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Full text of "Dictionnaire raisonné universel d'histoire naturelle : contenant l'histoire des animaux, des végétaux et des minéraux, et celle des corps célestes, des météores, et des autres principaux phénomenes de la nature : avec l'histoire des trois regnes ... et une table concordante des noms latins ... (Vol. 1)"

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DICTIONNAIRE. 

RAISONNÉ       UNIVERSEL 

D'HISTOIRE   NATURELLE. 


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TOME      PREMIER. 


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A  =  AZU 


A(J(Jirvil  ea    ad  Aclani  u(  vjcJei^e£    Cjuicl  vocai'ei  ea  . 

Ocncoc ,  lA  I. 


DICTIONNAIRE 

RAISONNE       UNIVERSEL 

D'HISTOIRE     NATURELLE, 

CONTENANT 

L'HISTOIRE  DES  ANIMAUX ,  DES  VÉGÉTAUX 
ET  DES  Minéraux  ,  et  celle  des  Corps  célestes , 
des  Météores ,  et  des  autres  principaux  Phénomènes 
de  la  Nature  ; 

AVEC 

L'HISTOIRE  DES  TROIS  REGNES,  et  le  détail  des 
usages  de  leurs  productions  dans  la  Médecine,  dans  l'Economie 
domestique  et  champêtre ,  et  dans  les  Arts  et  Métiers  j 

Et  une   Table  ioncordantè  des  Noms  Latins  ,  etc.  et  le  renveî 
aux  objets  mentionnés  dans  cet  Ouvrage, 

Par    M,    V  A  L  M  O  N  T  -  B  O  M  A  R  E  , 

Voyageur  et  Démonstrateur  d'Histoire  Naturell-e  avoué  du  Gouvernement  • 
ancien  Censeur  Royal  ;  Directeur  des  Cabinets  d'Histoire  Naturelle 
de  Physique  ,  etc.  de  S.  A.  S.  Monseigneur  le  PRINCE  DE  GONDÉ  ; 
Honoraire  de  la  Société  Economique  de  Berne  ;  Membre  des  Académies 
Royales  des  Sciences  de  Naples  ,  de  Médecine  de  Madrid  ,  Impériale  ^qs 
Curieux  de  la  Nature  ,  Impériale  et  Royale  des  Sciences  de  Bruxelles  ; 
Associé  Regnicole  des  Académies  des  Sciences ,  Belles-Lettres  et  beaux 
Arts  de  Rouen  et  de  Dijon  ;  des  Sociétés  Royale  à^s  Sciences  de  Mont- 
pellier ,  Littéraires  de  Caen  ,  d'Orléans ,  de  la  Rochelle  ,  etc.  ,  d'Agri- 
culture de  Paris  ;  Membre  du  Collège  de  Pharmacie. 

Quatrième  Edition  ,    revue    et  considérablement   augmentée 
par   l'Auteur, 

TOME     PREMIER. 


A     LYON, 
Chez    BRUYSET    Frères. 

M.      Dec.      XCL 


AVIS  DES   ÉDITEURS, 

Sur    la    quatrième   Edition    du   Diclionnaire 
Rnifojiné  Univerfel  d'Hijloire  Naturelle^ 


Lj  e  goût  &  l'étude  de  rHiiioité  Naturelle  ont  faît 
des  progrès  tres-confidérabies  dès  le  commencement 
de  ce  (îecle.  C'cft  depuis  cette  époque  que  les  efforts 
réunis  des  Académies  &  à^s  Sociétés  lavantes ,  que  les 
travaux  des  Réaumur  ^  des  Buffon  ^  des  Jujfitu^  des 
Duhamel  ,  des  Bonmt  6c  de  tant  d'autres  iiludres 
Naturaliftes ^  ont  fait  naître  les  plus  belles  découvertes , 
&  préCenré  les  observations  les  plus  importantes  fur 
les  trois  règnes  des  Minéraux  ,  des  Fé^êtaux  ,  &  des 
Animaux, 

Depuis  lors  ,  la  Chimie  &  la  Phyfique  fe  font 
beaucoup  perfedionnées  entre  les  mains  de  plufieurs- 
Savans  célèbres ,  dont  les  découvertes  ont  dû  ne- 
ceffairement  répandre  un  grand  jour  fur  THlf^oire 
Naturelle  ,  puifque  la  première  de  ces  deux  Sciences, 
s'occupe  uniquement  de  l'analyfe  des  corps  ,  &  que 
l'autre  n'a  d'autre  but  que  l'étude  des  phénomeiîes  de 
la  Nature. 

On  a  aulTi  beaucoup  écrit ,  depuis  quelques  années  ; 
fur  l'Agriculture  ,  fur  l'Economie  rurale  ,  fur  les  Manu- 
faclures  ;  &  les  Ouvrages  des  Savans  qui  fe  font 
appliqués  à  traiter  ces  objets  ,  nous  ont  enfeigné 
l'emploi  que  l'art  doit  faire  des  dons  de  la  Nature  ; 
en  forte  qu'aujourd'hui  il  n'y  a  aucune  branche  de 
THiftoire  Naturelle  ,  ni  aucun  des  objets  qui  y  font 
Tome  /,  a 


vj    AFIS   DES  ÉDITEURS. 

relatifs ,  fur"  lefquels  nous  n'ayons  un  o«  plufieurs 
Traités ,  ou  au  moins  quelques  Differtations  ou  Mé- 
moire^ ALadémiques, 

Tant  -de  richeiies  éparfes  &  répandues  dans  une 
infinité  de  Volumes  ,  fembloient  attendre  qu'une  mai  a 
exercée  à  ce  genre  de  travail  les  réunit  &  les  rap- 
prochât pour  en  former  un  enfemble  &  un  corps 
complet  d'Hilloire  Naturelle. 

M.  Valmont-Boniarc  ^  connu  trcs-avantagcufement 
par  les  Cours  publics  qu'il  fait  à  Paris  fur  cette 
Science  ,  pendant  irente-deux  ans  ,  a  entrepris  ce 
travail ,  auquel  nous  devons  la  rédaQion  du  DiclLcn-- 
nain  Raljonné  Univerfd  (THiuoln  Natur-zlle  ,  dont  la 
première  Edition  a  été  préfentée  au  Public .  en 
1764  ,    la    féconde  en    1768  ,    &  la  îroilieme  ea 

:  L'empreflement  avec  lequel  le  Public  a  accueilli  cet 
Ouva-age  5  en  fait  connoitre  affez  l'importance  &  l'uti- 
Ut^.  Larprenitre,  la.  féconde  &  la  troiiieme  Editions  ^^ 
quoique: tirées  à  \\n  grand  nombre  d'exemplaires  ,  ont 
été'j  enlevées  rapidement,. à  Paris  :  il  n'y  a  peut-être 
point  de  livre  qui  ait  été  plus  fouvent  contrefait  e». 
différentes  Villes  de  France  &  des  Pays  étrangers  ;  61 
jp^gré  lin  grand  nom.bre  de  fautes  gromeres  &  ridi- 
Giiks  ^^;ces  -copies,  informes  <^nt  trouvé,  des.  acheteurs.^ 
Git  Oiiyi'ageVtout  auffi  varié  que  la  Nature  ,  &  écrit 


(i)  M.  Valmont-Bomare  a  le  premier  établi  en  France  des  Cour*. 
fur  toutes  Us  parties  de  i'Hiiloire  Naturalle.  II  a  vo}  af^é  pcndanr 
plufieurs  années,  &  toujours  avec  l'aveu  &  la  protetlion  du  Gouver- 
nement ;  il  n'a  rien  épargne  pour  fermer  une  CoIIedton  convenable  à 
Il  Science  qu'il  profelie.  L'on  a  Vu  dans  fen  Cabinet  ,  Un  .nombreux. 
concoaYs  d'Auditeurs  rie  Tua  &  l'autre  fexe  ,  de  tout  rang  ,  &  de 
prefque  toutes  les  contrées  du  monde  -,  des  Princes  &  des  Frinceffès 
du  Sang  n'ont  pas  dédaigné  de  fuivie  exa(n:ement  (e^  leçons  -,  plu- 
fteurs  Souverains  de  l'Europe  ont  aiis  le  fceau  à  fa  gloire ,  par  leur 
accueil  ôcpar  leurs  préfens.  Après  trente-deux  ans  d'exercice  public, 
ce  ProfefTeur  a  formé  le  projet  de  céder ,  dans  foa  entier ,  fon 
ipyglgAfç  St  précieufe  coliô^^ioia.  M,  de  Condé  en  ayant  été  informé  ^ 


AVIS  DES  ÉDITEURS,    vi| 

Ae  manière  à  communiquer  à  fes  Le£leurs  une  ceftaina 
liberté  d'efprit ,  une  noble  hardielTe  de  penfeîv,-qui  efl 
le  germe  de  îa  philofophie  ;  cet  Ouvrage ,  difons-nous  , 
a  été  commenté  par  des  hommes  très-difdngués  par 
leur  favoir  ,  entre  autres  par  l'illuflre  M.  de  Haîlcr» 
Il  a  été  traduit  dans  plulieurs  Langues  ;  il  a  été  accueilli 
par  toutes  les  Nations  favanîes  de  l'Europe  ;  enfin  , 
fa  réputation  cd  folidement  établie  :  ces  fuccès  ont 
engagé  l'Auteur  à  exciter  &:  à  mériter  ,  par  fon  zèle  ^ 
par  fon  travail ,  &  par  le  prix  qu'il  y  a  toujours  atta- 
ché ,  en  un  mot ,  par  de  nouveaux  foins  &  par  de 
nouvelles  recherches  ,  l'attention  &  l'eftime  à^^ 
Lecteurs. 

Voici  une  quatrlem.e  Edition ,  revue ,  &  enrichie 
d'additions  très-curieufes  ,  très-importantes,  qui  ont 
rendu  ce  Di«^ionnaire  plus  volumineux  Aq.s  deux  tiers 
que  la  dernière  Edition  :  il  n'étoit  pas  poilible  d'exé- 
cuter un  pareil  travail  fans  multiplier  les  volumes  ;  & 
par  cette  raifon ,  on  avoit  d'abord  penfé  à  l'imprimer 
in-folio  ,  ou  au  moins  in-A^.^  Mais  pour  mettre  le 
Public  à  portée  d'avoir  cet  Ouvrage  dans  le  format 
des  écrits  de  notre  Auteur ,  d'en  jouir  plus  prompte- 
ment ,  &  auffi  dans  îa  vue  d'en  diminuer  le  prix  y  & 


&  voulant  donner  publiquement  à  ce  Naturalise  une  marque  dé 
fon  eftime  pour  fa  perfonne  &  fes  talens  ,  &  favorifer  en  quelque 
forte  fa  jouiffance  ,  en  a  fait  l'acquilition  ;  en  forte  que  le  Cabinet 
de  Chantilly  ,  qui  étoLt  déjà  enrichi  par  de  magnifiques  préfens  en 
ce  genre ,  faits  par  deux  Souverains  du  Nord  ,  &  le  Cabinet  de 
M.  Bomare  n'en  forment  plus  qu'un ,  rangé  par  les  foins  &  fuivant  Iq 
méthode  des  inftitutions  de  ce  Profeffeur.  Le  Mercure  de  France  , 
Décembre  1786  ,  dit  à  cette  occafion  :  «  Que  le  Cabinet  du  Château 
de  Chantilly  fera  déformais  Pun  des  plus  importans  ,  des  plus  complets 
Se  des  plus  intérefîans ,  &  que  les  Voyageurs  curieux ,  que  ce  lieu  de 
délices  attire  ,  pourront  étudier  mieux  dans  le  Temple  confacré  à  la 
Nature ,  le  vafte  tableau  &  la  nombreufe  férié  de  fes  produftions ,  & 
que  M.  Bomare  ,  qui  eft  le  Direfteur  de  ce  précieux  dépôt  ,  aura 
toujours  fous  les  yeux  Içs  objets  propres  à  exercer  fon  efprijç  &  f^ 
l^lume,  &c,  "j 


viij    Ans  DES  ÉDITEURS. 

d'en  rendre  l'acquifition  plus  facile,  on  s'efl  déterminé 
à  Pimprimer  clans  deux  formais  ;  favoir  : 

//z-4.^  cara«:^ere  de  Ckcro  ,  mèiV.e  format  de  la  féconde 
Edition  ,  en  8  Volumes  ,"  d'environ  800  pages  chacun  , 
carré  fin  d'Auvergne. 

On  a  tiré  fur  du  papier  velin  d'Annonay  ,  plus  grand  que 
le  format  ordiraire  ,  vingt  exemplaires  de  cette  Edition» 

En  grand  in-S.^  caradere  de  Cicéro ,  même  format  de  la 
Minéralogie  de  no:;re  Auteur  (2),  en  15  Volumes 
d'environ  670  pages  chacun ,  même  papier. 

On  croit  avoir  ainii  fatisfait  au  defîr  de  ceux  qui 
demandoienr  un  cara^ere  facile  à  lire  ,  &  un  format 
commode  pour  le  cabinet ,  &  au  goût  de  ceux  qui 
veulent  à^s  volumes  portatifs  ,  moins  coûteux  ,  plus 
commodes  peur  la  campagne  ,  pour  les  voyages  Ô£ 
pour  les  leéhu-es  habituelles.  Nous  pouvons  encore 
ailurerque  la  pcirîie  typographique  foumife  à  Texamen 
de  quatre  revifeurs  CiiiTérens  ,  a  été  exécutée  avec 
toute  l'exa£titude  poffible  ,  &  que  toutes  les  feuilles 
de  chacune  de  ces  deux  Editions  ,  ont  été  lues .,  cor- 
rigées &  avouées  par  l'Auteur. 

^^^  Pour  prémunir  les  Acquéreurs  de  cet  Ouvrage 
contre  la  furprife  des  Editions  qui  pourroient  être 
contrefaites,  nous  les  prévenons  que  l'Edition  in-8^ 
porte  notre  iignature  au  revers  de  la  faufle  page  du 
Frontifpice,  Tome  ï.^^ 


(2)  Ce  Traité  de  Miniralogie  ,  avec  des  tables  fynoptiques  ,  a  été 
réimprimé  en  dciu:  Voluî-ne.-;  en  1774,  &l  fe  trouve thsz^ -5 iîi<  ois  U 
leune  ,  O/.ji  d<s  Au^ii;U:if  ,   à  Paris, 


a  !  ^'4^  .-^4  aJ«  *j*  ^a  4^  /}*  jjj^^  ïjr  **<  »}•  *j*  jj/t  ;^i  4«.f  '*'  4'-  4^-  4*  4*  4'  4*  4*  4'*  4*  4*  4*  tx  î  « 

Il  tîjk^ftifî»  *  ïï=î;J    «vf-'^ï*  ..;•;:;■:?•:?<  ♦  ftSâ'ViJtlf 


E  FA  C  E. 


^^0"^®îv 


I 


L  n'y  a  point  de  fpe61acle  plus  întéreflant 
que  celui  des  Etres  fans  nombre  qui  peuplent 
r  Univers.  Les  merveilles  nous  environnent  de 
toutes  parts  ;  &  ,  pour  qui  fait  voir  ,  rien 
n'eft  indifférent  dans  cette  immenfité  d'objets 
de  toutes  efpeces. 

C'efl  ce  vafte  &  fublime  Tableau  que  j'ai 
déjà  entrepris  de  crayonner  &  de  préfenter 
au  Public  qui  a  daigné  Faccueillir  :  c'eft  tout 
le  domaine  en  quelque  forte  de  la  Nature , 
dont  je  donne  la  defcription.  » 

Trois  règnes  remarquables  par  leur  étendue 
&  leur  importance  ,  ont  jufqu'ici  partagé  les 
recherches  &  fixé  l'attention  des  Obfervateurs. 
Combien  de  parties  m.êmes  de  chacun  de  ces 
règnes  ont  eu  des  Hiftoriens  particuhers  ! 

a  3 


v)  PRÉFACE. 

Les  Animaux^  les  Véoétaux  &  les  Minéraux 
ont  prefque  toujours  été  vus ,  recueillis ,  repré- 
fentés  à  part.  C'étoit  auflî  le  plan  que  je  m'étois 
d'abord  propofé  de  fuivre  ,  comme  je  l'ai 
annoncé  dans  ma  Minéralogie  ;  mais  ,  fans 
abandonner  ce  projet ,  qui  pourra  trouver  fon 
exécution  à  la  fuite  des  tlémens  d'Hlftolre 
Naturelle  que  je  me  propofe  de  donner  dans 
quelque  temps ,  j'ai  reconnu  ,  par  ma  propre 
expérience,  combien  il  feroit  utile  &  curieux 
d'avoir  un  recueil  qui  offrît  l'enfemble  &  la 
réunion  de  tous  les  corps ,  qui  exposât  tous  les 
phénomènes  ^  &  en  un  mot  ,  qui  préfentât 
l'inventaire  de  la  Nature. 

Il  falloit  ,  pour  bien  remplir  cette  idée^ 
adopter  la  forme  la  plus  propre  à  répondre 
fur  le  champ  à  la  curiofité  du  Lefteur.  Les 
efpeces  font  fi  variées^  fi  multipliées,  fi  con- 
fondues, que  les  plus  habiles  NaturaHfl:es  ne 
font  pas  encore  parvenus  à  pouvoir  leur  afîi- 
gner  ,  d'une  manière  immuable  &  fixe ,  l'ordre 
&  le  rang  qui  leur  conviennent  :  on  ne  fait , 
fur  les  limites ,  comment  claffer  des  Etres  qui 
femblent  appartenir  à  plufieurs  efpeces  en 
même  temps.  Vouloir  ,  dans  une  defcription 
rapide  de  tous  les  objets  connus ,  fuivre  les 
déto^;rs  de  ce  vafie  labyrinthe,  fans  quitter  le 
fil  de  la  méthode ,  ce  feroit  s'expofer  à  s^'égarer 
avec  ceux  auxquels  en  fe  propofe  de  fervir 
de  guide. 


PREFACE.  Tij 

Je  me  fuis  donc  déterminé  à  fuivre  ,  à 
imiter,  pour  ainfi  dire  ,  la  marche  de  la.  Na- 
ture 5  trop  féconde  pour  compter  ou  pour 
arranger  fes  productions  ,  &  qui  par -tout 
affefte  un  défordre  fublime.  Sa  richeffe  em- 
prunte un  nouvel  éclat  du  contrafte  m*ême  qu'on 
obferve  dans  fes  divers  ouvrages.  L'ordre 
alphabétique  d'un  Dlclionnaire  raijbniié  pouy oit 
être  regardé  ,  à  bien  des  égards ,  comme  le 
plus  convenable  ,  comme  le  feul  qu'on  dût 
admettre  ,  pour  chercher  ,  trouver  facilement , 
&  paffer  en  revue  tous  les  objets  qu'embralfe 
l'étude  de  THiftoire  Naturelle.  Cependant 
cette  formée  m.ême  eft  fufceptible  d'un  plan 
méthodique  ,  &  celui  que  j'ai  adopté  tend  à 
mettre  ,  fous  l'afpeft  le  plus  commode  ,  la  def- 
cription  des  richeffes  que  la  Nature  étale  à 
nos  yeux. 

C'eft  ainfi  que  j'ai  eu  l'attention  de  faire  , 
de  tous  les  articles  principaux  ou  généraux  , 
autant  de  points  de  réunion  où  le  Lefteur  peut 
fe  placer ,  &  d'où  il  peut  obferver  l'analogie 
des  genres  &  des  efpeces ,  &  faifir  la  chaîne 
des  rapports  -,  ce  qui  doit  lui  faire  parcourir 
avec  ordre  &  fucceffivement  les  objets  de  fa 
curiofité. 

Veut-on  5  par  exemple  y  avoir  une  idée 
générale  des  produftions  de  la  Nature  ,  on  n'a 
qu'à  confulter  l'article  Hifwire  Naturelle  y  on 
Y  verra  la  difpoiîtion  du  Cabinet  le  plus  riche 

a  4 


vîi)  PRÉFACE. 

&  ie  plus  magnifique  :  ç'efi:  la  Mappemonde  > 
en  quelaue  forte,  de  Ftinpire  de  la  Nature, 
où  font  préfentés  fes  trois  règnes ,  &  leurs 
grandes  divifions. 

Défire-t-on  plus  de  détails ,  on  les  trouvera 
confignés  dans  les  articles  partimiiers  ,  &  en 
fuivant  toujours  les  termes  correfpondans  & 
indiqués  ,  on  approfondira"  la  férié  des  Etres 
d'une  même  clafî'e. 

Chaque  règne  &:  chaque  clafTe  font  pré- 
cédés par  un  grand  article  ,  ou  plutôt  par  des 
préliminaires  qui  en  font  connoître  les  carafteres 
principaux  &  les  dépendances  relatives.  Cha- 
cune de  leurs  divifions  eft  pareillement  décrite  ; 
&  il  y  a  une  progreffion  nicnagée ,  par  laquelle 
le  Lefteur  peut  pafTer  graduellement  des  géné- 
ralités des  genres  &  des  efpeces  à  ce  qu'ils 
ont  de  particulier. 

C'eft  conformément  à  ce  plan  ,  que  dans 
l'article  Animal^  je  préfente  les  traits  généraux 
qui  caraftérifent  tous  les  êtres  compris  dans 
le  règne  animal.  L'article  Homme  foit  connoître 
les  variétés  de  fon  efpece  ,  &  les  attributs  qui 
relèvent  au-defius  de  celles  des  animaux.  Les 
articles  Quadrupèdes  ,  Amphibies  ,  Cétacécs  , 
Serrens  ,  T égards  ,  Oi féaux  ,  Poi^fons  ,  Co^ 
quilles  ,  /îifecids  ,  Polypes  ,  Génération ,  &c. 
offrent  de  même  les  formes  diftinftives  que 
la  Nature  leur  a  données  ,  &  un  précis  de 
leur    oiganifation  ^    de    leurs   fenfations  ,  de 


PRÉFACE.  îx 

leurs  facultés ,  de  leurs   habitudes  ,  de  leurs 
appétits. 

J'ai  lié  5  par  une  méthode  femblable  ,  tous 
les  articles  correfpondans  d'une  même  claffe  , 
foit  dans  le  règne  végétal  ,  foit  dans  le  règne 
minéral  ;  en  forte  que  Ton  pourra ,  fi  l'on  veut 
s'en  donner  la  peine ,  fe  procurer  la  leBure 
fuivie  d'un  Traité  détaillé  fur  tel  objet  qu'on 
voudra  étudier. 

Que  l'on  confulre  ,  pour  l'intelligence  des 
Végétaux  y  les  mots  Plante  ,  Arbre  ,  Bois  , 
Racine  ,  Tige  ,  E  cor  ce  ,  Feuille  ,  Fleur  , 
Fruit  y  Graine  ^  &c.  ,  comme  pour  la  connoif- 
fance  des  Minéraux  ,  les  mots  Terre ,  Sable , 
Mines  ^  Eaux  ,  Sels  ,  Pierres  ,  Bitumes  ,  &C-; 
on  verra  dans  ces  articles  les  généralités^  les 
principes  ,  les  caraft^es  du  genre ,  &  comme 
autant  d'introduftions  ,  qui  conduifent  à 
l'examen  particuHer  des  corps  &  des  indi- 
vidus. 

Il  y  a  des  fingularités  qui  n'appartiennent 
fouvent  qu'à  une  efpece  ;  ce  font  des  diffé- 
rences, des  propriétés  caraftériftiques  que  je 
n'ai  pas  cru  devoir  féparer  du  terme  généri- 
que ,  afin  que  le  Lefteur  trouvât  rafl!emblé 
fous  un  même  point  de  vue,  tout  ce  qui  forme 
&  termine  le  tableau  de  l'objet  qu'il  veut  exa- 
miner. Ainfi  j'ai  rapproché  dans  un  feul  article 
ce  qui  concerne  les  Abeilles  ,  leur  naiffance  , 
leur  accroiffement ,  leur  façon  de  vivre  ,  leur 


X  PRÉFACE. 

fîolice ,  leurs  travaux  &  leur  induftrie  :  j'enfei^^ne 
a  façon  de  les  gouverner,  les  moyens  d'en 
tirer  le  plus  grand  avantage ,  je  décris  les  diffé- 
rentes efpeces  connues  de  ces  mouches  labo- 
rieufes  ;  &  je  place  tout  de  fuite  les  mots 
Ejfaim  y  Alvéole  ,  Propolis  ^  Miel ^  Cire  ^  &c.  , 
en  forte  que  cet  article  devient  en  quelque 
forte,  un  Traité  complet  fur  les  Abeilles. 

Je  traite  avec  la  même  étendue  ce  qui 
concerne  les  Chenilles  ,  en  décrivant  dans  le 
même  article  leurs  variétés  ,  leur  manière 
d'être  ,  leur  induilrie  particulière  ^  leurs  méta- 
morphofes  ,  leur  état  de  chryfalides,  la  ftruc- 
ture  de  leurs  coques,  en  un  mot  tout  ce  qui  les 
concerne. 

C'eft  dans  la  même  vue  qu'au  mot  hifecle , 
après  la  defcription  générale  des  lnfe6l-es  , 
j'explique  ce  crue  c'eft  que  Stigmate  ,  Œil  à 
réfcau ,  &c.  Je  termine  les  Corallines  ^  qui  fucce- 
dent  au  Corail ,  par  la  defcription  des  différentes 
productions  à  Polypier,  telles  que  Lithophytes , 
Efcarres y  Eponges ^  Alcyons^  &c.  Je  donne  à 
l'article  Fer,  la  defcription  de  ÏEmeril^  de  Y  Hé- 
matite ,  de  la  Manganaife  ,  de  V Aimant  ,  de  la 
Pierre  de  Périgord^  &c.  j'ai  rappelé  ,  au  mot 
Champignon  ,  fiiiffoire  des  Mouffercns  ,  Mo- 
j'iltes  y  Truies  y  Veffe  de  Loup ,  Oreilles  de  Judas^ 
&c.  J'ai  réuni  au  mot  Pin^  riiiftoire  des  fucs 
réfineux  qu'on  retire  des  Piceas ,  tels  que  le 
S  rai  fec^  la  Poix  réjine ,  le  Galipot^  le  Barras^ 


PRÉFACE.  xj 

la  Poix  grajfe  ,  le  Bijon  ,  YEJJence  de  Téré- 
benthine ,  le  Goudron  ,  le  Brol  -gras  ,  la 
Poix  navale  ,  le  Noir  de  Fumée ,  le  Zopijfa  , 
&c.  &e. 

Enfin  5  fans  citer  ici  tous  les  articles  où  j'ai 
fuivi  cet  ordre  fynthétique,  il  fuffit  d'avertir 
le  Lefteur  qu'il  a  été  obfervé  par-tout  où  il 
pouvoit  répandre  plus  de  netteté  ,  plus  de 
lumières,  6i  former  un  enfèmble  curieux  par 
rhiiloire  comparée  de  certains  objets,  qui, 
appartenant  au  même  genre,  ont  cependant  des 
formes  différentes. 

Je  me  fuis  appliqué  principalement  à  pro- 
portionner rérendue  des  articles  de  ce  Dic- 
tionnaire ,  à  l'importance  &  à  l'utilité  des  objets 
qui  y  font  traités.  On  fent  qu'il  eut  été  in> 
poffible  ,  inutile  même  ,  de  donner  une  des- 
cription également  détaillée  de  toutes  les  pro- 
duâiions  de  la  Nature. 

Une  fimple  ébauche  ,  quelques  traits  prin- 
cipaux ,  ont  fuffi  pour  efquiffer  îe  vulgaire 
des  Etres  répandus  avec  tant  de  profufion  fur  la 
furface  de  la  terre.  J'ai  même  paffé  fous 
filence  quelques  Végétaux  peu  remarquables, 
&  rayé  de  la  lifte  de  vie  certains  Animiaux  fa- 
buleux ,  qui  n'ont  d'exiftence  que  dans  les 
Relations  des  Voyageurs  crédules  ou  menteurs, 
&  trop  facilem.ent  adoptés  par  le  goût  du 
merveilleux  ou  le  caprice  de  l'imagination  qui 
fe  plaît  à  embellir, &  plus  fouvent  à  dénaturer 


xij  PRÉFACE. 

ce  qui  ne  paroît  pas  afTez  extraordinaire.  Un 
Diclionnaire  à' Hifloirc  NcaurdU  doit  être  le 
dépôt  des  vérités  de  la  Nature  ;  l'Ecrivain 
ne  doit  donc  rien  négliger  pour  éviter  que  le 
faux  ne  s'y  mêle  avec  le  vrai  ^  en  confé- 
quence,  je  dis  ce  qu'on  doit  penfer  de  ces 
fantômes  qu'offrent  certains  lacs  ,'  &  de  ces 
fpeftres    appelés  Lilnh  ,  Draoo?i ,  &c. 

Mais  j'ai  dû  m/arrêter  avec  complaifance  fur 
tous  les  objets  qui  méritent  notre  attention  par 
leur  utilité  prochaine  ,  par  la  îingularité  de 
leurs  formes  ,  par  les  avantages  de  leurs  pro- 
priétés 5  &  par  l'intérêt  que  nous  avons  de  les 
connoître  ,  de  nous  en  fervir ,  ou  de  nous  en 
garantir. 

Combien  d'animaux  fe  pîaifent  dans  notre 
fociété  ,  oii  ils  font  compagnons  de  nos  tra- 
vaux, efclaves  laborieux ,  domeftiques  attachés, 
amis  agréables  !  plufieurs  d'entre  eux  ,  indigènes 
&  naturalifés  dans  notre  climat ,  ou  étrangers , 
fourniffcnt  à  notre  nourriture,  à  notre  entretien , 
aux  commodités  ,  aux  plaifirs  de  la  vie ,  &  font 
d'un  commerce  lucratif.  Ces  efpeces  fi  pré- 
cieufes  ne  peuvent  être  trop  examinées  ,  trop 
foignées,  trop  muitipHées;  c'eil  pourquoi  elles 
occupent,  des  places  diftinguées  dans  cet  Ou- 
vrage. On  aimera  ,  fans  doute  ,  à  confi- 
dérer  le  tableau  fidelle  de  leur  ftrnfture  ,  de 
leur  taille,  de  leur  figure,  de  leur  infrinft ,  de 
leurs  mœurs ,  de  leur  éducation  ^  &  le  tableau 


PRÉFACE.  xîîj 

(îe  leurs  paffions  :  on  eft  curieux  de  les  voir 
naître  ,  s'élever  ,  fe  reproduire  ,  &  prendre 
foin  de  leur  pcftérité.  Ils  nous  intéreflent  trop 
pour  négliger  d'étudier  leurs  maladies,  &  pour 
ne  point  nous  empreffer  de  chercher  les  re^ 
medes  convenables  à  leurs  maux.  A  l'égard 
des  Animaux  fauvages ,  on  a  parlé  de  leurs 
rufes ,  de  leurs  guerres  ,  de  leurs  demeurer , 
du  temps  de  leur  geftation,  de  leurs  façons  de 
vivre  &  d'élever  leurs  petits  ,  de  leurs  mi- 
grations ,  &c.  Que  l'on  confulte  les  articles 
Eléphant^  Coq^  Cheval^  Chien  y,  Ccfior^  Taureau  , 
Morue  ,  Hareng  ,  Thon  ,  Tortue  ,  Léming , 
Bélier  ,  Cerf  ^  Lapin  ,  Autruche  ,  Baleine  , 
FormicaAco ,  Fourmi  ^  Vers  à  foie  ,  Cochenille  , 
&  mille  autres  :  ces  articles  piqueront  la  curio- 
iité  de  tout  lefteur ,  foit  par  Fhiftoire  même 
des  Animaux ,  foit  par  l'expofîtion  des  reflburces 
qu'ils  préfentent  à  nos  befoins. 

Les  mêmes  motifs  m'ont  engagé  à  décrire  , 
dans  les  occafions  convenables  ,  les  avantages 
que  le  commerce  retire  de  certaines  efpeces  5^ 
comme  la  préparation  du  blanc  de  baleine  ,  de 
la  colle  dé  poiffon  ,  du  chagrin  ;  l'ufage  du 
cafloreurà^  du  mufc  ^  de  la  civett$ ,  Sic, -,  l'art 
d'élever  fans  poule  des  poulets  ^  l'origine  & 
l'ufage  de  la  refîne  lacque  ,  du  kermès  ou 
graine  d'écarlate ,  de  la  pourpre  du  buccin  & 
du  murex  ;  la  manière  de  ramaffer  les  coquiU 
lagesj  de  les  encaifler  &  de  pêcher  le  corail  ^ 
la    préparation    des     inteftins     de    ï agneau  ; 


xîv  PRÉFACE. 

l'article    Momie    ofFre    l'art     des    embaume- 
mens. 

J'ai  décrit  les  riifes  de  la  chaffe  ;  j'ai  parlé 
de  fes  lois ,  de  {ts,  plaifirs  ,  de  fes  peines  ; 
j'ai  indiqué  la  manière  de  tendre  des  pièges 
à  toutes  les  peuplades  du  règne  animal  ;  celle 
d'attaquer  &  de  prendre  les  efpeces  puiffantes 
ou  dangereufes ,  foit  pour  leur  donner  la 
mort  ^  foit  pour  les  foumettre  à  l'efclavage 
de  la  domefticité.  J'ai  fouvent  rapporté  les 
moyens  qu'on  emploie  pour  dreiier  &  inftruire 
des  animaux  à  féconder  cette  lutte  entre 
l'homme  &  fes  fujets ,  ordinairement  très- 
rebelles. 

J'ai  parlé  de  la  tonte  de  l'animal  qui  nous 
habille  de  fon  fuperflu  j  de  la  caftration  ,  qui 
eft  devenue  un  art  pour  perfeéLioiiner  à  notre 
avantage  certaines  efpeces  deflinées  à  notre 
nourriture  ,  ou  un  moyen  de  dompter  des  ca- 
rafteres  fauvages  que  nous  avons  intérêt  de 
plier  à  notre  fervice. 

Je  n'ai  pas  omis  les  arts  du  Manige  ,  de  la 
Pèche  y  de  la  Fauconnerie  y  &  tous  les  procédés 
particuliers  de  l'induftrie ,  qui  font  valoir  les 
productions  ou  les  dépouilles  de  certaines 
efpeces. 

Parmi  les  animaux  qui  fervent  à  notre 
wfage ,  il  en  eft  quelques-uns  dont  il  efl 
eilentiel  pour  uous   de   conferver   les   belles 


PREFACE.  xy 

formes^,  &  que  nous  voulons  perpétuer  avec 
toute  la  franchife  de  leur  origine  :  j'ai  marqué  , 
à  cet  égard ,  l'utilité  du  croilèment  des  races  , 
sfin  d'empêcher  qu'elles  ne  dégénèrent  &  ne 
s'abâtardiffent.  Ici,  les  articles  Bélier ^  Cheval^ 
&c.  peuvent  être  cités  en  exem.ple  j  S^  fi  l'on 
confulte  les  articles  Jurnart  &  Léocrocotte ,  on 
reconnoîtra  que  la  Nature  eft  quelquefois 
trom.pée  ,  comme  forcée  par  des  méfaliiances 
les  plus  difparates  :  c'eft  de  ces  unions  fî 
étranges^qu'il  réfulte ,  quoique  rarement  ,  des 
muUts  par  excès» 

Il  eft  d'autres  fortes  d'animaux  ennemis  du 
genre  humain ,  malfaiteurs  de  naifTarîce  ^  &: 
dont  l'homme  a  prononcé  la  profcription  ; 
après  les  avoir  dénoncés ,  après  avoir  donné 
leur  fignalement  bien  circonftancié  ,  après 
avoir  décrit  leur  caraftere  méchant  &  leur 
înftinft  perfide ,  j'ai  enfeigné  les  moyens  les 
plus  efficaces  pour  éloigner  ou  détruire  ces 
tyrans  de  la  fociété.  On  peut  en  voir  des 
exemples  aux  mots  Crocodile^  Requin  ^  S crp eut ^ 
Hanneton ,  Bruches  ^  Charançon  ^  Coujin  ,  Fucc  , 
Punaife  ,  Pou  ,  Teigne  ,  Sauterelle  ^  Kers 
rongeurs  de  vaiffea,ux  ,  Ver  folitaire  ^  &  tant 
d'autres ,  dont  les  efpeces  ne  font  malheureu- 
fement  que  trop  communes  &  trop  ré- 
pandues. 

J'ai  recueilli  avec  foin  les  réflexions  & 
ks  découvertes  anatomiques  les  plus  récentes  ^ 


^vj  PRÉFACE. 

qui  rendent  raifon  de  plufieurs  irrégularités 
dans  quelques  animaux.  Il  y  a  une  oblërvation 
curieufe  ,  qui  juftiiîe  le  Coucou  du  reproche, 
j'ai  prefque  dit  du  crime,  d'introduire  lès  œufs 
dans  des  nids  étrangers ,  &  de  donner  fes  petits 
à  nourrir  par  des  oifeaux  qui  stn  croient  les 
pères. 

rexpofe  l'appareil  des  os  &  des  mufcîes 
peftoraux  dans  les  (Hfeaux,  &  la  mécanique 
de  leur  vol.  Je  rapporte  de  quelle  #ianiere 
s'exécute  la  refpiration  dans  le  Cygne  &:  le 
Péiican  ,  &  ce  que  l'on  doit  penfer  du  chant 
mélodieux  du  Cygne  ;  je  fais  connoître  la  con- 
formation finguliere  de  V Eléphant ,  du  Paref- 
Jeux  ^  de  la  Loutre  &  des  Ruminans\  je  décris 
la  bizarre  procréation  du  Crapaud  pipai ^  du 
Sarigue  ,  du  Limaçon  Sc  des  Crujîacées  ^  la 
formation  des  écailles  du  poiffcn  ,  celle  des 
cornes,  des  poils  ,  des  dents  ,  des  os ,  de  la 
peau  &  des  ongles  des  Quadrupèdes.  J'ex- 
plique quels  font  les  mufcles  qui  fervent  à 
redreffer  èz.  à  développer  la  queue  du  Paon 
&  du  Coq- d'Inde  ,  ou  à  élever  &  abaiffer  la 
crête  de  la  Huppe  ;  pourquoi  les  plumes  de 
certains  oifeaux  ne  font  que  peu  ou  point 
altérées  par  l'air  ou  par  la  pluie  :  je  fois 
remarquer  la  confirmation  finguliere  du  cœur 
&  du  poumon  de  la  Tortue  ,  la  fl:ru6ture 
extraordinaire  de  la  queue  de  la  Poule  &  des 
pieds  du  Cormoran  ,  celle  de  la  langue  du 
Pic  &  du  Fourmilier  j  la  fingularité  de  l'orifice 

& 


PREFACE.  xvij 

&:  du  cloaque  du  Parejfeux ,  qui  eft  fejTiblable 
â  celui  des  oifeaux  :  je  fais  connoître  la  cauie 
d'où  dépend  la  couleur  rouge  de  la  chair  du 
Saumon  ,  ainiî  que  la  couleur  noire  de  XAfri^ 
quain  :  j^expofe  la  grande  multiplication  dii 
Lavin  &  du  Lierre  j  je  décris  l'organe  hy- 
draulique des  animaux  défignés  fous  le  nom 
de  Poijfons  fouffleurs  ,  la  conformation  de  l'œil 
du  Chat ,  la  force  expanfîve  &  contra6live 
des  mufcles  peauffiers  dans  te  Rat  mufqué ,  Ten* 
gourdiflement  léthargique  du  Loir^  de  la  Mar- 
motte ,  &c*  Je  dis  de  quel  ufage  eil  la  grandeur 
de  la  glande  pinéale  de  VtLlan  ,  &  de  la 
trachée- artère  dans  le  Kari^  &  en  quoi  dépend 
la  force  digeflive  de  Teftomac  des  Chiens  : 
j'expofe  à  l'article  Oifeau  la  manière  dont  la 
digeftiôn  s'opère  dans  les  bipèdes ,  la  divifion 
qu'ont  faite  les  Phyhologiiies  des  animaux  à 
ventricule  ,  foit  mufculeux ,  foit  moyen  ,  foit 
membraneux  ,  la  nature  &  l'ufage  du  fuc  gaf-' 
trique.  L'article  Homme  offre  le  Tableau  de 
V économie  animale,^  &i  de  la  délicateffe  infinie 
des  organes  de  nos  /ens  :  enfin  ,  je  cite  la 
découverte  de  la  fubftance  qui ,  dans  les  mois 
où  la  lettre  R  n'entre  pas ,  rend  les  Moules  & 
fou  vent  les  Huhrcs  dangereufes  à  manger.  Je 
rapporte  les  expériences  &  les  obfervations 
qui  ont  été  faites  fur  la  reproduction  des 
Limaçons  décapités  ^  &c. 

Le  même  plan  a  été  obfervé  pour  les  Vé- 
gétaux* Les  plantes  utiles  6c  les  plantes  ufueîles. 
lonie  u  Jd 


ïviij  PRÉFACE. 

exotiques  ou  indigènes,  cultivées  ou  fâuvages  , 
terrellres  ou  aquatiques ,  enracinées  ou  para- 
{itQS  j  ont  été  traitées  avec  une  certaine  étendue. 
J'ai  rapporté  non-feulement  leurs  propriétés  en 
médecine,  leurs  ufages  dans  les  alirnens,  ou 
pour  les  arts  de  l'ébénifterie ,  du  tour ,  de  la 
menuiferie ,  du  charronnage  ^  de  la  teinture  ,  & . 
de  tant  d'autres,  mais  encore  ce  qui  concerne 
la  culture  ,  avec  une  inftruftion  fur  les  la- 
hours  y  fur  la  manière  de  fumer ,  marner ,  femer, 
greffer  &  planter.  Les  articles  Figne ,  Ray- 
^rafs y  C/iénêy  Hêtre ,  Peuplier^  Erable^  Garance^ 
Pajhl  y  L'in^  Chanvre^  LuTcrne  ^  Ga^oîi^  Foin, 
Prairies  artificielles  ,  Landes  ,  Marne  ,  Fumier  ^ 
&c.  en  fourniffent  une  multitude  d'exemples, 
notamment  l'article  du  Blé ,  où  j'ai  expofé  la 
pratique  la  plus  accréditée  pour  conferver  les 
grains.  Je  n'ai  pas  paffé  fous  filence  les  m^oyens 
dont  la  Nature  fe  fert  pour  femer  elle-même 
les  plantes. 

Je  me  fuis  plu  à  décrire  les  procédés  qu'on 
fuit  pour  élever  ces  belles  fleurs  qui  font  le 
charme  des  yeux  &  les  délices  des  Amateurs , 
telles  que  les  Rofes  ,  les  Œillets  ,  les  Oreilles 
d'ours ,  les  Tulipes  ,  les  Renoncules^  l^s  Jacinthes  y 
les  Anémones.  J'ai  préfenté  fur  tous  ces  objets 
plufieurs  obfervaîions  générales  ,  qui  peuvent 
aufîi  s'appliquer  à  la  culture  des  autres  fleurs. 

Je  me  fuis  ordinai remuent  contenté  de  décrire 
\ts  plantes  par  leurs  carafteres  les  plus  frappans , 


PRÉFACE.  lâx 

&  dWdiquer  leurs  principales  propriétés  par 
les  termes  Carminative  ,  Alexitere  ,  Vermifuge , 
Hyfiérique  ^  Scc  ^  mais  on  trouvera  à  la  fuite  du 
mot  Plante  ,  une  explication  plus  étendue  de 
leurs  vertus,  des  termes  propres,  &  un  détail 
des  carafteres  botaniques.  Notre  premier  intérêt 
eft  en  effet  de  connoître  les  fecours  que  nous 
pouvons  attendre  de  ces  végétaux  ,  dans  nos 
maux  &  pour  nos  befoins.  Ceft  auffi  ce  qui 
m'a  engagé  à  donner  ^  dans  l'occafion  ,  plu- 
fieurs  préparations  ufuelles ,  telles  que  celles  de 
V Agaric  de  Chéne^  de  V Amadou ,  des  Fins  d'Ab- 
jirithe ,  de  Genièvre  ,  à'Alkekenge  ,  du  Sirop 
d^  Orgeat ,  de  YEJfence  de  Jafmin ,  &  du  re- 
mède contre  la  maladie  du  vernis  des  Chinois. 
Je  rapporte  les  bons  effets  qu'a  produits ,  dans 
des  maladies  dangereufes  &  défefpérées,  Fuiacre 
interne  &  difcret  du  Napel ,  de  la  Ciguë ^  de  la 
Pomme  épineufe ,  de  la  Jujquiame ,  du  Colchique  , 
&  d'autres  plantes  femblables  ,  fuivant  la 
nature  du  climat  &  du  fol  :  en  un  mot,  pour 
le  bien  de  l'humanité  ,  j'ai  eu  foin  d'indiquer 
les  efpeces  nuiiîbles  $  &  ,  dans  ces  articles ,  le 
remède  eft  à  côté  du  mal. 

Je  fais  connoître  la  préparation  de  V Indigo  , 
du  Roucou  ,  du  Maniaque^  de  XOrfeille  ,  de 
la  Garance ,  du  Paftel ,  de  la  Giu^  du  Sagou^ 
du  Salop  5  de  la  Térébenthine,  Vd\  décrit  l'art 
de  conferver  les  Fleurs  dans  leur  forme  avec 
leurs  couleurs  &  une  partie  de  leur  odeur.  Je 
parle  des  différens  aromates  ou  parfums ,  des 

b  X 


XX  P  R  É  F  A  CE. 

fards  adoptés   par  plusieurs    Nations ,    &  du 
moyen  de  fixer  le  Pajlel  à.Qs  tableaux. 

Je  défigne  la  manière  dont  on  récolte  le 
Lahdanum  ,  la  Manne  ,  les  Datus  ,  les  Olives , 
la  Vanille  ,  le  fuc  que  fournit  ïarhre  du 
J^ernis  de  la  Chine j  je  rapporte  les  meilleures 
méthodes  de  hâter  la  maturité  de  certains 
fruits,  comme  des  figues,  &c. 

Je  décris  la  manière  de  fe  procurer  ,  pour 
l'ufage  des  cabinets  ,  les  différentes  efpeces 
d'animaux  ,  Injecles  ,  Poijfons  ,  Reptiles  , 
Oijeaux  ,  Quadrupèdes  ^  &c.  &c.  j  celle  de  les 
préparer ,  &  de  les  envoyer  des  pays  que 
parcourent  les  Voyageurs. 

On  fait  que  chaque  fiecle  ,  chaque  âge , 
chaque  pays  eft  marqué  par  de  nouvelles  dé- 
couvertes ,  &  lé  temps  préfent  ajoute  toujours 
au  paffé  :  j'ai  recueilli  tout  ce  qui  eft  relatif  à 
cet  objet.  J'ai  reconnu  que  le  bois  jaune  eft  le 
même  arbre  que  le  Tulipier  ou  arbre  aux 
tulipes  ,  &  que  Tarbre  de  la  Folie  eft  celui 
d'où  découlé  la  réfine  Caragne.  Il  eft  reconnu 
auffi  que  les  animaux  défignés  fous  les  noms 
^Alpa^ne ,  Guanaco ,  Glama ,  Lama  ,  Vigogne  , 
Paco  ,  &c.  font  des  individus  de  la  même 
efpece ,  ou  d'une  efpece  liiccurfale ,  &  qu'il  n'y 
a  de  différence  réelle  entre  ces  quadrupèdes , 
•que  quelques  légères  nuances  occafionnées  par 
l'état  d'efclavage.  L'hiftoire  du  Paco ,  celles  du 
Tapir  &  du  Sangliçr^  fourniffent  des  exemples 


PRÉFACE.  xxj 

que,  dans  toutes  les  langues  ,  on  donne  quel- 
quefois au  même  animal  plufieurs  noms  diffé- 
rens  ,  dont  l'un  fe  rapporte  à  fon  état  de 
liberté  ,  un  autre  ^  celui  de  domefticité.  Auffi 
les  efpeces  font- elles  rangées  dans  ce  Diftion- 
naire  ,  fous  leurs  véritables  dénominations  ;,  & 
tous  5  ou  prefque  tous  les  noms  triviaux  , 
favans,  nationaux  ou  étrangers,  étant  rapportés 
par  renvoi  à  ces  vrais  noms  ,  on  voit 
s'éclaircir  la  confufion.  Il  y  a  dans  la  Nature 
certaines  productions  qui ,  au  premier  aipeft  y 
paroiflent  avoir  quelque  reffemblance  avec  des 
objets  qui  nous  font  familiers,  &  dans  ce  cas, 
il  eft  affez  ordinaire  aux  Amateurs  ,  même 
aux  Naturaliftes  ,  de  tranfporter  le  nom  de  ces 
objets  aux  êtres  naturels  dont  ils  offrent  une 
image  ébauchée.  Ces  dénominations ,  quoique 
fouvent  triviales ,  font  néanmoins  d'autant  plus 
admiffibles  en  Hiftoire  Naturelle  ,  qu'elles 
expriment  dans  un  feul  mot  le  caraftere  qui 
fe  tire  du  port  ,  &  qu'il  eft  fi  difficile  de 
rendre  par  une  defcription.  On  trouve  dans  ce 
Diftionnaire  beaucoup  d'exemples  de  pareilles 
dénominations  :  Ckajujfc' trappe  ,  Chirurgien  ,; 
Cœurs-unis  ,  Coutelier  ou  Manche  de  cou- 
teau ,  Dévidoir  ,  Drap-£or  ,  Fufeaii ,  Harpe  ^ 
Luth  ,  Marteau  ,  Mufique  ,  QuenQuille  ,  Sou^^ 
fiet,  &c. 

Je  rapporte  les  phénomènes  finguliers  que 
préfentent  les  animaux  ,  les  végétaux  &  les 
minéraux  :  les  effets  de  la  Senjitive ,  de  l'a  Tour-- 


xxîj  PRÉFACE. 

maline  ,  de  la  Torpille  ,  de  X  Aimant ,  Src, 
font  mentionnés  à  leur  place  ;  &  j'ai  eu  foin 
de  marquer  les  objets  qui  appartiennent  à 
l'ancien  Continent  ou  au  nouveau.  Je  fais 
obferver  que  les  plus  grands  quadrupèdes  , 
tant  vix  ipares  qu'ovipares ,  font  fous  la  Zone 
Torride. 

II  y  a  des  produftions  étrangères  que  le 
commerce  nous  a  rendu  familières ,  &  dont 
l'ufage  eil:  devenu  un  befoin  :  elles  nous  inté- 
reffent  trop  ,  pour  négliger  de  les  connoître  ; 
j'ai  cru  qu'à  ce  titre  on  liroiî  avec  plaifir  les 
détails  curieux  qui  concernent  le  Thé ,  le  Café  , 
le  Coxao^  le  Poivre^  le  Girofle^  la  Mufcade  , 
le  Quinquina^  le  Cachou^  le  Coton ^  la  Canne  à 
fucre^  le  Tabac  ,   &c. 

Comme  l'homonymie ,  fur-tout  en  Botani-- 
que,  offre  un  chaos  difficile  à  débrouiller  pour 
les  Amateurs ,  &  même  pour  les  Etudians ,  j'ai 
tâché  de  donner  des  épithetes  courtes  &  pré- 
cifes  ,  lefquelles  aplanifîént  les  difficultés  en  ce 
^enre  :  c'eft  pour  faciliter  l'intelligence  de  ces 
iortes  de  contradiftions  ,  à  toutes  fortes  de 
perfonnes ,  fur-tout  aux  Etrangers ,  qui  ne  font 
pas  famiHarifés  avec  les  noms  françois  ,  &  aux 
Voyageurs  de  notre  Nation  qui  fe  trouvent 
en  pays  lointains ,  que  j'ai  donné ,  à  la  fin  de 
cet  Ouvrage ,  une  Table  latine ,  concordante 
&  alphabétique  des  phrafes  des  Auteurs,  ainfi 


PRÉFACE.  xxiij 

que  des  noms  èi  des  mets  dont  j'ai  parlé  dans 
ce  Diclionnaire. 

La  dcfcription  des  Pvîinéraux  n'efl:  pas  la 
partie  la  moins  efTentielle  de  cet  Ouvrage.  La 
Nature  ,  admirable  dans  tous  fes  Règnes ,  fem- 
ble  avoir  renfermé  ,  dans  le  Pœgne  Minéral , 
ks  tréfors  les  plus  riches.  Toutes  les  pro- 
duftions  de  ce  genre  méritent  d'être  connues 
particulièrement  ;  je  les  ai  décrites  avec  plus 
ou  m.oins  d'étendue ,  à  raifon  de  leurs  propriétés 
&  de  leur  importance. 

J'ai  rapporté  les  fentimens  les  plus  accré- 
dités fur  l'origine  ,  la  formation  &  les  ufâges 
de  ces  corps  :  je  n'ai  pas  oublié  l'Iiiftoire  des 
Jeux  de  la  Nature  ;  larticle  Monjîre  indique 
(ts  caprices  ou  fès  erreurs  :  j'ai  m.arqué  le 
mécanifir.e  des  Dendrites  ou  arborifations ,  & 
celui  des  Stalaclius  ;  la  manière  de  retirer  le 
fel  Ammoniac  ,  de  filer  X Amiante  ^  &  la  foie 
de  la  Pinne  marine  ,  ainfi  que  le  procédé 
employé  pour  imiter  les  Perles  ^  au  moyen 
de  la  matière  nacrée  que  fourniffent  les  écailles 
de  quelques  poiffons.  Je  détermine  la  nature 
de  X Alun  de  plume  des  Droguiftes  ,  le  véri- 
table Albâtre  des  Anciens  ,  le  Succin  élajli- 
que  des  Curieux  j  &  en  quoi  confifte  la 
différence  du  Cinabre  naturel  y  du  Cinabrt 
faux.  J'ai  fait  connoître  la  nature  de  la  Pierre 
obfidienne  &  des  Agates  ,  tant  naturelles 
que  factices  :  j'ai  donné  leur  defcription  ^  & 

b'4 


xxiv  PRÉFACE. 

rhiftoiie  des  Métaux  &  demi-Métaux  ,  de  la 
Tourbe  ,  des  FoJJiles  ,  des  Pyrites ,  des  Pierres 
précieufes.  Je  parle  des  expériences  qu'on  a 
faites  depuis  quelques  années  fur  le  Diamant , 
fur  la  Platine ,  fur  la  Zéclite  ,  je  fais  connoître 
les  carafteres  d'une  Ardoife  de  bonne  qualité  ; 
je  parle  auffi  du  travail  àts  mines  de  Cuivre , 
d'Or ,  de  Mercure^  de  la  mine  ^Argent ,  du  Sel 
gemme  ,  &:c.  Je  découvre  aux  regards  des 
Amateurs  cqs^  laboratoires  profonds  de  la  Na- 
ture ,  où  elle  fémble  fe  dérober  loin  de  notre 
vue  pour  former,  dans  îe  plus  grand  fccret, 
les  tréfors  que  nous  fofnmes  fi  jaloux  de  dé- 
couvrir &  de  lui  arracher.  Je  me  flatte  qu'on 
trouvera  dans  cet  Ouvrage ,  des  recherches 
fur  différens  points  importans  du  Syfteme  du 
Monde. 

Le  Tableau  univerfel  de  XHifioire  Naturelle 
eft  complété  ,  dans  ce  Diélionnaire,  par  le 
rang  qu'y  occupent  les  corps  céleftes ,  les  pla- 
nètes ,  l'hiftoire  de  notre  Globe ,  les  météores , 
les  mouvemens  de  l'atmofphere  ,  le  fon  appelé 
Echo  y  les  propriétés  des  Elémens ,  &  tous  ces 
phénomènes  fi  étonnans  ,  fi  importans ,  où  la 
Nature  fe  montre  dans  l'éclat  de  fa  puiffance , 
&  dans  tout  l'appareil  de  fa  majefl:é. 

Les  Naturaliftes  avoient  abandonné  cette 
étude  aux  Phyficiens  ;  mais  on  me  faura  gré 
de  la  réclamer  ici  comme  une  des  plus  belles 
parties  du  plan  que  je  me  fuis  propofé  de 
remplir. 


PRÉFACE.  XXV 

Pour  juger  de  ce  que  j'ai  écrit  fur  le 
Syftême  Planétaire  ,  il  fuffira  de  jeter  un 
coup  d'œil  fur  les  articles  y^fire ,  Ciel ,  Comète , 
ConfltUation  ,  Eclipfe  ,  Globe  (  terreftre  &  ce- 
leile)  planète  ,  &c.  Les  articles  Âir  ,  An- 
neau de  Saturne  ,  Arc -en-  ciel^  Atmofphere  , 
Aurore  boréale  ,  Brouillard  ,  Chaud  ,  Crê^ 
pujcule  y  Eclair  ,  Etoile  tombante  ,  Exha^ 
laifons  ,  i^^r/  électrique  ,  Feux-follets ,  Foudre , 
Froid  y  Globe  de  feu  ,  Grêle  y  Glace,  Glaciers^ 
Harmatan  ,  Lauvines  ,  Lumière  :^odiacale  , 
ilf<?/-  glaciale  ,  Neige  ,  Nuées  ,  Orage  ,  Oura- 
gan ,  Parhélie  ,  pluie  ,  Tempête  ,  Tonnerre  , 
Travates  ,  Trombe  ,  Vapeurs  &  J^ents ,  donne- 
ront une  idée  des  influences  météorologiques. 
On  prendra  auffi  des  idées  fur  la  configuration 
de  notre  Globe  ,  en  confultant  les  articles 
Chaos  y  Filons  ,  Fleuve  &  Fontaine  ,  (î(9/)^  , 
7/7e,  Z<7C  ,  Marais  ,  Mer,  Mines  ,  Montagnes  , 
ÏV/-^  ,  Vallées.  On  apprendra  les  révolutions 
ou  altérations  que  notre  Globe  a  éprouvées ,  en 
lifant  les  articles  Atterriffement  ,  Cataracie , 
Couches  de  la  terre  ,  Courans ,  Déluge  ,  2?e- 
r/'^ir  ,  Dunes  ,  Flux  (  reflux  &  macaret  ) 
F  alun  5  Fojpdes  ,  Grotte ,  Laves  ,  Pétrifications , 
Tremblemens  de  terre  &  Volcans. 

On  me  faura  gré  ,  fans  doute,  d  avoir  étendu 
un  très-grand  nombre  des  articles  qui  paroif- 
foienf  les  plus  importans  :  ces  articles  font 
dans  Iç Règne  Animal,  les  mots  Abeille^  ^^g^^j 
Alcyon ,  Alouette ,  Amphibie  ,  ^/2e ,  Anguille  j, 


xxvj  PREFACE. 

animal  ,  Ara  ,  Araignée  y  Armadïlle  ,  Au-- 
rochs  ,  Autruche  ,  Baleine  ,  Bélier  ,  ^//(^/z 
Bouvreuil ,  ^r//?^ ,  Ca/<^a ,  Caméléopard^  Canard 
Carnivore  ,  Cerf^  Chauve- fouris  ,  Cheval ,  67^e 
vreuil ,  Chien  ,  Chien  de  mer ,  Cigogne  y  Coq 
Crapaud^  Crocodile^  Cyg'^^  j  Dorade'Chinoift 
ou  Poijfon-doré  y  Dronte  ^  Ecrevijfe  ^  Eléphant 
Ejlurgeon  ,  Etoile  de  mer ,  Faijan  ,  Faucon 
iourmi ,  Frégate  ,  Garelle  ,  Géant  ^  Génération 
Gerboife  ,  Germe  ,  Goiland  ,  Grenouille 
Hamjier  ,  Hermaphrodite  y  Hippopotame  ,  ///• 
rondelle  ,  Homme  ,  Lamentin  ,  Léming ,  Lér^ard 
Lion ,  Z/o/z  marin .,  /(^rz  ,  Zoz*^  ,  Mamajit 
Maringouin  ,  Marmotte  ,  Méfange  ,  Moi/ieau 
Momie  ,  Mouche  ,  Moule  ,  Nacre  de  Perles 
Nain  ,  Nègre  ,  (E^/y',  O^*^  ,  Orang-outang 
Ouijlity  ,  Oi/z-j" ,  Paon  ^  Perdrix ,  Perroquet 
Pigeon  5  Phoque  ,  Rhenne ,  Requin ,  Ruminans 
Sang  y  Sanglier  ,  Sangfue ,  Sarigue  ,  Singe 
Taupe ,  Taureau  ,  Thouyou  ,  Zit^^r^  ,  Torpille 
Tourterelle ,  Trembleur^  Trompette-agami  ^  Vache 
marine  ,  Vautour ,  Vipère  y  Vivipare ,  Zibeline 
Zoophyte.  Ceux  du  Règne  Végétal ,  font  les 
mots  :  Acacia  ,  ^/c^èj- ,  Ananas  ,  Arbre  à  pain 
Arbre  à  fuif ,  B agnaudier ,  Batatte  pomme  de 
terre ,  Bignone- catalpa  ,  ^/d  ^^  Turquie  y  Bois 
Bois  de  Bréjîl  y  Bois  de  dentelle  ,  Camphre 
Cannelle ,  Chèvre- feuille  ,  C/z(5z/  ,  (7(7C(?  &  Co- 
cotier^  Courge^  Cytife  y  Ecorce^  Erable ^  JF rai-  . 
yz^r  5  Ge/z^r  ,  Herbier ,  Zza/z^  ,  Mancelinier  , 
Manihot  ,  Mûrier  ,   Navet ,    0/g"e  ,   Réfinc- 


PRÉFACE.  xxvij 

élaflique ,  i?//  ,  Seigle  ,  Yvraie,  Les  articles  du 
Règne  Minéral  ,  font  les  mots  :  Ambre  gris  & 
jaune  ,  Bafalte  ,  Bitume  ,  Charbon  minéral , 
Criflal  ^  Diamant  ^  Emeraude  ^  Galet  ^  Granité  j 
Gypfe  /  Humus  ,  Marbre  ,  Pétrole  ,  Pierre 
calcaire  ou  ^  chaux  ,  5*^/  commun  ou  marin , 
Tourbe* 

Je  vais  citer  auffi  les  articles  les  plus  inté- 
reflans ,  &  qui  font  nouveaux  dans  cette  qua- 
trième Edition.  Le  Règne  Animal  fournit  les 
mots  :  Acouchi  ^  Bufle  à  queue  de  Cheval  , 
Carpeau  ,  Chat-bi-^aam  ,  Chien-crabe  ,  Chien- 
raton  ,  C/"ic/: ,  Evolution  ,  Frugivore  ,  Ghainouk^ 
Labbe  ,  Langaha  ,  Mifgurn  ,  Martin  ,  Mufo- 
phage  5  Pâtira  ^  Tardifére ,  Tinamou»  Le  Règne 
Végétal  ofee  les  mots  :  Anjloloche  ,  Anguicide , 
Bohon-upas  ^  Dolic ,  Glaciale  ,  Vulpin,  Ceux 
qui  font  propres  au  Règne  Minéral  offrent  les 
mots  :  l'omaine  ardente  ,  Lagonis  ,  Pierre 
aërophane  ,  Pierre  de  Labrador^  &c.  Quantité 
d'articles  plus  curieux  les  uns  que  les  autres , 
&  qui  appartiennent  aux  Météores  ,  ont  été 
revus  &  corrigés  prefque  en  leur  entier.  Le 
défir  d'être  utile  m'a  fait  parler  des  Gas  meur- 
triers 5  &  des  moyens  de  rappeler  à  la  vie 
les  afphixiés. 

Telle  eft  l'idée  fommaire  de  l'Ouvrage  que 
je  préfente  au  Public  :  je  puis  me  flatter  qu'il 
efl:  le  feul  qui  ait  encore  paru  en  ce  genre. 
Dès   le  premier  coup  d'œil ,  oii   reconnoîtra 


xxviij  P  R  É  F  A   CE. 

combien  il  efl:  différent  des  Diftionnaires  de 
Lémery  &  de  F  omet ,  &  des  deux  Livres  qui 
ont  paru  ,  iiy  a  déjà  quelque  temps,  l'un  fous 
le  nom  de  Diawnnaire  ponauf  d'HiJloire  Na- 
turelle ,  &  l'autre  fous  celui  de  Manuel  du 
Naturalljle, 

J'ai  tâché  de  ralTembler  &  de  décrire  ,  avec 
le  plus  d'exaâitude  qu'il  a  été  poffible  ,  toutes 
les  richefies  de  l'Hiftoire  Naturelle  ;  &  de 
donner  une  efquiffe  précife  de  chaque  objet , 
depuis  l'inftant  où  il  fort  des  mains  de  la 
Nature ,  jufqu'à  celui  où  l'art  &  le  génie  de 
l'homme  l'emploient  pour  notre  ufage ,  ou 
pour  l'embeUiffem.ent  de  notre  féjour.  En  un 
mot,  c'eft  dans  ce  cercle  de  connoiffances 
que  fe  trouvent  renfermés  le  fpeftacle , ,  les 
propriétés  &  l'emploi  des  produftions  natu- 
relles. 

Cette  Colleftion  peut  donc  fervîr  de  guide 
fidelle  à  l'Amateur  qui  veut  étudier  l'Hiftoire 
Naturelle ,  ou  examiner  avec  utilité  les  beaux 
Cabinets  qui  renferment  les  produftions  de 
tous  les  pays.  Ce  Recueil  peut  être  regardé , 
à  beaucoup  d'égards ,  comme  un  Traité  de 
Matière  médicale  ,  d'Agriculture  ,  de  Jardi- 
nage ,  de  Commerce ,  des  Arts  &  de  Phyfî- 
que  ;  puifqu'on  y  envifage  chaque  objet  par 
l'utilité  qu'on  en  tire  dans  la  Médecine  ,  dans 
l'économie  domeftique  &  champêtre ,  &  dans 
les  Arts  &  Métiers. 


P  RÉ  F  A  CE.  xxis 

Ceft  le  fpeftacle  le  plus  fublime ,  le  plus 
touchant  pour  un  cœur  reconnoiffant ,  qui  fait 
admirer  le  Créateur  dans  ks  œuvres  ,  &  pour 
quiconque  défire  de  s'inftruire.  Le  Savant 
trouvera ,  dans  ce  Diftionnaire ,  le  réfultat  de 
fes  connoiffances  &  de  fes  études  :  l'homme 
du  monde  ,  pour  qui  tout  eft  quelquefois 
nouveau  dans  la  Nature  ,  y  cherchera  un 
amufement  utile  ,  fatisfaifant  &  digne  de  fa 
cu^-iofité  j  peut-être  y  trouvera-t-il  un  fujet 
fécond  de  méditations  profondes  j  la  lefture 
de  cet  Ouvrage  enfin  préparera  aux  Voyageurs 
des  connoiffances  qui  ont  tant  de  charm.es 
pour  nous  :  &  comme  j'ai  tâché  d'écrire  avec 
cette  décence  qui  convient  aux  bonnes  mœurs, 
&  qui  en  permet  la  lefture  à  tout  le  monde , 
ne  dois-je  pas  me  flatter  que  ce  Livre  entrera 
dans  le  plan  d'éducation  des  perfonnes  bien 
nées  de  l'un  &  de  l'autre  fexe  ,  s'il  eft  vrai 
qu'on  ne  peut ,  fans  fe  rendre  coupable  , 
demeurer  fpeâateur  indifférent  des  biçns  que 
la  Providence  a  femés ,  avec  tant  de  libéralité  , 
fous  nos  pas  ? 

J'ai  voulu  être  utile  ,  înftruftif ,  intéreffant , 
&  ce  n'eft  qu'à  la  fuite  de  recherches  immenfes, 
d'un  travail  long ,  &  après  des  efforts  confidé- 
rables  5  que  j'ai  pu  efpérer  d'approcher  du  but 
que  je  m'étois  propofé. 

J'ai  puifé  l'hiftoire  des  faits  de  la  Nature  dans 
les  écrits  des  Obfervateurs  les  plus  célèbres  ^ 


XXX  PREFACE. 

anciens  &  modernes  ,  &  dans  les  relations  des 
Voyageurs  &  des  Navigateurs  les  plus  accré- 
dités chez  toutes  les  Nations,  J'ai  confulté  les 
Journaux  François  &  étrangers  ,  les  Mémoires 
des  Académies ,  &  un  grand  nombre  d'Ou- 
vrages &  de  Traités  fur  toutes  fortes  de  ma- 
rieres  ,  même  cet  Ouvrage  commenté  par 
divers  Sav^s  ,  &  imprimé  à  Yverdun  ,  ficc. 
J'ai  fur-tout  interrogé  l'expérience  ;  j'ai  vu  , 
j'ai  comparé,  j'ai  décrit  avec  fidélité  &  exac- 
titude la  plupart  des  productions  de  la  Nature  , 
foit  dans  les  divers  dépôts  qui  font  raffemblés 
fous  nos  yeux  ,  foit  dans  celui  même  que 
i'avois  formé  pour  les  démonftrations  de  mes 
Cours  d'Hiftoire  Naturelle  ,  &  qui  ell  main- 
tenant incorporé  avec  celui  que  j'ai  arrangé  au 
Château  de  Chantilly  ;  foit  d'après  les  obfer- 
vations  que  j'ai  été  à  portée  de  faire  dans  mes 
voyages  dans  les  Provinces  de  la  France ,  & 
en  différentes  contrées  de  l'Europe.  J'ai  tiré  , 
par  analogie  des  genres  &  des  efpeces ,  beau- 
coup d'obfervations  particulières;  &  peut-être 
ai-je  préfenté  des  vues  utiles  fur  certains  objets  ^ 
peut-être  ai-je  femé  des  germes  de  décou- 
vertes j  qui  pourront  fe  féconder  &  fe  réalifer 
par  la  fuite  avec  fuccès.  Je  dois  aufii  confeffer 
que  j'ai  tiré  beaucoup  de  connoifîances  des 
entretiens  des  Artiftes  ,  &  fur-tout  de  la  cor- 
refpondance  ou  de  la  converfation  de  plufieurs 
Savans  illuftres  ,  qui  font  y  de  nos  jours  ,  \(zs 
oracles  &  les  interprètes  de  la  Nature.  Je  doi$ 


PRÉFACE.  xxx) 

encore  avouer  que  nombre  d'exemplaires  des 
premières  éditions  de  cet  Ouvrage  ,  ayant 
péffé  dans  les  différentes  contrées  du  Monde 
commerçant ,  plufieurs  de  mes  LeQeurs  ont 
fécondé  m.on  zele,  en  corrigeant  les  erreurs 
que  j'avois  écrites  d'après  les  Hilloriens  &:  en 
m'adreffani  leurs  obfervations.  Puiffent  ceux 
qui  habitent  l'Afie  ,  l'Afrique  &  l'Amérique  , 
regarder  l'aveu  public  que  je  fais  ici ,  comme 
une  marque  de  la  fmcérité  de  ma  reconnoif 
fance  !  Puiflent  les  mêmes  témoignages  de  ma 
gratitude  m'acquitter  envers  les  Savans  de  l'Eu- 
rope ,  qui  ont  bien  voulu  m'éclairer  de  leurs 
lumières  ! 

J'ai  été  obligé  de  faire  mention  de  plu- 
fieurs objets  qui  n'ont  p^s  un  rapport  immédiat 
avec  FHilioire  Naturelle.  Il  s'agit  des  mé- 
dailles, des  vafes  &  morceaux  antiques ,  des 
habillemens  &  armes  des  Sauvages.  La  curio- 
fité  eft  excitée  par  le  concours  &  l'afpeâ  de 
tous  ces  objets  :  &  on  nous  a  fait  obferver 
que  tenant  à  FHiftoire  des  arts  ,  à  celle  de 
riiomme  ,  à  la  Chronologie  ,  Se'c.  &  faifant 
aujourd'hui  partie  des  Cabinets  des  Curieux , 
nous  devions  en  dire  quelque  chofe  y  oous 
l'avons  fait,  mais  très-fuccinftement. 

Cet  Ouvrage ,  le  fruit  de  plus  de  quarante 
années  d'obfervations  ,  de  courfes  &i  de 
travaux ,  n'eft  donc  pas  feulement  un  Voca- 
bulaire ,  mais  Mn  Dictionnaire  raijonné  ^   une 


XXXi) 


PRÉFACE. 


Analyfè  fuivie ,  difcutée ,  comparée  ,  &  mé- 
thodique de  toute  l'Hiftoire  Naturelle.  Mon 
intention  a  été  de  faire  une  fuite  complète  de 
Mémoires  fur  tous  ou  prefque  tous  les  objets 
que  préfente  la  Nature  j  &  je  les  ai  rangés 
dans  un  ordre  alphabétique  ,  uniquement  pour 
la  commodité  des  recherches. 


DICTIONNAIRE 


1  ffiwi^s^ips^^i^ 

^^■HB^^ 

^^^^^pll 

l^;.^?%^£a 

^IHI^HPr 

1^^^^^^^ 

P^^HHy  '   \    ^B  id^^H 

m 

'^^^fâpfei .  S'^^^Rvi 

i^pi 

^^mmfê 

^B.^à/«iS 

DICTIONNAIRE 


RAISONNE 
D'HISTOIRE   NATURELLE. 


ri:îp£3ÈH=3^^§?=^;^;^5=i^2)tt 


A 


A  V  O  R  A  5  AvouRA  ou  Aouara»  Friiît  d\ine 
efpece  de  grand  palmier  qui  fe  trouve  dans  l'Afrique 
&  aux  Antilles.  Limeri  fait  mention  d'un  Aouara  qui 
eft  de  la  groffeur  d'un  œuf  de  poule.  La  chair  de  ce 
fruit  eft  jaune ,  les  Indiens  en  mangent  ;  fon  noyau  efl 
dur,  offeux,  de  la  groffeur  de  celui  de  la  pêche,  avec  trois 
trous  aux  côtes ,  dont  deux  plus  petits  l'un  proche  de 
l'autre.  Il  renferme  une  amande  blanche,  fort  aUrin- 
gente  &  propre  à  arrêter  le  cours  de  ventre.  Voyez 
Palmier- Aouara, 

AB AB AYE.   Foyei  PAPAYER. 

Tome  I,  A 


2  A    B    E 

ABABOUY.  Nom  que  les  Caraïbes  donnent  au  pru- 
nier épineux  du  Père  Plumier ,  Ximenia  acuLcata,  0nM 
trouve  à  Saint-Domingue.  ' 

ABADA  ou  Bada.  Le  Rhinocéros  eft  connu  Q)us  ce 
nom  dans  les  Indes,  à  Bengale,  à  Patane,  à  Java.  Voyez 
Rhincciros. 

ABAJOUES.  Voyez  ce  que  c'eft  à  Tarticle  Singe. 

ABANGA.  Les  habitans  de  l'Ifle  Saint  -  Thomas 
fîonnent  ce  nom  au  fruit  de  leur  palmier  :  ce  fruit  cil: 
de  la  groffeur  d'un  citron ,  auquel  d'ailleurs  il  re/Tem- 
ble  beaucoup.  C  Bauhln  dit  que  les  Infulaires  en  font 
prendre  trois  ou  quatre  pépins  par  jour  à  ceux  de 
leurs  malades  qui  ont  befoin  de  pedoraux.  Voyez 
Palmier, 

ABEILLE  ,  Apis,  De  tous  les  infedes  que  les  Natu- 
ralises ont  étudiés ,  l'abeille  eil  le  phis  admirable.  Il  y 
en  a  plufieurs  efpeces ,  qui ,  quoiqu'elles  ne  nous  foient 
point  auiîi  précieufes ,  parce  que  nous  ne  pouvons 
point  en  retirer  d'utilité  comme  des  abeilles  communes, 
méritent  cependant  notre  attention  par  l'induflrie  qu  elles 
nous  font  voir.  Je  ferai  l'hifloire  de  ces  diverfes  efpeces 
d'abeilles  d'après  les  obfervations  de  M.  de  Réaumur  y 
ti  d'après  l'abrégé  que  nous  en  a  donné  un  ingénieux 
Ôi  favant  Naturalise. 

Je  parlerai  d'abord  de  l'abeille  commune ,  infe^le  lî 
précieux  par  fon  utilité ,  qu'il  feroit  avantageux  pour 
le  bien  de  la  fociété,  qu'on  le  multipliât  davantage. 
Viendra  enfuite  FhiSoire  ^qs  abeilles  villageoifes  :  fous 
ce  nom  générique  lont  compris  les  abeilles  bourdons  ou 
bourdons  velus  ,  qui  vivent  au  nombre  de  cinquante  ou 
foixante  dans  une  mêm»e  habitation  ;  les  abeilles  qu'on 
trouve  réunies  dans  un  même  lieu ,  mais  qui  n'y  for- 
ment point  une  efpece  de  fociété ,  appelées  abeilles 
folltaires  ;  telles  font  les  abeilles  perce- bois  ^  les  abeilles 
maçonnes  de  différentes  efpeces ,  les  abeilles  qui  creufent 
la  urre^  les  abeilles  coup  euf es  de  feuilles  y  celles  qui  font 
leurs*  nids  dans  des  murailles  avec  des  efpeces  de  mem- 


A    B    E  3 

branes  foyeufes  ,  &c  les  abellUs  tapJJ/îercs  :  fpe£^acle 
admirable ,  oii  fe  trouvent  réunis  l'utile  &  î  agréable  : 
ouvrages  remplis  de  merveilles ,  oii  Fon  reconnoît  la 
main  puifîante  qui  en  a  i'emé  tout  l'Univers. 

Abeille   tommimt   ou  Mouche  à  mid, 

iJ abeille  commune  ou  mouche  à  miel  ^  en  latin  ^pîs^ 
cil  un  infefte  de  l'efpece  des  mouches  à  quatre  ailes  ; 
elle  e^  à  peu  près  trois  fois  auffi  groffe  que  la  mou- 
che commune  ,  velue  ,  d'une  couleur  brillante ,  mais 
brune. 

Cette  efpece  de  mouche  apprivoifée  efl  du  nooibre 
de  celles  qui  vivent  en  fociété  &  travaillent  en  com- 
mun. Autrefois  elles  étoient  toutes  fauvages  ,  habitant 
les  vaftes  forêts  de  la  Mofcovie  &  des  autres  contrées 
du  Nord,  où  elles  fe  logeoient  dans  des  creux  d'ar- 
bres ou  de  rochers  :  l'homme  les  a  foumifes  à  fon 
domaine  pour  profiter  de  leurs  travaux,  &  les  a  raf* 
femblées  dans  des  efpeces  de  paniers  qu'on  nomme 
ruches ,  &c  qui  différent  peur  la  forme  ou  pour  la  ma^ 
tiere   dans  les  divers  pays. 

L'ordre  qui  règne  dans  les  différentes  fondions  des 
cheilles  domejliques ,  leur  gouvernement,  leur  induilrie, 
tant  d'art  dans  leurs  ouvrages ,  tant  d'utilité  dans  leurs 
travaux  ,  leur  ont  attiré  l'attention  des  Philofophes 
anciens  &  modernes  :  on  en  a  vu  paifer  une  partie  de 
leur  vie  à  les  étudier.  Mais  plufieurs  fe  laifTant  entraî- 
ner par  l'enthoufiafme ,  leur  ont  prêté  bien  de  fauffes 
merveilles  ,  qui  ont  encore  été  enrichies  par  l'imagina- 
tion de  l'élégant  Virgile.  Swammerdam  ^  Maraldi^  Rèaw- 
mur ,  en  dépouillant  leur  hifloire  du  faux  merveilleux, 
l'ont  rendue  plus  intéreffante  par  la  certitude  des  vérités 
qu'ils  annoncent,  &  par  ime  multitude  de  nouvelles 
particularités ,  également  sûres  &:  curieufes. 


A  X 


'4  A    B    E 

Z>efcrlpùon  des  trois  efpeces  de  Mouches  qui  font  dans 
une  ruche. 

Les  cbfervations  les  plus  exa£Ves  nous  ont  appris 
qu'en'  certain  temps  de  l'année  il  y  a  dans  une  ruche 
trois  fortes  de  mouches  bien  diftin£tes.  La  première  , 
la  plus  nombreufe  des  trois ,  font  les  abeilles  commu- 
nes ,  qu'on  appelle  auffi  abeilles  ouvrières  ,  parce  qu'elles 
recueillent  le  miel  &:  la  cire  ;  ou  mulets^  parce  qu'elles 
n'ont  point  de  fexe.  La  féconde ,  moins  abondante , 
font  les  faux  bourdons ,  ainfi  nommés  pour  les  diflin- 
guer  de  ces  bourdons  velus ,  qui  volent  dans  la  cam- 
pagne ;  ou  bien  mdUs  ,  parce  qu'ils  le  font  réellement. 
La  troiiieme ,  qui  eft  la  plus  rare ,  font  les  femelles , 
qu'on  nomme  reine  s- abeilles  ou  reines-meres ,  parce  qu'elles 
font  mères  d'une  nombreufe  poftérité  ;  &  non  point 
rois ,  comme  le  croyoient  les  Anciens  ,  puifqiie  ce  font 
vraiment  des  femelles. 

Entre  les  parties  extérieures  de  l'abeille  ordinaire, 
les  plus  remarquables  font  la  tête  ,  le  corfelet  ou  la 
poitrine ,  le  corps  ou  le  ventre.  A  la  tête  on  remarque 
deux  yeux  à  réfeau  placés  fur  les  côtés  ,  deux  antennes, 
deux  dents ,  ferres  ou  mâchoires ,  qui  jouent  en  s'ou- 
vrant  &  fe  fermant  de  gauche  à  droite  :  ces  ferres 
leur  fervent  pour  recueillir  la  cire ,  la  pétrir ,  en  bâtir 
leurs  alvéoles,  jeter  hors  de  la  ruche  ce  qui  les  incom- 
mode. Au-defîbus  de  ces  deux  dents  on  apperçoit  une 
trompe  qui  a  l'air  d'une  lame  afTez  épaifte  ,  très-lui- 
fante,  de  couleur  de  châtaigne  :  cette  lame  eft  repliée  en 
deux ,  &  on  ne  la  voit  dans  fa  longueur  que  lorfque 
la  mouche  eft  occupée  à  la  récolte  du  miel.  Cette 
trompe  ell  une  machine  étonnante,  dont  M.  de  Réau- 
mur-à  développé  les  refTorts  avec  une faga cité  admirable: 
c'efl  dans  fes  Ouvrages  qu'il  faut  voir  la  defcription  de 
cet  organe ,  compofé  de  plus  de  vingt  parties.  A  l'œil 
fimpleelle paroît  enveloppée  de  quatre  fortes  d'écaillés  ? 


A    B    E  ç 

quî  forment  enfemble  un  canal,  par  lequel  le  miel  efl 
conduit  :  la  trompe  qui  efl  dans  ce  canal ,  eu  un  corps 
mufculeux,  qui ,  par  fes  mouvemens  vermiculaires ,  fait 
monter  le  miel  dans  le  gofier.  Lorfqu'on  a  féparé  les 
dents ,  on  obferve  à  l'orifice  de  la  trompe  une  ouver- 
ture qui  efl  la  bouche ,  &  au-defTus  un  mamelon  charnu, 
qui  eft  la  langue  :  toutes  parties  dont  nous  verrons  l'ufage. 

Le  corfelet  tient  à  la  tête  par  un  col  très- court  : 
il  porte  quatre  ailes  au-defTus  &  fix  jambes  au-defTous, 
dont  les  deux  dernières  font  plus  longues  que  les  au- 
tres, &  ont  extérieurement  dans  leur  milieu  (que  M. 
de  Réaumur  appelle  la  palette  triangulaire  ) ,  un  enfon- 
cement en  forme  de  cuiller ,  bordé  de  poils  un  peu 
roides  :  c'efl  dans  ces  efpeces  de  corbeilles  que  les  mou- 
ches ramaffent  peu- à- peu  les  particules  de  cire  brute 
qu^elles  recueillent  fur  les  fleurs  ,  de  la  manière  dont 
nous  le  dirons  dans  la  fuite  ;  les  extrémités  des  fix 
pattes  fe  terminent  en  deux  manières  de  crocs ,  avec 
lefquels  les  mouches  s'attachent  enfemble  aux  parois  de 
la  ruche ,  &  les  unes  aux  autres.  Du  milieu  de  ces 
deux  crocs  s'élèvent  à  leurs  quatre  jambes  poflérieures, 
quatre  brofTes ,  dont  l'ufage  efl  de  ramaffer  la  poufîiere 
des  étamines  attachée  aux  poils  de  leur  corps  ;  ces 
brofTes  font  l'effet  des  mains ,  comme  nous  le  verrons 
plus  bas. 

Le  corps,  proprement  dit ,  ou  le  ventre,  efl  uni  au 
corfelet  par  une  efpece  de  filet ,  &c  compofé  de  fix 
anneaux  écailleux.  Tout  le  corps  des  abeilles  ^paroît 
très-velu ,  même  à  la  vue  fimple.  L'âge  les  fait  un  peu 
différer  de  couleur  ;  celles  de  l'année  font  brunes  & 
ont  des  poiîs  blancs  ;  celles  de  l'année  précédente  ont 
des  poils  roux  &  des  anneaux  moins  bruns ,  &  affez 
fouvent  leurs  ailes  font  un  peu  déchiquetées.  On  peut 
obferver  fur  le  corfelet  &  fur  les  anneaux  du  corps , 
de  petites  ouvertures  en  forme  de  bouche  ,  par  oii 
l'infedle  refpire  :  ce  font  fes  poumons ,  on  les  nomme 
fii^matcs.  Cette  partie ,  d'une  flru^ure  merveilleufe  ^ 


6  A    B    E 

leur  cft  commune  avec  tous  les  înfeâes  en  général 
f^oyei  Stigmates  à  l'article  Infecle, 

L'intérieur  du  ventre  confifte  en  quatre  parties  :  les 
inteftins ,  la  bouteille  de  miel  ;  celle  de  venin\  Se  l'ai- 
giiillon.  Les  inteilins ,  comme  dans  les  animaux  ,  fer- 
vent à  la  digeflion  de  la  nourx^iture.  La  bouteille  de 
miel ,  lorfqu'elle  eft  remplie ,  eft  groffe  comme  un  petit 
pois,  tranfparente  comme  le  criftal ,  &  conti€nt  le  miel 
que  les  abeilles  vont  recueillir  fur  les  fleurs ,  &  dont 
une  partie  demeure  pour  les  nourrir  ;  la  meilleure  efl 
rapportée  &  dégorgée  dans  les  cellules  du  mrgafm , 
pour  nourrir  toute  la  troupe  en  hiver.  La  bouteille  de 
venin  eft  à  la  racine  de  l'aiguillon  ,  au  travers  duquel 
Tabeille  en  darde  quelques  gouttes,  comme  au  travers  d'un 
tuyau,  pour  les  répandre  dans  la  piqûre  lorfqu'elle  efl 
irritée.  L'aiguillon  efl  fitué  à  l'extrémité  du  ventre  de  l'a- 
beille ,  long  d'environ  deux  lignes ,  &  pénètre  avec  beau- 
coup de  vitefTe  par  le  moyen  de  certains  mufcles  placés 
fort  près  de  l'aiguillon ,  qu'on  apperçoit  facilement  ea 
prefîant  le  derrière  de  l'abeille.  Ce  petit  dard,  qui  paroît 
fi  délié  à  l'œil ,  eu  un  petit  tuyau  creux  de  matière 
de  corne  ou  d'écaillé  ,  qui  contient  l'aiguillon  ,  com- 
pofé  lui-même  de  deux  aiguillons  accollcs ,  qui  jouent 
en  même  temps,  ou  féparément ,  au  gré  de  l'abeille. 
Leur  extrémité  efl  taillée  en  fcie ,  dont  les  dents  font 
tournées  dans  le  fens  d'un  fer  de  flèche  ,  qui  entre  aifé- 
jnent  Se  ne  peut  plus  fortir  fans  faire  des  déchirures 
terribles  ;  aufîî  prefque  toujours  la  piqûre  que  fait  une 
mouche  lui  efl-elle  fatale ,  l'aiguillon  entraînant  avec 
lui  la  vefîîe  ,  &  quelquefois  une  partie  des  inteftins. 
Leur  piqûre  eil  prefque  toujours  accompagnée  de  dou- 
leur, d'inflammation ,  de  tumeur.  Elles  font  la  guerre  à 
îa  manière  des  Sauvages ,  avec  des  flèches  empoifoii- 
nées.  Le  poifon  en  efl:  plus  adif  dans  l'été  ;  la  tumeur 
qu'il  occafionne  efl  plus  ou  moins  confidérabl  fuivant 
les  tempéramens.  Il  y  a  des  perfonnes  pour  qui  ces 
fortes  de  piqûres  ne  font  prefque  rien ,  tandis  qu'elles 


A    B    E  7 

jCaiifent  à  d'autres  une  enflure  prodigicufe  ;  toujours 
cil-il  confiant  qu'un  certain  noir.bre  de  piqûres  occa- 
fionneroit  des  inflammations  ,  des  irritations  ,  &  une 
forte  de  hevre  qui  feroit  fuccomber  l'homme  le  plus 
robufle.  On  trouve  dans  les  livres  des  remèdes  à  choiHr, 
ainfi  que  pour  un  grand  nombre  d'autres  maux  :  oa 
propofe  l'urine  ,  le  vinaigre ,  le  jus  de  diverfes  plantes, 
l'huile  d'olive ,  que  l'on  prétend  même  propre  contre 
la  morflire  de  la  vipère.  Tous  ces  remèdes  &  l'eau  feule 
foulagent  pour  un  infiant ,  mais  la  douleur  reprend 
après ,  &c  l'inflammation  continue.  Si  ces  remèdes  ^ 
ainfi  que  bien  d'autres  ,  ont  paru  opérer ,  c'efl  que-  le 
poifon  n'agifToit  point  avec  vigueur  dans  ces  circonf- 
ftances.  Le  moyen  le  plus  sûr  pour  empêcher  les  fuites 
fâcheufes  de  ces  blefTures ,  c'efî  d'ôter  l'aiguillon  de  la 
plaie  aufîi-tôt  qu'on  efl  blefTé,  &  de  la  laver  avec  de 
l'eau  qui  amortit  la  vigueur  du  poifon. 

Les  faux  bourdons  ou  mdlcs  font  très-faciles  à  diflin- 
guer  des  ouvrières.  Ils  font  plus  longs  d'un  tiers  & 
ont  la  tête  plus  ronde  &  plus  chargée  de  poils  ;  leurs 
antennes  n'ont  que  onze  articulations ,  celles  des  au- 
tres en  ont  quinze.  Leurs  yeux  à  réfeau  couvrent  tout 
le  defTus  de  la  partie  fupérieure  &  poflérieure  de  la 
tête  ;  au  lieu  que  les  yeux  à  réfeau  des  abeilles  ouvriè- 
res ,  forment  chacun  une  efpece  d'ovale  fur  chaque 
côté.  Ils  ont  le  corfelet  plus  velu  &  les  anneaux  plus 
liffes.  Leurs  dents  font  beaucoup  plus  petites  que  celles 
des  abeilles  ouvrières  ;  aufîi  ne  leur  font-elles  point 
d'ufage ,  comme  aux  abeilles ,  pour  la  récolte  de  la 
cire.  Leur  trompe  efl  plus  courte  &  beaucoup  plus 
déliée  ;  ce  qui  fait  qu'ils  ont  beaucoup  de  peine  à 
puifer  le  miel  dans  les  fleurs  où  il  efl  caché  dans  des 
glandes  à  une  grande  profondeur;  ils  ne  s'en  fervent 
que  pour  fucer  celui  qui  leur  efl  néceffaire  pour  les  faire 
vivre  ,  &  ils  n'en  font  point  de  récolte.  Ils  n'ont  point 
de  palette  triangulaire  à  leurs  pattes  ;  leurs  broiTes  ne 
font  point  propres  au  même  ufage  que  celles  des  abeiliesv 

A  4 


8  A    B    E 

La  nnnire  leur  ayant  refiifé  les  inflrumens  propres  ati 
travail ,  femble  les  en  avoir  exemptés  ;  aufîi  ne  travail- 
lent-ils point  ;  tout  leur  emploi  eft  de  féconder  les  rei- 
nes. Leur  organiiktion  intérieure  prouve  que  telle  ell 
leur  deftination.  Que  l'on  prefTe  le  derrière  d'un  faux 
bourdon ,  on  en  fait  fortir  deux  efptces  de  cornes ,  au 
milieu  defquelles  on  apperçoit  un  corps  charnu ,  qui 
s'élève  en  defTus  en  fe  contournant  en  arc  :  cara61erç 
diflinclif  de  fon  fexe.  Ge  corps  efl:  rempli  de  vaifTeaux: 
tortueux ,  qui  contiennent  une  liqueur  îaiteufe  ;  enfin  il 
n'a  point  d'aiguillon. 

Les  7ncrcs  abeilles ,  comme  les  faux  bourdons ,  n'ont 
point  aux  jambes  poftérieures  de  palette  triangulaire 
propre  à  recevoir  la  récolte  de  la  matière  à  cire.  Leurs 
dents  5  quoique  plus  petites  que  celles  des  abeilles  , 
font  cependant  plus  grandes  que  celles  des  faux  bour- 
dons. Elles  n'ont  point  de  broiTes  à  l'extrémité  à^s 
pattes.  Les  mères  abeilles  font  plus  longues  que  les 
faux  bourdons.  Ce  qui  aide  le  plus  à  faire  connoître 
une  mère  abeille ,  c'efl:  le  peu  de  longueur  de  fes  ailes , 
dont  les  bouts  fe  terminent  fouvent  au  troifieme  an- 
neau ,  au  lieu  que  le  bout  des  ailes  des  abeilles  ordi- 
naires, &  fur-tout  de  celles  àzs  faux  bourdons  ^  vont 
par-delà  l'extrémité  du  corps.  Avec  des  ailes  ii  courtes, 
la  mère  abeille  vo^e  plus  difficilement  que  les  abeilles 
ordinaires;  auffi  lui  arrive-t-il  peu  de  fois  dans  fa  vie 
de  faire  ufage  de  fes  ailes.  Son  derrière  efl  armé  d'un 
aiguillon ,  qui  furpaffe  de  beaucoup  en  grandeur  celui 
d'une  abeille  ouvrière  ;  mais  qui  au  lieu  d'être  droit , 
ed:  un  peu  courbé  vers  le  ventre.  El'e  ne  s'en  fert  que 
lorfqu'elle  a  été  irritée  fort  long- temps  ,  ou  peut-être  , 
comme  nous  le  verrons  dans  la  fuite ,  pour  difputer 
l'empire  à  d'autres  reines.  Dans  l'intérieur  de  fon  corps , 
les  œufs  font  diflribués  en  deux  ovaires.  Chaque  ovaire 
efl  un  aflemblage  de  vaiffeaux  qui  vont  aboutir  à  un 
canal  commun ,  &  qui  tous  font  remplis  d'œufs  dans 
le  tems  de  la  ponte. 


A    B    E  5^ 

Dans  la  defcription  de  ces  trois  efpeces  d'mre£^es  , 
on  a  pu  obferver  un  rapport  admirable  &c  toujours 
confiant ,  ainfi  que  dans  toutes  les  œuvres  du  Créateur, 
entre  la  f]:ru£lure  des  parties  de  chacun  de  ces  infedles 
6c  leur  delHnation.  Nous  pouvons  même  dire  avec 
M.  Dtkuie ,  que  tous  les  infeftes  du  genre  des  abeilles 
ont  effentiellement  la  même  fl:niâ:ure  ;  les  feules  diffé- 
rences au'on  y  obferve ,  confiilent  dans  les  proportions 
des  parties  &  dans  les  couleurs.  Ajoutons  encore  aux 
caraàeres  généraux  indiqués  cl-delîiis ,  que  ces  mou- 
ches ont ,  outre  les  yeux  à  réfeau  ,  trois  petits  yeux 
liffes  fiu'  le  derrière  de  la  tète  ;  que  leurs  antennes 
paroifTent  brifées ,  parce  que  leur  première  articulation 
eu  beaucoup  plus  longue  que  les  autres  ;  les  ailes  infé- 
rieures font  aulîi  plus  courtes  que  les  fupérieures. 

Après  avoir  vu  les  inftrumens  des  abeilles  nécef- 
faires  pour  leurs  travaux ,  il  faut  développer  l'indullrie 
de  leurs  ouvras;es. 

Récolte  Je  la  Propolis  &  de  la  Cire  pour   la  conjlriicilon 
des   alvéoles. 

Le  nombre  des  habitans  d'une  ruche  eft  très  -  confî- 
dérable.  Il  s'y  trouve  une  reine  qui  eft  feule  de  fon 
fexe,  avec  deux,  trois,  jufqu'à  fept  ou  huit  cents 
&:  même  mille  mâles  ou  faux  bourdons ,  &  quinze  à 
feize  mille  &  plus  d'abeilles  fans  fexe ,  qui  font  les 
ouvrières  ou  le  gros  de  la  nation.  Lorfque  les  mouches 
s'établiiTent  dans  une  ruche ,  leur  prem-ere  occupation 
eft  de  boucher  tous  les  petits  trous  ou  fentes  qui  s'y 
trouvent ,  avec  une  matière  gluante  ,  tenace ,  molle 
d'abord ,  mais  qui  durcit  enfuite  ;  on  lui  a  donné  le 
nom  de  propolis.  On  croit  que  c'eft  fur  les  peupliers , 
les  bouleaux  ,  les  fapins ,  les  pins,  les  ifs,  les  faules  , 
qu'elles  en  font  la  récolte  ;  cependant  M.  de  Réaumur , 
cet  infatigable  Obfervateur  ,  n'a  pu  les  découvrir  occu- 
pées à  cette  récolte ,  6c  il  a  vu  des  abeilles  employer 


10  A    B    E 

la  propclls  dans  des  pays  oii  il  n'y  avoit  aucuns  de  ces  ar- 
bres :  c'efl  une  découverte  qui  refle  à  faire.  Quoi  qu'il  en 
foit,  \d.propoUst^i  une  réfuie  difToluble  dansrefprit-de-vin 
te  rhuile  de  térébenthine.  Ellen'efi:  pas  toujours  la  même 
en  confnlance ,  en  odeur ,  en  couleur  ;  communément , 
quand  elle  efl  échauffée  ,  elle  donne  une  odeur  aro- 
matique ;  il  y  en  a  qui  mériteroit  d'être  mife  au  rang 
des  parfums.  La  propolis  efl  d'un  brun  roiigeâtre  en 
dehors ,  jaunâtre  en  dedans.  Outre  l'ufage  qu'on  en  fait 
en  Médecine  comme  digeftive  ,  quelques  expériences 
ont  fait  connoître  à  M.  di  Rèaumur^  que  cette  fubUance 
diiTôute  dans  l'efprit-de-vin  ou  l'huile  de  térébenthine, 
pourroit  être  fubflituée  au  vernis  qu'on  emploie  pour 
Aonn^x  une  couleur  d'or  à  l'argent  ou  à  i'étain  réduit 
en  feuilles.  Si,  par  exemple,  on  Tincorporoit  avec  le 
maflic  ou  \q  fandaraque ,  elle  feroit  très-bonne  pour  faire 
des  cuirs  dorés. 

L'emploi  de  la  propolis  eft  un  des  ouvrages  les  plus 
pénibles  des  abeilles  :  elles  s'y  prennent ,  pour  en  faire 
la  récolte  &  pour  s'en  décharger  ,  de  la  même  manière 
que  nous  verrons  qu'elles  font  la  récolte  de  la  cire  ;  la 
ténacité  de  la  matière  rend  feulement  ce  premier  travail 
phis  difficile. 

.  L'aclivité  efl  ii  grande  parmi  les  abeilles ,  que  pendant 
que  les  unes  bouchent  les  fentes  de  la  ruche ,  les  autres 
travaillent  à  la  conll:ruâ:ion  des  gdtcaux  ou  rayons^ 
compofés  d'alvéoles  ou  cellules  très-régulieres. 

Chaque  rayon  a  deux  ordres  d'alvéoles  oppofés  l'un 
à  l'autre ,  qui  ont  leur  bafe  commune  ;  &  l'on  obferve 
que  la  bafe  de  chaque  alvéole  eft  formée  de  trois  pièces 
qui  font  partie  des  bafes  des  trois  alvéoles  de  l'ordre 
oppofé.  Chacun  de  ces  rayons  eil  dans  \\n^  direction 
verticale  ;  &:  il  n'y  a  entre  deux  rayons  qu'autant  d'ef- 
pace  qu'il  en  faut  pour  que  quelques  abeilles  puiiTent 
pafler  à  la  fois.  H  y  a  des  trous  qui  traverfent  chaque 
rayon  pour  leur  abréger  le  chemin,  L'épaifTeur  de  cha- 
cun de  ces  rayons  eiî  d'un  peu  moins  d'im  pouce  ; 


A    B    E  II 

ainfi  la  profondeHr  de  chaque  alvéole ,  deftiné  pour  les 
abeilles  ouvrières  ,  eft  d'environ  cinq  lignes ,  &  leur 
largeur  efl  conflamment  de  deux  lignes  deux  cinquiè- 
mes dans  tous  les  pays  où  il  y  a  des  abeilles.  Voilà^pnc 
une  mefure  qui  ne  peut  jamais  varier,  que  tout  le 
monde  connoît ,  qui  le  trouve  par-tout ,  en  un  mot , 
une  règle  univerfelle  en  fait  de  mefure. 

Outre  ces  alvéoles  ,  qui  font  les  plus  nombreux  , 
elles  en  conflruifent  un  petit  nombre  d'autres ,  qui  font 
un  peu  plus  grands ,  deilinés  à  recevoir  les  œufs  def- 
quels  doivent  naître  les  faux  bourdons  ;  au  lieu  que 
les  premiers  font  deftinés  pour  ceux  d'où  doivent  fortir 
les  abeilles  ouvrières.  Ces  cellules  ,  qui ,  ainii  que  les 
premxicres ,  varient  pour  la  profondeur ,  font  auiîi  tou- 
jours d'un  diamètre  confiant ,  qui  efl  de  trois  lignes  & 
demie  ;  de  forte  que  vingt  de  ces  cellules ,  dedinées 
aux  faux  bourdons  couvriroient  une  ligne  de  cinq 
pouces  dix  lionnes ,  &  un  peu  plus  ;  tandis  que  vingt 
cellules  d'abeilles  ouvrières  ont  juile  quatre  pouces  de 
longueur. 

Les  abeilles  commencent  à  établir  la  bafe  de  Tédî- 
fîce  dans  le  haut  de  la  ruche  ,  &c  travaillent  à  la  fois 
aux  cellules  des  deux  faces.  Dans  des  circonflances  où 
elles  font  prefTées  par  l'ouvrage ,  elles  ne  donnent  aux 
nouveaux  alvéoles  qu'une  partie  de  la  profondeur  qu'ils 
doivent  avoir  ;  elles  les  laifTent  imparfaits  ,  Si  différent 
de  les  finir  jufqu'à  ce  qu'elles  aient  ébauché  le  nom- 
bre de  cellules  qui  font  nécefTaires  pour  le  temps  pré- 
fent. 

La  conflru£lion  des  gâteaux  leur  coûte  bien  de  la 
peine  :  le  plus  grand  nombre  de  nos  ouvrières  efl  oc- 
cupé à  dreffer  ,  à  limer ,  à  polir  ce  qui  efl  encore 
brut  ,  à  perfedionner  le  dedans  des  alvéoles  ;  elles  en 
fînilTent  les  côtés  &  les  bafes  avec  une  û  grande  déli- 
cateffe ,  que  trois  ou  quatre  de  ces  côtés ,  pofes  les 
uns  fur  les  autres ,  n'ont  pas  plus  d'épaiffeur  qu'une 
feuille  de  papier   ordinaire.   Elles  conflruifent  encore 


li  A    B    E 

pluficiirs  autres  alvéoles  deftinés  à  être  le  berceau  du 
reines  :  pour  lors  elles  abandonnent  leur  archite£lure 
ordinaire;  elles  bâtiflent  exprès  des  cellules  de  figure 
arrondie  &  oblongue ,  qui  ont  beaucoup  de  folidité. 
Une  feule  de  ces  ce'iKiles  pelé  autant  que  cent  ou  cent 
cent  cinquante  cellules  ordinaires  :  il  y  a  moins  d'é- 
conomie dans  celles  -  ci  ;  la  cire  y  eft  employée  avec 
profufion,  les  dehors  en  font  gifillochés  ;  ce  font  des 
cellules  vraiment  royales  :  elles  font  en  petit  nombre 
en  comparaifon  des  autres.  Le^  travailleufes  favent  ou 
paroîiTent  favoir  eue  leur  mère  ne  doit  pondre,  pour 
î'crdinc^re ,  que  quinze  à  vingt  œufs  par  an  ,  d'où  naî- 
tront d'autres  mères,  &  qu'au  contraire  elle  donnera 
naiffance  à  plufieurs  milliers  de  mouches  ouvrières  &  à 
plufieurs  centaines  de  mâles.  Quelquefois  elle  n'en 
pond  eue  trois  ou  quatre  des  premiers  ,  quelquefois 
point  du  tout,  ^  dans  ce  cas  la  ruche  ne  donne  pas 
d'efTaim. 

\^x\  gâteau  compofé  d'alvéoles  eft  un  fpe£lacle  char-s- 
mant  :  tout  y  cft  difpofé  avec  tant  de  fymétrie  6c  fî 
bien  fini  qu'à  la  première  infpedion  on  eft  tenté  de 
le  regarder  comme  un  chef-d'œuvre  de  l'indu^rie  des 
infedes.  Nos  Archimedes  modernes  admirent  comment, 
dans  la  difpofiti^n  &  la  forme  de  ces  alvéoles  qui  font 
hex?.gones  &  à  fix  pans  ,  (  &  dont  les  bafes  font  for- 
mées chacune  de  trois  trapèzes ,  dont  les  angles  obtus 
formant  l'angle  folide  du  fond ,  font  d'environ  cent  dix 
degrés  ) ,  on  trou.ve  réiblu  par  un  mécanifme  naturel 
un  des  plus  beaux  &  des  plus  difîiciles  problêmes  de 
la  Géométrie  :  Faire  unir  dans  le,  plus  petit  efpace  pof- 
Jihle  le  plus  grand  nombre  de  cellules  &  les  plus  grandes 
pofjibles ,  avec  le  moins  de  matière  pojjible.  Une  observa- 
tion très-curieufe  ,  eft  que  les  abeilles  varient  l'incli- 
naifon  &  la  courbure  de  leurs  rayons  félon  le  befoin. 

Au  rcfle ,  dit  M.  Deleu^e ,  quiconque  aura  pu  voir 
les  abeilles  travailler  à  la  conilrudion  de  leurs  gâteaux, 
ou  obfervé  avec  quelque  attention  è!^%  gâteaux  com- 


A    B    E  ïj 

hiencés,  fentîra  le  vice  de  l'explication  mécanique 
que  divers  Naturalifles  ont  voulu  donner  de  cette  ré- 
gularité de  figures  ,  en  luppofant  qu'elle  n'eft  que  le 
réfultat  nécefTaire  de  ce  qu'un  grand  nombre  d'abeilles 
travaillent  dans  un  efpace  étroit  ;  d'où  il  fuit  que  la 
figure  ronde  qu'elles  tendent  à  donner  à  leurs  alvéo- 
les ,  devient  hexagone  par  la  prefîion  que  chacune 
éprouve  de  toutes  parts.  On  voit  au  contraire  que  les 
pièces  font  faites  l'une  après  l'autre ,  &  ont  chacune  ^ 
dès  leur  première  conftruftion  ,  la  figure  régulière  qui 
leur  eft  propre ,  fans  aucun  indice  d'une  comprefiion 
qui  ne  peut  avoir  lieu  ni  dans  une  ruche  peu  peuplée^ 
ni  fur  les  bords  des  gâteaux. 

Lcuwenhoeck  ,  en  examinant  les  yeux  des  abeilles  au 
microfcope ,  avoit  cru  obferver  que  la  lumière ,  mêlée 
aux  ombres  ,  peignoir  fur  leur  rétine  des  cellules  fem- 
blables  à  leurs  rayons,  ce  qui  lui  avoit  fait  conjec- 
turer que  ces  animaux,  en  travaillant  ,  ne  faifoient 
qu'exécuter  ce  qui  s'ofFroit  à  leurs  yeux.  Nous  ne 
nous  arrêterons  pas  à  difcuter  cette  iinguliere  expli- 
cation. 

Revenons  à  confidérer  l'induflrie  de  nos  abeilles. 
C'eft  avec  un  vrai  plaifir  qu'on  les  voit  travailler,  cha- 
cune fuivant  fon  diflrift,  à  l'ouvrage  commun.  Elles 
volent  fur  les  fleurs  de  diverfes  plantes ,  &  s'y  roulent 
au  milieu  des  étamines ,  dont  la  poufîiere  s'attache  à 
une  forêt  de  poils  dont  leur  corps  efl  couvert  ;  la  mou- 
che en  paroît  quelquefois  toute  colorée.  Elles  ramaf- 
fent  enfuite  toute  cette  poufîiere  avec  les  brofTes  que 
nous  avons  vu  qu'elles  ont  à  l'extrémité  des  pattes  , 
&  l'empilent  dans  la  palette  triangulaire  :  chaque  pa- 
lette eft  de  la  groffeur  d'un  grain  de  poivre  un  peu 
aplati.  Quand  les  fleurs  ne  font  pas  encore  bien  épa- 
nouies, nos  mouches  preflTent  avec  leurs  dents  les 
fommets  des  étamines ,  oii  elles  favent  que  les  grains 
de  poufllere  font  renfermés ,  pour  les  obliger  à  s'ou- 
vrir &  y  faire  leur  récolte.  On  yoi,t  bientôt  les  abeilles 


14  A    B    E 

rentrer  dans  la  ruche ,  chargées ,  les  unes  de  peîofcs 
jaunes ,  les  autres  de  pelotes  rouges ,  ou  d'autres  di- 
veries  nuances,  félon  la  coultur  des  différentes  pouf- 
fieres.  Cette  pcufTicre  qu'elles  rapportent  çû  la  matière 
à  cire  ou  la  cire  brute ,  car  elles  ne  rencontrent  nulle 
part  la  cire  toute  faite. 

A  peine  les  mouches ,  ainfi  chargées  de  la  récolte , 
font-elles  arrivées  ,  qu'il  vient  plusieurs  abeilles  qui 
détachent  avec  leurs  ferres  une  petite  portion  de  cette 
matière  à  cire,  qu'elles  font  paiTer  dans  un  de  kurs 
cftcmacs  ,  car  elles  en  ont  deux ,  l'un  peur  le  miel  & 
l'autre  pctir  la  cire.  C'cfl  dans  cet  eflomac  que  fe  fait 
une  merveilleufe  élaboration  ;  la  véritable  cire  y  eft 
extraite  en  très-petite  quantité  de  la  cire  brute ,  dont 
une  partie  leur  fert  d'aliment ,  &  le  refle  cft  rejeté  en 
excrément  ;  ce  que  M.  de  Rèaumur  a  prouvé  par  un 
calcul  ingénieux.  Il  obferva  que  dans  une  ruche  de 
dix-huit  mille  abeilles ,  chaque  abeille  pouvoit  faire 
quatre  à  cinq  voyages  par  jour  ;  qu'il  falloit  huit  pe- 
lotes de  cire  pour  le  poids  d'un  grain  ;  que  les  mcuxhes 
rapportcient  pendant  fept  ou  huit  mois  confécutifs  cent 
livres  &  plus  de  cette  matière  ;  &  que  cependant  li 
l'on  tire  au  bout  d'une  année  la  cire  d'une  ruche  fem- 
blable ,  on  n'y  trouve  qu'environ  AtwiL  livres  de  vraie 
cire  ;  d'où  il  fuit  néceffairement  que  la  cire  brute  fait 
partie  de  leur  nourriture ,  &  qu'elles  en  extraient  peu 
de  véritable  cire.  Les  mouches  dégorgent  cette  cire  fous 
la  forme  d'une  bouillie  ou  pâte  par  la  bouche  q^\Ç: 
nous  leur  avons  vue  ;  &c  à  l'aide  de  leur  langue  ,  de 
leurs  dents ,  de  leurs  pattes ,  elles  conftruifent  ces  al- 
véoles ,  dont  nous  avons  admiré  la  figure.  Dès  que 
cette  pâte  eft  feche ,  c'eft  de  la  cire  telle  que  notre  cire 
ordinaire. 

Les  gâteaux  nouvellement  faits  font  blancs ,  mais  ils 
perdent  peu-à-peu  lewr  éclat  en  vieillifTant  ;  ils  jaunif- 
fent,  &  les  plus  vieux  deviennent  d'un  noir  de  fuie; 
les  vapeurs  qui  régnent  dans  l'intérieur  de  la  ruche  ^ 


À    B    E  15 

les  dépouilles  des  vers ,  &c  le  miel  en  font  la  caiife  ;  la 
cire  qui  a  été  originairement  blanche  ,  recouvre  fa 
blancheur ,  étant  cxpofée  a  la  rofée  ;  mais  toutes  les 
abeilles  ne  font  pas  la  cire  également  blanche  ;  ce 
qui  dépend  moins  de  rinfe£l:e  que  de  la  nature  des 
efpeces  de  poulîieres  d'étamines  qu'il  va  recueillir.  On 
éprouve  même  dans  les  blanchifferies  ,  qu'il  y  a  des 
cires  qu'on  ne  peut  rendre  d'un  beau  blanc. 

Dans  les  mois  d'Avril  $1  de  Mai ,  les  abeilles  recueil- 
lent ,  du  matin  au  foir ,  de  la  matière  à  cire.  Mais 
lorfqu'il  fait  plus  chaud ,  comme  dans  les  mois  de  Juin 
&  de  Juillet,  c'efl  fur-tout  le  matin  jufque  vers  les 
dix  heures  qu'elles  font  leurs  grandes  récoltes  >  parce 
qu'alors  les  poiiiîieres  des  étamines  étant  hume£i:ées  par 
la  rofée  de  la  nuit ,  font  plus  propres  à  faire  corps 
les  unes  avec  les  autres ,  &c  à  être  réunies  dans  une 
mafTe.  Ces  pouiîieres  ainii  réunies  qui  forment  la  cire 
brute ,  différent  eiTentiellem.cnt  de  la  véritable  cire , 
qui  fe  ramollit  fous  le  doigt ,  devient  flexible  comme 
ime  pâte ,  &  eft  duâ:ile  ;  au  lieu  que  la  cire  brute  ne 
s'amollit  point  fous  les  doigts  ,  n'y  prend  point  de 
duOilité  5  mais  s'y  brife. 

Des  expériences  très-faciles  démontrent  que  les  pouf- 
fieres  d'étamines  font  les  principes  de  la  cire ,  mais  ne 
font  point  la  cire.  Si  l'on  met  une  boulette  formée  de 
plufieurs  petites  pelotes  de  cire  brute  dans  une  cuiller  d'ar- 
gent fur  des  charbons  allumés,  au  lieu  de  fondre  commue 
la  cire ,  ces  pelotes  confervent  leur  figure ,  fe  deffé- 
chent  &  fe  réduifent  en  charbons.  Si  l'on  fût  un  petit 
^let  de  ces  pelotes  en  les  roulant  entre  les  doigts ,  &c 
qu'on  le  préfente  à  la  flamme  d'une  bougie  ,  il  brû- 
lera fans  couler  comme  un  brin  de  bois  fec  réfineux. 
Si  l'on  jette  la  cire  brute  dans  l'eau ,  on  la  voit  tom- 
ber au  fond,  au  lieu  qu'on  verra  la  cire  furnager  : 
tous  ces  carafteres  difrindifs  prouvent  d'une  m^aniere 
inconteftable  l'élaboration  qui  fe  fait  dans  le  corps  de 
ces  infedes. 


i6  À    B    E 

M.  i^e  Riaîimur^  dont  le  moindre  objet  d'utîlité  atti- 
rcit  l'attention ,  a  fait  plitTieurs  tentatives  pour  voir 
s'il  ne  feroit  pas  poiTible  de  tirer  par  art  la  cire  toute 
faite  de  la  cire  brute  :  il  fe  proporoit  de  concourir 
avec  les  abeilles  à  la  fabrication  de  la  cire  ;  mais  fes 
expériences  n'ont  abouti  qu'à  lui  apprendre  qu'il  ne 
nous  efi  pas  plus  aifé  de  parvenir  à  taire  de  la  vraie 
cire  avec  les  étamines  des  fleurs  ,  qu'il  ne  l'eft  de  faire 
du  chyle  avec  les  différentes  fubilances  qui  nous  fer- 
vent d'aliment ,  ou  qu'il  le  feroit  d'extraire  de  la  foie 
des  feuilles  de  mûrier. 

!     Après  avoir  vu  la  manière  dont  les  abeilles  conf- 
tridfent  leurs  alvéoles ,  paffons  à  leur  ufage. 

Ufage  des  Alvéoles,  Police  des  Abeilles  ;  leur  gênératlohé 

Les  alvéoles  fervent  à  contenir  le  miel ,  la  cire 
brute  que  récoltent  les  ouvrières  ,  &  le  couvain  que 
la  reine  mère  y  dépofe.  Voyons  d'abord  comment  elle 
y  dépofe  fes  œufs ,  l'efpérance  de  la  république. 

L'abeille  qu'on  nomme  la  reine ,  eft  une  mère  pro- 
digieufen'icnt  féconde  ;  c'efl:  à  elle  feule  que  doivent 
leur  naifiance  toutes  les  nouvelles  mouches  qui  naiifent 
dans  une  ruche  :  aufTi  n'eft-il  point  d'attachement  qui 
puifTe  aller  plus  loin  que  celui  que  les  abeilles  ont 
pour  elle.  Elles  lui  rendent  tous  les  fervices  ,  tous  les 
hommages  dûs  à  une  fouveraine  :  elles  lui  font  un 
cortège  plus  ou  moins  nombreux ,  foit  qu'elle  veuille 
faire  la  revue  de  fes  états,  ou  prendre  l'air,  &c,  ; 
elles  la  careffent  avec  leur  trompe;  elles  la  fuivent 
par-tout  où  elle  va  ;  c'efl:  Didon  ,  entourée  de  Tyriens. 
Qu'on  redonne  une  mère  aux  abeilles  qui  étoient  dans 
une  parfaite  oifiveté,  parce  qu'elles  avoient  perdu  la 
leur ,  les  voilà  dans  l'inftant  déterminées  à  travailler  , 
&  cela  proportionnellement  à  la  fécondité  de  cette  nou- 
velle mère.  La  feule  efpéronce  de  voir  naître  bientôt 
ime  mère  pariiii  elles  ^  fufîit  pour  les  y  exciter  j  car  fî 

au 


A    B    E  if 

Su  lieu  d'une  mère  abeille  on  met  iimplement  dans  la 
ruche  une  nymphe  de  mère  abeille ,  le  travail  renaît 
auïïi-tôt. 

La  mère  abeille  eu  Tame  de  la  ruche  ;  û  elle  vient 
à  périr ,  tous  les  travaux  cefTent ,  6c  les  abeilles  fe  laiA 
fent  mourir  de  faim.  Leur  attachement  pour  elle  eft 
cgal  à  Futilité  dont  elle  eftà  Ibn  peuple,  &  cette  reine 
ne  fait  fervir  qu'au  bonheur  de  fes  fujets  le  pouv<:^t" 
dont  elle  jouit.  La  fécondité  de  cette  reine  eft  telle , 
qu'elle  peut  mettre  au  jour,  en  fept  ou  huit  femaines, 
dix  à  douze  mille  abeilles  6c  plus.  Suivie  de  fon  petit 
cortège ,  &  toujours  occupée  des  foins  du  gouverne- 
ment &  de  la  population ,  elle  entre  d'abord  la  tête  la 
première  dans  chaque  cellule ,  apparemment  pour  voir 
û  elle  eft  en  bon  état  ;  elle  en  reftbrt ,  &c  y  fait  enfuite 
entrer  fa  partie  poftérieure  pour  dépofer  dans  le  fond 
de  la  cellule  un  œuf  qui  s'y  trouve  collé  à  l'inftant* 
Elle  pafle  ainli  de  cellule  en  Cellule  ,  &  pond  jufqu'à 
deux  cents  œufs  par  jour.  La  nature  lui  apprend  à 
choifir  les  alvéoles  les  plus  grands ,  lorfqu'elle  va  pon* 
dre  des  œufs  d'où  doivent  naître  les  faux  bourdons  ; 
&  les  cellules  royales ,  lorfqu'elle  eft  prête  à  mettre  au 
Jour  les  œufs  d'oii  doivent  éclore  les  reines.  Au  bout 
de  deux  ou  trois  jours ,  plus  ou  moins  ,  félon  qu'il 
fait  plus  ou  moins  chaud  ,  il  fort  de  l'œuf  un  ver  que 
l'on  voit  au  fond  de  la  cellule.  Ce  ver  eft  long ,  blanc  ^ 
toujours  dans  la  même  attitude ,  c'eft~à-dire ,  roulé  en 
anneau  ,  appuyé  mollement  fur  une  Couche  aftez  cpaifte 
de  gelée  ou  de  bouillie  d'une  couleur  blanchâtre  que 
les  abeilles  ouvrières  y  ont  apporté,  &  c'eft  de  cette 
gelée  qu'il  fe  nourrit» 

Les  abeilles  ouvrières  conftruifent  non^feulement  les 
gâteaux ,  elles  font  encore  les  nourrices  que  la  Nature 
a  accordées  aux  vers.  Elles  ont  grand  foin  de  viftter 
chaque  alvéole ,  pour  reconnoître  ft  le  ver  qui  y  eft 
logé ,  a  tout  ce  qu'il  lui  faut.  L'aliment  du  ver  eft  le 
miel  &  la  cire  préparés  dajcis  le  corps  des  abeilles» 
Tome  /,  B 


ïS  A     B     E 

Elles  ont  un  foîn  particulier  des  œufs  d'où  doivent 
éclore  les  reines  :  elles  leur  donnent  de  la  pâture  avec 
profafion.  En  moins  de  fix  jours,  le  ver  prend  tout 
ion  accroiffement  ;  alors  les  abeilles,  qui  connoifTent 
qu'il  n'a  plus  befoin  de  manger,  ferment  la  cellule 
avec  un  petit  couvercle  de  cire.  Le  ver ,  qui  jufqu'alors 
s'ëtoit  tenu  dans  le  plus  parfait  repos ,  fe  déroule  , 
s'alonge  ,  puis  il  tapiffe  de  foie  les  parois  de  fa  cellule; 
car  il  fait  filer ,  ainfi  que  les  chenilles.  Il  faut  obferver 
qu'avant  que  le  ver  commence  à  filer  ,  il  a  confumé 
toute  fa  provifion  de  gelée  ;  les  nourrices  ont  foin  de. 
ne  lui  en  point  mettre  plus  qu'il  n'en  peut  confommer. 
Lorfque  le  ver  a  ainfi  tapiffé  l'intérieur  de  fa  cellule , 
il  pafTe  à  un  état  connu  fous  le  nom  de  nymphe  , 
c'eil-à-dire ,  qu'il  perd  toutes  les  parties  dont  il  avoit 
befoin  étant  ver ,  comme  la  filière  &  autres.  Les  par- 
ties qui  lui  font  néceffaires  pour  fon  nouvel  état  de 
mouche ,  fe  développent.  Cette  transformation  ,  une 
des  plus  admirables  qiie  nous  préfente  la  Nature  ,  étant 
commune  à  toutes  les  mouches  ,  ainfi  qu'à  l'abeille  , 
nous  renvoyons  à  l'article  Nymphe ,  pour  en  avoir  un 
détail  plus  circonftancié ,  &  conncître  la  différence  de 
deux  mots  fouvent  confondus,  Nymphe^  ChryfaUdc^a), 

(û)  M.  Schïradi ,  l'un  des  Oofervateurs  de  îa  Société  des  Abeilles  établie 
en  Luzace  ,  fous  les  aufpices  de  UElecieur  de  Saxe,  a  miridé  à  M, 
Bonnet f  que  toute  portion  de  couvain  pouvoit  donner  ui:e  reine- abeille ^ 
lors  même  qu'il  ne  s'y  trouvcit  point  de  cellule  royale^  parce  qu'un  œuf 
contient  le  principe  d'un  ver  de  reine  ,  &  que  l'indinél  des  abeilles  fa- 
voit  difccrner  cet  œuf.  M.  Schirach  prétend  même  que  les  vers  qui  fe 
transforment  en  abeilles  communes,  c'eft-à-dire  ,  cuvrierts  neutres  ^  peuvent 
suffi  fe  transformer  en  reines.  C'eft  ,  dit-il,  un  ver  âgé  de  trois  à  quatre 
jours,  que  le  gros  du  peuple  abeille  choillt  pour  devenir  reine.  Si  ce 
fait  exifte,  toutes  les  abeilles  communes  appartiennent  originairement  au 
fexe  féminin  ,  &  le  développement  des  organes  qui  caraftérifent  ce  fexe, 
cépend  ,  fuivant  notie  Obfervateur  ,  d'une  certaine  nourriture  appropriée 
&  adminiltrée  dans  un  logement  aflez  fpacieux  ;  6c  fans  ces  deux  conditions, 
J'abeille  commune  eft  condamnée  à  une  virginité  ,  ou  plutôt  à  une  ftéri- 
lité  perpétuelle  ;  ainfi  la  mère- abeille  eft  féconde  fans  accouplement,  & 
elle  peut  être  ,  dit  M.  Boyinet ,  fembîable  en  cela  aux  pucerons  qui  ont 
un  principe  de  fécondité  pour  plufieurs  générations.  Mais  que  fera  donc 
Tuffige  fecret  t'es  faux  bourdons  ?  pourquoi  la  fage  Nature  les  auroit-elle 
pourvus  d'an  û  gr^nd  appareil  d'organes  fécondateurs?  Il  faut  ici  con-. 


    B    E  19 

Vakîlle  y  dans  fon  état  de  nymphe ,  eft  enveloppée 
d'une  pellicule  fi  mince  &  il  déliée  ,  qu'on  apperçoit  (es 
fîx  pattes  rangées  fur  fon  ventre ,  &c  la  trompe  cou- 
chée dans  toute  fa  longueur  :  l'abeille  dans  cet  état  ed 
d'abord  blanche  ;  dans  la  fuite  ,  toutes  les  parties  du 
corps  fe  colorent  par  degrés ,  &c  fe  développent  infen- 
lîblement  :  on  y  reconncît  la  marche  de  la  Nature , 
qui,  dans  toutes  {es  opérations  ,  va  toujours  par  nuan- 
ces infenfibles  ;  l'abeille  eil  ordinairement  dans  fon 
état  de  perfedion  au  bout  de  vingt  &  un  jours.  Elle 
fait  iifage  de  fes  dents  pour  fortir  de  fa  prifon  &C 
rompre  fon  enveloppe  :  c'eft  une  opération  très-diffi- 
cile pour  la  jeune  abeille  ;  il  y  en  a  quelquefois  qui 
ne  peuvent  en  venir  à  bout  :  cependant  les  abeilles 
ont,  ainfi  que  bien  des  animaux,  jufqu'à  un  certain 
temps  marqué  par  la  Nature ,  tous  les  foins  imaginables 
pour  leurs  petits  ;  ce  temps  efl-il  pafTé ,  leur  amQur  fe 


fulter,  dît  M.  Schirach  ,  la  Contemplation  de  la  Nature ^  part.  VIII.  c.  ^. 
Voilà  des  ohfervatlons  neuves  qui  tendent  à  détruire  la  théorie  que 
nous  avions  fur  les  abeil/es  ;  &  lefavantM.  Bonnet  répond  atout  ceci, 
que  la  liqueur  féminale  eft  un  fluide  nourricier  &  un  fiimuîant  qui  peut 
produire  les  plus  grands  changeniens  dans  les  parties  intérieures  àes 
embryons.  Qui  frit  fi  les  mâles  ne  répandent  pss  leur  fperme  dans  les 
cdluLes  royales  où  Loge  actuellement  un  œuf  ou  un  ver?  qui  fait  fi  ce 
fperme  n'eft  pas  mêlé  à  la  neurriture  fur  laquelle  repofe  Toeuf  ou  lever^ 
ou  fi  ce  fperme  ne  pénètre  point  dans  le  ver  par  d'autres  voies  que  nous 
ne  faurions  deviner  ni  découvrir  ?  M.  Bonnet ,  en  expofant  i'es  vues 
philofophiques  fur  cet  objet  difcuté  par  MM.  Schirach  èc  ÏTilhelmi  ,  dit, 
avec  raifon  :  Q^uel  ahyme  aux  yeux  du  Sage  qu'une  ruche  d*abeilles .  ...  I 
M.  Riem  ,  maître  en  Fharmacie  ,  &  membre  de  la  Soc-e'té  (Economique  , 
établie  à  Lauter  ,  dans  le  Palatinat ,  a  mandé  à  M.  Bonnet ,  qu'il  avoit 
répété  avec  foin  toutes  les  expériences  de  M,  Schirachj  &  que  les 
réfultats  qu'il  en  a  eus  font  contraires  à  tout  ce  que  l'Obfervateur  de 
Luz?ce  avoit  écrit;  ils  tendent  aufiî  à  renverfer  un  àes  principaux  fon- 
demens  de  la  théorie  Réaumurienne.  Les  abeilles  ouvrières  ,  dit  M.  Riem, 
pondent  au  befcin  ,  ôc  donnent  ainfi  naiffance  à  des  vers  de  l'une  ou  de 
l'autre  forte.  Tant  de  contrariétés  multiplient  nos  doutes,  &  nous  mon- 
trent, dit  M.  Bonnet,  avec  quelle  circonfpefi;ion  le  Naturalifte  philo- 
fophe  doit  procéder  dans  la  recherche  des  lois  qui  regiffent  les  êtres 
vivans.  D'après  cet  expofé,  nous  tenons  encore  à  la  logique  de  l'illuftre 
Réaumur.  Confultez  le  Journal  de  phyfique  ,  Avril  ,  Mai  ,  Juillet  lyyy. 
On  lit  dans  un  des  derniers  volumes  ^es  Tranfaci.  philofoph.  des  détails 
qui  tendent  à  prouver  que  la  fécondation  chez  les  abeilles ,  s'opete  hor« 
«du  corps  de  la  femelle, 

B    2 


io  A     B    E 

change  en  îndifFérence  :  contraire  qiii  fait  fentîr  la  dif- 
férence de  l'inflind  6c  de  la  raifon.  Cependant ,  dès 
que  la  mouche  efl  fortie ,  viennent  d'autres  mouches 
raccommoder  la  cellule,  la  nettoyer  &  la  préparer 
pour  recevoir  ou  de  nouveau  couvain ,  ou  du  miel. 
La  pellicule  qui  enveloppoit  la  jeune  abeille  ,  fe 
trouve  appliquée  exaûement  contre  les  parois  de  la 
cellule  ;  ce  qui  en  fait  paroître  la  couleur  différente. 
A  peine  la  jeune  abeille  en  cft-elle  fortie ,  à  peine  (es 
ailes  font-elles  déployées,  que  la  voilà  qui  vole  aux 
champs  :  elle  eft  tout  aufli  habile  à  recueillir  &  le 
miel  ôc  la  cire,  que  les  autres  abeilles.  Ce  font  ces 
jeimes  mouches  qui ,  lorfqu'elles  feront  toutes  éclofes, 
&  fe  trouvant  en  trop  grand  nombre  dans  la  ruche  , 
formeront  en  partie  la  nouvelle  colonie  ,  que  l'on 
nomme  ejffaim ,  pourvu  qu'il  fe  trouve  une  reine  à 
leur  tête ,  comme  nous  le  verrons  dans  la  fuite. 

Tandis  que  des  abeilles ,  les  imes  prennent  foin  d'é«^ 
lever  l'efpérance  de  l'État ,  les  autres  travaillent  aux 
récoltes  précieufes  de  la  cire  brute  &  du  miel  (  car  l'un 
&  l'autre  confHtuent  leur  nourriture  ) ,  les  abeilles 
qui  reviennent  à  la  ruche  chargées  de  deux  petites  pe- 
lotes de  cire  brute ,  vont  s'en  décharger  dans  des  al- 
véoles vides ,  à  moins  que  d'autres  ne  viennent  les 
décharger  à  l'inftant  pour  l'employer  :  elles  ont  foin 
de  pétrir  ces  pelotes ,  de  les  prefTer ,  de  les  arranger  : 
autant  en  font  celles  qui  fuivent.  Elles  en  remplirent 
ainû  des  gâteaux  entiers  ,  qui  font  de  diverfes  cou- 
leurs :  ce  font  des  magalins  oii  elles  ont  recours  au 
beibin ,  foit  pour  couvrir  les  alvéoles  où  font  enfermés 
leurs  petits  ,  foit  pour  boucher  ceux  qui  font  pleins 
4e  miel,  foit  pour  fe  noiu*rir. 

Récolte  du  MieL 

Une  récolte  tlçn  importante  poiir  les  abeilles  ^  eft 
celle  du  miel. 


A    B    E  îi 

M.  Llnnœus  a  mieux  obfervé  qu'on  ne  l'avolt  fait 
avant  lui ,  que  les  fleurs  ont  au  fond  de  leurs  calices 
des  efpeces  de  glandes  pleines  d'une  liqueur  miellée. 
C'eft  dans  ces  glandes  neélariferes  que  les  abeilles  vont 
puifer  le  miel ,  &  c'efl:  dans  leur  eftomac  qu'il  fe  fa- 
çonne. On  avoir  cru  autrefois  que  le  miel  étoit  une 
rofée  qui  tomboit  du  ciel  :  on  ne  le  croit  plus  aujour-  . 
d'hui  ;  on  fait  au  contraire  que  la  rofée  &  la  pluie 
font  très-contraires  au  miel.  De  tout  temps  nos  abeilles 
ont  connu  ces  glandes  que  nos  Botanifles  moder* 
nés  ont  découvertes  ;  de  tout  temps  elles  y  ont  été 
chercher  leur  miel.  Quelquefois  elles  trouvent  cette 
liqueur  épanchée  fur  des  feuilles.  Un  Obfervateur  at- 
tentif peut  voir  au  printemps ,  des  arbres  ,  &  l'érable 
entre  autres  ,  dont  les  feuilles  font  toutes  enduites  d'une 
efpece  de  miel  ou  de  fucre  qui  les  rend  luifantes  ;  & 
{i  l'on  pofe  une  de  ces  feuilles  fur  la  langue  ,.  on  y 
reconnoît  bientôt  une  faveur  mielleufe.  Soit  que  cette 
liqueur  réfide  encore  dans  les  glandes  ,  fcit  qu'elle  en 
foit  fortie ,  elle  eft  la  matière  première  du  miel  : 
c'eft  elle  que  l'abeille  cherche  &  ramafle  pour  en  com- 
pofer  un  aliment  propre  pour  fa  nourriture  &  pour 
celle  de  i^s  compagnes.  La  trompe  lui  fert  à  la  récolte 
du  miel ,  &  le  conduit  dans  le  premier  eftomac ,  qui , 
lorfqu'il  efl  rempli  de  miel ,  a  la  figure  d'une  vefîle 
oblongue.  (  Les  enfans  qui  vivent  à  la  campagne ,  con- 
noifient  bien  cette  veffie  ;  ils  la  cherchent  même  dans 
le  corps  des  abeilles ,  &  fur-tout  dans  celui  des  bour- 
dons vdus y  pour  en  fucer  Te  miel).  Il  faut  que  les 
mouches  parcourent  beaucoup  de  fleurs  pour  ramaflTér 
ime  quantité  fuflifante  dé  miel ,  qui  puiflb  remplir  leur 
petite  velîie.  Quand  les  veflles  font  pleines ,  les  abeilles 
retournent  à  la  ruche.,  A  les  voir  rentrer  fans  pelotes 
de  cire  aux  pattes,  on  les  prendroit  pour  àes  paref- 
feufes  ;  mais  toute  leur  récolte  efl:  dans  l'intérieur  de 
kur  corps  ,  car  elles  ne  trouvent  pas  toujours  l'occafion. 
de  faire  ces  deux  récoltes  enfemble,  Auflî-tôt  qu'elles. 

B3 


22  A    B    E 

font  arrivées ,  elles  vont  dégorger  le  miel  dans  im 
alvéole.  Comme  le  miel  qu'une  abeille  porte  à  la  fois 
n'eil  qu'une  petite  partie  de  celui  que  l'alvéole  peut 
contenir ,  il  faut  le  miel  d'un  grand  nombre  d'abeilles 
pour  le  remplir. 

Quoique  le  miel  fcit  fluide  ,  &  que  les  alvéoles 
foient  comme  des  pots  couchés  fur  le  côté  ,  elles  ont 
cependant  l'art  de  les  remplir.  Qu'il  y  ait  peu  ou  beau- 
coup de  miel  dans  rn  alvéole ,  on  remarque  toujours 
deffus  une  efpece  de  petite  couche  épaiffe  ,  qui ,  par 
fa  confnlance ,  empêche  le  miel  de  couler.  L'abeille 
qui  apporte  du  miel  dans  l'alvéole ,  fait  pafTer  dans 
cette  pellicule  les  deux  bouts  de  fes  premières  jambes, 
6c  par  cette  ouverture  elle  lance  6c  dégorge  le  miel 
^ont  fon  eflom.ac  efl  plein.  Avant  de  fe  retirer  ,  elle 
raccommode  la  petite  ouverture  qu'elle  avoit  faite  : 
celles  qui  fui  vent  font  de  même.  Comme  la  maffe  du 
miel  augmente ,  elle  fait  reculer  la  pellicule ,  &  la  cel- 
lule fe  trouve ,  par  cette  induflrie  ,  pleine  d'un  miel 
fluide.  Les  abeilles  ont  foin  de  couvrir  d'un  couvercle 
de  cire  les  alvéoles  où  ell:  le  miel  qu'elles  veulent 
conferver  pendant  l'hiver  ;  mais  ceux  où  eil  le  miel 
deiliné  pour  la  nourriture  journalière ,  font  ouverts  & 
à  la  difpofition  de  toutes  les  mouches.  Le  miel  qu'elles 
réfervent  pour  l'hiver ,  efl  toujours  placé  dans  la  partie 
fupérieure  de  la  ruche.  Souvent  l'abeille,  au  lieu  d'aller 
vider  fon  miel  dans  une  cellule  ,  fe  rend  aux  atteliers 
des  travallkufes ;  elle  alonge  fa  trompe  pour  leur  offi'ir 
du  miel ,  comme  pour  empêcher  qu'elles  ne  loient  dans 
la  néceïïité  de  quitter  leur  ouvrage  pour  aller  en  chercher. 

Quand  les  abeilles  ont  commencé  à  naître  dans 
une  ruche ,  on  en  voit  quelquefois  plus  de  cent  fortir 
de  leurs  cellules  en  un  jour  ;  la  ruche  fe  peuple  rapi- 
dement ,  6c  dans  l'efpace  de  quelques  femaines  le  nom- 
bre des  habitans  devient  (i  grand ,  qu'à  peine  elle  peut 
les  contenir  ;  ce  qui  donne  lieu  à  cette  colonie  qu'on 
appelle  jeton  ou  cjfaim^ 


A    B    E  ij 

DiS  Ejfaïms  ou  Jetons» 

Le  favant  Auteur  des  Confidérations  fur  hs  corps 
organifés  ,  (  M.  Bonnet  )  a  dit  qu'une  ruche  eft  ,  aux 
yeux  du  Sage ,  un  abyme  où  fe  perd  le  génie  le  plus 
vafte. 

Lorfqu'une  ruche  fe  trouve  fi  remplie  de  mouches 
que  fa  capacité  ne  fuffit  plus  pour  les  loger  à  l'aife ,  il 
en  fort  une  colonie  qui  va  fonder  ailleurs  fon  éta- 
bliflement.  L'émigration  de  cette  colonie ,  qu'on  ap- 
pelle jeton  ou  ejjaim  ,  n'a  lieu  que  lorfqu'elle  a  un  chef, 
c'eil  -  à  -  dire  ,  une  reine  propre  à  perpétuer  l'em- 
pire qu'elle  va  fonder.  Une  feule  reine  fuffit  pour 
conduire  l'effaim.  Lorfqu'une  nouvelle  mère  a  quitté 
fa  dépouille  de  nymphe,  au  bout  de  quatre  à  cinq 
jours  elle  efl:  fécondée  &  prête  à  pondre  ;  par  con- 
féquent  elle  efî:  en  état  de  fe  mettre  à  la  tête  d'une 
troupe  difpofée  à  la  fuivre  par-tout  :  tel  eft  l'attache- 
ment des  abeilles  pour  leur  reine.  Lorfqu'on  peut  faifir 
la  reine  abeille ,  on  eft  sûr  de  conduire  les  mouches 
d'une  ruche  dans  tel  endroit  qu'on  voudra.  Cet  oit 
l'unique  fecret  de  M.  Wïldmann  ,  qui ,  en  préfence  de 
la  Société  de  Londres ,  fe  faifoit  fuivre  par  un  eiTaim, 
le  faifoit  pafTer  d'une  partie  de  fon  corps  fur  une  "autre  : 
changeoit-il  de  place  la  mère  abeille ,  bientôt  tous  fes 
fujetsndelles  la  fidvoient  (  quelques  abeilles  colériques, 
car  c'eil  un  vice  de  leur  caractère ,  pourroient  rendre 
ce  jeu  affez  fatal  )  :  ainfi  M.  W^ildmami  nous  apprend  un 
moyen  prompt  &  facile  pour  faire  pafTer  les  mouches 
d'un  panier  à  im  autre.  Il  tranfporte  fa  ruche  dans  un 
lieu  où  il  ne  règne  que  la  lueur  d'un  crépufcule  ,  & 
la  renverfe.  La  mère  abeille  ,  dont  la  nature  eft  , 
comme  nous  l'avons  dit,  des  plus  vigilantes  pour  le 
bien  de  fon  état ,  fe  préfente  des  premières.  Il  la  faifit  ; 
la  tenant  une  fois ,  il  efl:  maître  des  mouches  ;  il  la 
met  dans  une  ruche  vide,  toutes  les  abeilles  la  fuivent; 

B4 


S4  A    B    E 

il  s'empare  du  mîel ,  de  la  cire  ,  reporte  le  couvâîn 
dans  la  nouvelle  ruche  qu'habitent  les  abeilles ,  &  la 
place  dans  le  rucher. 

Les  efl'aims  fortent  naturellement  en  différens  temps  ; 
&  dans  le  même  pays  ils  Ibrtent  tantôt  plutôt ,  tantôt 
plus  tard  ,  félon  que  la  iaifon  a  été  plus  ou  mojns  favo- 
rable. Les  ruches  dans  lefquelles  il  y  a  le  plus  de  mou- 
ches ,  effaiment  les  premières ,  parce  que  la  mère  y 
ayant  été  tenue  plus  chaudement  tout  l'hiver ,  le  prin- 
temps vient  pour  elle  plutôt  que  pour  d'autres  ;  elle 
peut  donc  recommencer  fa  ponte  de  meilleure  heure. 
Le  temps  le  plus  ordinaire  de  la  fortie  des  efTaims  dans 
ces  pays  -  ci ,  eft  au  commencem.ent  ou  au  milieu  de 
Mai ,  jufqu'à  la  fin  de  Juin  ;  les  efTaims  qui  viennent 
plus  tard  ,  ne  peuvent  guère  réufîîr  ,  a  moins  que  d'être 
mariés ,  c'eil- à-dire ,  réunis  à  d'autres. 

Pludeurs  fignes  annoncent  la  fortie  prochaine  d'un 
efîaim..  i.^  Lorfau'on  com.mence  avoir  voltigjer  des  faux 
bourdons  devant  la  ruche  ,  c'eil:  une  marque  que  cette 
ruche  eifaimera  dans  quelques  jours  ;  les  faux  bour- 
dons ayant  été  tous  mafïacrés  avant  l'automne  ^  comme 
nous  le  verrons ,  leur  retour  annonce  un  nouveau  peu- 
ple. 2.°  Lorfque  les  mouches  font  en  fi  grande  quan- 
tité,  qu'une  partie  eft  hors  de  la  ruche.  3.^  Lorfque 
îe  foir  on  entend  un  bourdonnement  très-confîdérabîe. 
4/^  Le  figne  le  moins  équivoque ,  &c  qui  annonce  un 
efTaim  pour  le  jour  même ,  c'eft  lorfque  les  abeilles 
ouvrières  ne  vont  point  à  la  campagne  en  aufii  grande 
quantité  qu'elles  ont  coutume  d'y  aller,  quoique  le 
temps  femble  les  y  inviter,  &  lorf qu'elles  demeurent 
chargées  de  leur  récolte  auprès  de  la  ruche. 

Ce  n'ell:  guère  que  fur  les  dix  à  onze  heures  du 
matin  ,  &  jufqiie  vers  les  trois  heures  après  midi  , 
que  les  eiTaims  fortent  des  ruches.  Un  foleil  piquant 
qui  fuccede  à  un  nuage  ou  à  quelques  gouttes  de  pluie, 
pccafîonne  dans  la  ruche  une  chaleur  fi  inlupportable, 
^ue  1^5  mciiches  fe  hâtent  de  prendre  leur  parti,  Alors, 


A    B    E  2$ 

au  bourdonnement  qui  ëtoit  très-granJ  la  veîUe,  éc 
qui  avoit  toujours  été  en  augmentant,  fuccede  tout  à 
coup  un  grand  filence  ;  en  moins  d'une  minute ,  toutes 
les  mouches  qui  doivent  compofer  reffaim ,  défilent 
avec  rapidité  de  la  ruche ,  &  fe  difperfent  en  l'air  , 
où  on  les  voit  voltiger  comme  des  flocons  de  neige. 
Quelquefois  les  mouches ,  en  fortant  de  la  ruche  ,  s'é- 
lèvent beaucoup  ,  fur-tout  s'il  fait  du  vent  ;  5c  elles 
vont  fi  loin,  qu'on  les  perd  de  vue.  Si  on  leur  jette 
du  fable  ou  de  la  poufîiere ,  elles  s'abaiflent  à  Finftant, 
parce  qu'apparemment  elles  prennent  ces  grains  de  fa- 
ble ,  dont  elles  font  frappées  ,  pour  de  la  pluie  :  on 
les  arrête  sûrement  en  leur  jetant  de  l'eau  qui  fafle  af- 
j>erfion  de  pluie.  Prefque  tous  les  gens  de  la  campagne 
ont  pour  habitude  de  courir  après  leurs  eifaims  ,  en 
battant  à  toute  force  fur  des  chaudrons  &  fur  des 
poêles  ;  ils  croient  que  ce  charivari  les  engage  ,  comme 
le  bruit  du  tonnerre ,  à  chercher  un  afile  ;  mais  il  paroît 
que  tout  ce  tintamarre  n'arrêteroit  point  un  eflaim 
difpofé  à  prendre  fon  vol ,  car  quelque  brmt  que  l'on 
faffe  auprès  d'une  mouche  occupée  fur  une  fleur  à  fa 
récolte  de  miel  ou  de  cire ,  elle  ne  fuira  point  à  fa 
ruche. 

Les  abeilles  favent  prévoir  les  orages ,  heureufement 
pour  nous  :  on  efl:  quelquefois  furpris  de  voir  les 
mouches  accourir  &  rentrer  dans  la  ruche  à  flots 
précipités.  Que  l'on  regarde ,  on  verra  de  loin  un 
nuage  qui  porte  l'orage  dans  fes  flancs. 

Lorfqu'une  nouvelle  colonie  cherche  à  s'établir ,  11 
ne  paroît  pas  que  ce  foit  la  reine  qui  faffe  le  choix 
du  lieu  où  il  leur  convient  de  fe  raflembler.  Plufieurs 
mouches,  qui  vont  à  la  découverte  ,  &  auxquelles 
une  branche  d'arbre  a  plu,  fe  déterminent  à  venir  fe 
pof(?r  deffus  :  elles  y  font  fuivies  de  beaucoup  d'autres  : 
la  mère  fe  pcfe  elle  -  même  auprès  de  cette  branche  ; 
ôc  ce  n'efl  que  quand  la  couche  des  mouches  s'efl 
épaiffie,  qu'elle  va  fe  joindre  au  gros  de  la  troupe. 


16  A    B    Ë 

A  peine  s'y  efl-elle  rendue,  que  le  peloton  gro/Ht 
d'inftant  en  inftant  ;  fouvent  en  moins  d'un  quart- 
d'heure  tout  devient  calme.  Quelquefois  l'effaim,  qui 
a  deux  ou  plufieurs  reines.  Te  divife  &  fe  place  en 
deux  pelotons  féparés  l'un  de  l'autre  ;  mais  comme 
les  abeilles  n'aîment  point  à  vivre  en  petite  fociété ,  le 
plus  fouvent  les  mouches  du  petit  peloton  s'en  déta- 
chent peu  à  peu ,  &  vont  rejoindre  le  gros. 

Lorfque  les  mouches  font  ainfi  fixées ,  on  les  fait 
entrer  dans  une  ruche  frottée  de  miel  ou  d'herbes  d'ime 
odeur  agréable  :  il  faut  que  celui  qui  recueille  l'ef- 
faim  ,  ait  grand  foin  de  fecouer  les  deux  pelotons  dans 
la  ruche ,  dans  le  cas  où  ils  ne  fe  feroient  pas  réunis  au- 
paravant. Sans  cette  précaution  ,  on  rifqueroit  de  voir 
fortir  toutes  les  mouches  de  la  ruche  pour  retourner 
à  la  branche  ,  parce  que  la  mère  peut  fe  trouver  dans 
ce  peloton.  Il  arrive  quelquefois  qu'un  inftant  après 
qu'on  les  a  recueillies ,  on  les  voit  défiler  &  retourner 
à  la  ruche  d'où  elles  font  forties.  Ce  retour  à  la  mère 
ruche  efl  vraifemblablement  occafionné,  parce  que  la 
jeune  reine ,  qui  étoit  aux  portes  &  prête  à  les  accom- 
pagner ,  ne  les  a  pas  fui  vies ,  pour  n'avoir  pas  eu  la 
force  &  peut-être  la  hardieffe  de  fe  fervir ,  pour  la 
première  fois,  de  fes  ailes. 

Les  abeilles  du  nouvel  eflaim  ne  fe  mettent  point 
férieufement  à  l'ouvrage  ,  qu'elles  ne  foient  affurées 
d'une  mère  féconde  &  unique  :  toutes  les  mères  furnumé- 
raires  de  ce  nouvel  effaim  font  mafTacrées  ,  on  n'y 
conferve  la  vie  qu'à  une  feule.  Probablement  la  reine 
qui  eft  confervée ,  a  ,  dans  \é  plus  haut  degré  ,  la  vertu 
qui  intérefTe  les  abeilles  ,  celle  de  mettre  beaucoup 
d'oeufs  au  jour  :  c'efl  peut-être  la  première  née  &  la 
plus  prête  à  pondre  ;  peut-être  aulîi  que  deux  mères, 
}aloufes  l'une  de  l'autre ,  fe  livrent  un  combat  dont  la 
plus  foible  efl  la  viftime.  Il  peut  fe  faire  que  la  mère 
régnante  ,  comme  la  plus  forte  &  la  plus  vigoureufe, 
tue  toutes  les  furnumérairçs.  Les  femelles  font  armées 


A    B    E  î7 

d'un  aîguîllon ,  dont  elles  n'ont  guère  d'autre  occafion 
de  faire  ufage.  Le  fort  des  reines  mères  qui  reftent 
dans  la  ruche  natale ,  n'y  eu  pas  plus  heureux  ;  elles  y 
font  également  mifes  à  mort  :  on  fait  périr  de  même 
celles  qui  font  encore  au  berceau ,  &  quelquefois  on 
y  en  tue  un  bon  nombre.  Il  eft  donc  inconteflable  qu'il 
y  a  un  temps  oh  les  abeilles  ne  fouffrent  pas  pkifieurs 
femelles ,  &c  qu'il  n'en  faut  qu'ime  feule  aux  mouches 
d'un  effaim. 

Il  efl:  à  obferver  que  l'effaim  eu  compofé  d'abeilles 
de  tout  âge  ,  èz  qu'il  refte  aufÏÏ  dans  la  mère  ruche 
des  abeilles  de  tout  âge.  Quelquefois  l'effaim  eu  com- 
pofé de  quarante  mille  mouches  ;  le  poids  d'un  pareil 
effaim  efl  d'environ  huit  hvres ,  car  il  faut  cinq  mille 
trois  cents  foixante  &  feize  abeilles  pour  le  poids  d'une 
livre.  Ces  efiaims  fi  forts  &  fi  puifTans  ne  font  pas 
toujours  les  meilleurs ,  parce  qu'ils  contiennent  trop 
de  faux  bourdons  ;  les  mouches  ne  pouvant  fufEre  à 
les  tuer  avant  l'automne ,  comme  nous  le  verrons ,  ils 
affament  la  ruche.  Un  excellent  eflaim  pefe  fix  livres; 
un  bon ,  cinq  ;  un  médiocre  ,  quatre  livres. 

C'efl  une  chofe  admirable  de  voir  l'adivité  avec 
laquelle  les  mouches  travaillent  dans  la  nouvelle  ruche. 
Quelquefois  en  moins  de  vingt  -  quatre  heures ,  elles 
font  des  gâteaux  de  vingt  pouces  de  long  fur  plus  de 
fept  à  huit  de  large  :  on  voit  fouvent  des  ruches 
plus  d'à  moitié  remplies  de  cire  en  quatre  ou  cinq 
jours  ;  aufîi  un  effaim  fait- il  fouvent  plus  de  cire  dans 
les  quinze  premiers  jours ,  qu'il  n'en  fait  dans  tout  le 
refle  de  l'année.  Lorfqu'un  efTaim  a  été  confidérable , 
^l  qu'il  a  paru  de  bien  bonne  heure ,  il  donne  quel- 
quefois un  autre  efTaim  dans  la  même  année;  mais  le 
plus  ordinairement  un  efTaim  n'en  donne  un  autre  qu'à 
la  féconde  année. 


28  A    B     E 

MaJJacre  des  faux  bourâonsl 

Les  abeilles  laiffent  vivre  fix  femaines  ou  envîroa 
les  mâles  ou  faux  bourdons,  à  compter  du  jour  de 
rétabliiTement  de  la  colonie  ,  afin  qu'ils  aient  le  temps 
de  féconder  la  reine.  Une  mère  abeille  qui  fe  trouve 
feule  de  fon  fexe  dans  fa  ruche  avec  fept  ou  huit 
cents ,  &  même  quelquefois  mille  mâles ,  eft  dans  le 
cas  de  la  reine  d'Achem ,  qui  a  un  fërail  d'hommes  à 
fes  ordres.  Si  ces  772^7^5  ou  faux  bourdons  euffent  été  tous 
des  maris  adHfs  &  pétulans  ,  qui  euflent  voulu  tous 
être  les  maîtres  dans  le  même  moment ,  ce  n'eût  été 
que  chaos  &  confufion.  Comme  il  a  été  établi  qu'une 
feule  femelle  habiteroit  avec  un  millier  de  mâles  ,  il 
devoit  l'être  que  ces  mâles  feroient  tous  fort  peu  a£lifs 
&  comme  engourdis;  qu'ils  ne  pourroient  être  réveillés 
que  par  elle;  qu'elle  feroit  hbre  de  choifir  entre  tous, 
celui  qu'elle  voudroit  honorer  de  fes  faveurs.  Ceft 
aufTi  ce  qui  arrive ,  comme  l'a  appris  par  l'expérience 
M.  de  Réaumur. 

Il  renferma  dans  un  valfTeau  de  verre  une  jeune 
reine  avec  un  mâle  ;  il  vit  avec  furprife  que  toutes  les 
prévenances  que  les  abeilles  ordinaires  ont  pour  une 
mère  ,  la  jeune  reine  les  a  voit  pour  le  faux  bourdon  - 
elle  le  carefToit ,  foit  avec  fa  trompe  ,  foit  avec  fes  pat* 
tes,  en  tournant  autour  de  lui  :  elle  lui  ofFroit  du  miel: 
le  faux  bourdon  foutenoit  ftupidement  tant  d'agaceries; 
cependant ,  au  bout  d'un  quart  d'heure  ,  il  parut  s'ani- 
mer un  peu;  &  lorfque  la  femelle  ,  placée  vis-à-vis 
de  lui  en  regard ,  eut  broffé  avec  ies  jambes  la  tête  de 
cet  infcnfible  ,  &  qu'elle  eut  fait  jouer  doucement  {t^ 
antennes ,  le  mâle  fe  détermina  enfin  à  répondre  à  {t% 
avances  par  d'autres  de  la  même  nature  :  par  ces  pré- 
ludes pafîionnés,  la  reine  excita  enfin  fon  indolent 
époux  5  qui  devint  plus  aâ:if  &  s'anima  de  plus  en  plus. 
On  apperçut  diflinàement  qu'une  partie  de  ces  organes 


A    B    E  29 

intérieurs ,  dont  nous  avons  vu  la  defcriptlon ,  paroif-' 
foient  au  dehors  :  tout  ce  manège  dura  trois  ou  quatre 
heures ,  pendant  lefquelles  il  y  eut  des  temps  de  repos 
&  des  reprifes  d'amour  ;  enfin  le  faux  bourdon  tomba 
dans  un  repos  qui  parut  à  la  reine  de  trop  longue  du- 
rée ;  elle  voulut  le  retirer  de  Ta  léthargie ,  en  le  failif- 
iant  par  le  corfelet  avec  les  dents  ;  mais  fes  foins  em- 
preffés  furent  inutiles ,  il  étoit  mort.  Il  n'eft  pas  le 
feul  infefte  qui  périfTe  dans  ces  momens  critiques. 
L'Obfervateur  voulut  confoler  cette  veuve  ;  il  lui  donna 
Hn  autre  époux  jeune  &  plein  de  vigueur  :  mais  à  fon 
grand  étonnement ,  elle  demeura  tout  le  refte  du  jour 
attachée  contre  le  cadavre  de  fon  premier  époux.  Le 
lendemain  matin  on  ôta  le  cadavre ,  &  on  lui  pré- 
fenta  un  nouvel  époux  ,  avec  lequel  elle  fe  com-r 
porta  de  la  même  manière  qu'avec  le  défunt  ;  une 
feule  mut  fut  fuffifante  pour  que  notre  Artémife  ou- 
bliât fon  Maufole. 

La  reine ,  ainfi  fécondée  dans  le  mois  de  Juin  ,  eft 
en  état  de  pondre  dans  les  mois  de  Juillet  &  d'Août  y 
6c  même  au  mois  de  Mai  de  l'année  fuivante  ,  des 
milliers  d'œufs  :  ces  derniers  œufs  ont  donc  été  fécon- 
dés neuf  à  dix  mois  avant  qu'ils  aient  été  pondus  ,  6>C 
cela  lorfqu'ils  étoient  encore  d'une  petitefïe  inconce- 
vable. 

Lorfque  la  reine  mère  a  été  mife  en  état  de  pou- 
voir donner  de  la  poflérité ,  les  abeilles  déclarent  une 
guerre  cruelle  aux  mâles  :  pendant  trois  ou  quatre 
jours  ,  c'efl:  une  tuerie  effroyable.  Malgré  la  fupériorité 
que  les  mâles  fembleroient  avoir  par  leur  taille ,  ils 
ne  fauroient  tenir  contre  les  ouvrières  ;  armées  d'un 
poignard  qui  porte  le  venin  dans  les  plaies  qu'il  fait , 
elles  fe  mettent  trois  ou  quatre  contre  un  feul.  Le 
moment  de  la  profcription  arrivé  ,  la  mort  s'étend 
également  fur  ceux  qui  refpirent ,  &  fur  ceux  qui  ne 
refpirent  pas  encore  ;  ce  qui  eft  ver  mâle ,  ce  qui  n'eft 
«ncore  qu^efpérance  dç  l'être  ^  ççnjc  qui  font  au  berceau , 


3©  A    B    E 

&  qiie  Ton  a  nourris  jurqu'alors  avec  une  tendrefle  de 
mère ,  tout  cil  mailacré ,  difperfé  :  elles  traînent  à  cha- 
que infiant  les  corps  des  mâles ,  morts  ou  mourans  , 
hors  de  la  ruche.  Tout  le  fexe  doit  être  anéanti ,  & 
il  l'efl  :  l'amour  fe  change  en  fureur ,  la  haine  fuccede 
aux  ioins  maternels.  Dans  ces  trifles  momens ,  tout  le 
devant  des  ruches  n'eft  qu'un  théâtre  d'horreur  &  de 
meurtre.  Il  y  a  des  ruches  où  ces  carnages  fe  font 
plutôt ,  d'autres  où  ils  fe  font  plus  tard ,  luivant  que 
les  effaims  y  font  entrés.  On  en  voit  dans  les  mois  de 
Juin ,  de  Juillet  &  d'Août.  Il  y  a  des  cas  où  on  voit 
aufn  ces  mouches  jeter  dehors  des  nymphes  de  jeunes 
abeilles  ;  c'tft  lorfque  la  reine  eu  trop  féconde ,  qu'elles 
ne  peuvent  fiiffire  à  les  élever,  &  qu'elles  n'ont  plus 
de  cellules  pour  mettre  du  miel.  D'autres  fois  elles 
tuent  les  bouches  inutiles  d'entre  elles  ;  ces  mouches 
difpendieufes  affameroient  la  ruche ,  &  le  falut  du  peu- 
ple laborieux  doit  être  la  première  loi  de  l'Etat. 

Combats  des  Abeilles, 

Dans  les  beaux  jours  d'été ,  où  le  foleil  brille  avec 
toute  fa  vivacité,  on  a  fouvent  occafion  d'obferver  des 
combats  entre  les  mouches  d'une  même  ruche  ;  ce  font 
de  véritables  duels.  On  voit  les  combattantes ,  réci- 
proquement failles  avec  leurs  pattes ,  tête  contre  tête, 
derrière  contre  derrière ,  contournées  de  façon  qu'elles 
forment  enfemble  un  cercle  ;  elles  pirouettent  ainfi 
fur  la  pouiïïere,  dardant  leurs  aiguillons  avec  rapidité. 
Comme  les  abeilles  font  bien  cuirafTées  ,  le  combat 
dure  quelquefois  très-long-temps  ;  quelquefois  ne  pou- 
vant fe  bkller  ni  l'une  ni  l'autre,  elles  quittent  prife; 
mais  fouvcr.t  l'une  des  deux  trouve  le  moyen  de  plon- 
ger fon  poii:;riard  ernpoifonné  aux  défauts  des  cuirafTes, 
&  la  vidorieufe  laiffe  l'autre  étendue  fur  la  poufîiere. 
Souvent  ia  vidtoire  lui  devient  fatale  ,  elle  perd  fon 
aiguillon.  Outre  ces  duels  particuliers  d'abeille  à  abeille , 


A    B    E  31 

11  arrive  quelquefois  des  combats  généraux ,  lorfqu'une 
colonie  de  mouches ,  abandonnant  fes  lares  domeftiques, 
va  chercher  quelque  demeure  nouvelle  dans  le  pays 
étranger ,  û  elle  tomJ^e  malheureufement  dans  un  pays 
déjà  habité ,  c'eft- à-dire ,  dans  une  ruche  dont  d'autres 
font  déjà  en  poiTeilion,  il  fe  livre  une  bataille  générale, 

p^ie  des  Ahellhs,    Quds  font  leurs  ennemis. 

Il  y  a  deux  faifons  qui  épuifent  les  ruches  de  mou- 
ches ,  l'automne  &;  le  printemps.  L'Abbé  de  la  Ferrierc 
dit  qu'il  en  meurt  plus  d'un  tiers  dans  chaque  ruche  en 
automne ,  &  qu'il  n'en  meurt  pas  moins  au  prin- 
temps ;  ce  qui  l'empêche  de  croire  ,  avec  quelques 
Auteurs ,  qu'elles  vivent  fept  ans  &  plus.  Les  grandes 
mortalités  caufées  par  le  grand  froid  ,  les  maladies  & 
mille  autres  accidens  ,  lui  font  croire,  avec  aiffez  de 
probabilité,  qu'elles  ne  vivent  guère  qu'un  an  ou  deux. 
M.  de  Réaumur  penfe  de  même,  quoique  les  expérien- 
ces qu'il  a  faites  à  cet  égard  n'aient  pu  lui  donner  de 
certitude  ;  ainfi  ce  que  Ton  dit  de  la  durée  de  la  vie  des 
abeilles  eft  encore  bien  incertain.  Au  reile,  les  ruches 
font  comme  les  villes,  dont  les  habitans  fe  renouvel- 
lent fouvent ,  &  dont  la  durée  efl  infiniment  plus  lon- 
gue que  celle  des  particuliers  qui  les  compofent.  Outre 
le  grand  nombre  de  mouches  qui  périflent  de  mort 
naturelle  5  il  en  périt  beaucoup  de  mort  violente  :  elles 
ont  hors  de  la  ruche  une  mAiltitude  d'ennemis.  Quoi- 
qu'armées  d'un  aiguillon  venimeux ,  pluiieurs  oifeaux 
les  avalent  toutes  vivantes  ;  les  hirondelles  &:  les  mé- 
fanges  en  font  de  grandes  captures  ;  mais  l'oifeau  qui  en 
détruit  le  plus ,  c'efl  le  moineau  ;  il  les  avale  comme  des 
grains  de  blé.  On  a  vu  un  moineau  porter  à  la  fois  trois 
abeilles  à  fes  petits,  une  dans  fon  bec,  &  les  deux 
autres  dans  fes  pattes.  La  guêpe  &  le  frelon  ouvrent 
à  belles  dents  le  ventre  de  l'abeille,  pour  fucer  tout 
ce  qui  y  eft  contenu.  Les  Voyageurs  difent  que  phi- 


32  A    B    E 

fleurs  de  nos  Ifles  de  rAmériqiie  manquent  d'abelîles  9 
parce  que  les  guêpes  y  font  en  fi  grand  nombre ,  qu'elles 
les  détruifent  toutes  :  dans  ces  pays-ci  les  guêpes  ne  font 
pas  ordinairement  un  fi  grand  ravage.  Cependant  l'an- 
née 1767  n'a  été  que  trop  favorable  à  la  multipli- 
cation des  guêpes  ;  aufîi  ces  mouches  ont  -  elles  fait 
beaucoup  de  tort  dans  les  ruchers.  Elles  font  d'abord 
venues  en  piller  quelques-uns  :  les  abeilles  qui  les  ha- 
bitoient,  ont  cherché  à  fe  réfiigier  dans  d'autres  ruches; 
mais  les  anciennes  habitantes  leur  en  ont  difputé  l'en- 
trée ;  il  s'efl  livré  de  fanglans  combats,  oii  il  eft  péri 
ime  mAiltitude  de  mouches  ;  ainfi  les  guêpes  ont  été 
doublement  fatales  aux  abeilles.  On  a  éprouvé  auffi 
dans  les  jardins  le  tort  que  les  guêpes  ont  fait  aux 
faiits. 

Les  araignées  font  fort  peu  redoutables  pour  les 
abeilles  :  les  lézar^is,  les  grenouilles,  les  crapauds  en  man- 
gent ,  quand  ils  peuvent  les  attraper  ;  mais  ils  en  attrapent 
îi  peu  dans  une  année  ,  qu'il*  ne  font  pas  grand  tort  aux 
ruches.  L'ennemi  le  plus  dangereux  des  abeilles  dans 
l'hiver ,  efl  le  mulot  ;  en  une  nuit  d'hiver ,  lorfque  les 
mouches  font  engourdies  par  le  froid ,  il  eil  capable 
de  déirulre  la  niche  la  mieux  peuplée  ;  il  ne  leur  mange 
ordinairement  que  la  tête  &  le  corfelet.  Feroit-il  le 
même  traitement  aux  oifeaux  ?  Ce  qu'il  y  a  de  certain, 
c'eil  qu'on  a  trouvé  quelquefois  les  petits  de  l'alouette 
commune  étalés  fur  les  bords  du  nid ,  auxquels  il  ne 
manquoit  que  la  tête  &c  le  cou.  Les  abeilles ,  princi- 
palement les  vieilles  ,  font  fujettes  à  avoir  une  efpece 
de  pou  qui  eft  de  la  grofleur  d'une  tête  d'épingle  & 
de  couleur  rouge âtre  :  il  s'attache  fur  leur  corfelet  ; 
fa  troîiipe  eil  propre  à  s'introduire  entre  les  écailles , 
mais  il  ne  paroît  pas  incommoder  beaucoup  la  mouche. 
Cependant  ,  comme  ces  poux  ne  s'attachent  qu'aux 
vieilles  ,  on  n'a  pas  bonne  idée  d'une  ruche  où  la 
plupart  des  mouches  en  font  attaquées. 

Teigne 


A    B    E  33 


Teigne   de  la   Cire, 


Les  abeilles  ont  un  ennemi  bien  plus  dangereux; 
car  ce  n'efl  pas  feulement  aux  abeilles  qu'il  fait 
tort ,  en  détruifant ,  mangeant  &  bouleverfant  leurs 
travaux  ,  mais  encore  à  nous-mêiies ,  gu'iî  prive  de 
Fefpérance  de  partager  avec  elles  un  bien  que  nous 
regardons  comme  commun  entre  elles  &  noas.  Cet 
ennemi  fi  dangereux  eft  im  infede  que  l'on  appelle 
tcignz  de  la  cire ,  à  caufe  du  dégât  qu'il  en  fait.  C'efl: 
une  petite  chenille  tendre ,  délicate ,  fans  armes  &  fan^ 
défenfe ,  qui  fait  vivre  aux  dépens  des  travaux  de  plus 
de  dix-huit  mille  ennemis  ,  tous  bien  armés  ,  dont  elle 
eft  environnée  continuellement ,  &  qui  tous  veillent  à 
la  garde  de  leur  tréfor. 

Notre  mangeufe  de  cire  efl-  du  genre  à^sfatijfcs  teignes J 
^oyei  Teigne,  Son  papillon  eft  du  genre  à(ts  phatmcs  ^ 
c'ell- à-dire ,  de  ceux  qui  ne  volent  que  la  nuit.  Ce 
papillon  ,  ami  de  l'obfcurité,  profite  de  la  nuit  où  tous 
ks  êtres  de  la  Nature  font  livrés  au  fommeil  ;  il  trouve 
le  moyen  de  s'infmuer  dans  utlq  ruche ,  de  tromper  la 
vigilance  des  abeilles ,  de  traverfer  une  armée  formi- 
dable pour  aller  dépofer  fes  œufs  dans  le  coin  de 
quelque  gâteau.  Au  bout  de  quelques  jours  l'œuf  éclôt; 
il  en  fort  une  petite  chenille  à  feize  jambes,  rafe,  donc 
la  peau  eft  blanchâtre ,  la  tête  brune  &  écailleufe  : 
cette  chenille ,  qui  naît  environnée  d'ennemis  prompts 
à  la  vengeance ,  ne  peut  éviter  la  mort  que  par  fon 
extrême  petiteffe ,  qui  dérobe  les  premiers  momens  de 
fa  naiffance  aux  regards  àts  furveillans ,  &  par  la 
promptitude  avec  laquelle  elle  file  dans  Tinftant ,  &: 
s'enferme  dans  un  petit  tuyau  de  foie ,  qui  fuffit  alors 
pour  mettre  fes  jours  en  fureté  :  voilà  donc  fon  feul 
bouclier.  Ce  fourreau  eft  d'abord  proportionné  à  fa 
groÛeur  ;  il  efl  collé  contre  les  alvéoles  de  cire  ;  ainli 
elle  trouve  la  nourriture  tout  autour  de  fa  porte, 
Tom^  /.  C 


34  A     B    E 

Lcrfque  l'aliment  lui  manque ,  elle  alonge  un  tuyau 
qui  forme  une  galerie  ,  &  marche  ainfi  cherchant  fa 
nourriture  au  milieu  de  fes  ennemis  en  chemin  couvert. 
A  micfure  que  la  chenille  croît  &  a  befoin  de  nourri- 
ture, elle  alonge  &C  élargit  fa  galerie,  qui  efl  tortueufe,  & 
qui  va  de  celhiles  en  cellules.  Plus  elle  avance  en  pays 
ennemi  ,  plus  elle  fortifie  fa  galerie  :  elle  n'étoit  en 
commençant  que  de  pure  foie  ;  mais  à  mefure  qu'elle 
l'agrandit,  elle  en  couvre  les  dehors  avec  des  morceaux 
de  cire  qu'elle  hache ,  &  avec  fes  excrémens  qui  ont 
la  forme  de  poudre  à  canon  :  elle  unit  tous  ces  maté- 
riaux avec  des  fils  de  (oie,  &  fe  forme  un  rempart 
inexpugnable  aux  traits  des  abeilles  :  l'intérieur  efl 
garni  d'une  foie  douce,  en  forte  que  fon  corps  dé- 
licat repofe  très  -  mollement.  Cette  galerie ,  qui  n'é- 
toit d'abord  que  de  la  groifeur  d'un  fil ,  devient ,  à  me- 
fure qu'elle  eft  alongée  èl  agrandie,  de  la  groiTeur  d'une 
plum.e  à  écrire.  Comme  la  teigne  de  la  cire  eu  obligée 
de  mettre  la  tête  dehors  peur  prendre  fa  nourriture  , 
fa  tête  &  fon  premier  anneau  font  armées  d'écailIes  , 
contre  lefquelles  l'aiguillon  de  l'abeille  ne  peut  rien.  Il 
faut  croire  qu'il  n'efi  pas  poiîible  aux  abeilles  de  détruire 
ces  galeries ,  car  cet  ennemi  fe  miultiplie  quelquefois  à 
tel  point  dans  la  ruche,  qu'il  hache  &  renverfe  tous 
les  travaux ,  &  réduit  les  mouches  au  point  d'abandon- 
ner leur  logement.  Cet  infede  defîrudeur,  arrive  à  fon 
dernier  degré  d'accroiffement  ,  file  une  coque  à  l'extré- 
mité de  fa  galerie ,  s'y  renferme ,  y  fubit  la  métamor- 
phofe  commune  aux  chenilles ,  &  en  fort  en  papillon. 
Il  feroit  très-avantageux  de  pouvoir  trouver  le  moyen 
de  l'anéantir  :  il  paroît  dans  les  m^ois  de  Juin  &  Juillet. 
Mais  il  convient  de  défignér  ici  ce  papillon ,  qui ,  après 
avoir  ravagé  les  ruches  ,  efl:  encore  la  caufe  des  guerres 
cruelles  qu'on  voit  entre  les  abeilles,  parce  qu'elles 
veulent  fe  réfugier  dans  la  république  ou  ruche  voi- 
fme  :  alors  les  abeilles  de  chaque  ruche  fe  battent  en 
duel  :  qu'on  juge  du  meurtre  &  du  carnage,  Lç  papillon. 


A    B    E  3^ 

^onî  noufî  parlons  e(i  un  phaUjie ,  qui  porte  les  ailes 
couchées  &:  parallèles  à  l'horizon  ;  il,  efl  cl'u.ne  couleur 
grife  obicure.  Toute  perfonne  qui  fe  fait  un  plaiiir  d'é* 
lever  des  abeilles  ,  n'a  que  trop  de  facihté  de  le  con- 
noître ,  loriqu'elle  vient  à  enlever  la  cire  de  quelques- 
unes  de  fes  ruches. 

Des   précautions    à   prendre  pour    la    confcrvatlon 
des    Abeilles, 

Les  abeilles  nous  font  d'une  fi  grande  utilité  par  ks 
récoltes  de  miel  &:  de  cire  qu'elles  font ,  &;  qu'elles 
feules  favent  faire  ,  que  pour  nous  mettre  à  portée  de 
les  partager  avec  elles ,  nous  devons  les  aider  de  notre 
mieux  à  fupporter   les   faifons    fâcheufes  :  elles  nous 
récompenfent  amplement  des  foins  que  nous  prenons 
pour-  elles-  Les  àzwiL   plus   grands  fléaux  des  ruches  , 
font  le  fi-oid  &  la    faim  :  en  voulant  les  garantir  de 
l'un,  on  les  fait  quelquefois  périr  de  l'autre.  En  hiver, 
lorfqu'il  gelé,  les  mouches  font   entaffées  &  preiiées 
les  unes  contre  les  autres  pour  tenir   peu  de  place  : 
elles  font  pour  l'ordinaire  vers  la  partie  fupérieure  ,  ou 
vers  le  milieu  de  la  ruche.  Le  froid  les  engourdit  ,  &: 
elles  refient  ainfi  jour  &  nuit,  fans  prendre  de  nourri- 
ture. Si  le  dégel  furvient ,  ii  l'air  fe  radoucit ,  &  f.ir- 
tout  fi  les  rayons  du  foleil  échauffent  la  ruche,  elles 
fortent  alors  de  cette  efpece  de  léthargie.  Auiîi-tôt 
que  Ta di vite  leur  efl:  rendue  ,  elles  fentent  le  befoiii 
de  prendre  de  la  nourriture.  Comm.e  la  campagne  ne- 
fauroit  leur  en  fournir ,  elles  ont  recours  à  leurs  pro- 
vifions ,  en  commençant  par   manger  le  miel  des  gâ- 
teaux inférieurs.   Plus    l'air    continue   d'être   doux    en 
hiver ,  plus  la  confommation  eft  grande ,  <!k  les  abeilles 
courent  plus  de  rifque  de   manquer  &:  de  mourir  de 
faim  avant  le  retour  de  la  faifon  des  fleurs.   Si  l'hiver 
ell:  trop  rude ,  elles  rifquent  de  périr  de  froid.  Ainiî 
un  hiver  trop  rude  ôc  un  hiver  trop  doux  leur   font 
également  funedes.  H  y  a  des  perfonnes  qui  renferment 

C  X 


3«  ^   .^    ,^ 

leurs  ruches  dans  des  celliers  l'hiver  ;  maïs  comme  îa 
température  du  lieu  fe  trouve  très- douce,  pour  peu 
que  le  froid  diminue ,  les  abeilles  confomment  davantage 
de  nourriture  ,  &C  périffent  de  faim  ;  d'ailleurs  l'air  qui 
ne  fe  renouvelle  point  dans  la  ruche ,  devient  humide 
&  fait  mourir  les  mouches.  D'autre  part ,  ceux  qui 
les  laifTent  expofées  à  un  froid  trop  vif  fans  les  en 
garantir  ,  rifquent  de  les  voir  périr  ;  &  il  efl  affez  fré- 
quent de  trouver  le  matin  au  bas  de  ces  ruches  des 
poignées  de  mouches  engourdies ,  au  point  que  les  muf- 
cles  n'ont  plus  affrz  de  force  pour  les  tenir  fufpendues 
en  groupe.  Ces  mouches  paroifTent  f>blolument  mortes; 
&  pourvu  qu'il  n'y  ait  point  pluficurs  jours  qu'elles 
foient  dans  cet  état ,  on  les  rappelle  à  la  vie  en  les 
approchant  d'un  feu  doux.  Les  anciens  n'ont  point 
ignoré  cela  ;  mais  ils  ont  regardé  ce  changement  d'état 
comme  une  réfurredion ,  laquelle  fe  réduit  à  ce  que 
ces  infedhs  peuvent  perdre  tout  mouvement  pendant 
un  certain  temps,  fans  ceffer  de  vivre. 

Un  des  meilleurs  moyens  pour  mettre  les  mouches 
en  état  de  réfifter  à  ces  deux  fléaux,  c'e 11  d'avoir  tou- 
jours des  ruches  bien  peuplées  ;  car  plus  il  y  a  d'ou- 
vrières ,  plus  elles  ont  pu  faire  de  récoltes  ,  èz  plus  la 
chaleur  qu'elles  occafionnent  dans  la  ruche  les  met  à 
portée  de  réfifter  au  froid ,  qui ,  lorfqu'il  efl  fort ,  ne 
fait  que  les  engourdir  fans  les  faire  mourir  ,  &  qui 
ceoendant  les  met  hors  d'état  de  confommer  trop 
promptement  leurs  provifions. 

Mariage    des   EJfalms, 

Le  moyen  d'avoir  des  ruches  toujours  nombreufes, 

c'eft  lorqu  on  recueille  des  effdims  ,  d'en  mêler  deux 
ou  trois  enfemblefi  on  les  trouve  trop  foibles  ;  ce  qu'on 
appelle  marier  les  ejfaims.  Rien  de  plus  facile  que  d'unir 
ainfi  deux  efTaims  ;  le  mieux  efl  de  le  faire  dès  Tiniilant 
de  leur  fortie  de  la  mère  ruche  j  car  pour  lors ,  comme 


A     B     E  37 

elles  n'ont  poînt  encore  de  gâteaux  ni  de  provîfîons  , 
on  les  détermine  plus  facilement  à  paffer  d'une  ruche 
dans  une  autre.  On  fait  cette  opération  dilFéremment , 
fuivant  la  forme  des  ruches.  On  les  abouche  l'une  à 
l'autre ,  &c  on  les  m.et  l'une  au-defTus  de  l'autre  ;  &:  k 
l'aide  de  la  fumée  ,  on  fait  pafTer  les  abeilles  d'une  ruche 
dans  l'autre.  Le  mieux  eu.  de  faire  l'opération  le  foir; 
ces  deux  peuples  étant  étourdis  par  la  fumée,  ne  fon- 
gent  point  à  fe  hvrer  bataille  ;  ces  le  lendemain  ils 
vivent  de  bonne  intelligence  ,  après  que  l'une  des  deux 
mères  abeilles  a  été  tuée.  Si  les  premiers  jours  où  un 
effaim  eu  nouvellement  établi  dans  une  ruche ,  font 
froids,  pluvieux,  &  que  les  mouches  ne  puiflent  aller 
aux  champs ,  il  faut  avoir  foin  de  leur  donner  de  la 
nourriture  ,   faute   de  quoi  elles  périroient  de  faim. 

Moyens  de  confcrvcr  les  Ruches  foibles. 

Si ,  faute  d'avoir  marié  les  efTaims ,  on  a  des  ruches 
foibles,  il  y  a  cependant  un  moyen  de  les  conferver. 
M.  de  Réaumur  s'en  eil  affuré  par  l'txpérience  :  il  a 
choifi  des  ruches  très  -  foibles,  qui  n'avoient  qu'une 
poignée  d'abeilles.  Il  s'ell  propofé  les  trois  objets  que 
doit  avoir  en  vue  tout  hom.me  qui  veut  conferver  (es 
^ruches.  Le  premjer ,  de  mettre  fes  abeilles  à  l'abri  des 
plus  grands  froids.  Le  fécond  ,  de  ne  point  boucher  la 
porte  de  leurs  ruches ,  afin  qu'elles  aient  la  hberté  dé 
fortir  dans  les  beaux  jours ,  &:  que  l'air  puiffe  s'y  re- 
nouveler. Le  troiiieme ,  de  leur  faire  trouver  leur 
nourriture  dans  la  ruche  même  ,  afin  qu'elles  ne  foient 
point  obligées  de  l'aller  chercher  au  dehors  ,  &  de  s'y 
expofer  aux  atteintes  du  froid.  Il  propofe  de  former  , 
avec  ce  o^Ae:  l'on  voudra ,  deux  cloifons  des  deux  côtés 
de  la  planche  oui  foutient  les  ruches  ;  6^  laiflant  les 
ruches  à  leur  diilance  ordinaire  ,  les  couvrir  dans  toute 
leur  hauteiu"  de  terre  bien  defTéchée  ;  de  pratiquer  à 
chaque  ruche  un  tuyau  de  bois ,  qui  ferve  d'ouverture 


3S  A    B    E 

à  Ja  ruche  pour  renouveler  l'air  ,  &  de  mettre  fous 
chaque  ruche  une  affiette  avec  provifion  de  miel.  Par 
ce  moyen  ,  dit-il ,  les  plus  grands  froids  font  des  froids 
médiocres,  qui  les  jetteront  dans  ce  doux  engourdif- 
fem.ent  qui  leur  ell  falutaire.  On  peut  fubilituer  du 
foin  fin  ou  les  ba'ayures  de  grenier  à  la  terre  deffé- 
chv'e  ,  dont  la  propriété  eu.  d'alDforber  les  vapeurs  hu- 
mides qui  tranl'pirent  à  travers  la  ruche.  Il  paroît  que 
deux  livres  de  miel  ont  fuffi  pour  nourrir  pendant  tout 
l'hiver  une  ruche  ainfi  empaquetée  ,  qui  contenoit  un 
bon  nomibre  d'abeilles.  Quoiqu'il  foit  avantageux  de 
laiiTer  à  ces  petits  animaux  la  liberté  de  fcrtir ,  cepen- 
dant au  comimencement  du  printemps  il  en  meurt  un 
grand  nombre ,  qui ,  fe  laiflant  tromper  par  une  aurore 
brillante  ,  volent  aux  champs  ,  où  ils  périlTent  faifis  par 
le  froid.  La  chaîeu.r  efl  la  vie  de  ce  précieux  infeôe  ; 
un  degré  de  froid,  inférieur  à  celui  qui  congelé  l'eau, 
le  faiût  au  point  de  le  faire  mourir  :  une  douzaine  d'a- 
beilles tenues  dans  un  bocal ,  dans  un  lieu  oii  la  tem- 
pérature étoit  de  onze  degrés  ,  y  font  péries  de  froid. 
Le  moyen  d'éviter  ces  pertes  ,  qui  font  affez  confidé- 
rable« ,  eft  d'avoir  devant  chaque  ruche  un  grillage  fin, 
qui  laiffe  entrer  Tair  ,  &c  qui  ne  permette  point  aux 
mouches  de  fortir  :  celui  qui  prend  foin  des  ruches  fe 
gardera  bien  d'ouvrir  le  petit  grillage  ,  lorfque  le  ther- 
momètre marquera  le  degré  de  la  congélation  ;  mais  il 
leur  ouvrira  les  portes ,  lorfqu'il  marquera  la  tempé- 
rature des  caves.  Si  l'Auteur  de  la  Nature  a  voulu  que 
la  population  fïît  excefîive  parmi  ce  petit  peuple  d'in- 
fectes ,  la  deftrudion  y  eft  confidérable  ;  c'eft  fur-tout 
dans  les  infedles  qu'on  peut  obferver  la  juileffe  de 
la  fublime  réflexion  de  M.  ^e  Bi/ffon ,  qui  dit  que 
la  Nature  roule  fur  deux  pivots  inébranlables ,  la 
dellrudion  fans  nombre  ,  &C  la  multiplication  fans 
nombre. 


A    B    E  39 

PllUgz  des  Ahdllzs. 

Indépendamment  des  ennemis  qui  afUegent  les  abeilles 
de  toutes  parts ,  elles  trouvent ,  ainfi  que  Fliomme  ,  un 
ennemi  dans  leur  femblable.  Dans  les  mois  de  Juillet 
&  d'Août  les  eflaims  foibles  &  tardifs  ,  qui  n'ont  point 
encore  fait  beaucoup  de  proviflons ,  vont  comme  des 
brigands  fe  jeter  dans  les  autres  ruches  pour  piller  le 
miel  :  il  fe  livre  de  fanglantes  batailles  ,  dans  lefquelles 
il  périt  beaucoup  d'abeilles;  le  pillage  efl  quelquefois 
il  confidérable ,  que  Ton  rifque  de  perdre  tout  fon  ru- 
cher. C'eft  fur- tout  deux  ou  trois  jours  après  la  pluie 
que  le  pillage  eft  le  plus  à  craindre ,  parce  qu'alors  la 
faim  preffe  plus  vivement  celles  qui  ont  fouffert  par 
défaut  de  provilions. 

On  connoît  qu'une  ruche  eft  livrée  au  pillage  ,  lorf- 
qu'on  entend  un  bruit  plus  grand  qu'à  l'ordinaire ,  & 
qu'on  en  voit  fortir  les  abeilles  avec  plus  d'aîlluence 
&  de  précipitation  que  de  coutume.  Le  fecret  le  plus 
efiicace  pour  prévenir  le  pillage ,  c'efl  de  n'avoir  que 
des  ruches  fortes  &  bien  fournies.  Pour  c^t  effet ,  il 
faut  foigner  attentivement  les  abeilles  dans  les  temps 
critiques  ,  fournir  abondamm^ent  à  leur  lubfiflance , 
veiller  exaûement  à  leur  propreré ,  réunir  &:  miarier 
dans  le  temps  tous  les  petits  eifaims  enfemble  ;  en  forte 
que  l'on  n'ait  point  de  ruches  foibles ,  foit  à  l'entrée 
de  l'hiver ,  foit  dans  les  autres  faifons ,  dont  les  abeilles 
foicnt  contraintes  d'aller  au  pillage  pour  vivre.  On 
peut  empêcher  le  pillage  en  fermant  les  niches  avec  un 
grillage ,  où  il  ne  puiiTe  pafTer  que  trois  ou  quatre  abeilles 
à  la  fois  ;  alors  la  ruche  la  plus  foible  fera  en  état  de 
tenir  tête  aux  aûaillans  les  pkis  nombreux. 

Maladies  des  Abeilles, 

Les  maladies  connues  des  abeilles  ne  font  pas  ea 
grand  nombre.    La   plus  dangereufe  efl  la  dyffenterie 


40  À    B    E 

ou  le  dévoîement.  M.  de  Rêaumur  penfe  qiie  cette  ma- 
ladie provient  de  ce  que  les  abeilles  ont  été  obligées 
de  fe  nourrir  de  miel  pur,  &  de  ce  qu'elles  n'ont  pu 
fe  nourrir  en  partie  de  cire  brute  :  ce  fentiment  ell: 
fondé  fur  l'épreuve  qu'il  a  faite  de  ne  nourrir  les  abeilles 
que  de  miel  pur  pendant  quelque  temps  ^  ce  qui  leur 
a  donné  effedivement  le  uux  de  ventre.  Le  moyen  le 
plus  naturel  de  les  guérir  de  cette  m.aladie ,  efî  de  leur 
donner  un  gâteau,  dont  les  alvéoles  foient  remplis  de 
cire  brute ,  puifque  c'eft  l'aliment  dont  la  difette  a  caufé 
la  maladie  ;  mais  il  paroît  qu'en  hiver  la  confomma- 
tion  qu'elles  font  de  la  cire  brute  eftjîeu  confidérable , 
au  lieu  qu'en  été  elle  eft  très- abondante.  Ce  devoie- 
ment  efl:  une  maladie  contagieufe  ,  qui  fait  mourir 
prefque  toutes  les  abeilles  d'une  ruche  :  voici  comment 
le  mal  fe  communique.  Dans  l'état  naturel  il  n'arrive 
pas  que  les  excrém.ens  des  abeilles ,  qui  font  toujours 
liquides ,  tombent  fur  d'autres  abeilles ,  ce  qui  leur 
feroit  un  très-grand  mal.  Dans  le  dévoiement  cet  incon- 
vénient arrive ,  parce  que  les  abeilles  n'ayant  point 
aflez  de  force  pour  fe  mettre  dans  une  pcfition  con- 
venable les  unes  par  rapport  aux  autres  ,  celles  qui 
font  au-deiTus  laiiTent  tomber  fur  celles  qui  font  au- 
defTous  une  m.atiere  gluante  qui  leur  bouche  les  organes 
de  la  refpiration.  Il  eft  donc  imxportant  de  porter  re- 
mède à  cette  maladie.  Si  l'on  n'a  point  de  cire  brute , 
on  peut  leur  donner  une  liqueur  réduite  à  confiflance 
de  firop ,  faite  avec  une  chopine  de  vin ,  une  demi- 
livre  de  fucre  &  autant  de  miel. 

Com.me  la  chaleur  eft  la  vie  de  ces  infefles,  que 
c'eft  elle  qui  les  excite  au  travail  &  qui  les  conlérve , 
le  mieux  eft  d'expofer  fon  rucher  au  midi ,  de  manière 
qu'il  profite  de  bonne  heure  du  foleil  levant ,  &  que 
le  foleil  ne  le  quitte  que  le  plus  tard  qu'il  foit  pcfti- 
ble  :  il  eft  eiïcntiel  que  les  ruches  foient  garanties ,  de 
Cîuelque  manière  que  ce  foit ,  de  la  pluie  &  de  la  trop 
-^ran.de  ardeur  du  fokil  3  qui  fero^  fondre  le  miel  ÔC 
la  cire. 


A    B    E  41 

avantages  que  Von  retire  du  travail  des  Abeilles. 

Le  profit  que  l'on  retire  des  abeilles  varie  extrême- 
ment ,  félon  les  pays  ;  &  dans  le  même  pays  il  ne 
faiiroît  être  le  même  chaque  année.  Les  pays  remplis 
de  prairies,  qui  font  prefque  toujours  ëmaillées  de 
fleurs ,  entrecoupées  de  petits  ruiifeaux  ;  ceux  où  il  y  a 
beaucoup  de  bois,  des  plaines  couvertes  de  farrafm, 
de  fainfoin ,  de  luzerne ,  font  les  plus  favorables  aux 
abeilles ,  &  où  par  cônféquent  le  produit  eft  plus  con- 
fidérable.  Les  fleurs  des  plantes  crucifères ,  notamment 
celles  du  chou ,  de  la  roquette ,  de  la  moutarde  ôc  du 
navet ,  leur  fourniiïënt  aufîi  des  p- ovifions.  On  voit 
encore  les  abeilles  rechercher  les  faules ,  l'olivier  fau- 
vage ,  les  grcfeilliers ,  la  bruyère  ,  le  jonc  marin,  le 
pois ,  le  fafran ,  le  tufTilage ,  la  ronce  6.qs  haies ,  le  cerifier, 
les  groïïes  fèves ,  le  chèvre  -  feuille  ,  l'aubépine  ,  la 
vefce ,  le  tournefol  ,  le  chêne ,  l'érable ,  le  frêne  ,  le 
peuplier ,  le  mélèze.  Comme  on  trouve  des  miels  d'une 
blancheiu' ,  d'une  odeur  &  d'une  faveur  plus  agréables 
les  uns  que  les  autres  ,  il  faut  l'attribuer  à  la  nature  à^s 
fleurs  :  les  pays  abondans  en  thym  ,  roiiers  à  fleurs 
fmiples ,  lavandes  ,  jafmins ,  jonquilles ,  marjolaines  , 
niclifies ,  mélilots,  fauges  ,  origans ,  ferpolet ,  romarin, 
genêts  &:  autres  herbes  odoriférantes,  doivent  donner 
un  miel  balfamique  ;  tels  étoient  chez  les  Italiens  le 
miel  du  mont  Hybla  en  Sicile ,  &  chez  les  Grecs ,  le 
miel  du  mont  Hymette  ;  tel  efl:  auffi  notre  miel  des 
coteaux  du  Rouflillon  &  de  la  montagne  de  Clape 
au]5rès  de  Narbonne. 

Il  efl  difficile  de  croire  qu'il  y  ait  autant  de  plantes 
défavorables  aux  abeilles ,  que  le  aiienl  certains  Au- 
teurs; s'il  y  en  a  quelques-unes  qui  puiîTent  rendre 
leur  miel  pernicieux  ,  ce  feroient  peut  -  être  nos 
plantes  narcotiques,  telles  que  la  jufquiame  &  autres; 
mais  l'expérience ,  du  moins  dans  ces  pays-ci ,  ne  nous 


'41  A    B    E 

a  rien  appris  à  cet  égard.  Il  paroît  cependant  qiie  le  mîel 
peut ,  dans  certains  pays ,  avoir  quelquefois  de  mau- 
vaiies  qualités.  Xcnophon  ,  dans  Thifloire  de  la  fameufe 
Retraite  des  dix  mille ,  rapporte  qu'auprès  de  Trébi- 
fbnde  les  foldats  n'épargnèrent  pas  le  miel  de  plufieurs 
ruches ,  après  quoi  il  leur  prit  un  devoiement  par  haut 
&  par  bas  ;  ils  reffembloient  à  des  ivrognes  ou  ^  à^'^ 
pérfonnes  furieufes  ou  moribondes.  On  voyoit  la  terre 
jonchée  de  corps  comme  après  une  bataille  ;  néanmoins 
perfonne  n'en  mourut  ,  &  le  mal  cefTa  le  lendemain 
environ  à  la  même  heure  qu'il  avoit  commencé  ,  de 
façon  que  le  troifieme  jour  les  foldats  fe  levèrent  dans  l'é- 
tat d'afFoîblifTement  où  l'on  eft  après  avoir  pris  une  forte 
médecine.  M.  d&  Tournefon ,  dans  fes  voyages ,  cbferva 
dans  ces  lieux  une  plante  très  -  venimeui'e ,  appelée 
chamœrodendros  ;  &  il  penfe  qiie  ce  miel  fi  dangereux 
pouvoit  avoir  été  extrait  par  les  abeilles  fur  cette  plante. 
M.  Biic^hoi  cite  d'autres  fleurs  nuifibles  aux  abeilles  , 
celles  de  l'orme  &  du  narcifle  ,  du  fureau ,  d'arroche 
fétide ,  de  cornouiller  fanguin ,  de  l'auréole  des  bois , 
d'apocin ,  de  tithymale  ,  d'ellébore  ,  de  tilleul ,  d'orme , 
de  rue  ,  d'ail  ,  de  ciguë ,  de  fabine  :  voilà  les  fleurs 
qui  leur  occafionnent  le  fiux ,  ou  des  maladies  qui  les 
font  périr,  ou  ce  qui  donne  une  mauvaife  qualité  à 
leur  miel. 

Quoi  qu'il  en  foit,  il  faut  proportionner  le  nombre 
de  ruches  à  la  quantité  de  nourriture  que  peut  fournir 
le  canton ,  &  ne  pas  placer  cent  ruches  dans  un  lieu 
qui  n'en  peut  nourrir  que  cinquante ,  cjiioique  l'éten- 
due de  ce  canton  puifTe  être  regardée  comme  de  deux 
lieues  à  la  ronde ,  fi  ,  comme  on  le  dit ,  elles  vont 
chercher  leur  récolte  jufqu'à  deux  lieues  &  plus. 

Il  étoït  d'ufage  chez  les  Egyptiens  de  tranfporter 
les  ruches  à  miel  dans  des  bateaux  fur  le  Nil ,  afin  de 
faire  jouir  les  abeilles  de  la  richefTe  des  fleurs  ,  lorf- 
qu'il  n'y  en  avoit  point  dans  le  lieu  de  leur  domicile. 
Lcrf qu'on  jugeoit  que  les  abeilles  avoient  moifTonné 


A    B    E         '  4Î 

les  environs  à  deux  ou  trois  lieues  à  la  ronde,  on 
conduilbit  les  bateaux  plus  loin  à  la  même  fin,  &: 
ainfi  de  iuite.  Les  Italiens  ,  voiiins  des  rivages  du  Pô, 
ont  la  même  pratique  ;  ils  voiturent  fur  ce  fleuve  leurs 
ruches  jufqu'au  pied  des  montagnes  du  Piémont.  On 
dit  que  ces  voyages  par  eau  font  aulli  d'ufage  à  la 
Chine.  Tel  eil  l'avantage  d'être  voifm  d'une  grande 
rivière  ;  on  peut  par  ce  moyen  réunir  en  faveur  des 
abeilles  le  printemps  d'un  pays  fec  avec  l'automne  d'un 
pays  gras  &  ombragé ,  &  fuppléer  par  -  là  abondam- 
ment à  la  difette  natureUe  du  canton  qu'on  habite. 
Des  perfonnes  indurtrieufes  ont  trouvé  que,  compen- 
fation  faite  de  la  dépenfe  &  du  produit ,  on  pouvoit 
aufTi  les  faire  voyager  par  terre ,  lorfqu'on  n'avoit  point 
la  commodité  de  l'eau.  On  lit  dans  ColumdU  ^  que  les 
Grecs  de  l'Achaïe  voituroient  ainfi  leurs  ruches  en 
Afâque ,  où  la  faifon  des  fleurs  étoit  tardive.  Aujour- 
d'hui on  pratique  cette  méthode  dans  le  pays  de  Juliers  : 
on  a  vu  &  on  voit  encore  en  France  dans  le  Gâtinois  ^ 
un  économe  intelligent  faire  tranfporter  fes  ruches  en 
charrette ,  après  la  récolte  dit  fainfoin  ,  dans  les  plaines 
de  Beauce,  où  abonde  le  méhlot  ;  puis  en  Sologne  , 
où  la  campagne  eft  couverte  de  farrafin  fleuri  jufque 
vers  la  fin  de  Septembre.  La  plupart  des  habitans  de 
ce  pays  font  maintenant  dans  l'ufage  d'imiter  notre 
économe,  &  de  faire  en  petit  ce  qu'il  fait  en  grand. 

Nous  apprenons  par  un  Mémoire  de  M.  Duhamel^ 
que  le  profit  que  l'on  retire  des  abeilles  de  ce  pays-là 
avec  de  pareils  foins ,  efl  très-confidérable.  Dès  le  com- 
mencement de  Juillet  ,  lorfque  les  mouches  à  miel 
ont  jeté  leur  eifaim,  &  fait  une  ample  récolte  fur  les 
fainfoiiis  ,  on  s'approprie  tout  le  miel  &  la  cire  ,  en 
faifant  pafîer  les  miouches  dans  une  ruche  vide ,  par  le 
moyen  de  la  fumée  ;  on  s'empare  promptement  de  la 
ruche  pleine,  dont  on  ôte  les  gâteaux  oiri  contiennent 
le  couvain  ;  on  les  attache  avec  des  bâtons  en  croix 
dans  une  ruche  vide  ,  ôc  on  y  fait  rentrer  les  mouches 


'44  A    B    E 

qui  prennent  foin  de  leur  couvain  :  il  éclot  une  multi- 
tude d'ouvrières,  qui  les  aident  bientôt  à  taire  de  nou- 
veaux travaux ,  &  les  mouches  travaillent  avec  une 
nouvelle  aâ:ivité.  On  tranfporte  enfuite  les  mouches 
dans  des  pays  où  elles  trouvent  d'abondantes  récoltes 
de  fleurs.  Si  la  faifon  eil  belle ,  &  que  les  fleurs  foient 
abondantes ,  les  ruches ,  qu'on  a  changées  au  premier 
Juillet ,  font  très-bien  remplies  à  la  fin  du  mois  d'Août, 
Quand  cela  eft ,  on  les  vide  une  féconde  fois  ,  ayant 
grand  foin  de  ménager  le  couvain.  Aufîi-tôt  que  les 
abeilles  ont  été  changées  une  féconde  fois,  on  les  tranf- 
porte dans  les  pays  de  farrafin  ;  &c  lorfque  la  faifon  a 
été  favorable ,  les  ruches  font  alTez  remplies ,  pour 
qu'on  puilTe  rogner  les  gâteaux  près  d'un  demi-pied. 

Voilà,  à  l'aide  de  l'induftrie  humaine,  dts  récoltes 
furprenantes  ;  mais  il  faut  avouer  que  toutes  les  années 
ne  font  pas  fi  favorables,  &  que  qiielouefois  on  ne 
peut  les  changer  au  plus  qu'une  fois.  D'ailleurs  il  y  a 
des  mouches  plus  laborieufes  les  unes  que  les  autres  : 
on  a  vu  des  paniers  de  mouches  très- vigilantes  ,  qui, 
au  bout  de  vingt-quatre  heures,  fe  font  trouvés  aug- 
mentés de  fix  livres  ,  tant  en  cire  qu'en  miel. 

On  retire  d'un  bon  panier  dans  le  Gâtinois  foixante 
à  foixante  &  dix  hvres  de  miel,  &  deux  hvres  un 
quart  &  demi  de  cire.  Le  grand  art  dans  ce  pays  ,  &C 
celui  que  ne  doit  jamais  perdre  de  vue  un  bon  économe, 
eil  d'avoir  des  paniers  extrêmement  peuplés  de  mou- 
ches. Dans  les  pays  qui  ne  font  point  fi  riches  en  fleurs,  &C 
cù  Von  ne  prend  point  de  femblables  foins ,  le  profit 
oue  l'on  retire  des  mouches  efl  bien  moins  confidérable. 
Dans  les  endroits  du  royaume  oii  la  fituation  efî: 
m.oins  favorable  pour  les  abeilles ,  on  en  peut  cepen- 
dant encore  tirer  un  aflTez  bon  profit.  Dans  ce  pays-ci, 
par  exemple  ,  un  bon  effaim  de  deux  ans  peut  donner 
deux  livres  6c  demie  de  cire,  &  depuis  vingt  jufqu'à 
tx-ente  livres  de  miel  &  plus.  Si  l'on  joint  à  ce  produit 
celui  de  l'efTaim ,  on  conclura  qu'un  grand  nombre  de 


A     B     E  4ç 

niclies  qui  ne  coûtent  prefque  rien  dans  ïe  cours  de 
l'année ,  peuvent  être  à  la  campagne  d'un  grand  profit. 

Dans  les  pays  où  l'on  craint  une  difette  de  fleurs , 
&  où  les  mouches ,  que  l'on  feroit  paffer  dans  une  ru- 
che vide ,  rifqueroient  de  ne  point  trouver  de  récoltes 
aiTez  abondantes  ,  &  d'être  ilirprifes  par  des  temps  plu- 
vieux &:  orageux ,  une  excellente  méthode  eft  de  leur 
mettre  des  haujfcs  y  c'eil- à-dire ,  des  efpaces  vides  ,  au- 
defTous  de  la  ruche ,  de  la  même  forme  &  de  la  même 
matière.  Les  mouches  rem.pliffent  cet  efpace  de  miel  & 
de  cire  ;  car  ces  infectes  travaillent  toujours  à  raifon 
de  l'efpace  vide  qu'ils  trouvent,  pourvu  qu'il  ne  leur 
paroifTe  point  trop  fpacieux.  On  s'empare  enfuite  de 
ces  haulTes ,  &  on  partage  leurs  travaux  fans  les  faire 
périr.  Combien  entendent  peu  leurs  intérêts  ,  ceux 
qui ,  pour  recueillir  le  miel  &  la  cire  ,  font  périr  les 
mouches  par  la  vapeur  du  foufre  !  Cette  coutume  con- 
damnable eft  adoptée  dans  bien  des  pays  :  elle  devroit 
être  défendue  ,  comme  on  dit  qu'elle  l'eil  en  Tofcane  ; 
on  fauveroit  chaque  année  un  grand  nombre,  de  ru- 
ches ,  &  l'on  parviendroit  à  les  multiplier  beaucoup 
dans  le  royaume ,  où  il  ne  fauroit  y  en  avoir  trop. 

Une  méthode  qui  paroît  r.'unir  tous  les  avantages 
qui  doivent  concourir  pour  faire  réuiiir  les  mouches  , 
même  dans  les  pays  les  moins  riches ,  efl  celle  que 
M.  Palteau  a  donnée  dans  fa  nouvelle  con{lru61:ion  des 
ruches  de  bois ,  comme  nous  le  verrons  dans  la  fuite. 

Dans  d'autres  pays,  pour  s'emparer  d'une  partie 
des  provifions  des  abeilles ,  on  renverfe  les  ruches  , 
on  enfume  les  mouches ,  &  avec  un  couteau  on  coupe 
les  gâteaux  de  miel.  Cette  méthode  ,  moins  mauvaife 
que  celle  dont  nous  venons  de  parler,  a  auiîi  beau- 
coup d'inconveniens  :  il  périt  dans  cette  opération 
beaucoup  de  mouches  ;  on  détruit  des  gâteaux  de  cou- 
vain ,  &  quelquefois  on  perd  la  ruche  en  entier.  Le 
feul  cas  où  l'on  doit  faire  périr  les  mouches,  c'efî: 
lorfqu'on  ne  veut  point  multiplier  le  nombre  des  ruches  ; 


46  A     B     E 

car  même  dans  le  cas  où  le  corps  d'une  ruche  cfl  trop 
vieux,  &  que  le  temps  l'a  prelque  détruite,  eu  lori- 
qiie  les  faufî'es  teignes  fe  lont  ttlkment  emparées  d'une 
ruche ,  que  les  véritables  propriétaires  Ibnt  lur  le  point 
de  la  leur  céder ,  on  peut  taire  pnfler  ces  mouches 
dans  des  paniers  foibles.  Il  faut  avouer  cependant  que 
ces  tranihiigrations  de  mouches  dans  une  autre  ruche  , 
ne  réufTiiîent  pas  toujours. 

Ufage  du   Miel  ^  de  la  Cire  ^  de  la  Propolls, 

Lorfqu'on  a  enlevé  aux  abeilles  une  partie  de  leurs 
gâteaux  de  miel ,  on  les  rompt ,  on  les  pofe  fur  àts 
claies  d'ofier ,  &  on  met  deflbus  des  vaifTeaux  bien  pro- 
pres :  il  découle  un  beau  miel  blanc ,  Xiui  le  durcit  :  c'efl 
ce  qu'on  appelle  wiel  vierge^  ou  jniel  de  goutte.  Comme 
tout  le  miel  ne  découle  point  de  la  ibrte,  on  exprime 
ies  gâteaux  fous  la  prefte  ;  ce  fécond  miel  n'eft  pas  fî 
beau ,  parce  que ,  s'il  fe  rencontre  des  vers  ou  des  mou- 
ches dans  le  miel,  la  prefTe  les  écrafe  &  les  y  mêle. 
On  peut  auffi  faire  couler  ce  dernier  à  l'aide  d'une 
douce  chaleur.  La  meilleure  méthode  efl  de  laifier  le 
miel  affez  long-temps  fur  des  clayons  peur  qu'il  puifTe 
s'écouler ,  &  de  lui  procurer  fur  la  fin  une  douce  cha- 
leur ;  on  peut  enfuite  laver  les  gâteaux  avec  de  l'eau , 
dont  on  fera  de  l'hydromel. 

Le  miel  récolté  dans  le  printemps  eft  plus  eflimé 
que  celui  qui  l'a  été  en  été,  &:  celui  d'été  plus  que 
celui  d'automne,  à  caufe  des  fleurs.  On  préfère  aufîi 
celui  des  jeunes  effaims  à  celui  des  vieilles  mouches. 
Il  y  a  des  payfans  qui ,  pour  faire  paraître  leur  miel 
plus  blanc ,  y  délaient  de  la  fleur  de  farine  ou  de  l'a- 
midon bien  pulvérifé  ;  d'autres ,  avec  les  feuilles  & 
fleurs  de  romarin  fur  lefquelles  ils  le  font  couler,  lui 
donnent  l'odeur  &  le  goût  du  miel  de  Narbonne.  La 
couleur  du  miel  le  plus  blanc  s'altère  lorsqu'il  vieiUit  : 
le  vieux  miel  eft  ordinairement  jaune  ;  mais  il  y  en  a 


_  A     B    E  47 

€|Ui  l'eft  dès  qu'il  vient  d'être  dépofé  dans  les  alvéoles 
des  gâteaux.  Le  miel  fait  du  fuc  des  fleurs  de  bruyè- 
res eu  toujours  très- jaune  :  il  n'efl  point  eflimé  ;  celui 
de  Sologne ,  recueilli  fur  le  farrafin ,  eft  dans  le  même 
cas.  M.  ^e  Rlaumur  a  vu  du  miel  vert  dans  une  de 
ces  ruches  ;  &  ce  miel  fut  trouvé  d'un  goût  plus  agréa- 
ble que  les  miels  ordinaires.  L'iUuftre  Académicien 
foupçonne  que  cette  couleur ,  qui  eft  très-rare  ,  venoit 
de  la  difpofition  intérieure  des  mouches. 

Le  miel  pris  en  fubilance  efl  pe£loral  ,  laxatif  & 
déterfif  :  il  aide  à  la  refpiration,  en  divifant  la  pituite 
grofîîere  ëpailîie  dans  les  bronches  pulmonaires  ,  & 
facilite  l'expedoration.  Le  miel  blanc  fe  prend  inté- 
rieurement ;  le  jaune,  plus  acre,  efl  employé  dans 
les  lavemens.  On  fait ,  par  expérience ,  que  le  miel 
étendu  fur  du  pain  dans  lequel  il  y  a  de  l'ergot  de 
feigle ,  empêche  qu'il  ne  faffe  de  mauvais  effets  fur  le 
corps  humain.  L^ifage  du  miel  n'efl  point  bon  aux 
tem.péramens  i^cs  dz  bilieux  ,  parce  qu'il  fermente 
facilement.  M.  Bour^zols  ,  prétend  que  le  miel  efl 
encore  très  -  nuifible  aux  tempéramens  qui  ont  beau- 
coup d'acide  dans  les  premières  voies,  avec  lequel  il 
fermente  &  fe  décompofe;  c'efl  par  cette  raifon,  dit-il, 
que  les  femmes  hyfl:ériques  6c  les  hypocondriaques  doi- 
vent s'en  abilenir.  On  fait  avec  le  miel  diverfes  efpeces 
d'hydromel;  il  entre  dans  un  très -grand  nombre  de 
compofirions.  Le  marc  des  mouches  ,  qui  efl  ce  qui 
refle  après  qu'on  a  exprimé  la  cire  &:  le  miel ,  &  qui 
efl  compofé  de  la  foie  que  le  ver  a  filée  &  de  la  dé- 
pouille des  nym.phes ,  efl  réfolutif.  Les  maréchaux  en 
font  ufage  pour  les  foulures  des  nerfs  àes  chevaux. 
Comme  il  rcfle  toujours  un  peu  de  cire  dans  ce  marc, 
on  le  vend  encore  à  ceux  qui  préparent  la  toile  cirée, 

La  cire  efl  émoUiente ,  adouciffante  &  réfolutive. 
On  appelle  cire  vierge ,  la  cire  telle  qu'on  la  retire  des 
gâteaux.  Ces  gâteaux,  comme  nous  l'avons  dit,  nou- 
vellement  travaillés  par  les  abeilles  5  font  ordinairement 


48  A     B     E 

d'un  très-beau  blanc  :  ils  perdent  leur  couleur ,  & 
donnent  une  cire  jaune  ,  que  l'on  rappelle  à  fa  pre- 
mière blancheur ,  en  la  faiiant  fondre  ,  &c  la  réduifant 
à  plufieurs  reprifes  en  lames  plus  fines  qu'un  ruban 
très-mince ,  &  en  l'expofant  un  grand  nombre  de  fois 
à  la  rofëe  pendant  plulieurs  mois.  Lorfqu'on  fait  fon- 
dre la  cire ,  pour  rendre  la  blancheur  plus  parfaite  6c 
plus  luflrce  ,  on  y  ajoute  du  criiîal  de  tartre  qui  la 
clarifie.  Voyez  à  1  article   Cire. 

Les  plus  belles  cires  blanches  de  ce  pays-ci,  vien- 
nent de  Bretagne  &  d'Anjou.  On  préfère  la  cire  de 
Sologne  à  celle  de  Beauce  ou  du  Gâtinois. 

La  cire  grenée  efl  de  la  cire  blanche  fondue  &  bat- 
tue avec  des  verges. 

