fe mettre en
bordure dans ks jardins v& fe (cndre ; f elle donne de
la graine difficile à vanner) ; cVft pourquoi on la
renouvelle tous les deux ans en févrant les vieux
pieds. L ablinthe vient de giaine crue l'on feme en
Février &C Mars, & de plant enraciné ou de boutures;
c'efi: la voie la plus ordinaire. Elle forme de belles
touffes qui confervent leurs feuilles pendant Thiver.
Son principal ufage ell pour la Médecine, dans la-
quelle on l'emploie comme cordiale , ftomachioue ,
fébrifuge & emménagogue, toutes propriétés qu'elle
doit à fes principes aromatiques & amers. On en rerire
par la diflillation un efprit redeur ou eau aromatique y
une huile elTentielle; ôc on en fait un extrait qui
retient plus d'odeur de la plante , que la plupart des
extraits des autres plantes aromatiques , parce que
l'odeur de celle-ci eft fort tenace. Un peu d'abfmthe
mis pendant l'été dans la bière , l'empêche de tourner
à l'acide. On emploie l'abfinthe en fubflance , en infufion
dans l'eau ou dans l'efprit-de-vin, avec lequel on fait
ce qu'on appelle teinture d^abfinthe ; ou enfin dans le
vin, pour en faire le vin d^abjintke. Cette dernière
préparation eft fort ufitée. La meilleure m.éthode de
faire le vin d'abfinthe, confiée à faire infufer à froid ,
pendant vingt-quatre heures , fix gros de grande & de
petite abfmthe féchée , dans quatre livres ou deux pintes
de vin blanc : on coul^ enfuite avec expreillon. Le
vin d'abfinthe &: les autres préparations de cette plante
s'ordonnent avec fuccès dans les foibleflés ou langueurs
d'eflomac, pour exciter l'appétit &: faciliter la digeftion;
pour tueries vers, exciter les règles aiLx femmes j ôc
A* B s %r
Bans toutes les maladies où il s'agît de donner du
reffort aux folides , d'augmenter le cours des fluides,;
Mais l'ufage irnmodëré de l'abfinthe détruit le défir de
ra:â:e vénérien , & peut faire beaucoup de mal aux
nerfs , ainfi que tous les amers.
M. de HalUr dit cependant que l'abfintlie ordinaire
eft le plus agréable des amers , il en a toutes les ver-*
tus. La petite ahfînthe paroît plus aromatique & moins
amere que Vabfinthe ordinaire. Un long ufage de cette
plante détruit radicalement la goutte , même hérédi-^
taire; mais il faut en prendre la teinture deux fois par
Jour , à la dofe de 80 gouttes ou environ , & en con-«
tinuer l'ufage pendant plufieurs années. C'eft auffi , félon
le même Obfervateur , l'un des meilleurs remèdes con--
tre les commencemens de Thydropifie, qui d'ordinaire
çft une fuite d'une digeflion affoiblie.
Les Botaniftes diftinguent ainfi les abjinthes dont l!
eft fait mention ci-deiTus.
i.° La grande abjinthe ou aluine : Abjînthîiim pon^
t'icum , feu romanum , feu officinariim , Diofcoridis, C. B"«
Pin. 138, Tourn, 457. Arthemifia ahfînthium^ Linn. 1 1 8 8,
2.° La. petite ahfînthe^ appelée plus communément
pontique : Ahfinthium ponticum îenuifolium y incanum*
C. B. Pin. 138. Arthemifia pontica y Linn. 11 07.
'^.^l^^ ahfînthe maritime : Ahfimhium fcriphium gallicum^
C. B. Pin. 139. Arthemifia maritima ^ Linn. ïi86.
4.^ Uahfinthe des Alpes ou genêpi des Savoyards t
^Abfinthium alpinum ^ candidum^ htimile. G, B. Pin. 139»
Tourn. 458.
ACACALIS. ArbrifTeau qui croit en Egypte : fes
fleurs font papilionacées , ^ fes fruits en goufte ; fa
graine eft femblabîe à celle du tamarin ; & fon infu-*
fion eft à Conftantinople un remède populaire pour
éclaircir la vue. Ray , Hifl, Plant,
ACACALOTL des Mexicains , ou Acalot. Cefl
le courlis varie du Mexique^ de M. Briffon, Fernandes
paroît être le premier qui ait indiqué cet oiftai^
gg A C A
M. Adanfon penfe qiie cet oifeau n'efl: pas un cmirG^i
mais un genre particulier voifin de celui de l'ibis, Ô2
fon i'entiment eit fondé fur la nudité de la prartie an-
térieure de la tête de ïacacaLotl^ qui efl couverte d'une
peau rougeâtre.
ACACIA ou AcACiE , ( Mimofa , Linn. ) Genre de
plantes de la fimille des légumineufes , qui comprend
un grand nombre d'efpcccs, la plupart fo.t intéref-
fantes fous diverfes coniidcrations , ^ dont les prin-
cipales font depuis très -long -temps connues fous le
nom ^acacia. Ce lont des arbres, des arbriiTeaux, ou
même des herbes, qui . la pUipart ont, dit M. le Che-
valier de la Marck les feuilles ime ou pUîfieurs fois
ailées fans impaire, 6i parmi lefouclles il s'en trouve
qui font douées d'une irritabilité fi fingiiliere & (î mar-
quée , Qu'on les a nommées par cette raifon , herbes vi*
ves , h:rhes fmfihhs ^ oufmjîtlves en général. Le cara61:ere
diftinâ:if de ce genre fe tire , félon M. de la Marck ,
de la conGdcration de la corolle qui efl régulière &
en entonnoir ; de celle des étamines Quifdntune grande-
faillie hors de la corolle ; & de celle des fleurs en-
;|:ieres , qui , en général , font fort petites , & toujours
ramaffées plufieurs enfemble, foit en tête fimple ou
fphérique , foit en épis , qui tous paroifTent hériffés
de filamens, par l'afped que kur donnent les éta-
mines , qui font les parties les plus apparentes de ces
fleurs. Le fruit efl une gouffe alongée , munie de cloi-
fons tranfverfales , ^ qui contient plufieurs femences
arrondies , ou ovoïdes , ou anguleufes , & plus ou
moins comprimées. Cette goufle varie beaucoup dans
fa forme; elle ell tantôt articulée, tantôt cylindrique,
tantôt charnue , & tantôt fimplement membraneufe &
très- aplatie.
Il y a des acacias épineux , & d'autres qui ne le font
pas; parmi ces derniers on diftingue \e pois fucrin des
Créoles, ou pois fucré de la Guyane; le pois doux d'A*
méricjue j Vm^a de Cayenne ^ Y acacia à bois rouge ^
A C 'A ^
f acacia à fleurs pourpres ; Vacacia à grandes gouïïes ,
vulgairement cœur de Saint - Thomas ; Vacacia à tiges
couchées & plongées en partie dans l'eau , c'efl le
Niti'Toddavaddi du Malabar; Vacacia en arbre de la
Jamaïque ; Vacacia de Malabar , c'efl le bois noir de
Malabar ; Vacacia à feuilles étroites , c'efl: le tendre à
caillou ; Vacacia à odeur de fureau , du Bréfil , c'efl: le
Guabi - Pocacabiba , de Marcgrave ; Vacacia à feuilles de
fougère , d'Amérique ; Vacacia à épis de tamarin , de
l'Inde ; Vacacia odorant , de Ceylan.
Parmi les acacias épineux on difllngue Vacacia ongU
'de chat , des Antilles ; Vacacia à tire-bouchon , c'efl: le
retortunium^ du Pérou ; Vacacia pudique , c'efl \d.fenjitivc
commune ; Vacacia porte- corne ^ du Mexique & de l'Ifle
de Cuba ; fes épines qui naifient par paires , refl^em-
blent à des cornes de bœuf. ( On dit qu'en Amérique,
les fourmis établiflent leur demeure dans ces épines ,
après les avoir percées dans un endroit, & lorsqu'on
ébranle l'arbre en lui donnant le moindre coup , elles
tombent comme de la pluie & par paquets , fur les
perfonnes qui font deflbus , & font des piqûres fort
cuifantes. ) Y! acacia à épines d"" ivoire _, Vacacia des vo-
leurs ; ( c'efl un arbrifl^eau très-rameux & extrêmement
hériflTé d'épines , qui lui donnent un afpeâ: effrayant;
il croît dans l'Inde : il y forme avec Vacacia a longues
épines , Vacacia à épines d^ ivoire , 6c une efpece qui efl
torîueufe , des forêts impénétrables , tant par l'en-
trelaffement de leurs branches , que par les épines dont
ils font affreufem.ent hériffés , & qui fourniffent aux
voleurs & à diverfes efpeces d'animaux fauvages , des
retraites fiires. ) \] acacia de Farnefe ou Vacacia des Jar-
diniers , ( c'efl un arbre moyen , de douze à quinze
pieds de haut , dont le bois efl blanc , dur ÔC plein ;
l'écorce noirâtre ; cet acacia croît dans le Levant & en
Amérique. On le cultive dans les Jardins en Italie & en
Provence , à caufe de l'odeur agréable 6c un peu muf-
guée de h^ fleurs , ^i pour fon feuillage qui eft fin &
90 A C A
d'un vert gaî ; dans nos contrées , on le confen-e dans»
les ferres chaudes , en hiver. ) Les acacias d'Egypte ,
d'Arabie & d'Afrique, dont il fera mention ci - après;
Vacacla à larges épines , de Madagafcar ; \acacia à
feiAlUs de caroubier, de l'Amérique méridionale; Vaca*
cia à feuilles de tamarin , de rAmérique.
Parlons maintenant Awfaux acacia & de Y acaciavéritahk.
Acacia commun, Pfeudo-acacia vulgaris yTowmtï.
Inft. 649; Robinia-pfeudo- acacia, Linn. 1043. ^^^ acacia
cfî: appelé avec raifon faux acacia. On doit le diilin*
guer des autres..
Ce faux acacia , connu généralement fous le nom
^acacia , efr V arbor filiquofa virginienfis , fpinofa , lolus^
noRranbus dicta ; c'eft un arbre dont la tige s'élève haut
& rapidement ; fa racine eft grofie , longue y traçante
^ jaunâtre ; fes branches font garnies d'épines ; fes
feudîeslont compofées de 19a 21 folioles, oblongues,
rangées par paire fur un pédicule commun. Ce pédi-
cule ne porte à fon extrémité qu'une feule foliole ; ce
qui rend ici impair le nombre de ces petites feuilles.
Les mouvemens des feuilles de ^acacia , quoique
très-connus des Botaniftes , doivent trouver place ici.
Nous parlerons d'après M. Bcnnet (^Recherches fur l'uf a gc
des feuilles^. Pendant le jour, dans un temps frais & cou-
vert, la direftion des folioles efl parfaitement horizon-
tale ; m.ais dès que le foleil vient à donner diredement
fur une partie de l'arbre, toutes les feuilles comprifes
dans cette partie fe plient en forme de gouttière , dont
la profondeur augmente à proportion de la chaleur,.
Lorfqu'elle efl: très-forte , les folioles de chaque côté
fe rapprochent tellement les unes à^s autres , qu'elles
parviennent à fe toucher. Celle qui eil placée à l'ex-
trémité du pédicule , s'élève alors ^perpendiculairement^
& ferme la gouttière. A mefure que le foleil fe retire ,
ou que la chaleur diminue , la gouttière s'élargit , les
folioles s'abaiiTent , & reprennent peu à peu leur pre-
mière direction. Elles ne la confervent pas néanmoins
A C Â çt'
l^inHant la mût i après le coucher du folell , & fur- tout
lorfque la rofée eft abondante , on les voit fe renverfer
• & fe fermer en fens contraire à celui dans lequel elles
s'ët oient fermées pendant le jour : alors c'étoit la fur-
face fupérieure des folioles qui compofoit l'intérieur de
la gouttière, préfentement c'eil la furface inférieure. La
même gradation qu'on obferve dans l'effet que produit
la chaleur fur ces feuilles , M, Bonnet l'a aufîi obfervée
dans celui qu'y produit la rofée. Il a remarqué que
celles qui font les plus baffes , fe ferment avant celles
qid font les phis élevées ; 6c il l'avoit déjà conclu de
la diredion du mouvement de la rofée. En même temps
que les feuilles de Vacada revêtent la forme d'une gout-
tière 5 chaque foliole la revêt aulîî , mais d'une ma-
nière moins fenfible. Les feuilles de Vacacia tournent
encore fur elles-mêmes, ou fur leur pédicule propre.
Au lieu de fe trouver placées les unes à côté des autres
dans le même plan , celles d'un même côté fe trouvent
quelquefois placées les unes au-deffus des autres , en
différens plans.
Les fleurs de Vacacia font blanches , légumineufes i
difpofées en épis , ou en belles grappes pendantes , d'une
odeur reffemblante à celle de la fleur d'orange. A ces
fleurs fuccedent des gouffes aplaties qui contiennent
des femences de la figure d'un petit rein , 6c qui de-
viennent noirâtres étant mûres.
Cet arbre eff originaire de Virginie & du Canada:
il s'eff tellement accoutumé à notre climat, qu'il s'y
eu multipUé beaucoup. Il fleurit dans le printemps , &
fait un très-bel effet. Dans la nouveauté , il y a en-
viron cent ans , cet arbre étoit recherché de tout le
monde : on en faifoit des allées , des bofquets ; mais
on s'en çû dégoûté , parce que , comme fon bois eff fort
caffant , lorfqu'il s'élève haut , le vent le brife & le fait
éclater facilement ; de plus fes branches ne fe tournent
point comme on veut ; ibn écorce eft raboteufe.> &
{on feuillage petit ne peut donner un ombrage affez
9i A C A
épais. Son boîs eu d'un jaune marbré très-beau : ïesf
Tct-irneurs en font des chaiîes; les habitans de la Loui-
fiane s'en fervent pour faire des arcs , parce qu'il efl
fort roide : ils rapi>ellent en leur idiome hois dur. Il
n*efl point fujet à être attaqué par les infecl:es. On a
p^opofé aufli de cultiver cet acacia pour en tirer des
échaîas & du menu bois : fon écorce & fes racines
douces , fucrées , pafTent pour être pe61orales comme
la réglifTe : fes fleurs font la7-fatives & antihyfcériques ;
on en prépare des pommades dont l'odeur efl fort
agréable.
M. Bohafdch , Profefleur de Médecine & d'Hifloire
Naturelle à Prague , fait voir dans un Mémoire en
Allemand, publ-é en 1758, l'utilité que l'on pour*
rcit retirer de Vacacia du Canada. Des expériences réi-*
iérées lui ont fait eonnoître que fa feuille tant fraîche
que {éché<^ , étoit un fourrage excellent pour les che-
vaux &; tous les beftîaux , qui en font très-avides : il
eft plus nourrifiant aue le trefie & le fainfoin , & donne
beaucoup de lait aux vaches. M. Bohafdch a même ima-
giné une échelle &; aes cifeaux pour cueillir les feuilles
de Vacacia vulgaire , que M. Lïnnmis nomme robinia»
Ces inilrum.ens pourroient être d'ufage auiïi pour le
ùènç: , arbre d'une culture très-facile ; & les brebis font
très- avides de fes feuilles.
Il y a trois efpeces ^acacia de Sibérie , dont les fleurs
font inodores , & qui font plutôt des arbufles que des
arbres ^ dont une fe peut multiplier aifément de bou-
mre. On diftingue aujourd'hui dans les jardins des
Curieux le pfeudo-acacia de la Caroline à fleurs rofes.
Il fait \m àts plus beaux arbrifTeaux d'ornement , ainfl que
le pfeudo-acacia de campêche , à fleurs écarlates.
AcACîA VERITABLE , Acacia vera, C'efl: un arbre
qui croît en Egypte, en i^rabie & au Sénégal, & dont
le fruit produit le fuc dont on fait ufage en Méde--
cme , fous le nom diacacia. Cet arbre efl haut de
quinze à vingt pieds , fort branchu , ôc armé d'épines
A C A 9Î
îongi^^S d^Lin pouce , Se qui nailTent deux à deux , ou
trois à trois ; fes racines font rameufes , & fon tronc ^
■qui eft un peu court , a fouvent un pied de diamètre J
î'écorce eft brune & Taubier jaunâtre ; le bois très-
dur & d'un rouge brun ; fes feuilles font oppofees ;
fes fleurs font difpofées en tête globuleufe^ de cou-
leur d'or , fans odeur ; le fruit eft une gouffe aplatie ^
longue de deux à quatre pouces , large de fix lignes ^
glabre y brune ou roufîatre , & partagée dans fa longueur
€n cinq à huit articulations orbiculaires , féparées les
unes des autres par àes étranglemens larges feulement
d'ime ligne. La femence s'appelle quarat en Arabie , êc
i'arbre fanth. Cet arbre fe multiplie de graine ; mais
cette voie eft trop longue , il vaut mieux le multiplier
de plants enracinés.
Cet arbre appelé par Linnœus , Mlmofa mlotlcd , eft
très-commun au grand Caire ; il croît aufïi à la Chine ^
fous le nom de hoaichu ; dans ce pays- ci , il ne peut
être élevé que dans des ferres chaudes : on en compte
vingt-deux efpeces on variétés dans celles du jardin du
Roi. Ses gouffes encore vertes étant pilées Si arrofées
d'eau, donnent , étant exprimées, un fuc gommeux
que l'on fait épaiffir , & qui fe nomme fuc d'acacia ,
ncacïa vera. Ce fuc bien préparé efl de couleur brune h
l'extérieur , noirâtre ou roufsatre en dedans, d'une con-*
fiftance ferme , s'amolliiTant dans la bouche , d'un goût
aftringent : on nous l'apporte d'Egypte en forme de
boules , dans des veiïïes afîez minces. Il eîl mis entre
les aftringens incraiTans & répercuffifs : on lui fubfiiîue
quelquefois le fuc du fruit de Vacacia nojlras ou ^Allù-
magne\ c'eft le nom qu'on a donné à notre prunier fau'»
vagc , ( qui efl Vacacia commun de l'Amérique ) , parce
que l'on retire des prunelles un fuc aflringent. Vayt^^
Prunellier ou Prunier sauvage. Les Egyptiens
font fréquemment ufage du fuc d'acacia , à la dofe d\m
gros , pour le crachement de fang , pour gargarifer la
gorge j, & en coU}Te pour fortifier la vue, Cheî nous
94 A C A
on ne connoît poînt de meilleur remède pour arrêter
les cours de ventre ordinaires & les dyllenteries. Les
Corroyeurs & les Tanneurs du grand Caire, confu-
ment beaucoup de graine d'acacia pour noircir les
peaux. On dit que les Chinois emploient les fleurs
d'acacia pour teindre le papier ou la foie en une cou-
leur jaune aflez particulière.
Il découle naturellement des fentes de l'écorce , &
des incifions faites au tronc de cet acacia d'Egypte,
qui e(t le gor/imier rouge ds M. Adanfon , & qui croit
aufîi en Arabie & fur plufieurs côtes d'Afrique, un fuc
vifqueux, qui fe durcit avec le temps , & qui eft la
gomme Arabique , gumml ArcMciun, M. Adanfon nomme
gommier blanc l'acacia du Sénégal ; il fe plaît particu-
lièrement dans les fables qui bordent la côte maritime
de cette partie occidentale de l'Afrique ; fon fruit eft-
une goufîe aplatie , très-mince , elliptique , pointue
aux deux bouts , jaune , longue de trois pouces &
demi , large de huit à neuf lignes , chargée de poils courts,
& contenant environ fix femences aplaties & un
peu cordiformes; les fruits de l'acacia d'Arabie font
des gouffes longues de fix à neuf pouces , larges de
plus d'un demi-pouce, couvertes par-tout d'un duvet
très-abondant , court &: blanchâtre , partagées dans leur
longueur en douze ou quinze articulations arrondies;
les femences font elliptiques' & d'un brun rougeâtre.
La gomme arabique cil en miorceaux tranfparens , d'un
blanc jaunâtre, fragiles, brillans, donnant à l'eau dans
laquelle on les diffout une vifcofité gluante , d'im goût
fade & fans odeur. Quelquefois les gouttes qui décou-
lent font cylindriques , recourbées ; c'eft ce qu'on
appelle gomme vermladaire. Cette gomme ne diffère de
l'autre que par la forme; la propriété efl la même.
Elles font propres à agluriner les humeurs féreufes ,
& à adoucir les acrimonies, Lorfque cette gomme efl
aglutinée en gros morceaux, clairs, peu tranfparens ,k
on l'appelle gomrji^ mrique. Elle eil employée par Iç^
A C A 9j
Teinturiers en foie. Le grand commerce de cette
gomme Arabique fe fait au Sénégal, P^oyei GOMME
JDU SÉNÉGAL 5 & U mot Gomme,
Acacia ou Cas5>i£ oes Jardiniers, eft un arbre
du Levant , dont ies fleurs forment de petites boules
très- jolies &: très- odorantes : cet arbrilîeau ne peut
guère être élevé que dans les Orangeries. Il fe nomme
en langue Egyptienne fkunc , & en langue Syrienne
fa'ijfahan. On nous apporte d'Italie des pommades parfit-
mées de fleurs de cet arbrifl^eau.
ACÂJA ou Acaia, Spondias , Llnn, Voje.i^
MONBAIN.
ACAJOU. Arbre qui naît dans les Mes de l'Amé-
rlque , le Bréfil , Saint ^ Domingue & les Indes. On en
diflingue Atwx efpeces. L'une eA Vacajoa à planches ,
de Cayenne , maurepajîa. Il vient haiit comme nos
chênes , 6^ gros à proportion. Il y en a qui s'élèvent à
plus de 8o pieds, (Se dont le tronc fert à conibruire
des canots tout d\me pièce , longs de 2,0 330 pieds^
fur quatre de largeur & plus. Sa tige eft droite, di-
vifée par le haut en plufieurs grandes branches qui fe
fubdivifent en plufieurs autres. Le bois en efl tendre ,
■rouflatre, odorant ôr fans aubier. Il y en a aufS
de marbré , de noir , de jaune & de blanc-clain On
rappelle acajou moucheté. Il s'élève moins haut que le
précédent ; fes feuilles font plus petites , & fes fruits
moins gros. L*une & l'autre variétés croiflent dan5 les
mornes. \2 acajou à plandus^ deCayenne, fe polit aifé<-
îiient 5 & a un coup-d'œil fort luifant : il pourrit dif*
ifîcilement dans Peau , ^ les vers ne l'attaquent jx)inî»
On prétend qu'il l'emporte fur celui des Mes par la
^nefle de fon grain, comme par la nuance de fes
fibres ; on en fait des ouvrages de charpente & de
«nenuiferie, & particulièrement des meubles qui com-
muniquent leur odeur fuave au linge & aux bardes
qu'on y renferme, odeur qui écarts les infedes. Cet
(u:*ijou fe nomme ada à Sâint-Doiriingue, C'efl ie udrd^
^S A C A
odorant , ctdrela odorata , Linn. M. Duj acqiulln nous
mande que Técorce de cet arbre efl roufTe ou brune , &
crevafTée , raboteufe , d'un goût & d'une odeur défa-
gréable dans fa fraîcheur ; fa feuille eit large , épaiiTe ,
alterne , & d'un vert très-foncé : fa fleur eft à cinq
pétales, verdâtre 5 ou d'un blanc jaunâtre; fon friiit
arrondi ou en forme de cœur, toujours vert, de la
grofTeur d'un œuf de poule , ligneux , lequel contient
communément quatre am.andes ou graines plates , fort
ameres & couvertes d'une peau brune , ni trop épaiffe,
ni trop mince. Quand on incife l'écorce de cet arbre,
il en tran/Tude abondamment une gomme tranfparente,
afiez feniblable à la gomme arabique. \J acajou a plan-
dus , dit M. de Préfontaine , eft appelé par les hommes
Caraïbes , oubouheri , par les femmes , iacaïcachl.
L'autre efpece à. Acajou fe nomme acajou-pomme ou
pommier d^ Acajou ( cajuyera ) ; acaja iha , Marcg. Ana^
cardium occidentale^ Herm. Cajou ^ Pifon; Pomifera feu
prunifera indica , Ray. Caffuvium , Rumph. Kapa-mava^
Hort. Malab. Sa racine elt pivotante &: chevelue. La
principale s'enfonce perpendiculairement en terre : l'é-
piderme qui couvre cette racine efl: brun ; l'enveloppa
cellulaire eil rougeâtre ; les couches corticales qu'on
nomme le liber , font blanchâtres, le bois tendre &
blanc , rempli d'un fuc gcmmeux & fort acerbe. Cet
acajou efl un arbre affez touffu dont le corps eft quel-
quefois alTez bien fait. On en voit à l'Artibonite &
dans d'autres parties de Saint-Domingue, qui s'élèvent
jufqu'à 20 pieds , & qui ont jufqu'à 1 2 à i 5 pouces
de diamètre. Cet arbre efl communément plein de
nœuds, crevaffé, tortueux; tel eft le tronc , telles font
les branches , qui d'ailleurs font placées fans ordre. Le
tronc ell en général peu gros , & ne s'élève pas beau-
coup au deffus de douze pieds : fon épi derme efl gris;
l'enveloppe cellulaire d'un vert clair ; le liber blan-
châtre ; le bois blanc, léger, fendant, d'un goût acre;
la moelle jaunâtre. Les feuilles croiffent par bouquets à
l'extrémité
A C K , ^7
Pextremîté des branches ; elles font fermes , bien nour-
ries, divifées par une côte faillante en deffous, à
laquelle aboutiffent plufieurs nervures parallèles, obtufes
au fommet , pointues vers la bafe , ëpaifles , de 4 à <
pouces de longueur fur 3 à 4 de largeur , d'abord
rougeâtres , & palTant enfuite par différentes nuances ,
jufqu'au vert le plus foncé , quelquefois jaunâtres , fui-
vant leur expolition , d'une faveur âpre.
Du centre des bouquets de feuilles, s'élève, dit le
Père Nicolfon^ un panicule de 7 à 8 pouces de Ion*
gueur, qui fe divife en plufieurs rameaux, aux extré-
mités deiquels font attachées 10 ou 12 petites fleurs
en parafol , difpofées par bouquets ^ portées fur un:
pédicule grêle , compôfées de 5 pétales oblongs , blan-
châtres , pointus , rabattus en dehors ; parfemées de
veines fanguines dans leur naiffance, de couleur de
pourpre dans la fuite ; les pétales font renfermés dans
un calice découpé jufqu'à la bafe en cinq parties égales.
Ses fleurs , qui paroiffent en Septembre , font d'une
odeur très-douce ; elles durent 6 & même 8 jours ^
fans fe flétrir. Il s'élève de leur centre ordinairement
10 étamines très-déliées , terminées par des anthères
brunes. Le ftyle efl: plus long que les étamines ; il porte
un ftigmate brun , arrondi : de plus de cent fleurs qu'il
y a fur chaque panicule , il n'y en a que 2 ou 5
qui fruftifient. On reconnoît à la chute de ces fleurs,
que le piflil efl: changé en un fruit oblong , ou en forme
de poire , qui peu-à-peu groflît & acqui'ert 334 pouces
de longueur , fur un diamètre de 2 pouces. Ce fruit,
qui mûrit en Décembre & en Janvier , efl: d'abord vert ,
enfuite jaunâtre , & en partie de couleur de feu plus
ou moins vive , fuivant fon expofltion. Il y a plus ; te!
Individu , ( acajou a pommes) a la peau jaune-blanche,
& tel autre l'a rouge ou pourprée. La diverfité des fruits
que produit cet arbre , en fait diftinguer quatre fortes ;
fa voir, à fruits rouges mamelonnés ; à fruits rouges & un peu
ronds ; ci fruits blancs & mamdonnés ; à fruits blancs 6*,
Tome /, G *
98 '^S ^
un peu ronds. Chaque individu ne porte communémeht
que la même lorte de fruit.
On a obi'ervé que X acajou à fruits blancs , foit ronds 9
foit mamelonnés , n'eft diiiingué de l'efpece rouge , qu'en
ce que les feuilles font moins larges 6c plus longues ,
& que fes fruits font moins arrondis &: moins acerbes,
La fublknce intérieure de ce fruit eft fpongieufe , aqueufe,
épaiiTe comme de la gelée , environnée de quantité de
fibres longues , tendres, déliées. Son fuc eft d'un goût
vineux , mais un peu acre. Ce fruit , un pt u ailringent , efl
très- bon dans le cours de ventre; les Indiens même en
font ufage comme aliment. Il paroît, à l'endroit où plu-
fieurs fruits ont une efpece d'œil , ou d'ombilic , ou de
couronne , un noyau en forme d'un rein, nommé noix
d'acajou, Ainfi le noyau , au lieu d'être dans l'intérieur
du fruit , efl à l'extérieur : (la noix, dit M. Ddcu^^
efl , à proprement parler , le fruit ; car le corps charnu
qui la porte , efl le réceptacle ou placenta fort gros ).
La noix d'acajou t9i\QTi^t d'environ un pouce, hl
large de huit à dix lignes; elle a une écorce grife , épaifTe,
dure 5 ligneufe , coriace , compofée de deux membranes ,
entre lef quelles efl une efpece de diploé ou de fubflance
fpongieufe , qui contient un fuc huileux, acre , mordicant,
très- inflammable ,& qui en exfude par un grand nombre
de petits trous , lorfque la noix efl récente , & qu'on la
fait chauffer : quelques Caraïbes s'en fervent pour con-
fumer les cors des pieds &: les vernies , fans douleur
& fans danger. Ce fuc huileux teint le linge d'une cou-
leur de fer , qu'il efl très-difHcile de faire difparoître.
Cette noix renferme en outre une amande de la même
figure , couverte d'une pellicule brune. Sa fubflance efl
blanche , divifée en deux lobes ; elle efl fort bonne à
manger en guife de cerneau , ou grillée , elle a un goût
d'aveline. On prétend que îa chair des perroquets qui
s'en nourriffent, contrarie un goût d'ail.
Les habitans des pays où croît la noix d'acajou , re-
tôent de fon amande luie huile cauflique , dont ils fe
A C A 99
fervent pour peîndre le bois , &c qiiî Tempêche de fe
corrompre. On fait avec fes fruits d'excellentes com-
potes. On exprime des»fruits écrafés un fuc qui , ayant
bien fermenté , devient vineux ( & fi l'on veut , il
devient acéteux ) , & dont on retire par diftillation un
efprit ardent fort vif. Si on fe contente de couper ces
pommes par quartiers , Se les laiffer tremper quelques
momens dans de l'eau fraîche, on aura une boiflbn
très - rafraîchiflante , & regardée comme un fpécifîqua
contre les obftruftions de l'eflomac. Il tranffude de l'ar-
bre, quand on le taille, une gomme roufsâtre, tranf-
parente , tenace &c qui , étant fondue dans un peu
d'eau , tient alors lieu de la meilleure glu. On s'en fert
à Cayenne pour coller tout ce qu'on veut fouftraire
à l'humidité & aux infeûes. On la paffe auffi fur les
meubles pour leur donner un luftre ou un vernis agréable
à la vue. Le bois d* acajou-pomme , quoique moins dur,
moins odorant , plus brun , &c féchant moins vite que
celui de V acajou à planches , efl cependant très-recherché
pour faire des meubles & pour bâtir. Comme il eft tor-
tueux , on tire de fes branches des ceint res propres à
former des defTus d'armoires, des corniches arrondies.
Ses contours font quelquefois fi naturels , qu'il n'y a
plus qu'à leur donner quelques coups de cifeau pour
les perfedlionner. Les Teinturiers emploient l'huile que
l'on retire de la noix £ acajou dans la teinture du noir.
Les habitans du Bréfil comptent leur âge par zes noix ;
Us en ferrent une chaque année. L'homme peut bien
mefurer le temps ; mais tous its efforts ne peuvent
l'arrêter dans fa courfe rapide. La racine de \ acajou à
pommes eft un peu purgative.
Il ne faut pas confondre ces arbres avec celui qu'on
nomme tendre acaiou ( dans celui-ci 1'/ eft voyelle , àt
dans les autres il eft confonne ). Voyez tendre Acaiou^
ACALOT. Voyez Acacalotl.
ACANTHE ou Branc-ursine, Acanthus fatlvusi
yd mollis rirgUil , C, B. Pin, 3 83 : Carduus acanthus g
9^
îôo A C A
Jive brancha' urjina ^ J. B. 3 , 75 : Acanthus mollis^
Linn. 891. Plante que l'on cultive dans nos jardins.
On prétend qu'elle ed: originaire d'Italie. Elle croît
dans les lieux humides & pierreux des provinces mé-
ridionales de cette contrée ; elle fe multiplie par le moyen
des rejetons que l'on feme dans une terre graffe. Ses ra-
cines font épaiffes , chevelues , noires en-dehors , blan-
ches en-dedans; elles pouffent une tige élevée de la
hauteur de deux coudées , droite , fimple , terminée par
un épi chargé d'une belle fuite de fleurs d'une feule
pièce , irrégulieres , de couleur de chair , & qui fi-
ni fTent par derrière en manière d'anneau. Chaque fleur
efl: garnie de bradées découpées & épineufes ; fon fruit
a la forme d'un gland , &: contient dans deux loges deux
femences roufsâtres & aplaties. L'acanthe cfl de la
claflie des plantes à quatre étamines inégales , & à fruit
capfulaire ; la fleur n'a qu'une lèvre rabattue , divifée
en trois ou quatre découpures , & le calice efl: formé
de fix feuilles afl'emblées deux à deux. Ses feuilles font
à rafe terre , de la longueur d'ime coudée , & larges
d'un empan, molles, épaifl^es, glabres , d'un vert foncé,
finueufes , un peu crépues , & fans épines.
Toute la plante efl: remplie d'un fuc mucilagineux
& gluant. On emploie fes feuilles dans les lavemens ,
les fomentations & cataplafmes émolliens , propres à
appaifer les douleurs vives & les inflammations. On
en fait ufage avec fuccès en Pologne pour la mala-
die nommée /?//V^ Pùlonka\ maladie fmguliere où le fang
fort par la pointe des cheveux. Jotirn, iconomîq, année
1761. On s'en fervoit autrefois pour teindre en jaune.
L'art puife dans l'imitation de la nature {qs plus beaux
ornemens. Les découpures des feuilles d'acanthe ont paru
il belles , qu'on les a choifies pour modèle d'ornemens
en Architedure ; elles forment le chapiteau des colonnes
de Tordre Corinthien. Les Anciens ornoient de la
figure de ces feuilles les habits précieux : f^irgilc , en
parlant de l'habit à'HéUnc , dit qu'il étoit relevé de feuilles,
A C A A C E lor
d'acanthe en broderie. Et clrcumtcxtum croceo vdamen
acantho, JEntià, I. 653.
Cette efpece d'acanthe n'eft pas la feule connue des
Botaniftes : dans ce genre de plantes de la divifion des
monopétaks perfonnées , & dont la plupart des efpeces ,
fur-tout celles qui font le plus anciennement connues ,
font des herbes remarquables par un beau feuillage ; on
en diftingue trois autres : i.^ l'acanthe épineufe ou acan-
the fauvage , Acanthus rarionhus & breviorlbus aculds mu-
nitus ^ Tourn, Infl:. 176: Acanthus fpinofus ^ Linn. 891 :
2.** celle à feuille de houx, Acanthus iliàfolius , Linn.*
qui eft un arbriffeau des lieux humides & fangeux de
l'Inde : 3.^ celle herbacée de Madrafpatan,
A l'égard de la faujfc branc-urjîm , voyez l'article
Berce.
ACARAUNA , au Bréfil : c'eft le clutodon rayé.
iVoyez ce mot,
ACARÎCABA. Plante du Bréfil, dont la racine aro-
matique peut être comptée entre les meilleurs apéritifs ,
& le fuc des feuilles parmi les vomitifs &; les anti-
dotes. Les propriétés de Vacarkaba font affez connues,;
mais nous fommes peu inilruits fur les caraderes de
cette plante : cependant Linnœus la range dans le genre
de Vhydrocotik,
ACARIMA. A Cayenne , dit Barrete^ on donne ce
nom à une efpece de fagouin , connu vulgairement
fous la faufTe dénomination àe Jinge-Uon, C'eft le /tz^-
rikina de M. de Buffon, Voyez Marïkina,
ACARNEou AcAMANE. C'eft le pagcL Voy. cz mot^
ACATECHICHICTLL C'eft le tarin du Mexique
'de M. Biiffon.
ACCIOCA. Les habitans de la montagne de Laxo
donnent ce nom à une herbe qui croît au Pérou , & que
l'on fubflitue dans le befoin à l'herbe du Paraguay , dont
on lui croit les propriétés. Voyt^;^ ThÉ du Paraguay.
ACÉTABULE ou Androsace de u.^^ ^acaabulum
marinum. Selon quelques Obfervateurs modernes , c'eil:
^^ 1
ïoi A C H
une efpece de polypier , de fubftarice pîerreufe ^ formi
par des vers de mer; produdion mîfe autrefois au rang
des plantas marines. Ce polypier eft un petit bafTin
fait en forme de cône renverfé , qui tient par fa pointe
à un pédicule fort mince & fort long. Il fe trouve,
ainfi que les polypiers , adhérent tantôt à une pierre ,
tantôt à une coquille, Fo^i^i Polypier de M£R , &
le mot CORALLINE.
ACHALALACTLI. Les Mexicains donnent ce nom
à Xalatli, Voyez ce mot,
KQYimkQk. Plante de l'Inde , dont la feuille ref-
femble à celle du chou ; mais elle n'eft pas fi épaifle ,
& les côtes en font plus tendres : fon fruit qui efî
gros comme un œuf & de couleur jaune, naît au milieu
des feuilles. On l'appelle altard ou Utach. Les Indiens
cftiment beaucoup ce fruit pour la vérole.
ACHE , apium. L'ache d'eau eft la berle, L'ache vul-
gaire efl le céleri non cultivé. L'ache de montagne eft
la Uvêcke, Voyez ces mots,
ACHÉES. On donne ce nom & celui de lalcke aux
vers de terre , dont on fait ufage comme appât pour
la pêche. On verra leur hiftoire au mot Ver de terre.
Comme il eil affez difficile d'avoir de ces vers dans les
grandes fécherefTes , on a recours à divers moyens. Il
faut trépigner fur la terre dans un lieu humide , ou bien
y remuer pendant un demi-quart d'heure un gros bâton ,
en l'agitant en tous fens ; ces ébranîemens font fortir
les vers qui croient fentir l'approche de la taupe , leur
ennemi mortel. On peut arrofer aufïî la terre avec une
eau que l'on a rendue amere en y faifant bouillir des
feuilles de chanvre ou de noyer : on peut auflî en ra-
maffer pendant la nuit dans des prés humides , fur-tout
quand il a plu ou après un brouillard.
ACHIA ou AcHiAR , ou Achar. Efpece de canne
( rejeton du bambou) , confite en vert dans le vinaigre,
le poivre & autres épiceries , de la longueur à-peu-près
^ de la conliftance de nos cornichons , d'im jaune pâle
A C H 105
& j\m tîffu iîbfeiix : ce font les Maîayes, & fur- tout
les Chinois qui font répandus dans les liles de la Sonde
& des Moluques, qui font cette préparation. Ils ap-
pellent achiar tout ce qui eft confit au vinaigre ; &
pour diflinguer , ils ajoutent le nom de la chofe confite.
Ce font les Hollandois qui apportent des Indes Orien-
tales V achiar dans des urnes de terre.
ACHIO ou ACHIOLT. Voyei Roucou.
ACHÎRE , pl&uronccics lineatus y Linn. achirus. Nom
d'un poiffon qui fe trouve dans les fleuves de l'Amé-
rique feptentrionale & à Surinam. Il efl du genre du
pUuromBe, L'individu décrit par Gronovïiis avait fix
pouces d€ long , & trois pouces & demi dans fa plus
grande largeur. Le corps efl liffe ^ couvert de petites
écailles bordées de cils d'une couleur brune fur le côté
droit , qui efl: marqué d'un petit nombre de lignes noires
tranfverfales ; le côté oppofé efl d'une couleur blan-
châtre ; le feul côté gauche de la tête efl tout cou-
vert de barbillons. La ligne latérale eft lifTe ; les yeux
font placés tous les deux du côté gauche ; la nageoire
dorfale efl très-longue ; elle efl maintenue par foixante
rayons. Il n'y a point de nageoires pe£lorales. Quatre
rayons à chaque nageoire abdominale , quarante-huit
à celle de l'anus ; la queue efl arrondie par fon extré-
mité. Les couleurs des nageoires participent de celle
qui efl fur le corps de chaque cblè^
ACHITH^ cijfus. Genre de plante qui a beaucoup
de rapport avec celui des vignes^ 6c qui renferme des
herbes vivaces & des arbriffeaux munis de vrilles , grim-
pans & tous étrangers à l'Europe , mais propres aux
contrées chaudes de l'Afie & de l'Amérique. On dif-*
tingue Vachit a fimllcs larges , vulgairement la vigne cil-*
phanu de Madagafcar ; c'efl le fchunambu-vallî du Ma-
labar. L'efpece trilobée s'appelle karetta- tsjorl'valli ^
l'efpece rampante, neriam-pulll \ l'achit à feuilles pé-
diaires, btlutta'tsjori-valli^ l'achit charnu, tsjorï-vatlî^
Vachit quadranguUire. Les habitans du Bengale & de ha,
G4
î04 A C H ACM
côte de Coromandel mangent fes rameaux écorcés , ma^
cérës ou bouillis dans l'eau ; les fruits font nommés
yoachit/i.
ACHOAVAN ou Achoava. Plante commune en
Egypte 5 & fur-tout en Sbechie. Pwfper Alpin , qui
l'a fouvent cueillie fraîche , dit qu'elle eft moins haute
que la camomille ; mais elle lui reffemble afiez par fes
iîeurs , & à la matricaire par fa feuille. Ce Bctanifte
lui a trouvé le goût & l'odeur défagréables.
ACHOU ou AcHouROu. Nom que porte aufîl le
lois d^Inde, Voyez ce mot.
ACHRAS. Foyci Sapotillter.
ACHYOULOU. Foyei Cerisier de Saint-
Domingue.
ACHYRI. Voyei Corde a violon.
ACIDE. Voyez à l'article Sel acide,
ACIER. Voyez à l'article Fer.
ACIN THI. Èfpece de poule fultane qui fe trouve dans
le pays de Cayenne. Le pourpre noirâtre fait le fond de
la couleur de fon plumage ; fes doigts font jaunes ou
verdâtres. On 'en diftingue une variété appelée par
M. BrifTon poule fultane à tête noire. Leur vol efl pefant.
ACÏPE. Nom d'un genre dans l'ordre des poijfons car*
tilagineux. Voyez à l'article Poisson.
ACMELLE , verhejma acmella : Spilanthus acmella ,
ILinn. : Ahecedaria^ Rumph. Plante annuelle du genre des
hidens , haute d'environ deux pieds , & qui eft très-
commune dans rifle de Ceylan. Hotton dit que fa tige
eft carrée & couverte de feuilles pofées par paires y
femblables à celles de l'ortie morte : fes fleurs fortent
de l'extrémité des tiges , & font compofécs d'un grand
nombre de petites fleurs jaunes, qui forment en s'unif-
fant une tête conique , portée fur un calice à cinq
feuilles : à ces fleurs fuccedent des femences d'un gris
obfçur , aplaties , longues & bordées de cils courts , ôi
terminées par deux dents droites & capillaires. La ra-,
cine de ïacmdla eil fibreufe ^ blanche.
A C O lof
On cueille les feuilles de cette plante avant que les
fleurs paroifTent ; on les fait fécher au foleil , & on
les prend en poudre dans du thé ; fouvent on fait in-
fufer la racine, les tiges 6c les branches dans de l'efprit-
de-vin , que Ton diftille enfuiîe : l'on fe fert des fleurs ,
de l'extrait , de la racine &: des fels de Xacmdla , dans
la pleuréfie, les coliques &: les fièvres.
Suivant le témoignage donné par un Officier Hol-
landois à la Compagnie des Indes Orientales en 1 690,
& confirmé par un Chirurgien de la ville de Colombo,
& par le Gouverneur de la même Ifle , cette plante
acre & piquante poflederoit encore une vertu bien pré-
cieufe pour l'humanité. Ils ont dit avoir guéri plus de
cent perfonnes de la néphrétique, & même de la pierre ,
par l'ufage feul de cette plante ; mais on emploie plus
communément fa graine & fa feuille. Par quelle fata-
lité une plante qui auroit pofTédé cette vertu , ne feroit-
elle pas devenue commune à tout l'univers ?
ACOHO ou AcHO efl le nom du coq à Madagafcar,
Voyez Coq.
ACOLALAN ou A col A ou. Infede affez reflemblant
à la punaife , fort commun dans les Ifles d'Afrique. Il
croît fort vite 6c en peu de temps , de la groffeur du
pouce ; alors il lui vient des ailes. Cet infede multi-
plie beaucoup , ronge tout , fur-tout les étoffes. Toutes
les cafés des Nègres de Madagascar font remplies de
ces infedes, qui deviennent encore plus incommodes
lorfqu'ils commencent à voler. Cet infefte ne feroit-il
pas un rava , un kakerlaque ?
ACHOLCHICHI. Nom du trouplah du Mexique. Son
corps eft jaune; tout le refle du plumage eft noir.
'Voyez Troupiak,
ACOMAS, homalium. Grand & gros arbre de l'Amé-
rique, dont la tige efl: fort élevée, droite & peu bran-
chue ; l'écorce cendrée , mince , un peu crevafTée , écail-
leufe quand l'arbre vieillit; le bois jaunâtre , compacte,
4ur, exempt des piqûres d'infedes. La feuille efl liiTe,
îo6 A C O
longue, obtufe , d'un vert clair , portée fur une qiieiTé
dont la longueur fait ordinairement la cinquième partie
de celle de la feuille. Ses fleurs font blanches , à cinq
pétales , & produifent un petit fruit gros comme une
olive , d'une couleur jaune & d'un goût amer , dans
lequel on trouve un noyau brun , ligneux , dur , poli ;
dont l'amande efl: amere aufîi. On diilingue deux fortes
^acomas , \e franc & le bâtard. On les trouve tous deux
dans les Mornes à Saint-Domingue. On fait ufage de
leur bois dans les ouvrages de charpente, dans la
condrudion des navires , & l'on en fait des poutres
de dix-huit pouces de diamètre fur foixante pieds de
longueur. De cette efpece Racontas eft l'efpece à grappes^
homallîLm raczmofum ; l'efpece petite ou à épis , homa-
lïum fpïcatum , eft le racoubca de la Guiane , un arbrif-
feau dont le tronc n'a que quatre ou cinq pouces de
diamètre. Les Créoles appellent le racouhea du norn
de mavévé: ils emploient fa racine en tifane pour guérir
les gonorrhées.
On donne aufTi très-fouvent en Amérique le notn
^acomas à ime efpece de càimïtlcr. Voyez u mot,
ACONIT, aconitum. Genre de plantes vivaces ,
propres à l'Europe ; elles portent des fleurs irrégu-
îieres , fans calice , & qui repréfentent en quelque
façon la tête d'un homme revêtu d'un capuchon : ea
effet, le pétale fupérieur a l'apparence d'un cafque oii
d'un chaperon redreffé. Ces fleurs , dit M. Vdcuiç , ren-
ferment un grand nombre d'étamines, quinze à trente , &
outre cela deux petits corps ou cornets qui paroifTent des
glandes nediariferçs, courbés & portés chacun par un pé-
dicule. Elles contiennent aufîi trois ou cinq piftils , aux*-
quels fuccedent autant de capfules membraneufes , ob-
îongues , remplies de quelques femences ridées. Les
fleurs font en épi ou en grappe, terminales; & les
feuilles toujours alternes , pétiolées & palmées.
De toutes les efpeces d'aconits, il n'y en a, dit-on,,
■qu'une feule qui puilTe fervir dans la Médecine ; ellç
A c o îôr
^ft à cinq plflils , c'efl Vanthora "^uîgaîre \ aconïium
falutiferum , Jive anîhora , J. B. Pin. 1 84 : Aconïtum
anthora^ Linn. 751. Sa racine, qui eft vivace , efl le
conîre-poifon du tkora , efpece de renoncule , ainfi que
des autres aconits , dont la corolle efl jaune , velue ,
(aconitum lycocionuniy luteum ^ Tourn.) & à trois piftils ,
& entr'autres du napel , efpece ^aconit à fleurs bleues ,
dont le poifon très-violent agit en coagulant le fans.
M. HalUr obferve que Xanthora n'entre pas ferieu-
fement dans la Médecine , & que cette plante feroit
très-certainement un très-mauvais antidote contre le
poifon du thora , s'il étoit pofTible , dit-il , que le thom
pût fervir de poifon. Le thora efl: trop acre, étant frais,
pour être mangé ; &: fec il n'a plus de poifon. Notre
Obfervateur ajoute qu'on s'en fert commimément dans
le gouvernement d'Aigle en SuiflTe, au lieu de Vafarum
dont on lui donne le nom. Il efl poflîble, dit encore
M. Haller^ que chez les anciens guerriers, des flèches
trempées dans le fuc de thora aient fait des bleflures
mortelles ; mais cet ufage n'efl plus à craindre dans
nos climats. Hé pourquoi ? c'efl parce qu'on fe fert de
fufils.
Les accldens de ceux qui ont mangé du napel , dont
la racine reflTemble à un petit navet, font que la langue
6i les lèvres s'enflent & s'enflamment , que le corps
devient livide & enflé ; il arrive des vertiges, des convul-
fions & la miort , fl on n'y remédie. Les remèdes les plus
eflicaces font fans doute les alkalis volatils , ainfl qu'on
les emploie contre le venin de la vipère.
Voici un fait, dit-on, qui prouve combien l'ardeur
du foleil, jointe à la nature particulière de chaque terre ,
peuvent rendre la fève fufceptible d'une infinité de
modifications différentes, h^ aconit à finir h Une ou napel ^
dont la racine fur-tout efl un poifon très-dangereux
dans les Provinces méridionales du Royaume , ne caufe
pas un Q^Qt aufïï mauvais en Bretagne , mêm.e entre
les mains àç^s vieillards ôc des enfans. Plus on avance
>io8 A C O
vers le Nord , moins Vaccnit bleu ou naptl eft nuifiblel'
On y mange même fes feuilles en falade pour fe réveiller
Tappétit.
Il faut cependant s'expliquer, dit M. H aller , fur
l'innocence de Y aconit hku ou napd qui croît dans les
pays feptentrionaux. Il y a , dit-il , deux aconits bleus,
dont l'un efl propre au Nord : c'eil une variété bleue
de Vaconltum lycoclomim , luteum ; ( tue- loup , ) ou fi
elle en dilfere, elle en a du. moins les feuilles fort
larges, le port & les cafques fort longs. Ceft cette
efpece d'aconit que M. HalUr foupçonne entrer dans les
falades du Nord. Mais pour le véritable napel à cafques
raccourcis, à feuilles étroites, fermes & fillonnées,
il conferve fa qualité dangereufe dans les pays fepten-
trionaux : il tue les chèvres qui en mangent quel-
quefois , dans le voifmage de Falhun en Suéde , & il a
caufé la mort à un Chirurgien qui en a voulu manger
en falade dans ce même canton. Ce fait bien circonf-
tancié fe trouve infcrit dans les Mémoires de l'Académie
de Suéde. La racine a tué des chats ; ainli l'influence
du climat froid ne change pas affez notre 'napel aiv
point de n'être plus dangereux.
L'efpece d'aconit falutaire agit en divlfant les humeurs»
Les Payfans des Alpes en font ufage contre la morfure
des chiens enragés & la colique . Foye^ Anthora &
Thora. Voyez auiïi Napel.
Ondiftingue encore V aconit des Pyrénées ^ proprement
dit , aconitum pyrenaïcum , luteum \foliorumfe§mentisJihi
invicem incumbentibus. Cette efpece a beaucoup de rap-
port avec Vaconit-tuc'loup ; elle n'en eft peut-être qu'une
variété : (ts fleurs font jaunâtres , difpofées en épi pen-
ché avant fa floraifon. On trouve cette plante dans les
Pyrénées & en Sibérie. L'aconit à fleurs panachées ,
aconifum variegatum , feu napellus minor , fe trouve dans
les montagnes d'Itahe &: de Bohême ; fa racine eft
une efpece de bulbe conique. L'aconit à grandes fleurs ,
(iconitum^ cammarum aut judmbergenfe , fe trouve fur,
A C O ro^
ïcs montagnes de Styrie & d'Autriche ; la tîge haute
de trois pieds , d'un vert rougeâtre ; les fleurs d'un
bleu pourpre &C grandes , peu nombreufes.
ACONTIAS. royei Serpent Aurore , & l'article
Serpent , dit le Sombre.
ACOPIS. Pierre prëcieufe, tranfparente comme le
verre , avec des taches de couleur d'or. Des Anciens lui
ont donné le nom ^acopis , parce qu'on a prétendu que
l'huile dans laquelle on la fait bouillir , efl un remède
contre la laflitude. Quelle peut être cette pierre ?
ACORUS. C'efl le nom qu'on donne a trois plantes
différentes , dont l'une eft Vacorus véritable, ; l'autre ,
Vacorus des Indes ; & la troiiieme eft un gldieuL de marais •
AcORUS VERITABLE , acorus verus offidnis falsh ca-
lamiis aromatïcus , Ger. : Acorus verus Jîve calamus officia
naruTUy C. .B. Pin. 34: Acorus odoratus^ acorus calamus ,
Linn. 461. Plante de l'ordre des Llliacêes, Suivant
plufieurs Botaniiles , fes racines font vivaces , longues,
traçantes , genouillées , groffes comme le doigt , garnies
de beaucoup de chevelus , blanchâtres intérieurement ,
roufsâtres en - deifus , fpongieufes , d'un goût acre ,
amer , aromatique , approchant de celui de l'ail , d'une
odeur fort agréable. Une tige fort de la tête de la
principale racine ; elle eft , dit M. Leflïboudois fils , en
forme de feuilles , du miheu fort un chaton de deux
à trois pouces , digitiforme , un peu incliné , cou-
vert de petites fleurs peu apparentes. Les feuilles
de cette plante font longues , droites, étroites, enfi-
formes , & s'engaînant par le côté , comme celles
de Xirïs, Le ftuit efl triangulaire , à trois loges , &
contient trois femences. U acorus croît dans la Flandre,
en Hollande , en Alface & en Angleterre , le long des
ruifleaux; en Lithuanie , en Tartarie, dans les endroits
très-humides & même baignés. Comme la. racine
de cette plante contient beaucoup de fel volatil ,
aromatique ^ huileux , elle efl: alexipharmaque ,
liyftérique, cordiale: cette racine ellfujette à la carie.
iio A C O A C R
Accrus DES Indes ou Asiatique, aconis Indkuî
eut Ajîaticus , radicc nriuiorc , 1 hef. Zeyl. ou la
BafTombe. Cette rac-ne croir dans les Indes Orientales
& Occidentales : elle efl plus petite que l'acorus vé-
ritable , d'une odeur plus gracieufe , d'un goût amer
agréable : elle a les mêmes propriétés. P'ifon attefle
qu'on trouve dans le Bréfil cette même efpece ^acoms ;
elk efl: extérieurement fembîable à celle d'Europe ;
elle n'en eft , dit-on , qu'une variété , mais elle eft plus
menue. Cet acorus efl le tchianpon des Chinois , le va^abu
du Ceylan , le vacmbu du Malabar , & le bembi des Bra-
mes. Nous avons reçu des grandes Indes , fous le nom
de rofeau aromatique , des tiges brunâtres , de 4a grofîeur
d'une plume à écrire , d'ime odeur aromatique , &
d'une faveur amere. C'efl-là le véritable calamus aro--
maticus des Indes ; nous l'avons trouvé encore fous
cette même défignation , chez des Droguifles de Lon-
dres & d'Amflerdam. On en avoit aufîi envoyé de
femblables des grandes Indes & de l'Ifle Bourbon , à
feu Monfeigneur le Duc de Bourbon,
Le V A.VX' KCOKVS ^ pfeudo- acorus y eflla racine d'un
gldicul de marais à fleur jaune. Cette racine , genouillée
& roufs âtre , a peu d'odeur : elle laifTe dans la bouche,
une grande acrimonie. On la prétend aflringente ; mais
M. Halkr prétend qu'il faudroit bannir de la Médecine
Viris lutea^ (iris jaune). Sa racine n'a aucune des
qualités aromatiques du calamus , & elle lui paroît
fufpefte, en ce qu'elle naît dans le fond des folTés.
Voyez Iris jaune des marais,
\J acorus véritable entre dans la thériaque, ainfî que
plufieurs autres fubflances, comme on peut le voir
dans l'expofition publique que les A pothicaires de Paris
en font dans la falle de leur jardin.
ACOUTI. VoyeT, AGOUTI.
ACRIDOPHAGES. Nom donné aux perfonnes qui
vivent de fauterelles. On appelle Ptirophages , ceux qui
mangent des poux ^ Struthlopkages , ceux qid mangent
A C R iir
&S autruches ; Anthropophages , ceux qui mangent de
la chair humaine ; Icihyophagcs , ceux qui fe nourrirent
de poiiTons ; Sarcophages , ceux qui vivent de chair
de quadrupèdes, &:c.
ACROPORE. C'eft le grand pore à'Impirati Voyez
Madrépore,
ACROSTIQUE , acrojîlcum , Linn. Genre de plante
de l'ordre des cryptogames qui ont du rapport
avec les fougères; le deffous des feuilles eft entière-
ment couvert de fruftification , au moins vers leur ex-
trémité. On en diftingue 3 2 efpeces ou variétés , dont
les unes font à feuilles Jimples & entières , comme 1'^-
troflique lancéolé de l'Inde ; c'eil: le tyri-panna du Ma-
labar ; Vacrojlique à feuilles de citronnier de l'Amérique
méridionale ; Vacrofîique hérêrophille , c'eft le maktta*
mala-maravara du Malabar, &c.
Il y a les acroJTiques à feuilles Jimples ayant des divl-»
Jions , tels que Vacrojlique feptentrional , qui fe trouve
en quantité au mont- d'or en Auvergne & en Alface;
Vacrofiique aujlral , qui fe trouve dans l'Inde , aux Mes
de France & de Bourbon; il forme de petits gazons
très-fins & d'un blanc argenté; Vacrojlique des bois
montagneux de l'Europe, c^^Vofmunda fpicans ^ Linn.
1522; Vacrojlique de la Jamaïque & de la Virginie ,
c'eft racrojiicum polypodioïdes , Linn. , &c.
Il y a les acrojiiques à feuilles ailées , tels que Vacrof"
tique doré des lieux humidies de l'Amérique méridio-
nale, &c.
Il y a les acrojiiques à feuilles prefque deux fois ailées^
tels que Vacrofiique à feuilles en JiUques des Célebes 6c
celui du Ceylan ; c'eft le millejolium aquaticum de
Rumph. 5 &c.
Enfin , il y a les acrofliques à feuilles deux fois ailées ou
furcompofées ; tels que Vacrofiique à feuilles d^ofmonde ,
d'Afrique ; Vacrojlique prolifère , des Ifles de France ÔC
de Bourbon j c'eft VacroJUcum yiyiparum de Linné ^
&C. &c.
112 A C O
ACTIF. Nom que M. l'Abbé Dicqutmart donne à
lin petit infede de mer, qu'il a obrervé près d'une pê-
cherie du Havre. Il eft très - vorace , &: d'une agilité
étonnante. Sa forme tient un peu de celle d'un clo-
porte, &: de celle de la puce de mer ; il en a la couleur,
mais il efl bien plus petit ; il a quatorze pattes articulées,,
fept de chaque côté; cinq doubles nageoires vers la
queue , douze anneaux au corps , deux antennes ÔC
deux antennules {Journal de Phyf. Mai 1783).
ACOUCHÏ , quadrupède de la Guyane & des autres
parties de l'Amérique méridionale ; il reffemble beau-
coup à V agouti. Uacouchi efl: le cuniculus mïnor ^ eau-
datus , olïvauus ^ de Barrere. Il n'habite que les grands
bois éloignés du féjour de l'homme. Il eft plus com-
mun encore , mais moitié moins gros que Vagouti. Son
poil qui n'eft pas roux , mais de couleur olivâtre , n'eft
pas fi long fur le dos ou fur la croupe que chez l'^-
goun; cependant il le redrefle, comme le fait cet ani-
mal , lorfqu'îl eil pourfuivi. Il paroit moins peureux
que Vagoud , donne des coups de tête , emporte des
vivres à fa gueule comme les chiens ; & pour les man-
ger , il les tient avec fts pattes , à la manière de l'é-
cureuil. Uacouchl a une queue ; Vagouti n'en a pas bien
fenfiblement. Le premier étant pourfuivi par les chiens,
ne fe jette point à l'eau comme Vagouti^ il fe laifTe
plutôt prendre. On n'a point vu boire les acouchis ;
ces derniers paroifTent plus courageux & peu amis des
agoutis ; au befoin , ils font ufage opiniâtrement de
leurs dents qui ne la: fient pas de maltraiter. Ils dor-
ment comme les chiens, plies, & le nez entre les
cuifies. Leur chair efl très-bonne à manger; elle a la
couleur ôc le fumet du lapereau. Les acouchis ont d'ail-
leurs les mômes habitudes & les mêmes puifTances de
reproduftion de Vagouti : m.ais les différences aue nous
avons défignées, parolifent fuffifantes , dit M. de Bufon^
pour conllituer deux efpeces diflln^es & féparées. Foy,
Agouti.
ACOULEROU,
A C O A C U ÏT5
'ACOULuROU. Voyez Llam à vers , à l'article
Liane.
ACUDÏA. Infede volant & lumineux àts Indes
Occidentales. li y a auffi en Amérique \\n infede qui
a les mêmes propriétés , connu fous le nom de Ciicnju
ou Cocojus^ que l'on foupçonne être le même.
Cet infede, de la clafie des fcarabées, & de la fa-
mille des bupreftes, eft de la groiTeiir du petit doigt,
& long de deux pouces. Lorfqu'il vole pendant la nuit,
il répand une très - grande clarté. On diroit , dit le
P. du Tertre y que ce font de petites étoiles errantes
dans la campagne : le jour il ne paroît point lumi-
neux , c^ moins qu'on ne l'agite ^^ qu'on ne fe place
dans un lieu obfcur. On ignore de quelle partie de leur
corps vient cet éclat; mais il eft à préfumer que c'efl du
corfelet , de même que chez la grande (i^^^ecQ de mouche
à feu. /'Vvqa Farticle Maucke luljlmu. On prétend que fi
on fe frotte le vifage avec Fhumidité provenant des
taches luifantes ou étoiles de ce petit phofphore vi-
vant , on paroît tout refplendifïànt de lumière 5 tant
qu'elle dure. Quoi qu'il en foit , cet infede phofpho-.
rique efl d'une grande utilité aux Indiens. On dit
qu'avant l'arrivée des Efpagnols , ils ne faifoient point
ufage de chandelle ; qu'ils fe fervoient de ces infeéles
dans leurs maifons pour s'éclairer pendant la nuit :
avec un de ces acudla on lit , on écrit auiîi facilement
qu'avec une chandelle allumée. Lorfque les Indiens
voyagent pendant l'obfcurité de la mut, ils en atta-
client un à chaque orteil du pied, ôc en portent un
autre à la main ; c'efl-là auiîi le flambeau , la lanterne
dont ils fe fervent pour aller de nuit à la chaffe de
Vutlas^ efpece de lapin ou de petit quatlrupede de la
grandeur d'un rat. Lorfque ces infeftes font pris , ils
ne vivent que quinze jours ou trois femaines au plus :
tant qu'ils fe portent bien , ils font très - lumineux ;
mais lorfqu'ils font malades , qu'ils languiffent , leur lu-
jniere s'afFoiblit ; ils ne brij.lent plus lorfqu'ils font morts,
Jom^ /, ^ H
114 A C U
Lorfqu'on veut aller à la chalTe du cuaijn , on îott
dès la pointe du jour armé d'un tilon allumé. Etant
élevé fur une hauteur , on fait faire la roue à ce tifon»
Les cucujus , attirés par la lueur du tifon , viennent
pour dévorer les coufms & les autres petits infe£les
qui fui vent toujours la lumière , & on les prend en
les abattant avec des branches d'arbres.
Ces infectes font doublement utiles. Lorfqu'on les a
pris , on les laiiTe voler dans la maifon , après en avoir
fermé les portes : étant ainfi en liberté, ils furètent
par-tout & dévorent les coufms, ces ennemis cruels
du fommeil , fi incommodes dans ce pays. Ainfi , pen-
dant la nuit , les cucujus font des gardes vigllans , qui
veillent à votre repos , ôc qui empêchent qu'aucun
coufin ne vous pique.
Les defcriptions que les Auteurs nous ont données
de Vacudla & du cocojus font fi imparfaites , que l'on
efl incertain li ces infe£les font les mêmes que le porte-
lanumz de l'Amérique. Cette finguliere propriété lumi-
neufe donne cependant lieu de le croire. Le porte'-
lanterne ( ainfi nommé , parce que la partie antérieure
de la tête d'où la lumière fort, a été regardée comme
une efpece de lanterne ) eft une m-ouche d'une efpece
très-fmguliere , & qui , à caufe de la ftruûure de fa
trompe, a été mife par M. de Réaumur au rang à^s
procigales. On peut remarquer au Cabinet du Jardin du
Roi , dans les cafés des infedles , deux très-beaux /»or/e-
lanternes. Cette mouche a quatre pouces dans toute fa
longueur ; fi on regarde la lanterne comme une portion
de la tête même, elle a plus d'un pouce de longueur;
fa forme contournée eu très -finguliere. Près de la
lanterne, il y a de chaque côté un œil à réfeau de
couleur rougeâtre. Cette mouche a quatre ailes ^ dont
les fupérieures n'ont pas une parfaite tranfparence. La
couleur de ces infcftes efl variée & très-agréable. On
remarque fur leurs ailes un grand œil , qui a quelque
relfemblance avec celui des ailes its papillons - paorn»
A C U îif
On volt auffi dans le Cabinet de Chantilly deux porte-
lanternes , le mâle Se la fciPielle ; celle-ci a les ailes
diipofées comme les paniers que portoient autrefois
nos dames.
On ignore encore pour quel ufage la Nature a donné
à cet infede cette lanterne lumineufe : il ne iemble
pas au moins que ce foit pour l'éclairer pendant qu'il
vole; une Ham.me plus large que notre front & qui
en partiroit, ne ferviroit qu'à nous empêcher de voir
les objets qui font par-delà.
Vacudia &c le porte- lanterne ne fe noUrriflant que
de petits infectes volans , n'y auroit-il pas lieu de croire
que la kimiere que ces animaux répandent autour
d'eux , attire les petits infedes , ce qui leur donne beau*
coup plus de facilité pour les attraper ? Cttte idée paroît
d'autant plus vraifemblable, qu'on remarcue tous les
jours que les infecles qui volent la nuit recherchent la
lumière 5 & s'en approchent le plus qu'ils peuvent par
un mouvement circulaire.
MadQm.oifelle Merian , qui a obfervé ces fortes de
mouches à Surinam , dit que leur lumière eft telle ,
qu'une feule lui a fuffi , à chaque féance , pour peindre
les figures qui font gravées dans fon Ouvrage fur les
infedes de ce pays. Elle dit âufîi que les Indiens ont
voulu lui perfuader que les mouches vielkufes (aiiifi
nommées à caufe que le bruit qu'elles font imite le fon
d'une vielle ) fe métamorphofoient en porte- lanternes. Il
femble qu'elle en ait été convaincue , piiifqu'elle nous
donne une des figures de fa planche pour celle d'un
vielleur^ dont la tête s'eft alongée pour devenir un
porte- lanterne. Si cette métamorphofe étoit véritable,
elle pourroit être comparée au changement qui arrive
aux mouches éphémères, oui, après avoir volé, ont
encore à fe défaire d'une dépouille : ainfi il paroîtroit
que la mouche proci gale , connue fous le nom de vielleur ^
ne différeroit du porté- lanterne , que parce qu'elle a là
tête plus courte,
H %
Mi6 A C U A D I
ACULLÎAME. Efl, dans Ilemandei , le nom du cerf
de la Noiivelle-Efpagne , femblable à nos cerfs communs
en Europe. Vcyei Cerf.
ADANE, Atùlus, Cefl VEfiurgeon, Noy^ ce mot.
ADDAX. Les anciens Africains donnoient ce nom
à YAîUilcpc 5 efpece de GaielU. Voyez à l'article Ca-
ndis,
ADDIBO. Nom donne aux Indes à la petite efpece
- de Chacal^ qui eft VAdive, Voyez Adil & Chacal.
ADENE , Adcn'ia jolïïs palmans , florihus fpicatis",
C'eil un arbriffeau grimpant dont la tige eft verdâtre ,
de la groiTeur du bras , ù qui pouffe des rameaux flexi-
bles, cylindriques, alternes ; les fleurs font en épi court,
PAIX extrémités des branches ; le calice efl cylindrique ,
long de deux pouces , découpé en fix parties ; la co-
rolle eft blanche & compclee de fix pétales , fix éta-
mines , un pifl:il. Cet arbrifleau croît dans l'Arabie ; il
efl. très-vénéneux. Forskal dit C|a'une potion faite avec
îa poudre de {zs jeunes rameaux, infufée dans une
liqueur quelconque , eil un poifon qui fait enfler le
corps , & peut fervir à de pernicieux ufages. Il regarde
îe câprier épineux comme Tiintidote du poifon de
Vûdcm. ( Flore d^ Egypte de Forskal ).
ADENOS. Nom donné à un coton de marine qui
vient d'Alep par la voie de Marfeille. P^oye^^ Coton.
A DH AT O D A ou A d a t h o d a. Nom qui ,
dans la langue de Ceylan , fignifle plante qui a la vertu
d'expulfer le fœtus mort. Vadluitada ou adathoda , efl du
genre des Carmantines. Voyez ce mot,
ADIANTE. Voye?^ Capillaire.
ADIL ou Addibo, ou Adi ve , ou Adirés. Cet animal
carnaflier 8i fauvage, qu'un inflinft deflrudcur fait re-
douter dans toute l'Aile & la Turquie, fiu'-tout dans le
Levant & en Afrique , efl: le loup doré de quelques Natu-
ralifles. Il reflTemble au loup par la figure , le poil & la
queue, mais fa taille çfl: au-deflous de celle du renard. Son
eipece paroît très-ycifine de celle du chacal ;
A D I ADO i\i
Viidlve eft raoins farouche & plus facile à apprivoifer.
On lit dans nos chroniques , du temps de Charles IX,
que beaucoup de femmes à la Cour a voient de petits
adlves au lieu de petits chiens. Ces adlves nains étoient
privés. Uadive paroît être une race petite dans l'efpece
du chacal, Uadive marche accompagné d'un nombreux
cortège ; on en voit quelquefois des troupes de deux
cents. Il aboie la nuit , de même que le chien , & crie
diflinftement hau , hau , ou oua , oua , oua, La peau
des adUs efl d'une couleur jaune , dont les habitans
font de belles fourrures , qu'ils vendent à grand marché.
Voyez Lo2^p 6c l'article Chacal,
ADÏMAIN ou Adim-Naim. On nomme ainfi une
grande race de brebis à poil rude, à cornes courtes ,
à oreilles pendantes avec une efpece de fanon & de
pendans fur le cou. Elle habite les contrées les plus
chaudes de l'Afrique 6c des Indes ; elle efl connue des
Naturalises fous le nom de bdkr de Sénégal^ helkr de
Guinée^ brebis d'' Angola; elle efl domeftique , 6c
fujette à bien des variétés. C'eft de toutes les brebis
domeiliques, celle qui paroît approcher le plus de l'état
de nature : elle eil plus grande , plus forte , plus légère ,î
& par conféquent plus capable qu'aucune autre de
fubiiiler par elle-même ; mais comme on ne la trouve
que dans les pays les plus chauds, qu'elle ne peut
fouffrir le froid , & que dans fon prapre climat elle
n'exifle pas par elle-même, comme animal fauvage,'
qu'au contraire elle ne fubfifte que par les foins de
l'homme, qu'elle n'eft qu'animal domeitique, on ne
peut la regarder com.me la fouche première ou la race
primitive. Le mouflon porte feul les caraâ:eres ori-
ginaires de la race. Voyez Mouflon.
ADIVE ou Adirés. C'efl le Chacal de la petite
taille. Voyzi ci-dejfus Adil.
ADONIS. Voyez^ Muge volant.
Adonis. Genre de plante à fleurs polypétalées , de
la famille des renoncules , &; qui comprend des herbes.
H 3
ii8 ADR JE G O
annuelles ou vivaces, dont la plupart font indigènes
& ont d'affez belles fleurs. On dillingue entre autres
YAdoms d'été. Adonis œfdvciLs ^L\nn. 771. Plante an-
nuelle que M. Tournefort a rangée parmi les anémones.
Elle le trouve dans le s champs. Sa tige eft haute de
fept à huit pouces , grêle , un peu rameulé. Ses feuilles
font découpées très -étroitement; les fleurs font d\ia
rouge afléz vif, à cinq péîales : le fruit efl ovale , &
compofé de plufieurs capliiles réunies.
Il y a une efpece à^ Adonis d^ automne qu'on cultive
dans les jardins , Adonis autumnalis ^ Linn. 771 , qui eft
originaire de Provence. Sa tige eft plus haute que la précé-
dente. Sa fltur a huit grands pétales. Son fruit tfi rond.
Il y a V Adonis printanie^-e ^ Adonis vcmalis , Linn.
Ranunculus fœniculaceis foliis ^ hdUbori ni^ri radice ^
TouRN. Les pétales font ovales , ouverts en rofe , &
leur nombre varie de dix à quinze. Cette plante le trouve
dans les lieux montagneux des Provinces Méridionales
de la France ; elle fe rencontre aufTi en Italie , en Au-
triche, dans la SuifTe & en Sibérie.
ADRACHNÉ ou AndrachnÉ. Vcyci à t article
Arbolsier,
ADRAGANTE , ( gomme ). Foyei t article Barbe
DE RfNARD.
tEGCLETHRON. Plante qui a été décrite fous ce
nom par PUnt , & qui paroît être le Chamœrodcndros
pontica maxima , mcfpili folio , Jtore lutco , qui a ete
très-bien obfervé par Tournefort^ corolL 42, dans fon
voyage au Levant. Cette plante , A^^alca pontica , Linn,
eft curieufe à connoître , à caufe de TefFet fmguhtr
que produifent le fiic & l'odeur de fes fleurs.
C'eft une efpece de petit arbufte droit , toujours
vert , qui croît naturellement clans le voiftnage de la
mer Noire , & particulièrement dans la Colchide ou la
Mingrelie : il s'élève à la hauteur de cinq à fix pieds.
Son tronc eft accompagné de plufieurs branches me-
nues 5 divué^s en rameaux foiblçs , plians , 6c couverts
:^ G R M t V 11^
3\me écorce grisâtre , liffe , cependant velue vers leurs
fommets. Ces rameaux portent des touffes de feuilles
qui reifemblent à celles du néflier des bois : fes fleurs
jaunes-verdâtres font affez femblables à celles du chè-
vre - feuille , mais d'une odeur bien plus forte ; elles
naiflent par bouquets à l'extrémité des branches ; il
leur fuccede des fruits longs d'environ quinze lignes
fur dix de diamètre , bruns & relevés de cinq côtés.
On a remarqué qu'ils s'ouvrent de l'une à l'autre extré-
mité en fept ou huit endroits creufés en gouttières,
lefquels vont fe terminer fur un axe qui traverfe le
fruit par le milieu : cet axe eft cannelé , & diiîribue l'in-
térieur du fruit en autant de loges qu'il y a de gout-
tières à l'extérieur. On peut voir cette plante dans le
Jardin Royal des plantes.
Dans la Colchide , oii elle eft fort commune , les
abeilles vont recueillir le miel fur fes fleurs , ainfi que
fur d'autres ; mais le miel qu'elles en tirent rend af-
foupis ou ivres , furieux ou moribonds ceux qui en
mangent , comme il arriva à l'armée des dix mille à
l'approche de Trébifonde. P^ojei ce que nous avons dit
à r article ABEILLE , pag, 42.
On diflingue plufieurs autres plantes de ce genre ;
entre autres , l'une originaire de l'Inde , Aiçilca indien ,
Linn. : Ckamcerodendron exoticum , amplijjlmis jlorihus Li-^,
liaceis^ Breyn. Prod. i. pag. 24. Cette belle plv/îte
croît dans l'înde, & dans les contrés Orient:>les de
l'Afie. Elle fleurit dans le milieu de l'été ; ies fleurs
font à peine pedunculées , grandes , d'un rouge écar-
late, éclatant & très- vif; les fleurs font fi abondantes
que la plante femble couverte d'un voile rouge &
magnifique ; aufli au Japon , où Cette plante efl: très-
commune , elle fait l'ornement des jardins & des cam-
pagnes.
!iEGREFIN ou Anon. Voye^^ ranicle MORUE.
iELG , en Norvège , efl: VElan. Voyez ce mot,
iELURUS, dans Fcmandez^ eilla Civette. Voy. ce moti
H4
îio JE s ? À G A
iESFîNG. M. Linnœus donne ce nom à une efpecè
de couleuvre petite , rougeâtre , qui fe trouve en
Smolande : elle a cent cinquante bandes ëcailîeufes
au bas-ventre , & trente-quatre écailles à la queue. >
On pi-étend que fa morfure eft mortelle.
^THUSE. C'eft I^a petite Clgué, Voyez ce ?7zo/.
iETTTE. Voyci Htites*
AFIOUME. Efpece de lin qui nous vient du Levant
par r^arfeille. Foyei Lin.
AGACE. Voyei Pif.
AGALLOCÛM. C'eû le kAs Saloà, Voyez a mot.
AGAME. Lacerta Agama: Laurta caudd tercti kmgd ,
collo fuprà capueque pcflice acukato , occipitis fquamîs
reverjis ^ Linn, Lézard d'Amérique , dont les pieds ,
tant de devant que de derrière, ont cinq doigts; fa
tète efl d'une forme ovale , garnie vers la partie anté-
rieure d'écaillés difpofées en recouvrement, & près
des oreilles, vers l'occiput, d'écaillés inégales & aiguës,
qui la font paroître épineufe ; le cou ert pareillement
garni d'écaillés en forme d'épines ; les tious des na-
rines font relevés & tournés en arrière ; les paupières
£nement dentées ; fous la mâchoire inférieure eft une
peau lâche en forme de fanon; les trous des oreilles
îbnt recouverts d'une membrane. Le tronc eft couvert
^'écailles arrondies ; celles qui garniftent le defTus font
relevées en carène , & terminées par une épine ; celles
du deiTous du corps font un peu obtufes , & fans
renflement ni épine ; la future du dos eft garnie vers
fa partie antérieure , & notamment fur le cou , d'une
crête compofée d'écailîes droites, diftinélcs & fem-
blables à un fer de lance ; les écailles qui couvrent la
queue font plus aiguës & plus fenfiblement relevées
en carène que celles qui font fur le corps , ce qui fait
paroître , dit M. Daiihmton ^ la queue un peu angu-
leufe.
La crête de la femelle fe prolonge à peine jufqu'aux
épaules; de plus, le cou de la femelle n'a point d'é-
A G A 111
pines latérales : maïs on en obferve de très - petites
îlir les côtés du tronc ^ & celles qui recouvrent les
parties antérieures du dos & toute la queue , font plus
aiguës que celles qui leur correl pondent fur le mâle.
Cette efpece de Ll\ard efl du quatrième genre. Voy&\^
Vartick LÉZARD.
AGAMI ou Agamie. Les Habitans de Cayenne ap-
pellent ainfi une grande & belle efpece d'oifeau , remar-
quable par le bruit bizarre de fon chant. C'eil: le falfan
des Antilles , de M. Br'iJJon ; Volfeaii trompette de M.
la Condamine, ( Voyage des Amazones , pag. 175. )
U agami eft aux oifeaux ce que le chien efl aux qua-
drupèdes; l'homme faifant tourner à fon profit îa
fagacité de Y agami , comme il emploie à fon ufage celle
du chien , il fe repofe en partie fur lui du foin de
conduire , de défendre , de raffembler les autres oifeaux
qu'il met fous fa garde. Foye^ r article Trompette,
( Oifeau ).
AGARIC , Agariciis, Plante charnue ou tubereufe ,
qui croît ordinairement attachée par le côté & fans
tige au tronc des arbres , & qui reffcmble en quel-
que façon au champignon. M. Mickeli eft le premier
qui ait vu des fleurs dans ce végétal. ( M. H aller
paroît même douter encore de Texiilence des fleurs
de V agaric^ elles font, dit-il, plus que fufpeftes. Il
y a des champignons qui ont une poufîiere atta-
chée à leurs lames , dont îa nature paroît être fémi-
nale, & il ne connoît pas cette poufïïere aux
polypores^ dont V amadou efî une efpece, auffi bien
que V agaric de chêne ^. U agaric efl, dit M. Micheli ^
im genre de plante dont les caractères dépendent
principalement de la forme de fes différentes feuilles ;
elles font compofées de deux parties différentes : il
y en a qui font poreufes en-defTous , comme dou-
blées de trous verticaux ; d'autres font dentelées en
forme de peigne ; d'autres font en lame ; d'autres
enfin font unies, Lçurs fleurs font fans pétales , &
122 A G A
n'ont qii'un feiû ûlei; elles font fiénîes; elles n*ont
ni calice, ni piflil, ni ëtamines ; elles naiffent dans
des enfoncemtns, ou à l'orifice de certains petits
trous. Les femences ibnt arrondies &C placées dans
difFërens endroits, félon les efpeccs d'agaric. Ces
fleurs 6c ce-^ graines long-temps inconnues, même
depuis Toiirmfon^ prouvent que ce n'eil qu'avec peine
& à l'aide du temps que l'on par^/ient à dévoiler la
Nature. On trouvera à l'article Champignon une grande
lifle ^agarics.
On doit obferver oue Vagarlc ne s'attache quel-
quefois h l'aubier de l'arbre que lorfqu'il eft mort ,
él n'efî: nullement la caule de fon dépcrifiemcnt ,
comme l'ont écrit quelques Obfervateurs. Vagarlc
purgatif ^ dont on fait ufage en Médecine, refîemble
affez à celui qui fournit V amadou. M. Haller en a
cueilli fur les m.ékzes de Jorogne , au pied des.
Alpes ; il forme , comme l'amadou , des coins ou des
ferions de fphere , dont la bafe efl droite & pleine
de petits trous qui font l'embouchure des tuyaux de
ce polypore. La furface fupérieure efl: convexe , &
fait un tranchant avec l'inférieure ; t^Aç: eft brune ou
blonde , comme velue , 6i commimément partagée
par zones parallèles de différentes teintes. Vagarlc croît
aufîî fur les plus beaux arbres , les plus pleins de vie^
& ordinairement fur le larlx ou mileie , & y reçoit
fa nourriture comme les faufies plantes parafites.
Dans le commerce, on le trouve fouvent m.ondé. Il
efl en morceaux de daTérentes groffeurs. La partie
extérieure de cette efpece à^agaric eil encore calleufe ,
grife ; fon intérieur efl blanc , léger , friable , & fe
met aifément en farine, d'un goût amer & acre. Ses
graines , femées fur des arbres , ont produit des agarics.
On croit que Vagarlc purgatif qu'on nous apporte
du Levant , vient de Tartarie , & c'efl le meilleur ; il
en vient auiîi des Alpes & des montagnes du Dau-
phiné & du Trcntin. On donne improprement à cet
A G A Tt?
agaric le nom à^ agaric femel/e, Cefl VJgaricusJivc Fungiis
laiicls de C. B. & de Tournefort , 562. On nomme
aiifli improprement agaric mâk une autre efpece ^a-
garic qui croît fur les troncs des vieux noyers, des
chênes &: des hêtres , dont l'ufage feroit pernicieux.
Foyei Agaric de chêne, ^ ,
Comme Vagaric médicinal eCî un purgatif afTez fort ,
on le tempère par des aromates : il a peu de vertu en
infufion; mais il fait mieux ion effet en fubftance.
M. Boulduc ( Mlmoircs de l' Académie des Sciences )
dit que Vagaric étoit un médicament fort eflimé d^s
Anciens , quoiqu'il le foit peu aujourd'hui & avec rai-
fon ; car il ell très-lent dans fon opération , & par le
long féjour qu'il fait dans l'eilom.ac il excite des vo-
milTemens , ou tout au moins des naufées infuppor-
tables, fui vies defueurs, de fyncopes , de langueurs ,
&c. il laifle auffi un long dégoût pour les alimens;
&; M. HalUr eflime que c'eft un mauvais remède,
dont on feroit mieux de purger la Pharmacie ; il
ajoute que les Psyfans du Piémont s'en fervent quand
il leur arrive d'avaler une petite efpece de fangfue ,
qui eft fréquente dans leurs eaux. La partie réfineufe
ou purgative ôc émétique de Vagaric eft toute entière
dans l'écorce , &c en très-petite quantité dans la partie
farineufe.
Agaric de Chêne , Jgaricus pedis equinl fade ,
feu Fungus igniarius, Boletus igniarius ^ Linn. 1645.
C'efl une efpece de champignon en chapeau feifile ,
gros , arrondi en fabot de cheval , dur , fort pefant ,
qui croît attaché par le côté fur le tronc des vieux
chênes , àes noyers & d'autres arbres. Ce champignon a
la fuperfîcie rude & raboteufe , & la fubflance inté-
rieure fibreufe , ligneufe , difficile à divifer ; il eft com-
munément brun , recouvert d'une poufliere blanchâtre ;
la furface inférieure garnie de pores étroits , d'ime
amertume & d'ime âcreté infapportables. M. Boulduc
donne à cet agaric prétendu mâle , le nom de faux
124 A G A
agaric. Dans le Nord on le récolte avant qu'il foît
defTechë fur Tarbre ; enfiilte on Tëmonde légèrement
de (on écorce : il efl employé par les Teinturiers pour
colorer en noir. L'on emploie ^agaric médicinal^ en
giiiie de noix-de-galle pour teindre la foie en noir.
C'cft avec un femblable agaric que l'on fait de
V amadou ; aulîi Tappelle-t-on amadouvier. On fépare
la fubiîance calleufe & ligneufe qui -recouvre fa
fuperfcie ; on prend celle du milieu qui efl molle ,
d'une couleur grife tirant fur le brun ; on la réduit
en morceaux; on la fait bouillir dans une lefTive
d'eau nitrée; on la feche; on la pile; on la fait
bouillir de nouveau dans la lefTive, pour la laifîer
enfuite bien fécher. On fait de quel ufage eft l'amadou
pour avoir promptement du feu par le moyen de
l'acier & de la pierre à fufil.
Combien de temps a-t-on eu entre les mains cet
agaric fans en connoître les précieufes propriétés ?
Ce ne fut qu'en 1750 que M. Broffard ^ Chirurgien
de la Châtre en Berry, annonça que la partie m.olîe
de Vagaric de clilm étoit le meilleur aftringent dent
on put fe fervir, &: qu'il étoit capable de fuppléer
à la ligature qu'on eft obligé de faire dans les ampu-
tations &: dans l'opération de l'anévrifme. Voici la
manière (impie dont on le prépare pour cet ufage.
n faut cueillir fur les vieux chênes Vagaric dans
les mois d'Août & de Septembre. On fépare l'écorce
dure extérieure, & la partie fiâulcufe la plus dure
jufqu'à une fubftance fongueufe, qui obéit fous les
doigts comme une peau de chamois. Suivant que Vagaric
le permet, on en fait des morceaux plus ou moins
épais : on les bat fous le marteau pour amortir la
fubliance fongueufe , au point d'être aifément écharpée
fous les doigts.
Lorfqu'on veut employer cet agaric chirurgical ^ on
applique fur la plaie à l'ouvertuj-e de l'artère un mor^
ceau de cet agaric ainfi préparé , ôc préfenté du côté le
A G A 125
plus fpongieiix , qui eft le côté oppofé à l'écorce; par-
cleiTus ce morceau un autre plus grand , & par-deiïus
le tout un appareil convenable. Appliqué de la Ibite
fiir les coupures de veines ou d'artères , il arrête le
fang en rctréciffant le diamètre du vaiiTeau , & donne
lieu de fe former au caillot fi ncceffaire poiu* boucher
le vaiffeau qui iburnit le fang. Dans des cas preilans,
on peut employer l'amadou _, qui conferve fa vertu
flyptique. Nous devons cependant convenir que ce
flyptique n'a pas toujours été fui^fant ou très-sûr pour
arrêter les hémorragies après de grandes opérations
chirurgicales , faites dans l'Hôpital de Londres. En
vain dira-t-on que l'agaric étoit mal préparé ; l'expé-
rience a fait voir plus d'une fois que fa principale
vertu confiée dans la compreiîion , qu'il rcfifle en effet
à de petites hémorragies ; mais , nous le répétons ,
plus d'un malade a fuccombé à l'hémorragie , lorf-
c|u on s'eft repofé fur la vertu de cet agaric ^ après
de grandes amputations.
Cette efpece de champignon n'eft pas rare, il s'en
trouve d'une grande beauté dans la forêt de Fontai-u
nebleau. Par des expériences déjà tentées , il paroît
que les agarics du bouleau, du hêtre, de l'orme, du
charme & de plufieurs autres arbres, ont les mêmes
propriétés que lefungus agaricus ou V agaric de chém^
L'efpece de champignon qui croît dans les caves fur
les tonneaux , a auffi la même propriété aflringente.
Cet agaric eft le Fungus vi/iofus de M. Ford de BriiloK
On diilingue une autre forte d'agaric de chêne ,
\u4garicus quercinus ^ Linn. 1644. Il croît fur le bois
qui fe pourrit ; il dk aufîi en chapeau fefîile ; fa fubf-
tance eft ferme , dure , prefque ligneufe , cependant
légère, grisâtre , douce au toucher; les lames fermes,
irrégulieres , adhérentes les unes aux autres, forment
des excavations fmueufes & irrégulieres.
Agaric d'Iris ou Bolet bigarre , BoUtus ver-
Jîcolor^ Linn, 1645. Cçt agaric qui fe trouve fur l^
iiS A G A
tronc des vieux arbres , & fur les boîs demî-poums^
eu d'une fubflance ferme , blanche intérieurement ,
formant un chapeau fefTile , femi - elliptique , feftonné ,
velouté en - delTus , remarquable par des zones de di-
verfes couleurs ; (es pores font blancs , très - petits &C
inégaux.
Agaric minéral, Mcdulla faxorum aut Agarkus
mïmralis. Efpece de craie fine , blanche , douce au
toucher , friable : on nous l'apporte communément
d'Allemagne , oii elle fe trouve dans des carrières ou
fentes de pierres calcaires. Quelques-uns donnent aufiî
à l'agaric minéral le nom de moUk de pierre. Le tiffu
de l'agaric minéral reiïemble beaucoup à celui de l'a-
garic végétal. Voye{^ Farine fossile.
AGASSE CRAOUÎLLASSE & AGASSE CRUELLE.
Foyei Pte-griesche grise.
AGATHE ou Agate , Jchates. L'agathe eft une
pierre ignefcente , vitreufe , &: plus ou moins tranf-
parente. Elle a pris fon nom du fleuve Achates en
Sicile , nommé aujourd'hui Drïllo , fur les bords du-
quel les premières agates furent trouvées. On la ren*-
contre toujours en morceaux ronds, ifolés & détachés,
dans les fables & dans les champs , &c. mais elle eft
en maffe dans les rochers.
Vagate ne diffère du caillou filex , connu fous le
nom de pierre à fufil^ que par fa couleur & fa tranf-
parence, car fa fubilance eft la même. L'agate impar-
faite &: par la couleur & par la tranfparence , ne
diffère point du caillou petro-Jilex, Lorfque la pâte ou
matière du caillou filex a un certain degré de fineffe,
de pureté & de tranfparence , ou àzs couleurs mar-
quées , on la nomme agate. Elle prend un plus beau
poli que le filex.
On diflingue deux fortes à' agates , par rapport à la
netteté , à la tranfparence , à la dureté & à la beauté
de fon poli; fa voir , V agate orientale &C Vcccidcntale,
La première réunit prefque toujours ces qualités j
A G A f27
fee qui lui efl relativement commun avec toutes les
pierres orientales ; cependant on en trouve quelouefois
d'occidentales , qui le diiputent pour la beauté aux
orientales.
U agate orientale ou fine , a le tilTu du filex , fe cafle
de même en fragmens îranchans , convexes d'un côté
& concaves de l'autre; elle efl: pommelée & blanche,
ou plutôt elle n'a pas de couleur ; car dès qu'elle a
une teinte de couleur , elle ne retient plus le nom
^ agate. Si elle ell d'une couleur laiteufe , mêlée de
jaiuie & de bleu , c'eft une calcédoine. Si elle eil d'une
couleur orangée , ou de corne un peu enfumée , c'efl
une fardoine. Si elle eft verdâtre, ou de couleur de
cire laiteufe &C à peine demi-tranfparente , c'efl le Jade,
Voyez ces mots. Les couleurs les plus rares font le
vert , le couleur de faphir , de rofe-vive , de rofe pana-
chée 5 de ponceau &; d'un beau noir.
L"* agate occidentale , au contraire , a plufieurs couleurs
différemment nuancées ; elle a quelquefois la couleur
de la cornaline ou de la fardoine , ou de la calcédoine \
mais on l'en diflingue aifément par le peu de vivacité
& de netteté de fa couleur comparée aux agates orien-
tales , à la cornaline , à la fardoine , à la calcédoine ;
telles font les agates des environs du Havre, & de
plufieurs autres endroits.
Cette agate occidentale a une tranfparence à demi-
offufquée ; fes couleurs ont peu d'éclat & de netteté :
on la diflingue cependant facilement du jafpe ^ parcs
que ce dernier n'a point du tout de tranfparence. La
matière demi-tranfparente de l'agate, fe trouve mêlée
quelquefois avec le jafpe , matière opaque ; cette pierre
porte alors le nom à^ agate jafpée , fi la matière d'agate
en fait la plus grande partie ; & on l'appelley-^e agate^
fi c'efl le jafpe qui domine. Toutes les agates du Du-
ché de Deux-Ponts , font réputées occidentales. 11 y
en a de toutes les couleurs , & qui offrent les plus
beaux compartimens , zones , rubans , filets , ÔCC» ËUçs
font la plupart çiiftaliiiecs au centre»
128 A G A
L'arrangement des taches & î'oppofiticn des cou-
leurs dans les couches dont Vagate efl compofce , font
des caraderes propres à diflinguer différentes elpeces,
qui font Vagate fimphmmt dite , V agate œillk , V agate-
onyx y Vagate hcrhcrifée ou moujjci/jl , àc Vagate cha^
toyante.
\2 agate Jimplement dite eft fans couleur ; il y en a
de nuancées de diverfes teintes avec ou fans ordre ; les
unes font grifes avec des zones, filets, rubans, con-
tournés en fpirales ; d'autres font fauves : ( Vagate
Uontlne ou de panthère^ fi elles font rnouchetées fur
lin fond jaune ) ; on connoît l'agate à veines rouges ,
( achates facra ); celle à trois ou quatre couleurs , ou
l'agate élémentaire ; îa fard'-agate ; l'agate-coralline ;
l'agate laiteufe , opaque ou cackolong. Le jeu de la
Nature fe fait fouvent remarc[uer d'une manière iin-
guliere dans quelques agates ; & il y efî varié prefque
à l'infini ; de forte que dans ce mélange & cette con-
fufion , il s'y rencontre des hafards aufTi linguliers que
bizarres. On croit y appercevoir quelquefois des niif-
feaux , des gazons , des payfages ; & l'imaginaticn de
certaines perfonnes croit y remarquer quelquefois àes
tableaux entiers ; telle étoit la fameufe agate de Pyrrhus^
fur laquelle , au rapport de Pline , on prétendoit voir
Apollon avec fa lyre , & les neuf fvlufes chacune avec
fes attributs. L'imagination de quelques gens toujours
amoureux du merveilleux , leur fait voir fur des agates,
clés traits parfaits d'objets , dont les autres entrevoient
à peine les efquiiTes. Telles font encore Vagate uranie
qui repréfente des étoiles & la lune dans its phafes,
écC. Vagate loomorphite , qui repréfente des figures d'a-
nimaux ; Vagate technomorphite , où l'on croit voir des
figjures de mathématicrues.
'Vagate-onyx ell: de la nature de Vonyx. Voyez et
mot. Elle eft formée de deux bandes ou zones , ou cou-
ches l'une fur l'autre , de différentes couleiu-s , qui
font bien diftijiguer les diiFéren$ lits dont Vagate eil
compofée :
A G A 129
compofée : la couleur de l'une des couches n'anticipe
point fur la couche voifine. La première ou la fupé-
rieure, eft d*un beau blanc de lait , & l'inférieure
d'une couleur grife d'agate commune , qui en fait le
fond lorfqu'on la travaille en camée. Plus les couleurs
font vives, oppofées & tranchantes, plus l'agate -onyx
efl: eftimée ; mais pour l'ordinaire ces couleurs ont
peu de vivacité.
U agate œilléc eft une efpece d'agate - onyx, mais
dont les cercles ou zones concentriques tournent autour
d'un centre commun, où fe trouve quelquefois une
tache qui reffemble en quelque façon à un œil; ce
qui lui a fait donner le nom ^agau œllUe, Sur une
même pierre , il y a fouvent plufîeurs de ces yeux y
( de là les diopthalmites ou à deux yeux , les triopthal-^
mites ou à trois yeux ) qui font le centre de plulieurs
cailloux qui fe font formés les uns contre les autres ,
& confondus enfemble en grolTifTant par juxta-pofition.
Foyei Caillou & Vanick Œil de Chat.
L'induftrie humaine, qui fait relever les grâces de
la Nature , profite de cette légère reffemblance de
\ agate œilUe avec l'œil. On taille V agate œïllie , on
l'achevé , c'eft-à-dire qu'on la creufe en deftbus , on
diminue l'épaiffeur de la pierre en certains endroits , &
on met deftbus une feuille d'or ; alors les endroits les
plus minces paroiffent enflammés, tandis que la feuille
ne fait aucun effet fur les endroits les plus épais : s'il
lui manque quelque autre trait , l'art le lui donne. Le
Roi pofiede une très - belle onyx ou agate - onyx ,
dont la gravur^ eft im monument de la piété & de
la tendreffe que les Romains avoient autrefois pour
leurs morts : on y voit fous le toit d'un bâtiment
ruftique , ^ tel qu'on les ccnftruifoit dans l'enfance
de l'Architeélure , une femme nue vis-à-vis d'un autel,
fur lequel eft allumé le feu facré. Elle paroît occupée
d'un facrifice qu'elle offre aux Dieux infernaux, avant
que de placer dans la tombe l'urne qu'elle porte , ^
Tome /» I
150 A G A
qui efl remplie des cendres de fon marî. Derrière eft
pôle fur une colonne , un vafe rempli de fleurs. On
ne peut trop admirer le génie de l'Artifte qui a fu
mettre en fcene les imperfections apparentes d'une
pierre.
U agate herhorlfée OU arhoriféc^ que l'on nom.me aufîi
dmdragate , & que les Anglois & les Italiens appellent
mocco y de Moka , ville & port d'Arabie , d'où on l'ap-
porte , eft celle fur laquelle on voit des ramifications
qui repréfentent des mouffes , des buiffons, des arbres:
il y en a de la dernière élégance ; les troncs , les bran-
ches , les feuilles y font delîinés avec précifion & avec
légèreté : dans quelques-unes , cii les extrémités des
ramifications font d'une belle couleur jaune ou noire,
ou d'un rouge vif, on les prendroit prefque pour à.z%
fleurs ; par- tout on y reconnoît le pinceau de la Nature.
Toutes ces belles herborifations ne font cependant
dues qu'à des matières métalliques qui fe font filtrées
& interpofées dans la fabftance des agates. La cou-
leur du fond dépend de l'efpece d'agate : il efl tranf-
parent dans les orientales. Les agaus herborifies ne font
point toutes aufTi parfaites. Foye^ De nd rites. A
l'égard des agates mcuffcufes , il y en a qui contiennent
effedivement dans leur fubflance des plantes de la fa-
mile des Byffus ; on diroit qu'il y a des filets cylin-
driques rapprochés en flocons dans les unes , ou feu-
lement entrelacés dans d'autres.
Les agates verddtrcs tranfparentes font les pfcudo"
prafes dures, U agate blanche efl le cacha- long. Voyez
ce mot, ^
On donne aux agates lenticulaires le nom de pierres
de Saffenage, Voy^T. Pierre d^ hirondelle.
On eft parvenu à colorer les agates blanchâtres
fans couleur , & à perfeQionner la régularité des
agates jafpées,
M. Du/ai a. fait fur cet objet plufieurs expériences
inférées dans les Mioioim de l'Académie. Les
A G A 131
pîerfes dures , telles que les agates , le crîftal de roche ,
ne fe diffolvent dans aucun acide ; cependant ces
rnêmes acides , chargés de parties métalliques , en
pénètrent plufieurs : phénomène curieux , qu'on a
lieu d'obferver fouvent dans la Chimie. Si donc Ton
met fur un morceau à^agate blanche de la diffolution
d'argent dans l'efprit de nitre, & qu'on expofe cette
pierre au foleil, & qu'aufîi-tôt que la dilTolution eft
îechée, on la mette dans un lieu humide, qu'on
l'expofe derechef au foleil, V agate {q teindra prompte-
ment d'une couleur brune tirant fur le rouge; elle
fera plus foncée & pénétrera plus avant, fi on y
remet de nouvelle diffolution. Que l'on ajoute à la
diffolution le quart de fon poids de fuie & de tartre
rouge , la couleur tirera fur le gris ; fi , au contraire ,
on ajoute à la diffolution de l'alun de plume , la cou-
leur fera d'un violet foncé , tirant fur le noir. Il y
a dans cette forte ^ agate , & dans la plupart des autres
pierres dures, des veines prefque imperceptibles, qui fe
laiffent plus facilement pénétrer de la couleur , que le
reffe; en forte qu'elles deviennent plus foncées, &
forment de très- agréables variétés qu'on ne voyoit
pas auparavant. La diffolution d'or ne donne à Vagatc
Gu'une légère couleur brune ; celle du bifmuth la teint
d'une couleur qui paroît blanchâtre & opaque lorfque
la lumière frappe deffus , & brune quand on la re-
garde à travers le jour. Les autres diffolutions de
métaux & de minéraux n'ont donné aucune forte de
teinture.
Si l'on veut tracer fur V agate des contours, des
deflins réguliers , le mieux eft de prendre de la diffo-
lution d'argent avec une plume, & de fiiivre les
contours tracés avec une épingle : comme il eff nécef-
faire que V agate foit dépohe , il faut que la diffolution
foit bien chargée d'argent , afin qu'elle puiffe fe criflal-
lifer promptement au foleil , & qu'elle ne coure point
rifque de s'épancher; les traits, pour lors, font aff^
I z
i32 A G A
délicats , maïs n'ont jamais la Hhq^Çq du trait de la
plume.
On diilingue facilement V agate naturelle de l'artifi-
cielle. En chauffant l'agate colorée , elle perd une
<Trande partie de fa couleur , & elle ne la reprend qu'en
mettant deffus de nouvelle difTolution d'argent. Une
autre manière très-fimple, eft de mettre fur l'agate
colorée de l'efprit de nitre , fans l'expofer au foîeil :
en une nuit elle fe déteint entièrement ; mais expofée
au foleil pendant plufieurs jours, elle reprend fa cou-
leur. On voit cependant que ces deux moyens font
capables de décolorer même les pierres foies & les
dmdritcs naturelles. Les faphirs , les améthiftes, mis dans
un creufet entouré de fable &: expofé au feu , y devien-
nent blancs. La couleur des dendrhes naturelles laiiTées
pendant trois ou qu^re jours dans de l'eau - forte,
ne s'alîere point; mais fi on laifTe ces mêmes dendrïtes
fur une fenêtre pendant quinze jours d'un temps hu-
mide & pluvieux, la partie de ces pierres qui avoit
trempé dans l'eau-forte, fe trouve abfolument déteinte
par le mélange des parties aqueufes : car , dans plu-
sieurs cas , l'eau-forte affoiblie diflbut ce que ne dilTou-
droit point l'eau-forte concentrée. Voyei Vexperience de
M, de la Condamine, Hlfioire de r Académie des Sciences ,
13733 , page 25.
Il n'y a à Paris que les Orfèvres & les Marchands
Merciers qui ayent le droit de faire le négoce des
agates, quoiqu'il foit permis à tous les ouvriers de les
employer dans leurs ouvrages. La plus grande quantité
de ces pierres nous eft " apportée d'Aliem.agne, de
Bohême , &:c. Il s'en trouve dans les Montagnes pri-
mitives , mais qui font rarement de la beauté de celles
qui fe rencontrent en géode , dans les pays dont les
terrains ont été formés par dépôt. Quant aux vertus
médicinales de V agate ^ elles font toutes imaginaires.
A l'égard de ces pierres vitreufes appelées agates noires ,
t:llss ne font communément que du vem de yokan ; il
À G A 135
y en a beaucoup aux environs du mont Hécîa en
Iflande. Anderfon avoit donné improprement le nom
à^ agate noire au jayet.
AGATI. Grand arbre du Malabar, que M. L'mnœus
regarde comme une efpece de robïnïa^ & dont le bois
eft tendre , & d'autant plus tendre qu'il efl: plus voifm
du cœur. Vagan croît dans les lieux fablonneux ; fa
racine efl fibreufe & noire ; Ton tronc a vingt-quatre
" pieds de hauteur , & environ fix de circonférence ; fes
branches partent de fon milieu & de fon fommet,&
s'étendent beaucoup plus en hauteur ou verticalement ,
qu'horizontalement. Si l'on fait une incifion à l'écorce^
il en fort ime liqueur claire & aqueufe ^ mais qui
s'épaiffit bientôt & devient gomme ; fes feuilles font
longues d'un empan & demi , ailées & formées de deux
lobes principaux unis à une maîtreffe côte, & oppofées
dire£lement ; ces feuilles fe ferment pendant la nuit ,
c'eft- à-dire que leurs lobes fe rapprochent. Ses fleurs
font papilionacées & fans odeur ; elles naiiTent quatre
à quatre , ou cinq à cinq, fur une petite tige qui fort
de l'aiiTelle des feuilles; il leur fuccede des coiTes
longues de quatre palmes, & larges d'un travers de
doi2;t : elles contiennent des fèves affez femblables aux
nôtres, mais plus petites, qu'on emploie comme aliment.
On dit que fi les temps font pluvieux , cet arbre porte
des fruits trois ou quatre fois l'année.
AGAVE, rojei a r article ÏNO.
Agave, Genre de plantes de la famille à^s lilîa-
cées, qui a de très - grands rapports avec les ^/(9^5^
& qui comprend plufieurs efpeces toutes vivaces ^
dont quelques-unes font remarquables par la grandeur
& répaiffeur de leurs feuilles. Les Américains les
nomment Plttes , & les Mexicains Magneys* Dans les
Agaves Fovaire eft (ons la fleur , & les étamines
dépaffent la corolle. ïl y a :
L'Agave d'Amérique, ou Pitto d'Efpagne, c'eft VAloes
commun : Agave Amerîcana ^ Linn,
13
134 A G A A G N
L'AGAVE appelé metl ou magnd par les Mexicains ^
^gave Mcxicana^ H. R. Son fuc mucllagineux & vif-
queux , eil employé en Amérique pour détacher , &C
en guife de favon : fes feuilles donnent une filaffe qui
a Tufage de celle du chanvre.
L'Agave vivipare, Aloej4mcricanafoborifera^o\\rn,
Son fuc entre en grande partie dans Valoh caballin des
boutiques. Cette plante croît à Saint-Domingue & à la
Jamaïque; du centre de fes feuilles s'élève, à dix à
douze pieds , une hampe ramifiée & qui forme à fon
fommet un beau panicule chargé de fleurs petites ,
verdâtres , & en outre de bulbes prolifères , qui venant
à tomber à terre y prennent racine , & forment de
nouveaux individus.
L'Agave fétide ou le Pitte des Indiens , Agavt
fœtida , Linn. Voyez Alohs Pitte,
L'Agave TUBERELX , Jgave radke tubcrofd ^ foUis
longijjîmis , marginibus fpinojis , Miller. Cette plante
croît aux Antilles.
Il y a encore 1' Agave de Virginie , Agave Virginica^
Linn. Maintenant voyez l'article Alocs.
AGLATIA efl: un fruit dont les Egyptiens faifoient
la récolte en Février. Dans les caraderes fymboliques
dont ils fe fervoient pour défigner leurs mois , la
figure de ce fruit indiquoit celui de fa récolte.
AGLEKTOK. Voyc^ à Vartick Phoque a crois-
sant.
AGNACAT. Arbre qui fe trouve dans une contrée
de l'Amérique , voifine de l'Iflhme de Daritn. Cet ar-
bre qui conferve fes feuilles , reffemble au poirier , &
porte un fruit femblable à la poire , qui efî toujours
vert, même dans fa maturité. La pulpe de ce fruit
efl auffi verte , douce , graife , & a le goût du beurre.
Il pafTe pour exciter puiiTamment à l'amour.
AGNANTHUS. Arbrifleau dont Vaillant fait men-
tion : fes fleurs qui font en bouquets , & placées aux
.extrémités dçs tiges êi des branches, font irrégulicres.
A G N 155
a'une feule pîece , & renferment quatre étammes plus
longues que la corolle, & inégales. Quand la fleur
tombe 5 il lui fuccede une baie qui contient une feule
femence uniforme. Confultez les Mémoires de V Académie
des Sciences , 1 77 2 , & voyez Bois de Savane à l'article
Poirier fauvage de Cayenne.
AGNEAU , Agnus. Ceft le petit de la brebis &
du bélier. Ce jeune quadrupède intéreffe par fa tinii-
. dite. L'agneau par fa douceur , fa muette patience , a
fourni un emblème touchant & révéré de l'innocence
qui fouffre 6c fe tait , & fe préfente fans fe plaindre
au couteau qui va l'égorger.
Les agneaux ne peuvent pas toujours fe relever
auïïi-tôt qu'ils font nés ; c'efl: pourquoi le Berger eft
obligé de les pofer fur leurs pieds , &c dès qu'ils y font,
ils ne tardent pas à s'y foutenir. On prétend qu'il faut
traire le premier lait de la brebis avant de les laifler
teter; mais c'eft une erreur des plus grandes. La Na-
ture, qui n'a rien fait en vain, n'a point placé dans
les mamelles des animaux du lait qui pût incommoder
leurs petits. Il eft démontré , au contraire ,. qu'étant
tout féreux d'abord , il purge les petits , &C leur fait
évacuer leur méconium , qui ne fortiroit point fans
leur caufer de vives douleurs de tranchées..
Dans quelques contrées , lorfque les agneaux font
nés , on les enferme féparément avec leurs mères pen-
dant trois ou quatre jours , afin qu'ils apprennent à
les reconnoître, & que les mères fe réîabliffent fans
accidens. Dans nos climats , les petits agneaux favent
affez bien chercher , trouver , & faifir la m.amelle de
leur mère , même au milieu du troupeau le plus nom-
breux. Quelle fureté d'inflinâ: infpiré par la Nature ?
On nourrit les mères avec de bon foin , du fon , &C
on leur donne à boire de l'eau blanchie avec la fa-
rine de froment.
Dès que les brebis font rétablies , on les laifle aller
. aux champs ; mais on retient les agneaux , qu'oa
I 4
î3(î ^A G N
enferme dans un bâtiment leparé de la bergerie , d'oîi
Von ne les laifTe fortir que les matins pour teter leurs
mères avant qu'elles aillent paître, & les foirs à leur
retour ; ainfi les agneaux ne tettent que deux fois en
vingt- quatre heures ; & lorfqu'ils font en ëtat de man-
ger , on leur donne un peu de foin pour les amufer
6c les empêcher de bêler, tandis que les mères font
aux champs.
Mais une nourriture plus analogue à celle qu'ils
reçoivent de leur mère, c'eft du lait de vache ou de
chèvre, dans lequel on met des pois cuits ou des fèves:
on les accoutume peu- à- peu à cette nourriture , en
leur m.ettant le doigt dans la bouche & le nez dans le
lait , afin qu'ils s'imaginent fucer la mamelle : une
preuve que cette nourriture leur convient , c'eft qu'ils
cngraifTent en très-peu de temps.
On ne mené les agneaux aux champs que vers la
fin de Mars , & on les fevre vers la fin d'Avril. Ceci
s'entend des agneaux nés en hiver , c'eft-à-dire , depuis
O£lobre jufqu'en Mars. On ne les fevre ordinairement
qu'à ûx femaines ou deux mois.
Les agneaux les plus vigoureux , les plus gras & les
plus chargés de laine & à toifon blanche , lont ceux
que l'on préfère pour les élever. Ceux de la pre-
mière portée ne font jamais fi robuftes que ceux des
autres.
Les agneaux mâles doivent être châtrés à l'âge de
cinq ou {\x mois , autrement ils deviendroient des bé-
liers , uniquement propres à perpétuer l'efpece; &
trois ou quatre fuffiîent dans un très-grand troupeau.
Pour faire cette opération , on leur ouvre le fcrotum
avec un inftrument tranchant ; on en détache les tefti-
cules , puis on coupe im doigt au - deffus le cordon
qui les fufpend , & qui y porte la nourriture & la
matière féminale. On eft dans l'habitude de lier les
tefticules , & d'attendre qu'ils tombent d'eux-mêmes ;
ou , après qu'on les a coupés , de faire une ligature ,
. A G N 137
afin d'arrêter une hémorragie qui eft plus falutaire
qu'à craindre ; mais on efl revenu de cette erreur ,
depuis que l'on fait que la ligature des cordons des
tefticules caufe des accidens très - graves , &c que
les vaiffeaux qui s'y rendent font fi petits , que l'hé-
morragie qu'ils caufent ne peut qu'être falutaire , &
prévenir les grandes inflammations.
Lorfque les agneaux font châtrés, ils font triftes
& malades ; on ne doit point leur donner des alimens
échaiiffans, comme font toutes les efpeces de grains
dont on les nourrit ; du fon mêlé d'un peu de fel , leur
fuffit avec un peu de foin haché. On les tient à ce
régime pour prévenir le dégoût qui fouvent fuccede
à cet état, jufqu'à ce qu'ils recommencent à bondir;
ce qui arrive ordinairement au bout de deux jours,
lorfque l'opération eft faite comme on vient de la
décrire.
Les jeunes agneaux font quelquefois attaqués de la
fièvre; on confeille dans ce cas, de leur donner à
boire le lait de leur mère , avec autant d'eau.
Il leur arrive encore une efpece de dartre au menton;
& de petites ulcérations à la langue & au palais , qui les
incommodent beaucoup , foit pour manger , foit pour
teter. Dans ce cas , on doit frotter les parties malades
avec partie égale de fel marin & d'hyfope, que Ton
écrafe dans un mortier avec un peu de vinaigre.
Que d'utiUtés ne retire*t-on point de cet animal
domeftique, qui ne doit , pour ainfî dire , fon exiftence
qu'à l'homrne feul , qui a fu le défendre contre tous
les ennemis au7^quels lexpofoit fa foibleffe !
Ses inteftins ou boyaux préparés & filés , fervent aux
inftrumens de Mufique, à faire àes raquettes, & à
d'autres ufages : pour cela , des ouvriers prennent des
boyaux d'agneau ou de mouton qu'ils vident ; enfuîte
on les fait macérer dans l'eau , on les dégraiffe & on
en ôte les filandres , puis on les replonge dans l'eau
pour les faire blanchir; c'eft alors que des femmes les
138 A G N
retirent & les coufent les uns au bout des autres , afin
de leur donner précifément la longueur que la corde
doit avoir. Tout cela fait , les boyaux font en état d'être
filés, un ou plufieurs enfemble, félon la grofîeur qu'on
veut donner à la corde , & en la manière des Cordiers :
enfin , on fait deffécher les cordes à l'air , on les
dégrofîit en les frottant rudement avec une corde de
crin imbibée de favon noir, & on les adoucit avec
l'huile de noix, pour les rendre plus fouples. Le plus
grand commerce des cordes à boyau fe fait à Touloufe ,
à Lyon , à Marfeille , à Paris , & notamment à Rome
& à Naples.
La peau à^ agneau^ garnie de fon poil & préparée,
donne une excellente fourrure , que l'on nomm^ fourrure
d'agndln. Dépouillée de fa laine &: palTée en mégie,
on en fabrique des marchandifes de ganterie.
Lorfqu'on a mieux entendu les intérêts du commerce
& des manufadures , l'on a reflreint à certains temps
de l'année & à certains lieux , la permifTion de
tuer des agneaux^ dont la fourrure efl fi utile aux
Fabriques. On l'emploie pour toute forte d'étoffes,
de marchandifes de bonneterie, & dans la fabrique
des chapeaux.
On n'eft point encore parvenu dans ce pays-ci à
fe procurer d'aufTi belles toifons que celles que donnent
les agneaux de Perfe , de Lombardie, de Tartarie.
En Mofcovie, les fourrures des agneaux de Perfe
font préférées à celles de Tartarie ; elles font grifes,
d'une frifure plus petite & plus belle; mais elles font
fi chères , qu'on n'en garnit que les retroufTis des ve-
temens. La peau des agneaux morts-nés de Tartarie
Calmouque, & des bords du Wolga , porte une laine
noire, fortement frifée, courte, douce & éclatante.
Les Grands de Mofcovie en fourrent leurs robes &
leurs bonnets.
Pour compléter l'hifloire d'un animal fi utile , voyez
l« mot Bélier.
A G N 139
Agneau d'Israël, roye^ Daman - Israël.
Agneau Tart ARE ou de Scythie, a^nus Scy^
thicusy eu le nom que l'on a donné à une plante , de
laquelle grand nombre d'Auteurs ont dit bien des mer-
veilles , en fe copiant peut - être les uns les autres-
Kircher eft le premier qui en ait parlé. Au rapport de
Scaliger^ rien n'eft comparable à l'admirable arbriffeau
^eScythie^ qui croît dans l'ancienne Zaccolham. Cette
plante, dit-il , s'élève de trois pieds de haut ; on l'appelle
horameti ou agneau , parce qu'elle reffemble parfaitement
à cet animal par les pieds, les oreilles, les ongles
& la tête; il ne lui manque que les cornes, à la
place defquelles elle a une touffe de poil ; elle eft
couverte d'une peau légère, dont les Habitans font
des bonnets. Pour rendre la fable plus complète, il
n'a pas manqué de dire que la pulpe de cette plante
refTembloit à la chair d'écreviffe, qu'il en fortoit du
fang : ce qui ajoute au prodige, c'efl: que fa racine»
qui eft très-rampante, tire fa nourriture des arbrifleaux
circonvoifins , & qu'elle périt lorfqu'ils meurent. L'il-
liiflre Kcmpfer, en fon voyage de Tai tarie , ne man-
qua pas de faire des recherches de cette prétendue
plante, mais fans fuccès. Il penfe que ce qui a donné
lieu à ce conte , eft l'ufage oii l'on ell en Tartarie,
afin d'avoir de la laine plus fine , d'arracher certains
agneaux , avant le temps de leur naiffance , du fein de
leurs mères que l'on fait périr. C'eil avec ces peaux
d'agrieaux que l'on borde des robes, des manteaux,
des turbans. Des Voyageurs commerçans, tout occu-
pés de leurs intérêts , & peut-être peu inftruits de la
langue, ont apporté à leurs Compatriotes ces peaux
d'un animal pour la peau d'une plante , & des Curieux
ont conclu de là que le borameti eil im zoophyte ou
animal-plante.
M. Hans-Sloam dit que Vagnus Scythicits efl: une
racine longue de plus d'un pied , de l'extrémité de
îaquelle fortent quelques tiges longues d'environ trois
I40 A G N
à quatre pouces ; qu'une grande partie de fa furface eft
couverte d\in duvet noir ou jaunâtre, auffi luifant
que la foie, de la longueur d\in pouce; d'une nature
û aftringente , qu'on s'en fert pour les crachemens de
fang. Il femble , dit-il, qu'on ait employé l'art pour
lui donner la figure d'un agneau. Que conclure des
recherches de ces deux illuftres Naturalises? Qu'il
exifte encore bien de l'incertitude dans un grand nom-
bre de connoiffances humaines.
Parmi les diiTérens jmorceaux de borameti qui fe
trouvent dans le Cabinet de Curiofités naturelles à
Chantilly, nous avons reconnu que ce ne font que
les collets des racines d'une efpece de fougère, revêtus
d'un duvet jaune-rougeâtre. On profite de la diftri-
bution des racines, pour les difpofer en pattes; quel-
ques irrégularités fur le collet de la plante, forment
la tête , les oreilles. Ces borameti^ déiignés fous le nom
de poco di Jimpie^ croifTent proche de Samara fur le
Wolga. Voyez Pclypodz de Cayznm,
AGNUS CASTUS, v'uex foliis angiifiLonhus , cannabis
modo difpcjitïs , C. B. Pin. 47 5 : Àgnus folio non fer-
vato y J. B. J. Î05 : f^itex, Dod. Pempt. 774. Arbrif-
feau qui jette plufieurs branches pliantes, difficiles à
rompre ; fes feuilles naifTent oppofées , oblongues , &
font difpofées en main ouverte, comme celles du chan-
vre; (ts fleurs font odorantes, en épis & par anneaux ,
placées à l'extrémité des petites branches , de couleur
de pourpre , d'une feule pièce , irréguiieres & fermant
comme deux lèvres. Son fruit efl fphérique comme
un grain de poivre, d'une faveur acre, & renferme
quatre femences oblongues.
Cet arbre croît naturellement fur les bords des
fleuves & des torrens , en Italie 6c dans les Pays
méridionaux : on le cultive dans nos jardins ; il
fleurit au mois de Juillet. Cet arbrifTjau eft propre
à faire la décoration des bofquets d'été , par içs
longs épis chargés de fleurs. Toutes les parties de
A G O 141
cet arbriffeau répandent une cdeur peu agréable.
Cette plante contient, fur- tout la femence, beaucoup
de parties volatiles : les Médecins l'ordonnent pour
calmer les maladies hyftériques. On avoit attribué
autrefois à cette plante la propriété de mettre un
frein à la concupifcence de la chair, ce qui lui a fait
donner le nom ^agnus caflus,
AGOUALALY. Voyc^ Bois épineux jaune.
AGOUTI ou Agouti. Animal qui paroît être particu-
lier aux contrées méridionales & chaudes de l'Amérique :
c'eft le quadrupède le plus commun de la Guiane ;
c'eil le Cuniculus omnium vulgatijjimus , Agud vulgb de
Barrere ; le Mus fylvejlrls Amcricanus curùcuVi magnl-
tudine. , porcelli pïlïs & voce , de Ray ; & le Cuniculus
caudatus , auritus , pilis ex rufo & fufco mixtis
yejîitus , de M. BrifTon. Quelques-uns en diflinguent
deux efpeces par la groffeur , ou par la taille : la
plus grande efpece eft un peu plus grande que le
lièvre. Tous les bois font pleins ^agoutis. On le
trouve également répandu dans les hauteurs & dans les
plaines.
V agouti vulgaire a été regardé mal à propos comme
une efpece de lapin ou de gros rat , ayec lefquels il
n'a que de très-petits caractères de reffemblance , &
dont il diffère effentiellement. Vagouti efi: de la grof-
feur d'un fort lièvre , fort agile ; fa tête approche
de celle du rat ; il a la lèvre ilipérieure fendue comme
le lièvre , & avancée au-delà de l'inférieure ; le mu-
feau comme le loir ; il a le cou long ; fes oreilles
font courtes , larges & arrondies : il efl couvert d'un
poil brun , roufTâtre , mais rude ; fa queue nulle , ou
à peine apparente , en un mot plus courte que celle du
lapin , eft dégarnie de poils , de même que les jambes
de derrière ; fes jambes font courtes & menues ; les
pieds antérieurs font divifés en quatre doigts terminés
par des ongles , tandis que les pieds de derriçre çn
çïït trois.
T4i A G O
V agouti a deux dents incifives dans la mâchoire
fupérleure, & deux autres dans la mâchoire inférieure,
femblables à celles de la marmotte : il a le grogne-
ment & la gourmandife du cochon ; il fe plaît à faire
du dégât , à couper & à ronger tout ce ciu'il trouve.
Il fe nourrit des racines de manioc , de patates , des
fruits & des noyaux qui tombent des arbres. Ces
noyaux font le maripa , le tourlouri , le conana ^ le
karapa , Vaouara, Ces derniers , fuivant l'obfervation
du dofteur de la Borde , donnent à leur chair une
faveur infiniment amere. Lorfque \ agouti efl: devenu
adulte , il fe tient fouvent debout. Il tient fon manger
& le porte à fa gueule ( bouche ) avec fes pattes de
devant , comme l'écureuil. Prévoyant comme le re-
nard , lorfqu'il eft raflafié , il cache en terre , à demi-
pied de profondeur , le refte de fes alimens pour les
retrouver au befoin.
La femelle de cet animal porte deux ou trois fois
l'année : elle ne met bas eue deux petits , rarement
trois ou quatre ; mais avant fon accouchement , elle
prépare fous un buifîbn , plus communément c'eft
dans un trou qu'elle creufe , un lit d'herbes , de feuilles
& de moufle : elle allaite it^ petits dans cet endroit
pendant deux ou trois jours , & enfuite elle les tranf-
porte dans des creux d'arbres , rez terre , dans des
Touches pourries, où elle les foigne jufqu'à ce qu'ils
puiflent fe pafler d^elle. Ce trou a intérieurement des
fmuofités , mais n'a qu'une iiTue. On chafle V agouti de
plufieurs manières , avec des trappes , à l'affiit , au
fufiL Les Nègres en prennent beaucoup avec des chiens.
Il fe fait courir comme le lapin ; il va pas à pas de
même dans- le fourré ; s'il traverfe \\n chemin , il ne
fait qu'un faut.
V agouti a la vue bonne & l'ouïe fubtile ; il efl: ex-
trêmement craintif : il s'arrête & écoute comme le
îievre y quand on le flflle ; & c'efl le temps qu'on
prend pour le tirer. ( Les Nègres cha fleurs à les la-
A G O 145
diens favent fiffler très-adroitement Vagoutl : pour cela
ils fe fervent d'un morceau de feuille de pinmu. Alors
l'animal s'approche. ) Il court très-i>ien en montant &
en rafe campagne ; mais il efl perdu lorfqu'il a le
malheur de fe trouver dans un champ de cannes cou-
pées ; à chaque faut qu'il fait , il s'enfonce dans les
pailles qui ont quelquefois un pied de hauteur , oc il
a beaucoup de peine à réitérer fes fauts , parce que
fes jambes font très-courtes. Comme fes jambes de
devant font plus courtes , dans les defcentes il culbute
cul par-deffus tête. Lorfqu'il eft lancé , pourfuivi par
les chiens , il court aufîi vite que le lapin partant du
gîte , il tâche de gagner l'eau ou des trous qu'il creufe
lui-même , ou des creux d'arbre oii il fait fa retraite
ordinaire ; mais en fouillant l'un & en mettant le feu à
l'autre , on l'oblige de déloger, & on le tue en fortant.
Vagoutl refte enfermé dans fon trou pendant
la nuit : s'il en fort y c'eft quand la lune éclaire.
Alors il n''eft pas rare de les entendre de loin racler
avec leurs dents les noyaux de palmier & même le
bois. De même , & bien plus promptement que les
rats , ils favent agrandir , avec leurs dents , les trous
en bois , par où ils veulent paffer. Lorfque cet animal
eft irrité , ou qu'il â peur , il hérifle le poil rude de
fa croupe ; il frappe la terre de fes pattes de derrière
comme les lapins ; il jette de la terre avec i^s pattes
de devant ; il mord quelquefois , mais fes dents ÔC
fes griffes ne font pas plus redoutables que celle du
lièvre & du lapin. On peut , étant pris jeune, l'appri-
voifer dans une habitation. Il s'y tient toujours à
l'écart tant qu'il peut ; il fe laifle manier quelquefois.
M. di la Bords en nourrifToit un avec du poiffon ,
de la viande cuite ou crue , & des bananes. Il pa-
roiflbit friand A^s excrémens du perroquet & des
poules ; il s'étoit fait im magafin , où il charioit tout
ce qu'il pouvoit attraper de bon à manger.
Vagoutl efl: très - commm;i en Ançiérique dans la
144 A G R
Terre - ferme & dans toutes les liles , ( notamment dans
les petites Mes marines vers Tembouchure de l'Ama-
zone,) excepté à la Martinique : peut-être, dit- on ,
les ferpens en font-ils la caufe. Quand on commença
k habiter la Guadeloupe , on n'y vivoit prefque d'autre
chofe : fa chair efl un peu feche , blanche, fans graiffe,
& a en tout temps un goût de venaifon : elle approche
beaucoup de c lie du lapin ; on l'ëchaude & on l'ap-
prête comme le cochon de lait. On mange les vieux
comme les jeunes ; on diftingue même ceux de certains
quartiers, ceux des bords de la mer font réputés les
meilleurs ; il y a aufîî certains cantons de terre où
leur chair devient plus favoureufe , & (i ce gibier n'eft
pas plus eftimé , c'eft parce qu'il eft trop commun :
en effet , les habitans en regorgent. Les Sauvages font
iifage des dents incifives de V agouti , qui foat très-
tranchantes , pour fe découper la peau dans leurs céré-»
monies de deuil. La peau de V agouti efl dure & très-propre
à faire des empeignes de fouliers. \J agouti parôît être du
même genre que Yacouchi^ mais V agouti efl confiam-
ment une efpece plus grande que celle de Vacouchi.
Voyez AcoucHi.
AGRA. Bois de fenteur qui vient de l'Ifle de Hainan
à la Chine : on en diflingue de trois fortes. Il paroît
que ce bois, fur lequel on n'a pas d'autre connoif-
fance , eft très - eftimé , & qu'il fe vend très - cher à
-Canton. Les Japonois font aulli grand cas de Vagraca-
ramba , efpece de bois de fenteur purgatif.
AGRAHALÏD. C'eft, félon Umery ^\m arbre grand
comme un poirier fauvage , peu branchu , épineux ,
reffemblant au lycium ; auiïi Ray , qui dit que Vagrahalid
naît en Egypte & en Ethiopie , le caraélérife ainft ,
Lycio affinïs jEgyptiaca : An, celajirus BuxifoUus , Linn.
Sa feuille ne diffère guère de celle du buis ; elle efl
feulement plus large & plus rare : fes fleurs font peu
nombreufes, blanches, femblables à celle de l'hyacinthe,
mais plus petites ; il leur fuccede de petits fruits noirs,
approchant
A G R 145
approchant de ceux de Thieble , & d'un goût flyptique
amer : (es feuilles aigrelettes & aftringerites font efti-.
niées antivermineufes , prifes en detocïlon.
AGRESTE. Nom donné à un papillon de jour ,
qui n'emploie que quatre pattes pour marcher. On
en diftingue deux efpeces , le grand & le petit. Leur
couleur efl d'un brun clair ; près du bord des ailes
fiipérieures la nuance eu moins foncée , & offre deux
yeux à prunelles blanches. L'extrémité des ailes infé-
rieures offre une bande compofée de quatre taches
fauves ; un œil à prunelle blanche eu dans la dernière.
Le deffous des ailes fupérieures offre un fond fauve,
nué de jaune , avec un œil , le tout encadré dans une
bordure marbrée de gris-brun ; le fond des ailes infé-
rieures eft marbré de couleur de biflre , partagé en deux
par une bande d'un gris -blanc & fmueufe ; la bafe de
cette aile a un œil brun ; le deiTus des ailes fupérieures ,
dans l'efpece femelle , offre dans chacune une bande jaune
avec deux yeux noirs à prunelles blanches ; le defTus
des fécondes ailes offre quatre grandes taches fauves.
Ce papillon paroît en été en Alface : on le voit dans
les campagnes , les montagnes arides , pierreufes , èc
les forêts fablonneufes de quelques autres contrées. Le
defTus des ailes de la petite efpece , préfente dans chacune
une bande fauve continue avec trois taches brunes
chez la femelle, & feulement deux dans le mâle. La
partie fauve , au-deffous de l'aile fupérieure, n'offre
qu'un œil à prunelle blanche ; le deffous de la féconde
aile oifre des bandes petites , brunes , grifes , en forme
de croifTant.
AGRIPAUME ou Cardiaque, Cardiaca^ L B. 3;
320. Dod. Pempt. 9^. Lob. Icon. ^16 : Leonurus
tardiaca ^ Linn. 817. Plante qui vient communément
dans les environs de Paris parmi les décombres , &
aux lieux incultes & efcarpés. Sa racine efl vivace &
fibreufe ; fes tiges font nombreufes , affez droites ,
quadrangulaires , ïories y dures , braachues , hautes de
Î46 A G R A G 15
deux à trois pieds, &C d'un rouge -brun; les feuiîîes
de la tige font vertes , lancéolées , échancrées ou dé*
coupées en trois lobes , Si dentelées ; les feuilles infé-
rieures font larges , arrondies , quoique incifées &
dentées. Toutes font oppofées, pétiolées 6c ridées ;
fes fleurs font petites , en gueule , légèrement purpu-
i4nes & velues ; le calice eit cylindrique , ftrié , Si a cinq
dents ou pointes égales & évafées , quatre étamines &c
quatre ovaires. Aux fleurs fuccedent des graines oblon-
gues 5 lifTes , brunâtres. Toute /cette plante efl d'une
odeur forte Si d'une faveur un peu amere : on prétend
qu'elle guérit la cardialgie des enfans, & fait mourir
les vers plats &: les lombrics ; mais M. Huiler obferve
que la cardiaque , qui par l'odeur doit avoir les
Vertus du lamïum , n'eft prefque plus d'ufage.
AGRIPENNE. Voyez Ortolan de la CarGllnc,
AGROPILLE. VoyQi Egagropille.
AGROSTIS. Nom donné par les Botanifles à un
c^enre de plantes de l'ordre des Graminées , Si qui ont
beaucoup de rapport avec les millets. Les fleurs font
ordinairement en panicule finement ramifié ; la balle
extérieure efl à deux écailles ,*& un peu plus grande
que l'intérieure; il y a des agroftis à fleurs barbues ;
leurs racines font annuelles , d'autres font à fleurs nues
& fans barbe ; leurs racines font vivaces. Vkernlcc efl
im agrojlis.
AGROUELLES ou EcROUELLES, Scrophula aquatica.
On nomme ainfi de petits vers aquatiques à pUifieurs
pieds, dont le corps efl court. Si la queue courbée.
Ces vers fe trouvent dans les puits , les fontaines &
les livieres ; ceux qui ont le m.alheur d'en avaler ,
ont des ulcères à la gorge &: ailleurs.
AGUA, Bnfo Brafiuzvfis ^ Seba. Efpece àt crapaud
du Bréfil ; il efl: couvert de petites éminences , excepté
dans le deffous du corps qui eil: liiTe. Le corps efl rond
& marqué de taches d'un rouge de feu fur un fond
gris-ccndrc. Il a quatre doigts aux pieds d§ devant \ les
A G U ^ ^ 147
pieds de derrière en ont cinq réimîs par des mem-
branes ; fes yeux font gros , étincelans ; la tête prefque
triangulaire. Les Braûiiens nomment ce crapaud ,
agua-gua ^ & par corruption, aquaquaquan.
AGUACATÈ, vulgairement Avocat, Voyez Avo-
catier.
AGUAPECACA. Ct^ le Jacana. armé» Foyei ce
mot.
AGUARA-PONDA, Flolafpkata Brafillana, Plante
du Bréfil, haute d'un pied ou environ, lemblable à la
violette pour le port ôc l'odeur. Sa racine eil droite,
peu grofïe & fibreufe ; fa tige eil liffe , ronde , verte
bc noueufe, il fort de chaque nœud quatre ou cinq
feuilles étroites, crénelées, pointues, vertes &: inégales.
Ses fleurs , qui naiiTent au fommet de la tige , font d'un
bleu violet & à cinq pétales. On diflingue une autre
efpece Jaguar a-ponda , dont les fommets des tiges font
marqués d'un cube creux, qui forme une efpece de
cafque vert.
AGUARAQUYA. Les Caraïbes donnent ce nom ;
alnfi que celui dioukoumeli ^ au folanum ( morelle )
de Plumur, C'eil le Laman de Saint-Domingue.
AGUARIMA. Foyei Herbe a colet.
AGUÏLLAT ou Aiguillât. Foyci Chien de
MER.
ÀGUL ou Alhagi , Planta fplnofa mannam rec'iplens:
Hedyfarum dicîum alhagi maurorum^ Linn. fp. pi. 745.
n. I. Petit arbrifleau épineux, haut d'une coudée, fort
branchu , croiffant en buiflbn : fes racines font longues
& rouges : fes feuilles font oblong;ues & de couleur
• Al/
cendrée : il porte beaucoup de fleurs rougeatres , legu-
mineules, auxquelles fuccedent de petites gouffes
longues , rouges , reflemblantes à celles du genêt , pi-
quantes &: pleines de femences qui ont la même couleur
que la gouffe. On trouve Vagul en Perfe, aux environs
d'Alep ôc de Méfopotamie. Ses feuilles & fes branches
ie chargent dans les grandes chaleurs de l'été ^ d'iuie
148 A H A A H O
liqueur grafle & ondlueufe, qui a la coufiftance du
miel. La fraîcheur de la nuit la condenfe, & la réduit
en forme de grains, que Ton nomme manne dW/z^«^i,
& que les Naturels du pays appellent trangcbin. On
réunit ces grains de la groileur des grains de corian-
dlre, & on en fait des pains aflez gros, d'une couleur
îaunc-foncée. Trois onces de cette manne dans une
infufion de féné purgent bien . Cette manne eft cepen-
dant inférieure en bonté à la manne de Calabrc, Voyez
Manm,
AHATÉ. Arbre originaire des Indes , & qui a été
tranfporté aux Mes Philippines. Il s'élève à la hauteiu"
d'environ vingt pieds : il eft d'une groffeur médiocre :
ion écorce eft fongueufe & rouge en dedans : fon bois
eft blanc & dur : {es branches font peu nombreufes ,
& couvertes d'une écorce verte & cendrée. Ses feuilles
font oblongues ; froiffées dans la main , elles rendent
une huile fans odeur. Sa fleur eft compofée de trois
feuilles triangulaires , épaiiTes comme du cuir , blanches
en dedans , vertes en deffus , & exhalant une odeur
de cuir brûlé , quand on les met au feu. Son fruit ,
dans fa maturité , eft de la groffeur d'un citron ordi-
naire y vert & ftrié par dehors , blanc en dedans , &
plein d'une pulpe fucculente , d'un goût & d'une
odeur agréables : fes femences font oblongues , lui-
fantes & enfermées dans des cofTes. Ce fruit .^ de même
que la nèfle , mûrit dans la ferre. Cet arbre , qui aime
les clim.ats chauds , fleurit deux fois l'an. Sa racine
eft jaunâtre , d'une odeur forte & d'un goût onélueux.
On trouve une longue defcription de Vahaté de Pauncho
Requi y dans le Di&ionnaire de James,
AHIPHI. Voyei Bois Immortel.
AHOUAI du Bréfil , Cerhera ahoual , Linn. : Arbor
Americana ^ foliis pomi , friiciu trïangulo^ Bauh. Pin. 434.
Arbre de la hauteur d'un poirier ordinaire , dont l'é-
corce eft grifâtre , pleine d'un fuc laiteux , & qui
porte, vers le fommet de fes branches, des feuilles
A H O 14^
iéparfes , un peu coriaces , & qui ont afféz la forme
de feuilles de poirier. Ses fleurs font jaunes , mono-
pétales , découpées en cinq lobes obliques , ouverts
en étoiles , & contiennent cinq étamines & un piftiL
Les fleurs , au nombre de llx ou fept enfemble , ter-
minent les rameaux. Son fruit a la figure d'ime poire ;
il eu charnu , & contient un noyau ( quelquefois
deux , ) triangulaire , brun &c très-dur. Les Indiens
enfilent pkifieurs de ces noyaux , & les attachent à
leurs jarretières &: à leurs tabliers , ou à leur ceinture,
comme ornement , & à caufe du bruit que font ces
noyaux, lorfqu'ils fe heurtent les uns contre les au-
tres ; ce font leurs grelots. Le P. Labai , dans fon
voyage aux Illes de l'Amérique , appelle ces noyaux
noix de ferpent , parce qu'il prétend que l'amande de
ce noyau , appliquée en cataplafme , guérit de la mor-
fure àwfcrpcnt afonncttcs, M. Z/w^ri préfente plufieurs
raifons de douter que le fruit que ce Père dit avoir
employé , foit véritablement le fruit de cet arbre ;
car fa defcription ne s'accorde point avec les arbres
qu'on a élevés au Jardin du Roi, pro venus des fruits
de VahouaL De plus , les perfonnes des Ifles lui donnent
toutes une qualité venimeufe, tout-à-fait oppofée à
celle que ce Religieux lui attribue.
On diflingue plufieurs autres efpeees de ce genre
de plante à fleurs monopétalées , de la famille des
Apodns ; toutes font des arbres étrangers , pleins d'un
lait caudlque ,. & qui offrent d'affez belles fleurs. Il
y a V allouai des Antilles , Ahouai nerii folio , Jlore luteo ^,
Flum. V Ahouai des Indes orientales , Manghas lacief-
cens , foUis nerii , crajfîs , venenojis , jafmini flore ^ fruclit
pirflcœ flmiU venenato , Burm. Zeyl. : Odallam du Mala-
bar. Son fruit eu un poifon qui excite le vomilïement.
On fe fert à Amboine de fon écorce pour fe purger.
Paimpkius fait mention de V ahouai à feuilles oppolées,
C&rhera oppofiti folia ; Laciariafalubris ; Upas lacki lackl
Malacecnjîum ; ôc de Y Ahouai à fruit en moule ^
K3
MO A H U
Cerbera fruclu mufmuformL Ces deux ahouals Crolïïent
dans les Moluqiics & les Mes de la Sonde.
AHU, Capna campcpis ^utturofa ^ Gmelin. Cet ani-
mal , nommé par les Perfans ahu , & t^dran par les
Turcs, cil une grande efpece de gazelle. îlreflemble,
(elon Olcarlus , en quelque forte à notre daim , finon
qu'il eft plutôt roux que fauve fur le dos & les côtés,
& que {qs cornes font fans andouilleres , couchées fur
le dos 5 félon Gmelin , qui défigne Vahu Ibus le nom
de dshzrm : il reflemble au chevreuil , à l'exception
des cornes , qui , comme celles du bouquetin , font
creufes & ne tombent jamais. Cet Auteur ajoute qu'à
mefure que les cornes prennent de l'accrciiTement ,
le cartilage du larynx grofiit au point de former
fous la gorge une proéminence confidérable , fur-tout
lorfque l'animal efl âgé. Selon Kempf&r , ^ahu ne dif-
fère en rien du cerf par la figure , mais il fe rapproche
des chèvres par les cornes qui font fimples , noires ,
comprimées en bas , annelées jiifqu'au miHeu de leur
longueur , & longues d'un pied. Cet animal efl défigné
dans les Voyageurs fous les noms corrompus de gàrari
& de j airain.
Les oreilles de Xahu font pointues &c très-longues ;
la m.oitié àçs, poils du cou dirigée en haut, & Tautre
moitié dirigée en bas ; ceux du dos également tournés ,
moitié en avant , moitié en arrière ; la queue aflez lon-
gue & terminée par une toulFe de poils ; le train de
devant plus bas que celui de derrière ; point de broffes
de poils fur le genou , & au lieu d'ergots , une fimple
éminence ou bouton ; la couleur du ventre eil blanche.
La femelle de Vahu n'a point de cornes. Le mâle
a fous le ventre , aux environs du prépuce , un fac
ovale affez grand , & femblable à la poche du porte-
mufc ; il s'y produit une fécrétion dans la faifon des
amours qui eil vers la fin de l'automne. Le mâle a
auffi des proéminences au larynx, kfquelles grofîiiTent
à mefure que les cornes prennent de l'accrciiTement*
Aï A I G 151
' "Les ahits pris jeunes s'apprivoifent sifémê^rtt. Dans
rétat de liberté, ces animaux vont en troupes,^
quelquefois ces troupes de tieirans ou ^ahus fauvages^
fe mêlent aux troupeaux domefliques ; mais ils fuient
â la vue de l'homme.
L'efpece de Vahu fe trouve en Turquie, en Perfe;;,
à la Chine , en Sibérie , dans le voiiinage du Lac
Baikal, & en Daourie.
AI ou H A Y. Animal auquel on a donné , ainfi qu'à
Vmiciu^ le furnom de parcjfciix. Voyez Un AU 6c
Paresseux. . .
A rifle de France on donne auffi le nom dV au
papillon à tête de mort. Voyez cet article,
AJACE-BOÎSSELIERE. ^oy^-^ Pie-griesche grise.
AIAU. Voyei Campane jaune. -A
AÎGLE , Aquïla, Oifeau de proie très-grand, qui va
le jour 5 & qui poffede à un degré éminent les qualités
qui lui font communes avec les autres oifeaux de
proie, comme la vue perçante, la férocité, la vora-
cité , la force du bec ^ à.^s ferres.
Il a régné jufqu'à préfent parmi les Nomenclateurs
la plus grande confufion dans la connoifTance des
oifeaux, qu'on doit mettre au rang des aigles, dont
les uns ne font que des variétés , & lés autres àç%
efpeces qui s'en éloignent. M. de Buffon a obfervé^
comparé , difciité , & a porté la lumière , l'ordre o\%
régnoient les ténèbres & la confufion. On a compté
jufqu'à préfent, dit-il, en Europe, onze efpeces d'aigles :
favoir , i.° Vaïi^le commun^ 2.!^ T aigle à tête blanche j,
Aquila leucocephalos ; -^^^ l" aigle blanc ^ Aquila alba aut
cygnea; 4.^ V aigle tacheté; 5.^ régie a queue blanche ^
Aquila albicilla ; 6.^ le petit aigle à queue blanche , Pigar-
gus ; '^P Y aigle doré,, Chryfaëtos ; 8.^ V aigle noir y Bquila
mœlenetus ; 9.^ V aigle barbu , ou le grand aigle de mer ^
ou orfraie; io.° V aigle de mer appelé balbuzard;
ii.° l'aigle appelé jean-le-blanc^ & par quelques-uns
oifeau Saint - Martin, Ce dernier eft d'abord rejeté
k:4
n^i AGI
de la lifte des aigles, dont il efl très- différent. On
peut réduire à fix les onze efpeces d'aigles d'Europe
mentionnées ci-defTus ; & dans ces ïix efpeces , il n'y
en a que trois qui doivent conferver le nom d'aigles,
les trois autres étant des oifcaux affez difFérens des
aigles pour ex'ger un autre nom.