La  cire  s'emploie  peu  intérieurement ,  à  caufe  de  fa 
ténacité  :  elle  çfl  la  bafe  de  prelque  tous  les  onguens 
dont  on  fe  fert  en  Médecine. 

Il  y  a  des  cires  colorées  par  les  ingrédiens  qu'on  y 
ajoute  :  telles  font  la  cire  verte  ramollie  par  de  l'huile 
de  térébenthine ,  &  colorée  par  le  vert-de-gris ,  d'ufage 
pour  les  cors  des  pieds  :  la  cire  rouge  ,  colorée  par  la 
racine  d'orcanette  ou  avec  le  vermillon  ;  elle  fert  à 
appofer  les  fcellés  :  la  cire  à  gommer ,  qui  ell  de  la 
cire  fondue  &  mêlée  avec  de  la  poix  graffe  ;  les  Tapif- 
fiers  s'en  fervent  pour  gommer  leurs  coutils.  A  l'égard  de 
la  cire  Punique  décrite  par  Plim^  c'efl,  dit  M.  de  Lorgna^ 
un  favon  formé  par  l'union  de  la  cire  &  du  natron  : 
on  s'en  fervoit  pour  peindre  à  l'encauftique. 

La  propolis  qui  efl ,  comme  nous  l'avons  dit ,  une 
efpcce  de  réfine  dont  les  abeilles  font  ufage  pour  bou- 
cher les  plus  petites  fentes  de  leurs  ruches  lorfqu'elles 
s'établifTcnt ,  eft  très-propre  à  avancer  la  maturation 
des  abcès  ;  fa  vapeur  reçue  par  le  moyen  d'un  enton- 
noir ,  pendant  qu'on  en  jette  quelques  morceaux  fur 
un  réchaud  de  feu  ,  adoucit  la  toux  férine  à:  invé- 
térée. 

Racket 


A    B    E  4^ 

Ruches    des    Ahâlks, 

Il  y  a  des  ruches  de  pîiifieurs  figures  &:  de  différen- 
tes matières ,  fuivant  les  difierens  pays.  Les  unes  ne 
font  qu'un  tronc  d'arbre  creux;  d'autres  iont  faites 
d'oller  ou  de  quelque  autre  bois  liant  ;  d'autres ,  de  paille 
treflée  :  elles  tiennent  prefque  toutes  de  la  figure  d'une 
cloche.  Celles  de  paille  de  feigle  font  les  meilleures  ;. 
parce  qu'elles  font  propres  à  défendre  les  abeilles  con- 
tre la  rigueur  du  froid  en  hiver,  &  contre  la  trop 
grande  chaleur  de  l'été  ;  dans  les  pays  où  le  hege  eiî 
commun  ,  celles  faites  d'écorce  de  liège  font  excellentes. 
Ces  logemens  iimples  leur  fufîifent. 

Le  défir  de  fuivre  les  abeilles  dans  toutes  leiu's 
opérations  ,  a  fait  imaginer  les  ruches  vitrées.  Plme 
nous  apprend  que  le  Philofophe  Arïflomaclms  avoit 
étudié  ces  infedes  pendant  près  de  foixante  ans ,  & 
qu'un  Sénateur  Rom.ain  £t  faire  des  ruches  avec  la 
corne  la  plus  tranfparente.  Une  ruche  vitrée  ,  préfente, 
à  toutes  les  heures  du  jour ,  ôc  dans  prefque  toutes  les 
faifons  de  l'année ,  \\i\  fpedacle  amufant  &  infiniment 
varié. 

M.  Paiuau  a  donné  ,  dans  im  livre  intitulé  NoiivelU 
conflruclion  de  Ruches  ds  bois  ^  la  defcription  d'une  nou^ 
velle  efpece  de  ruche  ,  qui  paraît  réunir  tous  les  avan-, 
tages  propres  à  conferver,  foigner,  multiplier  &  châtrer 
les  mouches,  fans  l'inconvénient  de  les  faire  périr  ou- 
de  les  afîoiblir  :  voici  une  légère  efquifîe  de  cette  nou- 
velle ruche. 

Elle  efl  compofée  de  plufieurs  efpeces  de  boîtes  car- 
rées, de  trois  pouces  de  haut  &:  d'un  pied  en  carré ,  qui 
n'ont  ni  fond  ni  couvercle  ;  on  en  emploie  pour  une 
ruche  le  nombre  que  Ton  veut  ;  ce  qui  donne  la  faci- 
lité de  la  faire  grande  ou  petite ,  félon  le  befoin.  ha 
partie  fupérieure  efc  couverte  de  petites  planches  qi;i 
fervent  de  couvercle  :  la  ruche  Q£t  iowtQwwQ  par  un 
Tome  L  D 


plateau  de  boîs  percé  par  fon  milieu  ;  on  y  ajufte  une 
crpece  de  tiroir ,  par  le  moyen  duquel  on  donne  du 
miel  aux  mouches  lorfqu'elles  en  ont  befoin ,  fans  les 
fatiguer  le  moins  du  monde  :  on  adapte  à  cette  ouver- 
ture ,  qui  fe  trouve  au-deifous  de  la  ruche ,  des  gril- 
lages de  crin  à  jour  pour  leur  donner  de  l'air.  Lorf- 
qu'on  le  veut ,  on  peut  les  réchauffer  par  le  moyen  de 
la  cendre  chaude  que  l'on  met  fous  la  ruche.  Toutes 
ces  boîtes  carrées  s'appellent  des  haujjcs  ;  &c  plufîeurs 
réunies  &  placées  les  unes  fur  les  autres,  forment  la 
ruche  ;  elles  font  recouvertes  d'une  grande  boîte  qui 
a  un  toît  pour  l'écoulem.ent  des  eaux  ;  &  fur  le  devant 
eft  une  ouverture  ronde ,  divifée  en  quatre  parties  , 
dont  l'une  ,  ouverte  en  plein  ,  eft  d'ufage  dans  les  mois 
où  le  travail  eft  grand  ;  l'autre  eft  en  arcade  pour  em- 
pêcher le  pillage  ;  une  autre  eft  percée  de  trous ,  pour 
tenir  les  mxouches  enfermées  fans  les  priver  d'air  ; 
la  dernière  eft  pleine,  &  fert  à  enfermer  les  mouches 
abfolument. 

Ces  ruches ,  comme  l'on  voit ,  font  propres  pour 
fatisfaire  à  tous  les  cas  indiqués ,  &  pour  tirer  tout 
l'avantage  pofTible  des  abeilles.  Les  deux  points  les 
plus  avantageux  de  cette  ccnftru6lion ,  font  cette  ou- 
verture ronde  à  quatre  parties  ,  qui  met  en  état  de 
difpofer  des  mouches  ,  &  d'agir  fuivant  que  les  cir- 
conftances  l'exigent  ;  &C  l'autre ,  plus  eflentiel  encore  , 
eft  cette  forme  de  ruche  divifée  par  hauftes.  On  a  par 
ce  moyen  l'avantage  de  châtrer  les  mouches  fans  les 
afFoiblir ,  de  s'emparer  du  meilleur  miel ,  en  enlevant 
la  hauffe  fupérieure  ;  on  excite  les  mouches  au  travail , 
""en  ajoutant  des  hauffes  par  le  bas ,  à  raifon  de  Tadivité 
avec  laquelle  elles  travaillent  :  on  ménage  la  vie  des 
ouvrières  qui  font  fi  précieufes  ;  on  taille  les  mouches 
dans  la  faifon  où  on  le  veut ,  &  on  ne  fait  point  périr 
'de  couvain,  parce  qu'il  n'cfl  jamais  dans  la  partie  fupé- 
rieure de  la  ruche. 

Cette    méthode   ingénieufe  ,   qui    réunit   beaucoup 


A    B    E  51 

d^avantages ,  &  qui  part  d'après  la  dirpofition  intérieure 
des  ruches  ,  pèche  maiheureufement  par  un  défaut  efîen- 
tiel  :  elle  n'eft  point  afîez  fimple,  elle  ne  pourra  jamais 
être  à  la  portée  des  payfsns ,  &  elle  éû  toujours  coû- 
teufe  dans  ce  pays  -  ci.  Chaque  économe  qui  veut 
adopter  cette  méthode  ,  peut ,  en  partant  des  deux 
points  effentiels  que  nous  avons  obiérvés,  chercher  à 
la  fimplifier  &  à  la  rendre  moins  coûteufe,  fuivant  les 
idées. 

M.  de  la  Nux  a  préfenté  à  l'Académie  royale  des 
Sciences,  le  modèle  en  paille  d'une  nouvelle  ruche  à 
miel.  C'ell  un  cylindre  creux  placé  horizontalement  ; 
il  confeille  de  donner  aux  ruches  cette  forme  &  cette 
pofition ,  d'après  l'expérience  qu'il  en  a  faite  à  Tifle  de 
Bourbon ,  à  l'exemple  des  Sauvages  de  Madagafcar , 
qui  mettent  leurs  abeilles  dans  des  troncs  d'arbres  creu- 
{és  &  couchés  horizontalement.  M.  de  la  Nux  préfère 
les  ruches  de  paille ,  comme  moins  coûteufes ,  plus  fai- 
nes ,  plus  légères,  plus  faciles  à  employer  ,  moins 
accefîibks  aux  animaux  nuifibles ,  plus  favorables  à  la 
folidité  du  travail  des  abeilles  ,  &  plus  commodes  pour 
les  foigner  ;  ces  ruches,  faites  de  torons  de  paille,  doi- 
vent avoir  intérieurement  douze  pouces  de  diamètre , 
vins;t-deux  pouces  de  longueur  ;  les  torons  doivent  être 
afliijettis ,  maintenus  par  des  baguettes  qui  pafTent  à 
travers  l'ouvrage.  Chacune  de  ces  ruches  a  deux  fonds 
qui  font  faits  de  paille  roulée  &  coufue ,  ainfi  que  celle 
du  cylindre.  Confultez  le  Journal  de  Phyjique  j  &c,  par 
M.  CAhhl  Rosier  y  Février,  1773. 

Abeilles     Villageoises. 

Le  genre  des  abeilles  n'efl  point  borné  à  la  feule 
efpece  de  mouches  dont  nous  avons  admiré  l'induflne, 
&;  qui  nous  fourniffent  le  miel  &  la  cire  :  il  y  a  plu- 
fieurs  autres  efpeces  d'abeilles  qui  ont  été  nommées 
villageoifes ,  vraifemblablenient  parce  qu'elles  font  répan- 

D  z 


52  A    B    E 

dues  dans  les  campagnes ,  &  qu'on  ne  les  rafiembîe 
point  en  ruches.  Quoicfue  ces  efpeces  ne  travaillent 
point  utilement  pour  nous ,  6c  qu'elles  foient  peu  con- 
nues ,  elles  méritent  cependant  de  l'être ,  par  l'art  ad- 
mirable que  chacune  dans  ion  genre  va  nous  préfenter. 

Abc'dks    bourdons, 

Uakeilk  bourdon  efl  feule  dans  les  commencemens ,' 
mais  elle  fait  fe  faire  peu  à  peu  à  elle-même  une  nom- 
breufe  compagnie,  &  fe  pi-ocurer  des  fujets  qui  parta- 
geront avec  elle  les  charges  du  ménage. 

Ces  abeilles  bourdons ,  qui  ferment  une  efpece  de 
petite  flimilie,  périffent  prefque  toutes  dans  l'autom.ne; 
&Z  il  ne  s'en  échappe  qxxq:  quelques  femelles  fécondées , 
qui  cherchent  une  retraite  dans  des  trous  de  mur,  ou 
dans  des  creux  qu'elles  font  elles-mêmes  en  terre.  Elles 
y  paffent  la  mauvaife  faifon  dans  un  jeûne,  abfolu  de 
toutes  chofes ,  &  dans  une  inaction  parfaite  ;  miais  le 
printemps  qui  ranime  toute  la  Nature ,  leur  rend  le 
mouvement  &  la  vie. 

L'abeille  bourdon ,  qui  paroît  ailez  groiîe ,  eft  cou- 
verte d'une  multitude  de  poils  longs,  très-preffés  ;  en 
volant  elle  fait  un  grand  bourdonnem.ent ,  ce  qid  lui 
a  fait  donner  le  nom  de  bcurdcn.  Notre  abeille  n'a 
rien  de  plus  prefTé  que  de  conftruire  un  nid  pou.r  y 
loger  la  famille  à  laquelle  elle  donnera  le  jour.  Elle 
arrache  brin  à  brin,  avec  fes  deux  dents  écaille ufes, 
de  la  nioufTe  fine  qu'elle  arrange ,  &  à  laquelle  elle 
donne  une  forme  de  voûte  d'un  pouce  d'épaiffeur,  ^ 
fouvent  de  deux.  Au  premier  coup  d'œil  ce  nid  paroît 
n'être  qu'une  motte  de  terre  un  peu  élevée  &  recou.verte 
de  mouile  ;  mais  lorfqu'cn  l'obfcrve ,  on  voit  qu'il  a 
été  conftruit  avec  art.  Le  plancher  de  ce  petit  nid  eft 
couvert  de  mxcufle ,  ajfin  aue  l'humidité  de  la  terre  ne 
puifie  nuire  à  ce  qu'elle  a  deiTelnde  pofer  defTus.  Elle 
^'ole  à  la  cainpagne  ,  y  fait  récolte  de  miel  Cv  de  cire  ; 


A    B    E  55 

elle  en  forme  une  petite  mafTe  qui  reiTcmble  à  <le  la 
pâte  5  &  qui  eft  le  coiTimencement  d'un  gâteau ,  qu'elle 
place  dans  fon  nid.  En  formant  cette  maile ,  elle  pond 
&C  enferme  dans  le  centre  deux  ou  trois  œufs.  Pen- 
dant qu'elle  continue  le  même  travail ,  pour  parvenir 
à  de  nouvelles  pontes,  les  premiers  œufs  éclofent;  les 
vers  nailTent  au  milieu  de  la  nourriture  qui  leur  tû 
propre  ,  car  cette  pâte  eu.  l'aliment  que  leur  mère  leur  a 
defliné.  Après  avoir  reflé  quelques  jours  dans  l'état  de 
vers  5  ils  fe  filent  une  coque  dans  laquelle  ils  s'en- 
ferment ,  s'y  changent  en  nymphes  ,  &  en  peu  de  tem^ps 
deviennent  des  nbeilles  :  ils  fe  mettent  à  l'mihmt  h  tra- 
vailler avec  la  mère  commune  ,  à  compofjr  de  la  pâtée, 
à  entretenir  &  pei'fe^iionner  le  nid ,  :\  augmenter  les 
provillons.  C'eit  ainfi  eue  p?u  ?.  peu  un  nid  fe  peuple, 
&  que  notre  abeille  ,  de  folita^e  qu'elle  éîoit  d'a- 
bord ,  devient  bien  accompagnée ,  &c  mère  d'une  fa- 
mille nombreufe. 

Parmi  les  abeilles  qu'elle  a  mifes  rai  jour ,  il  y  a , 
ainfl  eue  parmi  les  m.ouches  à  miel ,  des  mdks ,  des 
femelles  èc  des  abeilles  fan  s  J exe.  Ce  qu'on  y  trouve  de 
plus ,  c'efl  que  les  mâles  y  font  de  deux  grandeurs  ; 
les  petits  paroilTent  pHis  agilfans  ôc  plus  adroits,  iSc 
les  grands  plus  forts.  Les  très-grands  bourdons  font  les 
femelles  ;  ceux  de  moyenne  grandeur  font  les  miales  ,  de 
deux  efpeces ,  &  les  plus  petits  font  dépourvus  de  fexe  ; 
ces  derniers ,  ain-fi  que  les  femelles ,  ont  un  aiguillon  ; 
les  mâles  n'en  ont  point,  Ces  diiFércns  bourdons  ,  & 
les  différentes  parties  d'un  même  bourdon,  montrent 
des  couleurs  variées,  qui  ne  font  que  celles  de  leurs 
poils  :  les  diverfes  parties  de  ces  abeilles  ,  néceffaires 
pour  le  travail  &  pour  la  récolte  ,  font  pour  l'eiTentiel 
conftruites  comme   celles  de  V abeille  commune. 

Les  abeilles  bourdons  ne  font  jamais  plus  de  cin- 
quante à  foixante  réunies  dans  le  même  domicile.  La 
mère  fondatrice  de  la  colonie  pond  prefque  autant  d'œufs 
de  femelles  ^  que  d'œufs  de  mdles  6c  d'ouvrières.  Il  n'y; 

D.  1. 


54  A     B     E 

a  point  de  préférence  fur  les  fon£^lons  du  fexe.  Tons 
les  bourdons ,  de  quelque  efpece  qu'ils  foient ,  mâles , 
femelles ,  ouvrières  ,  la  niere  même ,  mettent  la  main 
à  l'œuvre  ,  6z  travaillent  aux  gâteaux.  Ces  gâteaux 
font  un  aiTemblage  afTez  irréguîier  de  coques  ,  entre- 
mêlées de  maffes  inf<^*mes  ,  d'une  couleur  brune  & 
fans  ordre  ;  il  y  a  de  ces  mafles  qui ,  pour  la  couleur 
&  la  figure  ,  reffemblent  à  des  truffes  ;  elles  font  la 
pâtée  même.  Il  y  en  a  où  l'on  trouve  en  les  ouvriint 
vingt  ou  trente  œufs,  ou  bien  des  vers;  d'autres  où 
il  n'y  en  a  que  deux  ou  trois.  Ces  maffes  de  pâtée 
font  non-feulement  le  berceau ,  mais  aufîî  la  nourri- 
ture des  vers.  Ces  vers,  en  mangeant  la  pâtée  qui  les 
environne,  fe  trouvent  expofés  à  l'air  ;  mais  leur  mère, 
ou  quelqu'un  de  la  famille  déjà  en  état  de  travailler, 
rapporte  de  la  pâtée  fur  les  endroits  où  elle  a  été 
confommée,  afin  de  tenir  toujours  lamafTe  fufHfamment 
épaifïe.  Les  vers  étant  ainfi  renfermés  dans  une  pâte 
molle ,  il  leur  eu  facile  d'y  façonner  une  cavité  qui 
fert  de  moule  &c  de  point  d'appui  au  tiflù  des  fils  de 
foie  5  avec  lefquels  ils  conflruifent  leurs  coques.  Lorf- 
que  la  coque  efl  finie,  les  bourdons  enlèvent  la  pâtée 
dont  elle  eil:  couverte  ,  &  la  mangent  eux-mêmes  ,  ou 
la  portent  dans  d'autres  endroits. 

On  trouve  de  plus  dans  leurs  nids,  trois  ou  quatre 
petits  pots  pleins  d'un  fort  bon  miel.  Lorfque  les  Fau- 
cheurs découvrent  ces  nids ,  ils  ne  manquent  pas  d'tn. 
fucer  le  miel. 

A  voir  ces  mouches  revenir  à  leurs  ruches  les  pattes 
chargées  de  petits  fardeaux  de  cire ,  on  croiroit  qu'elles 
s'y  prennent  de  la  même  façon  pour  apporter  la  mouffe 
dont  elles  conflruifent  leurs  nids  ;  mais  en  obfervant 
la  Nature  ,  on  trouve  à  chaque  infiant  occafion  de 
remarquer  combien  elle  fe  plaît  à  diverfifîer  fes  ouvra- 
ges. Au  lieu  de  tranfporter  la  mouffe  par  l'air,  comme 
on  fi  roit  tenté  de  le  croire  ,  elles  la  roulent ,  pour 
ainfi  dire ,  par  terre.  Rien  de  plus  facile  que  de  leur 


A    B    E  55 

voir  rétablir  un  nid  ,  &  d'obferver  la  manière  dont 
elles  manient  la  nioufTe  :  on  le  peut  fans  danger;  car 
ces  abeilles ,  quoique  armées  d'un  dard  empoilbnné  , 
.encore  plus  terrible  que  celui  des  mouches  à  miel  , 
font  plus  douces  &  plus  pacifiques.  Que  Ton  détniife 
la  voûte  de  leurs  nids  ,  qu'on  la  répande  à  quelque 
dillance  ,  on  verra  l'abeille  revenir  chercher  la  mouffe 
qu'on  a  tranfportée  ;  elle  Ce  pofe  fur  fes  jambes  ,  tour- 
nant le  derrière  au  nid ,  &  la  tête  à  la  moiuTe  qu'elle 
faifit  avec  fes  dents  ;  les  premières  jambes  cclaircifîent 
les  brins  ,  les  cardent ,  pour  ainfi  dire  ;  ce  qui  a  fait 
donner  aufîi  à  ces  niouches  le  nom  ^ahilUs  cardeufes. 
Ces  premières  jambes  font  paffer  la  mouiîe  fous  le 
ventre;  les  fécondes  la  reçoivent  &  la  donnent  aux 
jambes  de  la  troifieme  paire ,  qui  pouffent  le  petit  pa- 
quet de  mouffe  auffi  loin  qu'il  peut  aller.  En  répétant 
cette  manœuvre ,  la  mouche  forme  un  petk  tas ,  qui 
n'a  fait  qu'un  chemin  bien  court,  puifqu'il  n'a  guère 
été  plus  loin  que  la  longueur  du  corps  de  l'animal  ; 
cela  fait ,  l'abeille  cardeufe  ,  fi  elle  efl  feule ,  fe  remet 
devant  le  tas ,  &  elle  recommence  la  même  opération 
pour  porter  la  moufle  jufqu'au  nid.  Le  plus  ordinai- 
rement 5  elles  fe  mettent  plufieurs  à  la  file  ;  c'cfl  un 
charme  de  les  voir  difpofées  en  chaîne  ,  au  milieu 
d'une  traînée  de  moufTe  :  la  première  la  pouffe  à  la  fé- 
conde ;  la  féconde  à  la  troifieme,  &;  ainfi  de  fuite  , 
jufqu'à  ce  qu  elle  foit  apportée  au  nid,  oii  elles  arran- 
gent &  entrelacent  les  brins  avec  beaucoup  de  dextérité. 
Nous  avons  vu  le  nid  fait  à  la  hâte  par  la  mère 
toute  feule ,  couvert  fimplement  de  moufle  ;  un  toit 
femblable  ne  fufHroit  point  pour  garantir  le  nid  de  la 
pluie  :^  aufîi  les  abeilles  forment-elles  un  plafond  d'une 
efpece  de  cire  qui  unit  les  brins  de  moufTe,  &  les 
affujettit  contre  l'effort  du  vent  ;  &  ,  quoiqu'il  foit 
fimplement  d'une  épaiffeur  double  de  celle  d'une  feuille 
de  papier,  il  devient  impénétrable  à  l'eau.  Cet  enduit 
eft  d'une  matière  qui  a  l'odeiur  de  cire  :  c'efl  une  cire 

D4 


56  A     B    E 

brute  qui ,  quoique  plus  tenace  que  celle  des  abeilles 
ordinaires ,  n'a  pas  reçu  les  préparations  ncceilaires 
pour  la  rendre  une  véritable  cire  :  elle  eil  d'un  gris 
jaunâtre.  Si  on  fe  donnoit  la  peine  de  l'étudier ,  on 
pourroit  peut-être  en  tirer  quelque  avantage.  Mêlée 
avec  de  l'huile  de  térébenthine  ,  elle  fe  ramollit  6c 
devient  propre  à  prendre  des  empreintes  :  on  peut  la 
pctrir  avec  les  doigts  fans  qu'elle  s'y  attache. 

La  dernière  partie  de  l'édifice  eu  une  galerie  de 
nioufTe  qui  conduit  a  un  trou  placé  dans  le  bas  du  nid  , 
par  ou  elles  entrent  fans  être  vues. 

Malgré  le  peu  de  multiplication  de  nos  abeilles  bour- 
dons ,  elles  ont  des  ennemis  qui  en  font  une  terrible 
deflrudion  ,  les  mulots  ,  les  blaireaux  ,  &  les  fouines 
fur-tout.  Ces  bourdons  font  encore  expofés  à  la  rapa- 
cité d'un  gros  ver ,  qui  provient  d'une  mouche  du  genre 
des  frelons  ,  lequel  mange  &  la  pâtée ,  &  les  vers  & 
les  nymphes.  De  plus ,  elles  font  fujetes  à  de  petits 
poux  qui  les  fucent  ;  on  les  voit  quelquefois  par  cen- 
tanies  fur  le  corfelet  ou  fur  d'autres  parties  des  abeilles 
bourdons.  Ces  mêmes  poux  fe  trouvent  fur  les  gâteaux: 
deS'  nids.  On  rencontre  différentes  chenilles ,  qid  s'at- 
tachent à  la  cire  des  plafonds  &  les  mangent.  On  trouve 
encore  dans  ces  nids ,  ôc  en  grand  nombre ,  diit^irentes 
efpeccs.de  vers  qui  fe  transforment  en  de  petites  mou- 
ches ,  ôc  qui  vivent  aux  dépens  des  bourdons  Les  mères 
font  fu}etes  à  être  mangées  par  des  vers  qui  s'attachent  à 
leurs  œufs  ;  enfin  les  fourmis  font  très-friandes  de  leur 
miel.  La  Nature  a  pris  plaifir,  comme  on  aura  lieu 
d'obferver  plus  d'une  fois  ,  à  femer  les  êtres  dans  les 
êtres  :  ils  fc  détruifent  les  uns  les  autres ,  &  par-là  io. 
çonferve  un  équilibre  prefque  toujours  égal  entre  les 
êtres  crées. 

Alàlks  foUtaires. 
luobi'-" 

On  trouve  les  abeilles  "folitaires  réunies  dans  un 
mçaie  lieu  \  mais  elks  o'y  fout  point  une  véritable 


A    B    É  57 

fociété,  comme  les  deux  premières  efpeces  dont  nous 
avons  parlé. 

Les  diiTérentes  efpeces  di  abeilles  folitaîres  ^  dont  on 
va  faire  ici  l'hifloire ,  exécutent  diverfes  fortes  d'ou- 
vrages fort  indudrieiix ,  qui  tous  tendent  à  la  confer- 
vation  de  leur  poilérité. 

AhàlUs  perce,  -  bols» 

'  L'efpece  des  abeilles  perce-bols  n'efl  point  aufîî  com- 
mune que  les  précédentes.  ïl  n'y  a  cependant  guère 
de  jardins  oii  l'on  n'en  puifTe  voir  quelques-unes  dans 
dinérentes  faifons ,  mais  fur-tout  au  commencement  du 
printemps.  Elles  volent  le  long  des  murs  expofés  au 
fcleil  5  &  dans  les  heures  de  la  plus  grande  chaleur , 
fur-tout  s'ils  font  garnis  de  treillage.  Celle  qui  rôde 
ainfi  dans  un  jardin  au  printemps  ,  y  cherche  un  en- 
droit propre  à  y  faire  fon  établillement  :  c'eil  quelque 
pièce  de  bois  mort ,  d'une  qualité  convenable  ,  qu'elle 
entreprendra  de  percer;  comme  un  échalas,  une  pièce 
de  bois  qui  ftrt  de  foutien  aux  contre-efpaliers  y  un 
contre-vent ,  un  banc  de  bois  y  une  poutre  :  jamais 
cette  m.cuche  n'attaque  des  arbres  vivans ,  ni  du  bois 
vert  ;  la  Nature  lui  a  appris  à  connoître  les  bois  qu'elle 
pouvoit  percer  avec  le  plus  de  facilité. 

Le  corps  de  ces  efpeces  d'abeilles  efl  lifTe ,  Iiiifant 
&:  d'un  noir  bleuâtre;  elles  volent  avec  bruit;  leurs 
quatre  ailes  font  d'un  violet  foncé;  elles  ont  fur  les 
côtés ,  autour  du  derrière  &;  fur  le  corfelet ,  de  longs 
poils  noirs  ;  leur  trompe  efl: ,  pour  l'eilentiel ,  faite 
comme  celle  des  niouches  a  miel  ;  elles  font  arm.ées 
d'un  aiguillon  ;  &  ,  comim.e  dans  toutes  les  efpeces  d'a- 
beilles ,  le  mâle  Vitn  a  point  ^  mais  à  l'extérieur  il 
reffemble  beaucoup  à  la  Km.elle. 

La  demeure  de  cette  efpece  d'abeilles  n'efi  point 
difF-cile  à  reconnoitre  :  lorfqu'on.  rencontre  à  la  cam- 
pagne une  pièce  de  hois  fec  percée  clans  quelque  en- 


î8  A     B    E 

droit  d'un  trou  capable  de  laifTer  pafTer  le  doigt  Index  ^ 
&  au-deffous  de  ce  trou  de  la  fciure  de  bois ,  on 
eu  sûr  d'y  trouver  une  abeille  perce-bois ,  qui  travaille 
à  (on  Jpâtinient.  Il  lui  faut  de  la  force ,  du  courage  , 
de  la  patience  pour  fon  ouvrage  ;  le  trou  qu'elle  ouvre 
fe  dirige  vers  l'axe  du  bois  un  peu  obliquement ,  afin 
que  les  fciures  qu'elle  détache  puiiTent  couler.  Quand 
elle  a  creufé  fon  trou  à  quelques  lignes  de  profondeur, 
elle  lui  fait  prendre  une  autre  diredion  ;  elle  le  con- 
duit parallèlement  à  l'axe;  elle  perce  le  bois  en  flûte; 
&  fi  la  groileur  du  bois  y  peut  fuftire  ,  elle  perce  trois 
ou  quatre  de  c(^s  longs  trous  dans  l'intérieur.  Quel- 
quefois cepencknt  elle  dirige  le  trou  obliquement  d'un 
bout  du  morceau  de  bois  à  l'autre  ;  ces  trous  ont  fou- 
vent  plus  de  douze  à  quinze  pouces  de  longueur. 

Cette  abeille,  pour  faire  des  trous  fi  confidérables , 
n'a  d'autres  inflrumens  que  deux  dents ,  qui  font  d'une 
écaille  très-folide ,  courbées ,  &  qui  fe  terminent  en  une 
pointe  fine  &  t»rès-forte.  Cet  ouvrage  occupe  l'abeille 
pendant  des  femaines  &  même  des  mois  entiers.  C'efl 
pour  loger  les  vers  qui  doivent  fortir  des  œufs  que 
cette  perce- bois  doit  pondre  ,  qu'elle  ouvre  de  fi  longs 
trous.  Cette  galerie  n'ef!:  que  la  cage  d'un  bâtiment  oii 
fe  trouvent  pliifieurs  pièces  en  enfilade.  Chaque  pièce 
efl  proprement  un  alvéole  de  bois  defliné  à  contenir 
l'œuf  que  l'abeille  y  doit  pondre  f  car  il  faut  un  alvéole 
pour  chaque  ver  :  elle  divife  la  cage  en  dix  ou  douze 
chambres  ,  féparées  par  un  plancher. 

Elle  commence  par  rapporter,  dans  la  partie  infé- 
rieure qui  correfpond  au  trou  que  l'on  voit  au-dehors, 
de  la  pâtée  faite  de  cire  brute  &  de  miel ,  &  qui  a  la 
confiilance  d'une  terre  molle  ;  elle  y  dépofe  un  œuf 
qui  fe  trouve  ainfi  placé  au  milieu  de  la  nourriture 
qui  fera  néceffaire  au  ver  qui  en  doit  fortir  ;  elle  en 
met  la  jiifle  quantité  dont  il  a  befoin  pour  parvenir 
à  l'état  de  nyniphz.  L'abeille  ,  après  avoir  ainfi  pourvu 
le  petit   qui  doit  éclore ,  bouche   l'alvéole  avec  un 


A    B    E  59 

plancher  de  l'épaifleur  d'un  écii  :  ce  plancher  paroît 
formé  de  cercles  concentriques  ;.  on  diroit  qu'il  a  été 
fait  fur  le  tour.  Pour  le  conûruire  ,  elle  va  ramaiTer  la 
fciure  de  bois  qui  ell  au  bas  du  trou  :  elle  l'humede 
d'une  matière  vifqueufe ,  &c  en  forme  un  plancher  qui 
fert  de  couvercle  à  la  première  cellule  conilruite,  & 
de  fond  à  la  féconde  ;  ces  alvéoles  ont  près  d'un  pouce 
de  profondeur.  L'abeille  réitère  la  même  manœuvre  , 
&  remplit  ainfi  la  cage  de  dix  ou  douze  alvéoles. 
Outre  le  trou  inférieur  dont  nous  avons  parlé  &  qui 
fert  d'entrée ,  on  en  voit  un  fécond  dans  la  partie 
fupérieure,  &  quelquefois  un  troisième  dans  le  milieu, 
par  où  l'abeille  entre  &  fort ,  lorfqu'eîle  a  conflruit  le 
premier  alvéole  dans  la  partie  inférieure  ;  car  pour 
lors  le  trou  inférieur  fe  trouve  bouché ,  &  celui  du 
milieu  lui  abrège  bien  du  chemin. 

Chaque  ver  fe  trouve  ainfi  placé  dans  une  cellule 
remplie  de  pâtée  ;  à  mefure  qu'il  croît ,  fon  logement 
s'agrandit  aux  dépens  de  la  pâtée  ,  dont  le  volume  di- 
minue. Les  vers  y  fubifient  les  métamorphcfes  nécef- 
faires  pour  parvenir  à  l'état  d'abeilles.  Lorfque  la  mère 
abeille  a  travaillé  de  manière  à  mettre  fes  petits  en 
état  de  vivre ,  elle  abandonne  fon  nid  ;  &c  ainli  eue 
tous  les  autres  infedes ,  elle  furvit  peu  aux  foins  qu'elle 
a  pris  de  fa  poftérité. 

Voilà  nos  petits  vers ,  qui  feront  bientôt  de  jeunes 
abeilles ,  bien  clos ,  bien  enfermés ,  abandonnés  de  leur 
mère  ;  comment  fortiront-ils  de  cette  prifon  ?  Chaque 
abeille  percera-t-tlle  fa  prifon  par  le  côté  Itérai  ? 
Quel  ouvrage  pour  un  infeâ-e  naiffant  !  La  Nature 
nous  fait  voir  ici  une  induftrie  admirable.  Les  vers  oui 
font  dans  les  cellules  les  plus  baffes  ,  pondus  les  pre- 
miers ,  font  par  conféquent  plus  vieux  que  ceux  qui 
font  dans  les  cellules  fiipérieures ,  auffi  feront  -  ils  les 
premiers  à  fe  transformer  en  nym.phes  &c  en  mouches. 
Le  plus  vieux  ,  qui  par  conféquent  éclôt  le  premier , 
fe  trouve  le^  plus  près  de  la  porte  ^  il  n'a  qu'une  petite 


6o  A     B    E 

ouverture  à  déboucher  pour  fortir  par  ce  trou  obli- 
que, de  la  groffeur  du  doio;t ,  par  où  l'abeille  avoit 
commencé  fon  ouvrage.  L'abc-ille  qui  éclôt  la  féconde, 
n'a  c[iie  fon  plancher  à  percer ,  &  elle  fe  troirve  près 
de  la  porte  ouverte  ;  toutes  les  abeilles  fupérieure^ 
n'ont  chacune  que  leur  plancher  à  percer  ,  pour  traver- 
fer  des  cellules  vides  &  ouvertes  qui  les  conduifent  à 
la  porte.  La  Nature  fenible  avoir  voulu  les  mettre  hors 
d'état  de  fe  tromper  fur  cette  route  ;  car  ces  abeilles 
naiiTent  toutes  la  tête  en  bas  ;  en  forte  que  leurs  pre- 
mières tentatives  pour  ouvrir  leurs  prifons  ,  fe  font 
fur  le  feul  endroit  où  il  étoit  à  propos  de  le  faire. 

Il  y  a  auiTi  les  abeilles  charpenùeres  :  celles-ci  font 
im  t>-ou  dans  les  bois  pourris ,  y  entrent  à  reculons , 
dépofent  leurs  œufs  avec  du  miel ,  ferment  la  loge  où 
le  petit  ver  éclos  fubit  fa  méîamorphofe. 

V Ahdllz   muçonnc. 

L'amour  de  la  poilérité  efî:  une  paflion  fi  déterminée 
6c  fi  vive  chez  les  infedes ,  qu'excepté  le  foin  de  leiu* 
nourriture ,  tout  le  reile  de  leurs  allions  paroît  ne 
tendre  ou'à  l'entretien  ,  au'au  logement  &  à  la  confer- 
vation  de  leurs  petits  :  tout  ce  qu'il  y  a  déplus  lurprenant 
dans  leur  conduite ,  tous  leurs  travaux ,  tous  leurs  arts 
paroiffent  ne  partir  que  de  ce  principe,  dç.^  en  con- 
féquence ,  &:  feulement  pour  le  dépôt  de  fes  œufs  , 
que  Vahdlle  maçonne  bâtit  l'édince  qui  lui  a  fait  donner 
le  nom  de  maçonne. 

L'abeille  femelle  ,  q\îi  feule  ,  comme  on  l'cbferve 
dans  beaucou.p  d'autres  infedes  ,  travaille  à  la  conf- 
trudion  du  nid,  eft  de  la  groffeur  ^<  aufîi  longue  c^wq 
les  m.âles  des  mouches  à  miel  ;  elle  eft  noire  &  fort 
velue  ;  elle  eft  feulement  un  peu  jaunâtre  par-deffous; 
à  la  partie  poftérieure  elle  ed  armée  d'un  aiguillon. 
Les  infoumens  dort,  elle  fe  fert  pour  conftruire  fon 
nid,  font  fes  dents  ôc  i^s  pattes. -Ses  dents  font  deux 


A    B    E  6r 

mâchoires  qiii  jouent  en  lens  horizontal ,  dont  tes  fur^ 
faces  qui  fe  touchent  font  concaves  &C  bordées  de  poiîs , 
&  propres  par  confcqucnî  à  contenir  les  petites  mottes 
de  mortier ,  avec  lefquelles  elle  conÛruit  fon  bâîim.ent. 

Le  mâle  ne  diffère  de  V abeille  maçonne  que  par 
fa  couleur ,  qui  cil  fauve  &:  approchante  de  celle  de  la 
mouche  à  miel  ;  le  deïïïis  de  la  partie  poftërieure  eft 
chargé  de  poils  noirs ,  &  le  ventre  pareillement.  Ce 
mâle  n'a  point  d'aiguillon  :  il  t^i  à  peu  près  de  la  mèmet 
groffeur  que  fa  femelle  ;  ce  qui  n'efl  pas  ordinaire 
parmi  les  infeftes ,  où  les  femelles  font  ordinairement 
plus  grandes  &  plus  greffes.  Les  mâles ,  ainfi  que  parmi 
les  autres  infe£tes ,  font  pareiTeux  ;  auiîî-tôt  que  l'a- 
mour a  ufé  de  fes  droits ,  ils  laiiTent  leurs  femelles , 
&;  s'en  vont  courir  le  m.onde  ,  où  ils  mènent  une  vie 
libre  &  vagabonde  5  fans  fouci  de  leur  poflérité.  VabùlU 
maçonna ,  au  contraire ,  travaille  laborieufement  à  la 
conftrudion  du  nid. 

Lor (qu'elle  a  reconnu  fur  un  mur  un  endroit  propre 
au  bâtiment  qu'elle  veut  conflruire  (  c'eft  ordinaire- 
ment fur  les  murs  expofés  au  midi ,  6z  fur  les  angles 
de  ces  murs ,  qu'elle  travaille  plus  volontiers  ) ,  elle  va 
chercher  les  matériaux  néceifaires  pour  la  ccnftruclion  ; 
elle  choifit  du  fable  grain  à  grain ,  qu'elle  mêle  avec 
de  îa  terre ,  elle  la  détrempe  avec  une  liqueur  vif- 
queufe  qu'elle  dégorge  de  ff:>n  efiomac  ;  elle  en  forme 
des  cellules  dont  elle  polit  l'intérieur ,  pour  lequel  elle 
emploie  le  fable  le  plus  nn ,  oL  laiffe  le  dehors  grave- 
leux. Chaque  cellule  a  environ  un  pouce  de  hauteur , 
&  près  de  fix  lignes  de  diamètre.  Elle  travaille  avec 
tant  d'a£i:ivité  ,  qu'elle  parvient  à  peu  près  à  conilruire 
une  de  ces  cellules  dans  \\n  jour.  Lorfque  la  cellule  eft 
conflruite ,  elle  y  Gépofe  la  quantité  d'alimens  nécef- 
faires  pour  fournir  à  l'accroilTement  complet  du  ver 
qui  doit  fortir  de  l'œuf  qu'elle  efl:  prête  d'y  pondre  , 
&  le  mettre  en  état  de  fubir  toutes  (qs  métamorphofes. 
Cette  pâtée  QÏi  fiùîe  de  niid  ^cà^  pouffiere  d'étamines. 


'(%  A    B    E 

Cette  abeille  n'ayant  point  de  corbeilles,  comme  les 
autres  mouches  à  mkl ,  aux  pattes  poUérieures  ,  elle 
apporte  les  poufîieres  d'ëtamines  entre  fes  dents  ,  & 
dégorge  defïïis  le  miel  avec  lequel  fes  pouiTieres  doi- 
vent être  délayées  pour  compofer  la  pâtée. 

A  peine  la  première  cellule  eft  -  elle  conilruite  , 
qu'elle  jette  les  fondemcns  d'une  féconde ,  qu*elle  rem- 
plit &  finit  comme  la  première.  Elle  en  fait  fouvent 
îept  à  huit ,  plus  ou  moins ,  dans  fon  nid  ;  ces  cellules 
font  difpofées  fans  ordre ,  &  féparées  les  unes  des 
autres  par  un  maiïif  de  maçonnerie. 

Parmi  les  plus  petits  infeftes ,  comme  parmi  les 
hommes ,  on  veut  quelquefois  ufurper  le  bien  de  fcn 
voifm,  &  s'approprier  les  travaux  d'autrui.  M.  Duha- 
md  a  obfervé  plus  d'une  fois  qu.e  ,  pendant  que  l'abeille 
maçonne  étoit  allé  chercher  des  matériaux  pour  conti- 
nuer fa  cellule ,  une  autre  entroit  fans  façon  dans  cette 
cellule,  la  vifitoit ,  la  ragréoit,  &  ne  vouloit  point  la 
céder  à  la  propriétaire  ,  ce  qui  produifoit  des  difputes 
&  cccafionnoit  un  grand  combat.  Cefl  dans  l'air  que 
fe  donnent  les  plus  rudes  chocs;  elles  ne  fe  faifiilent 
point  corps  à  corps ,  comme  font  les  abeilles ,  mais 
elles  fe  heurtent  quelquefois  tête  centre  tête  :  on  a  vu 
de  ces  combats  durer  une  demi-heure.  YlahùlU  ma- 
çonne s'empare  quelquefois  fans  injuflice  des  cellules 
déjà  comimencées ,  fi  par  quelque  accident  celle  qui  la 
conftruifoit  eft  morte  ;  ou  bien  elle  ragrée  d'anciens 
nids;  mais  ces  vieux  nids  ne  l'empêchent  point  d'en 
bâtir  de  nouveaux ,  {oit  parce  que  les  \ieux  ne  fervent 
que  deux  ou  trois  fois,  foit  parce  qu'il  y  a  plus  de  fe- 
melles une  année  qu'une  autre. 

Lorfque  l'abeille  a  conflruit  les  cellules ,  elle  recouvre 
le  tout  à\\n  enduit  épais  de  mortier  ;  &  l'extérieur  du 
nid  refTcmble  à  une  bofTe  pierreufe  qui  a  la  forme 
d'un  demi- œuf.  Tout  ce  travail  dure  environ  quinze 
jours  fans  relâche.  La  mouche  ayant  mis  fa  poflcrité 
en  fureté ,  a  fait  tout  ce  qu'elle  avcit  à  faire  ;  elle  fe 


A    B    E  gf 

retire  Se  abandonne  ce  nid  qui  n'a  plus  tefoîn  de  fes 
foins.  Parmi  les  infedes  qui  ne  vivent  qu'un  an  ,  comme 
notre  mouche,  èc  qui  ne  donnent  qu'une  génération 
dans  toute  leur  vie,  les  femelles  n'ont  plus  befoin  du 
fecours  de  leur  mâle ,  lorfqu'elles  ont  été  mifes  une 
fois  en  état  de  perpétuer  leur  efpece  :  cela  fait  ^  le 
defîein  de  la  Nature  eu  accompli;  &  leur  vie  étant 
déformais  inutile  ,  elles  meurent  bientôt  après. 

C'eft  vers  le  1 5  ou  20  d'Avril  que  ces  abeilles  com- 
mencent à  conftniire  leurs  nids  ;  ils  font  habités  pen- 
dant dix  à  onze  mois  confécutifs  par  les  vers ,  enfuite 
par  les  nymphes ,  dans  lefquelles  ils  font  transformés. 
Ces  nids  ,  quoique  peu  coriimuns,  ne  font  pas  non  plus 
fort  rares  pour  des  yeux  attentifs  &:  obfervateurs.  On 
en  trouve  fin*  les  faces  des  grands  bâtimens  qui  font 
expofés  au  midi,  fur  celles  des  châteaux  ifolés,  aux 
fenêtres  des  églifes  de  campagne  ,  &  aux  angles  des 
murs  ;  ils  ne  font  jamais  appliqués  fur  un  crépi ,  tow 
j.ours  fur  la  pierre, 

L'efpece  des  abàlUs  maçonnes  efl:  répandue  dans  di- 
verfes  Provinces  du  Royaume  :  elles  bâtiffent  toutes 
fur  le  même  principe  ;  mais  elles  fe  fervent  des  divers 
matériaux  que  le  pays  fournit  :  auiii  les  nids  varient- 
ils  en  couleur ,  fuivant  les  pays  ;  l'ouvrage  viQn  efl 
pas  moins .  pénible.  Aux  environs  de  Paris ,  ils  font 
d'un  blanc  qui  approche  de  celui  de  la  pierre  de  taille  ; 
en  Touraine  ,  de  couleur  grife  ;  ailleurs  blancs.  Le 
mortier  dont  ces  nids  font  compofés  fe  durcit  au  point , 
qu'il  furpafîe  en  dureté  nos  enduits ,  foit  de  plâtre  , 
foit  de  mortier.  La  Nature  nous  fait  voir  ,  fuivant  la 
remarque  de  M.  de  Rèamnur ,  qu'il  peut  exifter  un  ex- 
cellent mortier ,  fait  de  grains  de  fable  unis  avec  une 
matière  vifqueufe  :  celui  qui  trouveroit  ce  fecret  ren- 
droit  un  grand  fervice  à  la  poflérité.  Si  une  fois  on 
étoit  parvenu  à  faire  \\n  mortier  liquide ,  lequel ,  en  fe 
féchant ,  pût  acquérir  en  peu  de  temps  la  dureté  des 
pierres  &  du  marbre ,  il  n'y  auroit  plus  qu'à  le  verfer 


i54  A     B     E 

dans  des  moiilcs  j  on  en  rireroit  des  pierres  toutes  tâll" 
lées  &c  toutes  façonnées.  Des  gens  peu  inflruirs  dans 
les  arts ,  en  voyant  des  pierres  d'une  grandeur  énorme 
employées  claiiS  des  lieux  où  on  ne  pou  voit  imaginer 
que  rindufîrie  hu.maine  eût  pu  les  tranfporter  de  fi 
îoin ,  ont  cru  que  les  Anciens  avoient  eu  le  lecret  de 
fondre  les  pierres.  Idée  abfurde  :  la  pierre  ne  peut  être 
fondue  fans  fe  vitrifier  du  moins  en  partie.  Si  on  leur 
eût  fuppofé  l'art  de  mouler  un  mortier  liquide  qui 
en  féchant  eût  pu  acquérir  la  dureté  de  la  pierre  6c 
■du  granit,  l'on  n'auroit  fuppofé  rien  d'irnpolîible. 

Revenons  à  nos  jeunes  mouches  enferm.ées  dans  une 
prifon  dont  les  murs  font  très  -  épais  &  .  très-folides. 
Les  feuls  inilrumens  dont  les  abeilles  fe  fervent  pour 
en  fortir ,  ce  font  leurs  dents  ;  à  la  fuite  d'eiîbrts  réitérés  , 
elles  font  un  trou  dans  ce  mur  ,  contre  lequel  s'émouf- 
feroient  nos  couteaux  :  c'efl  par  où  elles  fortent. 

Les  vers  des  abeilles  maçonnes  ,  quoique  fi  bien 
clos  &  fi  couverts ,  fe  trouvent  fouvent  dévorés  par 
d'autres  vers.  H  y  a  un  genre  de  mouches ,  que  l'on 
nomme  Ichmumoncs  ^  dent  il  y  a  beaucoup  d'efoeces 
différentes,  ainfi  que  nous  le  dirons  au  m.ot  Mouche 
ICHNEUMONE.  Cette  mouche  ,  qui  efl:  carnaciere ,  efl 
à  Taffùt  de  l'inilant  où  la  mouche  maçonne  quitte  fon 
Tiid  5  foit  pour  livrer  combat ,  foit  pour  aller  à  la  quête 
de  nouveaux  matériaux  ;  elle  s'introduit  furtivement 
dans  la  cellule ,  dépofe  un  œuf,  d'où  fort  un  ver  qui 
dévore  l'enfant  de  la  maifon.  Ce  ver  efl  pourvu  de 
dents  propres  A  brifer  les  pierres ,  &:  à  percer  le  mur 
de  fa  prifon  :  on  trouve  dans  une  cellule  quelquefois 
plus  de  trente  de  ces  vers  ;  d'autres  fois  dix  ou  douze. 

L'ennemi  le  plus  terrible  pour  les  vers  des  abeilles 
maçonnes ,  efl  un  ver  dépcfé  furtivement  auili  dans 
rintérieur  du  nid  par  un  fcarabée.  Ce  ver,  qui  a  à^s 
dents  très-fortes,  au  moyen  defquelles  il  perce  plu- 
fieucrs  cellules  ,  &:  dévore  icute  la  ivimille ,  efl  ^'wn  beau 
louge,  d'une  nuance  plus  forte  que  le  couleur  de  rof:: 


A     B     E  (?y 

il  eft  ras;  fa  tête  eft  noire;  il  a  fix  jambes  écailleiifes. 
Ceft  clans  la  cellule  où  il  a  fini  fes  ravages,  qu'il  ie 
prépare  à  fa  transformation;  il  y  fait  un  retranchement 
au  moyen  d'une  toile  bien  tendue,  qui  a  Tcpailleur  6c 
la  confiilance  d'un  parchemin ,  &  dont  la  couleur  eft 
brune ,  plus  claire  que  le  café,  il  tapiffe  de  foie  de 
même  couleur  les  murs  du  logement  auquel  il  s'eft 
reftreint.  Puis  après  un  long  temps  (  car  on  en  a  vu 
pouffer  ce  terme  jufqu'à  trois  ans  ) ,  on  voit  fortir  de 
la  nymphe  un  très-joli  fcarahét ,  grand  &  long  comme 
une  mouche  cantharide.  Ce  fcarahéc  a  la  tête  &  le  cor- 
felet  d'un  très-beau  bleu;  les  fourreaux  ou  étuis  des 
ailes  font  rouges  ,  &  traverfés  par  trois  bandes  d'un 
violet  foncé.  Le  deffous  de  la  tête  ,  celui  du  corfelet 
&  celui  du  corps  font  entièrement  veUis  ;  ce  n'eft  qu'au 
travers  de  longs  poils  blanchâtres ,  qu'on  apperçoit  que 
le  ventre  eft  d'un  beau  bleu.  Quoique  ce  ver  n'ait 
paru  qu'au  bout  de  trois  ans  fous  la  forme  de  fcara- 
bée ,  il  y  a  un  moyen  de  le  faire  paroîrre  plutôt 
fous  cette  forme  ,  en  lui  procurant  une  chaleur  fuffi- 
fante.  Ce  fcarabée  eft  une  efpece  de  clairon.  Voyez 
ce  mot. 

Autres  efpeces  cTAheilUs  maçonnes^ 

II  y  a  une  efpece  d'abeille  maçonne  qui  profite  des 
trous  qu'elle  trouve  tout  faits  dans  le  bois,  tels  que 
ceux  qui  fe  rencontrent  quelquefois  dans  des  portes 
ou  poteaux.  Elle  n'a  point  été  pourvue  par  la  Nature 
d'inftrumens  propres  à  en  faire  :  elle  enduit  l'intérieur 
du  trou  d'une  terre  fine,  le  remplit  de  pâtée,  y  dé- 
pofe  un  oeuf,  &  le  bouche  de  la  même  matière.  Cette 
abeille  maçonne  reftemble  aiffez  à  la  mouche  à  miel , 
excepté  que  le  deifus  du  corps  a  moins  de  poils,  & 
qu'il  eft  rougeâtre  &  luifant. 

Une  autre  efpece  choifit  les  trous  des  pierres  pour  en 
faire  des  alvéoles.  Cette  abeille  eft  plus  c^3iirte ,  plus 
Tome  /,  ,:  E 


C6  A    B    E 

grofle ,  plus  velue  qu'une  mouche  à  miel  ouvrière  ; 
elle  eft  lur-tout  reconnoi {Table  par  clés  poils  de  deux 
couleurs  :  ceux  du  corps  tirent  fur  Forangé  ;  ceux  du 
corfelet  font  noirs  :  fes  dents  reiTemblent  aux  lames  des 
cifeaux  de  Tondeurs,  à  cela  près  qu'elles  font  den- 
telées. Elle  a  des  antennes  qui  différent  des  antennes 
ordinaires ,  en  ce  qu'elles  font  très-courtes ,  &  ne  font 
pas  flexibles.  Cette  abeille,  après  avoir  choifi  les  trous 
Gu'elle  trouve  dans  les  pierres ,  les  enduit  d'une  terre 
fine  bien  humeftée ,  les  rétrécit  s'ils  font  trop  larges , 
y  met  la  provifion  néceffaire  pour  nourrir  le  ver  qui 
doit  éclore  de  l'œuf  qu'elle  y  pond ,  &  elle  bouche 
l'alvéole. 

Il  y  a  encore  des  abeilles  qui  font  des  nids  de  fimple 
mortier  de  terre  :  ces  nids  font  attachés  fur  les  miurs  , 
comme  ceux  des  abeilles  maçonnes  ;  ils  ont  peu  de  fo- 
lidité  ,  aufîi  n'ont-ils  befoin  que  de  durer  trois  femai- 
nes  ^  à  compter  du  moment  de  la  conftru(^ion  jufqu'au 
jour  où  la  nymphe  en  fort  en  mouche.  D'autres  font 
leur  nid  dans  les  mortiers  des  murs  de  clôture  :  il  n'y 
a  rien  de  brillant  ni  de  fmgulier  dans  leurs  manœuvres, 

'AhdlUs  mlneiifes ,    ou    AhdlUs  qui  creufmt  la  terre» 

Les  abeilles  de  cette  efpece  ne  favent  que  creufer  la 
terre,  &:  y  faire  des  trous  cylindriques  de  la  groffeur  de 
leur  corps ,  fouvent  profonds  de  cinq  à  fix  pouces ,  quel- 
quefois d'un  pied.  Ce  qu'elles  offrent  de  plus  remar- 
quable, eft  la  patience  avec  laquelle  elles  enlèvent  la 
terre  prefque  grain  à  grain  ,  pour  creufer  leur  trou. 
Elles  apportent  la  terre  fur  les  bords ,  &  en  forment 
un  petit  monticule  ;  le  terrain  le  plus  battu  eft  celui 
que  quelques-unes  préfèrent.  On  voit  quelquefois  des 
allées  de  jardin  criblées  de  trous  ,  qu'elles  y  ont  creufés 
prefque  perpendiculairement.  D'autres  efpeces  creufent 
horizontalement.  Chaque  efpece  choifit  la  terre  ou  le 
fable  qui'-liû  convient.  Les  terres  ou  fables  coupé* 


A    B     E  (?7 

prefqu^à  pic ,  qui  s'élèvent  au  -  defTus  des  chemins  , 
offrent  fouvent  des  milliers  de  ces  trous.  L'abeille  dé- 
pofe ,  dans  le  fond  du  trou  ,  de  la  pâtée ,  y  pond  un 
œuf,  Si  fait  rentrer  dans  le  trou  la  plus  grande  partie 
de  ia  terre  qu*elle  en  avoit  ôtée  ;  par  cette  induilrie , 
elle  empêche  les  fourmis  d'aller  piller  la  pâtée. 

Parmi  ces  mouches  qui  creufent  la  terre ,  il  y  en  a 
de  plus  petites  que  les  mouches  d'appartement.  On 
rencontre  quelquefois  de  celles-là  fur  diverfes  fleurs  , 
où  elles  fe  faupoudrent  de  pouffiere  d'étamines.  D'au- 
tres efpeces  de  ces  abeilles  égalent  ou  furpaffent  en 
grandeur  les  mouches  à  miel  ouvrières. 

Toutes  CQs  abeilles  différent  par  la  forme  du  corps 
&  la  couleur.  Celles  qui  fouillent  dans  les  jardins 
ont  la  couleur  de  mouches  à  miel  :  celles  qui  creufent 
dans  les  fables  gras ,  font  noires  &c  ont  les  ailes  d'un 
violet  foncé.  Celles  qui  fouillent  dans  la  terre  ordi- 
naire ,  font  noires  &:  ont  une  file  de  houppes  blanches 
fur  les  côtés  ;  au  lieu  de  faire  un  monticule  à  l'en- 
trée du  trou,  elles  étalent  la  terre. 

Abeilles    couveufcs    de  feuilles» 

Ces  efpeces  d'abeilles  creufent  la  terre  c©mme  les 
précédentes ,  &  conllruifent  dans  ces  trous  des  nids 
pour  leurs  petits.  Elles  les  font  avec  è.^s  morceaux  de 
feuilles  de  figure  arrondie  &  un  peu  ovale ,  courbés 
&  ajuilés  les  uns  fur  les  autres  avec  tant  d'art ,  qu'il 
eft  peu  d'ouvrages  aufîi  propres  à  nous  donner  une 
idée  de  l'adreffe  qui  a  été  accordée  aux  infedles.  Ces 
abeilles  coupeufes  de  feuilles  cachent  fous  terre  ,  tantôt 
dans  un  champ ,  tantôt  dans  un  jardin ,  leurs  nids  qui 
font  des  tuyaux  cylindriques ,  de  la  lon£;ueur  des  étuis 
à  cure  -  dents  ,  &  quelquefois  de  la  même  groffeur  : 
ces  étuis  font  compofés  de  petits  gobelets  ench  âfTés  les 
uns  dans  les  autres ,  &:  difpofés  comme  des  dés  à  cou- 
dre mis  les  uns  dans  les  autres, 

E  t 


68  A    B    E 

On  voit  de  ces  rouleaux ,  de  différentes  groffeurs; 
ce  qu4  vient  de  ce  qu'ils  font  l'ouvrage  de  plufieurs 
efpeces  d'abeilles  qui  différent  en  groff^ur. 

Les  abeilles  qui  coupent  les  feuilles  de  rofier^font 
plus  petites  que  les  mouches  à  miel  ouvrières  ;  ces 
coupeufes  n'ont  point  affez  de  poils  fur  le  deffus  des 
anneaux  du  corps  pour  en  cacher  le  luifant  ;  le  deffus 
des  anneaux  eft  d'un  brun  prefque  noir  ;  chaque  cgté 
du  corps  a  un  bordé  de  poils  prefque  blancs,  formé 
par  une  fuite  de  touffes,  dont  chacune  part  de  chaque 
anneau. 

La  coupeufe  des  marroniers  (  car  chaque  efpece 
d'abeilles  choifit  une  feuille  particulière)  eft  plus  grande 
que  les  mâles  des  mouches  à  miel  ;  le  deffus  du  corps 
cft  roux ,  &  le  deffous  du  ventre  eff  d'un  gris  blanc. 

Les  dents  font  l'inffrument  dont  ces  efpeces  d'abeilles 
fe  fervent  pour  couper  les  feuilles.  Elles  les  coupent 
avec  plus  de  promptitude,  que  nous  ne  le  ferions  avec 
des  cifeaux.  Trois  fortes  de  pièces  entrent  dans  la  com- 
pofition  d'un  étui  ;  les  unes  font  demi-ovales  ;  d'autres 
ovales;  d'autres  rondes. 

Il  n'y  a  perfonne  qui  n'ait  remarqué  des  feuilles  de 
rofier ,  oii  l'on  voit  des  pièces  emportées  avec  la  netteté 
d'un  emporte-pièce  :  c'eff-là  que  nos  abeilles  coupeufes 
ont  pris  leurs  matériaux.  Le  hafard  peut  quelquefois 
préfenter  à  l'Obfervateur  attentif  ime  de  ces  mouches 
occupée  à  couper  une  feuille  :  c'eft-là  qu'il  admireroit 
avec  quelle  juffeffe  ,  fans  compas ,  elle  coupe  une  pièce 
circulaire  ,  qui  efl  de  grandeur  jufte  à  fe  rapporter  à 
l'étui  qu'elle  conffruit ,  propre  à  boucher  exadement 
chaque  alvéole,  dans  lequel  elle  dépofe  un  œuf  avec 
fa  provifion  ,  qui  eft  de  couleur  rougeâtre.  H  y  a  quel- 
ques années  qu'un  Payfan  labourant  fa  terre ,  rencontra , 
a  chaque  coup  de  bêche ,  de  ces  nids  en  forme  de 
rouleaux.  Le  Villageois  faifi  de  frayeur ,  n'ofe  y  tou- 
cher ,  il  va  chercher  un  de  fes  compagnons ,  forme  un 
confeil  oii  le  Curé  préfide.  On  raifcnne ,  au  moins  on 


A    B    E  ,  /9 

ffarle  beaucoup  ;  on  conclut  que  c'eft  un  fort  jeté  fur 
la  terre  ;  peu  s'en  faut  que  le  bon  Pafteur  n'en  vienne 
à  l'exorcifme.  Le  Laboureur  ,  pâle ,  inquiet ,  tremblant., 
accourt  à  Paris.  On  le  queftionne  ,  on  l'envoie  à  M. 
l'Abbé  NolUt,  Ce  Phyficien  calme  fes  alarmes  ,  en  lui 
montrant  de  pareils  nids  ou  rouleaux  qui  fervoient  de 
logement  à  des  vers  pleins  de  vie.  A  cette  vue ,  Ife 
Villageois  refle  furpris,  ébahi  ,  rougit  &  rit  enfuite 
groffierement  de  fa  fotte  crédulité ,  fe  promettant  bien 
de  ne  plus  confulter ,  en  pareille  matière ,  fon  bon- 
homme de  Curé. 

Le  nid  de  l'abeille  coupeufe  de  feuilles  eft  donc 
tout  compofé  d'alvéoles  placés  ainfi  au-defTus  les  uns 
des  autres.  Lorfque  les  vers  ont  pris  tout  leur  accroif- 
fement ,  ils  fe  filent  une  coque  de  foie  épaiffe  &  folide, 
qui  tapiffe  les  parois  de  la  cellule.  La  foie  de  l'extérieiu- 
de  la  coque  ^Ç\  de  couleur  du  café  ;  &  les  parois  inté- 
rieures font  faites  d'une  foie  très  -  fine  &  blanchâtre  , 
unie  &  luifante  comme  le  fatin  :  c'eft-là  qu'ils  fubif- 
fent  leur  métamcrphofe  ,  &  paflent  l'hiver  fous  terre 
à  cinq  ou  fix  pouces  de  profondeur ,  ou  fous  la  forme 
de  nymphe  ou  de  mouche ,  bien  enveloppés  d'une 
coque  de  foie.  La  même  mouche  ichneumone ,  qui  va 
dépofer  its  œufs  dans  le  nid  de  l'abeille  maçonne  ^ 
vient  les  dépofer  de  même  dans  les  nids  de  ces  abeilles. 

Abeilles  qui  font  des  nids  de  membranes  foyenfes. 

Cette  efpece  d'abeilîe  fait  fon  nid  dans  le  mortier 
qui  unit  les  pierres  des  murailles  ;  mais  elle  en  tapiffe 
l'intérieur  de  membranes  foyeufes. 

Cette  abeille  place  toujours  fon  nid  dans  un  mur 
expofé  en  plein  nord  :  elle  eft  la  feule ,  avec  une  autre 
forte  de  m.ouche ,  qui  choifiiTe  cette  expofition.  Tous 
les  animaux  en  général ,  &  fur-tout  les.  infeôes  volans , 
qui  ne  couvrent  point  leurs  œufs  ^  choifiiTent ,  pour 
placer  leur  nid^  des  endroits  expofés  aux  rayons  du 

E3 


70  A    B    E 

foleil  ;  mais  11  n'efl  point  dans  la  Nature  de  lois  fi  géné- 
rales ,  qti'elles  n'aient  quelques  exceptions. 

Les  nids  de  ces  abeilles ,  comme  ceux  des  coupeufes^ 
font  des  efpeces  de  cylindres  ,  faits  de  plufieurs  cellules 
mifes  bout  à  bout,  dont  chacune  a  la  figure  d'un  dé 
à  coudre.  Le  terrain ,  dans  lequel  Tabeille  a  creufé , 
décide  du  plus  ou  moins  de  cellules.  Ces  cellules  ont 
environ  cinq  lignes  de  profondeur ,  &  deux  lignes  de 
diamètre  :  la  matière  dont  elles  font  formées ,  efl  une 
'membrane  foyeufe. 

Les  vers  à  foie ,  &  plufieurs  autres  infeâes ,  font 
pourvus  de  filières ,  avec  lefquelles  ils  forment  leur  tifiii. 
Cette  abeille  porte ,  comme  eux  ,  dans  fon  ellomac 
une  matière  foyeufe;  mais  n'étant  point  pourvue  de 
filière ,  elle  la  dégorge  comme  une  écume ,  aufii  fine 
que  celle  des  bouteilles  de  favon,  &  en  forme  une 
efpece  de  membrane  qui  tapififc-  la  cellule.  Ces  mem- 
branes multipliées  lui  donnent  la  folidité  nécefi'aire  : 
elle  dépoie  dans  cette  cellule  de  la  pâtée ,  y  pond  un 
ceuf ,  la  bouche  ,  6c  réitère  cette  manœuvre  pour  toutes 
les  cellules. 

Ces  abeilles  éclofent  vers  la  fin  de  Juillet  :  elles  font 
plus  petites  que  les  mouches  à  miel  ouvrières  ;  elles 
ont  5  comme  elles ,  fiir  le  corfelet ,  des  poils  roux  , 
les  anneaux  du  corps  bruns ,  mais  bordés  de  poils  roux. 
Leur  trompe  diffère  notablement  de  celle  des  mouches 
Si  miel  ;  loin  de  fe  terminer  par  une  partie  déliée ,  comme 
celle  des  abeilles  ouvrières ,  à  quelque  difîance  du  bout 
elle  s'évafe ,  &  finit  par  ime  partie  plus  large  que  le 
refle.  La  flru£^ure  du  bout  de  cette  trompe  fait  voir 
qu'elle  efl  propre  à  exécuter  bien  des  mouvemens,  & 
fa  figure  apprend  que  lorfqu'elle  fe  pHe  en  gouttière  , 
elle  peut  retenir  une  matière  vifqueufe. 

La  femelle  ,  dans  toutes  ces  efpeces  d'abeilles ,  a  uft 
aiguillon ,  ôc  le  mâle  n'en  a  point. 


A    B    E  71 

Abeilles    taplffiercs» 

En  fe  promenant  au  milieu  d'une  moifTon  de  blé  ^ 
on  peut  oblerver  quelquefois  à  fes  pieds ,  dans  les  fen- 
tiers  ,  de  petits  trous  décorés  dans  leur  circuit  d  un 
beau  ruban  couleur  de  feu  :  ce  font  les  nids  des  abeilles 
tapijjleres.  Ces  abeilles  font  les  feules  à  qui  ce  nom  foit 
proprement  dû  :  elles  feules  tapiffent  à  notre  manière. 

L'abeille  tapifîiere  eft  d'une  fort  petite  efpece  :  elle 
eft  plus  velue  que  les  mouches  à  miel  ordinaires  :  elle 
a  le  corps  proportionnellement  plus  court  ;  mais  fa  cou- 
leur approche  fort  de  la  leur. 

Le  premier  travail  d'une  abeille  tapifïïere  qui  veut 
faire  un  nid ,  eil  de  creufer  d'abord  dans  la  terre  un 
trou  perpendiculaire.  Elle  lui  donne  trois  pouces  de 
profondeur ,  &;  un  diamètre  égal  depuis  l'entrée  du 
trou  jufqu'à  fept  ou  huit  lignes  de  profondeur  ;  & 
elle  l'évafe  enfuite  comme  nos  cafetières.  Après  que 
€e  trou  eft  creufé ,  il  «ft  queition  de  revêtir  fes  parois 
pour  foutenir  les  terres  &  contenir  la  pâtée.  L'abeille 
le  tranfporte  fur  une  fleur  de  coquelicot ,  oii  elle  taille 
avec  adreffe  dans  un  des  pétales  une  pièce  qui  a  la 
figure  d'une  m^oitié  d'ovale.  La  tapifîiere  entre  dans 
fon  trou  avec  la  pièce  qu'elle  a  enlevée  :  elle  la  tient 
pliée  en  deux  entre  fes  pattes  ;  mais  malgré  cela  la 
pièce  ne  peut  pas  manquer  de  fe  chiffonner  en  entrant 
dans  une  cavité  fi  étroite  :  la  mouche  ne  l'a  pas  plutôt 
conduite  à  la  profondeur  011  elle  la  veut  ,  qu'elle  la 
déplie  &  retend  le  plus  uniment  pofTible.  Elle  applique 
fur  le  fond  &  fur  les  côtés  plufieurs  feuilles  qu'elle 
unit  avec  art.  Les  dernières  pièces  qui  terminent  l'en- 
trée du  trou ,  débordent  toujours  de  quelques  lignes  : 
c'efl  ce  qui  forme  ce  petit  ruban  couleur  de  feu ,  capa- 
ble de  fixer  l'oeil  d'un  Obfervaîeur  de  la  Nature. 

Quand  l'intérieur  du  trou  a  été  fufHfamment  tapifTé  ^ 
l'abeille  accumule ,  dans  la  oartie  du  fond  qui  efl  évafée,  la 

E4 


72    _         ^  A     B     E 

quantité  de  pâtée  nécefTaire  pour  fournir  à  l'accroifle* 
ment  du  ver  qui  doit  tclore  de  l'œuf  qu'elle  y  depofe. 
Cette  pâtée  eft  faite  de  poufTiere  d'aamines  ,  6c  de 
miel  recueilli  dans  le  nzcîarhnn  des  fleurs.  L'œuf  eft 
dcpoie  au  milieu  de  la  pâtée.  Elle  n'a  garde  de  la' (Ter 
à  l'abandon  &  au  pillage  un  travail  qiri  lui  eft  fi  cher 
&  qui  lui  a  tant  coûté.  Pour  en  prévenir  la  perte,  elle 
dérend  toute  la  tapifTizrie  qui  fe  trouve  depu.s  le  bord 
du  trou  ,  y  compris  même  ce  petit  cercle  qui  débordoit 
iiir  la  terre  juiqu'èt  ^a  parce;  &  à  meiure  qu'elle  la 
détend,  elle  la  pnufl'e  vers  le  fond,  &  en  recouvre  la 
furface.  Lorlque  la  tapiiTcrie  eft  dépendue,  le  trousflui 
avoit  trois  pouces  de  profondeur,  efl  réduit  à  n'avoir 
plus  au'un  pouce  ;  c'efl  la  hauteur  du  fac  qui  ren- 
ferme la  pâtée  Ôc  l'œuf  La  mouche  remplit  enfuite 
de  terre  les  deux  pouces  de  vide  qui  reiîe  depuis 
le  defîiis  du  fac  jufqu'à  l'entrée  du  trou  ;  en  forte  que 
quand  l'ouvrage  cil  achevé ,  on  ne  fauroit  plus  recon- 
noître  l'endroit  oii  la  terre  a  été  percée. 

L'abeille  ne  met  guère  que  deux  ou  trois  jours  à 
la  conftru^ion  de  ce  nid  ,  qui  doit  paroître  un  travail 
étonnant  pour  une  fi  petite  mouche.  M.  de  Riaumur 
efl  j)orté  à  croire  qu'elle  fait  plufieurs  de  ces  alvéoles  y 
&  autant  que  d'œufs. 

La  Nature  ,  aui  a  difpofé  la  transformation  des 
infefles  fur  le  temps  oii  doivent  paroître  les  alimens 
qu'elle  leur  a  deftinés ,  a  ufé  d'une  double  prévoyance 
à  l'égard  de  notre  abàlU  tapïjfurt  .-  elle  ne  lui  fait 
quitter  fon  état  de  nymphe  pour  être  abeille,  que 
lorfque  la  fleur  de  coquelicot  cuitte  le  bouton,  afin 
que  la  tapifîiere  trouve  dans  le  même  moment  &  vi- 
vres &  meubles. 

Ahdlks  étrangères. 

On  trouve  quelquefois  en  Mofcovie  &  aux  Indes,' 
dans  les  troncs  des  vieux  arbres,  une  cire  noire,  for- 


A    B    E  7? 

feée  en  morceaux  ronds  ou  ovales,  de  la  groffeur 
d'une  mufcade  :  elle  efl  faite  par  de  petites  abeilles, 
qui  conilruifent  leurs  gâteaux  d^ns  le  creux  de  ces 
troncs ,  &C  qui  y  portent  un  miel  de  couleur  citrine  , 
&  d'un  goût  agréable  Cette  cire  étant  échauffée  a 
ime  odeur  de  Baume  ;  elle  efl  très-rare  en  France. 

Les  abeilles  de  la  Guadeloupe  6c  de  tout  le  Con- 
tinent des  Illes  de  l'Amérique  ,  font  de  moitié  plus 
petites  que  celles  d'Europe  :  elles  font  phis  noires  &c 
plus  rondes.  Il  ne  paroît  pas  qu'elles  aient  d'aiguillon, 
ou  fi  elles  en  ont ,  il  faut  qu'il  (ok  fi  foible  qu'il  n'ait 
pas  la  force  de  percer  la  peau.  Elles  font  errantes  & 
vagabondes  dans  les  bois  ;  elles  fe  retirent  dans  des 
arbres  creux ,  pour  conftruire  leurs  ruches  :  fi  l'efpace 
eft  trop  grand,  elles  font  une  efpece  de  dôme  de  cire 
qui  a  la  figure  d'une  poire,  dans  le  dedans  duquel  elles 
fe  logent  ^  font  leur  miel  &  leurs  petits.  Leur  cire 
efl  d'un  violet  foncé ,  douce  au  toucher  &:  s'étendant 
facilement  entre  les  doigts.  On  n'a  pu  parvenir  à  lui 
faire  changer  de  couleur,  ni  à  en  pouvoir  faire  des 
bougies  folides,  car  elle  eft  toujours  trop  molle  \  on 
ne  s'en  fert  dans  le  pays  qu'à  faire  des  bouchons  de 
bouteilles,  &  pour  tirer  fort  exadement  les  empreintes 
des  pierres  gravées  en  creux.  Les  Moines  de  la  Nou- 
velle Efpagne  &  de  la  côte  de  Carac ,  s'en  fervent  pour 
faire  des  cierges  qui  donnent  une  lumière  fort  trifte. 
Les  Caraïbes  en  compofent  une  efpece  de  maftic  qu'ils 
appellent  many ,  fervant  à  différens  ufages,  comme  à 
recueillir  le  baume  de  Tolu ,  &:c.  Ces  abeilles  ne  font 
point  de  rayons  :  elles  renferment  leur  miel  dans  de 
petites  vefîies  de  cire ,  de  la  figure  &  de  la  groffeur 
des  œufs  de  pigeon,  mais  plus  pointues,  à  peu-près 
comme  des  vefîies  de  carpe.  Quoiqu'on  puifTe  aifément 
les  féparcr  les  unes  des  autres ,  il  ne  paroît  cependant 
aucun  vide  entre  elles.  'La  plus  grande  partie  de  ces 
vefîies  efl  remplie  de  miel  :  on  trouve  dans  quelques 
autres  une  certaine  matière  jaune ,  grenée  comme  des 


j4  A    B    Ê 

œufs  de  carpe  :  les  Nègres  difent  qiie  ce  font  les 
€xcrémens  des  mouches.  Si  on  peut  juger  par  analogie, 
on  pourroit  peut-être  penfer  que  c'efl:  de  la  cire  brute. 
Leur  miel  eft  toujours  liquide  ,  ayant  la  confiftance  de 
l'huile  d'olive  &:  une  couleur  d'ambre;  il  s'aigrit  en 
peu  de  temps.  Les  Créoles  en  imbibent  de  la  caflave 
fraîche,  &:  la  mangent  avec  plaifir  ;  les  Chirurgiens  &C 
Apothicaires  s'en  fei*vent  comme  de  celui  d'Europe. 
On  retireroit  une  quantité  confidérable  de  ce  miel ,  fi 
on  logeoit  ces  abeilles  dans  des  ruches ,  comme  on 
fait  en  Europe  ;  mais  on  eft  bien  éloigné  dans  ce 
pays-là  de  fe  donner  de  pareils  foins.  Le  Père  Labat 
dit  qu'il  n'a  connu  qu'an  feul  habitant  qui  en  avoit 
quelques  eflaims  dans  des  pots  de  raffinerie  percés  en 
bas  &  bien  couverts,  où  ces  abeilles  travailloient  & 
profitoient  beaucoup.  11  faut,  dit  cet  Auteur,  que  le 
Père  du  Tertre,  qui  fe  plaint  de  n'en  avoir  jamais  pu 
élever  dans  ce  pays  ,  n'ait  pas  trouvé  le  fecret  de 
délivrer  fes  abeilles  des  fourmis,  qui,  félon  les  appa- 
rences ,  les  auront  incommodées  au  point  de  les  obli- 
ger de  fe  retirer. 

La  cire  de  cette  efpece  d'abeille  eu  excellente, 
fuivant  l'expérience  du  P.  Labat ,  pour  guérir  les  cors 
des  pieds   éc  les  verrues  des  mains. 

Les  abeilles  de  la  Louifiane  font  les  mêmes  qu'en 
France  :  elles  font  leurs  nids  en  terre  dans  des  lieux 
fées  ;  par  ce  moyen ,  elles  fe  dérobent  aux  ours  qui 
font  très-friands  de  leur  miel. 

Vapper ,  dans  fa  Defaiption  de  V Àhyjjinïe ,  dit  qu'il 
y  a  en  Ethiopie  un  grand  nombre  d'abeilles ,  fur-tout 
de  petites  abeilles  noires ,  qui  font  un  excellent  miel 
&  une  cire  d'une  blancheur  extraordinaire.  Ces  abeilles 
n'ayant  point  d'aiguillon  pour  fe  défendre  &  fe  con- 
fei-ver ,  ont  recours  à  la  rufe  ;  elles  fe  cachent  dans 
des  creux  fcuterrains ,  oii  elles  entrent  par  de  petits 
trous  qu'elles  ont  Tadrefle  de  boucher  fi-tôt  que  quel- 
qu'un paroît  ;  pour  cela  elles  fe  mettent  quatre   ou 


A    B    E  75 

cinq  au  trou ,  &  s'y  placent  tête  contre  tête ,  en  forte 
qu'étant  de  niveau  avec  la  terre ,  on  ne  le  découvre 
point. 

Sur  la  côte  occidentale  d'Afrique ,  il  n'y  a  point  de 
canton  qui  ne  foit  peuplé  d'abeilles  ;  le  commerce  de 
cirey  efttrès-confidérabîe  parmi  les  Nègres.  Les  abeilles 
en  Guinée  donnent  d'excellente  cire ,  6c  un  miel  déli- 
cieux. 

Kenoc ,  Anglois  ,  diilingue  dans  fa  Relation  de  l'Ifle 
de  Ceylan ,  trois  fortes  d'abeilles.  La  première  ,  qui 
refîemble  à  celles  d'Europe  ,  fe  loge  dans  les  creux 
des  arbres.  Les  Indiens  en  retirent  facilement  le  miel , 
après  avoir  chafTé  ces  mouches ,  dont  l'aiguillon  n'eft 
pas  redoutable.  La  fecofide  eipece  fe  loge  fur  les  plus 
hautes  branches,  où  elles  forment  leurs  niches  fans 
prendre  foin  de  fe  cacher.  Dans  certaines  faifons ,  des 
villes  entières  vont  recueillir  ce  miel  dans  les  bois , 
&  tous  en  reviennent  chargés.  La  troifieme  efpece  eft 
plus  petite  que  nos  mouches  communes  :  elles  donnent 
du  miel  en  û  grande  quantité ,  que  les  Chyngulais 
l'abandonnent  aux  enfans. 

A  la  Chine ,  il  y  a  grande  abondance  d'abeilles  :  la 
cire  qu'elles  donnent  y  çR  employée  aux  ufages  de  la 
Médecine  ,  &  non  à  brûler. 

Les  abeilles  ont  été  trouvées  naturellement  à  l'Ifîe 
de  Bourbon  &  à  Madagafcar ,  de  là  elles  ont  été  por- 
tées à  rifle  de  France.  Ces  mouches  à  miel  font  plus 
longues ,  mais  moins  groffes  que  celles  de  France.  Elles 
ne  font  jamais  engourdies  par  le  froid  à  l'Ifle  de 
Bourbon  ,  &  quoiqu'elles  y  trouvent  toujours  des 
fleurs ,  elles  ne  travaillent  pas  toute  l'année  ,  car  elles 
ne  fournifl^ent  rien  depuis  la  fin  d'Avril  jufqu'en  Août 
&  Septembre.  Le  peu  d'aclivité  chez  ces  abeilles ,  de- 
pendroit-il  de  la  trop  grande  chaleur  du  climat  ? 

Les  ahdlles  font  très-abondantes  dans  les  contrées 
des  Hottentots  en  Afrique  :  on  n'y  apperçoit  pas  la 
moindre  différence  avec  les  nôtres  Les  Européens  ne 


7§  A    B    E        A    B    I 

fe  donnent  pas  la  peine  d'en  élever ,  parce  que  pour 
lin  peu  de  tabac  ou  d'eau-de-vie ,  ou  quelqu'autre  ba- 
gatelle ,  on  peut  acheter  des  Hottentots  une  bonne 
quantité  d'excellent  miel ,  qu'ils  vont  chercher  fur  des 
rochers  efcaqDes  ;  mais  ce  miel  efl  mal-propre ,  attendu 
qu'ils  le  mettent  dans  des  facs  faits  de  peau ,  dont  le 
poil  efl  tourné  en  dedans.  Confului  la  defcrlption  du 
Cap  di  Bonne.' Efpirancz. 

A  B  E  L  -  M  O  S  C  ou  Graine  de  Musc.  Foye:^ 
Amerette. 

ABHAL  ou  A  AL.  Les  Indiens  Orientaux  donnent 
ce  nom  au  fniit  d'ime  efpece  de  cyprès.  V Herbier  d'Am- 
hoine  en  diftingue  deux  efpeces  ,  l'une  à  petites  feuilles 
&  l'autre  à  feuilles  larges  ;  on  emploie  l'écorce  de  ce 
dernier  pour  donner  au  vin  de  Sagou  un  goût  aro- 
niaticfiie. 

ABÎSME  ou  Abyme  ,  fe  dit  généralement  d'un 
endroit  très-profond  ,  &  qui  ,  pour  ainfi  dire  ,  n'a 
point  de  fond.  On  fe  fert  auffi  du  mot  abyme  ^  pour 
marquer  le  réfervoir  imipenfe  creufé  dans  la  terre , 
où  Dieu,  ramaffa  toutes  les  eaux  le  troifieme  jour  ; 
réfervoir  défigné  dans  notre  langue  par  le  mot  mer  y 
dans  Moyfe  par  le  nom  de  grand  abyme  ^  &  dans  d'au- 
tres Auteurs  par  chaos. 

Les  Hébreux  ont  penfé  que  les  fontaines  &  les 
rivières  ont  toutes  leur  fource  dans  Vabyme  ou  dans 
la  mer  :  elles  en  fortent ,  difoient-ils ,  par  des  canaux 
invifibles ,  &  s'y  rendent  par  les  lits  qu'elles  fe  font 
formés  fur  la  terre.  Au  temps  du  déluge  les  abymes 
d'en  bas,  ouïes  eaux  de  la  mer,  rompirent  leurs  digues  ; 
les  fontaines  forcèrent  leurs  fources ,  &  fe  répandirent 
dans  le  même  temps  que  les  catara£les  du  Ciel  s'ou- 
vrirent &c  inondèrent  toute  la  terre-  Genef.  rili,  v.  2. 
La  terre  fortit  enfuite  du  milieu  de  Vabyme  ,  comme 
une  lue  qui  fort  du  milieu  de  la  mer,  &  qui  paroît 
tout  d'un  coup  à  nos  yeux ,  après  avoir  été  long- 
temps cachés  fous  les  eau::.  Gcr.ef.  i,  z. 


A    B    I  77 

Woodward ,  en  parlant  du  grand  nhymz  dans  fon 
"Hiftoire  Naturelle  de  la  Terre ,  Ibutient  qu'il  y  a  un 
grand  amas  d'eaux  renfermées  dans  les  entrailles  de  la 
terre ,  qui  forment  un  vafte  globe  dans  fon  centre , 
&  que  la  furface  efl  couverte  de  couches  terreflres  : 
c'eft ,  félon  lui ,  ce  que  Moyfe  appelle  le  grand  gouffre  ^ 
&  que  la  plupart  des  Auteurs  entendent  par  le  grand 
abymc,  L'exiflence  de  cet  amas  d'eaux  dans  l'intérieur 
de  la  terre ,  femble  confirmée  par  un  grand  nombre 
d'obfervations.  Le  même  Auteur  prétend  que  l'eau  de 
ce  vafle  abyme  communique  avec  celle  de  l'Océan 
par  le  moyen  de  quelques  ouvertures  fouterraines; 
mais  le  fait  eft-il  certain  ?  Voy^^{^  Us  articUs  Mer  , 
DÉLUGE,  Gouffre,  Chaos  &  Terre. 

Il  eft  fait  mention  dans  les  Mémoires  de  VAcadcmh 
des  Sciences ,  année  ty^i ,  de  la  fontaine  fans  fond  de 
fable  en  Anjou,  laquelle  doit  être  mife  au  rang  des 
ahymes^  parce  que  ceux  qui  l'ont  fondée  n'y  ont  point 
trouvé  de  fond;  &;  que  félon  la  tradition  du  Pays 
plulieurs  beftiaux  qui  y  font  tombés ,  n'ont  jamais 
été  retrouvés.  C'ell  une  efpece  de  gouffre  de  vingt  à 
vingt-cinq  pieds  d'ouverture,  iitmé  au  milieu  &  dans 
la  partie  la  plus  baffe  d'ime  lande  de  huit  à  neuf  lieues 
de  circuit,  dont  les  bords  élevés  en  entonnoir  defcen- 
dent  par  une  pente  infenfible  jufqu'à  ce  gouffre ,  qui 
en  efl  comme  la  citerne.  La  terre  tremble  ordinaire- 
ment fous  les  pieds  de  tous  les  animaux  qui  marchent 
dans  ce  baflin.  Il  y  a  de  temps  en  temps  des  débor- 
demens  qui  n'arrivent  pas  toujours  après  les  grandes 
pluies,  &  pendant  lefquels  il  fort  de  la  fontaine  une 
quantité  prodigi-eufe  de  poiffons ,  &  fur-tout  beaucoup 
de  brochets  truites,  d'une  efpece  inconnue  dans  le 
refte  du  pays.  Il  n'eil:  pas  facile  cependant  d'y  pêcher, 
parce  que  cette  terre  tremblante  &:  qui  s'affaiffe  au 
bord  du  gouffre ,  &  quelquefois  affez  loin  aux  environs , 
en  rend  l'approche  fort  dangereufe  ;  il  faut  attendre 
pour  cela  des  années  fechcs,  Sc  où  les  pluies  n'aient 


78  A     B     L 

pas  ramolli  d'avance  le  terrain  inondé.  Ce  terrain  feroît- 
il  la  voûte  d'un  lac  qui   feroit  au-defTous  ? 

On  lit  dans  le  Journal  des  Savani  ^  année  1680  , 
page  1 2 ,  qu'il  y  a  un  goufFre  dans  la  province  de 
StafFord  en  Angleterre,  qid  n'a  pu  être  fondé  que  iiif- 
qii'à  la  profondeur  de  deux  mille  fix  cents  pieds  per- 
pendiculaires. Dans  les  gorges  qui  entourent  le  Mont- 
Blanc,  il  y  a  des  précipices  formés  par  la  chute  des  tor- 
rens  ou  par  rafFaifTement  des  rochers ,  qu'on  ne  peut 
évaluer ,  dit-on ,  à  m.oins  de  neuf  mille  pieds  de  pro- 
fondeur. Vabymc  du  Mont  A^arath  ,  antique  foyer 
d'un  volcan  qui  s'efl  éteint,  parut  incommenfurable 
au  Savant  Tournefort,  (  Voyage  du  Levant  ,  tom,  ni, 
pag,  iiG.  ) 

AB  LAQUE.  Nom  que  les  Commerçans  François 
ont  donné  à  la  foie  de  perles  ou  ardajjîne.  Cette  foie 
vient  par  la  voie  de  Smyrne  :  elle  eft  fort  belle  ;  mais 
comme  elle  ne  fouffre  pas  l'eau  chaude ,  il  y  a  peu 
d'ouvrages  dans  lefquels  elle  puille  entrer.  Voye^^ 
Bissus-PoiL  DE  Nacre. 

ABLE  ou  Ablette  ,  alhumus  ,  WVdughb.  en  Suéde, 
Benlcja  ;  en  Danois  ^  Luytr  ;  en  Anglois ,  Bleak  ;  en 
Allemagne  y  Welfsfifch  &  Bl'ug  ;  à  Francfort ,  AlhUn  ; 
à  Hambourg  &  dans  le  Slefwik  ,  Wlnnck  &  Blicke, 
PoifTon  de  rivière  du  genre  du  Cyprin.  Il  eft  long  de 
quatre  à  fix  pouces ,  &  large  d'un  à  deux  pouces ,  & 
sffez  femblable  à  l'éperlan  ;  mais  dont  les  écailles  font 
d'une  blancheur  plus  vive  &  plus  argentine.  L'able, 
fuivant  la  dcfcription  de  Rondelet^  a  les  yeux  grands 
&  rouges  ,  (  c'eft-à-dire  ,  que  leurs  iris  font  marquées 
dans  leur  partie  inférieure  d'une  tache  de  couleur  de 
fang  ) ,  le  dos  vert  ou  d'un  bleu  fombre ,  le  ventre 
blanc ,  la  tête  petite ,  le  corps  plat  ;  la  hgne  latérale 
a  la  figure  d'une  S  alongée  ;  le  crâne  eft  comme 
tranfparent.  Il  efl  fans  fiel ,  fa  chair  efl  molle.  Ce 
poïfibn  a  une  nageoire  à  l'anus,  compofée  de  vingt 
ofTelets  ou  rayons.  On  le  prend  faciîemexit  à  rhameçon. 


A    B    L  7^ 

11  eft  commun  dans  les  rivières  de  Marne  &c  de  Seine 
en  France ,  &  dans  plufieurs  rivières  d'Angleterre  , 
d'Italie  ,  6c  d'Allemagne.  H  y  a  quelques  autres  efpeces 
de  poifibns^  auxquelles  on  a  donné  le  nom  ^AhUtuSy 
fans  doute  à  caule  de  leur  blancheur  :  l'ablette  n'eft 
pas  très-bonne  à  manger ,  excepté  en  automne.  M.  Z^- 
mcry  met  ce  poiffon  au  nombre  des  apéritifs  ;  il  dit 
qu'on  en  peut  extraire  beaucoup  d'huile  &:  de  fel  vo- 
latil. 

Des  lnfe(^és  &:  des  vermiiTeaux  s'attachent  quel- 
quefois aux  ouies  des  poiiTons  ;  ce  qui  a  fait  croire  à 
des  Obfervateurs  ,  mauvais  Phyficiens ,  que  certains 
poifTons  5  &  principalement  les  ablettes  ,  engendroient 
par  les  ouies  de  petites  anguilles  ;  ce  qui  eft  très-faux. 

Le  principal  ufage  que  l'on  tire  de  l'ablette  ,  eft 
d'employer  {ç:s  écailles  nacrées ,  argentines  pour  con- 
courir à  la  parure  des  Dames  :  on  les  emploie  pour  la 
compofition  des  fauffes  perles.  L'invention  de  cet  art 
&  fa  perfedion  font  dues  aux  François.  On  enlevé  les 
écailles  de  l'ablette  en  ratilTant  le  poiffon  à  l'ordinaire  : 
elles  font  minces,  peu  adhérentes;  on  les  met  dans  un 
baiïin  ou  jatte  de  faïence  remplie  d'eau  claire ,  où  oil= 
les  frotte  avec  un  linge  fin ,  comme  fi  on  vouloit  \^% 
broyer.  Cette  opération  qui  occupe  à  préfent  dans 
Paris  un  grand  nombre  d'Ouvriers ,  fe  répète  dans  dif- 
férentes eaux ,  jufqu'à  ce  que  les  écailles  ne  dépofent 
plus  de  teinture.  La  matière  argentée  fe  précipite  au 
fond  :  on  verfe  l'eau  furabondante  en  inclinant  le  vafe, 
&  l'on  s'arrête  lorfqu'il  n'y  a  plus  qu'une  liqueur  ar- 
gentine ,  que  l'on  nomme  Efcnce  cT  Orient  :  on  mêle  à 
cette  effence  un  peu  de  colle  de  poiffon.  Enfuite  on  a 
de  petits  globes  de  verre  très -minces  ,  foufîlés  à  la 
lampe  d'Emailleur,  de  couleur  de  gyrafol  ou  de  couleur 
bleuâtre ,  dans  lefquels  on  infmue ,  à  l'aide  d'un  cha- 
lumeau ,  ime  goutte  de  cette  effence  d'Orient  ou  nacrée, 
que  l'on  agite  pour  faire  étendre  la  liqueur  fur  toute 
la  face  intérieure  des  parpis.  E.afin  ^  pour  donner  à  ces 


8o  A    B    L 

fautes  perles  du  poids  &  de  la  folidîté  ^  on  les  l'em- 
plit de  cire  qu'on  y  coule  toute  fondue.  Voyez  le 
Dicilonnairc  des  Arts  &  Métiers» 

Cette  matière  brillante  &  argentine  ne  fe  trouve  pas 
feulement  fur  les  écailles  du  poiflbn  :  la  m.embrane  qui 
enveloppe  Feftomac  &.  les  inteftins,  en  efl  toute  par- 
femée.  On  eft  porté  à  croire  que  la  matière  argentée 
fe  forme  dans  les  inteftins ,  qu  elle  pafTe  dans  les  vaif- 
feaux  pour  arriver  à  la  peau  &  pour  former  les  écailles. 
Si  c'efl  -  là  le  véritable  mécanifme  de  la  formation  des 
écailles  de  Vahle ,  celles  des  autres  poifTons  pourroient 
avoir  aufîi  la  même  formation.  Mémoire  de  M,  de  Réau- 
mur. 

On  diftingue  une  autre  efpece  arable  qui  eft  du  genre 
é.\xSalmone  ;  Salmo  albula,  Linn.;  en  Finlandois,  Molkii  ; 
en  Suédois ,  Sik-loja;  en  Allemand,  Stïnt.  On  le  trouve 
dans  les  lacs  ,  principalement  en  Suéde.  Ses  yeux  ont 
leur  iris  de  couleur  argentée  ;  la  ligne  latérale  efl  droite, 
la  nageoire  de  l'anus  a  feize  rayons  ,  dont  le  premier 
cft  très-court  &  délié.  Willughby  dit  que  quand  le  ciel 
efl  ferein,  ce  poifTon  s'enfonce  plus  profondément  dans 
l'eau ,  &  que  dans  les  temps  nébuleux ,  il  remonte  plus 
près  de  la  furface. 

ABLETTE  de  mer,  perça  alburnus  ,  Linn.  C'eft 
Valbumus  Amerïcanus  de  Catesby.  Cet  Auteur  obferve 
eue  ce  poifTon  fe  trouve  à  la  Caroline ,  &  que  le  mar- 
ché de  Charlestown  en  efl  abondamment  pourvu ,  parce 
qu'on  en  fait  aflez  de  cas.  Ce  poifîbn  a  au  m^oins  un 
pied  de  longueur  ;  il  eft  du  genre  des  Perfegiies,  Sa 
couleur  efl  d'un  bnyï  clair ,  &:  moins  foncé  encore  fous 
le  ventre  ;  les  iris  des  yeux  font  jaunes  ,  les  ouies  ont 
ime  nuance  pâle  de  rouge.  La  gueule  eft  large  &  armée 
de  dents  très-pjtites,  la  miâchoire  inférieure  ,  qui  eft 
plus  courte  que  la  fupérieure ,  a  cinq  ou  fix  excroif- 
fances  charnues  en  forme  de  dents,  &  qui  pendent  en 
dehors.  La  queue  efl  à  peine  écharxrée ,  &  a  fon  lobe 
inférieur  plus  long  que  le  fupéricur. 

ABOIEMENT. 


A    B    O       A    B    R  8i 

ABOIEMENT.  Mot  qui  exprime  le  cri  du  chien ^ 
Voyez  à  l'article  Chien, 

ABRICOTIER  ,  Armcnïaca  malus.  Genre  de  plante 
très-connu,  &  ainfi  nomme  ,  parce  qu'il  efl  originaire 
d'Arménie,  Province  du  Levant  ,  d'où  Ton  pVétend 
qu'il  ïui  d'abord  apporté  à  Rome ,  &  depuis  tranf planté 
dans  le  re(le  de  l'Europe.  Il  y  en  a  de  p'ufieiirs  efpcces 
ou  variétés  ;  entre  autres  on  en  remarque  deux  qui 
différent  en  ce  que  l'amande  de  l'une  eft  douce, tandiâ 
que   celle  de  l'autre    efl:  amere* 

V abricotier  le  plus  cultivé  ou  commun,  Armzniacà 
frucîii  majori  ,nucUo  amaro^Towm.  Infl.  923.  Prunus 
urmeniaca ,  Linn.  eft  un  arbre  d'une  grandeur  médiocre; 
fon  écorce  efl  brune ,  Ion  tronc  eft  aflez  gros  &  {^s 
branches  fort  étendues.  Tes  feuilles  font  arrondies  6^ 
pointues;  elles  fortent  enfemble  d'un  même  pédicule 
au  nombre  de  quatre  ou  de  cinq.  Cet  arbre  eft  un  de 
ceux  dont  la  fève  fe  met  en  mouvement  des  premières  : 
fes  fleurs  font  feftiles  &  difpofées  comme  par  bouquets 
fur  les  rameaux  ;  elles  paroiftent  avant  les  feuilles  au 
commencement  du  printemps  ;  elles  font  en  rofes , 
compofées  de  cinq  pétales  blancs  ;  le  piftil  fe  change 
en  un  fruit  (appelé  abricot)  charnu  ,  fucculent ,  prefque 
rond  (Se  ffllonne  dans  fa  longueur  ,  contenant  un  noyau 
ofîeux ,  lifte ,  ovale  &  comprimé ,  garni  d'une  future 
éminente  d'un  bout  à  l'autre,  dans  lequel  il  y  a  une 
femence  ou  amande.  Ce  fruit  eft  jaune  en  dehors  & 
en  dedans ,  d'une  faveur  douce  &  agréable. 

On  cultive  les  abricotiers  dans  les  jardins  &  les 
vergers.  Ces  arbres  doivent  être  mis  en  efpalier.  Oa 
les  greffe  en  écufTon  &:  à  œil  dormant  fur  les  aman* 
diers  6l  fur  les  pruniers  de  damas  noirs.  Ils  fe  multi- 
plient aufîi  par  leur  noyau  ;  &  ils  \'ieniient  mieux 
dans  une  terre  légère  &:  fablonneufe,  qu.e  dans  une 
terre  phis  grafte.  On  taille  ces  fortes  d'arbres  fur^k 
fin  de  Février,  &:  à-peu-près  comme  les  pêchers  :  Cii 
ks^dépaliffe  ;  on  coupe  tout  le  bois  mort  &  les  brau" 
'lomc  /,  F 


«2  A    B    R 

ches  cliiffonnées;  on  n'y  laifle  que  les  mères  brancnesj 
à  bois  &  à  fruit  :  on  fait  une  féconde  taille  à  la  mi- 
Mai.  On  doit  étêter  tous  les  fix  ou  fept  ans  ceux 
qui  font  en  efpalier  ,  pour  les  renouveler. 

Le  fruit  des  abricotiers  en  plein  vent  a  toujours  plus 
de  faveur  que  celui  des  abricotiers  en  efpalier  , 
parce  que  les  premiers  profitent  davantage  de  toutes 
les  influences  de  Tair.  Comme  la  fleur  de  TabriGotief 
eil  très-hâtive  ^  il  faut  la  garantir ,  au  m.oyen  de  paillaf- 
fons ,  des  gelées  &:  des  vents  roux  qui  foufîîent  affez 
fréquemment  dès  le  commencement  du  printemps  * 
ces  vents  ,  occafionnant  une  évaporatlon  trop  conu- 
dérable ,  deffechent  &  font  tomber  la  fleur  ^  cette  douce 
&  frêle  efpérance.  Le  fruit  de  l'abricot ,  de  même  que 
tous  ceux  qui  pafîent  vite ,  efl  peu  nourrifTant  :  il  eft 
dangereux  d'en  manger  trop  5  car  il  fe  corrompt  faci« 
lement ,  &;  allume  des  fièvres  comme  tous  les  autres 
fruits  précoces.  Il  fait  l'ornement  des  tables ,  foit  cru  , 
foit  confît  au  fucre,  ou  préparé  en  marmelade',  foit 
en  compote ,  &c.  On  fait  avec  les  amandes  d'abricot 
une  émulfion  propre  à  arrêter  les  tranchées  des  fem- 
mes nouvellement  accouchées*  Il  découle  des  abricotiers 
une  gomme  qui  pourroit  être  employée  comme  adou- 
ciiTante  &  incraÔante  ^  au  lieu  de  la  gomme  Arabique^ 
L'extravafion  de  cette  gomme  eft  pour  les  abricotiers 
ime  maladie  qui  fait  périr  plufieurs  branches. 

Parmi  les  variétés  nombreufes  ^abricots  qu'on  a 
obtenues  par  la  culture  )  voici  les  plus  intéreffantes. 
V abricot  de  Nanci-^  communément  appelé  aujourd'hui 
Ui  icot  pêche  ^V abricot  blanc  ^  V abricot  précoce  ^  ou  hatif 
mufqui  ;  V abricot  Angoumois  :  Ibn  amande  efl  douce  &  a 
un  petit  goût  d'aveline  nouvelle  ;  V abricot  d'Hollande ,  ou 
amande  aveline  ;  fon  amande  a  un  goiit  d'aveline,  &  un 
arriere-goùt  d'amande  douce  fort  agréable  ;  ^abricot  viokt, 
V abricot  de  Bruxelles  y  ou  abricot  prune  ;  V abricot  de  Sibérie  : 
Armeniaca  betulce  folio  &  facie  ,  frucîu  ex  fucco  Sibirica  ^ 
prunus  Sibirica  y  Lmn,  Cç  fruit  furpaife  un  peu  engroil^ur 
l'aveline  ordinaire. 


A    B    îl  §1 

'ABRICOT  DE  Saint-Domingue.  Ceft  un  nom 
iqui  ne  convient  guère  à  ce  fruit  que  pour  la  couleuf 
de  fa  chair  ;  car  pour  tout  le  relie  il  ne  lui  reflemble 
point  du  tout.  Ce  fruit  efl  prefque  rond  ,  quelquefois 
de  la  figure  d'un  cœur,  depuis  trois  pouces  jufqu'à  fix 
à  fept  pouces  de  diamètre  :  il  efl  couvert  d'une  écorce 
qui  eu.  une  pellicule  mince ,  laquelle  jaunit  en  mûnf- 
faut.  Cette  pellicule  enveloppe  une  matière  fpongiei'fe, 
filandreufe  ,  blanchâtre  ;  on  découvre  enfuite  une  chaif 
jaune,  on£lueufe ,  de  3  34  lignes  d'épaiffeur ,  parfemée 
de  petites  veines  ladées,  d'une  odeur  fuave  &  aro- 
matique 5  mais  d'un  goût  un  peu  ainer  &  gommeux  ; 
&  félon  quelques  -  uns  ,  fade  &  doux.  On  trouve 
au  milieu  de  ce  fruit  deux  ,  trois  ou  quatre  noyaux, 
mais  plus  communément  trois  ;  ils  font  gros  ,  ovales  , 
convexes  en  deffus  ,  aplatis  du  côté  où  ils  fe  tou- 
chent ,  compofés  de  plufieurs  fîlamens  pofés  en  tout 
fens  les  uns  fur  les  autres ,  de  deux  pouces  &  demi 
de  longueur ,  d'environ  un  pouce  &  demi  de  largeur , 
lifTes  en  dedans  ,  &  qui  renferment  une  amande  ligneufe, 
d'un  goût  acre ,  de  couleur  brune ,  divlfée  en  deux 
lobes. 

L'arbre  qui  porte  ce  fruit  eft  très-beau ,  très-grand  : 
fa  racine  efl  partie  pivotante,  partie  traçante  &c  fibreufe, 
de  couleur  grifâtre  &;  d'un  goût  aflringent.  Son  tronc 
s'élève  de  40  à  50  pieds  Se  même  jufqu'à  60 ,  ôi  a 
jufqu'à  trois  pieds  de  diamètre  ;  ce  font  les  plus  gros. 
Son  écorce  efl  grife  ,  écailleufe  ;  fon  bois  eil  blanchâtre, 
filandreux  ou  facile  à  fendre.  Ses  branches  croifTent  au 
fommet  Se  s'élèvent  également  de  toutes  parts  en  py- 
ramide ,  ou  forment  une  tête  très  -  touffue.  Elles 
font  garnies  de  feuilles  ovales  >  oppofées  ^  obtufes  , 
épaiffes  ,  garnies  chacune  d'une  côte  très  -  faillante  k 
laquelle  aboutiffent  une  infinité  de  nervures  unies  en- 
femble  par  plufieurs  petits  filets,  qui  forment  une 
quantité  de  petits  compartimens  irréguliers.  Ses  feuilles 
font  d'un  vert  foncé  en  deûxis ,  clair  en  defibus  ,  ôi 

F  z 


S4  A    B    R 

paroiiTent  criblées  d'une  grande  quantité  de  petits 
trous  5  étant  expofées  entre  le  foleil  &  les  yeux  ;  leut 
plus  grande  largeur  eft  de  4  à  5^  pouces ,  &c  leur 
longueur  commune  ell  de  8  à  9  pouces.  Ses  fleurs 
mâles  &  fes  fl.eurs  femelles  croifTent  quelquefois  fur 
des  individus  diftérens.  Le  Père  Nlcolfon  dit ,  qu'il  ar- 
rive auffi  ou  que  le  même  individu  porte  à  la  fois  des 
fleurs  mâles  &  des  fleurs  femelles  très  -  diflindles  ,  ou 
•qu'étant  hermaphrodite  ^  il  ne  produit  qu'une  efpece 
de  fleurs  qui  renferment  les  deux  (qxqs.  Sqs  fleurs  font 
compofées  de  quatre  pétales  arrondis  ^  obtus  ,  creufés 
en  cuillier ,  blancs ,  d'une  odeur  douce  ,  fuave ,  &  d'un 
goût  aflringent.  Le  centre  efl:  occupé  par  un  piflil 
arrondi ,  environné  de  quantité  d'étamiiies  déliées  , 
blanches  ,  dont  les  fcmmets,  c'efl-à-dire  les  anthères, 
font  jaunes  &:  oblougs  :  le  calice  efl:  d'une  feule  pièce > 
divifé  jufqu'à  la  bafe  en  deux  ou  trois  parties.  Le 
pifl:il  de  ces  fleurs  devient  un  fruit  fphérique  ;  nous 
en  avons  parlé  ci-defîlis. 

Cet  arbre  croît  par-tout  ;  les  plus  beaux  fe  trouvent 
dans  les  mornes.  Il  a  été  tranfplanté  à  Cayenne ,  dit 
M.  de  Préfoma'me  :  cet  Auteur  ajoute,  qu'il  eft  très*- 
propre  à  être  planté  eh  avenue  &  nullem.ent  à  faire 
des  allées  couvertes  ,  &  qu'étant  ifolé  &  expofé  au 
grand  vent  5  il  efl:  fujet  àfe  caffer;  eniîn,  que  fon  bois 
qui  efl  mou  &  filandreux,  n'efl:  d'aucun  ufage  à  Cayenne; 
il  n'en  efl  pas  de  même  à  Saint-Domingue;  on  l'ex* 
ploite  avec  fuccès  dans  plufieurs  quartiers ,  &  fur-tout 
dans  celui  de  JirémU ,  dit  le  Père  Nïcolfon  ,  oii  il  eO: 
fort  commun.  On  en  fait  des  efTentes  ,  du  m.errain  ^ 
des  chaifes ,  des  tables  ^  des  poutres  ôc  quantité  d'au- 
tres ouvrages. 

On  tire  de  fes  fleurs ,  par  la  diflillation  5  une  liqueur 
renommée^  on  l'appelle  la  Criok.  Ses  fruits  que  l'ort 
eflime  très-fains  ^  ftomachiques  &  fort  nourriffarts ,  fe 
mangent  ou  crus  infufés  dans  du  vin  avec  du  fucre„ 
Ou  cuits  en  m.armelade.  Les  Efpagnols  font  aufli  avec 


A    B    R        A    B    S  8f 

te  friùt  une  excellente  marmelade  ,  en  y  mêlant  du  ^ 
gingembre ,  des  épiceries  &  des  odeurs  dont  ils  rem- 
pliffent  des  oranges  qu'ils  font  confire  &  fécher.  Ils  regar-^ 
dent  Tufage  de  ces  oranges ,  après  le  repas  y.  comme  pro* 
pre  à  faciliter  la  digeflion. 

Il  tranfïïide  du  tronc  de  l'abricotier  dé  Saint  -  Do-^ 
mingue  ,  fur-tout  quand  on  lui  a  fait  une  inciiion  ,  urv 
fuc  gommeux  qui  tue  les  chiques.  Voyez  ce  mot.  Cet 
arbre  çû  le  Marml  de  Plumier ,  le  Manchiboni  de  Carrere, 

Abricot  sauvage.  Voye^  t article  BouLET  DE 
Canon. 

ABROTANOIDE.  Nom  donné  par  quelques-uns  k 
une  efpece  de  corail  perforé,  oU  plutôt  de  madré» 
pore ,  qui  fe  trouve  fur  les  rochers  au  fond  de  la- 
mer.  Sa  couleur  eft  grife  jaunâtre  extérieurement ,  &: 
blanchâtre  en  dedans.  Les  rameaux  de  l'efpece  appelée 
bois  de  cerf  ^  font  arrondis,  pointus,  &  hériiTés  en  leur 
l^iperficie  de  tubules  faillantes  étoilées  en-dedans.  Les 
branches  de  ref[>ece  appelée  chou-fieur ,  font  un  peu 
comprimées.  On  a  donné  le  nom  ^ahrotanoide  à  cette 
efpece  de  polypier ,  parce  que  des  Auteurs  ont  cru 
que  c'étoit  ime  plante  marine  qui  avoit  quelque  ref- 
femblance  avec  l'aurone  femelle ,  appelée  abretamim ,  &c^ 

ABROTONE  mâle,  c'eft  Xawone,  L'abrotone  femelle- 
eft  la  fantoline ,  petit  cyprh.  Voyez  V article  AURONE». 

ABRUS.   Voyei  LîANE  à  ReGUSSE. 

ABSINTHE  j  abfinthium,  C'eft  une  plante  vivace  S> 
petits  fleurons  jaunes ,  &  à  feuilles  décoiipées ,  d'uni- 
v-ert  pâle  ou  blanchâtre  ,  d'une  odeur  très-forte  &  aro- . 
matique  qui  n'eft  point  agréable  ,  &  d'une  faveur  très- 
amere.  La  tige  de  cette  plante  croît  à  la  hauteur  de 
deux  à  trois  pieds  :  elle  ell  cannelée ,  moëlîeufe,  dure  5». 
blanchâtre  tz.  branchue  ;  fa  racine  eil;  épaiîTe ,  ligneufe,^ 
odorante,  mais  fans  amertume  :  {^^  graines  font  nues: 
&  non  aigrettées ,  mais  portées  fur'  un  placenta  garni 
d'un  petit  duvet.  L'abiinthe  vient  naturellement  eri: 
EiirQpe  dans  les  terrains  fecSjinailtes,  ôcun  peu  çhaudSs|, 


86  A     B    S       ^ 

Il  y  a  quatre  efpeces  d'abrinthe;  fa  voir ,  celle  qiienoiî^ 
venons  de  décrire  &  qu'on  appelle  grandi  ahjlnthz^  ou 
abfinthi  vulgaire^  ou  ahfîntkc  romamey  ou  aluïm  ;  la  petite 
appelée  pditiqiLi  ;  celle  de  mer  qui  croît  fur  les  bords 
marinmes  ck:  dc.ns  les  marais  fal es  ;  &  celle  des  Alpes  ^ 
qu'on  nomme  gznlpl^  6c  dont  on  diftingue  plufieurs 
fortes.  Foyei  Genept,  Cette  plante  peut  fe  mettre  en 
bordure  dans  ks  jardins  v&  fe  (cndre  ;  f  elle  donne  de 
la  graine  difficile  à  vanner)  ;  cVft  pourquoi  on  la 
renouvelle  tous  les  deux  ans  en  févrant  les  vieux 
pieds.  L  ablinthe  vient  de  giaine  crue  l'on  feme  en 
Février  &C  Mars,  &  de  plant  enraciné  ou  de  boutures; 
c'efi:  la  voie  la  plus  ordinaire.  Elle  forme  de  belles 
touffes  qui  confervent  leurs  feuilles  pendant  Thiver. 

Son  principal  ufage  ell  pour  la  Médecine,  dans  la- 
quelle on  l'emploie  comme  cordiale ,  ftomachioue , 
fébrifuge  &  emménagogue,  toutes  propriétés  qu'elle 
doit  à  fes  principes  aromatiques  &  amers.  On  en  rerire 
par  la  diflillation  un  efprit  redeur  ou  eau  aromatique  y 
une  huile  elTentielle;  ôc  on  en  fait  un  extrait  qui 
retient  plus  d'odeur  de  la  plante ,  que  la  plupart  des 
extraits  des  autres  plantes  aromatiques ,  parce  que 
l'odeur  de  celle-ci  eft  fort  tenace.  Un  peu  d'abfmthe 
mis  pendant  l'été  dans  la  bière ,  l'empêche  de  tourner 
à  l'acide.  On  emploie  l'abfinthe  en  fubflance ,  en  infufion 
dans  l'eau  ou  dans  l'efprit-de-vin,  avec  lequel  on  fait 
ce  qu'on  appelle  teinture  d^abfinthe  ;  ou  enfin  dans  le 
vin,  pour  en  faire  le  vin  d^abjintke.  Cette  dernière 
préparation  eft  fort  ufitée.  La  meilleure  m.éthode  de 
faire  le  vin  d'abfinthe,  confiée  à  faire  infufer  à  froid  , 
pendant  vingt-quatre  heures ,  fix  gros  de  grande  &  de 
petite  abfmthe  féchée ,  dans  quatre  livres  ou  deux  pintes 
de  vin  blanc  :  on  coul^  enfuite  avec  expreillon.  Le 
vin  d'abfinthe  &:  les  autres  préparations  de  cette  plante 
s'ordonnent  avec  fuccès  dans  les  foibleflés  ou  langueurs 
d'eflomac,  pour  exciter  l'appétit  &:  faciliter  la  digeftion; 
pour  tueries  vers,  exciter  les  règles  aiLx  femmes  j  ôc 


A*  B   s  %r 

Bans  toutes  les  maladies  où  il  s'agît  de  donner  du 
reffort  aux  folides  ,  d'augmenter  le  cours  des  fluides,; 
Mais  l'ufage  irnmodëré  de  l'abfinthe  détruit  le  défir  de 
ra:â:e  vénérien  ,  &  peut  faire  beaucoup  de  mal  aux 
nerfs ,  ainfi  que  tous  les  amers. 

M.  de  HalUr  dit  cependant  que  l'abfintlie  ordinaire 
eft  le  plus  agréable  des  amers  ,  il  en  a  toutes  les  ver-* 
tus.  La  petite  ahfînthe  paroît  plus  aromatique  &  moins 
amere  que  Vabfinthe  ordinaire.  Un  long  ufage  de  cette 
plante  détruit  radicalement  la  goutte ,  même  hérédi-^ 
taire;  mais  il  faut  en  prendre  la  teinture  deux  fois  par 
Jour ,  à  la  dofe  de  80  gouttes  ou  environ ,  &  en  con-« 
tinuer  l'ufage  pendant  plufieurs  années.  C'eft  auffi  ,  félon 
le  même  Obfervateur ,  l'un  des  meilleurs  remèdes  con-- 
tre  les  commencemens  de  Thydropifie,  qui  d'ordinaire 
çft  une  fuite  d'une  digeflion  affoiblie. 

Les  Botaniftes  diftinguent  ainfi  les  abjinthes  dont  l! 
eft  fait  mention  ci-deiTus. 

i.°  La  grande  abjinthe  ou  aluine  :  Abjînthîiim  pon^ 
t'icum ,  feu  romanum ,  feu  officinariim  ,  Diofcoridis,  C.  B"« 
Pin.  138,  Tourn,  457.  Arthemifia  ahfînthium^  Linn.  1 1 8  8, 

2.°  La.  petite  ahfînthe^  appelée  plus  communément 
pontique  :  Ahfinthium  ponticum  îenuifolium  y  incanum* 
C.  B.  Pin.   138.  Arthemifia  pontica  y  Linn.  11 07. 

'^.^l^^ ahfînthe  maritime  :  Ahfimhium  fcriphium gallicum^ 
C.  B.  Pin.    139.    Arthemifia  maritima  ^  Linn.  ïi86. 

4.^  Uahfinthe  des  Alpes  ou  genêpi  des  Savoyards  t 
^Abfinthium  alpinum  ^  candidum^  htimile.  G,  B.  Pin.  139» 
Tourn.  458. 

ACACALIS.  ArbrifTeau  qui  croit  en  Egypte  :  fes 
fleurs  font  papilionacées ,  ^  fes  fruits  en  goufte  ;  fa 
graine  eft  femblabîe  à  celle  du  tamarin  ;  &  fon  infu-* 
fion  eft  à  Conftantinople  un  remède  populaire  pour 
éclaircir  la  vue.  Ray  ,  Hifl,  Plant, 

ACACALOTL  des  Mexicains  ,  ou  Acalot.  Cefl 
le  courlis  varie  du  Mexique^  de  M.  Briffon,  Fernandes 
paroît  être  le  premier  qui  ait  indiqué    cet    oiftai^ 


gg  A    C    A 

M.  Adanfon  penfe  qiie  cet  oifeau  n'efl:  pas  un  cmirG^i 
mais  un  genre  particulier  voifin  de  celui  de  l'ibis,  Ô2 
fon  i'entiment  eit  fondé  fur  la  nudité  de  la  prartie  an- 
térieure de  la  tête  de  ïacacaLotl^  qui  efl  couverte  d'une 
peau  rougeâtre. 

ACACIA  ou  AcACiE ,  (  Mimofa ,  Linn.  )  Genre  de 
plantes  de  la  fimille  des  légumineufes ,  qui  comprend 
un  grand  nombre  d'efpcccs,  la  plupart  fo.t  intéref- 
fantes  fous  diverfes  coniidcrations ,  ^  dont  les  prin- 
cipales font  depuis  très  -long -temps  connues  fous  le 
nom  ^acacia.  Ce  lont  des  arbres,  des  arbriiTeaux,  ou 
même  des  herbes,  qui .  la  pUipart  ont,  dit  M.  le  Che- 
valier de  la  Marck  les  feuilles  ime  ou  pUîfieurs  fois 
ailées  fans  impaire,  6i  parmi  lefouclles  il  s'en  trouve 
qui  font  douées  d'une  irritabilité  fi  fingiiliere  &  (î  mar- 
quée ,  Qu'on  les  a  nommées  par  cette  raifon ,  herbes  vi* 
ves  ,  h:rhes  fmfihhs  ^  oufmjîtlves  en  général.  Le  cara61:ere 
diftinâ:if  de  ce  genre  fe  tire  ,  félon  M.  de  la  Marck  , 
de  la  conGdcration  de  la  corolle  qui  efl  régulière  & 
en  entonnoir  ;  de  celle  des  étamines  Quifdntune  grande- 
faillie  hors  de  la  corolle  ;  &  de  celle  des  fleurs  en- 
;|:ieres ,  qui ,  en  général ,  font  fort  petites ,  &  toujours 
ramaffées  plufieurs  enfemble,  foit  en  tête  fimple  ou 
fphérique ,  foit  en  épis ,  qui  tous  paroifTent  hériffés 
de  filamens,  par  l'afped  que  kur  donnent  les  éta- 
mines ,  qui  font  les  parties  les  plus  apparentes  de  ces 
fleurs.  Le  fruit  efl  une  gouffe  alongée  ,  munie  de  cloi- 
fons  tranfverfales  ,  ^  qui  contient  plufieurs  femences 
arrondies ,  ou  ovoïdes  ,  ou  anguleufes  ,  &  plus  ou 
moins  comprimées.  Cette  goufle  varie  beaucoup  dans 
fa  forme;  elle  ell  tantôt  articulée,  tantôt  cylindrique, 
tantôt  charnue ,  &  tantôt  fimplement  membraneufe  & 
très- aplatie. 

Il  y  a  des  acacias  épineux ,  &  d'autres  qui  ne  le  font 
pas;  parmi  ces  derniers  on  diftingue  \e  pois  fucrin  des 
Créoles,  ou  pois  fucré  de  la  Guyane;  le  pois  doux  d'A* 
méricjue  j  Vm^a  de  Cayenne  ^  Y  acacia  à  bois  rouge  ^ 


A    C    'A  ^ 

f acacia  à  fleurs  pourpres  ;  Vacacia  à  grandes  gouïïes , 
vulgairement  cœur  de  Saint  -  Thomas  ;  Vacacia  à  tiges 
couchées  &  plongées  en  partie  dans  l'eau  ,  c'efl  le 
Niti'Toddavaddi  du  Malabar;  Vacacia  en  arbre  de  la 
Jamaïque  ;  Vacacia  de  Malabar  ,  c'efl  le  bois  noir  de 
Malabar  ;  Vacacia  à  feuilles  étroites  ,  c'efl:  le  tendre  à 
caillou  ;  Vacacia  à  odeur  de  fureau ,  du  Bréfil ,  c'efl:  le 
Guabi  -  Pocacabiba ,  de  Marcgrave  ;  Vacacia  à  feuilles  de 
fougère  ,  d'Amérique  ;  Vacacia  à  épis  de  tamarin ,  de 
l'Inde  ;  Vacacia  odorant ,  de  Ceylan. 

Parmi  les  acacias  épineux  on  difllngue  Vacacia  ongU 
'de  chat ,  des  Antilles  ;  Vacacia  à  tire-bouchon  ,  c'efl:  le 
retortunium^  du  Pérou  ;  Vacacia  pudique  ,  c'efl  \d.fenjitivc 
commune  ;  Vacacia  porte- corne  ^  du  Mexique  &  de  l'Ifle 
de  Cuba  ;  fes  épines  qui  naifient  par  paires  ,  refl^em- 
blent  à  des  cornes  de  bœuf.  (  On  dit  qu'en  Amérique, 
les  fourmis  établiflent  leur  demeure  dans  ces  épines  , 
après  les  avoir  percées  dans  un  endroit,  &  lorsqu'on 
ébranle  l'arbre  en  lui  donnant  le  moindre  coup ,  elles 
tombent  comme  de  la  pluie  &  par  paquets  ,  fur  les 
perfonnes  qui  font  deflbus ,  &  font  des  piqûres  fort 
cuifantes.  )  Y! acacia  à  épines  d"" ivoire  _,  Vacacia  des  vo- 
leurs ;  (  c'efl  un  arbrifl^eau  très-rameux  &  extrêmement 
hériflTé  d'épines  ,  qui  lui  donnent  un  afpeâ:  effrayant; 
il  croît  dans  l'Inde  :  il  y  forme  avec  Vacacia  a  longues 
épines  ,  Vacacia  à  épines  d^ ivoire ,  6c  une  efpece  qui  efl 
torîueufe  ,  des  forêts  impénétrables ,  tant  par  l'en- 
trelaffement  de  leurs  branches ,  que  par  les  épines  dont 
ils  font  affreufem.ent  hériffés ,  &  qui  fourniffent  aux 
voleurs  &  à  diverfes  efpeces  d'animaux  fauvages ,  des 
retraites  fiires.  )  \] acacia  de  Farnefe  ou  Vacacia  des  Jar- 
diniers ,  (  c'efl  un  arbre  moyen ,  de  douze  à  quinze 
pieds  de  haut ,  dont  le  bois  efl  blanc  ,  dur  ÔC  plein  ; 
l'écorce  noirâtre  ;  cet  acacia  croît  dans  le  Levant  &  en 
Amérique.  On  le  cultive  dans  les  Jardins  en  Italie  &  en 
Provence ,  à  caufe  de  l'odeur  agréable  6c  un  peu  muf- 
guée  de  h^  fleurs ,  ^i  pour  fon  feuillage  qui  eft  fin  & 


90  A    C    A 

d'un  vert  gaî  ;  dans  nos  contrées ,  on  le  confen-e  dans» 
les  ferres  chaudes ,  en  hiver.  )  Les  acacias  d'Egypte , 
d'Arabie  &  d'Afrique,  dont  il  fera  mention  ci  -  après; 
Vacacla  à  larges  épines  ,  de  Madagafcar  ;  \acacia  à 
feiAlUs  de  caroubier,  de  l'Amérique  méridionale;  Vaca* 
cia  à  feuilles  de  tamarin ,  de  rAmérique. 
Parlons  maintenant  Awfaux  acacia  &  de  Y acaciavéritahk. 

Acacia  commun,  Pfeudo-acacia  vulgaris yTowmtï. 
Inft.  649;  Robinia-pfeudo- acacia,  Linn.  1043.  ^^^  acacia 
cfî:  appelé  avec  raifon  faux  acacia.  On  doit  le  diilin* 
guer  des  autres.. 

Ce  faux  acacia  ,  connu  généralement  fous  le  nom 
^acacia  ,  efr  V arbor filiquofa  virginienfis  ,  fpinofa  ,  lolus^ 
noRranbus  dicta  ;  c'eft  un  arbre  dont  la  tige  s'élève  haut 
&  rapidement  ;  fa  racine  eft  grofie ,  longue  y  traçante 
^  jaunâtre  ;  fes  branches  font  garnies  d'épines  ;  fes 
feudîeslont  compofées  de  19a  21  folioles,  oblongues, 
rangées  par  paire  fur  un  pédicule  commun.  Ce  pédi- 
cule ne  porte  à  fon  extrémité  qu'une  feule  foliole  ;  ce 
qui  rend  ici  impair  le  nombre  de  ces  petites  feuilles. 

Les  mouvemens  des  feuilles  de  ^acacia  ,  quoique 
très-connus  des  Botaniftes ,  doivent  trouver  place  ici. 
Nous  parlerons  d'après  M.  Bcnnet  (^Recherches fur  l'uf a gc 
des  feuilles^.  Pendant  le  jour,  dans  un  temps  frais  &  cou- 
vert, la  direftion  des  folioles  efl  parfaitement  horizon- 
tale ;  m.ais  dès  que  le  foleil  vient  à  donner  diredement 
fur  une  partie  de  l'arbre,  toutes  les  feuilles  comprifes 
dans  cette  partie  fe  plient  en  forme  de  gouttière  ,  dont 
la  profondeur  augmente  à  proportion  de  la  chaleur,. 
Lorfqu'elle  efl:  très-forte  ,  les  folioles  de  chaque  côté 
fe  rapprochent  tellement  les  unes  à^s  autres ,  qu'elles 
parviennent  à  fe  toucher.  Celle  qui  eil  placée  à  l'ex- 
trémité du  pédicule  ,  s'élève  alors  ^perpendiculairement^ 
&  ferme  la  gouttière.  A  mefure  que  le  foleil  fe  retire , 
ou  que  la  chaleur  diminue  ,  la  gouttière  s'élargit ,  les 
folioles  s'abaiiTent ,  &  reprennent  peu  à  peu  leur  pre- 
mière direction.  Elles  ne  la  confervent  pas  néanmoins 


A    C    Â  çt' 

l^inHant  la  mût  i  après  le  coucher  du  folell ,  &  fur- tout 
lorfque  la  rofée  eft  abondante  ,  on  les  voit  fe  renverfer 
•  &  fe  fermer  en  fens  contraire  à  celui  dans  lequel  elles 
s'ët oient  fermées  pendant  le  jour  :  alors  c'étoit  la  fur- 
face  fupérieure  des  folioles  qui  compofoit  l'intérieur  de 
la  gouttière,  préfentement  c'eil  la  furface  inférieure.  La 
même  gradation  qu'on  obferve  dans  l'effet  que  produit 
la  chaleur  fur  ces  feuilles  ,  M,  Bonnet  l'a  aufîi  obfervée 
dans  celui  qu'y  produit  la  rofée.  Il  a  remarqué  que 
celles  qui  font  les  plus  baffes ,  fe  ferment  avant  celles 
qid  font  les  phis  élevées  ;  6c  il  l'avoit  déjà  conclu  de 
la  diredion  du  mouvement  de  la  rofée.  En  même  temps 
que  les  feuilles  de  Vacada  revêtent  la  forme  d'une  gout- 
tière 5  chaque  foliole  la  revêt  aulîî ,  mais  d'une  ma- 
nière moins  fenfible.  Les  feuilles  de  Vacacia  tournent 
encore  fur  elles-mêmes,  ou  fur  leur  pédicule  propre. 
Au  lieu  de  fe  trouver  placées  les  unes  à  côté  des  autres 
dans  le  même  plan ,  celles  d'un  même  côté  fe  trouvent 
quelquefois  placées  les  unes  au-deffus  des  autres ,  en 
différens  plans. 

Les  fleurs  de  Vacacia  font  blanches ,  légumineufes  i 
difpofées  en  épis ,  ou  en  belles  grappes  pendantes  ,  d'une 
odeur  reffemblante  à  celle  de  la  fleur  d'orange.  A  ces 
fleurs  fuccedent  des  gouffes  aplaties  qui  contiennent 
des  femences  de  la  figure  d'un  petit  rein ,  6c  qui  de- 
viennent noirâtres  étant  mûres. 

Cet  arbre  eff  originaire  de  Virginie  &  du  Canada: 
il  s'eff  tellement  accoutumé  à  notre  climat,  qu'il  s'y 
eu  multipUé  beaucoup.  Il  fleurit  dans  le  printemps ,  & 
fait  un  très-bel  effet.  Dans  la  nouveauté ,  il  y  a  en- 
viron cent  ans  ,  cet  arbre  étoit  recherché  de  tout  le 
monde  :  on  en  faifoit  des  allées ,  des  bofquets  ;  mais 
on  s'en  çû  dégoûté  ,  parce  que ,  comme  fon  bois  eff  fort 
caffant ,  lorfqu'il  s'élève  haut ,  le  vent  le  brife  &  le  fait 
éclater  facilement  ;  de  plus  fes  branches  ne  fe  tournent 
point  comme  on  veut  ;  ibn  écorce  eft  raboteufe.>  & 
{on  feuillage  petit  ne  peut  donner  un  ombrage  affez 


9i  A    C    A 

épais.  Son  boîs  eu  d'un  jaune  marbré  très-beau  :  ïesf 
Tct-irneurs  en  font  des  chaiîes;  les  habitans  de  la  Loui- 
fiane  s'en  fervent  pour  faire  des  arcs ,  parce  qu'il  efl 
fort  roide  :  ils  rapi>ellent  en  leur  idiome  hois  dur.  Il 
n*efl  point  fujet  à  être  attaqué  par  les  infecl:es.  On  a 
p^opofé  aufli  de  cultiver  cet  acacia  pour  en  tirer  des 
échaîas  &  du  menu  bois  :  fon  écorce  &  fes  racines 
douces ,  fucrées  ,  pafTent  pour  être  pe61orales  comme 
la  réglifTe  :  fes  fleurs  font  la7-fatives  &  antihyfcériques  ; 
on  en  prépare  des  pommades  dont  l'odeur  efl  fort 
agréable. 

M.  Bohafdch ,  Profefleur  de  Médecine  &  d'Hifloire 
Naturelle  à  Prague ,  fait  voir  dans  un  Mémoire  en 
Allemand,  publ-é  en  1758,  l'utilité  que  l'on  pour* 
rcit  retirer  de  Vacacia  du  Canada.  Des  expériences  réi-* 
iérées  lui  ont  fait  eonnoître  que  fa  feuille  tant  fraîche 
que  {éché<^  ,  étoit  un  fourrage  excellent  pour  les  che- 
vaux &;  tous  les  beftîaux  ,  qui  en  font  très-avides  :  il 
eft  plus  nourrifiant  aue  le  trefie  &  le  fainfoin ,  &  donne 
beaucoup  de  lait  aux  vaches.  M.  Bohafdch  a  même  ima- 
giné une  échelle  &;  aes  cifeaux  pour  cueillir  les  feuilles 
de  Vacacia  vulgaire  ,  que  M.  Lïnnmis  nomme  robinia» 
Ces  inilrum.ens  pourroient  être  d'ufage  auiïi  pour  le 
ùènç: ,  arbre  d'une  culture  très-facile  ;  &  les  brebis  font 
très- avides  de  fes  feuilles. 

Il  y  a  trois  efpeces  ^acacia  de  Sibérie ,  dont  les  fleurs 
font  inodores ,  &  qui  font  plutôt  des  arbufles  que  des 
arbres  ^  dont  une  fe  peut  multiplier  aifément  de  bou- 
mre.  On  diftingue  aujourd'hui  dans  les  jardins  des 
Curieux  le  pfeudo-acacia  de  la  Caroline  à  fleurs  rofes. 
Il  fait  \m  àts  plus  beaux  arbrifTeaux  d'ornement ,  ainfl  que 
le  pfeudo-acacia  de  campêche ,  à  fleurs  écarlates. 

AcACîA  VERITABLE  ,  Acacia  vera,  C'efl:  un  arbre 
qui  croît  en  Egypte,  en  i^rabie  &  au  Sénégal,  &  dont 
le  fruit  produit  le  fuc  dont  on  fait  ufage  en  Méde-- 
cme  ,  fous  le  nom  diacacia.  Cet  arbre  efl  haut  de 
quinze  à  vingt  pieds ,  fort  branchu ,  ôc  armé  d'épines 


A    C    A  9Î 

îongi^^S  d^Lin  pouce ,  Se  qui  nailTent  deux  à  deux ,  ou 
trois  à  trois  ;  fes  racines  font  rameufes ,  &  fon  tronc  ^ 
■qui  eft  un  peu  court ,  a  fouvent  un  pied  de  diamètre  J 
î'écorce  eft  brune  &  Taubier  jaunâtre  ;  le  bois  très- 
dur  &  d'un  rouge  brun  ;  fes  feuilles  font  oppofees  ; 
fes  fleurs  font  difpofées  en  tête  globuleufe^  de  cou- 
leur d'or ,  fans  odeur  ;  le  fruit  eft  une  gouffe  aplatie  ^ 
longue  de  deux  à  quatre  pouces ,  large  de  fix  lignes  ^ 
glabre  y  brune  ou  roufîatre ,  &  partagée  dans  fa  longueur 
€n  cinq  à  huit  articulations  orbiculaires ,  féparées  les 
unes  des  autres  par  àes  étranglemens  larges  feulement 
d'ime  ligne.  La  femence  s'appelle  quarat  en  Arabie ,  êc 
i'arbre  fanth.  Cet  arbre  fe  multiplie  de  graine  ;  mais 
cette  voie  eft  trop  longue ,  il  vaut  mieux  le  multiplier 
de  plants  enracinés. 

Cet  arbre  appelé  par  Linnœus ,  Mlmofa  mlotlcd ,  eft 
très-commun  au  grand  Caire  ;  il  croît  aufïi  à  la  Chine  ^ 
fous  le  nom  de  hoaichu  ;  dans  ce  pays-  ci ,  il  ne  peut 
être  élevé  que  dans  des  ferres  chaudes  :  on  en  compte 
vingt-deux  efpeces  on  variétés  dans  celles  du  jardin  du 
Roi.  Ses  gouffes  encore  vertes  étant  pilées  Si  arrofées 
d'eau,  donnent  ,  étant  exprimées,  un  fuc  gommeux 
que  l'on  fait  épaiffir ,  &  qui  fe  nomme  fuc  d'acacia  , 
ncacïa  vera.  Ce  fuc  bien  préparé  efl  de  couleur  brune  h 
l'extérieur ,  noirâtre  ou  roufsatre  en  dedans,  d'une  con-* 
fiftance  ferme ,  s'amolliiTant  dans  la  bouche ,  d'un  goût 
aftringent  :  on  nous  l'apporte  d'Egypte  en  forme  de 
boules ,  dans  des  veiïïes  afîez  minces.  Il  eîl  mis  entre 
les  aftringens  incraiTans  &  répercuffifs  :  on  lui  fubfiiîue 
quelquefois  le  fuc  du  fruit  de  Vacacia  nojlras  ou  ^Allù- 
magne\  c'eft  le  nom  qu'on  a  donné  à  notre  prunier  fau'» 
vagc  ,  (  qui  efl  Vacacia  commun  de  l'Amérique  ) ,  parce 
que  l'on  retire  des  prunelles  un  fuc  aflringent.  Vayt^^ 
Prunellier  ou  Prunier  sauvage.  Les  Egyptiens 
font  fréquemment  ufage  du  fuc  d'acacia ,  à  la  dofe  d\m 
gros ,  pour  le  crachement  de  fang ,  pour  gargarifer  la 
gorge  j,  &  en  coU}Te  pour  fortifier  la  vue,  Cheî  nous 


94  A    C     A 

on  ne  connoît  poînt  de  meilleur  remède  pour  arrêter 
les  cours  de  ventre  ordinaires  &  les  dyllenteries.  Les 
Corroyeurs  &  les  Tanneurs  du  grand  Caire,  confu- 
ment  beaucoup  de  graine  d'acacia  pour  noircir  les 
peaux.  On  dit  que  les  Chinois  emploient  les  fleurs 
d'acacia  pour  teindre  le  papier  ou  la  foie  en  une  cou- 
leur jaune  aflez  particulière. 

Il  découle  naturellement  des  fentes  de  l'écorce ,  & 
des  incifions  faites  au  tronc  de  cet  acacia  d'Egypte, 
qui  e(t  le  gor/imier  rouge  ds  M.  Adanfon ,  &  qui  croit 
aufîi  en  Arabie  &  fur  plufieurs  côtes  d'Afrique,  un  fuc 
vifqueux,  qui  fe  durcit  avec  le  temps  ,  &  qui  eft  la 
gomme  Arabique ,  gumml  ArcMciun,  M.  Adanfon  nomme 
gommier  blanc  l'acacia  du  Sénégal  ;  il  fe  plaît  particu- 
lièrement dans  les  fables  qui  bordent  la  côte  maritime 
de  cette  partie  occidentale  de  l'Afrique  ;  fon  fruit  eft- 
une  goufîe  aplatie ,  très-mince  ,  elliptique ,  pointue 
aux  deux  bouts ,  jaune ,  longue  de  trois  pouces  & 
demi ,  large  de  huit  à  neuf  lignes ,  chargée  de  poils  courts, 
&  contenant  environ  fix  femences  aplaties  &  un 
peu  cordiformes;  les  fruits  de  l'acacia  d'Arabie  font 
des  gouffes  longues  de  fix  à  neuf  pouces  ,  larges  de 
plus  d'un  demi-pouce,  couvertes  par-tout  d'un  duvet 
très-abondant ,  court  &:  blanchâtre  ,  partagées  dans  leur 
longueur  en  douze  ou  quinze  articulations  arrondies; 
les  femences  font  elliptiques'  &  d'un  brun  rougeâtre. 
La  gomme  arabique  cil  en  miorceaux  tranfparens ,  d'un 
blanc  jaunâtre,  fragiles,  brillans,  donnant  à  l'eau  dans 
laquelle  on  les  diffout  une  vifcofité  gluante ,  d'im  goût 
fade  &  fans  odeur.  Quelquefois  les  gouttes  qui  décou- 
lent font  cylindriques ,  recourbées  ;  c'eft  ce  qu'on 
appelle  gomme  vermladaire.  Cette  gomme  ne  diffère  de 
l'autre  que  par  la  forme;  la  propriété  efl  la  même. 
Elles  font  propres  à  agluriner  les  humeurs  féreufes  , 
&  à  adoucir  les  acrimonies,  Lorfque  cette  gomme  efl 
aglutinée  en  gros  morceaux,  clairs,  peu  tranfparens ,k 
on  l'appelle  gomrji^  mrique.  Elle  eil  employée  par  Iç^ 


A    C    A  9j 

Teinturiers  en  foie.  Le  grand  commerce  de  cette 
gomme  Arabique  fe  fait  au  Sénégal,  P^oyei  GOMME 
JDU  SÉNÉGAL  5  &  U  mot  Gomme, 

Acacia  ou  Cas5>i£  oes  Jardiniers,  eft  un  arbre 
du  Levant ,  dont  ies  fleurs  forment  de  petites  boules 
très- jolies  &:  très- odorantes  :  cet  arbrilîeau  ne  peut 
guère  être  élevé  que  dans  les  Orangeries.  Il  fe  nomme 
en  langue  Egyptienne  fkunc ,  &  en  langue  Syrienne 
fa'ijfahan.  On  nous  apporte  d'Italie  des  pommades  parfit- 
mées  de  fleurs  de  cet  arbrifl^eau. 

ACÂJA    ou    Acaia,   Spondias ,  Llnn,   Voje.i^ 

MONBAIN. 

ACAJOU.  Arbre  qui  naît  dans  les  Mes  de  l'Amé- 
rlque  ,  le  Bréfil ,  Saint  ^  Domingue  &  les  Indes.  On  en 
diflingue  Atwx  efpeces.  L'une  eA  Vacajoa  à  planches  , 
de  Cayenne  ,  maurepajîa.  Il  vient  haiit  comme  nos 
chênes ,  6^  gros  à  proportion.  Il  y  en  a  qui  s'élèvent  à 
plus  de  8o  pieds,  (Se  dont  le  tronc  fert  à  conibruire 
des  canots  tout  d\me  pièce ,  longs  de  2,0  330  pieds^ 
fur  quatre  de  largeur  &  plus.  Sa  tige  eft  droite,  di- 
vifée  par  le  haut  en  plufieurs  grandes  branches  qui  fe 
fubdivifent  en  plufieurs  autres.  Le  bois  en  efl  tendre  , 
■rouflatre,  odorant  ôr  fans  aubier.  Il  y  en  a  aufS 
de  marbré ,  de  noir ,  de  jaune  &  de  blanc-clain  On 
rappelle  acajou  moucheté.  Il  s'élève  moins  haut  que  le 
précédent  ;  fes  feuilles  font  plus  petites ,  &  fes  fruits 
moins  gros.  L*une  &  l'autre  variétés  croiflent  dan5  les 
mornes.  \2 acajou  à  plandus^  deCayenne,  fe  polit  aifé<- 
îiient  5  &  a  un  coup-d'œil  fort  luifant  :  il  pourrit  dif* 
ifîcilement  dans  Peau ,  ^  les  vers  ne  l'attaquent  jx)inî» 
On  prétend  qu'il  l'emporte  fur  celui  des  Mes  par  la 
^nefle  de  fon  grain,  comme  par  la  nuance  de  fes 
fibres  ;  on  en  fait  des  ouvrages  de  charpente  &  de 
«nenuiferie,  &  particulièrement  des  meubles  qui  com- 
muniquent leur  odeur  fuave  au  linge  &  aux  bardes 
qu'on  y  renferme,  odeur  qui  écarts  les  infedes.  Cet 
(u:*ijou  fe  nomme  ada  à  Sâint-Doiriingue,  C'efl  ie  udrd^ 


^S  A    C    A 

odorant ,  ctdrela  odorata ,  Linn.  M.  Duj acqiulln  nous 
mande  que  Técorce  de  cet  arbre  efl  roufTe  ou  brune  ,  & 
crevafTée ,  raboteufe ,  d'un  goût  &  d'une  odeur  défa- 
gréable  dans  fa  fraîcheur  ;  fa  feuille  eit  large ,  épaiiTe  , 
alterne  ,  &  d'un  vert  très-foncé  :  fa  fleur  eft  à  cinq 
pétales,  verdâtre  5  ou  d'un  blanc  jaunâtre;  fon  friiit 
arrondi  ou  en  forme  de  cœur,  toujours  vert,  de  la 
grofTeur  d'un  œuf  de  poule  ,  ligneux ,  lequel  contient 
communément  quatre  am.andes  ou  graines  plates ,  fort 
ameres  &  couvertes  d'une  peau  brune ,  ni  trop  épaiffe, 
ni  trop  mince.  Quand  on  incife  l'écorce  de  cet  arbre, 
il  en  tran/Tude  abondamment  une  gomme  tranfparente, 
afiez  feniblable  à  la  gomme  arabique.  \J acajou  a  plan- 
dus ,  dit  M.  de  Préfontaine  ,  eft  appelé  par  les  hommes 
Caraïbes  ,  oubouheri ,  par  les  femmes  ,  iacaïcachl. 

L'autre  efpece  à.  Acajou  fe  nomme  acajou-pomme  ou 
pommier  d^ Acajou  (  cajuyera  )  ;  acaja  iha  ,  Marcg.  Ana^ 
cardium  occidentale^  Herm.  Cajou  ^  Pifon;  Pomifera  feu 
prunifera  indica ,  Ray.  Caffuvium ,  Rumph.  Kapa-mava^ 
Hort.  Malab.  Sa  racine  elt  pivotante  &:  chevelue.  La 
principale  s'enfonce  perpendiculairement  en  terre  :  l'é- 
piderme  qui  couvre  cette  racine  efl:  brun  ;  l'enveloppa 
cellulaire  eil  rougeâtre  ;  les  couches  corticales  qu'on 
nomme  le  liber  ,  font  blanchâtres,  le  bois  tendre  & 
blanc ,  rempli  d'un  fuc  gcmmeux  &  fort  acerbe.  Cet 
acajou  efl  un  arbre  affez  touffu  dont  le  corps  eft  quel- 
quefois alTez  bien  fait.  On  en  voit  à  l'Artibonite  & 
dans  d'autres  parties  de  Saint-Domingue,  qui  s'élèvent 
jufqu'à  20  pieds ,  &  qui  ont  jufqu'à  1 2  à  i  5  pouces 
de  diamètre.  Cet  arbre  efl  communément  plein  de 
nœuds,  crevaffé,  tortueux;  tel  eft  le  tronc ,  telles  font 
les  branches ,  qui  d'ailleurs  font  placées  fans  ordre.  Le 
tronc  ell  en  général  peu  gros ,  &  ne  s'élève  pas  beau- 
coup au  deffus  de  douze  pieds  :  fon  épi  derme  efl  gris; 
l'enveloppe  cellulaire  d'un  vert  clair  ;  le  liber  blan- 
châtre ;  le  bois  blanc,  léger,  fendant,  d'un  goût  acre; 
la  moelle  jaunâtre.  Les  feuilles  croiffent  par  bouquets  à 

l'extrémité 


A    C    K  ,       ^7 

Pextremîté  des  branches  ;  elles  font  fermes ,  bien  nour- 
ries, divifées  par  une  côte  faillante  en  deffous,  à 
laquelle  aboutiffent  plufieurs  nervures  parallèles,  obtufes 
au  fommet ,  pointues  vers  la  bafe ,  ëpaifles  ,  de  4  à  < 
pouces  de  longueur  fur  3  à  4  de  largeur  ,  d'abord 
rougeâtres  ,  &  palTant  enfuite  par  différentes  nuances  , 
jufqu'au  vert  le  plus  foncé  ,  quelquefois  jaunâtres ,  fui- 
vant  leur  expolition ,  d'une  faveur  âpre. 

Du  centre  des  bouquets  de  feuilles,  s'élève,  dit  le 
Père  Nicolfon^  un  panicule  de  7  à  8  pouces  de  Ion* 
gueur,  qui  fe  divife  en  plufieurs  rameaux,  aux  extré- 
mités deiquels  font  attachées  10  ou  12  petites  fleurs 
en  parafol  ,    difpofées  par  bouquets  ^    portées  fur  un: 
pédicule  grêle  ,  compôfées  de  5  pétales  oblongs ,  blan- 
châtres ,   pointus ,  rabattus  en  dehors  ;  parfemées  de 
veines  fanguines   dans  leur  naiffance,    de  couleur  de 
pourpre  dans  la  fuite  ;  les  pétales  font  renfermés  dans 
un  calice  découpé  jufqu'à  la  bafe  en  cinq  parties  égales. 
Ses   fleurs  ,  qui  paroiffent  en  Septembre  ,  font  d'une 
odeur  très-douce  ;  elles  durent  6   &  même  8  jours  ^ 
fans  fe  flétrir.  Il  s'élève  de  leur  centre  ordinairement 
10  étamines  très-déliées  ,  terminées  par  des  anthères 
brunes.  Le  ftyle  efl:  plus  long  que  les  étamines  ;  il  porte 
un  ftigmate  brun ,  arrondi  :  de  plus  de  cent  fleurs  qu'il 
y  a  fur  chaque  panicule  ,   il   n'y  en  a  que  2  ou  5 
qui  fruftifient.  On  reconnoît  à  la  chute  de  ces  fleurs, 
que  le  piflil  efl:  changé  en  un  fruit  oblong ,  ou  en  forme 
de  poire ,   qui  peu-à-peu  groflît  &  acqui'ert  334  pouces 
de  longueur ,   fur  un  diamètre  de  2  pouces.   Ce  fruit, 
qui  mûrit  en  Décembre  &  en  Janvier ,  efl:  d'abord  vert , 
enfuite  jaunâtre ,  &  en  partie  de  couleur  de  feu  plus 
ou  moins  vive ,  fuivant  fon  expofltion.  Il  y  a  plus  ;  te! 
Individu  ,  (  acajou  a  pommes)  a  la  peau  jaune-blanche, 
&  tel  autre  l'a  rouge  ou  pourprée.  La  diverfité  des  fruits 
que  produit  cet  arbre ,  en  fait  diftinguer  quatre  fortes  ; 
fa  voir,  à  fruits  rouges  mamelonnés  ;  à  fruits  rouges  &  un  peu 
ronds  ;  ci  fruits  blancs  &  mamdonnés  ;  à  fruits  blancs  6*, 
Tome  /,  G  * 


98  '^S    ^ 

un  peu  ronds.  Chaque  individu  ne  porte  communémeht 
que  la  même  lorte  de  fruit. 

On  a  obi'ervé  que  X acajou  à  fruits  blancs ,  foit  ronds  9 
foit  mamelonnés ,  n'eft  diiiingué  de  l'efpece  rouge  ,  qu'en 
ce  que  les  feuilles  font  moins  larges  6c  plus  longues  , 
&  que  fes  fruits  font  moins  arrondis  &:  moins  acerbes, 
La  fublknce  intérieure  de  ce  fruit  eft  fpongieufe ,  aqueufe, 
épaiiTe  comme  de  la  gelée  ,  environnée  de  quantité  de 
fibres  longues ,  tendres,  déliées.  Son  fuc  eft  d'un  goût 
vineux ,  mais  un  peu  acre.  Ce  fruit ,  un  pt  u  ailringent ,  efl 
très- bon  dans  le  cours  de  ventre;  les  Indiens  même  en 
font  ufage  comme  aliment.  Il  paroît,  à  l'endroit  où  plu- 
fieurs  fruits  ont  une  efpece  d'œil ,  ou  d'ombilic  ,  ou  de 
couronne  ,  un  noyau  en  forme  d'un  rein,  nommé  noix 
d'acajou,  Ainfi  le  noyau  ,  au  lieu  d'être  dans  l'intérieur 
du  fruit  ,  efl  à  l'extérieur  :  (la  noix,  dit  M.  Ddcu^^ 
efl ,  à  proprement  parler  ,  le  fruit  ;  car  le  corps  charnu 
qui  la  porte  ,  efl  le  réceptacle  ou  placenta  fort  gros  ). 

La  noix  d'acajou  t9i\QTi^t  d'environ  un  pouce,  hl 
large  de  huit  à  dix  lignes;  elle  a  une  écorce  grife ,  épaifTe, 
dure  5  ligneufe  ,  coriace ,  compofée  de  deux  membranes , 
entre  lef quelles  efl  une  efpece  de  diploé  ou  de  fubflance 
fpongieufe ,  qui  contient  un  fuc  huileux,  acre ,  mordicant, 
très- inflammable  ,&  qui  en  exfude  par  un  grand  nombre 
de  petits  trous  ,  lorfque  la  noix  efl  récente ,  &  qu'on  la 
fait  chauffer  :  quelques  Caraïbes  s'en  fervent  pour  con- 
fumer  les  cors  des  pieds  &:  les  vernies ,  fans  douleur 
&  fans  danger.  Ce  fuc  huileux  teint  le  linge  d'une  cou- 
leur de  fer ,  qu'il  efl  très-difHcile  de  faire  difparoître. 
Cette  noix  renferme  en  outre  une  amande  de  la  même 
figure  ,  couverte  d'une  pellicule  brune.  Sa  fubflance  efl 
blanche ,  divifée  en  deux  lobes  ;  elle  efl  fort  bonne  à 
manger  en  guife  de  cerneau ,  ou  grillée ,  elle  a  un  goût 
d'aveline.  On  prétend  que  îa  chair  des  perroquets  qui 
s'en  nourriffent,  contrarie  un  goût  d'ail. 

Les  habitans  des  pays  où  croît  la  noix  d'acajou  ,  re- 
tôent  de  fon  amande  luie  huile  cauflique ,  dont  ils  fe 


A    C    A  99 

fervent  pour  peîndre  le  bois ,  &c  qiiî  Tempêche  de  fe 
corrompre.  On  fait  avec  fes  fruits  d'excellentes  com- 
potes. On  exprime  des»fruits  écrafés  un  fuc  qui ,  ayant 
bien  fermenté  ,  devient  vineux  (  &  fi  l'on  veut ,  il 
devient  acéteux  ) ,  &  dont  on  retire  par  diftillation  un 
efprit  ardent  fort  vif.  Si  on  fe  contente  de  couper  ces 
pommes  par  quartiers ,  Se  les  laiffer  tremper  quelques 
momens  dans  de  l'eau  fraîche,  on  aura  une  boiflbn 
très  -  rafraîchiflante ,  &  regardée  comme  un  fpécifîqua 
contre  les  obftruftions  de  l'eflomac.  Il  tranffude  de  l'ar- 
bre, quand  on  le  taille,  une  gomme  roufsâtre,  tranf- 
parente  ,  tenace  &c  qui ,  étant  fondue  dans  un  peu 
d'eau  ,  tient  alors  lieu  de  la  meilleure  glu.  On  s'en  fert 
à  Cayenne  pour  coller  tout  ce  qu'on  veut  fouftraire 
à  l'humidité  &  aux  infeûes.  On  la  paffe  auffi  fur  les 
meubles  pour  leur  donner  un  luftre  ou  un  vernis  agréable 
à  la  vue.  Le  bois  d* acajou-pomme ,  quoique  moins  dur, 
moins  odorant ,  plus  brun ,  &c  féchant  moins  vite  que 
celui  de  V acajou  à  planches  ,  efl  cependant  très-recherché 
pour  faire  des  meubles  &  pour  bâtir.  Comme  il  eft  tor- 
tueux ,  on  tire  de  fes  branches  des  ceint res  propres  à 
former  des  defTus  d'armoires,  des  corniches  arrondies. 
Ses  contours  font  quelquefois  fi  naturels  ,  qu'il  n'y  a 
plus  qu'à  leur  donner  quelques  coups  de  cifeau  pour 
les  perfedlionner.  Les  Teinturiers  emploient  l'huile  que 
l'on  retire  de  la  noix  £  acajou  dans  la  teinture  du  noir. 
Les  habitans  du  Bréfil  comptent  leur  âge  par  zes  noix  ; 
Us  en  ferrent  une  chaque  année.  L'homme  peut  bien 
mefurer  le  temps  ;  mais  tous  its  efforts  ne  peuvent 
l'arrêter  dans  fa  courfe  rapide.  La  racine  de  \ acajou  à 
pommes  eft  un  peu  purgative. 

Il  ne  faut  pas  confondre  ces  arbres  avec  celui  qu'on 
nomme  tendre  acaiou  (  dans  celui-ci  1'/  eft  voyelle  ,  àt 
dans  les  autres  il  eft  confonne  ).  Voyez  tendre  Acaiou^ 

ACALOT.  Voyez  Acacalotl. 

ACANTHE  ou  Branc-ursine,  Acanthus  fatlvusi 
yd  mollis  rirgUil ,  C,  B.  Pin,  3  83  :  Carduus  acanthus  g 

9^ 


îôo  A    C    A 

Jive  brancha' urjina  ^  J.  B.  3  ,  75  :  Acanthus  mollis^ 
Linn.  891.  Plante  que  l'on  cultive  dans  nos  jardins. 
On  prétend  qu'elle  ed:  originaire  d'Italie.  Elle  croît 
dans  les  lieux  humides  &  pierreux  des  provinces  mé- 
ridionales de  cette  contrée  ;  elle  fe  multiplie  par  le  moyen 
des  rejetons  que  l'on  feme  dans  une  terre  graffe.  Ses  ra- 
cines font  épaiffes  ,  chevelues ,  noires  en-dehors  ,  blan- 
ches en-dedans;  elles  pouffent  une  tige  élevée  de  la 
hauteur  de  deux  coudées  ,  droite  ,  fimple ,  terminée  par 
un  épi  chargé  d'une  belle  fuite  de  fleurs  d'une  feule 
pièce  ,  irrégulieres ,  de  couleur  de  chair ,  &  qui  fi- 
ni fTent  par  derrière  en  manière  d'anneau.  Chaque  fleur 
efl:  garnie  de  bradées  découpées  &  épineufes  ;  fon  fruit 
a  la  forme  d'un  gland ,  &:  contient  dans  deux  loges  deux 
femences  roufsâtres  &  aplaties.  L'acanthe  cfl  de  la 
claflie  des  plantes  à  quatre  étamines  inégales ,  &  à  fruit 
capfulaire  ;  la  fleur  n'a  qu'une  lèvre  rabattue  ,  divifée 
en  trois  ou  quatre  découpures ,  &  le  calice  efl:  formé 
de  fix  feuilles  afl'emblées  deux  à  deux.  Ses  feuilles  font 
à  rafe  terre  ,  de  la  longueur  d'ime  coudée ,  &  larges 
d'un  empan,  molles,  épaifl^es,  glabres ,  d'un  vert  foncé, 
finueufes  ,  un  peu  crépues ,  &  fans  épines. 

Toute  la  plante  efl:  remplie  d'un  fuc  mucilagineux 
&  gluant.  On  emploie  fes  feuilles  dans  les  lavemens  , 
les  fomentations  &  cataplafmes  émolliens ,  propres  à 
appaifer  les  douleurs  vives  &  les  inflammations.  On 
en  fait  ufage  avec  fuccès  en  Pologne  pour  la  mala- 
die nommée /?//V^  Pùlonka\  maladie  fmguliere  où  le  fang 
fort  par  la  pointe  des  cheveux.  Jotirn,  iconomîq,  année 
1761.  On  s'en  fervoit  autrefois  pour  teindre  en  jaune. 

L'art  puife  dans  l'imitation  de  la  nature  {qs  plus  beaux 
ornemens.  Les  découpures  des  feuilles  d'acanthe  ont  paru 
il  belles ,  qu'on  les  a  choifies  pour  modèle  d'ornemens 
en  Architedure  ;  elles  forment  le  chapiteau  des  colonnes 
de  Tordre  Corinthien.  Les  Anciens  ornoient  de  la 
figure  de  ces  feuilles  les  habits  précieux  :  f^irgilc  ,  en 
parlant  de  l'habit  à'HéUnc ,  dit  qu'il  étoit  relevé  de  feuilles, 


A    C    A       A    C    E  lor 

d'acanthe  en  broderie.  Et  clrcumtcxtum  croceo  vdamen 
acantho,  JEntià,  I.   653. 

Cette  efpece  d'acanthe  n'eft  pas  la  feule  connue  des 
Botaniftes  :  dans  ce  genre  de  plantes  de  la  divifion  des 
monopétaks  perfonnées ,  &  dont  la  plupart  des  efpeces  , 
fur-tout  celles  qui  font  le  plus  anciennement  connues  , 
font  des  herbes  remarquables  par  un  beau  feuillage  ;  on 
en  diftingue  trois  autres  :  i.^  l'acanthe  épineufe ou  acan- 
the fauvage ,  Acanthus  rarionhus  &  breviorlbus  aculds  mu- 
nitus  ^  Tourn,  Infl:.  176:  Acanthus  fpinofus  ^  Linn.  891  : 
2.**  celle  à  feuille  de  houx,  Acanthus  iliàfolius  ,  Linn.* 
qui  eft  un  arbriffeau  des  lieux  humides  &  fangeux  de 
l'Inde  :   3.^  celle  herbacée  de  Madrafpatan, 

A  l'égard  de  la  faujfc  branc-urjîm ,  voyez  l'article 
Berce. 

ACARAUNA  ,  au  Bréfil  :  c'eft  le  clutodon  rayé. 
iVoyez  ce  mot, 

ACARÎCABA.  Plante  du  Bréfil,  dont  la  racine  aro- 
matique peut  être  comptée  entre  les  meilleurs  apéritifs , 
&  le  fuc  des  feuilles  parmi  les  vomitifs  &;  les  anti- 
dotes. Les  propriétés  de  Vacarkaba  font  affez  connues,; 
mais  nous  fommes  peu  inilruits  fur  les  caraderes  de 
cette  plante  :  cependant  Linnœus  la  range  dans  le  genre 
de  Vhydrocotik, 

ACARIMA.  A  Cayenne ,  dit  Barrete^  on  donne  ce 
nom  à  une  efpece  de  fagouin  ,  connu  vulgairement 
fous  la  faufTe  dénomination  àe  Jinge-Uon,  C'eft  le /tz^- 
rikina  de  M.  de  Buffon,  Voyez  Marïkina, 

ACARNEou  AcAMANE.  C'eft  le  pagcL  Voy.  cz  mot^ 

ACATECHICHICTLL  C'eft  le  tarin  du  Mexique 
'de  M.  Biiffon. 

ACCIOCA.  Les  habitans  de  la  montagne  de  Laxo 
donnent  ce  nom  à  une  herbe  qui  croît  au  Pérou ,  &  que 
l'on  fubflitue  dans  le  befoin  à  l'herbe  du  Paraguay ,  dont 
on  lui  croit  les  propriétés.  Voyt^;^  ThÉ  du  Paraguay. 

ACÉTABULE  ou  Androsace  de  u.^^  ^acaabulum 
marinum.  Selon  quelques  Obfervateurs  modernes ,  c'eil: 

^^  1 


ïoi  A    C    H 

une  efpece  de  polypier ,  de  fubftarice  pîerreufe  ^  formi 
par  des  vers  de  mer;  produdion  mîfe  autrefois  au  rang 
des  plantas  marines.  Ce  polypier  eft  un  petit  bafTin 
fait  en  forme  de  cône  renverfé ,  qui  tient  par  fa  pointe 
à  un  pédicule  fort  mince  &  fort  long.  Il  fe  trouve, 
ainfi  que  les  polypiers ,  adhérent  tantôt  à  une  pierre  , 
tantôt  à  une  coquille,    Fo^i^i  Polypier  de  M£R  ,  & 

le  mot  CORALLINE. 

ACHALALACTLI.  Les  Mexicains  donnent  ce  nom 
à  Xalatli,  Voyez  ce  mot, 

KQYimkQk.  Plante  de  l'Inde ,  dont  la  feuille  ref- 
femble  à  celle  du  chou  ;  mais  elle  n'eft  pas  fi  épaifle , 
&  les  côtes  en  font  plus  tendres  :  fon  fruit  qui  efî 
gros  comme  un  œuf  &  de  couleur  jaune,  naît  au  milieu 
des  feuilles.  On  l'appelle  altard  ou  Utach.  Les  Indiens 
cftiment  beaucoup  ce  fruit  pour  la  vérole. 

ACHE  ,  apium.  L'ache  d'eau  eft  la  berle,  L'ache  vul- 
gaire efl  le  céleri  non  cultivé.  L'ache  de  montagne  eft 
la  Uvêcke,  Voyez  ces  mots, 

ACHÉES.  On  donne  ce  nom  &  celui  de  lalcke  aux 
vers  de  terre  ,  dont  on  fait  ufage  comme  appât  pour 
la  pêche.  On  verra  leur  hiftoire  au  mot  Ver  de  terre. 
Comme  il  eil  affez  difficile  d'avoir  de  ces  vers  dans  les 
grandes  fécherefTes ,  on  a  recours  à  divers  moyens.  Il 
faut  trépigner  fur  la  terre  dans  un  lieu  humide ,  ou  bien 
y  remuer  pendant  un  demi-quart  d'heure  un  gros  bâton  , 
en  l'agitant  en  tous  fens  ;  ces  ébranîemens  font  fortir 
les  vers  qui  croient  fentir  l'approche  de  la  taupe ,  leur 
ennemi  mortel.  On  peut  arrofer  aufïî  la  terre  avec  une 
eau  que  l'on  a  rendue  amere  en  y  faifant  bouillir  des 
feuilles  de  chanvre  ou  de  noyer  :  on  peut  auflî  en  ra- 
maffer  pendant  la  nuit  dans  des  prés  humides ,  fur-tout 
quand  il  a  plu  ou  après  un  brouillard. 

ACHIA  ou  AcHiAR  ,  ou  Achar.  Efpece  de  canne 
(  rejeton  du  bambou)  ,  confite  en  vert  dans  le  vinaigre, 
le  poivre  &  autres  épiceries  ,  de  la  longueur  à-peu-près 
^  de  la  conliftance  de  nos  cornichons ,  d'im  jaune  pâle 


A    C    H  105 

&  j\m  tîffu  iîbfeiix  :  ce  font  les  Maîayes,  &  fur- tout 
les  Chinois  qui  font  répandus  dans  les  liles  de  la  Sonde 
&  des  Moluques,  qui  font  cette  préparation.  Ils  ap- 
pellent achiar  tout  ce  qui  eft  confit  au  vinaigre  ;  & 
pour  diflinguer ,  ils  ajoutent  le  nom  de  la  chofe  confite. 
Ce  font  les  Hollandois  qui  apportent  des  Indes  Orien- 
tales V achiar  dans  des  urnes  de  terre. 

ACHIO  ou  ACHIOLT.    Voyei  Roucou. 

ACHÎRE  ,  pl&uronccics  lineatus  y  Linn.  achirus.  Nom 
d'un  poiffon  qui  fe  trouve  dans  les  fleuves  de  l'Amé- 
rique feptentrionale  &  à  Surinam.  Il  efl  du  genre  du 
pUuromBe,  L'individu  décrit  par  Gronovïiis  avait  fix 
pouces  d€  long  ,  &  trois  pouces  &  demi  dans  fa  plus 
grande  largeur.  Le  corps  efl  liffe  ^  couvert  de  petites 
écailles  bordées  de  cils  d'une  couleur  brune  fur  le  côté 
droit ,  qui  efl:  marqué  d'un  petit  nombre  de  lignes  noires 
tranfverfales  ;  le  côté  oppofé  efl  d'une  couleur  blan- 
châtre ;  le  feul  côté  gauche  de  la  tête  efl  tout  cou- 
vert de  barbillons.  La  ligne  latérale  eft  lifTe  ;  les  yeux 
font  placés  tous  les  deux  du  côté  gauche  ;  la  nageoire 
dorfale  efl  très-longue  ;  elle  efl  maintenue  par  foixante 
rayons.  Il  n'y  a  point  de  nageoires  pe£lorales.  Quatre 
rayons  à  chaque  nageoire  abdominale ,  quarante-huit 
à  celle  de  l'anus  ;  la  queue  efl  arrondie  par  fon  extré- 
mité. Les  couleurs  des  nageoires  participent  de  celle 
qui  efl  fur  le   corps  de  chaque  cblè^ 

ACHITH^  cijfus.  Genre  de  plante  qui  a  beaucoup 
de  rapport  avec  celui  des  vignes^  6c  qui  renferme  des 
herbes  vivaces  &  des  arbriffeaux  munis  de  vrilles  ,  grim- 
pans  &  tous  étrangers  à  l'Europe ,  mais  propres  aux 
contrées  chaudes  de  l'Afie  &  de  l'Amérique.  On  dif-* 
tingue  Vachit  a  fimllcs  larges  ,  vulgairement  la  vigne  cil-* 
phanu  de  Madagafcar  ;  c'efl  le  fchunambu-vallî  du  Ma- 
labar. L'efpece  trilobée  s'appelle  karetta- tsjorl'valli  ^ 
l'efpece  rampante,  neriam-pulll  \  l'achit  à  feuilles  pé- 
diaires,  btlutta'tsjori-valli^  l'achit  charnu,  tsjorï-vatlî^ 
Vachit  quadranguUire.  Les  habitans  du  Bengale  &  de  ha, 

G4 


î04  A    C    H        ACM 

côte  de  Coromandel  mangent  fes  rameaux  écorcés ,  ma^ 
cérës  ou  bouillis  dans  l'eau  ;  les  fruits  font  nommés 
yoachit/i. 

ACHOAVAN  ou  Achoava.  Plante  commune  en 
Egypte  5  &  fur-tout  en  Sbechie.  Pwfper  Alpin ,  qui 
l'a  fouvent  cueillie  fraîche  ,  dit  qu'elle  eft  moins  haute 
que  la  camomille  ;  mais  elle  lui  reffemble  afiez  par  fes 
iîeurs ,  &  à  la  matricaire  par  fa  feuille.  Ce  Bctanifte 
lui  a  trouvé  le  goût  &  l'odeur  défagréables. 

ACHOU  ou  AcHouROu.  Nom  que  porte  aufîl  le 
lois  d^Inde,   Voyez  ce  mot. 

ACHRAS.  Foyci  Sapotillter. 
ACHYOULOU.     Foyei     Cerisier    de    Saint- 
Domingue. 
ACHYRI.  Voyei  Corde  a  violon. 
ACIDE.  Voyez  à  l'article  Sel  acide, 
ACIER.  Voyez  à  l'article  Fer. 
ACIN  THI.  Èfpece  de  poule  fultane  qui  fe  trouve  dans 
le  pays  de  Cayenne.  Le  pourpre  noirâtre  fait  le  fond  de 
la  couleur  de  fon  plumage  ;  fes  doigts  font  jaunes  ou 
verdâtres.  On  'en  diftingue    une  variété   appelée   par 
M.   BrifTon  poule  fultane  à  tête  noire.  Leur  vol  efl  pefant. 
ACÏPE.  Nom  d'un  genre  dans  l'ordre  des  poijfons  car* 
tilagineux.  Voyez  à  l'article  Poisson. 

ACMELLE  ,  verhejma  acmella  :  Spilanthus  acmella  , 
ILinn.  :  Ahecedaria^  Rumph.  Plante  annuelle  du  genre  des 
hidens  ,  haute  d'environ  deux  pieds ,  &  qui  eft  très- 
commune  dans  rifle  de  Ceylan.  Hotton  dit  que  fa  tige 
eft  carrée  &  couverte  de  feuilles  pofées  par  paires  y 
femblables  à  celles  de  l'ortie  morte  :  fes  fleurs  fortent 
de  l'extrémité  des  tiges  ,  &  font  compofécs  d'un  grand 
nombre  de  petites  fleurs  jaunes,  qui  forment  en  s'unif- 
fant  une  tête  conique ,  portée  fur  un  calice  à  cinq 
feuilles  :  à  ces  fleurs  fuccedent  des  femences  d'un  gris 
obfçur  ,  aplaties  ,  longues  &  bordées  de  cils  courts ,  ôi 
terminées  par  deux  dents  droites  &  capillaires.  La  ra-, 
cine  de  ïacmdla  eil  fibreufe  ^  blanche. 


A    C     O  lof 

On  cueille  les  feuilles  de  cette  plante  avant  que  les 
fleurs  paroifTent  ;  on  les  fait  fécher  au  foleil ,  &  on 
les  prend  en  poudre  dans  du  thé  ;  fouvent  on  fait  in- 
fufer  la  racine,  les  tiges  6c  les  branches  dans  de  l'efprit- 
de-vin ,  que  Ton  diftille  enfuiîe  :  l'on  fe  fert  des  fleurs  , 
de  l'extrait ,  de  la  racine  &:  des  fels  de  Xacmdla ,  dans 
la  pleuréfie,  les  coliques  &:  les  fièvres. 

Suivant  le  témoignage  donné  par  un  Officier  Hol- 
landois  à  la  Compagnie  des  Indes  Orientales  en  1 690, 
&  confirmé  par  un  Chirurgien  de  la  ville  de  Colombo, 
&  par  le  Gouverneur  de  la  même  Ifle  ,  cette  plante 
acre  &  piquante  poflederoit  encore  une  vertu  bien  pré- 
cieufe  pour  l'humanité.  Ils  ont  dit  avoir  guéri  plus  de 
cent  perfonnes  de  la  néphrétique,  &  même  de  la  pierre , 
par  l'ufage  feul  de  cette  plante  ;  mais  on  emploie  plus 
communément  fa  graine  &  fa  feuille.  Par  quelle  fata- 
lité une  plante  qui  auroit  pofTédé  cette  vertu ,  ne  feroit- 
elle  pas  devenue  commune  à  tout  l'univers  ? 

ACOHO  ou  AcHO  efl  le  nom  du  coq  à  Madagafcar, 
Voyez  Coq. 

ACOLALAN  ou  A  col  A  ou.  Infede  affez  reflemblant 
à  la  punaife  ,  fort  commun  dans  les  Ifles  d'Afrique.  Il 
croît  fort  vite  6c  en  peu  de  temps ,  de  la  groffeur  du 
pouce  ;  alors  il  lui  vient  des  ailes.  Cet  infede  multi- 
plie beaucoup  ,  ronge  tout ,  fur-tout  les  étoffes.  Toutes 
les  cafés  des  Nègres  de  Madagascar  font  remplies  de 
ces  infedes,  qui  deviennent  encore  plus  incommodes 
lorfqu'ils  commencent  à  voler.  Cet  infefte  ne  feroit-il 
pas  un  rava  ,    un  kakerlaque  ? 

ACHOLCHICHI.  Nom  du  trouplah  du  Mexique.  Son 
corps  eft  jaune;  tout  le  refle  du  plumage  eft  noir. 
'Voyez  Troupiak, 

ACOMAS,  homalium.  Grand  &  gros  arbre  de  l'Amé- 
rique, dont  la  tige  efl:  fort  élevée,  droite  &  peu  bran- 
chue  ;  l'écorce  cendrée ,  mince ,  un  peu  crevafTée ,  écail- 
leufe  quand  l'arbre  vieillit;  le  bois  jaunâtre  ,  compacte, 
4ur,  exempt  des  piqûres  d'infedes.   La  feuille  efl  liiTe, 


îo6  A    C    O 

longue,  obtufe ,  d'un  vert  clair ,  portée  fur  une  qiieiTé 
dont  la  longueur  fait  ordinairement  la  cinquième  partie 
de  celle  de  la  feuille.  Ses  fleurs  font  blanches ,  à  cinq 
pétales ,  &  produifent  un  petit  fruit  gros  comme  une 
olive ,  d'une  couleur  jaune  &  d'un  goût  amer ,  dans 
lequel  on  trouve  un  noyau  brun  ,  ligneux  ,  dur ,  poli  ; 
dont  l'amande  efl:  amere  aufîi.  On  diilingue  deux  fortes 
^acomas ,  \e  franc  &  le  bâtard.  On  les  trouve  tous  deux 
dans  les  Mornes  à  Saint-Domingue.  On  fait  ufage  de 
leur  bois  dans  les  ouvrages  de  charpente,  dans  la 
condrudion  des  navires ,  &  l'on  en  fait  des  poutres 
de  dix-huit  pouces  de  diamètre  fur  foixante  pieds  de 
longueur.  De  cette  efpece  Racontas  eft  l'efpece  à  grappes^ 
homallîLm  raczmofum  ;  l'efpece  petite  ou  à  épis  ,  homa- 
lïum  fpïcatum  ,  eft  le  racoubca  de  la  Guiane  ,  un  arbrif- 
feau  dont  le  tronc  n'a  que  quatre  ou  cinq  pouces  de 
diamètre.  Les  Créoles  appellent  le  racouhea  du  norn 
de  mavévé:  ils  emploient  fa  racine  en  tifane  pour  guérir 
les  gonorrhées. 

On  donne  aufTi  très-fouvent  en  Amérique  le  notn 
^acomas  à  ime  efpece  de  càimïtlcr.  Voyez  u  mot, 

ACONIT,  aconitum.  Genre  de  plantes  vivaces  , 
propres  à  l'Europe  ;  elles  portent  des  fleurs  irrégu- 
îieres  ,  fans  calice  ,  &  qui  repréfentent  en  quelque 
façon  la  tête  d'un  homme  revêtu  d'un  capuchon  :  ea 
effet,  le  pétale  fupérieur  a  l'apparence  d'un  cafque  oii 
d'un  chaperon  redreffé.  Ces  fleurs  ,  dit  M.  Vdcuiç  ,  ren- 
ferment un  grand  nombre  d'étamines,  quinze  à  trente  ,  & 
outre  cela  deux  petits  corps  ou  cornets  qui  paroifTent  des 
glandes  nediariferçs,  courbés  &  portés  chacun  par  un  pé- 
dicule. Elles  contiennent  aufîi  trois  ou  cinq  piftils ,  aux*- 
quels  fuccedent  autant  de  capfules  membraneufes  ,  ob- 
îongues  ,  remplies  de  quelques  femences  ridées.  Les 
fleurs  font  en  épi  ou  en  grappe,  terminales;  &  les 
feuilles  toujours  alternes  ,  pétiolées  &  palmées. 

De  toutes  les  efpeces  d'aconits,  il  n'y  en  a,  dit-on,, 
■qu'une  feule  qui  puilTe  fervir  dans  la  Médecine  ;  ellç 


A  c  o  îôr 

^ft  à  cinq  plflils  ,  c'efl  Vanthora  "^uîgaîre  \  aconïium 
falutiferum  ,  Jive  anîhora ,  J.  B.  Pin.  1 84  :  Aconïtum 
anthora^  Linn.  751.  Sa  racine,  qui  eft  vivace ,  efl  le 
conîre-poifon  du  tkora ,  efpece  de  renoncule ,  ainfi  que 
des  autres  aconits ,  dont  la  corolle  efl  jaune  ,  velue , 
(aconitum  lycocionuniy  luteum  ^  Tourn.)  &  à  trois  piftils  , 
&  entr'autres  du  napel ,  efpece  ^aconit  à  fleurs  bleues , 
dont  le  poifon  très-violent  agit  en  coagulant  le  fans. 

M.  HalUr  obferve  que  Xanthora  n'entre  pas  ferieu- 
fement  dans  la  Médecine ,  &  que  cette  plante  feroit 
très-certainement  un  très-mauvais  antidote  contre  le 
poifon  du  thora ,  s'il  étoit  pofTible ,  dit-il ,  que  le  thom 
pût  fervir  de  poifon.  Le  thora  efl:  trop  acre,  étant  frais, 
pour  être  mangé  ;  &:  fec  il  n'a  plus  de  poifon.  Notre 
Obfervateur  ajoute  qu'on  s'en  fert  commimément  dans 
le  gouvernement  d'Aigle  en  SuiflTe,  au  lieu  de  Vafarum 
dont  on  lui  donne  le  nom.  Il  efl  poflîble,  dit  encore 
M.  Haller^  que  chez  les  anciens  guerriers,  des  flèches 
trempées  dans  le  fuc  de  thora  aient  fait  des  bleflures 
mortelles  ;  mais  cet  ufage  n'efl  plus  à  craindre  dans 
nos  climats.  Hé  pourquoi  ?  c'efl  parce  qu'on  fe  fert  de 
fufils. 

Les  accldens  de  ceux  qui  ont  mangé  du  napel ,  dont 
la  racine  reflTemble  à  un  petit  navet,  font  que  la  langue 
6i  les  lèvres  s'enflent  &  s'enflamment ,  que  le  corps 
devient  livide  &  enflé  ;  il  arrive  des  vertiges,  des  convul- 
fions  &  la  miort ,  fl  on  n'y  remédie.  Les  remèdes  les  plus 
eflicaces  font  fans  doute  les  alkalis  volatils ,  ainfl  qu'on 
les  emploie  contre  le  venin  de  la  vipère. 

Voici  un  fait,  dit-on,  qui  prouve  combien  l'ardeur 
du  foleil,  jointe  à  la  nature  particulière  de  chaque  terre  , 
peuvent  rendre  la  fève  fufceptible  d'une  infinité  de 
modifications  différentes,  h^  aconit  à  finir  h  Une  ou  napel  ^ 
dont  la  racine  fur-tout  efl  un  poifon  très-dangereux 
dans  les  Provinces  méridionales  du  Royaume ,  ne  caufe 
pas  un  Q^Qt  aufïï  mauvais  en  Bretagne ,  mêm.e  entre 
les  mains  àç^s  vieillards  ôc  des  enfans.  Plus  on  avance 


>io8  A    C    O 

vers  le  Nord ,  moins  Vaccnit  bleu  ou  naptl  eft  nuifiblel' 
On  y  mange  même  fes  feuilles  en  falade  pour  fe  réveiller 
Tappétit. 

Il  faut  cependant  s'expliquer,  dit  M.  H  aller ,  fur 
l'innocence  de  Y  aconit  hku  ou  napd  qui  croît  dans  les 
pays  feptentrionaux.  Il  y  a ,  dit-il ,  deux  aconits  bleus, 
dont  l'un  efl  propre  au  Nord  :  c'eil  une  variété  bleue 
de  Vaconltum  lycoclomim  ,  luteum  ;  (  tue- loup ,  )  ou  fi 
elle  en  dilfere,  elle  en  a  du.  moins  les  feuilles  fort 
larges,  le  port  &  les  cafques  fort  longs.  Ceft  cette 
efpece  d'aconit  que  M.  HalUr  foupçonne  entrer  dans  les 
falades  du  Nord.  Mais  pour  le  véritable  napel  à  cafques 
raccourcis,  à  feuilles  étroites,  fermes  &  fillonnées, 
il  conferve  fa  qualité  dangereufe  dans  les  pays  fepten- 
trionaux :  il  tue  les  chèvres  qui  en  mangent  quel- 
quefois ,  dans  le  voifmage  de  Falhun  en  Suéde ,  &  il  a 
caufé  la  mort  à  un  Chirurgien  qui  en  a  voulu  manger 
en  falade  dans  ce  même  canton.  Ce  fait  bien  circonf- 
tancié  fe  trouve  infcrit  dans  les  Mémoires  de  l'Académie 
de  Suéde.  La  racine  a  tué  des  chats  ;  ainli  l'influence 
du  climat  froid  ne  change  pas  affez  notre  'napel  aiv 
point  de  n'être  plus  dangereux. 

L'efpece  d'aconit  falutaire  agit  en  divlfant  les  humeurs» 
Les  Payfans  des  Alpes  en  font  ufage  contre  la  morfure 
des  chiens  enragés  &  la  colique .  Foye^  Anthora  & 
Thora.  Voyez  auiïi  Napel. 

Ondiftingue  encore  V aconit  des  Pyrénées  ^  proprement 
dit ,  aconitum  pyrenaïcum  ,  luteum  \foliorumfe§mentisJihi 
invicem  incumbentibus.  Cette  efpece  a  beaucoup  de  rap- 
port avec  Vaconit-tuc'loup  ;  elle  n'en  eft  peut-être  qu'une 
variété  :  (ts  fleurs  font  jaunâtres  ,  difpofées  en  épi  pen- 
ché avant  fa  floraifon.  On  trouve  cette  plante  dans  les 
Pyrénées  &  en  Sibérie.  L'aconit  à  fleurs  panachées , 
aconifum  variegatum  ,  feu  napellus  minor ,  fe  trouve  dans 
les  montagnes  d'Itahe  &:  de  Bohême  ;  fa  racine  eft 
une  efpece  de  bulbe  conique.  L'aconit  à  grandes  fleurs , 
(iconitum^  cammarum  aut  judmbergenfe  ,   fe  trouve  fur, 


A     C     O  ro^ 

ïcs  montagnes  de  Styrie  &  d'Autriche  ;  la  tîge  haute 
de  trois  pieds ,  d'un  vert  rougeâtre  ;  les  fleurs  d'un 
bleu  pourpre  &C  grandes ,  peu  nombreufes. 

ACONTIAS.  royei  Serpent  Aurore  ,  &  l'article 
Serpent  ,  dit  le  Sombre. 

ACOPIS.  Pierre  prëcieufe,  tranfparente  comme  le 
verre ,  avec  des  taches  de  couleur  d'or.  Des  Anciens  lui 
ont  donné  le  nom  ^acopis ,  parce  qu'on  a  prétendu  que 
l'huile  dans  laquelle  on  la  fait  bouillir ,  efl  un  remède 
contre  la  laflitude.  Quelle  peut  être  cette  pierre  ? 

ACORUS.  C'efl  le  nom  qu'on  donne  a  trois  plantes 
différentes  ,  dont  l'une  eft  Vacorus  véritable,  ;  l'autre  , 
Vacorus  des  Indes  ;  &  la  troiiieme  eft  un  gldieuL  de  marais • 

AcORUS  VERITABLE ,  acorus  verus  offidnis  falsh  ca- 
lamiis  aromatïcus  ,  Ger.  :  Acorus  verus  Jîve  calamus  officia 
naruTUy  C.  .B.  Pin.  34:  Acorus  odoratus^  acorus  calamus , 
Linn.  461.  Plante  de  l'ordre  des  Llliacêes,  Suivant 
plufieurs  Botaniiles ,  fes  racines  font  vivaces ,  longues, 
traçantes ,  genouillées ,  groffes  comme  le  doigt ,  garnies 
de  beaucoup  de  chevelus ,  blanchâtres  intérieurement  , 
roufsâtres  en  -  deifus  ,  fpongieufes  ,  d'un  goût  acre  , 
amer ,  aromatique ,  approchant  de  celui  de  l'ail ,  d'une 
odeur  fort  agréable.  Une  tige  fort  de  la  tête  de  la 
principale  racine  ;  elle  eft ,  dit  M.  Leflïboudois  fils ,  en 
forme  de  feuilles ,  du  miheu  fort  un  chaton  de  deux 
à  trois  pouces ,  digitiforme ,  un  peu  incliné  ,  cou- 
vert de  petites  fleurs  peu  apparentes.  Les  feuilles 
de  cette  plante  font  longues ,  droites,  étroites,  enfi- 
formes  ,  &  s'engaînant  par  le  côté  ,  comme  celles 
de  Xirïs,  Le  ftuit  efl  triangulaire  ,  à  trois  loges ,  & 
contient  trois  femences.  U acorus  croît  dans  la  Flandre, 
en  Hollande ,  en  Alface  &  en  Angleterre  ,  le  long  des 
ruifleaux;  en  Lithuanie ,  en  Tartarie,  dans  les  endroits 
très-humides  &  même  baignés.  Comme  la.  racine 
de  cette  plante  contient  beaucoup  de  fel  volatil , 
aromatique  ^  huileux  ,  elle  efl:  alexipharmaque  , 
liyftérique,  cordiale:  cette  racine  ellfujette  à  la  carie. 


iio  A   C   O  A  C    R 

Accrus  DES  Indes  ou  Asiatique,  aconis  Indkuî 
eut  Ajîaticus  ,  radicc  nriuiorc  ,  1  hef.  Zeyl.  ou  la 
BafTombe.  Cette  rac-ne  croir  dans  les  Indes  Orientales 
&  Occidentales  :  elle  efl  plus  petite  que  l'acorus  vé- 
ritable ,  d'une  odeur  plus  gracieufe ,  d'un  goût  amer 
agréable  :  elle  a  les  mêmes  propriétés.  P'ifon  attefle 
qu'on  trouve  dans  le  Bréfil  cette  même  efpece  ^acoms  ; 
elk  efl:  extérieurement  fembîable  à  celle  d'Europe  ; 
elle  n'en  eft ,  dit-on ,  qu'une  variété ,  mais  elle  eft  plus 
menue.  Cet  acorus  efl  le  tchianpon  des  Chinois  ,  le  va^abu 
du  Ceylan ,  le  vacmbu  du  Malabar ,  &  le  bembi  des  Bra- 
mes. Nous  avons  reçu  des  grandes  Indes ,  fous  le  nom 
de  rofeau  aromatique  ,  des  tiges  brunâtres ,  de  4a  grofîeur 
d'une  plume  à  écrire  ,  d'ime  odeur  aromatique ,  & 
d'une  faveur  amere.  C'efl-là  le  véritable  calamus  aro-- 
maticus  des  Indes  ;  nous  l'avons  trouvé  encore  fous 
cette  même  défignation ,  chez  des  Droguifles  de  Lon- 
dres &  d'Amflerdam.  On  en  avoit  aufîi  envoyé  de 
femblables  des  grandes  Indes  &  de  l'Ifle  Bourbon ,  à 
feu  Monfeigneur  le  Duc  de  Bourbon, 

Le  V  A.VX' KCOKVS  ^  pfeudo- acorus  y  eflla  racine  d'un 
gldicul  de  marais  à  fleur  jaune.  Cette  racine ,  genouillée 
&  roufs âtre ,  a  peu  d'odeur  :  elle  laifTe  dans  la  bouche, 
une  grande  acrimonie.  On  la  prétend  aflringente  ;  mais 
M.  Halkr  prétend  qu'il  faudroit  bannir  de  la  Médecine 
Viris  lutea^  (iris  jaune).  Sa  racine  n'a  aucune  des 
qualités  aromatiques  du  calamus  ,  &  elle  lui  paroît 
fufpefte,  en  ce  qu'elle  naît  dans  le  fond  des  folTés. 
Voyez    Iris  jaune   des    marais, 

\J acorus  véritable  entre  dans  la  thériaque,  ainfî  que 
plufieurs  autres  fubflances,  comme  on  peut  le  voir 
dans  l'expofition  publique  que  les  A  pothicaires  de  Paris 
en  font  dans  la  falle  de  leur  jardin. 

ACOUTI.   VoyeT,  AGOUTI. 

ACRIDOPHAGES.  Nom  donné  aux  perfonnes  qui 
vivent  de  fauterelles.  On  appelle  Ptirophages ,  ceux  qui 
mangent  des  poux  ^  Struthlopkages ,  ceux  qid  mangent 


A    C    R  iir 

&S  autruches  ;  Anthropophages ,  ceux  qui  mangent  de 
la  chair  humaine  ;  Icihyophagcs  ,  ceux  qui  fe  nourrirent 
de  poiiTons  ;  Sarcophages ,  ceux  qui  vivent  de  chair 
de  quadrupèdes,  &:c. 

ACROPORE.  C'eft  le  grand  pore  à'Impirati  Voyez 
Madrépore, 

ACROSTIQUE ,  acrojîlcum ,  Linn.  Genre  de  plante 
de  l'ordre  des  cryptogames  qui  ont  du  rapport 
avec  les  fougères;  le  deffous  des  feuilles  eft  entière- 
ment couvert  de  fruftification ,  au  moins  vers  leur  ex- 
trémité. On  en  diftingue  3  2  efpeces  ou  variétés ,  dont 
les  unes  font  à  feuilles  Jimples  &  entières ,  comme  1'^- 
troflique  lancéolé  de  l'Inde  ;  c'eil:  le  tyri-panna  du  Ma- 
labar ;  Vacrojlique  à  feuilles  de  citronnier  de  l'Amérique 
méridionale  ;  Vacrofîique  hérêrophille  ,  c'eft  le  maktta* 
mala-maravara  du  Malabar,  &c. 

Il  y  a  les  acroJTiques  à  feuilles  Jimples  ayant  des  divl-» 
Jions ,  tels  que  Vacrojlique  feptentrional ,  qui  fe  trouve 
en  quantité  au  mont- d'or  en  Auvergne  &  en  Alface; 
Vacrofiique  aujlral ,  qui  fe  trouve  dans  l'Inde ,  aux  Mes 
de  France  &  de  Bourbon;  il  forme  de  petits  gazons 
très-fins  &  d'un  blanc  argenté;  Vacrojlique  des  bois 
montagneux  de  l'Europe,  c^^Vofmunda fpicans ^  Linn. 
1522;  Vacrojlique  de  la  Jamaïque  &  de  la  Virginie  , 
c'eft  racrojiicum  polypodioïdes ,  Linn. ,  &c. 

Il  y  a  les  acrojiiques  à  feuilles  ailées ,  tels  que  Vacrof" 
tique  doré  des  lieux  humidies  de  l'Amérique  méridio- 
nale, &c. 

Il  y  a  les  acrojiiques  à  feuilles  prefque  deux  fois  ailées^ 
tels  que  Vacrofiique  à  feuilles  en  JiUques  des  Célebes  6c 
celui  du  Ceylan  ;  c'eft  le  millejolium  aquaticum  de 
Rumph.  5  &c. 

Enfin ,  il  y  a  les  acrofliques  à  feuilles  deux  fois  ailées  ou 

furcompofées  ;  tels  que  Vacrofiique  à  feuilles  d^ofmonde  , 

d'Afrique  ;  Vacrojlique  prolifère ,  des  Ifles  de  France  ÔC 

de  Bourbon  j  c'eft  VacroJUcum  yiyiparum  de   Linné  ^ 

&C.  &c. 


112  A    C    O 

ACTIF.  Nom  que  M.  l'Abbé  Dicqutmart  donne  à 
lin  petit  infede  de  mer,  qu'il  a  obrervé  près  d'une  pê- 
cherie du  Havre.  Il  eft  très  -  vorace  ,  &:  d'une  agilité 
étonnante.  Sa  forme  tient  un  peu  de  celle  d'un  clo- 
porte, &:  de  celle  de  la  puce  de  mer  ;  il  en  a  la  couleur, 
mais  il  efl  bien  plus  petit  ;  il  a  quatorze  pattes  articulées,, 
fept  de  chaque  côté;  cinq  doubles  nageoires  vers  la 
queue  ,  douze  anneaux  au  corps  ,  deux  antennes  ÔC 
deux  antennules   {Journal  de  Phyf.  Mai   1783). 

ACOUCHÏ ,  quadrupède  de  la  Guyane  &  des  autres 
parties  de  l'Amérique  méridionale  ;  il  reffemble  beau- 
coup à  V agouti.  Uacouchi  efl:  le  cuniculus  mïnor ^  eau- 
datus  ,  olïvauus  ^  de  Barrere.  Il  n'habite  que  les  grands 
bois  éloignés  du  féjour  de  l'homme.  Il  eft  plus  com- 
mun encore ,  mais  moitié  moins  gros  que  Vagouti.  Son 
poil  qui  n'eft  pas  roux ,  mais  de  couleur  olivâtre  ,  n'eft 
pas  fi  long  fur  le  dos  ou  fur  la  croupe  que  chez  l'^- 
goun;  cependant  il  le  redrefle,  comme  le  fait  cet  ani- 
mal ,  lorfqu'îl  eil  pourfuivi.  Il  paroit  moins  peureux 
que  Vagoud ,  donne  des  coups  de  tête  ,  emporte  des 
vivres  à  fa  gueule  comme  les  chiens  ;  &  pour  les  man- 
ger ,  il  les  tient  avec  fts  pattes ,  à  la  manière  de  l'é- 
cureuil. Uacouchl  a  une  queue  ;  Vagouti  n'en  a  pas  bien 
fenfiblement.  Le  premier  étant  pourfuivi  par  les  chiens, 
ne  fe  jette  point  à  l'eau  comme  Vagouti^  il  fe  laifTe 
plutôt  prendre.  On  n'a  point  vu  boire  les  acouchis  ; 
ces  derniers  paroifTent  plus  courageux  &  peu  amis  des 
agoutis  ;  au  befoin ,  ils  font  ufage  opiniâtrement  de 
leurs  dents  qui  ne  la: fient  pas  de  maltraiter.  Ils  dor- 
ment comme  les  chiens,  plies,  &  le  nez  entre  les 
cuifies.  Leur  chair  efl  très-bonne  à  manger;  elle  a  la 
couleur  ôc  le  fumet  du  lapereau.  Les  acouchis  ont  d'ail- 
leurs les  mômes  habitudes  &  les  mêmes  puifTances  de 
reproduftion  de  Vagouti  :  m.ais  les  différences  aue  nous 
avons  défignées,  parolifent  fuffifantes ,  dit  M.  de  Bufon^ 
pour  conllituer  deux  efpeces  diflln^es  &  féparées.  Foy, 
Agouti. 

ACOULEROU, 


A    C     O  A    C    U        ÏT5 

'ACOULuROU.  Voyez  Llam  à  vers  ,  à  l'article 
Liane. 

ACUDÏA.  Infede  volant  &  lumineux  àts  Indes 
Occidentales.  li  y  a  auffi  en  Amérique  \\n  infede  qui 
a  les  mêmes  propriétés ,  connu  fous  le  nom  de  Ciicnju 
ou  Cocojus^  que  l'on  foupçonne  être  le  même. 

Cet  infede,  de  la  clafie  des  fcarabées,  &  de  la  fa- 
mille des  bupreftes,  eft  de  la  groiTeiir  du  petit  doigt, 
&  long  de  deux  pouces.  Lorfqu'il  vole  pendant  la  nuit, 
il  répand  une  très  -  grande  clarté.  On  diroit ,  dit  le 
P.  du  Tertre  y  que  ce  font  de  petites  étoiles  errantes 
dans  la  campagne  :  le  jour  il  ne  paroît  point  lumi- 
neux ,  c^  moins  qu'on  ne  l'agite  ^^  qu'on  ne  fe  place 
dans  un  lieu  obfcur.  On  ignore  de  quelle  partie  de  leur 
corps  vient  cet  éclat;  mais  il  eft  à  préfumer  que  c'efl  du 
corfelet ,  de  même  que  chez  la  grande  (i^^^ecQ  de  mouche 
à  feu.  /'Vvqa  Farticle  Maucke  luljlmu.  On  prétend  que  fi 
on  fe  frotte  le  vifage  avec  Fhumidité  provenant  des 
taches  luifantes  ou  étoiles  de  ce  petit  phofphore  vi- 
vant ,  on  paroît  tout  refplendifïànt  de  lumière  5  tant 
qu'elle  dure.  Quoi  qu'il  en  foit ,  cet  infede  phofpho-. 
rique  efl  d'une  grande  utilité  aux  Indiens.  On  dit 
qu'avant  l'arrivée  des  Efpagnols ,  ils  ne  faifoient  point 
ufage  de  chandelle  ;  qu'ils  fe  fervoient  de  ces  infeéles 
dans  leurs  maifons  pour  s'éclairer  pendant  la  nuit  : 
avec  un  de  ces  acudla  on  lit ,  on  écrit  auiîi  facilement 
qu'avec  une  chandelle  allumée.  Lorfque  les  Indiens 
voyagent  pendant  l'obfcurité  de  la  mut,  ils  en  atta- 
client  un  à  chaque  orteil  du  pied,  ôc  en  portent  un 
autre  à  la  main  ;  c'efl-là  auiîi  le  flambeau ,  la  lanterne 
dont  ils  fe  fervent  pour  aller  de  nuit  à  la  chaffe  de 
Vutlas^  efpece  de  lapin  ou  de  petit  quatlrupede  de  la 
grandeur  d'un  rat.  Lorfque  ces  infeftes  font  pris  ,  ils 
ne  vivent  que  quinze  jours  ou  trois  femaines  au  plus  : 
tant  qu'ils  fe  portent  bien ,  ils  font  très  -  lumineux  ; 
mais  lorfqu'ils  font  malades ,  qu'ils  languiffent ,  leur  lu- 
jniere  s'afFoiblit  ;  ils  ne  brij.lent  plus  lorfqu'ils  font  morts, 
Jom^  /,  ^  H 


114  A    C    U 

Lorfqu'on  veut  aller  à  la  chalTe  du  cuaijn ,  on  îott 
dès  la  pointe  du  jour  armé  d'un  tilon  allumé.  Etant 
élevé  fur  une  hauteur ,  on  fait  faire  la  roue  à  ce  tifon» 
Les  cucujus ,  attirés  par  la  lueur  du  tifon ,  viennent 
pour  dévorer  les  coufms  &  les  autres  petits  infe£les 
qui  fui  vent  toujours  la  lumière ,  &  on  les  prend  en 
les  abattant  avec  des  branches  d'arbres. 

Ces  infectes  font  doublement  utiles.  Lorfqu'on  les  a 
pris ,  on  les  laiiTe  voler  dans  la  maifon ,  après  en  avoir 
fermé  les  portes  :  étant  ainfi  en  liberté,  ils  furètent 
par-tout  &  dévorent  les  coufms,  ces  ennemis  cruels 
du  fommeil ,  fi  incommodes  dans  ce  pays.  Ainfi ,  pen- 
dant la  nuit ,  les  cucujus  font  des  gardes  vigllans ,  qui 
veillent  à  votre  repos  ,  ôc  qui  empêchent  qu'aucun 
coufin   ne  vous  pique. 

Les  defcriptions  que  les  Auteurs  nous  ont  données 
de  Vacudla  &  du  cocojus  font  fi  imparfaites ,  que  l'on 
efl  incertain  li  ces  infe£les  font  les  mêmes  que  le  porte- 
lanumz  de  l'Amérique.  Cette  finguliere  propriété  lumi- 
neufe  donne  cependant  lieu  de  le  croire.  Le  porte'- 
lanterne  (  ainfi  nommé ,  parce  que  la  partie  antérieure 
de  la  tête  d'où  la  lumière  fort,  a  été  regardée  comme 
une  efpece  de  lanterne  )  eft  une  m-ouche  d'une  efpece 
très-fmguliere ,  &  qui ,  à  caufe  de  la  ftruûure  de  fa 
trompe,  a  été  mife  par  M.  de  Réaumur  au  rang  à^s 
procigales.  On  peut  remarquer  au  Cabinet  du  Jardin  du 
Roi ,  dans  les  cafés  des  infedles ,  deux  très-beaux /»or/e- 
lanternes.  Cette  mouche  a  quatre  pouces  dans  toute  fa 
longueur  ;  fi  on  regarde  la  lanterne  comme  une  portion 
de  la  tête  même,  elle  a  plus  d'un  pouce  de  longueur; 
fa  forme  contournée  eu  très -finguliere.  Près  de  la 
lanterne,  il  y  a  de  chaque  côté  un  œil  à  réfeau  de 
couleur  rougeâtre.  Cette  mouche  a  quatre  ailes  ^  dont 
les  fupérieures  n'ont  pas  une  parfaite  tranfparence.  La 
couleur  de  ces  infcftes  efl  variée  &  très-agréable.  On 
remarque  fur  leurs  ailes  un  grand  œil ,  qui  a  quelque 
relfemblance  avec  celui  des  ailes  its  papillons  -  paorn» 


A    C    U  îif 

On  volt  auffi  dans  le  Cabinet  de  Chantilly  deux  porte- 
lanternes  ,  le  mâle  Se  la  fciPielle  ;  celle-ci  a  les  ailes 
diipofées  comme  les  paniers  que  portoient  autrefois 
nos  dames. 

On  ignore  encore  pour  quel  ufage  la  Nature  a  donné 
à  cet  infede  cette  lanterne  lumineufe  :  il  ne  iemble 
pas  au  moins  que  ce  foit  pour  l'éclairer  pendant  qu'il 
vole;  une  Ham.me  plus  large  que  notre  front  &  qui 
en  partiroit,  ne  ferviroit  qu'à  nous  empêcher  de  voir 
les  objets  qui  font  par-delà. 

Vacudia  &c  le  porte- lanterne  ne  fe  noUrriflant  que 
de  petits  infectes  volans  ,  n'y  auroit-il  pas  lieu  de  croire 
que  la  kimiere  que  ces  animaux  répandent  autour 
d'eux ,  attire  les  petits  infedes ,  ce  qui  leur  donne  beau* 
coup  plus  de  facilité  pour  les  attraper  ?  Cttte  idée  paroît 
d'autant  plus  vraifemblable,  qu'on  remarcue  tous  les 
jours  que  les  infecles  qui  volent  la  nuit  recherchent  la 
lumière  5  &  s'en  approchent  le  plus  qu'ils  peuvent  par 
un  mouvement  circulaire. 

MadQm.oifelle  Merian  ,  qui  a  obfervé  ces  fortes  de 
mouches  à  Surinam  ,  dit  que  leur  lumière  eft  telle  , 
qu'une  feule  lui  a  fuffi ,  à  chaque  féance ,  pour  peindre 
les  figures  qui  font  gravées  dans  fon  Ouvrage  fur  les 
infedes  de  ce  pays.  Elle  dit  âufîi  que  les  Indiens  ont 
voulu  lui  perfuader  que  les  mouches  vielkufes  (aiiifi 
nommées  à  caufe  que  le  bruit  qu'elles  font  imite  le  fon 
d'une  vielle  )  fe  métamorphofoient  en  porte- lanternes.  Il 
femble  qu'elle  en  ait  été  convaincue  ,  piiifqu'elle  nous 
donne  une  des  figures  de  fa  planche  pour  celle  d'un 
vielleur^  dont  la  tête  s'eft  alongée  pour  devenir  un 
porte- lanterne.  Si  cette  métamorphofe  étoit  véritable, 
elle  pourroit  être  comparée  au  changement  qui  arrive 
aux  mouches  éphémères,  oui,  après  avoir  volé,  ont 
encore  à  fe  défaire  d'une  dépouille  :  ainfi  il  paroîtroit 
que  la  mouche proci gale  ,  connue  fous  le  nom  de  vielleur ^ 
ne  différeroit  du  porté- lanterne ,  que  parce  qu'elle  a  là 
tête  plus  courte, 

H  % 


Mi6         A    C    U  A    D    I 

ACULLÎAME.  Efl,  dans  Ilemandei ,  le  nom  du  cerf 
de  la  Noiivelle-Efpagne ,  femblable  à  nos  cerfs  communs 
en  Europe.  Vcyei  Cerf. 

ADANE,  Atùlus,  Cefl  VEfiurgeon,  Noy^  ce  mot. 

ADDAX.  Les  anciens  Africains  donnoient  ce  nom 
à  YAîUilcpc  5  efpece  de  GaielU.  Voyez  à  l'article  Ca- 
ndis, 

ADDIBO.  Nom  donne  aux  Indes  à  la  petite  efpece 
-  de  Chacal^  qui  eft  VAdive,  Voyez  Adil  &  Chacal. 

ADENE ,  Adcn'ia  jolïïs  palmans  ,  florihus  fpicatis", 
C'eil  un  arbriffeau  grimpant  dont  la  tige  eft  verdâtre , 
de  la  groiTeur  du  bras  ,  ù  qui  pouffe  des  rameaux  flexi- 
bles, cylindriques,  alternes  ;  les  fleurs  font  en  épi  court, 
PAIX  extrémités  des  branches  ;  le  calice  efl  cylindrique , 
long  de  deux  pouces ,  découpé  en  fix  parties  ;  la  co- 
rolle eft  blanche  &  compclee  de  fix  pétales ,  fix  éta- 
mines ,  un  pifl:il.  Cet  arbrifleau  croît  dans  l'Arabie  ;  il 
efl.  très-vénéneux.  Forskal  dit  C|a'une  potion  faite  avec 
îa  poudre  de  {zs  jeunes  rameaux,  infufée  dans  une 
liqueur  quelconque ,  eil  un  poifon  qui  fait  enfler  le 
corps ,  &  peut  fervir  à  de  pernicieux  ufages.  Il  regarde 
îe  câprier  épineux  comme  Tiintidote  du  poifon  de 
Vûdcm.  (  Flore  d^ Egypte  de  Forskal  ). 

ADENOS.  Nom  donné  à  un  coton  de  marine  qui 
vient  d'Alep  par  la  voie  de  Marfeille.   P^oye^^  Coton. 

A  DH  AT  O  D  A  ou  A  d  a  t  h  o  d  a.    Nom  qui , 
dans  la  langue  de  Ceylan ,  fignifle  plante  qui  a  la  vertu 
d'expulfer  le  fœtus  mort.  Vadluitada  ou  adathoda ,  efl  du 
genre  des  Carmantines.  Voyez  ce   mot, 
ADIANTE.   Voye?^  Capillaire. 

ADIL  ou  Addibo,  ou  Adi ve  ,  ou  Adirés.  Cet  animal 
carnaflier  8i  fauvage,  qu'un  inflinft  deflrudcur  fait  re- 
douter dans  toute  l'Aile  &  la  Turquie,  fiu'-tout  dans  le 
Levant  &  en  Afrique  ,  efl:  le  loup  doré  de  quelques  Natu- 
ralifles.  Il  reflTemble  au  loup  par  la  figure ,  le  poil  &  la 
queue,  mais  fa  taille  çfl:  au-deflous  de  celle  du  renard.  Son 
eipece  paroît  très-ycifine  de  celle  du  chacal  ; 


A    D    I         ADO  i\i 

Viidlve  eft  raoins  farouche  &  plus  facile  à  apprivoifer. 
On  lit  dans  nos  chroniques ,  du  temps  de  Charles  IX, 
que  beaucoup  de  femmes  à  la  Cour  a  voient  de  petits 
adlves  au  lieu  de  petits  chiens.  Ces  adlves  nains  étoient 
privés.  Uadive  paroît  être  une  race  petite  dans  l'efpece 
du  chacal,  Uadive  marche  accompagné  d'un  nombreux 
cortège  ;  on  en  voit  quelquefois  des  troupes  de  deux 
cents.  Il  aboie  la  nuit ,  de  même  que  le  chien  ,  &  crie 
diflinftement  hau  ,  hau ,  ou  oua  ,  oua  ,  oua,  La  peau 
des  adUs  efl  d'une  couleur  jaune  ,  dont  les  habitans 
font  de  belles  fourrures ,  qu'ils  vendent  à  grand  marché. 
Voyez  Lo2^p  6c  l'article  Chacal, 

ADÏMAIN  ou  Adim-Naim.  On  nomme  ainfi  une 
grande  race  de  brebis  à  poil  rude,  à  cornes  courtes  , 
à  oreilles  pendantes  avec  une  efpece  de  fanon  &  de 
pendans  fur  le  cou.  Elle  habite  les  contrées  les  plus 
chaudes  de  l'Afrique  6c  des  Indes  ;  elle  efl  connue  des 
Naturalises  fous  le  nom  de  bdkr  de  Sénégal^  helkr  de 
Guinée^    brebis    d'' Angola;    elle    efl    domeftique ,    6c 
fujette  à  bien  des  variétés.  C'eft  de  toutes  les  brebis 
domeiliques,  celle  qui  paroît  approcher  le  plus  de  l'état 
de  nature  :  elle  eil  plus  grande ,  plus  forte ,  plus  légère  ,î 
&  par  conféquent  plus   capable  qu'aucune   autre  de 
fubiiiler  par  elle-même  ;   mais  comme  on  ne  la  trouve 
que  dans  les   pays    les   plus  chauds,  qu'elle   ne  peut 
fouffrir  le  froid ,  &  que  dans  fon  prapre  climat  elle 
n'exifle  pas  par  elle-même,  comme   animal  fauvage,' 
qu'au  contraire  elle  ne  fubfifte  que  par  les  foins   de 
l'homme,  qu'elle  n'eft  qu'animal  domeitique,   on  ne 
peut  la  regarder  com.me  la  fouche  première  ou  la  race 
primitive.    Le   mouflon  porte  feul  les  caraâ:eres  ori- 
ginaires de  la  race.  Voyez  Mouflon. 

ADIVE  ou  Adirés.  C'efl  le    Chacal  de  la  petite 
taille.    Voyzi  ci-dejfus  Adil. 

ADONIS.   Voyez^  Muge  volant. 

Adonis.  Genre  de  plante  à  fleurs  polypétalées ,  de 
la  famille  des  renoncules  ,  &;  qui  comprend  des  herbes. 

H  3 


ii8         ADR  JE    G    O 

annuelles  ou  vivaces,  dont  la  plupart  font  indigènes 
&  ont  d'affez  belles  fleurs.  On  dillingue  entre  autres 
YAdoms  d'été.  Adonis  œfdvciLs ^L\nn.  771.  Plante  an- 
nuelle que  M.  Tournefort  a  rangée  parmi  les  anémones. 
Elle  le  trouve  dans  le  s  champs.  Sa  tige  eft  haute  de 
fept  à  huit  pouces ,  grêle ,  un  peu  rameulé.  Ses  feuilles 
font  découpées  très -étroitement;  les  fleurs  font  d\ia 
rouge  afléz  vif,  à  cinq  péîales  :  le  fruit  efl  ovale  ,  & 
compofé  de  plufieurs  capliiles  réunies. 

Il  y  a  une  efpece  à^ Adonis  d^ automne  qu'on  cultive 
dans  les  jardins  ,  Adonis  autumnalis  ^  Linn.  771  ,  qui  eft 
originaire  de  Provence.  Sa  tige  eft  plus  haute  que  la  précé- 
dente. Sa  fltur  a  huit  grands  pétales.  Son  fruit  tfi  rond. 

Il  y  a  V Adonis  printanie^-e  ^  Adonis  vcmalis  ,  Linn. 
Ranunculus  fœniculaceis  foliis  ^  hdUbori  ni^ri  radice  ^ 
TouRN.  Les  pétales  font  ovales ,  ouverts  en  rofe ,  & 
leur  nombre  varie  de  dix  à  quinze.  Cette  plante  le  trouve 
dans  les  lieux  montagneux  des  Provinces  Méridionales 
de  la  France  ;  elle  fe  rencontre  aufTi  en  Italie  ,  en  Au- 
triche, dans  la  SuifTe  &  en   Sibérie. 

ADRACHNÉ  ou  AndrachnÉ.  Vcyci  à  t article 
Arbolsier, 

ADRAGANTE ,  (  gomme  ).   Foyei  t article  Barbe 

DE    RfNARD. 

tEGCLETHRON.  Plante  qui  a  été  décrite  fous  ce 
nom  par  PUnt ,  &  qui  paroît  être  le  Chamœrodcndros 
pontica  maxima  ,  mcfpili  folio ,  Jtore  lutco  ,  qui  a  ete 
très-bien  obfervé  par  Tournefort^  corolL  42,  dans  fon 
voyage  au  Levant.  Cette  plante ,  A^^alca  pontica ,  Linn, 
eft  curieufe  à  connoître ,  à  caufe  de  TefFet  fmguhtr 
que  produifent  le  fiic  &  l'odeur  de  fes  fleurs. 