Ces trois efpeces ^aigles qui appartiennent à l'Eu-
rope, font, i.° y aigle dori^ que M. d& Buffon nomme
aufîi le grand aigle ; 2.° V aigle commun ou moyen ; 3.®
V aigle tacheté , qu'il appelle le petit aigle : les trois
autres font \^ aigle à quau blanche , qu'il nomme pigargue
de fon nom ancien, pour le diftinguer des aigles des
trois premières efpeces , dont il commence à s'éloigner
^par plufieurs caraâ:eres ; V aigle de mer , qu'il nomme
halbuiard de fon nom anglois , ce n'eu point un véri-
table aigle ; enfin le grand aigle de mer , qui s'éloigne
encore plus de l'efpece, & qu'il appeTle orfraie^ de fon
vieux nom françois. Le grand &: le petit aigle font
chacun d'une efpece ifolée &: n'ont point fourni de
variétés ; ma' s \ aigle commun & le pigargue font fujets
à varier. Uaigle blanc ne paroît pas être une efpece
particulière, ni même une race confiante; c'eil: une
•variété accidentelle du grand aigle produite par le froid
du climat , la maladie , une trop longue diète , &: la
vieillefTe ; \ aigle noir n'eft de même qu'une variété de
X aigle brun ou aigle commun. XJ aigle à tête blanche^ & le
petit aigle à queue blanche ^ ne font aufTi que des variétés
individuelles dans l'efpece du pigargue ou grand aigle
<L queue blanche.
Le GRAND Aigle , Aigle doré. Aigle fauve,
ou roux; Aigle royal. Aigle noble, ou le Roi
DES OISEAUX , Aquila aurea , aut Chryfaàos. C'efl le
plus remarquable de tous les aigles par fa grandeur
& par fa force. La femelle a jufqu'à trois pieds &
demi de longueur depuis le bout du bec jufqu'à l'extré-
mité des pieds , & plus de huit pieds & demi de vol
ou d'envergure : elle pefe feize ôi même dix-huit
A I G 15$
livres; le mâle eft plus petit, & ne pefe que douze
livres. Tous deux ont le bec très-fort , recourbé dans
toute fa longueur , mais plus crochu à l'extrémité , &
affez femblable à de la corne bleuâtre ; les ongles noirs
& pointus, dont le plus grand, qui eu celui de der-
rière, a quelquefois jufqu'à cinq pouces de longueur;
les yeux font très-grands , mais paroiffent enfoncés
dans une cavité profonde, que la partie fupérieure de
l'orbite couvre comme un toit avancé. La Nature ,
outre les deux paupières , l'a pourvu, ainfi que plufieurs
autres oifeaux, d'une tunique clignotante , qui a l'effet
des deux autres paupières ; l'iris de l'œil eft d'un beau
jaune clair , & brille d'un feu très-vif; l'humeur vitrée
eu de couleur de topaze ; le criilallin qui eu fec & folide,
a le brillant & l'éclat du diamant; fon bec 6c fes ongles
crochus le rendent formidable ; fa figure répond à fon
naturel. Indépendamment de fes armes, il a le corps
robufte 6c compare, les jambes & les ailes très-fortes,
les os fermes, la chair dure, les plumes rudes, l'attitude
fîere & droite , les mouvemens brufques , le vol très-
rapide. Son œfophage fe dilate en une large poche,
qui peut contenir une pinte de liqueur ; l'eilomac qui
efl au-deffous n'efl pas , k beaucoup près , aufîi grand
que cette première poche , mais il efl: à-peu-près éga-
lement fouple & membraneux ; ce n'efl point un gêner
dur comme dans plufieurs efpeces d'oifeaux. Dans les
autres efpeces d'aigles, c'efl la même organifation inté-
rieure ; leur eftomac efl de Tordre de ceux appelés
À ventricule membraneux. Le grand aigle efl gras , fur-
tout en hiver, fa graiffe efl blanche; & fa chair,
quoique dure & fibreufe , ne fent point le fauvage ,
comme celle des autres oifeaux de proie.
Le grand aigle fe trouve en France dans les mon-
tagnes du Bugey, du Gevaudan & dans les Pyrénées;
dans les montagnes de l'Irlande ; en Allemagne ; dans
les montagnes de la Siléfie ; dans l'Aile mineure , en
Perfê, en Afrique, en Afie, jufqu'en Tar tarie ; mais
^U . , A I G
point en Sibérie , ni dans le relie du Nord de VAfie2
Cette efpece eil aiTez rare en Europe , mais elle l'efl
moins dans nos contrées méridionales , que dans les
provinces tempérées ; on ne la trouve plus dans celle
de notre Nord, au-delà du cinquante-cinquième degré
de latitude; auffi ne IVt-on pas retî-ouvée dans
l'Amérique feptentrionale , quoiqu'on y trouve Vaigle
commun. Le grand aigle paroît donc être demeuré
dans les pays tempérés & chauds de l'ancien Conti-
nent, comme tous les autres animaux auxquels le
grand froid eft contraire , & qui par cette raifon n'ont
pu paffer dans le nouveau.
Avec quelle énergie M. de Buffcm peint le carac-
tère & les mœurs de VaigU^ en le mettant en parallèle
avec le lion ! L'aigle royal , dit-il , a plufieurs conve-
nances phyliques & morales avec le lion ; la forée ,
& par conféquent l'empire fur les autres oiieaux,
comme le lion fur les quadrupèdes ; il a la magnanimité
en partage ; il dédaigne également les petits animaux
& m.éprife leurs infultes ; ce n'eft qu'après avoir
été long-temps provoqué par les cris importuns &
fouvent réitérés de la corneille & de la pie, que
l'aigle fe détermine à les punir de mort ; d'ailleurs
il ne veut d'autre bien que celui dont il fait fa
conquête ; il ne mange jamais d'autre proie que celle
qu'il prend lui-même ; il donne l'exemple de la
tempérance, il ne mange prefque jamais fon gibier
en entier, & il en lailTe, comme le lion, les débris &
les reftes aux autres animaux. Quelque affamé qu'il
foit, il ne fe jette jamais fur les cadavres, fur les
charognes , il lui faut une proie fraîche ; il eil
encore folitaire comime le lion ; trifre par nature , il
île pouffe jamais que des cris lamentables ; il eil: ha-
bitant d'un défert dont il défend l'entrée & interdit
la chaffe à tous les autres oifeaux ; ■ car il eff peut-
être plus rare de voir deux paires d'aigles dans le
même canton, dans la même portion de montagne ^i
A I G lîf
qiie deux familles de lions dans la même portion de
forêt; ils fe tiennent afîez loin les uns des autres,
pour que l'efpace qu'ils fe font départis leur fourniiïe
une ample fiibrillance ; ils ne comptent la valeur &
rétendue de leur royaume , que par le produit de la
chaife. L'aigle a de plus les yeux étincelans, & à-
peu-près de la même couleur que ceux du lien, les
ongles de la même forme , l'haleine tout aufii forte ,
le cri également effrayant : nés tous deux pour le
comibat & la proie, ils font également ennemis de
toute fociété , également féroces , également fiers &
difficiles à réduire ; on ne peut les apprivoifer qu'en
les prenant tout petits.
Ce n'efl qu'avec beaucoup de patience & d'art qu'on
peut dreifer à la chaife un jeune aig/e de cette efpece ;
il devient même dangereux pour fon maître , dès qu'il
a pris de la force &c de l'âge ; on s'en fervoit autre-
fois en Orient pour la cliafle du vol ; on l'a banni de
nos fauconneries , il efl trop lourd pour pouvoir fans
grande fatigue le porter fur le poing, & il n'eil ja-
mais aifez privé , affez doux , affez sûr , pour ne pas
faire craindre fes caprices ou fes momens de colère.
S'il manque de courage quand il éprouve de la réfif-
tance , il eft hardi à l'excès quand il eu. fur de vaincre.
C'efl de tous les oifeaux celui qui s'élevc le phis haut ;
aufîi les anciens Poètes qui a voient dépofé la fou-
dre entre fes ferres , ont appelé l'aigle Voifeaii célejle ,
& le regardoient dans les augures comme le mejfager
de Jupiter, C'étoit cet aigle qui fervoit d'enfeigne dans
les Légions Romaines.
Cet oifeau a peu d'odorat en comparaifon du vau-
tour, mais il a la vue perçante &: ne cbaffe qu'à vue :
c'efl ainfi qu'il ravage les pays voifms de fon nid.
Cet aigle fi célèbre ne peut être que le tyran &
non le roi des lieu:: qu'il habite oi qu'il dévafte. Inu-
tile à l'homme par fon indocilité , par fa force , par
fa taille , il eft le Seau des aninnux. Lcrf qu'il a faifî
156,^ A I G
fà proie , il rabat fon vol , comme pour en éprouver
le poids , & la pofe même à terre avant de l'emporter.
Quoiqu'il ait l'aile très-forte , comme il a peu de Ibu-
plefTe dans les jambes , il a quelque peine à s'élever
de terre , fur- tout lorfqu'il eft chargé ; il emporte aifé-
ment l&s oies , les grues ; ces oifeaux ne font que de
minces fardeaux pour lui. 11 eialeve aufîî les lièvres ,
& même les petits agneaux , les chevreaux ; & lorf-
qu'il fe jette fur les faons & les veaux , ce n'eft que
pour fe raffafîer fur le lieu de leur fang , en déchirer
les chairs , laiffer le corps de l'animal à demi-palpitant,
fur le lieu où il l'a immolé , & il en emporte enluite
des lambeaux dans fon aire : c'ell: ainfî qu'on appelle
fon nid. On afTure que , provoqué par le befoin , ce
tyran de l'air efl afTez hardi pour attaquer auiïï les
brebis , les daims , les chèvres , les cerfs , & même
les taureaux ; & que les humains, fur-tout les enfans, ne
font pas toujours h l'abri de fa voracité , ou au moins
de fes entreprifes. C'eû ainfi qu'il facrifie à fa faim de
nouvelles victimes , quand elle fe renouvelle , & que
fa vie eft en tout l'image de la tyrannie. Cet oifeau
place ordinairement fon aire entre deux rochers , dans
un lieu fec &: à peine accefTible à l'homme : il la
conftruit à peu-près comm.e un plancher , avec des
perches ou des bâtons de cinq ou fix pieds de longueur,
appuyés par les deux bouts & traverfés par des bran-
ches fouples , recouvertes de plufieurs lits de joncs &
de bruyères , ou de peaux d'animaux ; il n'a d'autre
abri que la faillie des rochers; c'efl un ouvrage de
charpente confidéral^le , puifqu'il a quelquefois une
toife de largeur en quarré : aufîi prétend - on que le
même nid eft afTez folide pour n'être fait qu'une fois , &
pour fervir à ValgU pendant toute fa vie. On remarque
avec étonnement que VaigU foit le plus vivace des
oifeaux , quoiqu'il foit le plus amoureux. On a tou-
jours obfervé que les animaux lafcifs ont la vie courte ;
cependant quelques-uns ont avancé que le grand aigle
A I G 157
vît au-delà d'un fiecle. On aflure que le mâle coche
fa femelle jufqu'à vingt fois en un jour, La femelle
pond deux ou trois œufs dans Ion domicile, qui eu.
ion nid , & les y couve pendant trente jours. Parmi
ces œufs, qui éprouvent une forte chaleur de l'incu-
bation , il s'en trouve fouvent d'inféconds ; rarement
trouve-t-on dans un nid plus de deux aiglons; le
père &C la mère leur apportent des lièvres , des
agneaux , &c. fur lefquels ces enfans commencent à
exercer leur férocité naturelle , en un mot , leur ap-
pétit carnaiîîer. Dans certains pays on tire bon parti
d'un nid d^aigle que l'on a découvert , Ôc reconnu
garni d'aiglons ; car quand on peut y parvenir, y
grimper , on y trouve tous les jours diÔérentes parties
d'animaux plus ou moins entiers , tels que faifans ,
perdrix, canards, chapons, &c. & même en abon-
dance. On choifit fon temps pour s'en emparer , afin
d'éviter la furie du père 6c de la mère , & même il eH
prudent de fe garnir la tête d'un cafque. Pour faire
durer cet approvifionnement plus long - temps , on
enchaîne les aiglons jufqu'à ce que le père & la mère ,
laffés d'enfans qui les accablent fans fin de travail &
de foin , les abandonnent ; alors obligés d'aller vivre
ailleurs , la fîdelîe compagne fuit fon mâle ; & l'amour
pour les nouveaux enfans qui doivent naître, les in-
vite à conftruire un nouveau nid , également plat ,
nullement creux comme celui des autres oifeaux, en
un mot , femblable à celui dont il eu. fait mention
ci - deffus.
Les aiglons naiflent couverts d'un duvet blanc ; leurs
premières plumes font d'un jaune pâle , &c deviennent
enfin, aux mues fui vantes , d'un fauve alTez vif; on pré-
tend que les aigles ne deviennent blancs que par la trop
grande diète, les maladies , la vieillefTe , & même la trop
longue captivité. On peut nourrir ces oifeaux avec
toute forte de chair , même celle d'autres aigles ; ils
ï»angent auffi des ferpens , des lézards 6c même du
158 A r G
pain. Lorfqii'ils ne font pas apprivoifés , ils mordent
cruellement les chats , les chiens , les hommes qui
veulent les approcher; ils jettent de temps en temps
un cri aigu , f onore , perçant & lamentable , & d'un
ton foutenu. L'aigle boit très-rarement , & peut-être
point du tout loriqu'il ell en liberté ; le fang de fes
vidimcs fiiffit à fa foif ; 6c l'on remarque aufîi que
{qs excrémens font toujours plus mous &c plus humides
que ceux des oifeaux qui boivent beaucoup.
Aigle commun ou Aigle a queue blanche.
Cette efpece efl moins pure , & la race en eft moins
noble que celle du grand aigle : elle efl compofée de deux
variétés , l'aigle brun &c l'aigle noir ; il diffère du grand
aigle par la grandeur : ( il eft plus petit ; fa femelle ,
mefurée du bout du bec à l'extrémité de la queue ,
n'a que trois pieds de long , &c fon envergure fept
pieds huit pouces : ) par la couleur qui efl confiante
Sans le grand aigle , &c qui varie du noir au brun
dans Faigle commun : par la voix , le grand aigle
pondant fréquemment un cri lamentable , au lieu que
l'aigle commun , noir ou brun , ne crie que rarement :
enfin par les habitudes naturelles. V aigle commun
nourrit tous fes petits dans fon nid, les élevé & les
conduit enfjite dans leur jeuneife ; au lieu que le
grand aigle les chaffe hors du nid , pour ne jamais les
revoir : il les abandonne ainfi à eux-mêmes dès qu'ils
font en état de voler , au moins leur interdit-il pour
toujours la jouifTance & le voifmage de fon empire.
Lorfqu'on compare l'aigle brun & l'aigle noir , on
n'obferve de différence entre eux , que dans les teintes
ëi la didribution de la couleur des plumes , ce qui
prouve qu'ils ne forment qu'une feule & même efpece.
C'eft de tous les aigles l'efpece la plus commune : on
lui a donné quelquefois le furnom d^ aigle aux lièvres ,
parce que c'eft fa chaffe habituelle , & la proie qu'il
recherche de préférence. Le grand aigle ne fe trouve
c[ue dans les pays chauds & tempérés de Fcincien cona
A I G 159
îinent. Vaigk commun , au contraire , préfère les pavs
froids 5 & fe trouve également dans les deux continens^
On le voit en France , en Savoie , en SuiiTe , en Alle-^
magne , en Pologne , en Ecofîe ; Ôi 0n le trouve aufS
en Amérique à la baie d'Kudfon , à la Caroline , à la
Louifiane ; fes jambes font mieux revêtues de plumes
jusqu'aux, pieds ; prévoyance de la Nature pour les pré-
fer ver du froid exceifif dans les lieux ordinaires de
leur habitation. Outre les grandes plumes qui couvrent
le corps de ces oifeaux , il y a au-defTous une prodi^
gieufe quantité d'un duvet blanc fort fin, long d'un
pouce , & qui les garantit du froid. Quand les Fau-
conniers fe fervent de ^aigk pour le haut vol , ils lui
otent une partie de toutes les plumes du ventre , ce qui
empêche ces oifeaux de s'élever trop haut , parce que
le froid les faifit à la moyenne région de l'air.
Le petit Aigle ou Aigle tacheté. C'eft XalgU
plaintif ow V aigle criard des Grecs , en latin aquila nœvia.
Cette efpece d'aigle eil la plus petite : cet oifeau n'a
que deux pieds &: demi de longueur de corps , depuis le
bout du bec jufqu'à l'extrémité de la queue ; fes ailes
n'ont que quatre pieds d'envergure. Son plumage , qui
efl d'un brun obfcur , efl marqueté fur les jambes &
fous les ailes de plufieurs taches blanches , & il a fous
la gorge une grande zone blanche. Il poufîe continuel-
lement des cris plaintifs : c'efl: de tous les aigles celui
qui s'apprivoife le plus aifément ; il eft plus foible ,
moins fier, & moins courageux que les autres ; fa
chafTe ordinaire efl celle des canards , ( ce qui l'a fait
appeler aquila an at aria : ) à leur défaut il fe jette fur
des oifeaux plus petits , & fouvent même fur des mu-
lots & des rats ; fes grands exploits font la chafTe de
la grue. Cette efpece d'aigle eft peu aombreufe , quoi-
qu'elle fe trouve en Afie , en Afrique , en Europe , &c
ïl ne paroît point qu'elle foit en Amérique ; car VaigU
de VOrlnoquz^ quoique ayant quelque rapport par \%
plumage , efl un oifeau d'une efpece diiférçnte»
ï5o ^ A I G
Il paroît qiie Yaig/edes grandes Indes , pi. enL 416 ^
le même que Vaigle de Pondichery & du Malabar , 6c
qui fe trouve aufli dans le Royaume de Vifapour , &
fur les terres du Grand-Mogol , eu encore plus petit
que notre petit aigle. Il n'a, de l'extrémité du bec juf-'
qu'à celle de la queue , qu'un pied fept pouces ; fon
envergure efl de trois pieds neuf pouces ; les ailes pliées
dépaffent un peu la queue ; le plumage du corps eft un
marron luftrë ; celui de la tête , du cou , de la gorge &
de la poitrine , eit blanchâtre ; tous les tuyaux des plu-
mes font d'un noir luifant ; les pieds font jaunes , & les
ongles noirs. Cet oifeau a une forme élégante. Les Ma-
labar es en ont fait une Idole , & lui rendent un culte. On
ne nous a point encore appris les motifs de cette fuperf-
tition.
A l'égard de V aigle du Cap de Bonne - Efpérance ,'
de Kolhe. Voyez Varticle UruBU.
A l'égard de Y aigle - vautour , Voyez Vautour barbu.
Dans l'état de nature , X aigle ne chaffe feul que dans
le temps oii la femelle ne peut quitter fes œufs ou
fes petits ; comxme c'eft la faîfon oii le gibier com-
mence à devenir abondant par le retour des oifeaux ,
il pourvoit aifémiCnt à fa propre fubfiflance & à celle
de fa femelle : mais dans les autres temps de l'année ,
le mâle & la femelle paroiffent s'entendre pour la chafTe;
on les voit toujours enfemble , ou du moins à peu de
diflance l'un de l'autre. Les habitans des montagnes ,
qui font à portée de les obferver , prétendent que
l'un des àews. bat les buifTons , tandis que l'autre fe
tient fur quelque arbre ou fur quelque rocher , pour
faifir le gibier au pailage ; ils s'élèvent fouvent à une
hauteur fi grande , qu'on les perd de vue ; & malgré
leur éloigiiement , leur voix fe fait encore entendre
très-diflin£lement , & leur cri reffcmble alors à Taboie-
ment d'un petit chien. Le petit aigle étant d'un natu-
rel affez docile , fercit vc[i oifeau très-propre pour la
çhaiTe du vol , s'il étoit plus coui'ageux , moins lâche ,
moins
A I G iSi
moins plaintif , moins criard ; un épervier bien drefl'é
fuffit pour le vaincre & l'abattre : celui-ci prend fon
vol au-deiÏÏis de lui, fond fur lui avec rapidité, lui enfonce
les ferres dans les flancs &c dans fes ailes , lui bat la tête
en volant toujours ; quelquefois l'aigle & l'épervier
tombent tous deux enfenible.
Quoique les aigles , en général , aiment les lieux
déferts & les montagnes , il efl rare d'en trouver dans
celles des Prefqu'îfles étroites , & dans les Ifles qui ne
font pas d'une grande étendue , ils n'y trouveroient
pas allez d'animaux pour la chaffe.
L'Amérique fournit aufii des tyrans de l'air , que des
Ornithologiftes placent parmi les aigles. On diftingue
I ,^ le grand aigle de la Guiane. Les traits frappans dans
cet oifeau , qui a trois pieds deux pouces du bout du
bec à celui de la queue , font une huppe d'un gris
noirâtre , compofée de plumes étagées , dont une dé-
paffe toutes les autres de plus de quatre pouces ; le
bec fortement arqué , mais ne commençant à fe cour-
ber que loin de fon origine ; & fur-tout les ferres.
Cet oifeau efl: un des plus puilTans , un des plus fiers
qui exigent , & un des plus redoutables tyrans de l'air.
On afliire que fa nourriture la plus ordinaire eil la chair
de Vunau & de Yai ; il enlevé au/Ti des faons Se d'autres
jeunes quadrupèdes ; il habite à la Guiane dans les
forêts qui font dans l'intérieur des terres. 2.° V aigle
moyen de la Guiane. 3 .° Vaigle petit de la Guiane : ils
ont aufîi chacun une huppe.
On diilingue Vaigle de FOrénoque oui eft Vaigle huppé
du Bréfil; Vaigle du Pérou ; VyiquauhtU des Mexicains,
lequel fe trouve auffi en Afrique. Voye^ l'article Uru-
TAURANA. On a obfervé dans ces aigles du nouveau
Continent , que les ailes pliées ne s'étendent que juf-
qu'à l'origine de la queue , en forte que fous ce point
de vue , les aigles de l'ancien Continent , dont l'enver-
gure &: la puiffance pour voler font bien fupérieures ,
peuvent franchir de plus grands efpaces. On n'a pas
Tome /, L
i6i A I G
encore bien déterminé û le condor appartient au genre Je
Vaig/e ou à celui des vautours. L'on en peut dire autant
du lacmmer-geycr. Voyez ces mots. Il eft mention , à
l'article Oiseau , de détails très-intéreffans fur la digef-
tion des oifeaux ; on y lira avec plaifir, peut-être, ce qui
concerne la digeilion , &c. , dans Vaigle,
AIGLEDON 5 par corruption , pour cïdcrdon : c'efl
le duvet de Veider , Voyez ce mot.
AIGLE-FIN ou Aigre-fin. Nom donné à Vanon,
efpece de morue. Voyez ce dernier mot.
Aigle -Poisson ou Mourine. Voyei à tartlcU
Pastenague,
AIGPvEMOINE , Agrimonla. Genre de plante à fleurs
en rofe , à douze étamines & deux piftils.
Uaigremoine des boutiques , Agrlmonia offLcinarum ,
Tourn. Inll. 301 : Agrlmonia eupatorla , J. B. 2. 398 ,
Linn. 643. Sa racine eil vivace , noirâtre , groiTe,
fibreufe , d'une faveur aftringente. Sa tige eil haute de
deux coudées , velue , fimpie , branchue : fes feuilles
font velues, oblongues, crénelées & difpofées alterna-
tivement , ou oppofées des deux côtés d'une côte
terminée par une feule feuille, &: garnie de quelques
ailerons ou feuilles plus petites dans les intervalles ^
dentées ; elles ont un goût flvptique , un peu falé ,
mêlé tant foit peu d'âcreté , elles rougiffent un peu le
papier bleu : fes fleurs font rangées en épis , à l'ex-
trémité des petits rameaux , d'une odeur fuave , jaunes,
& compofées de cinq pétales. Son calice efl: épineux;
îl fe change en un fruit arrondi , hériffé de piquans à
la partie fupérieure , & qui contient deux femences : cette
plante croît dans les champs , dans les prés fecs , &: notam-
ment le long des haies , des chemins, & au bord des bois,
Ualgrcmoine eu du nombre des plantes déterfives ,
apéritives , rafraichiiTantes & vulnéraires. La décoc-
tion d^aigremolne des boutiques & Jaunie efl propre
pour les engelures ulcérées ; on s'en lave les pieds foir
& matin. Elle eft fpécifique dans le pifTement de fang ,
& l'incontimencç de l'urine,
A I G 1^3
Les garganfmes les plus ordinaires fe font avec fa
décoction , Forge Se le firop de mûres.
On dillingue auffi V algremoine du Levant , Agrïmonia
repens , Linn. ; & Vaigremoinc à fleurs en faifceaii , yîgrl*
moiiia agrimonoïdes , Linn .
AIGRETTE. Nom que l'on donne à deux efpeces
de coquillages , Fun du genre des moules ou pinnc
jTiarine , 6c l'autre d'une efpece de murex. Voyez ces
mots.
Aigrette, pi. cnl. 901. en latin , Ardect athaminor^
Aldr. Egntta, Oifeau erratique , du genre du héron ,
ainfi nommé , parce qu'il lui pend derrière la tête une
efpece de petite aigrette blanche compofée de quatre
plumes longues , flexibles, douces au toucher, roulées
les unes dans les autres , & dirigées de devant en ar-
rière. Peut-être aufîî cet oifeau tire-t-il fon nom de
l'ufage qu^on fait d'une partie de fes plumes , pour
en former des aigrettes qui embelliffent & relèvent la
coiffure des Dames , le cafqiie des guerriers , le turban
des Sultans. Ces belles plumes , qu'on nous apporte
du Levant par la voie de Marfeilîe , étoient , dit M. de.
Buffon^ recherchées en France dès le temps de nos
preux Chevaliers qui s'en faifoient des panaches. Au-
jourd'hui, par un iifage plus doux, elles fervent à
orner la tête & rehauffer la taille de nos belles. Ce
font les plumes fupérieures , fcapulaires, qui, prolongées,
fines & déliées , fervent pour en former des aigrettes*
De leur tige fouple, légère , élaftique , partent par paires,
à petits intervalles , des filets très-fins , longs de deux à
trois pouces, aufîi doux que la foie, & qui chacun fe fub-
divifent vers les deux tiers de leur longueur en d'autres
filets plus déliés encore & plus courts. Ces plumes fe
vendent à im très^haut prix. Cet oifeau , qiii efl Vagroti^
gar{ecîa , gar^ahïanca , des Italiens , eft comme un héron
de petite taille ; fa longueur efl de dix-huit à vingt pouces
du bout du bec à celui de k queue ; fon envergure efî de
deux pieds dix pouces, Il habita fur le bord des riviçres
L 2,
i64 A I G
& de la mer : Il a tout le corps d'un beau blanc , &
auprès des yeux un efpace dégarni de plumes , 6c de
couleur verte : fon bec eu noirâtre , long d'environ
quatre pouces : les pattes de couleur verte , & couvertes
d'elpace en efpace d'une corne noirâtre, qu'on peut lever
en écailles ; la première phalange du doigt extérieur
tient au doigt du milieu par une membrane.
Cet oifeau le trouve dans toutes les parties de l'an-
cien Continent , mais il paroît éviter les pays froids ,
& préférer les pays chauds.
Vaigrette fe trouve aufli en Amérique, à la Guiane
& à la Louifiane. Il y en a une efpece à Cayenne &c à
la Louifiane qui eu au moins du double plus grande
que Vaigrette vulgaire. Mais cette grande aigrette ,
jjL enL 925, n'a point de huppe , & les Plumafîiers font
bien moins de cas de fes plumes ; ils n'en offrent au-
jourd'hui que quarante francs de l'once, tandis qu'ils
offrent jufqu'à quatre-vingt-dix livres de l'once de Vai-
grette fim^plement dite. On a auffi apporté de la Loui-
fiane une nouvelle efpece d^aigrette; fon plumage efl
roux , & fa taille efl: moyenne entre la grande aigrette
^ l'aigrette commune , pi. enl. 902.
Aigrette , ( en Botanique ) , eft une efpece de
broffe qui fe trouve au haut des graines des plantes
acanthacées , Sec. f^oyei fon article , au mot Plante.
Aigrette. Nom donné à une efpece de guenon
macaque. Voye^^ Macaque.
AIGUË -MARINE ou BeRIL, Gemma ^ aqiia marina
'Âîcia. Pierre précieufe , polygone , très - tranfparente ,
d'un grand éclat , la feptieme en dureté dans la liffe
des pierreries , & ainfi nommée à caufe du rapport de
fa couleur avec celle de la mer. Elle eft d'un bleu mêlé
de vert , ou quelquefois d'un vert de mer appelé céladon.
Elle tient cette couleur de fubflances métalhques.
Les aigues-marines différent entre elles par le plus
ou le moins de dureté ou d'intenfité de couleur ; les
unes font orientales ^ ce font les hirils ; les autres font
A I G i^î
occidentales y ce font les aiguës-marines. Les premières
font plus dures , le poli en eil plus vif ; la teinte bleue
ou domine fur la verte , ou efl égale en nuance : auiîi
font- elles plus belles , plus rares & plus chères que
les aigues-marines occidentales; la couleur verte do-
mme fur le bleu dans ces dernières. Nous avons ob-
fervë que l'aigue-marine qui forme la boule du globe
fur la couronne du Roi d'Angleterre , eft orientale & de
la plus grande beauté : elle nous a paru avoir environ
deux pouces de diamètre. Les belles aigues-marines
orientales s'évaluent au prix du faphir ; les occiden-
tales , à l'œil , félon l'éclat, la pureté' &: l'étendue.
En général les pierres précieufes orientales font plus
belles, la couleur en efl plus fixe que celle des occi-
dentales , qui ne font pas , ou guère plus dures que
le criflal de roche. On dira au mot Pierres précieuses,
la manière de les diftinguer.
L'aigue-m.arine étant mêlée de vert & de bleu, on ne
peut la confondre qu'avec les pierres vertes &. les bleues,
qui font les êmeraudes &c les faphirs ^ ( V^oye^^ Émeraude
6- Saphir). Si l'on fait attention que V émeraude doit
être purement verte , fans aucun mélange de bleu , &:
le faphir purement bleu fans aucune teinte de vert ,
on la diflinguera de ces deux autres pierres précieufes.
Mais ce mélange de bleu & de vert occafionne , fuivant
leurs proportions & leur état de combinaifon , un grand
nombre de nuances , lefquelles fervent à fixer la nomen-
clature des pierres qui en offrent les teintes , & fpé-
cialement l'aigue-marine & le béril ; de mêm.e que l'eau
de mer vue en maffe , offre par réfra£l:ion ÔC réflexion
une très-grande variété de nuances, félon la couleur
du fol , &: les différens climats , ( car la mer réflé-
chiffant comme un miroir la couleur du ciel mêlée
avec celle de fon eau , rend une forte teinte de bleu
dans un beau jour ou dans un beau climat , & une
foible teinte d'un bleu fale dans les climats du Nord,
ou dans un temps couvert ) ; de même auiîi , les pier*
L3
\66 A I G
reries , notamment celles qui font coîoî-ées , offfenf
ienfiblement à l'œil des nuances plus ou moins fon-
cées , fuîvant l'état du ciel , ou la pureté du jour.
Quelle différence entre la nuance d'une pierre pré-
cieulé de couleur , vue il la lumière du jour ou à celle
d'une bougie : ici les teintes augmentent en intenfité.
\Jn rubis ofFre la nuance du grenat ; celui - ci ofFre
celle de l'amétliille ; celle-ci offre celle du faphir ;
celui-ci y paroit prefque noir , &:c. Ajoutez à cela
l'effet de la feuille d'argent colorée , que les lapidaires
mettent fous une pierre qu'ils mettent en œuvre, à
deffcin d'en augmenter ou varier le jeu.
On trouve des aiguës - marines fur les bords de
i'Euphrate , au pied du m.ont Taurus , Si dans le Ceylan.
Les occidentales viennent de Saxe , de Bohême , de
Sicile 5 de l'I/le de l'Elbe. On affure qu'il y en a auiïi
fur les côtes de la mer Océane. On en a découvert
dans la Sibérie, en quilles femblables à celles du
crirtal de roche , mais dont les canons font tronqués*
L'art efl devenu , pour ainfi dire , rival de la nature
dans l'imitation de la couleur des pierres précieufes.
On imite la couleur de V algue- marine , en mettant dans
du criflal en fufion , de la poudre de cuivre calciné
par trois fois par le foufre : on remue bien le tout ,
en mettant par reprifes de cette poudre mélangée
jufqu'à ce que le criilal prenne la couleur que l'on
demande. Lorfque l'opération fe fait en grand , on met
fur foixante livres de criflal une livre & demie de
cuivre calciné , & quatre onces de foufre.
AîGULLLAT , Galeus acanthias , Rondel. "W'illughb.
Klein. Gronov. : Mufidiis Jpinax , Eelon. : Squaliis
( acanthias ) pinnâ analï nullâ^ dorfalibus fplnojis , cor^
pore untïufculo , Linn. V aiguillât , dit M. Broujfoiimt ,.
efl: ainfi nommé dans les Provinces méridionales de
France , à caufe de deux aiguillons qu'il a fur le dos ;
& ces aiguillons ( un à la partie antérieure de chaque
nageoire dorfale ) font de nature de corne ou de griffes
 I G 1^7
3'oîfeau ; Ils en ont aufli la figure & la couleur. Ce
poifTon efl de la feâ:ion des chiens de mer , qui ont des
trous aux tempes , mais fans nageoire derrière l'anus :
cette dernière partie a quelque rapport avec la forme
d'une pince ; fon lobe fupérieur eil beaucoup plus
alongé que l'inférieur. Les ouvertures des ouïes , au
nombre de cinq de part & d'autre , font placées vers
les nageoires pedlorales , dans une direûlon un peu
oblique. La forme du corps de Vaiguillat eft prefque
cylindrique, &: empêche qu'on ne le confonde avec
le humantin , qui l'a triangulaire ; il a beaucoup d'ana^
logie avec lefagre ; mais îe deffous du corps eft noirâtre ,
tandis que celui de Vaiguillat ell gris. Cependant
celui de Vaiguillat varie quelquefois , par des taches
blanchâtres placées irréguhérement fur les côtés du
dos ; la première nageoire du dos eft prefque également
éloignée àes nageoires peâ:orales & des abdominales ;
îa féconde eft plus près de la queue , que de la première
dorfale ; les yeux font affez grands.
On trouve abondamment Vaiguillat dans l'Océan &
la Méditerranée. Fabricius dit qu'on le prend en Groen-
land pendant riiiver , au moyen des trous qu'on pratique
dans la glace. On le voit dans la mer du Sud &
dans toutes celles de l'Amérique. On en fait en Ecofle
une pêche très-confidérable ; quand fa chair eft fechée ,
on la vend aux Montagnards : on en fait fouvent , dans
cette contrée , un affez grand commerce. Le foie des
individus les plus gros feri à faire de l'huile. La peau
âpre au toucher , ell employée par les Tourneurs pour
polir les ouvrages en ivoire &: en bois , même l'albâtre^t
M. Broujfonnet dit que Vaiguillat fe voit affez fouvent
à Paris dans les marchés ; que du temps de Bdon oa
y en apportoit une affez grande quantité en automne ;,
qu'il y eft actuellement moins commun , mais qu'il l'y a
obfervé dans toutes les faifons. Il pefe rarement vingt
livres. Vaiguillat s'appelle A^io , à Venife ; Sca-^ne , à
Rome ; Picked-dog ^ or Hund ftsli , en Angleterre.
L 4
i68 A I G
AIGUILLE , ou Typhle de Gefner, Syngnatus acus;
Linn. PoifTon du genre du cheval marin. Les anciens
lui ont donné le nom ^aiguille , à caufe de fa forme
alongée , rétrécie & terminée en pointe. Le corps de
ce poifTon , depuis la tête jufqu'à l'anus , eft à fept
pans ; enfuite il n'efl: plus qu'à iix pans jufqu'à l'extré-
inité de la nageoire dorfale ; & depuis cet endroit juf-
qu'à l'extrémité de la queue , il eil fimplement quadrangu-
îaire , &: va en s'aminciP/ant par degrés. Tout le corps eft
couvert d'efpeces de lames flriées , d'une figure à peu près
quadrangulaire , & difpofées comme en compartimens.
La queue fe termine en manière de nageoire , ayant
prefque la figure d'un rhombe , lorfqu'elle efl déployée ;
la partie de la tête ^ entre les yeux & la gueule , efl
comprimée par les côtés ; les yeux font fur les côtés
de la tête , arrondis & recouverts par une membrane
lâche ; la gueule eft petite & placée à l'extrémité du
mufeau ; la mâchoire inférieure , plus mobile & plus
longue que la fupérieure , fe replie vers celle-ci , en
forte que l'ouverture de la gueule femble avoir un oper-
cule. La couleur de ce poifTon eft d'un roux obfcur.
Les nageoires pedorales ont quatorze à quinze rayons ;
la dorfale en a trente-cinq ou trente-fix ; celle fituée
près de l'anus , en a trois ; celle de la queue en a dix.
Il n'y a point de nageoires abdominales. Ce poiftbn
de mer eft quelquefois long d'une coudée , mais il n'eft
pas plus gros que le doigt index.
Aiguille de l'Inde orientale , Fijlularia chïmnfîs ,
Linn. : Petimbuaha braJiUcriJibus , Tabaco -pipe fifch,
Willughb. La couleur de ce poiftbn ( du genre de la
Trompette ) eft brune avec des taches noires. Sa tête
eft femblable, en quelque forte, à un tuyau ; la gueule
eft placée à l'extrémité de la tête , & n'a point de
dents ; la membrane des ouïes eft compofée de quatre
oftelets parallèles ; les yeux font ronds & placés près
des ouïes ; les narines oblongues , très-ouvertes , &
placées près des yeux j le dos étroit & un peu corn-
A I G AIL 169
primé , arqué à l'endroit de la nageoire dorfale ; les
lignes latérales afTez fenfibles ; le corps eft couvert
de petites écailles dures dz comme tuilées ; les na-
geoires peftorales ont feize rayons ; celles de l'ab-
domen en ont fept ; celle du dos en a vingt - iix ;
celle de l'anus en a vingt- quatre ; celle de la queue ,
qui Cil arrondie , en a quatorze.
Aiguille, efpece à'Efoce. Voyez Belone.
Aiguille de Berger. Voyei Peigne de Vénus.
Aiguille a grandes écailles. Foye^ Cayman
( poiffon du genre de VEjoce'),
AIGUILLON , Acîikus, Partie du corps de pludeurs
infedes. Par exemple , l'abeille a un aiguillon placé à
la partie podérieure de Ton corps , & qui lui fert à
piquer. Voyei aux ankks Abeille , Insecte , &c.
On donne encore le nom ^aiguillon aux piquans des
hérljfons , des porcs-épics , aux pointes des ourjins 6c aux
parties ofTeufes & pointues qui font dans les nageoires
61 fur d'autres parties du corps de la plupart àtspoiffons.
Voyez ces mots. On donne auffi le nom ^aiguillon ou
piquant , aux pointes aiguës qui font feulement atta-
chées fur récorce des plantes. Foyc^ à la fuite de r ar-
ticle Plante.
AIL , Allium, Plante potagère , dont la fleur efl: com-
pofée de iix pétales fans calice, de fîx étamines &
d'un piflil auquel fuccede une capfule à trois loges.
Les fleurs font réunies en bouquets , enveloppés d'une
coiffe membraneufe. Il y a deux efpeces d'ail qui vien-
nent en pleine terre auffi aifément l'une que l'autre,
& dont la culture n'exige que fort peu de foin.
La première efpece ou Vail ordinaire , qwi efl: connu
de tout le monde, Allium fativum ^ Linn. 415, C.B.
Pin. 73. produit une graine arrondie & noirâtre , que
l'on feme au printemps. Cette femence poufle une tige
au-dehors xreufe , & produit en terre un petit oignon
ou bulbe, qui , replanté au mois de Mars de l'année
fiiivante , groffit afTez confidérablement ; ôc il porte
170 AIL
alors le nom de tête d'ail ou gouffc d^all : c'eft cette
partie qu'on emploie ordinairement pour l'ufage de la
cuifme. Ainfi , pour avoir des têtes d'ail produites de
femences , il faut deux années ; mais comme chaque
tête efl accompagnée de douze ou quinze tubercules ,
il fuiFxt de planter ces tubercules au mois de Mars , &:
on a dans l'année même des têtes d'ail auiTi belles
que 11 on a voit employé deux ans à les faire venir de
femence. Ces tubercules fe plantent à quatre pouces
de diflance l'un de l'autre , & à trois pouces de pro-
fondeur. La feule attention qu'il faut avoir, efl de
placer le germe en haut : ce germe fe développe en
peu de jours , & on arrache l'oignon lorfque les feuilles
font defféchées, La tige efl: haute d'un pied & plus ,
droite , cylindrique, garnie à fa partie inférieure de
feuilles vertes , pointues & entières , pleines & apla-
ties comme celles ciu chiendent , & différentes de celles
de l'oignon, qui font fiflideufes. Ses fleurs font blanches
ou rougeâtres , difpofées en ombelle arrondie. L'ail
le meilleur croît en Provence & dans les pays méri-
dionaux de la France,
La féconde efpece eil nommée Ail d'Espagne, Ail-
Poireau , Allïoprafum , fcorodoprafum , Linn. 415»
Sa feuille efl: longue , étroite , pointue , finement den-
ticulée ; fa tige efl: plus haute , & fa femence plus
groffe que celle de l'efpece précédente. Toute la plante ,
connue fous le nom de rocambok , a une odeur d'ail
ti de poireau. Les tuniques de fa bulbe font d'un blanc
purpurin : la partie fupérieure de la tige fe replie , &
fait une ou deux fpirales avant la maturité des bulbes.
Cette efpece fe multiplie précifénient comme la pré-
cédente 5 & elle a l'avantage qu'on peut fe fervir éga-
lement de fon oignon ou de fes graines.
On di flingue encore une autre forte ^ ail- poireau ,
'Allïiim fphcerïceo capite , folio latiore ^Jive Scoradoprafum
altcrum , C B. Pin. 74. : Alliuni fphcerocephalum , Linn.
j^x6. Sa tige efl droite, haute d'un pied &; demi, cy-
AIL 17^
ïîndrîqiie , feiùllée mfërieurement ; fes feuilles font
demi-cylindriques , menues , affez longues , & un peu
fiiduleufes. Les fleurs font rouges , ou d'un pourpre
foncé, en têtes arrondies ; les étamines faillantes hors
de la corolle. On en voit beaucoup à Francfort fur le
JMein. Il y a encore Xail fauvage , Alllitm fylvejîre lati-
folium , C. B. Pin. 74. A l'égard de Vail des mon-
tagnes , Voye:^ à Vartïck Nard.
Vaïl abonde en parties fubtiîes , très-vives ; ce qui
rend fon odeur fi forte : il fuffit de porter de l'ail
pilé fur quelque partie de la peau , pour que l'haleine
itxitç: l'ail. Si on en mêle dans le manger de la volaille,
la chair & les œufs en contraderont le goût & l'odeur :
fon ufage rend l'appétit aux animaux dégoûtés. Ceil
l'afTaifonnement ordinaire des mets chez plufieurs na-
tions ; en effet , c'eil un mets piquant pour un palais
groffier. Les Hongrois n'ont pas de remède ni d'amu-
lette plus sûrs que 1'^// dans le temps de la pefte; il
entre dans la compofition du vinaigre des quatre voleurs :
c'efi un fpécifique pour guérir les tranchées des intef-
tins & pour diffiper les vents : il eft auiTi très-ufité
dans l'Art vétérinaire ; mais on en doit faire un ufage
très-modéré , car il enflamme l'eftomac , les vifceres
par fon fuc acre, &c.
Cette plante a été plus qu'aucune autre foumife
dans les différentes contrées aux caprices de la mode
& de l'opinion, h' ail a été une des divinités des
Egyptiens. Ils lui faifoient partager le culte qu'ils ren-
doient aux oignons. Les Grecs l'avoient en horreur ,
& ceux qui en mangeoient , étoient regardés comme
à^es profanes. Perfe rapporte qu'on en faifoit manger
pendant plufieurs jours à ceux qui vouloient fe purifier
de quelque crime. Chez les Romains , c'étoit une des
nourritures des moiflbnneurs &: àes foldats. On croyoit
qu'il excitoit le courage des guerriers; on en faifoit
manger aux coqs même que l'on dreffoit pour les
combats.
ijt AIL
M. HalUr dît que les habitans de tous les pays
chaud aiment l'ail : en Orient on lui fubftitue une plante
encore plus forte d'odeur, c'eft le hingifdh ou le lafer
des Anciens ( Voyez à l'article Afa fœtlda ). Dans le
Nord, les Rufïïens en font le même cas : OUarïus avoit
obfervé que ce goût étoit de fon temps le goût des
Grands & de la Cour. Les hommes ne fe trompent
guère dans les ûfages qui font communs à plufieurs
nations. Quoique Vail refle long -temps dans l'eftomac
& y trahifîe fon féjour, il faut bien qu'il favorife la
digeflion & qu'il excite le mouvement périilaltique de
ce vifcere , puifqu'on l'oppcfe aux mauvais effets des
alimens rafraîchiffans , des choux aigres , des concom-
bres , des melons , &:c. Les femmes fardées évitent
foigneufement les approches d'une haleine ^aïL
^ AILE , Ala, L'aile efl cette partie du corps àts
oifeaux qui-efl double, &; qui étant garnie de plumes,
fert à les foutenir dans les airs & à voler. Ces parties
correfpondent à nos bras , & aux jambes de devant
A^s quadrupèdes. On a lieu d'admirer ici la manière
dont la Nature parvient aux mêmes fins par des moyens
divers. Certains animaux volent avec des ailes de
plimies , ce font les oifeaux ; d'autres avec des ailes
membraneufes ou cutanées , tels que les infecies y les
chauve -four'is , V écureuil volant. Ainfi ces ailes qui fer-
vent au vol d'animaux d'ordres fi différens , ne fe
reffemblent que par l'ufage ; elles n'ont aucun rapport
ni par l'extérieur, ni par la ftruâ:ure organique. Les
ailes des infectes ^ d'une feule &: même fubflance dans
toute leur étendue, ne confident qu'en deux mem-
branes appliquées , & traverfées par quelques fibres
ou nervures ; elles font ou nues ou couvertes d'écaillés
qu'on a comparées à des plumes ; mais ces écailles ou
ces plumes ne fervent en rien pour le vol , puifqu 'après
qu'on les a enlevées , les mouvemens de Finfede ne
font ni changés , ni moins prompts. Voifeau , au con-
traire j ne fauroit voler fi fon aile n'eft fourme des
AI L ^ A I M 175
plumes qui doivent y être attachées ; d'ailleurs elles
Ibnt d'une autre fubftance, & compofées de parties
articulées ; l'aile de la chauve-fouris efl bien articulée,
mais au lieu de plumes , ce font des membranes qui
b revêtiffent, qui frappent l'air, & qui font l'office
ae rames & de voiles. Voyc^ chacun de ces mots.
Il ne fera queftion de la Ârufture des ailes des oi-
feaux qu'à l'article Oiseau. Foye^ ce mot. On dit
auiïi Jleurs ailées ; tige ailée ; femence ailée ; feuille aille ,
&c. Voyez les articles Fleur ^ Feuille & Plante,
Aile-marine , Meritula alata, M. Desbois dit que
c'efl un poifîbn fans fang ( c'efl un zoophyte ) dont
la queue repréfente deux ailes , & la tête la partie
naturelle de l'homme. V aile-marine jette de la lumière
la nuit. Il y en a une rouge , ornée d'une ligne blanche
au milieu , qui s'étend tout le long du corps , & qui
ne reflemble pas mal à un prépuce.
Aile de papillon. Coquille univalve de la famille
des Cornets : fa robe efl: ornée de zones d'un jaune
clair , blanches & de couleur de chair , marquetées
de taches brunes noirâtres. Les Hollândois l'appellent
yolute de Guinée, Voyez Cornets,
AIMANT , Magnes , mot tiré de Magnéfie , lieu
de fa découverte. Pierre ferrugineufe que l'on trouve
dans les mines de fer. Sa couleur n'eft pas par-tout
la même : dans les Indes orientales , à la Chine &
dans tous les pays du Nord, il eft couleur de fer
non poli ; en Macédoine il efl: noirâtre ; dans le midi
de l'Europe fa couleur tire pour l'ordinaire fur le
noir. Celui du pays bas de Devonshire efl bmn
rougeâtre ; celui de Lorraine efl: grisâtre , celui de Flfie
d'Elbe efl brunâtre. U aimant efl plus ou moins dur
& compare : il efl plus abondant en Norwege que
dans aucun autre pays. Cependant une montagne qui
fait partie de la Cordillère , & qui fe nomme Cerro de
fanâa Innés , efl prefque toute compofée d'aimant :
ceci mérite toute la réflexion du Phyficien, Il y a ,
,74 A I M
dit M. Gmtlin , dans la Tartarie Slbénenne une mon-
tagne d'aimant, dont le fommet eft une efpece de
jalpe d'un blanc jaunâtre. A huit toifes au-deffous
on trouve des pierres d'aimant de trois cents livres ,
qui , quoique couvertes de moufTe , attirent un coutea^i
par la lame en fer , à un pouce de diftance ; ce qui
eft expole à l'air a plus de force que ce qui eft dans
l'intérieur de la terre , mais il eft plus tendre.
M. Gmdin prétend que ces pierres font compofées
de plulieurs autres aimants qui agiffent félon différentes
diredVions , & qu'on pourroit en faire des aimants
très-forts , en réuniffant leurs direftions.
Les Anciens connoifToient la vertu que Va'imant a
d'attirer le fer , ( Thaïes en a parlé ) & fi on en croit
Pline , ce fut par un effet du hafard , un Berger
ayant fenti que les clous de fes fouliers & le bout
d'un bâton qui étoit ferré , s'attachoient à une roche
d'aimant fur laquelle il pafToit ; mais ils ne lui connoif-
ibient point la propriété de fe diriger toujours vers
les pôles ; &; on croit qu'on ne vit de boulTole dans
l'Europe que vers le treizième iîecle. Les uns attribuent
l'honneur de cette invention à Jean Goya , Napolitain ;
les autres à Paul , Vénitien , qui , en ayant appris
la conflrudion à la Chine, l'apporta en Italie. Quoi
qu'il en foit , quelle révolution n'a pas fait dans le
monde la découverte de ce minéral obfcur ! L'aimant
a établi une communication entre les différentes parties
du Globe , & nous a fait connoître le nouveau
Monde & ime nouvelle route aux Indes.
Vahnanty comme l'on fait, a cinq propriétés très-
remarquables : i.° celle d'attirer le fer; c'efî ce
que l'on nomme attraction : iP celle de tranfmettre
& communiquer fa vertu au fer ou à l'acier qui l'a
touché ; c'efl la communication : 3.° celle de fe
tourner ou diriger vers les pôles du monde ; c'efl fa
dircciion : 4.° celle de s'écarter plus ou moins des
pôles ; c'efl cette variation irréguliere des aiguiller d^
A I M ^ ^ I7J
nos boiifToles que l'on nomme didlnalfon ; 5.° enfin
îa propriété d'un mouvement qui le fait incliner k
mefure qu'on approche de l'un ou de l'autre pôle;
ce qu'on nom_me indïnaïfon , Toutes ces propriétés
fingulieres , dépendantes de la nature de Vaimant
tiennent fans doute au grand fyilême de la Nature
elle-même ^ à quelque propriété générale qui en eft
l'origine , qui jufqu'ici nous efl inconnue , & peut-
être le reliera long-temps. On foupçonne qu'il règne
autour de Vaimant un fluide fubtil , une efpece
d'atmofphere , à qui l'on a donné le nom de matière
magnétique^ & qui forme un tourbillon autour de
cette pierre : l'on découvre fenfiblement ce tour-
billon par fes deux pôles qui ont des effets contraires,
i'un d'attirer, l'autre de repouiîér le fer. Ceci ne
peut s'entendre que du fer devenu aimant, ainii que
l'obferve très-bien M. Delcuie, Celui qui n'a point
acquis de magnétifme efl toujours attiré par l'un &:
l'autre pôle indifféremment. La répulfion n'a lieu
qu'à l'égard du pôle de même nom d'un autre
aimant, foit naturel, foit artificiel. M. Euler^ en par-
tant de l'idée de Defcartes , dit , qu'il y a deux caufes
principales qui concourent à produire les merveilles
de l'aimant : favoir, une flrudure particulière des par-
ties internes de Vaimant & des corps magnétiques ,
que perfonnë ne pourra nier férieufement , par la
raifon que ces corps font doués de propriétés qui les
diflinguent fi effentiellement de tous les autres; & enfuite
une matière externe , qui , en agiffant fur fes pores
& les traverfant , produit les phénomènes de Vaimant.
La force attradlive d'un aimant forti de la mine
efl très-peu coniidérable ; c'efl pourquoi on efl obligé
de l'armer pour augmenter fa force ; d'ailleurs l'ar-
iTîure dirige & condenfe toute fa vertu vers les pôles ^
& fait que fes émanations font toutes dirigées vers la
maffe qu'on met fous fes pôles ; mais auparavant il
faut s'être biçn afïliré dç la polarité de fa pierre.
I7<î A I M
L'aimant eft fiijet à perdre de fa vertu at*ra(fî:lve
par fucceiîion de temps; pour prévenir & réparer
j^ette perte , il faut l'entretenir dans fon aŒon , &
il conîerve ia force par l'exercice. Grew reconnut la
vérité de ce fait , par l'obfervation qu'il fit d'un aimant
armé. Il portoit d'abord la moitié plus que fon
poids ; mais n'ayant point été chargé pendant quelques
années, il perdit le quart de fa force. Pour réparer
cette perte , on lui donna d'abord à porter autant de
fer qu'il en pouvoit attirer , & on le laifla quelque
temps dans cet état. Au bout de quelques femaines on
s'apperçut qu'il pouvoit porter un poids un peu plus
pelant ; peu-à-peu pendant deux ans on ajouta quelque
chofe au poids ; non-feulement il recouvra fa première
vigueur, mais encore il en acquit afiez pour porter
vingt fois fon premier poids.
BoyU a fait plufieurs expériences, dont il réfulte
que tous les aimants ne perdent pas leur vertu
attraftive par un feu violent, mais qu'il y en a qui
la retiennent en partie ; qu'elle peut m.ême être
augmentée en les laifTant refroidir auprès du pôle d'un
fort aimant ; que V aimant rougi au feu, & plongé
fubitement dans l'eau , perd plus de fa vertu que s'il
fe refroidi fToit à l'air par degrés.
Les variations des aiguilles aimantées & des bouf-
foles , font de deux efpeces : les unes régulières , qui
font un effet confiant du magnétifme ; les autres irré-
gulieres , qui font caufées par le fluide éle£l:rique
répandu dans l'air. Nous en citerons des exemples
ci - après.
On a obfervé qu'il pouvoit arriver quelquefois
que les boîtes des bouftoles, ou compas de mer,
changeaffent la diieftion de la bouflole. Ces boîtes
font de cuivre jaune, dans la compofition duquel
entre le zinc : il arrive quelquefois que ce zinc
contient du fer, qui peut faire changer la véritable
diredioa de l'aiguille aimantée; ainfi il eil de la plus
grande
A I M t77
grande Importance de s'affurer de la nature du cuivre
qu'on emploie. Depuis ces obfervations , les Anglois
ne conftruifent prefque plus de boîtes de bouffole avec
le cuivre jaune.
Il eft à remarquer que ce que le fer n^étoit pas par
lui-même, la rouille de fer Teft quelquefois; je veux
dire un véritable aimant : il faut cependant obferver,
à l'égard du fer , que celui qui a été long-temps dans
une pofition verticale , efl aimanté de telle manière ,
qu'il attire le fer comme s'il avoit touché une pierre
d'aimant , &: qu'il conferve enfuite cette vertu comme
un véritable aimant \ preuve que la matière magnétique
circule dans PUnivers.
Dans le Cabinet de Curîoiîtés de la Société Royale
d'Angleterre , il y a une pierre ^aimant de foixante
livres, qui n'enlevé pas à la vérité un fort grand poids,
eu égard à fon volume, mais qui attire une aiguille
à la diflance de neuf pieds. L'Hiftoire de l'Académie
des Sciences parle d'une pierre Calmant qui pefoir
.onze onces , &: levoit vingt-huit livres de fer , c'eft-à-
dire , plus de quarante fois fon poids : des Hollandois
;VOuloient la vendre cinq mille livres. On en a vu une
dans notre Cabinet, qui pefoit avec fon armure trois
gros & demi : elle levoit facilement neuf onces &
demie de fer , c'eft-à-dire vingt-deux fois fon poids :
ce qui eft très-confidérable , eu égard à fa petiteffe*
L acier s'aimante beaucoup plus facilement que le
fer : une aiguille frottée fur une pierre ^aimant ou
fur un aimant artificiel^ & fufpendue fur im pivot , tour-
nera toujours conftamment une de i^s pointes vers un
des pôles ; tel eft le guide qui conduit les Navigateurs
au milieu des mers , lorfqu'ils ne peuvent voir les
étoiles. L'aiguille, au lieu de fe diriger exaclem.ent
dans la ligne méridienne, s'en écarte de l'un ou l autre
côté. Cette déclinaifon efl fi variable , qu'il n'y a pas
peut-être une année , un mois , un jour , une heure
où elle ne change , njêmç dans les lieux où elle fem-
I Tomi /, M
178 A I M
bloit être !a plus confiante , tels que fous le méridien
des Açores , fous celui du cap des Aiguilles, & de
Canton à la Chine. Depuis 1550 jufqu'à 1664, la
déclinaifcn a été orientale; en 1666, Faiguille étoit
précifëment dirigée dans la ligne des pôles. Depuis ce
temps jufqu'à préfent, la déclinaifon a été occidentale.
Dans le golfe de Finlande il y a un endroit où la
direôion de l'aiguille aimantée eil entre le fud-oueft &
l'oueft, de dans un autre vers le nord-ouefl: : phénomène
iingulier , que couvre encore le voile de la Nature.
Il eft démontré , dit M. Loiimer , qii'une térelle , ou une
pierre à^ aimant fphérique , a fes pôles diamétralement
oppofés ; mais les pôles magnétiques de la terre pa-
roiffent fitués obliquement l'un par rapport à l'autre.
Voilà jufqu'ici ce qu'on fait de ces derniers : on
ignore leur pofition aduelle , s'ils font fur mer ou fur
terre, & fi nous pouvons en approcher.... Au refle,
confultez les Obfcrvatïojis fur Us variations diurnes de
r aiguille aimantée , par M. de CaJJïni, Joum, de Phyj\
Avril lyS^. Le tonnerre communique quelquefois au
fer la vertu magnétique. T>^s briques frappées par un
coup de foudre & qui en ont été noircies , ont acquis
la propriété d'attirer & de repoufTer une aiguille ai-
mantée. On a appris des Navigateurs que la foudre,
en tombant près d'une boufTole , avoir changé exac-
tement les pôles de raigiùUe. Ceci étant, la déclinaifcn
ne dépendroit-elle pas des commotions fouterraines ,
de la flrudure du globe , de la nutation de l'axe , &
notamment de l'adion du fluide éledrique : ce fluide ,
dont la quantité dans un efpace donné , varie fi con-
fidérablement d'un infiant à l'autre.... Combien de fois
n'a-t-on pas vu les aiguilles des boufToles fe livrer à
des ofcillations irrégulieres aux approches d'un nuage
orageux & lorfque le tonnerre fe faifoit entendre (^ ).
{a) Dans les vues de préfet-ver les nigni'les des bonflo'es de l'in-
fluence de réle^ricité atmofphérique , M. le Comte de M'iy propofe
\\n moyen, lequel confifle à enduire le dedans de la bouflole de plu*
A I M î79
Rien après îa longitude ne peut être plus utile à la navi-
gation que la perfedion de la théorie qui traite de
la dëclinaiibn , & notamment de l'inclinaifon de l'ai-
guille magnétique.
L'on fait aufîi des aimants artificiels plus forts que
les naturels ; de même que l'on aimante du fer fans
le faire toucher à X aimant. Les prérogatives àts aimants
artificiels par rapport aux naturels , & à la diverfité
des méthodes propofées autrefois par MM. Knight ,
Michel , le Maire , Canton , &c, engagèrent l'Académie
de Saint-Pétersbourg à propofer , en I7^8, un prix
fur la meilleure manière de faire ces aimants artificiels,
L'Académie l'adjugea à M. Anthèaumz : fon procédé
l'emportoit de beaucoup fur tous ceux qu'on avoit
connus juf qu'alors. Pour parvenir aux deux moyens
de faire ces aimants fadices ; i .^ l'on choiiit des lames
d'acier quelconques de longueur égale ; on les fait
pafler chacune pUifieurs fois fur une pierre d'aimant ,
on les réunit enfemble par le moyen de deux cercles
de métal : voilà un aimant artificiel très-fort ; i.^ l'auc
tre moyen eft de faire un aimant fadice fans le fecours
de Vawiant naturel ; pour cela il faut placer fur une
enclume des lames d'acier femblables aux précédentes,
& dans la diredion d'un méridien , &: les frotter vi-
vement & à plufieurs reprifes avec une grofTe barre
de fer verticale. L'on trouve ces différens procédés
très-circonflanciés dans V Encyclopédie , dans la Phy-
Jîque de M. l'Abbé Nollet^ &c. Epinus^ dans fa Théorie
de VéleBricité & du magnétifme , fait voir , que les
fers généralement ( notamment les plus durs ) , font
difpofés à recevoir les pâles magnétiques , fdon la pojïtion. '
qu ils fc trouvent avoir ^ relativement aux pôles de la terre »
fieurs couches de vernis de gomme laque ou de cire d'Etpagne , qui,
étant idio-é'eftriques , empêchent, dit-il, la communication de l'élec-
tricité de l'a'T avec l'aiguille magnétique : il faut de plus, ajoute-t-il,
ifoler la boîte de la bouffole fur un plateau de verre. M. le Comte
de la Cépede prétend qu'il tuffit de renfermer les bouflbles dans des boîtes
pu des caifTo de verre bien môftif^uées avec de la poix ou de la réHne^
M 2,
:igo A I M AIR
C'efl par le moyen de Xaïmant que différentes pér^
fonnes font mouvoir à volonté des figures fur des
bafTins d'eau, favent découvrir où & en quelle fitua-
tion font cachés certains objets , & tous ces autres
effets naturels, dont les caufes font annoncées au petit
peuple fous le nom pompeux de Y An de Nécromancie,
Les Médecins inilruits ne font aucun ufage de la
pierre ^aimant ^ foit pour l'intérieur, foit pour l'ex-
térieur. On lit cependant dans les papiers publics , que
V aimant , & fur-tout Y artificiel , a la vertu de détruire
ia douleur des dents. Pour cela il faut que le malade
sit le vifage tourné du côté du Nord , alors on fait
loucher la dent afFeâ:ée avec \e pôle feptentrional de
Vaimant, On dit qu'à Finflant toutes les dents reïTen-
tent une douleur légère , enfuite on éprouve des pul-
fations dans la dent malade , auxquelles fuccede un
froid qui s'étend même dans les dents faines , & qui
ie change en un engourdifTement qui efl fuivi de l'en-
tière guérifon. 11 feroit à défirer que cet effet magné-
tique fut aufïi utile dans l'odontalgie : Quid tentart
Tiocebit ? On trouvera dans notre Minéralogie quelque
-autres détails fur l'aimant. Voyez l'article Fer,
Aimant de Ceylan. Voye:^^ Tourmaline.
AIOLE ^ Labrus Cretmjis , Linn. : Labrus tetraodon v/-
refcens , caudd , bifurcd , Arted. Ce poiffon , qui efl du
genre des Labres , fe trouve dans la mer qui bai7,ne
rifle de Crète & les Mes voifmes. Il eft d'en-
viron treize pouces ; fa queue eft fourchue ; fa
couleur eft en général d'un jaune verdâtre , mais plus
foncé fur la tête & fiir les parties latérales au-deffous
des ouïes. Chacune des mâchoires eft divifée en deux
oifelets ; la fupérieure eft munie , de part & d'autre ,
de cinq petites dents aiguës , fituées extérieurement
fur une ligne un peu courbe; la mâchoire inférieure
offre une multitude de petites dents, & à l'extérieur
un grand nombre de tubercules difpofés en quinconces;
Les écailles font affez grandes, La membrane des ouïe^
«ft garnie de fix rayons»
A > O AIR fSî;
^AIONC. f^oyei Genêt épineux.
AIR , ^er. Vair eft ce fluide mobile , inodore , fans
couleur , tranfparent au point d'être invifible , que
nous refpirons &c afpirons continuellement, qui n'af-,
fecle aucun de nos fens , fi ce n'efl le toucher, & qui
eft répandu autour de nous jufqu'à une certaine hau-
teur que Ton eflime de dix-huit à vingt lieues. Il eft
fufceptible de dilatation & de comprefîion. Ceft urE
des agens les plus confidérables & les plus univerfels
qu'il y ait dans la Nature , tant pour la coniervation
de la vie des animaux, & la végétation, que pour la
production des plus importans phénomènes qui arrivent
îur la terre. Tous ces merveilleux eiFets font dûs à fes;
principales propriétés , qui font h ^uiditc , hp^fanteur
& fon élajiicité : toutes propriétés que les expériences,
de Phyfique démontrent d'une manière inconteflable.
La nature de cet ouvrage ne nous permet que de
donner un léger tableau des divers effets produits par;
ces propriétés.
On prétend que Vair doit au feu fa fluidité , & que
fans cet agent il deviendroit une maife folide impéné-
trable ; fa température efl: la même quand l'eau com-
mence à {e geler, & lorfque la glace commence à fe
fondre. La pefanteur de l'air efl à celle de l'eau , à peu
près comme i à 850 : c'efl: fa pefanteur qui foutient le-
mercure dans les baromètres (inflrument dont Tinventioa
efl: dîie au fameux Toricellï ,. ami & faccefleiir du grand
Galilée ) , élevé l'eau dans les pompes ^ occafionne auflî-
l'écoulement des liqueurs par les iiphons , & fait
couler le lait dans la bouche des enfans qui tettent.
On eflime qu'une colonne d'^/V, du haut de Tat-^
mofphere jufqu'à nous, c'efl-à-dire de 18 à 20 lieues;
de hauteur , à diamètre égal , pefe autant que 2^
pouces de mercure ou 3 2 pieds d'eau (^). \jïi pied
(û) Des Phyfîciens difent, que \q% obférvatibns des aurores bo-^
réaies prouvent que la hauteur de l'atmofphere atteint à trois ou quatre
^ents lieues, & qu'elle peut s'étendre davantage.
M3
iSi A I R
carré, bafe de cette colonne, pefe 1728 livres ; &
tout homme ( fa furface eflimée 1 5 pieds carrés ) ,
preffé tn tout fens par Vair , en foutient une mafîe de
2 5 900 livres & l'effort de cette maffe ; mais fon élaf-
ticité nous empêche d'en être écrafés. La pefanteur
de cet élément le force à fe précipiter vivement dans
tous les elpaces qu'il n'occupe pas , & où il peut trou*
ver accès , lorfqu'ils ne font pas remplis par des corps
plus pei'ans que lui.
On eflime encore que Vair que nous refpirons , e(\.
quatorze mille fois plus denfe que celui de l'extrémité
de l'atmofphere , & foixante-dix mille fois moins rare
que ce lui de la région éthérée : celui-ci eft un air fupé-
rieurement raréfié, dont la machine pneumatique ne
peut fe purger entièrement. Vair , à la hauteur de
32400 to^fes, eft, fuivant M. ile la Hire, 4616 fois
pUis rare qu'à la furface de la mer; & , félon M. Cajpni,
à la hauteur de 34050 toifes, il eft 4026 fois plus
tare. Enfin les Phyficiens efliment que Vair de la ré-
gion fupérieure de l'atmofphere efi: un million de fois
plus rare que l'or ; mais ce font des conjeûures d'ap-
proximation , dont l'expérience ne peut démontrer
l'exade certitude. Toujours eft-il vrai que Vair décroît
de denfité , & augmente en froideur en raifon de fon
élévation. Cet ^zV agit tellement fur nos fens, que fur
les plus hautes montagnes , les liqueurs fpiritueufes
font moins fapides , & le fon perd déjà un peu de fa
force.
La froideur de Vair fait balfler la liqueur dans le
thermomètre ; fa féchereffe ou fon humidité occa-
fionne les mouvemens de l'hygromètre. Vair , après le
feu , eft l'élément le plus léger ; donc il eft toujours
à la furface des corps avec lefquels il n'efi: pas com-
biné ; il ne les pénètre que lorsqu'il ne rencontre pas
de matière plus pefante que lui , & qui s'opp ofe à fon
pafTage. Vair fe charge , pendant l'infpiration , Aes va-
peurs dont le féjour nous feroit nuifible, &: nous en
AIR îSj
(délivre par l'expîratîon. Il efî: le principe de la vie
& de la mort. Sans fon fecoiirs le feu 6c la lumière
ne peuvent iubfifter. Vair eft le principe du fon ; il
le propage à onze cents pieds dans une féconde , &
cette propagation eft moins rapide que celle de la lu-
mière. S'il n'exiftoit point, le goût, l'odorat, l'ouïe
feroient des organes inutiles , & les femences demeu-
reroient enfévelies dans le fein de la terre fans fe dé»
velopper ; en un mot , fans Vair , point d'exiftence
fenfitive , & par un effet contraire il concourt à la
defl:ruâ:ion des corps inorganiques : il eft aufîi la caufe
de la réfraftion & des crépufcules.
Uair échauffé devient plus léger que celui dont la
température efl plus froide : devenu plus léger, il s'é-
lève , & l'air voifin plus froid & plus pefant le rem-
place. Echauffé au milieu d'une chambre par un four-
neau ou par un poêle , il gagne le haut , & fe répand
au-deffus de l'air plus frais , jufqu'à ce que touchant aux
murailles , ces murailles plus froides le condenfent :
alors devenu plus pefant , il defcend & prend la place
de Vair froid qui s'étoit porté vers le feu , pour occuper
celle de Vair qui s'étoit élevé des environs. Ainfi , au
moyen du feu , dit M. Franklin , il fe fait \mQ circu-
lation continuelle de Vair qui efl dans la chambre ;
circulation qu'on peut rendre vifible , en faifant danç
cette chambre un peu de fumée , car elle prendra les
mêmes direâ:ions. Entrouvrez une porte entre deux
pièces , dont l'une foit échauffie , & l'autre ne le foit
pas ; préfentez fiiccefîivement une bougie au haut, au
bas & au milieu de cette porte , vous verrez un effet
du même genre ; car vous connoîtrez par les diffé-
rentes directions de la flamme , un courant d'û/r échauffé
qui fort de la chambre par en haut , un autre ô^air
froid qui entre par en bas , & très-peu ou point de
mouvement au m.ilieu. M. Franklin prétend que la
Nature produit , fur Vair de notre globe , un effet fem-
blable , une pareille circulation. Vair échauffé entre les
M 4
i84 AIR
tropiques s'élève perpétuellement en Haut y & fa placé
eu remplie par les vents du nord & du fud, qui vien*
nent des régions plus froides. Vaîr plus léger , parce
qu'il eu. plus échauffé , flottant au-defTus d'un autre
plus froid & plus denfe , doit fe répandre vers le nord
& le fud, 6c defcendre près des de,ux pôles, pour
remplir la place de celui qui s'eft porté vers l'équa-
teur. Les diredions différentes & même oppofées des
miages , démontrent celles des airs de différentes pe-
fanteurs , comme celles de la fumée ou de la flamme',
dans rcxi>érience de la chambre ou de la porte dont
il eu mention ci-deffus.
Vair eu fufceptible de compreiîion & de dilatation;
Il fe raréfie 6c fe condenfe en raifon des poids dont
îl efl chargé ; la chaleur le dilate , le raréfie ; la feule
eau bouillante augmente d'un tiers la force de fon^
reffort. La chaleur pouffée à un degré éminent, lui
fait occuper un efpace treize à feize fois plus grand quô
fon volume ordinaire. Ce ff ce reffort de l'^/V comprimé,
6c l'eau réduite en vapeurs , qui foule vent les entrailles
de la terre , 6c occafionnent ces tremblemens de terre ,
ces explofions qui engloutiffent quelquefois des villes
entières.
Vair fe charge d'un nombre prodigieux de corps
hétérogènes qui en altèrent la nature , 6c qui fouvent
le rendent fi funefle aux êtres animés. Un air chargé
d'exhalaifons des latrines , des cimetières , des caves
fépulcrales , des boucheries , des marécages , des tan-
neries , des cloaques ;, peut arrêter la circulation , &
fuffoquer la perfonne qui le refpire. Le Dodeur Black
donne le nom d^air méphitique à cette efpece d^air re-
tenu en certains endroits & qui caufe la mort aux ani-
maux , qui éteint le feu 6c la flamme , 6c qui efl attiré
avec force par les fels alkalis 6c la chaux vive. Cet
air meurtrier ou méphitique fe diflingue de Vair or-
dinaire par la pefanteur fpécifique qui ell à celle de
l'air comme 1 5 ^ ou 1 6 à 9 j & de là vient que ^
AIR igf
lorfqu'll s'exhale de la terre , il ne s'élève pas au-delà
d'un ou de deux pieds. Vair méphitique ou fixe exhale
une odeur affez agréable , pareille à celle de la bière
qui fermente , & il rougit la teinture de violette. Il y
a aufîi Vair inflammable des marais , des mines de char-
bon , Vair mifcible à l'eau , & plufieurs autres , de même
faélices. Fojei les articles Gaz & Exhalaisons.
Un grand nombre de bougies allumées dans un ap-
partement fermé , de même que le feu des poêles &
celid de matières grafîes , font perdre à Vair beaucoup
de fon élafticité ; les émanations de la peinture à l'huile
avec la cérufe l'altèrent & le rendent nuifible : ce qui peut
occafionner en partie ces maladies de vapeurs fi com-
munes parmi les Grands.
La quantité de ce fluide ( Vair ) nécefTaire pour l'entre-
tien d'une flamme, même petite, ell étonnante. On pré-
tend qu'une chandelle ordinaire en confume quatre pintes
de Paris dans une minute. Il feroit donc intérefTant
de découvrir quel efl le changement que des feux al-
lumés dans toutes les parties de notre féjour, la flamme
des volcans , &c. opèrent dans Vair , & quelles font les
refTources que la Nature emploie pour réparer ces alté-
rations dans notre atmofphere. Il efl probable qu'un
des grands moyens qui tendent à ce but , ou font def-
tinés à entretenir dans l'atmofphere une falubrité con-
fiante , efl la végétation , l'abforption par l'Océan &
les autres grands amas d'eau. N'oublions pas de dire
que dans nos fpedacles , & autres lieux trop fréquentés,
comme dans nos hôpitaux , nos cafernes , les prifons ,
les étables trop peuplées , & autres habitations fer-
mées , après un certain temps , on ne refpire qu'un
air qui a perdu une partie de fon reffort , qui efl
corrompu & chargé de quantité d'exhalaifons qui ne
peuvent qu'afîe£ler l'odorat, gêner la refpiration , ou
agir en la manière des narcotiques violens. Un oifeau
enfermé fous une cloche de verre , infeâ:e bientôt de
fon haleine Vair qu'il y refpire ; il s'empoifonne par
ï86 AIR
la moufette qu'il a produit ; il vomit , haleté • ^e débat &
meurt. Les infe£les s'empoifonnent plus lentement ; mais
Yair qu'ils ont infeclé, n'eilpas moins délétère, l^oyci à
V article FoURMI.
Il feroit à défirer que dans bien des circonflances
on renouvelât l'^ir par le moyen d'un ventilateur. \}rv
bon aïr^ tel qu'il convient à l'économie animale , doit
être d'une température proportionnée à l'ordre des fai-
fons, exempt d'exhalaifons hétérogènes, corrompues,
& de tout mélange qui le rend trop grofîier , trop pefant
ou trop humide. De quelle importance ne feroit-il pas,
lorfqu'il eft queflion d'établir des habitations , de s'af-
furer auparavant de la falubrité de l'^/V par le moyen
d'un eudlometre , dont l'ufage peut devenir aiifîi facile
& auffi général que celui du thermomètre & du baro-
mètre ? Lefavant Cofmopolite , M. de Magellan^ 2l donné
la manière de conftruire facilement un tel inftrument.
Confultei le Journal de M. l'Abbé Rozier , Mars iJJ^»
Un air long-temps calme eft bientôt nuif-ble ; mo-
dérément froid , il eft préférable à Vair chaud. On pré-
tend que Vair a fur mer un mouvement plus grand,
plus confiant que fur terre , qu'il eft infiniment plus
pur , & qu'il convient fort aux poitrinaires & à ceux
qui font attaqués de la confomption. Confultez l'Ou-
vrage intitulé : De V Utilité des Foyap^es maritimes.
Tout ce que le feu peut volatjfifer , tout ce qui
fermente ou pourrit , tout ce qui peut être converti
en fumée, &c. peut prendre place parmi les fubflances
aériennes ; mais de toutes les émanations qui flottent
dans le vafle océan de l'atmofphere , les principales font
celles qui confident en parties falines.
L'^/r , ainfi que les autres élémens , tend à un par-
fait équilibre : cet équilibre efl-il dérangé par un air
plus vif, plus agité , &:c. il devient la caufe du vent.
Foye:^ V article Vents.
Tous les corps renferment de Vair\ mais de même
qiie le feu , il ell foi^s deux états dilFérens. Lorfqu'il
AIR 187
eft dans leurs pores , il iouit de fon reflbrt , il eft
pur , ifolé , 6c une foible chaleur l'en déloge : s'il entre
comme principe conftituant dans les corps , il y eft
combiné, ûxé , confolidé, & n'y jouit point de fa pro-
priété élaflique. Ainfi que le feu fous la forme de
phlogiftique , il devient principe fecondaire , il revêt
nicceiîivement différentes formes. Le volume d^air dans
cev état de fixité efl tellement refferré , dit M. Dekuie ,
que lorfqu'onl'a dégagé (par la décompolition) , lorfqu'il .
eft revivifié , & qu'il a repris fon élafticité , il occupe
quelquefois un efpace deux cents ou trois cents fois plus
grand que le volume du corps où il étoit renfermé.
Au refte , quelques Phyficiens regardent cet air fixé
€.omme le gluten , ou le moyen d'union des parties
des mixtes. .
Nous réfumons : Vair entraîne toujours quelques-uns
des principes les plus fugaces , ceux avec lefquels il a
le plus d'adhérence. Vair a une grande influence dans
beaucoup de phénomènes de la Nature ; & fes modi-
fications ou altérations , tant dans nos habitations que
dans les fouterrains , même dans notre atmofphere ,
atteftent que ce fluide peut agir, en certaines circon-
ftances , différemment de Vair ordinaire & principe. En
un mot , la doftrine des fluides aériens ou des effluves
aériformes , eft des plus importantes. Confultez kfavant
Difcours fur les différentes efpeces d*air , prononcé en fa-
veur du Savant Do£ieur Prieftley , dans V AffenibUe an-
nuelle de la Société Royale de Londres , /^ 30 Novembre
'773 9 P^^ ^i^ Jc>hn Pringle , traduit par M. Keralio ;
& le Précis des Lettres de M. Alexandre Volta ,y«r fAir
inflammable des Marais ; l'un & l'autre inférés dans le
Journal de M. /'Abbé Rozier , Mars lyy^ , 6* Février
Quels effets merveilleux ne réfultent point de l'har-
monie des divers élémens ! ils ont tous un befoin
mutuel les uns des autres ; la terre feroit ftérile fans
Feau ; l'eau perdroit fa fluidité li le feu l'abandonnoit.
i8S A I R
& fans Vair le feu feroit bientôt éteint. Valr llbfë
ell: donc Tame , le véhicule de la combiiftion : les expé-
riences de Phyfique le démontrent. L'hiftoire nous
apprend que les Romains regardoient Vair comme le
fëjour des Mânes & des Dieux indigetes , ou demi-
Dieux. Mais les Empereurs Grecs n'eurent pas une il
haute opinion de cet élément , &: ils ne craignirent
pas de le charger d'un impôt particuher , connu fous
la dénomination odieufe : pro haujlu œris. Ils faifoient
payer à leurs fujets l'air qu'ils reipir oient.
AIRA. Suivant les obfervations de M. de la Bordc^
Médecin , c'eft une efpece de renard peu rare dans la
Guiane. Il eft auffi gros que le renard de France ; fon
poil eft noir & lon^ , celui du cou eft blanc & repré-
fente la figure d'un lofange. La couleur du poil eft
bien différente quand il efl jeune. VAïra eit très-
vorace ; il boit fcuvent & lappe comme le chien ; il
rôde autour des habitations ; c'efî un grand deftrufteur
tle volailles ; il repaire dans les bois , chaife pendant
le jour, fe tient à l'affût comme le tigre , pourfurpren-
dre l'agouti, la perdrix, &c. Il fait fes petits comme
le chien crabier ^ dans des trous au haut des vieux ar-
bres ; la portée efl de deux à trois petits. Ce quadrupède
fe défend vigoureufement contre les chiens ; il eft
extrêmement vif , & toujours en mouvement. UAïra-
n'efl peut-être qu'une variété du chien -raton, Voye^^
Chien des bois.
AIRE. Nom donné généralement au nid des oifeauxi
de proie.
AIRELLE ou Myrtille, ^zV/5 /^/^^ , Tourn. tab;
377 ; 6- foUis ohlongis crznatis , frucîu nigricante^ C. B«
Pin. 470: Myrtllliis officia. Volk. 297 : Vaccinia nigra^
Comm. Plant. Ufu. 1 1 : Vacciniiwi myrtillus , Linn.
498. V airelle^ que l'on nomme aufTi raijin des bois ou
morcts ^ efl une plante à tige ligneufe, haute d'un à
deux pieds, rameufe , couverte d'une écorce verte ;
fes feuilles font plus grandes que celles du buis , moins
A I R 189
fermes l ovales , obtufes , liffes , glabres , vertes en-
deffus , veinées , un peu blanchâtres en-defTous , den-
telées par les bords , & pofées alternativement ; Tes
fleurs font à huit étamines & un piftil , monopétales
& formées en grelots de couleur blanche - rougeâtre ,
{ c'eft une corolle ovale à quatre ou cinq dents , dont
le calice eft à quatre divifions , ) auxquelles fuccedent
des baies de couleur d'un bleu foncé , d'un goût aftrin-
gent , de la groffeur d'une baie de genièvre. Cette
plante , appelée hrimbelîe en Lorraine , moureàeren Baffe
Normandie , croît en terre maigre , dans les bois &C
les lieux couverts & montagneux , en France , en
Allemagne ^ en Angleterre ; elle fleurit en Mai , &
fes fruits font miirs en Juillet. Ils ont une douceur
mêlée d'acidité , qui les rend affez agréables au goiit :
les Bergers & les Montagnards, fur-tout les enfans ,
en mangent avec plaifir ; leurs lèvres , les dents 6c la
langue en font teintes en bleu-violet. C'efl un mets
friand pour les coqs de bruyère.
On exprime le fuc des baies , que l'on fait épaiffir ,
& dont on forme un roh. Cette compofiticn eil
aflringente , propre pour la dyffenterie , & peut être
fubftituée au liic d'acacia.
Des Cabaretiers fe fervent des baies de Vaird/e
pour rougir leurs vins blancs : cette falfification n'eft
pas bonne, mais elle efl bien moins dangereufe que
d'autres qui fe pratiquent en Allemagne. On fe fert du
même fuc pour teindre les toiles , le linge & le papier
en bleu ou plutôt en violet. La couleur violette qu'on
peut extraire de cette plante, forme le fujet d'un Mé-
moire inféré parmi ceux de Stockholm , pour l'année
.1746.
Cette plante croît naturellement à une certaine hau-
teur 6c à l'ombre , dans les forêts de la Louifiane ;
on diroit d'un petit arbulîe : fon fruit y eu fort eilimé.
En l'écrafant dans l'eau , & la foumettant à la fermen-
jtajiçn , on en feit une liqueiy: fort agréable.
I90 A J U A L A
11 y a pluiieurs autres efpeces de ce genre ^ auquel;
dit M. DeUuie y on rapporte aulîi la cannebcrgc , dont
la frudifîcation eft ablolument la même, quoique la
corolle en foit un peu différente. On diftingue Vairdk
qui vient dans les lieux fangeux ; Vaccinïum uligi^
nofum , Linn. 499.
AJURUCURL'CA. Nom Brafilien d'un Perroquet
Amazone. Voye^ AouROU - cotjraou.
AKKIN-ALBO. Ceft l'Akoim.
AKOIM. Voyci Snak.
AKOUCHI. Foyci AcoucHi.
ALABANDINE. Foye^ Almandine.
ALABASTRITE ou Faux Albâtre, Pfeudo-ala-
hajlrum. Pierre gypfeufe , (blide , ordinairement blan-
châtre & tranfparente comme de la cire : elle fe taille
facilement , & eft fufceptible d'un poli moins brillant
que le marbre. Les Allemands , & aujourd'hui les
François , font avec cette pierre des tables , des co-
lonnes , des vafes & des figures aflez agréables ; mais
ils confondent mal-à- propos V alabaflrite ^ qui eil indif-
foluble dans les acides , avec l'albâtre oriental , qui eft
calcaire. Il y a des vafes d'alabaftrite fi tranfparens ,
que fi l'on y enferme une lumière , elle brille à travers
le vafe , & répand affez de clarté pour lire à trois on
quatre pieds de diflance; il y en a aufîî de prefque
toutes les teintes de l'albâtre oriental. On vient d'en
découvrir une belle carrière à Lagny , près Paris,
Foyei Albâtre.
ALACALYOUA. Voyei a Vartïch COROSSOLIER.
ALACOALY. Voye:{^ à ranïck BoiS DE CHaNDELLE.
VAlakoaly des Caraïbes efl le pois doux de Saint-
Domingue. Voye{^ Pois DOLX.
ALAGTAGA. Cet animal qiii fe trouve chez les
Tartar.s Mongoux , fur le Wolga & jufques en Sibérie ,
efl plus petit qu'un lapin : il a le corps plus court ,
fes oreilles font longues , larges , nues , minces , tranf-
parentes 6c parfemées de vaiiTeaux languins trèsr
A L A 191
apparens. La mâchoire fupérieiire eft beaucoup plus
ample que l'inférieure , mais obtufe Se affez large à
Textrémité : il a de grandes mouftaches autour de la
gueule; (es dents font comme celles des rats ; les
yeux grands, Tiris Se les paupières brunes; le corps
eil étroit en avant, fort large Se prefqiie rond en
arrière ; la queue moins longue & moins grolTe que le
petit doigt; elle efl couverte fur plus de deux tiers
de fa longueur de poils courts Se rudes; fur le dernier
tiers ils font plus longs , Se encore plus longs , plus
touffus Se plus doux vers le bout , où ils forment
luie efpece de touffe noire au commencement , &
blanche a l'extrémité. Les pieds de devant font très-
courts , ils ont cinq doigts ; ceux de derrière qui font
très-longs n'en ont que quatre , dont trois font fitués
en avant , Se le quatrième eu une efpece d'éperon ,
à un pouce de diftance des autres ; tous (es doigts font
garnis d'ongles plus courts dans ceux de devant , &
un peu plus longs dans ceux de derrière. Le poil
de cet animal eil: doux Se affez long, fauve fur le
dos , blanc fous le ventre. Cet animal qÛ une efpece
de grande gerboife. Voyez ce mot, UAlagtaga eft le
Cuniculusfeu O^p us indiens Utias dicîus , ài^Aldrovande ;
le Cuniculus pumilio faliens , caudâ longijjlmâ de Gmelin.
ALAIS ou Alethes. Oifeau de proie qui vient des
Indes Orientales Se du Pérou, Se qui vole bien la
perdrix. On en entretient dans la fauconnerie du Roi :
ces oifeaux font fort chers. Voyei Faucon.
ALAMATOU. Prune de l'Me de Madagafcar. On
en diftingue de deux fortes : l'une a le goût de nos
prunes ; toutes deux , au lieu de noyau , ont des
pépins : mais celle qu'on nomme alamatou ijfaii , &
qui a le goût de la figue , eu un aliment dont l'excès
paffe pour dangereux. Encyclopédie.
ALAN. Chien de l'efpece qu'on nomme dogue'*
Foyei à la fuite du mot ChîEN.
ALAPL^ Nom de la féconde efpece des oifeaux que
i^t A L A
M. de Buffon appelle fourmiliers roj/ignols, Voyeî'
Fourmiliers.
ALAQUECA. Pierre qui fe trouve à Balagate aux
Indes, en petits fragmens polis, auxquels on attribue
la vertu d'arrêter le fang , quand ils font appliques
extérieurement. La pierre que nous avons \aie fous
ce nom , ctoit une pyrite,
ALATERNE , Rhamnus alaternus , Linn. 28 1 : AU-
ternus prior , Clus. Hiil:. 56. ArbrifTeau rameux, delà
grandeur du troène^ & couvert d'ime ëcorce afîez
femblable à celle du cerifier. Ses fleurs font petites,
en entonnoir, découpées en cinq parties, blanches ,
quelquefois jaunâtres , odorantes , & fuivies de baies
Ciifpofées en grappes fucculentes, & noires lorfqu'elles
font mûres. Ses feuilles , qui font aftringentes & rafraî-
chifiantes , reifemblent à celles du filaria , dont on le
di flingue facilement , parce que fes feuilles font arrangées
alternativement , au lieu que le filaria les a oppofées.
De plus il y a deux ftipules (efpece de petites feuilles)
aux pédicules de fes feuilles , &; le filaria n'en a point*
\J^oyei Filaria.
ÏJalaterne , que M. Linnœus met dans le genre du
nerprun , conferve le vert brillant de fes feuilles
pendant l'hiver. On le cultive dans les bofquets en
buiffon ou en haie. Il faut couvrir (qs racines de
litière , pour' les garantir des fortes gelées : fi les
branches meurent, la fouche repouffe & donne en
peu de temps un nou.yel arbrifTeau. Sa femence nous
vient de Provence, d'Itahe, d'Efpagne. Son bois ref-
femble à celui du chêne -vert : on dit que Ion en
fait de jolis ouvrages d'ébéniflerie.
ALATLI. Grande efpece de martin - pêcheur du
nouveau continent. C'efl le martin -pêcheur huppé du
Mexique, de M. Brijjon^ 61 à^s pi. enL 184. Il efl de
la grofleur d'une forte pie. Le dos efl d'un gris bleuâ-
tre j les grandes pennes noirâtres en de/Tus, ainfi que
les
A L B 195
tes plumes de la queue ; le ventre eu roufsâtre ; îâ
gorge blanche ; le bec brun , mais le bout de la man-
dibule inférieure eu rougeâtre.
ALBAGORE ou Albecor» roje^ â tartîcU
Thon.
ALBATRE, Alahaflrum. L'albâtre eft ime pierre
calcinable , \\n peu moins dure que le marbre , dont
la tranfparence efl d'autant plus grande , qu'elle appro-
che davantage du blanc de cire» Il y en a de roufsâtre ,
de rougeâtre , d*un blanc fale , d'autres d'un beau
blanc ou de couleur de citron , & de toutes les cou-
leurs les plus riches. On en voit où il y a des veines,
des bandes ou des zones; on les appelle onycks , &c
on pourroit les comparer à celle des pierres d'agate
fine, que l'on appelle onyces. Voyez Onyx. C'eft dans ce
fens que l'on pourroit dire qu'il y a de V albâtre -onyx.
il s'en trouve aufîî de figurées , avec de petites taches
noires, diipofées de façon qu'elles reffemblent à de
petites mouffes , & qu'elles repréfentent des bandes
de gazon : c'efl pourquoi on pourroit l'appeler albâtre,
hcrborifc^ à l'imitation des pierres demi-fines qui portent
ce nom. Voye^;^ Dendrite.
Il y a encore d'autres fortes à!albâtrz : celui qui
étant fcié &c poli , offre de belles taches en forme de
plis concentriques & ondoyans , s'appelle albdtr&
d'agate ; celui qui efl: prefque tout criflallifé en rayons ,
& que l'on fcie de manière à rencontrer la fuperficie
des aiguilles , efl V albâtre glacé ou le mayella gh'iacciatl
des Italiens; enfin V albâtre qui a la pâte du marbre
de Cararre & dont les Statuaires fe fervent , eil d\in
blanc de lait &; fort tendre.
\1 albâtre , que l'on ne doit regarder que comme ime
efpece de jlalaclite , n'efl point fufceptible de prendre
un poli aufîi beau & auiîi vif que celui du marbre,
parce qu'il n'a point la même dureté, Lorfque fa furface
efl polie , on la croiroit frottée avec de la graiiTe. On
l'emploie à faire des manteaux de cheminées , de^
Tome L N
194 A L B
tables, de petites colonnes, des vafes, des ftatues
&C d'autres ouvrages d'une beauté finguliere.
On difïingue deux fortes d'a/batre ; X oriental & le
commun, U oriental efl celui dont la matière eft la plus
dure 5 la plus pure , la plus fine , & dont les couleurs
font les plus vives. Cet albâtre eil plus recherché & plus
cher que V albâtre ordinaire. Celui-ci n'efl pas rare ; on en
trouve en France , aux environs de Cluny dans le Mâ-
connois : il y en a auiîi en Allemagne, en Lorraine
& en Italie ; &: il efl encore* plus commun que l'on ne
croit. \2 albâtre oriental fe trouve en Italie , en Efpa-
gne 5 Ôcc. On voit au grand Autel de Saint-Marc , à
Venife , deux fuperbes colonnes à^ albâtre oriental tranf-
parent.
Des Chimifles modernes & quelques Naturalises
donnent le nom dH albâtre à une forte de pierre à plâtre ,
& fmgiiliérement à celle qui eil alTez pure , &: qui a la
demi-tranfparence &' la couleur du marbre le plus
blanc ^l le plus épuré ; m.ais cela demande une expli-
cation. Ces Auteurs femblent avoir donné le nom
di albâtre à une pierre qui , à la vérité , lui refiemble
beaucoup , tant par fon tiffu Q\ie par fa blancheur ; par
les veines ol les couleurs qu'on y remarque. Cette
pierre qui eil un vrai gypfe ( alabajlrite ) , fe trouve
fur-tout en différentes parties de l'Allemagne ; & c'eft
fur elle que M. Pott a fait toutes fes expériences , pour
découvrir la nature de la pierre gypfeufe : on vient
d'en découvrir aufîi une très-belle carrière aux environs
de Paris ( près Lagny ) , & qu'on exploite avec fuccès ;
mais , nous le répétons , le vénta±>le albâ.tre , & fur-
tout celui que nous connoiiTons fous le nom d^albâtrc
oriental , dont on fait tant de beaux ouvrages , dont la
plupart des ftatues , des urnes &; vafes anciens font
faits, doit être regardé comme une pierre calcaire,
puif qu'il fait effervefcence avec les acides, &: fe change
en chaux par la calcination. Pour peu qu'un Natura-
lise foit éclairé de la Chimie & de la PliYfique, il
A L B 195
reconnoîtra fans peine, en voyageant & viiitant les car«
rieres, que Valhdm n'efl qu'une flalaŒte fpatheufe &
calcaire , & que c'efl le marbve ou une pierre à chaux
qui produit cette flaladite. Tous les cabinets des Cu-
rieiLx: en peuvent fournir des échantillons. Ainfi la pierre
que MM. Walkrius^ Pou ^ &c. nomment albâtre ^ &
qu'ils placent parmi les gyples , n'a rien de commun ,
fmon la reffemblance extérieure avec ce que nous enten-
dons par albâtre. Voye^ Stalactite , Gypse ôc
Alabastrite.
Albâtre vitreux. C'efl exa£î:ement une efpece
ôiQ. fpath fujil'le. Cette forte de faux albâtre^ quoique
tendre, eft fufceptible d'un beau poîi; il efl fort pelant,
& a été formé par voie de filtration ou par dépôt ,
comme Valbdtrc calcaire ou oriental. Nous avons vu
en Angleterre , qui eft la patrie de Valbdtrc vitreux ^
quantité de bijoux & de vafes précieux faits de cette
matière. La couleur en eft communément violette,
tachetée par zones blanches ou jaunâtres , & chatoyantes
comme des primes d'améthyfle.
ALBATPvOS , Albatrus aut Albatroca marina.
Nom donné au plus gros des oifeaux palmipèdes ; il
eft reconnoiffable à fa corpulence maffive qui lui a
fait donner le nom de mouton du Cap de Bonne- Efpé-
rance par les Navigateurs qui l'ont comparé à ce
quadrupède pour fa groffeur. Ses ailes ont dix pieds
d'envergure ; fon bec eft d'un jaune très-pâle , long &:
crochu par le bout fupérieur ; celui de l'inférieur eil
comme tronqué ; les daix mâchoires font compri-
mées latéralement ; ajoutons que le bec , comme
celui de la frégate , du fou , & du cormoran , efl
compofé de plufieiu-s pièces oui femblent articulées
& jointes par des futures. Les narines font près
de la tête , &: ont une forme conique ; le deffus de la
tête eft d'un gris-rouffâtre ; les plumes de la gorge ,
du cou &: de tout le deffous du corps font de couleur
blanche ; celles du dos ^ d'un brun fale ou mouche-
N %
it)6 A L B
tées fie noirâtre fur un fond blanc. Le croupion 8i
le defftis de la queue d'un beau blanc , le deiîiis des
ailes rayé de noir fur un fond blanc. Les jambes
font avancées vers le milieu du corps, hors de l'ab-
domen &c plus courtes que le corps : elles font
dégarnies de plumes par îe bas ; le pied n'a que trois
doigts qui font tous dirigés en avant , & joints
enfemble par une membrane ; le doigt du milieu a
près de fept pouces de longueur ; la partie nue des
jambes , les pieds , les doigts , leurs membranes , les
ongles font de couleur de chair.
Il y a des albatros d'un gris-brun ,. d'un brun foncé ,
d'un cendré-brun ^ d'autres grisâtres ; le fexe & l'âge
peuvent produire ces différences de teintes , ainii que
celle du volume de l'oifeau. On a repréfenté ^ /?/. enL
237, V albatros du Cap de Bonne-Efpérance , &/?/. enL
963 , V albatros de la Chine.
Les albatros , dit M. de. Buffon , n'habitent que les
mers Auftrales , & fe trouvent dans toute leur éten-
due depuis la pointe de l'Afrique jufqu'à celle de
l'Amérique & de la Nouvelle Hollande : on n'en a
jamais vu dans les mers de l'hémifphere boréal; c'ell
au-delà du Cap de Bonne-Efpérance , vers le Sud ,-
qu'on a rencontré les premiers albatros ; ils ne vivent
guère que de molliîfques , de zoophytes , d*œufs &
de frai de poifibn que les courans charient ; malgré
leur force , dont ils n'abufent pas , ils vivent en paix
au milieu des autres oifeaux de mer , ^ ne paroiftent
fe tenir en garde que contre les mouettes. Les alba-
tros , comme la plupart des autres oifeaux qui vivent
fur les mers Auitrales , effleurent en volant la furface
de Teau , & ne prennent un vol élevé que dans le
gros temps & par la force du vent ; ils fe portent à
de très- grandes hauteurs en mer , fe repofent ôc dorment
fur les flots. On ne rencontre ^albatros nulle part
en plus grand nombre qu'entre les Iiles de glace des
mers Auftrales , depuis le quarantième degré jufqu aux
A L B A L C 197
glaces fotides qui bordent ces mers, jufqu'au 65 ou 66*^
degré. On dit que leur chair eft affez bonne à manger.
ALBERGAINE, royei à r article MÉlongene.
ALBERGAME DE MEK.Malum infanum. Zoophyte
marin , que Ronddet a ainfi nommé à caufe de fa
refTemblance avec l'efpece de pommes d*amour alon-
gées ou en fornïe d'œuf , auxquelles on a donné le
nom d'alùergaine à Montpellier. On voit (urV alkrgame
des apparences de feuilles du de plumes; c'eilenquoi
ce zoophyte diffère de la grappe de mer, H y a au'ii
quelque différence dans leur pédicule. Voye:^ GRAPPE
MARINE & Zoophyte.
ALBERGE ou Albergier. Efpece de pêcher dont
les fruits font des pêches précoces qui ont une chair
jaune , ferme , & fe nomment alberges. Ces fruits
femblent faire la nuance entre la pêche & l'abricot.,
Foyei PÊCHER,
ALBRAND ou Alebran ou Hallebrand. C'efl
le petit du canard , & notamment de Fefpece fauvage.
Foye:;^ t article Canard.
ALBULE, Mugll Albula ^ Linn. Poiffon du genre
du muge ; il fe trouve en abondance dans le canal de
riile de Bahama , l'une des Lucaies ; ce poiffon paffe
dans le pays pour un mets délicat. Il eft long d'en-
viron un pied ; les yeux grands ; les iris d'un blanc
clair ; la gueule petite & dépourvue de dents ; la
première nageoire dorfale a quatre rayons, & l'autre
neuf ; les nageoires peâ:orales en ont dix-fept ; les
abdominales fix , dont le premier eff épineux ; la na-
geoire de l'anus en a onze ; les trois premiers font
épineux; la queue large & fourchue a vingt rayons;
les écailles font grandes ôc brillantes.
ALCANA 5 eft le nom de la racine de buglofe , dont
on fe fert pour teindre en rouge ; (es feuilles , infufées
dans leau , donnent une couleur jaune; ôc dans un
acide , comme le vinaigre , une couleur rouge. On
exprime, des fruits de cette plante, une huile d'une
N 3,
198 A L C
odeur très-agréable , dont on fait ufage en Médecine.
Si on prépare la racine de cette plante avec de la
chaux vive , on obtient une belle couleur de rofe bril-
lante, dont les O-ientaux ie fervent pour leurs dents
& leur vifage. Quelques Arabes ont donné auiîi le nom
^alcana à la colle de poifTon. Voyc^ à Vartick ES-
TURGEON.
Il y a une fauffe efpece de troim des Indes & de
Barbarie, nommé par les*Maures & les Turcs kmna
ou knah ^ c'eft Valhenna^ dont les feuilles, réduites en
poudre fine , &: mifes en pâte avec du fuc de limon ,
font employées comme cofmétiques ; les hommes en
teignent leur barbe ; les NégrefTes de l'Afrique , les
femmes Turques & Juives , l'emploient pour donner
à J^urs ongles, & quelquefois aux cheveux, une belle
couleur rouge qui dure jufqu'à leur nouvelle repro-
duction.
M. Dehuie dit que Valhcnna n'ell pas du genre du
troène ; fa fleur efl: à huit étamines difpofées deux
à deux, & n'a qu'un piftil : le calice efl: découpé en
quatre pièces ; la corolle efl: formée de quatre pétales ,
& le fruit eft une capfule à quatre loges.
ALCE ou ALCÉE. Animal connu des Anciens , que
l'on croit être Vélan. Voyez ce mot.
On donne auffi le nom à^alcée à un genre de plan-
tes étrangères , à fleurs polypétales , de la famille des
Malvacées , & qui comprend un petit nombre d'efpeces ;
il y a la rofe trémiere ; V Aide à feuilles de figuier ,
Alcea fidfolïa , Linn. On la dit originaire de Sibérie.
\!Alck de la Chine , efl: très - joUe , mais moitié moins
grande que les précédentes ; toutes font cultivées dans
les jardins.
Y! Alck d'Egypte efl VAmhrette, Voyez ce mot,
ALCHIMELECH. Plante connue fous le nom de
mélilot égyptien. Voyez ce mot,
ALCHIMILLE , Akhimilla, Genre de plantes pro-
pre à l'Europe , à fleurs incomplètes , & de la famille des
A L C icg
Plmprenelks ; telles font Xo.perche-'pler^ lepied de lion , &c,
ALCHMINIER. Foyc^ Néflier.
ALCO. f^oyei à Vartïck Chien.
ALCYON 5 Alcedo, Nom donné à différentes efpeces'
d'oifeaiix.
Il y a V Alcyon des modernes , en latin , Alcedo fiuvia-
tllis , c'efi: le Martin-pêcheur de nos climats.
Des auteurs ont fait mention ^Alcyon des Berhices ,
l'un à longue queue , & qui nous paroît/être le Jakamar
àz Surinam ; l'autre efî: naturel aufîi aux Berbices , &
a de même deux doigts antérieurs & deux poftérieurs ;
mais ia queue eil courte.
M. Vofmaèr a décrit ? il y a quelques années , deux
oifeaux fous le nom de petits alcyons des Indes ; ils
n'ont que deux doigts en avant & un en arrière ; l'un
qui eft le m.âle , a le deffus de la tête & la queue de
couleur châtain ; le plumage des ailes eil en partie
bleu 5 & en partie noir ; tout le refte eft en quelque
forte jaunâtre. Le pliunage de la femelle eil: prefque
tout châtain roux.
'V Alcyon de Cateshy\ c'eil le Jagiiatl ; Voyez ce mot,
L ^Alcyon vocal eil la E^oiifferclc ; Voyez ce mot,
h^ Alcyon des anciens , (^Alcedo marina , ) eil un oifeaii
très-célébré par les anciens &: duquel on a dit bien
des merveilles : quelques-uns prétendent qu'on ne fait
pas bien à quel genre d'oifeau on doit rapporter Valcyon
des anciens , oifeau confacré à Téthys.
Cet oifeau , dit-on , eil: de la couleur & de la forme
de V hirondelle ; il a des membranes aux pattes , comme
les canards : l'extrémité de fes ailes e(l d'un jaune-
aurore. Les alcyons ne vont guère que par bandes,
& ne paroiiTent ordinairement que pendant les tem-
pêtes : ils fui vent les vaiiTeaux , volent fort vite à un
pied ou deux au-deiTus de l'eau ,d^ç.n{e coupant les uns
les autres; quelquefois ils frifent l'eau, & ne vivent qu'à la
mer. On aiïïire que les Marins ,' fur-tout les Matelots ^
refpedent ii fort les alcyons ^ qu'ils n'ofent en tuer.-
N4
loo A L C
M. le Vicomte de Querho'dnt ^ nous mande que la
quantité de voyages qu'il a faits fur mer , le met à
même d'affirmer que les alcyons volent quelquefois
feuls aux environs des vaifTeaux , &: qu'ils y paroiflent
fans qu'il y ait de coup de vent. Cet obfervateur croît
que V alcyon , le pctrd 6c Voifeau de tempête , ne font
que le mêmeoifeau qui a fubi des altérations de variété,
par la différence des climats où il fe trouve.
M. Mauduyt ( Encyclop, Meth, ) dit au contraire , que
V alcyon dont il eft queftion , & fi célèbre par l'ufage
qu'on fait de fon nid , & par ce qu'on en a écrit , eft
Vhirondcllc de rivage ( ou de mer ) de la Cochinchine
de M. Briffon ; T. l\ , p. 510, pL XLVI,/^. 2, &
qu'on lui donne aux Philippines le nom de Salagane
o\i Salangane, Cetoifeau, continue M. Mauduyt^ n'eft
pas fi gros que le roitelet ; toutes les parties fupé-
rieures font noirâtres ; les inférieures font blanches ; \es
pennes à^s ailes & de la queue font noirâtres ; les dernières
îbnt de plus terminées de blanc ; le bec noir ; les pieds
& les ongles bruns ; l'iris jaune.
Tous les Auteurs , d'accord fur le cas que les Chinois
& quelques autres peuples de l'Afie font du nid de
la falangane ( ou de V alcyon ) , comme affaifonnement
délicat dans les mets, fur le grand prix qu'ils y atta-
chent , & la propriété qu'ils lui donnent , ne convien-
nent ni de la fubflance dont ce nid eil formé, ni de
fa configuration , ni des lieux oii le conflruit l'oifeau
qui le fabrique : fui vaut les uns , les falanganes atta-
chent leur nid aux rochers , à-peu-près à fleur d'eau ;
d'autres prétendent qu'elles le cachent dans les creux
des rochers ; & il y en a qui affurent qu'elles les
conûruifent dans des trous en terre : ces rapports ,
dit M. Mauduyt , ne peuvent-ils pas être tous vrais ,
êr , fuivant les circonftances , les falanganes ne place-
roient-elles pas leur nid dans le lieu qui leur fera le
plus com.mode ?
Quelques marins affurent que ces nids font compofés
A L C 2or
iîe goémon ; &iîs ajoutent que les alcyons tr^m^tnt leur
nid jufqu'au bord de la mer , &: que lorf qu'il vient un
vent de terre , ils lèvent une aile qui leur fert de voile ,
le vent porte le petit vaiffeau au large , & ils voguent
ainfi fur leurs nids au milieu des eaux : voilà une idée
brillante , à laquelle il ne paroît manquer que la
vérité.
Quant à la fubflance du nid , c'eft , prétendent les
lins , ime humeur vifqueufe & blanche que les alcyons
rendent par le bec , dans le temps qu'ils s'accouplent :
peut-il y avoir plus de vérité dans ce dernier fait ,
que dans le précédent ? D'autres veulent que ce foit
im fuc recueilli fur l'arbre appelé calambouc ; c'eft,
fuivant d'autres, une écume de mer, du frai de poiffon;
enfin , ce font des débris ^holothuries , ou d'animaux
jiioux , de polypes de. mer. Ces nids ont , fuivant cer-
tains Voyageurs , un goût aromatique ; ils font infipides ,
félon d'autres. Ce qu'il y a de certain , c'eft que ceux
qu'on nous apporte , & que l'on voit en Europe dans
les cabinets des curieux , font d'un blanc - gris , à
demi-tranfparens , qu'ils reflemblent à de la colle de
poiffon ; qu'ils ont une forme hémifphérique très-
irréguliere , & qui paroît avoir été déterminée par la
jbafe à laquelle ils adhéroient.
Si l'on en croit Kœmpfer^ les nids à^falangane, n'exif-
tent pas réellement , & ces nids , tels que nous les
connoifTons , font une préparation faite par les matelots
Chinois avec la fubflance de différens polypes. Mais
écoutons ce qu'un voyageur philofophe & obfervateur
très-écîairé , M. Poivre _, mandoit à M. de Montheillard ,
fur les nids ^alcyon ou de falangane ; qu'étant entré
dans une caverne d'un illot près de Java , il en trouva
les parois tapiiïees de petits nids , en forme de bénitiers ,
très-adhérens au rocher. Ces nids tranfportés à bord du
vaiffeau furent reconnus par des perfonnes qui avoient
fait plufieurs voyages à la Chine , pour les mêmes
qu'on recherche èi qu'on met à li haut prix dans cet
202 A L C
Empire. M. Poivre compare les oifeaux qiû les avoîenî
conllriiits , aux colibris pour la groffeur ; il ajoute que
dans les mois de Mars & d'Avril , les mers qui s'éten-
dent depuis Java jufqu'en Cochinchine au Nord , &
depids la pointe de Sumatra à l'Ouell , jufqu'à la Nou-
velle Guinée , font couvertes de roguc ou frai de
poiffon qui forrhe fur l'eau comme une colle-forte à
dem.i-délayée. M, Poivre dit avoir appris des peuples
qui bordent les côtes de ces mers , que la falangane
fait fon nid avec ce frai de poiffon , 6c que tous s'accor-
dent fur ce point ; le même obfervateur ayant ramaffé
de ce frai & l'ayant fait fécher , Ta trouvé femblable
à la matière du nid des falanganes. Ainfi la matière
dont font conftruits les nids des alcyons , démontre
la vérité de l'aiTertion de M. Poivre ; &z comme ces
nids font très-recherchés en Afie , fur-tout en Chine ,
il feroit poiîible que des matelots Chinois euffent depuis
long-tetnps l'induftrie de contrefaire ces nids, en
ramaffant du même frai & lui donnant la configuration
connue , à fur 6c mefure qu'il fe feche ; & alors
Kœmpfer n'auroit eu connoiiTance que de ces nids faftices
que l'on auroit aromatifés avant leur état de ficcité.
C'efl à la fin de Juillet & au commencement d'Août
que les Cochinchinois font la récolte des nids d"* alcyons ;
éc comme c'eft en Mars & en Avril que ces oifeaux
multiplient , l'efpece n'en fouffre pas ; on ne la trouve
que dans cet Archipel immenfe qui borne l'extrémiité
de l'Afie. M. Poivre affure que ces nids ne font eftimés
des Chinois que comme unefubftance très-nourrifiante ,
& que lui-même n'a jamais rien mangé de fi refiau-
rant qu'un potage- de bonne viande garni de nids à^alcyons ^
qui d'ailleurs font infipides. On prétend que le prix de
CQ:S nids , appelés en Chine Sakoi - Bouka , eil: bien
diminué , & qu'on en acheté aujourd'hui 345 fous
l'once , argent de France. Les Chinois les font bouillir
avec du gingembre , ou avec un autre aromate qui en
déguife la faveur infipide & glutineufe ; ils eiliment
A L C A L E loi
ces nids comme un remède alimentaire pour les per-
fcnnes ëpuilées &c dont l'ellomac fatigué fait mal les
fondions. En 1768, lors du féjour du Roi de Dane-
marck à Paris , dans une des fêtes qui lui furent
données , on fervit fur la table où ce Prince mangeoit ,
un mets que tous les convives prirent pour des tendons
de veau défigurés , ou des lazagnes d'une nouvelle
forme ; c'étoit un plat de nids d'alcyons. Nous trou-
vâmes le moyen d'en goûter ; ce mets nous parut d'un
goût fort fade.
Alcyon ( Polypier ) ou Alcyonium. Corps ou
fubftance qui fe trouve dans les mers. On en voit
qui font creufes & fpongieufes , ce qui les avoit fait
regarder par qiielques-uns comme le nid de Valcyon ;
d'autres avoient mis cette fubilance au rang des plantes
marines. Enfin M. Peyjfonel a découvert que V alcyo-
nium étoit une ruche quelquefois charnue , produite
oc formée par des animaux de mer, affez femblables
aux polypes. Foyei Polypier , Guêpier de mer , &
Alcyon , à l'article Corallines.
ALCYONITES. Ce font les alcyons devenus fof-
files. Foyei VarticU FONGITES.
ALEBRANDE , de Belon ; c'efl la Sarcelle commune,
ALENE. Voye:^ Raie au long bec &: pointu.
ALEPELECOU. Voye:^^ Bois de couille.
ALERION : c'eft le Martinet noir.
ALETHES. Voye?^ Al Aïs.
ALETRIS. Nom donné à un genre de plantes exo-
tiques , unilobées , & qui ont beaucoup de rapport
avec les Alo'ès & les Jacintes : il y a VAletris farineux
de l'Amérique feptentrionale ; celui du Cap de Bonne-
Efpérance ; VAletris de Guinée ; celui de Ceylan ,
dont une variété eil le Katu - Kapel du Malabar ;
VAletris odorant d'Afrique , qui a fleuri au mois de
Septembre 1782, dans la ferre du jardin du Roi , qui
en fut parfumée pendant pluiieurs jours; ce dernier efi:
V Aloi africana arhorefcens , Jloribus albicantibiis _, fra^ran-
io4 A L G
tijjlmis^ Comm. Hort. : VAUtris de la Chine eft le Colli
des Chinois: An Hclli^ Rai.
ALGAZEL. Les Arabes déflgnent fous ce nom ,
la famille des Gazelles en général. Voyei à l'article
Gazelle.
ALGIRE 5 Alglra, Lacer ta candâ vmicillatâ longiuf-
culd y corpore Uncis utrïnqut duahus Jlavls , Linn. Ce
Lézard , qui eft du deuxième genre , fe trouve dans
la Mauritanie ; fon corps efl à~peu-près de la lon-
gueur d'un doigt , il efl d'une couleur fombre en-deffus
& jaunâtre par-deffous. Les écailles du dos font ai-
guës & relevées en carène ; le corps efl marqué de
quatre lignes jaunes , dont les deux premières bor-
dent le dos, & les deux autres féparent Tabdomen-
é^s flancs.
ALGUE , Alga, Genre de plante qui croît dans les
eaux de la mer. Il y en a de beaucoup d'efpeces ,
ou plutôt on a donné ce nom à diverfes plantes de
genres difFérens , tantôt à des fucus , tantôt à une forte
de conferva, La plante qu'on appelle communément &
improprement algue ^ celle dont on fait quelque ufage,
efl une efpece de plante marine d'un genre de la clafTe
des chiendens , une efpece de fouchet. Ses feuilles
font étroites , longues d'environ deux à trois pieds ,
planes , molles , rafTemblées en faifceau , d'un vert obfcur,
refTemblantes à des courroies. Cette plante croît en
grande quantité le long des bords de la mer Méditer-
ranée & ailleurs : les payfans la font fécher fous le
nom de hauque , & en tirent un bon parti pour ferti-
lifer leurs terres. Les Verriers & les Parfumeurs en
enveloppent leurs bouteilles. Son incorruptibilité &
l'élaflicité qu elle acquiert, lorfqu'on l'amoncelé, la fait
entrer utilement dans la compofition des digues de la
Nort-Hollande. On emploie les cendres de X algue vraie ,
qui contient beaucoup de fel, pour fervir de fondant
au fable dont on fe fert pour faire le verre. Cette
plante efl vulnéraire & defTicative.
A L G ALI 20f
Il croît dans la mer , fur les côtes de llflande 9
une efpece à' algue ^ alga facharlfira ^ qui ne diffère
guère de la précédente , qu'en ce que fes feuilles font
un peu plus graffes & jaunâtres. Lorfque cette algue
a refté à nu expofée à l'ardeur du foleil , il fe forme
fur fa furface de petits grumeaux d'un fel doux &:
de bon goût , dont les habitans des côtes de cette ille
fe fervent à la place du fucre. Ils recueillent aufîi cette
plante avant qu'elle foit couverte de ce fucre , pour
la manger en falade. Voye^ Fucus ; Varech; Plantes
MARINES ; HeUBE FLOTTANTE; G OEM ON ; SaRGAZO.
ALGUETTE , Zannïclullla. Genre de plante aqua-
tique , décrit par Pontedcra fous le nom à'aponogeton ,
& auquel on a donné le nom d'un fameux Apothi-
caire de Venife , appelé ZannlchcHL La Zannichellc
ou alguette aquati que , ZanichelUa palujlrls , Linn . 1375.
eft annuelle Sz croît dans les ruiffeaux ; (qs tiges font
fbibles , menues , articulées , rameufes » plongées dans
l'eau ; les feuilles font linéa-res , alternes , oppofées ,
& ramaffées aux fommets des rameaux. Ses fleurs font
mâles & femelles , fans pétales. La fleur mâle efl fans
calice, & n'a qu'une feule étamine ; la fleur femelle
qui fe trouve auprès , efl enveloppée d'une membrane
qui tient lieu de calice ; les fruits viennent aux aif-
felles des feuilles , ce font des femences oblongues
renfermées dans àes capfules. Antclcg. pag, 11 j.
ALHAGL Voye?^ Agul.
ALHENNA. Foye^ à tartlck Alcana.
ALHASSER. Voye-i à rartïcU APOCïN.
ALIBOUFÎER, Styrax folio mail rorc?7Zf/,BAUH. Pin.
452. Arbre de la grandeur d'un olivier & qui croît
dans les forêts de Provence , autour de la Char-
treufe de Mourieu , à Baugencier , à Soliers , & entre
la Sainte-Baume & Toulon , même dans le Levant 6^
en Italie : il reffemble au coignaffier par fon tronc ,
fon écorce , & fes feuilles , îefquelles font vertes cn-
delTus , blanches 6c cotonneufçs çn-deiTous ; i^% ôeurs
io6 AL I
qui paroiflent dans le ^printemps , font d'une feule
pièce, femblables à celles de l'oranger , blanches , odo-
rantes ; elles naiiTent cinq ou fix enfemble par bou-
quets ou grappes fort courtes , qui terminent les ra-
meaux. Son fruit efl une baie à peau blanchâtre &
cotonneufe , & peu charnue , qui contient deux noyaux.
Ces arbres , en Provence , donnent quelques grains
d'une réfme analogue à celle du ftorax-calamite : les
aliboiifiers qui croifTent dans les pays plus chauds , tels
que la Syrie & la Cilicie , en produisent davantage ,
fur-tout il on fait quelques incidons au tronc & aux
branches. Un Voyageur a voit dit à M. Duhamel qu'un
petit vermiffeau s'attachant à Valiboufier , ronge fon
écorce , & laiiTe , en fe retirant , un trou qui donne
iifue au ftorax en larmes , qui par cet accident dé-
coule de l'arbre , tout folide & couvert d'une fubftance
farineufe ; mais il paroît que le vrai ftorax des Dro-
guiftes & des Parfumeurs découle d'une efpece de li-
quidambar oriental. /^oje^SxORAX-CALAMiTE , décrit
à l'article Styrax.
IJAliboufier d'A mérique eft le Styrax Amerïcana folïis
ovato - lanuolatis , fubdentatis , fioribus oclandris , des
Botaniiles.
ALIDRE , Colubzr Alidras , Linn. Serpent des Indes ,
qui eil: du troifieme genre. Il eft d'une couleur blanche
fur toute fa furface , de même que dans Xefcrpent blanc de
Linnxus , qui habite le même pays. Mais Validre a l'ab-
domen recouvert par 1 1 1 grandes plaques , & le deffous
de la queue eft garni de 5 8 paires de petites plaques ; le
ferpent blanc en a 1 70 des premières , ôc feulement 20
des fécondes. Vcyei Serpent blanc.
ALIMOCHE. Foyci Aigle a tête blanche.
ALIOTOCHTLI. Nom que les Mexicains donnent
au tatuete qui eft le tatou à huit bandes. Foyei à
Vartick ArmadillE.
ALISIER ou Alizier , Cratœgus. Arbre de forêt ,
de moyenne grandevir , qui fe plaît dans les terres
A L I 207.
qui ont beaucoup de fond. Ses fleurs font en rofe ,
rafîemblées en bouquet. Son fruit eft une baie char-
nue , arrondie , terminée par un ombilic qui eft îe
refte du calice ; elle renferme deux femences oblongues
& cartilagineufes. Les feuilles des alifiers font grandes ,
fermes , echancrées à l'infertion du pédicule , feptan-
gukires & placées alternativement fur les branches.
M. Dzlcu^c dit que les autres caraderes de ce genre
font que la fleur , dont la corolle efl à cinq pétales
& le calice à cinq pointes , contient plufieurs éta-
mines attachées au calice , &: deux piflils.
Il y en a une efpece nommée VAUJier blanc ^ VAlou-
che de Bourgogne ou le Sorbier des Alpes , Cratcegus
folio fubrotundo y fubtus incano ^Towxn, 633 , qui con-
ferve plus long-temps la beauté de its feuilles. Le
fruit de cet alijier efl rouge dans fa maturité , & afTez
agréable à manger ; il attire les oifeaux dans les taillis :
les litornes en font friandes; fes fleurs qui viennent
par bouquets aux extrémités des branches, font blan-
ches , & font un bel effet au printemps. Comme cet
arbre vient afTez bien à l'ombre , il efl propre à garnir
les clairières dans les bois de moyenne grandeur. On
peut s'en fervir avec avantage , foit pour garnir les
bofquets , foit pour faire des allées dans les parcs.
Lorfque le vent agite fes rameaux , il découvre le
defTcus de fes feuilles, qui efl garni d'un duvet co-
tonneux très-blanc, & l'arbre paroît alors tout blanc.
Cet effet forme dans les plantations d'agrément ^ une
variété pittorefque. Son bois eft fort dur ; mais il
n'a point de couleur. Les Charpentiers emploient celui
de Valijier à fiuilks larges , & à fruits diun jaune-roii^
gedtre ^ pour faire des alluchons &: des fufeaux dans
les rouages des moulins. Les Tourneurs le rether-
chent; les Menuifiers en montent leurs outils : les
jeunes branches fervent à faire des flûtes & des fifres.
Le fruit de Valifier eft aflringent ^ fa racine donne une
teinture noirâtre.
îo8 A L î A L K
On dîflingiie encore IWi/ler tormînal ^ Valijier nairîf
Valijier à feuilles (Tarboujier ; il efl: originaire de là.
Virginie. Ses fruits font noirs.
ÂLISMA de Matthiole. Ceft le Doronlc à feuilles
oppolces , V Arnica à^s boutiques. Koyei à VarticU
DoRONic. Orihafc attribue à Xalifma la propriété
de guérir ceux qui ont mangé du lièvre marin. Voye:^
Lièvre marin.
\Jalifma de Linnœus &c de Dillenius eft d'un genre
bien différent : c'eft une plante aquatique à petite fleur
blanche , non radiée , mais en rofe , '6l que Tournefort
avoit mife au nombre des renoncules. Quoique , fui-
vant M. l'Abbé Bacheley , elle n'en ait aucunement
les caraderes , puifqu'elle n'a que trois petits pétales ,
à l'onglet def quels il n'y a aucun ne£^aire , tandis que
les renoncules ont toujours cinq pétales , avec autant
de nedaires , qui les diflinguent des anémones , des po^
pulago , des adonis , des hellébores ^ &c. D'ailleurs
Vaiifma de Linnœus diffère encore eilentiellement des
renoncules par le nombre Aqs étamines & des pifliîs.
Comme cet alifma a des feuilles qui reffem.blent affez
à celles du plantain à grandes feuilles , il efl appelé
aufîi par quelques-uns \^ plantain cTeau^ le jluteau , le
plantain aquatique étoile: Dainafcnium fl-zllatum: Ali] ma
damafonium , Linn. 486 : aut Ranunculoïdes ^ Linn. 487:
aut Plantage , Linn. 486.
ALKALI. Foyei ^^L alkali.
ALKEKENGE vulgaire, ou Ccqueret ofîicinal ^
ou QUOQUERELLE , OU KerBE A CLOQUES : Alkekengi
officinarum , Tournef. Inil. i «j i : Solanum vcficarium , C*
B. Pin. 166 : Halicacahum^Q^x. 271 : Phyfalis'alkzkcngl^
Linn. 262. C'eil: une plante vivace qui croît dans
les vignobles & les lieux ombragés de la France, de
l'Allemagne , de l'Italie & du Jap'on. Ses racines font
genouillées & garnies de fibres grêles. Ses tiges rou-
gcâtres , foibles , un peu velues &: branchues , ont
une coudée de haut ; fes feuilles naifient oppofées ,
afTez
A L K 200
îaffcz femblables à celles de la mordle , mais plus
grandes , ovales , pointues , pétiolées , & non créne-
lées. Ses fleurs fortent des aiffelles des f:?uilles ; elles
font pédunculées , folitaires , d'une feule pièce , en
forme de baffin , d'un blanc pâle ou jaunâtre : le ca-
lice s'étend en une veffie membraneufe , d'abord de
couleur verte , qui devient enfuite écarlate & à cinq
quartiers ; il contient un fruit ou baie , de la figiu-e ,
de la grandeur & de la couleur d'une cerife , d'un goût
d'abord acide , enfuite fort amer. M. Halkr ajoute
que ce fruit même a la propriété fmguUere de n'être
acide que quand on peut l'avaler fans le toucher , ÔC
de devenir amer , dès que la main y a touché.
Trois ou quatre de ces grains font excellens dans
la rétention d'urine & pour les hydropiques : le vin
d'alkckenge , à la dofe de quatre onces tous les matins ^
eft très- utile à ceux qui ont la gravelle ; on met
quatre parties de raidns & une de grains à^alkekenge»
Quatre ou cinq de ces grains dans une émulfion ,
foulagont dans la colique néphrétique. Foye^ mainte-*
nant HardcU COQUERET.
M. le Vicomte de Qucrhoent nous mande du Croiiîc
en Brenfgne , qu'il a apporté de l'ffle de France, una
alkekenge qui y croît dans les lieux incultes : elle a la
fleur de couleur bleue. Cette alkekenge eft bien fupérieure
à la nôtre. Elle s'élève à la hautaur de quatre pieds.
Elle s'ell: parfaitement naturaîifée en notre climat.
L'herbe à cloques ou Valkekenge de Saint-Domingue »
& que les Caraïbes appellent foufoiiroujoimm , ne dif-
fère du coquerct de France , dit M. Poupé Dtfportes ,
que par la couleur jaune de fon fruit , àc par ies foK
licules d'un vert rouge.
ALKKKENGERE du Pérou , Atropa phyfalodes ^
Linn. 260, Plante annuelle , dont la tige eft haute
de deux à trois pieds , étendue , droite , rameufe ,
anguleufe ; (ts feuilles font alternes , glabres , oblon-
^ues , fmuées Se angulevifes j lç§ fleurs font folitaires ^
110 A L K A L L
d'un bleu pâle , grandes , à cinq découpures obtufes }
le calice grand , ovale , anguleux 6c recouvrant le
fruit. Il leroit imprudent de manger ce fruit ou de
mâcher quelque partie de la plante.
ALKERMÈS ou improprement graine d'écarlate^
Voyez Kermès.
ALLÉLUIA ou Surelle pÉtalÉe , en latin Oxys;
Plante dont on diftingue deux efpeces : la première
efl la furelle blanche , que l'on nomme aufli Pain A
coucou , Oxys flore alho^ Tourn. Infl. 88 : Oxys ace-
tofella , Linn. 620 : TrifoUum acetofum vulgare : Lujula:
MUlu'ia officinarum , Merc. Bot. i. 74. Cette plante
vivace & bafTe , qui croît naturellement dans les bois ,
à l'ombre, ne graine point, & ne fe multiplie que
par de grandes traînaiTes ou rejetons qui fortent de
fon pied , de même qu'il en fort des violettes & des
marguerites. Sa racine efl ëcailleufe & articulée. Ses
tiges ( hampes ) portent des fleurs en cloche , aux-
quelles fuccedent des fruits membraneux , oblongs ,
divifés en cinq loges , qui contiennent quelques fe-
menées rouiTâtres , enveloppées chacune d'une mem-
brane élaÛique , qui les lance affez loin , lorfqu'elle
efl mûre: fes feuilles qui font portées par de longs
pétioles fortant de la racine , font ternées , c'eft à
dire qu'elles ont la forme d'un trèfle : chaque foliole
eft en cœur & d'un vert clair : étant defTéchée , elle
fufe fur les charbons ardens , preuve qu'elle contient
du n'tre. Toute la plante eft odorante Ôc contient un
fuc aigrelet , qui la rend propre à modérer la trop
grande fermentation du fang. On la préfère àl'ofeille
dans les maladies inflammatoires.
Indépendamment de V alléluia à fleurs blanches , il y a
aufli celui à fleurs jaunes, Oxys lutea^ J. B. 2. 3 88 : Trifo-
Uum acetofum , ccniiculatum , C. B. Pin. 330 : Oxys cor-
niculata^ U.nn. 61'^. Cette efpece eil annuelle ; fa tige
haute de cinq à nuit pouces , droite ou couchée , rameufe
6c difùife ; (qs feiiilk-s font pétiolées , ternées 6c cordi-»
A L L A L M iiv
formes. Ses fleurs font jaunes , axillaires & ramaf-
fées en ombelles. Elle croît abondamment en ProvenceJ
ALLIAIPvE ou Herbe des aulx , AUiaria , Math*,
S43 , J. B. 2. 883 : Hefpens allium rcdolens ^ Morif^
hîfl. Oxon, part. IL 2^2. Eryjimum alliaria y Linn.
922. Cette plante vient prefque par- tout dans les
buiflbns , dans les haies & fur le bord des foffés*
Sa racine eft menue , blanche & ligneufe ; fes tiges
font hautes de deux pieds & demi , velues , canne-
lées & arrondies ; fes feuilles font verdâtres , lifles
& en forme de cœur ^ & crénelées tout autour ;
fes fleurs font nombreufes ^ placées au haut des tiges
& des rameaux , compofées de quatre pétales blancs
en forme de croix ; il leur fuccede des fruits flli-
queiix , remplis de plufieurs graines cblongues &:
noires* Toute la plante de Valliairc pilée a une odeur
aail. M. Deleuié dit qu'on a obfervé que le lait des
vaches & les œufs des poules qui en ont mangé ,
ont un goût d'ail : elle rougit le papier bleu* Sa dé--
codion efl: utile aux aflhmatiques & contre les co-
liques venteufes. M. Hallcr ajoute que Vallialrc en
cataplafme efl en ufage chez les gens de l'art contre
îa gangrené ^ & Hildan en parle fort avantageufementé
On range cette plante parmi les Julîanes. Voyez ce mou
ALLIGATOR. Efpece de crocodile de couleur ver-
cîâtre , qu'on voit en Afrique : c'cfl: V alligator des Anglois
& le lagardo des Efpagnols. y~oye{^ r article Crocodile»
ALLOCAMELUS/Nom fous lequel Gefner décrivit
le premier lama qui ait été apporté du Pérou en Europe.
Foyei à Particlc PacO.
ALLOUATA. a Cayenne efl VJlouate, Voyez ce mots
ALLUVION ou Accrue d'eau > Jlluvio, Voyez
l'article Atterrissement.
ALM ANDÎNE ou Alabandîne , Atahàndina gemmai
Nom donné à une pierre précieufe peu connue , dont
la couleur rouge foncé tient du grenat ou plutôt de
i'améthyfle & du rubis , raais qui Vi^n a ni la dureté
Q %
Iii2 A L O
ni la peianteiir. On lit dans le Mercure Indien , eue
Valmandine eft d'un prix égal au rubis-fpinel , ( il faut dire
au rubis-balais quand elle ell: belle , ) &: que fa mine
«ft à Alabanda, ancienne ville de Carie dans l'Ane
mineure. Pour avoir des connoifTances plus détaillées
de cette pierre, voyez le trente-feptieme livre, chap. vu
de l'Hlfloire Naturelle de Pline,
ALOÈS, en latin Aloe ; en arabe Ceban: Aloes ^ Linr.
Gen. Plant. 439. Végétal vivace, exotique, &: dont il
y a beaucoup d'efpeces , fur-tout fi l'on y comprend les
agaves 6c les aletris ; les unes s'élèvent en arbres ,
les autres ne font que de petites plantes. Elles varient
par leurs formes , leurs figures. En général les A/ci's ,
font des plantes très - curieufes , très - belles , &c qui
méritent d'être connues; la racine de Valoès eft afîtz
tubéreufe dans l'efpece défignée par Parkinfon fous
l'épitheîe fzmpervivum marïnum ; par Pifon & Marc^
^rave , Caraguata ; & dans YHort, Malab, , Kadanaku.
x^atsvala. Les feuilles de Valocs font en général racli-
jcales , nombreufes , difpofées en rond , fort grandes ,
très-épaifTes , charnues , longues , la plupart armées
de piquans liir les bords , calTantes , fermes, convexes
en deffous , concaves à la partie fupérieure ; cylindri-
ques , pyramidales verg la pointe , remplies d'une fubi-
tance gluante , claire , verdâtre , qui devient violette en
féchant , d'une odeur d'herbe & d'un goût amer ; du
centre des feuilles s'élève une tige grofle comme le
doigt , qui , à Saint-Domingue , croît à la hauteur de
deux à trois pieds, & porte à fon fommet pluHeurs
fleurs monopétales découpées en fix parties , ( àit^
Botaniftes les regardent comme liliades , ) difpofées
en épi. H y a des efpeces à^aloes dont le calice devient
le fruit ; dans d'autres c'eft le pifîil : ces fruits font
ou oblongs ou cylindriques , triangulaires , & divifés
dans toute leur longueiu* en trois capfules , remplies de
(emences plates.
Lçs plantçs de ce geare ont un gcût extrêmcmeni
A L 0 irf
^îfïèf : elles croiffent naturellement en Perfe fur la
Côte de Malabar , au Cap de Comorin & autres lieux
de l'Inde , en Egypte , en Ethiopie , en Arabie , en
Italie 5 en Efpagne , en France dans le Languedoc ^
dans les Ifles de rAniériqiie 6c dans tous les pays
chauds. On a dit faufTement qu'il y avoit une efpece
d^aloès qui ne fleuriffoit que tous les cent ans , & oui
faifoit un bruit comme un coup de piftolet en s'ëpa-
rouilTant. On fait néanmoins que Valoès d'Amérique
fleurit rarement dans les climats froids. Auiî: a-t-on cité
comme une anecdote mémorable un aloès américain ^
qui étoit en fleur dans le jardin du Comte de Limbourg-
Styrum , près de Carlsbad ( Gaiçtu de France , y Septem-
bre lyS^ ). La tige de cette plante avoit vingt-fix pieds
de haut , & avoit pouffé vingt-huit rameaux , qui por-
tèrent plus de trois mille fleurs éclofes dans l'intervalle
d'un mois. On a vu fleurir auiîi un alots à Paris en
1663 & 1664; & nous nous reffouvenons d'en avoir
vu un chargé de quelques fleurs dans le jardin de Leyde
en Hollande , en 1760. On a vu encore un aloes d'Amé-
rique entièrement fleuri dans le jardin Royal de Frie-
drichsberg en Danemarck : cette plante avoit vingt-
deux pieds de haut , vingt-ne«f branches , & plus de
quatre mille fleurs. Cette plante croît à différentes
hauteurs , fuivant le terrain , le climat , &c. La tig«
étant morte & defféchée , pefe très-peu.
Les aloes à feuilles bordées de dents eplncufis font ,-
V aloes à feuilles bordées de rouge , de l'Ifle Bourbon ;
Vahh fuccotrin à fleurs pourpres^ de Vliie Soccotera ;
Valoh vulgaire ou le kadanaku , du Malabar ; Yaloes
maculé , d'Afrique ; X aloes corne de helier , c'efl: celui
des aloes qui s'élève le plus , ( aloe arborzfcens j ) le
collet de fa racine pouffe une manière de "tige terminéa
par les feuilles, & marquée dans fa longueur par
les cicatrices des anciennes feuilles. V aloes mitre ^ d'Afri-
que; \ aloes ou moucheté ou peint, d'Afrique ; les alohi
a dents de brochet , celui à épines rouges , & celui fur«-
o 3
114 . ^ ï^ ^.
nommé ^artichaut , tous d'Afrique \ Valois nain %
d'Afrique.
Les aloes à feuilles non bordées de dents épineufes
font Valohs patte à^ araignée , d'Egypte ; Valces perlé ,
d'Afrique; V aloes pouce écrafé^ d'Afrique; V aloes veineux ^
du Cap de Bonne - Efpérance ; Valoes triangulaire ,
d'Ethiopie ; Valoes épi de blé & piquant , d'Afrique ;
Il aloes panaché ou bec de perroquet , d'Ethiopie ; Valoes
langue d*afpic & à verrues blanches^ d'Afrique; Valcès
langue de chat ou langue de bœuf ^ du Cap de Bonne-
Efpérance ; Valoes en éventail^ de la montagne de la
Table au Cap de Bonne-Efpérance ; Valoes à feuilles
longues & étroites , ( un angle tranchant règne en defTous ,
dans toute leur longueur , ) du Cap de Bonne-Efpé-
rance.
On retire dans les pays chauds , par exprefîîon ^
un fuc gommo - réfineux des aloes. Ces fucs étant
defféchés par l'évaporation , différent en pureté , couleiu*
& odeur ; ce qui leur a fait donner divers noms :
I**. Valoes fuccotrin ( alce fuccotorina ) , dont l'on a fait
le mot chicotin , fe retire de Valoes à feuilles d^ ananas»
C'eft le meilleur de tous : il efl: d'une couleur noire ,
jaunâtre en dehors , rougeâtre en dedans, tranfparent,
friable , réiineux , amer au goût , d'une odeur forte ,
peu défagréable , & devenant jaunâtre en le pulvé-
rifant. Pour retirer ce fuc , on arrache les feuilles de
la racine ou du tronçon d'un aloes ^ nommé fuccotrin ;
on preffe , dit- on , fes racines légèrement , ( ou plutôt
fes feuilles , ) & on fait couler le fuc dans un vaiiTeau.
Ce fuc épaifïï & defféché au foleil , eft Valoes fuccotrin ;
on nous l'apporte dans àes cuirs , des Indes , & particu-
lièrement de riile de Soccotera. Il eu toujours plus
dur & plus friable en hiver qu'en été.
2.° Une autre efpece de ce fuc eft nommée aloès
hépatique ( aloe hepatica ) , parce qu'elle a la couleur
du foie des animaux ; fon odeur eil plus défagréable ,
fon goût plus amer,
A L O 215
3.** La dermere eft la plus grofîîere de toutes, la
moins bonne , &C elle efl appelée aîch caballin , parce
qu'elle n'eft employée que pour les chevaux. Ces deux
derniers fucs fe retirent de "Valois ordinaire , en coupant
les feuilles & les pilant : le fuc le plus pur donne
Valoh hépatique ; & la lie eft ^aloh caballin , qui fe
diftingue facilement par fon odeur fétide , fa couleur
noire &: fes impuretés.
Il y a encore Valoh en cahhajje ^ ou Valoes des Bar*
hades \ qui eft moUafte & noir-fauve , étant nouveau ;
mais qui étant gardé , devient caftant , lucide & tranf-
parent. Il eft fort recherché des Curieux.
Le fuc Valois eft purgatif, vermifuge , vulnéraire. Son
iifage modéré eft utile aux grands & aux gens riches qui
vivent dans la bonne chère ; leur eftomac fatigué par
le travail continuel de la digeftion, a quelquefois beioin
d'être animé par ce remède amer ; fon ufage feroit
pernicieux aux gens fobres oc tempérans. Il donne
des hémorroïdes & excite des hémorragies à ceux
.qui font fujets aux crachemens de fang. M. Boidduc
a obfervé que la réftne Valoes étoit beaucoup moins
purgative que l'extrait aqueux, & qu'en conféquence
Valoès fuccotrln devoit être employé de préférence pour
purger , à caufe de l'excès de parties extra^lives qu'il
contient. La teinture ôialoes eft tonique , emménagogue ;
on s'en fert à l'extérieur pour arrêter les progrès de
la carie. On trouve d'ailleurs tant d'excellentes pro-
priétés dans Valoes^ que quelques-uns, tels que Roger
Bacon ^ n'ont pas craint d'avancer qu'il prolongeoit
la vie. Qui vult vivere annos Noc , fumât pilulas^
de aloe,
Paracclfe , qui parut fur la fin du quinzième ftecle ,
prétendoit qu'avec fon élixir de propriété , dont Valoes
îaifoit la bafe , on pouvoit parvenir à l'âge de Mathu*
falem , qui vécut , dit-on , 700 ans ; cependant Para-*,
cdfe^ malgré fon élixir, n'a vécu que 48 ans.
L'eau diftillée de la plante alohs , eft employée très*
O 4
iî5 A L O
efficacement par les Empiriqii'^s d'Egypte contre îà
jaiinifTe , la toux & l'afthme.
Alors Karatas. Voyez Karatas,
Aloès pitte ou le Chanvre des Indiens , Aloe
dîjlicha. On l'appelle cabouilkh Saint-Domingue , c'eft le
coidaoïia des Caraïbes , efpece à'aloes ou plutôt ai agave
fétide dont la racine eft tubéreufe & poufTe des feuilles
longues de quatre à cinq pieds , piquantes à leur extré-
mité , ^L larges d'environ quatre pouces. Elles font
epaiffes , unies , dépourvues de piquans fur les bords
& non dentées, d'un vert clair; lepiderme de ces
feuilles eft prefque luifant ; elles s'élargiflent vers le
tiers de leur longueur. Cette plante ne réufTit pas
indiilin£lement dans tous les endroits de l'Amérique.
On la rencontre à Cucao & à Saint-Domingue, dans
les bois de cenains quartiers com.me au Mirbalais ,
à l'Artibonite , &c. cette plante fupplée au défaut du
chanvre & du lin. C'eft Valoès le plus grand que
l'on voie dans les ferres du Jardin du Roi , où fes feuilles
ont de longueur trois pieds & plus , ramaffées en tête.
Il efl bon d'obferver que la féconde écorce de cette
plante efl: toute compcfée de fils très-forts, dont le
tiffu reffemble un peu à de la groffe toile , mais dont
les fils au lieu d'être entrelacés , comme le font ceux
de la trame & de la chaîne de nos toiles , ne font
Simplement qu'appliqués & collés les uns contre les
autres ; mais du refle c'eft la même difpofition & le
même arrangement. Ces fils font rougeâtres , & par
leur efpece de tiflli , prcfentent une groffe toile tiflue
par la Nature , & qui étant enlevée à de grands aloh
phus dans leur pays naturel , peut être très-utile. C'efl
des feuilles de cette forte Valois ^ préalablement battues
ou écrafées & privées de leur fuc , que les Indiens
de la Guiane tirent des fils très-forts , très-longs &
aflez beaux , dont ils font à.^s hamachs , des voiles, à^s
cordes &: d'autres ouvrages, même de grofles toiles
pour emballer le café ; les Portugais du Brélil en
A L O 117
4font des bas & des gants. On teille la pltt€ comme
le chanvre ; on en fait des étoffes qu on apporte en
Europe , fous le nom dVcorce Marbre,
On retire des autres aloes des fiîs approchans de
la nature de celui-là. Les Efpagnols &: les Habitans
<iu Rouflillon faifoient autrefois des dentelles avec la
filaffe de Xaloes ordinaire , & l'on ne retire des fucs
que des efpeces qui font fucculentes. Confultez tHïfloïrt^
Naturelle des Antilles , par le Père du Tertre, Sloanc
parle d'une efpece ^ aloes qui , fuivant M. Guettard ,
cil un yuca , & qui efl connu dans Laet fous le nom
^excellente efpece de chanvre ou de lin : la toile qu'on
fait au moyen des fibres de fes feuilles préparées ,
approche beaucoup, par fa ^w^^t & fa beauté, de
la foie.
» La Filaffe à' aloes ^ que nous employons, dit M.
» Berthey propriétaire de la manufacture de Sparterie , &c.
>> ( Voyei Spart^ efl tirée AqV aloes commun, le même
» qui vient naturellement dans les provinces méridionales
» de la France, où quelques Payfans en plantent à
>> l'extrémité de leurs champs , le long des chemins ,
>> pour en former des haies qui font impénétrables
» à l'homme & aux quadrupèdes, {h' Opuntia ficus
>> Indica feroit peut-être en cela préférable. ) Cette
» efpece ^aloès a les feuilles de iix à neuf pouces
» de large , trois à Quatre pouces d'épaiffeur par le
» bas , fur cinq à fix pieds de long , armées de
» pointes très - aiguës. On en a vu de plus confidé-
» rables dans toutes les proportions. Il pouiTe , à l'âge
» de cinq à fix ans , une tige qui , en moins de
M huit jours, s'élève à la hauteur de huit à dix pieds ,
*> & en a plus de vingt dans un mois , épaiffe alors
» par le bas d'environ quatre pouces & demi de
» diamètre. Cette tige ou arbre , fe termine par unef
>> quantité confidérable de rameaux de fleurs agréa-
» blés , dont l'enfemble forme un luflre pyramidal.
>> La plante meurt après avoir étalé fa beauté ; mais
2i8 A L O
» elle dédommag-e , en laiffant à fa place des milliers
» de jeunes plants vigoureux , en état de défendre la
» brèche qu'elle femble laiiTer à réparer.