C'eft  une  efpece  de  petit  arbufte  droit  ,  toujours 
vert ,  qui  croît  naturellement  clans  le  voiftnage  de  la 
mer  Noire  ,  &  particulièrement  dans  la  Colchide  ou  la 
Mingrelie  :  il  s'élève  à  la  hauteur  de  cinq  à  fix  pieds. 
Son  tronc  eft  accompagné  de  plufieurs  branches  me- 
nues 5  divué^s  en  rameaux  foiblçs ,  plians ,  6c  couverts 


:^   G    R        M    t    V  11^ 

3\me  écorce  grisâtre ,  liffe ,  cependant  velue  vers  leurs 
fommets.  Ces  rameaux  portent  des  touffes  de  feuilles 
qui  reifemblent  à  celles  du  néflier  des  bois  :  fes  fleurs 
jaunes-verdâtres  font  affez  femblables  à  celles  du  chè- 
vre -  feuille ,  mais  d'une  odeur  bien  plus  forte  ;  elles 
naiflent  par  bouquets  à  l'extrémité  des  branches  ;  il 
leur  fuccede  des  fruits  longs  d'environ  quinze  lignes 
fur  dix  de  diamètre ,  bruns  &  relevés  de  cinq  côtés. 
On  a  remarqué  qu'ils  s'ouvrent  de  l'une  à  l'autre  extré- 
mité en  fept  ou  huit  endroits  creufés  en  gouttières, 
lefquels  vont  fe  terminer  fur  un  axe  qui  traverfe  le 
fruit  par  le  milieu  :  cet  axe  eft  cannelé ,  &  diiîribue  l'in- 
térieur du  fruit  en  autant  de  loges  qu'il  y  a  de  gout- 
tières à  l'extérieur.  On  peut  voir  cette  plante  dans  le 
Jardin  Royal  des  plantes. 

Dans  la  Colchide ,  oii  elle  eft  fort  commune  ,  les 
abeilles  vont  recueillir  le  miel  fur  fes  fleurs ,  ainfi  que 
fur  d'autres  ;  mais  le  miel  qu'elles  en  tirent  rend  af- 
foupis  ou  ivres  ,  furieux  ou  moribonds  ceux  qui  en 
mangent ,  comme  il  arriva  à  l'armée  des  dix  mille  à 
l'approche  de  Trébifonde.  P^ojei  ce  que  nous  avons  dit 
à   r article  ABEILLE  ,  pag,   42. 

On  diflingue  plufieurs  autres  plantes  de  ce  genre  ; 
entre  autres  ,  l'une  originaire  de  l'Inde  ,  Aiçilca  indien , 
Linn.  :  Ckamcerodendron  exoticum ,  amplijjlmis  jlorihus  Li-^, 
liaceis^  Breyn.  Prod.  i.  pag.  24.  Cette  belle  plv/îte 
croît  dans  l'înde,  &  dans  les  contrés  Orient:>les  de 
l'Afie.  Elle  fleurit  dans  le  milieu  de  l'été  ;  ies  fleurs 
font  à  peine  pedunculées ,  grandes ,  d'un  rouge  écar- 
late,  éclatant  &  très- vif;  les  fleurs  font  fi  abondantes 
que  la  plante  femble  couverte  d'un  voile  rouge  & 
magnifique  ;  aufli  au  Japon ,  où  Cette  plante  efl:  très- 
commune  ,  elle  fait  l'ornement  des  jardins  &  des  cam- 
pagnes. 

!iEGREFIN   ou  Anon.    Voye^^  ranicle   MORUE. 

iELG  ,  en  Norvège  ,  efl:  VElan.  Voyez  ce  mot, 

iELURUS,  dans  Fcmandez^  eilla  Civette.  Voy.  ce  moti 

H4 


îio  JE    s    ?         À  G    A 

iESFîNG.  M.  Linnœus  donne  ce  nom  à  une  efpecè 
de   couleuvre  petite  ,   rougeâtre  ,    qui   fe  trouve   en 
Smolande  :  elle  a  cent   cinquante   bandes    ëcailîeufes 
au    bas-ventre  ,   &  trente-quatre   écailles  à  la  queue.  > 
On  pi-étend  que  fa  morfure  eft  mortelle. 

^THUSE.  C'eft  I^a  petite   Clgué,  Voyez  ce  ?7zo/. 

iETTTE.    Voyci   Htites* 

AFIOUME.  Efpece  de  lin  qui  nous  vient  du  Levant 
par  r^arfeille.  Foyei  Lin. 

AGACE.   Voyei  Pif. 

AGALLOCÛM.  C'eû  le  kAs  Saloà,  Voyez  a  mot. 

AGAME.  Lacerta  Agama:  Laurta  caudd  tercti  kmgd , 
collo  fuprà  capueque  pcflice  acukato  ,  occipitis  fquamîs 
reverjis  ^  Linn,  Lézard  d'Amérique  ,  dont  les  pieds  , 
tant  de  devant  que  de  derrière,  ont  cinq  doigts;  fa 
tète  efl  d'une  forme  ovale ,  garnie  vers  la  partie  anté- 
rieure d'écaillés  difpofées  en  recouvrement,  &  près 
des  oreilles,  vers  l'occiput,  d'écaillés  inégales  &  aiguës, 
qui  la  font  paroître  épineufe  ;  le  cou  ert  pareillement 
garni  d'écaillés  en  forme  d'épines  ;  les  tious  des  na- 
rines font  relevés  &  tournés  en  arrière  ;  les  paupières 
£nement  dentées  ;  fous  la  mâchoire  inférieure  eft  une 
peau  lâche  en  forme  de  fanon;  les  trous  des  oreilles 
îbnt  recouverts  d'une  membrane.  Le  tronc  eft  couvert 
^'écailles  arrondies  ;  celles  qui  garniftent  le  defTus  font 
relevées  en  carène  ,  &  terminées  par  une  épine  ;  celles 
du  deiTous  du  corps  font  un  peu  obtufes ,  &  fans 
renflement  ni  épine  ;  la  future  du  dos  eft  garnie  vers 
fa  partie  antérieure ,  &  notamment  fur  le  cou ,  d'une 
crête  compofée  d'écailîes  droites,  diftinélcs  &  fem- 
blables  à  un  fer  de  lance  ;  les  écailles  qui  couvrent  la 
queue  font  plus  aiguës  &  plus  fenfiblement  relevées 
en  carène  que  celles  qui  font  fur  le  corps ,  ce  qui  fait 
paroître ,  dit  M.  Daiihmton  ^  la  queue  un  peu  angu- 
leufe. 

La  crête  de  la  femelle  fe  prolonge  à  peine  jufqu'aux 
épaules;  de  plus,  le  cou  de  la  femelle  n'a  point  d'é- 


A    G    A  111 

pines  latérales  :  maïs  on  en  obferve  de  très  -  petites 
îlir  les  côtés  du  tronc  ^  &  celles  qui  recouvrent  les 
parties  antérieures  du  dos  &  toute  la  queue ,  font  plus 
aiguës  que  celles  qui  leur  correl pondent  fur  le  mâle. 
Cette  efpece  de  Ll\ard  efl  du  quatrième  genre.  Voy&\^ 
Vartick  LÉZARD. 

AGAMI  ou  Agamie.  Les  Habitans  de  Cayenne  ap- 
pellent ainfi  une  grande  &  belle  efpece  d'oifeau ,  remar- 
quable par  le  bruit  bizarre  de  fon  chant.  C'eil:  le  falfan 
des  Antilles ,  de  M.  Br'iJJon  ;  Volfeaii  trompette  de  M. 
la  Condamine,  (  Voyage  des  Amazones  ,  pag.  175.  ) 
U agami  eft  aux  oifeaux  ce  que  le  chien  efl  aux  qua- 
drupèdes; l'homme  faifant  tourner  à  fon  profit  îa 
fagacité  de  Y  agami ,  comme  il  emploie  à  fon  ufage  celle 
du  chien ,  il  fe  repofe  en  partie  fur  lui  du  foin  de 
conduire ,  de  défendre ,  de  raffembler  les  autres  oifeaux 
qu'il  met  fous  fa  garde.  Foye^  r article  Trompette, 
(  Oifeau  ). 

AGARIC  ,  Agariciis,  Plante  charnue  ou  tubereufe  , 
qui  croît  ordinairement  attachée  par  le  côté  &  fans 
tige  au  tronc  des  arbres ,  &  qui  reffcmble  en  quel- 
que façon  au  champignon.  M.  Mickeli  eft  le  premier 
qui  ait  vu  des  fleurs  dans  ce  végétal.  (  M.  H  aller 
paroît  même  douter  encore  de  Texiilence  des  fleurs 
de  V agaric^  elles  font,  dit-il,  plus  que  fufpeftes.  Il 
y  a  des  champignons  qui  ont  une  poufîiere  atta- 
chée à  leurs  lames ,  dont  îa  nature  paroît  être  fémi- 
nale,  &  il  ne  connoît  pas  cette  poufïïere  aux 
polypores^  dont  V amadou  efî  une  efpece,  auffi  bien 
que  V  agaric  de  chêne  ^.  U  agaric  efl,  dit  M.  Micheli  ^ 
im  genre  de  plante  dont  les  caractères  dépendent 
principalement  de  la  forme  de  fes  différentes  feuilles  ; 
elles  font  compofées  de  deux  parties  différentes  :  il 
y  en  a  qui  font  poreufes  en-defTous ,  comme  dou- 
blées de  trous  verticaux  ;  d'autres  font  dentelées  en 
forme  de  peigne  ;  d'autres  font  en  lame  ;  d'autres 
enfin  font  unies,   Lçurs  fleurs  font  fans  pétales ,  & 


122  A     G     A 

n'ont  qii'un  feiû  ûlei;  elles  font  fiénîes;  elles  n*ont 
ni  calice,  ni  piflil,  ni  ëtamines  ;  elles  naiffent  dans 
des  enfoncemtns,  ou  à  l'orifice  de  certains  petits 
trous.  Les  femences  ibnt  arrondies  &C  placées  dans 
difFërens  endroits,  félon  les  efpeccs  d'agaric.  Ces 
fleurs  6c  ce-^  graines  long-temps  inconnues,  même 
depuis  Toiirmfon^  prouvent  que  ce  n'eil  qu'avec  peine 
&  à  l'aide  du  temps  que  l'on  par^/ient  à  dévoiler  la 
Nature.  On  trouvera  à  l'article  Champignon  une  grande 
lifle  ^agarics. 

On  doit  obferver  oue  Vagarlc  ne  s'attache  quel- 
quefois h  l'aubier  de  l'arbre  que  lorfqu'il  eft  mort  , 
él  n'efî:  nullement  la  caule  de  fon  dépcrifiemcnt , 
comme  l'ont  écrit  quelques  Obfervateurs.  Vagarlc 
purgatif  ^  dont  on  fait  ufage  en  Médecine,  refîemble 
affez  à  celui  qui  fournit  V amadou.  M.  Haller  en  a 
cueilli  fur  les  m.ékzes  de  Jorogne ,  au  pied  des. 
Alpes  ;  il  forme ,  comme  l'amadou  ,  des  coins  ou  des 
ferions  de  fphere ,  dont  la  bafe  efl  droite  &  pleine 
de  petits  trous  qui  font  l'embouchure  des  tuyaux  de 
ce  polypore.  La  furface  fupérieure  efl:  convexe  ,  & 
fait  un  tranchant  avec  l'inférieure  ;  t^Aç:  eft  brune  ou 
blonde  ,  comme  velue ,  6i  commimément  partagée 
par  zones  parallèles  de  différentes  teintes.  Vagarlc  croît 
aufîî  fur  les  plus  beaux  arbres ,  les  plus  pleins  de  vie^ 
&  ordinairement  fur  le  larlx  ou  mileie  ,  &  y  reçoit 
fa  nourriture  comme  les  faufies  plantes  parafites. 
Dans  le  commerce,  on  le  trouve  fouvent  m.ondé.  Il 
efl  en  morceaux  de  daTérentes  groffeurs.  La  partie 
extérieure  de  cette  efpece  à^agaric  eil  encore  calleufe , 
grife  ;  fon  intérieur  efl  blanc ,  léger ,  friable  ,  &  fe 
met  aifément  en  farine,  d'un  goût  amer  &  acre.  Ses 
graines ,  femées  fur  des  arbres ,  ont  produit  des  agarics. 

On  croit  que  Vagarlc  purgatif  qu'on  nous  apporte 
du  Levant ,  vient  de  Tartarie ,  &  c'efl  le  meilleur  ;  il 
en  vient  auiîi  des  Alpes  &  des  montagnes  du  Dau- 
phiné  &   du  Trcntin.  On  donne  improprement  à  cet 


A    G    A  Tt? 

agaric  le  nom  à^ agaric  femel/e,  Cefl  VJgaricusJivc  Fungiis 
laiicls  de  C.  B.  &  de  Tournefort ,  562.  On  nomme 
aiifli  improprement  agaric  mâk  une  autre  efpece  ^a- 
garic  qui  croît  fur  les  troncs  des  vieux  noyers,  des 
chênes  &:  des  hêtres  ,  dont  l'ufage  feroit  pernicieux. 
Foyei  Agaric  de  chêne,  ^  , 

Comme  Vagaric  médicinal  eCî  un  purgatif  afTez  fort  , 
on  le  tempère  par  des  aromates  :  il  a  peu  de  vertu  en 
infufion;  mais  il  fait  mieux  ion  effet  en  fubftance. 
M.  Boulduc  (  Mlmoircs  de  l' Académie  des  Sciences  ) 
dit  que  Vagaric  étoit  un  médicament  fort  eflimé  d^s 
Anciens ,  quoiqu'il  le  foit  peu  aujourd'hui  &  avec  rai- 
fon  ;  car  il  ell  très-lent  dans  fon  opération ,  &  par  le 
long  féjour  qu'il  fait  dans  l'eilom.ac  il  excite  des  vo- 
milTemens  ,  ou  tout  au  moins  des  naufées  infuppor- 
tables,  fui  vies  defueurs,  de  fyncopes ,  de  langueurs , 
&c.  il  laifle  auffi  un  long  dégoût  pour  les  alimens; 
&;  M.  HalUr  eflime  que  c'eft  un  mauvais  remède, 
dont  on  feroit  mieux  de  purger  la  Pharmacie  ;  il 
ajoute  que  les  Psyfans  du  Piémont  s'en  fervent  quand 
il  leur  arrive  d'avaler  une  petite  efpece  de  fangfue  , 
qui  eft  fréquente  dans  leurs  eaux.  La  partie  réfineufe 
ou  purgative  ôc  émétique  de  Vagaric  eft  toute  entière 
dans  l'écorce  ,  &c  en  très-petite  quantité  dans  la  partie 
farineufe. 

Agaric  de  Chêne  ,  Jgaricus  pedis  equinl  fade  , 
feu  Fungus  igniarius,  Boletus  igniarius  ^  Linn.  1645. 
C'efl  une  efpece  de  champignon  en  chapeau  feifile , 
gros ,  arrondi  en  fabot  de  cheval ,  dur ,  fort  pefant , 
qui  croît  attaché  par  le  côté  fur  le  tronc  des  vieux 
chênes  ,  àes  noyers  &  d'autres  arbres.  Ce  champignon  a 
la  fuperfîcie  rude  &  raboteufe ,  &  la  fubflance  inté- 
rieure fibreufe  ,  ligneufe ,  difficile  à  divifer  ;  il  eft  com- 
munément brun  ,  recouvert  d'une  poufliere  blanchâtre  ; 
la  furface  inférieure  garnie  de  pores  étroits  ,  d'ime 
amertume  &  d'ime  âcreté  infapportables.  M.  Boulduc 
donne  à  cet  agaric  prétendu  mâle ,  le  nom  de  faux 


124  A     G    A 

agaric.  Dans  le  Nord  on  le  récolte  avant  qu'il  foît 
defTechë  fur  Tarbre  ;  enfiilte  on  Tëmonde  légèrement 
de  (on  écorce  :  il  efl  employé  par  les  Teinturiers  pour 
colorer  en  noir.  L'on  emploie  ^agaric  médicinal^  en 
giiiie  de  noix-de-galle  pour  teindre    la  foie  en  noir. 

C'cft  avec  un  femblable  agaric  que  l'on  fait  de 
V amadou  ;  aulîi  Tappelle-t-on  amadouvier.  On  fépare 
la  fubiîance  calleufe  &  ligneufe  qui  -recouvre  fa 
fuperfcie  ;  on  prend  celle  du  milieu  qui  efl  molle , 
d'une  couleur  grife  tirant  fur  le  brun  ;  on  la  réduit 
en  morceaux;  on  la  fait  bouillir  dans  une  lefTive 
d'eau  nitrée;  on  la  feche;  on  la  pile;  on  la  fait 
bouillir  de  nouveau  dans  la  lefTive,  pour  la  laifîer 
enfuite  bien  fécher.  On  fait  de  quel  ufage  eft  l'amadou 
pour  avoir  promptement  du  feu  par  le  moyen  de 
l'acier  &  de   la  pierre  à  fufil. 

Combien  de  temps  a-t-on  eu  entre  les  mains  cet 
agaric  fans  en  connoître  les  précieufes  propriétés  ? 
Ce  ne  fut  qu'en  1750  que  M.  Broffard  ^  Chirurgien 
de  la  Châtre  en  Berry,  annonça  que  la  partie  m.olîe 
de  Vagaric  de  clilm  étoit  le  meilleur  aftringent  dent 
on  put  fe  fervir,  &:  qu'il  étoit  capable  de  fuppléer 
à  la  ligature  qu'on  eft  obligé  de  faire  dans  les  ampu- 
tations &:  dans  l'opération  de  l'anévrifme.  Voici  la 
manière  (impie  dont  on  le  prépare  pour  cet  ufage. 

n  faut  cueillir  fur  les  vieux  chênes  Vagaric  dans 
les  mois  d'Août  &  de  Septembre.  On  fépare  l'écorce 
dure  extérieure,  &  la  partie  fiâulcufe  la  plus  dure 
jufqu'à  une  fubftance  fongueufe,  qui  obéit  fous  les 
doigts  comme  une  peau  de  chamois.  Suivant  que  Vagaric 
le  permet,  on  en  fait  des  morceaux  plus  ou  moins 
épais  :  on  les  bat  fous  le  marteau  pour  amortir  la 
fubliance  fongueufe  ,  au  point  d'être  aifément  écharpée 
fous  les  doigts. 

Lorfqu'on  veut  employer  cet  agaric  chirurgical  ^  on 
applique  fur  la  plaie  à  l'ouvertuj-e  de  l'artère  un  mor^ 
ceau  de  cet  agaric  ainfi  préparé ,  ôc  préfenté  du  côté  le 


A    G    A  125 

plus  fpongieiix ,  qui  eft  le  côté  oppofé  à  l'écorce;  par- 
cleiTus  ce  morceau  un  autre  plus  grand ,  &  par-deiïus 
le  tout  un  appareil  convenable.  Appliqué  de  la  Ibite 
fiir  les  coupures  de  veines  ou  d'artères ,  il  arrête  le 
fang  en  rctréciffant  le  diamètre  du  vaiiTeau ,  &  donne 
lieu  de  fe  former  au  caillot  fi  ncceffaire  poiu*  boucher 
le  vaiffeau  qui  iburnit  le  fang.  Dans  des  cas  preilans, 
on  peut  employer  l'amadou _,  qui  conferve  fa  vertu 
flyptique.  Nous  devons  cependant  convenir  que  ce 
flyptique  n'a  pas  toujours  été  fui^fant  ou  très-sûr  pour 
arrêter  les  hémorragies  après  de  grandes  opérations 
chirurgicales ,  faites  dans  l'Hôpital  de  Londres.  En 
vain  dira-t-on  que  l'agaric  étoit  mal  préparé  ;  l'expé- 
rience a  fait  voir  plus  d'une  fois  que  fa  principale 
vertu  confiée  dans  la  compreiîion  ,  qu'il  rcfifle  en  effet 
à  de  petites  hémorragies  ;  mais ,  nous  le  répétons  , 
plus  d'un  malade  a  fuccombé  à  l'hémorragie  ,  lorf- 
c|u  on  s'eft  repofé  fur  la  vertu  de  cet  agaric  ^  après 
de  grandes  amputations. 

Cette  efpece  de  champignon  n'eft  pas  rare,  il  s'en 
trouve  d'une  grande  beauté  dans  la  forêt  de  Fontai-u 
nebleau.  Par  des  expériences  déjà  tentées ,  il  paroît 
que  les  agarics  du  bouleau,  du  hêtre,  de  l'orme,  du 
charme  &  de  plufieurs  autres  arbres,  ont  les  mêmes 
propriétés  que  lefungus  agaricus  ou  V agaric  de  chém^ 
L'efpece  de  champignon  qui  croît  dans  les  caves  fur 
les  tonneaux ,  a  auffi  la  même  propriété  aflringente. 
Cet  agaric  eft  le  Fungus  vi/iofus  de  M.  Ford  de  BriiloK 

On  diilingue  une  autre  forte  d'agaric  de  chêne  , 
\u4garicus  quercinus  ^  Linn.  1644.  Il  croît  fur  le  bois 
qui  fe  pourrit  ;  il  dk  aufîi  en  chapeau  fefîile  ;  fa  fubf- 
tance  eft  ferme  ,  dure ,  prefque  ligneufe ,  cependant 
légère,  grisâtre  ,  douce  au  toucher;  les  lames  fermes, 
irrégulieres ,  adhérentes  les  unes  aux  autres,  forment 
des  excavations  fmueufes  &  irrégulieres. 

Agaric  d'Iris  ou  Bolet  bigarre  ,   BoUtus  ver- 
Jîcolor^  Linn,  1645.  Cçt  agaric  qui  fe  trouve  fur  l^ 


iiS  A    G    A 

tronc  des  vieux  arbres ,  &  fur  les  boîs  demî-poums^ 
eu  d'une  fubflance  ferme  ,  blanche  intérieurement  , 
formant  un  chapeau  fefTile ,  femi  -  elliptique  ,  feftonné  , 
velouté  en  -  delTus ,  remarquable  par  des  zones  de  di- 
verfes  couleurs  ;  (es  pores  font  blancs ,  très  -  petits  &C 
inégaux. 

Agaric  minéral,  Mcdulla  faxorum  aut  Agarkus 
mïmralis.  Efpece  de  craie  fine  ,  blanche  ,  douce  au 
toucher ,  friable  :  on  nous  l'apporte  communément 
d'Allemagne ,  oii  elle  fe  trouve  dans  des  carrières  ou 
fentes  de  pierres  calcaires.  Quelques-uns  donnent  aufiî 
à  l'agaric  minéral  le  nom  de  moUk  de  pierre.  Le  tiffu 
de  l'agaric  minéral  reiïemble  beaucoup  à  celui  de  l'a- 
garic végétal.  Voye{^  Farine  fossile. 

AGASSE  CRAOUÎLLASSE  &  AGASSE  CRUELLE. 
Foyei  Pte-griesche  grise. 

AGATHE  ou  Agate  ,  Jchates.  L'agathe  eft  une 
pierre  ignefcente ,  vitreufe ,  &:  plus  ou  moins  tranf- 
parente.  Elle  a  pris  fon  nom  du  fleuve  Achates  en 
Sicile ,  nommé  aujourd'hui  Drïllo  ,  fur  les  bords  du- 
quel les  premières  agates  furent  trouvées.  On  la  ren*- 
contre  toujours  en  morceaux  ronds,  ifolés  &  détachés, 
dans  les  fables  &  dans  les  champs ,  &c.  mais  elle  eft 
en  maffe  dans  les  rochers. 

Vagate  ne  diffère  du  caillou  filex ,  connu  fous  le 
nom  de  pierre  à  fufil^  que  par  fa  couleur  &  fa  tranf- 
parence,  car  fa  fubilance  eft  la  même.  L'agate  impar- 
faite &:  par  la  couleur  &  par  la  tranfparence  ,  ne 
diffère  point  du  caillou  petro-Jilex,  Lorfque  la  pâte  ou 
matière  du  caillou  filex  a  un  certain  degré  de  fineffe, 
de  pureté  &  de  tranfparence  ,  ou  àzs  couleurs  mar- 
quées ,  on  la  nomme  agate.  Elle  prend  un  plus  beau 
poli  que  le  filex. 

On  diflingue  deux  fortes  à' agates ,  par  rapport  à  la 
netteté ,  à  la  tranfparence ,  à  la  dureté  &  à  la  beauté 
de  fon  poli;  fa  voir  ,   V  agate  orientale  &C  Vcccidcntale, 

La  première  réunit  prefque  toujours  ces  qualités  j 


A    G    A  f27 

fee  qui  lui  efl  relativement  commun  avec  toutes  les 
pierres  orientales  ;  cependant  on  en  trouve  quelouefois 
d'occidentales ,  qui  le  diiputent  pour  la  beauté  aux 
orientales. 

U agate  orientale  ou  fine  ,  a  le  tilTu  du  filex ,  fe  cafle 
de  même  en  fragmens  îranchans ,  convexes  d'un  côté 
&  concaves  de  l'autre;  elle  efl:  pommelée  &  blanche, 
ou  plutôt  elle  n'a  pas  de  couleur  ;  car  dès  qu'elle  a 
une  teinte  de  couleur ,  elle  ne  retient  plus  le  nom 
^ agate.  Si  elle  ell  d'une  couleur  laiteufe ,  mêlée  de 
jaiuie  &  de  bleu ,  c'eft  une  calcédoine.  Si  elle  eil  d'une 
couleur  orangée ,  ou  de  corne  un  peu  enfumée ,  c'efl 
une  fardoine.  Si  elle  eft  verdâtre,  ou  de  couleur  de 
cire  laiteufe  &C  à  peine  demi-tranfparente  ,  c'efl  le  Jade, 
Voyez  ces  mots.  Les  couleurs  les  plus  rares  font  le 
vert ,  le  couleur  de  faphir  ,  de  rofe-vive ,  de  rofe  pana- 
chée 5  de  ponceau  &;  d'un  beau  noir. 

L"* agate  occidentale ,  au  contraire ,  a  plufieurs  couleurs 
différemment  nuancées  ;  elle  a  quelquefois  la  couleur 
de  la  cornaline  ou  de  la  fardoine  ,  ou  de  la  calcédoine  \ 
mais  on  l'en  diflingue  aifément  par  le  peu  de  vivacité 
&  de  netteté  de  fa  couleur  comparée  aux  agates  orien- 
tales ,  à  la  cornaline ,  à  la  fardoine ,  à  la  calcédoine  ; 
telles  font  les  agates  des  environs  du  Havre,  &  de 
plufieurs  autres  endroits. 

Cette  agate  occidentale  a  une  tranfparence  à  demi- 
offufquée  ;  fes  couleurs  ont  peu  d'éclat  &  de  netteté  : 
on  la  diflingue  cependant  facilement  du  jafpe  ^  parcs 
que  ce  dernier  n'a  point  du  tout  de  tranfparence.  La 
matière  demi-tranfparente  de  l'agate,  fe  trouve  mêlée 
quelquefois  avec  le  jafpe ,  matière  opaque  ;  cette  pierre 
porte  alors  le  nom  à^ agate  jafpée  ,  fi  la  matière  d'agate 
en  fait  la  plus  grande  partie  ;  &  on  l'appelley-^e  agate^ 
fi  c'efl  le  jafpe  qui  domine.  Toutes  les  agates  du  Du- 
ché de  Deux-Ponts ,  font  réputées  occidentales.  11  y 
en  a  de  toutes  les  couleurs  ,  &  qui  offrent  les  plus 
beaux  compartimens ,  zones ,  rubans  ,  filets ,  ÔCC»  ËUçs 
font  la  plupart  çiiftaliiiecs  au  centre» 


128  A    G    A 

L'arrangement  des  taches  &  î'oppofiticn  des  cou- 
leurs dans  les  couches  dont  Vagate  efl  compofce ,  font 
des  caraderes  propres  à  diflinguer  différentes  elpeces, 
qui  font  Vagate  fimphmmt  dite ,  V agate  œillk  ,  V agate- 
onyx  y  Vagate  hcrhcrifée  ou  moujjci/jl  ,  àc  Vagate  cha^ 
toyante. 

\2 agate  Jimplement  dite  eft  fans  couleur  ;  il  y  en  a 
de  nuancées  de  diverfes  teintes  avec  ou  fans  ordre  ;  les 
unes  font  grifes  avec  des  zones,  filets,  rubans,  con- 
tournés en  fpirales  ;  d'autres  font  fauves  :  (  Vagate 
Uontlne  ou  de  panthère^  fi  elles  font  rnouchetées  fur 
lin  fond  jaune  )  ;  on  connoît  l'agate  à  veines  rouges  , 
(  achates  facra  );  celle  à  trois  ou  quatre  couleurs  ,  ou 
l'agate  élémentaire  ;  îa  fard'-agate  ;  l'agate-coralline  ; 
l'agate  laiteufe ,  opaque  ou  cackolong.  Le  jeu  de  la 
Nature  fe  fait  fouvent  remarc[uer  d'une  manière  iin- 
guliere  dans  quelques  agates  ;  &  il  y  efî  varié  prefque 
à  l'infini  ;  de  forte  que  dans  ce  mélange  &  cette  con- 
fufion ,  il  s'y  rencontre  des  hafards  aufTi  linguliers  que 
bizarres.  On  croit  y  appercevoir  quelquefois  des  niif- 
feaux ,  des  gazons ,  des  payfages  ;  &  l'imaginaticn  de 
certaines  perfonnes  croit  y  remarquer  quelquefois  àes 
tableaux  entiers  ;  telle  étoit  la  fameufe  agate  de  Pyrrhus^ 
fur  laquelle ,  au  rapport  de  Pline ,  on  prétendoit  voir 
Apollon  avec  fa  lyre ,  &  les  neuf  fvlufes  chacune  avec 
fes  attributs.  L'imagination  de  quelques  gens  toujours 
amoureux  du  merveilleux ,  leur  fait  voir  fur  des  agates, 
clés  traits  parfaits  d'objets ,  dont  les  autres  entrevoient 
à  peine  les  efquiiTes.  Telles  font  encore  Vagate  uranie 
qui  repréfente  des  étoiles  &  la  lune  dans  its  phafes, 
écC.  Vagate  loomorphite ,  qui  repréfente  des  figures  d'a- 
nimaux ;  Vagate  technomorphite ,  où  l'on  croit  voir  des 
figjures  de  mathématicrues. 

'Vagate-onyx  ell:  de  la  nature  de  Vonyx.  Voyez  et 
mot.  Elle  eft  formée  de  deux  bandes  ou  zones ,  ou  cou- 
ches l'une  fur  l'autre  ,  de  différentes  couleiu-s ,  qui 
font  bien  diftijiguer  les  diiFéren$  lits  dont  Vagate  eil 

compofée  : 


A    G    A  129 

compofée  :  la  couleur  de  l'une  des  couches  n'anticipe 
point  fur  la  couche  voifine.  La  première  ou  la  fupé- 
rieure,  eft  d*un  beau  blanc  de  lait  ,  &  l'inférieure 
d'une  couleur  grife  d'agate  commune  ,  qui  en  fait  le 
fond  lorfqu'on  la  travaille  en  camée.  Plus  les  couleurs 
font  vives,  oppofées  &  tranchantes,  plus  l'agate -onyx 
efl:  eftimée  ;  mais  pour  l'ordinaire  ces  couleurs  ont 
peu  de  vivacité. 

U agate  œilléc  eft  une  efpece  d'agate  -  onyx,  mais 
dont  les  cercles  ou  zones  concentriques  tournent  autour 
d'un  centre  commun,  où  fe  trouve  quelquefois  une 
tache  qui  reffemble  en  quelque  façon  à  un  œil;  ce 
qui  lui  a  fait  donner  le  nom  ^agau  œllUe,  Sur  une 
même  pierre ,  il  y  a  fouvent  plufîeurs  de  ces  yeux  y 
(  de  là  les  diopthalmites  ou  à  deux  yeux ,  les  triopthal-^ 
mites  ou  à  trois  yeux  )  qui  font  le  centre  de  plulieurs 
cailloux  qui  fe  font  formés  les  uns  contre  les  autres , 
&  confondus  enfemble  en  grolTifTant  par  juxta-pofition. 
Foyei  Caillou  &  Vanick  Œil  de  Chat. 

L'induftrie  humaine,  qui  fait  relever  les  grâces  de 
la  Nature  ,  profite  de  cette  légère  reffemblance  de 
\ agate  œilUe  avec  l'œil.  On  taille  V agate  œïllie  ,  on 
l'achevé ,  c'eft-à-dire  qu'on  la  creufe  en  deftbus ,  on 
diminue  l'épaiffeur  de  la  pierre  en  certains  endroits ,  & 
on  met  deftbus  une  feuille  d'or  ;  alors  les  endroits  les 
plus  minces  paroiffent  enflammés,  tandis  que  la  feuille 
ne  fait  aucun  effet  fur  les  endroits  les  plus  épais  :  s'il 
lui  manque  quelque  autre  trait ,  l'art  le  lui  donne.  Le 
Roi  pofiede  une  très  -  belle  onyx  ou  agate  -  onyx  , 
dont  la  gravur^  eft  im  monument  de  la  piété  &  de 
la  tendreffe  que  les  Romains  avoient  autrefois  pour 
leurs  morts  :  on  y  voit  fous  le  toit  d'un  bâtiment 
ruftique  ,  ^  tel  qu'on  les  ccnftruifoit  dans  l'enfance 
de  l'Architeélure ,  une  femme  nue  vis-à-vis  d'un  autel, 
fur  lequel  eft  allumé  le  feu  facré.  Elle  paroît  occupée 
d'un  facrifice  qu'elle  offre  aux  Dieux  infernaux,  avant 
que  de  placer  dans  la  tombe  l'urne  qu'elle  porte ,  ^ 
Tome  /»  I 


150  A    G    A 

qui  efl  remplie  des  cendres  de  fon  marî.  Derrière  eft 
pôle  fur  une  colonne  ,  un  vafe  rempli  de  fleurs.  On 
ne  peut  trop  admirer  le  génie  de  l'Artifte  qui  a  fu 
mettre  en  fcene  les  imperfections  apparentes  d'une 
pierre. 

U agate  herhorlfée  OU  arhoriféc^  que  l'on  nom.me  aufîi 
dmdragate ,  &  que  les  Anglois  &  les  Italiens  appellent 
mocco  y  de  Moka ,  ville  &  port  d'Arabie ,  d'où  on  l'ap- 
porte ,  eft  celle  fur  laquelle  on  voit  des  ramifications 
qui  repréfentent  des  mouffes ,  des  buiffons,  des  arbres: 
il  y  en  a  de  la  dernière  élégance  ;  les  troncs ,  les  bran- 
ches ,  les  feuilles  y  font  delîinés  avec  précifion  &  avec 
légèreté  :  dans  quelques-unes  ,  cii  les  extrémités  des 
ramifications  font  d'une  belle  couleur  jaune  ou  noire, 
ou  d'un  rouge  vif,  on  les  prendroit  prefque  pour  à.z% 
fleurs  ;  par- tout  on  y  reconnoît  le  pinceau  de  la  Nature. 
Toutes  ces  belles  herborifations  ne  font  cependant 
dues  qu'à  des  matières  métalliques  qui  fe  font  filtrées 
&  interpofées  dans  la  fabftance  des  agates.  La  cou- 
leur du  fond  dépend  de  l'efpece  d'agate  :  il  efl  tranf- 
parent  dans  les  orientales.  Les  agaus  herborifies  ne  font 
point  toutes  aufTi  parfaites.  Foye^  De nd rites.  A 
l'égard  des  agates  mcuffcufes  ,  il  y  en  a  qui  contiennent 
effedivement  dans  leur  fubflance  des  plantes  de  la  fa- 
mile  des  Byffus  ;  on  diroit  qu'il  y  a  des  filets  cylin- 
driques rapprochés  en  flocons  dans  les  unes ,  ou  feu- 
lement entrelacés  dans  d'autres. 

Les  agates  verddtrcs  tranfparentes  font  les  pfcudo" 
prafes  dures,  U agate  blanche  efl  le  cacha- long.  Voyez 
ce  mot,  ^ 

On  donne  aux  agates  lenticulaires  le  nom  de  pierres 
de  Saffenage,  Voy^T.  Pierre  d^ hirondelle. 

On  eft  parvenu  à  colorer  les  agates  blanchâtres 
fans  couleur ,  &  à  perfeQionner  la  régularité  des 
agates  jafpées, 

M.  Du/ai  a.  fait  fur  cet  objet  plufieurs  expériences 
inférées    dans    les     Mioioim    de    l'Académie.     Les 


A    G    A  131 

pîerfes  dures ,  telles  que  les  agates  ,  le  crîftal  de  roche , 
ne  fe  diffolvent  dans  aucun  acide  ;  cependant  ces 
rnêmes  acides  ,  chargés  de  parties  métalliques  ,  en 
pénètrent  plufieurs  :  phénomène  curieux ,  qu'on  a 
lieu  d'obferver  fouvent  dans  la  Chimie.  Si  donc  Ton 
met  fur  un  morceau  à^agate  blanche  de  la  diffolution 
d'argent  dans  l'efprit  de  nitre,  &  qu'on  expofe  cette 
pierre  au  foleil,  &  qu'aufîi-tôt  que  la  dilTolution  eft 
îechée,  on  la  mette  dans  un  lieu  humide,  qu'on 
l'expofe  derechef  au  foleil,  V agate  {q  teindra  prompte- 
ment  d'une  couleur  brune  tirant  fur  le  rouge;  elle 
fera  plus  foncée  &  pénétrera  plus  avant,  fi  on  y 
remet  de  nouvelle  diffolution.  Que  l'on  ajoute  à  la 
diffolution  le  quart  de  fon  poids  de  fuie  &  de  tartre 
rouge  ,  la  couleur  tirera  fur  le  gris  ;  fi ,  au  contraire , 
on  ajoute  à  la  diffolution  de  l'alun  de  plume ,  la  cou- 
leur fera  d'un  violet  foncé  ,  tirant  fur  le  noir.  Il  y 
a  dans  cette  forte  ^ agate ,  &  dans  la  plupart  des  autres 
pierres  dures,  des  veines  prefque  imperceptibles,  qui  fe 
laiffent  plus  facilement  pénétrer  de  la  couleur ,  que  le 
reffe;  en  forte  qu'elles  deviennent  plus  foncées,  & 
forment  de  très- agréables  variétés  qu'on  ne  voyoit 
pas  auparavant.  La  diffolution  d'or  ne  donne  à  Vagatc 
Gu'une  légère  couleur  brune  ;  celle  du  bifmuth  la  teint 
d'une  couleur  qui  paroît  blanchâtre  &  opaque  lorfque 
la  lumière  frappe  deffus ,  &  brune  quand  on  la  re- 
garde à  travers  le  jour.  Les  autres  diffolutions  de 
métaux  &  de  minéraux  n'ont  donné  aucune  forte  de 
teinture. 

Si  l'on  veut  tracer  fur  V agate  des  contours,  des 
deflins  réguliers  ,  le  mieux  eft  de  prendre  de  la  diffo- 
lution d'argent  avec  une  plume,  &  de  fiiivre  les 
contours  tracés  avec  une  épingle  :  comme  il  eff  nécef- 
faire  que  V agate  foit  dépohe ,  il  faut  que  la  diffolution 
foit  bien  chargée  d'argent ,  afin  qu'elle  puiffe  fe  criflal- 
lifer  promptement  au  foleil ,  &  qu'elle  ne  coure  point 
rifque  de  s'épancher;  les  traits,  pour  lors,  font  aff^ 

I  z 


i32  A    G     A 

délicats ,  maïs  n'ont  jamais  la  Hhq^Çq   du  trait  de  la 
plume. 

On  diilingue  facilement  V agate  naturelle  de  l'artifi- 
cielle. En  chauffant  l'agate  colorée  ,  elle  perd  une 
<Trande  partie  de  fa  couleur ,  &  elle  ne  la  reprend  qu'en 
mettant  deffus  de  nouvelle  difTolution  d'argent.  Une 
autre  manière  très-fimple,  eft  de  mettre  fur  l'agate 
colorée  de  l'efprit  de  nitre ,  fans  l'expofer  au  foîeil  : 
en  une  nuit  elle  fe  déteint  entièrement  ;  mais  expofée 
au  foleil  pendant  plufieurs  jours,  elle  reprend  fa  cou- 
leur. On  voit  cependant  que  ces  deux  moyens  font 
capables  de  décolorer  même  les  pierres  foies  &  les 
dmdritcs  naturelles.  Les  faphirs  ,  les  améthiftes,  mis  dans 
un  creufet  entouré  de  fable  &:  expofé  au  feu ,  y  devien- 
nent blancs.  La  couleur  des  dendrhes  naturelles  laiiTées 
pendant  trois  ou  qu^re  jours  dans  de  l'eau  -  forte, 
ne  s'alîere  point;  mais  fi  on  laifTe  ces  mêmes  dendrïtes 
fur  une  fenêtre  pendant  quinze  jours  d'un  temps  hu- 
mide &  pluvieux,  la  partie  de  ces  pierres  qui  avoit 
trempé  dans  l'eau-forte,  fe  trouve  abfolument  déteinte 
par  le  mélange  des  parties  aqueufes  :  car ,  dans  plu- 
sieurs cas ,  l'eau-forte  affoiblie  diflbut  ce  que  ne  dilTou- 
droit  point  l'eau-forte  concentrée.  Voyei  Vexperience  de 
M,  de  la  Condamine,  Hlfioire  de  r Académie  des  Sciences  , 
13733  ,  page    25. 

Il  n'y  a  à  Paris  que  les  Orfèvres  &  les  Marchands 
Merciers  qui  ayent  le  droit  de  faire  le  négoce  des 
agates,  quoiqu'il  foit  permis  à  tous  les  ouvriers  de  les 
employer  dans  leurs  ouvrages.  La  plus  grande  quantité 
de  ces  pierres  nous  eft  " apportée  d'Aliem.agne,  de 
Bohême ,  &:c.  Il  s'en  trouve  dans  les  Montagnes  pri- 
mitives ,  mais  qui  font  rarement  de  la  beauté  de  celles 
qui  fe  rencontrent  en  géode ,  dans  les  pays  dont  les 
terrains  ont  été  formés  par  dépôt.  Quant  aux  vertus 
médicinales  de  V agate  ^  elles  font  toutes  imaginaires. 
A  l'égard  de  ces  pierres  vitreufes  appelées  agates  noires  , 
t:llss  ne  font  communément  que  du  vem  de  yokan  ;  il 


À    G    A  135 

y  en  a  beaucoup  aux  environs  du  mont  Hécîa  en 
Iflande.  Anderfon  avoit  donné  improprement  le  nom 
à^ agate  noire  au  jayet. 

AGATI.  Grand  arbre  du  Malabar,  que  M.  L'mnœus 
regarde  comme  une  efpece  de  robïnïa^  &  dont  le  bois 
eft  tendre ,  &  d'autant  plus  tendre  qu'il  efl:  plus  voifm 
du  cœur.  Vagan  croît  dans  les  lieux  fablonneux  ;  fa 
racine  efl  fibreufe  &  noire  ;  Ton  tronc  a  vingt-quatre 
"  pieds  de  hauteur  ,  &  environ  fix  de  circonférence  ;  fes 
branches  partent  de  fon  milieu  &  de  fon  fommet,& 
s'étendent  beaucoup  plus  en  hauteur  ou  verticalement , 
qu'horizontalement.  Si  l'on  fait  une  incifion  à  l'écorce^ 
il  en  fort  ime  liqueur  claire  &  aqueufe  ^  mais  qui 
s'épaiffit  bientôt  &  devient  gomme  ;  fes  feuilles  font 
longues  d'un  empan  &  demi ,  ailées  &  formées  de  deux 
lobes  principaux  unis  à  une  maîtreffe  côte,  &  oppofées 
dire£lement  ;  ces  feuilles  fe  ferment  pendant  la  nuit , 
c'eft- à-dire  que  leurs  lobes  fe  rapprochent.  Ses  fleurs 
font  papilionacées  &  fans  odeur  ;  elles  naiiTent  quatre 
à  quatre  ,  ou  cinq  à  cinq,  fur  une  petite  tige  qui  fort 
de  l'aiiTelle  des  feuilles;  il  leur  fuccede  des  coiTes 
longues  de  quatre  palmes,  &  larges  d'un  travers  de 
doi2;t  :  elles  contiennent  des  fèves  affez  femblables  aux 
nôtres,  mais  plus  petites,  qu'on  emploie  comme  aliment. 
On  dit  que  fi  les  temps  font  pluvieux  ,  cet  arbre  porte 
des  fruits  trois  ou  quatre  fois  l'année. 

AGAVE,    rojei  a  r article   ÏNO. 

Agave,  Genre  de  plantes  de  la  famille  à^s  lilîa- 
cées,  qui  a  de  très  -  grands  rapports  avec  les  ^/(9^5^ 
&  qui  comprend  plufieurs  efpeces  toutes  vivaces  ^ 
dont  quelques-unes  font  remarquables  par  la  grandeur 
&  répaiffeur  de  leurs  feuilles.  Les  Américains  les 
nomment  Plttes ,  &  les  Mexicains  Magneys*  Dans  les 
Agaves  Fovaire  eft  (ons  la  fleur  ,  &  les  étamines 
dépaffent  la  corolle.    ïl  y   a  : 

L'Agave  d'Amérique,  ou  Pitto  d'Efpagne,  c'eft  VAloes 
commun  :  Agave  Amerîcana  ^  Linn, 

13 


134  A    G    A  A    G    N 

L'AGAVE  appelé  metl  ou  magnd  par  les  Mexicains  ^ 
^gave  Mcxicana^  H.  R.  Son  fuc  mucllagineux  &  vif- 
queux  ,  eil  employé  en  Amérique  pour  détacher ,  &C 
en  guife  de  favon  :  fes  feuilles  donnent  une  filaffe  qui 
a  Tufage  de  celle  du  chanvre. 

L'Agave  vivipare,  Aloej4mcricanafoborifera^o\\rn, 
Son  fuc  entre  en  grande  partie  dans  Valoh  caballin  des 
boutiques.  Cette  plante  croît  à  Saint-Domingue  &  à  la 
Jamaïque;  du  centre  de  fes  feuilles  s'élève,  à  dix  à 
douze  pieds ,  une  hampe  ramifiée  &  qui  forme  à  fon 
fommet  un  beau  panicule  chargé  de  fleurs  petites , 
verdâtres ,  &  en  outre  de  bulbes  prolifères  ,  qui  venant 
à  tomber  à  terre  y  prennent  racine  ,  &  forment  de 
nouveaux  individus. 

L'Agave  fétide  ou  le  Pitte  des  Indiens ,  Agavt 
fœtida  ,   Linn.  Voyez  Alohs  Pitte, 

L'Agave  TUBERELX  ,  Jgave  radke  tubcrofd ^  foUis 
longijjîmis  ,  marginibus  fpinojis  ,  Miller.  Cette  plante 
croît  aux  Antilles. 

Il  y  a  encore  1' Agave  de  Virginie ,  Agave  Virginica^ 
Linn.  Maintenant  voyez  l'article  Alocs. 

AGLATIA  efl:  un  fruit  dont  les  Egyptiens  faifoient 
la  récolte  en  Février.  Dans  les  caraderes  fymboliques 
dont  ils  fe  fervoient  pour  défigner  leurs  mois  ,  la 
figure  de  ce  fruit  indiquoit  celui  de  fa  récolte. 

AGLEKTOK.  Voyc^  à  Vartick  Phoque  a  crois- 
sant. 

AGNACAT.  Arbre  qui  fe  trouve  dans  une  contrée 
de  l'Amérique ,  voifine  de  l'Iflhme  de  Daritn.  Cet  ar- 
bre qui  conferve  fes  feuilles ,  reffemble  au  poirier ,  & 
porte  un  fruit  femblable  à  la  poire ,  qui  efî  toujours 
vert,  même  dans  fa  maturité.  La  pulpe  de  ce  fruit 
efl  auffi  verte ,  douce  ,  graife  ,  &  a  le  goût  du  beurre. 
Il  pafTe  pour  exciter  puiiTamment  à  l'amour. 

AGNANTHUS.  Arbrifleau  dont  Vaillant  fait  men- 
tion :  fes  fleurs  qui  font  en  bouquets ,  &  placées  aux 
.extrémités  dçs  tiges  êi  des  branches,  font  irrégulicres. 


A    G    N  155 

a'une  feule  pîece ,  &  renferment  quatre  étammes  plus 
longues  que  la  corolle,  &  inégales.  Quand  la  fleur 
tombe  5  il  lui  fuccede  une  baie  qui  contient  une  feule 
femence  uniforme.  Confultez  les  Mémoires  de  V Académie 
des  Sciences  ,  1 77  2  ,  &  voyez  Bois  de  Savane  à  l'article 
Poirier  fauvage  de  Cayenne. 

AGNEAU  ,  Agnus.  Ceft  le  petit  de  la  brebis  & 
du  bélier.  Ce  jeune  quadrupède  intéreffe  par  fa  tinii- 
.  dite.  L'agneau  par  fa  douceur ,  fa  muette  patience ,  a 
fourni  un  emblème  touchant  &  révéré  de  l'innocence 
qui  fouffre  6c  fe  tait ,  &  fe  préfente  fans  fe  plaindre 
au  couteau  qui  va  l'égorger. 

Les  agneaux  ne  peuvent  pas  toujours  fe  relever 
auïïi-tôt  qu'ils  font  nés  ;  c'efl:  pourquoi  le  Berger  eft 
obligé  de  les  pofer  fur  leurs  pieds ,  &c  dès  qu'ils  y  font, 
ils  ne  tardent  pas  à  s'y  foutenir.  On  prétend  qu'il  faut 
traire  le  premier  lait  de  la  brebis  avant  de  les  laifler 
teter;  mais  c'eft  une  erreur  des  plus  grandes.  La  Na- 
ture, qui  n'a  rien  fait  en  vain,  n'a  point  placé  dans 
les  mamelles  des  animaux  du  lait  qui  pût  incommoder 
leurs  petits.  Il  eft  démontré ,  au  contraire  ,.  qu'étant 
tout  féreux  d'abord ,  il  purge  les  petits ,  &C  leur  fait 
évacuer  leur  méconium  ,  qui  ne  fortiroit  point  fans 
leur  caufer  de  vives  douleurs  de  tranchées.. 

Dans  quelques  contrées ,  lorfque  les  agneaux  font 
nés ,  on  les  enferme  féparément  avec  leurs  mères  pen- 
dant trois  ou  quatre  jours  ,  afin  qu'ils  apprennent  à 
les  reconnoître,  &  que  les  mères  fe  réîabliffent  fans 
accidens.  Dans  nos  climats ,  les  petits  agneaux  favent 
affez  bien  chercher ,  trouver ,  &  faifir  la  m.amelle  de 
leur  mère ,  même  au  milieu  du  troupeau  le  plus  nom- 
breux. Quelle  fureté  d'inflinâ:  infpiré  par  la  Nature  ? 
On  nourrit  les  mères  avec  de  bon  foin ,  du  fon ,  &C 
on  leur  donne  à  boire  de  l'eau  blanchie  avec  la  fa- 
rine de  froment. 

Dès  que  les  brebis  font  rétablies ,  on  les  laifle  aller 
.  aux  champs  ;    mais   on   retient  les  agneaux ,  qu'oa 

I  4 


î3(î  ^A    G    N 

enferme  dans  un  bâtiment  leparé  de  la  bergerie ,  d'oîi 
Von  ne  les  laifTe  fortir  que  les  matins  pour  teter  leurs 
mères  avant  qu'elles  aillent  paître,  &  les  foirs  à  leur 
retour  ;  ainfi  les  agneaux  ne  tettent  que  deux  fois  en 
vingt- quatre  heures  ;  &  lorfqu'ils  font  en  ëtat  de  man- 
ger ,  on  leur  donne  un  peu  de  foin  pour  les  amufer 
6c  les  empêcher  de  bêler,  tandis  que  les  mères  font 
aux  champs. 

Mais  une  nourriture  plus  analogue  à  celle  qu'ils 
reçoivent  de  leur  mère,  c'eft  du  lait  de  vache  ou  de 
chèvre,  dans  lequel  on  met  des  pois  cuits  ou  des  fèves: 
on  les  accoutume  peu- à- peu  à  cette  nourriture  ,  en 
leur  m.ettant  le  doigt  dans  la  bouche  &  le  nez  dans  le 
lait ,  afin  qu'ils  s'imaginent  fucer  la  mamelle  :  une 
preuve  que  cette  nourriture  leur  convient ,  c'eft  qu'ils 
cngraifTent  en  très-peu  de  temps. 

On  ne  mené  les  agneaux  aux  champs  que  vers  la 
fin  de  Mars ,  &  on  les  fevre  vers  la  fin  d'Avril.  Ceci 
s'entend  des  agneaux  nés  en  hiver ,  c'eft-à-dire ,  depuis 
O£lobre  jufqu'en  Mars.  On  ne  les  fevre  ordinairement 
qu'à  ûx  femaines  ou  deux  mois. 

Les  agneaux  les  plus  vigoureux ,  les  plus  gras  &  les 
plus  chargés  de  laine  &  à  toifon  blanche ,  lont  ceux 
que  l'on  préfère  pour  les  élever.  Ceux  de  la  pre- 
mière portée  ne  font  jamais  fi  robuftes  que  ceux  des 
autres. 

Les  agneaux  mâles  doivent  être  châtrés  à  l'âge  de 
cinq  ou  {\x  mois ,  autrement  ils  deviendroient  des  bé- 
liers ,  uniquement  propres  à  perpétuer  l'efpece;  & 
trois  ou  quatre  fuffiîent  dans  un  très-grand  troupeau. 
Pour  faire  cette  opération ,  on  leur  ouvre  le  fcrotum 
avec  un  inftrument  tranchant  ;  on  en  détache  les  tefti- 
cules ,  puis  on  coupe  im  doigt  au  -  deffus  le  cordon 
qui  les  fufpend ,  &  qui  y  porte  la  nourriture  &  la 
matière  féminale.  On  eft  dans  l'habitude  de  lier  les 
tefticules  ,  &  d'attendre  qu'ils  tombent  d'eux-mêmes  ; 
ou ,  après  qu'on  les  a  coupés ,  de  faire  une  ligature  , 


.  A    G    N  137 

afin  d'arrêter  une  hémorragie  qui  eft  plus  falutaire 
qu'à  craindre  ;  mais  on  efl  revenu  de  cette  erreur  , 
depuis  que  l'on  fait  que  la  ligature  des  cordons  des 
tefticules  caufe  des  accidens  très  -  graves  ,  &c  que 
les  vaiffeaux  qui  s'y  rendent  font  fi  petits  ,  que  l'hé- 
morragie qu'ils  caufent  ne  peut  qu'être  falutaire  ,  & 
prévenir  les  grandes  inflammations. 

Lorfque  les  agneaux  font  châtrés,  ils  font  triftes 
&  malades  ;  on  ne  doit  point  leur  donner  des  alimens 
échaiiffans,  comme  font  toutes  les  efpeces  de  grains 
dont  on  les  nourrit  ;  du  fon  mêlé  d'un  peu  de  fel ,  leur 
fuffit  avec  un  peu  de  foin  haché.  On  les  tient  à  ce 
régime  pour  prévenir  le  dégoût  qui  fouvent  fuccede 
à  cet  état,  jufqu'à  ce  qu'ils  recommencent  à  bondir; 
ce  qui  arrive  ordinairement  au  bout  de  deux  jours, 
lorfque  l'opération  eft  faite  comme  on  vient  de  la 
décrire. 

Les  jeunes  agneaux  font  quelquefois  attaqués  de  la 
fièvre;  on  confeille  dans  ce  cas,  de  leur  donner  à 
boire  le  lait  de  leur  mère ,  avec  autant  d'eau. 

Il  leur  arrive  encore  une  efpece  de  dartre  au  menton; 
&  de  petites  ulcérations  à  la  langue  &  au  palais ,  qui  les 
incommodent  beaucoup ,  foit  pour  manger  ,  foit  pour 
teter.  Dans  ce  cas ,  on  doit  frotter  les  parties  malades 
avec  partie  égale  de  fel  marin  &  d'hyfope,  que  Ton 
écrafe  dans  un  mortier  avec  un  peu  de  vinaigre. 

Que  d'utiUtés  ne  retire*t-on  point  de  cet  animal 
domeftique,  qui  ne  doit ,  pour  ainfî  dire ,  fon  exiftence 
qu'à  l'homrne  feul ,  qui  a  fu  le  défendre  contre  tous 
les  ennemis  au7^quels  lexpofoit  fa  foibleffe  ! 

Ses  inteftins  ou  boyaux  préparés  &  filés ,  fervent  aux 
inftrumens  de  Mufique,  à  faire  àes  raquettes,  &  à 
d'autres  ufages  :  pour  cela ,  des  ouvriers  prennent  des 
boyaux  d'agneau  ou  de  mouton  qu'ils  vident  ;  enfuîte 
on  les  fait  macérer  dans  l'eau ,  on  les  dégraiffe  &  on 
en  ôte  les  filandres ,  puis  on  les  replonge  dans  l'eau 
pour  les  faire  blanchir;  c'eft  alors  que  des  femmes  les 


138  A    G    N 

retirent  &  les  coufent  les  uns  au  bout  des  autres ,  afin 
de  leur  donner  précifément  la  longueur  que  la  corde 
doit  avoir.  Tout  cela  fait ,  les  boyaux  font  en  état  d'être 
filés,  un  ou  plufieurs  enfemble,  félon  la  grofîeur  qu'on 
veut  donner  à  la  corde ,  &  en  la  manière  des  Cordiers  : 
enfin ,  on  fait  deffécher  les  cordes  à  l'air ,  on  les 
dégrofîit  en  les  frottant  rudement  avec  une  corde  de 
crin  imbibée  de  favon  noir,  &  on  les  adoucit  avec 
l'huile  de  noix,  pour  les  rendre  plus  fouples.  Le  plus 
grand  commerce  des  cordes  à  boyau  fe  fait  à  Touloufe , 
à  Lyon  ,  à  Marfeille ,  à  Paris ,  &  notamment  à  Rome 
&  à  Naples. 

La  peau  à^ agneau^  garnie  de  fon  poil  &  préparée, 
donne  une  excellente  fourrure ,  que  l'on  nomm^  fourrure 
d'agndln.  Dépouillée  de  fa  laine  &:  palTée  en  mégie, 
on  en  fabrique  des  marchandifes  de  ganterie. 

Lorfqu'on  a  mieux  entendu  les  intérêts  du  commerce 
&  des  manufadures ,  l'on  a  reflreint  à  certains  temps 
de  l'année  &  à  certains  lieux  ,  la  permifTion  de 
tuer  des  agneaux^  dont  la  fourrure  efl  fi  utile  aux 
Fabriques.  On  l'emploie  pour  toute  forte  d'étoffes, 
de  marchandifes  de  bonneterie,  &  dans  la  fabrique 
des  chapeaux. 

On  n'eft  point  encore  parvenu  dans  ce  pays-ci  à 
fe  procurer  d'aufTi  belles  toifons  que  celles  que  donnent 
les  agneaux  de  Perfe  ,  de  Lombardie,  de  Tartarie. 
En  Mofcovie,  les  fourrures  des  agneaux  de  Perfe 
font  préférées  à  celles  de  Tartarie  ;  elles  font  grifes, 
d'une  frifure  plus  petite  &  plus  belle;  mais  elles  font 
fi  chères ,  qu'on  n'en  garnit  que  les  retroufTis  des  ve- 
temens.  La  peau  des  agneaux  morts-nés  de  Tartarie 
Calmouque,  &  des  bords  du  Wolga  ,  porte  une  laine 
noire,  fortement  frifée,  courte,  douce  &  éclatante. 
Les  Grands  de  Mofcovie  en  fourrent  leurs  robes  & 
leurs  bonnets. 

Pour  compléter  l'hifloire  d'un  animal  fi  utile ,  voyez 
l«  mot  Bélier. 


A    G    N  139 

Agneau  d'Israël,  roye^  Daman  -  Israël. 
Agneau  Tart ARE  ou  de  Scythie,  a^nus  Scy^ 
thicusy  eu  le  nom  que  l'on  a  donné  à  une  plante ,  de 
laquelle  grand  nombre  d'Auteurs  ont  dit  bien  des  mer- 
veilles ,  en  fe  copiant  peut  -  être  les  uns  les  autres- 
Kircher  eft  le  premier  qui  en  ait  parlé.  Au  rapport  de 
Scaliger^  rien  n'eft  comparable  à  l'admirable  arbriffeau 
^eScythie^  qui  croît  dans  l'ancienne  Zaccolham.  Cette 
plante,  dit-il ,  s'élève  de  trois  pieds  de  haut  ;  on  l'appelle 
horameti  ou  agneau ,  parce  qu'elle  reffemble  parfaitement 
à  cet  animal  par  les  pieds,  les  oreilles,  les  ongles 
&  la  tête;  il  ne  lui  manque  que  les  cornes,  à  la 
place  defquelles  elle  a  une  touffe  de  poil  ;  elle  eft 
couverte  d'une  peau  légère,  dont  les  Habitans  font 
des  bonnets.  Pour  rendre  la  fable  plus  complète,  il 
n'a  pas  manqué  de  dire  que  la  pulpe  de  cette  plante 
refTembloit  à  la  chair  d'écreviffe,  qu'il  en  fortoit  du 
fang  :  ce  qui  ajoute  au  prodige,  c'efl:  que  fa  racine» 
qui  eft  très-rampante,  tire  fa  nourriture  des  arbrifleaux 
circonvoifins ,  &  qu'elle  périt  lorfqu'ils  meurent.  L'il- 
liiflre  Kcmpfer,  en  fon  voyage  de  Tai  tarie ,  ne  man- 
qua pas  de  faire  des  recherches  de  cette  prétendue 
plante,  mais  fans  fuccès.  Il  penfe  que  ce  qui  a  donné 
lieu  à  ce  conte ,  eft  l'ufage  oii  l'on  ell  en  Tartarie, 
afin  d'avoir  de  la  laine  plus  fine ,  d'arracher  certains 
agneaux ,  avant  le  temps  de  leur  naiffance ,  du  fein  de 
leurs  mères  que  l'on  fait  périr.  C'eil  avec  ces  peaux 
d'agrieaux  que  l'on  borde  des  robes,  des  manteaux, 
des  turbans.  Des  Voyageurs  commerçans,  tout  occu- 
pés de  leurs  intérêts ,  &  peut-être  peu  inftruits  de  la 
langue,  ont  apporté  à  leurs  Compatriotes  ces  peaux 
d'un  animal  pour  la  peau  d'une  plante ,  &  des  Curieux 
ont  conclu  de  là  que  le  borameti  eil  im  zoophyte  ou 
animal-plante. 

M.  Hans-Sloam  dit  que  Vagnus  Scythicits  efl:  une 
racine  longue  de  plus  d'un  pied ,  de  l'extrémité  de 
îaquelle  fortent  quelques  tiges  longues  d'environ  trois 


I40  A     G     N 

à  quatre  pouces  ;  qu'une  grande  partie  de  fa  furface  eft 
couverte  d\in  duvet  noir  ou  jaunâtre,  auffi  luifant 
que  la  foie,  de  la  longueur  d\in  pouce;  d'une  nature 
û  aftringente ,  qu'on  s'en  fert  pour  les  crachemens  de 
fang.  Il  femble ,  dit-il,  qu'on  ait  employé  l'art  pour 
lui  donner  la  figure  d'un  agneau.  Que  conclure  des 
recherches  de  ces  deux  illuftres  Naturalises?  Qu'il 
exifte  encore  bien  de  l'incertitude  dans  un  grand  nom- 
bre de  connoiffances  humaines. 

Parmi  les  diiTérens  jmorceaux  de  borameti  qui  fe 
trouvent  dans  le  Cabinet  de  Curiofités  naturelles  à 
Chantilly,  nous  avons  reconnu  que  ce  ne  font  que 
les  collets  des  racines  d'une  efpece  de  fougère,  revêtus 
d'un  duvet  jaune-rougeâtre.  On  profite  de  la  diftri- 
bution  des  racines,  pour  les  difpofer  en  pattes;  quel- 
ques irrégularités  fur  le  collet  de  la  plante,  forment 
la  tête  ,  les  oreilles.  Ces  borameti^  déiignés  fous  le  nom 
de  poco  di  Jimpie^  croifTent  proche  de  Samara  fur  le 
Wolga.  Voyez  Pclypodz  de   Cayznm, 

AGNUS  CASTUS,  v'uex  foliis angiifiLonhus  ,  cannabis 
modo  difpcjitïs ,  C.  B.  Pin.  47  5  :  Àgnus  folio  non  fer- 
vato  y  J.  B.  J.  Î05  :  f^itex,  Dod.  Pempt.  774.  Arbrif- 
feau  qui  jette  plufieurs  branches  pliantes,  difficiles  à 
rompre  ;  fes  feuilles  naifTent  oppofées ,  oblongues ,  & 
font  difpofées  en  main  ouverte,  comme  celles  du  chan- 
vre; (ts  fleurs  font  odorantes,  en  épis  &  par  anneaux , 
placées  à  l'extrémité  des  petites  branches ,  de  couleur 
de  pourpre ,  d'une  feule  pièce ,  irréguiieres  &  fermant 
comme  deux  lèvres.  Son  fruit  efl  fphérique  comme 
un  grain  de  poivre,  d'une  faveur  acre,  &  renferme 
quatre  femences  oblongues. 

Cet  arbre  croît  naturellement  fur  les  bords  des 
fleuves  &  des  torrens  ,  en  Italie  6c  dans  les  Pays 
méridionaux  :  on  le  cultive  dans  nos  jardins  ;  il 
fleurit  au  mois  de  Juillet.  Cet  arbrifTjau  eft  propre 
à  faire  la  décoration  des  bofquets  d'été  ,  par  içs 
longs  épis  chargés  de  fleurs.  Toutes   les  parties  de 


A    G    O  141 

cet    arbriffeau    répandent  une    cdeur    peu   agréable. 

Cette  plante  contient,  fur- tout  la  femence,  beaucoup 
de  parties  volatiles  :  les  Médecins  l'ordonnent  pour 
calmer  les  maladies  hyftériques.  On  avoit  attribué 
autrefois  à  cette  plante  la  propriété  de  mettre  un 
frein  à  la  concupifcence  de  la  chair,  ce  qui  lui  a  fait 
donner  le   nom  ^agnus  caflus, 

AGOUALALY.   Voyc^  Bois  épineux  jaune. 

AGOUTI  ou  Agouti.  Animal  qui  paroît  être  particu- 
lier aux  contrées  méridionales  &  chaudes  de  l'Amérique  : 
c'eft  le  quadrupède  le  plus  commun  de  la  Guiane  ; 
c'eil  le  Cuniculus  omnium  vulgatijjimus  ,  Agud  vulgb  de 
Barrere  ;  le  Mus  fylvejlrls  Amcricanus  curùcuVi  magnl- 
tudine. ,  porcelli  pïlïs  &  voce  ,  de  Ray  ;  &  le  Cuniculus 
caudatus  ,  auritus  ,  pilis  ex  rufo  &  fufco  mixtis 
yejîitus ,  de  M.  BrifTon.  Quelques-uns  en  diflinguent 
deux  efpeces  par  la  groffeur  ,  ou  par  la  taille  :  la 
plus  grande  efpece  eft  un  peu  plus  grande  que  le 
lièvre.  Tous  les  bois  font  pleins  ^agoutis.  On  le 
trouve  également  répandu  dans  les  hauteurs  &  dans  les 
plaines. 

V agouti  vulgaire  a  été  regardé  mal  à  propos  comme 
une  efpece  de  lapin  ou  de  gros  rat ,  ayec  lefquels  il 
n'a  que  de  très-petits  caractères  de  reffemblance  ,  & 
dont  il  diffère  effentiellement.  Vagouti  efi:  de  la  grof- 
feur d'un  fort  lièvre  ,  fort  agile  ;  fa  tête  approche 
de  celle  du  rat  ;  il  a  la  lèvre  ilipérieure  fendue  comme 
le  lièvre  ,  &  avancée  au-delà  de  l'inférieure  ;  le  mu- 
feau  comme  le  loir  ;  il  a  le  cou  long  ;  fes  oreilles 
font  courtes ,  larges  &  arrondies  :  il  efl  couvert  d'un 
poil  brun  ,  roufTâtre ,  mais  rude  ;  fa  queue  nulle  ,  ou 
à  peine  apparente  ,  en  un  mot  plus  courte  que  celle  du 
lapin ,  eft  dégarnie  de  poils  ,  de  même  que  les  jambes 
de  derrière  ;  fes  jambes  font  courtes  &  menues  ;  les 
pieds  antérieurs  font  divifés  en  quatre  doigts  terminés 
par  des  ongles ,  tandis  que  les  pieds  de  derriçre  çn 
çïït  trois. 


T4i  A     G     O 

V agouti  a  deux  dents  incifives  dans  la  mâchoire 
fupérleure,  &  deux  autres  dans  la  mâchoire  inférieure, 
femblables  à  celles  de  la  marmotte  :  il  a  le  grogne- 
ment &  la  gourmandife  du  cochon  ;  il  fe  plaît  à  faire 
du  dégât ,  à  couper  &  à  ronger  tout  ce  ciu'il  trouve. 
Il  fe  nourrit  des  racines  de  manioc  ,  de  patates  ,  des 
fruits  &  des  noyaux  qui  tombent  des  arbres.  Ces 
noyaux  font  le  maripa  ,  le  tourlouri ,  le  conana  ^  le 
karapa  ,  Vaouara,  Ces  derniers ,  fuivant  l'obfervation 
du  dofteur  de  la  Borde  ,  donnent  à  leur  chair  une 
faveur  infiniment  amere.  Lorfque  \ agouti  efl:  devenu 
adulte ,  il  fe  tient  fouvent  debout.  Il  tient  fon  manger 
&  le  porte  à  fa  gueule  (  bouche  )  avec  fes  pattes  de 
devant ,  comme  l'écureuil.  Prévoyant  comme  le  re- 
nard ,  lorfqu'il  eft  raflafié ,  il  cache  en  terre ,  à  demi- 
pied  de  profondeur ,  le  refte  de  fes  alimens  pour  les 
retrouver  au  befoin. 

La  femelle  de  cet  animal  porte  deux  ou  trois  fois 
l'année  :  elle  ne  met  bas  eue  deux  petits ,  rarement 
trois  ou  quatre  ;  mais  avant  fon  accouchement  ,  elle 
prépare  fous  un  buifîbn  ,  plus  communément  c'eft 
dans  un  trou  qu'elle  creufe ,  un  lit  d'herbes  ,  de  feuilles 
&  de  moufle  :  elle  allaite  it^  petits  dans  cet  endroit 
pendant  deux  ou  trois  jours ,  &  enfuite  elle  les  tranf- 
porte  dans  des  creux  d'arbres  ,  rez  terre ,  dans  des 
Touches  pourries,  où  elle  les  foigne  jufqu'à  ce  qu'ils 
puiflent  fe  pafler  d^elle.  Ce  trou  a  intérieurement  des 
fmuofités  ,  mais  n'a  qu'une  iiTue.  On  chafle  V agouti  de 
plufieurs  manières  ,  avec  des  trappes ,  à  l'affiit ,  au 
fufiL  Les  Nègres  en  prennent  beaucoup  avec  des  chiens. 
Il  fe  fait  courir  comme  le  lapin  ;  il  va  pas  à  pas  de 
même  dans-  le  fourré  ;  s'il  traverfe  \\n  chemin ,  il  ne 
fait  qu'un  faut. 

V agouti  a  la  vue  bonne  &  l'ouïe  fubtile  ;  il  efl:  ex- 
trêmement craintif  :  il  s'arrête  &  écoute  comme  le 
îievre  y  quand  on  le  flflle  ;  &  c'efl  le  temps  qu'on 
prend  pour  le  tirer.  (  Les  Nègres  cha fleurs  à  les  la- 


A    G    O  145 

diens  favent  fiffler  très-adroitement  Vagoutl  :  pour  cela 
ils  fe  fervent  d'un  morceau  de  feuille  de  pinmu.  Alors 
l'animal  s'approche.  )  Il  court  très-i>ien  en  montant  & 
en  rafe  campagne  ;  mais  il  efl  perdu  lorfqu'il  a  le 
malheur  de  fe  trouver  dans  un  champ  de  cannes  cou- 
pées ;  à  chaque  faut  qu'il  fait ,  il  s'enfonce  dans  les 
pailles  qui  ont  quelquefois  un  pied  de  hauteur  ,  oc  il 
a  beaucoup  de  peine  à  réitérer  fes  fauts ,  parce  que 
fes  jambes  font  très-courtes.  Comme  fes  jambes  de 
devant  font  plus  courtes  ,  dans  les  defcentes  il  culbute 
cul  par-deffus  tête.  Lorfqu'il  eft  lancé ,  pourfuivi  par 
les  chiens  ,  il  court  aufîi  vite  que  le  lapin  partant  du 
gîte  ,  il  tâche  de  gagner  l'eau  ou  des  trous  qu'il  creufe 
lui-même  ,  ou  des  creux  d'arbre  oii  il  fait  fa  retraite 
ordinaire  ;  mais  en  fouillant  l'un  &  en  mettant  le  feu  à 
l'autre ,  on  l'oblige  de  déloger,  &  on  le  tue  en  fortant. 

Vagoutl  refte  enfermé  dans  fon  trou  pendant 
la  nuit  :  s'il  en  fort  y  c'eft  quand  la  lune  éclaire. 
Alors  il  n''eft  pas  rare  de  les  entendre  de  loin  racler 
avec  leurs  dents  les  noyaux  de  palmier  &  même  le 
bois.  De  même ,  &  bien  plus  promptement  que  les 
rats ,  ils  favent  agrandir ,  avec  leurs  dents  ,  les  trous 
en  bois  ,  par  où  ils  veulent  paffer.  Lorfque  cet  animal 
eft  irrité ,  ou  qu'il  â  peur ,  il  hérifle  le  poil  rude  de 
fa  croupe  ;  il  frappe  la  terre  de  fes  pattes  de  derrière 
comme  les  lapins  ;  il  jette  de  la  terre  avec  i^s  pattes 
de  devant  ;  il  mord  quelquefois ,  mais  fes  dents  ÔC 
fes  griffes  ne  font  pas  plus  redoutables  que  celle  du 
lièvre  &  du  lapin.  On  peut ,  étant  pris  jeune,  l'appri- 
voifer  dans  une  habitation.  Il  s'y  tient  toujours  à 
l'écart  tant  qu'il  peut  ;  il  fe  laifle  manier  quelquefois. 
M.  di  la  Bords  en  nourrifToit  un  avec  du  poiffon  , 
de  la  viande  cuite  ou  crue ,  &  des  bananes.  Il  pa- 
roiflbit  friand  A^s  excrémens  du  perroquet  &  des 
poules  ;  il  s'étoit  fait  im  magafin ,  où  il  charioit  tout 
ce  qu'il  pouvoit  attraper  de  bon  à  manger. 

Vagoutl  efl:   très  -  commm;i  en  Ançiérique  dans  la 


144  A    G    R 

Terre  -  ferme  &  dans  toutes  les  liles ,  (  notamment  dans 
les  petites  Mes  marines  vers  Tembouchure  de  l'Ama- 
zone,) excepté  à  la  Martinique  :  peut-être,  dit- on  , 
les  ferpens  en  font-ils  la  caufe.  Quand  on  commença 
k  habiter  la  Guadeloupe ,  on  n'y  vivoit  prefque  d'autre 
chofe  :  fa  chair  efl  un  peu  feche  ,  blanche,  fans  graiffe, 
&  a  en  tout  temps  un  goût  de  venaifon  :  elle  approche 
beaucoup  de  c  lie  du  lapin  ;  on  l'ëchaude  &  on  l'ap- 
prête comme  le  cochon  de  lait.  On  mange  les  vieux 
comme  les  jeunes  ;  on  diftingue  même  ceux  de  certains 
quartiers,  ceux  des  bords  de  la  mer  font  réputés  les 
meilleurs  ;  il  y  a  aufîî  certains  cantons  de  terre  où 
leur  chair  devient  plus  favoureufe ,  &  (i  ce  gibier  n'eft 
pas  plus  eftimé ,  c'eft  parce  qu'il  eft  trop  commun  : 
en  effet ,  les  habitans  en  regorgent.  Les  Sauvages  font 
iifage  des  dents  incifives  de  V agouti  ,  qui  foat  très- 
tranchantes  ,  pour  fe  découper  la  peau  dans  leurs  céré-» 
monies  de  deuil.  La  peau  de  V agouti  efl  dure  &  très-propre 
à  faire  des  empeignes  de  fouliers.  \J agouti  parôît  être  du 
même  genre  que  Yacouchi^  mais  V agouti  efl  confiam- 
ment  une  efpece  plus  grande  que  celle  de  Vacouchi. 
Voyez  AcoucHi. 

AGRA.  Bois  de  fenteur  qui  vient  de  l'Ifle  de  Hainan 
à  la  Chine  :  on  en  diflingue  de  trois  fortes.  Il  paroît 
que  ce  bois,  fur  lequel  on  n'a  pas  d'autre  connoif- 
fance ,  eft  très  -  eftimé ,  &  qu'il  fe  vend  très  -  cher  à 
-Canton.  Les  Japonois  font  aulli  grand  cas  de  Vagraca- 
ramba ,  efpece  de  bois  de  fenteur  purgatif. 

AGRAHALÏD.  C'eft,  félon  Umery  ^\m  arbre  grand 
comme  un  poirier  fauvage ,  peu  branchu ,  épineux  , 
reffemblant  au  lycium  ;  auiïi  Ray ,  qui  dit  que  Vagrahalid 
naît  en  Egypte  &  en  Ethiopie ,  le  caraélérife  ainft , 
Lycio  affinïs  jEgyptiaca  :  An,  celajirus  BuxifoUus ,  Linn. 
Sa  feuille  ne  diffère  guère  de  celle  du  buis  ;  elle  efl 
feulement  plus  large  &  plus  rare  :  fes  fleurs  font  peu 
nombreufes,  blanches,  femblables  à  celle  de  l'hyacinthe, 
mais  plus  petites  ;  il  leur  fuccede  de  petits  fruits  noirs, 

approchant 


A    G    R  145 

approchant  de  ceux  de  Thieble ,  &  d'un  goût  flyptique 
amer  :  (es  feuilles  aigrelettes  &  aftringerites  font  efti-. 
niées  antivermineufes ,  prifes  en  detocïlon. 

AGRESTE.  Nom  donné  à  un  papillon  de  jour  , 
qui  n'emploie  que  quatre  pattes  pour  marcher.  On 
en  diftingue  deux  efpeces ,  le  grand  &  le  petit.  Leur 
couleur  efl  d'un  brun  clair  ;  près  du  bord  des  ailes 
fiipérieures  la  nuance  eu  moins  foncée ,  &  offre  deux 
yeux  à  prunelles  blanches.  L'extrémité  des  ailes  infé- 
rieures offre  une  bande  compofée  de  quatre  taches 
fauves  ;  un  œil  à  prunelle  blanche  eu  dans  la  dernière. 
Le  deffous  des  ailes  fupérieures  offre  un  fond  fauve, 
nué  de  jaune ,  avec  un  œil ,  le  tout  encadré  dans  une 
bordure  marbrée  de  gris-brun  ;  le  fond  des  ailes  infé- 
rieures eft  marbré  de  couleur  de  biflre ,  partagé  en  deux 
par  une  bande  d'un  gris -blanc  &  fmueufe  ;  la  bafe  de 
cette  aile  a  un  œil  brun  ;  le  deiTus  des  ailes  fupérieures  , 
dans  l'efpece  femelle ,  offre  dans  chacune  une  bande  jaune 
avec  deux  yeux  noirs  à  prunelles  blanches  ;  le  defTus 
des  fécondes  ailes  offre  quatre  grandes  taches  fauves. 
Ce  papillon  paroît  en  été  en  Alface  :  on  le  voit  dans 
les  campagnes ,  les  montagnes  arides  ,  pierreufes ,  èc 
les  forêts  fablonneufes  de  quelques  autres  contrées.  Le 
defTus  des  ailes  de  la  petite  efpece ,  préfente  dans  chacune 
une  bande  fauve  continue  avec  trois  taches  brunes 
chez  la  femelle,  &  feulement  deux  dans  le  mâle.  La 
partie  fauve  ,  au-deffous  de  l'aile  fupérieure,  n'offre 
qu'un  œil  à  prunelle  blanche  ;  le  deffous  de  la  féconde 
aile  oifre  des  bandes  petites ,  brunes ,  grifes ,  en  forme 
de  croifTant. 

AGRIPAUME  ou  Cardiaque,  Cardiaca^  L  B.  3; 
320.  Dod.  Pempt.  9^.  Lob.  Icon.  ^16  :  Leonurus 
tardiaca  ^  Linn.  817.  Plante  qui  vient  communément 
dans  les  environs  de  Paris  parmi  les  décombres  ,  & 
aux  lieux  incultes  &  efcarpés.  Sa  racine  efl  vivace  & 
fibreufe  ;  fes  tiges  font  nombreufes  ,  affez  droites  , 
quadrangulaires ,  ïories  y  dures ,  braachues ,  hautes  de 


Î46         A    G    R  A    G    15 

deux  à  trois  pieds,  &C  d'un  rouge -brun;  les  feuiîîes 
de  la  tige  font  vertes ,  lancéolées ,  échancrées  ou  dé* 
coupées  en  trois  lobes ,  Si  dentelées  ;  les  feuilles  infé- 
rieures font  larges ,  arrondies  ,  quoique  incifées  & 
dentées.  Toutes  font  oppofées,  pétiolées  6c  ridées  ; 
fes  fleurs  font  petites ,  en  gueule ,  légèrement  purpu- 
i4nes  &  velues  ;  le  calice  eit  cylindrique ,  ftrié ,  Si  a  cinq 
dents  ou  pointes  égales  &  évafées ,  quatre  étamines  &c 
quatre  ovaires.  Aux  fleurs  fuccedent  des  graines  oblon- 
gues  5  lifTes ,  brunâtres.  Toute  /cette  plante  efl  d'une 
odeur  forte  Si  d'une  faveur  un  peu  amere  :  on  prétend 
qu'elle  guérit  la  cardialgie  des  enfans,  &  fait  mourir 
les  vers  plats  &:  les  lombrics  ;  mais  M.  Huiler  obferve 
que  la  cardiaque  ,  qui  par  l'odeur  doit  avoir  les 
Vertus  du  lamïum ,  n'eft  prefque   plus  d'ufage. 

AGRIPENNE.  Voyez  Ortolan  de  la   CarGllnc, 

AGROPILLE.    VoyQi  Egagropille. 

AGROSTIS.  Nom  donné  par  les  Botanifles  à  un 
c^enre  de  plantes  de  l'ordre  des  Graminées ,  Si  qui  ont 
beaucoup  de  rapport  avec  les  millets.  Les  fleurs  font 
ordinairement  en  panicule  finement  ramifié  ;  la  balle 
extérieure  efl  à  deux  écailles  ,*&  un  peu  plus  grande 
que  l'intérieure;  il  y  a  des  agroftis  à  fleurs  barbues  ; 
leurs  racines  font  annuelles ,  d'autres  font  à  fleurs  nues 
&  fans  barbe  ;  leurs  racines  font  vivaces.  Vkernlcc  efl 


im  agrojlis. 


AGROUELLES  ou  EcROUELLES,  Scrophula  aquatica. 
On  nomme  ainfi  de  petits  vers  aquatiques  à  pUifieurs 
pieds,  dont  le  corps  efl  court.  Si  la  queue  courbée. 
Ces  vers  fe  trouvent  dans  les  puits  ,  les  fontaines  & 
les  livieres  ;  ceux  qui  ont  le  m.alheur  d'en  avaler  , 
ont  des  ulcères  à  la  gorge  &:  ailleurs. 

AGUA,  Bnfo  Brafiuzvfis  ^  Seba.  Efpece  àt  crapaud 
du  Bréfil  ;  il  efl:  couvert  de  petites  éminences ,  excepté 
dans  le  deffous  du  corps  qui  eil:  liiTe.  Le  corps  efl  rond 
&  marqué  de  taches  d'un  rouge  de  feu  fur  un  fond 
gris-ccndrc.  Il  a  quatre  doigts  aux  pieds  d§  devant  \  les 


A    G    U  ^   ^  147 

pieds  de  derrière  en  ont  cinq  réimîs  par  des  mem- 
branes ;  fes  yeux  font  gros  ,  étincelans  ;  la  tête  prefque 
triangulaire.  Les  Braûiiens  nomment  ce  crapaud  , 
agua-gua  ^  &  par  corruption,  aquaquaquan. 

AGUACATÈ,    vulgairement  Avocat,  Voyez  Avo- 
catier. 

AGUAPECACA.  Ct^  le  Jacana.  armé»  Foyei  ce 
mot. 

AGUARA-PONDA,  Flolafpkata  Brafillana,  Plante 
du  Bréfil,  haute  d'un  pied  ou  environ,  lemblable  à  la 
violette  pour  le  port  ôc  l'odeur.  Sa  racine  eil  droite, 
peu  grofïe  &  fibreufe  ;  fa  tige  eil  liffe ,  ronde ,  verte 
bc  noueufe,  il  fort  de  chaque  nœud  quatre  ou  cinq 
feuilles  étroites,  crénelées,  pointues,  vertes  &:  inégales. 
Ses  fleurs ,  qui  naiiTent  au  fommet  de  la  tige ,  font  d'un 
bleu  violet  &  à  cinq  pétales.  On  diflingue  une  autre 
efpece  Jaguar a-ponda ,  dont  les  fommets  des  tiges  font 
marqués  d'un  cube  creux,  qui  forme  une  efpece  de 
cafque  vert. 

AGUARAQUYA.  Les  Caraïbes  donnent  ce  nom  ; 
alnfi  que  celui  dioukoumeli  ^   au  folanum    (  morelle  ) 
de  Plumur,  C'eil  le  Laman  de  Saint-Domingue. 
AGUARIMA.  Foyei  Herbe  a  colet. 
AGUÏLLAT    ou  Aiguillât.    Foyci  Chien  de 

MER. 

ÀGUL  ou  Alhagi  ,  Planta  fplnofa  mannam  rec'iplens: 
Hedyfarum  dicîum  alhagi  maurorum^  Linn.  fp.  pi.  745. 
n.  I.  Petit  arbrifleau  épineux,  haut  d'une  coudée,  fort 
branchu ,  croiffant  en  buiflbn  :  fes  racines  font  longues 
&  rouges  :  fes  feuilles  font  oblong;ues  &  de  couleur 

•  Al/ 

cendrée  :  il  porte  beaucoup  de  fleurs  rougeatres ,  legu- 
mineules,  auxquelles  fuccedent  de  petites  gouffes 
longues ,  rouges  ,  reflemblantes  à  celles  du  genêt ,  pi- 
quantes &:  pleines  de  femences  qui  ont  la  même  couleur 
que  la  gouffe.  On  trouve  Vagul  en  Perfe,  aux  environs 
d'Alep  ôc  de  Méfopotamie.  Ses  feuilles  &  fes  branches 
ie  chargent  dans  les  grandes  chaleurs  de  l'été  ^  d'iuie 


148  A     H     A         A     H     O 

liqueur  grafle  &  ondlueufe,  qui  a  la  coufiftance  du 
miel.  La  fraîcheur  de  la  nuit  la  condenfe,  &  la  réduit 
en  forme  de  grains,  que  Ton  nomme  manne  dW/z^«^i, 
&  que  les  Naturels  du  pays  appellent  trangcbin.  On 
réunit  ces  grains  de  la  groileur  des  grains  de  corian- 
dlre,  &  on  en  fait  des  pains  aflez  gros,  d'une  couleur 
îaunc-foncée.  Trois  onces  de  cette  manne  dans  une 
infufion  de  féné  purgent  bien .  Cette  manne  eft  cepen- 
dant inférieure  en  bonté  à  la  manne  de  Calabrc,  Voyez 
Manm, 

AHATÉ.  Arbre  originaire  des  Indes  ,  &  qui  a  été 
tranfporté  aux  Mes  Philippines.  Il  s'élève  à  la  hauteiu" 
d'environ  vingt  pieds  :  il  eft  d'une  groffeur  médiocre  : 
ion  écorce  eft  fongueufe  &  rouge  en  dedans  :  fon  bois 
eft  blanc  &  dur  :  {es  branches  font  peu  nombreufes , 
&  couvertes  d'une  écorce  verte  &  cendrée.  Ses  feuilles 
font  oblongues  ;  froiffées  dans  la  main ,  elles  rendent 
une  huile  fans  odeur.  Sa  fleur  eft  compofée  de  trois 
feuilles  triangulaires  ,  épaiiTes  comme  du  cuir ,  blanches 
en  dedans ,  vertes  en  deffus ,  &  exhalant  une  odeur 
de  cuir  brûlé ,  quand  on  les  met  au  feu.  Son  fruit , 
dans  fa  maturité ,  eft  de  la  groffeur  d'un  citron  ordi- 
naire y  vert  &  ftrié  par  dehors ,  blanc  en  dedans ,  & 
plein  d'une  pulpe  fucculente  ,  d'un  goût  &  d'une 
odeur  agréables  :  fes  femences  font  oblongues  ,  lui- 
fantes  &  enfermées  dans  des  cofTes.  Ce  fruit  .^  de  même 
que  la  nèfle  ,  mûrit  dans  la  ferre.  Cet  arbre ,  qui  aime 
les  clim.ats  chauds ,  fleurit  deux  fois  l'an.  Sa  racine 
eft  jaunâtre ,  d'une  odeur  forte  &  d'un  goût  onélueux. 
On  trouve  une  longue  defcription  de  Vahaté  de  Pauncho 
Requi  y  dans  le  Di&ionnaire  de  James, 

AHIPHI.    Voyei  Bois  Immortel. 

AHOUAI  du  Bréfil ,  Cerhera  ahoual  ,  Linn.  :  Arbor 
Americana  ^  foliis  pomi ,  friiciu  trïangulo^  Bauh.  Pin.  434. 
Arbre  de  la  hauteur  d'un  poirier  ordinaire ,  dont  l'é- 
corce  eft  grifâtre  ,  pleine  d'un  fuc  laiteux ,  &  qui 
porte,  vers  le  fommet  de  fes  branches,  des  feuilles 


A    H    O  14^ 

iéparfes ,  un  peu  coriaces ,  &  qui  ont  afféz  la  forme 
de  feuilles  de  poirier.  Ses  fleurs  font  jaunes  ,  mono- 
pétales ,  découpées  en  cinq  lobes  obliques ,  ouverts 
en  étoiles ,  &  contiennent  cinq  étamines  &  un  piftiL 
Les  fleurs  ,  au  nombre  de  llx  ou  fept  enfemble ,  ter- 
minent les  rameaux.  Son  fruit  a  la  figure  d'ime  poire  ; 
il  eu  charnu ,  &  contient  un  noyau  (  quelquefois 
deux  ,  )  triangulaire  ,  brun  &c  très-dur.  Les  Indiens 
enfilent  pkifieurs  de  ces  noyaux  ,  &  les  attachent  à 
leurs  jarretières  &:  à  leurs  tabliers ,  ou  à  leur  ceinture, 
comme  ornement  ,  &  à  caufe  du  bruit  que  font  ces 
noyaux,  lorfqu'ils  fe  heurtent  les  uns  contre  les  au- 
tres ;  ce  font  leurs  grelots.  Le  P.  Labai ,  dans  fon 
voyage  aux  Illes  de  l'Amérique ,  appelle  ces  noyaux 
noix  de  ferpent ,  parce  qu'il  prétend  que  l'amande  de 
ce  noyau ,  appliquée  en  cataplafme ,  guérit  de  la  mor- 
fure  àwfcrpcnt  afonncttcs,  M.  Z/w^ri  préfente  plufieurs 
raifons  de  douter  que  le  fruit  que  ce  Père  dit  avoir 
employé ,  foit  véritablement  le  fruit  de  cet  arbre  ; 
car  fa  defcription  ne  s'accorde  point  avec  les  arbres 
qu'on  a  élevés  au  Jardin  du  Roi,  pro venus  des  fruits 
de  VahouaL  De  plus ,  les  perfonnes  des  Ifles  lui  donnent 
toutes  une  qualité  venimeufe,  tout-à-fait  oppofée  à 
celle  que  ce  Religieux  lui  attribue. 

On  diflingue  plufieurs  autres  efpeees  de  ce  genre 
de  plante  à  fleurs  monopétalées  ,  de  la  famille  des 
Apodns  ;  toutes  font  des  arbres  étrangers ,  pleins  d'un 
lait  caudlque ,.  &  qui  offrent  d'affez  belles  fleurs.  Il 
y  a  V allouai  des  Antilles ,  Ahouai  nerii  folio ,  Jlore  luteo  ^, 
Flum.  V Ahouai  des  Indes  orientales ,  Manghas  lacief- 
cens ,  foUis  nerii ,  crajfîs ,  venenojis  ,  jafmini  flore  ^  fruclit 
pirflcœ  flmiU  venenato  ,  Burm.  Zeyl.  :  Odallam  du  Mala- 
bar. Son  fruit  eu  un  poifon  qui  excite  le  vomilïement. 
On  fe  fert  à  Amboine  de  fon  écorce  pour  fe  purger. 
Paimpkius  fait  mention  de  V ahouai  à  feuilles  oppolées, 
C&rhera  oppofiti  folia  ;  Laciariafalubris  ;  Upas  lacki  lackl 
Malacecnjîum  ;    ôc    de   Y  Ahouai    à   fruit   en    moule  ^ 

K3 


MO  A    H    U 

Cerbera  fruclu  mufmuformL  Ces  deux  ahouals  Crolïïent 
dans  les  Moluqiics  &  les  Mes  de  la  Sonde. 

AHU,  Capna  campcpis  ^utturofa  ^  Gmelin.  Cet  ani- 
mal ,  nommé  par  les  Perfans  ahu  ,  &  t^dran  par  les 
Turcs,  cil  une  grande  efpece  de  gazelle.  îlreflemble, 
(elon  Olcarlus  ,  en  quelque  forte  à  notre  daim  ,  finon 
qu'il  eft  plutôt  roux  que  fauve  fur  le  dos  &  les  côtés, 
&  que  {qs  cornes  font  fans  andouilleres ,  couchées  fur 
le  dos  5  félon  Gmelin  ,  qui  défigne  Vahu  Ibus  le  nom 
de  dshzrm  :  il  reflemble  au  chevreuil ,  à  l'exception 
des  cornes ,  qui ,  comme  celles  du  bouquetin  ,  font 
creufes  &  ne  tombent  jamais.  Cet  Auteur  ajoute  qu'à 
mefure  que  les  cornes  prennent  de  l'accrciiTement  , 
le  cartilage  du  larynx  grofiit  au  point  de  former 
fous  la  gorge  une  proéminence  confidérable ,  fur-tout 
lorfque  l'animal  efl  âgé.  Selon  Kempf&r ,  ^ahu  ne  dif- 
fère en  rien  du  cerf  par  la  figure  ,  mais  il  fe  rapproche 
des  chèvres  par  les  cornes  qui  font  fimples ,  noires  , 
comprimées  en  bas ,  annelées  jiifqu'au  miHeu  de  leur 
longueur ,  &  longues  d'un  pied.  Cet  animal  efl  défigné 
dans  les  Voyageurs  fous  les  noms  corrompus  de  gàrari 
&  de  j airain. 

Les  oreilles  de  Xahu  font  pointues  &c  très-longues  ; 
la  m.oitié  àçs,  poils  du  cou  dirigée  en  haut,  &  Tautre 
moitié  dirigée  en  bas  ;  ceux  du  dos  également  tournés , 
moitié  en  avant ,  moitié  en  arrière  ;  la  queue  aflez  lon- 
gue &  terminée  par  une  toulFe  de  poils  ;  le  train  de 
devant  plus  bas  que  celui  de  derrière  ;  point  de  broffes 
de  poils  fur  le  genou ,  &  au  lieu  d'ergots ,  une  fimple 
éminence  ou  bouton  ;  la  couleur  du  ventre  eil  blanche. 

La  femelle  de  Vahu  n'a  point  de  cornes.  Le  mâle 
a  fous  le  ventre ,  aux  environs  du  prépuce ,  un  fac 
ovale  affez  grand ,  &  femblable  à  la  poche  du  porte- 
mufc  ;  il  s'y  produit  une  fécrétion  dans  la  faifon  des 
amours  qui  eil  vers  la  fin  de  l'automne.  Le  mâle  a 
auffi  des  proéminences  au  larynx,  kfquelles grofîiiTent 
à  mefure  que  les  cornes  prennent  de  l'accrciiTement* 


Aï        A    I    G  151 

'  "Les  ahits  pris  jeunes  s'apprivoifent  sifémê^rtt.  Dans 
rétat  de  liberté,  ces  animaux  vont  en  troupes,^ 
quelquefois  ces  troupes  de  tieirans  ou  ^ahus  fauvages^ 
fe  mêlent  aux  troupeaux  domefliques  ;  mais  ils  fuient 
â  la  vue  de  l'homme. 

L'efpece  de  Vahu  fe  trouve  en  Turquie,  en  Perfe;;, 
à  la  Chine  ,  en  Sibérie  ,  dans  le  voiiinage  du  Lac 
Baikal,  &  en  Daourie. 

AI  ou  H  A  Y.  Animal  auquel  on  a  donné ,  ainfi  qu'à 
Vmiciu^  le  furnom  de  parcjfciix.  Voyez  Un  AU  6c 
Paresseux.  .  . 

A  rifle  de  France  on  donne  auffi  le  nom  dV  au 
papillon  à  tête  de  mort.   Voyez  cet  article, 

AJACE-BOÎSSELIERE.  ^oy^-^  Pie-griesche  grise. 

AIAU.    Voyei  Campane   jaune.  -A 

AÎGLE ,  Aquïla,  Oifeau  de  proie  très-grand,  qui  va 
le  jour  5  &  qui  poffede  à  un  degré  éminent  les  qualités 
qui  lui  font  communes  avec  les  autres  oifeaux  de 
proie,  comme  la  vue  perçante,  la  férocité,  la  vora- 
cité ,  la  force  du  bec  ^  à.^s  ferres. 

Il  a  régné  jufqu'à  préfent  parmi  les  Nomenclateurs 
la  plus  grande  confufion  dans  la  connoifTance  des 
oifeaux,  qu'on  doit  mettre  au  rang  des  aigles,  dont 
les  uns  ne  font  que  des  variétés ,  &  lés  autres  àç% 
efpeces  qui  s'en  éloignent.  M.  de  Buffon  a  obfervé^ 
comparé  ,  difciité ,  &  a  porté  la  lumière ,  l'ordre  o\% 
régnoient  les  ténèbres  &  la  confufion.  On  a  compté 
jufqu'à  préfent,  dit-il,  en  Europe,  onze  efpeces  d'aigles  : 
favoir  ,  i.°  Vaïi^le  commun^  2.!^  T aigle  à  tête  blanche j, 
Aquila  leucocephalos  ;  -^^^  l" aigle  blanc  ^  Aquila  alba  aut 
cygnea;  4.^  V aigle  tacheté;  5.^  régie  a  queue  blanche  ^ 
Aquila  albicilla  ;  6.^  le  petit  aigle  à  queue  blanche  ,  Pigar- 
gus  ;  '^P  Y  aigle  doré,,  Chryfaëtos  ;  8.^  V  aigle  noir  y  Bquila 
mœlenetus  ;  9.^  V aigle  barbu  ,  ou  le  grand  aigle  de  mer ^ 
ou  orfraie;  io.°  V aigle  de  mer  appelé  balbuzard; 
ii.°  l'aigle  appelé  jean-le-blanc^  &  par  quelques-uns 
oifeau  Saint  -  Martin,  Ce  dernier  eft    d'abord  rejeté 

k:4 


n^i  AGI 

de  la  lifte  des  aigles,  dont  il  efl  très- différent.  On 
peut  réduire  à  fix  les  onze  efpeces  d'aigles  d'Europe 
mentionnées  ci-defTus  ;  &  dans  ces  ïix  efpeces ,  il  n'y 
en  a  que  trois  qui  doivent  conferver  le  nom  d'aigles, 
les  trois  autres  étant  des  oifcaux  affez  difFérens  des 
aigles  pour  ex'ger  un  autre  nom. 

Ces  trois  efpeces  ^aigles  qui  appartiennent  à  l'Eu- 
rope, font,  i.°  y  aigle  dori^  que  M.  d&  Buffon  nomme 
aufîi  le  grand  aigle  ;  2.°  V aigle  commun  ou  moyen  ;  3.® 
V aigle  tacheté ,  qu'il  appelle  le  petit  aigle  :  les  trois 
autres  font  \^ aigle  à  quau  blanche ,  qu'il  nomme  pigargue 
de  fon  nom  ancien,  pour  le  diftinguer  des  aigles  des 
trois  premières  efpeces ,  dont  il  commence  à  s'éloigner 
^par  plufieurs  caraâ:eres  ;  V aigle  de  mer ,  qu'il  nomme 
halbuiard  de  fon  nom  anglois  ,  ce  n'eu  point  un  véri- 
table aigle  ;  enfin  le  grand  aigle  de  mer ,  qui  s'éloigne 
encore  plus  de  l'efpece,  &  qu'il  appeTle  orfraie^  de  fon 
vieux  nom  françois.  Le  grand  &:  le  petit  aigle  font 
chacun  d'une  efpece  ifolée  &:  n'ont  point  fourni  de 
variétés  ;  ma' s  \ aigle  commun  &  le  pigargue  font  fujets 
à  varier.  Uaigle  blanc  ne  paroît  pas  être  une  efpece 
particulière,  ni  même  une  race  confiante;  c'eil:  une 
•variété  accidentelle  du  grand  aigle  produite  par  le  froid 
du  climat ,  la  maladie ,  une  trop  longue  diète ,  &:  la 
vieillefTe  ;  \ aigle  noir  n'eft  de  même  qu'une  variété  de 
X aigle  brun  ou  aigle  commun.  XJ aigle  à  tête  blanche^  &  le 
petit  aigle  à  queue  blanche  ^  ne  font  aufTi  que  des  variétés 
individuelles  dans  l'efpece  du  pigargue  ou  grand  aigle 
<L   queue   blanche. 

Le  GRAND  Aigle  ,  Aigle  doré.  Aigle  fauve, 
ou  roux;  Aigle  royal.  Aigle  noble,  ou  le  Roi 

DES  OISEAUX ,  Aquila  aurea ,  aut  Chryfaàos.  C'efl  le 
plus  remarquable  de  tous  les  aigles  par  fa  grandeur 
&  par  fa  force.  La  femelle  a  jufqu'à  trois  pieds  & 
demi  de  longueur  depuis  le  bout  du  bec  jufqu'à  l'extré- 
mité des  pieds ,  &  plus  de  huit  pieds  &  demi  de  vol 
ou  d'envergure  :  elle  pefe  feize    ôi  même  dix-huit 


A    I    G  15$ 

livres;  le  mâle  eft  plus  petit,  &  ne  pefe  que  douze 
livres.   Tous  deux  ont  le  bec  très-fort ,  recourbé  dans 
toute  fa  longueur ,  mais  plus  crochu  à  l'extrémité ,  & 
affez  femblable  à  de  la  corne  bleuâtre  ;  les  ongles  noirs 
&  pointus,  dont  le  plus  grand,  qui  eu  celui  de  der- 
rière, a  quelquefois  jufqu'à  cinq  pouces  de  longueur; 
les  yeux  font  très-grands ,  mais  paroiffent  enfoncés 
dans  une  cavité  profonde,  que  la  partie  fupérieure  de 
l'orbite  couvre  comme  un  toit  avancé.  La  Nature , 
outre  les  deux  paupières ,  l'a  pourvu,  ainfi  que  plufieurs 
autres  oifeaux,  d'une  tunique  clignotante  ,  qui  a  l'effet 
des  deux  autres  paupières  ;  l'iris  de  l'œil  eft  d'un  beau 
jaune  clair ,  &  brille  d'un  feu  très-vif;  l'humeur  vitrée 
eu  de  couleur  de  topaze  ;  le  criilallin  qui  eu  fec  &  folide, 
a  le  brillant  &  l'éclat  du  diamant;  fon  bec  6c  fes  ongles 
crochus  le  rendent  formidable  ;  fa  figure  répond  à  fon 
naturel.  Indépendamment  de  fes  armes,  il  a  le  corps 
robufte  6c  compare,  les  jambes  &  les  ailes  très-fortes, 
les  os  fermes,  la  chair  dure,  les  plumes  rudes,  l'attitude 
fîere  &  droite ,  les  mouvemens  brufques  ,  le  vol  très- 
rapide.  Son  œfophage  fe  dilate  en  une  large  poche, 
qui  peut  contenir  une  pinte  de  liqueur  ;  l'eilomac  qui 
efl  au-deffous  n'efl  pas ,  k  beaucoup  près ,  aufîi  grand 
que  cette  première  poche ,  mais  il  efl:  à-peu-près  éga- 
lement fouple  &  membraneux  ;  ce  n'efl  point  un  gêner 
dur  comme  dans  plufieurs  efpeces  d'oifeaux.  Dans  les 
autres  efpeces  d'aigles,  c'efl  la  même  organifation  inté- 
rieure ;  leur  eftomac  efl  de  Tordre  de  ceux  appelés 
À  ventricule  membraneux.  Le  grand  aigle  efl  gras ,  fur- 
tout  en   hiver,  fa  graiffe  efl  blanche;   &   fa  chair, 
quoique  dure  &  fibreufe ,  ne  fent  point  le  fauvage  , 
comme  celle  des  autres  oifeaux  de  proie. 

Le  grand  aigle  fe  trouve  en  France  dans  les  mon- 
tagnes du  Bugey,  du  Gevaudan  &  dans  les  Pyrénées; 
dans  les  montagnes  de  l'Irlande  ;  en  Allemagne  ;  dans 
les  montagnes  de  la  Siléfie  ;  dans  l'Aile  mineure ,  en 
Perfê,  en  Afrique,  en  Afie,  jufqu'en  Tar tarie  ;  mais 


^U         .  ,  A    I    G 

point  en  Sibérie ,  ni  dans  le  relie  du  Nord  de  VAfie2 
Cette  efpece  eil  aiTez  rare  en  Europe ,  mais  elle  l'efl 
moins  dans  nos  contrées  méridionales ,  que  dans  les 
provinces  tempérées  ;  on  ne  la  trouve  plus  dans  celle 
de  notre  Nord,  au-delà  du  cinquante-cinquième  degré 
de  latitude;  auffi  ne  IVt-on  pas  retî-ouvée  dans 
l'Amérique  feptentrionale ,  quoiqu'on  y  trouve  Vaigle 
commun.  Le  grand  aigle  paroît  donc  être  demeuré 
dans  les  pays  tempérés  &  chauds  de  l'ancien  Conti- 
nent, comme  tous  les  autres  animaux  auxquels  le 
grand  froid  eft  contraire ,  &  qui  par  cette  raifon  n'ont 
pu  paffer  dans  le  nouveau. 

Avec  quelle  énergie  M.  de  Buffcm  peint  le  carac- 
tère &  les  mœurs  de  VaigU^  en  le  mettant  en  parallèle 
avec  le  lion  !  L'aigle  royal ,  dit-il ,  a  plufieurs  conve- 
nances phyliques  &  morales  avec  le  lion  ;  la  forée  , 
&  par  conféquent  l'empire  fur  les  autres  oiieaux, 
comme  le  lion  fur  les  quadrupèdes  ;  il  a  la  magnanimité 
en  partage  ;  il  dédaigne  également  les  petits  animaux 
&  m.éprife  leurs  infultes  ;  ce  n'eft  qu'après  avoir 
été  long-temps  provoqué  par  les  cris  importuns  & 
fouvent  réitérés  de  la  corneille  &  de  la  pie,  que 
l'aigle  fe  détermine  à  les  punir  de  mort  ;  d'ailleurs 
il  ne  veut  d'autre  bien  que  celui  dont  il  fait  fa 
conquête  ;  il  ne  mange  jamais  d'autre  proie  que  celle 
qu'il  prend  lui-même  ;  il  donne  l'exemple  de  la 
tempérance,  il  ne  mange  prefque  jamais  fon  gibier 
en  entier,  &  il  en  lailTe,  comme  le  lion,  les  débris  & 
les  reftes  aux  autres  animaux.  Quelque  affamé  qu'il 
foit,  il  ne  fe  jette  jamais  fur  les  cadavres,  fur  les 
charognes ,  il  lui  faut  une  proie  fraîche  ;  il  eil 
encore  folitaire  comime  le  lion  ;  trifre  par  nature ,  il 
île  pouffe  jamais  que  des  cris  lamentables  ;  il  eil:  ha- 
bitant d'un  défert  dont  il  défend  l'entrée  &  interdit 
la  chaffe  à  tous  les  autres  oifeaux  ;  ■  car  il  eff  peut- 
être  plus  rare  de  voir  deux  paires  d'aigles  dans  le 
même  canton,  dans  la  même  portion  de  montagne ^i 


A    I    G  lîf 

qiie  deux  familles  de  lions  dans  la  même  portion  de 
forêt;  ils  fe  tiennent  afîez  loin  les  uns  des  autres, 
pour  que  l'efpace  qu'ils  fe  font  départis  leur  fourniiïe 
une  ample  fiibrillance  ;  ils  ne  comptent  la  valeur  & 
rétendue  de  leur  royaume ,  que  par  le  produit  de  la 
chaife.  L'aigle  a  de  plus  les  yeux  étincelans,  &  à- 
peu-près  de  la  même  couleur  que  ceux  du  lien,  les 
ongles  de  la  même  forme ,  l'haleine  tout  aufii  forte  , 
le  cri  également  effrayant  :  nés  tous  deux  pour  le 
comibat  &  la  proie,  ils  font  également  ennemis  de 
toute  fociété ,  également  féroces ,  également  fiers  & 
difficiles  à  réduire  ;  on  ne  peut  les  apprivoifer  qu'en 
les  prenant   tout   petits. 

Ce  n'efl  qu'avec  beaucoup  de  patience  &  d'art  qu'on 
peut  dreifer  à  la  chaife  un  jeune  aig/e  de  cette  efpece  ; 
il  devient  même  dangereux  pour  fon  maître ,  dès  qu'il 
a  pris  de  la  force  &c  de  l'âge  ;  on  s'en  fervoit  autre- 
fois en  Orient  pour  la  cliafle  du  vol  ;  on  l'a  banni  de 
nos  fauconneries ,  il  efl  trop  lourd  pour  pouvoir  fans 
grande  fatigue  le  porter  fur  le  poing,  &  il  n'eil  ja- 
mais aifez  privé ,  affez  doux ,  affez  sûr ,  pour  ne  pas 
faire  craindre  fes  caprices  ou  fes  momens  de  colère. 
S'il  manque  de  courage  quand  il  éprouve  de  la  réfif- 
tance ,  il  eft  hardi  à  l'excès  quand  il  eu.  fur  de  vaincre. 
C'efl  de  tous  les  oifeaux  celui  qui  s'élevc  le  phis  haut  ; 
aufîi  les  anciens  Poètes  qui  a  voient  dépofé  la  fou- 
dre entre  fes  ferres ,  ont  appelé  l'aigle  Voifeaii  célejle , 
&  le  regardoient  dans  les  augures  comme  le  mejfager 
de  Jupiter,  C'étoit  cet  aigle  qui  fervoit  d'enfeigne  dans 
les  Légions  Romaines. 

Cet  oifeau  a  peu  d'odorat  en  comparaifon  du  vau- 
tour, mais  il  a  la  vue  perçante  &:  ne  cbaffe  qu'à  vue  : 
c'efl  ainfi  qu'il  ravage  les  pays  voifms  de  fon  nid. 
Cet  aigle  fi  célèbre  ne  peut  être  que  le  tyran  & 
non  le  roi  des  lieu::  qu'il  habite  oi  qu'il  dévafte.  Inu- 
tile à  l'homme  par  fon  indocilité  ,  par  fa  force  ,  par 
fa  taille ,  il  eft  le  Seau  des  aninnux.  Lcrf qu'il  a  faifî 


156,^  A     I    G 

fà  proie ,  il  rabat  fon  vol ,  comme  pour  en  éprouver 
le  poids  ,  &  la  pofe  même  à  terre  avant  de  l'emporter. 
Quoiqu'il  ait  l'aile  très-forte  ,  comme  il  a  peu  de  Ibu- 
plefTe  dans  les  jambes ,  il  a  quelque  peine  à  s'élever 
de  terre ,  fur- tout  lorfqu'il  eft  chargé  ;  il  emporte  aifé- 
ment  l&s  oies ,  les  grues  ;  ces  oifeaux  ne  font  que  de 
minces  fardeaux  pour  lui.  11  eialeve  aufîî  les  lièvres  , 
&  même  les  petits  agneaux ,  les  chevreaux  ;  &  lorf- 
qu'il fe  jette  fur  les  faons  &  les  veaux ,  ce  n'eft  que 
pour  fe  raffafîer  fur  le  lieu  de  leur  fang ,  en  déchirer 
les  chairs  ,  laiffer  le  corps  de  l'animal  à  demi-palpitant, 
fur  le  lieu  où  il  l'a  immolé ,  &  il  en  emporte  enluite 
des  lambeaux  dans  fon  aire  :  c'ell:  ainfî  qu'on  appelle 
fon  nid.  On  afTure  que ,  provoqué  par  le  befoin ,  ce 
tyran  de  l'air  efl  afTez  hardi  pour  attaquer  auiïï  les 
brebis  ,  les  daims ,  les  chèvres ,  les  cerfs ,  &  même 
les  taureaux  ;  &  que  les  humains,  fur-tout  les  enfans,  ne 
font  pas  toujours  h  l'abri  de  fa  voracité ,  ou  au  moins 
de  fes  entreprifes.  C'eû  ainfi  qu'il  facrifie  à  fa  faim  de 
nouvelles  victimes  ,  quand  elle  fe  renouvelle ,  &  que 
fa  vie  eft  en  tout  l'image  de  la  tyrannie.  Cet  oifeau 
place  ordinairement  fon  aire  entre  deux  rochers ,  dans 
un  lieu  fec  &:  à  peine  accefTible  à  l'homme  :  il  la 
conftruit  à  peu-près  comm.e  un  plancher ,  avec  des 
perches  ou  des  bâtons  de  cinq  ou  fix  pieds  de  longueur, 
appuyés  par  les  deux  bouts  &  traverfés  par  des  bran- 
ches fouples ,  recouvertes  de  plufieurs  lits  de  joncs  & 
de  bruyères  ,  ou  de  peaux  d'animaux  ;  il  n'a  d'autre 
abri  que  la  faillie  des  rochers;  c'efl  un  ouvrage  de 
charpente  confidéral^le ,  puifqu'il  a  quelquefois  une 
toife  de  largeur  en  quarré  :  aufîi  prétend  -  on  que  le 
même  nid  eft  afTez  folide  pour  n'être  fait  qu'une  fois ,  & 
pour  fervir  à  ValgU  pendant  toute  fa  vie.  On  remarque 
avec  étonnement  que  VaigU  foit  le  plus  vivace  des 
oifeaux  ,  quoiqu'il  foit  le  plus  amoureux.  On  a  tou- 
jours obfervé  que  les  animaux  lafcifs  ont  la  vie  courte  ; 
cependant  quelques-uns  ont  avancé  que  le  grand  aigle 


A    I    G  157 

vît  au-delà  d'un  fiecle.  On  aflure  que  le  mâle  coche 
fa  femelle  jufqu'à  vingt  fois  en  un  jour,  La  femelle 
pond  deux  ou  trois  œufs  dans  Ion  domicile,  qui  eu. 
ion  nid ,  &  les  y  couve  pendant  trente  jours.  Parmi 
ces  œufs,  qui  éprouvent  une  forte  chaleur  de  l'incu- 
bation ,  il  s'en  trouve  fouvent  d'inféconds  ;  rarement 
trouve-t-on  dans  un  nid  plus  de  deux  aiglons;  le 
père  &C  la  mère  leur  apportent  des  lièvres  ,  des 
agneaux ,  &c.  fur  lefquels  ces  enfans  commencent  à 
exercer  leur  férocité  naturelle ,  en  un  mot ,  leur  ap- 
pétit carnaiîîer.  Dans  certains  pays  on  tire  bon  parti 
d'un  nid  d^aigle  que  l'on  a  découvert ,  Ôc  reconnu 
garni  d'aiglons  ;  car  quand  on  peut  y  parvenir,  y 
grimper ,  on  y  trouve  tous  les  jours  diÔérentes  parties 
d'animaux  plus  ou  moins  entiers  ,  tels  que  faifans  , 
perdrix,  canards,  chapons,  &c.  &  même  en  abon- 
dance. On  choifit  fon  temps  pour  s'en  emparer ,  afin 
d'éviter  la  furie  du  père  6c  de  la  mère ,  &  même  il  eH 
prudent  de  fe  garnir  la  tête  d'un  cafque.  Pour  faire 
durer  cet  approvifionnement  plus  long  -  temps  ,  on 
enchaîne  les  aiglons  jufqu'à  ce  que  le  père  &  la  mère , 
laffés  d'enfans  qui  les  accablent  fans  fin  de  travail  & 
de  foin ,  les  abandonnent  ;  alors  obligés  d'aller  vivre 
ailleurs ,  la  fîdelîe  compagne  fuit  fon  mâle  ;  &  l'amour 
pour  les  nouveaux  enfans  qui  doivent  naître,  les  in- 
vite à  conftruire  un  nouveau  nid  ,  également  plat  , 
nullement  creux  comme  celui  des  autres  oifeaux,  en 
un  mot ,  femblable  à  celui  dont  il  eu.  fait  mention 
ci  -  deffus. 

Les  aiglons  naiflent  couverts  d'un  duvet  blanc  ;  leurs 
premières  plumes  font  d'un  jaune  pâle ,  &c  deviennent 
enfin,  aux  mues  fui  vantes  ,  d'un  fauve  alTez  vif;  on  pré- 
tend que  les  aigles  ne  deviennent  blancs  que  par  la  trop 
grande  diète,  les  maladies ,  la  vieillefTe ,  &  même  la  trop 
longue  captivité.  On  peut  nourrir  ces  oifeaux  avec 
toute  forte  de  chair ,  même  celle  d'autres  aigles  ;  ils 
ï»angent  auffi  des  ferpens ,  des  lézards  6c  même  du 


158  A  r  G 

pain.  Lorfqii'ils  ne  font  pas  apprivoifés ,  ils  mordent 
cruellement  les  chats ,  les  chiens  ,  les  hommes  qui 
veulent  les  approcher;  ils  jettent  de  temps  en  temps 
un  cri  aigu ,  f  onore ,  perçant  &  lamentable ,  &  d'un 
ton  foutenu.  L'aigle  boit  très-rarement ,  &  peut-être 
point  du  tout  loriqu'il  ell  en  liberté  ;  le  fang  de  fes 
vidimcs  fiiffit  à  fa  foif  ;  6c  l'on  remarque  aufîi  que 
{qs  excrémens  font  toujours  plus  mous  &c  plus  humides 
que  ceux  des  oifeaux  qui  boivent  beaucoup. 

Aigle  commun  ou  Aigle  a  queue  blanche. 
Cette  efpece  efl  moins  pure ,  &  la  race  en  eft  moins 
noble  que  celle  du  grand  aigle  :  elle  efl  compofée  de  deux 
variétés ,  l'aigle  brun  &c  l'aigle  noir  ;  il  diffère  du  grand 
aigle  par  la  grandeur  :  (  il  eft  plus  petit  ;  fa  femelle , 
mefurée  du  bout  du  bec  à  l'extrémité  de  la  queue  , 
n'a  que  trois  pieds  de  long ,  &c  fon  envergure  fept 
pieds  huit  pouces  :  )  par  la  couleur  qui  efl  confiante 
Sans  le  grand  aigle  ,  &c  qui  varie  du  noir  au  brun 
dans  Faigle  commun  :  par  la  voix  ,  le  grand  aigle 
pondant  fréquemment  un  cri  lamentable ,  au  lieu  que 
l'aigle  commun ,  noir  ou  brun ,  ne  crie  que  rarement  : 
enfin  par  les  habitudes  naturelles.  V aigle  commun 
nourrit  tous  fes  petits  dans  fon  nid,  les  élevé  &  les 
conduit  enfjite  dans  leur  jeuneife  ;  au  lieu  que  le 
grand  aigle  les  chaffe  hors  du  nid ,  pour  ne  jamais  les 
revoir  :  il  les  abandonne  ainfi  à  eux-mêmes  dès  qu'ils 
font  en  état  de  voler ,  au  moins  leur  interdit-il  pour 
toujours  la  jouifTance  &  le  voifmage  de  fon  empire. 
Lorfqu'on  compare  l'aigle  brun  &  l'aigle  noir ,  on 
n'obferve  de  différence  entre  eux ,  que  dans  les  teintes 
ëi  la  didribution  de  la  couleur  des  plumes ,  ce  qui 
prouve  qu'ils  ne  forment  qu'une  feule  &  même  efpece. 
C'eft  de  tous  les  aigles  l'efpece  la  plus  commune  :  on 
lui  a  donné  quelquefois  le  furnom  d^ aigle  aux  lièvres  , 
parce  que  c'eft  fa  chaffe  habituelle  ,  &  la  proie  qu'il 
recherche  de  préférence.  Le  grand  aigle  ne  fe  trouve 
c[ue  dans  les  pays  chauds  &  tempérés  de  Fcincien  cona 


A    I    G  159 

îinent.  Vaigk  commun  ,  au  contraire  ,  préfère  les  pavs 
froids  5  &  fe  trouve  également  dans  les  deux  continens^ 
On  le  voit  en  France  ,  en  Savoie  ,  en  SuiiTe  ,  en  Alle-^ 
magne ,  en  Pologne ,  en  Ecofîe  ;  Ôi  0n  le  trouve  aufS 
en  Amérique  à  la  baie  d'Kudfon  ,  à  la  Caroline  ,  à  la 
Louifiane  ;  fes  jambes  font  mieux  revêtues  de  plumes 
jusqu'aux,  pieds  ;  prévoyance  de  la  Nature  pour  les  pré- 
fer  ver  du  froid  exceifif  dans  les  lieux  ordinaires  de 
leur  habitation.  Outre  les  grandes  plumes  qui  couvrent 
le  corps  de  ces  oifeaux ,  il  y  a  au-defTous  une  prodi^ 
gieufe  quantité  d'un  duvet  blanc  fort  fin,  long  d'un 
pouce ,  &  qui  les  garantit  du  froid.  Quand  les  Fau- 
conniers fe  fervent  de  ^aigk  pour  le  haut  vol ,  ils  lui 
otent  une  partie  de  toutes  les  plumes  du  ventre ,  ce  qui 
empêche  ces  oifeaux  de  s'élever  trop  haut ,  parce  que 
le  froid  les  faifit  à  la  moyenne  région  de  l'air. 

Le  petit  Aigle  ou  Aigle  tacheté.  C'eft  XalgU 
plaintif  ow  V aigle  criard  des  Grecs  ,  en  latin  aquila  nœvia. 
Cette  efpece  d'aigle  eil  la  plus  petite  :  cet  oifeau  n'a 
que  deux  pieds  &:  demi  de  longueur  de  corps ,  depuis  le 
bout  du  bec  jufqu'à  l'extrémité  de  la  queue  ;  fes  ailes 
n'ont  que  quatre  pieds  d'envergure.  Son  plumage ,  qui 
efl  d'un  brun  obfcur ,  efl  marqueté  fur  les  jambes  & 
fous  les  ailes  de  plufieurs  taches  blanches ,  &  il  a  fous 
la  gorge  une  grande  zone  blanche.  Il  poufîe  continuel- 
lement des  cris  plaintifs  :  c'efl:  de  tous  les  aigles  celui 
qui  s'apprivoife  le  plus  aifément  ;  il  eft  plus  foible  , 
moins  fier,  &  moins  courageux  que  les  autres  ;  fa 
chafTe  ordinaire  efl  celle  des  canards ,  (  ce  qui  l'a  fait 
appeler  aquila  an at aria  :  )  à  leur  défaut  il  fe  jette  fur 
des  oifeaux  plus  petits ,  &  fouvent  même  fur  des  mu- 
lots &  des  rats  ;  fes  grands  exploits  font  la  chafTe  de 
la  grue.  Cette  efpece  d'aigle  eft  peu  aombreufe ,  quoi- 
qu'elle fe  trouve  en  Afie ,  en  Afrique ,  en  Europe ,  &c 
ïl  ne  paroît  point  qu'elle  foit  en  Amérique  ;  car  VaigU 
de  VOrlnoquz^  quoique  ayant  quelque  rapport  par  \% 
plumage ,  efl  un  oifeau  d'une  efpece  diiférçnte» 


ï5o       ^  A    I    G 

Il  paroît  qiie  Yaig/edes  grandes  Indes ,  pi.  enL  416  ^ 
le  même  que  Vaigle  de  Pondichery  &  du  Malabar ,  6c 
qui  fe  trouve  aufli  dans  le  Royaume  de  Vifapour ,  & 
fur  les  terres  du  Grand-Mogol ,  eu  encore  plus  petit 
que  notre  petit  aigle.  Il  n'a,  de  l'extrémité  du  bec  juf-' 
qu'à  celle  de  la  queue ,  qu'un  pied  fept  pouces  ;  fon 
envergure  efl  de  trois  pieds  neuf  pouces  ;  les  ailes  pliées 
dépaffent  un  peu  la  queue  ;  le  plumage  du  corps  eft  un 
marron  luftrë  ;  celui  de  la  tête  ,  du  cou ,  de  la  gorge  & 
de  la  poitrine ,  eit  blanchâtre  ;  tous  les  tuyaux  des  plu- 
mes font  d'un  noir  luifant  ;  les  pieds  font  jaunes ,  &  les 
ongles  noirs.  Cet  oifeau  a  une  forme  élégante.  Les  Ma- 
labar es  en  ont  fait  une  Idole ,  &  lui  rendent  un  culte.  On 
ne  nous  a  point  encore  appris  les  motifs  de  cette  fuperf- 
tition. 

A  l'égard  de  V aigle  du  Cap  de  Bonne  -  Efpérance ,' 
de  Kolhe.   Voyez  Varticle  UruBU. 

A  l'égard  de  Y  aigle  -  vautour  ,  Voyez  Vautour  barbu. 
Dans  l'état  de  nature ,  X aigle  ne  chaffe  feul  que  dans 
le  temps  oii  la  femelle  ne  peut  quitter  fes  œufs  ou 
fes  petits  ;  comxme  c'eft  la  faîfon  oii  le  gibier  com- 
mence à  devenir  abondant  par  le  retour  des  oifeaux  , 
il  pourvoit  aifémiCnt  à  fa  propre  fubfiflance  &  à  celle 
de  fa  femelle  :  mais  dans  les  autres  temps  de  l'année  , 
le  mâle  &  la  femelle  paroiffent  s'entendre  pour  la  chafTe; 
on  les  voit  toujours  enfemble  ,  ou  du  moins  à  peu  de 
diflance  l'un  de  l'autre.  Les  habitans  des  montagnes , 
qui  font  à  portée  de  les  obferver ,  prétendent  que 
l'un  des  àews.  bat  les  buifTons ,  tandis  que  l'autre  fe 
tient  fur  quelque  arbre  ou  fur  quelque  rocher ,  pour 
faifir  le  gibier  au  pailage  ;  ils  s'élèvent  fouvent  à  une 
hauteur  fi  grande  ,  qu'on  les  perd  de  vue  ;  &  malgré 
leur  éloigiiement ,  leur  voix  fe  fait  encore  entendre 
très-diflin£lement ,  &  leur  cri  reffcmble  alors  à  Taboie- 
ment  d'un  petit  chien.  Le  petit  aigle  étant  d'un  natu- 
rel affez  docile  ,  fercit  vc[i  oifeau  très-propre  pour  la 
çhaiTe  du  vol ,  s'il  étoit  plus  coui'ageux  ,  moins  lâche  , 

moins 


A    I    G  iSi 

moins  plaintif ,  moins  criard  ;  un  épervier  bien  drefl'é 
fuffit  pour  le  vaincre  &  l'abattre  :  celui-ci  prend  fon 
vol  au-deiÏÏis  de  lui,  fond  fur  lui  avec  rapidité,  lui  enfonce 
les  ferres  dans  les  flancs  &c  dans  fes  ailes ,  lui  bat  la  tête 
en  volant  toujours  ;  quelquefois  l'aigle  &  l'épervier 
tombent  tous  deux  enfenible. 

Quoique  les  aigles  ,  en  général ,  aiment  les  lieux 
déferts  &  les  montagnes ,  il  efl  rare  d'en  trouver  dans 
celles  des  Prefqu'îfles  étroites  ,  &  dans  les  Ifles  qui  ne 
font  pas  d'une  grande  étendue ,  ils  n'y  trouveroient 
pas  allez  d'animaux  pour  la  chaffe. 

L'Amérique  fournit  aufii  des  tyrans  de  l'air  ,  que  des 
Ornithologiftes  placent  parmi  les  aigles.  On  diftingue 
I  ,^  le  grand  aigle  de  la  Guiane.  Les  traits  frappans  dans 
cet  oifeau  ,  qui  a  trois  pieds  deux  pouces  du  bout  du 
bec  à  celui  de  la  queue ,  font  une  huppe  d'un  gris 
noirâtre ,  compofée  de  plumes  étagées  ,  dont  une  dé- 
paffe  toutes  les  autres  de  plus  de  quatre  pouces  ;  le 
bec  fortement  arqué ,  mais  ne  commençant  à  fe  cour- 
ber que  loin  de  fon  origine  ;  &  fur-tout  les  ferres. 
Cet  oifeau  efl:  un  des  plus  puilTans  ,  un  des  plus  fiers 
qui  exigent ,  &  un  des  plus  redoutables  tyrans  de  l'air. 
On  afliire  que  fa  nourriture  la  plus  ordinaire  eil  la  chair 
de  Vunau  &  de  Yai  ;  il  enlevé  au/Ti  des  faons  Se  d'autres 
jeunes  quadrupèdes  ;  il  habite  à  la  Guiane  dans  les 
forêts  qui  font  dans  l'intérieur  des  terres.  2.°  V aigle 
moyen  de  la  Guiane.  3 .°  Vaigle  petit  de  la  Guiane  :  ils 
ont  aufîi  chacun  une  huppe. 

On  diilingue  Vaigle  de  FOrénoque  oui  eft  Vaigle  huppé 
du  Bréfil;  Vaigle  du  Pérou  ;  VyiquauhtU  des  Mexicains, 
lequel  fe  trouve  auffi  en  Afrique.  Voye^  l'article  Uru- 
TAURANA.  On  a  obfervé  dans  ces  aigles  du  nouveau 
Continent ,  que  les  ailes  pliées  ne  s'étendent  que  juf- 
qu'à  l'origine  de  la  queue  ,  en  forte  que  fous  ce  point 
de  vue  ,  les  aigles  de  l'ancien  Continent ,  dont  l'enver- 
gure &:  la  puiffance  pour  voler  font  bien  fupérieures  , 
peuvent  franchir  de  plus  grands  efpaces.  On  n'a  pas 
Tome  /,  L 


i6i  A    I    G 

encore  bien  déterminé  û  le  condor  appartient  au  genre  Je 
Vaig/e  ou  à  celui  des  vautours.  L'on  en  peut  dire  autant 
du  lacmmer-geycr.  Voyez  ces  mots.  Il  eft  mention ,  à 
l'article  Oiseau  ,  de  détails  très-intéreffans  fur  la  digef- 
tion  des  oifeaux  ;  on  y  lira  avec  plaifir,  peut-être,  ce  qui 
concerne  la  digeilion  ,  &c. ,  dans  Vaigle, 

AIGLEDON  5  par  corruption  ,  pour  cïdcrdon  :  c'efl 
le  duvet  de  Veider ,  Voyez  ce  mot. 

AIGLE-FIN  ou  Aigre-fin.  Nom  donné  à  Vanon, 
efpece  de  morue.  Voyez  ce  dernier  mot. 

Aigle -Poisson  ou  Mourine.    Voyei   à  tartlcU 
Pastenague, 

AIGPvEMOINE  ,  Agrimonla.  Genre  de  plante  à  fleurs 
en  rofe  ,  à  douze  étamines  &  deux  piftils. 

Uaigremoine  des  boutiques ,  Agrlmonia  offLcinarum , 
Tourn.  Inll.  301  :  Agrlmonia  eupatorla  ,  J.  B.  2.  398  , 
Linn.  643.  Sa  racine  eil  vivace  ,  noirâtre  ,  groiTe, 
fibreufe ,  d'une  faveur  aftringente.  Sa  tige  eil  haute  de 
deux  coudées ,  velue ,  fimpie ,  branchue  :  fes  feuilles 
font  velues,  oblongues,  crénelées  &  difpofées  alterna- 
tivement ,  ou  oppofées  des  deux  côtés  d'une  côte 
terminée  par  une  feule  feuille,  &:  garnie  de  quelques 
ailerons  ou  feuilles  plus  petites  dans  les  intervalles  ^ 
dentées  ;  elles  ont  un  goût  flvptique ,  un  peu  falé , 
mêlé  tant  foit  peu  d'âcreté ,  elles  rougiffent  un  peu  le 
papier  bleu  :  fes  fleurs  font  rangées  en  épis  ,  à  l'ex- 
trémité des  petits  rameaux  ,  d'une  odeur  fuave ,  jaunes, 
&  compofées  de  cinq  pétales.  Son  calice  efl:  épineux; 
îl  fe  change  en  un  fruit  arrondi ,  hériffé  de  piquans  à 
la  partie  fupérieure ,  &  qui  contient  deux  femences  :  cette 
plante  croît  dans  les  champs ,  dans  les  prés  fecs ,  &:  notam- 
ment le  long  des  haies ,  des  chemins,  &  au  bord  des  bois, 
Ualgrcmoine  eu  du  nombre  des  plantes  déterfives  , 
apéritives  ,  rafraichiiTantes  &  vulnéraires.  La  décoc- 
tion d^aigremolne  des  boutiques  &  Jaunie  efl  propre 
pour  les  engelures  ulcérées  ;  on  s'en  lave  les  pieds  foir 
&  matin.  Elle  eft  fpécifique  dans  le  pifTement  de  fang  , 
&  l'incontimencç  de  l'urine, 


A    I    G  1^3 

Les  garganfmes  les  plus  ordinaires  fe  font  avec  fa 
décoction  ,  Forge  Se  le  firop  de  mûres. 

On  dillingue  auffi  V algremoine  du  Levant ,  Agrïmonia 
repens ,  Linn.  ;  &  Vaigremoinc  à  fleurs  en  faifceaii ,  yîgrl* 
moiiia  agrimonoïdes  ,  Linn . 

AIGRETTE.  Nom  que  l'on  donne  à  deux  efpeces 
de  coquillages ,  Fun  du  genre  des  moules  ou  pinnc 
jTiarine ,  6c  l'autre  d'une  efpece  de  murex.  Voyez  ces 
mots. 

Aigrette,  pi.  cnl.  901.  en  latin  ,  Ardect  athaminor^ 
Aldr.  Egntta,  Oifeau  erratique ,  du  genre  du  héron , 
ainfi  nommé ,  parce  qu'il  lui  pend  derrière  la  tête  une 
efpece  de  petite  aigrette  blanche  compofée  de  quatre 
plumes  longues ,  flexibles,  douces  au  toucher,  roulées 
les  unes  dans  les  autres ,  &  dirigées  de  devant  en  ar- 
rière. Peut-être  aufîî  cet  oifeau  tire-t-il  fon  nom  de 
l'ufage  qu^on  fait  d'une  partie  de  fes  plumes  ,  pour 
en  former  des  aigrettes  qui  embelliffent  &  relèvent  la 
coiffure  des  Dames  ,  le  cafqiie  des  guerriers ,  le  turban 
des  Sultans.  Ces  belles  plumes ,  qu'on  nous  apporte 
du  Levant  par  la  voie  de  Marfeilîe ,  étoient ,  dit  M.  de. 
Buffon^  recherchées  en  France  dès  le  temps  de  nos 
preux  Chevaliers  qui  s'en  faifoient  des  panaches.  Au- 
jourd'hui, par  un  iifage  plus  doux,  elles  fervent  à 
orner  la  tête  &  rehauffer  la  taille  de  nos  belles.  Ce 
font  les  plumes  fupérieures ,  fcapulaires,  qui,  prolongées, 
fines  &  déliées ,  fervent  pour  en  former  des  aigrettes* 
De  leur  tige  fouple,  légère ,  élaftique ,  partent  par  paires, 
à  petits  intervalles ,  des  filets  très-fins ,  longs  de  deux  à 
trois  pouces,  aufîi  doux  que  la  foie,  &  qui  chacun  fe  fub- 
divifent  vers  les  deux  tiers  de  leur  longueur  en  d'autres 
filets  plus  déliés  encore  &  plus  courts.  Ces  plumes  fe 
vendent  à  im  très^haut  prix.  Cet  oifeau ,  qiii  efl  Vagroti^ 
gar{ecîa ,  gar^ahïanca ,  des  Italiens ,  eft  comme  un  héron 
de  petite  taille  ;  fa  longueur  efl  de  dix-huit  à  vingt  pouces 
du  bout  du  bec  à  celui  de  k  queue  ;  fon  envergure  efî  de 
deux  pieds  dix  pouces,  Il  habita  fur  le  bord  des  riviçres 

L  2, 


i64  A     I     G 

&  de  la  mer  :  Il  a  tout  le  corps  d'un  beau  blanc  ,  & 
auprès  des  yeux  un  efpace  dégarni  de  plumes  ,  6c  de 
couleur  verte  :  fon  bec  eu  noirâtre  ,  long  d'environ 
quatre  pouces  :  les  pattes  de  couleur  verte ,  &  couvertes 
d'elpace  en  efpace  d'une  corne  noirâtre,  qu'on  peut  lever 
en  écailles  ;  la  première  phalange  du  doigt  extérieur 
tient  au  doigt  du  milieu   par  une  membrane. 

Cet  oifeau  le  trouve  dans  toutes  les  parties  de  l'an- 
cien Continent ,  mais  il  paroît  éviter  les  pays  froids , 
&  préférer  les  pays  chauds. 

Vaigrette  fe  trouve  aufli  en  Amérique,  à  la  Guiane 
&  à  la  Louifiane.  Il  y  en  a  une  efpece  à  Cayenne  &c  à 
la  Louifiane  qui  eu  au  moins  du  double  plus  grande 
que  Vaigrette  vulgaire.  Mais  cette  grande  aigrette  , 
jjL  enL  925,  n'a  point  de  huppe  ,  &  les  Plumafîiers  font 
bien  moins  de  cas  de  fes  plumes  ;  ils  n'en  offrent  au- 
jourd'hui que  quarante  francs  de  l'once,  tandis  qu'ils 
offrent  jufqu'à  quatre-vingt-dix  livres  de  l'once  de  Vai- 
grette fim^plement  dite.  On  a  auffi  apporté  de  la  Loui- 
fiane une  nouvelle  efpece  d^aigrette;  fon  plumage  efl 
roux  ,  &  fa  taille  efl:  moyenne  entre  la  grande  aigrette 
^  l'aigrette  commune ,  pi.  enl.  902. 

Aigrette  ,  (  en  Botanique  )  ,  eft  une  efpece  de 
broffe  qui  fe  trouve  au  haut  des  graines  des  plantes 
acanthacées ,  Sec.   f^oyei  fon  article ,   au  mot  Plante. 

Aigrette.  Nom  donné  à  une  efpece  de  guenon 
macaque.  Voye^^  Macaque. 

AIGUË -MARINE  ou  BeRIL,  Gemma  ^  aqiia  marina 
'Âîcia.  Pierre  précieufe  ,  polygone  ,  très  -  tranfparente  , 
d'un  grand  éclat ,  la  feptieme  en  dureté  dans  la  liffe 
des  pierreries ,  &  ainfi  nommée  à  caufe  du  rapport  de 
fa  couleur  avec  celle  de  la  mer.  Elle  eft  d'un  bleu  mêlé 
de  vert ,  ou  quelquefois  d'un  vert  de  mer  appelé  céladon. 
Elle  tient  cette  couleur  de  fubflances  métalhques. 

Les  aigues-marines  différent  entre  elles  par  le  plus 
ou  le  moins  de  dureté  ou  d'intenfité  de  couleur  ;  les 
unes  font  orientales  ^  ce  font  les  hirils  ;  les  autres  font 


A    I    G  i^î 

occidentales  y  ce  font  les  aiguës-marines.  Les  premières 
font  plus  dures  ,  le  poli  en  eil  plus  vif  ;  la  teinte  bleue 
ou  domine  fur  la  verte ,  ou  efl  égale  en  nuance  :  auiîi 
font- elles  plus  belles  ,  plus  rares  &  plus  chères  que 
les  aigues-marines  occidentales;  la  couleur  verte  do- 
mme  fur  le  bleu  dans  ces  dernières.  Nous  avons  ob- 
fervë  que  l'aigue-marine  qui  forme  la  boule  du  globe 
fur  la  couronne  du  Roi  d'Angleterre ,  eft  orientale  &  de 
la  plus  grande  beauté  :  elle  nous  a  paru  avoir  environ 
deux  pouces  de  diamètre.  Les  belles  aigues-marines 
orientales  s'évaluent  au  prix  du  faphir  ;  les  occiden- 
tales ,  à  l'œil  ,  félon  l'éclat,  la  pureté' &:  l'étendue. 
En  général  les  pierres  précieufes  orientales  font  plus 
belles,  la  couleur  en  efl  plus  fixe  que  celle  des  occi- 
dentales ,  qui  ne  font  pas  ,  ou  guère  plus  dures  que 
le  criflal  de  roche.  On  dira  au  mot  Pierres  précieuses, 
la  manière  de  les  diftinguer. 

L'aigue-m.arine  étant  mêlée  de  vert  &  de  bleu,  on  ne 
peut  la  confondre  qu'avec  les  pierres  vertes  &.  les  bleues, 
qui  font  les  êmeraudes  &c  les  faphirs  ^  (  V^oye^^  Émeraude 
6- Saphir).  Si  l'on  fait  attention  que  V émeraude  doit 
être  purement  verte  ,  fans  aucun  mélange  de  bleu ,  &: 
le  faphir  purement  bleu  fans  aucune  teinte  de  vert , 
on  la  diflinguera  de  ces  deux  autres  pierres  précieufes. 
Mais  ce  mélange  de  bleu  &  de  vert  occafionne  ,  fuivant 
leurs  proportions  &  leur  état  de  combinaifon ,  un  grand 
nombre  de  nuances ,  lefquelles  fervent  à  fixer  la  nomen- 
clature des  pierres  qui  en  offrent  les  teintes  ,  &  fpé- 
cialement  l'aigue-marine  &  le  béril  ;  de  mêm.e  que  l'eau 
de  mer  vue  en  maffe ,  offre  par  réfra£l:ion  ÔC  réflexion 
une  très-grande  variété  de  nuances,  félon  la  couleur 
du  fol ,  &:  les  différens  climats ,  (  car  la  mer  réflé- 
chiffant  comme  un  miroir  la  couleur  du  ciel  mêlée 
avec  celle  de  fon  eau ,  rend  une  forte  teinte  de  bleu 
dans  un  beau  jour  ou  dans  un  beau  climat ,  &  une 
foible  teinte  d'un  bleu  fale  dans  les  climats  du  Nord, 
ou  dans  un  temps  couvert  )  ;  de  même  auiîi ,  les  pier* 

L3 


\66  A    I    G 

reries ,  notamment  celles  qui  font  coîoî-ées ,  offfenf 
ienfiblement  à  l'œil  des  nuances  plus  ou  moins  fon- 
cées ,  fuîvant  l'état  du  ciel  ,  ou  la  pureté  du  jour. 
Quelle  différence  entre  la  nuance  d'une  pierre  pré- 
cieulé  de  couleur ,  vue  il  la  lumière  du  jour  ou  à  celle 
d'une  bougie  :  ici  les  teintes  augmentent  en  intenfité. 
\Jn  rubis  ofFre  la  nuance  du  grenat  ;  celui  -  ci  ofFre 
celle  de  l'amétliille  ;  celle-ci  offre  celle  du  faphir  ; 
celui-ci  y  paroit  prefque  noir  ,  &:c.  Ajoutez  à  cela 
l'effet  de  la  feuille  d'argent  colorée ,  que  les  lapidaires 
mettent  fous  une  pierre  qu'ils  mettent  en  œuvre,  à 
deffcin  d'en  augmenter  ou  varier  le  jeu. 

On  trouve  des  aiguës  -  marines  fur  les  bords  de 
i'Euphrate ,  au  pied  du  m.ont  Taurus ,  Si  dans  le  Ceylan. 
Les  occidentales  viennent  de  Saxe ,  de  Bohême  ,  de 
Sicile  5  de  l'I/le  de  l'Elbe.  On  affure  qu'il  y  en  a  auiïi 
fur  les  côtes  de  la  mer  Océane.  On  en  a  découvert 
dans  la  Sibérie,  en  quilles  femblables  à  celles  du 
crirtal  de  roche ,  mais  dont  les  canons  font  tronqués* 
L'art  efl  devenu  ,  pour  ainfi  dire ,  rival  de  la  nature 
dans  l'imitation  de  la  couleur  des  pierres  précieufes. 
On  imite  la  couleur  de  V algue- marine  ,  en  mettant  dans 
du  criflal  en  fufion  ,  de  la  poudre  de  cuivre  calciné 
par  trois  fois  par  le  foufre  :  on  remue  bien  le  tout  , 
en  mettant  par  reprifes  de  cette  poudre  mélangée 
jufqu'à  ce  que  le  criilal  prenne  la  couleur  que  l'on 
demande.  Lorfque  l'opération  fe  fait  en  grand ,  on  met 
fur  foixante  livres  de  criflal  une  livre  &  demie  de 
cuivre  calciné  ,  &  quatre  onces  de  foufre. 

AîGULLLAT ,  Galeus  acanthias  ,  Rondel.  "W'illughb. 
Klein.  Gronov.  :  Mufidiis  Jpinax ,  Eelon.  :  Squaliis 
(  acanthias  )  pinnâ  analï  nullâ^  dorfalibus  fplnojis  ,  cor^ 
pore  untïufculo  ,  Linn.  V aiguillât ,  dit  M.  Broujfoiimt ,. 
efl:  ainfi  nommé  dans  les  Provinces  méridionales  de 
France ,  à  caufe  de  deux  aiguillons  qu'il  a  fur  le  dos  ; 
&  ces  aiguillons  (  un  à  la  partie  antérieure  de  chaque 
nageoire  dorfale  )  font  de  nature  de  corne  ou  de  griffes 


    I     G  1^7 

3'oîfeau  ;  Ils  en  ont  aufli  la  figure  &  la  couleur.  Ce 
poifTon  efl  de  la  feâ:ion  des  chiens  de  mer ,  qui  ont  des 
trous  aux  tempes  ,  mais  fans  nageoire  derrière  l'anus  : 
cette  dernière  partie  a  quelque  rapport  avec  la  forme 
d'une  pince  ;  fon  lobe  fupérieur  eil  beaucoup  plus 
alongé  que  l'inférieur.  Les  ouvertures  des  ouïes  ,  au 
nombre  de  cinq  de  part  &  d'autre ,  font  placées  vers 
les  nageoires  pedlorales  ,  dans  une  direûlon  un  peu 
oblique.  La  forme  du  corps  de  Vaiguillat  eft  prefque 
cylindrique,  &:  empêche  qu'on  ne  le  confonde  avec 
le  humantin  ,  qui  l'a  triangulaire  ;  il  a  beaucoup  d'ana^ 
logie  avec  lefagre  ;  mais  îe  deffous  du  corps  eft  noirâtre , 
tandis  que  celui  de  Vaiguillat  ell  gris.  Cependant 
celui  de  Vaiguillat  varie  quelquefois  ,  par  des  taches 
blanchâtres  placées  irréguhérement  fur  les  côtés  du 
dos  ;  la  première  nageoire  du  dos  eft  prefque  également 
éloignée  àes  nageoires  peâ:orales  &  des  abdominales  ; 
îa  féconde  eft  plus  près  de  la  queue ,  que  de  la  première 
dorfale  ;  les  yeux  font  affez  grands. 

On  trouve  abondamment  Vaiguillat  dans  l'Océan  & 
la  Méditerranée.  Fabricius  dit  qu'on  le  prend  en  Groen- 
land pendant  riiiver ,  au  moyen  des  trous  qu'on  pratique 
dans  la  glace.  On  le  voit  dans  la  mer  du  Sud  & 
dans  toutes  celles  de  l'Amérique.  On  en  fait  en  Ecofle 
une  pêche  très-confidérable  ;  quand  fa  chair  eft  fechée , 
on  la  vend  aux  Montagnards  :  on  en  fait  fouvent ,  dans 
cette  contrée ,  un  affez  grand  commerce.  Le  foie  des 
individus  les  plus  gros  feri  à  faire  de  l'huile.  La  peau 
âpre  au  toucher  ,  ell  employée  par  les  Tourneurs  pour 
polir  les  ouvrages  en  ivoire  &:  en  bois ,  même  l'albâtre^t 
M.  Broujfonnet  dit  que  Vaiguillat  fe  voit  affez  fouvent 
à  Paris  dans  les  marchés  ;  que  du  temps  de  Bdon  oa 
y  en  apportoit  une  affez  grande  quantité  en  automne  ;, 
qu'il  y  eft  actuellement  moins  commun  ,  mais  qu'il  l'y  a 
obfervé  dans  toutes  les  faifons.  Il  pefe  rarement  vingt 
livres.  Vaiguillat  s'appelle  A^io  ,  à  Venife  ;  Sca-^ne ,  à 
Rome  ;  Picked-dog  ^  or  Hund  ftsli ,  en  Angleterre. 

L  4 


i68  A    I     G 

AIGUILLE ,  ou  Typhle  de  Gefner,  Syngnatus  acus; 
Linn.  PoifTon  du  genre  du  cheval  marin.  Les  anciens 
lui  ont  donné  le  nom  ^aiguille ,  à  caufe  de  fa  forme 
alongée ,  rétrécie  &  terminée  en  pointe.  Le  corps  de 
ce  poifTon ,  depuis  la  tête  jufqu'à  l'anus ,  eft  à  fept 
pans  ;  enfuite  il  n'efl:  plus  qu'à  iix  pans  jufqu'à  l'extré- 
inité  de  la  nageoire  dorfale  ;  &  depuis  cet  endroit  juf- 
qu'à l'extrémité  de  la  queue ,  il  eil  fimplement  quadrangu- 
îaire ,  &:  va  en  s'aminciP/ant  par  degrés.  Tout  le  corps  eft 
couvert  d'efpeces  de  lames  flriées ,  d'une  figure  à  peu  près 
quadrangulaire  ,  &  difpofées  comme  en  compartimens. 
La  queue  fe  termine  en  manière  de  nageoire ,  ayant 
prefque  la  figure  d'un  rhombe ,  lorfqu'elle  efl  déployée  ; 
la  partie  de  la  tête  ^  entre  les  yeux  &  la  gueule ,  efl 
comprimée  par  les  côtés  ;  les  yeux  font  fur  les  côtés 
de  la  tête ,  arrondis  &  recouverts  par  une  membrane 
lâche  ;  la  gueule  eft  petite  &  placée  à  l'extrémité  du 
mufeau  ;  la  mâchoire  inférieure ,  plus  mobile  &  plus 
longue  que  la  fupérieure ,  fe  replie  vers  celle-ci ,  en 
forte  que  l'ouverture  de  la  gueule  femble  avoir  un  oper- 
cule. La  couleur  de  ce  poifTon  eft  d'un  roux  obfcur. 
Les  nageoires  pedorales  ont  quatorze  à  quinze  rayons  ; 
la  dorfale  en  a  trente-cinq  ou  trente-fix  ;  celle  fituée 
près  de  l'anus ,  en  a  trois  ;  celle  de  la  queue  en  a  dix. 
Il  n'y  a  point  de  nageoires  abdominales.  Ce  poiftbn 
de  mer  eft  quelquefois  long  d'une  coudée ,  mais  il  n'eft 
pas  plus  gros  que  le  doigt  index. 

Aiguille  de  l'Inde  orientale  ,  Fijlularia  chïmnfîs , 
Linn.  :  Petimbuaha  braJiUcriJibus  ,  Tabaco  -pipe  fifch, 
Willughb.  La  couleur  de  ce  poiftbn  (  du  genre  de  la 
Trompette  )  eft  brune  avec  des  taches  noires.  Sa  tête 
eft  femblable,  en  quelque  forte,  à  un  tuyau  ;  la  gueule 
eft  placée  à  l'extrémité  de  la  tête ,  &  n'a  point  de 
dents  ;  la  membrane  des  ouïes  eft  compofée  de  quatre 
oftelets  parallèles  ;  les  yeux  font  ronds  &  placés  près 
des  ouïes  ;  les  narines  oblongues ,  très-ouvertes  ,  & 
placées  près  des  yeux  j  le  dos  étroit  &  un  peu  corn- 


A    I    G  AIL  169 

primé ,  arqué  à  l'endroit  de  la  nageoire  dorfale  ;  les 
lignes  latérales  afTez  fenfibles  ;  le  corps  eft  couvert 
de  petites  écailles  dures  dz  comme  tuilées  ;  les  na- 
geoires peftorales  ont  feize  rayons  ;  celles  de  l'ab- 
domen en  ont  fept  ;  celle  du  dos  en  a  vingt  -  iix  ; 
celle  de  l'anus  en  a  vingt- quatre  ;  celle  de  la  queue , 
qui  Cil  arrondie ,   en  a  quatorze. 

Aiguille,  efpece  à'Efoce.  Voyez  Belone. 

Aiguille  de  Berger.   Voyei  Peigne  de  Vénus. 

Aiguille  a  grandes  écailles.  Foye^  Cayman 
(  poiffon  du  genre  de  VEjoce'), 

AIGUILLON  ,  Acîikus,  Partie  du  corps  de  pludeurs 
infedes.  Par  exemple ,  l'abeille  a  un  aiguillon  placé  à 
la  partie  podérieure  de  Ton  corps ,  &  qui  lui  fert  à 
piquer.  Voyei  aux  ankks  Abeille  ,  Insecte  ,  &c. 
On  donne  encore  le  nom  ^aiguillon  aux  piquans  des 
hérljfons ,  des  porcs-épics  ,  aux  pointes  des  ourjins  6c  aux 
parties  ofTeufes  &  pointues  qui  font  dans  les  nageoires 
61  fur  d'autres  parties  du  corps  de  la  plupart  àtspoiffons. 
Voyez  ces  mots.  On  donne  auffi  le  nom  ^aiguillon  ou 
piquant ,  aux  pointes  aiguës  qui  font  feulement  atta- 
chées fur  récorce  des  plantes.  Foyc^  à  la  fuite  de  r ar- 
ticle Plante. 

AIL  ,  Allium,  Plante  potagère ,  dont  la  fleur  efl:  com- 
pofée  de  iix  pétales  fans  calice,  de  fîx  étamines  & 
d'un  piflil  auquel  fuccede  une  capfule  à  trois  loges. 
Les  fleurs  font  réunies  en  bouquets  ,  enveloppés  d'une 
coiffe  membraneufe.  Il  y  a  deux  efpeces  d'ail  qui  vien- 
nent en  pleine  terre  auffi  aifément  l'une  que  l'autre, 
&  dont  la  culture   n'exige  que  fort  peu  de  foin. 

La  première  efpece  ou  Vail  ordinaire  ,  qwi  efl:  connu 
de  tout  le  monde,  Allium  fativum  ^  Linn.  415,  C.B. 
Pin.  73.  produit  une  graine  arrondie  &  noirâtre ,  que 
l'on  feme  au  printemps.  Cette  femence  poufle  une  tige 
au-dehors  xreufe  ,  &  produit  en  terre  un  petit  oignon 
ou  bulbe,  qui ,  replanté  au  mois  de  Mars  de  l'année 
fiiivante  ,   groffit  afTez  confidérablement  ;  ôc  il  porte 


170  AIL 

alors  le  nom  de  tête  d'ail  ou  gouffc  d^all  :  c'eft  cette 
partie  qu'on  emploie  ordinairement  pour  l'ufage  de  la 
cuifme.  Ainfi ,  pour  avoir  des  têtes  d'ail  produites  de 
femences ,  il  faut  deux  années  ;  mais  comme  chaque 
tête  efl  accompagnée  de  douze  ou  quinze  tubercules  , 
il  fuiFxt  de  planter  ces  tubercules  au  mois  de  Mars  ,  &: 
on  a  dans  l'année  même  des  têtes  d'ail  auiTi  belles 
que  11  on  a  voit  employé  deux  ans  à  les  faire  venir  de 
femence.  Ces  tubercules  fe  plantent  à  quatre  pouces 
de  diflance  l'un  de  l'autre ,  &  à  trois  pouces  de  pro- 
fondeur. La  feule  attention  qu'il  faut  avoir,  efl  de 
placer  le  germe  en  haut  :  ce  germe  fe  développe  en 
peu  de  jours  ,  &  on  arrache  l'oignon  lorfque  les  feuilles 
font  defféchées,  La  tige  efl:  haute  d'un  pied  &  plus , 
droite  ,  cylindrique,  garnie  à  fa  partie  inférieure  de 
feuilles  vertes ,  pointues  &  entières  ,  pleines  &  apla- 
ties comme  celles  ciu  chiendent ,  &  différentes  de  celles 
de  l'oignon,  qui  font  fiflideufes.  Ses  fleurs  font  blanches 
ou  rougeâtres  ,  difpofées  en  ombelle  arrondie.  L'ail 
le  meilleur  croît  en  Provence  &  dans  les  pays  méri- 
dionaux de  la  France, 

La  féconde  efpece  eil  nommée  Ail  d'Espagne,  Ail- 
Poireau  ,  Allïoprafum  ,  fcorodoprafum  ,  Linn.  415» 
Sa  feuille  efl:  longue ,  étroite  ,  pointue ,  finement  den- 
ticulée  ;  fa  tige  efl:  plus  haute  ,  &  fa  femence  plus 
groffe  que  celle  de  l'efpece  précédente.  Toute  la  plante , 
connue  fous  le  nom  de  rocambok  ,  a  une  odeur  d'ail 
ti  de  poireau.  Les  tuniques  de  fa  bulbe  font  d'un  blanc 
purpurin  :  la  partie  fupérieure  de  la  tige  fe  replie ,  & 
fait  une  ou  deux  fpirales  avant  la  maturité  des  bulbes. 
Cette  efpece  fe  multiplie  précifénient  comme  la  pré- 
cédente 5  &  elle  a  l'avantage  qu'on  peut  fe  fervir  éga- 
lement de  fon  oignon  ou  de  fes  graines. 

On  di flingue  encore  une  autre  forte  ^ ail- poireau  , 
'Allïiim  fphcerïceo  capite  ,  folio  latiore  ^Jive  Scoradoprafum 
altcrum ,  C  B.  Pin.  74.  :  Alliuni  fphcerocephalum  ,  Linn. 
j^x6.  Sa  tige  efl  droite,  haute  d'un  pied  &;  demi,  cy- 


AIL  17^ 

ïîndrîqiie  ,  feiùllée  mfërieurement  ;  fes  feuilles  font 
demi-cylindriques ,  menues  ,  affez  longues ,  &  un  peu 
fiiduleufes.  Les  fleurs  font  rouges  ,  ou  d'un  pourpre 
foncé,  en  têtes  arrondies  ;  les  étamines  faillantes  hors 
de  la  corolle.  On  en  voit  beaucoup  à  Francfort  fur  le 
JMein.  Il  y  a  encore  Xail  fauvage ,  Alllitm  fylvejîre  lati- 
folium ,  C.  B.  Pin.  74.  A  l'égard  de  Vail  des  mon- 
tagnes ,    Voye:^  à  Vartïck  Nard. 

Vaïl  abonde  en  parties  fubtiîes  ,  très-vives  ;  ce  qui 
rend  fon  odeur  fi  forte  :  il  fuffit  de  porter  de  l'ail 
pilé  fur  quelque  partie  de  la  peau ,  pour  que  l'haleine 
itxitç:  l'ail.  Si  on  en  mêle  dans  le  manger  de  la  volaille, 
la  chair  &  les  œufs  en  contraderont  le  goût  &  l'odeur  : 
fon  ufage  rend  l'appétit  aux  animaux  dégoûtés.  Ceil 
l'afTaifonnement  ordinaire  des  mets  chez  plufieurs  na- 
tions ;  en  effet ,  c'eil  un  mets  piquant  pour  un  palais 
groffier.  Les  Hongrois  n'ont  pas  de  remède  ni  d'amu- 
lette plus  sûrs  que  1'^//  dans  le  temps  de  la  pefte;  il 
entre  dans  la  compofition  du  vinaigre  des  quatre  voleurs  : 
c'efi  un  fpécifique  pour  guérir  les  tranchées  des  intef- 
tins  &  pour  diffiper  les  vents  :  il  eft  auiTi  très-ufité 
dans  l'Art  vétérinaire  ;  mais  on  en  doit  faire  un  ufage 
très-modéré ,  car  il  enflamme  l'eftomac ,  les  vifceres 
par  fon  fuc  acre,  &c. 

Cette  plante  a  été  plus  qu'aucune  autre  foumife 
dans  les  différentes  contrées  aux  caprices  de  la  mode 
&  de  l'opinion,  h' ail  a  été  une  des  divinités  des 
Egyptiens.  Ils  lui  faifoient  partager  le  culte  qu'ils  ren- 
doient  aux  oignons.  Les  Grecs  l'avoient  en  horreur , 
&  ceux  qui  en  mangeoient ,  étoient  regardés  comme 
à^es  profanes.  Perfe  rapporte  qu'on  en  faifoit  manger 
pendant  plufieurs  jours  à  ceux  qui  vouloient  fe  purifier 
de  quelque  crime.  Chez  les  Romains ,  c'étoit  une  des 
nourritures  des  moiflbnneurs  &:  àes  foldats.  On  croyoit 
qu'il  excitoit  le  courage  des  guerriers;  on  en  faifoit 
manger  aux  coqs  même  que  l'on  dreffoit  pour  les 
combats. 


ijt  AIL 

M.  HalUr  dît  que  les  habitans  de  tous  les  pays 
chaud  aiment  l'ail  :  en  Orient  on  lui  fubftitue  une  plante 
encore  plus  forte  d'odeur,  c'eft  le  hingifdh  ou  le  lafer 
des  Anciens  (  Voyez  à  l'article  Afa  fœtlda  ).  Dans  le 
Nord,  les  Rufïïens  en  font  le  même  cas  :  OUarïus  avoit 
obfervé  que  ce  goût  étoit  de  fon  temps  le  goût  des 
Grands  &  de  la  Cour.  Les  hommes  ne  fe  trompent 
guère  dans  les  ûfages  qui  font  communs  à  plufieurs 
nations.  Quoique  Vail  refle  long -temps  dans  l'eftomac 
&  y  trahifîe  fon  féjour,  il  faut  bien  qu'il  favorife  la 
digeflion  &  qu'il  excite  le  mouvement  périilaltique  de 
ce  vifcere ,  puifqu'on  l'oppcfe  aux  mauvais  effets  des 
alimens  rafraîchiffans ,  des  choux  aigres ,  des  concom- 
bres ,  des  melons  ,  &:c.  Les  femmes  fardées  évitent 
foigneufement  les  approches  d'une  haleine  ^aïL 

^  AILE ,  Ala,  L'aile  efl  cette  partie  du  corps  àts 
oifeaux  qui-efl  double,  &;  qui  étant  garnie  de  plumes, 
fert  à  les  foutenir  dans  les  airs  &  à  voler.  Ces  parties 
correfpondent  à  nos  bras ,  &  aux  jambes  de  devant 
A^s  quadrupèdes.  On  a  lieu  d'admirer  ici  la  manière 
dont  la  Nature  parvient  aux  mêmes  fins  par  des  moyens 
divers.  Certains  animaux  volent  avec  des  ailes  de 
plimies  ,  ce  font  les  oifeaux  ;  d'autres  avec  des  ailes 
membraneufes  ou  cutanées  ,  tels  que  les  infecies  y  les 
chauve  -four'is  ,  V écureuil  volant.  Ainfi  ces  ailes  qui  fer- 
vent au  vol  d'animaux  d'ordres  fi  différens  ,  ne  fe 
reffemblent  que  par  l'ufage  ;  elles  n'ont  aucun  rapport 
ni  par  l'extérieur,  ni  par  la  ftruâ:ure  organique.  Les 
ailes  des  infectes  ^  d'une  feule  &:  même  fubflance  dans 
toute  leur  étendue,  ne  confident  qu'en  deux  mem- 
branes appliquées  ,  &  traverfées  par  quelques  fibres 
ou  nervures  ;  elles  font  ou  nues  ou  couvertes  d'écaillés 
qu'on  a  comparées  à  des  plumes  ;  mais  ces  écailles  ou 
ces  plumes  ne  fervent  en  rien  pour  le  vol ,  puifqu 'après 
qu'on  les  a  enlevées  ,  les  mouvemens  de  Finfede  ne 
font  ni  changés ,  ni  moins  prompts.  Voifeau ,  au  con- 
traire j  ne  fauroit  voler  fi  fon  aile  n'eft  fourme  des 


AI    L   ^  A   I   M  175 

plumes  qui  doivent  y  être  attachées  ;  d'ailleurs  elles 
Ibnt  d'une  autre  fubftance,  &  compofées  de  parties 
articulées  ;  l'aile  de  la  chauve-fouris  efl  bien  articulée, 
mais  au  lieu  de  plumes ,  ce  font  des  membranes  qui 
b  revêtiffent,  qui  frappent  l'air,  &  qui  font  l'office 
ae  rames  &  de  voiles.  Voyc^  chacun  de  ces  mots. 

Il  ne  fera  queftion  de  la  Ârufture  des  ailes  des  oi- 
feaux  qu'à  l'article  Oiseau.  Foye^  ce  mot.  On  dit 
auiïi  Jleurs  ailées  ;  tige  ailée  ;  femence  ailée  ;  feuille  aille  , 
&c.   Voyez  les  articles  Fleur ^  Feuille  &  Plante, 

Aile-marine  ,  Meritula  alata,  M.  Desbois  dit  que 
c'efl  un  poifîbn  fans  fang  (  c'efl  un  zoophyte  )  dont 
la  queue  repréfente  deux  ailes ,  &  la  tête  la  partie 
naturelle  de  l'homme.  V aile-marine  jette  de  la  lumière 
la  nuit.  Il  y  en  a  une  rouge ,  ornée  d'une  ligne  blanche 
au  milieu ,  qui  s'étend  tout  le  long  du  corps ,  &  qui 
ne  reflemble  pas  mal  à  un  prépuce. 

Aile  de  papillon.  Coquille  univalve  de  la  famille 
des  Cornets  :  fa  robe  efl:  ornée  de  zones  d'un  jaune 
clair ,  blanches  &  de  couleur  de  chair ,  marquetées 
de  taches  brunes  noirâtres.  Les  Hollândois  l'appellent 
yolute  de  Guinée,    Voyez   Cornets, 

AIMANT ,  Magnes  ,  mot   tiré  de  Magnéfie ,    lieu 

de  fa  découverte.  Pierre  ferrugineufe  que  l'on  trouve 

dans  les  mines  de  fer.  Sa   couleur  n'eft   pas  par-tout 

la   même  :    dans  les  Indes  orientales  ,  à  la  Chine  & 

dans  tous  les  pays   du  Nord,  il  eft   couleur  de  fer 

non  poli  ;  en  Macédoine  il  efl:  noirâtre  ;  dans  le  midi 

de  l'Europe   fa   couleur  tire    pour   l'ordinaire  fur  le 

noir.    Celui   du    pays    bas    de  Devonshire    efl    bmn 

rougeâtre  ;  celui  de  Lorraine  efl:  grisâtre ,  celui  de  Flfie 

d'Elbe  efl  brunâtre.  U aimant  efl  plus  ou  moins  dur 

&  compare  :  il  efl  plus  abondant  en  Norwege  que 

dans  aucun  autre  pays.  Cependant  une  montagne  qui 

fait  partie  de  la  Cordillère ,  &  qui  fe  nomme  Cerro  de 

fanâa  Innés ,   efl    prefque  toute   compofée  d'aimant  : 

ceci  mérite  toute  la  réflexion  du  Phyficien,  Il  y  a , 


,74  A    I    M 

dit  M.  Gmtlin  ,  dans  la  Tartarie  Slbénenne  une  mon- 
tagne d'aimant,  dont  le  fommet  eft  une  efpece  de 
jalpe  d'un  blanc  jaunâtre.  A  huit  toifes  au-deffous 
on  trouve  des  pierres  d'aimant  de  trois  cents  livres , 
qui ,  quoique  couvertes  de  moufTe ,  attirent  un  coutea^i 
par  la  lame  en  fer ,  à  un  pouce  de  diftance  ;  ce  qui 
eft  expole  à  l'air  a  plus  de  force  que  ce  qui  eft  dans 
l'intérieur  de  la  terre ,  mais  il  eft  plus  tendre. 

M.  Gmdin  prétend  que  ces  pierres  font  compofées 
de  plulieurs  autres  aimants  qui  agiffent  félon  différentes 
diredVions  ,  &  qu'on  pourroit  en  faire  des  aimants 
très-forts ,   en  réuniffant  leurs  direftions. 

Les  Anciens  connoifToient  la  vertu  que  Va'imant  a 
d'attirer  le  fer ,  (  Thaïes  en  a  parlé  )  &  fi  on  en  croit 
Pline ,  ce  fut  par  un  effet  du  hafard  ,  un  Berger 
ayant  fenti  que  les  clous  de  fes  fouliers  &  le  bout 
d'un  bâton  qui  étoit  ferré  ,  s'attachoient  à  une  roche 
d'aimant  fur  laquelle  il  pafToit  ;  mais  ils  ne  lui  connoif- 
ibient  point  la  propriété  de  fe  diriger  toujours  vers 
les  pôles  ;  &;  on  croit  qu'on  ne  vit  de  boulTole  dans 
l'Europe  que  vers  le  treizième  iîecle.  Les  uns  attribuent 
l'honneur  de  cette  invention  à  Jean  Goya ,  Napolitain  ; 
les  autres  à  Paul ,  Vénitien ,  qui ,  en  ayant  appris 
la  conflrudion  à  la  Chine,  l'apporta  en  Italie.  Quoi 
qu'il  en  foit ,  quelle  révolution  n'a  pas  fait  dans  le 
monde  la  découverte  de  ce  minéral  obfcur  !  L'aimant 
a  établi  une  communication  entre  les  différentes  parties 
du  Globe  ,  &  nous  a  fait  connoître  le  nouveau 
Monde  &  ime  nouvelle  route  aux   Indes. 

Vahnanty  comme  l'on  fait,  a  cinq  propriétés  très- 
remarquables  :  i.°  celle  d'attirer  le  fer;  c'efî  ce 
que  l'on  nomme  attraction  :  iP  celle  de  tranfmettre 
&  communiquer  fa  vertu  au  fer  ou  à  l'acier  qui  l'a 
touché  ;  c'efl  la  communication  :  3.°  celle  de  fe 
tourner  ou  diriger  vers  les  pôles  du  monde  ;  c'efl  fa 
dircciion  :  4.°  celle  de  s'écarter  plus  ou  moins  des 
pôles  ;  c'efl  cette  variation  irréguliere  des  aiguiller  d^ 


A    I    M  ^      ^  I7J 

nos  boiifToles  que  l'on  nomme  didlnalfon  ;  5.°  enfin 
îa  propriété  d'un  mouvement  qui  le  fait  incliner  k 
mefure  qu'on  approche  de  l'un  ou  de  l'autre  pôle; 
ce  qu'on  nom_me  indïnaïfon ,  Toutes  ces  propriétés 
fingulieres  ,  dépendantes  de  la  nature  de  Vaimant 
tiennent  fans  doute  au  grand  fyilême  de  la  Nature 
elle-même  ^  à  quelque  propriété  générale  qui  en  eft 
l'origine  ,  qui  jufqu'ici  nous  efl  inconnue ,  &  peut- 
être  le  reliera  long-temps.  On  foupçonne  qu'il  règne 
autour  de  Vaimant  un  fluide  fubtil ,  une  efpece 
d'atmofphere ,  à  qui  l'on  a  donné  le  nom  de  matière 
magnétique^  &  qui  forme  un  tourbillon  autour  de 
cette  pierre  :  l'on  découvre  fenfiblement  ce  tour- 
billon par  fes  deux  pôles  qui  ont  des  effets  contraires, 
i'un  d'attirer,  l'autre  de  repouiîér  le  fer.  Ceci  ne 
peut  s'entendre  que  du  fer  devenu  aimant,  ainii  que 
l'obferve  très-bien  M.  Delcuie,  Celui  qui  n'a  point 
acquis  de  magnétifme  efl  toujours  attiré  par  l'un  &: 
l'autre  pôle  indifféremment.  La  répulfion  n'a  lieu 
qu'à  l'égard  du  pôle  de  même  nom  d'un  autre 
aimant,  foit  naturel,  foit  artificiel.  M.  Euler^  en  par- 
tant de  l'idée  de  Defcartes ,  dit ,  qu'il  y  a  deux  caufes 
principales  qui  concourent  à  produire  les  merveilles 
de  l'aimant  :  favoir,  une  flrudure  particulière  des  par- 
ties internes  de  Vaimant  &  des  corps  magnétiques , 
que  perfonnë  ne  pourra  nier  férieufement ,  par  la 
raifon  que  ces  corps  font  doués  de  propriétés  qui  les 
diflinguent  fi  effentiellement  de  tous  les  autres;  &  enfuite 
une  matière  externe  ,  qui ,  en  agiffant  fur  fes  pores 
&  les  traverfant ,  produit  les  phénomènes  de  Vaimant. 
La  force  attradlive  d'un  aimant  forti  de  la  mine 
efl  très-peu  coniidérable  ;  c'efl  pourquoi  on  efl  obligé 
de  l'armer  pour  augmenter  fa  force  ;  d'ailleurs  l'ar- 
iTîure  dirige  &  condenfe  toute  fa  vertu  vers  les  pôles  ^ 
&  fait  que  fes  émanations  font  toutes  dirigées  vers  la 
maffe  qu'on  met  fous  fes  pôles  ;  mais  auparavant  il 
faut  s'être  biçn  afïliré  dç  la  polarité  de  fa  pierre. 


I7<î  A    I    M 

L'aimant  eft  fiijet  à  perdre  de  fa  vertu  at*ra(fî:lve 
par  fucceiîion  de  temps;  pour  prévenir  &  réparer 
j^ette  perte ,  il  faut  l'entretenir  dans  fon  aŒon  ,  & 
il  conîerve  ia  force  par  l'exercice.  Grew  reconnut  la 
vérité  de  ce  fait ,  par  l'obfervation  qu'il  fit  d'un  aimant 
armé.  Il  portoit  d'abord  la  moitié  plus  que  fon 
poids  ;  mais  n'ayant  point  été  chargé  pendant  quelques 
années,  il  perdit  le  quart  de  fa  force.  Pour  réparer 
cette  perte ,  on  lui  donna  d'abord  à  porter  autant  de 
fer  qu'il  en  pouvoit  attirer ,  &  on  le  laifla  quelque 
temps  dans  cet  état.  Au  bout  de  quelques  femaines  on 
s'apperçut  qu'il  pouvoit  porter  un  poids  un  peu  plus 
pelant  ;  peu-à-peu  pendant  deux  ans  on  ajouta  quelque 
chofe  au  poids  ;  non-feulement  il  recouvra  fa  première 
vigueur,  mais  encore  il  en  acquit  afiez  pour  porter 
vingt  fois  fon  premier  poids. 

BoyU  a  fait  plufieurs  expériences,  dont  il  réfulte 
que  tous  les  aimants  ne  perdent  pas  leur  vertu 
attraftive  par  un  feu  violent,  mais  qu'il  y  en  a  qui 
la  retiennent  en  partie  ;  qu'elle  peut  m.ême  être 
augmentée  en  les  laifTant  refroidir  auprès  du  pôle  d'un 
fort  aimant  ;  que  V aimant  rougi  au  feu,  &  plongé 
fubitement  dans  l'eau ,  perd  plus  de  fa  vertu  que  s'il 
fe  refroidi fToit  à  l'air  par  degrés. 

Les  variations  des  aiguilles  aimantées  &  des  bouf- 
foles ,  font  de  deux  efpeces  :  les  unes  régulières ,  qui 
font  un  effet  confiant  du  magnétifme  ;  les  autres  irré- 
gulieres ,  qui  font  caufées  par  le  fluide  éle£l:rique 
répandu  dans  l'air.  Nous  en  citerons  des  exemples 
ci  -  après. 

On  a  obfervé  qu'il  pouvoit  arriver  quelquefois 
que  les  boîtes  des  bouftoles,  ou  compas  de  mer, 
changeaffent  la  diieftion  de  la  bouflole.  Ces  boîtes 
font  de  cuivre  jaune,  dans  la  compofition  duquel 
entre  le  zinc  :  il  arrive  quelquefois  que  ce  zinc 
contient  du  fer,  qui  peut  faire  changer  la  véritable 
diredioa  de  l'aiguille  aimantée;  ainfi  il  eil  de  la  plus 

grande 


A    I    M  t77 

grande  Importance  de  s'affurer  de  la  nature  du  cuivre 
qu'on  emploie.  Depuis  ces  obfervations ,  les  Anglois 
ne  conftruifent  prefque  plus  de  boîtes  de  bouffole  avec 
le   cuivre   jaune. 

Il  eft  à  remarquer  que  ce  que  le  fer  n^étoit  pas  par 
lui-même,  la  rouille  de  fer  Teft  quelquefois;  je  veux 
dire  un  véritable  aimant  :  il  faut  cependant  obferver, 
à  l'égard  du  fer ,  que  celui  qui  a  été  long-temps  dans 
une  pofition  verticale ,  efl  aimanté  de  telle  manière , 
qu'il  attire  le  fer  comme  s'il  avoit  touché  une  pierre 
d'aimant ,  &:  qu'il  conferve  enfuite  cette  vertu  comme 
un  véritable  aimant  \  preuve  que  la  matière  magnétique 
circule  dans   PUnivers. 

Dans  le  Cabinet  de  Curîoiîtés  de  la  Société  Royale 
d'Angleterre  ,  il  y  a  une  pierre  ^aimant  de  foixante 
livres,  qui  n'enlevé  pas  à  la  vérité  un  fort  grand  poids, 
eu  égard  à  fon  volume,  mais  qui  attire  une  aiguille 
à  la  diflance  de  neuf  pieds.  L'Hiftoire  de  l'Académie 
des  Sciences    parle    d'une   pierre  Calmant  qui  pefoir 
.onze  onces ,  &:  levoit  vingt-huit  livres  de  fer ,  c'eft-à- 
dire ,  plus  de  quarante  fois  fon  poids  :  des  Hollandois 
;VOuloient  la  vendre  cinq  mille  livres.  On  en  a  vu  une 
dans  notre  Cabinet,  qui  pefoit  avec  fon  armure  trois 
gros  &    demi  :    elle   levoit  facilement   neuf  onces  & 
demie  de  fer ,  c'eft-à-dire  vingt-deux  fois  fon  poids  : 
ce  qui  eft  très-confidérable  ,   eu  égard  à  fa  petiteffe* 
L  acier  s'aimante  beaucoup  plus  facilement  que  le 
fer  :  une  aiguille  frottée   fur  une  pierre  ^aimant  ou 
fur  un  aimant  artificiel^  &  fufpendue  fur  im  pivot ,  tour- 
nera toujours  conftamment  une  de  i^s  pointes  vers  un 
des  pôles  ;  tel  eft  le  guide  qui  conduit  les  Navigateurs 
au  milieu  des  mers  ,  lorfqu'ils   ne  peuvent  voir  les 
étoiles.  L'aiguille,  au  lieu  de    fe  diriger   exaclem.ent 
dans  la  ligne  méridienne,  s'en  écarte  de  l'un  ou  l  autre 
côté.  Cette  déclinaifon  efl  fi  variable ,  qu'il  n'y  a  pas 
peut-être  une  année ,  un  mois  ,  un  jour ,    une  heure 
où  elle  ne  change ,  njêmç  dans  les  lieux  où  elle  fem- 
I       Tomi  /,  M 


178  A     I    M 

bloit  être  !a  plus  confiante ,  tels  que  fous  le  méridien 
des  Açores  ,  fous  celui  du  cap  des  Aiguilles,  &  de 
Canton  à  la  Chine.  Depuis  1550  jufqu'à  1664,  la 
déclinaifcn  a  été  orientale;  en  1666,  Faiguille  étoit 
précifëment  dirigée  dans  la  ligne  des  pôles.  Depuis  ce 
temps  jufqu'à  préfent,  la  déclinaifon  a  été  occidentale. 
Dans  le  golfe  de  Finlande  il  y  a  un  endroit  où  la 
direôion  de  l'aiguille  aimantée  eil  entre  le  fud-oueft  & 
l'oueft,  de  dans  un  autre  vers  le  nord-ouefl:  :  phénomène 
iingulier  ,  que  couvre  encore  le  voile  de  la  Nature. 
Il  eft  démontré  ,  dit  M.  Loiimer ,  qii'une  térelle ,  ou  une 
pierre  à^ aimant  fphérique ,  a  fes  pôles  diamétralement 
oppofés  ;  mais  les  pôles  magnétiques  de  la  terre  pa- 
roiffent  fitués  obliquement  l'un  par  rapport  à  l'autre. 
Voilà  jufqu'ici  ce  qu'on  fait  de  ces  derniers  :  on 
ignore  leur  pofition  aduelle ,  s'ils  font  fur  mer  ou  fur 
terre,  &  fi  nous  pouvons  en  approcher....  Au  refle, 
confultez  les  Obfcrvatïojis  fur  Us  variations  diurnes  de 
r aiguille  aimantée ,  par  M.  de  CaJJïni,  Joum,  de  Phyj\ 
Avril  lyS^.  Le  tonnerre  communique  quelquefois  au 
fer  la  vertu  magnétique.  T>^s  briques  frappées  par  un 
coup  de  foudre  &  qui  en  ont  été  noircies  ,  ont  acquis 
la  propriété  d'attirer  &  de  repoufTer  une  aiguille  ai- 
mantée. On  a  appris  des  Navigateurs  que  la  foudre, 
en  tombant  près  d'une  boufTole  ,  avoir  changé  exac- 
tement les  pôles  de  raigiùUe.  Ceci  étant,  la  déclinaifcn 
ne  dépendroit-elle  pas  des  commotions  fouterraines  , 
de  la  flrudure  du  globe ,  de  la  nutation  de  l'axe ,  & 
notamment  de  l'adion  du  fluide  éledrique  :  ce  fluide , 
dont  la  quantité  dans  un  efpace  donné ,  varie  fi  con- 
fidérablement  d'un  infiant  à  l'autre....  Combien  de  fois 
n'a-t-on  pas  vu  les  aiguilles  des  boufToles  fe  livrer  à 
des  ofcillations  irrégulieres  aux  approches  d'un  nuage 
orageux  &  lorfque  le  tonnerre  fe  faifoit  entendre  (^  ). 

{a)  Dans  les  vues  de  préfet-ver  les  nigni'les  des  bonflo'es  de  l'in- 
fluence de  réle^ricité  atmofphérique  ,  M.  le  Comte  de  M'iy  propofe 
\\n  moyen,  lequel  confifle  à  enduire  le  dedans  de  la  bouflole  de  plu* 


A    I    M  î79 

Rien  après  îa  longitude  ne  peut  être  plus  utile  à  la  navi- 
gation que  la  perfedion  de  la  théorie  qui  traite  de 
la  dëclinaiibn ,  &  notamment  de  l'inclinaifon  de  l'ai- 
guille magnétique. 

L'on  fait  aufîi  des  aimants  artificiels  plus  forts  que 
les  naturels  ;  de  même  que  l'on  aimante  du  fer  fans 
le  faire  toucher  à  X aimant.  Les  prérogatives  àts  aimants 
artificiels  par  rapport  aux  naturels  ,  &  à  la  diverfité 
des  méthodes  propofées  autrefois  par  MM.  Knight , 
Michel ,  le  Maire  ,  Canton  ,  &c,  engagèrent  l'Académie 
de  Saint-Pétersbourg  à  propofer  ,  en  I7^8,  un  prix 
fur  la  meilleure  manière  de  faire  ces  aimants  artificiels, 
L'Académie  l'adjugea  à  M.  Anthèaumz  :  fon  procédé 
l'emportoit  de  beaucoup  fur  tous  ceux  qu'on  avoit 
connus  juf qu'alors.  Pour  parvenir  aux  deux  moyens 
de  faire  ces  aimants  fadices  ;  i  .^  l'on  choiiit  des  lames 
d'acier  quelconques  de  longueur  égale  ;  on  les  fait 
pafler  chacune  pUifieurs  fois  fur  une  pierre  d'aimant , 
on  les  réunit  enfemble  par  le  moyen  de  deux  cercles 
de  métal  :  voilà  un  aimant  artificiel  très-fort  ;  i.^  l'auc 
tre  moyen  eft  de  faire  un  aimant  fadice  fans  le  fecours 
de  Vawiant  naturel  ;  pour  cela  il  faut  placer  fur  une 
enclume  des  lames  d'acier  femblables  aux  précédentes, 
&  dans  la  diredion  d'un  méridien ,  &:  les  frotter  vi- 
vement &  à  plufieurs  reprifes  avec  une  grofTe  barre 
de  fer  verticale.  L'on  trouve  ces  différens  procédés 
très-circonflanciés  dans  V Encyclopédie  ,  dans  la  Phy- 
Jîque  de  M.  l'Abbé  Nollet^  &c.  Epinus^  dans  fa  Théorie 
de  VéleBricité  &  du  magnétifme ,  fait  voir  ,  que  les 
fers  généralement  (  notamment  les  plus  durs  )  ,  font 
difpofés  à  recevoir  les  pâles  magnétiques ,  fdon  la  pojïtion.  ' 
qu  ils  fc  trouvent  avoir  ^  relativement  aux  pôles  de  la  terre  » 

fieurs  couches  de  vernis  de  gomme  laque  ou  de  cire  d'Etpagne ,  qui, 
étant  idio-é'eftriques ,  empêchent,  dit-il,  la  communication  de  l'élec- 
tricité de  l'a'T  avec  l'aiguille  magnétique  :  il  faut  de  plus,  ajoute-t-il, 
ifoler  la  boîte  de  la  bouffole  fur  un  plateau  de  verre.  M.  le  Comte 
de  la  Cépede  prétend  qu'il  tuffit  de  renfermer  les  bouflbles  dans  des  boîtes 
pu  des  caifTo  de  verre  bien  môftif^uées  avec  de  la  poix  ou  de  la  réHne^ 

M   2, 


:igo  A   I  M  AIR 

C'efl  par  le  moyen  de  Xaïmant  que  différentes  pér^ 
fonnes  font  mouvoir  à  volonté  des  figures  fur  des 
bafTins  d'eau,  favent  découvrir  où  &  en  quelle  fitua- 
tion  font  cachés  certains  objets  ,  &  tous  ces  autres 
effets  naturels,  dont  les  caufes  font  annoncées  au  petit 
peuple  fous  le  nom  pompeux  de  Y  An  de  Nécromancie, 

Les  Médecins  inilruits  ne  font  aucun  ufage  de  la 
pierre  ^aimant ^  foit  pour  l'intérieur,  foit  pour  l'ex- 
térieur. On  lit  cependant  dans  les  papiers  publics ,  que 
V  aimant ,  &  fur-tout  Y  artificiel ,  a  la  vertu  de  détruire 
ia  douleur  des  dents.  Pour  cela  il  faut  que  le  malade 
sit  le  vifage  tourné  du  côté  du  Nord ,  alors  on  fait 
loucher  la  dent  afFeâ:ée  avec  \e  pôle  feptentrional  de 
Vaimant,  On  dit  qu'à  Finflant  toutes  les  dents  reïTen- 
tent  une  douleur  légère ,  enfuite  on  éprouve  des  pul- 
fations  dans  la  dent  malade  ,  auxquelles  fuccede  un 
froid  qui  s'étend  même  dans  les  dents  faines ,  &  qui 
ie  change  en  un  engourdifTement  qui  efl  fuivi  de  l'en- 
tière guérifon.  11  feroit  à  défirer  que  cet  effet  magné- 
tique fut  aufïi  utile  dans  l'odontalgie  :  Quid  tentart 
Tiocebit  ?  On  trouvera  dans  notre  Minéralogie  quelque 
-autres  détails  fur  l'aimant.  Voyez  l'article  Fer, 

Aimant  de  Ceylan.  Voye:^^  Tourmaline. 

AIOLE  ^  Labrus  Cretmjis  ,  Linn.  :  Labrus  tetraodon  v/- 
refcens  ,  caudd ,  bifurcd ,  Arted.  Ce  poiffon ,  qui  efl  du 
genre  des  Labres ,  fe  trouve  dans  la  mer  qui  bai7,ne 
rifle  de  Crète  &  les  Mes  voifmes.  Il  eft  d'en- 
viron treize  pouces  ;  fa  queue  eft  fourchue  ;  fa 
couleur  eft  en  général  d'un  jaune  verdâtre ,  mais  plus 
foncé  fur  la  tête  &  fiir  les  parties  latérales  au-deffous 
des  ouïes.  Chacune  des  mâchoires  eft  divifée  en  deux 
oifelets  ;  la  fupérieure  eft  munie ,  de  part  &  d'autre  , 
de  cinq  petites  dents  aiguës  ,  fituées  extérieurement 
fur  une  ligne  un  peu  courbe;  la  mâchoire  inférieure 
offre  une  multitude  de  petites  dents,  &  à  l'extérieur 
un  grand  nombre  de  tubercules  difpofés  en  quinconces; 
Les  écailles  font  affez  grandes,  La  membrane  des  ouïe^ 
«ft  garnie  de  fix  rayons» 


A    >    O  AIR  fSî; 

^AIONC.    f^oyei  Genêt  épineux. 

AIR ,  ^er.  Vair  eft  ce  fluide  mobile ,  inodore ,  fans 
couleur ,  tranfparent  au  point  d'être  invifible ,  que 
nous  refpirons  &c  afpirons  continuellement,  qui  n'af-, 
fecle  aucun  de  nos  fens ,  fi  ce  n'efl  le  toucher,  &  qui 
eft  répandu  autour  de  nous  jufqu'à  une  certaine  hau- 
teur que  Ton  eflime  de  dix-huit  à  vingt  lieues.  Il  eft 
fufceptible  de  dilatation  &  de  comprefîion.  Ceft  urE 
des  agens  les  plus  confidérables  &  les  plus  univerfels 
qu'il  y  ait  dans  la  Nature ,  tant  pour  la  coniervation 
de  la  vie  des  animaux,  &  la  végétation,  que  pour  la 
production  des  plus  importans  phénomènes  qui  arrivent 
îur  la  terre.  Tous  ces  merveilleux  eiFets  font  dûs  à  fes; 
principales  propriétés  ,  qui  font  h  ^uiditc  ,  hp^fanteur 
&  fon  élajiicité  :  toutes  propriétés  que  les  expériences, 
de  Phyfique  démontrent  d'une  manière  inconteflable. 

La  nature  de  cet  ouvrage  ne  nous  permet  que  de 
donner  un  léger  tableau  des  divers  effets  produits  par; 
ces  propriétés. 

On  prétend  que  Vair  doit  au  feu  fa  fluidité ,  &  que 
fans  cet  agent  il  deviendroit  une  maife  folide  impéné- 
trable ;  fa  température  efl:  la  même  quand  l'eau  com- 
mence à  {e  geler,  &  lorfque  la  glace  commence  à  fe 
fondre.  La  pefanteur  de  l'air  efl  à  celle  de  l'eau  ,  à  peu 
près  comme  i  à  850  :  c'efl:  fa  pefanteur  qui  foutient  le- 
mercure  dans  les  baromètres  (inflrument  dont  Tinventioa 
efl:  dîie  au  fameux  Toricellï ,.  ami  &  faccefleiir  du  grand 
Galilée  ) ,  élevé  l'eau  dans  les  pompes  ^  occafionne  auflî- 
l'écoulement  des  liqueurs  par  les  iiphons ,  &  fait 
couler  le  lait  dans  la  bouche  des  enfans  qui  tettent. 

On  eflime  qu'une  colonne  d'^/V,  du  haut  de  Tat-^ 
mofphere  jufqu'à  nous,  c'efl-à-dire  de  18  à  20  lieues; 
de  hauteur ,  à  diamètre  égal ,  pefe  autant  que  2^ 
pouces  de  mercure  ou  3  2  pieds  d'eau  (^).  \jïi  pied 

(û)  Des  Phyfîciens  difent,  que  \q%  obférvatibns  des  aurores  bo-^ 
réaies  prouvent  que  la  hauteur  de  l'atmofphere  atteint  à  trois  ou  quatre 
^ents  lieues,  &  qu'elle  peut  s'étendre  davantage. 

M3 


iSi  A    I    R 

carré,  bafe  de  cette  colonne,  pefe  1728  livres  ;  & 
tout  homme  (  fa  furface  eflimée  1 5  pieds  carrés  )  , 
preffé  tn  tout  fens  par  Vair ,  en  foutient  une  mafîe  de 
2  5  900  livres  &  l'effort  de  cette  maffe  ;  mais  fon  élaf- 
ticité  nous  empêche  d'en  être  écrafés.  La  pefanteur 
de  cet  élément  le  force  à  fe  précipiter  vivement  dans 
tous  les  elpaces  qu'il  n'occupe  pas ,  &  où  il  peut  trou* 
ver  accès ,  lorfqu'ils  ne  font  pas  remplis  par  des  corps 
plus  pei'ans  que  lui. 

On  eflime  encore  que  Vair  que  nous  refpirons ,  e(\. 
quatorze  mille  fois  plus  denfe  que  celui  de  l'extrémité 
de  l'atmofphere  ,  &  foixante-dix  mille  fois  moins  rare 
que  ce  lui  de  la  région  éthérée  :  celui-ci  eft  un  air  fupé- 
rieurement  raréfié,  dont  la  machine  pneumatique  ne 
peut  fe  purger  entièrement.  Vair ,  à  la  hauteur  de 
32400  to^fes,  eft,  fuivant  M.  ile  la  Hire,  4616  fois 
pUis  rare  qu'à  la  furface  de  la  mer;  & ,  félon  M.  Cajpni, 
à  la  hauteur  de  34050  toifes,  il  eft  4026  fois  plus 
tare.  Enfin  les  Phyficiens  efliment  que  Vair  de  la  ré- 
gion fupérieure  de  l'atmofphere  efi:  un  million  de  fois 
plus  rare  que  l'or  ;  mais  ce  font  des  conjeûures  d'ap- 
proximation ,  dont  l'expérience  ne  peut  démontrer 
l'exade  certitude.  Toujours  eft-il  vrai  que  Vair  décroît 
de  denfité ,  &  augmente  en  froideur  en  raifon  de  fon 
élévation.  Cet  ^zV  agit  tellement  fur  nos  fens,  que  fur 
les  plus  hautes  montagnes  ,  les  liqueurs  fpiritueufes 
font  moins  fapides ,  &  le  fon  perd  déjà  un  peu  de  fa 
force. 

La  froideur  de  Vair  fait  balfler  la  liqueur  dans  le 
thermomètre  ;  fa  féchereffe  ou  fon  humidité  occa- 
fionne  les  mouvemens  de  l'hygromètre.  Vair ,  après  le 
feu  ,  eft  l'élément  le  plus  léger  ;  donc  il  eft  toujours 
à  la  furface  des  corps  avec  lefquels  il  n'efi:  pas  com- 
biné ;  il  ne  les  pénètre  que  lorsqu'il  ne  rencontre  pas 
de  matière  plus  pefante  que  lui ,  &  qui  s'opp ofe  à  fon 
pafTage.  Vair  fe  charge  ,  pendant  l'infpiration  ,  Aes  va- 
peurs dont  le  féjour  nous  feroit  nuifible,  &:  nous  en 


AIR  îSj 

(délivre  par  l'expîratîon.  Il  efî:  le  principe  de  la  vie 
&  de  la  mort.  Sans  fon  fecoiirs  le  feu  6c  la  lumière 
ne  peuvent  iubfifter.  Vair  eft  le  principe  du  fon  ;  il 
le  propage  à  onze  cents  pieds  dans  une  féconde ,  & 
cette  propagation  eft  moins  rapide  que  celle  de  la  lu- 
mière. S'il  n'exiftoit  point,  le  goût,  l'odorat,  l'ouïe 
feroient  des  organes  inutiles ,  &  les  femences  demeu- 
reroient  enfévelies  dans  le  fein  de  la  terre  fans  fe  dé» 
velopper  ;  en  un  mot ,  fans  Vair ,  point  d'exiftence 
fenfitive  ,  &  par  un  effet  contraire  il  concourt  à  la 
defl:ruâ:ion  des  corps  inorganiques  :  il  eft  aufîi  la  caufe 
de  la  réfraftion  &  des  crépufcules. 

Uair  échauffé  devient  plus  léger  que  celui  dont  la 
température  efl  plus  froide  :  devenu  plus  léger,  il  s'é- 
lève ,  &  l'air  voifin  plus  froid  &  plus  pefant  le  rem- 
place. Echauffé  au  milieu  d'une  chambre  par  un  four- 
neau ou  par  un  poêle ,  il  gagne  le  haut ,  &  fe  répand 
au-deffus  de  l'air  plus  frais ,  jufqu'à  ce  que  touchant  aux 
murailles  ,  ces  murailles  plus  froides  le  condenfent  : 
alors  devenu  plus  pefant  ,  il  defcend  &  prend  la  place 
de  Vair  froid  qui  s'étoit  porté  vers  le  feu ,  pour  occuper 
celle  de  Vair  qui  s'étoit  élevé  des  environs.  Ainfi ,  au 
moyen  du  feu  ,  dit  M.  Franklin ,  il  fe  fait  \mQ  circu- 
lation continuelle  de  Vair  qui  efl  dans  la  chambre  ; 
circulation  qu'on  peut  rendre  vifible ,  en  faifant  danç 
cette  chambre  un  peu  de  fumée ,  car  elle  prendra  les 
mêmes  direâ:ions.  Entrouvrez  une  porte  entre  deux 
pièces  ,  dont  l'une  foit  échauffie ,  &  l'autre  ne  le  foit 
pas  ;  préfentez  fiiccefîivement  une  bougie  au  haut,  au 
bas  &  au  milieu  de  cette  porte ,  vous  verrez  un  effet 
du  même  genre  ;  car  vous  connoîtrez  par  les  diffé- 
rentes directions  de  la  flamme  ,  un  courant  d'û/r  échauffé 
qui  fort  de  la  chambre  par  en  haut  ,  un  autre  ô^air 
froid  qui  entre  par  en  bas ,  &  très-peu  ou  point  de 
mouvement  au  m.ilieu.  M.  Franklin  prétend  que  la 
Nature  produit ,  fur  Vair  de  notre  globe  ,  un  effet  fem- 
blable  ,  une  pareille  circulation.  Vair  échauffé  entre  les 

M  4 


i84  AIR 

tropiques  s'élève  perpétuellement  en  Haut  y  &  fa  placé 
eu  remplie  par  les  vents  du  nord  &  du  fud,  qui  vien* 
nent  des  régions  plus  froides.  Vaîr  plus  léger ,  parce 
qu'il  eu.  plus  échauffé  ,  flottant  au-defTus  d'un  autre 
plus  froid  &  plus  denfe ,  doit  fe  répandre  vers  le  nord 
&  le  fud,  6c  defcendre  près  des  de,ux  pôles,  pour 
remplir  la  place  de  celui  qui  s'eft  porté  vers  l'équa- 
teur.  Les  diredions  différentes  &  même  oppofées  des 
miages ,  démontrent  celles  des  airs  de  différentes  pe- 
fanteurs ,  comme  celles  de  la  fumée  ou  de  la  flamme', 
dans  rcxi>érience  de  la  chambre  ou  de  la  porte  dont 
il  eu  mention  ci-deffus. 

Vair  eu  fufceptible  de  compreiîion  &  de  dilatation; 
Il  fe  raréfie  6c  fe  condenfe  en  raifon  des  poids  dont 
îl  efl  chargé  ;  la  chaleur  le  dilate  ,  le  raréfie  ;  la  feule 
eau  bouillante  augmente  d'un  tiers  la  force  de  fon^ 
reffort.  La  chaleur  pouffée  à  un  degré  éminent,  lui 
fait  occuper  un  efpace  treize  à  feize  fois  plus  grand  quô 
fon  volume  ordinaire.  Ce ff  ce  reffort  de  l'^/V  comprimé, 
6c  l'eau  réduite  en  vapeurs ,  qui  foule  vent  les  entrailles 
de  la  terre ,  6c  occafionnent  ces  tremblemens  de  terre  , 
ces  explofions  qui  engloutiffent  quelquefois  des  villes 
entières. 

Vair  fe  charge  d'un  nombre  prodigieux  de  corps 
hétérogènes  qui  en  altèrent  la  nature ,  6c  qui  fouvent 
le  rendent  fi  funefle  aux  êtres  animés.  Un  air  chargé 
d'exhalaifons  des  latrines ,  des  cimetières ,  des  caves 
fépulcrales  ,  des  boucheries ,  des  marécages ,  des  tan- 
neries ,  des  cloaques  ;,  peut  arrêter  la  circulation ,  & 
fuffoquer  la  perfonne  qui  le  refpire.  Le  Dodeur  Black 
donne  le  nom  d^air  méphitique  à  cette  efpece  d^air  re- 
tenu en  certains  endroits  &  qui  caufe  la  mort  aux  ani- 
maux ,  qui  éteint  le  feu  6c  la  flamme ,  6c  qui  efl  attiré 
avec  force  par  les  fels  alkalis  6c  la  chaux  vive.  Cet 
air  meurtrier  ou  méphitique  fe  diflingue  de  Vair  or- 
dinaire par  la  pefanteur  fpécifique  qui  ell  à  celle  de 
l'air  comme    1 5  ^  ou   1 6    à  9  j  &  de  là  vient  que  ^ 


AIR  igf 

lorfqu'll  s'exhale  de  la  terre ,  il  ne  s'élève  pas  au-delà 
d'un  ou  de  deux  pieds.  Vair  méphitique  ou  fixe  exhale 
une  odeur  affez  agréable ,  pareille  à  celle  de  la  bière 
qui  fermente ,  &  il  rougit  la  teinture  de  violette.  Il  y 
a  aufîi  Vair  inflammable  des  marais  ,  des  mines  de  char- 
bon ,  Vair  mifcible  à  l'eau ,  &  plufieurs  autres ,  de  même 
faélices.    Fojei  les  articles  Gaz  &  Exhalaisons. 

Un  grand  nombre  de  bougies  allumées  dans  un  ap- 
partement fermé ,  de  même  que  le  feu  des  poêles  & 
celid  de  matières  grafîes  ,  font  perdre  à  Vair  beaucoup 
de  fon  élafticité  ;  les  émanations  de  la  peinture  à  l'huile 
avec  la  cérufe  l'altèrent  &  le  rendent  nuifible  :  ce  qui  peut 
occafionner  en  partie  ces  maladies  de  vapeurs  fi  com- 
munes parmi  les  Grands. 

La  quantité  de  ce  fluide  (  Vair  )  nécefTaire  pour  l'entre- 
tien d'une  flamme,  même  petite,  ell  étonnante.  On  pré- 
tend qu'une  chandelle  ordinaire  en  confume  quatre  pintes 
de   Paris   dans  une   minute.  Il  feroit  donc  intérefTant 
de  découvrir  quel  efl  le  changement  que  des  feux  al- 
lumés dans  toutes  les  parties  de  notre  féjour,  la  flamme 
des  volcans ,  &c.  opèrent  dans  Vair ,  &  quelles  font  les 
refTources  que  la  Nature  emploie  pour  réparer  ces  alté- 
rations dans  notre  atmofphere.  Il  efl  probable  qu'un 
des  grands  moyens  qui  tendent  à  ce  but ,  ou  font  def- 
tinés  à  entretenir  dans  l'atmofphere  une  falubrité  con- 
fiante ,  efl  la  végétation  ,  l'abforption  par  l'Océan  & 
les  autres  grands  amas  d'eau.   N'oublions  pas  de  dire 
que  dans  nos  fpedacles ,  &  autres  lieux  trop  fréquentés, 
comme  dans  nos  hôpitaux  ,  nos  cafernes ,  les  prifons  , 
les  étables  trop  peuplées  ,    &  autres  habitations  fer- 
mées ,   après  un  certain  temps  ,  on  ne  refpire  qu'un 
air  qui   a    perdu   une  partie  de  fon  reffort ,   qui  efl 
corrompu  &  chargé  de  quantité  d'exhalaifons  qui  ne 
peuvent  qu'afîe£ler  l'odorat,  gêner  la  refpiration ,  ou 
agir  en  la  manière  des  narcotiques  violens.  Un  oifeau 
enfermé  fous  une  cloche  de  verre ,  infeâ:e  bientôt  de 
fon  haleine  Vair  qu'il  y  refpire  ;   il  s'empoifonne  par 


ï86  AIR 

la  moufette  qu'il  a  produit  ;  il  vomit ,  haleté  •  ^e  débat  & 
meurt.  Les  infe£les  s'empoifonnent  plus  lentement  ;  mais 
Yair  qu'ils  ont  infeclé,  n'eilpas  moins  délétère,  l^oyci  à 
V article   FoURMI. 

Il  feroit  à  défirer  que  dans  bien  des  circonflances 
on  renouvelât  l'^ir  par  le  moyen  d'un  ventilateur.  \}rv 
bon  aïr^  tel  qu'il  convient  à  l'économie  animale  ,  doit 
être  d'une  température  proportionnée  à  l'ordre  des  fai- 
fons,  exempt  d'exhalaifons  hétérogènes,  corrompues, 
&  de  tout  mélange  qui  le  rend  trop  grofîier  ,  trop  pefant 
ou  trop  humide.  De  quelle  importance  ne  feroit-il  pas, 
lorfqu'il  eft  queflion  d'établir  des  habitations ,  de  s'af- 
furer  auparavant  de  la  falubrité  de  l'^/V  par  le  moyen 
d'un  eudlometre  ,  dont  l'ufage  peut  devenir  aiifîi  facile 
&  auffi  général  que  celui  du  thermomètre  &  du  baro- 
mètre ?  Lefavant  Cofmopolite ,  M.  de  Magellan^  2l  donné 
la  manière  de  conftruire  facilement  un  tel  inftrument. 
Confultei  le  Journal  de  M.  l'Abbé  Rozier  ,  Mars  iJJ^» 

Un  air  long-temps  calme  eft  bientôt  nuif-ble  ;  mo- 
dérément froid ,  il  eft  préférable  à  Vair  chaud.  On  pré- 
tend que  Vair  a  fur  mer  un  mouvement  plus  grand, 
plus  confiant  que  fur  terre  ,  qu'il  eft  infiniment  plus 
pur ,  &  qu'il  convient  fort  aux  poitrinaires  &  à  ceux 
qui  font  attaqués  de  la  confomption.  Confultez  l'Ou- 
vrage intitulé  :  De  V Utilité  des  Foyap^es  maritimes. 

Tout  ce  que  le  feu  peut  volatjfifer  ,  tout  ce  qui 
fermente  ou  pourrit ,  tout  ce  qui  peut  être  converti 
en  fumée,  &c.  peut  prendre  place  parmi  les  fubflances 
aériennes  ;  mais  de  toutes  les  émanations  qui  flottent 
dans  le  vafle  océan  de  l'atmofphere  ,  les  principales  font 
celles  qui  confident  en  parties  falines. 

L'^/r ,  ainfi  que  les  autres  élémens  ,  tend  à  un  par- 
fait équilibre  :  cet  équilibre  efl-il  dérangé  par  un  air 
plus  vif,  plus  agité ,  &:c.  il  devient  la  caufe  du  vent. 
Foye:^  V article  Vents. 

Tous  les  corps  renferment  de  Vair\  mais  de  même 
qiie  le  feu ,  il  ell  foi^s  deux  états  dilFérens.  Lorfqu'il 


AIR  187 

eft  dans  leurs  pores ,  il  iouit  de  fon  reflbrt ,  il  eft 
pur ,  ifolé ,  6c  une  foible  chaleur  l'en  déloge  :  s'il  entre 
comme  principe  conftituant  dans  les  corps ,  il  y  eft 
combiné,  ûxé ,  confolidé,  &  n'y  jouit  point  de  fa  pro- 
priété élaflique.  Ainfi  que  le  feu  fous  la  forme  de 
phlogiftique ,  il  devient  principe  fecondaire ,  il  revêt 
nicceiîivement  différentes  formes.  Le  volume  d^air  dans 
cev  état  de  fixité  efl  tellement  refferré  ,  dit  M.  Dekuie , 
que  lorfqu'onl'a  dégagé  (par  la  décompolition) ,  lorfqu'il  . 
eft  revivifié ,  &  qu'il  a  repris  fon  élafticité ,  il  occupe 
quelquefois  un  efpace  deux  cents  ou  trois  cents  fois  plus 
grand  que  le  volume  du  corps  où  il  étoit  renfermé. 
Au  refte  ,  quelques  Phyficiens  regardent  cet  air  fixé 
€.omme  le  gluten ,  ou  le  moyen  d'union  des  parties 
des  mixtes.    . 

Nous  réfumons  :  Vair  entraîne  toujours  quelques-uns 
des  principes  les  plus  fugaces ,  ceux  avec  lefquels  il  a 
le  plus  d'adhérence.  Vair  a  une  grande  influence  dans 
beaucoup  de  phénomènes  de  la  Nature  ;  &  fes  modi- 
fications ou  altérations ,  tant  dans  nos  habitations  que 
dans  les  fouterrains  ,  même  dans  notre  atmofphere  , 
atteftent  que  ce  fluide  peut  agir,  en  certaines  circon- 
ftances ,  différemment  de  Vair  ordinaire  &  principe.  En 
un  mot ,  la  doftrine  des  fluides  aériens  ou  des  effluves 
aériformes ,  eft  des  plus  importantes.  Confultez  kfavant 
Difcours  fur  les  différentes  efpeces  d*air  ,  prononcé  en  fa- 
veur du  Savant  Do£ieur  Prieftley  ,  dans  V AffenibUe  an- 
nuelle de  la  Société  Royale  de  Londres  ,  /^  30  Novembre 
'773  9  P^^  ^i^  Jc>hn  Pringle ,  traduit  par  M.  Keralio  ; 
&  le  Précis  des  Lettres  de  M.  Alexandre  Volta  ,y«r  fAir 
inflammable  des  Marais  ;  l'un  &  l'autre  inférés  dans  le 
Journal  de  M.  /'Abbé  Rozier ,   Mars  lyy^  ,  6*  Février 

Quels  effets  merveilleux  ne  réfultent  point  de  l'har- 
monie des  divers  élémens  !  ils  ont  tous  un  befoin 
mutuel  les  uns  des  autres  ;  la  terre  feroit  ftérile  fans 
Feau  ;  l'eau  perdroit  fa  fluidité  li  le  feu  l'abandonnoit. 


i8S  A    I    R 

&  fans  Vair  le  feu  feroit  bientôt  éteint.  Valr  llbfë 
ell:  donc  Tame ,  le  véhicule  de  la  combiiftion  :  les  expé- 
riences de  Phyfique  le  démontrent.  L'hiftoire  nous 
apprend  que  les  Romains  regardoient  Vair  comme  le 
fëjour  des  Mânes  &  des  Dieux  indigetes ,  ou  demi- 
Dieux.  Mais  les  Empereurs  Grecs  n'eurent  pas  une  il 
haute  opinion  de  cet  élément ,  &:  ils  ne  craignirent 
pas  de  le  charger  d'un  impôt  particuher ,  connu  fous 
la  dénomination  odieufe  :  pro  haujlu  œris.  Ils  faifoient 
payer  à  leurs  fujets  l'air  qu'ils  reipir oient. 

AIRA.  Suivant  les  obfervations  de  M.  de  la  Bordc^ 
Médecin  ,  c'eft  une  efpece  de  renard  peu  rare  dans  la 
Guiane.  Il  eft  auffi  gros  que  le  renard  de  France  ;  fon 
poil  eft  noir  &  lon^ ,  celui  du  cou  eft  blanc  &  repré- 
fente  la  figure  d'un  lofange.  La  couleur  du  poil  eft 
bien  différente  quand  il  efl  jeune.  VAïra  eit  très- 
vorace  ;  il  boit  fcuvent  &  lappe  comme  le  chien  ;  il 
rôde  autour  des  habitations  ;  c'efî  un  grand  deftrufteur 
tle  volailles  ;  il  repaire  dans  les  bois ,  chaife  pendant 
le  jour,  fe  tient  à  l'affût  comme  le  tigre  ,  pourfurpren- 
dre  l'agouti,  la  perdrix,  &c.  Il  fait  fes  petits  comme 
le  chien  crabier  ^  dans  des  trous  au  haut  des  vieux  ar- 
bres ;  la  portée  efl  de  deux  à  trois  petits.  Ce  quadrupède 
fe  défend  vigoureufement  contre  les  chiens  ;  il  eft 
extrêmement  vif ,  &  toujours  en  mouvement.  UAïra- 
n'efl  peut-être  qu'une  variété  du  chien -raton,  Voye^^ 
Chien  des  bois. 

AIRE.  Nom  donné  généralement  au  nid  des  oifeauxi 
de  proie. 