» Valoès commun n'exige ni beaucoup de terre, ni un
» excellent fol , puifqu'il vient avec fuccès auffi fur les
» montagnes arides de la Provence. On trouve le même
» a/oès dans le Languedoc, dans le RoufTillon. Per-
» pignan eft entouré de beaux aloès , & cependant cette
>> produdion naturelle y eft infruftueufe pour la fociété.
» Il feroit à défirer que les Cultivateurs , dans les
» provinces méridionales , multipliaient cette plante ;
» qu'ils en défendifîent les extrémités de leurs champs ,
» & qu'ils s'occupaffent d'en extraire la filaffe. Le
» procédé n'en eft pas difficile ; il fuffit de mettre les
» feuilles, nouvellement coupées , fur une dalle de
» pierre unie , d'en exprimer le fuc avec un rouleau
» de bois , & de les peigner fur un peigne de fer
» après les avoir fait fécher. De ces petites opéra-
» tions , réfulte la filaffe dont nous faifons ufage , foit
>> pour guides 6c rênes de voitures , foit pour cordons
» de montre , de canne , de fonnettes & de rideaux ,
» de luftres & pour écuyers d'efcaliers , foit glands pour
» le bout de ces cordons ou pour robes à la Polonoife «.
Valoès commun eu le Pkto ou Pitta d'Efpagne :
J.gavc americana^ Linn. 461. Ses feuilles font lan-
céolées , bordées d'épines & terminées par une
pointe alongée &: très- dure ; l'épiderme des feuilles eft
comme farineux. Ses fleurs font d'un jaune verdâtre :
cette plante efl venue de l'Amérique méridionale en
1561 , & s'efl naturalifée dans nos provinces méridio-
nales de même qu'en Portugal , en É{\)?.gne , en Italie ,
en Sicile , en Corfe , &c.
ALOIDES , Aloe palufirls. Fiante vulnéraire qui a
la feuille de Valoh , feulement un peu plus courte &
plus étroite, bordée d'épines & chargée de gonfles
femblables à des pattes d'écrèvifie , qui s'ouvrent &:
pouffent des fleurs blanches à deux ou trois feuilles ^^
A L 9 lî^r
à-peu- près comme celles de l'efpece de némiphar appelé
morfus ranœ , 6l qui portent chacune plufieurs petites
ëtamlnes jaunes &; fix plflils : à chaque fleur fuccede
une baie à fix loges , placée au-deilous du calice : îa
racine de cette plante eft ronde , compofée de fibres
blanches , qui tendent plus ou moins diredement àii
fond de l'eau.
ALOSE , Clupea alofa , Linn. ; à Bourdeaux , Caulac ,
Coulac ou Colac ; k Marfeille , Halachla ; à Rome , Laccia
ou Lacchia ; à Venife & en Tofcane , Chipea , Chicpa,
ou Savalum ; en Anglois , Mother of Herrings ; c'eft-à-
dire la Mcrc des harengs ; en Afrique , Jarrafa, PoifTon
de mer du genre du chipe ; il remonte dans les rivières.
Sa longueur ordinaire eft d im pied & demi ou vingt
pouces. Sa tête eft d'une groffeur médiocre , comparée
au volume de fon corps. Les yeux font affez grands
& couverts de membranes lâches qui ne s'étendent
que jufqu'aux iris dont la couleur eft argentée , mêlée
de bleuâtre & quelquefois de rouge-pourpre. La gueule
a l'ouverture ample ; la langue eft petite, aiguë &: noi-
râtre ; la mâchoire inférieure eft un peu plus longue
que la fupérieure ; celle-ci eft fendue en deux , ôc
comme fourchue à fon extrémité ; elle eft garnie feu-
lement en fcs bords , de très-petites dents ; l'inférieure
en eft dépourvue. Les ouïes, au nombre de quatre,
de part & d'autre ont leurs membranes garnies de
huit rayons ; leurs opercules font tantôt d'un jaune
éclatant , & tantôt d'un rouge foible ; auprès des ouïes
fe trouvent des tachegr|rondes & noires, dont une
très- grande. Le ventre fe termine latéralement en forme
de carène aiguë ; la hgne latérale eft compofée d'environ
quarante écailles en recouvrement, & terminées en
pointe ; les écailles du corps font grandes , & font fur
les bords comme tachetées de gouttes noires. Le
dos eft de couleur noirâtre ; les côtés & le ventre font
argentins. Ses nageoires, dont les rayons font aftez
jnous 5 font petites à proportion de fa grandeur j la
iiô A L O
nageoire du dos contient dix-huit à dix-neuf rayons i
les peftorales , chacune quinze ; les abdominales en
cnt neuf ; celles de l'anus quelquefois plus de vingt ;
la queue eu profondément échancrée.
Le printemps e(l la faifon où Valofe remonte dans
les rivières , dans lefquelles elle s'engraifTe , & où fa
chair prend un bon goût*
Ces poifTons vont en grandes troupes en nageant
è fleur d'eau , montrant leurs nageoires dorfales , &
en pouflant , dit-on , un certain grognement fourd ,
pareil à celui d'un troupeau de pourceaux. On en pêche
fouvent à la fois un très-grand nombre : on les voit
cp.ielquefois fuivre des bateaux chargés de fel jufqu'à
trois cents lieues de la mer. Rondda dit avoir vu
des alofcs fenfibles à l'harmonie , fur-tout pendant la
nuit ; elles accouroient au fon du violon , & fautoient
en nageant fur la furface de l'eau. Il a vu prendre
^ans l'Allier plus de douze cents , tant alofes o^wçfawnons ,
^\\n feul coup de filet. Valofe , dit-on , craint telle-
ment le bruit du tonnerre , qu'elle en périt quelquefois
«l'effroi.
Il faut que ce poifTon ait féjourné quelque temps
clans l'eau douce , c'efl-à-dire , dans les rivières , en
remontant contre leur cours , pour y devenir gras ,
charnu & d'une faveur agréable ; car au fortir de la
mer il efl (ec , maigre &: d'un mauvais goût. Aufîî
efî-ce un proverbe à Orléans 6l fur la Loire : Jamais
Riche n ^a mangé bonne alofe , ni Pauvre bonne lamproie.
Valofe bien fraîche & prife ^^\n de la mer , efl un
poifTon délicieux , qui fe fert fur les tables les plus
délicates.
On vend à Paris dans le printem.ps , fous le beau
nom de pucdle , un poifTon afTez peu eflimé , qui n'eflr
qu'une petite alofe , ou une petite efpece A^ alofe : on
la nomme pucdle , parce qu'elle paroît au commence-
ment du printemps , & qu'elle n'efl pas encore pleine
d'œufs. Voye?^ l'article PucdU. Les Grecs ont appelé thriffa.
AL O i2t
Va/qfe , comme qui diroit poijffon plein de cheveux , àf
caille de la multitude de petites arêtes qu'on trouve
dans le corps de ce poifTon.
ALOUATE ou Allouât a. A Cayenne on appelle
ainfi une efpece de gros fapajou rouge , qui differv^
peu de Vouarine, Voyez ce mot, Ualouate eft \q Jinge.
rouge de Barrcre , & le Jinge rouge de Cayenne de
M. Brlfon,
ALOUCHE DE Bourgogne. Koyei à PankU
Alisier.
ALOUCHI. Nom donné à une forte de gomme
réfme fort odoriférante , qui fe tire du cannelier
blanc,
ALOUETTE , Alauda, Genre d'oifeau de la grof-
feur d'un moineau , meifager du printemps , qui vit
dans les champs, & fait l'agrément des airs lorfqu'iî
s'élève en chantant jufqu'à perte de vue. Ces oifeaux ,
dont on diftingue plufieurs efpeces , ont trois doigts
devant & un derrière.
L'Alouette ordinaire ^ Alauda vulgarls ^ pefe
une once & deinie : elle a fix pouces de longueur
depuis la pointe du bec jufqu'à l'extrémité des pattes ;:
l'envergure eft de dix pouces ; la partie fupérieure du
bec eil: noirâtre , & l'inférieure eft blanchâtre ; les
narines rondes & découvertes ; les plumes de la tête
que i'oifeau hérifîe quelquefois en forme de crête , font
d'un roux cendré , & le milieu en eft noir ; le derrière
de la tête eft cerclé d'une bande pâle ; le menton efl
blanchâtre ; la gorge jaune , tiquetée de brun ; les
plumes du dos ont la même couleur que celles de la.
tête ; les côtés font d'un roux jaunâtre ; le pennage
des ailes & de îa queue eft roufsâtre , tacheté de blanc
par les extrémités ; les pieds &; les doigts font bruns ^
les ongles noirâtres.
Un des principaux caraderes difî:in£l:ifs des alouettes ,
eft d'avoir l'éperon ou l'ongle de derrière très-long ;
<e qui leur donnç beaucoup de facilité pour miéus;
îiî A L O
courir dans les terres labourées , la bafe de leurs pieds
étant plus large. Dès les pn micrs jours du printemps,
l'amour ranime le ramage *ie ces oiltaux ^ & le nombre
de ces bipèdes ailés égaie les campagnes par leur mélodie
agréable. Lorfqu'ils s'élèvent dans les airs , ils font
prefque toujours un cercle plus ou moins grand ,
ielon qu'il y en a peu ou beaucoup de l'eipcce dans
les environs , & enfuite montent tout droit. Ils chan-
tent ainfi pendant toute la belle faifon , ma"s particu-
lièrement le matin &c le foir , plus rarement dans le
milieu de la journée ; plus ces oiieaux s'élèvent dans
l'air , plus ils forcent la voix pour être vus &
entendus de quelques femelles ; car il n'y a que le
mâle qui chante ; c'eft une règle générale parmi les
oifeaux , & qui fouffre bien peu d'exceptions : Valoiiette
haiffe la voix à mefure qu'elle defcend , & fe tait en
fe pofant à terre, où elle fe tient dans les champs
labourés & parmi les chaumes ; elle ne fe perche jamais ;
elle n'habite guère que les plaines; elle aime à fe
rouler dans la poulTiere ou le fable léger; & par cette
raifon on la compte au nombre des oifeaux pulvi"
rateiirs.
On dit que la femelle de Valoiiette fait , fuivant les
contrées , trois pontes par an , en Mai , en Juillet ,
& en Août ; elle pond à chaque fois quatre ou cinq
œufs .grivelés de brun fur un fond grisâtre. Le fond
de fon nid eil en terre , entre des mottes qui en déro-
bent la vue ; elle le compofe de racines & ^ d'herbes
feches : elle ne couve que quatorze à quinze jours : &
elle élevé fes petits en peu de temps : leur durée eft
de dix ans. L'efpece de Valoiiette efî très-répandue , &
fe trouve dans toutes les contrées de l'Europe.
Cet oifeau multiplie fmguliérement , car on en prend
tous les ans une très-grande quantité , de différentes
manières , ou à la trainajfe ou au traîneau ( c'cft un
filet qu'on traîne ) pendant la nuit ; ou au miroir, lorfque
\% foleil brille ; la chafTe au miroir en eft plus amufantç
A L O 225
■qu^au filet. On en prend aiiflî à la ridée ou par le moyeiî
des nappes , au lacet , à la tonnelle , aux gluaux»
On rapprivoife facilement ; mais même dans fa cage
il eil toujours porté à s'élever verticalement; c'eil
ce qui oblige de garnir de toiles , en deffus , les cages
où on le détient foit pour jouir de Tagyrément de fon
chant 5 foit pour l'engraifTer ; autrement il fe briferoit
la tête. On dit que ii on ne lui donne que du che-
nevis tout pur à manger , il deviendra bientôt tout
noir.
Les alouettes font des oifeaux qui parcourent l'Europe
pendant l'été ; elles préfèrent les terres élevées &
feches , elles font alors fort maigres ; mais en hiver
elles defcendent dans les plaines , oi\ elles habitent en
troupes nombreufes , elles font alors très-graffes :
telle eil V alouette graffe que l'on fert en hiver fur nos
tables fous le nom de mauviette , c'efl un mets de bon
goût , fort délicat , & facile à digérer : fi on voit quel-
ques perfonnes fe plaindre de coliques d'eftomac après
en avoir mangé , cet eifet n'eft produit que par les petits
os très-fins qu'ils ont avalés , & qui picotent les mem-
branes de Teflomac.
On trouve trois variétés dans l'efpece de notre
alouette, \^, \J alouette blanche % on en voit une dans le
cabinet du château de Chantilly; 1^. V alouette noire ^
elle fe trouve en Angleterre ; 3^. V alouette ifahdle ;
mais ces variétés ne font qu'individuelles , & ne font
point race.
Outre l'efpece ^alouette vulgaire , il y en a plulieurs
autres qui font plus ou moins communes en France :
les plus remarquables font ^alouette huppée ou crétin y
dite cochevis ; \ alouette des bois , nommée aulîi cugu-
lier ; V alouette bâtarde oufarloufe , ou alouette des bruyères
ou de prés ou des jardins , ou alouette folle , ou
alouette percheufe ; V alouette de buijfon , ou V alouette
pipi , Alauda fepiaria. Celle - ci efî: fort petite : en
Lorraine ; on l'appelle finfignotte ; fur t tout la grande
114 A L O
efpece ; & dans le Biigey , bec-figue cVhiver, En hîvei'
fon cri reflemble au bruit que t'ait une forte fauterelle.
On en trouve beaucoup aux environs de Londres ,
& on en fait la chaiTe. \Jcilouette de champ , Voyez
fpïpolette ; Y alouette d\au ou de marais^ Voyez Roujje-
' Une. La grojje alouette^ Voyez Calandre.
L'Alouette huppée ou Cornue , dite Cochevis ,
Alauda crifiata aut Galerita , fe plaît fur les chemins ,
fréquente aufîi volontiers les environs des villages , fe
pofe fur les tas de fumier , fur les murs de clôture
& fur les toits : elle habite auffi le long des lacs &:
rivières ; elle efl un peu plus groffe que V alouette commune
contre l'ordinaire des autres oifeaux , elle vole contre le
vent : on la trouve en Europe. On la nomme verdange en
Pcrigord ; alouette de chemin _, en Beauce. On appelle
lulu , la petite efpece ^alouette huppée ; leur huppe eil
compofée de plufieurs plumes qui excédent les autres en
longueur ; ces oifeaux chantent beaucoup dans les beaux
jours de la belle faifon.
L'Alouette des bois , ou le Cujelier , ou
I'Alouette calandre,/?/. enL 660, fîg. 2. ALiuda
arhorea aut fylvejîrls , {^plronot en ^oux^ognt '^ flulutolre ^
fluteur , turlut ^ lutheux , mufette , en Sologne ; coutnaux
en Saintonge ; ) elle fe diftingue par un cercle de
plumes blanches en forme de couronne, depuis un
œil jufqu'à l'autre , qui fait le tour de fa tête. Elle
fe perche fur les arbres , &: fe plaît dans les terres
incultes fituées fur le bord des taillis. Cet oifeau y
lorfqull fait chaud , & fur - tout lorfque fa femelle
couve , chante pendant la nuit , ce qui le fait prendre
quelquefois pour le rojJîgnoL On l'en diftingue cepen-
dant par fa voix & fon chant, qui imite celui du
merle,
M. de Montbeillard à fait connoître V alouette de Sibérie,
pL cnl. 650, fig. 2 ; la tête & la gorge font jaunes ;.
la poitrine efl décorée d'une large ceinture noire ; le
^çffous du corps çft blançhâirej le deilus çft rouflâtre ;
Iç^
A L O 225
les flancs un peu jaunâtres , ain(î que le deffus des
pennes de la queue; les pennes des ailes font noirâ-
tres , bordées de gris.
On diflingue parmi les alouettes étrangères , V alouette
aux joues brunes de Penfilvanie ; lorfque fon aile ell
pliée , la troifieme plume , en comptant depuis le corps ,
atteint l'extrémité des plus longues pennes. Elle paroît
en Penfilvanie , dans le mois de Mars , prend fa route
pour le Nord , & on n'en voit plus à la fin de Mai.
V alouette de Buenos-Ayres, Voyez Variole ; V alouette
de Viro-inie , Voye^ Hausse-COL NOIR ; Valouette du
Cap de Bonne- Efpérance , Koyei Cravate jaune ;
la petite alouette grife de Gingi ; Valouette huppée de
la Côte de Malabar ; celle huppée du Sénégal , &
appelée grifette ; V alouette noire à dos fauve de Buenos-
Ayres & de la Encenada. A l'égard de Valouette grande
de Catesby , Voyez Fer à cheval.
ALOUETTE DE MEP., ^7/. enl, 851 , Schœnldos^
n'a de rapport avec Valouette que le nom ; elle ne
lui reiTembie que par le plumage ; elle fe trouve dans
les deux Continens , & à des diftances très-grandes ;
elle a environ fept pouces de longueur , du bout du
bec à celui de la queue , ôi treize pouces d'envergure.
Le bec & les pieds font noirs.
Les alouettes de mer volent en troupes ; lorfqu'on
en a tué une , les autres voltigent à l'entour. Cette
alouette de mer remue continuellement la queue , &
change de place à tout inflant : on la trouve dans les
lieux marécageux , fur les côtes de la mer. Elle pond fur
le fable à nu , fans faire de nid ; les œufs font fort
gros & au nombre de quatre ou cinq ; l'efpece eft
très-abondante. Ces oifeaux femblent être de pafTage,
\2 alouette de mer eft du genre du bécajfeaw; on en
diftingue plufieurs efpeces. i.° L'efpece vulgaire; 2.° Va^
louettt de mer à collier : elle vole aufîi par troupes , àc
fréquente les rivages des fleuves & de la mer. J^oye^
CiNCLE: 3.^ Valoumc Uq mer de Saint-Domingue j de^la
22Ô A L P ALT
grande & petite efpece ; elles difFerent peu de l'efpece
vulgaire. La petite efpece efl la guignetu àts planches
enluminées de M. de Buffon.
Alouette de mer , Alauda marina , Gefn. Nom
donné par quelques-uns au poiiTon appelé Baveufc,
.Voyez ce mot,
ALPAGNE ou Alpaga ou Alpaque. Foye^ Paco.
ALPAM. Arbriffeau de l'înde^ qui croît dans les
lieux découverts & fablonneux d'Aregatti 6c de Mon-
dabelli. Sa racine eft longue, rouge, fibrée en tout
fens : fon tronc efl divifé en deux ou trois parties àhs
fa bafe , 6i couvert d'une écorce d'un vert cendré , fans
odeur & d'un goût acide , aftringent : le bois eft
blanchâtre , noueux , plein d'une moelle verte : fes
feuilles font alternes , lancéolées , pointues aux deux
bouts , épaifies , vertes & remplies de nervures , défa-
gréables à l'odorat & acres au goût : la fleur d'un
pourpre foncé, fans odeur, & à laquelle fuccede une
gouffe ronde , pointue aux deux bouts , pleine d'une
pulpe charnue qui contient des femences à peine (tn-,
iibles tant elles font menues.
Valpam porte fleur & fruit au commencement & à
la fin de l'année; il eft toujours chargé de feuilles; &
quelque partie qu'on prenne de cette plante , on en
fait avec de l'huile un onguent propre à déterger les
vieux ulcères , 6c à guérir la gale.
ALPHANETTE. C'eft Toifeau de proie, efpece de
faucon , nommé aufîi Tunifien , parce qu'il eft commun
à Tunis : on en fait ufage pour le vol de la perdrix.
ALPISTE , Phalarls, Genre de plantes de la fa-
mille des Grami-nées, Les alpifles n'ont qu'une feule fleur
hermaphrodite à deux balles. On diftingue plufieurs
efpeces ^alpifles , notamment celle appelée graine de
Canarie, Voyez ce mot & Vaiticle PhalARIS.
ALQUIFOUX. Dan/s le Commerce on donne ce
nom à la galem^ efpeCe de plomb minéral, facile à
pulvérifer, mais diftiçik àfpndrç, Foyei VanicU Ploms»
ALT iij
ALTAVELLE. Voyei à r article PasTENAGUE.
ALTEN-MANNou Vieux-Homme. Les Mineurs
Allemands donnent ce nom à un affemblage confus de
criilaux & de fragmens de quartz , liés & agîutinés
par un {\\c lapidifique & recouvert d'une matière d'ocre
fouvent cuivreule. L'on trouve les aluns^manns dans
les mines anciennement exploitées.
ALTHEA. Voyei G,uiMAuvE.
ALTHEA FRUTEX ou Guimauve royale ou en
ARBRE, Hihifœs Syriacus ^ Linn. 978. Il efl originaire
de Syrie ; fa tige ligneufe & en arbriffeau eil haute de
quatre à cinq pieds , rameufe ; fes feuilles font cunéi-
formes , ovales , incifées à la partie fupérieure : fes
fleurs , grandes & belles font à- peu-près femblables à
celles du volubilis ou grand, lijeron ; mais il v en
a de différentes couleurs , de rouges panachées , de
pourpres violettes &: de blanches. Quant à la ftruc-
ture de fes fruits , voye^ an mot Ketmie , dont il eil
wnçi efpece.
Cet arbriffeau , que l'on cultive pour l'ornement à^%
jardins , fe multiplie de marcottes au mois de Septem-
bre , ou de graines au mois de Mars. Il vient dans
toutes fortes de terrains fans culture , & ne redoute
point le froid : il figure très-bien , à caufe de fes fleurs ,
dans les plates-bandes , lorfqu'il eft taillé en boule :
il fait auiîî un très-bon effet dans les bofquets. ^qs
fleurs font en grand nombre, & paroifTent depuis le
mois de Mai jufqu'en Septembre. ( îl y en a une ef-
pece à fleurs doubles & qui fait une belle décoration).
Son bois efl jaunâtre > it^ feuilles reffemblent à celles
de la vigne.
ALTISE ou Sauteur , en latin Altlca. On donne
ce nom à un petit inferfe du genre des fcarabks , à
caufe de la faculté qu'il a de fauter comme une puce.
Il y a un grand nombre d'efpeces de ces infedes qui
varient beaucoup en couleur : ils font leur habitation fur
les feuilles des plantes & des arbres ; ils rongent ^
P a
iiS A L V A L U
criblent quelquefois toutes les feuilles des plante^
potagères. Ces inle<^es fauteurs , qu'il ne faut pas con-
fondre avec les morddks ( Voyez u mot ) , fe recon-
noiflent aifément à la faculté qu'ils ont de fauter , &
d'échapper ainfi à la main de ceux qui veulent les
prendre. Un des cara£l:eres des infedes de ce genre eft
d'avoir les cuifles poilérieures grcfTes , prefque fphé-
riques, plus grandes que les autres, toutes mufculeufes,
qui fer\Tnt à exécuter un mouvement aufTi violent que
celui que font ces animaux pour fauter. Leurs antennes
font d'égale groffeur dans toute leur longueur.
ALUCO. Nom donné à une efpece de hibou. Voyez
ce mot.
ALVÉOLES , Alvcolï. Voyez au mot Abeille. Ce
mot fe dit encore des cavités dans lefquelles les dents
font placées ^ Voyc?^ Dents. Les orthocératites & les
bélemnites ont auiîi des alvéoles.
ALVIN. Nom donné à tout le menu poiffon qui
fert à peupler les étangs & autres pièces d'eau : ainii
alvïmr un ét?ng , c'eft FempoifTonner en y jetant da
Xalvin ; & Falvinage eft le poiffon que les Marchands
rebutent , & que les Pêcheurs rejettent dans l'eau.
En pîufieurs endroits on donne à Vahln les noms de
norrain ou ne uraln ^ feuille , peuple , fretin 6c menuif aille,
ALUÎNE. Efpece d'abfinthe marine, dont les feuilles
découpées fort menu font verdâtres àc d'un goût falé
& amen Voyei Absinthe.
ALUN , A lumen, C'eft un fel fofîile & minéral qui
fé trouve dans la terre , d'une faveur d'abord douce ,
accompagnée d'ime aftriftion confidérable. On en peut
diftinguer de deux fortes ; l'un naturel , que l'on con-
noît à peine aujourd'hui, & dont les Anciens faifoient
un grand ufage; l'autre, que l'on peut appeler /^c7/r^ ,
parce qu'il faut faire plufieurs opérations pour le tirer
de la mine. Ce fel eft compofé de l'acide vitriolique
uni à une terre qui eft rççonnue aujourd'hui être de
jiature argileufe.
A L U 2Î9
Cette efpece de fel folïïle fe trouve le plus ordi-
nairement dans les mines de charbon de terre , dans
les terres brunes & feuilletées comme le fchiile , dans
les pyrites. Ce fel minéral étant diffous dans l'eau Se
évaporé , fe criflallife fous la forme confiante d'un
odbedre, c'eil-à-dire , dun folide à huit pans ; mais
il retient beaucoup d'eau dans fa criftallifation , ce
qui lui donne la propriété de bouillonner fur le feu.
L'alun de plume cil ainii nommé , parce qu'il efl
compofé de beaux filamens droits , blancs , criftal-
lins , & qui fe féparent aijement. Il fe trouve crif-
tallifé fous cette forme dans des grottes ou caves
gouttières , en Egypte , en Macédonie , dans les ifles
de Sardaigne , de Milo. Cet alun naturel ell très-
rare : on en voit dans les cabinets des Curieux , qui
n'eft fouvent qu'un vitriol de zinc : on le confond
tous les jours avec Vasbejle ou avec le gypfeflrlê , dont
il diffère elTentiellement par fa faveur ftiptique & fa
folubilité dans l'eau , &c. Nous ne craignons pas
d'avancer que Valun de plume du commerce , ii com-
mun en Saxe &: en Suéde , n'eft autre chofe qu'un
asbefte fibreux & folide ; quelquefois aullî ce n'efl
qu'un gypfe à ftries folides. Voyez Ashcfie , Gypfc
ifl faux Ashefîe.
On trouve aufîî de Valun naturel ou vierge , &
criflalUfé en o£laedre, à Gravel en Bohême.
\Jalun dont on fait ufage dans le commerce, varie
de nom , fuivant les divers procédés que Ton emploie
pour le préparer, & les matières dont on fe fert :
on a Xalun rouge ou le romain ou le citronné^ Valun
fucré^ Valun brûlé ou calciné.
L'Angleterre, l'Italie, la Suéde, la Flandre & la
France , font les principaux endroits où l'on fait Valun ,
nommé alun de roche ou de glace , parce qu'il eft crif-
tallifé en grofles mafTes. On en prépare en France
proche les montagnes des Pyrénées. Il y en a une
veine courante fur terre dans la Viguerie de Prade&
150 A L U
en RcufîîîîonJ qui a depuis une toîfe jufqu'à quatre
de largeur , dans une longueur de près de quatre
lieues , & qui efl: abondante. Il y a aufli une mine
^alun à Andrarum en Scanie ; c'eft un fchifle alu-
mineux.
Dans un canton de la Sibérie on trouve , dit M,
Gmdln , un rocher dur , compofé d'ardoife alumi-
neufe , dans les fentes duquel il fe forme un alun
jaune , gras , mou , en forme de ftaladite ; on le
nomme heurn d?, pierre ; on l'emploie dans le pays
contre le cours de ventre. C'eft le kamina - mafia.
Voyez ce mot,
Valim de Rome fe trouve aux environs de Clvita^
' Vecchla : on le retire d'une forte de pierre blanche ,
înfipide , farineufe , cependant un peu compare , de
nature argileufe , & qui contient du foufre en na-
ture : on la fait d'abord calciner fortement , pour en
dëcompofer le foufre ; le phlogiftique du foufre , qui
efl fon principe inflammable fe détruit , & l'acide vi-
triolique qui y étoit combiné devient un fel fluor
qui réagit fur la terre argileufe & la difpofe par
combinaifon à l'alunation : on la met enfuite en tas
à l'air libre , ayant foin de l'arrofer d'eau jufqu'à ce
qu'elle s'exfolie ; en cet état elle boit l'humidité ,
elle fe gonfle peu - à - peu , elle tombe en effloref-
cence , alors Valun s'eft formé. On met la pâte dans
l'eau , on en diflbut le fel , on fait évaporer ; & là
diflblution donne àes criflaux affez tranfparens , d'un
rouge pâle : il faut obferver que ces criflaux ^alun
n'auroient aucune teinte ^ fi la leffive eût été bien
épurée.
En Italie , dans le lieu qu'on nomme Soufrières ou
la Solfatare , on retire du foufre & de Valun. Il
s'élève de ce terrain beaucoup d'exhalaifons enflam-
mées : Valun paroît fur la terre en efflorefcence : on
le recueille avec des balais ; & par voie de difl^olu-
Cion 6c d'évaporation , on le réduit en crifl:aux.
A L U A L Y 231
Vatuft employé avec prudence eft un excellent
aftringent dans les hémorragies. Les Enlumineurs ,
& notamment les Teinturiers , font un grand ufage
de cette fubftance : ils font tremper leurs étoffes dans
à^s eaux alumineufes , pour les difpofer à recevoir
& retenir certaines couleurs : elles augmentent même
la vivacité des couleurs , com.me on le voit dans la
cochenille & dans la graine/ d'écarlate, \Jalim efl em-
ployé à clarifier les liqueurs : on en fait ufage dans
les fabriques de fucre , à caufe de cette propriété :
on en met auiîi dans l'eau- de- vie , ou autres liqueurs
dans iefquelies on garde les animaux , afin de leur
conferver leurs couleurs. On s'en fert encore pour
deffaler la morue.
\Jalun brillé efl celui qui a été calciné : il fe pul-
vérife aifément , & efl cauflique. Les Afiatiques s'en
fervent pour confumer les chairs , ou pour en ab-
forder l'humidité & les deffécher. Ailleurs on en met
fur du linge pour empêcher la puanteur des aiflelles
& des pieds.
Ualun fucri efl de Valun ordinaire , cuit en con-
fiflance de pâte avec des blancs d'œufs & de l'eau
de rofe. Cette pâte refroidie acquiert la dureté du
fucre : on lui donne la forme de petits pains de fucre
de la hauteur de deux pouces. On emploie cette pâte
comme cofmétique , & l'on prétend que des Dames
Angloifes en font ufage pour donner plus de fermeté
à la peau.
ALUN-CATIN. Voyei à r article SoUDE.
ALYSSON DE MONTAGNE, Alyjfon montanum , Linn;
^oy : Alyjfon fruticofum , incanwri , Tourn. Infl. 217:
Thlafpi montanum luteum , J. B. Plante vivace qui croît
naturellement fur les montagnes de la Suiffe. Ses tiges
font nombreufes , longues de fix à huit pouces, cou-
chées & diiFufes , perfiflantes l'hiver. Ses feuilles font
lancéolées, obtufes, blanchâtres, parfemées de points
blancs : les inférieures courtes & fpatulées. Ses fleurs
îjî A M A
font jaunes ", compofées de quatre pétales dîrpofés
en croix. Il fort du calice un piftil qui devient dans
la fuite un fruit aflez petit, relevé en bofle & par-
tagé en deux loges par une cloifon qui efl parallèle aux
portions qu'elle divife ; ce fruit renferme des femences
arrondies. ValyJJon eft apéritif & propre contre la rage.
On didingue plufîeilrs autres efpeces ^alyjfons,
AMADIS. Nom que les Curieux donnent à une
coquille univalve des Indes , & de la famille des Cor~
nets. Voyez ce mot.
AMADOUVIER. Efpece d'agaric qui vient fur le
bouleau & fur le chêne. On en fait l'amadou. Voye^
a. la fuite de f article AGARIC DE ChÊNE.
AMANDAVA. Voye^ Bengali.
AMANDE d'AndOS. Voye^ à la fuite du mot
Coco.
AMANDIER , Amygdalus communis , Linn. 677*
Arbre à fleurs blanches en rofe ; il s'élève jufqu'à
vingt-cinq pieds de hauteur. S^s feuilles font longues ,
étroites , pointues , dentelées , pétiolées , rangées al-
ternativement fur les jeunes branches ; fes fleurs or-
nent les premières nos champs ; elles font ou foli-
taires ou deux à deux , prefque fefïïles , minces & très-
blanches , piu-purines à leur bafe. Son fruit efl ovale ,
aplati fur les côtés ; fa robe efl \m brout médio-
crement épais , ferme , coriace , d'un mauvais goût ;
elle recouvre un noyau ligneux , perforé & fillonné ;
ce noyau , vulgairement appelé coque , efl plus ou
moins épais , mais fragile ; il renferme une amande
oblongue , blanche en dedans , d'une faveur douce ou
amere , félon les variétés de cet arbre dont elle provient :
le bois de Vamandier efl très-dur , & a quelquefois
de belles couleurs. On fait ufage de deux efpeces de
fruits ^amande douce ; l'un a la coque mince & très-
fragile , & a en quelque façon l'odeur de violette ( c'efl
ce qu'on appelle amande princeffe ) , Amygdalus dulcis
putamine moUiorc : l'autue a la coque plus épaiffe &
A M A i-Jl
fins dure J Zimygdalus fativa fruciii ma] on , C. B. Pin.
441 , Tourn. 627.
U amandier fe plaît dans un terrain fec & chaud ;
la plupart de nos Provinces font trop froides , pour
que les amandes y mùriflent parfaitement ; aufli ne
font-elles point bonnes à conferver feches , mais elles
font excellentes à manger vertes. Les bonnes amandes
viennent de Barbarie , de Provence , de Languedoc ,
de Touraine & d'Avignon : les amandes de ce pays-ci
font préférables à celles de Provence , pour femer dans
les pépinières & en former des fujets qui font d'un
très-grand ufage. Voici la meilleure manière de les
multiplier : fi-tôt c\\\e les amandes font parvenues à
leur maturité , on les met par lits avec du fable ;
elles germent pendant l'hiver. On les met en terre
au printemps , après en avoir rompu le germe ; par
ce moyen, au lieu qu'elles ne produifent ordinaire-
ment qu'un pivot , elles forment un empâtement de
racines , qui fait que les arbres reprennent plus aifé-
ment lorfqu'on les tranfpîante.
Il y a un petit amandier nain , Amygdalus nana ,
Linn., fort branchu , haut de trois à quatre pieds,
& dont les fleurs d'un beau couleur de rofe font
très-propres à décorer un jardin : elles viennent une
â une , & s'épanouiflfent au commencement d'Avril ;
tous les rejets , de même que la principale tige , en
lont également garnis : elles donnent des amandes
très-ameres. Ce petit arbriffeau croît naturellement
dans diverfes contrées de l'Afie.
Il nous eft venu d'Alep une efpece ^ amandier ^ dont
la feuille reffemble à celle du pourpier ; elle eiî cou-
verte des deux côtés d'un duvet fin & blanchâtre ,
ce qui la fait paroître fatinée & comme argentée ;
aufîi lui a-t-on donné le nom à^ amandier fatiné ou ar^
^entl : Amygdalus orientalis _, foUis argenteis , fpl^^'
dcntibus ^ Diiham. M. le Duc de Noailles eft le pre-
mier qui a fait élever cet arbuile dans its bofquets.
a34 A M A
Le Père Nicolfon dit qu'on diftingue aux Ifles
deux efpeces ^amandiers ; favoir , X amandier à grandes
feuilles , & V amandier à petites feuilles : on les trouve
tous les deux dans les mornes, &i on emploie leur
bois indifféremment dans les ouvrages de charron-
nage , fur-tout pour faire des roues & des brancards
de voiture. Cet Auteur ( Efai fur VHifl, Natur. de
Saint - Domingue ) dit que X amandier de cette con-
trée a la tige haute , droite , grofle , très-branchue ;
répiderme brun , écailleux ; l'enveloppe cellulaire ,
blanche, d'un goût acre & d'une odeur d'amande
amere ; fon bois , quoique léger & filandreux , efl
dur ; fes feuilles font terminées par une pointe or-
dinairement tronquée , affez femblable à celles du
laurier ; fes fleurs petites , blanches , croifTant par
bouquet le long des petits rameaux ; fon fruit de la forme
d'un gland couvert d'une pellicule d'abord verte, en-
fuite violette & enfin noirâtre.
Les amandes d'Europe ou vidgaires , fe fervent fur
îa table dans les defferts , foit vertes , foit feches ;
elles offrent un aliment d'une faveur qui plaît affez gé-
néralement ; elles contiennent beaucoup d'huile ; elles
paffent pour être nourriffantes ; mais elles font de
difficile dîgeflion , lorfqu'on en mange trop. On en
fait avec le fucre différentes fortes de préparations ,
comme des maffepains , des macarons. On confît les
amandes vertes & entières comme les abricots verts ;
îorfqu'elles font mûres &: feches , on en fait du nougat ,
à.^s dragées , des pralines , &c. On retire des amandes
douces , en les pilant peu-à-peu avec de l'eau , une
liqueur laiteufe , douce , agréable au goût , dont les
particules aqueufes & huileufes font unies par le moyen
des fels. Cette liqueur fe décompofe comme le lait;
& on en peut tirer une fubilance butireufe.
Les amandes confervées trop long- temps deviennent
rancos par Fcvaporation de la partie aqueufe. A quel-
que ufage qu'on emploie les amandes , il en faut tou-
A M A 23 f
Jours ôter la pellicule jaune , qui contient une poui-
ûere réfineufe 6c acre qui irrite le gofier.
On en fait une èmulfion Ibus le nom ^^ amande
ou de lait d^ amande , en pilant des amandes douces ^ en
y verlant peu-à-peu du petit-lait ou de la décoftioiî
^or^e , & y ajoutant un peu de ûicre. Ces émul-
fions font propres dans Tardeur d'urine , les fièvres
ardentes , rinflanimation des reins ou de la veiîie ,
les dyflenteries & hémorragies. Si dans une livre de
lait d'amande un peu épais l'on fait fondre fur le feu
deux livres de fucre , l'on aura alors le firop d'orgeat
que ^on aromatii'e quelquefois avec l'eau de fleurs
d'orange.
L'huile tirée par expre/îîon ^amandes douces &
récentes , & mêlée avec quelque firop pe£loral ,
adoucit l'acrimonie des humeurs , & amollit les
fibres endurcies. Elle eft utile dans l'ardeur , la fup-
preffion d'urine , les coliques , ôi la aéphrétique ; elle
facilite l'expeéloration. Cette huile, appliquée chaude à
l'extérieur, amoUit les duretés.
Suivant M. Bucquzt , l'huile qu'on tire fans feu par
exprefîîon des amandes douces , lorfqu'elle eft récente,
efl verdâtre & trouble , parce que l'effort de la preffe
a fait couler avec l'huile une certaine quantité dé
mucilage qui s'y tient fufpendu , & en altère la
tranfparence ; mais en vieilliflant l'huile devient plus
claire. Elle perd fa faveur douce , & en acquiert une
acre & défagréable ; on dit alors qu'elle efl devenue
rance. Cette rancidité eft produite par la matière mu-
cilagineufe dont l'acide fe développe par un commen- '
cément de fermentation. On obier ve que les huiles
graffes ranciiTent d'autant plus facilement qu'elles font
plus fluides. Celle ^amandes douces , qui conferve fa
fluidité jufqu'à dix degrés au-deffous du terme de
congélation de l'eau , félon le thermomètre de M. de
Rêaumur , rancit très-promptement , tandis que celle
d'olives , qui fe gelé à dix degrés au-deffus de ce
i3« A M A
même terme, ne rancit qu'après troîs ou quatre ans J'
& que celle de Ben , qui eft prefque toujours figée ,
fe conferve douze années , & même plus , fans s'al-
térer ; efTet qui dépend de ce que l'état de fluidité eft
pkis favorable à la fermentation.
y amandier amer , Aniygdalus amara , ne diffère Açs
précédens que par l'amertume de fes fruits; la coque
ou robe eft plus dure que celle des amandes douces ;
on fait ufage de fes amandes comme des précédentes.
On a cru long-temps que l'huile d'amandes ameres
etoit^plus réfolutive que celle d'amandes douces ;&
on l'employoit peu intérieurement , à caufe de la
trop grande amertume qu'on lui fuppofoit. Mais des
expériences récentes ont fait connoître que l'huile
d'amandes ameres ne diffère point de celle des amandes
douces , attendu que l'amertume ne réfîde que dans
la partie extraélive qui ne fe mêle point avec l'huile
pendant l'expreiSon. Cette huile enlevé les taches du
vifage qui viennent du foleil ; étant mêlée avec de
l'huile d'œuf , elle peut empêcher les marques de la
petite vérole.
Les amandes ameres occafionnent aux oifeaux & à
la plupart des autres animaux , des convulfions mor-
telles , excepté à l'homme ; effet qu'il faut attribuer à
la grande fenfibilité des fibrilles nerveufes de l'eflomac
de ces animaux.
Amandier du Cap de Bonne- Efpérance, On lit dans
les éphémérides des Curieux, qu'il croît au Cap de
Bonne-Efpérance un arbre qui , ainfi que fon amande ,
efl une des plus belles produftions qui fe voient dans
le pays. Cette amande efl plus petite que les amandes
ordinaires : fa forme efl recourbée & terminée à 1'
une
de fes extrémités par une efpece de mamelon. Ce
qui fait principalement la beauté & la finguîarité de
ce fruit , c'eft que fa peau extérieure efl revêtue d'un
duvet fi bien tifTu , qu'on pourroit le comparer aux
plus belles étoffes de foie , fous cette première en-
A M A 257
veloppe eft une coque médiocrement dure , qui con-
tient une petite amande.
AMANITE , Amanita, Nom donné par des Bota-
niftes à un genre de plante ciyptogame , de la fa-
mille des Champignons , & qui comprend un affez
grand nombre d'efpeces qui , en général , font d une
lubilance molle, tendre & charnue, & fouvent font
teintes d'affez belles couleurs. Les Amanites que Z/Vz-
nœus a défignés par le mot agaric , ont un chapeau
orbiculaire , fitué horizontalement en parafol , fur un
pédicule plein ou fiftuleux qui s'infère dans fon cen-
tre ; la furface fupérieure de ce chapeau eft lifle ,
quelquefois tannée ; & l'inférieure eil doublée de lames
plus ou moins égales entre elles, qui divergent du centre
â la circonférence en manière de rayons dans plufieurs
efpeces de ce genre. La coiffe ( volva ) qui enve-
îoppoit le chapeau dans la jeunefTe de la plante , laifTe
fouvent fur le pédicule , après l'épanouiflement com-
plet du chapeau, une portion de fes dépouilles ; &
alors ce pédicule paroît muni d'une forte d'anneau
aflez remarquable ; ce qui fournit un moyen de dif-
tinguer ces efpeces de celles qui ont leur pédicule nu.
Parmi les Amanites il y a des efpeces à fuc laiteux ,
& d'autres non laiteufes : on trouvera à l'article Ckam-^
pignon la lifte de la plupart des Amanites ( Agarics de
Linnœus ).
AMAPA. Voyei Mapas.
AMARANTHE , Amaranthis, Plante anmielle très-
belle à voir , & dont on diftingue plufieurs efpeces ou
variétés : il y a Vamaranthe blette , Vamaranthe verte &c
à épi ; Vamaranthe variée , Vamaranthe crêtée..^ Vama-
ranthe jaune , Vamaranthe blanche , Vamaranthe à feuilles
étroites , Vamaranthe trifle , Vamaranthe épinzufe ou Brede^
Vamaranthe enfanglantée , V amarante en queue , &c,
Amaranthe en queue ou Passe-velours , Ama-
ranthus caudatus ^Unn, 1406. Ceft une plante qui fait
i'çrnçmçnt dçs jardins depuis le mois d'Août , jufqu'à U
238 A M A
fin de raiitomne ; elle eft originaire de Perfe & du Pérou ;
elle poulie une ti2;e d'un à deux pieds de haut , droite ,
branchue , rougeatre , &c garnie de feuilles alternes ,
larges , pointues , rougeâtrcs dans les bords , & vertes
dans le milieu. Ses fleurs font terminales , ovales /
difpofées en épis ferrés & paniculés , longs , pen-
dans , & reiTemblent à un panache cramoifi ou pour-
pre , ou jaune doré : elles iont compofces chacune de
plufieurs feuilles difpofées en rofe. ( M. Dcku^c ob-
ferve que ce qu'on prend ici pour la fleur , ou pour
parler plus exadement , pour la corolle , n'efl: que le
calice qui efl: ordinairement coloré &: compcfé de
trois ou cinq feuilles. Il y a fur l'épi , dit-il , des fleurs
mâles ; elles ont cinq étamines , & des fleurs femelles :
celles-ci ont trois piflils ). Le fruit efl: de figure
ronde , & s'ouvre en travers comme une boîte à
favonnette ; chaque capfule ne renferme qu'une graine
arrondie ou lenticulaire & luifante. Il faut en femer
la graine , qui efl petite , fur couche , dans le mois
d'Avril , & les planter en motte vers le mois de Juin ;
elles demandent beaucoup d'eau.
Vamaranthc variée & appelée tricolor ^ efl originaire
des Indes , &: reniarquable par its feuilles nom-
breufes , rayées d'écarlate , de jaune &: de vert :
outre cette bigarrure des feuilles , qui paroît acci-
dentelle , Vamaranthe tricolor fe diflingue , parce que
fes fleurs font axillaires, difpofées par pelotons ver-
dâîres, qui entourent la tige 5 5c que les fleurs mâles
n'ont que trois étamines.
On conferve la graine ^amarantkt dans At% boites
pendant l'hiver , ou plutôt on garde la t;ae feche dans
la ferre ; & après que les fortes gelées font pafl'ées ,
on l'égrené pour la femer. Voye^ Jalousie.
Les AxMARANTHiNES , Gomphrma , que l'on
cultive dans les jardins , font des eipeces à'amaranthes
à feuilles non panachées j mais velues , comme coton-;
neiifes.
A M A 239
AMARILLIS. Nom d'un joli papillon de jour, qui
ne marche que fur quatre pieds 6c qui vole le long
des prairies 6c des bois. Il paroît au mois de Juillet :
fon fond de couleur efl un beau jaune - fauve , glacé
de brun à la naifî'ance des ailes près du corps. Le
bord des ailes offre une large bande brune. Le mâle
a feul au milieu de l'aile fiipérieure , une bande tranf-
verfale brune. Vers l'angle de cette aile , il y a un œil
ovale à deux prunelles blanches. Le deflbus des ailes
fupërieures eft conforme au deffus ; fous les ailes
inférieures , la couleur eil brune avec des ondes d'un
blanc cendré : on y diilingue deux très- petits yeux.
Sa chenille eu d'un vert obfcur , avec une bande lon-
gitudinale 5 rougeâtre de chaque côté. Elle n'efl point
épirieufe , mais fa partie poflérieure eil terminée par
deux pointes en forme de cornes : elle fe nourrit de
gazon dans les prés & dans les bois. On la trouve
vers la un du printemps. Sa chryfalide fe fufpend par
la queue. Elle eu de couleur grisâtre , avec quelques
taches brunes. UAmariUis a été décrit par M. Geoffroi^
Tom, II. pag, 52. n^, 20.
AMARYLLIS. Genre de plante unilobée de la famille
des Narcîjfes , & qui comprend des efpeccs remar-
quables par la grandeur , la beauté & l'odeur agréable
des fleurs qu'elles produifent. Il y a des amaryllis uni-
flores & multiflores. Voyez Nardjfc^ Lls-72arcijfe ^ Lis
de Saint- Jacques , &:c.
AMATOTE 5 Amatotus. On a décrit & caradérifé
fous ce nom un genre de vermiculaire ou de tubu-
laire dont l'animal a le corps conique , coupé d'an-
neaux, &: dont environ la moitié a de chaque côté
un mamelon armé d'une pointe ; & l'autre moitié ,
qui efl l'inférieure , a des mamelons latéraux fans
pointes & plus petits ; la tête ell: fufceptible de
s'alonger & de fe contrafter. Ce tu^/au , qui a un
opercule, eft prefque c^^lindrique , membraneux, ou-
vert à ie^ extrémités & recouvert de fables 6c de
^40 A M A
petites coquilles ; l'animal y eu ordinairement placé
dans une fituation renverfée , &: le tuyau eft enfcacé
en grande partie dans le fable , fur la plage de la
mer. Mémoires des Savans Etrangers, M. Gucttard place
ïamatotc dans la claiTe des Tuyaux marins , & en fait
le fécond genre. Voyez le troifieme volume des Mé-
moires fur différentes parties des Arts & Sciences , page
6 5 . Voyez aufTi l'article Coralline de ce Didionnaire ,
où il efl parlé des fcolependres de mer _, qui conjîruifent
des coraux tuhuleux,
AMAZONE 5 PJitaccus ama^onicus. Nom donné par
les Oifeliers à des perroquets d'efpeces différentes , qui
appartiennent aux contrées méridionales & les plus
chaudes du nouveau Continent ; mais la plupart iont
apportés des pays qu'arrofe la rivière des Amar^ones,
Ces perroquets ont la queue courte , & font, en gé-
néral , affez grands ; ils font moins communs , plus
grands , plus beaux , d'un plumage plus brillant & mieux
luflré que les criks qui habitent aulîi les mêmes con-
trées ; ces derniers n'ont pas de rouge au fouet de
l'aile , alarum cojld fupernl ruhente , comme en ont les
amazones.
Les amû^oms , ainfi que les autres perroquets , font
leurs nids dans des troncs de vieux arbres , pondent deux
fois par an ; la couvée efl de deux œufs ; le mâle &
la fcrnelle partagent alternativement les foins de l'in-
cubation. Ces oifeaux nichent près les uns des autres,
volent en bandes nombreufes , fe perchent furies mêmes
arbres , fe nourriffent des fruits à^avoure , ( ou à^aavora )
de conana fauvage qui croiffent dans les favanes , de
ceux des gommiers élafliques & des bananiers , &c.Lorf-
qu'ils font raffafiés , ils voltigent & fautent fans ceffe
d'arbre en arbre , en faifant un caquetage continuel.
Ils fe tiennent le matin , au lever du ibleil , fur les bran-
ches dénuées de feuilles , & y reilent jufqu'à ce que
la chaleur ait diflipé la rolée , qui , pendant la nuit ,
« humecté leurs plumç§. Alors ils partent tous en-
femblc
A M A 24 î'
fembîe, en pouffant un cri général, lequel fe fait en-
tendre de fort loin. Les amaiones font en général affez
fauvages & fujets à mordre ; pris très-jeunes, ils ap-
prennent à parler trè^-nettement.
Amazone. Oifeau indiqué & rangé par Lin-
nczus au nombre des Ortolans ; le deiTus de la tête efl
fauve ; les couvertures inférieures dés ailes blanchâtres, ^
le refle du plumage brun : il fe trouve à Surinam.
Llnnceus le défigne ainii : Emherïr^a fufca vcrdce fulvo ,
crïjfo , albïdo , Ama^ona , Sy^, Nât. éd. XII, p, 311,
n.^ 15.
Amazone a tête blanche , Tfitaccus teucocepJmlos*
Ce perroquet fe voit fouvent chez les Oifeîiers de Paris.
Il y en a deux variétés , & qui différent très - peu
Tune de Tautre. La première efl le perroquet de la
Martinique ^ de M. Briffon ; c'eft le perroquet à tèt&
Manche , ^Edward, La deuxième eft le perroquet à gorgé
rouge de la Martinique , de M. Brijfon ; c'eft le perroquet
d'Orénoque, de Barrere ; le perroquet de la Martinique, des
pi. enL 5 49. Ceft certainement par erreur que la pre-
mière variété a été repréfentée dans les pL enl. n.°
3^5, fous le nom de perroquet à front blanc du Sé-
négal. Cette dénomination efî: impropre quant au pays
QÙ fe trouve ce perroquet. L'une & l'autre variétés
font d'une taille médiocre ; il y a une barre blanche
fur le fommet de la tête , au-delà de laquelle il y a
dans une variété une bande bleuâtre ; la plus grande
partie du plumage eft d'un vert, plus ou moins foncé ;
fur le ventre , entre les cuiffes , ell une plaaue d'uri
rouge de pourpre plus ou moins obfcur; au lieu que
le bas des joues , la gorge & le devant du cou font
d'une nuance rouge , douce ou incarnate ; les grandes
pennes des ailes font bleuâtres , avec du rouge fur
le fouet de l'aile. Les pennes de la queue font d'un
vert jaunâtre , mais teintes d'un rouge pkis ou moins
vif dans le milieu de leur longueur ; le bec efl d'une
couleur de chair pâle ; les picd^ d'un brun pUis ou
Tome /, Q
-i^t^ A M A
iTibins roufTâtre, Se les ongles noirs. Ces perroqiKts
retiennent facilement un très-grand ncnibre de mots
6l les articulent très-difliniftemcnt ; leur voix tÛ même
2 fiez douce en parlant; mais leur cri naturel eu
aigre &-i très-fort : au rcfle ils ne crient pas très-fou-
vent ; on en voit beaucoup de fort doux , 6c ils pa-
roifient en général^ avoir des habitudes fociales.
Amazone a tête* jaune. Ceft le perroquet ama^
^om du Bréfil , de M. Briffon , il eft à- peu-près de la
taille du pigeon rornaîà ; le fommet de la tête efl
jaune , le relie de cette partie , la gorge & le cou ont
le pkimage vert terminé de noirâtre ; les plumes du
corps font d'un vert brillant , mais jaunâtre fur le
ventre ; le pli de l'aile ef: varié de jaune &de rouge ;
les pennes de cette partie le font de vert, de noir,
de bltu-violet & de rouge ; la queue efl compofée
de douze plumes dont la plus externe d-e chaque côté
eft rouge à fon origine , enfuite d'un vert foncé , tl
d'un vert jaunâtre au bout ; les autres plumes de
la queue ont ces deux dernières couleurs ; le bec efl:
rouge a fa bafe, & cendré fur le refle ; l'iris jaune;
les pieds gris & les ongles noirs.
M. de Ëuffon fait mention de deux autres amaiones,
qu'il ne regarde que commue deux variétés , ou
comm.e des efpeces très-voifmes de Yar;mzone à têu
jaune. Le premier eft le perroquet vert & rouge de
Cayenne , pL enl, 312. Les François établis à la Guiane
le nomment tantôt ama^me hâiard , tantôt dcmi-ama-'
lo?ic , parce qu'on croit qu'il eft le produit d'un
amazone avec un perroquet d'une autre efpece. Ses
teintes font bien moins vives que dans X amazone à
tête jaune ; le fécond ell le perroquet ci bec varié ^ de M.
BriJJcn ; les côtés du demi-bec fupcricur font de cou-
leur d'ccre , le refte d'un bleu verdâtre , excepté à l'ex-
trémité, qui eft traverf'j par une bande blanche; le
dcmi-bcc inférieur efl jaunâtre dans fon milieu & de
couleur ploirîbée fur (es bords ; fon plumage eft k
même que celui de Vama:;cne à tête jaune.
A M A A M B . 243'
Amazone a tête rouge du Bréfil, de M. Brijjhn.
Les Brafiliens lui donnent le nom de Tarahè ; il tll
un peu plus grand que le paragua ; la tête , la poi-
trine , le haut & le fouet des ailes font rou2;es ; le
reile de fon plumage cil: vert ; le bec & k's pieds
font d'un cendré obicur ; les ongles noirs. Marcgrave,
////?. Nat, DU Brésil , pag. 207 ; Ruifch* de avlb^
p. 142; Ray, p. 33,
AxMAZONE JAUNE, c'eil \t perroquet jaunc^ de M.
Brijfcn &c des pi. mL n.° 1 3 . Cette belle efpece de
perroquet , qui eit fort rare , a un pied de longueur
totale ; tout fon plumage efl d'un très-beau jaune ,
excepté le pli de l'aile & les grandes pennes des
pâles &: de la queue qui font marquées d'un rouge très-
v'f ; l'iris & les paupières font rouges ; le bec , \(ts
pieds & les ongles font blancs. On foupçonne qu'il
habite le Bréfil ; cependant on pourroit préfumer qu'il
eft naturel au Mexique , dans la partie qui avoifine la
Louifiane. On en a trouvé un , dans cette derniare
contrée, après un ouragan furieux.
A M B A I B A de Marcgrave ou B o i s A
CANON OU Bois trompette, Urahifcba Braf.
Jaruma Oviedl , Sloart. Les Caraïbes donnent le nom
^xAmbdiba èc celui de Coukkm à \\n arbre dont on
dillingue deux efpeces , le franc &c le bâtard. Le boh
trompette eil \\n arbre de moyenne grandeur : on le
trouve à la Guiane , à la Jamaïque , à Saint-Dom^irigue,
mais nctamm.ent au Brcfil. L'écorce du tronc reiïembîe
à celle du figuier ; fcn bois très-poreux efl blanc , ten-
dre 5 rude au toucher , facile à fendre : le tronc efl
fouvent plein de nce^i.îs, comme articulé , & toujours
creux dans toute fa' longueur: on s'en fert pour faire
des gouttières & des canaux ; il porte quelques bran*
ches à fon fommct. Ses feuilles qui croiflènt par bou-
quets à l'extrémité des branches font grandes , ombi-
liquées , palmées , larges de plus d'un ])ied , profondé-
ment laciniées, c'eil-à-dire ^ découpées en lobes ova-
Q ^
laires par rextrémitë. La feiiilk eft verte en defliis ^
& grilâtre en defTous. Chaque feuille ell aiTez rude
au toucher, & eu portée fur une longue queue ver-
dâtre. Les fleurs font dioïques , d'un vert clair , apétales.
On prétend que les fleurs font en chaton, un peu
tétragones , & pendent à un pédicule fort coiu-t au
nombre de quatre ou cinq ; elles ont fept à neuf pouces
àe longueur : il leur fuccede des amandes qui font
bonnes à manger , les Nègres les recherchent .
Le haut du creux du tronc donne une efpece de
moelle que les Nègres mettent fur leurs bleffures. La
pellicule du dedans du bois étant ratilTée , guérit les
chancres s'ils ne font pas vénériens ; ils difparoiifent
au bout de huit jours , en renouvelant l'ufige de
cette poudre matin 6c foir. Le fel fixe que donne ce
bois eft d'un grand fecours pour dégraiffer &c faire
écumer le vin des cannes à fucre : peut-être , félon
Barrerc , pourroit-il i'ervir à faire du verre , du favon ,
& être de quelque ufage dans le blanchiifage des toiles.
Les J^méricains fe fervent de ce bois pour allumer du
feu. Pour cela , ils pratiquent un petit trou dans ce
bois , & ils y enfoncent un morceau d'un bois dur &
pointu , qu'ils font tourner avec beaucoup de vîteile ;
cette agitation fufFit pour allumer le bois de Vambaïba
ou fa racine , que l'on emploie plus particulièrement
à cet ufage. \Jamhaiha diflille , par une incifion faite
à fon tronc , une liqueur huileufe aliringente. On at-
tribue à toutes les parties de cet arbre , une fi grande
quantité d'autres propriétés , que les hommes ne de-
vroient point mourir dans un pays où il y auroit une
douzaine de plantes de cette efpece, fi on favoit en
faire ufage. Mais je ne doute point, ainfi qu'il efl dit
dans l'Encyclopédie , que ceux qui habitent ces con-
trées éloignées, ne portent le même jugement de nos
plantes &; de nous, quand ils lifent les vertus mer-
veilleufes que nous leur attribuons. Vambaïba eft le
^CouUkin onibiliqué , Cecropia peltata , Linn. ; Ambaiba.
A M B 24y
^nmplijjimo folio digkato , caudlce & ramis èxcavatis , Barr.
Franc. Equin. lo: Ficus dacliloïdes major ( & minor^^
folio fuhtus argenteo, Pliim.
AMBAÎTINGA. Arbre du Bréfil, que Pifon reoarde
comme une féconde efpece ^ambaiba , Voyez ce mot.
On dit que fa feuille eil d'un vert éclatant au fomniet
&: pâle à la bafe , ^ qu'elle eil d'un grain fi rude en
dtfTous, qu'on peut s'en fervir comme" de lime pour
polir le bois. Ses branches font rougeâtres ; fon bois
efl d'un tiiTu fort ferré ; fon fruit^ eft large , long
comme la main , bon &: doux au goût. On tire des
petites vefTies qui font au haut de Vamhaïdnga une
liqueur huileufe , que les Indiens effiment être un
baume précieux pour les plaies , les humeurs froides
& les maux d'ellom.ac. Histoire des Plantes de
Ray.
AMBALAM , Grand arbre qui croît aux Indes , &
porte des fruits & des fleurs deux fois l'an. Le fruit
efl rond , dur, oblong , jaune quand il efl mûr : il con-
tient une amande qwi , au rapport de quelques - uns ,
a l'étrange propriété de rendre imbécille pour peu qu'on
en mange ; fa pulpe efl d'un goût aigrelet agréable.
Les Naturels du pays mêlent le fuc de ce fruit avec
le riz , &c en font une efpece de pain qu'ils nomment
^pen. Le tronc de Vambalam efl très-gros; fa racine
efl longue & fîbreufe ; le bois lifTe &: poli ; l'écorce
épaiffe : fes branches s'étendent beaucoup : les plus
grandes d'entr'elles font grisâtres ; mais les plus pe-
tites font vertes & chargées d'une poudre bleue. Les
feuilles font petites , irrégulieres , rangées par paires ,
oblongues , nerveufes & vertes. Les jets des grandes
branches portent un grand nombre de fleurs à fîx pé-
tales , pointues , dures & luifantes. Quand les boutons
des fleurs viennent à paroître, l'arbre perd fes feuilles ,
& n'en pouffe d'autres que quand le fruit fe forme. Il
efl encore digne de remarque que le fruit a toute ik
furface recouverte de filets ligneux &: mobiles.
Q3
X46 A M B
A MB ARE, JmBarc Indica, Garz. Acofl. Trag. E{îr
un grand ce g'"OS arbre des Indes , dont les feuilles ref-
femblenî à celles qu noyer , d'un vert agréable , &C
pai ramées de belles nervures : fcs fleurs Ibnt petites
ik. blanch'.s; ion fruit tH de la grofilur d'une noix ,
jaune étant mûr, d'une odeur agréable, ô'wn goût ai-
^^relct, ôc plein d'une mcë'le cartilagineufe Oc dure,
parfemé de nervures ; on le confit dans le fel ^z. le
vinaigre, ik. on s'en fert , dit Lcmcry ^ pour exciter
lappciit & faire couler la bile.
AMBELA. ^^oyci Char A.AI Aïs.
AJviBEl. ANIEK acide, ÀnManïa acida ^ Aublet,
HiH. de la Guiane. C'eit le pataverïs des Galibis, le
quunhkndmt des Créoles : petit arbre la'teux dans
toutes fes parties , &: qui croît dans riile de Cayenne ;
fon fruit e/l une efpece de baie charnue , ovale ,
oblongue , d\in jaune citron , ww peu ridée , chargée
de verrues , partagée en deux lo9,e5 &: crui contient
des femences larges , arrondies &: aplaties : ce fruit
eil bon à manger ; on le dépouille de fa peau & on
le fait tremper dans l'eau ; ainfi préparé , il a un goût
acide & agréable, il adhère aux dents & aux lèvres
par fa vifcofité.
AMBIA. Nom donné à un bitume Indien , liquide
& jaunâtre , dont l'odeur approche de celle de la réfme
Tacamaque. \Jambia eft une efpece de fiiccin liquide ;
on s'en fert dans le pays pour guérir la gale.
AMBIZE ou Truie d'eau. Voye?^ Poisson- Femme.
AiMEOTAY. Veyci^ Corossolier à petites fleurs,
AMEREADE. Eft l'ambre jaune faâice, dont on
fe fert pour la traite avec les Nègres. Voyc\^ Ambre
JAUNE.
AMBRE ELANC. On nomme ainfi , mais impro-
prement, le blanc de. haleim. Voyez au mot BALEINE,
à la fuite de l'article Cachalot^ celui de Blanc de
BALEINE.
Ambre gris , Ambra grif<za , fubflance légère qui
.A M ,B ,..i4t^
fiirnage dans l'eau , foîide , opaque , graïïe , de .couleur
cendrée , pàrfemée de petites taches blanches , & quel-
quefois noirâtres, odoriférante; mais dont" l'odeur fe
développe bien pUis^ lorfqu'elle éÙ. mêlée a une petite
quantité d'autres aromates , ainfi qu'on la prépare poûv
les parfums & eaux de fénteur. Dans fon état naturel-,
le bon ainârc gris fe rcconnoît lorfqu'en le ratilTaiit
avec la lame d'un couteau , il adhère au tranchant
coîTime la cire; il garde' l'impreflion des ongles , &
celle des dents. Son odeur cfl très- forte , & d'autant
plus agréab'e qu'il ed plus ancien ; en le piquant avec
gle , il devient lifTe comme Ic fayon dur. V ambré' gris
s'enflamme , fe bourfoufle &' brûle ; il eft diflbluble
en partie dans l'efprit de vin : mis fur le feu dans
im vaifTeau , il fume, fe, fond & fe réduit en une
réfme liauide ou une huile cpaiiTe de couleur dorée
ou noirâtre ; il s'y volâtilife en entier & par
degrés.
Les Naturaîifies ne font, point d'accord fur la nature
&; l'origine de fambre gris. Les uns ;difent que c'efl
une fiente d'cifeaux marins ; quelques-uns prétendent
que c'eft de la cire & du miel, digérés & cuits par
le foieil &c le fel marin. M. Geofroi penfe que c'efl
une forte de bitumée qui dégorge du itin de la terre
dans les eaux de la mer : liquide d'abord, il s'épaiffit ;
r.utour de lui s'aglutinent des coquilles , des pierres ,
des os , des becs d'oifeaux &: de feches , des rayons
de cire & de miel : c'eft pourcfuoi , au milieu des
mettes à^amhrc gris durcies , on trouve quelquefois
toutes ces efpeces de corps hétérogènes ; d'autres veu-
lent que Vambre gris foit une réfine végétale à\m
certain ordre , mêlée par la nature à du Hir^on marin.
Quelques-uns, tels que K(zmpftr ^ &c. regardent Ûambr^
gris comme l'excrément de la baleine 5 & !es Japonois
Q4
14^ - A M B
l'appellent par. cette. «raifon Kufura no fu. On afTuré
qu'un Pécheur Américain d'Anrigoa a trouve, il y
a quelques années , clans le ventre d'une baleine , à
environ 32 lieues au Sud-efl A^s liles du vent, une
rnaffe Cambre gris du.])oids de cent trente livres, qu'il
a vendue 500 livres jfterling.
V! ambre gris ,fe rencontre à la furface des eaux de
la mer , ou lur /es bords , en morceaux plus ou rnoins
gros : il s'en trouve • quelquefois du poids de cent
livres & plus. Telle étpit la mafie d'ambre gris du
poids de cent quatre-vingt-deux livres, que la Com-
pagnie des Indes Orientale? de Hollande poiTédoit ,
& qu'elle avoit achetée du Roi de Tidor onze mille
ccus ou rixdalers. Telle étolt. encore cette autre groffe
mafTe d'ambre gris du poids de deux cents vingt-cinq
livres , que la Compagnie des Indes de France expofa
à la vente de l'Orient en 17 > 5. Nous avons été requis,
en 1761 , par un riche J^egociant de Marfeille , de
nous tranfporter dans l'endroit où l'on avoit fait venir
cette pièce d'ambre , afin de l'examiner : nous fîm.es
faire une fonde de fer, pour la percer de part en part.
La première couche étoit d'un afTcz bon am.bre, feuil-
leté &C parfemé de becs de feches , que l'on fait être
^e fubflance cornée ; la deuxième c^ uche étoit ter-
reufe , grenue , peu odorante , &; d'un goût de fel
marin. Le noyau de la mafle étoit brunâtre, mollr.lTe
& d'une odeur de bitume. Ce beau &z rare morceau
d'ambre gris a été vendu, cinquante- deux mille livres.
Les mafles d'ambre gris font ordinairement arrondies ,
forme qu'elles prennent en roulant dans la mer ou fur
les rivages. On en trouve beaucoup dans les mers des
Indes Orientales , près des Ifles Moluques, des Maldives
& de Madagafcar & fur les parages de la Chine &
du Japon , & de lolo aux Manilles. On en ramafîe
fouvent fur les côtes de l'Ifle de Maragnon ou du Bréfil ,
mais plus communément fur celles d'Afrique, vers le
Cap-Blanç , le Golfe d'Arguin , la Baie de Portendic ,
A M B 249
ê^ en quelques autres Mes qui s'étendent depuis celle
de Mofambique, julqu'à la mer Rouge. Les habita!2-S
des Ifles Sambales le cherchent d'une façon afTez fingu-
liere : ils le quêtent à l'odorat , comme les chiens de
chalTe fuivent le gibier. Après les tempêtes ils courent
fur le rivage , & s'il y a de V ambre gris , ils en ï^n-^
tent l'odeur. Il y a de certains Oifeaux, & autres
animaux, fur ces rivages , qui font friands de V Ambre
gris ; avertis de loin par fon odeur , ils le cherchent
pour le manger : on prétend que prefque tout Vamb'regris
qu'on apporte en Angleterre vient des Mes de Bahama ,
& de celles de la Providence. Vambre gris , gardé un
certain temps , fe couvre , comme le chocolat , d'une
efpece d'efîlorefcence grife (a).
Quoique cette matière fe trouve en plufieurs endroits ,
c'efl cependant un aromate rare & précieux. Sa valeur
ordinaire eu d'une guinée , ou d'un fouis d'or, l'once.
On le rend plus adif & plus agréable à l'odorat , en
le mêlant avec une petite quantité de mufc , de
civette, de fucre , &c. Les Parfjmeurs en font un
grand ufage. Comme X ambre abonde en parties huileufes,
( a ) Le Dofteur Schwediawer dit , dans fes Recherches fur la nature
& l'origine de Pamhre gris ( Journ. de Phyf. Oflobre 17S4), que les becs
ds feches , dont font parfemés les gros morceaux à'amhrc gris , tant ceux
trouvés fur les côtes ou à la furface des eaux de la mer, que ceux
tirés du ventre des baleines , appartiennent à cette efpece à laquelle
M. L'tnnxus a donne le nom de Sepia octo^poi/a. L'exiftence de ces becs
ôc d'autres corps étrangers dans Vamhre gris , efl: une preuve conva'n-
cante qu'il a été originairement dans un état de molIeiTe ou de liquidité.
Ce même Obfervateur prétend que refpece de B?leine qui contient dans
fon ventre de l'ambre gris ^ eft l'efpece d'où l'on rire le hlavc de haleine ^
laquelle paroît être le Phy fêter macrocephalus de Linnczus , & qui fait fa
nourriture principale de la grande efpece de Secht cité-e ci - deiTus,
C'eft dans le canal înteftinal , ( l'inteftin cacum) de ce cétacée que
fe trouve Vamhre gris ; c'eft pour l'animal une fource de maladies ; ceît^
matière fortie du fac qui la renferme , acquiert peu- à-peu la folidi^
qu'on lui reconnoît ; nous devons convenir (\\\q Vi. Rome de l'iflc ^^râX.
être le premier qui ait obfervé que les becs qui fe trouvent dans VamJrc
gris ^ appartiennent à l'efpece de Sechc citée ci-deffu.. Le Sepia oclovclia.
de Lin r. ans y eft le Polypus ocfcpus de Rondelet , & qui étoit défignépac
les Anciens fous les noms grecs à'EIedone, d'O^aina , d'Ofmylus^k
caufe de fa bonne odeur; les Grecs modernes le nomment mofchris ,
à caufe qu'il fent le mufc.
150 A M B
tén'jes & volatiles, il cft utile pour fortiner le eerveau,
Vcûom-àc : il donne pins de vivacité aux iens. Les
Orientaux en font auiïi un grand ufage : ils reftiment ,
notamment les Turcs, propre a prolonger la vie &c
à rappeler les p;a;firs d'un amour épuilé. Les p'.lérlns
qui vont a la Mecque çn achètent une grande quantité,
vraifcmblablcmcnt pour l'ciiVir & s'en feivir en fumi-
gation , de la même manière qu'en fe fcrt de rencçns.
La vertu la plus efienlielle de Va/Trhre gris , cfl, félon
quelques -■ uns , a être artifîafrr.cdicuc & calmant ,
î\-peu-près com.nie le mnfc & le cajlcrcum , & de pou-
voir procurer du fcu^agemcnt dans certaines çlTeclions
hyftériques , vapcreufcs , convulhvcs , & autres mala-
dies du genre nerveux. On peut le faire prendre inté-
rieurement depuis un grain iufqu'à dix eu douze ,
même davantage ; car fur les deC^s-, il n'y a en quel-
que forte aucune.' règle pour ces fortes de remèdes
éi de maladie s.
Peut-être oue la matière fcfnle , grafTe , inconnue,
ti-ouvée en Finlande ,. oL dont il eft- mention dans les
Mùinoïrts dz V Acadim'w de Suéde , vol. f^. ann, iy41y
eft une efpece à'amhre blanchâtre , non odorant ; mais
."cjif étant mêlé avec de la poudre de mouffe & un peu
. fîe'fuc.rc , puis cxpofé un peu à l'air , alors (on cdeur
])Ourroit fe développer ; peut-être aufïï n'eil-ce qu'une
forte de fa von foxTde ou de lUric de haleine,
Ambrf. jaune ou Succin , Siiccinum ^ Eldlmm ,
Karalé. C'efl une luLilarce biti.mineufe, dure, plus
Gif moins tranfparcnte , de couleur tantôt jaune ou
citrine , tantc)t iyanchatre , tantôt rouiTe , d'une faveur
\m peu acre. Elle .accmicit par le frottement une
propriété élcdrique; celle d'attirer des pailles &: autres
corps minces , d'cii lui vient le nom à'EUchum , oc
celui de Karabé ^ qui fîgnifie attire - paille. Cette prc-
jP^icîé étoit déjà connue du temps de Thaïes^ célèbre fon-
c lateur de la fede Ionique , c'cfl-à-dire ^ fix cents ans
■ a vant notre Ere.
A M B ^ ijï
Le fuccln .ç.{}i fiifceptible du poli de l'agate. Il ie
fond fur le feu , s'enflamme , & répand alors une odeur
aufîi défagréable que celles des bitumtes ; il fe difîbut
dans l'efprit-de-vin , dans l'huile de lavande , & même
dans l'huile c!e lin , mais difficilement lorfqu'il n'a pas
ctë torréfié. On le fait entrer dans la compofiticn du
lut gras : on en fait d*es vernis d'une grande beauté ,
& particulièrement le vernis de laque. Lefuccin expofe
à l'air libre ou dans l'eau ^ n'éprouve aucune altéra-
tion : réduit en poudre , il a une odeur afiez agréable.
C'eft de tous les bitumes , celui qui rciTc-mble le plus
aux réiines végétales ; mais il en diffère eifentielle-
ment par des propriétés qui lui font particulières.
Le fiiccin ne fe recueille ordinairement que dans îa
mer Baltique fur les côtes de la Prufle. Les habitans-
vont le recueillir fur les bords de la mer , au fort
de la tempête : on le trouve en morceaux de diffé-
rentes groUeurs & de diverfes formes. Les feuilles,
les brins de paille , les mouches , araignées , fourmis
ik autres infecles qui ne vivent que fur terre, &C qui'
fe trouvent dans l'intérieur du fixcin , donnent lieu
de penfer que c\{\. une fubflance végétale : obfervatioii-
qui , prouvant d'une part que V ambre jatme a été primi-
tivement liquide , s'accorde auffi avec la Chimie , qui
reconnoît dans cette fubflance , ainfi que dans les
bitumes , une hidle végétale , épaifîie parmi les acides^
minéraux qui leur ont donné les qualités qui les font
différer des réfmes. M. Girtanmr prétend que lefuccin
ell: une huile végétale rendue concrète par l'acide des
fourmis , de même , ajoute-t-il que la cire n'ell qu'une
huile rendue concrète par l'acide des abeilles ; cet
obfervateur dit que les grandes fourmis, formica rufa,
Linn. 5 habitent les anciennes forêts de fapins , où elles
forment des fourmillieres qui ont quelquefois jufqu'à
fix pieds de diamètre ; &: c'efl dans des lieux où il
y en avoit autrefois , que fe trouve le fuccin fofîile ,
qui eil mcins dur cjue celui qui fe trouve dans
252 A M B
la mer... Nous le répétons, des corps étrangers ont
cré retenus dans V ambre jaune ^ lorfqu'il étoit liquide,
vifqueux ; cVtoit à l'occafion d'un de ces animaux ,
ainfi emprifonné , que le poëte Martial avoit dit :
Cicm pha'ctontea formica vagatur in timbra y
Implicuit wiiizm fuccina gutta feram.
Tout le fuccin du commerce , même le plus beau ,
nous vient de la PruiTe Ducale, où le droit de le
retirer de fa mine eft regardé comme droit régalien
ou de la Couronne : on l'eftime à 26000 écus d'Alle-
3nagne<
On trouve dans le fein de la terre, de V ambre jaune
fbfîile , en PruiTe & en Pomeranie. Les principales
inmes (ont fur les Qol^s de Sudwic ; fouvent même on
en voit dans les filions de la charrue. Cefl toujours
dans une terre bitumineufe, qui prend feii comme le
charbon , & qui paroît être formée des débris des
végétaux & d'immenfes forêts , que fe trouvent le
fuccin &c les bitumes. Le fuccin que l'on ram.afle fur
le bord de la mer eft clair , & vient des collines qui
en renferment , que la mer a détruites & renverfées
avec la terre j il ell enfuite jeté ça &là par les flots.
Plufieurs montagnes de Provence , plufieurs contrées,
de l'Allemagne Septentrionale, de Suéde, de Danemarck,
fournirent encore de Vambre jaune.
On en a aufîi découvert ces années dernières une
abondante quantité en Saxe. Ce fuccin efl: aiTez beau ,
ck: a fourni matière aux Differtations imprimées dans
le Recueil des Curieux de la Nature. On en peut con-
fulter l'extrait inféré à la fin de la Pyrithologie de
Henckel , Traducl. Franc, p, 497. Cette Differtation
porte à croire que le fuccin pourroit bien n'être formé
que de la matière inflammable & acide de la pyrite
alumineufe & vitriolique. Tout \e fuccin qui fe retire
de la mer eft toujours affez clair ; celui qu'on trouve
dans des rochers, eft couvert d une croûte grifej celui
A M B 251
qu'on tîre de la terre a une enveloppe d'une faveur
vitriolique.
On voit dans les cabinets de quelques riches ama-
teurs , des morceaux de fuccin élajîiqm. Mais tout ce
qu'on nous a montré fous ce nom , n'efl qu'une gomme
de prunier mollaffe , qui empâte la langue comme la
gomme arabique. A l'égard du prétendu fuccin liquide
de Vûlachie , dont on fe fert pour graiffer les roues
& les cuirs des harnois , ce n'eil qu'une pétrole jau-
nâtre épaiiîie.
Avant l'ufage des dismans &: des autres pierreries
que les deux Indes ont fournies à notre luxe , le
fuccin étoit très-recherché : il paflbit pour une des
chofes les plus précieufes ; on en décoroit les autels ,
& on en ornoit les perfonnes du fexe : c'étoit même
dans ce temps-là la plus belle de its parures , ( Plint ,
Uh. 30. cap, 2 & 3 , f e récrie contre ce luxe frivole
avec l'énergie qui le caraâ:érife. C'eil , dit - il , la
frivolité des Grecs & leur raffinement qui l'ont mis à
la mode. Enfin , on met des plaifirs de pure fantaifie à
un fi haut prix , qu'ime petite figure Cambre travaillé ,
s'achète plus cher que des hommes pleins de vie &
de force. ) On en faifoit , par le moyen du tour ,
des pommes de cannes , des brafTelets , des colliers ,
des tabatières , & divers autres bijoux qui ne font
aujourd'hui regardés comme de grandes raretés qu'en
Perfe , en Chine , en Turquie & chez les Sauvages.
On prétend que quand ces bijoux fe cafTent, on les
fonde facilement en enduifant d'huile de tartre l'endroit
de la fra£lure qu'on a un peu échaufFé auparavant
devant le feu. On dit que le Roi de Prufle pofTede
un miroir ardent fait de fuccin ; il eft large d'un pied
& fans défauts. On voit aiiiîî dans le Cabinet des Ducs
de Florence une belle colonne Aq fuccin de la liauteur
de dix pieds , & un ludre de toute beauté. On voit
même encore des vafes faits de cette matière avec
im travail i;ifîni.
2 54 A M B
On afTiire que M. Kerkring , vers le milieu du fiecle
dernier , avoit trouvé le fecret de ramollir Vambrc
jauni autrement que par le feu , &: d'en faire comme
une pâte , à laquelle il donnoit telle figure qu'il lui
plaifclt. On apprend que depuis quelques années il
y a en PruiTe un Ouvrier , nommé Samuel Som ,
qui a l'art non - feulement d'éclaircir le fucc'in , m^ais
encore de le teindre de toutes les couleurs , 6^ même
de le ramollir , &: d'y enfermer des infe£^es , pour
en tirer bon parti en le vendant aux perfonnes curieufes
de ces raretés.
M. Bourgeois 5 Dof^eur en Médecine , obferve qu'il
ne faut pas confondre les vertus médicinales diifucàn
avec celles de Y ambre gris. Le fuccin efl , dit-il , \in
remède très-cfHcace dans toutes les affedions hyfté-
riques , vaporeufes & conyulfives , pour toutes fortes
de tem.péramens : Vauibn gris au contraire , de même
que le mufc , ne convient que dans quelques cas
particuliers de ccnvulfions ; & on remarque que ce
dernier remède , au lieu d'être efficace dans ces mala-
dies , efl capable , par fa feule odeur , de les exciter
& de les augmenter ; d'ailleurs la dofe en eft très-
différente ; on ne donne Vambrc gris qu'à celle de quel-
ques grains , tandis qu'on peut donner le fuccin depuis
vingt grains jufqu'à quarante. Kccmpfer dit que les
Chinois , les Japonois , t<. plufieurs autres peuples
de l'Afie eftiment beaucoup plus le fuccin ou ambre
jaune , que Vambre gris ; ils le brûlent en quantité
par magniiiccnce , tant à caufe de la bonne odeur
que fa fumée répand , que parce qu'ils croient cettQ
vapeur très - falubre , & même fpécifîque pour les
maux de tête &: les aire6^ions nerveufes.
On a découvert depuis peu à Edimbourg, que la
vapeur du fel de fuccin ell tellement pernicieufe aux
rats qui fe cantonnent dans les magafms de drogue-
ries , &c., qu'elle les fait difparokre totalement : cepen-
dant ces animaux reviendront fi on retire le fel^
A M B 25I
&: î!s s'enfuiront de nciiveaii li Pcn y reporte le
kl
AMBRETTE. ou Graine de musc, Semcnmofchiy
nommée par les Egyptiens aUl-mofch , ou hamia , c'efl-à-
dire , graïn-z de mujc , car elle en a efFeftivement Fodeur.
Cette graine a la forme d'un rein : elle efi de la
groiTeur d'un grain de millet , & fe trouve dans lui
fruit de coideur brune , de forme pyramidale , qui
croît fur ime efpece de kctmia , ou aide d'Egypîe ,
dont la fleur eil d'une feule pièce , mais découpée
fi profoîidénient que les lobes femblent autant de
{^étales , & de couleur jaune dorée ; les feuilles font
approchantes de celles de la guin-îauve, ce cul la fait
nommer aufn ^uh?iûuve veloutée des Indes ; an. Ma/va
7?iofchata y Linn. 971. Cette plante croît en abondance
& fans culture dans le pays de Gakm , dans les
Antilles, oL fur- tout en Arabie &: en Egypte, oii le
peuple broie la graine &: la mêle avec la poudre de
leur café pour le rendre céphalique & fo)machique.
Les Nègres n'en font aucun ufage. Leurs femmes qui
aiment beaucoup les odeurs , & qid font pafîionnées
pour les clous de girofle, dont elles portent des paquets
autour du cou , négligent cette graine , par la feule
raifon peut-être qu'elle efî: fort commune. Les Parfu-
meurs font ufage ici de cette graine , à caufe de fon
odeur agréable.
L'on donne anfTi le nom ^amhrette dîs jardins , à la
faitr du Grand- S eJgneur(^Cy anus florldus odoratusTurdcus^
Jive Oricntalis major ^ Parle. Tourn. 445 : Centuurea
mofckata^ Linn. 1286.) plante originaire de Pci-fe ôc
du genre du hluet & de la centaurée. Elle efl annuelle ;
fa tige eft haute d'un à deux pieds , rameufe , garnie
de feuilles plus ou moins en lyre , dentées , vertes &
glabres ; les fleurs font affez grandes , terminales ou
Iblitaires , rougeâtres ou blanches , d'une odeur douce
& agréable ; le calice eir arrondi , écailleux & g'abre.'
On la cultive dans les jardins. A l'égard de Yaiibratc
25<5 A M B
fauvfige 5 Jacea nlgra pratenjis lanfolia , Bauh. Pin. 1 271 J
Toiirn. 443 . Voyc^^ à Cartick Jacee. Elle croît , ainiî
que fes variétés , dans les prés & autres lieux
incultes.
AMBREVADE. Voye^ Pois d'Angole.
AiMBROSIE. Voyez Thé du Mexique & Botrys.
Qqs plantes n'ont pas les caraderes de Vambrojic ,
elles n'en ont que l'odeur. On donne par excellence ,
le nom ôxambrofie ( amhrofia ) , à un genre de plante
qui tient le milieu entre les immortelles & les tanaijies.
Ses fleurs font de deux fortes ; les unes composées ,
mâles , ou flériles , fe trouvent féparées des femelles ,
& raiiernbîées dans des enveloppes difpofées en épi
aux extrémités des branches , tandis que les femelles
font approchées en paquets aux ailTelles des feuilles
qui font au bas des épis ; les fleurs mâles font à cinq
étamines , & ont une corolle d'une feule pièce en
entonnoir , découpée en cinq pointes. Les femelles
n'ont point de corolles , elles ont deux ftyles. Il fuc-
cede à chacune un fruit compofé d'une feule graine
& du calice durci. Les feuilles d'en bas de quelques
efpeces ^amhrojie font oppofées , les autres font
alternes.
On distingue VAmbrcJie maritime , Amibrojia maritima^
Lina. 1401, B. Pin. 158, Tourn. 439. C'efl Vherhe.
vineufe de Gcfner, On la cultive dans les jardins.
La plus belle fe voit en Tofcane. La tige de cette
plante annuelle, tÇi haute d'un à deux pieds, droite,
très ► branchue , couverte de poils mous. Les feuilles
font bipinnées , très-molles & chargées de duvet. La
racine efl ligneufe & menue , les fleurs font jaunes.
Toute la plante a une odeur fuave , &: wrv goût aroma-
tique un peu amer , mais agréable. On l't ilime cor-
diale & céphaliaue. 11 y a encore VAmbrofa à feuilles
d'armpife , Ambrofia artcmififolia ; {qs fleurs font d'un
vert jaunâtre ; elles femblent renverfées &c tournées
rers la terre ; on trouve cette grande efpece dans
l'Amériaue
AME 257 •
r Amérique Méridionale , & dans Pînde ; c'eft le
Katu-tsjctn-pii du Malabar* VAmbroJie trlfide de la
Caroline 5 & VAmbrojîe arborefccntc du Pérou , fe
cultivent , ainfi que les précédentes , au Jardin du Roi»
U Ambrojic fauvage ell le crejfon fauvage» Voyez
ce mot,
AMEIVA Linn. Laccrta ( Ameiva ) caudâ verticîllata.
longâ , fcutls abdominis trïgïnta y collari fubtàs riigâ
duplïd^ Linn. ( Amph. rept. n.° 14.) Ce lézard eli
du deuxième genre; il fe trouve à Surinam. Suivant
M. Daubenton y V Ameiva a la tête longue , terminée
en pointe par -devant , légèrement convexe par-defTus^
Se couverte d'écaillés , les unes hexagones , les autres
pentagones. L'ouverture de la gueule grande ; les
mâchoires égales Se lifTes ; la langue partagée en deux z
la peau qui avoifme la gueule eft très-lâche Se forme
des rides tranfverfales ; les narines ovales Se difpofées
en longueur fur le fommet du mufeau ; les yeux grands ,
un peu faiilans , tournés en avant , Se placés un peu
plus près des oreilles que du mufeau ; les oreilles
grandes , excavées , couvertes d'une écaille arrondie ,
Se iituées de part Se d'autre fur les extrémités de la
tête ; les flancs Se le dos font un peu convexes , Se
couverts d'une grande quantité de petites écailles
difpofées par bandes tranfverfales ; le ventre efl plus
convexe que le dos ; 11 eft partagé en trente-un fegmens
fitués tranfverfalement , Se divifés eux-mêmes en huit
bandes longitudinales. La queue , dont la longueur eft
triple de celle du corps , fe termine infenfiblement en
une pointe très-déliée ; elle eft entourée d'environ 130
bandes d'écaillés carrées difpofées par anneaux. Le delTus
Se les côtés de la tête font d'une couleur brune , blan-
châtre , parfemée de tâches noirâtres , une large bande
teinte d'un vert léger , Se deux bords très-étroits Sc
d'un bleu pâle , s'étend fur le corps depuis la tête
jufqu'à l'extrémité de la queue ; le long de ces bords
^'étendent deux autres bandçs . qui fe terminent à la^
Tome /, R
258 A M E ^
queue , & qui font d'une couleur noirâtre , parfemeé
de points blanchâtres , avec deux bordures blan-
châtres , très - étroites ; le refle des côtés eft chargé
de taches noires , nuées de blanc vers l'abdomen.
Les jambes font un peu arrondies avec un léger
renflement ; chaque pied contient cinq doigts ; les doigts
antérieurs font minces & garnis d'ongles un peu
recourbés ; les ongles des doigts poftérieurs ont à
peine une courbure fenfible ; les pieds de derrière
font bien plus alongés que ceux de devant.
AMELANCHIER. roye^ à la fuite du mot Néflier;
AMÉTHYSTE. Surnom donné à Voifeau mouche
( petit ) à queue fourchue de Cayenne. VoyeT^^ à Var^
tkk Oiseau mouche.
Améthyste, amethyjîus , pierre précieufe de cou-
leur violette , ou violette pourprée. On ne peut faire
connoitre la beauté de fa couleur , qu'en en tirant la
comparaifon de la nature même. L'efpace au. fpedre
folaire, que donne le prifme par la réfraction des
rayons de la lumière , auquel Newton 3. donné le
nom de violet^ repréfente au jufle la couleur deVamé"
thyjte violette la plus commune. Si on fait tomber
Fextrémité inférieure d'un fpedre, fur l'extrémité (w--
périeure d'un autre fpedre, on mêlera du rouge avec
du violet , & on aura la vraie couleur d« VamêthyfcZ
pourprée. On peut de cette façon voir les couleurs de
toutes les autres pierres précieufes colorées. Foye^
rartïcle PlERRES PRECIEUSES.
Peu de perfonnes prétendent avoir vu des ami"
thyjtes orientales ; car il ne faut pas confondre certaines
pierres d'un violet-pourpre qui ayant la dureté d'un
rubis oriental , font des rubis d'orient pourpres ou
violets , félon la couleur. Le nibis efl , après le dia-
mant , la pierre précieufe la plus dure ; Vaméthyjle ne
tient , parmi les pierreries , que le fixieme rang en
dureté. Vaméthyjle orientale çi\ donc très-rare ; fa cou-
leur doit être d'un beau violet - pourpre , d'un poli
AME 2J9
vîf &C brillant , Sz d'une grande limpidité. Les amé-
thyjîes occidentales ne font pas fort rares : il y en a
de deux efpeces. La première , eil d'un violet un peu
obfcur ; la féconde , eft d'un violet un peu pourpré»
Elle eil bien moins commune : elle nous eft apportée
de Carthagene , d'où lui vient fon nom à^améthyfte
de Carthagene. C'efl , après Vaméthyjîe orientale , Fefpece
la plus belle, la plus rare & la plus eftimée. Parmi
les améthyfles , il y en a d'un beau violet - bleu , co-
lombin ; d'autres d'une belle couleur gris-de-lin , mxê-
lée d'un peu de bleu, femblable à la couleur de la
fleur de pécher.
Vamkhyjîc paroît être formée de criflal de roche
coloré par une fubflance métallique fort atténuée : il
s'en trouve dans la plupart des lieux métalliques où
il y a du criftal de roche. ^Jaméthyjîe en a la dureté :
elle fe forme aufîi comme le crijial ^ en aiguilles hexa-
gones , terminées à chaque bout par une pointe à fix
faces ( royei Cristal de roche ). La plupart de
ces aiguilles ne font teintes de violet qu'en partie ; le
refte eH: blanc , & c'ell: du vrai crijial de roche, La
bafe en efl quartzeufe. On en trouve beaucoup dans
les fentes des montagnes anciennes ; en Arabie , les
habitans en tirent de très-belles améthyjîis.
On voit des cuvettes , des couvercles de tabatières
& autres bijoux , qui , quoique faits d'une feule pièce ,
font en partie de criftal &: en partie ^amlthyfie. On
remaraue au Cabinet d'Hiftoire Naturelle du Jardin
du Roi , dans l'armoire des pierres précieufes , quatre
belles colonnes ^améthyjîe , ornées d'un chapiteau.
Cette efpece de pierrerie , qu'on appelle auffi pierre
d'Evêqiie , eft connue depuis long-temps , c'étoit la
neuvième ( félon quelques-uns elle étoit la feptieme )
en ordre, fur le Pedoral du Grand- Prêtre Juif, &le
nom ^IJfachar étoit gravé deffus.
Lorfqu'on fcie Vaméthyjle tranfverfalement , on voit
les pans à ûx faces que forment les différentes pcr-
Ri
i6o AME
tions d'aîgullle? : elles ont ordinairement H peu d'adhe-»
rence les unes avec les autres , que la lame qu'elles
compoient , fe iepare aifement en plufieurs pièces,
Vaméthyjie , foit d'Amérique , foit d'Europe j le trouve ;,
ainfi que le criilal de roche , tantôt dans les fentes
perpendiculaires des roches , &c tantôt dans les cail-
loux caverneux ou chambrés. H y a beaucoup à^amé-
thyjîcs dans les fentes des montagnes d'Auvergne , qui
font en maffes irrégulieres , & unies au caillou &: à
l'ao^ate. Celles - ci ne font que des primes quart^eufcs
^amkhyfli. Il y en a en Allemagne , en Bohême , en
Efpagne , dans une montagne à deux lieues de Vie en
Catalogne , & dans le Comté de Kerry en Irlande , où
l'on en a découvert une aiTez belle mine , qui a du
être exploitée par une Compagnie qui s'étoit formée
à cet effet. L'art imite auiîi très-bien cette efpece de
pierre précieufe.
Vaméthyjîe mife dans un bain de fable , que l'orl
fait chauffer , y perd fa couleur , & acquiert celle du
diamant blanc, ainfi que le faphir. On la préfère même
à ce dernier pour cette opération , parce qu'elle ne
blanchit pas tant , &; qu'elle imite mieux l'éclat du
diamant. M. Darcet a expofé au feu Vaméthyjlc des
Indes & celle d'Auvergne ; la première a perdu fa cou-
leur ^ & efl: devenue tranfparente comme le plus beau
caillou de criflal ; l'autre a blanchi comme le quartz ;
mais aucune ne s'eft fondue , comme le prétend f^^/-
krius.
Depuis quelques années l'on vend à Pétersbourg
beaucoup de bijoux fous le nom ^amkhyfic blanche, :
cette pierre qui fe trouve dans les Etats du Czar ,
eft d'une tranfparence fourde , comme gercée ou (Iriée :
elle efl fort recherchée , quoique peu agréable. On a
prétendu mal-à-propos que cette pierre garantiflbit de
l'ivreffe , oc réfiftoit aux poifons.
Le prix de Vaméthyjîe varie beaucoup : celle qui eft
orientale ôc qui tient k fixieme rang en dureté dans
AMI i6i
f or^re Aes pierreries , augmente de prix dans une
progreffion arithmétique qui eil fondée fur fa perfec-
tion & fur fa pefanteur fpécifique ; en un mot , à pro-
portion de fa grandeur , de la beauté , de la richeffe
6c de la pureté de fa couleur : par exemple , deux
grains font comptés pour trois , quatre pour fept ,
onze pour feize ; tandis que les amétkyjles orientales
6i parfaites qui ont la dureté du rubis , doivent
être eflimées dans la même progreflion que le rubis ,
étant elles-mêmes des rubis. Les améthyjles occident
taies ne fe vendent qu'à proportion de leur grandeur^
c'eiî-à-dire , celles qui font doubles valent le double
de celles qui font (impies , &c. Les Joailliers fe con-
tentent fouvent d'eflimer celles-ci , à Toeil.
AMIANTE, Amiantus, \J amiante, efl connue fous
divers autres noms qui ont rapport à fes propriétés.
On l'a appelée linum vivuni , lin incombiijîihle ; limint
asbejîinum , laine de falamandrt , parce qu'on a crit
que la falamandre étoit à l'épreuve du feu. Voye^^ a
Vanicle SALAMANDRE ce qui a donné lieu à cette
erreur.
U amiante eil une matière folîiîe compofée de fîlets^
très-déliés , plus ou moins longs , quelquefois ifolés
ou féparés , mais fouvent appliqués longitudinalement
les uns contre les autres en manière de faifceau , &;
dont les extrémités femblent avoir été tranchées avec
un couteau.
Il y a pluiieurs fortes ^amiantes , qui ^ quoique
toutes de même nature , différent par la couleur, par
le plus ou moins de longueur des fils , ô^ par Fâdhé*
rence mutuelle de ces fils. Il y a des amiantes jau-
nâtres , grifâtres , & de parfaitement blanches ; nous
en avons vu de verte èc de rouge. On donne des
noms à X amiante fuivant la texture de fes parties. Voye:{^
Cuir fossile, Liège de montagne , Chair fos-
sile. On nomme asbejle une amiante dure ,, peu ou
point flexible , pefante^ qui tombe au fond de i'eau|^
i6i AMI
& felcn ran-angement des parties fîbreiifes , Vashcjlt
til ou en bouquet , ou étoile , ou en ëpi , ou a le
tiflli ligneux : nous avons trouvé une grande quantité
de celui-ci dans les montagnes d'EcofFe ; celui de
Zœblitz en Saxe efl verdâtre , & n'eft quelquefois
qu'un fchorl , Voyez ce mot, \] amiante eft infipide :
ce qui la diilingue du véritable alun de plume avec
lequel on la confond fouvent , & dont le goût eft
piquant.
\jamiante ne fe calcine point par l'aftion du feu
ordinaire : elle ne peut être vitrifiée que par un feu
afTez violent. Les acides n'agifîent que peu ou point
fur elle: on en peut dire autant de Vasbejie, Nous
foupçonnons que Vamiante & Vasbejle font formés
d'une argile fableufe extrêmement divifée & trans-
formée ainii que le talc. M. Monnet prétend que Vas-
hefle efl: un compofé de terre quartzeufe & de fer ,
unis d'une manière très-intime. M. Nehel dit que la
falive eil: le diffolvant de Vasbejle & de Vamiante»
La propriété fmguliere de cette fubftance (Vamiante^
eft d'être compofée de filets foyeux fi flexibles , 6c
qui peuvent devenir fi fouples par l'art , qu'il eft pof-
fible d'en faire un tifTu brillant & prefque femblable
à celui que l'on fait avec les fils de chanvre, de lin,
de foie. On file Vamiante , on en fait une toile que
l'on jette au feu fans craindre qu'elle fe confume. Ce
qui paroît très-fmgulier , on blanchit cette toile par
le feu ; de fale & craffeufe qu'elle étoit , elle en fort
pure & nette ; le feu confume les matières étrangères
6c com.buflibles dont elle eft chargée , fans pouvoir
l'altérer. Cependant toutes les fois qu'on la retire du
feu 5 elle perd un peu de fon poids & de fa flexibi-
lité. Pline dit avoir vu une nappe de liri incombujlihle ,
que l'on jetoit au feu pour la blanchir. L'Hiiloire mo-
derne nous apprend que Charles-Quint avoit plufieurs
ferviettes de ce lin^ avec lefquelles il donnoit le di-
yertifTement aux Princes de fa Cour , iorfqu'il les
AMI 16$
régaîoît ; îl Jetoît au feu ces fervîettes engraiflees 6c
fales , & on les en retiroit nettes & entières. Du temps
des anciens Grecs & des Romains , on brûloir dans
ces toiles les corps des Rois , pour que leurs cendres
ne fe mêlalTent point avec celles du bûcher. On
montre dans la Bibliothèque du Vatican un fuaire de
cette toile ^amiante , de neuf palmes romaines de lon-
gueur ^ fur fept de largeur , & qu'on prétend avoir
fervi à cet ulage ( ^ ). Quoique ce lin fût autrefois
plus cher que les plus belles perles , ainfi que le dit
Plim , il n'étoit cependant point beau. Il étoit roux ,
difficile à travailler , & très-court : il venoit de la
Perfe; c'étoit le feul connu de fon temps.
Il vient de très-belle amiante de Flfle de Corfe ; on
en trouve dont les filets ont quelquefois jufqu'à fix
pouces & plus de longueur ; ce font les plus blancs ,
les plus brillans &: les plus rares : cette efpece feroit
la plus propre à travailler & à donner une belle toile.
U amiante eft très-propre à faire des mèches à lampe,
parce qu'elles ne forment pas auffi promptement que
le coton , un lumignon qui ofTufque & diminue tou-
jours la lumière. Les Païens s'en fervoient, dit-on ,
dans leurs lampes fépulcrales qu'ils confacroient à leurs
idoles ou à leurs vafes , tant oiTuaires que cinéraires.
Les chercheurs de lampes perpétuelles n'ont pas manqué
d'employer ces mèches incombuftil^les : il ne leur man-
quoit plus que l'huile , que leur folie leur faifoit croire
pouvoir être extraite de V amiante ; comme fi une ma-
tière pouvoit jeter de la flamme , fans perdre de fa
fubflance.
Il y a de V amiante dans bien des lieux ; en Chine ,
{a) On trouva, en effet, un monument antique en 1702, auprès
de la Porte de Rome, appelée autrefois Porta Nœvia , qui ne laiffe
aucun doute fur la réalité de cet ufage. C'étoit une Urne funéraire
ornée de bas-reliefs élégans , dans laquelle il y avoit un crâne, des os
brûlés & Aqs cendres renfermés dans le fuaire dont il eft mention. Ce
fut CUmsnt XI qui fit dépofer ce monument précieux, & peut - çtre
unique , dans le Palais du Vatican.
R4
:i^4 ^. AMI
en Sibérie, à Eisfield , dans la Thurînge; dans lel
aîiines de Fancienne Bavière ; à Namur , dans les Pays
Bas ; dans l'Ifle d'Angleley annexe de la Principauté
de Galles ; à Aberdeen en Ecoffe ; à Montaiiban en
France , 6c notamment dans la Vallée de Camipan ; &
près de Barrege aux Pyrénées , même en Italie, à Pouzzol,
dans l'îile de Corfe , à Smyrne , en Tartarie , en
Egypte. Souvent les fibres de Xamianu font déta-
chées , quelquefois aufîi elles font enfermées dans du
criflal de roche , dans du fpath , & autres corps mi-
néraux très-durs, fouvent entre deux quartiers d'une
pierre grife & très-compade.
L'art de filer Y amiante , autrefois connu des anciens
Orientaux, a été depuis long-temps ignoré, & même
préfentement on ignore l'art d'en faire de belles toiles-
Cïampïni , dans un petit Traité imprmé à Rome en
1691 , en dit quelque chofe. Mahudel a perfedlionné
cet art. Faites tremper votre amiante dans de l'eau
chaude pendant quelque temps ; enfuite divifez-la en
la frottant avec les mains , afin de féparer toutes les
iriatieres étrangères ; répétez cette lotion cinq ou fix
fois dans de l'eau très-chrude : faites enfuite fécher
au foleil & fur une claie de jonc vos fils à^ amiante
féparés des matières étrangères. Vamiante étant ainli
préparée & divifée avec les doigts en parcelles
£breufes , on la met entre des cardes à dents très-
fines , & l'on parvient à en retirer très - doucement
quelques filamens que l'on trempe dans l'huile pour
îes rendre plus flexibles. On prend du coton ou de
la laine ou de la filafTe de lin ; & à mefure que l'on
fait ce fil , mêlé ^amiante & de laine ou de coton ,
on a grand foin d'y faire entrer plus ^amiante crue
d'autre matière , afin que le fil puifié fe foutenir avec
Vamiante. Dès qu'on a fait la toile , on la jette au
feu pour faire brûler la laine ou le coton, & il ne
refle plus qu'un tifTu tout entier à'amiante. On em-
ploie les brins le plus atténués , comme pulvérulens ,
A M I ^ 2(?y
Ec qui reftènt après qu'on a employé les autres > à
faire du papier. Ce papier incombuftible feroit très-
précieux pour préferver du danger des flammes toutes
ces archives , tous ces aâ:es , d'où dépendent la for-
lune & le repos des Nations &c des Particuliers. Il
ne manqueroit que de trouver préfentement une encre
qui pût rciifler aux flammes fans en être détruite. On
fait aftuellement aux Pyrénées des cordons , des jar-
retières & des ceintures avec le fil d^amiante : mais
tous ces ouvrages , toutes ces toiles ne pourront être
de durée au fervice , & n'auront jamais qu'un ufage
de pure curiolité , celui de les engraifler & de les
falir pour avoir le plaifir de les retirer du feu nettes
& entières.
AMIDON , Amylum, Subftance qu'on retire des
blés gâtés , des griots ou recoupettes de blé. Voy&i^ à
la fin de l' article Farine. Plim^ en parlant de l'i^/zzi^/o^ ,
dit que l'invention de cette farine faite fans meule ,
eft due aux Habitans de l'Ifle de Chio.
AMÎE ou BONITON 5 Scomber arma , Linn. ; à Rome
Z>L à Livourne, Leccia, PoifTon qui a de la reffem-
blanc avec le faumon , pour la forme de fon corps ;
il fe trouve dans la Méditerranée , plus particulière-
ment dans la partie qui baigne la Tofcane. Rondelet
dit avoir vu de ces poifTons qui avoient jufqu'à trois
pieds & demi de long. La gueule eil: affez petite : les
mâchoires hériffées d\me multitude de petites dents ;
la langue large & rude fur les côtés , ainfi que le
palais & tout l'intérieur de la gueule. Les yeux font
médiocrement grands , leurs iris blancs , avec un cercle
brun près de la prunelle , le dos d'un bleu fombre ,
mié de rouge-pourpre. Les côtés ont la même teinte ,
mais plus décidée. Les nageoires peâ:orales ont vingt
rayons chacune ; les abdominales en ont iix. La pre-
mière nageoire dorfale a fept rayons épineux ; la
deuxième en a trente - quatre , dont les trois premiers
& le dernier font plus élevés; k nageoire de l'anus
i66 A M I
prëfente les mêmes différences dans fa conformation;
mais il n'y a que vingt-un rayons, & leurs extrémités
font blanches ; la queue profondement échancrée. Ce
poilTon eft du genre de fon nom. H^ojei â VankU
Poisson. Vamk remonte , en été , les rivières ; fa
chair y devient plus délicate &: de meilleur goût.
AMIGDALITE. Nom donné à des corps pierreux
qui imitent des amandes qui feroient pétrifiées. Foye:^
Jeux de la Nature & Lltoglyphites.
AiMIRAL. Les curieux donnent ce nom à une co-
quille univalve du genre des Cornets, Voyez ce mot,
ilamlral a des fafcies marbrées de taches blanches fur
un fond jaune foncé. On y remarque encore une ligne
ponduée vers le milieu , & qui ne fe trouve point
dans la coquille appelée vice-amiral. Les amateurs dif-
tingiient V amiral d'orange ; fa couleur eft d'un blanc
nué de rofe vif , avec deux larges zones oran-
gées. On y voit quelques ftries très-fines : fa tête efl
fort élevée. Ces coquilles fe trouvent dans les mers
des Indes , & font très-cheres. H y a auffi V amiral à
deux bandes , V extra-amiral , &; ^amiral grenu ou cha^
griné. Toutes ces coquilles font d'un grand prix , à
raifon de leur beauté & de leur rareté.
Les Fleurifles donnent aufli le nom ^amiral à une
forte ^œillet. Voyez ce mot.
Amiral. Nom donné à un beau papillon diurne,
très-commun , connu par toute l'Europe. Les forêts &
les jardins en font remplis , fur-tout vers la fin de
l'été. Sa taille eil d'une belle grandeur ; il n'emploie
que quatre pattes pour marcher. Le deffus de ies ailes
eft à fond noirâtre , les ailes inférieures font bordées
de rouge , & ce bord eft orné de quelques points
bleuâtres : les ailes fupérieures font traverfées cha-
cune par une bande rouge qui offre adez communé-
ment dans les femelles une tache blanche & ronde ;
la partie antérieure des ailes fupérieures eft ornée de
plufieurs taches blanches de diverfes grandeurs. Ce font
AMI 2ÎÎ7
les bandes rouges qui ont fait donner à ce papillon
le furnom de Vulcain, Les nuances ou les bigarrures
du deffous des ailes , fur-tout des inférieures , varient
beaucoup dans les deux fexes. Elles font communé-
ment chargées vers le milieu de quelques caraderes
de couleur de biftre foncé , qui , félon quelques ama-
teurs , figurent les chiffres 98 ou 78 ou 67. Ces carac-
tères, ainfi que la diverfité de fes nuances , lui ont
fait donner beaucoup d autres noms , le ^^r5 ^ le ^z^^-
trc-vingt-dix-muf ^ le papillon a numéros , ^amiral ,
Vatalante. Ce papillon fe fixe à un canton , & il combat
vigoureufement pour s'en conferver la jouifTance : il
paroît d'un caraûere intrépide , il ne craint point le
danger ; autant il a été pufillanime dans fon état
d'enfance , pendant lequel il a pris les précautions
les plus extraordinaires pour fe dérober à fes ennemis,
autant il affronte tous les dangers dans fon état par-
fait. A-t-il été manqué par les filets du chafTeur ? il s'é-
lève en l'air comme font tous les autres papillons ;
mais notre rnars , bien loin de prendre la fuite , de s'éloi-
gner 5 revient hardiment fe pofer fouvent fur le filet
ou fur le chafTeur lui-même , en forte qu'on pourroit
le prendre à la main.
Ce papillon hiverne & ne reparoît qu'à la ^n. de
Mars. Il provient d'une chenille épineufe , remar-
quable par une ligne de points jaunes fur chaque
côté , quelquefois deux : fa robe varie par les nuances
de fes couleurs. On voit cette chenille depuis le com-
mencement du printemps jufqu'à l'automne , fur-tout
dans les mois de Mai , de Juillet &: de Septembre.
Celles de cette dernière faifon réuffiffent toujours mieux
que les autres , étant moins expofées à être attaquées
par les mouches ichneumones , qui font les plus ter-
ribles adverfaires des chenilles épineufes. La tête de
notre chenille efl armée de très-petites pointes; fon
corps efl hériffé d'épines garnies de plufieurs pointes
fines & courtes. L'anneau du cou n'en a point ; les
i(^S A M ï
deux anneaux fui vans en ont chacun Cfiiatre , Se
foiivent fix ; les autres après chacun fept , & le
dernier enfin en a fix. Indépendamment de cette ar-»
mure pour leur défenfe , ces chenilles favent encore
pourvoir à leur fureté d'une manière différente des
autres chenilles. Comme elles fe nourriffent fur toutes
les efpeces d'orties , fur-tout fur celles qui font le
long des murailles ou des haies , dont elles mangent
plus particulièrement la graine, ou bien fur la plante
appelée Lauréok ou Garouu\ elles fe placent ordinai-
rement fur les fommités de ces végétaux. Pour n'être
point apperçues , elles fe forment une loge , chacune
îeparément , en roulant une , deux ou trois feuilles :
elles en fixent les bords avec des fils de leur foie ; placées
dans l'intérieur de cette loge , elles y refient jufqu'à
ce qu'ayant rongé les feuilles , elles la quittent pour
en conftruire une nouvelle : communément les arai-
gnées fe placent dans les loges abandonnées. Cette
inanœuvre cache ces chenilles de façon qu'il faut la
bien connoître pour les trouver prêtes à quitter leur
premier état pour pafTer à celui de chryfahde : ces
chenilles fe fufpendent par les jambes poflérieures à
quelques fils de leur foie ; mais avant de fe fufpendre
ainfi , comme par la queue , elles fe tiennent pendant
quelque temps en repos ou immobiles , le corps très-
raccourci , & les anneaux pour ainfi dire rentrés les
uns dans les autres. Enfuite étant fufpendues, la peau
fe fend & fe retire vers les jambes poflérieures ; & à
l'inflant que cette peau quitte , la queue de la chry-
falide , par le moyen d'un faut , va s'engager dans les
mêmes fils. Cette chryfalide , angulaire & nue , efl
quelquefois d'un gris bleuâtre , rougeâtre ou brunâtre :
elle efl ornée , plus ou moins , de taches d'or : enfin
il fort de cette chryfalide , le beau papillon amiral
qui paraît exifler aujourd'hui dans les quatre parties
du monde.
AMMI. Genre de plante de la famille des Oinhl-
A M M 16^
Mferes , Si qui a des rapports avec les carottes. Dans
les efpeces de ce genre , les feuilles font oblongues ^
«troites, dentées & placées par paires le long d'une
côte: le fruit eft compofé de deux femences nues ,
appliquées l'une centre l'autre , petites , prefque ron-
des ; c'eft une des quatre femences chaudes "mineures
qu'on emploie dans les décodions carminatives. La
femence de V^mmi de Candie , Fœnlculnm annuiim ,
Origcmi odore , Tourn. , eft la plus odorante , d'un
goût amer , pleine de parties volatiles. Vammi ordi-
naire de nos campagnes tû très-peu aromatique : Ammi
majiis , Linn. 349 ? C. B. Pin. ; & vulgare^ femme minus
cdorato y Tomn, 304. Ses fleurs font blanches ,& les
ombelles amples. Cette plante eft annuelle.
AMMITE ou Ammonite. Nom donné à de petits
grains pierreux , arrondis &c plus ou moins gros : les
uns refiemblent, pour la forme & pour la grofleur,
à des œufs de poiffon , des grains de millet & à des
femences de pavot , d'où iont venus les mots cen-
crites 6c mèconites , que l'on trouve dans Pline, D'au-
tres ammitcs font quelquefois grofTes & femblables à
des pois ou à àts orobes , ce qui les a fait appeler
pifolithos 6c crobias, La couleur des ammites doit varier
comme celle de la pierre : il y en a de grifes , de
blanches , &c. Les grains , quoique difl:in£l:s , font
communément adhérens les uns aux autres, Voye^^
aujfi OOLITHE.
AMMOCHRYSE. Nom donné par quelques-uns au
mica brillant , jaune , plus connu fous le nom d'or de
chat. Voyez à l'article Mica, Le plus bel ammcchryfc
fe trouve dans l'Ifle d'Elbe, en Bohême,* à Rio- Janeiro.
AMMODYTE. Nom d'un genre àe. poijfons apodes^
Voyez à l'anicle Poisson. Ammodytc eft un dérivé
des mots grecs «V^to? , fable , & «TJt/^ , plongeur ;
parce qu'il y a des poiiïbns, des ferpens , &c. qui
s'enfoncent dans le fable. Voye^ APPAT DE VASE , à
-j^^rtiçk Anouilh de fahlc.
270 A M M
Ammodyte. On donne aufîi ce nom à Vangu'dk de
fable. Voyez ce mot,
Ammodyte 5 Ammoditcs : Col ub er f cutis abdomlna-
libus \Afi\Squaniis caudallbus 3 2 , Linn. C'eft le f/nzi/zz^
de Bdon^ itin. 203. ( On Ta aufli appelé Dryin ^ du
grec Ap^/vo? , qui fignifie chêne , parce qu'on a prétendu
que fa robe avoit la couleur du chêne , & qu'il fe
cache dans les creux de cet arbre.)
\J ammodyte a la tête d'une figure prefque triangu-
laire. M. Daubenton dit qu'il a entre les yeux , les
narines & le mufeau , une multitude de très - petites
écailles , ce qui le diflingue de la plupart des autres
ferpens , qui ont ces mêmes efpaces garnis de lames
très-grandes ; chaque côté de la mâchoire fupérieure
eft armé de deux dents affez grandes , aiguës & ren-
fermées dans une veffie pleine de venin ; l'inférieure
efl garnie de plufieurs autres dents très-petites, &qiii
ne peuvent faire aucun mal. Le mufeau efl redreffé ,
haut de deux lignes , femblable à une corne par fa
figure, mais d'une fubilance charnue , mobile en ar-
rière du côté de la tête , &: couvert de très - petites
écailles. Entre cette efpece de corne & les yeux, elt
de chaque côté de la tête , une efpece de tubercule
un peu faillant : chaque narine eft fituée à la bafe de
chaque tubercule. Les yeux font couverts d'une feule
écaille qui fait la fon£lion de paupière ; fur l'occiput
font deux écailles un peu plus grandes que les autres.
L'abdomen eft revêtu de 142 grandes plaques , & le
deflbus de la queue eft garni de 32 paires de petites
plaques ; celles qui recouvrent le corps font oblongués ,
planes , obtufes & difpofées fur dix-neuf rangées. La
queue eft déliée & longue feulement d'un travers de
doigt. La longueur de \ ammodyte eft d'environ un
demi-pied.
La couleur de ce ferpent eft aflez femblable , pout
le fond , à celle d'un fable nué de vert pâle ; de là
peut - être le nom ^ammodyte. Les bgrds de fts kvrç*
A M M 171
font panachés de blanc & de noir. Le dos eft par-
tagé en fon milieu par une ligne aiTez large , noi-
râtre &C dentelée dans un ordre alternatif. Linnœus dit
que quiconque a vu une vipère , connoît la couleur
de ce ferpent. L'individu décrit par ce Naturalise du
Nord , avoit été pris au moment où il faifoit fon repas
d'un lézard, qu'il avoit déjà avalé jufqu'aux pieds de
devant , quoique cette proie fut auiîi grande que le
ferpent lui-même ; pluiieiirs Auteurs ont dit que la
queue de ce ferpent étoit d'une dureté conlidérable.
Linnœus a obfervé qu'elle étoit feulement un peu plus
roide que le corps. Matkiole rapporte dans i^s Comm,
fur Dlofc. p. 950., que les Charlatans qui débitoient
des fpécifiques contre la morfure à^s ferpens , don-
noient à celui-ci le nom ^Afpic-comu ^ Afpide delcomo ;
qu'en effet fon poifon n'étoit pas moins aftif que celui
de l'afpic , puifque àos perfonnes , qui avoient été
mordues par des ammodytes, étoient mortes au bout
de trois heures. Altlus dit que ceux qui font d'un
tempérament vigoureux , fiirvivent trois jours à cet
accident ; quelques-uns mêmes n'expirent que le feptieme
jour. Uammodyte fe trouve en Suéde , en Italie ;
quelques-uns l'appellent vipère cornue d^Yllirie, Uammo^
dyu ell: du troifieme genre des ferpens.
AMMON de Linnceus^ c'eft le mouflon. Voyez ce
mot,
AMMONIAC ( Sel ), Sal ammoniaciim. On dif-
tingue aujourd'hui deux fortes de fel ammoniac , le
naturel & le factice.
Le fel ammoniac naturel fe fublime de lui-même à
travers les fentes des foufrieres de Pouzzol ; il s'at-
tache en forme de fuie blanche , ou de croûte jau-
nâtre , aux pierres gxiç: la nature ou l'art entaffe fui*
ces fentes : on fait fondre ce fel dans de l'eau , & par
ëvaporation , il fe criftallife en cubes , & en cet état
il paroît affez reffembler -àwfel ammoniac des Anciens ;
©n en ramaife auiîi de très -blanc à la bouçhs l'jpéi
172 A M M
rieiire Se permanente du Mont ^Ethna. Celui que Poit
rencontre dans la grotte du petit pays de Boton en
Afie, eft beaucoup plus pénétrant que le précédent :
les Habitans du pays l'appellent mufchader. Le fd am-
moniac naturel ne le trouve guère dans le commerce ,
mais le faftice eil très-commun.
On connoît deux fortes àe.fel ammoniac factice. ; l'un
de la forme de nos pains de fucre , de couleur cen-
drée , & qui vient des grandes Indes. Cette efpece
commence à être fort rare : ce fel a été décrit par
M. Gcofroi le jeune , dans les Mémoires de V Académie
Royale des Sciences , année ly^;^. L'autre efpece de fel
ammoniac la plus commune , & la plus d'ufage dans
le commerce , eft en forme de pains ronds & plats ,
de deux à trois doigts d'épaiffeur , concave fur l'une
des faces , &: convexe fur l'autre avec une efpece
d'ombilic. Ces pains font de couleur cendrée à l'ex-
térieur , blanchâtres en dedans , & demi-tranfparens.
Sa criftallifation eil en aiguilles , d'un goCit falé , acre
& piquant. On les apporte d'Egypte & de Syrie par
la voie de Marfeille.
Quelques Auteurs ont avancé faulTement que ce fel
ammoniac n'étoit que de l'urine de chameau , fublimée
naturellement par la grande ardeur du foleil fur les
fables d'Afrique ; M. Rouelle le jeune ^ qui a analyfé
l'urine d'un chameau qui vivoit à Paris en 1777 , a
reconnu qu'elle ne contient point de fel amiTxoniac ,
& que le peu qu'elle en fournit n'efl que l'ouvrage
du feu. On tient du Père Sicav d , Miffionnaire en
Egypte , le procédé ufité de fon temps par ces peuples
pour la préparation du fel dont il eft queftion.
On emploie pour la formation du fel ammoniac ,
de la fuie que l'on recueille des excrémens des ani-
maux, & fur-tout des chameaux. En Egypte , dans
le village de Damaier , près de Mafoura , & où le
bois eft fort rare , on mêle avec de la paille ces ex-
crémens , ôc on en fait cks efpeces de mottes à brûler.
A M M 275
On recueille cette fuie ; oq la met dans de grandes
bouteilles de verre ; on la mêle avec du fel marin ,
difîbus dans de l'urine de chameau ou de quelqu'autre
bête de fomme : le fel qui fe fublime de ce mélange ,
expofé à un feu vif & long , eil le fd ammoniac des
Européens , & le mchabar des Arabes. Le plus blanc
fe nomme mecarra , &: le plus noir aradi. Ainfi le J'd
ammoniac eil un fel neutre, formé par la combinaifon
de l'acide du fel marin avec l'alkali volatil.
Maintenant nous devons citer la préparation aftueUe
de ce fel , d'après la defcription que M. Haffelqiùfl a
envoyée du Caire à l'Académie Royale de Suéde :
cette defcription, qui confirme en quelque forte ce
que M. U Maire ^ Conful de France au Caire, Se le
Voyageur Anglois M. Thomas Shaw ^ ont avancé de
la préparation du fel ammoniac , dit poiitivement que
la matière d'où l'on tire ce fel, eîl uniquement la fuie
produite par la fiente de toutes fortes de quadrupèdes,
chevaux, ânes , bœufs , vaches , bufîles , brebis , chèvres,
fans que celle de chameau mérite aucune préférence
fiu* les autres. M. Hajfelquiji cfl le premier qui ait fait
connoître que l'acide du fel marin , qui entre nécef-
fairement dans la combinaifon du fel ammoniac , fe
trouvoit abondamment dans la fiente des bêtes de
charge de ce pays , & par conféquent dans tous les
alimens de ces animaux, que l'on nourrit de luzerne,
de bon-henri , &c. Ainfi l'acide du fel m^arin co-exiflant
s'élève en même temps que la fuie , & fe combine
avec l'alkali volatil que le règne animal fournit tou-
jours. Enfin , quand on ' expofe cette fuie au feu dans
des vaifTeaux fublimatoires , il en réfulte un fel neutre
fublim.é & folide , qui eil le fel ammoniac.
Les pauvres de l'Egypte , dit encore M. Haffelquifl^
ramaffent la fiente des quadrupèdes , & même les ex-
crémens humains , pendant les quatre premiers mois
de l'année : ils fe débarralTent de cette fiente aufîi-tôt
qu'ils l'ont ramaiî'ée. Si cette fiente étoit a' ors trop
Tomz /, S
274 A M M
molle , ils y mêlent de la paille hachée , ou des brins
de chaume ou de lin , enfuite ils l'appliquent contre
une muraille , où ce fumier fe lèche à l'ardeur du
foleil , & y refte jufqu'à ce qu'il foit affez fec pour
brûler. Voilà le combuftible des pauvres , & même
des perfonnes d'un état médiocre dans le pays. On
ralTemble cette fuie qu'on vend aux Fabriques de fd
ammoniac ; & la quantité du fumier en queilion eft
fi grande , que lorfqu'on fort du Caire le matin , on
rencontre toujours plufieurs centaines d'ânes qui ap-
portent cette marchandife à la Ville. On eitime qu'il
fort tous les ans des Fabriques de Delta, de Giza ,
de Rofette , &;c. en Egypte , près de fept mille quin-
taux de livres , poids de Marfeille , de fd ammoniac ,
que l'on tranfporte chez l'Etranger.
Comme ce fel efl volatil & pénétrant , il efl: très-
utile pour incifer & atténuer les humeurs épaifîes 6c
vifqueufes , & propre dans les cas où il faut exciter
une forte ofcillation. Si l'on en croit l'illuftre Boïr^
haave^ ce fel garantit toutes les fubftances animales
de la corruption. C'eft particulièrement dans les tra-
vaux chimiques qu'on emploie ce fel ; il fert fur-tout
à fublimer les métaux imparfaits , à exalter la couleur
de l'or dans la fufion , à faire de l'eau-régale. On s^Qn
fert auïïi pour étamer le fer , le cuivre &: le laiton ,
& on l'emploie dans l'étamage des cafetières à la
Turque , dans lequel on ne fait point entrer le plomb.
On s'en fert auffi pour argenter &: pour rafraîchir
l'eau.
AMMONIAQUE ( Gomme ) , Gummi Ammoniacuml
C'eft une forte de fuc concret , qui tient le milieu
entre la gomme & la réfme. 11 y en a qui s'amollit
quand on le manie, & devient gluant dans les mains.
Il a une faveur d'abord douce , enfuite amere ; fon
odeur efl pénétrante , & fouvent auffi puante que
celle du galbanum. Cette fubdance jetée fur les char-
bons ardens , s'enflamme; elle fe dilTout dans le vi-
A M M A M O Z75
îiaigre & en partie dans Teau chaude. Elle découle par
incifion , fiiivant M. Geofrol , & fous une forme laiteufe ,
d'une plante ombellifere qui croît en Lybie ; la meilleure
eft en larmes jaunâtres : celle qui eft en grumeaux bru-
nâtres ou en maffe, fe nomme gomme ammoniaque en
forte. On nous l'apporte d'Alexandrie. La gomme am^
moniaque eft un puifTant hyflérique , & un apéritif
employé utilement dans l'afthme , & un très - boa
réfolutif pour les loupes , employé extérieurement.
Suivant M, Biiquet , l'eau bouillante diffout la
gomme ammonïaqiu prefque en totalité ; cette diffo-
lution eft trouble &: d'un blanc jaunâtre : lorfqu'on
la laifte évaporer , elle laifte un extrait jaunâtre amer
& d'une odeur virulente affez foible. L'efprit-de-vin
diftbut la gomme ammoniaque mieux que l'eau. Il
femble que dans cette gomme la matière réiineufe eft
très-intimement combinée à la partie extraclive , &
qu'elle eft de la nature des réfmes extractives. La
gomme ammoniaque a en effet tous ces caraderes ;
elle eft très-inflammable , elle fe diftbut dans l'eau &
dans l'efprit de vin , & , comme il eft dit ci-defllis ,
mieux dans ce dernier menftrue que dans le premier,
AMMONITE. Voyei^ Ammite. On donne aufti le
nom ^ammonite à de petites cornes d'ammon foftiles.
Voyei^ Corne d'Ammon.
AMOME , Amomum. Genre de plante de la familla
des Balïjkrs , à corolle quadrifîde , dont les feuilles
reflemblent à celles des rofeaux , & dont les racines
& les graines ont un goût aromatique &: piquant :
ce genre comprend des plantes exotiques. Le fruit
eft une capfule charnue ou coriace , ovale ou ar-
^ rondie, obtufément triangulaire & partagée intérieu-
rement en trois loges qui renferment pluiieurs fe-
mences ; tels font les cardamomes , les gingembres , &:c.
Amome a grappes des Droguiftes , Amomum ra-*
cemofum officinar, C'eft un fruit à capfule membra-
neufe , obronde , ayant trois angles ou trois côtés ar-!
S %
'275 A M O
rendis, & de la grofleur d'une noix de hen ; ces
capfules font difpofées comme des grains de raifm ,
par petites grappes iitiiées alternativement le long
des hampes couchées que produit Vamcme , qui
croît à l'ombre dans les montagnes humides & in-
clinées du Malabar. On obferve que les trois petits
filions & les trois petites côtes qui fe voient à l'ex-
térieur de ce fruit , répondent parallèlement aux trois
rangs de graines qui remplirent l'intérieur. La couleur
de ces fruits défféchés eft d'un gris fauve. Les graines
font anguleufes , rouffes en dehors , blanches en de-
dans. Ces femences ont ime odeur & une faveur qui
approchent afiez de celles du camphre ou de la 2^-
vande. On dit que c'efl: un excellent contre-poifon &
un puifTant alexitere. Il rétablit aulîi l'ofcillation des
fibres &: facilite la digeftion. On aiTure que les feuilles
de cette plante étant fraîches , ont une faveur piquante,
aromatique & un peu amere. Ses graines ont les mê-
mes qualités ëc dans un degré plus éminent , ce qui
les fait conftamment rechercher pour l'ufage , comme
affaifonnement , par les Indiens. Les fruits de cet amomc
font un objet de commerce à la Côte de Malabar.
On donne aufîi le nom. çiomomc à la graine àwfifoni
.Voyez u mot»
M. Ddm^t dit que les Jardiniers donnent le nom
a^amomiim à un folanum vivace , Solarium pfeudo-cap^
ficum , Lin. Sp. pi. , dont les tiges font fans piquans ,
& les feuilles oblongues , légèrement ondées, les fleurs
blanches & les fruits rouges, de la forme &: de la
grofTeur de petites cerifes. A l'égard du faux amome.
C'efl: la berk aromatique , Sium aromaticum. Voyez à
l'article BerlE.
Amome de la Jamaïque , Amomï. Nom que les
Commerçans donnent , avec les Hollandois , au poivre
de la Jamaïque , que nous appelons autrement graine
de girofle rond , qui efl le piment des Anglois. Foyei
PoiVR£ i>£ LA Jamaïque»
A M O 277
AMOURETTE. Dans les Ifles, & partîcuUérement
à Saint-Domingue , on donne ce nom à des plantes ,
dont on diftingue deux efpeces principales ; l'une ré-
putée franche , & l'autre bâtarde,
IJamourctte franche ou tabac maron , Solanum non
acukatiim , dit le Père Nicolfon , s'élève à la hauteur
de quatre à cinq pieds. Sa racine eH chevelue, blanchâtre
d'abord, enfuite roulTâtre, d'une odeur forte, & d'un
goût amer : fa tige affez grolfe , & remplie d'une
moelle tendre, eft verdâtre & couverte de poils très-
fins. Cette tige fe divife en plufieurs rameaux tortueux
& velus aufîi. Les feuilles font larges ^ pointues , di-
vifées dans leur longueur par une côte faillante en
deffous , à laquelle aboutiffent plufieurs nervures obli-
ques : ces feuilles font de couleur vert pâle en deffus y
blanchâtres en deffous , couvertes des deux côtés d'un
duvet fin , épais , qui les rend très-douces au toucher.
Elles ont fept à huit pouces de longueur, & quatre
à cinq de largeur. Elles font portées fur des queues
longues , arrondies , ôi veloutées , comme les autres
parties de la plante. Les fleurs croiffent par bouquets
fur les rameaux vers la naiifance des feuilles , elles
font en forme d'étoiles , compofées de cinq pétales ,
quelquefois , mais rarement de fix , d'im bleu pâle &
pourpré , pointues , rabattues en dehors. On obferve
au centre de la corolle , cinq ou fix étamines droites ,
flriées , jaunes , arrangées autour du flyle qui s'élève
du fond du calice où eil placé l'embryon qui eft le
rudiment du jeune fruit. Le calice eft compofé auflî
de cinq à fix feuilles pointues , d'un vert clair , can-
nelées &: veloutées. Ses fruits font parfaitement ronds,
6i ont environ quatre lignes de diamètre , liffes , liu-
fans , attachés fortement au calice de la fleur , d'une
couleur d'abord verte , enfuite jaune & enfin rou-
geâtre. Ils renferment une pulpe glaireufe , fucrée , qui
environne de petites graines plates & arrondies.
V Amourette franche croît dans les endroits incultes?
lyS A M O AMP
& arides. On prétend que fa racine , prife en décoc-
tion , appaife l'ardeur de la fièvre , que , mêlée avec
le cardamome , elle guérit les coliques venteufes , &
que le fuc exprimé de fa racine ou de fes feuilles eft
fiomadiique. On fait aufîi bouillir fes feuilles & (es
fruits , avec un peu de chaux 6c de fucre ; ce qui pro-
duit un puifTant vulnéraire maturatif pour la guérifon
ées plaies.
Uamountu bâtarde^ Solanum aculcatum , a fes feuilles
échancrées dans leur contour , terminées par fept
pointes ; divifées en deux parties égales par une groffe
côte faillante , garnie d'épines jaunâtres. La tige & les
branches font garnies auili de ces mêmes épines. Dans
tout le refle elle efl femblable à la précédente.
Amourette des prés. Voye^^ Fleur de coucou.
Amourettes. Voyc^^ Brize.
Amourette coléoptere. Voyc?^ à Vanlch An-
'threne.
AiMPÉLITE ou Terre de vigne , Pharmacitls.
Efpece de terre noire & bitumineufe , contenant des
principes fulfureux & inflammables. Foyei Crayon
IVOIR.
AMPHIBIE , Amphih'ms. On déiigne par cette déno-
ïîiination trop vague les animaux qui ont la double fa-
culté de vivre fous l'eau fans refpirer , & fur terre en
refpirant l'air , & qui peuvent alternativement pafler de
Tiin à l'autre élément , comme le caflor , Vondatra , le
dcfman y 'les phoques , la loutre , la farlcovienne , Vhippo-
potame , le lamantin , le crocodile , les tortues , la plupart
<les reptiles, tels que les ferpens , le crapaud^ les grenouilles^
la falamandre , la mufaraigne d'eau & autres. Ces
animaux , dont les uns font réputés ovipares & les
autres vivipares , tiennent , pour ainfi dire , le milieu
entre les poliTons & les animaux terreflres , &: ils parti-
cipent de leurs différentes natures. Il y a plufieurs ani-
maux défignés pour amphibies , comme les grenouilles ,
dont le coeur n'a qu'un ventricule : l'on prétend
AMP 279
eue la tortue en a trois. Mémoires de l'' Académie ^
année ijo^.
Certains animaux, réputés amphibies , vivent plus long-
temps fur la terre que dans l'eau, tels que les cajîors 5c les
loutres; ils font obligés de revenir fur terre ou au-defTus de
Feau pour refpirer un nouvel air , fans quoi ils feroient
fufFoqués 5 la quantité d'air qui fe trouve mêlée avec
î'eau , n'étant pas fuffifante pour leur conferver la vie :
d'ailleurs ils n'ont pas le trou de la cloifon du cœur
entièrement ouvert, ni les organes néceffaires pour
filtrer & féparer l'air de l'eau. D'autres , tels que les-
ferpens , couleuvres , crapauds ont le fang froid ; c'efl
pourquoi ils peuvent pafTer l'hiver fans prendre de
nourriture , engourdis dans des lieux fouterrains. Le
mouvement périflaltique des inteftins & la chaleur des
fluides étant ralentis , il ne fe fait prefque ni tranf-
piration , ni déperdition ; d'où il fuit que , puifque la
machine de l'animal ne fait aucune perte y il n'a point
befoin de nourriture pour la réparer. Le loir eft dans
ce même cas. Voye^ LoiR.
Il y a des poiflbns qui refient quelques temps hors
de l'eau. Les anguilles , quelques efpeces de Jilures , &c.
en fortent pour fe ghffer entre des herbes fraîches-
6c humides : les poiffons volans fortent de l'eau pour
chercher quelque nourriture , ou pour fuir d'autres
poifTons qui font fur le point de les dévorer. On
tranfporte des carpes du Rhin depuis Strasbourg jufqu'à
Paris , fans qu'elles meurent , fi on les tient entre
des herbes fraîches , & en mettant dans les ouvertures
des ouïes un tampon de moufle hume£lée , qui empêche
qu'elles ne fe ferment & ne fe collent , fans quoi ce
poiflbn périroit fuifoqué, mais aucun de ces poiflbns
n'efl: vraiment amphibie,
L'hom.me , & quantité d'autres animaux ^ que l'ori
ne regarde point comme des efpeces ^ampKibies , le
font ou l'ont été en quelque façon ; puifqu'ils ont
vécu dans l'eau tant qu'ils étoient dans la matrice ^
S ^
28o . AMP
& qu'ils ne refplrent que lorfqu'ils font nés ; maïs
ils ne peuvent plus dans la fuite fe pafler d'air , fi ce
n'eil momentanément , comme il arrive aux plon-
geurs. Nous en dirons les raifons ci-après. On a vu
des perfonnes qui s'étoient habituées a refter fous l'eau
pendant un temps aiTez long. Peut-être qu'en faifant
paffer de jeunes animaux dès l'inftant de leur naiifance,
alternativement dans l'eau èc dans l'air, on empê-
cheroit le trou ovale de fe fermer , & que le fang
pourroit circuler , au moins pendant quelque tem.ps ,
îans le mouvement des poumons.
Les véritables amphibies ( amphibia légitima ) font
peu nombreux en eipeces. Les phoques , les morfes ,
les lions marins , les oi^rs marins , les lamantins lont,
à proprement parier , les leuls animaux auxquels on
puiffe donner le nom à^ amphibie dans toute la rigueur
de l'acception de ce terme ; ils paroifient les feuls qui
puifTent vivre également dans l'air &. dans l'eau , parce
qu'ils font les feuls , dans îefquels le trou de la cloifon
du cœur refle toujours ouvert : ils font par confé-
quent les feuls qui puiffent fe paffer de refpirer ,
& vivre également dans l'un &: l'autre élément.
Dans l'homme & les animaux terrefires , le trou de
la cloifon du cœur , qui laiuant au fang le pafTage
ouvert de la veine cave à l'aorte permet au fœtus
de vivre fans refpirer, fe ferme au moment de la
naiflance , & demeure fermé toute la vie ; dans les
animaux véritablemxent amphibies , au contraire , le
irou de la cloiion du cœur refle toujours ouvert,
quoique la mère mette bas fur terre fes fœtus , &
qu'au mcm.ent de la naifiance l'air dilate leurs pou-
mons ; néanmoins , la communication du fang de la
veine cave à l'aorte par la cloifon du cœur , ne laiïïe
pas de iubfifler ; de manière que ces amphibies ont
l'avantage de refpirer quand il leur plaît , & de s'en
pafTer quand il le faut. Ils font , dans le grand fyflême
de la nature vivante, le paiTage ôc la nuance des
AMP A M U 281
quadrupèdes aux cétacées ; appartenans encore à laf
terre, & déjà appartenans à l'eau ^ ils forment la liaifon ,
& , pour ainfi dire , ëtabliilent le commerce entie
l'un 6c l'autre élément, f^oyei les anicks Lamantin,
Phoque , Morse , Lion marin , Ours marin.
AMPHIBIOLITE. On donne ce nom à des parties
^amphïhks pétrifiées.
AMPHÎSBENE. Voye^ Double-marcheur.
AMULETTE. Nom donné par les anciens & par
les modernes à difFérens corps , foit en pierre & ornés
de cara£leres hiéroglyphiques, ibit à des figures obfcenes
d'ambre , de corail , même de métal , &c. , ou à des
images. Il n'efl pas rare de découvrir en certains
endroits de la terre , des amulettes ; on les conferve
dans les cabinets des curieux. Autrefois on regardoit
les amulettes comme des préfervatifs contre les enchan-
temens , les maladies. L'Hifloire nous apprend qu'un
Athlète , à Rome , fe croyoit invincible , & à l'abri
des charmes & fortiléges , lorfqu'il étoit pourvu à' amu-
lettes. Cependant les foldats de l'armée des Reiflres
qui en étoient munis , n'en furent pas moins taillés
en pièces par le Duc de Guife. Chez prefque toutes
les nations .on voit des fymboles de fuperflitions , 6c
beaucoup de dupes. C'efl ainfi que les Dervis en Arabie
& en Turquie profitent de la foibleffe & de la crédulité
du peuple. Ils leur vendent des talifmans qu'ils mettent
dans de petites poches de cuir , & les fufpendent ,
comme amulettes , au cou de leurs chevaux pour les
préferver de l'enchantement , & de tous autres acci-
dens ; ils leur promettent merveilles : il n'y a que le
hafard qui les fert bien ; &: quand l'effet ne répond
pas aux promeffes , ce n'efl jamais la faute du talifman ,
c'efl quelque pratique omife de la part de l'acheteur
qui a mis fa vertu en défaut.
Parmi les amulettes , on peut placer les fétiches ;
ce font des têtes de finges , àç.s morceaux de bois
ôc autres idoles de cette nature. Ces difFérens objets
282 ^ A N A
.de caprice font rerpeâ:és par les Habîtans de Guinée
comme des Divinités. Il y a des fétiches pour toute
une province , & des fétiches pour toute une famille
partiailiere. V^oyez maintenant l'article Crocodile , fur
la fin.
ANACA. Nom donné à une petite perruche brune ,
du Bréfil 5 à longue queue également étagéc. Elle efl
â-peu-près de la groiîeur d'une alouette; le fommet
de la tête efl un marron foncé , le tour des yeux
brun , la gorge cendrée ; le defTus du corps efl vert ,
avec une tache brunâtre fur le dos ; le pli de l'aile
d'un rouge foncé : le deffous du corps d'un brun
roufsâtre ; les ailes vertes.
ANACA LIFE. Nom d'un infe<^e qui fe trouve dans
rifle de Madagafcar; il habite entre l'écorce des arbres :
fa piqûre ed aiiffi venimeufe que celle du fcorpion ,
accompagnée des mêmes accidens , & caufe quelquefois
la mort , fi on n'y apporte les mêmes remèdes. C'eft
un mille-pieds terreflre. Voyez ce mot.
ANACANDAIA ou Anacondo , Serpens Indicus
buhdinus. Efpece de ferpent de l'Ifle de Ceylan , d'une
grandeur & d'une force prodigieufe. Ce ferpent, dont
la couleur efl: d'im bleu mourant , ( c'efl à tort qu'on
a dit qu'il a des grelots ou fon nettes au bout de fa
queue , ) a tant de force , qu'il entoure & ferre \m
buffle au point de l'étouffer ; lorfqu'il efl: tombé , il
en fuce le fang. On en a vu un dompter un tigre :
fa longueur étoit de trente-trois pieds quatre pouces.
Suivant M. Linnœus , ce ferpent efl le même que le
boiguacu. Voyez es mot à l'article Ibiboboca ; mais il
nous paroît que c'efl , ou le pimberah , Voyez ferpent
dit le fombre ; ou celui appelé devin , Voyez ce mot,
ANÀCANDEF. Efpece de petit ferpent de la grof-
feur d'un tuyau de plume. Les relations de l'Ifle de
Madagafcar difent qu'il fe gliflTe dans le fondement de
ceux qui vont à la felle ; & que fl on ne parvient à
l'ôter , il occaflonne la mort. Ce ferpent paroît être
A N A^ ^ 283
le même que le // , ou peut - être le boiga. Voyez
ces mots.
ANACARDE , ou Fève de Malac , ou Noix de
2VÏARAIS, Anacardium^ Bauh. Pin. 511. C'eftun noyau
aplati , de la figure d'un cœur , de la longueur d'un
pouce 5 couvert d'une efpece d'écorce noirâtre, brillante,
contenant fous une double enveloppe une amande blan-
che , & fe terminant en une pointe moufle. Ce noyau efl
placé à l'extrémité d'un fruit alongé , plus petit qu'im œuf
de poule , bon à manger , fans noyau à l'intérieur ,
puifque le noyau , ainfi que dans Y acajou , efl: placé
à l'extérieur. Ce fruit nous vient des Indes Orien-
tales , des Ifles Philippines , de Corfanne dans l'Ifle de
Cambaye & du Malabar, où il efl appelé œpata &
tonï rak en langue Malaie. C'eft le tagalo ou halobar
de Luz ; le balador ou baladur des Arabes ; le bilava
de la Mauritanie ; le blbo des Indiens.
U anacardier ^ qui produit une grande quantité de
vernis d'une efpece inférieure , très en ufage chez les
Chinois , efl un grand arbre , beau , droit , haut de
foixante-dix pieds , fort gros , très-branchu ; il fe plaît
fur les bords des fleuves : fon bois efl blanc & fon
ecorce grisâtre ; fa racine efl fîbrée , roufsâtre , ino-
dore , mais d'une faveur falée & mucilagineufe : {qs
feuilles font grandes , longues de plus d'un pied , poin-
tues aux deux bouts , épaifles , luifantes , glabres &
vertes en defliis , cendrées , & pubefcentes en deflbus.
Ses fleurs font petites & ramaflees en grappes droites ,
d'un blanc jaunâtre , taillées en étoile , & d'une odeur
agréable. On diflingue un anacardier à feuilles larges.
Les Indiens font cuire les tendres fommités de ces
arbres pour les manger. Les amandes ^anacarde font
très-bonnes , & ont un goût de plflache ou de châ-
taigne. Les Habitans du pays ôtent facilement l'écorce
de ces noyaux , en les rôtiflant fous la cendre chaude.
On confit ces fruits , foit verts , dans du fel ; foit
mûrs, dans du flicre. L'écorce du noyau ai anacarde
^^4 A N A
contient dans fa diipiicatnre un fuc mielleux , acre i
les Indiens s'en fervent comme d'un cauflique. Si on
en introduit dans une dent creufe , il la brûle & la
confume. On emploie ce lue avec de la chaux vive
pour marquer les ctoiîes 6c autres chofes , d'une cou-
leur indélébile. Les fruits verts de Vanacarde , piles
& mêlés avec de la leilive & du vinaigre font d'ex-
cellente encre à écrire.
Quant à l'iifage intérieur de Vanacarde ou fève de
Malacca , que l'on regarde comme propre à aider tous
les fens , la perception , l'intelligence , la mémoire ,
grand nombre de Médecins condamnent fon ufage.
Hcffman appelle la confcciion (l'anacarde la cojifccîion des
fats , parce qu'il a vu des gens devenir maniaques pour
en avoir fait ufage. Cependant il raconte une hiftoire
bien furprenante d'un homme qui, de iliipide, ignorant
& incapable d'inflruâ:ion qu'il étoit auparavant, devint
fi favant en peu de mois, après avoir pris de Vélec-
maire à' anacarde , qu'il obtint une chaire en Droit :
mais peu d'années après , comme ii la nature eût été
épuifée par cette révolution fubite , ce Dodeur devint
fi étique 6l fi altéré , qu'il buvoit jufqu'à s'enivrer tous
les jours , & devint par-là inutile à lui-même & à fes
concitoyens , & mourut enfin miférablement. Le fuc
mielleux de Vanacarde , appliqué extérieurement , fait
difparoître les dartres & feux volages ; mais il faut à
l'inflant au'on en a frotté les parties malades , les laver
avec de l'eau. Le fruit de cet arbre porte aufîi le nom
^anacarde oriental , parce qu'on donne quelquefois au
fruit de l'acajou à pommes , le nom ^anacarde occidentaL
Foyei Acajou.