AIRELLE  ou  Myrtille,  ^zV/5 /^/^^  ,  Tourn.  tab; 
377  ;  6-  foUis  ohlongis  crznatis  ,  frucîu  nigricante^  C.  B« 
Pin.  470:  Myrtllliis  officia.  Volk.  297  :  Vaccinia  nigra^ 
Comm.  Plant.  Ufu.  1 1  :  Vacciniiwi  myrtillus ,  Linn. 
498.  V airelle^  que  l'on  nomme  aufTi  raijin  des  bois  ou 
morcts  ^  efl  une  plante  à  tige  ligneufe,  haute  d'un  à 
deux  pieds,  rameufe  ,  couverte  d'une  écorce  verte  ; 
fes  feuilles  font  plus  grandes  que  celles  du  buis ,  moins 


A    I    R  189 

fermes  l  ovales ,  obtufes  ,  liffes  ,  glabres ,  vertes  en- 
deffus  ,  veinées ,  un  peu  blanchâtres  en-defTous ,  den- 
telées par  les  bords ,  &  pofées  alternativement  ;  Tes 
fleurs  font  à  huit  étamines  &  un  piftil ,  monopétales 
&  formées  en  grelots  de  couleur  blanche  -  rougeâtre  , 
{  c'eft  une  corolle  ovale  à  quatre  ou  cinq  dents ,  dont 
le  calice  eft  à  quatre  divifions ,  )  auxquelles  fuccedent 
des  baies  de  couleur  d'un  bleu  foncé  ,  d'un  goût  aftrin- 
gent  ,  de  la  groffeur  d'une  baie  de  genièvre.  Cette 
plante ,  appelée  hrimbelîe  en  Lorraine  ,  moureàeren  Baffe 
Normandie ,  croît  en  terre  maigre ,  dans  les  bois  &C 
les  lieux  couverts  &  montagneux  ,  en  France  ,  en 
Allemagne  ^  en  Angleterre  ;  elle  fleurit  en  Mai ,  & 
fes  fruits  font  miirs  en  Juillet.  Ils  ont  une  douceur 
mêlée  d'acidité ,  qui  les  rend  affez  agréables  au  goiit  : 
les  Bergers  &  les  Montagnards,  fur-tout  les  enfans  , 
en  mangent  avec  plaifir  ;  leurs  lèvres  ,  les  dents  6c  la 
langue  en  font  teintes  en  bleu-violet.  C'efl  un  mets 
friand  pour  les  coqs   de  bruyère. 

On  exprime  le  fuc  des  baies ,  que  l'on  fait  épaiffir , 
&  dont  on  forme  un  roh.  Cette  compofiticn  eil 
aflringente ,  propre  pour  la  dyffenterie ,  &  peut  être 
fubftituée  au  liic  d'acacia. 

Des  Cabaretiers  fe  fervent  des  baies  de  Vaird/e 
pour  rougir  leurs  vins  blancs  :  cette  falfification  n'eft 
pas  bonne,  mais  elle  efl  bien  moins  dangereufe  que 
d'autres  qui  fe  pratiquent  en  Allemagne.  On  fe  fert  du 
même  fuc  pour  teindre  les  toiles ,  le  linge  &  le  papier 
en  bleu  ou  plutôt  en  violet.  La  couleur  violette  qu'on 
peut  extraire  de  cette  plante,  forme  le  fujet  d'un  Mé- 
moire inféré  parmi  ceux  de  Stockholm  ,  pour  l'année 

.1746. 

Cette  plante  croît  naturellement  à  une  certaine  hau- 
teur 6c  à  l'ombre ,  dans  les  forêts  de  la  Louifiane  ; 
on  diroit  d'un  petit  arbulîe  :  fon  fruit  y  eu  fort  eilimé. 
En  l'écrafant  dans  l'eau ,  &  la  foumettant  à  la  fermen- 
jtajiçn  ,  on  en  feit  une  liqueiy:  fort  agréable. 


I90  A    J    U  A   L    A 

11  y  a  pluiieurs  autres  efpeces  de  ce  genre  ^  auquel; 
dit  M.  DeUuie  y  on  rapporte  aulîi  la  cannebcrgc ,  dont 
la  frudifîcation  eft  ablolument  la  même,  quoique  la 
corolle  en  foit  un  peu  différente.  On  diftingue  Vairdk 
qui  vient  dans  les  lieux  fangeux  ;  Vaccinïum  uligi^ 
nofum  ,  Linn.   499. 

AJURUCURL'CA.  Nom  Brafilien  d'un  Perroquet 
Amazone.    Voye^  AouROU  -  cotjraou. 

AKKIN-ALBO.   Ceft  l'Akoim. 

AKOIM.    Voyci    Snak. 

AKOUCHI.    Foyci    AcoucHi. 

ALABANDINE.    Foye^  Almandine. 

ALABASTRITE  ou  Faux  Albâtre,  Pfeudo-ala- 
hajlrum.  Pierre  gypfeufe  ,  (blide ,  ordinairement  blan- 
châtre &  tranfparente  comme  de  la  cire  :  elle  fe  taille 
facilement ,  &  eft  fufceptible  d'un  poli  moins  brillant 
que  le  marbre.  Les  Allemands  ,  &  aujourd'hui  les 
François ,  font  avec  cette  pierre  des  tables  ,  des  co- 
lonnes ,  des  vafes  &  des  figures  aflez  agréables  ;  mais 
ils  confondent  mal-à- propos  V alabaflrite  ^  qui  eil  indif- 
foluble  dans  les  acides  ,  avec  l'albâtre  oriental ,  qui  eft 
calcaire.  Il  y  a  des  vafes  d'alabaftrite  fi  tranfparens  , 
que  fi  l'on  y  enferme  une  lumière  ,  elle  brille  à  travers 
le  vafe ,  &  répand  affez  de  clarté  pour  lire  à  trois  on 
quatre  pieds  de  diflance;  il  y  en  a  aufîî  de  prefque 
toutes  les  teintes  de  l'albâtre  oriental.  On  vient  d'en 
découvrir  une  belle  carrière  à  Lagny  ,  près  Paris, 
Foyei   Albâtre. 

ALACALYOUA.    Voyei  a  Vartïch  COROSSOLIER. 

ALACOALY.  Voye:{^  à  ranïck  BoiS  DE  CHaNDELLE. 
VAlakoaly  des  Caraïbes  efl  le  pois  doux  de  Saint- 
Domingue.    Voye{^  Pois  DOLX. 

ALAGTAGA.  Cet  animal  qiii  fe  trouve  chez  les 
Tartar.s  Mongoux  ,  fur  le  Wolga  &  jufques  en  Sibérie  , 
efl  plus  petit  qu'un  lapin  :  il  a  le  corps  plus  court  , 
fes  oreilles  font  longues  ,  larges ,  nues ,  minces ,  tranf- 
parentes   6c    parfemées   de    vaiiTeaux   languins  trèsr 


A    L    A  191 

apparens.  La  mâchoire  fupérieiire  eft  beaucoup  plus 
ample  que  l'inférieure ,  mais  obtufe  Se  affez  large  à 
Textrémité  :  il  a  de  grandes  mouftaches  autour  de  la 
gueule;  (es  dents  font  comme  celles  des  rats  ;  les 
yeux  grands,  Tiris  Se  les  paupières  brunes;  le  corps 
eil  étroit  en  avant,  fort  large  Se  prefqiie  rond  en 
arrière  ;  la  queue  moins  longue  &  moins  grolTe  que  le 
petit  doigt;  elle  efl  couverte  fur  plus  de  deux  tiers 
de  fa  longueur  de  poils  courts  Se  rudes;  fur  le  dernier 
tiers  ils  font  plus  longs ,  Se  encore  plus  longs ,  plus 
touffus  Se  plus  doux  vers  le  bout ,  où  ils  forment 
luie  efpece  de  touffe  noire  au  commencement ,  & 
blanche  a  l'extrémité.  Les  pieds  de  devant  font  très- 
courts  ,  ils  ont  cinq  doigts  ;  ceux  de  derrière  qui  font 
très-longs  n'en  ont  que  quatre  ,  dont  trois  font  fitués 
en  avant ,  Se  le  quatrième  eu  une  efpece  d'éperon  , 
à  un  pouce  de  diftance  des  autres  ;  tous  (es  doigts  font 
garnis  d'ongles  plus  courts  dans  ceux  de  devant ,  & 
un  peu  plus  longs  dans  ceux  de  derrière.  Le  poil 
de  cet  animal  eil:  doux  Se  affez  long,  fauve  fur  le 
dos  ,  blanc  fous  le  ventre.  Cet  animal  qÛ  une  efpece 
de  grande  gerboife.  Voyez  ce  mot,  UAlagtaga  eft  le 
Cuniculusfeu  O^p us  indiens  Utias  dicîus  ,  ài^Aldrovande  ; 
le  Cuniculus  pumilio  faliens  ,  caudâ  longijjlmâ  de  Gmelin. 

ALAIS  ou  Alethes.  Oifeau  de  proie  qui  vient  des 
Indes  Orientales  Se  du  Pérou,  Se  qui  vole  bien  la 
perdrix.  On  en  entretient  dans  la  fauconnerie  du  Roi  : 
ces  oifeaux  font  fort  chers.   Voyei  Faucon. 

ALAMATOU.  Prune  de  l'Me  de  Madagafcar.  On 
en  diftingue  de  deux  fortes  :  l'une  a  le  goût  de  nos 
prunes  ;  toutes  deux ,  au  lieu  de  noyau ,  ont  des 
pépins  :  mais  celle  qu'on  nomme  alamatou  ijfaii ,  & 
qui  a  le  goût  de  la  figue ,  eu  un  aliment  dont  l'excès 
paffe   pour  dangereux.  Encyclopédie. 

ALAN.  Chien  de  l'efpece  qu'on  nomme  dogue'* 
Foyei  à  la  fuite  du  mot   ChîEN. 

ALAPL^  Nom  de  la  féconde  efpece  des  oifeaux  que 


i^t  A    L    A 

M.    de   Buffon    appelle   fourmiliers   roj/ignols,  Voyeî' 
Fourmiliers. 

ALAQUECA.  Pierre  qui  fe  trouve  à  Balagate  aux 
Indes,  en  petits  fragmens  polis,  auxquels  on  attribue 
la  vertu  d'arrêter  le  fang ,  quand  ils  font  appliques 
extérieurement.  La  pierre  que  nous  avons  \aie  fous 
ce  nom  ,    ctoit  une  pyrite, 

ALATERNE  ,  Rhamnus  alaternus  ,  Linn.  28 1  :  AU- 
ternus  prior ,  Clus.  Hiil:.  56.  ArbrifTeau  rameux,  delà 
grandeur  du  troène^  &  couvert  d'ime  ëcorce  afîez 
femblable  à  celle  du  cerifier.  Ses  fleurs  font  petites, 
en  entonnoir,  découpées  en  cinq  parties,  blanches  , 
quelquefois  jaunâtres ,  odorantes ,  &  fuivies  de  baies 
Ciifpofées  en  grappes  fucculentes,  &  noires  lorfqu'elles 
font  mûres.  Ses  feuilles  ,  qui  font  aftringentes  &  rafraî- 
chifiantes ,  reifemblent  à  celles  du  filaria ,  dont  on  le 
di flingue  facilement ,  parce  que  fes  feuilles  font  arrangées 
alternativement ,  au  lieu  que  le  filaria  les  a  oppofées. 
De  plus  il  y  a  deux  ftipules  (efpece  de  petites  feuilles) 
aux  pédicules  de  fes  feuilles  ,  &;  le  filaria  n'en  a  point* 
\J^oyei  Filaria. 

ÏJalaterne  ,  que  M.  Linnœus  met  dans  le  genre  du 
nerprun ,  conferve  le  vert  brillant  de  fes  feuilles 
pendant  l'hiver.  On  le  cultive  dans  les  bofquets  en 
buiffon  ou  en  haie.  Il  faut  couvrir  (qs  racines  de 
litière  ,  pour'  les  garantir  des  fortes  gelées  :  fi  les 
branches  meurent,  la  fouche  repouffe  &  donne  en 
peu  de  temps  un  nou.yel  arbrifTeau.  Sa  femence  nous 
vient  de  Provence,  d'Itahe,  d'Efpagne.  Son  bois  ref- 
femble  à  celui  du  chêne -vert  :  on  dit  que  Ion  en 
fait  de  jolis  ouvrages  d'ébéniflerie. 

ALATLI.  Grande  efpece  de  martin  -  pêcheur  du 
nouveau  continent.  C'efl  le  martin -pêcheur  huppé  du 
Mexique,  de  M.  Brijjon^  61  à^s  pi.  enL  184.  Il  efl  de 
la  grofleur  d'une  forte  pie.  Le  dos  efl  d'un  gris  bleuâ- 
tre j  les  grandes  pennes  noirâtres  en  de/Tus,  ainfi  que 

les 


A    L    B  195 

tes  plumes  de  la  queue  ;  le  ventre  eu  roufsâtre  ;  îâ 
gorge  blanche  ;  le  bec  brun ,  mais  le  bout  de  la  man- 
dibule inférieure  eu  rougeâtre. 

ALBAGORE  ou  Albecor»  roje^  â  tartîcU 
Thon. 

ALBATRE,  Alahaflrum.  L'albâtre  eft  ime  pierre 
calcinable ,  \\n  peu  moins  dure  que  le  marbre ,  dont 
la  tranfparence  efl  d'autant  plus  grande ,  qu'elle  appro- 
che davantage  du  blanc  de  cire»  Il  y  en  a  de  roufsâtre , 
de  rougeâtre ,  d*un  blanc  fale  ,  d'autres  d'un  beau 
blanc  ou  de  couleur  de  citron ,  &  de  toutes  les  cou- 
leurs les  plus  riches.  On  en  voit  où  il  y  a  des  veines, 
des  bandes  ou  des  zones;  on  les  appelle  onycks ,  &c 
on  pourroit  les  comparer  à  celle  des  pierres  d'agate 
fine,  que  l'on  appelle  onyces.  Voyez  Onyx.  C'eft  dans  ce 
fens  que  l'on  pourroit  dire  qu'il  y  a  de  V albâtre  -onyx. 
il  s'en  trouve  aufîî  de  figurées ,  avec  de  petites  taches 
noires,  diipofées  de  façon  qu'elles  reffemblent  à  de 
petites  mouffes  ,  &  qu'elles  repréfentent  des  bandes 
de  gazon  :  c'efl  pourquoi  on  pourroit  l'appeler  albâtre, 
hcrborifc^  à  l'imitation  des  pierres  demi-fines  qui  portent 
ce   nom.    Voye^;^  Dendrite. 

Il  y  a  encore  d'autres  fortes  à!albâtrz  :  celui  qui 
étant  fcié  &c  poli  ,  offre  de  belles  taches  en  forme  de 
plis  concentriques  &  ondoyans ,  s'appelle  albdtr& 
d'agate  ;  celui  qui  efl:  prefque  tout  criflallifé  en  rayons  , 
&  que  l'on  fcie  de  manière  à  rencontrer  la  fuperficie 
des  aiguilles ,  efl  V albâtre  glacé  ou  le  mayella  gh'iacciatl 
des  Italiens;  enfin  V albâtre  qui  a  la  pâte  du  marbre 
de  Cararre  &  dont  les  Statuaires  fe  fervent  ,  eil  d\in 
blanc  de  lait  &;  fort  tendre. 

\1  albâtre ,  que  l'on  ne  doit  regarder  que  comme  ime 
efpece  de  jlalaclite  ,  n'efl  point  fufceptible  de  prendre 
un  poli  aufîi  beau  &  auiîi  vif  que  celui  du  marbre, 
parce  qu'il  n'a  point  la  même  dureté,  Lorfque  fa  furface 
efl  polie ,  on  la  croiroit  frottée  avec  de  la  graiiTe.  On 
l'emploie  à  faire  des  manteaux  de  cheminées ,  de^ 
Tome  L  N 


194  A    L    B 

tables,  de  petites  colonnes,  des  vafes,  des  ftatues 
&C   d'autres  ouvrages  d'une  beauté  finguliere. 

On  difïingue  deux  fortes  d'a/batre  ;  X oriental  &  le 
commun,  U oriental  efl  celui  dont  la  matière  eft  la  plus 
dure  5  la  plus  pure ,  la  plus  fine ,  &  dont  les  couleurs 
font  les  plus  vives.  Cet  albâtre  eil  plus  recherché  &  plus 
cher  que  V albâtre  ordinaire.  Celui-ci  n'efl  pas  rare  ;  on  en 
trouve  en  France ,  aux  environs  de  Cluny  dans  le  Mâ- 
connois  :  il  y  en  a  auiîi  en  Allemagne,  en  Lorraine 
&  en  Italie  ;  &:  il  efl  encore*  plus  commun  que  l'on  ne 
croit.  \2 albâtre  oriental  fe  trouve  en  Italie ,  en  Efpa- 
gne  5  Ôcc.  On  voit  au  grand  Autel  de  Saint-Marc ,  à 
Venife ,  deux  fuperbes  colonnes  à^ albâtre  oriental  tranf- 
parent. 

Des  Chimifles  modernes  &  quelques  Naturalises 
donnent  le  nom  dH albâtre  à  une  forte  de  pierre  à  plâtre , 
&  fmgiiliérement  à  celle  qui  eil  alTez  pure ,  &:  qui  a  la 
demi-tranfparence  &'  la  couleur  du  marbre  le  plus 
blanc  ^l  le  plus  épuré  ;  m.ais  cela  demande  une  expli- 
cation. Ces  Auteurs  femblent  avoir  donné  le  nom 
di  albâtre  à  une  pierre  qui ,  à  la  vérité  ,  lui  refiemble 
beaucoup ,  tant  par  fon  tiffu  Q\ie  par  fa  blancheur  ;  par 
les  veines  ol  les  couleurs  qu'on  y  remarque.  Cette 
pierre  qui  eil  un  vrai  gypfe  (  alabajlrite  ) ,  fe  trouve 
fur-tout  en  différentes  parties  de  l'Allemagne  ;  &  c'eft 
fur  elle  que  M.  Pott  a  fait  toutes  fes  expériences  ,  pour 
découvrir  la  nature  de  la  pierre  gypfeufe  :  on  vient 
d'en  découvrir  aufîi  une  très-belle  carrière  aux  environs 
de  Paris  (  près  Lagny  )  ,  &  qu'on  exploite  avec  fuccès  ; 
mais  ,  nous  le  répétons ,  le  vénta±>le  albâ.tre ,  &  fur- 
tout  celui  que  nous  connoiiTons  fous  le  nom  d^albâtrc 
oriental ,  dont  on  fait  tant  de  beaux  ouvrages  ,  dont  la 
plupart  des  ftatues  ,  des  urnes  &;  vafes  anciens  font 
faits,  doit  être  regardé  comme  une  pierre  calcaire, 
puif qu'il  fait  effervefcence  avec  les  acides,  &:  fe  change 
en  chaux  par  la  calcination.  Pour  peu  qu'un  Natura- 
lise foit  éclairé  de  la  Chimie   &  de  la  PliYfique,  il 


A    L    B  195 

reconnoîtra  fans  peine,  en  voyageant  &  viiitant les car« 
rieres,  que  Valhdm  n'efl  qu'une  flalaŒte  fpatheufe  & 
calcaire ,  &  que  c'efl  le  marbve  ou  une  pierre  à  chaux 
qui  produit  cette  flaladite.  Tous  les  cabinets  des  Cu- 
rieiLx:  en  peuvent  fournir  des  échantillons.  Ainfi  la  pierre 
que  MM.  Walkrius^  Pou  ^  &c.  nomment  albâtre  ^  & 
qu'ils  placent  parmi  les  gyples ,  n'a  rien  de  commun , 
fmon  la  reffemblance  extérieure  avec  ce  que  nous  enten- 
dons par  albâtre.  Voye^  Stalactite  ,  Gypse  ôc 
Alabastrite. 

Albâtre  vitreux.  C'efl  exa£î:ement  une  efpece 
ôiQ.  fpath  fujil'le.  Cette  forte  de  faux  albâtre^  quoique 
tendre,  eft  fufceptible  d'un  beau  poîi;  il  efl  fort  pelant, 
&  a  été  formé  par  voie  de  filtration  ou  par  dépôt , 
comme  Valbdtrc  calcaire  ou  oriental.  Nous  avons  vu 
en  Angleterre  ,  qui  eft  la  patrie  de  Valbdtrc  vitreux  ^ 
quantité  de  bijoux  &  de  vafes  précieux  faits  de  cette 
matière.  La  couleur  en  eft  communément  violette, 
tachetée  par  zones  blanches  ou  jaunâtres ,  &  chatoyantes 
comme  des    primes  d'améthyfle. 

ALBATPvOS  ,  Albatrus  aut  Albatroca  marina. 
Nom  donné  au  plus  gros  des  oifeaux  palmipèdes  ;  il 
eft  reconnoiffable  à  fa  corpulence  maffive  qui  lui  a 
fait  donner  le  nom  de  mouton  du  Cap  de  Bonne- Efpé- 
rance  par  les  Navigateurs  qui  l'ont  comparé  à  ce 
quadrupède  pour  fa  groffeur.  Ses  ailes  ont  dix  pieds 
d'envergure  ;  fon  bec  eft  d'un  jaune  très-pâle  ,  long  &: 
crochu  par  le  bout  fupérieur  ;  celui  de  l'inférieur  eil 
comme  tronqué  ;  les  daix  mâchoires  font  compri- 
mées latéralement  ;  ajoutons  que  le  bec  ,  comme 
celui  de  la  frégate  ,  du  fou  ,  &  du  cormoran  ,  efl 
compofé  de  plufieiu-s  pièces  oui  femblent  articulées 
&  jointes  par  des  futures.  Les  narines  font  près 
de  la  tête  ,  &:  ont  une  forme  conique  ;  le  deffus  de  la 
tête  eft  d'un  gris-rouffâtre  ;  les  plumes  de  la  gorge , 
du  cou  &:  de  tout  le  deffous  du  corps  font  de  couleur 
blanche  ;  celles  du  dos  ^  d'un  brun  fale  ou  mouche- 

N  % 


it)6  A    L     B 

tées  fie  noirâtre  fur  un  fond  blanc.  Le  croupion  8i 
le  defftis  de  la  queue  d'un  beau  blanc  ,  le  deiîiis  des 
ailes  rayé  de  noir  fur  un  fond  blanc.  Les  jambes 
font  avancées  vers  le  milieu  du  corps,  hors  de  l'ab- 
domen &c  plus  courtes  que  le  corps  :  elles  font 
dégarnies  de  plumes  par  îe  bas  ;  le  pied  n'a  que  trois 
doigts  qui  font  tous  dirigés  en  avant  ,  &  joints 
enfemble  par  une  membrane  ;  le  doigt  du  milieu  a 
près  de  fept  pouces  de  longueur  ;  la  partie  nue  des 
jambes  ,  les  pieds ,  les  doigts  ,  leurs  membranes  ,  les 
ongles  font  de  couleur  de  chair. 

Il  y  a  des  albatros  d'un  gris-brun ,.  d'un  brun  foncé , 
d'un  cendré-brun  ^  d'autres  grisâtres  ;  le  fexe  &  l'âge 
peuvent  produire  ces  différences  de  teintes  ,  ainii  que 
celle  du  volume  de  l'oifeau.  On  a  repréfenté  ^ /?/.  enL 
237,  V albatros  du  Cap  de  Bonne-Efpérance  ,  &/?/.  enL 
963  ,  V albatros  de  la  Chine. 

Les  albatros  ,  dit  M.  de.  Buffon ,  n'habitent  que  les 
mers  Auftrales ,  &  fe  trouvent  dans  toute  leur  éten- 
due depuis  la  pointe  de  l'Afrique  jufqu'à  celle  de 
l'Amérique  &  de  la  Nouvelle  Hollande  :  on  n'en  a 
jamais  vu  dans  les  mers  de  l'hémifphere  boréal;  c'ell 
au-delà  du  Cap  de  Bonne-Efpérance ,  vers  le  Sud  ,- 
qu'on  a  rencontré  les  premiers  albatros  ;  ils  ne  vivent 
guère  que  de  molliîfques  ,  de  zoophytes  ,  d*œufs  & 
de  frai  de  poifibn  que  les  courans  charient  ;  malgré 
leur  force ,  dont  ils  n'abufent  pas  ,  ils  vivent  en  paix 
au  milieu  des  autres  oifeaux  de  mer  ,  ^  ne  paroiftent 
fe  tenir  en  garde  que  contre  les  mouettes.  Les  alba- 
tros ,  comme  la  plupart  des  autres  oifeaux  qui  vivent 
fur  les  mers  Auitrales ,  effleurent  en  volant  la  furface 
de  Teau ,  &  ne  prennent  un  vol  élevé  que  dans  le 
gros  temps  &  par  la  force  du  vent  ;  ils  fe  portent  à 
de  très- grandes  hauteurs  en  mer ,  fe  repofent  ôc  dorment 
fur  les  flots.  On  ne  rencontre  ^albatros  nulle  part 
en  plus  grand  nombre  qu'entre  les  Iiles  de  glace  des 
mers  Auftrales ,  depuis  le  quarantième  degré  jufqu  aux 


A   L   B  A    L    C  197 

glaces  fotides  qui  bordent  ces  mers,  jufqu'au  65  ou  66*^ 
degré.  On  dit  que  leur  chair  eft  affez  bonne  à  manger. 

ALBERGAINE,  royei  à  r article  MÉlongene. 

ALBERGAME  DE  MEK.Malum  infanum.  Zoophyte 
marin  ,  que  Ronddet  a  ainfi  nommé  à  caufe  de  fa 
refTemblance  avec  l'efpece  de  pommes  d*amour  alon- 
gées  ou  en  fornïe  d'œuf ,  auxquelles  on  a  donné  le 
nom  d'alùergaine  à  Montpellier.  On  voit  (urV alkrgame 
des  apparences  de  feuilles  du  de  plumes;  c'eilenquoi 
ce  zoophyte  diffère  de  la  grappe  de  mer,  H  y  a  au'ii 
quelque  différence  dans  leur  pédicule.  Voye:^  GRAPPE 
MARINE  &  Zoophyte. 

ALBERGE  ou  Albergier.  Efpece  de  pêcher  dont 
les  fruits  font  des  pêches  précoces  qui  ont  une  chair 
jaune  ,  ferme  ,  &  fe  nomment  alberges.  Ces  fruits 
femblent  faire  la  nuance  entre  la  pêche  &  l'abricot., 
Foyei   PÊCHER, 

ALBRAND  ou  Alebran  ou  Hallebrand.  C'efl 
le  petit  du  canard ,  &  notamment  de  Fefpece  fauvage. 
Foye:;^  t article  Canard. 

ALBULE,  Mugll  Albula  ^  Linn.  Poiffon  du  genre 
du  muge  ;  il  fe  trouve  en  abondance  dans  le  canal  de 
riile  de  Bahama ,  l'une  des  Lucaies  ;  ce  poiffon  paffe 
dans  le  pays  pour  un  mets  délicat.  Il  eft  long  d'en- 
viron un  pied  ;  les  yeux  grands  ;  les  iris  d'un  blanc 
clair  ;  la  gueule  petite  &  dépourvue  de  dents  ;  la 
première  nageoire  dorfale  a  quatre  rayons,  &  l'autre 
neuf  ;  les  nageoires  peâ:orales  en  ont  dix-fept  ;  les 
abdominales  fix ,  dont  le  premier  eff  épineux  ;  la  na- 
geoire de  l'anus  en  a  onze  ;  les  trois  premiers  font 
épineux;  la  queue  large  &  fourchue  a  vingt  rayons; 
les  écailles  font  grandes  ôc  brillantes. 

ALCANA  5  eft  le  nom  de  la  racine  de  buglofe ,  dont 
on  fe  fert  pour  teindre  en  rouge  ;  (es  feuilles  ,  infufées 
dans  leau ,  donnent  une  couleur  jaune;  ôc  dans  un 
acide ,  comme  le  vinaigre ,  une  couleur  rouge.  On 
exprime,  des  fruits  de  cette  plante,  une  huile  d'une 

N  3, 


198  A    L    C 

odeur  très-agréable ,  dont  on  fait  ufage  en  Médecine. 

Si  on  prépare  la  racine  de  cette  plante  avec  de  la 
chaux  vive  ,  on  obtient  une  belle  couleur  de  rofe  bril- 
lante, dont  les  O-ientaux  ie  fervent  pour  leurs  dents 
&  leur  vifage.  Quelques  Arabes  ont  donné  auiîi  le  nom 
^alcana  à  la  colle  de  poifTon.  Voyc^  à  Vartick  ES- 
TURGEON. 

Il  y  a  une  fauffe  efpece  de  troim  des  Indes  &  de 
Barbarie,  nommé  par  les*Maures  &  les  Turcs  kmna 
ou  knah  ^  c'eft  Valhenna^  dont  les  feuilles,  réduites  en 
poudre  fine ,  &:  mifes  en  pâte  avec  du  fuc  de  limon , 
font  employées  comme  cofmétiques  ;  les  hommes  en 
teignent  leur  barbe  ;  les  NégrefTes  de  l'Afrique  ,  les 
femmes  Turques  &  Juives ,  l'emploient  pour  donner 
à  J^urs  ongles,  &  quelquefois  aux  cheveux,  une  belle 
couleur  rouge  qui  dure  jufqu'à  leur  nouvelle  repro- 
duction. 

M.  Dehuie  dit  que  Valhcnna  n'ell  pas  du  genre  du 
troène  ;  fa  fleur  efl:  à  huit  étamines  difpofées  deux 
à  deux,  &  n'a  qu'un  piftil  :  le  calice  efl:  découpé  en 
quatre  pièces  ;  la  corolle  efl:  formée  de  quatre  pétales , 
&  le  fruit  eft  une  capfule  à  quatre  loges. 

ALCE  ou  ALCÉE.  Animal  connu  des  Anciens ,  que 
l'on   croit  être  Vélan.  Voyez  ce    mot. 

On  donne  auffi  le  nom  à^alcée  à  un  genre  de  plan- 
tes étrangères ,  à  fleurs  polypétales  ,  de  la  famille  des 
Malvacées  ,  &  qui  comprend  un  petit  nombre  d'efpeces  ; 
il  y  a  la  rofe  trémiere  ;  V Aide  à  feuilles  de  figuier  , 
Alcea  fidfolïa ,  Linn.  On  la  dit  originaire  de  Sibérie. 
\!Alck  de  la  Chine  ,  efl:  très  -  joUe  ,  mais  moitié  moins 
grande  que  les  précédentes  ;  toutes  font  cultivées  dans 
les  jardins. 

Y! Alck  d'Egypte  efl  VAmhrette,  Voyez  ce  mot, 

ALCHIMELECH.  Plante  connue  fous  le  nom  de 
mélilot  égyptien.   Voyez  ce   mot, 

ALCHIMILLE ,  Akhimilla,  Genre  de  plantes  pro- 
pre à  l'Europe  ,  à  fleurs  incomplètes ,  &  de  la  famille  des 


A    L     C  icg 

Plmprenelks  ;  telles  font  Xo.perche-'pler^  lepied  de  lion  ,  &c, 

ALCHMINIER.    Foyc^  Néflier. 

ALCO.    f^oyei  à  Vartïck  Chien. 

ALCYON  5  Alcedo,  Nom  donné  à  différentes  efpeces' 
d'oifeaiix. 

Il  y  a  V Alcyon  des  modernes ,  en  latin ,  Alcedo  fiuvia- 
tllis  ,  c'efi:  le  Martin-pêcheur  de  nos  climats. 

Des  auteurs  ont  fait  mention  ^Alcyon  des  Berhices  , 
l'un  à  longue  queue ,  &  qui  nous  paroît/être  le  Jakamar 
àz  Surinam  ;  l'autre  efî:  naturel  aufîi  aux  Berbices ,  & 
a  de  même  deux  doigts  antérieurs  &  deux  poftérieurs  ; 
mais  ia  queue  eil  courte. 

M.  Vofmaèr  a  décrit  ?  il  y  a  quelques  années ,  deux 
oifeaux  fous  le  nom  de  petits  alcyons  des  Indes  ;  ils 
n'ont  que  deux  doigts  en  avant  &  un  en  arrière  ;  l'un 
qui  eft  le  m.âle  ,  a  le  deffus  de  la  tête  &  la  queue  de 
couleur  châtain  ;  le  plumage  des  ailes  eil  en  partie 
bleu  5  &  en  partie  noir  ;  tout  le  refte  eft  en  quelque 
forte  jaunâtre.  Le  pliunage  de  la  femelle  eil:  prefque 
tout  châtain  roux. 

'V Alcyon  de  Cateshy\  c'eil  le  Jagiiatl  ;  Voyez  ce  mot, 

L  ^Alcyon  vocal  eil  la  E^oiifferclc  ;  Voyez  ce  mot, 

h^ Alcyon  des  anciens  ,  (^Alcedo  marina  ,  )  eil  un  oifeaii 
très-célébré  par  les  anciens  &:  duquel  on  a  dit  bien 
des  merveilles  :  quelques-uns  prétendent  qu'on  ne  fait 
pas  bien  à  quel  genre  d'oifeau  on  doit  rapporter  Valcyon 
des  anciens ,  oifeau  confacré  à  Téthys. 

Cet  oifeau  ,  dit-on ,  eil:  de  la  couleur  &  de  la  forme 
de  V hirondelle  ;  il  a  des  membranes  aux  pattes ,  comme 
les  canards  :  l'extrémité  de  fes  ailes  e(l  d'un  jaune- 
aurore.  Les  alcyons  ne  vont  guère  que  par  bandes, 
&  ne  paroiiTent  ordinairement  que  pendant  les  tem- 
pêtes :  ils  fui  vent  les  vaiiTeaux ,  volent  fort  vite  à  un 
pied  ou  deux  au-deiTus  de  l'eau  ,d^ç.n{e  coupant  les  uns 
les  autres;  quelquefois  ils  frifent  l'eau,  &  ne  vivent  qu'à  la 
mer.  On  aiïïire  que  les  Marins  ,'  fur-tout  les  Matelots  ^ 
refpedent  ii  fort  les  alcyons  ^  qu'ils  n'ofent  en  tuer.- 

N4 


loo  A     L    C 

M.  le  Vicomte  de  Querho'dnt  ^  nous  mande  que  la 
quantité  de  voyages  qu'il  a  faits  fur  mer ,  le  met  à 
même  d'affirmer  que  les  alcyons  volent  quelquefois 
feuls  aux  environs  des  vaifTeaux  ,  &:  qu'ils  y  paroiflent 
fans  qu'il  y  ait  de  coup  de  vent.  Cet  obfervateur  croît 
que  V alcyon  ,  le  pctrd  6c  Voifeau  de  tempête  ,  ne  font 
que  le  mêmeoifeau  qui  a  fubi  des  altérations  de  variété, 
par  la  différence  des  climats  où  il  fe  trouve. 

M.  Mauduyt  (  Encyclop,  Meth,  )  dit  au  contraire ,  que 
V alcyon  dont  il  eft  queftion ,  &  fi  célèbre  par  l'ufage 
qu'on  fait  de  fon  nid ,  &  par  ce  qu'on  en  a  écrit ,  eft 
Vhirondcllc  de  rivage  (  ou  de  mer  )  de  la  Cochinchine 
de  M.  Briffon  ;  T.  l\ ,  p.  510,  pL  XLVI,/^.  2,  & 
qu'on  lui  donne  aux  Philippines  le  nom  de  Salagane 
o\i  Salangane,  Cetoifeau,  continue  M.  Mauduyt^  n'eft 
pas  fi  gros  que  le  roitelet  ;  toutes  les  parties  fupé- 
rieures  font  noirâtres  ;  les  inférieures  font  blanches  ;  \es 
pennes  à^s  ailes  &  de  la  queue  font  noirâtres  ;  les  dernières 
îbnt  de  plus  terminées  de  blanc  ;  le  bec  noir  ;  les  pieds 
&  les  ongles  bruns  ;  l'iris  jaune. 

Tous  les  Auteurs ,  d'accord  fur  le  cas  que  les  Chinois 
&  quelques  autres  peuples  de  l'Afie  font  du  nid  de 
la  falangane  (  ou  de  V alcyon  )  ,  comme  affaifonnement 
délicat  dans  les  mets,  fur  le  grand  prix  qu'ils  y  atta- 
chent ,  &  la  propriété  qu'ils  lui  donnent ,  ne  convien- 
nent ni  de  la  fubflance  dont  ce  nid  eil  formé,  ni  de 
fa  configuration  ,  ni  des  lieux  oii  le  conflruit  l'oifeau 
qui  le  fabrique  :  fui  vaut  les  uns ,  les  falanganes  atta- 
chent leur  nid  aux  rochers ,  à-peu-près  à  fleur  d'eau  ; 
d'autres  prétendent  qu'elles  le  cachent  dans  les  creux 
des  rochers  ;  &  il  y  en  a  qui  affurent  qu'elles  les 
conûruifent  dans  des  trous  en  terre  :  ces  rapports  , 
dit  M.  Mauduyt ,  ne  peuvent-ils  pas  être  tous  vrais , 
êr ,  fuivant  les  circonftances  ,  les  falanganes  ne  place- 
roient-elles  pas  leur  nid  dans  le  lieu  qui  leur  fera  le 
plus  com.mode  ? 

Quelques  marins  affurent  que  ces  nids  font  compofés 


A    L    C  2or 

iîe  goémon  ;  &iîs  ajoutent  que  les  alcyons  tr^m^tnt  leur 
nid  jufqu'au  bord  de  la  mer ,  &:  que  lorf qu'il  vient  un 
vent  de  terre ,  ils  lèvent  une  aile  qui  leur  fert  de  voile , 
le  vent  porte  le  petit  vaiffeau  au  large ,  &  ils  voguent 
ainfi  fur  leurs  nids  au  milieu  des  eaux  :  voilà  une  idée 
brillante  ,  à  laquelle  il  ne  paroît  manquer  que  la 
vérité. 

Quant  à  la  fubflance  du  nid  ,  c'eft ,  prétendent  les 
lins  ,  ime  humeur  vifqueufe  &  blanche  que  les  alcyons 
rendent  par  le  bec  ,  dans  le  temps  qu'ils  s'accouplent  : 
peut-il  y  avoir  plus  de  vérité  dans  ce  dernier  fait , 
que  dans  le  précédent  ?  D'autres  veulent  que  ce  foit 
im  fuc  recueilli  fur  l'arbre  appelé  calambouc  ;  c'eft, 
fuivant  d'autres,  une  écume  de  mer,  du  frai  de  poiffon; 
enfin ,  ce  font  des  débris  ^holothuries ,  ou  d'animaux 
jiioux ,  de  polypes  de.  mer.  Ces  nids  ont ,  fuivant  cer- 
tains Voyageurs ,  un  goût  aromatique  ;  ils  font  infipides , 
félon  d'autres.  Ce  qu'il  y  a  de  certain ,  c'eft  que  ceux 
qu'on  nous  apporte  ,  &  que  l'on  voit  en  Europe  dans 
les  cabinets  des  curieux  ,  font  d'un  blanc  -  gris  ,  à 
demi-tranfparens ,  qu'ils  reflemblent  à  de  la  colle  de 
poiffon  ;  qu'ils  ont  une  forme  hémifphérique  très- 
irréguliere ,  &  qui  paroît  avoir  été  déterminée  par  la 
jbafe  à  laquelle  ils  adhéroient. 

Si  l'on  en  croit  Kœmpfer^  les  nids  à^falangane,  n'exif- 
tent  pas  réellement ,  &  ces  nids ,  tels  que  nous  les 
connoifTons ,  font  une  préparation  faite  par  les  matelots 
Chinois  avec  la  fubflance  de  différens  polypes.  Mais 
écoutons  ce  qu'un  voyageur  philofophe  &  obfervateur 
très-écîairé  ,  M.  Poivre  _,  mandoit  à  M.  de  Montheillard , 
fur  les  nids  ^alcyon  ou  de  falangane  ;  qu'étant  entré 
dans  une  caverne  d'un  illot  près  de  Java ,  il  en  trouva 
les  parois  tapiiïees  de  petits  nids ,  en  forme  de  bénitiers , 
très-adhérens  au  rocher.  Ces  nids  tranfportés  à  bord  du 
vaiffeau  furent  reconnus  par  des  perfonnes  qui  avoient 
fait  plufieurs  voyages  à  la  Chine ,  pour  les  mêmes 
qu'on  recherche  èi  qu'on  met  à  li  haut  prix  dans  cet 


202  A     L     C 

Empire.  M.  Poivre  compare  les  oifeaux  qiû  les  avoîenî 
conllriiits  ,  aux  colibris  pour  la  groffeur  ;  il  ajoute  que 
dans  les  mois  de  Mars  &  d'Avril ,  les  mers  qui  s'éten- 
dent depuis  Java  jufqu'en  Cochinchine  au  Nord  ,  & 
depids  la  pointe  de  Sumatra  à  l'Ouell ,  jufqu'à  la  Nou- 
velle Guinée  ,  font  couvertes  de  roguc  ou  frai  de 
poiffon  qui  forrhe  fur  l'eau  comme  une  colle-forte  à 
dem.i-délayée.  M,  Poivre  dit  avoir  appris  des  peuples 
qui  bordent  les  côtes  de  ces  mers  ,  que  la  falangane 
fait  fon  nid  avec  ce  frai  de  poiffon  ,  6c  que  tous  s'accor- 
dent fur  ce  point  ;  le  même  obfervateur  ayant  ramaffé 
de  ce  frai  &  l'ayant  fait  fécher ,  Ta  trouvé  femblable 
à  la  matière  du  nid  des  falanganes.  Ainfi  la  matière 
dont  font  conftruits  les  nids  des  alcyons  ,  démontre 
la  vérité  de  l'aiTertion  de  M.  Poivre  ;  &z  comme  ces 
nids  font  très-recherchés  en  Afie  ,  fur-tout  en  Chine  , 
il  feroit  poiîible  que  des  matelots  Chinois  euffent  depuis 
long-tetnps  l'induftrie  de  contrefaire  ces  nids,  en 
ramaffant  du  même  frai  &  lui  donnant  la  configuration 
connue  ,  à  fur  6c  mefure  qu'il  fe  feche  ;  &  alors 
Kœmpfer  n'auroit  eu  connoiiTance  que  de  ces  nids  faftices 
que  l'on  auroit  aromatifés  avant  leur  état  de  ficcité. 
C'efl  à  la  fin  de  Juillet  &  au  commencement  d'Août 
que  les  Cochinchinois  font  la  récolte  des  nids  d"* alcyons  ; 
éc  comme  c'eft  en  Mars  &  en  Avril  que  ces  oifeaux 
multiplient ,  l'efpece  n'en  fouffre  pas  ;  on  ne  la  trouve 
que  dans  cet  Archipel  immenfe  qui  borne  l'extrémiité 
de  l'Afie.  M.  Poivre  affure  que  ces  nids  ne  font  eftimés 
des  Chinois  que  comme  unefubftance  très-nourrifiante , 
&  que  lui-même  n'a  jamais  rien  mangé  de  fi  refiau- 
rant  qu'un  potage-  de  bonne  viande  garni  de  nids  à^alcyons  ^ 
qui  d'ailleurs  font  infipides.  On  prétend  que  le  prix  de 
CQ:S  nids ,  appelés  en  Chine  Sakoi  -  Bouka ,  eil:  bien 
diminué ,  &  qu'on  en  acheté  aujourd'hui  345  fous 
l'once  ,  argent  de  France.  Les  Chinois  les  font  bouillir 
avec  du  gingembre  ,  ou  avec  un  autre  aromate  qui  en 
déguife    la  faveur    infipide  &  glutineufe  ;  ils  eiliment 


A    L    C         A    L    E  loi 

ces  nids  comme  un  remède  alimentaire  pour  les  per- 
fcnnes  ëpuilées  &c  dont  l'ellomac  fatigué  fait  mal  les 
fondions.  En  1768,  lors  du  féjour  du  Roi  de  Dane- 
marck  à  Paris  ,  dans  une  des  fêtes  qui  lui  furent 
données ,  on  fervit  fur  la  table  où  ce  Prince  mangeoit , 
un  mets  que  tous  les  convives  prirent  pour  des  tendons 
de  veau  défigurés  ,  ou  des  lazagnes  d'une  nouvelle 
forme  ;  c'étoit  un  plat  de  nids  d'alcyons.  Nous  trou- 
vâmes le  moyen  d'en  goûter  ;  ce  mets  nous  parut  d'un 
goût  fort  fade. 

Alcyon  (  Polypier  )  ou  Alcyonium.  Corps  ou 
fubftance  qui  fe  trouve  dans  les  mers.  On  en  voit 
qui  font  creufes  &  fpongieufes  ,  ce  qui  les  avoit  fait 
regarder  par  qiielques-uns  comme  le  nid  de  Valcyon  ; 
d'autres  avoient  mis  cette  fubilance  au  rang  des  plantes 
marines.  Enfin  M.  Peyjfonel  a  découvert  que  V alcyo- 
nium étoit  une  ruche  quelquefois  charnue  ,  produite 
oc  formée  par  des  animaux  de  mer,  affez  femblables 
aux  polypes.  Foyei  Polypier  ,  Guêpier  de  mer  ,  & 
Alcyon  ,  à  l'article  Corallines. 

ALCYONITES.  Ce  font  les  alcyons  devenus  fof- 
files.    Foyei  VarticU  FONGITES. 

ALEBRANDE  ,  de  Belon  ;  c'efl  la  Sarcelle  commune, 

ALENE.   Voye:^  Raie  au  long  bec  &:  pointu. 

ALEPELECOU.  Voye:^^  Bois  de  couille. 

ALERION  :  c'eft  le  Martinet  noir. 

ALETHES.  Voye?^  Al  Aïs. 

ALETRIS.  Nom  donné  à  un  genre  de  plantes  exo- 
tiques ,  unilobées ,  &  qui  ont  beaucoup  de  rapport 
avec  les  Alo'ès  &  les  Jacintes  :  il  y  a  VAletris  farineux 
de  l'Amérique  feptentrionale  ;  celui  du  Cap  de  Bonne- 
Efpérance  ;  VAletris  de  Guinée  ;  celui  de  Ceylan  , 
dont  une  variété  eil  le  Katu  -  Kapel  du  Malabar  ; 
VAletris  odorant  d'Afrique  ,  qui  a  fleuri  au  mois  de 
Septembre  1782,  dans  la  ferre  du  jardin  du  Roi  ,  qui 
en  fut  parfumée  pendant  pluiieurs  jours;  ce  dernier efi: 
V  Aloi  africana  arhorefcens ,  Jloribus  albicantibiis  _,  fra^ran- 


io4  A    L     G 

tijjlmis^  Comm.  Hort.  :  VAUtris  de  la  Chine  eft  le  Colli 
des  Chinois:  An  Hclli^  Rai. 

ALGAZEL.  Les  Arabes  déflgnent  fous  ce  nom  , 
la  famille  des  Gazelles  en  général.  Voyei  à  l'article 
Gazelle. 

ALGIRE  5  Alglra,  Lacer  ta  candâ  vmicillatâ  longiuf- 
culd  y  corpore  Uncis  utrïnqut  duahus  Jlavls ,  Linn.  Ce 
Lézard  ,  qui  eft  du  deuxième  genre ,  fe  trouve  dans 
la  Mauritanie  ;  fon  corps  efl  à~peu-près  de  la  lon- 
gueur d'un  doigt ,  il  efl  d'une  couleur  fombre  en-deffus 
&  jaunâtre  par-deffous.  Les  écailles  du  dos  font  ai- 
guës &  relevées  en  carène  ;  le  corps  efl  marqué  de 
quatre  lignes  jaunes  ,  dont  les  deux  premières  bor- 
dent le  dos,  &  les  deux  autres  féparent  Tabdomen- 
é^s  flancs. 

ALGUE ,  Alga,  Genre  de  plante  qui  croît  dans  les 
eaux  de  la  mer.  Il  y  en  a  de  beaucoup  d'efpeces  , 
ou  plutôt  on  a  donné  ce  nom  à  diverfes  plantes  de 
genres  difFérens ,  tantôt  à  des  fucus ,  tantôt  à  une  forte 
de  conferva,  La  plante  qu'on  appelle  communément  & 
improprement  algue  ^  celle  dont  on  fait  quelque  ufage, 
efl  une  efpece  de  plante  marine  d'un  genre  de  la  clafTe 
des  chiendens  ,  une  efpece  de  fouchet.  Ses  feuilles 
font  étroites ,  longues  d'environ  deux  à  trois  pieds  , 
planes ,  molles ,  rafTemblées  en  faifceau ,  d'un  vert  obfcur, 
refTemblantes  à  des  courroies.  Cette  plante  croît  en 
grande  quantité  le  long  des  bords  de  la  mer  Méditer- 
ranée &  ailleurs  :  les  payfans  la  font  fécher  fous  le 
nom  de  hauque ,  &  en  tirent  un  bon  parti  pour  ferti- 
lifer  leurs  terres.  Les  Verriers  &  les  Parfumeurs  en 
enveloppent  leurs  bouteilles.  Son  incorruptibilité  & 
l'élaflicité  qu  elle  acquiert,  lorfqu'on  l'amoncelé,  la  fait 
entrer  utilement  dans  la  compofition  des  digues  de  la 
Nort-Hollande.  On  emploie  les  cendres  de  X algue  vraie  , 
qui  contient  beaucoup  de  fel,  pour  fervir  de  fondant 
au  fable  dont  on  fe  fert  pour  faire  le  verre.  Cette 
plante  efl  vulnéraire  &  defTicative. 


A    L    G  ALI         20f 

Il  croît  dans  la  mer  ,  fur  les  côtes  de  llflande  9 
une  efpece  à' algue  ^  alga  facharlfira  ^  qui  ne  diffère 
guère  de  la  précédente ,  qu'en  ce  que  fes  feuilles  font 
un  peu  plus  graffes  &  jaunâtres.  Lorfque  cette  algue 
a  refté  à  nu  expofée  à  l'ardeur  du  foleil ,  il  fe  forme 
fur  fa  furface  de  petits  grumeaux  d'un  fel  doux  &: 
de  bon  goût ,  dont  les  habitans  des  côtes  de  cette  ille 
fe  fervent  à  la  place  du  fucre.  Ils  recueillent  aufîi  cette 
plante  avant  qu'elle  foit  couverte  de  ce  fucre  ,  pour 
la  manger  en  falade.  Voye^  Fucus  ;  Varech;  Plantes 

MARINES  ;  HeUBE  FLOTTANTE;  G  OEM  ON  ;  SaRGAZO. 

ALGUETTE  ,  Zannïclullla.  Genre  de  plante  aqua- 
tique ,  décrit  par  Pontedcra  fous  le  nom  à'aponogeton , 
&  auquel  on  a  donné  le  nom  d'un  fameux  Apothi- 
caire de  Venife  ,  appelé  ZannlchcHL  La  Zannichellc 
ou  alguette  aquati  que ,  ZanichelUa  palujlrls ,  Linn .  1375. 
eft  annuelle  Sz  croît  dans  les  ruiffeaux  ;  (qs  tiges  font 
fbibles  ,  menues  ,  articulées  ,  rameufes  »  plongées  dans 
l'eau  ;  les  feuilles  font  linéa-res ,  alternes ,  oppofées  , 
&  ramaffées  aux  fommets  des  rameaux.  Ses  fleurs  font 
mâles  &  femelles ,  fans  pétales.  La  fleur  mâle  efl  fans 
calice,  &  n'a  qu'une  feule  étamine  ;  la  fleur  femelle 
qui  fe  trouve  auprès ,  efl  enveloppée  d'une  membrane 
qui  tient  lieu  de  calice  ;  les  fruits  viennent  aux  aif- 
felles  des  feuilles  ,  ce  font  des  femences  oblongues 
renfermées  dans  àes  capfules.  Antclcg.  pag,  11  j. 

ALHAGL  Voye?^  Agul. 

ALHENNA.  Foye^  à  tartlck  Alcana. 

ALHASSER.  Voye-i   à  rartïcU  APOCïN. 

ALIBOUFÎER,  Styrax  folio  mail  rorc?7Zf/,BAUH.  Pin. 
452.  Arbre  de  la  grandeur  d'un  olivier  &  qui  croît 
dans  les  forêts  de  Provence  ,  autour  de  la  Char- 
treufe  de  Mourieu ,  à  Baugencier  ,  à  Soliers ,  &  entre 
la  Sainte-Baume  &  Toulon  ,  même  dans  le  Levant  6^ 
en  Italie  :  il  reffemble  au  coignaffier  par  fon  tronc  , 
fon  écorce ,  &  fes  feuilles ,  îefquelles  font  vertes  cn- 
delTus ,  blanches  6c  cotonneufçs  çn-deiTous  ;  i^%  ôeurs 


io6  AL    I 

qui  paroiflent  dans  le  ^printemps ,  font  d'une  feule 
pièce,  femblables  à  celles  de  l'oranger  ,  blanches ,  odo- 
rantes ;  elles  naiiTent  cinq  ou  fix  enfemble  par  bou- 
quets ou  grappes  fort  courtes  ,  qui  terminent  les  ra- 
meaux. Son  fruit  efl  une  baie  à  peau  blanchâtre  & 
cotonneufe ,  &  peu  charnue ,  qui  contient  deux  noyaux. 
Ces  arbres  ,  en  Provence  ,  donnent  quelques  grains 
d'une  réfme  analogue  à  celle  du  ftorax-calamite  :  les 
aliboiifiers  qui  croifTent  dans  les  pays  plus  chauds  ,  tels 
que  la  Syrie  &  la  Cilicie  ,  en  produisent  davantage  , 
fur-tout  il  on  fait  quelques  incidons  au  tronc  &  aux 
branches.  Un  Voyageur  a  voit  dit  à  M.  Duhamel  qu'un 
petit  vermiffeau  s'attachant  à  Valiboufier  ,  ronge  fon 
écorce  ,  &  laiiTe ,  en  fe  retirant ,  un  trou  qui  donne 
iifue  au  ftorax  en  larmes  ,  qui  par  cet  accident  dé- 
coule de  l'arbre ,  tout  folide  &  couvert  d'une  fubftance 
farineufe  ;  mais  il  paroît  que  le  vrai  ftorax  des  Dro- 
guiftes  &  des  Parfumeurs  découle  d'une  efpece  de  li- 
quidambar  oriental.  /^oje^SxORAX-CALAMiTE  ,  décrit 
à  l'article  Styrax. 

IJAliboufier  d'A  mérique  eft  le  Styrax  Amerïcana  folïis 
ovato  -  lanuolatis  ,  fubdentatis  ,  fioribus  oclandris  ,  des 
Botaniiles. 

ALIDRE ,  Colubzr  Alidras ,  Linn.  Serpent  des  Indes , 
qui  eil:  du  troifieme  genre.  Il  eft  d'une  couleur  blanche 
fur  toute  fa  furface ,  de  même  que  dans  Xefcrpent  blanc  de 
Linnxus ,  qui  habite  le  même  pays.  Mais  Validre  a  l'ab- 
domen recouvert  par  1 1 1  grandes  plaques ,  &  le  deffous 
de  la  queue  eft  garni  de  5  8  paires  de  petites  plaques  ;  le 
ferpent  blanc  en  a  1 70  des  premières ,  ôc  feulement  20 
des  fécondes.  Vcyei  Serpent  blanc. 

ALIMOCHE.  Foyci  Aigle  a  tête  blanche. 

ALIOTOCHTLI.  Nom  que  les  Mexicains  donnent 
au  tatuete  qui  eft  le  tatou  à  huit  bandes.  Foyei  à 
Vartick  ArmadillE. 

ALISIER  ou  Alizier  ,  Cratœgus.  Arbre  de  forêt , 
de  moyenne  grandevir  ,  qui  fe  plaît   dans    les   terres 


A    L    I  207. 

qui  ont  beaucoup  de  fond.  Ses  fleurs  font  en  rofe  , 
rafîemblées  en  bouquet.  Son  fruit  eft  une  baie  char- 
nue ,  arrondie  ,  terminée  par  un  ombilic  qui  eft  îe 
refte  du  calice  ;  elle  renferme  deux  femences  oblongues 
&  cartilagineufes.  Les  feuilles  des  alifiers  font  grandes , 
fermes  ,  echancrées  à  l'infertion  du  pédicule  ,  feptan- 
gukires  &  placées  alternativement  fur  les  branches. 
M.  Dzlcu^c  dit  que  les  autres  caraderes  de  ce  genre 
font  que  la  fleur  ,  dont  la  corolle  efl  à  cinq  pétales 
&  le  calice  à  cinq  pointes  ,  contient  plufieurs  éta- 
mines  attachées  au  calice ,  &:  deux  piflils. 

Il  y  en  a  une  efpece  nommée  VAUJier  blanc ^  VAlou- 
che  de  Bourgogne  ou  le  Sorbier  des  Alpes  ,  Cratcegus 
folio  fubrotundo  y  fubtus  incano  ^Towxn,  633  ,  qui  con- 
ferve  plus  long-temps  la  beauté  de  its  feuilles.  Le 
fruit  de  cet  alijier  efl  rouge  dans  fa  maturité ,  &  afTez 
agréable  à  manger  ;  il  attire  les  oifeaux  dans  les  taillis  : 
les  litornes  en  font  friandes;  fes  fleurs  qui  viennent 
par  bouquets  aux  extrémités  des  branches,  font  blan- 
ches ,  &  font  un  bel  effet  au  printemps.  Comme  cet 
arbre  vient  afTez  bien  à  l'ombre  ,  il  efl  propre  à  garnir 
les  clairières  dans  les  bois  de  moyenne  grandeur.  On 
peut  s'en  fervir  avec  avantage  ,  foit  pour  garnir  les 
bofquets  ,  foit  pour  faire  des  allées  dans  les  parcs. 
Lorfque  le  vent  agite  fes  rameaux  ,  il  découvre  le 
defTcus  de  fes  feuilles,  qui  efl  garni  d'un  duvet  co- 
tonneux très-blanc,  &  l'arbre  paroît  alors  tout  blanc. 
Cet  effet  forme  dans  les  plantations  d'agrément  ^  une 
variété  pittorefque.  Son  bois  eft  fort  dur  ;  mais  il 
n'a  point  de  couleur.  Les  Charpentiers  emploient  celui 
de  Valijier  à  fiuilks  larges  ,  &  à  fruits  diun  jaune-roii^ 
gedtre  ^  pour  faire  des  alluchons  &:  des  fufeaux  dans 
les  rouages  des  moulins.  Les  Tourneurs  le  rether- 
chent;  les  Menuifiers  en  montent  leurs  outils  :  les 
jeunes  branches  fervent  à  faire  des  flûtes  &  des  fifres. 
Le  fruit  de  Valifier  eft  aflringent  ^  fa  racine  donne  une 
teinture  noirâtre. 


îo8  A    L    î  A     L    K 

On  dîflingiie  encore  IWi/ler  tormînal  ^  Valijier  nairîf 
Valijier  à  feuilles  (Tarboujier  ;  il  efl:  originaire  de  là. 
Virginie.  Ses  fruits  font  noirs. 

ÂLISMA  de  Matthiole.  Ceft  le  Doronlc  à  feuilles 
oppolces  ,  V Arnica  à^s  boutiques.  Koyei  à  VarticU 
DoRONic.  Orihafc  attribue  à  Xalifma  la  propriété 
de  guérir  ceux  qui  ont  mangé  du  lièvre  marin.  Voye:^ 
Lièvre  marin. 

\Jalifma  de  Linnœus  &c  de  Dillenius  eft  d'un  genre 
bien  différent  :  c'eft  une  plante  aquatique  à  petite  fleur 
blanche  ,  non  radiée ,  mais  en  rofe ,  '6l  que  Tournefort 
avoit  mife  au  nombre  des  renoncules.  Quoique ,  fui- 
vant  M.  l'Abbé  Bacheley ,  elle  n'en  ait  aucunement 
les  caraderes ,  puifqu'elle  n'a  que  trois  petits  pétales , 
à  l'onglet  def quels  il  n'y  a  aucun  ne£^aire  ,  tandis  que 
les  renoncules  ont  toujours  cinq  pétales ,  avec  autant 
de  nedaires ,  qui  les  diflinguent  des  anémones ,  des  po^ 
pulago  ,  des  adonis ,  des  hellébores  ^  &c.  D'ailleurs 
Vaiifma  de  Linnœus  diffère  encore  eilentiellement  des 
renoncules  par  le  nombre  Aqs  étamines  &  des  pifliîs. 
Comme  cet  alifma  a  des  feuilles  qui  reffem.blent  affez 
à  celles  du  plantain  à  grandes  feuilles  ,  il  efl  appelé 
aufîi  par  quelques-uns  \^  plantain  cTeau^  le  jluteau  ,  le 
plantain  aquatique  étoile:  Dainafcnium  fl-zllatum:  Ali] ma 
damafonium  ,  Linn.  486  :  aut  Ranunculoïdes  ^  Linn.  487: 
aut  Plantage  ,  Linn.   486. 

ALKALI.   Foyei  ^^L   alkali. 

ALKEKENGE  vulgaire,  ou  Ccqueret  ofîicinal  ^ 
ou  QUOQUERELLE ,  OU  KerBE  A  CLOQUES  :  Alkekengi 
officinarum ,  Tournef.  Inil.  i  «j  i  :  Solanum  vcficarium ,  C* 
B.  Pin.  166  :  Halicacahum^Q^x.  271  :  Phyfalis'alkzkcngl^ 
Linn.  262.  C'eil:  une  plante  vivace  qui  croît  dans 
les  vignobles  &  les  lieux  ombragés  de  la  France,  de 
l'Allemagne ,  de  l'Italie  &  du  Jap'on.  Ses  racines  font 
genouillées  &  garnies  de  fibres  grêles.  Ses  tiges  rou- 
gcâtres ,  foibles ,  un  peu  velues  &:  branchues  ,  ont 
une  coudée  de  haut  ;  fes  feuilles    naifient  oppofées  , 

afTez 


A    L    K  200 

îaffcz  femblables  à  celles  de  la  mordle  ,  mais  plus 
grandes  ,  ovales  ,  pointues  ,  pétiolées  ,  &  non  créne- 
lées. Ses  fleurs  fortent  des  aiffelles  des  f:?uilles  ;  elles 
font  pédunculées ,  folitaires  ,  d'une  feule  pièce  ,  en 
forme  de  baffin ,  d'un  blanc  pâle  ou  jaunâtre  :  le  ca- 
lice s'étend  en  une  veffie  membraneufe  ,  d'abord  de 
couleur  verte  ,  qui  devient  enfuite  écarlate  &  à  cinq 
quartiers  ;  il  contient  un  fruit  ou  baie ,  de  la  figiu-e , 
de  la  grandeur  &  de  la  couleur  d'une  cerife  ,  d'un  goût 
d'abord  acide  ,  enfuite  fort  amer.  M.  Halkr  ajoute 
que  ce  fruit  même  a  la  propriété  fmguUere  de  n'être 
acide  que  quand  on  peut  l'avaler  fans  le  toucher  ,  ÔC 
de  devenir  amer ,  dès  que  la  main  y  a  touché. 

Trois  ou  quatre  de  ces  grains  font  excellens  dans 
la  rétention  d'urine  &  pour  les  hydropiques  :  le  vin 
d'alkckenge ,  à  la  dofe  de  quatre  onces  tous  les  matins  ^ 
eft  très- utile  à  ceux  qui  ont  la  gravelle  ;  on  met 
quatre  parties  de  raidns  &  une  de  grains  à^alkekenge» 
Quatre  ou  cinq  de  ces  grains  dans  une  émulfion  , 
foulagont  dans  la  colique  néphrétique.  Foye^  mainte-* 
nant  HardcU  COQUERET. 

M.  le  Vicomte  de  Qucrhoent  nous  mande  du  Croiiîc 
en  Brenfgne ,  qu'il  a  apporté  de  l'ffle  de  France,  una 
alkekenge  qui  y  croît  dans  les  lieux  incultes  :  elle  a  la 
fleur  de  couleur  bleue.  Cette  alkekenge  eft  bien  fupérieure 
à  la  nôtre.  Elle  s'élève  à  la  hautaur  de  quatre  pieds. 
Elle  s'ell:  parfaitement  naturaîifée  en  notre  climat. 

L'herbe  à  cloques  ou  Valkekenge  de  Saint-Domingue  » 
&  que  les  Caraïbes  appellent  foufoiiroujoimm  ,  ne  dif- 
fère du  coquerct  de  France  ,  dit  M.  Poupé  Dtfportes , 
que  par  la  couleur  jaune  de  fon  fruit ,  àc  par  ies  foK 
licules  d'un  vert  rouge. 

ALKKKENGERE  du  Pérou  ,  Atropa  phyfalodes  ^ 
Linn.  260,  Plante  annuelle  ,  dont  la  tige  eft  haute 
de  deux  à  trois  pieds  ,  étendue  ,  droite  ,  rameufe  , 
anguleufe  ;  (ts  feuilles  font  alternes  ,  glabres ,  oblon- 
^ues ,  fmuées  Se  angulevifes  j  lç§  fleurs  font  folitaires  ^ 


110        A    L    K  A    L    L 

d'un  bleu  pâle  ,  grandes  ,  à  cinq  découpures  obtufes  } 
le  calice  grand ,  ovale ,  anguleux  6c  recouvrant  le 
fruit.  Il  leroit  imprudent  de  manger  ce  fruit  ou  de 
mâcher    quelque  partie   de  la  plante. 

ALKERMÈS    ou    improprement    graine   d'écarlate^ 
Voyez  Kermès. 

ALLÉLUIA  ou  Surelle  pÉtalÉe  ,  en  latin  Oxys; 
Plante  dont  on  diftingue  deux  efpeces  :  la  première 
efl  la  furelle  blanche  ,  que  l'on  nomme  aufli  Pain  A 
coucou  ,  Oxys  flore  alho^  Tourn.  Infl.  88  :  Oxys  ace- 
tofella  ,  Linn.  620  :  TrifoUum  acetofum  vulgare  :  Lujula: 
MUlu'ia  officinarum  ,  Merc.  Bot.  i.  74.  Cette  plante 
vivace  &  bafTe  ,  qui  croît  naturellement  dans  les  bois , 
à  l'ombre,  ne  graine  point,  &  ne  fe  multiplie  que 
par  de  grandes  traînaiTes  ou  rejetons  qui  fortent  de 
fon  pied  ,  de  même  qu'il  en  fort  des  violettes  &  des 
marguerites.  Sa  racine  efl  ëcailleufe  &  articulée.  Ses 
tiges  (  hampes  )  portent  des  fleurs  en  cloche ,  aux- 
quelles fuccedent  des  fruits  membraneux  ,  oblongs  , 
divifés  en  cinq  loges  ,  qui  contiennent  quelques  fe- 
menées  rouiTâtres  ,  enveloppées  chacune  d'une  mem- 
brane élaÛique ,  qui  les  lance  affez  loin  ,  lorfqu'elle 
efl  mûre:  fes  feuilles  qui  font  portées  par  de  longs 
pétioles  fortant  de  la  racine  ,  font  ternées  ,  c'eft  à 
dire  qu'elles  ont  la  forme  d'un  trèfle  :  chaque  foliole 
eft  en  cœur  &  d'un  vert  clair  :  étant  defTéchée ,  elle 
fufe  fur  les  charbons  ardens  ,  preuve  qu'elle  contient 
du  n'tre.  Toute  la  plante  eft  odorante  Ôc  contient  un 
fuc  aigrelet ,  qui  la  rend  propre  à  modérer  la  trop 
grande  fermentation  du  fang.  On  la  préfère  àl'ofeille 
dans  les   maladies  inflammatoires. 

Indépendamment  de  V alléluia  à  fleurs  blanches ,  il  y  a 
aufli  celui  à  fleurs  jaunes,  Oxys  lutea^  J.  B.  2.  3  88  :  Trifo- 
Uum acetofum  ,  ccniiculatum  ,  C.  B.  Pin.  330  :  Oxys  cor- 
niculata^  U.nn.  61'^.  Cette  efpece  eil  annuelle  ;  fa  tige 
haute  de  cinq  à  nuit  pouces ,  droite  ou  couchée  ,  rameufe 
6c  difùife  ;  (qs  feiiilk-s  font  pétiolées ,  ternées  6c  cordi-» 


A    L    L         A    L    M  iiv 

formes.  Ses  fleurs  font  jaunes  ,  axillaires  &  ramaf- 
fées  en  ombelles.  Elle  croît  abondamment  en  ProvenceJ 

ALLIAIPvE  ou  Herbe  des  aulx  ,  AUiaria ,  Math*, 
S43  ,  J.  B.  2.  883  :  Hefpens  allium  rcdolens  ^  Morif^ 
hîfl.  Oxon,  part.  IL  2^2.  Eryjimum  alliaria  y  Linn. 
922.  Cette  plante  vient  prefque  par- tout  dans  les 
buiflbns  ,  dans  les  haies  &  fur  le  bord  des  foffés* 
Sa  racine  eft  menue ,  blanche  &  ligneufe  ;  fes  tiges 
font  hautes  de  deux  pieds  &  demi ,  velues  ,  canne- 
lées &  arrondies  ;  fes  feuilles  font  verdâtres  ,  lifles 
&  en  forme  de  cœur  ^  &  crénelées  tout  autour  ; 
fes  fleurs  font  nombreufes  ^  placées  au  haut  des  tiges 
&  des  rameaux  ,  compofées  de  quatre  pétales  blancs 
en  forme  de  croix  ;  il  leur  fuccede  des  fruits  flli- 
queiix ,  remplis  de  plufieurs  graines  cblongues  &: 
noires*  Toute  la  plante  de  Valliairc  pilée  a  une  odeur 
aail.  M.  Deleuié  dit  qu'on  a  obfervé  que  le  lait  des 
vaches  &  les  œufs  des  poules  qui  en  ont  mangé  , 
ont  un  goût  d'ail  :  elle  rougit  le  papier  bleu*  Sa  dé-- 
codion  efl:  utile  aux  aflhmatiques  &  contre  les  co- 
liques venteufes.  M.  Hallcr  ajoute  que  Vallialrc  en 
cataplafme  efl  en  ufage  chez  les  gens  de  l'art  contre 
îa  gangrené  ^  &  Hildan  en  parle  fort  avantageufementé 
On  range  cette  plante  parmi  les  Julîanes.  Voyez  ce  mou 

ALLIGATOR.  Efpece  de  crocodile  de  couleur  ver- 
cîâtre  ,  qu'on  voit  en  Afrique  :  c'cfl:  V alligator  des  Anglois 
&  le  lagardo  des  Efpagnols.  y~oye{^  r article  Crocodile» 

ALLOCAMELUS/Nom  fous  lequel  Gefner  décrivit 
le  premier  lama  qui  ait  été  apporté  du  Pérou  en  Europe. 
Foyei  à  Particlc  PacO. 

ALLOUATA.  a  Cayenne  efl  VJlouate,  Voyez  ce  mots 

ALLUVION  ou  Accrue  d'eau  >  Jlluvio,  Voyez 
l'article  Atterrissement. 

ALM ANDÎNE  ou  Alabandîne  ,  Atahàndina  gemmai 
Nom  donné  à  une  pierre  précieufe  peu  connue ,  dont 
la  couleur  rouge  foncé  tient  du  grenat  ou  plutôt  de 
i'améthyfle  &  du  rubis ,  raais  qui  Vi^n  a  ni  la  dureté 

Q  % 


Iii2  A    L    O 

ni  la  peianteiir.  On  lit  dans  le  Mercure  Indien  ,  eue 
Valmandine  eft  d'un  prix  égal  au  rubis-fpinel ,  (  il  faut  dire 
au  rubis-balais  quand  elle  ell:  belle ,  )  &:  que  fa  mine 
«ft  à  Alabanda,  ancienne  ville  de  Carie  dans  l'Ane 
mineure.  Pour  avoir  des  connoifTances  plus  détaillées 
de  cette  pierre,  voyez  le  trente-feptieme  livre,  chap.  vu 
de  l'Hlfloire  Naturelle  de  Pline, 

ALOÈS,  en  latin  Aloe  ;  en  arabe  Ceban:  Aloes  ^  Linr. 
Gen.  Plant.  439.  Végétal  vivace,  exotique,  &:  dont  il 
y  a  beaucoup  d'efpeces ,  fur-tout  fi  l'on  y  comprend  les 
agaves  6c  les  aletris  ;  les  unes  s'élèvent  en  arbres , 
les  autres  ne  font  que  de  petites  plantes.  Elles  varient 
par  leurs  formes ,  leurs  figures.  En  général  les  A/ci's , 
font  des  plantes  très  -  curieufes ,  très  -  belles  ,  &c  qui 
méritent  d'être  connues;  la  racine  de  Valoès  eft  afîtz 
tubéreufe  dans  l'efpece  défignée  par  Parkinfon  fous 
l'épitheîe  fzmpervivum  marïnum  ;  par  Pifon  &  Marc^ 
^rave ,  Caraguata  ;  &  dans  YHort,  Malab, ,  Kadanaku. 
x^atsvala.  Les  feuilles  de  Valocs  font  en  général  racli- 
jcales  ,  nombreufes  ,  difpofées  en  rond ,  fort  grandes , 
très-épaifTes ,  charnues  ,  longues ,  la  plupart  armées 
de  piquans  liir  les  bords ,  calTantes ,  fermes,  convexes 
en  deffous ,  concaves  à  la  partie  fupérieure  ;  cylindri- 
ques ,  pyramidales  verg  la  pointe ,  remplies  d'une  fubi- 
tance  gluante  ,  claire ,  verdâtre ,  qui  devient  violette  en 
féchant ,  d'une  odeur  d'herbe  &  d'un  goût  amer  ;  du 
centre  des  feuilles  s'élève  une  tige  grofle  comme  le 
doigt  ,  qui  ,  à  Saint-Domingue  ,  croît  à  la  hauteur  de 
deux  à  trois  pieds,  &  porte  à  fon  fommet  pluHeurs 
fleurs  monopétales  découpées  en  fix  parties ,  (  àit^ 
Botaniftes  les  regardent  comme  liliades  ,  )  difpofées 
en  épi.  H  y  a  des  efpeces  à^aloes  dont  le  calice  devient 
le  fruit  ;  dans  d'autres  c'eft  le  pifîil  :  ces  fruits  font 
ou  oblongs  ou  cylindriques ,  triangulaires ,  &  divifés 
dans  toute  leur  longueiu*  en  trois  capfules  ,  remplies  de 
(emences  plates. 

Lçs  plantçs  de  ce  geare  ont  un  gcût  extrêmcmeni 


A    L    0  irf 

^îfïèf  :  elles  croiffent  naturellement  en  Perfe  fur  la 
Côte  de  Malabar  ,  au  Cap  de  Comorin  &  autres  lieux 
de  l'Inde ,  en  Egypte  ,  en  Ethiopie ,  en  Arabie  ,  en 
Italie  5  en  Efpagne  ,  en  France  dans  le  Languedoc  ^ 
dans  les  Ifles  de  rAniériqiie  6c  dans  tous  les  pays 
chauds.  On  a  dit  faufTement  qu'il  y  avoit  une  efpece 
d^aloès  qui  ne  fleuriffoit  que  tous  les  cent  ans  ,  &  oui 
faifoit  un  bruit  comme  un  coup  de  piftolet  en  s'ëpa- 
rouilTant.  On  fait  néanmoins  que  Valoès  d'Amérique 
fleurit  rarement  dans  les  climats  froids.  Auiî:  a-t-on  cité 
comme  une  anecdote  mémorable  un  aloès  américain  ^ 
qui  étoit  en  fleur  dans  le  jardin  du  Comte  de  Limbourg- 
Styrum ,  près  de  Carlsbad  (  Gaiçtu  de  France ,  y  Septem- 
bre lyS^  ).  La  tige  de  cette  plante  avoit  vingt-fix  pieds 
de  haut ,  &  avoit  pouffé  vingt-huit  rameaux ,  qui  por- 
tèrent plus  de  trois  mille  fleurs  éclofes  dans  l'intervalle 
d'un  mois.  On  a  vu  fleurir  auiîi  un  alots  à  Paris  en 
1663  &  1664;  &  nous  nous  reffouvenons  d'en  avoir 
vu  un  chargé  de  quelques  fleurs  dans  le  jardin  de  Leyde 
en  Hollande  ,  en  1760.  On  a  vu  encore  un  aloes  d'Amé- 
rique entièrement  fleuri  dans  le  jardin  Royal  de  Frie- 
drichsberg  en  Danemarck  :  cette  plante  avoit  vingt- 
deux  pieds  de  haut  ,  vingt-ne«f  branches ,  &  plus  de 
quatre  mille  fleurs.  Cette  plante  croît  à  différentes 
hauteurs ,  fuivant  le  terrain ,  le  climat ,  &c.  La  tig« 
étant  morte  &  defféchée  ,  pefe  très-peu. 

Les  aloes  à  feuilles  bordées  de  dents  eplncufis  font  ,- 
V aloes  à  feuilles  bordées  de  rouge  ,  de  l'Ifle  Bourbon  ; 
Vahh  fuccotrin  à  fleurs  pourpres^  de  Vliie  Soccotera  ; 
Valoh  vulgaire  ou  le  kadanaku ,  du  Malabar  ;  Yaloes 
maculé ,  d'Afrique  ;  X aloes  corne  de  helier  ,  c'efl:  celui 
des  aloes  qui  s'élève  le  plus  ,  (  aloe  arborzfcens  j  )  le 
collet  de  fa  racine  pouffe  une  manière  de  "tige  terminéa 
par  les  feuilles,  &  marquée  dans  fa  longueur  par 
les  cicatrices  des  anciennes  feuilles.  V aloes  mitre ^  d'Afri- 
que; \ aloes  ou  moucheté  ou  peint,  d'Afrique  ;  les  alohi 
a  dents  de  brochet ,  celui  à  épines  rouges ,  &  celui  fur«- 

o  3 


114  .  ^     ï^     ^. 

nommé  ^artichaut  ,  tous  d'Afrique  \  Valois  nain  % 
d'Afrique. 

Les  aloes  à  feuilles  non  bordées  de  dents  épineufes 
font  Valohs  patte  à^ araignée  ,  d'Egypte  ;  Valces  perlé  , 
d'Afrique;  V  aloes  pouce  écrafé^  d'Afrique;  V  aloes  veineux  ^ 
du  Cap  de  Bonne  -  Efpérance  ;  Valoes  triangulaire  , 
d'Ethiopie  ;  Valoes  épi  de  blé  &  piquant ,  d'Afrique  ; 
Il  aloes  panaché  ou  bec  de  perroquet ,  d'Ethiopie  ;  Valoes 
langue  d*afpic  &  à  verrues  blanches^  d'Afrique;  Valcès 
langue  de  chat  ou  langue  de  bœuf  ^  du  Cap  de  Bonne- 
Efpérance  ;  Valoes  en  éventail^  de  la  montagne  de  la 
Table  au  Cap  de  Bonne-Efpérance  ;  Valoes  à  feuilles 
longues  &  étroites  ,  (  un  angle  tranchant  règne  en  defTous  , 
dans  toute  leur  longueur  ,  )  du  Cap  de  Bonne-Efpé- 
rance. 

On  retire  dans  les  pays  chauds  ,  par  exprefîîon  ^ 
un  fuc  gommo  -  réfineux  des  aloes.  Ces  fucs  étant 
defféchés  par  l'évaporation ,  différent  en  pureté  ,  couleiu* 
&  odeur  ;  ce  qui  leur  a  fait  donner  divers  noms  : 
I**.  Valoes  fuccotrin  (  alce  fuccotorina  )  ,  dont  l'on  a  fait 
le  mot  chicotin ,  fe  retire  de  Valoes  à  feuilles  d^ ananas» 
C'eft  le  meilleur  de  tous  :  il  efl:  d'une  couleur  noire , 
jaunâtre  en  dehors ,  rougeâtre  en  dedans,  tranfparent, 
friable  ,  réiineux  ,  amer  au  goût  ,  d'une  odeur  forte , 
peu  défagréable ,  &  devenant  jaunâtre  en  le  pulvé- 
rifant.  Pour  retirer  ce  fuc ,  on  arrache  les  feuilles  de 
la  racine  ou  du  tronçon  d'un  aloes  ^  nommé  fuccotrin  ; 
on  preffe  ,  dit- on  ,  fes  racines  légèrement ,  (  ou  plutôt 
fes  feuilles ,  )  &  on  fait  couler  le  fuc  dans  un  vaiiTeau. 
Ce  fuc  épaifïï  &  defféché  au  foleil ,  eft  Valoes  fuccotrin  ; 
on  nous  l'apporte  dans  àes  cuirs ,  des  Indes ,  &  particu- 
lièrement de  riile  de  Soccotera.  Il  eu  toujours  plus 
dur  &  plus  friable  en  hiver  qu'en  été. 

2.°  Une  autre  efpece  de  ce  fuc  eft  nommée  aloès 
hépatique  (  aloe  hepatica  )  ,  parce  qu'elle  a  la  couleur 
du  foie  des  animaux  ;  fon  odeur  eil  plus  défagréable , 
fon  goût  plus  amer, 


A    L    O  215 

3.**  La  dermere  eft  la  plus  grofîîere  de  toutes,  la 
moins  bonne  ,  &C  elle  efl  appelée  aîch  caballin  ,  parce 
qu'elle  n'eft  employée  que  pour  les  chevaux.  Ces  deux 
derniers  fucs  fe  retirent  de  "Valois  ordinaire ,  en  coupant 
les  feuilles  &  les  pilant  :  le  fuc  le  plus  pur  donne 
Valoh  hépatique  ;  &  la  lie  eft  ^aloh  caballin  ,  qui  fe 
diftingue  facilement  par  fon  odeur  fétide  ,  fa  couleur 
noire  &:  fes  impuretés. 

Il  y  a  encore  Valoh  en  cahhajje  ^  ou  Valoes  des  Bar* 
hades  \  qui  eft  moUafte  &  noir-fauve ,  étant  nouveau  ; 
mais  qui  étant  gardé ,  devient  caftant ,  lucide  &  tranf- 
parent.  Il   eft  fort  recherché  des  Curieux. 

Le  fuc  Valois  eft  purgatif,  vermifuge ,  vulnéraire.  Son 
iifage  modéré  eft  utile  aux  grands  &  aux  gens  riches  qui 
vivent  dans  la  bonne  chère  ;  leur  eftomac  fatigué  par 
le  travail  continuel  de  la  digeftion,  a  quelquefois  beioin 
d'être  animé  par  ce  remède  amer  ;  fon  ufage  feroit 
pernicieux  aux  gens  fobres  oc  tempérans.  Il  donne 
des  hémorroïdes  &  excite  des  hémorragies  à  ceux 
.qui  font  fujets  aux  crachemens  de  fang.  M.  Boidduc 
a  obfervé  que  la  réftne  Valoes  étoit  beaucoup  moins 
purgative  que  l'extrait  aqueux,  &  qu'en  conféquence 
Valoès  fuccotrln  devoit  être  employé  de  préférence  pour 
purger  ,  à  caufe  de  l'excès  de  parties  extra^lives  qu'il 
contient.  La  teinture  ôialoes  eft  tonique ,  emménagogue  ; 
on  s'en  fert  à  l'extérieur  pour  arrêter  les  progrès  de 
la  carie.  On  trouve  d'ailleurs  tant  d'excellentes  pro- 
priétés dans  Valoes^  que  quelques-uns,  tels  que  Roger 
Bacon  ^  n'ont  pas  craint  d'avancer  qu'il  prolongeoit 
la  vie.  Qui  vult  vivere  annos  Noc  ,  fumât  pilulas^ 
de  aloe, 

Paracclfe ,  qui  parut  fur  la  fin  du  quinzième  ftecle  , 
prétendoit  qu'avec  fon  élixir  de  propriété ,  dont  Valoes 
îaifoit  la  bafe  ,  on  pouvoit  parvenir  à  l'âge  de  Mathu* 
falem  ,  qui  vécut ,  dit-on ,  700  ans  ;  cependant  Para-*, 
cdfe^  malgré  fon  élixir,  n'a  vécu  que  48  ans. 

L'eau  diftillée  de  la  plante  alohs ,  eft  employée  très* 

O  4 


iî5  A    L    O 

efficacement  par   les   Empiriqii'^s  d'Egypte    contre  îà 
jaiinifTe  ,  la  toux  &  l'afthme. 

Alors  Karatas.  Voyez  Karatas, 

Aloès  pitte  ou  le  Chanvre  des  Indiens  ,  Aloe 
dîjlicha.  On  l'appelle  cabouilkh  Saint-Domingue  ,  c'eft  le 
coidaoïia  des  Caraïbes ,  efpece  à'aloes  ou  plutôt  ai  agave 
fétide  dont  la  racine  eft  tubéreufe  &  poufTe  des  feuilles 
longues  de  quatre  à  cinq  pieds ,  piquantes  à  leur  extré- 
mité ,  ^L  larges  d'environ  quatre  pouces.  Elles  font 
epaiffes ,  unies ,  dépourvues  de  piquans  fur  les  bords 
&  non  dentées,  d'un  vert  clair;  lepiderme  de  ces 
feuilles  eft  prefque  luifant  ;  elles  s'élargiflent  vers  le 
tiers  de  leur  longueur.  Cette  plante  ne  réufTit  pas 
indiilin£lement  dans  tous  les  endroits  de  l'Amérique. 
On  la  rencontre  à  Cucao  &  à  Saint-Domingue,  dans 
les  bois  de  cenains  quartiers  com.me  au  Mirbalais , 
à  l'Artibonite ,  &c.  cette  plante  fupplée  au  défaut  du 
chanvre  &  du  lin.  C'eft  Valoès  le  plus  grand  que 
l'on  voie  dans  les  ferres  du  Jardin  du  Roi ,  où  fes  feuilles 
ont  de  longueur  trois  pieds  &  plus ,  ramaffées  en  tête. 

Il  efl  bon  d'obferver  que  la  féconde  écorce  de  cette 
plante  efl:  toute  compcfée  de  fils  très-forts,  dont  le 
tiffu  reffemble  un  peu  à  de  la  groffe  toile ,  mais  dont 
les  fils  au  lieu  d'être  entrelacés ,  comme  le  font  ceux 
de  la  trame  &  de  la  chaîne  de  nos  toiles  ,  ne  font 
Simplement  qu'appliqués  &  collés  les  uns  contre  les 
autres  ;  mais  du  refle  c'eft  la  même  difpofition  &  le 
même  arrangement.  Ces  fils  font  rougeâtres ,  &  par 
leur  efpece  de  tiflli ,  prcfentent  une  groffe  toile  tiflue 
par  la  Nature ,  &  qui  étant  enlevée  à  de  grands  aloh 
phus  dans  leur  pays  naturel ,  peut  être  très-utile.  C'efl 
des  feuilles  de  cette  forte  Valois  ^  préalablement  battues 
ou  écrafées  &  privées  de  leur  fuc  ,  que  les  Indiens 
de  la  Guiane  tirent  des  fils  très-forts  ,  très-longs  & 
aflez  beaux ,  dont  ils  font  à.^s  hamachs  ,  des  voiles,  à^s 
cordes  &:  d'autres  ouvrages,  même  de  grofles  toiles 
pour  emballer  le  café   ;  les  Portugais  du    Brélil  en 


A    L    O  117 

4font  des  bas  &  des  gants.  On  teille  la  pltt€  comme 
le  chanvre  ;  on  en  fait  des  étoffes  qu  on  apporte  en 
Europe  ,  fous  le  nom  dVcorce  Marbre, 

On  retire  des  autres  aloes  des  fiîs  approchans  de 
la  nature  de  celui-là.  Les  Efpagnols  &:  les  Habitans 
<iu  Rouflillon  faifoient  autrefois  des  dentelles  avec  la 
filaffe  de  Xaloes  ordinaire  ,  &  l'on  ne  retire  des  fucs 
que  des  efpeces  qui  font  fucculentes.  Confultez  tHïfloïrt^ 
Naturelle  des  Antilles  ,  par  le  Père  du  Tertre,  Sloanc 
parle  d'une  efpece  ^ aloes  qui ,  fuivant  M.  Guettard , 
cil  un  yuca ,  &  qui  efl  connu  dans  Laet  fous  le  nom 
^excellente  efpece  de  chanvre  ou  de  lin  :  la  toile  qu'on 
fait  au  moyen  des  fibres  de  fes  feuilles  préparées  , 
approche  beaucoup,  par  fa  ^w^^t  &  fa  beauté,  de 
la  foie. 

»  La  Filaffe  à' aloes ^  que  nous  employons,  dit  M. 
»  Berthey  propriétaire  de  la  manufacture  de  Sparterie ,  &c. 
>>  (  Voyei  Spart^  efl  tirée  AqV aloes  commun,  le  même 
»  qui  vient  naturellement  dans  les  provinces  méridionales 
»  de  la  France,  où  quelques  Payfans  en  plantent  à 
>>  l'extrémité  de  leurs  champs  ,  le  long  des  chemins , 
>>  pour  en  former  des  haies  qui  font  impénétrables 
»  à  l'homme  &  aux  quadrupèdes,  {h' Opuntia  ficus 
>>  Indica  feroit  peut-être  en  cela  préférable.  )  Cette 
»  efpece  ^aloès  a  les  feuilles  de  iix  à  neuf  pouces 
»  de  large  ,  trois  à  Quatre  pouces  d'épaiffeur  par  le 
»  bas  ,  fur  cinq  à  fix  pieds  de  long ,  armées  de 
»  pointes  très  -  aiguës.  On  en  a  vu  de  plus  confidé- 
»  rables  dans  toutes  les  proportions.  Il  pouiTe ,  à  l'âge 
»  de  cinq  à  fix  ans ,  une  tige  qui ,  en  moins  de 
M  huit  jours,  s'élève  à  la  hauteur  de  huit  à  dix  pieds , 
*>  &  en  a  plus  de  vingt  dans  un  mois  ,  épaiffe  alors 
»  par  le  bas  d'environ  quatre  pouces  &  demi  de 
»  diamètre.  Cette  tige  ou  arbre  ,  fe  termine  par  unef 
>>  quantité  confidérable  de  rameaux  de  fleurs  agréa- 
»  blés ,  dont  l'enfemble  forme  un  luflre  pyramidal. 
>>  La  plante  meurt  après  avoir  étalé  fa  beauté  ;  mais 


2i8  A    L    O 

»  elle  dédommag-e  ,  en  laiffant  à  fa  place  des  milliers 
»  de  jeunes  plants  vigoureux ,  en  état  de  défendre  la 
»  brèche  qu'elle  femble  laiiTer  à  réparer. 

»  Valoès  commun  n'exige  ni  beaucoup  de  terre,  ni  un 
»  excellent  fol ,  puifqu'il  vient  avec  fuccès  auffi  fur  les 
»  montagnes  arides  de  la  Provence.  On  trouve  le  même 
»  a/oès  dans  le  Languedoc,  dans  le  RoufTillon.  Per- 
»  pignan  eft  entouré  de  beaux  aloès  ,  &  cependant  cette 
>>  produdion  naturelle  y  eft  infruftueufe  pour  la  fociété. 
»  Il  feroit  à  défirer  que  les  Cultivateurs ,  dans  les 
»  provinces  méridionales ,  multipliaient  cette  plante  ; 
»  qu'ils  en  défendifîent  les  extrémités  de  leurs  champs , 
»  &  qu'ils  s'occupaffent  d'en  extraire  la  filaffe.  Le 
»  procédé  n'en  eft  pas  difficile  ;  il  fuffit  de  mettre  les 
»  feuilles,  nouvellement  coupées  ,  fur  une  dalle  de 
»  pierre  unie  ,  d'en  exprimer  le  fuc  avec  un  rouleau 
»  de  bois  ,  &  de  les  peigner  fur  un  peigne  de  fer 
»  après  les  avoir  fait  fécher.  De  ces  petites  opéra- 
»  tions  ,  réfulte  la  filaffe  dont  nous  faifons  ufage  ,  foit 
>>  pour  guides  6c  rênes  de  voitures ,  foit  pour  cordons 
»  de  montre  ,  de  canne  ,  de  fonnettes  &  de  rideaux  , 
»  de  luftres  &  pour  écuyers  d'efcaliers ,  foit  glands  pour 
»  le  bout  de  ces  cordons  ou  pour  robes  à  la  Polonoife  «. 

Valoès  commun  eu  le  Pkto  ou  Pitta  d'Efpagne  : 
J.gavc  americana^  Linn.  461.  Ses  feuilles  font  lan- 
céolées ,  bordées  d'épines  &  terminées  par  une 
pointe  alongée  &:  très- dure  ;  l'épiderme  des  feuilles  eft 
comme  farineux.  Ses  fleurs  font  d'un  jaune  verdâtre  : 
cette  plante  efl  venue  de  l'Amérique  méridionale  en 
1561  ,  &  s'efl  naturalifée  dans  nos  provinces  méridio- 
nales de  même  qu'en  Portugal ,  en  É{\)?.gne  ,  en  Italie  , 
en  Sicile ,  en  Corfe ,  &c. 

ALOIDES  ,  Aloe  palufirls.  Fiante  vulnéraire  qui  a 
la  feuille  de  Valoh ,  feulement  un  peu  plus  courte  & 
plus  étroite,  bordée  d'épines  &  chargée  de  gonfles 
femblables  à  des  pattes  d'écrèvifie  ,  qui  s'ouvrent  &: 
pouffent  des  fleurs  blanches  à  deux  ou  trois  feuilles  ^^ 


A    L    9  lî^r 

à-peu- près  comme  celles  de  l'efpece  de  némiphar  appelé 
morfus  ranœ ,  6l  qui  portent  chacune  plufieurs  petites 
ëtamlnes  jaunes  &;  fix  plflils  :  à  chaque  fleur  fuccede 
une  baie  à  fix  loges  ,  placée  au-deilous  du  calice  :  îa 
racine  de  cette  plante  eft  ronde  ,  compofée  de  fibres 
blanches  ,  qui  tendent  plus  ou  moins  diredement  àii 
fond  de  l'eau. 

ALOSE ,  Clupea  alofa ,  Linn.  ;  à  Bourdeaux ,  Caulac  , 
Coulac  ou  Colac  ;  k  Marfeille ,  Halachla  ;  à  Rome ,  Laccia 
ou  Lacchia  ;  à  Venife  &  en  Tofcane  ,  Chipea ,  Chicpa, 
ou  Savalum  ;  en  Anglois  ,  Mother  of  Herrings  ;  c'eft-à- 
dire  la  Mcrc  des  harengs  ;  en  Afrique  ,  Jarrafa,  PoifTon 
de  mer  du  genre  du  chipe  ;  il  remonte  dans  les  rivières. 
Sa  longueur  ordinaire  eft  d  im  pied  &  demi  ou  vingt 
pouces.  Sa  tête  eft  d'une  groffeur  médiocre  ,  comparée 
au  volume  de  fon  corps.  Les  yeux  font  affez  grands 
&  couverts  de  membranes  lâches  qui  ne  s'étendent 
que  jufqu'aux  iris  dont  la  couleur  eft  argentée ,  mêlée 
de  bleuâtre  &  quelquefois  de  rouge-pourpre.  La  gueule 
a  l'ouverture  ample  ;  la  langue  eft  petite,  aiguë  &:  noi- 
râtre ;  la  mâchoire  inférieure  eft  un  peu  plus  longue 
que  la  fupérieure  ;  celle-ci  eft  fendue  en  deux  ,  ôc 
comme  fourchue  à  fon  extrémité  ;  elle  eft  garnie  feu- 
lement en  fcs  bords ,  de  très-petites  dents  ;  l'inférieure 
en  eft  dépourvue.  Les  ouïes,  au  nombre  de  quatre, 
de  part  &  d'autre  ont  leurs  membranes  garnies  de 
huit  rayons  ;  leurs  opercules  font  tantôt  d'un  jaune 
éclatant ,  &  tantôt  d'un  rouge  foible  ;  auprès  des  ouïes 
fe  trouvent  des  tachegr|rondes  &  noires,  dont  une 
très- grande.  Le  ventre  fe  termine  latéralement  en  forme 
de  carène  aiguë  ;  la  hgne  latérale  eft  compofée  d'environ 
quarante  écailles  en  recouvrement,  &  terminées  en 
pointe  ;  les  écailles  du  corps  font  grandes ,  &  font  fur 
les  bords  comme  tachetées  de  gouttes  noires.  Le 
dos  eft  de  couleur  noirâtre  ;  les  côtés  &  le  ventre  font 
argentins.  Ses  nageoires,  dont  les  rayons  font  aftez 
jnous  5  font  petites  à  proportion  de  fa  grandeur  j  la 


iiô  A    L    O 

nageoire  du  dos  contient  dix-huit  à  dix-neuf  rayons  i 
les  peftorales ,  chacune  quinze  ;  les  abdominales  en 
cnt  neuf  ;  celles  de  l'anus  quelquefois  plus  de  vingt  ; 
la  queue  eu  profondément  échancrée. 

Le  printemps  e(l  la  faifon  où  Valofe  remonte  dans 
les  rivières  ,  dans  lefquelles  elle  s'engraifTe  ,  &  où  fa 
chair  prend  un  bon  goût* 

Ces  poifTons  vont  en  grandes  troupes  en  nageant 
è  fleur  d'eau ,  montrant  leurs  nageoires  dorfales  ,  & 
en  pouflant  ,  dit-on  ,  un  certain  grognement  fourd , 
pareil  à  celui  d'un  troupeau  de  pourceaux.  On  en  pêche 
fouvent  à  la  fois  un  très-grand  nombre  :  on  les  voit 
cp.ielquefois  fuivre  des  bateaux  chargés  de  fel  jufqu'à 
trois  cents  lieues  de  la  mer.  Rondda  dit  avoir  vu 
des  alofcs  fenfibles  à  l'harmonie ,  fur-tout  pendant  la 
nuit  ;  elles  accouroient  au  fon  du  violon  ,  &  fautoient 
en  nageant  fur  la  furface  de  l'eau.  Il  a  vu  prendre 
^ans  l'Allier  plus  de  douze  cents ,  tant  alofes  o^wçfawnons  , 
^\\n  feul  coup  de  filet.  Valofe  ,  dit-on ,  craint  telle- 
ment le  bruit  du  tonnerre ,  qu'elle  en  périt  quelquefois 
«l'effroi. 

Il  faut  que  ce  poifTon  ait  féjourné  quelque  temps 
clans  l'eau  douce  ,  c'efl-à-dire  ,  dans  les  rivières ,  en 
remontant  contre  leur  cours ,  pour  y  devenir  gras  , 
charnu  &  d'une  faveur  agréable  ;  car  au  fortir  de  la 
mer  il  efl  (ec  ,  maigre  &:  d'un  mauvais  goût.  Aufîî 
efî-ce  un  proverbe  à  Orléans  6l  fur  la  Loire  :  Jamais 
Riche  n  ^a  mangé  bonne  alofe ,  ni  Pauvre  bonne  lamproie. 
Valofe  bien  fraîche  &  prife  ^^\n  de  la  mer ,  efl  un 
poifTon  délicieux ,  qui  fe  fert  fur  les  tables  les  plus 
délicates. 

On  vend  à  Paris  dans  le  printem.ps  ,  fous  le  beau 
nom  de  pucdle ,  un  poifTon  afTez  peu  eflimé  ,  qui  n'eflr 
qu'une  petite  alofe  ,  ou  une  petite  efpece  A^ alofe  :  on 
la  nomme  pucdle ,  parce  qu'elle  paroît  au  commence- 
ment du  printemps ,  &  qu'elle  n'efl  pas  encore  pleine 
d'œufs.  Voye?^  l'article  PucdU.  Les  Grecs  ont  appelé  thriffa. 


AL     O  i2t 

Va/qfe ,  comme  qui  diroit  poijffon  plein  de  cheveux  ,  àf 
caille  de  la  multitude  de  petites  arêtes  qu'on  trouve 
dans  le  corps  de  ce  poifTon. 

ALOUATE  ou  Allouât  a.  A  Cayenne  on  appelle 
ainfi  une  efpece  de  gros  fapajou  rouge  ,  qui  differv^ 
peu  de  Vouarine,  Voyez  ce  mot,  Ualouate  eft  \q  Jinge. 
rouge  de  Barrcre ,  &  le  Jinge  rouge  de  Cayenne  de 
M.  Brlfon, 

ALOUCHE  DE  Bourgogne.  Koyei  à  PankU 
Alisier. 

ALOUCHI.  Nom  donné  à  une  forte  de  gomme 
réfme  fort  odoriférante  ,  qui  fe  tire  du  cannelier 
blanc, 

ALOUETTE  ,  Alauda,  Genre  d'oifeau  de  la  grof- 
feur  d'un  moineau  ,  meifager  du  printemps ,  qui  vit 
dans  les  champs,  &  fait  l'agrément  des  airs  lorfqu'iî 
s'élève  en  chantant  jufqu'à  perte  de  vue.  Ces  oifeaux  , 
dont  on  diftingue  plufieurs  efpeces ,  ont  trois  doigts 
devant  &  un  derrière. 

L'Alouette  ordinaire  ^  Alauda  vulgarls  ^  pefe 
une  once  &  deinie  :  elle  a  fix  pouces  de  longueur 
depuis  la  pointe  du  bec  jufqu'à  l'extrémité  des  pattes  ;: 
l'envergure  eft  de  dix  pouces  ;  la  partie  fupérieure  du 
bec  eil:  noirâtre  ,  &  l'inférieure  eft  blanchâtre  ;  les 
narines  rondes  &  découvertes  ;  les  plumes  de  la  tête 
que  i'oifeau  hérifîe  quelquefois  en  forme  de  crête ,  font 
d'un  roux  cendré  ,  &  le  milieu  en  eft  noir  ;  le  derrière 
de  la  tête  eft  cerclé  d'une  bande  pâle  ;  le  menton  efl 
blanchâtre  ;  la  gorge  jaune  ,  tiquetée  de  brun  ;  les 
plumes  du  dos  ont  la  même  couleur  que  celles  de  la. 
tête  ;  les  côtés  font  d'un  roux  jaunâtre  ;  le  pennage 
des  ailes  &  de  îa  queue  eft  roufsâtre  ,  tacheté  de  blanc 
par  les  extrémités  ;  les  pieds  &;  les  doigts  font  bruns  ^ 
les  ongles  noirâtres. 

Un  des  principaux  caraderes  difî:in£l:ifs  des  alouettes , 
eft  d'avoir  l'éperon  ou  l'ongle  de  derrière  très-long  ; 
<e  qui  leur  donnç  beaucoup  de  facilité  pour  miéus; 


îiî  A    L     O 

courir  dans  les  terres  labourées  ,  la  bafe  de  leurs  pieds 
étant  plus  large.  Dès  les  pn  micrs  jours  du  printemps, 
l'amour  ranime  le  ramage  *ie  ces  oiltaux  ^  &  le  nombre 
de  ces  bipèdes  ailés  égaie  les  campagnes  par  leur  mélodie 
agréable.  Lorfqu'ils  s'élèvent  dans  les  airs  ,  ils  font 
prefque  toujours  un  cercle  plus  ou  moins  grand , 
ielon  qu'il  y  en  a  peu  ou  beaucoup  de  l'eipcce  dans 
les  environs  ,  &  enfuite  montent  tout  droit.  Ils  chan- 
tent ainfi  pendant  toute  la  belle  faifon ,  ma"s  particu- 
lièrement le  matin  &c  le  foir  ,  plus  rarement  dans  le 
milieu  de  la  journée  ;  plus  ces  oiieaux  s'élèvent  dans 
l'air  ,  plus  ils  forcent  la  voix  pour  être  vus  & 
entendus  de  quelques  femelles  ;  car  il  n'y  a  que  le 
mâle  qui  chante  ;  c'eft  une  règle  générale  parmi  les 
oifeaux ,  &  qui  fouffre  bien  peu  d'exceptions  :  Valoiiette 
haiffe  la  voix  à  mefure  qu'elle  defcend ,  &  fe  tait  en 
fe  pofant  à  terre,  où  elle  fe  tient  dans  les  champs 
labourés  &  parmi  les  chaumes  ;  elle  ne  fe  perche  jamais  ; 
elle  n'habite  guère  que  les  plaines;  elle  aime  à  fe 
rouler  dans  la  poulTiere  ou  le  fable  léger;  &  par  cette 
raifon  on  la  compte  au  nombre  des  oifeaux  pulvi" 
rateiirs. 

On  dit  que  la  femelle  de  Valoiiette  fait ,  fuivant  les 
contrées  ,  trois  pontes  par  an ,  en  Mai  ,  en  Juillet , 
&  en  Août  ;  elle  pond  à  chaque  fois  quatre  ou  cinq 
œufs  .grivelés  de  brun  fur  un  fond  grisâtre.  Le  fond 
de  fon  nid  eil  en  terre ,  entre  des  mottes  qui  en  déro- 
bent la  vue  ;  elle  le  compofe  de  racines  &  ^  d'herbes 
feches  :  elle  ne  couve  que  quatorze  à  quinze  jours  :  & 
elle  élevé  fes  petits  en  peu  de  temps  :  leur  durée  eft 
de  dix  ans.  L'efpece  de  Valoiiette  efî  très-répandue ,  & 
fe  trouve  dans  toutes  les  contrées  de  l'Europe. 

Cet  oifeau  multiplie  fmguliérement ,  car  on  en  prend 
tous  les  ans  une  très-grande  quantité  ,  de  différentes 
manières ,  ou  à  la  trainajfe  ou  au  traîneau  (  c'cft  un 
filet  qu'on  traîne  )  pendant  la  nuit  ;  ou  au  miroir,  lorfque 
\%  foleil  brille  ;  la  chafTe  au  miroir  en  eft  plus  amufantç 


A    L    O  225 

■qu^au  filet.  On  en  prend  aiiflî  à  la  ridée  ou  par  le  moyeiî 
des  nappes  ,  au  lacet  ,  à  la  tonnelle ,  aux  gluaux» 
On  rapprivoife  facilement  ;  mais  même  dans  fa  cage 
il  eil  toujours  porté  à  s'élever  verticalement;  c'eil 
ce  qui  oblige  de  garnir  de  toiles ,  en  deffus ,  les  cages 
où  on  le  détient  foit  pour  jouir  de  Tagyrément  de  fon 
chant  5  foit  pour  l'engraifTer  ;  autrement  il  fe  briferoit 
la  tête.  On  dit  que  ii  on  ne  lui  donne  que  du  che- 
nevis  tout  pur  à  manger ,  il  deviendra  bientôt  tout 
noir. 

Les  alouettes  font  des  oifeaux  qui  parcourent  l'Europe 
pendant  l'été  ;  elles  préfèrent  les  terres  élevées  & 
feches ,  elles  font  alors  fort  maigres  ;  mais  en  hiver 
elles  defcendent  dans  les  plaines ,  oi\  elles  habitent  en 
troupes  nombreufes  ,  elles  font  alors  très-graffes  : 
telle  eil  V alouette  graffe  que  l'on  fert  en  hiver  fur  nos 
tables  fous  le  nom  de  mauviette ,  c'efl  un  mets  de  bon 
goût ,  fort  délicat ,  &  facile  à  digérer  :  fi  on  voit  quel- 
ques perfonnes  fe  plaindre  de  coliques  d'eftomac  après 
en  avoir  mangé  ,  cet  eifet  n'eft  produit  que  par  les  petits 
os  très-fins  qu'ils  ont  avalés  ,  &  qui  picotent  les  mem- 
branes de  Teflomac. 

On  trouve  trois  variétés  dans  l'efpece  de  notre 
alouette,  \^,  \J alouette  blanche  %  on  en  voit  une  dans  le 
cabinet  du  château  de  Chantilly;  1^.  V alouette  noire ^ 
elle  fe  trouve  en  Angleterre  ;  3^.  V alouette  ifahdle  ; 
mais  ces  variétés  ne  font  qu'individuelles  ,  &  ne  font 
point  race. 

Outre  l'efpece  ^alouette  vulgaire ,  il  y  en  a  plulieurs 
autres  qui  font  plus  ou  moins  communes  en  France  : 
les  plus  remarquables  font  ^alouette  huppée  ou  crétin  y 
dite  cochevis  ;  \ alouette  des  bois  ,  nommée  aulîi  cugu- 
lier  ;  V alouette  bâtarde  oufarloufe ,  ou  alouette  des  bruyères 
ou  de  prés  ou  des  jardins ,  ou  alouette  folle ,  ou 
alouette  percheufe  ;  V alouette  de  buijfon  ,  ou  V alouette 
pipi  ,  Alauda  fepiaria.  Celle  -  ci  efî:  fort  petite  :  en 
Lorraine  ;  on  l'appelle  finfignotte  ;  fur  t  tout  la  grande 


114  A    L    O 

efpece  ;  &  dans  le  Biigey ,  bec-figue  cVhiver,  En  hîvei' 
fon  cri  reflemble  au  bruit  que  t'ait  une  forte  fauterelle. 
On  en  trouve  beaucoup  aux  environs  de  Londres , 
&  on  en  fait  la  chaiTe.  \Jcilouette  de  champ  ,  Voyez 
fpïpolette  ;  Y  alouette  d\au  ou  de  marais^  Voyez  Roujje- 
'  Une.  La  grojje  alouette^  Voyez  Calandre. 

L'Alouette  huppée  ou  Cornue  ,  dite  Cochevis  , 
Alauda  crifiata  aut  Galerita  ,  fe  plaît  fur  les  chemins  , 
fréquente  aufîi  volontiers  les  environs  des  villages ,  fe 
pofe  fur  les  tas  de  fumier ,  fur  les  murs  de  clôture 
&  fur  les  toits  :  elle  habite  auffi  le  long  des  lacs  &: 
rivières  ;  elle  efl  un  peu  plus  groffe  que  V alouette  commune 
contre  l'ordinaire  des  autres  oifeaux  ,  elle  vole  contre  le 
vent  :  on  la  trouve  en  Europe.  On  la  nomme  verdange  en 
Pcrigord  ;  alouette  de  chemin  _,  en  Beauce.  On  appelle 
lulu  ,  la  petite  efpece  ^alouette  huppée  ;  leur  huppe  eil 
compofée  de  plufieurs  plumes  qui  excédent  les  autres  en 
longueur  ;  ces  oifeaux  chantent  beaucoup  dans  les  beaux 
jours  de  la  belle  faifon. 

L'Alouette  des  bois  ,  ou  le  Cujelier  ,  ou 
I'Alouette  calandre,/?/.  enL  660,  fîg.  2.  ALiuda 
arhorea  aut  fylvejîrls  ,  {^plronot  en  ^oux^ognt '^  flulutolre  ^ 
fluteur ,  turlut  ^  lutheux ,  mufette  ,  en  Sologne  ;  coutnaux 
en  Saintonge  ;  )  elle  fe  diftingue  par  un  cercle  de 
plumes  blanches  en  forme  de  couronne,  depuis  un 
œil  jufqu'à  l'autre  ,  qui  fait  le  tour  de  fa  tête.  Elle 
fe  perche  fur  les  arbres ,  &:  fe  plaît  dans  les  terres 
incultes  fituées  fur  le  bord  des  taillis.  Cet  oifeau  y 
lorfqull  fait  chaud  ,  &  fur  -  tout  lorfque  fa  femelle 
couve ,  chante  pendant  la  nuit ,  ce  qui  le  fait  prendre 
quelquefois  pour  le  rojJîgnoL  On  l'en  diftingue  cepen- 
dant par  fa  voix  &  fon  chant,  qui  imite  celui  du 
merle, 

M.  de  Montbeillard  à  fait  connoître  V alouette  de  Sibérie, 
pL  cnl.  650,  fig.  2  ;  la  tête  &  la  gorge  font  jaunes  ;. 
la  poitrine  efl  décorée  d'une  large  ceinture  noire  ;  le 
^çffous  du  corps  çft  blançhâirej  le  deilus  çft  rouflâtre  ; 

Iç^ 


A    L    O  225 

les  flancs  un  peu  jaunâtres  ,  ain(î  que  le  deffus  des 
pennes  de  la  queue;  les  pennes  des  ailes  font  noirâ- 
tres ,  bordées  de  gris. 

On  diflingue  parmi  les  alouettes  étrangères ,  V alouette 
aux  joues  brunes  de  Penfilvanie  ;  lorfque  fon  aile  ell 
pliée ,  la  troifieme  plume ,  en  comptant  depuis  le  corps , 
atteint  l'extrémité  des  plus  longues  pennes.  Elle  paroît 
en  Penfilvanie ,  dans  le  mois  de  Mars ,  prend  fa  route 
pour  le  Nord ,  &  on  n'en  voit  plus  à  la  fin  de  Mai. 

V alouette  de  Buenos-Ayres,  Voyez  Variole  ;  V alouette 
de  Viro-inie  ,  Voye^  Hausse-COL  NOIR  ;  Valouette  du 
Cap  de  Bonne- Efpérance  ,  Koyei  Cravate  jaune  ; 
la  petite  alouette  grife  de  Gingi  ;  Valouette  huppée  de 
la  Côte  de  Malabar  ;  celle  huppée  du  Sénégal  ,  & 
appelée  grifette  ;  V alouette  noire  à  dos  fauve  de  Buenos- 
Ayres  &  de  la  Encenada.  A  l'égard  de  Valouette  grande 
de  Catesby ,  Voyez  Fer  à  cheval. 

ALOUETTE  DE  MEP.,  ^7/.  enl,  851  ,  Schœnldos^ 
n'a  de  rapport  avec  Valouette  que  le  nom  ;  elle  ne 
lui  reiTembie  que  par  le  plumage  ;  elle  fe  trouve  dans 
les  deux  Continens  ,  &  à  des  diftances  très-grandes  ; 
elle  a  environ  fept  pouces  de  longueur ,  du  bout  du 
bec  à  celui  de  la  queue ,  ôi  treize  pouces  d'envergure. 
Le  bec  &  les  pieds  font  noirs. 

Les  alouettes  de  mer  volent  en  troupes  ;  lorfqu'on 
en  a  tué  une ,  les  autres  voltigent  à  l'entour.  Cette 
alouette  de  mer  remue  continuellement  la  queue  ,  & 
change  de  place  à  tout  inflant  :  on  la  trouve  dans  les 
lieux  marécageux ,  fur  les  côtes  de  la  mer.  Elle  pond  fur 
le  fable  à  nu  ,  fans  faire  de  nid  ;  les  œufs  font  fort 
gros  &  au  nombre  de  quatre  ou  cinq  ;  l'efpece  eft 
très-abondante.  Ces  oifeaux  femblent  être  de  pafTage, 

\2 alouette  de  mer  eft  du  genre  du  bécajfeaw;  on  en 
diftingue  plufieurs  efpeces.  i.°  L'efpece  vulgaire;  2.°  Va^ 
louettt  de  mer  à  collier  :  elle  vole  aufîi  par  troupes ,  àc 
fréquente  les  rivages  des  fleuves  &  de  la  mer.  J^oye^ 
CiNCLE:  3.^  Valoumc  Uq  mer  de  Saint-Domingue j  de^la 


22Ô  A    L    P  ALT 

grande  &  petite  efpece  ;  elles  difFerent  peu  de  l'efpece 
vulgaire.  La  petite  efpece  efl  la  guignetu  àts  planches 
enluminées  de  M.  de  Buffon. 

Alouette  de  mer  ,  Alauda  marina ,  Gefn.  Nom 
donné  par  quelques-uns  au  poiiTon  appelé  Baveufc, 
.Voyez  ce  mot, 

ALPAGNE  ou  Alpaga  ou  Alpaque.  Foye^  Paco. 

ALPAM.  Arbriffeau  de  l'înde^  qui  croît  dans  les 
lieux  découverts  &  fablonneux  d'Aregatti  6c  de  Mon- 
dabelli.  Sa  racine  eft  longue,  rouge,  fibrée  en  tout 
fens  :  fon  tronc  efl  divifé  en  deux  ou  trois  parties  àhs 
fa  bafe ,  6i  couvert  d'une  écorce  d'un  vert  cendré ,  fans 
odeur  &  d'un  goût  acide  ,  aftringent  :  le  bois  eft 
blanchâtre  ,  noueux  ,  plein  d'une  moelle  verte  :  fes 
feuilles  font  alternes ,  lancéolées ,  pointues  aux  deux 
bouts  ,  épaifies ,  vertes  &  remplies  de  nervures ,  défa- 
gréables  à  l'odorat  &  acres  au  goût  :  la  fleur  d'un 
pourpre  foncé,  fans  odeur,  &  à  laquelle  fuccede  une 
gouffe  ronde  ,  pointue  aux  deux  bouts ,  pleine  d'une 
pulpe  charnue  qui  contient  des  femences  à  peine  (tn-, 
iibles  tant  elles  font  menues. 

Valpam  porte  fleur  &  fruit  au  commencement  &  à 
la  fin  de  l'année;  il  eft  toujours  chargé  de  feuilles;  & 
quelque  partie  qu'on  prenne  de  cette  plante ,  on  en 
fait  avec  de  l'huile  un  onguent  propre  à  déterger  les 
vieux  ulcères ,  6c  à  guérir  la  gale. 

ALPHANETTE.  C'eft  Toifeau  de  proie,  efpece  de 
faucon  ,  nommé  aufîi  Tunifien ,  parce  qu'il  eft  commun 
à  Tunis  :  on  en  fait  ufage  pour  le  vol  de  la  perdrix. 

ALPISTE  ,  Phalarls,  Genre  de  plantes  de  la  fa- 
mille des  Grami-nées,  Les  alpifles  n'ont  qu'une  feule  fleur 
hermaphrodite  à  deux  balles.  On  diftingue  plufieurs 
efpeces  ^alpifles ,  notamment  celle  appelée  graine  de 
Canarie,  Voyez  ce  mot  &  Vaiticle  PhalARIS. 

ALQUIFOUX.  Dan/s  le  Commerce  on  donne  ce 
nom  à  la  galem^  efpeCe  de  plomb  minéral,  facile  à 
pulvérifer,  mais  diftiçik  àfpndrç,  Foyei  VanicU  Ploms» 


ALT  iij 

ALTAVELLE.    Voyei  à  r article  PasTENAGUE. 

ALTEN-MANNou  Vieux-Homme.  Les  Mineurs 
Allemands  donnent  ce  nom  à  un  affemblage  confus  de 
criilaux  &  de  fragmens  de  quartz ,  liés  &  agîutinés 
par  un  {\\c  lapidifique  &  recouvert  d'une  matière  d'ocre 
fouvent  cuivreule.  L'on  trouve  les  aluns^manns  dans 
les  mines  anciennement  exploitées. 

ALTHEA.    Voyei  G,uiMAuvE. 

ALTHEA  FRUTEX  ou  Guimauve  royale  ou  en 
ARBRE,  Hihifœs  Syriacus ^  Linn.  978.  Il  efl  originaire 
de  Syrie  ;  fa  tige  ligneufe  &  en  arbriffeau  eil  haute  de 
quatre  à  cinq  pieds ,  rameufe  ;  fes  feuilles  font  cunéi- 
formes ,  ovales  ,  incifées  à  la  partie  fupérieure  :  fes 
fleurs  ,  grandes  &  belles  font  à- peu-près  femblables  à 
celles  du  volubilis  ou  grand,  lijeron  ;  mais  il  v  en 
a  de  différentes  couleurs  ,  de  rouges  panachées ,  de 
pourpres  violettes  &:  de  blanches.  Quant  à  la  ftruc- 
ture  de  fes  fruits  ,  voye^  an  mot  Ketmie  ,  dont  il  eil 
wnçi  efpece. 

Cet  arbriffeau ,  que  l'on  cultive  pour  l'ornement  à^% 
jardins ,  fe  multiplie  de  marcottes  au  mois  de  Septem- 
bre ,  ou  de  graines  au  mois  de  Mars.  Il  vient  dans 
toutes  fortes  de  terrains  fans  culture ,  &  ne  redoute 
point  le  froid  :  il  figure  très-bien ,  à  caufe  de  fes  fleurs , 
dans  les  plates-bandes ,  lorfqu'il  eft  taillé  en  boule  : 
il  fait  auiîî  un  très-bon  effet  dans  les  bofquets.  ^qs 
fleurs  font  en  grand  nombre,  &  paroifTent  depuis  le 
mois  de  Mai  jufqu'en  Septembre.  (  îl  y  en  a  une  ef- 
pece à  fleurs  doubles  &  qui  fait  une  belle  décoration). 
Son  bois  efl  jaunâtre  >  it^  feuilles  reffemblent  à  celles 
de  la  vigne. 

ALTISE  ou  Sauteur  ,  en  latin  Altlca.  On  donne 
ce  nom  à  un  petit  inferfe  du  genre  des  fcarabks  ,  à 
caufe  de  la  faculté  qu'il  a  de  fauter  comme  une  puce. 
Il  y  a  un  grand  nombre  d'efpeces  de  ces  infedes  qui 
varient  beaucoup  en  couleur  :  ils  font  leur  habitation  fur 
les  feuilles  des  plantes  &  des  arbres  ;  ils  rongent  ^ 

P  a 


iiS  A    L    V  A    L    U 

criblent  quelquefois  toutes  les  feuilles  des  plante^ 
potagères.  Ces  inle<^es  fauteurs ,  qu'il  ne  faut  pas  con- 
fondre avec  les  morddks  (  Voyez  u  mot  ) ,  fe  recon- 
noiflent  aifément  à  la  faculté  qu'ils  ont  de  fauter ,  & 
d'échapper  ainfi  à  la  main  de  ceux  qui  veulent  les 
prendre.  Un  des  cara£l:eres  des  infedes  de  ce  genre  eft 
d'avoir  les  cuifles  poilérieures  grcfTes ,  prefque  fphé- 
riques,  plus  grandes  que  les  autres,  toutes  mufculeufes, 
qui  fer\Tnt  à  exécuter  un  mouvement  aufTi  violent  que 
celui  que  font  ces  animaux  pour  fauter.  Leurs  antennes 
font  d'égale    groffeur    dans  toute   leur  longueur. 

ALUCO.  Nom  donné  à  une  efpece  de  hibou.  Voyez 
ce  mot. 

ALVÉOLES ,  Alvcolï.  Voyez  au  mot  Abeille.  Ce 
mot  fe  dit  encore  des  cavités  dans  lefquelles  les  dents 
font  placées  ^  Voyc?^  Dents.  Les  orthocératites  &  les 
bélemnites  ont  auiîi  des  alvéoles. 

ALVIN.  Nom  donné  à  tout  le  menu  poiffon  qui 
fert  à  peupler  les  étangs  &  autres  pièces  d'eau  :  ainii 
alvïmr  un  ét?ng ,  c'eft  FempoifTonner  en  y  jetant  da 
Xalvin  ;  &  Falvinage  eft  le  poiffon  que  les  Marchands 
rebutent ,  &  que  les  Pêcheurs  rejettent  dans  l'eau. 
En  pîufieurs  endroits  on  donne  à  Vahln  les  noms  de 
norrain  ou  ne uraln  ^  feuille  ,  peuple ,  fretin  6c  menuif aille, 

ALUÎNE.  Efpece  d'abfinthe  marine,  dont  les  feuilles 
découpées  fort  menu  font  verdâtres  àc  d'un  goût  falé 
&  amen  Voyei  Absinthe. 

ALUN  ,  A  lumen,  C'eft  un  fel  fofîile  &  minéral  qui 
fé  trouve  dans  la  terre  ,  d'une  faveur  d'abord  douce , 
accompagnée  d'ime  aftriftion  confidérable.  On  en  peut 
diftinguer  de  deux  fortes  ;  l'un  naturel ,  que  l'on  con- 
noît  à  peine  aujourd'hui,  &  dont  les  Anciens  faifoient 
un  grand  ufage;  l'autre,  que  l'on  peut  appeler /^c7/r^  , 
parce  qu'il  faut  faire  plufieurs  opérations  pour  le  tirer 
de  la  mine.  Ce  fel  eft  compofé  de  l'acide  vitriolique 
uni  à  une  terre  qui  eft  rççonnue  aujourd'hui  être  de 
jiature  argileufe. 


A    L    U  2Î9 

Cette  efpece  de  fel  folïïle  fe  trouve  le  plus  ordi- 
nairement dans  les  mines  de  charbon  de  terre ,  dans 
les  terres  brunes  &  feuilletées  comme  le  fchiile ,  dans 
les  pyrites.  Ce  fel  minéral  étant  diffous  dans  l'eau  Se 
évaporé  ,  fe  criflallife  fous  la  forme  confiante  d'un 
odbedre,  c'eil-à-dire  ,  dun  folide  à  huit  pans  ;  mais 
il  retient  beaucoup  d'eau  dans  fa  criftallifation  ,  ce 
qui  lui  donne  la  propriété  de  bouillonner  fur  le  feu. 

L'alun  de  plume  cil  ainii  nommé  ,  parce  qu'il  efl 
compofé  de  beaux  filamens  droits  ,  blancs  ,  criftal- 
lins  ,  &  qui  fe  féparent  aijement.  Il  fe  trouve  crif- 
tallifé  fous  cette  forme  dans  des  grottes  ou  caves 
gouttières  ,  en  Egypte ,  en  Macédonie  ,  dans  les  ifles 
de  Sardaigne  ,  de  Milo.  Cet  alun  naturel  ell  très- 
rare  :  on  en  voit  dans  les  cabinets  des  Curieux ,  qui 
n'eft  fouvent  qu'un  vitriol  de  zinc  :  on  le  confond 
tous  les  jours  avec  Vasbejle  ou  avec  le  gypfeflrlê  ,  dont 
il  diffère  elTentiellement  par  fa  faveur  ftiptique  &  fa 
folubilité  dans  l'eau  ,  &c.  Nous  ne  craignons  pas 
d'avancer  que  Valun  de  plume  du  commerce ,  ii  com- 
mun en  Saxe  &:  en  Suéde  ,  n'eft  autre  chofe  qu'un 
asbefte  fibreux  &  folide  ;  quelquefois  aullî  ce  n'efl 
qu'un  gypfe  à  ftries  folides.  Voyez  Ashcfie  ,  Gypfc 
ifl  faux  Ashefîe. 

On  trouve  aufîî  de  Valun  naturel  ou  vierge  ,  & 
criflalUfé  en  o£laedre,  à  Gravel  en  Bohême. 

\Jalun  dont  on  fait  ufage  dans  le  commerce,  varie 
de  nom  ,  fuivant  les  divers  procédés  que  Ton  emploie 
pour  le  préparer,  &  les  matières  dont  on  fe  fert  : 
on  a  Xalun  rouge  ou  le  romain  ou  le  citronné^  Valun 
fucré^   Valun  brûlé  ou  calciné. 

L'Angleterre,  l'Italie,  la  Suéde,  la  Flandre  &  la 
France  ,  font  les  principaux  endroits  où  l'on  fait  Valun  , 
nommé  alun  de  roche  ou  de  glace ,  parce  qu'il  eft  crif- 
tallifé  en  grofles  mafTes.  On  en  prépare  en  France 
proche  les  montagnes  des  Pyrénées.  Il  y  en  a  une 
veine  courante  fur  terre  dans   la  Viguerie  de  Prade& 


150  A    L    U 

en  RcufîîîîonJ  qui  a  depuis  une  toîfe  jufqu'à  quatre 
de  largeur ,  dans  une  longueur  de  près  de  quatre 
lieues  ,  &  qui  efl:  abondante.  Il  y  a  aufli  une  mine 
^alun  à  Andrarum  en  Scanie  ;  c'eft  un  fchifle  alu- 
mineux. 

Dans  un  canton  de  la  Sibérie  on  trouve ,  dit  M, 
Gmdln ,  un  rocher  dur  ,  compofé  d'ardoife  alumi- 
neufe  ,  dans  les  fentes  duquel  il  fe  forme  un  alun 
jaune ,  gras ,  mou  ,  en  forme  de  ftaladite  ;  on  le 
nomme  heurn  d?,  pierre  ;  on  l'emploie  dans  le  pays 
contre  le  cours  de  ventre.  C'eft  le  kamina  -  mafia. 
Voyez  ce  mot, 

Valim  de  Rome  fe  trouve  aux  environs  de  Clvita^ 
'  Vecchla  :  on  le  retire  d'une  forte  de  pierre  blanche , 
înfipide ,  farineufe ,  cependant  un  peu  compare  ,  de 
nature  argileufe  ,  &  qui  contient  du  foufre  en  na- 
ture :  on  la  fait  d'abord  calciner  fortement ,  pour  en 
dëcompofer  le  foufre  ;  le  phlogiftique  du  foufre  ,  qui 
efl  fon  principe  inflammable  fe  détruit ,  &  l'acide  vi- 
triolique  qui  y  étoit  combiné  devient  un  fel  fluor 
qui  réagit  fur  la  terre  argileufe  &  la  difpofe  par 
combinaifon  à  l'alunation  :  on  la  met  enfuite  en  tas 
à  l'air  libre ,  ayant  foin  de  l'arrofer  d'eau  jufqu'à  ce 
qu'elle  s'exfolie  ;  en  cet  état  elle  boit  l'humidité  , 
elle  fe  gonfle  peu  -  à  -  peu ,  elle  tombe  en  effloref- 
cence  ,  alors  Valun  s'eft  formé.  On  met  la  pâte  dans 
l'eau ,  on  en  diflbut  le  fel ,  on  fait  évaporer  ;  &  là 
diflblution  donne  àes  criflaux  affez  tranfparens ,  d'un 
rouge  pâle  :  il  faut  obferver  que  ces  criflaux  ^alun 
n'auroient  aucune  teinte  ^  fi  la  leffive  eût  été  bien 
épurée. 

En  Italie  ,  dans  le  lieu  qu'on  nomme  Soufrières  ou 
la  Solfatare  ,  on  retire  du  foufre  &  de  Valun.  Il 
s'élève  de  ce  terrain  beaucoup  d'exhalaifons  enflam- 
mées :  Valun  paroît  fur  la  terre  en  efflorefcence  :  on 
le  recueille  avec  des  balais  ;  &  par  voie  de  difl^olu- 
Cion  6c  d'évaporation  ,  on  le  réduit  en  crifl:aux. 


A  L  U  A  L  Y  231 

Vatuft  employé  avec  prudence  eft  un  excellent 
aftringent  dans  les  hémorragies.  Les  Enlumineurs  , 
&  notamment  les  Teinturiers  ,  font  un  grand  ufage 
de  cette  fubftance  :  ils  font  tremper  leurs  étoffes  dans 
à^s  eaux  alumineufes ,  pour  les  difpofer  à  recevoir 
&  retenir  certaines  couleurs  :  elles  augmentent  même 
la  vivacité  des  couleurs ,  com.me  on  le  voit  dans  la 
cochenille  &  dans  la  graine/  d'écarlate,  \Jalim  efl  em- 
ployé à  clarifier  les  liqueurs  :  on  en  fait  ufage  dans 
les  fabriques  de  fucre  ,  à  caufe  de  cette  propriété  : 
on  en  met  auiîi  dans  l'eau- de- vie  ,  ou  autres  liqueurs 
dans  iefquelies  on  garde  les  animaux  ,  afin  de  leur 
conferver  leurs  couleurs.  On  s'en  fert  encore  pour 
deffaler  la  morue. 

\Jalun  brillé  efl  celui  qui  a  été  calciné  :  il  fe  pul- 
vérife  aifément ,  &  efl  cauflique.  Les  Afiatiques  s'en 
fervent  pour  confumer  les  chairs  ,  ou  pour  en  ab- 
forder  l'humidité  &  les  deffécher.  Ailleurs  on  en  met 
fur  du  linge  pour  empêcher  la  puanteur  des  aiflelles 
&  des  pieds. 

Ualun  fucri  efl  de  Valun  ordinaire  ,  cuit  en  con- 
fiflance  de  pâte  avec  des  blancs  d'œufs  &  de  l'eau 
de  rofe.  Cette  pâte  refroidie  acquiert  la  dureté  du 
fucre  :  on  lui  donne  la  forme  de  petits  pains  de  fucre 
de  la  hauteur  de  deux  pouces.  On  emploie  cette  pâte 
comme  cofmétique  ,  &  l'on  prétend  que  des  Dames 
Angloifes  en  font  ufage  pour  donner  plus  de  fermeté 
à  la  peau. 

ALUN-CATIN.    Voyei  à  r article  SoUDE. 

ALYSSON  DE  MONTAGNE,  Alyjfon  montanum  ,  Linn; 
^oy  :  Alyjfon  fruticofum ,  incanwri  ,  Tourn.  Infl.  217: 
Thlafpi  montanum  luteum ,  J.  B.  Plante  vivace  qui  croît 
naturellement  fur  les  montagnes  de  la  Suiffe.  Ses  tiges 
font  nombreufes ,  longues  de  fix  à  huit  pouces,  cou- 
chées &  diiFufes ,  perfiflantes  l'hiver.  Ses  feuilles  font 
lancéolées,  obtufes,  blanchâtres,  parfemées  de  points 
blancs  :  les  inférieures  courtes  &  fpatulées.  Ses  fleurs 


îjî  A    M    A 

font  jaunes  ",  compofées  de  quatre  pétales  dîrpofés 
en  croix.  Il  fort  du  calice  un  piftil  qui  devient  dans 
la  fuite  un  fruit  aflez  petit,  relevé  en  bofle  &  par- 
tagé en  deux  loges  par  une  cloifon  qui  efl  parallèle  aux 
portions  qu'elle  divife  ;  ce  fruit  renferme  des  femences 
arrondies.  ValyJJon  eft  apéritif  &  propre  contre  la  rage. 
On  didingue  plufîeilrs  autres  efpeces  ^alyjfons, 
AMADIS.  Nom  que  les  Curieux  donnent  à  une 
coquille  univalve  des  Indes ,  &  de  la  famille  des  Cor~ 
nets.  Voyez  ce  mot. 

AMADOUVIER.  Efpece  d'agaric  qui  vient  fur  le 
bouleau  &  fur  le  chêne.  On  en  fait  l'amadou.  Voye^ 
a.  la  fuite  de  f article  AGARIC  DE  ChÊNE. 

AMANDAVA.  Voye^  Bengali. 

AMANDE    d'AndOS.     Voye^    à  la  fuite    du    mot 

Coco. 

AMANDIER  ,   Amygdalus    communis  ,  Linn.  677* 
Arbre  à  fleurs  blanches  en  rofe  ;   il    s'élève    jufqu'à 
vingt-cinq  pieds  de  hauteur.  S^s  feuilles  font  longues  , 
étroites  ,  pointues  ,  dentelées  ,  pétiolées ,  rangées  al- 
ternativement fur  les  jeunes  branches  ;  fes   fleurs   or- 
nent les  premières  nos  champs  ;    elles   font   ou  foli- 
taires  ou  deux  à  deux ,  prefque  fefïïles  ,  minces  &  très- 
blanches  ,  piu-purines  à  leur  bafe.  Son  fruit  efl  ovale , 
aplati  fur  les  côtés  ;  fa  robe  efl    \m  brout    médio- 
crement épais  ,  ferme ,  coriace  ,  d'un  mauvais  goût  ; 
elle  recouvre  un  noyau  ligneux ,  perforé  &  fillonné  ; 
ce  noyau ,  vulgairement  appelé  coque  ,    efl  plus  ou 
moins  épais ,  mais  fragile  ;  il    renferme  une    amande 
oblongue ,  blanche  en  dedans ,  d'une  faveur  douce  ou 
amere  ,  félon  les  variétés  de  cet  arbre  dont  elle  provient  : 
le  bois  de  Vamandier  efl  très-dur  ,  &  a   quelquefois 
de  belles  couleurs.  On  fait  ufage  de  deux  efpeces  de 
fruits  ^amande  douce  ;  l'un  a  la  coque  mince  &  très- 
fragile  ,  &  a  en  quelque  façon  l'odeur  de  violette  (  c'efl 
ce   qu'on  appelle  amande  princeffe  )  ,  Amygdalus  dulcis 
putamine  moUiorc  :  l'autue  a  la  coque    plus  épaiffe  & 


A    M    A  i-Jl 

fins  dure  J  Zimygdalus  fativa  fruciii  ma] on ,  C.  B.  Pin. 
441  ,  Tourn.  627. 

U amandier  fe  plaît  dans  un  terrain  fec  &  chaud  ; 
la  plupart  de  nos  Provinces  font  trop  froides  ,  pour 
que  les  amandes  y  mùriflent  parfaitement  ;  aufli  ne 
font-elles  point  bonnes  à  conferver  feches  ,  mais  elles 
font  excellentes  à  manger  vertes.  Les  bonnes  amandes 
viennent  de  Barbarie ,  de  Provence ,  de  Languedoc  , 
de  Touraine  &  d'Avignon  :  les  amandes  de  ce  pays-ci 
font  préférables  à  celles  de  Provence  ,  pour  femer  dans 
les  pépinières  &  en  former  des  fujets  qui  font  d'un 
très-grand  ufage.  Voici  la  meilleure  manière  de  les 
multiplier  :  fi-tôt  c\\\e  les  amandes  font  parvenues  à 
leur  maturité  ,  on  les  met  par  lits  avec  du  fable  ; 
elles  germent  pendant  l'hiver.  On  les  met  en  terre 
au  printemps  ,  après  en  avoir  rompu  le  germe  ;  par 
ce  moyen,  au  lieu  qu'elles  ne  produifent  ordinaire- 
ment qu'un  pivot ,  elles  forment  un  empâtement  de 
racines  ,  qui  fait  que  les  arbres  reprennent  plus  aifé- 
ment  lorfqu'on  les  tranfpîante. 

Il  y  a  un  petit  amandier  nain  ,  Amygdalus  nana  , 
Linn.,  fort  branchu  ,  haut  de  trois  à  quatre  pieds, 
&  dont  les  fleurs  d'un  beau  couleur  de  rofe  font 
très-propres  à  décorer  un  jardin  :  elles  viennent  une 
â  une ,  &  s'épanouiflfent  au  commencement  d'Avril  ; 
tous  les  rejets ,  de  même  que  la  principale  tige  ,  en 
lont  également  garnis  :  elles  donnent  des  amandes 
très-ameres.  Ce  petit  arbriffeau  croît  naturellement 
dans  diverfes  contrées  de  l'Afie. 

Il  nous  eft  venu  d'Alep  une  efpece  ^ amandier  ^  dont 
la  feuille  reffemble  à  celle  du  pourpier  ;  elle  eiî  cou- 
verte des  deux  côtés  d'un  duvet  fin  &  blanchâtre  , 
ce  qui  la  fait  paroître  fatinée  &  comme  argentée  ; 
aufîi  lui  a-t-on  donné  le  nom  à^ amandier  fatiné  ou  ar^ 
^entl  :  Amygdalus  orientalis  _,  foUis  argenteis  ,  fpl^^' 
dcntibus  ^  Diiham.  M.  le  Duc  de  Noailles  eft  le  pre- 
mier qui  a  fait  élever  cet  arbuile  dans  its   bofquets. 


a34  A    M    A 

Le  Père  Nicolfon  dit  qu'on  diftingue  aux  Ifles 
deux  efpeces  ^amandiers  ;  favoir  ,  X amandier  à  grandes 
feuilles  ,  &  V amandier  à  petites  feuilles  :  on  les  trouve 
tous  les  deux  dans  les  mornes,  &i  on  emploie  leur 
bois  indifféremment  dans  les  ouvrages  de  charron- 
nage  ,  fur-tout  pour  faire  des  roues  &  des  brancards 
de  voiture.  Cet  Auteur  (  Efai  fur  VHifl,  Natur.  de 
Saint  -  Domingue  )  dit  que  X amandier  de  cette  con- 
trée a  la  tige  haute  ,  droite ,  grofle  ,  très-branchue  ; 
répiderme  brun  ,  écailleux  ;  l'enveloppe  cellulaire  , 
blanche,  d'un  goût  acre  &  d'une  odeur  d'amande 
amere  ;  fon  bois  ,  quoique  léger  &  filandreux  ,  efl 
dur  ;  fes  feuilles  font  terminées  par  une  pointe  or- 
dinairement tronquée  ,  affez  femblable  à  celles  du 
laurier  ;  fes  fleurs  petites  ,  blanches  ,  croifTant  par 
bouquet  le  long  des  petits  rameaux  ;  fon  fruit  de  la  forme 
d'un  gland  couvert  d'une  pellicule  d'abord  verte,  en- 
fuite  violette  &  enfin  noirâtre. 

Les  amandes  d'Europe  ou  vidgaires ,  fe  fervent  fur 
îa  table  dans  les  defferts ,  foit  vertes  ,  foit  feches  ; 
elles  offrent  un  aliment  d'une  faveur  qui  plaît  affez  gé- 
néralement ;  elles  contiennent  beaucoup  d'huile  ;  elles 
paffent  pour  être  nourriffantes  ;  mais  elles  font  de 
difficile  dîgeflion  ,  lorfqu'on  en  mange  trop.  On  en 
fait  avec  le  fucre  différentes  fortes  de  préparations  , 
comme  des  maffepains ,  des  macarons.  On  confît  les 
amandes  vertes  &  entières  comme  les  abricots  verts  ; 
îorfqu'elles  font  mûres  &:  feches ,  on  en  fait  du  nougat , 
à.^s  dragées  ,  des  pralines ,  &c.  On  retire  des  amandes 
douces  ,  en  les  pilant  peu-à-peu  avec  de  l'eau  ,  une 
liqueur  laiteufe ,  douce ,  agréable  au  goût  ,  dont  les 
particules  aqueufes  &  huileufes  font  unies  par  le  moyen 
des  fels.  Cette  liqueur  fe  décompofe  comme  le  lait; 
&  on  en  peut  tirer  une  fubilance  butireufe. 

Les  amandes  confervées  trop  long- temps  deviennent 
rancos  par  Fcvaporation  de  la  partie  aqueufe.  A  quel- 
que ufage  qu'on  emploie  les  amandes  ,  il  en  faut  tou- 


A    M    A  23  f 

Jours  ôter  la  pellicule  jaune ,  qui  contient  une  poui- 
ûere  réfineufe  6c  acre  qui  irrite  le  gofier. 

On  en  fait  une  èmulfion  Ibus  le  nom  ^^ amande 
ou  de  lait  d^ amande  ,  en  pilant  des  amandes  douces  ^  en 
y  verlant  peu-à-peu  du  petit-lait  ou  de  la  décoftioiî 
^or^e  ,  &  y  ajoutant  un  peu  de  ûicre.  Ces  émul- 
fions  font  propres  dans  Tardeur  d'urine  ,  les  fièvres 
ardentes  ,  rinflanimation  des  reins  ou  de  la  veiîie  , 
les  dyflenteries  &  hémorragies.  Si  dans  une  livre  de 
lait  d'amande  un  peu  épais  l'on  fait  fondre  fur  le  feu 
deux  livres  de  fucre ,  l'on  aura  alors  le  firop  d'orgeat 
que  ^on  aromatii'e  quelquefois  avec  l'eau  de  fleurs 
d'orange. 

L'huile  tirée  par  expre/îîon  ^amandes  douces  & 
récentes  ,  &  mêlée  avec  quelque  firop  pe£loral  , 
adoucit  l'acrimonie  des  humeurs  ,  &  amollit  les 
fibres  endurcies.  Elle  eft  utile  dans  l'ardeur  ,  la  fup- 
preffion  d'urine ,  les  coliques ,  ôi  la  aéphrétique  ;  elle 
facilite  l'expeéloration.  Cette  huile,  appliquée  chaude  à 
l'extérieur,  amoUit  les  duretés. 

Suivant  M.  Bucquzt ,  l'huile  qu'on  tire  fans  feu  par 
exprefîîon  des  amandes  douces  ,  lorfqu'elle  eft  récente, 
efl  verdâtre  &  trouble  ,  parce  que  l'effort  de  la  preffe 
a  fait  couler  avec  l'huile  une  certaine  quantité  dé 
mucilage  qui  s'y  tient  fufpendu  ,  &  en  altère  la 
tranfparence  ;  mais  en  vieilliflant  l'huile  devient  plus 
claire.  Elle  perd  fa  faveur  douce  ,  &  en  acquiert  une 
acre  &  défagréable  ;  on  dit  alors  qu'elle  efl  devenue 
rance.  Cette  rancidité  eft  produite  par  la  matière  mu- 
cilagineufe  dont  l'acide  fe  développe  par  un  commen-  ' 
cément  de  fermentation.  On  obier ve  que  les  huiles 
graffes  ranciiTent  d'autant  plus  facilement  qu'elles  font 
plus  fluides.  Celle  ^amandes  douces  ,  qui  conferve  fa 
fluidité  jufqu'à  dix  degrés  au-deffous  du  terme  de 
congélation  de  l'eau ,  félon  le  thermomètre  de  M.  de 
Rêaumur ,  rancit  très-promptement ,  tandis  que  celle 
d'olives  ,    qui  fe  gelé  à  dix  degrés  au-deffus  de   ce 


i3«  A    M    A 

même  terme,  ne  rancit  qu'après  troîs  ou  quatre  ans  J' 
&  que  celle  de  Ben  ,  qui  eft  prefque  toujours  figée  , 
fe  conferve  douze  années  ,  &  même  plus ,  fans  s'al- 
térer ;  efTet  qui  dépend  de  ce  que  l'état  de  fluidité  eft 
pkis  favorable  à  la  fermentation. 

y  amandier  amer ,  Aniygdalus  amara  ,  ne  diffère  Açs 
précédens  que  par  l'amertume  de  fes  fruits; la  coque 
ou  robe  eft  plus  dure  que  celle  des  amandes  douces  ; 
on  fait  ufage  de  fes  amandes  comme  des  précédentes. 
On  a  cru  long-temps  que  l'huile  d'amandes  ameres 
etoit^plus  réfolutive  que  celle  d'amandes  douces  ;& 
on  l'employoit  peu  intérieurement ,  à  caufe  de  la 
trop  grande  amertume  qu'on  lui  fuppofoit.  Mais  des 
expériences  récentes  ont  fait  connoître  que  l'huile 
d'amandes  ameres  ne  diffère  point  de  celle  des  amandes 
douces ,  attendu  que  l'amertume  ne  réfîde  que  dans 
la  partie  extraélive  qui  ne  fe  mêle  point  avec  l'huile 
pendant  l'expreiSon.  Cette  huile  enlevé  les  taches  du 
vifage  qui  viennent  du  foleil  ;  étant  mêlée  avec  de 
l'huile  d'œuf ,  elle  peut  empêcher  les  marques  de  la 
petite  vérole. 

Les  amandes  ameres  occafionnent  aux  oifeaux  &  à 
la  plupart  des  autres  animaux  ,  des  convulfions  mor- 
telles ,  excepté  à  l'homme  ;  effet  qu'il  faut  attribuer  à 
la  grande  fenfibilité  des  fibrilles  nerveufes  de  l'eflomac 
de  ces  animaux. 

Amandier  du  Cap  de  Bonne- Efpérance,  On  lit  dans 
les  éphémérides  des  Curieux,  qu'il  croît  au  Cap  de 
Bonne-Efpérance  un  arbre  qui ,  ainfi  que  fon  amande  , 
efl  une  des  plus  belles  produftions  qui  fe  voient  dans 
le  pays.  Cette  amande  efl  plus  petite  que  les  amandes 
ordinaires  :  fa  forme  efl  recourbée  &  terminée  à  1' 


une 


de  fes  extrémités  par  une  efpece  de  mamelon.  Ce 
qui  fait  principalement  la  beauté  &  la  finguîarité  de 
ce  fruit ,  c'eft  que  fa  peau  extérieure  efl  revêtue  d'un 
duvet  fi  bien  tifTu  ,  qu'on  pourroit  le  comparer  aux 
plus  belles  étoffes  de  foie  ,  fous  cette   première  en- 


A    M    A  257 

veloppe  eft  une  coque  médiocrement  dure ,  qui  con- 
tient une  petite  amande. 

AMANITE ,  Amanita,  Nom  donné  par  des  Bota- 
niftes  à  un  genre  de  plante  ciyptogame  ,  de  la  fa- 
mille des  Champignons  ,  &  qui  comprend  un  affez 
grand  nombre  d'efpeces  qui ,  en  général  ,  font  d  une 
lubilance  molle,  tendre  &  charnue,  &  fouvent  font 
teintes  d'affez  belles  couleurs.  Les  Amanites  que  Z/Vz- 
nœus  a  défignés  par  le  mot  agaric ,  ont  un  chapeau 
orbiculaire  ,  fitué  horizontalement  en  parafol ,  fur  un 
pédicule  plein  ou  fiftuleux  qui  s'infère  dans  fon  cen- 
tre ;  la  furface  fupérieure  de  ce  chapeau  eft  lifle  , 
quelquefois  tannée  ;  &  l'inférieure  eil  doublée  de  lames 
plus  ou  moins  égales  entre  elles,  qui  divergent  du  centre 
â  la  circonférence  en  manière  de  rayons  dans  plufieurs 
efpeces  de  ce  genre.  La  coiffe  (  volva  )  qui  enve- 
îoppoit  le  chapeau  dans  la  jeunefTe  de  la  plante ,  laifTe 
fouvent  fur  le  pédicule  ,  après  l'épanouiflement  com- 
plet du  chapeau,  une  portion  de  fes  dépouilles  ;  & 
alors  ce  pédicule  paroît  muni  d'une  forte  d'anneau 
aflez  remarquable  ;  ce  qui  fournit  un  moyen  de  dif- 
tinguer  ces  efpeces  de  celles  qui  ont  leur  pédicule  nu. 
Parmi  les  Amanites  il  y  a  des  efpeces  à  fuc  laiteux  , 
&  d'autres  non  laiteufes  :  on  trouvera  à  l'article  Ckam-^ 
pignon  la  lifte  de  la  plupart  des  Amanites  (  Agarics  de 
Linnœus  ). 

AMAPA.   Voyei  Mapas. 

AMARANTHE  ,  Amaranthis,  Plante  anmielle  très- 
belle  à  voir  ,  &  dont  on  diftingue  plufieurs  efpeces  ou 
variétés  :  il  y  a  Vamaranthe  blette ,  Vamaranthe  verte  &c 
à  épi  ;  Vamaranthe  variée  ,  Vamaranthe  crêtée..^  Vama- 
ranthe jaune  ,  Vamaranthe  blanche ,  Vamaranthe  à  feuilles 
étroites  ,  Vamaranthe  trifle  ,  Vamaranthe  épinzufe  ou  Brede^ 
Vamaranthe  enfanglantée ,  V amarante  en  queue  ,  &c, 

Amaranthe  en  queue  ou  Passe-velours  ,  Ama- 
ranthus  caudatus  ^Unn,  1406.  Ceft  une  plante  qui  fait 
i'çrnçmçnt  dçs  jardins  depuis  le  mois  d'Août ,  jufqu'à  U 


238  A    M    A 

fin  de  raiitomne  ;  elle  eft  originaire  de  Perfe  &  du  Pérou  ; 

elle  poulie  une  ti2;e  d'un  à  deux  pieds  de  haut  ,  droite , 
branchue ,  rougeatre ,  &c  garnie  de  feuilles  alternes  , 
larges  ,  pointues ,  rougeâtrcs  dans  les  bords ,  &  vertes 
dans  le  milieu.  Ses  fleurs  font  terminales  ,  ovales  / 
difpofées  en  épis  ferrés  &  paniculés  ,  longs  ,  pen- 
dans ,  &  reiTemblent  à  un  panache  cramoifi  ou  pour- 
pre ,  ou  jaune  doré  :  elles  iont  compofces  chacune  de 
plufieurs  feuilles  difpofées  en  rofe.  (  M.  Dcku^c  ob- 
ferve  que  ce  qu'on  prend  ici  pour  la  fleur ,  ou  pour 
parler  plus  exadement ,  pour  la  corolle ,  n'efl:  que  le 
calice  qui  efl:  ordinairement  coloré  &:  compcfé  de 
trois  ou  cinq  feuilles.  Il  y  a  fur  l'épi ,  dit-il ,  des  fleurs 
mâles  ;  elles  ont  cinq  étamines  ,  &  des  fleurs  femelles  : 
celles-ci  ont  trois  piflils  ).  Le  fruit  efl:  de  figure 
ronde  ,  &  s'ouvre  en  travers  comme  une  boîte  à 
favonnette  ;  chaque  capfule  ne  renferme  qu'une  graine 
arrondie  ou  lenticulaire  &  luifante.  Il  faut  en  femer 
la  graine  ,  qui  efl  petite ,  fur  couche ,  dans  le  mois 
d'Avril ,  &  les  planter  en  motte  vers  le  mois  de  Juin  ; 
elles   demandent  beaucoup  d'eau. 

Vamaranthc  variée  &  appelée  tricolor  ^  efl  originaire 
des  Indes  ,  &:  reniarquable  par  its  feuilles  nom- 
breufes  ,  rayées  d'écarlate  ,  de  jaune  &:  de  vert  : 
outre  cette  bigarrure  des  feuilles  ,  qui  paroît  acci- 
dentelle ,  Vamaranthe  tricolor  fe  diflingue  ,  parce  que 
fes  fleurs  font  axillaires,  difpofées  par  pelotons  ver- 
dâîres,  qui  entourent  la  tige  5  5c  que  les  fleurs  mâles 
n'ont  que  trois  étamines. 

On  conferve  la  graine  ^amarantkt  dans  At%  boites 
pendant  l'hiver ,  ou  plutôt  on  garde  la  t;ae  feche  dans 
la  ferre  ;  &  après  que  les  fortes  gelées  font  pafl'ées , 
on  l'égrené  pour  la  femer.   Voye^  Jalousie. 

Les  AxMARANTHiNES  ,  Gomphrma  ,  que  l'on 
cultive  dans  les  jardins  ,  font  des  eipeces  à'amaranthes 
à  feuilles  non  panachées  j  mais  velues ,  comme  coton-; 


neiifes. 


A    M    A  239 

AMARILLIS.  Nom  d'un  joli  papillon  de  jour,  qui 
ne  marche  que  fur  quatre  pieds  6c  qui  vole  le  long 
des  prairies  6c  des  bois.  Il  paroît  au  mois  de  Juillet  : 
fon  fond  de  couleur  efl  un  beau  jaune  -  fauve ,  glacé 
de  brun  à  la  naifî'ance  des  ailes  près  du  corps.  Le 
bord  des  ailes  offre  une  large  bande  brune.  Le  mâle 
a  feul  au  milieu  de  l'aile  fiipérieure  ,  une  bande  tranf- 
verfale  brune.  Vers  l'angle  de  cette  aile ,  il  y  a  un  œil 
ovale  à  deux  prunelles  blanches.  Le  deflbus  des  ailes 
fupërieures  eft  conforme  au  deffus  ;  fous  les  ailes 
inférieures ,  la  couleur  eil  brune  avec  des  ondes  d'un 
blanc  cendré  :  on  y  diilingue  deux  très- petits  yeux. 
Sa  chenille  eu  d'un  vert  obfcur ,  avec  une  bande  lon- 
gitudinale 5  rougeâtre  de  chaque  côté.  Elle  n'efl  point 
épirieufe ,  mais  fa  partie  poflérieure  eil  terminée  par 
deux  pointes  en  forme  de  cornes  :  elle  fe  nourrit  de 
gazon  dans  les  prés  &  dans  les  bois.  On  la  trouve 
vers  la  un  du  printemps.  Sa  chryfalide  fe  fufpend  par 
la  queue.  Elle  eu  de  couleur  grisâtre ,  avec  quelques 
taches  brunes.  UAmariUis  a  été  décrit  par  M.  Geoffroi^ 
Tom,  II.  pag,  52.  n^,   20. 

AMARYLLIS.  Genre  de  plante  unilobée  de  la  famille 
des  Narcîjfes  ,  &  qui  comprend  des  efpeccs  remar- 
quables par  la  grandeur ,  la  beauté  &  l'odeur  agréable 
des  fleurs  qu'elles  produifent.  Il  y  a  des  amaryllis  uni- 
flores  &  multiflores.  Voyez  Nardjfc^  Lls-72arcijfe  ^  Lis 
de  Saint- Jacques  ,  &:c. 

AMATOTE  5  Amatotus.  On  a  décrit  &  caradérifé 
fous  ce  nom  un  genre  de  vermiculaire  ou  de  tubu- 
laire  dont  l'animal  a  le  corps  conique ,  coupé  d'an- 
neaux, &:  dont  environ  la  moitié  a  de  chaque  côté 
un  mamelon  armé  d'une  pointe  ;  &  l'autre  moitié  , 
qui  efl  l'inférieure  ,  a  des  mamelons  latéraux  fans 
pointes  &  plus  petits  ;  la  tête  ell:  fufceptible  de 
s'alonger  &  de  fe  contrafter.  Ce  tu^/au  ,  qui  a  un 
opercule,  eft  prefque  c^^lindrique ,  membraneux,  ou- 
vert à  ie^  extrémités  &  recouvert  de  fables  6c  de 


^40  A    M    A 

petites  coquilles  ;  l'animal  y  eu  ordinairement  placé 
dans  une  fituation  renverfée  ,  &:  le  tuyau  eft  enfcacé 
en  grande  partie  dans  le  fable ,  fur  la  plage  de  la 
mer.  Mémoires  des  Savans  Etrangers,  M.  Gucttard  place 
ïamatotc  dans  la  claiTe  des  Tuyaux  marins ,  &  en  fait 
le  fécond  genre.  Voyez  le  troifieme  volume  des  Mé- 
moires fur  différentes  parties  des  Arts  &  Sciences ,  page 
6  5 .  Voyez  aufTi  l'article  Coralline  de  ce  Didionnaire , 
où  il  efl  parlé  des  fcolependres  de  mer  _,  qui  conjîruifent 
des  coraux  tuhuleux, 

AMAZONE  5  PJitaccus  ama^onicus.  Nom  donné  par 
les  Oifeliers  à  des  perroquets  d'efpeces  différentes ,  qui 
appartiennent  aux  contrées  méridionales  &  les  plus 
chaudes  du  nouveau  Continent  ;  mais  la  plupart  iont 
apportés  des  pays  qu'arrofe  la  rivière  des  Amar^ones, 
Ces  perroquets  ont  la  queue  courte  ,  &  font,  en  gé- 
néral ,  affez  grands  ;  ils  font  moins  communs  ,  plus 
grands  ,  plus  beaux ,  d'un  plumage  plus  brillant  &  mieux 
luflré  que  les  criks  qui  habitent  aulîi  les  mêmes  con- 
trées ;  ces  derniers  n'ont  pas  de  rouge  au  fouet  de 
l'aile ,  alarum  cojld  fupernl  ruhente  ,  comme  en  ont  les 
amazones. 

Les  amû^oms  ,  ainfi  que  les  autres  perroquets ,  font 
leurs  nids  dans  des  troncs  de  vieux  arbres ,  pondent  deux 
fois  par  an  ;  la  couvée  efl  de  deux  œufs  ;  le  mâle  & 
la  fcrnelle  partagent  alternativement  les  foins  de  l'in- 
cubation. Ces  oifeaux  nichent  près  les  uns  des  autres, 
volent  en  bandes  nombreufes ,  fe  perchent  furies  mêmes 
arbres  ,  fe  nourriffent  des  fruits  à^avoure ,  (  ou  à^aavora  ) 
de  conana  fauvage  qui  croiffent  dans  les  favanes  ,  de 
ceux  des  gommiers  élafliques  &  des  bananiers  ,  &c.Lorf- 
qu'ils  font  raffafiés ,  ils  voltigent  &  fautent  fans  ceffe 
d'arbre  en  arbre  ,  en  faifant  un  caquetage  continuel. 
Ils  fe  tiennent  le  matin ,  au  lever  du  ibleil ,  fur  les  bran- 
ches dénuées  de  feuilles ,  &  y  reilent  jufqu'à  ce  que 
la  chaleur  ait  diflipé  la  rolée  ,  qui ,  pendant  la  nuit , 
«  humecté  leurs  plumç§.  Alors  ils  partent  tous  en- 

femblc 


A    M    A  24 î' 

fembîe,  en  pouffant  un  cri  général,  lequel  fe  fait  en- 
tendre de  fort  loin.  Les  amaiones  font  en  général  affez 
fauvages  &  fujets  à  mordre  ;  pris  très-jeunes,  ils  ap- 
prennent à  parler  trè^-nettement. 

Amazone.  Oifeau  indiqué  &  rangé  par  Lin- 
nczus  au  nombre  des  Ortolans  ;  le  deiTus  de  la  tête  efl 
fauve  ;  les  couvertures  inférieures  dés  ailes  blanchâtres, ^ 
le  refle  du  plumage  brun  :  il  fe  trouve  à  Surinam. 
Llnnceus  le  défigne  ainii  :  Emherïr^a  fufca  vcrdce  fulvo  , 
crïjfo  ,  albïdo  ,  Ama^ona  ,  Sy^,  Nât.  éd.  XII,  p,  311, 
n.^  15. 

Amazone  a  tête  blanche  ,  Tfitaccus  teucocepJmlos* 
Ce  perroquet  fe  voit  fouvent  chez  les  Oifeîiers  de  Paris. 
Il  y  en  a  deux  variétés  ,  &  qui  différent  très  -  peu 
Tune  de  Tautre.  La  première  efl  le  perroquet  de  la 
Martinique  ^  de  M.  Briffon  ;  c'eft  le  perroquet  à  tèt& 
Manche  ,  ^Edward,  La  deuxième  eft  le  perroquet  à  gorgé 
rouge  de  la  Martinique  ,  de  M.  Brijfon  ;  c'eft  le  perroquet 
d'Orénoque,  de  Barrere  ;  le  perroquet  de  la  Martinique,  des 
pi.  enL  5  49.  Ceft  certainement  par  erreur  que  la  pre- 
mière variété  a  été  repréfentée  dans  les  pL  enl.  n.° 
3^5,  fous  le  nom  de  perroquet  à  front  blanc  du  Sé- 
négal. Cette  dénomination  efî:  impropre  quant  au  pays 
QÙ  fe  trouve  ce  perroquet.  L'une  &  l'autre  variétés 
font  d'une  taille  médiocre  ;  il  y  a  une  barre  blanche 
fur  le  fommet  de  la  tête ,  au-delà  de  laquelle  il  y  a 
dans  une  variété  une  bande  bleuâtre  ;  la  plus  grande 
partie  du  plumage  eft  d'un  vert,  plus  ou  moins  foncé  ; 
fur  le  ventre  ,  entre  les  cuiffes ,  ell  une  plaaue  d'uri 
rouge  de  pourpre  plus  ou  moins  obfcur;  au  lieu  que 
le  bas  des  joues ,  la  gorge  &  le  devant  du  cou  font 
d'une  nuance  rouge ,  douce  ou  incarnate  ;  les  grandes 
pennes  des  ailes  font  bleuâtres  ,  avec  du  rouge  fur 
le  fouet  de  l'aile.  Les  pennes  de  la  queue  font  d'un 
vert  jaunâtre  ,  mais  teintes  d'un  rouge  pkis  ou  moins 
vif  dans  le  milieu  de  leur  longueur  ;  le  bec  efl  d'une 
couleur  de  chair  pâle  ;  les  picd^  d'un  brun  pUis  ou 
Tome  /,  Q 


-i^t^  A    M    A 

iTibins  roufTâtre,  Se  les  ongles  noirs.  Ces  perroqiKts 
retiennent  facilement  un  très-grand  ncnibre  de  mots 
6l  les  articulent  très-difliniftemcnt  ;  leur  voix  tÛ  même 
2 fiez  douce  en  parlant;  mais  leur  cri  naturel  eu 
aigre  &-i  très-fort  :  au  rcfle  ils  ne  crient  pas  très-fou- 
vent  ;  on  en  voit  beaucoup  de  fort  doux ,  6c  ils  pa- 
roifient  en  général^  avoir  des  habitudes  fociales. 

Amazone  a  tête*  jaune.  Ceft  le  perroquet  ama^ 
^om  du  Bréfil ,  de  M.  Briffon ,  il  eft  à- peu-près  de  la 
taille  du  pigeon  rornaîà  ;  le  fommet  de  la  tête  efl 
jaune ,  le  relie  de  cette  partie  ,  la  gorge  &  le  cou  ont 
le  pkimage  vert  terminé  de  noirâtre  ;  les  plumes  du 
corps  font  d'un  vert  brillant  ,  mais  jaunâtre  fur  le 
ventre  ;  le  pli  de  l'aile  ef:  varié  de  jaune  &de  rouge  ; 
les  pennes  de  cette  partie  le  font  de  vert,  de  noir, 
de  bltu-violet  &  de  rouge  ;  la  queue  efl  compofée 
de  douze  plumes  dont  la  plus  externe  d-e  chaque  côté 
eft  rouge  à  fon  origine ,  enfuite  d'un  vert  foncé  ,  tl 
d'un  vert  jaunâtre  au  bout  ;  les  autres  plumes  de 
la  queue  ont  ces  deux  dernières  couleurs  ;  le  bec  efl: 
rouge  a  fa  bafe,  &  cendré  fur  le  refle  ;  l'iris  jaune; 
les  pieds  gris  &  les  ongles  noirs. 

M.  de  Ëuffon  fait  mention  de  deux  autres  amaiones, 
qu'il  ne  regarde  que  commue  deux  variétés ,  ou 
comm.e  des  efpeces  très-voifmes  de  Yar;mzone  à  têu 
jaune.  Le  premier  eft  le  perroquet  vert  &  rouge  de 
Cayenne ,  pL  enl,  312.  Les  François  établis  à  la  Guiane 
le  nomment  tantôt  ama^me  hâiard  ,  tantôt  dcmi-ama-' 
lo?ic  ,  parce  qu'on  croit  qu'il  eft  le  produit  d'un 
amazone  avec  un  perroquet  d'une  autre  efpece.  Ses 
teintes  font  bien  moins  vives  que  dans  X amazone  à 
tête  jaune  ;  le  fécond  ell  le  perroquet  ci  bec  varié  ^  de  M. 
BriJJcn  ;  les  côtés  du  demi-bec  fupcricur  font  de  cou- 
leur d'ccre ,  le  refte  d'un  bleu  verdâtre  ,  excepté  à  l'ex- 
trémité, qui  eft  traverf'j  par  une  bande  blanche;  le 
dcmi-bcc  inférieur  efl  jaunâtre  dans  fon  milieu  &  de 
couleur  ploirîbée  fur  (es  bords  ;  fon  plumage  eft  k 
même  que  celui  de  Vama:;cne  à  tête  jaune. 


A  M  A  A  M  B    .        243' 

Amazone  a  tête  rouge  du  Bréfil,  de  M.  Brijjhn. 
Les  Brafiliens  lui  donnent  le  nom  de  Tarahè  ;  il  tll 
un  peu  plus  grand  que  le  paragua  ;  la  tête  ,  la  poi- 
trine ,  le  haut  &  le  fouet  des  ailes  font  rou2;es  ;  le 
reile  de  fon  plumage  cil:  vert  ;  le  bec  &  k's  pieds 
font  d'un  cendré  obicur  ;  les  ongles  noirs.  Marcgrave, 
////?.  Nat,  DU  Brésil  ,  pag.  207  ;  Ruifch*  de  avlb^ 
p.    142;  Ray,  p.  33, 

AxMAZONE  JAUNE,  c'eil  \t  perroquet  jaunc^  de  M. 
Brijfcn  &c  des  pi.  mL  n.°  1 3 .  Cette  belle  efpece  de 
perroquet  ,  qui  eit  fort  rare  ,  a  un  pied  de  longueur 
totale  ;  tout  fon  plumage  efl  d'un  très-beau  jaune  , 
excepté  le  pli  de  l'aile  &  les  grandes  pennes  des 
pâles  &:  de  la  queue  qui  font  marquées  d'un  rouge  très- 
v'f  ;  l'iris  &  les  paupières  font  rouges  ;  le  bec  ,  \(ts 
pieds  &  les  ongles  font  blancs.  On  foupçonne  qu'il 
habite  le  Bréfil  ;  cependant  on  pourroit  préfumer  qu'il 
eft  naturel  au  Mexique ,  dans  la  partie  qui  avoifine  la 
Louifiane.  On  en  a  trouvé  un  ,  dans  cette  derniare 
contrée,  après  un  ouragan  furieux. 

A  M  B  A  I  B  A  de  Marcgrave  ou  B  o  i  s  A 
CANON  OU  Bois  trompette,  Urahifcba  Braf. 
Jaruma  Oviedl ,  Sloart.  Les  Caraïbes  donnent  le  nom 
^xAmbdiba  èc  celui  de  Coukkm  à  \\n  arbre  dont  on 
dillingue  deux  efpeces ,  le  franc  &c  le  bâtard.  Le  boh 
trompette  eil  \\n  arbre  de  moyenne  grandeur  :  on  le 
trouve  à  la  Guiane  ,  à  la  Jamaïque  ,  à  Saint-Dom^irigue, 
mais  nctamm.ent  au  Brcfil.  L'écorce  du  tronc  reiïembîe 
à  celle  du  figuier  ;  fcn  bois  très-poreux  efl  blanc  ,  ten- 
dre 5  rude  au  toucher ,  facile  à  fendre  :  le  tronc  efl 
fouvent  plein  de  nce^i.îs,  comme  articulé ,  &  toujours 
creux  dans  toute  fa' longueur:  on  s'en  fert  pour  faire 
des  gouttières  &  des  canaux  ;  il  porte  quelques  bran* 
ches  à  fon  fommct.  Ses  feuilles  qui  croiflènt  par  bou- 
quets à  l'extrémité  des  branches  font  grandes ,  ombi- 
liquées  ,  palmées  ,  larges  de  plus  d'un  ])ied ,  profondé- 
ment laciniées,  c'eil-à-dire  ^  découpées  en  lobes  ova- 

Q  ^ 


laires  par  rextrémitë.  La  feiiilk  eft  verte  en  defliis  ^ 
&  grilâtre  en  defTous.  Chaque  feuille  ell  aiTez  rude 
au  toucher,  &  eu  portée  fur  une  longue  queue  ver- 
dâtre.  Les  fleurs  font  dioïques ,  d'un  vert  clair ,  apétales. 
On  prétend  que  les  fleurs  font  en  chaton,  un  peu 
tétragones ,  &  pendent  à  un  pédicule  fort  coiu-t  au 
nombre  de  quatre  ou  cinq  ;  elles  ont  fept  à  neuf  pouces 
àe  longueur  :  il  leur  fuccede  des  amandes  qui  font 
bonnes  à  manger ,  les  Nègres  les  recherchent . 

Le  haut  du  creux  du  tronc  donne  une  efpece  de 
moelle  que  les  Nègres  mettent  fur  leurs  bleffures.  La 
pellicule  du  dedans  du  bois  étant  ratilTée ,  guérit  les 
chancres  s'ils  ne  font  pas  vénériens  ;  ils  difparoiifent 
au  bout  de  huit  jours  ,  en  renouvelant  l'ufige  de 
cette  poudre  matin  6c  foir.  Le  fel  fixe  que  donne  ce 
bois  eft  d'un  grand  fecours  pour  dégraiffer  &c  faire 
écumer  le  vin  des  cannes  à  fucre  :  peut-être  ,  félon 
Barrerc ,  pourroit-il  i'ervir  à  faire  du  verre  ,  du  favon , 
&  être  de  quelque  ufage  dans  le  blanchiifage  des  toiles. 
Les  J^méricains  fe  fervent  de  ce  bois  pour  allumer  du 
feu.  Pour  cela  ,  ils  pratiquent  un  petit  trou  dans  ce 
bois ,  &  ils  y  enfoncent  un  morceau  d'un  bois  dur  & 
pointu ,  qu'ils  font  tourner  avec  beaucoup  de  vîteile  ; 
cette  agitation  fufFit  pour  allumer  le  bois  de  Vambaïba 
ou  fa  racine ,  que  l'on  emploie  plus  particulièrement 
à  cet  ufage.  \Jamhaiha  diflille  ,  par  une  incifion  faite 
à  fon  tronc ,  une  liqueur  huileufe  aliringente.  On  at- 
tribue à  toutes  les  parties  de  cet  arbre ,  une  fi  grande 
quantité  d'autres  propriétés ,  que  les  hommes  ne  de- 
vroient  point  mourir  dans  un  pays  où  il  y  auroit  une 
douzaine  de  plantes  de  cette  efpece,  fi  on  favoit  en 
faire  ufage.  Mais  je  ne  doute  point,  ainfi  qu'il  efl  dit 
dans  l'Encyclopédie  ,  que  ceux  qui  habitent  ces  con- 
trées éloignées,  ne  portent  le  même  jugement  de  nos 
plantes  &;  de  nous,  quand  ils  lifent  les  vertus  mer- 
veilleufes  que  nous  leur  attribuons.  Vambaïba  eft  le 
^CouUkin  onibiliqué ,  Cecropia  peltata  ,  Linn.  ;  Ambaiba. 


A    M    B  24y 

^nmplijjimo  folio  digkato ,  caudlce  &  ramis  èxcavatis ,  Barr. 
Franc.  Equin.  lo:  Ficus  dacliloïdes  major  (  &  minor^^ 
folio  fuhtus  argenteo,   Pliim. 

AMBAÎTINGA.  Arbre  du  Bréfil,  que  Pifon  reoarde 
comme  une  féconde  efpece  ^ambaiba ,  Voyez  ce  mot. 
On  dit  que  fa  feuille  eil  d'un  vert  éclatant  au  fomniet 
&:  pâle  à  la  bafe ,  ^  qu'elle  eil  d'un  grain  fi  rude  en 
dtfTous,  qu'on  peut  s'en  fervir  comme"  de  lime  pour 
polir  le  bois.  Ses  branches  font  rougeâtres  ;  fon  bois 
efl  d'un  tiiTu  fort  ferré  ;  fon  fruit^  eft  large  ,  long 
comme  la  main ,  bon  &:  doux  au  goût.  On  tire  des 
petites  vefTies  qui  font  au  haut  de  Vamhaïdnga  une 
liqueur  huileufe ,  que  les  Indiens  effiment  être  un 
baume  précieux  pour  les  plaies  ,  les  humeurs  froides 
&  les  maux  d'ellom.ac.  Histoire  des  Plantes  de 
Ray. 

AMBALAM ,  Grand  arbre  qui  croît  aux  Indes ,  & 
porte  des  fruits  &  des  fleurs  deux  fois  l'an.  Le  fruit 
efl  rond ,  dur,  oblong  ,  jaune  quand  il  efl  mûr  :  il  con- 
tient une  amande  qwi ,  au  rapport  de  quelques  -  uns  , 
a  l'étrange  propriété  de  rendre  imbécille  pour  peu  qu'on 
en  mange  ;  fa  pulpe  efl  d'un  goût  aigrelet  agréable. 
Les  Naturels  du  pays  mêlent  le  fuc  de  ce  fruit  avec 
le  riz ,  &c  en  font  une  efpece  de  pain  qu'ils  nomment 
^pen.  Le  tronc  de  Vambalam  efl  très-gros;  fa  racine 
efl  longue  &  fîbreufe  ;  le  bois  lifTe  &:  poli  ;  l'écorce 
épaiffe  :  fes  branches  s'étendent  beaucoup  :  les  plus 
grandes  d'entr'elles  font  grisâtres  ;  mais  les  plus  pe- 
tites font  vertes  &  chargées  d'une  poudre  bleue.  Les 
feuilles  font  petites ,  irrégulieres ,  rangées  par  paires  , 
oblongues  ,  nerveufes  &  vertes.  Les  jets  des  grandes 
branches  portent  un  grand  nombre  de  fleurs  à  fîx  pé- 
tales ,  pointues ,  dures  &  luifantes.  Quand  les  boutons 
des  fleurs  viennent  à  paroître,  l'arbre  perd  fes  feuilles , 
&  n'en  pouffe  d'autres  que  quand  le  fruit  fe  forme.  Il 
efl  encore  digne  de  remarque  que  le  fruit  a  toute  ik 
furface  recouverte  de  filets  ligneux  &:  mobiles. 

Q3 


X46  A     M     B 

A  MB  ARE,  JmBarc  Indica,  Garz.  Acofl.  Trag.  E{îr 
un  grand  ce  g'"OS  arbre  des  Indes ,  dont  les  feuilles  ref- 
femblenî  à  celles  qu  noyer  ,  d'un  vert  agréable  ,  &C 
pai  ramées  de  belles  nervures  :  fcs  fleurs  Ibnt  petites 
ik.  blanch'.s;  ion  fruit  tH  de  la  grofilur  d'une  noix  , 
jaune  étant  mûr,  d'une  odeur  agréable,  ô'wn  goût  ai- 
^^relct,  ôc  plein  d'une  mcë'le  cartilagineufe  Oc  dure, 
parfemé  de  nervures  ;  on  le  confit  dans  le  fel  ^z.  le 
vinaigre,  ik.  on  s'en  fert ,  dit  Lcmcry  ^  pour  exciter 
lappciit  &  faire  couler  la  bile. 

AMBELA.    ^^oyci  Char A.AI Aïs. 

AJviBEl.  ANIEK  acide,  ÀnManïa  acida  ^  Aublet, 
HiH.  de  la  Guiane.  C'eit  le  pataverïs  des  Galibis,  le 
quunhkndmt  des  Créoles  :  petit  arbre  la'teux  dans 
toutes  fes  parties  ,  &:  qui  croît  dans  riile  de  Cayenne  ; 
fon  fruit  e/l  une  efpece  de  baie  charnue ,  ovale  , 
oblongue  ,  d\in  jaune  citron  ,  ww  peu  ridée  ,  chargée 
de  verrues  ,  partagée  en  deux  lo9,e5  &:  crui  contient 
des  femences  larges  ,  arrondies  &:  aplaties  :  ce  fruit 
eil  bon  à  manger  ;  on  le  dépouille  de  fa  peau  &  on 
le  fait  tremper  dans  l'eau  ;  ainfi  préparé  ,  il  a  un  goût 
acide  &  agréable,  il  adhère  aux  dents  &  aux  lèvres 
par  fa  vifcofité. 

AMBIA.  Nom  donné  à  un  bitume  Indien  ,  liquide 
&  jaunâtre ,  dont  l'odeur  approche  de  celle  de  la  réfme 
Tacamaque.  \Jambia  eft  une  efpece  de  fiiccin  liquide  ; 
on  s'en  fert  dans  le  pays  pour  guérir  la  gale. 

AMBIZE  ou  Truie  d'eau.  Voye?^  Poisson- Femme. 

AiMEOTAY.   Veyci^  Corossolier  à  petites  fleurs, 

AMEREADE.  Eft  l'ambre  jaune  faâice,  dont  on 
fe  fert  pour  la  traite  avec  les  Nègres.  Voyc\^  Ambre 

JAUNE. 

AMBRE  ELANC.  On  nomme  ainfi ,  mais  impro- 
prement,  le  blanc  de.  haleim.  Voyez  au  mot  BALEINE, 
à  la   fuite  de  l'article    Cachalot^   celui  de  Blanc   de 

BALEINE. 

Ambre  gris  ,  Ambra  grif<za  ,  fubflance  légère  qui 


.A     M   ,B  ,..i4t^ 

fiirnage  dans  l'eau ,  foîide  ,  opaque  ,  graïïe  ,  de  .couleur 
cendrée  ,  pàrfemée  de  petites  taches  blanches  ,  &  quel- 
quefois noirâtres,  odoriférante;  mais  dont"  l'odeur  fe 
développe  bien  pUis^  lorfqu'elle  éÙ.  mêlée  a  une  petite 
quantité  d'autres  aromates  ,  ainfi  qu'on  la  prépare  poûv 
les  parfums  &  eaux  de  fénteur.  Dans  fon  état  naturel-, 
le  bon  ainârc  gris  fe  rcconnoît  lorfqu'en  le  ratilTaiit 
avec  la  lame  d'un  couteau  ,  il  adhère  au  tranchant 
coîTime  la  cire;  il  garde' l'impreflion  des  ongles  ,  & 
celle  des  dents.  Son  odeur  cfl  très- forte  ,  &  d'autant 
plus  agréab'e  qu'il  ed  plus  ancien  ;  en  le  piquant  avec 


gle  ,  il  devient  lifTe  comme  Ic fayon  dur.  V ambré' gris 
s'enflamme ,  fe  bourfoufle  &'  brûle  ;  il  eft  diflbluble 
en  partie  dans  l'efprit  de  vin  :  mis  fur  le  feu  dans 
im  vaifTeau  ,  il  fume,  fe,  fond  &  fe  réduit  en  une 
réfme  liauide  ou  une  huile  cpaiiTe  de  couleur  dorée 
ou  noirâtre  ;  il  s'y  volâtilife  en  entier  &  par 
degrés. 

Les  Naturaîifies  ne  font,  point  d'accord  fur  la  nature 
&;  l'origine  de  fambre  gris.  Les  uns  ;difent  que  c'efl 
une  fiente  d'cifeaux  marins  ;  quelques-uns  prétendent 
que  c'eft  de  la  cire  &  du  miel,  digérés  &  cuits  par 
le  foieil  &c  le  fel  marin.  M.  Geofroi  penfe  que  c'efl 
une  forte  de  bitumée  qui  dégorge  du  itin  de  la  terre 
dans  les  eaux  de  la  mer  :  liquide  d'abord,  il  s'épaiffit  ; 
r.utour  de  lui  s'aglutinent  des  coquilles  ,  des  pierres , 
des  os  ,  des  becs  d'oifeaux  &:  de  feches ,  des  rayons 
de  cire  &  de  miel  :  c'eft  pourcfuoi  ,  au  milieu  des 
mettes  à^amhrc  gris  durcies  ,  on  trouve  quelquefois 
toutes  ces  efpeces  de  corps  hétérogènes  ;  d'autres  veu- 
lent que  Vambre  gris  foit  une  réfine  végétale  à\m 
certain  ordre  ,  mêlée  par  la  nature  à  du  Hir^on  marin. 
Quelques-uns,  tels  que  K(zmpftr ^  &c.  regardent  Ûambr^ 
gris  comme  l'excrément  de  la  baleine  5  &  !es  Japonois 

Q4 


14^      -  A     M     B 

l'appellent  par.  cette. «raifon  Kufura  no  fu.  On  afTuré 
qu'un  Pécheur  Américain  d'Anrigoa  a  trouve,  il  y 
a  quelques  années  ,  clans  le  ventre  d'une  baleine  ,  à 
environ  32  lieues  au  Sud-efl  A^s  liles  du  vent,  une 
rnaffe  Cambre  gris  du.])oids  de  cent  trente  livres,  qu'il 
a  vendue  500  livres  jfterling. 

V! ambre  gris  ,fe  rencontre    à  la  furface  des    eaux  de 
la  mer  ,  ou  lur  /es  bords  ,  en  morceaux  plus  ou  rnoins 
gros  :  il   s'en    trouve  •  quelquefois   du   poids  de    cent 
livres  &  plus.  Telle    étpit   la  mafie    d'ambre   gris  du 
poids  de  cent  quatre-vingt-deux  livres,  que  la  Com- 
pagnie des  Indes    Orientale?  de    Hollande  poiTédoit , 
&  qu'elle  avoit  achetée   du  Roi  de  Tidor  onze  mille 
ccus  ou  rixdalers.  Telle  étolt.  encore  cette  autre  groffe 
mafTe  d'ambre  gris  du  poids  de  deux  cents   vingt-cinq 
livres  ,  que  la  Compagnie  des  Indes  de  France  expofa 
à  la  vente  de  l'Orient  en  17 >  5.  Nous  avons  été  requis, 
en   1761  ,  par    un  riche  J^egociant   de  Marfeille  ,   de 
nous  tranfporter  dans  l'endroit  où  l'on  avoit  fait  venir 
cette  pièce   d'ambre  ,  afin    de  l'examiner  :  nous  fîm.es 
faire  une  fonde  de  fer,  pour  la  percer  de  part  en  part. 
La  première  couche  étoit  d'un  afTcz  bon  am.bre,  feuil- 
leté &C  parfemé  de  becs   de  feches ,  que  l'on  fait  être 
^e   fubflance  cornée  ;  la  deuxième    c^  uche   étoit  ter- 
reufe ,  grenue  ,    peu  odorante ,    &;  d'un    goût   de   fel 
marin.  Le  noyau  de  la  mafle  étoit  brunâtre,  mollr.lTe 
&  d'une  odeur  de   bitume.  Ce  beau  &z  rare  morceau 
d'ambre  gris  a  été  vendu,  cinquante- deux  mille  livres. 
Les  mafles  d'ambre  gris  font  ordinairement  arrondies  , 
forme  qu'elles  prennent  en  roulant  dans  la  mer  ou  fur 
les  rivages.  On  en  trouve  beaucoup  dans  les  mers  des 
Indes  Orientales ,  près  des  Ifles  Moluques,  des  Maldives 
&  de  Madagafcar  &  fur  les    parages  de  la  Chine  & 
du  Japon  ,  &  de  lolo    aux  Manilles.   On  en  ramafîe 
fouvent  fur  les  côtes  de  l'Ifle  de  Maragnon  ou  du  Bréfil , 
mais  plus  communément  fur  celles  d'Afrique,  vers  le 
Cap-Blanç ,  le  Golfe  d'Arguin ,   la  Baie  de  Portendic , 


A    M    B  249 

ê^  en  quelques  autres  Mes  qui  s'étendent  depuis  celle 
de  Mofambique,  julqu'à  la  mer  Rouge.  Les  habita!2-S 
des  Ifles  Sambales  le  cherchent  d'une  façon  afTez  fingu- 
liere  :  ils  le  quêtent  à  l'odorat ,  comme  les  chiens  de 
chalTe  fuivent  le  gibier.  Après  les  tempêtes  ils  courent 
fur  le  rivage  ,  &  s'il  y  a  de  V ambre  gris ,  ils  en  ï^n-^ 
tent  l'odeur.  Il  y  a  de  certains  Oifeaux,  &  autres 
animaux,  fur  ces  rivages  ,  qui  font  friands  de  V  Ambre 
gris  ;  avertis  de  loin  par  fon  odeur ,  ils  le  cherchent 
pour  le  manger  :  on  prétend  que  prefque  tout  Vamb'regris 
qu'on  apporte  en  Angleterre  vient  des  Mes  de  Bahama , 
&  de  celles  de  la  Providence.  Vambre  gris ,  gardé  un 
certain  temps  ,  fe  couvre  ,  comme  le  chocolat ,  d'une 
efpece  d'efîlorefcence  grife  (a). 

Quoique  cette  matière  fe  trouve  en  plufieurs  endroits , 
c'efl  cependant  un  aromate  rare  &  précieux.  Sa  valeur 
ordinaire  eu  d'une  guinée  ,  ou  d'un  fouis  d'or,  l'once. 
On  le  rend  plus  adif  &  plus  agréable  à  l'odorat ,  en 
le  mêlant  avec  une  petite  quantité  de  mufc  ,  de 
civette,  de  fucre ,  &c.  Les  Parfjmeurs  en  font  un 
grand  ufage.  Comme  X ambre  abonde  en  parties  huileufes, 

(  a  )  Le  Dofteur  Schwediawer  dit  ,  dans  fes  Recherches  fur  la  nature 
&  l'origine  de  Pamhre  gris  (  Journ.  de  Phyf.  Oflobre  17S4),  que  les  becs 
ds  feches ,  dont  font  parfemés  les  gros  morceaux  à'amhrc  gris  ,  tant  ceux 
trouvés  fur  les  côtes  ou  à  la  furface  des  eaux  de  la  mer,  que  ceux 
tirés  du  ventre  des  baleines  ,  appartiennent  à  cette  efpece  à  laquelle 
M.  L'tnnxus  a  donne  le  nom  de  Sepia  octo^poi/a.  L'exiftence  de  ces  becs 
ôc  d'autres  corps  étrangers  dans  Vamhre  gris  ,  efl:  une  preuve  conva'n- 
cante  qu'il  a  été  originairement  dans  un  état  de  molIeiTe  ou  de  liquidité. 
Ce  même  Obfervateur  prétend  que  refpece  de  B?leine  qui  contient  dans 
fon  ventre  de  l'ambre  gris ^  eft  l'efpece  d'où  l'on  rire  le  hlavc  de  haleine ^ 
laquelle  paroît  être  le  Phy fêter  macrocephalus  de  Linnczus ,  &  qui  fait  fa 
nourriture  principale  de  la  grande  efpece  de  Secht  cité-e  ci  -  deiTus, 
C'eft  dans  le  canal  înteftinal  ,  (  l'inteftin  cacum)  de  ce  cétacée  que 
fe  trouve  Vamhre  gris  ;  c'eft  pour  l'animal  une  fource  de  maladies  ;  ceît^ 
matière  fortie  du  fac  qui  la  renferme  ,  acquiert  peu- à-peu  la  folidi^ 
qu'on  lui  reconnoît  ;  nous  devons  convenir  (\\\q  Vi.  Rome  de  l'iflc  ^^râX. 
être  le  premier  qui  ait  obfervé  que  les  becs  qui  fe  trouvent  dans  VamJrc 
gris  ^  appartiennent  à  l'efpece  de  Sechc  citée  ci-deffu..  Le  Sepia  oclovclia. 
de  Lin r. ans  y  eft  le  Polypus  ocfcpus  de  Rondelet ,  &  qui  étoit  défignépac 
les  Anciens  fous  les  noms  grecs  à'EIedone,  d'O^aina  ,  d'Ofmylus^k 
caufe  de  fa  bonne  odeur;  les  Grecs  modernes  le  nomment  mofchris , 
à  caufe  qu'il  fent  le  mufc. 


150  A    M    B 

tén'jes  &  volatiles,  il  cft  utile  pour  fortiner  le  eerveau, 
Vcûom-àc  :  il  donne  pins  de  vivacité  aux  iens.  Les 
Orientaux  en  font  auiïi  un  grand  ufage  :  ils  reftiment , 
notamment  les  Turcs,  propre  a  prolonger  la  vie  &c 
à  rappeler  les  p;a;firs  d'un  amour  épuilé.  Les  p'.lérlns 
qui  vont  a  la  Mecque  çn  achètent  une  grande  quantité, 
vraifcmblablcmcnt  pour  l'ciiVir  &  s'en  feivir  en  fumi- 
gation ,  de  la  même  manière  qu'en  fe  fcrt  de  rencçns. 
La  vertu  la  plus  efienlielle  de  Va/Trhre  gris  ,  cfl,  félon 
quelques  -■  uns  ,  a  être  artifîafrr.cdicuc  &  calmant  , 
î\-peu-près  com.nie  le  mnfc  &  le  cajlcrcum ,  &  de  pou- 
voir procurer  du  fcu^agemcnt  dans  certaines  çlTeclions 
hyftériques  ,  vapcreufcs  ,  convulhvcs  ,  &  autres  mala- 
dies du  genre  nerveux.  On  peut  le  faire  prendre  inté- 
rieurement depuis  un  grain  iufqu'à  dix  eu  douze , 
même  davantage  ;  car  fur  les  deC^s-,  il  n'y  a  en  quel- 
que forte  aucune.' règle  pour  ces  fortes  de  remèdes 
éi  de  maladie  s. 

Peut-être  oue  la  matière  fcfnle ,  grafTe  ,  inconnue, 
ti-ouvée  en  Finlande  ,.  oL  dont  il  eft-  mention  dans  les 
Mùinoïrts  dz  V Acadim'w  de  Suéde  ,  vol.  f^.  ann,  iy41y 
eft  une  efpece  à'amhre  blanchâtre  ,  non  odorant  ;  mais 
."cjif étant  mêlé  avec  de  la  poudre  de  mouffe  &  un  peu 
.  fîe'fuc.rc  ,  puis  cxpofé  un  peu  à  l'air ,  alors  (on  cdeur 
])Ourroit  fe  développer  ;  peut-être  aufïï  n'eil-ce  qu'une 
forte  de  fa  von  foxTde  ou  de  lUric  de  haleine, 

Ambrf.  jaune  ou  Succin  ,  Siiccinum  ^  Eldlmm  , 
Karalé.  C'efl  une  luLilarce  biti.mineufe,  dure,  plus 
Gif  moins  tranfparcnte ,  de  couleur  tantôt  jaune  ou 
citrine  ,  tantc)t  iyanchatre  ,  tantôt  rouiTe  ,  d'une  faveur 
\m  peu  acre.  Elle  .accmicit  par  le  frottement  une 
propriété  élcdrique;  celle  d'attirer  des  pailles  &:  autres 
corps  minces  ,  d'cii  lui  vient  le  nom  à'EUchum  ,  oc 
celui  de  Karabé  ^  qui  fîgnifie  attire  -  paille.  Cette  prc- 
jP^icîé  étoit  déjà  connue  du  temps  de  Thaïes^  célèbre fon- 
c  lateur  de  la  fede  Ionique ,  c'cfl-à-dire  ^  fix  cents  ans 
■  a  vant  notre  Ere. 


A    M    B     ^  ijï 

Le  fuccln  .ç.{}i  fiifceptible  du  poli  de  l'agate.  Il  ie 
fond  fur  le  feu ,  s'enflamme  ,  &  répand  alors  une  odeur 
aufîi  défagréable  que  celles  des  bitumtes  ;  il  fe  difîbut 
dans  l'efprit-de-vin  ,  dans  l'huile  de  lavande  ,  &  même 
dans  l'huile  c!e  lin ,  mais  difficilement  lorfqu'il  n'a  pas 
ctë  torréfié.  On  le  fait  entrer  dans  la  compofiticn  du 
lut  gras  :  on  en  fait  d*es  vernis  d'une  grande  beauté  , 
&  particulièrement  le  vernis  de  laque.  Lefuccin  expofe 
à  l'air  libre  ou  dans  l'eau  ^  n'éprouve  aucune  altéra- 
tion :  réduit  en  poudre  ,  il  a  une  odeur  afiez  agréable. 
C'eft  de  tous  les  bitumes ,  celui  qui  rciTc-mble  le  plus 
aux  réiines  végétales  ;  mais  il  en  diffère  eifentielle- 
ment  par  des  propriétés  qui  lui  font  particulières. 

Le  fiiccin  ne  fe  recueille  ordinairement  que  dans  îa 
mer  Baltique  fur  les  côtes  de  la  Prufle.  Les  habitans- 
vont  le  recueillir  fur  les  bords  de  la  mer  ,  au  fort 
de  la  tempête  :  on  le  trouve  en  morceaux  de  diffé- 
rentes groUeurs  &  de  diverfes  formes.  Les  feuilles, 
les  brins  de  paille  ,  les  mouches ,  araignées ,  fourmis 
ik  autres  infecles  qui  ne  vivent  que  fur  terre,  &C  qui' 
fe  trouvent  dans  l'intérieur  du  fixcin  ,  donnent  lieu 
de  penfer  que  c\{\.  une  fubflance  végétale  :  obfervatioii- 
qui ,  prouvant  d'une  part  que  V ambre  jatme  a  été  primi- 
tivement liquide ,  s'accorde  auffi  avec  la  Chimie  ,  qui 
reconnoît  dans  cette  fubflance  ,  ainfi  que  dans  les 
bitumes ,  une  hidle  végétale  ,  épaifîie  parmi  les  acides^ 
minéraux  qui  leur  ont  donné  les  qualités  qui  les  font 
différer  des  réfmes.  M.  Girtanmr  prétend  que  lefuccin 
ell:  une  huile  végétale  rendue  concrète  par  l'acide  des 
fourmis  ,  de  même  ,  ajoute-t-il  que  la  cire  n'ell  qu'une 
huile  rendue  concrète  par  l'acide  des  abeilles  ;  cet 
obfervateur  dit  que  les  grandes  fourmis,  formica  rufa, 
Linn.  5  habitent  les  anciennes  forêts  de  fapins ,  où  elles 
forment  des  fourmillieres  qui  ont  quelquefois  jufqu'à 
fix  pieds  de  diamètre  ;  &:  c'efl  dans  des  lieux  où  il 
y  en  avoit  autrefois  ,  que  fe  trouve  le  fuccin  fofîile , 
qui  eil    mcins    dur   cjue   celui    qui   fe  trouve    dans 


252  A    M    B 

la  mer...  Nous  le  répétons,  des  corps  étrangers  ont 
cré  retenus  dans  V  ambre  jaune  ^  lorfqu'il  étoit  liquide, 
vifqueux  ;  cVtoit  à  l'occafion  d'un  de  ces  animaux , 
ainfi  emprifonné ,  que    le     poëte  Martial   avoit  dit  : 

Cicm  pha'ctontea  formica   vagatur  in   timbra  y 
Implicuit  wiiizm  fuccina  gutta  feram. 

Tout  le  fuccin  du  commerce ,  même  le  plus  beau , 
nous  vient  de  la  PruiTe  Ducale,  où  le  droit  de  le 
retirer  de  fa  mine  eft  regardé  comme  droit  régalien 
ou  de  la  Couronne  :  on  l'eftime  à  26000  écus  d'Alle- 
3nagne< 

On  trouve  dans  le  fein  de  la  terre,  de  V ambre  jaune 
fbfîile ,  en  PruiTe  &  en  Pomeranie.  Les  principales 
inmes  (ont  fur  les  Qol^s  de  Sudwic  ;  fouvent  même  on 
en  voit  dans  les  filions  de  la  charrue.  Cefl  toujours 
dans  une  terre  bitumineufe,  qui  prend  feii  comme  le 
charbon  ,  &  qui  paroît  être  formée  des  débris  des 
végétaux  &  d'immenfes  forêts ,  que  fe  trouvent  le 
fuccin  &c  les  bitumes.  Le  fuccin  que  l'on  ram.afle  fur 
le  bord  de  la  mer  eft  clair  ,  &  vient  des  collines  qui 
en  renferment ,  que  la  mer  a  détruites  &  renverfées 
avec  la  terre  j  il  ell  enfuite  jeté  ça  &là  par  les  flots. 
Plufieurs  montagnes  de  Provence  ,  plufieurs  contrées, 
de  l'Allemagne  Septentrionale,  de  Suéde,  de  Danemarck, 
fournirent  encore  de  Vambre  jaune. 

On  en  a  aufîi  découvert  ces  années  dernières  une 
abondante  quantité  en  Saxe.  Ce  fuccin  efl:  aiTez  beau  , 
ck:  a  fourni  matière  aux  Differtations  imprimées  dans 
le  Recueil  des  Curieux  de  la  Nature.  On  en  peut  con- 
fulter  l'extrait  inféré  à  la  fin  de  la  Pyrithologie  de 
Henckel ,  Traducl.  Franc,  p,  497.  Cette  Differtation 
porte  à  croire  que  le  fuccin  pourroit  bien  n'être  formé 
que  de  la  matière  inflammable  &  acide  de  la  pyrite 
alumineufe  &  vitriolique.  Tout  \e  fuccin  qui  fe  retire 
de  la  mer  eft  toujours  affez  clair  ;  celui  qu'on  trouve 
dans  des  rochers,  eft  couvert  d  une  croûte  grifej  celui 


A    M    B  251 

qu'on  tîre  de  la  terre  a  une  enveloppe  d'une  faveur 
vitriolique. 

On  voit  dans  les  cabinets  de  quelques  riches  ama- 
teurs ,  des  morceaux  de  fuccin  élajîiqm.  Mais  tout  ce 
qu'on  nous  a  montré  fous  ce  nom ,  n'efl  qu'une  gomme 
de  prunier  mollaffe ,  qui  empâte  la  langue  comme  la 
gomme  arabique.  A  l'égard  du  prétendu  fuccin  liquide 
de  Vûlachie  ,  dont  on  fe  fert  pour  graiffer  les  roues 
&  les  cuirs  des  harnois ,  ce  n'eil  qu'une  pétrole  jau- 
nâtre épaiiîie. 

Avant  l'ufage  des  dismans  &:   des  autres  pierreries 
que  les    deux   Indes  ont  fournies   à   notre    luxe  ,   le 
fuccin  étoit   très-recherché    :    il  paflbit  pour  une  des 
chofes  les  plus  précieufes  ;  on  en  décoroit  les  autels  , 
&  on  en  ornoit  les  perfonnes  du  fexe  :  c'étoit  même 
dans  ce  temps-là  la  plus  belle  de  its  parures ,  (  Plint , 
Uh.  30.  cap,  2  &  3  ,  f e  récrie  contre  ce  luxe  frivole 
avec   l'énergie   qui   le   caraâ:érife.  C'eil ,   dit  -  il  ,  la 
frivolité  des  Grecs  &  leur  raffinement  qui  l'ont  mis  à 
la  mode.  Enfin  ,  on  met  des  plaifirs  de  pure  fantaifie  à 
un  fi  haut  prix ,  qu'ime  petite  figure  Cambre  travaillé  , 
s'achète  plus   cher  que  des  hommes  pleins  de    vie  & 
de  force.  )  On  en  faifoit ,    par  le  moyen   du  tour , 
des  pommes  de  cannes ,   des  brafTelets ,  des  colliers  , 
des  tabatières  ,   &  divers  autres    bijoux  qui  ne  font 
aujourd'hui  regardés  comme  de  grandes  raretés  qu'en 
Perfe ,  en  Chine ,  en  Turquie  &    chez  les  Sauvages. 
On  prétend  que  quand  ces  bijoux  fe  cafTent,  on  les 
fonde  facilement  en  enduifant  d'huile  de  tartre  l'endroit 
de  la  fra£lure  qu'on  a   un   peu    échaufFé   auparavant 
devant  le  feu.  On  dit  que   le   Roi  de   Prufle    pofTede 
un  miroir  ardent  fait  de  fuccin  ;  il  eft  large  d'un  pied 
&  fans  défauts.  On  voit  aiiiîî  dans  le  Cabinet  des  Ducs 
de  Florence  une  belle  colonne  Aq  fuccin  de  la  liauteur 
de  dix  pieds ,  &  un  ludre  de  toute  beauté.  On  voit 
même  encore  des  vafes  faits  de  cette   matière  avec 
im  travail  i;ifîni. 


2  54  A     M     B 

On  afTiire  que  M.  Kerkring ,  vers  le  milieu  du  fiecle 
dernier  ,  avoit  trouvé  le  fecret  de  ramollir  Vambrc 
jauni  autrement  que  par  le  feu  ,  &:  d'en  faire  comme 
une  pâte ,  à  laquelle  il  donnoit  telle  figure  qu'il  lui 
plaifclt.  On  apprend  que  depuis  quelques  années  il 
y  a  en  PruiTe  un  Ouvrier  ,  nommé  Samuel  Som  , 
qui  a  l'art  non  -  feulement  d'éclaircir  le  fucc'in ,  m^ais 
encore  de  le  teindre  de  toutes  les  couleurs ,  6^  même 
de  le  ramollir ,  &:  d'y  enfermer  des  infe£^es  ,  pour 
en  tirer  bon  parti  en  le  vendant  aux  perfonnes  curieufes 
de  ces  raretés. 

M.  Bourgeois  5  Dof^eur  en  Médecine  ,  obferve  qu'il 
ne  faut  pas  confondre  les  vertus  médicinales  diifucàn 
avec  celles  de  Y  ambre  gris.  Le  fuccin  efl ,  dit-il  ,  \in 
remède  très-cfHcace  dans  toutes  les  affedions  hyfté- 
riques  ,  vaporeufes  &  conyulfives  ,  pour  toutes  fortes 
de  tem.péramens  :  Vauibn  gris  au  contraire  ,  de  même 
que  le  mufc ,  ne  convient  que  dans  quelques  cas 
particuliers  de  ccnvulfions  ;  &  on  remarque  que  ce 
dernier  remède  ,  au  lieu  d'être  efficace  dans  ces  mala- 
dies ,  efl  capable  ,  par  fa  feule  odeur  ,  de  les  exciter 
&  de  les  augmenter  ;  d'ailleurs  la  dofe  en  eft  très- 
différente  ;  on  ne  donne  Vambrc  gris  qu'à  celle  de  quel- 
ques grains  ,  tandis  qu'on  peut  donner  le  fuccin  depuis 
vingt  grains  jufqu'à  quarante.  Kccmpfer  dit  que  les 
Chinois ,  les  Japonois  ,  t<.  plufieurs  autres  peuples 
de  l'Afie  eftiment  beaucoup  plus  le  fuccin  ou  ambre 
jaune  ,  que  Vambre  gris  ;  ils  le  brûlent  en  quantité 
par  magniiiccnce  ,  tant  à  caufe  de  la  bonne  odeur 
que  fa  fumée  répand  ,  que  parce  qu'ils  croient  cettQ 
vapeur  très  -  falubre  ,  &  même  fpécifîque  pour  les 
maux  de  tête  &:  les  aire6^ions  nerveufes. 

On  a  découvert  depuis  peu  à  Edimbourg,  que  la 
vapeur  du  fel  de  fuccin  ell  tellement  pernicieufe  aux 
rats  qui  fe  cantonnent  dans  les  magafms  de  drogue- 
ries ,  &c.,  qu'elle  les  fait difparokre  totalement  :  cepen- 
dant ces  animaux    reviendront    fi  on  retire  le  fel^ 


A     M    B  25I 

&:  î!s   s'enfuiront    de   nciiveaii   li   Pcn  y  reporte  le 
kl 

AMBRETTE. ou  Graine  de  musc,  Semcnmofchiy 
nommée  par  les  Egyptiens  aUl-mofch ,  ou  hamia ,  c'efl-à- 
dire ,  graïn-z  de  mujc  ,  car  elle  en  a  efFeftivement  Fodeur. 
Cette  graine    a    la   forme  d'un   rein  :  elle  efi   de   la 
groiTeur  d'un  grain  de  millet ,  &  fe  trouve  dans  lui 
fruit  de  coideur  brune ,    de  forme   pyramidale  ,   qui 
croît  fur  ime  efpece   de  kctmia ,    ou  aide   d'Egypîe  , 
dont  la  fleur  eil    d'une   feule  pièce  ,  mais  découpée 
fi  profoîidénient    que    les    lobes   femblent   autant  de 
{^étales  ,  &  de  couleur  jaune  dorée  ;  les  feuilles  font 
approchantes  de  celles  de  la  guin-îauve,  ce  cul  la  fait 
nommer  aufn  ^uh?iûuve   veloutée   des  Indes  ;  an.   Ma/va 
7?iofchata  y  Linn.  971.  Cette  plante  croît  en  abondance 
&  fans  culture   dans   le    pays   de    Gakm  ,   dans  les 
Antilles,  oL  fur- tout  en  Arabie  &:  en  Egypte,  oii  le 
peuple  broie  la  graine  &:  la  mêle  avec  la  poudre  de 
leur  café  pour  le  rendre   céphalique    &  fo)machique. 
Les  Nègres  n'en  font  aucun  ufage.  Leurs  femmes  qui 
aiment  beaucoup   les  odeurs ,  &  qid  font  pafîionnées 
pour  les  clous  de  girofle,  dont  elles  portent  des  paquets 
autour  du  cou  ,  négligent  cette   graine  ,  par  la   feule 
raifon  peut-être  qu'elle  efî:  fort  commune.   Les  Parfu- 
meurs font  ufage  ici  de  cette  graine ,  à  caufe  de  fon 
odeur  agréable. 

L'on  donne  anfTi  le  nom  ^amhrette  dîs  jardins ,  à  la 
faitr  du  Grand- S eJgneur(^Cy anus  florldus odoratusTurdcus^ 
Jive  Oricntalis  major ^  Parle.  Tourn.  445  :  Centuurea 
mofckata^  Linn.  1286.)  plante  originaire  de  Pci-fe  ôc 
du  genre  du  hluet  &  de  la  centaurée.  Elle  efl  annuelle  ; 
fa  tige  eft  haute  d'un  à  deux  pieds  ,  rameufe ,  garnie 
de  feuilles  plus  ou  moins  en  lyre ,  dentées  ,  vertes  & 
glabres  ;  les  fleurs  font  affez  grandes ,  terminales  ou 
Iblitaires ,  rougeâtres  ou  blanches  ,  d'une  odeur  douce 
&  agréable  ;  le  calice  eir  arrondi ,  écailleux  &  g'abre.' 
On  la  cultive  dans  les  jardins.  A  l'égard  de  Yaiibratc 


25<5  A     M    B 

fauvfige  5  Jacea  nlgra pratenjis  lanfolia  ,  Bauh.  Pin.  1 271  J 
Toiirn.  443 .  Voyc^^  à  Cartick  Jacee.  Elle  croît ,  ainiî 
que  fes  variétés  ,  dans  les  prés  &  autres  lieux 
incultes. 

AMBREVADE.  Voye^  Pois  d'Angole. 
AiMBROSIE.  Voyez  Thé  du  Mexique  &  Botrys. 
Qqs  plantes  n'ont  pas  les  caraderes  de  Vambrojic  , 
elles  n'en  ont  que  l'odeur.  On  donne  par  excellence , 
le  nom  ôxambrofie  (  amhrofia  )  ,  à  un  genre  de  plante 
qui  tient  le  milieu  entre  les  immortelles  &  les  tanaijies. 
Ses  fleurs  font  de  deux  fortes  ;  les  unes  composées , 
mâles ,  ou  flériles  ,  fe  trouvent  féparées  des  femelles  , 
&  raiiernbîées  dans  des  enveloppes  difpofées  en  épi 
aux  extrémités  des  branches  ,  tandis  que  les  femelles 
font  approchées  en  paquets  aux  ailTelles  des  feuilles 
qui  font  au  bas  des  épis  ;  les  fleurs  mâles  font  à  cinq 
étamines  ,  &  ont  une  corolle  d'une  feule  pièce  en 
entonnoir ,  découpée  en  cinq  pointes.  Les  femelles 
n'ont  point  de  corolles ,  elles  ont  deux  ftyles.  Il  fuc- 
cede  à  chacune  un  fruit  compofé  d'une  feule  graine 
&  du  calice  durci.  Les  feuilles  d'en  bas  de  quelques 
efpeces  ^amhrojie  font  oppofées  ,  les  autres  font 
alternes. 

On  distingue  VAmbrcJie  maritime ,  Amibrojia  maritima^ 
Lina.  1401,  B.  Pin.  158,  Tourn.  439.  C'efl  Vherhe. 
vineufe  de  Gcfner,  On  la  cultive  dans  les  jardins. 
La  plus  belle  fe  voit  en  Tofcane.  La  tige  de  cette 
plante  annuelle,  tÇi  haute  d'un  à  deux  pieds,  droite, 
très  ►  branchue ,  couverte  de  poils  mous.  Les  feuilles 
font  bipinnées  ,  très-molles  &  chargées  de  duvet.  La 
racine  efl  ligneufe  &  menue  ,  les  fleurs  font  jaunes. 
Toute  la  plante  a  une  odeur  fuave ,  &:  wrv  goût  aroma- 
tique un  peu  amer ,  mais  agréable.  On  l't ilime  cor- 
diale &  céphaliaue.  11  y  a  encore  VAmbrofa  à  feuilles 
d'armpife  ,  Ambrofia  artcmififolia  ;  {qs  fleurs  font  d'un 
vert  jaunâtre  ;  elles  femblent  renverfées  &c  tournées 
rers  la  terre  ;  on  trouve  cette   grande   efpece  dans 

l'Amériaue 


AME  257  • 

r Amérique  Méridionale  ,  &  dans  Pînde  ;  c'eft  le 
Katu-tsjctn-pii  du  Malabar*  VAmbroJie  trlfide  de  la 
Caroline  5  &  VAmbrojîe  arborefccntc  du  Pérou  ,  fe 
cultivent ,  ainfi  que  les  précédentes  ,  au  Jardin  du  Roi» 

U Ambrojic  fauvage    ell   le    crejfon   fauvage»    Voyez 
ce  mot, 

AMEIVA  Linn.  Laccrta  (  Ameiva  )  caudâ  verticîllata. 
longâ  ,  fcutls  abdominis  trïgïnta  y  collari  fubtàs  riigâ 
duplïd^  Linn.  (  Amph.  rept.  n.°  14.)  Ce  lézard  eli 
du  deuxième  genre;  il  fe  trouve  à  Surinam.  Suivant 
M.  Daubenton  y  V Ameiva  a  la  tête  longue  ,  terminée 
en  pointe  par -devant ,  légèrement  convexe  par-defTus^ 
Se  couverte  d'écaillés ,  les  unes  hexagones  ,  les  autres 
pentagones.  L'ouverture  de  la  gueule  grande  ;  les 
mâchoires  égales  Se  lifTes  ;  la  langue  partagée  en  deux  z 
la  peau  qui  avoifme  la  gueule  eft  très-lâche  Se  forme 
des  rides  tranfverfales  ;  les  narines  ovales  Se  difpofées 
en  longueur  fur  le  fommet  du  mufeau  ;  les  yeux  grands  , 
un  peu  faiilans ,  tournés  en  avant ,  Se  placés  un  peu 
plus  près  des  oreilles  que  du  mufeau  ;  les  oreilles 
grandes ,  excavées  ,  couvertes  d'une  écaille  arrondie  , 
Se  iituées  de  part  Se  d'autre  fur  les  extrémités  de  la 
tête  ;  les  flancs  Se  le  dos  font  un  peu  convexes ,  Se 
couverts  d'une  grande  quantité  de  petites  écailles 
difpofées  par  bandes  tranfverfales  ;  le  ventre  efl  plus 
convexe  que  le  dos  ;  11  eft  partagé  en  trente-un  fegmens 
fitués  tranfverfalement ,  Se  divifés  eux-mêmes  en  huit 
bandes  longitudinales.  La  queue ,  dont  la  longueur  eft 
triple  de  celle  du  corps ,  fe  termine  infenfiblement  en 
une  pointe  très-déliée  ;  elle  eft  entourée  d'environ  130 
bandes  d'écaillés  carrées  difpofées  par  anneaux.  Le  delTus 
Se  les  côtés  de  la  tête  font  d'une  couleur  brune ,  blan- 
châtre ,  parfemée  de  tâches  noirâtres  ,  une  large  bande 
teinte  d'un  vert  léger ,  Se  deux  bords  très-étroits  Sc 
d'un  bleu  pâle  ,  s'étend  fur  le  corps  depuis  la  tête 
jufqu'à  l'extrémité  de  la  queue  ;  le  long  de  ces  bords 
^'étendent  deux  autres  bandçs .  qui  fe  terminent  à  la^ 
Tome  /,  R 


258  A    M    E      ^ 

queue ,  &  qui  font  d'une  couleur  noirâtre  ,  parfemeé 
de  points  blanchâtres  ,  avec  deux  bordures  blan- 
châtres ,  très  -  étroites  ;  le  refle  des  côtés  eft  chargé 
de  taches  noires  ,  nuées  de  blanc  vers  l'abdomen. 
Les  jambes  font  un  peu  arrondies  avec  un  léger 
renflement  ;  chaque  pied  contient  cinq  doigts  ;  les  doigts 
antérieurs  font  minces  &  garnis  d'ongles  un  peu 
recourbés  ;  les  ongles  des  doigts  poftérieurs  ont  à 
peine  une  courbure  fenfible  ;  les  pieds  de  derrière 
font  bien  plus  alongés  que  ceux  de  devant. 

AMELANCHIER.  roye^  à  la  fuite  du  mot  Néflier; 

AMÉTHYSTE.  Surnom  donné  à  Voifeau  mouche 
(  petit  )  à  queue  fourchue  de  Cayenne.  VoyeT^^  à  Var^ 
tkk  Oiseau  mouche. 