Uanacardier a été confondu avec le Bont'ia germl-
nans de Miller ; mais c'eft à tort , ce dernier efl Vavi-
cennia tommtofa de- Linnceus , & chacun eft d'un genre
différent.
ANACOCK. Selon Ray , c'eft le nom d'une efpece
de haricot de l'Amérique, que les Bauhin appellent
A N A 2§f
plfum Amer'icanum , alhid magnum , hicolor , cocc'meum.
& nigrum Jimul , & que Gerad & Park'mfon nomment
fcvc ou haricot d^ Egypte. Voyez c^5 77zc>^^.
ANA-COLUPPA eft, félon YHort, Malabar, une
plante délignée ainfi : Ranimculï facic indïcâ fpïcatâ ,
corymh'iferis affinïs , flofculis tetrapetalls. On dit que fon
fuc mêlé avec le poivre, foulage les accès de répilepfîe,
& qu'il efl: le feul remède connu contre la morfure
d'une efpece de ferpent à chaperon y appelé par les
Portugais, cobra de capzllo,
ANAGYRIS FÉTIDE ou Bois puant , Anagyris fœ-
t'ida 5 Linn, , Tourn. 647. Joli petit arbrifTeau qui croît
naturellement dans l'Efpagne , l'Italie , la Sicile , &
dans les lieux pierreux & montagneux des provinces
méridionales de la France. Il s'élève à la hauteur de
' cinq à huit pieds ; fa tige efl: droite , rameufe , &:
recouverte d'une écorce d'un vert brun ; fon bois efl
d'un jaune pâle; fes feuilles font oblongues, pointues ,
verdâtres en deffus, blanchâtres en deflbus, alternes
& difpofées fur une tige comme celles du trèfle ; de
même que l'écorce , elles font d'une odeur fi forte &
fi puante , fur-tout quand on les froifTe dans les mains ,
qu'elles font- mal à la tête ; les fleurs naiffent trois ou
quatre enfemble par petits bouquets latéraux & axil-
laires ; elles font d'un jaune pâle. Il leur fuccede des
gouffes qui reffemblent affez à celles des haricots ,
ainfi que les femences qui font formées en petits reins
& d'un noir bleuâtre.
Les feuilles de Vanagyrls pafTent pour réfolutives ,
& les femences pour vomitives. De nouvelles expé-
riences prouvent que le bols puant ^ préparé de la
même manière que le café , eil wvi remède efïïcace
pour les vapeurs.
Les Habitans de Cayenne ^ dit M. de Pré fontaine ,
donnent aufîi le nom de bois puant , an Vakalou des
Caraïbes : Hedera arbor fœtida , nucis juglandis folio ,
fruclu maximo 5 Bar. 5 8 , à wïx arbriiieau qui pouffe
yM A N A
plufieurs tiges ; il eft fort commun fur les bords de
quelques iavanes , & fur-tout au bord de la mer : on
l'emploie à faire des cercles pour les barriques.
ANANAS. Genre de plante exotique , unilobéc , qui
a de grands rapports avec les agaves &c les càragates ;
il y en a de remarquables par la bonté des fruits ou
par leur port agréable. On diilingue plufieurs ef-
peces à^ ananas.
Ananas épineux. C'efl: V ananas proprement dit ,
vulgairement ananas blanc ou ananas à coiircnne :
Ananas acukatus , fruciu ovato , carne albidd , Tourn.
65 3 : Ananaja , Nana , Marcg. : Jayama , Pïnas , Bont. :
Bromciia , ananas , Linn. : Carduus BraJiUanus , foliis
aloïs ^ C. Bauh. C'eft le yayouua ( boniama ) des Ca-
raïbes. Sa racine qui eit fibreufe , pouffe plufieurs feuilles
difpofées en rond , fermes , rabattues en dehors 5 larges
de deux à trois pouces , longues de deux à trois
pieds , de couleur vert gai , jaunâtre &: pourpre ,
creufées en gouttières, dentelées, c'eft-à-dire hériffées
fur les bords de petites pointes plus ou moins pi-
quantes : ces feuilles font terminées par une pointe
très - aiguè*-; du centre des feuilles s'élève une tige
( hampe ) ronde , haute de deux pieds , de la grof-
feur du pouce. Elle foutient à fon fommet une rofe
formée de plufieurs feuilles très-courtes , très-aiguës ,
de couleur de feu ou de cerife ( c'eft ce qu'on appelle
la couronne ) , & qui couvrent &: cachent le fruit ,
lequel dans la fuite groffit peu-à-peu , & prend affez
la forme d'une pomme de pin. L'écorce de ce fruit eft
composée de plufieurs écailles triangulaires peu pro-
fondes. Il fort de chaque écaille , avant l'accroiffement
du fruit , une petite fleur bleuâtre , en entonnoir , dé-
coupée en trois parties , qui fe fane , & tombe à
mefure que le fruit groffit. Ce fruit devient ferme ,
jaunâtre en dehors , blanchâtre en dedans , d'une
odeur & d'un goût très-agréables, que l'on compare
au meilleur melon & à l'abricot le plus exquis ,
A N 4 2??7
donnant un jus rafraîchiilant. Cette chair efl pariemée
de fibres très-menues , qui divergent du centre à la
circonférence en manière de rayons , & qui , dans les
branches horizontales de ce fruit , repréfentent une ro~
fette ëtoilée. Il faut obferver que la fleur de Y ananas
efl: fouvent liérile & ne grene point ; quelquefois , ce-
pendant 5 elle produit une petite femence rouïTâtre 6^
aplatie.
Le fommet du fruit , ainfi que nous l'avons dit , efl
garni d'un paquet de feuilles colorées ( la couronne )
qui , lorfqu'on cueille ces fruits , étant détaché &: mis
en terre, y prend racine &: devient une nouvelle plante:
au mois d'Août on détache les rejetons qui pouffent
de côté ; on les met dans des pots , où ils pren-
nent auiîi très -facilement racine; il faut obferver que
ce paquet de feuilles du fommet ( la couronne ) rap-
porte du fruit une année plutôt que les rejetons reflet
qu'il faut attribuer à ce que cette couronne efl nourrie
des fucs mûrs & digérés du fruit ; au lieu que le reje-t
ton tire fa nourriture crue de la terre, & qu'il lui faut
du temps pour la m.ûrir.
Depuis quelques années on cultive afiez volontiers
dans ce pays-ci les anajias dans les ferres chaudes, &
l'on eft parvenu à en obtenir d'affez bons fruits ; mais
ils n'y acquiereiit pas entièrement les bonnes qualités
de ceux qu'on cultive dans les Indes & en Amérique :
outre l'efpece que nous venons de décrire , il y a
d'autres variétés : \J ananas jaune : fru&u pyram'idato ,
carne aureâ , Toiirn. : V ananas pain de fucre ^ maximo
fruciu conico , Plum. ainfi nommé à caufe de fk forme
conique ou en pain de fucre : il ne jaunit pas tant
à l'extérieur que le premier ; fon écorce efî même ver-
dâtre; & quand il efl mûr, fon goût efl meilleur, plus
favoureux que celui de Xananas blanc. Le gros ananas
blanc a quelquefois huit à neuf pouces de diamètre &
plus d'un pied de hauteur ; lorfqu'il efl mûr , il répand
une odeur ravilTante ^ encore plus fuave que celle de
283 A N A
nos coings : quoiqu'il foit plus beau que les autres , Ton
g^oût n'eft cependant point fi exquis. V ananas pomme
de reinette , Fruclu ovato _, came aured , Plu m. , efr le
plus petit & le plus exquis de tous ; on l'a ainfi nommé
à caufe de l'analogie qu'on trouve entre ces deux
fruits, tant pour l'odeur que pour le goût. V ananas
de Montferrat , Fruclu pyramidato , olivœ colore , intus
aureo , Mill. : il pafTe pour le meilleur. V ananas pitte
ou fans épines , Ananas non aculeatus , Pïtta dïclus ,
Tourn. ; c'efl le coulao ou cahuyo des Caraïbes. Il ed
auiïi très-bon à manger , mais on le recherche peu
comme aliment. Les ananas , excepté celui nommé
pomme de remette , font fujets à agacer les dents &
même à faire faigner les gencives.
Tous ces ananas croifTent avec ou fans culture dans
l'Am-érique Méridionale , dans les Indes Orientales &
en Afrique. Ils s'élèvent peu de terre , &: peuvent fe
multiplier de plants ou d'oeilletons. On confît le fruit
fur les lieux , & on en envoie par-tout : cette con-
fiture efl propre à réveiller la chaleur naturelle. C'efl
ordinairement depuis le commencement de Juillet juf-
qu'en Septem.bre qu'on fert le fruit ^ananas cru fur
les tables les plus fomptueufes , & il en fait l'orne-
ment ce les délices. Des perfonnes , dans l'intention
de dépouiller ce fruit cru de l'acide plus ou moins
corrofif, dont il efl rempli, le coupent par tranches,
après en avoir enlevé l'écorce , & le font infufer dans
le vin avec du fucre , ou dans de l'eau-de-vie chargée
de fucre ; alors on le mange avec plaifir & fans craindre
de s'af^acer les dents ou de s'enflammer la bouche. On
tire par exprefiion de ce fruit un fuc dont on fait une
liqueur délicieufe , qui vaut prefque la malvoifie , &:
qui enivre : on l'appelle Vin d'' ananas : on fait encore
avec ce fruit une efpece de limonade très-rafraîchif-
fante ; mais il n en faut pas faire beaucoup d'ufage ,
car elle refroidit l'eflomac & trouble la digeflion. On
eftime que le viu à'ana/ias^ pris avec modération, efl
cordial y
A N A 2S9
tordlâl , arrête les naiilees , excite les urines & réveille
les efprits ; les femmes enceintes doivent s'en abftenir.
Un Botanifte, habitant des Ides Occidentales de
l'Amérique , a annoncé le jus d^t^nanas à demi-mûr ,
comme un bon fpécifique contre la gravelle.
Il fe trouve avix Ides une plante appelée Pingouin
ou Ananas maron. Ses feuilles font dentelées , creufées
en gouttière , alTez femblables à celles de Vananas épi-^
neiix ^ mais plus longues & garnies de pointes tres-
piquantes. Cette plante ed: employée à faire des en-
tourages que les Nègres ôc les bediaux n'ofent jamais
fenchir.
On range audî parmi les ananas , les karatas. Voyez
c^ mot,
ANASPE , AnafpLS. Genre d'infede dont les efpeces
font adez rares. Leurs antennes font filiformes , ôc
vont en grodidant vers le bout : l'écudbn ed im-
perceptible , le corfelet plat , uni fans rebords ; leur
corps ed alongé & rétréci par le bout. On trouve
cet infede dans les fleurs.
ANATE ou Attole. Sorte de teinture ou de pâte
rouge , qui fe prépare aux Indes à~peu-près comme
l'indigo. On retire cette fécule d'une fleur rouge
qui croît fur des arbrideaux anates ; on la réduit en
gâteaux ou en rouleaux. Les Eiu'opéens la tirent ,
pour la plus grande partie , de la Baie d'Honduras.
Les Anglois avoient plufieurs plantations à^anatesÛMi^
la Jamaïque , qui ont été ruinées. Ce font aujourd'hui
les Efpagnols établis au Mexique qui cultivent Vanate y
lequel fert à leur chocolat ; Vanate ou attole dont il
ed qued:ion, n'ed peut-être qu'un roucouyer dont
les graines fournid'ent par la macération un extrait
féculent. Voyei Roue ou.
ANATRON ou Soude blanche. C'ed le natron.
yoyez ce mot.
ANAZE. Arbre qui croît naturellement à Mada*-
gafcar. Il ed digne de remarque , que Vana?^ diminue
Tome L T
iço ANC
en grofleur à mefure qu'il s'élève; ce qui lui donne
la forme d'une pyramide ou d'un cône. Son fruit efl
une efpece de gourde remplie d'une pulpe blanche qui
a la faveur du tartre &: qui ell remplie de plufieurs
noyaux durs. Encyclopédie,
ANCHOIS 5 Apua : Clupea mcraficclus , Linn. ; en
Anglois &: en Suédois, Anchovy. V anchois eft du
genre du cliivc. C'efl un petit poiffon de mer très-
connu 5 très-délicat , fans écailles , de la groiléur &
de la longueur du doigt , remarquable par une forte de
tranfparence qui n'elt interrompue qu'à l'endroit de
l'épine ; fa bouche efl très-grande ; l'extrémité des
mâchoires pointue , elles font luifantes & nuées de rouge ;
la mâchoire fupérieure plus longue que l'inférieure : les
ouïes &: les yeux très-grands , à proportion du vo-
lume de ce poiffon ; les iris argentées. Le dos eft d'une
couleur brune ou cendrée & nuée de vert ; celle du
ventre eit argentine. Il y a quinze rayons à la nageoire
dorfale , quatorze à chacune des pedorales , fept à
chacime des abdominales , dix-fept à celle ^ de l'anus :
la queue eft évidée en forme de fourche.
Les anchois ont de commun avec les fardines , qu'ils
vivent en fociété , & nagent en troupe fort ferrée.
Comme la lumière efl un attrait pour eux , les Pê-
cheiu's font ufage de ce moyen pour les faire donner
dans kurs filets. La pêche la plus abondante des an-
chois fe fait dans les parties de la Méditerranée qui
baignent les côtes de Venife , de Rome , de Gênes ,
de Catalogne & de Provence , depuis le commence-
ment de Décembre jufqu'à la mi-Mars. On en prend
aufîi en Mai , Juin , Juillet , temps où ils paffent le
Détroit de Gibraltar pour fe retirer dans la Méditer-
ranée. On en trouve aufîi à l'ouefl d'Angleterre &
du pays de Galles. Auffi-tôt que la pêche des anchois
efl finie , on leur coupe la tête que l'on dit être très-
amere , ( ce qui a fait donner à ce poiffon , par les
anciens, le nom à^inckajicholus ^ ç'efl-à-dire qui a du
ANC 291
fia dans la tête ) , on leur ôte auiîi les boyaux ; puis
on les fale & on les met en petits barils.
Les Grecs & les Latins faifoient avec Vanchols
fondu & liquéfié dans fa faumure , une fauce qu'ils
nommoient garum , & à laquelle ils ajoutoient l'épi-
thete de très-prêcieufe. Voyez Garum. Cette fauce 1er*
voit d'affaifonnement aux autres poiffons : elle exci-
toit l'appétit , facilitoit la digeftion , ainfi que Van-
chois pris modérément. Les anckois les meilleurs font
tendres , nouveaux , blancs en dehors , rougeâtres en
dedans , petits , gras &: fermes.
ANCHORAGO. C'eft le bécard.
ANCOLIE, Aquïkgia vulgarls , Linn, 752. Plante
d'un beau , port dont la racine eft vivace , blanchâtre ,
groffe comme le pouce , branchue , iibreufe & d'une
faveur douce : fes feuilles font grandes , découpées
tout autour , verdâtres , difpofées trois à trois fur
de longues queues. Sa tige eft haute d'un à deux
pieds & demi , & même davantage , droite , ra-
meufe , rouge âtre &: un peu velue. Ses rameaux por-
tent des fleurs ou bleues ou rougeâtres , irrégulieres ,
compofées de cinq pétales plats , & de cinq qui font
creux , femblables à un cornet , faillans fous la co-
rolle , & entre-mêlés alternativement ( ces cornets
font les neâaires. ) A ces fleurs fuccedent des fruits
compofés de quatre ou cinq gaines , droites & mem-
braneufes , remplies de petites graines ovalaires , noires
& luifantes.
Cette plante que l'on multiplie de graine & de
plant enraciné dans les jardins , AquiUgla honenfis
jlore var'io , aut fimpkx aut multiplex , varie beaucoup
pour la couleur : on en voit à fleurs bleues , rouges ,
de couleur de cliair , vertes , panachées : elle croit na-
turellem^ent dans les bois & les lieux couverts de la
plupart des régions de l'Europe , & principalement
aux environs de Paris , Aqiùlegia fylveflris , C. B. P.
J44 ; aut fiore Jzmplici ^ J, B, 3. 484. Uancolie eu,
T 2.
I9i ANC AND
apéritive , utile dans les garganfmes pour les ulcères de
la gorge. Les graines de cette plante données en émul-
fion ou en poudre à la dofe de demi -gros , de trois
en trois heures , font paroître & poufler les boutons
de la petite vérole. Uancolie efl appelée par quel-
ques-uns gants de Notre-Dame ; nom donné auiTi à la
digitale & à la campanule. Voyez ces mots.
On diftingue pluiieurs autres efpeces ^ancolie ; il y
a celle à Jleurs jaunes ; celle des Alpes ; celle de Si-
bérie , & celle de Canada.
ANCYLE. Nom donné à une efpece de lépas fluvia-
tile 5 dont l'animal , à couvert fous fa coquille , qui
eft pour lui une efpece de bouclier , fe tient ordi-
nairement appliqué contre les tiges des joncs.
AN DIRA ou Angelin a grappes, Angelln race-
viofa y folÏLs nucis juglandis , Plum. Arbre du Bréiil &
des Antilles , haut de quarante à cinquante pieds ;
fon tronc a environ trois pieds de diamètre ; fbn
bois dur & d'un rouge noirâtre à l'intérieur , efl
propre pour la charpente des bâtimens. Son écorce
efl cendrée , & fa feuille femblable à celle du laurier,
mais plus petite : il pouffe des iDOutons noirâtres , d'où
fortent beaucoup de fleurs ramaflees ou difpofées en
grappe , odorantes , de belle couleur purpurine &:
blanche. Son fruit , dont l'écorce efl dure , a la figure
& la groffeur d'un œuf ; il efl noirâtre , ayant comme
une future à un de fes côtés , d'un goût très-amer ,
renfermant une amande jaunâtre d'un mauvais goût ,
tirant fur l'amer & l'acide. On pulvérifé le noyau
de ce fnzit & l'on en fait ufage pour les vers; mais
il faut que la dofe foit au-defTous d'un fcrupule ,
autrement elle empoifonneroit. L'écorce , le bois & le
fruit ont l'amertume de l'aloès.
Il y a un autre andïra femblable en tout au pré-
cédent , excepté par le goût qui efl prefque infipide.
Les bêtes fauvages s'engraifTent de fon fruit , dont
elles font friandes , an Voua capoua Amerïcana , Aublit.
AND ANE 195
ANDIRA-GUACKU. Dans le Bréfil , on donne ce
nom à une efpece de chauve- fourls de la groffeur d'un
pigeon; elles ont une excroiffance fur le nez , ce qui
les a fait appeler chauve-fourls cornues. Leur appétit
efl fanguinaire. Foyci Vartich VAMPIRE, à la fuite du
mot Chauve-souris.
ANDORINHA. Voyei Tapera.
ANDOUILLERS. Voyei la fignification de ce mot ;
à l'article Cerf.
ANDROGINE , Ubride &: Polygame. Foyei à
Vanicle HERMAPHRODITE.
ANDROPOPHAGE Voye^ MantICHôrë.
ANDROSACE , Androface vulgaris , latïfolïa , annua ,
Tourn. 123. Plante qui pouffe beaucoup de tiges
velues , haute d'un demi-pied , &: dont les fommités
fe divifent en fix ou fept petits brins difpofés en
ombelle , à la naiffance de laquelle font quelques
folioles difpofées en fraife : fes feuilles , proprement
dites , font radicales , affez grandes , ovales , pointues ,
vertes , nerveufes & dentelées : fa fleur elt petite ,
blanche & découpée en cinq pièces. La corolle de
V androface efî: monopétale ; fa partie inférieure eil un
tube renflé de forme ovale ; la fupérieure eft évafée en
foucoupe, &: la fleur a autant d'étamines que la corolle a
de découpures , c'eil-à-dire , ordinairement cinq. Il lui
fuccede un petit fruit , femblable à un pois , rempli de peti-
tes graines rougeâtres. Cette plante croît dans les parties
méridionaks de la France. C'eil un puiffant apéritif.
On diflingue plufieurs autres efpeces à'androface.
On donne auffi le nom à^andrcface à V acetabulum
marlnum. Voyez le mot Açétabulc,
ANDPvOSEME. Voyei Toute-Saine.
ANE ou AsNE , afînus, Udne eft un animal domef-
tique , connu par plufieurs défauts 6c par plulieurs
bonnes qualités. Quoiqu'un des animaux les plus
dédaignés , il elt cependant un des plus utiles 6c des
plus employés. Si on l'a toujours méprifé , la plume
T3
ie}4 ANE
élégante de M. de Biiffon ^ l'a afîez vengé , en k
rendant l'objet d'un éloge raifonnable.
Udm diffère beaucoup du cheval par la petiteffe
de fa taille , par la groîTeur de fa tête , par fes longues
oreilles qui ne contribuent pas peu à la fineffe de fon
ouïe , par la forme de fa croupe , par fa queue qui
n'eft garnie de poils qu'à l'extrémité , par fon port
qui n'a point la noblelTe de celui du cheval , par fa voix
effrayante , par fon braire défagréable , ( c'eft un grand
cri très-long àc difcordant par diifcnances alternatives de
l'aigu au grave , & du grave à l'aigu [ ^ ] ) & par la
figure hideufe qu'il prend quelquefois en relevant (qs
lèvres : mais combien de qualités utiles rachètent tous
ces défauts extérieurs ! 11 eft de fon naturel tran-
<juille , humble , dur & patient au travail : il porte
de grands fardeaux à proportion de fa groffeur , fur-
€out lorfqu'on le charge fur les reins , cette partie
étant plus forte que le dos. Si on le furcharge , il
marque fa peine en inclinant la tête & baiflant les
oreilles. Il elf fobre &: de la dernière frugalité; il
s'accommode de toutes fortes de nourriture , d'herbes ,
de feuilles , de chardon , ôcc. Il ne dédaigne point
de paître dans les communes , dans les champs y avec
les vaches. Seulement il efl délicat fur l'eau , il ne
veut boire que de la plus claire , &: aux ruiffeaux
qui lui font connus. Il fe couche quelquefois à terre ^
fur le gazon ^ fur les chardons , fur la fougère ,
s'étend fur un côté , & effaie à plufieurs reprifes
de rouler fur lui-même ; mais il ne fe vautre pas
com.me le cheval , dans la fange & dans l'eau , il
craint même de mouiller {qs pieds , & fe détourne
pour éviter la boue. Il dort moins que le cheval ,
6c ne fe couche pour dormir qu'étant très-fatigué :
[a] L'organe de la voix de Vânt eft un inftrument plus compofé qu'on
re l'imagineroit , & qu'un habile Anatomifte nous a fait admirer
(M. HÉRISSANT, M:m. de l'Acad. des Scienc. 17^3, p. z8j.) Un
tambour d'une conftru<£lion très-finguliere , placé dans le larynx, eii
h partie principale de cet mftrument, Foye^ à l'arùcU Voix.
ANE 295
cet animal eft d'une fanté ferme. Il eu la reffource
des gens de la campagne , qui ne peuvent pas acheter
un cheval & le nourrir : Vane les foulage dans tous
leurs travaux ; il efl employé à tout , pour femer ,
pour recueillir , pour porter les denrées aux marchés ,
& le blé au moulin ; fon alhire eu douce ; il bronche
peu. Y a-t-il un animal dont le pied foit plus fur
fur les fentiers les plus étroits , les plus gliiTans , fur
les bords même des précipices ? Varie eil fufceptible
d'éducation , & malgré fa mauvaife réputation en fait
de fcience , on en a vu d'afîez bien inftruits pour
donner un petit fpe£lacle.
Il y a des dnes de différentes couleurs : la plupart
font d'un gris de fouris ; il y en a de blancs , de
bruns , de roux , & d'un gris argenté : <k l'on fait que
tous les animaux domeftiques varient par la couleur
beaucoup plus que les animaux fauvages de la même
efpece. Les ânes ont deux bandes noires qui fe croifent
fur le garot : l'une fuit la colonne vertébrale dans
toute fon étendue , & l'autre palTe fur les épaules.
Au reile , cette croix eft toujours d'une teinte oppofée
à celle du poil qui couvre l'animal, &: elle^efl en
général plus vivement exprimée dans le mâle que
dans la femelle. Ces animaux font du genre des
folipedes , c'efl-à-dire , qu'ils ont la corne du pied
d'une pièce. Ils ont les dents difpofées comme celles
des chevaux : à deux ans & demi ils perdent leurs pre-
mières dents : ils vivent vingt-cinq à trente ans ; mais plus
communément l'excès des fatigues , des mauvais trai-
temens ou des châtimens qu'ils fouifrent avec confiance ,
( car ils font indociles , rétifs , très-opiniâtres ) & des
travaux , fait devancer le terme de leur carrière
naturelle. La peau de ce quadrupède eft dure & feche ;
voilà pourquoi Vane efl moins fenfible que le cheval
au fouet , aux coups de bâton 6c à la piqûre des
mouches & d'autres infedes ; au refte , Vdm eil pea
fujet à la vermine. 11 nç crie ordinairement que
- T4
19^ A N È
loriqu'il efl prefîe d'amour ou d'appétit; l'ânefTe a
la voix plus claire , Vd/zc hongre ( châtré ) , ne brait
qu'à bafiè vôîx.
Quant aux mauvaifes qualités qu'on reproche au
naturel de Vdne , 6c que les mulets tiennent de lui ,
il eft très-probable , dit M. Pall^ , qu'elles proviennent
en partie de la trop grande étendue & de la fînéfîe
de l'organe de l'ouie dans ces animaux formés par
la nature pour la folitude des déferts. Les bruits qui
retentifiént autour d'eux dans l'état domeftique , doivent
néceûairement les étourdir ; 6c l'ufage des Anglois
qui , en coupant les oreilles aux drzes , croient les
rendre plus alertes 6c plus dociles , prouve que c'efl-là
la principale lource de l'humeur qu'on reproche à ces
animaux , 6c qu'on les corrigeroit en partie par l'appli-
cation de quelque m.oyen moins défigurant , pour
modérer l'effet du bruit fur leurs organes.
Un animal aulîi utile que Vd/ie , mérite que l'homme
prenne des loins pour la propagation 6c la perfedion
de fon efpece. On choilit pour étalon, des dnes de
trois ans , les plus grands 6c les plus vigoureux ,
ceux qui ont le plus gros membre , comme font les
ânes de Minbalais : on a vu de ces dnes qui ont valu
jufqu'à douze à quinze cents livres. Il efl à remarquer
que de tous les quadrupèdes , Vdm a le membre le plus
grand , à proportion du corps. Il a aufTi une très-
grande ardeur pour l'accouplement ; il aime fa femelle
avec une efpece de fureur. On en a vu s'excéder 6c
mourir quelques inflans après le coït : il a aufli pour
fa progéniture le plus grand attachement. Sa fem-elle
n'efî pas moins lafcive que lui ; c'eft par cette raifon
qu'elle cft peu féconde. On choifit le printemps pour
faire faillir les dmjjes ; elles mettent bas l'année fuivante
dans la même faifon ; temps favorable pour Wlnon ,
car le froid eil plus contraire à cqs animaux , qu'aux
autres bêtes de nos climats. Lorfque la femelle a été
faillie , on la fouette 6c on la fait courir , pour calmer
ANE ^ 297
l^s conviilfions amoureufes & pour empêcher qu'elle
ne rende la liqueur féminale qu'elle a reçue : elle ne
porte ordinairement qu'un petit à la fois ; il eH très-
rare qu'elle ait deux jumeaux. Sept jours après l'accou-
chement , Vdmjfc recommence à entrer en chaleur ;
en forte qu'elle engendre & nourrit en même temps.
Udm jeune ou Vdnon eft gai & a de la gentilleffe ;
mais il la perd bientôt par l'âge. Vdn& a les yeux
bons & l'odorat admirable , fur-tout pour les corpuf-
cules de Vdneffe ; il reconnoît , non - feulement fon
maître , mais encore les lieux qu'il a coutume d'ha-
biter , les chemins qu'il a fréquentés.
Vdne s'accouple avec la jument , & le cheval avec
Vdnejffe : les mulets viennent de ces accouplemens ,
&: lur-tout de celui de ^dm avec la jument. Foye^
Mulet.
On prétend que Vdne s'accouple aufîi avec la vache ,
& VdmJJc avec le taureau , & produifent , dit-on ,
les jumarts. Voyc^ Jumart. M. Pallas préfume qu'on
améUoreroit plus promptement la race domeflique de
Vdne , en la croifant avec la bonne race du Levant
ou avec l'onagre ; qu'on anobliroit aufîi les mulets ,
produits de l'accouplement de l'onagrefie avec le cheval ,
ou de l'onagre apprivoifé avec la jument , dont l'utilité
eft affez généralement reconnue. ( Chez les Hébreux ,
la loi ne permettoit pas d'accoupler l'onagre avec
Vdnejfe , comme étant d'efpeces différentes. ) Les
mulets de Perfe , dont k Brun a vanté la force &
le courage , femblent avoir cette origine.
Udne fe plaît dans les pays chauds , tels que l'Arabie ,
l'Egypte & la Grèce : on a vanté beaucoup les dnes
d'Arcadie. Udne paroît originaire d'Arabie , & avoir
paifé d'Arabie en Egypte , d'Egypte en Grèce, de
Grèce en Italie , d'Italie en France , & enfuite en
Allemagne , en Angleterre , & enfin en Suéde , &c.
Ces animaux font en effet d'autant moins forts ôc
d'autant plus petits , que les climats font plus froids ;
içS ^ ANE
ils le font même en France , quoiqu'ils y foîent
déjà aiTez anciennement naturalifés , 6c que le froid
du climat foit bien diminué depuis deux mille
ans , par la quantité de forêts abattues 6c de marais
déPiCchés.
Les ânes d'Arabie ont le poil poli , la tête haute ,
le pied léger : on ne leur reproche guère la lenteur
oc i'obftination : on ne s'en ferî que pour monture :
on les dreffe à aller l'amble : on leur fend les nafeaux ,
aiîn de leur donner plus d'haleine ; & ils vont fi vite ,
qii'un cheval ne peut les fuivre qu'au galop. Cette
efj^ece efl û belle , que les Arabes en confervent la
race avec autant de foin , que celle de leurs chevaux.
Chardin dit que ce font les premiers âms du monde.
Ils font en grand honneur à%Iaduré , où une tribu
d'Indiens les révère particulièrement , parce qu'ils
croient que les âmes de toute la noblefïe paffent dans
le corps des âms, La cafte du Roi de ce pays prétend
même en defcendre en ligne directe , & ceux de cette
caile traitent les ânes comme leurs propres frères. Ils
prennent leur défenfe , en ne permettant pas qu'on
les charge trop ; & s'il arrivoit de mettre quelque
chofe fur le fac que porte l'animal , le Caverm-
vadouger ( homme de la cafte Royale ) traiteroit
fort mal celui qui fe feroit permis cette liberté , &
le corrigeroit comme pour faute d'inhumanité. Il
convient d'obferver ici , que ces diies d'Arabie font
ïffus des onagres. Nous en parlerons à l'article Ane
Sauvage.
On mangeoit anciennement la chair de Vdnc , fur-
tout celle à^dnon fauvage ou onagre jeune : les Perfes
la regardoient comme un mets délicieux , ainfi que
les Romains , au rapport de Pline : les Arabes & les
Tartares Nomades en font encore un grand cas fur
leur table : toujours eft - il certain que la chair de
Vdne domeftique eft encore plus infipide 6c plus défa-
gréable qiie celle du cheval.
ANE 299
Le lait à'dnelu efl léger , facile à digérer , conte-
nant peu de parties butireufes &: caféeufes : il adoucit
ies humeurs acres & falées : il foulage les goutteux
& guérit quelquefois la phthilie. Pour l'avoir de bonne
qualité , il faut choifir une dmjfe jeune , faine , cjui
ait mis bas depuis peu de temps , & qui n'ait point été
couverte depuis : il faut lui ôter Vdnon qu'elle allaite ,
la tenir propre , la bien nourrir de foin , d'avome ,
d'orge & d'herbe , dont les qualités falutaires puiffent
influer fur la maladie ; avoir attention de ne pas
laiffer refroidir le lait , &: même de ne pas ?expofer
à l'air , ce qui le gâteroit en peu de temps. L'Hilloire
nous apprend que les gens voluptueux de Rome fô
frottoient le vifage &: la peau avec du pain trempé
dans du lait d'âneffe , perfuadés qu'une telle pommade
augmentoit la blancheur & ôtoit les rides de la peau ,
ou" empêchoit que la barbe ne vînt fi-tôt. Poppéc ,
femme de Néron , ufoit tellement de 'cette recette ,
mêm-e en mafque , qu'elle avoit toujours à fa fuite
trois cents dnejfcs. Juvenal a nommé ces mafques de
pain trempé dans ce lait , pingida Poppczana. Aujour-
d'hui, l'art cofmétique ne croit plus à la propriété
du lait à^dnejfc.
Dans tous les pays méridionaux 5 on trouve plus com-
munément àçs dnes fauvages : que des chevaux fauvages.
les Latins ont nommé Vdm fauvage , onager ( onagre )
qu'il ne faut pas confondre , dit M. de Buffon , comme
l'ont fait quelques Naturalises & plufieurs Voyageurs ,
avec le lebre^ connu aufTi fous le nom à' dm fauvage du
Cap de Bonne-Efpèrance , animal d'une efpece différente
de celle de Vdne ; car , fuivant l'illuflre M. de Buffon , tant
que nous ignorons fi les efpeces étrangères peuvent
produire & former de nouvelles races avec nos efpeces
communes , nous fommes fondés à les regarder comme
des efpeces différentes , jufqu'à ce qu'il foit prouvé
par le fait , que les individus de chacune de ces efpeces
étrangères peuvent fe mêler avec l'efpece commune ,
500 ANE
éc produire d'autres individus qui produiroient entr'eux;
ce caraclere feul conilituant la realité 6c l'unité de ce
qu'on doit appeler ejpece , tant dans les animaux ,
que dans les végétaux. Vonagre ou Vdne fauvage n'eil
point rayé comme le lebre ; & il n^^ix pas , à beaucoup
près 5 d'une figure auiîi élégante. Voye^ Zèbre.
Il y a beaucoup à\îms fauvages dans les délerts de
Lybie & de Niunidie , où ils vivent en fociété : ( ce
font des onagres. ) Ils font gris , & courent fi vite ,
qu'il n'y a que les chevaux barbes qui puiffent les
attraper à la courfe. Lorfqu'ils voient un homme ,
ils jettent un cri, font une ruade , s'arrêtent , & ne
fuient que lorfqu'on les approche ; ils vont par troupe
pâturer & boire. On n'a point trouvé à^dms en Amé-
rique 5 non plus ç^xQ de chevaux ; quoique le climat ,
fur-tout celui de l'Amérique méridionale , leur convienne
autant qu aucun autre. Ceux que les Efpagnols y ont
tranfportés d'Europe , fe font beaucoup multipliés dans
les forêts , & on y voit actuellement des troupes
^ynes devenus fauvages , &: que l'on prend dans des
pièges , comme les chevaux fauvages.
Comme la peau de Vdm efi: très-dure & très-élaf-
fique , on l'emploie utilement à différens ufages : on
en fait des cribles , des tambours , & de très-bons
fouliers : on en fait du gros parchemin pour les
tablettes de poche , que l'on enduit d'une couche légers
de plâtre : c'eil: quelquefois aufii du cuir de Vdnc
fauvage , ( onagre ) que les Orientaux font le fagri ,
que nous appelons ckagrin. Thevenot , dans la Pvelation
de {qs Voyages , dit que le cuir à^dm ( onagre ) efi:
la matière du beau marroquin employé aux chauilures
<iu Levant. Les Anciens préféroient aufii les flûtes faites
des os de ce quadrupède , ils les trouvoient plus fonores
que celles qui étoient faites avec les os d'un autre
animal.
En Chine on fait avec la peau d'un dm noir , une
colle qu'on efiiime propre à remédier aux maladies
ANE 301.
de poitrine. Il s'en fait un grand commerce dans
rinde 5 fous le nom de hohj,-hao ou ngo-klao : elle
cû en morceaux moulés , fouvent ornés de cara6:e-
res & de toutes fortes de figures; mais elle eft fort
rare en Europe.
Ane marin. Nom donné au grand pofypc^ de mer.
Voyez Polype de mer.
Ane-poisson ou Tête d'Ane. Dans quelques
Provinces on donne ce nom au chabot. Voyez ce mot^
Ane rayé. Voyez Zcbrc. On donne auiîi le nom
à^dnc rayé à une petite coquille univalve de la fa-
mille des porcelaines. Ce coquillage efl orné de trois
bandes tranfverfales , d'un roux noirâtre. Voye^^ Por-
celaine.
Ane sauvage ou Onagre , O nager. Les defcrip-
tlons qu'on a données de Varie fauv âge. font fi impar-
faites qu'on ne fait pas trop quel ell cet animal. Les
Anciens ont fait de Vdm Jàuvage , une efpece diffé-
rente de celle de Vdne domejlïque. Quelques Naturalises
difent que les dms fauvages ou onagres , font fréquens
en Syrie ; que leurs peaux font très-fortes , & qu'on
les prépare de façon que leur furface extérieure ell
parfemée de petits grains : on s'en fert pour faire des
fourreaux d'épée , des gaines de couteavix ; c'eft ce
qu'on appelle du chagrin. Voyez ce mot.
Il y a grande apparence que cet dne fauvage a été
fouvent confondu avec le Tére , qui efl en effet afîez
refiemblant à Vdne ; ce qui a fait donner aufîi à ce
dernier , c'efl-à-dire , au T^hre , le nom àidne rayé du
Cap de Bonne-Efpérance. Philojlorgius a fait cette con-
fufion. C'efl un des plus jolis animaux &: des mieux
faits que l'on puiiTe voir. Foye^ Zèbre.
On voit des onagres ou dnes fauvages , dans la
Tartarie orientale & méridionale , la Perfe , la Syrie ,
les Ifles de l'Archipel & toute la Mauritanie. Varron
& Pline., parlent hfs» onagres comme d\inimaux com-
muas da^s tçute l'Afie îïûueui-s, Xenophgn , Suetom
502 ANE
&c Ammïm , font mention de ceux de Méibpotamîe^
de Pcrie & des délerts Parthiques. Tacite rapporte
que le peuple Juif , fous la conduite de Moyjl , dut
cfuelquefois aux onagres la découverte des fontaines
dans les déferts arides de l'Arabie ; & l'Ecriture fainte ,
quoiqu'à d'autres égards , en fait très-fouvent men-
tion comme d'un animal familier aux déferts qui
avoifinent la Paleiline. Les onagres ne diferent des
âms domcjiiques que par les attributs de l'indépendance
ëc de la liberté ; ils font plus forts & plus légers à
la courfe ; ils ont plus de courage & de vivacité ;
mais ils font femblables pour la forme du corps , ils
ont feulement le poil plus long , &: cette différence
tient encore à leur état ; car nos âms auroient égale-
ment le poil long , fi l'on n'avoit pas foin de les
tondre à l'âge de quatre ou cinq mois ; les dnes ont
dans les premiers temps , le poil long à peu- près
comme les jeunes ours.
On a configné dans le Journal de Phyjique ^fuppUm.
lyS-x , T. XXL pag. 32/ & fuiv. des cblervations fur
Vdnc dans fon état fauvage , ou fur le véritable onagre
des anciens^ par M. P. S. Pallas. Oppien efl le feul qui
nous ait laiifé une defcripticn bien caradérifée de
V onagre des anciens. U onagre , dit le Moine Rubruquisy
cil appelé en langue Tartare , Calmouque &: Kirgife ,
koulan : il porte encore aujourd'hui le même nom
chez toutes les hordes Nomades. Les onagres font très-
nombreux dans les déferts de la grande Tartarie , &
viennent annuellement en nombreux troupeaux fe ré-
pandre dans les déferts montagneux à l'eft & au nord
du lac Aral , où ils paffent l'été , & s'attroupent en
automne par centaines, & même par milliers , pour
leur retour vers l'Inde , à la recherche d'un afile
contre l'hiver. Odoard Barbota a tracé cette migration
dans les montagnes du Malabar , 6c du royaume de
Goiconde ; mais la Perfe paroît être le lieu de retraite
le plus ordinait e pour ces troupeaux ôi' onagres ; ôc dans
A N E ^ 303
les montagnes des environs de Casbin , on en trouve
en tout temps de Tannée. Les Perfans donnent le nom
d^ischaki ( dne de montagne ) , à Vonagre , parce qu'il
recherche les déferts montagneux les plus arides. Ils
en font la chaffe ainfi que les Tartares Nomades. Ces
derniers en recherchent la chair qui efî: réputée déîi-
cieufe , 6c doit bien l'être , puifque même les Romaias
ont été friands des jeunes onagres ; les Perfans tâchent
de prendre les jeunes onagres en les chaffant vers des
foffes couvertes d'herbes , & les vendent à un prix
confidérable , pour les haras des Grands du pays. C'efl
de l'accouplement de ces onagres apprivoifés que pro-
vient cette race noble à^ânes qui fervent de monture
en Perfe & en Arabie : on les paye jufqu'à cent écus,
Tavernier les diflingue très-bien d'avec îa race chétive
des ânes ordinaires , qui y fervent pour porter les
fardeaux ; & le caprice fingulier que les Perfans con-
fervent , félon lui , de peindre ces ânes de monture en
rouge 5 comme on le fait aufli en Egypte , avec le
kanna , qui y fert d'ailleurs pour le fard des femmes ,
femble donner l'explication de ces onagres chimériques
de l'Inde , à tête rouge , dont Elien a parlé , & aux-
quels il ajoute , pour ilircroît de merveilleux , une
corne au front. Tous les voyageurs du Levant font
réloge de ces bidets iiTus A^onagres.
Semblables en tout à Vonagre fauvage , ces dnes de
bonne race font , dit M. P allas , extrêmement vifs
& légers à la courfe , d'une forme leile , d'un port
animé , &: méritent bien l'épithete appliquée par Mar-
tïal à Vonagre. Ils réf.fîent à la fatigue beaucoup mieux
que les chevaux Tartares , & font plus de diligence
que les chameaux. ( Niebhur , Voyage ^'Arabie ,
p, ^11 &fuiv. évalue le chem.in que font les dnes de felle"
dans la demi-heure , lorfqu'ils marchent d'un pas égal ^
à 1750 doubles pas de l'homme , au Heu que les
grands dromadaires n'en font que 975 ^ & les petits
tout au plus 1500.) Une jeune onagrejje fit tout le
304 ANE
chemin d'Aflracan jufqu'à Mofcoii , qui efl: cle plus
de 1400 verlks, en courant à la fuite des voitures de
pofle , & courut de même les 730 verftes de Moi-
cou à Petersbourg. M. Pallas dit qu'elle n'avoit rien
de cette lenteur 6i de cette ilupidité qui a rendu
Vâne domeilique, l'emblêrrte de ces m.auvaifes qualités.
Les onagres font des animaux faits à la courfe , &:
ils fuient avec tant de vîteiTe & de confiance , que
les meilleurs chevaux ne fauroient les atteindre. Le
nom que les Hébreux donnoient aux onagres , {parad)
dérive de leur célérité. Cette facilité de courir fur
les terrains les plus difliciles refle à Vdne domejïiqiie ,
& fe communique au mulet. La fituation naturelle-
ment rapprochée des jambes de ces animaux femble
les favorifer dans ces occafions ; & le fabot cylindrique
de leurs pieds , extrêmement dur & fec , ^^i fait pour
de tels terrains.
Les onagres , confidérés dans l'économie fauvage ,
fe réunifient en troupeaux , conduits par un étalon
principal. Mais il paroît que dans le temps où ils font
leur retraite vers le fud de la région qu'ils habitent ,
ils s'attroupent en plus grand nomJore : c'efl précifé-
ment le temps 011 le rut efl pafTé & les femelles
pleines , nonobflant quoi , dit M. Pallas , on voit les
étalons fe déchirer à belles dents & détacher des ruades.
Ils ont la vue , l'ouïe & l'odorat également bons ,
de forte qu'il efl impofnble d'approcher d'eux en rafe
campagne. Les chafleurs fe cachent pour les attendre
au pafl'age ou aux environs des marais d'eau faumâtre ,
où ils viennent s'abreuver. Ces animaux préfèrent
l'eau claire & falée , à l'eau trouble &: douce. Ils
picorent avec plaifir les plantes chargées de parties
falines , ainfi que les ameres laiteufes. Ils dédaignent
les plantes odoriférantes , celles des marais , les plan-
tes dures , même les chardons , qui font partie de la
nourriture de Vdne domejiique. ISonagre apprivoifé eft
fufceptible d'attachement pour fon palefrenier ; mais
conduit
ANE 30J
eondult contre fon gré , il montre toute i'obflination
de Vdnc vulgaire II paye fouvent d\ine ruade celui
qui l'approche par derrière , ou le touche fur la croupe ;
éc cette ruade efl toujours accompagnée d'un petit
grognement.
Uo/zagrc mâle a le corps plus robufle , l'encolure
plus groffe , le poitrail & la croupe plus large
que la femelle ; une barre ou raie tranfverfale
( quelquefois double ) croife fur les épaules avec celle
qui s'étend le long de l'épine dans l'un &c l'autre
fexe. C'eft cette croix que la plupart des unes domef-
tiques mâles ont confervée , &. qui embellit fur-tout
ceux qui ont la couleur du poil claire. Cette bande U
tranfverfale , bien plus étroite que l'autre , manque
entièrement aux onagres femelles. jr ^
U onagre a la tête plus relevée que Vdne, les oreille^ fy
bien redreffées , très-longues , terminées par un bou- J
quet de poils noirs ; il efl: plus haut fur les jambes
& les a plus fines que Vdne domejiique ; il fe gratte
facilement au cou & à la tête avec les pieds de der-*
riere. Il porte difficilement fur l'avant-train la moitié
du fardeau qu'il peut aifément porter en entier fur IL
l'arriére du dos. Les lèvres font très-épaifles & gar-
nies de poils roides. La couleur du poil fur la plus Ni
grande partie du corps oc le bout du mufeau efl: un
blanc argentin : le delTus de la tête , les faces latérales
du cou & du tronc font blonds ou d'un fauve pâle;
cette couleur blonde s'étend auffi fur les cuifies jus-
qu'au jarret ; mais elle eft féparée de celle du tronc
par un efpace blanc , de la largeur de la main, entre
la cuiiTe & le flanc : un autre efpace blanc fur la
crinière tSc la raie de l'épine dans toute fa longueur,
s'élargit fur la croupe & communique avec l'intervalle
blanc des flancs. La crinière commence à Pentre-deux
des oreilles , va jufqu'aux épaules ; c'efl un poil doux,
laineux , long de 3 à 4 pouces. La raie qui s'étend
depuis la crinierç tout Iç long de l'épine jufqu'à 1%
joS ANE
queue , eft prefque couleur de café , plus large à U
région lombaire , rétrécie vers la queue ; 6c le poil
de toute cette bande eft fort touffu & ondoyant ,
même en été , lorfque tout le reile du corps eu par-
faitement liile. Le bouquet qui termine la queue efl: formé
de crins affez rcides , & d'un empan de long. Les châ-
taignes , ou vefliges calleux , ne font point rondes
comme aux dnes domefîiqms , mais d\me forme ovale
alongée. Les fabots des pieds font prefque cylindri-
ques 5 raboteux , avec des rugofités circulaires , 6c foit
creux en deffous. Le poil en général , fur-tout celui
dont l'animal fe couvre en hiver , eft doux , foyeux ,
ondoyant , gras au toucher , & ne peut être comparé
qu'à la laine du chameau. Des épis qu'on remarque
de chaque côté de la crinière & des flancs , difper-
fent le poil en tout fens ; la direftion du poil tend
vers la queue , au lieu que dans le ^^ebre une partie
du dos a les poils dirigés à rebours. ( L'efpece de ga-
zelle , appelée coudou , & le buffle à queue de cheval ,
fournilTent le même exemple. ) La queue offre feize
vertèbres ; le nombre des autres répond à celui de
Vdne domejiique. Trente-deux dents , dont iix incifives
dans chaque mâchoire, & cinq molaires dans chaque
rangée.
La bile ^onagre ed eftimée chez les Perfans comm.e
un remède contre les offufcations de la vue & les
catarades ; & ce préjugé feroit pardonnable : mais il
ne l'efl pas de prétendre chercher , dit M. P allas , un
remède contre les maux de reins , par des turpitudes
commifes avec les dnejfcs de la race fauvage , comme
il eft certain que les Perfans le font , & que les Tar-
tares Nogais d'Aftracan ont été tentés de le Taire avec
Vonagreffc décrite ci-deffus , lorfqu'elle fe trouvoit dans
cette ville. Les peaux à^ onagre font recherchées des
Boucares pour être préparées en manière de chagrin.
Rauwolf en dit autant de ceux de Syrie , dont les
peaux font apportées à Tripoli ; mais c'eft une erreur
ANE 307»
de croire que la peau des onagres foit naturellement
grenue , ou que le chagrin ne pourroit être préparé
qu'avec de telles peaux. Voye:!^ a Vanick Chagrin.
ANÉMONE , Ammonc horunfis , Linn. 761. Plante
dont la fleur eft admirable par la beauté de fes cou-
leurs , &: par leur diverfité : c'eft une fleur en rofe,
dont la tige eft fimple , entourée de trois petites feuilles ,
s'élève peu , de cinq à lept pouces , & doit être forte
pour foutenir la feule fleur qu'elle porte. Les feuilles
qui partent de la racine font prefque digitées à trois
folioles. La tête de la belle anémone doit être bien
ronde , fes couleurs vives , les feuilles qui envelop-
pent les dehors de la fleur , qu'on appelle le manteau,
larges , bien arrondies. Sa pluche ( c'efl un amas de
moindres feuilles qiu couvrent l'extérieur de la fleur)
doit faire le dôme en s'arrondiflant ; ainfi elle doit
être large pour que la fleur ait de la grâce. Du milieu
de la fleur s'élève un piflil qui devient dans la fuite
un fruit oblong , à l'axe duquel font attachées plu-
fleurs femences , qui font enveloppées chacune par
une coiffe cotonneufe pour l'ordinaire. Cette graine
s'appelle bourre. Cette anémone des Fkurifles eft origi-
naire du Levant.
La nature déploie fur la fleur de cette plante la
richefle de fes couleurs : auffi les Poètes ont-ils ima-
giné qu'elle avoit été produite du fang d'Adonis , 6c
l'on a même confervé ce beau nom à un genre de la
famille des renoncuks. Voyez Adonis. Il y a des ané-
jnones incarnates , de couleur de feu , de blanches ; les
nuancées font rares , les veloutées font les plus belles.
Toutes ces fleurs difpofées fuivant l'harmonie des
couleurs , font un très-bel effet dans une plate-bande.
Pour conferver leur beauté , il faut les garantir du
vent & de la pluie. Si le leûeur veut avoir ime idée
de la quantité prodigieufe des variétés de cette plante ,
qu'on a obtenues par la culture , il fufîii de jeter un
coup d'oeil fur celles qui font rapportées dans les
V 2
3c« ANE
Infiituùonts Rù Hcrbariœ de Tournefort , pag. 175 à
284 , & dans les Catalogues des Fleurs cultivées en
Hollande.
Ijammont plantée en Oâ:obre , fleurit en Mai ou
Juin. On ménage , fi l'on veut , une agréable fuccefTion
^ancmones pour toute l'année : il fuiiit d'en planter
dans les diiîerens mois du printemps pour en avoir
toujours de nouvelles jufqu'à la fin de l'été &: de
l'automne. On recueille la graine des plus belles ef-
peces pour femer ; c'efl le moyen d'avoir des variétés
innombrables , où Ton admire îe jeu de la nature.
Uanémonc venue de graine ne fleurit que la féconde
année. Aufli-tôt que la fleur efl: pafîee on levé de terre
les racines , que l'on nomme pattes ou griffes ; on les
détache comme les caïeux , 6c on les conferve dans
des paniers jufqu'à l'inftant oii on les replante. Vané^
mone efl: plus sûre à élever de caïeu que de graine :
elle demande une terre légère , pareille à celle des
jonquilles &: des tulipes : elle veut être feule & de-
mande peu d'eau. Cette plante efl: déterflve : fes racines
mâchées , attirent la falive & maintiennent les dents
faines. Il y a V anémone fauvage , Anémone fyheflris ,
Ma major , C. B. Pin. 176. A l'égard de V anémone
appelée fylyie , Voyez à l'article Renoncule des bols.
Anémone de mer. Nom donné à un animal ma-
tin, nu, membraneux, moins gélatineux que charnu,
à bafe circulaire , par laquelle il s'attache à difFérens
corps. C'efl une efpece de ^oophyte , de l'ordre des
mollufqucs , & qu'on appelle quelquefois aufli cham-
pignon marin. Les anémones de mer , qu'il faut bien fe
garder de confondre avec les orties m.arines , ( Voyez
ce mot , ) fe trouvent aflfez communément en Nor-
mandie , attachées fur la flirface latérale & dans le
creux des rochers de la mer ', difperfées ou dans le
fable ou fur la vafe la moins long-temps abandonnée
de la mer. On en diflingue pkifleurs efpeces : on en
connoît qui varient par la forme , la couleur 6c la
ANE 509
grandeiiî' ; il y en a depuis un jufqu'à ût pouces de
diamètre. On en a vu qui avoient plus de vingt pouces
de circonférence. Les huitrieres en font quelquefois
remplies. Il y en a de rouges , de vertes ôc d'autres
couleurs. On connoît de grandes anémones de mer qui
offrent les nuances les plus douces , les plus riches
& les plus brillantes couleurs , jointes à la délicateffe ,
à l'élégance & à la beauté des formes. Il y en a* qui
font feulement convexes , d'autres coniques , toutes
pourvues d'un grand nombre de membres cylindri-
ques , qu'elles peuvent cacher & faire agir au même
infiant. Ces membres ou bras font toujours , ou le
plus communément , d'une autre couleur que le
fond. Elles ont une ouverture ou bouche au milieu
des vifceres tendineux au fond , & une grande quan-
tité d'inteflins. Quelquefois elles reffemblent à un
champignon : mais quand elles déplient toutes leurs
pointes ou trompes gluantes , ojles n'imitent pas mal
la figure de Vanimoiu plante , ou d^une fleur radiée ,
épanouie. Dans l'état de contraction on ne peut
guère les difcerner qu*au petit entonnoir qu'elles
tracent dans le fable en s'y enfonçant. Lorfque, cet
animal veut s'agiter , il fouleve &; fait fortir deux
pellicules blanches , rayées & enflées comme deux
vefîies.
Le toucher paroît être le fens îe plus étendu chez
cet animal , & ce fens paroît être répandu dans toute
l'habitude de fon corps , tant à l'intérieur qu'à l'exté-
rieur. Elle s^attache d'une manière intime à tous îès
objets folides & étrangers qui lui conviennent , &
qu'elle reconnoît , au moyen du taâ: , par fa bafe , par
fa robe , par fes membres extenfibles , contradibles ,
flexibles en tous fens , & par un feul plan de ces
diverfes parties ; mais notamment par des mamelons
qui font l'office de ventoufes. Il faut avoir vu ma-
nœuvrer plufieurs fois ces animaux pour en avoir une
idée diilin^e. Leur mouvement progrefîlf efl: très-lent,
V3
3IO ANE
On tf Olive dans le Journal de Phyjique , Sept. lySt ,
un extrait du Journal d'obfervations faites à Dunkerquz
en lyyc) ^ contenant celles faites fur les polypes , vul-
gairement nommés anémones de mer. L'Auteur de ces
obferv^ations dit qu'il y a plufieurs efpeces à^ anémones
de mer^ & cependant qu'elles lui ont paru être con-
formées de même , un corps charnu , flexible , non-
géktineux , comme l'ortie de mer , un peu élaflique ,
ians os , ni cartilages , ni nerfs ; mais ayant une infi-
nité de mufcles de forme très-variable , qui pour l'or-
dinaire efl cylindrique &: raccourcie. Lorfque cet ani-
mal efl épanoui , c'efl-à-dire , quand il imite une fleur
radiée , on y diftingue le pédinJe , le tronc 6c le difque.
Le pédicule eu un empâtement formé par l'exten-
iion d'une membrane , qui déborde fur le tronc en fe
collant contre les corps ; elle eu pourvue d'une quan-
tité de fibres ou de mufcles linéaires ; les uns , cir-'
culaires , forment les côtés de polygones concentriques ;
les autres , longitudinaux , font comme les rayons de
ces polygones , qui viennent tous aboutir au mufcle
le plus fort &: le plus gros de toute la machine , le-
quel joint ce pédicule avec le tronc , en formant un
étranglement. Le tronc efl parfemé de rugofités ou de
plis , qui proviennent de la contraftion des mufcles
longitudinaux &: tranfverfaux. Ce tronc efl: fouvent
encroûté de corps étrangers. Le difque termine l'ex-
Irémité fupérieure du tronc , & déborde encore plus
que ie pédicule. Le contour efl armé d'une multi-
tude de bras ou cernes coniques , tranfparentes ^
molles , flexibles , dont le nombre & la longueur va-
rient félon les efpeces ; dans l'efpece commune il efl
d'environ cent. Chaque bras , dont le contour de la
bafe imite une efpece de boutonnière , fe remue & fe
contraûe en tout fens , tout feul ou conjointement
avec les autres. L'intérieur & l'extrémité de cette
corne offrent une raie & un point noir. Quand , à fa
volonté y l'animal couche ces cornes les unes fur ks
ANE 311
autres vers le centre , il les recouvre de fa membrane
extérieure : cela lui arrive lorlqu'on le touche un peu
rudement ; averti par elles du danger , il les retire
brufquement tout à la fois , 6c attire tout l'extérieur
de fon corps vers le nœud du fond , dont il fera men-
tion dans un inftant. Par ce mécanifme il diminue
de volume en tout fens , &: la contradion eft com-
plète ; il a la ferme d'un bouton fphérique , au
îbmmet duquel il reflie im petit ombilic , où tous les
mufcles longitudinaux viennent fe rendre : ce qui ,
joint à la tranfparence de la chair , le fait alors ref-
fembler à un oignon dont on a enlevé les premières
enveloppes. Tandis qu'il exécute cette fondlion , il
rejette une abondante quantité d'eau , dont une partie
offre de petits jets très-vifs.
Revenons au difque , fon intérieur offre quelque-
fois un deiïïn guilloché ; ce difque eft plus ou moins
ouvert. Lorfque l'ouverture en eft confidérable , la
contour eft fait en bourrelet : l'intérieur pour lors fe
découvre , & l'animal refîemble à une bourfe à je-
tons ; l'animal pouffe au dehors & à volonté une
membrane blanchâtre , froncée , à plis tortueux. Dans
ce dernier état la membrane reifemble à une veffie
tranfparente, ornée de lignes longitudinales & blanches.
Elle eft partagée en deux lobes , dont chaque m.ufcîe
fe réunit au fond , où eil un nœud qui eft le centre
du mouvement de toute la machine.
Souvent le polype s'alonge comme \m fipnon , &
reftant toujours collé , il fe porte de côté ou d'autre
comme pour chercher plus au loin fa nourriture : fon
corps devient très-léger , très-flexible & tranfparent ;
on voit qu'il eft tout gonflé d'eau. Autour du nœud
cité ci-deflus , font les iiTues par où l'animiaî fait for-
tir , à fa volonté , les portions d'un vifcere qu'on ap-
perçoit à travers du corps , fous la figure de cordons
blancs mal étendus ; ces cordons font les boyaux,
Lorfque ces animaux veulent changer de place , ils
V4
3IÎ ANE
ont deitx manières d'exécuter ce mouvement : o\i bien
ils gliii'ent lentement liir leur pédicule ; ou bien , fe
tlétachant j ils fe gonflent d'eau qu'ils pompent , Sc
devenant plus légers que le volume d'eau , la moindre
agitation les poufle autre part. Veulent - ils fe fixer ,
ils fe contractent , l'eau s'échappe , ils diminuent de
volume & vont à fond où ils fe fixent , ië collent à
quelque chofe au moyen d'une matière gluante dorit
tout leur corps eu réellement enduit. L'Auteur qui a
obfervé cet animal , préfume que cette vifcoiite efl
même un moyen , dont l'individu efl pourvu , pour
retenir fa proie dans des bras qui , fans elle , feroient
beaucoup trop foibles pour l'arrêter. Leur nourriture
paroit confifter en orties de mer , moules &c petits
cruilacées. Ils femblent fuir la trop grande ardeur du
foleil , même la clarté de cet aflre , car on ne les voit
guère s'épanouir qu'au c ouchant du foleil : c'efl alors
que les flaques d'eau de mer qui en contiennent font
comme autant de parterres émaillés de mille fleurs.
Ces animaux paroiffent languiflans dans les mauvaifes
faifons , & incommodés dans les mauvais tem.ps. L'eau
douce bleffe ces animaux , ils s'y contractent forte-
ment & y périflent au bout d'un jour. Enfin , il
femble à notre obfervateur que ces animaux font com-
parés mal à propos aux anémones : l'ordre des fleurs
qu'ils imitent le mieux , dit-il , eu. celui des radiées ;
éc parmi celles-là , celui des ficoidzs lui paroit leur
convenir , tant pour le nombre &: l'arrangem.ent des
pétales que pour la vivacité & la variété des couleurs;
M. l'Abbe Dicquemarc , Profeffeur de Phyjique expé-
rimentale au Havre , a fait des découvertes fuigulieres
fur les anémoms de mer ; &C l'on peut dire que les
phénomènes que lui ont préfentés ces animaux , offrent
des réfultats prelque aufîi furprenans que ceux des po-
lypes d'eau douce. Au mois de Mai 1772 , il coupa
tous les membres à une anémone pourpre ; en peu de
temps ces membres repouflérent. Le 30 Juillet , iJs
ANE \ 313
fiirent coupés de nouveau , 6c fe reproduifirent en
moins d'un mois. Une anémone verte de même efpece ,
a donné une fois le même réfultat. Ayant faifi l'inf-
tant 011 une petite efpece ^anémone qu'on trouve
dans le fable , étoit alongée , il en retrancha fubite-
ment, avec de bons cifeaux , toute la partie fupérieure
011 font les membres & la bouche ; au bout de huit
jours ces membres fe reproduifirent , & l'animal com-
mença à manger des morceaux de moule : la partie
retranchée donna pendant plus de quinze jours des
marques de fenfibilité , fe contractant & fe dilatant
de la même manière que le fait Vanémone de mer.
Notre Auteur a tenté diverfes autres expériences fur
' ces fortes d'animaux doués d'un mouvement prcgref-
fif , & dont on peut voir les réfultats dans le Journal
(VHïft, Natur, de M. VAhhè Rozier , ann, lyyx , mois
d'Octobre, On trouve encore dans le même Journal^
Juin lyy^ ,Mai 1774 ^ pag, jyz ; Çf Avril lyy^^pag.
jio ; Avril ijyG ^ pag, %Q)8 ; OclobrCypag, joi , lyyG;
Avril, pag. ^18 , lyyS , une fuite d'obfervations &: de
découvertes fur ces fortes de corps animés , fur la
fenfibilité par rapport à la manière d'être de ces ani-
maux Imguliers , & notamment fur la manière dont
les petits prennent naiflance ; ce font des globules
d'abord informes qui s'arrachent de la bafe de Vanê^
mone de mer , & qui en quelque mois s'organifent &
acquièrent toute leur évolution , &;c. &:c. Le 1 6 Fé-
vrier 1781 , notre Obfervateur reconnut vme des ef-
peces à^ anémone de mer , qui donna par la bouche ,
comme celles de la première efpece , un très -grand
nombre de petites anémones femblables en forme 6c
en couleur à celles qui les produifent. M. l'Abbé
Dicquemare a vu une autre m-onflruofité : c'étoit une
anémone de mer à deux bouches , placées de manière à
faire voir que ces deux anémones fe font développées
dans le même lambeau , fans que l'étranglement ait
€u lieu. Ce Natwralifte a décrit , Jmrnal de Ph^Jique^^
314 A N E A N G
une anémone à trois rangs de membres. Voye?^ main*
Un&nt rardde ZOOPHYTE.
ANESSE. C'eft la femelle de Vdnc, Voyez ce mot.
ANET , Antthum, Plante annuelle dont la racine
eft petite , blanche & fîbrée. La tige de Vanu eft
ferme , & s'élève à la hauteur d'un pied &: demi :
ie^ feuilles font femblables à celles du fenouil , d'une
odeur forte ;^ {es. fleurs font en rofe , jaunes , & naif-
fent à l'extrémité de la tige , difpofées en parafol ; {es
ombelles font nues , & le calice fe change en deux
graines d'un jaune pâle , dillinguées en trois canne-
lures , & bordées d'un feuillet : l'odeur de la plante
efl un peu forte , mais cependant agréable & luave :
les^ feuilles font réfolutives : les graines & les fleurs
entrent dans les lavemens carminatifs. Ses fleurs font
du nombre des quatre fleurs carm.inatives , qui font
la camomïlk , le milïlot , la matrkairç 6c i'anet.
Les Anciens fe couronnoient à'anet dans les feflins.
Les Gladiateurs en mêloient à tous leurs alimens ^
parce qu'en lui attribuoit la propriété d'être fort
nourrifTant. De là vint que l'on diibit, demander de
lance ^ Anethum requin^ pour exprimer des remèdes
propres à guérir les foux. On cultive Vanet dans les
jardins : Anethum honenfe , C. B. Pin. 147: Anethum
graveolcns ^ Linn. 377. Le meilleur nous vient d'Efpa-
gae , de Portugal & d'iralie , 011 cette plante croît
naturellement. Il arrive fouvent que quand on l'a
femé une fois , il reparoît tous les ans par le moyen
de fa graine qui tombe. Vanet doux eft le fenouil
de Florence. Voyez ce mot,
ANGALA-DÎAN. Nom que les MadecafTes ou ha-
bitans de Madagafcar ont donné à l'efpece de grim-
pereau de leur ifle. C'efl le grimpereau vert de Mada-
gafcar , de M. Brlffon , & l'un àes oifeaiLX que M. de
Mombeillard ^^^q\\q fjuis-mangas. Son plumage en def-
fus du ^coi-ps efl d'un vert doré & irifé ; les côtés
de la tête , la poitrine , le ventre , font d'un beau
A N G . 3M
hoir qui tîre quelquefois fur le violet , aîniî que le
bec & les pieds. Cet oiieau confîruit fur les arbres un nid
de forme hemifphérique , & compofé prefque en en-
tier de duvet de plantes ; il pond cinq à fix œufs , et
fuivant M. Adanfon , les petits qui en proviennent ,
font expofés à la recherche d'une araignée très-^groffe
qui en fuce le fang.
ANGE, Squatïna , Bellon. , Rond. , Salv. , Willugh.
Squalus (Squatina) pinnâ anali nullâ ^ caiidcz duahus ,
orc tcrmïnalï ^ narïhus cirrojis , Linn., Arted. : Squalus ca-
pite plaglo-platco lato , ore in apicc cap'uis , narïhus
cirrojis , Gronov. à Gênes , pijct angelo, Poiffon de mer
cartilagineux ; fuivant M. Brouffoutt , il efl de la fec-
tion des chiens d& mer qui ayant les trous des tempes ,
n^ont point de nageoire derrière l'anus, Uange tient en
quelque forte le milieu entre les chiens de mer & les
raies , auxquelles il refîemble beaucoup par fon corps
qui efl aplati , par la grandeur de fes nageoires pec-
torales , &: par la forme de fa queue ; les évents
font au nombre de cinq à chaque côté , très-grands &
très-rapprochés : on apperçoit un petit tubercule au
bout de la langue ; fa tête efl aplatie. M. Brou(fo*
net dit que ces caraâ:eres , à les confidérer Uriâe-
ment , pourroient peut-être fuffire à faire de ce poiffon
un genre particulier ; que Gronovius a été de ce fen-
timent , dans fes notes fur le neuvième livre de Pline ;
mais il croit qu'il a d'ailleurs trop d'analogie avec les
chiens de mer , pour devoir le féparer de ce genre ,
& qu'il vaut mieux le regarder comme une efpece qui
joint la famille des chiens de mer. à celles des raies.
La forme de fes nageoires pediorales , dit encore
M. Broujfonet , qui font très-larges , échancrées anté-
rieurement , & qui reffemblent à des ailes étendues , a
fait donner à ce poiffon le nom à^ange , &: dans quel-
ques Provinces celui de moine ; fa gueule eff armée
d'un très-grand nombre de dents petites , fort pomtues
& très-ferrées ^ difpofées fur trois rangs ; il y a quel-
5i6 A N G
qiies pîquans autour des yeux , & d'autres fur le mi-
lieu de la ligne dorfale. Ce poiiTon nage en troupe ,
& fe tient le plus fouvent caché dans la vafe. Il fe
noiurit de petits poiiTons , 6c devient quelquefois très-
gros ; celui que l'on voit dans le Cabinet de Chantilly ,
a cinq pieds de long ; il pefoit plus de cent livres ; le
dos d'un gris obfcur , le ventre blanchâtre ; fa chair ,
moins mauvaife que celle des autres chiens de mer , a un
goût qui approche de celui des raies ; fa peau eft affez
diu-e & rude , elle étoit employée déjà du temps de
Pline , pour polir le bois & l'ivoire ; aujourd'hui les
Barbarefques en font de très-belles gaines de couteaux ,
d'épées & de cimeterres. On préparoit autrefois avec
cette peau un favon ou fmegina , pour la gale ; brûlée
& réduite en cendre , elle étoit d'ufage contre l'alo-
pécie. Vange fe trouve dans la Méditerranée & l'Océan
Européen.
Aî<GE. On a aufîi donné ce nom au ^éhre ( poiflbn ),
f^aye7^ ce mot.
ANGELIN. .royei Andira.
ANGÉLIQUE, Jlngelica. Plante de la famille des
Omhellïftres , nommée ainfi à caufe de fes grandes
vertus. On en diftingue de plufieurs fortes. Il y a la
grande angelïque fauvage ou Vangilique des prés , Ange-
lica fylveflrïs , Linn. 361.; & major , C. B. Pin. 155:
Impiratona pratenjis major , Tourn. Inft. 317; la petite
angclique fauvage , Angelica fylveflrïs minorfeu erradca ,
C.B. Pin. I 5 5 : Angelica podagraria dicla , Morif. Umb. 9 :
jEgopodium podagraria , Lin. 379 ; c'eil: la boucage à
feuilles d'angélique de M. de la Marck ; V angelïque de
Canada , Imperatoria lucïda Canadenjis ^ Tourn. Infî. 317;
celle nommée carotte d'Alface , V angelïque à fleurs jaunes
d'Acadie; celle à feuilles étroites des Pyrénées, &c.
Nous ne ferons mention ici que de l'^/2^e7i^r^ vulgaire ,
Angelica fatïva, C. B. Pin. i 55 , L B. 3./?. 2. 140 :
imperatoria fativ a ^l^owxïiAnÇi, 317. On l'appelle au fli
angelïque vulgaire ou à^ jardin, ou archangilique, Ange--,
A N G .3^7
Ika archangelica y Lin. 360. L'^/z^eV/^^^ afa rar/megroiîè
de trois doigts , longue , garnie de beaucoup de fibres ,
brune & ridée à l'extérieur , blanche intérieurement ,
pleine d'un fuc acre , amer , d'une odeur aromatique
très-agréable ; fa tige eft cylindrique , haute de trois
à cinq pieds , droite , creufe , branchue , &c un peu
rougeâtre vers fa bafe ; fes feuilles font alternes , grandes ,
& refîemblent à celle de Vache des marais : {es fleurs
font d'un blanc - verdâtre , en rofe , difpofées en
ombelles: elles naiffent aux fommités des tiges èides
rameaux. Ses ombelles , tant partielles que totales ,
font garnies à leur naiffance d'une petite fraife de
feuilles ; & fon fruit efl compofé de deux petites
graines oblongues , cannelées &c ailées , planes d'un
côté , & entourées d'un rebord , convexes de l'autre ,
& marquées de trois lignes.
Cette plante a une odeur forte , elle fleurit en Mai
Se Juin : elle croît naturellement dans les endroits m.on-
tagneux : on la cultive dans nos jardins. Uangéliquc
fe plaît aulîi dans les lieux humides , en terre grafîë.
Dès que la graine de cette plante eft mûre , il faut
ia femer auffi-tôt : elle ne leveroit pas , ou difficilement,
il on ne la femoit qu'au printemps. Cette plante eft
bifannuelle.
On nous apporte la racine de Vangélique feche , de
Bohême , des Alpes , des Pyrénées & des montagnes
d'Auvergne : la meilleure ell celle qui a une odeur
fuave qui approche un peu du mufc , d'un goût acre
& aromatique ; à cet effet , on a dû la recueillir en
hiver : elle eil fujette à la carie. On confît fa tige
ou côte au fucre : pour cela , on la récolte dans le
mois de Mai , & avant qu'elle foit montée en graine.
On coupe les tiges de la longueur de trois pouces
ou environ , on les blanchit en les faifant bouillir
dans de l'eau , jufqu'à ce qu'elles foient très-tendres :
puis étant égouttées , on leur fait prendre une ving-
taine de bouillons daios du fuçre clarifié j après quoi
3i8 A N G
on les tîre du fîrop & on les met dans les vafesquî
leur font deftinés. Ces tiges aînfi confites , outre qu'elles
font agréables au goût par leur parfum ou faveur
aromatique , font auin très-bonnes pour fortifier Peflo-
mac , faciliter la digeilion , & donner une haleine
agréable ; aufiî font-elles admifes dans les defferts.
Niort en Poitou eu renommé pour confire cette
plante. On fait aufîi , au moyen de fa racine ou
de fes tiges , une liqueur qui eft très-utile & fort
agréable à boire fur la fin d'un grand repas. Linnœus
dit que les peuples de l'Iflande 6l de la Laponie fe
nourriffent des tiges vertes de cette plante, fans en
être incommodés.
Uangélique prife en fubflance eil regardée comme
ftomachique , cordiale , fudorifique , vulnéraire & alexi-
pharmaque. Pour fe préfeiTer de la pefle , on en
fait macérer les racines dans du vinaigre , on les ap-
proche des narines , ou on les mâche , ou bien on
boit à jeun le vinaigre où elles ont été macérées.
On jette de fa racine pulvérifée far les habits pour les
préferver de la contagion.
Angélique épineuse , Aralia arhorefcens , caule
foUifque ociiUatLS , Linn. , Miller. Arbriffeau épineux ,
dont les fleurs ouvertes en rofe font ramafTées en gros
bouquets , form.és par plus de cent petites ombelles
hémifphériques ; fes feuilles fort amples reffemblent
beaucoup à celles de Vangéllquc , leurs pétioles font
fouvent armés d'épines courtes & disantes. Cet ar-
brilTeau fe plaît dans les terrains humides : il croît
naturellement dans le Canada &: la Virginie ; il eft
encore plus eftimable par fa forme fmguliere , que par
la beauté de fes feuilles & fes grands bouquets de
fleurs, il croît à la hauteur de huit à dix pieds ; fa
tige droite , fim.ple , greffe comme le bras , eil marquée
dans prefque toute fa longueur par les cicatrices
demi-circulaires qu'ont laiffé les anciennes feuilles après
leur chute ; elle eil chargée , fur-tout dans fa partie
À N G 319
fiipérieure , de beaucoup d'épines courtes ; le bois ék
blanc & contient beaucoup de moelle.
L'on trouve communément au Para un grand ai'bi^
qui porte aufîi le nom d^arzgélique ; fon bois eil gii-
fâtre , filandreux , 6c l'on s'en fert dans la Guiane
pour faire des canots.
ANGOLA. On donne ce nom à des chats qiîi
viennent d'Angora. Ils font plus grands & plus gros
que les nôti'es ; leur queue eft auiîi plus longue;
leur poil , qui efl tigré , efl long , foyeux &: doux
au- toucher ; effet dépendant du climat chaud dont
ils font originaires. On voit beaucoup de ces chats à
Paris. P^oyei à l'article C/iac.
ANGOLA N , Alangium decapetaliim. Arbre d'un
très-beau port ^ toujours vert , prefque continuelle-
ment chargé de fleurs & de fruits , & qui porte la
cime'jufqu'à cent pieds de hauteur , fous la forme
d'une pyramide majeflueufe. Cet arbre croît au Malabar,
dans les montagnes efcarpées de Mangoîîi. Son tronc,
qui a jufqu'à quatre pieds de diamètre , eil garni de
beaucoup de branches , dont l'écorce verte diï munie
de fortes & longues épines , qui s'alongent par k
fuite en rameaux , & portent comme eux à&^ feuilles
& des fleurs. Les feuilles font entières , oblongues ,
pointues, alternes, épaiffes , molles , glabres , vertes
en deffds , d'un vert-brun en deffous ; leur côte eil
blanche ; les fleurs font blanchâtres , à dix pétales ,
recourbés en arc fous la fleur , & d'une odeur fuave;
elles ont dix étamines ; les fruits font des baies fplié-
riques , d'un rouge-pourpre , plus grolTes qu'une cerife,
bonnes à manger ; elles contiennent deux ou trois
graines prefque orbiculaires. Rhkdz dit que cet arbre
efl pour les peuples du Malabar le fymbole de la
royauté ; prérogative qui lui vient de la difpofîtion
de fes fleurs , qui forment des diadèmes fur fes branches»
Sa racine , réduite en poudre , efî bonne contre la mor-
fure des ferpens ôc contre les vers.
320 A N G
On diflingiie deux autres Angolans ; l'un à fix péta-
les , ôc l'autre à feuilles cotonneuies.
ANGOLÎ. Foyei Cannangoli.
ANGOURE DE LIN. Voye^ Cuscute.
ANGOURIE, Anguria, Genre de plantes à fleurs
monopétales , de la famille des Cucurbltacées _, & qui
comprend des herbes exotiques , farmenteufes & gar-
nies de vrilles. Chaque individu porte deux fortes de
fleurs , les mâles &: les femelles ; les mâles naiffent
plufieurs enfemble fur le même péduncide ; les femelles
font folitaires ; ces fleurs font d'un rouge plus ou moins
vif & pur ; le fruit efl une baie charnue , oblongue ,
pointue ôc divifée en quatre loges qui renferment des
îemences ovales &: aplaties ; on trouve trois efpeces
à^angour'us à la Martinique oc à Saint-Domingue.
ANGUILLARD, Gohïus Anguïllaris^ Linn. CepoiiTon,
qui fe trouve dans la Chine , efl du genre du Gvbk ;
c'eft une efpece de goujon qui a quelque rapport avec
l'anguille par fa forme épaifle &: arrondie, & par la
mucofité qui rend fa furface gliffante. On apperçoit
les veines à travers de fa peau qui efl un peu diaphane.
Sa gueule efl comme émouflTée , & laifle voir les
dents à découvert. Il n'y a qu'une nageoire fur le dos :
& cette nageoire , ainfi que celle de l'anus , fe pro-
longent fur la queue ; les nageoires peûorales font
arrondies & très-petites; toutes les nageoires font d'une
couleur rouge.
ANGUILLE 5 Murœna Anguïlla , Linn. ; en Anglois
Ed\ en Allemand Ahl. Animal alongé comme un fer-
pent , du genre de la murène , revêtu d'une peau
gliflTante ou vifqueufe , fans écailles apparentes , dont
on le dépouille aifément. La tête de Yanguille efl
petite à proportion de fon corps. La ligne latérale efl
droite , un peu plus proche du dos , à la partie anté-
rieure , &: divife le corps par la moitié , depuis l'anus
jufqu'à la queue , avec un rang de pointes au bas de
cette ligne : le corps efl un peu cylindrique , excepté
vers
ANC 3tî
vers la queue , oii elle eu. plus mince & fenfiblement
comprimée par les côtés ; le do3- , les côtés & les
nageoires font d'une couleur noirâtre , mêlée de gris ,
verdâtre dans certaines anguilles , fur-tout dans les
grafles : le ventre eu d'un jaune blanchâtre ; l'anus
plus proche de la tête que de la queue : V anguille
n'a que trois nageoires ; favoir , deux pectorales &
une dorfale , membraneufe , qui fait le tour de la
queue & fe termine à l'anus. Comme les ouïes de ce
poiflbn , ( il ^r en a quatre de part & d'autre ) font pe-
tites & recouvertes d'une peau , il s'étouffe dans les eaux
troubles , épaiiTes , &: peut vivre aifez long-temps hors
de l'eau : c'efl par deux petites fentes fituées près des
nageoires pedcrales que l'animal rejette l'eau.
M. Broujfomt a obfervé que le corps , la tête , & même
les yeux de Tiz/jo^;^///^ font recouverts d'une peau d'un tiffii
ferré , blanchâtre &: parfemé d'une infinité de petits
' points noirâtres. Cette peau eft tranfparente fur les
yeux. Par-tout ailleurs elle efl recouverte d'un épiaer-
me très-fin , noirâtre ; entre ces deux enveloppes font
de petites poches oblongues , d'une à deux lignes de
diamètre , formées par une adhérence de l'épiderme à
la peau , tout autour de ces véficules c|ui font en partie
remplies d'une humeur qui lubréfîe toute la furface du
corps au moyen d'une grande quantité de petits tuyaux;
les écailles font , félon notre Obfarvateur , logées dans
les petites poches dont il vient d'être mention, une
dans chaque poche qu'elle remplit exaftement ; elles
font convexes en dehors ; elles font fixées an corps
par plufieurs vaifieaux qui s'infèrent à la partie concave ;
Leuwenho'éck avoit déjà donné une bonne defcription
& une bonne figure de ces écailles , dont les principales
font répandues lùr tout le corps fans fe toucher : on
peut les diftinguer très-bien fur une peau feche de
On dit que Vanguilk eft le feul des animaux à
;nag€oires qui habite l'eau douce ôc qui entre dans la
Tome /, X '
5ii A N G
mer. On le pêche plus facilement à la foiiane , Scc^
lorfqite l'eau eu trouble : il n'habite guère que le
fond des eaux , dans la vafe , ik ne s'éloigne pas des
bords : s'il s'élève pour refpirer à la furface des eaux ^
ce n'eft qu'à l'approche des orages. La preiïion de
Tatmofphere fe fait fentir alors vraifemblablement
jufque dans le fond des eaux , ce qui ocafionne la
violente agitation de cet animal &c même de beaucoup
de poiflbns.
On eu ailez porté à croire qu'il n'y a qu'ime feule
efpece çi anguilles ; & que les diverfités qu'on obferve
entr'elles en grandeur , en couleur , en figure exté-
rieure , ne dépendent que de la diverfité des lieux,
de nourriture ou d'autres accideils. Les anguilles des
eaux courantes ont le ventre plus blanc &: plus luifant.
On dit qu'il y a des anguilles dans le Gange , qui
ont jufqu'à trente pieds de longueur. En 1754 l'on
en prit une près des rochers de Dunlay en Irlande ,
qui avcit exadement huit pieds de long , &: plus
de neuf pouces de diamètre. Depuis quelques années
on trouve dans les poiiTonneries beaucoup de congres ,
fous le nom ^anguilles de mer.
\J anguille eft vorace ; fa gueule efl médiocrement
fendue ; elle eil hériffée intérieurement de très-petites
dents ; le palais garni de trois offelets dentés. La
mâchoire fupérieure eft un peu plus alongée que
l'inférieure , &: porte à fon extrémité deux bar-
billons courts ; les narines font rondes & fituées près
à.e% yeux. La couleur des iris eil blanche. Elle fe nourrit
de petits poifîbns , de limaces , de vers ; aufîi fe prend-
elle facilement à l'hameçon dormant ; on la pêche aufïi à
l'épinette , à la fcuane , à la nafle , &c. , & plus faci-
lement pendant la nuit. On a vu des anguilles for tir
d'un étang , ou pour paffer dans un autre , ou pour
aller chercher de petits limaçons cachés dans l'herbe :
on en voit qui fe gliffent dans les fontaines , les
puits , les citernes ôi les tuyaux de conduits» V anguille ^
A N G 313-
pôilt ^ordinaire , vit , dit-on , fept à huit ans. Cet
animal a la vie fort dure : {on corps écorché &
coupé par morceaux , remue & palpite pendant un
certain temps , mais fur-tout fon cœur.
Il n'y a point , dit-on , 6" anguilles dans le Danube ^
ni dans les autres rivières qui fe jettent dans ce fleuve;
fi l'on y en met , elles y meurent. Voilà qui eu bien
fingulier , s'il eft vrai que l'on voit des anguilles
vivre dans les marais fulfureux & qui fentent l'alun.
Rien de plus varié que les idées que l'on a eues
fur la reprodudiondes^/2^^z^i//e5. La difficulté qu'il y avoit
à découvrir les parties de la génération de ces animaux >
qui font enveloppées de graiffe , avoit donné lieu à
beaucoup d'erreurs. On voidoit que les anguilles tiraf-
fent leur origine des épcrlans ^ àes perches 6c de Vable^
parce que l'on prenoit pour des anguilles de petits
vers qu'on trouve dans les ouïes de ces poilTons : la
plupart des Pêcheurs font encore dans cette erreur ;
mais la Nature fuit toujours fa marche dans la multi-
plication des êtres. Parmi le grand nombre d'Auteurs
qui ont donné la defcription anatomique de V anguille ^
y'alifnuri eft le feul qui ait donné une bonne figure
avec une defcription des organes des deux fexes qui
font fitués hors du péritoine & difpofés en grappe
comme dans la lamproie. Il efl rare , dit M. Bwiijfomt^
qu'on prenne une anguille œuvée ; il paroît , dit^il ,
que les œufs prennent un accroiffement très -prompt
dans ces animaux , &: qu'ils fe cachent dans la vafa
au moment où ils doivent les jeter. Quelques - uns
veulent encore que les anguilles foient vivipares comme
les vipères , quoiqu'elles tirent leur origine d'œufs ;
mais ces œufs éclofent dans le corps de la mère , Ôt
elle met au monde fes petits tout vivans. D'autres
prétendent que "^anguille n'efl point un poiiTon , mais
une efpece de ferpent d'eau.
12 anguille multiplie -t-«lle dans l'eali douce ? C'eft
une chofe qui ne paroît pas encore bien décidée. RUl
X 2^'
324 A N G
afliirc que les anpnlUs de la rivière d'Arfto defcendent
tous les ans au mois d'Août vers la mer , pour y
faire leurs petits , & qu'elles remontent de la mer
vers cette rivière jufqu'à Pife , régulièrement depuis
le mois de Février jufqu'en Avril.
Vanguilb eft un mets très-agréable ; fur-tout celle
à ventre blanc & argenté ; mais comme elle contient
beaucoup de parties vifqueufes & groffieres , elle eli
difficile à digérer &: contraire aux eilomacs délicats :
rc^tie elle qH plus faine , parce qu'elle efl dégagée de
fon flegme vifqueux. Dans la Provence &: le Lan-
guedoc ( où l'on donne le nom de margaignon à
VanguilU mâle , parce qu'elle a la tête plus courte ,
plus groffe & plus large que la femelle , que l'en
appelle anguille fine ) on fale la chair de cet animal
pour la conferver & pour corriger par le fel la mau-
vaife qualité qui lui vient de fa vilcofité. Les Juifs ,
qui comprennent Vangullle dans la défenfe faite par
la loi , de m.anger des poiffons fans écailles ne s'abf-
tiendroient point aujoiu-d'hui de cet aliment , s'ils
cultivoient l:Hiftoire Naturelle. Ce précepte étoit mal
interprété aufTi chez les Romains; une loi de Numa
défendoit de facriiîer des Poifibns fans écailles... Les
payfans de plufieurs pays du Nord , au rapport de
M. Broujfonet , qui long-temps avant Leuwenhoick , con-
noiffoient les écailles de VanguilU , les ramaffoient avec
foin pour les mêler avec le blanc delliné à blanchir
les murs de leurs maifons, qui acquéroit par-là un
brillant agréable , particulièrement lorfqu'elles étoient
éclairées par le foleil ; on pourroit bien appeler ceci
blanc à Vkailk, Les Kamtfchadales mangent rarement
de VanguilU; ils donnent cet animal à leurs chiens.
On dit que quelques Maquignons intrcduifent des
anguilles dans le fondement des chevaux pour les
faire paroitre plus gras & plus alertes. On pré-
tend aufTi qu'il y a des Maréchaux oui font prendre
par la bouche à un cheval pouffif une anguille
A N G 325
en vie , pour qu'elle le purge en pa fiant à travers
les inteilins.
Anguille animalcule. On lui a donné ce nom
à caufe de fa forme mince &C alongée. On ne découvre
ces animalcules qu'à l'aide du microfcope dans certaines
liqueurs , telles que le vinaigre , l'infufion de la pouf-
iiere du blé niellé , ôc dans la colle de la farine.
M. Nkdham a vu fortir de ces angullUs , qui fe voient
dans la colle de farine, d'autres angidlks toutes vivantes.
La multiplication d'une feule a été jufqu'à cent fix.
Foyei VarticU ANIMALCULE.
Anguille torpille de Cayenne & de Surinam ,
ou Anguille Electrique , Angidlla lacuflrïs tnmorcm
infercns , aut Gymnotus eleclriciis , Linn. On trouve dans
quelques contrées méridionales de l'Amérique , notam*
ment à Cayenne , dans les eaux douces des trous de
favannes ou des prairies 6c vers l'embouchure des
grandes rivières , ime efpece à'anguiUe fort épaiffe ,
ayant quelques petites fentes qui ont un peu de reiTem-
blance avec les évents de la lamproie ; fes ouïes font
étroites , obliques. Cette anguille , privée de nageoires
dorfales & ventrales , eil liiie fur le dos & fillonnée
par dès rides fur les côtés. La tête eft courte , un
peu plus large que le corps , plate en deiTus , inclinée
par le bout fupérieur , nue & dépourvue d'écaillés ;.
l'ouverture de la gueule affez ample; les lèvres font
molles , épaiffes , charnues , & recouvrent les dents
qui font liombreufes , petites, aiguës &: dilpofées comme
par pelotons fur les bords intérieurs des mâchoires ;
la mâchoire de deffous dépaffe celle de deilus ; la
langue q£i large , arrondie à fon fcmmet. Les narines
font fituées vers le bord de la partie antérieure de
la mâchoire de defftis ; elles font percées chacune de
deux trous voifins l'un de l'autre , & dont l'antérieur
eft couvert par une efpece de valvule qui a la forme d'urr
mamelon. Les yeux font placés loin l'un de l'autre,
fur les côtés du haut de k tête j ils font ronds , petiis
^i6 A N G
& recouverts par la peau de la tête. On voit au pouf-
tcur de la tête de larges orifices qui appartiennent à
certains canaux placés fous la peau : ces orifices font
des tuyaux excréteiu-s qui fourniflent une liqueiu- parti-
culière propre à lubréfier la tête. Le corps de ce poifîbn
refiemble alfez à celui de V anguille vulgaire ; la nageoire
de l'anus fe prolonge jufqu'à rextrémité de la partie
inférieure de ce poiflbn ; car la queue efl dépourvue
.de cette efpece de nageoire qui la termine dans la
plupart des poifibns. La queue eft très-aplatie latéra-
lement. Les lignes latérales offrent une file de petits
trous 5 d'où fort , par la comprefîion , une humeur
vifqueufe. Les nageoires pedorales font comme celles
de l'anus , couvertes d'une peau épaiffe &: dont les
bords ont une efpece de fmnge foyeufe : la peau de
ce poifibn efl très-adhérente au corps &: dépourvue
d'écaillés ; le defTus de ce poiiTon efi: noirâtre ^ mais
le deffous eft d'un blanc rougeâtre. Ce poiflbn ne peut
avancer dans l'eau qu'en exécutant une efpece de mou-
vement d'ondulation. Cette angidlU efl du genre du
gymnote ; on la nomme tremblante , parce qu'en la
touchant , ou de la main , ou avec un bâton , ou avec
ime verge de fer , elle caufe un tremblement forcé &
involontaire, & qui fait tomber dans le moment ce
qu'on tient à la main. Les Sauvages prétendent même
que V anguille tremblante^ frappant les autres poiiTons
avec fa queue , elle les endort &: les prend facilement
pour les m.anger enfuite. Mais il paroît que lorfque
cette anguille veut s'emparer d'un poiflbn ou d'une
autre proie animée , elle s'avance vers lui comme pour
le faifir ; &; dans l'inftant , fans le toucher , elle lui
donne fon choc , &. on le voit auffi-tôt tourner fur
le dos 5 tantôt mort , tantôt feulement étourdi. Il paroît
ainfi par cette manœuvre que le plus grand effet
de la com.mction efl au devant de là tête. M. de la
Condamine a obfervé que cet animal fe trouve aufH
aux environs de Para , dans la rivière des Amazones.
A N G^ ^ 52^
( Sa chair n'efi: pas d'un ufage également fain pour
tout le monde ). Cet effet éledrique a beaucoup de
rapport avec celui qu'occafionne la torpille,
M. Adanfon , dans fon Voyage au Sénégal , dit qu'il
y a dans le fleuve Niger un animal , qui efl éledtriqué
aujFi , mais qui a quelques barbillons à la gueule :
les Nègres l'appellent Onanïcar ; c'ell le Tremblcur. Voyez
ce mot, Confultez maintenant V article Torpille , oii
le ledeur trouvera nombre de faits très-curieux fur
la propriété éledrique de V anguille torpille.
Anguille de haie , ou Couleuvre serpen-
tine , ou Serpent c'r.AU. C'efl le Serpent â collier.
Foyei à r article CharbONIER.
Anguille de mer. Foyc^ Congre.
Anguille de sable , ou Appât de vase , Ammo*
dytes Tobianus , Linn. , Anguilla de arena. Petit poifTon
de la longueur de fix à dix pouces^ dont le dos efl
bleu , le ventre & les côtes de couleur argentée.
C'efl: à tort , dit M. Broujfonet , que l'on a repréfenté
ce poiflbn avec deux nageoires fur le dos , il n'en a
réellement qu'une , on y compte cinquante quatre rayons.
Son mufeau eft très-effilé. La mâchoire de delîbus plus
avancée que celle de deffus ; la gueule très-fendue , &
fans dents ; fes écailles font fi petites qu'elles ont
échappé à l'examen de tous les Ydhyologifles ; elles
forment des lignes obliques diftindes entr'elles. Lorfque
ce poilTon ouvre la gueule , la lèvre fupérieure forme
une avance comme dans la Dorée. Sa langue elî longue
& aiguë ; fes ouïes font garnies de barbillons. La
nageoire de l'anus efl garnie de vingt-huit rayons ; les
nageoires pedorales en ont douze, il n'a point de
nageoires abdominales ; la queue efl peu échancrée.
Ce poiffon , qui efl très - commun fur les côtes de
rOcéan , en Angleterre , fe voit aufTi en France du
côté de Boulogne , & fur les plages de la Zélande.
On le trouve aulîi en Amérique , à Terre-Neuve , &:c.
Dans de certains temps de l'année , foiî pour éviter
X 4
328 A N G A N H
les maquereaux & autres poillbns fes ennemis , foît
par un infLintl: de la Nature , il quitte Peau pour
s'enfouir dans le fable jufqu'à la profondeur d'un demi-
pied ; c'efl-là qu'on le prend avec des bâtons ou avec
un croc , ou avec une herfe faite exprès & traînée
par des bœufs. Les pêcheurs profitent du moment
oii la marée a laifle le fable à fec. Dans cette efpece ,
qui efr du genre de VAuimodyu , le mâle a le corps
plus court & plus épais que celui de la femelle. Ce
poiiibn efl le fandili des Anglois. Lïnncziis dit que
V appât de vafe fe replie circulairement fur lui-même ,
de manière que fa tête occupe le centre du cercle
qu'il forme , & pénètre par fon extrémité le fable
où il fe tient caché. Les pauvres gens fe nourriffent
de ce poiiTon ; fa chair efî ferme ; les autres poiffons
en font avides.
Anguille trembleuse. Voyez Anguille torpille
de Caycnm , & l'article TorpïlU.
ANHÎMA ou Camîchy. Voyez Kamichi,
ANHINGA, Oifeau aquatique que les François de
la Guiane , dit B ancre , nomment plongeon. C'efl ,
félon Matcgrave , l'oifeau nipïnamhis des Bréfilois.
'Uanhinga fe trouve aufli à Cayenne , & il paroît
exifler dans les deux Continens ; car il a été obfervé
au Sénégal par M. Adanfon , & M. de Buffon en a
reçu un de Madagafcar , qui fe rapproche de Vanhïnga.
noir de Cayenne , repréfenté ^pl. enl, 960 , c'eft le mâle ;
^ 959 la femelle.
Y!anKinga eft aufîi fmgulier par fa forme que par
fes m.œurs. Il eil d'un genre particulier : les quatre
doigvs de chaque patte tiennent enfemble par une
membrane commune. Son bec efl droit , pointu, & l'ongle
du doigt antérieur &: intermédiaire eil: dentelé com.me
une fcie. Sa queue eil large , longue d'un pied &:
demi ; fon cou long d'un pied , mince , eiîilé , d'une
feule venue , une tête étroite , aplatie , alongée ; tout ,
même dans l'oifeau privé de la vie, le fait reitcmbler
A N H A N I 329
à un reptile. Mais fa rellemblance avec un ferpenî eu
fur-tout frappante , lorfque , vivant , il plie , contourne ,
déploie , replie fon long cou. Quoique palmé , il fe
perche fur les arbres ; il y fait fon nid , & c'ell de
deffus leurs branches qu'il s'clance pour faifir le poiiTon
dont il fe nourrit. Aux facultés des oifeaux de terre y
il joint celles des oifeaux aquatiques , il nage , il
plonge &c il s'exerce librement au milieu des eaux ^
ainfi que dans l'air ; mais il fe pofe rarement à terre :
il eu d'un naturel fauvage 6c craintif; il fuit de loin
& cherche à fe dérober à la vue en plongeant. A tant
de finguîarités , <k. aux caraderes particuliers indiqués
ci-dellus , il faut encore ajouter que la peau de
Vanhinga eit excelTivement dure , qu'elle a une texture ou
confnlance qui la rapprochent de celle des quadrupèdes»
Uanh'mga a deux pieds neuf pouces de longueur
depuis le bout du bec jufqu'à celui de la queue ; fon
envergure eil de plus de trois pieds ; les plumes de
la tête 5 de la gorge , du cou , font fines , douces au
toucher comme de la foie. La tête & le haut du cou
font d'un gris rouffâtre ; la gorge & le bas du cou
font gris ; le dos eft noirâtre , varié de taches oblongues
& blanchâtres ; le deffous du corps , d'un gris argenté ;
fa queue , qui efl compofée de douze plumes ^ forme
un éventail arrondi ; ces plumes font d'un noir bril-
lant , fillonnées ou ornées de cannelures tranfverfales
telles qu'on en exécute fur certaines boîtes d'écaillé ,
& frangées de roufsâtre à leur extrémité. Le bec &
les pieds font d'un gris jaunâtre ; les yeux noirs &;
l'iris couleur d'or.
luanhinga du Sénégal , pL enl, 1 07 , a le plumage
chargé de roux, tracé par pinceaux fur un fond brun
noirâtre.
ANI. Foyei Bout de petun.
ANIL. Foyci Indigo.
ANIMAL. Qu'eft - ce que V animal ? Voilà , dit
M. Diderot y une de ces queilions dont on eft d'autant
330 A N I
plus embarraiTé , qu'on a plus de phiîofophîe , & plus
de coRjioifîance de i'FMoire Naturelle. Le mot animal ,
dit M. de Buffon , dans l'acception oii nous le prenons
ordinairement , r^préfente une idée générale , forméa
^.QS idées particulières qu'on s'eil faites de quelques
animaux particuliers. Uidée générale que nous nous
fommes formée de V animal , fera , fi vous voulez ,
prife principalem.ent de l'idée particulière du chien ,
du cheval , ou d'autres bêtes qui nous paroiffent avoir
de l'intelligence & de la volonté , qui femblent fe
mouvoir & fe déterminer fuivant cette volonté , qui
font compofées de chair & de fang , qui cherchent
& prennent leur nourriture , & qui ont des fens ,
des fexes , & la faculté de fe reproduire. Nous joignons
donc enfemble une grande quantité d'idées particulières ,
lorfque nous nous formons l'idée générale que nous
exprimons par le mot Animal ; & l'on doit obferver
que dans le grand nombre de ces idées particulières ,
il n'y en a pas une qui conflitue l'effence de l'idée
générale ; car il y a , de l'aveu de tout le monde ,
^ç.s animaux qui paroiffent n'avoir aucune intelligence ,
aucune volonté , aucun mouvement progreffif : il y en
a qui n'ont ni chair ni fang, & qui ne paroiffent
être qu'une glaire congelée : il y en a qui ne peuvent
chercher leur nourriture , & qui ne la reçoivent que
de l'élément qu'ils habitent ; enfin il y en a qui n'ont
point de {tns , pas même celui du toucher , au moins
à un degré qui nous foit feniible. Il y en a qui n'ont
point l'apparence de fexe , d'autres qui les ont tous
deux ; &; il ne reffe de général à V animal que ce qui
lui eff commun avec le végétal , c'eff-à-dire , la faculté
de fe reproduire. C'eff donc du tout enfemble qu'eff
compofée l'idée générale ; & ce tout étant compofé
de parties différentes , il y a néceffairement entre ces
parties des degrés & des nuances. Un infe6le , dans
ce fens , eff quelque chofe de moins animal qu'un
chien : une huître encore moins animal qu'un infede ;
A N I 531
la galîe-infe£ïe , une ortie de mer & un polype le font
encore moins qu'une huître ; & comme la Nature
va par nuances infenfibles , nous devons trouver des
animaux qui font encore moins animaux qu'une ortie
de mer ou un polype. En vain donc , par ces mots
Animal 6c Végétal , prétendons - nous tirer des
lignes de fëparation entre les corps organifés & les
corps bruts. Ces lignes de féparation n'exiltent point
dans la Nature : il y a des êtres qui ne {ont m animaux ,
ni végétaux , ni minéraux , & qu'on tenteroit vaine-
ment de rapporter aux uns ou aux autres ; tels font
les polypes d\aiL douce , qu'on pevit regarder comme
faifant la nuance entre V animal & le végétal , &
confidérer comme le dernier animal &c la première
jàes plantes. AufTi quels furent les doutes & les incer-
titudes de M. TnmbUy , pour reconnoître fi ce polype
étoit un animal ou un végétal ? Il exifle donc dans
la Nature une quantité d'êtres organifés , qui ne font
ni l'un ni l'autre ; tels font ces corps mouvans que
l'on trouve dans les liqueurs féminales , ( ceux-ci font
des molécules organiques , ) dans la chair infufée des
animaux , dans les graines éi les autres parties infufées
des plantes. Ce font ces corps organifés ( ^ ) , êtres
intermédiaires , qui , fans être des animaux ou des végé-
taux , pourroient bien entrer dans la conilitution des uns
& des autres.
Dans la foule d'objets que nous préfente ce vafle
globe , dans le nombre infini des différentes produdions
'dont fa fur face efl couverte & peuplée , les animaux
tiennent le premier rang , tant par la conformité qu'ils
(a) Ct% corps organifés, dit M. HalUr , font de véritables animaux,
Les Obfervateurs les plus exafts & les mieux fournis en microfcopeSa
leur ont reconnu toutes les qualités qui indiquent la fpontanéité. Il
femble que ceux qui ont penfé différemment, ont "confondu le déve-
loppement de quelques polypes microfcopiques , avec celui de quelques
petites plantes du genre du mucor. Vanimal mange , & il a toujours
quelque partie de fon corps entier qui eft doué d'un mouvement ,
dont le principe eft dans lui-même. Dici, d^WJl, Nat» de Bomarz, Edit,
d'Yvcrdon , i-jôS , page 284 , Tome I»
5Î2 A N I
ont avec nous , que par la fupériorlté que nous leur
connoiffons fur les êtres végétaux ou inanimés. Les
animaux ont par leurs fens , par leur forme , par leur
mouvement , beaucoup plus de rapport avec les chofes
qui les environnent , que n'en ont les végétaux ; &c
les végétaux , par leur développement , par leur figure ,
par leurs accroiiïemens , par leur circulation manifefle ,
& par leurs différentes parties , ont auiîi un plus
grand nombre de rapports avec les objets extérieurs ,
que n'en ont les minéraux &c les pierres qui n'ont
aucune forte de vie , aucune organifation. C'eft par
ce plus grand nombre de rapports que Vanimal eft
au - deifus du végétal , & le végétal au - delius du
minéral.
On peut donc dire que , quoique tous les ouvrages
du Créateiu: foient tous également parfaits , Vanimal
eu , félon notre façon d'appercevoir , l'ouvrage le plus
complet , & que l'homme en eil le chef-d'œuvre.
En effet , fi l'on confidere Vanimal , que de refforts ,
que de forces , que de machines &; de mouvemens font
renfermés dans cette partie de matière qui compofe
le corps d'un animal I Que de rapports , que d'har-
monie , que de correfpondances entre les parties !
Combien de combinaifons , d'arrangemens , de caufes ,
d'effets , de principes , qui tous concourent au même
but , &: que nous ne connoifTons que par des rélvdtats
il difficiles à comprendre , qu'ils n'ont cefle d'être des
merveilles que par l'habitude que nous avons prife
de n'y pas refléchir ! Quelle autre merveille fe préiente
dans la fucceffion , dans le renouvellement & la durée
des efpeces ! Quelle unité merveilleufe , toujours fubfil-
tante oc qui paroi t éternelle !
Pour faire donc Philloire de Vanimal , il faut
d'abord reconnoître avec exaditude l'ordre général
des rapports qui lui font propres , ck diflinguer enfuite
les rapports qui lui font communs avec les végétaux
& les minéraux.
A N I 33^
1? animal n'a de commun avec le minéral , que les
qualités de la matière prife généralement : fon économie
efl toute dilFérente. Le minéral n'eft qu'une matière
brute , n'obéiffant qu'à la force généralement répandue
dans l'Univers. U animal réunit toutes les puiffances de
la Nature ; les fources qui l'animent lui font propres
& particulières ; il veut , il agit , il fe détermine , il
opère , il perçoit ou connoît , il efi doué de mémoire ^
il communique par fes fens avec les objets les plus
éloignés : il peut fentir , parce qu'il efi: animé ; fon
individu efl un centre oii tout fe rapporte , un point
ou l'Univers entier fe réfléchit , un monde en raccourci.
Voilà les rapports qui lui font propres. Ceux qui lui
font communs avec les végétaux , font les facultés
de croître , de fe développer , de fe reproduire , de fe
multiplier. On conçoit bien que toutes ces vérités
s'obfcurciffent fur les limites des règnes.
La différence la plus apparente entre les animaux
& les végétaux , paroît être cette faculté de fe mou-
voir ôc de changer de lieu , dont les animaux font
doués , & qui n'eil pas donnée aux végétaux ; mais
nous voyons plufieurs efpeces d'animaux , comme les
huîtres , les galU-infccles , &:c. auxquelles ce mouvement
( notamment le mouvement progrefTif de leur tout )
paroît avoir été refufé. Cette différence n'efl donc pas
générale &; néceffaire.
La différence la plus efTentielle entre les animaux
& les végétaux , qui paroîtroit fe tirer de la faculté
de fentir , n'efl pas générale , ni même bien décidée :
car fi par fentir nous entendons feulement faire une
aftion de mouvement à l'occafîon d'un choc ou d'une
réfiflance , nous trouverons que la plante , appelée
fenjidve , efl capable de cette efpece de fentiment
comme les animaux. ( Ce fentiment chez les plantes
fenfitives paroît purement organique ; elles ne fentent
point , elles n'ont point la faculté tonique , cette action^
attribut étranger à la matière , même organisée , efl
334 , A N I _
l'effet de la faculté de fentir , propriété qiiî peut être
regardée , û l'on veut , comme le dernier terme ou
le premier figne apperçu de Panimalité. ) La troifieme
différence pourroit être dans la manière de fe nourrir.
Les animaux , par le moyen de quelques organes ex-
térieurs , iailiflent les choies qui leur conviennent ,
vont chercher leur pfiture , &C choifilTent leurs alimens :
les plantes , au contraire , paroiffent être réduites à
l'aliment que la terre veut bien leur fournir. Cependant
fi l'on fait attention à l'organifation des plantes , on
verra que les racines fe détournent d'un obftacle ou
d'une veine de mauvais terrain pour aller chercher
la bonne terre. La différence entre les végétaux 6c
les animaux ne peut donc point s'établir fur la ma-
nière dont ils fe nourriffent.
Cet examen nous conduit à reconnoitre évidem-
ment qu'il n'y a aucune différence abfolument effen-
tielle &c générale entre les animaux 6c les végétaux,
( il faut avouer que nombre de propriétés rapprochent
infiniment les plantes des animaux , ) mais que la Na-
ture defcend par degrés 6c par nuances imperceptibles ,
d'un animal qui nous paroît le plus parfait , à celui
qui l'efl le moins , 6c de celui-ci au végétal. On en
voit un exemple frappant dans le polype d'eau douce.
La Nature ne fuit pas la même loi dans le paflage
du végétal au minéral : le paffage en elf bnifque ; 6c
la fuccefïion infenfible des nuances paroît fe démentir.
Il elî d'autres iburces d'analogie entre ces deux
clafTes d'êtres organifés. Si nous recherchons les ref-
femblances des animaux &: des végétaux , nous en
trouverons d'abord une qui efl très-efientielle : c'efl
la faculté commune à tous deux de fe reproduire;
faculté qui fuppofe plus d'analogie & de choies fem-
blables , que nous ne pouvons l'imaginer , & qui
doit nous faire croire que pour la nature les ani-
maux 6c les végétaux font phyfiquement des êtres
à-peu-près du même ordre.
A N I _ 335
Une féconde reffemblance peut fe tirer du dévelop-
pement de leurs parties : propriété qui leur eil com-
mune ; car les végétaux ont ^ aufii bien que les ani-
maux , la faculté de croître ; & fi la manière dont
ils fe développent eu diftércnte , elle ne Veû pas
totalement ni efîentiellement ; puifqu'il y a dans les
animaux des parties très-confidérables , comme les
os , les cheveux , les ongles , les cornes , &c. dont
le développement eil une forte de végétation ; & que
dans les premiers temps de la formation le fœtus vé-
gète plutôt qu'il ne vit.
Une troifieme reffemblance , c^eû qu'il y a des ani-
maux qui fe reproduifent comme des plantes , & par
les mêmes moyens : la multiplication des pucerons ,
qui fe fait fans accouplement , eil femblable à celle
des plantes par les graines ; & celle des polypes , qui
fe fait en les coupant , reifemble à la multiplication
des arbres par bouture.
On peut donc ailurer , avec plus de fondement
encore , que les animaux &. les végétaux font des
ctres du même ordre ; èi que la Nature femble avoir
paile des uns aux autres par des nuances infenfibles ,
puifqu'ils ont entr'eux des reilemblances eiTentielles
& générales , & qu'ils n'ont aucune différence qu'on
puiffe regarder comme telle.
Si nous com.parons maintenant les animaux aux vé-
gétaux fous d'autres faces , par exemple , par rapport
au nombre , au lieu , à la grandeur , à la force , ôcc»
nous en tirerons de nouvelles indu^lions.
Le nombre des efpeces d'animaux eil beaucoup plus
grand que celui des efpeces de plantes ; car dans le
feul genre des infedes , il y a peut-être un plus graiid
nombre d'efpeces , dont la plupart échappent à nos
yeux 5 qu'il n'y a d'efpeces de plantes vifibles fur la
ïlirface de la terre. Les animaux ont entr'eux des dif-
férences bien plus fenfibles , que n'en ont les plantes
«entr'elles j ce qui fait la difHculté de les recomioîîre
336 A N I
èc de les ranger. Le nombre des efpeces d'anîmaitx
eft donc beaucoup plus grand que celui des efpeces de
plantes. Mais que l'on compare la quantité d'indi-
vidus des animaux & des plantes efpece à efpece , on
verra que chaque efpece de plante eft plus abon-
dante que chaque efpece d'animal.
Il faut avouer que dans certains ordres d'animaiLX ,
tels que les abeilles^ les poiffons &c les coquillages ,
il y a des efpeces qui paroilïent être extrêmement
abondantes : les huîtres , les harengs , les puces , les
hannetons , font peut-être en auffi grand nombre que
les moujfes , & les autres plantes les plus communies :
mais , à tout prendre , on remarquera aifém.ent que
la plus grande partie des efpeces d'animaux eil moins
abondante en individus que les efpeces de plantes.
Il paroît par tout ce qui précède , que les efpeces
les plus viles , les plus petites à nos yeux ^ font les
plus abondantes en individus , tant dans les animaux
que dans les plantes. On a lieu , dans cet ordre de
chofes , d'admirer la fagefîe de la Providence : fi les
grands animaux euffent été en auiïi grande abondance
que les infeûes , ces efpeces monftrueufes euffent bien-
tôt couvert la furface de la terre & rempli la pro-
fondeur des mers. La terre & les eaux n'euffent plus
fuffi à les nouiTir.
La génération des animaux s'opère de différentes
façons : la plus grande partie fe perpétue par la co-
pulation ; cependant il iëmble que la plupart des oi-
feaux ( quoique munis d'une verge double ) ne faf-
fent que comprimer fortement la femelle ; dans les
poiffons , au contraire , le membre néceffaire à Tafte
de la copulation n'exiflant pas , les mâles font obligés
de répandre la liqueur contenue dans leurs laites llu:
les œufs que la femelle laiffe couler alors. Il y a donc
des animaux qui ont des fexes & des parties propres
à la copulation ; d'autres qui or' aufii des fexes , &:
qui manquent des parties néceffaires à cet a<^e ;
d'autres
A N I ^ 337
d*autres , comme les limaçons , ont des parties propres
à la copulation , &: ont en même temps les deux
lexes ; d'autres , comme les pucerons , n'ont point de
fexe , font également pères ou mères , oc engendrent
d'eux-m^êmes fans une copulation apparente.
D'ailleurs , il y a encore im avantage pour recon-
noître les efpeces d'animaux , & pour les diUinguer les
vines des autres: c'efl qu'on doit regarder comme la
même efpece celle qui , au moyen de la copulation ,
fe perpétue & conferve la fimilitude de cette efpece ;
& comme des efpeces dilférentes , celles qui , par les
mêmes moyens , ne peuvent rien produire enfemble ,
ou dont il ne réfulte qu'un animal mi-partï , une ef-
pece de mukt y qui n'a pas la faculté de reproduire.
Dans les plantes on n'a pas le même avantage.
Prefque tous les animaux , à l'exception de l'homme ,'
ont , chaque année des temps marqués pour la géné-
ration. Le printemps eil: pour les oifeaux la faiicn de
leurs amours ; les carpes traient durant la plus grande
chaleur de l'année ; les chats fe cherchent dans ks mois
de Janvier , de Mai ëc de Septembre ; les chevreuils
au mois de Décembre ; les loups en Janvier ; les che-
vaux en été ; les cerfs en Septembre &: Octobre ;
prefque tous les infecles ne fe jo'giient qu'en automne ^
&:c. Les uns , comme ces derniers , femblent s'épuifer
totalement pcir l'a£le de la génération , & en effet ils
meurent peu de temps après. Foyei à ranick Ver
A SOIE. D'autres animaux ne s'épuifent pas jufqu'à
l'extinclion de la vie; mais ils deviennent , comme
les cerfs , d'une maigreur extrême & d'une grande
foibleife , & il leur laut un temps confidérable pour
réparer la perte qu'ils ont faite de leur fubflance or-
ganique. D'autres s'épuifent encore moins, & font en
état d'engendrer plus fouvent. D'autres enfxn , com.me
rhomme , s'épuifent peu , & font en état de réparer
promptement la perte qu'ils ont faite , &: ils font aiilîi
$\\ tout temps en état d'engeadrçr \ cela dépend uni-;
Tomi L Y
338 A N I. ^
qiiement de la confiitiition particuliers? des organes de
ces ammaux. Foyci l'article GÉNÉRATION.
FaiTons maintenant à la comparai fon des animaux
èc des végétaux , pour le lieu , la grandeur 6z la forme»
La terre efl le leul lieu où les végétaux puifTent
fubfifcer. Tous ont befoin , pour cela , d'être placés à
fa furface. Les animaux , au contraire , font plus
généralement répandus ; les uns habitent la furface ,
les autres l'intérieur de la terre ; ceux-ci vivent au
fond des mers ; ceux-là les parcourent à une hauteur
médîoa-e ; il y en a dans Pair , dans l'inténeur des
plantes , dans les liqueurs : on en trouve jufque dans
les pierres , tels font les dails,
C^e^ encore une queftion ou un phénomène très-
ciirieux que la formation d'un nombre prodigieux
d'animaux nés dans d'autres animaux ( ^ ). Le replis
de l'anus d'un cheval ou d'un bœuf, le nez d'un
mouton, le gofier d'un cerf, les entrailles de l'homme,
la peau de prefque tout ce qui refpire , deviennent le
ilid , la patrie d'une infinité d'infe£les. Ainli tous les
(j) Tandis que les Philofophes peignent la Nature en grand , &
s'eftovcent de rapporter à une théorie générale les phénomènes connus ,
elle en laiffe échapper d'autres de temps en temps. qui les étonnent, les
arrêtent & les humilient ; telles font les obfervations qui fuivent , &
qu'on a tirées d'un Auteur Anglois.
On trouve far la côte de la mer Adriatique , près dWncône , des
pierres très-dures qui pefent vingt livres, Lorfqu'on çaffe ces pierres,
en y découvre de petits animaux à coquilles , vivans, d'un goût exquis,
que l'on nomme Solcnes. Ce fait eft attefté par plufieurs Auteurs ,
entr'autres par Aldrovande , qui en paris comme d'une chofe générale-
itient connue , & dont il a été lui-même témoin. Voici un autre fait
certifié & configné dans plufieurs Journaux. Un particulier de Verfailles
fouffroit des douleurs d'eftomac , qui ruinoient totalement fa fanté : on
employa inutilement toutes fortes de remèdes. Après qu'il fut mort , on
ouvrit fon cadavre , & l'on trouva dans Teftomac un crapaud vivant d'une
groffeur f onfidérable.
M. Hubert , ancien Profelfeur de Phîlofophîe à Caen , a mandé à
M. Varignon , en 171 9 , qu'on venoit de trouver dans le tronc d'un
orme très-gros , un crnpaud vivant , quoique l'arbre fût abfolument fain.
Dès que le bois fut fendu , le crapaud , qui étoit de taille médiocre ,
maigre & qui n'occupoit qu« fa petite place , fortit Se s'échappa fort vite.
Il eft parlé auffi can» les Mémoires dt l'Académ!: , d'un autre crapaud
ttouvé Tivant & fain dans le ççeur d'ua chênç , plus gros «ncore que
A N I 539
animaux fe nôiirriffent les uns des autres ^ eoîiimc ils
fe clétruifent les uns par les autres.
Par l'ufage du microicope , on prétend encore avoir
découvert un grand nombre de nouvelles efpeces cFani-
maux fort dificrentes entre elles ; tandis OT.e la petite
mouffe , proculte par la moifiliiire , eu peut-être la
feule plante microfcopique dont on ait parlé. Les ef-
peces de plantes étant li difficiles à difîinguer , ne pour?
roit-il pa:j ié faire que cette moifiilure , que nous ne
prenons que pour une rnoulie infiniment petite , fût
une efpece de bois ou de jardin , peuplé d'un grand
nombre de plantes très-diftérentes y mais dont les dif-
férences échappent à nos yeux ?
En comparant la grandeur des animaux ôc des plan-
tes , il efl utile de confidérer les termes extrêmes oii
la Nature femble s'être bornée. Le grand paroit être
allez égal dans les animaux 6c dans les plantes :
une grolTe baldîie & un gros arbre font d'un vo-
lume qui n'eit pas fort inégal ; tandis qu'en petit ,
on a cru voir des animaux dont un millier reunis ,
l'orme précédent , & qu'on préfume y avoir fubfidé fans air & fans
aliment é ranger, dit M, Seigne , depuis quatre-vingts ou cent ans.
En démol'lt.nt , en 1771 , un mur bâti depuis environ quarante ans,
dans un des châteaux de S. A. S. Mgr. le Duc d^ Orléans , on trouva un
crapai.d vivant enfermé dans l'épaiffeur de ce mur , & qui sCiremenÉ
étoit enfermé dans ce maflif depuis fa conftruftion , puifqu'on lui trouva
l«s pattes de derrière prifes dans le plâtre. Ce fait, rapporté à l'Académie
des Sciences , donna lieu à l'expérience fuivante : Le 24 Janvier 1772,
M. Hérijfant plaça , en préfence de l'Académ.ie , trois crapauds dans une
boîte féparée par autant de cloifons : il emplit la boîte de plâtre délayé,
de minière ,que les crapauds vivans y furent enfevelis. La boîte fut
confervée en cet état dans l'appartement même de l'Académie. Le 7 Avril
1773, on ouvrit la boîte, on brifa ce plâtre qyi s'étoit fortement
contoîidé , & on trouva un crapaud mort 8c les deux autres pleins de vie.
* On a vu de même des ferpens & des grenouilles enfermés, & vivans
ainfi dans d«s corps folides. Combien d'autres efpeces de ces folitoires
rnervcilleux ne cite-t-on pas tous les jours? Ces faits , fi contraires à
la marche ÔC au fyftême ordinaire de la Nature , paroiiTent atteftés par
un fi grand nombre de perfonnes , que l'on a pe-ne à en douter,
Voy, le Mémoire fur les animaux vivans trouvés dans le centre des
pierres les plus dures , fans aucune ijjue au dehors , & les conjeciures fur CS
phénomène , par M, le Cat.
Y z
340 A N I .
h'é^alerolt pas en volume la petite plante de la
moiiiiïïiie
On peut encore confidérer l'analogie que M. l'Abbé
Rogsr Sckabol a fi bien établie entre les plaies & les
ulcères des végétaux &: des animaiLx. La connoiilance
de ce qui fe pafîe à l'occafion de leurs plaies , ne
contribue pas peu à donner des éclairciliemens pour
entretenir leur fanté & leur fécondité. Toute incifion
dérano^e néceil'airement l'organifation des plantes ; les
animaux font fujets à de pareilles altérations , quand
on entame leirr peau , ou qu'on leur ôte quelque mem-
bre ; en forte qu'on peut dire que les rapports font
les mêmes entre les individus de ces deux règnes: 1er
feule diîFérence qu'on rem-arque , &: qui eft effen-
tielle , c'eft que les végétaux reproduifent toujours
d'autres membres à la place de ceux qu'on leur re-
tranche ; tandis que les membres coupés aux animaux
iie fe renouvellent que très-rarement & uniquement
dans quelques efpeces particulières , qui paroilTent être
exceptées de la règle générale. Leur chair môme ,
quoiqu'elle fe reproduite , n'efl jamais d'un tilTu auili
parfait qu'elle l'étoit primordialement. Il y a néanmoins
des cas où ces dérangemens mécaniques &: organiques
font indifpenfables , tant dans les animaiLX que dans
les arbres. Il faut faigner un homme qui a trop de
fang , comme en fait des incifions aux végétaux qui
abondent trop en fuc propre. On extirpe les loupes
des individus de l'un èi l'autre règne. On fait l'am-
putation d'un membre par trop mutilé ou gangrené ;
de même l'on coupe les branches qui meurent , & le
faîtage d'un arbre qui fe pourrit en cet endroit. Le^
Jardiniers , à Pinftar des Chirurgiens , admettent dans
les plaies un peu férieufes cinq époques différentes :
le faignement, la fuppuration , la déterfion , l'incar-
nation ou régénération , 6c la cicatrifation. Les bour-
relets dans les deux plaies faites par arrachement ou
déchirement 5 les éçoidemens , tout offre les mêmes
A N I 341
phénomènes : on y diilingue les differens plis & re-
plis de la cicatrifation ; & la guérifon de ces plaies ,
tant animales que végétales , le fait de même , elle
commence par le fond, ou du bas en haut. La durée
des plaies dépend des mêmes principes 6c des mêmes
caufes.
Quoique la vie animale & la végétale paroiiTentla
même, Tanimal & le végétal, dit M. Jean Himter ^
différent en un point efientiel , qu'il convient peut-
être de remarquer ici , parce qu'il s'offre Ùlwùsl ma-
nière frappante dans les expériences que cet Obfer-
vateur a faites fur la génération de la chaleur des
corps organifés &: vivans. Un animal efî: égalem.ent
vieux dans toutes fes parties , excepté dans celles qui.
font le produit des maladies ; &: nous trouvons , pour-
fuit M. Hunter ^ que ces nouvelles parties, de même
que les jeunes pouffes des végétaux, font incapables
de conferver la vie comme les vieilles ; or chaque
plante poffede une férié d'âges. Suivant le nombre de
fes années, elle a des parties de tous les âges fuc-
ceffifs , depuis fa première formation : chaque partie a
des forces égales à fon âge , 6c reffemble à cet égard
à des animaux d'autant d'âges différens. L'enfance efl
toujours un état d'imperfedion : car nous voyons vivre
peu d'animaux parmi ceux qui viennent au monde
l'hiver , à moins qu'on en ait un foin particulier ; &
l'on peut obferver la même chofe dans les végétaux.
Une jeune plante eff plus aifément tuée , même par
l'éledricité , qu\ine vieille ; ce qui eff également vrai
de la pkis jeune partie d'un même individu végétal.
Au refre , la différence la plus générale 6c la plus
fenfible entre les végétaux 6c les animaux , eff celle
de la forme. Les animaux peuvent , à la vérité , faire
des ouvrages qui renemblent à des plantes ou à des
fleurs; mais jamais les plantes ne produiront rien de
femblable à un animal. Ces vers -mfe des admirables,
qui produifent 6c travaillent le corail , n'auroient pa%
Y 3
54Î A N 1
été méconnus 8z pris pour des fleurs , fi , par un
préjugé mal fondé , on n'eût pas regardé le corail
comme une plante. Ainfi les erreurs oii l'on pourroit
tomber , en comparant la forme des plantes à celle
des animaux , ne porteront jamais que iiir un petit
, nombre de fujets , tels que les polypes , qui font la
miance entre les deux ; &: plus on fera d'obfervations,
plus on fe convaincra qu'entre les animaux ôc les vé-
gétaux , le Créateur n'a pas mis de terme fixe ; que
ces deiLX genres d'êtres organifés ont beaucoup plus
de propriétés communes que de différences réelles ;
que la produclion de l'animal ne coûte pas plus , &:
peut-être moins , à la Nature , que celle du végétal ;
qu'en général la prodiidion des êtres organifés ne lui
coûte rien ; &: qu'enfin le vivant & l'animé , au lieu
d'être un degré métaphyfique des êtres , efl une pro-
priété phyfique de la m.atiere. On reconnoît dans une
partie de cet article les grandes oL belles idées qu'en-
fante le génie de M. de Buffon ; génie plein d'élé-
vation &" de profondeur , comme la Nature dont il
fait l'objet de fes méditations.
Quiconque a obfervé la conduite des animaux, &
eft infbuit de leur façon de vivre &: de conferver leur
efcece , a dû remarquer une grande différence entre
radi'eiTe des animaux fauvages &: celle des animaux
apprivoifés : ceux-ci n'ont ni la mêmx induflrie , ni le
même inftincf. Ces qualités feront fcibles en eux ,
tant qu'ils refleront dans Pefclavage & Tabondance ;
mais leur rend-on la liberté , rentrent-ils dans la né-
cefTité de pourvoir à leurs befoins , ils recouvrent tou-
tes leurs aiFeftions naturelles , &: avec elles toute la
fagacité de leur efpece : ils reprennent dans la peine
toutes les qualités qu'ils avoient oubliées dans l'ai-
fance ; ils s'unifïent enîr'eux plus étroitement , ils mon-
trent plus de tendreiTe pour leurs petits : ils prévoient
les faifons , ils mettent en ufage toutes les refTourccs
que la Nature leur fuggere pour la confeiTaîion de
A N I ^ 345
leur efpece , contre l'incommodité des temps &c les
rufes de leurs ennemis : enfin l'occupation & le tra-
vail les rem^ettent dans leur vigueur naturelle , & la
nonchalance & les autres vices les abandonnent avec
l'abondance 6c l'oifiveté. La fubliflance du monde ani-
mal nous fournira , d'après Derham , fix remarques in-
térelTantes : la première regarde le maintien d'un auiïï
grand nombre d'animaux répandus dans toutes les
parties du monde : la féconde eft prife de la quantité
de nourriture végétale & animale proportionnée à ceux
qui la coniluncnt : la troifieme , de la quantité di^s
alimens converiables à la diverfité des créatures vivan-
tes ; en effet, les alimens les plus utiles font les
plus univerfels Si les plus abondans : la quatrième,
de la pâture particulière qui fe trouve dans chaque
lieu convenable aux animaux qui y ont été deitinés ;
pâture qui femble fuivre rinfiuenc€ des climats , dont
les degrés naiffent de la nutation de l'axe; de là,
iàns doute , les migrations forcées des animaux : k
cinquième , de l'admirable & curieux appareil d'or-
ganes qui fervent à amailér , à préparer & à digérer
la noiirriuire : la fixieme eniin , de la fagacité mcr-
veilleufe qui les conduit à trouver leur nourriture
propre , & à en faire provision. Toutes ces vérités
Gont nous ferons l'application dans chaque claffç
d'animaux , font des plus curieufes & des plus im-
portantes, yojei maintenant les articles CARNIVORE ,
Frugivore.
Quoique les efpeces des animaux paroiilent , dit
M. Daiihenton (Encyclop. méth.) moins nombreufes qii^
celles des plantes , il ne feroitpas poilible de les diftinguer
chacune en particulier , fi Pon n'employoit l'art des
diflributions méthodiques pour les claiier : plus les pro-
duûions de la nature font organifées , plus elles ont de
caractères diilindifs. Les grandes &: principales diffé-
rences des animaux doivent fe trouver dans la conforma-
tion de leiir corps , relativement à l'économie animal^.
Y 4
344 A N I
La plupart ces animaux ont une tête êc un cerveau ;
il n'y a qu'un petit nombre d'efpeces auxquelles ces
parties manquent : il y a un plus grand nombre
d'animaux qui n'ont pas les organes de l'odorat ni
de l'ouïe.
Les anciens ont divifé les animaux en ceux qui ont
du fang & ceux qui n'en ont pas. La première clafîe
étoit lubdivilëe en deux autres , dont l'une compre-
noit les animaux qui ont un poumon pour organe de
la refpiratlon ; dans cette flibdivifion , il y en a qui
reçoivent de l'air 6c refpirent fréquemijient : il y en
a qui mettent de longs intervalles entre l'infpiration
^ l'expiration. L'autre lubdivifion comprenoit les
animaux qui reçoivent Tair par des ouïes , il £iut y
ajouter , ou par des ftigmates ; on ne voit dans d'au-
tres animaujc aucune entrée apparente pour l'air.
Il efl remarquable que le cœur des animaux qui
ont un poumon , a deux ventricules ou n'en a qu'un
feul. Dans quelques efpeces d'animaux , le cœur a
différentes confbrmxations , ou eil inconnu. Ceux dont
le cœur a deux ventricules, font vivipares : les ani-
maux dont le cœur n'a qu'un ventricule , font les qua-
drupèdes ovipares & les ferpens , c'eft-à-dire , ceux
qui forment la clafle des Amphibies dans le fyflême
de M. Linnœus.
Les oifeaux cependant font ovipares , quoique leur
cœur ait deux ventricules ; en confultant les anlcUs
Vivipare & Ovipare , on reconnoîtra que le fœtus
des vivipares fort de leur corps tout formé , tandis
que chez les ovipares , il eft encore dans un œuf au
ibrtir du fein de fa mère.
Voilà les principaux cara£leres qui ont été pro-
pofés pour faire des diflributions méthodiques ài^^
animaux.
M. Linnœus divife les animaux en iix cîafles : la
première comprend les quadrupèdes ; la féconde , les
vif eaux ; la troifieme , les amphibies ; la quatrième ,
_ A N I _34ï
les poijfons ; la cinquième , les infecîes ^ & la fixieme
les vers.
M. Danhcnton a propofé une diflribution des ani-
maux en huit ordres ^ fous les dénominations connues
de quadrupèdes , de cétacies , û'oifeaux , de quadrupèdes
evïpares , de ferpens , de poijfons , à^'mfecles & de v^/i:.
Il défigne ainfi chacun de ' ces huit ordres par des ca-
raderes évidens , très-faciles à reconnoître fur le corps
des animaux : on les voit à l'extérieur. Par exemple :
I .® Quatre pieds & du poil , pour les quadrupèdes,
2,.° Des nageoires fans poil , pour les cétacies.
3 .° Des plumes , pour les oij'eaux.
4.° Quatre pieds fans poil , pour les quadrupèdes
ovipares.
5.^ Des écailles , fans pieds ni nageoires, pour les
ferpens.
6." Des écailles & des nageoires , pour les poijfons,
7.° Des antennes , pour les infecies.
8.** Ni pieds ni écailles, pour les vers.
Ces caradleres fuffifent pour défigner les huit ordres ,
mais ils ne peuvent indiquer la place que doit occuper
chaque ordre , lorfqu'on veut les ranger tous fuccef-
fivement fur une même ligne , en commençant par
les animaux qui ont le plus d'organes , 6c en finiflant
par ceux qui en ont le moins. Aufîi M. Dauhenton ,
pour faire cet arrangement , a-t-il tiré de la confor-
mation des animaux , des caraderes de plus grande
valeur & qui ont plus d'importance dans l'économie
animale. Il a expcfé fur un tableau les grandes diifé-
rences qui fe trouvent dans la conftltution des ani-
maux par rapport à la tête , au cerveau , aux fens ,
au cœur , au fang , &; à la refpiration , afin de les
combiner les unes avec les autres , & toutes avec les
huit ordres d'animaux cités ci-deffus.
On voit fur ce tableau que les animaux viv' parcs
font plus organifés que les ovipares , parce qu'ils ont
une tàe , un cerveau ^ les fens de l'odorat & de l'ouïe ,
34^ . . -^ N V
c'eil-ci-dire , des narines Se des oreilles , deux ventricules
dans le cœur , le fang chaud y les inJpLrations 6c expi^
rations de l'air fréquentes , comme les ovipares les plus
organifés ( les oifeciux ) , ^ des ma?nclUs qui man-
quent à ces derniers. Les ordres des vivipares doivent
donc avoir les premières places : il y eu a deux ^
qui font les quadrupèdes , 6l les cétacèes, L^ordre à(^^
quadrupèdes mérite d'être le premier, parce que ces
animaux ont les memlDres plus développés i^w^ le^
cctacécs. Quant à V homme , qui eft auiîi de lorcre
des vivipares , M. Dcubcnton lui a réf^rvé une place
de prééminence , comme le plus paifaii: de tous les
êtres de la Nature.
L'ordre des oifeaux mérite d'être à la troifieme place^
parce que , fuivant les conditions admiies fur le ta-
bleau , par notre favanî Auteur , ils n ont que les mar
melles de moins que les cétacées ôc le^ quadrupèdes.'
Ils ont aufîi deux ventricules au cœur &: le fang très-chaud.
Les deux ordres de quadrupèdes ovipares <Sc des fer-
pens , doivent être placés après les oifeaux , parce qu'ils
ont des poumons , & que ces vlfceres manquent à tous
les autres anim^aux ovipares , excepté les oiieaux. L'or-
dre des quadrupèdes ovipares , doit être mis à la qua-
trième place , immédiatemient après les oifeaux. Les
ferpens n'ayant point de pieds , font le cinquième or-
dre. Ces deux ordres d'animaux étant ovipares , font
fans mamelles ; ils n'ont c^x^un feul ventricule dans le
cœur , le fang prefque froid , 6c refoirent lentement.
L'ordre des poiffons ell: le dernier des animaux ovi-.
pares , qui ont les fens de l'odorat & de l'ouie , le
cœur compcfé à^ un feul ventricule, cx le fang prelquc
froid. Les poiiTons différent des ferpens en, ce qu'ils ne
reçoivent l'air que par Ats ouïes. Ainfi , continue M.
Daubenton , ils doivent être placés au fixicme rang ,
& faire le fixieme ordre.
Les infectes & les vers ne pouvoient être placés qiie
dans les deux derniers ordres du tableau , parce qu'ils
A N I ^ 347
font privés des fens de l'odorat & de l'ouïe , & qu'ils
n'ont qu'une liqueur blanchâtre au lieu de fang. L'ordre
des infecîes eil le feptieme , parce que l'entrée de l'air
dans leur corps , eft apparente , par des Jiigmates , &
qu'ils ont une tcte , un cerveau , & un vif arc , auquel
on attribue les fondions du cœur.
L'ordre des vers occupe le huitième & dernier rang :
ils ne font placés qu'après les infeâes , parce qu'ils
n'ont pas tous une tête , un cerveau ou un vifccrc qui
faiîe les fon£lions du cœur , ni des ouvertures appa-
rentes &: deilinées pour l'entrée de l'air dans leur
corps.
Nous terminerons cet article H important, par un
extrait fort curieux de ce qui a été dit fur les degrés
de chaleur des dittérens animaux. Cette digreflion offre
des caraderes affez importans , par rapport à ce qui
efl dit dans la Méthode de M. Dauhenton,
La chaîeiu' des animaux eft fort différente, fuivant
la variété de leurs efpeces & celle des faifons. Les
Zoologiiles les ont divifés , avec affez de fondement ,
en chauds & en froids , c'eft-à-dire , refpedivement à
nos fens. Le Do£leur Martin dit qu'on appelle câ^//û'^
ceux qi-ii approchent de notre propre température ,
tandis que nous regardons comme froids tous ceux
dont la chaleur efl fort au-delTous de la nôtre : il pa-
roit, félon les expériences de cet Obfervateur, que
les animaux font tous un peu plus chauds que le mi-
lieu dans lequel ils vivent. Les infeftes font \\n fujet
d'étcnnement pour nous ; car , quoiqu'ils paroiflcnt
les plus tendres &: les plus délicats de tous les animaux ,
ils font cependant ceux qui peuvent fupporter jufqu'ù
\in certain degré les grands froids. On en a vu un
exemple frappant dans les rudes hivers de 1709 &
1719 , où les œufs des infeâ:es & les chryfalides échap-
pèrent à la violence du froidqui fut infvipportable aux
animaux les plus vigoureux. Tous les infedes font
placés communément parmi les animaux froids ; miais
•34S ^ ^ A N I
îl y a, à cet égard , une exception fort finguliere dans
la chaleur des abeilles , puifqu'un efiaim de ces inleâ:es
fait ibuvent monter le thermomètre à un degré de
chaleur à peu près lemblable à celle dont nous jouiA
fons, 6c qui eu de 30 à 35 degrés. Les huîtres &
les moules ont très-peu de chaleur , ainfi que les ani-
maux qui ont des ornes : les f'erpens n€ font guère
que de deux degrés plus chauds que l'air qu'ils ref-
pirent : les grenouilles Ôc les tortiies de terre en ont
cinq : en général , la claiîe des tortues , des crapauds ,
^ fur-tout des ferpens , n'eit pas capable de fupporter
de fort grands froids. Ces animaux font , à la vérité ,
commxe engourdis dans cette falfon , & ne perdent que
très-peu de fubflance. Les oifeaux font les plus chauds
•de tous les animaux ; on en peut faire l'expérience far
la volaille d'une baffe-cour, même fur des perdrix ,
6zc, Les hommes font prefque les derniers de la clafTe
des animaux chauds : ainli les quadrupèdes ordinaires ,
comme les chiens , les chats , les moutons , les bœufs ,
font plus chauds que l'elpece humaine , èc les ani-
maux de mer refpirans par les poumons , ou les cétacées ,
font aufîi chauds que les belliauLx. On fait , par ex-
périence , que tous les animaux qui ont des poumons ,
ont le fang beaucoup plus chaud que ceiLx qui n'en
ont point. C'eil même une règle générale que le fang
de ceux qui ont des poumons , efl d'autant plus chaucÇ
que leurs poumons font plus grands.
Nous ajoutons que l'influence des climats , la qualité
du fol , le mélange des individus 6c d'autres circon-
ilances peuvent auffi occafionner des variétés dans la
couleur des animaux , indépendamm^ent de celles de la
mue. Les hommes offrent toutes les teintes du blanc
au noir , fuivant les régions qu'ils habitent. Foyei
à Vartïck HoMME. Il y a peu de brutes qui n'ait une
couleur particulière à f<a^ efpece ; on en voit cependant
dont la teinte efl diamétralement oppofée ; notre taupe
vulgaire elt noire , il s'en trouve de blanches. La Virginie
A N I 349
a des rats blancs , & l'Europe des foiiris blanches. Parmi
les autres quadrupèdes , on trouve l'ours blanc , le
renard blanc , qui habitent le Groenland 6c le Canada,
La Prulîë & la Suéde fournifîent des lièvres qui changent
régulièrement de couleur deux fois l'année ; au milieu
de l'hiver , ils font parfaitement blancs , &c deviennent
gris ou roufsâtres en été. Ceux du Canada & de la
Laponie éprouvent le même changement. Pluiieurs
bipèdes font fujets à cette efpece de métamorphofe.
On connoît le moineau blanc , la linotte blanche , la
perdrix blanche , la pie blanche , l'aigle , le paon : il
y a aufîi des vautours , des faucons , des corbeaux ,
des choucas , des ramiers , des étourneaux , des merles
6c des alouettes dont le plumage efl blanc. On obierve
que prefque tous ces animaux fmguliers ne fe trouvent
guère que dans le Nord ou dans les montagnes couvertes
de neige. Confultez les expériences fur Us animaux &
les végétaux v'ivans , relativement au pouvoir qu ^ils ont
d^ engendrer de la chaleur ^ par M. Jean Humer ^ Mem.brs
de la Société Royale de Londres, Journal de Phyf, &
d'Hifî, Natur, Avril lyyy , Janvier & Février lySi. l\
paroit que la chaleur animale éprouve une diminution
pendant le fommeil.
Animalclle 5 Animalculum. Depuis l'invention du
microfcope , on a découvert dans les infufions des
graines 6c des plantes , un nouveau monde d'êtres
infiniment petits ; ce font des globules ^ des atomes
animés d'un m_ouvement de vie , 6c que plufieurs
Obfervateurs ont regardes comme de vrais animaux,
Leuwenhoek eflime que mille millions de corps mou-
vans , que l'on découvre dans l'eau commune , ne font
pas auiîi gros qu'un grain de fable ordinaire. M. de
MaU^^eu a vu au microfcope des animaux vingt-fept
millions de fois plus petits qu'une mite. On eflim^
qu'il y en a d'ovipares 6c de vivipares. Peut-être y
en a-t-il , qui , comme les polypes à bouquet ,
ie propagent par des divifions &: des fvibdivlfiçus
35<^ AN I
naturelles. Leur exiilence dans les liqueurs fermentef-
cibles , dans le levain , dans les fucs des animaux ,
& dans beaucoup de fluides , n'efl point une chimère ,
une hypothefe curieufe , dans laquelle fe joue Pelprit
de l'homme , fous une fauiTe apparence de vérité. Les
ammalcuks ont une liqueur qui leur tient lieu de fan<y ,
& ils ont des fens appropriés à leur condition. Si l'on
prend une goutte d'eau d'huître ou de celle où des
plantes ont féjourné , & qu'on l'examine , au moyen
d'une bonne loupe de microfcope , on verra un
grand nombre d'atomes vivans , qui tantôt fe meuvent
& nagent en toutes fortes de dirediions , & tantôt
palï'ent du repos à un mouvement rapide , fans y être
déterminés par une impulfion étrangère. îl ont donc
des efprits animaux qui fe portent dans leurs mufcles ,
& y produifent les divers jeux dont ces mouvemens
dé|Denclent. Ces animalcules ne paroiilent pas privés de
la vue , puifqu'ils indiquent la fpontanéité; ils s'évitent
eux-mêmes en nageant , fe détournent à l'approche
de quelque objet , & fuient adroitement les obiîacles
qui s'oppofent à leur paffage dans la goutte d'eau qui
eit pour eux un Océan. Ils favent môme chercher
les nourritures qui leur conviennent. Il faut avouer
que notre imagination fe contbnd dans les deux points
extrêmes de la Nature , la grandeur &. la pctiujfc, A
l'égard de l'état primitif des animalcules , c'ell un monde
invifible dont le domaine eft fort étendu : c'eil la
région des pollibles. Quel nouvel abyme s'ouvre ici
à notre vue , &; comment l'imagination oferoit-elle
regarder dans cet abyme ; difons cependant , avec
îe profond MaUbranchc , que la raifon n'en efl point
eflrayée ; rien ne choque ici la bonne phyfique & la
jaine logique. Foyc^ maintenant les articles Molécules
ori^aniques , Saïunce , (Eiif,
Animal du musc. Voyc^ Porte-musc.
Animal fleur. Voyc^ a VanicU Zoophyte»
■ ANiMÉ, Voyii RÉSINE animé.
A N I 5jf
ANINGAIBA» Arbre du Bréfil qui croît dans l'eau
& s'élève à la hauteur de fix pieds ; il ne pouffe qu'une
feule tige fort caffante , géniculée & grisâtre ; elle
porte à fon extrémité des feuilles larges , épaiiTes ,
liffes , &: qui ont quelque relîemblance avec celles
du néniifar ; des airelles de fes feuilles fortent des
fleurs grandes , concavt?s , monopéîales , d'un jaune
pâle , auxquelles fuccedent des fruits de la figure ôc
de la groffeur d'un oeuf d'autrucbe , verts & pleins
d'une pulpe blanche ^ qui prend en mùriffant une faveur
ferineufe. Dans des temps de diiette on fait ufage de
ce fî-uit ; mais l'excès en e(l dangereux , car cette pulpe
Cil: froide &: venteufe. Les Nègres emploient fon bois ,
qui efl léger & compacfe , à faire des bateaux à trois
planches aiTemblées. Les Naturels du pays tirent de la
racine bulbeufe de cette plante une huile par expreiîion ,
qu'on fubflitue à celle du nénufar &: du câprier ,
qu'on emploie pour les douleurs de la goutte récente
& invétérée.
ANJOUVIN. Voy^i Lînotte.
ANIS ordinaire. Anifum vulgare , kcrbanis. Bauhw
Pin. 159 : Plmplnella àn'ifum y Linn. : Ap'ium Anij'um
dicîiim yfemine fuavh elente , mcijorï {& minorl. ) Tourn.
305. Plante annuelle , dont les fleurs font petites ,
blanches , en rofe , difpofées en parafol. Sa tige s'élève
d'environ deux pieds ; elle efl branchue , cannelée ^
pubefcente & creufe. Ses feuilles flipérieures font d'un
vert gai , très - découpées ; les fruits font ovoïdes ,
compofés de deux petites femences d'un vert grisâtre ^
convexes &: cannelées fur le dos , d'une odeur ^L
d'une faveur douce &: très-fuave , mêlée d'une acri-
monie agréable. Toute la plante efl aromatique ; fa
racine eit menue , annuelle , fibrée & blanche.