Améthyste,  amethyjîus ,  pierre  précieufe  de  cou- 
leur violette ,  ou  violette  pourprée.  On  ne  peut  faire 
connoitre  la  beauté  de  fa  couleur ,  qu'en  en  tirant  la 
comparaifon  de  la  nature  même.  L'efpace  au.  fpedre 
folaire,  que  donne  le  prifme  par  la  réfraction  des 
rayons  de  la  lumière  ,  auquel  Newton  3.  donné  le 
nom  de  violet^  repréfente  au  jufle  la  couleur  deVamé" 
thyjte  violette  la  plus  commune.  Si  on  fait  tomber 
Fextrémité  inférieure  d'un  fpedre,  fur  l'extrémité  (w-- 
périeure  d'un  autre  fpedre,  on  mêlera  du  rouge  avec 
du  violet  ,  &  on  aura  la  vraie  couleur  d«  VamêthyfcZ 
pourprée.  On  peut  de  cette  façon  voir  les  couleurs  de 
toutes  les  autres    pierres   précieufes    colorées.    Foye^ 

rartïcle   PlERRES  PRECIEUSES. 

Peu  de  perfonnes  prétendent  avoir  vu  des  ami" 
thyjtes  orientales  ;  car  il  ne  faut  pas  confondre  certaines 
pierres  d'un  violet-pourpre  qui  ayant  la  dureté  d'un 
rubis  oriental ,  font  des  rubis  d'orient  pourpres  ou 
violets ,  félon  la  couleur.  Le  nibis  efl ,  après  le  dia- 
mant ,  la  pierre  précieufe  la  plus  dure  ;  Vaméthyjle  ne 
tient  ,  parmi  les  pierreries  ,  que  le  fixieme  rang  en 
dureté.  Vaméthyjle  orientale  çi\  donc  très-rare  ;  fa  cou- 
leur doit  être  d'un  beau  violet  -  pourpre  ,  d'un  poli 


AME  2J9 

vîf  &C  brillant ,  Sz  d'une  grande  limpidité.  Les  amé- 
thyjîes  occidentales  ne  font  pas  fort  rares  :  il  y  en  a 
de  deux  efpeces.  La  première ,  eil  d'un  violet  un  peu 
obfcur  ;  la  féconde ,  eft  d'un  violet  un  peu  pourpré» 
Elle  eil  bien  moins  commune  :  elle  nous  eft  apportée 
de  Carthagene  ,  d'où  lui  vient  fon  nom  à^améthyfte 
de  Carthagene.  C'efl ,  après  Vaméthyjîe  orientale ,  Fefpece 
la  plus  belle,  la  plus  rare  &  la  plus  eftimée.  Parmi 
les  améthyfles ,  il  y  en  a  d'un  beau  violet  -  bleu  ,  co- 
lombin  ;  d'autres  d'une  belle  couleur  gris-de-lin  ,  mxê- 
lée  d'un  peu  de  bleu,  femblable  à  la  couleur  de  la 
fleur  de  pécher. 

Vamkhyjîc  paroît  être  formée  de  criflal  de  roche 
coloré  par  une  fubflance  métallique  fort  atténuée  :  il 
s'en  trouve  dans  la  plupart  des  lieux  métalliques  où 
il  y  a  du  criftal  de  roche.  ^Jaméthyjîe  en  a  la  dureté  : 
elle  fe  forme  aufîi  comme  le  crijial  ^  en  aiguilles  hexa- 
gones ,  terminées  à  chaque  bout  par  une  pointe  à  fix 
faces  (  royei  Cristal  de  roche  ).  La  plupart  de 
ces  aiguilles  ne  font  teintes  de  violet  qu'en  partie  ;  le 
refte  eH:  blanc  ,  &  c'ell:  du  vrai  crijial  de  roche,  La 
bafe  en  efl  quartzeufe.  On  en  trouve  beaucoup  dans 
les  fentes  des  montagnes  anciennes  ;  en  Arabie  ,  les 
habitans  en  tirent  de  très-belles  améthyjîis. 

On  voit  des  cuvettes  ,  des  couvercles  de  tabatières 
&  autres  bijoux ,  qui ,  quoique  faits  d'une  feule  pièce , 
font  en  partie  de  criftal  &:  en  partie  ^amlthyfie.  On 
remaraue  au  Cabinet  d'Hiftoire  Naturelle  du  Jardin 
du  Roi ,  dans  l'armoire  des  pierres  précieufes ,  quatre 
belles  colonnes  ^améthyjîe  ,  ornées  d'un  chapiteau. 
Cette  efpece  de  pierrerie  ,  qu'on  appelle  auffi  pierre 
d'Evêqiie ,  eft  connue  depuis  long-temps  ,  c'étoit  la 
neuvième  (  félon  quelques-uns  elle  étoit  la  feptieme  ) 
en  ordre,  fur  le  Pedoral  du  Grand- Prêtre  Juif,  &le 
nom  ^IJfachar  étoit  gravé  deffus. 

Lorfqu'on  fcie  Vaméthyjle  tranfverfalement ,  on  voit 
les  pans  à  ûx  faces  que  forment    les  différentes  pcr- 

Ri 


i6o  AME 

tions  d'aîgullle?  :  elles  ont  ordinairement  H  peu  d'adhe-» 
rence  les  unes  avec  les  autres  ,  que  la  lame  qu'elles 
compoient  ,  fe  iepare  aifement  en  plufieurs  pièces, 
Vaméthyjie  ,  foit  d'Amérique  ,  foit  d'Europe  j  le  trouve ;, 
ainfi  que  le  criilal  de  roche  ,  tantôt  dans  les  fentes 
perpendiculaires  des  roches ,  &c  tantôt  dans  les  cail- 
loux caverneux  ou  chambrés.  H  y  a  beaucoup  à^amé- 
thyjîcs  dans  les  fentes  des  montagnes  d'Auvergne ,  qui 
font  en  maffes  irrégulieres  ,  &  unies  au  caillou  &:  à 
l'ao^ate.  Celles  -  ci  ne  font  que  des  primes  quart^eufcs 
^amkhyfli.  Il  y  en  a  en  Allemagne ,  en  Bohême ,  en 
Efpagne ,  dans  une  montagne  à  deux  lieues  de  Vie  en 
Catalogne ,  &  dans  le  Comté  de  Kerry  en  Irlande ,  où 
l'on  en  a  découvert  une  aiTez  belle  mine  ,  qui  a  du 
être  exploitée  par  une  Compagnie  qui  s'étoit  formée 
à  cet  effet.  L'art  imite  auiîi  très-bien  cette  efpece  de 
pierre  précieufe. 

Vaméthyjîe  mife  dans  un  bain  de  fable  ,  que  l'orl 
fait  chauffer ,  y  perd  fa  couleur ,  &  acquiert  celle  du 
diamant  blanc,  ainfi  que  le  faphir.  On  la  préfère  même 
à  ce  dernier  pour  cette  opération  ,  parce  qu'elle  ne 
blanchit  pas  tant ,  &;  qu'elle  imite  mieux  l'éclat  du 
diamant.  M.  Darcet  a  expofé  au  feu  Vaméthyjlc  des 
Indes  &  celle  d'Auvergne  ;  la  première  a  perdu  fa  cou- 
leur ^  &  efl:  devenue  tranfparente  comme  le  plus  beau 
caillou  de  criflal  ;  l'autre  a  blanchi  comme  le  quartz  ; 
mais  aucune  ne  s'eft  fondue ,  comme  le  prétend  f^^/- 
krius. 

Depuis  quelques  années  l'on  vend  à  Pétersbourg 
beaucoup  de  bijoux  fous  le  nom  ^amkhyfic  blanche,  : 
cette  pierre  qui  fe  trouve  dans  les  Etats  du  Czar  , 
eft  d'une  tranfparence  fourde ,  comme  gercée  ou  (Iriée  : 
elle  efl  fort  recherchée  ,  quoique  peu  agréable.  On  a 
prétendu  mal-à-propos  que  cette  pierre  garantiflbit  de 
l'ivreffe  ,  oc  réfiftoit  aux  poifons. 

Le  prix  de  Vaméthyjîe  varie  beaucoup  :  celle  qui  eft 
orientale  ôc  qui  tient  k  fixieme  rang  en  dureté  dans 


AMI  i6i 

f  or^re  Aes  pierreries ,  augmente  de  prix  dans  une 
progreffion  arithmétique  qui  eil  fondée  fur  fa  perfec- 
tion &  fur  fa  pefanteur  fpécifique  ;  en  un  mot ,  à  pro- 
portion de  fa  grandeur ,  de  la  beauté ,  de  la  richeffe 
6c  de  la  pureté  de  fa  couleur  :  par  exemple  ,  deux 
grains  font  comptés  pour  trois  ,  quatre  pour  fept  , 
onze  pour  feize  ;  tandis  que  les  amétkyjles  orientales 
6i  parfaites  qui  ont  la  dureté  du  rubis  ,  doivent 
être  eflimées  dans  la  même  progreflion  que  le  rubis  , 
étant  elles-mêmes  des  rubis.  Les  améthyjles  occident 
taies  ne  fe  vendent  qu'à  proportion  de  leur  grandeur^ 
c'eiî-à-dire ,  celles  qui  font  doubles  valent  le  double 
de  celles  qui  font  (impies  ,  &c.  Les  Joailliers  fe  con- 
tentent fouvent  d'eflimer  celles-ci ,  à  Toeil. 

AMIANTE,  Amiantus,  \J amiante,  efl  connue  fous 
divers  autres  noms  qui  ont  rapport  à  fes  propriétés. 
On  l'a  appelée  linum  vivuni  ,  lin  incombiijîihle  ;  limint 
asbejîinum  ,  laine  de  falamandrt  ,  parce  qu'on  a  crit 
que  la  falamandre  étoit  à  l'épreuve  du  feu.  Voye^^  a 
Vanicle  SALAMANDRE  ce  qui  a  donné  lieu  à  cette 
erreur. 

U amiante  eil  une  matière  folîiîe  compofée  de  fîlets^ 
très-déliés ,  plus  ou  moins  longs ,  quelquefois  ifolés 
ou  féparés  ,  mais  fouvent  appliqués  longitudinalement 
les  uns  contre  les  autres  en  manière  de  faifceau ,  &; 
dont  les  extrémités  femblent  avoir  été  tranchées  avec 
un  couteau. 

Il  y  a  pluiieurs  fortes  ^amiantes  ,  qui  ^  quoique 
toutes  de  même  nature  ,  différent  par  la  couleur,  par 
le  plus  ou  moins  de  longueur  des  fils  ,  ô^  par  Fâdhé* 
rence  mutuelle  de  ces  fils.  Il  y  a  des  amiantes  jau- 
nâtres ,  grifâtres ,  &  de  parfaitement  blanches  ;  nous 
en  avons  vu  de  verte  èc  de  rouge.  On  donne  des 
noms  à  X amiante  fuivant  la  texture  de  fes  parties.  Voye:{^ 
Cuir  fossile,  Liège  de  montagne  ,  Chair  fos- 
sile. On  nomme  asbejle  une  amiante  dure  ,,  peu  ou 
point  flexible  ,  pefante^  qui  tombe  au  fond  de  i'eau|^ 


i6i  AMI 

&  felcn  ran-angement  des  parties  fîbreiifes ,  Vashcjlt 
til  ou  en  bouquet ,  ou  étoile ,  ou  en  ëpi  ,  ou  a  le 
tiflli  ligneux  :  nous  avons  trouvé  une  grande  quantité 
de  celui-ci  dans  les  montagnes  d'EcofFe  ;  celui  de 
Zœblitz  en  Saxe  efl  verdâtre  ,  &  n'eft  quelquefois 
qu'un  fchorl ,  Voyez  ce  mot,  \] amiante  eft  infipide  : 
ce  qui  la  diilingue  du  véritable  alun  de  plume  avec 
lequel  on  la  confond  fouvent ,  &  dont  le  goût  eft 
piquant. 

\jamiante  ne  fe  calcine  point  par  l'aftion  du  feu 
ordinaire  :  elle  ne  peut  être  vitrifiée  que  par  un  feu 
afTez  violent.  Les  acides  n'agifîent  que  peu  ou  point 
fur  elle:  on  en  peut  dire  autant  de  Vasbejie,  Nous 
foupçonnons  que  Vamiante  &  Vasbejle  font  formés 
d'une  argile  fableufe  extrêmement  divifée  &  trans- 
formée ainii  que  le  talc.  M.  Monnet  prétend  que  Vas- 
hefle  efl:  un  compofé  de  terre  quartzeufe  &  de  fer , 
unis  d'une  manière  très-intime.  M.  Nehel  dit  que  la 
falive  eil:  le  diffolvant  de  Vasbejle  &  de  Vamiante» 

La  propriété  fmguliere  de  cette  fubftance  (Vamiante^ 
eft  d'être  compofée  de  filets  foyeux  fi  flexibles  ,  6c 
qui  peuvent  devenir  fi  fouples  par  l'art ,  qu'il  eft  pof- 
fible  d'en  faire  un  tifTu  brillant  &  prefque  femblable 
à  celui  que  l'on  fait  avec  les  fils  de  chanvre,  de  lin, 
de  foie.  On  file  Vamiante ,  on  en  fait  une  toile  que 
l'on  jette  au  feu  fans  craindre  qu'elle  fe  confume.  Ce 
qui  paroît  très-fmgulier ,  on  blanchit  cette  toile  par 
le  feu  ;  de  fale  &  craffeufe  qu'elle  étoit  ,  elle  en  fort 
pure  &  nette  ;  le  feu  confume  les  matières  étrangères 
6c  com.buflibles  dont  elle  eft  chargée  ,  fans  pouvoir 
l'altérer.  Cependant  toutes  les  fois  qu'on  la  retire  du 
feu  5  elle  perd  un  peu  de  fon  poids  &  de  fa  flexibi- 
lité. Pline  dit  avoir  vu  une  nappe  de  liri  incombujlihle  , 
que  l'on  jetoit  au  feu  pour  la  blanchir.  L'Hiiloire  mo- 
derne nous  apprend  que  Charles-Quint  avoit  plufieurs 
ferviettes  de  ce  lin^  avec  lefquelles  il  donnoit  le  di- 
yertifTement    aux    Princes  de  fa  Cour  ,  iorfqu'il  les 


AMI  16$ 

régaîoît  ;  îl  Jetoît  au  feu  ces  fervîettes  engraiflees  6c 
fales ,  &  on  les  en  retiroit  nettes  &  entières.  Du  temps 
des  anciens  Grecs  &  des  Romains ,  on  brûloir  dans 
ces  toiles  les  corps  des  Rois ,  pour  que  leurs  cendres 
ne  fe  mêlalTent  point  avec  celles  du  bûcher.  On 
montre  dans  la  Bibliothèque  du  Vatican  un  fuaire  de 
cette  toile  ^amiante  ,  de  neuf  palmes  romaines  de  lon- 
gueur ^  fur  fept  de  largeur ,  &  qu'on  prétend  avoir 
fervi  à  cet  ulage  (  ^  ).  Quoique  ce  lin  fût  autrefois 
plus  cher  que  les  plus  belles  perles  ,  ainfi  que  le  dit 
Plim ,  il  n'étoit  cependant  point  beau.  Il  étoit  roux , 
difficile  à  travailler  ,  &  très-court  :  il  venoit  de  la 
Perfe;  c'étoit  le  feul  connu  de  fon  temps. 

Il  vient  de  très-belle  amiante  de  Flfle  de  Corfe  ;  on 
en  trouve  dont  les  filets  ont  quelquefois  jufqu'à  fix 
pouces  &  plus  de  longueur  ;  ce  font  les  plus  blancs , 
les  plus  brillans  &:  les  plus  rares  :  cette  efpece  feroit 
la  plus  propre  à  travailler  &  à  donner  une  belle  toile. 
U amiante  eft  très-propre  à  faire  des  mèches  à  lampe, 
parce  qu'elles  ne  forment  pas  auffi  promptement  que 
le  coton ,  un  lumignon  qui  ofTufque  &  diminue  tou- 
jours la  lumière.  Les  Païens  s'en  fervoient,  dit-on  , 
dans  leurs  lampes  fépulcrales  qu'ils  confacroient  à  leurs 
idoles  ou  à  leurs  vafes ,  tant  oiTuaires  que  cinéraires. 
Les  chercheurs  de  lampes  perpétuelles  n'ont  pas  manqué 
d'employer  ces  mèches  incombuftil^les  :  il  ne  leur  man- 
quoit  plus  que  l'huile  ,  que  leur  folie  leur  faifoit  croire 
pouvoir  être  extraite  de  V amiante  ;  comme  fi  une  ma- 
tière pouvoit  jeter  de  la  flamme ,  fans  perdre  de  fa 
fubflance. 

Il  y  a  de  V amiante  dans  bien  des  lieux  ;  en  Chine  , 

{a)  On  trouva,  en  effet,  un  monument  antique  en  1702,  auprès 
de  la  Porte  de  Rome,  appelée  autrefois  Porta  Nœvia  ,  qui  ne  laiffe 
aucun  doute  fur  la  réalité  de  cet  ufage.  C'étoit  une  Urne  funéraire 
ornée  de  bas-reliefs  élégans  ,  dans  laquelle  il  y  avoit  un  crâne,  des  os 
brûlés  &  Aqs  cendres  renfermés  dans  le  fuaire  dont  il  eft  mention.  Ce 
fut  CUmsnt  XI  qui  fit  dépofer  ce  monument  précieux,  &  peut  -  çtre 
unique  ,  dans  le  Palais  du  Vatican. 

R4 


:i^4    ^.  AMI 

en  Sibérie,  à  Eisfield  ,  dans  la  Thurînge;  dans  lel 
aîiines  de  Fancienne  Bavière  ;  à  Namur  ,  dans  les  Pays 
Bas  ;  dans  l'Ifle  d'Angleley  annexe  de  la  Principauté 
de  Galles  ;  à  Aberdeen  en  Ecoffe  ;  à  Montaiiban  en 
France  ,  6c  notamment  dans  la  Vallée  de  Camipan  ;  & 
près  de  Barrege  aux  Pyrénées  ,  même  en  Italie,  à  Pouzzol, 
dans  l'îile  de  Corfe  ,  à  Smyrne  ,  en  Tartarie  ,  en 
Egypte.  Souvent  les  fibres  de  Xamianu  font  déta- 
chées ,  quelquefois  aufîi  elles  font  enfermées  dans  du 
criflal  de  roche ,  dans  du  fpath ,  &  autres  corps  mi- 
néraux très-durs,  fouvent  entre  deux  quartiers  d'une 
pierre  grife  &  très-compade. 

L'art  de  filer  Y  amiante ,  autrefois  connu  des  anciens 
Orientaux,  a  été  depuis  long-temps  ignoré,  &  même 
préfentement  on  ignore  l'art  d'en  faire  de  belles  toiles- 
Cïampïni ,  dans  un  petit  Traité  imprmé  à  Rome  en 
1691  ,  en  dit  quelque  chofe.  Mahudel  a  perfedlionné 
cet  art.  Faites  tremper  votre  amiante  dans  de  l'eau 
chaude  pendant  quelque  temps  ;  enfuite  divifez-la  en 
la  frottant  avec  les  mains ,  afin  de  féparer  toutes  les 
iriatieres  étrangères  ;  répétez  cette  lotion  cinq  ou  fix 
fois  dans  de  l'eau  très-chrude  :  faites  enfuite  fécher 
au  foleil  &  fur  une  claie  de  jonc  vos  fils  à^ amiante 
féparés  des  matières  étrangères.  Vamiante  étant  ainli 
préparée  &  divifée  avec  les  doigts  en  parcelles 
£breufes ,  on  la  met  entre  des  cardes  à  dents  très- 
fines ,  &  l'on  parvient  à  en  retirer  très  -  doucement 
quelques  filamens  que  l'on  trempe  dans  l'huile  pour 
îes  rendre  plus  flexibles.  On  prend  du  coton  ou  de 
la  laine  ou  de  la  filafTe  de  lin  ;  &  à  mefure  que  l'on 
fait  ce  fil ,  mêlé  ^amiante  &  de  laine  ou  de  coton , 
on  a  grand  foin  d'y  faire  entrer  plus  ^amiante  crue 
d'autre  matière  ,  afin  que  le  fil  puifié  fe  foutenir  avec 
Vamiante.  Dès  qu'on  a  fait  la  toile  ,  on  la  jette  au 
feu  pour  faire  brûler  la  laine  ou  le  coton,  &  il  ne 
refle  plus  qu'un  tifTu  tout  entier  à'amiante.  On  em- 
ploie les  brins  le  plus  atténués ,  comme  pulvérulens  , 


A    M    I       ^  2(?y 

Ec  qui  reftènt  après  qu'on  a  employé  les  autres  >  à 
faire  du  papier.  Ce  papier  incombuftible  feroit  très- 
précieux  pour  préferver  du  danger  des  flammes  toutes 
ces  archives ,  tous  ces  aâ:es ,  d'où  dépendent  la  for- 
lune  &  le  repos  des  Nations  &c  des  Particuliers.  Il 
ne  manqueroit  que  de  trouver  préfentement  une  encre 
qui  pût  rciifler  aux  flammes  fans  en  être  détruite.  On 
fait  aftuellement  aux  Pyrénées  des  cordons  ,  des  jar- 
retières &  des  ceintures  avec  le  fil  d^amiante  :  mais 
tous  ces  ouvrages ,  toutes  ces  toiles  ne  pourront  être 
de  durée  au  fervice  ,  &  n'auront  jamais  qu'un  ufage 
de  pure  curiolité  ,  celui  de  les  engraifler  &  de  les 
falir  pour  avoir  le  plaifir  de  les  retirer  du  feu  nettes 
&  entières. 

AMIDON  ,  Amylum,  Subftance  qu'on  retire  des 
blés  gâtés  ,  des  griots  ou  recoupettes  de  blé.  Voy&i^  à 
la  fin  de  l' article  Farine.  Plim^  en  parlant  de  l'i^/zzi^/o^ , 
dit  que  l'invention  de  cette  farine  faite  fans  meule  , 
eft  due  aux  Habitans  de  l'Ifle  de  Chio. 

AMÎE  ou  BONITON  5  Scomber  arma  ,  Linn.  ;  à  Rome 
Z>L  à  Livourne,  Leccia,  PoifTon  qui  a  de  la  reffem- 
blanc  avec  le  faumon ,  pour  la  forme  de  fon  corps  ; 
il  fe  trouve  dans  la  Méditerranée  ,  plus  particulière- 
ment dans  la  partie  qui  baigne  la  Tofcane.  Rondelet 
dit  avoir  vu  de  ces  poifTons  qui  avoient  jufqu'à  trois 
pieds  &  demi  de  long.  La  gueule  eil:  affez  petite  :  les 
mâchoires  hériffées  d\me  multitude  de  petites  dents  ; 
la  langue  large  &  rude  fur  les  côtés  ,  ainfi  que  le 
palais  &  tout  l'intérieur  de  la  gueule.  Les  yeux  font 
médiocrement  grands ,  leurs  iris  blancs ,  avec  un  cercle 
brun  près  de  la  prunelle ,  le  dos  d'un  bleu  fombre  , 
mié  de  rouge-pourpre.  Les  côtés  ont  la  même  teinte , 
mais  plus  décidée.  Les  nageoires  peâ:orales  ont  vingt 
rayons  chacune  ;  les  abdominales  en  ont  iix.  La  pre- 
mière nageoire  dorfale  a  fept  rayons  épineux  ;  la 
deuxième  en  a  trente  -  quatre  ,  dont  les  trois  premiers 
&  le  dernier  font  plus  élevés;  k  nageoire  de  l'anus 


i66  A    M    I 

prëfente  les  mêmes  différences  dans  fa  conformation; 
mais  il  n'y  a  que  vingt-un  rayons,  &  leurs  extrémités 
font  blanches  ;  la  queue  profondement  échancrée.  Ce 
poilTon  eft  du  genre  de  fon  nom.  H^ojei  â  VankU 
Poisson.  Vamk  remonte  ,  en  été ,  les  rivières  ;  fa 
chair  y  devient  plus  délicate  &:  de  meilleur  goût. 

AMIGDALITE.  Nom  donné  à  des  corps  pierreux 
qui  imitent  des  amandes  qui  feroient  pétrifiées.  Foye:^ 
Jeux  de  la  Nature  &  Lltoglyphites. 

AiMIRAL.  Les  curieux  donnent  ce  nom  à  une  co- 
quille univalve  du  genre  des  Cornets,  Voyez  ce  mot, 
ilamlral  a  des  fafcies  marbrées  de  taches  blanches  fur 
un  fond  jaune  foncé.  On  y  remarque  encore  une  ligne 
ponduée  vers  le  milieu  ,  &  qui  ne  fe  trouve  point 
dans  la  coquille  appelée  vice-amiral.  Les  amateurs  dif- 
tingiient  V amiral  d'orange  ;  fa  couleur  eft  d'un  blanc 
nué  de  rofe  vif  ,  avec  deux  larges  zones  oran- 
gées. On  y  voit  quelques  ftries  très-fines  :  fa  tête  efl 
fort  élevée.  Ces  coquilles  fe  trouvent  dans  les  mers 
des  Indes ,  &  font  très-cheres.  H  y  a  auffi  V amiral  à 
deux  bandes  ,  V extra-amiral ,  &;  ^amiral  grenu  ou  cha^ 
griné.  Toutes  ces  coquilles  font  d'un  grand  prix  ,  à 
raifon  de  leur  beauté  &  de  leur  rareté. 

Les  Fleurifles  donnent  aufli  le  nom  ^amiral  à  une 
forte  ^œillet.  Voyez  ce  mot. 

Amiral.  Nom  donné  à  un  beau  papillon  diurne, 
très-commun ,  connu  par  toute  l'Europe.  Les  forêts  & 
les  jardins  en  font  remplis  ,  fur-tout  vers  la  fin  de 
l'été.  Sa  taille  eil  d'une  belle  grandeur  ;  il  n'emploie 
que  quatre  pattes  pour  marcher.  Le  deffus  de  ies  ailes 
eft  à  fond  noirâtre  ,  les  ailes  inférieures  font  bordées 
de  rouge  ,  &  ce  bord  eft  orné  de  quelques  points 
bleuâtres  :  les  ailes  fupérieures  font  traverfées  cha- 
cune par  une  bande  rouge  qui  offre  adez  communé- 
ment dans  les  femelles  une  tache  blanche  &  ronde  ; 
la  partie  antérieure  des  ailes  fupérieures  eft  ornée  de 
plufieurs  taches  blanches  de  diverfes  grandeurs.  Ce  font 


AMI  2ÎÎ7 

les  bandes  rouges  qui  ont  fait  donner  à  ce  papillon 
le  furnom  de  Vulcain,  Les  nuances  ou  les  bigarrures 
du  deffous  des  ailes ,  fur-tout  des  inférieures  ,  varient 
beaucoup  dans  les  deux  fexes.  Elles  font  communé- 
ment chargées  vers  le  milieu  de  quelques  caraderes 
de  couleur  de  biftre  foncé  ,  qui ,  félon  quelques  ama- 
teurs ,  figurent  les  chiffres  98  ou  78  ou  67.  Ces  carac- 
tères, ainfi  que  la  diverfité  de  fes  nuances  ,  lui  ont 
fait  donner  beaucoup  d  autres  noms ,  le  ^^r5  ^  le  ^z^^- 
trc-vingt-dix-muf  ^  le  papillon  a  numéros  ,  ^amiral  , 
Vatalante.  Ce  papillon  fe  fixe  à  un  canton  ,  &  il  combat 
vigoureufement  pour  s'en  conferver  la  jouifTance  :  il 
paroît  d'un  caraûere  intrépide  ,  il  ne  craint  point  le 
danger  ;  autant  il  a  été  pufillanime  dans  fon  état 
d'enfance  ,  pendant  lequel  il  a  pris  les  précautions 
les  plus  extraordinaires  pour  fe  dérober  à  fes  ennemis, 
autant  il  affronte  tous  les  dangers  dans  fon  état  par- 
fait. A-t-il  été  manqué  par  les  filets  du  chafTeur  ?  il  s'é- 
lève en  l'air  comme  font  tous  les  autres  papillons  ; 
mais  notre  rnars ,  bien  loin  de  prendre  la  fuite ,  de  s'éloi- 
gner 5  revient  hardiment  fe  pofer  fouvent  fur  le  filet 
ou  fur  le  chafTeur  lui-même  ,  en  forte  qu'on  pourroit 
le  prendre  à  la  main. 

Ce  papillon  hiverne  &  ne  reparoît  qu'à  la  ^n.  de 
Mars.  Il  provient  d'une  chenille  épineufe  ,  remar- 
quable par  une  ligne  de  points  jaunes  fur  chaque 
côté  ,  quelquefois  deux  :  fa  robe  varie  par  les  nuances 
de  fes  couleurs.  On  voit  cette  chenille  depuis  le  com- 
mencement du  printemps  jufqu'à  l'automne  ,  fur-tout 
dans  les  mois  de  Mai  ,  de  Juillet  &:  de  Septembre. 
Celles  de  cette  dernière  faifon  réuffiffent  toujours  mieux 
que  les  autres ,  étant  moins  expofées  à  être  attaquées 
par  les  mouches  ichneumones  ,  qui  font  les  plus  ter- 
ribles adverfaires  des  chenilles  épineufes.  La  tête  de 
notre  chenille  efl  armée  de  très-petites  pointes;  fon 
corps  efl  hériffé  d'épines  garnies  de  plufieurs  pointes 
fines  &  courtes.  L'anneau  du  cou  n'en  a  point  ;    les 


i(^S  A    M    ï 

deux  anneaux  fui  vans  en  ont  chacun  Cfiiatre  ,  Se 
foiivent  fix  ;  les  autres  après  chacun  fept ,  &  le 
dernier  enfin  en  a  fix.  Indépendamment  de  cette  ar-» 
mure  pour  leur  défenfe ,  ces  chenilles  favent  encore 
pourvoir  à  leur  fureté  d'une  manière  différente  des 
autres  chenilles.  Comme  elles  fe  nourriffent  fur  toutes 
les  efpeces  d'orties  ,  fur-tout  fur  celles  qui  font  le 
long  des  murailles  ou  des  haies ,  dont  elles  mangent 
plus  particulièrement  la  graine,  ou  bien  fur  la  plante 
appelée  Lauréok  ou  Garouu\  elles  fe  placent  ordinai- 
rement fur  les  fommités  de  ces  végétaux.  Pour  n'être 
point  apperçues ,  elles  fe  forment  une  loge  ,  chacune 
îeparément ,  en  roulant  une ,  deux  ou  trois  feuilles  : 
elles  en  fixent  les  bords  avec  des  fils  de  leur  foie  ;  placées 
dans  l'intérieur  de  cette  loge ,  elles  y  refient  jufqu'à 
ce  qu'ayant  rongé  les  feuilles  ,  elles  la  quittent  pour 
en  conftruire  une  nouvelle  :  communément  les  arai- 
gnées fe  placent  dans  les  loges  abandonnées.  Cette 
inanœuvre  cache  ces  chenilles  de  façon  qu'il  faut  la 
bien  connoître  pour  les  trouver  prêtes  à  quitter  leur 
premier  état  pour  pafTer  à  celui  de  chryfahde  :  ces 
chenilles  fe  fufpendent  par  les  jambes  poflérieures  à 
quelques  fils  de  leur  foie  ;  mais  avant  de  fe  fufpendre 
ainfi ,  comme  par  la  queue ,  elles  fe  tiennent  pendant 
quelque  temps  en  repos  ou  immobiles ,  le  corps  très- 
raccourci  ,  &  les  anneaux  pour  ainfi  dire  rentrés  les 
uns  dans  les  autres.  Enfuite  étant  fufpendues,  la  peau 
fe  fend  &  fe  retire  vers  les  jambes  poflérieures  ;  &  à 
l'inflant  que  cette  peau  quitte  ,  la  queue  de  la  chry- 
falide ,  par  le  moyen  d'un  faut ,  va  s'engager  dans  les 
mêmes  fils.  Cette  chryfalide  ,  angulaire  &  nue  ,  efl 
quelquefois  d'un  gris  bleuâtre  ,  rougeâtre  ou  brunâtre  : 
elle  efl  ornée  ,  plus  ou  moins ,  de  taches  d'or  :  enfin 
il  fort  de  cette  chryfalide  ,  le  beau  papillon  amiral 
qui  paraît  exifler  aujourd'hui  dans  les  quatre  parties 
du  monde. 

AMMI.  Genre  de  plante  de  la  famille  des  Oinhl- 


A    M    M  16^ 

Mferes  ,  Si  qui  a  des  rapports  avec  les  carottes.  Dans 
les  efpeces  de  ce  genre  ,  les  feuilles  font  oblongues  ^ 
«troites,  dentées  &  placées  par  paires  le  long  d'une 
côte:  le  fruit  eft  compofé  de  deux  femences  nues  , 
appliquées  l'une  centre  l'autre ,  petites  ,  prefque  ron- 
des ;  c'eft  une  des  quatre  femences  chaudes  "mineures 
qu'on  emploie  dans  les  décodions  carminatives.  La 
femence  de  V^mmi  de  Candie ,  Fœnlculnm  annuiim , 
Origcmi  odore ,  Tourn. ,  eft  la  plus  odorante  ,  d'un 
goût  amer ,  pleine  de  parties  volatiles.  Vammi  ordi- 
naire de  nos  campagnes  tû  très-peu  aromatique  :  Ammi 
majiis ,  Linn.  349  ?  C.  B.  Pin.  ;  &  vulgare^  femme  minus 
cdorato  y  Tomn,  304.  Ses  fleurs  font  blanches  ,&  les 
ombelles  amples.  Cette  plante  eft  annuelle. 

AMMITE  ou  Ammonite.  Nom  donné  à  de  petits 
grains  pierreux  ,  arrondis  &c  plus  ou  moins  gros  :  les 
uns  refiemblent,  pour  la  forme  &  pour  la  grofleur, 
à  des  œufs  de  poiffon ,  des  grains  de  millet  &  à  des 
femences  de  pavot ,  d'où  iont  venus  les  mots  cen- 
crites  6c  mèconites  ,  que  l'on  trouve  dans  Pline,  D'au- 
tres ammitcs  font  quelquefois  grofTes  &  femblables  à 
des  pois  ou  à  àts  orobes ,  ce  qui  les  a  fait  appeler 
pifolithos  6c  crobias,  La  couleur  des  ammites  doit  varier 
comme  celle  de  la  pierre  :  il  y  en  a  de  grifes  ,  de 
blanches ,  &c.  Les  grains  ,  quoique  difl:in£l:s  ,  font 
communément  adhérens  les  uns  aux  autres,  Voye^^ 
aujfi  OOLITHE. 

AMMOCHRYSE.  Nom  donné  par  quelques-uns  au 
mica  brillant ,  jaune ,  plus  connu  fous  le  nom  d'or  de 
chat.  Voyez  à  l'article  Mica,  Le  plus  bel  ammcchryfc 
fe  trouve  dans  l'Ifle  d'Elbe,  en  Bohême,* à  Rio- Janeiro. 

AMMODYTE.  Nom  d'un  genre  àe.  poijfons  apodes^ 
Voyez  à  l'anicle  Poisson.  Ammodytc  eft  un  dérivé 
des  mots  grecs  «V^to? ,  fable ,  &  «TJt/^  ,  plongeur  ; 
parce  qu'il  y  a  des  poiiïbns,  des  ferpens  ,  &c.  qui 
s'enfoncent  dans  le  fable.  Voye^  APPAT  DE  VASE  ,  à 
-j^^rtiçk  Anouilh  de  fahlc. 


270  A    M    M 

Ammodyte.  On  donne  aufîi  ce  nom  à  Vangu'dk de 
fable.  Voyez  ce  mot, 

Ammodyte  5  Ammoditcs  :  Col ub er  f cutis  abdomlna- 
libus  \Afi\Squaniis  caudallbus  3  2 ,  Linn.  C'eft le  f/nzi/zz^ 
de  Bdon^  itin.  203.  (  On  Ta  aufli  appelé  Dryin  ^  du 
grec  Ap^/vo? ,  qui  fignifie  chêne  ,  parce  qu'on  a  prétendu 
que  fa  robe  avoit  la  couleur  du  chêne  ,  &  qu'il  fe 
cache  dans  les  creux  de  cet  arbre.) 

\J ammodyte  a  la  tête  d'une  figure   prefque  triangu- 
laire. M.  Daubenton  dit  qu'il  a  entre    les    yeux ,   les 
narines  &  le  mufeau ,  une  multitude  de   très  -  petites 
écailles ,  ce  qui  le  diflingue  de  la  plupart  des  autres 
ferpens ,  qui  ont  ces  mêmes  efpaces  garnis  de  lames 
très-grandes  ;  chaque  côté  de  la  mâchoire   fupérieure 
eft  armé  de  deux  dents  affez  grandes  ,  aiguës  &  ren- 
fermées dans  une  veffie  pleine  de  venin  ;  l'inférieure 
efl  garnie  de  plufieurs  autres  dents  très-petites,  &qiii 
ne  peuvent  faire  aucun  mal.  Le  mufeau  efl  redreffé , 
haut  de  deux  lignes ,  femblable  à  une   corne    par  fa 
figure,  mais  d'une  fubilance  charnue  ,  mobile  en  ar- 
rière du  côté  de  la  tête ,  &:  couvert   de  très  -  petites 
écailles.  Entre  cette  efpece  de  corne  &  les  yeux,  elt 
de  chaque  côté  de  la  tête ,  une  efpece   de    tubercule 
un  peu  faillant  :  chaque  narine  eft  fituée  à  la  bafe  de 
chaque  tubercule.  Les  yeux  font  couverts  d'une  feule 
écaille  qui  fait  la  fon£lion  de  paupière  ;  fur  l'occiput 
font  deux  écailles  un  peu  plus  grandes  que  les  autres. 
L'abdomen  eft  revêtu  de   142  grandes  plaques  ,  &  le 
deflbus  de  la  queue  eft  garni  de  32  paires  de   petites 
plaques  ;  celles  qui  recouvrent  le  corps  font  oblongués , 
planes  ,  obtufes  &  difpofées  fur  dix-neuf  rangées.  La 
queue  eft  déliée  &  longue  feulement   d'un  travers  de 
doigt.    La  longueur  de  \ ammodyte  eft    d'environ    un 
demi-pied. 

La  couleur  de  ce  ferpent  eft  aflez  femblable ,  pout 
le  fond  ,  à  celle  d'un  fable  nué  de  vert  pâle  ;  de  là 
peut  -  être  le  nom  ^ammodyte.  Les  bgrds  de  fts  kvrç* 


A    M    M  171 

font  panachés  de  blanc  &  de  noir.  Le  dos  eft  par- 
tagé en  fon  milieu  par  une  ligne  aiTez  large  ,  noi- 
râtre &C  dentelée  dans  un  ordre  alternatif.  Linnœus  dit 
que  quiconque  a  vu  une  vipère  ,  connoît  la  couleur 
de  ce  ferpent.  L'individu  décrit  par  ce  Naturalise  du 
Nord ,  avoit  été  pris  au  moment  où  il  faifoit  fon  repas 
d'un  lézard,  qu'il  avoit  déjà  avalé  jufqu'aux  pieds  de 
devant ,  quoique  cette  proie  fut  auiîi  grande  que  le 
ferpent  lui-même  ;  pluiieiirs  Auteurs  ont  dit  que  la 
queue  de  ce  ferpent  étoit  d'une  dureté  conlidérable. 
Linnœus  a  obfervé  qu'elle  étoit  feulement  un  peu  plus 
roide  que  le  corps.  Matkiole  rapporte  dans  i^s  Comm, 
fur  Dlofc.  p.  950.,  que  les  Charlatans  qui  débitoient 
des  fpécifiques  contre  la  morfure  à^s  ferpens  ,  don- 
noient  à  celui-ci  le  nom  ^Afpic-comu  ^  Afpide  delcomo  ; 
qu'en  effet  fon  poifon  n'étoit  pas  moins  aftif  que  celui 
de  l'afpic ,  puifque  àos  perfonnes  ,  qui  avoient  été 
mordues  par  des  ammodytes,  étoient  mortes  au  bout 
de  trois  heures.  Altlus  dit  que  ceux  qui  font  d'un 
tempérament  vigoureux ,  fiirvivent  trois  jours  à  cet 
accident  ;  quelques-uns  mêmes  n'expirent  que  le  feptieme 
jour.  Uammodyte  fe  trouve  en  Suéde  ,  en  Italie  ; 
quelques-uns  l'appellent  vipère  cornue  d^Yllirie,  Uammo^ 
dyu  ell:  du  troifieme  genre  des  ferpens. 

AMMON  de  Linnceus^  c'eft  le  mouflon.  Voyez  ce 
mot, 

AMMONIAC  (  Sel  ),  Sal  ammoniaciim.  On  dif- 
tingue  aujourd'hui  deux  fortes  de  fel  ammoniac  ,  le 
naturel  &  le  factice. 

Le  fel  ammoniac  naturel  fe  fublime  de  lui-même  à 
travers  les  fentes  des  foufrieres  de  Pouzzol  ;  il  s'at- 
tache en  forme  de  fuie  blanche ,  ou  de  croûte  jau- 
nâtre ,  aux  pierres  gxiç:  la  nature  ou  l'art  entaffe  fui* 
ces  fentes  :  on  fait  fondre  ce  fel  dans  de  l'eau ,  &  par 
ëvaporation ,  il  fe  criftallife  en  cubes ,  &  en  cet  état 
il  paroît  affez  reffembler  -àwfel  ammoniac  des  Anciens  ; 
©n  en  ramaife  auiîi  de  très -blanc   à  la  bouçhs  l'jpéi 


172  A    M    M 

rieiire  Se  permanente  du  Mont  ^Ethna.  Celui  que  Poit 
rencontre  dans  la  grotte  du  petit  pays  de  Boton  en 
Afie,  eft  beaucoup  plus  pénétrant  que  le  précédent  : 
les  Habitans  du  pays  l'appellent  mufchader.  Le  fd  am- 
moniac naturel  ne  le  trouve  guère  dans  le  commerce , 
mais  le  faftice  eil  très-commun. 

On  connoît  deux  fortes  àe.fel  ammoniac  factice.  ;  l'un 
de  la  forme  de  nos  pains  de  fucre ,  de  couleur  cen- 
drée ,  &  qui  vient  des  grandes  Indes.  Cette  efpece 
commence  à  être  fort  rare  :  ce  fel  a  été  décrit  par 
M.  Gcofroi  le  jeune ,  dans  les  Mémoires  de  V Académie 
Royale  des  Sciences ,  année  ly^;^.  L'autre  efpece  de  fel 
ammoniac  la  plus  commune  ,  &  la  plus  d'ufage  dans 
le  commerce ,  eft  en  forme  de  pains  ronds  &  plats , 
de  deux  à  trois  doigts  d'épaiffeur ,  concave  fur  l'une 
des  faces  ,  &:  convexe  fur  l'autre  avec  une  efpece 
d'ombilic.  Ces  pains  font  de  couleur  cendrée  à  l'ex- 
térieur ,  blanchâtres  en  dedans ,  &  demi-tranfparens. 
Sa  criftallifation  eil  en  aiguilles  ,  d'un  goCit  falé ,  acre 
&  piquant.  On  les  apporte  d'Egypte  &  de  Syrie  par 
la  voie  de  Marfeille. 

Quelques  Auteurs  ont  avancé  faulTement  que  ce  fel 
ammoniac  n'étoit  que  de  l'urine  de  chameau  ,  fublimée 
naturellement  par  la  grande  ardeur  du  foleil  fur  les 
fables  d'Afrique  ;  M.  Rouelle  le  jeune  ^  qui  a  analyfé 
l'urine  d'un  chameau  qui  vivoit  à  Paris  en  1777  ,  a 
reconnu  qu'elle  ne  contient  point  de  fel  amiTxoniac  , 
&  que  le  peu  qu'elle  en  fournit  n'efl  que  l'ouvrage 
du  feu.  On  tient  du  Père  Sicav d  ,  Miffionnaire  en 
Egypte ,  le  procédé  ufité  de  fon  temps  par  ces  peuples 
pour  la  préparation  du  fel  dont  il  eft  queftion. 

On  emploie  pour  la  formation  du  fel  ammoniac , 
de  la  fuie  que  l'on  recueille  des  excrémens  des  ani- 
maux, &  fur-tout  des  chameaux.  En  Egypte  ,  dans 
le  village  de  Damaier ,  près  de  Mafoura  ,  &  où  le 
bois  eft  fort  rare ,  on  mêle  avec  de  la  paille  ces  ex- 
crémens ,  ôc  on  en  fait  cks  efpeces  de  mottes  à  brûler. 


A    M    M  275 

On  recueille  cette  fuie  ;  oq  la  met  dans  de  grandes 
bouteilles  de  verre  ;  on  la  mêle  avec  du  fel  marin  , 
difîbus  dans  de  l'urine  de  chameau  ou  de  quelqu'autre 
bête  de  fomme  :  le  fel  qui  fe  fublime  de  ce  mélange  , 
expofé  à  un  feu  vif  &  long  ,  eil  le  fd  ammoniac  des 
Européens ,  &  le  mchabar  des  Arabes.  Le  plus  blanc 
fe  nomme  mecarra ,  &:  le  plus  noir  aradi.  Ainfi  le  J'd 
ammoniac  eil  un  fel  neutre,  formé  par  la  combinaifon 
de  l'acide  du  fel  marin  avec  l'alkali  volatil. 

Maintenant  nous  devons  citer  la  préparation  aftueUe 
de  ce  fel ,  d'après  la  defcription  que  M.  Haffelqiùfl  a 
envoyée  du  Caire  à  l'Académie  Royale  de  Suéde  : 
cette  defcription,  qui  confirme  en  quelque  forte  ce 
que  M.  U  Maire ^  Conful  de  France  au  Caire,  Se  le 
Voyageur  Anglois  M.  Thomas  Shaw  ^  ont  avancé  de 
la  préparation  du  fel  ammoniac  ,  dit  poiitivement  que 
la  matière  d'où  l'on  tire  ce  fel,  eîl  uniquement  la  fuie 
produite  par  la  fiente  de  toutes  fortes  de  quadrupèdes, 
chevaux,  ânes  ,  bœufs ,  vaches  ,  bufîles  ,  brebis  ,  chèvres, 
fans  que  celle  de  chameau  mérite  aucune  préférence 
fiu*  les  autres.  M.  Hajfelquiji  cfl  le  premier  qui  ait  fait 
connoître  que  l'acide  du  fel  marin ,  qui  entre  nécef- 
fairement  dans  la  combinaifon  du  fel  ammoniac  ,  fe 
trouvoit  abondamment  dans  la  fiente  des  bêtes  de 
charge  de  ce  pays ,  &  par  conféquent  dans  tous  les 
alimens  de  ces  animaux,  que  l'on  nourrit  de  luzerne, 
de  bon-henri ,  &c.  Ainfi  l'acide  du  fel  m^arin  co-exiflant 
s'élève  en  même  temps  que  la  fuie  ,  &  fe  combine 
avec  l'alkali  volatil  que  le  règne  animal  fournit  tou- 
jours. Enfin ,  quand  on  '  expofe  cette  fuie  au  feu  dans 
des  vaifTeaux  fublimatoires ,  il  en  réfulte  un  fel  neutre 
fublim.é  &  folide ,  qui  eil  le  fel  ammoniac. 

Les  pauvres  de  l'Egypte ,  dit  encore  M.  Haffelquifl^ 
ramaffent  la  fiente  des  quadrupèdes ,  &  même  les  ex- 
crémens  humains ,  pendant  les  quatre  premiers  mois 
de  l'année  :  ils  fe  débarralTent  de  cette  fiente  aufîi-tôt 
qu'ils  l'ont  ramaiî'ée.  Si  cette  fiente  étoit  a' ors  trop 
Tomz  /,  S 


274  A    M    M 

molle ,  ils  y  mêlent  de  la  paille  hachée ,  ou  des  brins 
de  chaume  ou  de  lin ,  enfuite  ils  l'appliquent  contre 
une  muraille  ,  où  ce  fumier  fe  lèche  à  l'ardeur  du 
foleil ,  &  y  refte  jufqu'à  ce  qu'il  foit  affez  fec  pour 
brûler.  Voilà  le  combuftible  des  pauvres ,  &  même 
des  perfonnes  d'un  état  médiocre  dans  le  pays.  On 
ralTemble  cette  fuie  qu'on  vend  aux  Fabriques  de  fd 
ammoniac  ;  &  la  quantité  du  fumier  en  queilion  eft 
fi  grande  ,  que  lorfqu'on  fort  du  Caire  le  matin  ,  on 
rencontre  toujours  plufieurs  centaines  d'ânes  qui  ap- 
portent cette  marchandife  à  la  Ville.  On  eitime  qu'il 
fort  tous  les  ans  des  Fabriques  de  Delta,  de  Giza  , 
de  Rofette ,  &;c.  en  Egypte ,  près  de  fept  mille  quin- 
taux de  livres ,  poids  de  Marfeille  ,  de  fd  ammoniac  , 
que  l'on  tranfporte  chez  l'Etranger. 

Comme  ce  fel  efl  volatil  &  pénétrant ,  il  efl:  très- 
utile  pour  incifer  &  atténuer  les  humeurs  épaifîes  6c 
vifqueufes ,  &  propre  dans  les  cas  où  il  faut  exciter 
une  forte  ofcillation.  Si  l'on  en  croit  l'illuftre  Boïr^ 
haave^  ce  fel  garantit  toutes  les  fubftances  animales 
de  la  corruption.  C'eft  particulièrement  dans  les  tra- 
vaux chimiques  qu'on  emploie  ce  fel  ;  il  fert  fur-tout 
à  fublimer  les  métaux  imparfaits ,  à  exalter  la  couleur 
de  l'or  dans  la  fufion  ,  à  faire  de  l'eau-régale.  On  s^Qn 
fert  auïïi  pour  étamer  le  fer ,  le  cuivre  &:  le  laiton  , 
&  on  l'emploie  dans  l'étamage  des  cafetières  à  la 
Turque  ,  dans  lequel  on  ne  fait  point  entrer  le  plomb. 
On  s'en  fert  auffi  pour  argenter  &:  pour  rafraîchir 
l'eau. 

AMMONIAQUE  (  Gomme  ) ,  Gummi  Ammoniacuml 
C'eft  une  forte  de  fuc  concret ,  qui  tient  le  milieu 
entre  la  gomme  &  la  réfme.  11  y  en  a  qui  s'amollit 
quand  on  le  manie,  &  devient  gluant  dans  les  mains. 
Il  a  une  faveur  d'abord  douce  ,  enfuite  amere  ;  fon 
odeur  efl  pénétrante  ,  &  fouvent  auffi  puante  que 
celle  du  galbanum.  Cette  fubdance  jetée  fur  les  char- 
bons ardens ,  s'enflamme;  elle  fe  dilTout  dans   le  vi- 


A    M    M  A    M     O        Z75 

îiaigre  &  en  partie  dans  Teau  chaude.  Elle  découle  par 
incifion ,  fiiivant  M.  Geofrol ,  &  fous  une  forme  laiteufe  , 
d'une  plante  ombellifere  qui  croît  en  Lybie  ;  la  meilleure 
eft  en  larmes  jaunâtres  :  celle  qui  eft  en  grumeaux  bru- 
nâtres ou  en  maffe,  fe  nomme  gomme  ammoniaque  en 
forte.  On  nous  l'apporte  d'Alexandrie.  La  gomme  am^ 
moniaque  eft  un  puifTant  hyflérique  ,  &  un  apéritif 
employé  utilement  dans  l'afthme  ,  &  un  très  -  boa 
réfolutif  pour  les  loupes  ,  employé  extérieurement. 

Suivant  M,  Biiquet  ,  l'eau  bouillante  diffout  la 
gomme  ammonïaqiu  prefque  en  totalité  ;  cette  diffo- 
lution  eft  trouble  &:  d'un  blanc  jaunâtre  :  lorfqu'on 
la  laifte  évaporer ,  elle  laifte  un  extrait  jaunâtre  amer 
&  d'une  odeur  virulente  affez  foible.  L'efprit-de-vin 
diftbut  la  gomme  ammoniaque  mieux  que  l'eau.  Il 
femble  que  dans  cette  gomme  la  matière  réiineufe  eft 
très-intimement  combinée  à  la  partie  extraclive  ,  & 
qu'elle  eft  de  la  nature  des  réfmes  extractives.  La 
gomme  ammoniaque  a  en  effet  tous  ces  caraderes  ; 
elle  eft  très-inflammable ,  elle  fe  diftbut  dans  l'eau  & 
dans  l'efprit  de  vin ,  & ,  comme  il  eft  dit  ci-defllis  , 
mieux  dans  ce  dernier  menftrue  que  dans  le  premier, 

AMMONITE.  Voyei^  Ammite.  On  donne  aufti  le 
nom  ^ammonite  à  de  petites  cornes  d'ammon  foftiles. 
Voyei^  Corne  d'Ammon. 

AMOME ,  Amomum.  Genre  de  plante  de  la  familla 
des  Balïjkrs  ,  à  corolle  quadrifîde  ,  dont  les  feuilles 
reflemblent  à  celles  des  rofeaux ,  &  dont  les  racines 
&  les  graines  ont  un  goût  aromatique  &:  piquant  : 
ce  genre  comprend  des  plantes  exotiques.  Le  fruit 
eft  une  capfule  charnue  ou  coriace ,  ovale  ou  ar- 
^  rondie,  obtufément  triangulaire  &  partagée  intérieu- 
rement en  trois  loges  qui  renferment  pluiieurs  fe- 
mences  ;  tels  font  les  cardamomes  ,  les  gingembres  ,  &:c. 

Amome  a  grappes  des  Droguiftes ,  Amomum  ra-* 
cemofum  officinar,  C'eft  un  fruit  à  capfule  membra- 
neufe  ,  obronde ,  ayant  trois  angles  ou  trois  côtés  ar-! 

S  % 


'275  A    M    O 

rendis,  &  de  la  grofleur  d'une  noix  de  hen  ;  ces 
capfules  font  difpofées  comme  des  grains  de  raifm  , 
par  petites  grappes  iitiiées  alternativement  le  long 
des  hampes  couchées  que  produit  Vamcme  ,  qui 
croît  à  l'ombre  dans  les  montagnes  humides  &  in- 
clinées du  Malabar.  On  obferve  que  les  trois  petits 
filions  &  les  trois  petites  côtes  qui  fe  voient  à  l'ex- 
térieur de  ce  fruit ,  répondent  parallèlement  aux  trois 
rangs  de  graines  qui  remplirent  l'intérieur.  La  couleur 
de  ces  fruits  défféchés  eft  d'un  gris  fauve.  Les  graines 
font  anguleufes ,  rouffes  en  dehors ,  blanches  en  de- 
dans. Ces  femences  ont  ime  odeur  &  une  faveur  qui 
approchent  afiez  de  celles  du  camphre  ou  de  la  2^- 
vande.  On  dit  que  c'efl:  un  excellent  contre-poifon  & 
un  puifTant  alexitere.  Il  rétablit  aulîi  l'ofcillation  des 
fibres  &:  facilite  la  digeftion.  On  aiTure  que  les  feuilles 
de  cette  plante  étant  fraîches  ,  ont  une  faveur  piquante, 
aromatique  &  un  peu  amere.  Ses  graines  ont  les  mê- 
mes qualités  ëc  dans  un  degré  plus  éminent ,  ce  qui 
les  fait  conftamment  rechercher  pour  l'ufage ,  comme 
affaifonnement ,  par  les  Indiens.  Les  fruits  de  cet  amomc 
font  un  objet  de  commerce  à  la  Côte  de  Malabar. 

On  donne  aufîi  le  nom.  çiomomc  à  la  graine  àwfifoni 
.Voyez  u  mot» 

M.  Ddm^t  dit  que  les  Jardiniers  donnent  le  nom 
a^amomiim  à  un  folanum  vivace ,  Solarium  pfeudo-cap^ 
ficum ,  Lin.  Sp.  pi. ,  dont  les  tiges  font  fans  piquans  , 
&  les  feuilles  oblongues  ,  légèrement  ondées,  les  fleurs 
blanches  &  les  fruits  rouges,  de  la  forme  &:  de  la 
grofTeur  de  petites  cerifes.  A  l'égard  du  faux  amome. 
C'efl:  la  berk  aromatique ,  Sium  aromaticum.  Voyez  à 
l'article  BerlE. 

Amome  de  la  Jamaïque  ,  Amomï.  Nom  que  les 
Commerçans  donnent ,  avec  les  Hollandois ,  au  poivre 
de  la  Jamaïque  ,  que  nous  appelons  autrement  graine 
de  girofle  rond ,  qui  efl  le  piment  des  Anglois.    Foyei 

PoiVR£  i>£  LA  Jamaïque» 


A    M    O  277 

AMOURETTE.  Dans  les  Ifles,  &  partîcuUérement 
à  Saint-Domingue ,  on  donne  ce  nom  à  des  plantes , 
dont  on  diftingue  deux  efpeces  principales  ;  l'une  ré- 
putée franche  ,   &  l'autre  bâtarde, 

IJamourctte  franche  ou  tabac   maron  ,    Solanum    non 
acukatiim ,  dit  le  Père  Nicolfon ,  s'élève  à  la  hauteur 
de  quatre  à  cinq  pieds.  Sa  racine  eH  chevelue,  blanchâtre 
d'abord,  enfuite  roulTâtre,  d'une  odeur  forte,  &  d'un 
goût  amer  :    fa  tige  affez  grolfe ,   &    remplie    d'une 
moelle  tendre,  eft  verdâtre  &  couverte  de  poils  très- 
fins.  Cette  tige  fe  divife  en  plufieurs  rameaux  tortueux 
&  velus  aufîi.  Les  feuilles  font  larges  ^  pointues ,  di- 
vifées  dans  leur  longueur  par  une   côte   faillante    en 
deffous ,  à  laquelle  aboutiffent  plufieurs  nervures  obli- 
ques :  ces  feuilles  font  de  couleur  vert  pâle  en  deffus  y 
blanchâtres  en  deffous  ,  couvertes  des  deux  côtés  d'un 
duvet  fin ,  épais ,  qui  les  rend  très-douces  au  toucher. 
Elles  ont  fept  à  huit  pouces  de  longueur,  &  quatre 
à  cinq  de  largeur.  Elles  font  portées  fur  des    queues 
longues  ,  arrondies  ,  ôi  veloutées ,  comme  les  autres 
parties  de  la  plante.  Les  fleurs  croiffent  par  bouquets 
fur  les  rameaux  vers  la  naiifance   des  feuilles  ,  elles 
font  en  forme  d'étoiles ,  compofées   de  cinq  pétales , 
quelquefois ,  mais  rarement  de   fix ,  d'im  bleu  pâle  & 
pourpré ,  pointues ,  rabattues  en  dehors.  On  obferve 
au  centre  de  la  corolle  ,  cinq  ou  fix  étamines  droites  , 
flriées ,  jaunes ,  arrangées  autour  du  flyle  qui  s'élève 
du  fond  du  calice  où  eil  placé  l'embryon  qui  eft  le 
rudiment  du  jeune  fruit.  Le   calice  eft  compofé  auflî 
de  cinq  à  fix  feuilles  pointues  ,  d'un  vert  clair ,  can- 
nelées &:  veloutées.  Ses  fruits  font  parfaitement  ronds, 
6i  ont  environ  quatre  lignes  de  diamètre ,  liffes ,  liu- 
fans ,   attachés  fortement  au  calice  de  la  fleur ,  d'une 
couleur  d'abord  verte ,  enfuite   jaune    &  enfin    rou- 
geâtre.  Ils  renferment  une  pulpe  glaireufe  ,  fucrée ,  qui 
environne  de   petites  graines  plates  &  arrondies. 
V Amourette  franche  croît  dans  les  endroits   incultes? 


lyS        A    M    O  AMP 

&  arides.  On  prétend  que  fa  racine ,  prife  en  décoc- 
tion ,  appaife  l'ardeur  de  la  fièvre ,  que ,  mêlée  avec 
le  cardamome ,  elle  guérit  les  coliques  venteufes ,  & 
que  le  fuc  exprimé  de  fa  racine  ou  de  fes  feuilles  eft 
fiomadiique.  On  fait  aufîi  bouillir  fes  feuilles  &  (es 
fruits ,  avec  un  peu  de  chaux  6c  de  fucre  ;  ce  qui  pro- 
duit un  puifTant  vulnéraire  maturatif  pour  la  guérifon 
ées  plaies. 

Uamountu  bâtarde^  Solanum  aculcatum  ,  a  fes  feuilles 
échancrées  dans  leur  contour  ,  terminées  par  fept 
pointes  ;  divifées  en  deux  parties  égales  par  une  groffe 
côte  faillante ,  garnie  d'épines  jaunâtres.  La  tige  &  les 
branches  font  garnies  auili  de  ces  mêmes  épines.  Dans 
tout  le  refle  elle  efl  femblable  à  la  précédente. 

Amourette  des  prés.  Voye^^  Fleur  de  coucou. 

Amourettes.  Voyc^^  Brize. 

Amourette  coléoptere.  Voyc?^  à  Vanlch  An- 
'threne. 

AiMPÉLITE  ou  Terre  de  vigne  ,  Pharmacitls. 
Efpece  de  terre  noire  &  bitumineufe  ,  contenant  des 
principes  fulfureux  &  inflammables.   Foyei  Crayon 

IVOIR. 

AMPHIBIE ,  Amphih'ms.  On  déiigne  par  cette  déno- 
ïîiination  trop  vague  les  animaux  qui  ont  la  double  fa- 
culté de  vivre  fous  l'eau  fans  refpirer ,  &  fur  terre  en 
refpirant  l'air  ,  &  qui  peuvent  alternativement  pafler  de 
Tiin  à  l'autre  élément  ,  comme  le  caflor  ,  Vondatra  ,  le 
dcfman  y  'les  phoques  ,  la  loutre  ,  la  farlcovienne  ,  Vhippo- 
potame ,  le  lamantin ,  le  crocodile ,  les  tortues  ,  la  plupart 
<les  reptiles,  tels  que  les  ferpens ,  le  crapaud^  les  grenouilles^ 
la  falamandre  ,  la  mufaraigne  d'eau  &  autres.  Ces 
animaux  ,  dont  les  uns  font  réputés  ovipares  &  les 
autres  vivipares  ,  tiennent ,  pour  ainfi  dire ,  le  milieu 
entre  les  poliTons  &  les  animaux  terreflres  ,  &:  ils  parti- 
cipent de  leurs  différentes  natures.  Il  y  a  plufieurs  ani- 
maux défignés  pour  amphibies  ,  comme  les  grenouilles  , 
dont    le   coeur  n'a   qu'un   ventricule    :   l'on  prétend 


AMP  279 

eue  la  tortue  en  a  trois.  Mémoires  de  l'' Académie  ^ 
année   ijo^. 

Certains  animaux,  réputés  amphibies ,  vivent  plus  long- 
temps fur  la  terre  que  dans  l'eau,  tels  que  les  cajîors  5c  les 
loutres;  ils  font  obligés  de  revenir  fur  terre  ou  au-defTus  de 
Feau  pour  refpirer  un  nouvel  air ,  fans  quoi  ils  feroient 
fufFoqués  5  la  quantité  d'air  qui  fe  trouve  mêlée  avec 
î'eau  ,  n'étant  pas  fuffifante  pour  leur  conferver  la  vie  : 
d'ailleurs  ils  n'ont  pas  le  trou  de  la  cloifon  du  cœur 
entièrement  ouvert,  ni  les  organes  néceffaires  pour 
filtrer  &  féparer  l'air  de  l'eau.  D'autres ,  tels  que  les- 
ferpens  ,  couleuvres ,  crapauds  ont  le  fang  froid  ;  c'efl 
pourquoi  ils  peuvent  pafTer  l'hiver  fans  prendre  de 
nourriture  ,  engourdis  dans  des  lieux  fouterrains.  Le 
mouvement  périflaltique  des  inteftins  &  la  chaleur  des 
fluides  étant  ralentis  ,  il  ne  fe  fait  prefque  ni  tranf- 
piration  ,  ni  déperdition  ;  d'où  il  fuit  que ,  puifque  la 
machine  de  l'animal  ne  fait  aucune  perte  y  il  n'a  point 
befoin  de  nourriture  pour  la  réparer.  Le  loir  eft  dans 
ce  même   cas.   Voye^  LoiR. 

Il  y  a  des  poiflbns  qui  refient  quelques  temps  hors 
de  l'eau.  Les  anguilles  ,  quelques  efpeces  de  Jilures ,  &c. 
en  fortent  pour  fe  ghffer  entre  des  herbes  fraîches- 
6c  humides  :  les  poiffons  volans  fortent  de  l'eau  pour 
chercher  quelque  nourriture  ,  ou  pour  fuir  d'autres 
poifTons  qui  font  fur  le  point  de  les  dévorer.  On 
tranfporte  des  carpes  du  Rhin  depuis  Strasbourg  jufqu'à 
Paris  ,  fans  qu'elles  meurent  ,  fi  on  les  tient  entre 
des  herbes  fraîches ,  &  en  mettant  dans  les  ouvertures 
des  ouïes  un  tampon  de  moufle  hume£lée ,  qui  empêche 
qu'elles  ne  fe  ferment  &  ne  fe  collent ,  fans  quoi  ce 
poiflbn  périroit  fuifoqué,  mais  aucun  de  ces  poiflbns 
n'efl:  vraiment  amphibie, 

L'hom.me ,  &  quantité  d'autres  animaux  ^  que  l'ori 
ne  regarde  point  comme  des  efpeces  ^ampKibies  ,  le 
font  ou  l'ont  été  en  quelque  façon  ;  puifqu'ils  ont 
vécu  dans  l'eau  tant  qu'ils  étoient  dans  la  matrice  ^ 

S  ^ 


28o  .       AMP 

&  qu'ils  ne  refplrent  que  lorfqu'ils  font  nés  ;  maïs 
ils  ne  peuvent  plus  dans  la  fuite  fe  pafler  d'air  ,  fi  ce 
n'eil  momentanément  ,  comme  il  arrive  aux  plon- 
geurs. Nous  en  dirons  les  raifons  ci-après.  On  a  vu 
des  perfonnes  qui  s'étoient  habituées  a  refter  fous  l'eau 
pendant  un  temps  aiTez  long.  Peut-être  qu'en  faifant 
paffer  de  jeunes  animaux  dès  l'inftant  de  leur  naiifance, 
alternativement  dans  l'eau  èc  dans  l'air,  on  empê- 
cheroit  le  trou  ovale  de  fe  fermer ,  &  que  le  fang 
pourroit  circuler ,  au  moins  pendant  quelque  tem.ps , 
îans  le  mouvement  des  poumons. 

Les  véritables  amphibies  (  amphibia  légitima  )  font 
peu  nombreux  en  eipeces.  Les  phoques  ,  les  morfes , 
les  lions  marins  ,  les  oi^rs  marins  ,  les  lamantins  lont, 
à  proprement  parier  ,  les  leuls  animaux  auxquels  on 
puiffe  donner  le  nom  à^ amphibie  dans  toute  la  rigueur 
de  l'acception  de  ce  terme  ;  ils  paroifient  les  feuls  qui 
puifTent  vivre  également  dans  l'air  &.  dans  l'eau ,  parce 
qu'ils  font  les  feuls  ,  dans  îefquels  le  trou  de  la  cloifon 
du  cœur  refle  toujours  ouvert  :  ils  font  par  confé- 
quent  les  feuls  qui  puiffent  fe  paffer  de  refpirer , 
&  vivre  également  dans  l'un  &:  l'autre  élément. 
Dans  l'homme  &  les  animaux  terrefires  ,  le  trou  de 
la  cloifon  du  cœur  ,  qui  laiuant  au  fang  le  pafTage 
ouvert  de  la  veine  cave  à  l'aorte  permet  au  fœtus 
de  vivre  fans  refpirer,  fe  ferme  au  moment  de  la 
naiflance ,  &  demeure  fermé  toute  la  vie  ;  dans  les 
animaux  véritablemxent  amphibies ,  au  contraire  ,  le 
irou  de  la  cloiion  du  cœur  refle  toujours  ouvert, 
quoique  la  mère  mette  bas  fur  terre  fes  fœtus ,  & 
qu'au  mcm.ent  de  la  naifiance  l'air  dilate  leurs  pou- 
mons ;  néanmoins ,  la  communication  du  fang  de  la 
veine  cave  à  l'aorte  par  la  cloifon  du  cœur ,  ne  laiïïe 
pas  de  iubfifler  ;  de  manière  que  ces  amphibies  ont 
l'avantage  de  refpirer  quand  il  leur  plaît ,  &  de  s'en 
pafTer  quand  il  le  faut.  Ils  font ,  dans  le  grand  fyflême 
de  la  nature   vivante,  le  paiTage  ôc  la  nuance  des 


AMP  A     M     U  281 

quadrupèdes  aux  cétacées  ;  appartenans  encore  à  laf 
terre,  &  déjà  appartenans  à  l'eau  ^  ils  forment  la  liaifon , 
&  ,  pour  ainfi  dire  ,  ëtabliilent  le  commerce  entie 
l'un  6c  l'autre  élément,  f^oyei  les  anicks  Lamantin, 
Phoque  ,  Morse  ,  Lion  marin  ,  Ours  marin. 

AMPHIBIOLITE.  On  donne  ce  nom  à  des  parties 
^amphïhks  pétrifiées. 

AMPHÎSBENE.  Voye^  Double-marcheur. 

AMULETTE.  Nom  donné  par  les  anciens  &  par 
les  modernes  à  difFérens  corps ,  foit  en  pierre  &  ornés 
de  cara£leres  hiéroglyphiques,  ibit  à  des  figures  obfcenes 
d'ambre  ,  de  corail ,  même  de  métal ,  &c.  ,  ou  à  des 
images.  Il  n'efl  pas  rare  de  découvrir  en  certains 
endroits  de  la  terre ,  des  amulettes  ;  on  les  conferve 
dans  les  cabinets  des  curieux.  Autrefois  on  regardoit 
les  amulettes  comme  des  préfervatifs  contre  les  enchan- 
temens  ,  les  maladies.  L'Hifloire  nous  apprend  qu'un 
Athlète  ,  à  Rome  ,  fe  croyoit  invincible ,  &  à  l'abri 
des  charmes  &  fortiléges ,  lorfqu'il  étoit  pourvu  à' amu- 
lettes. Cependant  les  foldats  de  l'armée  des  Reiflres 
qui  en  étoient  munis ,  n'en  furent  pas  moins  taillés 
en  pièces  par  le  Duc  de  Guife.  Chez  prefque  toutes 
les  nations  .on  voit  des  fymboles  de  fuperflitions ,  6c 
beaucoup  de  dupes.  C'efl  ainfi  que  les  Dervis  en  Arabie 
&  en  Turquie  profitent  de  la  foibleffe  &  de  la  crédulité 
du  peuple.  Ils  leur  vendent  des  talifmans  qu'ils  mettent 
dans  de  petites  poches  de  cuir ,  &  les  fufpendent , 
comme  amulettes  ,  au  cou  de  leurs  chevaux  pour  les 
préferver  de  l'enchantement ,  &  de  tous  autres  acci- 
dens  ;  ils  leur  promettent  merveilles  :  il  n'y  a  que  le 
hafard  qui  les  fert  bien  ;  &:  quand  l'effet  ne  répond 
pas  aux  promeffes ,  ce  n'efl  jamais  la  faute  du  talifman  , 
c'efl  quelque  pratique  omife  de  la  part  de  l'acheteur 
qui  a  mis  fa  vertu  en  défaut. 

Parmi  les  amulettes ,  on  peut  placer  les  fétiches  ; 
ce  font  des  têtes  de  finges  ,  àç.s  morceaux  de  bois 
ôc  autres  idoles  de  cette  nature.  Ces  difFérens  objets 


282    ^  A    N    A 

.de  caprice  font  rerpeâ:és  par  les  Habîtans  de  Guinée 
comme  des  Divinités.  Il  y  a  des  fétiches  pour  toute 
une  province ,  &  des  fétiches  pour  toute  une  famille 
partiailiere.  V^oyez  maintenant  l'article  Crocodile  ,  fur 
la  fin. 

ANACA.  Nom  donné  à  une  petite  perruche  brune  , 
du  Bréfil  5  à  longue  queue  également  étagéc.  Elle  efl 
â-peu-près  de  la  groiîeur  d'une  alouette;  le  fommet 
de  la  tête  efl  un  marron  foncé ,  le  tour  des  yeux 
brun ,  la  gorge  cendrée  ;  le  defTus  du  corps  efl  vert , 
avec  une  tache  brunâtre  fur  le  dos  ;  le  pli  de  l'aile 
d'un  rouge  foncé  :  le  deffous  du  corps  d'un  brun 
roufsâtre  ;  les  ailes  vertes. 

ANACA  LIFE.  Nom  d'un  infe<^e  qui  fe  trouve  dans 
rifle  de  Madagafcar;  il  habite  entre  l'écorce  des  arbres  : 
fa  piqûre  ed  aiiffi  venimeufe  que  celle  du  fcorpion  , 
accompagnée  des  mêmes  accidens ,  &  caufe  quelquefois 
la  mort ,  fi  on  n'y  apporte  les  mêmes  remèdes.  C'eft 
un  mille-pieds  terreflre.  Voyez  ce  mot. 

ANACANDAIA  ou  Anacondo  ,  Serpens  Indicus 
buhdinus.  Efpece  de  ferpent  de  l'Ifle  de  Ceylan ,  d'une 
grandeur  &  d'une  force  prodigieufe.  Ce  ferpent,  dont 
la  couleur  efl:  d'im  bleu  mourant ,  (  c'efl  à  tort  qu'on 
a  dit  qu'il  a  des  grelots  ou  fon nettes  au  bout  de  fa 
queue ,  )  a  tant  de  force  ,  qu'il  entoure  &  ferre  \m 
buffle  au  point  de  l'étouffer  ;  lorfqu'il  efl:  tombé ,  il 
en  fuce  le  fang.  On  en  a  vu  un  dompter  un  tigre  : 
fa  longueur  étoit  de  trente-trois  pieds  quatre  pouces. 
Suivant  M.  Linnœus ,  ce  ferpent  efl  le  même  que  le 
boiguacu.  Voyez  es  mot  à  l'article  Ibiboboca  ;  mais  il 
nous  paroît  que  c'efl ,  ou  le  pimberah  ,  Voyez  ferpent 
dit   le  fombre  ;  ou    celui  appelé  devin  ,   Voyez  ce  mot, 

ANÀCANDEF.  Efpece  de  petit  ferpent  de  la  grof- 
feur  d'un  tuyau  de  plume.  Les  relations  de  l'Ifle  de 
Madagafcar  difent  qu'il  fe  gliflTe  dans  le  fondement  de 
ceux  qui  vont  à  la  felle  ;  &  que  fl  on  ne  parvient  à 
l'ôter ,  il  occaflonne  la  mort.  Ce  ferpent   paroît  être 


A    N    A^  ^  283 

le  même  que  le  // ,  ou  peut  -  être  le  boiga.  Voyez 
ces  mots. 

ANACARDE ,  ou  Fève  de  Malac  ,  ou  Noix  de 
2VÏARAIS,  Anacardium^  Bauh.  Pin.  511.  C'eftun  noyau 
aplati ,  de  la  figure  d'un  cœur  ,  de  la  longueur  d'un 
pouce  5  couvert  d'une  efpece  d'écorce  noirâtre,  brillante, 
contenant  fous  une  double  enveloppe  une  amande  blan- 
che ,  &  fe  terminant  en  une  pointe  moufle.  Ce  noyau  efl 
placé  à  l'extrémité  d'un  fruit  alongé ,  plus  petit  qu'im  œuf 
de  poule ,  bon  à  manger  ,  fans  noyau  à  l'intérieur , 
puifque  le  noyau  ,  ainfi  que  dans  Y  acajou ,  efl:  placé 
à  l'extérieur.  Ce  fruit  nous  vient  des  Indes  Orien- 
tales ,  des  Ifles  Philippines ,  de  Corfanne  dans  l'Ifle  de 
Cambaye  &  du  Malabar,  où  il  efl  appelé  œpata  & 
tonï  rak  en  langue  Malaie.  C'eft  le  tagalo  ou  halobar 
de  Luz  ;  le  balador  ou  baladur  des  Arabes  ;  le  bilava 
de  la  Mauritanie  ;  le  blbo  des  Indiens. 

U anacardier  ^  qui  produit  une  grande  quantité  de 
vernis  d'une  efpece  inférieure ,  très  en  ufage  chez  les 
Chinois  ,  efl  un  grand  arbre  ,  beau ,  droit  ,  haut  de 
foixante-dix  pieds  ,  fort  gros  ,  très-branchu  ;  il  fe  plaît 
fur  les  bords  des  fleuves  :  fon  bois  efl  blanc  &  fon 
ecorce  grisâtre  ;  fa  racine  efl  fîbrée ,  roufsâtre  ,  ino- 
dore ,  mais  d'une  faveur  falée  &  mucilagineufe  :  {qs 
feuilles  font  grandes  ,  longues  de  plus  d'un  pied ,  poin- 
tues aux  deux  bouts ,  épaifles ,  luifantes  ,  glabres  & 
vertes  en  defliis  ,  cendrées ,  &  pubefcentes  en  deflbus. 
Ses  fleurs  font  petites  &  ramaflees  en  grappes  droites  , 
d'un  blanc  jaunâtre  ,  taillées  en  étoile ,  &  d'une  odeur 
agréable.   On  diflingue  un  anacardier  à  feuilles  larges. 

Les  Indiens  font  cuire  les  tendres  fommités  de  ces 
arbres  pour  les  manger.  Les  amandes  ^anacarde  font 
très-bonnes ,  &  ont  un  goût  de  plflache  ou  de  châ- 
taigne. Les  Habitans  du  pays  ôtent  facilement  l'écorce 
de  ces  noyaux ,  en  les  rôtiflant  fous  la  cendre  chaude. 
On  confit  ces  fruits ,  foit  verts ,  dans  du  fel  ;  foit 
mûrs,  dans  du  flicre.  L'écorce  du  noyau  ai  anacarde 


^^4  A    N     A 

contient  dans  fa  diipiicatnre  un  fuc  mielleux  ,  acre  i 
les  Indiens  s'en  fervent  comme  d'un  cauflique.  Si  on 
en  introduit  dans  une  dent  creufe ,  il  la  brûle  &  la 
confume.  On  emploie  ce  lue  avec  de  la  chaux  vive 
pour  marquer  les  ctoiîes  6c  autres  chofes ,  d'une  cou- 
leur indélébile.  Les  fruits  verts  de  Vanacarde ,  piles 
&  mêlés  avec  de  la  leilive  &  du  vinaigre  font  d'ex- 
cellente encre  à  écrire. 

Quant  à  l'iifage  intérieur  de   Vanacarde  ou  fève  de 
Malacca  ,  que  l'on  regarde  comme  propre  à  aider  tous 
les  fens  ,   la   perception  ,  l'intelligence  ,  la  mémoire , 
grand    nombre   de   Médecins   condamnent  fon  ufage. 
Hcffman  appelle  la  confcciion  (l'anacarde  la  cojifccîion  des 
fats  ,  parce  qu'il  a  vu  des  gens  devenir  maniaques  pour 
en  avoir  fait  ufage.  Cependant  il  raconte  une  hiftoire 
bien  furprenante  d'un  homme  qui,  de  iliipide,  ignorant 
&  incapable  d'inflruâ:ion  qu'il  étoit  auparavant,  devint 
fi  favant  en  peu  de  mois,  après  avoir  pris   de   Vélec- 
maire    à' anacarde ,  qu'il  obtint  une  chaire  en  Droit  : 
mais  peu  d'années  après ,  comme  ii  la  nature  eût  été 
épuifée  par  cette  révolution  fubite  ,  ce  Dodeur  devint 
fi  étique  6l  fi  altéré  ,  qu'il  buvoit  jufqu'à  s'enivrer  tous 
les  jours ,  &  devint  par-là  inutile  à  lui-même  &  à  fes 
concitoyens ,  &  mourut  enfin  miférablement.   Le  fuc 
mielleux  de  Vanacarde ,  appliqué  extérieurement ,  fait 
difparoître  les  dartres  &  feux  volages  ;  mais  il  faut  à 
l'inflant  au'on  en  a  frotté  les  parties  malades ,  les  laver 
avec  de  l'eau.  Le  fruit  de  cet  arbre  porte  aufîi  le  nom 
^anacarde  oriental ,  parce  qu'on   donne  quelquefois  au 
fruit  de  l'acajou  à  pommes ,  le  nom  ^anacarde  occidentaL 
Foyei  Acajou. 

Uanacardier  a  été  confondu  avec  le  Bont'ia  germl- 
nans  de  Miller  ;  mais  c'eft  à  tort ,  ce  dernier  efl  Vavi- 
cennia  tommtofa  de-  Linnceus  ,  &  chacun  eft  d'un  genre 
différent. 

ANACOCK.  Selon  Ray ,  c'eft  le  nom  d'une  efpece 
de  haricot  de  l'Amérique,  que  les  Bauhin  appellent 


A    N    A  2§f 

plfum  Amer'icanum  ,  alhid  magnum  ,  hicolor ,  cocc'meum. 
&  nigrum  Jimul ,  &  que  Gerad  &  Park'mfon  nomment 
fcvc  ou  haricot  d^ Egypte.  Voyez  c^5  77zc>^^. 

ANA-COLUPPA  eft,  félon  YHort,  Malabar,  une 
plante  délignée  ainfi  :  Ranimculï  facic  indïcâ  fpïcatâ , 
corymh'iferis  affinïs  ,  flofculis  tetrapetalls.  On  dit  que  fon 
fuc  mêlé  avec  le  poivre,  foulage  les  accès  de  répilepfîe, 
&  qu'il  efl:  le  feul  remède  connu  contre  la  morfure 
d'une  efpece  de  ferpent  à  chaperon  y  appelé  par  les 
Portugais,  cobra  de  capzllo, 

ANAGYRIS  FÉTIDE  ou  Bois  puant  ,  Anagyris  fœ- 
t'ida  5  Linn, ,  Tourn.  647.  Joli  petit  arbrifTeau  qui  croît 
naturellement  dans  l'Efpagne ,  l'Italie ,  la  Sicile ,  & 
dans  les  lieux  pierreux  &  montagneux  des  provinces 
méridionales  de  la  France.  Il  s'élève  à  la  hauteur  de 
'  cinq  à  huit  pieds  ;  fa  tige  efl:  droite ,  rameufe  ,  &: 
recouverte  d'une  écorce  d'un  vert  brun  ;  fon  bois  efl 
d'un  jaune  pâle;  fes  feuilles  font  oblongues,  pointues  , 
verdâtres  en  deffus,  blanchâtres  en  deflbus,  alternes 
&  difpofées  fur  une  tige  comme  celles  du  trèfle  ;  de 
même  que  l'écorce ,  elles  font  d'une  odeur  fi  forte  & 
fi  puante  ,  fur-tout  quand  on  les  froifTe  dans  les  mains  , 
qu'elles  font-  mal  à  la  tête  ;  les  fleurs  naiffent  trois  ou 
quatre  enfemble  par  petits  bouquets  latéraux  &  axil- 
laires  ;  elles  font  d'un  jaune  pâle.  Il  leur  fuccede  des 
gouffes  qui  reffemblent  affez  à  celles  des  haricots  , 
ainfi  que  les  femences  qui  font  formées  en  petits  reins 
&  d'un  noir  bleuâtre. 

Les  feuilles  de  Vanagyrls  pafTent  pour  réfolutives  , 
&  les  femences  pour  vomitives.  De  nouvelles  expé- 
riences prouvent  que  le  bols  puant  ^  préparé  de  la 
même  manière  que  le  café ,  eil  wvi  remède  efïïcace 
pour  les  vapeurs. 

Les  Habitans  de  Cayenne  ^  dit  M.  de  Pré  fontaine , 
donnent  aufîi  le  nom  de  bois  puant ,  an  Vakalou  des 
Caraïbes  :  Hedera  arbor  fœtida ,  nucis  juglandis  folio  , 
fruclu  maximo  5  Bar.    5  8  ,   à  wïx  arbriiieau  qui  pouffe 


yM  A     N     A 

plufieurs  tiges  ;  il  eft  fort  commun  fur  les  bords  de 
quelques  iavanes ,  &  fur-tout  au  bord  de  la  mer  :  on 
l'emploie  à  faire  des  cercles  pour  les   barriques. 

ANANAS.  Genre  de  plante  exotique ,  unilobéc  ,  qui 
a  de  grands  rapports  avec  les  agaves  &c  les  càragates  ; 
il  y  en  a  de  remarquables  par  la  bonté  des  fruits  ou 
par  leur  port  agréable.  On  diilingue  plufieurs  ef- 
peces  à^ ananas. 

Ananas  épineux.  C'efl:  V ananas  proprement  dit  , 
vulgairement  ananas  blanc  ou  ananas  à  coiircnne  : 
Ananas  acukatus ,  fruciu  ovato  ,  carne  albidd  ,  Tourn. 
65 3  :  Ananaja ,  Nana ,  Marcg.  :  Jayama  ,  Pïnas ,  Bont.  : 
Bromciia  ,  ananas ,  Linn.  :  Carduus  BraJiUanus  ,  foliis 
aloïs  ^  C.  Bauh.  C'eft  le  yayouua  (  boniama  )  des  Ca- 
raïbes. Sa  racine  qui  eit  fibreufe  ,  pouffe  plufieurs  feuilles 
difpofées  en  rond  ,  fermes ,  rabattues  en  dehors  5  larges 
de  deux  à  trois  pouces  ,  longues  de  deux  à  trois 
pieds  ,  de  couleur  vert  gai  ,  jaunâtre  &:  pourpre  , 
creufées  en  gouttières,  dentelées,  c'eft-à-dire  hériffées 
fur  les  bords  de  petites  pointes  plus  ou  moins  pi- 
quantes :  ces  feuilles  font  terminées  par  une  pointe 
très  -  aiguè*-;  du  centre  des  feuilles  s'élève  une  tige 
(  hampe  )  ronde  ,  haute  de  deux  pieds  ,  de  la  grof- 
feur  du  pouce.  Elle  foutient  à  fon  fommet  une  rofe 
formée  de  plufieurs  feuilles  très-courtes ,  très-aiguës  , 
de  couleur  de  feu  ou  de  cerife  (  c'eft  ce  qu'on  appelle 
la  couronne  )  ,  &  qui  couvrent  &:  cachent  le  fruit  , 
lequel  dans  la  fuite  groffit  peu-à-peu  ,  &  prend  affez 
la  forme  d'une  pomme  de  pin.  L'écorce  de  ce  fruit  eft 
composée  de  plufieurs  écailles  triangulaires  peu  pro- 
fondes. Il  fort  de  chaque  écaille  ,  avant  l'accroiffement 
du  fruit ,  une  petite  fleur  bleuâtre  ,  en  entonnoir ,  dé- 
coupée en  trois  parties  ,  qui  fe  fane  ,  &  tombe  à 
mefure  que  le  fruit  groffit.  Ce  fruit  devient  ferme  , 
jaunâtre  en  dehors  ,  blanchâtre  en  dedans  ,  d'une 
odeur  &  d'un  goût  très-agréables,  que  l'on  compare 
au  meilleur  melon  &    à   l'abricot    le   plus  exquis  , 


A     N     4  2??7 

donnant  un  jus  rafraîchiilant.  Cette  chair  efl  pariemée 
de  fibres  très-menues  ,  qui  divergent  du  centre  à  la 
circonférence  en  manière  de  rayons  ,  &  qui ,  dans  les 
branches  horizontales  de  ce  fruit ,  repréfentent  une  ro~ 
fette  ëtoilée.  Il  faut  obferver  que  la  fleur  de  Y  ananas 
efl:  fouvent  liérile  &  ne  grene  point  ;  quelquefois  ,  ce- 
pendant 5  elle  produit  une  petite  femence  rouïTâtre  6^ 
aplatie. 

Le  fommet  du  fruit ,  ainfi  que  nous  l'avons  dit ,  efl 
garni  d'un  paquet  de  feuilles  colorées  (  la  couronne  ) 
qui ,  lorfqu'on  cueille  ces  fruits ,  étant  détaché  &:  mis 
en  terre, y  prend  racine  &:  devient  une  nouvelle  plante: 
au  mois  d'Août  on  détache  les  rejetons  qui  pouffent 
de  côté  ;  on  les  met  dans  des  pots  ,  où  ils  pren- 
nent auiîi  très -facilement  racine;  il  faut  obferver  que 
ce  paquet  de  feuilles  du  fommet  (  la  couronne  )  rap- 
porte du  fruit  une  année  plutôt  que  les  rejetons  reflet 
qu'il  faut  attribuer  à  ce  que  cette  couronne  efl  nourrie 
des  fucs  mûrs  &  digérés  du  fruit  ;  au  lieu  que  le  reje-t 
ton  tire  fa  nourriture  crue  de  la  terre,  &  qu'il  lui  faut 
du  temps  pour  la  m.ûrir. 

Depuis  quelques  années  on  cultive  afiez  volontiers 
dans  ce  pays-ci  les  anajias  dans  les  ferres  chaudes,  & 
l'on  eft  parvenu  à  en  obtenir  d'affez  bons  fruits  ;  mais 
ils  n'y  acquiereiit  pas  entièrement  les  bonnes  qualités 
de  ceux  qu'on  cultive  dans  les  Indes  &  en  Amérique  : 
outre  l'efpece  que  nous  venons  de  décrire  ,  il  y  a 
d'autres  variétés  :  \J ananas  jaune  :  fru&u  pyram'idato  , 
carne  aureâ ,  Toiirn.  :  V ananas  pain  de  fucre  ^  maximo 
fruciu  conico ,  Plum.  ainfi  nommé  à  caufe  de  fk  forme 
conique  ou  en  pain  de  fucre  :  il  ne  jaunit  pas  tant 
à  l'extérieur  que  le  premier  ;  fon  écorce  efî  même  ver- 
dâtre;  &  quand  il  efl  mûr,  fon  goût  efl  meilleur,  plus 
favoureux  que  celui  de  Xananas  blanc.  Le  gros  ananas 
blanc  a  quelquefois  huit  à  neuf  pouces  de  diamètre  & 
plus  d'un  pied  de  hauteur  ;  lorfqu'il  efl  mûr ,  il  répand 
une  odeur  ravilTante  ^  encore  plus  fuave  que  celle  de 


283  A    N    A 

nos  coings  :  quoiqu'il  foit  plus  beau  que  les  autres ,  Ton 
g^oût  n'eft  cependant  point  fi  exquis.  V ananas  pomme 
de  reinette ,  Fruclu  ovato  _,  came  aured ,  Plu  m.  ,  efr  le 
plus  petit  &  le  plus  exquis  de  tous  ;  on  l'a  ainfi  nommé 
à  caufe  de  l'analogie  qu'on  trouve  entre  ces  deux 
fruits,  tant  pour  l'odeur  que  pour  le  goût.  V ananas 
de  Montferrat ,  Fruclu  pyramidato  ,  olivœ  colore ,  intus 
aureo ,  Mill.  :  il  pafTe  pour  le  meilleur.  V ananas pitte 
ou  fans  épines ,  Ananas  non  aculeatus  ,  Pïtta  dïclus  , 
Tourn.  ;  c'efl  le  coulao  ou  cahuyo  des  Caraïbes.  Il  ed 
auiïi  très-bon  à  manger ,  mais  on  le  recherche  peu 
comme  aliment.  Les  ananas  ,  excepté  celui  nommé 
pomme  de  remette  ,  font  fujets  à  agacer  les  dents  & 
même  à  faire  faigner  les  gencives. 

Tous  ces  ananas  croifTent  avec  ou  fans  culture  dans 
l'Am-érique  Méridionale ,  dans  les  Indes  Orientales  & 
en  Afrique.  Ils  s'élèvent  peu  de  terre ,  &:  peuvent  fe 
multiplier  de  plants  ou  d'oeilletons.  On  confît  le  fruit 
fur  les  lieux ,  &  on  en  envoie  par-tout  :  cette  con- 
fiture efl  propre  à  réveiller  la  chaleur  naturelle.  C'efl 
ordinairement  depuis  le  commencement  de  Juillet  juf- 
qu'en  Septem.bre  qu'on  fert  le  fruit  ^ananas  cru  fur 
les  tables  les  plus  fomptueufes ,  &  il  en  fait  l'orne- 
ment ce  les  délices.  Des  perfonnes  ,  dans  l'intention 
de  dépouiller  ce  fruit  cru  de  l'acide  plus  ou  moins 
corrofif,  dont  il  efl  rempli,  le  coupent  par  tranches, 
après  en  avoir  enlevé  l'écorce  ,  &  le  font  infufer  dans 
le  vin  avec  du  fucre  ,  ou  dans  de  l'eau-de-vie  chargée 
de  fucre  ;  alors  on  le  mange  avec  plaifir  &  fans  craindre 
de  s'af^acer  les  dents  ou  de  s'enflammer  la  bouche.  On 
tire  par  exprefiion  de  ce  fruit  un  fuc  dont  on  fait  une 
liqueur  délicieufe  ,  qui  vaut  prefque  la  malvoifie ,  &: 
qui  enivre  :  on  l'appelle  Vin  d'' ananas  :  on  fait  encore 
avec  ce  fruit  une  efpece  de  limonade  très-rafraîchif- 
fante  ;  mais  il  n  en  faut  pas  faire  beaucoup  d'ufage  , 
car  elle  refroidit  l'eflomac  &  trouble  la  digeflion.  On 
eftime  que  le  viu  à'ana/ias^  pris  avec  modération,  efl 

cordial  y 


A    N    A  2S9 

tordlâl ,  arrête  les  naiilees ,  excite  les  urines  &  réveille 
les  efprits  ;  les  femmes  enceintes  doivent  s'en  abftenir. 

Un  Botanifte,  habitant  des  Ides  Occidentales  de 
l'Amérique ,  a  annoncé  le  jus  d^t^nanas  à  demi-mûr , 
comme  un  bon  fpécifique  contre  la  gravelle. 

Il  fe  trouve  avix  Ides  une  plante  appelée  Pingouin 
ou  Ananas  maron.  Ses  feuilles  font  dentelées  ,  creufées 
en  gouttière  ,  alTez  femblables  à  celles  de  Vananas  épi-^ 
neiix  ^  mais  plus  longues  &  garnies  de  pointes  tres- 
piquantes.  Cette  plante  ed:  employée  à  faire  des  en- 
tourages que  les  Nègres  ôc  les  bediaux  n'ofent  jamais 
fenchir. 

On  range  audî  parmi  les  ananas ,  les  karatas.  Voyez 
c^  mot, 

ANASPE  ,  AnafpLS.  Genre  d'infede  dont  les  efpeces 
font  adez  rares.  Leurs  antennes  font  filiformes  ,  ôc 
vont  en  grodidant  vers  le  bout  :  l'écudbn  ed  im- 
perceptible ,  le  corfelet  plat ,  uni  fans  rebords  ;  leur 
corps  ed  alongé  &  rétréci  par  le  bout.  On  trouve 
cet  infede  dans  les  fleurs. 

ANATE  ou  Attole.  Sorte  de  teinture  ou  de  pâte 
rouge ,  qui  fe  prépare  aux  Indes  à~peu-près  comme 
l'indigo.  On  retire  cette  fécule  d'une  fleur  rouge 
qui  croît  fur  des  arbrideaux  anates  ;  on  la  réduit  en 
gâteaux  ou  en  rouleaux.  Les  Eiu'opéens  la  tirent  , 
pour  la  plus  grande  partie  ,  de  la  Baie  d'Honduras. 
Les  Anglois  avoient  plufieurs  plantations  à^anatesÛMi^ 
la  Jamaïque  ,  qui  ont  été  ruinées.  Ce  font  aujourd'hui 
les  Efpagnols  établis  au  Mexique  qui  cultivent  Vanate  y 
lequel  fert  à  leur  chocolat  ;  Vanate  ou  attole  dont  il 
ed  qued:ion,  n'ed  peut-être  qu'un  roucouyer  dont 
les  graines  fournid'ent  par  la  macération  un  extrait 
féculent.   Voyei  Roue  ou. 

ANATRON  ou  Soude  blanche.  C'ed  le  natron. 
yoyez  ce  mot. 

ANAZE.  Arbre  qui  croît  naturellement  à  Mada*- 
gafcar.  Il  ed  digne  de  remarque ,  que  Vana?^  diminue 
Tome  L  T 


iço  ANC 

en  grofleur  à  mefure  qu'il  s'élève;  ce  qui  lui  donne 
la  forme  d'une  pyramide  ou  d'un  cône.  Son  fruit  efl 
une  efpece  de  gourde  remplie  d'une  pulpe  blanche  qui 
a  la  faveur  du  tartre  &:  qui  ell  remplie  de  plufieurs 
noyaux  durs.  Encyclopédie, 

ANCHOIS  5  Apua  :  Clupea  mcraficclus ,  Linn.  ;  en 
Anglois  &:  en  Suédois,  Anchovy.  V anchois  eft  du 
genre  du  cliivc.  C'efl  un  petit  poiffon  de  mer  très- 
connu  5  très-délicat ,  fans  écailles  ,  de  la  groiléur  & 
de  la  longueur  du  doigt ,  remarquable  par  une  forte  de 
tranfparence  qui  n'elt  interrompue  qu'à  l'endroit  de 
l'épine  ;  fa  bouche  efl  très-grande  ;  l'extrémité  des 
mâchoires  pointue ,  elles  font  luifantes  &  nuées  de  rouge  ; 
la  mâchoire  fupérieure  plus  longue  que  l'inférieure  :  les 
ouïes  &:  les  yeux  très-grands ,  à  proportion  du  vo- 
lume de  ce  poiffon  ;  les  iris  argentées.  Le  dos  eft  d'une 
couleur  brune  ou  cendrée  &  nuée  de  vert  ;  celle  du 
ventre  eit  argentine.  Il  y  a  quinze  rayons  à  la  nageoire 
dorfale  ,  quatorze  à  chacune  des  pedorales  ,  fept  à 
chacime  des  abdominales  ,  dix-fept  à  celle  ^  de  l'anus  : 
la  queue  eft  évidée  en  forme  de  fourche. 

Les  anchois  ont  de  commun  avec  les  fardines ,  qu'ils 
vivent  en  fociété ,  &  nagent  en  troupe  fort  ferrée. 
Comme  la  lumière  efl  un  attrait  pour  eux  ,  les  Pê- 
cheiu's  font  ufage  de  ce  moyen  pour  les  faire  donner 
dans  kurs  filets.  La  pêche  la  plus  abondante  des  an- 
chois fe  fait  dans  les  parties  de  la  Méditerranée  qui 
baignent  les  côtes  de  Venife ,  de  Rome  ,  de  Gênes  , 
de  Catalogne  &  de  Provence  ,  depuis  le  commence- 
ment de  Décembre  jufqu'à  la  mi-Mars.  On  en  prend 
aufîi  en  Mai ,  Juin  ,  Juillet ,  temps  où  ils  paffent  le 
Détroit  de  Gibraltar  pour  fe  retirer  dans  la  Méditer- 
ranée. On  en  trouve  aufîi  à  l'ouefl  d'Angleterre  & 
du  pays  de  Galles.  Auffi-tôt  que  la  pêche  des  anchois 
efl  finie  ,  on  leur  coupe  la  tête  que  l'on  dit  être  très- 
amere ,  (  ce  qui  a  fait  donner  à  ce  poiffon ,  par  les 
anciens,  le  nom  à^inckajicholus ^  ç'efl-à-dire   qui  a  du 


ANC  291 

fia  dans  la  tête  )  ,  on  leur  ôte  auiîi  les  boyaux  ;  puis 
on  les  fale  &  on  les  met  en  petits  barils. 

Les  Grecs  &  les  Latins  faifoient  avec  Vanchols 
fondu  &  liquéfié  dans  fa  faumure  ,  une  fauce  qu'ils 
nommoient  garum  ,  &  à  laquelle  ils  ajoutoient  l'épi- 
thete  de  très-prêcieufe.  Voyez  Garum.  Cette  fauce  1er* 
voit  d'affaifonnement  aux  autres  poiffons  :  elle  exci- 
toit  l'appétit  ,  facilitoit  la  digeftion  ,  ainfi  que  Van- 
chois  pris  modérément.  Les  anckois  les  meilleurs  font 
tendres ,  nouveaux ,  blancs  en  dehors ,  rougeâtres  en 
dedans  ,  petits ,  gras  &:  fermes. 

ANCHORAGO.  C'eft  le  bécard. 

ANCOLIE,  Aquïkgia  vulgarls  ,  Linn,  752.  Plante 
d'un  beau ,  port  dont  la  racine  eft  vivace  ,  blanchâtre  , 
groffe  comme  le  pouce  ,  branchue  ,  iibreufe  &  d'une 
faveur  douce  :  fes  feuilles  font  grandes  ,  découpées 
tout  autour  ,  verdâtres ,  difpofées  trois  à  trois  fur 
de  longues  queues.  Sa  tige  eft  haute  d'un  à  deux 
pieds  &  demi ,  &  même  davantage  ,  droite  ,  ra- 
meufe  ,  rouge âtre  &:  un  peu  velue.  Ses  rameaux  por- 
tent des  fleurs  ou  bleues  ou  rougeâtres ,  irrégulieres  , 
compofées  de  cinq  pétales  plats  ,  &  de  cinq  qui  font 
creux  ,  femblables  à  un  cornet ,  faillans  fous  la  co- 
rolle ,  &  entre-mêlés  alternativement  (  ces  cornets 
font  les  neâaires.  )  A  ces  fleurs  fuccedent  des  fruits 
compofés  de  quatre  ou  cinq  gaines  ,  droites  &  mem- 
braneufes  ,  remplies  de  petites  graines  ovalaires ,  noires 
&  luifantes. 

Cette  plante  que  l'on  multiplie  de  graine  &  de 
plant  enraciné  dans  les  jardins  ,  AquiUgla  honenfis 
jlore  var'io  ,  aut  fimpkx  aut  multiplex  ,  varie  beaucoup 
pour  la  couleur  :  on  en  voit  à  fleurs  bleues  ,  rouges , 
de  couleur  de  cliair ,  vertes  ,  panachées  :  elle  croit  na- 
turellem^ent  dans  les  bois  &  les  lieux  couverts  de  la 
plupart  des  régions  de  l'Europe  ,  &  principalement 
aux  environs  de  Paris  ,  Aqiùlegia  fylveflris  ,  C.  B.  P. 
J44  ;   aut  fiore  Jzmplici  ^    J,  B,    3.  484.   Uancolie  eu, 

T  2. 


I9i        ANC  AND 

apéritive  ,  utile  dans  les  garganfmes  pour  les  ulcères  de 
la  gorge.  Les  graines  de  cette  plante  données  en  émul- 
fion  ou  en  poudre  à  la  dofe  de  demi -gros  ,  de  trois 
en  trois  heures  ,  font  paroître  &  poufler  les  boutons 
de  la  petite  vérole.  Uancolie  efl  appelée  par  quel- 
ques-uns gants  de  Notre-Dame  ;  nom  donné  auiTi  à  la 
digitale  &  à  la  campanule.   Voyez  ces  mots. 

On  diftingue  pluiieurs  autres  efpeces  ^ancolie  ;  il  y 
a  celle  à  Jleurs  jaunes  ;  celle  des  Alpes  ;  celle  de  Si- 
bérie ,  &  celle  de  Canada. 

ANCYLE.  Nom  donné  à  une  efpece  de  lépas  fluvia- 
tile  5  dont  l'animal ,  à  couvert  fous  fa  coquille  ,  qui 
eft  pour  lui  une  efpece  de  bouclier  ,  fe  tient  ordi- 
nairement appliqué  contre  les  tiges  des  joncs. 

AN  DIRA  ou  Angelin  a  grappes,  Angelln  race- 
viofa  y  folÏLs  nucis  juglandis  ,  Plum.  Arbre  du  Bréiil  & 
des  Antilles  ,  haut  de  quarante  à  cinquante  pieds  ; 
fon  tronc  a  environ  trois  pieds  de  diamètre  ;  fbn 
bois  dur  &  d'un  rouge  noirâtre  à  l'intérieur  ,  efl 
propre  pour  la  charpente  des  bâtimens.  Son  écorce 
efl  cendrée  ,  &  fa  feuille  femblable  à  celle  du  laurier, 
mais  plus  petite  :  il  pouffe  des  iDOutons  noirâtres ,  d'où 
fortent  beaucoup  de  fleurs  ramaflees  ou  difpofées  en 
grappe ,  odorantes  ,  de  belle  couleur  purpurine  &: 
blanche.  Son  fruit ,  dont  l'écorce  efl  dure  ,  a  la  figure 
&  la  groffeur  d'un  œuf  ;  il  efl  noirâtre ,  ayant  comme 
une  future  à  un  de  fes  côtés ,  d'un  goût  très-amer , 
renfermant  une  amande  jaunâtre  d'un  mauvais  goût  , 
tirant  fur  l'amer  &  l'acide.  On  pulvérifé  le  noyau 
de  ce  fnzit  &  l'on  en  fait  ufage  pour  les  vers;  mais 
il  faut  que  la  dofe  foit  au-defTous  d'un  fcrupule  , 
autrement  elle  empoifonneroit.  L'écorce ,  le  bois  &  le 
fruit  ont  l'amertume  de  l'aloès. 

Il  y  a  un  autre  andïra  femblable  en  tout  au  pré- 
cédent ,  excepté  par  le  goût  qui  efl  prefque  infipide. 
Les  bêtes  fauvages  s'engraifTent  de  fon  fruit  ,  dont 
elles  font  friandes  ,  an  Voua  capoua  Amerïcana  ,  Aublit. 


AND  ANE  195 

ANDIRA-GUACKU.  Dans  le  Bréfil ,  on  donne  ce 
nom  à  une  efpece  de  chauve- fourls  de  la  groffeur  d'un 
pigeon;  elles  ont  une  excroiffance  fur  le  nez  ,  ce  qui 
les  a  fait  appeler  chauve-fourls  cornues.  Leur  appétit 
efl  fanguinaire.  Foyci  Vartich  VAMPIRE,  à  la  fuite  du 
mot  Chauve-souris. 

ANDORINHA.   Voyei  Tapera. 

ANDOUILLERS.  Voyei  la  fignification  de  ce  mot  ; 
à  l'article  Cerf. 

ANDROGINE  ,  Ubride  &:  Polygame.  Foyei  à 

Vanicle    HERMAPHRODITE. 

ANDROPOPHAGE    Voye^  MantICHôrë. 

ANDROSACE ,  Androface  vulgaris  ,  latïfolïa ,  annua  , 
Tourn.  123.  Plante  qui  pouffe  beaucoup  de  tiges 
velues  ,  haute  d'un  demi-pied ,  &:  dont  les  fommités 
fe  divifent  en  fix  ou  fept  petits  brins  difpofés  en 
ombelle  ,  à  la  naiffance  de  laquelle  font  quelques 
folioles  difpofées  en  fraife  :  fes  feuilles  ,  proprement 
dites  ,  font  radicales  ,  affez  grandes ,  ovales  ,  pointues  , 
vertes  ,  nerveufes  &  dentelées  :  fa  fleur  elt  petite  , 
blanche  &  découpée  en  cinq  pièces.  La  corolle  de 
V androface  efî:  monopétale  ;  fa  partie  inférieure  eil  un 
tube  renflé  de  forme  ovale  ;  la  fupérieure  eft  évafée  en 
foucoupe,  &:  la  fleur  a  autant  d'étamines  que  la  corolle  a 
de  découpures ,  c'eil-à-dire ,  ordinairement  cinq.  Il  lui 
fuccede  un  petit  fruit ,  femblable  à  un  pois ,  rempli  de  peti- 
tes graines  rougeâtres.  Cette  plante  croît  dans  les  parties 
méridionaks  de  la  France.  C'eil  un  puiffant  apéritif. 
On  diflingue  plufieurs  autres  efpeces   à'androface. 

On  donne  auffi  le  nom  à^andrcface  à  V acetabulum 
marlnum.  Voyez  le    mot  Açétabulc, 

ANDPvOSEME.    Voyei  Toute-Saine. 

ANE  ou  AsNE  ,  afînus,  Udne  eft  un  animal  domef- 
tique  ,  connu  par  plufieurs  défauts  6c  par  plulieurs 
bonnes  qualités.  Quoiqu'un  des  animaux  les  plus 
dédaignés  ,  il  elt  cependant  un  des  plus  utiles  6c  des 
plus  employés.  Si  on  l'a  toujours  méprifé  ,  la  plume 

T3 


ie}4  ANE 

élégante   de    M.  de    Biiffon  ^  l'a  afîez  vengé  ,  en  k 
rendant  l'objet  d'un  éloge  raifonnable. 

Udm  diffère  beaucoup  du  cheval  par  la  petiteffe 
de  fa  taille  ,  par  la  groîTeur  de  fa  tête ,  par  fes  longues 
oreilles  qui  ne  contribuent  pas  peu  à  la  fineffe  de  fon 
ouïe  ,  par  la  forme  de  fa  croupe  ,  par  fa  queue  qui 
n'eft  garnie  de  poils  qu'à  l'extrémité  ,  par  fon  port 
qui  n'a  point  la  noblelTe  de  celui  du  cheval ,  par  fa  voix 
effrayante  ,  par  fon  braire  défagréable  ,  (  c'eft  un  grand 
cri  très-long  àc  difcordant  par  diifcnances  alternatives  de 
l'aigu  au  grave  ,  &  du  grave  à  l'aigu  [  ^  ]  )  &  par  la 
figure  hideufe  qu'il  prend  quelquefois  en  relevant  (qs 
lèvres  :  mais  combien  de  qualités  utiles  rachètent  tous 
ces  défauts  extérieurs  !  11  eft  de  fon  naturel  tran- 
<juille  ,  humble  ,  dur  &  patient  au  travail  :  il  porte 
de  grands  fardeaux  à  proportion  de  fa  groffeur  ,  fur- 
€out  lorfqu'on  le  charge  fur  les  reins  ,  cette  partie 
étant  plus  forte  que  le  dos.  Si  on  le  furcharge  ,  il 
marque  fa  peine  en  inclinant  la  tête  &  baiflant  les 
oreilles.  Il  elf  fobre  &:  de  la  dernière  frugalité;  il 
s'accommode  de  toutes  fortes  de  nourriture  ,  d'herbes , 
de  feuilles  ,  de  chardon ,  ôcc.  Il  ne  dédaigne  point 
de  paître  dans  les  communes ,  dans  les  champs  y  avec 
les  vaches.  Seulement  il  efl  délicat  fur  l'eau  ,  il  ne 
veut  boire  que  de  la  plus  claire  ,  &:  aux  ruiffeaux 
qui  lui  font  connus.  Il  fe  couche  quelquefois  à  terre  ^ 
fur  le  gazon  ^  fur  les  chardons ,  fur  la  fougère , 
s'étend  fur  un  côté  ,  &  effaie  à  plufieurs  reprifes 
de  rouler  fur  lui-même  ;  mais  il  ne  fe  vautre  pas 
com.me  le  cheval  ,  dans  la  fange  &  dans  l'eau  ,  il 
craint  même  de  mouiller  {qs  pieds  ,  &  fe  détourne 
pour  éviter  la  boue.  Il  dort  moins  que  le  cheval  , 
6c  ne  fe    couche  pour   dormir  qu'étant  très-fatigué  : 

[a]  L'organe  de  la  voix  de  Vânt  eft  un  inftrument  plus  compofé  qu'on 
re  l'imagineroit  ,  &  qu'un  habile  Anatomifte  nous  a  fait  admirer 
(M.  HÉRISSANT,  M:m.  de  l'Acad.  des  Scienc.  17^3,  p.  z8j.)  Un 
tambour  d'une  conftru<£lion  très-finguliere  ,  placé  dans  le  larynx,  eii 
h  partie  principale  de  cet  mftrument,  Foye^  à  l'arùcU  Voix. 


ANE  295 

cet  animal  eft  d'une  fanté  ferme.  Il  eu  la  reffource 
des  gens  de  la  campagne  ,  qui  ne  peuvent  pas  acheter 
un  cheval  &  le  nourrir  :  Vane  les  foulage  dans  tous 
leurs  travaux  ;  il  efl  employé  à  tout  ,  pour  femer  , 
pour  recueillir  ,  pour  porter  les  denrées  aux  marchés  , 
&  le  blé  au  moulin  ;  fon  alhire  eu  douce  ;  il  bronche 
peu.  Y  a-t-il  un  animal  dont  le  pied  foit  plus  fur 
fur  les  fentiers  les  plus  étroits ,  les  plus  gliiTans  ,  fur 
les  bords  même  des  précipices  ?  Varie  eil  fufceptible 
d'éducation  ,  &  malgré  fa  mauvaife  réputation  en  fait 
de  fcience ,  on  en  a  vu  d'afîez  bien  inftruits  pour 
donner  un  petit  fpe£lacle. 

Il  y  a  des  dnes  de  différentes  couleurs  :  la  plupart 
font  d'un  gris  de  fouris  ;  il  y  en  a  de  blancs  ,  de 
bruns  ,  de  roux  ,  &  d'un  gris  argenté  :  <k  l'on  fait  que 
tous  les  animaux  domeftiques  varient  par  la  couleur 
beaucoup  plus  que  les  animaux  fauvages  de  la  même 
efpece.  Les  ânes  ont  deux  bandes  noires  qui  fe  croifent 
fur  le  garot  :  l'une  fuit  la  colonne  vertébrale  dans 
toute  fon  étendue  ,  &  l'autre  palTe  fur  les  épaules. 
Au  reile ,  cette  croix  eft  toujours  d'une  teinte  oppofée 
à  celle  du  poil  qui  couvre  l'animal,  &:  elle^efl  en 
général  plus  vivement  exprimée  dans  le  mâle  que 
dans  la  femelle.  Ces  animaux  font  du  genre  des 
folipedes  ,  c'efl-à-dire  ,  qu'ils  ont  la  corne  du  pied 
d'une  pièce.  Ils  ont  les  dents  difpofées  comme  celles 
des  chevaux  :  à  deux  ans  &  demi  ils  perdent  leurs  pre- 
mières dents  :  ils  vivent  vingt-cinq  à  trente  ans  ;  mais  plus 
communément  l'excès  des  fatigues ,  des  mauvais  trai- 
temens  ou  des  châtimens  qu'ils  fouifrent  avec  confiance  , 
(  car  ils  font  indociles  ,  rétifs  ,  très-opiniâtres  )  &  des 
travaux ,  fait  devancer  le  terme  de  leur  carrière 
naturelle.  La  peau  de  ce  quadrupède  eft  dure  &  feche  ; 
voilà  pourquoi  Vane  efl  moins  fenfible  que  le  cheval 
au  fouet  ,  aux  coups  de  bâton  6c  à  la  piqûre  des 
mouches  &  d'autres  infedes  ;  au  refte ,  Vdm  eil  pea 
fujet   à  la   vermine.    11  nç    crie  ordinairement   que 

-        T4 


19^  A    N    È 

loriqu'il  efl  prefîe  d'amour  ou  d'appétit;  l'ânefTe  a 
la  voix  plus  claire  ,  Vd/zc  hongre  (  châtré  ) ,  ne  brait 
qu'à  bafiè  vôîx. 

Quant  aux  mauvaifes  qualités  qu'on  reproche  au 
naturel  de  Vdne  ,  6c  que  les  mulets  tiennent  de  lui , 
il  eft  très-probable  ,  dit  M.  Pall^ ,  qu'elles  proviennent 
en  partie  de  la  trop  grande  étendue  &  de  la  fînéfîe 
de  l'organe  de  l'ouie  dans  ces  animaux  formés  par 
la  nature  pour  la  folitude  des  déferts.  Les  bruits  qui 
retentifiént  autour  d'eux  dans  l'état  domeftique ,  doivent 
néceûairement  les  étourdir  ;  6c  l'ufage  des  Anglois 
qui ,  en  coupant  les  oreilles  aux  drzes ,  croient  les 
rendre  plus  alertes  6c  plus  dociles  ,  prouve  que  c'efl-là 
la  principale  lource  de  l'humeur  qu'on  reproche  à  ces 
animaux  ,  6c  qu'on  les  corrigeroit  en  partie  par  l'appli- 
cation de  quelque  m.oyen  moins  défigurant  ,  pour 
modérer  l'effet  du  bruit  fur  leurs  organes. 

Un  animal  aulîi  utile  que  Vd/ie ,  mérite  que  l'homme 
prenne  des  loins  pour  la  propagation  6c  la  perfedion 
de  fon  efpece.  On  choilit  pour  étalon,  des  dnes  de 
trois  ans ,  les  plus  grands  6c  les  plus  vigoureux  , 
ceux  qui  ont  le  plus  gros  membre  ,  comme  font  les 
ânes  de  Minbalais  :  on  a  vu  de  ces  dnes  qui  ont  valu 
jufqu'à  douze  à  quinze  cents  livres.  Il  efl  à  remarquer 
que  de  tous  les  quadrupèdes  ,  Vdm  a  le  membre  le  plus 
grand  ,  à  proportion  du  corps.  Il  a  aufTi  une  très- 
grande  ardeur  pour  l'accouplement  ;  il  aime  fa  femelle 
avec  une  efpece  de  fureur.  On  en  a  vu  s'excéder  6c 
mourir  quelques  inflans  après  le  coït  :  il  a  aufli  pour 
fa  progéniture  le  plus  grand  attachement.  Sa  fem-elle 
n'efî  pas  moins  lafcive  que  lui  ;  c'eft  par  cette  raifon 
qu'elle  cft  peu  féconde.  On  choifit  le  printemps  pour 
faire  faillir  les  dmjjes  ;  elles  mettent  bas  l'année  fuivante 
dans  la  même  faifon  ;  temps  favorable  pour  Wlnon , 
car  le  froid  eil  plus  contraire  à  cqs  animaux  ,  qu'aux 
autres  bêtes  de  nos  climats.  Lorfque  la  femelle  a  été 
faillie ,  on  la  fouette  6c  on  la  fait  courir  ,  pour  calmer 


ANE  ^         297 

l^s  conviilfions  amoureufes  &  pour  empêcher  qu'elle 
ne  rende  la  liqueur  féminale  qu'elle  a  reçue  :  elle  ne 
porte  ordinairement  qu'un  petit  à  la  fois  ;  il  eH  très- 
rare  qu'elle  ait  deux  jumeaux.  Sept  jours  après  l'accou- 
chement ,  Vdmjfc  recommence  à  entrer  en  chaleur  ; 
en  forte  qu'elle  engendre  &  nourrit  en  même  temps. 
Udm  jeune  ou  Vdnon  eft  gai  &  a  de  la  gentilleffe  ; 
mais  il  la  perd  bientôt  par  l'âge.  Vdn&  a  les  yeux 
bons  &  l'odorat  admirable  ,  fur-tout  pour  les  corpuf- 
cules  de  Vdneffe  ;  il  reconnoît ,  non  -  feulement  fon 
maître  ,  mais  encore  les  lieux  qu'il  a  coutume  d'ha- 
biter ,  les  chemins  qu'il  a  fréquentés. 

Vdne  s'accouple  avec  la  jument ,  &  le  cheval  avec 
Vdnejffe  :  les  mulets  viennent  de  ces  accouplemens , 
&:  lur-tout  de  celui  de  ^dm  avec  la  jument.  Foye^ 
Mulet. 

On  prétend  que  Vdne  s'accouple  aufîi  avec  la  vache  , 
&  VdmJJc  avec  le  taureau ,  &  produifent ,  dit-on , 
les  jumarts.  Voyc^  Jumart.  M.  Pallas  préfume  qu'on 
améUoreroit  plus  promptement  la  race  domeflique  de 
Vdne ,  en  la  croifant  avec  la  bonne  race  du  Levant 
ou  avec  l'onagre  ;  qu'on  anobliroit  aufîi  les  mulets , 
produits  de  l'accouplement  de  l'onagrefie  avec  le  cheval , 
ou  de  l'onagre  apprivoifé  avec  la  jument ,  dont  l'utilité 
eft  affez  généralement  reconnue.  (  Chez  les  Hébreux  , 
la  loi  ne  permettoit  pas  d'accoupler  l'onagre  avec 
Vdnejfe  ,  comme  étant  d'efpeces  différentes.  )  Les 
mulets  de  Perfe  ,  dont  k  Brun  a  vanté  la  force  & 
le  courage ,  femblent  avoir  cette  origine. 

Udne  fe  plaît  dans  les  pays  chauds ,  tels  que  l'Arabie , 
l'Egypte  &  la  Grèce  :  on  a  vanté  beaucoup  les  dnes 
d'Arcadie.  Udne  paroît  originaire  d'Arabie  ,  &  avoir 
paifé  d'Arabie  en  Egypte  ,  d'Egypte  en  Grèce,  de 
Grèce  en  Italie  ,  d'Italie  en  France  ,  &  enfuite  en 
Allemagne ,  en  Angleterre  ,  &  enfin  en  Suéde ,  &c. 
Ces  animaux  font  en  effet  d'autant  moins  forts  ôc 
d'autant  plus  petits ,  que  les  climats  font  plus  froids  ; 


içS  ^         ANE 

ils  le  font  même  en  France ,  quoiqu'ils  y  foîent 
déjà  aiTez  anciennement  naturalifés  ,  6c  que  le  froid 
du  climat  foit  bien  diminué  depuis  deux  mille 
ans  ,  par  la  quantité  de  forêts  abattues  6c  de  marais 
déPiCchés. 

Les  ânes  d'Arabie  ont  le  poil  poli ,  la  tête  haute  , 
le  pied  léger  :  on  ne  leur  reproche  guère  la  lenteur 
oc  i'obftination  :  on  ne  s'en  ferî  que  pour  monture  : 
on  les  dreffe  à  aller  l'amble  :  on  leur  fend  les  nafeaux , 
aiîn  de  leur  donner  plus  d'haleine  ;  &  ils  vont  fi  vite , 
qii'un  cheval  ne  peut  les  fuivre  qu'au  galop.  Cette 
efj^ece  efl  û  belle  ,  que  les  Arabes  en  confervent  la 
race  avec  autant  de  foin  ,  que  celle  de  leurs  chevaux. 
Chardin  dit  que  ce  font  les  premiers  âms  du  monde. 
Ils  font  en  grand  honneur  à%Iaduré  ,  où  une  tribu 
d'Indiens  les  révère  particulièrement ,  parce  qu'ils 
croient  que  les  âmes  de  toute  la  noblefïe  paffent  dans 
le  corps  des  âms,  La  cafte  du  Roi  de  ce  pays  prétend 
même  en  defcendre  en  ligne  directe  ,  &  ceux  de  cette 
caile  traitent  les  ânes  comme  leurs  propres  frères.  Ils 
prennent  leur  défenfe  ,  en  ne  permettant  pas  qu'on 
les  charge  trop  ;  &  s'il  arrivoit  de  mettre  quelque 
chofe  fur  le  fac  que  porte  l'animal  ,  le  Caverm- 
vadouger  (  homme  de  la  cafte  Royale  )  traiteroit 
fort  mal  celui  qui  fe  feroit  permis  cette  liberté  ,  & 
le  corrigeroit  comme  pour  faute  d'inhumanité.  Il 
convient  d'obferver  ici  ,  que  ces  diies  d'Arabie  font 
ïffus  des  onagres.  Nous  en  parlerons  à  l'article  Ane 
Sauvage. 

On  mangeoit  anciennement  la  chair  de  Vdnc ,  fur- 
tout  celle  à^dnon  fauvage  ou  onagre  jeune  :  les  Perfes 
la  regardoient  comme  un  mets  délicieux  ,  ainfi  que 
les  Romains  ,  au  rapport  de  Pline  :  les  Arabes  &  les 
Tartares  Nomades  en  font  encore  un  grand  cas  fur 
leur  table  :  toujours  eft  -  il  certain  que  la  chair  de 
Vdne  domeftique  eft  encore  plus  infipide  6c  plus  défa- 
gréable  qiie  celle  du  cheval. 


ANE  299 

Le  lait  à'dnelu  efl  léger  ,  facile  à  digérer ,  conte- 
nant peu  de  parties  butireufes  &:  caféeufes  :  il  adoucit 
ies  humeurs  acres  &  falées  :  il  foulage  les  goutteux 
&  guérit  quelquefois  la  phthilie.  Pour  l'avoir  de  bonne 
qualité  ,  il  faut  choifir  une  dmjfe  jeune  ,  faine  ,  cjui 
ait  mis  bas  depuis  peu  de  temps  ,  &  qui  n'ait  point  été 
couverte  depuis  :  il  faut  lui  ôter  Vdnon  qu'elle  allaite  , 
la  tenir  propre ,  la  bien  nourrir  de  foin  ,  d'avome  , 
d'orge  &  d'herbe ,  dont  les  qualités  falutaires  puiffent 
influer  fur  la  maladie  ;  avoir  attention  de  ne  pas 
laiffer  refroidir  le  lait ,  &:  même  de  ne  pas  ?expofer 
à  l'air  ,  ce  qui  le  gâteroit  en  peu  de  temps.  L'Hilloire 
nous  apprend  que  les  gens  voluptueux  de  Rome  fô 
frottoient  le  vifage  &:  la  peau  avec  du  pain  trempé 
dans  du  lait  d'âneffe ,  perfuadés  qu'une  telle  pommade 
augmentoit  la  blancheur  &  ôtoit  les  rides  de  la  peau , 
ou"  empêchoit  que  la  barbe  ne  vînt  fi-tôt.  Poppéc , 
femme  de  Néron  ,  ufoit  tellement  de  'cette  recette  , 
mêm-e  en  mafque ,  qu'elle  avoit  toujours  à  fa  fuite 
trois  cents  dnejfcs.  Juvenal  a  nommé  ces  mafques  de 
pain  trempé  dans  ce  lait ,  pingida  Poppczana.  Aujour- 
d'hui, l'art  cofmétique  ne  croit  plus  à  la  propriété 
du  lait  à^dnejfc. 

Dans  tous  les  pays  méridionaux  5  on  trouve  plus  com- 
munément àçs  dnes  fauvages  :  que  des  chevaux  fauvages. 
les  Latins  ont  nommé  Vdm  fauvage ,  onager  (  onagre  ) 
qu'il  ne  faut  pas  confondre ,  dit  M.  de  Buffon  ,  comme 
l'ont  fait  quelques  Naturalises  &  plufieurs  Voyageurs  , 
avec  le  lebre^  connu  aufTi  fous  le  nom  à' dm  fauvage  du 
Cap  de  Bonne-Efpèrance ,  animal  d'une  efpece  différente 
de  celle  de  Vdne  ;  car ,  fuivant  l'illuflre  M.  de  Buffon ,  tant 
que  nous  ignorons  fi  les  efpeces  étrangères  peuvent 
produire  &  former  de  nouvelles  races  avec  nos  efpeces 
communes  ,  nous  fommes  fondés  à  les  regarder  comme 
des  efpeces  différentes  ,  jufqu'à  ce  qu'il  foit  prouvé 
par  le  fait ,  que  les  individus  de  chacune  de  ces  efpeces 
étrangères  peuvent  fe  mêler  avec  l'efpece  commune , 


500  ANE 

éc  produire  d'autres  individus  qui  produiroient  entr'eux; 
ce  caraclere  feul  conilituant  la  realité  6c  l'unité  de  ce 
qu'on  doit  appeler  ejpece ,  tant  dans  les  animaux  , 
que  dans  les  végétaux.  Vonagre  ou  Vdne  fauvage  n'eil 
point  rayé  comme  le  lebre  ;  &  il  n^^ix  pas  ,  à  beaucoup 
près  5  d'une  figure  auiîi  élégante.  Voye^  Zèbre. 

Il  y  a  beaucoup  à\îms  fauvages  dans  les  délerts  de 
Lybie  &  de  Niunidie  ,  où  ils  vivent  en  fociété  :  (  ce 
font  des  onagres.  )  Ils  font  gris  ,  &  courent  fi  vite  , 
qu'il  n'y  a  que  les  chevaux  barbes   qui  puiffent  les 
attraper  à  la    courfe.   Lorfqu'ils  voient   un  homme  , 
ils  jettent  un  cri,  font  une  ruade  ,  s'arrêtent  ,  &  ne 
fuient  que  lorfqu'on  les  approche  ;  ils  vont  par  troupe 
pâturer  &  boire.  On  n'a  point  trouvé  à^dms  en  Amé- 
rique 5  non  plus  ç^xQ  de  chevaux  ;  quoique  le  climat , 
fur-tout  celui  de  l'Amérique  méridionale ,  leur  convienne 
autant  qu  aucun  autre.  Ceux  que  les  Efpagnols  y  ont 
tranfportés  d'Europe  ,  fe  font  beaucoup  multipliés  dans 
les   forêts  ,    &  on  y  voit    actuellement   des  troupes 
^ynes  devenus  fauvages ,  &:  que  l'on  prend  dans  des 
pièges ,  comme  les  chevaux  fauvages. 

Comme  la  peau  de  Vdm  efi:  très-dure  &  très-élaf- 
fique ,  on  l'emploie  utilement  à  différens  ufages  :  on 
en  fait  des  cribles  ,  des  tambours  ,  &  de  très-bons 
fouliers  :  on  en  fait  du  gros  parchemin  pour  les 
tablettes  de  poche  ,  que  l'on  enduit  d'une  couche  légers 
de  plâtre  :  c'eil:  quelquefois  aufii  du  cuir  de  Vdnc 
fauvage  ,  (  onagre  )  que  les  Orientaux  font  le  fagri  , 
que  nous  appelons  ckagrin.  Thevenot ,  dans  la  Pvelation 
de  {qs  Voyages ,  dit  que  le  cuir  à^dm  (  onagre  )  efi: 
la  matière  du  beau  marroquin  employé  aux  chauilures 
<iu  Levant.  Les  Anciens  préféroient  aufii  les  flûtes  faites 
des  os  de  ce  quadrupède ,  ils  les  trouvoient  plus  fonores 
que  celles  qui  étoient  faites  avec  les  os  d'un  autre 
animal. 

En  Chine  on  fait  avec  la  peau  d'un  dm  noir ,  une 
colle  qu'on  efiiime  propre  à  remédier  aux  maladies 


ANE  301. 

de  poitrine.  Il  s'en  fait  un  grand  commerce  dans 
rinde  5  fous  le  nom  de  hohj,-hao  ou  ngo-klao  :  elle 
cû  en  morceaux  moulés  ,  fouvent  ornés  de  cara6:e- 
res  &  de  toutes  fortes  de  figures;  mais  elle  eft  fort 
rare  en  Europe. 

Ane  marin.  Nom  donné  au  grand  pofypc^  de  mer. 
Voyez  Polype  de  mer. 

Ane-poisson  ou  Tête  d'Ane.  Dans  quelques 
Provinces  on  donne  ce  nom  au  chabot.  Voyez  ce  mot^ 
Ane  rayé.  Voyez  Zcbrc.  On  donne  auiîi  le  nom 
à^dnc  rayé  à  une  petite  coquille  univalve  de  la  fa- 
mille des  porcelaines.  Ce  coquillage  efl  orné  de  trois 
bandes  tranfverfales ,  d'un  roux  noirâtre.  Voye^^  Por- 
celaine. 

Ane  sauvage  ou  Onagre  ,  O nager.  Les  defcrip- 
tlons  qu'on  a  données  de  Varie  fauv âge.  font  fi  impar- 
faites qu'on  ne  fait  pas  trop  quel  ell  cet  animal.  Les 
Anciens  ont  fait  de  Vdm  Jàuvage  ,  une  efpece  diffé- 
rente de  celle  de  Vdne  domejlïque.  Quelques  Naturalises 
difent  que  les  dms  fauvages  ou  onagres  ,  font  fréquens 
en  Syrie  ;  que  leurs  peaux  font  très-fortes  ,  &  qu'on 
les  prépare  de  façon  que  leur  furface  extérieure  ell 
parfemée  de  petits  grains  :  on  s'en  fert  pour  faire  des 
fourreaux  d'épée  ,  des  gaines  de  couteavix  ;  c'eft  ce 
qu'on  appelle  du  chagrin.  Voyez  ce  mot. 

Il  y  a  grande  apparence  que  cet  dne  fauvage  a  été 
fouvent  confondu  avec  le  Tére  ,  qui  efl  en  effet  afîez 
refiemblant  à  Vdne  ;  ce  qui  a  fait  donner  aufîi  à  ce 
dernier  ,  c'efl-à-dire  ,  au  T^hre  ,  le  nom  àidne  rayé  du 
Cap  de  Bonne-Efpérance.  Philojlorgius  a  fait  cette  con- 
fufion.  C'efl  un  des  plus  jolis  animaux  &:  des  mieux 
faits  que  l'on  puiiTe  voir.  Foye^  Zèbre. 

On  voit  des  onagres  ou  dnes  fauvages  ,  dans  la 
Tartarie  orientale  &  méridionale  ,  la  Perfe  ,  la  Syrie , 
les  Ifles  de  l'Archipel  &  toute  la  Mauritanie.  Varron 
&  Pline.,  parlent  hfs»  onagres  comme  d\inimaux  com- 
muas da^s  tçute  l'Afie  îïûueui-s,  Xenophgn ,  Suetom 


502  ANE 

&c  Ammïm  ,  font  mention  de  ceux  de  Méibpotamîe^ 
de  Pcrie  &  des  délerts  Parthiques.  Tacite  rapporte 
que  le  peuple  Juif  ,  fous  la  conduite  de  Moyjl ,  dut 
cfuelquefois  aux  onagres  la  découverte  des  fontaines 
dans  les  déferts  arides  de  l'Arabie  ;  &  l'Ecriture  fainte , 
quoiqu'à  d'autres  égards  ,  en  fait  très-fouvent  men- 
tion comme  d'un  animal  familier  aux  déferts  qui 
avoifinent  la  Paleiline.  Les  onagres  ne  diferent  des 
âms  domcjiiques  que  par  les  attributs  de  l'indépendance 
ëc  de  la  liberté  ;  ils  font  plus  forts  &  plus  légers  à 
la  courfe  ;  ils  ont  plus  de  courage  &  de  vivacité  ; 
mais  ils  font  femblables  pour  la  forme  du  corps  ,  ils 
ont  feulement  le  poil  plus  long  ,  &:  cette  différence 
tient  encore  à  leur  état  ;  car  nos  âms  auroient  égale- 
ment le  poil  long  ,  fi  l'on  n'avoit  pas  foin  de  les 
tondre  à  l'âge  de  quatre  ou  cinq  mois  ;  les  dnes  ont 
dans  les  premiers  temps  ,  le  poil  long  à  peu- près 
comme  les  jeunes  ours. 

On  a  configné  dans  le  Journal  de  Phyjique  ^fuppUm. 
lyS-x  ,  T.  XXL  pag.  32/  &  fuiv.  des  cblervations  fur 
Vdnc  dans  fon  état  fauvage  ,  ou  fur  le  véritable  onagre 
des  anciens^  par  M.  P.  S.  Pallas.  Oppien  efl  le  feul  qui 
nous  ait  laiifé  une  defcripticn  bien  caradérifée  de 
V onagre  des  anciens.  U onagre  ,  dit  le  Moine  Rubruquisy 
cil  appelé  en  langue  Tartare  ,  Calmouque  &:  Kirgife , 
koulan  :  il  porte  encore  aujourd'hui  le  même  nom 
chez  toutes  les  hordes  Nomades.  Les  onagres  font  très- 
nombreux  dans  les  déferts  de  la  grande  Tartarie  ,  & 
viennent  annuellement  en  nombreux  troupeaux  fe  ré- 
pandre dans  les  déferts  montagneux  à  l'eft  &  au  nord 
du  lac  Aral ,  où  ils  paffent  l'été  ,  &  s'attroupent  en 
automne  par  centaines,  &  même  par  milliers  ,  pour 
leur  retour  vers  l'Inde  ,  à  la  recherche  d'un  afile 
contre  l'hiver.  Odoard  Barbota  a  tracé  cette  migration 
dans  les  montagnes  du  Malabar ,  6c  du  royaume  de 
Goiconde  ;  mais  la  Perfe  paroît  être  le  lieu  de  retraite 
le  plus  ordinait  e  pour  ces  troupeaux  ôi' onagres  ;  ôc  dans 


A    N   E     ^  303 

les  montagnes  des  environs  de  Casbin ,  on  en  trouve 
en  tout  temps  de  Tannée.  Les  Perfans  donnent  le  nom 
d^ischaki  (  dne  de  montagne  )  ,   à  Vonagre  ,  parce  qu'il 
recherche  les  déferts   montagneux  les  plus  arides.  Ils 
en  font  la  chaffe  ainfi  que  les  Tartares  Nomades.  Ces 
derniers  en  recherchent  la  chair  qui  efî:  réputée  déîi- 
cieufe ,  6c  doit  bien  l'être  ,  puifque  même  les  Romaias 
ont  été  friands  des  jeunes  onagres  ;  les  Perfans  tâchent 
de  prendre  les  jeunes  onagres  en  les  chaffant  vers  des 
foffes   couvertes  d'herbes  ,   &  les  vendent  à  un  prix 
confidérable  ,  pour  les  haras  des  Grands  du  pays.  C'efl 
de  l'accouplement  de  ces  onagres  apprivoifés  que  pro- 
vient cette  race  noble  à^ânes  qui  fervent  de  monture 
en  Perfe  &  en  Arabie  :  on  les  paye  jufqu'à  cent  écus, 
Tavernier  les  diflingue  très-bien  d'avec  îa  race  chétive 
des  ânes  ordinaires  ,  qui  y  fervent  pour   porter  les 
fardeaux  ;  &  le  caprice  fingulier  que  les  Perfans  con- 
fervent ,  félon  lui ,  de  peindre  ces  ânes  de  monture  en 
rouge  5  comme  on   le  fait  aufli  en  Egypte ,  avec  le 
kanna  ,  qui  y  fert  d'ailleurs  pour  le  fard  des  femmes  , 
femble  donner  l'explication  de  ces  onagres  chimériques 
de  l'Inde  ,  à  tête  rouge ,  dont  Elien  a  parlé  ,  &  aux- 
quels il  ajoute  ,  pour  ilircroît  de  merveilleux  ,  une 
corne  au  front.  Tous  les  voyageurs   du  Levant  font 
réloge  de  ces  bidets  iiTus  A^onagres. 

Semblables  en  tout  à  Vonagre  fauvage  ,  ces  dnes  de 
bonne  race  font  ,  dit  M.  P allas  ,  extrêmement  vifs 
&  légers  à  la  courfe  ,  d'une  forme  leile  ,  d'un  port 
animé  ,  &:  méritent  bien  l'épithete  appliquée  par  Mar- 
tïal  à  Vonagre.  Ils  réf.fîent  à  la  fatigue  beaucoup  mieux 
que  les  chevaux  Tartares  ,  &  font  plus  de  diligence 
que  les  chameaux.  (  Niebhur  ,  Voyage  ^'Arabie  , 
p,  ^11  &fuiv.  évalue  le  chem.in  que  font  les  dnes  de  felle" 
dans  la  demi-heure  ,  lorfqu'ils  marchent  d'un  pas  égal  ^ 
à  1750  doubles  pas  de  l'homme  ,  au  Heu  que  les 
grands  dromadaires  n'en  font  que  975  ^  &  les  petits 
tout  au  plus    1500.)  Une  jeune  onagrejje  fit  tout  le 


304  ANE 

chemin  d'Aflracan  jufqu'à  Mofcoii  ,  qui  efl:  cle  plus 
de  1400  verlks,  en  courant  à  la  fuite  des  voitures  de 
pofle  ,  &  courut  de  même  les  730  verftes  de  Moi- 
cou  à  Petersbourg.  M.  Pallas  dit  qu'elle  n'avoit  rien 
de  cette  lenteur  6i  de  cette  ilupidité  qui  a  rendu 
Vâne  domeilique,  l'emblêrrte  de  ces  m.auvaifes  qualités. 
Les  onagres  font  des  animaux  faits  à  la  courfe  ,  &: 
ils  fuient  avec  tant  de  vîteiTe  &  de  confiance  ,  que 
les  meilleurs  chevaux  ne  fauroient  les  atteindre.  Le 
nom  que  les  Hébreux  donnoient  aux  onagres  ,  {parad) 
dérive  de  leur  célérité.  Cette  facilité  de  courir  fur 
les  terrains  les  plus  difliciles  refle  à  Vdne  domejïiqiie , 
&  fe  communique  au  mulet.  La  fituation  naturelle- 
ment rapprochée  des  jambes  de  ces  animaux  femble 
les  favorifer  dans  ces  occafions  ;  &  le  fabot  cylindrique 
de  leurs  pieds  ,  extrêmement  dur  &  fec  ,  ^^i  fait  pour 
de  tels  terrains. 

Les  onagres  ,  confidérés  dans  l'économie  fauvage  , 
fe  réunifient  en  troupeaux  ,  conduits  par  un  étalon 
principal.  Mais  il  paroît  que  dans  le  temps  où  ils  font 
leur  retraite  vers  le  fud  de  la  région  qu'ils  habitent , 
ils  s'attroupent  en  plus  grand  nomJore  :  c'efl  précifé- 
ment  le  temps  011  le  rut  efl  pafTé  &  les  femelles 
pleines ,  nonobflant  quoi ,  dit  M.  Pallas ,  on  voit  les 
étalons  fe  déchirer  à  belles  dents  &  détacher  des  ruades. 
Ils  ont  la  vue  ,  l'ouïe  &  l'odorat  également  bons  , 
de  forte  qu'il  efl  impofnble  d'approcher  d'eux  en  rafe 
campagne.  Les  chafleurs  fe  cachent  pour  les  attendre 
au  pafl'age  ou  aux  environs  des  marais  d'eau  faumâtre , 
où  ils  viennent  s'abreuver.  Ces  animaux  préfèrent 
l'eau  claire  &  falée  ,  à  l'eau  trouble  &:  douce.  Ils 
picorent  avec  plaifir  les  plantes  chargées  de  parties 
falines  ,  ainfi  que  les  ameres  laiteufes.  Ils  dédaignent 
les  plantes  odoriférantes  ,  celles  des  marais ,  les  plan- 
tes dures ,  même  les  chardons  ,  qui  font  partie  de  la 
nourriture  de  Vdne  domejiique.  ISonagre  apprivoifé  eft 
fufceptible  d'attachement  pour  fon  palefrenier  ;  mais 

conduit 


ANE  30J 

eondult  contre  fon  gré  ,  il  montre  toute  i'obflination 
de  Vdnc  vulgaire  II  paye  fouvent  d\ine  ruade  celui 
qui  l'approche  par  derrière  ,  ou  le  touche  fur  la  croupe  ; 
éc  cette  ruade  efl  toujours  accompagnée  d'un  petit 
grognement. 

Uo/zagrc  mâle  a  le  corps  plus  robufle  ,  l'encolure 
plus  groffe  ,  le  poitrail  &  la  croupe  plus  large 
que  la  femelle  ;  une  barre  ou  raie  tranfverfale 
(  quelquefois  double  )  croife  fur  les  épaules  avec  celle 
qui  s'étend  le  long  de  l'épine  dans  l'un  &c  l'autre 
fexe.  C'eft  cette  croix  que  la  plupart  des  unes  domef- 
tiques  mâles  ont  confervée ,  &.  qui  embellit  fur-tout 
ceux  qui  ont  la  couleur  du  poil  claire.  Cette  bande  U 
tranfverfale  ,  bien  plus  étroite  que  l'autre  ,  manque 
entièrement  aux  onagres  femelles.  jr  ^ 

U onagre  a  la  tête  plus  relevée  que  Vdne,  les  oreille^  fy 
bien  redreffées  ,  très-longues  ,  terminées  par  un  bou-  J 
quet  de  poils  noirs  ;  il  efl:  plus  haut  fur  les  jambes 
&  les  a  plus  fines  que  Vdne  domejiique  ;  il  fe  gratte 
facilement  au  cou  &  à  la  tête  avec  les  pieds  de  der-* 
riere.  Il  porte  difficilement  fur  l'avant-train  la  moitié 
du  fardeau  qu'il  peut  aifément  porter  en  entier  fur  IL 
l'arriére  du  dos.  Les  lèvres  font  très-épaifles  &  gar- 
nies de  poils  roides.  La  couleur  du  poil  fur  la  plus  Ni 
grande  partie  du  corps  oc  le  bout  du  mufeau  efl:  un 
blanc  argentin  :  le  delTus  de  la  tête ,  les  faces  latérales 
du  cou  &  du  tronc  font  blonds  ou  d'un  fauve  pâle; 
cette  couleur  blonde  s'étend  auffi  fur  les  cuifies  jus- 
qu'au jarret  ;  mais  elle  eft  féparée  de  celle  du  tronc 
par  un  efpace  blanc  ,  de  la  largeur  de  la  main,  entre 
la  cuiiTe  &  le  flanc  :  un  autre  efpace  blanc  fur  la 
crinière  tSc  la  raie  de  l'épine  dans  toute  fa  longueur, 
s'élargit  fur  la  croupe  &  communique  avec  l'intervalle 
blanc  des  flancs.  La  crinière  commence  à  Pentre-deux 
des  oreilles ,  va  jufqu'aux  épaules  ;  c'efl  un  poil  doux, 
laineux  ,  long  de  3  à  4  pouces.  La  raie  qui  s'étend 
depuis  la  crinierç   tout  Iç  long  de  l'épine  jufqu'à  1% 


joS  ANE 

queue ,  eft  prefque  couleur  de  café ,  plus  large  à  U 
région  lombaire  ,  rétrécie  vers  la  queue  ;  6c  le  poil 
de  toute  cette  bande  eft  fort  touffu  &  ondoyant  , 
même  en  été  ,  lorfque  tout  le  reile  du  corps  eu  par- 
faitement liile.  Le  bouquet  qui  termine  la  queue  efl:  formé 
de  crins  affez  rcides  ,  &  d'un  empan  de  long.  Les  châ- 
taignes ,  ou  vefliges  calleux  ,  ne  font  point  rondes 
comme  aux  dnes  domefîiqms ,  mais  d\me  forme  ovale 
alongée.  Les  fabots  des  pieds  font  prefque  cylindri- 
ques 5  raboteux  ,  avec  des  rugofités  circulaires  ,  6c  foit 
creux  en  deffous.  Le  poil  en  général  ,  fur-tout  celui 
dont  l'animal  fe  couvre  en  hiver ,  eft  doux ,  foyeux , 
ondoyant  ,  gras  au  toucher ,  &  ne  peut  être  comparé 
qu'à  la  laine  du  chameau.  Des  épis  qu'on  remarque 
de  chaque  côté  de  la  crinière  &  des  flancs  ,  difper- 
fent  le  poil  en  tout  fens  ;  la  direftion  du  poil  tend 
vers  la  queue  ,  au  lieu  que  dans  le  ^^ebre  une  partie 
du  dos  a  les  poils  dirigés  à  rebours.  (  L'efpece  de  ga- 
zelle ,  appelée  coudou  ,  &  le  buffle  à  queue  de  cheval , 
fournilTent  le  même  exemple.  )  La  queue  offre  feize 
vertèbres  ;  le  nombre  des  autres  répond  à  celui  de 
Vdne  domejiique.  Trente-deux  dents  ,  dont  iix  incifives 
dans  chaque  mâchoire,  &  cinq  molaires  dans  chaque 
rangée. 

La  bile  ^onagre  ed  eftimée  chez  les  Perfans  comm.e 
un  remède  contre  les  offufcations  de  la  vue  &  les 
catarades  ;  &  ce  préjugé  feroit  pardonnable  :  mais  il 
ne  l'efl  pas  de  prétendre  chercher  ,  dit  M.  P allas  ,  un 
remède  contre  les  maux  de  reins  ,  par  des  turpitudes 
commifes  avec  les  dnejfcs  de  la  race  fauvage ,  comme 
il  eft  certain  que  les  Perfans  le  font ,  &  que  les  Tar- 
tares  Nogais  d'Aftracan  ont  été  tentés  de  le  Taire  avec 
Vonagreffc  décrite  ci-deffus  ,  lorfqu'elle  fe  trouvoit  dans 
cette  ville.  Les  peaux  à^ onagre  font  recherchées  des 
Boucares  pour  être  préparées  en  manière  de  chagrin. 
Rauwolf  en  dit  autant  de  ceux  de  Syrie  ,  dont  les 
peaux  font  apportées  à  Tripoli  ;  mais  c'eft  une  erreur 


ANE  307» 

de  croire  que  la  peau  des  onagres  foit  naturellement 
grenue  ,  ou  que  le  chagrin  ne  pourroit  être  préparé 
qu'avec  de  telles  peaux.  Voye:!^  a  Vanick  Chagrin. 

ANÉMONE  ,  Ammonc  horunfis  ,  Linn.  761.  Plante 
dont  la  fleur  eft  admirable  par  la  beauté  de  fes  cou- 
leurs ,  &:  par  leur  diverfité  :  c'eft  une  fleur  en  rofe, 
dont  la  tige  eft  fimple ,  entourée  de  trois  petites  feuilles , 
s'élève  peu ,  de  cinq  à  lept  pouces ,  &  doit  être  forte 
pour  foutenir  la  feule  fleur  qu'elle  porte.  Les  feuilles 
qui  partent  de  la  racine  font  prefque  digitées  à  trois 
folioles.  La  tête  de  la  belle  anémone  doit  être  bien 
ronde  ,  fes  couleurs  vives  ,  les  feuilles  qui  envelop- 
pent les  dehors  de  la  fleur  ,  qu'on  appelle  le  manteau, 
larges ,  bien  arrondies.  Sa  pluche  (  c'efl  un  amas  de 
moindres  feuilles  qiu  couvrent  l'extérieur  de  la  fleur) 
doit  faire  le  dôme  en  s'arrondiflant  ;  ainfi  elle  doit 
être  large  pour  que  la  fleur  ait  de  la  grâce.  Du  milieu 
de  la  fleur  s'élève  un  piflil  qui  devient  dans  la  fuite 
un  fruit  oblong  ,  à  l'axe  duquel  font  attachées  plu- 
fleurs  femences  ,  qui  font  enveloppées  chacune  par 
une  coiffe  cotonneufe  pour  l'ordinaire.  Cette  graine 
s'appelle  bourre.  Cette  anémone  des  Fkurifles  eft  origi- 
naire du  Levant. 

La  nature  déploie  fur  la  fleur  de  cette  plante  la 
richefle  de  fes  couleurs  :  auffi  les  Poètes  ont-ils  ima- 
giné qu'elle  avoit  été  produite  du  fang  d'Adonis  ,  6c 
l'on  a  même  confervé  ce  beau  nom  à  un  genre  de  la 
famille  des  renoncuks.  Voyez  Adonis.  Il  y  a  des  ané- 
jnones  incarnates  ,  de  couleur  de  feu  ,  de  blanches  ;  les 
nuancées  font  rares ,  les  veloutées  font  les  plus  belles. 
Toutes  ces  fleurs  difpofées  fuivant  l'harmonie  des 
couleurs  ,  font  un  très-bel  effet  dans  une  plate-bande. 
Pour  conferver  leur  beauté  ,  il  faut  les  garantir  du 
vent  &  de  la  pluie.  Si  le  leûeur  veut  avoir  ime  idée 
de  la  quantité  prodigieufe  des  variétés  de  cette  plante , 
qu'on  a  obtenues  par  la  culture  ,  il  fufîii  de  jeter  un 
coup  d'oeil  fur  celles    qui  font  rapportées  dans  les 

V  2 


3c«  ANE 

Infiituùonts  Rù  Hcrbariœ  de  Tournefort  ,  pag.  175  à 
284  ,  &  dans  les  Catalogues  des  Fleurs  cultivées  en 
Hollande. 

Ijammont  plantée  en  Oâ:obre  ,  fleurit  en  Mai  ou 
Juin.  On  ménage ,  fi  l'on  veut ,  une  agréable  fuccefTion 
^ancmones  pour  toute  l'année  :  il  fuiiit  d'en  planter 
dans  les  diiîerens  mois  du  printemps  pour  en  avoir 
toujours  de  nouvelles  jufqu'à  la  fin  de  l'été  &:  de 
l'automne.  On  recueille  la  graine  des  plus  belles  ef- 
peces  pour  femer  ;  c'efl  le  moyen  d'avoir  des  variétés 
innombrables  ,  où  Ton  admire  îe  jeu  de  la  nature. 
Uanémonc  venue  de  graine  ne  fleurit  que  la  féconde 
année.  Aufli-tôt  que  la  fleur  efl:  pafîee  on  levé  de  terre 
les  racines ,  que  l'on  nomme  pattes  ou  griffes  ;  on  les 
détache  comme  les  caïeux  ,  6c  on  les  conferve  dans 
des  paniers  jufqu'à  l'inftant  oii  on  les  replante.  Vané^ 
mone  efl:  plus  sûre  à  élever  de  caïeu  que  de  graine  : 
elle  demande  une  terre  légère  ,  pareille  à  celle  des 
jonquilles  &:  des  tulipes  :  elle  veut  être  feule  &  de- 
mande peu  d'eau.  Cette  plante  efl:  déterflve  :  fes  racines 
mâchées  ,  attirent  la  falive  &  maintiennent  les  dents 
faines.  Il  y  a  V anémone  fauvage  ,  Anémone  fyheflris , 
Ma  major  ,  C.  B.  Pin.  176.  A  l'égard  de  V anémone 
appelée  fylyie  ,  Voyez  à  l'article  Renoncule  des  bols. 

Anémone  de  mer.  Nom  donné  à  un  animal  ma- 
tin, nu,  membraneux,  moins  gélatineux  que  charnu, 
à  bafe  circulaire ,  par  laquelle  il  s'attache  à  difFérens 
corps.  C'efl  une  efpece  de  ^oophyte  ,  de  l'ordre  des 
mollufqucs  ,  &  qu'on  appelle  quelquefois  aufli  cham- 
pignon marin.  Les  anémones  de  mer  ,  qu'il  faut  bien  fe 
garder  de  confondre  avec  les  orties  m.arines  ,  (  Voyez 
ce  mot ,  )  fe  trouvent  aflfez  communément  en  Nor- 
mandie ,  attachées  fur  la  flirface  latérale  &  dans  le 
creux  des  rochers  de  la  mer  ',  difperfées  ou  dans  le 
fable  ou  fur  la  vafe  la  moins  long-temps  abandonnée 
de  la  mer.  On  en  diflingue  pkifleurs  efpeces  :  on  en 
connoît  qui  varient  par  la  forme  ,   la   couleur  6c  la 


ANE  509 

grandeiiî'  ;  il  y  en  a  depuis  un  jufqu'à  ût  pouces  de 
diamètre.  On  en  a  vu  qui  avoient  plus  de  vingt  pouces 
de  circonférence.  Les  huitrieres  en  font  quelquefois 
remplies.  Il  y  en  a  de  rouges  ,  de  vertes  ôc  d'autres 
couleurs.  On  connoît  de  grandes  anémones  de  mer  qui 
offrent  les  nuances  les  plus  douces  ,  les  plus  riches 
&  les  plus  brillantes  couleurs  ,  jointes  à  la  délicateffe , 
à  l'élégance  &  à  la  beauté  des  formes.  Il  y  en  a*  qui 
font  feulement  convexes  ,  d'autres  coniques  ,  toutes 
pourvues  d'un  grand  nombre  de  membres  cylindri- 
ques ,  qu'elles  peuvent  cacher  &  faire  agir  au  même 
infiant.  Ces  membres  ou  bras  font  toujours ,  ou  le 
plus  communément  ,  d'une  autre  couleur  que  le 
fond.  Elles  ont  une  ouverture  ou  bouche  au  milieu 
des  vifceres  tendineux  au  fond  ,  &  une  grande  quan- 
tité d'inteflins.  Quelquefois  elles  reffemblent  à  un 
champignon  :  mais  quand  elles  déplient  toutes  leurs 
pointes  ou  trompes  gluantes ,  ojles  n'imitent  pas  mal 
la  figure  de  Vanimoiu  plante  ,  ou  d^une  fleur  radiée , 
épanouie.  Dans  l'état  de  contraction  on  ne  peut 
guère  les  difcerner  qu*au  petit  entonnoir  qu'elles 
tracent  dans  le  fable  en  s'y  enfonçant.  Lorfque,  cet 
animal  veut  s'agiter  ,  il  fouleve  &;  fait  fortir  deux 
pellicules  blanches  ,  rayées  &  enflées  comme  deux 
vefîies. 

Le  toucher  paroît  être  le  fens  îe  plus  étendu  chez 
cet  animal ,  &  ce  fens  paroît  être  répandu  dans  toute 
l'habitude  de  fon  corps ,  tant  à  l'intérieur  qu'à  l'exté- 
rieur. Elle  s^attache  d'une  manière  intime  à  tous  îès 
objets  folides  &  étrangers  qui  lui  conviennent  ,  & 
qu'elle  reconnoît ,  au  moyen  du  taâ: ,  par  fa  bafe  ,  par 
fa  robe  ,  par  fes  membres  extenfibles  ,  contradibles  , 
flexibles  en  tous  fens  ,  &  par  un  feul  plan  de  ces 
diverfes  parties  ;  mais  notamment  par  des  mamelons 
qui  font  l'office  de  ventoufes.  Il  faut  avoir  vu  ma- 
nœuvrer plufieurs  fois  ces  animaux  pour  en  avoir  une 
idée  diilin^e.  Leur  mouvement  progrefîlf  efl:  très-lent, 

V3 


3IO  ANE 

On  tf  Olive  dans  le  Journal  de  Phyjique ,  Sept.  lySt , 
un  extrait  du  Journal  d'obfervations  faites  à  Dunkerquz 
en  lyyc)  ^  contenant  celles  faites  fur  les  polypes ,  vul- 
gairement nommés  anémones  de  mer.  L'Auteur  de  ces 
obferv^ations  dit  qu'il  y  a  plufieurs  efpeces  à^ anémones 
de  mer^  &  cependant  qu'elles  lui  ont  paru  être  con- 
formées de  même  ,  un  corps  charnu  ,  flexible  ,  non- 
géktineux ,  comme  l'ortie  de  mer ,  un  peu  élaflique , 
ians  os ,  ni  cartilages  ,  ni  nerfs  ;  mais  ayant  une  infi- 
nité de  mufcles  de  forme  très-variable  ,  qui  pour  l'or- 
dinaire efl  cylindrique  &:  raccourcie.  Lorfque  cet  ani- 
mal efl  épanoui ,  c'efl-à-dire  ,  quand  il  imite  une  fleur 
radiée  ,  on  y  diftingue  le  pédinJe ,  le  tronc  6c  le  difque. 

Le  pédicule  eu  un  empâtement  formé  par  l'exten- 
iion  d'une  membrane ,  qui  déborde  fur  le  tronc  en  fe 
collant  contre  les  corps  ;  elle  eu  pourvue  d'une  quan- 
tité de  fibres  ou  de  mufcles  linéaires  ;  les  uns  ,  cir-' 
culaires ,  forment  les  côtés  de  polygones  concentriques  ; 
les  autres ,  longitudinaux ,  font  comme  les  rayons  de 
ces  polygones  ,  qui  viennent  tous  aboutir  au  mufcle 
le  plus  fort  &:  le  plus  gros  de  toute  la  machine  ,  le- 
quel joint  ce  pédicule  avec  le  tronc  ,  en  formant  un 
étranglement.  Le  tronc  efl  parfemé  de  rugofités  ou  de 
plis  ,  qui  proviennent  de  la  contraftion  des  mufcles 
longitudinaux  &:  tranfverfaux.  Ce  tronc  efl:  fouvent 
encroûté  de  corps  étrangers.  Le  difque  termine  l'ex- 
Irémité  fupérieure  du  tronc  ,  &  déborde  encore  plus 
que  ie  pédicule.  Le  contour  efl  armé  d'une  multi- 
tude de  bras  ou  cernes  coniques  ,  tranfparentes  ^ 
molles  ,  flexibles  ,  dont  le  nombre  &  la  longueur  va- 
rient félon  les  efpeces  ;  dans  l'efpece  commune  il  efl 
d'environ  cent.  Chaque  bras ,  dont  le  contour  de  la 
bafe  imite  une  efpece  de  boutonnière  ,  fe  remue  &  fe 
contraûe  en  tout  fens  ,  tout  feul  ou  conjointement 
avec  les  autres.  L'intérieur  &  l'extrémité  de  cette 
corne  offrent  une  raie  &  un  point  noir.  Quand ,  à  fa 
volonté  y  l'animal  couche  ces  cornes  les  unes  fur  ks 


ANE  311 

autres  vers  le  centre ,  il  les  recouvre  de  fa  membrane 
extérieure  :  cela  lui  arrive  lorlqu'on  le  touche  un  peu 
rudement  ;  averti  par  elles  du  danger  ,  il  les  retire 
brufquement  tout  à  la  fois ,  6c  attire  tout  l'extérieur 
de  fon  corps  vers  le  nœud  du  fond ,  dont  il  fera  men- 
tion dans  un  inftant.  Par  ce  mécanifme  il  diminue 
de  volume  en  tout  fens  ,  &:  la  contradion  eft  com- 
plète ;  il  a  la  ferme  d'un  bouton  fphérique  ,  au 
îbmmet  duquel  il  reflie  im  petit  ombilic  ,  où  tous  les 
mufcles  longitudinaux  viennent  fe  rendre  :  ce  qui , 
joint  à  la  tranfparence  de  la  chair ,  le  fait  alors  ref- 
fembler  à  un  oignon  dont  on  a  enlevé  les  premières 
enveloppes.  Tandis  qu'il  exécute  cette  fondlion  ,  il 
rejette  une  abondante  quantité  d'eau  ,  dont  une  partie 
offre  de  petits  jets  très-vifs. 

Revenons  au  difque  ,  fon  intérieur  offre  quelque- 
fois un  deiïïn  guilloché  ;  ce  difque  eft  plus  ou  moins 
ouvert.  Lorfque  l'ouverture  en  eft  confidérable  ,  la 
contour  eft  fait  en  bourrelet  :  l'intérieur  pour  lors  fe 
découvre ,  &  l'animal  refîemble  à  une  bourfe  à  je- 
tons ;  l'animal  pouffe  au  dehors  &  à  volonté  une 
membrane  blanchâtre  ,  froncée ,  à  plis  tortueux.  Dans 
ce  dernier  état  la  membrane  reifemble  à  une  veffie 
tranfparente,  ornée  de  lignes  longitudinales  &  blanches. 
Elle  eft  partagée  en  deux  lobes  ,  dont  chaque  m.ufcîe 
fe  réunit  au  fond ,  où  eil  un  nœud  qui  eft  le  centre 
du  mouvement  de  toute  la  machine. 

Souvent  le  polype  s'alonge  comme  \m  fipnon ,  & 
reftant  toujours  collé  ,  il  fe  porte  de  côté  ou  d'autre 
comme  pour  chercher  plus  au  loin  fa  nourriture  :  fon 
corps  devient  très-léger ,  très-flexible  &  tranfparent  ; 
on  voit  qu'il  eft  tout  gonflé  d'eau.  Autour  du  nœud 
cité  ci-deflus ,  font  les  iiTues  par  où  l'animiaî  fait  for- 
tir  ,  à  fa  volonté  ,  les  portions  d'un  vifcere  qu'on  ap- 
perçoit  à  travers  du  corps ,  fous  la  figure  de  cordons 
blancs  mal  étendus  ;  ces  cordons  font  les  boyaux, 
Lorfque  ces  animaux  veulent  changer  de  place  ,  ils 

V4 


3IÎ  ANE 

ont  deitx  manières  d'exécuter  ce  mouvement  :  o\i  bien 
ils  gliii'ent  lentement  liir  leur  pédicule  ;  ou  bien ,  fe 
tlétachant  j  ils  fe  gonflent  d'eau  qu'ils  pompent  ,  Sc 
devenant  plus  légers  que  le  volume  d'eau ,  la  moindre 
agitation  les  poufle  autre  part.  Veulent  -  ils  fe  fixer  , 
ils  fe  contractent  ,  l'eau  s'échappe  ,  ils  diminuent  de 
volume  &  vont  à  fond  où  ils  fe  fixent  ,  ië  collent  à 
quelque  chofe  au  moyen  d'une  matière  gluante  dorit 
tout  leur  corps  eu  réellement  enduit.  L'Auteur  qui  a 
obfervé  cet  animal  ,  préfume  que  cette  vifcoiite  efl 
même  un  moyen  ,  dont  l'individu  efl  pourvu  ,  pour 
retenir  fa  proie  dans  des  bras  qui ,  fans  elle  ,  feroient 
beaucoup  trop  foibles  pour  l'arrêter.  Leur  nourriture 
paroit  confifter  en  orties  de  mer  ,  moules  &c  petits 
cruilacées.  Ils  femblent  fuir  la  trop  grande  ardeur  du 
foleil ,  même  la  clarté  de  cet  aflre  ,  car  on  ne  les  voit 
guère  s'épanouir  qu'au  c  ouchant  du  foleil  :  c'efl  alors 
que  les  flaques  d'eau  de  mer  qui  en  contiennent  font 
comme  autant  de  parterres  émaillés  de  mille  fleurs. 
Ces  animaux  paroiffent  languiflans  dans  les  mauvaifes 
faifons ,  &  incommodés  dans  les  mauvais  tem.ps.  L'eau 
douce  bleffe  ces  animaux  ,  ils  s'y  contractent  forte- 
ment &  y  périflent  au  bout  d'un  jour.  Enfin  ,  il 
femble  à  notre  obfervateur  que  ces  animaux  font  com- 
parés mal  à  propos  aux  anémones  :  l'ordre  des  fleurs 
qu'ils  imitent  le  mieux ,  dit-il ,  eu.  celui  des  radiées  ; 
éc  parmi  celles-là  ,  celui  des  ficoidzs  lui  paroit  leur 
convenir ,  tant  pour  le  nombre  &:  l'arrangem.ent  des 
pétales  que  pour  la  vivacité  &  la  variété  des  couleurs; 
M.  l'Abbe  Dicquemarc  ,  Profeffeur  de  Phyjique  expé- 
rimentale au  Havre  ,  a  fait  des  découvertes  fuigulieres 
fur  les  anémoms  de  mer  ;  &C  l'on  peut  dire  que  les 
phénomènes  que  lui  ont  préfentés  ces  animaux ,  offrent 
des  réfultats  prelque  aufîi  furprenans  que  ceux  des  po- 
lypes d'eau  douce.  Au  mois  de  Mai  1772  ,  il  coupa 
tous  les  membres  à  une  anémone  pourpre  ;  en  peu  de 
temps  ces  membres  repouflérent.  Le  30  Juillet  ,  iJs 


ANE  \      313 

fiirent  coupés  de  nouveau  ,  6c  fe  reproduifirent  en 
moins  d'un  mois.  Une  anémone  verte  de  même  efpece , 
a  donné  une  fois  le  même  réfultat.  Ayant  faifi  l'inf- 
tant  011  une  petite  efpece  ^anémone  qu'on  trouve 
dans  le  fable  ,  étoit  alongée  ,  il  en  retrancha  fubite- 
ment,  avec  de  bons  cifeaux  ,  toute  la  partie  fupérieure 
011  font  les  membres  &  la  bouche  ;  au  bout  de  huit 
jours  ces  membres  fe  reproduifirent ,  &  l'animal  com- 
mença à  manger  des  morceaux  de  moule  :  la  partie 
retranchée  donna  pendant  plus  de  quinze  jours  des 
marques  de  fenfibilité  ,  fe  contractant  &  fe  dilatant 
de  la  même  manière  que  le  fait  Vanémone  de  mer. 
Notre  Auteur  a  tenté  diverfes  autres  expériences  fur 
'  ces  fortes  d'animaux  doués  d'un  mouvement  prcgref- 
fif ,  &  dont  on  peut  voir  les  réfultats  dans  le  Journal 
(VHïft,  Natur,  de  M.  VAhhè  Rozier ,  ann,  lyyx ,  mois 
d'Octobre,  On  trouve  encore  dans  le  même  Journal^ 
Juin  lyy^  ,Mai  1774  ^  pag,  jyz  ;  Çf  Avril  lyy^^pag. 
jio  ;  Avril  ijyG ^  pag,  %Q)8  ;  OclobrCypag,  joi  ,  lyyG; 
Avril,  pag.  ^18  ,  lyyS  ,  une  fuite  d'obfervations  &:  de 
découvertes  fur  ces  fortes  de  corps  animés  ,  fur  la 
fenfibilité  par  rapport  à  la  manière  d'être  de  ces  ani- 
maux Imguliers  ,  &  notamment  fur  la  manière  dont 
les  petits  prennent  naiflance  ;  ce  font  des  globules 
d'abord  informes  qui  s'arrachent  de  la  bafe  de  Vanê^ 
mone  de  mer ,  &  qui  en  quelque  mois  s'organifent  & 
acquièrent  toute  leur  évolution ,  &;c.  &:c.  Le  1 6  Fé- 
vrier 1781  ,  notre  Obfervateur  reconnut  vme  des  ef- 
peces  à^ anémone  de  mer ,  qui  donna  par  la  bouche  , 
comme  celles  de  la  première  efpece  ,  un  très -grand 
nombre  de  petites  anémones  femblables  en  forme  6c 
en  couleur  à  celles  qui  les  produifent.  M.  l'Abbé 
Dicquemare  a  vu  une  autre  m-onflruofité  :  c'étoit  une 
anémone  de  mer  à  deux  bouches ,  placées  de  manière  à 
faire  voir  que  ces  deux  anémones  fe  font  développées 
dans  le  même  lambeau  ,  fans  que  l'étranglement  ait 
€u  lieu.  Ce  Natwralifte  a  décrit ,  Jmrnal  de  Ph^Jique^^ 


314  A     N    E  A     N    G 

une  anémone  à  trois  rangs  de  membres.  Voye?^  main* 
Un&nt  rardde  ZOOPHYTE. 

ANESSE.  C'eft  la  femelle  de  Vdnc,  Voyez  ce  mot. 

ANET  ,  Antthum,  Plante  annuelle  dont  la  racine 
eft  petite  ,  blanche  &  fîbrée.  La  tige  de  Vanu  eft 
ferme  ,  &  s'élève  à  la  hauteur  d'un  pied  &:  demi  : 
ie^  feuilles  font  femblables  à  celles  du  fenouil  ,  d'une 
odeur  forte  ;^  {es.  fleurs  font  en  rofe  ,  jaunes  ,  &  naif- 
fent  à  l'extrémité  de  la  tige  ,  difpofées  en  parafol  ;  {es 
ombelles  font  nues  ,  &  le  calice  fe  change  en  deux 
graines  d'un  jaune  pâle  ,  dillinguées  en  trois  canne- 
lures ,  &  bordées  d'un  feuillet  :  l'odeur  de  la  plante 
efl  un  peu  forte  ,  mais  cependant  agréable  &  luave  : 
les^  feuilles  font  réfolutives  :  les  graines  &  les  fleurs 
entrent  dans  les  lavemens  carminatifs.  Ses  fleurs  font 
du  nombre  des  quatre  fleurs  carm.inatives  ,  qui  font 
la  camomïlk  ,  le  milïlot  ,   la   matrkairç  6c  i'anet. 

Les  Anciens  fe  couronnoient  à'anet  dans  les  feflins. 
Les  Gladiateurs  en  mêloient  à  tous  leurs  alimens  ^ 
parce  qu'en  lui  attribuoit  la  propriété  d'être  fort 
nourrifTant.  De  là  vint  que  l'on  diibit,  demander  de 
lance ^  Anethum  requin^  pour  exprimer  des  remèdes 
propres  à  guérir  les  foux.  On  cultive  Vanet  dans  les 
jardins  :  Anethum  honenfe  ,  C.  B.  Pin.  147:  Anethum 
graveolcns  ^  Linn.  377.  Le  meilleur  nous  vient  d'Efpa- 
gae ,  de  Portugal  &  d'iralie  ,  011  cette  plante  croît 
naturellement.  Il  arrive  fouvent  que  quand  on  l'a 
femé  une  fois ,  il  reparoît  tous  les  ans  par  le  moyen 
de  fa  graine  qui  tombe.  Vanet  doux  eft  le  fenouil 
de  Florence.  Voyez  ce  mot, 

ANGALA-DÎAN.  Nom  que  les  MadecafTes  ou  ha- 
bitans  de  Madagafcar  ont  donné  à  l'efpece  de  grim- 
pereau  de  leur  ifle.  C'efl  le  grimpereau  vert  de  Mada- 
gafcar ,  de  M.  Brlffon  ,  &  l'un  àes  oifeaiLX  que  M.  de 
Mombeillard  ^^^q\\q  fjuis-mangas.  Son  plumage  en  def- 
fus  du  ^coi-ps  efl  d'un  vert  doré  &  irifé  ;  les  côtés 
de  la  tête  ,  la  poitrine ,  le  ventre  ,  font  d'un  beau 


A    N    G  .        3M 

hoir  qui  tîre  quelquefois  fur  le  violet ,  aîniî  que  le 
bec  &  les  pieds.  Cet  oiieau  confîruit  fur  les  arbres  un  nid 
de  forme  hemifphérique  ,  &  compofé  prefque  en  en- 
tier de  duvet  de  plantes  ;  il  pond  cinq  à  fix  œufs  ,  et 
fuivant  M.  Adanfon ,  les  petits  qui  en  proviennent , 
font  expofés  à  la  recherche  d'une  araignée  très-^groffe 
qui  en  fuce  le  fang. 

ANGE,  Squatïna ,  Bellon. ,  Rond. ,  Salv. ,  Willugh. 
Squalus  (Squatina)  pinnâ  anali  nullâ  ^  caiidcz  duahus , 
orc  tcrmïnalï  ^  narïhus  cirrojis ,  Linn.,  Arted.  :  Squalus  ca- 
pite  plaglo-platco  lato  ,  ore  in  apicc  cap'uis  ,  narïhus 
cirrojis  ,  Gronov.  à  Gênes  ,  pijct  angelo,  Poiffon  de  mer 
cartilagineux  ;  fuivant  M.  Brouffoutt ,  il  efl  de  la  fec- 
tion  des  chiens  d&  mer  qui  ayant  les  trous  des  tempes , 
n^ont  point  de  nageoire  derrière  l'anus,  Uange  tient  en 
quelque  forte  le  milieu  entre  les  chiens  de  mer  &  les 
raies  ,  auxquelles  il  refîemble  beaucoup  par  fon  corps 
qui  efl  aplati ,  par  la  grandeur  de  fes  nageoires  pec- 
torales ,  &:  par  la  forme  de  fa  queue  ;  les  évents 
font  au  nombre  de  cinq  à  chaque  côté ,  très-grands  & 
très-rapprochés  :  on  apperçoit  un  petit  tubercule  au 
bout  de  la  langue  ;  fa  tête  efl  aplatie.  M.  Brou(fo* 
net  dit  que  ces  caraâ:eres  ,  à  les  confidérer  Uriâe- 
ment ,  pourroient  peut-être  fuffire  à  faire  de  ce  poiffon 
un  genre  particulier  ;  que  Gronovius  a  été  de  ce  fen- 
timent ,  dans  fes  notes  fur  le  neuvième  livre  de  Pline  ; 
mais  il  croit  qu'il  a  d'ailleurs  trop  d'analogie  avec  les 
chiens  de  mer ,  pour  devoir  le  féparer  de  ce  genre  , 
&  qu'il  vaut  mieux  le  regarder  comme  une  efpece  qui 
joint  la  famille  des  chiens  de  mer.  à  celles  des  raies. 

La  forme  de  fes  nageoires  pediorales  ,  dit  encore 
M.  Broujfonet ,  qui  font  très-larges  ,  échancrées  anté- 
rieurement ,  &  qui  reffemblent  à  des  ailes  étendues  ,  a 
fait  donner  à  ce  poiffon  le  nom  à^ange  ,  &:  dans  quel- 
ques Provinces  celui  de  moine  ;  fa  gueule  eff  armée 
d'un  très-grand  nombre  de  dents  petites ,  fort  pomtues 
&  très-ferrées  ^  difpofées  fur  trois  rangs  ;  il  y  a  quel- 


5i6  A    N    G 

qiies  pîquans  autour  des  yeux  ,  &  d'autres  fur  le  mi- 
lieu de  la  ligne  dorfale.  Ce  poiiTon  nage  en  troupe , 
&  fe  tient  le  plus  fouvent  caché  dans  la  vafe.  Il  fe 
noiurit  de  petits  poiiTons ,  6c  devient  quelquefois  très- 
gros  ;  celui  que  l'on  voit  dans  le  Cabinet  de  Chantilly , 
a  cinq  pieds  de  long  ;  il  pefoit  plus  de  cent  livres  ;  le 
dos  d'un  gris  obfcur ,  le  ventre  blanchâtre  ;  fa  chair  , 
moins  mauvaife  que  celle  des  autres  chiens  de  mer ,  a  un 
goût  qui  approche  de  celui  des  raies  ;  fa  peau  eft  affez 
diu-e  &  rude ,  elle  étoit  employée  déjà  du  temps  de 
Pline ,  pour  polir  le  bois  &  l'ivoire  ;  aujourd'hui  les 
Barbarefques  en  font  de  très-belles  gaines  de  couteaux  , 
d'épées  &  de  cimeterres.  On  préparoit  autrefois  avec 
cette  peau  un  favon  ou  fmegina  ,  pour  la  gale  ;  brûlée 
&  réduite  en  cendre  ,  elle  étoit  d'ufage  contre  l'alo- 
pécie. Vange  fe  trouve  dans  la  Méditerranée  &  l'Océan 
Européen. 

Aî<GE.  On  a  aufîi  donné  ce  nom  au  ^éhre  (  poiflbn  ), 
f^aye7^  ce  mot. 
ANGELIN.  .royei  Andira. 

ANGÉLIQUE,  Jlngelica.  Plante  de  la  famille  des 
Omhellïftres  ,  nommée  ainfi  à  caufe  de  fes  grandes 
vertus.  On  en  diftingue  de  plufieurs  fortes.  Il  y  a  la 
grande  angelïque  fauvage  ou  Vangilique  des  prés  ,  Ange- 
lica  fylveflrïs ,  Linn.  361.;  &  major  ,  C.  B.  Pin.  155: 
Impiratona  pratenjis  major  ,  Tourn.  Inft.  317;  la  petite 
angclique  fauvage  ,  Angelica  fylveflrïs  minorfeu  erradca  , 
C.B.  Pin.  I  5  5  :  Angelica podagraria  dicla , Morif. Umb.  9 : 
jEgopodium  podagraria  ,  Lin.  379  ;  c'eil:  la  boucage  à 
feuilles  d'angélique  de  M.  de  la  Marck  ;  V angelïque  de 
Canada ,  Imperatoria  lucïda  Canadenjis  ^  Tourn.  Infî.  317; 
celle  nommée  carotte  d'Alface  ,  V angelïque  à  fleurs  jaunes 
d'Acadie;  celle  à  feuilles  étroites  des  Pyrénées,  &c. 
Nous  ne  ferons  mention  ici  que  de  l'^/2^e7i^r^  vulgaire  , 
Angelica  fatïva,  C.  B.  Pin.  i  55  ,  L  B.  3./?.  2.  140  : 
imperatoria  fativ  a  ^l^owxïiAnÇi,  317.  On  l'appelle  au  fli 
angelïque  vulgaire  ou  à^  jardin,  ou  archangilique,  Ange--, 


A    N    G  .3^7 

Ika  archangelica  y  Lin.  360.  L'^/z^eV/^^^  afa  rar/megroiîè 
de  trois  doigts ,  longue ,  garnie  de  beaucoup  de  fibres , 
brune  &  ridée  à  l'extérieur  ,  blanche  intérieurement , 
pleine  d'un  fuc  acre ,  amer  ,  d'une  odeur  aromatique 
très-agréable  ;  fa  tige  eft  cylindrique ,  haute  de  trois 
à  cinq  pieds ,  droite  ,  creufe ,  branchue  ,  &c  un  peu 
rougeâtre  vers  fa  bafe  ;  fes  feuilles  font  alternes ,  grandes , 
&  refîemblent  à  celle  de  Vache  des  marais  :  {es  fleurs 
font  d'un  blanc  -  verdâtre ,  en  rofe  ,  difpofées  en 
ombelles:  elles  naiffent  aux  fommités  des  tiges  èides 
rameaux.  Ses  ombelles  ,  tant  partielles  que  totales , 
font  garnies  à  leur  naiffance  d'une  petite  fraife  de 
feuilles  ;  &  fon  fruit  efl  compofé  de  deux  petites 
graines  oblongues ,  cannelées  &c  ailées  ,  planes  d'un 
côté  ,  &  entourées  d'un  rebord ,  convexes  de  l'autre , 
&  marquées   de  trois  lignes. 

Cette  plante  a  une  odeur  forte  ,  elle  fleurit  en  Mai 
Se  Juin  :  elle  croît  naturellement  dans  les  endroits  m.on- 
tagneux  :  on  la  cultive  dans  nos  jardins.  Uangéliquc 
fe  plaît  aulîi  dans  les  lieux  humides ,  en  terre  grafîë. 
Dès  que  la  graine  de  cette  plante  eft  mûre  ,  il  faut 
ia  femer  auffi-tôt  :  elle  ne  leveroit  pas ,  ou  difficilement, 
il  on  ne  la  femoit  qu'au  printemps.  Cette  plante  eft 
bifannuelle. 

On  nous  apporte  la  racine  de  Vangélique  feche  ,  de 
Bohême  ,  des  Alpes ,  des  Pyrénées  &  des  montagnes 
d'Auvergne  :  la  meilleure  ell  celle  qui  a  une  odeur 
fuave  qui  approche  un  peu  du  mufc  ,  d'un  goût  acre 
&  aromatique  ;  à  cet  effet ,  on  a  dû  la  recueillir  en 
hiver  :  elle  eil  fujette  à  la  carie.  On  confît  fa  tige 
ou  côte  au  fucre  :  pour  cela  ,  on  la  récolte  dans  le 
mois  de  Mai ,  &  avant  qu'elle  foit  montée  en  graine. 
On  coupe  les  tiges  de  la  longueur  de  trois  pouces 
ou  environ ,  on  les  blanchit  en  les  faifant  bouillir 
dans  de  l'eau  ,  jufqu'à  ce  qu'elles  foient  très-tendres  : 
puis  étant  égouttées  ,  on  leur  fait  prendre  une  ving- 
taine de  bouillons  daios  du  fuçre  clarifié  j  après  quoi 


3i8  A     N    G 

on  les  tîre  du  fîrop  &  on  les  met  dans  les  vafesquî 
leur  font  deftinés.  Ces  tiges  aînfi  confites ,  outre  qu'elles 
font  agréables  au  goût  par  leur  parfum  ou  faveur 
aromatique  ,  font  auin  très-bonnes  pour  fortifier  Peflo- 
mac  ,  faciliter  la  digeilion  ,  &  donner  une  haleine 
agréable  ;  aufiî  font-elles  admifes  dans  les  defferts. 
Niort  en  Poitou  eu  renommé  pour  confire  cette 
plante.  On  fait  aufîi  ,  au  moyen  de  fa  racine  ou 
de  fes  tiges ,  une  liqueur  qui  eft  très-utile  &  fort 
agréable  à  boire  fur  la  fin  d'un  grand  repas.  Linnœus 
dit  que  les  peuples  de  l'Iflande  6l  de  la  Laponie  fe 
nourriffent  des  tiges  vertes  de  cette  plante,  fans  en 
être  incommodés. 

Uangélique  prife  en  fubflance  eil  regardée  comme 
ftomachique ,  cordiale ,  fudorifique  ,  vulnéraire  &  alexi- 
pharmaque.  Pour  fe  préfeiTer  de  la  pefle ,  on  en 
fait  macérer  les  racines  dans  du  vinaigre  ,  on  les  ap- 
proche des  narines  ,  ou  on  les  mâche  ,  ou  bien  on 
boit  à  jeun  le  vinaigre  où  elles  ont  été  macérées. 
On  jette  de  fa  racine  pulvérifée  far  les  habits  pour  les 
préferver  de  la  contagion. 

Angélique  épineuse  ,  Aralia  arhorefcens ,  caule 
foUifque  ociiUatLS ,  Linn.  ,  Miller.  Arbriffeau  épineux  , 
dont  les  fleurs  ouvertes  en  rofe  font  ramafTées  en  gros 
bouquets ,  form.és  par  plus  de  cent  petites  ombelles 
hémifphériques  ;  fes  feuilles  fort  amples  reffemblent 
beaucoup  à  celles  de  Vangéllquc  ,  leurs  pétioles  font 
fouvent  armés  d'épines  courtes  &  disantes.  Cet  ar- 
brilTeau  fe  plaît  dans  les  terrains  humides  :  il  croît 
naturellement  dans  le  Canada  &:  la  Virginie  ;  il  eft 
encore  plus  eftimable  par  fa  forme  fmguliere ,  que  par 
la  beauté  de  fes  feuilles  &  fes  grands  bouquets  de 
fleurs,  il  croît  à  la  hauteur  de  huit  à  dix  pieds  ;  fa 
tige  droite  ,  fim.ple ,  greffe  comme  le  bras ,  eil  marquée 
dans  prefque  toute  fa  longueur  par  les  cicatrices 
demi-circulaires  qu'ont  laiffé  les  anciennes  feuilles  après 
leur  chute  ;  elle  eil  chargée  ,  fur-tout  dans  fa  partie 


À    N    G  319 

fiipérieure  ,  de  beaucoup  d'épines  courtes  ;  le  bois  ék 
blanc  &  contient  beaucoup  de  moelle. 

L'on  trouve  communément  au  Para  un  grand  ai'bi^ 
qui  porte  aufîi  le  nom  d^arzgélique  ;  fon  bois  eil  gii- 
fâtre ,  filandreux ,  6c  l'on  s'en  fert  dans  la  Guiane 
pour  faire  des  canots. 

ANGOLA.  On  donne  ce  nom  à  des  chats  qiîi 
viennent  d'Angora.  Ils  font  plus  grands  &  plus  gros 
que  les  nôti'es  ;  leur  queue  eft  auiîi  plus  longue; 
leur  poil  ,  qui  efl  tigré  ,  efl  long ,  foyeux  &:  doux 
au-  toucher  ;  effet  dépendant  du  climat  chaud  dont 
ils  font  originaires.  On  voit  beaucoup  de  ces  chats  à 
Paris.    P^oyei  à  l'article  C/iac. 

ANGOLA  N ,  Alangium  decapetaliim.  Arbre  d'un 
très-beau  port  ^  toujours  vert  ,  prefque  continuelle- 
ment chargé  de  fleurs  &  de  fruits  ,  &  qui  porte  la 
cime'jufqu'à  cent  pieds  de  hauteur  ,  fous  la  forme 
d'une  pyramide  majeflueufe.  Cet  arbre  croît  au  Malabar, 
dans  les  montagnes  efcarpées  de  Mangoîîi.  Son  tronc, 
qui  a  jufqu'à  quatre  pieds  de  diamètre  ,  eil  garni  de 
beaucoup  de  branches ,  dont  l'écorce  verte  diï  munie 
de  fortes  &  longues  épines  ,  qui  s'alongent  par  k 
fuite  en  rameaux ,  &  portent  comme  eux  à&^  feuilles 
&  des  fleurs.  Les  feuilles  font  entières  ,  oblongues  , 
pointues,  alternes,  épaiffes  ,  molles  ,  glabres  ,  vertes 
en  deffds ,  d'un  vert-brun  en  deffous  ;  leur  côte  eil 
blanche  ;  les  fleurs  font  blanchâtres  ,  à  dix  pétales  , 
recourbés  en  arc  fous  la  fleur ,  &  d'une  odeur  fuave; 
elles  ont  dix  étamines  ;  les  fruits  font  des  baies  fplié- 
riques ,  d'un  rouge-pourpre ,  plus  grolTes  qu'une  cerife, 
bonnes  à  manger  ;  elles  contiennent  deux  ou  trois 
graines  prefque  orbiculaires.  Rhkdz  dit  que  cet  arbre 
efl  pour  les  peuples  du  Malabar  le  fymbole  de  la 
royauté  ;  prérogative  qui  lui  vient  de  la  difpofîtion 
de  fes  fleurs ,  qui  forment  des  diadèmes  fur  fes  branches» 
Sa  racine ,  réduite  en  poudre  ,  efî  bonne  contre  la  mor- 
fure  des  ferpens  ôc  contre  les  vers. 


320  A    N    G 

On  diflingiie  deux  autres  Angolans  ;  l'un  à  fix  péta- 
les ,  ôc  l'autre  à  feuilles  cotonneuies. 
ANGOLÎ.  Foyei  Cannangoli. 
ANGOURE  DE  LIN.  Voye^  Cuscute. 
ANGOURIE,  Anguria,  Genre  de  plantes  à  fleurs 
monopétales  ,  de  la  famille   des  Cucurbltacées  _,  &  qui 
comprend  des  herbes  exotiques ,  farmenteufes  &  gar- 
nies de  vrilles.  Chaque  individu  porte  deux  fortes  de 
fleurs  ,  les  mâles  &:  les  femelles  ;   les  mâles  naiffent 
plufieurs  enfemble  fur  le  même  péduncide  ;  les  femelles 
font  folitaires  ;  ces  fleurs  font  d'un  rouge  plus  ou  moins 
vif  &  pur  ;  le  fruit  efl  une  baie  charnue  ,  oblongue  , 
pointue  ôc  divifée  en  quatre  loges  qui  renferment  des 
îemences  ovales   &:  aplaties  ;  on  trouve  trois  efpeces 
à^angour'us  à  la    Martinique  oc  à  Saint-Domingue. 

ANGUILLARD,  Gohïus  Anguïllaris^  Linn.  CepoiiTon, 
qui  fe  trouve  dans  la  Chine ,  efl  du  genre  du  Gvbk  ; 
c'eft  une  efpece  de  goujon  qui  a  quelque  rapport  avec 
l'anguille  par  fa  forme  épaifle  &:  arrondie,  &  par  la 
mucofité  qui  rend  fa  furface  gliffante.  On  apperçoit 
les  veines  à  travers  de  fa  peau  qui  efl  un  peu  diaphane. 
Sa  gueule  efl  comme  émouflTée ,  &  laifle  voir  les 
dents  à  découvert.  Il  n'y  a  qu'une  nageoire  fur  le  dos  : 
&  cette  nageoire  ,  ainfi  que  celle  de  l'anus  ,  fe  pro- 
longent fur  la  queue  ;  les  nageoires  peûorales  font 
arrondies  &  très-petites;  toutes  les  nageoires  font  d'une 
couleur  rouge. 

ANGUILLE  5  Murœna  Anguïlla ,  Linn.  ;  en  Anglois 
Ed\  en  Allemand  Ahl.  Animal  alongé  comme  un  fer- 
pent  ,  du  genre  de  la  murène ,  revêtu  d'une  peau 
gliflTante  ou  vifqueufe  ,  fans  écailles  apparentes ,  dont 
on  le  dépouille  aifément.  La  tête  de  Yanguille  efl 
petite  à  proportion  de  fon  corps.  La  ligne  latérale  efl 
droite ,  un  peu  plus  proche  du  dos ,  à  la  partie  anté- 
rieure ,  &:  divife  le  corps  par  la  moitié  ,  depuis  l'anus 
jufqu'à  la  queue  ,  avec  un  rang  de  pointes  au  bas  de 
cette  ligne  :  le  corps  efl  un  peu  cylindrique ,  excepté 

vers 


ANC  3tî 

vers  la  queue ,  oii  elle  eu.  plus  mince  &  fenfiblement 
comprimée  par  les  côtés  ;  le  do3- ,  les  côtés  &  les 
nageoires  font  d'une  couleur  noirâtre  ,  mêlée  de  gris , 
verdâtre  dans  certaines  anguilles  ,  fur-tout  dans  les 
grafles  :  le  ventre  eu  d'un  jaune  blanchâtre  ;  l'anus 
plus  proche  de  la  tête  que  de  la  queue  :  V anguille 
n'a  que  trois  nageoires  ;  favoir  ,  deux  pectorales  & 
une  dorfale  ,  membraneufe  ,  qui  fait  le  tour  de  la 
queue  &  fe  termine  à  l'anus.  Comme  les  ouïes  de  ce 
poiflbn  ,  (  il  ^r  en  a  quatre  de  part  &  d'autre  )  font  pe- 
tites &  recouvertes  d'une  peau ,  il  s'étouffe  dans  les  eaux 
troubles ,  épaiiTes ,  &:  peut  vivre  aifez  long-temps  hors 
de  l'eau  :  c'efl  par  deux  petites  fentes  fituées  près  des 
nageoires  pedcrales  que  l'animal  rejette  l'eau. 

M.  Broujfomt  a  obfervé  que  le  corps ,  la  tête ,  &  même 
les  yeux  de  Tiz/jo^;^///^  font  recouverts  d'une  peau  d'un  tiffii 
ferré  ,  blanchâtre  &:  parfemé  d'une  infinité  de  petits 
'  points  noirâtres.  Cette  peau  eft  tranfparente  fur  les 
yeux.  Par-tout  ailleurs  elle  efl  recouverte  d'un  épiaer- 
me  très-fin ,  noirâtre  ;  entre  ces  deux  enveloppes  font 
de  petites  poches  oblongues  ,  d'une  à  deux  lignes  de 
diamètre  ,  formées  par  une  adhérence  de  l'épiderme  à 
la  peau ,  tout  autour  de  ces  véficules  c|ui  font  en  partie 
remplies  d'une  humeur  qui  lubréfîe  toute  la  furface  du 
corps  au  moyen  d'une  grande  quantité  de  petits  tuyaux; 
les  écailles  font ,  félon  notre  Obfarvateur ,  logées  dans 
les  petites  poches  dont  il  vient  d'être  mention,  une 
dans  chaque  poche  qu'elle  remplit  exaftement  ;  elles 
font  convexes  en  dehors  ;  elles  font  fixées  an  corps 
par  plufieurs  vaifieaux  qui  s'infèrent  à  la  partie  concave  ; 
Leuwenho'éck  avoit  déjà  donné  une  bonne  defcription 
&  une  bonne  figure  de  ces  écailles ,  dont  les  principales 
font  répandues  lùr  tout  le  corps  fans  fe  toucher  :  on 
peut  les  diftinguer   très-bien    fur    une  peau  feche  de 

On  dit  que  Vanguilk   eft    le    feul   des    animaux  à 
;nag€oires  qui  habite  l'eau  douce  ôc  qui  entre  dans  la 
Tome  /,  X  ' 


5ii  A     N    G 

mer.  On  le  pêche  plus  facilement  à  la  foiiane ,  Scc^ 
lorfqite  l'eau  eu  trouble  :  il  n'habite  guère  que  le 
fond  des  eaux ,  dans  la  vafe  ,  ik  ne  s'éloigne  pas  des 
bords  :  s'il  s'élève  pour  refpirer  à  la  furface  des  eaux  ^ 
ce  n'eft  qu'à  l'approche  des  orages.  La  preiïion  de 
Tatmofphere  fe  fait  fentir  alors  vraifemblablement 
jufque  dans  le  fond  des  eaux  ,  ce  qui  ocafionne  la 
violente  agitation  de  cet  animal  &c  même  de  beaucoup 
de  poiflbns. 

On  eu  ailez  porté  à  croire  qu'il  n'y  a  qu'ime  feule 
efpece  çi  anguilles  ;  &  que  les  diverfités  qu'on  obferve 
entr'elles  en  grandeur ,  en  couleur ,  en  figure  exté- 
rieure ,  ne  dépendent  que  de  la  diverfité  des  lieux, 
de  nourriture  ou  d'autres  accideils.  Les  anguilles  des 
eaux  courantes  ont  le  ventre  plus  blanc  &:  plus  luifant. 
On  dit  qu'il  y  a  des  anguilles  dans  le  Gange  ,  qui 
ont  jufqu'à  trente  pieds  de  longueur.  En  1754  l'on 
en  prit  une  près  des  rochers  de  Dunlay  en  Irlande  , 
qui  avcit  exadement  huit  pieds  de  long  ,  &:  plus 
de  neuf  pouces  de  diamètre.  Depuis  quelques  années 
on  trouve  dans  les  poiiTonneries  beaucoup  de  congres , 
fous   le   nom   ^anguilles  de  mer. 

\J anguille  eft  vorace  ;  fa  gueule  efl  médiocrement 
fendue  ;  elle  eil  hériffée  intérieurement  de  très-petites 
dents  ;  le  palais  garni  de  trois  offelets  dentés.  La 
mâchoire  fupérieure  eft  un  peu  plus  alongée  que 
l'inférieure ,  &:  porte  à  fon  extrémité  deux  bar- 
billons courts  ;  les  narines  font  rondes  &  fituées  près 
à.e%  yeux.  La  couleur  des  iris  eil  blanche.  Elle  fe  nourrit 
de  petits  poifîbns  ,  de  limaces  ,  de  vers  ;  aufîi  fe  prend- 
elle  facilement  à  l'hameçon  dormant  ;  on  la  pêche  aufïi  à 
l'épinette  ,  à  la  fcuane  ,  à  la  nafle  ,  &c. ,  &  plus  faci- 
lement pendant  la  nuit.  On  a  vu  des  anguilles  for  tir 
d'un  étang ,  ou  pour  paffer  dans  un  autre ,  ou  pour 
aller  chercher  de  petits  limaçons  cachés  dans  l'herbe  : 
on  en  voit  qui  fe  gliffent  dans  les  fontaines ,  les 
puits ,  les  citernes  ôi  les  tuyaux  de  conduits»  V anguille  ^ 


A    N    G  313- 

pôilt  ^ordinaire ,  vit ,  dit-on ,  fept  à  huit  ans.  Cet 
animal  a  la  vie  fort  dure  :  {on  corps  écorché  & 
coupé  par  morceaux ,  remue  &  palpite  pendant  un 
certain  temps  ,  mais  fur-tout  fon  cœur. 

Il  n'y  a  point ,  dit-on  ,  6" anguilles  dans  le  Danube  ^ 
ni  dans  les  autres  rivières  qui  fe  jettent  dans  ce  fleuve; 
fi  l'on  y  en  met ,  elles  y  meurent.  Voilà  qui  eu  bien 
fingulier  ,  s'il  eft  vrai  que  l'on  voit  des  anguilles 
vivre  dans  les  marais  fulfureux  &  qui  fentent  l'alun. 

Rien  de  plus  varié  que  les  idées  que  l'on  a  eues 
fur  la  reprodudiondes^/2^^z^i//e5.  La  difficulté  qu'il  y  avoit 
à  découvrir  les  parties  de  la  génération  de  ces  animaux  > 
qui  font  enveloppées  de  graiffe ,  avoit  donné  lieu  à 
beaucoup  d'erreurs.  On  voidoit  que  les  anguilles  tiraf- 
fent  leur  origine  des  épcrlans  ^  àes  perches  6c  de  Vable^ 
parce  que  l'on  prenoit  pour  des  anguilles  de  petits 
vers  qu'on  trouve  dans  les  ouïes  de  ces  poilTons  :  la 
plupart  des  Pêcheurs  font  encore  dans  cette  erreur  ; 
mais  la  Nature  fuit  toujours  fa  marche  dans  la  multi- 
plication des  êtres.  Parmi  le  grand  nombre  d'Auteurs 
qui  ont  donné  la  defcription  anatomique  de  V anguille  ^ 
y'alifnuri  eft  le  feul  qui  ait  donné  une  bonne  figure 
avec  une  defcription  des  organes  des  deux  fexes  qui 
font  fitués  hors  du  péritoine  &  difpofés  en  grappe 
comme  dans  la  lamproie.  Il  efl  rare  ,  dit  M.  Bwiijfomt^ 
qu'on  prenne  une  anguille  œuvée  ;  il  paroît ,  dit^il , 
que  les  œufs  prennent  un  accroiffement  très -prompt 
dans  ces  animaux ,  &:  qu'ils  fe  cachent  dans  la  vafa 
au  moment  où  ils  doivent  les  jeter.  Quelques  -  uns 
veulent  encore  que  les  anguilles  foient  vivipares  comme 
les  vipères  ,  quoiqu'elles  tirent  leur  origine  d'œufs  ; 
mais  ces  œufs  éclofent  dans  le  corps  de  la  mère ,  Ôt 
elle  met  au  monde  fes  petits  tout  vivans.  D'autres 
prétendent  que  "^anguille  n'efl  point  un  poiiTon ,  mais 
une  efpece  de  ferpent  d'eau. 

12 anguille  multiplie -t-«lle  dans  l'eali  douce  ?  C'eft 
une  chofe  qui  ne  paroît  pas  encore  bien  décidée.  RUl 

X  2^' 


324  A    N    G 

afliirc  que  les  anpnlUs  de  la  rivière  d'Arfto  defcendent 
tous  les  ans  au  mois  d'Août  vers  la  mer ,  pour  y 
faire  leurs  petits  ,  &  qu'elles  remontent  de  la  mer 
vers  cette  rivière  jufqu'à  Pife  ,  régulièrement  depuis 
le  mois  de  Février  jufqu'en  Avril. 

Vanguilb  eft  un  mets  très-agréable  ;  fur-tout  celle 
à  ventre  blanc  &  argenté  ;  mais  comme  elle  contient 
beaucoup  de  parties  vifqueufes  &  groffieres  ,  elle  eli 
difficile  à  digérer  &:  contraire  aux  eilomacs  délicats  : 
rc^tie  elle  qH  plus  faine  ,  parce  qu'elle  efl  dégagée  de 
fon  flegme  vifqueux.  Dans  la  Provence  &:  le  Lan- 
guedoc (  où  l'on  donne  le  nom  de  margaignon  à 
VanguilU  mâle ,  parce  qu'elle  a  la  tête  plus  courte  , 
plus  groffe  &  plus  large  que  la  femelle  ,  que  l'en 
appelle  anguille  fine  )  on  fale  la  chair  de  cet  animal 
pour  la  conferver  &  pour  corriger  par  le  fel  la  mau- 
vaife  qualité  qui  lui  vient  de  fa  vilcofité.  Les  Juifs , 
qui  comprennent  Vangullle  dans  la  défenfe  faite  par 
la  loi ,  de  m.anger  des  poiffons  fans  écailles  ne  s'abf- 
tiendroient  point  aujoiu-d'hui  de  cet  aliment ,  s'ils 
cultivoient  l:Hiftoire  Naturelle.  Ce  précepte  étoit  mal 
interprété  aufTi  chez  les  Romains;  une  loi  de  Numa 
défendoit  de  facriiîer  des  Poifibns  fans  écailles...  Les 
payfans  de  plufieurs  pays  du  Nord ,  au  rapport  de 
M.  Broujfonet ,  qui  long-temps  avant  Leuwenhoick  ,  con- 
noiffoient  les  écailles  de  VanguilU ,  les  ramaffoient  avec 
foin  pour  les  mêler  avec  le  blanc  delliné  à  blanchir 
les  murs  de  leurs  maifons,  qui  acquéroit  par-là  un 
brillant  agréable  ,  particulièrement  lorfqu'elles  étoient 
éclairées  par  le  foleil  ;  on  pourroit  bien  appeler  ceci 
blanc  à  Vkailk,  Les  Kamtfchadales  mangent  rarement 
de  VanguilU;  ils  donnent  cet  animal  à  leurs  chiens. 
On  dit  que  quelques  Maquignons  intrcduifent  des 
anguilles  dans  le  fondement  des  chevaux  pour  les 
faire  paroitre  plus  gras  &  plus  alertes.  On  pré- 
tend aufTi  qu'il  y  a  des  Maréchaux  oui  font  prendre 
par   la    bouche  à    un    cheval    pouffif   une    anguille 


A    N    G  325 

en  vie  ,   pour  qu'elle  le  purge  en  pa  fiant  à  travers 
les  inteilins. 

Anguille  animalcule.  On  lui  a  donné  ce  nom 
à  caufe  de  fa  forme  mince  &C  alongée.  On  ne  découvre 
ces  animalcules  qu'à  l'aide  du  microfcope  dans  certaines 
liqueurs  ,  telles  que  le  vinaigre  ,  l'infufion  de  la  pouf- 
iiere  du  blé  niellé  ,  ôc  dans  la  colle  de  la  farine. 
M.  Nkdham  a  vu  fortir  de  ces  angullUs ,  qui  fe  voient 
dans  la  colle  de  farine,  d'autres  angidlks  toutes  vivantes. 
La  multiplication  d'une  feule  a  été  jufqu'à  cent  fix. 
Foyei  VarticU  ANIMALCULE. 

Anguille  torpille  de  Cayenne  &  de  Surinam  , 
ou  Anguille  Electrique  ,  Angidlla  lacuflrïs  tnmorcm 
infercns  ,  aut  Gymnotus  eleclriciis ,  Linn.  On  trouve  dans 
quelques  contrées  méridionales  de  l'Amérique  ,  notam* 
ment  à  Cayenne  ,  dans  les  eaux  douces  des  trous  de 
favannes  ou  des  prairies  6c  vers  l'embouchure  des 
grandes  rivières  ,  ime  efpece  à'anguiUe  fort  épaiffe  , 
ayant  quelques  petites  fentes  qui  ont  un  peu  de  reiTem- 
blance  avec  les  évents  de  la  lamproie  ;  fes  ouïes  font 
étroites  ,  obliques.  Cette  anguille  ,  privée  de  nageoires 
dorfales  &  ventrales  ,  eil  liiie  fur  le  dos  &  fillonnée 
par  dès  rides  fur  les  côtés.  La  tête  eft  courte  ,  un 
peu  plus  large  que  le  corps ,  plate  en  deiTus ,  inclinée 
par  le  bout  fupérieur  ,  nue  &  dépourvue  d'écaillés  ;. 
l'ouverture  de  la  gueule  affez  ample;  les  lèvres  font 
molles  ,  épaiffes ,  charnues ,  &  recouvrent  les  dents 
qui  font  liombreufes ,  petites,  aiguës  &:  dilpofées  comme 
par  pelotons  fur  les  bords  intérieurs  des  mâchoires  ; 
la  mâchoire  de  deffous  dépaffe  celle  de  deilus  ;  la 
langue  q£i  large  ,  arrondie  à  fon  fcmmet.  Les  narines 
font  fituées  vers  le  bord  de  la  partie  antérieure  de 
la  mâchoire  de  defftis  ;  elles  font  percées  chacune  de 
deux  trous  voifins  l'un  de  l'autre  ,  &  dont  l'antérieur 
eft  couvert  par  une  efpece  de  valvule  qui  a  la  forme  d'urr 
mamelon.  Les  yeux  font  placés  loin  l'un  de  l'autre, 
fur  les  côtés  du  haut  de  k  tête  j  ils  font  ronds ,  petiis 


^i6  A     N     G 

&  recouverts  par  la  peau  de  la  tête.  On  voit  au  pouf- 
tcur  de  la  tête  de  larges  orifices  qui  appartiennent  à 
certains  canaux  placés  fous  la  peau  :  ces  orifices  font 
des  tuyaux  excréteiu-s  qui  fourniflent  une  liqueiu-  parti- 
culière propre  à  lubréfier  la  tête.  Le  corps  de  ce  poifîbn 
refiemble  alfez  à  celui  de  V anguille  vulgaire  ;  la  nageoire 
de  l'anus  fe  prolonge  jufqu'à  rextrémité  de  la  partie 
inférieure  de  ce  poiflbn  ;  car  la  queue  efl  dépourvue 
.de  cette  efpece  de  nageoire  qui  la  termine  dans  la 
plupart  des  poifibns.  La  queue  eft  très-aplatie  latéra- 
lement. Les  lignes  latérales  offrent  une  file  de  petits 
trous  5  d'où  fort  ,  par  la  comprefîion ,  une  humeur 
vifqueufe.  Les  nageoires  pedorales  font  comme  celles 
de  l'anus  ,  couvertes  d'une  peau  épaiffe  &:  dont  les 
bords  ont  une  efpece  de  fmnge  foyeufe  :  la  peau  de 
ce  poifibn  efl  très-adhérente  au  corps  &:  dépourvue 
d'écaillés  ;  le  defTus  de  ce  poiiTon  efi:  noirâtre  ^  mais 
le  deffous  eft  d'un  blanc  rougeâtre.  Ce  poiflbn  ne  peut 
avancer  dans  l'eau  qu'en  exécutant  une  efpece  de  mou- 
vement d'ondulation.  Cette  angidlU  efl  du  genre  du 
gymnote  ;  on  la  nomme  tremblante  ,  parce  qu'en  la 
touchant ,  ou  de  la  main  ,  ou  avec  un  bâton  ,  ou  avec 
ime  verge  de  fer  ,  elle  caufe  un  tremblement  forcé  & 
involontaire,  &  qui  fait  tomber  dans  le  moment  ce 
qu'on  tient  à  la  main.  Les  Sauvages  prétendent  même 
que  V anguille  tremblante^  frappant  les  autres  poiiTons 
avec  fa  queue ,  elle  les  endort  &:  les  prend  facilement 
pour  les  m.anger  enfuite.  Mais  il  paroît  que  lorfque 
cette  anguille  veut  s'emparer  d'un  poiflbn  ou  d'une 
autre  proie  animée  ,  elle  s'avance  vers  lui  comme  pour 
le  faifir  ;  &;  dans  l'inftant ,  fans  le  toucher ,  elle  lui 
donne  fon  choc  ,  &.  on  le  voit  auffi-tôt  tourner  fur 
le  dos  5  tantôt  mort ,  tantôt  feulement  étourdi.  Il  paroît 
ainfi  par  cette  manœuvre  que  le  plus  grand  effet 
de  la  com.mction  efl  au  devant  de  là  tête.  M.  de  la 
Condamine  a  obfervé  que  cet  animal  fe  trouve  aufH 
aux  environs  de  Para  ,  dans  la  rivière  des  Amazones. 


A    N    G^  ^    52^ 

(  Sa  chair  n'efi:  pas  d'un  ufage  également  fain  pour 
tout  le  monde  ).  Cet  effet  éledrique  a  beaucoup  de 
rapport  avec  celui  qu'occafionne  la  torpille, 

M.  Adanfon  ,  dans  fon  Voyage  au  Sénégal ,  dit  qu'il 
y  a  dans  le  fleuve  Niger  un  animal  ,  qui  efl  éledtriqué 
aujFi ,  mais  qui  a  quelques  barbillons  à  la  gueule  : 
les  Nègres  l'appellent  Onanïcar  ;  c'ell  le  Tremblcur.  Voyez 
ce  mot,  Confultez  maintenant  V article  Torpille  ,  oii 
le  ledeur  trouvera  nombre  de  faits  très-curieux  fur 
la  propriété  éledrique  de  V anguille  torpille. 

Anguille  de  haie  ,  ou  Couleuvre  serpen- 
tine ,  ou  Serpent  c'r.AU.  C'efl  le  Serpent  â  collier. 
Foyei  à    r article  CharbONIER. 

Anguille  de  mer.    Foyc^  Congre. 

Anguille  de  sable  ,  ou  Appât  de  vase  ,  Ammo* 
dytes  Tobianus  ,  Linn. ,  Anguilla  de  arena.  Petit  poifTon 
de  la  longueur  de  fix  à  dix  pouces^  dont  le  dos  efl 
bleu  ,  le  ventre  &  les  côtes  de  couleur  argentée. 
C'efl:  à  tort ,  dit  M.  Broujfonet ,  que  l'on  a  repréfenté 
ce  poiflbn  avec  deux  nageoires  fur  le  dos  ,  il  n'en  a 
réellement  qu'une ,  on  y  compte  cinquante  quatre  rayons. 
Son  mufeau  eft  très-effilé.  La  mâchoire  de  delîbus  plus 
avancée  que  celle  de  deffus  ;  la  gueule  très-fendue ,  & 
fans  dents  ;  fes  écailles  font  fi  petites  qu'elles  ont 
échappé  à  l'examen  de  tous  les  Ydhyologifles  ;  elles 
forment  des  lignes  obliques  diftindes  entr'elles.  Lorfque 
ce  poilTon  ouvre  la  gueule ,  la  lèvre  fupérieure  forme 
une  avance  comme  dans  la  Dorée.  Sa  langue  elî  longue 
&  aiguë  ;  fes  ouïes  font  garnies  de  barbillons.  La 
nageoire  de  l'anus  efl  garnie  de  vingt-huit  rayons  ;  les 
nageoires  pedorales  en  ont  douze,  il  n'a  point  de 
nageoires  abdominales  ;  la  queue  efl  peu  échancrée. 
Ce  poiffon  ,  qui  efl  très  -  commun  fur  les  côtes  de 
rOcéan  ,  en  Angleterre  ,  fe  voit  aufTi  en  France  du 
côté  de  Boulogne  ,  &  fur  les  plages  de  la  Zélande. 
On  le  trouve  aulîi  en  Amérique ,  à  Terre-Neuve  ,  &:c. 
Dans  de  certains  temps  de  l'année  ,  foiî  pour  éviter 

X  4 


328  A    N    G  A    N    H 

les  maquereaux  &  autres  poillbns  fes  ennemis  ,  foît 
par  un  infLintl:  de  la  Nature  ,  il  quitte  Peau  pour 
s'enfouir  dans  le  fable  jufqu'à  la  profondeur  d'un  demi- 
pied  ;  c'efl-là  qu'on  le  prend  avec  des  bâtons  ou  avec 
un  croc  ,  ou  avec  une  herfe  faite  exprès  &  traînée 
par  des  bœufs.  Les  pêcheurs  profitent  du  moment 
oii  la  marée  a  laifle  le  fable  à  fec.  Dans  cette  efpece  , 
qui  efr  du  genre  de  VAuimodyu  ,  le  mâle  a  le  corps 
plus  court  &  plus  épais  que  celui  de  la  femelle.  Ce 
poiiibn  efl  le  fandili  des  Anglois.  Lïnncziis  dit  que 
V appât  de  vafe  fe  replie  circulairement  fur  lui-même , 
de  manière  que  fa  tête  occupe  le  centre  du  cercle 
qu'il  forme  ,  &  pénètre  par  fon  extrémité  le  fable 
où  il  fe  tient  caché.  Les  pauvres  gens  fe  nourriffent 
de  ce  poiiTon  ;  fa  chair  efî  ferme  ;  les  autres  poiffons 
en  font   avides. 

Anguille  trembleuse.  Voyez  Anguille  torpille 
de  Caycnm  ,  &  l'article   TorpïlU. 

ANHÎMA  ou  Camîchy.  Voyez  Kamichi, 

ANHINGA,  Oifeau  aquatique  que  les  François  de 
la  Guiane  ,  dit  B ancre  ,  nomment  plongeon.  C'efl  , 
félon  Matcgrave ,  l'oifeau  nipïnamhis  des  Bréfilois. 
'Uanhinga  fe  trouve  aufli  à  Cayenne ,  &  il  paroît 
exifler  dans  les  deux  Continens  ;  car  il  a  été  obfervé 
au  Sénégal  par  M.  Adanfon  ,  &  M.  de  Buffon  en  a 
reçu  un  de  Madagafcar ,  qui  fe  rapproche  de  Vanhïnga. 
noir  de  Cayenne ,  repréfenté  ^pl.  enl,  960  ,  c'eft  le  mâle  ; 
^  959  la  femelle. 