La femence d'^/^ij efl propre à chaffer les vents ;
elle efl cordiale , flomachique & digeflive. On l'emploie
heureiifement dans l'enrouement & la toux : elle efl
fmfc la première au rang dss quatre i^^ençes chaudes ^
35i A N I
lefquelles font Vanis , le finaud , le cumin &C le carvî^
On retire par diilillation 6c par exprefîion de la femence
d'anis , une huile verdâtre , odorante , agréable au goût
& d'une bonne odeur , que l'on dit propre à guérir
les contufions des parties nerveufes , appliquée exté-
rieurement. L'huile d''anis fe fige ailément au moindre
froid ; elle eR û fubtile , que l'on en découvre l'odeur
dans le lait que l'on tire après en avoir fait ufage.
L'unis couvert de fucre forme de petites dragées agréables
au gcùt : elles corrigent la mauvaife haleine , fortifient
l'eftomac , diiTipent les vents , facilitent la digeiiion ,
& procurent abondamment du lait aiLx nourrices. Cette
plante croît naturellement dans l'Italie , la Sicile ,
l'Egypte , & les autres réglons du Levant. On en
cultive beaucoup en France , fur-tout dans la Touraine,
Sa iemence eil employée dans plulieurs ratafias &c
autres liqueurs , dans certaines pâtiliéries : du côté de
Rome on en met dans le pain , ainfi qu'en Alle-
magne , oii il eil d'uiage dans les cabarets de fervir
fur des afliettes Vanis , 6c fouvent le cumin , qu'on
mange avec le pain.
Anis étoile de la Chine , ou Badiane , ou Anis
DES Indes , ou Anis de Sibérie , Amjum Indicum
Jcellatum ^ Badian diciam, Illïcïum anïfatum , jlonbus fla-
vejcentibus , Linn. : jjnifum peregrinum , Bauh.Pin. i 59.:
Anifum PhUipplnarum , Cluf. C'efi: un arbre médiocre
ou un arbufte qui croît naturellement dans la Tartarie ,
la Chine , le Japon & les Ifles Philippines. Cet arbufte
efl: gros & branchu ; il s'élève à la hauteur de douze
pieds & plus , à-peu-près comme le cerifier : de {ts
branches fortent des côtes feuillées , ornées de onze ,
treize & quinze feuilles alternes , pointues , larges d'un
pouce & demi , & longues de plus d'i^je palme. Ses
Seurs ont leize pétales, lont en grappes , 6c paroiffent
comme un amas blanc-jaunâtre de plufieurs chatons :
à ces fleurs fuccedent des fruits dont la fig\ire reffemble
^ celle d'une étoile ^ compoiés de C^ , de fept 6c de
neuf
A N ï 3Î3
îneuf capfuîes , ou ovalaites ou triangulaires , réunies
à un centre commun en manière de rayon. Ces caplules
Ont deux écorces : une extérieure , raboteuie &c de
couleur obfcure ; l'autre intérieure eu prefque oûeufe ,
lilTe ^ liiifante. Chaque capfule , qui eu ouverte par la
partie fupérieure ^ contient une femence ovoïde qui
renferme , fous une coque mince , fragile 6c d'un
gris roufs âtre , une amande blanchâtre 5 graife , douce ,
agréable au goCit , & d'une faveur qui tient le milieu
entre Vûnis & le fenouil , mais plus vive ; elle abonde
en huile efientielle , plus fabtile , plus énergique que
celle de Vanis ordinaire. Canheufer a obfervé qu'autant
cette femence eil huileufe , autant fa 'capfule eft réfmeiife.
Les Orientaux préfèrent la femence de badiane à celle
àe Vanis d'Europe & àsx fenouil. On l'a appelée vulgai-
rement anis des Indes , à caufe de la grande reffem-
blance de fa faveur ^ de fon odeur & de fes vertus
avec notre anis : il a même toutes fes qualités à un
degré plus éminent ; nous l'avons dit. Les Chinois
mâchent fouvent de la badiane après le repas , pour
faciliter la digellion ^ pour fe parfumer la bouche , &
pour fortifier PellomaG : c'efl encore un pulfiant diuré-
tique ; ils l'infufent auffi avec la racine de gens-eng
dans l'eau chaude , & ils boivent cette efyece de thé
pour rétablir les forces abattues & récréer les efprits.
Ils font encore dans l'ufage de mêler la femence de
badiane RYQC le thé^ le café , & d'autres liqueurs , pour
les rendre plus agréables. Aujourd'hui , les Indiens pré-
parent im efprit ardent avec ce fruit. Plus commAi-
lîément ils en obtiennent une liqueur vineufe , au
moyen de la fermentation dans l'eau. Cette liqueur
anilée efl une efpece d'arak très-eflimé chez les Hollan-'
dois , dans les Indes ^ & chez les Naturels du pays : on en.
met dans le forbet &: dans le thé , pour les rendre plus
agréables ; & il paroit que cet anis ell la bafe du fam.eux
ratana de Bologne, ou de la liqiieur appelée badiane ,
& badiane des Indes, Le bois de l'arbuûe badianifere^
Tome I, It ,
■354 .A N I
eft roux , dur , fragile , &c a l'odeur d'^anls , ce quî le
fait nommer auffi bois d'anis. Le bois du perfea a encore
l'odeur (ï'aTiis, Ils s'emploient l'un 6c l'autre aux
ouvrages de marqueterie 6c de tour.
Le célèbre Kœmpfir ( Amœnitates cxoticcz , p. 8o ) ,
appelle Vaiûs étoile , Somo y skimmi. Il trouva cet arbuile
dans le Japon; 6c il obferve que les Japonois 6c les
Chinois le regardent comme une plante facrée ; ils
i'ofFrent à leurs pagodes , 6c en brûlent l'écorce comme
un parfum fur leurs autels. Ces Peuples étendent les
branches de cet arbre fur les tombeaux de leurs amis ,
6c les y placent comme une offrande précieufe à leurs
mânes. Les gtirdes publics en pulvéril'ent l'écorce qui
eit aromatique , 6c en confervent la poudre dans de
petites boîtes alongées en manière de tuyau , dont
voici l'ufage. On met le feu à cette poudre par une
des extrémités du tuyau , 6c comme elle fe confume
d'ime m.aniere uniform.e 6c très-lentement , lorfque le
feu eft parvenu à une diilance marquée , alors les gardes
ibnnent une cloche , 6c , par le moyen de cette efpece
d'horloge pyrique , ils annoncent l'heure au public.
Le même liœmpfer ajoute que cette plante augmente
fmguliérement la violence du poifon que fournit le
poifTon nommé tetraGdon ocellatus ^ ( le petit - monde ,
efpece de quatrc-dents. ) Confultez LiNN. Syjl. nat. p. 333.
Ce poifTon efl le bladderfish des Anglois. La plante décrite
par Rumphiiis , fous le nom de rex amoris ^ en efl le
contre-poifcn le pkis aiïiu'é.
Au mois d'Avril 1765 , l'un des Nègres de William
Clifton , Juge en chef de la Flohde Occidentale , dé-
couvrit une efpece à^anis étoile dans un terrain maré-
cageux , près de la ville de Peniacola. A la fin de
Janvier 1766, M. Bartram^ Botanifle du Roi d'An-
gleterre , découvrit aufTi ce même arbriffeau fur les
Bords de la rivière de Saint- Jean de la Floride Occi-
dentale. Les plus fortes gelées ne nuifent pas à zoX.
arbufle qui efl toujours vert ^ d'un aromate très-
. ,A N î ^ 55Î
sgréable. L'arbufte s'élève à la hauteur de 20 pieds. Leâ
feuilles de cet arbre fourniffent un amer très-floma-
chique ; elles ont à peu près l'odeur du failafras.
L'écorce d'un jeune jet putréfiée dans un vafe rem-
pli d'eau , donne un beau mucilage &: très-clair. Les
fleurs nouvelles , miles dans l'eau , fe colorent en
rouge ; fi on y verfe un peu d'huile de tartre par dé-
faillance , la liqueur les changera en brun clair ; Thuile
de vitriol , au contraire , leur procure une couleur lem-
blable à celle du plus beau carmin. Les rayons du fruit
font au nombre de ai à 27 , dont 11 à 13 mùrifient
exa£lement.
Il paroît que l'arbufle badian de la Floride , décrk
par M. Ellïs , & connu des Botanifïes Anglois , efl
Vlllicïlun FLoridanum , fioribus rubris , Linn. ; c'eil une
efpece nouvelle & différente de Vanis étoile de la
Chine & du Japon , car les caraâ:eres botaniques de
Vanis de la Floride ne font pas les mêmes que ceu5^
indiqués pour la badiane diQS Lndes par Linnczus , qui ,
a la vérité j ne les avoit expofés que fur la foi de
Kczmpfer.
Uanis étoile de la Floride a fleuri pour la première
fois au jardin du Roi de France en 1778. En voici la
defcription : Cet arbufte s'élève peu , au moins en
Europe ; fon écorce eft unie & brunâtre ; les rameaux:
font alternes ainfi que les feuilles ; les feuilles font
entières , longues , aiguës , fans découpures , portées
par de longs pétioles fillonnés en deifus. Les fleurs
naiffent folitaires dans les ailTelles des jeunes rameaux ;
elles font foutenues par des pédicules longs , cylin-
driques & foibles ; elles font hermaphrodites : la co-
rolle eil: compofée d'environ dix pétales , difpofés fur*
un rang autour des ovaires. Entre les pétales on trouve
un fécond rang formé par environ dix nedaires tubu-
lés , convexe d'un côté , fillonné de l'autre* Au centre
de la fleur font les parties fexu elles , lefquelles vue5
de face , offrent une figure radieufe. L'amas des piftils
356 A N N
forme un grouppe dans le milieu de la corolle ; à h
bafe du groupe les étamines font difpofées horizon-
talement ; elles font polees entre les nedaires & les^
piûils , & font rangées clrculairement autour des pif-
tils. Le filet des étamines eft très-court , & l'anthère
partagée en deux loges : on a compté treize iligmates
au groupe des piftils , & vingt étamines au moins. Cha-
que piflil a pam compofé d'un ovaire , d'un flyle &
d'un ftigmate en forme d'alêne. L'arbrifTeau n'a donné
<que deux fleurs à cette première floraifon. Les pétales
^ les ne dan es n'étant pas en nombre égal fur les
deux fleurs , on pourroit foupçonner qu'il n'efl pas
conilan. Quant au calice que Kœmpfer & de célèbres
Botanifles réduiiént à quatre feuilles , il efl certain
que celui des deux fleurs , qui ont été peintes & gra-
vées d'après nature , avoit cinq feuilles , dont deux
blanchâtres & oppcfees. Le fruit qui fuccede à la fleur
«Il compofé de plufieurs capfides réunies , difpofées
en étoile tronquée : les capftdes devroient naturelle-
ment être en même nombre que les ovaires , mais il
paroît qu'une partie des loges avorte , s'oblitère &
s'efFace ; car on examine un grand nombre de fruits >
fans y rencontrer plus de huit capfules. Ces capfules
font réunies à un centre commun , & tiennent tou-
tes enfemble : chaque capfule forme une feule loge
qui s'ouvre dans fa longueur & renferme une graine ,
laquelle eft ovoïde & terminée par une petite pointe
qui efî fouvent recourbée.
ANNEAU DE SATURNE. C'efl une bande lumi-
neufe qui entoure le corps de la planète nommée
Saturne , fans cependant y toucher. Inconnu à toute
l'antiquité , cet anneau fut découvert par Galilée au
commencement du fiecle dernier. Les premiers effais
que ht ce célèbre Aflronome des lunettes qu'on venoit
de découvrir , lui firent appercevoir les fatellites de
Jupiter 6c Vanneau de Saturne. Il prit ce corps pour
.deux fatsllites dç Saturne ^ 6c il ftit fort furpris deux
A N N 3Î7
ans après de ne plus les retrouver. Ce ne fut qu'en
1 6 5 5 5 que M. Huyghens découvrit que c'étoit un an-
neau lumineux , fort mince & prefque plan , qui fe
foutient comme une voûte ou com^me un pont fans
piliers , autour de Saturne , qu'il enveloppe de toutes
parts à une diftance égale. Le diamètre de cet anneau
eu à celui du globe de Saturne , comme 7 efl à 3.
L'efpace vide entre le globe & l'anneau eft à peu près:
égal à la largeur de celui-ci , 6^ cette largeur eft le
tiers du diamètre de Saturne,
On ignore l'ufage de cet anneau ii extraordinaire,
& le feul que l'on voie parmi les corps céleiks. M. de
Maupenuis , dans fon Livre de la figure de la ttrre ,
explique , d'une manière ingénieufe , la formation de
cet anneau. Lors , dit-il , que les comètes retournent
de leur périhélie , on les voit traîner de longues queues ^'
qui vraifemblablement font des torrens immenles de
vapeurs , que l'ardeur du foleil a fait élever de leur?
corps : ii une comète , dans cet état , palîe auprès de
quelque puifiante planète , la pefanteur vers la planète
doit détourner ce torrent , & le déterminer à circuler
autour d'elle. La comète fourniffant toujours de nou-
velle matière à chacun de ces paffages , ou celle qui
étoit déjà répandue étant fuffifante , il s'en formera urt
cours continu , ou une efpece d'anneau autour de la
planète. La comète elle-même peut quelquefois être
entraînée par Taftre , & forcée de circuler autour de
lui , devenir un fatellite : c'ell ainfi qu'ont pu peut-
être fe former les fatellites de Saturne 6c des autres
planètes.
M. D'ionls du Séjour a donné un Ouvrage fur les
-phénomènes relatifs aux difparitions périodiques de
Vanneau de Saturne. Il n'efl point lumineux par lui-
même : fembiable à toutes les planètes , il réfléchit
îa lumière du foleil. Il faut donc , pour qu'il foit vifi-
ble , que le plan éclairé par le foleil , foit tourné du
côté de l'obiérvateur. M. du Séjour dit qu'il faut prij>
358 À N N A N O
cipalement ccnnoitre les phafes de Vannzau pour en
conllater les élémens , & pour en conclure les phéno-
mènes qui doivent avoir lieu dans les fiecles à venir;,
la méthode trigonomëtrique a paru trop limitée , &
infuîTiiante à M. du Séjour. La connoillance de ces
phénomènes ne pouvcit ctre que le réiultat d'une ana-
îyfe exade &; rigoureufe , & c'eil ce qu'a fait cet
Auteur , par l'application heureule de l'algèbre à l'af--
tronomie, M. Huygluns avoit développé , le premier ^
dans Ion SyJIcma Saturnium , la véritable théorie des
dii|3aritions & réapparitions * de Vanneau de Saturne,
j\près avoir rapporté ce qui a été oblérvé , M. du
Séjour confidere ce qui regarde les obfervations futu-
res ; il réiulte de fes calculs, qu'en 17b' 9 , r anneau
difparoîtra le 5 Mai : ce phénomène pourra être ob-
fervé le matin avant le lever du foie il ; il reparoîtra
le 24 Août , difparoitra le 1 6 Odobre , & reparoîtra
le 30 Janvier 1790. Les années 1803 , 1819 , 1832^
^848 , 1862, 1891 , feront favorables aux obferva-
tions par les phénomènes d'apparition & de diiparition
que cette phafe ronde eu anneau doit offrir. Foye:!^
maintenant C article PLANETE. Ccnfultez aufïï le Mé-
moire fur les anneaux planétaires par M. Diicarla ^^
Journ, de Phyjique ^ Mai 1^82,
ANNONE. Foyei Cachimentier.
ANNULAIRE , Eruca anmdaria , eil la chenille que
Mou§'et a appelé nmfcria ^ &c M. de Réaumur la livrée..
Le papillon qui en provient , fait des œufs qui fe tien*
lient les ims aux autres , & qui forment une eij:>ece
d'anneau au bout des branches des poiriers & pruniers
où cette chenille prend nailiance. Foye^ Chenille
LIVRÉE & r article LIVREE.
ANOLIS ou Anouly , petite efpece de lézard , fort
commun aux Antilles ; c'efl le Lacertus minor levis ,
Sloane. Le Père Nicolfon dit qu'il s'en trouve par-tout
à Saint-Domingue de nombreufes variétés : on en voit
de gris 5 de verts , de noirs , de jaunes , de mouchetés ;
A N O 359
les uns font bariolés de zones tranfverfales , bleues ,
jaunes &: rouges ; d'autres offrent fur leur robe plu-
fleurs bandelettes longitudinales de différentes couleurs.
Les plus grands n'ont pas plus de fept à huit pouces de
longueur , &c un demi -pouce de diamètre ; les plus
petits n'ont pas moins d'un pouce de longueur èc deux
à trois lignes de diamètre. La conformation efl la
même dans tous ; mais dang les uns , la queue égale la
longueur du corps : dans les autres elle eu plus courte ;
dans quelques-uns , elle eft une fois plus longue.
La tête de Vanolis eu alongée , triangulaire , apla-
tie ; la gueule bien fendue , année de deux offelets
taillés en fcie , qui forment les mâchoires fupérieure
& inférieure ; la langue charnue , arrondie par l'extré-
mité ; les yeux noirs , vifs ; les oreilles aifez grandes.
La peau couverte de petites écailles ovales & tuilées ;
la gorge fait le goitre , c'eft-à-dire , s'enfle & tombe
jufqu'à terre , par le moyen de l'air que l'animal y
introduit à fa volonté. Les pattes antérieures ont deux
articulations & cinq doigts ; les pattes poiférieures ont
trois articulations & cinq doigts , aufîi de différente
grandeur. Tous les doigts font armés d'une griffe poin-
tue & crochue , com-munément blanchâtre. La queue
efl vertébrée , fort déliée , terminée en pointe extrê-
mement fine.
UanoUs efl un lézard fort vif, très-l<?il:e , fi familier
qu'il fe promené fouvent fur les tables & fur les per-
fonnes ; fon port efl gracieiLx , le regard fixe : il femble
faire attention , regarder tout ce qu'on fait devant lui ;
il ne fait jamais de mal. Il fe nourrit de mouches ,
d'araignées & d'autres infedes qu'il avale en entier :
il en trouve par-tout ; il les attend avec patience.
Cet animal ne fe cache point en terre ; il fe perche
fur les arbres , ou fe loge dans les m.aifons : les cafés
en font pleines ; il en efl qui vivent habituellement
dans les champs. On en trouve dans les pièces àê- can-
nes 5 fur les cotonniers , d^ns les broufTailles , dans les
Z4
3^0 A N O
bois , en un mot par-tout. Ils pafTent la nuit oii îîs'
paiient le jour ; les chats s'en régalent aflez ibuvent
îans en être incommodés.
Uanolis , dit NUolfon , eft toujours en guerre avec
fes fembldDles. Lor(qu\in anolis en apperçoit un autre ,
il s'en approche leilement ; celui-ci l'attend en brave.
Les deux champions préludent au combat par des me-
naces réciproques qu'ils fe font l'un à l'autre , en
agitant la tcte de haut en bas par des mouvemens ra-
pides 6c comme convullits ; leur gorge s'enfle prodi-
gieulement ; leurs yeux paroifient alors étincclans , ils
s'attaquent enfuite avec fureur ; chacun tâche de fur-
prendre ion ennemi. S'ils font d'égale force , le com-
bat n'cft pas fi-tôt terminé ; c'ell ordinairement fur les
arbres qu'il fe livre*; d'autres anolis font fpeâ:ateurs
oififs : ils laiiient vider la querelle , fans qu'aucun
d'eux entreprenne jamais de féparer les com.battans ou
de fecourir l'opprimé ; ils i'embknt au contraire prendre
plaifir à les voir aux priles : peut-être que c'eft la
iouiilance ou la réfillance de quelque fenielle qui leur
imprime cette furcm- martiale. . . . Comme ils cher-
chent à fe mordre , il anive afiez fouvent que la gueule
de l'un s'entrelace dans celle de l'autre ; ils refient long-
temps dans cette attitude , chacun tirant de fon côté.
Leurs efforts font-ils inutiles, ils s'éloignent, la mâchoire
enfanglantée ; mais un infiant après ils recommencent.
Lorfque l'un des deux champions fe trouve plus foi-
bie que l'autre , il prend lellement la fuite \ fon en-
nemi redouble de courage , pourfuit vivement fon ad-
verfaire : s'il le joint , c'en efl fîiit , le vaincu eil à
l'hiftant dévoré ; heureux s'il en efl quitte pour la perte
de fa queue , qui fe rompt quelquefois dans la gueule
du vainqueur ; dans ce cas , il a le temps d'échapper :
car l'ennemi , occupé à dévorer fa proie , ne s'acharne
plus à la pouriiiite de celui qu'il vient de mutiler. . .
Vançlls peut vivre fans queue : on en voit plufieurs
qui en font privés. Elle nç repoufle pas lorfqu'elle a
A N O 3^1
été coupée , mais il fe forme à l'extrémité un calus.
Il femble que cet accident devroit le rendre plus pro-
pre au combat ; mais il paroît , au contraire , qu'il énerve
ion courage & peut-être fes forces. Un anolis mutilé
devient timide , foible , languiflant : comme il ne peut
fe montrer fans manifefler fa honte & fa défaite , il
mené une vie trifle , obfcure , & fuit devant le plus
petit qui ofe l'attaquer.
Dans le temps des amours des anolis , le mâle em-
braile ia fem.elle , la tient ferrée , &: reite long-ten^ps
accouplé avec elle ; cette jouiffance amoureufe ne les
empêche pas de courir & de fauter enfemble de branche
en branche. Lorfque la femelle fécondée fent appro-
cher le moment de fa ponte , elle fait avec fes pattes
antérieures , au pied d'un arbre ou d'une muraille , un
trou en terre , y dépofe un œuf qu'elle recouvre de
terre : la chaleur du climat le fait éclore. Cet œuf
porte cinq lignes de longueur ô^ trois lignes de lar-
geur ; il eft lilfe , d'un blanc fale , oblong , également
arrondi par les deux extrémités. Telle efl la dejcriptlon ,
le caraclere , les mœurs , Us combats , la manière de fe r^-
produire , & les obfervations fur /'anolis , par le Révérend
Père Nicolfon , Religieux Dominicain,
ANOMAL , terme qui exprimée une irrégularité , un
monilre \ anomalie eil une monflruofité. Voye:;^ t article
Monstre.
ANOMIE , coquille bivalve , du gc^nre des Huîtres.
Foyei TÉR-ÉERATULE. Les anomites font les anomies
devenues fofîiles.
ANON , poiiTon du genre du Gade. Voyez à l'ar*
ticle Morue.
Anon , eft le petit de M âne & de Vâneffe, Voyez Ane.
ANONYME. M. le chevalier Bruce , a commu-
niqué , à fon retour d'Abyffinie , à M. ^s Bufon ,
la notice de ce quadrupède lingulier , qui fe trouve
dans la Lybie. Il a neuf à dix pouces de long ; les
preilles prefque auiîi longues que la moitié du corps ^
3(^2 A N O
& larges à proportion ; le mufeau conformé comme
le renard ; les ongles courts & rétraclibles ; le poil très-
doux au toucher ; fa couleur ell: d'un blanc mêlé d'un
peu de gris & de fauve clair ; le bout du nez efl
noir ; la queue , qui efî: allez longue ^ eit fauve 6c
noire à fon extrémité ; il vit fur les palmiers 6c en
mange le fruit.
ANOSTOME , Salmo anoflomus , Linn. PoiiTon du
genre du Salmom ; il fe trouve dans les Inde:^. Ses écail-
les font brunes & difpofées en recouvrement. La tête
eft aplatie , comme le corps , par les côtés ; elle eft
finguliérement furbaiffée dans fa partie fupérieure ;
elle eft plus élargie entre les yeux, légèrement con-
vexe , tcut-à-fait unie , rétrécie en ferme de cône à
fon extrémité. La gueule efl: lituée fur le fommet du
mufeau , &: tournée en haut ; ce caractère efl: exprimé
par le nom même de ce poifîbn. L'ouverture de la
gueule efl étroite &^ garnie intérieurement de petites
<ients ferrées entre elles , diipofées fur un feul rang , Se
<l'une couleur brune. Ce poifTon , dit Lïnnaus , paroit
être camus , parce que fa mâchoire inférieure , très-
ëpaiffe , terminée par une efpece de mamelon , efl: beau-
coup plus alongée que la mâchoire llipérieure. Les
yeux font fur le côté de la tête , grands , prefque
ronds , un peu convexes , &: couverts d'une mem-
brane particulière. Les ouvertures des ouïes font très*
amples ; leur membrane efl: garnie de chaque côté de
quatre offelets larges , un peu courbés. Le dos offre ^
peu après fa naifiance , jufqu'à la nageoire dorfale , une
ngure curviligne. Les nageoires font toutes dépourvues
d'aiguillons. La première dorfale a onze rayons rameux,
excepté les deux premiers qui font fimples à leur fom-
met ; la féconde nageoire dorfale eil dépourvue de
rayons ; les pe£lorales en ont treize , dont les onze
derniers font rameux ; les abdominales en ont fept ;
celle de l'anus en a dix ; la queue eft échancrée , large
$c compofée de vingt-fept rayons.
A N P A N T 355
ANPAN, Coquilla-ge bivalve , le plus grand que
M. Jdanfon ait^ obiervé au Sénégal. Sa coquille
a fept pouces de longueur ; elle eil fragile comme
du verre , &: a la forme d'un jambonneau. Les
Nègres font de grandes pêches de ce* coquillage.
Les Européens &: les habitans du pays le trouvent
très-délicat à manger. Cette coquille eil congénère à
la pinne. marine,
ANRAMATIQUE. Plante fort fmguliere de Mada-
gafcar : c'efl le handura des Auteurs. Sa feuille qui
imite par l'extrémité , la forme d'un vafe garni de fon
couvercle , contient beaucoup d'eau , dont les voya-
geurs du pays font ufage pour appaifer la foif. La feuille
du farrauna du Canada en contient aufîi.
ANRÉDÉRA. Voyci a CarticU Baselle.
ANSE. Eijiece de golfe plus petit que la baie, &
dont l'étendue & la profondeur font prefque égales»
Fojei Golfe , Baïe & Mer.
ANT ou ANTA. Voye^ Tapir.
ANTACÉES. Des Ichtyologilbs appellent ainfi de
grands poilTons qui ont le muleau long , pointu , la
gueule ronde & placée en deffous ; ils appartiennent
à la famille des Ejîurgeons. Voyez Esturgeon.
AÎ-fTALE y Antalium, Coquillage de mer qui a la
forme d'un tuyau folitaire fait en croiffant , ou' plus
ou moins courbé &: conique : il efl ordinairement lilTe
& blanc , quelquefois nué de rofe ou d'aurore. La tête
de l'animal a la propriété de s'alonger & de fe con-
tracter ; elle eft terminée par un trou rond qui fait les
fondions de bouche. Les pattes font deux panaches à
feuillets hériiTés du côté des mamelons alongés , ou
fuçoirs placés latéralement. Il y a im opercule charnu ,
conique & renverfé , terminé par une plaque circu-
laire , dentée fur fa circonférence. Voye^ Tuyau
DE mer.
ANTAMBA. Ceft le nom que l'on donne aux Léo-
pards à Madagafcar. Foye^ Léopard.
3^4 A N T
ANTENNE , Anunna. Il n'eft point de parties dans
un iniede qui n'intérefient , peint de membre qui
n'exige l'attention par Ion mécanifme & fon organi-
fation. Plulieurs inlëdes ont fur la tête de faufîes cor-
nes , auxquelles on a donné le lîom Ôl antennes. Les
•antennes font mobiles lur leur bafe , & il y en a qui
fe plient en difFérens fens , au moyen de plufieurs arti-
culations. Elkb font différentes les unes des autres par
la forme ^ la confillance , la longueur , la groffeur & par
leur mécanifme. Il y a de la différence entre les antennes
xl'un papillon de nuit, & celles d'un papillon de jour.
Les antennes d'un hanneton ne reffemblent pas à celles
<lu capricorne , &c. Voyez ces mots. On peut regarder
les antennes des infecfes comme une des marques dif-*
tindtives des fexes , parce que celles des mâles font
toujours beaucoup plus belles que celles des femelles»
. Comme les yeux des infectes font immobiles , &
«qu'ils ne voient pas bien de près , la Nature leur a
donné , pour fuppléer à ce défaut , des antennes fort
agiles 5 qui leur fervent .à examiner ce qui les envi-
ronne , & à empêcher qu'ils ne fe heurtent. Plufieur»
inledes , quand ils prennent leur repos , s'en couvrent
€n partie les yeux ; & alors elles leur tiennent , en
quelque forte , lieu des paupières qu'ils n'ont pas.
Quelques mâles des infedes , lur le point de s'accou-
pler 5 en frappent doucement leurs femelles , &: les
•en chatouillent , ainfi que Derham l'a obfervé dans
line faujje guipe. M. de Réaumur conjedure que l(?s
antennes peuvent être , chez l'infecte , les organes de
l'ouïe ou de l'odorat , ou même de quelqu'autre fens.
Voyez tartïck INSECTE , & celui de Papillon. Il ne
faut pas confondre Vantennule avec la véritable antenne,
UantennuU , que l'on appelle improprement barbillon ,
eff une efpece de petite antenne qui accompagne les
côtés de la bouche d'un grand nombre d'infectes.
M. Ludv/ig a fait une Dïffertation fur les antennes des
Infectes^ imprimée à Lçipiig, 1778, in-8°. C'eil dan^
A N T ^65
cette Diflertation qu'il faut fuivre le détail des variétés ,
la richeffe des formes , des grandeurs , des ftrudures ,
la fageffe qui règne dans les deflinations de cette partie
organique dans les divers infeftes. En lifant l'article in-
fecie 5 on conviendra à la fin qu'on peut «appliquer avec
raifon , à ceux qui étudient cette claffe du règne
animal , ces mots de Pline : Rcrum naturœ in arcium
coacîa majejîas !
ANTH£LMIA. Voyez Spigdia^
ANTHERE , Anthtra. Nom que les Botanifîes don-
nent aux fommets des étamines , & qui font des efpeces
<le petites bourfes ou de capfules , lesquelles confliîuent
l'effence des organes mâles des fleurs. Voyzi^ à tard"
€k Plante.
ANTHIAS. Fby^^ Barbier.
ANTHORE ou AcoNiTSALUTxyRE, ouMaglou,
Aconïtum falutifcrum feu Anthora , Tourn. Plante
ainfi nommée pour la diflinguer des autres aconits qui
font de vrais poifoas. Sa racine efi de la grofTeur d'un
pouce, tantôt arrondie, tantôt oblongue & fîbreufe ;
brune en dehors , blanche en dedans , d'un goût amer ,
&; qui refferre la gorge. On trouve cette racine tubé-
reufe &; vivace dans les boutiques.
Cette plante croît fur les Alpes & les Pyrénées ,
même en Provence & en Italie : fa tige efl longue d'un
pied , lifTe & droite ; fes feuilles font alternes , blan-
châtres en deiïbus , vertes en defTus ; elles font comme
palmées , à découpures nombreufes & profondes ; {-a,
fleur ell jaunâtre , polypétale , irréguliere , un peu ve-
lue en dehors , terminale & reprcfentant en quelque
façon une tête couverte d'un cafque ; le fruit efl à
plufieurs gaines membraneufes. Cette plante fe diflin-
gue des autres aconits , parce que les découpures de
fes feuilles ont par-tout la mêm.e largeur , &: que î^s
fleurs ont cinq piflils. On Pa nommée anthora , parce
qu'elle efî: regardée comme un antidote fpécifique con-
tre une efpece de rçrioncule à feuilles de cycUmcn ou
366 A N T
de pain de pourceau , qu'on nomme ûiora, VoyeX
Thora & Aconit.
On eftime la racine ^ardhora propre contre la mor-
fure des vipères & autres animaux venimeux : elle ell:
dit-on , alexitere , utile dans les fièvres malignes. En
Dauphiné , on s'en fert pour faire mourir les vers.
Malgré la dénomination qu'elle a reçue des Anciens ,
on doit être très-prudent peur en faire prendre inté-
rieurement.
ANTHRENE , Anthnnus. Nom que l'on donne ,
dans la nouvelle Hijiolre abrégée des Infecles , à àtvciL
très-petites efpeces de coléoptères qui font fort jolies ,
& qui habitent ou volent fur les fleurs en ombelles
& à fleurons , quelquefois par milliers. Ces coléoptères
font recouverts de petites efpeces d'écaillés colorées
qui s'enlèvent par le fimple toucher , 6c laiiTenî paroître
alors l'infede tout noir; toutes les pattes ont cinq
articles ; leurs antennes font droites , en maffe folide
^ un peu aplaties. On appelle la première efpece
Anâinne à broderie , ( Dermejies tomentofus maculatus ,
Linn. ) Elle n'a qu'une ligne de long. Son ventre eft blanc,
mais fon dos offre un mélange de blanc , de noir ,
& de rougeâtre qui imite une forte de broderie.
La féconde efpece efl défignée par M. Geofroi , fous
le nom à^ amourette ; ce beau nom ne femble pas trop
lui convenir , à caufe de fes qualités ma^-faifantes. Elle
eft plus petite que la précédente , & fes couleurs ne
font ou'un mélange de l:4anc & de brun rougeâtre.
Les larves des anthrenes font très - petites , velues ,
remarquables par deux appendices ou crochets aufn
longs que le corps de la larve qu'ils terminent du côté
de la queue.
Les anthrenes^ dans l'état d'infeQe parfait, font a£lives ,
aiment le grand air , cherchent le jour , fe plaifent au
Soleil , fuient les lieux obfcurs , travaillent pour fe
mettre en liberté, &: n'ont de goût que pour les
fucs 6c la fubflance des fleurs; mais leurs larves moins
^ À N T _ ^ 3(jf
délicates 5 ennemies du jour,&: qui fembîent à peine
fe mouvoir , vivent cachées parmi les plantes amon-
celées qui le pourrifient , & les fubftances animales
deiiéchées. Ces infedes en fe métamorphofant, changent
de goût autant que de forme. Ils font au nom-
bre de ceux qui caufent des dégâts dans les collec-
tions des Cabinets d'FIiftoire Naturelle. Si les anthnms ,
après leur métamorphofe font empriionnées dans des
boîtes , de manière qu'elles ne puiffent fe former ou
trouver une iffue , elles s'accommodent des fubftances
animales qui s'y trouvent, &: fe dévorent de préfé-
rence les unes les autres , fans fe tuer cependant, mais
à mefure cu'elles ceiTent de vivre naturellement. Mai ,
Juin & Juillet font les mois où les anthrems paroif-
fent ious leur dernière forme ; leurs œufs éclofent en
automne , & leurs larves mangent pendant l'hiver ;
mais elles paroiffent engourdies pendant les grands
froids ; tombent plufieurs fois dans une efpece de
léthargie, dont elles fortent pour y retomber de nouveau.
Devenues coléoptères , elles fe montrent auffi-tôt. Les
^anthnms font peu de tort aux grands animaux deiféchés
ou empaillés , mais elles gâtent beaucoup les infedes :
elles font timides , fe laiffent , au moindre choc. , tomber
du lieu oii elles font cachées , roulent à travers les
boîtes & les cadres , & refient quelque temps immo-
biles , puis reprennent vme marche inégale , fouvent
interrompue , incertaine , & qui indique leur agitation
jufqu'à ce qu'elles aient gagné un recoin où elles
foient cachées.
ANTIDESME , Antidefma, Ce nom , compofé de
deux mots grecs , & qui fignifie contre-venin , eft donné
à un genre de plante à fleurs incomplètes , & qui
Comprend des arbres ou des arbriffeaux exotiques ; les
fleurs font difpofées en petits épis qui reffemblent à
des chatons ; les fleurs mâles font feparées des femelles
& fur des pieds difFérens ; le fruit efl une baie ovale^
6c qui contient une feule graine ovoïde. \
3^g A N T ^
On diftingue Vamldefme akxiure de la Côte du Mala-
bar , Anadejma alexltena , Linn. L'écorce de ce grand
arbre toujours vert , fert à faire des cordes ; on mange
avec plailir fes fruits qui font acides. Ses feuilles paffent
pour l'antidote du ferpent appelé héntinandcL
Uantidefme de Madagafcar, c'eil le bois de mafoiitrt
des MadagalTes. Dans les aiîTelles des nervures princi-
pales des feuilles , on obferve des callofités , qui
chacune préfente un pore ouvert , comme fi ces parties
avoient été piquées par quelque infede. Cet arbre
paroit être Vampoufoutchl dont parle Flacoun,
Uantidefme de Ceylan ; la décc£lion de fa feuille ,
eft , dit-on , le remède fpécifique de la morfure du ferpent
à chaperon & venimeux , appelé cobra de capdlo par
les Portugais,
ANTIGACU du Bréfil ; c'eil le coucou cornu.
Voyez ce mot,
ANTILOPE. Voyei à l'article GAZELLE.
ANTIMOINE , Antimonium. Minéral métallique ,*
qui fe trouve ordinairement mêlé avec diverfes matières
étrangères , pierres , métaux ou autres fubftances métal-
liques. Uantimoine natif ipcLYOït compofé de petits filets
brillans , d'un gris bleuâtre , difpofés régulièrement ,
ou de flries cunéiformes , mêlées & fans ordre ;
d'autres fois il a l'apparence du plomb ou du fer poli ;
mais il efl friable , 6c mêlé avec une pierre blanche ,
& communément quartzeufe. Il y en a qui chatoie
comme . la gorge de • pigeon ; une efpece très - rare ,
cil en petits criflaux , floconés , gris ou pourpres , ( ceux
pourpres , paroiflent être un kermès minéral natif. ) &
fe nomme antimoine en plumes rouges. Il y a auiîi
la mine à^ antimoine à écailles , la mine à! antimoine
cornée ou de couleur femblable à la corne , &: la
mine ^antimoine terreufe , vitrioUfés , 6lc.
On trouve prefque par-tout des mines à^aniimoine ,
en Bohême , en Saxe , en Hongrie , en France ,
& au Cap Corfe; mais on n'a encore découvert jufqu'ici
du
A N T 569
Bu régule d'antimoine natif , que dans la tnlne de Sala
en Suéde. Foyei ^^^ Mémoires de l' Académie de Suéde ^
Tome X ^ année q^S. ( Il efl: mention d'un régule d^ariti*
moine vierge de Facebay en Tranfylvanie ; & d'un
régule d"" antimoine natif , blanc , brillant , à larges
facettes , mêlé avec du régule d'arienic , trouvé à
Allemond en Dauphiné. Journ. de Phyf. Juillet lySj.
Cet antimoine régulin , n'efl: peut-être que du biimuth. )
La mine ^antimoine près de MalTiac , en Auvergne ,
fournit aujourd'hui des criilallifations de ce demi-métal ,
plus grandes oc plus belles que n'en fouriiit la fameuie
mine de Presbourg. U antimoine^ féparé de la gangue'
par la fufion , fe nomme improprement antimoine cru,
\Ja.itmat des Arabes efl V antimoine fondu.
U antimoine le plus beau , celui qui a les plus longues
aiguilles parallèles &: les plus brillantes , efl compofé
d'une fubilance métallique qu'on nomme régule ; &c
d'une partie fulfureufe qui forme le tiers de fa maffe^
Ce demi-métal fe volatilife entièrement dans le feu >
& communique , ainfi que le zinc , cette propriété à
îa plupart des autres fubiîances métalliques : plus iî
contient de fouft-e , plus il fe fond facilement ;
alors U fume & fe convertit en un verre couleur
d'hyacinthe.
Uantimoine a donné lieu à de grandes conteilations
en Médecine : en 1.566 . fa nature n'étant pas encore
l)ien connue, un décret de Médecine , confxrm.é paf
Arrêt du Parlement , en profcrivit l'ufage. Malgré
ces ordres , Paumier de Caen , grand Chimifte &:
habile Médecin , prévoyant le grand avantage qu'on
pouvoit en tirer en Médecine , ofa s'en iervir ei>
1609 , &; fut dégradé. » Par quelle fatalité ( dit un
» Auteur moderne ) ^ les génies qui ont arraché le
» bandeau de l'erreiu- , dévoilé des vérités , confacrd
» leurs peines & leurs travaux au bien de l'humanité y
>> ont - ils été de tout temps pourfuivis , perfécutés ,
Zl tyrannifés p?a' rvfprit de menibnge , de jaloufie ^
Tome L A a,
370 A N T
» d'ignorance & de fiiperilition « ? Ait rerte , ce
n'eil qu'avec lenteur , 6c après avoir lutté contre
refpece humaine , qu'on parvient à lui être utile. La
vertu de ce minéral fut enfin reconmie , & il fut inféré
dans le livre des médicamens en 1637. M. Huxham^
célèbre Médecin Anglois , a donné un Mémoire fur
V antimoine à la Société Royale de Londres. Dans ces
Obfervations qui ont été couronnées par le Corps illuftre
dont il eft Membre , on y trouve développée la nature
de Vamimolne & fes effets dans le corps humain : on
fait que ce minéral manié par la mam de Chimilles
habiles , eil devenu une des bafes fondamentales des
remèdes capitaux. L'art efl parvenu à maîtrifer ce
minéral , & à lui faire produire les effets de vomitif,
de purgatif , ou de fimple altérant. On en fait le kermès
minéral , le tartre émétique , le foufre doré à^anti^
moine , & une multitude d'autres préparations. C'eil
encore dans l'excellent DiBionnaire de Chimie^ qu'il
faut apprendre à connoître la véritable nature de ce
minéral , les diverfes préparations utiles qu'on en peut
retirer , & l'art avec lequel il faut le préparer, f^^oye,^
aujfi cet article dans notre Minéralogie , Tom, II. On y
trouvera , d'après Furetiere ^ une anecdote concernant
fon étymolegie : mais je fuis tenté de croire que
c'efl un conte fait à plaifir. Un des remèdes contre
les coliques de Plombier &: de Peintre , eil fait de
verre d'antimoine 6c de fucre en poudre mêlés , dont
on fait une pâte.
U antimoine \^it M. Bourgeois , n'efl pas feulement
un minéral dont la Médecine retire ce grands fecours
pour le corps humain , mais il efl encore trcs-efHcace
pour une infinité de mxaladies des brutes. U antimoine
cru , donné à la dofe de deux onces ( ou le foie
à^antimcme à la dofe d'une once ) , aux chevaux vieux
& ufés , fait des merveilles pour les rajeunir en quelque
forte , 6l rétabhr leurs forces , en renouvelant la mafîe
de leur fang. Il produit fon grand effet par la
tranfpiratîon. Il guérit ces mêmes animaux de la gale ^
du farcin & de la pouile commençante. On l'a employé
.avec le même fuccès pour les bœufs & vaches. Ùand^
moine cm guérit auffi les moutons de la gale , donné
à la dofe de deux gros : on le fait prendre aux uns
& aux autres animaux pendant vingt à trente jours;
Uantimoim ti\ auiîi d'ufage dans les Arts : on s'en
fert pour piu-iiitr l'or & pour polir les verres ardens;
Mêlé au cuivre , il rend le fon des cloches plus fin ; mêlé
en petite quantité avec le plomb , il forme des carac- '
teres dlmprimerie : il rend Pétain plus blanc & plus
dur. L'émail jaune de la faïence le fait avec Vanti^
moin- 5 la fuie , le plomb calciné , le fel & le fabkà
ANTIPODE. Voyzi k VarticU Gloee.
ANTISPODE. Voyei a Vartick Spode.
ANTOFLE DE GIROFLE. Voye^ Vanich GiROFLEi
ANlRïBE , Antrihîis, Le caradere de ce genre
d'inlédes coléoptères , dont il y a plufieurs efpeces ^
tfl d'avoir les antennes en malle , compolées de trois
articles , & placées fur la tête ; de n'avoir point de
trompe , d'avoir le ccrfelet large & bordé , & les
tarfes garnis de pelotes. Ce genre d'infecle fe trouvé
furlestieurs , qu'il ronge &paroît hacher en morceaux,
ce qui l'a fait appeler Antrihe. Geoffroî.
ANTROPOLÎÎ'ES , iont les offemens humains
devenus fofTiles , ou pétrifiés , ou vitriolifés , ou miné-
ralifés. Ces pétriifications font affez rares : on confond
trop fouvent des parties Oiieufes de brutes avec celles
de l'homme. M. de Lamancn dit avoir trouvé dans
une pierre , partie calcaire & partie gypfeufe i, àQs
environs dVvix en Provence , des écailles entières
•(Mes carapaces ) de tortues , que les uns avoient
prifes pour des têtes d'hommes , & d'autres pour des
noyaux de nautiles. Voyc^^ Vartick PÉTRIFICATIONS^
ANTROPOMOFvPHîTE. Efpece de cruilacée pétrihé
ou foiïile , qui repréfente d'un côté la face de l'homme^
fa furface fupérieure ell voûtée ^ comme divifée en tyois
A a a;
574 A N T A O U
parties , dont celle du milieu plus faillante que les
autres , eft , ainfi que les collatérales , compofée
d'anneaux. Cette pétrification ib trouve en Angleterre.
L'on voit fur quelques ardoifes des environs d'An-
gers 5 certaines empreintes cruftacées , qui ont quelque
rapport avec Vantropomorphite ; mais on ne connoit
pas fon analogue vivant.
On donne le nom ^ antropo^lyphitts à des corps
figurés & fofTiles , qui repréiëntent quelques parties
du corps humain.
ANTROPOPHAGE. Nom donné à ceux qui mangent
la chair des humains. Confultez la Diffatanon fur
rantropophage de Berg. Jena , 1781.
ANVOYE ou Aveugle. Foyei Orvet.
AORTE. Foy^i dans l'article de l'économie ani-
male , à la fuite d\i mot Homme , la mécanique éton-
nante de ce canal qui part du cœur, & porte le
fang dans toutes les parties du corps. Foye^ aujjî
CCEUR.
AOUACA. Voyei Avocatier.
AOUARA. Voyei Palmïer-Aouara.
AOUARE. Nom du farigue à la Guiane. Voyei
Sarigue.
AOUAROU. Foyei CouRiCACA; Foyei auffi l'ar-
ticle Liane à réglijj}.
AOURAOUCHI. Subilance graffe , de couleur bnme>
de la confiftance du fuif , & n'ayant aucune odeur,
qu'on trouve dans les cabinets des Naturalises : on
l'a nommée aufîi Guiamadou ; c'eft une efpece de
beurre végétal tiré par la coftion des fruits du muf-
cadier fauvage , nommé ihïcuïba,
AOLJRNIER. Voyei Cornouillier franc.
AOUROU-COURAOU. M. de Buffon donne ce
nom à un perroquet amazone , indiqué par Marcgrave
fous le nom brafilien d'ajuru-curau. La longueur totale
de ce perroquet , qui fe trouve à la Guiane d: au
Bréfil, eil d'un pied; fon envergure efl de deux piede
A O U 373
tiii pouce Se quelques lignes ; le deffus de la tête
eft d'un bleu nué de violet ; le refte de cette partis
eft jaune ; les plumes de la gorge le font aulTi , maisj
bordées de vert bleuâtre ; le reite du corps eft d'un
vert clair , nué de jaunâtre fur le dos & le bas ventre ;
le pli de l'aile , qui répond au poignet , eft d'un jaune
orangé ; le fouet de l'aile eft rouge ; le refte de l'aile
eft varié de vert, de noir , de jaune , de bleu-violet
& de rouge ; les deux plumes du milieu de la queue
font d'un vert foncé , mais nuées de jaunâtre à leur
extrémité ; les latérales font variées de noir , de rouge
& de bleu. Elles font toutes un peu étagées ; les plus
longues font au centre , la peau nue qui entoure les
yeux , eft d'un gris-blanc ; l'iris de couleur d'or , le
bec cendré , les pieds grisâtres. M. di Buffon rapporte ,
comme des variétés , à Vaoïirou-couraou^ cinq autres
perroquets ; favoir , i .*^ Le perroquet à tête jaune de la
Jamaïque , de M. Brijjon ; PJittacus icleroo^phalos ; c'eft
le perroquet a bec noir , de M. Salerue : le fmciput eft
d'un bleu nué de vert, i.** Le perroquet ama^ne de la
Jamaïque , de M. Brijfon : le fmciput eft d'un bleu
d'aigue-marine ; le demi-bec fupérieur eft rouge à h
bafe , bleuâtre dans fon milieu , noir à fon extrémité ;
le demi-bec inférieur eft blanchâtre ; ce perroquet habite
le Bréfil, la Guiane &: la Jamaïque. 3.^ Le perroquet
à tête bleue du Bréfil , de M. BrijTon, Kirc^rave dit que
les Brafiliens l'appellent ajuru - curuca ; Ite fmciput eft
d'un bleu nué de noir ; il y a ftir le fommet de la
tête une tache jaune , & une femblable au-deftbus de
chacun des yeux ; la gorge eft bleue ; le bec cendré
à fa bat-e , noir à fa pointe. 4.^ Le perroquet amazone
varié ^ de M. Briffon ; c'eft le grand perroquet vert des
Indes Occidentales ^Edward : le fmciput eft couleur
d'aigue-marine ; le fommet de la tête d'un jaune pâle ,
nué de bleu ; les joues & la gorge jaunes ; le refte
du plumage fupérieur varié de vert & de jaune , mais
il y a quelques plumes rouges. 5.° Le perroquet aniaiouQ
A a 3
574 . A P A
^ front jaune , de M. Brljjon ; le fommet de la tête
elt d'un jaune pâle , & le pli de l'aile qui répond au
poignet , efl d'un jaune-orangé. Il n'eft pas rare de
voir cette variété , ainfi que V aourou-œuraou dans les.
fcoutiques de nos Oireliers.
APALACHINE. Voye-^ Thé des Apalaches.
APALIKE^ Apalika^ Barr. : Cliipea cyprlnoïdes^ Brouff. :
CamanpiLgîiacu , Marcg. ; en Anglois , Pcnd-King-Fislu
Poiffon du genre du Clupc ; il le trouve dans la partie
de l'Océan qui eft entre les Tropiques. Suivant Marc-,
grave , il s'accroît jufqu'à une grandeur confidérable ^
& fa chair n'efl point agréable au goût. Uapa/îke ,
fuivant M. Brovjjonet , a le corps comprimé ; les écailles
un peu convexes & de la forme d'iui rhombe , légè-
rement crénelées , blanches en leur difque , &: entourées
d'une m.embrane étroite & argentée ; les lignes laté-.
raies fe recourbent vers la queue , à la moitié de 1^
longueur du corps ; l'efpace com^pris entre les yeux
eil un peu enfoncé , & offre plufieurs mxcmbranes comme
écailleuiës. La mâchoire de defîbus efl obtufe par le
bout , & un peu plus longue que la fupérieure. L'une
& l'autre ell garnie de dents très-fines & ferrées
entre elles. Les yeux font orbiculaires &: leur diamètre
confidérable; ils ïoiit recouverts d'une double mem-
brane clignotaiite , & demi-circulaire ; la pcfiérieure
deux fois auili large que l'autre ; les iris amples ,
argentés ; les paupières d'une couleur noire. La
nageoire dorlale a des rayons de différentes longueurs ,
en forte que cette nageoire paroit avoir la ferme d'un
fer de faux ; le rayon qui la termine efî: fortifié d'un
offelet. Les rayons des nageoires pedorales font ofTeux
à leur bafe , ainfi que les abdominales ; elles ont une
écaille particulière à leur infertion. La nageoire de l'anus
efl échancrée , écailleufe à fa bafe , 6c fes rayons font
à-peu-pres diflribués comme dans la nageoire dorfale;
celle de la queue efl ample , échancrée en deux parties
d'une ligure ovale lancéolée; les rayons qu'elle contient
A P A A P E 375
font ferrés les uns contre les autres. Les nageoires font
d'un blanc obfcur. La couleur du corps en argentée ,
avec un teinte de bleuâtre fur le dos 6c fur le fommet
de la tête.
AFAR. Efpece ^armadïlk ou àe tatou à trois bandes.
Voye^^ a V article ArmadiLLE.
APARïNE 5 Aparina, Nom donné à une famille de
plantes , dont les feuilles font verticillées ou accom-
pagnées de fcipules placées entre elles fur les tiges. 11 y
a de ces plantes qui fe couchent fur la terre , &: font
fouvent femées de poils en crochets qui s'attachent à
tout ce qui les touche. Leurs fleurs en godet font
hermaphrodites dans| l'efpece ordinaire. ( Car , dit M.
Halkr , il y en a d'autres avec les fleurs mâles , &
des fleurs androgynes où les femelles viennent fur la
même tige). Ces plantes font la Cwifcttc ^ la Garcncc^
le Cailk - lait ^ le Grat^ron ou Pdzbh , ëcc. Voyez
ces mots,
APEREA. Cet animal qui fe trouve au Bréfil n'efl
ni lapin ni rat , & paroît tenir quelque chofe de tous
deux & faire la nuance entre ces deux quadrupèdes.
Il a environ un pied de longueur , fur fept pouces de
circonférence , le poil de la même couleur que nos
lièvres , &: blanc fous le ventre ; il a auffi la lèvre
fendue de même ; les grandes dents inciiives , & la
mouflache autour de la gueule & à côté àe?> yeux ;
mais fes oreilles font arrondies comme celles du rat ,
&: elles font fi courtes qu'elles n'ont pas v.v). travers
de doigt de hauteur : les jambes de devant n'ont que
trois pouces de hauteur , celles de derrière font un peu
plus longues ; les pieds de devant ont cjuatre doigts
couverts d'une peau noire & munis de petits ongles
courts ; les pieds de derrière n'ont que trois doigts ,
dont celui du milieu eil plus long que les deux autres ;
Vapena n'a pas de queue ; fa tête efl un peu plus
alongée que celle du lièvre , & fa chair efl d un auîH
bon fumet que celle du lapin , auquel il reiieiBble
A a 4
37^ A P E A P H
par fa manière de vivre. Il Te blottk aufîi dans des
trous , mais il ne creufe pas la terre comme le lapin ;
c'eû plutôt dans des fentes de rochers & de pierres
que dans des fables qu'il fe retire ; auffi eft-il bien
aifé à prendre dans fa retraite. On le chaiTe comme
im très-bon gibier , ou du moins auili bon que nost
meilleurs lapins. Il y a lieu de croire que l'animal
connu ions le nom de cori , eu V aperça ; que dans
quelques endroits des Indes occidentales , on a peut-
être élevé de ces animaux dans les mailbns ou dans
les granges , comme nous élevons des lapins ; &
qu'enfin c'eft par cette raifon qu'il s'en trouve
de roux , de blancs , de noirs 6c de variés de cour
leurs différentes.
APHRO-NATPvON. Foye?^ Sel mural.
APHRODIiE. M. Adanjon donne ce nom à des
animaux dont chaque individu reproduit fon femblable
par la génération , mais fans aucun ade extérieur de
t:opulation ou de fécondation ; tels que quelques
pucerons , les conques ( coquillages ) , la plupart
des vers ians fexe , les infedes qui fe reproduifent
par la fedion d'une partie de leur corps. En ce
fens , les plantes qui lé multiplient de bouture , font
aufii aphrodues. Cette irrégularité , fi contraire à la
marche ordinaire de la Nature , oppofe bien des
difficultés à la définition de l'efpece : oiH-ct qu'à
proprement parler , il n'exiftercit point d'ei[ieces dans
la Nature , mais feulement des individus ? Lifez main^
tenant les articles Génération , Hermaphrodite , Semence ,
Vivipare,
Aphrodite. Efpece de chenille de mer qui fe trouve
dans les mers d'Occident. Son corps a la forme d'un
œuf : cet animal eft couvert de pointes couleur de
pourpre , & de pciis d'un jaune-vert. Sa bouche eft
garnie de filets , femblables à des poils d'animaux,
Linnams dit que c'eft un ver loophite. Voyez ce mot^
îSi'çft-ce pas la taupe de mer ? Voyez ce mot,
A P H 377
Toutes les efpeces èHaphrodites de mer ^ ainfi que la
plupart des animaux mous , ont , dit M. le douleur
Fallas , le corps long , divifé en fegmens tranfverfaux
à la mairlere des iniedes. La figure de ce corps efl
ou un peu quadrangulaire , aiîëz obtufe aux deux
extrémités , ou alongée; la bouche paroît à l'extrémité
antérieure , fous la forme d'une ouverture large très-
ridée , qui fe termine par une efpece de fac fervant
de réceptacle à la nourriture. Cette bouche eft envi^
ronnée de quantité de franges ou antennes plus ou
moins longues. Chaque aphrodïu a quatre fériés de
petits pieds compofés chacun d'un faifceau de poils
ô^ de foies , & armés en outre d'une efpece de frange
charnue : outre ces pieds on obferve fur leur dos une
multitude de petites ouïes placées auprès des faifceaux
de poils fur chaque fegment. Le nombre des parties
extérieures eil prefque le même dans toutes les aphro-
dites : cependant quelques-unes n'ont pas les faifceaux
de poils 5 & d'autres manquent de franges ; de même
qu'il y en a qui n'ont que des commencemens d'ouïes ;
d'autres n'ont que des écailles fur le dos. Ces fortes
d'animaux vivent errans dans la mer , ne cherchent
point de retraite , & ne font point , dit notre Auteur ,
de petits tuyaux comme les néréides ; elles fe nour-
riffent , au fond de la mer , des fucus qui s'y ren-
contrent : mais comment fe propagent-elles ? On pré-
tend cependant qu'elles ont deux lèxes.
APHYE , Cyprinus biuncalis y ïridibus ruhris y pinnâ
ani ojjiculorum novem , Artéd. ; en Suédois , Mudd ,
Skittfpigg : Cyprinus aphya , Linn. Très-petit poiffon du
genre du Cyprin, Il abonde auprès des rivages , & dans
les ports & les détroits de la mer Baltique , auprès
de la Sudermanie. Linnœus dit qu'on le trouve auffi
dans les petits ruiiTeaux de l'Europe : fa longueur varié
depuis un demi-pouce , jufqu'à deux pouces ; il a le
dos convexe , un peu (aillant ; les iris des yeux
d'une couleur rouge. La mâchoire fupérieure eit un
378 API A P O
peu plus longue que celle de delTous; la nageoire de
l'anus efl ordinairement garnie de neuf rayons ; la
queue eft un peu fourchue.
On donne auiii le nom d''aphye marinz à la LoCHE
DE MER. Voy^^ ce mot.
APICHU. Voyci a rartïcU Batatte.
APINEL. Racine qu'on trouve dans quelques Ifles
de l'Amérique. Les Sauvages la nomme yacahanï , &
les François apind , du nom d'un Capitaine de cava-
lerie qui l'apporta le premier en Europe. Si on en
préfente au bout d'un bâton à un ferpent, &: qu'il
la morde , elle le tue : fi on en mâche & qu'on s'en
frotte les pieds &: les m^ains , le ferpent fuira , ou
pourra être pris fans péril : jamais ferpent n'appro-
chera d'une chambre où il y a un morceau à'apind.
Cette même racine fi utile à la confervation des
hommes , feroit , à ce qu'on dit , très-utile encore à leur
propagation , fi un tel acte avoit befoin de ces fecours
forcés que l'on n'emploie guère luivant les vues de
de la nature. Hijîoire de T Académie Royale des Sciences y^
lyi^. Cette racine paroît être celle de la plante appelée
par Linnceus , Ariflolochia angiiicida.
APOCALBASUM. Voye^ Oppocarbasum.
APOCïN , Ouate ou Herbe de la Houette ^
^Apocymim majus y Syriaciun , recîum , caule viridi , jlore
ex albido, Hort. Reg. Par. : Afckpias Syriaca ^ Linn..
313. C'efl une plante graffe , originaire de Syrie , dont
la tige s'élève à la hauteur de trois pieds , ou environ ,
droite , fimple , herbacée , parfemée de points d'un
pourpre oblcur vers fa bafe. Ses feuilles font larges,
ovales , épaiffes , oppofées & blanchâtres , ou coton-
neufes en defîbus , vertes en deiïïis ; les fleurs naiffent
aux fommités des tiges , difpofées en ombelles pédun-
culées ; elles font en cloche , découpées & purpu-
rines , d'une odeur agréable. Ses fruits font gros comme
le poing , oblongs comme de groiles gaines , qui
pendent attachés deiLX à deux à une groffe queue ^
A P O 379
contenant des femences aigrettées. Il eft couvert de
deux écorces : la première eft verte & membraneufe ; Se
la féconde eu mince , polie , de couleur fafranée. Ces
écorces contiennent une matière filamenteufe , fem-
blable à de la moufle d'arbre , fous laquelle toute la
capacité du fruit efl: remplie d'une efpece de coton
très-fin , très-mollet , foyeux , &i d'un très-beau blanc-
de-perle , qu'on appelle ouaie ou houette : ce coton
eu conflitué par les aigrettes des femences.
Cette plante vivace & traçante , & qui appartient ,
par la ftruclure de fa fleur , au genre de VAfcUpias ,
efî d'un bel afped : fa tige & its feuilles font couvertes
d'une efpece de laine ou duvet , & remplies d'un iiic
laiteux , acre & cauilique ; elle croit dans les lieiLX hu-
mides 5 en Egypte &:près d'Alexandrie, &:c. On prétend
que celle que l'on cultive dans nos climats eil venue
du Canada ; ainfi on peut la cultiver dans tous les pays.
Le coton , appelé ouau , qui eft dans fon fruit , eft
employé pour fourrer les habits: les habitans du pays
en mettent dans leurs lits. Depuis quelques années le
fieur de la Rouvierc , Bonnetier du Roi , a fu employer
plus induftrieufement cette ouate foyeufe ; il l'a filée ,
& il prétend en fabriquer des velours , molletons &:
flanelles fupérieures à celles d'Angleterre : mais il efl
à préfumer qu'on ne peut la filer qu'en la cardant & en
la mêlant avec du coton , ou de la fîlofelle ou de la
laine , la foie de l'apocin étant trop courte , &c. Les
Chapeliers mêlent aufii ce duvet avec les poils de caflor
& de lièvre : ils en font de très-bons chapeaux.
11 y a plufieurs efpeces à^apocin , du fruit defqueîs on
peut tirer le même ufage : mais on n'emploie communé-
ment que le coton de Vapocin de Syrie ou du Canada ,
qu'on nomme aujourd'hui la foyciifi , & qu'on trouve
dépeinte & gravée dans Munt'mgius , iGjz &C 1702.
L'efpece qui produit les fleurs les plus grandes 6c dont
la tige s'élève à la hauteur d'un homme , eil VAfcU-
pi as gîganua , Linn. j VApocynum srccîum , incanum ^
'^So A P O
latlfoUum , M^ypùacum , fiorikis crocels , de Tourneforei
C'eft le Rh'uiel de Croffar , à' Alpin , Egjpt. 85 , t, 86.
Cette plante croît auiii dans l'Inde.
On trouve , dans le premier volume de ^Académie,
dis Sciences de Dijon , un Mémoire très-intéreilant ,
par M. G dot , dans lequel il donne l'hiftoire , la
culture & les propriétés de Vapocin , appelé la foyeufe.
Cette plante , dit cet Auteur , croît facilement par-
tout 5 même dans les terrains les plus mauvais : elle
s'y multiplie d'elle-même comme le chiendent ,&: elle
ne foufFre aucune autre forte d'herbes ; avantages con-
fidérables qu'elle a iur les plantes à filature , qui exigent
de bons terrains , des engrais renouvelés chaque
année , & une culture annuelle. C'eil en Mars ou en
Avril qu'on doit femer la graine d^apocin , attendrie
auparavant pendant deux fois vingt-quatre heures dans
l'eau ; un feul labour lui (ùffit. La plante ne porte les
gouiTes qui renferment la foie ou la graine , qu'à la
troifieme année ; elle pouffe la première année une
tige de dix-huit à vingt pouces de hauteur ; la féconde ^
elle en donne de nouvelles de trois pieds , & la troi»
fieme enfin , elle pouffe des jets d'environ cjuatre ,
cinq , fix & même fept pieds de hauteur , fuivaat la
bonté du terrain. Dès que fes fleurs , qui font en gros
bouquets , paroiffent , on y voit arriver les abeilles
qui en font tres-friandes. Un terrain de douze pieds
en quarré , femé de cette plante , produit affez pour
.enfemencer huit arpens , tant eu grande la multipli-
cation de cette plante. Sur la fin d'Août & dans le
courant de Septembre , les fruits ou gouffes s'ouvrent
d'eux-mêmes , rarement au commencement d'Ociobre.
M. G dot ayant porté fes obfervations fur la tige de
Vapocin , a remarqué que fa partie ligneufe & fon
écorce étolent femblables à celles du lin 6c du chanvre.
Il a fait rouir pendant onze jours les tiges d'apocin ; &c
les fibres longitudinales de l'écorce qui fe font enle-
vées &: féparees très-facilement de la paitie ligneufe ,
A P O 3S1
font toutes de la longueur de la plante , ce qui ell
très-important pour produire une matière propre à une
belle filature. On a fait rouir à part , pendant cinq
jours , l'écorce verte féparée de la partie ligneuie ,
elle s'enlève très-facilement : alors on en a retiré , par
le feul frottement , la partie verte de Pécorce , & les fibres
ont paru plus blanches , plus molles & plus foyeufes»
Voilà donc la meilleure méthode ; elle eR auiTi la plus
facile 6c la plus expéditive. L'efpece de filalïe que fournit
cette écorce ainli préparée , efl d'une force , d'une
fineffe & d'une blancheur qui la rendent capable d'être
employée feule à faire des toiles 6c des étoffes de toutes
fortes de qualités.
Toutes les efpeces à'apocin font ameres , fur-tout
dans leurs graines , leurs racines 6c leur écorce , oii
réfide leur principale vertu. Leur infufion à froid Sc-
à petite dole eu purgative ; fi on augmente la dofe ,
elle devient émétique. Le fuc de cette plante eft lai-
teux , 6c appliqué extérieurement , c'eft un dépilatoire ;
mais intérieurement , c'eil un poifon. On l'appelle
quelquefois tue-<hicn , parce que les Anciens ont cru
que cette plante faiibit mourir les chiens ; mais le
véritable tuc-chien eil un colchique. Fcye^ ce mot.
On lit dans la Matière médicale , que le lait qui dé-
coule de la feuille arrachée à cette plante , ie lif^e
avec le temps à la pluie , 6c devient comme une forte
de gomme-rénne blanche , fort femblable à la gomme
adragante , fans en avoir cependant la douceur. Les
Arabes ont donné à ces larmes tantôt le nom de
manne , tantôt celui de fucrc alhafer , ne fâchant à
quelle efpece ils dévoient les rapporter.
Apocin GGBBE=mouche , Apocynum Indicum ,
foliis aîîdrcfœmi majoris , jlort liUi convalUum fuav'è ru-
bentis , Tourn. 9 ï . Nom donné à une plante du genre
des apocins , par la particularité très-curieufe qu'elle
préfente. Ses fleurs font pour les mouches un appât
trompeur, Dès qu'eUçç le pl^;içent fur les pétales de
5S2 A P O
la fleur vers le fond , & enfoncent leur trompe pouf
fucer le fiic mielleux : elles fe trouvent iaifies éc prifes
comme dans un piège , fans pou\^ir fe fauver. Cette
plante croît naturellement dans le Canada & la Vir-
ginie. L'élégance de fon port & la beauté de fes fleurs
engagent à la cultiver dans les jardins.
APOLLON. Eft l'un des plus grands papillons de
jour , afTez généralement connu fous le nom à^AlpicGla ,
ou papillon des Alpes , parce qu'il eit commun dans
ces montagnes. On le trouve auiii dans les Vofges ,
dans les Cévennes , dans la Savoie, en Hongrie, en
Suéde & généralement dans les pays montagneux ,
même en Ruffie; il ne paroît qu'en été. Il emploie
fes fix pattes pour marcher. Ses ailes font fi peu pou-
dreufes qu'elles femblent n'être qu'une membrane tranf-
parente. Elles font blanches , nuées de gris ou de jau-
nâtre. Le deiuis des ailes fupérieures olfre cinq taches
noires dont l'une près du ])ord inférieur efî fouvent
pointillée de rouge. Les ailes polliérieures ont chacune
deux grandes taches rouges , cerclées de noir , avec
un gros point blanc au milieu , &: fouvent deux
petites taches noires vers le bord inférieur de
ces mêmes ailes. Les quatre ailes font îraverfées
par une bande noirâtre pointillée : ces mêmes points
noirs fe trouvent aufli à la nainance des ailes.
Tous les papillons de cette efpece ont de longs
poils grifâtres fur le corps & à la naiilance des
ailes inférieures ; leurs antennes iont courtes &
groffes. Le deifous des ailes antérieures offre trois
taches noires ^ deux rouges ou rcufles , cerclées
de noir. Le deiTous des ailes poftérieures montre
les à^wK mêmes grandes taches qu'au defius, & en
outre trois à quatre rouges terminées par des points
noirs. La fsmelle ne diiTere du mâle que par un petit
fac de confifîance de corne , qu'elle a à l'extrémité
du ventre : ce papillon a le vol pefa.nt , ce qui le rend
facile à approcher.
A P O A P P 5§5
Sa clienille ell noirâtre. Son corps eu couvert d'une
grande quantité de poils courts &: gros, & qui for^
ment une efpece de velours. Chaque anneau efl fé--
paré par une ligne de couleur d'acier. Une fuite de
taches rougeâtres , règne fur le dos & fur les côtés ,
au bas de fon ventre ; fa tête eu petite , & au moin-
dre toucher l'animal la fait rentret fous le premier
anneau , alors la chenille fe ramaffe en rond. De même
que la chenille du grand porte-queue , elle a deux cor-
nes qu'elle fait fortir à volonté de fon premier an-
neau: elles font d'un jaune rougeâtre , 6c ont deux
lignes de long. On eilime que c'efl la chenille de tous
les papillons de jour qui met le plus de temps à croître.
Elle lort de fon œuf au commencement d'Avril 6c ne
parvient à fon accroifiement parfait qu'à la fin de
Juin ; elle fe nourrit de feuilles d'orpin ; près de fe
métam^orphofer , elle attache plufieurs de ces feuilles
enfemble avec de la foie , & fe file en dedans une
efpece de coque dans laquelle elle fe change en chry-
falide; elle reiTemble en cela à la chenille du /?^^i//(9;2
ejîropié appelé le plain-ckant. Au bout de fix jours , la
chryialide eil d'un vert noirâtre enfuite faupoudrée
de blanc bleuâtre. La dépouille de la chenille reile
ordinairement attachée .à la chry falide , elle donne fon
papillon au bout de quinze ou vingt jours.
. On donne le nom de dani-apollon à un papillon
plus petit que Vapollon. Ses nervures font plus noires.
Il n'a que deux taches noires aux ailes fupéneUres&:
quelquefois une aux ailes inférieures. Sa femelle a aufli
le petit fac que porte la femelle de Vapollon. Le demi-
apoUon a été décrit fous le nom de mmmofine par
plufieurs Nâturaiiiles. Il y a auiîi le peut apoLlon des
liles d'Ourlac.
APPAT DE VASE. Vcyei Anguille de sable.
APRON 5 Ferca ûJper^Umn. : Jfper pifciculus^WiWxw.
Poiffon du genre du Perfégue, C'eil \?.Jlrever des ha-
bitans de Ratisbonne-* \Japron eil une elpece de petite
3S4 A P T ARA
perche qui , félon Willughhy , a beaucoup de rap-
port avec \t faridat. Voyez ce mot. Il eft cependant
plus alongé 6c plus eflilé , fur-tout vers la queue. Le
commencement du dos eft excavé par un rillon. Le
corps eft marqué de huit ou neuf zones tranfverfales ,
comme cekii de la perche. Les narines ont une double
ouverture de chaque côté ; la poitrine n'cil point
garnie d'écaillés comme le dos : la première nageoire
5u dos a huit rayons épineux ; la féconde en a treize ,
inais cartilagineux ; les pedorales en ont chacune qua-
torze ; les abdominales en ont cinq ; celle de l'anus
en a douze. Ce poiiïbn fe trouve dans le Danube.
APTERE & APODE. Voyei la fignification de ces
mots , à /W/c/e- Insecte.
APUT JUBA. Foyei Perruche facée de jaune,
AQUIQUI. Grand fapajou du Bréfilquia une barbe
fort longue au menton , & qui eil ii bien aiTangée
qu'on la croiroit faite avec des cifeaux. Parmi les
iinges de cette efpece , il en naît quelquefois un de
couleur rouffâtre, que les Sauvages appellent le Roi
des Jinges. On dit qu'il monte fouvent fur un arbre ,
& qu'il crie d'une voix enrouée , mais forte , & com.me
s'il vouloit haranguer. On l'entend de très-loin : en
criant , il y met tant d'adion , que l'écume lui fort
îîbondamment de la bouche. On prétend qu'un petit
iinge , alîis auprès de l'orateur , a foin de l'efTuyer.
Ce fapajou aquiqul eft VOuarine, Voyez ce mot.
ARA. Nom donné à des perroquets propres au nou-
veau Continent, & qui fe dilHnguent des autres oi-
seaux du même genre par leur taille qui efl plus forte ,
^ par la grandeur de leur queue qui efl à proportiori
plus longue. Le deffus de la tête eii fort large ; une
peau nue , d'un blanc fale , couvre les deux cotés de
îa tête , l'entoure par deflbus , &: recouvre auiTi le
demi-bec inférieur. Les aras habitent les pays fitués
entre les deux Tropiques , & on les trouve également
fur l^s liles çomm,e fiu \^ Tgtre-Fçrrue j ces oiieaux
ARA 385
ont le plumage brillant , le regard fier , Pair faiivage ^
la voix forte 6c rauqiie ; par leur cri , pofés ou en
volant , ils femblent articuler le mot dont ons'eilfervi
pour les nommer. M. Maudiiyt dit qu'ils volent 01^
dinairement par paires , quelquefois par bandes , avec
affez de viteffe , & s'élèvent en général plus haut que
les autres perroquets ; ils fe perchent fur les branches
les plus élevées , fe nourriiTent de {^v:'^<i\iQit'^ 6c de fruits
6c principalement des fruits du palmier-latanier ; ils
habitent les bois ; ils aiment les terrains humides ; ils.
s'éloignent à environ une lieue pendant le jour pour
chercher leur nourriture, 6c ils reviennent le foirpour
pafier la nuit au mxême endroit où ils ont choifi leut'
retraite; ils font leur nid dans des trous de vieux ar-
bres 6c le garnilTent de plumes ; la femelle fait deux:
pontes par an , de chacune deux œufs à-peu-près gros
com.me ceux du pigeon , 6c tachetés comme ceux de
ia perdrix. Le mâle 6c la femelle couvent alternative-
ment. Les jeunes s'apprivoifent aifément. Leur chair;
efl d'un ufage alTez fréquent à la Guiane , celle des
vieux efi: dure , mais on fait avec d'aiTez bon bouillon.
La chair des jeunes efl allez graffe 6c de bon goût ,
fur-tout dans la faiibn des graines de bois d'Inde. La
laveur de la chair de ces oifeaux tient toujours de l'e{^
pece de nourriture qu'ils prennent ; quand ils man-
gent des fruits d'acajou , ils fente nt l'ail ; s'ils ont
mangé beaucoup de piment , leur chair contracle un
goût de girolle 6c de cannelle ; quand ils fe nourrif-
fent pendant un certain temps de prunes de moubin ^
de cachimans 6c de goyaves , ils deviennent comme
autant de pelotons de graiffe : on prétend que la graine
de coton les enivre à tel point qu'on peut alors les
prendre très-facilement. Le chenevis efl la nourriture
ordinaire de ces oifeaux dans nos climats-; ces perro^
quets n'ont de fauvage que l'apparence , 6c leur ex-
térieur les fait plus craindre qu'ils ne font dangereux
en effet : ils ont au contraire ^ en général ^ des
Tome /, B b
386 ARA
habitudes afTez douces : ils s'apprivoifent aifément , Ils
font même fufceptibles de connoiflance & d'attache-
ment ; ils ufent de la liberté qu'on leur accorde , re-
gagnent d'eux-mêmes les lieux auxquels ils font ac-
coutumés 5 reçoivent avec plaifu- les carefTés qu'on
leur fait , &c en rendent aux perfonnes qui ont l'ha-
bitude de les approcher. Ces perroquets n'apprennent
guère à parler, & ne répètent jamais que quelques
mots qu'ils articulent mal. Leur cri fort déchirant ,
qu'ils font entendre trop fouvcnf , fur - tout lorf-
qu'ils font furpris ou effrayés , porte à les éloigner ,
malgré leur beauté ôc leur aptitude à la domeflicité.
Ils ne font bien placés que dans les lieux vafles , à
l'entrée des veftibules , où on les voit en pafTant ; ils
font fouvent un bel effet à l'entrée des parcs & des
jardins , dont ils ornent les grilles &: les avenues. Ils
paffent pour vivre long-temps ; ils craignent le froid
rigoureux de l'hiver , & ils ont alors befoin d'être
tenus dans des lieux fermés & échauffés pendant le
jour.
Ara bleu, p/. cnl. 30 , Pjitacais maxlmus cyanocro-
cens. C'efl Vara bhu & jaune de la plupart des Auteurs ;
il iè trouve à la Jamaïque & au Bréfil. Il y a de ces
perroquets qui offrent quelques différences dans les
couleui"S du plumage ; font-elles les attributs de la dif-
férence du fexe , ou n'indiquent -elles qu'une variété
accidentelle ? c'efl ce qui n'elt pas encore prouvé. M.
de Bujfon les regarde com.m.e ne faifant qu'une efpece.
L'un&: l'autre ara hUu & jaune font à-peu-près de la
groffeur de Vara rouge ; le plumage fupérieur eft d'un
bleu éclatant , & l'inférieur d'un jaune brillant ; le
bec & les ongles noirs ; les pieds cendrés ; la queue
compofée de douze plumes étagées , & dont les deux
du milieu font beaucoup plus longues que les latérales :
le devant de la tête , dans l'efpece du Bréfil , efl: d'un
vert obfcur , mais bleu dans celui de la Jamaïque :
ceUii de cette dernière contrée n'a point de plumes
ARA 387
fur la peau qui couvre les joues & la gorge , au lieu
que celui du Bréfil a fur ces mêmes parties neuf
lignes tranfverfales formées par de très-petites plumes^
noires , &z l'intervalle d'une ligne à l'autre eft nu ;
il offre encore une bande tranfverfale noire , bordée
de vert obfcur , & placée au-dcilbus de la gorge , ce
qui manque dans Vara de la Jamaïque ; celui-ci a les
grandes plumes des ailes d'un bleu pur en deffus ,
bordées intérieurement de noirâtre , d'un jaune obfcur
en defibus ; Vara du Bréfil a les mêmes plumes d'un
bleu-violet , d'ailleurs bordées 6c teintes en deilous
comme dans celui de la Jamaïque, M. Maiidiiyt dit
que les aras hlcus & jaunes ont les mêmes habitudes ,
les mêmes mœurs que Vara rouge ; & , quoique habitans
des mêmes climats , les bleus & les rouges ne fe mê-
lent pas , mais ils vivent féparés fans fe nuire ; la
voix des bleus eil encore plus rauque &: moins dif-
tincle que celle des rouges ; ce font de tous les oi-
feaux , ceux dont les Sauvages admirent le plus la
beauté ; ils les célèbrent dans leurs chanfons : les
plumes des aras font principalemicnt celles dont les
Indiens ié fervent pour former des tours de tête^
des colliers & autres parures.
Ara noir ; cet oifeau eil très-rare, M. de Buffon
dit qu'il eft connu des Sauvages de la Guiane ; qu'il
n'approclie jamais des habitations , qu'il fe tient fur
les fommeîs fecs & ftériles des montagnes & des
rochers. Cet ara a le plumage tout noir , avec des
reflets d'un vert luifant ; fon bec , fuivant de Laèt ^ eft
rouge , fes yeux le font aulfi. Les pieds font jaunes.
Ara rouge , pi. enl, ii. C'eft Vara rouge & bleu
^Edvard ; Vara du Bréjil& de la Jamaïque^ de M. Brïf-
fon ; fa longueur totale eft de deux pieds fept pouces ;
l'envergure eft de trois pieds ; la tête , le cou -, la
partie ftipérkure du dos , la poitrine , le ventre , les
côtés & les jambes font d'un rouge vif; la partie in-
férieure du dos & le croupion font d'un bleu clair ^
B b 2
388 ARA
îa queue eil compofée de douze plumes étagées ; les
deux plus longues font , au milieu , de couleur rouge ,
8c terminées de bleu clair ; celle qui les fuit , de cha-
que côté, eft bleue dans la dernière moitié de là
longueur ; les quatre plus externes , de chaque côté ,
font d'un bleu nue de violet ; ( dans Vara rcuge de
la Jam.aïque les deux longues plumes de la queue
font bleues dans toute leur longueur ; ) les petites
couvertures des ailes ôc les moyennes font rouges ,
mais ces dernières ont le bout orangé & terminé
de vert ; les pennes ûqs ailes font en deiTous toutes
d'un rouge obfcur ; les dix-huit premières font en delTus
d'un bleu nué de violet ; le defïiis des autres efl varié
de vert , de bleu &: de brim pourpré ; le bec efl blanc
en deiTus , &: noir dans le reile ; la peau des joues
& qui s'étend fous la partie inférieure du bec , eft
niie ôc d'un blanc fale ; fur le fom^met de la tête ,
efl une forte de bourrelet formé de plumes rouges
&: courtes.
M. Mauduyt fait mention de Vara ( petit ) , repré-
fenté pL ml, 641. M. de Buffon le regarde comme une
variété de Vam rouge , & M. Mauduyt préfume que
c'efr une efpece particulière , en raifon de la médio-
crité de fa taille & de la diiTérence de fon plumage.
Le petit ara efl en effet de moitié plus petit que Vara
rouge ; le fommet de la tête , le cou , la poitrine ,
le ventre & les côtés font d'un rouge qui a peu d'éclat ;
les cuilies font mêlées de rouge & de vert ; le der-
rière du cou efl d'un jaune obfcur ; le dos d'un rouge
terne tacheté de verdâtre ; le pli de l'aile efl d'un
rouge-brun ; les grandes pennes des ailes font d'un
violet nué de bleu : c'efl aufîi la couleur des plumes
latérales de la queue , car les deux du milieu font
d'un rouge fcmbre ; le bec efl noir. On a vu ce petit
ara vivant à Paris.
Ara VARIÉ des Moluques , de M. Brljfon, Voyez,
Perruche ( grande ) a j^andeau noîr.
ARA 3 §9
Ara vert du Bréfil , de M. Brijfon , & Edward ^pL
mL 383. Cet ara eil bien plus petit que Vara rouge
6c que Vara hleu. Il habite les mêmes contrées ; fa
longueur totale eu d'environ feize pouces ; tout le
plumage du corps efl d'un vert qui , fous les différens
afpeds , paroit ou éclatant ou doré , ou olive foncé ;
les pennes de l'aile font d'un bleu d'aiguë - marine
fur un fond brun doublé d'un rouge de cuivre ; le
deffous de la queue eft de cette même couleur , &
le deffus efl d'un bleu d'aigue-marine fondu dans du
vert d'olive ; le vert de la tête eil prefque pur ; fur
le front eil une bordure noire de petites plumes effi-
lées qui relTemblent à des poils ; la peau nue & blan-
che qui environne les yeux , efl auiîi parfemée de
petits pinceaux rangés en hgno des mêmes poils
noirs ; l'iris jaunâtre ; le bec 6c les ongles noirs 6c
les pieds grifâtres.
M. de Buffon dit que cet ara vert efl aufîi beau
que rare , &; qu'il ell encore aimable par fes mœurs
fociales ; il eft bientôt familiarifé avec les perfonnes
qu'il voit fréquemment ; il aime leur accueil , leurs
carefTes , &: femble chercher à les leur rendre ; mais il
repouffe celles des étrangers , &c. Il eli très-fenfible
au froid ; il friffonne dès qu'on lui jette de Peau froide
fur le corps ; il fe baigne cependant volontiers , mais
ce n'eil que dans les grandes chaleurs ; il a le cri dé-
fagréable des grands aras , mais moins fort ; il paroît
avoir de l'antipathie pour les enfans , & en général
être jaloux des careilës que ceux auxquels il s'eft at-
taché accordent à d'autres qu'à lui ; il apprend à parler
plus aifément & prononce plus diffindtement que les
grands aras,
Edward a décrit Vara vert plus grand que le pré-
cédent 5 avec le front rouge , les pennes de l'aile , le
bas du dos & le croupion rouges ; feroit-ce une va--
riété ou la différence du fexe }
B b 3
390 ARA
Ara vert et rouge du Brélil , de M. Bri[fon ^
M. de Buffon le place parmi les perruches. Voyez
Perruche-Ara.
ARAEATA , grand Sapajou rouge. Nom donné à
Valouatu , dans les terres de l'Orcnocpae. Voy^\_
OUARINE.
ARABETTE. Voyei Tourelle.
ARAEOUTAN. Grand arbre du Bréfil , qui donne
le bois de Bréjil , fi connu par {es propriétés dans les
Arts. Foyei Êois du Brésil.
ARACA-MîRI. Arbriffeau affez commun au Bréfil ,
dont le fruit mûrit deux fois l'année , en Mars & en
Septembre : fa faveur eil mufquée , aftringente & ra-
fraîchifîante ; il fe garde confit. Sa racine eft diurétique,
& bonne pour la dysenterie. On fait, avec les feuilles
& les boutons de fleurs de Varaca-mirl , un bain fa-
lutaire pour toutes les aftedions du corps oii l'on
peut employer les aflringens. Ray , Hiftoirc des Planus,
ARACAPJ. Voyei^ l'article TouCAN.
ARACHNÉ. yoy^i VanicU Faune.
AR.ACKNÉOLÎTES. Nom donné à l'efpece de cancre
appelée araignée de mer , & devenue foiîile. Foyei
Cancre.
ARACK. Nom donné à une efpece de liqueur
couleur de vin blanc que font les Tartares-Tungutes ,
fujets du C^ar. Cette , liqueur fe fait avec du lait de
cavale ou d'ânefle , qu'on îaiffe aigrir à deux ou trois
repriies entre deux pots de terre bien bouchés , d'où
la liqueur fort par un petit tuyau de bois. On prétend
<|ue cette liqueur vineufe n'efl point défagreable ,
<^u'elle eif trè.s-forte , 6c enivre plus que le vin. Prife
fobrement , elle ne fait qu'animer &: égayer. On
fait que les liqueurs très-fpiritueufes font une boifîbn
fort recherchée de prefque toutes les nations , de celles
fur-tout qui habitent les pays froids. Les Tartares ^
les Kalmiucs donnent le nom A^arki ou à^ariki à un
efprit vmeux qu'ils obtiennent par la diflillation du
A R A 39r
lait de cavale ou de vache. Ils mettent d'abord le lait
dans des peaux non tannées &: coufues enfemble ; ils
l'y laiffent aigrir & condenfer , ils l'agitent enfuite
jufqii'à ce qu'il paroifîe fur la fuperficie une crème
fort épaifle. Ils enlèvent cette crème , la font fécher
au foleil 6c l'offrent à manger à leurs hôtes. Pour
le lait aigri par la fermentation , ou ils le boivent , &
lui donnent le nom de kumis ^ ou ils en tirent par
diltillation un efprit vineux. Foyei Vartick Lait. Voys^^
encore à la fuite du mot anis de la Chine , ce que
c'eil que Varack des Hollandois.
. Varack aromatique des Mexicains efl la vanille.
vVoyez ce mot.
Le racque ou Varack des Portugais ou de Goa, efl
la liqueur du coco diftillée. Varack des Canadiens eft
tiré des érables & du bouleau. Le taffia ou eau-de-vie
de grain , eil Varack des Anglois.
Varack des Moxes , nation la plus barbare de 1' Amé~
rique , eil fait avec des racines pourries qu'ils font
infufer dans de l'eau. D'autres Sauvages de PAméri*
que font ce qu'ils appellent la chica , liqueur très-
dégoûtante , mais fpiritueufe. Voici fa compofition'.
De vieilles femmes mâchent des herbes & des graines
de maïs , qu'elles crachent dans des calebaffes à moitié
remplies d'une bière de maïs.
ARADA ou Musicien de Cayenne , pL mt,
706 , fîg. 2. C'eft , fuivant M. de Bufon , une efpece
très-voiïine des oifeaux: auxquels il donne le nom de
fourmiliers ; cependant il en diffère par les habitudes :
il eft folitaire , il fe perche & ne defceml à terre que
pour prendre des infeàes ; fon chant eft aufti agréable
<jue celui des fourmiliers l'eft peu ; il répète fouvent
les fept notes de l'oclave j par lefquelles il prélude ;
il fiffle enfuite différens airs modulés fur un grajid
nombre de tons &: d'accens différens toujours mélo-
dieux , plus graves que ceux du rofîignol & plus ref-
femblans aux fons d'une flûte douce ;. outre fon chant^
B b 4
^çi ARA
Varada a une efpece de fiftlet par lequel il Imite par-
faitement celui d'un homme qni en appelle un autre;
les Voyageurs y font fouvent trompés ; c'efl loin des
lieux habités , au milieu des forêts les plus épailles ,
que Varada vit ftul &: qu'il fait retentir les dé-
ferts de fa voix , qu'on efl furpris d'y entendre ;
mais fon efpece ne paroît pas nombreufe , &: l'on
fait fomxnt beaucoup de chemin fans entendre un
feul arada.
Le pliimcge de Varada ne répond pas à la beauté
de fon chant ; fes couleurs font ternes & fombres ,
bnmes fur la tête ; le derrière du cou , le dos , les
ailes & la queue offrent des raies tranfverfales brunes
fur wn fond noirâtre ; la gorge ^ le devant du cou ,
le haut de la poitrine , font roux : des taches noires
& blanche.^ s'étendent fur les côtés du cou ; le ventre
eil grisâtre, le bec long d'un pouce, droit, épais ,
pointu & noirâtre ; les pieds plombés. Cet oiieau a
environ fept pouces de longueur.
ARAIGNEE , Arancus, Infede très-com^mun , dont
on trouve un très - grand nombre d'efpeces différentes
en figure , en grandeur , en couleur , & qui habitent
différens lieux. L'hiiloire de ces argus fi hideux à la
vue , eil cependant très-curieufe.
appartemens ; 2. i araigm
des jardins , qui fait en plein air une petite toile cir-
culaire , fort jolie , d'un tiffu peu ferré , au centre de
laquelle elle reile pendant le jour; 3.^ Varaignéi noire
des caves ^ qui loge dans les trous des vieux murs ;
4.** V araignée vagabonde , qui ne fe tient pas tranquil-
lement dans un nid comme les autres ; 5.^ V araignée
des champs , qui eft montée far de très-hautes jambes ,
& qu'on appelle oxàciïmr^ïTL^ntfaucJunx ; 6.^ Varaigjiéi
enragée ou tarentule^ commune en Italie; -J^^V araignée
aquatique ; 8.° V araignée maçonne^
ARA 395
Le cara£lere auquel on peut difllnguer les araîgîzées
'ÙQS genres qui en approchent , c'eft que V araignée ell
la feule dans tous les genres de cette fe£lion , qui ait
en même temps huit pattes & huit yeux ; cara£lere
qui diftingue ce genre d'une manière très-fenfible : Par*
rangement des yeux varie dans les diverfes efpeces ;
dans les unes ils font rangés en croifîant , dans d'au-
tres en quarré ; ici flir deux lignes , là les yeux font
de groileur inégale.
AraïgnU domejliqm ou d\4vparwncns.
Vtraignée domefiiqm eft pour l'ordinaire de grandeur
médiocre , velue , jaunâtre ou d'un brun pâle , tache-
tée. Tout fon corps f^ peut divifer en partie antérieure
& poflérieure , & en pattes. La partie antérieure qui
eil dure , écailleufe , tranfparente , contient la tête &:
la poitrine ou corfelet. La partie poflérieure couverte
d'une peau fouple , eil: ce qu'on appelle le ventre. Ces
deux parties tiennent enfemble par un étranglement ou
anneau fort petit. Les pattes ou jambes , au nombre de
huit, tiennent au corfelet : elles font dures ^ comme
toute la partie antérieure , & articulées de même que
les pattes des écreviffes , ayant chacune à leur extré-
mité deux grands ongles crochus &: articulés. Il y a à
l'extrémité de chaque jambe , entre les deux ongles ,
une petite pelote qui efl com.me une éponge un peu
mouillé? : c'eft à l'aide de cette éponge que V araignée ,
ainfi que les mouches , marche & grimpe fur les corps
les plus pohs. Ces éponges fourniilent une hqueur un
peu gluante , qui iiiilit pour les y faire adhérer. Cette
liqueur gluante tarit avec , Page dans les araignées 6c
d'dhs les mouches , de manière qu'elles ne peuvent
marcher long-temps de bas en haut contre une glace
de miroir ;& même alors ces infedes ne fauroient iortir
d'un vafe de verre ou de porcelaine un peu profond.
Il arrive à-peii-près la mem.e chofe aux araignées pour
la matière qui fournit leur toile. Cette matière s'épaiiTiî
394 ARA
dans Varaignée , Sc elle ne peiit plus faire de toile ;
mais la nature lui fournit une reffource pour avoir le
jnoyen d'attraper fa proie : elle va chaffer de fon
ïiid une araignée de fon efpece , mais plus foible
qu'elle , & s'empare de fa toile. Peut-être que la
liqueur des extrémités des pattes eil la même que
celle dont fe fait la toile , ou du moins qu'elle lui
eft analogue , puif qu'avec l'âge elles tariffent à-peu-près
de même.
Outre les huit jambes dont Varaignée fe fert pour
marcher, elle a encore deux autres jambes plus proches
de la tête , plus courtes , qui ne portent point à terre ,
avec lefquelles elle ne marche pas , mais qui lui iervent
de bras & de mains pour manier & retourner la proie
qu'elle tient dans fes ferres ou tenailles , qui font im-
médiatement devant fa bouche. Ces tenailles reffem-
blent , en quelque façon , aux ferres des écreviffes :
elles font garnies de deux pointes fort dures aux deux
bords qui fe joignent. Ces ferres fervent à Varaignée
pour faifir fa proie & la tenir auprès de la bouche qui
en tire la nourriture.
L'arrangement & la difpofition des yeux eft un des
caraderes propres à diflinguer les diverfes efpeces d'^-
raignées , car les yeux font placés différemment dans
prefque toutes les efpeces.
Varaignée domejîique a huit yeux placés fur fon front
en ovale : ces yeux font petits , mais affez apparens ,
noirâtres , & à-peu-près de la même grandeur les uns
que les autres. A l'extrémité du ventre de Varaignée ,
& autour de l'anus , il y a fix mamelons mufculeux ,
pointus vers leur extrémité , qui font autant de filières
dans lefquelles fe moule la liqueur gluante qui doit de-
venir de la foie , lorfqu'elle fe fera féchée après être
fortie de fes fiUeres. Ces fix mamelons fenfibles , & qui
ont un mouvement fort libre en tout fens , font com-
pofés eux-mêmes de petites filières infenfibles , garnies
chacune de fon fphin^ler pour s'ouvrir ôc pour fe
ARA 50J
rêiTerrer ; au moyen de quoi V araignée peut filer plus
gros ou plus fin , comme, il lui plaît.
La divisibilité de la matière à l'infini , quoique dé-
montrée 5 effraie toujours l'imagination ; la ténuité des
û\s dont eil compoiée la foie avec laquelle Varaignée
forme fa toile , eu très-propre à donner une idée de
cette divifibilité. Chacun des lix mamelons eft compofé
ïui-même de mille filières infenfibles , qui donnent paf-
fage à autant de fils. Si on confidere la ûneiïe de cette
foie ai araignée , compofée de fix milliers de fils , quelle
doit être l'immenfe ténuité des fils qui fortent des petites
filières I Si on en faifoit le calcul , on tomberoit dans les
abymes de l'infiniment petit. Au refte , on ne peut pas
toujours voir & palper ce que la raifon feule peut faifir.
Ces filières font d'ufage pour la conflrudion de la
toile. Lorfque Varaignée entreprend cet ouvrage dans
quelque coin d'une chambre , elle fait for tir de fes ma-
melons une goutte d'une liqueur gluante , qui , en fe
defféchant , forme le fil : elle l'attache fur le mur , 6c
en s'éloignant , le fil s'alonge. Arrivée au coin du mur
oppofé , elle fait la même opération ; puis s'éloignant
d'une demi-ligne , elle applique contre le mur un nou-
veau fil , qu'elle conduit au mur où elle avoit appliqué
le premier , & cela parallèlement au premier. Elle con-
tinue ainfi jufqu'à ce que fa toile ait toute la largeur
qu'elle veut lui donner. Ces premiers fils peuvent être
regardés comme la chaîne de la toile. Enfuite elle tra-
verfe en croix ces rangs de fils parallèles , & y applique
d'autres fils qu'on pourroit appeler la trame. Comme
ces fils fraîchement filés font gluans & s'attachent con-
tre tout ce qu'ils touchent , ils fe collent en croix les
uns fur les autres ; c'efi: ce qui fait la fermeté de la toile
^araignée : au lieu que la fermeté des toiles que nous
faifons pour nos ufages , confifle dans l'entrelacement
des fils de la chaîne avec ceux de la tramt, \J araignée a
grand foin de tripler & de quadrupler les bords de fa
toile j pour lui donner plus de fermeté.
59^ ARA
Voilà les filets tendus pour prendre fa proîe : c'eÛ-lk
que , cachée dans le coin de fa toile , elle l'attend avec
patience. Elle eu avertie du moindre infede qui tombe
dans fa toile , parce que tous fes fils retentiffent à un
centre commun.
Quand la mouche , qui fe prend dans ce filet tendu ,
efi: petite , V araignée la faifit avec fes tenailles , & l*em-
porte dans fon nid pour s'en nourrir. Si la mouche eft
un peu groffe en cômparaifon de V araignée , 6c cju'avee
fes ailes & fes pattes elle puiffe l'incommoder ; alors
Varaignée fupplée à la foiblelle par l'art , elle l'enveloppe
d'une grande quantité de fils , & la garrotte , au point
qu'elle ne puilîe remuer ni ailes m pattes. \J araignée
alors l'em.porte toute vivante dans fon nid , Ck: elle lui
fuce toutes les humeurs du corps. Quelquefois la mou-
che efi fi forte & ^\ grofie , que Varaignée défeipere de
la vaincre : pour lors elle prend fon parti ; elle déchire
l'endroit de la toile oii la mouche efl tenue ; elle la
détache , la jette dehors , & à l'infi:ant elle raccom-
mode fa toile déchirée. Dans toutes les circonftances ,
elle ne laifle dans le dehors aucunes traces de cruauté
capables de rendre fa demeure fufpedte 6l d'en infpirer
de réloignement.
\J araignée domejîiqiu change de peau tous les ans ^
même aux pattes , comme les écreviiies : elle ne gran-
dit guère du corps , mais beaucoup des jambes : la vie
peut aller à quatre ans.
Araignée des Jardins,
Uaraignée des jardins , ( Aranea diadcma , Linn. ) a
quatre grands yeux , couverts d'une croûte dure , polie
&: tranfparente ( car les yeux des araignées ne font
point à réfeau ^ comme les grands yeux des mouches ).
Ces quatre yeux font placés en quarré fur le front ^
& il y a deux autres yeux plus petits à chaque côté
de la tête. Ces araignées font de différentes couleurs :
il y en a de vertes 5 de blanches d: de grifes.
ARA 397
V araignée des jardins nous fait voir une toile circu-
laire , fuipenclue en Pair , faite avec tout Part & toute
rinduilrie poiribles ; ouvrage qu'on eu tous les jours
à même d'obferver. Elle forme d'abord plulieurs fils
droits , qui , en fe traverfant , font difpofés en toile :
elle choifit le centre , & de là elle conduit toujours
circulairement des fxls peu diflans les uns des autres ,
mais avec une régularité égale à celle du compas. Plus
îes cercles approchent du centre , plus ils font ferrés ,
& plus par coiiféquent ils donnent de force à l'ouvrage.
U araignée fe tient dans le centre de fa toile , auquel le
moindre ébranlement retentit , & elle fond fur l'infede
pris dans fes filets ; ce qui eil rendu d'une manière bien
énergique par ces vers traduits de Pope :
Contemplez l'araignée ....»,.... ~. '. ... 1
Que Ton toucher eft vif, qu'il eil: proiripc , qu'il eft sûr î
Sur fes pièges tendus fans ceiTe vigilante ,
Dans chacun de fes fils elle paroît vivante.
U araignée des jardins a cependant pour ennemis \a
guêpe , & quelques mouches ichnéumones.
Arais[néc des Cav&s,
u araignée des caves fait fon nid dans les vieux murs :
elle n'a que fix yeux ^ dont deux font placés au milieu
du front , & deux à chaque côté de la tête. Les arai-^
gnées de cette efpece ont les jambes courtes , leur corps
eil noir & velu : elles font fortes 6c méchantes : elles
pincent fort ferré ; mais on dit que leur morfure dans
ce pays-ci n^t^ point dangereufe. Si elles font fentir de
la douleur , ce ne peut être qu'en pinçant , car on ne
leur connoît point d'aiguillon.
La Nature a pourvu chaque efpece d'animaux de la
fagacité & de radrefîe qui leur étoit nécefiaire pour
fe faiiir de leur proie. Il y a une efpece à^araignée qui a
l'adreiTe de pratiquer un petit creux dans le fable .
59» ARA
qu'elle tapiffe intérieurement de foie pour l'empêcher
de s'ébouler : elle fe tient au guet à l'ouverture de ce
creux , & quand une mouche vient fe pofer près de là ,
fût-ce même à la diilance de deux ou trois pieds , elle
court defliis avec une extrême vîteffe , l'attrape 6c
l'emporte dans fon trou.
Araignée vagabonde,
Uaraignée vagabonde eft ainfi nommée parce qu'elle
n'efl jamais fédentaire dans fon nid , comme les autres
araignées. Elle va chercher fa proie , & la chaffe avec
beaucoup de rufe 6c de fineffe. Cette araignée a deux
grands yeux au milieu du front , deux plus petits aux
extrémités , deux de la même grandeur fur le derrière
de la tête.
Comme les araignées n'ont point de cou , & ne fau-
roient mouvoir la tête , la Nature y a fuppléé par le
nombre ,& la pofition des yeux : étant obligées de vivre
d'une proie auffi agile & aulTi alerte que la mouche ,
il falloit que leur vue s'étendît de tous côtés. Uaraignée
vagabonde efl un chaffeur vif, alerte , infatigable , qui
prend les mouches en fautant , fans faire aucun mou-
vement de la tête pour les découvrir. Ce mouvement
auroit pu eiiaroucher cet infede timide.
Les bras de Varaignée vagabonde fe terminent en un
bouquet de plumes. Cette araignée s'en fert comme de
filets pour les jeter &: embarralîer les ailes de la mou-
che qu'elle a attrapée ; ( elle ne fait point de fil ; ) en-
fuite die faifit fa proie entre fes pinces , ôc la fuce.
Araignée Faucheux,
Les araignées de campagne , connues fous le nom. de
faucheux , ont huit yeux placés d'une manière extraor-
dinaire. Il y en a deux très-petits &: noirs au milieu du
front : aux extrémités du front , à droite &: à gauche ,
il y a deux boffes ; & fur le fommet de chacune de ces
boffes trois yeu^ placés en trèfle , 6c qui ont une
ARA 399
cornée blanche & tranfparente. Cette difpofîtîon d'yeux
eft celle d'une efpece à^araignée domefiique à longues
pattes. Les jambes de cette efpece font fort minces ,
& plus longues que celles des autres araignées ; ce qui
leur étoit néceffaire pour marcher au milieu des herbes.
L'analogie du faucheux avec le crabe , & la facilité avec
laquelle il fe défait de fes jambes , pour fauver le refle
du corps des mains de l'enfant qui le pourfuit , a fait
préfumer qu'il pourroit bien lui repouffer de nouvelles
pattes , comme dans le crabe & l'écreviffe.
L'expérience manque ici : on eff à même^dans les cam-
pagnes , d'effayer à reconnoître la vérité de cette idée.
Ces araignées font de grandes fîleufes : dans l'au-
tomne , les chaumes paroiffent tout couverts & brillans
de leurs fils. Lorfque le vent en a réuni une certaine
quantité , on les voit quelquefois voltiger affez haut
dans les airs , &: ils paroiffent d'une blancheur écla-
tante : ces paquets de foie fe collent un peu au doigt
lorfqu'on les touche : il eff fâcheux que le peu de force
de ces fils faffe défefpérer d'en pouvoir faire ufage.
Quelques Obfervateurs penfent que cette quantité
de fils qu'on voit flotter en l'air font l'ouvrage d'une
forte d^araignées vagabondes , & non des faucheux , ôC
que la pratique de ces araignées fîleufes efî de laifler
tomber leur fil de Vanus , de le tramer après elles , &
enfuite de l'ajufler fuivant l'ufage qu'elles en veulent
faire. Ces mêmes Obfervateurs prétendent que les fils
longs font des efpeces de voiles qui font aller l'animal
au gré du vent , & qu'ils font en même-temps des filets
qui lui tiennent lieu de toiles , oL qui arrêtent les mou-
cherons : il eil curieux de voir ces rets remplis de mem-
bres d'infed:es dévorés , de pieds de moucherons , &
fervir également d'ailes aux araignées. A l'égard des fils
courts , pelotonnés , qui ne contiennent aucuns débris
de proie , ni aucun veflige de l'animal qui les fabrique ,
ce font , dit-on ^ autant d'effais rebutés par les grandes
voyageu,fes , ou les amufemens de leur premier âge :
40O ARA
mais tout cecî mérite confirmation. Voyci Fil de
la Vierge,
La Tarentule,
U araignée enragée efl la fameufe tarentule , fur laquelle
on a fait de grandes differtations , & débité bien des
contes. Cette efpece à' araignée , dont M. Hombcrg a
donné une defcription dans les Mémoires de l'Académie ,
lyoy y pag. 3 5 1 , a le port & la figure à-peu-près de
nos araignées domcjtiques ; mais elle eil dans toutes fes
parties beaucoup plus forte oC plus robuile. Elle a les
jambes & le ventre tachetés de noir & de blanc ; le
dos 5 aufii-bien que toute fa partie antérieure , eft noir.
Les yeux de cette efpece à^ araignée , au contraire des
autres , font couverts d'une cornée humide & tendre ,
qui fe flétrit & s'enfonce après la mort de l'infecle.
Ses yeux font d\m jaune doré , & étincelans comme
ceux des chiens 6c des chats quand on les voit dans
î'obfcurité.
La tarentule a été ainfi nommée de Tarente , ville
de la Fouille, où elle efl fréquente. {On la trouve
aufli dans la Romanie , la Tofcane , la Lombardie ,
dans plufieurs autres endroits de l'Italie ; dans l'Iile de
0)rfe , en Andaloufie , & il paroit qu'elle exifle auiîî
dans quelques pays méridionaux de la France. ) On dit
que cette araignée efî: très-venimeufe , & que fa mor-
fure Gccafionne des fymptômes qui paroiilent aufîi fin-
giiliers que la guérifon. On ajoute que ceux qui en font
mxOrdus ont des fymptômes difFérens : les uns chantent,
les autres rient , les autres pleurent ; d'autres ne cefient
de crier ; d'autres font afibupis ; d'autres ne peuvent
dorrnir. Enfin , on prétend que le remède qui les fou-
lage le plus , eil de les faire danfer à outrance. Poiu*
cet efiet , on leur fait entendre les fymphonies qui leur
plaifent le plus ; on effaie divers infi:rumens ; on leur
joue des airs de différentes modulations , jufqu'à ce
t^u'on en trouve un oui flatte le malade^ cdors, dit-on,
Iç
ARA 40 1
îe tarentule faute bnifquement hors du Ut , & fe m^t à
danfer au ion de la mufique médicinale juiqu'à ce qu'il
foit en nage & hors d'haleine ; ce qui le guérit. Voilà
de ces faits qui retentiiîent continuellement aux cr.iiies
de tout le monde , àl que l'on préfznte comme
vrais. Cependant plulieurs perfonnes tres-curieufes &:
îrès-infîniites qui ont voyagé en Italie , entre autres
M. l'Abbé NolUi , fe font aiTurées que ce fait pafTcit
pour être fabuleux , même dans la Fouille , parmi des
gens éclairés ; & qu'il n'y a que les gens de la lie du
peuple , ck: des vagabonds , qui , fe d.fant piqués de
cetinfedle , paroifTent guérir par la danfe & la mufique,
attrapent quelque argent , & gagnent leur vie par cette
forte de cliarlatanerie. On ne craint point les tarentules
à Rome , parce qu'il n'y a point d'exemples qu'elles
aient incommodé quelqu'un : il paroît , quoi qu^bn en
dife , que le tareiuifms. n'efl pas plus dangir^ux dans la
Fouille.
Les tarentules ourdilTent de la toile comme les autres
araignées , & elles y attrapent des mouchas & des pa-
pillons dont elles le nourriifent. Elles habitent dans A^s^
trous de terre & dans les fentes de muraille. Fcndint
l'hiver elles refient cachées fous terre : elles fe battent ,
fe tuent , fe dévorent les unes les autres. Elles font juf-
qu'à foixante œufs à la fois : elles les tiennent attachés
à leur poitrine jufqu'à ce qu'ils foient écios; puis tUes
gardent leurs petits fous leur ventre , juiqu'à ce qu'ils
loient devenus afiéz grands pour m.archer &: pour tr^-»
vailler.
Les Curieux qui font bien aifes d'avoir des tarentules ,'
emploient des payfans pour les dénicher : ceux-ci con-
noiffent les trous où ces iniedes lé retirent , ils imitent
le bourdonnement d'une mouche ; la tarentule accourt ^
fort brufquement pour attraper fa proie ^ ôc eft prife
elle-même au piège qu'on lui a dreflé.
Tome h C C
^oi ARA
Scntimms fur t accmipUmtnt des araignées y & as parties
qui fervent à la gériération.
Quelques Naturalilles ont cru que cette efpece d'in-
fe£te étoit androgyne ou hermaphrodite ; cependant la
diverfitë du fexe paroît manifeilement dans les araignées ,
la femelle eft bien plus grande Ôv plus grofîe cjue le
mâle : cela va fi loin , que M. Hombert a été obligé de
mettre dans la balance îufqu'à cinq & fix araignées
mâles des jardins «contre une femelle de la même efpece^
•pour en trouver le poids égal. Obfer^-^ation aiTez com-
mune dans la plupart des infedes ; tout au contraire des
quadrupèdes , dont les mâles font plus grands & plus
forts que les femelles.
Le lavant Lifier a obfervé qu'il y a des nœuds ans:
extrémités de ces bras dont on a parlé , & qui fervent
à Vara-gnée pour manier la proie qu'elle tient dans fe>
tenailles : c'efl à l'extrémité de ces bras ou antennes des
mâles , qu'il a obfervé un nœud qui ne fe trouve point
à celles des femelles : il a penfé que ces nœuds étoient
la partie mafculine ou fon étui dans les araignées à huit
yeux ; & qu'ils faifoient alternativement leur fonftion
dans l'accouplement. M. Lyonnet , grand Obfervateur ,
nous a confirmé la même chofe dans fes excellentes
Remarques fur la Théologie des Infectes de Leffer, Voici
fes propres termes :
» Ces nœuds font plus remarquables qu'ils ne pa-
v> roiffent. Peut-être aura-t-on peine à me croire , fi je dis
» que ce font les inflrumens de la génération du mâle.
» Je puis cependant alTurer , pour l'avoir vu plus d'une
» fois , que certaines efpeces ^araignées s'accouplent
» par-là. Les mâles de ce genre ont le corps plus mince ,
>> & les jambes plus longues que les femelles. C'eft un
» fpe^lacle affez rifible que de leur voir faire l'amour.
» L'un &: l'autre montés fur àt% tapis de toile , s'ap-
>> prochent avec circonfpeftion & à pas mefurés : elles
» alongent les jambes , fecouent im peu la toile , fe
À R A 40 1
>^ tâtonnent du botit du pied , comme n'ofant s'appro-
f> cher. Après s'être touchées , fouvent la frayeur les
>> faifit : elles fe laiffent tomber avec précipitation &
» demeurent quelque temps fufpendues à leurs fils. Le
^> courage enfuite leur revient : elles remontent , &
» pouriuivent leur premier manège. Après s'être tâton-
^> nées affez long-temps avec une égale défiance de
>v part & d'autre , elles commencent à s'approcher da-
» vantage , Si à devenir plus familières. Alors les
» tâtonnem^ens réciproques deviennent plus fréquens
» 3>c plus hardis : toute crainte cciTe ; 6c enfin , de
» privautés en privautés , le mâle parvient à être prêt
►> à conclure. Un des deux boutons des antennes s'ou^
>> vre tout d'un coup , 6c comme par reiiort ; il fait
>> paroître 6c à découvert un corps blanc : l'antenne fe
M plie par un mouvement tortueux : ce corps fe joint
» au ventre de la femelle , un peu plus bas que fon
» corfelet , 6c fait la fonction à laquelle la Nature l'a
^> defliné «^
Quand on Ignore que les araignées fe haïiTent na-^
tiirellement., 6c fe tuent en toute autre rencontre que
îorfqu'il s'agit de s'accoupler , on ne peut qu'être fur-
piis de là manière bizarre dont elles fe font l'am.our :
mais quand ou connoit le principe qui les fait agir de
îa forte , rien ne paroît étrange ; &: on ne peut qu'ad^
mirer l'attention qu'elles ont à ne pas fe livrer trop
aveuglément à \?.nQ: pafTiort ou à ime démarche im-
prudente , qui pourroit leur devenir fatale : c'efl un avis '
qu'elles donnent au leûeur.
Voilà Un accouplement des plus iinguliers , 6c très-
diiFérent de tous ceux que les autres infedes nous font
voir. Sa fingularité ne fercit cependant pas une raifon
de le nier : la Nature , aulU riche que variée dans fes
produdions , nous fait voir à chaque inftant , qu'elle
anive aux mêmxes fins par rnille moyens différens.
Les Anciens 5 d'après Arijlott , difent que les araigniesi
s'accouplent à reculons ; 6c quelques Modernes préten-
C ç 2.
404 ARA
dent que c'efl ventre contie ventre. L'Auteur du Me*
moire fur les Araï-^nUs aquatiques , dit avoir cbiervé à
la partie pcflérieure du mâle , un tuyau recourbé : ce
tuyau a du reiibrt. Si on l'élevé comme pour le ren-
verfer fur le corfelet , il- échappe à l'épingle avec la-
quelle on l'élevé , &: reprend fa première fituation.
Cet Auteur croit que ce canal recourbé n'efl que le
fourreau , car on voit à travers un organe noir. La
fituation de la partie qui caradérife la femelle , n'eft
point douteufe : celle qui caraûérife V araignée mâle efl
différemment placée. Je crois qu'on peut penler, d'après
les obfervations de ces illuftres Naturalises , que la
manière de s'accoupler varie beaucoup , fuivant les dif-
férentes efpeces d^araignées.
Quoi qu'il en foit de cet accouplem.ent , toutes les
araignées font ovipares ; avec cette différence , que les
unes font une grande quantité d'œufs , comme celles
des jardins &; celles qu'on appelle commiuntment F au-'
cheux ; & que les autres en font fort peu , comme nos
araignées dcmefliques. Leurs œufs font ronds , de la grof-
feur des femenccs de pavots ; la coque en ^£^ molle ,
tranfparente , m.embraneufe : ils différent en coideur ,
fuivant les efteces à^araignécs.
Les araignées filent une fcie plus forte que celle dont
leur toile elf ccmpofée , pour envelopper leurs œufs ,
pour les mxettre à couvert du froid & des infedes qui
pourraient les m.anger. Les coques des diverfes efpeces
{^araignées varient beaucoup pour \? forme & pour la
couleur : certaines araignées iiient deux ou trois petites
boules de couleur roiigeâtre , dans lefquelles leurs œufs
font renfermés : elles les laiiTent fufpendues à des fils ,
&: ces boules font cachées derrière des feuilles feches ;
d'autres donnent à leurs coques la figiu'e d'une poire
qu'elles fufpendent à un fil ; d'autres font de petites
coques rondes , d'un beau blanc , de la grofiéur d'un
pois , &: qu'on trouve dans les feuilles repliées par les
chenilles.
ARA 405
Les araignées ne couvent point leurs œufs , mais
elles en ont un foin extrême. Si on les fait fuir , elles
emportent avec elles la coque qui contient l'elpërance
de leur pollérité. Aufîi-tôt que les petits font éclos , ce
qui arrive au bout de vingt-un jours , ils commencent
à filer , & groiîiffent à vue d'œil. Lors même qu'ils
n'attrapent point encore de mouches , ils grandiffent
chaque jour de plus du double de leur grolTeur , fans
prendre aucune nourriture fenfible.
De la Soie des Araignées,
On doit 5 pour ainii dire , autant de reconnoiifance
aux Citoyens zélés , qui dans leurs travaux ont tendu à
l'utilité publique fans avoir eu le bonheur d'y réufTir ,
qu'à ceux qui , avec les mêmes vues , font arrivés à
leurs fins. Les premiers a voient la même intention : ils
on^ mis fur la voie ; quelquefois il ne faut qu'un pas
de plus pour la perfedion ; mais ce pas eil réfervé à la
poftérité. M. Bon , premier Préfident de la Chambre
des Comptes de MontpeUier , <k. AiTocié honoraire de
la Société Royale des Sciences de la même Ville , a
envoyé , en 1709 , à l'Académie des Sciences , des mi-
taines & des bas faits de foie à'' araignée. Ces ouvrages
étoient aulîi beaux &: prefque aufH forts que les ou-
vrages faits avec de la foie ordinaire.
Voici une légère idée de la manière dont il fit pré-
parer cette foie. Après avoit fait ramaffer un grand
nombre de coques (f araignées ( ce font ces petites bou-
les de foie dans lefquelles les araignées enveloppent
leurs œufs) , M. Bon les fît battre pendant quelque
temps pour en faire fortir la poufîiere : on les lava
parfaitement dans de l'eau tiède. On les mit tremper
dans un pot avec de l'eau de favon , du falpôtre , &
un peu de gomme arabique. On fit bouillir le tout pen-
dant deux ou trois heures : on relava enfuite toutes les
coques ^araignées avec de l'eau tiède , pour en bien
ôter tout le favon. On les laiiTa fécher : on les £t
C c X
4o6 ARA
ramollir un peu entre les doigts , pourîles faire carder
plus facilement. On employa pour cette foie , des cardes
beaucoup plus fines que celles qu'on emploie pour
la foie ordinaire ; & on obtint par ce moyen , une foie
d'une couleur grife , agréable , approchante du gris de
fouris : on la fila , 6c on en lit des bas &: des mitaines.
Cette foie prend ailement toutes fortes de couleurs.
Cette découverte fe préfentoit avec des apparences
affez favorables , & méritoit d'être fuivie. L'Académie
chargea M. ile Réaumur &c un autre de fes Membres ,
de luivre de près les découvertes de M. Bon, M. de
Riaumur le fit avec fon zèle ordinaire ; mais il trouva
que les toiUs d'araïo^nà n'étoient nullement propres à
être mifes en œuvre , parce que les fils en étoient
trop délicats , &: qu'il en eût bien fallu quatre-
vingt-dix pour faire un fil égal en force à celui q-ue
£le le ver à foie ; & bien dix-huit mille pour faire
im fil à coudre , aufH fort que ceux des fils de
ces vers.
Il ne reiloit que les coques qu'elles filent autour
de leurs œufs , dont on pouvoit efpérer quelque utilité.
Il les examina , & s'apperçut qu'il n'y avoit que celles
des araignées des jardins , dont les toiles font faites de
rayons qui partent d'un centre , autour duquel tourne
un fil en fpirale , qui puiiTent être de quelque ufage ,
les coques des autres fourniifant trop peu de fils , ou
le fil n'ayant pas les qualités re qui fes.
Il s'agiiToit enfuite de favoir fi l'on pouvoit avoir
la foie de ces coques à aufTi bon marché que la
foie comm.une , ou bien fi étant plus chère , elle
feroit aufTi plus belle. La première queflion fut bientôt
décidée : quoique M. de Réaumur trouvât dans les
vers de terre & dans la fubftance molle des plumes
nouvelles , une nourriture fort aifée à procurer au-X
araignées , ^L qu'ainfi la diiîiculté de leur fournir afiez
de mouches , ceiTât , il en rencontra une autre qu'il
n'y avoit pas moyen de lever ; c'étoit celle qui naiflbit
ARA 407
tde la haine mutuelle qu'elles fe portent : elle ôtoit
tout moyen de les élever enfemble : il auroit donc
fallu les élever chacune féparément ; ce qui ne pou voit
fe faire fans un travail infini , & par conféquent fans
beaucoup de dépenfes ; vu fur-tout qu'il trouva que
les fils des coques A^araignêes étoient cinq fois plus
fins que ceux des vers à foie, &: qu'il falloit douze
fois plus d'araignées que de vers pour fournir une
même quantité de foie : de forte que pour avoir une
feule livre de foie d'araignée , il auroit fallu près de
vingt-huit mille coques , qu'on ne pouvoit fe procurer
qu'en nourriffant encore un bien plus grand nombre
d'araignées , puifqu'il n'y a que les femelles feules qui
£lent ces coques pour envelopper leurs œufs. Il étoit
donc démontré que la foie d'araignée devoit coûter
beaucoup plus cher que la foie ordinaire. P^eiloit à
favoir fi elle étoit plus belle ou plus luftrée , c'efl ce
que M. de Réaumur ne trouva pas ; il prétend au
contraire qu'elle avoit moins de lullre , &: il en attribue
la raifon à ce que les iils qui compofent la foie
d'araignée , font plus délicats &: plus crêpés que ceux
des vers à foie.
On aura fans doute regret , dit M. de Réaumur ,
de ce qu'il nous refle fi peu d'efpérance de profiter
d'une découverte ii ingénieufe. Mais , ajoute-t-il , il
refle encore quelque efpece de relTources ; peut-être
trouvera-t-on des araignées qui donnent plus de foie
que celles que nous voyons communément dans le
Royaume. Il eft certain , par le rapport de tous les
Voyageurs , comme nous le verrons plus bas , que
celles de l'Amérique font beaucoup plus groffes que
les nôtres , d'où il femble qu'elles doivent faire de
plus groffes coques. Les vers à foie /quoique originaires;
des pays éloignés , nous aideroient même à efpérer
que les araignées de l'Amérique pourroient vi^Te dans
ceux-ci. Quoi qu'il en foit ^ il faut e:^:périmenter : c'efl Ici
iéule voie de découvrir des chofes utiles & curieufes^
C c 4
4oS A R A
Si on eût pu tirer parti des coques de foie ^araignées
de ce pays , on aiiroit eu des foies de couleur natu-
relle , beaucoup plus variées que ne Plfl celle des vers
à foie , qui tft toujours aurore ou blanche ; au lieu
que les coques ^aral^nks en donneroient de jaune ,
de blanche , de grife , de bleu célcfre , ëi d'un beau
brun-café. Ces dernières font rares : on n'en trouve
guère que dans quelques champs de genêt : elles différent
des autres , en ce que la iuperîîcie eil recouverte
d'un tlilu très-ierré , femblable à ce qui reile fur
la coque d'un ver à foie , lorfqu'on l'a dévidée en
partie.
Il faut obferver une petite différence entre le travail
de M. Bon 6c celui de M. de Rcaumur : c'efl que le
premier ayant travaillé fur la foie des araignées de
Languedoc , de la Provence , pays plus chauds , a
trouvé des coques plus ubcndantes & plus garnies de
foie , que ne le fçnt celles des araignées qui naiffent
dans nos pays tempérés , fur lefquelles M. di Réaumur
a exercé fon travail.
Venin de V Araignée,
La plupart des hommes haiiTent les araignées ; X^s
femmes iur-lcut en ont tant d'horreur , que l'idée
feule d'une araignée fiiffit quelquefois pour les faire
trouver mal. Cette imprelïïcn vient fans doute , d'une
idée prife dès l'enfance que cet animal ell venimeux.
Si la morfure de V araignée eft venimeufe , ce ne peut
être que dans les pays chauds ; dans les pays tem-
pérés , tels que le noire , elles ne font point dange-
reufes : nous n'avons que V araignée de cave qui pince
très-ferré , mais dont la morfure n'a point de iuites.
La tarentule , même dans la Fouille , fuivant les cbfer-
vations de plufieurs curieux , comme nous l'avons vu ,
n'ert point dangereufe. Peut-être la morfure de nos
araignées , ou leur attouchement , peut - elle dans cer-
taines perfonnes occafionneriine démangeaifon ou légère
ARA 409
inflammation , tandis qu'elle n'agit pas le moins du
monde fur d'autres.
Nous voyons une multitude d'animaux qui en font
très-avides , & qui les mangent fans en être incommodés.
Le Jinge en efï très-friand ; la volailk , le rojfignol ,
la fauvette , la gorge-rouge , &; d'autres petits oifeaux à
bec effilé , en font leur nourriture journalière. La
grande fauffe guêpe , appelée mouche ichniumone , faiiit
les araignées , les porte à fon nid , & les y enferme
pour fervir de nourriture aux petits qui doivent éclore.
La ^uipe & le frelon fondent quelquefois fur les plus
gro&s araignées , les portent par terre , leur coupent
\qs jambes , &: s'envolent avec leur corps mutilé.
Il y a des goûts bizarres , même parmi des peu-
ples entiers. Les habitans de la Côte de Guinée mangent
les moucherons ; ceux de l'Ifie de Ceylan , les abeilles ;
ceux de la nouvelle Efpagne , \ts fourmis ; les Hottentots ,
les poux ; d'autres , les vtrs à foie , s'il en faut croire
les Relations des Voyageurs. Des faits bien avérés
prouvent que plufieurs perfonnes ont mangé des
araignées fans en être incommodées. M. de la Hire a
aiTuré à l'Académie des Sciences , qu'il avoit connu
\\m Demoifelle , qui lorfqu'elle fe prom_enoit dans
un jardin , ne voyoit point à^ araignées qu'elle ne faisit
&: ne croquât fur le champ. Il efl: parlé de la fameufe
Anne de Schurman , qui les cherchoit par goût , &:
les mangeoit avec délices. Pour s'excufer de l'attrait
iingulier qui la portoit ainfi à manger des araignées ,
elle foutenoit en plaifantant , qu'il falloit qu'elle fût
née fous le figne du Scorpion. Dans le pays des
Kamtfchadales , où les araignées font fort rares , les
femmes qui veulent avoir des enfans , recherchent ces
infedes , & les mangent ; elles s'imaginent que ce
mets les rendra fécondes , & qu'elles accoucheront
plus aifémcnt.
On voit les araignées dépofer leurs œufs fur àçis
fruits dont en mange tous les jours , fans que les
4IÔ ARA
eftomacs les plus" délicats en foient incommodés. Voila
des faits qui prouvent que Varaignée , prife intérieur
renient , ne peut faire de mal ; nous devons cepen-
dant convenir que quelques perfonnes ayant avalé
chacune trois greffes araignées noires , il leur eil furvenu
un fentiment ae froid , de convulfion & de contraction
dans l'ellomac : on a eu recours à deux prifes de
thériaque lorfque la pâleirr du vifage & l'envie de
vomir firent conncitre qu'elles fe trou voient incommo-
dées ; alors tous les fymptômesdifparurent , <k il n'en eil
rien réfulté de tâcheux. On lit dans le Traité de Boy le ,
fier la convenance, des mmedes fpécifiques ^ avec la philo-
fophie des corpufcules , &.:c, qu'un particulier , qui étoit
au lit , avoit reçu dans l'œil une liqueur qu'une grciTî
araignée pendante fous le ciel de fon lit , avoit laiffé
tomier , 6c que cet homrne s'apperçut bientôt qu'il
étoit borgne. Cette anecdote a beioin de confirmation,
U araignée , ainfi que fa toile , contient beaucoup
d'alkali volatil ^!>c d'huile : la toile Ci araignée ell vulné-
raire , aftringente & confGlif;ante : elle arrête le fang
étant appliquée fur les plaies récentes. Rien de fi
commun parmi le peuple , que de s'en fervir pour
les coupures. Il faut en mettre dans la plaie fi-tôt
qu'elle eil faite , ce qui l'empêche de fe tuméfier.
On raconte mille hifloires fabuleufes de l'inimitié qu'il
y a entre V araignée 6c le fcrpent , &: de celle qui règne
entre le crapaud cl Varaignét, Bien des perfonnes dilent
que quand un crapaud palTe fous une toile à.^ araignée^
Varaignée defcend pour mordre le crapaud ; & que û
elle le mord , il efl empoifonné. M. Lyonmt a fait
l'expérience de faire defcendre une araignée fur un
crapaud , & jamais ces animaux n'ont paru avoir I3.
moindre envie de fe battre.
Araignées aquatiques,
Varaignée aquatique eA un infede en quelque forte
amphibie ; car il vit Sc nage dans les eaux où périffenl^
ARA 411
toutes les autres efpeces à^araig?iie , & il peut vivre
hors de cet élément dont il fort quelquefois pour
pourfuivre des infecles , &: les emporter dans l'eau
lorfqu'il les a pris. Cet infeûe nous fait voir les
manœuvres les plus curieufes & les plus fingulieres.
Cette efpece d'araignée reffemble prefque tout-à-fait
^ux araignées temfires : elle a la partie poilérieure ,
ainfi qu'elles, garnie de filières dont elle fait auffi
lifage pour filer. On la voit quelquefois nager au
milieu des eaux avec beaucoup d'agilité , tantôt en
montant , tantôt en defcendant : elle nage fur le dos ,
le ventre en haut. Ce qui frappe le plus , lorfqu'on
obferve cet infe£le nageant , c'efl: que fon ventre paroît
brillant & comme enduit d'un vernis argentin , fem-
blable à du vif-argent. Ce brillant dépend de ce que
l'eau ne s'attache pas au ventre de cette araignée ,
qui efî: gras , & qu'il y a toujours une lame ou couche
d'air entre l'un & l'autre. Cet air fert beaucoup à
cet infe6le. Il fait par ce moyen fe procurer un
domicile oii il eil à fec au milieu de l'eau. Pour cet
effet , cette araignée attache quelques fils à des brins
d'herbe dans l'eau même ; enfuite montant à la fur-
face , toujours fur le dos , elle tire hors de l'eau fon
ventre qui paroît itz Sc elévé fur la furface de ce
liquide ; pour lors elle le retire vivement dans l'eau ,
&c entraîne avec lui une forte bulle d'air dont il refle
couvert : elle defcend vers ces fils , & y laifTe cette
bulle d'air , ou du moins une partie qui femble s'atta-
cher à ces fils. Voilà déjà une bulle ronde , une efpece
de cloche d'air au milieu de l'eau , que les fils qui
font au-delTus empêchent de remonter à la furface.
Alors V araignée y retourne , en rapporte de nouvel air ^
qu'elle porte à fa cloche , ce qui l'augmente de volume.
Elle répète ce manège jufqu'à ce que la cloche foit
plus groffe qu'une noifette , & capable de la contenir.
On la voit alors y entrer , en fortir , y apporter les
infeéles qu'elle prend pour les y manger, Quand çUe entre
4î2 ARA
dans fa cloche, elle l'agran^iit en y apportant avec
elle la lame d'air dont fcn ventre eu toujours eriutiit:
quand elle en fort , elle la diminue en entraînant avec
fon ventre une portion d'air. Telle eil la mécanique
qifemploie cette araignée pour commenctr ion domi-*
cile : elle recouvre enluite cette bulle d'air d'une eipece
de matière vitrée ; &c elle la renfonce & la tapiffe ,
pour ainii dire , de fils au petit point. On ne peut
voir fans étOxOnement qu'une bulle d'air ferve ainii
de moule 6c de bafe à la coque de foie de V araignée ,
& qu'elle fubifle tant de firottement fans éclater.
Ces logemens tranfparens différent quelquefois pour
la forme ck pour la grandeur ; il y en a qui reilem-
blent à des cloches de plongeurs , avec cette diffé-
rence cependant qu'un poifion vorace peut entrer dans
la cloche des plongeurs , & que Varaignée aquatique
au contraire ne craint point d'ennemi dans la fienne ,
le defîcus n'étant point ouvert. D'autres ont la figure
d'un rognon. Les ims font de la e,roireiir d'une noix ;
d'autres font très-petits. Tous ces logemens font propres
à diverfes efpeces de ces araignées , dont quelques-unes
même font ii petites , qu'elles ne font vifibles que
par leur bulle.
Le P. L , Prêtre de l'Oratoire , qui , dans fon
excellent Mémoire pour fervir a commencer rHlJioire des
Araignées aquatiques^ a il bien détaillé tous les procédés
induftrieux de cette efpece d'infede , foupçonne que
ces araignées ont deux portées par an , l'une au prin-
temps , & l'autre au mois de Septembre. On leur voit
alors deux ou trois loges qui com.muniquent l'ime à
l'autre , deftinées apparemment à fervir de logem.ent
à leurs petits. Il croit que le mâle en fait une autre
à côté de celle de la femelle , mais pourtant ifolée.
Quand cette loge eft faite , le mâle en fait lortir fon
corps en partie , &: entraîne avec lui fon domicile. Il
perce la cloifon de la loge de la femelle ; &: intro-
duifant fon corps dans cet appartement étranger 5 les
ARA 4t5
deux bulles fe réunifient {ubitement par leurs bords ^
comme deux gouttes d'eau qu'on approche l'une àe
l'autre , & les deux appartemens ne font plus qu'une
chambre nuptiale.
L'Ecrivain d'après lequel nous parlons, a cbfervé
une de ces araignées qui habitoit dans un appartement
à trois loges , 6c qu'il a reconnu depuis être une
femelle. 11 l'a vue couchée fur le dos dans fa loge ,
le ventre en haut , les pattes étendues comme morte
pendant un jour entier. Il a vu une autre araignée
entrer dans la loge où celle-ci étoit gifiante ; elle giifia
fon corps lur le ventre de l'autre ; cela diu^ un infiant .
aprcs lequel Varaignéc qui avoit l'air d'être morte ,
fembla reiiufciter , elle fe releva & courut après l'autre
qui s'enfuycit avec précipitation. Ce fpettacle qu'il a
remarqué plulieurs fois , ùC l'examen des {ç:xes ne
lui ont pas permis de douter qu'il ne fut queftion
d'accouplement. La femelle prend foin de fa famille.
Ces efpeces ^ araignées aquatiques font commimé-
ment fort vives : on les voit traniporter fans ceiTe
çà & là leur bulle. Elles fe dévorent les unes les
aiîtres , ainfi que les araignées terrcfîres ; & il paroît
que les petites araignées qu'on voit marcher fur l'eau
pour y prendre des mouches aquatiques , font de leur
goût. Mais elles ont elles -miêmes pour ennemi les
punaifcs d'eau , & les nymphes à ma/que^ qui les détrui-
fent très-promptement.
Ces efpeces à^araignées aquatiques fe trouvent dans
les eaux des m.ares & des étangs , rarement autour de
Paris , mais fréquemment en Champagne , ainii que
le dit yi. Geoffroy , qui , après avoir obfervé lui-même
ces inlëdtes , & avoir il bien décrit , ainli que nous
l'avons fait d'après lui , l'adrelTe des araignées dans
la conilruôion de leur bulle , rend témoignage à la
vérité des feits énoncés dans le Mémoire du P. L ,
fur Les araignées. Ce Mémoire eit devenu très-rare.
414 ARA
Araignée Maçonne^
On poiirroît auffi la nommer araignée mlncufe , à
caufe des difFérens genres d'induftrie dont elle eft
capable , ôc que nous allons décrire d'après M. l'Abbé
de Sauvages , de la Société Royale de Montpellier.
lu araignée maçonne ne tend point de filets comme
les autres : elle reffemble prefque entièrement à celle
dis caves ; elle en a la forme , la couleur & le
velouté : fa tête efl , de même , armée de deux fortes
pinces , qui paroiffent être les feuls inilrumens dont
elle puiffe fe fervir pour creufer un terrier com.me
im lapin , & pour y fabriquer une porte mobile ,
qui ferme fi exactem.ent , qu'à peine peut-on intro-
duire une pointe d'épingle entre fes joints. Elle apporte ,
ainfi que les fourmis & plufieurs autres infefi^es , une
grande attention dans le choix d'un lieu favorable
pour établir fon habitation. Elle choifit im endroit oiî
il ne fe rencontre aucune herbe , un terrain en pente
pour que l'eau de la pluie ne puiiTe pas s'y arrêter ,
& une terre exempte de pierrailles qui oppoferoient
un obilacle invincible à la conilruûion de fon domi-
cile : elle le creufe à un ou deux pieds de profon-
deur ; elle lui donne alTez de largeur pour s'y mou-
voir facilement , & lui conferve par - tout le même
diamètre ; elle le tapilfe enfuite d'une toile adhérente
à la terre , foit pour éviter les éboulemens , foit
pour avoir prife à grimper plus facilement , foit peut-
être encore pour fentir du fond de fon trou ce qui
fe paffe à l'entrée.
Mais où l'induflrie de cette araignée brille parti-
culièrement , c'eft dans la fermeture qu'elle conflruit
à l'entrée de fon terrier , & auquel elle fert tout à la
fois de porte &: de couverture. Cette porte ou trappe
eft peut-être unique chez les infeûes ; & félon M. de-
Sauvages y on n'en trouve point d'exemple ^ fi ce a'efl
ARA 4ïf
i^aiîs le md d'un oifeau étranger , qui efl reprefcnté dans
le Trefor à^Alhirt Slba, Elle eft formée de diii-erenteS'
couches de terre , détrempées & liées entre elles par
des fils 5 pour empêcher vraiiemblablement qu'elle ne
fe gerfe , & que fes parties ne fe féparent ; fon contour
eft parfaitement rond ; le deffus y qui efl à fleur dé-
terre , eil plat & raboteux ; le deffous efl convexe
& uni , & de plus il efl: recouvert d'une toile dont
les fils font très-forts & le tiffu ferré ; ce font ces
fils , qui prolongés du côté du trou , y attachent
fortement la porte , & forment une efpece de penture ,,
au moyen de laquelle elle s'ouvre & fe ferme. Ce
qu'il y a de plus admirable dans cette conftruéiiony
c'eil que cette penture ou charnière ell toujours fixée
au bord le plus élevé de l'entrée , afin que la porte
retombe & fe ferme par fa propre pefanteur ; effet
qui eft encore facilité par l'inclinaifon du terrain cju'elle
choifit. Telle efl encore l'adrelTe avec laquelle tout
ceci efl fabriqué , que l'entrée forme par fon évafe-
ment une efpece de feuillure , contre laquelle la porte
vient battre , n'ayant que le jeu nécelTaire pour y
entrer & s'y appliquer exa£lement ; enfin le contour
de la feuillure &: la partie intérieure de la porte font
fi bien formés , qu'on diroit cru'ils ont été arrondis
au compas. Tant de précautions pour fermer l'entrée
de fon habitation paroifTent indiquer que cette araignée
craint la furprife de quelque ennemi : il femble aufïi
qu'elle ait voulu cacher fa demeure , car fa porte
n'a rien qui puifTe la faire diflinguer ; elle efl couverte
d'un enduit de terre de couleur femblable à celle des
environs , & que l'infede a laifTé raboteux à deiTeia
fans doute , car il auroit pu l'unir comme l'intérieur.
Le contour de la porte ne déborde dans aucun endroit ,
6c les joints en font fi ferrés qu'ils ne donnent pas
de prife pour la faifir & pour la foulever. A tant de
foins OC de travaux pour cacher fon habitation & pour
^n fermer l'entrée , cçtte amignéc joint encore une
%i6 ARA
adrefie & une force fnigulieres poiir empêcher qii'orf
n'en ouvre la porte.
A la première découverte que M. l'Abbé de Sauvages
en fit , il n'eut rien de plus prelTé que d'enfoncer une
épingle fous la porte de cette habitation pour la fou-
lever : mais il y trouva une réfiftance qui l'étonna :
c'étoit Varaignée qui retenoit cette porte avec une
force qui le furprit extrêmement dans un fi petit
animal : il ne fit qu'entr'ouvrir la porte , il la vit le
corps renverfé , accrochée par les jambes d'un côté
aux parois de l'entrée du trou , de l'autre à la toile
qui recouvroit le deflbus de la porte : dans cette atti-
tude qui augmentoit fa force , Varaignéi tiro't la porte
à elle le phis qu'elle pouvoit , pendant que le Natu-
ralifle tiroit auffi de fon côté ; de façon que dans
cette eipece de combat , la porte s'ouvroit & le refer-
moit alternativement. \Jaraignk bien déterminée à ne
pas céder , ne lâcha prife qu'à la dernière extré-
mité ; & lorfque M. de Sauvages eut entièrement fou-
îevé la trappe , alors elle le précipita au fond de
fon trou.
Il afouvent répété cette expérience , & il a toujours
cbfervé que Varaignée accouroit fur le champ pour
s'oppofer à ce qu'on ouvrît la porte de fa dc^meure.
Cette promptitude ne montre-t-elle pas que par le
moyen de la toile qui tapifie fon habitation , elle fent
ou connoît du fond de fa demeure tout ce quifepafle
vers l'entrée ; comme Varaignée ordinaire , qui par le
moyen de .fa toile , prolonge , fi ce) a le peut dire, fon
fentiment à une grande diflance d'elle ? Quoi qu'il en
foit , elle ne cefie de faire la garde à cette porte , dès
qu'elle y entend ou y fent la moindre choie ; &: ce
qui eft vraiment fmgulier , c'efl que , pourvu qu'elle
fût fermée , M. ^^ Sauvojges pouvoit travailler aux
environs , & cerner la terre pour enlever une partie du
trou , fans que Varaignée , frappée de cet ébranlem.ent
ou du fracas qu'elle entendoit , ^ qui la menaçoit d'une
ruine
ARA 417
niîne prochaine , fcngeât à abandonner fon pofte ; elle
fe tenoit toujours collée fur le derrière de fa porte , &C
M. ^2 Sauvages Penlevoit avec , fans qu'il prît aucune
précaution pour l'empêcher de fuir. Mais fi cette arai^
gnée montre 'autant de force &<i'adre{re pour défendre fes
foyers , il n'en eu plus de même quand on l'en a tirée:
elle ne paroît plus que languiffante , engourdie , & li
elle fait quelques pas , ce n'eil: qu'en chancelant. Cette
circonftance 6c quelques autres , ont fait penfer à notre
Obfervateur qu'elle pourroit bien être un iniede nodurne
que la clarté du jour bleffe ; au moins ne l'a-t-il jamais
vu fortir de fon trou d'elle-même ; & lorfqu'on l'expofe
au jour , elle paroît être dans un élément étranger.
Cette araignée fe trouve fur les bords des chemins
aux environs de Montpellier ; on la rencontre aufh fur
les berges de la petite rivière du Lez , qui paife auprès
de la même Ville. On n'a pas de connoifiance qu'on
l'ait encore découverte ailleurs ; peut-être n'habite-t-elle
que dans les pays chauds. La manière fmguliere dont fe
loge cet infede , fi différent des autres araignées , infpire
naturellement la curiofité de favoir comment il vit ^
comment il vient à bout de ië fabriquer cette de-
meure , &:c. ; mais il faut attendre de nouvelles obfer-
vations, Jufqu'ici ^ quelques efforts qu'ait fait M. l'Abbé
de Sauvages pour . conferver ces araignées vivantes , il
n'a pu y réuiîir : elles font toutes mortes malgré fes
foins , & conféquemment il n'a pu pouffer plus loin fes
découvertes fur leur manière de vivre. Il faudroit peut-
être , pour parvenir à les mieux connoître , enlever
tout-à-la-fois leur demeure & une portion confidérable
de la terre qu'elles habitent , qu'on placeroit dans un
jardin ; alors , comme on les auroit fous les yeux , on
poun"oit plutôt découvrir leurs différentes manœuvres.
Araignées étrangères»
Il y à , dit le P. Lahat ( Voyage de t Ainériqm ) ^
dans les Ifles de l'Amérique , de très-groffes araignées.
Tome L D d
4i8 ARA
On en poiirroît trouver de la grofleur du poîrtg : elles
n'ont jamais eu de cornes , comme quelques-uns l'ont
prétendu , 6i elles font lans venin: une infinité û'txpé-
riences prouvent cette vérité. Selon ce Mifîionnaire ,
on fe garde bien de les tuer , parce qu'elles mandent
certains infe£^es de la figure des hannetons , qui rongeiit
les papiers , les livres , les tableaux , les bardes , &L oui
gâtent , par leur ordure & leur mauvaife odeur , tous
les endroits où ils fe nichent : on les appelle Ravies.
Voyez ce mou Comme ils volent par-toiit , &: plus la
nuit que le jour , ils fe prennent dans les toiles de
ces groffes araigiiées ; ou bien s'ils font dans quelque
endroit & qu'ils y dorment , V araignée ne les a pas
plutôt apperçus , qu'elle fond fur eux avec une viit^Q
îiirprenante , les prend , les lie , pour ainfi dire , &: les
fiice de telle manière , que lorfqu'elle les quitte , il ne
refte plus que leurs ailes &: leur peau defféchée
com-me du parchemin.
Il eft dit dans VHiJiolre Naturelle des Antilles , par
le P. du Tertre , qu'il y a dans ce pays des araignées
qui ont plus de circonférence que la paume de la main ,
îorfque leurs pattes font étendues. Koyei ce qui en ejl
dit à r article PHALANGE.
Ces araignées étant vieilles font couvertes d'un duvet
noirâtre , aufïï doux & âuffi prelTé que du velours.
Comme les ferpens , elles quittent tous les ans leur
vieille peau. Leur toile eft fi forte , que les petits oifeaux
ont bien de la peine à s'en débarraffer. Elles dépofent
leurs œufs dans une bourfe qu'elles tiennent fous le
ventre , ëc qu'elles portent par-tout avec elles : la
première peau de cette bourie efl: d'un cuir pareil
au cannepin , tout le dedans eft rempli d'une lilaiTe
femblable à de la foie. Selon quelques habitans de l'Ille ,
cette araignée ell auffi dangereufe que la vipère : iQS
poils piquent & brûlent comme des orties.
Il y a à la Louifiane pluiieurs efpeces à^ araignées ,
fjiii iont feîP^bkbles à celles de France ^ mais on y en
ARA 419
voit une efpece qui n'a rien qui en approche. Elle eil
groffe comme un œuf de pigeon , mais bien plus longue :
îk couleur qÛ noire & bigarrée d'or. Cet infeâ:e fait fur
les arbres des toiles d'une foie forte , torfe , &c dorée ,
quelquefois de la grandeur d'un cul de tonneau , dans
lefquelles s'arrêtent fouvent des oifeaux. Elle renferme
fes œufs dans une efpece de vafe , en forme de coupe ,
qui QÛ. tiiTu d'une foie dont on pourroit tirer quelque
avantage.