Y!anKinga  eft  aufîi  fmgulier  par  fa  forme  que  par 
fes  m.œurs.  Il  eil  d'un  genre  particulier  :  les  quatre 
doigvs  de  chaque  patte  tiennent  enfemble  par  une 
membrane  commune.  Son  bec  efl  droit ,  pointu,  &  l'ongle 
du  doigt  antérieur  &:  intermédiaire  eil:  dentelé  com.me 
une  fcie.  Sa  queue  eil  large  ,  longue  d'un  pied  &: 
demi  ;  fon  cou  long  d'un  pied  ,  mince ,  eiîilé ,  d'une 
feule  venue  ,  une  tête  étroite ,  aplatie  ,  alongée  ;  tout , 
même  dans  l'oifeau  privé  de  la  vie,  le  fait  reitcmbler 


A    N    H         A    N    I  329 

à  un  reptile.  Mais  fa  rellemblance  avec  un  ferpenî  eu 
fur-tout  frappante ,  lorfque ,  vivant ,  il  plie ,  contourne , 
déploie ,  replie  fon  long  cou.  Quoique  palmé ,  il  fe 
perche  fur  les  arbres  ;  il  y  fait  fon  nid ,  &  c'ell  de 
deffus  leurs  branches  qu'il  s'clance  pour  faifir  le  poiiTon 
dont  il  fe  nourrit.  Aux  facultés  des  oifeaux  de  terre  y 
il  joint  celles  des  oifeaux  aquatiques  ,  il  nage  ,  il 
plonge  &c  il  s'exerce  librement  au  milieu  des  eaux  ^ 
ainfi  que  dans  l'air  ;  mais  il  fe  pofe  rarement  à  terre  : 
il  eu  d'un  naturel  fauvage  6c  craintif;  il  fuit  de  loin 
&  cherche  à  fe  dérober  à  la  vue  en  plongeant.  A  tant 
de  finguîarités  ,  <k.  aux  caraderes  particuliers  indiqués 
ci-dellus  ,  il  faut  encore  ajouter  que  la  peau  de 
Vanhinga  eit  excelTivement  dure  ,  qu'elle  a  une  texture  ou 
confnlance  qui  la  rapprochent  de  celle  des  quadrupèdes» 

Uanh'mga  a  deux  pieds  neuf  pouces  de  longueur 
depuis  le  bout  du  bec  jufqu'à  celui  de  la  queue  ;  fon 
envergure  eil  de  plus  de  trois  pieds  ;  les  plumes  de 
la  tête  5  de  la  gorge  ,  du  cou  ,  font  fines ,  douces  au 
toucher  comme  de  la  foie.  La  tête  &  le  haut  du  cou 
font  d'un  gris  rouffâtre  ;  la  gorge  &  le  bas  du  cou 
font  gris  ;  le  dos  eft  noirâtre  ,  varié  de  taches  oblongues 
&  blanchâtres  ;  le  deffous  du  corps  ,  d'un  gris  argenté  ; 
fa  queue  ,  qui  efl  compofée  de  douze  plumes  ^  forme 
un  éventail  arrondi  ;  ces  plumes  font  d'un  noir  bril- 
lant ,  fillonnées  ou  ornées  de  cannelures  tranfverfales 
telles  qu'on  en  exécute  fur  certaines  boîtes  d'écaillé  , 
&  frangées  de  roufsâtre  à  leur  extrémité.  Le  bec  & 
les  pieds  font  d'un  gris  jaunâtre  ;  les  yeux  noirs  &; 
l'iris  couleur  d'or. 

luanhinga  du  Sénégal ,  pL  enl,  1 07  ,  a  le  plumage 
chargé  de  roux,  tracé  par  pinceaux  fur  un  fond  brun 
noirâtre. 

ANI.  Foyei  Bout  de   petun. 

ANIL.  Foyci  Indigo. 

ANIMAL.  Qu'eft  -  ce  que  V animal  ?  Voilà  ,  dit 
M.  Diderot  y  une  de  ces  queilions  dont  on  eft  d'autant 


330  A    N    I 

plus  embarraiTé ,  qu'on  a  plus  de  phiîofophîe  ,  &  plus 

de  coRjioifîance  de  i'FMoire  Naturelle.  Le  mot  animal , 

dit  M.  de  Buffon  ,  dans  l'acception  oii  nous  le  prenons 

ordinairement  ,  r^préfente  une  idée  générale  ,  forméa 

^.QS  idées    particulières  qu'on  s'eil  faites  de   quelques 

animaux  particuliers.  Uidée  générale  que  nous  nous 

fommes  formée  de  V animal ,    fera  ,  fi  vous  voulez  , 

prife  principalem.ent  de  l'idée    particulière  du   chien  , 

du  cheval ,  ou  d'autres  bêtes  qui  nous  paroiffent  avoir 

de   l'intelligence   &   de   la  volonté  ,  qui  femblent  fe 

mouvoir  &  fe  déterminer  fuivant  cette  volonté  ,  qui 

font  compofées  de  chair  &  de   fang  ,  qui  cherchent 

&  prennent  leur  nourriture  ,  &  qui    ont   des   fens  , 

des  fexes ,  &  la  faculté  de  fe  reproduire.  Nous  joignons 

donc  enfemble  une  grande  quantité  d'idées  particulières , 

lorfque  nous  nous  formons  l'idée  générale  que  nous 

exprimons  par  le  mot  Animal  ;  &  l'on  doit  obferver 

que  dans  le  grand  nombre  de  ces  idées  particulières  , 

il  n'y   en  a  pas  une  qui  conflitue  l'effence  de  l'idée 

générale  ;  car    il  y  a  ,  de  l'aveu   de  tout  le  monde  , 

^ç.s  animaux  qui  paroiffent  n'avoir  aucune  intelligence  , 

aucune  volonté ,  aucun  mouvement  progreffif  :  il  y  en 

a  qui  n'ont    ni  chair  ni  fang,   &  qui  ne  paroiffent 

être  qu'une  glaire  congelée  :  il  y  en  a  qui  ne  peuvent 

chercher  leur  nourriture ,  &  qui  ne   la  reçoivent  que 

de  l'élément  qu'ils  habitent  ;  enfin  il  y  en  a  qui  n'ont 

point  de  {tns  ,  pas  même  celui  du  toucher  ,  au  moins 

à  un  degré  qui  nous  foit  feniible.  Il  y  en  a  qui  n'ont 

point  l'apparence  de   fexe  ,  d'autres  qui  les  ont  tous 

deux  ;  &;  il  ne  reffe  de  général  à  V animal  que  ce  qui 

lui  eff  commun  avec  le  végétal ,  c'eff-à-dire  ,  la  faculté 

de  fe  reproduire.  C'eff  donc  du  tout  enfemble   qu'eff 

compofée  l'idée  générale  ;  &  ce  tout  étant  compofé 

de  parties  différentes  ,  il  y  a  néceffairement  entre  ces 

parties  des   degrés  &   des  nuances.  Un  infe6le  ,    dans 

ce  fens  ,  eff   quelque  chofe   de   moins    animal  qu'un 

chien  :  une  huître  encore  moins  animal  qu'un  infede  ; 


A    N    I  531 

la  galîe-infe£ïe  ,  une  ortie  de  mer  &  un  polype  le  font 
encore  moins  qu'une  huître  ;  &  comme  la  Nature 
va  par  nuances  infenfibles  ,  nous  devons  trouver  des 
animaux  qui  font  encore  moins  animaux  qu'une  ortie 
de  mer  ou  un  polype.  En  vain  donc  ,  par  ces  mots 
Animal  6c  Végétal  ,  prétendons  -  nous  tirer  des 
lignes  de  fëparation  entre  les  corps  organifés  &  les 
corps  bruts.  Ces  lignes  de  féparation  n'exiltent  point 
dans  la  Nature  :  il  y  a  des  êtres  qui  ne  {ont  m  animaux , 
ni  végétaux ,  ni  minéraux  ,  &  qu'on  tenteroit  vaine- 
ment de  rapporter  aux  uns  ou  aux  autres  ;  tels  font 
les  polypes  d\aiL  douce ,  qu'on  pevit  regarder  comme 
faifant  la  nuance  entre  V animal  &  le  végétal  ,  & 
confidérer  comme  le  dernier  animal  &c  la  première 
jàes  plantes.  AufTi  quels  furent  les  doutes  &  les  incer- 
titudes de  M.  TnmbUy  ,  pour  reconnoître  fi  ce  polype 
étoit  un  animal  ou  un  végétal  ?  Il  exifle  donc  dans 
la  Nature  une  quantité  d'êtres  organifés  ,  qui  ne  font 
ni  l'un  ni  l'autre  ;  tels  font  ces  corps  mouvans  que 
l'on  trouve  dans  les  liqueurs  féminales  ,  (  ceux-ci  font 
des  molécules  organiques ,  )  dans  la  chair  infufée  des 
animaux ,  dans  les  graines  éi  les  autres  parties  infufées 
des  plantes.  Ce  font  ces  corps  organifés  (  ^  )  ,  êtres 
intermédiaires  ,  qui ,  fans  être  des  animaux  ou  des  végé- 
taux ,  pourroient  bien  entrer  dans  la  conilitution  des  uns 
&  des  autres. 

Dans  la  foule  d'objets  que  nous  préfente  ce  vafle 
globe  ,  dans  le  nombre  infini  des  différentes  produdions 
'dont  fa  fur  face  efl  couverte  &  peuplée  ,  les  animaux 
tiennent  le  premier  rang ,  tant  par  la  conformité  qu'ils 

(a)  Ct%  corps  organifés,  dit  M.  HalUr ,  font  de  véritables  animaux, 
Les  Obfervateurs  les  plus  exafts  &  les  mieux  fournis  en  microfcopeSa 
leur  ont  reconnu  toutes  les  qualités  qui  indiquent  la  fpontanéité.  Il 
femble  que  ceux  qui  ont  penfé  différemment,  ont  "confondu  le  déve- 
loppement de  quelques  polypes  microfcopiques  ,  avec  celui  de  quelques 
petites  plantes  du  genre  du  mucor.  Vanimal  mange  ,  &  il  a  toujours 
quelque  partie  de  fon  corps  entier  qui  eft  doué  d'un  mouvement  , 
dont  le  principe  eft  dans  lui-même.  Dici,  d^WJl,  Nat»  de  Bomarz,  Edit, 
d'Yvcrdon ,  i-jôS ,  page  284  ,  Tome  I» 


5Î2  A    N    I 

ont  avec  nous  ,  que  par  la  fupériorlté  que  nous  leur 
connoiffons  fur  les  êtres  végétaux  ou  inanimés.  Les 
animaux  ont  par  leurs  fens  ,  par  leur  forme ,  par  leur 
mouvement ,  beaucoup  plus  de  rapport  avec  les  chofes 
qui  les  environnent ,  que  n'en  ont  les  végétaux  ;  &c 
les  végétaux  ,  par  leur  développement ,  par  leur  figure , 
par  leurs  accroiiïemens  ,  par  leur  circulation  manifefle , 
&  par  leurs  différentes  parties  ,  ont  auiîi  un  plus 
grand  nombre  de  rapports  avec  les  objets  extérieurs , 
que  n'en  ont  les  minéraux  &c  les  pierres  qui  n'ont 
aucune  forte  de  vie ,  aucune  organifation.  C'eft  par 
ce  plus  grand  nombre  de  rapports  que  Vanimal  eft 
au  -  deifus  du  végétal ,  &  le  végétal  au  -  delius  du 
minéral. 

On  peut  donc  dire  que  ,  quoique  tous  les  ouvrages 
du  Créateiu:  foient  tous  également  parfaits  ,  Vanimal 
eu ,  félon  notre  façon  d'appercevoir  ,  l'ouvrage  le  plus 
complet ,  &  que  l'homme  en  eil  le  chef-d'œuvre. 

En  effet ,  fi  l'on  confidere  Vanimal ,  que  de  refforts , 
que  de  forces  ,  que  de  machines  &;  de  mouvemens  font 
renfermés  dans  cette  partie  de  matière  qui  compofe 
le  corps  d'un  animal  I  Que  de  rapports ,  que  d'har- 
monie ,  que  de  correfpondances  entre  les  parties  ! 
Combien  de  combinaifons  ,  d'arrangemens ,  de  caufes , 
d'effets ,  de  principes  ,  qui  tous  concourent  au  même 
but ,  &:  que  nous  ne  connoifTons  que  par  des  rélvdtats 
il  difficiles  à  comprendre ,  qu'ils  n'ont  cefle  d'être  des 
merveilles  que  par  l'habitude  que  nous  avons  prife 
de  n'y  pas  refléchir  !  Quelle  autre  merveille  fe  préiente 
dans  la  fucceffion  ,  dans  le  renouvellement  &  la  durée 
des  efpeces  !  Quelle  unité  merveilleufe  ,  toujours  fubfil- 
tante  oc  qui  paroi t  éternelle  ! 

Pour  faire  donc  Philloire  de  Vanimal  ,  il  faut 
d'abord  reconnoître  avec  exaditude  l'ordre  général 
des  rapports  qui  lui  font  propres  ,  ck  diflinguer  enfuite 
les  rapports  qui  lui  font  communs  avec  les  végétaux 
&  les  minéraux. 


A    N    I  33^ 

1? animal  n'a  de  commun  avec  le  minéral ,  que  les 
qualités  de  la  matière  prife  généralement  :  fon  économie 
efl  toute  dilFérente.  Le  minéral  n'eft  qu'une  matière 
brute ,  n'obéiffant  qu'à  la  force  généralement  répandue 
dans  l'Univers.  U animal  réunit  toutes  les  puiffances  de 
la  Nature  ;  les  fources  qui  l'animent  lui  font  propres 
&  particulières  ;  il  veut ,  il  agit ,  il  fe  détermine  ,  il 
opère  ,  il  perçoit  ou  connoît ,  il  efi  doué  de  mémoire  ^ 
il  communique  par  fes  fens  avec  les  objets  les  plus 
éloignés  :  il  peut  fentir  ,  parce  qu'il  efi:  animé  ;  fon 
individu  efl  un  centre  oii  tout  fe  rapporte ,  un  point 
ou  l'Univers  entier  fe  réfléchit ,  un  monde  en  raccourci. 
Voilà  les  rapports  qui  lui  font  propres.  Ceux  qui  lui 
font  communs  avec  les  végétaux ,  font  les  facultés 
de  croître ,  de  fe  développer  ,  de  fe  reproduire  ,  de  fe 
multiplier.  On  conçoit  bien  que  toutes  ces  vérités 
s'obfcurciffent  fur  les  limites  des  règnes. 

La  différence  la  plus  apparente  entre  les  animaux 
&  les  végétaux ,  paroît  être  cette  faculté  de  fe  mou- 
voir ôc  de  changer  de  lieu  ,  dont  les  animaux  font 
doués  ,  &  qui  n'eil  pas  donnée  aux  végétaux  ;  mais 
nous  voyons  plufieurs  efpeces  d'animaux ,  comme  les 
huîtres ,  les  galU-infccles ,  &:c.  auxquelles  ce  mouvement 
(  notamment  le  mouvement  progrefTif  de  leur  tout  ) 
paroît  avoir  été  refufé.  Cette  différence  n'efl  donc  pas 
générale  &;  néceffaire. 

La  différence  la  plus  efTentielle  entre  les  animaux 
&  les  végétaux ,  qui  paroîtroit  fe  tirer  de  la  faculté 
de  fentir  ,  n'efl  pas  générale  ,  ni  même  bien  décidée  : 
car  fi  par  fentir  nous  entendons  feulement  faire  une 
aftion  de  mouvement  à  l'occafîon  d'un  choc  ou  d'une 
réfiflance  ,  nous  trouverons  que  la  plante  ,  appelée 
fenjidve  ,  efl  capable  de  cette  efpece  de  fentiment 
comme  les  animaux.  (  Ce  fentiment  chez  les  plantes 
fenfitives  paroît  purement  organique  ;  elles  ne  fentent 
point ,  elles  n'ont  point  la  faculté  tonique ,  cette  action^ 
attribut  étranger  à  la  matière ,  même    organisée  ,  efl 


334  ,    A     N     I  _ 

l'effet  de  la  faculté  de  fentir ,  propriété  qiiî  peut  être 
regardée  ,  û  l'on  veut ,  comme  le  dernier  terme  ou 
le  premier  figne  apperçu  de  Panimalité.  )  La  troifieme 
différence  pourroit  être  dans  la  manière  de  fe  nourrir. 
Les  animaux ,  par  le  moyen  de  quelques  organes  ex- 
térieurs ,  iailiflent  les  choies  qui  leur  conviennent  , 
vont  chercher  leur  pfiture  ,  &C  choifilTent  leurs  alimens  : 
les  plantes ,  au  contraire  ,  paroiffent  être  réduites  à 
l'aliment  que  la  terre  veut  bien  leur  fournir.  Cependant 
fi  l'on  fait  attention  à  l'organifation  des  plantes  ,  on 
verra  que  les  racines  fe  détournent  d'un  obftacle  ou 
d'une  veine  de  mauvais  terrain  pour  aller  chercher 
la  bonne  terre.  La  différence  entre  les  végétaux  6c 
les  animaux  ne  peut  donc  point  s'établir  fur  la  ma- 
nière dont  ils  fe  nourriffent. 

Cet  examen  nous  conduit  à  reconnoitre  évidem- 
ment qu'il  n'y  a  aucune  différence  abfolument  effen- 
tielle  &c  générale  entre  les  animaux  6c  les  végétaux, 
(  il  faut  avouer  que  nombre  de  propriétés  rapprochent 
infiniment  les  plantes  des  animaux ,  )  mais  que  la  Na- 
ture defcend  par  degrés  6c  par  nuances  imperceptibles , 
d'un  animal  qui  nous  paroît  le  plus  parfait ,  à  celui 
qui  l'efl  le  moins  ,  6c  de  celui-ci  au  végétal.  On  en 
voit  un  exemple  frappant  dans  le  polype  d'eau  douce. 
La  Nature  ne  fuit  pas  la  même  loi  dans  le  paflage 
du  végétal  au  minéral  :  le  paffage  en  elf  bnifque  ;  6c 
la  fuccefïion  infenfible  des  nuances  paroît  fe  démentir. 

Il  elî  d'autres  iburces  d'analogie  entre  ces  deux 
clafTes  d'êtres  organifés.  Si  nous  recherchons  les  ref- 
femblances  des  animaux  &:  des  végétaux  ,  nous  en 
trouverons  d'abord  une  qui  efl  très-efientielle  :  c'efl 
la  faculté  commune  à  tous  deux  de  fe  reproduire; 
faculté  qui  fuppofe  plus  d'analogie  &  de  choies  fem- 
blables  ,  que  nous  ne  pouvons  l'imaginer  ,  &  qui 
doit  nous  faire  croire  que  pour  la  nature  les  ani- 
maux 6c  les  végétaux  font  phyfiquement  des  êtres 
à-peu-près  du  même  ordre. 


A    N    I        _  335 

Une  féconde  reffemblance  peut  fe  tirer  du  dévelop- 
pement de  leurs  parties  :  propriété  qui  leur  eil  com- 
mune ;  car  les  végétaux  ont  ^  aufii  bien  que  les  ani- 
maux ,  la  faculté  de  croître  ;  &  fi  la  manière  dont 
ils  fe  développent  eu  diftércnte ,  elle  ne  Veû  pas 
totalement  ni  efîentiellement  ;  puifqu'il  y  a  dans  les 
animaux  des  parties  très-confidérables  ,  comme  les 
os ,  les  cheveux ,  les  ongles ,  les  cornes ,  &c.  dont 
le  développement  eil  une  forte  de  végétation  ;  &  que 
dans  les  premiers  temps  de  la  formation  le  fœtus  vé- 
gète plutôt  qu'il  ne  vit. 

Une  troifieme  reffemblance  ,  c^eû  qu'il  y  a  des  ani- 
maux qui  fe  reproduifent  comme  des  plantes  ,  &  par 
les  mêmes  moyens  :  la  multiplication  des  pucerons , 
qui  fe  fait  fans  accouplement ,  eil  femblable  à  celle 
des  plantes  par  les  graines  ;  &  celle  des  polypes ,  qui 
fe  fait  en  les  coupant ,  reifemble  à  la  multiplication 
des  arbres  par  bouture. 

On  peut  donc  ailurer  ,  avec  plus  de  fondement 
encore ,  que  les  animaux  &.  les  végétaux  font  des 
ctres  du  même  ordre  ;  èi  que  la  Nature  femble  avoir 
paile  des  uns  aux  autres  par  des  nuances  infenfibles , 
puifqu'ils  ont  entr'eux  des  reilemblances  eiTentielles 
&  générales  ,  &  qu'ils  n'ont  aucune  différence  qu'on 
puiffe  regarder  comme  telle. 

Si  nous  com.parons  maintenant  les  animaux  aux  vé- 
gétaux fous  d'autres  faces ,  par  exemple ,  par  rapport 
au  nombre  ,  au  lieu  ,  à  la  grandeur ,  à  la  force  ,  ôcc» 
nous  en  tirerons  de  nouvelles  indu^lions. 

Le  nombre  des  efpeces  d'animaux  eil  beaucoup  plus 
grand  que  celui  des  efpeces  de  plantes  ;  car  dans  le 
feul  genre  des  infedes  ,  il  y  a  peut-être  un  plus  graiid 
nombre  d'efpeces  ,  dont  la  plupart  échappent  à  nos 
yeux  5  qu'il  n'y  a  d'efpeces  de  plantes  vifibles  fur  la 
ïlirface  de  la  terre.  Les  animaux  ont  entr'eux  des  dif- 
férences bien  plus  fenfibles  ,  que  n'en  ont  les  plantes 
«entr'elles  j  ce  qui  fait  la  difHculté  de  les  recomioîîre 


336  A     N     I 

èc  de  les  ranger.  Le  nombre  des  efpeces  d'anîmaitx 
eft  donc  beaucoup  plus  grand  que  celui  des  efpeces  de 
plantes.  Mais  que  l'on  compare  la  quantité  d'indi- 
vidus des  animaux  &  des  plantes  efpece  à  efpece ,  on 
verra  que  chaque  efpece  de  plante  eft  plus  abon- 
dante que  chaque  efpece  d'animal. 

Il  faut  avouer  que  dans  certains  ordres  d'animaiLX , 
tels  que  les  abeilles^  les  poiffons  &c  les  coquillages  , 
il  y  a  des  efpeces  qui  paroilïent  être  extrêmement 
abondantes  :  les  huîtres ,  les  harengs  ,  les  puces ,  les 
hannetons ,  font  peut-être  en  auffi  grand  nombre  que 
les  moujfes  ,  &  les  autres  plantes  les  plus  communies  : 
mais  ,  à  tout  prendre  ,  on  remarquera  aifém.ent  que 
la  plus  grande  partie  des  efpeces  d'animaux  eil  moins 
abondante  en  individus  que  les  efpeces  de  plantes. 

Il  paroît  par  tout  ce  qui  précède ,  que  les  efpeces 
les  plus  viles  ,  les  plus  petites  à  nos  yeux  ^  font  les 
plus  abondantes  en  individus  ,  tant  dans  les  animaux 
que  dans  les  plantes.  On  a  lieu ,  dans  cet  ordre  de 
chofes ,  d'admirer  la  fagefîe  de  la  Providence  :  fi  les 
grands  animaux  euffent  été  en  auiïi  grande  abondance 
que  les  infeûes ,  ces  efpeces  monftrueufes  euffent  bien- 
tôt couvert  la  furface  de  la  terre  &  rempli  la  pro- 
fondeur des  mers.  La  terre  &  les  eaux  n'euffent  plus 
fuffi  à  les  nouiTir. 

La  génération  des  animaux  s'opère  de  différentes 
façons  :  la  plus  grande  partie  fe  perpétue  par  la  co- 
pulation ;  cependant  il  iëmble  que  la  plupart  des  oi- 
feaux  (  quoique  munis  d'une  verge  double  )  ne  faf- 
fent  que  comprimer  fortement  la  femelle  ;  dans  les 
poiffons  ,  au  contraire  ,  le  membre  néceffaire  à  Tafte 
de  la  copulation  n'exiflant  pas  ,  les  mâles  font  obligés 
de  répandre  la  liqueur  contenue  dans  leurs  laites  llu: 
les  œufs  que  la  femelle  laiffe  couler  alors.  Il  y  a  donc 
des  animaux  qui  ont  des  fexes  &  des  parties  propres 
à  la  copulation  ;  d'autres  qui  or'  aufii  des  fexes  ,  &: 
qui   manquent    des   parties   néceffaires   à   cet    a<^e  ; 

d'autres 


A    N    I  ^        337 

d*autres  ,  comme  les  limaçons ,  ont  des  parties  propres 
à  la  copulation  ,  &:  ont  en  même  temps  les  deux 
lexes  ;  d'autres ,  comme  les  pucerons ,  n'ont  point  de 
fexe ,  font  également  pères  ou  mères ,  oc  engendrent 
d'eux-m^êmes  fans  une  copulation  apparente. 

D'ailleurs ,  il  y  a  encore  im  avantage  pour  recon- 
noître  les  efpeces  d'animaux ,  &  pour  les  diUinguer  les 
vines  des  autres:  c'efl  qu'on  doit  regarder  comme  la 
même  efpece  celle  qui ,  au  moyen  de  la  copulation , 
fe  perpétue  &  conferve  la  fimilitude  de  cette  efpece  ; 
&  comme  des  efpeces  dilférentes ,  celles  qui ,  par  les 
mêmes  moyens  ,  ne  peuvent  rien  produire  enfemble , 
ou  dont  il  ne  réfulte  qu'un  animal  mi-partï ,  une  ef- 
pece de  mukt  y  qui  n'a  pas  la  faculté  de  reproduire. 
Dans  les  plantes  on  n'a  pas  le  même  avantage. 

Prefque  tous  les  animaux ,  à  l'exception  de  l'homme  ,' 
ont ,  chaque  année  des  temps  marqués  pour  la  géné- 
ration. Le  printemps  eil:  pour  les  oifeaux  la  faiicn  de 
leurs  amours  ;  les  carpes  traient  durant  la  plus  grande 
chaleur  de  l'année  ;  les  chats  fe  cherchent  dans  ks  mois 
de  Janvier  ,  de  Mai  ëc  de  Septembre  ;  les  chevreuils 
au  mois  de  Décembre  ;  les  loups  en  Janvier  ;  les  che- 
vaux en  été  ;  les  cerfs  en  Septembre  &:  Octobre  ; 
prefque  tous  les  infecles  ne  fe  jo'giient  qu'en  automne  ^ 
&:c.  Les  uns ,  comme  ces  derniers ,  femblent  s'épuifer 
totalement  pcir  l'a£le  de  la  génération  ,  &  en  effet  ils 
meurent  peu  de  temps  après.  Foyei  à  ranick  Ver 
A  SOIE.  D'autres  animaux  ne  s'épuifent  pas  jufqu'à 
l'extinclion  de  la  vie;  mais  ils  deviennent  ,  comme 
les  cerfs  ,  d'une  maigreur  extrême  &  d'une  grande 
foibleife ,  &  il  leur  laut  un  temps  confidérable  pour 
réparer  la  perte  qu'ils  ont  faite  de  leur  fubflance  or- 
ganique. D'autres  s'épuifent  encore  moins,  &  font  en 
état  d'engendrer  plus  fouvent.  D'autres  enfxn ,  com.me 
rhomme ,  s'épuifent  peu  ,  &  font  en  état  de  réparer 
promptement  la  perte  qu'ils  ont  faite  ,  &:  ils  font  aiilîi 
$\\  tout  temps  en  état  d'engeadrçr  \  cela  dépend  uni-; 
Tomi  L  Y 


338  A     N    I.    ^ 

qiiement  de  la  confiitiition  particuliers?  des  organes  de 
ces  ammaux.    Foyci  l'article  GÉNÉRATION. 

FaiTons  maintenant  à  la  comparai fon  des  animaux 
èc  des  végétaux ,  pour  le  lieu  ,  la  grandeur  6z  la  forme» 

La  terre  efl  le  leul  lieu  où  les  végétaux  puifTent 
fubfifcer.  Tous  ont  befoin ,  pour  cela  ,  d'être  placés  à 
fa  furface.  Les  animaux ,  au  contraire  ,  font  plus 
généralement  répandus  ;  les  uns  habitent  la  furface  , 
les  autres  l'intérieur  de  la  terre  ;  ceux-ci  vivent  au 
fond  des  mers  ;  ceux-là  les  parcourent  à  une  hauteur 
médîoa-e  ;  il  y  en  a  dans  Pair ,  dans  l'inténeur  des 
plantes ,  dans  les  liqueurs  :  on  en  trouve  jufque  dans 
les  pierres ,  tels  font  les  dails, 

C^e^  encore  une  queftion  ou  un  phénomène  très- 
ciirieux  que  la  formation  d'un  nombre  prodigieux 
d'animaux  nés  dans  d'autres  animaux  (  ^  ).  Le  replis 
de  l'anus  d'un  cheval  ou  d'un  bœuf,  le  nez  d'un 
mouton,  le  gofier  d'un  cerf,  les  entrailles  de  l'homme, 
la  peau  de  prefque  tout  ce  qui  refpire ,  deviennent  le 
ilid ,  la  patrie  d'une  infinité  d'infe£les.  Ainli  tous  les 

(j)  Tandis  que  les  Philofophes  peignent  la  Nature  en  grand  ,  & 
s'eftovcent  de  rapporter  à  une  théorie  générale  les  phénomènes  connus  , 
elle  en  laiffe  échapper  d'autres  de  temps  en  temps. qui  les  étonnent,  les 
arrêtent  &  les  humilient  ;  telles  font  les  obfervations  qui  fuivent ,  & 
qu'on  a  tirées  d'un   Auteur  Anglois. 

On  trouve  far  la  côte  de  la  mer  Adriatique  ,  près  dWncône  ,  des 
pierres  très-dures  qui  pefent  vingt  livres,  Lorfqu'on  çaffe  ces  pierres, 
en  y  découvre  de  petits  animaux  à  coquilles  ,  vivans,  d'un  goût  exquis, 
que  l'on  nomme  Solcnes.  Ce  fait  eft  attefté  par  plufieurs  Auteurs  , 
entr'autres  par  Aldrovande  ,  qui  en  paris  comme  d'une  chofe  générale- 
itient  connue  ,  &  dont  il  a  été  lui-même  témoin.  Voici  un  autre  fait 
certifié  &  configné  dans  plufieurs  Journaux.  Un  particulier  de  Verfailles 
fouffroit  des  douleurs  d'eftomac  ,  qui  ruinoient  totalement  fa  fanté  :  on 
employa  inutilement  toutes  fortes  de  remèdes.  Après  qu'il  fut  mort  ,  on 
ouvrit  fon  cadavre  ,  &  l'on  trouva  dans  Teftomac  un  crapaud  vivant  d'une 
groffeur  f onfidérable. 

M.  Hubert  ,  ancien  Profelfeur  de  Phîlofophîe  à  Caen  ,  a  mandé  à 
M.  Varignon  ,  en  171 9  ,  qu'on  venoit  de  trouver  dans  le  tronc  d'un 
orme  très-gros  ,  un  crnpaud  vivant  ,  quoique  l'arbre  fût  abfolument  fain. 
Dès  que  le  bois  fut  fendu  ,  le  crapaud ,  qui  étoit  de  taille  médiocre  , 
maigre  &  qui  n'occupoit  qu«  fa  petite  place  ,  fortit  Se  s'échappa  fort  vite. 
Il  eft  parlé  auffi  can»  les  Mémoires  dt  l'Académ!:  ,  d'un  autre  crapaud 
ttouvé  Tivant  &  fain  dans  le  ççeur  d'ua  chênç  ,  plus  gros  «ncore  que 


A    N    I  539 

animaux  fe  nôiirriffent  les  uns  des  autres  ^  eoîiimc  ils 
fe  clétruifent  les  uns  par  les  autres. 

Par  l'ufage  du  microicope  ,  on  prétend  encore  avoir 
découvert  un  grand  nombre  de  nouvelles  efpeces  cFani- 
maux  fort  dificrentes  entre  elles  ;  tandis  OT.e  la  petite 
mouffe  ,  proculte  par  la  moifiliiire  ,  eu  peut-être  la 
feule  plante  microfcopique  dont  on  ait  parlé.  Les  ef- 
peces de  plantes  étant  li  difficiles  à  difîinguer ,  ne  pour? 
roit-il  pa:j  ié  faire  que  cette  moifiilure  ,  que  nous  ne 
prenons  que  pour  une  rnoulie  infiniment  petite  ,  fût 
une  efpece  de  bois  ou  de  jardin ,  peuplé  d'un  grand 
nombre  de  plantes  très-diftérentes  y  mais  dont  les  dif- 
férences échappent  à  nos  yeux  ? 

En  comparant  la  grandeur  des  animaux  ôc  des  plan- 
tes ,  il  efl  utile  de  confidérer  les  termes  extrêmes  oii 
la  Nature  femble  s'être  bornée.  Le  grand  paroit  être 
allez  égal  dans  les  animaux  6c  dans  les  plantes  : 
une  grolTe  baldîie  &  un  gros  arbre  font  d'un  vo- 
lume qui  n'eit  pas  fort  inégal  ;  tandis  qu'en  petit , 
on  a  cru  voir  des  animaux   dont  un   millier  reunis  , 

l'orme  précédent ,  &  qu'on  préfume  y  avoir  fubfidé  fans  air  &  fans 
aliment  é  ranger,  dit   M,   Seigne  ,  depuis  quatre-vingts  ou    cent  ans. 

En  démol'lt.nt ,  en  1771  ,  un  mur  bâti  depuis  environ  quarante  ans, 
dans  un  des  châteaux  de  S.  A.  S.  Mgr.  le  Duc  d^ Orléans  ,  on  trouva  un 
crapai.d  vivant  enfermé  dans  l'épaiffeur  de  ce  mur  ,  &  qui  sCiremenÉ 
étoit  enfermé  dans  ce  maflif  depuis  fa  conftruftion  ,  puifqu'on  lui  trouva 
l«s  pattes  de  derrière  prifes  dans  le  plâtre.  Ce  fait,  rapporté  à  l'Académie 
des  Sciences  ,  donna  lieu  à  l'expérience  fuivante  :  Le  24  Janvier  1772, 
M.  Hérijfant  plaça  ,  en  préfence  de  l'Académ.ie  ,  trois  crapauds  dans  une 
boîte  féparée  par  autant  de  cloifons  :  il  emplit  la  boîte  de  plâtre  délayé, 
de  minière  ,que  les  crapauds  vivans  y  furent  enfevelis.  La  boîte  fut 
confervée  en  cet  état  dans  l'appartement  même  de  l'Académie.  Le  7  Avril 
1773,  on  ouvrit  la  boîte,  on  brifa  ce  plâtre  qyi  s'étoit  fortement 
contoîidé  ,  &  on  trouva  un  crapaud  mort  8c  les  deux  autres  pleins  de  vie. 
*  On  a  vu  de  même  des  ferpens  &  des  grenouilles  enfermés,  &  vivans 
ainfi  dans  d«s  corps  folides.  Combien  d'autres  efpeces  de  ces  folitoires 
rnervcilleux  ne  cite-t-on  pas  tous  les  jours?  Ces  faits  ,  fi  contraires  à 
la  marche  ÔC  au  fyftême  ordinaire  de  la  Nature  ,  paroiiTent  atteftés  par 
un  fi  grand  nombre  de  perfonnes ,  que  l'on  a  pe-ne  à  en  douter, 
Voy,  le  Mémoire  fur  les  animaux  vivans  trouvés  dans  le  centre  des 
pierres  les  plus  dures  ,  fans  aucune  ijjue  au  dehors  ,  &  les  conjeciures  fur  CS 
phénomène ,  par  M,  le  Cat. 

Y  z 


340  A    N    I     . 

h'é^alerolt   pas    en  volume    la    petite  plante    de    la 


moiiiiïïiie 


On  peut  encore  confidérer  l'analogie  que  M.  l'Abbé 
Rogsr  Sckabol  a  fi  bien  établie  entre  les  plaies  &  les 
ulcères  des  végétaux  &:  des  animaiLx.  La  connoiilance 
de  ce  qui  fe  pafîe  à  l'occafion  de  leurs  plaies  ,  ne 
contribue  pas  peu  à  donner  des  éclairciliemens  pour 
entretenir  leur  fanté  &  leur  fécondité.  Toute  incifion 
dérano^e  néceil'airement  l'organifation  des  plantes  ;  les 
animaux  font  fujets  à  de  pareilles  altérations  ,  quand 
on  entame  leirr  peau  ,  ou  qu'on  leur  ôte  quelque  mem- 
bre ;  en  forte  qu'on  peut  dire  que  les  rapports  font 
les  mêmes  entre  les  individus  de  ces  deux  règnes:  1er 
feule  diîFérence  qu'on  rem-arque  ,  &:  qui  eft  effen- 
tielle ,  c'eft  que  les  végétaux  reproduifent  toujours 
d'autres  membres  à  la  place  de  ceux  qu'on  leur  re- 
tranche ;  tandis  que  les  membres  coupés  aux  animaux 
iie  fe  renouvellent  que  très-rarement  &  uniquement 
dans  quelques  efpeces  particulières  ,  qui  paroilTent  être 
exceptées  de  la  règle  générale.  Leur  chair  môme  , 
quoiqu'elle  fe  reproduite  ,  n'efl  jamais  d'un  tilTu  auili 
parfait  qu'elle  l'étoit  primordialement.  Il  y  a  néanmoins 
des  cas  où  ces  dérangemens  mécaniques  &:  organiques 
font  indifpenfables  ,  tant  dans  les  animaiLX  que  dans 
les  arbres.  Il  faut  faigner  un  homme  qui  a  trop  de 
fang  ,  comme  en  fait  des  incifions  aux  végétaux  qui 
abondent  trop  en  fuc  propre.  On  extirpe  les  loupes 
des  individus  de  l'un  èi  l'autre  règne.  On  fait  l'am- 
putation d'un  membre  par  trop  mutilé  ou  gangrené  ; 
de  même  l'on  coupe  les  branches  qui  meurent ,  &  le 
faîtage  d'un  arbre  qui  fe  pourrit  en  cet  endroit.  Le^ 
Jardiniers  ,  à  Pinftar  des  Chirurgiens ,  admettent  dans 
les  plaies  un  peu  férieufes  cinq  époques  différentes  : 
le  faignement,  la  fuppuration  ,  la  déterfion  ,  l'incar- 
nation ou  régénération  ,  6c  la  cicatrifation.  Les  bour- 
relets dans  les  deux  plaies  faites  par  arrachement  ou 
déchirement  5  les  éçoidemens ,  tout  offre  les   mêmes 


A    N    I  341 

phénomènes  :  on  y  diilingue  les  differens  plis  &  re- 
plis de  la  cicatrifation  ;  &  la  guérifon  de  ces  plaies  , 
tant  animales  que  végétales  ,  le  fait  de  même  ,  elle 
commence  par  le  fond,  ou  du  bas  en  haut.  La  durée 
des  plaies  dépend  des  mêmes  principes  6c  des  mêmes 
caufes. 

Quoique  la  vie  animale  &  la  végétale  paroiiTentla 
même,  Tanimal  &  le  végétal,  dit    M.   Jean    Himter ^ 
différent  en  un  point  efientiel  ,  qu'il  convient  peut- 
être  de  remarquer  ici ,  parce  qu'il  s'offre    Ùlwùsl  ma- 
nière  frappante  dans  les  expériences   que  cet    Obfer- 
vateur  a  faites  fur    la  génération  de    la   chaleur    des 
corps  organifés  &:  vivans.  Un  animal     efî:    égalem.ent 
vieux  dans  toutes  fes  parties ,  excepté  dans  celles  qui. 
font  le  produit  des  maladies  ;  &:  nous  trouvons ,  pour- 
fuit  M.  Hunter  ^  que  ces  nouvelles  parties,  de  même 
que  les  jeunes  pouffes  des  végétaux,  font  incapables 
de  conferver  la  vie  comme  les  vieilles  ;    or   chaque 
plante  poffede  une  férié  d'âges.  Suivant  le  nombre  de 
fes  années,  elle  a  des  parties  de  tous    les    âges  fuc- 
ceffifs ,  depuis  fa  première  formation  :  chaque  partie  a 
des  forces  égales  à  fon  âge  ,  6c  reffemble  à  cet  égard 
à  des  animaux  d'autant  d'âges  différens.  L'enfance  efl 
toujours  un  état  d'imperfedion  :  car  nous  voyons  vivre 
peu  d'animaux  parmi  ceux   qui   viennent    au   monde 
l'hiver  ,  à  moins  qu'on  en  ait  un  foin  particulier  ;  & 
l'on  peut  obferver  la  même  chofe  dans  les  végétaux. 
Une  jeune  plante  eff  plus  aifément  tuée  ,  même  par 
l'éledricité ,  qu\ine  vieille  ;  ce  qui  eff  également  vrai 
de  la  pkis  jeune  partie    d'un  même  individu  végétal. 
Au  refre ,  la  différence  la  plus  générale  6c    la  plus 
fenfible  entre  les  végétaux  6c  les  animaux  ,  eff  celle 
de  la  forme.  Les  animaux  peuvent ,  à  la  vérité ,  faire 
des  ouvrages  qui  renemblent  à  des  plantes   ou  à  des 
fleurs;  mais  jamais  les  plantes  ne  produiront  rien  de 
femblable  à  un  animal.  Ces  vers -mfe des  admirables, 
qui  produifent  6c  travaillent  le  corail ,  n'auroient  pa% 

Y  3 


54Î  A    N    1 

été  méconnus  8z  pris  pour  des  fleurs  ,  fi  ,  par  un 
préjugé  mal  fondé  ,  on   n'eût    pas    regardé    le  corail 
comme  une  plante.  Ainfi  les  erreurs  oii  l'on  pourroit 
tomber ,  en  comparant  la  forme    des  plantes  à  celle 
des  animaux  ,  ne  porteront  jamais  que    iiir  un   petit 
, nombre  de  fujets  ,  tels  que  les  polypes  ,    qui   font  la 
miance  entre  les  deux  ;  &:  plus  on  fera  d'obfervations, 
plus  on  fe  convaincra  qu'entre  les  animaux  ôc  les  vé- 
gétaux ,  le  Créateur  n'a  pas  mis  de  terme  fixe  ;  que 
ces  deiLX  genres  d'êtres  organifés  ont    beaucoup  plus 
de  propriétés  communes  que    de  différences  réelles  ; 
que  la  produclion  de  l'animal  ne  coûte  pas  plus  ,  &: 
peut-être  moins  ,  à  la  Nature ,  que  celle  du  végétal  ; 
qu'en  général  la  prodiidion  des  êtres  organifés  ne  lui 
coûte  rien  ;  &:  qu'enfin  le  vivant  &  l'animé ,  au  lieu 
d'être  un  degré  métaphyfique  des  êtres ,  efl  une  pro- 
priété phyfique  de  la  m.atiere.  On  reconnoît  dans  une 
partie  de  cet  article  les  grandes  oL  belles  idées  qu'en- 
fante le  génie  de  M.   de  Buffon  ;    génie    plein  d'élé- 
vation &"  de  profondeur ,  comme   la  Nature   dont  il 
fait  l'objet  de  fes  méditations. 

Quiconque  a  obfervé  la  conduite  des  animaux,  & 
eft  infbuit  de  leur  façon  de  vivre  &:  de  conferver  leur 
efcece ,  a  dû  remarquer  une  grande  différence  entre 
radi'eiTe  des  animaux  fauvages  &:  celle  des  animaux 
apprivoifés  :  ceux-ci  n'ont  ni  la  mêmx  induflrie  ,  ni  le 
même  inftincf.  Ces  qualités  feront  fcibles  en  eux  , 
tant  qu'ils  refleront  dans  Pefclavage  &  Tabondance  ; 
mais  leur  rend-on  la  liberté  ,  rentrent-ils  dans  la  né- 
cefTité  de  pourvoir  à  leurs  befoins ,  ils  recouvrent  tou- 
tes leurs  aiFeftions  naturelles ,  &:  avec  elles  toute  la 
fagacité  de  leur  efpece  :  ils  reprennent  dans  la  peine 
toutes  les  qualités  qu'ils  avoient  oubliées  dans  l'ai- 
fance  ;  ils  s'unifïent  enîr'eux  plus  étroitement ,  ils  mon- 
trent plus  de  tendreiTe  pour  leurs  petits  :  ils  prévoient 
les  faifons  ,  ils  mettent  en  ufage  toutes  les  refTourccs 
que  la  Nature  leur  fuggere  pour  la    confeiTaîion   de 


A     N     I  ^  345 

leur  efpece  ,  contre  l'incommodité  des  temps  &c  les 
rufes  de  leurs  ennemis  :  enfin  l'occupation  &  le  tra- 
vail les  rem^ettent  dans  leur  vigueur  naturelle  ,  &  la 
nonchalance  &  les  autres  vices  les  abandonnent  avec 
l'abondance  6c  l'oifiveté.  La  fubliflance  du  monde  ani- 
mal nous  fournira ,  d'après  Derham  ,  fix  remarques  in- 
térelTantes  :  la  première  regarde  le  maintien  d'un  auiïï 
grand  nombre  d'animaux  répandus  dans  toutes  les 
parties  du  monde  :  la  féconde  eft  prife  de  la  quantité 
de  nourriture  végétale  &  animale  proportionnée  à  ceux 
qui  la  coniluncnt  :  la  troifieme  ,  de  la  quantité  di^s 
alimens  converiables  à  la  diverfité  des  créatures  vivan- 
tes ;  en  effet,  les  alimens  les  plus  utiles  font  les 
plus  univerfels  Si  les  plus  abondans  :  la  quatrième, 
de  la  pâture  particulière  qui  fe  trouve  dans  chaque 
lieu  convenable  aux  animaux  qui  y  ont  été  deitinés  ; 
pâture  qui  femble  fuivre  rinfiuenc€  des  climats ,  dont 
les  degrés  naiffent  de  la  nutation  de  l'axe;  de  là, 
iàns  doute ,  les  migrations  forcées  des  animaux  :  k 
cinquième ,  de  l'admirable  &  curieux  appareil  d'or- 
ganes qui  fervent  à  amailér  ,  à  préparer  &  à  digérer 
la  noiirriuire  :  la  fixieme  eniin  ,  de  la  fagacité  mcr- 
veilleufe  qui  les  conduit  à  trouver  leur  nourriture 
propre  ,  &  à  en  faire  provision.  Toutes  ces  vérités 
Gont  nous  ferons  l'application  dans  chaque  claffç 
d'animaux ,  font  des  plus  curieufes  &  des  plus  im- 
portantes, yojei  maintenant  les  articles  CARNIVORE  , 
Frugivore. 

Quoique  les  efpeces  des  animaux  paroiilent  ,  dit 
M.  Daiihenton  (Encyclop.  méth.)  moins  nombreufes  qii^ 
celles  des  plantes ,  il  ne  feroitpas  poilible  de  les  diftinguer 
chacune  en  particulier ,  fi  Pon  n'employoit  l'art  des 
diflributions  méthodiques  pour  les  claiier  :  plus  les  pro- 
duûions  de  la  nature  font  organifées ,  plus  elles  ont  de 
caractères  diilindifs.  Les  grandes  &:  principales  diffé- 
rences des  animaux  doivent  fe  trouver  dans  la  conforma- 
tion de  leiir  corps ,  relativement  à  l'économie  animal^. 

Y  4 


344  A    N    I 

La  plupart  ces  animaux  ont  une  tête  êc  un  cerveau  ; 
il  n'y  a  qu'un  petit  nombre  d'efpeces  auxquelles  ces 
parties  manquent  :  il  y  a  un  plus  grand  nombre 
d'animaux  qui  n'ont  pas  les  organes  de  l'odorat  ni 
de  l'ouïe. 

Les  anciens  ont  divifé  les  animaux  en  ceux  qui  ont 
du  fang  &  ceux  qui  n'en  ont  pas.  La  première  clafîe 
étoit  lubdivilëe  en  deux  autres  ,  dont  l'une  compre- 
noit  les  animaux  qui  ont  un  poumon  pour  organe  de 
la  refpiratlon  ;  dans  cette  flibdivifion  ,  il  y  en  a  qui 
reçoivent  de  l'air  6c  refpirent  fréquemijient  :  il  y  en 
a  qui  mettent  de  longs  intervalles  entre  l'infpiration 
^  l'expiration.  L'autre  lubdivifion  comprenoit  les 
animaux  qui  reçoivent  Tair  par  des  ouïes ,  il  £iut  y 
ajouter  ,  ou  par  des  ftigmates  ;  on  ne  voit  dans  d'au- 
tres animaujc  aucune  entrée  apparente  pour  l'air. 

Il  efl  remarquable  que  le  cœur  des  animaux  qui 
ont  un  poumon ,  a  deux  ventricules  ou  n'en  a  qu'un 
feul.  Dans  quelques  efpeces  d'animaux ,  le  cœur  a 
différentes  confbrmxations ,  ou  eil  inconnu.  Ceux  dont 
le  cœur  a  deux  ventricules,  font  vivipares  :  les  ani- 
maux dont  le  cœur  n'a  qu'un  ventricule  ,  font  les  qua- 
drupèdes ovipares  &  les  ferpens ,  c'eft-à-dire  ,  ceux 
qui  forment  la  clafle  des  Amphibies  dans  le  fyflême 
de  M.  Linnœus. 

Les  oifeaux  cependant  font  ovipares  ,  quoique  leur 
cœur  ait  deux  ventricules  ;  en  confultant  les  anlcUs 
Vivipare  &  Ovipare  ,  on  reconnoîtra  que  le  fœtus 
des  vivipares  fort  de  leur  corps  tout  formé  ,  tandis 
que  chez  les  ovipares ,  il  eft  encore  dans  un  œuf  au 
ibrtir  du  fein  de  fa  mère. 

Voilà  les  principaux  cara£leres  qui  ont  été  pro- 
pofés  pour  faire  des  diflributions  méthodiques  ài^^ 
animaux. 

M.  Linnœus  divife  les  animaux  en  iix  cîafles  :  la 
première  comprend  les  quadrupèdes  ;  la  féconde  ,  les 
vif  eaux  ;  la  troifieme  ,  les  amphibies  ;  la  quatrième  , 


_      A     N    I  _34ï 

les  poijfons  ;  la  cinquième ,  les  infecîes  ^  &  la  fixieme 
les  vers. 

M.  Danhcnton  a  propofé  une  diflribution  des  ani- 
maux en  huit  ordres  ^  fous  les  dénominations  connues 
de  quadrupèdes ,  de  cétacies  ,  û'oifeaux  ,  de  quadrupèdes 
evïpares ,  de  ferpens  ,  de  poijfons ,  à^'mfecles  &  de  v^/i:. 
Il  défigne  ainfi  chacun  de  '  ces  huit  ordres  par  des  ca- 
raderes  évidens ,  très-faciles  à  reconnoître  fur  le  corps 
des  animaux  :  on  les  voit  à  l'extérieur.  Par  exemple  : 

I .®  Quatre  pieds  &  du  poil  ,  pour  les  quadrupèdes, 

2,.°  Des  nageoires  fans  poil ,  pour  les  cétacies. 

3 .°  Des  plumes  ,  pour  les  oij'eaux. 

4.°  Quatre  pieds  fans  poil  ,  pour  les  quadrupèdes 
ovipares. 

5.^  Des  écailles  ,  fans  pieds  ni  nageoires,  pour  les 
ferpens. 

6."  Des  écailles  &  des  nageoires  ,  pour  les  poijfons, 

7.°  Des  antennes  ,   pour  les  infecies. 

8.**  Ni  pieds  ni  écailles,  pour  les  vers. 

Ces  caradleres  fuffifent  pour  défigner  les  huit  ordres , 
mais  ils  ne  peuvent  indiquer  la  place  que  doit  occuper 
chaque  ordre ,  lorfqu'on  veut  les  ranger  tous  fuccef- 
fivement  fur  une  même  ligne  ,  en  commençant  par 
les  animaux  qui  ont  le  plus  d'organes  ,  6c  en  finiflant 
par  ceux  qui  en  ont  le  moins.  Aufîi  M.  Dauhenton  , 
pour  faire  cet  arrangement ,  a-t-il  tiré  de  la  confor- 
mation des  animaux ,  des  caraderes  de  plus  grande 
valeur  &  qui  ont  plus  d'importance  dans  l'économie 
animale.  Il  a  expcfé  fur  un  tableau  les  grandes  diifé- 
rences  qui  fe  trouvent  dans  la  conftltution  des  ani- 
maux par  rapport  à  la  tête  ,  au  cerveau ,  aux  fens , 
au  cœur ,  au  fang ,  &;  à  la  refpiration ,  afin  de  les 
combiner  les  unes  avec  les  autres ,  &  toutes  avec  les 
huit  ordres  d'animaux  cités  ci-deffus. 

On  voit  fur  ce  tableau  que  les  animaux  viv' parcs 
font  plus  organifés  que  les  ovipares  ,  parce  qu'ils  ont 
une  tàe ,  un  cerveau  ^  les  fens  de  l'odorat  &  de  l'ouïe , 


34^     .  .  -^     N     V 

c'eil-ci-dire  ,  des  narines  Se  des  oreilles  ,  deux  ventricules 
dans  le  cœur  ,  le  fang  chaud  y  les  inJpLrations  6c  expi^ 
rations  de  l'air  fréquentes  ,  comme  les  ovipares  les  plus 
organifés  (  les  oifeciux  )  ,  ^  des  ma?nclUs  qui  man- 
quent à  ces  derniers.  Les  ordres  des  vivipares  doivent 
donc  avoir  les  premières  places  :  il  y  eu  a  deux  ^ 
qui  font  les  quadrupèdes  ,  6l  les  cétacèes,  L^ordre  à(^^ 
quadrupèdes  mérite  d'être  le  premier,  parce  que  ces 
animaux  ont  les  memlDres  plus  développés  i^w^  le^ 
cctacécs.  Quant  à  V homme  ,  qui  eft  auiîi  de  lorcre 
des  vivipares ,  M.  Dcubcnton  lui  a  réf^rvé  une  place 
de  prééminence  ,  comme  le  plus  paifaii:  de  tous  les 
êtres  de  la  Nature. 

L'ordre  des  oifeaux  mérite  d'être  à  la  troifieme  place^ 
parce  que  ,  fuivant  les  conditions  admiies  fur  le  ta- 
bleau ,  par  notre  favanî  Auteur ,  ils  n  ont  que  les  mar 
melles  de  moins  que  les  cétacées  ôc  le^  quadrupèdes.' 
Ils  ont  aufîi  deux  ventricules  au  cœur  &:  le  fang  très-chaud. 

Les  deux  ordres  de  quadrupèdes  ovipares  <Sc  des  fer- 
pens  ,  doivent  être  placés  après  les  oifeaux ,  parce  qu'ils 
ont  des  poumons  ,  &  que  ces  vlfceres  manquent  à  tous 
les  autres  anim^aux  ovipares ,  excepté  les  oiieaux.  L'or- 
dre des  quadrupèdes  ovipares  ,  doit  être  mis  à  la  qua- 
trième place ,  immédiatemient  après  les  oifeaux.  Les 
ferpens  n'ayant  point  de  pieds ,  font  le  cinquième  or- 
dre. Ces  deux  ordres  d'animaux  étant  ovipares  ,  font 
fans  mamelles  ;  ils  n'ont  c^x^un  feul  ventricule  dans  le 
cœur ,  le  fang  prefque  froid ,    6c  refoirent  lentement. 

L'ordre  des  poiffons  ell:  le  dernier  des  animaux  ovi-. 
pares ,  qui  ont  les  fens  de  l'odorat  &  de  l'ouie  ,  le 
cœur  compcfé  à^  un  feul  ventricule,  cx  le  fang  prelquc 
froid.  Les  poiiTons  différent  des  ferpens  en, ce  qu'ils  ne 
reçoivent  l'air  que  par  Ats  ouïes.  Ainfi ,  continue  M. 
Daubenton ,  ils  doivent  être  placés  au  fixicme  rang  , 
&  faire  le  fixieme  ordre. 

Les  infectes  &  les  vers  ne  pouvoient  être  placés  qiie 
dans  les  deux  derniers  ordres  du  tableau  ,  parce  qu'ils 


A    N    I  ^         347 

font  privés  des  fens  de  l'odorat  &  de  l'ouïe ,  &  qu'ils 
n'ont  qu'une  liqueur  blanchâtre  au  lieu  de  fang.  L'ordre 
des  infecîes  eil  le  feptieme ,  parce  que  l'entrée  de  l'air 
dans  leur  corps  ,  eft  apparente  ,  par  des  Jiigmates ,  & 
qu'ils  ont  une  tcte  ,  un  cerveau  ,  &  un  vif  arc ,  auquel 
on  attribue  les  fondions  du  cœur. 

L'ordre  des  vers  occupe  le  huitième  &  dernier  rang  : 
ils  ne  font  placés  qu'après  les  infeâes  ,  parce  qu'ils 
n'ont  pas  tous  une  tête  ,  un  cerveau  ou  un  vifccrc  qui 
faiîe  les  fon£lions  du  cœur  ,  ni  des  ouvertures  appa- 
rentes &:  deilinées  pour  l'entrée  de  l'air  dans  leur 
corps. 

Nous  terminerons  cet  article  H  important,  par  un 
extrait  fort  curieux  de  ce  qui  a  été  dit  fur  les  degrés 
de  chaleur  des  dittérens  animaux.  Cette  digreflion  offre 
des  caraderes  affez  importans ,  par  rapport  à  ce  qui 
efl  dit  dans  la  Méthode  de  M.  Dauhenton, 

La  chaîeiu'  des  animaux  eft  fort  différente,  fuivant 
la  variété  de  leurs  efpeces  &  celle  des  faifons.  Les 
Zoologiiles  les  ont  divifés ,  avec  affez  de  fondement , 
en  chauds  &  en  froids ,  c'eft-à-dire  ,  refpedivement  à 
nos  fens.  Le  Do£leur  Martin  dit  qu'on  appelle  câ^//û'^ 
ceux  qi-ii  approchent  de  notre  propre  température  , 
tandis  que  nous  regardons  comme  froids  tous  ceux 
dont  la  chaleur  efl  fort  au-delTous  de  la  nôtre  :  il  pa- 
roit,  félon  les  expériences  de  cet  Obfervateur,  que 
les  animaux  font  tous  un  peu  plus  chauds  que  le  mi- 
lieu dans  lequel  ils  vivent.  Les  infeftes  font  \\n  fujet 
d'étcnnement  pour  nous  ;  car  ,  quoiqu'ils  paroiflcnt 
les  plus  tendres  &:  les  plus  délicats  de  tous  les  animaux , 
ils  font  cependant  ceux  qui  peuvent  fupporter  jufqu'ù 
\in  certain  degré  les  grands  froids.  On  en  a  vu  un 
exemple  frappant  dans  les  rudes  hivers  de  1709  & 
1719  ,  où  les  œufs  des  infeâ:es  &  les  chryfalides  échap- 
pèrent à  la  violence  du  froidqui  fut  infvipportable  aux 
animaux  les  plus  vigoureux.  Tous  les  infedes  font 
placés  communément  parmi  les  animaux  froids  ;  miais 


•34S      ^       ^         A    N    I 

îl  y  a,  à  cet  égard ,  une  exception  fort  finguliere  dans 
la  chaleur  des  abeilles  ,  puifqu'un  efiaim  de  ces  inleâ:es 
fait  ibuvent  monter  le  thermomètre    à  un  degré    de 
chaleur  à  peu  près  lemblable  à  celle  dont  nous  jouiA 
fons,  6c  qui  eu  de  30  à   35  degrés.    Les  huîtres  & 
les  moules  ont  très-peu  de  chaleur ,  ainfi  que  les  ani- 
maux qui  ont  des  ornes  :   les  f'erpens   n€   font    guère 
que  de  deux  degrés  plus  chauds  que    l'air   qu'ils    ref- 
pirent  :  les  grenouilles  Ôc  les  tortiies  de  terre    en  ont 
cinq  :  en  général ,  la  claiîe  des  tortues ,  des  crapauds  , 
^  fur-tout  des  ferpens ,  n'eit  pas  capable  de  fupporter 
de  fort  grands  froids.  Ces  animaux  font ,  à  la  vérité  , 
commxe  engourdis  dans  cette  falfon ,  &  ne  perdent  que 
très-peu  de  fubflance.  Les  oifeaux  font  les  plus  chauds 
•de  tous  les  animaux  ;  on  en  peut  faire  l'expérience  far 
la  volaille  d'une  baffe-cour,  même   fur  des   perdrix  , 
6zc,  Les  hommes  font  prefque  les  derniers  de  la  clafTe 
des  animaux  chauds  :  ainli  les  quadrupèdes  ordinaires , 
comme  les  chiens ,  les  chats ,  les  moutons ,  les  bœufs , 
font  plus  chauds  que  l'elpece  humaine  ,    èc    les  ani- 
maux de  mer  refpirans  par  les  poumons ,  ou  les  cétacées , 
font  aufîi  chauds  que  les  belliauLx.  On  fait ,  par  ex- 
périence ,  que  tous  les  animaux  qui  ont  des  poumons , 
ont  le  fang  beaucoup  plus  chaud  que  ceiLx  qui  n'en 
ont  point.  C'eil  même  une  règle  générale  que  le  fang 
de  ceux  qui  ont  des  poumons  ,  efl  d'autant  plus  chaucÇ 
que  leurs  poumons  font  plus  grands. 

Nous  ajoutons  que  l'influence  des  climats ,  la  qualité 
du  fol ,  le  mélange  des  individus  6c  d'autres  circon- 
ilances  peuvent  auffi  occafionner  des  variétés  dans  la 
couleur  des  animaux  ,  indépendamm^ent  de  celles  de  la 
mue.  Les  hommes  offrent  toutes  les  teintes  du  blanc 
au  noir  ,  fuivant  les  régions  qu'ils  habitent.  Foyei 
à  Vartïck  HoMME.  Il  y  a  peu  de  brutes  qui  n'ait  une 
couleur  particulière  à  f<a^  efpece  ;  on  en  voit  cependant 
dont  la  teinte  efl  diamétralement  oppofée  ;  notre  taupe 
vulgaire  elt  noire ,  il  s'en  trouve  de  blanches.  La  Virginie 


A    N    I  349 

a  des  rats  blancs ,  &  l'Europe  des  foiiris  blanches.  Parmi 
les  autres  quadrupèdes  ,  on  trouve  l'ours  blanc  ,  le 
renard  blanc  ,  qui  habitent  le  Groenland  6c  le  Canada, 
La  Prulîë  &  la  Suéde  fournifîent  des  lièvres  qui  changent 
régulièrement  de  couleur  deux  fois  l'année  ;  au  milieu 
de  l'hiver  ,  ils  font  parfaitement  blancs  ,  &c  deviennent 
gris  ou  roufsâtres  en  été.  Ceux  du  Canada  &  de  la 
Laponie  éprouvent  le  même  changement.  Pluiieurs 
bipèdes  font  fujets  à  cette  efpece  de  métamorphofe. 
On  connoît  le  moineau  blanc  ,  la  linotte  blanche  ,  la 
perdrix  blanche  ,  la  pie  blanche  ,  l'aigle ,  le  paon  :  il 
y  a  aufîi  des  vautours  ,  des  faucons  ,  des  corbeaux  , 
des  choucas  ,  des  ramiers  ,  des  étourneaux  ,  des  merles 
6c  des  alouettes  dont  le  plumage  efl  blanc.  On  obierve 
que  prefque  tous  ces  animaux  fmguliers  ne  fe  trouvent 
guère  que  dans  le  Nord  ou  dans  les  montagnes  couvertes 
de  neige.  Confultez  les  expériences  fur  Us  animaux  & 
les  végétaux  v'ivans ,  relativement  au  pouvoir  qu ^ils  ont 
d^ engendrer  de  la  chaleur  ^  par  M.  Jean  Humer  ^  Mem.brs 
de  la  Société  Royale  de  Londres,  Journal  de  Phyf,  & 
d'Hifî,  Natur,  Avril  lyyy ,  Janvier  &  Février  lySi.  l\ 
paroit  que  la  chaleur  animale  éprouve  une  diminution 
pendant  le  fommeil. 

Animalclle  5  Animalculum.  Depuis  l'invention  du 
microfcope  ,  on  a  découvert  dans  les  infufions  des 
graines  6c  des  plantes  ,  un  nouveau  monde  d'êtres 
infiniment  petits  ;  ce  font  des  globules  ^  des  atomes 
animés  d'un  m_ouvement  de  vie  ,  6c  que  plufieurs 
Obfervateurs  ont  regardes  comme  de  vrais  animaux, 

Leuwenhoek  eflime  que  mille  millions  de  corps  mou- 
vans  ,  que  l'on  découvre  dans  l'eau  commune  ,  ne  font 
pas  auiîi  gros  qu'un  grain  de  fable  ordinaire.  M.  de 
MaU^^eu  a  vu  au  microfcope  des  animaux  vingt-fept 
millions  de  fois  plus  petits  qu'une  mite.  On  eflim^ 
qu'il  y  en  a  d'ovipares  6c  de  vivipares.  Peut-être  y 
en  a-t-il  ,  qui  ,  comme  les  polypes  à  bouquet  , 
ie  propagent   par  des    divifions  &:  des  fvibdivlfiçus 


35<^  AN    I 

naturelles.  Leur  exiilence  dans  les  liqueurs  fermentef- 
cibles  ,  dans  le  levain  ,  dans  les  fucs  des  animaux  , 
&  dans  beaucoup  de  fluides ,  n'efl  point  une  chimère , 
une  hypothefe  curieufe  ,  dans  laquelle  fe  joue  Pelprit 
de  l'homme  ,  fous  une  fauiTe  apparence  de  vérité.  Les 
ammalcuks  ont  une  liqueur  qui  leur  tient  lieu  de  fan<y  , 
&  ils  ont  des  fens  appropriés  à  leur  condition.  Si  l'on 
prend  une  goutte  d'eau  d'huître  ou  de  celle  où  des 
plantes  ont  féjourné ,  &  qu'on  l'examine ,  au  moyen 
d'une  bonne  loupe  de  microfcope  ,  on  verra  un 
grand  nombre  d'atomes  vivans  ,  qui  tantôt  fe  meuvent 
&  nagent  en  toutes  fortes  de  dirediions  ,  &  tantôt 
palï'ent  du  repos  à  un  mouvement  rapide  ,  fans  y  être 
déterminés  par  une  impulfion  étrangère.  îl  ont  donc 
des  efprits  animaux  qui  fe  portent  dans  leurs  mufcles , 
&  y  produifent  les  divers  jeux  dont  ces  mouvemens 
dé|Denclent.  Ces  animalcules  ne  paroiilent  pas  privés  de 
la  vue  ,  puifqu'ils  indiquent  la  fpontanéité;  ils  s'évitent 
eux-mêmes  en  nageant ,  fe  détournent  à  l'approche 
de  quelque  objet  ,  &  fuient  adroitement  les  obiîacles 
qui  s'oppofent  à  leur  paffage  dans  la  goutte  d'eau  qui 
eit  pour  eux  un  Océan.  Ils  favent  môme  chercher 
les  nourritures  qui  leur  conviennent.  Il  faut  avouer 
que  notre  imagination  fe  contbnd  dans  les  deux  points 
extrêmes  de  la  Nature ,  la  grandeur  &.  la  pctiujfc,  A 
l'égard  de  l'état  primitif  des  animalcules ,  c'ell  un  monde 
invifible  dont  le  domaine  eft  fort  étendu  :  c'eil  la 
région  des  pollibles.  Quel  nouvel  abyme  s'ouvre  ici 
à  notre  vue  ,  &;  comment  l'imagination  oferoit-elle 
regarder  dans  cet  abyme  ;  difons  cependant  ,  avec 
îe  profond  MaUbranchc  ,  que  la  raifon  n'en  efl  point 
eflrayée  ;  rien  ne  choque  ici  la  bonne  phyfique  &  la 
jaine  logique.  Foyc^  maintenant  les  articles  Molécules 
ori^aniques  ,    Saïunce  ,    (Eiif, 

Animal  du  musc.  Voyc^  Porte-musc. 
Animal  fleur.  Voyc^  a  VanicU  Zoophyte» 
■    ANiMÉ,   Voyii  RÉSINE  animé. 


A    N    I  5jf 

ANINGAIBA»  Arbre  du  Bréfil  qui  croît  dans  l'eau 
&  s'élève  à  la  hauteur  de  fix  pieds  ;  il  ne  pouffe  qu'une 
feule  tige  fort  caffante  ,  géniculée  &  grisâtre  ;  elle 
porte  à  fon  extrémité  des  feuilles  larges  ,  épaiiTes  , 
liffes  ,  &:  qui  ont  quelque  relîemblance  avec  celles 
du  néniifar  ;  des  airelles  de  fes  feuilles  fortent  des 
fleurs  grandes  ,  concavt?s  ,  monopéîales  ,  d'un  jaune 
pâle  ,  auxquelles  fuccedent  des  fruits  de  la  figure  ôc 
de  la  groffeur  d'un  oeuf  d'autrucbe  ,  verts  &  pleins 
d'une  pulpe  blanche  ^  qui  prend  en  mùriffant  une  faveur 
ferineufe.  Dans  des  temps  de  diiette  on  fait  ufage  de 
ce  fî-uit  ;  mais  l'excès  en  e(l  dangereux  ,  car  cette  pulpe 
Cil:  froide  &:  venteufe.  Les  Nègres  emploient  fon  bois , 
qui  efl  léger  &  compacfe  ,  à  faire  des  bateaux  à  trois 
planches  aiTemblées.  Les  Naturels  du  pays  tirent  de  la 
racine  bulbeufe  de  cette  plante  une  huile  par  expreiîion , 
qu'on  fubflitue  à  celle  du  nénufar  &:  du  câprier  , 
qu'on  emploie  pour  les  douleurs  de  la  goutte  récente 
&  invétérée. 

ANJOUVIN.    Voy^i  Lînotte. 

ANIS  ordinaire.  Anifum  vulgare  ,  kcrbanis.  Bauhw 
Pin.  159  :  Plmplnella  àn'ifum  y  Linn.  :  Ap'ium  Anij'um 
dicîiim  yfemine  fuavh  elente  ,  mcijorï  {&  minorl.  )  Tourn. 
305.  Plante  annuelle  ,  dont  les  fleurs  font  petites  , 
blanches  ,  en  rofe ,  difpofées  en  parafol.  Sa  tige  s'élève 
d'environ  deux  pieds  ;  elle  efl  branchue ,  cannelée  ^ 
pubefcente  &  creufe.  Ses  feuilles  flipérieures  font  d'un 
vert  gai ,  très  -  découpées  ;  les  fruits  font  ovoïdes  , 
compofés  de  deux  petites  femences  d'un  vert  grisâtre  ^ 
convexes  &:  cannelées  fur  le  dos ,  d'une  odeur  ^L 
d'une  faveur  douce  &:  très-fuave  ,  mêlée  d'une  acri- 
monie agréable.  Toute  la  plante  efl  aromatique  ;  fa 
racine  eit  menue  ,  annuelle  ,  fibrée  &  blanche. 

La  femence  d'^/^ij  efl  propre  à  chaffer  les  vents  ; 
elle  efl  cordiale ,  flomachique  &  digeflive.  On  l'emploie 
heureiifement  dans  l'enrouement  &  la  toux  :  elle  efl 
fmfc  la  première  au  rang  dss  quatre  i^^ençes  chaudes  ^ 


35i  A     N    I 

lefquelles  font  Vanis  ,  le  finaud ,  le  cumin  &C  le  carvî^ 
On  retire  par  diilillation  6c  par  exprefîion  de  la  femence 
d'anis ,  une  huile  verdâtre  ,  odorante ,  agréable  au  goût 
&  d'une  bonne  odeur  ,  que  l'on  dit  propre  à  guérir 
les  contufions  des  parties  nerveufes  ,  appliquée  exté- 
rieurement. L'huile  d''anis  fe  fige  ailément  au  moindre 
froid  ;  elle  eR  û  fubtile ,  que  l'on  en  découvre  l'odeur 
dans  le  lait  que  l'on  tire  après  en  avoir  fait  ufage. 
L'unis  couvert  de  fucre  forme  de  petites  dragées  agréables 
au  gcùt  :  elles  corrigent  la  mauvaife  haleine ,  fortifient 
l'eftomac ,  diiTipent  les  vents ,  facilitent  la  digeiiion  , 
&  procurent  abondamment  du  lait  aiLx  nourrices.  Cette 
plante  croît  naturellement  dans  l'Italie  ,  la  Sicile , 
l'Egypte ,  &  les  autres  réglons  du  Levant.  On  en 
cultive  beaucoup  en  France ,  fur-tout  dans  la  Touraine, 
Sa  iemence  eil  employée  dans  plulieurs  ratafias  &c 
autres  liqueurs  ,  dans  certaines  pâtiliéries  :  du  côté  de 
Rome  on  en  met  dans  le  pain ,  ainfi  qu'en  Alle- 
magne ,  oii  il  eil  d'uiage  dans  les  cabarets  de  fervir 
fur  des  afliettes  Vanis  ,  6c  fouvent  le  cumin  ,  qu'on 
mange  avec  le  pain. 

Anis  étoile  de  la  Chine  ,  ou  Badiane  ,  ou  Anis 
DES  Indes  ,  ou  Anis  de  Sibérie  ,  Amjum  Indicum 
Jcellatum  ^  Badian  diciam,  Illïcïum  anïfatum  ,  jlonbus  fla- 
vejcentibus ,  Linn.  :  jjnifum  peregrinum  ,  Bauh.Pin.  i  59.: 
Anifum  PhUipplnarum ,  Cluf.  C'efi:  un  arbre  médiocre 
ou  un  arbufte  qui  croît  naturellement  dans  la  Tartarie , 
la  Chine  ,  le  Japon  &  les  Ifles  Philippines.  Cet  arbufte 
efl:  gros  &  branchu  ;  il  s'élève  à  la  hauteur  de  douze 
pieds  &  plus  ,  à-peu-près  comme  le  cerifier  :  de  {ts 
branches  fortent  des  côtes  feuillées ,  ornées  de  onze , 
treize  &  quinze  feuilles  alternes  ,  pointues  ,  larges  d'un 
pouce  &  demi ,  &  longues  de  plus  d'i^je  palme.  Ses 
Seurs  ont  leize  pétales,  lont  en  grappes  ,  6c  paroiffent 
comme  un  amas  blanc-jaunâtre  de  plufieurs  chatons  : 
à  ces  fleurs  fuccedent  des  fruits  dont  la  fig\ire  reffemble 
^  celle  d'une  étoile  ^  compoiés  de  C^ ,  de  fept  6c  de 

neuf 


A    N    ï  3Î3 

îneuf  capfuîes  ,  ou  ovalaites  ou  triangulaires ,  réunies 
à  un  centre  commun  en  manière  de  rayon.  Ces  caplules 
Ont  deux   écorces  :  une  extérieure  ,  raboteuie  &c  de 
couleur  obfcure  ;  l'autre  intérieure  eu  prefque  oûeufe  , 
lilTe  ^  liiifante.  Chaque  capfule  ,  qui  eu  ouverte  par  la 
partie  fupérieure  ^  contient  une  femence   ovoïde  qui 
renferme ,   fous    une  coque  mince ,    fragile   6c   d'un 
gris  roufs âtre  ,  une  amande  blanchâtre  5  graife  ,  douce  , 
agréable  au  goCit ,  &  d'une  faveur  qui  tient  le  milieu 
entre  Vûnis  &  le  fenouil ,  mais  plus  vive  ;  elle  abonde 
en  huile  efientielle ,  plus  fabtile  ,  plus  énergique  que 
celle  de  Vanis  ordinaire.  Canheufer  a  obfervé  qu'autant 
cette  femence  eil  huileufe ,  autant  fa 'capfule  eft  réfmeiife. 
Les  Orientaux  préfèrent  la  femence  de  badiane  à  celle 
àe  Vanis  d'Europe  &  àsx  fenouil.  On  l'a  appelée  vulgai- 
rement anis  des  Indes ,  à  caufe   de  la  grande  reffem- 
blance  de  fa   faveur  ^  de  fon  odeur  &  de  fes  vertus 
avec  notre  anis  :  il  a  même  toutes  fes    qualités  à  un 
degré  plus  éminent  ;   nous    l'avons   dit.  Les  Chinois 
mâchent  fouvent  de  la  badiane  après  le  repas ,  pour 
faciliter  la  digellion  ^  pour  fe  parfumer  la  bouche  ,  & 
pour  fortifier  PellomaG  :  c'efl  encore  un  pulfiant  diuré- 
tique ;  ils  l'infufent  auffi  avec  la  racine    de   gens-eng 
dans  l'eau  chaude ,  &  ils  boivent  cette  efyece  de  thé 
pour  rétablir  les  forces  abattues  &  récréer  les  efprits. 
Ils  font  encore  dans   l'ufage  de  mêler  la  femence  de 
badiane  RYQC  le  thé^  le  café  ,  &  d'autres  liqueurs  ,  pour 
les  rendre  plus  agréables.  Aujourd'hui ,  les  Indiens  pré- 
parent  im  efprit  ardent  avec   ce  fruit.  Plus  commAi- 
lîément  ils    en   obtiennent   une  liqueur   vineufe ,   au 
moyen  de  la  fermentation  dans    l'eau.  Cette  liqueur 
anilée  efl  une  efpece  d'arak  très-eflimé  chez  les  Hollan-' 
dois ,  dans  les  Indes  ^  &  chez  les  Naturels  du  pays  :  on  en. 
met  dans  le  forbet  &:  dans  le  thé ,  pour  les  rendre  plus 
agréables  ;  &  il  paroit  que  cet  anis  ell  la  bafe  du  fam.eux 
ratana  de  Bologne,  ou  de  la  liqiieur  appelée  badiane  , 
&  badiane  des  Indes,  Le  bois  de  l'arbuûe  badianifere^ 
Tome  I,  It    , 


■354  .A    N    I 

eft  roux ,  dur  ,  fragile  ,  &c  a  l'odeur  d'^anls  ,  ce  quî  le 
fait  nommer  auffi  bois  d'anis.  Le  bois  du  perfea  a  encore 
l'odeur  (ï'aTiis,  Ils  s'emploient  l'un  6c  l'autre  aux 
ouvrages  de  marqueterie  6c  de  tour. 

Le  célèbre  Kœmpfir  (  Amœnitates  cxoticcz  ,  p.  8o  )  , 
appelle  Vaiûs  étoile ,  Somo  y  skimmi.  Il  trouva  cet  arbuile 
dans  le  Japon;  6c  il  obferve  que  les  Japonois  6c  les 
Chinois  le  regardent  comme  une  plante  facrée  ;  ils 
i'ofFrent  à  leurs  pagodes  ,  6c  en  brûlent  l'écorce  comme 
un  parfum  fur  leurs  autels.  Ces  Peuples  étendent  les 
branches  de  cet  arbre  fur  les  tombeaux  de  leurs  amis , 
6c  les  y  placent  comme  une  offrande  précieufe  à  leurs 
mânes.  Les  gtirdes  publics  en  pulvéril'ent  l'écorce  qui 
eit  aromatique ,  6c  en  confervent  la  poudre  dans  de 
petites  boîtes  alongées  en  manière  de  tuyau  ,  dont 
voici  l'ufage.  On  met  le  feu  à  cette  poudre  par  une 
des  extrémités  du  tuyau  ,  6c  comme  elle  fe  confume 
d'ime  m.aniere  uniform.e  6c  très-lentement ,  lorfque  le 
feu  eft  parvenu  à  une  diilance  marquée ,  alors  les  gardes 
ibnnent  une  cloche  ,  6c ,  par  le  moyen  de  cette  efpece 
d'horloge  pyrique  ,  ils  annoncent  l'heure  au  public. 
Le  même  liœmpfer  ajoute  que  cette  plante  augmente 
fmguliérement  la  violence  du  poifon  que  fournit  le 
poifTon  nommé  tetraGdon  ocellatus  ^  (  le  petit  -  monde  , 
efpece  de  quatrc-dents.  )  Confultez  LiNN.  Syjl.  nat.  p.  333. 
Ce  poifTon  efl  le  bladderfish  des  Anglois.  La  plante  décrite 
par  Rumphiiis  ,  fous  le  nom  de  rex  amoris  ^  en  efl  le 
contre-poifcn  le  pkis  aiïiu'é. 

Au  mois  d'Avril  1765  ,  l'un  des  Nègres  de  William 
Clifton  ,  Juge  en  chef  de  la  Flohde  Occidentale  ,  dé- 
couvrit une  efpece  à^anis  étoile  dans  un  terrain  maré- 
cageux ,  près  de  la  ville  de  Peniacola.  A  la  fin  de 
Janvier  1766,  M.  Bartram^  Botanifle  du  Roi  d'An- 
gleterre ,  découvrit  aufTi  ce  même  arbriffeau  fur  les 
Bords  de  la  rivière  de  Saint- Jean  de  la  Floride  Occi- 
dentale. Les  plus  fortes  gelées  ne  nuifent  pas  à  zoX. 
arbufle   qui  efl  toujours  vert  ^   d'un  aromate  très- 


.      ,A    N    î  ^     55Î 

sgréable.  L'arbufte  s'élève  à  la  hauteur  de  20  pieds.  Leâ 
feuilles  de  cet  arbre  fourniffent  un  amer  très-floma- 
chique  ;  elles  ont  à  peu  près  l'odeur  du  failafras. 
L'écorce  d'un  jeune  jet  putréfiée  dans  un  vafe  rem- 
pli d'eau  ,  donne  un  beau  mucilage  &:  très-clair.  Les 
fleurs  nouvelles  ,  miles  dans  l'eau  ,  fe  colorent  en 
rouge  ;  fi  on  y  verfe  un  peu  d'huile  de  tartre  par  dé- 
faillance ,  la  liqueur  les  changera  en  brun  clair  ;  Thuile 
de  vitriol ,  au  contraire ,  leur  procure  une  couleur  lem- 
blable  à  celle  du  plus  beau  carmin.  Les  rayons  du  fruit 
font  au  nombre  de  ai  à  27  ,  dont  11  à  13  mùrifient 
exa£lement. 

Il  paroît  que  l'arbufle  badian  de  la  Floride  ,  décrk 
par  M.  Ellïs  ,  &  connu  des  Botanifïes  Anglois ,  efl 
Vlllicïlun  FLoridanum  ,  fioribus  rubris ,  Linn.  ;  c'eil  une 
efpece  nouvelle  &  différente  de  Vanis  étoile  de  la 
Chine  &  du  Japon ,  car  les  caraâ:eres  botaniques  de 
Vanis  de  la  Floride  ne  font  pas  les  mêmes  que  ceu5^ 
indiqués  pour  la  badiane  diQS  Lndes  par  Linnczus  ,  qui , 
a  la  vérité  j  ne  les  avoit  expofés  que  fur  la  foi  de 
Kczmpfer. 

Uanis  étoile  de  la  Floride  a  fleuri  pour  la  première 
fois  au  jardin  du  Roi  de  France  en  1778.  En  voici  la 
defcription  :  Cet  arbufte  s'élève  peu  ,  au  moins  en 
Europe  ;  fon  écorce  eft  unie  &  brunâtre  ;  les  rameaux: 
font  alternes  ainfi  que  les  feuilles  ;  les  feuilles  font 
entières  ,  longues ,  aiguës  ,  fans  découpures  ,  portées 
par  de  longs  pétioles  fillonnés  en  deifus.  Les  fleurs 
naiffent  folitaires  dans  les  ailTelles  des  jeunes  rameaux  ; 
elles  font  foutenues  par  des  pédicules  longs  ,  cylin- 
driques &  foibles  ;  elles  font  hermaphrodites  :  la  co- 
rolle eil:  compofée  d'environ  dix  pétales ,  difpofés  fur* 
un  rang  autour  des  ovaires.  Entre  les  pétales  on  trouve 
un  fécond  rang  formé  par  environ  dix  nedaires  tubu- 
lés  ,  convexe  d'un  côté  ,  fillonné  de  l'autre*  Au  centre 
de  la  fleur  font  les  parties  fexu elles  ,  lefquelles  vue5 
de  face  ,  offrent  une  figure  radieufe.  L'amas  des  piftils 


356  A    N    N 

forme  un  grouppe  dans  le  milieu  de  la  corolle  ;  à  h 
bafe  du  groupe  les  étamines  font  difpofées  horizon- 
talement ;  elles  font  polees  entre  les  nedaires  &  les^ 
piûils ,  &  font  rangées  clrculairement  autour  des  pif- 
tils.  Le  filet  des  étamines  eft  très-court ,  &  l'anthère 
partagée  en  deux  loges  :  on  a  compté  treize  iligmates 
au  groupe  des  piftils ,  &  vingt  étamines  au  moins.  Cha- 
que piflil  a  pam  compofé  d'un  ovaire  ,  d'un  flyle  & 
d'un  ftigmate  en  forme  d'alêne.  L'arbrifTeau  n'a  donné 
<que  deux  fleurs  à  cette  première  floraifon.  Les  pétales 
^  les  ne  dan  es  n'étant  pas  en  nombre  égal  fur  les 
deux  fleurs  ,  on  pourroit  foupçonner  qu'il  n'efl  pas 
conilan.  Quant  au  calice  que  Kœmpfer  &  de  célèbres 
Botanifles  réduiiént  à  quatre  feuilles  ,  il  efl  certain 
que  celui  des  deux  fleurs  ,  qui  ont  été  peintes  &  gra- 
vées d'après  nature ,  avoit  cinq  feuilles  ,  dont  deux 
blanchâtres  &  oppcfees.  Le  fruit  qui  fuccede  à  la  fleur 
«Il  compofé  de  plufieurs  capfides  réunies  ,  difpofées 
en  étoile  tronquée  :  les  capftdes  devroient  naturelle- 
ment être  en  même  nombre  que  les  ovaires  ,  mais  il 
paroît  qu'une  partie  des  loges  avorte  ,  s'oblitère  & 
s'efFace  ;  car  on  examine  un  grand  nombre  de  fruits  > 
fans  y  rencontrer  plus  de  huit  capfules.  Ces  capfules 
font  réunies  à  un  centre  commun  ,  &  tiennent  tou- 
tes enfemble  :  chaque  capfule  forme  une  feule  loge 
qui  s'ouvre  dans  fa  longueur  &  renferme  une  graine , 
laquelle  eft  ovoïde  &  terminée  par  une  petite  pointe 
qui  efî  fouvent  recourbée. 

ANNEAU  DE  SATURNE.  C'efl  une  bande  lumi- 
neufe  qui  entoure  le  corps  de  la  planète  nommée 
Saturne  ,  fans  cependant  y  toucher.  Inconnu  à  toute 
l'antiquité  ,  cet  anneau  fut  découvert  par  Galilée  au 
commencement  du  fiecle  dernier.  Les  premiers  effais 
que  ht  ce  célèbre  Aflronome  des  lunettes  qu'on  venoit 
de  découvrir  ,  lui  firent  appercevoir  les  fatellites  de 
Jupiter  6c  Vanneau  de  Saturne.  Il  prit  ce  corps  pour 
.deux  fatsllites  dç  Saturne  ^  6c  il  ftit  fort  furpris  deux 


A    N    N  3Î7 

ans  après  de  ne  plus  les  retrouver.  Ce  ne  fut  qu'en 
1 6  5  5  5  que  M.  Huyghens  découvrit  que  c'étoit  un  an- 
neau lumineux  ,  fort  mince  &  prefque  plan  ,  qui  fe 
foutient  comme  une  voûte  ou  com^me  un  pont  fans 
piliers ,  autour  de  Saturne ,  qu'il  enveloppe  de  toutes 
parts  à  une  diftance  égale.  Le  diamètre  de  cet  anneau 
eu  à  celui  du  globe  de  Saturne  ,  comme  7  efl  à  3. 
L'efpace  vide  entre  le  globe  &  l'anneau  eft  à  peu  près: 
égal  à  la  largeur  de  celui-ci ,  6^  cette  largeur  eft  le 
tiers  du  diamètre  de  Saturne, 

On  ignore  l'ufage  de  cet  anneau  ii  extraordinaire, 
&  le  feul  que  l'on  voie  parmi  les  corps  céleiks.  M.  de 
Maupenuis  ,  dans  fon  Livre  de  la  figure  de  la  ttrre  , 
explique  ,  d'une  manière  ingénieufe  ,  la  formation  de 
cet  anneau.  Lors  ,  dit-il ,  que  les  comètes  retournent 
de  leur  périhélie ,  on  les  voit  traîner  de  longues  queues  ^' 
qui  vraifemblablement  font  des  torrens  immenles  de 
vapeurs  ,  que  l'ardeur  du  foleil  a  fait  élever  de  leur? 
corps  :  ii  une  comète  ,  dans  cet  état ,  palîe  auprès  de 
quelque  puifiante  planète ,  la  pefanteur  vers  la  planète 
doit  détourner  ce  torrent ,  &  le  déterminer  à  circuler 
autour  d'elle.  La  comète  fourniffant  toujours  de  nou- 
velle matière  à  chacun  de  ces  paffages  ,  ou  celle  qui 
étoit  déjà  répandue  étant  fuffifante ,  il  s'en  formera  urt 
cours  continu  ,  ou  une  efpece  d'anneau  autour  de  la 
planète.  La  comète  elle-même  peut  quelquefois  être 
entraînée  par  Taftre ,  &  forcée  de  circuler  autour  de 
lui  ,  devenir  un  fatellite  :  c'ell  ainfi  qu'ont  pu  peut- 
être  fe  former  les  fatellites  de  Saturne  6c  des  autres 
planètes. 

M.  D'ionls  du  Séjour  a  donné  un  Ouvrage  fur  les 
-phénomènes  relatifs  aux  difparitions  périodiques  de 
Vanneau  de  Saturne.  Il  n'efl  point  lumineux  par  lui- 
même  :  fembiable  à  toutes  les  planètes  ,  il  réfléchit 
îa  lumière  du  foleil.  Il  faut  donc ,  pour  qu'il  foit  vifi- 
ble ,  que  le  plan  éclairé  par  le  foleil  ,  foit  tourné  du 
côté  de  l'obiérvateur.  M.  du  Séjour  dit  qu'il  faut  prij> 


358  À  N  N  A  N  O 

cipalement  ccnnoitre  les  phafes  de  Vannzau  pour  en 
conllater  les  élémens ,  &  pour  en  conclure  les  phéno- 
mènes qui  doivent  avoir  lieu  dans  les  fiecles  à  venir;, 
la  méthode  trigonomëtrique  a  paru  trop  limitée  ,  & 
infuîTiiante  à  M.  du  Séjour.  La  connoillance  de  ces 
phénomènes  ne  pouvcit  ctre  que  le  réiultat  d'une  ana- 
îyfe  exade  &;  rigoureufe  ,  &  c'eil  ce  qu'a  fait  cet 
Auteur  ,  par  l'application  heureule  de  l'algèbre  à  l'af-- 
tronomie,  M.  Huygluns  avoit  développé ,  le  premier  ^ 
dans  Ion  SyJIcma  Saturnium  ,  la  véritable  théorie  des 
dii|3aritions  &  réapparitions  *  de  Vanneau  de  Saturne, 
j\près  avoir  rapporté  ce  qui  a  été  oblérvé  ,  M.  du 
Séjour  confidere  ce  qui  regarde  les  obfervations  futu- 
res ;  il  réiulte  de  fes  calculs,  qu'en  17b' 9  ,  r anneau 
difparoîtra  le  5  Mai  :  ce  phénomène  pourra  être  ob- 
fervé  le  matin  avant  le  lever  du  foie  il  ;  il  reparoîtra 
le  24  Août ,  difparoitra  le  1 6  Odobre  ,  &  reparoîtra 
le  30  Janvier  1790.  Les  années  1803  ,  1819  ,  1832^ 
^848  ,  1862,  1891  ,  feront  favorables  aux  obferva- 
tions par  les  phénomènes  d'apparition  &  de  diiparition 
que  cette  phafe  ronde  eu  anneau  doit  offrir.  Foye:!^ 
maintenant  C article  PLANETE.  Ccnfultez  aufïï  le  Mé- 
moire fur  les  anneaux  planétaires  par  M.  Diicarla  ^^ 
Journ,  de  Phyjique  ^  Mai  1^82, 

ANNONE.  Foyei  Cachimentier. 
ANNULAIRE  ,  Eruca  anmdaria ,  eil  la  chenille  que 
Mou§'et  a  appelé  nmfcria  ^  &c  M.  de  Réaumur  la  livrée.. 
Le  papillon  qui  en  provient ,  fait  des  œufs  qui  fe  tien* 
lient  les  ims  aux  autres  ,  &  qui  forment  une  eij:>ece 
d'anneau  au  bout  des  branches  des  poiriers  &  pruniers 
où  cette  chenille  prend  nailiance.  Foye^  Chenille 
LIVRÉE  &  r  article  LIVREE. 

ANOLIS  ou  Anouly  ,  petite  efpece  de  lézard ,  fort 
commun  aux  Antilles  ;  c'efl  le  Lacertus  minor  levis  , 
Sloane.  Le  Père  Nicolfon  dit  qu'il  s'en  trouve  par-tout 
à  Saint-Domingue  de  nombreufes  variétés  :  on  en  voit 
de  gris  5  de  verts ,  de  noirs ,  de  jaunes ,  de  mouchetés  ; 


A    N    O  359 

les  uns  font  bariolés  de  zones  tranfverfales ,  bleues  , 
jaunes  &:  rouges  ;  d'autres  offrent  fur  leur  robe  plu- 
fleurs  bandelettes  longitudinales  de  différentes  couleurs. 
Les  plus  grands  n'ont  pas  plus  de  fept  à  huit  pouces  de 
longueur  ,  &c  un  demi -pouce  de  diamètre  ;  les  plus 
petits  n'ont  pas  moins  d'un  pouce  de  longueur  èc  deux 
à  trois  lignes  de  diamètre.  La  conformation  efl  la 
même  dans  tous  ;  mais  dang  les  uns ,  la  queue  égale  la 
longueur  du  corps  :  dans  les  autres  elle  eu  plus  courte  ; 
dans  quelques-uns ,  elle  eft  une  fois  plus  longue. 

La  tête  de  Vanolis  eu  alongée ,  triangulaire  ,  apla- 
tie ;  la  gueule  bien  fendue ,  année  de  deux  offelets 
taillés  en  fcie  ,  qui  forment  les  mâchoires  fupérieure 
&  inférieure  ;  la  langue  charnue ,  arrondie  par  l'extré- 
mité ;  les  yeux  noirs  ,  vifs  ;  les  oreilles  aifez  grandes. 
La  peau  couverte  de  petites  écailles  ovales  &  tuilées  ; 
la  gorge  fait  le  goitre  ,  c'eft-à-dire ,  s'enfle  &  tombe 
jufqu'à  terre  ,  par  le  moyen  de  l'air  que  l'animal  y 
introduit  à  fa  volonté.  Les  pattes  antérieures  ont  deux 
articulations  &  cinq  doigts  ;  les  pattes  poiférieures  ont 
trois  articulations  &  cinq  doigts  ,  aufîi  de  différente 
grandeur.  Tous  les  doigts  font  armés  d'une  griffe  poin- 
tue &  crochue ,  com-munément  blanchâtre.  La  queue 
efl  vertébrée ,  fort  déliée  ,  terminée  en  pointe  extrê- 
mement fine. 

UanoUs  efl  un  lézard  fort  vif,  très-l<?il:e ,  fi  familier 
qu'il  fe  promené  fouvent  fur  les  tables  &  fur  les  per- 
fonnes  ;  fon  port  efl  gracieiLx ,  le  regard  fixe  :  il  femble 
faire  attention ,  regarder  tout  ce  qu'on  fait  devant  lui  ; 
il  ne  fait  jamais  de  mal.  Il  fe  nourrit  de  mouches  , 
d'araignées  &  d'autres  infedes  qu'il  avale  en  entier  : 
il  en  trouve  par-tout  ;  il  les  attend  avec  patience. 
Cet  animal  ne  fe  cache  point  en  terre  ;  il  fe  perche 
fur  les  arbres  ,  ou  fe  loge  dans  les  m.aifons  :  les  cafés 
en  font  pleines  ;  il  en  efl  qui  vivent  habituellement 
dans  les  champs.  On  en  trouve  dans  les  pièces  àê-  can- 
nes 5  fur  les  cotonniers ,  d^ns  les  broufTailles ,  dans  les 

Z4 


3^0  A    N    O 

bois  ,  en  un  mot  par-tout.  Ils  pafTent  la  nuit  oii  îîs' 
paiient  le  jour  ;  les  chats  s'en  régalent  aflez  ibuvent 
îans  en  être  incommodés. 

Uanolis  ,  dit  NUolfon  ,  eft  toujours  en  guerre  avec 
fes  fembldDles.  Lor(qu\in  anolis  en  apperçoit  un  autre  , 
il  s'en  approche  leilement  ;  celui-ci  l'attend  en  brave. 
Les  deux  champions  préludent  au  combat  par  des  me- 
naces    réciproques   qu'ils  fe   font  l'un  à  l'autre  ,  en 
agitant  la  tcte  de  haut  en  bas  par  des  mouvemens  ra- 
pides 6c  comme  convullits  ;  leur  gorge  s'enfle  prodi- 
gieulement  ;  leurs  yeux  paroifient  alors  étincclans  ,  ils 
s'attaquent  enfuite  avec  fureur  ;  chacun  tâche  de  fur- 
prendre  ion  ennemi.  S'ils  font  d'égale  force  ,  le  com- 
bat n'cft  pas  fi-tôt  terminé  ;  c'ell  ordinairement  fur  les 
arbres  qu'il  fe  livre*;  d'autres   anolis   font  fpeâ:ateurs 
oififs  :   ils    laiiient  vider  la  querelle  ,   fans  qu'aucun 
d'eux  entreprenne  jamais  de  féparer  les  com.battans  ou 
de  fecourir  l'opprimé  ;  ils  i'embknt  au  contraire  prendre 
plaifir  à  les  voir   aux  priles  :  peut-être  que  c'eft  la 
iouiilance  ou  la  réfillance  de  quelque  fenielle  qui  leur 
imprime  cette  furcm-  martiale. . . .   Comme  ils   cher- 
chent à  fe  mordre ,  il  anive  afiez  fouvent  que  la  gueule 
de  l'un  s'entrelace  dans  celle  de  l'autre  ;  ils  refient  long- 
temps dans  cette  attitude  ,  chacun  tirant  de  fon  côté. 
Leurs  efforts  font-ils  inutiles,  ils  s'éloignent,  la  mâchoire 
enfanglantée  ;  mais  un  infiant  après  ils  recommencent. 
Lorfque  l'un  des  deux  champions  fe  trouve  plus  foi- 
bie  que  l'autre  ,  il  prend  lellement  la  fuite  \  fon  en- 
nemi redouble  de  courage ,  pourfuit  vivement  fon  ad- 
verfaire  :  s'il  le  joint ,  c'en  efl  fîiit  ,  le  vaincu  eil  à 
l'hiftant  dévoré  ;  heureux  s'il  en  efl  quitte  pour  la  perte 
de  fa  queue  ,  qui  fe  rompt  quelquefois  dans  la  gueule 
du  vainqueur  ;  dans  ce  cas ,  il  a  le  temps  d'échapper  : 
car  l'ennemi ,  occupé  à  dévorer  fa  proie  ,  ne  s'acharne 
plus  à  la  pouriiiite  de  celui  qu'il  vient  de  mutiler. . . 
Vançlls  peut  vivre  fans  queue  :  on  en  voit  plufieurs 
qui  en  font  privés.  Elle  nç  repoufle  pas  lorfqu'elle  a 


A    N    O  3^1 

été  coupée ,  mais  il  fe  forme  à  l'extrémité  un  calus. 
Il  femble  que  cet  accident  devroit  le  rendre  plus  pro- 
pre au  combat  ;  mais  il  paroît ,  au  contraire ,  qu'il  énerve 
ion  courage  &  peut-être  fes  forces.  Un  anolis  mutilé 
devient  timide  ,  foible  ,  languiflant  :  comme  il  ne  peut 
fe  montrer  fans  manifefler  fa  honte  &  fa  défaite  ,  il 
mené  une  vie  trifle  ,  obfcure  ,  &  fuit  devant  le  plus 
petit  qui  ofe  l'attaquer. 

Dans  le  temps  des  amours  des  anolis ,  le  mâle  em- 
braile  ia  fem.elle ,  la  tient  ferrée ,  &:  reite  long-ten^ps 
accouplé  avec  elle  ;  cette  jouiffance  amoureufe  ne  les 
empêche  pas  de  courir  &  de  fauter  enfemble  de  branche 
en  branche.  Lorfque  la  femelle  fécondée  fent  appro- 
cher le  moment  de  fa  ponte  ,  elle  fait  avec  fes  pattes 
antérieures ,  au  pied  d'un  arbre  ou  d'une  muraille ,  un 
trou  en  terre  ,  y  dépofe  un  œuf  qu'elle  recouvre  de 
terre  :  la  chaleur  du  climat  le  fait  éclore.  Cet  œuf 
porte  cinq  lignes  de  longueur  ô^  trois  lignes  de  lar- 
geur ;  il  eft  lilfe  ,  d'un  blanc  fale  ,  oblong ,  également 
arrondi  par  les  deux  extrémités.  Telle  efl  la  dejcriptlon  , 
le  caraclere  ,  les  mœurs  ,  Us  combats ,  la  manière  de  fe  r^- 
produire  ,  &  les  obfervations  fur  /'anolis  ,  par  le  Révérend 
Père  Nicolfon  ,    Religieux  Dominicain, 

ANOMAL ,  terme  qui  exprimée  une  irrégularité  ,  un 
monilre  \  anomalie  eil  une  monflruofité.  Voye:;^  t article 
Monstre. 

ANOMIE  ,  coquille  bivalve ,  du  gc^nre  des  Huîtres. 
Foyei  TÉR-ÉERATULE.  Les  anomites  font  les  anomies 
devenues  fofîiles. 

ANON  ,  poiiTon  du  genre  du  Gade.  Voyez  à  l'ar* 
ticle  Morue. 

Anon  ,  eft  le  petit  de  M  âne  &  de  Vâneffe,  Voyez  Ane. 

ANONYME.  M.  le  chevalier  Bruce ,  a  commu- 
niqué ,  à  fon  retour  d'Abyffinie  ,  à  M.  ^s  Bufon  , 
la  notice  de  ce  quadrupède  lingulier  ,  qui  fe  trouve 
dans  la  Lybie.  Il  a  neuf  à  dix  pouces  de  long  ;  les 
preilles  prefque  auiîi  longues  que  la  moitié  du  corps  ^ 


3(^2  A    N     O 

&  larges  à  proportion  ;  le  mufeau  conformé  comme 
le  renard  ;  les  ongles  courts  &  rétraclibles  ;  le  poil  très- 
doux  au  toucher  ;  fa  couleur  ell:  d'un  blanc  mêlé  d'un 
peu  de  gris  &  de  fauve  clair  ;  le  bout  du  nez  efl 
noir  ;  la  queue  ,  qui  efî:  allez  longue  ^  eit  fauve  6c 
noire  à  fon  extrémité  ;  il  vit  fur  les  palmiers  6c  en 
mange  le  fruit. 

ANOSTOME  ,  Salmo  anoflomus ,  Linn.  PoiiTon  du 
genre  du  Salmom  ;  il  fe  trouve  dans  les  Inde:^.  Ses  écail- 
les font  brunes  &  difpofées  en  recouvrement.  La  tête 
eft  aplatie ,  comme  le  corps  ,  par  les  côtés  ;  elle  eft 
finguliérement  furbaiffée  dans  fa  partie  fupérieure  ; 
elle  eft  plus  élargie  entre  les  yeux,  légèrement  con- 
vexe ,  tcut-à-fait  unie  ,  rétrécie  en  ferme  de  cône  à 
fon  extrémité.  La  gueule  efl:  lituée  fur  le  fommet  du 
mufeau ,  &:  tournée  en  haut  ;  ce  caractère  efl:  exprimé 
par  le  nom  même  de  ce  poifîbn.  L'ouverture  de  la 
gueule  efl  étroite  &^  garnie  intérieurement  de  petites 
<ients  ferrées  entre  elles ,  diipofées  fur  un  feul  rang  ,  Se 
<l'une  couleur  brune.  Ce  poifTon  ,  dit  Lïnnaus ,  paroit 
être  camus  ,  parce  que  fa  mâchoire  inférieure  ,  très- 
ëpaiffe ,  terminée  par  une  efpece  de  mamelon  ,  efl:  beau- 
coup plus  alongée  que  la  mâchoire  llipérieure.  Les 
yeux  font  fur  le  côté  de  la  tête  ,  grands  ,  prefque 
ronds ,  un  peu  convexes  ,  &:  couverts  d'une  mem- 
brane particulière.  Les  ouvertures  des  ouïes  font  très* 
amples  ;  leur  membrane  efl:  garnie  de  chaque  côté  de 
quatre  offelets  larges  ,  un  peu  courbés.  Le  dos  offre  ^ 
peu  après  fa  naifiance ,  jufqu'à  la  nageoire  dorfale ,  une 
ngure  curviligne.  Les  nageoires  font  toutes  dépourvues 
d'aiguillons.  La  première  dorfale  a  onze  rayons  rameux, 
excepté  les  deux  premiers  qui  font  fimples  à  leur  fom- 
met ;  la  féconde  nageoire  dorfale  eil  dépourvue  de 
rayons  ;  les  pe£lorales  en  ont  treize  ,  dont  les  onze 
derniers  font  rameux  ;  les  abdominales  en  ont  fept  ; 
celle  de  l'anus  en  a  dix  ;  la  queue  eft  échancrée ,  large 
$c  compofée  de  vingt-fept  rayons. 


A  N  P  A  N  T  355 

ANPAN,  Coquilla-ge  bivalve  ,  le  plus  grand  que 
M.  Jdanfon  ait^  obiervé  au  Sénégal.  Sa  coquille 
a  fept  pouces  de  longueur  ;  elle  eil  fragile  comme 
du  verre  ,  &:  a  la  forme  d'un  jambonneau.  Les 
Nègres  font  de  grandes  pêches  de  ce*  coquillage. 
Les  Européens  &:  les  habitans  du  pays  le  trouvent 
très-délicat  à  manger.  Cette  coquille  eil  congénère  à 
la  pinne.  marine, 

ANRAMATIQUE.  Plante  fort  fmguliere  de  Mada- 
gafcar  :  c'efl  le  handura  des  Auteurs.  Sa  feuille  qui 
imite  par  l'extrémité  ,  la  forme  d'un  vafe  garni  de  fon 
couvercle ,  contient  beaucoup  d'eau ,  dont  les  voya- 
geurs du  pays  font  ufage  pour  appaifer  la  foif.  La  feuille 
du  farrauna  du  Canada  en  contient  aufîi. 

ANRÉDÉRA.  Voyci  a  CarticU  Baselle. 

ANSE.  Eijiece  de  golfe  plus  petit  que  la  baie,  & 
dont  l'étendue  &  la  profondeur  font  prefque  égales» 
Fojei  Golfe  ,  Baïe  &  Mer. 

ANT  ou  ANTA.    Voye^  Tapir. 

ANTACÉES.  Des  Ichtyologilbs  appellent  ainfi  de 
grands  poilTons  qui  ont  le  muleau  long  ,  pointu  ,  la 
gueule  ronde  &  placée  en  deffous  ;  ils  appartiennent 
à  la  famille  des  Ejîurgeons.  Voyez  Esturgeon. 

AÎ-fTALE  y  Antalium,  Coquillage  de  mer  qui  a  la 
forme  d'un  tuyau  folitaire  fait  en  croiffant ,  ou' plus 
ou  moins  courbé  &:  conique  :  il  efl  ordinairement  lilTe 
&  blanc  ,  quelquefois  nué  de  rofe  ou  d'aurore.  La  tête 
de  l'animal  a  la  propriété  de  s'alonger  &  de  fe  con- 
tracter ;  elle  eft  terminée  par  un  trou  rond  qui  fait  les 
fondions  de  bouche.  Les  pattes  font  deux  panaches  à 
feuillets  hériiTés  du  côté  des  mamelons  alongés ,  ou 
fuçoirs  placés  latéralement.  Il  y  a  im  opercule  charnu , 
conique  &  renverfé  ,  terminé  par  une  plaque  circu- 
laire ,  dentée    fur   fa  circonférence.    Voye^   Tuyau 

DE    mer. 

ANTAMBA.  Ceft  le  nom  que  l'on  donne  aux  Léo- 
pards à  Madagafcar.  Foye^  Léopard. 


3^4  A     N     T 

ANTENNE  ,  Anunna.  Il  n'eft  point  de  parties  dans 
un  iniede  qui    n'intérefient  ,   peint  de  membre   qui 
n'exige  l'attention  par  Ion  mécanifme  &  fon  organi- 
fation.  Plulieurs  inlëdes  ont  fur  la  tête  de  faufîes  cor- 
nes ,  auxquelles  on  a   donné  le  lîom  Ôl  antennes.  Les 
•antennes  font  mobiles  lur  leur  bafe  ,  &  il  y  en  a  qui 
fe  plient  en  difFérens  fens ,  au  moyen  de  plufieurs  arti- 
culations. Elkb  font  différentes  les  unes  des  autres  par 
la  forme  ^  la  confillance ,  la  longueur  ,  la  groffeur  &  par 
leur  mécanifme.  Il  y  a  de  la  différence  entre  les  antennes 
xl'un  papillon  de  nuit,  &  celles  d'un  papillon  de  jour. 
Les  antennes  d'un  hanneton  ne  reffemblent  pas  à  celles 
<lu  capricorne ,  &c.  Voyez  ces  mots.  On  peut  regarder 
les  antennes  des  infecfes  comme  une  des  marques  dif-* 
tindtives  des  fexes  ,  parce  que  celles  des  mâles  font 
toujours  beaucoup  plus  belles  que  celles  des  femelles» 
.  Comme  les  yeux  des  infectes  font  immobiles  ,  & 
«qu'ils  ne  voient  pas  bien  de  près  ,  la  Nature  leur  a 
donné  ,  pour  fuppléer  à  ce  défaut ,  des  antennes  fort 
agiles  5  qui  leur  fervent  .à  examiner  ce  qui  les  envi- 
ronne ,  &  à  empêcher  qu'ils  ne  fe  heurtent.  Plufieur» 
inledes  ,  quand  ils  prennent  leur  repos ,  s'en  couvrent 
€n  partie  les  yeux  ;  &  alors  elles  leur  tiennent ,  en 
quelque  forte  ,  lieu   des   paupières  qu'ils  n'ont  pas. 
Quelques  mâles  des  infedes ,  lur  le  point  de  s'accou- 
pler 5  en  frappent  doucement  leurs  femelles  ,  &:  les 
•en  chatouillent  ,   ainfi  que  Derham  l'a  obfervé  dans 
line  faujje  guipe.    M.  de  Réaumur  conjedure  que  l(?s 
antennes  peuvent  être  ,  chez  l'infecte  ,  les  organes  de 
l'ouïe  ou  de  l'odorat ,  ou  même  de  quelqu'autre  fens. 
Voyez  tartïck  INSECTE  ,  &  celui  de  Papillon.  Il  ne 
faut  pas  confondre  Vantennule  avec  la  véritable  antenne, 
UantennuU ,  que  l'on  appelle  improprement  barbillon , 
eff  une  efpece  de  petite   antenne    qui  accompagne  les 
côtés    de    la  bouche   d'un   grand   nombre    d'infectes. 
M.  Ludv/ig  a  fait  une  Dïffertation  fur  les  antennes  des 
Infectes^  imprimée  à  Lçipiig,  1778,  in-8°.  C'eil  dan^ 


A    N    T  ^65 

cette  Diflertation  qu'il  faut  fuivre  le  détail  des  variétés  , 
la  richeffe  des  formes ,  des  grandeurs ,  des  ftrudures , 
la  fageffe  qui  règne  dans  les  deflinations  de  cette  partie 
organique  dans  les  divers  infeftes.  En  lifant  l'article  in- 
fecie  5  on  conviendra  à  la  fin  qu'on  peut  «appliquer  avec 
raifon  ,    à  ceux   qui  étudient    cette    claffe  du  règne 
animal  ,    ces  mots  de  Pline  :  Rcrum  naturœ  in  arcium 
coacîa    majejîas  ! 
ANTH£LMIA.  Voyez  Spigdia^ 
ANTHERE ,  Anthtra.  Nom  que  les  Botanifîes  don- 
nent aux  fommets  des  étamines  ,  &  qui  font  des  efpeces 
<le  petites  bourfes  ou  de  capfules  ,  lesquelles  confliîuent 
l'effence  des  organes  mâles  des  fleurs.    Voyzi^  à  tard" 
€k  Plante. 

ANTHIAS.  Fby^^  Barbier. 
ANTHORE  ou  AcoNiTSALUTxyRE,  ouMaglou, 
Aconïtum  falutifcrum  feu  Anthora  ,  Tourn.  Plante 
ainfi  nommée  pour  la  diflinguer  des  autres  aconits  qui 
font  de  vrais  poifoas.  Sa  racine  efi  de  la  grofTeur  d'un 
pouce,  tantôt  arrondie,  tantôt  oblongue  &  fîbreufe  ; 
brune  en  dehors  ,  blanche  en  dedans  ,  d'un  goût  amer , 
&;  qui  refferre  la  gorge.  On  trouve  cette  racine  tubé- 
reufe  &;  vivace  dans  les  boutiques. 

Cette  plante  croît  fur  les  Alpes  &  les  Pyrénées  , 
même  en  Provence  &  en  Italie  :  fa  tige  efl  longue  d'un 
pied  ,  lifTe  &  droite  ;  fes  feuilles  font  alternes ,  blan- 
châtres en  deiïbus ,  vertes  en  defTus  ;  elles  font  comme 
palmées  ,  à  découpures  nombreufes  &  profondes  ;  {-a, 
fleur  ell  jaunâtre  ,  polypétale ,  irréguliere  ,  un  peu  ve- 
lue en  dehors  ,  terminale  &  reprcfentant  en  quelque 
façon  une  tête  couverte  d'un  cafque  ;  le  fruit  efl  à 
plufieurs  gaines  membraneufes.  Cette  plante  fe  diflin- 
gue  des  autres  aconits  ,  parce  que  les  découpures  de 
fes  feuilles  ont  par-tout  la  mêm.e  largeur ,  &:  que  î^s 
fleurs  ont  cinq  piflils.  On  Pa  nommée  anthora ,  parce 
qu'elle  efî:  regardée  comme  un  antidote  fpécifique  con- 
tre une  efpece  de  rçrioncule  à  feuilles  de  cycUmcn  ou 


366  A    N    T 

de  pain  de  pourceau  ,  qu'on  nomme  ûiora,  VoyeX 
Thora  &  Aconit. 

On  eftime  la  racine  ^ardhora  propre  contre  la  mor- 
fure  des  vipères  &  autres  animaux  venimeux  :  elle  ell: 
dit-on ,  alexitere  ,  utile  dans  les  fièvres  malignes.  En 
Dauphiné  ,  on  s'en  fert  pour  faire  mourir  les  vers. 
Malgré  la  dénomination  qu'elle  a  reçue  des  Anciens , 
on  doit  être  très-prudent  peur  en  faire  prendre  inté- 
rieurement. 

ANTHRENE  ,  Anthnnus.  Nom  que  l'on  donne  , 
dans  la  nouvelle  Hijiolre  abrégée  des  Infecles  ,  à  àtvciL 
très-petites  efpeces  de  coléoptères  qui  font  fort  jolies , 
&  qui  habitent  ou  volent  fur  les  fleurs  en  ombelles 
&  à  fleurons ,  quelquefois  par  milliers.  Ces  coléoptères 
font  recouverts  de  petites  efpeces  d'écaillés  colorées 
qui  s'enlèvent  par  le  fimple  toucher ,  6c  laiiTenî  paroître 
alors  l'infede  tout  noir;  toutes  les  pattes  ont  cinq 
articles  ;  leurs  antennes  font  droites ,  en  maffe  folide 
^  un  peu  aplaties.  On  appelle  la  première  efpece 
Anâinne  à  broderie  ,  (  Dermejies  tomentofus  maculatus  , 
Linn.  )  Elle  n'a  qu'une  ligne  de  long.  Son  ventre  eft  blanc, 
mais  fon  dos  offre  un  mélange  de  blanc ,  de  noir  , 
&  de  rougeâtre  qui  imite  une  forte  de  broderie. 

La  féconde  efpece  efl  défignée  par  M.  Geofroi ,  fous 
le  nom  à^ amourette  ;  ce  beau  nom  ne  femble  pas  trop 
lui  convenir  ,  à  caufe  de  fes  qualités  ma^-faifantes.  Elle 
eft  plus  petite  que  la  précédente  ,  &  fes  couleurs  ne 
font  ou'un  mélange  de  l:4anc  &  de  brun  rougeâtre. 
Les  larves  des  anthrenes  font  très  -  petites  ,  velues  , 
remarquables  par  deux  appendices  ou  crochets  aufn 
longs  que  le  corps  de  la  larve  qu'ils  terminent  du  côté 
de  la  queue. 

Les  anthrenes^  dans  l'état  d'infeQe  parfait,  font  a£lives  , 
aiment  le  grand  air  ,  cherchent  le  jour ,  fe  plaifent  au 
Soleil ,  fuient  les  lieux  obfcurs  ,  travaillent  pour  fe 
mettre  en  liberté,  &:  n'ont  de  goût  que  pour  les 
fucs  6c  la  fubflance  des  fleurs;  mais  leurs  larves  moins 


^    À    N    T    _  ^  3(jf 

délicates  5  ennemies  du  jour,&:  qui  fembîent  à  peine 
fe  mouvoir  ,  vivent  cachées  parmi  les  plantes  amon- 
celées qui  le  pourrifient ,  &  les  fubftances  animales 
deiiéchées.  Ces  infedes  en  fe  métamorphofant,  changent 
de  goût  autant  que  de  forme.  Ils  font  au  nom- 
bre de  ceux  qui  caufent  des  dégâts  dans  les  collec- 
tions des  Cabinets  d'FIiftoire  Naturelle.  Si  les  anthnms  , 
après  leur  métamorphofe  font  empriionnées  dans  des 
boîtes  ,  de  manière  qu'elles  ne  puiffent  fe  former  ou 
trouver  une  iffue ,  elles  s'accommodent  des  fubftances 
animales  qui  s'y  trouvent,  &:  fe  dévorent  de  préfé- 
rence les  unes  les  autres  ,  fans  fe  tuer  cependant,  mais 
à  mefure  cu'elles  ceiTent  de  vivre  naturellement.  Mai , 
Juin  &  Juillet  font  les  mois  où  les  anthrems  paroif- 
fent  ious  leur  dernière  forme  ;  leurs  œufs  éclofent  en 
automne  ,  &  leurs  larves  mangent  pendant  l'hiver  ; 
mais  elles  paroiffent  engourdies  pendant  les  grands 
froids  ;  tombent  plufieurs  fois  dans  une  efpece  de 
léthargie,  dont  elles  fortent  pour  y  retomber  de  nouveau. 
Devenues  coléoptères ,  elles  fe  montrent  auffi-tôt.  Les 
^anthnms  font  peu  de  tort  aux  grands  animaux  deiféchés 
ou  empaillés  ,  mais  elles  gâtent  beaucoup  les  infedes  : 
elles  font  timides ,  fe  laiffent ,  au  moindre  choc. ,  tomber 
du  lieu  oii  elles  font  cachées ,  roulent  à  travers  les 
boîtes  &  les  cadres  ,  &  refient  quelque  temps  immo- 
biles ,  puis  reprennent  vme  marche  inégale  ,  fouvent 
interrompue  ,  incertaine ,  &  qui  indique  leur  agitation 
jufqu'à  ce  qu'elles  aient  gagné  un  recoin  où  elles 
foient  cachées. 

ANTIDESME  ,  Antidefma,  Ce  nom ,  compofé  de 
deux  mots  grecs ,  &  qui  fignifie  contre-venin ,  eft  donné 
à  un  genre  de  plante  à  fleurs  incomplètes ,  &  qui 
Comprend  des  arbres  ou  des  arbriffeaux  exotiques  ;  les 
fleurs  font  difpofées  en  petits  épis  qui  reffemblent  à 
des  chatons  ;  les  fleurs  mâles  font  feparées  des  femelles 
&  fur  des  pieds  difFérens  ;  le  fruit  efl  une  baie  ovale^ 
6c  qui  contient  une  feule  graine  ovoïde.  \ 


3^g  A    N     T  ^ 

On  diftingue  Vamldefme  akxiure  de  la  Côte  du  Mala- 
bar ,  Anadejma  alexltena  ,  Linn.  L'écorce  de  ce  grand 
arbre  toujours  vert ,  fert  à  faire  des  cordes  ;  on  mange 
avec  plailir  fes  fruits  qui  font  acides.  Ses  feuilles  paffent 
pour  l'antidote    du  ferpent  appelé  héntinandcL 

Uantidefme  de  Madagafcar,  c'eil  le  bois  de  mafoiitrt 
des  MadagalTes.  Dans  les  aiîTelles  des  nervures  princi- 
pales des  feuilles  ,  on  obferve  des  callofités ,  qui 
chacune  préfente  un  pore  ouvert ,  comme  fi  ces  parties 
avoient  été  piquées  par  quelque  infede.  Cet  arbre 
paroit  être  Vampoufoutchl  dont  parle  Flacoun, 

Uantidefme  de  Ceylan  ;  la  décc£lion  de  fa  feuille  , 
eft ,  dit-on  ,  le  remède  fpécifique  de  la  morfure  du  ferpent 
à  chaperon  &  venimeux  ,  appelé  cobra  de  capdlo  par 
les  Portugais, 

ANTIGACU  du  Bréfil  ;  c'eil  le  coucou  cornu. 
Voyez  ce  mot, 

ANTILOPE.  Voyei  à  l'article  GAZELLE. 

ANTIMOINE  ,  Antimonium.  Minéral  métallique  ,* 
qui  fe  trouve  ordinairement  mêlé  avec  diverfes  matières 
étrangères ,  pierres ,  métaux  ou  autres  fubftances  métal- 
liques. Uantimoine  natif  ipcLYOït  compofé  de  petits  filets 
brillans  ,  d'un  gris  bleuâtre  ,  difpofés  régulièrement , 
ou  de  flries  cunéiformes  ,  mêlées  &  fans  ordre  ; 
d'autres  fois  il  a  l'apparence  du  plomb  ou  du  fer  poli  ; 
mais  il  efl  friable ,  6c  mêlé  avec  une  pierre  blanche , 
&  communément  quartzeufe.  Il  y  en  a  qui  chatoie 
comme .  la  gorge  de  •  pigeon  ;  une  efpece  très  -  rare  , 
cil  en  petits  criflaux ,  floconés ,  gris  ou  pourpres  ,  (  ceux 
pourpres ,  paroiflent  être  un  kermès  minéral  natif.  )  & 
fe  nomme  antimoine  en  plumes  rouges.  Il  y  a  auiîi 
la  mine  à^ antimoine  à  écailles ,  la  mine  à! antimoine 
cornée  ou  de  couleur  femblable  à  la  corne  ,  &:  la 
mine  ^antimoine  terreufe  ,  vitrioUfés ,  6lc. 

On  trouve  prefque  par-tout  des  mines  à^aniimoine  , 
en  Bohême  ,  en  Saxe  ,  en  Hongrie  ,  en  France  , 
&  au  Cap  Corfe;  mais  on  n'a  encore  découvert  jufqu'ici 

du 


A    N    T  569 

Bu  régule  d'antimoine  natif ,  que  dans  la  tnlne  de  Sala 
en  Suéde.  Foyei  ^^^  Mémoires  de  l' Académie  de  Suéde  ^ 
Tome  X ^  année  q^S.  (  Il  efl:  mention  d'un  régule  d^ariti* 
moine  vierge  de  Facebay  en  Tranfylvanie  ;  &  d'un 
régule  d"" antimoine  natif  ,  blanc  ,  brillant  ,  à  larges 
facettes ,  mêlé  avec  du  régule  d'arienic ,  trouvé  à 
Allemond  en  Dauphiné.  Journ.  de  Phyf.  Juillet  lySj. 
Cet  antimoine  régulin ,  n'efl:  peut-être  que  du  biimuth.  ) 
La  mine  ^antimoine  près  de  MalTiac  ,  en  Auvergne  , 
fournit  aujourd'hui  des  criilallifations  de  ce  demi-métal , 
plus  grandes  oc  plus  belles  que  n'en  fouriiit  la  fameuie 
mine  de  Presbourg.  U antimoine^  féparé  de  la  gangue' 
par  la  fufion ,  fe  nomme  improprement  antimoine  cru, 
\Ja.itmat  des  Arabes  efl  V antimoine  fondu. 

U antimoine  le  plus  beau  ,  celui  qui  a  les  plus  longues 
aiguilles  parallèles  &:  les  plus  brillantes ,  efl  compofé 
d'une  fubilance  métallique  qu'on  nomme  régule  ;  &c 
d'une  partie  fulfureufe  qui  forme  le  tiers  de  fa  maffe^ 
Ce  demi-métal  fe  volatilife  entièrement  dans  le  feu  > 
&  communique  ,  ainfi  que  le  zinc ,  cette  propriété  à 
îa  plupart  des  autres  fubiîances  métalliques  :  plus  iî 
contient  de  fouft-e  ,  plus  il  fe  fond  facilement  ; 
alors  U  fume  &  fe  convertit  en  un  verre  couleur 
d'hyacinthe. 

Uantimoine  a  donné  lieu  à  de  grandes  conteilations 
en  Médecine  :  en  1.566  .  fa  nature  n'étant  pas  encore 
l)ien  connue,  un  décret  de  Médecine  ,  confxrm.é  paf 
Arrêt  du  Parlement ,  en  profcrivit  l'ufage.  Malgré 
ces  ordres  ,  Paumier  de  Caen ,  grand  Chimifte  &: 
habile  Médecin  ,  prévoyant  le  grand  avantage  qu'on 
pouvoit  en  tirer  en  Médecine  ,  ofa  s'en  iervir  ei> 
1609  ,  &;  fut  dégradé.  »  Par  quelle  fatalité  (  dit  un 
»  Auteur  moderne  )  ^  les  génies  qui  ont  arraché  le 
»  bandeau  de  l'erreiu- ,  dévoilé  des  vérités  ,  confacrd 
»  leurs  peines  &  leurs  travaux  au  bien  de  l'humanité  y 
>>  ont  -  ils  été  de  tout  temps  pourfuivis ,  perfécutés  , 
Zl  tyrannifés  p?a'  rvfprit  de  menibnge ,  de  jaloufie  ^ 
Tome  L  A  a, 


370  A     N     T 

»  d'ignorance  &  de  fiiperilition  «  ?  Ait  rerte ,  ce 
n'eil  qu'avec  lenteur  ,  6c  après  avoir  lutté  contre 
refpece  humaine  ,  qu'on  parvient  à  lui  être  utile.  La 
vertu  de  ce  minéral  fut  enfin  reconmie  ,  &  il  fut  inféré 
dans  le  livre  des  médicamens  en  1637.  M.  Huxham^ 
célèbre  Médecin  Anglois ,  a  donné  un  Mémoire  fur 
V antimoine  à  la  Société  Royale  de  Londres.  Dans  ces 
Obfervations  qui  ont  été  couronnées  par  le  Corps  illuftre 
dont  il  eft  Membre  ,  on  y  trouve  développée  la  nature 
de  Vamimolne  &  fes  effets  dans  le  corps  humain  :  on 
fait  que  ce  minéral  manié  par  la  mam  de  Chimilles 
habiles ,  eil  devenu  une  des  bafes  fondamentales  des 
remèdes  capitaux.  L'art  efl  parvenu  à  maîtrifer  ce 
minéral ,  &  à  lui  faire  produire  les  effets  de  vomitif, 
de  purgatif ,  ou  de  fimple  altérant.  On  en  fait  le  kermès 
minéral ,  le  tartre  émétique  ,  le  foufre  doré  à^anti^ 
moine  ,  &  une  multitude  d'autres  préparations.  C'eil 
encore  dans  l'excellent  DiBionnaire  de  Chimie^  qu'il 
faut  apprendre  à  connoître  la  véritable  nature  de  ce 
minéral ,  les  diverfes  préparations  utiles  qu'on  en  peut 
retirer ,  &  l'art  avec  lequel  il  faut  le  préparer,  f^^oye,^ 
aujfi  cet  article  dans  notre  Minéralogie  ,  Tom,  II.  On  y 
trouvera ,  d'après  Furetiere  ^  une  anecdote  concernant 
fon  étymolegie  :  mais  je  fuis  tenté  de  croire  que 
c'efl  un  conte  fait  à  plaifir.  Un  des  remèdes  contre 
les  coliques  de  Plombier  &:  de  Peintre  ,  eil  fait  de 
verre  d'antimoine  6c  de  fucre  en  poudre  mêlés  ,  dont 
on  fait  une  pâte. 

U antimoine  \^it  M.  Bourgeois  ,  n'efl  pas  feulement 
un  minéral  dont  la  Médecine  retire  ce  grands  fecours 
pour  le  corps  humain  ,  mais  il  efl  encore  trcs-efHcace 
pour  une  infinité  de  mxaladies  des  brutes.  U antimoine 
cru  ,  donné  à  la  dofe  de  deux  onces  (  ou  le  foie 
à^antimcme  à  la  dofe  d'une  once  )  ,  aux  chevaux  vieux 
&  ufés ,  fait  des  merveilles  pour  les  rajeunir  en  quelque 
forte ,  6l  rétabhr  leurs  forces ,  en  renouvelant  la  mafîe 
de    leur    fang.    Il  produit   fon    grand   effet   par    la 


tranfpiratîon.  Il  guérit  ces  mêmes  animaux  de  la  gale  ^ 
du  farcin  &  de  la  pouile  commençante.  On  l'a  employé 
.avec  le  même  fuccès  pour  les  bœufs  &  vaches.  Ùand^ 
moine  cm  guérit  auffi  les  moutons  de  la  gale  ,  donné 
à  la  dofe  de  deux  gros  :  on  le  fait  prendre  aux  uns 
&  aux  autres   animaux  pendant  vingt  à  trente  jours; 

Uantimoim  ti\  auiîi  d'ufage  dans  les  Arts  :  on  s'en 
fert  pour  piu-iiitr  l'or  &  pour  polir  les  verres  ardens; 
Mêlé  au  cuivre ,  il  rend  le  fon  des  cloches  plus  fin  ;  mêlé 
en  petite  quantité  avec  le  plomb  ,  il  forme  des  carac-  ' 
teres  dlmprimerie  :  il  rend  Pétain  plus  blanc  &  plus 
dur.  L'émail  jaune  de  la  faïence  le  fait  avec  Vanti^ 
moin-  5  la  fuie  ,  le  plomb    calciné  ,  le  fel  &  le  fabkà 

ANTIPODE.    Voyzi  k  VarticU  Gloee. 

ANTISPODE.  Voyei  a  Vartick  Spode. 

ANTOFLE  DE  GIROFLE.  Voye^  Vanich  GiROFLEi 

ANlRïBE  ,  Antrihîis,  Le  caradere  de  ce  genre 
d'inlédes  coléoptères  ,  dont  il  y  a  plufieurs  efpeces  ^ 
tfl  d'avoir  les  antennes  en  malle ,  compolées  de  trois 
articles  ,  &  placées  fur  la  tête  ;  de  n'avoir  point  de 
trompe  ,  d'avoir  le  ccrfelet  large  &  bordé  ,  &  les 
tarfes  garnis  de  pelotes.  Ce  genre  d'infecle  fe  trouvé 
furlestieurs ,  qu'il  ronge  &paroît  hacher  en  morceaux, 
ce    qui  l'a  fait  appeler  Antrihe.  Geoffroî. 

ANTROPOLÎÎ'ES  ,  iont  les  offemens  humains 
devenus  fofTiles ,  ou  pétrifiés  ,  ou  vitriolifés ,  ou  miné- 
ralifés.  Ces  pétriifications  font  affez  rares  :  on  confond 
trop  fouvent  des  parties  Oiieufes  de  brutes  avec  celles 
de  l'homme.  M.  de  Lamancn  dit  avoir  trouvé  dans 
une  pierre  ,  partie  calcaire  &  partie  gypfeufe  i,  àQs 
environs  dVvix  en  Provence  ,  des  écailles  entières 
•(Mes  carapaces  )  de  tortues  ,  que  les  uns  avoient 
prifes  pour  des  têtes  d'hommes  ,  &  d'autres  pour  des 
noyaux  de  nautiles.   Voyc^^  Vartick    PÉTRIFICATIONS^ 

ANTROPOMOFvPHîTE.  Efpece  de  cruilacée  pétrihé 
ou  foiïile ,  qui  repréfente  d'un  côté  la  face  de  l'homme^ 
fa  furface  fupérieure  ell  voûtée  ^  comme  divifée  en  tyois 

A  a     a; 


574  A  N  T  A    O    U 

parties  ,  dont  celle  du  milieu  plus  faillante  que  les 
autres ,  eft  ,  ainfi  que  les  collatérales  ,  compofée 
d'anneaux.  Cette  pétrification  ib  trouve  en  Angleterre. 

L'on  voit  fur  quelques  ardoifes  des  environs  d'An- 
gers 5  certaines  empreintes  cruftacées ,  qui  ont  quelque 
rapport  avec  Vantropomorphite  ;  mais  on  ne  connoit 
pas  fon  analogue  vivant. 

On  donne  le  nom  ^ antropo^lyphitts  à  des  corps 
figurés  &  fofTiles  ,  qui  repréiëntent  quelques  parties 
du  corps  humain. 

ANTROPOPHAGE.  Nom  donné  à  ceux  qui  mangent 
la  chair  des  humains.  Confultez  la  Diffatanon  fur 
rantropophage  de  Berg.  Jena  ,    1781. 

ANVOYE  ou  Aveugle.  Foyei  Orvet. 

AORTE.  Foy^i  dans  l'article  de  l'économie  ani- 
male ,  à  la  fuite  d\i  mot  Homme  ,  la  mécanique  éton- 
nante de  ce  canal  qui  part  du  cœur,  &  porte  le 
fang  dans   toutes    les    parties    du   corps.    Foye^   aujjî 

CCEUR. 

AOUACA.  Voyei  Avocatier. 

AOUARA.  Voyei  Palmïer-Aouara. 

AOUARE.  Nom  du  farigue  à  la  Guiane.  Voyei 
Sarigue. 

AOUAROU.  Foyei  CouRiCACA;  Foyei  auffi  l'ar- 
ticle Liane   à  réglijj}. 

AOURAOUCHI.  Subilance  graffe ,  de  couleur  bnme> 
de  la  confiftance  du  fuif ,  &  n'ayant  aucune  odeur, 
qu'on  trouve  dans  les  cabinets  des  Naturalises  :  on 
l'a  nommée  aufîi  Guiamadou  ;  c'eft  une  efpece  de 
beurre  végétal  tiré  par  la  coftion  des  fruits  du  muf- 
cadier  fauvage ,  nommé  ihïcuïba, 

AOLJRNIER.  Voyei  Cornouillier  franc. 

AOUROU-COURAOU.  M.  de  Buffon  donne  ce 
nom  à  un  perroquet  amazone  ,  indiqué  par  Marcgrave 
fous  le  nom  brafilien  d'ajuru-curau.  La  longueur  totale 
de  ce  perroquet ,  qui  fe  trouve  à  la  Guiane  d:  au 
Bréfil,  eil  d'un  pied;  fon  envergure  efl  de  deux  piede 


A    O    U  373 

tiii  pouce  Se  quelques  lignes  ;  le  deffus   de  la   tête 
eft  d'un  bleu  nué  de  violet  ;  le  refte  de  cette  partis 
eft  jaune  ;  les  plumes  de  la  gorge  le  font  aulTi ,  maisj 
bordées  de  vert  bleuâtre  ;  le  reite  du  corps  eft  d'un 
vert  clair  ,  nué  de  jaunâtre  fur  le  dos  &  le  bas  ventre  ; 
le  pli  de  l'aile ,  qui  répond  au  poignet ,  eft  d'un  jaune 
orangé  ;  le  fouet  de  l'aile  eft  rouge  ;  le  refte  de  l'aile 
eft  varié  de  vert,    de   noir  ,  de  jaune ,  de  bleu-violet 
&  de  rouge  ;  les  deux  plumes  du  milieu  de  la  queue 
font  d'un  vert  foncé  ,  mais  nuées  de  jaunâtre  à  leur 
extrémité  ;  les  latérales  font  variées  de  noir  ,  de  rouge 
&  de  bleu.  Elles  font  toutes  un  peu  étagées  ;  les  plus 
longues  font  au  centre  ,  la  peau  nue  qui  entoure  les 
yeux  ,  eft  d'un  gris-blanc  ;  l'iris  de  couleur  d'or ,  le 
bec  cendré  ,  les  pieds  grisâtres.  M.  di  Buffon  rapporte , 
comme   des  variétés ,   à  Vaoïirou-couraou^    cinq  autres 
perroquets  ;  favoir  ,  i  .*^  Le  perroquet  à  tête  jaune  de  la 
Jamaïque  ,  de  M.  Brijjon  ;  PJittacus  icleroo^phalos  ;  c'eft 
le  perroquet  a  bec  noir ,    de  M.  Salerue  :  le  fmciput  eft 
d'un  bleu  nué  de  vert,  i.**  Le  perroquet  ama^ne  de  la 
Jamaïque  ,    de   M.  Brijfon  :  le   fmciput  eft  d'un  bleu 
d'aigue-marine  ;  le  demi-bec  fupérieur  eft   rouge  à  h 
bafe ,  bleuâtre  dans  fon  milieu  ,  noir  à  fon  extrémité  ; 
le  demi-bec  inférieur  eft  blanchâtre  ;  ce  perroquet  habite 
le  Bréfil,  la  Guiane  &:  la  Jamaïque.    3.^  Le  perroquet 
à  tête  bleue  du  Bréfil ,  de  M.  BrijTon,  Kirc^rave  dit  que 
les  Brafiliens  l'appellent   ajuru  -  curuca  ;  Ite  fmciput  eft 
d'un  bleu  nué  de    noir  ;  il  y  a   ftir  le  fommet  de   la 
tête  une  tache  jaune ,  &  une  femblable  au-deftbus  de 
chacun  des  yeux  ;  la  gorge  eft  bleue  ;  le  bec  cendré 
à  fa  bat-e ,  noir  à  fa  pointe.    4.^  Le  perroquet  amazone 
varié ^  de  M.  Briffon  ;  c'eft  le  grand  perroquet  vert  des 
Indes  Occidentales  ^Edward  :  le  fmciput  eft  couleur 
d'aigue-marine  ;  le  fommet  de  la  tête  d'un  jaune  pâle  , 
nué  de  bleu  ;  les  joues  &   la  gorge  jaunes  ;  le  refte 
du  plumage  fupérieur  varié  de  vert  &  de  jaune ,  mais 
il  y  a  quelques  plumes  rouges.  5.°  Le  perroquet  aniaiouQ 

A  a    3 


574      .  A     P     A 

^  front  jaune  ,  de  M.  Brljjon  ;  le  fommet  de  la  tête 
elt  d'un  jaune  pâle ,  &  le  pli  de  l'aile  qui  répond  au 
poignet ,  efl  d'un  jaune-orangé.  Il  n'eft  pas  rare  de 
voir  cette  variété  ,  ainfi  que  V aourou-œuraou  dans  les. 
fcoutiques  de  nos  Oireliers. 

APALACHINE.  Voye-^  Thé  des  Apalaches. 

APALIKE^  Apalika^  Barr.  :  Cliipea  cyprlnoïdes^  Brouff.  : 
CamanpiLgîiacu ,  Marcg.  ;  en  Anglois  ,  Pcnd-King-Fislu 
Poiffon  du  genre  du  Clupc  ;  il  le  trouve  dans  la  partie 
de  l'Océan  qui  eft  entre  les  Tropiques.  Suivant  Marc-, 
grave ,  il  s'accroît  jufqu'à  une  grandeur  confidérable  ^ 
&  fa  chair  n'efl  point  agréable  au  goût.  Uapa/îke  , 
fuivant  M.  Brovjjonet ,  a  le  corps  comprimé  ;  les  écailles 
un  peu  convexes  &  de  la  forme  d'iui  rhombe ,  légè- 
rement crénelées  ,  blanches  en  leur  difque ,  &:  entourées 
d'une  m.embrane  étroite  &  argentée  ;  les  lignes  laté-. 
raies  fe  recourbent  vers  la  queue ,  à  la  moitié  de  1^ 
longueur  du  corps  ;  l'efpace  com^pris  entre  les  yeux 
eil  un  peu  enfoncé ,  &  offre  plufieurs  mxcmbranes  comme 
écailleuiës.  La  mâchoire  de  defîbus  efl  obtufe  par  le 
bout ,  &  un  peu  plus  longue  que  la  fupérieure.  L'une 
&  l'autre  ell  garnie  de  dents  très-fines  &  ferrées 
entre  elles.  Les  yeux  font  orbiculaires  &:  leur  diamètre 
confidérable;  ils  ïoiit  recouverts  d'une  double  mem- 
brane clignotaiite  ,  &  demi-circulaire  ;  la  pcfiérieure 
deux  fois  auili  large  que  l'autre  ;  les  iris  amples  , 
argentés  ;  les  paupières  d'une  couleur  noire.  La 
nageoire  dorlale  a  des  rayons  de  différentes  longueurs , 
en  forte  que  cette  nageoire  paroit  avoir  la  ferme  d'un 
fer  de  faux  ;  le  rayon  qui  la  termine  efî:  fortifié  d'un 
offelet.  Les  rayons  des  nageoires  pedorales  font  ofTeux 
à  leur  bafe  ,  ainfi  que  les  abdominales  ;  elles  ont  une 
écaille  particulière  à  leur  infertion.  La  nageoire  de  l'anus 
efl  échancrée  ,  écailleufe  à  fa  bafe ,  6c  fes  rayons  font 
à-peu-pres  diflribués  comme  dans  la  nageoire  dorfale; 
celle  de  la  queue  efl  ample ,  échancrée  en  deux  parties 
d'une  ligure  ovale  lancéolée;  les  rayons  qu'elle  contient 


A  P  A  A  P  E  375 

font  ferrés  les  uns  contre  les  autres.  Les  nageoires  font 
d'un  blanc  obfcur.  La  couleur  du  corps  en  argentée  , 
avec  un  teinte  de  bleuâtre  fur  le  dos  6c  fur  le  fommet 
de  la  tête. 

AFAR.  Efpece  ^armadïlk  ou  àe  tatou  à  trois  bandes. 
Voye^^  a  V article  ArmadiLLE. 

APARïNE  5  Aparina,  Nom  donné  à  une  famille  de 
plantes  ,  dont  les  feuilles  font  verticillées  ou  accom- 
pagnées de  fcipules  placées  entre  elles  fur  les  tiges.  11  y 
a  de  ces  plantes  qui  fe  couchent  fur  la  terre  ,  &:  font 
fouvent  femées  de  poils  en  crochets  qui  s'attachent  à 
tout  ce  qui  les  touche.  Leurs  fleurs  en  godet  font 
hermaphrodites  dans|  l'efpece  ordinaire.  (  Car  ,  dit  M. 
Halkr  ,  il  y  en  a  d'autres  avec  les  fleurs  mâles  ,  & 
des  fleurs  androgynes  où  les  femelles  viennent  fur  la 
même  tige).  Ces  plantes  font  la  Cwifcttc ^  la  Garcncc^ 
le  Cailk  -  lait  ^  le  Grat^ron  ou  Pdzbh  ,  ëcc.  Voyez 
ces  mots, 

APEREA.  Cet  animal  qui  fe  trouve  au  Bréfil  n'efl 
ni  lapin  ni  rat ,  &  paroît  tenir  quelque  chofe  de  tous 
deux  &  faire  la  nuance  entre  ces  deux  quadrupèdes. 
Il  a  environ  un  pied  de  longueur  ,  fur  fept  pouces  de 
circonférence ,  le  poil  de  la  même  couleur  que  nos 
lièvres  ,  &:  blanc  fous  le  ventre  ;  il  a  auffi  la  lèvre 
fendue  de  même  ;  les  grandes  dents  inciiives  ,  &  la 
mouflache  autour  de  la  gueule  &  à  côté  àe?>  yeux  ; 
mais  fes  oreilles  font  arrondies  comme  celles  du  rat , 
&:  elles  font  fi  courtes  qu'elles  n'ont  pas  v.v).  travers 
de  doigt  de  hauteur  :  les  jambes  de  devant  n'ont  que 
trois  pouces  de  hauteur  ,  celles  de  derrière  font  un  peu 
plus  longues  ;  les  pieds  de  devant  ont  cjuatre  doigts 
couverts  d'une  peau  noire  &  munis  de  petits  ongles 
courts  ;  les  pieds  de  derrière  n'ont  que  trois  doigts  , 
dont  celui  du  milieu  eil  plus  long  que  les  deux  autres  ; 
Vapena  n'a  pas  de  queue  ;  fa  tête  efl  un  peu  plus 
alongée  que  celle  du  lièvre  ,  &  fa  chair  efl  d  un  auîH 
bon  fumet  que  celle   du  lapin  ,    auquel   il  reiieiBble 

A  a     4 


37^  A  P  E  A  P  H 

par  fa  manière  de  vivre.  Il  Te  blottk  aufîi  dans  des 
trous ,  mais  il  ne  creufe  pas  la  terre  comme  le  lapin  ; 
c'eû  plutôt  dans  des  fentes  de  rochers  &  de  pierres 
que  dans  des  fables  qu'il  fe  retire  ;  auffi  eft-il  bien 
aifé  à  prendre  dans  fa  retraite.  On  le  chaiTe  comme 
im  très-bon  gibier ,  ou  du  moins  auili  bon  que  nost 
meilleurs  lapins.  Il  y  a  lieu  de  croire  que  l'animal 
connu  ions  le  nom  de  cori ,  eu  V aperça  ;  que  dans 
quelques  endroits  des  Indes  occidentales  ,  on  a  peut- 
être  élevé  de  ces  animaux  dans  les  mailbns  ou  dans 
les  granges ,  comme  nous  élevons  des  lapins  ;  & 
qu'enfin  c'eft  par  cette  raifon  qu'il  s'en  trouve 
de  roux  ,  de  blancs  ,  de  noirs  6c  de  variés  de  cour 
leurs    différentes. 

APHRO-NATPvON.  Foye?^  Sel  mural. 

APHRODIiE.  M.  Adanjon  donne  ce  nom  à  des 
animaux  dont  chaque  individu  reproduit  fon  femblable 
par  la  génération ,  mais  fans  aucun  ade  extérieur  de 
t:opulation  ou  de  fécondation  ;  tels  que  quelques 
pucerons  ,  les  conques  (  coquillages  )  ,  la  plupart 
des  vers  ians  fexe  ,  les  infedes  qui  fe  reproduifent 
par  la  fedion  d'une  partie  de  leur  corps.  En  ce 
fens  ,  les  plantes  qui  lé  multiplient  de  bouture  ,  font 
aufii  aphrodues.  Cette  irrégularité  ,  fi  contraire  à  la 
marche  ordinaire  de  la  Nature  ,  oppofe  bien  des 
difficultés  à  la  définition  de  l'efpece  :  oiH-ct  qu'à 
proprement  parler  ,  il  n'exiftercit  point  d'ei[ieces  dans 
la  Nature  ,  mais  feulement  des  individus  ?  Lifez  main^ 
tenant  les  articles  Génération  ,  Hermaphrodite  ,  Semence  , 
Vivipare, 

Aphrodite.  Efpece  de  chenille  de  mer  qui  fe  trouve 
dans  les  mers  d'Occident.  Son  corps  a  la  forme  d'un 
œuf  :  cet  animal  eft  couvert  de  pointes  couleur  de 
pourpre ,  &  de  pciis  d'un  jaune-vert.  Sa  bouche  eft 
garnie  de  filets  ,  femblables  à  des  poils  d'animaux, 
Linnams  dit  que  c'eft  un  ver  loophite.  Voyez  ce  mot^ 
îSi'çft-ce  pas  la  taupe  de  mer  ?  Voyez  ce  mot, 


A    P    H  377 

Toutes  les  efpeces  èHaphrodites  de  mer  ^  ainfi  que  la 
plupart  des  animaux  mous  ,  ont  ,  dit  M.  le  douleur 
Fallas  ,  le  corps  long  ,  divifé  en  fegmens  tranfverfaux 
à  la  mairlere  des  iniedes.  La  figure  de  ce  corps  efl 
ou  un  peu  quadrangulaire ,  aiîëz  obtufe  aux  deux 
extrémités ,  ou  alongée;  la  bouche  paroît  à  l'extrémité 
antérieure  ,  fous  la  forme  d'une  ouverture  large  très- 
ridée  ,  qui  fe  termine  par  une  efpece  de  fac  fervant 
de  réceptacle  à  la  nourriture.  Cette  bouche  eft  envi^ 
ronnée  de  quantité  de  franges  ou  antennes  plus  ou 
moins  longues.  Chaque  aphrodïu  a  quatre  fériés  de 
petits  pieds  compofés  chacun  d'un  faifceau  de  poils 
ô^  de  foies  ,  &  armés  en  outre  d'une  efpece  de  frange 
charnue  :  outre  ces  pieds  on  obferve  fur  leur  dos  une 
multitude  de  petites  ouïes  placées  auprès  des  faifceaux 
de  poils  fur  chaque  fegment.  Le  nombre  des  parties 
extérieures  eil  prefque  le  même  dans  toutes  les  aphro- 
dites  :  cependant  quelques-unes  n'ont  pas  les  faifceaux 
de  poils  5  &  d'autres  manquent  de  franges  ;  de  même 
qu'il  y  en  a  qui  n'ont  que  des  commencemens  d'ouïes  ; 
d'autres  n'ont  que  des  écailles  fur  le  dos.  Ces  fortes 
d'animaux  vivent  errans  dans  la  mer  ,  ne  cherchent 
point  de  retraite ,  &  ne  font  point  ,  dit  notre  Auteur , 
de  petits  tuyaux  comme  les  néréides  ;  elles  fe  nour- 
riffent ,  au  fond  de  la  mer  ,  des  fucus  qui  s'y  ren- 
contrent :  mais  comment  fe  propagent-elles  ?  On  pré- 
tend cependant  qu'elles  ont  deux  lèxes. 

APHYE  ,  Cyprinus  biuncalis  y  ïridibus  ruhris  y  pinnâ 
ani  ojjiculorum  novem ,  Artéd.  ;  en  Suédois  ,  Mudd  , 
Skittfpigg  :  Cyprinus  aphya ,  Linn.  Très-petit  poiffon  du 
genre  du  Cyprin,  Il  abonde  auprès  des  rivages  ,  &  dans 
les  ports  &  les  détroits  de  la  mer  Baltique ,  auprès 
de  la  Sudermanie.  Linnœus  dit  qu'on  le  trouve  auffi 
dans  les  petits  ruiiTeaux  de  l'Europe  :  fa  longueur  varié 
depuis  un  demi-pouce  ,  jufqu'à  deux  pouces  ;  il  a  le 
dos  convexe  ,  un  peu  (aillant  ;  les  iris  des  yeux 
d'une  couleur  rouge.   La   mâchoire  fupérieure  eit  un 


378  API  A   P    O 

peu  plus  longue  que  celle  de  delTous;  la  nageoire  de 
l'anus  efl  ordinairement  garnie  de  neuf  rayons  ;  la 
queue  eft    un  peu  fourchue. 

On  donne  auiii  le  nom  d''aphye  marinz  à  la  LoCHE 
DE  MER.  Voy^^  ce  mot. 

APICHU.  Voyci  a   rartïcU  Batatte. 

APINEL.  Racine  qu'on  trouve  dans  quelques  Ifles 
de  l'Amérique.  Les  Sauvages  la  nomme  yacahanï ,  & 
les  François  apind  ,  du  nom  d'un  Capitaine  de  cava- 
lerie qui  l'apporta  le  premier  en  Europe.  Si  on  en 
préfente  au  bout  d'un  bâton  à  un  ferpent,  &:  qu'il 
la  morde  ,  elle  le  tue  :  fi  on  en  mâche  &  qu'on  s'en 
frotte  les  pieds  &:  les  m^ains  ,  le  ferpent  fuira  ,  ou 
pourra  être  pris  fans  péril  :  jamais  ferpent  n'appro- 
chera d'une  chambre  où  il  y  a  un  morceau  à'apind. 
Cette  même  racine  fi  utile  à  la  confervation  des 
hommes ,  feroit ,  à  ce  qu'on  dit ,  très-utile  encore  à  leur 
propagation  ,  fi  un  tel  acte  avoit  befoin  de  ces  fecours 
forcés  que  l'on  n'emploie  guère  luivant  les  vues  de 
de  la  nature.  Hijîoire  de  T Académie  Royale  des  Sciences  y^ 
lyi^.  Cette  racine  paroît  être  celle  de  la  plante  appelée 
par  Linnceus ,    Ariflolochia  angiiicida. 

APOCALBASUM.  Voye^  Oppocarbasum. 

APOCïN ,  Ouate  ou  Herbe  de  la  Houette  ^ 
^Apocymim  majus  y  Syriaciun  ,  recîum  ,  caule  viridi  ,  jlore 
ex  albido,  Hort.  Reg.  Par.  :  Afckpias  Syriaca  ^  Linn.. 
313.  C'efl  une  plante  graffe  ,  originaire  de  Syrie  ,  dont 
la  tige  s'élève  à  la  hauteur  de  trois  pieds ,  ou  environ  , 
droite  ,  fimple  ,  herbacée ,  parfemée  de  points  d'un 
pourpre  oblcur  vers  fa  bafe.  Ses  feuilles  font  larges, 
ovales  ,  épaiffes  ,  oppofées  &  blanchâtres ,  ou  coton- 
neufes  en  defîbus  ,  vertes  en  deiïïis  ;  les  fleurs  naiffent 
aux  fommités  des  tiges  ,  difpofées  en  ombelles  pédun- 
culées  ;  elles  font  en  cloche  ,  découpées  &  purpu- 
rines ,  d'une  odeur  agréable.  Ses  fruits  font  gros  comme 
le  poing  ,  oblongs  comme  de  groiles  gaines  ,  qui 
pendent  attachés  deiLX  à  deux  à  une    groffe  queue  ^ 


A    P     O  379 

contenant  des  femences  aigrettées.  Il  eft  couvert  de 
deux  écorces  :  la  première  eft  verte  &  membraneufe  ;  Se 
la  féconde  eu  mince  ,  polie  ,  de  couleur  fafranée.  Ces 
écorces  contiennent  une  matière  filamenteufe  ,  fem- 
blable  à  de  la  moufle  d'arbre  ,  fous  laquelle  toute  la 
capacité  du  fruit  efl:  remplie  d'une  efpece  de  coton 
très-fin  ,  très-mollet ,  foyeux  ,  &i  d'un  très-beau  blanc- 
de-perle  ,  qu'on  appelle  ouaie  ou  houette  :  ce  coton 
eu  conflitué   par  les   aigrettes  des  femences. 

Cette  plante  vivace  &  traçante ,  &  qui  appartient , 
par  la  ftruclure  de  fa  fleur  ,  au  genre  de  VAfcUpias , 
efî  d'un  bel  afped  :  fa  tige  &  its  feuilles  font  couvertes 
d'une  efpece  de  laine  ou  duvet ,  &  remplies  d'un  iiic 
laiteux  ,  acre  &  cauilique  ;  elle  croit  dans  les  lieiLX  hu- 
mides 5  en  Egypte  &:près  d'Alexandrie,  &:c.  On  prétend 
que  celle  que  l'on  cultive  dans  nos  climats  eil  venue 
du  Canada  ;  ainfi  on  peut  la  cultiver  dans  tous  les  pays. 
Le  coton  ,  appelé  ouau ,  qui  eft  dans  fon  fruit  ,  eft 
employé  pour  fourrer  les  habits:  les  habitans  du  pays 
en  mettent  dans  leurs  lits.  Depuis  quelques  années  le 
fieur  de  la  Rouvierc  ,  Bonnetier  du  Roi ,  a  fu  employer 
plus  induftrieufement  cette  ouate  foyeufe  ;  il  l'a  filée  , 
&  il  prétend  en  fabriquer  des  velours  ,  molletons  &: 
flanelles  fupérieures  à  celles  d'Angleterre  :  mais  il  efl 
à  préfumer  qu'on  ne  peut  la  filer  qu'en  la  cardant  &  en 
la  mêlant  avec  du  coton  ,  ou  de  la  fîlofelle  ou  de  la 
laine  ,  la  foie  de  l'apocin  étant  trop  courte  ,  &c.  Les 
Chapeliers  mêlent  aufii  ce  duvet  avec  les  poils  de  caflor 
&  de  lièvre  :  ils  en  font  de  très-bons  chapeaux. 

11  y  a  plufieurs  efpeces  à^apocin  ,  du  fruit  defqueîs  on 
peut  tirer  le  même  ufage  :  mais  on  n'emploie  communé- 
ment que  le  coton  de  Vapocin  de  Syrie  ou  du  Canada , 
qu'on  nomme  aujourd'hui  la  foyciifi ,  &  qu'on  trouve 
dépeinte  &  gravée  dans  Munt'mgius  ,  iGjz  &C  1702. 
L'efpece  qui  produit  les  fleurs  les  plus  grandes  6c  dont 
la  tige  s'élève  à  la  hauteur  d'un  homme  ,  eil  VAfcU- 
pi  as  gîganua  ,  Linn.  j  VApocynum  srccîum  ,  incanum  ^ 


'^So  A     P     O 

latlfoUum  ,  M^ypùacum ,  fiorikis  crocels ,  de  Tourneforei 
C'eft  le  Rh'uiel  de  Croffar  ,  à' Alpin  ,  Egjpt.  85  ,  t,  86. 
Cette  plante  croît  auiii  dans  l'Inde. 

On  trouve  ,  dans  le  premier  volume  de  ^Académie, 
dis  Sciences  de  Dijon  ,  un  Mémoire  très-intéreilant , 
par  M.  G  dot  ,  dans  lequel  il  donne  l'hiftoire  ,  la 
culture  &  les  propriétés  de  Vapocin ,  appelé  la  foyeufe. 

Cette  plante ,  dit  cet  Auteur ,  croît  facilement  par- 
tout 5  même  dans  les  terrains  les  plus  mauvais  :  elle 
s'y  multiplie  d'elle-même  comme  le  chiendent  ,&:  elle 
ne  foufFre  aucune  autre  forte  d'herbes  ;  avantages  con- 
fidérables  qu'elle  a  iur  les  plantes  à  filature ,  qui  exigent 
de  bons  terrains  ,  des  engrais  renouvelés  chaque 
année ,  &  une  culture  annuelle.  C'eil  en  Mars  ou  en 
Avril  qu'on  doit  femer  la  graine  d^apocin  ,  attendrie 
auparavant  pendant  deux  fois  vingt-quatre  heures  dans 
l'eau  ;  un  feul  labour  lui  (ùffit.  La  plante  ne  porte  les 
gouiTes  qui  renferment  la  foie  ou  la  graine  ,  qu'à  la 
troifieme  année  ;  elle  pouffe  la  première  année  une 
tige  de  dix-huit  à  vingt  pouces  de  hauteur  ;  la  féconde  ^ 
elle  en  donne  de  nouvelles  de  trois  pieds ,  &  la  troi» 
fieme  enfin  ,  elle  pouffe  des  jets  d'environ  cjuatre  , 
cinq  ,  fix  &  même  fept  pieds  de  hauteur ,  fuivaat  la 
bonté  du  terrain.  Dès  que  fes  fleurs ,  qui  font  en  gros 
bouquets ,  paroiffent ,  on  y  voit  arriver  les  abeilles 
qui  en  font  tres-friandes.  Un  terrain  de  douze  pieds 
en  quarré  ,  femé  de  cette  plante  ,  produit  affez  pour 
.enfemencer  huit  arpens  ,  tant  eu  grande  la  multipli- 
cation de  cette  plante.  Sur  la  fin  d'Août  &  dans  le 
courant  de  Septembre ,  les  fruits  ou  gouffes  s'ouvrent 
d'eux-mêmes  ,  rarement  au  commencement  d'Ociobre. 
M.  G  dot  ayant  porté  fes  obfervations  fur  la  tige  de 
Vapocin ,  a  remarqué  que  fa  partie  ligneufe  &  fon 
écorce  étolent  femblables  à  celles  du  lin  6c  du  chanvre. 
Il  a  fait  rouir  pendant  onze  jours  les  tiges  d'apocin  ;  &c 
les  fibres  longitudinales  de  l'écorce  qui  fe  font  enle- 
vées &:  féparees  très-facilement  de  la  paitie  ligneufe , 


A    P     O  3S1 

font  toutes  de  la  longueur  de  la  plante  ,  ce  qui  ell 
très-important  pour  produire  une  matière  propre  à  une 
belle  filature.  On  a  fait  rouir  à  part  ,  pendant  cinq 
jours  ,  l'écorce  verte  féparée  de  la  partie  ligneuie  , 
elle  s'enlève  très-facilement  :  alors  on  en  a  retiré  ,  par 
le  feul  frottement ,  la  partie  verte  de  Pécorce ,  &  les  fibres 
ont  paru  plus  blanches  ,  plus  molles  &  plus  foyeufes» 
Voilà  donc  la  meilleure  méthode  ;  elle  eR  auiTi  la  plus 
facile  6c  la  plus  expéditive.  L'efpece  de  filalïe  que  fournit 
cette  écorce  ainli  préparée  ,  efl  d'une  force ,  d'une 
fineffe  &  d'une  blancheur  qui  la  rendent  capable  d'être 
employée  feule  à  faire  des  toiles  6c  des  étoffes  de  toutes 
fortes  de  qualités. 

Toutes  les  efpeces  à'apocin  font  ameres  ,  fur-tout 
dans  leurs  graines  ,  leurs  racines  6c  leur  écorce  ,  oii 
réfide  leur  principale  vertu.  Leur  infufion  à  froid  Sc- 
à  petite  dole  eu  purgative  ;  fi  on  augmente  la  dofe  , 
elle  devient  émétique.  Le  fuc  de  cette  plante  eft  lai- 
teux ,  6c  appliqué  extérieurement ,  c'eft  un  dépilatoire  ; 
mais  intérieurement  ,  c'eil  un  poifon.  On  l'appelle 
quelquefois  tue-<hicn  ,  parce  que  les  Anciens  ont  cru 
que  cette  plante  faiibit  mourir  les  chiens  ;  mais  le 
véritable  tuc-chien  eil  un  colchique.    Fcye^  ce  mot. 

On  lit  dans  la  Matière  médicale  ,  que  le  lait  qui  dé- 
coule de  la  feuille  arrachée  à  cette  plante  ,  ie  lif^e 
avec  le  temps  à  la  pluie ,  6c  devient  comme  une  forte 
de  gomme-rénne  blanche  ,  fort  femblable  à  la  gomme 
adragante  ,  fans  en  avoir  cependant  la  douceur.  Les 
Arabes  ont  donné  à  ces  larmes  tantôt  le  nom  de 
manne  ,  tantôt  celui  de  fucrc  alhafer  ,  ne  fâchant  à 
quelle  efpece  ils  dévoient  les  rapporter. 

Apocin  GGBBE=mouche  ,  Apocynum  Indicum  , 
foliis  aîîdrcfœmi  majoris  ,  jlort  liUi  convalUum  fuav'è  ru- 
bentis ,  Tourn.  9  ï .  Nom  donné  à  une  plante  du  genre 
des  apocins  ,  par  la  particularité  très-curieufe  qu'elle 
préfente.  Ses  fleurs  font  pour  les  mouches  un  appât 
trompeur,  Dès  qu'eUçç  le  pl^;içent  fur  les  pétales  de 


5S2  A    P     O 

la  fleur  vers  le  fond  ,  &  enfoncent  leur  trompe  pouf 
fucer  le  fiic  mielleux  :  elles  fe  trouvent  iaifies  éc  prifes 
comme  dans  un  piège  ,  fans  pou\^ir  fe  fauver.  Cette 
plante  croît  naturellement  dans  le  Canada  &  la  Vir- 
ginie. L'élégance  de  fon  port  &  la  beauté  de  fes  fleurs 
engagent  à  la  cultiver  dans  les  jardins. 

APOLLON.  Eft  l'un  des  plus  grands    papillons  de 
jour ,  afTez  généralement  connu  fous  le  nom  à^AlpicGla , 
ou  papillon  des  Alpes ,  parce  qu'il    eit  commun    dans 
ces  montagnes.  On  le  trouve  auiii  dans  les    Vofges  , 
dans  les  Cévennes ,  dans  la  Savoie,  en  Hongrie,  en 
Suéde  &  généralement  dans  les  pays  montagneux   , 
même  en  Ruffie;  il  ne  paroît  qu'en   été.  Il   emploie 
fes  fix  pattes  pour  marcher.  Ses  ailes  font  fi  peu  pou- 
dreufes  qu'elles  femblent  n'être  qu'une  membrane  tranf- 
parente.  Elles  font  blanches ,  nuées  de  gris  ou  de  jau- 
nâtre. Le  deiuis  des  ailes  fupérieures  olfre  cinq  taches 
noires  dont  l'une  près  du  ])ord  inférieur  efî  fouvent 
pointillée  de  rouge.  Les  ailes  polliérieures  ont  chacune 
deux  grandes  taches  rouges  ,  cerclées  de  noir  ,  avec 
un    gros   point  blanc   au   milieu ,    &:   fouvent    deux 
petites     taches    noires     vers     le    bord    inférieur    de 
ces    mêmes  ailes.     Les   quatre   ailes    font    îraverfées 
par  une  bande  noirâtre  pointillée  :   ces  mêmes  points 
noirs   fe   trouvent    aufli    à    la    nainance    des     ailes. 
Tous    les    papillons    de  cette    efpece    ont    de    longs 
poils  grifâtres  fur    le   corps    &     à    la   naiilance     des 
ailes    inférieures  ;     leurs    antennes    iont    courtes    & 
groffes.   Le    deifous   des    ailes  antérieures   offre    trois 
taches  noires   ^  deux   rouges  ou    rcufles  ,    cerclées 
de  noir.     Le    deiTous    des    ailes    poftérieures    montre 
les  à^wK  mêmes    grandes  taches  qu'au  defius,  &  en 
outre  trois  à  quatre  rouges  terminées  par  des  points 
noirs.  La  fsmelle  ne  diiTere  du  mâle  que   par  un  petit 
fac  de  confifîance  de  corne  ,  qu'elle  a  à    l'extrémité 
du  ventre  :  ce  papillon  a  le  vol  pefa.nt ,  ce  qui  le  rend 
facile  à  approcher. 


A  P  O        A   P   P  5§5 

Sa  clienille  ell  noirâtre.  Son  corps  eu  couvert  d'une 
grande  quantité  de  poils  courts  &:  gros,  &  qui  for^ 
ment  une  efpece  de  velours.  Chaque  anneau  efl  fé-- 
paré  par  une  ligne  de  couleur  d'acier.  Une  fuite  de 
taches  rougeâtres  ,  règne  fur  le  dos  &  fur  les  côtés  , 
au  bas  de  fon  ventre  ;  fa  tête  eu  petite ,  &  au  moin- 
dre toucher  l'animal  la  fait  rentret  fous  le  premier 
anneau ,  alors  la  chenille  fe  ramaffe  en  rond.  De  même 
que  la  chenille  du  grand  porte-queue ,  elle  a  deux  cor- 
nes qu'elle  fait  fortir  à  volonté  de  fon  premier  an- 
neau: elles  font  d'un  jaune  rougeâtre  ,  6c  ont  deux 
lignes  de  long.  On  eilime  que  c'efl  la  chenille  de  tous 
les  papillons  de  jour  qui  met  le  plus  de  temps  à  croître. 
Elle  lort  de  fon  œuf  au  commencement  d'Avril  6c  ne 
parvient  à  fon  accroifiement  parfait  qu'à  la  fin  de 
Juin  ;  elle  fe  nourrit  de  feuilles  d'orpin  ;  près  de  fe 
métam^orphofer  ,  elle  attache  plufieurs  de  ces  feuilles 
enfemble  avec  de  la  foie  ,  &  fe  file  en  dedans  une 
efpece  de  coque  dans  laquelle  elle  fe  change  en  chry- 
falide;  elle  reiTemble  en  cela  à  la  chenille  du /?^^i//(9;2 
ejîropié  appelé  le  plain-ckant.  Au  bout  de  fix  jours ,  la 
chryialide  eil  d'un  vert  noirâtre  enfuite  faupoudrée 
de  blanc  bleuâtre.  La  dépouille  de  la  chenille  reile 
ordinairement  attachée  .à  la  chry falide  ,  elle  donne  fon 
papillon  au  bout  de  quinze  ou  vingt  jours. 
.  On  donne  le  nom  de  dani-apollon  à  un  papillon 
plus  petit  que  Vapollon.  Ses  nervures  font  plus  noires. 
Il  n'a  que  deux  taches  noires  aux  ailes  fupéneUres&: 
quelquefois  une  aux  ailes  inférieures.  Sa  femelle  a  aufli 
le  petit  fac  que  porte  la  femelle  de  Vapollon.  Le  demi- 
apoUon  a  été  décrit  fous  le  nom  de  mmmofine  par 
plufieurs  Nâturaiiiles.  Il  y  a  auiîi  le  peut  apoLlon  des 
liles  d'Ourlac. 

APPAT  DE  VASE.  Vcyei  Anguille  de  sable. 

APRON  5  Ferca  ûJper^Umn.  :  Jfper pifciculus^WiWxw. 
Poiffon  du  genre  du  Perfégue,  C'eil  \?.Jlrever  des  ha- 
bitans  de  Ratisbonne-*    \Japron  eil  une  elpece  de  petite 


3S4  A  P   T        ARA 

perche  qui  ,  félon  Willughhy  ,  a  beaucoup  de  rap- 
port avec  \t  faridat.  Voyez  ce  mot.  Il  eft  cependant 
plus  alongé  6c  plus  eflilé  ,  fur-tout  vers  la  queue.  Le 
commencement  du  dos  eft  excavé  par  un  rillon.  Le 
corps  eft  marqué  de  huit  ou  neuf  zones  tranfverfales , 
comme  cekii  de  la  perche.  Les  narines  ont  une  double 
ouverture  de  chaque  côté  ;  la  poitrine  n'cil  point 
garnie  d'écaillés  comme  le  dos  :  la  première  nageoire 
5u  dos  a  huit  rayons  épineux  ;  la  féconde  en  a  treize  , 
inais  cartilagineux  ;  les  pedorales  en  ont  chacune  qua- 
torze ;  les  abdominales  en  ont  cinq  ;  celle  de  l'anus 
en  a  douze.  Ce   poiiïbn  fe  trouve  dans  le  Danube. 

APTERE  &  APODE.  Voyei  la  fignification  de  ces 
mots  ,  à  /W/c/e- Insecte. 

APUT  JUBA.  Foyei  Perruche  facée  de  jaune, 

AQUIQUI.  Grand  fapajou  du  Bréfilquia  une  barbe 
fort  longue  au  menton ,  &  qui  eil  ii  bien  aiTangée 
qu'on  la  croiroit  faite  avec  des  cifeaux.  Parmi  les 
iinges  de  cette  efpece ,  il  en  naît  quelquefois  un  de 
couleur  rouffâtre,  que  les  Sauvages  appellent  le  Roi 
des  Jinges.  On  dit  qu'il  monte  fouvent  fur  un  arbre , 
&  qu'il  crie  d'une  voix  enrouée  ,  mais  forte  ,  &  com.me 
s'il  vouloit  haranguer.  On  l'entend  de  très-loin  :  en 
criant ,  il  y  met  tant  d'adion  ,  que  l'écume  lui  fort 
îîbondamment  de  la  bouche.  On  prétend  qu'un  petit 
iinge  ,  alîis  auprès  de  l'orateur ,  a  foin  de  l'efTuyer. 
Ce  fapajou  aquiqul  eft  VOuarine,  Voyez  ce  mot. 

ARA.  Nom  donné  à  des  perroquets  propres  au  nou- 
veau Continent,  &  qui  fe  dilHnguent  des  autres  oi- 
seaux du  même  genre  par  leur  taille  qui  efl  plus  forte  , 
^  par  la  grandeur  de  leur  queue  qui  efl  à  proportiori 
plus  longue.  Le  deffus  de  la  tête  eii  fort  large  ;  une 
peau  nue  ,  d'un  blanc  fale ,  couvre  les  deux  cotés  de 
îa  tête ,  l'entoure  par  deflbus  ,  &:  recouvre  auiTi  le 
demi-bec  inférieur.  Les  aras  habitent  les  pays  fitués 
entre  les  deux  Tropiques  ,  &  on  les  trouve  également 
fur  l^s  liles  çomm,e  fiu  \^  Tgtre-Fçrrue  j  ces  oiieaux 


ARA  385 

ont  le  plumage  brillant  ,  le  regard  fier ,  Pair  faiivage  ^ 
la  voix  forte  6c  rauqiie  ;  par  leur  cri ,  pofés  ou  en 
volant ,  ils  femblent  articuler  le  mot  dont  ons'eilfervi 
pour  les  nommer.  M.  Maudiiyt  dit  qu'ils  volent  01^ 
dinairement  par  paires ,  quelquefois  par  bandes  ,  avec 
affez  de  viteffe  ,  &  s'élèvent  en  général  plus  haut  que 
les  autres  perroquets  ;  ils  fe  perchent  fur  les  branches 
les  plus  élevées ,  fe  nourriiTent  de  {^v:'^<i\iQit'^  6c  de  fruits 
6c  principalement  des  fruits  du  palmier-latanier  ;  ils 
habitent  les  bois  ;  ils  aiment  les  terrains  humides  ;  ils. 
s'éloignent  à  environ  une  lieue  pendant  le  jour  pour 
chercher  leur  nourriture,  6c  ils  reviennent  le  foirpour 
pafier  la  nuit  au  mxême  endroit  où  ils  ont  choifi  leut' 
retraite;  ils  font  leur  nid  dans  des  trous  de  vieux  ar- 
bres 6c  le  garnilTent  de  plumes  ;  la  femelle  fait  deux: 
pontes  par  an  ,  de  chacune  deux  œufs  à-peu-près  gros 
com.me  ceux  du  pigeon ,  6c  tachetés  comme  ceux  de 
ia  perdrix.  Le  mâle  6c  la  femelle  couvent  alternative- 
ment. Les  jeunes  s'apprivoifent  aifément.  Leur  chair; 
efl  d'un  ufage  alTez  fréquent  à  la  Guiane  ,  celle  des 
vieux  efi:  dure  ,  mais  on  fait  avec  d'aiTez  bon  bouillon. 
La  chair  des  jeunes  efl  allez  graffe  6c  de  bon  goût  , 
fur-tout  dans  la  faiibn  des  graines  de  bois  d'Inde.  La 
laveur  de  la  chair  de  ces  oifeaux  tient  toujours  de  l'e{^ 
pece  de  nourriture  qu'ils  prennent  ;  quand  ils  man- 
gent des  fruits  d'acajou  ,  ils  fente nt  l'ail  ;  s'ils  ont 
mangé  beaucoup  de  piment ,  leur  chair  contracle  un 
goût  de  girolle  6c  de  cannelle  ;  quand  ils  fe  nourrif- 
fent  pendant  un  certain  temps  de  prunes  de  moubin  ^ 
de  cachimans  6c  de  goyaves  ,  ils  deviennent  comme 
autant  de  pelotons  de  graiffe  :  on  prétend  que  la  graine 
de  coton  les  enivre  à  tel  point  qu'on  peut  alors  les 
prendre  très-facilement.  Le  chenevis  efl  la  nourriture 
ordinaire  de  ces  oifeaux  dans  nos  climats-;  ces  perro^ 
quets  n'ont  de  fauvage  que  l'apparence  ,  6c  leur  ex- 
térieur les  fait  plus  craindre  qu'ils  ne  font  dangereux 
en  effet  :  ils  ont  au  contraire  ^  en  général  ^  des 
Tome  /,  B  b 


386  ARA 

habitudes  afTez  douces  :  ils  s'apprivoifent  aifément ,  Ils 
font  même  fufceptibles  de  connoiflance  &  d'attache- 
ment ;  ils  ufent  de  la  liberté  qu'on  leur  accorde ,  re- 
gagnent d'eux-mêmes  les  lieux  auxquels  ils  font  ac- 
coutumés 5  reçoivent  avec  plaifu-  les  carefTés  qu'on 
leur  fait ,  &c  en  rendent  aux  perfonnes  qui  ont  l'ha- 
bitude de  les  approcher.  Ces  perroquets  n'apprennent 
guère  à  parler,  &  ne  répètent  jamais  que  quelques 
mots  qu'ils  articulent  mal.  Leur  cri  fort  déchirant , 
qu'ils  font  entendre  trop  fouvcnf  ,  fur  -  tout  lorf- 
qu'ils  font  furpris  ou  effrayés ,  porte  à  les  éloigner , 
malgré  leur  beauté  ôc  leur  aptitude  à  la  domeflicité. 
Ils  ne  font  bien  placés  que  dans  les  lieux  vafles  ,  à 
l'entrée  des  veftibules  ,  où  on  les  voit  en  pafTant  ;  ils 
font  fouvent  un  bel  effet  à  l'entrée  des  parcs  &  des 
jardins  ,  dont  ils  ornent  les  grilles  &:  les  avenues.  Ils 
paffent  pour  vivre  long-temps  ;  ils  craignent  le  froid 
rigoureux  de  l'hiver  ,  &  ils  ont  alors  befoin  d'être 
tenus  dans  des  lieux  fermés  &  échauffés  pendant  le 
jour. 

Ara  bleu,  p/.  cnl.  30  ,  Pjitacais  maxlmus  cyanocro- 
cens.  C'efl  Vara  bhu  &  jaune  de  la  plupart  des  Auteurs  ; 
il  iè  trouve  à  la  Jamaïque  &  au  Bréfil.  Il  y  a  de  ces 
perroquets  qui  offrent  quelques  différences  dans  les 
couleui"S  du  plumage  ;  font-elles  les  attributs  de  la  dif- 
férence du  fexe  ,  ou  n'indiquent -elles  qu'une  variété 
accidentelle  ?  c'efl  ce  qui  n'elt  pas  encore  prouvé.  M. 
de  Bujfon  les  regarde  com.m.e  ne  faifant  qu'une  efpece. 
L'un&:  l'autre  ara  hUu  &  jaune  font  à-peu-près  de  la 
groffeur  de  Vara  rouge  ;  le  plumage  fupérieur  eft  d'un 
bleu  éclatant ,  &  l'inférieur  d'un  jaune  brillant  ;  le 
bec  &  les  ongles  noirs  ;  les  pieds  cendrés  ;  la  queue 
compofée  de  douze  plumes  étagées  ,  &  dont  les  deux 
du  milieu  font  beaucoup  plus  longues  que  les  latérales  : 
le  devant  de  la  tête  ,  dans  l'efpece  du  Bréfil ,  efl:  d'un 
vert  obfcur  ,  mais  bleu  dans  celui  de  la  Jamaïque  : 
ceUii  de  cette  dernière  contrée  n'a  point    de  plumes 


ARA  387 

fur  la  peau  qui  couvre  les  joues  &  la  gorge  ,  au  lieu 
que  celui  du  Bréfil  a  fur  ces  mêmes  parties  neuf 
lignes  tranfverfales  formées  par  de  très-petites  plumes^ 
noires  ,  &z  l'intervalle  d'une  ligne  à  l'autre  eft  nu  ; 
il  offre  encore  une  bande  tranfverfale  noire  ,  bordée 
de  vert  obfcur  ,  &  placée  au-dcilbus  de  la  gorge ,  ce 
qui  manque  dans  Vara  de  la  Jamaïque  ;  celui-ci  a  les 
grandes  plumes  des  ailes  d'un  bleu  pur  en  deffus  , 
bordées  intérieurement  de  noirâtre  ,  d'un  jaune  obfcur 
en  defibus  ;  Vara  du  Bréfil  a  les  mêmes  plumes  d'un 
bleu-violet ,  d'ailleurs  bordées  6c  teintes  en  deilous 
comme  dans  celui  de  la  Jamaïque,  M.  Maiidiiyt  dit 
que  les  aras  hlcus  &  jaunes  ont  les  mêmes  habitudes  , 
les  mêmes  mœurs  que  Vara  rouge  ;  & ,  quoique  habitans 
des  mêmes  climats ,  les  bleus  &  les  rouges  ne  fe  mê- 
lent pas  ,  mais  ils  vivent  féparés  fans  fe  nuire  ;  la 
voix  des  bleus  eil  encore  plus  rauque  &:  moins  dif- 
tincle  que  celle  des  rouges  ;  ce  font  de  tous  les  oi- 
feaux  ,  ceux  dont  les  Sauvages  admirent  le  plus  la 
beauté  ;  ils  les  célèbrent  dans  leurs  chanfons  :  les 
plumes  des  aras  font  principalemicnt  celles  dont  les 
Indiens  ié  fervent  pour  former  des  tours  de  tête^ 
des  colliers  &  autres  parures. 

Ara  noir  ;  cet  oifeau  eil  très-rare,  M.  de  Buffon 
dit  qu'il  eft  connu  des  Sauvages  de  la  Guiane  ;  qu'il 
n'approclie  jamais  des  habitations  ,  qu'il  fe  tient  fur 
les  fommeîs  fecs  &  ftériles  des  montagnes  &  des 
rochers.  Cet  ara  a  le  plumage  tout  noir  ,  avec  des 
reflets  d'un  vert  luifant  ;  fon  bec ,  fuivant  de  Laèt  ^  eft 
rouge  ,  fes   yeux  le  font  aulfi.  Les  pieds  font  jaunes. 

Ara  rouge  ,  pi.  enl,  ii.  C'eft  Vara  rouge  &  bleu 
^Edvard  ;  Vara  du  Bréjil&  de  la  Jamaïque^  de  M.  Brïf- 
fon  ;  fa  longueur  totale  eft  de  deux  pieds  fept  pouces  ; 
l'envergure  eft  de  trois  pieds  ;  la  tête  ,  le  cou  -,  la 
partie  ftipérkure  du  dos  ,  la  poitrine ,  le  ventre  ,  les 
côtés  &  les  jambes  font  d'un  rouge  vif;  la  partie  in- 
férieure du  dos  &  le   croupion  font  d'un  bleu  clair  ^ 

B  b     2 


388  ARA 

îa  queue  eil  compofée  de  douze  plumes  étagées  ;  les 
deux  plus  longues  font ,  au  milieu ,  de  couleur  rouge  , 
8c  terminées  de  bleu  clair  ;  celle  qui  les  fuit ,  de  cha- 
que côté,  eft  bleue  dans  la  dernière  moitié  de  là 
longueur  ;  les  quatre  plus  externes  ,  de  chaque  côté  , 
font  d'un  bleu  nue  de  violet  ;  (  dans  Vara  rcuge  de 
la  Jam.aïque  les  deux  longues  plumes  de  la  queue 
font  bleues  dans  toute  leur  longueur  ;  )  les  petites 
couvertures  des  ailes  ôc  les  moyennes  font  rouges  , 
mais  ces  dernières  ont  le  bout  orangé  &  terminé 
de  vert  ;  les  pennes  ûqs  ailes  font  en  deiTous  toutes 
d'un  rouge  obfcur  ;  les  dix-huit  premières  font  en  delTus 
d'un  bleu  nué  de  violet  ;  le  defïiis  des  autres  efl  varié 
de  vert ,  de  bleu  &:  de  brim  pourpré  ;  le  bec  efl  blanc 
en  deiTus ,  &:  noir  dans  le  reile  ;  la  peau  des  joues 
&  qui  s'étend  fous  la  partie  inférieure  du  bec  ,  eft 
niie  ôc  d'un  blanc  fale  ;  fur  le  fom^met  de  la  tête , 
efl  une  forte  de  bourrelet  formé  de  plumes  rouges 
&:  courtes. 

M.  Mauduyt  fait  mention  de  Vara  (  petit  )  ,  repré- 
fenté  pL  ml,  641.  M.  de  Buffon  le  regarde  comme  une 
variété  de  Vam  rouge ,  &  M.  Mauduyt  préfume  que 
c'efr  une  efpece  particulière ,  en  raifon  de  la  médio- 
crité de  fa  taille  &  de  la  diiTérence  de  fon  plumage. 
Le  petit  ara  efl  en  effet  de  moitié  plus  petit  que  Vara 
rouge  ;  le  fommet  de  la  tête  ,  le  cou  ,  la  poitrine  , 
le  ventre  &  les  côtés  font  d'un  rouge  qui  a  peu  d'éclat  ; 
les  cuilies  font  mêlées  de  rouge  &  de  vert  ;  le  der- 
rière du  cou  efl  d'un  jaune  obfcur  ;  le  dos  d'un  rouge 
terne  tacheté  de  verdâtre  ;  le  pli  de  l'aile  efl  d'un 
rouge-brun  ;  les  grandes  pennes  des  ailes  font  d'un 
violet  nué  de  bleu  :  c'efl  aufîi  la  couleur  des  plumes 
latérales  de  la  queue  ,  car  les  deux  du  milieu  font 
d'un  rouge  fcmbre  ;  le  bec  efl  noir.  On  a  vu  ce  petit 
ara  vivant  à  Paris. 

Ara  VARIÉ  des  Moluques ,  de  M.  Brljfon,  Voyez, 
Perruche  (  grande  )  a  j^andeau  noîr. 


ARA  3  §9 

Ara  vert  du  Bréfil ,  de  M.  Brijfon ,  &  Edward  ^pL 
mL  383.  Cet  ara  eil  bien  plus  petit  que  Vara  rouge 
6c  que  Vara  hleu.  Il  habite  les  mêmes  contrées  ;  fa 
longueur  totale  eu  d'environ  feize  pouces  ;  tout  le 
plumage  du  corps  efl  d'un  vert  qui ,  fous  les  différens 
afpeds ,  paroit  ou  éclatant  ou  doré  ,  ou  olive  foncé  ; 
les  pennes  de  l'aile  font  d'un  bleu  d'aiguë  -  marine 
fur  un  fond  brun  doublé  d'un  rouge  de  cuivre  ;  le 
deffous  de  la  queue  eft  de  cette  même  couleur  ,  & 
le  deffus  efl  d'un  bleu  d'aigue-marine  fondu  dans  du 
vert  d'olive  ;  le  vert  de  la  tête  eil  prefque  pur  ;  fur 
le  front  eil  une  bordure  noire  de  petites  plumes  effi- 
lées qui  relTemblent  à  des  poils  ;  la  peau  nue  &  blan- 
che qui  environne  les  yeux  ,  efl  auiîi  parfemée  de 
petits  pinceaux  rangés  en  hgno  des  mêmes  poils 
noirs  ;  l'iris  jaunâtre  ;  le  bec  6c  les  ongles  noirs  6c 
les  pieds  grifâtres. 

M.  de  Buffon  dit  que  cet  ara  vert  efl  aufîi  beau 
que  rare  ,  &;  qu'il  ell  encore  aimable  par  fes  mœurs 
fociales  ;  il  eft  bientôt  familiarifé  avec  les  perfonnes 
qu'il  voit  fréquemment  ;  il  aime  leur  accueil  ,  leurs 
carefTes ,  &:  femble  chercher  à  les  leur  rendre  ;  mais  il 
repouffe  celles  des  étrangers  ,  &c.  Il  eli  très-fenfible 
au  froid  ;  il  friffonne  dès  qu'on  lui  jette  de  Peau  froide 
fur  le  corps  ;  il  fe  baigne  cependant  volontiers ,  mais 
ce  n'eil  que  dans  les  grandes  chaleurs  ;  il  a  le  cri  dé- 
fagréable  des  grands  aras ,  mais  moins  fort  ;  il  paroît 
avoir  de  l'antipathie  pour  les  enfans  ,  &  en  général 
être  jaloux  des  careilës  que  ceux  auxquels  il  s'eft  at- 
taché accordent  à  d'autres  qu'à  lui  ;  il  apprend  à  parler 
plus  aifément  &  prononce  plus  diffindtement  que  les 
grands  aras, 

Edward  a  décrit  Vara  vert  plus  grand  que  le  pré- 
cédent 5  avec  le  front  rouge  ,  les  pennes  de  l'aile  ,  le 
bas  du  dos  &  le  croupion  rouges  ;  feroit-ce  une  va-- 
riété  ou  la  différence  du  fexe  } 

B  b     3 


390  ARA 

Ara  vert  et  rouge  du  Brélil ,  de  M.  Bri[fon  ^ 
M.  de  Buffon  le  place  parmi  les  perruches.  Voyez 
Perruche-Ara. 

ARAEATA ,  grand  Sapajou  rouge.  Nom  donné  à 
Valouatu  ,   dans    les    terres    de    l'Orcnocpae.      Voy^\_ 

OUARINE. 

ARABETTE.  Voyei  Tourelle. 

ARAEOUTAN.  Grand  arbre  du  Bréfil ,  qui  donne 
le  bois  de  Bréjil ,  fi  connu  par  {es  propriétés  dans  les 
Arts.  Foyei  Êois  du  Brésil. 

ARACA-MîRI.  Arbriffeau  affez  commun  au  Bréfil , 
dont  le  fruit  mûrit  deux  fois  l'année  ,  en  Mars  &  en 
Septembre  :  fa  faveur  eil  mufquée  ,  aftringente  &  ra- 
fraîchifîante  ;  il  fe  garde  confit.  Sa  racine  eft  diurétique, 
&  bonne  pour  la  dysenterie.  On  fait,  avec  les  feuilles 
&  les  boutons  de  fleurs  de  Varaca-mirl  ,  un  bain  fa- 
lutaire  pour  toutes  les  aftedions  du  corps  oii  l'on 
peut  employer  les  aflringens.  Ray ,  Hiftoirc  des  Planus, 

ARACAPJ.    Voyei^  l'article  TouCAN. 

ARACHNÉ.  yoy^i  VanicU  Faune. 

AR.ACKNÉOLÎTES.  Nom  donné  à  l'efpece  de  cancre 
appelée  araignée  de  mer ,  &  devenue  foiîile.  Foyei 
Cancre. 

ARACK.  Nom  donné  à  une  efpece  de  liqueur 
couleur  de  vin  blanc  que  font  les  Tartares-Tungutes , 
fujets  du  C^ar.  Cette ,  liqueur  fe  fait  avec  du  lait  de 
cavale  ou  d'ânefle  ,  qu'on  îaiffe  aigrir  à  deux  ou  trois 
repriies  entre  deux  pots  de  terre  bien  bouchés ,  d'où 
la  liqueur  fort  par  un  petit  tuyau  de  bois.  On  prétend 
<|ue  cette  liqueur  vineufe  n'efl  point  défagreable , 
<^u'elle  eif  trè.s-forte  ,  6c  enivre  plus  que  le  vin.  Prife 
fobrement ,  elle  ne  fait  qu'animer  &:  égayer.  On 
fait  que  les  liqueurs  très-fpiritueufes  font  une  boifîbn 
fort  recherchée  de  prefque  toutes  les  nations  ,  de  celles 
fur-tout  qui  habitent  les  pays  froids.  Les  Tartares  ^ 
les  Kalmiucs  donnent  le  nom  A^arki  ou  à^ariki  à  un 
efprit  vmeux  qu'ils  obtiennent  par    la   diflillation   du 


A    R    A  39r 

lait  de  cavale  ou  de  vache.  Ils  mettent  d'abord  le  lait 
dans  des  peaux  non  tannées  &:  coufues  enfemble  ;  ils 
l'y  laiffent  aigrir  &  condenfer  ,  ils  l'agitent  enfuite 
jufqii'à  ce  qu'il  paroifîe  fur  la  fuperficie  une  crème 
fort  épaifle.  Ils  enlèvent  cette  crème  ,  la  font  fécher 
au  foleil  6c  l'offrent  à  manger  à  leurs  hôtes.  Pour 
le  lait  aigri  par  la  fermentation  ,  ou  ils  le  boivent ,  & 
lui  donnent  le  nom  de  kumis  ^  ou  ils  en  tirent  par 
diltillation  un  efprit  vineux.  Foyei  Vartick  Lait.  Voys^^ 
encore  à  la  fuite  du  mot  anis  de  la  Chine  ,  ce  que 
c'eil  que  Varack  des  Hollandois. 

.  Varack  aromatique  des    Mexicains    efl   la    vanille. 
vVoyez  ce  mot. 

Le  racque  ou  Varack  des  Portugais  ou  de  Goa,  efl 
la  liqueur  du  coco  diftillée.  Varack  des  Canadiens  eft 
tiré  des  érables  &  du  bouleau.  Le  taffia  ou  eau-de-vie 
de  grain  ,  eil  Varack  des  Anglois. 

Varack  des  Moxes  ,  nation  la  plus  barbare  de  1' Amé~ 
rique  ,  eil  fait  avec  des  racines  pourries  qu'ils  font 
infufer  dans  de  l'eau.  D'autres  Sauvages  de  PAméri* 
que  font  ce  qu'ils  appellent  la  chica  ,  liqueur  très- 
dégoûtante  ,  mais  fpiritueufe.  Voici  fa  compofition'. 
De  vieilles  femmes  mâchent  des  herbes  &  des  graines 
de  maïs  ,  qu'elles  crachent  dans  des  calebaffes  à  moitié 
remplies  d'une  bière  de  maïs. 

ARADA  ou  Musicien  de  Cayenne  ,  pL  mt, 
706  ,  fîg.  2.  C'eft  ,  fuivant  M.  de  Bufon  ,  une  efpece 
très-voiïine  des  oifeaux:  auxquels  il  donne  le  nom  de 
fourmiliers  ;  cependant  il  en  diffère  par  les  habitudes  : 
il  eft  folitaire  ,  il  fe  perche  &  ne  defceml  à  terre  que 
pour  prendre  des  infeàes  ;  fon  chant  eft  aufti  agréable 
<jue  celui  des  fourmiliers  l'eft  peu  ;  il  répète  fouvent 
les  fept  notes  de  l'oclave  j  par  lefquelles  il  prélude  ; 
il  fiffle  enfuite  différens  airs  modulés  fur  un  grajid 
nombre  de  tons  &:  d'accens  différens  toujours  mélo- 
dieux ,  plus  graves  que  ceux  du  rofîignol  &  plus  ref- 
femblans  aux  fons  d'une  flûte  douce  ;.  outre  fon  chant^ 

B  b     4 


^çi  ARA 

Varada  a  une  efpece  de  fiftlet  par  lequel  il  Imite  par- 
faitement celui  d'un  homme  qni  en  appelle  un  autre; 
les  Voyageurs  y  font  fouvent  trompés  ;  c'efl  loin  des 
lieux  habités  ,  au  milieu  des  forêts  les  plus  épailles  , 
que  Varada  vit  ftul  &:  qu'il  fait  retentir  les  dé- 
ferts  de  fa  voix  ,  qu'on  efl  furpris  d'y  entendre  ; 
mais  fon  efpece  ne  paroît  pas  nombreufe  ,  &:  l'on 
fait  fomxnt  beaucoup  de  chemin  fans  entendre  un 
feul  arada. 

Le  pliimcge  de  Varada  ne  répond  pas  à  la  beauté 
de  fon  chant  ;  fes  couleurs  font  ternes  &  fombres  , 
bnmes  fur  la  tête  ;  le  derrière  du  cou  ,  le  dos  ,  les 
ailes  &  la  queue  offrent  des  raies  tranfverfales  brunes 
fur  wn  fond  noirâtre  ;  la  gorge  ^  le  devant  du  cou  , 
le  haut  de  la  poitrine  ,  font  roux  :  des  taches  noires 
&  blanche.^  s'étendent  fur  les  côtés  du  cou  ;  le  ventre 
eil  grisâtre,  le  bec  long  d'un  pouce,  droit,  épais  , 
pointu  &  noirâtre  ;  les  pieds  plombés.  Cet  oiieau  a 
environ  fept  pouces  de  longueur. 

ARAIGNEE ,  Arancus,  Infede  très-com^mun  ,  dont 
on  trouve  un  très  -  grand  nombre  d'efpeces  différentes 
en  figure  ,  en  grandeur ,  en  couleur ,  &  qui  habitent 
différens  lieux.  L'hiiloire  de  ces  argus  fi  hideux  à  la 
vue  ,  eil  cependant  très-curieufe. 


appartemens  ;  2.  i  araigm 
des  jardins  ,  qui  fait  en  plein  air  une  petite  toile  cir- 
culaire ,  fort  jolie  ,  d'un  tiffu  peu  ferré  ,  au  centre  de 
laquelle  elle  reile  pendant  le  jour;  3.^  Varaignéi  noire 
des  caves  ^  qui  loge  dans  les  trous  des  vieux  murs  ; 
4.**  V araignée  vagabonde  ,  qui  ne  fe  tient  pas  tranquil- 
lement dans  un  nid  comme  les  autres  ;  5.^  V araignée 
des  champs  ,  qui  eft  montée  far  de  très-hautes  jambes  , 
&  qu'on  appelle  oxàciïmr^ïTL^ntfaucJunx  ;  6.^  Varaigjiéi 
enragée  ou  tarentule^  commune  en  Italie;  -J^^V  araignée 
aquatique  ;  8.°  V araignée  maçonne^ 


ARA  395 

Le  cara£lere  auquel  on  peut  difllnguer  les  araîgîzées 
'ÙQS  genres  qui  en  approchent ,  c'eft  que  V araignée  ell 
la  feule  dans  tous  les  genres  de  cette  fe£lion  ,  qui  ait 
en  même  temps  huit  pattes  &  huit  yeux  ;  cara£lere 
qui  diftingue  ce  genre  d'une  manière  très-fenfible  :  Par* 
rangement  des  yeux  varie  dans  les  diverfes  efpeces  ; 
dans  les  unes  ils  font  rangés  en  croifîant  ,  dans  d'au- 
tres en  quarré  ;  ici  flir  deux  lignes ,  là  les  yeux  font 
de  groileur  inégale. 

AraïgnU  domejliqm  ou  d\4vparwncns. 

Vtraignée  domefiiqm  eft  pour  l'ordinaire  de  grandeur 
médiocre  ,  velue  ,  jaunâtre  ou  d'un  brun  pâle  ,  tache- 
tée. Tout  fon  corps  f^  peut  divifer  en  partie  antérieure 
&  poflérieure  ,  &  en  pattes.  La  partie  antérieure  qui 
eil  dure ,  écailleufe  ,  tranfparente ,  contient  la  tête  &: 
la  poitrine  ou  corfelet.  La  partie  poflérieure  couverte 
d'une  peau  fouple  ,  eil:  ce  qu'on  appelle  le  ventre.  Ces 
deux  parties  tiennent  enfemble  par  un  étranglement  ou 
anneau  fort  petit.  Les  pattes  ou  jambes  ,  au  nombre  de 
huit,  tiennent  au  corfelet  :  elles  font  dures ^ comme 
toute  la  partie  antérieure  ,  &  articulées  de  même  que 
les  pattes  des  écreviffes  ,  ayant  chacune  à  leur  extré- 
mité deux  grands  ongles  crochus  &:  articulés.  Il  y  a  à 
l'extrémité  de  chaque  jambe  ,  entre  les  deux  ongles  , 
une  petite  pelote  qui  efl  com.me  une  éponge  un  peu 
mouillé?  :  c'eft  à  l'aide  de  cette  éponge  que  V araignée  , 
ainfi  que  les  mouches ,  marche  &  grimpe  fur  les  corps 
les  plus  pohs.  Ces  éponges  fourniilent  une  hqueur  un 
peu  gluante  ,  qui  iiiilit  pour  les  y  faire  adhérer.  Cette 
liqueur  gluante  tarit  avec ,  Page  dans  les  araignées  6c 
d'dhs  les  mouches  ,  de  manière  qu'elles  ne  peuvent 
marcher  long-temps  de  bas  en  haut  contre  une  glace 
de  miroir  ;&  même  alors  ces  infedes  ne  fauroient  iortir 
d'un  vafe  de  verre  ou  de  porcelaine  un  peu  profond. 

Il  arrive  à-peii-près  la  mem.e  chofe  aux  araignées  pour 
la  matière  qui  fournit  leur  toile.  Cette  matière  s'épaiiTiî 


394  ARA 

dans  Varaignée  ,  Sc  elle  ne  peiit  plus  faire  de  toile  ; 
mais  la  nature  lui  fournit  une  reffource  pour  avoir  le 
jnoyen  d'attraper  fa  proie  :  elle  va  chaffer  de  fon 
ïiid  une  araignée  de  fon  efpece  ,  mais  plus  foible 
qu'elle  ,  &  s'empare  de  fa  toile.  Peut-être  que  la 
liqueur  des  extrémités  des  pattes  eil  la  même  que 
celle  dont  fe  fait  la  toile  ,  ou  du  moins  qu'elle  lui 
eft  analogue  ,  puif qu'avec  l'âge  elles  tariffent  à-peu-près 
de  même. 

Outre  les  huit  jambes  dont  Varaignée  fe  fert  pour 
marcher,  elle  a  encore  deux  autres  jambes  plus  proches 
de  la  tête ,  plus  courtes  ,  qui  ne  portent  point  à  terre  , 
avec  lefquelles  elle  ne  marche  pas ,  mais  qui  lui  iervent 
de  bras  &  de  mains  pour  manier  &  retourner  la  proie 
qu'elle  tient  dans  fes  ferres  ou  tenailles  ,  qui  font  im- 
médiatement devant  fa  bouche.  Ces  tenailles  reffem- 
blent ,  en  quelque  façon  ,  aux  ferres  des  écreviffes  : 
elles  font  garnies  de  deux  pointes  fort  dures  aux  deux 
bords  qui  fe  joignent.  Ces  ferres  fervent  à  Varaignée 
pour  faifir  fa  proie  &  la  tenir  auprès  de  la  bouche  qui 
en  tire  la  nourriture. 

L'arrangement  &  la  difpofition  des  yeux  eft  un  des 
caraderes  propres  à  diflinguer  les  diverfes  efpeces  d'^- 
raignées  ,  car  les  yeux  font  placés  différemment  dans 
prefque  toutes  les  efpeces. 

Varaignée  domejîique  a  huit  yeux  placés  fur  fon  front 
en  ovale  :  ces  yeux  font  petits  ,  mais  affez  apparens  , 
noirâtres  ,  &  à-peu-près  de  la  même  grandeur  les  uns 
que  les  autres.  A  l'extrémité  du  ventre  de  Varaignée  , 
&  autour  de  l'anus ,  il  y  a  fix  mamelons  mufculeux  , 
pointus  vers  leur  extrémité ,  qui  font  autant  de  filières 
dans  lefquelles  fe  moule  la  liqueur  gluante  qui  doit  de- 
venir de  la  foie  ,  lorfqu'elle  fe  fera  féchée  après  être 
fortie  de  fes  fiUeres.  Ces  fix  mamelons  fenfibles ,  &  qui 
ont  un  mouvement  fort  libre  en  tout  fens ,  font  com- 
pofés  eux-mêmes  de  petites  filières  infenfibles  ,  garnies 
chacune  de  fon  fphin^ler  pour  s'ouvrir  ôc  pour  fe 


ARA  50J 

rêiTerrer  ;  au  moyen  de  quoi  V araignée  peut  filer  plus 
gros  ou  plus  fin ,  comme,  il  lui  plaît. 

La  divisibilité  de  la  matière  à  l'infini  ,  quoique  dé- 
montrée 5  effraie  toujours  l'imagination  ;  la  ténuité  des 
û\s  dont  eil  compoiée  la  foie  avec  laquelle  Varaignée 
forme  fa  toile  ,  eu  très-propre  à  donner  une  idée  de 
cette  divifibilité.  Chacun  des  lix  mamelons  eft  compofé 
ïui-même  de  mille  filières  infenfibles  ,  qui  donnent  paf- 
fage  à  autant  de  fils.  Si  on  confidere  la  ûneiïe  de  cette 
foie  ai  araignée  ,  compofée  de  fix  milliers  de  fils  ,  quelle 
doit  être  l'immenfe  ténuité  des  fils  qui  fortent  des  petites 
filières  I  Si  on  en  faifoit  le  calcul ,  on  tomberoit  dans  les 
abymes  de  l'infiniment  petit.  Au  refte ,  on  ne  peut  pas 
toujours  voir  &  palper  ce  que  la  raifon  feule  peut  faifir. 

Ces  filières  font  d'ufage  pour  la  conflrudion  de  la 
toile.  Lorfque  Varaignée  entreprend  cet  ouvrage  dans 
quelque  coin  d'une  chambre ,  elle  fait  for  tir  de  fes  ma- 
melons une  goutte  d'une  liqueur  gluante  ,  qui ,  en  fe 
defféchant ,  forme  le  fil  :  elle  l'attache  fur  le  mur  ,  6c 
en  s'éloignant ,  le  fil  s'alonge.  Arrivée  au  coin  du  mur 
oppofé ,  elle  fait  la  même  opération  ;  puis  s'éloignant 
d'une  demi-ligne  ,  elle  applique  contre  le  mur  un  nou- 
veau fil ,  qu'elle  conduit  au  mur  où  elle  avoit  appliqué 
le  premier ,  &  cela  parallèlement  au  premier.  Elle  con- 
tinue ainfi  jufqu'à  ce  que  fa  toile  ait  toute  la  largeur 
qu'elle  veut  lui  donner.  Ces  premiers  fils  peuvent  être 
regardés  comme  la  chaîne  de  la  toile.  Enfuite  elle  tra- 
verfe  en  croix  ces  rangs  de  fils  parallèles ,  &  y  applique 
d'autres  fils  qu'on  pourroit  appeler  la  trame.  Comme 
ces  fils  fraîchement  filés  font  gluans  &  s'attachent  con- 
tre tout  ce  qu'ils  touchent ,  ils  fe  collent  en  croix  les 
uns  fur  les  autres  ;  c'efi:  ce  qui  fait  la  fermeté  de  la  toile 
^araignée  :  au  lieu  que  la  fermeté  des  toiles  que  nous 
faifons  pour  nos  ufages  ,  confifle  dans  l'entrelacement 
des  fils  de  la  chaîne  avec  ceux  de  la  tramt,  \J araignée  a 
grand  foin  de  tripler  &  de  quadrupler  les  bords  de  fa 
toile  j  pour  lui  donner  plus  de  fermeté. 


59^  ARA 

Voilà  les  filets  tendus  pour  prendre  fa  proîe  :  c'eÛ-lk 
que ,  cachée  dans  le  coin  de  fa  toile  ,  elle  l'attend  avec 
patience.  Elle  eu  avertie  du  moindre  infede  qui  tombe 
dans  fa  toile  ,  parce  que  tous  fes  fils  retentiffent  à  un 
centre  commun. 

Quand  la  mouche  ,  qui  fe  prend  dans  ce  filet  tendu  , 
efi:  petite ,  V araignée  la  faifit  avec  fes  tenailles  ,  &  l*em- 
porte  dans  fon  nid  pour  s'en  nourrir.  Si  la  mouche  eft 
un  peu  groffe  en  cômparaifon  de  V araignée ,  6c  cju'avee 
fes  ailes  &  fes  pattes  elle  puiffe  l'incommoder  ;  alors 
Varaignée  fupplée  à  la  foiblelle  par  l'art ,  elle  l'enveloppe 
d'une  grande  quantité  de  fils  ,  &  la  garrotte  ,  au  point 
qu'elle  ne  puilîe  remuer  ni  ailes  m  pattes.  \J araignée 
alors  l'em.porte  toute  vivante  dans  fon  nid  ,  Ck:  elle  lui 
fuce  toutes  les  humeurs  du  corps.  Quelquefois  la  mou- 
che efi  fi  forte  &  ^\  grofie ,  que  Varaignée  défeipere  de 
la  vaincre  :  pour  lors  elle  prend  fon  parti  ;  elle  déchire 
l'endroit  de  la  toile  oii  la  mouche  efl  tenue  ;  elle  la 
détache  ,  la  jette  dehors ,  &  à  l'infi:ant  elle  raccom- 
mode fa  toile  déchirée.  Dans  toutes  les  circonftances , 
elle  ne  laifle  dans  le  dehors  aucunes  traces  de  cruauté 
capables  de  rendre  fa  demeure  fufpedte  6l  d'en  infpirer 
de  réloignement. 

\J araignée  domejîiqiu  change  de  peau  tous  les  ans  ^ 
même  aux  pattes ,  comme  les  écreviiies  :  elle  ne  gran- 
dit guère  du  corps ,  mais  beaucoup  des  jambes  :  la  vie 
peut  aller  à  quatre  ans. 

Araignée   des  Jardins, 

Uaraignée  des  jardins  ,  (  Aranea  diadcma  ,  Linn.  )  a 
quatre  grands  yeux  ,  couverts  d'une  croûte  dure ,  polie 
&:  tranfparente  (  car  les  yeux  des  araignées  ne  font 
point  à  réfeau  ^  comme  les  grands  yeux  des  mouches  ). 
Ces  quatre  yeux  font  placés  en  quarré  fur  le  front  ^ 
&  il  y  a  deux  autres  yeux  plus  petits  à  chaque  côté 
de  la  tête.  Ces  araignées  font  de  différentes  couleurs  : 
il  y  en  a  de  vertes  5  de  blanches  d:  de  grifes. 


ARA  397 

V araignée  des  jardins  nous  fait  voir  une  toile  circu- 
laire ,  fuipenclue  en  Pair  ,  faite  avec  tout  Part  &  toute 
rinduilrie  poiribles  ;  ouvrage  qu'on  eu  tous  les  jours 
à  même  d'obferver.  Elle  forme  d'abord  plulieurs  fils 
droits  ,  qui ,  en  fe  traverfant ,  font  difpofés  en  toile  : 
elle  choifit  le  centre  ,  &  de  là  elle  conduit  toujours 
circulairement  des  fxls  peu  diflans  les  uns  des  autres  , 
mais  avec  une  régularité  égale  à  celle  du  compas.  Plus 
îes  cercles  approchent  du  centre  ,  plus  ils  font  ferrés  , 
&  plus  par  coiiféquent  ils  donnent  de  force  à  l'ouvrage. 
U araignée  fe  tient  dans  le  centre  de  fa  toile ,  auquel  le 
moindre  ébranlement  retentit ,  &  elle  fond  fur  l'infede 
pris  dans  fes  filets  ;  ce  qui  eil  rendu  d'une  manière  bien 
énergique  par  ces  vers  traduits  de  Pope  : 

Contemplez  l'araignée  ....»,....  ~.  '.  ...  1 

Que  Ton  toucher  eft  vif,  qu'il  eil:  proiripc ,  qu'il  eft  sûr  î 
Sur  fes  pièges  tendus  fans  ceiTe  vigilante  , 
Dans  chacun  de  fes  fils  elle  paroît  vivante. 

U  araignée  des  jardins  a  cependant  pour  ennemis  \a 
guêpe ,  &  quelques  mouches  ichnéumones. 

Arais[néc  des  Cav&s, 

u  araignée  des  caves  fait  fon  nid  dans  les  vieux  murs  : 
elle  n'a  que  fix  yeux  ^  dont  deux  font  placés  au  milieu 
du  front ,  &  deux  à  chaque  côté  de  la  tête.  Les  arai-^ 
gnées  de  cette  efpece  ont  les  jambes  courtes ,  leur  corps 
eil  noir  &  velu  :  elles  font  fortes  6c  méchantes  :  elles 
pincent  fort  ferré  ;  mais  on  dit  que  leur  morfure  dans 
ce  pays-ci  n^t^  point  dangereufe.  Si  elles  font  fentir  de 
la  douleur ,  ce  ne  peut  être  qu'en  pinçant ,  car  on  ne 
leur  connoît  point  d'aiguillon. 

La  Nature  a  pourvu  chaque  efpece  d'animaux  de  la 
fagacité  &  de  radrefîe  qui  leur  étoit  nécefiaire  pour 
fe  faiiir  de  leur  proie.  Il  y  a  une  efpece  à^araignée  qui  a 
l'adreiTe  de  pratiquer  un  petit  creux  dans  le  fable  . 


59»  ARA 

qu'elle  tapiffe  intérieurement  de  foie  pour  l'empêcher 
de  s'ébouler  :  elle  fe  tient  au  guet  à  l'ouverture  de  ce 
creux ,  &  quand  une  mouche  vient  fe  pofer  près  de  là , 
fût-ce  même  à  la  diilance  de  deux  ou  trois  pieds  ,  elle 
court  defliis  avec  une  extrême  vîteffe  ,  l'attrape  6c 
l'emporte   dans   fon  trou. 

Araignée  vagabonde, 

Uaraignée  vagabonde  eft  ainfi  nommée  parce  qu'elle 
n'efl  jamais  fédentaire  dans  fon  nid ,  comme  les  autres 
araignées.  Elle  va  chercher  fa  proie  ,  &  la  chaffe  avec 
beaucoup  de  rufe  6c  de  fineffe.  Cette  araignée  a  deux 
grands  yeux  au  milieu  du  front ,  deux  plus  petits  aux 
extrémités  ,  deux  de  la  même  grandeur  fur  le  derrière 
de  la  tête. 

Comme  les  araignées  n'ont  point  de  cou ,  &  ne  fau- 
roient  mouvoir  la  tête  ,  la  Nature  y  a  fuppléé  par  le 
nombre  ,&  la  pofition  des  yeux  :  étant  obligées  de  vivre 
d'une  proie  auffi  agile  &  aulTi  alerte  que  la  mouche  , 
il  falloit  que  leur  vue  s'étendît  de  tous  côtés.  Uaraignée 
vagabonde  efl  un  chaffeur  vif,  alerte ,  infatigable  ,  qui 
prend  les  mouches  en  fautant ,  fans  faire  aucun  mou- 
vement de  la  tête  pour  les  découvrir.  Ce  mouvement 
auroit  pu  eiiaroucher  cet  infede  timide. 

Les  bras  de  Varaignée  vagabonde  fe  terminent  en  un 
bouquet  de  plumes.  Cette  araignée  s'en  fert  comme  de 
filets  pour  les  jeter  &:  embarralîer  les  ailes  de  la  mou- 
che qu'elle  a  attrapée  ;  (  elle  ne  fait  point  de  fil  ;  )  en- 
fuite  die  faifit  fa  proie  entre  fes  pinces  ,  ôc  la  fuce. 

Araignée  Faucheux, 

Les  araignées  de  campagne ,  connues  fous  le  nom.  de 
faucheux  ,  ont  huit  yeux  placés  d'une  manière  extraor- 
dinaire. Il  y  en  a  deux  très-petits  &:  noirs  au  milieu  du 
front  :  aux  extrémités  du  front ,  à  droite  &:  à  gauche  , 
il  y  a  deux  boffes  ;  &  fur  le  fommet  de  chacune  de  ces 
boffes  trois  yeu^  placés  en  trèfle  ,  6c  qui  ont  une 


ARA  399 

cornée  blanche  &  tranfparente.  Cette  difpofîtîon  d'yeux 
eft  celle  d'une  efpece  à^araignée  domefiique  à  longues 
pattes.  Les  jambes  de  cette  efpece  font  fort  minces  , 
&  plus  longues  que  celles  des  autres  araignées  ;  ce  qui 
leur  étoit  néceffaire  pour  marcher  au  milieu  des  herbes. 
L'analogie  du  faucheux  avec  le  crabe ,  &  la  facilité  avec 
laquelle  il  fe  défait  de  fes  jambes  ,  pour  fauver  le  refle 
du  corps  des  mains  de  l'enfant  qui  le  pourfuit ,  a  fait 
préfumer  qu'il  pourroit  bien  lui  repouffer  de  nouvelles 
pattes  ,  comme  dans  le  crabe  &  l'écreviffe. 

L'expérience  manque  ici  :  on  eff  à  même^dans  les  cam- 
pagnes ,  d'effayer  à  reconnoître  la  vérité  de  cette  idée. 

Ces  araignées  font  de  grandes  fîleufes  :  dans  l'au- 
tomne ,  les  chaumes  paroiffent  tout  couverts  &  brillans 
de  leurs  fils.  Lorfque  le  vent  en  a  réuni  une  certaine 
quantité  ,  on  les  voit  quelquefois  voltiger  affez  haut 
dans  les  airs  ,  &:  ils  paroiffent  d'une  blancheur  écla- 
tante :  ces  paquets  de  foie  fe  collent  un  peu  au  doigt 
lorfqu'on  les  touche  :  il  eff  fâcheux  que  le  peu  de  force 
de  ces  fils  faffe  défefpérer  d'en  pouvoir  faire  ufage. 

Quelques  Obfervateurs  penfent  que  cette  quantité 
de  fils  qu'on  voit  flotter  en  l'air  font  l'ouvrage  d'une 
forte  d^araignées  vagabondes  ,  &  non  des  faucheux  ,  ôC 
que  la  pratique  de  ces  araignées  fîleufes  efî  de  laifler 
tomber  leur  fil  de  Vanus  ,  de  le  tramer  après  elles  ,  & 
enfuite  de  l'ajufler  fuivant  l'ufage  qu'elles  en  veulent 
faire.  Ces  mêmes  Obfervateurs  prétendent  que  les  fils 
longs  font  des  efpeces  de  voiles  qui  font  aller  l'animal 
au  gré  du  vent ,  &  qu'ils  font  en  même-temps  des  filets 
qui  lui  tiennent  lieu  de  toiles ,  oL  qui  arrêtent  les  mou- 
cherons :  il  eil  curieux  de  voir  ces  rets  remplis  de  mem- 
bres d'infed:es  dévorés  ,  de  pieds  de  moucherons  ,  & 
fervir  également  d'ailes  aux  araignées.  A  l'égard  des  fils 
courts ,  pelotonnés ,  qui  ne  contiennent  aucuns  débris 
de  proie  ,  ni  aucun  veflige  de  l'animal  qui  les  fabrique , 
ce  font ,  dit-on  ^  autant  d'effais  rebutés  par  les  grandes 
voyageu,fes ,  ou  les  amufemens  de  leur  premier  âge  : 


40O  ARA 

mais  tout  cecî  mérite  confirmation.    Voyci  Fil   de 
la  Vierge, 

La  Tarentule, 

U araignée  enragée  efl  la  fameufe  tarentule ,  fur  laquelle 
on  a  fait  de  grandes  differtations  ,  &  débité  bien  des 
contes.  Cette  efpece  à' araignée ,  dont  M.  Hombcrg  a 
donné  une  defcription  dans  les  Mémoires  de  l'Académie , 
lyoy  y  pag.  3  5 1  ,  a  le  port  &  la  figure  à-peu-près  de 
nos  araignées  domcjtiques  ;  mais  elle  eil  dans  toutes  fes 
parties  beaucoup  plus  forte  oC  plus  robuile.  Elle  a  les 
jambes  &  le  ventre  tachetés  de  noir  &  de  blanc  ;  le 
dos  5  aufii-bien  que  toute  fa  partie  antérieure ,  eft  noir. 
Les  yeux  de  cette  efpece  à^ araignée ,  au  contraire  des 
autres ,  font  couverts  d'une  cornée  humide  &  tendre  , 
qui  fe  flétrit  &  s'enfonce  après  la  mort  de  l'infecle. 
Ses  yeux  font  d\m  jaune  doré  ,  &  étincelans  comme 
ceux  des  chiens  6c  des  chats  quand  on  les  voit  dans 
î'obfcurité. 

La  tarentule  a  été  ainfi  nommée  de  Tarente ,  ville 
de  la  Fouille,  où  elle  efl  fréquente.  {On  la  trouve 
aufli  dans  la  Romanie  ,  la  Tofcane  ,  la  Lombardie  , 
dans  plufieurs  autres  endroits  de  l'Italie  ;  dans  l'Iile  de 
0)rfe  ,  en  Andaloufie  ,  &  il  paroit  qu'elle  exifle  auiîî 
dans  quelques  pays  méridionaux  de  la  France.  )  On  dit 
que  cette  araignée  efî:  très-venimeufe  ,  &  que  fa  mor- 
fure  Gccafionne  des  fymptômes  qui  paroiilent  aufîi  fin- 
giiliers  que  la  guérifon.  On  ajoute  que  ceux  qui  en  font 
mxOrdus  ont  des  fymptômes  difFérens  :  les  uns  chantent, 
les  autres  rient ,  les  autres  pleurent  ;  d'autres  ne  cefient 
de  crier  ;  d'autres  font  afibupis  ;  d'autres  ne  peuvent 
dorrnir.  Enfin  ,  on  prétend  que  le  remède  qui  les  fou- 
lage le  plus  ,  eil  de  les  faire  danfer  à  outrance.  Poiu* 
cet  efiet ,  on  leur  fait  entendre  les  fymphonies  qui  leur 
plaifent  le  plus  ;  on  effaie  divers  infi:rumens  ;  on  leur 
joue  des  airs  de  différentes  modulations  ,  jufqu'à  ce 
t^u'on  en  trouve  un  oui  flatte  le  malade^  cdors,  dit-on, 

Iç 


ARA  40 1 

îe  tarentule  faute  bnifquement  hors  du  Ut ,  &  fe  m^t  à 
danfer  au  ion  de  la  mufique  médicinale  juiqu'à  ce  qu'il 
foit  en  nage  &  hors  d'haleine  ;  ce  qui  le  guérit.  Voilà 
de  ces  faits  qui  retentiiîent  continuellement  aux  cr.iiies 
de  tout  le  monde  ,  àl  que  l'on  préfznte  comme 
vrais.  Cependant  plulieurs  perfonnes  tres-curieufes  &: 
îrès-infîniites  qui  ont  voyagé  en  Italie  ,  entre  autres 
M.  l'Abbé  NolUi  ,  fe  font  aiTurées  que  ce  fait  pafTcit 
pour  être  fabuleux  ,  même  dans  la  Fouille ,  parmi  des 
gens  éclairés  ;  &  qu'il  n'y  a  que  les  gens  de  la  lie  du 
peuple  ,  ck:  des  vagabonds  ,  qui ,  fe  d.fant  piqués  de 
cetinfedle ,  paroifTent  guérir  par  la  danfe  &  la  mufique, 
attrapent  quelque  argent ,  &  gagnent  leur  vie  par  cette 
forte  de  cliarlatanerie.  On  ne  craint  point  les  tarentules 
à  Rome  ,  parce  qu'il  n'y  a  point  d'exemples  qu'elles 
aient  incommodé  quelqu'un  :  il  paroît ,  quoi  qu^bn  en 
dife  ,  que  le  tareiuifms.  n'efl  pas  plus  dangir^ux  dans  la 
Fouille. 

Les  tarentules  ourdilTent  de  la  toile  comme  les  autres 
araignées ,  &  elles  y  attrapent  des  mouchas  &  des  pa- 
pillons dont  elles  le  nourriifent.  Elles  habitent  dans  A^s^ 
trous  de  terre  &  dans  les  fentes  de  muraille.  Fcndint 
l'hiver  elles  refient  cachées  fous  terre  :  elles  fe  battent , 
fe  tuent ,  fe  dévorent  les  unes  les  autres.  Elles  font  juf- 
qu'à  foixante  œufs  à  la  fois  :  elles  les  tiennent  attachés 
à  leur  poitrine  jufqu'à  ce  qu'ils  foient  écios;  puis  tUes 
gardent  leurs  petits  fous  leur  ventre  ,  juiqu'à  ce  qu'ils 
loient  devenus  afiéz  grands  pour  m.archer  &:  pour  tr^-» 
vailler. 

Les  Curieux  qui  font  bien  aifes  d'avoir  des  tarentules  ,' 
emploient  des  payfans  pour  les  dénicher  :  ceux-ci  con- 
noiffent  les  trous  où  ces  iniedes  lé  retirent ,  ils  imitent 
le  bourdonnement  d'une  mouche  ;  la  tarentule  accourt  ^ 
fort  brufquement  pour  attraper  fa  proie  ^  ôc  eft  prife 
elle-même  au  piège  qu'on  lui  a  dreflé. 


Tome   h  C  C 


^oi  ARA 

Scntimms  fur  t accmipUmtnt  des  araignées  y  &  as  parties 
qui  fervent  à  la  gériération. 

Quelques  Naturalilles  ont  cru  que  cette  efpece  d'in- 
fe£te  étoit  androgyne  ou  hermaphrodite  ;  cependant  la 
diverfitë  du  fexe  paroît  manifeilement  dans  les  araignées , 
la  femelle  eft  bien  plus  grande  Ôv  plus  grofîe  cjue  le 
mâle  :  cela  va  fi  loin  ,  que  M.  Hombert  a  été  obligé  de 
mettre  dans  la  balance  îufqu'à  cinq  &  fix  araignées 
mâles  des  jardins  «contre  une  femelle  de  la  même  efpece^ 
•pour  en  trouver  le  poids  égal.  Obfer^-^ation  aiTez  com- 
mune dans  la  plupart  des  infedes  ;  tout  au  contraire  des 
quadrupèdes  ,  dont  les  mâles  font  plus  grands  &  plus 
forts  que  les  femelles. 

Le  lavant  Lifier  a  obfervé  qu'il  y  a  des  nœuds  ans: 
extrémités  de  ces  bras  dont  on  a  parlé ,  &  qui  fervent 
à  Vara-gnée  pour  manier  la  proie  qu'elle  tient  dans  fe> 
tenailles  :  c'efl  à  l'extrémité  de  ces  bras  ou  antennes  des 
mâles ,  qu'il  a  obfervé  un  nœud  qui  ne  fe  trouve  point 
à  celles  des  femelles  :  il  a  penfé  que  ces  nœuds  étoient 
la  partie  mafculine  ou  fon  étui  dans  les  araignées  à  huit 
yeux  ;  &  qu'ils  faifoient  alternativement  leur  fonftion 
dans  l'accouplement.  M.  Lyonnet ,  grand  Obfervateur  , 
nous  a  confirmé  la  même  chofe  dans  fes  excellentes 
Remarques  fur  la  Théologie  des  Infectes  de  Leffer,  Voici 
fes  propres  termes  : 

»  Ces  nœuds  font  plus  remarquables  qu'ils  ne  pa- 
v>  roiffent.  Peut-être  aura-t-on  peine  à  me  croire ,  fi  je  dis 
»  que  ce  font  les  inflrumens  de  la  génération  du  mâle. 
»  Je  puis  cependant  alTurer ,  pour  l'avoir  vu  plus  d'une 
»  fois ,  que  certaines  efpeces  ^araignées  s'accouplent 
»  par-là.  Les  mâles  de  ce  genre  ont  le  corps  plus  mince , 
>>  &  les  jambes  plus  longues  que  les  femelles.  C'eft  un 
»  fpe^lacle  affez  rifible  que  de  leur  voir  faire  l'amour. 
»  L'un  &:  l'autre  montés  fur  àt%  tapis  de  toile  ,  s'ap- 
>>  prochent  avec  circonfpeftion  &  à  pas  mefurés  :  elles 
»  alongent  les  jambes ,  fecouent  im  peu  la  toile ,  fe 


À    R    A  40 1 

>^  tâtonnent  du  botit  du  pied  ,  comme  n'ofant  s'appro- 
f>  cher.  Après  s'être  touchées  ,  fouvent  la  frayeur  les 
>>  faifit  :  elles  fe  laiffent  tomber  avec  précipitation  & 
»  demeurent  quelque  temps  fufpendues  à  leurs  fils.  Le 
^>  courage  enfuite  leur  revient  :  elles  remontent ,  & 
»  pouriuivent  leur  premier  manège.  Après  s'être  tâton- 
^>  nées  affez  long-temps  avec  une  égale  défiance  de 
>v  part  &  d'autre ,  elles  commencent  à  s'approcher  da- 
»  vantage  ,  Si  à  devenir  plus  familières.  Alors  les 
»  tâtonnem^ens  réciproques  deviennent  plus  fréquens 
»  3>c  plus  hardis  :  toute  crainte  cciTe  ;  6c  enfin  ,  de 
»  privautés  en  privautés ,  le  mâle  parvient  à  être  prêt 
►>  à  conclure.  Un  des  deux  boutons  des  antennes  s'ou^ 
>>  vre  tout  d'un  coup  ,  6c  comme  par  reiiort  ;  il  fait 
>>  paroître  6c  à  découvert  un  corps  blanc  :  l'antenne  fe 
M  plie  par  un  mouvement  tortueux  :  ce  corps  fe  joint 
»  au  ventre  de  la  femelle  ,  un  peu  plus  bas  que  fon 
»  corfelet ,  6c  fait  la  fonction  à  laquelle  la  Nature  l'a 
^>  defliné  «^ 

Quand  on  Ignore  que  les  araignées  fe  haïiTent  na-^ 
tiirellement.,  6c  fe  tuent  en  toute  autre  rencontre  que 
îorfqu'il  s'agit  de  s'accoupler ,  on  ne  peut  qu'être  fur- 
piis  de  là  manière  bizarre  dont  elles  fe  font  l'am.our  : 
mais  quand  ou  connoit  le  principe  qui  les  fait  agir  de 
îa  forte  ,  rien  ne  paroît  étrange  ;  &:  on  ne  peut  qu'ad^ 
mirer  l'attention  qu'elles  ont  à  ne  pas  fe  livrer  trop 
aveuglément  à  \?.nQ:  pafTiort  ou  à  ime  démarche  im- 
prudente ,  qui  pourroit  leur  devenir  fatale  :  c'efl  un  avis  ' 
qu'elles  donnent  au  leûeur. 

Voilà  Un  accouplement  des  plus  iinguliers  ,  6c  très- 
diiFérent  de  tous  ceux  que  les  autres  infedes  nous  font 
voir.  Sa  fingularité  ne  fercit  cependant  pas  une  raifon 
de  le  nier  :  la  Nature  ,  aulU  riche  que  variée  dans  fes 
produdions  ,  nous  fait  voir  à  chaque  inftant ,  qu'elle 
anive  aux  mêmxes  fins  par  rnille  moyens  différens. 

Les  Anciens  5  d'après  Arijlott ,  difent  que  les  araigniesi 
s'accouplent  à  reculons  ;  6c  quelques  Modernes  préten- 

C  ç     2. 


404  ARA 

dent  que  c'efl  ventre  contie  ventre.  L'Auteur  du  Me* 
moire  fur  les  Araï-^nUs  aquatiques  ,  dit  avoir  cbiervé  à 
la  partie  pcflérieure  du  mâle  ,  un  tuyau  recourbé  :  ce 
tuyau  a  du  reiibrt.  Si  on  l'élevé  comme  pour  le  ren- 
verfer  fur  le  corfelet ,  il-  échappe  à  l'épingle  avec  la- 
quelle on  l'élevé  ,  &:  reprend  fa  première  fituation. 
Cet  Auteur  croit  que  ce  canal  recourbé  n'efl  que  le 
fourreau ,  car  on  voit  à  travers  un  organe  noir.  La 
fituation  de  la  partie  qui  caradérife  la  femelle  ,  n'eft 
point  douteufe  :  celle  qui  caraûérife  V araignée  mâle  efl 
différemment  placée.  Je  crois  qu'on  peut  penler,  d'après 
les  obfervations  de  ces  illuftres  Naturalises  ,  que  la 
manière  de  s'accoupler  varie  beaucoup ,  fuivant  les  dif- 
férentes efpeces  d^araignées. 

Quoi  qu'il  en  foit  de  cet  accouplem.ent ,  toutes  les 
araignées  font  ovipares  ;  avec  cette  différence  ,  que  les 
unes  font  une  grande  quantité  d'œufs  ,  comme  celles 
des  jardins  &;  celles  qu'on  appelle  commiuntment  F  au-' 
cheux  ;  &  que  les  autres  en  font  fort  peu ,  comme  nos 
araignées  dcmefliques.  Leurs  œufs  font  ronds ,  de  la  grof- 
feur  des  femenccs  de  pavots  ;  la  coque  en  ^£^  molle  , 
tranfparente  ,  m.embraneufe  :  ils  différent  en  coideur  , 
fuivant  les  efteces  à^araignécs. 

Les  araignées  filent  une  fcie  plus  forte  que  celle  dont 
leur  toile  elf  ccmpofée ,  pour  envelopper  leurs  œufs  , 
pour  les  mxettre  à  couvert  du  froid  &  des  infedes  qui 
pourraient  les  m.anger.  Les  coques  des  diverfes  efpeces 
{^araignées  varient  beaucoup  pour  \?  forme  &  pour  la 
couleur  :  certaines  araignées  iiient  deux  ou  trois  petites 
boules  de  couleur  roiigeâtre ,  dans  lefquelles  leurs  œufs 
font  renfermés  :  elles  les  laiiTent  fufpendues  à  des  fils , 
&:  ces  boules  font  cachées  derrière  des  feuilles  feches  ; 
d'autres  donnent  à  leurs  coques  la  figiu'e  d'une  poire 
qu'elles  fufpendent  à  un  fil  ;  d'autres  font  de  petites 
coques  rondes ,  d'un  beau  blanc ,  de  la  grofiéur  d'un 
pois  ,  &:  qu'on  trouve  dans  les  feuilles  repliées  par  les 
chenilles. 


ARA  405 

Les  araignées  ne  couvent  point  leurs  œufs  ,  mais 
elles  en  ont  un  foin  extrême.  Si  on  les  fait  fuir ,  elles 
emportent  avec  elles  la  coque  qui  contient  l'elpërance 
de  leur  pollérité.  Aufîi-tôt  que  les  petits  font  éclos ,  ce 
qui  arrive  au  bout  de  vingt-un  jours ,  ils  commencent 
à  filer ,  &  groiîiffent  à  vue  d'œil.  Lors  même  qu'ils 
n'attrapent  point  encore  de  mouches  ,  ils  grandiffent 
chaque  jour  de  plus  du  double  de  leur  grolTeur ,  fans 
prendre  aucune  nourriture  fenfible. 

De  la  Soie  des  Araignées, 

On  doit  5  pour  ainii  dire  ,  autant  de  reconnoiifance 
aux  Citoyens  zélés ,  qui  dans  leurs  travaux  ont  tendu  à 
l'utilité  publique  fans  avoir  eu  le  bonheur  d'y  réufTir , 
qu'à  ceux  qui ,  avec  les  mêmes  vues  ,  font  arrivés  à 
leurs  fins.  Les  premiers  a  voient  la  même  intention  :  ils 
on^  mis  fur  la  voie  ;  quelquefois  il  ne  faut  qu'un  pas 
de  plus  pour  la  perfedion  ;  mais  ce  pas  eil  réfervé  à  la 
poftérité.  M.  Bon ,  premier  Préfident  de  la  Chambre 
des  Comptes  de  MontpeUier ,  <k.  AiTocié  honoraire  de 
la  Société  Royale  des  Sciences  de  la  même  Ville ,  a 
envoyé ,  en  1709  ,  à  l'Académie  des  Sciences ,  des  mi- 
taines &  des  bas  faits  de  foie  à'' araignée.  Ces  ouvrages 
étoient  aulîi  beaux  &:  prefque  aufH  forts  que  les  ou- 
vrages faits  avec  de  la  foie  ordinaire. 

Voici  une  légère  idée  de  la  manière  dont  il  fit  pré- 
parer cette  foie.  Après  avoit  fait  ramaffer  un  grand 
nombre  de  coques  (f  araignées  (  ce  font  ces  petites  bou- 
les de  foie  dans  lefquelles  les  araignées  enveloppent 
leurs  œufs)  ,  M.  Bon  les  fît  battre  pendant  quelque 
temps  pour  en  faire  fortir  la  poufîiere  :  on  les  lava 
parfaitement  dans  de  l'eau  tiède.  On  les  mit  tremper 
dans  un  pot  avec  de  l'eau  de  favon  ,  du  falpôtre  ,  & 
un  peu  de  gomme  arabique.  On  fit  bouillir  le  tout  pen- 
dant deux  ou  trois  heures  :  on  relava  enfuite  toutes  les 
coques  ^araignées  avec  de  l'eau  tiède  ,  pour  en  bien 
ôter  tout   le    favon.  On  les   laiiTa  fécher  :  on  les  £t 

C  c     X 


4o6  ARA 

ramollir  un  peu  entre  les  doigts ,  pourîles  faire  carder 
plus  facilement.  On  employa  pour  cette  foie ,  des  cardes 
beaucoup  plus  fines  que  celles  qu'on  emploie  pour 
la  foie  ordinaire  ;  &  on  obtint  par  ce  moyen ,  une  foie 
d'une  couleur  grife ,  agréable ,  approchante  du  gris  de 
fouris  :  on  la  fila  ,  6c  on  en  lit  des  bas  &:  des  mitaines. 
Cette  foie  prend  ailement  toutes  fortes  de  couleurs. 

Cette  découverte  fe  préfentoit  avec  des  apparences 
affez  favorables  ,  &  méritoit  d'être  fuivie.  L'Académie 
chargea  M.  ile  Réaumur  &c  un  autre  de  fes  Membres , 
de  luivre  de  près  les  découvertes  de  M.  Bon,  M.  de 
Riaumur  le  fit  avec  fon  zèle  ordinaire  ;  mais  il  trouva 
que  les  toiUs  d'araïo^nà  n'étoient  nullement  propres  à 
être  mifes  en  œuvre  ,  parce  que  les  fils  en  étoient 
trop  délicats  ,  &:  qu'il  en  eût  bien  fallu  quatre- 
vingt-dix  pour  faire  un  fil  égal  en  force  à  celui  q-ue 
£le  le  ver  à  foie  ;  &  bien  dix-huit  mille  pour  faire 
im  fil  à  coudre  ,  aufH  fort  que  ceux  des  fils  de 
ces  vers. 

Il  ne  reiloit  que  les  coques  qu'elles  filent  autour 
de  leurs  œufs ,  dont  on  pouvoit  efpérer  quelque  utilité. 
Il  les  examina  ,  &  s'apperçut  qu'il  n'y  avoit  que  celles 
des  araignées  des  jardins ,  dont  les  toiles  font  faites  de 
rayons  qui  partent  d'un  centre  ,  autour  duquel  tourne 
un  fil  en  fpirale ,  qui  puiiTent  être  de  quelque  ufage , 
les  coques  des  autres  fourniifant  trop  peu  de  fils ,  ou 
le  fil  n'ayant  pas  les  qualités  re  qui  fes. 

Il  s'agiiToit  enfuite  de  favoir  fi  l'on  pouvoit  avoir 
la  foie  de  ces  coques  à  aufTi  bon  marché  que  la 
foie  comm.une  ,  ou  bien  fi  étant  plus  chère ,  elle 
feroit  aufTi  plus  belle.  La  première  queflion  fut  bientôt 
décidée  :  quoique  M.  de  Réaumur  trouvât  dans  les 
vers  de  terre  &  dans  la  fubftance  molle  des  plumes 
nouvelles  ,  une  nourriture  fort  aifée  à  procurer  au-X 
araignées  ,  ^L  qu'ainfi  la  diiîiculté  de  leur  fournir  afiez 
de  mouches  ,  ceiTât ,  il  en  rencontra  une  autre  qu'il 
n'y  avoit  pas  moyen  de  lever  ;  c'étoit  celle  qui  naiflbit 


ARA  407 

tde  la  haine  mutuelle  qu'elles  fe  portent  :  elle  ôtoit 
tout  moyen  de  les  élever  enfemble  :   il  auroit  donc 
fallu  les  élever  chacune  féparément  ;  ce  qui  ne  pou  voit 
fe  faire  fans  un  travail  infini ,  &  par  conféquent  fans 
beaucoup  de  dépenfes  ;  vu  fur-tout  qu'il  trouva  que 
les  fils  des  coques  A^araignêes   étoient  cinq    fois   plus 
fins  que  ceux  des  vers  à  foie,  &:  qu'il  falloit   douze 
fois  plus  d'araignées    que   de    vers    pour  fournir  une 
même  quantité  de  foie  :  de  forte  que  pour  avoir  une 
feule  livre  de  foie  d'araignée ,  il  auroit  fallu  près   de 
vingt-huit  mille  coques ,  qu'on  ne  pouvoit  fe  procurer 
qu'en  nourriffant  encore  un  bien  plus  grand  nombre 
d'araignées  ,  puifqu'il  n'y  a  que  les  femelles  feules  qui 
£lent  ces  coques  pour  envelopper  leurs  œufs.  Il  étoit 
donc   démontré    que  la  foie  d'araignée  devoit   coûter 
beaucoup  plus  cher   que   la  foie  ordinaire.  P^eiloit  à 
favoir  fi  elle  étoit  plus  belle  ou  plus  luftrée  ,  c'efl  ce 
que  M.  de  Réaumur   ne    trouva    pas  ;  il  prétend    au 
contraire  qu'elle  avoit  moins  de  lullre ,  &:  il  en  attribue 
la   raifon   à    ce    que   les   iils    qui   compofent  la  foie 
d'araignée ,  font  plus  délicats  &:  plus  crêpés  que  ceux 
des  vers  à  foie. 

On  aura  fans  doute  regret  ,  dit  M.  de  Réaumur  , 
de  ce  qu'il  nous  refle  fi  peu  d'efpérance  de  profiter 
d'une  découverte  ii  ingénieufe.  Mais  ,  ajoute-t-il ,  il 
refle  encore  quelque  efpece  de  relTources  ;  peut-être 
trouvera-t-on  des  araignées  qui  donnent  plus  de  foie 
que  celles  que  nous  voyons  communément  dans  le 
Royaume.  Il  eft  certain  ,  par  le  rapport  de  tous  les 
Voyageurs ,  comme  nous  le  verrons  plus  bas  ,  que 
celles  de  l'Amérique  font  beaucoup  plus  groffes  que 
les  nôtres ,  d'où  il  femble  qu'elles  doivent  faire  de 
plus  groffes  coques.  Les  vers  à  foie /quoique  originaires; 
des  pays  éloignés  ,  nous  aideroient  même  à  efpérer 
que  les  araignées  de  l'Amérique  pourroient  vi^Te  dans 
ceux-ci.  Quoi  qu'il  en  foit  ^  il  faut  e:^:périmenter  :  c'efl  Ici 
iéule  voie  de  découvrir  des  chofes  utiles  &  curieufes^ 

C  c    4 


4oS  A     R     A 

Si  on  eût  pu  tirer  parti  des  coques  de  foie  ^araignées 
de  ce  pays ,  on  aiiroit  eu  des  foies  de  couleur  natu- 
relle ,  beaucoup  plus  variées  que  ne  Plfl  celle  des  vers 
à  foie  ,  qui  tft  toujours  aurore  ou  blanche  ;  au  lieu 
que  les  coques  ^aral^nks  en  donneroient  de  jaune  , 
de  blanche  ,  de  grife  ,  de  bleu  célcfre  ,  ëi  d'un  beau 
brun-café.  Ces  dernières  font  rares  :  on  n'en  trouve 
guère  que  dans  quelques  champs  de  genêt  :  elles  différent 
des  autres  ,  en  ce  que  la  iuperîîcie  eil  recouverte 
d'un  tlilu  très-ierré  ,  femblable  à  ce  qui  reile  fur 
la  coque  d'un  ver  à  foie  ,  lorfqu'on  l'a  dévidée  en 
partie. 

Il  faut  obferver  une  petite  différence  entre  le  travail 
de  M.  Bon  6c  celui  de  M.  de  Rcaumur  :  c'efl  que  le 
premier  ayant  travaillé  fur  la  foie  des  araignées  de 
Languedoc  ,  de  la  Provence  ,  pays  plus  chauds  ,  a 
trouvé  des  coques  plus  ubcndantes  &  plus  garnies  de 
foie  ,  que  ne  le  fçnt  celles  des  araignées  qui  naiffent 
dans  nos  pays  tempérés ,  fur  lefquelles  M.  di  Réaumur 
a  exercé  fon  travail. 

Venin  de  V Araignée, 

La  plupart  des  hommes  haiiTent  les  araignées  ;  X^s 
femmes  iur-lcut  en  ont  tant  d'horreur  ,  que  l'idée 
feule  d'une  araignée  fiiffit  quelquefois  pour  les  faire 
trouver  mal.  Cette  imprelïïcn  vient  fans  doute  ,  d'une 
idée  prife  dès  l'enfance  que  cet  animal  ell  venimeux. 
Si  la  morfure  de  V araignée  eft  venimeufe  ,  ce  ne  peut 
être  que  dans  les  pays  chauds  ;  dans  les  pays  tem- 
pérés ,  tels  que  le  noire ,  elles  ne  font  point  dange- 
reufes  :  nous  n'avons  que  V araignée  de  cave  qui  pince 
très-ferré  ,  mais  dont  la  morfure  n'a  point  de  iuites. 
La  tarentule ,  même  dans  la  Fouille  ,  fuivant  les  cbfer- 
vations  de  plufieurs  curieux  ,  comme  nous  l'avons  vu  , 
n'ert  point  dangereufe.  Peut-être  la  morfure  de  nos 
araignées  ,  ou  leur  attouchement ,  peut  -  elle  dans  cer- 
taines perfonnes  occafionneriine  démangeaifon ou  légère 


ARA  409 

inflammation  ,  tandis  qu'elle  n'agit  pas  le  moins  du 
monde  fur  d'autres. 

Nous  voyons  une  multitude  d'animaux  qui  en  font 
très-avides  ,  &  qui  les  mangent  fans  en  être  incommodés. 
Le  Jinge  en  efï  très-friand  ;  la  volailk ,  le  rojfignol , 
la  fauvette  ,  la  gorge-rouge ,  &;  d'autres  petits  oifeaux  à 
bec  effilé  ,  en  font  leur  nourriture  journalière.  La 
grande  fauffe  guêpe ,  appelée  mouche  ichniumone  ,  faiiit 
les  araignées  ,  les  porte  à  fon  nid ,  &  les  y  enferme 
pour  fervir  de  nourriture  aux  petits  qui  doivent  éclore. 
La  ^uipe  &  le  frelon  fondent  quelquefois  fur  les  plus 
gro&s  araignées  ,  les  portent  par  terre  ,  leur  coupent 
\qs  jambes  ,  &:  s'envolent  avec  leur  corps  mutilé. 

Il  y  a  des  goûts  bizarres  ,  même  parmi  des  peu- 
ples entiers.  Les  habitans  de  la  Côte  de  Guinée  mangent 
les  moucherons  ;  ceux  de  l'Ifie  de  Ceylan ,  les  abeilles  ; 
ceux  de  la  nouvelle  Efpagne ,  \ts  fourmis  ;  les  Hottentots  , 
les  poux  ;  d'autres  ,  les  vtrs  à  foie  ,  s'il  en  faut  croire 
les  Relations  des  Voyageurs.  Des  faits  bien  avérés 
prouvent  que  plufieurs  perfonnes  ont  mangé  des 
araignées  fans  en  être  incommodées.  M.  de  la  Hire  a 
aiTuré  à  l'Académie  des  Sciences  ,  qu'il  avoit  connu 
\\m  Demoifelle  ,  qui  lorfqu'elle  fe  prom_enoit  dans 
un  jardin  ,  ne  voyoit  point  à^ araignées  qu'elle  ne  faisit 
&:  ne  croquât  fur  le  champ.  Il  efl:  parlé  de  la  fameufe 
Anne  de  Schurman  ,  qui  les  cherchoit  par  goût ,  &: 
les  mangeoit  avec  délices.  Pour  s'excufer  de  l'attrait 
iingulier  qui  la  portoit  ainfi  à  manger  des  araignées  , 
elle  foutenoit  en  plaifantant ,  qu'il  falloit  qu'elle  fût 
née  fous  le  figne  du  Scorpion.  Dans  le  pays  des 
Kamtfchadales ,  où  les  araignées  font  fort  rares  ,  les 
femmes  qui  veulent  avoir  des  enfans  ,  recherchent  ces 
infedes  ,  &  les  mangent  ;  elles  s'imaginent  que  ce 
mets  les  rendra  fécondes  ,  &  qu'elles  accoucheront 
plus  aifémcnt. 

On  voit  les  araignées  dépofer  leurs  œufs  fur  àçis 
fruits  dont  en  mange   tous   les   jours ,  fans  que  les 


4IÔ  ARA 

eftomacs  les  plus"  délicats  en  foient  incommodés.  Voila 

des  faits  qui  prouvent  que  Varaignée  ,  prife  intérieur 
renient ,  ne  peut  faire  de  mal  ;  nous  devons  cepen- 
dant convenir  que  quelques  perfonnes  ayant  avalé 
chacune  trois  greffes  araignées  noires  ,  il  leur  eil  furvenu 
un  fentiment  ae  froid  ,  de  convulfion  &  de  contraction 
dans  l'ellomac  :  on  a  eu  recours  à  deux  prifes  de 
thériaque  lorfque  la  pâleirr  du  vifage  &  l'envie  de 
vomir  firent  conncitre  qu'elles  fe  trou  voient  incommo- 
dées ;  alors  tous  les  fymptômesdifparurent ,  <k  il  n'en  eil 
rien  réfulté  de  tâcheux.  On  lit  dans  le  Traité  de  Boy  le  , 
fier  la  convenance,  des  mmedes  fpécifiques  ^  avec  la  philo- 
fophie  des  corpufcules  ,  &.:c,  qu'un  particulier ,  qui  étoit 
au  lit ,  avoit  reçu  dans  l'œil  une  liqueur  qu'une  grciTî 
araignée  pendante  fous  le  ciel  de  fon  lit ,  avoit  laiffé 
tomier  ,  6c  que  cet  homrne  s'apperçut  bientôt  qu'il 
étoit  borgne.  Cette  anecdote  a  beioin  de  confirmation, 

U araignée  ,  ainfi  que  fa  toile  ,  contient  beaucoup 
d'alkali  volatil  ^!>c  d'huile  :  la  toile  Ci  araignée  ell  vulné- 
raire ,  aftringente  &  confGlif;ante  :  elle  arrête  le  fang 
étant  appliquée  fur  les  plaies  récentes.  Rien  de  fi 
commun  parmi  le  peuple  ,  que  de  s'en  fervir  pour 
les  coupures.  Il  faut  en  mettre  dans  la  plaie  fi-tôt 
qu'elle  eil  faite  ,   ce   qui   l'empêche    de  fe  tuméfier. 

On  raconte  mille  hifloires  fabuleufes  de  l'inimitié  qu'il 
y  a  entre  V araignée  6c  le  fcrpent ,  &:  de  celle  qui  règne 
entre  le  crapaud  cl  Varaignét,  Bien  des  perfonnes  dilent 
que  quand  un  crapaud  palTe  fous  une  toile  à.^ araignée^ 
Varaignée  defcend  pour  mordre  le  crapaud  ;  &  que  û 
elle  le  mord  ,  il  efl  empoifonné.  M.  Lyonmt  a  fait 
l'expérience  de  faire  defcendre  une  araignée  fur  un 
crapaud ,  &  jamais  ces  animaux  n'ont  paru  avoir  I3. 
moindre  envie  de  fe  battre. 

Araignées  aquatiques, 

Varaignée  aquatique  eA  un  infede  en  quelque  forte 
amphibie  ;  car  il  vit  Sc  nage  dans  les  eaux  où  périffenl^ 


ARA  411 

toutes  les  autres  efpeces  à^araig?iie ,  &  il  peut  vivre 
hors  de  cet  élément  dont  il  fort  quelquefois  pour 
pourfuivre  des  infecles  ,  &:  les  emporter  dans  l'eau 
lorfqu'il  les  a  pris.  Cet  infeûe  nous  fait  voir  les 
manœuvres  les  plus  curieufes  &  les  plus  fingulieres. 
Cette  efpece  d'araignée  reffemble  prefque  tout-à-fait 
^ux  araignées  temfires  :  elle  a  la  partie  poilérieure  , 
ainfi  qu'elles,  garnie  de  filières  dont  elle  fait  auffi 
lifage  pour  filer.  On  la  voit  quelquefois  nager  au 
milieu  des  eaux  avec  beaucoup  d'agilité  ,  tantôt  en 
montant ,  tantôt  en  defcendant  :  elle  nage  fur  le  dos , 
le  ventre  en  haut.  Ce  qui  frappe  le  plus ,  lorfqu'on 
obferve  cet  infe£le  nageant ,  c'efl:  que  fon  ventre  paroît 
brillant  &  comme  enduit  d'un  vernis  argentin ,  fem- 
blable  à  du  vif-argent.  Ce  brillant  dépend  de  ce  que 
l'eau  ne  s'attache  pas  au  ventre  de  cette  araignée  , 
qui  efî:  gras  ,  &  qu'il  y  a  toujours  une  lame  ou  couche 
d'air  entre  l'un  &  l'autre.  Cet  air  fert  beaucoup  à 
cet  infe6le.  Il  fait  par  ce  moyen  fe  procurer  un 
domicile  oii  il  eil  à  fec  au  milieu  de  l'eau.  Pour  cet 
effet ,  cette  araignée  attache  quelques  fils  à  des  brins 
d'herbe  dans  l'eau  même  ;  enfuite  montant  à  la  fur- 
face  ,  toujours  fur  le  dos ,  elle  tire  hors  de  l'eau  fon 
ventre  qui  paroît  itz  Sc  elévé  fur  la  furface  de  ce 
liquide  ;  pour  lors  elle  le  retire  vivement  dans  l'eau  , 
&c  entraîne  avec  lui  une  forte  bulle  d'air  dont  il  refle 
couvert  :  elle  defcend  vers  ces  fils  ,  &  y  laifTe  cette 
bulle  d'air  ,  ou  du  moins  une  partie  qui  femble  s'atta- 
cher à  ces  fils.  Voilà  déjà  une  bulle  ronde  ,  une  efpece 
de  cloche  d'air  au  milieu  de  l'eau  ,  que  les  fils  qui 
font  au-delTus  empêchent  de  remonter  à  la  furface. 
Alors  V araignée  y  retourne  ,  en  rapporte  de  nouvel  air  ^ 
qu'elle  porte  à  fa  cloche ,  ce  qui  l'augmente  de  volume. 
Elle  répète  ce  manège  jufqu'à  ce  que  la  cloche  foit 
plus  groffe  qu'une  noifette ,  &  capable  de  la  contenir. 
On  la  voit  alors  y  entrer ,  en  fortir ,  y  apporter  les 
infeéles  qu'elle  prend  pour  les  y  manger,  Quand  çUe  entre 


4î2  ARA 

dans  fa  cloche,  elle  l'agran^iit  en  y  apportant  avec 
elle  la  lame  d'air  dont  fcn  ventre  eu  toujours  eriutiit: 
quand  elle  en  fort ,  elle  la  diminue  en  entraînant  avec 
fon  ventre  une  portion  d'air.  Telle  eil  la  mécanique 
qifemploie  cette  araignée  pour  commenctr  ion  domi-* 
cile  :  elle  recouvre  enluite  cette  bulle  d'air  d'une  eipece 
de  matière  vitrée  ;  &c  elle  la  renfonce  &  la  tapiffe  , 
pour  ainii  dire  ,  de  fils  au  petit  point.  On  ne  peut 
voir  fans  étOxOnement  qu'une  bulle  d'air  ferve  ainii 
de  moule  6c  de  bafe  à  la  coque  de  foie  de  V araignée  , 
&  qu'elle  fubifle  tant  de  firottement  fans  éclater. 

Ces  logemens  tranfparens  différent  quelquefois  pour 
la  forme  ck  pour  la  grandeur  ;  il  y  en  a  qui  reilem- 
blent  à  des  cloches  de  plongeurs  ,  avec  cette  diffé- 
rence cependant  qu'un  poifion  vorace  peut  entrer  dans 
la  cloche  des  plongeurs  ,  &  que  Varaignée  aquatique 
au  contraire  ne  craint  point  d'ennemi  dans  la  fienne , 
le  defîcus  n'étant  point  ouvert.  D'autres  ont  la  figure 
d'un  rognon.  Les  ims  font  de  la  e,roireiir  d'une  noix  ; 
d'autres  font  très-petits.  Tous  ces  logemens  font  propres 
à  diverfes  efpeces  de  ces  araignées ,  dont  quelques-unes 
même  font  ii  petites  ,  qu'elles  ne  font  vifibles  que 
par  leur  bulle. 

Le  P.  L ,  Prêtre  de  l'Oratoire  ,  qui  ,  dans  fon 

excellent  Mémoire  pour  fervir  a  commencer  rHlJioire  des 
Araignées  aquatiques^  a  il  bien  détaillé  tous  les  procédés 
induftrieux  de  cette  efpece  d'infede  ,  foupçonne  que 
ces  araignées  ont  deux  portées  par  an  ,  l'une  au  prin- 
temps ,  &  l'autre  au  mois  de  Septembre.  On  leur  voit 
alors  deux  ou  trois  loges  qui  com.muniquent  l'ime  à 
l'autre  ,  deftinées  apparemment  à  fervir  de  logem.ent 
à  leurs  petits.  Il  croit  que  le  mâle  en  fait  une  autre 
à  côté  de  celle  de  la  femelle  ,  mais  pourtant  ifolée. 
Quand  cette  loge  eft  faite  ,  le  mâle  en  fait  lortir  fon 
corps  en  partie  ,  &:  entraîne  avec  lui  fon  domicile.  Il 
perce  la  cloifon  de  la  loge  de  la  femelle  ;  &:  intro- 
duifant  fon  corps  dans  cet  appartement  étranger  5  les 


ARA  4t5 

deux  bulles  fe  réunifient  {ubitement  par  leurs  bords  ^ 
comme  deux  gouttes  d'eau  qu'on  approche  l'une  àe 
l'autre ,  &  les  deux  appartemens  ne  font  plus  qu'une 
chambre  nuptiale. 

L'Ecrivain  d'après  lequel  nous  parlons,  a  cbfervé 
une  de  ces  araignées  qui  habitoit  dans  un  appartement 
à  trois  loges  ,  6c  qu'il  a  reconnu  depuis  être  une 
femelle.  11  l'a  vue  couchée  fur  le  dos  dans  fa  loge  , 
le  ventre  en  haut ,  les  pattes  étendues  comme  morte 
pendant  un  jour  entier.  Il  a  vu  une  autre  araignée 
entrer  dans  la  loge  où  celle-ci  étoit  gifiante  ;  elle  giifia 
fon  corps  lur  le  ventre  de  l'autre  ;  cela  diu^  un  infiant . 
aprcs  lequel  Varaignéc  qui  avoit  l'air  d'être  morte , 
fembla  reiiufciter  ,  elle  fe  releva  &  courut  après  l'autre 
qui  s'enfuycit  avec  précipitation.  Ce  fpettacle  qu'il  a 
remarqué  plulieurs  fois  ,  ùC  l'examen  des  {ç:xes  ne 
lui  ont  pas  permis  de  douter  qu'il  ne  fut  queftion 
d'accouplement.  La  femelle  prend  foin  de  fa  famille. 

Ces  efpeces  ^ araignées  aquatiques  font  commimé- 
ment  fort  vives  :  on  les  voit  traniporter  fans  ceiTe 
çà  &  là  leur  bulle.  Elles  fe  dévorent  les  unes  les 
aiîtres ,  ainfi  que  les  araignées  terrcfîres  ;  &  il  paroît 
que  les  petites  araignées  qu'on  voit  marcher  fur  l'eau 
pour  y  prendre  des  mouches  aquatiques  ,  font  de  leur 
goût.  Mais  elles  ont  elles -miêmes  pour  ennemi  les 
punaifcs  d'eau  ,  &  les  nymphes  à  ma/que^  qui  les  détrui- 
fent  très-promptement. 

Ces  efpeces  à^araignées  aquatiques  fe  trouvent  dans 
les  eaux  des  m.ares  &  des  étangs  ,  rarement  autour  de 
Paris  ,  mais  fréquemment  en  Champagne  ,  ainii  que 
le  dit  yi.  Geoffroy  ,  qui ,  après  avoir  obfervé  lui-même 
ces  inlëdtes  ,  &  avoir  il  bien  décrit ,  ainli  que  nous 
l'avons  fait  d'après  lui ,  l'adrelTe  des  araignées  dans 
la  conilruôion  de  leur  bulle  ,  rend  témoignage  à  la 

vérité   des  feits   énoncés  dans   le  Mémoire  du  P.  L , 

fur  Les  araignées.  Ce  Mémoire  eit  devenu  très-rare. 


414  ARA 

Araignée   Maçonne^ 

On  poiirroît  auffi  la  nommer  araignée  mlncufe  ,  à 
caufe  des  difFérens  genres  d'induftrie  dont  elle  eft 
capable  ,  ôc  que  nous  allons  décrire  d'après  M.  l'Abbé 
de  Sauvages  ,  de  la  Société    Royale  de   Montpellier. 

lu  araignée  maçonne  ne  tend  point  de  filets  comme 
les  autres  :  elle  reffemble  prefque  entièrement  à  celle 
dis  caves  ;  elle  en  a  la  forme  ,  la  couleur  &  le 
velouté  :  fa  tête  efl ,  de  même  ,  armée  de  deux  fortes 
pinces ,  qui  paroiffent  être  les  feuls  inilrumens  dont 
elle  puiffe  fe  fervir  pour  creufer  un  terrier  com.me 
im  lapin  ,  &  pour  y  fabriquer  une  porte  mobile  , 
qui  ferme  fi  exactem.ent ,  qu'à  peine  peut-on  intro- 
duire une  pointe  d'épingle  entre  fes  joints.  Elle  apporte  , 
ainfi  que  les  fourmis  &  plufieurs  autres  infefi^es ,  une 
grande  attention  dans  le  choix  d'un  lieu  favorable 
pour  établir  fon  habitation.  Elle  choifit  im  endroit  oiî 
il  ne  fe  rencontre  aucune  herbe  ,  un  terrain  en  pente 
pour  que  l'eau  de  la  pluie  ne  puiiTe  pas  s'y  arrêter , 
&  une  terre  exempte  de  pierrailles  qui  oppoferoient 
un  obilacle  invincible  à  la  conilruûion  de  fon  domi- 
cile :  elle  le  creufe  à  un  ou  deux  pieds  de  profon- 
deur ;  elle  lui  donne  alTez  de  largeur  pour  s'y  mou- 
voir facilement ,  &  lui  conferve  par  -  tout  le  même 
diamètre  ;  elle  le  tapilfe  enfuite  d'une  toile  adhérente 
à  la  terre  ,  foit  pour  éviter  les  éboulemens  ,  foit 
pour  avoir  prife  à  grimper  plus  facilement ,  foit  peut- 
être  encore  pour  fentir  du  fond  de  fon  trou  ce  qui 
fe  paffe  à  l'entrée. 

Mais  où  l'induflrie  de  cette  araignée  brille  parti- 
culièrement ,  c'eft  dans  la  fermeture  qu'elle  conflruit 
à  l'entrée  de  fon  terrier  ,  &  auquel  elle  fert  tout  à  la 
fois  de  porte  &:  de  couverture.  Cette  porte  ou  trappe 
eft  peut-être  unique  chez  les  infeûes  ;  &  félon  M.  de- 
Sauvages  y  on  n'en  trouve  point  d'exemple  ^  fi  ce  a'efl 


ARA  4ïf 

i^aiîs  le  md  d'un  oifeau  étranger ,  qui  efl  reprefcnté  dans 
le  Trefor  à^Alhirt  Slba,  Elle  eft  formée  de  diii-erenteS' 
couches  de  terre  ,  détrempées  &  liées  entre  elles  par 
des  fils  5  pour  empêcher  vraiiemblablement  qu'elle  ne 
fe  gerfe  ,  &  que  fes  parties  ne  fe  féparent  ;  fon  contour 
eft  parfaitement  rond  ;  le  deffus  y  qui   efl  à  fleur  dé- 
terre ,  eil  plat   &    raboteux  ;   le   deffous  efl  convexe 
&  uni ,  &  de  plus   il  efl:  recouvert  d'une  toile  dont 
les  fils  font  très-forts  &    le  tiffu  ferré  ;  ce  font  ces 
fils  ,  qui  prolongés  du    côté  du  trou  ,    y  attachent 
fortement  la  porte  ,  &  forment  une  efpece  de  penture  ,, 
au  moyen  de  laquelle  elle  s'ouvre  &  fe  ferme.  Ce 
qu'il  y  a  de  plus  admirable  dans   cette  conftruéiiony 
c'eil  que  cette  penture  ou  charnière  ell  toujours  fixée 
au  bord  le  plus  élevé  de  l'entrée  ,  afin  que  la  porte 
retombe  &  fe  ferme  par  fa   propre  pefanteur  ;   effet 
qui  eft  encore  facilité  par  l'inclinaifon  du  terrain  cju'elle 
choifit.  Telle  efl  encore  l'adrelTe  avec    laquelle  tout 
ceci  efl  fabriqué  ,  que  l'entrée  forme  par  fon  évafe- 
ment  une  efpece  de  feuillure ,  contre  laquelle  la  porte 
vient  battre ,  n'ayant   que  le  jeu  nécelTaire  pour    y 
entrer  &  s'y  appliquer  exa£lement  ;  enfin  le  contour 
de  la  feuillure  &:  la  partie  intérieure  de  la  porte  font 
fi  bien  formés  ,  qu'on  diroit  cru'ils    ont    été  arrondis 
au  compas.  Tant  de  précautions  pour  fermer  l'entrée 
de  fon  habitation  paroifTent  indiquer  que  cette  araignée 
craint  la  furprife  de  quelque  ennemi  :  il  femble  aufïi 
qu'elle  ait  voulu   cacher  fa   demeure  ,  car  fa    porte 
n'a  rien  qui  puifTe  la  faire  diflinguer  ;  elle  efl  couverte 
d'un  enduit  de  terre  de  couleur  femblable  à  celle  des 
environs  ,  &  que  l'infede  a  laifTé  raboteux  à  deiTeia 
fans  doute  ,  car  il  auroit  pu  l'unir  comme  l'intérieur. 
Le  contour  de  la  porte  ne  déborde  dans  aucun  endroit , 
6c  les  joints  en  font  fi  ferrés  qu'ils  ne  donnent   pas 
de  prife  pour  la  faifir  &  pour  la  foulever.  A  tant  de 
foins  OC  de  travaux  pour  cacher  fon  habitation  &  pour 
^n  fermer  l'entrée  ,  cçtte  amignéc  joint  encore  une 


%i6  ARA 

adrefie  &  une  force  fnigulieres  poiir  empêcher  qii'orf 
n'en  ouvre  la  porte. 

A  la  première  découverte  que  M.  l'Abbé  de  Sauvages 
en  fit ,  il  n'eut  rien  de  plus  prelTé  que  d'enfoncer  une 
épingle  fous  la  porte  de  cette  habitation  pour  la  fou- 
lever  :  mais  il  y  trouva  une  réfiftance  qui  l'étonna  : 
c'étoit  Varaignée  qui  retenoit  cette  porte  avec  une 
force  qui  le  furprit  extrêmement  dans  un  fi  petit 
animal  :  il  ne  fit  qu'entr'ouvrir  la  porte  ,  il  la  vit  le 
corps  renverfé  ,  accrochée  par  les  jambes  d'un  côté 
aux  parois  de  l'entrée  du  trou  ,  de  l'autre  à  la  toile 
qui  recouvroit  le  deflbus  de  la  porte  :  dans  cette  atti- 
tude qui  augmentoit  fa  force  ,  Varaignéi  tiro't  la  porte 
à  elle  le  phis  qu'elle  pouvoit ,  pendant  que  le  Natu- 
ralifle  tiroit  auffi  de  fon  côté  ;  de  façon  que  dans 
cette  eipece  de  combat ,  la  porte  s'ouvroit  &  le  refer- 
moit  alternativement.  \Jaraignk  bien  déterminée  à  ne 
pas  céder  ,  ne  lâcha  prife  qu'à  la  dernière  extré- 
mité ;  &  lorfque  M.  de  Sauvages  eut  entièrement  fou- 
îevé  la  trappe  ,  alors  elle  le  précipita  au  fond  de 
fon  trou. 

Il  afouvent  répété  cette  expérience  ,  &  il  a  toujours 
cbfervé  que  Varaignée  accouroit  fur  le  champ  pour 
s'oppofer  à  ce  qu'on  ouvrît  la  porte  de  fa  dc^meure. 
Cette  promptitude  ne  montre-t-elle  pas  que  par  le 
moyen  de  la  toile  qui  tapifie  fon  habitation ,  elle  fent 
ou  connoît  du  fond  de  fa  demeure  tout  ce  quifepafle 
vers  l'entrée  ;  comme  Varaignée  ordinaire  ,  qui  par  le 
moyen  de  .fa  toile  ,  prolonge ,  fi  ce) a  le  peut  dire,  fon 
fentiment  à  une  grande  diflance  d'elle  ?  Quoi  qu'il  en 
foit  ,  elle  ne  cefie  de  faire  la  garde  à  cette  porte ,  dès 
qu'elle  y  entend  ou  y  fent  la  moindre  choie  ;  &:  ce 
qui  eft  vraiment  fmgulier  ,  c'efl  que  ,  pourvu  qu'elle 
fût  fermée  ,  M.  ^^  Sauvojges  pouvoit  travailler  aux 
environs  ,  &  cerner  la  terre  pour  enlever  une  partie  du 
trou  ,  fans  que  Varaignée  ,  frappée  de  cet  ébranlem.ent 
ou  du  fracas  qu'elle  entendoit ,  ^  qui  la  menaçoit  d'une 

ruine 


ARA  417 

niîne  prochaine  ,  fcngeât  à  abandonner  fon  pofte  ;  elle 
fe  tenoit  toujours  collée  fur  le  derrière  de  fa  porte  ,  &C 
M.  ^2  Sauvages  Penlevoit  avec ,  fans  qu'il  prît  aucune 
précaution  pour  l'empêcher  de  fuir.  Mais  fi  cette  arai^ 
gnée  montre 'autant  de  force  &<i'adre{re  pour  défendre  fes 
foyers  ,  il  n'en  eu  plus  de  même  quand  on  l'en  a  tirée: 
elle  ne  paroît  plus  que  languiffante  ,  engourdie ,  &  li 
elle  fait  quelques  pas  ,  ce  n'eil:  qu'en  chancelant.  Cette 
circonftance  6c  quelques  autres  ,  ont  fait  penfer  à  notre 
Obfervateur  qu'elle  pourroit  bien  être  un  iniede  nodurne 
que  la  clarté  du  jour  bleffe  ;  au  moins  ne  l'a-t-il  jamais 
vu  fortir  de  fon  trou  d'elle-même  ;  &  lorfqu'on  l'expofe 
au  jour  ,    elle  paroît  être   dans  un  élément  étranger. 
Cette  araignée  fe  trouve  fur  les  bords  des  chemins 
aux  environs  de  Montpellier  ;  on  la  rencontre  aufh  fur 
les  berges  de  la  petite  rivière  du  Lez  ,  qui  paife  auprès 
de  la  même  Ville.    On  n'a  pas  de  connoifiance  qu'on 
l'ait  encore  découverte  ailleurs  ;  peut-être  n'habite-t-elle 
que  dans  les  pays  chauds.  La  manière  fmguliere  dont  fe 
loge  cet  infede  ,  fi  différent  des  autres  araignées ,  infpire 
naturellement  la  curiofité  de  favoir    comment  il  vit  ^ 
comment  il  vient   à  bout    de    ië   fabriquer  cette  de- 
meure ,  &:c.  ;  mais  il  faut  attendre  de  nouvelles  obfer- 
vations,  Jufqu'ici  ^  quelques  efforts  qu'ait  fait  M.  l'Abbé 
de  Sauvages  pour .  conferver  ces  araignées  vivantes  ,  il 
n'a  pu  y  réuiîir  :  elles  font  toutes  mortes  malgré  fes 
foins  ,  &  conféquemment  il  n'a  pu  pouffer  plus  loin  fes 
découvertes  fur  leur  manière  de  vivre.  Il  faudroit  peut- 
être  ,  pour   parvenir  à   les  mieux  connoître  ,  enlever 
tout-à-la-fois  leur  demeure  &  une  portion  confidérable 
de  la  terre  qu'elles  habitent  ,   qu'on  placeroit  dans  un 
jardin  ;  alors  ,  comme  on  les  auroit  fous  les  yeux  ,   on 
poun"oit  plutôt  découvrir  leurs  différentes  manœuvres. 

Araignées  étrangères» 

Il  y  à  ,    dit   le    P.    Lahat  (  Voyage  de  t Ainériqm  )  ^ 
dans  les  Ifles  de  l'Amérique ,  de  très-groffes  araignées. 
Tome  L  D  d 


4i8  ARA 

On  en  poiirroît  trouver  de  la  grofleur  du  poîrtg  :  elles 
n'ont  jamais  eu  de  cornes  ,  comme  quelques-uns  l'ont 
prétendu  ,  6i  elles  font  lans  venin:  une  infinité  û'txpé- 
riences  prouvent  cette  vérité.  Selon  ce  Mifîionnaire  , 
on  fe  garde  bien  de  les  tuer  ,  parce  qu'elles  mandent 
certains  infe£^es  de  la  figure  des  hannetons ,  qui  rongeiit 
les  papiers ,  les  livres  ,  les  tableaux ,  les  bardes  ,  &L  oui 
gâtent  ,  par  leur  ordure  &  leur  mauvaife  odeur  ,  tous 
les  endroits  où  ils  fe  nichent  :  on  les  appelle  Ravies. 
Voyez  ce  mou  Comme  ils  volent  par-toiit ,  &:  plus  la 
nuit  que  le  jour  ,  ils  fe  prennent  dans  les  toiles  de 
ces  groffes  araigiiées  ;  ou  bien  s'ils  font  dans  quelque 
endroit  &  qu'ils  y  dorment  ,  V araignée  ne  les  a  pas 
plutôt  apperçus  ,  qu'elle  fond  fur  eux  avec  une  viit^Q 
îiirprenante  ,  les  prend ,  les  lie  ,  pour  ainfi  dire ,  &:  les 
fiice  de  telle  manière  ,  que  lorfqu'elle  les  quitte ,  il  ne 
refte  plus  que  leurs  ailes  &:  leur  peau  defféchée 
com-me  du  parchemin. 

Il  eft  dit  dans  VHiJiolre  Naturelle  des  Antilles ,  par 
le  P.  du  Tertre  ,  qu'il  y  a  dans  ce  pays  des  araignées 
qui  ont  plus  de  circonférence  que  la  paume  de  la  main , 
îorfque  leurs  pattes  font  étendues.  Koyei  ce  qui  en  ejl 
dit  à  r article  PHALANGE. 

Ces  araignées  étant  vieilles  font  couvertes  d'un  duvet 
noirâtre  ,  aufïï  doux  &  âuffi  prelTé  que  du  velours. 
Comme  les  ferpens  ,  elles  quittent  tous  les  ans  leur 
vieille  peau.  Leur  toile  eft  fi  forte ,  que  les  petits  oifeaux 
ont  bien  de  la  peine  à  s'en  débarraffer.  Elles  dépofent 
leurs  œufs  dans  une  bourfe  qu'elles  tiennent  fous  le 
ventre  ,  ëc  qu'elles  portent  par-tout  avec  elles  :  la 
première  peau  de  cette  bourie  efl:  d'un  cuir  pareil 
au  cannepin  ,  tout  le  dedans  eft  rempli  d'une  lilaiTe 
femblable  à  de  la  foie.  Selon  quelques  habitans  de  l'Ille , 
cette  araignée  ell  auffi  dangereufe  que  la  vipère  :  iQS 
poils  piquent  &  brûlent  comme  des  orties. 

Il  y  a  à  la  Louifiane  pluiieurs  efpeces  à^ araignées  , 
fjiii  iont  feîP^bkbles  à  celles  de  France  ^  mais  on  y  en 


ARA  419 

voit  une  efpece  qui  n'a  rien  qui  en  approche.  Elle  eil 
groffe  comme  un  œuf  de  pigeon ,  mais  bien  plus  longue  : 
îk  couleur  qÛ  noire  &  bigarrée  d'or.  Cet  infeâ:e  fait  fur 
les  arbres  des  toiles  d'une  foie  forte  ,  torfe ,  &c  dorée  , 
quelquefois  de  la  grandeur  d'un  cul  de  tonneau  ,  dans 
lefquelles  s'arrêtent  fouvent  des  oifeaux.  Elle  renferme 
fes  œufs  dans  une  efpece  de  vafe  ,  en  forme  de  coupe  , 
qui  QÛ.  tiiTu  d'une  foie  dont  on  pourroit  tirer  quelque 


avantage. 


Il  y  en  a  aufïï  dans  Pille  de  Corfe  ,  en  Guinée  ; 
dans  l'Ifle  de  Madagafcar  ,  qui  foat  fort  venimeufes. 
Au  Cap-de-Bonne-£lpérance  ,  il  y  a  une  araignée  de 
la  groiTeur  d'un  pois  ,  dont  la  morfure  eil  fatale  , 
îorique   l'antidote  eil:  appliqué  trop  tard. 

Dans  Vllijroire  Nature/le  de  la  France  Equinoxlale  y 
il  eiî  parlé  de  diverfes  efpeces  à^ araignées  qui  fe  trou- 
vent dans  l'Iile  de  Ceylan.  La  plus  curieufe  efl:  une 
araignée  couleur  (T argent ,  en  forme  de  cancre.  Il  y  a 
plulieurs  autres  efpeces  à^araignées  qui  font  monf- 
trueufes  ,  &  dont  la  piqûre  eft  ,  dit-on  ,  mortelle  , 
fi  on  n'y  remédie   point. 

Il  y  en  a  une  efpece  dans  l'Ifle  de  Ceylan  ,  qui , 
quoique  horrible  à  voir  lorfqu'elle  eil  en  vie  ,  ne 
moiitîe  rien  de  hideux  quand  elle  eil  morte  &  con- 
fei-vée  dans  une  liqueur  :  au  contraire  elle  paroît  fort 
belle  ,  par  les  boucliers  ciâxulaires  qu'elle  porte  fur 
le  dos.  Il  y  a  de  ces  groffes  araignées  de  l'Iile  de 
Ceylan  qui  ne  font  point  de  tcile  ii  elles  fe  trouvent 
fur  de  grands  arbres ,  elles  dévident  un  gros  £1 ,  au 
moyen  duquel  elles  defcendent  lentement  à  la  manière 
des  chenilles  ,  qu'elles  imitent  auffi  en  formant  de  leurs 
fis  un  nid  ovale  où  elles  pofent  leurs  œufs.  Elles 
enchâifent  leurs  nids  fi  fortement  fur  les  branches  des 
arbres  ,  qu'il  eil  diiïicile  de  les  en  tirer. 

Séba  dit  qu'il  y  a  en  Afrique  une  efpece  ôi  araignée. 
qui  relTemble  à  la  tarentule  :  on  dit  que  la  morfure 
produit  le  même  effet  que  celle  de   la  tarentule ,  ôc 

Dd    2 


410  ARA 

qu'on  emploie  le  même  remède.  Slha  ajoute  que 
ceux  qui  fe  prétendent  piqués  par  ces  araignées , 
ne  fë  font  voir  en  public  que  pour  de  l'argent , 
&  qu'il  y  a  lieu  de  les  regarder  comme  des  fourbes. 
Il  y  a  de  certaines  araignées  que  les  Nègres  efti- 
ment  être  un  mets  fort  délicat  ,  &:  qu'ils  mangent 
avec   avidité. 

On  met  dans  la  claffe  des  tarentules  de  grofîes 
araignées  de  la  Martinique  ,  très-belles  ,  veloutées  ,  & 
qu'on  peut  manier  fans  danger.  Il  y  en  a  de  petites 
à  Saint-Domingue  ,  qu'on  appelle  araignées  à  cul  rouge  , 
dont  la  morfure  caufe  une  douleur  infupportable  ,  mais 
qui  ne  fait  point  mourir. 

M.  Linnœus  cite  trente  -  deux  efpeces  A^ araignées  , 
dont  le  plus  grand  nombre  diffère  par  les  lieux  qu'elles 
habitent ,  comme  les  arbres  y  les  trous  des  murailles 
&  les  fables  du  bord  de  la  mer. 

Araignée  de  mer.  Nom  donné  à  une  efpece  de 
cniftacée.  Voye^^  à  la  fuite  du  mot  Cancre.  On  appelle 
auffi  araignée  de  mer  ^  un  poiiTon  que  nous  appelons 
vïy^  ou  dragon  de  mer.  Voyez  ce  mot.  On  donne  encore 
ie  nom  d^ araignée  de  mer  à  une  efpece  de  coquillage 
univalve  du  genre  des  Murex.  Voyez  ce  mot. 

ARAMACA.  Foyei  BadÉ. 

ARAPEDE.  C'ell  le  kpas.  Voyez  ce  mot. 

AR.ATICA  ou  Aratarataguam.  Foye^  à  l'ar- 
ticle  Colibri. 

ARATICU.  Arbre  qui  croît  au  Bréfil  ,  dont  parle 
Rcdi.  On  en  diiîingue  trois  efpeces  ,  dont  l'une  , 
nommée  aratïcîi  pana ,  efl  très  -  vénéneufe  ;  des  deux 
autres  ,  l'une  fe  nomme  fimplement  araticà^  &  l'autre 
araticà  api  :  le  fruit  de  cette  dernière  efpece  efl  , 
dit-on ,  très-agréable  &  bon  à  manger  ;  celui  de  Varaticà 
efl  peu  efiimé.  Ainfi  dans  cette  efpece  d'arbre  ,  comme 
dans  nos  champignons ,  le  mets  agréable  efl  à  côté  du 
poifon.  Pifon  parle  des  fruits  de  Varaticu  _,  dans  les 
livres  lîï  &  IV  de  fon  Hijîoire  Naturelle. 


ARA  A    R    B  42t 

ARAUNA ,  Chœtodon  ariianus ,  Linn.  Poiffon  des 
Indes  ;  il  ell  du  genre  du  Chaodon,  La  partie  antérieure 
de  la  tête  eft  blanchâtre.  Le  corps  eft  marqué  de  plu- 
lieurs  bandelettes  brunes  ;  la  nageoire  du  dos  contient 
trente  -  deux  rayons  dont  douze  font  épineux  ;  les 
pedorales  en  ont  dix-huit  ;  les  abdominales  fix  ,  dont 
un  feul  eft  épineux  ;  celle  de  l'anus  en  a  treize ,  dont 
deux  font  épineux  ;  la  queue  en  a  feize  ;  elle  efl  foiuxhue. 
ARAWEREROA.  C'efl  le  coucou  brun  varié  de  neir. 
Voyei^  Coucou. 

ARBALETRIER.  Voy^i  Martinet  noir. 

ARBENNE.  Nom  donné  en  Savoie ,  &:  chez  les 
Grifons  ,  au  lagopède  ,  Voyez  ce  mot.  M.  Haller  obferve 
que  Varbmne  eil  commune  dans  les  Alpes  fous  le  nom 
à'orbainc ,  mais  il  s'en  faut  bien  qu'elle  ait  le  goût  fin 
de  la  gclinote  ordinaire. 

ARBOUSE  ou  Arb OUSTE.  Quelques-uns  ont  donné 
ce  nom  à  une  race  particulière  dans  l'efpece  du  pepon  ; 
on  l'appelle  paJli[fon,  Voyez  ce  qui  en  efl  dit  à  Li 
fuite  de  V article  CouRGE  à  limbe  droit.  Par  c^X. 
expofé  on  voit  qu'il  ne  faut  pas  confondre  enfemble 
Varboujîe  avec  Varhoujier,  Voyez  ce  mot.  On  voit 
beaucoup  de  fruits  à'arhoujle  à  Aftracan  ,  en  Ukraine 
&:  à  Mofcou  ;  il  ne  croît  point  naturellement  en  Suéde  , 
ni  en  Danemarck. 

ARBOUSIER  COMMUN  ,  Arbutus  ^  folio  ferrato  ^ 
Bauh.  Pin.  460,  Tourn.  598  :  Arbutus  wiedo  ^  Linn. 
ArbriiTeau  qui  croît  naturellement  en  Efpagne  ^  dans 
les  provinces  méridionales  de  la  France ,  &  dans  l'ïlle 
de  Corfe,aux  lieux  pierreux  &  montagneux  :  fa  racine 
eft  affez  groife  &:  dure,  La  tige  de  ce  petit  arbre  eiî 
couverte  d'une  écorce  crevafieé  ,  d'un  gris  brun  , 
jettant  beaucoup  de  rameaux  rougeâtres  dans  le  haut  : 
fes  feuilles  font  vertes  ^  glabres  ,  dures  ou  coriaces 
comme  celles  du  laurier,  alternes,  dentelées  en  leurs 
bords ,  ovales  ,  obloneues ,  élargies  vers  leur  fommet , 
ôc  portées  fur  des  pétioles  courts  &  rous;eâtres.  Sa 

D  d    3 


422  A     R    B 

fieiir  cft  blanche ,  en  grelot ,  approchant  de  celle  du 
muguet  5  dirpoiee  en  grappe  n  l'extrémité  des  rameaux 
&  d'une  odeur  agréable.  Elle  renferme  dix  étamines  , 
&  a  cinq  dentelures  :  aux  fleurs  fiiccedent  des  baies 
rondes  ,  pendantes ,  &  fucculentes  ,  jaunes  avant  leur 
maturité  ,  &c  d'un  beau  rouge  quand  elles  font  mûres  ; 
on  les  nomme  arboufes  ;  elles  ont  quelque  reflbmblance 
avec  les  grones  fraifes  :  elles  fe  divifent  en  cinq  loges  ^ 
qui  renferment  plufieurs  femences  menues  &  offeufes. 
Si  cet  arbrifreau  ,  que  l'on  nomme  auffi  fraijîcr  en  çirhre^ 
nxtoit  point  fi  délicat ,  il  feroît  très-propre  à  mettre 
dans  les  remifes  :  il  offre  une  décoration  pittorefque 
&  riante  ;  on  le  voit  prefque  toujours  en  fleur ,  ou 
chargé  de  fruit  ;  quelquefois  même  il  porte  l'un  oL 
l'autre  tout  enfemble  ,  parce  que  ce  fruit ,  qui  eil 
prelaue  une  année  entière  à  mûrir ,  demeure  fur  l'ar- 
bre jufqu'à  ce  que  la  fleur  nouvelle  foit  venue.  Il 
fleurit  principalement  en  Juillet  &  Août  :  les  micrlc^ 
&  les  grivcs ,  même  les  enfans  ,  font  très-friands  de 
ce  fruit.  Les  abeilles  vont  volontiers  fiir  les  fleurs  de 
Parboufier,  &  les  chevreaux  mangent  fes  feuilles.  Le 
bois  de  ce  petit  arbre  eil  blanc ,  propre  à  de  certains 
ouvrages  ,  &:  fait  de  bon  charbon.  En  Médecine  , 
l'écorce  ,  les  feuilles  &  les  fruits  font  eflimés  ailringens. 
M.  le  Vicomte  dt  Qucrhocm  nous  mande  avoir  obfervé 
au  Croific  &  dans  fes  environs ,  en  Bretagne  ,  que 
Varbcujier  venu  de  femence,  forme  une  tige  élevée  ; 
mais  qu'il  n'efl  qu'un  arbriffeau;  que  propagé  de  bouture 
ou  de  m^arcotte  ,  il  fe  naturalife  facilement  ;  qu'alors 
il  eil  peu  fènfible  au  froid ,  &  que  lorfqu'il  a  acquis  une 
certaine  confiftance  ,  il  faut  des  hivers  rudes  pour 
lui  faire  perdre  fes  feuilles  &:  quelques  branches.  Par 
la  culture  ,  Varbcujier  offre  des  variétés  à  fleiu's  pur- 
purines &  rouges  ,  fim^ples  ou  doubles  ,  à  iruit 
ovale  ,  &  un  peu  en  pointe  à  fon  fom.met. 

On  cultive  dans  les  jardins  quelques  autres  efpeces 
à^arhoujicrs  ^  entre  autres  V arboujier  à  paniculcs  :  Arbutus 


A    R    B  413 

Andrachm  ,  Llnn.  En  été  fa  tige  &  fes  rameaux  ont 
wnQ  teinte  pâle  ou  verdâtre ,  mais  endiite  ils  devien- 
nent rougeatres  ;  les  fleurs  font  d'un  blanc  jaunâtre , 
ncmbreules ,  en  grappes  réunies  en  panicule  ;  cet  ar- 
boujicr  croît  naturellement  à  Samos  ;  au  Jardin  du  Pvoi , 
en  le  tient  dans  l'orangerie  pendant  l'hiver  :  il  fleurit 
vers  la  fin  de  Mars.  VArboiificr  des  Alpes  ,  Arhutus 
Alpina  ^  Linn.  :  Vltïs  îdœafolïh  ohlongis  ^  alhlcantihus  ^ 
Tourn.  608.  C'ell  un  fous-arbriiTeau  prefque  rampant , 
qui  croît  dans  les  lieux  humides  de  la  Laponie ,  de 
la  Sibérie ,  de  U  SuiiTe  ,  du  Dauphiné  &  des  Pyrénées  ; 
les  Lapons  en  mangent  le  fruit  :  c'eft ,  dit  M.  le  Baron 
di  Tfdwudi  ,  le  dernier  préfent  de  la  Nature  ,  près 
d'expirer  fous  les  glaces  du  Nord. 

ARBP*.E  ,  Arhor,  Les  arbres  font  les  plus  élevés  &: 
les  plus  gros  des  végétaux.  On  obferve  dans  toutes 
les  productions  de  la  Nature ,  qu'elle  fe  plaît  à  mar- 
cher par  nuances  infei^fibles  :  on  la  voit  paffer  ainii 
de  la  plante  la  plus  baile  à  la  plus  élevée  ,  de  l'herbe 
la  plus  tendre  au  bois  le  plus  dur.  Aum  les 
hommes  ont-ils  donné  aux  plantes  divers  noms  fuivant 
leur  état ,  tels  que  ceux  à^ herbes  ,  à^fous-arhrljfeaux  ^  ^ar- 
hrïffeaux  oL  à'arhres,  C'eil  dans  Varhrz  que  nous  exami- 
nerons cette  organifation  merveilleufe,  à  l'aide  de  laquelle 
les  fucs  s'élèvent ,  s'élaborent  dans  les  plantes  :  organifa- 
tion commune  à  l'arbre  &  à  l'herbe  la  plus  fimple. 

On  remarque  dans  un  arbre  coupé  tranfverfalement , 
le  bols ,  V aubier  6c  Vicorce,  Toutes  ces  parties  fe  foi;it 
voir  dans  les  branches  ;  mais  la  moelle  qui  eil  au 
centre,  s'y  fait  mieux  remarquer.  Cette  moelle  eil 
im  am.as  de  petites  chambrettes  féparées  par  des  in- 
terftices  :  on  y  trouve  beaucoup  de  fève.  Autour  de 
ctXtQ  me  elle  font  railemblés  ,  iuivant  la  longueur  du 
tronc  5  plufieurs  vaifTeaux ,  que  l'on  difiingue  en  valf- 
feaux  lymphatiques  ,  vaijfeaux  propres  6c  trachées ,  dont 
nous  détaillerons  l'ufage.  La  moelle  rafTemblée  au 
centre ,  jette  des  produâions  qui  vont  en  quelque  façon 

D  d    4 


424  A     R     B 

s'épanouir  dans  l'écorce  ;  ainli  l'entrelacement  des 
vaifTeaux  longitudinaux,  avec  les  produirions  médul-* 
laires  ,  forment  la  fubftance  du  bois  6c  de  l'écorce. 

Il  faut  obferver  dans  l'épaiffeur  de  l'écorce  trois 
parties  qui  différent  entr'elles  :  cette  peau  fine  ,  qui 
touche  immédiatement  le  bois  6c  que  l'on  nomme  likr^ 
Vcpidcrrn^  OU  la  peau  extérieure  ,  6c  Vicorce  moyenne 
qui  fe  trouve  entre  les  deux  précédentes.  Il  eft  digne 
de  remarque  ,  que  cette  première  peau  ou  écorce  in- 
térieure fe  détache  au  printemps  ,  6c  forme  ime  nou- 
velle ceinture  d'accroilTement  au  bois  dans  toute  fa 
longueur.  La  preuve  en  eil ,  que  cette  écorce  étant  arra- 
chée (  le  liber  )  dans  un  endroit ,  le  bois  n'y  prend 
plus  le  moindre  accroiffement. 

On  difKngue  facilement  ^  en  coupant  un  arbre  en 
travers  ,  fes  divers  accroiiTemxCns  annuels  :  on  peut  par 
fes  cercles  concentriques  ,  c'efl-à-dire  ,  par  fes  couches 
ligneufes  qui  font  des  cônes  infcrits  ou  qui  s'emboî- 
tent les  uns  dans  les  autres ,  compter  le  nombre  de 
fes  années  ,  parce  qu'il  fe  forme  tous  les  ans ,  comme 
il  efl:  dit  ci-deilus ,  une  couche  ligneufe  qui  s'applique 
fur  l'ancien  bois  ,  pendant  qu'il  le  forme  pareillement 
une  couche  corticale  fous  l'ancienne  écorce  ,  dont  l'ex- 
térieur tombe  par  écailles  dans  les  uns  ,  comme  l'orme  , 
le  plane  ,  6cz.  ou  fe  roule  en  feuillets ,  com.me  dans 
le  bouleau  ,  le  chevre-feuille ,  6ic.  La  circonférence  d'im 
arbre  étant  formée  par  la  révolution  entière  de  chaque 
couche  ,  chaque  couche  efl  répétée  deux  fois  lorf- 
qu'cn  prend  le  diamètre  de  l'arbre  ;  c'eft  pour  cela 
qu'on  ne  compte  que  le  demi-diametre  ou  le  rayon 
pour  avoir  le  nombre  réel  de  fes  couches  ;  6c  pour 
en  juger  exaQement ,  on  doit  compter  les  cercles  d'un 
arbre  d'une  certaine  groiTeur  affez  près  de  fon  pied  ; 
c'eft  l'endroit  où  elles  font  plus  diflin£les.  Il  eft  de 
fait  que  dans  les  premières  années  de  l'arbre  les 
couches  qui  fe  forment  font  très  -  épaifîes  ,  tandis 
qu'elles  font  fort  minces  dans  les  derniers  temps  de  foii 


A    R    B  425 

accroiffement.  Ces  cercles  ligneux:  n'ont  donc  pas 
également  tous  la  même  largeur.  Il  y  a  plus  ;  la  même 
couche  varie  d'épaiffeur ,  luivant  la  fituation  des  ra- 
cines ,  &  les'  diverfes  expofitions  où  Tarbre  a  été^ 
planté.  Le  côté  du  Nord  eit  en  général  plus  étroit 
dans  les  climats  tempérés  ou  froids.  Les  derniers  cer- 
cles qui  touchent  à  l'écorce  font  plus  minces  &C  d'une 
confiftance  plus  légère  ;  c'eft  ce  qu'on  nomme  V aubier^ 
que  les  Ouvriers  rejettent  comme  peu  propre  à  être 
mis  en  œuvre.  Voye^  au  mot  BoiS ,  les  moyens  que 
l'expérience  a  fournis  à  M.  de  Buffhn^  pour  donner 
à  cet  aubier  la  qualité  du  bon  bois.  L'arbre  en  grof- 
fiiTant ,  force  les  fibres  de  l'écorce  à  s'étendre  :  il  en 
rompt  quelquefois  les  dehors  avec  un  bruit  éclatant  ; 
c'eil  ce  qui  caufe  les  crevalTes  que  l'on  voit  fouvent 
à  l'extérieur  de  l'écoixe. 

Lorfqu'on  veut  appercevoir  les  trachées  qui  entrent 
dans  l'organifation  du  bois  ,  il  faut  couper  l'écorce 
dans  les  branches  herbacées  fans  entamer  le  bois  :  ii 
l'on  rompt  enfuite  doucement  le  corps  ligneux ,  & 
qu'on  retire  les  morceaux  rompus  en  fens  oppofés  , 
on  apperçoit  entre  les  deux  morceaux  ,  des  nlamens 
trc:--fins ,  qui ,  vus  au  micro fcope  ,  paroiiTent  être  des 
bandes  brillantes ,  roulées  en  tire-bourre.  C'eft  par  ces 
trachées  ,  analogues  pour  la  forme  à  celles  des  infedes  , 
qu'il  paroît  que  l'air  entre  dans  les  plantes,  pour 
aider  fans  doute  à  Tafcenfion  des  liqueurs.  Ces  trachées 
viennent  aboutir  à  la  furface  extérieure  de  l'écorce. 
Voyez  trachées  dans  le  tableau  alphabétique  des  termes 
botaniques  ,  &c.  à  la  fuite  de  l'article  Plante. 

Les  vaijfeaux  propres  font  des  canaux  ou  vaiffeaiLX 
qui  s'élèvent  dans  toute  la  longueur  de  l'arbre  ,  & 
contiennent  le  fuc  particulier  à  chaque  arbre.  Dans  les 
uns ,  c'efl  une  réfnie  ;  dans  les  autres  ,  une  gojnme  ; 
dans  celui-ci ,  un  tait  ;  dans  cet  autre  ,  une  huiU  ; 
quelquefois  c'ell  un  miel  ^  ou  \\\\  firop  ou  une  manne. 
Ce  fuc  extravafé  dans  certaines  parties  de  la   plante 


4i6  A     R     B 

la   fait  quelquefois  pcrir  ,  comme  on  le  voit  dans  des 
branches  d'abricotier  furchargées  de  gomme. 

Les  vaijfcaux  lymphatiques  contiennent  une  lymohe 
qui  diffère  peu  de  Peau  pure  dans  plufuurs  efpeces 
d'arbres.  La  vigne  en  donne  une  grande  quantité  , 
lorfqu'elle  pleure  au  commencement  du  printemps  ^ 
mais  elle  ceiTe  d'en  donner  quand  les  feuilles  iont 
épanouies.  La  lymphe  ,  ainfi  qu'on  le  voit ,  diffère 
du  fjc  propre  ,  dans  lequel  il  paroît  que  réfident  prin- 
cipalement la  vertu  oL  la  faveur  des  plante-:. 

La  même  organifation  fe  retrouve  dans  les  ruines  , 
dans  leurs  chevelus ,  dans  les  branches.  Tous  ces 
vaiffeaux  réunis  dans  les  pédicules  des  feuilles  ,  le  dif- 
tribuent  enfuite  en  phifieurs  gros  faifceaux  ,  d'oii  il  part 
un  nombre  de  fallceaux  moins  gros,  qui  le  diviient 
êc  fe  fubdivifent  en  une  prodigieufe  quantité  de  rami- 
fications qui  forment  un  rcfeau  ,  qu'on  peut  regarder 
comme  le  Iquelette  des  feuilles.  Les  mailles  de  ces 
réfeaux  font  remplies  d'une  fubflance  cellulaire. 

Les  boutons  qui  lortent  (x^i,  branches  &:  des  racines  , 
ont  la  même  organifation  :  ce  iont  autant  de  petites 
plantes  entières  ,  dont  les  parties  font  repliées  les 
unes  fur  les  autres ,  &:  ne  fe  développent  que  tour-à- 
tour.  Car ,  dit  M.  F  huche  ,  dans  les  boutons ,  comme 
dans  les  œufs  &  dans  les  germes  des  petits  animaux, 
il  y  a  des  degrés  ou  des  diminutions  d'avancement , 
qui  vont  pour  ainfi  dire  à  l'infini.  La  prudence  &: 
la  bonté  du  Créateur  n'éclatent  pas  moins  dans  ce 
ménagement ,  que  fa  puiffance  même  ;  puifque  non- 
feulement  il  nous  donne  d  excellens  fruits  cette  année, 
mais  qu'il  en  réferve  une  récolte  femblable  pour  l'année 
fuivante  ,  &  qu'en  empêchant,  par  des  préparations 
inégales,  tous  les  boutons  de  s'ouvrir  à -la -fois,  il 
allure  à  nos  tables ,  comme  à  nos  foyers  ,  des  pro- 
vificns  réellement  inépuifables.    • 

C'ell  pendax"it  le  cours  de  l'été  que  fe  forment 
peu-à-peu,  dans  l'aiffelle   des   feuilles^  ces   boutons 


A    R    B  427 

ordînaîrement  d'une  forme  conlqus  qu'on  spperçoit 
en  hiver  fur  les  jeunes  branches.  Ncn-fculemciit  les 
boutons  de  chaque  genre  d'arbre  ont  des  formes  par- 
ticulières,  mais  fou  vent  les  boutons  de  chaque  efpece 
en  afFeâ:ent  une  qui ,  bien  obfervée  ,  fufRt  quelquefois 
aux  Jardiniers  qui  élèvent  des  arbres  en  pépinière  ^ 
pour  diitinguer  les  efj:eces.  Des  boutons  qui  fe  ren- 
contrent fur  le  même  arbre  ,  les  uns  font  pointus  , 
on  les  nomme  botiwns  à  bois ,  parce  qu'il  en  fort  des 
branches  :  les  autres  font  communément  plus  gros  & 
plus  arrondis  ;  c'efl  d'eux  que  fortent  les  fieurs  ;  aufli 
les  nomme-t-on  boutons  à  fruit.  On  peut  encore  dans 
plufieurs  efpeces  d'arbres ,  tels  que  les  pommiers  , 
poiriers  <k.  néfliers  ^  difiinguer  deux  efpeces  de  boutons 
à  bois  ;  les  uns  très-petits ,  dont  il  ne  fort  qu'un  bou- 
quet de  feuilles ,  mais  ces  boutons  deviennent  ordi- 
nairement dans  la  fuite  des  boutons  à  fruit  ;  les  autres 
qui  font  plus  gros ,  donnent  des  branches.  On  obferve 
dans  les  arbres  à  ètamines  deux  fartes  de  boutons  à 
fleurs  ;  les  uns  d'où  fortent  les  fruits ,  &  les  autres 
plus  petits  d'où  fortent  les  chatons. 

C'efl  dans  l'hiver ,  où  le  mouvement  de  la  fève  pa- 
roît  fufpendu  ,  que  les  différentes  parties  des  Heurs 
fe  forment ,  pour  ainfi  dire  ,  elandeflinement.  L'expé- 
rience de  Mariotte  le  prouve  :  à  la  fin  d'Août ,  il  coupa 
les  branches  d'un  rofier  ôc  toutes  fes  feuilles  ,  il  ne 
lui  laifïa  que  les  boutons  à  fleurs  :  au  printemps  fui- 
vant ,  ces  boutons  s'ouvrirent  <k.  ne  donnèrent  que 
des  branches  ;  effet  produit  par  le  retranchement  àts 
branches  &  des  feuilles  qui  avoient  empêché  les  fleurs 
de  fe  former  pendant  l'automne  &  l'hiver. 

Les  plantes  annuelles ,  &  celles  c|ui  ne  font  vivaces 
que  par  leurs  racines  ,  ne  portent  point  de  boutons 
fur  leur  tige  :  ces  dernières  en  ont  feulement  fur 
leur  racine. 

Après  cette  légère  idée  de  Porganifation  des  arhr:s , 
dont  on  trouve  un  ample  détail  y  rem.pli  d'cbfervations 


428  A    R    B 

curieufes  &  d'expériences  délicates  ,  dans  Texcellent 
Traité  de  la  phyjiqm  des.  arbres  ,  de  M.  Duhamel  ;  on 
va  en  voir  les  ufages.  Foyc:^  aufTi  ce  qui  eil  dit  à 
r  article  Plante. 

Les  hommes  fe  font  eiiTorcés  de  multiplier  les  arbres 
qui  méritoient  de  l'être  par  la  qualité  du  bois  ,  la 
bonté  des  fruits  ,  la  beauté  des  fleurs  &  celle  du  feuil- 
lage ;  ils  ont  même  perfedionné  la  Nature.  Avec 
quelle  complaifance  ne  voit-on  pas  les  fruits  ,  ainfi  que 
les  fleurs  ,  fe  perfeclionner  &  s'embellir  fous  la  main 
de  l'homme  cultivateur  !  Quel  effet  merveilleux  ne 
produit  point  la  greffe  !  Avec  quel  plaifir  ne  voit-on 
pas  ,  par  fon  opération ,  un  mauvais  ar.bre  fe  changer 
en  un  plus  parfait  ,  ou  le  même  arbre  embelli  de  di- 
verfes  efpeces  du  même  fruit  ! 

Cet  art ,  dont  l'origine  eil ,  pour  ainfi  dire ,  dans  le 
berceau  du  monde ,  confiHe  à  adapter  ou  une  branche 
ou  un  bouton  avec  fon  écorce  ,  fur  V arbre  que  l'on 
veut  perfe£lionner.  Il  eil  elfentiel  que  le  fujet  ou  le 
fauvageon  que  l'on  veut  greffer  ,  foit  d'une  nature  un 
peu  analogue  avec  la  greffe  de  l'arbre  qu'on  y  ap- 
plique. Aulfi  ne  voit-on  réuinr  que  les  greifes  de  pépin 
fur  pépin  ,  &  de  noyau  fur  noyau.  Il  y  a  quantit-é 
d'autres  rapports  qui  font  encore  eifentiels  ;  tels  font 
la  reffemblance  dans  le  grain  de  deux  bois ,  une  pefan- 
teur  &  une  dureté  relatives ,  une  homogénéité  dans  la 
faveur ,  l'odeur  &  la  qualité  des  fucs  propres. 

On  perfedionne  le  fruit  d'une  greffe  en  l'inférant 
fur  un  arbre  cultivé  ,  plutôt  que  lur  un  fauvageon  ; 
d'où  il  fuit  que  le  choix  du  fujet  n'eil  pas  indifférent, 
&  que  la  greffe  ne  dégénère  point  l'efpece.  C'eil:  pour 
cela  qu'un  poirier  fauvageon ,  qui  ne  produit  que  de 
petites  poires  acres  ,  étant  greffé  d'une  branche  de 
beurré ,  produit  de  belles  &  groffes  poires  de  beurré  ; 
que  cette  même  branche  de  beurré  écuffonnée  d'une 
branche  de  fauvageon  ,  ne  donne  c[ue  de  petites  poires 
acres ,  ôc  ainfi  de  fuite  :  c'eil  encore  pour  cela  qu'un 


A    R    B  429 

Citron  nouvellement  noué ,  greffé  par  approche  ,  par 
une  queue  longue  feulement  de  quelques  lignes  ,  fur 
un  oranger ,  parvient  à  fa  maturité  fans  participer  de 
l'orange.  Il  eft  reconnu  faux  par  l'expérience ,  que  le 
coignafHer  fur  lequel  on  a  grdié  un  pnmier ,  ne  con-- 
tient  qu'un  feul  pépin ,  comme  l'avoit  dit  Lémcri  dans 
les  Mémoires  de  l  Académie  en  lyo^  ,  &  que  le  jaf- 
min  blanc  fur  lequel  on  a  greffé  un  jafmin  jaune  , 
produit  des  fleurs  jaunes  fur  les  branches  qui  partent 
du  fujet  au-deffus  de  la  greffe ,  comme  Haies  l'avoit 
cru  trop  légèrement.  En  vain  travailleroit-on  à  greffer 
les  uns  fur  les  autres  des  arbres  dont  la  fève ,  la  fleu- 
raifon  &  la  maturité  des  fruits  paroifTent  &  fe  mettent 
en  mouvement  dans  des  temps  différens.  C'efl:  fans 
doute  pour  cela  feul  que  le  prunier  ne  reuffit  pas  fur 
l'amandier  qui  efl  plus  hâtif  ;  réciproquement  l'aman- 
dier greffé  fur  le  prunier  périt  par  la  raifon  contraire. 
Ce  font  les  autres  différences  d'analogie  qui  empêchent 
la  réufTite  de  ces  greffes  extraordinaires  que  l'on  croit 
pofîibles  ,  &  devoir  produire  des  fruits  finguliers ,  fur 
la  foi  des  ouvrages  d'Agriculteurs  ;  telles  font ,  i  .^  le 
poirier  fur  prunier  ,  chêne  ,  érable  ,  orme  ,  charm.e  ; 
2.°  le  pêcher  fur  noyer  ,  faule  ,  &c.  3.®  le  mûrier 
fur  coignafîier ,  figuier  ,  &c.  4.^  la  vigne  fur  noyer  , 
cerifier ,  &:c.  Une  particularité  qui  mérite  d'être  re- 
marquée ,  c'efl  qu'un  arbre  toujours  vert ,  greffé  fur 
im  autre  qui  quitte  fes  feuilles ,  les  lui  fait  confei-ver  : 
l'expérience  a  appris  ce  fait  en  greffant  le  laurier- 
cerife  fur  le  merifier  ,  &  l'yeufe  fur  le  chêne.  On 
peut  greffer  ou  écuflbnner  pendant  tout  le  cours  de 
l'année  ;  favoir:  i."  Y^n fente  (  injitio  in  fijfura,^  ,  dans 
les  mois  de  Février  ou  de  Mars  ,  parce  qu'alors 
î'écorce  ne  quittant  pas  facilement  l'aubier ,  on  réuiîit 
mieux  à  faire  coïncider  le  liber  de  la  greffe  &  du  fui  et , 
ce  qui  la  fait  bien  réuffir  :  2.°  En  couronne  ,  enfifflet 
ou  ^w  flûte  ,  en  écufjon  a  la  poujfe  ,  ôc  à  emporte  pièce 
(^emplaflratio^  lorfque  les  arbres  {onl  en  pleine  fève. 


450  A     R    B 

dans  les  mois  de  Mai  &:  de  Juin  ;  parce  qu'alofs 
récorce  ie  détache  facilement  de  l'aubier  ,  &  procure 
l'avantage  dent  on  vient  de  parler  :  3 .^  En  app-oche 
pendant  tout  le  printemps  &  l'été  :  4.°  En  écujjon  à 
ail  dormant  (^ablaciatio^j  ,  depuis  la  mi-Acùt  juiqu'à 
la  mi-Septembre.  L'écunon  ne  fait  point  de  pouffe 
pendant  l'automne  ,  mais  bien  au  printemps  ;  ce  qui 
l'a  fait  nommer  à  œil  dormant.  Lorlqu'on  place  l'écuf- 
fon  dans  le  bourgeon  même  ,  cela  s'appelle  inoculer. 

On  trouve  dans  le  Spcàack  de  la  Nature  ,  une  idée 
fort  ingénieufe  ,  en  apparence ,  fur  la  manière  dont  on 
peut  concevoir  ce  ralimement  de  la  fève  dans  le  paf- 
fage  de  la  greffe ,  ainfi  que  cette  diverfité  de  goûts  dans 
les  différentes  elpeces  de  plantes  qui  toutes  tirent  leur 
nourriture  de  la  même  terre.  On  compare  l'effet  pro- 
duit par  les  fuçoirs  des  plantes ,  à  des  bandes  de  papier 
imbibées  par  leur  extrémité  ,  l'une  d'huile  ,  l'autre  de 
vin ,  la  dernière  d'eau  ,  &  que  Ton  mettroit  dans  un 
vafe  oii  l'on  auroit  mélangé  ces  trois  liqueurs  :  chacun 
de  ces  papiers  diflilleroit ,  par  la  partie  qui  lercit  hors 
du  vafe ,  chacune  des  Uqueurs  dont  il  étoit  imbibé  : 
c*efl  ainfi  que  chaque  fuçoir  des  plantes  ne  reçoit  que 
la  liqueur  appropriée  à  (on  organe  ,  &:  rejette  toutes 
les  autres.  Cette  comparaifon  ^{i  entièrement  fauiTe  , 
on  l'a  démontré.  Ce  n'eit  point  ainfi  que  la  choie  fe 
paile  ,  c'eft  en  dégradant  de  plus  en  plus  le  calibre  àQS 
vaiifeaux ,  en  les  repliant ,  en  les  contournant ,  en  in- 
clinant plus  ou  moins  kurs  branches  ,  6cc.  ,  que  la 
Nature  exécute  les  fécrétions  chez  les  végétaux  ,  & 
probablement  chez  les  animaux.  Le  Philofophe  M.  Bo??- 
mt  a  prouvé  dans  Ion  livre  lur  tufa^i  dcsfadlUs ,  que 
le  bourlet  qui  fe  forme  à  ^'^niertion  de  la  greffe  avec 
le  fujet ,  n'eif  point  eu  tout  v.v.  fiitrt  comme  on  lavoit 
penfé.  On  peut  encore  coniulter  l'article  183  des  C0.7- 
Jidérmons  fur  Us  corps  organifh  ,  par  le  même  Auteur. 
L'union  d'une  bouture  dans  le  tronc  d'un  arbre  ne  fera 
pomt  l'effet  d'une  produ&cn  totalement  nouvelle; 


A    R    B  4ÎI 

mais  des  vainbaiix  de  la  greffe  &C  des  vallTeaiix  du  fujet 
qui  ne  feroient  point  déve  oppés  fans  le  fecours  de 
l'opération  ,  fe  développeront ,  6c  s'abouchant  les  uns 
avec  les  autres  par  difFérens  points  ,  formeront  une 
infinité  d'entrelacemens.  Ils  fe  montreront  d'abord  fous 
la  forme  d'une  fubilance  gélatlneufe  ,  puis  herbacée  , 
&z  enfin  corticale  &:  ligneufe.  Un  bourlct  ,  continue 
M.  Bonnet ,  naîtra  à  l'infertion  &  recouvrira  la  plaies 
On  a  cru  ,  dit-il ,  que  ce  bourlet  étoit  une  glande  végé- 
tale ,  dcftinée  à  féparer  du  fujet  les  fucs  propres  à  la 
greffe .  Cette  idée  ingénieufe  lui  paroit  peu  d'accord  avec 
l'expérience  :  il  a  fait  pomper  de  Tencre  à  un  cep  de 
vigne  qui  portoit  des  raifnis  violets  ,  &c  fur  lequel  on 
a  ei>té  un  rameau  qui  avoit  appartenu  à  un  cep  qui 
portoit  des  raifins  blancs.  Il  a  vu  la  matière  colorante 
pafler  fans  altération  fenfible  du  fujet  dans  la  greffe , 
ëc  s'élever  par  les  fibres  ligneufes  ,  jufqu'au  fommet  de 
celles-ci.  Une  queftion  très  -  importante  &  très-long- 
temps ccntroverfée ,  eil  la  rouie  de  la  fève.  MM.  du  Hamet 
&  Bonnet  ont  démontré  par  les  expériences  les  plus 
dire  clés ,  que  la  fève  s'élève  uniquement  par  les  fibres 
du  bois  jufqu'aux  extrémités  des  rameaux  &  des  feuil- 
les 5  &:  qu'elle  redefcend  par  les  fibres  de  Técorce  dans 
les  ra-wines.  On  fent  l'influence  que  ce  fait  ne  peut 
manquer  d'avoir  fur  la  folution  de  quantité  de  petits 
problêmes  de  Phyfique  végétale. 

Apres  la  greffe ,  on  emploie  la  taïlk  pour  donner  plus 
d'abondance  ,  de  propreté  &  de  durée  aux  arbres  fnii-^ 
tiers.  Elle  efc  le  chef-d'œuvre  de  l'art  du  jardinage  : 
c'efl  elle  qui  débarraffe  l'arbre  de  ces  branches  chiffon^ 
nés  ;  foibles  produ£tions ,  qui  ne  deviendroient  ni  bon 
bois  ,  ni  branches  à  fruit  ;  qui  retranche  ces  branches- 
gourmandes  qui  enlèvent  la  fubilance  de  l'arbre  :  c'efl 
elle  qui  difpofe  avantageufcment  les  branches  qui 
viendront  dans  plufieurs  années  ,  &:  qui  confen^e  les 
boutons  à  fruit ,  ou  ceux  qui  promettent  de  le  deve- 
nir.  L'art  de  pincer  eft  de  fon  r^ffort.  Lorfque  les 


432  A     R    B 

branches  pouffent  vigoureiiiement  dans  l'été  ,  on  de**' 
truit  avec  l'ongle  ou  la  ferpe ,  l'extrémité  de  la  branche  ; 
&c  la  fève  ,  arrêtée  par  cette  opération  ,  fait  dévelop- 
per pendant  l'été  des  boutons  à  fruit. 

La  vertu  reproductrice  fe  trouve  dans  toutes  les 
parties  des  arbres  ,  dans  les  femences  ,  dans  les  bran- 
ches coupées  que  l'on  pique  en  terre ,  &  que  l'on 
nomme  boutures  ;  dans  celles  que  l'on  couche  ,  &  que 
l'on  nomme  marcottes  ou  provins  ;  dans  les  rejetons 
qui  poulTent  au  pied  de  l'arbre  ;  enfin  dans  les  racines 
êc  dans  les  feuilles.  Ces  deux  derniers  moyens  de 
multiplication  font  plus  curieux  qu'utiles  ,  quoique 
cependant  on  puiiie  couper  une  forte  racine  en  plu- 
fleurs  parties  ,  &  que  l'on  puiife  fur  chacune  d'elles 
greffer  une  branche  ,  &  les  planter  tout  de  fuite  aux 
lieux  qu'on  leur  defline. 

Un  arbre  poufle  avec  d'autant  plus  de  vigueur  , 
qu'on  retranche  une  partie  de  fes  branches  ;  6c  l'on 
voit  fe  développer  ces  efpeces  d'embrions  de  multi- 
plication ,  dès  que  l'arbre  eil  obligé  de  mettre  au  jour 
ceux  qu'il  tenoit  en  réfcrve. 

Les  diverfes  efpeces  ai  arbres  affedent  le  plus  ordi- 
nairement des  terrains  &  vm  climat  appropriés  à  leur 
tempérament.  La  ferre  &  les  étuves  ne  fuppléent  que 
foiblement  à  la  température  du  climat  ;  les  arbres  dé- 
licats n'y  végètent  cjue  languiiTamment. 

Une  preuve  inconteilable  que  les  feuilles  contri- 
buent à  la  perfedion  du  fuc  nourricier  ,  c'eft  que  les 
arbres  dont  les  feuilles  ont  été  rongées  par  les  che- 
nilles ,  ne  donnent  que  peu  ou  point  de  fruits ,  ou  que 
des  avortons  ,  quoiqu'ils  aient  eu  beaucoup  de  fleurs. 

Quoique  la  réunion  du  bois  &;  de  l'écorce  conilitue 
l'organifàticn  de  l'arbre  ,  on  en  voit  cependant  qui 
rapportent  des  bourgeons  ,  des  feuilles  ,  des  fleurs  .& 
des  fruits  ,  du  moins  pendant  quelque  temps ,  quoique 
privés  ,  ou  en  partie  ,  ou  entièrement ,  de  l'un  ou  de 
l'autre.  Ne  voit-on  pas  tous  les  jours  des  faules  pouffer 

très- 


A     R    B  435 

très-vîgoiireufemènt ,  quoique  n'ayant  abfolument  que 
l'écorce  dans  toute  la  longueur  du  tronc  ?  On  peut 
l'obferver  aulTi  quelquefois  dans  les  arbres  fruitiers. 

On  lit  dans  VHiJioire  de  l'Académie  pour  Vannée 
'7^9  •>  ^^^^  Obfervation  curieufe  rapportée  par  M.  Ma* 
gnol.  En  Languedoc  ,  dit-il ,  on  ente  les  oliviers  en 
ëcuilbn  ,  au  mois  de  Mai  ,  fur  le  tronc  ou  fur  les 
grofles  branches  des  vieux  oliviers  ;  on  coupe  enfuite 
&  on  détache  l'écorce  d'environ  trois  ou  quatre  doigts 
tout  autour  du  tronc  ou  des  branches  ,  un  peu  au- 
deiïiis  de  l'ente  :  la  partie  fupérieure  ne  peut  donc 
recevoir  de  nourriture  par  l'écorce  ;  l'arbre  cependant 
ne  perd  point  fes  feuilles.  Ce  qu'il  y  a  de  remarqua- 
ble ,  c'eil  que  l'arbre  porte  dans  cette  année  des 
fleurs  &  des  fruits  au  double  de  ce  qu'il  avoit  cou- 
tume d'en  porter.  Enfuite  les  branches  qui  font  au- 
deilus  de  l'ente  ,  étant  privées  du  fuc  qui  doit  monter 
par  l'écorce ,  meurent ,  &  les  rejetons  qui  fortent  de 
l'ente  ,  forment  un  nouvel  arbre.  Quelle  que  foit  la 
véritable  caufe  de  ce  phénomène  ,  on  obierve  que  les 
plantes  qui  ont  beaucoup  de  moelle  ,  comme  le  rojiery 
le  troène  6c  le  lilas  ,  ont  auiTi  beaucoup  de  fleurs. 
L'expérience  qui  nous  apprend  qu'un  arbre  écorcé  &C 
laiffé  fur  pied  ,  produit,  au  moins  pendant  une  année, 
des  feuilles  ,  des  bourgeons  ,  des  fleurs  &  des  fruits  , 
prouve  que  la  feule  fève  propre  à  nourrir  le  bois  ,  a 
formé  aufîi  tout  le  refie  :  ainfi  il  n'eil  pas  vrai ,  comme 
quelques-uns  le  croient ,  que  la  fève  de  l'écorce ,  celle 
de  l'aubier ,  &c  celle  du  bois ,  nourriffent  6c  forment 
chacune  une  certaine  partie  à  l'exclufion  des  autres. 

Les  arbres  {ont  quelquefois  tout  couverts  de  moiiffe  ; 
fauffes  plantes  parafites  qui  les  altèrent ,  non  en  les 
privant  d'une  partie  de  leur  nourriture ,  mais  en  bou- 
chant les  pores  de  la  tranlpiration  :  il  eft  efTentiel  de 
les  garantir  de  cette  efpece  de  maladie  pédiculaire. 
L'expédient  de  racler  la  mouffe  ,  efl  long  ,  &  très- 
impart^ait  dans  bien  des  cas.  M.  d&  Reffons  a  propofé  ^ 
Tome  /,  E  e 


434  A    R    B 

ainii  qu'on  le  peut  voir  dans  les  Mémoires  de  L*Acar 
démU  pour  l' année  \y\6  ,  de  faire  une  incifion  dans 
toute  la  longueur  de  l'arbre  ,  qui  aille  jufqu'au  bois  : 
il  faut  toujours  la  faire  du  côté  le  moins  expofé  au 
foleil  ^  la  trop  grande  chaleur  empêcheroit  la  cicatrice 
de  fe  fermer.  Le  temps  de  faire  cette  opération  ,  après 
avoir  préalablement  nettoyé  l'écorce  ,  eft  depuis  Mars 
jufqu'à  la  fin  d'Avril  ;  en  Mai ,  les  arbres  auroient  trop 
de  ieve.  Après  Pincifion  ,  la  fente  s'élargit ,  parce  que 
la  fève  étend  l'écorce ,  &:  la  plaie  fe  referme  au  bout 
de  deux  ans.  Par  le  moyen  de  cette  opération ,  l'écorce 
eft  toujours  nette  ,  &  il  n'y  vient  plus  de  moufle  : 
effet  que  M.  de  Rejfons  attribue  très-gratuitement  à  ce 
que  la  fève  fe  dif^ribue  mieux  dans  l'écorce  après  l'in- 
cifion  ,  &  ne  fe  porte  plus  tant  dans  les  racines 
xles  mouffes. 

On  peut  obferver  tous  les  jours  un  phénomène  fln- 
gulier  ,  remarqué  vers  la  fin  du  dernier  fiecle  par 
M.  Dodan  5  &  dont  la  caufe  véritable  paroît  encore 
inconnue  (  quoiqu'on  ait  bien  differté  fur  cet  objet  )  ; 
c'eil:  le  parallélifme  au  plan  d'où  fortent  les  tiges  , 
qu'afFeûe  toujours  la  bafe  des  touffes  à^ arbres ,  c'eil-à- 
dire  les  branches  inférieures.  Cette  affe dation  efl  fî 
confiante ,  que  fi  un  arbre  fort  d'un  endroit  où  le  plan 
foit,  d'un  côté  ,  horizontal ,  &  de  l'autre  ,  incliné  à 
l'horizon ,  la  bafe  de  la  touffe  fe  tient  ,  d'un  côté  , 
horizontale  ,  &:  de  l'autre  ,  s'incline  à  l'horizon  autant 
que  le  plan.  Les  branches  fituées  du  côté  où  le  fol 
efl  le  plus  élevé  ,  font  plus  contraûées  dans  leur  par- 
tie flipérieure  que  dans  la  partie  inférieure.  Le  contraire 
a  lieu  dans  les  branches  fituées  du  côté  oppofé.  Tout 
tend  à  l'équilibre  ;  les  abris  nuifent  aux  végétaux. 
La  chaleur  contrade  davantage  les  trachées  ,  que 
l'humidité  ne  raccourcit  les  fibres  ligneufes.  Voye:^  à 
Vanïcle  Feuille. 

On  trouve  dans  la  Phyjique  des  arbres ,  par  M.  Du- 
hamd ,  des  particularités  fur  ce  f^t  intéreiTant ,  bien 


A    R    B  43  5 

digne  de  ^attention  des  Obfervateurs.  On  voit  aufli 
dans  l'Ouvrage  yi/r  l^ufagc  des  fmïlUs  ^  par  M.  Bonnet  ^ 
îes  diverles  expériences  que  ce  fcrutateur  de  la  Na- 
ture a  tentées  ,  pour  tâcher  de  découvrir  la  caufe 
fecrete  de  la  dinciïon  &  du  repliement  des  tiges  OC 
des  branches.  Cette  matière  eft  une  des  plus  curieufes 
&  des  plus  difficiles  de  la  Phyfique  végétale. 

Lorfque  certaines  circonftances  fe  réunifient ,  les 
gelées  ,  même  médiocres  ,  peuvent  devenir  nuKibles 
aux  arbres  6c  à  leur  production.  Il  y  a  fur-tout  deux 
cir confiances  fort  à  craindre  ;  Tune  ,  que  les  arbres 
Ibient  imbibés  d*eau  lorfque  le  froid  furvient ,  6c  que 
le  dégel  foit  brufque  ;  lautre ,  que  cela  arrive  lorfque 
les  parties  les  plus  tendres  6c  les  plus  précieufes  de 
Varbre ,  les  rejetons ,  les  bourgeons  6c  les  fruits  com- 
mencent à  fe  développer.  Ce  font  ces  alternatives  fu- 
bites  de  gelées  vives, &;  de  dégels  ,  qui  furent  fmgu- 
liérement  funeftes  dans  le  terrible  hiver  de  1709  : 
les  particules  aqueufes  gelées  dans  les  arbres ,  en  (bu^ 
levèrent  l'écorce  ,  6c  en  détruifirent  l'organifation. 
Aufii  a-t-on  obfervé  que  l'aubier  de  Tannée  1 709  ne 
s'ell  point  converti  dans  les  arbres  en  véritable  bois  ; 
la  végétation  ordinaire  fut  comme  arrêtée  là  ,  mais 
elle  reprit  fon  cours  dans  les  années  fuivantes.  Les 
gelées  fréquentes  du  printemps ,  quoique  afîez  foibles  , 
peuvent  ibuvent ,  à  cauie  de  ces  circonfl:ances ,  faire 
beaucoup  de  mal.  Les  plantes  réfineufes  font  moins 
fu jetés  à  la  gelée  que  les  autres  ,  parce  que  les  ma- 
tières huileuies  ne  fe  gonflent  pas  comme  l'eau  par  la 
gelée  ;  au  contraire  ,  elles  fe  reflérrent. 

On  voit  quelquefois  des  arbres  fruitiers  offrir  deux 
récoltes  dans  la  même  année.  VHljloire  de  VAcadémU 
des  Sciences^  ann.  lyzT, ,  rapporte ,  d'après  une  Relation 
envoyée  par  M.  de  Montagne  ,  Conful  de  France  à 
Lisbonne  ,  que  dans  la  Province  des  Algarves  ,  les 
Arbres  qui  avoient  porté  des  fruits  en  Juin  1722  ,, 
pai-urent  couverts    de  nouYelles  fleurs   au    mois  de, 

E  e     % 


43(5  A     R    B 

Décembre  de  la  même  année  ,  &  donnèrent  au  mois  de 
Janvier  fuivant  des  fruits  aiiiïi  bons  que  ceux  qui 
étoient  venus  dans  la  fail'on  ordinaire.  Le  même  fait 
a  été  oblervé  en  1765  6c  1779,  dans  les  environs 
de  Narbonne  :  ce  phénomène  a  été  attribué  à  la  cha- 
leur des  mois  de  Septembre  &;  d'Octobre  de  ces  années, 
où  le  thermomètre  monta  à  vingt-cinq  degrés ,  &  en 
Novembre  &  Décembre ,  depuis  douze  juiqu'à  quinze 
degrés. 

M.  Duhamel ,  cet  Obfervateur  {\  exaû  de  la  Nature  ; 
a  remarqué  que  ,  lorfqu'on  fait  à  une  branche  une 
incifion  circulaire  de  quelques  hgnes  pour  en  enlever 
l'écorce  ,  ou  lorfqu'on  fait  une  ligature  à  une  jeune 
branche  ,  il  fe  forme  aux  extrémités  de  l'écorce  cou- 
pée ,  deux  bourlets  ,  dont  le  plus  haut  eil  toujours 
plus  fort  que  l'inférieur  :  effet  produit  par  la  plus 
grande  abondance  de  fève  defcendante.  M.  Duhamel 
ayant  obfervé  l'analogie  de  ces  bourlets  avec  les 
grcffeurs  qui  furviennent  à  l'infertion  ces  greffes  ,  efl 
parvenu  à  trouver  le  moyen  de  hâter  &:  d'alliirer  la 
production  des  boutures ,  &  même  de  faire  réuiiir  les 
plus  rebelles  ,  telles  que  celles  du  catalpa ,  qui  relloit 
des  dix  à  douze  ans  en  terre  fans  y  produire  la  moindre 
racine.  Voici  la  manière  dont  il  faut  procéder. 

On  fait  faire  à  la  branche ,  encore  attachée  à  l'arbre , 
xme  partie  des  productions  qu'elle  feroit  en  terre. 
Après  avoir  coupé  &  enlevé  l'écorce  circulairement 
d'une  ligne  ou  deux  y  6c  recouvert  le  bois  de  quelques 
îours  de  fil  cirés ,  ou  avoii'  fen^é  la  branche  avec  du 
£1  de  fer  ou  du  fil  ciré  ,  on  enveloppe  cette  partie 
avec  de  la  mouffe  que  l'on  affujettit ,  ou  avec  de  la 
terre  humide.  Dans  le  mois  de  Mars  fuivant ,  on  ob- 
fervé un  bourlet  chargé  de  mamelons  ou  de  racines  ; 
alors  la  réufiite  eu  certaine.  On  coupe  les  boutures 
au-dcffous  du  bourlet ,  on  les  met  en  terre  ,  6c  eWs 
poulïent  très-bien.  Si  à  la  portion  des  boutures  qui 
-doit  êtie  on  terre  ^  il  y  ayoit  des  boutons ,  on  les 


A     R    B  457 

arracherolt  ,  en  ménageant  leiilement  les  petites  émi- 
nences  qui  les  iuppcrtent,  parce  qu'on  a  reconnu  qu'elles 
font  dilpolées  à  fournir  des  racines. 

L'art  parvient  quelquefois  à  vaincre  la  Nature ,  &c 
à  la  forcer.  M.  de  Bujfon  a  fait  tourner  à  fruit  deux 
branches  de  coignafiler  ,  en  enlevant  en  fpirale  Pécorce 
de  ces  deux  branches.  Au  Heu  d'enlever  Técorce  ,  il 
a  quelquefois  ferré  la  branche  ou  le  tronc  de  l'arbre 
avec  une  petite  corde  ou  de  la  filaffe  ;  l'effet  a  été  le 
même  ,  6l  il  recueilloit  des  fruits  fur  ces  arbres  ftériles 
depuis  long-temps.  \J arbre  en  grofii/fant  ne  rompt  pas 
le  lien  qui  le  ferre ,  il  fe  form^  feulement  deux  bour- 
lets ,  le  plus  gros  au-deflus ,  &  le  moindre  au-defibus  ; 
&  fouvent  des  la  première  ou  la  féconde  année  ,  la 
corde  fe  trouve  incorporée  à  l'arbre  6c  recouverte 
de  fa  fubflance. 

Voici  encore  une  expérience  qui  a  donné  à  M.  Z>/^- 
hamd  un  réfultat  bien  furprenant.  Il  fit  planter  des 
arbres  à  contre-fens ,  c'efl-à-dire  ,  les  branches  dans  la 
ierre ,  &;  les  racines  en  l'air  :  ils  ont  repris  dans  cette 
étrange  pofition  ;  les  branches  ont  produit  des  racines , 
&  les  racines  des  feuilles.  Ils  ont  poiiffé  d'abord  plus 
foiblement  ;  mais  dans  quelques-uns  de  ces  fujets  ,  la 
différence  au  bout  de  quelques  années  ae  s'apperce- 
voit  plus.  Il  a  difpofé  des  bouturer  les  unes  dans  leur 
pofition  naturelle  ,  les  *  autres  dans  une  pofition  ren- 
verfée  ,  &  les  a  placées  de  manière  qu'elles  pouffoient 
alternativement  des  bourgeons  &  des  feuilles  ,  enfuite 
des  racines ,  &  après  cela  des  bourgeons  ôc  des  feuilles  i 
la  partie  entourée  de  terre  donnoit  des  racines  ;  celle 
qui  étoit  à  l'air  donnoit  des  bourgeons  &:  des  feuilles. 
D'après  un  tel  fait ,  la  conclufion  ne  feroit  pas  jiiile , 
fi  l'on  difoit  que  ,  de  même  que  les  bouriets  ,  les 
germes  qui  exiilent  dans  les  'arbres  font  donc  égale- 
ment propres  à  produire  des  bourgeons  ou  des  racines  : 
les  bouriets  favorifent  l'éruption  des  germes ,  mais 
ne  lui  font  pas  nécefîairçs,  tes  germes  qui  produifent 


438  A    R    B 

les  bourgeons  ,  dit  M.  Bonnet ,  ne  font  pas  ceux  quî 

produilent  les  racines  ;  mais  les  uns  fe  développent 
plutôt  que  les  autres  dans  le  rapport  aux  circonftances. 
Nous  croyons  devoir  expofer  ici  ce  que  dit  encore  le 
favant  M.  Bonnet  ,  Conjidérations  fur  Les  corps  orga- 
72  if  es  ,  art.  2ji.  »  Un  laule  planté  à  contre -fen  s  , 
»  ne  périt  pas  ;  mais  fi  l'on  a  foin  de  prévenir  le  def- 
»  féchement  des  racines  par  une  enveloppe  qui  n'in- 
»  terdife  pas  tout  accès  à  l'air  ,  elles  produiront  des 
»  bourgeons  comme  les  branches  naturelles.  Il  fortira 
y>  en  même  temps ,  des  branches  qu'on  aura  mifes  en 
»  terre  ,  une  multitude  de  racines ,  dont  les  princi- 
»  pales  naîtront  des  nœuds  qui  font  aux  trifurcations 
y>  des  branches  ,  &  du  petit  bourlet  naturel ,  qui  fert 
»  de  fupport  aux  feuilles.  Puifqu'un  arbre  planté  à 
»  contre-fens  continue  de  vivre  &  fait  de  nouvelles 
»  productions  ,  on  conçoit  ,  &  l'expérience  l'a  dé- 
»  montré  ,  qu'il  en  doit  être  de  même  des  boutures 
»  plantées  auiTi  à  contre-fens.  On  peut  même  les 
»  difpofer  de  manière  que  les  racines  fe  développe- 
»  ront  au-deffus  des  bourgeons  naiflans.  On  aura  un 
»  plant  de  racines  placé  au-deifus  d'un  plant  de  bour- 
»  geons.,  mais  la  Nature  n'aime  pas  la  contrainte  : 
>>  dans  tous  ces  cas,  les  produdions  feront  d'abord 
»  moins  vigoureufes  que  dans  l'ordre  naturel.  Les 
y>  bourlets  produits  par  une  incifion  ou  une  ligature , 
»  paroiiTent  être  de  même  nature  ,  (  félon  M.  Bonnet  ). 
»  Si  l'on  étête  un  arbre ,  &C  qu'on  ait  foin  de  le  dé- 
»  pouiller  de  tous  fes  rejetons  ,  il  fortira  d'entre  le 
»  bois  6c  l'écorce  un  gros  bourlet ,  qui  donnera  naif- 
»  fance  à  de  petits  bourgeons  ;  fi  l'on  coupe  de  même 
»  une  des  principales  racines  de  cet  arbre  ,  &  qu'on 
>>  recouvre  de  terre  le  chicot ,  il  fe  formera  pareil  le- 
»  ment  entre  le  bois  Se  l'écorce  un  bourlet  d'où 
»  fortiront  de  petites  racines  ;  mais  fi  le  chicot  n'efl 
»  point  recouvert  de  terre  ,  &c  qu'il  foit  à  l'air ,  le 
»  bourlet  produira  des  bourgeons.  Tous  les  bourlets 


A    R    B  439 

»>  font  donc  propres  à  produire  des  bourgeons  &  des 
»  racines  ;  des  bourgeons  dans  l'air ,  des  racines  dans 
»  la  terre.  Cette  cir confiance  purement  extérieure  , 
»  a  ici  tant  d'influence  qu'elle  va  ,  ainfi  qu'il  eft 
»  expofé  ci-deflus  ,  jufqu'à  faire  développer  des  bran- 
»  ches  fur  les  racines  ,  à  des  racines  fur  les  branches  «. 

Une  autre  expérience  curieufe  ,  faite  par  M.  Du-» 
hamd  ^  prouve  que  fi  l'on  met  une  caiffe  dans  une 
ferre  chaude ,  &:  qu'il  y  ait  un  cep  de  vigne  dont  le 
pied  foit  planté  hors  de  la  ferre  ,  la  partie  intérieure 
contenue  dans  la  caifTe  &:  dans  la  ferre  ,  végétera  pen- 
dant l'hiver ,  &:  la  partie^  extérieure  ne  végétera  pas» 
On  place  réciproquement  la  caifTe  extérieurement ,  & 
fi  on  introduit  une  partie  du  cep  dans  la  ferre  ,  la 
partie  introduite  végétera ,  &  celle  qui  refiera  à  l'exté-- 
rieur  ,  ne  donnera  aucun  caraûere  de  végétation, 
M.  le  Chevalier  Mufld  a  répété  ces  expériences  ,  & 
les  a  étendues  fur  des  pommiers  &  des  rofiers  ;  le 
fuccès  a  été  le  même  ,  un  rofier  a  fleuri.  D'où  les 
plantes  foumifes  à  ces  expériences  ,  tiroient  -  elles  la 
fève  qui  fourniflbit  à  la  végétation  ?  Si  la  terre  de  la 
caifTe  &;  la  tige  fe  gèlent ,  il  ne  peut  donc  pas  y  avoir 
une  circulation  ou  une  fluftuation  de  la  fève  ,  &:  les 
plantes  tireroient  uniquement  leur  nourriture  de  l'air  \ 
Attribuera-t-on  ces  phénomènes  à  une  vitalité  ifolée  ^ 
indépendante ,  dans  chaque  portion  de  la  plante  ?  La 
fufpenfion  de  la  fève  n'a  lieu  que  dans  la  partie  gelée. 
Au  refle  ,  les  chenilles  gèlent  complètement  fans 
en  périr  :  la  circulation  efl  comme  fufpendue  dans  la 
faifon  de  l'hiver  ,  chez  le  lérot  y  &cc. 

Il  fuit  de  ce  qui  précède  ,  ainfi  qu'il  efl  dit  dans 
VEncydopédh  ,  que  plus  on  étudie  la  Nature  ,  plus 
on  eft  étonné  de  trouver  dans  les  fujets  les  plus  vils 
en  apparence ,  des  phénomènes  dignes  de  toute  l'at- 
tention &  de  toute  la  curiofité  du  Philofophe.  Ce 
n'efl  pas  afTez  de  la  fuivre  dans  fon  cours  ordinaire 
&  réglé  V  il  faut  quelquefois  çfTayer  de  la  dérouter  ^, 

E  e    4 


440  A    R    B 

pour  connoître  toute  fa  fécondité  &C  toutes  fes  ref- 
îburces.  Le  peuple  rira  du  Philofophe  ,  quand  il  le 
verra  occupé  dans  fes  jardins  à  déraciner  des  arbres 
pour  les  mettre  la  cime  en  terre  &  les  racines  en  l'air; 
mais  ce  peuple  s'émerveillera  ,  quand  il  verra  les  bran^ 
ches  prendre  racine  ,  &  les  racines  fe  couvrir  de  feuil- 
les. Tous  les  jours  le  fage  joue  le  rôle  de  Dêmocrïu  ; 
&  ceux  qui  l'environnent ,  celui  des  Abdérïtains,  Pour 
compléter  l'hilloire  de  cet  article ,  Voyc^^  hs  mots  Bois , 
Plante  &  Fleur.  A  l'égard  de  la  perpendiculaii-e 
qu'offre  en  général  la  tige  des  arhns  ,  &  des  pbntes 
herbacées  ^   Voye\^  à  Vanïck  Tige. 

Maladies  des  Arbres  &  Plantes. 

Les  arbres ,  ainu  que  les  autres  êtres  organifés  ,  (ont 
fujets  à  plufieurs  efpeces  de  maladies  occalionnées  par 
l'altération  des  folides ,  ou  par  celle  des  rluides.  Les 
maladies  les  plus  ordinaires  des  plantes  peuvent ,  félon 
M.  Adanfon  ,  fe  diUinguer  comme  les  caufes  qui  les 
produifent ,  en  externes  &  en  internes.  On  en  recon- 
noît  quinze  efpeces  d'externes  :  favoir ,  i ."  la  brulurz 
ou  le  blanc;  z.°  le  givre  ;  3.°  la  rouille  ;  4.^  la  nielle  ; 
5.^  le  charbon  ;  6.°  V ergot  ou  le  clou  ;  7.°  Vctiolcmem  ; 
8.^  la  jaunijjl  ou  chute  prématurée  des  feuilles;  9®.  la 
mcujje  ;  10.^  les  gerces  ou  le  cadran;  ii.°  la  roulure  ; 
11.^  la  gélivure  ;  13.°  la  champ lure  6c  le  gélis  ;  14*^. 
VexfoUation  ;  15.^  les  galles.  On  reconnoît  huit  ma- 
ladies dues  li  àts  caufes  internes  ;  favoir ,  i .°  les  exof- 
tofes  ou  excroiffances  ;  2.*^  la  décunanon  &C  le  couron- 
i-.ement  ou  branches  mortes  ;  3.°  la  fullomanie  ;  4^.  le 
d^pot  ;  ^.°  la  pourriture  ;  6.^  la  carie  ou  moififfure  ; 
7.^  les  chancres  ou  ulcères  coulans  ;  8.^  enfin  la  mon 
fubite. 

Les  arbres  fruitiers  ,  ainiî  que  les  arbres  des  forêts  , 
^  \i  leurs  maladies  particulières.  Les  feuilles  des  ar- 
kss  fruitieis  deviennent  quelquefois  Jaunes  ;  cet  effet 


A     R     B  44t 

eft  produit  par  le  défaut  de  fucs  nourriciers  :  on  y 
remédie  en  mettant  au  pied  des  arbres  dans  les  terres 
légères  ,  de  la  fuie  6c  des  cendres  ;  &  dans  les  terres 
froides  du  fumier  de  pigeon.  L'eau  diffout  les  fels  con- 
tenus dans  ces  matières  :  ils  font  pompés  par  Varbre  , 
qui  reverdit  aufTi-tôt ,  &  prend  une  nouvelle  vie.  On 
voit  quelquefois  dans  les  grandes  chaleurs  de  l'été  , 
les  feuilles  de  quelques  arbres  fruitiers ,  pencher  oc  fe 
faner  :  on  a  beau  arroier  l'arbre  ,  les  feuilles  ne  fe 
raniment  point.  Le  véritable  remède  eft  d'arrofer  les 
feuilles  :  l'eau  qui  entre  dans  les  vaiffeaux  ablorbans  , 
répandue  fur  la  furface  des  feuilles  ,  répare  la  trop 
grande  tranfpiration  occafionnée  par  la  chaleur  ,  & 
le  feuillage  le  ranime.  Sans  ce  foin  ,  il  feroit  tombé  , 
èc  cet  accident  auroit  été  fuivi  quelquefois  de  la  mort 
de  Varbre.  Les  feuilles  tombent  aufîi  dans  les  plantes  trop 
abreuvées  d'eau  ,  ou  qui  ont  les  racines  dans  l'eau. 

La  brûlure  ou  le  blanc  (  candor  )  ,  eft  cette  blan- 
cheur qu'on  voit  quelquefois  par  taches  fur  les  feuilles 
des  plantes ,  qui  les  fait  paroître  vides  &:  comme  tranf- 
parentes  :  elle  n'arrive  que  lorfqu'après  une  pluie  le 
foleil  vient  à  donner  vivement  fur  ces  feuilles  ,  avant 
que  l'eau  ait  eu  le  temps  de  s'évaporer.  Lorfque  toutes  en 
font  attaquées  ,  la  plante  périt  ordinairement  quelques 
jours  après.  Cette  m.aladie  eft  plus  commune  dans  les 
pays  très-chauds  que  dans  nos  climats  tempérés.  La 
plupart  des  Auteurs  ont  prétendu  ,  d'après  M.  Huct  , 
que  la  brouiillire ,  appelée  la  brûlure ,  étoit  due  à  l'ac- 
tion des  rayons  du  foleil  raflèmblés  au  foyer  des  gout- 
telettes d'eau  répandues  fur  les  feuilles  chargées  de 
pouffiere  ;  m.ais  comme  ce  phénomène  arrive  aufîi  fou- 
vent  lorfque  l'eau  eft  étendue  comme  un  vernis  fur 
les  feuilles  non  poudreufes  ,  que  lorfqu'elle  efl  dif- 
perfée  en  gouttelettes  ,  l'on  pourroit  conclure  que 
cette  maladie  vient  ou  d'un  épuifement  de  la  fève  ,  ou 
d'une  obftruâiion  des  pores  ^  ou  de  la  putréfaftion  des 
fucs. 


44^  A    R    B 

La  panachure  reconnoît  à-peu-près  la  même  caufe^ 
&  elle  fe  rencontre  plus  fouvent  dans  les  plantes  lan« 
giiilTantes.  Des  Cultivateurs  donnent  aufTi  le  nom  de 
Tneun'ur  au  blanc  ;  c'eft ,  difent-ils ,  une  efpece  de  lèpre 
végétale;  cette  maladie  gagne  peu  après  les  feuilles  , 
les  bourgeons ,  les  fleurs ,  les  fruits ,  &:  les  rend  comme 
couverts  d'ime  forte  de  matière  cotonneufe,  qui ,  bou- 
chant les  pores ,  empêche  la  tranfpiration.  Les  pê- 
chers ,  le  melon  &  le  concombre  ont  communément 
le  meunier. 

La  nielle  eft  ce  vice  qui  réduit  en  poufïiere  noire  la 
fleur  des  blés  ;  les  plantes  dans  lefquelles  on  l'a  ob- 
fervée  jufqu'ici ,  font  à-peu-près  les  fuivantes  ;  le  fro- 
ment  ,  le  fpeautre  ou  froment  locar ,  le  feigle ,  Vorge  ^  Vef- 
courgeon y  Vavoinn ,  la  perjicaire^  Ydic'igué aquatique  (^phcl" 
landrium  ) ,  la  berce ,  la  fcorfonere  de  marais  y  la  Javon- 
niere  y  V œillet  fauvage  6c  le  mais.  Nous  avons  donné  à 
la  fuite  du  mot  blé  les  détails  qui  concernent  la  nielle , 
la  rouille^  la  coulure ,  le  charbon  ,  îa  carie^  &cc. ,  &  expliqué 
à  la  iiiite  du  mot  feigle ,  ce  que  c'efl:  que  Vergot. 

Les  vents  d'Eil  Ôc  de  Nord-Eft  ,  qui  foufflent  fou^ 
vent  dans  le  printemps ,  occafionnent  dans  les  plantes 
une  û  grande  tranfpiration ,  que  les  fleurs  fe  détachent 
&  les  fruits  coulent.  Dans  ce  cas  il  faut  arrofer  les 
arbres  de  plufieurs  féaux  d'eau  :  un  arrofement  en 
forme  de  pluie  fine  ,  feroit  vraifemblablement  auiÏÏ 
très-bien  fur  les  feuilles  &:  fur  les  fleurs. 

Les  a.rbres  ,  fur-tout  dans  les  terrains  humides ,  font 
fujets  à  être  quelquefois  tout  couverts  de  mouffe,  de 
lichens ,  d'agarics ,  &c.  Ces  fauffes  plantes  parafites 
qui  tiennent  immédiatement  à  l'intérieur  de  l'écorce 
&  à  l'aubier ,  les  altèrent ,  en  bouchant  les  pores  d.^ 
la  tranfpiration  ,  lorfqu'elles  font  en  trop  grande  quan- 
tité ,  mais  point  en  s'appropriant  une  partie  des  fucs 
nourriciers  ,  comme  quelques-uns  le  croient.  C'eil:  ce 
qui  forme  la  maladie  appelée  mouffe.  Outre  les  moyens 
indiqués  plus  haut   pour   les  en  garantir ,  les  livres 


A    R    B  445 

8' Agriculture  confeillent  de  déchauffer  ces  arbres ,  éc 
d'y  mettre  du  fumier  de  mouton. 

Le  chancre  efl  une  efpece  de  ianie  corrofive  ou  d'ul- 
cère coulant ,  qui  altère  l'écorce  de  l'arbre  &  même 
le  bois  ;  elle  fouleve  l'écorce ,  gagne  de  proche  en 
proche,  &  fuinte  fous  la  forme  d'une  eau  roulTe , 
corrompue  &  acre ,  au  travers  des  fentes  corticales  , 
même  dans  les  temps  de  féchereffe.  Les  poiriers  font 
affez  fujets  à  cette  maladie.  Le  meilleur  remède  eiî 
de  couper  jufqu'au  vif  l'endroit  malade ,  &  de  le  cou- 
vrir enfuite  de  boufe  de  vache.  On  doit  faire  la  même 
chofe  aux  parties  des  arbres  fruitiers •  dans  lefquelles 
s'extravafe  la  gomme.  Cette  extravafation  du  fuc  propre 
peut  être  regardée  comme  une  forte  d'hémorragie. 
Cet  accident  eft  fouvent  plus  utile  que  nuifible  aux 
arbres  qui  donnent  les  réfmes  &  les  gommes  ;  des 
incifions  faites  à  ces  arbres  pourroient  les  garantir  de 
cette  maladie  qui  attaque  quelquefois  le  bois ,  &  dont 
il  découle  une  liqueur  fanieufe.  Il  ne  faut  pas  con- 
fondre les  ulcères  corrofifs  avec  les  abreuvoirs  ou  goût" 
îieres  dont  nous  parlerons  ci-après ,  &  qui  rendent 
quelquefois  aufîi  de  l'eau ,  mais  feulement  dans  les 
îemps  de  pluie. 

La  carie  efl:  une  efpece  de  moiiiffure  du  bois ,  qui 
le  rend  mou  &  d'une  confiftance  peu  différente  de  la 
moelle  ordinaire  des  arbres.  Cette  maladie,  qui  a 
fon  principe  dans  les  racines  ,  enfuite  au  bas  du  tronc  , 
reconnoit  trois  caufes  externes  ;  favoir ,  le  grand  chaud , 
le  grand  froid  ,  &  le  féjour  de  l'eau  ou  l'écorchure 
des  racines.  Lorfque  la  carie  eft  due  au  grand  chaud, 
on  l'appelle  aufîi  échauffure ,  comme  on  dit  du  bois 
échauffé,  (  Les  Charpentiers  appellent  bois  pouilleux 
un  bois  échauffé  plein  de  taches  rouges  &  noires  , 
qui  marquent  qu'il  fe  corrompt  ). 

La  trop  grande  humidité  des  terrains  donne  fou- 
vent  lieu  aux  liqueurs  qui  doivent  porter  la  nourri- 
ture dans  l'arbre ,  de  fe  corrompre  ;  ce  qui  fait  pourrir 


444  A    R   B 

les  racines  &  même  l'arbre.  Ce  qu'on  a  àe  mîeiix  à 
faire  dans  ces  circonftances ,  c'eft  de  couper  juiqu'au 
vif  les  racines  pourries ,  de  remettre  au  pied  de  l'arbre 
de  la  terre  neuve  ,  bc  de  faire  des  tranchées  pour 
l'écoulement  des  eaux.  . 

La  pourriture  ordinaire  eft  cette  diffolution  qui  arrive 
au  bois  du  tronc  des  arbres  ,  &  qui  les  creufe  en  com- 
mençant communément  par  le  haut  ,  &  deicendant 
infenfiblement  jufqu'aux  racines.  On  la  remarque  prin- 
cipalement dans  les  arbres  qui  ont  eu  le  faîtage  ou 
quelque  groffe  branche  caffée  ou  coupée.  Le  chicot 
meurt  peu-à-p^u ,  &  s'il  n'eft  pas  recouvert  entière- 
ment d'écorce  ,  l'eau  s'y  infinue  ,  &  la  putréfadion  fe 
prolonge  dans  les  couches  ligneules  du  tronc  qui  lui 
font  oj^pcfécs.  Si  c'efl:  la  tête  de  l'arbre  qui  eft  cou- 
pée ,  alors  la  pourriture  prend  au  centre  du  tronc  & 
gagne  prom^ptement ,  de  manière  qu'il  fe  trouve  creufe 
en  peu  de  temps  ;  c'eft  ce  qu'on  voit  arriver  à  tous 
les  faules  qu'on  étête  annuellement.  Les  trous  qui  fe 
forment  dans  le  bois  pourri  des  chicots  ,  s'appellent 
abreuvoirs  ou  gouttières  ,  parce  qu'ils  retiennent  l'eau 
des  pluies.  On  prévient  cet  accident ,  en  faifant  une 
coupe  tres-obliquement  à  l'horizon ,  &  prefque  ver- 
ticale ,  parce  que  l'eau  ne  pourra  féjourner  long-temps 
fur  la  plaie  ,  qui  fera  d'ailleurs  bien  plutôt  recouverte 
d'écorce  ;  auÔi  fe  contente-t-on  fouvent  de  cerner 
l'arbre  juf qu'au  vif.  Un  accident  qui  furvient  aufîi 
aux  jeunes  arbres  étêlés ,  c'eft  un  gonflement ,  & 
même  des  tubercules  au  bout  du  tronc ,  fous  lefquels 
on  voit  le  tiffu  cellulaire  réduit  en  une  fubilance  géla- 
tineufe.  On  guérit  fouvent  cette  maladie  par  les  inci- 
fions  ;  cet  état  de  l'arbre  eft  un  figne  diagnoftique 
qu'il  eft  languiffant  ,  &  qu'il  n'a  aucune  nouvelle 
racine. 

Quoique  l'on  voie  pi iifieurs  arbres  ^  tels,  par  exemple, 
que  le  tilleul^  fe  plaire  dans  des  terrains  un  peu  humides , 
le  iumier  mis   en   trop   grande  abondance  dans  cqs 


A    R    B  .445 

Icrtes  de  terrains ,  y  fermente ,  s'y  pourrit  Se  înfede 
le  terrain  ,  dans  lequel  s'altèrent  alors  les  racines  les 
plus  délicates  du  chevelu  des  plantes. 

Le  c^éjpot  eft  un  amas  de  flic  propre  ou  réfmeux  ou 
gommeux ,  &  qui  occafionne  la  mort  des  branches  où 
il  fe  fait.  Il  a  pour  caufe  l'extravafation  du  fuc  propre 
dans  le  tiflli  cellulaire  ,  ou  dans  les  vaiiTeaux  féveux  , 
dans  lefquels  il  occafionne  des  obflrudlions.  On  remé- 
die à  ce  mal ,  en  emportant  avec  la  f(.rpette  l'endroit 
où  s'eil  fait  le  dépôt ,  ou  bien  en  faifant  une  incifion 
longitudinale  à  l'écorce  ;  ce  qui  produit  une  éruption. 
Cette  évacuation  eil  analogue  à  l'hémorragie  dQS 
animaux. 

Quelques  efpeces  à^ arbres ,  dans  les  terrains  gras  , 
font  fujets  à  une  forte  de  pléthore;  tel  eft  l'or/Tze  à 
large  fiu'ille  ,  dont  la  fève  ,  dans  de  femblables  ter- 
rains ,  rompant  le  tilTu  cellulaire  ,  s'extravafe  entra 
l'écorce  &;  le  bois  :  on  voit  les  feuilles  des  arbres 
attaqués  de  cette  maladie ,  jaunir  &:  fe  deffécher. 
M.  Duhamel  penfe  que  des  incifions  long'tudinales  , 
en  donnant  l'écoulement  à  cette  fève  furabondanîe  , 
pourroient  la  guérir.  Les  chênes ,  les  frênes  ,  les  hêtres 
6c  Vomie  à  petite  feuille  ne  font  point  expofés  dans  le 
même  terrain  ,  à  cette  forte  de  maladie. 

Les  arbres  font  fujets  à  être  attaqués  d'ime  maladie, 
qui  fouvent  leur  eil  mortelle  :  on  voit  la  fève  s'extra- 
vafer  naturellement  à  travers  l'écorce.  Cette  fève  a 
une  faveur  mielleufe;  elle  attire  les  fourmis  &:  les 
abeilles. 

Il  s'élève  quelquefois  fur  les  arbres  des  efpeces  à^exof 
tdfcs  recouvertes  de  l'écorce  ridée  de  l'arbre.  Ces  exof- 
tofes  ou  excroiflances  que  l'on  appelle  loupes  ou  tumeurs 
végétales  ,  font  d'un  bois  très-dur ,  dont  les  diredions 
des  fibres  font  en  difFérens  fens.  On  les  appelle  bois 
tranché  ^  bois  noueux  &  bois  à  rebours,  M.  Duhanut 
ignore  quelle  en  peut  être  la  caufe  ;  quelque  eflai  qu'il 
ait  tenté ,  il  n'a  pu  artificiellement  en  iàire  naître  {m 


446  A     R     B 

un  arbre.  Mais  M.  Adanfon  dit  que  ce  mal  (  les  loup?s  ) 
eft  dû  à  un  développement  de  la  partie  ligneuie  plus 
abondant  dans  ces  endroits  qu'ailleurs  ,  caufé  Ibit  par 
im  coup  de  foleil  vif,  ibit  par  une  forte  gelée ,  ou 
par  la  piqûre  à\\ïi  infe£le  ,  ou  d'une  pointe  qui  tra- 
verfant  Pécorce  &  pénétrant  un  peu  dans  le  bois, 
en  altère  &:  dérange  les  couches  &:  les  fibres  nouvelles. 
Quant  aux  bojfes  qui  naiiient  autour  des  greffes  , 
M.  de  Tournefon  en  explique  la  caufe  dans  fon  D  if  cours 
fur  Us  maladies  des  plantes  ;  elles  proviennent,  dit-il, 
de  ce  que  les  vaiileaux  de  la  greffe  ne  répondent  point 
bouta  bout  aux  vaiffeaux  dufujet  fur  lequel  on  l'applique. 
Il  n'eil  pas  poflible  que  le  lue  nourricier  les  enfile  en 
ligne  droite  ;  les  lèvres  des  écorces  des  arbres  que  l'on 
taille,  fe  tuméfient  d'abord  par  le  fuc  nourricier  qui 
ne  peut  pafTer  outre  ,  parce  que  l'extrémité  des  vaif- 
feaux coupée  eft  pincée  ,  ôc  comme  cautérifée  par  le 
relTort  de  l'air ,  ce  qui  forme  un  bourlet ,  qui  s'étend 
infenfiblement  de  la  circonférence  vers  le  centre ,  par 
l'alongement  des  fibres  ;  celles  du  chicot  ne  pouvant 
s'alcnger ,  fe  durciffent  extrêmement ,  &:  forment  les 
nœuds  qui  fe  trouvent  dans  le  bois  :  on  voit  de  cqs 
nœuds  dans  des  planches  de  fapin  ;  ils  s'en  détachent 
ordinairem.ent  comme  une  cheville  que  l'on  chaffe  de 
fon  trou.  M.  d'Aubentcn  diftingue  les  tumeurs  des  vé- 
gétaux ,  d'avec  les  loupes  végétales  6l  les  broufjïns. 
Le  lierre  en  rampant  en  fpirale  autour  d'une  tige ,  la 
comprime  fortement  ,  &:  cette  ligature  produit  un 
gonâement ,  une  tumeur ,  un  bourlet  fpiral.  Le  brouf- 
Jin  proprement  dit  ,  tel  qu'en  produifent  le  buis , 
le  lentifque  ,  V érable  ,  Vofier  ,  Volivier  ,  Vorm.e  ,  efl: 
formé  de  branches  entrelacées  ,  comme  greffées  par 
approche  ;  leurs  fibres  s'entre-croifent  fous  une  en- 
veloppe commune  ;  un  tel  bo;s  ell  compare  ,  diffi- 
cile à  fendre  ;  fcié  ou  fendu  ,  il  offre  différentes 
nuances  ,  comme  marbrées  :  la  tige  fait  le  fond  de 
la   couleur,  la  teinte  des  branches  efl  plus  claire. 


A     R     B  447 

Les  Tourneurs-Ebeniftes ,  à  Saint-Claude ,  en  travaillent 
beaucoup. 

Les  gerces  font  ces  fentes  longitudinales  qui  fuivent 
la  direâion  des  fibres  du  bois  ,  6c  qui  fans  fe  réunir 
refient  enfermées  dans  l'intérieur  des  arbres  ,  où  on 
les  diflingue  extérieurement  par  une  arête  de  la  couche 
ligneufé  qui  s'eft  appliquée  defTus.  Cette  maladie  arrive 
fouvent  par  une  abondance  de  fève  :  le  remède  efl  alors 
de  faire  beaucoup  de  fentes  longitudinales  dans  Téccrce, 
ou  de  retrancher  des  racines.  On  appelle  bols  cadrannis 
ceux  dont  le  cœur ,  en  fe  defféchant ,  forme  des  fen- 
tes qui  rayonnent  au  centre ,  comme  les  lignes  horaires 
d'un  cadran.  C'efl  im  figne  de  la  mauvaife  qualité  du 
vrai  bois. 

Le  grand  froid  faifant  quelquefois  geler  les  parties 
aqueuies  qui  font  dans  Marbre ,  ces  petits  glaçons  ^  par 
leur  force  expanfive  ,  occafionnent  aufîi  des  gerçures 
à  )^ arbre  dans  toute  fa  longueur  :  ces  gerçures  font  ac^- 
compagnées  de  bruit  à  Pinftant  de  la  rupture.  Les  plan- 
tes meurent  de  même  ,  fi  après  une  forte  gelée  le 
dégel  efl  trop  vif:  c'eft  pour  cela  que  les  grands  maux 
de  la  gelée  arrivent  plutôt  aux  plantes  expoiées  au 
midi ,  ou  dans  des  lieux  humides  &:  fujets  aux  brouil- 
lards ,  qu'à  celles  qui  font  expofées  au  Nord  ,  ou  au 
fec  ;  &  la  glace  des  arbres  qui  fe  fond  avant  l'action 
immédiate  du  foleil ,  ne  les  endommage  nullement. 

C'efl  fur  ce  principe  que  les  Habitans  du  Nord  5 
lorfqu'ils  ont  un  membre  gelé  ,  le  frottent  d'abord 
dans  la  neige  ,  ou  ne  l'expofent  que  peu-à-peu  à  la 
chaleur  ;  &  que  lorfqu'ils  l'expofent  fubitement  au 
grand  feu ,  il  tombe  en  pourriture.  C'efl  encore  par  la 
même  raifon  que  la  viande  gelée  a  plus  de  goût  lorf^ 
qu'on  la  fait  dégeler  lentement  dans  l'eau  fraîche  , 
avant  de  la  cuire. 

La  maladie  qu'on  appelle ,  en  termes  de  forêt  ^gélivure 
ou  gelljjure  ,  &  qui  a  plutôt  lieu  à  l'expofition  du 
Nord  qu'à  celle  du  Midi ,  efl:  un  aubier  ou  bois  im- 


448  A    R    B 

panait  qui  fe  trouve  entre  deux  couches  de  bon  bôîs  ; 
on  l'appelle  gélivurc  entrelardée  ,  lorfque  Vaiihier  fe 
trouve  enfermé  avec  une  portion  d'écorce  dans  de  nou- 
veau bois  qui  les  a  enfermes  dans  l'intérieur  de  l'arbre. 

La  maladie  appelée  givre  efl  différente  de  la  géli- 
vure ,  ^  paroît  auffi  direclement  oppolée  ,  &c  dans 
fa  caufe  &  dans  fa  nature  ,  à  la  brûlure  qui  vient  de 
la  chaleur.   Voyei  Givre. 

La  roulure  ,  ce  défaut  qui  déprécie  tant  le  bois ,  efl 
un  vide  ,  une  féparation  entre  les  couches  ligneufes. 
Sa  caufe  eil  due  à  l'enlèvement  de  l'écorce  de  deflus 
le  bois ,  ou  à  fon  écartement  pendant  le  temps  de  la 
fève.  Alors  le  bois  ne  fe  prêtant  pas  toujours  à  la 
formation  de  la  couche  ligneufe  ,  c'eit  l'écorce  qui 
fournit  le  nouveau  bois  qui  n'efl  pas  appliqué  exacte- 
ment à  l'ancien  ,  entre  lequel  il  laifle  un  intervalle. 
Ce  bois  fe  nomme  bois  roulé  ,  ou  bois  rouli  ;  &  l'on 
appelle  bjis  mouliné  celui  qui  eft  percé  de  vers. 

L'écorce  des  branches  du  frêne  &c  celle  du  tronc  , 
font  quelquefois  toutes  galeufes  ;  le  bois  lui-même  eil 
tout  couvert  de  rugofités  :  ces  arbres  ordinairement 
deviennent  tcrtus  &  mal-faits.  Il  feroit  bon  d'obferver 
fi  cela  ne  donneroit  pas  lieu  au  bois  d'être  coloré  de 
quelques  veines  variées  en  couleurs ,  ce  qid  lui  don- 
neroit un  mérite. 

^La  champlure  n'attaque  guère  que  des  plantes  déli- 
cates &  tardives  ,  telles  que  la  vigne  ;  elle  confifle  en 
ce  que  les  farmens  fe  féparent  prefque  d'eux-mêmes  , 
conîme  les  épiphyfes  fe  féparent  du  corps  des  os  dans 
les  jeunes  animaux  ;  les  iarmens  en  font  quelquefois 
diminués  au  point  qu'il  ne  refle  pas  fufHfamment  de 
bois  pour  la  taille  fuivante  :  cette  maladie  elt  entière- 
ment due  à  la  gelée  qui  fdrprend  les  farmens  avant 
qu'ils  loient  devenus  ligneux. 

Le  gelis  efl  une  mortalité  qui  diffère  de  la  champlure , 
en  ce  que  les  plantes  qui  en  font  attaquées  ne  fe  fé- 
parent pas  p^  articulations. 

Quant 


A    R    B  449 

<5uant  à  ce  qui  regarde  les  galles  ,  Foye^  l'article 
Galles. 

On  appelle  étîolement  cet  état  de  maigreur ,  pendant 
lequel  les  plantes  pouffent  beaucoup  en  hauteur  ^ 
peu  en  groffeur  ,  font  toujours  moins  colorées  que 
les  individus  de  la  même  efpece  ;  &  périffent  ordinai- 
rement avant  d'avoir  produit  kur  fruit.  La  caufe  en 
efl  due  à  ce  qu'elles  font  plantées  ou  trop  près  , 
ou  dans  des  lieux  privés  du  courant  de  l'air  libre ,  & 
de  la  lumière  du  foleil.  En  effet  ,  les  plantes  qu'on 
élevé  dans  des  lieux  renfermés  ,  fubiffent  communé- 
ment cette  altération  fi  remarquable.  Elles  tendent  à 
s'incliner  &  s'élancer  vers  les  vides  ou  les  jours  qui 
les  avoifinent.  Un  favant  fcrutateur  de  la  Nature  , 
M.  Bonnet  ,  a  démontré  que  Vitiokment  des  plantas 
provient  de  l'abfence  de  la  lumière  :  le  céleri ,  la  chi- 
corée 6c  les  laitues ,  que  l'on  fait  blanchir  pour  les  avoir 
plus  tendres  ,  &:  d'une  faveur  plus  douce  ,  fubiffent 
im  étiolement  artificiel  que  l'on  produit  en  privant 
de  lumière  par  des  moyens  connus  ,  ces  plantes  ,  ou 
celles  de  leurs  parties  dont  on  veut  faire  ufage.  Un 
Obfervateur  moderne  affirme  que  dans  les  arbres  étiolés 
le  prolongement  exceffif  des  tiges  provient  de  l'excès 
de  dudilité  des  fibres ,  ce  dégre  de  foupleffe  leur  per- 
met de  s'étendre  :  elles  s'endurciffent  trop  tard.  Or  la 
chaleur  ,  &  fur -tout  la  chaleur  direde  du  foleil  , 
paroît  d'abord  devoir  être  l'unique ,  ou  du  moins  le 
principal  agent  de  cet  endurciffement.  M.  Chanceux 
prétend  que  la  chaleur  humide  opère  principalement  , 
&  eff  le  premier  agent  de  ce  phénomène  :  l'ombre  , 
dit-il ,  produit  X étiolement ,  &  s'il  fait  quelquefois  auiîi 
chaud  à  l'ombre  qu'au  foleil ,  il  y  fait  toujours  plus 
•humide.  Il  cite  en  preuve  que  X étiolement  ell:  on  ne 
peut  plus  confidérable  dans  les  bâtimens  fermés ,  bas , 
humides  ,  oc  principalement  dans  les  caves  :  &  que 
dans  tous  ces  endroits  les  deux  caufes  auxquelles  il 
attribue  ce  phénomqjie  j  fe  trouvent  réunies  &  portées 
Tome  /,  F  f 


450  A    R     B 

à  leur  plus  haut  degré  d'intenfité.  Le  principe  d'oîi 
feniblent  dépendre  les  effets  de  la  chaleur  humide  fur 
la  vie  6c  la  fanté  des  plantes  ,  eil  l'éleûricité  de  l'at- 
mofphere  ,  qui ,  toutes  chofes  égales  d'ailleurs  ,  efl 
moins  confidérable  dans  les  temps  où  règne  une  cha- 
leur humide  ,  que  dans  tous  les  autres.  Une  plante 
s'étlo/e ,  quand  elle  pouffe  des  tiges  longues  ,  effilées , 
d'un  blanc  éclatant  ,  terminées  par  de  très -petites 
feuilles  ,  affez  mal  façonnées ,  d'un  vert  pâle  ;  l'en- 
veloppe cellulaire  ,  qui  eft  la  féconde  écorce ,  n'eff 
pas  colorée.  ConfuLua^  la  Phyjiquc  des  arbres  ,  par 
M.  DuhameL 

La  dècunatïon  ,  foit  dans  les  épis  ,  foit  dans  les 
branches  ai  arbres  qui  l'éprouvent  quelquefois  dans 
leurs  rameaux  ^  tels  que  le  tilleul ,  Vorme  ,  le  mimer 
noir  ,  Voranger  ^  le  citronnier  ,  le  pêcher ,  &:  quelquefois 
le  noijïtier  6c  le  prunier  ,  foit  dans  les  vieux  arbres 
qu'on  appelle  pour  cela  couronnés  ,  ou  à^ entrée  ,  ou  en 
retour ,  ell  un  retranchement  produit  par  une  ceffation 
d'accroiffement  dans  la  partie  fupérieure  du  nouveau 
jet  encore  herbacé  :  cette  partie  jaunit  bientôt ,  nieurt 
&  fe  détache  de  la  partie  inférieure  qui  continue  de 
végéter.  Cette  maladie  eff  fouvent  occafionnée  ou 
hâtée  par  quelques  coups  de  foleil  >  ou  par  la  féche- 
reffe  ,  ou  par  la  gelée  ,  ou  par  l'étiolement ,  ou  par 
le  défaut  de  fucs  propres  au  développement  &  à  la 
maturité  des  parties  ,  &:c.  La  décurtation  des  épis  di- 
minuant la  quantité  des  grains  ,  on  peut  la  prévenir 
en  fourniffant  au  froment  plus  de  fuc  par  le  moyen 
d'un  labour  fait  avant  l'apparition  des  épis ,  afin  d'aug- 
menter leur  groffeur  &  leur  longueur. 

La  fullomaîiie  ,  qui  eff  caufée  par  la  trop  grande  quan- 
tité de  fucs  groffiers  ,  eff  une  abondance  prodigieufe  de 
feuilles  à  la  produ^lion  defquelles  une  plante  s'abandonne, 
ce  qui  l'empêche  de  donner  des  fleurs  &:  des  fruits  :  on 
y  remédie  en  retranchant  de  groffes  racines  ^  ou  mieux 
encore  par  la  taille. 


A    R    B  451 

Le  tonneite ,  les  vents  ,  les  coups  de  foleil ,  les  grands 
froids  &  les  grêles  mutilent  quelquefois  les  arbres  ,  en 
produifent  Texfoliation ,  c'eit-à-dire  ,  le  defféchement 
de  l'écorce  6c  du  bois.  Ce  qu'il  y  a  de  mieux  à  faire 
alors ,  eft  de  retrancher  les  parties  altérées  ;  les  racines 

Eouffant  avec  plus  de  vigueur ,  donnent  de  nouvelles 
ranches. 

Les  coups  de  foleil  produifent  fur-tout  la  mort  fubite 
des  herbes  annuelles  6c  délicates. 

Les  ibarabées ,  les  chenilles ,  les  cantharides  &c  les  pu- 
cerons attaquent  les  feuilles  des  arbres  ;  les  guêpes  6c 
autres  mouches  dévorent  les  fruits  ;  le  mieux  eft  d'attirer 
ces  dernières  dans  des  bouteilles  d'eau  miellée  où  elles 
périilent.  Quant  aux  dégâ4:s  par  les  chenilles  ,  Foyei 
notamment  l'article  ChmilU  commune. 

Les  vers  des  hannetons  rongent  quelquefois  l'écorce 
des  racines  des  jeunes  arbres  ,  Se  les  font  périr.  Heureu- 
fement  ces  infeftes  ne  paroilTent  pas  en  aufîi  grande 
quantité  toutes  les  années.  Si ,  dans  ces  circonilances  , 
on  s'avifoit  de  fumer  les  arbres ,  on  les  attireroit  encore 
davantage.  On  voit  quelquefois  des  arbres  ,  tels  que  des 
ormes  &:  des  aunes  ,  percés  d'une  multitude  de  petits 
trous  par  des  vers  rouges  :  s'ils  ne  font  pas  trop  abondans , 
il  faut  les  tuer  dans  leur  trou  avec  une  longue  aiguille  ; 
mais  quelquefois  ils  percent  l'arbre  d'un  fi  grand  nombre 
de  trous  ,  qu'ils  l'affoibliiTent ,  &  que  le  vent  le  renverfe. 
Dans  les  forêts  ,  on  remarque  des  arbres  où  il  y  a  des 
trous  à  y  mettre  le  doigt  :  ces  trous  creufés  en  deffous  , 
font  formés  par  de  gros  vers  qui  rongent  le  bois.  De  là 
l'origine  de  ces  voûtes  fi  communes  dans  les  arbres ,  fur- 
tout  dans  le  baobab  en  Afrique ,  où  l'on  fufpend  les 
cadavres  des  Guiriots.   ^oye^  Baobab. 

Les  lapins ,  les  bêtes  fauvages  &  les  beftiaux  font  ,' 
comme  l'on  fait ,  de  très-grands  dommages  au  bois  ,  àc 
retardent  beaucoup  fon  accroiffement. 

.AjlBRE   A  ODEUR  D'AIL.    Foyei  BAVANG. 

Arbre  d'amour.  Foyc^  Arbre  de  Judée; 

F  f    % 


4^1  A     R    B 

Arbre  de  baume  ,  ainfi  nommé  par  les  Habitans  des 
Ifles  Antilles.  Cet  arbrifleau  porte  des  feuilles  affez  fem- 
blables  à  celles  de  la  fauge  ,  mais  plus  épaifles  ,  plus 
farineufes ,  de  fans  odeur  :  on  remarque  lur  ces  feuilles 
dix  à  douze  petites  graines  rudes.  Lcrfqu'on  arrache  les 
feuilles  ,  il  fort  de  leur  queue  quelques  gouttes  d'une 
liqueur  jaune ,  fans  odeur  ,  un  peu  amere  6c  allringente. 
On  cpnferve  cette  liqueur  précieufement  dans  des  fioles , 
6c  on  en  fait  ufage  comme  du  bawnc  du  Pérou  ,  pour  les 
blefTures  :  il  n'en  diffère  guère  que  par  l'odeur  qui  lui 
manque. 

ARBRE  de  cire  ,  ou  Cirier  ,  efpece  de  gall  connu 
fous  le  nom  de  myrïca  ,  &  qui  n'efl  pas  l'efpece  appelée 
piment  royal,  C'efl:  un  arbriiTeau  aquatique  ,  dont  les 
uns  portent  les  fruits  ,  &  les  autres  les  fleurs  fécon- 
dantes :  il  y  en  a  deux  eipeces  très-curieufes.  L'une  croît 
à  la  Louifiane  ,  oii  on  l'appelle  arhrc  de  cirz  ;  &  l'autre 
efpece ,  qui  eft  petite ,  croît  à  la  Caroline ,  &  efl  connue 
fous  le  même  nom.  \j arbre  de  cire  croît  à  la  hauteur  de 
nos  petits  cerifiers  ;  il  a  le  port  du  myrte  ,  &:  fes  feuilles 
ont  aufîi  à-peu-près  la  m.ême  odeur.  Ces  arbres  ont  été 
ainiî  nommés  ,  parce  que  leurs  baies ,  qui  font  de  la 
groffeur  d'un  grain  de  coriandre  &:  d'un  gris-cendré  , 
contiennent  des  noyaux  qui  font  couverts  d'une  efpece 
de  cire ,  ou  plutôt  d'une  efpece  de  rljine  qui  a  quelque 
rapport  avec  la  cire. 

Les  Habitans  de  ces  pays  retirent  de  ces  baies ,  en  les 
faifant  bouillir  dans  de  l'eau ,  une  efpece  de  cire  verte 
qui  furnage  ,  &;  dont  on  peut  faire  des  bougies.  Une 
livre  de  graine  produit  deux  onces  de  cire  ;  un  homme 
peut  aifément  en  cueillir  quinze  livres  en  un  jour  :  ils 
font  parvenus  depuis  quelque  temps  à  avoir  cette  cire 
allez  blanche  ,  ou  du  moins  jaunâtre.  Pour  cela  ,  ils 
mettent  les  baies  dans  des  chaudières  ,  ôc  ils  verfent 
deffus  de  l'eau  bouillante  ,  qu'ils  reçoivent  dans  des 
baquets ,  après  avoir  laiffé  fondre  la  cire  pendant  quel- 
ques minutes.   Quand  l'eau  eil  refroidie  ,  on  trouve 


A    R    B  4î,? 

^effus  une  cîre  rcfmeufe  qui  eft  jaunâtre  :  mais  la  re- 
fîne qui  fumage  enfuite  en  répétant  l'opération  ,  efl 
plus  verte.  Cette  cire  réfineufe  eft  lèche  ;  elle  a  une 
odeur  douce  &  aromatique  ,  affez  agréable  :  on  la  réduit 
aifément  en  poudre  gralle  ;  mêlée  avec  un  peu  de  cire 
ou  de  fuif ,  elle  prend  un  peu  plus  de  corps  &c  de  blan- 
cheur fur  le  pré ,  mais  toujours  moins  que  la  vraie  cire. 
L'eau  qui  a  fervi  à  faire  fondre  cette  cire ,  eft  aftrin- 
gente.  •  On  prétend  qu'en  faifant  fondre  du  fuif  dans 
cette  eau  ,  il  acquiert  prefque  autant  de  confiilance  que 
ia  cire.  Plufieurs  perfonnes  de  la  Louifiane  ont  appris 
par  des  efclaves  Sauvages  de  la  Caroline ,  qu'on  n'y  brû- 
loir point  d'autre  bougie  que  celle  qui  fe  fait  de  la 
cire  dont  il  eu  queflion.  Un  arbrifîeau  bien  chargé  de 
fruit  peut  avoir  ,  en  fix  livres  de  graine  6c  une  livre 
de  fruit ,  quatre  onces  de  cire. 

Quand  on  a  enlevé  la  cire  de  deffus  les  baies  ,  on 
apperçoit  fur  leur  furface  une  couche  d'une  matière 
qui  a  la  couleur  de  la  laque  :  l'eau  chaude  ne  la  diffout 
point ,  mais  l'efprit-de-vin  en  tire  une  teinture. 

Cet  arbriffeau ,  qui  conferve  fes  feuilles  toute  l'année  ^ 
eft  encore  trop  rare  en  France ,  pour  qu'on  ait  pu  lui 
reconnoître  d'autres  ufages  que  ceux  que  l'on  a  appris 
des  Habitans  de  la  Louifiane.  M.  Duhamel  ,  dont  les 
travaux  &;  les  vues  tendent  toujours  à  l'utilité ,  propofe 
d'eflayer  à  naturalifer  cet  arbre  ,  dont  nous  pourrions 
tirer  de  grands  avantages.  Il  faudroit  ,  dit^il  ,  prendre 
de  bonnes  graines  des  deux  efpeces  d'arbres  dont  nous 
venons  de  parler ,  les  femer  dans  des  terrines  ou  caiffes , 
afin  de  les  enfermer  dans  les  orangeries  jufqu'à  ce  que 
les  tiges  fuffent  un  peu  groffes  ;  car  ces  jeunes  arbres 
craignent  nos  grands  hivers  :  on  pourroit  alors  les  mettre 
en  pleine  terre  dans  un  lieu  humide ,  avec  la  précaution 
de  les  couvrir  d'un  peu  de  litière.  Lorfqu'ils  auroient 
paffé  quelques  années ,  il  y  auroit  lieu  d'efpér^r  qu'ils 
nibfifteroient.  M.  Duhamel  en  a  vu  en  Angleterre  &;  à 
Trianon  qui  étoient  chargés  de  fleurs  oc  de  fruits. 


454  A     R    B 

Toutes  les  obfervations  s'accordent  à  confirmer  {on 
fentiment.  L'efpece  du  Canada  eft  ,  dit-on  ,  la  même 
que  celle  qui  nous  vient  de  la  Louifiane  :  ce  qui  n'eft 
pas  furprenant  ;  car  il  y  a  des  efpeces  de  plantes  qu'on 
trouve  dans  les  pays  chauds  ,  &  dans  la  partie  froide 
de  la  Zone  tempérée  ;  telle  eil  ,  dit  cet  Académicien  , 
l'épine  blanche  ,  &  une  efpece  de  piment  royal ,  arbufle 
tres-odcrant  qui  fe  trouve  en  Efpagne  ,  en  Canada  ,  en 
France,  en  Portugal  &:  en  Suéde  :  on  l'appelle  même^^z// 
du  Nord.  Pris  en  infufion ,  il  enivre  &  entête  violemment. 

Beaucoup  de.  plantes  fe  naturalifent  dans  les  endroits 
où  on  les  cultive ,  fur-tout  lorfqu'elles  ont  été  ame- 
nées à  la  température  du  climat  par  degrés  infenfibles  ; 
ce  qui  fait  penfer  à  M.  Duhamel  ,  que  les  cirlers  qui 
proviendroient  de  graines  élevées  dans  ce  pays  ,  feroient 
moins  tendres  à  la  gelée  que  ceux  qui  viennent  des 
femences  que  l'on  a  envoyées  de  la  Louifiane.  Suivant 
les  Voyageurs  ,  on  trouve  les  clriers  à  l'om.bre  des 
autres  arbres ,  fur-tout  dans  la  baffe  Louifiane  :  on  en 
voit  qui  font  expofés  au  foleil  ;  d'autres  dans  des  lieux 
aquatiques  ou  terres  baffes  humides  ,  fablonneufes  & 
peu  éloignées  de  la  mer  ;  d'autres  dans  des  terrains  fecs  ; 
enfin  on  en  trouve  indifféremment  dans  les  pays  chauds 
&  les  pays  froids  ;  en  effet  cet  arbriffeau  croit  dans  la 
Floride ,  la  Caroline  ,  la  Virginie  ,  l'Acadie  ,  &  jufqu'cn 
Canada.  Toutes  obfervations  qui ,  comme  nous  l'avons 
dit ,  confirment  le  fentiment  de  ce  favant  Académicien, 
Voyei  les  efpeces  de  gale  à  r  article  MyR-TE  BATARD. 

11  croît  auffi  à  la  Chine  une  efpece  à^ arbre  de  cire  ^ 
mais  qui  y  eff  très-rare  ;  on  l'y  ncmm.e  pc-la-chu.  Sur 
les  feuilles  de  cet  arbre  s'attachent  de  petits  vers  ,  qui 
y  laiffent  des  rayons  de  cire  bien  plus  petits  que  ceux 
des  abeilles.  Cette  cire  efl:  très-dure  ,  très-luifante ,  mfis 
ëcailleufe  ,  &  coûte  beaucoup  plus  cher  que  la  cire 
ëes  abeilles.  (  Du  Ha'de.  ) 

Suivant  une  lettre  du  Père  d'Incarville  ,  écrite  de  la 
Chine  à  M.  Geoffrci  ^  on  retire  la  cire  blanche  des  vers 


A      R    B  .455 

même.  On  trouve  ,  dit-il  ,  dans  une  Province  de  cet 
Empire  ,  de  petits  vers  qui  fe  nourriffent  fur  un  arbre. 
On  les  ramaile ,  on  les  fait  bouillir  dans  l'eau  ,  &  ils 
rendent  une  efpece  de  graiffe  ,  qui  étant  figée  ,  efl  la 
cire  blanche  de  la  Chine. 

Arbre  de  Dieu.  C'eft  le  figuier  des  Pagodes. 

Arbre  conifere^  Arbor  conifera.  Les  Botaniftes 
donnent  ce  nom  aux  végétaux  qui  ont  entr'eux  une 
grande  reffemblance  dans  leur  port  extérieur  ,  Se  qui 
portent  des  fruits  de  figure  conique  ,  comme  le  cèdre  , 
le  pin ,  le  fapin  ^  le  picéa  ,  le  mlLe:{e,  Voyez  ces  mots. 
Ces  fruits  qu'on  appelle  cônes ^  \_flrobili ^'\{oïit  écailleux, 
fecs  &  durs ,  compofés  d'un  amas  de  couches  lignnifes  , 
coriaces ,  contournées  en  fpirales ,  attachées  par  leur  bafe 
à  un  axe  commun  ,  &  qui  fe  recouvrent  par  gradation  , 
dont  les  interflices  font  remplis  d'une  ou  deux  femences 
anguleufes ,  fouvent  entourées  d'une  aile  membraneufe. 
La  forme  du  cône  efl  ovalaire  dans  les  pins  &  les  y^« 
pins  ;  celui  du  thuya  eil  court  &  obtus  ,  &  celui  du 
cyprès  eft  arrondi  &  prefque  orbiculaire.  Dans  les  pins 
proprement  dits  ,  les  écailles  du  cône  font  plus  épaiffes 
à  leur  extrémité  ,  &  ont  conftamment  im  tubercule 
ou  une  callofité  remarquable  fur  leur  dos  ,  un  peu 
au-defTous  de  leur  fommet  ;  au  contraire ,  dans  les 
fapins  &  les  mélèzes ,  les  écailles  du  cône  font  minces 
à  leur  fommet ,  moins  ligneufes  que  coriaces ,  &  conf- 
tamment  très-liflés  fur  leur  dos.  Le  bois  de  ces  arbres 
efl  peu  fujet  à  fe  corrompre  :  il  contient  abon- 
damment une  réfine  balfamique  qui  tranlTude  fouvent 
par  fon  écorce.  Voye^^  ce  mot.  On  donne  aulîi  le 
nom  de  cône  de  cyprès  à  la  noix  de  cyprès,  ^oye^^ 
Cyprès. 

Arbre  de  Corail.  Voyez  Bois  immortel^  ^Con-^ 
dori  rouge. 

Arbre  du  Diable.  On  appelle  ainfi  un  arbre  qui 
croit  en  Amérique.  Son  fruit,  dans  l'état  de  matu- 
rité y  eit  élafdque  ;  defféché  par  l'ardeur  du  foleil  ;, 

Ff    4 


456  A    R    B 

il  le  gerce  \  fe  fend  avec  éclat  ,  &  lance  au  loin 
fes  graines  ;  c'efl  à  ce  jeu  de  la  Nature  que  cet  arbre 
doit  fon  nom.  En  eftet  ,  dans  le  temps  du  dévelop- 
pement de  les  graines  ,  le  fruit  produit  l'effet  d'une 
petite  artillerie  dont  le  bruit  fe  fuccede  rapidement  , 
s'entend  d'affez  loin  ,  &  arrête  le  Voyageur  étonné. 
Ces  mêmes  fruits  ,  tranfportés  avant  leur  matiuité  dans 
im  endroit  fec  ,  ou  expofés  fur  une  cheminée  à  la 
douce  impreifion  de  la  chaleur  ,  s'y  deffechent  peu-à- 
peu  ,  &  préfentent  le  même  phénomène.  Varhre  du 
diahk  eil:  peut-être  le  HURA.   Voye^  ce  mot. 

Arbre  de  Diane.  Voyez  à  V article  Argent. 

Arcre  d'encens  ,  Tcnbinthuspijlaciœfruclunon  eduli^ 
Plum.  Barr.  p.  107  :  an  Icicariba^  Marcg.  Sipo.  Gai.  Barr. 
Arbre  qui  croît  dans  la  Guiane.  Son  bois  eil  rou- 
geâtre  ,  &:  il  en  diftille  abondamment  une  gomme- 
réfme  d'une  couleur  femblable  à  la  gomme  élémi.  On 
la  brûle  dans  les  Eglifes  de  Cayenne  au  lieu  d'encens  : 
fon  odeur  eil  peu  agréable.  Maif.  Ruji.  de  Cayenne, 

Arbre  a  enivrer  les  poissons  ou  Bois  ivrant. 
Il  n'a  point  d'autre  nom  ,  &:  il  le  tire  de  fon 
effet.  Cet  arbre  ,  qui  croît  à  la  Jamaïque  &  aux  An- 
tilles ,  eil  le  PiJ'cidia  erythrina  ,  Linn.  :  Ichthyomethia 
fol'iïs  pinnatis  ,  ovatïs  ,  racemis  tcrmïnalihus  ,  Jiliquis  qua» 
drïalatïs  ,  Brown.  :  Coral  arhor  polypkyLla  non  fpinofa  , 
fraxini  folio  ,  Jiliqiiâ  a  lis  foliaccis  extandhus  rotez  molen- 
dinariœ,  fluviatilis  aucld  ,  Sloan.  :  Pfeudo-acacia  Jiliquis 
alatis ,  Plum.  M.  Jacqiùn  dit  que  c'eil  un  arbre  d'en- 
viron vingt -cinq  pieds  de  hauteur  &  droit.  Ses 
feuilles  font  ailées  avec  impaire  ;  i^s  fleurs  font  en 
grappes  rameufes,  ôc  produisent  des  gouifes  qui,  félon 
Sloane ,  ont  une  forte  de  reffemblance ,  par  leurs  ailes , 
avec  les  roues  de  moulin  à  eau.  Son  bois  eil  jaune  ëc 
aifez  dur. 

Au  rapport  du  Père  du  Tertre ,  on  prend  l'écorce  des 
racines  de  cet  arbre  ,  (même  fes  feuilles  &  fes  rameaux)  ; 
on  la  pile ,  on  la  réduit  comme  du  tan ,  6c  on  la  met 


A     R     B  ^  457 

dans  des  facs.  Lorfqu'on  veut  alkr  pêcher  dans  quelques 
rivières  ou  quelques  baies  de  mer ,  on  fufpend  ces  lacs 
dans  l'eau ,  on  les  y  agite  :  toutes  les  particules  d'écorce 
qui  fe  détachent  ,  fe  répandent  dans  l'eau ,  &;  ont  la 
propriété  d'enivrer  les  poiflbns  ,  au  point  qu'ils  fur- 
nagent  de  côté  &:  de  travers  ,  6c  peuvent  être  pris  avec 
la  main  ;  propriété  commune  à  beaucoup  d'autres 
plantes  de  l'Amérique,   f^oyei  CoNANi. 

11  y  a  le  Bois  ivrant  de  Carthagene ,  Pifcedlafo- 
liolïs  ohovatïs  ,  Linn.  :  Phafeolis  accedens  coral  arhor 
polyphyllos  ,  foliis  duriorïhus ,  non  fpinoja  ,  Pluck.  Alm. 
Selon  M.  Jacquin^  cette  elpece  ou  variété  eft  vme  fois 
plus  grande  que  la  précédente  dans  toutes  fes  parties. 
Elle  croît  dans  les  boijs  maritimes  des  environs  de  Car- 
thagene. 

Arbre  dont  on  retire  de  l'huile  ,  Dnandra, 
cordatcL  ^  Thunb.  Fl.  Jap.  267  :  Elœo  cocca  ,  CommerC 
Herb.  :  Ahrajîn ,  Ka^mpfer.  Cet  arbre  ,  de  la  fa- 
mille des  ELphorhes  ,  eiî  nommé  à  la  Chine  ton- chu. 
C'eft  une  efpece  de  cavalan.  Au  premier  afpeâ:  , 
il  refTemble  aiTez  au  noyer  :  il  a  des  rapports  avec  les 
mèdicinurs  &  les  crotons  ;  fes  fleurs  font  dioiques  :  i^s 
feuilles  font  pétiolées ,  ccrdiformes ,  mais  les  inférieures 
ont  leur  fommet  à  trois  pointes.  Les  fruits  font  comme 
des  noix  munies  de  leur  brout ,  fillonnées  ,  pleines  d'une 
huile  un  peu  épaiffe  ,  ou  mêlée  avec  une  pulpe  huileufe 
que  l'on  exprime  fortement.  Cet  arbre  croît  au  Japon. 

On  fait  ufage  de  cette  huile  comme  du  vernis.  On 
la  fait  cuire  avec  de  la  litharge  ,  &  on  l'applique  ainfî 
fur  le  bois  ,  qu'elle  défend  de  la  pluie  ;  on  l'applique 
aufîi  fur  les  carreaiix  des  appartemens  ,  qui ,  par  ce 
moyen  ,  deviennent  beaux  &  luifans.  On  ajoute  à 
cette  huile  de  la  couleur  ,  lorfqu'on  veut  peindre  un 
appartement  ;  &  on  ne  s'en  fert  qu'après  avoir  enduit  les 
boiferies  d'une  pâte  préparée  :  voilà  ce  qui  forme  une 
efpece.de  laque.  L'éclat  de  ce  vernis  eft  prefque  égal 
jà  celui  du  tfi-çhu.  Voyez  Arbre  du  vernis. 


45»     •  A    R    B 

Cette  huile  ,  qu'on  appelle  huile  de  bols ,  &  qui  {itrt 
auiîi  pour  les  lampes  ,  peut  incommoder  prife  inté- 
rieurement ,  ainfi  qu'on  en  a  vu  des  exemples.  Il 
croît  naturellement  fur  les  montagnes  de  la  Chine  , 
une  autre  efpece  d'arbre  ,  dont  les  fruits  font  des  baies 
vertes ,  d'une  figure  irréguliere  ,  contenant  des  noyaux 
cartilagineux.  Ces  fruits  ,  confervés  ,  rendent  en 
abondance  une  excellente  huile  ,  la  meilleure  de  la 
Chine.  (  Du  H  aide  ).  Les  Chinois  donnent  à  cette 
huile  le  nom  de  mouycou  ,  &  au  fruit  qui  la  produit , 
le  nom  de  mouipu. 

Arbre  de  Judée  ou  de  Judas  ,  ou  Gaînier  j 
Arlor  Judœ  y  Dodon.  Pempt.  786  :  Sïlïquafirum  ,  Cail. 
Dur.  417,  Tourn.  tab.  414.  Cïrds  filiquajlrum  ^  Linn. 
534.  Cet  arbre  étalé  &  rameiLx  ^  différent  de  celui 
qui  donne  le  baume  de  la  Mecque  ,  efl  nommé  gaînier  , 
parce  que  fss  gouffes  font  faites  comme  des  gaines 
de  couteau.  Le  gaînier  porte  des  fleurs  légumineufes  , 
agréables  ,  purpurines  &  entaiTées  plufieurs  enfemble 
en  bouquets.  M.  Ddeuxj.  obferve  qu'elles  différent 
cependant  des  fleurs  légumineufes  ordinaires  ,  en  ce 
que  les  dix  étamines  qu'elles  renferment  ne  font  pas, 
comme  dans  les  autres  ^  réunies  en  une  efpece  de 
gaine ,  mais  entièrement  féparées  ,  &  que  l'étendard 
efl:  placé  au-deffous  des  ailes.  Ces  fleurs  naiflTent  & 
s'épanouifTent  au  printemps ,  avant  les  feuilles  :  il  leur 
fuccede  des  goufi'es  longues  ,  très-aplaties  ,  membra- 
neufes ,  purpurines ,  renfermant  des  femences  ovales,  plus 
groiles  que  des  lentilles ,  dures.  Ses  feuilles  font  grandes , 
fermes,  glabres  ,  pétiolées,  cordiformes  ,  prefque  réni- 
formes  :  elles  ne  font  point  fujetes  à  être  endommagées 
par  les  infe£les.  Cet  arbre  fleurit  dans  le  mois  de  Mai , 
&  fes  fl.eurs  fe  confervent  dans  leur  beauté  près  de 
trois  femaines.  Il  fait  un  bel  effet  dans  les  bofquets 
printaniers.  Son  bois  efl  d'une  affez  belle  couleur  , 
dur  &  caffant.  On  confit  au  vinaigre  les  boutons  de 
fes  fleurs  \  ils  ont  cependant  peu  de  goût  ,   6c   font 


A    R    B  459 

ordinairement  fort  durs  ;  cet  arbre  s'élève  facilement 
de  femence ,  &  vient  très-bien  dans  les  terrains  fecs. 
Le  plus  gros  qui  ait  paru  en  France  ,  étoit  dans  le 
jardin  du  Collège  de  Pharmacie  ,  à  Paris  ;  mais  il  étoit 
creux  en  dedans  :  un  coup  de  vent  le  brifa ,  pendant 
l'hiver  de  1778. 

Arbre  de  la  folie.  Il  paroît  que  c'eil  l'arbre  d'où 
découle  la  réfine  appelée  caragne.  Voyez  ce  mot. 

Arbre  immortel  de  l'Isle  de  Madagascar, 
Humberna  Madagafcarknjis  ,  Endraài  -  cndrach  ,  Flacc, 
Hiji.  Madag,  p  1 37,  f.  loo.  C'efl  vm  grand  &  gros  arbre 
(différent  du  bois  immortel  de  la  Guiane  ,  &  de  Varbr& 
immortel  des  Indes  ,  Voye^  ces  mots.  )  dont  le  bois  eft 
jaunâtre  ,  compafte  ,  pefant  ,  infiniment  dur ,  &  qui 
dure  très-long-temps  ,  même  lorfqu'il  eil  enfoui  dans 
la  terre. 

AxRBRE  LAITEUX  DES  ANTILLES  ,  ainfi  nommé  , 
parce  qu'il  fort  en  grande  abondance  des  incifioni 
qu'on  lui  fait ,  un  fuc  laiteux ,  acre  &  cauftique.  Cet 
arbre  croit  naturellement  fur  les  rochers  de  la  Loui- 
fiane  :  fon  bois  eft  fi  tendre  ,  qu'en  le  fecouant  on 
caffe  fes  branches.  D'un  coup  de  bâton  on  le  fait, 
dit-on  ,  fauter  en  pièces.  Il  s'élève  à  la  hauteur  de 
deux  piques  ,  &:  cil  de  la  grolleur  de  la  jambe.  On 
prétend  que  cet  arbre  eft  le  même  que  le  thé  de 
Bo'érhaave  ,  que  l'on  cultive  en  pleine  terre  depuis 
quelques  années  aux  environs  de  Londres.  Ses  fleurs 
font  petites  ,  divifées  en  cinq  parties  ,  &  placées ,  ainlï. 
que  les  épines  que  cet  arbre  porte  ,  aux  aiftelles  des 
feuilles.  A  ces  fleurs  fuccedent  des  baies  qui  ont  la 
figure  de  poires  ,  &  qui  renferment  un  noyau  dur  &: 
affez  long.  Ses  feuilles  reftemblent  un  peu  à  celles  du 
laurier  ;  elles  tombent  pendant  l'hiver  ,  &  elles  n'ont 
ni  le  parfum  ni  les  autres  propriétés  du  thé  ordinaire. 

Le  P.  Nicolfon  fait  mention  ,  dans  fon  EJfai  fur 
tHifioire  naturelle  de  Saint-Domingue  ,  de  deux  arbres 
appelés  bois  laiteux  ^  l'un  franc  ^  6c  l'autre  bâtard. 


45o  A    R    B 

»  Le  l>oîs  laiteux  franc  ou  h  ois  laiteux  fébrifuge  ,  Rau-^ 
volfia  lachfuns  ,  Plum.  C'eil  Vourouankle  des  Caraïbes. 
C'efl  un  arbnâ'eau  qui  produit  de  fa  racine  plufieurs 
tiges  grêles  ,  caiiantes  ,  hautes  de  cinq  à  fix  pieds.  Ses 
feuilles  font  oppoiees  ,  longues  d'un  demi-pied ,  larges 
ti'un  pouce  6c  demi ,  ondées  fur  les  bords ,  luifantes, 
pointues  ,  divifées  par  une  côte  faillante  en  deflbus  , 
à  laquelle  aboutirent  des  nervures  droites ,  d'un  vert 
foncé  en  deffus  ,  d'un  vert  pâle  en  deffous.  Ses  fleurs 
croifient  aux  fommités  des  branches  ;  elles  font 
petites  ,  blanches.  Il  fort  de  toutes  les  parties  de  cet 
arbrifleau  ,  lorfqu'on  les  froiffe  ,  un  fuc  laiteux  ,  dont 
on  fe  fert  comme  vulnéraire  &  fébrifuge  «. 

»  Le  bois  laiteux  bâtard  y  Arbor  laQefcens  ,  Tabernce-' 
montana  laclefcens  ,  Plum.  C'eil:  le  titoulihué  ,  puipi^ 
nichi  des  Caraïbes.  C'eil  un  très-grand  arbre.  Son  tronc 
s'élève  très-haut  ,  6c  fe  partage  en  plufieurs  groifes 
branches  ;  fon  écorce  eil  grifâtre  ;  fon  bois  tendre  , 
blanchâtre  ,  caifant  net  ;  fes  feuilles  oblongues  ,  poin- 
tues ,  larges  de  deux  pouces  6c  longues  d'un  demi-pied  , 
alternes  ,  épaiiTes  ,  d'un  vert  foncé.  Elles  croiiiént 
par  bouquets  à  l'extrémité  des  branches.  Il  pouife 
au  centre  des  bouquets  une  efpece  d'ergot ,  de  même 
fubilance  que  les  pédicules  qui  font  très-courts ,  gon- 
flés par  la  bafe  :  fes  fruits  font  ronds  ,  verts  ,  mollalfes  , 
de  la  groifeur  d'une  cerife.  Toutes  les  parties  de  cet 
arbre  font  remplies  d'un  fuc  abondant ,  laiteux ,  très- 
acre.  Cet  arbre  croît  dans  les  endroits  humides.  On 
emploie  fon  fuc  laiteux  pour  la  guérifon  des  malingres  «. 

Arbre  de  mature.  Foye^  Canang  a  feuilles 

LONGUES, 

Arbre  de  mille  ans.  Voye^  à  la  fin  de  l'article 
Pain  de  Singe. 

Arbre  de  Moyse  ou  Buisson  ardent.  Foyei 
à  la  fuite  de  V article  Nefflier. 

Arbre  de  neige  de  Virs^inie  ,  Chionanthus  Vlr- 
ginica^  Linn.  :  Amelanchier  V irginiana  ^laura  cceraji  folioy 


A    R    B  4^1 

Pet.  ûc  241  ,  Catesb.  Car.  i.  p.  62.  C'eft  le  friow- 
drap  des  Anglois  :  c'eft  un  arbriiTeau  qui  croît  dans 
rAmérique  Septentrionale  ,  dans  les  lieux  humides  , 
&  fur  le  bord  des  ruiffeaux.  Il  eft  haut  de  fix  à  dix 
pieds  ;  fes  feuilles  font  fimples  ,  oppofées  ,  ovales  , 
entières  ,  vertes  &:  glabres  en  deffus  ,  un  peu  velues 
en  deflbus  ;  les  fleurs  font  de  l'ordre  de  celles  à.ç.% 
jafmins ,  blanches  ,  difpofées  en  grappes  paniculées  , 
pendantes.  L'arbrilïeau  ,  vu  de  loin  ^  paroît  comme 
couvert  de  neige.  Les  fleurs  paroiiTent  au  commence- 
ment de  Juin  ;  &  lorfqu'elles  tombent  ,  la  terre  en 
efl  toute  jonchée.  On  peut  employer  cet  arbre  à  dé- 
corer les  bofquets  de  la  fin  du  printemps.  Il  paroît 
que  Varhr&  de,  neige  fe  trouve  auffi  au  Ceylan  ,  mais 
fes  feuilles  font  moins  pointues  aux  deux  bouts  que 
dans  l'efpece  de  la  Virginie. 

Arbre  de  la  Nouvelle  Espagne  ou  Arbre  du 
PAPIER ,  u4rbor  papyracea.  Efpece  de  palmier  qui  croît 
dans  la  Nouvelle  Efpagne ,  &  eft  nommé  par  les  Ha- 
bitans  du  pays  guajaraba,  La  tige  de  cet  arbre  eil 
rougeâtre.  La  feuille  eil  grande  ,  verte  ,  &  quelquefois 
rouge ,  épaiffe  &  ronde  :  elle  fert  de  papier  aux  In- 
diens :  ils  écrivent  fur  cette  feuille  avec  des  flylets. 
Son  fruit  eft  une  efpece  de  raifm ,  gros  comme  une 
aveline  ,  de  la  couleur  des  mûres  :  il  eft  fort  bon  à 
manger.  On  voit  un  de  ces  jeunes  arbres  dans  les 
ferres  du  Jardin  du  Roi. 

Il  croît  aufli  dans  l'Amérique  une  efpece  de  pal- 
mier ,  dont  le  fruit  a  la  figure  d'un  gros  navet ,  &  efl 
bon  à  manger.  Ses  feuilles ,  ainfi  que  l'écorce  de  plu- 
fieurs  autres  arbres  de  ce  Continent ,  fervent  de  papier 
aux  Indiens. 

Arbre  a  pain  ou  Rima,  Arhor  panlfcra:  Socais, 
Rumph.  Parmi  les  végétaux  à  fruits  excellens  ,  qui 
croiffent  aux  belles  &  fécondes  Ifles  Philippines  ,  prin- 
cipalement dans  celle  qu'on  appelle  Ifle  de  Luçon  , 
même  à  Java^»  6cç. ,  ou  diftingue  ceiiû  dont  le  nom 


46i  A    R    B 

feul  intéreffe ,  c'eft  Varbre  du  pain  ,  arbre  qiie  l'on  doit 
bien  diflinguer  du  fa^ou  ,  palmier  qui  eft  fujet  à  une 
pléthore  farineufe  ,  &  que  les  Holiandois  appellent 
encore  arhrc  à  pain.  Voyez  fagou.  Uarbre  à  pain  des 
Philippines  croît  naturellement  dans  cette  contrée.  C'efl 
un  arbre  très-élevé ,  d'une  belle  forme  &  qui  fe  ramifie 
beaucoup  ;  fes  feuilles  naiffent  aux  extrémités  des 
branches  ;  elles  font  alternes  ,  très-grandes ,  longues 
de  deiLX  pieds  ,  fur  dix  -  huit  pouces  de  largeur  ^ 
iinuées  ou  dentelées  aflez  profondément  fur  les  bords 
latéraux  &  d'un  vert  foncé.  Cet  arbre  porte  des  fleurs 
maies  &  des  fleurs  femelles  fur  le  même  pied;  les 
fleurs  mâles  font  fur  une  partie  de  la  plante  ,  &  com- 
pofées  d'un  nombre  infini  d'étamines  ,  difpofées  en 
chaton  ,  &:  portées  fur  un  corps  fpongieux  affez 
alongé  ;  le  piAil  que  la  fleur  femelle  renferme  eil  fur 
une  autre  partie  de  la  plante  ,  &  devient  un  fruit 
très-gros  &  fphérique  ,  d'un  pied  de  diamètre  ou  en- 
viron ,  dont  la  peau  raboteufe  &  inégale ,  paroît  com- 
pofée  d'écaillés  régulières  ou  tubercules  ,  à  cinq ,  fix 
ou  huit  pans.  Ce  fruit  renferme  une  grande  quantité 
d'amandes  affez  groiTes ,  attachées  à  un  placenta  charnu 
&  très-confidérable  ,  qui  occupe  le  centre;  les  amandes 
recouvertes  chacune  par  plufieurs  membranes  ,  font 
farineufes  comme  la  châtaigne  ;  on  coupe  ce  fruit  par 
tranches  ,  &:  après  l'avoir  fait  fécher  on  le  mange 
comme  du  pain  ;  il  en  a  un  peu  le  goût ,  &  fe  con- 
ferve  ,  étant  féché  ,  plus  de  deux  ans  fans  s'altérer. 
Telle  efl  la  defcription  du  rima  par  M.  Sonmrat,  On 
foupçonne  que  le  rima  eft  le  même  arbre  que  le  Caf- 
tança  Malabarica  ou  VAngeiina  de  VHort.  Malab.  &  le 
Soccus  lanofîis  de  YH^rbar,  Amboin.  M.  Sonnerai  a  ap- 
porté quelques  plantes  de  cet  arbre  à  l'Ifle  de  France , 
&  l'on  efpere  qu'avec  des  foins  il  réufTira  dans  ce 
climat ,  quoique  moins  chaud  que  celui  oii  ils  croiffent. 
Les  Indiens  nomment  le  fiiiit  à  pain  rima  ;  mais  les 
gens  de  l'équipage  de  l'Amiral  Anfon  ,  dans  fon  Foya^^ 


A    R    B  46^ 

amour  du  Monde  ,  l'appelèrent  le  fruit  à  pain.  Ils  en 
mangèrent  tous  au  lieu  de  pain ,  dans  le  iejour  qu'ils 
firent  dans  l'Ifle  de  Tinian  ;  tout  le  monde  le  prëfé- 
roit  même  au  pain  ;  en  forte  que  pendant  le  iejour 
dans  rifle  fortunée  de  Tinian ,  où  le  vailTeau  de  l'Ami- 
ral Anfon  ,  infedé  du  fcorbut ,  avoit  débarqué  heu- 
reufement ,  on  ne  diflribua  point  de  pain  à  l'équipage. 

Ce  fmit  croît  féparément  &:  jamais  en  grappe  ;  on 
ne  mange  le  fruit  à  pain  que  lorfqu'il  eil  parvenu  à 
fa  groffeur.  En  cet  état  ,  il  eft  d'une  faveur  à-peu- 
j3rès  femblable  à  celle  qu'a  le  cul  d'artichaiLX  quand 
il  eft  cuit.  Lorfqu'il  eft  tout-à-fait  mûr ,  il  a  un  goût 
doux ,  &:  une  odeur  agréable  qui  approche  de  celle  de 
la  pêche  mûre  ;  mais  on  prétend  qu'alors  il  eft  mal- 
fain  &  caufe  la  dyffenterie. 

On  lit  dans  la  tradu£lion  du  mangofan  &  du  fuit 
à  pain  5  ouvrage  traduit  de  l'Anglois  John  Ellis ,  qu'il 
feroit  à  défirer  qu'on  cultivât  dans  les  Ifles  à.^s  Indes 
Occidentales  ,  &  même  en  Europe  ,  ces  arhrzs  naturels 
à  l'Inde  Orientale  ;  que  le  fruit  du  mangoftan  eft  fa- 
lutaire  aux  malades ,  &  délicieux  pour  tout  le  monde; 
mais  que  le  fruit  à  pain  lui  eft  bien  fupérieur  pour 
l'utilité  :  il  eft  donc  plus  néceftaire  &  plus  important 
pour  la  nourriture  de  toutes  fortes  d'habitans ,  &  fpé- 
cialement  Aqs  Nègres  ,  ou  autres  individus  colorés. 
D'après  les  différentes  mentions  qu'en  ont  fait  les 
Voyageurs  qui  ont  vu  cet  arbre  ,  tels  que  Wallis , 
Daînpier  ,  Rumphius  ,  Lord  Jnfon  ,  l'Amiral  Solan- 
der  ^  &c.  &:c.  il  paroît  qu'on  doit  diftingiier  deux 
fortes  à'arhres  à  pain  ,  l'un  portant  graine  ,  &:  qui 
eft  l'arbre  primitif,  foccus  granofus  ;  l'autre  eft  une 
efpece  qui  a  été  négligée  ,  qui  ne  fe  multiplie  que 
par  boutures  ,  &  dont  on  préfère  le  fruit ,  parce  qu'il 
eft  fans  noyau  ,  foccus  lanofus  ;  fa  partie  charnue  , 
très-nourriffante  ,  &  la  plus  tendre  ,  eft  au  centre 
du  fruit.  L'^efpece  à  noix  &  femence  n'eft  bonne ,  dit 
Rumphius  5  que  cuite  au  four ,  ou  préparée  de  quel- 


4^4  A     R    B 

qu'autre  manière  ,  fur- tout  avec  les  mets  gras.  C(* 
même  Auteur  rapporte  que  le  fuc  qui  coule  du  tronc , 
bouilli  avec  l'huile  de  coco  ,  fait  une  excellente  glu. 
Enfin  que  dans  la  langue  Malaie  cet  arbre  fe  nomme 
foccus  ou  focciim  cap  as  ;  auprès  de  la  Ville  de  Bantam, 
à  Java  ,  Balega  &  Maduré  ,  le  foccus  lanofiis  s'appelle 
foccumbidji  kukr\  à  Amboine  ^<,  dans  les  Ifles  voiii- 
nés  ,  le  foccus  granofus  s'appelle  foccum  titan  ou  kul- 
lus  ut  an. 

Le  Capitaine  DampUr  dit  que  l'efpece  de  fruit  à 
pain  ,  fans  femence  ni  noyau  ,  croît  aux  Ifles  Larrones , 
&  efl  dans  fa  faifon  huit  mois  de  l'année ,  &  que  les 
Habitans  ne  mangent  pas  d'autre  pain  pendant  tout  ce 
temps-là.  Rumphius  dit  que  le  fruit  efl  en  forme  de 
cœur  ,  que  fa  furface  efi:  épaiffe  &  verte  ,  &:  que  plus 
les  tubercules  qui  ornent  l'extérieur  de  fon  ecorce  , 
font  plats  &  unis  ,  plus  les  femences  contenues  dans  le 
fruit  font  en  petit  nombre  ;  plus  alors  il  y  a  de  pulpe , 
&  plus  fa  coniîfîance  efl  gélatineufe.  L'intérieur  de 
l'écorce  efl  une  fubflance  charnue  ,  pleine  de  fibres 
entrelacées  ,  qui  reffemblent  à  de  la  laine. 

Arbre  du  papier.  Voyez  Guajaraba  ^  à  l'article 
Arbre  de,  la  Ncuvdk  Ef pagne. 

Arbre  du  paradis  terrestre.  C'efl  Varbrc  de 
vie.  Voyez  ce  mot. 

Arbre  aux  pois  ou  Caragan  féroce  ,  Arbor 
pi  forum  5  feu  Caragana  ferox.  C'efl  un  arbriffeau  de  la 
famille  des  Légumineufes ,  qui  vient  de  lui-même  dans 
la  Sibérie  &  en  bien  des  endroits  de  l'Aile  Septentrio- 
nale :  les  rivages  de  l'Oby  ,  du  Jeniska  ,  en  font 
fournis.  On  l'y  appelle  caragogne.  Il  fe  trouve  plus 
fréquemment  dans  un  terrain  fablonntux  ,  voifin  àzs 
eaux  vives  &:  claires  ,  que  dans  les  eiidroits  maréca- 
geux &  trop  détrempés.  Cet  arbr.fTeau  ,  qui  croît  très- 
promptement  &:  s'élève  quclqu?tois  à  la  hauteur  d'un 
moyen  bouleau  ,  réunit  rag'iaiîle  ^k.  l'utile.  Outre 
l'ornement  de  fon  feuillage ,  qui  eil  d'un  beau  vert ,  & 


A    R    B  4/îj 

de  fes  fleurs  qui  font  d'un  beau  jaune  &  axiîlaires  , 
fes  feuilles  &  fes  branches  tendres  ,  qui  font  un  excel- 
lent fourrage  pour  les  befliaux ,  étant  préparées  par 
la  macération  &c  la  putréfadion ,  fervent  dans  la  tein- 
ture du  pays  ;  en  effet  le  bleu  qu'on  en  tire  peut  fup- 
pléer  à  l'indigo  &c  au  paftel.  L'écorce  de  l'arbre  n'eft 
pas  plus  fine  &  plus  tenace  que  celle  du  tilleul ,  6c 
fert  à  faire  de  bonnes  cordes.  Le  bois  eil  d'un  très- 
beau  jaune ,  extrêmement  dur ,  contient  peu  de  moelle, 
&  eR  propre  à  toutes  fortes  d'ouvrages  de  tour  ;  quand 
il  eil  frais  coupé ,  il  a  un  goût  qui  approche  beaucoup 
de  celui  de  la  réglifle.  Les  porcs  aiment  beaucoup  la 
faveur  des  racines  de  cet  arbre.  Certains  Habitans  de 
Sibérie  ,  6c  principalem.ent  les  Tungutes ,  fe  nourrilîént 
des  pois  qu'il  produit  :  ils  mangent  aufîi  les  feuilles  en 
les  dépouillant  de  leur  amertume  par  l'ébullition.  Les 
fruits  font  en  filiques  ,  qui  contiennent  quatre  ou 
cinq  graines  ou  pois  à-peu-près  de  la  groffeur  d'une 
lentille. 

On  a  obfervé  que  quand  Varbre  aux  pois  fe  trouve 
'dans  un  mauvais  terrain  ,  il  prend  la  forme  d'un  buif- 
fon  ,  &  fes  branches  font  tortues  &  irrégulieres  ;  mais 
il  profite  beaucoup  &  en  peu  de  temps  dans  un  fol 
convenable.  La  multiplication  de  cet  arbre  fe  fait  non- 
feulement  par  la  graine  ,  mais  auiTi  de  bouture,  & 
par  le  moyen  des  branches  auxquelles  on  laifîe  prendre 
racine  :  on  trouve  aduellement  de  grandes  plantations 
de  cet  arbre  dans  la  Suéde ,  la  Norvège  ,  la  Laponie  , 
l'Iflande  ,  &c.  On  en  diflingue  même  de  plufieurs  for-^ 
tes.  La  taupe  efl  l'ennemi  domeilique  &  le  fléau  des 
racines  de  Varhrz  aux  pois.  On  doit  encore ,  tant  qu'il 
efl  petit  &  tendre  ,  le  garantir  de  l'infulte  des  cochons 
&  des  befliaux  ,  qui  autrement  le  détruiroient.  M.  le 
Comte  de  Bielche  ,  Suédois  de  nation  ,  &  qui  a  élevé 
dans  fon  pays  plufieurs  de  ces  arbrilïeaux  avec  de  la 
graine  qu'il  avoit  obtenue  ,  étant  à  Pétersbourg  en 
1744  5   dit  que   ces  fortes  de  pois   fe   cuifent'plus 


466  [^     ^     ^ 

facilement  que  les  nôtres ,  qu'ils  font  plus  faciles  à  di- 
gérer ,  plus  ncurrilîans  &C  fort  oléagineux.  M.  de  Bidcks 
ajoute  qu'il  en  a  fait  moudre  ,  &  qu'il  en  a  fait  des 
gâteaux  d'un  trcs-bon  goût.  StrahUmberg  regarde  V arbre 
aux  pois  comme  uneelpece  d'acacia,  Afpalatus  ,  cara- 
gcna  Sibcrica  pfcudo-acacia  ;  c'efl  le  robinia  fpïnofa  de 
Linnœus.  Le  pétiole  commun  des  feuilles  efl  roide , 
piquant  à  fon  fommet  ;  il  perufie  après  la  chute  des 
feuilles ,  &  fe  change  en  vme  épine  droite  ,  très-aiguë , 
roide ,  &  qui  a  près  de  deux  pouces  de  longueur.  On 
peut,  par  le  m.oyen  de  cette  plante,  faire  des  haies 
vives  propres  à  empêcher  de  paffer  les  animaux. 

Aujourd'hui  l'on  cultive  comme  arbnfie  dans  nos 
jardins  le  robinia  pygmœa  ou  nain  ;  en  effet  il  mérite 
une  place  diftinguée  dans  les  jardins  d'ornement ,  fur- 
tout  au  printemps ,  par  rapport  à  la  beauté  de  fes  fleurs. 

Arbre-poison.  Plufieurs  végétaux ,  en  raifon  des 
effets  de  leur  fuc  ,  &c.  mériteroient  ce  nom  ,  mais , 
d'après  des  Ecrivains  modernes  ,  on  le  donne  plus  par- 
ticuliérem.ent  au  bohonupas.  Voyez  cet  article. 

Arbre  puant.  Cet  arbre  eil  de  la  grandeur  du 
chêne  ;  il  croit  au  Cap  de  Bonne-Efpérance  ,  &  à  la 
Côte  de  Coromandel.  Il  rend  une  fi  mauvaife  odeur 
quand  on  le  coupe  ,  que  les  ouvriers  ont  peine  à  la 
fupporter.  Mais  comme  ica  bois  eil  d'im  beau  grain 
&  bien  nuancé  ,  les  Européens  du  Cap  l'emploient 
pour  leurs  meubles  ,  ôc  l'odeur  fe  diflipe  avec  le  temps. 
Cet  arbre  feroit-il  le  mem.e  que  celui  appelé  bois  de 
merde  ?  Voyez  BoiS  CACA. 

Arbre  saint.   Voye^  Azedarack. 

Arbre  de  Saint-Jean,  ou  May  ,  ou  Bois  blanc 
DE  la  Gui  ANE.  Le  tronc  de  cet  arÎDre  ne  vient  ja- 
mais gros  ,  mais  il  s'élève  très-haut  &:  droit ,  il  formxC 
un  fommet  très-touffu  ;  fon  écorce  eft  cendrée  ,  blan* 
châtre ,  peu  crevaffée  ,  mince  ,  d'un  goût  amer.  Son 
bois  eil  fort  léger  ,  blanc  ,  flexible  ,  poreux  ,  &  très- 
en  luage  dans  le  pays  ;  on  ejQ  fait  du  îBeu^n,  Dans 


A    R    B  4^7 

la  Guiane  on  préfère  cet  arbre  à  tous  les  autres  , 
pour  la  cérémonie  de  planter  U  mai.  Ses  feuilles  font  ^ 
épailles  ,  ovales  ,  d'un  vert  clair  en  defliis ,  mat  en 
de  {Tous  ,  rangées  par  paire  le  long  d'une  côte  ,  d'un 
goût  un  peu  amer  ;  fes  fleurs  font  en  entonnoir ,  aux- 
quelles fuccedent  des  baies  jaunâtres. 

Arbre  aux  savonnettes.  Foyei  Savonier. 

Arbre  a  suif  ,  Croton  fiblfirum  ,  Linn.  :  Rlclnus 
Ch'inmjîs  fcb'ifcra  ,  populi  nigm  folio ,  Petiv.  Gaz.  5 3  : 
Evonimo  affinis  S'maruni  ,  populi  nigrœ  folio  tricapfiila^ 
ris  y  granis  nigris  candidijjîmâ  fuhfantid  oMucIis  ,  Pluk, 
Amalth.  76 ,  t.  390.  f.  2.  :  6^  Arbor  Smenjis  fbifira  , 
kieu-ycUj  P.  Martini  ,^yé  Arbor  fcbacea  ,  P.  le  Comte, 
Pluk.  Amalth.  25  :  Vuklm-mii  des  Chinois,  Hiif.  des 
Voyages  ,  vol.  VI ,  p.  464.  Cet  arbre  croît  naturel- 
lement à  la  Chine  iiir  les  bords  des  ruiffeaux.  On  l'y 
cultive  aufTi  :  les  champs  ,  dit  le  Père  U  Cornu  ,  où 
ces  arbres  font  ordinairement  plantés  en  échiquier  , 
fe  préfentenî  de  loin  comme  un  parterre  de  pots  à 
fleurs.  Cet  arbre  du  genre  des  Crotôns  ,  Voyez  ce  mot  ^ 
s'élève  à  la  hauteur  de  nos  poiriers  ;  il  reffem.ble  à 
nos  cerifiers  par  le  tronc  &  les  branches ,  &  au  peu- 
plier noir  par  fon  feuillage  ;  mais  fes  feuilles  ne  font 
pas  dentées  ;  elles  font  vertes  ,  tombent  ^  l'approche 
de  l'hiver  ,  &  deviennent  d'un  rouge  vif  avant  leur 
chute.  Ses  fleurs  font  en  épis  droits  ,  &  reffemblent 
à  des  chatons  ;  aux  fleurs  femelles  fuccedent  des  cap- 
fules  glabres  ,  dures ,  brunes  ,  ovales ,  pointues ,  à  trois 
côtés  arrondis  ,  divifées  intérieurement  en  trois  loges 
bivalves  :  chaque  loge  contient  une  graine  prefque 
hémifphérique  d'un  côté  ,  aplatie  de  l'autre  avec 
un  fillon ,  &  couverte  d'une  efpece  de  fuif  un  peu 
ferme  &  très  -  blanc.  Ces  graines  attachées  par  leur 
partie  fupérieure  interne  à  trois  placentas  qui  traver- 
f^nt  le  fruit ,  y  reflent  fufpendues  après  la  chute  des 
valves  de  la  capfule  ;  de  forte  que  l'arbre  paroît  alors 
couvert  de   petites   grappes   très  -  blanches  ,   qui  lui 

G  g     2 


4^8  A    R    B 

donnent,  fur- tout  dans  Péloignement,un  a{pe£l  agréable  ^ 
par  le  contraile  qu'elles  font  avec  le  rouge  des  feuilles. 

V arbre  à  fui f 'iowmit  aux  Chinois  la  matière  de  leurs 
chandelles  ;  ils  tirent  en  outre  de  ^zs  graines  beaucoup 
d'huile  pour  les  lampes.  Pour  obtenir  ce  fuif  végétal , 
on  broie  enfernble  la  coque  &  les  graines  ,  on  les 
fait  bouillir  dans  l'eau ,  on  écume  la  graiiTe  ou  huile 
à  mefure  qu'elle  s'élève  ;  &  lorfqu'elle  fe  refroidit , 
elle  fe  condenfe  d'elle-mcme  comme  le  iuif.  Sur  dix- 
livres  de  cette  graiffe,  on  en  met  quelquefois  trois 
d'huile  de  lin ,  avec  un  peu  de  cire  ,  pour  lui  donner 
de  la  confiftance.  Les  chandelles  qu'on  en  fait  font 
d'une  grande  blancheur  ;  mais  l'on  en  fait  aujîi  de 
rouges  en  y  mêlant  du  vermillon.  On  aiiiire  qu'on 
trempe  ces  chandelles  dans  une  forte  de  cire  qui  vient 
aufîi  d'un  arbre  en  Chine  ;  ce  qui  forme  autour  du 
fuif  une  efpece  de  croûte  qui  l'empêche  de  couler. 
Foyei  Arbre  a  cire. 

M.  le  Vicomte  de  Querho'ènt  nous  a  mandé  du 
Croific  ,  en  Bretagne ,  avoir  apporté  de  l'Ifle  de  France 
)^arhr&  à  fuif  ^  oii  il  réufiit  parfaitement.  La  graine 
que  M.  di  Qiicrho'ént  a  femée  a  parfaitement  levé  , 
&  lui  a  fourni  des  plants  qu'il  conferve  depuis 
1774.  Ils  n'ont  point  encore  fruftifié  ,  (  Novembre 
1 779  )  ils  font  un  peu  fenfibles  à  la  gelée  ;  mais 
il  efpere  que  lorfqu'ils  feront  plus  forts  ils  pourront 
fupporter  la  rigueur  de  notre  climat  «. 