Il y en a aufïï dans Pille de Corfe , en Guinée ;
dans l'Ifle de Madagafcar , qui foat fort venimeufes.
Au Cap-de-Bonne-£lpérance , il y a une araignée de
la groiTeur d'un pois , dont la morfure eil fatale ,
îorique l'antidote eil: appliqué trop tard.
Dans Vllijroire Nature/le de la France Equinoxlale y
il eiî parlé de diverfes efpeces à^ araignées qui fe trou-
vent dans l'Iile de Ceylan. La plus curieufe efl: une
araignée couleur (T argent , en forme de cancre. Il y a
plulieurs autres efpeces à^araignées qui font monf-
trueufes , & dont la piqûre eft , dit-on , mortelle ,
fi on n'y remédie point.
Il y en a une efpece dans l'Ifle de Ceylan , qui ,
quoique horrible à voir lorfqu'elle eil en vie , ne
moiitîe rien de hideux quand elle eil morte & con-
fei-vée dans une liqueur : au contraire elle paroît fort
belle , par les boucliers ciâxulaires qu'elle porte fur
le dos. Il y a de ces groffes araignées de l'Iile de
Ceylan qui ne font point de tcile ii elles fe trouvent
fur de grands arbres , elles dévident un gros £1 , au
moyen duquel elles defcendent lentement à la manière
des chenilles , qu'elles imitent auffi en formant de leurs
fis un nid ovale où elles pofent leurs œufs. Elles
enchâifent leurs nids fi fortement fur les branches des
arbres , qu'il eil diiïicile de les en tirer.
Séba dit qu'il y a en Afrique une efpece ôi araignée.
qui relTemble à la tarentule : on dit que la morfure
produit le même effet que celle de la tarentule , ôc
Dd 2
410 ARA
qu'on emploie le même remède. Slha ajoute que
ceux qui fe prétendent piqués par ces araignées ,
ne fë font voir en public que pour de l'argent ,
& qu'il y a lieu de les regarder comme des fourbes.
Il y a de certaines araignées que les Nègres efti-
ment être un mets fort délicat , &: qu'ils mangent
avec avidité.
On met dans la claffe des tarentules de grofîes
araignées de la Martinique , très-belles , veloutées , &
qu'on peut manier fans danger. Il y en a de petites
à Saint-Domingue , qu'on appelle araignées à cul rouge ,
dont la morfure caufe une douleur infupportable , mais
qui ne fait point mourir.
M. Linnœus cite trente - deux efpeces A^ araignées ,
dont le plus grand nombre diffère par les lieux qu'elles
habitent , comme les arbres y les trous des murailles
& les fables du bord de la mer.
Araignée de mer. Nom donné à une efpece de
cniftacée. Voye^^ à la fuite du mot Cancre. On appelle
auffi araignée de mer ^ un poiiTon que nous appelons
vïy^ ou dragon de mer. Voyez ce mot. On donne encore
ie nom d^ araignée de mer à une efpece de coquillage
univalve du genre des Murex. Voyez ce mot.
ARAMACA. Foyei BadÉ.
ARAPEDE. C'ell le kpas. Voyez ce mot.
AR.ATICA ou Aratarataguam. Foye^ à l'ar-
ticle Colibri.
ARATICU. Arbre qui croît au Bréfil , dont parle
Rcdi. On en diiîingue trois efpeces , dont l'une ,
nommée aratïcîi pana , efl très - vénéneufe ; des deux
autres , l'une fe nomme fimplement araticà^ & l'autre
araticà api : le fruit de cette dernière efpece efl ,
dit-on , très-agréable & bon à manger ; celui de Varaticà
efl peu efiimé. Ainfi dans cette efpece d'arbre , comme
dans nos champignons , le mets agréable efl à côté du
poifon. Pifon parle des fruits de Varaticu _, dans les
livres lîï & IV de fon Hijîoire Naturelle.
ARA A R B 42t
ARAUNA , Chœtodon ariianus , Linn. Poiffon des
Indes ; il ell du genre du Chaodon, La partie antérieure
de la tête eft blanchâtre. Le corps eft marqué de plu-
lieurs bandelettes brunes ; la nageoire du dos contient
trente - deux rayons dont douze font épineux ; les
pedorales en ont dix-huit ; les abdominales fix , dont
un feul eft épineux ; celle de l'anus en a treize , dont
deux font épineux ; la queue en a feize ; elle efl foiuxhue.
ARAWEREROA. C'efl le coucou brun varié de neir.
Voyei^ Coucou.
ARBALETRIER. Voy^i Martinet noir.
ARBENNE. Nom donné en Savoie , &: chez les
Grifons , au lagopède , Voyez ce mot. M. Haller obferve
que Varbmne eil commune dans les Alpes fous le nom
à'orbainc , mais il s'en faut bien qu'elle ait le goût fin
de la gclinote ordinaire.
ARBOUSE ou Arb OUSTE. Quelques-uns ont donné
ce nom à une race particulière dans l'efpece du pepon ;
on l'appelle paJli[fon, Voyez ce qui en efl dit à Li
fuite de V article CouRGE à limbe droit. Par c^X.
expofé on voit qu'il ne faut pas confondre enfemble
Varboujîe avec Varhoujier, Voyez ce mot. On voit
beaucoup de fruits à'arhoujle à Aftracan , en Ukraine
&: à Mofcou ; il ne croît point naturellement en Suéde ,
ni en Danemarck.
ARBOUSIER COMMUN , Arbutus ^ folio ferrato ^
Bauh. Pin. 460, Tourn. 598 : Arbutus wiedo ^ Linn.
ArbriiTeau qui croît naturellement en Efpagne ^ dans
les provinces méridionales de la France , & dans l'ïlle
de Corfe,aux lieux pierreux & montagneux : fa racine
eft affez groife &: dure, La tige de ce petit arbre eiî
couverte d'une écorce crevafieé , d'un gris brun ,
jettant beaucoup de rameaux rougeâtres dans le haut :
fes feuilles font vertes ^ glabres , dures ou coriaces
comme celles du laurier, alternes, dentelées en leurs
bords , ovales , obloneues , élargies vers leur fommet ,
ôc portées fur des pétioles courts & rous;eâtres. Sa
D d 3
422 A R B
fieiir cft blanche , en grelot , approchant de celle du
muguet 5 dirpoiee en grappe n l'extrémité des rameaux
& d'une odeur agréable. Elle renferme dix étamines ,
& a cinq dentelures : aux fleurs fiiccedent des baies
rondes , pendantes , & fucculentes , jaunes avant leur
maturité , &c d'un beau rouge quand elles font mûres ;
on les nomme arboufes ; elles ont quelque reflbmblance
avec les grones fraifes : elles fe divifent en cinq loges ^
qui renferment plufieurs femences menues & offeufes.
Si cet arbrifreau , que l'on nomme auffi fraijîcr en çirhre^
nxtoit point fi délicat , il feroît très-propre à mettre
dans les remifes : il offre une décoration pittorefque
& riante ; on le voit prefque toujours en fleur , ou
chargé de fruit ; quelquefois même il porte l'un oL
l'autre tout enfemble , parce que ce fruit , qui eil
prelaue une année entière à mûrir , demeure fur l'ar-
bre jufqu'à ce que la fleur nouvelle foit venue. Il
fleurit principalement en Juillet & Août : les micrlc^
& les grivcs , même les enfans , font très-friands de
ce fruit. Les abeilles vont volontiers fiir les fleurs de
Parboufier, & les chevreaux mangent fes feuilles. Le
bois de ce petit arbre eil blanc , propre à de certains
ouvrages , &: fait de bon charbon. En Médecine ,
l'écorce , les feuilles & les fruits font eflimés ailringens.
M. le Vicomte dt Qucrhocm nous mande avoir obfervé
au Croific & dans fes environs , en Bretagne , que
Varbcujier venu de femence, forme une tige élevée ;
mais qu'il n'efl qu'un arbriffeau; que propagé de bouture
ou de m^arcotte , il fe naturalife facilement ; qu'alors
il eil peu fènfible au froid , & que lorfqu'il a acquis une
certaine confiftance , il faut des hivers rudes pour
lui faire perdre fes feuilles &: quelques branches. Par
la culture , Varbcujier offre des variétés à fleiu's pur-
purines & rouges , fim^ples ou doubles , à iruit
ovale , & un peu en pointe à fon fom.met.
On cultive dans les jardins quelques autres efpeces
à^arhoujicrs ^ entre autres V arboujier à paniculcs : Arbutus
A R B 413
Andrachm , Llnn. En été fa tige & fes rameaux ont
wnQ teinte pâle ou verdâtre , mais endiite ils devien-
nent rougeatres ; les fleurs font d'un blanc jaunâtre ,
ncmbreules , en grappes réunies en panicule ; cet ar-
boujicr croît naturellement à Samos ; au Jardin du Pvoi ,
en le tient dans l'orangerie pendant l'hiver : il fleurit
vers la fin de Mars. VArboiificr des Alpes , Arhutus
Alpina ^ Linn. : Vltïs îdœafolïh ohlongis ^ alhlcantihus ^
Tourn. 608. C'ell un fous-arbriiTeau prefque rampant ,
qui croît dans les lieux humides de la Laponie , de
la Sibérie , de U SuiiTe , du Dauphiné & des Pyrénées ;
les Lapons en mangent le fruit : c'eft , dit M. le Baron
di Tfdwudi , le dernier préfent de la Nature , près
d'expirer fous les glaces du Nord.
ARBP*.E , Arhor, Les arbres font les plus élevés &:
les plus gros des végétaux. On obferve dans toutes
les productions de la Nature , qu'elle fe plaît à mar-
cher par nuances infei^fibles : on la voit paffer ainii
de la plante la plus baile à la plus élevée , de l'herbe
la plus tendre au bois le plus dur. Aum les
hommes ont-ils donné aux plantes divers noms fuivant
leur état , tels que ceux à^ herbes , à^fous-arhrljfeaux ^ ^ar-
hrïffeaux oL à'arhres, C'eil dans Varhrz que nous exami-
nerons cette organifation merveilleufe, à l'aide de laquelle
les fucs s'élèvent , s'élaborent dans les plantes : organifa-
tion commune à l'arbre & à l'herbe la plus fimple.
On remarque dans un arbre coupé tranfverfalement ,
le bols , V aubier 6c Vicorce, Toutes ces parties fe foi;it
voir dans les branches ; mais la moelle qui eil au
centre, s'y fait mieux remarquer. Cette moelle eil
im am.as de petites chambrettes féparées par des in-
terftices : on y trouve beaucoup de fève. Autour de
ctXtQ me elle font railemblés , iuivant la longueur du
tronc 5 plufieurs vaifTeaux , que l'on difiingue en valf-
feaux lymphatiques , vaijfeaux propres 6c trachées , dont
nous détaillerons l'ufage. La moelle rafTemblée au
centre , jette des produâions qui vont en quelque façon
D d 4
424 A R B
s'épanouir dans l'écorce ; ainli l'entrelacement des
vaifTeaux longitudinaux, avec les produirions médul-*
laires , forment la fubftance du bois 6c de l'écorce.
Il faut obferver dans l'épaiffeur de l'écorce trois
parties qui différent entr'elles : cette peau fine , qui
touche immédiatement le bois 6c que l'on nomme likr^
Vcpidcrrn^ OU la peau extérieure , 6c Vicorce moyenne
qui fe trouve entre les deux précédentes. Il eft digne
de remarque , que cette première peau ou écorce in-
térieure fe détache au printemps , 6c forme ime nou-
velle ceinture d'accroilTement au bois dans toute fa
longueur. La preuve en eil , que cette écorce étant arra-
chée ( le liber ) dans un endroit , le bois n'y prend
plus le moindre accroiffement.
On difKngue facilement ^ en coupant un arbre en
travers , fes divers accroiiTemxCns annuels : on peut par
fes cercles concentriques , c'efl-à-dire , par fes couches
ligneufes qui font des cônes infcrits ou qui s'emboî-
tent les uns dans les autres , compter le nombre de
fes années , parce qu'il fe forme tous les ans , comme
il efl: dit ci-deilus , une couche ligneufe qui s'applique
fur l'ancien bois , pendant qu'il le forme pareillement
une couche corticale fous l'ancienne écorce , dont l'ex-
térieur tombe par écailles dans les uns , comme l'orme ,
le plane , 6cz. ou fe roule en feuillets , com.me dans
le bouleau , le chevre-feuille , 6ic. La circonférence d'im
arbre étant formée par la révolution entière de chaque
couche , chaque couche efl répétée deux fois lorf-
qu'cn prend le diamètre de l'arbre ; c'eft pour cela
qu'on ne compte que le demi-diametre ou le rayon
pour avoir le nombre réel de fes couches ; 6c pour
en juger exaQement , on doit compter les cercles d'un
arbre d'une certaine groiTeur affez près de fon pied ;
c'eft l'endroit où elles font plus diflin£les. Il eft de
fait que dans les premières années de l'arbre les
couches qui fe forment font très - épaifîes , tandis
qu'elles font fort minces dans les derniers temps de foii
A R B 425
accroiffement. Ces cercles ligneux: n'ont donc pas
également tous la même largeur. Il y a plus ; la même
couche varie d'épaiffeur , luivant la fituation des ra-
cines , & les' diverfes expofitions où Tarbre a été^
planté. Le côté du Nord eit en général plus étroit
dans les climats tempérés ou froids. Les derniers cer-
cles qui touchent à l'écorce font plus minces &C d'une
confiftance plus légère ; c'eft ce qu'on nomme V aubier^
que les Ouvriers rejettent comme peu propre à être
mis en œuvre. Voye^ au mot BoiS , les moyens que
l'expérience a fournis à M. de Buffhn^ pour donner
à cet aubier la qualité du bon bois. L'arbre en grof-
fiiTant , force les fibres de l'écorce à s'étendre : il en
rompt quelquefois les dehors avec un bruit éclatant ;
c'eil ce qui caufe les crevalTes que l'on voit fouvent
à l'extérieur de l'écoixe.
Lorfqu'on veut appercevoir les trachées qui entrent
dans l'organifation du bois , il faut couper l'écorce
dans les branches herbacées fans entamer le bois : ii
l'on rompt enfuite doucement le corps ligneux , &
qu'on retire les morceaux rompus en fens oppofés ,
on apperçoit entre les deux morceaux , des nlamens
trc:--fins , qui , vus au micro fcope , paroiiTent être des
bandes brillantes , roulées en tire-bourre. C'eft par ces
trachées , analogues pour la forme à celles des infedes ,
qu'il paroît que l'air entre dans les plantes, pour
aider fans doute à Tafcenfion des liqueurs. Ces trachées
viennent aboutir à la furface extérieure de l'écorce.
Voyez trachées dans le tableau alphabétique des termes
botaniques , &c. à la fuite de l'article Plante.
Les vaijfeaux propres font des canaux ou vaiffeaiLX
qui s'élèvent dans toute la longueur de l'arbre , &
contiennent le fuc particulier à chaque arbre. Dans les
uns , c'efl une réfnie ; dans les autres , une gojnme ;
dans celui-ci , un tait ; dans cet autre , une huiU ;
quelquefois c'ell un miel ^ ou \\\\ firop ou une manne.
Ce fuc extravafé dans certaines parties de la plante
4i6 A R B
la fait quelquefois pcrir , comme on le voit dans des
branches d'abricotier furchargées de gomme.
Les vaijfcaux lymphatiques contiennent une lymohe
qui diffère peu de Peau pure dans plufuurs efpeces
d'arbres. La vigne en donne une grande quantité ,
lorfqu'elle pleure au commencement du printemps ^
mais elle ceiTe d'en donner quand les feuilles iont
épanouies. La lymphe , ainfi qu'on le voit , diffère
du fjc propre , dans lequel il paroît que réfident prin-
cipalement la vertu oL la faveur des plante-:.
La même organifation fe retrouve dans les ruines ,
dans leurs chevelus , dans les branches. Tous ces
vaiffeaux réunis dans les pédicules des feuilles , le dif-
tribuent enfuite en phifieurs gros faifceaux , d'oii il part
un nombre de fallceaux moins gros, qui le diviient
êc fe fubdivifent en une prodigieufe quantité de rami-
fications qui forment un rcfeau , qu'on peut regarder
comme le Iquelette des feuilles. Les mailles de ces
réfeaux font remplies d'une fubflance cellulaire.
Les boutons qui lortent (x^i, branches &: des racines ,
ont la même organifation : ce iont autant de petites
plantes entières , dont les parties font repliées les
unes fur les autres , &: ne fe développent que tour-à-
tour. Car , dit M. F huche , dans les boutons , comme
dans les œufs & dans les germes des petits animaux,
il y a des degrés ou des diminutions d'avancement ,
qui vont pour ainfi dire à l'infini. La prudence &:
la bonté du Créateur n'éclatent pas moins dans ce
ménagement , que fa puiffance même ; puifque non-
feulement il nous donne d excellens fruits cette année,
mais qu'il en réferve une récolte femblable pour l'année
fuivante , & qu'en empêchant, par des préparations
inégales, tous les boutons de s'ouvrir à -la -fois, il
allure à nos tables , comme à nos foyers , des pro-
vificns réellement inépuifables. •
C'ell pendax"it le cours de l'été que fe forment
peu-à-peu, dans l'aiffelle des feuilles^ ces boutons
A R B 427
ordînaîrement d'une forme conlqus qu'on spperçoit
en hiver fur les jeunes branches. Ncn-fculemciit les
boutons de chaque genre d'arbre ont des formes par-
ticulières, mais fou vent les boutons de chaque efpece
en afFeâ:ent une qui , bien obfervée , fufRt quelquefois
aux Jardiniers qui élèvent des arbres en pépinière ^
pour diitinguer les efj:eces. Des boutons qui fe ren-
contrent fur le même arbre , les uns font pointus ,
on les nomme botiwns à bois , parce qu'il en fort des
branches : les autres font communément plus gros &
plus arrondis ; c'efl d'eux que fortent les fieurs ; aufli
les nomme-t-on boutons à fruit. On peut encore dans
plufieurs efpeces d'arbres , tels que les pommiers ,
poiriers <k. néfliers ^ difiinguer deux efpeces de boutons
à bois ; les uns très-petits , dont il ne fort qu'un bou-
quet de feuilles , mais ces boutons deviennent ordi-
nairement dans la fuite des boutons à fruit ; les autres
qui font plus gros , donnent des branches. On obferve
dans les arbres à ètamines deux fartes de boutons à
fleurs ; les uns d'où fortent les fruits , & les autres
plus petits d'où fortent les chatons.
C'efl dans l'hiver , où le mouvement de la fève pa-
roît fufpendu , que les différentes parties des Heurs
fe forment , pour ainfi dire , elandeflinement. L'expé-
rience de Mariotte le prouve : à la fin d'Août , il coupa
les branches d'un rofier ôc toutes fes feuilles , il ne
lui laifïa que les boutons à fleurs : au printemps fui-
vant , ces boutons s'ouvrirent <k. ne donnèrent que
des branches ; effet produit par le retranchement àts
branches & des feuilles qui avoient empêché les fleurs
de fe former pendant l'automne & l'hiver.
Les plantes annuelles , & celles c|ui ne font vivaces
que par leurs racines , ne portent point de boutons
fur leur tige : ces dernières en ont feulement fur
leur racine.
Après cette légère idée de Porganifation des arhr:s ,
dont on trouve un ample détail y rem.pli d'cbfervations
428 A R B
curieufes & d'expériences délicates , dans Texcellent
Traité de la phyjiqm des. arbres , de M. Duhamel ; on
va en voir les ufages. Foyc:^ aufTi ce qui eil dit à
r article Plante.
Les hommes fe font eiiTorcés de multiplier les arbres
qui méritoient de l'être par la qualité du bois , la
bonté des fruits , la beauté des fleurs & celle du feuil-
lage ; ils ont même perfedionné la Nature. Avec
quelle complaifance ne voit-on pas les fruits , ainfi que
les fleurs , fe perfeclionner & s'embellir fous la main
de l'homme cultivateur ! Quel effet merveilleux ne
produit point la greffe ! Avec quel plaifir ne voit-on
pas , par fon opération , un mauvais ar.bre fe changer
en un plus parfait , ou le même arbre embelli de di-
verfes efpeces du même fruit !
Cet art , dont l'origine eil , pour ainfi dire , dans le
berceau du monde , confiHe à adapter ou une branche
ou un bouton avec fon écorce , fur V arbre que l'on
veut perfe£lionner. Il eil elfentiel que le fujet ou le
fauvageon que l'on veut greffer , foit d'une nature un
peu analogue avec la greffe de l'arbre qu'on y ap-
plique. Aulfi ne voit-on réuinr que les greifes de pépin
fur pépin , & de noyau fur noyau. Il y a quantit-é
d'autres rapports qui font encore eifentiels ; tels font
la reffemblance dans le grain de deux bois , une pefan-
teur & une dureté relatives , une homogénéité dans la
faveur , l'odeur & la qualité des fucs propres.
On perfedionne le fruit d'une greffe en l'inférant
fur un arbre cultivé , plutôt que lur un fauvageon ;
d'où il fuit que le choix du fujet n'eil pas indifférent,
& que la greffe ne dégénère point l'efpece. C'eil: pour
cela qu'un poirier fauvageon , qui ne produit que de
petites poires acres , étant greffé d'une branche de
beurré , produit de belles & groffes poires de beurré ;
que cette même branche de beurré écuffonnée d'une
branche de fauvageon , ne donne c[ue de petites poires
acres , ôc ainfi de fuite : c'eil encore pour cela qu'un
A R B 429
Citron nouvellement noué , greffé par approche , par
une queue longue feulement de quelques lignes , fur
un oranger , parvient à fa maturité fans participer de
l'orange. Il eft reconnu faux par l'expérience , que le
coignafHer fur lequel on a grdié un pnmier , ne con--
tient qu'un feul pépin , comme l'avoit dit Lémcri dans
les Mémoires de l Académie en lyo^ , & que le jaf-
min blanc fur lequel on a greffé un jafmin jaune ,
produit des fleurs jaunes fur les branches qui partent
du fujet au-deffus de la greffe , comme Haies l'avoit
cru trop légèrement. En vain travailleroit-on à greffer
les uns fur les autres des arbres dont la fève , la fleu-
raifon & la maturité des fruits paroifTent & fe mettent
en mouvement dans des temps différens. C'efl: fans
doute pour cela feul que le prunier ne reuffit pas fur
l'amandier qui efl plus hâtif ; réciproquement l'aman-
dier greffé fur le prunier périt par la raifon contraire.
Ce font les autres différences d'analogie qui empêchent
la réufTite de ces greffes extraordinaires que l'on croit
pofîibles , & devoir produire des fruits finguliers , fur
la foi des ouvrages d'Agriculteurs ; telles font , i .^ le
poirier fur prunier , chêne , érable , orme , charm.e ;
2.° le pêcher fur noyer , faule , &c. 3.® le mûrier
fur coignafîier , figuier , &c. 4.^ la vigne fur noyer ,
cerifier , &:c. Une particularité qui mérite d'être re-
marquée , c'efl qu'un arbre toujours vert , greffé fur
im autre qui quitte fes feuilles , les lui fait confei-ver :
l'expérience a appris ce fait en greffant le laurier-
cerife fur le merifier , & l'yeufe fur le chêne. On
peut greffer ou écuflbnner pendant tout le cours de
l'année ; favoir: i." Y^n fente ( injitio in fijfura,^ , dans
les mois de Février ou de Mars , parce qu'alors
î'écorce ne quittant pas facilement l'aubier , on réuiîit
mieux à faire coïncider le liber de la greffe & du fui et ,
ce qui la fait bien réuffir : 2.° En couronne , enfifflet
ou ^w flûte , en écufjon a la poujfe , ôc à emporte pièce
(^emplaflratio^ lorfque les arbres {onl en pleine fève.
450 A R B
dans les mois de Mai &: de Juin ; parce qu'alofs
récorce ie détache facilement de l'aubier , & procure
l'avantage dent on vient de parler : 3 .^ En app-oche
pendant tout le printemps & l'été : 4.° En écujjon à
ail dormant (^ablaciatio^j , depuis la mi-Acùt juiqu'à
la mi-Septembre. L'écunon ne fait point de pouffe
pendant l'automne , mais bien au printemps ; ce qui
l'a fait nommer à œil dormant. Lorlqu'on place l'écuf-
fon dans le bourgeon même , cela s'appelle inoculer.
On trouve dans le Spcàack de la Nature , une idée
fort ingénieufe , en apparence , fur la manière dont on
peut concevoir ce ralimement de la fève dans le paf-
fage de la greffe , ainfi que cette diverfité de goûts dans
les différentes elpeces de plantes qui toutes tirent leur
nourriture de la même terre. On compare l'effet pro-
duit par les fuçoirs des plantes , à des bandes de papier
imbibées par leur extrémité , l'une d'huile , l'autre de
vin , la dernière d'eau , & que Ton mettroit dans un
vafe oii l'on auroit mélangé ces trois liqueurs : chacun
de ces papiers diflilleroit , par la partie qui lercit hors
du vafe , chacune des Uqueurs dont il étoit imbibé :
c*efl ainfi que chaque fuçoir des plantes ne reçoit que
la liqueur appropriée à (on organe , &: rejette toutes
les autres. Cette comparaifon ^{i entièrement fauiTe ,
on l'a démontré. Ce n'eit point ainfi que la choie fe
paile , c'eft en dégradant de plus en plus le calibre àQS
vaiifeaux , en les repliant , en les contournant , en in-
clinant plus ou moins kurs branches , 6cc. , que la
Nature exécute les fécrétions chez les végétaux , &
probablement chez les animaux. Le Philofophe M. Bo??-
mt a prouvé dans Ion livre lur tufa^i dcsfadlUs , que
le bourlet qui fe forme à ^'^niertion de la greffe avec
le fujet , n'eif point eu tout v.v. fiitrt comme on lavoit
penfé. On peut encore coniulter l'article 183 des C0.7-
Jidérmons fur Us corps organifh , par le même Auteur.
L'union d'une bouture dans le tronc d'un arbre ne fera
pomt l'effet d'une produ&cn totalement nouvelle;
A R B 4ÎI
mais des vainbaiix de la greffe &C des vallTeaiix du fujet
qui ne feroient point déve oppés fans le fecours de
l'opération , fe développeront , 6c s'abouchant les uns
avec les autres par difFérens points , formeront une
infinité d'entrelacemens. Ils fe montreront d'abord fous
la forme d'une fubilance gélatlneufe , puis herbacée ,
&z enfin corticale &: ligneufe. Un bourlct , continue
M. Bonnet , naîtra à l'infertion & recouvrira la plaies
On a cru , dit-il , que ce bourlet étoit une glande végé-
tale , dcftinée à féparer du fujet les fucs propres à la
greffe . Cette idée ingénieufe lui paroit peu d'accord avec
l'expérience : il a fait pomper de Tencre à un cep de
vigne qui portoit des raifnis violets , &c fur lequel on
a ei>té un rameau qui avoit appartenu à un cep qui
portoit des raifins blancs. Il a vu la matière colorante
pafler fans altération fenfible du fujet dans la greffe ,
ëc s'élever par les fibres ligneufes , jufqu'au fommet de
celles-ci. Une queftion très - importante & très-long-
temps ccntroverfée , eil la rouie de la fève. MM. du Hamet
& Bonnet ont démontré par les expériences les plus
dire clés , que la fève s'élève uniquement par les fibres
du bois jufqu'aux extrémités des rameaux & des feuil-
les 5 &: qu'elle redefcend par les fibres de Técorce dans
les ra-wines. On fent l'influence que ce fait ne peut
manquer d'avoir fur la folution de quantité de petits
problêmes de Phyfique végétale.
Apres la greffe , on emploie la taïlk pour donner plus
d'abondance , de propreté & de durée aux arbres fnii-^
tiers. Elle efc le chef-d'œuvre de l'art du jardinage :
c'efl elle qui débarraffe l'arbre de ces branches chiffon^
nés ; foibles produ£tions , qui ne deviendroient ni bon
bois , ni branches à fruit ; qui retranche ces branches-
gourmandes qui enlèvent la fubilance de l'arbre : c'efl
elle qui difpofe avantageufcment les branches qui
viendront dans plufieurs années , &: qui confen^e les
boutons à fruit , ou ceux qui promettent de le deve-
nir. L'art de pincer eft de fon r^ffort. Lorfque les
432 A R B
branches pouffent vigoureiiiement dans l'été , on de**'
truit avec l'ongle ou la ferpe , l'extrémité de la branche ;
&c la fève , arrêtée par cette opération , fait dévelop-
per pendant l'été des boutons à fruit.
La vertu reproductrice fe trouve dans toutes les
parties des arbres , dans les femences , dans les bran-
ches coupées que l'on pique en terre , & que l'on
nomme boutures ; dans celles que l'on couche , & que
l'on nomme marcottes ou provins ; dans les rejetons
qui poulTent au pied de l'arbre ; enfin dans les racines
êc dans les feuilles. Ces deux derniers moyens de
multiplication font plus curieux qu'utiles , quoique
cependant on puiiie couper une forte racine en plu-
fleurs parties , & que l'on puiife fur chacune d'elles
greffer une branche , & les planter tout de fuite aux
lieux qu'on leur defline.
Un arbre poufle avec d'autant plus de vigueur ,
qu'on retranche une partie de fes branches ; 6c l'on
voit fe développer ces efpeces d'embrions de multi-
plication , dès que l'arbre eil obligé de mettre au jour
ceux qu'il tenoit en réfcrve.
Les diverfes efpeces ai arbres affedent le plus ordi-
nairement des terrains & vm climat appropriés à leur
tempérament. La ferre & les étuves ne fuppléent que
foiblement à la température du climat ; les arbres dé-
licats n'y végètent cjue languiiTamment.
Une preuve inconteilable que les feuilles contri-
buent à la perfedion du fuc nourricier , c'eft que les
arbres dont les feuilles ont été rongées par les che-
nilles , ne donnent que peu ou point de fruits , ou que
des avortons , quoiqu'ils aient eu beaucoup de fleurs.
Quoique la réunion du bois &; de l'écorce conilitue
l'organifàticn de l'arbre , on en voit cependant qui
rapportent des bourgeons , des feuilles , des fleurs .&
des fruits , du moins pendant quelque temps , quoique
privés , ou en partie , ou entièrement , de l'un ou de
l'autre. Ne voit-on pas tous les jours des faules pouffer
très-
A R B 435
très-vîgoiireufemènt , quoique n'ayant abfolument que
l'écorce dans toute la longueur du tronc ? On peut
l'obferver aulTi quelquefois dans les arbres fruitiers.
On lit dans VHiJioire de l'Académie pour Vannée
'7^9 •> ^^^^ Obfervation curieufe rapportée par M. Ma*
gnol. En Languedoc , dit-il , on ente les oliviers en
ëcuilbn , au mois de Mai , fur le tronc ou fur les
grofles branches des vieux oliviers ; on coupe enfuite
& on détache l'écorce d'environ trois ou quatre doigts
tout autour du tronc ou des branches , un peu au-
deiïiis de l'ente : la partie fupérieure ne peut donc
recevoir de nourriture par l'écorce ; l'arbre cependant
ne perd point fes feuilles. Ce qu'il y a de remarqua-
ble , c'eil que l'arbre porte dans cette année des
fleurs & des fruits au double de ce qu'il avoit cou-
tume d'en porter. Enfuite les branches qui font au-
deilus de l'ente , étant privées du fuc qui doit monter
par l'écorce , meurent , & les rejetons qui fortent de
l'ente , forment un nouvel arbre. Quelle que foit la
véritable caufe de ce phénomène , on obierve que les
plantes qui ont beaucoup de moelle , comme le rojiery
le troène 6c le lilas , ont auiTi beaucoup de fleurs.
L'expérience qui nous apprend qu'un arbre écorcé &C
laiffé fur pied , produit, au moins pendant une année,
des feuilles , des bourgeons , des fleurs & des fruits ,
prouve que la feule fève propre à nourrir le bois , a
formé aufîi tout le refie : ainfi il n'eil pas vrai , comme
quelques-uns le croient , que la fève de l'écorce , celle
de l'aubier , &c celle du bois , nourriffent 6c forment
chacune une certaine partie à l'exclufion des autres.
Les arbres {ont quelquefois tout couverts de moiiffe ;
fauffes plantes parafites qui les altèrent , non en les
privant d'une partie de leur nourriture , mais en bou-
chant les pores de la tranlpiration : il eft efTentiel de
les garantir de cette efpece de maladie pédiculaire.
L'expédient de racler la mouffe , efl long , & très-
impart^ait dans bien des cas. M. d& Reffons a propofé ^
Tome /, E e
434 A R B
ainii qu'on le peut voir dans les Mémoires de L*Acar
démU pour l' année \y\6 , de faire une incifion dans
toute la longueur de l'arbre , qui aille jufqu'au bois :
il faut toujours la faire du côté le moins expofé au
foleil ^ la trop grande chaleur empêcheroit la cicatrice
de fe fermer. Le temps de faire cette opération , après
avoir préalablement nettoyé l'écorce , eft depuis Mars
jufqu'à la fin d'Avril ; en Mai , les arbres auroient trop
de ieve. Après Pincifion , la fente s'élargit , parce que
la fève étend l'écorce , &: la plaie fe referme au bout
de deux ans. Par le moyen de cette opération , l'écorce
eft toujours nette , & il n'y vient plus de moufle :
effet que M. de Rejfons attribue très-gratuitement à ce
que la fève fe dif^ribue mieux dans l'écorce après l'in-
cifion , & ne fe porte plus tant dans les racines
xles mouffes.
On peut obferver tous les jours un phénomène fln-
gulier , remarqué vers la fin du dernier fiecle par
M. Dodan 5 & dont la caufe véritable paroît encore
inconnue ( quoiqu'on ait bien differté fur cet objet ) ;
c'eil: le parallélifme au plan d'où fortent les tiges ,
qu'afFeûe toujours la bafe des touffes à^ arbres , c'eil-à-
dire les branches inférieures. Cette affe dation efl fî
confiante , que fi un arbre fort d'un endroit où le plan
foit, d'un côté , horizontal , & de l'autre , incliné à
l'horizon , la bafe de la touffe fe tient , d'un côté ,
horizontale , &: de l'autre , s'incline à l'horizon autant
que le plan. Les branches fituées du côté où le fol
efl le plus élevé , font plus contraûées dans leur par-
tie flipérieure que dans la partie inférieure. Le contraire
a lieu dans les branches fituées du côté oppofé. Tout
tend à l'équilibre ; les abris nuifent aux végétaux.
La chaleur contrade davantage les trachées , que
l'humidité ne raccourcit les fibres ligneufes. Voye:^ à
Vanïcle Feuille.
On trouve dans la Phyjique des arbres , par M. Du-
hamd , des particularités fur ce f^t intéreiTant , bien
A R B 43 5
digne de ^attention des Obfervateurs. On voit aufli
dans l'Ouvrage yi/r l^ufagc des fmïlUs ^ par M. Bonnet ^
îes diverles expériences que ce fcrutateur de la Na-
ture a tentées , pour tâcher de découvrir la caufe
fecrete de la dinciïon & du repliement des tiges OC
des branches. Cette matière eft une des plus curieufes
& des plus difficiles de la Phyfique végétale.
Lorfque certaines circonftances fe réunifient , les
gelées , même médiocres , peuvent devenir nuKibles
aux arbres 6c à leur production. Il y a fur-tout deux
cir confiances fort à craindre ; Tune , que les arbres
Ibient imbibés d*eau lorfque le froid furvient , 6c que
le dégel foit brufque ; lautre , que cela arrive lorfque
les parties les plus tendres 6c les plus précieufes de
Varbre , les rejetons , les bourgeons 6c les fruits com-
mencent à fe développer. Ce font ces alternatives fu-
bites de gelées vives, &; de dégels , qui furent fmgu-
liérement funeftes dans le terrible hiver de 1709 :
les particules aqueufes gelées dans les arbres , en (bu^
levèrent l'écorce , 6c en détruifirent l'organifation.
Aufii a-t-on obfervé que l'aubier de Tannée 1 709 ne
s'ell point converti dans les arbres en véritable bois ;
la végétation ordinaire fut comme arrêtée là , mais
elle reprit fon cours dans les années fuivantes. Les
gelées fréquentes du printemps , quoique afîez foibles ,
peuvent ibuvent , à cauie de ces circonfl:ances , faire
beaucoup de mal. Les plantes réfineufes font moins
fu jetés à la gelée que les autres , parce que les ma-
tières huileuies ne fe gonflent pas comme l'eau par la
gelée ; au contraire , elles fe reflérrent.
On voit quelquefois des arbres fruitiers offrir deux
récoltes dans la même année. VHljloire de VAcadémU
des Sciences^ ann. lyzT, , rapporte , d'après une Relation
envoyée par M. de Montagne , Conful de France à
Lisbonne , que dans la Province des Algarves , les
Arbres qui avoient porté des fruits en Juin 1722 ,,
pai-urent couverts de nouYelles fleurs au mois de,
E e %
43(5 A R B
Décembre de la même année , & donnèrent au mois de
Janvier fuivant des fruits aiiiïi bons que ceux qui
étoient venus dans la fail'on ordinaire. Le même fait
a été oblervé en 1765 6c 1779, dans les environs
de Narbonne : ce phénomène a été attribué à la cha-
leur des mois de Septembre &; d'Octobre de ces années,
où le thermomètre monta à vingt-cinq degrés , & en
Novembre & Décembre , depuis douze juiqu'à quinze
degrés.
M. Duhamel , cet Obfervateur {\ exaû de la Nature ;
a remarqué que , lorfqu'on fait à une branche une
incifion circulaire de quelques hgnes pour en enlever
l'écorce , ou lorfqu'on fait une ligature à une jeune
branche , il fe forme aux extrémités de l'écorce cou-
pée , deux bourlets , dont le plus haut eil toujours
plus fort que l'inférieur : effet produit par la plus
grande abondance de fève defcendante. M. Duhamel
ayant obfervé l'analogie de ces bourlets avec les
grcffeurs qui furviennent à l'infertion ces greffes , efl
parvenu à trouver le moyen de hâter &: d'alliirer la
production des boutures , & même de faire réuiiir les
plus rebelles , telles que celles du catalpa , qui relloit
des dix à douze ans en terre fans y produire la moindre
racine. Voici la manière dont il faut procéder.
On fait faire à la branche , encore attachée à l'arbre ,
xme partie des productions qu'elle feroit en terre.
Après avoir coupé & enlevé l'écorce circulairement
d'une ligne ou deux y 6c recouvert le bois de quelques
îours de fil cirés , ou avoii' fen^é la branche avec du
£1 de fer ou du fil ciré , on enveloppe cette partie
avec de la mouffe que l'on affujettit , ou avec de la
terre humide. Dans le mois de Mars fuivant , on ob-
fervé un bourlet chargé de mamelons ou de racines ;
alors la réufiite eu certaine. On coupe les boutures
au-dcffous du bourlet , on les met en terre , 6c eWs
poulïent très-bien. Si à la portion des boutures qui
-doit êtie on terre ^ il y ayoit des boutons , on les
A R B 457
arracherolt , en ménageant leiilement les petites émi-
nences qui les iuppcrtent, parce qu'on a reconnu qu'elles
font dilpolées à fournir des racines.
L'art parvient quelquefois à vaincre la Nature , &c
à la forcer. M. de Bujfon a fait tourner à fruit deux
branches de coignafiler , en enlevant en fpirale Pécorce
de ces deux branches. Au Heu d'enlever Técorce , il
a quelquefois ferré la branche ou le tronc de l'arbre
avec une petite corde ou de la filaffe ; l'effet a été le
même , 6l il recueilloit des fruits fur ces arbres ftériles
depuis long-temps. \J arbre en grofii/fant ne rompt pas
le lien qui le ferre , il fe form^ feulement deux bour-
lets , le plus gros au-deflus , & le moindre au-defibus ;
& fouvent des la première ou la féconde année , la
corde fe trouve incorporée à l'arbre 6c recouverte
de fa fubflance.
Voici encore une expérience qui a donné à M. Z>/^-
hamd un réfultat bien furprenant. Il fit planter des
arbres à contre-fens , c'efl-à-dire , les branches dans la
ierre , &; les racines en l'air : ils ont repris dans cette
étrange pofition ; les branches ont produit des racines ,
& les racines des feuilles. Ils ont poiiffé d'abord plus
foiblement ; mais dans quelques-uns de ces fujets , la
différence au bout de quelques années ae s'apperce-
voit plus. Il a difpofé des bouturer les unes dans leur
pofition naturelle , les * autres dans une pofition ren-
verfée , & les a placées de manière qu'elles pouffoient
alternativement des bourgeons & des feuilles , enfuite
des racines , & après cela des bourgeons ôc des feuilles i
la partie entourée de terre donnoit des racines ; celle
qui étoit à l'air donnoit des bourgeons &: des feuilles.
D'après un tel fait , la conclufion ne feroit pas jiiile ,
fi l'on difoit que , de même que les bouriets , les
germes qui exiilent dans les 'arbres font donc égale-
ment propres à produire des bourgeons ou des racines :
les bouriets favorifent l'éruption des germes , mais
ne lui font pas nécefîairçs, tes germes qui produifent
438 A R B
les bourgeons , dit M. Bonnet , ne font pas ceux quî
produilent les racines ; mais les uns fe développent
plutôt que les autres dans le rapport aux circonftances.
Nous croyons devoir expofer ici ce que dit encore le
favant M. Bonnet , Conjidérations fur Les corps orga-
72 if es , art. 2ji. » Un laule planté à contre -fen s ,
» ne périt pas ; mais fi l'on a foin de prévenir le def-
» féchement des racines par une enveloppe qui n'in-
» terdife pas tout accès à l'air , elles produiront des
» bourgeons comme les branches naturelles. Il fortira
y> en même temps , des branches qu'on aura mifes en
» terre , une multitude de racines , dont les princi-
» pales naîtront des nœuds qui font aux trifurcations
y> des branches , & du petit bourlet naturel , qui fert
» de fupport aux feuilles. Puifqu'un arbre planté à
» contre-fens continue de vivre & fait de nouvelles
» productions , on conçoit , & l'expérience l'a dé-
» montré , qu'il en doit être de même des boutures
» plantées auiTi à contre-fens. On peut même les
» difpofer de manière que les racines fe développe-
» ront au-deffus des bourgeons naiflans. On aura un
» plant de racines placé au-deifus d'un plant de bour-
» geons., mais la Nature n'aime pas la contrainte :
>> dans tous ces cas, les produdions feront d'abord
» moins vigoureufes que dans l'ordre naturel. Les
y> bourlets produits par une incifion ou une ligature ,
» paroiiTent être de même nature , ( félon M. Bonnet ).
» Si l'on étête un arbre , &C qu'on ait foin de le dé-
» pouiller de tous fes rejetons , il fortira d'entre le
» bois 6c l'écorce un gros bourlet , qui donnera naif-
» fance à de petits bourgeons ; fi l'on coupe de même
» une des principales racines de cet arbre , & qu'on
>> recouvre de terre le chicot , il fe formera pareil le-
» ment entre le bois Se l'écorce un bourlet d'où
» fortiront de petites racines ; mais fi le chicot n'efl
» point recouvert de terre , &c qu'il foit à l'air , le
» bourlet produira des bourgeons. Tous les bourlets
A R B 439
»> font donc propres à produire des bourgeons & des
» racines ; des bourgeons dans l'air , des racines dans
» la terre. Cette cir confiance purement extérieure ,
» a ici tant d'influence qu'elle va , ainfi qu'il eft
» expofé ci-deflus , jufqu'à faire développer des bran-
» ches fur les racines , à des racines fur les branches «.
Une autre expérience curieufe , faite par M. Du-»
hamd ^ prouve que fi l'on met une caiffe dans une
ferre chaude , &: qu'il y ait un cep de vigne dont le
pied foit planté hors de la ferre , la partie intérieure
contenue dans la caifTe &: dans la ferre , végétera pen-
dant l'hiver , &: la partie^ extérieure ne végétera pas»
On place réciproquement la caifTe extérieurement , &
fi on introduit une partie du cep dans la ferre , la
partie introduite végétera , & celle qui refiera à l'exté--
rieur , ne donnera aucun caraûere de végétation,
M. le Chevalier Mufld a répété ces expériences , &
les a étendues fur des pommiers & des rofiers ; le
fuccès a été le même , un rofier a fleuri. D'où les
plantes foumifes à ces expériences , tiroient - elles la
fève qui fourniflbit à la végétation ? Si la terre de la
caifTe &; la tige fe gèlent , il ne peut donc pas y avoir
une circulation ou une fluftuation de la fève , &: les
plantes tireroient uniquement leur nourriture de l'air \
Attribuera-t-on ces phénomènes à une vitalité ifolée ^
indépendante , dans chaque portion de la plante ? La
fufpenfion de la fève n'a lieu que dans la partie gelée.
Au refle , les chenilles gèlent complètement fans
en périr : la circulation efl comme fufpendue dans la
faifon de l'hiver , chez le lérot y &cc.
Il fuit de ce qui précède , ainfi qu'il efl dit dans
VEncydopédh , que plus on étudie la Nature , plus
on eft étonné de trouver dans les fujets les plus vils
en apparence , des phénomènes dignes de toute l'at-
tention & de toute la curiofité du Philofophe. Ce
n'efl pas afTez de la fuivre dans fon cours ordinaire
& réglé V il faut quelquefois çfTayer de la dérouter ^,
E e 4
440 A R B
pour connoître toute fa fécondité &C toutes fes ref-
îburces. Le peuple rira du Philofophe , quand il le
verra occupé dans fes jardins à déraciner des arbres
pour les mettre la cime en terre & les racines en l'air;
mais ce peuple s'émerveillera , quand il verra les bran^
ches prendre racine , & les racines fe couvrir de feuil-
les. Tous les jours le fage joue le rôle de Dêmocrïu ;
& ceux qui l'environnent , celui des Abdérïtains, Pour
compléter l'hilloire de cet article , Voyc^^ hs mots Bois ,
Plante & Fleur. A l'égard de la perpendiculaii-e
qu'offre en général la tige des arhns , & des pbntes
herbacées ^ Voye\^ à Vanïck Tige.
Maladies des Arbres & Plantes.
Les arbres , ainu que les autres êtres organifés , (ont
fujets à plufieurs efpeces de maladies occalionnées par
l'altération des folides , ou par celle des rluides. Les
maladies les plus ordinaires des plantes peuvent , félon
M. Adanfon , fe diUinguer comme les caufes qui les
produifent , en externes & en internes. On en recon-
noît quinze efpeces d'externes : favoir , i ." la brulurz
ou le blanc; z.° le givre ; 3.° la rouille ; 4.^ la nielle ;
5.^ le charbon ; 6.° V ergot ou le clou ; 7.° Vctiolcmem ;
8.^ la jaunijjl ou chute prématurée des feuilles; 9®. la
mcujje ; 10.^ les gerces ou le cadran; ii.° la roulure ;
11.^ la gélivure ; 13.° la champ lure 6c le gélis ; 14*^.
VexfoUation ; 15.^ les galles. On reconnoît huit ma-
ladies dues li àts caufes internes ; favoir , i .° les exof-
tofes ou excroiffances ; 2.*^ la décunanon &C le couron-
i-.ement ou branches mortes ; 3.° la fullomanie ; 4^. le
d^pot ; ^.° la pourriture ; 6.^ la carie ou moififfure ;
7.^ les chancres ou ulcères coulans ; 8.^ enfin la mon
fubite.
Les arbres fruitiers , ainiî que les arbres des forêts ,
^ \i leurs maladies particulières. Les feuilles des ar-
kss fruitieis deviennent quelquefois Jaunes ; cet effet
A R B 44t
eft produit par le défaut de fucs nourriciers : on y
remédie en mettant au pied des arbres dans les terres
légères , de la fuie 6c des cendres ; & dans les terres
froides du fumier de pigeon. L'eau diffout les fels con-
tenus dans ces matières : ils font pompés par Varbre ,
qui reverdit aufTi-tôt , & prend une nouvelle vie. On
voit quelquefois dans les grandes chaleurs de l'été ,
les feuilles de quelques arbres fruitiers , pencher oc fe
faner : on a beau arroier l'arbre , les feuilles ne fe
raniment point. Le véritable remède eft d'arrofer les
feuilles : l'eau qui entre dans les vaiffeaux ablorbans ,
répandue fur la furface des feuilles , répare la trop
grande tranfpiration occafionnée par la chaleur , &
le feuillage le ranime. Sans ce foin , il feroit tombé ,
èc cet accident auroit été fuivi quelquefois de la mort
de Varbre. Les feuilles tombent aufîi dans les plantes trop
abreuvées d'eau , ou qui ont les racines dans l'eau.
La brûlure ou le blanc ( candor ) , eft cette blan-
cheur qu'on voit quelquefois par taches fur les feuilles
des plantes , qui les fait paroître vides &: comme tranf-
parentes : elle n'arrive que lorfqu'après une pluie le
foleil vient à donner vivement fur ces feuilles , avant
que l'eau ait eu le temps de s'évaporer. Lorfque toutes en
font attaquées , la plante périt ordinairement quelques
jours après. Cette m.aladie eft plus commune dans les
pays très-chauds que dans nos climats tempérés. La
plupart des Auteurs ont prétendu , d'après M. Huct ,
que la brouiillire , appelée la brûlure , étoit due à l'ac-
tion des rayons du foleil raflèmblés au foyer des gout-
telettes d'eau répandues fur les feuilles chargées de
pouffiere ; m.ais comme ce phénomène arrive aufîi fou-
vent lorfque l'eau eft étendue comme un vernis fur
les feuilles non poudreufes , que lorfqu'elle efl dif-
perfée en gouttelettes , l'on pourroit conclure que
cette maladie vient ou d'un épuifement de la fève , ou
d'une obftruâiion des pores ^ ou de la putréfaftion des
fucs.
44^ A R B
La panachure reconnoît à-peu-près la même caufe^
& elle fe rencontre plus fouvent dans les plantes lan«
giiilTantes. Des Cultivateurs donnent aufTi le nom de
Tneun'ur au blanc ; c'eft , difent-ils , une efpece de lèpre
végétale; cette maladie gagne peu après les feuilles ,
les bourgeons , les fleurs , les fruits , &: les rend comme
couverts d'ime forte de matière cotonneufe, qui , bou-
chant les pores , empêche la tranfpiration. Les pê-
chers , le melon & le concombre ont communément
le meunier.
La nielle eft ce vice qui réduit en poufïiere noire la
fleur des blés ; les plantes dans lefquelles on l'a ob-
fervée jufqu'ici , font à-peu-près les fuivantes ; le fro-
ment , le fpeautre ou froment locar , le feigle , Vorge ^ Vef-
courgeon y Vavoinn , la perjicaire^ Ydic'igué aquatique (^phcl"
landrium ) , la berce , la fcorfonere de marais y la Javon-
niere y V œillet fauvage 6c le mais. Nous avons donné à
la fuite du mot blé les détails qui concernent la nielle ,
la rouille^ la coulure , le charbon , îa carie^ &cc. , & expliqué
à la iiiite du mot feigle , ce que c'efl: que Vergot.
Les vents d'Eil Ôc de Nord-Eft , qui foufflent fou^
vent dans le printemps , occafionnent dans les plantes
une û grande tranfpiration , que les fleurs fe détachent
& les fruits coulent. Dans ce cas il faut arrofer les
arbres de plufieurs féaux d'eau : un arrofement en
forme de pluie fine , feroit vraifemblablement auiÏÏ
très-bien fur les feuilles &: fur les fleurs.
Les a.rbres , fur-tout dans les terrains humides , font
fujets à être quelquefois tout couverts de mouffe, de
lichens , d'agarics , &c. Ces fauffes plantes parafites
qui tiennent immédiatement à l'intérieur de l'écorce
& à l'aubier , les altèrent , en bouchant les pores d.^
la tranfpiration , lorfqu'elles font en trop grande quan-
tité , mais point en s'appropriant une partie des fucs
nourriciers , comme quelques-uns le croient. C'eil: ce
qui forme la maladie appelée mouffe. Outre les moyens
indiqués plus haut pour les en garantir , les livres
A R B 445
8' Agriculture confeillent de déchauffer ces arbres , éc
d'y mettre du fumier de mouton.
Le chancre efl une efpece de ianie corrofive ou d'ul-
cère coulant , qui altère l'écorce de l'arbre & même
le bois ; elle fouleve l'écorce , gagne de proche en
proche, & fuinte fous la forme d'une eau roulTe ,
corrompue & acre , au travers des fentes corticales ,
même dans les temps de féchereffe. Les poiriers font
affez fujets à cette maladie. Le meilleur remède eiî
de couper jufqu'au vif l'endroit malade , & de le cou-
vrir enfuite de boufe de vache. On doit faire la même
chofe aux parties des arbres fruitiers • dans lefquelles
s'extravafe la gomme. Cette extravafation du fuc propre
peut être regardée comme une forte d'hémorragie.
Cet accident eft fouvent plus utile que nuifible aux
arbres qui donnent les réfmes & les gommes ; des
incifions faites à ces arbres pourroient les garantir de
cette maladie qui attaque quelquefois le bois , & dont
il découle une liqueur fanieufe. Il ne faut pas con-
fondre les ulcères corrofifs avec les abreuvoirs ou goût"
îieres dont nous parlerons ci-après , & qui rendent
quelquefois aufîi de l'eau , mais feulement dans les
îemps de pluie.
La carie efl: une efpece de moiiiffure du bois , qui
le rend mou & d'une confiftance peu différente de la
moelle ordinaire des arbres. Cette maladie, qui a
fon principe dans les racines , enfuite au bas du tronc ,
reconnoit trois caufes externes ; favoir , le grand chaud ,
le grand froid , & le féjour de l'eau ou l'écorchure
des racines. Lorfque la carie eft due au grand chaud,
on l'appelle aufîi échauffure , comme on dit du bois
échauffé, ( Les Charpentiers appellent bois pouilleux
un bois échauffé plein de taches rouges & noires ,
qui marquent qu'il fe corrompt ).
La trop grande humidité des terrains donne fou-
vent lieu aux liqueurs qui doivent porter la nourri-
ture dans l'arbre , de fe corrompre ; ce qui fait pourrir
444 A R B
les racines & même l'arbre. Ce qu'on a àe mîeiix à
faire dans ces circonftances , c'eft de couper juiqu'au
vif les racines pourries , de remettre au pied de l'arbre
de la terre neuve , bc de faire des tranchées pour
l'écoulement des eaux. .
La pourriture ordinaire eft cette diffolution qui arrive
au bois du tronc des arbres , & qui les creufe en com-
mençant communément par le haut , & deicendant
infenfiblement jufqu'aux racines. On la remarque prin-
cipalement dans les arbres qui ont eu le faîtage ou
quelque groffe branche caffée ou coupée. Le chicot
meurt peu-à-p^u , & s'il n'eft pas recouvert entière-
ment d'écorce , l'eau s'y infinue , & la putréfadion fe
prolonge dans les couches ligneules du tronc qui lui
font oj^pcfécs. Si c'efl: la tête de l'arbre qui eft cou-
pée , alors la pourriture prend au centre du tronc &
gagne prom^ptement , de manière qu'il fe trouve creufe
en peu de temps ; c'eft ce qu'on voit arriver à tous
les faules qu'on étête annuellement. Les trous qui fe
forment dans le bois pourri des chicots , s'appellent
abreuvoirs ou gouttières , parce qu'ils retiennent l'eau
des pluies. On prévient cet accident , en faifant une
coupe tres-obliquement à l'horizon , & prefque ver-
ticale , parce que l'eau ne pourra féjourner long-temps
fur la plaie , qui fera d'ailleurs bien plutôt recouverte
d'écorce ; auÔi fe contente-t-on fouvent de cerner
l'arbre juf qu'au vif. Un accident qui furvient aufîi
aux jeunes arbres étêlés , c'eft un gonflement , &
même des tubercules au bout du tronc , fous lefquels
on voit le tiffu cellulaire réduit en une fubilance géla-
tineufe. On guérit fouvent cette maladie par les inci-
fions ; cet état de l'arbre eft un figne diagnoftique
qu'il eft languiffant , & qu'il n'a aucune nouvelle
racine.
Quoique l'on voie pi iifieurs arbres ^ tels, par exemple,
que le tilleul^ fe plaire dans des terrains un peu humides ,
le iumier mis en trop grande abondance dans cqs
A R B .445
Icrtes de terrains , y fermente , s'y pourrit Se înfede
le terrain , dans lequel s'altèrent alors les racines les
plus délicates du chevelu des plantes.
Le c^éjpot eft un amas de flic propre ou réfmeux ou
gommeux , & qui occafionne la mort des branches où
il fe fait. Il a pour caufe l'extravafation du fuc propre
dans le tiflli cellulaire , ou dans les vaiiTeaux féveux ,
dans lefquels il occafionne des obflrudlions. On remé-
die à ce mal , en emportant avec la f(.rpette l'endroit
où s'eil fait le dépôt , ou bien en faifant une incifion
longitudinale à l'écorce ; ce qui produit une éruption.
Cette évacuation eil analogue à l'hémorragie dQS
animaux.
Quelques efpeces à^ arbres , dans les terrains gras ,
font fujets à une forte de pléthore; tel eft l'or/Tze à
large fiu'ille , dont la fève , dans de femblables ter-
rains , rompant le tilTu cellulaire , s'extravafe entra
l'écorce &; le bois : on voit les feuilles des arbres
attaqués de cette maladie , jaunir &: fe deffécher.
M. Duhamel penfe que des incifions long'tudinales ,
en donnant l'écoulement à cette fève furabondanîe ,
pourroient la guérir. Les chênes , les frênes , les hêtres
6c Vomie à petite feuille ne font point expofés dans le
même terrain , à cette forte de maladie.
Les arbres font fujets à être attaqués d'ime maladie,
qui fouvent leur eil mortelle : on voit la fève s'extra-
vafer naturellement à travers l'écorce. Cette fève a
une faveur mielleufe; elle attire les fourmis &: les
abeilles.
Il s'élève quelquefois fur les arbres des efpeces à^exof
tdfcs recouvertes de l'écorce ridée de l'arbre. Ces exof-
tofes ou excroiflances que l'on appelle loupes ou tumeurs
végétales , font d'un bois très-dur , dont les diredions
des fibres font en difFérens fens. On les appelle bois
tranché ^ bois noueux & bois à rebours, M. Duhanut
ignore quelle en peut être la caufe ; quelque eflai qu'il
ait tenté , il n'a pu artificiellement en iàire naître {m
446 A R B
un arbre. Mais M. Adanfon dit que ce mal ( les loup?s )
eft dû à un développement de la partie ligneuie plus
abondant dans ces endroits qu'ailleurs , caufé Ibit par
im coup de foleil vif, ibit par une forte gelée , ou
par la piqûre à\\ïi infe£le , ou d'une pointe qui tra-
verfant Pécorce & pénétrant un peu dans le bois,
en altère &: dérange les couches &: les fibres nouvelles.
Quant aux bojfes qui naiiient autour des greffes ,
M. de Tournefon en explique la caufe dans fon D if cours
fur Us maladies des plantes ; elles proviennent, dit-il,
de ce que les vaiileaux de la greffe ne répondent point
bouta bout aux vaiffeaux dufujet fur lequel on l'applique.
Il n'eil pas poflible que le lue nourricier les enfile en
ligne droite ; les lèvres des écorces des arbres que l'on
taille, fe tuméfient d'abord par le fuc nourricier qui
ne peut pafTer outre , parce que l'extrémité des vaif-
feaux coupée eft pincée , ôc comme cautérifée par le
relTort de l'air , ce qui forme un bourlet , qui s'étend
infenfiblement de la circonférence vers le centre , par
l'alongement des fibres ; celles du chicot ne pouvant
s'alcnger , fe durciffent extrêmement , &: forment les
nœuds qui fe trouvent dans le bois : on voit de cqs
nœuds dans des planches de fapin ; ils s'en détachent
ordinairem.ent comme une cheville que l'on chaffe de
fon trou. M. d'Aubentcn diftingue les tumeurs des vé-
gétaux , d'avec les loupes végétales 6l les broufjïns.
Le lierre en rampant en fpirale autour d'une tige , la
comprime fortement , &: cette ligature produit un
gonâement , une tumeur , un bourlet fpiral. Le brouf-
Jin proprement dit , tel qu'en produifent le buis ,
le lentifque , V érable , Vofier , Volivier , Vorm.e , efl:
formé de branches entrelacées , comme greffées par
approche ; leurs fibres s'entre-croifent fous une en-
veloppe commune ; un tel bo;s ell compare , diffi-
cile à fendre ; fcié ou fendu , il offre différentes
nuances , comme marbrées : la tige fait le fond de
la couleur, la teinte des branches efl plus claire.
A R B 447
Les Tourneurs-Ebeniftes , à Saint-Claude , en travaillent
beaucoup.
Les gerces font ces fentes longitudinales qui fuivent
la direâion des fibres du bois , 6c qui fans fe réunir
refient enfermées dans l'intérieur des arbres , où on
les diflingue extérieurement par une arête de la couche
ligneufé qui s'eft appliquée defTus. Cette maladie arrive
fouvent par une abondance de fève : le remède efl alors
de faire beaucoup de fentes longitudinales dans Téccrce,
ou de retrancher des racines. On appelle bols cadrannis
ceux dont le cœur , en fe defféchant , forme des fen-
tes qui rayonnent au centre , comme les lignes horaires
d'un cadran. C'efl im figne de la mauvaife qualité du
vrai bois.
Le grand froid faifant quelquefois geler les parties
aqueuies qui font dans Marbre , ces petits glaçons ^ par
leur force expanfive , occafionnent aufîi des gerçures
à )^ arbre dans toute fa longueur : ces gerçures font ac^-
compagnées de bruit à Pinftant de la rupture. Les plan-
tes meurent de même , fi après une forte gelée le
dégel efl trop vif: c'eft pour cela que les grands maux
de la gelée arrivent plutôt aux plantes expoiées au
midi , ou dans des lieux humides &: fujets aux brouil-
lards , qu'à celles qui font expofées au Nord , ou au
fec ; & la glace des arbres qui fe fond avant l'action
immédiate du foleil , ne les endommage nullement.
C'efl fur ce principe que les Habitans du Nord 5
lorfqu'ils ont un membre gelé , le frottent d'abord
dans la neige , ou ne l'expofent que peu-à-peu à la
chaleur ; & que lorfqu'ils l'expofent fubitement au
grand feu , il tombe en pourriture. C'efl encore par la
même raifon que la viande gelée a plus de goût lorf^
qu'on la fait dégeler lentement dans l'eau fraîche ,
avant de la cuire.
La maladie qu'on appelle , en termes de forêt ^gélivure
ou gelljjure , & qui a plutôt lieu à l'expofition du
Nord qu'à celle du Midi , efl: un aubier ou bois im-
448 A R B
panait qui fe trouve entre deux couches de bon bôîs ;
on l'appelle gélivurc entrelardée , lorfque Vaiihier fe
trouve enfermé avec une portion d'écorce dans de nou-
veau bois qui les a enfermes dans l'intérieur de l'arbre.
La maladie appelée givre efl différente de la géli-
vure , ^ paroît auffi direclement oppolée , &c dans
fa caufe & dans fa nature , à la brûlure qui vient de
la chaleur. Voyei Givre.
La roulure , ce défaut qui déprécie tant le bois , efl
un vide , une féparation entre les couches ligneufes.
Sa caufe eil due à l'enlèvement de l'écorce de deflus
le bois , ou à fon écartement pendant le temps de la
fève. Alors le bois ne fe prêtant pas toujours à la
formation de la couche ligneufe , c'eit l'écorce qui
fournit le nouveau bois qui n'efl pas appliqué exacte-
ment à l'ancien , entre lequel il laifle un intervalle.
Ce bois fe nomme bois roulé , ou bois rouli ; & l'on
appelle bjis mouliné celui qui eft percé de vers.
L'écorce des branches du frêne &c celle du tronc ,
font quelquefois toutes galeufes ; le bois lui-même eil
tout couvert de rugofités : ces arbres ordinairement
deviennent tcrtus & mal-faits. Il feroit bon d'obferver
fi cela ne donneroit pas lieu au bois d'être coloré de
quelques veines variées en couleurs , ce qid lui don-
neroit un mérite.
^La champlure n'attaque guère que des plantes déli-
cates & tardives , telles que la vigne ; elle confifle en
ce que les farmens fe féparent prefque d'eux-mêmes ,
conîme les épiphyfes fe féparent du corps des os dans
les jeunes animaux ; les iarmens en font quelquefois
diminués au point qu'il ne refle pas fufHfamment de
bois pour la taille fuivante : cette maladie elt entière-
ment due à la gelée qui fdrprend les farmens avant
qu'ils loient devenus ligneux.
Le gelis efl une mortalité qui diffère de la champlure ,
en ce que les plantes qui en font attaquées ne fe fé-
parent pas p^ articulations.
Quant
A R B 449
<5uant à ce qui regarde les galles , Foye^ l'article
Galles.
On appelle étîolement cet état de maigreur , pendant
lequel les plantes pouffent beaucoup en hauteur ^
peu en groffeur , font toujours moins colorées que
les individus de la même efpece ; & périffent ordinai-
rement avant d'avoir produit kur fruit. La caufe en
efl due à ce qu'elles font plantées ou trop près ,
ou dans des lieux privés du courant de l'air libre , &
de la lumière du foleil. En effet , les plantes qu'on
élevé dans des lieux renfermés , fubiffent communé-
ment cette altération fi remarquable. Elles tendent à
s'incliner & s'élancer vers les vides ou les jours qui
les avoifinent. Un favant fcrutateur de la Nature ,
M. Bonnet , a démontré que Vitiokment des plantas
provient de l'abfence de la lumière : le céleri , la chi-
corée 6c les laitues , que l'on fait blanchir pour les avoir
plus tendres , &: d'une faveur plus douce , fubiffent
im étiolement artificiel que l'on produit en privant
de lumière par des moyens connus , ces plantes , ou
celles de leurs parties dont on veut faire ufage. Un
Obfervateur moderne affirme que dans les arbres étiolés
le prolongement exceffif des tiges provient de l'excès
de dudilité des fibres , ce dégre de foupleffe leur per-
met de s'étendre : elles s'endurciffent trop tard. Or la
chaleur , & fur -tout la chaleur direde du foleil ,
paroît d'abord devoir être l'unique , ou du moins le
principal agent de cet endurciffement. M. Chanceux
prétend que la chaleur humide opère principalement ,
& eff le premier agent de ce phénomène : l'ombre ,
dit-il , produit X étiolement , & s'il fait quelquefois auiîi
chaud à l'ombre qu'au foleil , il y fait toujours plus
•humide. Il cite en preuve que X étiolement ell: on ne
peut plus confidérable dans les bâtimens fermés , bas ,
humides , oc principalement dans les caves : & que
dans tous ces endroits les deux caufes auxquelles il
attribue ce phénomqjie j fe trouvent réunies & portées
Tome /, F f
450 A R B
à leur plus haut degré d'intenfité. Le principe d'oîi
feniblent dépendre les effets de la chaleur humide fur
la vie 6c la fanté des plantes , eil l'éleûricité de l'at-
mofphere , qui , toutes chofes égales d'ailleurs , efl
moins confidérable dans les temps où règne une cha-
leur humide , que dans tous les autres. Une plante
s'étlo/e , quand elle pouffe des tiges longues , effilées ,
d'un blanc éclatant , terminées par de très -petites
feuilles , affez mal façonnées , d'un vert pâle ; l'en-
veloppe cellulaire , qui eft la féconde écorce , n'eff
pas colorée. ConfuLua^ la Phyjiquc des arbres , par
M. DuhameL
La dècunatïon , foit dans les épis , foit dans les
branches ai arbres qui l'éprouvent quelquefois dans
leurs rameaux ^ tels que le tilleul , Vorme , le mimer
noir , Voranger ^ le citronnier , le pêcher , &: quelquefois
le noijïtier 6c le prunier , foit dans les vieux arbres
qu'on appelle pour cela couronnés , ou à^ entrée , ou en
retour , ell un retranchement produit par une ceffation
d'accroiffement dans la partie fupérieure du nouveau
jet encore herbacé : cette partie jaunit bientôt , nieurt
& fe détache de la partie inférieure qui continue de
végéter. Cette maladie eff fouvent occafionnée ou
hâtée par quelques coups de foleil > ou par la féche-
reffe , ou par la gelée , ou par l'étiolement , ou par
le défaut de fucs propres au développement & à la
maturité des parties , &:c. La décurtation des épis di-
minuant la quantité des grains , on peut la prévenir
en fourniffant au froment plus de fuc par le moyen
d'un labour fait avant l'apparition des épis , afin d'aug-
menter leur groffeur & leur longueur.
La fullomaîiie , qui eff caufée par la trop grande quan-
tité de fucs groffiers , eff une abondance prodigieufe de
feuilles à la produ^lion defquelles une plante s'abandonne,
ce qui l'empêche de donner des fleurs &: des fruits : on
y remédie en retranchant de groffes racines ^ ou mieux
encore par la taille.
A R B 451
Le tonneite , les vents , les coups de foleil , les grands
froids & les grêles mutilent quelquefois les arbres , en
produifent Texfoliation , c'eit-à-dire , le defféchement
de l'écorce 6c du bois. Ce qu'il y a de mieux à faire
alors , eft de retrancher les parties altérées ; les racines
Eouffant avec plus de vigueur , donnent de nouvelles
ranches.
Les coups de foleil produifent fur-tout la mort fubite
des herbes annuelles 6c délicates.
Les ibarabées , les chenilles , les cantharides &c les pu-
cerons attaquent les feuilles des arbres ; les guêpes 6c
autres mouches dévorent les fruits ; le mieux eft d'attirer
ces dernières dans des bouteilles d'eau miellée où elles
périilent. Quant aux dégâ4:s par les chenilles , Foyei
notamment l'article ChmilU commune.
Les vers des hannetons rongent quelquefois l'écorce
des racines des jeunes arbres , Se les font périr. Heureu-
fement ces infeftes ne paroilTent pas en aufîi grande
quantité toutes les années. Si , dans ces circonilances ,
on s'avifoit de fumer les arbres , on les attireroit encore
davantage. On voit quelquefois des arbres , tels que des
ormes &: des aunes , percés d'une multitude de petits
trous par des vers rouges : s'ils ne font pas trop abondans ,
il faut les tuer dans leur trou avec une longue aiguille ;
mais quelquefois ils percent l'arbre d'un fi grand nombre
de trous , qu'ils l'affoibliiTent , & que le vent le renverfe.
Dans les forêts , on remarque des arbres où il y a des
trous à y mettre le doigt : ces trous creufés en deffous ,
font formés par de gros vers qui rongent le bois. De là
l'origine de ces voûtes fi communes dans les arbres , fur-
tout dans le baobab en Afrique , où l'on fufpend les
cadavres des Guiriots. ^oye^ Baobab.
Les lapins , les bêtes fauvages & les beftiaux font ,'
comme l'on fait , de très-grands dommages au bois , àc
retardent beaucoup fon accroiffement.
.AjlBRE A ODEUR D'AIL. Foyei BAVANG.
Arbre d'amour. Foyc^ Arbre de Judée;
F f %
4^1 A R B
Arbre de baume , ainfi nommé par les Habitans des
Ifles Antilles. Cet arbrifleau porte des feuilles affez fem-
blables à celles de la fauge , mais plus épaifles , plus
farineufes , de fans odeur : on remarque lur ces feuilles
dix à douze petites graines rudes. Lcrfqu'on arrache les
feuilles , il fort de leur queue quelques gouttes d'une
liqueur jaune , fans odeur , un peu amere 6c allringente.
On cpnferve cette liqueur précieufement dans des fioles ,
6c on en fait ufage comme du bawnc du Pérou , pour les
blefTures : il n'en diffère guère que par l'odeur qui lui
manque.
ARBRE de cire , ou Cirier , efpece de gall connu
fous le nom de myrïca , & qui n'efl pas l'efpece appelée
piment royal, C'efl: un arbriiTeau aquatique , dont les
uns portent les fruits , & les autres les fleurs fécon-
dantes : il y en a deux eipeces très-curieufes. L'une croît
à la Louifiane , oii on l'appelle arhrc de cirz ; & l'autre
efpece , qui eft petite , croît à la Caroline , & efl connue
fous le même nom. \j arbre de cire croît à la hauteur de
nos petits cerifiers ; il a le port du myrte , &: fes feuilles
ont aufîi à-peu-près la m.ême odeur. Ces arbres ont été
ainiî nommés , parce que leurs baies , qui font de la
groffeur d'un grain de coriandre &: d'un gris-cendré ,
contiennent des noyaux qui font couverts d'une efpece
de cire , ou plutôt d'une efpece de rljine qui a quelque
rapport avec la cire.
Les Habitans de ces pays retirent de ces baies , en les
faifant bouillir dans de l'eau , une efpece de cire verte
qui furnage , &; dont on peut faire des bougies. Une
livre de graine produit deux onces de cire ; un homme
peut aifément en cueillir quinze livres en un jour : ils
font parvenus depuis quelque temps à avoir cette cire
allez blanche , ou du moins jaunâtre. Pour cela , ils
mettent les baies dans des chaudières , ôc ils verfent
deffus de l'eau bouillante , qu'ils reçoivent dans des
baquets , après avoir laiffé fondre la cire pendant quel-
ques minutes. Quand l'eau eil refroidie , on trouve
A R B 4î,?
^effus une cîre rcfmeufe qui eft jaunâtre : mais la re-
fîne qui fumage enfuite en répétant l'opération , efl
plus verte. Cette cire réfineufe eft lèche ; elle a une
odeur douce & aromatique , affez agréable : on la réduit
aifément en poudre gralle ; mêlée avec un peu de cire
ou de fuif , elle prend un peu plus de corps &c de blan-
cheur fur le pré , mais toujours moins que la vraie cire.
L'eau qui a fervi à faire fondre cette cire , eft aftrin-
gente. • On prétend qu'en faifant fondre du fuif dans
cette eau , il acquiert prefque autant de confiilance que
ia cire. Plufieurs perfonnes de la Louifiane ont appris
par des efclaves Sauvages de la Caroline , qu'on n'y brû-
loir point d'autre bougie que celle qui fe fait de la
cire dont il eu queflion. Un arbrifîeau bien chargé de
fruit peut avoir , en fix livres de graine 6c une livre
de fruit , quatre onces de cire.
Quand on a enlevé la cire de deffus les baies , on
apperçoit fur leur furface une couche d'une matière
qui a la couleur de la laque : l'eau chaude ne la diffout
point , mais l'efprit-de-vin en tire une teinture.
Cet arbriffeau , qui conferve fes feuilles toute l'année ^
eft encore trop rare en France , pour qu'on ait pu lui
reconnoître d'autres ufages que ceux que l'on a appris
des Habitans de la Louifiane. M. Duhamel , dont les
travaux &; les vues tendent toujours à l'utilité , propofe
d'eflayer à naturalifer cet arbre , dont nous pourrions
tirer de grands avantages. Il faudroit , dit^il , prendre
de bonnes graines des deux efpeces d'arbres dont nous
venons de parler , les femer dans des terrines ou caiffes ,
afin de les enfermer dans les orangeries jufqu'à ce que
les tiges fuffent un peu groffes ; car ces jeunes arbres
craignent nos grands hivers : on pourroit alors les mettre
en pleine terre dans un lieu humide , avec la précaution
de les couvrir d'un peu de litière. Lorfqu'ils auroient
paffé quelques années , il y auroit lieu d'efpér^r qu'ils
nibfifteroient. M. Duhamel en a vu en Angleterre &; à
Trianon qui étoient chargés de fleurs oc de fruits.
454 A R B
Toutes les obfervations s'accordent à confirmer {on
fentiment. L'efpece du Canada eft , dit-on , la même
que celle qui nous vient de la Louifiane : ce qui n'eft
pas furprenant ; car il y a des efpeces de plantes qu'on
trouve dans les pays chauds , & dans la partie froide
de la Zone tempérée ; telle eil , dit cet Académicien ,
l'épine blanche , & une efpece de piment royal , arbufle
tres-odcrant qui fe trouve en Efpagne , en Canada , en
France, en Portugal &: en Suéde : on l'appelle même^^z//
du Nord. Pris en infufion , il enivre & entête violemment.
Beaucoup de. plantes fe naturalifent dans les endroits
où on les cultive , fur-tout lorfqu'elles ont été ame-
nées à la température du climat par degrés infenfibles ;
ce qui fait penfer à M. Duhamel , que les cirlers qui
proviendroient de graines élevées dans ce pays , feroient
moins tendres à la gelée que ceux qui viennent des
femences que l'on a envoyées de la Louifiane. Suivant
les Voyageurs , on trouve les clriers à l'om.bre des
autres arbres , fur-tout dans la baffe Louifiane : on en
voit qui font expofés au foleil ; d'autres dans des lieux
aquatiques ou terres baffes humides , fablonneufes &
peu éloignées de la mer ; d'autres dans des terrains fecs ;
enfin on en trouve indifféremment dans les pays chauds
& les pays froids ; en effet cet arbriffeau croit dans la
Floride , la Caroline , la Virginie , l'Acadie , & jufqu'cn
Canada. Toutes obfervations qui , comme nous l'avons
dit , confirment le fentiment de ce favant Académicien,
Voyei les efpeces de gale à r article MyR-TE BATARD.
11 croît auffi à la Chine une efpece à^ arbre de cire ^
mais qui y eff très-rare ; on l'y ncmm.e pc-la-chu. Sur
les feuilles de cet arbre s'attachent de petits vers , qui
y laiffent des rayons de cire bien plus petits que ceux
des abeilles. Cette cire efl: très-dure , très-luifante , mfis
ëcailleufe , & coûte beaucoup plus cher que la cire
ëes abeilles. ( Du Ha'de. )
Suivant une lettre du Père d'Incarville , écrite de la
Chine à M. Geoffrci ^ on retire la cire blanche des vers
A R B .455
même. On trouve , dit-il , dans une Province de cet
Empire , de petits vers qui fe nourriffent fur un arbre.
On les ramaile , on les fait bouillir dans l'eau , & ils
rendent une efpece de graiffe , qui étant figée , efl la
cire blanche de la Chine.
Arbre de Dieu. C'eft le figuier des Pagodes.
Arbre conifere^ Arbor conifera. Les Botaniftes
donnent ce nom aux végétaux qui ont entr'eux une
grande reffemblance dans leur port extérieur , Se qui
portent des fruits de figure conique , comme le cèdre ,
le pin , le fapin ^ le picéa , le mlLe:{e, Voyez ces mots.
Ces fruits qu'on appelle cônes ^ \_flrobili ^'\{oïit écailleux,
fecs & durs , compofés d'un amas de couches lignnifes ,
coriaces , contournées en fpirales , attachées par leur bafe
à un axe commun , & qui fe recouvrent par gradation ,
dont les interflices font remplis d'une ou deux femences
anguleufes , fouvent entourées d'une aile membraneufe.
La forme du cône efl ovalaire dans les pins & les y^«
pins ; celui du thuya eil court & obtus , & celui du
cyprès eft arrondi & prefque orbiculaire. Dans les pins
proprement dits , les écailles du cône font plus épaiffes
à leur extrémité , & ont conftamment im tubercule
ou une callofité remarquable fur leur dos , un peu
au-defTous de leur fommet ; au contraire , dans les
fapins & les mélèzes , les écailles du cône font minces
à leur fommet , moins ligneufes que coriaces , & conf-
tamment très-liflés fur leur dos. Le bois de ces arbres
efl peu fujet à fe corrompre : il contient abon-
damment une réfine balfamique qui tranlTude fouvent
par fon écorce. Voye^^ ce mot. On donne aulîi le
nom de cône de cyprès à la noix de cyprès, ^oye^^
Cyprès.
Arbre de Corail. Voyez Bois immortel^ ^Con-^
dori rouge.
Arbre du Diable. On appelle ainfi un arbre qui
croit en Amérique. Son fruit, dans l'état de matu-
rité y eit élafdque ; defféché par l'ardeur du foleil ;,
Ff 4
456 A R B
il le gerce \ fe fend avec éclat , & lance au loin
fes graines ; c'efl à ce jeu de la Nature que cet arbre
doit fon nom. En eftet , dans le temps du dévelop-
pement de les graines , le fruit produit l'effet d'une
petite artillerie dont le bruit fe fuccede rapidement ,
s'entend d'affez loin , & arrête le Voyageur étonné.
Ces mêmes fruits , tranfportés avant leur matiuité dans
im endroit fec , ou expofés fur une cheminée à la
douce impreifion de la chaleur , s'y deffechent peu-à-
peu , & préfentent le même phénomène. Varhre du
diahk eil: peut-être le HURA. Voye^ ce mot.
Arbre de Diane. Voyez à V article Argent.
Arcre d'encens , Tcnbinthuspijlaciœfruclunon eduli^
Plum. Barr. p. 107 : an Icicariba^ Marcg. Sipo. Gai. Barr.
Arbre qui croît dans la Guiane. Son bois eil rou-
geâtre , &: il en diftille abondamment une gomme-
réfme d'une couleur femblable à la gomme élémi. On
la brûle dans les Eglifes de Cayenne au lieu d'encens :
fon odeur eil peu agréable. Maif. Ruji. de Cayenne,
Arbre a enivrer les poissons ou Bois ivrant.
Il n'a point d'autre nom , &: il le tire de fon
effet. Cet arbre , qui croît à la Jamaïque & aux An-
tilles , eil le PiJ'cidia erythrina , Linn. : Ichthyomethia
fol'iïs pinnatis , ovatïs , racemis tcrmïnalihus , Jiliquis qua»
drïalatïs , Brown. : Coral arhor polypkyLla non fpinofa ,
fraxini folio , Jiliqiiâ a lis foliaccis extandhus rotez molen-
dinariœ, fluviatilis aucld , Sloan. : Pfeudo-acacia Jiliquis
alatis , Plum. M. Jacqiùn dit que c'eil un arbre d'en-
viron vingt -cinq pieds de hauteur & droit. Ses
feuilles font ailées avec impaire ; i^s fleurs font en
grappes rameufes, ôc produisent des gouifes qui, félon
Sloane , ont une forte de reffemblance , par leurs ailes ,
avec les roues de moulin à eau. Son bois eil jaune ëc
aifez dur.
Au rapport du Père du Tertre , on prend l'écorce des
racines de cet arbre , (même fes feuilles & fes rameaux) ;
on la pile , on la réduit comme du tan , 6c on la met
A R B ^ 457
dans des facs. Lorfqu'on veut alkr pêcher dans quelques
rivières ou quelques baies de mer , on fufpend ces lacs
dans l'eau , on les y agite : toutes les particules d'écorce
qui fe détachent , fe répandent dans l'eau , &; ont la
propriété d'enivrer les poiflbns , au point qu'ils fur-
nagent de côté &: de travers , 6c peuvent être pris avec
la main ; propriété commune à beaucoup d'autres
plantes de l'Amérique, f^oyei CoNANi.
11 y a le Bois ivrant de Carthagene , Pifcedlafo-
liolïs ohovatïs , Linn. : Phafeolis accedens coral arhor
polyphyllos , foliis duriorïhus , non fpinoja , Pluck. Alm.
Selon M. Jacquin^ cette elpece ou variété eft vme fois
plus grande que la précédente dans toutes fes parties.
Elle croît dans les boijs maritimes des environs de Car-
thagene.
Arbre dont on retire de l'huile , Dnandra,
cordatcL ^ Thunb. Fl. Jap. 267 : Elœo cocca , CommerC
Herb. : Ahrajîn , Ka^mpfer. Cet arbre , de la fa-
mille des ELphorhes , eiî nommé à la Chine ton- chu.
C'eft une efpece de cavalan. Au premier afpeâ: ,
il refTemble aiTez au noyer : il a des rapports avec les
mèdicinurs & les crotons ; fes fleurs font dioiques : i^s
feuilles font pétiolées , ccrdiformes , mais les inférieures
ont leur fommet à trois pointes. Les fruits font comme
des noix munies de leur brout , fillonnées , pleines d'une
huile un peu épaiffe , ou mêlée avec une pulpe huileufe
que l'on exprime fortement. Cet arbre croît au Japon.
On fait ufage de cette huile comme du vernis. On
la fait cuire avec de la litharge , & on l'applique ainfî
fur le bois , qu'elle défend de la pluie ; on l'applique
aufîi fur les carreaiix des appartemens , qui , par ce
moyen , deviennent beaux & luifans. On ajoute à
cette huile de la couleur , lorfqu'on veut peindre un
appartement ; & on ne s'en fert qu'après avoir enduit les
boiferies d'une pâte préparée : voilà ce qui forme une
efpece.de laque. L'éclat de ce vernis eft prefque égal
jà celui du tfi-çhu. Voyez Arbre du vernis.
45» • A R B
Cette huile , qu'on appelle huile de bols , & qui {itrt
auiîi pour les lampes , peut incommoder prife inté-
rieurement , ainfi qu'on en a vu des exemples. Il
croît naturellement fur les montagnes de la Chine ,
une autre efpece d'arbre , dont les fruits font des baies
vertes , d'une figure irréguliere , contenant des noyaux
cartilagineux. Ces fruits , confervés , rendent en
abondance une excellente huile , la meilleure de la
Chine. ( Du H aide ). Les Chinois donnent à cette
huile le nom de mouycou , & au fruit qui la produit ,
le nom de mouipu.
Arbre de Judée ou de Judas , ou Gaînier j
Arlor Judœ y Dodon. Pempt. 786 : Sïlïquafirum , Cail.
Dur. 417, Tourn. tab. 414. Cïrds filiquajlrum ^ Linn.
534. Cet arbre étalé & rameiLx ^ différent de celui
qui donne le baume de la Mecque , efl nommé gaînier ,
parce que fss gouffes font faites comme des gaines
de couteau. Le gaînier porte des fleurs légumineufes ,
agréables , purpurines & entaiTées plufieurs enfemble
en bouquets. M. Ddeuxj. obferve qu'elles différent
cependant des fleurs légumineufes ordinaires , en ce
que les dix étamines qu'elles renferment ne font pas,
comme dans les autres ^ réunies en une efpece de
gaine , mais entièrement féparées , & que l'étendard
efl: placé au-deffous des ailes. Ces fleurs naiflTent &
s'épanouifTent au printemps , avant les feuilles : il leur
fuccede des goufi'es longues , très-aplaties , membra-
neufes , purpurines , renfermant des femences ovales, plus
groiles que des lentilles , dures. Ses feuilles font grandes ,
fermes, glabres , pétiolées, cordiformes , prefque réni-
formes : elles ne font point fujetes à être endommagées
par les infe£les. Cet arbre fleurit dans le mois de Mai ,
& fes fl.eurs fe confervent dans leur beauté près de
trois femaines. Il fait un bel effet dans les bofquets
printaniers. Son bois efl d'une affez belle couleur ,
dur & caffant. On confit au vinaigre les boutons de
fes fleurs \ ils ont cependant peu de goût , 6c font
A R B 459
ordinairement fort durs ; cet arbre s'élève facilement
de femence , & vient très-bien dans les terrains fecs.
Le plus gros qui ait paru en France , étoit dans le
jardin du Collège de Pharmacie , à Paris ; mais il étoit
creux en dedans : un coup de vent le brifa , pendant
l'hiver de 1778.
Arbre de la folie. Il paroît que c'eil l'arbre d'où
découle la réfine appelée caragne. Voyez ce mot.
Arbre immortel de l'Isle de Madagascar,
Humberna Madagafcarknjis , Endraài - cndrach , Flacc,
Hiji. Madag, p 1 37, f. loo. C'efl vm grand & gros arbre
(différent du bois immortel de la Guiane , & de Varbr&
immortel des Indes , Voye^ ces mots. ) dont le bois eft
jaunâtre , compafte , pefant , infiniment dur , & qui
dure très-long-temps , même lorfqu'il eil enfoui dans
la terre.
AxRBRE LAITEUX DES ANTILLES , ainfi nommé ,
parce qu'il fort en grande abondance des incifioni
qu'on lui fait , un fuc laiteux , acre & cauftique. Cet
arbre croit naturellement fur les rochers de la Loui-
fiane : fon bois eft fi tendre , qu'en le fecouant on
caffe fes branches. D'un coup de bâton on le fait,
dit-on , fauter en pièces. Il s'élève à la hauteur de
deux piques , &: cil de la grolleur de la jambe. On
prétend que cet arbre eft le même que le thé de
Bo'érhaave , que l'on cultive en pleine terre depuis
quelques années aux environs de Londres. Ses fleurs
font petites , divifées en cinq parties , & placées , ainlï.
que les épines que cet arbre porte , aux aiftelles des
feuilles. A ces fleurs fuccedent des baies qui ont la
figure de poires , & qui renferment un noyau dur &:
affez long. Ses feuilles reftemblent un peu à celles du
laurier ; elles tombent pendant l'hiver , & elles n'ont
ni le parfum ni les autres propriétés du thé ordinaire.
Le P. Nicolfon fait mention , dans fon EJfai fur
tHifioire naturelle de Saint-Domingue , de deux arbres
appelés bois laiteux ^ l'un franc ^ 6c l'autre bâtard.
45o A R B
» Le l>oîs laiteux franc ou h ois laiteux fébrifuge , Rau-^
volfia lachfuns , Plum. C'eil Vourouankle des Caraïbes.
C'efl un arbnâ'eau qui produit de fa racine plufieurs
tiges grêles , caiiantes , hautes de cinq à fix pieds. Ses
feuilles font oppoiees , longues d'un demi-pied , larges
ti'un pouce 6c demi , ondées fur les bords , luifantes,
pointues , divifées par une côte faillante en deflbus ,
à laquelle aboutirent des nervures droites , d'un vert
foncé en deffus , d'un vert pâle en deffous. Ses fleurs
croifient aux fommités des branches ; elles font
petites , blanches. Il fort de toutes les parties de cet
arbrifleau , lorfqu'on les froiffe , un fuc laiteux , dont
on fe fert comme vulnéraire & fébrifuge «.
» Le bois laiteux bâtard y Arbor laQefcens , Tabernce-'
montana laclefcens , Plum. C'eil: le titoulihué , puipi^
nichi des Caraïbes. C'eil un très-grand arbre. Son tronc
s'élève très-haut , 6c fe partage en plufieurs groifes
branches ; fon écorce eil grifâtre ; fon bois tendre ,
blanchâtre , caifant net ; fes feuilles oblongues , poin-
tues , larges de deux pouces 6c longues d'un demi-pied ,
alternes , épaiiTes , d'un vert foncé. Elles croiiiént
par bouquets à l'extrémité des branches. Il pouife
au centre des bouquets une efpece d'ergot , de même
fubilance que les pédicules qui font très-courts , gon-
flés par la bafe : fes fruits font ronds , verts , mollalfes ,
de la groifeur d'une cerife. Toutes les parties de cet
arbre font remplies d'un fuc abondant , laiteux , très-
acre. Cet arbre croît dans les endroits humides. On
emploie fon fuc laiteux pour la guérifon des malingres «.
Arbre de mature. Foye^ Canang a feuilles
LONGUES,
Arbre de mille ans. Voye^ à la fin de l'article
Pain de Singe.
Arbre de Moyse ou Buisson ardent. Foyei
à la fuite de V article Nefflier.
Arbre de neige de Virs^inie , Chionanthus Vlr-
ginica^ Linn. : Amelanchier V irginiana ^laura cceraji folioy
A R B 4^1
Pet. ûc 241 , Catesb. Car. i. p. 62. C'eft le friow-
drap des Anglois : c'eft un arbriiTeau qui croît dans
rAmérique Septentrionale , dans les lieux humides ,
& fur le bord des ruiffeaux. Il eft haut de fix à dix
pieds ; fes feuilles font fimples , oppofées , ovales ,
entières , vertes &: glabres en deffus , un peu velues
en deflbus ; les fleurs font de l'ordre de celles à.ç.%
jafmins , blanches , difpofées en grappes paniculées ,
pendantes. L'arbrilïeau , vu de loin ^ paroît comme
couvert de neige. Les fleurs paroiiTent au commence-
ment de Juin ; & lorfqu'elles tombent , la terre en
efl toute jonchée. On peut employer cet arbre à dé-
corer les bofquets de la fin du printemps. Il paroît
que Varhr& de, neige fe trouve auffi au Ceylan , mais
fes feuilles font moins pointues aux deux bouts que
dans l'efpece de la Virginie.
Arbre de la Nouvelle Espagne ou Arbre du
PAPIER , u4rbor papyracea. Efpece de palmier qui croît
dans la Nouvelle Efpagne , & eft nommé par les Ha-
bitans du pays guajaraba, La tige de cet arbre eil
rougeâtre. La feuille eil grande , verte , & quelquefois
rouge , épaiffe & ronde : elle fert de papier aux In-
diens : ils écrivent fur cette feuille avec des flylets.
Son fruit eft une efpece de raifm , gros comme une
aveline , de la couleur des mûres : il eft fort bon à
manger. On voit un de ces jeunes arbres dans les
ferres du Jardin du Roi.
Il croît aufli dans l'Amérique une efpece de pal-
mier , dont le fruit a la figure d'un gros navet , & efl
bon à manger. Ses feuilles , ainfi que l'écorce de plu-
fieurs autres arbres de ce Continent , fervent de papier
aux Indiens.
Arbre a pain ou Rima, Arhor panlfcra: Socais,
Rumph. Parmi les végétaux à fruits excellens , qui
croiffent aux belles & fécondes Ifles Philippines , prin-
cipalement dans celle qu'on appelle Ifle de Luçon ,
même à Java^» 6cç. , ou diftingue ceiiû dont le nom
46i A R B
feul intéreffe , c'eft Varbre du pain , arbre qiie l'on doit
bien diflinguer du fa^ou , palmier qui eft fujet à une
pléthore farineufe , & que les Holiandois appellent
encore arhrc à pain. Voyez fagou. Uarbre à pain des
Philippines croît naturellement dans cette contrée. C'efl
un arbre très-élevé , d'une belle forme & qui fe ramifie
beaucoup ; fes feuilles naiffent aux extrémités des
branches ; elles font alternes , très-grandes , longues
de deiLX pieds , fur dix - huit pouces de largeur ^
iinuées ou dentelées aflez profondément fur les bords
latéraux & d'un vert foncé. Cet arbre porte des fleurs
maies & des fleurs femelles fur le même pied; les
fleurs mâles font fur une partie de la plante , & com-
pofées d'un nombre infini d'étamines , difpofées en
chaton , &: portées fur un corps fpongieux affez
alongé ; le piAil que la fleur femelle renferme eil fur
une autre partie de la plante , & devient un fruit
très-gros & fphérique , d'un pied de diamètre ou en-
viron , dont la peau raboteufe & inégale , paroît com-
pofée d'écaillés régulières ou tubercules , à cinq , fix
ou huit pans. Ce fruit renferme une grande quantité
d'amandes affez groiTes , attachées à un placenta charnu
& très-confidérable , qui occupe le centre; les amandes
recouvertes chacune par plufieurs membranes , font
farineufes comme la châtaigne ; on coupe ce fruit par
tranches , &: après l'avoir fait fécher on le mange
comme du pain ; il en a un peu le goût , & fe con-
ferve , étant féché , plus de deux ans fans s'altérer.
Telle efl la defcription du rima par M. Sonmrat, On
foupçonne que le rima eft le même arbre que le Caf-
tança Malabarica ou VAngeiina de VHort. Malab. & le
Soccus lanofîis de YH^rbar, Amboin. M. Sonnerai a ap-
porté quelques plantes de cet arbre à l'Ifle de France ,
& l'on efpere qu'avec des foins il réufTira dans ce
climat , quoique moins chaud que celui oii ils croiffent.
Les Indiens nomment le fiiiit à pain rima ; mais les
gens de l'équipage de l'Amiral Anfon , dans fon Foya^^
A R B 46^
amour du Monde , l'appelèrent le fruit à pain. Ils en
mangèrent tous au lieu de pain , dans le iejour qu'ils
firent dans l'Ifle de Tinian ; tout le monde le prëfé-
roit même au pain ; en forte que pendant le iejour
dans rifle fortunée de Tinian , où le vailTeau de l'Ami-
ral Anfon , infedé du fcorbut , avoit débarqué heu-
reufement , on ne diflribua point de pain à l'équipage.
Ce fmit croît féparément &: jamais en grappe ; on
ne mange le fruit à pain que lorfqu'il eil parvenu à
fa groffeur. En cet état , il eft d'une faveur à-peu-
j3rès femblable à celle qu'a le cul d'artichaiLX quand
il eft cuit. Lorfqu'il eft tout-à-fait mûr , il a un goût
doux , &: une odeur agréable qui approche de celle de
la pêche mûre ; mais on prétend qu'alors il eft mal-
fain & caufe la dyffenterie.
On lit dans la tradu£lion du mangofan & du fuit
à pain 5 ouvrage traduit de l'Anglois John Ellis , qu'il
feroit à défirer qu'on cultivât dans les Ifles à.^s Indes
Occidentales , & même en Europe , ces arhrzs naturels
à l'Inde Orientale ; que le fruit du mangoftan eft fa-
lutaire aux malades , & délicieux pour tout le monde;
mais que le fruit à pain lui eft bien fupérieur pour
l'utilité : il eft donc plus néceftaire & plus important
pour la nourriture de toutes fortes d'habitans , & fpé-
cialement Aqs Nègres , ou autres individus colorés.
D'après les différentes mentions qu'en ont fait les
Voyageurs qui ont vu cet arbre , tels que Wallis ,
Daînpier , Rumphius , Lord Jnfon , l'Amiral Solan-
der ^ &c. &:c. il paroît qu'on doit diftingiier deux
fortes à'arhres à pain , l'un portant graine , &: qui
eft l'arbre primitif, foccus granofus ; l'autre eft une
efpece qui a été négligée , qui ne fe multiplie que
par boutures , & dont on préfère le fruit , parce qu'il
eft fans noyau , foccus lanofus ; fa partie charnue ,
très-nourriffante , & la plus tendre , eft au centre
du fruit. L'^efpece à noix & femence n'eft bonne , dit
Rumphius 5 que cuite au four , ou préparée de quel-
4^4 A R B
qu'autre manière , fur- tout avec les mets gras. C(*
même Auteur rapporte que le fuc qui coule du tronc ,
bouilli avec l'huile de coco , fait une excellente glu.
Enfin que dans la langue Malaie cet arbre fe nomme
foccus ou focciim cap as ; auprès de la Ville de Bantam,
à Java , Balega & Maduré , le foccus lanofiis s'appelle
foccumbidji kukr\ à Amboine ^<, dans les Ifles voiii-
nés , le foccus granofus s'appelle foccum titan ou kul-
lus ut an.
Le Capitaine DampUr dit que l'efpece de fruit à
pain , fans femence ni noyau , croît aux Ifles Larrones ,
& efl dans fa faifon huit mois de l'année , & que les
Habitans ne mangent pas d'autre pain pendant tout ce
temps-là. Rumphius dit que le fruit efl en forme de
cœur , que fa furface efi: épaiffe & verte , &: que plus
les tubercules qui ornent l'extérieur de fon ecorce ,
font plats & unis , plus les femences contenues dans le
fruit font en petit nombre ; plus alors il y a de pulpe ,
& plus fa coniîfîance efl gélatineufe. L'intérieur de
l'écorce efl une fubflance charnue , pleine de fibres
entrelacées , qui reffemblent à de la laine.
Arbre du papier. Voyez Guajaraba ^ à l'article
Arbre de, la Ncuvdk Ef pagne.
Arbre du paradis terrestre. C'efl Varbrc de
vie. Voyez ce mot.
Arbre aux pois ou Caragan féroce , Arbor
pi forum 5 feu Caragana ferox. C'efl un arbriffeau de la
famille des Légumineufes , qui vient de lui-même dans
la Sibérie & en bien des endroits de l'Aile Septentrio-
nale : les rivages de l'Oby , du Jeniska , en font
fournis. On l'y appelle caragogne. Il fe trouve plus
fréquemment dans un terrain fablonntux , voifin àzs
eaux vives &: claires , que dans les eiidroits maréca-
geux & trop détrempés. Cet arbr.fTeau , qui croît très-
promptement &: s'élève quclqu?tois à la hauteur d'un
moyen bouleau , réunit rag'iaiîle ^k. l'utile. Outre
l'ornement de fon feuillage , qui eil d'un beau vert , &
A R B 4/îj
de fes fleurs qui font d'un beau jaune & axiîlaires ,
fes feuilles & fes branches tendres , qui font un excel-
lent fourrage pour les befliaux , étant préparées par
la macération &c la putréfadion , fervent dans la tein-
ture du pays ; en effet le bleu qu'on en tire peut fup-
pléer à l'indigo &c au paftel. L'écorce de l'arbre n'eft
pas plus fine & plus tenace que celle du tilleul , 6c
fert à faire de bonnes cordes. Le bois eil d'un très-
beau jaune , extrêmement dur , contient peu de moelle,
& eR propre à toutes fortes d'ouvrages de tour ; quand
il eil frais coupé , il a un goût qui approche beaucoup
de celui de la réglifle. Les porcs aiment beaucoup la
faveur des racines de cet arbre. Certains Habitans de
Sibérie , 6c principalem.ent les Tungutes , fe nourrilîént
des pois qu'il produit : ils mangent aufîi les feuilles en
les dépouillant de leur amertume par l'ébullition. Les
fruits font en filiques , qui contiennent quatre ou
cinq graines ou pois à-peu-près de la groffeur d'une
lentille.
On a obfervé que quand Varbre aux pois fe trouve
'dans un mauvais terrain , il prend la forme d'un buif-
fon , & fes branches font tortues & irrégulieres ; mais
il profite beaucoup & en peu de temps dans un fol
convenable. La multiplication de cet arbre fe fait non-
feulement par la graine , mais auiTi de bouture, &
par le moyen des branches auxquelles on laifîe prendre
racine : on trouve aduellement de grandes plantations
de cet arbre dans la Suéde , la Norvège , la Laponie ,
l'Iflande , &c. On en diflingue même de plufieurs for-^
tes. La taupe efl l'ennemi domeilique & le fléau des
racines de Varhrz aux pois. On doit encore , tant qu'il
efl petit & tendre , le garantir de l'infulte des cochons
& des befliaux , qui autrement le détruiroient. M. le
Comte de Bielche , Suédois de nation , & qui a élevé
dans fon pays plufieurs de ces arbrilïeaux avec de la
graine qu'il avoit obtenue , étant à Pétersbourg en
1744 5 dit que ces fortes de pois fe cuifent'plus
466 [^ ^ ^
facilement que les nôtres , qu'ils font plus faciles à di-
gérer , plus ncurrilîans &C fort oléagineux. M. de Bidcks
ajoute qu'il en a fait moudre , & qu'il en a fait des
gâteaux d'un trcs-bon goût. StrahUmberg regarde V arbre
aux pois comme uneelpece d'acacia, Afpalatus , cara-
gcna Sibcrica pfcudo-acacia ; c'efl le robinia fpïnofa de
Linnœus. Le pétiole commun des feuilles efl roide ,
piquant à fon fommet ; il perufie après la chute des
feuilles , & fe change en vme épine droite , très-aiguë ,
roide , & qui a près de deux pouces de longueur. On
peut, par le m.oyen de cette plante, faire des haies
vives propres à empêcher de paffer les animaux.
Aujourd'hui l'on cultive comme arbnfie dans nos
jardins le robinia pygmœa ou nain ; en effet il mérite
une place diftinguée dans les jardins d'ornement , fur-
tout au printemps , par rapport à la beauté de fes fleurs.
Arbre-poison. Plufieurs végétaux , en raifon des
effets de leur fuc , &c. mériteroient ce nom , mais ,
d'après des Ecrivains modernes , on le donne plus par-
ticuliérem.ent au bohonupas. Voyez cet article.
Arbre puant. Cet arbre eil de la grandeur du
chêne ; il croit au Cap de Bonne-Efpérance , & à la
Côte de Coromandel. Il rend une fi mauvaife odeur
quand on le coupe , que les ouvriers ont peine à la
fupporter. Mais comme ica bois eil d'im beau grain
& bien nuancé , les Européens du Cap l'emploient
pour leurs meubles , ôc l'odeur fe diflipe avec le temps.
Cet arbre feroit-il le mem.e que celui appelé bois de
merde ? Voyez BoiS CACA.
Arbre saint. Voye^ Azedarack.
Arbre de Saint-Jean, ou May , ou Bois blanc
DE la Gui ANE. Le tronc de cet arÎDre ne vient ja-
mais gros , mais il s'élève très-haut &: droit , il formxC
un fommet très-touffu ; fon écorce eft cendrée , blan*
châtre , peu crevaffée , mince , d'un goût amer. Son
bois eil fort léger , blanc , flexible , poreux , & très-
en luage dans le pays ; on ejQ fait du îBeu^n, Dans
A R B 4^7
la Guiane on préfère cet arbre à tous les autres ,
pour la cérémonie de planter U mai. Ses feuilles font ^
épailles , ovales , d'un vert clair en defliis , mat en
de {Tous , rangées par paire le long d'une côte , d'un
goût un peu amer ; fes fleurs font en entonnoir , aux-
quelles fuccedent des baies jaunâtres.
Arbre aux savonnettes. Foyei Savonier.
Arbre a suif , Croton fiblfirum , Linn. : Rlclnus
Ch'inmjîs fcb'ifcra , populi nigm folio , Petiv. Gaz. 5 3 :
Evonimo affinis S'maruni , populi nigrœ folio tricapfiila^
ris y granis nigris candidijjîmâ fuhfantid oMucIis , Pluk,
Amalth. 76 , t. 390. f. 2. : 6^ Arbor Smenjis fbifira ,
kieu-ycUj P. Martini ,^yé Arbor fcbacea , P. le Comte,
Pluk. Amalth. 25 : Vuklm-mii des Chinois, Hiif. des
Voyages , vol. VI , p. 464. Cet arbre croît naturel-
lement à la Chine iiir les bords des ruiffeaux. On l'y
cultive aufTi : les champs , dit le Père U Cornu , où
ces arbres font ordinairement plantés en échiquier ,
fe préfentenî de loin comme un parterre de pots à
fleurs. Cet arbre du genre des Crotôns , Voyez ce mot ^
s'élève à la hauteur de nos poiriers ; il reffem.ble à
nos cerifiers par le tronc & les branches , & au peu-
plier noir par fon feuillage ; mais fes feuilles ne font
pas dentées ; elles font vertes , tombent ^ l'approche
de l'hiver , & deviennent d'un rouge vif avant leur
chute. Ses fleurs font en épis droits , & reffemblent
à des chatons ; aux fleurs femelles fuccedent des cap-
fules glabres , dures , brunes , ovales , pointues , à trois
côtés arrondis , divifées intérieurement en trois loges
bivalves : chaque loge contient une graine prefque
hémifphérique d'un côté , aplatie de l'autre avec
un fillon , & couverte d'une efpece de fuif un peu
ferme & très - blanc. Ces graines attachées par leur
partie fupérieure interne à trois placentas qui traver-
f^nt le fruit , y reflent fufpendues après la chute des
valves de la capfule ; de forte que l'arbre paroît alors
couvert de petites grappes très - blanches , qui lui
G g 2
4^8 A R B
donnent, fur- tout dans Péloignement,un a{pe£l agréable ^
par le contraile qu'elles font avec le rouge des feuilles.
V arbre à fui f 'iowmit aux Chinois la matière de leurs
chandelles ; ils tirent en outre de ^zs graines beaucoup
d'huile pour les lampes. Pour obtenir ce fuif végétal ,
on broie enfernble la coque & les graines , on les
fait bouillir dans l'eau , on écume la graiiTe ou huile
à mefure qu'elle s'élève ; & lorfqu'elle fe refroidit ,
elle fe condenfe d'elle-mcme comme le iuif. Sur dix-
livres de cette graiffe, on en met quelquefois trois
d'huile de lin , avec un peu de cire , pour lui donner
de la confiftance. Les chandelles qu'on en fait font
d'une grande blancheur ; mais l'on en fait aujîi de
rouges en y mêlant du vermillon. On aiiiire qu'on
trempe ces chandelles dans une forte de cire qui vient
aufîi d'un arbre en Chine ; ce qui forme autour du
fuif une efpece de croûte qui l'empêche de couler.
Foyei Arbre a cire.
M. le Vicomte de Querho'ènt nous a mandé du
Croific , en Bretagne , avoir apporté de l'Ifle de France
)^arhr& à fuif ^ oii il réufiit parfaitement. La graine
que M. di Qiicrho'ént a femée a parfaitement levé ,
& lui a fourni des plants qu'il conferve depuis
1774. Ils n'ont point encore fruftifié , ( Novembre
1 779 ) ils font un peu fenfibles à la gelée ; mais
il efpere que lorfqu'ils feront plus forts ils pourront
fupporter la rigueur de notre climat «.
Arbre a suif de la Guiane. f^oyci Ouarouchî»
Arbre triste , Jrhor trlfiis , mania pumcran. Cet
arbre qui croit aux îndes , au Malabar , à Sumatra &
à Goa , porte ce nom , parce qu'il ne fleurit que
pendant la nuit. En effet , fes fleurs fuient l'éclat
agréable de la lumière ; elles ne paroiiient qu'après le
coucher du foleil , & difparoilfent au lever de cet
aflre. On voit quantité de ces arbres autour des mai-
sons Indiennes , fur-tout dans l'ifle de Sumatra. Uarbre
trific a le port ce la figure du prunier. Ses branche3
A R B 4^9
font menues , ayant d'eipace en efpace un petit nœud y
d'où fortent deux feuilles vertes , molles & lanugi-
neufes. Ses fieurs reflemblent à celles de Toranger ; elles
font même plus belles & plus odoriférantes ; elles font
partagées en huit quartiers 6c renferment deux étami-
nes ; leur calice eil rougeâtre , 6c les Habitans s'en
fervent pour colorer leurs viandes , de même que fes
fleurs donnent aux alimens une bonne odeur & un
goût agréable. Son fruit , qui efl: gros com.me un
lupin , a la figure d'un cœur &: renferme àes femences
blanches , tendres 6c un peu ameres. Cet arbre eft
appelé à Pondichery fiur dcfafran. Voyez Pariaticu
dans VHort. Malah, vol. I , tab. i . U arbre trijk eil de
Tordre des Jafmins.
Arbre aux tulipes , Tuliplfera^ Catesb. 48. Cet
arbre croît dans prefque tout le Continent de l'Amé-
rique feptentrionale , depuis le Cap de la Floride juf-
qu'à la Nouvelle Angleterre. Il devient fort grand , 6c
quelques-uns ont jufqu'à trente pieds de circonférence.
Cet arbre eft remarquable par fes branches pliées en
toute forte de fens. Ses feuilles on| la figure de celles
de l'érable. Ses fleurs ont toujours été comparées aux
tulipes , d'oii l'arbre a pris fon nom ; mais elles ap-
prochent davantage de celles de la fritilUire ; elles
îbnt d'un vert pâle , teintes à la partie inférieure de
rouge 6c de jaune. ( M. Ddmiç obferve que le calice
efl compofé de trois pièces ; la corolle a neuf pétales ,
hc renferme plufieurs étamines. ) Aux fleurs fuccedent
des capfules oblongues ^ qui toutes réunies forment ua
fruit écailleux comme les cônes du fapin. Les graines
ou femences font comme en fer de lance. Cet arbre
fe plaît particulièrement dans les terrains humides. Il
efl très - propre à former des malîifs & de fuperbes
avenues : on en voit un très-beau à Paris dans le
Jardin des pépinières du Roi. On peut l'élever de
graines venues du Canada ou de la Louifiane. Le bois
de cet arbre eft d'im grand ufage pour les bâtimens»
G g 3
470 A R B
Il pafle danj le pays pour être le meilleur beîs dont
on peut faire des pirogues ou des canots d'une feule
pièce. C'eft le même arbre que le tulipier ou le hols
jaune.
Arbre du vernis dé la Chine , Arhor vcrnlds y
Rumph. Cet arbre , dit M. de la Mark , efl de la forme
f-c de la grandeur d'un manguier'^ fes branches font
étendues prefque horizontalement ; fes ram^eaux vien-
nent quatre ou cinq enfemble , difpofés en vcrticille.
L'écorce efl: d'un brun cendré , hffe. Ses feuilles font
difpofées comme dans les hadamiers , Voyez ce mot ;
elles font longues de neuf à onze pouces , & ont
environ deux pouces & demi de largeur ; les fleurs
font en grappes pendantes , petites & d'un blanc jau-
nâtre ; il y a plufieurs étamines rouges : les fruits Ibnt
cymbiformes. Cet arbre efî nommé par les Chinois //zi-
chou ou tjl-chu , ce qui fignine arbre du vcniis. Les
Chinois retirent à l'aide d'une inciiion faite à fon tronc ,
une liqueur qui eft leur vernis.
Le thi-chou croit naturellement fur les montagnes
de plufieurs provinces m.éridionales de la Chine 6c
dans les Moluques. Son bois efl afTez folide & du-
rable , diiiîcile à couper ; fon aubier efl blanc , m.clc
de noir ; le bois proprement dit , efl brim ; il y a peu
de moelle : on prétend que fes fruits defTéchés peu-
vent être mangés fans aucun danger : fans cette pré-
caution ils empoifonneroient.
Le principal ufage qu'on fafTe de cet arl^re , foit à
la Chine , foit aux Moluques , ell d'en tirer ce ver-
nis fi renommé , dont les Habitans de la Chine , du
Tonquin & du Japon , enduifent avec tant d'élégance
& de propreté la plupart de leurs meubles , tels que
leurs tables , iîéges , armoires , leurs plats & fervices
de table , les murs même de leurs appartemens , ce
qu'on appelle communément en, Europe des meubles
de laque. Cette dénomination impropre trompe quel-
quefois ceux qui croient mal à propos que ces fortes
A R B 471
de meubles font recouverts de la fubftance réfineufe
appelée laque , &; qui fërt fouvent à des ufages à
peu près pareils : on verra à l'article fourmi de quelle
manière des infe£les de ce genre nous préparent la
réjim laque proprement dite. Revenons au fuc réfuieux
de Varbre au v&mis : les arbres qui font à l'ombre don-
nent plus de vernis , mais moins bon. Ceux qui font
cultivés donnent du vernis trois fois dans l'été ; celui
qui découle le premier ell le meilleur.
On ne fait à un arbre que trois ou auatre légères en-
tailles fur l'écorce , fous chacune defquelles on place
miQ coquille de moule de rivière pour recevoir la
liqueur laiteufe qui en découle ; on les retire environ
au bout de trois heures , & on verfe la liqueur dans
un petit feau de bois de bambou. Voyez ce mot.
Les vapeurs de ce vernis font vénéneufes ; auiîi
doit- on, lorfqu'on le tranfvafe , tourner la tête pour
les éviter. Peu d'ouvriers parmi ceux qui y travaillent
font exempts d'être attaqués une fois de la m.aladie à^s
clous de vernis , ou pullules fur la peau ; mais elle
n'efl que douloureufe , & n'efl point mortelle. Une
loi bien digne de l'hum^anité de ce peuple , ordonna
au Maître qui les emploie à cette récolte , d'avoir chez
lui un vafe rempli d'huile de rabette , dans laquelle
on a fait bouillir l'enveloppe d'une panne de porc.
Les ouvriers s'en frottent les m.ains & le vifage avant
& après leur travail. Outre cela , il leur efï ordonné
de fe fervir d'un mafque , d'avoir des gants , des bot-
tines , & un plaftron de peau devant Peflomac. Lorfque
le vernis fort de l'arbre , il reffemble à de la poix
liquide & laiteufe : expoie à l'air , fa furface prend
d'abord ime couleur rouffe , & peu-à-peu il devient
noir.
Les Chinois diflingûent plufieurs fortes de vernis ^
qui tirent leurs noms des divers cantons où on les
recueille. Le nien-tfi pur eil le plus beau ; il eil noir ^
mais il eft très-rare. Le roaang-Ji eil un autre vernis
G g 4
472 A R B
qui tire fur le jaune , &c dans lequel on mêîe environ
moitié d'une huile fort deiTicative éc très-commune à la
Chine , que l'on exprime du fruit d'un arbre appelé
long-cûu. Voyez Arbre dont on retire de l'huile.
Le P. d'Incarville ^ dans un excellent Mémoire corn-
pofé fur le lieu même , 6c inféré dans le troifieme
tome des Mémoires pi tj entés à r Académie , 6c duquel
nous donnons ici un petit extrait , dit qu'il a oui dire
qu'on vend cette huile à Paris fous le nom de.
vernis de la Chine : elle reiTemble aflez à de la téré-
benthine.
Lorfque les Chinois veulent faire leur beau vernis
ordinaire , ils font évaporer au foleil le vernis nommé
nien-tfi , environ à moitié : ils y ajoutent fix gros de
£el de porc par livre de vernis : ils remuent fortement,
&: y incorporent quatre gros de vitriol romain. Ils
font parvenus depuis quelques années à imiter le bril-
lant du vernis noir du Japon , en mêlant avec d'autres
fubilances ce premier vernis préparé , ainfi qu'on en
peut voir le détail dans le Mémoire. Il n'y a que peu
d'années que le fecret de ce vernis brillant du Japon
a tranfpiré hors du Palais.
C'eiî avec le vernis jaune , que les Chinois font
ces ouvrages qui imitent l'aventurine : ils faupoudrent
avec de la poudre d'or une couche de ce vernis ,
fur laquelle ils remettent enfuite de nouvelles couches ;
au bout de quelques années , ces ouvrages deviennent
plus beaux.
L'application du vernis demande de l'habileté & des
foins étonnans , qui tendent fur-tout à éviter le moin-
die atome de pouffiere. Lorf qu'une couche très-mince
de vernis a été appliquée , on la laifle bien fécher
avant d'en appliquer une autre. Une obfervation fm-
guliere 6c contraire à l'expérience ordinaire , c'efl que
ce vernis feche mieux & plus vite dans im lieu hu-
mide que dans un euv-lroit fec ; auiîi en pratique-t-on
un exprès. Avant d'appliquer la féconde couche , on
A R B 475
polit bien la première avec un bâton compofé d'une
poudre de brique très-lîne. On trempe ce bâton dans
une préparation de /ang de cochon & d'eau de
chaux. On ne met que trois couches de ce vernis fur
l'ouvrage. Pour empêcher que le vernis de la première
couche n'entre dans le bois , avant d'appliquer cette
première couche , on palTe fur la pièce une eau gom-
mée empreinte de craie.
Le bois que les Chinois emploient pour leurs petits
ouvrages de laque , efl pliant , & extraordinairement
léger : on prétend qu'il rend im plus beau fon dans
les inftrumens de mufique que les autres efpeces de
bois. Les Chinois nomment l'arbre dont ils le retirent
ngoutong. Peut-être cet arbre , dit le P. d^IncarvïlU ,
fe trouvera-t-il au MiiTiffipi.
Depuis le Mémoire de ce Millionnaire , M. E/lis
a donné une DilTertation pour reconnoître l'arbre
dont on tire le vernis à la Chine & au Japon , pour en
augmenter la, culture dans les Colonies de l'Amé-
rique , & corriger les erreurs où les Botaniftes font
tombés à fon fujet : il en réfulte que ce n'eft pas ,
comme prétend M. Miller , V anacardium occidentale ou
éicajou de Tourne fort , qui le produit ; mais V anacardium
orientale ou avicennia de Linnceus, M. le Chevalier de
la Marck prétend , au contraire , que V arbre du vernis
de la Chine efl un badamicr,
Jufqu'à préfent les Chinois n'ont pu trouver le fecret
du vernis tranfparent comme de l'eau , que les Ja-
ponois appliquent fur leurs deffeins en or. Le vernis
tranfparent de la Chine tire fur un vilain jaune ;
c'efl celui qu'ils erriploient pour imiter l'aventu-
rine , mais qui efl bien inférieur à celui des lapo-
nois. On obferve que l'ancien laque eil plus pré-
cieux , très-recherché , & que fon vernis efl beaucoup
plus endurci. Le ( ou la ) laque nouvelle efl: plus facile
à s'écorcher. Foy^i Vanicle Laque.
474 A R B
Arbre de vie , Thuya. On lui donne ce nom faf^
tueiix , parce qu'il reile vert été ec hiver , ou à caufe
de fon odeur forte , cTow , fujfio. Il y en a plufieurs
efpeces ; les unes de Canada 6c de Sibérie , & l'autre
de la Chine. Uarbre de vu de Canada efl de hauteur
médiocre : fon tronc eft dur , noueux , couvert d'une
écorce rouge-obfcure. Ses rameaux fe répandent en ailes.
Ses feuilles reflemblent à celles du cyprès , ou il l'on
veut à celles de la fougère : elles ne pouHent guère
que fur le jeune bois , & font pofées les unes fur les
autres , ainfi que des écailles , attachées à des tiges apla-
ties. Cet arbre porte , au commencement du prin-
temps , & même en hiver , des fleurs mâles & des fleurs
femelles fur le même pied. Son fruit eft oblong , c'ell
une efpece de cône alongé & compofé d'écaillés. En
général , le fruit du thuya de la Chine m^ûrit un mois plus
tard que celui du Canada. Ses icuilles , écrafées dans les
doigts , ont une odeur forte , réfmeufe , oc leur goût efl
amer. On diftingue dans les thuya celui d'Occident, TAz/j^
occïdmtalïs ^ thuya Thcophrafti ^ C. B. Pin. 488 : Arbor
vït(Z Jîve Paradijîaca vulgo d'icia , odorata , ad Jabinam
acccdms ^ J. E. J. 286 '.Arbor vitœ ^ Cluf. Hift. 36.
Celui d'Orient ou thuya de la Chine , thuya Oricntalis^
le thuvoïdcs.
Il y en a du Canada ou de . Sibérie de deux ef-
peces y ou plutôt deux variétés , dont l'une a les
feuilles panachées. Ces thuya font très - propres à
mettre dans les bofquets , parce qu'ils fe confervent
en pleine terre avec leurs feuilles été & hiver. Ils
font vm ornement très-agréable dans les mallîfs d'ar-
bres qui confervent auffi leurs feuilles , Je vert obf-
cur de leur feuillage fait en quelque forte valoir
celui des arbres qui les avoifment. il traniîude de
ces arbres des grains de réfme jaune , tranfpa-
rente , qui ne font point durs ; en les brûlant , ils
répandent une odeur de galipot ; le bois en efl fu-
dorifique.
A R B ARC 475
Quoique le bois de cet arbre ibit moins dur que celui
'du fapin ^ il efl prefque incorruptible ; auffi en Canada ,
en fait-on grand ufage pour les paliiï^îdes. En le tra-
vaillant il répand une odeur qui n'eft pas très-agréable.
Le, premier arbre de vie qu'on ait vu en Europe , fut
apporté à François I. On peut voir au Jardin du Roi
plufieurs efpeces de ces arbres, qu'on appelle quelquefois
ccdres Amiricains [a)»
On peut multiplier Varhre dt vu par fes graines
ou par fes branches inférieures que l'on couche en
terre au printemps , après leur avoir fait à l'endroit
des nœuds une petite entaille comme aux marcottes
d'œillets. On peut auiri les ékver de boutures coupées
tout auprès de la tige , oL les planter à la cheville dans
une terre fraîche ^<, ombragée.
ARBPvISSEAU ou Arbuste. Voye^^ cet article dans
le Tableau alphabétique a la fuite du mot Plante.
ARC ^ Arcus, Nom d'armes ofFenfives qui font ou
de bois ou de corne, ou de toute autre matière élaf-
tique , ainfi qu'on peut l'obferver dans la plupart des
Cabinets. L'ufage des arcs pour lancer la flèche , efl
très-ancien, & a été prefque univerfel chez les Na-
tions de l'un ôc l'autre hémifphere : cet ufage s'eil
confervé même dans notre Continent , jufqu'à la dé-
couverte d'autres armes plus redoutables. Certains
(3) M. Fougcroux ^ de V Académie des Sciences ^ a préfenté dans le Journal
de Phyfiqui , Novembre ijSi , une difficulté & une incertitude. Quel eft ,
dit il , le thuya qu'on doit appeler thuya Jheophrajli ? eft-ce celui d'Orient
oi{ d'Occident; ou ne feroit-ce pas un arbre du genre des cyprès ou des
c^.'.ircs , dont Théophrafii auroit voulu parler , Sc qu'il auroit nommé thuya ?
Si l'on doit nommer rLj'^j Tk eophr a fli cçAwi d'Occident, comment cet Au-
teur Grec a-t-^ pu connoître une plante de la partie Occidentale de
noLre Globe? ... Le fruit du thuya d'Occident reflemble à un petit cône
fie fapîneîte ou de mélèze i fa graine très-£ne eft ailée. Au contraire le
thuya d'Orient a le fruit & la graine approc'nans du cyprès ; enfin il
fcmble que ie thuya de Ihécphrajîe doit être celui d'Orient qui eft le
pltis élevé : ie tronc nu ; l'écorce brune ; la tige terminée par une
L elle tête cor.ique , formée par les rameaux redrefles : Tes feuilles très-
petites , ferrées, & imbriquées les unes fur les auti^s : les cônes hé-
liffés & verdâtres. Les rameaux du thuya occidentaiiont plus ouverts
U plus lâches , les ccnes lilies.
47^ ARC
Peuples Sauvages de l'Amérique & d'Afrique , !es
Montagnards d'Ecoffa , &c quelques corps de Troupes
des Rufîes &c des Turcs fe fervent encore de Parc»
C'eil de l'ufage qu'on faifoit autrefois de cette arme
que fe font établies ces Compagnies bourgeoifes de
l'Arbalète , qu'on voit encore dan. quelques Villes de
nos Provinces, ^oye^ Vart'ick Armes.
ARCANSON ou BRAY SEC. Voyci ks artkks
Pin et Sapin.
ARC-EN-CIEL ou Iris céleste , Cœkjlis arcus.
C'eil ce beau météore en forme d'arc de différentes
couleurs , que l'on voit , lorfqu'ayant le dos tourné
au foleil , à l'inflant oii il n'eft plus élevé fur notre
horizon que d'un peu moins de quarante-deux degrés ,
on regarde une nuée qui fond en pluie fine , Se qui
efi éclairée par cet afl:re.
On apperçoit fcuvent deux arcs à la fois ; l'un in-
térieur , ôc l'autre extérieur qui embraffe ce premier :
on appelle le àQxmcX faux arc-en- ciel ^ parce que {qs
couleurs font moins vives , & qu'elles font dans un
ordre renverfé. Pour que l'on puifle voir deux arcs--
CTî'ckl filaircs , il fufHt que la nuée fcit aifez étendue
6c affez épaille. Cet arc extérieur , eft formé de même
que l'arc intérieur ou principal , par les rayons que le
foleil darde dans les gouttes fphériques de pluie , & qui
s y rompent & s'y réiléchiffent , de façon que chaque
rangée des gouttes renvoie à l'œil du fpe£lateur des
rayons primitifs de différentes couleurs , les uns
rouges , les autres violets , & ainfi des autres , félon
Pefpece dont efl le ra}'T>n , félon l'endroit dans lequel
il entre dans la goutte d'eau , &: félon la manière
dont il fe brife en fortant de l'eau. On fait que cette
différente réfrangibilité des rayons rouges , orangés ,
jaunes , verts , bleus & violets , rend feule raifon de
la caufe de Varc-en-ckl}, en un mot, ce font les mê-
mes couleiu-s que l'on voit dans les ra}"ons du foleil
qui traverfent un prifme de verre. On a remarqué des
ARC . . 477
mrs-en-cUl qui , dans leur intérieur , en laiffoîent dil-
tlnguer de contigus ou de concentriques. D ef caries ^
Languewith ^ Wcgner , Parent , &c. en ont fait men-
tion. Le 1 1 Juillet 1 770 , un Phylicien étant aux bains
de Freyenwald , vers les fept heures du loir , du côté
de l'Orient, apperçut un triple arc- en-cul ^ celui du
anilieu n'étoit pas concentrique aux deux autres ; il
faifoit partie d'un plus grand cercle , & alloit couper
cet arc. M. Halky a vu , en 1698 , à Ghefter , trois
arcs-m-cid en même - temps. Vitdlïon dit avoir vu à
Fadoue quatre arcs-cn-cid dans le même inftant.
Ulris célejie paroit en forme d'arc , parce que les
ïayons efficaces de lumière qui parviennent à Pœil
fous un angle déterminé , forment un cône , dont la
bafe efî la nuée fur laquelle l'iris eft répandu , & au
fommet duquel fe trouve ?œil du fpedateur ; auiS
Verrions-nous le cercle entier , fi nous étions affez
élevés. M. Pajfumot , étant au fommet du Mont-d'Or ^
le 23 Septembre 1765 , flit furpris par des brouillards
épais & très-condenfés ; il fixa fa vue fur le vafte 6c
profond vallon de Chambon , qui en étoit auffi tout
rempli ; un rayon de foleil perça les brouillards âipé-
rieurs , &: lui fit voir dans le vallon un petit iris entier
( arC'Cn-ckl^nûtx^ d'environ dix-huit à vingt-un pieds
de diamètre. M. l'Abbé Dicqmman a obfervé au Havre ,
un iris fmgulier par fa figure &: fa pofition à l^égard
du foleil; c'étoit le 18 Juin 1777 , à fept heures &:
demie du foir. Ce phénomène , qui étoit un peu plus
élevé que le lieu du foleil , & à l'Oueft , ofFroit fur un
nuage léger un petit ïrïs en zigzag , dont on ne voyoit
dillindement que le vert &: le rouge. Cette derniers
coideur étoit du côté du foleil ; une gloire compofée
des mêmes couleurs &: dans le même ordre , couronnoit
le nuage qui paroiffoit au travers de Vins , le tout
enfemble formoit un grouppe tendre & fort agréable,
M. de. Saint- Amans , ancien Officier de Vermandois,
a obfervé , le 6 Février 1778 , à dix heures du matin 5
478 ARC
dans les nuages dont l'atmofphere étolt chargée , deux
halos ^ ou plutôt deux iris fort remarquables à caufe
de leur lituation refpeciive ; en effet, ils étoient adoffés
l'un à l'autre. C 'étoient deux portions de cercles colorés
qui fe touchoient par un point de leur circonférence ,
& qui mêloient leurs couleurs à l'endroit de leur con-
tact ; le plus grand de ces arcs avoit le foleil pour
centre , & oppoibit intérieurement la couleur rouge ,
puis l'orangé, le jaune, le vert, à cet ailre. Le plus
petit qui répondoit un peu au nord du zénith de
rObfervateur , étoit extérieurement peint de la même
couleur , ëc préfentoit au contraire dans fa concavité le
violet , enfuite le pourpre , le bleu , ôcc. enfin le rouge.
Ainfi les nuances prifmatiques de ces deux cercles pro-
cédoient dans un ordre renverfé.
Voici une expérience bien fimple du célèbre Antonio
de Dominis , Archevêque de Spalatro' en Dalmatie ,
( De radio v'ifus & luc'is , Venife , 1 6 1 1 . ) qui prouve
que ces belles couleurs prifmatiques de Varc-en-ckl n^
font formées cxio. par la difTérente réfrangibilité des
rayons de lumière.
On prend une boule de criilal bien tranfparent: ou
la remplit d'eau , & on la fufpend à une certaine hau-
teur , expofée aux rayons du foleil. Quand cette boule
efî fufpendue à telle hauteur , que le ra3/^on de lumière ,
qui donne du foleil fur la boule , fait , avec le rayon
allant de la boule à l'œil , un angle d'environ qua-
rante-un degrés , cette boule donne une couleur rouge.
Quand cette boule eft fufpendue im peu plus bas ,
& que fes angles font plus petits , les autres cou-
leurs de V arc-en-ciel parciiTent fuccefiivement. C'elî
là le fondement de la connoiflance de Varc - en - ciel :
mais il étoit réfervé à Newton de la mettre dans
fon plus grand jour , en appliquant à ce phéno-
mène fa découverte de la décompoiition de la lu-
mière , & de la réfrangibilité propre à chaque efpece
de rayon : ç'eil fon Ouvrage qu'il faut étudier, fi
A R C 479
Ton cherche des râlions complètes & exactes de toutes
les circonflances.
Arc -EN- CIEL LUNAIRE. La réfraftion des rayons
de la lune donne lieu quelquefois à un arc-en-ciel lu-
naire , lorfque les circonflances requiles fe trouvent
réunies. 1? arc -en -ciel lunaire a toutes les mêmes cou-
leurs que \q folâtre , excepté qu'elles font prefque toujours
plus foibles, à caufe de la diiférente intenfité des rayons;
ti même ce phénomène ne peut frapper la vue , que
lorfque la lune eii dans fon plein. M. Mufchenbroélk
a obfervé un de ces arcs- en- ciel fort éclatant , mais
qui €toit par-tout de couleur jaune. Nous en avons
obfervé un pendant trois minutes au château de Chan-
tilly , le 1 8 Juillet ï 777 , fur les dix heures du foir ,
dont l'éclat étoit fort foible , mais plus lumineux que
celui de la voie laûée. Cet arc célejlc lunaire étoit
très-régulier , d'une égale largeur , touchoit à l'horizon
par fes deux jambes. Le coiè méridional ou la partie
convexe , c'eil-à-dire le milieu de l'arc , en face de la
lune 5 parut , pendant un infiant , affez brillant ; le
jaune dominoit ; ce fut au moment c|ue le ciel parut
pur 5 & la lune à la veille de fon plein , bien vi-
îîbk , & qu'une légère ondée venoit de ceffer. Il étoit
tombé beaucoup d'eau pendant la journée , & j'avois
obfervé à fix heures & demie un double arc- en-ciel Jo^
laite ^ très-brillant, & un autre pareillement double à
fept heures. Uarc-en-cid lunaire ayant difparu , oC ob-
fervant le ciel vers la partie occidentale , fur les
onze heures trois quarts , la lune étant couverte , je
vis fe former derrière le carré de la grande Ourfe les
effets les plus beaux d'une lumière boréale dont les
jets s'élançoient , fe balançoient , & prirent toute forte
de forme , pendant une demi-heure. Leur mouvement
étoit très-rapide ; ces jets lumineux & leur longueur
varioient de mênie que les écartemens des éle&rof^
copes ; l'on appercevoit alors , ainfi qu'on l'avoit vu
la Ycilie j un graud noiïibre ^holk$ tombantes^
48o ARC
Arc-en-cîel marin. C'eft un phénomène c[iiî s^ob-
ferve fur mer à l'heure de midi , lorique la mer efl extrê-
mement tourmentée , & que la fuperficie de fes vagues
eft agitée par les vents : les rayons du foleil qui tom-
bent fur la furface de ces eaux agitées , s'y rompent ,
s'y réfléchiffent, & y peignent des couleurs , foibles à la
vérité : on n'en diftingue guère plus de deux ; favoir ,
du jaune du côté du foleil , &c un vert pâle du côté
oppofé. Les arcs fur la furface des eaux font nom-
breux : on en voit fouvent vingt ou trente à la fois ;
ils s'offrent dans une pofition contraire à V arc-en-cUl
f claire , c'eft-à-dire renverfés. Ce phénomène de la
réfraclion , qui fait le jeu du prifme , s'obferve quel-
quefois fur les prairies par la réfraction des rayons
cîu foleil dans les gouttes de rofée.
Arc-en-queue. C'efl le troupiaU a queue annelk de
M. Brïjfon^ tom. I, pag. 89. Voye?^ tartïcU Trou-
PIALE.
ARCHANGÉLIQUE. C'efl Vïmperatoria Archange-^
Ika âicla , de Tour nef on , Inft. R. Herb. 3 1 7.
ARCHE DE NOE , Arca No'e. Efpece de coquillage
bivalve qui fe rapproche le plus , félon M. ^ArgenvilU^
de la famille des Cœurs, Sa forme qui repréfente une
efpece de cœur oblong dont le fond eil: plat ,' lui a fait
donner ce nom. Sa partie alongée en defîbus forme
comme la quille d'un vaiffeau , avec deux élévations
par-deffus du côté de la charnière : fa carène eft large ,
& {^s valves béantes vers le bas. Les lîries longitu-
dinales qu'on voit fur fa robe , forment un ouvrage
chagriné , de couleur fauve-bnni fur un fond blanc.
Plufieurs font bordées de drap marin.
ARCHIPEL. Se dit d'un endroit de la mer qui a
beaucoup d'Ifles. Il y en a un dans la Méditerranée ,
un dans les Indes Orientales , ôcc.
ARCTOPITHEQUE , ArUopahccus , Gefner. C'efl
XA'i ou grand PareffeuK, Voyez VarùcU PARESSEUX.
ARDASSINE,
A R D 481
ARDASSINE. Voyzi Ablaque.
ARDERELLE. Voyc^^ Mésange ( grosse )*
APvDERET. Voy^i Pison d'Ardenne.
ARDOISE, Lapis jifjllls , Ardifia, V^rdo'fi efî une
efpece de fchïjîe , matière de la nature de l'argHe eu
de la glctlfô y fans tranfparence , de couleur bleuT^re,
grife , ou même rouiie , qui fe dlvife en lames
minces , plates &: unies , employées pour couvrir les
maifons. Cette efpece de pierre a fervi dans les temps
pafies de moilon pour la conflrudicn des murs : elle efî:
encore employée au même ufage dans les pays cii les
carrières en font communes. On fait que la plupart
des murs d'Angers font bâtis de blocs "^(^ardoilh , ce
qui donne à cette ville un trifte afpeâ:. Va^doifi au
for tir de la carrière elt tendre , mais elle fe durait à
l'air : elle eil difpofée dans la carrière par bancs , dans
lefquels il y a des fentes qui font fi près les unes des
autres , que les lames qu'elles forment ont très-peu
d'épaiffeur ; c'eil par ces fentes qu'on les divife faci-
lement , lorfqu'elles font fraîches encore , pour les pré-
parer à fervir de couverture aux bâtimens.
C'efc avec de grands rifques qu'on entreprend d'ou-
vrir & de travailler une carrière dCardoifc. Si la carrière
trouve à Aqs profondeurs plus ou moins c^randes.
Lcrfqu'on a enlevé les terres 6l fait la première ou-
verture de la cojfe ( première furface que préfente le
rocher immédiatement au-delTous de la terre ) il arrive
quelquefois que la pierre ou ardoife eil tendre 6c
parfemée de veines, ce qu'on d.'^ptV.eé^reenfinUktls;
alors elle n'eft pas aiTez faite ; elle n'a pas affez de
confiflance pour être divifée en lames d'une dureté
requife. Il refte cependant alors quelque efoérance ;
car Vardoife devenant plus dure & plus confiflante à
meliire que la pierre (carrière) acquiert plus 'de
Tome /, H h
4S2 A R D
profondeur , il peut arriver que Von trouve de bonne
ardoijl après les fzuilktis. D'autres fois Vardolfe fe
trouve dès l'ouverture être excefîivement dure &
caffante , alors il n'y a plus d'efpérance ; car on eft
sûr que plus on avancera , plus on la trouvera dure
& de mauvaife qualité. C'efl à la difFërcnce des parties
confl:ituantes de cette forte de pierre , que nous devons
Vardoife de table ou de carreaux , fufceptible de poli ;
Vardoife de toits qui fe divife en feuilles minces &
fonores ; Vardoife tendre & friable qui fe gonfle à l'hu-
midité , fe brife facilement &: iè réduit en poufilere ; le
crayon noir ; Vardoife groiîlere ou iQfchifie. Voyez ce mot^
On rencontre dans les montagnes des Pyrénées des
carrières à^ardoife dont l'exploitation n'eft pas aufîi
dangereufe pour la dépenfe que celle dont nous venons
de parler , car on y découvre Vardoife à fleur de terre
le long des côtes.
On trouve dans prefque toute la Suiffe de grands
lits à^ardoife , dont C|uelques-uns font aifez perpendi-
culaires ( prefque par - tout ailleurs , ils font in-
clinés ) ; ces lits à'ardoife ^ comme ceux des teiTes &
des pierres, n'ont pu être formés que par les eaux ,
& dans l'eau même. L'extrême fineiié du grain argi-
leux de cette pierre, les empreintes d'animaiLx marins ,
& de plantes qu'on y trouve communément, démontrent
qu'elle efl l'ouvrage des eaux. Les couches minces
ou lamelleufes qui la compofent , prouvent auiTi que
le limon mis en mouvement , foit par des ccurans y
foit par le fmx &: le reflux , s'eil dépofé peu à peu ^
ôc en difFérens temps. Cette précipitation des matières
différemment colorées ëi de différente nature , qui fe
trouvent de diilance en diftance entre les grands bancs
à^ardoife , démontre encore qu'elle n'a pu fe faire que
dans une longue fuite d'années , au moyen des eaux
qui fe feront répandues fubitement en certains cantons ,
& s'en feront retirées enfuite. Dans ce féjour des eaux,
le limon gras , tres-iin oc comme fluide , fe fera dépofé
A R D 4%y
peu à peu , & fe fera arrêté facilement far un pian
plus ou moins incliné. Si on remplît , dit M. de Kéralio^
un vafe , dont les côtés foient perpendiculaires , d'eau
chargée d'une terre légère , {qs parties les plus fines
s'attacheront aux côtés perpendiculaires du vafe , &
y formeront une couche mince , mais très - fenfîble ;
cette couche deviendroit épaiffe , fi l'expérience étoit
répétée un grand nombre de fois. Les parties grof-
fieres , plus pelantes , fe feront àé^oïéits les premières ,
uniquement à la bafe du vafe ; auffi trouve-t-on des
couches d'un fchijic graveleux en couches prefque ho-
rizontales, d'autres fois verticales. Il efl donc très-
poiiible qu'une eau limoneufe renfermée entre des
côtes prelque perpendiculaires , & faifant effort dans
tous les fens , comme tous les fluides , y dépofe de
part & d'autre un limon ou une vafe graiTe & fine.
La première couche ayant pris un peu de confifiance ,
efi: en état d'en recevoir & d'en retirer une autre ,
celle-ci une troifieme , 6c ainfi de fuite. La firuâ:ure
ou le tifiu feuilleté des bancs ^ardoifc , leur pofition ,
ajoutez-y les empreintes dont nous avons fait mention ,
tout s'accorde allez bien avec la théorie de cette for-
mation. Lorfque les matières fe font dépofées bruf-
quement , elles ont formé toutes enfemble une malTe
prefque verticale , folide , non feuilletée , telle qu'on
en trouve en pkifieurs pays ; c'efi: le fchijîz informe*
Voyîi_ ce mot. A l'égard des bancs ^ardoife qui fe croi-
fent en fens diiférens , l'on peut préfumer que des com-
motions fouterraines auront produit ces irrégularités.
Nos plus fameufes carrières ^ardoife font aux en-
virons d'Angers , dans la Province d'Anjou , où il s'en
fait un grand commerce. Il y a , à quelques lieues du
pays de Charleville , de Vardoife auiîi bonne que celle
d'Anjou , quoiqu'elle ne foit pas d'une couleiu: auffi
bleue ou auifi noire, il y en a en Auvergne , en
Bretagne & en Angleterre de la bleue èc de la grife.
Celle-ci eil connue fous le nom de pkrre de Horsham^
Hh s
484 A R D
On choifit la plus dure pour faire des tables & les
caiTeaux ou compartimens de pavé dans les veilibules ,
faiies à manger , falons, &c. On préfère celle qui
eu d'une teinte noire ; on l'appelle pierre de Caïn ^
quoiqu'elle fe trouve en Anjou & ailleurs. On prc-
fiime que leur couleur , ou bleue ou rouge , eil com-
munément due à des m.atieres pyriteufes , rarement de
cuivre , mais de fer , dans l'état d'ocre ; ( M. Sage
prétend que le fer qui s'y trouve , eft coloré par l'al-
cali volatil. ) Il n'eil pas rare de trouver parmi les
ardoifes des environs d'Angers, des lames de cette
pierre entiérem.ent chargées ou de pyrites ou de mar-
cafTites : de même on en voit qui font furfemées d'une
félénite étoilée , &: d'autres colorées de jaune ocracé
& de bandes azurées, d'autres bronzées par des va-
peurs pyriteufes ; d'autres enfin font plus ou moins
marneufes , font une légère effervefcence avec les
acides : on les trouve dans une bande de pierre ou
terre calcaire , dont une portion s'efl combinée avec
celle de Vardoïfe,
Quand on eft parvenu à une certaine profondeur ,'
l'eau abonde de tous côtés & defcend du rocher par
des veines : on a foin, dès l'exploitation des premiers
bancs , de pratiquer une fon.cée ( rigole ) en pente ,
qui réunit tous les filets de ce fluide , & le
détermine à couler dans une cuve profonde qui eft
au pied de la carrière , d'où on la remonte à l'aide
des m.achines que fait mouvoir un cheval.
Les Tranf actions philofophiques préfentent quelques
moyens fimples de diflinguer la bonté & la folidité
de plufieurs efpeces à'ardoifis : la meilleure a un fon
clair , 6: a un œil d'un bleu léger ; celle dont le bleu
tire beaucoup fur le noir , s'imbibe volontiers d'eau :
une bonne ardoife paroit dure 6i raboteufe au toucher ;
une m.auvaife , au contraire , eil auffi douce que fi on
l'eût frottée d'huile.
M. Samuïl CoUprcJf donne un moyen sûr de s^af-
ARE A R G 48f
furer fi Vardolfc eft folide , bonne , durable , en un
mot , de nature à ne fe point imbiber d'eau. Frappée
contre un corps dur , étant fufpendue , elle doit être
fonore. Placez un morceau de cette pierre perpendi-
culairement dans un vafe oii il y ait un peu d'eau ;
faites-le tenir dans cette pofition une demi -journée.
Si Vardoifz ell d'une contexture ferme , elle n'attirera
point l'eau au-delà de fix lignes au-deffus de fon ni-
veau ; & peut-être n'y aura-t-il que les bords qui ,
étant un peu déumis par la taille , fe trouveront hu-
medés : au contraire , fi Vardoife eil de mauvaife qua-
lité , elle s'imbibera d'eau , comme une éponge , jufqu'à
fa furface fupérieure : & , dans cet état , étant bien
efTuyée , elle pefera davantage qu'avant fon immerfion.
Celle qui efl marneufe efl encore une ardoife de mau-
vaife qualité , elle eil tendre & friable.
AREQUIER, efpece de palmier : onavoit prétendu
que l'on retiroit de fon fruit nommé arec^ le cachou,
Voyci cette erreur à L"" article Cachou. ;
ARÊTE 5 Spinci, Nom donné à toutes les parties
dures & piquantes qui fe trouvent dans les poiffons :
on en diftingue de plufieurs fortes pour la forme & la
confiftance. Les piquans qui fe trouvent dans les na-
geoires de certains poiifons , même dans la queue êi
fur d'autres parties de leur corps , font auiîi des arctzs
ou épines odeufes. Il y a dans la chair de plufieurs
poiffons , des filets folides , pointus , plus oii moins
longs , & de différente groffeur , dont les uns font
fmiples & les autres fourchus ; l'on ne peut regarder
ces parties que comme des efpeces ^arêtes. Voyez cl
Vartick PoiSSON.
ARGALI , efpece de mouton fauvage qui fe ren-
contre dans les montagnes de la Sibérie^ & chez les
Tartares Mongous : on le regarde comme la fouche
originaire & primitive de nos moutons : on lui donne
aufii le nom de mouflon. Voyez u mot:
ARGAULE, Voy^i^ Hirondelle de rivage.
Hh 3
4S6 A R G
APvGEMONE. P^oyei Pavot ÉPiNEtJx.
ARGENT , Ar^mtum. C'eft un métal blanc , parfait,
qiii , après l'or , eil le plus beau , le plus dudile , le
plus fixe au feu , & le plus précieux des métaux.
On trouve quelquefois de Var^znt pur formé natu-
rellement dans les mines ; mais ce métal , ainfi que
les autres , eft , pour Tordinaire , m.êlé avec des ma-
tières étrangères. On le trouve fous diverfes formes ,
^ fous diverfes couleurs très^variées. On voit avec
plaifir dans les Cabinets des Naturaliiles & des riches
Amateurs , ce beau jeu de la Nature dans les mines
d'or 5 d'argent & d'autres métaux. On y remarque ,
entre plufieurs autres efpeces de mines très-curieufes ,
que V argent erz cheveux , ( Argcntum capillarc , ) elt par
filamens fi déliés & fi fins , qu'en ne peut mieux les
comparer qu'à un tapé de cheveux , à des fils de foie ,
ou à un flocon de laine qui feroit tacheté de points
brillans : cette forte d'argent s'eil rencontrée à Ma-
rienberg & en Hongrie : V argent en filets efl en effet
compolé de fi.ls fi bien formés , qu'on croiroit qu'ils
auroient été pafTés à la filière ; on en trouve beaucoup
en Saxe. Uargent en végétation reffemble en quelque
forte à un arbriffeau , car on y diflingue une tige , des
branches rameufes , &c. telle efl la mine de Kunsberg
en Nor^^ege. U argent en feuilles refiemble beaucoup à
des feuilles de fougère ; en y voit une côte qui jette
de part & d'autre à^s branches. Uargent en lames efî
étendu en petites plaques fimples , unies , & fans au-
cune forme de feuillage , quelquefois fous forme d'é-
cailles ou de feuillets appliqués , ou incruflés fépare-
ment dans de la gangue : on en rencontre dans les
mines de Freyberg. Il y a V argent m grains difTémincs
dans de la gangue. Toutes ces variétés d'argent por--
tent le nom d'argent vierge ou natif : il y en a aufli
en bloc ou en miafie & folide. Cette efpece ou Icrte
d'argent vierge fe trouve notam.ment dans une mon-
tagne du Pérou nommée Juanta-Caya , dépendante du
A R G 489
Gouvernement à^Arka, Les Naturels du pays donnent
le nom de papas à ces morceaux d'argent , qui fe
rencontrent à dix ou douze toifes dans une matière
arénacée. Il y en a de cent marcs ; &; en 1 740 , on
en découvrit un qui pefoit fix mille cinq cents marcs.
Quelques - uns font mention d'un argent arfmical de
Quadanal-canaL
Nous difons que les mines à^argent les plus ordi-
naires font celles oii ce mxétal efl renfermé dans la
pierre : les particules métalliques font difpofées dans
le bloc , & la richeife de la mine dépend de la quantité
relative & de la groffeur de ces particules ou volume
du bloc : dans ces fortes de mines , V argent efl de
couleur naturelle ou d'un blanc jaune ; mais comme
ce métal fe montre fous d'autres couleurs fous un
grand nombre d'autres formes dans le fein de la terre ,
citons - en les principales.
Les mines les plus riches , après la mine naturelle ,
font les mines d^argent cornée : elles cèdent fous le
marteau comme le plomb; elles fe coupent comme la
corne ; elles font , félon quelques - uns , minéralifées
par le foufre & l'arfenic : mais il paroît que cette
forte de mine eft une combinaifon de l'argent avec
l'acide marin. Ces mines font rares , & d'autant plus
riches , qu'elles font plus brunâtres : elles donnent
ordinairement de 50 à 60 livres d'argent au quintal.
Il s'en trouve fur lefquelles il n'y a que dix livres de
déchet fur chaque quintal de mine : elles font très-
fufibles. Après celles-ci , pour la richeffe , viennent les
mines émargent rouge ou rojidaire , qui font très-pefan-
tes 5 tantôt en grappes &: d'un rouge de cinabre , tantôt
écailleufes & tachetées de noir , tantôt d'un beau rouge ,
tranfparentes & criflalllfées en prifmes hexagones ; de
forte qu'à la première vue on les prendroit plutôt
pour des mines de rubis ou de grenat, que pour des
mines d'argent ; celle - ci ell: compofée d'argent , de
foufre ôc d'arfenic , 6c peut-être d'un p2u de fer.
H h 4
488 A R G
L'argent rciige fe trouve comni,urxément à Sainte-Mane-
aii»mines , & en Saxe. Sa matrice dï ou un quartz ou
un Ipath tufible , &:c. Celle qui cfî en maffe informe y
d'ini rci!ge tres-icmbre , cil la plus riche ; elle four-
nit de 60 à 70 livres d'argent au quintal. Enfuite
vient la rrùne 6^ argent vurcufe , la mine à^argcra blanche ^
celle (x^argjnt grije , celle a^ argent noire.
Celle qui tli véritablement vurevfe , efl minéralifée
avec un peu de i cuire Icul ; elle a à-pcu-près la cou-
leur a'un plomb ncirâire , eu luliante extérieurement :
tilc :ll: tcrt tendre, plus eu moins flexible, fe laifle
ïack r tv couper avec un couteau , s'aplatit fous le
mc^rteau; elle cft facile à fendre , pelante & tres-
riche ( ^ ). La mine Chargent blanche eft luifante , com-
pciée a'argcnt , de cuivre , de foufre , d'arfenic , &
fouvent d'une portion de plomb : fa couleur efl partie
grife & partie blanche. ( M. Monnu prétend que la vraie
mine à^ argent blanche^ tÛ une combinalion del'arfenic,
du fer & cie l'argent : l'eau-torte la diflcut entièrement.
Liclépcndammcnt de cette mine ^argent blanche arfeni-
çale \ il y a aulTi une mine à^argmt blanche fulfureufe ,
fom.bre , d'un v&\\ moins ferré ; el^e fe fond facile-
ment , & eil abondante en métal fin). Plus cette mine
contient de cuivre , plus elle cfl d'une couleur foncée
& dure ; alors on la nomm.e mine à^argmt gr'ifz. On
en trouve abondamment à Giromany & à Sainte-Marie-
(rt) M. Monnet a fcit 6qs Cbfervaîions fur pliifuiirs fortes de mines
â''a--ycr.t vurtifts trouvées à yilUmont en Dauphiné ; l'une offre fouvent
rcs'flcurs de cobalt : elle contieiit aulfi do l'arfenic qui la rend dure
& roiçle : on y diHingiie aufli des parties d'argent vierge : l'analyfe a
<1'nnontié aufTi du fer & du foufre. Sa g-ngue eft de nature argileufe,
comme font prefque toutes les gangues terreufes des to/t^j. On a trouvé
^ufli à Salfed une mi-e d'argent vipei.fe , noirâtre & çoha'tifce. Une autre
mne d'urgent vitreufe , reflen-ibiart à la mi.ie a'argert g-ife , s'eft trouvée
minôrslifée psr \t foufre bi VcrferJc. Une expérience fur la mifie d'argent
T'fe.-fc ord'caire ^ lui a démontré l'exifience d'un peu de fer, & appris que
cetre lorte de mine e>;pofée au feu grrdué , fe convertit en argent d'un
bLnc mat ou gris , en filets , ou comme un tiffu de cht veux , & n'y
prend noint k form.e de végétation à! argent vierge , corime l'a dit
IFalierius,
A R G 4S9
aux-mînes. Il y a encore la mine ^argent amimoniéc
ou en plumes ; elle eft légère, faiée, noire comme de
la fliie, & colore les doigts. Cet argent eft minéralile
par l'arfenic , le foiifre &: l'antimoine. Quand il ne
s'y trouve pas d'antimoine , mais en échange le fer &
le cobalt , la mine eil brune, & s'appelle mmz de foie.
On prétend que la înine d^ argent de couleur de nurde dioie^
ell un mélange de la mine ^argent rouge & gr]fe , &: de
Vargent natifs dans une roche verdatre ou dans une
efpece d'ocre. Cette efpece de mine eli fort rare. On
trouve communém.ent l'argent allié au fer , au cobalt ,
à la blende. La mine d'argent noire efî: ou en mafîes
folides , ou en colonnes rameufes , ou fpongieufe , &
comme poreufe. La mine d^argmt glacée eft une mine
vitreufe; il y en a de différentes couleurs.
Il y a des miines A^argmt dans les quatre Parties du
Monde , mais il y a des contrées , telles que l'Amé-
rique , plus riches que les autres. L'Europe n'en manque
pas. La mine de Quadanal-canal en Efpagne eil connue
depuis long- temps. La mine de Freyberg en Saxe , ëc
le pays d'Hanovre , cii il y a beaucoup de mines d'<zr-
gem , enrichiffent les Maifons de Erunfwick ôc de
Saxe : en 1478 , on trouva au Hartz un morceau d'ar-
gent il confidérable , qu'étant battu , on en iit une
table oii pouvoient s'aileoir vingt-quatre perfonnes :
on tira de ce morceau 400 quintaux d'argent. Du temps
à^Olaiis WormÀus , on tira des mines de Norvège une
malTe d'argent qui pefoit 130 marcs. On lit dans
les Affiches- de lySj , qu'on a découvert dans les
montagnes de Styrie , une mine à^ argent plus riche ,
dit-on, qu'aucunes de toutes celles qui ont été ex-
ploitées jufqu'à nos jours dans les trois Parties de
l'Ancien Monde.
La France elle-même n'en eil pas tout-à-fait privée.
On voit réunis dans l'ancienne Encyclopédie ^ fous un
feul point de vue , tous les pays de la France où l'on
en trouvç. A Sainte-Marie-aux-mines , il y a plufieurs
490 A R G
mines de cuivre 3l de plomb tenant argent. Depuis
"Valence jufqu'à Lyon , on voit , le long du rivage
du Rhône , bon nombre de payfans occupés à recueillir
des paillettes d'or & d'argent : ils gagnent à cette
récolte trente à quarante fous par jour. On trouve
encore de l'argent 6c de l'or dans d'autres rivières.
Fbjci Cl r article Or.
On ne peut fonger , fans frémir , à quels dangers
êc à quels travaux fe font expofés les hommes , pour
airacher les métaux des entrailles de la terre.
On lit dans l'ancienne Encyclopédie , que la mine
X!i argent de Salfeberyt en Suéde , préfente au Natu-
raliile curieux un des plus beaux fpectacles. On def-
cend dans cette mine par trois larges bouches , fem-
blables à des puits dont on ne voit point le fond.
La m.oitié d'un tonneau , foutenu d'un câble , fert
d'efcalier pour defcendre dans ces abymes , au moyen
d'une miachine que l'eau fait mouvoir. La grandeur
du péril fe conçoit aifément : on n'efl qu'à m.oitié
dans un tonneau , oii l'on ne porte que fur une jambe.
On a pour compagnon un fatellite noir comme nos
Forgerons , qui entonne trifiement une chanfon lu-
gubre , & qui tient un flambeau à la main. Quand
on efl au milieu de la defcente , on commence à fen-
tir un affez grand froid : on entend les torrens qui
tombent de toutes parts ; enfin , après une demi-heure ,
on arrive au fond d'un goufre. Alors la crainte fe
difTipe : on n'apperçoit plus rien d'affreux ; au con-
traire , tout brille dans ces régions fouterraines : on
entre dans une efpece de grand falon , foutenu par
des colonnes de mxine à^ argent ; quatre galeries fpa-
cieufes y viennent aboutir. Les feux qui fervent à
éclairer les travailleurs , fe répètent fur l'argent des
voûtes & fur un niiffeau qui coule 'au milieu de la
mine. On voit là des gens de toutes les nations : les
uns tirent des chariots ; les autres roulent des pierres :
tout le monde a fon emploi ; c'eft une ville fouter-
A R G 49t
rame. Il y a des cabarets , des maîfons , des écuries
ôc des chevaux ; mais ce qu'il y a de plus iingulier ,
c'efl , dit-on , un moulin mis en mouvement par un
courant d'air : le moulin va continuellement dans cette
caverne , &c fert à élever les eaux qui incommode-
loient les Mineurs.
Les mines à"* argent les plus abondantes font en
Amérique , m.ais fur-tout dans les endroits froids de
ce Continent , tels que le Potofi , une des Provinces
du Pérou. La température du Potofi eil fi froide ,
qu'autrefois les femmes Efpagnoles ne pouvoient y
accoucher : elles étoient obligées d'aller à vingt ou
trente lieues au-delà , pour avoir un climat plus doux.
Mais aujourd'hui elles accouchent au Potoli auili aifé-
ment que les Indiennes naturelles du pays ; tant l'ef-
pece humaine a de facilité à s'habituer à toutes fortes
de climats.
Les filons de la mine du Potofi étoient d'abord à
une très -petite profondeur de la montagne ; mais à
préfent il faut les chercher & les fuivre dans des ca-
vités afFreufes , où l'on pénètre à peine après plus
de quatre cents marches de defcente. Ces filons ,
quoique toujours très-riches , deviennent de jour en
jour plus difficiles à exploiter , &c le travail devient
plus îlinefie aux ouvriers , à caufe des exhalaifons qui
lortent de la mine. On rencontre fouvent des veines
métalliques qui rendent des vapeurs fi pernicieufes ,
qu'elles tuent fur le champ ; on eil obhgé de les re-
fermer auffi-tôt , & de les abandonner. Foye^ l'articU
Exhalaisons minérales.
Autrefois on obligeoit les Paroiffes des environs du
potofi , de fournir tous les ans \m certain nombre
d'Indiens pour le travail des mines : on les voyoit
partir à regret avec leurs femmes & leurs enfans. A
peine étoient-ils arrivés , qu'ils defcendoient tout vi-
vans & toujours nus dans les horreurs d'un tombeau
ïRétalHque ^ où ils ne voy oient point le jour. Au bout
49^ A R G
cFime année de travaux , Oîi permettoit à ces infortu-
nées victimes de revenir à la furface de la terre & de
retourner à leur habitation , parce que prefque tous
les ouvriers qui ont travaillé pendant un certain temps
de leur vie aux mines , {qpA perclus de leurs membres.
L'humanité frémiroit d'apprendre à combien d'Indiens
ce travail a déjà coûté & coûte tous les jours la vie.
Sans Vherbe du Paraguay , ( thl du Paraguay ) que les
Mineurs prennent en infufion , & mâchent comme du
tabac , on feroit obligé d'abandonner la mine du
Potofi 5 qui eft cependant une des moins dangereufes.
Aujourd'hui les Indiens ne travaillent aux mines que
de leur propre mouvement & en fe faifant payer.
Quoique les mines du Potofi & de Lipes confervent
toujours leur réputation de richefle , on a cependant
découvert en 171 2 celles d'Oruvo , à huit lieues
d'Arica , &: celles d'Ollacha & de Rio près de Cufco ,
qui paiïent pour plus riches. Les mines du Potoli
fournirent depuis l'année de leur découverte en 1545 ,
juiqu'en 1638 , trois cent quatre-vingt-quinze mil-
lions fix cent dix-neuf mille piallres. Le R.oi d'Efpagne
retire le quint du produit de ces mines.
Le mhierai le plus riche & le plus facile à exploiter
qu'on trouve dans les mines à^argent du Pérou , efl
celui qui efî: blanc ou gris , &l mêlé de taches rouges
ou blanchâtres. Les hlons font toujours plus riches
dans leur miUeu que iiir leurs bords ; mais l'endroit
le plus abondant efr celui oii deux filons fe croifent
& fe traverfent.
On retire V argent du minerai par plufieurs procédés ,
foit en l'amalgamant avec le mercure , foit en fuivant
d'autres méthodes , ainfi qu'on le pratique pour les
autres mines , fuivant leur nature. C'eft dans le Dic-
tionnaire de Chimie que l'on peut voir la defcription
de ces travaux , préfentée avec clarté & précifion.
Confultez auffi ce qui en eil dit dans notre Minéralogie ,
deuxième édition.
A R G 493
Lorfqii'on veut défigner Vargera le plus fin &: le plus
dégagé de toute matière étrangère, on dit qu'il eu au titre
de douze deniers ; le denier eu de vingt-quatre grains.
U argent eft-il mêlé d'alliage , on déduit le poids du
mélange du poids principal : V argent , par exemple ,
c[ui a une douzième partie d'alliage , efl à onze deniers
de fin ; c'eit le titre ou loi de nos écus. On allie le
cuivre & V argent peur lui donner de la confiilance ^
fans quoi il feroit trop m.ou.
\Jcrgent dilTous par Facide nitreux donne des crif«
taux , qui étant fondus & eniliite jetés dans ua
moule , forment la pkrrc infernale dont on fait ufage
pour corroder les chairs. La même diilolution ( une
once ^argent dans une fuiEfante quantité d'efprit de
nitre ) , étendue dans vingt onces d'eau diilillée , mife
dans un bocal , préfente un phénomène curieux ; fi on
y ajoute deux onces de mercure , & qu'on laiiîe le
tout en repos pendant quarante jours 5 il fe formera à '
la furface du mercure une efpece de végétation mé-
tallique , une manière d'arbre ^argent , avec des bran-
■ ches qui imitent beaucoup des ramifications naturelles.
Ce phénomène amufant , découvert par un Alchimiile ,
e£x. fondé fur les lois de la Nature ou de l'afiiniLé àes
. corps. L'acide nitreux a plus de tendance à s'unir avec
le m.ercure , il abandonne V argent : ce métal fe dépofe
à la furface du mercure à m.efure que l'acide fait di-
vorce avec lui : Pattraclion' qui tend à unir les parties
intégrantes & homogènes du mêmxe corps , ell: caiife
que toutes les particules ^argent fe dépofent les unes
fur les autres , au heu de ie précipiter dans d'autres
endroits du vafe. Voilà l'arbre de Diane ou Parbre
philofophique.
Quoique V argent foit très-dudile , il l'efr encore
moins que l'or. Il a auffi beaucoup moins de pefanteur
fpécinque ; le pouce cube ^argent pefe fix onces cinq
gros & vingt-fix grains. On réduit V argent en le fai-
fant palTer par ks trous d'une filière , à n'avoir que
494 A R G
î'épaiffeur d'un cheveu ; on le nomme argent traita
Cet argent trait aplati entre deux rouleaux , fe nomme
argtnt m lames : on l'applique fur la Ibie par le moyen
du moulin ; on l'appelle alors argmtfilé. On l'emploie
aulTi tout plat dans les ornemens brodés & brochés ,
galons , &c ; c'efl-là où il jouit de tout fon éclat. Tout
le détail de ce travail eft du reiibrt du Diciionnain
des Arts & Métiers.
Des gens trompeurs tâchent quelquefois de donner
la couleur d'or à Y argent , foit trait , foit en lames ,
foit filé , foit battu , en i'expofant à la fumée. Cette
fraude eft défendue fous peine de confifcation entière
& de 2000 liv. d'amende. Uargent pur n'eil point
attaqué par le diffolvant de l'or : il efl: inaltérable à
l'air , à l'eau & au feu ; une maffe à^ argent expofée
pendant deux mois au feu le plus violent , ne dimi-
mie que d'environ un douzième ; cependant la vapeur
ou la fumée du fourre le minéralife , celle des ma-
tières fécales , le contad du blanc d'œuf , &c. le
font noircir.
Uargent réduit en feuilles très-minces , eft employé
par les Argenteurs 6c Doreurs. Leur art confifle à
appliquer ces feuilles , foit fur des métaux ou fur
d'autres matières , telles que bois , écailles &c pierres.
Dans le premier cas on fait ufage du feu pour échaulfer
les pièces , 6c d'eau-forte pour les corroder un peu ,
aiîn que les lames d'argent puiilent s'appliquer exac-
tement. Loifqu'on argenté quelqu'autre matière , on
fe fert feulemicnt de fubllances glutineufes propres à
coller les feuilles & argent.
Les rognures de Varf^ent en feuilles ou battu, font
em.ployées par les Peintres &c Argenteurs ; ils s'en fer-
vent pour peindre : on l'appelle arg:nt en ccquïlU.
Argent de chat. Voye^ au mot Mica.
ARGENTÉ , Chœtodori argenteus ^ Linn. Poiffon de la
mer des Indes ; fon corps eit comprimé , plus large
(çiie long j 6c couvert de petites écailles liiTes ; les
A R G 49f
yeux d'un rouge de fang ; les bords des mâchoires
garnis de petites dents flexibles ; les opercules des
ouïes liffes & comme argentés ; fix rayons à la mem-
brane des ouïes ; trente-deux à la nageoire dorfale ,
qui eu écailkuie & fourchue ; les trois premiers de
ces rayons font courts & épineux ; il y a feize rayons
aux nageoires pedorales , ils font flexibles ; point de
nageoires abdominales; celle de l'anus reflemble à la
dorfale ; celle de la queue eu fourchue aufîi 6c garnie
de dix-fept rayons.
Argenté , Polymmiis Afiatlcus^ Linn. On donne
aufli le nom d^argznti à ce poifîbn qui fe trouve pa-
reillement dans la mer des Indes. Linnœus l'avoit
rangé dans le genre des Trlgles ; mais M. Daiibmton
le rapporte à celui du Polymene , par la forme des
digitations de fes nageoires pe£i:orales , qui ne font
point articulées comme celles des trlgles, La tête de
cet argenté efl: de couleur argentée , cylindrique , lifle ;
le mufeau faillant ; l'intérieur de la gueule hérifle
d'afpériîés ; le bord des opercules des ouïes dentelé ;
les nageoires pedorales font courbées &: ont dix-huit
rayoaâ ; les efi^eces de doigts qui les accompagnent
font au ncml^re de quatre de part ôc d'autre ; il y a
fept rayons , dont un épineux , à la nageoire du dos ;
fix , tous flxexibies , aux nageoires abdominales ; celle
de l'anus en a dix-fept ; celle de la queue dix-huit.
ARGENTINE , PotentlllafeuArgentlna , J. B. 3, 398.
Pcntaphylloides argenteum alatum ^feu Potentilla , Tourn.
Infi:. 298 : Argentina vulgaris , potentilla anfmna , Linn.
710. Plante à racine vivace ; elle s'élève peu de terre. Sa
racine efl: noirâtre ; fes tiges menues , traçantes ; fes
feuilles font oblongues , ovales , oppofées fur la tige ,
dentées &: entre-mêlées de feuilles plus petites : elles
font vertes en defliis , & garnies par-defîbus de petits
poils blancs , foyeux , argentins. Elles ont un goût
herbacé , un peu falé &: fliptique , & rougiflent le
papier bleu, La fleur efl jaune 6c en rofe , fembkble
49^ . A R G
à celle des quintes-feuilles, dit M. Ddeure^ & portée
par une hampe ou tige nue & fans ramifications : le
fruit a la forme d'une tête fphérique , couverte de
plufieurs petites graines arrondies & jaunâtres. Cette
plante traçante fe plaît dans les lieux humides 6c le
long des haies & ô.es chemins. Elle &ix aftringente ,
vulnéraire ôc déîerfive. Son eau difTillée qÛ bonne pour
la chafTie , le haie &: les rougeurs du vifage. On la pila
avec du fel & du vinaigre , & en l'applique fur le
poignet ou à la plante des pieds dans les redoublemens
de îievre , qu'elle adoucit fouvent , & qu'elle chaiTe
même quelquefois. D'autres la pilent avec du fel , &;
l'appliquent à la plante des pieds pour appaifer le dé-
lire ; elle produit ces bons eSets en épailfiflant le fang
& ralentilTant fa circulation par (ts fels acides vitric-
liques. Sa décocuon en gargarifme avec un peu d'alun,
rétablit la luette îorfqu'elle eft relâchée : cuite dans du
vinaigre , elle aiîermit les dents qui branlent , en ref-
ferrant les gencives. En AngleteiTe , quelques-uns
mangent fcs racines , qui font douces , oL ont un goût
de panais. M. Halkr dit qu'on a recommandé comme
un puiiTant liîlionîriptique le fuc de "^^ argentine , mêlé
avec celui du feigle.
On trouve en Hollande une efpece ^a.r^zrdlm à
fleurs rouges , Ar^mtïna ruhra , comarum palufire^ Linn.
718. On l'appelle cavz^r^/ : fa tige eil longue d'un pied
Z^ demi , foibîe & à moitié couchée ; ks feuilles com-
pofées de cinq à fept folioles ovales , oblongues , un
peu étroites &: blanchâtres ; le calice eft coloré.
Argentine. Plufieurs donnent ce nom à une efpece
de <7irafol , ou à une variété à^opale à fond blanc ,
marquée de petits points de couleur d'argent , ce qui
produit un charmant effet. Foye^ Opale.
Argentine , Ar^mtlna , Linn. Nom d'un genre de
poiiTons ^na^ioircs ahdom'naks. Voy. à tan. PoïSSON.
Argentine , Pcrca nGhïlis , Linn. PoifTon du genre
du Pcrftmc ; on le trouve dans la mer qui baTgne
l'Amérique
A R G 497
l'Amérique Septentrionale. Tout le fond de fa couleur
eft argenté , mais il eil marqué de huit bandes tranf-
verfales d'un brun noirâtre. 11 y a vingt-cinq rayons
à la nageoire dorfale , dont les douze premiers font
épineux & argentés ; quinze rayons fiexibles aux na-
geoires peûorales ; fix aux abdominales , dont un efl
épineux ; celle de l'anus en a dix , dont trois épineux ;
celle de la queue en a dix-fept.
ARGILE 5 Argilla, C'ell une terre pefante , com-
pacte , de couleurs différentes ou mélangées. Lorfque
cette terre ell humide , elle a de la dudilité & de la
ténacité. Elle fe pétrit fous les doigts ^ prend &; con-
ferve les formes qu'on veut lui donner. Sa duûilité la
rend très-propre à divers ufages mécaniques ; mais par
fa grande ténacité , elle nuit à la fertilité des champs ,
à moins qu'elle n'ait été réduite par des labours
multipliés , en molécules affez fines , ou que fon adhé-
rence n'ait été diminuée par l'interpofition des fables ;
pour lors elle eil de toutes les terres la plus propre
à la végétation. M. Eller , dans des recherches fur la
fertilité des terres , a obfervé qu'au moyen d'une leiTive
d'alkali fixe , on détruit la ténacité de Vargile , en la
dépouillant de fon gluten favonneux ; alors elle devient
friable , aride , & tombe en pouiTiere.
'Vargile ne fait point effervefcence avec les acides i
à moins qu'elle ne fe trouve mêlée avec quelque fub-
ftance calcaire, &. celle-ci s'y diflcut même lentement.
Elle réfifle à un feu médiocre &: à'y durcit , en fubiffant
du retrait , e'efl-à-dire , en s'y reiierrant ; mais lorfque
le feu efl violent & continué , prefque toutes les ar-
giles s'y vitrifient , à l'exception de quelques-unes qui
font réfradaires. Si on diflingue les efpeces d'argiles
par la couleur , il y en a un très-grand nombre d^ef"
peces : on en voit de jaunes , de bleues , de blanches ,
de vertes , de rouges , de noires , &c. On en voit qui
font veinées comme les marbres. Les argiles qui font
colorées &i douées d'une faveur atramentaire , con-
Tome I, I i
49? A R G ^
tiennent de la pyrite en nature ou plutôt vitrioîifée,
&c dans l'état d'une grande divifibilité. Les argiks
colorées , qui blanchiment au feu , ne doivent leur
couleur qu'à des matières végétales ou animales qui
s'y font mêlées. Les argiles portent auffi divers noms ,
fuivant leurs ulages , tels que ceux de terre à porce-
laine , terre à pipe , terre à tuile , terre à potier y terre
à four , terre à brique , terre à devrai jjer ou terre à
foulon , 6cc.
Vargile qÛ une des matières terreufes les plus abon-
dantes 5 6l les plus utiles que l'on trouve dans la terre.
Elle s'y rencontre à diverles profondeurs , quelquefois
en grands bancs dans les teiTains bas , cii elle eft fou-
vent noyée ; on en trouve auiîi qui fert de bafe à la
plupart des rochers : ce font ces couches a'argile qui
retiennent l'eau au fond des puits que l'on creufe fur
la furface de la terre. Les couches d^ argile ont affez
communément un degré d'obliquité ; celle qid fe trouve
durcie entre les couches de plâtre , Ôcc. , offre la fitua-
tion des bancs de pierre. La duâ:ilité de Vargile détrempée
dans l'eau , cette terre qui fe durcit , & prend du
retrait en féchant , fans que cependant fes parties fe
défuniiTent , tout la rend propre à faire des vafes de
toute efpece , des briques , des tuiles , des carreaux &
des modèles de fculpture , qui , expofés au feu , s'y
fechent en diminuant de volume ou de furface , & par
ce rapprochement ou compreiïïon des parties s'y en-
durcifi'ent beaucoup , fans perdre rien de leur forme.
V argile blanche efl la plus pure ; elle efl réfradaire ,
6i fe durcit quelquefois par la calcination au point de
faire feu avec l'acier ; ainfi que Vargile pale d'Angle-
terre 5 la brune de France , & la noirâtre de Heile , qui
ibnt réfraclaires , quoique colorées. Il y a des terres
blanches, prefque dépourvues de liant, 6c qui ne con-
tiennent point d'acide vitriolique ; on prétend qu'elles
fervent de bafe aux argiles , auxquelles elles font ce
que la craie eft au plâtre, h^ argile à potier , lorfqu'elle
A R G 499
çfl féchée , fe divlfe quelquefois en cubes : les ouvriers
îa coupepxt dans la folle ou fouterrain en carrés longs.
Elle fe travaille bien plus facilement que la bkm , qui fert
d'ordinaire de bafe aux lits d'ardoife. On emploie
cette efpece d'argile en Angleterre pour faire des tuiles
& des briques , qui font très-compa£tes &: très-dures.'
On lit dans VHijhire de V Académie des Sciences ^ année.
*739 9 P'^^E^ ' •> ^'-^^ V argile à potier , lavée , expofée à
Pair & imbibée d'eau de fontaine , a acquis au bout
de quelques années , la dureté du caillou. On pré-
tend que l'on a obfervé la même chofe en Amérique
fur la terre glaife qui fe trouve fur les bords de la
mer. M. Pott attribue ce phénomène à l'écume graffe
de la mer.
Uargile des jnines , ou la terre grafTe qui fe trouve
dans les montagnes à mânes & les filons , ( Letten )
fe laiiTe pétrir aifément ; on prétend qu'elle contient
beaucoup de parties martiales , quelquefois du vitriol
ou du foufre.
M. Wallerius parle d'une efpece ^argile rougeâtre^
qui fe trouve mêlée avec une terre qui a la propriété
d'abforber beaucoup d'eau , ^ d'augmenter beaucoup
de volum.e en fe gonflant; Lorfque cette terre délayée
par les pluies , fe deffeche , elle s'aifaiiTe &: revient à
fon premier volume : elle fe durcit très-aifément , &
forme une croûte à la furface ; en forte que des
Voyageurs qui croient marcher fur la terre folide ,
font quelquefois engloutis fous ce fol perfide. Voilà
l'origine des fondrières &: de certains chemins fi mau-
vais. M. Wallerius ajoute qu'il y a beaucoup de terre
de cette efpece dans la Dalccarîie & dans le North-
land ; & que les exemples de perfonnes qui s'y font
enfoncées & perdues , ne font pas rares. Les bâtimens,
dit-il , qu'on élevé fur de pareilles terres , ne font
jamais folides : ils fe haufTent en automne d'un pied
& demi ; & dans l'été ils redefcendent à leur pre-
jniere place.
joo A R G
Il y a une efpece ^argile favonmufc qui eft femlîetée
dans fa carrière ; elle n'a point alTez de dudilité pour
fe laifler travailler ; battue dans l'eau , elle fe réduit
en molécules très-fines , & forme de l'écume : c'efi:
V argile à foulon que l'on emploie aujourd'hui de
prétérence pour fouler les étoffes , même dans les
pays où fe trouve la prétendue véritable terre àfou-^
Ion , qui faifant un peu d'effervefcence avec les acides ,
eft du nombre des marnes. Foye^ Terre a foulon.
L'art nous préfente V argile tous les jours fous diverfes
formes dans les Manufactures de poterie qui font en
Champagne , en Normandie , en Picardie , en Languedoc ,
6c dans les Pays-Bas. On la voit employée dans les
Manufadures de terre , à Paris , au Faubourg Saint-
Antoine , où on en conftruit des poêles variés pour la
forme 6c pour la grandeur. C'eft toujours des efpeces
d'argiles que l'on emploie dans les Manufachires de
porcelaine , de faïence , de grès & de terre d'Angle-
terre. Foyei r article Glaise dans ce Didionnaire , &
Vartide TERRE ARGILEUSE dans notre Minéralogie,
Tome I , Clajfe 2.
M. Linnœus regarde les argiles comme le fédiment
terreux de la mer. M. Macqucr a donné fur les argiles ,
un Mémoire rem.pli de recherches curieufes ; on en
trouve un extrait au mot Argile dans le Di£lion-
naire de Chimie , qu'on peut confulîer. M. Baume a
donné auffi un très-bon Mémoire fur cette efpece de
terre. Les bols , les terres bolaires ow JigilUes , ne font auffi
que des efpeces d'argile. Voyez le mot Bols. A l'égard
de la terre à porcelaine , Voyez à V article KaOLIN.
ARGOUSSIER. Voye^ Hïppophaès.
ARGUILLE ou Motteux. Voyez Cul-blanc,
APvGUS , Ckœtodon Argus , Linn. Poifîbn de la mer
des Indes. Il eil du genre du Chètodon, Son corps,
dit Linnœus , eft couvert d'une multitude de points
noirs; la nageoire dorfale a vingt-huit rayons , dont
onze font épineux; les abdominales en ont fix, dont
A R G 501
un épineux ; celle de l'anus en a dix , dont trois épi-
neux; celle de la queue en a dix-fept,
Argus. On donne encore ce nom à un poiffon,'
mais qui eft du genre du Pkuromcie. Cette efpece fe
trouve à Surinam. Son corps offre quatre taches noires
que l'on a comparées à des yeux , d'où lui eft venu
le furnom ^ocdlatus (œillé). La nageoire du dos efl
comme pliffée , &: oére ioixante-fix rayons ; les na-
geoires pectorales en ont chacune trois , & les abdomi-
nales fix ; celle de l'anus en a cinquante-cinq ; celle de
la queue en a quatorze , ^ eft marquée d'une bandelette
noire.
Argus ou Luen. On donne ce nom à une efpece
de faifan qui fe trouve au nord de la Chine ; {ç.s
ailes & fa queue font feniées d'un très-grand nombre
de taches rondes femblables à des yeux ; les deux
plumes du milieu de la queue font très-longues &
excédent de beaucoup toutes les autres. Cet oifeau eft
de la groffeur du dindon , il a fur la tête une double
huppe qui fe couche en arrière. Tranf. Philofoph.
tome XL , page 88.
Argus. Nom que l'on donne à un fort joli petit
papillon de jour oc d'Europe , qui marche fur fes fix
pattes , dont les ailes font arrondies à l'extrémité ,
d'une envergure prefque égale ^ fur lefquelles on voit
la figure d'un grand nombre d'yeux ; fon corps eft
velu : ce papillon efl fort commun le long des haies ,
dans les prairies , fur les bords des marais & fur les
bruyères , même fur les genévriers. Il y a plufieurs
efpeces de ces papillons remarquables par des taches
en forme d'yeux deiTmés fur leurs ailes , notamment
au deifous. ils ne différent que par la couleur des ailes,
le nombre , la pofition & la couleur de ces efpeces
d'yeux ou points , qui leur ont fait donner le nom
A'argus. Ils paroiffent provenir de chenilles du genre
de celles que M. d& Réaumur appelle clopoms ^ 6c qui
Ç02 A R G
ont feize jambes. Foyei Particle cheml/e cloporte. Elles
fe métamorphofent en chryfalides nues , fufpendiies
horizontalement par la queue , &c par un lien au milieu
du corps. Il y a deux générations de ces papillons ,
ce qui fait qu'on les voit dans plufieurs mois de
l'année. Il y en a qui paroiiTent dès le Printemps. Ils
volent aiTez rapidement : on en voit jufqu'en Automne.
Il y a I .^ Vargus hku , fon mâle efl brun ; on le
trouve fur les fleurs du fainfoin , du trèfle &: du mé-
lilot. 2.^ Uargus bleu , découpé aux ailes inférieures ;
fa couleur d'azur change un peu en violet. Ce papillon
eu. le meleager à'Efper^ tom. I. pag. 375. 3.^ \J argus bleu
celijîe ; c'efi le bel argus d'EJpcr. 4.^ V argus bleu nacre;
c'eil le ceridon à'Efper 6l de Scopoli ; fa couleur a la
tranfparence &: le changeant de la nacre de perles ; il
paroît fréquenter le lotier odorant , ou trèfle mufqué
à fleur jaunâtre. 5.° V argus bleu pale; c'eft V/iylas
é^E/per. 6.° U argus bleu violet ; c'elt le plus petit des
argus bleus. J.^ L^ argus bleu à bandes brunes ; c^^i^ le
plus grand des argus bleus, C'eil Varion des Auteurs,
8.° h' argus bleu , à bandes brunes & à taches blanches ;
c'efl le buon à'Efper. 9.^ Le demi-argus ; c'efl Vargio-
lus des Auteurs. Sa chenille vit fur l'aune noir.
I G.*' \J argus Tvyvpe ; c'eit le phocas à'Efper ; fes ailes
inférieures ont ainfi que celles des argus fatinés , un
petit appendice comme les petits porte-queues , mais
infiniment m^oins marqué. {Vargus myope violet n'a
pas de points noirs au milieu des ailes inférieures. )
1 1 .° \Jùrgus vert ; c'ell: V argus ruhi de plufieurs Au-
teurs , oc X argus aveugle de M. Geoffroi , parce que le
deilbus de lés ailes n'a point d'yeux comme tous les
papillons de ce genre. 11.^ ]J argus bronzé ; c'efl le
phlœas de plufieurs Auteurs. Il s'en trouve une très-
grande efpece dans le pays des Grifons. Les ailes in-
férieures , dans cette efpece , font bronzées tant en
deflus qu'en defTous. 13.*^ h' argus jatiné ou papillon
de la verge -d'or ; la couleur ponceau a le briliaut du
A R G A R I 50?
fatln. î^,^ Uargus fatiné â taches noires ; c'eft Vhîppothoé
de la plupart des Auteurs : il y en a de changeans en
bleu violet. 15.^ U argus appelé le miroir. Voyez ce
mot. i6.° Vargus appelé cumedon par Efper, Voyez
Eumcdon,
Argus. Coquillage de mer , univalve , & du genre
des porcelaines. Voyez ce mot. Sa robe eil toute par-
femée de figures d'yeux ; c'eft ce qui l'a fait nommer
ainii , par allufion à V argus de la Fable.
Argus. (Serpent du Bréfil. ) Foyei Ibiboboca,
ARIANE. Variété du papillon appelé fatyre.
ARIMANON. Foyei Perruche (petite) à'Otahitl.
ARISTOLOCHE , Arijiolochia. On a donné ce nom
à un genre de plantes dont les racines , de quatre
efpeces , font d'ufage en Médecine.
La première eil Varijioloche ronde , Arijiolochia ro-
tunda ^ flore ex purpura nigro ^ Tournef. 161 ,0. B.
Pin. 307, J. B. 3. 559, Dod. Pempt. 324, Linn. 1364.
C'eil une racine tubéreufe ^ folide , arrondie , groffe
de trois pouces & garnie de quelques fibres de cou-
leur grife en dehors , jaunâtre en dedans , d'une faveur
acre & amere. Cette racine poulie plufieurs tiges far-
menteufes , anguleufes , hautes d'un pied & demi , qui
portent des feuilles vertes échancrées en cœur à l'in-
fertion du pédicule qui eil très-court , alternes &: vei-
nées. Les fleurs purpurines &: folitaires fcrtent des
aiflelles de ces feuilles , & font monopétales , irrégu-
lieres & en tuyau terminé par une languette : elles
font fans calice , placées au-deffus du germe , & ren-
ferment iix étamines attachées chacune à un piilil : à
ces fleurs fuccedent des fruits arrondis , membraneux,
divifés en fix loges , remplis de graines noires &
aplaties.
La deuxième eil Varifloloche longue , Ariflolochia longa^
vera^ C. B. Pin. 307,]. B. 3. 560, Dod. Pem.pt. 324:
Ariflolochia caudata ^ Jacquin. Sa racine émouifée par
l'extrémité , efl moins groife &: plus longue que la
î i 4
504 A R I
précédente : fa tige eft quadrangulaire , farmenteufe ;
îa feuille plus petite que dans la précédente efpece , &c
imitant aifez la forme d'un fer à cheval ; fa fleur eÛ
d'un vert blanchâtre , couverte intérieurement de poils
comme dans les fleurs des autres arifloloches. Le fruit
fufpendu par un pédicule plus ou m.oins long , repré-
fente un peu un encenfoir ; il a la forme d'une poire ,
ôc les graines en font brunâtres.
La troifieme eil Varijloloche clématite , ArïflolochicL
clcmaûtis vul^aris^ J. B. 3. 560; etiam recia^ C. B. Pin,
307. Sa racine eft longue, divifée en plufieurs branches,
peu groife , d'une odeur plus forte que les précédentes.
Cette racine , qui trace & ferpente de tous côtés ,
s'enfonce profondément dans la terre , & multiplie
beaucoup ; elle pouffe des tiges droites , fimples , fer-
mes , arrondies & cannelées ; les feuilles font alternes ,
petiolées , cordiformes &: veinées. Ses fleurs viennent
plufieurs en nombre dans chaque ainelle des feuilles ;
elles font jaunâtres. Les fruits font gros , ainfi que les
graines qu'ils contiennent.
La quatrième efl la petite arijloloche , Arijlolochia,
tennis ^Pijîolochia dicta ^ Tourn. 162, C. B. Pin. 307.
Sa racine efî: fîbreufe , jaunâtre , d'une odeur aroma-
tique affez agréable , d'une faveur acre & amere.
Ses fleurs ont la m-ême foiTne que celles de Varijlo-
loche ronde. Dans le commerce on appelle cette ra-
cine Varifloloche tenais.
Le fuc des racines à^arijlolcche rougit le papier bleu.
On fait beaucoup plus d'ufage des deux premières ef^
peces que des autres : elles font eflimées céphaliques ,
pe£lorales , hyilériques , vulnéraires , apéritives- &
alexipharmaques. Les femmes enceintes doivent éviter
d'en prendre intérieurement. Plufieurs Voyageurs pré-
tendent que toutes les efpeces à^ arifloloches ont la
propriété d'enchanter les ferpens ; mais l'on peut
douter de cette vertu. Elles font vivaces. L'effence
à'ariJioloch& eil employée par quelques Chirurgiens
A R I 505
contre les chairs fongueufes & dans les caries. On
nous apporte du Languedoc & de Provence , même
d'Efpagne, ces racines defféchées.
Parmi les arijioloches exotiques , on diflingue refpece
furnommée anguicide , Arijîolochia anguicida , Linn. Elle
croit naturellement aux environs de Carthagene , dans
la Nouvelle Efpagne ; elle croît auiîi à la Jamaïque
& au Mexique. M. Jacquin dit que fon odeur ell
défagréable &. nauféabonde ; fa racine , que l'on eilime
être la même que celle appelée aplnel^ eft cylindrique ,
rameufe , contient une moelle blanchâtre , pleine d'un
fuc amer , fétide & d'une couleur orangée : on dit
que ce fuc mêlé avec la falive par la maftication , &
répandu à la quantité d'une ou deux gouttes dans la
gueule d'un ferpent médiocre , l'enivre & l'hébête ,
ou l'étourdit tellement , qu'on peut alors le manier
impunément , & même le mettre fur fon fein fans ea
avoir rien à craindre , au moins pendant quelques
heures. Si on lui en fait avaler une quantité plus con-
fidérable , fur le champ fon corps eu faiii d'un trem-
blement convullif^ôc il meurt en peu de temps. Les
Américains qui ont connoiffance de ce fecret , faififfent
avec adreffe par le cou quelque ferpent des plus dan-
gereux , mais d'une groffeur médiocre , répandent dans
la gueule une dofe de falive imprégnée de ce fuc ,
fufHfante feulement pour hébêter l'animal , & le pré-
fentent dans cet état d'ivrefle au public , qui paye avec
pîailir ce petit fpedacle , à caufe de la fatisfadion qu'il
a d'apprendre un fecret pour fe garantir de la morlure
des ferpens. M. Jacquin convient que l'on fait fuir
au loin ces animaux , lorfqu'on approche d'eux avec
cette arijloloche. On peut , félon cet Auteur , avaler
quelques gouttes du fuc de cette racine fans en être
incommodé ; mais il préfume qu'une certaine quantité
de ce fuc occaiionneroit le vomiffement , ou caufe-
roit quelque mal. On lui a rapporté que ce même
fac appliqué fur la morfurç réççaîe d'un ferpent
ço6 A R L A R M
venimeux , eu pris intérieurement dans cette cir*
conilance, guénlfoit immanquablement.
ARLEQUIN DORÉ. C'efï le nom d'une efpece de
chryfomeU. On appelle arUquim une efpece de porce-
laine. Voyez ces mots.
ARMAI)ILLE ou Tatou. Nom donné à un genre
ou famille d'animaux , défignés dans les nomencla-
tures latines fous les dénominations de dafypus , cata^
■phraBuj , ufiuiinatiis eclimus. Les Efpagnols les appel-
lent armadillo : on prétend que c'efl: le fneuberdauo
des Portugais ; le hardato des Italiens ; le cajfamin des
Mexiquaiiis : le mot tatou, eil Caraïbe. C'efl impro-
prement que Scba a donné le nom de tatou au diable
de Java & de Tajova ou de Tavoyen , &: qui ell: dé-
figné dans plufieurs Auteurs fous le nom de lézard
i:ailkzLx. Voyez ces mots 6c les articles pangolin &c
p/iatagîn ; c'eil encore à tort que l'on appelle grand
armadilh à écailles mobiles , ce même U^ard écailleux.
Les tatous font à.t'^ animaux digités , cuiraffés , &
propres aux contrées chaudes de l'Amérique. Ces ani-
maux étoient donc inconnus avant la découverte du
Nouveau Monde. Leur caradere , dit M. Brijjon , efl
de n'avoir ni dents incifives , ni dents canines , mais
des molaires feulement. Leur corps , au lieu de poil ,
eft couvert d'iui têt femblable pour la fubflance à
celle des os ; ce têt qui couvre la tête , le cou , le
dos , les flancs , la croupe & la queue jufqu'à fon
extrémité , ell lui-même recouvert au dehors par un
cuir mince , Me & tranfparent ; les feules parties fur
lefquelles ce têt ne s'étend pas , font la gorge , la poi-
trine & le ventre , qui préfentent une peau blanche
& grenue comme celle d'une poule plumée ; & en
regardant ces parties avec attention , l'on y voit par-ci
par-là , Aqs ruciimens d'écaillés qui font de la même
fiMance que le têt du dos , & ce têt n'efl pas d'une
feule pièce comme celui de la tortue , il eil partagé en
.plufieurs bandes fur le corps , lefquelles font attachées
ARM 507
îes unes aux: autres par autant de membranes , qui
permettent un peu de mouvement dans cette armure
ou cuirafle. Le nombre de ces bandes ne dépend pas
de l'âge de l'animal , car les tatous nouveaux nés , &
les tatous adultes ont , dans la même ejpece , le même
nombre de bandes ; le tatou appelé apar , a trois ban-
des ; Vencoubcrt en a fix ; le tatmtc en a huit ; le cachi-
came en a neuf ; le kabajfou en a douze ; le cirquinçon
en a dix-huit. Ces efpeces fe voient , la plupart , au
Cabinet du Jardin du Roi.
Ce têt il lingulier dont les tatous font revêtus ;, eil
un véritable os compofé d'une multitude de petites
pièces contiguës , 6c qui , fans être mobiles ni articu-
lées 5 excepté aux commifiures des bandes , font réu-
nies par fymphyfe ^ & peuvent toutes fe féparer les
unes des autres , &: fe féparent en effet fi on les met
au feu. Lorfque l'animal efl vivant , ces petites pièces ,
tant celles des boucliers que celles des bandes mobiles ,
prêtent & obéiiTent en quelque façon à fes mouve-
mens , fur-tout à celui de contradion : ces petites
pièces offrent, fuivant les différentes efpeces, des figures
différentes , toujours arrangées réguliéremient comme
de la mofaïque très-élégamment diipofée ; la peUicule
ou le cuir mince dont le têt efl revêtu à l'extérieur ,
elf une p^au tranfparente qui fait l'effet d'un vernis
fur le corps de l'anim.al ; cette peau relevé de beau-
coup , & change même les reliefs des mofaiques , qui
paroiffent différens Icrfqu'elle efl enlevée. Au refie ce
têt offeux n'efl qu'une enveloppe indépendante de la
charpente & des autres parties intérieures du corps de
ranimai , dont les os & les autres parties conflituantes
du corps font compofées & organifées comme celles
de tous les autres quadrupèdes.
Ces anim.aux ont tous plus ou moins de facilité à
fe refferrer , & à contrafter leur corps en rond ; le
défaut de la cuirafle , lorfqu'ils font contrariés , efl
bien plus apparent dans ceux dont l'armure n'ell
5o8 ARM
compofée qiie d'un petit nombre de bandes ; aucun tatou
ne peut fe réduire auffi parfaitement en boule que le
hérïffon ; ils ont plutôt la figure d'une fphere fort
aplatie par les pôles.
Les tatous , en général , font des animaux innocens ,
trifles , ténébreux , & qui ne font aucun mal , à moins
qu'on ne les laifTe entrer dans les jardins , oii ils man-
gent les melons , les patates & les autres légumes ou
racines. On prétend qu'ils ne dédaignent pas les vers
de terre , les poux de bois , les fourmis , &;c. Quoique
originaires des climats chauds , ils peuvent vivre dans
les climats tempérés ; ils marchent avec vivacité ,
mais ils ne peuvent pour ainfi dire ni fauter , ni cou-
rir , ni grimper fur les arbres ^ en forte qu'ils ne peu-
vent guère échapper par la fuite à ceux qui les pour-
fuivent. Leur feule reiïoiirce efl de fe cacher dans
leur terrier , ou , s'ils en font trop éloignés , de tâcher
de s'en creufer un avant que d'être atteints ; & il ne
leur faut ^ue quelques momens pour cela : car les
taupes ne creufent pas la terre plus vite que les tatous ;
on les prend quelquefois par la queue avant qu'ils
n'y foient totalement enfoncés , &: ils font alors une
telle réfiflance , qu'on leur caffe la queue fans amener
le corps ; pour ne pas les mutiler , il faut ouvrir le
terrier par devant , ÔC alors on les prend fans qu'ils
puilTent faire aucune réfiflance. Les Indiens , pour leur
faire lâcher prife , leur chatouillent le ventre avec un
bâton. Dès qu'on les tient ils fe refferrent en boule ,
& pour les faire étendre on les met près du feu.
Leur têt , quoique dur & rigide , eft cependant fi
fenfible que quand on les touche un peu ferme avec
le doigt , l'animal en reffent une imprefîion affez vive
pour fe contrarier en entier. Lorfqu'ils font dans des
terriers profonds , on les en fait fortir en y faifant
entrer de la fumée , ou couler de l'eau : on prétend
qu'ils demeurent dans leurs terriers , fans en fortir ,
pendant plus d'un tiers de Tannée i ce qui efl: plus
ARM 509
vrai , c'efl: qu'ils s'y retirent pendant le jour , &C qu'ils
n'en Ibrtent que la nuit pour chercher leur fubfiilance.
On chafle le tatou avec de petits chiens , qui l'at-
teignent bientôt ; il n'attend pas même qu'ils Ibient
tout près de lui pour s'arrêter &L pour fe contrader
en rond ; dans cet état on le prend 6c on l'emporte.
S'il le trouve au bord d'un précipice , il échappe aux
chiens & aux chafîeurs : il fe reiïerre , fe laifîe tomber
&c roule comme une boule fans brifer fon écaille &
fans reiientir aucun mal.
Ces animaux font gras , replets &c très-féconds ; le
mâle porte à l'extérieur des fignes non équivoques
d'une grande aptitude à la génération ; la femelle
produit prefque tous les mois quatre petits ; ( l'on
prétend qu'il y en a des efpeces dont les portées font
de huit à dix , ) auffi l'elpece en eil-elle très-ncm-
breufe , ôc comme ils font bons à manger , on les
chafie de toutes les manières : on les prend aifément
avec des pièges que l'on tend au bord des eaux &
dans les autres lieux humides & chauds , qu'ils habi-
tent de préférence ; ils ne s'éloignent jamais de leurs
terriers qui font très-profonds, oc qu'ils tâchent de
regagner dès qu'ils font fur pris. On prétend qu'ils ne
craignent pas la morfure des ferpens à fonnettes , 6c
qu'ils vivent en paix avec ces reptiles dans leurs trou".
Les Sauvages font fervir le têt des tatous à plufieurs
iifages ; ils le peignent de différentes couleurs ; ils en
font des corbeilles , des boîtes 6c d'autres petits vaif-
feaux fol ides 6c légers.
Quoique nous ne pulfîlons pas afïïirer que tous les
tatous ne fe mêlent ni ne peuvent produire enfemble ,
il eft au moins très-probable , puifque la différence
du nombre des bandes , &;c. eft confiante , que ce
font tous des efpeces réellement difïindes , ou au
moins des variétés durables 6c produites par l'influence
des divers climats. Dans cette incertitude , nous
avons pris le parti de préfenter tous les tatous enfem-
510 ARM
bîe, & de faire néanmoins l'éniimératlon de chacun
d'eiLx , comme fi c'étoit en effet autant d'efpeces par-
ticulières. Dans toutes ces efJ3eces , ou races , à l'ex-
ception de celle du drquinçon , l'animal a deux boucliers
oiîeux, l'un fur les épaules, & l'autre fur la croupe;
ces deux boucliers font chacun d'une feule pièce ,
tandis que la cuiraiTe , qui efl ofTeufe auilî , & qui
couvre le corps , efl divilee tranfverfalement , & par-
tagée en plus ou moins de bandes mobiles & féparées
les unes des autres par une peau flexible ; mais le
cirquïnçon n'a qu'un bouclier , c'eft celui des épaules ;
la croupe, au lieu d'être couverte d'un bouclier , ell
revêtue , jufqu'à la queue , par des bandes mobiles
pareilles à celles du corps. Donnons maintenant des
indications claires , & de courtes defcriptions de cha-
cune de ces efpeces.
I .° L'Apar ou Tatou dont la cuirajfc , qui eft
entre deux boucliers, cfi CQmpofcc de trois bandes.
Ce tatou a la tête oblongue & prefque pyramidale ;
le miifeau pointu , les yeux petits , les oreilles courtes
& arrondies ; le deiTus de la tête couvert d'un cafque
d'une feule pièce ; il a 0nq doigts à tous les pieds ;
dans ceux de devant , les deux ongles du milieu font
très-grands , les deux latéraux font plus petits , & le
cinquième , qui efl l'extérieur , & qui efl fait en forme
d'ergot , efl encore plus petit que tous les autres ;
dans les pieds de deniere , les ongles font plus courts
& plus égaux ; la queue efl très - courte , elle n'a
que deux pouces de longueur , & elle efl revêtue d'un
têt tout autour ; le corps a un pied de longueur ,
fur huit pouces dans fa plus grande largeur ; la cui-
raiTe qui le couvre eft partagée par quatre commifTures
ou divifions , & compofée de trois bandes mobiles &
traniverfalcs , qui permettent à l'animal de fe courber
& de fe contracter en rond; la peau qui forme les
commifîures efl très-fouple. Les boucliers qui cou-
yrent ks épavdes vk k croupe , font çompofés de pièces
ARM 5Ji
à cinq angles , très-élégamment rangées; les trois ban-
des mobiles entre ces deux boucliers font compoiées
de pièces carrées ou barlongues , & chaque pièce eu
chargée de petites écailles lenticulaires dhin bianc jau-
nâtre.
Quand ce tatou fe couche pour donnîr , ou lorfque
quelqu'un le touche ou veut le prendre avec la main ,
il rapproche & réimit pour ainfi dire en un point
les quatre pieds , ramené fa tête fous fon ventre , 8c
fe courbe ii parfaitement en rond, qu'alors on le
prendroit plutôt pour une coquille de mer ( un nau-
tille épais ) que pour un animal terreflre. Cette con-
tra£tion fi forte fe fait au moyen de deux grands
mufcles qu'il a fur les côtés du corps ; & dans cet
état , les mains de l'homme le plus' fort parviennent
dilîicilement à le deflerrer & à le faire- étendre. Sa
chair efl aufîi blanche &C auiîi bonne que celle du
cochon de lait.
2,^ L'encoubert ou Tatou dont la asimjfe, qui
efl entre deux boucliers , ejl a fix hamies.
Ce taiou eu plus grand que le précédent ; il a en«
viron quatorze pouces de longueur , fans la queue,
'VencQuhzn a le ctelTus de la tête , du cou & du corps
entier , les jambes & la queue , tout autour , revêtus
d'un têt oileux , très-dur , & compofé de pîuileurs
pièces aiTez grandes & très - élégamment diîpofées.
Chaque bouclier efl d'une feule pièce ; il y a feule-
ment 5 au-delà du bouclier des épaules , & près de la
tête , une bande mobile entre deux jointures y qui
permet à l'animal de courber le cou.
Le bouclier des épaules eli formé par cinq ou fix
rangs parallèles compofés de petites pièces qui , tan-
tôt forment des hexagones irréguliers , tantôt font à
cinq ou à fix angles , avec une efpece d'ovale dans cha-
cune ; la cuirafTe du dos efî partagée en iix bandes ,
qui anticipent un peu les unes fur les autres , & i^cl
tiennent entre elles ôc aux boucliers par fept jointure^.,
512 ARM
d'une peau fcuple & épaifle ; ces bandes font compo-
fées aaffez grandes pièces carrées & barlongues ; de
cette peau cies jointures , il fort quelques poils blan-
châtres & femblables à ceux qui fe voient aufli en
très-petit nombre fous la gorge , la poitrine & le
ventre ; toutes ces parties inférieures ne font revêtues
que d'une peau grenue. Le bouclier de la croupe a un
bord dont la mofaïque efl femblable à celle des ban-
des mobiles; il a dix rangs parallèles compofés de
petites pièces droites , qui forment comme des cai-rés ;
les rangs qui approchent de l'extrémité vers la queue ,
perdent la forme carrée & deviennent plus arrondis.
La queue a environ fix pouces de longueur ; l'ani-
mal , en marchant , la porte haute 6c un peu courbée ;
le tronçon eft revêtu d'un têt offeux comme le
corps ; fix bandes inégales par gradation le couvrent ;
elles font compofées de petites pièces hexagones irré-
gulieres ; le têt de la tête efr long , large , & d'une
lëule pièce jufqu'à la bande mobile du cou ; le mufeau
efl aigu , les yeux petits , la langue étroite & pointue ;
les oreilles nues, courtes 6c brunes comme la peau
des jointures du dos ; dix-huit dents de grandeur mc-
diocre à chaque mâchoire ; cinq doigta à tous les pieds,
avec des ongles affez longs , arrondis & plutôt étroiis
que larges ; la tête &c le groin à-peu-près femblables
à ceux du cochon de lait. La couleur du corps eil
d'un jaune roufsâtre.
Ue/zcouben eu ordinairement épais &c gras , &c le
mâle a le membre génital très-apparent. îl fouille la
terre avec une extrême facilité, tant à l'aide de fon
groin que de fes ongles ; il fe fait un terrier où il fe
tient pendant le jour, & d'où il ne fort que lefoir pour
chercher fa fubfiflance ; il boit fouvent ; il vit de
fruits , de racines , d'infecles 6c d'oifeaux , lorfqu'il
peut en faifir. On prétend que fa chair efl d'un mau-
vais goût. Umcoubcn efl le tatou-pé du Père ^Abbi-
ville,
3°. Le
ARM ÎÏ5
5.® Le Tatuete ou Tatou dont la culrajfc ^ qui
eft entre deux boucliers , eji à huit bandas.
Ce tatou efl bien moins grand que Vencouhen , il eil
tnême un peu plus petit que Vapar^ Il n'a depuis la
tête juiquà l'origine de la queue , qu'environ dix
pouces de longueur ; il a la tête petite , le mufeaii
pointu , les oreilles droites , un peu alongées ; la
queue encore plus longue & les jambes moins baffes ,
à proportion que Vmcouhrt ; il a les yeux petits &
noirs ; quatre doigts aux pieds de devant , & cinq-
aux pieds de derrière : la tête efl couverte d'un cafque;
les épaules , d'un bouclier , ainfi que la croupe ; le corps ,
d'une cuiraffe compofée de huit bandes mobiles , qui
tiennent entre elles &; aux boucliers par neuf join-
tures de peau flexible : la queue , qui a à peu près
neuf pouces de longueur , efl revêtue de même d'un
t^l compofé de huit anneaux mobiles , &: féparé par
neuf jointures de peau flexible.
Le ventre efl couvert d'une peau blanchâtre, gre-
nue & femée de quelques poils. Le têî des boucliers
paroît femé de petites taches blanches , proéminentes
& larges comme des lentilles : les bandes mobiles
qui forment la cuiraffe du corps font marquées par
des figures triangulaires. La couleur de la cuiraffe fur
le dos efl d'un gris de fer; fur les flancs ôc fur la
queue elle eff d'un gris blanc , avec des taches gris
de fer ; ce têt n'efl pas dur ; le plus petit plomb fiifïït
pour le percer & pour tuer l'animal. Sa chair efl
bonne à manger & fort blanche. Cet animal efl l'/Zio-
tochtVi des Mexiquains.
4,^ Le Cachîcame ou Tatou dont la culrajfe ^
qui efl entre deux boucliers , efl a neuf bandes. ( Da--
fypus novem dncîus ^ Linn.) Excepté cette bande de plus,
le caclûcamz reffemble , à tous autres égards ^ au tatuete ^
Se il efl à préfumer qu'ils ne font pas réellement
deux efpeces différentes ; peut-être même le tatuettc
' cu-il le mâle 3^ le çaolmmu la femelle^ d'unç, feule Se
Tomih " Kk
514 ARM
même efpece , & qu'un plus grand nombre de bandes
eu néeelfaire aux femelles pour faciliter la geitation
& l'accouchement dans des animaux dont le corps eu
fi étroitement cwrafTé. Le cack came ell le tatou -min
de la Guiane.
5.^ Le Kabassou ou Tatou dont la culrajfe ^ qui
eft entre deux boucliers , efi à dou\ç bandes.
Le kahajfou efl le plus grand de tous les tatous ;
U a une forte odeur de mufc , qui fait que fa chair
n'ed pas mangeable.
Cet animal a la tête plus grofle , plus large , &
le mufeau moins effilé que les autres tatous ; il a
auiïi les jambes plus épaifles & les pieds plus gros ; la
queue n'a point de têt ; il a cinq doigts à tous les
pieds ; il a fur le corps douze bandes mobiles , qui
n'anticipent que peu les unes fur les autres. Le bou-
clier des épaules n'eft formé que de quatre ou cinq
rangs , compofés chacun de pièces quadrangulaires
afTez grandes ; les bandes mobiles font auiîi formées
<le grandes pièces , mais prefque exadlement carrées ;
celles qui compofent les rangs du bouclier de la croupe,
font à peu près femblables à celles du bouclier àes
épaules ; le cafque de la tête efl aufîi compofé de
pièces affez grandes , mais irrégulieres.
Les pièces qui compofent le cafque de la tête ,
celles des deux boucliers & de la cuiraiîe , font pro-
portionnellement plus grandes & en plus petit nombre
dans le kahajfou que dans les autres tatous. Entre les
jointures des bandes mobiles & des autres parties de
l'armure s'échappent quelques poils pareils à des foies
de cochon : il y a aufîi fur la poitrine, far le ventre,
fur les jambes & fur la queue des rudimens d'écaillés
qui font ronds , durs & polis comme le refle du
têt , & autour de ces petites écailles on diftingue
de petites houppes de poils. Le kabajfou s'appelle tatou-
ouajfou , dans les terres du Maragnon , ôc violon à la
Giiidne,
ARM 515
6.^ Le Cirquinçon ou Tatou à un feul houdUr
& à dix-huit bandes.
Nous avons dit que tous les autres tatous ont deux
boucliers , chacun d'une feule pièce ; le premier fur
les épaules , &: le fécond fur la croupe ; le cirquinçon n'en
a qu'un , &: il eft placé fur les épaules. On lui a donné
le nom de tatou-hdate , parce qu'il a la tête à peu
près de la même forme que celle de la belette. On
l'appelle aufîi tatou-ouinchum.
Le corps du tatou- drquinç on eft d'environ dix pou-
ces de long , la tête de trois , la queue de cinq ; les
jambes de deux ou trois pouces de hauteur ; le devant
de la tête large & plat ; les yeux petits ; les oreilles
longues d'un pouce ; cinq doigts aux quatre pieds ,
de grands ongles longs d'un pouce aux trois doigts
du milieu , des ongles plus courts aux autres doigts ;
l'armure de la tête 61 celle des jambes compofées d'é-
cailles arrondies , d'environ un quart de pouce de
<iiametre ; l'armure du cou d'une feule pièce , formée
de petites écailles carrées ; le bouclier des épaules aufîi
d'une feule pièce & compofé de pluiieurs rangs de
pareilles petites écailles carrées. Ces rangs du boucher,
dans cette efpece comme dans toutes les autres , font
continus & ne font pas féparés les uns des autres
par une peau flexible ; ils font adhérens par fymphyfe.
Tout le refte du corps , depuis le bouclier des épaules
jufqu'à la queue , efl couvert de dix-huit bandes mo-
biles & feparées les unes des autres par une mem-
brane fouple; les premières bandes du côté des épaules ,
font les plus larges , elles font compofées de petites
pièces carrées & barlongues ; les bandes poftérieures
font faites de pietés rondes ôc carrées , & l'extrémité
de l'armure , près de la queue , eil de figure parabo*
lique. La moitié antérieure de la queue eft environnée
de fix anneaux , dont les pièces font compofées de
petits carrés ; la féconde moitié , jufqu'à l'extrémité ,
efl couverte d'écaillés irrégulieres. La poitrine, le
5i(î ARM
ventre & les oreilies font nus comme dans les autre*
efpeces. Il femble que de tous les tatous celui-ci ait
plus de facilité, pour fe contrafter &: fe ferrer en boule ,
à caufe di| grand nombre de fes bandes mobiles.
Ce tatou'clrqidnçon fe trouve auffi au Sénégal ; il
paroît avoir été apporté du Bréfil en Guinée , &; s'y
erre naturalifé , comme tant d'autres efpeces en diffé-
rens lieiLx.
Il paroît que des fix efpeces de tatous dont nous
venons de faire l'énumération , les deux plus grandes
font le kabajfou &c Vcncouben ; que les petites efpeces
font Vapar ^ le tatuete , le cachicamc &L le cirquinçon»
Dans les grandes efpeces le têt eil beaucoup plus fo-
lide & plus dur que dans les petites; les pièces qui
le ccmpofent font plus grandes & en plus petit nom-
bre ; les bandes anticipent moins les unes fur les autres ,
6c la chair auiTi bien que la peau , eil plus dure ôc
moins bonne. On prétend que les tatous de la petite
efpece fe tiennent dans les terrains humides , &: habi-
tent les plaines , & que ceux de la grande efpece ne fe
trouvent que dans les lieux plus élevés & plus fecs. Enfin,
on voit que les tatous différent entre eux par la figure
de la tête , la longueur des jambes , le nombre des
doigts , des ongles , des bandes , àes boucliers ,' des
écailles , par la longueur de la queue , par la couleur ,
par l'odeur &: par les poils. Les bandes de la cuirafTe
font d'une teinte plus ou m.oins foncée ; dans des
efpeces, elle eil ou jaunâtre, ou grifâtre, ourouflatre;
dans d'autres , brunâtre , noirâtre , &:c. L'efpece appelée
à la/ Guiane , violon , a la queue mollaiie , 6l a
feulement des rudim.ens d'écaillés.
Armadille à grandes écailles mobiles de Séba ;
c'efl le Pangolin. Voyei ^^ ^^^•
ARMÉ ( l' ) , Cottus quadricomis , Linn. Nom d'un
poiilbn qui efi commun dans les différens Détroits de
la mer Baltique. Il efl du genre du Cotte. C'efl le
korn-Jimpa des Suédois. Suivant Amdi , la tête de
k R M fi7
ce poiffoneft aplatie- , plus large que le corps , &
chargée , nôtammeiit fur les côtés , de beaucoup d'ai-
guillons Ôc de tubercules. La mâchoire fupérieure efl
lin peu plus longue que l'inférieure ; l'ouverture de
la gueule très-large ; les narines plus près des yeux
que du mufeau , 6l très-écartées entre elles ; les mâ-
choires garnies de plufieurs rangées de petites dents ;
des os dentelés au palais & au gofier ; les yeux voifms
Pun de l'autre , & fitués fur la partie fupérieure de la
tête ; les iris petites &c d'un jaune-rougeâtre ; la pru-
nelle efl ovalaire , verte ou d'un bleu-jaunâtre. Sur le
milieu de la tête sxlevent quatre tubercules , fembla-
bles à des cornes , & difpofés aux quatre angles d'un
carré ; ceux de devant font communément plus gros
& plus arrondis , &: ceux de derrière plus alongés ,
leur furface efl: âpre au toucher. Indépendamment de
ces tubercules , plus de vingt apophyfes oiTeufes &
aiguës fortent des os & des lames de chaque mâ-
choire ; elles font recouvertes feulement d'une peau
mince. Il y en a deux de part & d'autre vers la partie
fupérieure des membranes des ouïes ; trois autres plus
grandes à côté de la corne fituée au-deffus de chacune
des mêmes membranes; deux auprès des narines; une
vers le haut de chaque nageoire pedorale , &; deux
encore entre les cornes , vers la naiffance du dos ,
fans compter d'autres tubercules obtus &: à peine {en"
fibles. Les ouvertures des ouïes offrent des tubercules
arrondis &: âpres. Il y a encore au-defTus de chaque
ligne latérale , deux files de tubercules affez petits &
rudes au toucher : la rangée fupérieure en offre en-
viron quarante ; l'inférieure environ quatorze. La
première nageoire du dos a huit ou dix rayons fimples ;
la deuxième en a quatorze ou quinze. Les deux nageoires
pedorales , larges & étendues , ont chacune ieize à
dix-fept rayons affez longs ; les abdominales en ont
quatre ; celle de l'anus en a quatorze ; la queue , dont
l'extrémité çû à -peu -près de niveau , en a douze 3.
5î8 ARM
dont les dix intermédiaires font fendus en deux à lent
fommet. Ce poiiTon , qui fe nourrit d'infettes &c de
vers marins , eil d'une couleur tantôt blanchâtre 6c
tantôt fombre , avec des lignes noires fitiiées tranf-
verfalement fiir les côtés ; le ventre eil blanc ; les
nageoires , &c fur-tout la queue , font fouvent mar-
quées de taches noirâtres.
Armé (P) , Silums mïlïtarïs ^ Linn. Cette efpece
eil du genre du Sïlurt , & fe trouve en Afie ; ce
poiiTon a près de la gueule deux barbillons aplatis ,
roides , & d'une confiilance oileufe ; le premier rayon
de la nageoire dorfale eil à peine fenfiblement épi-
neux ; cette nageoire eil charnue dans fa partie
poilérieure ; le dos relevé en forme d'éminence vers
cette même nageoire ; la ligne latérale n'a aucune
courbure. Les yeux font fitués fur les côtés de la
tête. La nageoire dorfale citre fept rayons , ainii que
chacune des abdominales ; chacune des pectorales ,
onze ; celle de l'anus , vingt ; celle de la queue , dix-
huit.
AP^MÉNISTAIRE , efpece ^onk marim. Voyez u
met,
ARMES , Arma, Les Cabinets des Curieux offrent
à l'œil & à la réflexion les différentes efpeces di armes
que les humains ont inventées pour l'attaque & la
dëfenfe. Comme dans les brutes , les premières armes
de l'homme irrité furent fes dents , fes ongles , i^s,
pieds 5 fes bras. Heureux ii l'art ne lui en eût pas mis
à la main de plus ten'ibles. Bientôt l'homme ajouta
à fes armes naturelles , la pierre & le bois qu'il
rencontra. Il augmenta , par l'ufage de la fronde ^
la rapidité avec laquelle il lançoit la pierre. La pierre
fut aiguifée, & devint la hache. Voyez Hache de pierre.
Le bois armé de fer , devint la pique &: la flèche. La
flèche parut plus perfide , plus fatale fuivant le tra-
vail de fcn fer ou des offemens de poiiîbn que l'on
avoxt l'art d'empoifcnner fecrétement à l'aide d'un fuç
ARM J19
yangereilX ; avec le bois pliant , élaftîqiie ^ on forma
l'arc pour lancer la flèche plus loin & avec plus de
force. Voyez Arc. L'art de nuire , de fe détruire , fe
perfedionna ; on arma un manche de bois ou d'autres
matières , d'une grofîe boule dure ; voilà le caffc-têu ;
on travailla le fer : on fît des coutelas , des éj^ées , des
fabres. Le crit devint Varme favorite , notamment des
Habitans de Malaca ( c'eft une efpece de poignard en
acier fin , dont la lame efl large &: ondée par les bords ,
pénétrée , lors de fa fabrique , d'un poifon fi fubtil 6c
îi adif , fur-tout en été , que la moindre égratignure
que fait cet infiniment eft , dit-on , mortelle ). Le
même art fe joignant à la fiireur , on inventa mille
armes plus terribles les unes que les autres , on alla
chercher la foudre jufque dans les fecrets de la Nature.
L'homme , pour réfiiler à l'homme , fon ennemi le
plus cruel , conçut le moyen de former des armes
défenfives , des boucliers de bois , de cuir , de fer ,
des culrajfes , des rondachzs , des armures qui les cou-
vroient de pied en cap , eux & leurs chevaux. Enfin ,
quand les hommes fe furent armés de leur tonnerre ,
tous ces préfervatifs de leur deflrudion devinrent
prefque inutiles. Qui ne connoît l'effet meurtrier du
fufil 5 du canon , de la bombe , &:c, ?
On voit encore dans les Cabinets , divers inflrumens
que la fuperflition a fait fabriquer ; ce font les fpata
éc fcopellœ Arufpicum, Ces inflrumens fervoient aux
Arufpices pour fouiller dans les entrailles des animaux
immolés , oii ils croyoient lire la volonté de leurs
Dieux &: les préfages de l'avenir. Les Romains en-
voyoient tous les ans de jeunes gens de famille illuflre
pour s'inflruire dans l'art des Arufpices, Ils avoient aufîî
des Augures chargés d'obferver l'avenir par le vol des
oifeaux , &; par l'appétit des poulets facrés. C'efl en
confidérant le ridicule de ces cérémonies fuperflitieu-
fes 5 que des gens fenfés s'étonnoient comment deux
Augures pouvoient s'entre-regarder fans éclater de rire*
K.k 4
520 A R M _ A R O
Les Prêtres de Iiiidah ont iin motif plus particulier clans "
le culte de leurs Ûivinités. A^oj^^ l'article Serpent fétiche^
APvMOISE ou Herbe de la Saint-Jean , ^nc-
viïjia vulgaris ^ Linn. 1188; & major ^ cauh & flore
purpurafcentibiis ^ C. B. Pin. 137. Plante vivace ; fa
racine , qui eft longue , rampante , fibreufe , douce &
aromatique , pouffe plufieurs tiges cannelées & velues,
droites & fermes , purpurines ou d'un vert-blanchâtre ;
elles s'élèvent à la hauteur de deux à quatre ■ pieds.
Ses feuilles font nombreiifes , placées alternative-
ment , pinnatifîdes , découpées , d'un vert foncé en
defRis 5 blanchâtres en deffous : elles ont un petit
goût d'herbe falée , &; rougiffent un peu le papier
Bleu. Ses fleurs naiffent en g;rand nombre au fommet
des rameaux , & font compofées de plufieurs fleurons
purpurins : fa graine eil fembléible à celle de l'abfmthe :
les fleurs ont une odeur aromatique. Cette plante croît
fur le bord des foffés & des ruiffeaux, & dans les
prés , tant en Europe qu'en Afie. Elle fleurit au mois
d'Août.
Le nom latin Artemijia , a été donné à cette plante
par Artlrîiife , reine de Carie , qui s'en fervoit pour
guérir les coliques & les paflions hyflériques ; en effet ,
Varmoife efl utérine , antihyfférique , & même anti-
fpafm.odiqiie : on trouve quelquefois de vieilles racines
^anrïoift , mortes & defféchées , devenues noires par'
la pourriture , reffemblantes à du charbon ; mais elles
ne font point deffituées de principes aâ:ifs. On trouve
de femblables charbons fous l'abfmthe , le plantain , &:
autres plantes. Uarmoifc entre dans diverfes prépara-^
tions , dans l'eau vulnéraire &: l'eau hyflérique.
ARNIQUE , Arnica, Voyez à l'article DoRONïC.
AROLE DES ALPES. Voyei a l'article PiN.
AROMAl'ES 5 Aromata, On comprend , fous ce
nom générique , tous les végétaux pourvus d'une huile
& d'un fel acre , qui , par leur union , forment une
fubftance l^avonneufe ^ qui eft le principe de l'odeur 6c
A R O 521
îîu goût acre , ilimuîant &c échauiiant qu'on y dé-
couvre. Tels font le c/ou de, glrofie , la cannelle , le
poivre , le gingembre & le màcls. Les cliiTërens aromates
peuvent être d'un grand fecours lorfqu'il s'agit de
donner du rellbrt à l'eilomac & aux inteilins. L'ufage
habituel en efl dangereux , ainfi que l'odeur des fleurs
dont les érrianaticns font fortes &: fuaves. On a vu
en Hollande des Matelots endormis lur des ballots
de fafran & d'épicerie , périr aiphyxiés. Foye^
Parfum.
AROMATITE. Pierre d'une fubflance bitumineufe ,
& fort rePiemblante par fa couleur & fon odeur , à
la myrrhe. On la trouve en Egypte 5c en Arabie. Les
Anciens en fiifoient beaucoup de cas. Peut-être ^ix-ce
' la même pierre dont Pline fait mention fous le nom de
myrrhina.' peut-être aufli n'efl-ce que la pierre ohfi'
dienne. Voyez ce mot & l'article Va/es Mirrhins.
AP»^OMPO ou Mangeur d'hommes. Quadrupède
de la Côte d'Or , dont le poil long & délié , efl d'un
brun pâle , &: quelquefois rougeâtre. Uarompo fe fait
remarquer par une queue fort longue , terminée à fon
extrémité par une touffe de poils. Les Nègres l'appel-
lent mangeur d'hommes , parce qu'il fe nourrit de cada-
vres humains qii^'û déterre avec fes ongles. Uarompo
eu peut-être' le chacal. Voyez ce mot. Voyez auffi
t article M ANTI C H ORE .
AROUGHEUN. Animal que l'on trouve en Virgi-
nie , &: qui , fuivant lancienne Encyclopédie , eft tout
femblable au caflor , à l'exception qu'il vit fur les
arbres comme les écureuils. Que de difparates dans
cet expcfé , quelle incohérence fur le compte de
la Nature ! quel peut être cet anim.al ?
La peau de cet animal' forme , dit-on , une partie
du commerce que les Anglois font avec les Sauvages
voifms de la Virginie. Cette fourrure efi fort eilimée
en Angleterre. Voilà tout ce que nous favons fur
Varoughun^
fil A R O A R Q
AROU-HARISI. Nom donné dans quelques Pro-^^
vinces des Indes , au rhinocéros. Voyez ce mot,
ARPENTEUR. Foye^ Pluvier (grand).
ARQUE (!') 5 Ckcetodon arcuatus , Linn. : Acarauna
txigua nigra , &c. Lift. : Guapirva^ Marcgr. Ce poiflbn
qui fe trouve dans les Indes , efl du genre du Chczto^
don ; il a la tête & le corps aplati par les côtés ; le
corps eil néanmoins large à: mince dans fon épaiffeur ;
le mufeau court ; les yeux en font plus près que dans
les autres efpeces du même genre ; la mâchoire de
delTous dépallé un peu la fupérieure ; l'une ôc l'autre
font garnies de pluneurs rangées de dents oblongues ,
contiguës & preffées ; la lame intermédiaire de l'oper-
cule des ouïes eft terminée inférieurement par un
grand & fort aiguillon , fitué dans une pofition ren-
verfée ; il y a cinq rayons minces à la membrane des
ouïes ; la nageoire dorfale , très-élevée en fon milieu ,
eft garnie de cinquante-un rayons , dont les antérieurs
font fermes , les poilérieurs mous &: fourchus ; les
nageoires pedorales font noirâtres , garnies de dix-neuf
ou vingt rayons, prefque tous rameux par le bout: les
abdominales font d'un noir foncé , & ont chacune fix
rayons , dont le premier eft en forme d'aiguillon ,
les fuivans très-rameux par le bout ; la nageoire de
la queue eft ample oc faiilante par le milieu , garnie
de vingt'fept rayons , dont les trois premiers font fort
aigus 5 les auti-es mous & fourchus à leur fommet ",
ceux du milieu très-longs. Les membranes des nageoires
du dos & de la queue font fermes , épaifles , écail-
îeufes. La couleur de tout le corps , ainfi que des
nageoires , eft noire ou bnme , & marquée de part
& d'autre de quatre bandes étroites, jaunes ou blan-
ches , fituées tranfverfalement & plus ou moins cour-
bes ; la première paffe par le milieu des opercules des
ouïes, les deux fuivantes entourent le milieu du corps %
la quatrième entoure la naiiTance ôi l'extrémité de la,
queue. {Arudi.')
A R R 52J
ARREPIT. Foyei Troglodyte.
ARRÊTE-BŒUF ou Bugrane à longues épines ,
'Anonis aut Ononls légitima antlquonim , Lmn. , Tourn.
Cette plante croît dans les champs dont le terrain efl
fec, dans l'Europe Auflrale ; elle jette plufieurs tiges à la
hauteur d'un pied , qui font armées d épines longues,
droites &: dures , quelquefois vii'cueules au toucher.
Les feuilles , qui font ovales , velues , vertes , odo-
rantes 5 nailTent alternativement au nombre de trois à
la bafe de la plante ; les autres feuilles font fimples ,
avec des itipules. Les fleurs font légumineui'es , pur-
purines &: incarnates , quelquefois inférées deux à
deux fur un même point. Le fruit a la forme d'une
petite gouilë , qui contient des fernences en forme de
reins ; les racines font vivaces , longues , ligneufes ,
fibreufes &: difnciles à rompre : celles qui arrêtent
fouvent les charrues des laboureurs , appartiennent à
V arrêu'hœuf des champs ; fa racine ell d'un goût défa-
gréable. On la met communément parmi les cinq petites
racines apérltives , qui font celles ^anêu-hœuf ^ de
câprier ^ de cJiardon-roland , de ch'izndent &C de garerzce^
Voyez cis mots. Les feuilles de V arrête-bœuf ^ en gar-
garifme , font bonnes pour le fcorbut. Voyei;^ ma'mtcnant
l'article BuGRANE.
ARP.ÊTE-NEF. Foyei Remore.
ARRÏAN. Voyei Vautour des Pyrénées.
ARRIERE-FAIX ou Délivre , Secundina. C'eft la
membrane ou tunique dans laquelle étoit enveloppé
le fœtus dans la matrice. On l'appelle ainfi , parce
qu'il ne fort qu'après le nouveau-né , comme par un
fécond accouchement. Uarriere-faix contient le pla"
centa , Qiepar uterinum ,) & les vaiiTeaux ombilicaux, ^
Voyei fon article , à la fuite du mot Homme.
ARROCHE , A triplex. Nom donné à des plantes
de genres dilFérens ; nous citerons ici en exemple quel-
ques efpeces.
VArroche blanche^ connue aufli fous le nom de bonnet'
524 A R R
dame ou follette^ A triplex kortenjis ^ Linn. 1493 ; &alha]^
fvc pallidz vircTîs^^ C. B. P. 119, Tourn. 505 , a une
jracine droite , fibreufe & annuelle. Sa tige eft haute
de trois , quatre à cinq pieds , droite &: branchue ,
arrondie ve?s le bas , & anguleufe vers le haut. Sqs
feuilles font alternes , pétiolées ^ lifîes , molles , trian-
gulaires , d'un vert -jaunâtre , '&: comme farineufes.
Ses fleurs qui naiffent en épis à l'extrémité des bran-
ches , font 5 dît M. Deleuie , ou hermaphrodites , ou
femelles. Les unes 6c les autres font fans pétales ; les
premières ont un calice à cinq feuilles , cinq étamines
^ un piftil refendu en deux : les fieurs femelles ont
un calice à deux feuilles , &: le piilil. Les fem.ences
font brunâtres , aplaties & enveloppées d'une efpece
de capfuîe formée par le calice.
h\4rrockc rouge ^ AtripUx hortznjis , ruhra^ C. B. Pin;
•319 , ne diffère de Pefpece précédente que par la
couleur de fang ou de pourpre fale dont elle eft teinte
fur fa tige & fur fes feuilles. On prétend que ces deux
nrroches font originaires d'Afie.
h'^Arrocke puante , ou vulvaire , Ckenopodium vulva-
'^la ^ Linn. 320 , qui elt le chenopodium fœtidum des
ïnftit. de Tournef. 506, & le garofmus , Dod. Pempt.
616. Uraripkx olida ofîcin. , Ger. 258 , eft d'un
autre genre de Vatripkx : fes tiges font rampantes ou
couchées , blanchâtres , longues de fept à huit pouces :
fes feuilles qui font ovales ou rhomboïdales , petites
&: fans dentelures , font chargées d'une poulTiere Tai'i^
neufe ou écailleufe , qui leur donne un afpe£l bfen-
châtre comme celles de Varrocke maritime , dite pour-^
pier de mer ; ces feuilles kx^cX froiffées , ont une
odeur de ganwi ou de maquei'eau pourri , en un mot
d'une faumure de poillbn corrompue ; fes fleurs font
petites , en grappes , terminales & axillaires. Cette
(irroche puante eft antihyflérique. Elle croît le long des
murs & dans les lieux incultes. Les chiens prennent
plaifir à fe frotter contre cette pknte*
A R R ^2^
On peut fubffituer dans la Cuifine , aînfi que dans
la Médecine , les deux premières elpeces aux feuilles
de poirée , ou à celles d'épinard , foit pour le potage ,
foit pour les décodions émollientes , rafraîchiffantes
& laxatives. On les cultive pour cela dans les jardins
potagers. Lorfqu'on les a femées une fois , elles fe
refement & fe renouvellent tous les ans par le moyent
de leur graine qui tombe.
Linnœus a donné le nom de hUttes à deux autresr
efpeces à^arrcches : l'une eil la blette emlée , hUtium
virgatum , Linn. 7. Sa tige eil haute d'un pied ou
environ , fbible , glabre , anguleufe ; fes feuilles font
alternes , triangulaires ; fes fleurs très-petites , ramaiiees
par pelotons , éparfes &; axillaires dans toute la lon-
gueur de la tige : ces pelotons deviennent des fruits
rouges en forme de mûres ou de fraifes rouges. L'autre
efl la blette en tête , blitum capitatum , Linn. 6. Elle
ne diffère de la précédente que par fes pelotons ramaifés
au fommet des tiges , oc non épars dans toute leur
longueur. Ces deux efpeces font annuelles , originaires
des pays Méridionaux , & fe cultivent dans les jardins.'
Arrocke en arbrisseau. Voy&i^ Pourpier de.
MER.
ARROSOIR. Voye^ fon article à la fuite du mot
Tuyaux de mer.
ARROUMA ou Herbe aux hebechets , Falma.
dactylifera humilis , cannacoroides , caudice tenui fifjili ,'
Earr. Eff. p. 89. Plante de la Guiane ;' qui paiTe
pour être une efpece de pineau. Voyez ce met. Ella
croît le long des prairies & dans les fonds gras <5c
marécageux , à la hauteur d'environ dix pieds. Sa tige
eil anguleufe , fans nœuds & groife commue le doigt.
Elle fe fend aifement en long comme rofier-n-anc ;
& la pellicule forte qui fert d'écorce à la côte à^s
feuilles , fe levé avec un couteau par bandes d'ua
demi-pouce au plus. On en fait différens inf^rumens ,
dont les Sauvages fe f^rveiu da/îs leurs travaux. Ces
^i6 A R S
peuples font très - adroits à remployer dans leurs
ouvrages de vannerie : leurs pagaras ou corbeilles ,
catolis ou hottes , racouma ou couleuvres , c'eft-à-dire
les prefles , &: leurs matoutcu ou petites tables à man-
ger , fe tirent de la même plante.
Aux environs du Para , il y a de petits paniers nom-
més baca'U , de diverfes formes , &: variés par un
coloris artificiel , qui ne font qu'un tiHu délicat de
petits brins de la tige à'arrouma 6c de fes feuilles.
Barrere croit qu'avec cette plante on pourroit faire des
nattes. Quand les Sauvages ont coupé les tiges de la
longueur qui leur convient , ils en ôtent l'écorce verte
avec le dos d'un couteau , vont enfuite au bord de
Teau paffer , dans leurs mains pleines de fable , les
brins coupés pour enlever le peu d'écorce qui refte :
ils noircilient enfuite ces brins , les divifent en quatre
quartiers , & chaque partie en deux , tirant en même
temps la moelle qui eft au centre : en mettant alors
un des deux bouts entre leurs dents , & le tenant de
la main gauche , ils lèvent encore de la main droite
une lanière fort fine dont ils font leurs ouvrages , &
qu'on pourroit employer au mêm.e ufage que le rotin ,
dont il a la couleur quand il efl fec. Foye^ RoTiN ^
Maif. Rujl, de Caycnne, AJarrouma fe nomme aroman
aux Ifles ; aticom par les hommes Caraïbes , oiiallo^
man par les femmes. C'eft une efpece de bïhai du
Père Plumier,
ARSENIC , Arfmicum. Subfiance minérale , pefante,
volatile , extrêmement caiiilique & corrofive , ce qui
la rend un des poifons les plus violens. On diflingue
plufieurs fortes à\irfcnic : Tun qui efl rouge , c'eft le
rialgar; l'autre qui efl jaune , c'ell Vorpimmt, Il y a
encore le mijpikel , efpece de pyrite aifnicak blanche
argentine. Foyei ces mots. Il ne s'agira ici que de
Varfmïc blanc & de Varfmic noir. Celui-ci efl Varfemc
de mine ou primitif Sa couleur efl d'un gris-noirâtre ,
d'un tifiu grenelé ëc feuilleté , plus ou moins corn-
A R s 527
pafte j fort pefant , briiiant dans l'endroit de la frac-
ture , fe terniffant à l'air, très-commun dans les mines
de Saxe & de Suéde. On l'appelle aufli arfaiic ufiad^
ou par couches. Foyc^ Michen pulver.
\Iarfmic blanc , que l'on nomme auiîi fimplement
arfinic , n'eft , à proprement parler , qu'une chaux
métallique , qui , lorlqu'elle efl unie avec le phlogif-
tique 5 forme le régule d'arfenic , qui efl un vrai demi-
métal très-C3raâ:érifé & bien ditférent des autres fub-
ilances métalliques. Uarfmic fous forme régulière ou
réguline , & nouvellement réduit , a un afped brillant
& argentin ; fa criilallifation qui lui efl propre , offre
<les pyramides triangulaires &: quelquefois tétraèdres.
Il perd fon éclat à l'air 6c devient noir. ( Confultez
Mém, de V Acad, de Suéde , tom, VI , ann. ly^^ ). La
■chaux métaUique de Yarjlnlc a des propriétés iingulieres
qui la rendent unique dans fon efpece , tant par {qs
«ffets meurtriers que par des phénomènes partie uhers
qu'elle préfente lorfqu'on la traite chimiquement.
Elle efl en même temps terre métallique oc lubfîance
faline , également volatile fur le feu , & diflbluble dans
î'eau &; dans tous les acides. Sa criftallifation efl
odaëdre ; mais en maffe , la chaux à^arfmk eil vi-
treufe.
Uarfenîc rend aigres &: caffans tous les métaux avec
lefquels il s'unit ; il les rend aufïï d'autant plus fufibles
qu'il y efl combiné en plus grande quantité ; il faut
feulement en excepter l'étain , qui par fon mélange
devient beaucoup plus dur & de moins facile fulion.
Il donne au cuivre la blancheur de l'argent , au point
que de Faux-monnoyeurs en ont abufé.
Uarfenic facilite la fufion de plufieurs matières ré-
fraftaires ; de là vient qu'on le fait entrer dans la corn*,
pofition de plufieurs criftaux , auxquels il donne
beaucoup de netteté & de blancheur , à -peu -près
comme le borax. Si la quantité qu'on y en introduit eil
un peu trop grande , les çriftciux fs terniiîent beaucoup
528 A R S
plus promptement par l'aclion de Pair. Les Teinturiers
emploient aufTi Varfmïc dans plufieurs de leurs opé-
rations.
h'arfenic & fon régule pouvant fe combiner avec
plufieurs métaux , on les fait entrer dans certaines
comportions , telles que le cuivre blanc ou tombac blanc ,
& dans les compofitions métalliques de cuivre ôi
d'étain , que Ton emploie pour les miroirs ardens.
Varfmic ayant la propriété de fe diiToudre dans
l'eau , dans le vinaigre , même dans les grailles 6c
dans les huiles , &:c. Ton peut conclure , dit M. Brandt ,
qu'on peut s'en fervir pour compofer avec la poix ,
la réfme , le foufre , &:c. des efpeces de vernis , dont
on pourroit couvrir le bois , aiîn de le garantir de la
pourriture &: de la vermoulure ; ce qui feroit d'une
très-grande utilité , tant pour les navires & les autres
bâtimens pour lefquels on emploie du bois , que pour
les digues dont on fe fert pour retenir les eaux de la
ïîier. Acl, Acad, Upfal ^ T. II L lyjj.
Uarfenic eft un poifon des plus corrofifs : ceux qui
en font empoifonnés , font attaqués de vomiffemens ,
lueurs froides , convulfions & autres fymptômes , fuivis
de la mort , fi l'on n'y apporte un prompt fecours.
Les remèdes les meilleurs font l'huile & le lait; peut-
être les matières abforbantes &: alkalines , ainfi qu'il
efî dit dans le Diclionnaire de Chimie , produiraient-
elles de bons erfets , à caufe de la propriété qu'a
Varfm'x , par (on acide , de fe combiner & de fe neu-
tralifer , en quelque façon , avec cos ikbftances {a).
Les Maréchaux emploient Varfcnic pour fcarifier les
chairs des chevaux.
La préfence de Varfenic peut fe reconnoître facile-
ment :
\a) On ne d:itp!us mettre au nombre des conjectures l'efficacité
des fe!s aikalis contre le poifon arfenical ; c'eft , dit M. Bours^cois ,
l'antidote le plus afTuré que je connoiiTe , & dont j'ai vu les fuccès les
plus heureux. On peut même fe fervir de la leiuve des cendres 4i|
cuif:ne à défaut de fel de tartre, contre ce poifon mcrui,
ART 519
ment ; il fuuit de jeter fur une pelle rouge quelques
grains des matières où l'on foupçonne ce poifon , il
répand à l'inftant une odeur d'ail. 11 blanchit auiTi le
cuivre , le fer , &c.
Uarfenic qui eft dans le commerce , fe tire dans
les travaux en grand , que l'on fait en Saxe peur
obtenir le hku d'azur du cobalt , demi - métal avec
lequel il eu. communément mélangé. Foye^ r article
Cobalt dans notre Minéralogie. Varfenic blanc natif
efl: en petits criflaux de figure indéterminée ; cet arfenic
eil très-rare.
ARTERES. Foyei ^ ^^ f^^^^^ ^^ l* article. HOMME.
ARTHOLITE ou Pain du diable. Nom donné
à un corps figuré &: fofTile, qui relTemble ou à un
gâteau , ou à du pain d'épice , ou à un pâté. Voyez
Corps figurés , à l'article Corps & Pain foJjîU.
ARTICHAUT , Cïnara hortenjîs ^foliis non aculcatis ^
C. B. Pin. 383 : Scolymus non aculeatus , Ang. Tab.
Plante potagère , vivace , originaire d'Italie , & qui
porte des fleurs purpurines , violettes , à fleurons dé-
coupés 5 portés chacun fur un embryon , & renfermées
dans un calice écailleux & ordinairement épineux.
L'embryon devient dans la fuite une femence ovale >
prefque tetragone , garnie d'aigrettes : le port de Var-
tichaut efl un caraûere qui le diflingue facilement des
chardons. Ses feuilles font alternes , longues , molles ,
divifées en lanières larges , profondément découpées ,
prefque épineufes par les bords , d'un vert cendré en
defTus , couvertes en deffous d'un duvet blanchâtre. Sa
racine qui ell ferme , groffe , longue , fufiforme , pouffe
une tige droite , épaiffe , cannelée , cotonneufe , qui
s'élève à deux ou trois pieds de hauteur , garnie de
quelques rameaux , au fommet defquels efl une tête
écailleufe, fort groffe , terminée en pointe , & qui
n'efl que le calice de la fleur : chaque écaille efl
large, d'un vert de mer , charnue à la bafe qui efî
épaifTe , tendre , bonne à manger &: blanchâtre : la
Toms, /, 1, 1
530 ART
partie inférieure du calice ou le placenta ' des femences
eil fort dilaté , également charnu & bon à manger :
on l'appelle cul £ artichaut.
îl y a cinq efpeces ^artichauts connues dans notre
climat; favoir, le vert ^ le violet y le rouge, \ç.fucrldiù
Gènes & le bUnc ; chacune de ces efpeces a fes avan-
tages & fes inconvéniens. Le blanc ell le plus hâtif,
mais il efl: très-petit & très-diiîlcile à élever. Le violet
eil de peu ce profit ; c'eif cependant celui dont on
fait le plus d'uiage dans les Provinces. Le rouge n'eil
bon à mxanger que jeiuie à la poivrade : li on le laiife
groiiir , la chair devient dure. Le fucré de Gênes a
\in eoùt fin ^: fucré étant mangé cru , mais il dé-
génère dès la féconde année. Le vert ou artichaut
commun , cinara vu/garis , eil: prefque le feul cultivé
par les Klaraichers de Paris. Cette dernière eipece de-
vient , par la culture & par les foins , d'une très-grande
beauté , iiir - tout fi on ne laille fur le pied que la
maîtreile pomme.
On peut , avant l'hiver ^ couper les tiges à' artichaut
qui fe confervent alors long-temps dans du fable frais.
Cette plante craint extrêmement la gelée , dont on la
garantit en la couvrant de litière. Dans les jours doux
de l'hi^^er , il faut donner de l'air du côté du midi
au cœur de la plante , de peur qu'elle ne pourrifie.
On la multiplie par œilletons. Dans les endroits hu-
mides 5 on doit planter fur des ados.
V artichaut encore jeune & tendre , fe mange cru
avec du fel &C du poivre ; lorfqu'il eu plus gros ,
on le fait cuire , &: on le fert préparé de diverfes
façons. On de flèche au foleil pour l'hiver beaucoup
de culs <£' artichaut. Le mulot eil le grand ennem^i àQS
artichauts : on tâche de s'en garantir en plantant au-
tour de fon plant des cardes de poirée , qui étant plus
tendres, font plus de fon goût. La taupe grillcn en
détruit aufFi les racines.
Artichaut de Jérusalem , eu d'Espagne ;
ART ASC 531
c'efl: la race du pcpon ^ appelée paflijfon. Voyez à la
fuite de Cartick CoURGE à limbe droite.
Artichaut des Indes ; c'eil la truffz rougi ou
hatatu. Voyez ce mot.
Artichaut sauvage ; c'eil la cardonate. Voyez
Chardonnette.
Artichaut de Terre , Coronci foUs mbior. Cette
plante efl une efpece de topinambour afiez iemblable à
ceux qu'on cultive dans les jardins en Europe. Les tu-
bercules de fa racine fe mangent cuits , avec une fauce
blanche : ils font d'un très-bon goût , mais difliciles
à digérer. Voyez Topinambour ^ à la fuite de VarticU
Batatte.
ARTILE. Voyei^ CuL-BLANC.
ARTISON. Ce nom fe donne à différentes fortes
d'infeébs qui rongent les étoffes & les pelleteries ,
même à ceux qui percent le papier , ou qui pénètrent
dans le bois , comme les coffons & les poux de bois :
ceci étant , les teignes des étoffes & les fcarabées
dïffcqueurs , font aufîi des efpeces cCartifons,
ARTRE. Foyer^ MartîN- PECHEUR.
ARUCO. Nom donné dans quelques endroits des
Indes Efpagnoles , au cachicame , efpece de tatou. Voyez
à tartidz ArmADILLE.
ARUM. Foyei Pied de Veau.
ASBESTE 5 Asbefius, Voyez Amiante, &: le Vol. I,
de notre Minéralogie , édit. 2 , p. 171 , &c,
ASCAP«.IDES. Ce font de petits vers ronds , coiu^ts
6c menus ; ce qui les fait diilinguer des Jîrongks
qui font ronds & longs. Les afcarides reffemblent à
des aiguilles à coudre , pour la groileur & la longueur.
Leur couleur naturelle efl blanche : ils fe logent à
l'extrémité de l'inteitin re£lum en très-grand nombre ,
êc collés les uns aux autres par une m^atiere vifqueufe ;
comme ils fe meuvent continuellement , &; qu'ils font
pointus par les deux bouts, ils y occaiionnent u^ie
démangeaifon violente. Ces afcaridzs fe trouvent dans
L I 2
J31 ASC A S E
les inteftins des enf ans , & très-communément dans ceux
des chevaux. Ces vers paroiiTent quelc[uefois colorés :
couleur qu'ils tiennent des excrémens ou de la bile de
l'animal dans lequel ils féjournent. Ces afcarides caufent
beaucoup de mal aux parties naturelles des femmes dans
certaines maladies , comme dans les pâles - couleurs.
Les bêtes de fomme y font auifi fujetes ; & M. Guet-
tard dit que tous les harengs qu'on mangea dans le
carême de 1765 , avoient la laite infectée de vers
afcarides.
îl eft diflicile d'expulfer les afcarides : les Médecins
eiliment qu'il vaut mieux les attaquer par en bas :
les uns prefcrivent de mettre dans le fondement un
fuppofitoire de coton trempé dans du fiel 6c de l'aloès
diiïbus. D'autres difent, que fi l'on met dans le fon-
dement un petit morceau de lard lié avec un bout de
£1 j 6c qu'on l'y laiffe quelque temps , on le retire
plein de ces petits vers. Des clyfteres faits avec des
plantes ameres font auili très-avantageux , 6c fur-tout
ceux qui font chargés de parties mercurielles.
ASCITE , Silurus afcita , Linn. Poiffon du genre
du Silure. Il fe trouve dans l'Inde. Linnœus dit qu'il
a deux nageoires dorfales , dont la féconde eil d'une
fubftance charnue ; fix barbillons font attachés à fa
gueule; la nageoire de l'anus a dix-liuit rayons ; la
première dorfale en a huit , dont un eft dur , épineux ;
les peclorales en ont douze ^ dont un épineux ; les
abdominales fix ; celle de la queue en a dix-huit.
ASELLE , Onifcus. Infe£î:e aquatique , prefque tout-
à-fait femblable au cloporte ; aufïï l'a-t-on défigné fous
le nom de cloporte aquatique. Cet infe£le ne diffère du
cloporte ordinaire , que par l'élément où il vit , par le
nombre de fes antennes articulées ( car il en a quatre )
'éc par les deux filets qui font à la queue , qui , au
lieu d'être fimples , font fourchus.
M. Geoffroi n'en a vu qu'une feule efpece autour
de Paris dans les mares 6c les petits ruiiieaux ; mais
A s E ÎÎ3
la mer en fournit plufieurs efpeces , & beaucoup plus
grandes. Ceux des ruiiTeaux difparoiilent aux appro-
ches de l'hiver , Se vont fe cacher dans les fources
îes plus profondes. Pendant les grandes chaleurs , ils
fe réfligient également dans les fources oîi la fraîcheur
eu. plus grande. Nous ajouterons quelques obfervations
fur cet infeck , d'après M. De/mars , Dodeur en Mé-
decine. On compte douze à quinze lames pliées en
demi-cylindre depuis la tête jufqu'à l'extrémité de la
queue. Lorfque l'infe£le eu en repos , l'axe de ces
lames qui font tuilées forme un commencem.ent de
fpirale dont les efpaces vont en diminuant vers la
queue. Le bout des pattes eil de la même flrudure
que dans l'écrevifïe. Immédiatement après les pattes
on voit trois plans de filets articulés 6l penniformes ;
ces filets qui terminent la queue font aufTi pennifcrmxes.
Lorfque l'infe£le veut nager , la fpirale ië développe
en ligne droite , & l'infede fait un premier faut qui
l'élevé à une certaine hauteur. Au même infiant , les
trois plans de filets penniformes agiilent &c frappent
l'eau de haut en bas avec yîteffe , en décrivant des
fedeurs de cercle , d'où fuit le m.ouvement de l'infeCte
dans l'eau. Non4eulement la Nature a pourvu d'ailes
le cloporte aquatique , mais elle les a conftruites de
manière qu'il peut varier fes mouvemens , ainiî que
l'oifeau dans l'air : l'infede efl encore le maître de
ne mouvoir qu'un ou plufieurs de fes filets , qui font
fouples 6c flexibles.
L'accouplement des cloportes aquatiques fe fait de la
manière fuivante. Lorfqu'un mâle & une femelle iè
conviennent , les préliminaires ne font pas longs ; le
mâle impétueux faifit fa femelle avec fa première patte
gauche , dont l'extrémité finit en griffe ; il la faifit ,
dis-je 5 entre le cinquième &; le fixieme anneau , &
accroche fa première patte droite au prem.ier anneau.
Dans cette attitude , la femelle harponnée ne peut
échapper , &: efl dans la nécefTité d'obéir à l'ardeur
L 1 X
554^ A S l A S O
du mâle. Pendant les huit jours que dure cet accou-
plement 5 le mâle emporte la femelle fufpendue , 6c
nage à fon ordinaire. La fécondation j^aroît fe faire
dans certains infians ou le mâle fe repliant fous le
ventre de la fem^elle, y injecle peut-être la liqueur
féminale. Après les quatre premiers jours , on apper-
çoit entre les premières pattes de la fem^elle , une
pcche qui contient les petits. Vers le feptleme ]our
de l'accouplement , ils fortent la tcte la première de
cette poche , & nagent déjà aulîi bien que leurs père
& miere ; ils font cinq ou fix tours autour d'eux , 6c
viennent quelquefois fe percher fur leurs antennes ,
jufqu'à ce qu'ils aient reconnu les lieux. Le premier
aliment de ces nouveaux nés eft leur propre excré-
ment , qu'ils tirent de leur anus avec leurs premières
pattes; quoiqu'ils falTent ufage par la fuite d'autres
mets , ils reviennent fouvent à celui-là.
Quoique tous les petits infectes foient fortis de la
poche qui les contenoit , racccuolement dure encore
plus de vingt-quatre heures ; on voit alors le mâle re-
payer fréquemment la faconde paire de pattes fur la
tête de fa femelle; il femble les joindre , & les appuyant
fur la bafe des antennes poilérieures , les faire gliffer
de derrière en devant jufqu'à la bouche de l'infecte ; à
force de recomimencer la même opération , la tête de
îa femelle tombe en devant , ck: paroît fe détacher du,
premier anneau ; mais ce n'eil que le cafque , car on
voit paroître aufîi-tôt une nouvelle tête plus blanche
& plus petite que la première. Prefque auiR-tôt le refte
de la robe de la femelle fe fépare , 6c la dépouille eu.
quelquefois fi complète , qu'on la prendroit pour un
infecle mort ; quelques heures après les deiLx fexes fe
féparent : le mâle , afTez fort par luinnême , n'a pas
befoin de fecours étrangers peur changer de peau.
ASILE. Foyei fo7i article , au mot Taon , & à celui
de Ver de la moucke asile.
ASOTE 5 Sïlurus Afoius , Linn. PoifTon du genre du
ASP ,555
^ïliin. Il fe trouve dans les mers d' Afie. Il a deux barbil-
lons au deiiiis & deux autres en dellbus de la gueule ,
dont Finterieur efl garni d'un grand nombre de dents.
La nageoire dorfale efr compofee de cinq rayons ; les
pectorales en ont chacune quatorze , dont le premier
efr épineux & dentelé ; les abdominales en ont treize ;
celle de l'anus , qui s'étend jufqu'à la queue , en a
quatre-vingt-deux ; celle de la queue en a feize.
ASP AL AT , Afpalathus, Nom d'un genre de plante
à ileurs polyp étalées , de la famille des Légumineufes ,
& qui a de très-giand-s rapports avec les genêts , les
cytifes , les loners &c les ajuhyllïs ; ce genre comprend
cies fous-arbriffeaux étrangers , la plupart peu cultivés
en Europe, très-rameux , diiîus , & dont les feuilles
iimjples , très - menues , fort petites , naillent par
faifceaux alternes : Xlbms, de la Jamaïque appartient à
ce genre.
ASPE , Cyprmus Afpïus , Linn. PoliTon du genre du
'Cypr'm. 11 le trouve dans le lac Mêler , en Uplande , &
dans le lac Sala, près d'Upfal. Selon Amdl , ce poiilbn
a deux à trois pieds de longueur , & trois à ctuatre
pouces dans fa plus grande largeur : il pefe plus de huit
livres : la tête ell un peu aiguë , d'une grolleur médio-
cre , & d'un blanc noirâtre fur fon fommet. L'ouverture
de la gueule ell am.ple ; il n'a de dents qu'à l'entrée
du gofier , cinq de chaque côté ; la mâchoire de deffous ,
relevée par une petite protubérance , dépaflé un peu la
iupérieure ; le mufeau un peu échancré ;. les narines
évafées , & percées chacune de dei&. trous , dont celui
de den-iere efi comme fermé par une valvule ; les yeux
fi tués fur le côté de la tête ; leurs iris d'une couleur
d'or parfemée de points noirs vers le haut , & d'une
teinte argentée vers le bas ; les paupières noires ; les
opercules des ouïes font de couleiu' d'argent mêlé d'or ,
te garnis , vers la partie inférieure , de trois OiTelets
ou rayons épineux & courbes. Entre les yeux font quatre
îames cileufes que font mouvoir aifément les mufcles
Ll 4
5}6 ^ ^ ASP
de la mâchoire fupérieure. La ligne latérale forme une
courbure qui s'élève vers les ouïes. Ses écailles font
d'une grandeur médiocre , blanches fur le dos , avec
des teintes de noirâtre & de verdâtre ; d'un blanc ar-
genté fur les cotés , mais plus éclatant fur le ventre :
ce poiiTon acquiert par l'âge des taches d'vm rouge de
fang , même îlir les opercules des ouïes. Le dos eu.
convexe ; le defîbus du corps eft plat jufqu'aux nageoires
du ventre ; mais entre celle-ci &c celle de l'anus , il fe
rétrécit en forme de carène un peu aiguë. La nageoire
dorfale eft blanchâtre , garnie de onze rayons ; les pec-
torales font rougeâtres & parfemées de petits points noirs
à leurs extrémités ; elles ont huit rayons. Les abdomi-
nales font d'un rouge-clair , 6c ont fix forts rayons;
celle de l'anus eft blanchâtre , tachetée de noir ; elle a
de quinze à dix-fept rayons dont la plupart font rameux
à leurs fommets. La nageoire de la queue eft fourchue ,
tantôt blanche, tantôt noirâtre ;elle a dix-neuf rayons
alongés & rameux,
ASPERGE, Afparagusfatlva^ C. B. Pin. 489, Tourn,
-^00 lAfparagus officinaiis ^ Lïnn. 448. Plante dont la tige
herbacée & naiffante eft diUinguée par fon goût & par (es
bonnes qualités , & qui d'ailleurs a l'avantage de iournir
nos tables pendant trois mois de l'année , foit en ragoût,
foit en petits pois , foit au jus , foit confite , &c. Un
des caraûeres diftindifs de cette plante , efl de grim-
per , d'avoir des feuilles longues , fort menues , linéaires,
molles , verticillées ou réunies en faifceaux , & feus
l'origine defquelles on trouve à chacune une très-petite
écaille membraneufe & triangulaire. Ses fleurs , qui
font en rofe , & d'un vert-jaunâtre , fe trouvent fou-
vent hermaphrodites : quelquefois elles font mâles fur
un pied & femelles fur un autre pied : il leur fuccede
des baies globuleufes , rouges dans leur m^aturité , rem-
plies de fem.ence. Sa racine eft un paquet ou faifceau
oe bulbes cylindriques , charnues , & attachées à un
collet épais , dur &c comme m tête. Les tiges parvicn-
ASP 537
nent à une "hauteur de deux , trois , quatre Se cinq pieds ,
droites , cylindriques , très-rameufes.
Il y a trois efpeces à'afperges ufitées , la groiTe , la
commune ou vulgaire , & la fauvage. Celle-ci eft à feuilles
très-minces , Afparagus fylvejîris unuïjjimo folio , C. B.
Pin. 490. La groiTe , appelée aufli afperge de Pologne
ou de Hollande , eil peu connue , parce que la planta-
tion en efl coûteufe , ôc que le goût , dit M. H al 1er ,
en eft moins fin.
On plante Vafpcrge en foffes , dans les terrains fablon-
neux , & en ados dans les lieux humides : on dirpofe
les grlfFes en échiquier à un pied de diftance. On ne
peut commencer à jouir du plant , fi on ne veut point
l'altérer , qu'au bout de quatre ans ; mais il dure , li
on a foin de le fumer, qmnzc ou vingt ans. A l'appro-
che de l'hiver , on dégarnit le plant de la terre dont
on l'avoit réchauffé au printemps ; & par ce moyen ,
on le garantit de la pourriture. On peut fe procurer des
afpergzs hâtives en réchauffant le plant avec du fumier ;
mais elles n'ont jamais la même faveur.
Uûjperge fauvage croit naturellement dans certains
terrains fablonneux : on en trouve dans les Ifles du Rhône
& de la Loire.
Les afperges récentes excitent l'appétit , mais elles
nourriffent peu : elles provoquent l'urine , & lui don-
nent une couleur trouble , une odeur défagréable que
l'eau de fenteur ne peut m.ême déguifer qu'en partie.
Pour détruire abfolument cette odeur , M. Macquer dit
qu'il faut mettre au fond du vaiffeau dont on fe fert
pour uriner , de l'eau affez chargée d'acide marin , connu
fous le nom ^efprit de fd. indépendamment de cette
utilité de pratique , une telle obfervation peut conduire
à connoître la nature du principe volatil qui fe déve-
loppe de Vafperge par l'effet de la dlgefîion dans le corps
humain. Le Dodeur Franyius a donné une Differtation
pleine d'érudition concernant l'utilité de Vafpcrge ,
notanime-nt Pefpece fauvage , dans l'économie 5 la
558 ASP
médecine &C ia chirurgie , dans rantiqiilté mcmc îa
plus reculée.
On compte la racine A^afperge parmi les cinq grandes
racines apéritives , qui font Vache , le fenouil , le perjil
& le petit houx. Voyez ces mots.
On donne quelquefois le nom d^afperges de houblon
aux jeunes pouffes du houblcn , qui fe mangent , en
effet , comme celles des afpzrges , dont elles ont à
peu-près la forme. Voyei^ Houblon.
ASPHALTE , ou Karabé de Sodcme , Jfphal-
tus. C'cft le nom que l'on donne au bitume de Judée ,
parce qu'on le tire du lac Afphaltide. On donne auffî
ie nom aVûfphalte , en général , à tout bitume folide :
auffi a-t-on donné ce nom à un bitume que l'on a dé-
couvert en Suiffe au commencement de ce fiecle.
Le bitume de Judée efl une fub fiance peu pefante, folide,
friable , d'une couleur brune & même noire , brillante ,
d'une odeur bitumineufe , fur-tout lorfqu'on l'a échauf-
fée ; elle s'enflamme aifément , & fe liquéfie au feu. Il
s'élève du fond des eaux fur la furface du lac Afphaltidz
eu mer de Loth , ou mer morte ( lieu oii étoient autre-
fois les deux villes criminelles qui furent englouties ,
Sodcme 6c Gomorrhe ) ; il s'élève , dis-je , à la furface de
ce lac maudit , & dont les eaux ont un goût defagréa-
ble , beaucoup de ce bitume qui y furnage. Dans les
ccmmencemens , il ell mou , vifqueux , très - tenace ;
mais il s'épaiillt avec le temps , & acquiert plus de
dureté .que la poix feche. Lorfqu'il eil encore liquide,
les Arabes le ramaifent pour goudronner leurs baîc-aiix.
On prétend que ce bitume entre dans la compofition
des beaux vernis noirs de l'Inde , & dans celle des feux
d'artifice que les Orientaux font brûler fur l'eau. Selon
îe témoignage des Anciens , les murs de Babylone tu-
rent cimentés avec Vafphalte. Ce bitume de Judée , qui
eft un ingrédient de la grande thériaque , efl quelque-
fois nommé gomme de funêraille & de momie , parce que
le commun du peuple , chez les Egyptiens y en faifoit
ASP 539
ufage autrefois pour embaumer les corps morts de leurs
parens , Sz même les oifèaux facrés. Foyei Mor.iïE.
On trouve auili dans le fein de la terre , des mines
A'afphalu ou bitume. La première qui ait été trouvée
an Europe , eil celle de Neufchâtel en Suifle. Le bi-
tume en eil grenu & grifâtre. La découverte en a été
faite par M. de U Sabloniere , ancien Tréforier des
Ligues Suiilés. Il en a aulTi découvert une autre dans
la baffe-Âlface. Le bitume que l'on retire de ces deux
mines eil à peu -près de la même nature ; celui de
Neufchâtel fe trouve filtré entre des pierres propres à
fcûre de la chaux, & celui de la baffe-Allace entre deux
îits d'argile : le lit fupérieur de ces deux mines cft
recouvert d'un banc de terre noire , d'un ou deux pieds
d'épaiffeur. On trouve encore des mines de ce bitume
dans quelques autres endroits de la Suiilé ; félon
M. Bourgeois , il y en a une très-abondante auprès du
village de Chavornay , dans le Canton de Berne.
La mine de bitume de Neufchâtel fe fond au feu ,
en y joignant une dixiemie partie de poix : on en forme
\\n mallic impénétrable à l'eau , &: qui dure très-long-
temps , pourvu qu'il ne foit point expofé à (ec à l'ar-
deur du foleil , car il fe ramolliroit & fe détacheroit
de la pierre. En 1743 , le principal baffin du Jardin
du Roi a été réparé avec ce mélange ; & depuis ce
temps il ne s'efl point dégradé. C'efl avec ce maflic
que l'on a réparé les baffins de Verlailles , Latone ,
FArc-de-triomphe , ainfi que le beau vafe blanc fur
lequel efl: en relief le Sacrifice d'Iphigénie.
Avec cette mine çxafphalu de Neufchâtel , M." de ht
Sabloniere a fait le pijfafphalte qui a été employé à
caréner deux vaiiTeaux qui partoient de l'Orient , l'un
pour Pondichery , & l'autre pour Bengale. Quoique
ces vaiiTeaux à leur retour ^w^kivX perdu une partie
de leur carène , ils revinrent bien moins piqués de
vers , que ctux qui avoient eu la carène ordinaire.
Ce qui donna lieu à la découver;e de la mine
540 ASP
à^afphalntn Alface , eil une fontaine dont l'eaiî,quolque
claire & limpide , fent un peu le goudron , à caufe
des parties bitumineufes dont elle eft chargée. Les lia-
biîans du pays eftiment fmguliérement cette eau pour
tenir le ventre libre & exciter l'appétit : les bains de
cette fontaine font auffi très-falutaires pour les mala-
dies de la peau. Il s'élève fur la furface de cette eau ^
ii tous momens , un bitume noir & une huile rouge
qui furnage en plus grande abondance en été qu'en
hiver. On peut en recueillir dix à douze livres par
jour : c'efl: ce qui a fait donner à cette fontaine mi-
nérale le nom de Backdbrunn , ou fontaine de poix,
La tradition du pays eil qu'on creufa cette fontaine
dans l'efpérance d'y trouver une mine de cuivre &
d*argent. La mine qu'on a ouverte s'étend à fix lieues
à la ronde ; outre les veines à^afphaltc qu'on y trouve,
qui ont quelquefois dans de certains endroits fix pieds
a'épaifleur , & qui font les unes à trente pieds , les
auties à foixante pieds de profondeur , on a efpérance
d'y découvrir une grande veine de charbon de terre ;
car on commence déjà à en trouver quelques mor-
ceaux ; &: en continuant le travail , on pourroit y
rencontrer une mine de cuivre 6c d'argent fort riche ,
car les pyrites qu'on y trouve font les mêmes que
celles de Sainte-Marie-aux-Mines. M. Spidmann a
donné à l'Académie des Sciences de Berlin , un Mé-
nicire circonftancié fur ce bitume. Confultez le tome
XIII de cette Colleciion Académique. Au refte , {^afphahc
fe trouvant toujours au deflus des couches de bitumes
terreiLX &: folides , tels que le charbon minéral , il n'a
pu s'élever au deÔiis du charbon que par une diilil-
ïation produite par la chaleur d'un feu fouterrain.
On retire préfentement de cette mine , en faifant
bouillir le fable dans de l'eau , une forte d'oing noi-
râtre , propre à graiffer tous les rouages. Par le moyen
de la diftillation per defanfum , on tire de la mine ou
du rocher , 6c de fa terre rouge , un goudi-on minéral
ASP 541
ou une huile de pétroU très - abondante : c'eil cette
huile minérale préparée que M. de La Sablonkrc pré-
tend employer pour la carène des vaiffeaux. On retire
aujQi ( per afcmfum ) V huile rouge & V huile blanche , qui
font employées très-utilement pour guérir les ulcères
& toutes les maladies de la peau, roye^ Pétrole.
M. Bourgeois obferve que ce bitume eft encore très-
efFicace en parfum pour guérir les douleurs de goutte ,
rhumatifme, fciatique , & les enflures œdémateufes
des jambes. Pour en faire ufage , on met un uftenfile
appelé moiîie , dans le lit à côté du malade ; on y
fufpend un petit chaudron plein de braife , & on y
répand par intervalles de Vafphalte en poudre ; cette
vapeur excite une fueur très-abondante , fur-tout dans
la partie malade , & elle appaife les douleurs les plus
violentes &; les plus opiniâtres.
On vient de découvrir encore en France deux mines
très-abondantes de ce bitume , dans les Paroiiles de
Bailene & de Caupene , à quatre lieues de Dax : ce
bitume efl d'une ténacité fi grande , qu'on ne peut le
brifer ; on l'a employé avec le plus grand fuccès pour
fonder ou cimenter les pierres qui ont fervi de pavé
aux remparts du Château Trompette à Bourdeaux.
ASPHODELE , Afphodelus. Genre de plante à fleur
en lis , dont nous diflinguerons ici deux efpeces ,
l'une à fleurs blanches , l'autre à fleurs jaunes.
L'Asphodèle blanc, Afphodelus ramofus ^ Linn.
444; & mas{& minor) Tourn. 343. Cette plante pouHe
de fa racine des feuilles fort longues , nombreufes , enû-
formes , & qui ont un angle tranchant fur leur dos. Sa
tige nue , ronde & rameufe vers le haut , s'élève à la
hauteur de deux à trois pieds , &: efl garnie de beau-
coup de fleurs grandes , d'une feule pièce , en hs , de
couleur blanche , découpée profondément en fix par-
ties. Chaque pétale a extérieurement une ligne rou-
geâtre ; la fleur efl fans calice , portée fur un pédicule
court , & renferme , outre les fu' étamines y fix pièces
54Î A S P ^
en écailles , qui enveloppent l'ovaîre. A cette fleur
ilîccede un fruit prefque rond , charnu , & renfermant
des femences triangulaires &c brunes. Cette plante eu
d'un port agréable , & mérite par la beauté de fes
épis de fleurs d'être cultivée comme ornement dans
les parterres. Sa racine confifle en un très -grand
nombre de tubérofités oblongues , charnues , & réunies
en un faifceau , qui reffemble à une botte de navets ,
d'un goût un peu amer &z acre. On la fait bouillir &c
tremper dans de Teau pour en enlever l'âcreté : dans
les années de difette , on peut faire ufage de cette
pulpe , ainfi adoucie , que l'on mêle avec de la farine
de blé 6c d'orge ; on y ajoute un peu de fel marin ,
6z on en fait un pain d'ûfphodclc , que Ton cuit au four ,
&: qui peut fe m.anger.
Les Anciens femoient cette plante auprès àes tom-
beaux comme une nourriture agréable aux morts.
Porphyre fait parler ainli un tombeau dans une infcrip-
îion : Au dehors y je fuis entouré de mauve & d'afphodele ,
& au dedans ,je ne renferme quun cadavre. Lucien dit
( de Luciu ) que les mânes , après avoir traverfé le
St}^x , defcendoient dans une longue plaine plantée
Çiafphodele.
Les racines à^afphodek font réfolutives , & propres
à nettoyer les vieux ulcères.
L'Asphodèle jaune ou Verge de Jacob , Jf-
phodelus luteus , Linn. 443 ; 6' flore & radice , C. B.
Pin. 28 : Aphodelus feminci ^ Cam. Epit. 372. Sa tige
eft haute d'un pied oc demi , fimple , garnie de feuillet
felTiles , entières , longues , pointues y à trois angles &
comme fifaileufes ; les feuilles qui partent de la racine
font plus longues ; les fleurs font jaunes , terminales
ôi comme en épi , & chaque pétale traverfé dans fa
longueur par une raie verte.
Vafphodcle à fleurs jaunes croit très-abondamment
dans les prés en Sicile , & aux environs du Croific
en Bretagne ^ & ailleurs. Uafphodcle à fleurs blanches
ASP Î4î
^roît abondamment en Provence , en Efpagne , en
Italie , &G.
ASPiC , ^fpls'i cherfea. Efpece de ferpent , dont îes
Anciens ont beaucoup parlé. li eil diiHcile préientement
de reconnoître Peipece à laquelle ils ont donné ce
nom. Ce que Pon lait de ce ferpent paroît fort in-
certain , & en partie fabuleux. Les uns ne lui don-
nojent qu'un pied de longueur , d'autres cinq coudées ;
les uns difoient qite {qs dents fortoient de fa bouche
comme les dents d'iui fanglier ; d'autres qu'il avoit des
dents creufes , qui diililloient du poifon comme le
crochet de la queue du f cor pion. Quoi qu'il en foit ,
il paroi t , par PHiiloire , que Cléopatre fit ufage d'un
afplc pour fe donner la mort. Accoutumée à la mol-
leflé , elle choifit ce moyen com^me le plus doux. Le coup
que lance Vafpïc eil , dit-on , ii imperceptible , qu'on ne
le fcnt pas : le venin qui fe répaud dans les veines caufe
Wïi^ agréable laiîitude , enfuite le fommeil , & enfin
\\x^ mort fans douleur. Hivpocratc dit que la morfure
de ce ferpent ne fe guérit point ; & c'efi un de fes
aphorifm.es. EUen dit que la Déeffe IJis , étant irritée
contre les fcélérats , étoit coiffée d^ajpics comme d'un
diadème ; elle leur lançoit ces reptiles dangereux , qu'il
appelle ailleurs les e-mblcims de la Jujiiu^ à l^ œil per-
çant de laquelle rien ne jkuroit échapper,
M. Dauhentcn dit qu'on a donné le nom ^afpic ù
un ferpent de ce pays-ci , aiTez commun aux environs
de Paris. Il paroit plus effilé &c un peu plus court que
la vipère. Il a la tête moins aplatie ; il n'a point de
dents mobiles comme la vipère ; fon cou efl aPfez
mince. Ce ferpent ell marqué de taches noirâtres fur
un fond de couleur roufiâtre; Si dans certains temps
les taches diiparoiffent. L'abdomen eil recouvert par
1 46 grandes plaques , &C le deffous de la queue garni
de 46 paires de petites plaques.
Notre ajpic efl du troifieme genre dans l'ordre des
ferpens. Il mord ôc déchire la peau par fa morfure ;
544 ASP
mais on a éprouve qu'elle n'efl point venimeufe : au
moins on n'a reffenti aucun fymptôme de venin , après
s'en être fait mordre au point de rendre du fan g par
la plaie. Cette expérience a été faite & répétée plu-
fieurs fois fur d'autres ferpens de ce pays-ci , tels que
la couleuvre ordinaire , le ferpent à collier , & Vorvet ,
qui n'ont donné aucune marque de venin. Si ces expé-
riences étoient bien connues , on ne verroit point tant
de perfonnes trembler à la vue de ces reptiles ; & leur
morfure ne donneroit pas plus d'inquiétude qu'elle ne
caufe de mal.
A l'égard de V^Jpic cornu , Voyez Ammodyte.
Aspic. Voye^^ Lavande.
ASPREDE , Silurus afpredo , Linn. PoilTon du genre
du Silure ; il fe trouve dans les fleuves de l'Amérique ,
Ôc en particulier à Surinam. Des Auteurs l'ont défigné
fous le nom à^ afpredo , de l'efpece de dentelure dont
le premier rayon de fes nageoires pe£lorales eli tout
hériffé ; d'autres lui ont impofé le nom de myflus ,
comme qui diroit moufiache ^ parce qu'il a des barbil-
lons autour de la gueule.
Sa tête efl fort volumineufe , comprimée en deffus ,
beaucoup plus large que le corps , &: chargée de pla-
ideurs inégalités , mais dépourvue d'écaillés , ainfi que
la peau du corps , qui eft liffe ; le corps eil épais ,
aplati par les côtés ; le ventre large , un peu plat ;
le dos furmonté , depuis la nageoire dorfale jufqu'à
la queue , d'une petite faillie aiguë , d'une fubfrance
prefque oiTeufe ; les lignes latérales prefque droites ;
la gueule efl fur le defllis du mufeau , & a fon ou-
verture large ; la mâchoire de defîiis dépaffe de beau-
coup celle de defîbus ; toutes deux , ainfi que le gofier ,
font garnies de dents. Ce poiffon a fix barbillons ,
dont les deux fitûés à la mâchoire fupérieure font
beaucoup plus longs que les autres , & s'étendent
prefque jufqu'aux nageoires pedorales ; il y en a deux
fur Ui cotés de la lèvre inférieure , ôc deux fous le
menton.
A s P A s s 545
menton. Les narines font très-écartées Tune de Pautre,
6c percées chacune d'un leul trou ; les yeux petits ,
fort écartés l'un de l'autre , tournés en haut , noirâ-
tres , 6c placés fur le haut de la tête ; la nageoire
dorfale eil d'une forme prefque triangulaire , & a cinq
rayons ; les pedorales en ont chacune huit , dont le
premier eft d'une confiiîance ofîeufe , plane & garni
fur les deux bords , dans fa longueur , de dents difpofées
comme celles d'une fcie , mais dont les intérieures
font inclinées , 6c les extérieures relevées en fens con-
traire ; les autres rayons font flexibles &c rameux. Les
nageoires du ventre font auprès de l'anus : elles ont
chacune fix rayons ; celle de l'anus , qui s'étend prefque
jufqu'à la queue , offre 55 à 56 rayons. Celle de la
queue eft oblongue , étroite , très-échancrée ; elle offre
neuf rayons rameux. La couleur de ce poifTon eil
tantôt d'un blanc mêlé de roux , & tantôt mélangée
de noir & de brun. Il y a une variété qui a huit
barbillons ÔC dont la nageoire de la queue n'a que
cinquante rayons.
ASPRESLE ou Presle. Foyei ce mot.
ASSA-FŒTIDA. C'eil une eipece de gomme-ré/ine ^
compa6le , molle , en partie jaune & rouiTe , fouvent
blanche intérieurement , en gros morceaux d'une odeur
tres-défagréable , d'où vient cjue les Allemands l'ap-
pellent Jlzrcus Dïaholi.
Quoique cette odeur nous paroiiTe iî détefiable , les
Perles û, tous les Afiatiques n'en font point afFedés
de même ; car ils l'appellent le manger des Dieux, Les
Indiens en mangent familièrement', &: y trouvent une
bonne odeur & un goût exquis : les Pv-omains eftimoient
fort celui qui venoit de la Province Cyrénaïque & de
la Médie :*tant il exifle peut-être de diiîérence dans la
flruûure ou les aiîeclions des organes des peuples de
divers pays , &: même de divers habitans du même pays.
Ne voit-on pas tous les jours des gens qui ont une
telle horreur i^owxVail^ que bien loin de pouvoixen
Tome L Mm"
54^ A s s
goûter , ils ne peuvent foufFrir l'haleine de ceux qui en
ont mangé. ? Cependant d'autres le regardent comme un
afTaifonnement û excellent , qu'ils le prodiguent dans
tous leurs mets. Notre fiecle a vu une inconitance mar-
quée fur les odeurs. Les parfums que l'on faifoit il y a
cinquante ans avec le mufc , &: qui étoient fi agréables ,
font tellement mis en oubli , que la poilérité ne faura
ce que c'étoit ; car il lui fera très-difficile de concilier
avec fon ancienne fuavité , la puanteur ou l'odeur
•nuifible qu'elle croira y trouver. Il eft certain qu'il y
a beaucoup de chofes qui ont plu aux Anciens , foit
par leur goût , foit par leur odeur , qui font préfente-
ment défagréables , & qui nous paroiftent très-puantes.
Nous favons au contraire , que la plupart des Anciens
ont eu en exécration Podeur du citron. Arriveroit-il
dans la révolution des fiecles , quelque changement
ou altération dans la ilrucku'e des organes de l'efpece
humaine , ou dans les prcdiidions de la Nature ?
Les Indiens elTuient , à la récolte de Vajfa-fœtlda ,
les fatigues les plus pénibles , qui confiftent à errer
pendant plufieurs jours far les lieux les plus efcarpés
des montagnes de la Province de Laar en Perfe , de-
puis le fleuve Cuau jufqu'à la ville de Congo & aux
environs de celle de Heraath , dans la Province de
Coraiian. Là ils fe trouvent ex-pofés à l'ardeur la plus
brûlante du foleil. Kczmpfer rapporte comment on fait
la récolte de Vajfa-fœûda far le fommet des m.ontagnes
d'Hingifer. (Sa plante efl encore fort commune en
Médie^ ) Ceux qui la recueillent fe rendent en troupe
fur le haut des montagnes à la mi- Avril ; ils arrachent
les feuilles de la plante qui donne la gomme-réfme ^
VaJJa-fœt'ida , nommée en Perfe hingifch , & par les
Arabes altiht, C'eil une plante férulacée , du genre
des panais (une \rm.Q férule félon M. Linnœics)'^ les
Perfans , les Ethiopiens &: les Abyffms l'appellent
anjudm , angzidan ; fa racine eft d'une fubflance folide
comme celle de la rave , noire en dehors , très-blauçhç
A s s ^ Î47
kn dedans ^ ayant à-peu-près la même forme ; longue
quelquefois d'une aune , &: de la groffeur de la cuiiïe :
du fommet de la racine naiffent , fur la fin de l'au-
tomne , fix ou fept feuilles qui fe fechent vers le
milieu du printemps , branchues , d'une odeur puante
& d'une^iaveur acre : fa tige efl fimple , droite , ronde ^
cannelée , moclleufe , longue d'une braffe &c demie ,
& grofle de fept à huit pouces par le bas , fe ter-
minant en un petit nombre de rameaux qui portent
des fleurs en parafol comme les plantes férulacées ,
& auxquelles fuccedent des femences aplaties , feuil-
lées , d'un roux brun , ovalaires , velues , cannelées ,
d'une odeur de poireau &: d'une odeur déiagréable.
Cette plante , qui fe plaît dans les terraiias arides de
Heraath &C de Corofaan ou CorafTan , a une racine
peu fucculente avant l'âge de quatre ans ; mais plus
elle efl vieille , plus elle abonde en un fuc laiteux ^
liquide , gras comme de la crème de lait. Revenons à
la manière de retirer ce fuc.
Ce font fouvent des familles ou des villages entiers
qui vont à la récolte de Vaffa-fœdda, Chacun s^em-
pare d'un certain terrain, quatre ou cinq hommes fe
chargent de la récolte d'environ deux mille pieds»
Avant d'arracher les feuilles feches , ils découvrent
un peu la terre , afin de les arracher jufqu'au collet z
ils recouvrent enfuite la racine de terre 6c de feuilles ,
pour que le foleil ne puifTe pénétrer, ce qui feroit
périr la racine. Cette opération faite , ils retournent
tous à la maifon ; 6c au bout de trente ou q^iarante
jours , ils vont de nouveau fur les montagnes , 6c
chacun prend fa première place pour retirer des racines
le tribut de fon premier travail. Ils coupent tranfver-
falement le fommet de la racine ; de forte que le tronc
repréfente un difque , fur lequel fe rend fa liqueur y,
fans être expofée à s'écouler : ils recouvrent chaque
racine d'un fagot d'herbes qui fait l'arc ; &C au bout
d^ devix jours , ils viennent recueillir le fuc , qu^î]J
M m 2,
548 A s s ,
mettent dans de petits vafes attachés à leur ceinture;
enfuite ils emportent la fuperfîcie extérieure qui bou-
choit les pores , aiîn que le lue puiiTe couler de nou-
veau : ils viennent le recueillir de même au bout de
quelques jours : ils font la même opération fur chaque
racine plufieurs fois , jufqu'à ce qu'ils en aient retiré
tout Vajpi-fœtlda ; ils mettent ce fuc gommo-réiineux
fur des feuilles , &: l'expofent au foleil pour lui faire
prendre de la folidité. C'eft alors qu'il perd beaucoup
de fa puanteur. Suivant M. Carthcufer ^ Vajfa-fœtida
eft compofé d'environ un tiers de réfme pure , & de
deux tiers de partie extra£live. --
Il paroit que le fdphium des Anciens , le lafcr des
Romains, & Vajja-fztida des Modernes, ne font pas
des fucs diîFérens. ( Voyc^ ces jjiots, ) Quoi qu'il en
foit 5 la gomme-réfme affa-fœtida eil employée comme
remède en Europe : elle excite puilTamment la tranf-
piration , & eit utile dans les mxaladies des nerfs : fon
plus grand ufage eil pour délivrer les femmes de la
îliffocation hyïlérique, & pour les maladies des che-
vaux. M. Bourgeois prétend que Vajfa-fœdda eft non-
feulement im très-excellent remède pour les vapeurs
hyfîériques des femmes, mais qu'elle efl: aufîi très-efficace
dans l'épilepfie hyilérique & dans toutes les maladies
convulfives. On a obfervé que Vajfa-fcenda commu-
nique fon odeur aux excrémens de ceux qui en font
ufage , même pris en très-petite dofe , ôc mêlé avec
d'autres fubflances.
ASSAPANIK. Nom donné dans quelques parties
du Nord de l'Oueft de l'Amérique , à la petite efpece
d'écureuil volant , ou de petit polatouche. Voye?^
Ecuretjil volant.
ASSÉE. Voyei Bécasse,
ASSIMINIER , Anona triloha , Linn. ; Anonafrucîu
lutefcente f lœvl ^ fcrctum arietlnum referente ^ Catesb. Gar.
C'eft un arbriiïeau , efpece de coroJfoUer qui croît na-
turellement au MifFiffipi ôç .dans d'autres parties d^
A s T 549
î'^ mérique Septentrionale : il eu haut de dix à douze
pieds ; ion tronc efl gros comme la jambe. Ses feuilles ,
qu'il perd tous les hivers , font grandes , alternes ,
lancéolées^ glabres 6c d'un afîez beau vert ; les fleurs
qui paroiffent prefque en même temps que les feuilles,
font à fix pétales , dont trois extérieurs font larges,
& trois intérieurs petits ; elles font d'abord verdâtres
& fe teignent enfuite d'un rouge obfcur ou noirâtre.
Aux fleurs fuccedent des fruits divifés jufqu'à leur
bafe en trois lobes ovoïdes , prefque en forme de con-
combre à écorce lilTe 6c d'une couleur jaunâtre. Cha-
que lobe contient environ douze femences lon-gues de
huit à neuf lignes, un peu courbées , 6c difpoiees en
deux rangées dans une fubftance charnue 6c jaunâtre.
L'odeur de ce fruit eft déplaifante ; cependant les Sau-
vages en mangent , 6c en trouvent la chair agréable.
On dit que la peau de ce fruit s'enlève facilement ,
6c laifTe fur les doigts une imprefîion d'acide fi vif,
que fi on porte fes doigts aux yeux , fans avoir eu
foin de les laver , ils y caufent une inflam.maîion ac-
compagnée de démangcaifons infuppor tables. Ce mal
ne dure que vingt-quatre heures , 6c eil fans fuites
funeiles. On • prétend que cet arbriileau n'a point
encore frudiiié en France , où on le cultive en pleine
terre. On peut l'employer à la décoration des bofquets
du printemps.
ASTACOLITE , Jjîacoutus. Sous ce nom les Natu-
raliiles décrivent des pétrifications d'écrevilTes , 6c
fous celui êi ajlacopodlum , une portion du bras d'une
écreviffe pétrifiée : on en trouve en Angleterre ,
6c notamment à Pappenheim en Allemagne, ^oye^
EC RE VISSE.
ASTER. On donne ce nom à un genre de plantes
fort nombreux , à tiges , les unes ligneufes , ks autres
herbacées , toutes à fleurs radiées , dont la couronne
efl formée d'un grand nombre de demi-fleurons , mais
jamais jaunes ; le calice éciiilleux 6c lâche par le bas ^
Mm 3
5fO A S T
6c les femcnces chargées d'une aigrette fîmple , portées
par un placenta nu & fans balle.
Il y a une efpece à^afier , plus connu fous le nom à'œll
de Chrïjl , A fier Attïcus cœrukus vulgaris _, Tourn. 481,
C. B. : Pin. 267 : Afier amdlus , Linn. 1 226 , & que M.
Linnœus a tranfporté dans le genre de Vaunie. Voyez ce
mot. L'œil de Chrift , oculus Chnjii , eu une belle plante
à racine vivace , que l'on cultive pour l'ornement
des jardins , & qu'on appelle ainli , à caufe de l'ar-
rangement de fes fleurs qui font difpofées en rayons.
Sa tige efl haute de deux à trois pieds , cannelée ,
rameufe , rougeâtre & un peu velue , garnie dans toute
fa longueur de feuilles ovales , oblongues , obtufes ,
rudes , un peu ciliées en leurs bords , &: d'un vert clair.
Cette plante agréable à la vue par {ts fleurs à rayons
de couleur bleue ou violette , quelquefois blanche ,
è difque jaunâtre, terminales 6^: à écailles calicinales,
obtufes 5 ciliées , fe multiplie au mois de Septembre
de graines ou de racines éclatées. Toutes fortes de
terres lui conviennent. Ses places ordinaires dans les
jardins font les plates-bandes & les bordures , oii ces
plantes figurent très-bien par la beauté de leurs fleurs
&: la groffeur de leurs touffes. Elle croît naturellement
fur les collines arides des contrées méridionales de
l'Europe.. On l'appelle auiîi le hd AJicr de Virgile y
parce qu'il paroît que cette plante a été connue de ce
Poète , & que c'eft d'elle dont il parle dans ce vers : EJl
etiam fios in pratis , ciii nomen amello, Virg. Georg. L. 4.
On diilingue auiîi VAjîer de la Chine , appelé la rdnz
mar guérite des jardins , AJier chincnjis _, Linn. 1232. Cette
plante fait en automne l'ornement de nos parterres.
Ses rayons font panachés de bleu , de violet , de blanc ,
&c. La culture les varie beaucoup ; les fleurs font
pédunculées , grandes ; le calice large ôc feuille; la tige
haute de plus d'un pied , branchue , garnie de feuilles
cvales , anguleufes ôc dentées. Elle efl: annuelle.
On voit auffi dans les Jardins des curieux VAJlcr
A s T ^51
& la Nouvelle Hollande , /ijîer novl BelgU^ Lmn. 1 23 1 .
Sa tige eil haute de deux à trois pieds , droite & ferme ,
foutenant un panicule rameux ; les fleurs font d'un
bleu tendre ; le calice garni d'une efpece de membrane
feche & luifante ; les feuilles éparfes , lancéolées , M-,
files & pointues.
VAJler qui croît fur les bords de la mer , JJlcr tri-
poLium y Linn. IZ26 , a fes feuilles un peu charnues,
chargées de trois nervures ; les fleurs terminales en
corymbe à rayons bleuâtres &: le difque jaune. Sa
tige efl haute de trois pieds , fa racine vivace. C'eil
r djlcr maritimus , paluflris , cœmUus , falïcis folio , de
Toumefort. Combien d'autres aficrs fe trouvent cul-
tivés au Jardin du Roi & dans ceux des am_ateurs,
La Conifc des prés eil aufH une vraie efpece à^aflcr*
Foyei CONISE.
ASTÉPJE. Pierre fine chatoyante, aufTi nommée
pierre âufoldl : elle réfléchit la lumière. Des Modernes
croient que cette pierre eft Vaventurim naturelle.
Voyei AVENTURINE & CHATOYANTE.
Astéries. Pierres étoilées que l'on rapporte aux
petits os ou Vertèbres de certaines étoiles de mer
arbreufes , appelées têtes de Midufe. Les lignes & les
raies font des efpeces d'apophyfes. Les ajléropodes font
les tiges d'une étoile de mer rameufe. Foye^ à C article
Palmier marin.
ASTRAGALE , Aflragalus, Plante de l'ordre de celles
à fleurs légurnineufes ; on en diflingue plufieurs efpeces.
Nous ne parlerons ici que de VaJlragaU de Mo7itpeUiery
Ajlragalus Monfpejfulanus ^ Linn. , Tourn. 416. Plante
qui croît en France fur les chemins , dans les Provinces
qui font au Sud de ce Royaume. Sa racine , qui eil longue
de plus d'un pied & groite d'un doigt , fe divife ou porte
plufieurs têtes longues de trois ou quatre daigts , d^où
partent de petites tiges funples , creufes , rougeâtres ,
chargées des deux côtés de petites feuilles ameres ,
pointues , velues ^ oppofées , ou rangées par paires iiir
M m 4
5Î2 A S T
une côte qui eft terminée par une feule feuîlîe : les
fommités des hampes font garnies de beaucoup de
fleurs légumineufes , tantôt purpurines oc tantôt blan-
ches y difpofées en épi court & lâche ; ces fleurs ont
leur calice prefque glabre, &c font remarquables par
l'étendard de leur corolle qui eu fort alongé. A ces
fleurs fuccedent de petites gouffes arrondies , doubles ,
rougeâtres & remplies de graines qui ont la figure
d'un petit rein.
La racine de Vajiragale de Montpellier eil dure ^
ligneufe , blanche intérieurem.ent & brunâtre en dehors,,
d'un goût douceâtre : on s'en fert intérieurement ,
ainfi que de la femence , pour arrêter le cours de ven-
tre & pour provoquer les urines. On l'em^ploie exté-
rieurement pour déterger &: deïTécher les plaies.
L'efpece à^ajîragale (T Orient , à feuilles de galéga ,
étant mâchée , brûle la langue à-peu-près comme la
perficaire.
M. Haller dit qu'il y a un grand nombre d'efpeces
de ce genre , la plupart exotiques , dont aucune n'efl
connue en Médecine , excepté le tragacantha , qui eil
une véritable ajîragale , & dont on parlera à l'article
Barbe de renard. Il y a auiÏÏ Vajîragal - orglijffe. Voyez
RÉGLISSE SAUVAGE.
ASTRE , AJîrum, Mot qui s'applique en général aux
étoiles 5 tant fixes qu'errantes , c'eft~à-dire , aux étoiles
proprement dites , aux planètes & aux comètes. Voyez
ces mots,
Ajire fe dit |X)urtant le plus ordinairement des corps
ccleltes , lumineux par eux-mêmes , comme les étoiles
fixes &: le foleil.
Il efi: bon de remarquer qu'il n'y a aucun aflre lu-
miaeux par lui - même qui tourne autour d'un autre
ajîrc.
L'Ailronomie eft la fcience qui s'occupe du ciel étoile,
des corps planétaires , de leurs phénomènes , &c. La
Chaldée , ancienne contrée de l'Afie , paroît avoir été
A s T în
le berceau de l'AftroRomie. PtoUmie fait mention d'une
éclipfe de lune qui avoit été obiervée à Babylone ,
capitale de l'Empire des Affyriens , &: fituée au milieu
de la Chaldée, 721 ans avant la venue de /. C A
cette époque, les Chaldéens avoient déjà Inventé le
Zodiaque & divifé le ciel en conilellations , mais ils
ne connoiffoient pas encore la caufe des phafes de la
lune. Bérofc , un de leurs Auteurs , qui vivoit dans
un temps fort pofiérieur à celui dont nous parlons ,
croyoit que cette planète fecondaire avoit deux cblès^
l'un brillant & l'autre obfcur. Les Egyptiens ont aufîi
acquis beaucoup de gloire dans la fcience des Ajlres,
Ces deux peuples paroiffent être les premiers qui aient
appliqué la connoiiTance du ciel à l'ufage de la navi-
gation ; l'on croît communément que les autres peu-
ples leur doivent celui de l'obfervation des étoiles
boréales , pour fe conduire en mer. Hérodote prétend
que prefque tous les noms des Divinités Grecques ,
donnés aux Conilellations , tiroient leur origine de
l'Egypte. Il paroît c|ue les Perfes , les Indiens , les
Grecs & les Arabes , ont fuccédé aux Chaldéens &
aux Egyptiens, dans l'étude du Ciel. L'hifloire de VAJlro'
nomïe ne nous offre aujourd'hui que la décadence de
cette fcience , chez les peuples qui l'avoient cultivée
avec le plus de fuccès & d'éclat. Les Copernic , les
Tychohrahé , les Kepler , ont vécu dans le feizieme
fiecle , qui , félon M. Maclot , efl l'époque des grands
progrès de l' Agronomie en Europe. Le fiecle iuivant
ell: celui des Gaffendi , des Dif cartes , des CaJJîni , des
Huyghens, Le célèbre Newton y né dans le même fiecle,
peut être réclamé par le nôtre , qui ell: encore illuilré
par pluiieurs Agronomes du premier ordre.
ASTPvOlTE, Jfiroites. Vaftroïte eil un corps pier-
reux , plus ou moins gros , organifé régulièrement ,
de couleur blanche , &: qui brunit par diiférens acci-
dens ; il fe trouve dans la mer. Comme la furface de
ce corps qui eiî fans ramifications ou avec ramifica-
n4 A s T
lions , eft couverte de figures étoilées , pafftie en creux
& partie en relief , & ces étoiles font à pans , tantôt pe-
tites & tantôt grandes, quelquefois pentagones, d'autres
fois hexagones ; on a cru y voir des figures d'aflres
& d'étoiles , ce qui la feit nommer aflroiu &: pknc
itoïlk^ lorfqu'on croyoit que c'étoit une pierre : on
l'a regardée enfuite comme une plante marine pierreufe;
enfin Vafiroite.^ ainfi que plufieurs autres plantes ma-
rines pierreufes , ont été démontrées être du règne
animal par les obfervations de M. Peyjfoml , qui a
découvert des animaux , au lieu de fleurs dans ces
corps marins polypiers, ainii qu'on le peut voir au
mot Corail & Corallines. Vajlwïu eft une pro-
dudion de polypes qui fe trouvent dans la mer.
Nous difons qu'il y a plufieurs efpeces à^ajlroàcs qui
différent par la grandeur des figures dont ils font par-
femés , & par le^nombre des rayons. UaJirGÏu à l'exté-
rieur efl couvert de figures à pans ou obrondes , ter-
minées par un bord prefque circulaire & faillant ; il
y a dans l'aire de chacune de ces efpeces de cercles ,
des feuillets perpendiculaires & efpacés , qui s'étendent
en formée de rayons depuis le centre jufqu'à la cir-
conférence : ainfi l'intérieur efl compofé d'autant de
cylindres ou de tuyaux à pans , qu'il y a de cercles
fur la furface fupérieure. En un mot les ajîroïtes font
autant de tubes parallèles joints enfemble par leurs
côtés , & dont la cavité eft remplie de plufieurs lames ,
qui partent de leurs parois , & vont aboutir à un
centre , ce qui forme des étoiles ou rondes , ou ova-
les , ou anguleufes , plus ou moins grandes , Se à plus
ou moins de rayons. Les afiroïtes diiferent à^s madré-
pores , en ce qu'ils ont des pores étoiles , joints &
parallèles , qui n'en fopt qu'une feule maffe ; ils dif^
ferent auiïi des tubipores , en ce que ceux-ci ont de5
tubes fourchus & irréguliers , fort faillans & non
parallèles. Il y a une autre forte de corps qui n'eft pas
t\n aflroiu , dont la furface liipérieure eft creufée par
A s T A T E 555
filions ondoyans , que l'on a comparés aux anfra£luo-
fitcs du cerveau ; ce qui lui a fait donner le nom de
cerveau de mer. On en peut remarquer un très-beau au
Cabinet du Jardin du Roi , fous le nom à^ajlroïte cer-
veau. Voyez Vartïck MÉandrites.
On trouve auiïi des apoites fojjiles, M. le Comte de
Tnffan en a trouvé de pétrifiés dans le Barois & le
Toulois. Les ajirdites pétrifiés en marbre , en pierre
£ne 5 fur-tout en fubilance d'agate , font les plus rares.
Ces derniers font fufceptibles d'un très-beau poli ; &
les figures qu'on y voit font un fort joli effet : auiîi
les emploie-t-on à faire des boîtes &: autres bijoux :
on trouve en Angleterre de ces aflroites pétrifiés en
agate , & nos Lapidaires les appellent improprement
cailloux d'u4ngUterrc. On en trouve de femblables à
Touque en Normandie.
ASTPcOLEPAS, Nom donné à un lipas ou patelle ,
dont la bafe du contour fe termine par fept angles ,
comme l'on repréfente quelquefois les étoiles. Voye^
Lepas.
ASTROPHYTE. Nom donné à l'étoile de mer ar-
borefcente , efpece de médufe à côte. Foye^ à VarticU
Etoile de mer.
ATALANTE. Voye:;^ à r article AMIRAL papillon.
ATÉ , Ata. Fruit qui croit à Siam & à la Côte de
Coromandel fur un très-bel arbre. Ce fruit a à-peu-
près la figure d'une pomme de pin , & efl beaucoup
plus petit ; la peau en eft épaiffe , d'un jaune brillant ,
comme vernie , & la chair blanche &: molle : il a le
goût de la crème fucrée. Cet arbre fe voit au Jardin
du Roi fous le nom de guanabanus. Ses feuilles ont
une faveur aromatique : infufées dans le taffia , elles
hii donnent un goût agréable. On prétend que Vata
n'eft autre chofe que le fruit d'un cachimentier. Voyez
à r article COROSSOLIER à fruit écailleux.
Nous avons vu , en 1771 , chez M. Gilbert de
Voijins 3 à Paris ^ une brajiche de l'arbre ati;, il y avoit
y55 ATI ATM
environ i 50 fruits attachés. Cette branche ou régime
lui avoît été envoyée des grandes Indes.
ATIMOUTA. Voyei Varûcu Bauhine.
ATINGAUT CAMUM. Voye^ Coucou cornu
du Bréfil.
ATLAS. Les curieux Holîandois appellent ainfi deux
efpeces de beaux papillons de Surinam. L^ plus grand
a les ailes rayées de bleu , de blanc & de brun , cer-
clées de jaune ôc de noir ; il eft d'ailleurs admirable-
ment émaillé. La petite efpece n'eft pas moins belle ,
êc fe voit gravée avec fon papillon , dans les Inficîes
de Surinam. PL 23 & Go,
ATMOSPHERE , eil proprement cette mafle fl|.ide
& élal^ique ; cette fphere des vapeurs rem_plie ou
compofée d'exhalaifons , qui environne le globe ter-
reftre , &: dont la terre eft couverte par-tout à une
hauteur confidérable. Cet atmcfphcre , dit M. ToaUo ,
reçoit de la terre , de la furface des eaux & de tous les
corps 5 fur-tout des organiques , ces émanations, pré-
cieufes qui s'en détachent , &: qui ne font que des
décompofitions des principes déjà préexiilans dans les
corps naturels ; & ces émanations dans V atmofphcrô
y font ou attirées par la chaleur du foleil , ou pouiîées
par jles feux fouterrains , par les fermentations , &
iiir-tout par l'a£l:ion du fluide éleûrique : tous ces
corpufcules , en s'élevant , vont , dit encore M. Toaldo ^
fe mêler dans l'air , o^i^AriJlou appelle la grande, mer ,
V Océan , où vont aboutir les courans de toutes les
vapeurs & des exhalaifons de la terre. Cependant ,
quoiqu'il fe faite une confufion immenfe de toutes ces
matières volatiles dans ce grand chaos , il peut arriver
que chaque efpece de corpu feule retient fa propre
nature ; c'eft une opération chimique en grand qui
par l'analyfe fépare la partie aqueufe , la partie hui-
leufe , la partie faline , la partie volatile , & les difperfe.
Les odeurs le prouvent , par exemple , lorlqu'à plu-
iieurs milles de diftance en mer , on fent les émana-
A T O A T R 557
îions des plantes aromatiques des Ifles Moluques. C^'eil
à cet atmofphcre , à celui le plus élevé , que nous
devons les aurores , les crépufcules , & l'effet de k
lumière qui nous éclaire. Voye^ AiR.
Les phénomènes atmofphériques méritent la plus
grande attention des Oblervateurs , ils femblent occa-
iionner le balancement du feu éledrique , celui des
nuages , l'agitation de l'air , le rétabliliement d'équi-
libre ; leur action ne s'anéantit pas toujours dans les
nuages , ils parviennent aflez louve nt aux objets ter-
reftres ; les fluides de V atmofphcre paroiiïent avoir
beaucoup d'influence fur les corps organifés : le fluide
électrique y joue un grand rôle ; en effet , tous les
corps animés languiffent quand la partie de notre at-
inofphre , que nous refpirons , efl comme dépouillée
de fqn éle£tricité ou de l'aâ:ivité de ce fluide.
ATOCALT. Nom que l'on donne à une araignée
du Mexique^ qui vit près de l'eau , &>qui n'efl point
venimeulè. C'efl un des infedes qui nous préfente les
ouvrages les plus variés en couleur. Cette araignée
file un tiffu , qu'elle entrelace de fils rouges , jaunes
& noirs , avec tant d'art , que l'oeil ne peut fe laffer
d'admirer la beauté de l'ouvrage. Foye^ Araignée.
* ATOME. A ce nom eff attachée ordinairement
l'idée de corpufcules invifibles ou infécables , que les
Anciens regardoient comme les élémens primitifs des
corps naturels. Voyei Vartïck ÉlÉmens.
On donne aufTi ce nom à un animal microfcopique ,
le plus petit , à ce qu'on prétend , de tous ceux qu'on
a découverts avec les meilleurs microfcopes. On dit
qu'il paroît au microfcope , tel qu'un grain de iable
fort fin paroît à la vue , ô^ qu'on lui remarque plu-
iieurs pieds , le dos blanc , & des écailles.
ATROPOS , Colubcr Atropos , Linn. Serpent d'Ame*
rique , dont la robe efî d'une couleur blanchâire ; {ç^^
yeux font bruns , avec des iris blanches ; il a 131
grandes plaques fur l'abdomen^ & zz paires de petites
558 AT T
plaques fur la partie inférieure de la queue. Sa moi--
fure eil très-dangereufe. Ce ferpePxt efl du troifieme
genre.
ATTAGAS. Cet oifeau , d'après les obfervations
& les recherches faites par M. de Buffon , eil Içfran-
colin de Bclon ^ &C non celui à^Olina; & notre attagas
à plumes variées , eit Vattagm de Jdim, Voyez
Lagopède.
ATTAGEN. Oifeau très-vanté des Anciens comme
un des mets les plus délicats. Foye^ V article Lagopède.
Quelques-uns ont regardé le coq des marais , de
Gefner^ comme un attagen ; on croit q^'l Albin en a
parlé fous le nom ^cegodphale,
ATTARSOAK. Les Groënlandois donnent ce nom
à une efpece de phoque , remarquable par deux taches
noires fur la peau en forme de croisant. Ces peuples
défignent par les mots attarak , atteitfiak , Sec. le mêm.e
animal fuivant fon âge. Voye^ à tanicle Phoque.
ATTELABL^S , Arachnoïdes. Efpece d'infecte aqua-
tique qui a la tête de la fauterelle & le corps de l'arai-
gnée : il nage dans l'eau , eu il rampe fur la terre. On
peut cependant le regarder comme une efpece de fau-
terelle. Voye^ Sauterelle.
ATTERRISSEMENT , eft un accroiflement qui fe
fait par degrés plus ou moins rapides , au rivage de
la mer ou à la rive d'un fleuve , par les terres ou les
fables , ou un limon compofé de lubftances de toute
efpece , les cailloux roulés ou galets que l'eau ou des
alluvions y apportent fucellivement. C'cll bien ici le
cas de dire avec Joh , cap. XIV. verf 1 9 : Lapides
excavant aquce , (S* alluvione paulatim terra confumitiLr „
La maffe des atterrijfemens s'élève & devient d'autant
plus confidérable , qu'on approche davantage de l'em-
bouchure des fleuves , ou de celles des rivières , des
torrens &: des fleuves dont le fol eil moins profond ,
ou qu'il s'y trouve des rochers qui , en retardant
l^ Yîieffç dé l'çau , lui fpnt dépofer fur les bords de
ATT ^ 559
fon lit les terres & les fables , qu'elle charîe ordinai-
rement vers le confluent des fleuves.
Les att&rrijfcmms ne font que iliperficiels. Les dépots
que les eaux de la mer font fur fes bords , font dus ^
tantôt à des matières que les fleuves y portent , 6c
à celles que les flots , en battant avec violence contre
les falaifes ou les montagnes qui bordent le plus
fouvent fes rivages , arrachent de ces falaifes , ballot-
tent enfuite plus ou moins long-temps, &: dépofent
enfin fur les plages , réduites en poudre ou en maffes
peu confidérables. A ces matières entraînées ou arra-
chées des montagnes , fe joignent celles que les flots
détachent également des rochers cachés ou couverts
par les eaux de la mer , ou des montagnes qui s'y
trouvent dans les Ifles , auxquelles fe joignent auffi
les corps marins plus ou moins mutilés ou broyés ,
'tels que des coraux , madrépores , coquilles , os de
poiflbns , &c. Ces dépôts fe font fur les bords de la
mer , ou dans la mer même , & quelquefois ils s'y
accumulent tellement , qu'ils deviennent des digues
infurmontables à fes flots. Les pierres appelées
vaches noires près de Caen , font des atterriJJcTîzcns
glaifeux , anciens , & remplis de cornes d'ammon , de
belemnites , &c. : elles font fituées fur un plateau de
dunes près la mer. De tout temps le Rhône a produit
à fon embouchure des atterriffcmens fort étendus. Le
Danube n'efl: pas moins célèbre à cet égard , il tend
journellem.ent à combler le Pont-Euxin , &: la mer
d'Azoph. Chez les Anciens , la baffe-Egypte nommée
Delta , à caufe de fa figure triangulaire , a toujours
été regardée comme un préfent du Nil. Il femble que
les terrains de la Hollande , &: peut-être de la Zélande ,
font l'ouvrage de l'Efcaut , de la Meufe & du Rhin.
Il en efl de même , fans doute , de la grande Ifle à
l'entrée du fleuve Amour , dans la mer Orientale de la
Tartarie Chinoife ; la campagne de Ferrare paroîî due
^ux acHrriJfmms i\\ P$ j VerujÇe ^ les Iflots qui
5^o ATT
entourent cette piiîfTante Ville , parolffent tenir leur foî
des aturrijfcmens du Pô & de l'Adige ^ &c. &c. Il efl:
un grand nombre d'autres faits de ce genre gravés dans
les fafles les plus anciens de la Nature. Foye^ ce qui
eil dit encore des aturrïffcmms dans la théorie de la
Terre,
ATTOLE. Voye^^ Anate.
ATTRAPE-MOUCHE , Mufcipula, Plante qui croît
naturellement dans les lieux incultes &: fecs. C'eil une
efpece de petit (zilkt , ou plutôt de lychnïs , dont les
fleurs font aux fommités des tiges , difpofées en petit
bouquet , d'une belle couleur rouge & un peu odorante.
Les fruits contiennent de petites femences rondes &
rougeâtres. Cette plante efi: finguliere , en ce qu'il
découle de fa tige une fubilance vifqueufe , où les
mouches fe prennent ; ce qui Ta fait nommer attrape-
mouche. Il y en a une efoece à fleurs doubles d'un
beau rouge que l'on cultive dans les jardins , & qui
fleurit en Juin & Juillet. On peut la multiplier facile-
ment en la marcotant.
Depuis trois à quatre ans , les Anglois ont reçu du
fond àts terres en Penfilvanie , une plante herbacée ,
qui y croît fpcntanément fur le bord des eaux , dans
les lieux ombragés , & à laquelle ils ont donné le
nom de tip'itlwklie , &: celui de Vénus attrape-mouche,
M. EUls en a donné la defcription : les François
l'appelent attrape-mouche ; car à^^s qu'un tel infedte
vient à fe pofer lur une des feuilles de cette plante ,
la feuille s'agglomère & enferme fi promptement le
petit animal, qu'il ne peut pas s'échapper; on. pré-
tend même qu'il y efl: quelquefois écrafé. Les Bota-
niHes la défignent ainfi , Dionœa mvfàpula aut mufci-
capa. On voit adhiellement cette plante au Jardin
Royal dé Trianon , &c. Voilà une nouvelle efpece
de fcnjztive ou mimeufe : à Tinilant que l'on pofe le
doigt au centre creux de la feuille , les fibres nerveufes ,
végétales j qui en font irritées , fe conir.iai\at , & le
doigt
A V A ^ U B 5^1
èoigt eu enveloppé dans la feuille. Il naît du milieu
de ces feuilles une hampe nue , grêle , herbacée , haute
de fix à fept pouces , &c qui foutient à fon fomânet
cinq à fept fleurs blanches , pédunculées , & diipofée?
en corymbe terminal. Le fruit efl une capfule obronde ,
enflée , uniloculaire , & qui contient un grand nombre
de femences menues , attachées à fa bafe. En fuivant
le fyilême fexiiel de Linné , cette plante ( la ^lionée )
offre des caraderes qui la placent dans la décandrie
monogynle. Son calice eft à cinq feuilles ; fa corolle ,
compoiée de cinq pétales blancs , dix étamines , un
piftil ; fes racines vivaces ; les feuilles rangées en rond
îiir la terre , fucculentes , prefque recourbées , avec
deux efpeces de géniculations , dont la fupérieure eu
à deux lobes fémi-ovales , irritables , bordés de cils
ou foies longues & roides. Ces deux lobes , quand
on les touche , s'approchent & fe joignent en forme de
iàutoir tant que l'infe£le fe débat 6c fe meurt ; les
cils qui fe croifent , les lobes étant conllamment
fermés , ne s'ouvrent que lorfque Pinfede cefTe de fe
mouvoir ; ils fe romproient plutôt que de les forcer
à s'ouvrir : dans ce cas , fi le prifonnier n'efl qu'épuifé
de fatigue , il peut fubitement recouvrer fa liberté.
AVALANGE. Fojei Lavancke.
AUBÉPIN 5 Aubépine. Fojsi à lafulu de VarticU
NÉFLIER.
AUBERGINE. Voy^i Mélongene.
AUBIER , arbriffeau. Voye^ Obier.
Aubier , Alburnum. C'eil: une ceinture ou couche
circulaire plus ou moins épaifle de bois imparfait , qui
elï entre l'écorce & le cœur ou le vrai bois , dans
tous les arbres. On le diftingue aifément du bois par-
fait, par la différence de fa couleur & de fa dureté.
On doit ôter Vauhkr dans les bois que l'on emploie ;
car il fe pique de vers , & efl peu folide. M. cU Buffon
a pourtant démontré les moyens de le rendre auffi bon
que le reile du bois, Foyc^ Us mots Arbre 6c Bois.
Tom& I, N n
^6i A V A AVE
AVAOUS. En Languedoc on donne ce nom à iirt
arbiiile , efpece de chêne vert qui porte le Kermes"
infecta. Il croît abondamment dans les ganiques
(communes) du pays.
AUBiFOIN. Vcyei Bluet.
AUBOURS. Voyei ÉEÉNIER DES AlpES , à la
fuite du mot CytiSE.
AUCHA , dans quelques Voyageurs , efl le fangm.
Voyez Sarigue.
AVELANED ou Valanede. Voyci à Canick
Chêne.
AVELINIER. Voyei Noisetier.
AVENTURINE. On entend communément par ce
mot y une compofition de verre brun , jaunâtre , opa-
que ou d'émail , rouffâtre , parfemée de points brillans
de couleur d'or. La découverte de cette compofition
fort jolie , eft due au hafard. Un Verrier lailla tomber,
fans y faire attention , dans fon creufet qui tenoit du
verre en fufion , des particules de laiton ; la vitri-
fication étant refroidie , il y remarqua des paillettes
brillantes , dorées , &: qui donnoient à la mafie confo-
lidée par le refroidiffemxent , le coup d'oeil de certaine*
topa^^s artificielles & opaques. Ce phénomène mérita
-à ce verre-émail le nom à^aventurine , comme qui di-
roit pierre trouvée par aventure.
S'il y a quelque pierre fine qui reffemble à cette
compofition , éc qu'on puiiTe aujourd'hui nommer
avcnturine naturelle , il faut la chercher parmi les pierres
chatoyantes à tiffu ou à pâte de celle qu'on appelle
ail du monde. Il y en a une efpece dont la couleur
à fond brun-roux, ou gris-rouflatre , & à peine tranf-
parente , approche beaucoup de celle de Vavemurim
facilce ; mais elle diffère de Vaventurine facîlce en ce
qu'elle efl dure , & elle diffère de Vœ'il du monde , en
ce qu'elle eft parfemée de points chatoyans , très-bril-
lans , clair-femés & de couleur d'or : il y a àt^
(Lvcmuiines à fond vert , à petits points d'or & pail-
AVE AVI 5(^5
kttes d'argent. Il y a des pierres fines réputées aventurims^
à demi tranfparentes , dures comme l'agate , qui font
comme truitées ou trézalées , & qui, dans un beau jour,
ont la propriété de très-bien chatoyer , c'efl-à-dire , de
réfléchir agréablement la lumière , & même d'offrir
des éclats de lumière de différentes nuances ; & ces
éclats , qui font le plus grand plaiiir aux yeux des
Amateurs , partent de différens points , en la manière
des pierres précieufes taillées à facettes. La couleur de
cette pkrrz chatoyante & fon jeu empêchent de la
confondre avec les autres pierres chatoyantes , telles
que V opale , le girafol , Viris , la pierre de lune , Vœil de
chat , Vœil du monde , &c. Voyei CHATOYANTE & AS-
TÉRIE.
On prétend que la véritable pierre d'^aventurine réfléchit
l'image entière du foleil , tandis que les autres cha-
toyantes ne font que rendre la lumière du foleil dans une
forme alongée. On taille prefque toujours en cabochon
la YXd^ie pierre d'aventurine. Cette pierre a un prix d'af-
fedion.
AVEPvANO. C'efl Vave de verano des Portugais ; le
guira punga des Braffliens ; le cotinga tacheté de M. Brifi
fon , tom. 2. p. 3 54. Sa chair eff un comeilible agréable
& nourriffant. Cet Oifeau , en vie , pouffe un fon fem-
blable à celui d'une cloche fêlée , & tantôt femblable à
celui qu'on feroit en frappant fur un coin de fer avec
un inffrument tranchant, ^oye^^ maintenant COTiNGA.
AVERHAHN. Voyeià l'article Coq des BRUYERES.
A VERNE. Nom donné aux grottes ou foffes d'oii
fortent des vapeurs empoifonnées : ce font des efpeces
de moufettes. Voyez ce mot a t article EXHALAISONS
MINÉRALES.
AVÉRON , ou AvENERON. Voye^^ à la fuite de Var"
ticle Avoine.
AVEUGLE , ou Anvoie. Voye^ Orvet.
AVIGNON. Voyei Lavignon.
AVILA. Fruit des Indes qui croit fur une plants
N n 2
5<S4 AVI A U N
rampante ( efpece de lïam ) qui s'attache aux arbres dans
l'Amérique Elpagnole. Ce fruit contient au milieu de fa
chair huit ou dix noix convexes d'un côté & concaves de
l'autre ^ épaifles d'un demi-doigt. L'amande des graines
ou noix de ce fruit , eft crbiculaire , d'un goût amer ;
elle eft eftim^ée un grand contre-poiion , &: un remède
excellent contre les hum.eurs malgnes , à la dofe d'une
ou deux graines. Lémcri dit que ce truit eft la nhandïroba,
des Auteurs , ôc la noix de. ferpmt des Américains.
Foye^ L'article LiANE contrepo'^fon .
AVIOSA. Fcyei à t article SERPENT & CORAL.
AUNE 5 Aulne , Vergne dans plufieurs Provinces ,
en latin almis^ Dod. Pempt. 83 9 ; 6^ vul^aris^ J. B. 1. 1 5 1 ;
aut rotundi folia^ glutinofa^ viridis^ C. B. Pin. 428 , Tourn,
587. C'eft un grand arbre , d'une groffeur médiocre. Il
s'élève bien moins que le bouleau: il forme une large têie.
Ses branches redrelTées lui donnent une forme pyramii-
dale. Sa racine eft rameufe : fon bois qÛ rougeâtre, mou ,
léger 5 & facile à travailler. Son écorce eft grife , bru-
nâtre en dehors , jaunâtre en dedans , amere , un peu
aflringente Se défagréable. Ses feuilles font glabres ,
prefque rondes , alternes , dentées dans leur contour , un
peu larges & vifqueufes , ce qui a fait dire ae cet arbre ,
ainus g/utinofa. Ses rameaux font triangulaires vers leur
fommet. C'ell: un arbre à fleurs, à étammes ou à chatons^
èc ces chatons font petits & portés lur des péduncules
ramietix. Ses fruits naiffent en d'autres endroits fur le
même individu ; ce font des cônes écailleux , fembla-
blés à de petites pommes de pin : les graines font
Tougeâtres , aplaties , d'une faveur aftringente , 6c
ont un peu d'amertume.
Uaurze que les Provençaux appellent averno , efl le
hctula alnus ( boideau-aune ) de Linnccus i^()4. On voit
aux environs de Lyon une efpece à^aune à feuilles blan-
châtres ^ Alnus folio incano , Bauh. Pin. 410 , vulgairem.ent
aune des montagnes. Il croît dans les terrains frais de
ces lieux élevés ^ ôc ne s'élève communément qu'en
A U N 5^5
arbrîffeau. J'aî obfervé aux envjrons de Caen que Vaime
àfcuïlhs découpées ^ Alnus foUïs décanter incifis ^Toiirn. ,
y eu des plus communs. L'on connoît aufli le petit
aiwe Cl fiuilles oblongues ou arrondies du Canada. On le
cultive en France dans les jardins des Curieux.
Vaune eft fort utile dans une ferme : il fe plaît dans
les lieux humides & marécageux ou fujets aux inonda-
tions ; auiTi le plante-t-on fouvent en file le long des
rivières & des ruiffeaux ; il en orne les fmuofités. Il fe
multiplie très-facilement ; une grolTe fouche à^aune ^
éclatée avec la coignée en cinq ou fix morceaux , fournit
autant de pieds qui réuffiffent très-bien. Il fe multiplie
aufîi de marcottes ; une fouche couverte de teiTe four-
nit , au bout de deux ou trois ans , beaucoup de plants
enracinés. Pour faire une aimaie , on doit mettre les
plants à un pied oc demi de diflance dans des rigoles
profondes d'un pied & demi , éloignées de trois , ôc
qu'on recouvre de terre , & les couper deux doigts au-
defliis de terre : on leur donne dix &: même quinze ans
de crue , quand on veut qu'ils fervent pour les bâtimens
légers de la campagne , comme poulaillers , étables , &c.
En général , cet arbre exige peu de culture , &: pro-
duit des jets qu'on peut couper tous les quatre ans :
on en peut faire des échalas , des poulaillers &; des per-
ches pour les BlanchifTeufes & les Teinturiers. Une
plantation faunes peut fervir à relever un terrain bas y
par la terre que produifent fes feuilles en fe pourrifTant.
Comme cet arbre verdit de très-bonne heure , il figure
très-bien dans les bofquets du printemps ; on en fait
de belles allées dans les lieux frais des parcs ; on peut
aufïi l'employer en paliflades élevées , qui fouffrent
la coupe par le croiflant y & font d'un effet très*
majeflueux.
Son écorce , qui efl employée par les Tanneurs &
les Chapeliers , mêlée avec de la rouille de fer , donne
une couleur noire employée dans la teinture. Cette
écorce peut tenir lieu de noix de galle pour faire de
N n 3
^66 A U N
l'encre . En Suéde , les Pêcheurs s'en fervent pouf
colorer leurs filets. Elle peut teindre aufïï la corne
& les os 5 dans les ouvrages de coutellerie. L'écorce
& le fruit font aflringens &c rafraîchilTans , propres
peur les hémorragies , les flux & les inflammations
<ie la gorge , étant employés en gargarlfme. Les feuilles
vertes , appliquées extérieurement , diflipent les tu-
meurs 6c guérifîent les inflammations. On prétend
t^u'étant fraîches elles écartent &: chaflent les puces.
Dans les Alpes , on guérit les paralyfies qui viennent
de caufe externe , en enveloppant les malades dans
des tas de feuilles à^aum échauffées dans un four : ce
remède domeflique produit une fueur abondante. La
décoction des feuilles peut être employée en garga-
rifme pour les maux de gorge.
Le bois àiaiim qui croît fur les bords des terrains
à couches calcaires , a la propriété de s'incrufler , &
même de fe pétrifier en peu de temps. Quoique l'Or-
donnance de 171 3 ait mis Vaune au nombre des bois
morts , il n'en efl cependant pas moins recherché pour
chauffer le four : on en brûle aufii dans quelques
appartemens , &: s'il ne donne pas beaucoup de cha-
leur , il fait un feu agréable quand il efl: bien fec. Le
bois à^aime , qui fe corrompt facilement à l'air , dure
îrès-long-temps dans l'eau ou dans la glaife bien hu-
mide. Ainfî il eil très-utile dans les pilotis , dans les
machines hydrauliques , principalem.ent à faire des
tuyaux pour conduire les eaux. Le Pont de Londres ,
celui de Rialto à Venife ^ ne font bâtis que fur Vanne,
Ses branches font encore une des meilleures fafcines
pour mettre dans les fondrières , afin d'en écouler les
eaux.
Les Sculpteurs reconnoifient ce bois , doux ou tendre ,
llffe , un peu rougeâtre , facile à manier fans être trop
caiTant. Les Tourneurs l'emploient en échelles , en chaifes
communes & autres ouvrages : il efl: recherché auiiî par
les Sabotiers. On en ^^it des talons pour les fouliers.
A U N 5^7
Les Ebéniiles en emploient beaucoup , parce qu'il prend
bien le noir , & qu'alors il refièmble à l'ébene.
AUNE NOIR. Foy^.i Bourdaine.
AU NÉE, ou ÉNULE ckM.VK-H^^HehmumfLvc Enida
campana , J. B. ; Ajier omnium maximus , Hdcnium dïclus ,
Tourn. Inil. /s^^t, '^ Inula HeUnium ^ Linn. 1236. Plante
dont la racine eil d'un ulage afîez commun en Méde-
cine. Cette racine eil vivace , charnue , brune en dehors ,
blanche en dedans , d'une faveur acre , un peu amere ,
d'une odeur agréable quand elle efl: feche. Les feuilles
de cette plante ibnt amples , longues d'une coudée , un
peu ridées 6c d'un vert-pâle en deffiis , blanchâtres ou
cotonneufes en deflbus , crénelées ; les feuilles de la
tige n'ont point de pédicule comme en ont les feuilles
inférieures ; la tige eil haute de trois , quatre & cinq
pieds , ferme , cannelée , & foutient de grandes fleurs
radiées de couleur d'or , auxquelles fuccedent des femen*
ces longues , étroites , & garnies d'aigrettes. Les écailles
du calice font grandes &: ovales.
Cette plante , dit M. Ddm^z , étoit rangée par les
Méthodi fies dans le genre de VAJlcr ; mais M. Linnœus
€n a formé im genre particulier , dont le principal
caradere qui le diilingue des autres plantes à fleurs ra-
diées, & fur-tout de Vafier^ fe tire de ce que chacune àes
anthères , qui forment un tube autour du piilil , ié ter-
mine inférieurement par deux fils de la longueur à^s
filets des étamines.
Cette plante croît dans les lieux gras &; humides ,
en un mot dans les marais aux environs de Paris^
Sa racine rougit le papier bleu : elle e r béchique ,
diurétique &: iudorifîque , utile dans l'ailhme ; infu-
fée dans du vin , elle (tû. très-apérilive. En Allemagne
on confit beaucoup de cette racine ; on en ailaiionne
les mets , &: on la préfère aux aromates des Indes.
On prétend que , mile dans du vin ou du vinaigre ,
elle guérit les moutons d'une certaine pefle à laquelle
ils font fujets , que les Bergers appellent claveau. Elle
N n 4
568 A V O
efl: falutaîre pour Peftomac ; auiîî dit-on en proverbe :
Emda campana reddït prœcordia fana.
Selon M. Halkr , Vaunic efl: un amer acre & aro-
matique ; elle efl de bon ufage , quand il s'agit
d'augmenter le mouvement des Iblides , comme dans
les pâles-couleurs , dans l'allhme , dans la cachexie.
L'intufion fpiritueufe ou vineufe en efl la plus efficace.
Hcknhim ab Helena , dit Lémeri , parce o^Hchnc
fut la première qui mit en ufage cette plante contre
la morlure des ferpens : ou parce que les Poètes an-
ciens ont dit qu'elle avoit pris naifTance des larmes
À^ Hélène , lorfqu'elle eut été enlevée d'avec fon mari.
AVOCATIER, PalfifzraPafea, Cluf. Ahuaca-qua-
^///V/,Xim. I40, Laet. N.° xx6\ Aguacate Hifpanis
corrupto nomine ^ Laet. ibid. ; Aouacau Caraih, (^Boi s d'u-
nis Gall. luivant M. de Préfcntaim ). Bel arbre fruitier
de Saint-Domingue &: de la Guiane , qui s*éleve
quelquefois de quarante à cinquante pieds. Sa racine
eit grofïe , traçante ; fon tronc branchu ; fon bois
efl mou, fendant & fujet , dit M. de F réfont aines , à
prendre la pente fous le vent , ce qui oblige de l'é-
tayer. ( ^ ) On n'en tire aucun ufage : l'écorce qui
îe couvre efl grifâtre & crevafTée ; fes branches foi-,
blés , pliantes & calTantes ; fes feuilles , tantôt rondes ,
& de plus de fix pouces de diamètre , tantôt alongées
& ayant prefque un pied de longueur , font minces ,
lifîés en delRis , d'un vert tantôt pâle , tantôt foncé ,
blanchâtres en deffous , comme veloutées , attachées par
{a) Le P. Nlcolfon prérend que dans les coups de vent , les avocatiers
fe brifent quelquefois, ainfi que les abricotiers y les goyaviers , & les
autres arbres dont la tige eft élevée ; mais on laifle faire le vent. Les
Habitans, dit -il, font trop indolens pour s'amufer à étayer un arbre
de plus de 40 pieds de hauteur, pour conferver des fruits infipides &
fi communs , qu'on en a communément une douzaine au marché pour
un efcalin , qin vaut dix î'ous de France. Nous n'ofons inviter notre
Le(fleur à lire les nombreufes réflexions ou obfervations du P. Nlcotfon
<lans les notes de fon ouvrage intitulé : Ejl'ai fur l^ Hifioirc Naturelle de
Saint-Domingue : cependant la vérité , la clarté & la Jimplicité qui régnent
clans cet ouvrage , ont fsit dire à fon Cenfeur , qu'il peut fervir de
modèle à tous les Voyageurs.,,. Rifum teneatis.»
A V O 5^9
bouquets au bout des ramilles , divifëes d'un bout à
l'autre par une cote faillante , garnies de nervures
obliques , attachées à une grollë queue. Ses fleurs
croiiîent par bouquet au centre des feuilles. Elles font
en rofe , compofées de fix pétales alongés , pointus ,
blanchâtres , de quatre à cinq lignes de diamètre.
Chaque pétale eu. accompagné d'une étamine dont le
filament cil fort délié ; l'anthère fphérique. Le piftil
qui occupe le centre efl: de forme conique , & fe change
en un fruit rond ou oblong , vert ou violet. Dans fa
maturité il devient mou ; fa fubflance ou chair efi onc-
tueufe , jaunâtre & fans odeur ; fon goût n'efl ni fucré
ni acide. ( Sa fadeur , dit Nico/fon , fait qu'on a
quelque peine à s'y accoutunier ; mais lorfcju'on en a
mangé plufieurs fois , on le recherche avec plaifir , 6c
on lui trouve un petit goût d'aveline. ) Ce fruit ac-
quiert la groileur d'une poire de bon-chrétien ; lorfqu'il
neû pas tout-à-fait mûr , on le mange comme les
artichauts à la poivrade. Ce fruit , que les Indiens
nomment paltas , efl très-utile contre la dyfienterie.
On prétend aufîi qu'il provoque à l'arnour. Il ren-
ferme un noyau gros comme un œuf de poule ,
jaunâtre , raboteux , couvert d'une pellicule grilâtre.
Il contient une huile très-cauflique , de couleur vio-
lette 5 &c dont on peut colorer le fil qui fert à marquer
le linge. Il efl vrai qu'on fe fert d'un moyen plus court :
on étend fur le noyau l'endroit du linge qu'on veut
marquer , & avec la pointe d'un couteau on trace fur
le linge la lettre qu'on veut : la couleur alors , fui-
vant la trace qu'on a faite , s'imbibe dans le linge
•d'une manière diftinde , prend4a teinte de fer & ne
palTe jaînais.
Nico/fon dit encore qu'on peut diflinguer cinq efpe-
ces ^avocatiers , qui ne différent entre eux que par leur
couleur ou la diverfe configuration de leurs fruits ;
favoir , ceux à fruits ronds & verts , ou ronds èc violets.,
OU oNon^'s de verts ^ ou ob longs ÔC vioUts y ou mamdonés.
J70 A V O
L' Auteur de la Maif, Rufi. de Cayen. obferve qiie
trois ou quatre de ces arbres feroîent très - utiles à
côté de chaque café de Nègres , pour eux & pour leurs
enfans. Au refle , cet arbre , ainfi que Pabricotier de
Saint-Domingue , efi: très-commun dans les terres des
Efpagnols de cette contrée ; car il eil rare qu'un Ef-
pagnol mange un fruit dan3 un bois fans en mettre les
noyaux ou pépins en terre : les arbres fruitiers ne font
pas fi fréquens dans les quartiers François , parce qu'ils
n'ont pas le même foin. Les fangliers qu'on nomme
cochons marrons , viennent s'engraiiler dans les forets
remplies de ces arbres , & leur chair contracte un goût
excellent, yoy^l Abricot de Saint-DoiMingue.
M. de la Lonlainine. nous a dit que le nom uguxcatc
eft le nom Indien que les Efpagnols ont coniervé ,
mais que nos Boucaniers , Flibuitiers , Matelots , pre-
miers Colons François de Saint-Domingue, ont défiguré
fous le nom (^avocatier,
AVOCETTE , Avocîta, Genre d'oifeau aquatique y
de la groffeur du pigeon , dont le bec tendre , long
de quatre à cinq doigts , pointu & noir , eil courbé
en arc , relevé , édenté , Ùc comprimé latéralement.
Cet oifeau a les jambes longues , & les trois doigts
antérieurs joints par des membranes; le doigt poilé-
rieur eil ifolé , ck la moitié inférieure des cuiiles eil
fans plumes. La partie fupérieure de la tête &: du cou
jufqu a la moitié , eil noire ; tout le reile du plu-
mage eil d'un beau blanc, excepté une large bande
d'un noir luilré qui s'étend fur l'aile de chaque côté.
Par-tout dans la Nature on voit la forme appropriée
au befoin. h''avoceuc eft fins défenfe , ne peut ni bec-
queter ni prefque rien faifir avec fon bec. On foup-
çonne que cet oifeau fe nourrit de frai de poiilbn , &
de vers , qu'il cherche parmxi l'écume des eaux & là
vafe. Cet oifeau dont le cri eil crex , crex , fe ren-
contre en Italie , fur les rivages de la mer , & notam-
nient aux embouchures des ileiives &: des rivières;
A V O Î71
on le rencontre moins rarement dans le Poitou èc aux
environs de Ferrare ; on l'a aufîi trouvé en SuilTe &c
en Suéde , & même à la Lcuifiane. On donne encore
à cet oifeau le nom de hec courbé.
Vavocette femble être un oifeau de paiTage , & aimer
les pays chauds ; on ne la trouve point en hiver dans
le Poitou , où en été elle fait ion nid ; & fuivant
M. de Sakrm , les payfans en ramaiient les œufs par
milliers , ce qui fuppofe que l'efpece eft affez abon-
dante , mais peu répandue. \Javocztu de la Louifiane
*eft d'un tiers plus grande que celle de TEurope. Sa
couleur efl un blanc fali de grisâtre. On voit dans le
Cabinet du Jardin du Roi , plufieurs de ces cifeaux ,
dont le plumage eil en partie blanc & en partie noir.
AVOÎNE , Avma. Nom donné à un genre de plantes
de l'ordre des Etanruiks & de la famille des Graminées :
les avoims ont leurs épillets compofés de deux à Tix
fleurs ; leurs barbes font géniculées , tortillées , & s'in-
fèrent fur le dos des écailles florales. Les Botanifles
diilinguent plufieurs fortes d'avoines , tant cultivées
que fauvages : les premières font annuelles , les autres
font vivaces par leurs racines. Il y a V avoine blanche ,
la noire , Xaveron , &Lc.
L'Avoine blanche , Jvena alba , vidgaris ,
C. B. Pin. 23 , Tourn. 5 14 ; Avena fadva , Linn. 118,
efl celle qu'on cultive principalement pour faire partie
de la nourriture des chevaux , quoique en temps de
difette on en puiffe faire du pain. Les Habitans à^^
montagnes du Nord de la Grande-Bretagne m.angent
communément de ce pain , qui , quoique un peu amer,
ëil: très-fain. Les tiges ou chaumes de cette plante
annuelle , font droites , hautes de deux à trois pieds :
elles fortent de graines affez femblaDles à celles du
chiendent ; elles ont quatre ou cinq nœuds eu articles :
les racines font menues & nombreufes : les feuilles font
larges de quatre à cinq lignes , & afléz fernblables à
celles du froment. Au fommet de la. tige ell unpani-
572 A V O
cille épars , avec des fleurs fans pétales , dlfpofées par
paquets pendans. Chaque fleur eft compofée de plufieurs
étamines : le piftil fe change en une graine farineufe y
oblongue , menue , pointue aux deiux bouts , munie
d'un côté d'un fillon longitudinal , blanchr.tre avant
d'être mûre , mais pref"ue noirâtre lorfqu'elle eft
mûre. On ^_roit. que cette efpece à^ avoine efl: origi-
naire de rifle de Jean - Fernandez , dans la mer du
Sud , près du Ch'li.
L'Avoine noire , Avenu nigra , a le tuyau plus
gros &: la feuille d'une couleur plus foncée. Sa graine
eft plus maigre , plus longue & plus velue que celle de
la blanche : fa paille efl: noirâtre & velue.
Les avoines ont une ou plufieurs fleurs herma-
phrodites dans le même calice , deux fl-yles &C deux
ftigmates en pinceau. On remarque dans toutes , une
arête à la bafe ou au-deiious du milieu du dos de la
balle extérieure de la corolle , eu au moins dans une
de leurs fleurs. Cette arête difparoît par la culture
dans l'avoine ; mais on en trouve toujours des appen-
dices. On a obfervé que ces arêtes fe courbant, tour-
nent de différens côtés , fuivant la température de
l'air , &c fervent d'aréomètre.
U Avoine efl très-utile en Médecine. Les Médecins
Anglois ne nourriflent leurs malades qu'avec des bouil-
lons d'avoine dans les maladies aiguës. En Bretagne
cl en Touraine on la dépouille de fon écorce , 6c on
la réduit en poudre grofliere dans des moulins faits
exprès : on la nomme alors gmau. On en fait une
bpiflbn pedorale , adouciflante , légèrement apéritive ,
propre aux perfonnes échauffées , Ôc maigries par de
longues maladies. On le fait bouillir dans du lait , de
l'eau ou du bouillon. Ces décodions lont bonnes pour
là poitrine & pour la toux. On fait avec le gruau &
le lait une forte de bouillie qui fournit un aliment
plus léger que le ri:^ & Vorge mondé. Les Anglois &
les Polonois font de la bière avec de l'avoine , 5s
même préférable , à certains égards , à celle que l'on
fait avec Vorge. La farine d'avoine efl réfolutive.
Depuis quelque temps , on a reconnu que la graine
d'avoine ofFroit en décoftion une odeur de vanille ;
auiîi s'en Ibrt-on maintenant pour affaifonner le blanc-
manger qu'on fert en petits pots à l'entremets,
Vavoine n'a pas beloin de palier l'hiver en terre
comme le blé. On la feme depuis la fin de Février
jufqu'à la fin d'Avril , elle croît dans les terres fortes
6c dans les maigres. On donne , avant de la femer , un
premier labour : il faut huit ou neuf boiffeaux de fe-
mences par arpent. Uavoine , quoique femée en dernier,
fe recueille la première ; alors commence l'année de
jachère , c'efi-à-dire , qu'on ne feme rien dans cette
terre pendant l'année fuivante : on la laboure fmiple-
ment , afin de la faire profiter des influences de l'air
pour la mettre en état de recevoir du froment.
Uavoine fe feme fort bien d^elle - même , dit
M. H aller , n'ayant que trop de facilité à laiffer
tomber fa graine. L'hiver ne lui nuit point , du moins
dans un pays tempéré ; &: j'ai fait moi-même , dit cet
Obfervateur , la troifieme récolte d'un terrain d'environ
foixante toifes de long , que j'avois femé en avoïm ,
6l qui donna deux années de fuite une moifîbn paf-
fable , après la première. Apparemment que V avoine.
ne foutient pas aufii-bien la rigueur du froid en Suéde ;
car il y a toute apparence que l'équivoque de M. Vor-
^'m (dit encore M. HalUr^ eil née de ce qu'en femant
en automne , une avoine mêlée par hafard de feigle ,
qui réfiile mieux au froid , s'étoit foutenue , &: avoit
tallé à fon aife l'été fuivant.
Il faut cependant convenir que Vavoine efi: non feu-
lement fenfible au froid en Suéde , elle périt même
fouvent en France dans les Provinces maritimes , telles
que la Bretagne , où l'on fait que le froid eft en général
jnoins violent que dans celles de l'intérieur du Royaume.
yoici une expérience faite par feu M, Ramon , dans
574 ,^.^ ^
ion jardin , expofé principalement au Levant & au
Midi , &:prefque entièrement à l'abri du Nord. Un pied
d'avoine ordinaire ayant donné , en 1758 , des tuyaux
chargés de graines , ne périt pas , m.ais paiTa l'hiver ,
garda fes feuilles , cZ donna en 1759 , dès le mois de
Mai , une quantité de graines , qui augmenta eniiiite.
Cette expérience favorife encore le fyilême de M. Hal-
ler , & dont il ePc fait m.ention ci-deRus.
Au lieu de rentrer l'avoim dans les granges aufli-tôt
qu'elle eft fciée , on la lailTe fiir le champ , ce qu'on
appelle y ^^^'/:^, jufqu'à ce que la rofée & la pluie aient
fait noircir & grofTu- le grain : il faut cependant obfer-
ver que fi la pluie devenoit abondante & de trop
longue durée , elle fe corrom.proit & feroit d'un ufage
pernicieux à la nourriture du bétail. Un arpent de
bonne terre en avoine , peut rapporter cent gerbes qui
rendent trois fetiers. Comme prefque dans tous les
pays on coupe Vavoine avant qu'elle foit tout-à-fait
mûre , & qu'on la fait javeler trop long-temps , la
graine doit dég-énérer à la longue. On propofe aux
Laboureurs , dans le Journal Economique , de laiiTer
mûrir parfaitement la quantité ^avoine néceifaire pour
la femence , & de la recueillir fans la lailTer expofée à
la pluie. Il y a lieu de penfer que par cette méthode
la femence feroit de meilleure qualité ; & l'on auroit
vraifemblablement de meilleure avoine & en plus grande
quantité. Le feul inconvénient eft peut-être qu'en
coupant cette avoine ainfi bien mûre , il s'en égrene-
roit beaucoup. Une autre obfervation cu'il faut faire ,
c'efl que le grain de Vavoine demande encore beaucoup
de foin dans le grenier. On doit le remuer fouvent ,
non-feulement pour fa confervation , mais encore pour
fa perfection. Si Ton néglige cette manœuvre qui
doit s'exécuter tous les mois , Vavoim fermente ,
s'échauffe , devient rance & acide ; enfin elle tombe
dans un état de putréfadion qui caufe aux chevaux
les mêmes maladies que le foin corrompu : telles que
A V O 57.Î
îe farcîn , la maladie du feu , la gale , Se quelquefois
la morve.
Maintenant on cultive en Franche-Ccmté , 6c en
quelques autres endroits , une efpece à^avoim hlanch ,
originaire de Hongrie , Jvena nuda , Linn. ,Toum. 514.
Elle produit beaucoup étant femée ; fa tige efî plus
foite , plus élevée , plus dure ; &: fon grain efl plus
gros , plus pefant à plus farineux. Quelques - uns
l'appe lent avoine, d'hiver.
Il y a la folU avoim , qu'on appelle aviron ou avt--
mron , Avma fatua & Jhrïlis , Linn. 118; Gramcn
avmacuun ^ locufiis lamigine fiavefcentibus ^ Tourn. 524.
Elle eft ilérile 6c fans grains ; fa tige ell droite , haute
de deux pieds ou environ ; fes panicules très-lâches ;
fes épillets pendans ; les balles fiorales , couvertes dans
leurs parties intérieures d'un duvet roufsâtre , très-
abondant. Cette efpece A^avoine infede un champ &
repcuffe Tannée fuivante , à moins qu'on ne l'an'ache
6c qu'on n'en coupe les tiges avant fa maturité. On
prétend que la Scanie eft le lieu natal de Vavcneron , ou
du moins l'endroit où il en croît le plus. Les Hollandois
ont fu tirer plus d'avantage de cette plante , que les
Habitans du pays , qui n'en retirent aucune utilité. Les
Hollandois en ont rempli leurs dunes , pour en affer-
mir le fable mouvant , qui fans cela feroit agité &
emporté fans cefle par la violence des vents.
\J avoine élevée , Avena elatior , Linn. 1 1 7. Quelques
uns l'appellent avoine frcmentale ; elle croît dans les
prés 5 fur le bord des champs. Sa racine efl fibreufe
& rampante ; fa tige eil haute de trois à quatre
pieds ; le panicule ell affez lâche , étroit , pointu , &
long de fix à dix pouces ; l'épillet compofé de deux
fleurs , dont une feule fertile , ou hermaphrodite , &:
qui n'a qu'une barbe très -courte ; l'autre fleur eft
mâle ou flérile , & garnie d'une barbe fort longue.
Il y a Vavoine qui croît dans les prés fecs , Avena
fratcnjîs , Linn, 119. Sa tige efl haute d'un à deux
57(5 A V O A U R
pieds ; le panicule eft droit , refierré ; les ëpillets de
quatre à cinq fleurs , redrefTes contre la tige ; les
écailles du calice font de couleur purpurine & argentée
en leurs bords.
On diiîin^ue encore Vavoir7e velue , Avcna pubefcens ,
Linn. 1 665. Elle croit dans les prcs lecs & montagneux ,
fa tige ell haute d'environ deux pieds ; fes feuilles
font velues ; les épillets font ordinairement de trois
fleurs droites , lilTes , luifantes , rougeâtres ou violettes
à leur bafe , argentées à leur fommet ; les balles flo-
rales velues à leur bafe.
Les Canadiens ont une forte à^avolne qu'ils re-
cueillent en Juin : elle efl beaucoup plus groffe &: plus
délicate que la nôtre ; 6c on la compare au riz pour
la bonté. A l'égard des avoines rouges , elles aiment les
terres légères 6c chaudes.
AVOUPvA ou AvoiRA. Foyei Aavora , cocotier
de Guinée.
AURA de Nuremberg; c'eil V urubu, VojQz ce mot,
AURELIE. Foyei Chrys .lïde.
AUBiOL. Voyei Maquereau.
AURîPEAU ou Clinquant , Aurkhalcum, C'eft
du cuivre jaune battu jufqu'à ce qu'il foit réduit en
feuilles minces comme du papier. Ces feuilles font
employées par les PaiTementiers , par les Doreurs,
Vcyei Cuivre.
AURITE , Labrus auritus , Linn. ; an Perça fiuvlatius
gibbofa^ ventre luteo ^ Catesb. Car. 2. p. 8. Poiiion du
genre du Labre ; il fe trouve dans les eaux douces de
PAmérique Septentrionale ; quelques-uns l'appellent
perche de terre , parce qu'il s'enfonce dans la vafe ou
dans le fable. Ce poiflbn t^i remarquable , fur-tout
par la forme & la couleur de fes ouïes , qui font
alongées , obtufes & noires à leur fommet ; les iris
des yeux font de couleur jaune ; la nageoire dorfale a
vingt-un rayons , dont les dix premiers font épineux ;
les pectorales en ont quinze \ les abdominales en ont
fix^
A U R 577
fix , lîs paroifTent épineux ; la nageoire de l'anus en a
treize , dont trois épineux ; celle de la queue , qui
forme deux lobes bien diftinds , çû garnie de dix-lept
rayons. Linnceus préiume que ce poifîon eft la perche
d'eau douce de Catcsby. Ce dernier Auteur dit que cette
perche eil rarement auffi grande que la main ; que le
delTus du corps eft d'un bleu foncé , avec une teinte
plus pâle fur le dos , qui eil tres-convexe ; le ventre
jaune , les ouïes bleues , avec qutlque> raies d'un
jaune-brun ; une tache noire auprès de chaque ouïe ,
ëc une autre tache rouge qui borde la première.
AUROCHS. Nom Allemand ibus lequel on ccnnoît
un anim^al refîemblant beaucoup à notre taureau , au-
quel il eil fupérieur par la grandeur ce par la force r
c'eft Vurus des Naturalilles.
Il paroît , d'après les ciiricufes & favantes recherches
de M. de Buffoîi , que Vaiirochs peut être regardé
comme étant notre taureau domejilqiie dans fon état
naturel & fauvage : on doit le confidérer comme la
race première 6c primitive , mais altérée , changée ^
-modifiée par la diveriité des climats , des nourritures ^
& par la domefiicité. U aurochs , autrefois , remplilToit
les forêts de la Germanie ; on le connoit encore dans
les forêts du Nord, en Mofcovie, fous ce même nom
^aurochs,
'L'aurochs ell: donc Tefpece du taureau fauvage , le
véritable animal primitif d'où dérivent d'autres ani-
maux , qui , à l'extérieur , paroiiTent avoir des diffé-
rences elfentielles , mais qui , comme le prouve très-
conflamment M. de Burfon , ne font qu'accidentelles.
On doit par conféquent rapporter à V aurochs plufieurs
animaux comius fous des noms divers par les Natura-
lises 5 tels que le bonafus , le bifoii , le y^chu , &: toutes
les diverfes efpeces de bœufs , tant de l'Europe &: de
l'Afie 5 que de l'Afrique 6i de l'Amérique , qui tirent
leur origine de cette fouche. On ne peut bien taire
Tentir toute la vérité de ces faits qu'en parlant d'aprcs
Tomz /, O o
578 A U R
M. dz Buffbn j dont la plume développe avec une-
énergie finguliere tous les faits qu'elle préfente.
Il n'en eit pas , dit cet illuftre Auteur , des animaux
domeftiques , à beaucoup d'égards , comme des ani-
maux fauvages. Leur nature , leur grandeur & leur
forme font moins confiantes & plus lu jetés aux varié-
tés , fur-tout dans les parties extérieures de leur corps.
L'influence du climat , û puiffante fiu- toute la Nature ,
agit avec bien plus de force fur des êtres captifs ^ que
fur des êtres libres : la nourriture préparée par la main
de Fhomme . fouvent épargnée &c mal choifie , jointe
à la dureté d'un ciel étranger , produifent avec le
temps des altérations ailez profondes , pour devenir
confiantes en fe perpétuant par les générations ... *
Cette caufe générale d'altération n'eft pas afTez puif-
fante pour dénaturer efTentiellement des êtres ; mais
elle les change à certains égards , elle les mafcue ôc
les transforme à l'extérieur; elle fuppnme certaines
parties , ou leur en donne de nouvelles : elle les peint
de couleurs variées ; & par fon aftion fur l'habitude
du corps , elle influe aufil fiir le naturel , fur l'inflind
èc fur les qualités les plus intérieures. Une feule partie
modifiée dans \m tout aufTi parfait que le corps d'un
animal , fuiEt pour que tout fe refiente en effet de
cette altération ; oc c'efc par cette raifon que no5
animaux domeftiques différent prefque autant par le
naturel 6c l'inflind que par la figure de ceux dont
ils tirent leur première origine.
La brebis nous en fournit un exemple frappant.
Cette eipece ^ telle qu'elle efl aujourd'hui , périroit
en enlier fous nos yeux , &c en fort peu de temps ,
il l'homme cefibit de la foigner , de la défendre ; aufii
efl-elle très-différente d'elle-m.ême , très-inférieure à
fon efpece originaire ^ ainfi qu'on le peut voir au mot
Moiifon , fous lequel on défigne la brebis fauvage ,
race primitive de nos brebis.
Nous allons voir ici combien de variétés les bœu.fs
A Ù R , 579
mit effuyées par les effets divers & diverfemeht con>-
binés du climat , de la nourriture & du traitement
dans leur état d'indépendance , ÔC dans celui de do-
mefticité.
La variété la plus générale & la plus remarquable
dans les bœufs domefiiques &C même fauvages , con-
fifle dans cette efpece de bofîe qu'ils portent entre les
deux épaules : on a appelé i^ifons cette race de bceufs
bolTus , &C l'on a cru jufqu'ici que les bifons étoient
d'une efpece difrérente de celle des bœufs communs ;
mais com.me nous fommes maintenant aifurés que ces
bœufs produifent avec les nôtres , 6c que leur boifé
diminue dès la première génération , & difparoît à la
féconde ou à la troifieme , il efl évident que cette
fcofTe n'efl qu'un caradere accidentel &c variable , qui
n'empêche pas que le bœuf bofîii ne foit de la même
(efpece que notre bœuf: on a même trouvé autrefois
dans les parties défertes de l'Europe 5 des bœufs fau-
vages ^ les uns fans bofle , & les autres avec une boiTci»
Cette boile , dit M. ^e Buffon , eu moins un produit
de la Nature , qu'un effet du travail , un ftigmate d'ef-
C! rivage. On a , de temps immémorial , dans prefque
tous les pays de la terre , forcé les bœufs à porter
des fardeaux ; la charge habituelle &c fouvent exceîTive ,
a déformé leur dos , & cette difformité s'eil enfuite
propagée par les générations. îl n'eft reflé de bœufs
lion-déformés que dans les pays où l'on ne s'efl pas
fervi de ces animaux pour porter. Dans toute l'Afrique
6c dans tout le Continent Oriental , les bœufs font
boiliis j parce qu'ils ont porté de tout temps des far-^
deaux fur leurs épaules. En Europe , ou on ne les
emploie qu'à tirer , ils n'ont pas fubi cette altération ,
& aucun ne nous préfente cette difformité : elle a
vraifem.blablement pour caufe première , Je poids & la
comprefîion des fardeaux , &c pour caufe féconde , la
furabondance de nourriture ; car elle difparoît lorfquô
l'animal ell niaigre Si mal noiini Des bceufs efclaves
O 0 ^
58o A U R
& boffus fe feront échappés , ou auront été aban-
donnés dans les bois ; ils y auront laiffé une pofténté
fauvage &: chargée de la même difformité , qui , loin
de dilparoître , aura dû s'augmenter également par
Tabondance des nourritures dans tous les pays non-
cultivés ; en forte que cette race fecondaire aura
peuplé toutes les terres défertes du Nord & du Midi ,
& aura paiTé dans le nouveau Continent , comme tous
les autres animaux dont le tempérament peut fupporter
le froid {a).
Une autre différence qui fe trouve entre Vaiirochs
& le hifon ou bœuf bojfu , eil la longueur du poil ; le
cou , les épaules &: le delTous de la gprge du bifon ,
font couverts de poils très-longs ; au lieu que dans
Vaiirochs toutes ces parties ne font revêtues que d'un
poil affez court & femblable à celui du corps , à l'ex-
ception du front qui eil garni d'un poil crépu : mais
cette différence de pcil eff encore plus accidentelle
que la boffe , & dépend de même de la nourriture &
du climat.
{a) Des Le£l:eurs attentifs prétendent que cette théorie, toute belle
qu'elle eft, ne parcît pas encore fuffiiante pour expliquer la boffe qu'on
dit accidentelle dans le bifon ; car fi elle ei\ l'effet du travail , le ftigmate
<ie l'efclavage plutôt que le produit de la Nature , elle devroit néceffai-
rement s'oblitérer ou difparoître au plus tard à la troifieme génération ,
c'eft ce qui arrive par l'accouplement de ces bœufs bojfus avec les
nôtres ; mais le contraire fe remarque dans les bifons , puifque cette
boffe, loin de difparoître, fe perpétue par les_ générations ; elle paroît
donc plutôt effentielle qu'accidentelle à cet animal ; & (i l'on ne veut
pas trouver de contradictions dans les deux faits que nous venons de
rapporter, il faut dire; La boffe diminue, difparoît peu-à-peu par le
croifement des races à boffes avec celles qui ne le font pas ; & elle fe
conferve dans les individus iffus uniquement de la race à boffe , parce
qu'elle eft le produit de la Nature. Enfin Ci la boffe n'étoit qu'acciden-
telle dans les bifons & les bœufs domeffiques , en un mot , l'effet du
travail, elle difparoîtroii: dans l'une & l'autre efpece qui ne porteroit
plus de fardeaux. 'Ajoutons que généralement les animaux de même
efpece diminuC\nr de taille vers le Nord. M. Pallas obferve que Iês
boffes & les caDofités du chameau & du dromadaire ne font point pro-
venues de rétat deîervitude que ces animaux ont fubi ; elles appartiennent
à leur conformation naturelle , auff.-bien que les callofités des 'anges, leii
chàtàip;nes du cheval, les broffes des gazelles, & même l'épiderme plus
cpais déjà dahs le foetus humain , à la plante des pieds & au CCeiVâ
des maiiîs , que fur le réû<i du corps.
A U R j8i
tJiie variété plus étendue que les deux autres , &c
à laquelle , dit M. cie Biiffhn , il femble que les Natu-
iralifles aient donné , de concert, plus de caradlere
qu'elle n'en mérite , c'eft la forme des cornes. Ils
n'ont pas fait attention que dans tout notre bétail do*-
meftique , la figure , la grandeur , la polition , la di-
reûion des cornes , varient fi fort , qu'il efl impoiïible
de prononcer quel eft , pour cette partie , le vrai mo-
dèle de la Nature. On voit des vaches dont les cornes
font plus courbées , plus rabaiffées , prefque pendantes ;
d'autres qui les ont plus droites , plus longues ,
plus relevées : il y a des races de vaches qui n'en
ont point du tout : on voit parmi les brebis les
mêmes variétés. C'eft cependant d'après cette diffé-
rence dans la forme des cornes , qui ,. comme on le
voit , n'efl que très - accidentelle , qu'on a regardé
le bonafus comme une efpece particulière de bœut,
parce qu'il s'efl trouvé avoir les cornes tournées en
dedans.
A ces caufes de variété, il s'en joint encore d'au-
tres 5 qu'on doit aufîî regarder , dit M. de Biiffon y
M. Chnngeux dit qu'il femble que la Nature fait dégénérer les êtres,
fuivant les circonftances , dans des temps réglés & périodiques ;
quoique chez les êtres qui dégénèrent, toute rorganifation foit alté-
rée , cette altération paroît cependant plus ou moins fenfiblement dans
certaines parties de cette même organifation : de là plufieurs époques
dans la dégénération; la première comprend principalement les change-
mens dans la grandeur & la couleur , ainli que dans la force , la vivacité,
la beauté, &c. de l'individu. 11 paroît qu'elle fe partage en quatre temps
ou périodes. C'eft une obfervation de M. Calm , que tout bétail apporté
par les Européens en Amérique , dégénère peu-à-peu ; il y devient
beaucoup plus petit qu'il ne l'eff en Angleterre, quoique les premières
races aient été apportées de ce Royaume. Dès la première génération ,
les boeufs , les chevaux , les brebis Se les cochons perdent quelque
chofe de leurs pères , & à la quatrième il n'y a prefque plus de compa-
raifon à faire entre les enfans & les ancêtres pour la groiïeur & la
force. Or on peut obferver que cette durée de quatre générations ,
que la Nature emploie pour faire dégénérer les anfinaux dont nous
venons de parler, (n'oublions pas la tranfplantation & le croifement des
races, ) eft affez communément la mefure dont elle fe fert pour tout le
règne animal. On peut voir à l'article Negrc , qu'il ne faut guère que
quatre générations de races croifées pour noircir un homme à peau
Planche , ou pour blanchir wn homnae à peau noire.
o o 3
jgî ^ A U R
comme générales pour tcfites les efpeces d'animaux
domeftiques.
La mutilation des animaux par la cafiration , conti-
îiue ce célèbre Ecrivain , femble ne faire tort qu'à
rindividii , &C ne paroît pas devoir influer fur Tefpece ;
cependant il efl fur que cet ufage reflreint d*un côté
la nature , & l'affoiblit de l'autre. Un feul mâle con-
damné à trente ou quarante femelles , ne peut que
s'épuifer fans les fatisfaire , & dans l'accouplement
l'ardeur eu inégale , plus fbible dans le mâle qui jouit
trop fouvent ^ trop forte dans la femelle qui ne jouit
<5u'un inilant : dès-lors toutes les produdions doivent
tendre aux qualités féminines ; l'ardeur de la mère étant ,
au moment de la conception , plus forte que celle du
père , il naîtra plus de femelles que de mâles , & les
mâles tiendront même beaucoup plus de la mère que
du père. C'efl: fans doute par cette caufe qu'il naît
plus de filles que de garçons dans les pays où les
hommes ont un grand nombre de femmes ; au lieu
que dans ceux où il n'efl pas permis d'en avoir plus
d'une , le mâle conferve & réalife fa fupériorité , en
produifant en effet plus de mâles que de femelles.
Il efl vrai que y dans les animaux domeftiques , on
clioifît ordinairement parmi les plus beaux ceux que
l'on fouftrait à la caiiration , 6c que l'on defline à
devenir les pères d'une fi nom.breufe génération. Les
premières produdions de ce mâle choifi , feront , fi
l'on veut 5 fortes &: vigoureufes ; mais à force de tirer
des copies de ce feul & même moule , l'empreinte fe
déforme , ou du moins ne rend pas toute la nature
dans fa perfedion ; la race doit par conféquent s'af-
foiblir , fe rapetiffer , dégénérer ; & c'efl: peut-être par
cette raifon qu'il fe trouve plus de monflres dans les
animaux domeftiques que dans les animaifx fauvages ,
où le nombre de mâles qui concourent à la généra-
tion , efl aufTi grand que celui des femelles. D'ailleurs ,
lorfqu'il n'y a qu'un mâle pour un <grand nombre de
A U R ^ 585
femelles , elles n'ont pas la liberté de confulter leur
goût ; la gaieté , les plaifirs libres , les douces émo-
tions leur font enlevés ; il ne refle rien de piquant
dans leurs amours ; elles fouffrent de leurs feux , elles
languiffent en attendant les froides approches d'un
maie qu'elles n'ont pas choifi , qui fouvent ne leur
convient pas , &c qui toujours les flatte moins qu'un
autre qui ié fcroiî fait préférer : de ces trilles amours ,
de ces accouplemens ians goût , doivent naître des
productions aufli trifles , des êtres infipides qui n'au*
ront jamais ni le courage , ni la fierté , ni la force
que la Nature n'a pu propager dans chaque efpece.,
qu'en laiiTant à tous les individus leurs facultés toutes
entières , & fur-tout la liberté du choix , & même le
hafard des rencontres.
A toutes ces caufes de dégénération dans les anl-
tnaux domeftiques , il s'en jcmt une qui a dû produire
feule plus de variétés que toutes les autres réunies ;
c'efl le tranfport que l'homme a fait, dans tous les
temps , de ces animaux de climats en climats» Par-tout
ces efpeces ont fubi les influences du climat , par-tout
elles ont pris le tempérament du ciel & la teinture
de la terre ; en forte qu'il eft bien difficile de recon-
noître , dans ce grand nombre de variétés , celles qui
s'éloignent le moins du type de la Nature.
Telles font , fuivant M. de Bufon , les caufes gé-
nérales de variété & de dégénération dans les ani-
maux dcmefliques , & que l'on peut obferver parti-
culièrement dans l'efpece des bœufs. Nous avons dit
que Vaîirochs peut être regardé comme la fouche pri-
mitive de nos bœufs : le bifon , efpece de bœuf bofîii ^
n'en efl: qu'une variété , ainfi que le bonafus , bœuf
fauvage de Pœonie. Cet animal eft au moins auffi
grand qu'un taurear. domeftique , &: a la même force ;
mais fon cou eft • depuis les épaules jufque fur les
yeux , couvert d'un long poil , bien plus doux que le
Ciin du cheval j il a la voix du bœuf , les cornes affezi
Q o 4
584 A U R
courtes , & courbées en bas autour des oreilles , les
jambes couvertes de longs poils , doux comme la laine,
& la queue alïez petite pour la grandeur , quoique au
reûe affez femblab'e à celle du bœuf : fon cuir eft dur ,
3c fa chair ell t^n.'re & bonne à m-anger.
Le lébu peut être encore regardé comme une variété
^ans l'efpece du bœuf. C'eil un petit bœuf qui a une
bolTe fur le dos : cet animal eft de la plus grande
docilité.
Tous les bœufs domefiiques fans bofTe viennent
originairement de V aurochs^ 6c tous les bœufs à boffe
font iffus du lifin. La race de Vaurochs ou du bœuf
fans boiTe , occupe les zones froides & tempérées ;
elle ne s'eil pas répandue beaucoup vers les contrées
<lu Midi : au contraire , la race du bifoji ou du bœuf
à bofie , remplit aujourd'hui toutes les Provinces Méri-
dionales ; on Ic:. trouve dans les Indes , dans l'Atrique,
jufqu'au Cap de Bonne-Elpérance dans les Iflcs Méri-
dionales. 11 paroît même que cette race de bœufs à
boiîe a prévalu dans tous les pays chauds. Elle a
réellement plufieurs avantages fur l'autre ; ces bœu&
ont le poil plus doux & plus lullré que les nôtres : ils
font plus légers à la courfe ^ plus propres à fuppléer
au fervice du cheval , & en même tem.ps ils ont un
naturel moins lourd 6l m.cins brut que nos bœufs :
ils ont plus d'intelligence & de docilité ; auili font-ils
traités , dans leur pays , avec plus de loin que nous
n'en donnons à nos plus beaux chevaux. On voit ,
fur-tout chez les Hottentots , des elpeces de bœufs à
boffe qui ont un inltind admirable : ils les nomment
hakeleys. Voyez u mot &c celui de iifon.
Rien ne prouve mieux tous les changemens que
peuvent occafionner dans les animaux , le clim.at , &c
fur-tout la différence des nourritures , que la compa-
raifon du même animal dans les diverfes parties de
la terre.
A commencer par le Nord de TEurope^ ^e pen
A U R 5^$
ae boeufs & de vaches qui fubfiilent en Mande , font
dépourvus de cornes , quoiqu'ils foient de la même
race que nos bœufs. La grandeur de ces animaux eu
plutôt relative à l'abondance & à la qualité des pâ-
turages , qu'à la nature du climat. Les bœufs 6c^ les
vaches du Danemarck, delà Podolie , de l'Ukraine,
dont les pâturages font excellens , paffent pour être
les plus grands de l'Europe : ils font cependant de la
même race que nos bœufs. En Suiffe , oii les têtes
de quantité de montagnes font couvertes d'une verdure
abondante & fleurie , , que l'on réferve uniquement
à l'entretien du bétail , les bœufs font prefque une
fois plus gros qu'en France , oii on ne lailie à ces
animaux que des heibes grolTieres , dédaignées par les
chevaux. ( On a vu à Paris un animal d'une groifeur
monilrueufe ; il étoit annoncé au public fous le nom
de fubfilvLana. Ce n'étoit qu'un taureau de la Suifle ,
mais d'une taille extraordinaire ). Au printemps , oii
ils auroient befoin de fe refaire , on les exclut des
prairies , on les conduit fur les chemins , dans les bois,
îiir les terres ilériles , & toujours à des diftances éloi-
gnées ; en forte qu'ils fe fatiguent plus qu'ils ne fe
nourriiTent. Dans toute l'année il ne fe trouve pas
une feule faifon où ils foient largement ni convena-
blement nourris : c'cft la feule caufe qui les rend foi-
blés , chétifs & de petite flature. En Efpagne & dans
quelques cantons de nos Provinces de France , où
l'on a des pâturages uniquement réfervés aux bœufs ,
ils y font plus gros & plus forts.
En Barbarie ëc dans la plupart des Provinces de
l'Afrique , où les terrains font iecs & les pâturages
ma 'grès , les bœuf^ font encore plus petits , les vaches
donnent beaucoup moins de lait que les nôtres , ÔC
la plupart perdent leur lait avec leur veau. Il en eiî:
de nérje de quelques parties de la Perfe , de la baffe
E:^ V.i;'^ (5c de la grande Tartarie ; tandis que dans les
mêmes climats ^ à d'aiiez petites diihnces , comme en
yS^ A U R
Kalnîciiqiue , dans la \mnte Ethiopie , dans l'Abyfîinîe ,
les bœufs font d'une prodigieufe groffeur. Cette dirTé-
rence dépend donc beaucoup plus de l'abondance de
la nouiTÎture que de la température du climat. Dans
le Nord , dans les régions tempérées 6c àmn les pays
chauds, on trouve également , & à de très -petites
diiîances , des bœufs petits ou gros , félon la qualité
des pâturages , & l'ufage plus ou moins libre de la
pâture.
ÂURONE 5 Ahrotanum. Plante vivace de la famille
des AhJiJithes & àts Armoifes , dont on diftingue deux
efpeces , une mâle & l'autre femelle , mais furnom«
mées ainii improprement , car elles portent toutes les
deux des ileurs hermaphrodites.*
L'AURONE MALE , Abrotanum mas , angiiflifolium
majus , C. B. Pin. 136; Arumifici abrotanum ^lÀnn^
118^. Cette plante , qui paroit beaucoup plus amere ,
lelon la culture , le lieu où elle croît , & le temps de
l'année , a une racine Jigneufe & fibreufe. Sa tige eft
ligneiife & perfiilante l'hiver , haute de trois à quatre
pieds , dure , moëlleufe , rougeâtre , cannelée & bran-
chue ; {^s feuilles font nombreufes , découpées forte-
ment en folioles capillaires , blanchâtres , d'une odeur
forte , un peu aromatique , qui a[X)roche de celle du
camphre &, du citron , & d'une faveur amere. Ses
fleurs , qui naiffent en grand nombre le long & au
fomxmet des rameaux , font jaunâtres & à deurons
très-courts : il leur fiiccede de petites graines oblongiies ,
TxV^ç.'^ & fans aigrette. Cette aiironc naît communé-
ment fur les montagnes de l'Italie 6c des Provinces
Méridionales de France. On la cultive dans nos jardins,
où , quand on en a arraché les branches , les racines
en pouffent d'autres,
L'AURONNE FEMELLE OU SaNTOLINE à fcuilks
de cyprès , Abrotanum fœmina , Lobel. Icon. 768 , aut
Santolïna foliis terctibus , C. B. Pin. 136 , Tourn. Infl.
460 ; Santolina Chamœcy.par'ijfus ^ Linn. 1 1 79. Sa racine
A U R 557
eft bran chue ; fa tige eft cylindrique , lîgneiife, beau-
coup plus petite & moins grofte que celle de la
précédente : elle eft couverte d'un duvet blanchâtre ,
branchue &c portant des feuilles finement dentelées. Sa
ileur eR plus grande que dans Vaurcrzc mdh. Cette
plante eft connue auffi fous le nom de fantolim ,
petit cyprès ou garde-robe , parce qu'on la croyoit
propre \ garantir les habits de laine & les fourrures
contre la teigne ; mais les eifais de M. de Réaumur
lui ont prouvé que l'effet en étoit nul , & qu'il n'y
avoit abfolument que l'huile eiléntielle de térébenthine
qui pût faire périr les teignes. Ces plantes ont à-peu-
près les mêmes propriétés que rabfnîthe. On diflingue
wwt fantolim à feuilles blanches^ Santolïna, repens &
tanefccns , Tourn. Inft. 460 ; il y a encore Xr fantolim
à feuilles de romarin , com.me tuberculée , Santolina
rorifmarini folio , Linn. 1 180,
Les Jardiniers vendent , fous le nom de grande &
de petite citronnelle^ deux efpeces ^aurone\ l'une à
feuilles étroites , & l'autre à feuilles larges. Comme
ces petits arbuiles ne quittent point leurs feuilles , ils
peuvent être employés à garnir les bofquets d'hiver.
AUPcORE. Nom que l'on donne à un beau papillon
de jour , qui habite les bois & les prairies : il efl com-
mun du côté d'Upfal & dans prefque toute l'Europe.
M. Linnmis l'a nommé cardamim , parce que fa che-
nille fe trouve fur la plante qui porte ce nom. Le mâle
a une belle tache de couleur de fafran fur le deflus des
ailes fupérieures , ce qui l'a fait nommer par les Natu-
ralifles , aurore : le refle des ailes eft blanc , avec un
point noir ; le deffous des ailes fupérieures efl partagé
en trois couleurs , blanc foufré , aurore &: vert-blanc ;
le deffous des inférieures eil marbré de blanc & de
vert. L'efpece femelle n'a point de taches aurores. On
connoît auffi de très-petits papillons aurores. Tous ces
papillons font difficiles à attraper ; mais fi Ton peut
avoir uae feni^Ue ^ & qu'on la fixe fur un chou
5SS A U R
fauvage , on aura facilement le mâle. Leur chryMii^
eu renflée dans le milieu , forme une efpece d'angle ,
& fes deux bouts fe terminent en fufeau.
Aurore. Nom donné au crépufaile du matin , k
cette lumière foible qui commence à paroitre quand
le foleil eft à 1 8 degrés au-deffous de l'horizon , êc qui
continue en augmentant jufqu*au lever du foleil. Foyei^^
VartïcU Crépuscule.
Aurore boréale , Aurora borcalis, Uaurore Bo-
réale eu une efpece de nuée rare , fouvent tranfparente ^
toujours lumineufe , communément ondoyante , qui
paroît de temps en temps s'élever dans le filence de
la nuit de derrière l'horizon du côté du Nord , plus
rarement dans nos climats tempérés que dans d'autres
régions de la terre , foit que le ciel paroiffe pur , foit
qu'il foit couvert de nuages, h' aurore boréale a été
ainfi nommée parce qu'elle a coutume de paroitre du
côté de la partie boréale du ciel , & que fa lumière ,
lorfqu'elle efl proche de l'horizon , reiTem.ble quel-
quefois fi bien à celle du crépufcule ou du point du
jour ou de V aurore , qu'on croiroit que le foleil va
fe lever en cet endroit. ( Ce même phénomène qui
s'offre quelquefois aux yeux des Habitans fitués proche
ou fous l'équateur , a été nommé lumière ipdiacale?) {a)
\J aurore boréale paroît plus fréquemment en automne
que dans une autre faifon ; ce météore a la forme d'un
fegment de cercle qui offre à la vue des variétés
infinies : on en voit fortir d'abord des arcs lumineux ,
puis des jets &: des rayons de lumière. Lorfque ce
phénomène eft dans fa plus grande magnificence , une
efpece de couronne lumineufe fe forme vers le zénith.
Ses rayons , s'ils font bas , font perpendiculaires à
l'horizon ; &; quand ils font plus hauts ^ ils vont fe
(a) Dom Antoine de Vlloa , Chef d'Efcadre de Sa Majefté Catholique,
a vu au pôle du Sud des aurores entièrement ("emblables à celles qu'a
nous voyons dans nos rtIgionSt Voil* donc des Aworcs poUins , k*
une3 nord , les autres fud.
A U R
réunir à un centre commun auprès du zénith , où ils font
différens mouvemens qui les font paroître gliffer les
uns fur les autres. Le Dodeiir Halky a démontré , par
fes obfervations fur le météore qui parut le 3 1 Juillet
170 8, entre neuf & dix heures du foir, que ces mé-
téores font dans la partie la plus élevée de l'atmof-
phere , ou entre quarante ou cinquante milles d@
hauteur perpendiculaire. On a aufîi trouvé par le calcul,
que le météore du 19 Mars 171 9 n'étoit pas moins
élevé que de foixante-treize milles & demi de hauteiu-
perpendiculaire. Pour expliquer Vaiirorc boréale d'une
manière phyfique , nous ne faurions mieux faire que
de rapporter en peu de mots le fyftême de M. ds
Mairan fur ce phénomène.
Le foleil efl environné d'une atmofphere qui nous
éclaire , & qui s'étend quelquefois jufqu'à plus de
trente millions de lieues. Lorfque les dernières couches
de l'atmofphere folaire ne font pas éloignées de plus
de foixante mille lieues de la terre , elles tombent alors
vers notre globe , en vertu des lois de la gravitation
mutuelle des corps. La matière lumineufe de l'atmof-
phere folaire fe précipitant en affez grande quantité
dans l'atmofphere terrellre , elle doit néceffairement y
caufer des aurons boréaks. Rien n'eft fi curieux & ii
bien raifonné que l'excellent Traité de M. de Mairan
fur les aiLrores borlaks. C'eit un ouvrage qu'on peut
regarder comme un chef-d'œuvre de travail , de faga-
cité &: de génie. On voit dans ce Traité pourquoi
V aurore boréale va fe ranger plutôt du côté des Pôles
qu'à l'Equateur , pourquoi elle décline ordinairement
de dix à douze degrés vers l'Occident ; pourquoi enfin ,
dans le temps de ce phénomène , l'on voit inllanta-
nément des ileches ou colonnes de feu , des jets , des
gerbes brillantes ou flots de lumière , des éclairs & une
couronne lumineufe près du zénith.
Quelques-uns regardent cette apparence d'incendie
de l'atmofphere boréale , comme le dernier effet d'un
590 A U R
:flur.ie lumineux & électrique , qui préparé dans
l'intérieur de notre globe , s'eft échappé de ce labora*
toire à travers les parties perméables de la croûte de
la terre pendant les grandes chaleurs de l'été , pour
produire eniuite dans notre atmolphere les redoutables
eirets des éclairs & du tonnerre , de là s'élever , en
vertu de fa force expanfive , au-deffus de la plus haute
couche de l'atmofphere , pour y jouir en paix de fes
propriétés, n'obéir qu'à fes propres lois , parce que
rien ne le contraindra alors à fe condenfer en lui, à
marquer par des coups d'éclat & de violence la rup*
ture de fon efclavage : voilà le terme oii le vide dans
lequel ce fluide s'étend librement , s'accumule en cer-
taines circonilances au-defius des Pôles , & répand en
filence une lumière qui , fuivant les mouvemens de
l'air ou les variations de l'atmofphere fur laquelle elle
fera appuyée , devra comme elle ondoyer , &: dont
l'éclat ne fera plus , com.me dans les orages , l'annonce
d\me commotion funeile. En effet , plus l'air eil rare ,
plus l'éledricité fe manifeiîie fous la figure d'une lumière
phofphorique. Cette explication de la caufe ou fluide
créateur de V aurore boréale , elt tres-ingénieufe. M. Fran'
klln foupçonne que la grande quantité de vapeurs
qui montent entre les Tropiques , forme des nuages
qui contiennent beaucoup d'éle£b:icité ; quelques-uns
tombent en pluie avant d'arriver aux régions polaires ,
d'autres pafTent à ces régions. Chaque" goutte de pluie,
de même que la neige &: la grêle , apporte un peu
d'éledricité , qui , deicendant ainfi , efl reçue & imbi-
bée par la terre. Si les nuages ne font pas fjflifam-
ment déchargés par cette opération graduelle , ils fe
déchargent quelquefois (budainement , par de grands
coups de tonnerre fur la terre , c]u'ils trouvent en
état de recevoir leur électricité , notamment dans les
climats tempérés & chauds : car dans les réglons po-
laires, le grand gâteau de glace qui les couvre éternel-
lement ne permet pas à ï'éledricité qiâ defceiid avec
A U R 59t
la neige , de pénétrer dans la terre. Amû ^ la grande
quantité d'éledricité portée dans les régions polaires ,
par les nuages qui s'y raffemblent , en fuivant la di-
redion des méridiens , s'y condenfe , y tombe a\'^c la
neige , & ne pouvant pénétrer la terre , à caufe des
glaces qui s'y oppofent , fe reporte .en haut ^ s'ouvre
un chemin à travers l'aîmofphere peu élevée & très-
pelante de cette contrée extrêmement froide , plane
comme dans le vide au-delTus de l'air , & fe dirige
enfin du côté de l'Equateur , en divergeant ccmmic les
méridiens. L'éleclricité devient alors très-vifible dans
les endroits où elle efl: plus denfe , & le devient de
moins en moins à mefare que la divergence augm^ente ^
juiqu'à ce qu'enfin elle trouve une iiiiie vers la terre
dans les climats plus tempérés , ou qu'elle fe mêle
avec Pair fupérieur ; la Nature opérant de cette ma-
nière 5 il en doit réfalter toutes les apparences des
aurores borLiks, Les eixets du Huide éledrique ne peu-»
vent-ils pas expliquer quelques-unes de ces variétés de
figures qu'on obferve quelquefois dans le mouvement
de la matière immenfe des aurons boréales? Confultez
le Mémoire fur ks aurores boréales , par M. le Comtz
de la Cépede ; le Mémoire fur la caiife phofpho ri co- élec-
trique des aurores boréales , par M. Bertholon ; l ^Extraiù
des fuppofiticns & d.es conjectures fur la caufe de P aurore^
boréale , de M. Franklin ; le Journal de Phyfique ^ Aviil
& Décembre iyy2 , Juin lyy^,
La fuperftition avoit toujours montré aiLX Peuples
Méridionaux ce météore fmgulier , comme un iigne
certain des plus grands malheurs ( ^ ) ; mais depuis
(û) Les bandes ronges & les p«oints de couleur de fang des aurores
boréales, ont été pris autrefois pour des nuées ôc des pluies de fang,
powr des incendies dans le ciel ou fur la terre; elles rappellent nécef-
iairement , dit M. Bertholon » le fouvenir de ce qui fe paffa fous
l'empire de Tibère à l'apparition d'un phénomène de ce genre ; les
cohortes Romaines crurent que la ville d'Oflie étoit toute en feu , &
y accoururent pour porter du fecours. On s'imagina encore que c'étoit
«n incendie, du temps de l'Emperear Sévère: & en 1705, à i'Qccafioa
592L A U R
qu'on a voyagé vers les régions Septentrionales , les
aurons borcaLs ne font aujourd'hui pour les Philofo-
phes qui en connoiiTent la caufe , que des fpeclacles
qui attirent leur attention ; & pour les Peuples voifins
des Pôles , elles font un dédommagement de l'abfence
du foleil. Lorfque cet aftre les a quittés , qu'il fe tient
caché près de fix mois , pour dérober fa clarté à cette
partie de notre planète , & la laiffer dans l'obfcurité ,
la terre efl: horrible alors dans ces climats , mais le
ciel préi'ente , étale très - fouvent aux yeux le plus
charmant & le plus magnifique fpeclacle. M. de Mau-
pcrtiàs a vu , dans ce pays , des nuits qui auroient fait
oublier l'éclat du plus beau jour. Des feux de mille
couleurs éclairent le ciel prefque continuellement.
Ces lumières prennent rapidement , par reprifës , diffé-
rentes formes , & ont différens mouvemens ; fouvent
leur éclat augmente & diminue alternativement ; le
plus ordinairement elles reiiemblent à des drapeaux
qu'on feroit voltiger dans l'air ; & par les nuances des
couleurs dont elles font teintes , on les prendroit pour
de vaftes bandes de ces taffetas que nous appelons
fiambés. Quelquefois elles tapiiïent certains endroits du
ciel en écarlate ; couleur que l'on craint beaucoup
encore ©ans le pays même , comme l'avant-coureur
de quelque événement funeile. Cependant les diffé-
rentes couleurs de ces apparences lumineufes qui
affedent l'œil , doivent être rapportées à la différente
réfrangibilité des milieux , au travers defqucls nous
voyons ce météore. Tout feu , toute flamme vue au
travers des vapeurs & des exhalaifons , paroît rouge ,
& fur-tout la lumière phofpborique ; dans certains
temps les nuages qui font au couchant , lorfque le
foleil commence à difparoître , offrent à nos yeux des
teintes d'une couleur rouge ôc vive comme du fang ,
malgré
d'une autre aurore horéaU , plufienrs Corps-de-garcîes de la Garnifon de
Copenhague éprouvèrent uriC alarme femblable , «rirent les armes 5c
battirent le tambour,,!»
A U R 595
malgré i'éclat du jour. Le feu éledrlque^ dans fes dif-
férens degrés, paroît blanc, rouge , jaune , &c. Enfin
lorfqu'on voit ces phénomènes , la pompe de leur
appareil impofant , on ne peut s^étonner que ceux qui
les regardent avec d'autres yeux que les Philofophes,
y voient des chars enflammés , des armées combat-
tantes , une mer de feu qui tend à inonder l'atmof-
phere du côté du Nord , &: mille autres prodiges qui
ont pu donner aux Poètes l'idée de l'Olympe , comme
la vue des nuages groupés de mille manières peut
avoir fait imaginer la defcente des Dieux du haut
o
de l'Empyrée.
Uauron boréale ne com.mence à paroître que deux
ou trois heures après le coucher du foleil : elle a été ap-
perçue très-fréquemment en Europe depuis 1 7 1 6 , ÔC
très-rarement avant cette époque. Elle îe montre phis
fréquemment, depuis le 22 Décembre jufqu'au 22 Juin,
que dans les autres mois de l'année , quoiqu'on en
ait obfervé auili dans le mois de Juillet,
On a mandé de Lisbonne , que la nuit du 5 au G
Mars 1764 , on a vu une auror& boréale qui a dure
plus de quatre heures.
En 1771 , le 19 Février au foir , le thermomètre
de M. de Réaumur étant à fept degrés de dilatation ,
le vent à l'Eil: , un léger brouillard répandu vers l'Efl ^
îe Sud &: POuefl , M. l'Abbé Duqmmare obferva au
Kavre-de-Grace , depuis huit heures un quart jufqu'-à
neuf, la lumière ^âiacale , fous une forme prefque
iemblable à celle d'une palme , prenant quelquefois
des courbures différentes : la lumière en étoit très-
fenfible , de couleur orangé fort pâle , étendue le
long du zodiaque , fans paroître avoir de bafe appuyée
fur rhorizon : notre Obiervateur apperçut très-dii1:inâ:e-
ment à travers ce météore , des étoiles de la cinquième
^ fixieme grandeur , les Pléiades , &c. On voyoit
vers le Nord une lumière foible , mais allez étendue ,
ou une aurore boréale fort tranquille. U aurore boréak
Tome /, F p
594 A U S
efl un phénomène lumineux moins rare que l'appari-
tion de la lumière zodiacale. M. l'Abbé Dicquemarc
obierva, le 24 Octobre 1769 , une aurore boréale très-
belle , qui dura quatre nuits de fuite. Nous en avons
cbfervé une au Château de Chantilly , dans la partie
du Nord-Oueil , le 21 Septembre 1778; ce fpedacle
avec toute fa pompe dura depuis neuf heures trois
quarts , jufqu'à dix heures trois quarts ; elle avoit en
général la forme d'une couronne antique : fa bafe ap-
puyée fur l'horizon , étoit fort obfcure du côté du
Levant ; & de cette partie s'élançoit à travers la Voie
Lactée jufqu'aux Pléiades , une large bande lumineufe ,
terminée en pyramide ^l de couleur d'écarlate ; la
partie vers le Couchant étoit d'une lumière blanche ,
celle du milieu , qui dépaiToit de beaucoup la grande
Ourfe , donnoit fans celle des effluves violets & chan-
geans refplendiffans ; on diilinguoit à travers fa bafe
des étoiles de la première grandeur.
M. de Marfchall , dans lés nouvelles Obfervations
choifies , fait remarquer plus de foixante fortes de
lueurs boréales , avec leurs principales circonilances
qu'il a obfervées depuis 1740. Il en diilingue trois
claffes , c'efi-à-dire , i.^ une lueur limple ; 2.^ un arc
clair , fimple ou double , regardant le Nord ; 3 .^ des
vapeurs lumineufes qui partent du Nord , ce occupent
une partie de l'atmofphere. Dans l'efpace de feize ans^
il n'a vu qu'une feule fois un arc double ; un arc
triple eil encore bien plus rare. MM. Aknfdd 6c Vol^
fai prennent la fplendeur boréale pour un ouragan
informe. Des Obfer\^ateurs prétendent avoir reconnu ,
pendant la durée de ces brillans météores , des varia-
tions très - fenfibles dans la direction de l'aiguille
aimantée , & en attribuent la caufe au fluide élec-
trique qui l'emporte far le fluide magnétique. Foyei
maintenant rarticU Lur/IIER.E ZODIACALE.
AUSQUOL Les Huions donnent ce nom au caribou^
yoyez ce mot.
A U T 59J
AUTOMNE. Foyei à VartïcU QUATRE SAISONS.
AUTOUR 5 Accipiur-ajlur. Oifeau de proie , qiiî
eft beaucoup plus grand que l'épervier , aiiquel il ref-
femble néanmoins par les habitudes naturelles , &: par
un caraQere qui leur eft commun , &: qui dans les;
oifeaux de proie , n'appartient qu'à eux & aux pies-
grieches , c'ed-à-dire , d'avoir les ailes courtes ; en
Ibrte que quand elles Ibnt pliées , elles ne s'étendent
pas à beaucoup près à l'extrémité de la queue. Il ref-
lemble encore à l'épervier, en ce qu'il a , comme lui,
la première plume de l'aile courte , arrondie par fon
extrémité ; &; en ce que la quatrième plume de l'aile
eil la plus longue de toutes.
Uautour a les jambes plus longues que les autres
oifeaux qu'on pcurroit lui comparer , & même que
le gerfaut , qui eil à-peu-près de fa grandeur. Il a les
yeux rouges , &; d'autant plus rouges , qu'il eil plus
âgé ; on obferve dans les autours de France , une
différence ou variété de plumage 6c de couleur , tant
dans le mâle que dans la femelle , & le même oifeau
diffère de lui-même dans les différens âges de la vie 5
ce qui eil bien propre à induire en erreur. Avant fa
première mue , c'efl-à-dire , pendant la première année
de fon âge , il porte fur la poitrine & fur le ventre ,
des taches brunes perpendiculaires , longitudinales ^
mais lorfqu'il a, fubi fes deux premières mues , ces
taches longitudinales difpayoiiTent , & il s'en forme de
tranfverfales , qui durent enfuite pour tout le refle de
la vie ; en forte qu'il eil très-facile de fe tromper fur
la connoîfTance de cet oifeau qui , dans deux âges
différens ^ eil marqué fi difréremmenî. Le mâle de
Vautour , comme dans tous les oifeaux de proie , eil
beaucoup plus petit , c'eil-à-dire , bien moins gros
que la femelle : c'eft ce qui l'a fait appeler tkrceUi
d^ autour, La femelle a communément , du bout du
bec à celui de la queue , un pied dix pouces de
longueur.
P p z
^595 A U T
M. de Biiffon , qui a fi bien éclair cl Phifloire ^<^^
oifeaux , qui a étudié leurs mœurs , leur génie , leur
inflinâ: avec tant de fagacité , a fait nourrir long-temps
un mâle & une femelle de Tefpece de Vautour ; la fe-
melle étoit au moins d'un tiers plus greffe que le mâle ;
il s'en falloit plus de fix pouces , que les ailes , lorf-
qu'elles étoientpliées , ne s'étendiffent jufqu'à l'extrémité
cle la queue : elle étoit plus greffe qu'un chapon àks
l'âge de quatre mois , qui lui a paru le terme de l'ac-
croiffement de ces oifeaux. Dans le premier âge , jufqu'à
cinq ou ïix femaines , ces oifeaux lont d'un gris-blanc ;
ils prennent enfuite du brun fur tout le dos , le cou &
les ailes ; le ventre & le deffcus de la gorge changent
moins , & font ordinairement blancs , ou blancs- jau-
nâtres 5 avec des taches longitudinales , brunes dans la
première année , &: des bandes tranfverfales brunes dans
les années fuivantes. Le bec eff d'un bleu fale , & la
membrane qui en couvre la bafe eff d'un bleu livide ;
les jambes font dénuées de plumes , & les doigts des
pieds font d un jaune foncé; les ongles font noirâtres ,
& les plumes de la queue qui font brunes , font mar-
quées par des raies tranfverfales fort larges , de couleur
d'un gris fale : le mâle a fous la gorge , dans cette pre-
mière année de fon âge , les plumes mêlées d'une couleur
rouffâtre , ce que n'a pas la femelle , à laquelle il ref-
fem.ble pour tout le reffe , à l'exception de la groffeur
c[ui , comme nous l'avons dit , eff plus d'un tiers au-
deffous.
On a remarqué que , quoique le mâle fût beaucoup
plus petit que la femelle , il étoit plus féroce &: plus
méchant ; ils font tous deux affez difficiles à aprivoi-
fer ; ils fe battoient fou vent , mais plus des griffes que
du bec , dont ils ne fe fervent guère que pour dépe-
cer les oifeaux ou autres petits animaux , ou pour
bleffer & m.ordre ceux qui ks veulent faifir ; ils coîu-
mencent par fe défendre de la griffe , fe renvcrfent fur
le dos en ouvrant le bec ; ôc cherchent beaucoup plus
A U T Î97
à déchirer avec les ferres , qu'à mordre avec le bec.
Jamais on ne s'efl apperçu que ces oifeaux , quoique
feuls dans une volière fpacieufe & placée en un lieu
folitaire , aient pris de l'afTeâ;ion l'un pour l'autre ; ils
y ont cependant paiTé la faiion entière de l'été , depuis
le commencement de Mai jufqu'à la fin de Novembre ,
où la femelle , dans un accès de fureur , tua le mâle
dans le filence de la nuit. Leur naturel eil li fangui-
naire , que quand on laifTe un autour en liberté avec
plufieurs faucons , il les tue tous les uns après les au-
tres ; cependant il femble manger de préférence les
fouris 5 les mulots , & les petits oifeaux : il fe jette
avidement fur la chair faignante , & refufe aflez
conframment la viande cuite ; mais en le faifant jeû-
ner , on peut le forcer à s'en nourrir : il plume les
oifeaux fort proprement, &: enfuite les dépecé avant
de les manger , au lieu qu'il avale les fouris tout
entières. Ses excrémens font blanchâtres ÔC humides;
il rejette fouvent par le vomiffement les peaux rou-
lées des fouris qu'il a avalées. Son cri eft fort rauque ,
&: finit toujours par des fons aigus , d'autant plus défa-
gréables , qu'il les répète fouvent : il marque aufii une
inquiétude continuelle dès qu'on l'approche , & femble
s'eiraroucher de tout : en forte que l'on ne peut paiTer
auprès de la volière où il efi: détenu , fans le voir
s'agiter violemment &: l'entendre jeter plufieurs cris
répétés. L'extérieur de Vautour , fes mouvemens bruf-
ques & farouches s'accordent avec i^s moeurs , qu'ils
femblent déceler.
U autour efl employé pour la chafîe dans les fau-
conneries ; il donne m.ême fon nom à une divifioa
employée par les Fauconniers : ils appellent autourfcrk ,
une clailè d'oifeaux qui com^x^nà V autour ^ Vépcrvier^
les harpayôs , &c. \J autour eft un oifeau de poing ^
non de leurre : il ne vole pas fi haut que certains
oifeaux de proie , parce qu'il a les ailes lui peu courtes
à proportion de fon corps : il ne tombe pas fur fa
PP 3
598 A U T
proie , mais il la prend de côté , ainii que Pépervîerj
Lorliqu'on veut prendre des autours , rien n'efl plus
facile : on met un pigeon blanc , afin qu'il foit vu de
loin , entre quatre filets de neuf ou dix pieds de hau-
teur , &: qui renferment autour du pigeon qui efl au
centre , un efpace de neuf ou dix pieds de longueur , fur
autant de largeur ; Vautour arrive obliquement , & la
manière dont il s'empêtre dans les filets , indique qu'il
ne fe précipite point fur fa proie , mais qu'il l'attaque
de côté pour la faifr ; les entraves du filet ne l'empê-
chent point de dévorer le pigeon , & il ne fait de grands
efforts pour s'en débarrailer que quand il efl repu.
^J autour fe trouve dans les montagnes de Franche-
Comté 5 du Dauphiné , du Bugey , oii il fait fon aire
( nid ) ; dans les forêts de la Province de Bourgogne ,
éc dans les environs de Paris ; m^ais il eil encore plus
commun en Allemagne qu'en France ; & l'efpece paroît
s'être répandue dans les pays du Nord jufqu'en Suéde ,
& dans ceux de l'Orient , jufqu'en Perle & en Barbarie.
Les autours les plus eilim.és pour la chaffe , félon
Bdon , lont ceux de Grèce ; ils ont la tête grande ,
le cou gros , beaucoup de plumes. Ceux d'Afrique
font les moins eflimés : ils ont les yeux noirs dans
le premier âge , & rouges après la première mue,
\J amour blond as. M. de Buffon^ efl le gros hufard de M.
Br'jfon. On diilingue encore Vautour gris à ventre rayé
de Madcigafcar ; V amour de Cayenne , de la grande &
de la petite efpece ; ce dernier efl reprélenté , /?/. ^72/. 47^.
Autour. Efpece d'écorce , que les Epiciers-Dro-
guiflcs tirent du Levant par la voie de Marfeille. Elle efl
affez femblable à la cannelle , mais plus pâle en
deflus ; en dedans elle a la couleur de la noix muf-
cade , avec des points brillans. Elle efl légère , fpon-
gieufe , fans odeur & d'une faveur infipide. On la fait
entrer dans la compofition du carmin.
AUTRUCHE, en latin, Struthio ; en Arabe, Nea-
makh^^lxis grand de tous les oifeaiix, fi ontn exceptç
A U T 599
peut-être le cafoar , qui , quoiqu'il lui cède en hauteur,
lui eil: néanmoins fupérieur en groffeur. Vaiitruche ,
qui forme un genre particulier , & feul de fon efpece/,
€il montée fur de très-hautes jambes : elle a le cou
très-long , &: la tête fort petite. Sa hauteur ou plu-
tôt fa longueur , du bout du bec à celui du doigt le
plus long eil de huit pieds quelques pouces. Elle n'a
que deux doigts à chaque pied : ces doigts armés
chacun d'un ongle noirâtre , font tous les deux en
devant , & unis jufqu'à la première articulation par
une forte de membrane. Ses cuiffes font fortes , char-
nues , ëc fans plumes jufqu'aux genoux , ainfi que
îe deilbus des ailes. Les ailes pliées s'étendent à peu
près jufque vers le milieu de la queue ; déployées ,
elles forment une envergure de fix pieds §£ demi. Ses
ailes font donc petites relativement à fon volume ,
suffi ne peuvent-elles pas élever cet oifeau , ôi font-
elles abfolument inutiles pour voler. Elles ont été
defdhées par la Nature pour aider l'oifeau dans fa courfe,
lorfqu'il a le vent favorable. Elles ne lui fervent cepen-
dant point comme les voiles à un vaiiTeau , parce
qu'elles ne font point conilruites comme celles àts
autres oifeaux , dont les barbes , d'une flruûure mer-
veilleufe , font appuyées & s'accrochent les unes dans
les autres , & ferment un corps continu , capable de
frapper l'air. Les fils des barbes de l'autruche , qui
font cependant très-belles , ne font donc jamais unis
les uns contre les autres , mais fiottans & flexibles ,
n'étant point poiu-vus de ces crochets qui facilitent
l'entrelacement des plumes. Les tuyaux de ces plumes
ont très-peu de force & d'élafîicité. De plus , fes
plumes manquent d'une mécanique merveilleufe , qui
rend les plumes des autres oifeaux , tantôt droites ,
tantôt obliques , &: dont on verra le détail au mot
Oiseau. On diroit , à juger des chofes à notre manière,
qu'il en auroit trop coûté à la Nature pour rendre
Vautruch iin oifeau volant , & il fembleroit que fon
Pp 4
6co A U T
exemple devroît apprendre à ceux qui s'occupent des
moyens de procurer à Phomme la faculté de voler ,
qu'ils s'attachent à une entreprife dont la Nature
même n'a pas voulu fe charger , par rapport à un ani-
mal aufTi pefant que Vautriickc. Il fuffit d'avoir obfervé
le portrait bien fait d'une autruche pour la recon-
noître. La grandeur , la forme & les fingularités qu'elle
préfente , ont fixé , dès les premiers tem.ps , Tattention
de l'homme ; il eil queilion de V autruche, dans le plirs
ancien àzs» Livres Sacrés, & dans les Ouvrages d'/fJ-
rodou 5 le plus ancien des Auteurs profanes.
On remarque , à l'extrémité de chaque aile de
Vautruchc , (kxxx ergots d'environ un pouce de long ,
à-peu-près femblables aux aiguillons des porcs-épics ;
îes uns veulent qu'ils fervent kV autruche de défenfes,
les autres d'éperons pour s'aiguillonner dans fa courfe.
Le premier fentiment paroit lans doute le plus vrai-
feniblabie. La bafe du cou , le dos , le croupion , la
poitrine & le ventre font couverts de plumes noires
dans le mâle , feulement brunes dans la femelle , &
il s'y en trouve quelquefois de grifes ou blanchâtres :
par leur moileffe , elles reffemblent à de la laine : les
plumes fcapulaires &: les couvertures des ailes font de
îa même couleur Ôc également variées. Le reiîe du
CQv^s eil: nu ; la peau dans cet endroit efl d'un blanc
rougeâtre ; les grandes pennes des ailes {ont très-
blanches à la partie fapérieure; les moyennes font
noires. La queue eil ferrée , ronde , compofée de pennes
blanchâtres dans le mâle, brunâtres dans la femelle,
ôc feulement blanches par les bouts : ces plumes font
fort recherchées pour orner les cafques. Le cou , dans
la moitié iiipérieure de fa longueur , & la tête de
Vautruche font garnis d'une efpece de duvet ou de
poils clair-femés , au lieu de plumes. Ce duvet eil de
deux fortes , le fin &; le gros. Quelques-uns ont pré-
tendu que le fin d'autruche entre dans la fabrique des
chapeaux communs , tels que ceux de Caudebec. Mais
A U T 6oi
rien de la dépouille de Vautruchc n'eil fufceptible de
feutrage : on prétend encore que le gros d'autruche fe
£îc , ^ fert dans les Manufadures de lainages pour
faire les lifieres des draps noirs les plus fins , & que
dans le commerce , on nomme ce duvet lainc-ploc ou
poil (T autruche^ 6c par corruption , laine d'aiitrickc.
Ne feroit-ce pas plutôt le mot à'autruchc qui feroit
corrompu de celui à^autriche ?
Ne pourroit-on pas dire , en voyant cet oifeau , qui a
des ailes pour m.archer 6c non pour voler , qui eil: en
partie fourni de plumes , & en partie garni d'une efpece
de poil 5 qu'il efl un de ces animaux dans lefquels on
remarque ces nuances par lefquelles la Nature paffe
d'un être à un autre , & qu'il tient , en quelque forte,
ie milieu entre les bipèdes & les oifeaux ? IJ autruche
pefe de foixante à quatre-vingts livres ; elle tient d'une
part au chameau par la forme de fes jambes & par des
callofités ; ( au bas du fternum &: fous les os pubis ,
on remarque deux callofités produites par l'habitude
que cet oifeau a de fe coucher^ & par le poids du
corps que ces parties fupportent alors ; ) & au porc-
épi c par les tuyaux ou piquans dont fes ailes font
armées ; &; indépendamment de l'attribut de la gran-
deiir , qui feul fuffiroit pour faire placer V autruche à
îa tête de tous les oifeaux , elle a encore beaucoup
d'autres conformités par fon organifation intérieure avec
les animaux quadrupèdes ; & tenant prefque autant à
cet ordre qu'à celui des oifeaux , elle doit être regardée
comme faifant la nuance entre l'un & l'autre ?
La tête de V autruche eil petite , plate , prefque chauve ,
fur - tout au-defius : comme Ion crâne efl mince &
fragile , le moindre coup peut le brifer &: la faire périr ;
peut-être di^i-co. la raifon pour laquelle , lorfque cet
animal fe trouve pris , fans aucune reiTource pour fe
fauver , il cache l'a tête comime fa partie la plus foihle :
le refle du corps refle à découvert. Son bec eil de
couleur de corne , ôc noirâtre à fon extrémité, droit.
6oz A U T
fort petit à proportion du corps , de figure triangulaire:
il a deux pouces 6c demi de large à Ion origine , 6c
quatre pouces 6c demi de long des angles de l'ouver-
ture à fon extrémité. Sa bouche eil amplement fendue :
{q^ yeux font grands , ( l'iris efl de couleur de noi-
fette ) 6c ont deux paupières de chaque côté , 6c des cils
ainii que ceux de l'homme. On y obferve une troifieme
paupière en-dedans , de même que dans la plupart des
brutes ; c'efl une membrane fort mince. Aldrovandi croit
que les oifeaux ont une troifieme paupière , pour fuppléer
au défaut de leur paupière fupérieure , qm eil li courte
qu'elle ne peut s'abaiffer pour couvrir l'œil , ainû
qu'elle fait dans l'homme. Mais il y a apparence que
cette paupière interne a un autre ufage dans les oifeaux ,
puifqu'elle fe trouve dans l'autruche , dont la paupière
efl affez grande pour fe pouvoir abaiiTer facilement.
D'ailleurs , la paupière inférieure des oifeaux fe ferre
ce ' ;e la fupérieure , aulii exactement que la paupière
fupérieure de l'homme fe joint avec l'inférieure. L'ou-
verture de l'oreille dans l'autruche eil fort grande , 6l
n'efl point ombragée par les plumes ; & quoique
quelques Voyageurs la difent privée de l'ouïe , il eft
probable qu'elle n'eft fourde que dans certaines cir-
confiances , comme le utrao , c'eft-à-dire , dans la faifon
de l'amour , ou qu'on a imputé quelquefois à furdité ^
ce qui n'étoit que l'effet de la ftupidité.
U autruche fait rarement entendre fa voix ; les uns la
comparent à un gémiffement ; les autres à un hurle-
ment ; d'autres au cri d'un enfant enroué : d'après cela
il efî affez naturel de penfer que fon cri doit paroître
lugubre 6c même terrible à des Voyageurs qui ne s'en-
foncent qu'avec inquiétude dans l'immenfité de ces
déferts qu'habite Vautruchc , 6c pour qui tout être
animé , fans en excepter l'homme , eil un objet à
craindre , 6c une rencontre dangereufe. U autruche n'ex-
celle point par l'odorat ; fes fenfations principales 6c
dominantes font celles de la vue 6c du fixiem^ fens ^
A U T 60$
îe cœur , cîans cet oifeau , efl prefqiie rond , au lieu
que les autres bipèdes l'ont ordinairement plus alongé.
Si nous obiervons les organes de la digeilion , nous
Voyons d'abord un bec aiTez naédiocre capable d'une
grande ouverture , une langue fort courte 6c fans aucun
veflige de papilles ; plus loin s'ouvre un ample pharinx
proportionné à l'ouverture du bec , &: qui peut ad-
mettre un corps de la groffeur du poing ; l'œfophage
€ft auffi très-large & très-fort , &: aboutit au premier
ventricule , qui fait ici trois fondions ; celle de jabot ,
parce qu'il eil le premier ; celle de ventricule , parce
qu'il efl en partie mufculeux Se en partie muni de fibres
mufcvdeiu'es , longitudinales 6c circulaires ; enfin , celle
de la bulbe glanduleufe qui fe trouve ordinairement dans
la partie inférieure de l'œfophage la plus voifme du géfier,
puifqu'elle ei\ en effet garnie d'un grand nombre
de glandes , non conglobées comme dans la plupart des
oife'aux. Le fécond ventricule efl féparé du premier
par un léger étranglement , & quelquefois il eil féparé
lui-même en deux cavités diifindes par un étranglement
femblable ; il n'efl pas au/H fort que le font commu-
nément les géfiers des oifeaux , mais il eil fortifié en
dehors par des mufcles très-puiffans , dont quelques-uns
font épais de trois pouces : fa forme extérieure approche
beaucoup de celle du ventricule de l'homme.
Les végétaux font la principale noiUTiture de Vau-
irucke ; cependant elle avale avec voracité & in-
différemment tout ce qu'on lui préfente , cuir, herbe,
pain , poil & toute autre chofe : c'efl l'origine du
proverbe de Ve/lomac d'autruche ; elle ne digère cepen-
dant point le fer ni les autres corps durs qu'elle avale ,
elle les rend en entier par l'anus. Il n'étoit pas naturel de
penfer que le ventricule de cet animal fût pourvu d'un
dilTolvant capable de dilToudre le fer & les pierres.
Cependant comme dans les oifeaux, & généralement dans
tous les animaux , la diiTolution des alimens ne fe fait
pas feulement par, les liqueurs gaflriques , mais auiii
eo4 A U T
par l'a£lîon organique &c mécanique du ventricule i
qui comprime 6c bat inceflamment les chofes qu'il
contient , la nature a pourvu d'un ventricule mulcu-
leux ^ &c a donné l'inftinâ: d'avaler des cailloux à la
plupart des animaux qui prennent une nourriture dure
lans mâcher ; comme font les oifeaux qui vivent de
grains. Ces cailloux , par leurs frottemens , broient
dans ce ventricule mufculeux ce que les autres animaux
broient avec leurs dents ; quoique le ventricule de
certains animaux ibit pourvu d'une vertu particulière
pour digérer , dans les uns , les poiffons , 6c dans les
autres , les os 6c les chairs crues.
U autruche étant un animal vorace , qui a befoin
d'avaler quelque chofe de dur qui lui ferve à broyer
fa nourriture , ufe mal de l'inflinâ: que la Nature lui
a donné pour cela , lorfqu'elle avale du fer , & prirx-
cipalement du cuivre , qui fe change en poifon dans
fon eflomac. On a ouvert des ventricules à^autrmhes ,
dans lefquels on a trouvé jufqu'à foixante & dix âou-*
blés , confumés prefque aux trois quarts par leur
frottement mutuel ; mais les légumes , le foin , les
pierres & les os , qu'on trouvoit dans leur eflomac ,
en étoient tout verdis. On a trouvé la même chofe
dans le ventricule d'une outarde. Aufîi fait-on de ceux
qui gouvernent ces animaux dans la Ménagerie de Ver-
failles , que les autruches qui avalent beaucoup de fer
ou de cuivre , meurent toutes bientôt après.
Les autruches paiTent pour être fort lai cives ; 6l lors-
qu'on confidere leur organifation , il y a tout lieu
de penfcr que leur accouplement ne fe fait pas par
une fimple compreiTion , comme dans les autres
cifeaux.
Lorfcu'après avoir com^paré les organes de la digef-
tion de VautrucJie avec ceux des quadrupèdes , on vient
à comparer les organes de la génération , on trouve de
nouveaux rapports d'organifation entre Vautruchc 6c les
quadrupèdes. Le plus grand nombre des oifeaiLx n'a
AUX 6o<}
pas de verge apparente ; Vainruche en a une afîez con-
lîdérable , compofée de deux ligamens blancs , folides
& nerveux , ayant quatre lignes de diamètre, revêtus
d'une membrane épailTe , & qui ne s'uniffent qu'à deux:
doigts près de l'extrémité. Dans quelques fujets on a
apperçu de plus dans cette partie , une iubfîance rouge ,
Ipongieule , garnie d'une multitude de vaiïïeaux , en un
mot , fort approchans des corps caverneux qu'on ob-
icrve dans la verge des animaux terreilres ; le tout efb
renfermé dans une membrane commune , de même
fubflance que les ligamens , quoique cependant moins
ëpaiile & moins dure ; il y a quatre mulcles qui appar-
tiennent à l'anus & à la verge , &: de là réfidte entre
ces parties une correfpondance de mouvement , en
vertu de laquelle , lorfque l'animal fiente , la verge fort
de plufieurs pouces.
Les tellicules font de différentes groffeurs , en diffé-
rens fujets , & varient à cet égard dans la proportion
de quarante-huit à un , fans doute félon l'âge , le genre
de maladie qui a précédé la mort , & ils varient aufîi
pour la configuration extérieure ; mais la fîruftare in-
terne efl toujours la même : leur place efr fur les reins ,
im peu plus à gauche qu'à droite. Les femelles ont aufîi
des teflicules , car il y a lieu de croire qu'on peut nom-
mer ainfi ces corps glanduleux que l'on trouve dans les
femelles au-defTus de l'ovaire : au-deflbus de ces deux
corps glanduleux , efl placé l'ovaire , adhérent auffi aux
gros vaifTeaux fanguins ; on le trouve ordinairement
garni d'œufs de diiférentes groffeurs , renfermés dans
leur calice comme un petit gland l'efl dans le fien , &
attachés à l'ovaire par leur pédicule.
Dans l'ordre de la fécondité , Vautrnche femble
encore appartenir de plus près à la clafTe des qua-
drupèdes qu'à celle des oifeaux , car elle efl très-féconde ,
& produit beaucoup. M. de Bufon dit qu'elle fait
plufieurs pontes par an de douze ou quinze œufs cha-
cune. Ces pontes commeocent vers le folflice d'été ,
6o6 A U T
en forte qu'elles ont lieu en Juillet dans l'Afrique Sepi
tentrionale , &: en Décembre dans l'Afrique Méridionale.
Si on rapportoit V autruche à la claffe des oifeaux , elle
feroit la plus grande , & devroit par conféquent pro-
duire le moins , fuivant l'ordre que fuit conflamment
la Nature dans la multiplication des animaux , dont
elle paroît avoir fixé la proportion en raifon inverfe
de la grandeur des individus ; au lieu qu'étant rappor-
tée à la clafTe des animaux terreftres , elle ië trouve
très-petite , relativement aux plus grands , ôc plus
petite que ceux de grandeur médiocre , tels que le co-
chon , alors fa grande fécondité rentre dans l'ordre
naturel & général.
Les œufs de Vaiitrucke font très-gros & ovalaires.
Il y a des œufs qui contiennent une pinte de liqueur :
la folidité de la coque , qui eil très-épaiiië ^ devient
telle , avec le temps , qu'elle permet qu'on en falTe des
vafes fculptcs à l'extérieur, qui reifemblent en quelque
forte à de l'ivoire légèrement jaunâtre , ^ dont on fe
fert comme nous nous fervons de ceux de porcelaine. Les
autruches dépofent leurs œufs dans le iable , oii l'on
prétendoit qu'elles les abandonnoient , laiffant à la cha-
leur du foieil le foin de les faire éclore.
M. Adanfon nous a appris que les autruches ne font
point marâtres ; elles couvent leurs œufs au Séné-
gal , mais feulement pendant la nuit. Ses obfervations
juftifient donc les autruches de l'indifférence dont on
les accufoit pour leurs œufs. Ce qu'on leur avoit
reproché comme une forte d'imbécillité , tourne au
contraire à leur honneur , puifqu'au lieu d'être con-
tinuellement fur leurs œufs , elles ne les couvent que
dans les temps oii ils ont befoin d'être couvés. Ainli
la température du climat influe beaucoup fur la manière
de couver de ces oifeaux ; dans la Zone torride ils fe
contentent de les dépofer fur un tas de fable qu'ils
ont ramaifé exprès ; &: dans des lieux moins brûlans
y s les couvent plus ou moins; mais les autruches n'tn
A U T 607
font pas moins attachées à leurs œxifs ; elles ne s'en
éloignent jamais , Se ne les perdent pas de vue unini>
tant. Diodore rapporte même une façon de prendre ces
animaux , fondée fur leur grand attachement pour leur
couvée ; c'efl de planter en terre aux environs du nid
& à une jufte hauteur , des pieux armés de pointes
acérées , dans lefquels la mère s'enferre d'elle-même ,
lorfqu'elle revient avec emprefiement fe pofer fur (es
œufs. On a eiTayé en vain de faire éclore à la cha-
leur du foleil fur une couche ^ ou dans un athanor à
feu lent , des œufs à^ autruches élevées dans le Parc de
Ver failles : on n'a pu découvrir dans ces œufs la moin-
<lre difpofition à la vivification.
N'y a-t-il pas lieu de penfer que , quoique l'on
pût le prociu-er la chaleur néceilaire pour faire éclore
ces œufs , de grands changemens occafionnés dans ces
"animaux par la différence du climat ont pu peut-être
altérer les germes de la produ£lion jufque dans leurs
fources ? Que d'exemples fmguliers ne voyons-nous pas
d'altérations occafionnées par les climats ! Nos chiens ,
en Nigritie , ne perdent-ils pas leurs poils , ainfi que la
faculté d'aboyer ? ils ne pouffent que des hurlemens.
A Batavia , nos femmes Européennes ne peuvent four-
nir un lait nutiitif à leurs enfans , pendant que les
Indiennes leur en fourniffent vm qui ell: très - agréable
& très-falutaire.
Les Turcs & les Perfans iiifpendent les œufs d'/za-
truche , comme ornement , à la voûte de leurs mofquées ;
d'autres prétendent que ce font les œufs de crocodiles,
Quelle différence de volume & de dureté I
M. le Vicomte de Querho'int nous mande que les
jeunes autruches éclofent aux environs du Cap de
Bonne-Efpérance au mois de Décembre &: de Janvier;
elles font , dit-il , en état de marcher au fortir de l'œuf:
leiurs pères & mères les accompagnent &: leur aident
à trouver leur fubfiflance. ( Dans des régions excef-
iivement chaudes , la mère n'en prend aucun foin ,
^o8 A U T
elle les abandonne peu de temps après qu'elles font
nées ). Lorique le Chafieur veut les leur enlever, elles
contrefont les ellropiées , pour tâcher de lui donner
le change , mais jamais elles n'attaquent le ravifteur.
On en prend tous les ans un grand nombre qu'on
apporte au Cap ; elles font alors de la groiTeur d'une
oie ; on les y élevé , en les nourrifiant de^ feuilles
de laitue hachées Se de mie de pain ; elles font alors
grifes avec quelques taches brunes : on les croiroit ,
au premier coup d'œil , couvertes d'une efpece de crin ;
mais en y regardant de plus près , on voit que ce
font des plumes dont la cote n^eik pas garnie de barbes
dans toute fa longueur : le mâle adulte a les plumes
noires , avec les plumets du bout de la queue &z des
ailes blancs; le cou gris; la tête de la même couleur,
femée de poils ou crins plus longs que le duvet qui
garnit ces parties ; le bec & les pattes d'un rouge
mêlé d'une teinte de gris ; les cuifies nues , couvertes
d'une peau blanche, La femelle eil entièrement grife
& n'a point de crins fur la tête.
Vautruche fe trouve dans une partie de l'Af^e ; fa
vraie patrie efl l'Afrique ; en un miOt c'efl un oifeau
propre à l'ancien Continent. La race de Vautruche n'efl
pas moins pure qu'elle ell ancienne ; elle a fu fe con-
ferver pendant une longue fuite de fiecles , toujours
dans la même terre , fans altération comme fans mé-
ialliance ; en forte qu'elle dï dans les oifeaux, comme
réléphant dans les quadrupèdes , une efpece entière-
ment ifolée & diftinguée de toutes les autres efpeces ,
par des caraderes aufu frappans qu'invariables. Les
autruches habitent par préférence les lieux les plus
folitaires &: les plus arides , & où il ne pleut jamais ;
cela confirme aûez ce que cifent les Arabes , qu'elles
ne boivent point.
Les autruches fe réuniffent dans les déferts en troupes
nombreufes , qui de loin rellem-blent à des efcadrons
de cavalerie , ôc ont jeté l'alarme dans plus d'une
caravane :
A U T 609
Caravane : leur vie doit être un peu dure dans ces
folitudes vaftes & flériles , mais elles y trouvent la
liberté Se l'amour ; & quel défert , à ce prix , dit
M. de Buffon , ne feroit un lieu de délices ? C'eft pour
jouir au fein de la Nature de ces biens ineftimables ^
qu'elles fuient l'homme ; mais l'homme , qui fait le
profit qu'il en peut tirer , les va chercher dans leurs
retraites les plus fauvages ; il fe nourrit de leurs œufs ,
de leur fang , de leur graifle , de leur chair ; il fe pare
de leurs plumes ; il conferve peut-être l'efpérance de
les fubjuguer tout-à-fait , & de les mettre au nombre
de fes efclaves. U autruche promet trop d*avantages à
l'homme , pour qu'elle puiile être en fureté dans {q%
déierts. Ces oifeaux font fi communs , qu'on en voit
quelquefois des troupes dans les déferts d'Afrique &
d'Ethiopie. La chalTe de cet oifeau eft un des grands
plailirs que prennent les Seigneurs Africains. On ne
fait cette chaffe qu'après le temps de la mue , ôc
lorfque leui- plumage efî fec ; autrement -la plume ne
vaudroit rien , &: l'oifeau feroit moins vigoureux.
Lorfque les autruches font en état d'être pouflees , les
Seigneurs font la partie de fe rendre dans la plaine
oii elles fe trouvent : ils arrivent tous montés fur des
chevaux barbes , harpes comme des lévriers. On fait
quelle eil: la vîteffe de ces chevaux à la courfe : on
part , on pourfuit les autruches lancées , qui fuient en
courant avec une rapidité étonnante ; elles tâchent de
gagner les montagnes , à la faveur de leurs ailes &: de
leurs pieds : pourfuivies de près , elles font à chaque
inftant des détours brufques , qui obligent les Chaffeurs
à tourner ii court , & à faire Aqs contre - temps li
violens , que d'autres Chaffeurs que des Africains
feroient bientôt renverfés par terre ; encore auroit-on
de la peine à les joindre , îi on ne lâchoit à^s lévriers
qui , en leur barrant le chemin , les arrêtent un peu ,
& donnent le temps aux Chaffeurs de les atteindre.
On les attrape quelquefois toutes vivantes, avec de^
Terne I, .Q^î '
6io A U T
fourches cle bois faites exprès ; &C après les avoir ap-
privoifées, on les vend aux Marchands qui les char-
gent fur leurs navires pour nous les apporter en
Europe. Lorfqu^on les tue , c'eft à coups de bâton ;
û on employoit un autre moyen, le fang couîeroit
& gâteroit les plumes.
Les Chaffeurs ont quelquefois recours à une nife
finguliere pour prendre les autruches ; ils fe couvrent
d'une peau à' autruche , paffant leurs bras dans le cou ;
ils lui font faire tous les mouvemens que fait ordi-
nairement Vautruche elle-même ; par ce moyen ils les
approchent , les furprennent : c'eft ainfi que les Sau-
vages d'Amérique fè déguifent en chevreuil , pour
prendre les chevreuils.
\J autruche , quoiqu'un oifeau très-fort , conferve les
mœurs des granivores ; elle n'attaque point les ani-
maux plus foibles , rarement fe met-elle en défenfe
contre ceux qui l'attaquent ; bordée fur tout le corps
d'un cuir épais & dur , pourvue d'un large flernum
qui lui tient heu de cuiraiïe , m.unie d'une féconde
cuiraile d'infenfibilité , elle s'apperçoit à peine àes
petites atteintes du dehors ; elle fait fe fouftraire aux
plus grands dangers , par la rapidité de fa fuite : fi
quelquefois elle fe défend , c'efl: avec le bec , avec les
piquans de fes ailes ^ & fur- tout avec les pieds. D'un
coup de pied elle peut renverfer un homme ; m.ais
îl n'efl pas vraifemblabîe qu'elle îa»ce des pierres en
fuyant à ceux qui la pouriuivent.
Les autruches , quoiqu'habitantes des déferts , ne font
point d'un naturel fi fauvage , qu'on ne puifle les
apprivoifer aifément , fur-tout lorfqu'elles font jeunes..
Les Habitans de Dara , de Lybie , en nourriifent des
troupeaux , dont ils tirent fans doute ces plumes de la
première qualité , qui ne fe prennent que fur les
autruches vivantes ; elles s'apprivoifent m.ême fans
qu'on y mette de foin , ôi par la feule habitude de
voir des homme» ^ d'en recevoir la nourriture 6c de
A U T 6it
bons traîtemens : on eu même parvemi à en dcmpteï
quelques-unes au point de les monter comme on
monte un cheval. M. Addnfon a vu au comptoir de
Podor , deux autruches encore jeunes , dont la pluâ
forte couroit plus vite que le meilleur Coureur An*
glois , quoiqu'elle eût deux Nègres ilu: fon dos. La
difficulté , &: peut-être l'impofTibilité , eft de réduire
cet animal à obéir à la main du cavalier , à fentir fes
demandes , à comprendre {qs volontés & à s'y fou-
mettre ; il y a lieu de le croire , puifque l'Arabe , qui
a dompté le cheval 6^ fubjugué le chameau , n'a pas
encore pu maîtrifer entièrement V autruche : cependant ,
jiifque - là on ne poiuTa tirer parti de fa vîtefle & de
fa force ; car la force d'un domeflique indocile fe
tourne toujours contre fon maître.
Lof fque les Arabes ont tué une autruche^ , ils lui
ouvrent la gorge , font une ligature au-defibus du trou ,
ôc la prenant enfuite à trois ou quatre , ils la fecouent
6c la reHalTent, comme on reffalferoit une outre pour
la rincer ; après quoi la ligature étant défaite , il fort
par le trou fait à la gorge une quantité confidérable
de mantéque en 'confiflance d'huile figée : on en tire
quelquefois jufqu'à vingt livres d'une feule autruche;
cette mantéque n'eil autre chofe que le fang de l'ani-
mal mêlé avec la grailTe , qui , dans les autruches
graffes , forme une couche épaiffe de pluiieurs pouces
iiu* les inteftins ; les Habitans du pa^^s prétendent que
la mantéque eft un très-bon manger , mais qu'elle donne
le cours de ventre.
Les Ethiopiens écorchent les autruches & vendent
leurs peaux aux Marchands d'Alexandrie ; le cuir en
eft tres-épais ; les Arabes en faifoient autrefois des
efpeces de foubreveftes , qui leur tenoient lieu de
aiiraffe & de bouclier : on voit quelquefois de ces
peaux tout emplumées.
On voit des efpeces de bipèdes mi Pérou & à
Surinam , qu'on a appelés improprement autruches
Qq ^
6i% AUX
d^ Occident ; elles font plus petites que les autruches
d'Afrique : elles ont trois doigts aux pieds par devant ,
& point par derrière ; leur tête efl faite comme celle
de Toie : c'eil le thouyou. Voyez ce mot»
Les plumes à^autruches font les grands matériaux
qu'emploient les PlumafTiers dans leurs ouvrages. Les
belles plumes s'apprêtent , fe blanchiffent & fe teignent
en diverfes couleurs. Elles fournifïent une parure aux
chapeaux des Militaires , & à la coiffure des Dames ;
on en embellit l'impériale des lits , le coin des dais
des grands Seigneurs. Les Adeurs de Tragédie en
rehauffent leur taille ; & il faut convenir qu'on ôteroit
bien du grand à nos Héros de Théâtre , fi on leur
otoit les plumes ^autruche. Les plumes des mâles font
les plus ellimées , parce qu'elles font plus larges , mieux
fournies , qu'elles ont le bout plus touffu , la foie plus
£ne , & parce qu'on peut leur donner telle couleur
que l'on défire ; ce que l'on ne fait que très-difficile-
ment , & même jamais bien aux plumes des femelles.
Les plumes grifes que ces oiléaux ont ordinairement
fous le ventre , font appelées petit-gris. Les Plumaf-
fiers nomment auiîi duvet les petites plumes , celles
de deffous , & le rebut des plumes , qu^ils frifent ,
ainfi que le petit-gris , avec le couteau , pour les
employer à différentes garnitures , comme bonnets , &c.
on en failoit autrefois des palatines , des manchons &
des écrans. On tire ces plumes de Barbarie, d'Egypte,
de Sayde & d'Alep , par la voie de Marfeille.
La chair de V autruche efl de difficile digeffion ,
cependant les Habitans de la Lybie &: de la Numidie
en font cas ; fes œufs font d'un goût à-peu-près fem-
blable à celui des oeufs d'oie. Héliogabale , ce monffre
de prodigalité 6c de volupté , fit fervir un jour fur fa
table les têtes de iix cents autruches pour en manger
les cervelles.
AbTRV-CHE A CAPUCHON. Foye^ DrONTE.
Al/TRVCHE B'OCCIDEKT» Foyc^ TtiOTJYOU,
A U T A W A 613
Autruche volante. Surnom donné à Voutarck
â* Afrique,
A WAOU , Gchïus ccdlciris , BrouiTonet. lUh. dzcas
prima, PoifTon du genre du Gobis, ; il a été trouvé dans
les ruiffeaux d'eau douce de l'iile d'Otaïti. Ce poiilon
ell comprimé & d'une figure lancéolée. Les écailles
font difpofées en recouvrement fur des lignes obliques ,
ovalaires & ciliées ; la ligne latérale droite ; l'ouver-
ture de la gueule ample ; la mâchoire fupérieure un
peu plus longue que l'inférieure ; toutes les deux gar-
nies de dents inégales ; celles de l'inférieure font plus
petites. Les ouvertures des narines font doubles ; les
yeux placés dans la partie antérieure de la tête , orbi-
culaires , tournés obliquement de bas en haut ; leur
iris d'un vert bleuâtre ; l'orbite faillant , &: la paupière
d'une couleur noire ; les opercules des ouïes oifeux
mais flexibles. Les deux nageoires dorfales font dénuées
d'écaillés , courtes ; les rayons de la première font
fimples , un peu roides & terminés comme par un fil
de foie ; prefque tous ceux de la féconde font four-
chus à leur extrémité. Les nageoires pedlorales font
d'une forme ovale , & leurs rayons font fmiples &: ferrés
entre eux ; les rayons des abdominales font rarneux à
leur extrémité ; le dernier rayon de la nageoire de
l'anus eil fourchu à fon extrémité ; la nageoire de la
queue efl ovale ; la membrane de fes rayons tli d'une
demi-îranfparence nebuleufe , ainfi que celles du dos
& de l'anus ; les autres membranes à.^^ nageoires font
affez tranfparentes. La couleur de la tête , des nageoires
pe£lorales & abdominales , efî: noirâtre ; celle du corps
efl nuée d'olivâtre & de noir ; la poitrine & le ventre
font de couleur bleue ; près de la bafe de la première
nageoire dorfale ell un petit œil noir , de là l'épithete
^ccdlaris , cette nageoire efx mêlée de bnm &: d'oli-
vâtre ; la féconde dorfale efl verdâtre & d'un roux
fale à fon fommet ; tous izs rayons font comme en-
tourés d'anneaux par ces deux couleurs^ la nageoire
6i4 A X E A Y A
de l'anus efi d'un brun verdâtre , avec un peu de roux
fale dans celle de la queue.
AXE. f^oye7 la Ji^nificadon de ce mot à r article
Globe.
AXIS. Efpece d'animal naturel aux pays chauds de
l'ancien Continent , qui a le bois du cerf, la taille, la
forme & la légèreté du daim ; mais ce qui diflingue
Vaxis de l'un & de l'autre de ces anim.aux , c'efl que
tout fon corps efl marqueté de taches blanches , élé-
gamment difpofées & nettement féparées les unes des
autres , & que d'ailleurs les axis iont originaires des
pays les plus chauds de l'Afie , fur-tout du Bengale ;
le cert & le daim ont le pelage d'une couleur uni-
forme , &: fe trouvent au contraire en plus grand
nombre dans les pays froids & dans les régions tem-
pérées , que dans les climats qui approchent de la
Zone torride.
On voit des axis à la Ménagerie du Roi à Ver-
failles , cil ils multiplient très-bien : on les y nomme
cerfs du Gan^t , &; ailleurs daims de Bengale ; Meffieurs
de l'Académie les ont appelés hlckes de Sardaigne.
Com.me on n'a jamais remarqué que ces individus fe
foient mêlés ni avec les daims , ni avec les cerfs , il
y a lieu de penfer que c'ell une efpece différente , &
qui fait la nuance entre celle du cerf & celle du daim.
Pour porter cependant un jugement bien décifif , il
faudroit employer les moyens néceffaires pour déter-
miner ces animaux à fe joindre , étant prefiés par le
befoin de la nature.
AXONGE , axiingia, Eft proprement de la graiffe
condenfée , ramaffée dans les follicules adipeux. Foyci
l'article Graisse.
AYAMAKA. Les Habitans de Cayenne donnent ce
nom^ à un lézard goitreux des bois , dont Barrere a
parlé en ces termes : Lacertus maxiwMs , viridis , den--
tatus , ingluvie magna penduld : c'eft une variété da
fenembi des Brafiliens. Foyei Iguana,
A Y R A Z E 6i^
AYRI 5 Pilon 5 Braf. 1 20. C'eil un grand Palmier
du Bréiil , qui paroît avoir des rapports avec le
Palmkr aoura : fon tronc eu épineux ; fes feuilles
longues & ailées ; fes fruits arrondis & contenant
une fubftance graffe & blanchâtre ; fon bois ei\ noir
& fi dur , que les Brafiliens en arment leurs maffues
&: leurs flèches.
AZALA ou IZARI. Efpece de garance du Levant
très - renommée. Fojei Garance.
AZARERO. Foyei à Vartick LauRIER-CERISE.
AZEBRE ou AzERBO. Efpece de cheval fauvage ,
dit l'ancienne Encyclopédie , qu'on trouve dans la
baffe Ethiopie , & qui a l'air d'un mulet. Ce joli
quadrupède moucheté de blanc & de noir , n'efl
exaûement que le zèbre. Voye^ Zèbre.
AZEDARACH, Tourn. 6i6, Dod. Pempt. 848;
Mclia ( aiedarach ) foins hipinnatïs , Linn. Mill. Did,
n.^ I. Arbriffeau , nommé par quelques-uns margou-
Jicr , ou nias des Indes ^ 6c par d'autres , fycomore-faux
de Provence. Il fleurit en Juin : fes fleurs font poly-
pétalées & forment aux fommités des branches , des
panicules ou des grappes droites, très-agréables à voir;
elles font d'un blanc bleuâtre , mêlé de violet. M. De-
kuie obferve qu'elles font à dix étamines & compofées
d'un calice à cinq dentelures , de cinq pétales , Û. d'un
necîarium en forme d'un tuyau cylindrique de la lon-
gueur des pétales. On le dit originaire de Provence ;
il ne réufîit dans nos contrées , qu'en lui faifànt pafTer
l'hiver dans nos orangeries. Il s'élève à la hauteur de
huit ou dix pieds dans nos jardins. M. le Vicomte
de Qiierlioint nous mande qu'il y a lieu de croire que
Vaiedarach efl plutôt originaire de la Zone torride que
des Provinces Méridionales de France. Ce Navigateur
inflruit en a trouvé en Afiique & en Amérique^
& il y croît à la hauteur d'un arbre médiocre ; il efl
perfuadé qu'il pourroit fubfiller dans nos Provincf:«
Maritimes j en plein vent , à une bonne expofition , en
çi<5 A Z E A Z U
Pi britant un peu dans les grands froids. Il en a VU
im fiibrifter plufieurs années au Croific en Bretagne ,
qui étoit au pied d'un mur expofé au midi , fans qu'on
le couvrît jamais : il avoit environ huit pieds de haut
quand l'hiver de 1774a 1775 le fit périr. Enfin, cet
arbrilTeau m.érite une place dans nos boiquets d'été ; mais
il faut lui trouver une bonne expofition. Aux fleurs
fuccedent des fruits glcbuleux , d'un jaune pâle ,
charnus , qui contiennent im noyau oiTeux à cinq
cannelures , 6c l'intérieur divifé en cinq loges mono-
fpermes. On fait des chapelets avec ces noyaux ;
ck: par cette raifon plufieurs appellent l'azedarach ,
arhre fiira. Ses feuilles font alternes , rapprochées
comme par bouquets vers le fommet àQS branches ,
£c prefque femblabics à celles du frêne ; la dé-
codion des feuilles eft apéritive. On dit que le
broiit pulpeux de fon fruit efî \\n poifon pour les
hommes ; il efl mortel aux chiens. On s'en fert
pour faire mourir les, peux. Le nîmbo eft encore une
efpece à^a:;edi:rdch.
AZÉROLIER. Foye7^ Néflier.
AZiERS. Nom que les Créoles donnent à de
très - petits arbrideaux qui croiffent dans leur pays.
Les aciers , Nonaulïa , ofrVent un genre de plantes
à fleurs mcnopétalées , de la famille des Rubïa-
dis ; le fruit efl une baie fphérique à cinq loges ,
ôc qui renferme cinq ofTelets anguleux. M. Auhkt
a décrit Varier a raJIIune ; Varier a pajiicuU ; Varier
à longue jteur ; IV'pcT à grappes ; Va^j-cr violet ;
l'a{:cr jaimc,
AZIMUTH. Voyti à VankU Gloee.
AZOUFA. Nom feus lequel il paroît que quelques-
uns ont défigné Xhymc, Voyez ce. mot.
AZUR. Ce nom ç^wz l'ufage a confacré pour déii-
f ner en général une belle couleur bleue , ié donnoit
autrefois au lapis'iazjdi qu'on appeloit pierre iCa^ur ,
& au bleu qu'on en retire.
Depuis
A Z U 617
Depuis qu'on cfl parvenu à tirer un beau bîeu du
cobalt , on a afFedé particulièrement le nom à^aïur
à ce dernier, qui en diffère cependant à 'plufieurs
égards , puif qu'il ne peut fervir aux mêmes ufages ,
& particulièrement à la peinture à l'huile. Cet aiur
eft en quelque forte fûclice , & dû aux opéra-
tions chimiques. C'eil dans le Diciionnairc de Chimh
de M. Beaumé ^ &c dans notre Minéralogie^ qu'il faut
voir expliauée la manière de le retirer 'du cobalt.
Voyez ce mot.
On dira feulement ici , que cet aiur eil employé
flans la peinture en détrempe & dans la peinture en
émail. Comme les Hollandois en préparent beau-
coup , il porte auiîi le nom à^ outremer de Hollande _,
ou outremer commun , pour le diflinguer de Voutremer
♦ fimplement dit , ou du bleu d'outremer , nom affedé
à la poudre du lapis - la\uli ^ pierre naturelle. Voye:^
Lapis-lazuli.
On remarquera que depuis que les Chinois font
ufage de Va^ir ou outremer commun pour peindre leur
porcelaine , leur couleur bleue efl bien inférieure à
celle de l'ancienne porcelaine qu'ils faifoient autrefois
avec la poudre d'un lapis-laiuli , dont la mine leur a
manqué.
Azur. Nom donné au gobe-mouchc bleu des Phi-
lippines , pi. mU 6G6. fig. I. Il y a une tache noire
fur la poitrine &: à l'occiput ; le ventre eft blanc.
AZURÉ. Foyei LÉZARD azuré.
Azuré. Cyprinus Americanus , Linn, Poiffon du
genre du Cyprin ; il fe trouve dans la Caroline. Lin-
nœus dit que Vaiuré a dix-huit rayons à la nageoire
de l'anus ; il a de la reffemblance avec l'efpece de
cyprin , qu'il appelle la roujfe ; Voyez ce mot : mais
fa couleur eft d'un bleu-argenté ; la ligne latérale
forme un arc très-bombé vers le ventre ; fa queue efl
fourchue.
Ton^c I, Rr
6i8 A Z U
AZURIN ou MtKLE DE LA GuiANE. Nom donne
à un oifeau de Cayenne , de la grofleur du mcrU ;
la couleur de la queue -& de la poitrine eft violette-
azurée. Cet oifeau , en raifon du peu d'étendue de
fa queue & de fes ailes , efl , félon M. Mauduit , de
l'ordre des Brèves. Foyc^ ce mot.
AZUROUX. C'eft le bruant bleu du Canada , de
M. Brijfon , tom. III , p. 298. Le plumage fupérieur
offre un roux obfcur , & varié de blanc ; l'inférieur
eft varié de roux clair & de bleu ; le bec , lç« ongles
ÔC le* pieds font d'un gris-brun.
Fin du Toms pr^er^
«»■•»'.,••. Krrpii^-
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