Arbre  a  suif  de  la  Guiane.  f^oyci  Ouarouchî» 

Arbre  triste  ,  Jrhor  trlfiis  ,  mania  pumcran.  Cet 
arbre  qui  croit  aux  îndes  ,  au  Malabar ,  à  Sumatra  & 
à  Goa  ,  porte  ce  nom  ,  parce  qu'il  ne  fleurit  que 
pendant  la  nuit.  En  effet  ,  fes  fleurs  fuient  l'éclat 
agréable  de  la  lumière  ;  elles  ne  paroiiient  qu'après  le 
coucher  du  foleil  ,  &  difparoilfent  au  lever  de  cet 
aflre.  On  voit  quantité  de  ces  arbres  autour  des  mai- 
sons Indiennes  ,  fur-tout  dans  l'ifle  de  Sumatra.  Uarbre 
trific  a  le  port  ce  la  figure  du  prunier.   Ses  branche3 


A    R    B  4^9 

font  menues  ,  ayant  d'eipace  en  efpace  un  petit  nœud  y 
d'où  fortent  deux  feuilles  vertes  ,  molles  &  lanugi- 
neufes.  Ses  fieurs  reflemblent  à  celles  de  Toranger  ;  elles 
font  même  plus  belles  &  plus  odoriférantes  ;  elles  font 
partagées  en  huit  quartiers  6c  renferment  deux  étami- 
nes  ;  leur  calice  eil  rougeâtre  ,  6c  les  Habitans  s'en 
fervent  pour  colorer  leurs  viandes  ,  de  même  que  fes 
fleurs  donnent  aux  alimens  une  bonne  odeur  &  un 
goût  agréable.  Son  fruit  ,  qui  efl:  gros  com.me  un 
lupin ,  a  la  figure  d'un  cœur  &:  renferme  àes  femences 
blanches ,  tendres  6c  un  peu  ameres.  Cet  arbre  eft 
appelé  à  Pondichery  fiur  dcfafran.  Voyez  Pariaticu 
dans  VHort.  Malah,  vol.  I ,  tab.  i .  U arbre  trijk  eil  de 
Tordre  des  Jafmins. 

Arbre  aux  tulipes  ,  Tuliplfera^  Catesb.  48.  Cet 
arbre  croît  dans  prefque  tout  le  Continent  de  l'Amé- 
rique feptentrionale  ,  depuis  le  Cap  de  la  Floride  juf- 
qu'à  la  Nouvelle  Angleterre.  Il  devient  fort  grand ,  6c 
quelques-uns  ont  jufqu'à  trente  pieds  de  circonférence. 
Cet  arbre  eft  remarquable  par  fes  branches  pliées  en 
toute  forte  de  fens.  Ses  feuilles  on|  la  figure  de  celles 
de  l'érable.  Ses  fleurs  ont  toujours  été  comparées  aux 
tulipes  ,  d'oii  l'arbre  a  pris  fon  nom  ;  mais  elles  ap- 
prochent davantage  de  celles  de  la  fritilUire  ;  elles 
îbnt  d'un  vert  pâle  ,  teintes  à  la  partie  inférieure  de 
rouge  6c  de  jaune.  (  M.  Ddmiç  obferve  que  le  calice 
efl  compofé  de  trois  pièces  ;  la  corolle  a  neuf  pétales , 
hc  renferme  plufieurs  étamines.  )  Aux  fleurs  fuccedent 
des  capfules  oblongues  ^  qui  toutes  réunies  forment  ua 
fruit  écailleux  comme  les  cônes  du  fapin.  Les  graines 
ou  femences  font  comme  en  fer  de  lance.  Cet  arbre 
fe  plaît  particulièrement  dans  les  terrains  humides.  Il 
efl  très  -  propre  à  former  des  malîifs  &  de  fuperbes 
avenues  :  on  en  voit  un  très-beau  à  Paris  dans  le 
Jardin  des  pépinières  du  Roi.  On  peut  l'élever  de 
graines  venues  du  Canada  ou  de  la  Louifiane.  Le  bois 
de  cet  arbre  eft  d'im  grand  ufage  pour  les  bâtimens» 

G  g    3 


470  A     R     B 

Il  pafle  danj  le  pays  pour  être  le  meilleur  beîs  dont 
on  peut  faire  des  pirogues  ou  des  canots  d'une  feule 
pièce.  C'eft  le  même  arbre  que  le  tulipier  ou  le  hols 
jaune. 

Arbre  du  vernis  dé  la  Chine  ,  Arhor  vcrnlds  y 
Rumph.  Cet  arbre ,  dit  M.  de  la  Mark ,  efl  de  la  forme 
f-c  de  la  grandeur  d'un  manguier'^  fes  branches  font 
étendues  prefque  horizontalement  ;  fes  ram^eaux  vien- 
nent quatre  ou  cinq  enfemble  ,  difpofés  en  vcrticille. 
L'écorce  efl:  d'un  brun  cendré ,  hffe.  Ses  feuilles  font 
difpofées  comme  dans  les  hadamiers  ,  Voyez  ce  mot  ; 
elles  font  longues  de  neuf  à  onze  pouces  ,  &  ont 
environ  deux  pouces  &  demi  de  largeur  ;  les  fleurs 
font  en  grappes  pendantes  ,  petites  &  d'un  blanc  jau- 
nâtre ;  il  y  a  plufieurs  étamines  rouges  :  les  fruits  Ibnt 
cymbiformes.  Cet  arbre  efî  nommé  par  les  Chinois  //zi- 
chou  ou  tjl-chu  ,  ce  qui  fignine  arbre  du  vcniis.  Les 
Chinois  retirent  à  l'aide  d'une  inciiion  faite  à  fon  tronc , 
une  liqueur  qui  eft  leur  vernis. 

Le  thi-chou  croit  naturellement  fur  les  montagnes 
de  plufieurs  provinces  m.éridionales  de  la  Chine  6c 
dans  les  Moluques.  Son  bois  efl  afTez  folide  &  du- 
rable ,  diiiîcile  à  couper  ;  fon  aubier  efl  blanc ,  m.clc 
de  noir  ;  le  bois  proprement  dit ,  efl  brim  ;  il  y  a  peu 
de  moelle  :  on  prétend  que  fes  fruits  defTéchés  peu- 
vent être  mangés  fans  aucun  danger  :  fans  cette  pré- 
caution ils  empoifonneroient. 

Le  principal  ufage  qu'on  fafTe  de  cet  arl^re  ,  foit  à 
la  Chine  ,  foit  aux  Moluques  ,  ell  d'en  tirer  ce  ver- 
nis fi  renommé  ,  dont  les  Habitans  de  la  Chine  ,  du 
Tonquin  &  du  Japon ,  enduifent  avec  tant  d'élégance 
&  de  propreté  la  plupart  de  leurs  meubles  ,  tels  que 
leurs  tables  ,  iîéges  ,  armoires  ,  leurs  plats  &  fervices 
de  table  ,  les  murs  même  de  leurs  appartemens  ,  ce 
qu'on  appelle  communément  en,  Europe  des  meubles 
de  laque.  Cette  dénomination  impropre  trompe  quel- 
quefois ceux  qui  croient  mal  à  propos  que  ces  fortes 


A    R    B  471 

de  meubles  font  recouverts  de  la  fubftance  réfineufe 
appelée  laque  ,  &;  qui  fërt  fouvent  à  des  ufages  à 
peu  près  pareils  :  on  verra  à  l'article  fourmi  de  quelle 
manière  des  infe£les  de  ce  genre  nous  préparent  la 
réjim  laque  proprement  dite.  Revenons  au  fuc  réfuieux 
de  Varbre  au  v&mis  :  les  arbres  qui  font  à  l'ombre  don- 
nent plus  de  vernis  ,  mais  moins  bon.  Ceux  qui  font 
cultivés  donnent  du  vernis  trois  fois  dans  l'été  ;  celui 
qui  découle  le  premier  ell  le  meilleur. 

On  ne  fait  à  un  arbre  que  trois  ou  auatre  légères  en- 
tailles fur  l'écorce  ,  fous  chacune  defquelles  on  place 
miQ  coquille  de  moule  de  rivière  pour  recevoir  la 
liqueur  laiteufe  qui  en  découle  ;  on  les  retire  environ 
au  bout  de  trois  heures ,  &  on  verfe  la  liqueur  dans 
un  petit  feau  de  bois  de  bambou.  Voyez   ce  mot. 

Les  vapeurs  de  ce  vernis  font  vénéneufes  ;  auiîi 
doit- on,  lorfqu'on  le  tranfvafe  ,  tourner  la  tête  pour 
les  éviter.  Peu  d'ouvriers  parmi  ceux  qui  y  travaillent 
font  exempts  d'être  attaqués  une  fois  de  la  m.aladie  à^s 
clous  de  vernis  ,  ou  pullules  fur  la  peau  ;  mais  elle 
n'efl  que  douloureufe ,  &  n'efl  point  mortelle.  Une 
loi  bien  digne  de  l'hum^anité  de  ce  peuple  ,  ordonna 
au  Maître  qui  les  emploie  à  cette  récolte  ,  d'avoir  chez 
lui  un  vafe  rempli  d'huile  de  rabette  ,  dans  laquelle 
on  a  fait  bouillir  l'enveloppe  d'une  panne  de  porc. 
Les  ouvriers  s'en  frottent  les  m.ains  &  le  vifage  avant 
&  après  leur  travail.  Outre  cela ,  il  leur  efï  ordonné 
de  fe  fervir  d'un  mafque  ,  d'avoir  des  gants ,  des  bot- 
tines ,  &  un  plaftron  de  peau  devant  Peflomac.  Lorfque 
le  vernis  fort  de  l'arbre  ,  il  reffemble  à  de  la  poix 
liquide  &  laiteufe  :  expoie  à  l'air ,  fa  furface  prend 
d'abord  ime  couleur  rouffe  ,  &  peu-à-peu  il  devient 
noir. 

Les  Chinois  diflingûent  plufieurs  fortes  de  vernis  ^ 
qui  tirent  leurs  noms  des  divers  cantons  où  on  les 
recueille.  Le  nien-tfi  pur  eil  le  plus  beau  ;  il  eil  noir  ^ 
mais  il  eft  très-rare.  Le  roaang-Ji  eil  un  autre  vernis 

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472  A    R    B 

qui  tire  fur  le  jaune ,  &c  dans  lequel  on  mêîe  environ 
moitié  d'une  huile  fort  deiTicative  éc  très-commune  à  la 
Chine  ,  que  l'on  exprime  du  fruit  d'un  arbre  appelé 
long-cûu.  Voyez  Arbre  dont  on  retire  de  l'huile. 
Le  P.  d'Incarville  ^  dans  un  excellent  Mémoire  corn- 
pofé  fur  le  lieu  même ,  6c  inféré  dans  le  troifieme 
tome  des  Mémoires  pi  tj entés  à  r  Académie  ,  6c  duquel 
nous  donnons  ici  un  petit  extrait  ,  dit  qu'il  a  oui  dire 
qu'on  vend  cette  huile  à  Paris  fous  le  nom  de. 
vernis  de  la  Chine  :  elle  reiTemble  aflez  à  de  la  téré- 
benthine. 

Lorfque  les  Chinois  veulent  faire  leur  beau  vernis 
ordinaire ,  ils  font  évaporer  au  foleil  le  vernis  nommé 
nien-tfi ,  environ  à  moitié  :  ils  y  ajoutent  fix  gros  de 
£el  de  porc  par  livre  de  vernis  :  ils  remuent  fortement, 
&:  y  incorporent  quatre  gros  de  vitriol  romain.  Ils 
font  parvenus  depuis  quelques  années  à  imiter  le  bril- 
lant du  vernis  noir  du  Japon  ,  en  mêlant  avec  d'autres 
fubilances  ce  premier  vernis  préparé  ,  ainfi  qu'on  en 
peut  voir  le  détail  dans  le  Mémoire.  Il  n'y  a  que  peu 
d'années  que  le  fecret  de  ce  vernis  brillant  du  Japon 
a  tranfpiré  hors  du  Palais. 

C'eiî  avec  le  vernis  jaune  ,  que  les  Chinois  font 
ces  ouvrages  qui  imitent  l'aventurine  :  ils  faupoudrent 
avec  de  la  poudre  d'or  une  couche  de  ce  vernis , 
fur  laquelle  ils  remettent  enfuite  de  nouvelles  couches  ; 
au  bout  de  quelques  années  ,  ces  ouvrages  deviennent 
plus   beaux. 

L'application  du  vernis  demande  de  l'habileté  &  des 
foins  étonnans ,  qui  tendent  fur-tout  à  éviter  le  moin- 
die  atome  de  pouffiere.  Lorf qu'une  couche  très-mince 
de  vernis  a  été  appliquée ,  on  la  laifle  bien  fécher 
avant  d'en  appliquer  une  autre.  Une  obfervation  fm- 
guliere  6c  contraire  à  l'expérience  ordinaire ,  c'efl  que 
ce  vernis  feche  mieux  &  plus  vite  dans  im  lieu  hu- 
mide que  dans  un  euv-lroit  fec  ;  auiîi  en  pratique-t-on 
un  exprès.  Avant  d'appliquer  la  féconde  couche  ,  on 


A    R    B  475 

polit  bien  la  première  avec  un  bâton  compofé  d'une 
poudre  de  brique  très-lîne.  On  trempe  ce  bâton  dans 
une  préparation  de  /ang  de  cochon  &  d'eau  de 
chaux.  On  ne  met  que  trois  couches  de  ce  vernis  fur 
l'ouvrage.  Pour  empêcher  que  le  vernis  de  la  première 
couche  n'entre  dans  le  bois ,  avant  d'appliquer  cette 
première  couche  ,  on  palTe  fur  la  pièce  une  eau  gom- 
mée empreinte  de  craie. 

Le  bois  que  les  Chinois  emploient  pour  leurs  petits 
ouvrages  de  laque  ,  efl  pliant ,  &  extraordinairement 
léger  :  on  prétend  qu'il  rend  im  plus  beau  fon  dans 
les  inftrumens  de  mufique  que  les  autres  efpeces  de 
bois.  Les  Chinois  nomment  l'arbre  dont  ils  le  retirent 
ngoutong.  Peut-être  cet  arbre ,  dit  le  P.  d^IncarvïlU  , 
fe  trouvera-t-il  au  MiiTiffipi. 

Depuis  le  Mémoire  de  ce  Millionnaire  ,  M.  E/lis 
a  donné  une  DilTertation  pour  reconnoître  l'arbre 
dont  on  tire  le  vernis  à  la  Chine  &  au  Japon  ,  pour  en 
augmenter  la,  culture  dans  les  Colonies  de  l'Amé- 
rique ,  &  corriger  les  erreurs  où  les  Botaniftes  font 
tombés  à  fon  fujet  :  il  en  réfulte  que  ce  n'eft  pas  , 
comme  prétend  M.  Miller ,  V anacardium  occidentale  ou 
éicajou  de  Tourne  fort ,  qui  le  produit  ;  mais  V  anacardium 
orientale  ou  avicennia  de  Linnceus,  M.  le  Chevalier  de 
la  Marck  prétend  ,  au  contraire ,  que  V arbre  du  vernis 
de  la  Chine  efl  un  badamicr, 

Jufqu'à  préfent  les  Chinois  n'ont  pu  trouver  le  fecret 
du  vernis  tranfparent  comme  de  l'eau  ,  que  les  Ja- 
ponois  appliquent  fur  leurs  deffeins  en  or.  Le  vernis 
tranfparent  de  la  Chine  tire  fur  un  vilain  jaune  ; 
c'efl  celui  qu'ils  erriploient  pour  imiter  l'aventu- 
rine  ,  mais  qui  efl  bien  inférieur  à  celui  des  lapo- 
nois.  On  obferve  que  l'ancien  laque  eil  plus  pré- 
cieux ,  très-recherché  ,  &  que  fon  vernis  efl  beaucoup 
plus  endurci.  Le  (  ou  la  )  laque  nouvelle  efl:  plus  facile 
à  s'écorcher.    Foy^i  Vanicle  Laque. 


474  A     R    B 

Arbre  de  vie  ,  Thuya.  On  lui  donne  ce  nom  faf^ 
tueiix  ,  parce  qu'il  reile  vert  été  ec  hiver ,  ou  à  caufe 
de  fon  odeur  forte  ,  cTow ,  fujfio.  Il  y  en  a  plufieurs 
efpeces  ;  les  unes  de  Canada  6c  de  Sibérie  ,  &  l'autre 
de  la  Chine.  Uarbre  de  vu  de  Canada  efl  de  hauteur 
médiocre  :  fon  tronc  eft  dur  ,  noueux ,  couvert  d'une 
écorce  rouge-obfcure.  Ses  rameaux  fe  répandent  en  ailes. 
Ses  feuilles  reflemblent  à  celles  du  cyprès  ,  ou  il  l'on 
veut  à  celles  de  la  fougère  :  elles  ne  pouHent  guère 
que  fur  le  jeune  bois ,  &  font  pofées  les  unes  fur  les 
autres  ,  ainfi  que  des  écailles ,  attachées  à  des  tiges  apla- 
ties. Cet  arbre  porte  ,  au  commencement  du  prin- 
temps ,  &  même  en  hiver ,  des  fleurs  mâles  &  des  fleurs 
femelles  fur  le  même  pied.  Son  fruit  eft  oblong ,  c'ell 
une  efpece  de  cône  alongé  &  compofé  d'écaillés.  En 
général ,  le  fruit  du  thuya  de  la  Chine  m^ûrit  un  mois  plus 
tard  que  celui  du  Canada.  Ses  icuilles ,  écrafées  dans  les 
doigts  ,  ont  une  odeur  forte  ,  réfmeufe ,  oc  leur  goût  efl 
amer.  On  diftingue  dans  les  thuya  celui  d'Occident,  TAz/j^ 
occïdmtalïs  ^  thuya  Thcophrafti  ^  C.  B.  Pin.  488  :  Arbor 
vït(Z  Jîve  Paradijîaca  vulgo  d'icia  ,  odorata ,  ad  Jabinam 
acccdms  ^  J.  E.  J.  286  '.Arbor  vitœ  ^  Cluf.  Hift.  36. 
Celui  d'Orient  ou  thuya  de  la  Chine  ,  thuya  Oricntalis^ 
le  thuvoïdcs. 

Il  y  en  a  du  Canada  ou  de  .  Sibérie  de  deux  ef- 
peces y  ou  plutôt  deux  variétés  ,  dont  l'une  a  les 
feuilles  panachées.  Ces  thuya  font  très  -  propres  à 
mettre  dans  les  bofquets ,  parce  qu'ils  fe  confervent 
en  pleine  terre  avec  leurs  feuilles  été  &  hiver.  Ils 
font  vm  ornement  très-agréable  dans  les  mallîfs  d'ar- 
bres qui  confervent  auffi  leurs  feuilles  ,  Je  vert  obf- 
cur  de  leur  feuillage  fait  en  quelque  forte  valoir 
celui  des  arbres  qui  les  avoifment.  il  traniîude  de 
ces  arbres  des  grains  de  réfme  jaune  ,  tranfpa- 
rente  ,  qui  ne  font  point  durs  ;  en  les  brûlant ,  ils 
répandent  une  odeur  de  galipot  ;  le  bois  en  efl  fu- 
dorifique. 


A  R  B  ARC  475 

Quoique  le  bois  de  cet  arbre  ibit  moins  dur  que  celui 
'du  fapin  ^  il  efl  prefque  incorruptible  ;  auffi  en  Canada  , 
en  fait-on  grand  ufage  pour  les  paliiï^îdes.  En  le  tra- 
vaillant il  répand  une  odeur  qui  n'eft  pas  très-agréable. 
Le, premier  arbre  de  vie  qu'on  ait  vu  en  Europe  ,  fut 
apporté  à  François  I.  On  peut  voir  au  Jardin  du  Roi 
plufieurs  efpeces  de  ces  arbres,  qu'on  appelle  quelquefois 
ccdres  Amiricains  [a)» 

On  peut  multiplier  Varhre  dt  vu  par  fes  graines 
ou  par  fes  branches  inférieures  que  l'on  couche  en 
terre  au  printemps  ,  après  leur  avoir  fait  à  l'endroit 
des  nœuds  une  petite  entaille  comme  aux  marcottes 
d'œillets.  On  peut  auiri  les  ékver  de  boutures  coupées 
tout  auprès  de  la  tige  ,  oL  les  planter  à  la  cheville  dans 
une  terre  fraîche  ^<,  ombragée. 

ARBPvISSEAU  ou  Arbuste.  Voye^^  cet  article  dans 
le  Tableau  alphabétique  a  la  fuite  du  mot  Plante. 

ARC  ^  Arcus,  Nom  d'armes  ofFenfives  qui  font  ou 
de  bois  ou  de  corne,  ou  de  toute  autre  matière  élaf- 
tique ,  ainfi  qu'on  peut  l'obferver  dans  la  plupart  des 
Cabinets.  L'ufage  des  arcs  pour  lancer  la  flèche  ,  efl 
très-ancien,  &  a  été  prefque  univerfel  chez  les  Na- 
tions de  l'un  ôc  l'autre  hémifphere  :  cet  ufage  s'eil 
confervé  même  dans  notre  Continent ,  jufqu'à  la  dé- 
couverte   d'autres   armes   plus    redoutables.    Certains 

(3)  M.  Fougcroux  ^  de  V Académie  des  Sciences  ^  a  préfenté  dans  le  Journal 
de  Phyfiqui  ,  Novembre  ijSi  ,  une  difficulté  &  une  incertitude.  Quel  eft  , 
dit  il  ,  le  thuya  qu'on  doit  appeler  thuya  Jheophrajli  ?  eft-ce  celui  d'Orient 
oi{  d'Occident;  ou  ne  feroit-ce  pas  un  arbre  du  genre  des  cyprès  ou  des 
c^.'.ircs  ,  dont  Théophrafii  auroit  voulu  parler  ,  Sc  qu'il  auroit  nommé  thuya  ? 
Si  l'on  doit  nommer  rLj'^j  Tk eophr a fli  cçAwi  d'Occident,  comment  cet  Au- 
teur Grec  a-t-^  pu  connoître  une  plante  de  la  partie  Occidentale  de 
noLre  Globe?  ...  Le  fruit  du  thuya  d'Occident  reflemble  à  un  petit  cône 
fie  fapîneîte  ou  de  mélèze  i  fa  graine  très-£ne  eft  ailée.  Au  contraire  le 
thuya  d'Orient  a  le  fruit  &  la  graine  approc'nans  du  cyprès  ;  enfin  il 
fcmble  que  ie  thuya  de  Ihécphrajîe  doit  être  celui  d'Orient  qui  eft  le 
pltis  élevé  :  ie  tronc  nu  ;  l'écorce  brune  ;  la  tige  terminée  par  une 
L  elle  tête  cor.ique  ,  formée  par  les  rameaux  redrefles  :  Tes  feuilles  très- 
petites  ,  ferrées,  &  imbriquées  les  unes  fur  les  auti^s  :  les  cônes  hé- 
liffés  &  verdâtres.  Les  rameaux  du  thuya  occidentaiiont  plus  ouverts 
U  plus  lâches  ,  les  ccnes  lilies. 


47^  ARC 

Peuples  Sauvages  de  l'Amérique  &  d'Afrique  ,  !es 
Montagnards  d'Ecoffa ,  &c  quelques  corps  de  Troupes 
des  Rufîes  &c  des  Turcs  fe  fervent  encore  de  Parc» 
C'eil  de  l'ufage  qu'on  faifoit  autrefois  de  cette  arme 
que  fe  font  établies  ces  Compagnies  bourgeoifes  de 
l'Arbalète ,  qu'on  voit  encore  dan.  quelques  Villes  de 
nos  Provinces,    ^oye^  Vart'ick  Armes. 

ARCANSON  ou  BRAY  SEC.  Voyci  ks  artkks 
Pin  et  Sapin. 

ARC-EN-CIEL  ou  Iris  céleste  ,  Cœkjlis  arcus. 
C'eil  ce  beau  météore  en  forme  d'arc  de  différentes 
couleurs ,  que  l'on  voit ,  lorfqu'ayant  le  dos  tourné 
au  foleil ,  à  l'inflant  oii  il  n'eft  plus  élevé  fur  notre 
horizon  que  d'un  peu  moins  de  quarante-deux  degrés  , 
on  regarde  une  nuée  qui  fond  en  pluie  fine ,  Se  qui 
efi  éclairée  par  cet  afl:re. 

On  apperçoit  fcuvent  deux  arcs  à  la  fois  ;  l'un  in- 
térieur ,  ôc  l'autre  extérieur  qui  embraffe  ce  premier  : 
on  appelle  le  àQxmcX  faux  arc-en- ciel  ^  parce  que  {qs 
couleurs  font  moins  vives ,  &  qu'elles  font  dans  un 
ordre  renverfé.  Pour  que  l'on  puifle  voir  deux  arcs-- 
CTî'ckl  filaircs  ,  il  fufHt  que  la  nuée  fcit  aifez  étendue 
6c  affez  épaille.  Cet  arc  extérieur  ,  eft  formé  de  même 
que  l'arc  intérieur  ou  principal ,  par  les  rayons  que  le 
foleil  darde  dans  les  gouttes  fphériques  de  pluie ,  &  qui 
s  y  rompent  &  s'y  réiléchiffent ,  de  façon  que  chaque 
rangée  des  gouttes  renvoie  à  l'œil  du  fpe£lateur  des 
rayons  primitifs  de  différentes  couleurs  ,  les  uns 
rouges ,  les  autres  violets ,  &  ainfi  des  autres ,  félon 
Pefpece  dont  efl  le  ra}'T>n ,  félon  l'endroit  dans  lequel 
il  entre  dans  la  goutte  d'eau ,  &:  félon  la  manière 
dont  il  fe  brife  en  fortant  de  l'eau.  On  fait  que  cette 
différente  réfrangibilité  des  rayons  rouges  ,  orangés  , 
jaunes ,  verts  ,  bleus  &  violets  ,  rend  feule  raifon  de 
la  caufe  de  Varc-en-ckl},  en  un  mot,  ce  font  les  mê- 
mes couleiu-s  que  l'on  voit  dans  les  ra}"ons  du  foleil 
qui  traverfent  un  prifme  de  verre.  On  a  remarqué  des 


ARC  .    .     477 

mrs-en-cUl  qui ,  dans  leur  intérieur ,  en  laiffoîent  dil- 
tlnguer  de  contigus  ou  de  concentriques.  D ef caries  ^ 
Languewith  ^  Wcgner ,  Parent ,  &c.  en  ont  fait  men- 
tion. Le  1 1  Juillet  1 770 ,  un  Phylicien  étant  aux  bains 
de  Freyenwald ,  vers  les  fept  heures  du  loir  ,  du  côté 
de  l'Orient,  apperçut  un  triple  arc- en-cul ^  celui  du 
anilieu  n'étoit  pas  concentrique  aux  deux  autres  ;  il 
faifoit  partie  d'un  plus  grand  cercle ,  &  alloit  couper 
cet  arc.  M.  Halky  a  vu  ,  en  1698 ,  à  Ghefter ,  trois 
arcs-m-cid  en  même  -  temps.  Vitdlïon  dit  avoir  vu  à 
Fadoue  quatre  arcs-cn-cid  dans  le  même  inftant. 

Ulris  célejie  paroit  en  forme  d'arc  ,  parce  que  les 
ïayons  efficaces  de  lumière  qui  parviennent  à  Pœil 
fous  un  angle  déterminé ,  forment  un  cône  ,  dont  la 
bafe  efî  la  nuée  fur  laquelle  l'iris  eft  répandu  ,  &  au 
fommet  duquel  fe  trouve  ?œil  du  fpedateur  ;  auiS 
Verrions-nous  le  cercle  entier ,  fi  nous  étions  affez 
élevés.  M.  Pajfumot ,  étant  au  fommet  du  Mont-d'Or  ^ 
le  23  Septembre  1765  ,  flit  furpris  par  des  brouillards 
épais  &  très-condenfés  ;  il  fixa  fa  vue  fur  le  vafte  6c 
profond  vallon  de  Chambon ,  qui  en  étoit  auffi  tout 
rempli  ;  un  rayon  de  foleil  perça  les  brouillards  âipé- 
rieurs  ,  &:  lui  fit  voir  dans  le  vallon  un  petit  iris  entier 
(  arC'Cn-ckl^nûtx^  d'environ  dix-huit  à  vingt-un  pieds 
de  diamètre.  M.  l'Abbé  Dicqmman  a  obfervé  au  Havre , 
un  iris  fmgulier  par  fa  figure  &:  fa  pofition  à  l^égard 
du  foleil;  c'étoit  le  18  Juin  1777  ,  à  fept  heures  &: 
demie  du  foir.  Ce  phénomène ,  qui  étoit  un  peu  plus 
élevé  que  le  lieu  du  foleil ,  &  à  l'Oueft ,  ofFroit  fur  un 
nuage  léger  un  petit  ïrïs  en  zigzag ,  dont  on  ne  voyoit 
dillindement  que  le  vert  &:  le  rouge.  Cette  derniers 
coideur  étoit  du  côté  du  foleil  ;  une  gloire  compofée 
des  mêmes  couleurs  &:  dans  le  même  ordre ,  couronnoit 
le  nuage  qui  paroiffoit  au  travers  de  Vins ,  le  tout 
enfemble  formoit  un  grouppe  tendre  &  fort  agréable, 

M.  de.  Saint- Amans ,  ancien  Officier  de  Vermandois, 
a  obfervé ,  le  6  Février  1778  ,  à  dix  heures  du  matin 5 


478  ARC 

dans  les  nuages  dont  l'atmofphere  étolt  chargée ,  deux 
halos  ^  ou  plutôt  deux  iris  fort  remarquables  à  caufe 
de  leur  lituation  refpeciive  ;  en  effet,  ils  étoient  adoffés 
l'un  à  l'autre.  C 'étoient  deux  portions  de  cercles  colorés 
qui  fe  touchoient  par  un  point  de  leur  circonférence , 
&  qui  mêloient  leurs  couleurs  à  l'endroit  de  leur  con- 
tact ;  le  plus  grand  de  ces  arcs  avoit  le  foleil  pour 
centre  ,  &  oppoibit  intérieurement  la  couleur  rouge  , 
puis  l'orangé,  le  jaune,  le  vert,  à  cet  ailre.  Le  plus 
petit  qui  répondoit  un  peu  au  nord  du  zénith  de 
rObfervateur ,  étoit  extérieurement  peint  de  la  même 
couleur  ,  ëc  préfentoit  au  contraire  dans  fa  concavité  le 
violet ,  enfuite  le  pourpre  ,  le  bleu  ,  ôcc.  enfin  le  rouge. 
Ainfi  les  nuances  prifmatiques  de  ces  deux  cercles  pro- 
cédoient  dans  un  ordre  renverfé. 

Voici  une  expérience  bien  fimple  du  célèbre  Antonio 
de  Dominis  ,  Archevêque  de  Spalatro'  en  Dalmatie  , 
(  De  radio  v'ifus  &  luc'is  ,  Venife  ,  1 6 1 1 .  )  qui  prouve 
que  ces  belles  couleurs  prifmatiques  de  Varc-en-ckl  n^ 
font  formées  cxio.  par  la  difTérente  réfrangibilité  des 
rayons  de  lumière. 

On  prend  une  boule  de  criilal  bien  tranfparent:  ou 
la  remplit  d'eau  ,  &  on  la  fufpend  à  une  certaine  hau- 
teur ,  expofée  aux  rayons  du  foleil.  Quand  cette  boule 
efî  fufpendue  à  telle  hauteur  ,  que  le  ra3/^on  de  lumière  , 
qui  donne  du  foleil  fur  la  boule  ,  fait  ,  avec  le  rayon 
allant  de  la  boule  à  l'œil ,  un  angle  d'environ  qua- 
rante-un degrés ,  cette  boule  donne  une  couleur  rouge. 
Quand  cette  boule  eft  fufpendue  im  peu  plus  bas  , 
&  que  fes  angles  font  plus  petits  ,  les  autres  cou- 
leurs de  V arc-en-ciel  parciiTent  fuccefiivement.  C'elî 
là  le  fondement  de  la  connoiflance  de  Varc  -  en  -  ciel  : 
mais  il  étoit  réfervé  à  Newton  de  la  mettre  dans 
fon  plus  grand  jour  ,  en  appliquant  à  ce  phéno- 
mène fa  découverte  de  la  décompoiition  de  la  lu- 
mière ,  &  de  la  réfrangibilité  propre  à  chaque  efpece 
de  rayon  :  ç'eil  fon  Ouvrage  qu'il  faut  étudier,  fi 


A    R    C  479 

Ton  cherche  des  râlions  complètes  &  exactes  de  toutes 
les  circonflances. 

Arc -EN- CIEL  LUNAIRE.  La  réfraftion  des  rayons 
de  la  lune  donne  lieu  quelquefois  à  un  arc-en-ciel  lu- 
naire ,  lorfque  les  circonflances  requiles  fe  trouvent 
réunies.  1?  arc -en -ciel  lunaire  a  toutes  les  mêmes  cou- 
leurs que  \q folâtre ,  excepté  qu'elles  font  prefque  toujours 
plus  foibles,  à  caufe  de  la  diiférente  intenfité  des  rayons; 
ti  même  ce  phénomène  ne  peut  frapper  la  vue  ,  que 
lorfque  la  lune  eii  dans  fon  plein.  M.  Mufchenbroélk 
a  obfervé  un  de  ces  arcs- en- ciel  fort  éclatant  ,  mais 
qui  €toit  par-tout  de  couleur  jaune.  Nous  en  avons 
obfervé  un  pendant  trois  minutes  au  château  de  Chan- 
tilly ,  le  1 8  Juillet  ï  777  ,  fur  les  dix  heures  du  foir , 
dont  l'éclat  étoit  fort  foible ,  mais  plus  lumineux  que 
celui  de  la  voie  laûée.  Cet  arc  célejlc  lunaire  étoit 
très-régulier ,  d'une  égale  largeur  ,  touchoit  à  l'horizon 
par  fes  deux  jambes.  Le  coiè  méridional  ou  la  partie 
convexe ,  c'eil-à-dire  le  milieu  de  l'arc ,  en  face  de  la 
lune  5  parut ,  pendant  un  infiant  ,  affez  brillant  ;  le 
jaune  dominoit  ;  ce  fut  au  moment  c|ue  le  ciel  parut 
pur  5  &  la  lune  à  la  veille  de  fon  plein ,  bien  vi- 
îîbk  ,  &  qu'une  légère  ondée  venoit  de  ceffer.  Il  étoit 
tombé  beaucoup  d'eau  pendant  la  journée ,  &  j'avois 
obfervé  à  fix  heures  &  demie  un  double  arc- en-ciel  Jo^ 
laite ^  très-brillant,  &  un  autre  pareillement  double  à 
fept  heures.  Uarc-en-cid  lunaire  ayant  difparu  ,  oC  ob- 
fervant  le  ciel  vers  la  partie  occidentale  ,  fur  les 
onze  heures  trois  quarts ,  la  lune  étant  couverte  ,  je 
vis  fe  former  derrière  le  carré  de  la  grande  Ourfe  les 
effets  les  plus  beaux  d'une  lumière  boréale  dont  les 
jets  s'élançoient ,  fe  balançoient ,  &  prirent  toute  forte 
de  forme ,  pendant  une  demi-heure.  Leur  mouvement 
étoit  très-rapide  ;  ces  jets  lumineux  &  leur  longueur 
varioient  de  mênie  que  les  écartemens  des  éle&rof^ 
copes  ;  l'on  appercevoit  alors ,  ainfi  qu'on  l'avoit  vu 
la  Ycilie  j  un  graud  noiïibre  ^holk$  tombantes^ 


48o  ARC 

Arc-en-cîel  marin.  C'eft  un  phénomène  c[iiî  s^ob- 
ferve  fur  mer  à  l'heure  de  midi ,  lorique  la  mer  efl  extrê- 
mement tourmentée ,  &  que  la  fuperficie  de  fes  vagues 
eft  agitée  par  les  vents  :  les  rayons  du  foleil  qui  tom- 
bent fur  la  furface  de  ces  eaux  agitées  ,  s'y  rompent , 
s'y  réfléchiffent,  &  y  peignent  des  couleurs ,  foibles  à  la 
vérité  :  on  n'en  diftingue  guère  plus  de  deux  ;  favoir , 
du  jaune  du  côté  du  foleil ,  &c  un  vert  pâle  du  côté 
oppofé.  Les  arcs  fur  la  furface  des  eaux  font  nom- 
breux :  on  en  voit  fouvent  vingt  ou  trente  à  la  fois  ; 
ils  s'offrent  dans  une  pofition  contraire  à  V arc-en-cUl 
f  claire ,  c'eft-à-dire  renverfés.  Ce  phénomène  de  la 
réfraclion  ,  qui  fait  le  jeu  du  prifme  ,  s'obferve  quel- 
quefois fur  les  prairies  par  la  réfraction  des  rayons 
cîu  foleil  dans  les  gouttes  de  rofée. 

Arc-en-queue.  C'efl  le  troupiaU  a  queue  annelk  de 
M.  Brïjfon^  tom.  I,  pag.  89.  Voye?^  tartïcU  Trou- 
PIALE. 

ARCHANGÉLIQUE.  C'efl  Vïmperatoria  Archange-^ 
Ika  âicla  ,  de   Tour  nef  on ,  Inft.  R.   Herb.    3  1 7. 

ARCHE  DE  NOE ,  Arca  No'e.  Efpece  de  coquillage 
bivalve  qui  fe  rapproche  le  plus  ,  félon  M.  ^ArgenvilU^ 
de  la  famille  des  Cœurs,  Sa  forme  qui  repréfente  une 
efpece  de  cœur  oblong  dont  le  fond  eil:  plat ,'  lui  a  fait 
donner  ce  nom.  Sa  partie  alongée  en  defîbus  forme 
comme  la  quille  d'un  vaiffeau ,  avec  deux  élévations 
par-deffus  du  côté  de  la  charnière  :  fa  carène  eft  large , 
&  {^s  valves  béantes  vers  le  bas.  Les  lîries  longitu- 
dinales qu'on  voit  fur  fa  robe  ,  forment  un  ouvrage 
chagriné ,  de  couleur  fauve-bnni  fur  un  fond  blanc. 
Plufieurs  font  bordées  de  drap  marin. 

ARCHIPEL.  Se  dit  d'un  endroit  de  la  mer  qui  a 
beaucoup  d'Ifles.  Il  y  en  a  un  dans  la  Méditerranée  , 
un  dans  les  Indes  Orientales ,  ôcc. 

ARCTOPITHEQUE ,  ArUopahccus  ,  Gefner.  C'efl 
XA'i  ou  grand  PareffeuK,  Voyez  VarùcU  PARESSEUX. 

ARDASSINE, 


A    R    D  481 

ARDASSINE.   Voyzi  Ablaque. 

ARDERELLE.  Voyc^^  Mésange  (  grosse  )* 

APvDERET.  Voy^i  Pison  d'Ardenne. 

ARDOISE,  Lapis  jifjllls ,  Ardifia,  V^rdo'fi  efî  une 
efpece  de  fchïjîe ,  matière  de  la  nature  de  l'argHe  eu 
de  la  glctlfô  y  fans  tranfparence ,  de  couleur  bleuT^re, 
grife  ,  ou  même  rouiie  ,  qui  fe  dlvife  en  lames 
minces  ,  plates  &:  unies  ,  employées  pour  couvrir  les 
maifons.  Cette  efpece  de  pierre  a  fervi  dans  les  temps 
pafies  de  moilon  pour  la  conflrudicn  des  murs  :  elle  efî: 
encore  employée  au  même  ufage  dans  les  pays  cii  les 
carrières  en  font  communes.  On  fait  que  la  plupart 
des  murs  d'Angers  font  bâtis  de  blocs  "^(^ardoilh  ,  ce 
qui  donne  à  cette  ville  un  trifte  afpeâ:.  Va^doifi  au 
for  tir  de  la  carrière  elt  tendre  ,  mais  elle  fe  durait  à 
l'air  :  elle  eil  difpofée  dans  la  carrière  par  bancs  ,  dans 
lefquels  il  y  a  des  fentes  qui  font  fi  près  les  unes  des 
autres  ,  que  les  lames  qu'elles  forment  ont  très-peu 
d'épaiffeur  ;  c'eil  par  ces  fentes  qu'on  les  divife  faci- 
lement ,  lorfqu'elles  font  fraîches  encore  ,  pour  les  pré- 
parer à  fervir  de  couverture  aux  bâtimens. 

C'efc  avec  de  grands  rifques  qu'on  entreprend  d'ou- 
vrir &  de  travailler  une  carrière  dCardoifc.  Si  la  carrière 


trouve  à  Aqs  profondeurs  plus  ou  moins  c^randes. 
Lcrfqu'on  a  enlevé  les  terres  6l  fait  la  première  ou- 
verture de  la  cojfe  (  première  furface  que  préfente  le 
rocher  immédiatement  au-delTous  de  la  terre  )  il  arrive 
quelquefois  que  la  pierre  ou  ardoife  eil  tendre  6c 
parfemée  de  veines,  ce  qu'on  d.'^ptV.eé^reenfinUktls; 
alors  elle  n'eft  pas  aiTez  faite  ;  elle  n'a  pas  affez  de 
confiflance  pour  être  divifée  en  lames  d'une  dureté 
requife.  Il  refte  cependant  alors  quelque  efoérance  ; 
car  Vardoife  devenant  plus  dure  &  plus  confiflante  à 
meliire  que  la  pierre  (carrière)  acquiert  plus  'de 
Tome  /,  H  h 


4S2  A     R     D 

profondeur ,  il  peut  arriver  que  Von  trouve  de  bonne 
ardoijl  après  les  fzuilktis.  D'autres  fois  Vardolfe  fe 
trouve  dès  l'ouverture  être  excefîivement  dure  & 
caffante  ,  alors  il  n'y  a  plus  d'efpérance  ;  car  on  eft 
sûr  que  plus  on  avancera  ,  plus  on  la  trouvera  dure 
&  de  mauvaife  qualité.  C'efl  à  la  difFërcnce  des  parties 
confl:ituantes  de  cette  forte  de  pierre ,  que  nous  devons 
Vardoife  de  table  ou  de  carreaux  ,  fufceptible  de  poli  ; 
Vardoife  de  toits  qui  fe  divife  en  feuilles  minces  & 
fonores  ;  Vardoife  tendre  &  friable  qui  fe  gonfle  à  l'hu- 
midité ,  fe  brife  facilement  &:  iè  réduit  en  poufilere  ;  le 
crayon  noir  ;  Vardoife  groiîlere  ou  iQfchifie.  Voyez  ce  mot^ 

On  rencontre  dans  les  montagnes  des  Pyrénées  des 
carrières  à^ardoife  dont  l'exploitation  n'eft  pas  aufîi 
dangereufe  pour  la  dépenfe  que  celle  dont  nous  venons 
de  parler ,  car  on  y  découvre  Vardoife  à  fleur  de  terre 
le  long  des  côtes. 

On  trouve  dans  prefque  toute  la  Suiffe  de  grands 
lits  à^ardoife ,  dont  C|uelques-uns  font  aifez  perpendi- 
culaires (  prefque  par  -  tout  ailleurs  ,  ils  font  in- 
clinés )  ;  ces  lits  à'ardoife  ^  comme  ceux  des  teiTes  & 
des  pierres,  n'ont  pu  être  formés  que  par  les  eaux  , 
&  dans  l'eau  même.  L'extrême  fineiié  du  grain  argi- 
leux de  cette  pierre,  les  empreintes  d'animaiLx  marins  , 
&  de  plantes  qu'on  y  trouve  communément,  démontrent 
qu'elle  efl  l'ouvrage  des  eaux.  Les  couches  minces 
ou  lamelleufes  qui  la  compofent ,  prouvent  auiTi  que 
le  limon  mis  en  mouvement  ,  foit  par  des  ccurans  y 
foit  par  le  fmx  &:  le  reflux ,  s'eil  dépofé  peu  à  peu  ^ 
ôc  en  difFérens  temps.  Cette  précipitation  des  matières 
différemment  colorées  ëi  de  différente  nature  ,  qui  fe 
trouvent  de  diilance  en  diftance  entre  les  grands  bancs 
à^ardoife  ,  démontre  encore  qu'elle  n'a  pu  fe  faire  que 
dans  une  longue  fuite  d'années ,  au  moyen  des  eaux 
qui  fe  feront  répandues  fubitement  en  certains  cantons , 
&  s'en  feront  retirées  enfuite.  Dans  ce  féjour  des  eaux, 
le  limon  gras ,  tres-iin  oc  comme  fluide ,  fe  fera  dépofé 


A     R     D  4%y 

peu  à  peu ,  &  fe  fera  arrêté  facilement  far  un  pian 
plus  ou  moins  incliné.  Si  on  remplît ,  dit  M.  de  Kéralio^ 
un  vafe ,  dont  les  côtés  foient  perpendiculaires ,  d'eau 
chargée  d'une  terre  légère ,  {qs  parties  les  plus  fines 
s'attacheront  aux  côtés  perpendiculaires  du  vafe ,  & 
y  formeront  une  couche  mince ,  mais  très  -  fenfîble  ; 
cette  couche  deviendroit  épaiffe  ,  fi  l'expérience  étoit 
répétée  un  grand  nombre  de  fois.  Les  parties  grof- 
fieres  ,  plus  pelantes ,  fe  feront  àé^oïéits  les  premières , 
uniquement  à  la  bafe  du  vafe  ;  auffi  trouve-t-on  des 
couches  d'un  fchijic  graveleux  en  couches  prefque  ho- 
rizontales, d'autres  fois  verticales.  Il  efl  donc  très- 
poiiible  qu'une  eau  limoneufe  renfermée  entre  des 
côtes  prelque  perpendiculaires ,  &  faifant  effort  dans 
tous  les  fens ,  comme  tous  les  fluides  ,  y  dépofe  de 
part  &  d'autre  un  limon  ou  une  vafe  graiTe  &  fine. 
La  première  couche  ayant  pris  un  peu  de  confifiance , 
efi:  en  état  d'en  recevoir  &  d'en  retirer  une  autre  , 
celle-ci  une  troifieme ,  6c  ainfi  de  fuite.  La  firuâ:ure 
ou  le  tifiu  feuilleté  des  bancs  ^ardoifc ,  leur  pofition  , 
ajoutez-y  les  empreintes  dont  nous  avons  fait  mention  , 
tout  s'accorde  allez  bien  avec  la  théorie  de  cette  for- 
mation. Lorfque  les  matières  fe  font  dépofées  bruf- 
quement ,  elles  ont  formé  toutes  enfemble  une  malTe 
prefque  verticale  ,  folide ,  non  feuilletée  ,  telle  qu'on 
en  trouve  en  pkifieurs  pays  ;  c'efi:  le  fchijîz  informe* 
Voyîi_  ce  mot.  A  l'égard  des  bancs  ^ardoife  qui  fe  croi- 
fent  en  fens  diiférens  ,  l'on  peut  préfumer  que  des  com- 
motions fouterraines  auront  produit  ces  irrégularités. 
Nos  plus  fameufes  carrières  ^ardoife  font  aux  en- 
virons d'Angers ,  dans  la  Province  d'Anjou  ,  où  il  s'en 
fait  un  grand  commerce.  Il  y  a  ,  à  quelques  lieues  du 
pays  de  Charleville  ,  de  Vardoife  auiîi  bonne  que  celle 
d'Anjou ,  quoiqu'elle  ne  foit  pas  d'une  couleiu:  auffi 
bleue  ou  auifi  noire,  il  y  en  a  en  Auvergne  ,  en 
Bretagne  &  en  Angleterre  de  la  bleue  èc  de  la  grife. 
Celle-ci  eil  connue  fous  le  nom  de  pkrre  de  Horsham^ 

Hh     s 


484  A    R    D 

On  choifit  la  plus  dure  pour  faire  des  tables  &  les 
caiTeaux  ou  compartimens  de  pavé  dans  les  veilibules , 
faiies  à  manger  ,  falons,  &c.  On  préfère  celle  qui 
eu  d'une  teinte  noire  ;  on  l'appelle  pierre  de  Caïn  ^ 
quoiqu'elle  fe  trouve  en  Anjou  &  ailleurs.  On  prc- 
fiime  que  leur  couleur ,  ou  bleue  ou  rouge ,  eil  com- 
munément due  à  des  m.atieres  pyriteufes ,  rarement  de 
cuivre  ,  mais  de  fer ,  dans  l'état  d'ocre  ;  (  M.  Sage 
prétend  que  le  fer  qui  s'y  trouve ,  eft  coloré  par  l'al- 
cali volatil.  )  Il  n'eil  pas  rare  de  trouver  parmi  les 
ardoifes  des  environs  d'Angers,  des  lames  de  cette 
pierre  entiérem.ent  chargées  ou  de  pyrites  ou  de  mar- 
cafTites  :  de  même  on  en  voit  qui  font  furfemées  d'une 
félénite  étoilée  ,  &:  d'autres  colorées  de  jaune  ocracé 
&  de  bandes  azurées,  d'autres  bronzées  par  des  va- 
peurs pyriteufes  ;  d'autres  enfin  font  plus  ou  moins 
marneufes ,  font  une  légère  effervefcence  avec  les 
acides  :  on  les  trouve  dans  une  bande  de  pierre  ou 
terre  calcaire  ,  dont  une  portion  s'efl  combinée  avec 
celle  de  Vardoïfe, 

Quand  on  eft  parvenu  à  une  certaine  profondeur  ,' 
l'eau  abonde  de  tous  côtés  &  defcend  du  rocher  par 
des  veines  :  on  a  foin,  dès  l'exploitation  des  premiers 
bancs  ,  de  pratiquer  une  fon.cée  (  rigole  )  en  pente  , 
qui  réunit  tous  les  filets  de  ce  fluide  ,  &  le 
détermine  à  couler  dans  une  cuve  profonde  qui  eft 
au  pied  de  la  carrière  ,  d'où  on  la  remonte  à  l'aide 
des  m.achines  que  fait  mouvoir  un  cheval. 

Les  Tranf actions  philofophiques  préfentent  quelques 
moyens  fimples  de  diflinguer  la  bonté  &  la  folidité 
de  plufieurs  efpeces  à'ardoifis  :  la  meilleure  a  un  fon 
clair  ,  6:  a  un  œil  d'un  bleu  léger  ;  celle  dont  le  bleu 
tire  beaucoup  fur  le  noir ,  s'imbibe  volontiers  d'eau  : 
une  bonne  ardoife  paroit  dure  6i  raboteufe  au  toucher  ; 
une  m.auvaife ,  au  contraire ,  eil  auffi  douce  que  fi  on 
l'eût  frottée  d'huile. 

M.  Samuïl  CoUprcJf  donne  un  moyen  sûr  de  s^af- 


ARE  A   R  G  48f 

furer  fi  Vardolfc  eft  folide ,  bonne  ,  durable ,  en  un 
mot ,  de  nature  à  ne  fe  point  imbiber  d'eau.  Frappée 
contre  un  corps  dur ,  étant  fufpendue  ,  elle  doit  être 
fonore.  Placez  un  morceau  de  cette  pierre  perpendi- 
culairement dans  un  vafe  oii  il  y  ait  un  peu  d'eau  ; 
faites-le  tenir  dans  cette  pofition  une  demi -journée. 
Si  Vardoifz  ell  d'une  contexture  ferme ,  elle  n'attirera 
point  l'eau  au-delà  de  fix  lignes  au-deffus  de  fon  ni- 
veau ;  &  peut-être  n'y  aura-t-il  que  les  bords  qui , 
étant  un  peu  déumis  par  la  taille ,  fe  trouveront  hu- 
medés  :  au  contraire  ,  fi  Vardoife  eil  de  mauvaife  qua- 
lité ,  elle  s'imbibera  d'eau ,  comme  une  éponge  ,  jufqu'à 
fa  furface  fupérieure  :  & ,  dans  cet  état ,  étant  bien 
efTuyée ,  elle  pefera  davantage  qu'avant  fon  immerfion. 
Celle  qui  efl  marneufe  efl  encore  une  ardoife  de  mau- 
vaife qualité  ,  elle  eil  tendre  &  friable. 

AREQUIER,  efpece  de  palmier  :  onavoit  prétendu 
que  l'on  retiroit  de  fon  fruit  nommé  arec^  le  cachou, 
Voyci  cette  erreur  à  L"" article  Cachou.  ; 

ARÊTE  5  Spinci,  Nom  donné  à  toutes  les  parties 
dures  &  piquantes  qui  fe  trouvent  dans  les  poiffons  : 
on  en  diftingue  de  plufieurs  fortes  pour  la  forme  &  la 
confiftance.  Les  piquans  qui  fe  trouvent  dans  les  na- 
geoires de  certains  poiifons  ,  même  dans  la  queue  êi 
fur  d'autres  parties  de  leur  corps  ,  font  auiîi  des  arctzs 
ou  épines  odeufes.  Il  y  a  dans  la  chair  de  plufieurs 
poiffons  ,  des  filets  folides ,  pointus ,  plus  oii  moins 
longs  ,  &  de  différente  groffeur ,  dont  les  uns  font 
fmiples  &  les  autres  fourchus  ;  l'on  ne  peut  regarder 
ces  parties  que  comme  des  efpeces  ^arêtes.  Voyez  cl 
Vartick  PoiSSON. 

ARGALI ,  efpece  de  mouton  fauvage  qui  fe  ren- 
contre dans  les  montagnes  de  la  Sibérie^  &  chez  les 
Tartares  Mongous  :  on  le  regarde  comme  la  fouche 
originaire  &  primitive  de  nos  moutons  :  on  lui  donne 
aufii  le  nom  de  mouflon.  Voyez  u  mot: 

ARGAULE,  Voy^i^  Hirondelle  de  rivage. 

Hh    3 


4S6  A    R     G 

APvGEMONE.  P^oyei  Pavot  ÉPiNEtJx. 

ARGENT  ,  Ar^mtum.  C'eft  un  métal  blanc ,  parfait, 
qiii ,  après  l'or ,  eil  le  plus  beau  ,  le  plus  dudile  ,  le 
plus  fixe  au  feu ,  &  le  plus  précieux  des  métaux. 

On  trouve  quelquefois  de  Var^znt  pur  formé  natu- 
rellement dans  les  mines  ;  mais  ce  métal ,  ainfi  que 
les  autres ,  eft ,  pour  Tordinaire ,  m.êlé  avec  des  ma- 
tières étrangères.  On  le  trouve  fous  diverfes  formes  , 
^  fous  diverfes  couleurs  très^variées.  On  voit  avec 
plaifir  dans  les  Cabinets  des  Naturaliiles  &  des  riches 
Amateurs ,  ce  beau  jeu  de  la  Nature  dans  les  mines 
d'or  5  d'argent  &  d'autres  métaux.  On  y  remarque  , 
entre  plufieurs  autres  efpeces  de  mines  très-curieufes  , 
que  V argent  erz  cheveux  ,  (  Argcntum  capillarc  ,  )  elt  par 
filamens  fi  déliés  &  fi  fins ,  qu'en  ne  peut  mieux  les 
comparer  qu'à  un  tapé  de  cheveux  ,  à  des  fils  de  foie , 
ou  à  un  flocon  de  laine  qui  feroit  tacheté  de  points 
brillans  :  cette  forte  d'argent  s'eil  rencontrée  à  Ma- 
rienberg  &  en  Hongrie  :  V argent  en  filets  efl  en  effet 
compolé  de  fi.ls  fi  bien  formés ,  qu'on  croiroit  qu'ils 
auroient  été  pafTés  à  la  filière  ;  on  en  trouve  beaucoup 
en  Saxe.  Uargent  en  végétation  reffemble  en  quelque 
forte  à  un  arbriffeau ,  car  on  y  diflingue  une  tige ,  des 
branches  rameufes ,  &c.  telle  efl  la  mine  de  Kunsberg 
en  Nor^^ege.  U argent  en  feuilles  refiemble  beaucoup  à 
des  feuilles  de  fougère  ;  en  y  voit  une  côte  qui  jette 
de  part  &  d'autre  à^s  branches.  Uargent  en  lames  efî 
étendu  en  petites  plaques  fimples ,  unies ,  &  fans  au- 
cune forme  de  feuillage  ,  quelquefois  fous  forme  d'é- 
cailles  ou  de  feuillets  appliqués  ,  ou  incruflés  fépare- 
ment  dans  de  la  gangue  :  on  en  rencontre  dans  les 
mines  de  Freyberg.  Il  y  a  V argent  m  grains  difTémincs 
dans  de  la  gangue.  Toutes  ces  variétés  d'argent  por-- 
tent  le  nom  d'argent  vierge  ou  natif  :  il  y  en  a  aufli 
en  bloc  ou  en  miafie  &  folide.  Cette  efpece  ou  Icrte 
d'argent  vierge  fe  trouve  notam.ment  dans  une  mon- 
tagne du  Pérou  nommée  Juanta-Caya  ,  dépendante  du 


A    R    G  489 

Gouvernement  à^Arka,  Les  Naturels  du  pays  donnent 
le  nom  de  papas  à  ces  morceaux  d'argent ,  qui  fe 
rencontrent  à  dix  ou  douze  toifes  dans  une  matière 
arénacée.  Il  y  en  a  de  cent  marcs  ;  &;  en  1 740 ,  on 
en  découvrit  un  qui  pefoit  fix  mille  cinq  cents  marcs. 
Quelques  -  uns  font  mention  d'un  argent  arfmical  de 
Quadanal-canaL 

Nous  difons  que  les  mines  à^argent  les  plus  ordi- 
naires font  celles  oii  ce  mxétal  efl  renfermé  dans  la 
pierre  :  les  particules  métalliques  font  difpofées  dans 
le  bloc  ,  &  la  richeife  de  la  mine  dépend  de  la  quantité 
relative  &  de  la  groffeur  de  ces  particules  ou  volume 
du  bloc  :  dans  ces  fortes  de  mines ,  V argent  efl  de 
couleur  naturelle  ou  d'un  blanc  jaune  ;  mais  comme 
ce  métal  fe  montre  fous  d'autres  couleurs  fous  un 
grand  nombre  d'autres  formes  dans  le  fein  de  la  terre , 
citons  -  en  les  principales. 

Les  mines  les  plus  riches ,  après  la  mine  naturelle , 
font  les  mines  d^argent  cornée  :  elles  cèdent  fous  le 
marteau  comme  le  plomb;  elles  fe  coupent  comme  la 
corne  ;  elles  font ,  félon  quelques  -  uns ,  minéralifées 
par  le  foufre  &  l'arfenic  :  mais  il  paroît  que  cette 
forte  de  mine  eft  une  combinaifon  de  l'argent  avec 
l'acide  marin.  Ces  mines  font  rares  ,  &  d'autant  plus 
riches ,  qu'elles  font  plus  brunâtres  :  elles  donnent 
ordinairement  de  50  à  60  livres  d'argent  au  quintal. 
Il  s'en  trouve  fur  lefquelles  il  n'y  a  que  dix  livres  de 
déchet  fur  chaque  quintal  de  mine  :  elles  font  très- 
fufibles.  Après  celles-ci ,  pour  la  richeffe ,  viennent  les 
mines  émargent  rouge  ou  rojidaire  ,  qui  font  très-pefan- 
tes  5  tantôt  en  grappes  &:  d'un  rouge  de  cinabre  ,  tantôt 
écailleufes  &  tachetées  de  noir ,  tantôt  d'un  beau  rouge , 
tranfparentes  &  criflalllfées  en  prifmes  hexagones  ;  de 
forte  qu'à  la  première  vue  on  les  prendroit  plutôt 
pour  des  mines  de  rubis  ou  de  grenat,  que  pour  des 
mines  d'argent  ;  celle  -  ci  ell:  compofée  d'argent ,  de 
foufre    ôc  d'arfenic  ,  6c  peut-être   d'un  p2u   de   fer. 

H  h     4 


488  A     R     G 

L'argent  rciige  fe  trouve  comni,urxément  à  Sainte-Mane- 
aii»mines ,  &  en  Saxe.  Sa  matrice  dï  ou  un  quartz  ou 
un  Ipath  tufible ,  &:c.  Celle  qui  cfî  en  maffe  informe  y 
d'ini  rci!ge  tres-icmbre  ,  cil  la  plus  riche  ;  elle  four- 
nit de  60  à  70  livres  d'argent  au  quintal.  Enfuite 
vient  la  rrùne  6^ argent  vurcufe  ,  la  mine  à^argcra  blanche ^ 
celle  (x^argjnt  grije ,  celle  a^ argent  noire. 

Celle  qui  tli  véritablement  vurevfe  ,  efl  minéralifée 
avec  un  peu  de  i cuire  Icul  ;  elle  a  à-pcu-près  la  cou- 
leur a'un  plomb  ncirâire ,  eu  luliante  extérieurement  : 
tilc  :ll:  tcrt  tendre,  plus  eu  moins  flexible,  fe  laifle 
ïack r  tv  couper  avec  un  couteau  ,  s'aplatit  fous  le 
mc^rteau;  elle  cft  facile  à  fendre  ,  pelante  &  tres- 
riche  (  ^  ).  La  mine  Chargent  blanche  eft  luifante  ,  com- 
pciée  a'argcnt ,  de  cuivre ,  de  foufre ,  d'arfenic  ,  & 
fouvent  d'une  portion  de  plomb  :  fa  couleur  efl  partie 
grife  &  partie  blanche.  (  M.  Monnu  prétend  que  la  vraie 
mine  à^ argent  blanche^  tÛ  une  combinalion  del'arfenic, 
du  fer  &  cie  l'argent  :  l'eau-torte  la  diflcut  entièrement. 
Liclépcndammcnt  de  cette  mine  ^argent  blanche  arfeni- 
çale  \  il  y  a  aulTi  une  mine  à^argmt  blanche  fulfureufe , 
fom.bre  ,  d'un  v&\\  moins  ferré  ;  el^e  fe  fond  facile- 
ment ,  &  eil  abondante  en  métal  fin).  Plus  cette  mine 
contient  de  cuivre ,  plus  elle  cfl  d'une  couleur  foncée 
&  dure  ;  alors  on  la  nomm.e  mine  à^argmt  gr'ifz.  On 
en  trouve  abondamment  à  Giromany  &  à  Sainte-Marie- 

(rt)  M.  Monnet  a  fcit  6qs  Cbfervaîions  fur  pliifuiirs  fortes  de  mines 
â''a--ycr.t  vurtifts  trouvées  à  yilUmont  en  Dauphiné  ;  l'une  offre  fouvent 
rcs'flcurs  de  cobalt  :  elle  contieiit  aulfi  do  l'arfenic  qui  la  rend  dure 
&  roiçle  :  on  y  diHingiie  aufli  des  parties  d'argent  vierge  :  l'analyfe  a 
<1'nnontié  aufTi  du  fer  &  du  foufre.  Sa  g-ngue  eft  de  nature  argileufe, 
comme  font  prefque  toutes  les  gangues  terreufes  des  to/t^j.  On  a  trouvé 
^ufli  à  Salfed  une  mi-e  d'argent  vipei.fe  ,  noirâtre  &  çoha'tifce.  Une  autre 
mne  d'urgent  vitreufe  ,  reflen-ibiart  à  la  mi.ie  a'argert  g-ife  ,  s'eft  trouvée 
minôrslifée  psr  \t  foufre  bi  VcrferJc.  Une  expérience  fur  la  mifie  d'argent 
T'fe.-fc  ord'caire  ^  lui  a  démontré  l'exifience  d'un  peu  de  fer,  &  appris  que 
cetre  lorte  de  mine  e>;pofée  au  feu  grrdué  ,  fe  convertit  en  argent  d'un 
bLnc  mat  ou  gris  ,  en  filets  ,  ou  comme  un  tiffu  de  cht  veux  ,  &  n'y 
prend  noint  k  form.e  de  végétation  à! argent  vierge  ,  corime  l'a  dit 
IFalierius, 


A    R    G  4S9 

aux-mînes.  Il  y  a  encore  la  mine  ^argent  amimoniéc 
ou  en  plumes  ;  elle  eft  légère,  faiée,  noire  comme  de 
la  fliie,  &  colore  les  doigts.  Cet  argent  eft  minéralile 
par  l'arfenic ,  le  foiifre  &:  l'antimoine.  Quand  il  ne 
s'y  trouve  pas  d'antimoine ,  mais  en  échange  le  fer  & 
le  cobalt ,  la  mine  eil  brune,  &  s'appelle  mmz  de  foie. 
On  prétend  que  la  înine  d^ argent  de  couleur  de  nurde  dioie^ 
ell  un  mélange  de  la  mine  ^argent  rouge  &  gr]fe ,  &:  de 
Vargent  natifs  dans  une  roche  verdatre  ou  dans  une 
efpece  d'ocre.  Cette  efpece  de  mine  eli  fort  rare.  On 
trouve  communém.ent  l'argent  allié  au  fer ,  au  cobalt , 
à  la  blende.  La  mine  d'argent  noire  efî:  ou  en  mafîes 
folides ,  ou  en  colonnes  rameufes ,  ou  fpongieufe ,  & 
comme  poreufe.  La  mine  d^argmt  glacée  eft  une  mine 
vitreufe;  il  y  en  a  de  différentes  couleurs. 

Il  y  a  des  miines  A^argmt  dans  les  quatre  Parties  du 
Monde ,  mais  il  y  a  des  contrées ,  telles  que  l'Amé- 
rique ,  plus  riches  que  les  autres.  L'Europe  n'en  manque 
pas.  La  mine  de  Quadanal-canal  en  Efpagne  eil  connue 
depuis  long- temps.  La  mine  de  Freyberg  en  Saxe ,  ëc 
le  pays  d'Hanovre ,  cii  il  y  a  beaucoup  de  mines  d'<zr- 
gem ,  enrichiffent  les  Maifons  de  Erunfwick  ôc  de 
Saxe  :  en  1478  ,  on  trouva  au  Hartz  un  morceau  d'ar- 
gent il  confidérable  ,  qu'étant  battu  ,  on  en  iit  une 
table  oii  pouvoient  s'aileoir  vingt-quatre  perfonnes  : 
on  tira  de  ce  morceau  400  quintaux  d'argent.  Du  temps 
à^Olaiis  WormÀus  ,  on  tira  des  mines  de  Norvège  une 
malTe  d'argent  qui  pefoit  130  marcs.  On  lit  dans 
les  Affiches-  de  lySj  ,  qu'on  a  découvert  dans  les 
montagnes  de  Styrie ,  une  mine  à^ argent  plus  riche  , 
dit-on,  qu'aucunes  de  toutes  celles  qui  ont  été  ex- 
ploitées jufqu'à  nos  jours  dans  les  trois  Parties  de 
l'Ancien  Monde. 

La  France  elle-même  n'en  eil  pas  tout-à-fait  privée. 
On  voit  réunis  dans  l'ancienne  Encyclopédie  ^  fous  un 
feul  point  de  vue  ,  tous  les  pays  de  la  France  où  l'on 
en  trouvç.  A  Sainte-Marie-aux-mines  ,  il  y  a  plufieurs 


490  A    R     G 

mines  de  cuivre  3l  de  plomb  tenant  argent.  Depuis 
"Valence  jufqu'à  Lyon  ,  on  voit ,  le  long  du  rivage 
du  Rhône ,  bon  nombre  de  payfans  occupés  à  recueillir 
des  paillettes  d'or  &  d'argent  :  ils  gagnent  à  cette 
récolte  trente  à  quarante  fous  par  jour.  On  trouve 
encore  de  l'argent  6c  de  l'or  dans  d'autres  rivières. 
Fbjci  Cl  r  article  Or. 

On  ne  peut  fonger ,  fans  frémir ,  à  quels  dangers 
êc  à  quels  travaux  fe  font  expofés  les  hommes  ,  pour 
airacher  les  métaux  des  entrailles  de  la  terre. 

On  lit  dans  l'ancienne  Encyclopédie ,  que  la  mine 
X!i  argent  de  Salfeberyt  en  Suéde  ,  préfente  au  Natu- 
raliile  curieux  un  des  plus  beaux  fpectacles.  On  def- 
cend  dans  cette  mine  par  trois  larges  bouches  ,  fem- 
blables  à  des  puits  dont  on  ne  voit  point  le  fond. 
La  m.oitié  d'un  tonneau  ,  foutenu  d'un  câble  ,  fert 
d'efcalier  pour  defcendre  dans  ces  abymes  ,  au  moyen 
d'une  miachine  que  l'eau  fait  mouvoir.  La  grandeur 
du  péril  fe  conçoit  aifément  :  on  n'efl  qu'à  m.oitié 
dans  un  tonneau  ,  oii  l'on  ne  porte  que  fur  une  jambe. 
On  a  pour  compagnon  un  fatellite  noir  comme  nos 
Forgerons  ,  qui  entonne  trifiement  une  chanfon  lu- 
gubre ,  &  qui  tient  un  flambeau  à  la  main.  Quand 
on  efl  au  milieu  de  la  defcente ,  on  commence  à  fen- 
tir  un  affez  grand  froid  :  on  entend  les  torrens  qui 
tombent  de  toutes  parts  ;  enfin  ,  après  une  demi-heure , 
on  arrive  au  fond  d'un  goufre.  Alors  la  crainte  fe 
difTipe  :  on  n'apperçoit  plus  rien  d'affreux  ;  au  con- 
traire ,  tout  brille  dans  ces  régions  fouterraines  :  on 
entre  dans  une  efpece  de  grand  falon  ,  foutenu  par 
des  colonnes  de  mxine  à^ argent  ;  quatre  galeries  fpa- 
cieufes  y  viennent  aboutir.  Les  feux  qui  fervent  à 
éclairer  les  travailleurs  ,  fe  répètent  fur  l'argent  des 
voûtes  &  fur  un  niiffeau  qui  coule 'au  milieu  de  la 
mine.  On  voit  là  des  gens  de  toutes  les  nations  :  les 
uns  tirent  des  chariots  ;  les  autres  roulent  des  pierres  : 
tout  le  monde  a  fon  emploi  ;  c'eft  une  ville  fouter- 


A    R    G  49t 

rame.  Il  y  a  des  cabarets ,  des  maîfons ,  des  écuries 
ôc  des  chevaux  ;  mais  ce  qu'il  y  a  de  plus  iingulier , 
c'efl ,  dit-on ,  un  moulin  mis  en  mouvement  par  un 
courant  d'air  :  le  moulin  va  continuellement  dans  cette 
caverne ,  &c  fert  à  élever  les  eaux  qui  incommode- 
loient  les  Mineurs. 

Les  mines  à"* argent  les  plus  abondantes  font  en 
Amérique  ,  m.ais  fur-tout  dans  les  endroits  froids  de 
ce  Continent ,  tels  que  le  Potofi ,  une  des  Provinces 
du  Pérou.  La  température  du  Potofi  eil  fi  froide  , 
qu'autrefois  les  femmes  Efpagnoles  ne  pouvoient  y 
accoucher  :  elles  étoient  obligées  d'aller  à  vingt  ou 
trente  lieues  au-delà ,  pour  avoir  un  climat  plus  doux. 
Mais  aujourd'hui  elles  accouchent  au  Potoli  auili  aifé- 
ment  que  les  Indiennes  naturelles  du  pays  ;  tant  l'ef- 
pece  humaine  a  de  facilité  à  s'habituer  à  toutes  fortes 
de  climats. 

Les  filons  de  la  mine  du  Potofi  étoient  d'abord  à 
une  très -petite  profondeur  de  la  montagne  ;  mais  à 
préfent  il  faut  les  chercher  &  les  fuivre  dans  des  ca- 
vités afFreufes  ,  où  l'on  pénètre  à  peine  après  plus 
de  quatre  cents  marches  de  defcente.  Ces  filons  , 
quoique  toujours  très-riches  ,  deviennent  de  jour  en 
jour  plus  difficiles  à  exploiter  ,  &c  le  travail  devient 
plus  îlinefie  aux  ouvriers ,  à  caufe  des  exhalaifons  qui 
lortent  de  la  mine.  On  rencontre  fouvent  des  veines 
métalliques  qui  rendent  des  vapeurs  fi  pernicieufes  , 
qu'elles  tuent  fur  le  champ  ;  on  eil  obhgé  de  les  re- 
fermer auffi-tôt  ,  &  de  les  abandonner.  Foye^  l'articU 
Exhalaisons  minérales. 

Autrefois  on  obligeoit  les  Paroiffes  des  environs  du 
potofi  ,  de  fournir  tous  les  ans  \m  certain  nombre 
d'Indiens  pour  le  travail  des  mines  :  on  les  voyoit 
partir  à  regret  avec  leurs  femmes  &  leurs  enfans.  A 
peine  étoient-ils  arrivés  ,  qu'ils  defcendoient  tout  vi- 
vans  &  toujours  nus  dans  les  horreurs  d'un  tombeau 
ïRétalHque  ^  où  ils  ne  voy oient  point  le  jour.  Au  bout 


49^  A    R    G 

cFime  année  de  travaux  ,  Oîi  permettoit  à  ces  infortu- 
nées victimes  de  revenir  à  la  furface  de  la  terre  &  de 
retourner  à  leur  habitation ,  parce  que  prefque  tous 
les  ouvriers  qui  ont  travaillé  pendant  un  certain  temps 
de  leur  vie  aux  mines ,  {qpA  perclus  de  leurs  membres. 
L'humanité  frémiroit  d'apprendre  à  combien  d'Indiens 
ce  travail  a  déjà  coûté  &  coûte  tous  les  jours  la  vie. 
Sans  Vherbe  du  Paraguay ,  (  thl  du  Paraguay  )  que  les 
Mineurs  prennent  en  infufion ,  &  mâchent  comme  du 
tabac  ,  on  feroit  obligé  d'abandonner  la  mine  du 
Potofi  5  qui  eft  cependant  une  des  moins  dangereufes. 
Aujourd'hui  les  Indiens  ne  travaillent  aux  mines  que 
de  leur  propre  mouvement  &  en  fe  faifant  payer. 

Quoique  les  mines  du  Potofi  &  de  Lipes  confervent 
toujours  leur  réputation  de  richefle  ,  on  a  cependant 
découvert  en  171 2  celles  d'Oruvo  ,  à  huit  lieues 
d'Arica ,  &:  celles  d'Ollacha  &  de  Rio  près  de  Cufco  , 
qui  paiïent  pour  plus  riches.  Les  mines  du  Potoli 
fournirent  depuis  l'année  de  leur  découverte  en  1545 , 
juiqu'en  1638  ,  trois  cent  quatre-vingt-quinze  mil- 
lions fix  cent  dix-neuf  mille  piallres.  Le  R.oi  d'Efpagne 
retire  le  quint  du  produit  de  ces  mines. 

Le  mhierai  le  plus  riche  &  le  plus  facile  à  exploiter 
qu'on  trouve  dans  les  mines  à^argent  du  Pérou  ,  efl 
celui  qui  efî:  blanc  ou  gris  ,  &l  mêlé  de  taches  rouges 
ou  blanchâtres.  Les  hlons  font  toujours  plus  riches 
dans  leur  miUeu  que  iiir  leurs  bords  ;  mais  l'endroit 
le  plus  abondant  efr  celui  oii  deux  filons  fe  croifent 
&  fe  traverfent. 

On  retire  V argent  du  minerai  par  plufieurs  procédés , 
foit  en  l'amalgamant  avec  le  mercure  ,  foit  en  fuivant 
d'autres  méthodes  ,  ainfi  qu'on  le  pratique  pour  les 
autres  mines  ,  fuivant  leur  nature.  C'eft  dans  le  Dic- 
tionnaire de  Chimie  que  l'on  peut  voir  la  defcription 
de  ces  travaux  ,  préfentée  avec  clarté  &  précifion. 
Confultez  auffi  ce  qui  en  eil  dit  dans  notre  Minéralogie , 
deuxième  édition. 


A    R    G  493 

Lorfqii'on  veut  défigner  Vargera  le  plus  fin  &:  le  plus 
dégagé  de  toute  matière  étrangère,  on  dit  qu'il  eu  au  titre 
de  douze  deniers  ;  le  denier  eu  de  vingt-quatre  grains. 
U argent  eft-il  mêlé  d'alliage  ,  on  déduit  le  poids  du 
mélange  du  poids  principal  :  V argent  ,  par  exemple  , 
c[ui  a  une  douzième  partie  d'alliage ,  efl  à  onze  deniers 
de  fin  ;  c'eit  le  titre  ou  loi  de  nos  écus.  On  allie  le 
cuivre  &  V argent  peur  lui  donner  de  la  confiilance  ^ 
fans  quoi  il  feroit  trop  m.ou. 

\Jcrgent  dilTous  par  Facide  nitreux  donne  des  crif« 
taux  ,  qui  étant  fondus  &  eniliite  jetés  dans  ua 
moule  ,  forment  la  pkrrc  infernale  dont  on  fait  ufage 
pour  corroder  les  chairs.  La  même  diilolution  (  une 
once  ^argent  dans  une  fuiEfante  quantité  d'efprit  de 
nitre  )  ,  étendue  dans  vingt  onces  d'eau  diilillée  ,  mife 
dans  un  bocal  ,  préfente  un  phénomène  curieux  ;  fi  on 
y  ajoute  deux  onces  de  mercure  ,  &  qu'on  laiiîe  le 
tout  en  repos  pendant  quarante  jours  5  il  fe  formera  à  ' 
la  furface  du  mercure  une  efpece  de  végétation  mé- 
tallique ,  une  manière  d'arbre  ^argent ,  avec  des  bran- 
■  ches  qui  imitent  beaucoup  des  ramifications  naturelles. 
Ce  phénomène  amufant ,  découvert  par  un  Alchimiile , 
e£x.  fondé  fur  les  lois  de  la  Nature  ou  de  l'afiiniLé  àes 
.  corps.  L'acide  nitreux  a  plus  de  tendance  à  s'unir  avec 
le  m.ercure  ,  il  abandonne  V argent  :  ce  métal  fe  dépofe 
à  la  furface  du  mercure  à  m.efure  que  l'acide  fait  di- 
vorce avec  lui  :  Pattraclion'  qui  tend  à  unir  les  parties 
intégrantes  &  homogènes  du  mêmxe  corps  ,  ell:  caiife 
que  toutes  les  particules  ^argent  fe  dépofent  les  unes 
fur  les  autres  ,  au  heu  de  ie  précipiter  dans  d'autres 
endroits  du  vafe.  Voilà  l'arbre  de  Diane  ou  Parbre 
philofophique. 

Quoique  V argent  foit  très-dudile  ,  il  l'efr  encore 
moins  que  l'or.  Il  a  auffi  beaucoup  moins  de  pefanteur 
fpécinque  ;  le  pouce  cube  ^argent  pefe  fix  onces  cinq 
gros  &  vingt-fix  grains.  On  réduit  V argent  en  le  fai- 
fant  palTer  par  ks  trous  d'une  filière  ,  à  n'avoir  que 


494  A    R    G 

î'épaiffeur  d'un  cheveu  ;  on  le  nomme  argent  traita 
Cet  argent  trait  aplati  entre  deux  rouleaux ,  fe  nomme 
argtnt  m  lames  :  on  l'applique  fur  la  Ibie  par  le  moyen 
du  moulin  ;  on  l'appelle  alors  argmtfilé.  On  l'emploie 
aulTi  tout  plat  dans  les  ornemens  brodés  &  brochés  , 
galons ,  &c  ;  c'efl-là  où  il  jouit  de  tout  fon  éclat.  Tout 
le  détail  de  ce  travail  eft  du  reiibrt  du  Diciionnain 
des  Arts  &  Métiers. 

Des  gens  trompeurs  tâchent  quelquefois  de  donner 
la  couleur  d'or  à  Y  argent  ,  foit  trait  ,  foit  en  lames  , 
foit  filé  ,  foit  battu ,  en  i'expofant  à  la  fumée.  Cette 
fraude  eft  défendue  fous  peine  de  confifcation  entière 
&  de  2000  liv.  d'amende.  Uargent  pur  n'eil  point 
attaqué  par  le  diffolvant  de  l'or  :  il  efl:  inaltérable  à 
l'air  ,  à  l'eau  &  au  feu  ;  une  maffe  à^ argent  expofée 
pendant  deux  mois  au  feu  le  plus  violent  ,  ne  dimi- 
mie  que  d'environ  un  douzième  ;  cependant  la  vapeur 
ou  la  fumée  du  fourre  le  minéralife  ,  celle  des  ma- 
tières fécales  ,  le  contad  du  blanc  d'œuf  ,  &c.  le 
font  noircir. 

Uargent  réduit  en  feuilles  très-minces ,  eft  employé 
par  les  Argenteurs  6c  Doreurs.  Leur  art  confifle  à 
appliquer  ces  feuilles  ,  foit  fur  des  métaux  ou  fur 
d'autres  matières  ,  telles  que  bois  ,  écailles  &c  pierres. 
Dans  le  premier  cas  on  fait  ufage  du  feu  pour  échaulfer 
les  pièces  ,  6c  d'eau-forte  pour  les  corroder  un  peu  , 
aiîn  que  les  lames  d'argent  puiilent  s'appliquer  exac- 
tement. Loifqu'on  argenté  quelqu'autre  matière  ,  on 
fe  fert  feulemicnt  de  fubllances  glutineufes  propres  à 
coller  les  feuilles  &  argent. 

Les  rognures  de  Varf^ent  en  feuilles  ou  battu,  font 
em.ployées  par  les  Peintres  &c  Argenteurs  ;  ils  s'en  fer- 
vent pour  peindre  :  on  l'appelle  arg:nt  en  ccquïlU. 

Argent  de  chat.  Voye^  au  mot  Mica. 

ARGENTÉ  ,  Chœtodori  argenteus  ^  Linn.  Poiffon  de  la 
mer  des  Indes  ;  fon  corps  eit  comprimé  ,  plus  large 
(çiie  long  j  6c  couvert  de  petites  écailles   liiTes  ;  les 


A    R    G  49f 

yeux  d'un  rouge  de  fang  ;  les  bords  des  mâchoires 
garnis  de  petites  dents  flexibles  ;  les  opercules  des 
ouïes  liffes  &  comme  argentés  ;  fix  rayons  à  la  mem- 
brane des  ouïes  ;  trente-deux  à  la  nageoire  dorfale , 
qui  eu  écailkuie  &  fourchue  ;  les  trois  premiers  de 
ces  rayons  font  courts  &  épineux  ;  il  y  a  feize  rayons 
aux  nageoires  pedorales  ,  ils  font  flexibles  ;  point  de 
nageoires  abdominales;  celle  de  l'anus  reflemble  à  la 
dorfale  ;  celle  de  la  queue  eu  fourchue  aufîi  6c  garnie 
de  dix-fept  rayons. 

Argenté  ,  Polymmiis  Afiatlcus^  Linn.  On  donne 
aufli  le  nom  d^argznti  à  ce  poifîbn  qui  fe  trouve  pa- 
reillement dans  la  mer  des  Indes.  Linnœus  l'avoit 
rangé  dans  le  genre  des  Trlgles  ;  mais  M.  Daiibmton 
le  rapporte  à  celui  du  Polymene ,  par  la  forme  des 
digitations  de  fes  nageoires  pe£i:orales  ,  qui  ne  font 
point  articulées  comme  celles  des  trlgles,  La  tête  de 
cet  argenté  efl:  de  couleur  argentée ,  cylindrique ,  lifle  ; 
le  mufeau  faillant  ;  l'intérieur  de  la  gueule  hérifle 
d'afpériîés  ;  le  bord  des  opercules  des  ouïes  dentelé  ; 
les  nageoires  pedorales  font  courbées  &:  ont  dix-huit 
rayoaâ  ;  les  efi^eces  de  doigts  qui  les  accompagnent 
font  au  ncml^re  de  quatre  de  part  ôc  d'autre  ;  il  y  a 
fept  rayons  ,  dont  un  épineux  ,  à  la  nageoire  du  dos  ; 
fix  ,  tous  flxexibies  ,  aux  nageoires  abdominales  ;  celle 
de  l'anus  en  a  dix-fept  ;  celle  de  la  queue  dix-huit. 

ARGENTINE  ,  PotentlllafeuArgentlna  ,  J.  B.  3,  398. 
Pcntaphylloides  argenteum  alatum  ^feu  Potentilla ,  Tourn. 
Infi:.  298  :  Argentina  vulgaris  ,  potentilla  anfmna  ,  Linn. 
710.  Plante  à  racine  vivace  ;  elle  s'élève  peu  de  terre.  Sa 
racine  efl:  noirâtre  ;  fes  tiges  menues  ,  traçantes  ;  fes 
feuilles  font  oblongues  ,  ovales  ,  oppofées  fur  la  tige , 
dentées  &:  entre-mêlées  de  feuilles  plus  petites  :  elles 
font  vertes  en  defliis  ,  &  garnies  par-defîbus  de  petits 
poils  blancs  ,  foyeux  ,  argentins.  Elles  ont  un  goût 
herbacé  ,  un  peu  falé  &:  fliptique  ,  &  rougiflent  le 
papier  bleu,  La  fleur  efl  jaune  6c  en  rofe ,  fembkble 


49^  .         A     R     G 

à  celle  des  quintes-feuilles,  dit  M.  Ddeure^  &  portée 
par  une  hampe  ou  tige  nue  &  fans  ramifications  :  le 
fruit  a  la  forme  d'une  tête  fphérique  ,  couverte  de 
plufieurs  petites  graines  arrondies  &  jaunâtres.  Cette 
plante  traçante  fe  plaît  dans  les  lieux  humides  6c  le 
long  des  haies  &  ô.es  chemins.  Elle  &ix  aftringente  , 
vulnéraire  ôc  déîerfive.  Son  eau  difTillée  qÛ  bonne  pour 
la  chafTie ,  le  haie  &:  les  rougeurs  du  vifage.  On  la  pila 
avec  du  fel  &  du  vinaigre  ,  &  en  l'applique  fur  le 
poignet  ou  à  la  plante  des  pieds  dans  les  redoublemens 
de  îievre ,  qu'elle  adoucit  fouvent ,  &  qu'elle  chaiTe 
même  quelquefois.  D'autres  la  pilent  avec  du  fel ,  &; 
l'appliquent  à  la  plante  des  pieds  pour  appaifer  le  dé- 
lire ;  elle  produit  ces  bons  eSets  en  épailfiflant  le  fang 
&  ralentilTant  fa  circulation  par  (ts  fels  acides  vitric- 
liques.  Sa  décocuon  en  gargarifme  avec  un  peu  d'alun, 
rétablit  la  luette  îorfqu'elle  eft  relâchée  :  cuite  dans  du 
vinaigre  ,  elle  aiîermit  les  dents  qui  branlent ,  en  ref- 
ferrant  les  gencives.  En  AngleteiTe ,  quelques-uns 
mangent  fcs  racines  ,  qui  font  douces  ,  oL  ont  un  goût 
de  panais.  M.  Halkr  dit  qu'on  a  recommandé  comme 
un  puiiTant  liîlionîriptique  le  fuc  de  "^^ argentine ,  mêlé 
avec  celui  du  feigle. 

On  trouve  en  Hollande  une  efpece  ^a.r^zrdlm  à 
fleurs  rouges  ,  Ar^mtïna  ruhra  ,  comarum  palufire^  Linn. 
718.  On  l'appelle  cavz^r^/ :  fa  tige  eil  longue  d'un  pied 
Z^  demi ,  foibîe  &  à  moitié  couchée  ;  ks  feuilles  com- 
pofées  de  cinq  à  fept  folioles  ovales  ,  oblongues ,  un 
peu  étroites  &:  blanchâtres  ;  le  calice  eft  coloré. 

Argentine.  Plufieurs  donnent  ce  nom  à  une  efpece 
de  <7irafol  ,  ou  à  une  variété  à^opale  à  fond  blanc  , 
marquée  de  petits  points  de  couleur  d'argent ,  ce  qui 
produit  un  charmant  effet.   Foye^  Opale. 

Argentine  ,  Ar^mtlna ,  Linn.  Nom  d'un  genre  de 
poiiTons  ^na^ioircs  ahdom'naks.  Voy.  à  tan.  PoïSSON. 

Argentine  ,  Pcrca  nGhïlis ,  Linn.  PoifTon  du  genre 
du  Pcrftmc  ;  on  le  trouve  dans  la  mer  qui   baTgne 

l'Amérique 


A    R    G  497 

l'Amérique  Septentrionale.  Tout  le  fond  de  fa  couleur 
eft  argenté  ,  mais  il  eil  marqué  de  huit  bandes  tranf- 
verfales  d'un  brun  noirâtre.  11  y  a  vingt-cinq  rayons 
à  la  nageoire  dorfale  ,  dont  les  douze  premiers  font 
épineux  &  argentés  ;  quinze  rayons  fiexibles  aux  na- 
geoires peûorales  ;  fix  aux  abdominales  ,  dont  un  efl 
épineux  ;  celle  de  l'anus  en  a  dix  ,  dont  trois  épineux  ; 
celle  de  la  queue  en  a  dix-fept. 

ARGILE  5  Argilla,  C'ell  une  terre  pefante  ,  com- 
pacte ,  de  couleurs  différentes  ou  mélangées.  Lorfque 
cette  terre  ell  humide ,  elle  a  de  la  dudilité  &  de  la 
ténacité.  Elle  fe  pétrit  fous  les  doigts  ^  prend  &;  con- 
ferve  les  formes  qu'on  veut  lui  donner.  Sa  duûilité  la 
rend  très-propre  à  divers  ufages  mécaniques  ;  mais  par 
fa  grande  ténacité ,  elle  nuit  à  la  fertilité  des  champs , 
à  moins  qu'elle  n'ait  été  réduite  par  des  labours 
multipliés  ,  en  molécules  affez  fines ,  ou  que  fon  adhé- 
rence n'ait  été  diminuée  par  l'interpofition  des  fables  ; 
pour  lors  elle  eil  de  toutes  les  terres  la  plus  propre 
à  la  végétation.  M.  Eller ,  dans  des  recherches  fur  la 
fertilité  des  terres ,  a  obfervé  qu'au  moyen  d'une  leiTive 
d'alkali  fixe  ,  on  détruit  la  ténacité  de  Vargile ,  en  la 
dépouillant  de  fon  gluten  favonneux  ;  alors  elle  devient 
friable  ,  aride ,  &  tombe  en  pouiTiere. 

'Vargile  ne  fait  point  effervefcence  avec  les  acides  i 
à  moins  qu'elle  ne  fe  trouve  mêlée  avec  quelque  fub- 
ftance  calcaire,  &. celle-ci  s'y  diflcut  même  lentement. 
Elle  réfifle  à  un  feu  médiocre  &:  à'y  durcit ,  en  fubiffant 
du  retrait ,  e'efl-à-dire ,  en  s'y  reiierrant  ;  mais  lorfque 
le  feu  efl  violent  &  continué  ,  prefque  toutes  les  ar- 
giles s'y  vitrifient ,  à  l'exception  de  quelques-unes  qui 
font  réfradaires.  Si  on  diflingue  les  efpeces  d'argiles 
par  la  couleur ,  il  y  en  a  un  très-grand  nombre  d^ef" 
peces  :  on  en  voit  de  jaunes  ,  de  bleues ,  de  blanches , 
de  vertes  ,  de  rouges  ,  de  noires ,  &c.  On  en  voit  qui 
font  veinées  comme  les  marbres.  Les  argiles  qui  font 
colorées  &i  douées  d'une  faveur  atramentaire  ,  con- 
Tome  I,  I  i 


49?  A     R    G      ^ 

tiennent  de  la  pyrite  en  nature  ou  plutôt  vitrioîifée, 
&c  dans  l'état  d'une  grande  divifibilité.  Les  argiks 
colorées  ,  qui  blanchiment  au  feu  ,  ne  doivent  leur 
couleur  qu'à  des  matières  végétales  ou  animales  qui 
s'y  font  mêlées.  Les  argiles  portent  auffi  divers  noms  , 
fuivant  leurs  ulages  ,  tels  que  ceux  de  terre  à  porce- 
laine ,  terre  à  pipe  ,  terre  à  tuile  ,  terre  à  potier  y  terre 
à  four  ,  terre  à  brique  ,  terre  à  devrai jjer  ou  terre  à 
foulon  ,   6cc. 

Vargile  qÛ  une  des  matières  terreufes  les  plus  abon- 
dantes 5  6l  les  plus  utiles  que  l'on  trouve  dans  la  terre. 
Elle  s'y  rencontre  à  diverles  profondeurs ,  quelquefois 
en  grands  bancs  dans  les  teiTains  bas  ,  cii  elle  eft  fou- 
vent  noyée  ;  on  en  trouve  auiîi  qui  fert  de  bafe  à  la 
plupart  des  rochers  :  ce  font  ces  couches  a'argile  qui 
retiennent  l'eau  au  fond  des  puits  que  l'on  creufe  fur 
la  furface  de  la  terre.  Les  couches  d^ argile  ont  affez 
communément  un  degré  d'obliquité  ;  celle  qid  fe  trouve 
durcie  entre  les  couches  de  plâtre ,  Ôcc. ,  offre  la  fitua- 
tion  des  bancs  de  pierre.  La  duâ:ilité  de  Vargile  détrempée 
dans  l'eau  ,  cette  terre  qui  fe  durcit  ,  &  prend  du 
retrait  en  féchant  ,  fans  que  cependant  fes  parties  fe 
défuniiTent  ,  tout  la  rend  propre  à  faire  des  vafes  de 
toute  efpece  ,  des  briques ,  des  tuiles  ,  des  carreaux  & 
des  modèles  de  fculpture  ,  qui  ,  expofés  au  feu  ,  s'y 
fechent  en  diminuant  de  volume  ou  de  furface  ,  &  par 
ce  rapprochement  ou  compreiïïon  des  parties  s'y  en- 
durcifi'ent  beaucoup  ,  fans  perdre  rien  de  leur  forme. 

V argile  blanche  efl  la  plus  pure  ;  elle  efl  réfradaire , 
6i  fe  durcit  quelquefois  par  la  calcination  au  point  de 
faire  feu  avec  l'acier  ;  ainfi  que  Vargile  pale  d'Angle- 
terre 5  la  brune  de  France  ,  &  la  noirâtre  de  Heile ,  qui 
ibnt  réfraclaires  ,  quoique  colorées.  Il  y  a  des  terres 
blanches,  prefque  dépourvues  de  liant,  6c  qui  ne  con- 
tiennent point  d'acide  vitriolique  ;  on  prétend  qu'elles 
fervent  de  bafe  aux  argiles  ,  auxquelles  elles  font  ce 
que  la  craie  eft  au  plâtre,  h^ argile  à  potier ,  lorfqu'elle 


A    R     G  499 

çfl  féchée  ,  fe  divlfe  quelquefois  en  cubes  :  les  ouvriers 
îa  coupepxt  dans  la  folle  ou  fouterrain  en  carrés  longs. 
Elle  fe  travaille  bien  plus  facilement  que  la  bkm  ,  qui  fert 
d'ordinaire  de  bafe  aux  lits  d'ardoife.  On  emploie 
cette  efpece  d'argile  en  Angleterre  pour  faire  des  tuiles 
&  des  briques  ,  qui  font  très-compa£tes  &:  très-dures.' 
On  lit  dans  VHijhire  de  V Académie  des  Sciences  ^  année. 
*739  9  P'^^E^  '  •>  ^'-^^  V argile  à  potier ,  lavée  ,  expofée  à 
Pair  &  imbibée  d'eau  de  fontaine  ,  a  acquis  au  bout 
de  quelques  années  ,  la  dureté  du  caillou.  On  pré- 
tend que  l'on  a  obfervé  la  même  chofe  en  Amérique 
fur  la  terre  glaife  qui  fe  trouve  fur  les  bords  de  la 
mer.  M.  Pott  attribue  ce  phénomène  à  l'écume  graffe 
de  la  mer. 

Uargile  des  jnines  ,  ou  la  terre  grafTe  qui  fe  trouve 
dans  les  montagnes  à  mânes  &  les  filons  ,  (  Letten  ) 
fe  laiiTe  pétrir  aifément  ;  on  prétend  qu'elle  contient 
beaucoup  de  parties  martiales  ,  quelquefois  du  vitriol 
ou  du  foufre. 

M.  Wallerius  parle  d'une  efpece  ^argile  rougeâtre^ 
qui  fe  trouve  mêlée  avec  une  terre  qui  a  la  propriété 
d'abforber  beaucoup  d'eau  ,  ^  d'augmenter  beaucoup 
de  volum.e  en  fe  gonflant;  Lorfque  cette  terre  délayée 
par  les  pluies  ,  fe  deffeche  ,  elle  s'aifaiiTe  &:  revient  à 
fon  premier  volume  :  elle  fe  durcit  très-aifément  ,  & 
forme  une  croûte  à  la  furface  ;  en  forte  que  des 
Voyageurs  qui  croient  marcher  fur  la  terre  folide  , 
font  quelquefois  engloutis  fous  ce  fol  perfide.  Voilà 
l'origine  des  fondrières  &:  de  certains  chemins  fi  mau- 
vais. M.  Wallerius  ajoute  qu'il  y  a  beaucoup  de  terre 
de  cette  efpece  dans  la  Dalccarîie  &  dans  le  North- 
land  ;  &  que  les  exemples  de  perfonnes  qui  s'y  font 
enfoncées  &  perdues  ,  ne  font  pas  rares.  Les  bâtimens, 
dit-il  ,  qu'on  élevé  fur  de  pareilles  terres  ,  ne  font 
jamais  folides  :  ils  fe  haufTent  en  automne  d'un  pied 
&  demi  ;  &  dans  l'été  ils  redefcendent  à  leur  pre- 
jniere  place. 


joo  A    R    G 

Il  y  a  une  efpece  ^argile  favonmufc  qui  eft  femlîetée 
dans  fa  carrière  ;  elle  n'a  point  alTez  de  dudilité  pour 
fe  laifler  travailler  ;  battue  dans  l'eau ,  elle  fe  réduit 
en  molécules  très-fines  ,  &  forme  de  l'écume  :  c'efi: 
V argile  à  foulon  que  l'on  emploie  aujourd'hui  de 
prétérence  pour  fouler  les  étoffes  ,  même  dans  les 
pays  où  fe  trouve  la  prétendue  véritable  terre  àfou-^ 
Ion  ,  qui  faifant  un  peu  d'effervefcence  avec  les  acides  , 
eft  du  nombre  des  marnes.  Foye^  Terre  a  foulon. 
L'art  nous  préfente  V argile  tous  les  jours  fous  diverfes 
formes  dans  les  Manufactures  de  poterie  qui  font  en 
Champagne ,  en  Normandie ,  en  Picardie ,  en  Languedoc , 
6c  dans  les  Pays-Bas.  On  la  voit  employée  dans  les 
Manufadures  de  terre  ,  à  Paris  ,  au  Faubourg  Saint- 
Antoine  ,  où  on  en  conftruit  des  poêles  variés  pour  la 
forme  6c  pour  la  grandeur.  C'eft  toujours  des  efpeces 
d'argiles  que  l'on  emploie  dans  les  Manufachires  de 
porcelaine ,  de  faïence  ,  de  grès  &  de  terre  d'Angle- 
terre. Foyei  r  article  Glaise  dans  ce  Didionnaire ,  & 
Vartide  TERRE  ARGILEUSE  dans  notre  Minéralogie, 
Tome  I ,  Clajfe  2. 

M.  Linnœus  regarde  les  argiles  comme  le  fédiment 
terreux  de  la  mer.  M.  Macqucr  a  donné  fur  les  argiles , 
un  Mémoire  rem.pli  de  recherches  curieufes  ;  on  en 
trouve  un  extrait  au  mot  Argile  dans  le  Di£lion- 
naire  de  Chimie ,  qu'on  peut  confulîer.  M.  Baume  a 
donné  auffi  un  très-bon  Mémoire  fur  cette  efpece  de 
terre.  Les  bols ,  les  terres  bolaires  ow  JigilUes ,  ne  font  auffi 
que  des  efpeces  d'argile.  Voyez  le  mot  Bols.  A  l'égard 
de  la  terre  à  porcelaine  ,  Voyez  à  V article  KaOLIN. 

ARGOUSSIER.  Voye^  Hïppophaès. 

ARGUILLE  ou  Motteux.  Voyez  Cul-blanc, 

APvGUS  ,  Ckœtodon  Argus  ,  Linn.  Poifîbn  de  la  mer 
des  Indes.  Il  eil  du  genre  du  Chètodon,  Son  corps, 
dit  Linnœus  ,  eft  couvert  d'une  multitude  de  points 
noirs;  la  nageoire  dorfale  a  vingt-huit  rayons  ,  dont 
onze  font  épineux;  les  abdominales  en  ont  fix,  dont 


A    R    G  501 

un  épineux  ;  celle  de  l'anus  en  a  dix  ,  dont  trois  épi- 
neux; celle  de  la  queue  en  a  dix-fept, 

Argus.  On  donne  encore  ce  nom  à  un  poiffon,' 
mais  qui  eft  du  genre  du  Pkuromcie.  Cette  efpece  fe 
trouve  à  Surinam.  Son  corps  offre  quatre  taches  noires 
que  l'on  a  comparées  à  des  yeux  ,  d'où  lui  eft  venu 
le  furnom  ^ocdlatus  (œillé).  La  nageoire  du  dos  efl 
comme  pliffée  ,  &:  oére  ioixante-fix  rayons  ;  les  na- 
geoires pectorales  en  ont  chacune  trois  ,  &  les  abdomi- 
nales fix  ;  celle  de  l'anus  en  a  cinquante-cinq  ;  celle  de 
la  queue  en  a  quatorze  ,  ^  eft  marquée  d'une  bandelette 
noire. 

Argus  ou  Luen.  On  donne  ce  nom  à  une  efpece 
de  faifan  qui  fe  trouve  au  nord  de  la  Chine  ;  {ç.s 
ailes  &  fa  queue  font  feniées  d'un  très-grand  nombre 
de  taches  rondes  femblables  à  des  yeux  ;  les  deux 
plumes  du  milieu  de  la  queue  font  très-longues  & 
excédent  de  beaucoup  toutes  les  autres.  Cet  oifeau  eft 
de  la  groffeur  du  dindon  ,  il  a  fur  la  tête  une  double 
huppe  qui  fe  couche  en  arrière.  Tranf.  Philofoph. 
tome  XL  ,  page  88. 

Argus.  Nom  que  l'on  donne  à  un  fort  joli  petit 
papillon  de  jour  oc  d'Europe  ,  qui  marche  fur  fes  fix 
pattes  ,  dont  les  ailes  font  arrondies  à  l'extrémité  , 
d'une  envergure  prefque  égale  ^  fur  lefquelles  on  voit 
la  figure  d'un  grand  nombre  d'yeux  ;  fon  corps  eft 
velu  :  ce  papillon  efl  fort  commun  le  long  des  haies  , 
dans  les  prairies  ,  fur  les  bords  des  marais  &  fur  les 
bruyères ,  même  fur  les  genévriers.  Il  y  a  plufieurs 
efpeces  de  ces  papillons  remarquables  par  des  taches 
en  forme  d'yeux  deiTmés  fur  leurs  ailes ,  notamment 
au  deifous.  ils  ne  différent  que  par  la  couleur  des  ailes, 
le  nombre  ,  la  pofition  &  la  couleur  de  ces  efpeces 
d'yeux  ou  points  ,  qui  leur  ont  fait  donner  le  nom 
A'argus.  Ils  paroiffent  provenir  de  chenilles  du  genre 
de  celles  que  M.  d&  Réaumur  appelle  clopoms  ^  6c  qui 


Ç02  A    R    G 

ont  feize  jambes.  Foyei  Particle  cheml/e  cloporte.  Elles 
fe  métamorphofent  en  chryfalides  nues  ,  fufpendiies 
horizontalement  par  la  queue ,  &c  par  un  lien  au  milieu 
du  corps.  Il  y  a  deux  générations  de  ces  papillons  , 
ce  qui  fait  qu'on  les  voit  dans  plufieurs  mois  de 
l'année.  Il  y  en  a  qui  paroiiTent  dès  le  Printemps.  Ils 
volent  aiTez  rapidement  :  on  en  voit  jufqu'en  Automne. 
Il  y  a  I  .^  Vargus  hku  ,  fon  mâle  efl  brun  ;  on  le 
trouve  fur  les  fleurs  du  fainfoin  ,  du  trèfle  &:  du  mé- 
lilot.  2.^  Uargus  bleu  ,  découpé  aux  ailes  inférieures  ; 
fa  couleur  d'azur  change  un  peu  en  violet.  Ce  papillon 
eu.  le  meleager  à'Efper^  tom.  I.  pag.  375.  3.^  \J  argus  bleu 
celijîe  ;  c'efi  le  bel  argus  d'EJpcr.  4.^  V argus  bleu  nacre; 
c'eil  le  ceridon  à'Efper  6l  de  Scopoli  ;  fa  couleur  a  la 
tranfparence  &:  le  changeant  de  la  nacre  de  perles  ;  il 
paroît  fréquenter  le  lotier  odorant ,  ou  trèfle  mufqué 
à  fleur  jaunâtre.  5.°  V argus  bleu  pale;  c'eft  V/iylas 
é^E/per.  6.°  U argus  bleu  violet  ;  c'elt  le  plus  petit  des 
argus  bleus.  J.^  L^ argus  bleu  à  bandes  brunes  ;  c^^i^  le 
plus  grand  des  argus  bleus,  C'eil  Varion  des  Auteurs, 
8.°  h' argus  bleu  ,  à  bandes  brunes  &  à  taches  blanches  ; 
c'efl  le  buon  à'Efper.  9.^  Le  demi-argus  ;  c'efl  Vargio- 
lus  des  Auteurs.  Sa  chenille  vit  fur  l'aune  noir. 
I  G.*'  \J argus  Tvyvpe  ;  c'eit  le  phocas  à'Efper  ;  fes  ailes 
inférieures  ont  ainfi  que  celles  des  argus  fatinés ,  un 
petit  appendice  comme  les  petits  porte-queues  ,  mais 
infiniment  m^oins  marqué.  {Vargus  myope  violet  n'a 
pas  de  points  noirs  au  milieu  des  ailes  inférieures.  ) 
1 1 .°  \Jùrgus  vert  ;  c'ell:  V argus  ruhi  de  plufieurs  Au- 
teurs ,  oc  X argus  aveugle  de  M.  Geoffroi  ,  parce  que  le 
deilbus  de  lés  ailes  n'a  point  d'yeux  comme  tous  les 
papillons  de  ce  genre.  11.^  ]J argus  bronzé  ;  c'efl  le 
phlœas  de  plufieurs  Auteurs.  Il  s'en  trouve  une  très- 
grande  efpece  dans  le  pays  des  Grifons.  Les  ailes  in- 
férieures ,  dans  cette  efpece  ,  font  bronzées  tant  en 
deflus  qu'en  defTous.  13.*^  h' argus  jatiné  ou  papillon 
de  la  verge  -d'or  ;  la  couleur  ponceau  a  le  briliaut  du 


A  R  G  A  R  I  50? 

fatln.  î^,^  Uargus  fatiné  â  taches  noires  ;  c'eft  Vhîppothoé 
de  la  plupart  des  Auteurs  :  il  y  en  a  de  changeans  en 
bleu  violet.  15.^  U argus  appelé  le  miroir.  Voyez  ce 
mot.  i6.°  Vargus  appelé  cumedon  par  Efper,  Voyez 
Eumcdon, 

Argus.  Coquillage  de  mer  ,  univalve  ,  &  du  genre 
des  porcelaines.  Voyez  ce  mot.  Sa  robe  eil  toute  par- 
femée  de  figures  d'yeux  ;  c'eft  ce  qui  l'a  fait  nommer 
ainii ,  par  allufion  à  V argus  de  la  Fable. 

Argus.  (Serpent  du  Bréfil.  )  Foyei  Ibiboboca, 

ARIANE.  Variété  du  papillon  appelé  fatyre. 

ARIMANON.  Foyei  Perruche  (petite)  à'Otahitl. 

ARISTOLOCHE  ,  Arijiolochia.  On  a  donné  ce  nom 
à  un  genre  de  plantes  dont  les  racines  ,  de  quatre 
efpeces  ,  font  d'ufage  en  Médecine. 

La  première  eil  Varijioloche  ronde ,  Arijiolochia  ro- 
tunda  ^  flore  ex  purpura  nigro  ^  Tournef.  161  ,0.  B. 
Pin.  307,  J.  B.  3.  559,  Dod.  Pempt.  324,  Linn.  1364. 
C'eil  une  racine  tubéreufe  ^  folide  ,  arrondie  ,  groffe 
de  trois  pouces  &  garnie  de  quelques  fibres  de  cou- 
leur grife  en  dehors  ,  jaunâtre  en  dedans  ,  d'une  faveur 
acre  &  amere.  Cette  racine  poulie  plufieurs  tiges  far- 
menteufes ,  anguleufes  ,  hautes  d'un  pied  &  demi ,  qui 
portent  des  feuilles  vertes  échancrées  en  cœur  à  l'in- 
fertion  du  pédicule  qui  eil  très-court ,  alternes  &:  vei- 
nées. Les  fleurs  purpurines  &:  folitaires  fcrtent  des 
aiflelles  de  ces  feuilles  ,  &  font  monopétales  ,  irrégu- 
lieres  &  en  tuyau  terminé  par  une  languette  :  elles 
font  fans  calice  ,  placées  au-deffus  du  germe ,  &  ren- 
ferment iix  étamines  attachées  chacune  à  un  piilil  :  à 
ces  fleurs  fuccedent  des  fruits  arrondis ,  membraneux, 
divifés  en  fix  loges  ,  remplis  de  graines  noires  & 
aplaties. 

La  deuxième  eil  Varifloloche  longue ,  Ariflolochia  longa^ 
vera^  C.  B.  Pin.  307,].  B.  3.  560,  Dod.  Pem.pt.  324: 
Ariflolochia  caudata  ^  Jacquin.  Sa  racine  émouifée  par 
l'extrémité ,  efl  moins  groife  &:  plus  longue  que  la 

î  i     4 


504  A     R     I 

précédente  :  fa  tige  eft  quadrangulaire ,  farmenteufe  ; 
îa  feuille  plus  petite  que  dans  la  précédente  efpece ,  &c 
imitant  aifez  la  forme  d'un  fer  à  cheval  ;  fa  fleur  eÛ 
d'un  vert  blanchâtre  ,  couverte  intérieurement  de  poils 
comme  dans  les  fleurs  des  autres  arifloloches.  Le  fruit 
fufpendu  par  un  pédicule  plus  ou  m.oins  long  ,  repré- 
fente  un  peu  un  encenfoir  ;  il  a  la  forme  d'une  poire , 
ôc  les  graines  en  font  brunâtres. 

La  troifieme  eil  Varijloloche  clématite ,  ArïflolochicL 
clcmaûtis  vul^aris^  J.  B.  3.  560;  etiam  recia^  C.  B.  Pin, 
307.  Sa  racine  eft  longue,  divifée  en  plufieurs  branches, 
peu  groife ,  d'une  odeur  plus  forte  que  les  précédentes. 
Cette  racine  ,  qui  trace  &  ferpente  de  tous  côtés  , 
s'enfonce  profondément  dans  la  terre ,  &  multiplie 
beaucoup  ;  elle  pouffe  des  tiges  droites  ,  fimples  ,  fer- 
mes ,  arrondies  &  cannelées  ;  les  feuilles  font  alternes , 
petiolées  ,  cordiformes  &:  veinées.  Ses  fleurs  viennent 
plufieurs  en  nombre  dans  chaque  ainelle  des  feuilles  ; 
elles  font  jaunâtres.  Les  fruits  font  gros ,  ainfi  que  les 
graines  qu'ils  contiennent. 

La  quatrième  efl  la  petite  arijloloche  ,  Arijlolochia, 
tennis  ^Pijîolochia  dicta  ^  Tourn.  162,  C.  B.  Pin.  307. 
Sa  racine  efî:  fîbreufe  ,  jaunâtre  ,  d'une  odeur  aroma- 
tique affez  agréable  ,  d'une  faveur  acre  &  amere. 
Ses  fleurs  ont  la  m-ême  foiTne  que  celles  de  Varijlo- 
loche  ronde.  Dans  le  commerce  on  appelle  cette  ra- 
cine Varifloloche  tenais. 

Le  fuc  des  racines  à^arijlolcche  rougit  le  papier  bleu. 
On  fait  beaucoup  plus  d'ufage  des  deux  premières  ef^ 
peces  que  des  autres  :  elles  font  eflimées  céphaliques , 
pe£lorales  ,  hyilériques  ,  vulnéraires  ,  apéritives-  & 
alexipharmaques.  Les  femmes  enceintes  doivent  éviter 
d'en  prendre  intérieurement.  Plufieurs  Voyageurs  pré- 
tendent que  toutes  les  efpeces  à^ arifloloches  ont  la 
propriété  d'enchanter  les  ferpens  ;  mais  l'on  peut 
douter  de  cette  vertu.  Elles  font  vivaces.  L'effence 
à'ariJioloch&  eil    employée  par  quelques   Chirurgiens 


A    R    I  505 

contre  les  chairs  fongueufes  &  dans  les  caries.  On 
nous  apporte  du  Languedoc  &  de  Provence  ,  même 
d'Efpagne,  ces  racines  defféchées. 

Parmi  les  arijioloches  exotiques  ,  on  diflingue  refpece 
furnommée  anguicide ,  Arijîolochia  anguicida ,  Linn.  Elle 
croit  naturellement  aux  environs  de  Carthagene ,  dans 
la  Nouvelle  Efpagne  ;  elle  croît  auiîi  à  la  Jamaïque 
&  au  Mexique.  M.  Jacquin  dit  que  fon  odeur  ell 
défagréable  &.  nauféabonde  ;  fa  racine ,  que  l'on  eilime 
être  la  même  que  celle  appelée  aplnel^  eft  cylindrique , 
rameufe  ,  contient  une  moelle  blanchâtre  ,  pleine  d'un 
fuc  amer  ,  fétide  &  d'une  couleur  orangée  :  on  dit 
que  ce  fuc  mêlé  avec  la  falive  par  la  maftication  ,  & 
répandu  à  la  quantité  d'une  ou  deux  gouttes  dans  la 
gueule  d'un  ferpent  médiocre  ,  l'enivre  &  l'hébête  , 
ou  l'étourdit  tellement  ,  qu'on  peut  alors  le  manier 
impunément ,  &  même  le  mettre  fur  fon  fein  fans  ea 
avoir  rien  à  craindre  ,  au  moins  pendant  quelques 
heures.  Si  on  lui  en  fait  avaler  une  quantité  plus  con- 
fidérable ,  fur  le  champ  fon  corps  eu  faiii  d'un  trem- 
blement convullif^ôc  il  meurt  en  peu  de  temps.  Les 
Américains  qui  ont  connoiffance  de  ce  fecret ,  faififfent 
avec  adreffe  par  le  cou  quelque  ferpent  des  plus  dan- 
gereux ,  mais  d'une  groffeur  médiocre  ,  répandent  dans 
la  gueule  une  dofe  de  falive  imprégnée  de  ce  fuc  , 
fufHfante  feulement  pour  hébêter  l'animal ,  &  le  pré- 
fentent  dans  cet  état  d'ivrefle  au  public  ,  qui  paye  avec 
pîailir  ce  petit  fpedacle ,  à  caufe  de  la  fatisfadion  qu'il 
a  d'apprendre  un  fecret  pour  fe  garantir  de  la  morlure 
des  ferpens.  M.  Jacquin  convient  que  l'on  fait  fuir 
au  loin  ces  animaux ,  lorfqu'on  approche  d'eux  avec 
cette  arijloloche.  On  peut ,  félon  cet  Auteur ,  avaler 
quelques  gouttes  du  fuc  de  cette  racine  fans  en  être 
incommodé  ;  mais  il  préfume  qu'une  certaine  quantité 
de  ce  fuc  occaiionneroit  le  vomiffement ,  ou  caufe- 
roit  quelque  mal.  On  lui  a  rapporté  que  ce  même 
fac  appliqué  fur  la  morfurç   réççaîe   d'un  ferpent 


ço6  A  R  L  A   R   M 

venimeux  ,  eu  pris  intérieurement  dans  cette  cir* 
conilance,  guénlfoit  immanquablement. 

ARLEQUIN  DORÉ.  C'efï  le  nom  d'une  efpece  de 
chryfomeU.  On  appelle  arUquim  une  efpece  de  porce- 
laine. Voyez  ces  mots. 

ARMAI)ILLE  ou  Tatou.  Nom  donné  à  un  genre 
ou  famille  d'animaux  ,  défignés  dans  les  nomencla- 
tures latines  fous  les  dénominations  de  dafypus ,  cata^ 
■phraBuj  ,  ufiuiinatiis  eclimus.  Les  Efpagnols  les  appel- 
lent armadillo  :  on  prétend  que  c'efl:  le  fneuberdauo 
des  Portugais  ;  le  hardato  des  Italiens  ;  le  cajfamin  des 
Mexiquaiiis  :  le  mot  tatou,  eil  Caraïbe.  C'efl  impro- 
prement que  Scba  a  donné  le  nom  de  tatou  au  diable 
de  Java  &  de  Tajova  ou  de  Tavoyen  ,  &:  qui  ell:  dé- 
figné  dans  plufieurs  Auteurs  fous  le  nom  de  lézard 
i:ailkzLx.  Voyez  ces  mots  6c  les  articles  pangolin  &c 
p/iatagîn  ;  c'eil  encore  à  tort  que  l'on  appelle  grand 
armadilh  à  écailles  mobiles  ,  ce  même  U^ard  écailleux. 

Les  tatous  font  à.t'^  animaux  digités  ,  cuiraffés ,  & 
propres  aux  contrées  chaudes  de  l'Amérique.  Ces  ani- 
maux étoient  donc  inconnus  avant  la  découverte  du 
Nouveau  Monde.  Leur  caradere ,  dit  M.  Brijjon  ,  efl 
de  n'avoir  ni  dents  incifives ,  ni  dents  canines  ,  mais 
des  molaires  feulement.  Leur  corps ,  au  lieu  de  poil  , 
eft  couvert  d'iui  têt  femblable  pour  la  fubflance  à 
celle  des  os  ;  ce  têt  qui  couvre  la  tête  ,  le  cou  ,  le 
dos  ,  les  flancs  ,  la  croupe  &  la  queue  jufqu'à  fon 
extrémité ,  ell  lui-même  recouvert  au  dehors  par  un 
cuir  mince ,  Me  &  tranfparent  ;  les  feules  parties  fur 
lefquelles  ce  têt  ne  s'étend  pas ,  font  la  gorge ,  la  poi- 
trine &  le  ventre  ,  qui  préfentent  une  peau  blanche 
&  grenue  comme  celle  d'une  poule  plumée  ;  &  en 
regardant  ces  parties  avec  attention  ,  l'on  y  voit  par-ci 
par-là  ,  Aqs  ruciimens  d'écaillés  qui  font  de  la  même 
fiMance  que  le  têt  du  dos  ,  &  ce  têt  n'efl  pas  d'une 
feule  pièce  comme  celui  de  la  tortue ,  il  eil  partagé  en 
.plufieurs  bandes  fur  le  corps ,  lefquelles  font  attachées 


ARM  507 

îes  unes  aux:  autres  par  autant  de  membranes  ,  qui 
permettent  un  peu  de  mouvement  dans  cette  armure 
ou  cuirafle.  Le  nombre  de  ces  bandes  ne  dépend  pas 
de  l'âge  de  l'animal ,  car  les  tatous  nouveaux  nés  ,  & 
les  tatous  adultes  ont ,  dans  la  même  ejpece  ,  le  même 
nombre  de  bandes  ;  le  tatou  appelé  apar ,  a  trois  ban- 
des ;  Vencoubcrt  en  a  fix  ;  le  tatmtc  en  a  huit  ;  le  cachi- 
came  en  a  neuf  ;  le  kabajfou  en  a  douze  ;  le  cirquinçon 
en  a  dix-huit.  Ces  efpeces  fe  voient ,  la  plupart ,  au 
Cabinet  du  Jardin  du  Roi. 

Ce  têt  il  lingulier  dont  les  tatous  font  revêtus  ;,  eil 
un  véritable  os  compofé  d'une  multitude  de  petites 
pièces  contiguës  ,  6c  qui ,  fans  être  mobiles  ni  articu- 
lées 5  excepté  aux  commifiures  des  bandes ,  font  réu- 
nies par  fymphyfe  ^  &  peuvent  toutes  fe  féparer  les 
unes  des  autres  ,  &:  fe  féparent  en  effet  fi  on  les  met 
au  feu.  Lorfque  l'animal  efl  vivant ,  ces  petites  pièces , 
tant  celles  des  boucliers  que  celles  des  bandes  mobiles  , 
prêtent  &  obéiiTent  en  quelque  façon  à  fes  mouve- 
mens  ,  fur-tout  à  celui  de  contradion  :  ces  petites 
pièces  offrent,  fuivant  les  différentes  efpeces,  des  figures 
différentes  ,  toujours  arrangées  réguliéremient  comme 
de  la  mofaïque  très-élégamment  diipofée  ;  la  peUicule 
ou  le  cuir  mince  dont  le  têt  efl  revêtu  à  l'extérieur , 
elf  une  p^au  tranfparente  qui  fait  l'effet  d'un  vernis 
fur  le  corps  de  l'anim.al  ;  cette  peau  relevé  de  beau- 
coup ,  &  change  même  les  reliefs  des  mofaiques  ,  qui 
paroiffent  différens  Icrfqu'elle  efl  enlevée.  Au  refie  ce 
têt  offeux  n'efl  qu'une  enveloppe  indépendante  de  la 
charpente  &  des  autres  parties  intérieures  du  corps  de 
ranimai ,  dont  les  os  &  les  autres  parties  conflituantes 
du  corps  font  compofées  &  organifées  comme  celles 
de  tous  les  autres  quadrupèdes. 

Ces  anim.aux  ont  tous  plus  ou  moins  de  facilité  à 
fe  refferrer  ,  &  à  contrafter  leur  corps  en  rond  ;  le 
défaut  de  la  cuirafle  ,  lorfqu'ils  font  contrariés  ,  efl 
bien  plus   apparent  dans   ceux    dont  l'armure   n'ell 


5o8  ARM 

compofée  qiie  d'un  petit  nombre  de  bandes  ;  aucun  tatou 
ne  peut  fe  réduire  auffi  parfaitement  en  boule  que  le 
hérïffon  ;  ils  ont  plutôt  la  figure  d'une  fphere  fort 
aplatie  par  les  pôles. 

Les  tatous  ,  en  général ,  font  des  animaux  innocens  , 
trifles ,  ténébreux  ,  &  qui  ne  font  aucun  mal  ,  à  moins 
qu'on  ne  les  laifTe  entrer  dans  les  jardins ,  oii  ils  man- 
gent les  melons ,  les  patates  &  les  autres  légumes  ou 
racines.  On  prétend  qu'ils  ne  dédaignent  pas  les  vers 
de  terre ,  les  poux  de  bois  ,  les  fourmis  ,  &;c.  Quoique 
originaires  des  climats  chauds ,  ils  peuvent  vivre  dans 
les  climats  tempérés  ;  ils    marchent   avec   vivacité  , 
mais  ils  ne  peuvent  pour  ainfi  dire  ni  fauter  ,  ni  cou- 
rir ,  ni  grimper  fur  les  arbres  ^  en  forte  qu'ils  ne  peu- 
vent guère  échapper  par  la  fuite  à  ceux  qui  les  pour- 
fuivent.     Leur   feule  reiïoiirce  efl  de  fe  cacher   dans 
leur  terrier ,  ou ,  s'ils  en  font  trop  éloignés  ,  de  tâcher 
de  s'en  creufer  un  avant  que  d'être  atteints  ;  &  il  ne 
leur  faut  ^ue  quelques  momens  pour   cela  :  car  les 
taupes  ne  creufent  pas  la  terre  plus  vite  que  les  tatous  ; 
on  les  prend   quelquefois   par  la   queue  avant  qu'ils 
n'y  foient  totalement  enfoncés  ,  &:  ils  font  alors  une 
telle  réfiflance  ,  qu'on  leur  caffe  la  queue  fans  amener 
le  corps  ;  pour  ne  pas  les  mutiler  ,  il  faut  ouvrir  le 
terrier  par  devant ,   ÔC  alors  on  les  prend  fans  qu'ils 
puilTent  faire  aucune  réfiflance.  Les  Indiens ,  pour  leur 
faire  lâcher  prife ,  leur  chatouillent  le  ventre  avec  un 
bâton.  Dès  qu'on  les  tient  ils  fe  refferrent  en  boule , 
&  pour  les  faire  étendre  on  les  met  près  du  feu. 

Leur  têt ,  quoique  dur  &  rigide  ,  eft  cependant  fi 
fenfible  que  quand  on  les  touche  un  peu  ferme  avec 
le  doigt ,  l'animal  en  reffent  une  imprefîion  affez  vive 
pour  fe  contrarier  en  entier.  Lorfqu'ils  font  dans  des 
terriers  profonds  ,  on  les  en  fait  fortir  en  y  faifant 
entrer  de  la  fumée  ,  ou  couler  de  l'eau  :  on  prétend 
qu'ils  demeurent  dans  leurs  terriers  ,  fans  en  fortir  , 
pendant  plus  d'un  tiers  de  Tannée  i  ce  qui  efl:  plus 


ARM  509 

vrai ,  c'efl:  qu'ils  s'y  retirent  pendant  le  jour ,  &C  qu'ils 
n'en  Ibrtent  que  la  nuit  pour  chercher  leur  fubfiilance. 

On  chafle  le  tatou  avec  de  petits  chiens  ,  qui  l'at- 
teignent bientôt  ;  il  n'attend  pas  même  qu'ils  Ibient 
tout  près  de  lui  pour  s'arrêter  &L  pour  fe  contrader 
en  rond  ;  dans  cet  état  on  le  prend  6c  on  l'emporte. 
S'il  le  trouve  au  bord  d'un  précipice  ,  il  échappe  aux 
chiens  &  aux  chafîeurs  :  il  fe  reiïerre  ,  fe  laifîe  tomber 
&c  roule  comme  une  boule  fans  brifer  fon  écaille  & 
fans  reiientir  aucun  mal. 

Ces  animaux  font  gras  ,  replets  &c  très-féconds  ;  le 
mâle  porte  à  l'extérieur  des  fignes  non  équivoques 
d'une  grande  aptitude  à  la  génération  ;  la  femelle 
produit  prefque  tous  les  mois  quatre  petits  ;  (  l'on 
prétend  qu'il  y  en  a  des  efpeces  dont  les  portées  font 
de  huit  à  dix  ,  )  auffi  l'elpece  en  eil-elle  très-ncm- 
breufe  ,  ôc  comme  ils  font  bons  à  manger  ,  on  les 
chafie  de  toutes  les  manières  :  on  les  prend  aifément 
avec  des  pièges  que  l'on  tend  au  bord  des  eaux  & 
dans  les  autres  lieux  humides  &  chauds  ,  qu'ils  habi- 
tent de  préférence  ;  ils  ne  s'éloignent  jamais  de  leurs 
terriers  qui  font  très-profonds,  oc  qu'ils  tâchent  de 
regagner  dès  qu'ils  font  fur  pris.  On  prétend  qu'ils  ne 
craignent  pas  la  morfure  des  ferpens  à  fonnettes  ,  6c 
qu'ils  vivent  en  paix  avec  ces  reptiles  dans  leurs  trou". 
Les  Sauvages  font  fervir  le  têt  des  tatous  à  plufieurs 
iifages  ;  ils  le  peignent  de  différentes  couleurs  ;  ils  en 
font  des  corbeilles  ,  des  boîtes  6c  d'autres  petits  vaif- 
feaux  fol  ides  6c  légers. 

Quoique  nous  ne  pulfîlons  pas  afïïirer  que  tous  les 
tatous  ne  fe  mêlent  ni  ne  peuvent  produire  enfemble , 
il  eft  au  moins  très-probable ,  puifque  la  différence 
du  nombre  des  bandes  ,  &;c.  eft  confiante  ,  que  ce 
font  tous  des  efpeces  réellement  difïindes  ,  ou  au 
moins  des  variétés  durables  6c  produites  par  l'influence 
des  divers  climats.  Dans  cette  incertitude  ,  nous 
avons  pris  le  parti  de  préfenter  tous  les  tatous  enfem- 


510  ARM 

bîe,  &  de  faire  néanmoins  l'éniimératlon  de  chacun 
d'eiLx ,  comme  fi  c'étoit  en  effet  autant  d'efpeces  par- 
ticulières. Dans  toutes  ces  efJ3eces ,  ou  races  ,  à  l'ex- 
ception de  celle  du  drquinçon ,  l'animal  a  deux  boucliers 
oiîeux,  l'un  fur  les  épaules,  &  l'autre  fur  la  croupe; 
ces  deux   boucliers    font  chacun  d'une    feule    pièce , 
tandis  que  la  cuiraiTe ,   qui  efl  ofTeufe    auilî  ,   &  qui 
couvre  le  corps  ,  efl  divilee  tranfverfalement ,  &  par- 
tagée en  plus  ou  moins  de  bandes  mobiles  &  féparées 
les   unes    des   autres  par  une  peau  flexible  ;   mais   le 
cirquïnçon  n'a  qu'un  bouclier ,  c'eft  celui  des  épaules  ; 
la  croupe,  au  lieu  d'être  couverte  d'un  bouclier  ,   ell 
revêtue  ,  jufqu'à  la   queue  ,  par  des  bandes  mobiles 
pareilles  à  celles  du  corps.  Donnons  maintenant  des 
indications  claires ,  &  de  courtes  defcriptions  de  cha- 
cune de  ces  efpeces. 

I .°  L'Apar  ou  Tatou    dont   la  cuirajfc ,  qui  eft 
entre  deux  boucliers,  cfi  CQmpofcc  de  trois  bandes. 

Ce  tatou  a  la  tête  oblongue  &  prefque  pyramidale  ; 
le  miifeau  pointu  ,  les  yeux  petits ,  les  oreilles  courtes 
&  arrondies  ;  le  deiTus  de  la  tête  couvert  d'un  cafque 
d'une  feule  pièce  ;  il  a  0nq  doigts  à  tous  les  pieds  ; 
dans  ceux  de  devant ,  les  deux  ongles  du  milieu  font 
très-grands  ,  les  deux  latéraux  font  plus  petits  ,  &  le 
cinquième ,  qui  efl  l'extérieur ,  &  qui  efl  fait  en  forme 
d'ergot ,  efl  encore  plus  petit  que  tous  les  autres  ; 
dans  les  pieds  de  deniere ,  les  ongles  font  plus  courts 
&  plus  égaux  ;  la  queue  efl  très  -  courte ,  elle  n'a 
que  deux  pouces  de  longueur ,  &  elle  efl  revêtue  d'un 
têt  tout  autour  ;  le  corps  a  un  pied  de  longueur  , 
fur  huit  pouces  dans  fa  plus  grande  largeur  ;  la  cui- 
raiTe qui  le  couvre  eft  partagée  par  quatre  commifTures 
ou  divifions  ,  &  compofée  de  trois  bandes  mobiles  & 
traniverfalcs  ,  qui  permettent  à  l'animal  de  fe  courber 
&  de  fe  contracter  en  rond;  la  peau  qui  forme  les 
commifîures  efl  très-fouple.  Les  boucliers  qui  cou- 
yrent  ks  épavdes  vk  k  croupe ,  font  çompofés  de  pièces 


ARM  5Ji 

à  cinq  angles  ,  très-élégamment  rangées;  les  trois  ban- 
des mobiles  entre  ces  deux  boucliers  font  compoiées 
de  pièces  carrées  ou  barlongues  ,  &  chaque  pièce  eu 
chargée  de  petites  écailles  lenticulaires  dhin  bianc  jau- 
nâtre. 

Quand  ce  tatou  fe  couche  pour  donnîr ,  ou  lorfque 
quelqu'un  le  touche  ou  veut  le  prendre  avec  la  main  , 
il  rapproche  &  réimit  pour  ainfi  dire  en  un  point 
les  quatre  pieds  ,  ramené  fa  tête  fous  fon  ventre ,  8c 
fe  courbe  ii  parfaitement  en  rond,  qu'alors  on  le 
prendroit  plutôt  pour  une  coquille  de  mer  (  un  nau- 
tille  épais  )  que  pour  un  animal  terreflre.  Cette  con- 
tra£tion  fi  forte  fe  fait  au  moyen  de  deux  grands 
mufcles  qu'il  a  fur  les  côtés  du  corps  ;  &  dans  cet 
état  ,  les  mains  de  l'homme  le  plus'  fort  parviennent 
dilîicilement  à  le  deflerrer  &  à  le  faire-  étendre.  Sa 
chair  efl  aufîi  blanche  &C  auiîi  bonne  que  celle  du 
cochon  de  lait. 

2,^  L'encoubert  ou  Tatou  dont  la  asimjfe,  qui 
efl  entre  deux  boucliers ,  ejl  a  fix  hamies. 

Ce  taiou  eu  plus  grand  que  le  précédent  ;  il  a  en« 
viron  quatorze  pouces  de  longueur ,  fans  la  queue, 
'VencQuhzn  a  le  ctelTus  de  la  tête ,  du  cou  &  du  corps 
entier ,  les  jambes  &  la  queue ,  tout  autour ,  revêtus 
d'un  têt  oileux ,  très-dur  ,  &  compofé  de  pîuileurs 
pièces  aiTez  grandes  &  très  -  élégamment  diîpofées. 
Chaque  bouclier  efl  d'une  feule  pièce  ;  il  y  a  feule- 
ment 5  au-delà  du  bouclier  des  épaules ,  &  près  de  la 
tête ,  une  bande  mobile  entre  deux  jointures  y  qui 
permet  à  l'animal  de  courber  le  cou. 

Le  bouclier  des  épaules  eli  formé  par  cinq  ou  fix 
rangs  parallèles  compofés  de  petites  pièces  qui ,  tan- 
tôt forment  des  hexagones  irréguliers ,  tantôt  font  à 
cinq  ou  à  fix  angles  ,  avec  une  efpece  d'ovale  dans  cha- 
cune ;  la  cuirafTe  du  dos  efî  partagée  en  iix  bandes  , 
qui  anticipent  un  peu  les  unes  fur  les  autres ,  &  i^cl 
tiennent  entre  elles  ôc  aux  boucliers  par  fept  jointure^., 


512  ARM 

d'une  peau  fcuple  &  épaifle  ;  ces  bandes  font  compo- 
fées  aaffez  grandes  pièces  carrées  &  barlongues  ;  de 
cette  peau  cies  jointures ,  il  fort  quelques  poils  blan- 
châtres &  femblables  à  ceux  qui  fe  voient  aufli  en 
très-petit  nombre  fous  la  gorge  ,  la  poitrine  &  le 
ventre  ;  toutes  ces  parties  inférieures  ne  font  revêtues 
que  d'une  peau  grenue.  Le  bouclier  de  la  croupe  a  un 
bord  dont  la  mofaïque  efl  femblable  à  celle  des  ban- 
des mobiles;  il  a  dix  rangs  parallèles  compofés  de 
petites  pièces  droites ,  qui  forment  comme  des  cai-rés  ; 
les  rangs  qui  approchent  de  l'extrémité  vers  la  queue  , 
perdent  la  forme  carrée  &  deviennent  plus  arrondis. 

La  queue  a  environ  fix  pouces  de  longueur  ;  l'ani- 
mal ,  en  marchant ,  la  porte  haute  6c  un  peu  courbée  ; 
le  tronçon  eft  revêtu  d'un  têt  offeux  comme  le 
corps  ;  fix  bandes  inégales  par  gradation  le  couvrent  ; 
elles  font  compofées  de  petites  pièces  hexagones  irré- 
gulieres  ;  le  têt  de  la  tête  efr  long  ,  large ,  &  d'une 
lëule  pièce  jufqu'à  la  bande  mobile  du  cou  ;  le  mufeau 
efl  aigu ,  les  yeux  petits  ,  la  langue  étroite  &  pointue  ; 
les  oreilles  nues,  courtes  6c  brunes  comme  la  peau 
des  jointures  du  dos  ;  dix-huit  dents  de  grandeur  mc- 
diocre  à  chaque  mâchoire  ;  cinq  doigta  à  tous  les  pieds, 
avec  des  ongles  affez  longs ,  arrondis  &  plutôt  étroiis 
que  larges  ;  la  tête  &c  le  groin  à-peu-près  femblables 
à  ceux  du  cochon  de  lait.  La  couleur  du  corps  eil 
d'un  jaune  roufsâtre. 

Ue/zcouben  eu  ordinairement  épais  &c  gras  ,  &c  le 
mâle  a  le  membre  génital  très-apparent.  îl  fouille  la 
terre  avec  une  extrême  facilité,  tant  à  l'aide  de  fon 
groin  que  de  fes  ongles  ;  il  fe  fait  un  terrier  où  il  fe 
tient  pendant  le  jour,  &  d'où  il  ne  fort  que  lefoir  pour 
chercher  fa  fubfiflance  ;  il  boit  fouvent  ;  il  vit  de 
fruits  ,  de  racines ,  d'infecles  6c  d'oifeaux  ,  lorfqu'il 
peut  en  faifir.  On  prétend  que  fa  chair  efl  d'un  mau- 
vais goût.  Umcoubcn  efl  le  tatou-pé  du  Père  ^Abbi- 
ville, 

3°.    Le 


ARM  ÎÏ5 

5.®  Le  Tatuete  ou  Tatou  dont  la  culrajfc  ^  qui 
eft  entre  deux  boucliers  ,  eji  à  huit  bandas. 

Ce  tatou  efl  bien  moins  grand  que  Vencouhen ,  il  eil 
tnême  un  peu  plus  petit  que  Vapar^  Il  n'a  depuis  la 
tête  juiquà  l'origine  de  la  queue  ,  qu'environ  dix 
pouces  de  longueur  ;  il  a  la  tête  petite ,  le  mufeaii 
pointu ,  les  oreilles  droites ,  un  peu  alongées  ;  la 
queue  encore  plus  longue  &  les  jambes  moins  baffes  , 
à  proportion  que  Vmcouhrt  ;  il  a  les  yeux  petits  & 
noirs  ;  quatre  doigts  aux  pieds  de  devant ,  &  cinq- 
aux  pieds  de  derrière  :  la  tête  efl  couverte  d'un  cafque; 
les  épaules ,  d'un  bouclier ,  ainfi  que  la  croupe  ;  le  corps , 
d'une  cuiraffe  compofée  de  huit  bandes  mobiles ,  qui 
tiennent  entre  elles  &;  aux  boucliers  par  neuf  join- 
tures de  peau  flexible  :  la  queue ,  qui  a  à  peu  près 
neuf  pouces  de  longueur ,  efl  revêtue  de  même  d'un 
t^l  compofé  de  huit  anneaux  mobiles ,  &:  féparé  par 
neuf  jointures  de  peau  flexible. 

Le  ventre  efl  couvert  d'une  peau  blanchâtre,  gre- 
nue &  femée  de  quelques  poils.  Le  têî  des  boucliers 
paroît  femé  de  petites  taches  blanches ,  proéminentes 
&  larges  comme  des  lentilles  :  les  bandes  mobiles 
qui  forment  la  cuiraffe  du  corps  font  marquées  par 
des  figures  triangulaires.  La  couleur  de  la  cuiraffe  fur 
le  dos  efl  d'un  gris  de  fer;  fur  les  flancs  ôc  fur  la 
queue  elle  eff  d'un  gris  blanc  ,  avec  des  taches  gris 
de  fer  ;  ce  têt  n'efl  pas  dur  ;  le  plus  petit  plomb  fiifïït 
pour  le  percer  &  pour  tuer  l'animal.  Sa  chair  efl 
bonne  à  manger  &  fort  blanche.  Cet  animal  efl  l'/Zio- 
tochtVi  des  Mexiquains. 

4,^  Le  Cachîcame  ou  Tatou  dont  la  culrajfe  ^ 

qui  efl  entre  deux  boucliers  ,  efl  a  neuf  bandes.  (  Da-- 

fypus  novem  dncîus  ^  Linn.)  Excepté  cette  bande  de  plus, 

le  caclûcamz  reffemble  ,  à  tous  autres  égards  ^  au  tatuete  ^ 

Se  il  efl    à    préfumer    qu'ils  ne  font  pas  réellement 

deux  efpeces  différentes  ;  peut-être  même    le   tatuettc 

'  cu-il  le  mâle  3^  le  çaolmmu  la  femelle^  d'unç,  feule  Se 

Tomih        "  Kk 


514  ARM 

même  efpece ,  &  qu'un  plus  grand  nombre  de  bandes 
eu  néeelfaire  aux  femelles  pour  faciliter  la  geitation 
&  l'accouchement  dans  des  animaux  dont  le  corps  eu 
fi  étroitement  cwrafTé.  Le  cack  came  ell  le  tatou -min 
de  la  Guiane. 

5.^  Le  Kabassou  ou  Tatou  dont  la  culrajfe  ^  qui 
eft  entre  deux  boucliers ,  efi  à  dou\ç  bandes. 

Le  kahajfou  efl  le  plus  grand  de  tous  les  tatous  ; 
U  a  une  forte  odeur  de  mufc ,  qui  fait  que  fa  chair 
n'ed  pas  mangeable. 

Cet  animal  a  la  tête  plus  grofle  ,  plus  large  ,  & 
le  mufeau  moins  effilé  que  les  autres  tatous  ;  il  a 
auiïi  les  jambes  plus  épaifles  &  les  pieds  plus  gros  ;  la 
queue  n'a  point  de  têt  ;  il  a  cinq  doigts  à  tous  les 
pieds  ;  il  a  fur  le  corps  douze  bandes  mobiles  ,  qui 
n'anticipent  que  peu  les  unes  fur  les  autres.  Le  bou- 
clier des  épaules  n'eft  formé  que  de  quatre  ou  cinq 
rangs  ,  compofés  chacun  de  pièces  quadrangulaires 
afTez  grandes  ;  les  bandes  mobiles  font  auiîi  formées 
<le  grandes  pièces  ,  mais  prefque  exadlement  carrées  ; 
celles  qui  compofent  les  rangs  du  bouclier  de  la  croupe, 
font  à  peu  près  femblables  à  celles  du  bouclier  àes 
épaules  ;  le  cafque  de  la  tête  efl  aufîi  compofé  de 
pièces  affez  grandes ,  mais  irrégulieres. 

Les  pièces  qui  compofent  le  cafque  de  la  tête  , 
celles  des  deux  boucliers  &  de  la  cuiraiîe ,  font  pro- 
portionnellement plus  grandes  &  en  plus  petit  nombre 
dans  le  kahajfou  que  dans  les  autres  tatous.  Entre  les 
jointures  des  bandes  mobiles  &  des  autres  parties  de 
l'armure  s'échappent  quelques  poils  pareils  à  des  foies 
de  cochon  :  il  y  a  aufîi  fur  la  poitrine,  far  le  ventre, 
fur  les  jambes  &  fur  la  queue  des  rudimens  d'écaillés 
qui  font  ronds ,  durs  &  polis  comme  le  refle  du 
têt  ,  &  autour  de  ces  petites  écailles  on  diftingue 
de  petites  houppes  de  poils.  Le  kabajfou  s'appelle  tatou- 
ouajfou ,  dans  les  terres  du  Maragnon ,  ôc  violon  à  la 
Giiidne, 


ARM  515 

6.^  Le  Cirquinçon  ou  Tatou  à  un  feul  houdUr 

&  à  dix-huit  bandes. 

Nous  avons  dit  que  tous  les  autres  tatous  ont  deux 
boucliers ,  chacun  d'une  feule  pièce  ;  le  premier  fur 
les  épaules ,  &:  le  fécond  fur  la  croupe  ;  le  cirquinçon  n'en 
a  qu'un ,  &:  il  eft  placé  fur  les  épaules.  On  lui  a  donné 
le  nom  de  tatou-hdate  ,  parce  qu'il  a  la  tête  à  peu 
près  de  la  même  forme  que  celle  de  la  belette.  On 
l'appelle  aufîi  tatou-ouinchum. 

Le  corps  du  tatou- drquinç on  eft  d'environ  dix  pou- 
ces de  long ,  la  tête  de  trois  ,  la  queue  de  cinq  ;  les 
jambes  de  deux  ou  trois  pouces  de  hauteur  ;  le  devant 
de  la  tête  large  &  plat  ;  les  yeux  petits  ;   les  oreilles 
longues  d'un  pouce  ;   cinq  doigts   aux   quatre  pieds  , 
de  grands  ongles  longs  d'un  pouce   aux  trois   doigts 
du  milieu  ,  des  ongles  plus  courts  aux  autres  doigts  ; 
l'armure  de  la  tête  61  celle  des  jambes  compofées  d'é- 
cailles    arrondies ,  d'environ   un    quart  de   pouce  de 
<iiametre  ;  l'armure  du  cou  d'une  feule  pièce  ,  formée 
de  petites  écailles  carrées  ;  le  bouclier  des  épaules  aufîi 
d'une   feule  pièce  &  compofé  de  pluiieurs  rangs  de 
pareilles  petites  écailles  carrées.  Ces  rangs  du  boucher, 
dans  cette  efpece  comme  dans  toutes  les  autres  ,  font 
continus   &    ne  font  pas  féparés  les   uns  des  autres 
par  une  peau  flexible  ;  ils  font  adhérens  par  fymphyfe. 
Tout  le  refte  du  corps ,  depuis  le  bouclier  des  épaules 
jufqu'à  la  queue  ,  efl  couvert  de  dix-huit  bandes  mo- 
biles &  feparées  les  unes    des   autres    par  une  mem- 
brane fouple;  les  premières  bandes  du  côté  des  épaules , 
font  les  plus  larges  ,  elles  font  compofées  de  petites 
pièces   carrées  &  barlongues  ;  les  bandes  poftérieures 
font  faites  de  pietés  rondes  ôc  carrées ,  &  l'extrémité 
de  l'armure ,  près  de  la  queue  ,  eil  de  figure  parabo* 
lique.  La  moitié  antérieure  de  la  queue  eft  environnée 
de  fix  anneaux ,  dont  les  pièces  font  compofées  de 
petits  carrés  ;  la  féconde  moitié  ,  jufqu'à  l'extrémité  , 
efl  couverte   d'écaillés   irrégulieres.   La  poitrine,  le 


5i(î  ARM 

ventre  &  les  oreilies  font  nus  comme  dans  les  autre* 
efpeces.  Il  femble  que  de  tous  les  tatous  celui-ci  ait 
plus  de  facilité,  pour  fe  contrafter  &:  fe  ferrer  en  boule , 
à  caufe  di|  grand  nombre  de  fes  bandes  mobiles. 

Ce  tatou'clrqidnçon  fe  trouve  auffi  au  Sénégal  ;  il 
paroît  avoir  été  apporté  du  Bréfil  en  Guinée  ,  &;  s'y 
erre  naturalifé ,  comme  tant  d'autres  efpeces  en  diffé- 
rens  lieiLx. 

Il  paroît  que  des  fix  efpeces  de  tatous  dont  nous 
venons  de  faire  l'énumération ,  les  deux  plus  grandes 
font  le  kabajfou  &c  Vcncouben  ;  que  les  petites  efpeces 
font  Vapar  ^  le  tatuete ,  le  cachicamc  &L  le  cirquinçon» 
Dans  les  grandes  efpeces  le  têt  eil  beaucoup  plus  fo- 
lide  &  plus  dur  que  dans  les  petites;  les  pièces  qui 
le  ccmpofent  font  plus  grandes  &  en  plus  petit  nom- 
bre ;  les  bandes  anticipent  moins  les  unes  fur  les  autres  , 
6c  la  chair  auiTi  bien  que  la  peau ,  eil  plus  dure  ôc 
moins  bonne.  On  prétend  que  les  tatous  de  la  petite 
efpece  fe  tiennent  dans  les  terrains  humides  ,  &:  habi- 
tent les  plaines ,  &  que  ceux  de  la  grande  efpece  ne  fe 
trouvent  que  dans  les  lieux  plus  élevés  &  plus  fecs.  Enfin, 
on  voit  que  les  tatous  différent  entre  eux  par  la  figure 
de  la  tête ,  la  longueur  des  jambes  ,  le  nombre  des 
doigts ,  des  ongles ,  des  bandes  ,  àes  boucliers  ,'  des 
écailles  ,  par  la  longueur  de  la  queue  ,  par  la  couleur  , 
par  l'odeur  &:  par  les  poils.  Les  bandes  de  la  cuirafTe 
font  d'une  teinte  plus  ou  m.oins  foncée  ;  dans  des 
efpeces,  elle  eil  ou  jaunâtre,  ou  grifâtre,  ourouflatre; 
dans  d'autres ,  brunâtre ,  noirâtre  ,  &:c.  L'efpece  appelée 
à  la/  Guiane  ,  violon  ,  a  la  queue  mollaiie  ,  6l  a 
feulement  des  rudim.ens  d'écaillés. 

Armadille  à  grandes  écailles  mobiles  de  Séba  ; 
c'efl  le  Pangolin.  Voyei  ^^  ^^^• 

ARMÉ  (  l'  )  ,  Cottus  quadricomis  ,  Linn.  Nom  d'un 
poiilbn  qui  efi  commun  dans  les  différens  Détroits  de 
la  mer  Baltique.  Il  efl  du  genre  du  Cotte.  C'efl  le 
korn-Jimpa  des  Suédois.  Suivant  Amdi  ,  la  tête   de 


k    R    M  fi7 

ce  poiffoneft  aplatie- ,  plus  large  que  le  corps  ,  & 
chargée ,  nôtammeiit  fur  les  côtés  ,  de  beaucoup  d'ai- 
guillons Ôc  de  tubercules.  La  mâchoire  fupérieure  efl 
lin  peu  plus  longue  que  l'inférieure  ;  l'ouverture  de 
la  gueule  très-large  ;  les  narines  plus  près  des  yeux 
que  du  mufeau  ,  6l  très-écartées  entre  elles  ;  les  mâ- 
choires garnies  de  plufieurs  rangées  de  petites  dents  ; 
des  os  dentelés  au  palais  &  au  gofier  ;  les  yeux  voifms 
Pun  de  l'autre  ,  &  fitués  fur  la  partie  fupérieure  de  la 
tête  ;  les  iris  petites  &c  d'un  jaune-rougeâtre  ;  la  pru- 
nelle efl  ovalaire ,  verte  ou  d'un  bleu-jaunâtre.  Sur  le 
milieu  de  la  tête  sxlevent  quatre  tubercules  ,  fembla- 
bles  à  des  cornes ,  &  difpofés  aux  quatre  angles  d'un 
carré  ;  ceux  de  devant  font  communément  plus  gros 
&  plus  arrondis  ,  &:  ceux  de  derrière  plus  alongés  , 
leur  furface  efl:  âpre  au  toucher.  Indépendamment  de 
ces  tubercules  ,  plus  de  vingt  apophyfes  oiTeufes  & 
aiguës  fortent  des  os  &  des  lames  de  chaque  mâ- 
choire ;  elles  font  recouvertes  feulement  d'une  peau 
mince.  Il  y  en  a  deux  de  part  &  d'autre  vers  la  partie 
fupérieure  des  membranes  des  ouïes  ;  trois  autres  plus 
grandes  à  côté  de  la  corne  fituée  au-deffus  de  chacune 
des  mêmes  membranes;  deux  auprès  des  narines;  une 
vers  le  haut  de  chaque  nageoire  pedorale  ,  &;  deux 
encore  entre  les  cornes  ,  vers  la  naiffance  du  dos  , 
fans  compter  d'autres  tubercules  obtus  &:  à  peine  {en" 
fibles.  Les  ouvertures  des  ouïes  offrent  des  tubercules 
arrondis  &:  âpres.  Il  y  a  encore  au-defTus  de  chaque 
ligne  latérale  ,  deux  files  de  tubercules  affez  petits  & 
rudes  au  toucher  :  la  rangée  fupérieure  en  offre  en- 
viron quarante  ;  l'inférieure  environ  quatorze.  La 
première  nageoire  du  dos  a  huit  ou  dix  rayons  fimples  ; 
la  deuxième  en  a  quatorze  ou  quinze.  Les  deux  nageoires 
pedorales  ,  larges  &  étendues  ,  ont  chacune  ieize  à 
dix-fept  rayons  affez  longs  ;  les  abdominales  en  ont 
quatre  ;  celle  de  l'anus  en  a  quatorze  ;  la  queue ,  dont 
l'extrémité    çû  à -peu -près  de  niveau  ,  en  a  douze  3. 


5î8  ARM 

dont  les  dix  intermédiaires  font  fendus  en  deux  à  lent 
fommet.  Ce  poiiTon ,  qui  fe  nourrit  d'infettes  &c  de 
vers  marins  ,  eil  d'une  couleur  tantôt  blanchâtre  6c 
tantôt  fombre  ,  avec  des  lignes  noires  fitiiées  tranf- 
verfalement  fiir  les  côtés  ;  le  ventre  eil  blanc  ;  les 
nageoires  ,  &c  fur-tout  la  queue ,  font  fouvent  mar- 
quées   de   taches  noirâtres. 

Armé  (P)  ,  Silums  mïlïtarïs  ^  Linn.  Cette  efpece 
eil  du  genre  du  Sïlurt ,  &  fe  trouve  en  Afie  ;  ce 
poiiTon  a  près  de  la  gueule  deux  barbillons  aplatis  , 
roides ,  &  d'une  confiilance  oileufe  ;  le  premier  rayon 
de  la  nageoire  dorfale  eil  à  peine  fenfiblement  épi- 
neux ;  cette  nageoire  eil  charnue  dans  fa  partie 
poilérieure  ;  le  dos  relevé  en  forme  d'éminence  vers 
cette  même  nageoire  ;  la  ligne  latérale  n'a  aucune 
courbure.  Les  yeux  font  fitués  fur  les  côtés  de  la 
tête.  La  nageoire  dorfale  citre  fept  rayons ,  ainii  que 
chacune  des  abdominales  ;  chacune  des  pectorales  , 
onze  ;  celle  de  l'anus  ,  vingt  ;  celle  de  la  queue  ,  dix- 
huit. 

AP^MÉNISTAIRE ,  efpece  ^onk  marim.  Voyez  u 
met, 

ARMES  ,  Arma,  Les  Cabinets  des  Curieux  offrent 
à  l'œil  &  à  la  réflexion  les  différentes  efpeces  di  armes 
que  les  humains  ont  inventées  pour  l'attaque  &  la 
dëfenfe.  Comme  dans  les  brutes  ,  les  premières  armes 
de  l'homme  irrité  furent  fes  dents  ,  fes  ongles  ,  i^s, 
pieds  5  fes  bras.  Heureux  ii  l'art  ne  lui  en  eût  pas  mis 
à  la  main  de  plus  ten'ibles.  Bientôt  l'homme  ajouta 
à  fes  armes  naturelles  ,  la  pierre  &  le  bois  qu'il 
rencontra.  Il  augmenta  ,  par  l'ufage  de  la  fronde ^ 
la  rapidité  avec  laquelle  il  lançoit  la  pierre.  La  pierre 
fut  aiguifée,  &  devint  la  hache.  Voyez  Hache  de  pierre. 
Le  bois  armé  de  fer  ,  devint  la  pique  &:  la  flèche.  La 
flèche  parut  plus  perfide  ,  plus  fatale  fuivant  le  tra- 
vail de  fcn  fer  ou  des  offemens  de  poiiîbn  que  l'on 
avoxt  l'art  d'empoifcnner  fecrétement  à  l'aide  d'un  fuç 


ARM  J19 

yangereilX  ;  avec  le  bois  pliant ,  élaftîqiie  ^  on  forma 
l'arc  pour  lancer  la  flèche  plus  loin  &  avec  plus  de 
force.  Voyez  Arc.  L'art  de  nuire ,  de  fe  détruire ,  fe 
perfedionna  ;  on  arma  un  manche  de  bois  ou  d'autres 
matières ,  d'une  grofîe  boule  dure  ;  voilà  le  caffc-têu  ; 
on  travailla  le  fer  :  on  fît  des  coutelas ,  des  éj^ées ,  des 
fabres.  Le  crit  devint  Varme  favorite  ,  notamment  des 
Habitans  de  Malaca  (  c'eft  une  efpece  de  poignard  en 
acier  fin ,  dont  la  lame  efl  large  &:  ondée  par  les  bords  , 
pénétrée ,  lors  de  fa  fabrique  ,  d'un  poifon  fi  fubtil  6c 
îi  adif ,  fur-tout  en  été ,  que  la  moindre  égratignure 
que  fait  cet  infiniment  eft  ,  dit-on ,  mortelle  ).  Le 
même  art  fe  joignant  à  la  fiireur  ,  on  inventa  mille 
armes  plus  terribles  les  unes  que  les  autres  ,  on  alla 
chercher  la  foudre  jufque  dans  les  fecrets  de  la  Nature. 
L'homme  ,  pour  réfiiler  à  l'homme  ,  fon  ennemi  le 
plus  cruel  ,  conçut  le  moyen  de  former  des  armes 
défenfives  ,  des  boucliers  de  bois  ,  de  cuir  ,  de  fer  , 
des  culrajfes  ,  des  rondachzs  ,  des  armures  qui  les  cou- 
vroient  de  pied  en  cap ,  eux  &  leurs  chevaux.  Enfin  , 
quand  les  hommes  fe  furent  armés  de  leur  tonnerre , 
tous  ces  préfervatifs  de  leur  deflrudion  devinrent 
prefque  inutiles.  Qui  ne  connoît  l'effet  meurtrier  du 
fufil  5  du  canon  ,  de  la  bombe  ,  &:c,  ? 

On  voit  encore  dans  les  Cabinets ,  divers  inflrumens 
que  la  fuperflition  a  fait  fabriquer  ;  ce  font  les  fpata 
éc  fcopellœ  Arufpicum,  Ces  inflrumens  fervoient  aux 
Arufpices  pour  fouiller  dans  les  entrailles  des  animaux 
immolés  ,  oii  ils  croyoient  lire  la  volonté  de  leurs 
Dieux  &:  les  préfages  de  l'avenir.  Les  Romains  en- 
voyoient  tous  les  ans  de  jeunes  gens  de  famille  illuflre 
pour  s'inflruire  dans  l'art  des  Arufpices,  Ils  avoient  aufîî 
des  Augures  chargés  d'obferver  l'avenir  par  le  vol  des 
oifeaux ,  &;  par  l'appétit  des  poulets  facrés.  C'efl  en 
confidérant  le  ridicule  de  ces  cérémonies  fuperflitieu- 
fes  5  que  des  gens  fenfés  s'étonnoient  comment  deux 
Augures  pouvoient  s'entre-regarder  fans  éclater  de  rire* 

K.k    4 


520  A  R  M     _    A    R    O 

Les  Prêtres  de  Iiiidah  ont  iin  motif  plus  particulier  clans  " 
le  culte  de  leurs  Ûivinités.  A^oj^^  l'article  Serpent  fétiche^ 

APvMOISE  ou  Herbe  de  la  Saint-Jean  ,  ^nc- 
viïjia  vulgaris  ^  Linn.  1188;  &  major  ^  cauh  &  flore 
purpurafcentibiis  ^  C.  B.  Pin.  137.  Plante  vivace  ;  fa 
racine  ,  qui  eft  longue  ,  rampante  ,  fibreufe ,  douce  & 
aromatique  ,  pouffe  plufieurs  tiges  cannelées  &  velues, 
droites  &  fermes  ,  purpurines  ou  d'un  vert-blanchâtre  ; 
elles  s'élèvent  à  la  hauteur  de  deux  à  quatre  ■  pieds. 
Ses  feuilles  font  nombreiifes  ,  placées  alternative- 
ment ,  pinnatifîdes  ,  découpées ,  d'un  vert  foncé  en 
defRis  5  blanchâtres  en  deffous  :  elles  ont  un  petit 
goût  d'herbe  falée  ,  &;  rougiffent  un  peu  le  papier 
Bleu.  Ses  fleurs  naiffent  en  g;rand  nombre  au  fommet 
des  rameaux ,  &  font  compofées  de  plufieurs  fleurons 
purpurins  :  fa  graine  eil  fembléible  à  celle  de  l'abfmthe  : 
les  fleurs  ont  une  odeur  aromatique.  Cette  plante  croît 
fur  le  bord  des  foffés  &  des  ruiffeaux,  &  dans  les 
prés ,  tant  en  Europe  qu'en  Afie.  Elle  fleurit  au  mois 
d'Août. 

Le  nom  latin  Artemijia ,  a  été  donné  à  cette  plante 
par  Artlrîiife  ,  reine  de  Carie  ,  qui  s'en  fervoit  pour 
guérir  les  coliques  &  les  paflions  hyflériques  ;  en  effet , 
Varmoife  efl  utérine ,  antihyfférique  ,  &  même  anti- 
fpafm.odiqiie  :  on  trouve  quelquefois  de  vieilles  racines 
^anrïoift ,  mortes  &  defféchées  ,  devenues  noires  par' 
la  pourriture  ,  reffemblantes  à  du  charbon  ;  mais  elles 
ne  font  point  deffituées  de  principes  aâ:ifs.  On  trouve 
de  femblables  charbons  fous  l'abfmthe  ,  le  plantain ,  &: 
autres  plantes.  Uarmoifc  entre  dans  diverfes  prépara-^ 
tions  ,  dans  l'eau  vulnéraire  &:  l'eau  hyflérique. 

ARNIQUE  ,    Arnica,   Voyez  à  l'article  DoRONïC. 

AROLE  DES  ALPES.   Voyei  a  l'article  PiN. 

AROMAl'ES  5  Aromata,  On  comprend  ,  fous  ce 
nom  générique ,  tous  les  végétaux  pourvus  d'une  huile 
&  d'un  fel  acre  ,  qui  ,  par  leur  union ,  forment  une 
fubftance  l^avonneufe  ^  qui  eft  le  principe  de  l'odeur  6c 


A    R    O  521 

îîu  goût  acre  ,  ilimuîant  &c  échauiiant  qu'on  y  dé- 
couvre. Tels  font  le  c/ou  de,  glrofie  ,  la  cannelle  ,  le 
poivre  ,  le  gingembre  &  le  màcls.  Les  cliiTërens  aromates 
peuvent  être  d'un  grand  fecours  lorfqu'il  s'agit  de 
donner  du  rellbrt  à  l'eilomac  &  aux  inteilins.  L'ufage 
habituel  en  efl  dangereux ,  ainfi  que  l'odeur  des  fleurs 
dont  les  érrianaticns  font  fortes  &:  fuaves.  On  a  vu 
en  Hollande  des  Matelots  endormis  lur  des  ballots 
de  fafran  &  d'épicerie  ,  périr  aiphyxiés.  Foye^ 
Parfum. 

AROMATITE.  Pierre  d'une  fubflance  bitumineufe , 
&  fort  rePiemblante  par  fa  couleur  &  fon  odeur  ,  à 
la  myrrhe.  On  la  trouve  en  Egypte  5c  en  Arabie.  Les 
Anciens  en  fiifoient  beaucoup  de  cas.  Peut-être  ^ix-ce 
'  la  même  pierre  dont  Pline  fait  mention  fous  le  nom  de 
myrrhina.'  peut-être  aufli  n'efl-ce  que  la  pierre  ohfi' 
dienne.  Voyez  ce  mot  &  l'article   Va/es  Mirrhins. 

AP»^OMPO  ou  Mangeur  d'hommes.  Quadrupède 
de  la  Côte  d'Or  ,  dont  le  poil  long  &  délié  ,  efl  d'un 
brun  pâle  ,  &:  quelquefois  rougeâtre.  Uarompo  fe  fait 
remarquer  par  une  queue  fort  longue ,  terminée  à  fon 
extrémité  par  une  touffe  de  poils.  Les  Nègres  l'appel- 
lent mangeur  d'hommes ,  parce  qu'il  fe  nourrit  de  cada- 
vres humains  qii^'û  déterre  avec  fes  ongles.  Uarompo 
eu  peut-être'  le  chacal.  Voyez  ce  mot.  Voyez  auffi 
t article  M  ANTI C  H ORE . 

AROUGHEUN.  Animal  que  l'on  trouve  en  Virgi- 
nie ,  &:  qui ,  fuivant  lancienne  Encyclopédie ,  eft  tout 
femblable  au  caflor  ,  à  l'exception  qu'il  vit  fur  les 
arbres  comme  les  écureuils.  Que  de  difparates  dans 
cet  expcfé  ,  quelle  incohérence  fur  le  compte  de 
la  Nature  !  quel  peut  être  cet  anim.al  ? 

La  peau  de  cet  animal'  forme  ,  dit-on  ,  une  partie 
du  commerce  que  les  Anglois  font  avec  les  Sauvages 
voifms  de  la  Virginie.  Cette  fourrure  efi  fort  eilimée 
en  Angleterre.  Voilà  tout  ce  que  nous  favons  fur 
Varoughun^ 


fil  A   R   O         A   R   Q 

AROU-HARISI.  Nom  donné  dans  quelques  Pro-^^ 
vinces  des   Indes  ,  au  rhinocéros.  Voyez  ce  mot, 

ARPENTEUR.  Foye^  Pluvier  (grand). 

ARQUE  (!')  5  Ckcetodon  arcuatus  ,  Linn.  :  Acarauna 
txigua  nigra  ,  &c.  Lift.  :  Guapirva^  Marcgr.  Ce  poiflbn 
qui  fe  trouve  dans  les  Indes ,  efl  du  genre  du  Chczto^ 
don  ;  il  a  la  tête  &  le  corps  aplati  par  les  côtés  ;  le 
corps  eil  néanmoins  large  à:  mince  dans  fon  épaiffeur  ; 
le  mufeau  court  ;  les  yeux  en  font  plus  près  que  dans 
les  autres  efpeces  du  même  genre  ;  la  mâchoire  de 
delTous  dépallé  un  peu  la  fupérieure  ;  l'une  ôc  l'autre 
font  garnies  de  pluneurs  rangées  de  dents  oblongues  , 
contiguës  &  preffées  ;  la  lame  intermédiaire  de  l'oper- 
cule des  ouïes  eft  terminée  inférieurement  par  un 
grand  &  fort  aiguillon ,  fitué  dans  une  pofition  ren- 
verfée  ;  il  y  a  cinq  rayons  minces  à  la  membrane  des 
ouïes  ;  la  nageoire  dorfale ,  très-élevée  en  fon  milieu , 
eft  garnie  de  cinquante-un  rayons  ,  dont  les  antérieurs 
font  fermes  ,  les  poilérieurs  mous  &:  fourchus  ;  les 
nageoires  pedorales  font  noirâtres  ,  garnies  de  dix-neuf 
ou  vingt  rayons,  prefque  tous  rameux  par  le  bout:  les 
abdominales  font  d'un  noir  foncé  ,  &  ont  chacune  fix 
rayons  ,  dont  le  premier  eft  en  forme  d'aiguillon  , 
les  fuivans  très-rameux  par  le  bout  ;  la  nageoire  de 
la  queue  eft  ample  oc  faiilante  par  le  milieu  ,  garnie 
de  vingt'fept  rayons  ,  dont  les  trois  premiers  font  fort 
aigus  5  les  auti-es  mous  &  fourchus  à  leur  fommet  ", 
ceux  du  milieu  très-longs.  Les  membranes  des  nageoires 
du  dos  &  de  la  queue  font  fermes  ,  épaifles  ,  écail- 
îeufes.  La  couleur  de  tout  le  corps  ,  ainfi  que  des 
nageoires  ,  eft  noire  ou  bnme  ,  &  marquée  de  part 
&  d'autre  de  quatre  bandes  étroites,  jaunes  ou  blan- 
ches ,  fituées  tranfverfalement  &  plus  ou  moins  cour- 
bes ;  la  première  paffe  par  le  milieu  des  opercules  des 
ouïes,  les  deux  fuivantes  entourent  le  milieu  du  corps  % 
la  quatrième  entoure  la  naiiTance  ôi  l'extrémité  de  la, 
queue.  {Arudi.') 


A    R    R  52J 

ARREPIT.   Foyei  Troglodyte. 

ARRÊTE-BŒUF  ou  Bugrane  à  longues  épines  , 
'Anonis  aut  Ononls  légitima  antlquonim  ,  Lmn. ,  Tourn. 
Cette  plante  croît  dans  les  champs  dont  le  terrain  efl 
fec,  dans  l'Europe  Auflrale  ;  elle  jette  plufieurs  tiges  à  la 
hauteur  d'un  pied  ,  qui  font  armées  d  épines  longues, 
droites  &:  dures  ,  quelquefois  vii'cueules  au  toucher. 
Les  feuilles  ,  qui  font  ovales  ,  velues  ,  vertes  ,  odo- 
rantes 5  nailTent  alternativement  au  nombre  de  trois  à 
la  bafe  de  la  plante  ;  les  autres  feuilles  font  fimples , 
avec  des  itipules.  Les  fleurs  font  légumineui'es  ,  pur- 
purines &:  incarnates  ,  quelquefois  inférées  deux  à 
deux  fur  un  même  point.  Le  fruit  a  la  forme  d'une 
petite  gouilë  ,  qui  contient  des  fernences  en  forme  de 
reins  ;  les  racines  font  vivaces  ,  longues  ,  ligneufes  , 
fibreufes  &:  difnciles  à  rompre  :  celles  qui  arrêtent 
fouvent  les  charrues  des  laboureurs ,  appartiennent  à 
V arrêu'hœuf  des  champs  ;  fa  racine  ell  d'un  goût  défa- 
gréable.  On  la  met  communément  parmi  les  cinq  petites 
racines  apérltives  ,  qui  font  celles  ^anêu-hœuf  ^  de 
câprier  ^  de  cJiardon-roland  ,  de  ch'izndent  &C  de  garerzce^ 
Voyez  cis  mots.  Les  feuilles  de  V arrête-bœuf  ^  en  gar- 
garifme ,  font  bonnes  pour  le  fcorbut.  Voyei;^  ma'mtcnant 
l'article  BuGRANE. 

ARP.ÊTE-NEF.  Foyei  Remore. 

ARRÏAN.   Voyei  Vautour  des  Pyrénées. 

ARRIERE-FAIX  ou  Délivre  ,  Secundina.  C'eft  la 
membrane  ou  tunique  dans  laquelle  étoit  enveloppé 
le  fœtus  dans  la  matrice.  On  l'appelle  ainfi  ,  parce 
qu'il  ne  fort  qu'après  le  nouveau-né  ,  comme  par  un 
fécond  accouchement.  Uarriere-faix  contient  le  pla" 
centa  ,  Qiepar  uterinum  ,)  &  les  vaiiTeaux  ombilicaux,  ^ 
Voyei  fon  article  ,  à  la  fuite  du  mot  Homme. 

ARROCHE ,  A  triplex.  Nom  donné  à  des  plantes 
de  genres  dilFérens  ;  nous  citerons  ici  en  exemple  quel- 
ques efpeces. 

VArroche  blanche^  connue  aufli  fous  le  nom  de  bonnet' 


524  A    R    R 

dame  ou  follette^  A  triplex  kortenjis  ^  Linn.  1493  ;  &alha]^ 
fvc  pallidz  vircTîs^^  C.  B.  P.  119,  Tourn.  505  ,  a  une 
jracine  droite  ,  fibreufe  &  annuelle.  Sa  tige  eft  haute 
de  trois  ,  quatre  à  cinq  pieds  ,  droite  &:  branchue  , 
arrondie  ve?s  le  bas  ,  &  anguleufe  vers  le  haut.  Sqs 
feuilles  font  alternes  ,  pétiolées  ^  lifîes ,  molles ,  trian- 
gulaires ,  d'un  vert -jaunâtre  , '&:  comme  farineufes. 
Ses  fleurs  qui  naiffent  en  épis  à  l'extrémité  des  bran- 
ches ,  font  5  dît  M.  Deleuie  ,  ou  hermaphrodites  ,  ou 
femelles.  Les  unes  6c  les  autres  font  fans  pétales  ;  les 
premières  ont  un  calice  à  cinq  feuilles ,  cinq  étamines 
^  un  piftil  refendu  en  deux  :  les  fieurs  femelles  ont 
un  calice  à  deux  feuilles  ,  &:  le  piilil.  Les  fem.ences 
font  brunâtres  ,  aplaties  &  enveloppées  d'une  efpece 
de  capfuîe  formée  par  le  calice. 

h\4rrockc  rouge  ^  AtripUx  hortznjis  ,  ruhra^  C.  B.  Pin; 
•319  ,  ne  diffère  de  Pefpece  précédente  que  par  la 
couleur  de  fang  ou  de  pourpre  fale  dont  elle  eft  teinte 
fur  fa  tige  &  fur  fes  feuilles.  On  prétend  que  ces  deux 
nrroches  font  originaires  d'Afie. 

h'^Arrocke  puante  ,  ou  vulvaire  ,  Ckenopodium  vulva- 
'^la  ^  Linn.  320  ,  qui  elt  le  chenopodium  fœtidum  des 
ïnftit.  de  Tournef.  506,  &  le  garofmus  ,  Dod.  Pempt. 
616.  Uraripkx  olida  ofîcin.  ,  Ger.  258  ,  eft  d'un 
autre  genre  de  Vatripkx  :  fes  tiges  font  rampantes  ou 
couchées  ,  blanchâtres ,  longues  de  fept  à  huit  pouces  : 
fes  feuilles  qui  font  ovales  ou  rhomboïdales ,  petites 
&:  fans  dentelures ,  font  chargées  d'une  poulTiere  Tai'i^ 
neufe  ou  écailleufe  ,  qui  leur  donne  un  afpe£l  bfen- 
châtre  comme  celles  de  Varrocke  maritime ,  dite  pour-^ 
pier  de  mer  ;  ces  feuilles  kx^cX  froiffées  ,  ont  une 
odeur  de  ganwi  ou  de  maquei'eau  pourri ,  en  un  mot 
d'une  faumure  de  poillbn  corrompue  ;  fes  fleurs  font 
petites ,  en  grappes  ,  terminales  &  axillaires.  Cette 
(irroche  puante  eft  antihyflérique.  Elle  croît  le  long  des 
murs  &  dans  les  lieux  incultes.  Les  chiens  prennent 
plaifir  à  fe  frotter  contre  cette  pknte* 


A    R    R  ^2^ 

On  peut  fubffituer  dans  la  Cuifine  ,  aînfi  que  dans 
la  Médecine  ,  les  deux  premières  elpeces  aux  feuilles 
de  poirée  ,  ou  à  celles  d'épinard ,  foit  pour  le  potage  , 
foit  pour  les  décodions  émollientes  ,  rafraîchiffantes 
&  laxatives.  On  les  cultive  pour  cela  dans  les  jardins 
potagers.  Lorfqu'on  les  a  femées  une  fois  ,  elles  fe 
refement  &  fe  renouvellent  tous  les  ans  par  le  moyent 
de  leur  graine  qui  tombe. 

Linnœus  a  donné  le  nom  de  hUttes  à  deux  autresr 
efpeces  à^arrcches  :  l'une  eil  la  blette  emlée  ,  hUtium 
virgatum  ,  Linn.  7.  Sa  tige  eil  haute  d'un  pied  ou 
environ  ,  fbible  ,  glabre  ,  anguleufe  ;  fes  feuilles  font 
alternes ,  triangulaires  ;  fes  fleurs  très-petites  ,  ramaiiees 
par  pelotons  ,  éparfes  &;  axillaires  dans  toute  la  lon- 
gueur de  la  tige  :  ces  pelotons  deviennent  des  fruits 
rouges  en  forme  de  mûres  ou  de  fraifes  rouges.  L'autre 
efl  la  blette  en  tête  ,  blitum  capitatum  ,  Linn.  6.  Elle 
ne  diffère  de  la  précédente  que  par  fes  pelotons  ramaifés 
au  fommet  des  tiges  ,  oc  non  épars  dans  toute  leur 
longueur.  Ces  deux  efpeces  font  annuelles  ,  originaires 
des  pays  Méridionaux ,  &  fe  cultivent  dans  les  jardins.' 

Arrocke  en  arbrisseau.   Voy&i^  Pourpier  de. 

MER. 

ARROSOIR.  Voye^  fon  article  à  la  fuite  du  mot 
Tuyaux  de  mer. 

ARROUMA  ou  Herbe  aux  hebechets  ,  Falma. 
dactylifera  humilis  ,  cannacoroides  ,  caudice  tenui  fifjili ,' 
Earr.  Eff.  p.  89.  Plante  de  la  Guiane  ;'  qui  paiTe 
pour  être  une  efpece  de  pineau.  Voyez  ce  met.  Ella 
croît  le  long  des  prairies  &  dans  les  fonds  gras  <5c 
marécageux  ,  à  la  hauteur  d'environ  dix  pieds.  Sa  tige 
eil  anguleufe  ,  fans  nœuds  &  groife  commue  le  doigt. 
Elle  fe  fend  aifement  en  long  comme  rofier-n-anc  ; 
&  la  pellicule  forte  qui  fert  d'écorce  à  la  côte  à^s 
feuilles  ,  fe  levé  avec  un  couteau  par  bandes  d'ua 
demi-pouce  au  plus.  On  en  fait  différens  inf^rumens  , 
dont  les  Sauvages  fe  f^rveiu  da/îs  leurs  travaux.  Ces 


^i6  A    R    S 

peuples  font  très  -  adroits  à  remployer  dans  leurs 
ouvrages  de  vannerie  :  leurs  pagaras  ou  corbeilles  , 
catolis  ou  hottes  ,  racouma  ou  couleuvres  ,  c'eft-à-dire 
les  prefles  ,  &:  leurs  matoutcu  ou  petites  tables  à  man- 
ger ,  fe  tirent  de  la  même  plante. 

Aux  environs  du  Para ,  il  y  a  de  petits  paniers  nom- 
més baca'U  ,  de  diverfes  formes  ,  &:  variés  par  un 
coloris  artificiel ,  qui  ne  font  qu'un  tiHu  délicat  de 
petits  brins  de  la  tige  à'arrouma  6c  de  fes  feuilles. 
Barrere  croit  qu'avec  cette  plante  on  pourroit  faire  des 
nattes.  Quand  les  Sauvages  ont  coupé  les  tiges  de  la 
longueur  qui  leur  convient ,  ils  en  ôtent  l'écorce  verte 
avec  le  dos  d'un  couteau  ,  vont  enfuite  au  bord  de 
Teau  paffer  ,  dans  leurs  mains  pleines  de  fable  ,  les 
brins  coupés  pour  enlever  le  peu  d'écorce  qui  refte  : 
ils  noircilient  enfuite  ces  brins  ,  les  divifent  en  quatre 
quartiers  ,  &  chaque  partie  en  deux  ,  tirant  en  même 
temps  la  moelle  qui  eft  au  centre  :  en  mettant  alors 
un  des  deux  bouts  entre  leurs  dents  ,  &  le  tenant  de 
la  main  gauche  ,  ils  lèvent  encore  de  la  main  droite 
une  lanière  fort  fine  dont  ils  font  leurs  ouvrages  ,  & 
qu'on  pourroit  employer  au  mêm.e  ufage  que  le  rotin , 
dont  il  a  la  couleur  quand  il  efl  fec.  Foye^  RoTiN  ^ 
Maif.  Rujl,  de  Caycnne,  AJarrouma  fe  nomme  aroman 
aux  Ifles  ;  aticom  par  les  hommes  Caraïbes  ,  oiiallo^ 
man  par  les  femmes.  C'eft  une  efpece  de  bïhai  du 
Père  Plumier, 

ARSENIC ,  Arfmicum.  Subfiance  minérale  ,  pefante, 
volatile  ,  extrêmement  caiiilique  &  corrofive ,  ce  qui 
la  rend  un  des  poifons  les  plus  violens.  On  diflingue 
plufieurs  fortes  à\irfcnic  :  Tun  qui  efl  rouge  ,  c'eft  le 
rialgar;  l'autre  qui  efl  jaune  ,  c'ell  Vorpimmt,  Il  y  a 
encore  le  mijpikel ,  efpece  de  pyrite  aifnicak  blanche 
argentine.  Foyei  ces  mots.  Il  ne  s'agira  ici  que  de 
Varfmïc  blanc  &  de  Varfmic  noir.  Celui-ci  efl  Varfemc 
de  mine  ou  primitif  Sa  couleur  efl  d'un  gris-noirâtre  , 
d'un  tifiu  grenelé  ëc  feuilleté  ,  plus  ou  moins  corn- 


A    R    s  527 

pafte  j  fort  pefant ,  briiiant  dans  l'endroit  de  la  frac- 
ture ,  fe  terniffant  à  l'air,  très-commun  dans  les  mines 
de  Saxe  &  de  Suéde.  On  l'appelle  aufli  arfaiic  ufiad^ 
ou  par  couches.   Foyc^  Michen  pulver. 

\Iarfmic  blanc  ,  que  l'on  nomme  auiîi  fimplement 
arfinic ,  n'eft  ,  à  proprement  parler  ,  qu'une  chaux 
métallique ,  qui  ,  lorlqu'elle  efl  unie  avec  le  phlogif- 
tique  5  forme  le  régule  d'arfenic ,  qui  efl  un  vrai  demi- 
métal  très-C3raâ:érifé  &  bien  ditférent  des  autres  fub- 
ilances  métalliques.  Uarfmic  fous  forme  régulière  ou 
réguline  ,  &  nouvellement  réduit ,  a  un  afped  brillant 
&  argentin  ;  fa  criilallifation  qui  lui  efl  propre  ,  offre 
<les  pyramides  triangulaires  &:  quelquefois  tétraèdres. 
Il  perd  fon  éclat  à  l'air  6c  devient  noir.  (  Confultez 
Mém,  de  V  Acad,  de  Suéde  ,  tom,  VI ,  ann.  ly^^  ).  La 
■chaux  métaUique  de  Yarjlnlc  a  des  propriétés  iingulieres 
qui  la  rendent  unique  dans  fon  efpece  ,  tant  par  {qs 
«ffets  meurtriers  que  par  des  phénomènes  partie uhers 
qu'elle  préfente  lorfqu'on  la  traite  chimiquement. 
Elle  efl  en  même  temps  terre  métallique  oc  lubfîance 
faline  ,  également  volatile  fur  le  feu ,  &  diflbluble  dans 
î'eau  &;  dans  tous  les  acides.  Sa  criftallifation  efl 
odaëdre  ;  mais  en  maffe  ,  la  chaux  à^arfmk  eil  vi- 
treufe. 

Uarfenîc  rend  aigres  &:  caffans  tous  les  métaux  avec 
lefquels  il  s'unit  ;  il  les  rend  aufïï  d'autant  plus  fufibles 
qu'il  y  efl  combiné  en  plus  grande  quantité  ;  il  faut 
feulement  en  excepter  l'étain  ,  qui  par  fon  mélange 
devient  beaucoup  plus  dur  &  de  moins  facile  fulion. 
Il  donne  au  cuivre  la  blancheur  de  l'argent ,  au  point 
que  de  Faux-monnoyeurs  en  ont  abufé. 

Uarfenic  facilite  la  fufion  de  plufieurs  matières  ré- 
fraftaires  ;  de  là  vient  qu'on  le  fait  entrer  dans  la  corn*, 
pofition  de  plufieurs  criftaux  ,  auxquels  il  donne 
beaucoup  de  netteté  &  de  blancheur  ,  à -peu -près 
comme  le  borax.  Si  la  quantité  qu'on  y  en  introduit  eil 
un  peu  trop  grande ,  les  çriftciux  fs  terniiîent  beaucoup 


528  A    R    S 

plus  promptement  par  l'aclion  de  Pair.  Les  Teinturiers 
emploient  aufTi  Varfmïc  dans  plufieurs  de  leurs  opé- 
rations. 

h'arfenic  &  fon  régule  pouvant  fe  combiner  avec 
plufieurs  métaux  ,  on  les  fait  entrer  dans  certaines 
comportions ,  telles  que  le  cuivre  blanc  ou  tombac  blanc , 
&  dans  les  compofitions  métalliques  de  cuivre  ôi 
d'étain ,  que  Ton  emploie  pour  les  miroirs  ardens. 

Varfmic  ayant  la  propriété  de  fe  diiToudre  dans 
l'eau  ,  dans  le  vinaigre ,  même  dans  les  grailles  6c 
dans  les  huiles ,  &:c.  Ton  peut  conclure ,  dit  M.  Brandt , 
qu'on  peut  s'en  fervir  pour  compofer  avec  la  poix  , 
la  réfme ,  le  foufre  ,  &:c.  des  efpeces  de  vernis ,  dont 
on  pourroit  couvrir  le  bois  ,  aiîn  de  le  garantir  de  la 
pourriture  &:  de  la  vermoulure  ;  ce  qui  feroit  d'une 
très-grande  utilité  ,  tant  pour  les  navires  &  les  autres 
bâtimens  pour  lefquels  on  emploie  du  bois ,  que  pour 
les  digues  dont  on  fe  fert  pour  retenir  les  eaux  de  la 
ïîier.  Acl,  Acad,  Upfal  ^  T.  II L  lyjj. 

Uarfenic  eft  un  poifon  des  plus  corrofifs  :  ceux  qui 
en  font  empoifonnés  ,  font  attaqués  de  vomiffemens  , 
lueurs  froides ,  convulfions  &  autres  fymptômes ,  fuivis 
de  la  mort ,  fi  l'on  n'y  apporte  un  prompt  fecours. 
Les  remèdes  les  meilleurs  font  l'huile  &  le  lait;  peut- 
être  les  matières  abforbantes  &:  alkalines  ,  ainfi  qu'il 
efî  dit  dans  le  Diclionnaire  de  Chimie ,  produiraient- 
elles  de  bons  erfets  ,  à  caufe  de  la  propriété  qu'a 
Varfm'x ,  par  (on  acide ,  de  fe  combiner  &  de  fe  neu- 
tralifer  ,  en  quelque  façon  ,  avec  cos  ikbftances  {a). 
Les  Maréchaux  emploient  Varfcnic  pour  fcarifier  les 
chairs  des  chevaux. 

La  préfence  de  Varfenic  peut  fe  reconnoître  facile- 
ment : 

\a)  On  ne  d:itp!us  mettre  au  nombre  des  conjectures  l'efficacité 
des  fe!s  aikalis  contre  le  poifon  arfenical  ;  c'eft  ,  dit  M.  Bours^cois , 
l'antidote  le  plus  afTuré  que  je  connoiiTe  ,  &  dont  j'ai  vu  les  fuccès  les 
plus  heureux.  On  peut  même  fe  fervir  de  la  leiuve  des  cendres  4i| 
cuif:ne  à  défaut  de  fel  de  tartre,  contre  ce  poifon  mcrui, 


ART  519 

ment  ;  il  fuuit  de  jeter  fur  une  pelle  rouge  quelques 
grains  des  matières  où  l'on  foupçonne  ce  poifon  ,  il 
répand  à  l'inftant  une  odeur  d'ail.  11  blanchit  auiTi  le 
cuivre  ,  le  fer  ,  &c. 

Uarfenic  qui  eft  dans  le  commerce ,  fe  tire  dans 
les  travaux  en  grand  ,  que  l'on  fait  en  Saxe  peur 
obtenir  le  hku  d'azur  du  cobalt ,  demi  -  métal  avec 
lequel  il  eu.  communément  mélangé.  Foye^  r article 
Cobalt  dans  notre  Minéralogie.  Varfenic  blanc  natif 
efl:  en  petits  criflaux  de  figure  indéterminée  ;  cet  arfenic 
eil  très-rare. 

ARTERES.   Foyei  ^  ^^  f^^^^^  ^^  l* article.   HOMME. 

ARTHOLITE  ou  Pain  du  diable.  Nom  donné 
à  un  corps  figuré  &:  fofTile,  qui  relTemble  ou  à  un 
gâteau ,  ou  à  du  pain  d'épice  ,  ou  à  un  pâté.  Voyez 
Corps  figurés ,  à  l'article  Corps  &  Pain  foJjîU. 

ARTICHAUT  ,  Cïnara  hortenjîs  ^foliis  non  aculcatis  ^ 
C.  B.  Pin.  383  :  Scolymus  non  aculeatus  ,  Ang.  Tab. 
Plante  potagère ,  vivace  ,  originaire  d'Italie ,  &  qui 
porte  des  fleurs  purpurines  ,  violettes ,  à  fleurons  dé- 
coupés 5  portés  chacun  fur  un  embryon ,  &  renfermées 
dans  un  calice  écailleux  &  ordinairement  épineux. 
L'embryon  devient  dans  la  fuite  une  femence  ovale  > 
prefque  tetragone ,  garnie  d'aigrettes  :  le  port  de  Var- 
tichaut  efl  un  caraûere  qui  le  diflingue  facilement  des 
chardons.  Ses  feuilles  font  alternes  ,  longues ,  molles  , 
divifées  en  lanières  larges ,  profondément  découpées , 
prefque  épineufes  par  les  bords ,  d'un  vert  cendré  en 
defTus ,  couvertes  en  deffous  d'un  duvet  blanchâtre.  Sa 
racine  qui  ell  ferme ,  groffe ,  longue  ,  fufiforme  ,  pouffe 
une  tige  droite  ,  épaiffe ,  cannelée ,  cotonneufe  ,  qui 
s'élève  à  deux  ou  trois  pieds  de  hauteur ,  garnie  de 
quelques  rameaux ,  au  fommet  defquels  efl  une  tête 
écailleufe,  fort  groffe  ,  terminée  en  pointe  ,  &  qui 
n'efl  que  le  calice  de  la  fleur  :  chaque  écaille  efl 
large,  d'un  vert  de  mer ,  charnue  à  la  bafe  qui  efî 
épaifTe ,  tendre ,  bonne  à  manger  &:  blanchâtre  :  la 
Toms,  /,  1,  1 


530  ART 

partie  inférieure  du  calice  ou  le  placenta  '  des  femences 
eil  fort  dilaté ,  également  charnu  &  bon  à  manger  : 
on  l'appelle  cul  £  artichaut. 

îl  y  a  cinq  efpeces  ^artichauts  connues  dans  notre 
climat;  favoir,  le  vert  ^  le  violet  y  le  rouge,  \ç.fucrldiù 
Gènes  &  le  bUnc  ;  chacune  de  ces  efpeces  a  fes  avan- 
tages &  fes  inconvéniens.  Le  blanc  ell  le  plus  hâtif, 
mais  il  efl:  très-petit  &  très-diiîlcile  à  élever.  Le  violet 
eil  de  peu  ce  profit  ;  c'eif  cependant  celui  dont  on 
fait  le  plus  d'uiage  dans  les  Provinces.  Le  rouge  n'eil 
bon  à  mxanger  que  jeiuie  à  la  poivrade  :  li  on  le  laiife 
groiiir ,  la  chair  devient  dure.  Le  fucré  de  Gênes  a 
\in  eoùt  fin  ^:  fucré  étant  mangé  cru ,  mais  il  dé- 
génère dès  la  féconde  année.  Le  vert  ou  artichaut 
commun ,  cinara  vu/garis ,  eil:  prefque  le  feul  cultivé 
par  les  Klaraichers  de  Paris.  Cette  dernière  eipece  de- 
vient ,  par  la  culture  &  par  les  foins ,  d'une  très-grande 
beauté ,  iiir  -  tout  fi  on  ne  laille  fur  le  pied  que  la 
maîtreile  pomme. 

On  peut ,  avant  l'hiver  ^  couper  les  tiges  à' artichaut 
qui  fe  confervent  alors  long-temps  dans  du  fable  frais. 
Cette  plante  craint  extrêmement  la  gelée  ,  dont  on  la 
garantit  en  la  couvrant  de  litière.  Dans  les  jours  doux 
de  l'hi^^er ,  il  faut  donner  de  l'air  du  côté  du  midi 
au  cœur  de  la  plante  ,  de  peur  qu'elle  ne  pourrifie. 
On  la  multiplie  par  œilletons.  Dans  les  endroits  hu- 
mides 5  on  doit  planter  fur  des  ados. 

V artichaut  encore  jeune  &  tendre  ,  fe  mange  cru 
avec  du  fel  &C  du  poivre  ;  lorfqu'il  eu  plus  gros  , 
on  le  fait  cuire  ,  &:  on  le  fert  préparé  de  diverfes 
façons.  On  de  flèche  au  foleil  pour  l'hiver  beaucoup 
de  culs  <£' artichaut.  Le  mulot  eil  le  grand  ennem^i  àQS 
artichauts  :  on  tâche  de  s'en  garantir  en  plantant  au- 
tour de  fon  plant  des  cardes  de  poirée  ,  qui  étant  plus 
tendres,  font  plus  de  fon  goût.  La  taupe  grillcn  en 
détruit  aufFi  les  racines. 

Artichaut  de  Jérusalem  ,    eu  d'Espagne  ; 


ART  ASC  531 

c'efl:  la  race  du  pcpon  ^  appelée  paflijfon.  Voyez  à  la 
fuite  de  Cartick  CoURGE  à  limbe  droite. 

Artichaut  des  Indes  ;  c'eil  la  truffz  rougi  ou 
hatatu.   Voyez  ce  mot. 

Artichaut  sauvage  ;  c'eil  la  cardonate.  Voyez 
Chardonnette. 

Artichaut  de  Terre  ,  Coronci  foUs  mbior.  Cette 
plante  efl  une  efpece  de  topinambour  afiez  iemblable  à 
ceux  qu'on  cultive  dans  les  jardins  en  Europe.  Les  tu- 
bercules de  fa  racine  fe  mangent  cuits  ,  avec  une  fauce 
blanche  :  ils  font  d'un  très-bon  goût  ,  mais  difliciles 
à  digérer.  Voyez  Topinambour  ^  à  la  fuite  de  VarticU 
Batatte. 

ARTILE.   Voyei^  CuL-BLANC. 

ARTISON.  Ce  nom  fe  donne  à  différentes  fortes 
d'infeébs  qui  rongent  les  étoffes  &  les  pelleteries  , 
même  à  ceux  qui  percent  le  papier ,  ou  qui  pénètrent 
dans  le  bois  ,  comme  les  coffons  &  les  poux  de  bois  : 
ceci  étant ,  les  teignes  des  étoffes  &  les  fcarabées 
dïffcqueurs ,  font  aufîi  des  efpeces  cCartifons, 

ARTRE.    Foyer^    MartîN- PECHEUR. 

ARUCO.  Nom  donné  dans  quelques  endroits  des 
Indes  Efpagnoles ,  au  cachicame ,  efpece  de  tatou.  Voyez 
à  tartidz   ArmADILLE. 

ARUM.  Foyei  Pied  de  Veau. 

ASBESTE  5  Asbefius,  Voyez  Amiante,  &:  le  Vol.  I, 
de  notre  Minéralogie  ,  édit.  2  ,  p.  171  ,  &c, 

ASCAP«.IDES.  Ce  font  de  petits  vers  ronds  ,  coiu^ts 
6c  menus  ;  ce  qui  les  fait  diilinguer  des  Jîrongks 
qui  font  ronds  &  longs.  Les  afcarides  reffemblent  à 
des  aiguilles  à  coudre ,  pour  la  groileur  &  la  longueur. 
Leur  couleur  naturelle  efl  blanche  :  ils  fe  logent  à 
l'extrémité  de  l'inteitin  re£lum  en  très-grand  nombre  , 
êc  collés  les  uns  aux  autres  par  une  m^atiere  vifqueufe  ; 
comme  ils  fe  meuvent  continuellement ,  &;  qu'ils  font 
pointus  par  les  deux  bouts,  ils  y  occaiionnent  u^ie 
démangeaifon  violente.  Ces   afcaridzs  fe  trouvent  dans 

L  I     2 


J31  ASC  A    S    E 

les  inteftins  des  enf  ans ,  &  très-communément  dans  ceux 
des  chevaux.  Ces  vers  paroiiTent  quelc[uefois  colorés  : 
couleur  qu'ils  tiennent  des  excrémens  ou  de  la  bile  de 
l'animal  dans  lequel  ils  féjournent.  Ces  afcarides  caufent 
beaucoup  de  mal  aux  parties  naturelles  des  femmes  dans 
certaines  maladies  ,  comme  dans  les  pâles  -  couleurs. 
Les  bêtes  de  fomme  y  font  auifi  fujetes  ;  &  M.  Guet- 
tard  dit  que  tous  les  harengs  qu'on  mangea  dans  le 
carême  de  1765  ,  avoient  la  laite  infectée  de  vers 
afcarides. 

îl  eft  diflicile  d'expulfer  les  afcarides  :  les  Médecins 
eiliment  qu'il  vaut  mieux  les  attaquer  par  en  bas  : 
les  uns  prefcrivent  de  mettre  dans  le  fondement  un 
fuppofitoire  de  coton  trempé  dans  du  fiel  6c  de  l'aloès 
diiïbus.  D'autres  difent,  que  fi  l'on  met  dans  le  fon- 
dement un  petit  morceau  de  lard  lié  avec  un  bout  de 
£1  j  6c  qu'on  l'y  laiffe  quelque  temps  ,  on  le  retire 
plein  de  ces  petits  vers.  Des  clyfteres  faits  avec  des 
plantes  ameres  font  auili  très-avantageux  ,  6c  fur-tout 
ceux  qui  font  chargés  de  parties  mercurielles. 

ASCITE  ,  Silurus  afcita  ,  Linn.  Poiffon  du  genre 
du  Silure.  Il  fe  trouve  dans  l'Inde.  Linnœus  dit  qu'il 
a  deux  nageoires  dorfales  ,  dont  la  féconde  eil  d'une 
fubftance  charnue  ;  fix  barbillons  font  attachés  à  fa 
gueule;  la  nageoire  de  l'anus  a  dix-liuit  rayons  ;  la 
première  dorfale  en  a  huit ,  dont  un  eft  dur  ,  épineux  ; 
les  peclorales  en  ont  douze  ^  dont  un  épineux  ;  les 
abdominales  fix  ;  celle  de  la  queue  en  a  dix-huit. 

ASELLE ,  Onifcus.  Infe£î:e  aquatique ,  prefque  tout- 
à-fait  femblable  au  cloporte  ;  aufïï  l'a-t-on  défigné  fous 
le  nom  de  cloporte  aquatique.  Cet  infe£le  ne  diffère  du 
cloporte  ordinaire ,  que  par  l'élément  où  il  vit ,  par  le 
nombre  de  fes  antennes  articulées  (  car  il  en  a  quatre  ) 
'éc  par  les  deux  filets  qui  font  à  la  queue  ,  qui  ,  au 
lieu  d'être  fimples ,  font  fourchus. 

M.  Geoffroi  n'en  a  vu  qu'une  feule  efpece  autour 
de  Paris  dans  les  mares  6c  les  petits   ruiiieaux  ;  mais 


A     s    E  ÎÎ3 

la  mer  en  fournit  plufieurs  efpeces ,  &  beaucoup  plus 
grandes.  Ceux  des  ruiiTeaux  difparoiilent  aux  appro- 
ches de  l'hiver  ,  Se  vont  fe  cacher  dans  les  fources 
îes  plus  profondes.  Pendant  les  grandes  chaleurs  ,  ils 
fe  réfligient  également  dans  les  fources  oîi  la  fraîcheur 
eu.  plus  grande.  Nous  ajouterons  quelques  obfervations 
fur  cet  infeck ,  d'après  M.  De/mars ,  Dodeur  en  Mé- 
decine. On  compte  douze  à  quinze  lames  pliées  en 
demi-cylindre  depuis  la  tête  jufqu'à  l'extrémité  de  la 
queue.  Lorfque  l'infe£le  eu  en  repos  ,  l'axe  de  ces 
lames  qui  font  tuilées  forme  un  commencem.ent  de 
fpirale  dont  les  efpaces  vont  en  diminuant  vers  la 
queue.  Le  bout  des  pattes  eil  de  la  même  flrudure 
que  dans  l'écrevifïe.  Immédiatement  après  les  pattes 
on  voit  trois  plans  de  filets  articulés  6l  penniformes  ; 
ces  filets  qui  terminent  la  queue  font  aufTi  pennifcrmxes. 
Lorfque  l'infe£le  veut  nager ,  la  fpirale  ië  développe 
en  ligne  droite  ,  &  l'infede  fait  un  premier  faut  qui 
l'élevé  à  une  certaine  hauteur.  Au  même  infiant ,  les 
trois  plans  de  filets  penniformes  agiilent  &c  frappent 
l'eau  de  haut  en  bas  avec  yîteffe  ,  en  décrivant  des 
fedeurs  de  cercle  ,  d'où  fuit  le  m.ouvement  de  l'infeCte 
dans  l'eau.  Non4eulement  la  Nature  a  pourvu  d'ailes 
le  cloporte  aquatique  ,  mais  elle  les  a  conftruites  de 
manière  qu'il  peut  varier  fes  mouvemens ,  ainiî  que 
l'oifeau  dans  l'air  :  l'infede  efl  encore  le  maître  de 
ne  mouvoir  qu'un  ou  plufieurs  de  fes  filets  ,  qui  font 
fouples  6c  flexibles. 

L'accouplement  des  cloportes  aquatiques  fe  fait  de  la 
manière  fuivante.  Lorfqu'un  mâle  &  une  femelle  iè 
conviennent ,  les  préliminaires  ne  font  pas  longs  ;  le 
mâle  impétueux  faifit  fa  femelle  avec  fa  première  patte 
gauche  ,  dont  l'extrémité  finit  en  griffe  ;  il  la  faifit  , 
dis-je  5  entre  le  cinquième  &;  le  fixieme  anneau  ,  & 
accroche  fa  première  patte  droite  au  prem.ier  anneau. 
Dans  cette  attitude  ,  la  femelle  harponnée  ne  peut 
échapper ,  &:  efl  dans  la  nécefTité  d'obéir  à  l'ardeur 

L  1    X 


554^  A    S   l  A    S    O 

du  mâle.  Pendant  les  huit  jours  que  dure  cet  accou- 
plement 5  le  mâle  emporte  la  femelle  fufpendue  ,  6c 
nage  à  fon  ordinaire.  La  fécondation  j^aroît  fe  faire 
dans  certains  infians  ou  le  mâle  fe  repliant  fous  le 
ventre  de  la  fem^elle,  y  injecle  peut-être  la  liqueur 
féminale.  Après  les  quatre  premiers  jours ,  on  apper- 
çoit  entre  les  premières  pattes  de  la  fem^elle  ,  une 
pcche  qui  contient  les  petits.  Vers  le  feptleme  ]our 
de  l'accouplement ,  ils  fortent  la  tcte  la  première  de 
cette  poche ,  &  nagent  déjà  aulîi  bien  que  leurs  père 
&  miere  ;  ils  font  cinq  ou  fix  tours  autour  d'eux  ,  6c 
viennent  quelquefois  fe  percher  fur  leurs  antennes  , 
jufqu'à  ce  qu'ils  aient  reconnu  les  lieux.  Le  premier 
aliment  de  ces  nouveaux  nés  eft  leur  propre  excré- 
ment ,  qu'ils  tirent  de  leur  anus  avec  leurs  premières 
pattes;  quoiqu'ils  falTent  ufage  par  la  fuite  d'autres 
mets  ,  ils  reviennent  fouvent  à  celui-là. 

Quoique  tous  les  petits  infectes  foient  fortis  de  la 
poche  qui  les  contenoit ,  racccuolement  dure  encore 
plus  de  vingt-quatre  heures  ;  on  voit  alors  le  mâle  re- 
payer fréquemment  la  faconde  paire  de  pattes  fur  la 
tête  de  fa  femelle;  il  femble  les  joindre ,  &  les  appuyant 
fur  la  bafe  des  antennes  poilérieures  ,  les  faire  gliffer 
de  derrière  en  devant  jufqu'à  la  bouche  de  l'infecte  ;  à 
force  de  recomimencer  la  même  opération  ,  la  tête  de 
îa  femelle  tombe  en  devant  ,  ck:  paroît  fe  détacher  du, 
premier  anneau  ;  mais  ce  n'eil  que  le  cafque  ,  car  on 
voit  paroître  aufîi-tôt  une  nouvelle  tête  plus  blanche 
&  plus  petite  que  la  première.  Prefque  auiR-tôt  le  refte 
de  la  robe  de  la  femelle  fe  fépare  ,  6c  la  dépouille  eu. 
quelquefois  fi  complète  ,  qu'on  la  prendroit  pour  un 
infecle  mort  ;  quelques  heures  après  les  deiLx  fexes  fe 
féparent  :  le  mâle  ,  afTez  fort  par  luinnême  ,  n'a  pas 
befoin  de  fecours  étrangers  peur  changer  de  peau. 

ASILE.  Foyei  fo7i  article  ,  au  mot  Taon  ,  &  à  celui 
de  Ver  de  la  moucke  asile. 

ASOTE  5  Sïlurus  Afoius  ,  Linn.  PoifTon  du  genre  du 


ASP  ,555 

^ïliin.  Il  fe  trouve  dans  les  mers  d' Afie.  Il  a  deux  barbil- 
lons au  deiiiis  &  deux  autres  en  dellbus  de  la  gueule  , 
dont  Finterieur  efl  garni  d'un  grand  nombre  de  dents. 
La  nageoire  dorfale  efr  compofee  de  cinq  rayons  ;  les 
pectorales  en  ont  chacune  quatorze  ,  dont  le  premier 
efr  épineux  &  dentelé  ;  les  abdominales  en  ont  treize  ; 
celle  de  l'anus  ,  qui  s'étend  jufqu'à  la  queue  ,  en  a 
quatre-vingt-deux  ;  celle  de  la  queue  en  a  feize. 

ASP  AL  AT  ,  Afpalathus,  Nom  d'un  genre  de  plante 
à  ileurs  polyp étalées  ,  de  la  famille  des  Légumineufes  , 
&  qui  a  de  très-giand-s  rapports  avec  les  genêts  ,  les 
cytifes ,  les  loners  &c  les  ajuhyllïs  ;  ce  genre  comprend 
cies  fous-arbriffeaux  étrangers  ,  la  plupart  peu  cultivés 
en  Europe,  très-rameux  ,  diiîus  ,  &  dont  les  feuilles 
iimjples  ,  très  -  menues  ,  fort  petites  ,  naillent  par 
faifceaux  alternes  :  Xlbms,  de  la  Jamaïque  appartient  à 


ce  genre. 


ASPE  ,  Cyprmus  Afpïus  ,  Linn.  PoliTon  du  genre  du 
'Cypr'm.  11  le  trouve  dans  le  lac  Mêler ,  en  Uplande  ,  & 
dans  le  lac  Sala,  près  d'Upfal.  Selon  Amdl ,  ce  poiilbn 
a  deux  à  trois  pieds  de  longueur  ,  &  trois  à  ctuatre 
pouces  dans  fa  plus  grande  largeur  :  il  pefe  plus  de  huit 
livres  :  la  tête  ell  un  peu  aiguë  ,  d'une  grolleur  médio- 
cre ,  &  d'un  blanc  noirâtre  fur  fon  fommet.  L'ouverture 
de  la  gueule  ell  am.ple  ;  il  n'a  de  dents  qu'à  l'entrée 
du  gofier  ,  cinq  de  chaque  côté  ;  la  mâchoire  de  deffous , 
relevée  par  une  petite  protubérance ,  dépaflé  un  peu  la 
iupérieure  ;  le  mufeau  un  peu  échancré  ;.  les  narines 
évafées  ,  &  percées  chacune  de  dei&.  trous ,  dont  celui 
de  den-iere  efi  comme  fermé  par  une  valvule  ;  les  yeux 
fi  tués  fur  le  côté  de  la  tête  ;  leurs  iris  d'une  couleur 
d'or  parfemée  de  points  noirs  vers  le  haut ,  &  d'une 
teinte  argentée  vers  le  bas  ;  les  paupières  noires  ;  les 
opercules  des  ouïes  font  de  couleiu'  d'argent  mêlé  d'or  , 
te  garnis  ,  vers  la  partie  inférieure  ,  de  trois  OiTelets 
ou  rayons  épineux  &  courbes.  Entre  les  yeux  font  quatre 
îames  cileufes  que  font  mouvoir  aifément  les  mufcles 

Ll    4 


5}6     ^     ^  ASP 

de  la  mâchoire  fupérieure.  La  ligne  latérale  forme  une 
courbure  qui  s'élève  vers  les  ouïes.  Ses  écailles  font 
d'une  grandeur  médiocre  ,  blanches  fur  le  dos  ,  avec 
des  teintes  de  noirâtre  &  de  verdâtre  ;  d'un  blanc  ar- 
genté fur  les  cotés  ,  mais  plus  éclatant  fur  le  ventre  : 
ce  poiiTon  acquiert  par  l'âge  des  taches  d'vm  rouge  de 
fang ,  même  îlir  les  opercules  des  ouïes.  Le  dos  eu. 
convexe  ;  le  defîbus  du  corps  eft  plat  jufqu'aux  nageoires 
du  ventre  ;  mais  entre  celle-ci  &c  celle  de  l'anus  ,  il  fe 
rétrécit  en  forme  de  carène  un  peu  aiguë.  La  nageoire 
dorfale  eft  blanchâtre  ,  garnie  de  onze  rayons  ;  les  pec- 
torales font  rougeâtres  &  parfemées  de  petits  points  noirs 
à  leurs  extrémités  ;  elles  ont  huit  rayons.  Les  abdomi- 
nales font  d'un  rouge-clair  ,  6c  ont  fix  forts  rayons; 
celle  de  l'anus  eft  blanchâtre  ,  tachetée  de  noir  ;  elle  a 
de  quinze  à  dix-fept  rayons  dont  la  plupart  font  rameux 
à  leurs  fommets.  La  nageoire  de  la  queue  eft  fourchue  , 
tantôt  blanche,  tantôt  noirâtre  ;elle  a  dix-neuf  rayons 
alongés  &  rameux, 

ASPERGE,  Afparagusfatlva^  C.  B.  Pin.  489,  Tourn, 
-^00  lAfparagus  officinaiis  ^  Lïnn.  448.  Plante  dont  la  tige 
herbacée  &  naiffante  eft  diUinguée  par  fon  goût  &  par  (es 
bonnes  qualités ,  &  qui  d'ailleurs  a  l'avantage  de  iournir 
nos  tables  pendant  trois  mois  de  l'année  ,  foit  en  ragoût, 
foit  en  petits  pois  ,  foit  au  jus ,  foit  confite  ,  &c.  Un 
des  caraûeres  diftindifs  de  cette  plante  ,  efl  de  grim- 
per ,  d'avoir  des  feuilles  longues  ,  fort  menues  ,  linéaires, 
molles  ,  verticillées  ou  réunies  en  faifceaux  ,  &  feus 
l'origine  defquelles  on  trouve  à  chacune  une  très-petite 
écaille  membraneufe  &  triangulaire.  Ses  fleurs  ,  qui 
font  en  rofe  ,  &  d'un  vert-jaunâtre  ,  fe  trouvent  fou- 
vent  hermaphrodites  :  quelquefois  elles  font  mâles  fur 
un  pied  &  femelles  fur  un  autre  pied  :  il  leur  fuccede 
des  baies  globuleufes  ,  rouges  dans  leur  m^aturité  ,  rem- 
plies de  fem.ence.  Sa  racine  eft  un  paquet  ou  faifceau 
oe  bulbes  cylindriques  ,  charnues  ,  &  attachées  à  un 
collet  épais ,  dur  &c  comme  m  tête.  Les  tiges  parvicn- 


ASP  537 

nent  à  une  "hauteur  de  deux ,  trois  ,  quatre  Se  cinq  pieds , 
droites  ,  cylindriques ,  très-rameufes. 

Il  y  a  trois  efpeces  à'afperges  ufitées  ,  la  groiTe  ,  la 
commune  ou  vulgaire ,  &  la  fauvage.  Celle-ci  eft  à  feuilles 
très-minces  ,  Afparagus  fylvejîris  unuïjjimo  folio  ,  C.  B. 
Pin.  490.  La  groiTe  ,  appelée  aufli  afperge  de  Pologne 
ou  de  Hollande  ,  eil  peu  connue  ,  parce  que  la  planta- 
tion en  efl  coûteufe  ,  ôc  que  le  goût  ,  dit  M.  H  al  1er , 
en  eft  moins  fin. 

On  plante  Vafpcrge  en  foffes  ,  dans  les  terrains  fablon- 
neux  ,  &  en  ados  dans  les  lieux  humides  :  on  dirpofe 
les  grlfFes  en  échiquier  à  un  pied  de  diftance.  On  ne 
peut  commencer  à  jouir  du  plant ,  fi  on  ne  veut  point 
l'altérer  ,  qu'au  bout  de  quatre  ans  ;  mais  il  dure  ,  li 
on  a  foin  de  le  fumer,  qmnzc  ou  vingt  ans.  A  l'appro- 
che de  l'hiver  ,  on  dégarnit  le  plant  de  la  terre  dont 
on  l'avoit  réchauffé  au  printemps  ;  &  par  ce  moyen  , 
on  le  garantit  de  la  pourriture.  On  peut  fe  procurer  des 
afpergzs  hâtives  en  réchauffant  le  plant  avec  du  fumier  ; 
mais  elles  n'ont  jamais  la  même  faveur. 

Uûjperge  fauvage  croit  naturellement  dans  certains 
terrains  fablonneux  :  on  en  trouve  dans  les  Ifles  du  Rhône 
&  de  la  Loire. 

Les  afperges  récentes  excitent  l'appétit  ,  mais  elles 
nourriffent  peu  :  elles  provoquent  l'urine ,  &  lui  don- 
nent une  couleur  trouble  ,  une  odeur  défagréable  que 
l'eau  de  fenteur  ne  peut  m.ême  déguifer  qu'en  partie. 
Pour  détruire  abfolument  cette  odeur ,  M.  Macquer  dit 
qu'il  faut  mettre  au  fond  du  vaiffeau  dont  on  fe  fert 
pour  uriner ,  de  l'eau  affez  chargée  d'acide  marin ,  connu 
fous  le  nom  ^efprit  de  fd.  indépendamment  de  cette 
utilité  de  pratique  ,  une  telle  obfervation  peut  conduire 
à  connoître  la  nature  du  principe  volatil  qui  fe  déve- 
loppe de  Vafperge  par  l'effet  de  la  dlgefîion  dans  le  corps 
humain.  Le  Dodeur  Franyius  a  donné  une  Differtation 
pleine  d'érudition  concernant  l'utilité  de  Vafpcrge  , 
notanime-nt   Pefpece   fauvage  ,    dans   l'économie  5  la 


558  ASP 

médecine  &C  ia  chirurgie  ,  dans  rantiqiilté  mcmc  îa 
plus  reculée. 

On  compte  la  racine  A^afperge  parmi  les  cinq  grandes 
racines  apéritives  ,  qui  font  Vache  ,  le  fenouil ,  le  perjil 
&  le  petit  houx.  Voyez  ces  mots. 

On  donne  quelquefois  le  nom  d^afperges  de  houblon 
aux  jeunes  pouffes  du  houblcn  ,  qui  fe  mangent  ,  en 
effet  ,  comme  celles  des  afpzrges  ,  dont  elles  ont  à 
peu-près  la  forme.  Voyei^  Houblon. 

ASPHALTE  ,  ou  Karabé  de  Sodcme  ,  Jfphal- 
tus.  C'cft  le  nom  que  l'on  donne  au  bitume  de  Judée  , 
parce  qu'on  le  tire  du  lac  Afphaltide.  On  donne  auffî 
ie  nom  aVûfphalte  ,  en  général ,  à  tout  bitume  folide  : 
auffi  a-t-on  donné  ce  nom  à  un  bitume  que  l'on  a  dé- 
couvert en  Suiffe  au  commencement  de  ce  fiecle. 

Le  bitume  de  Judée  efl  une  fub fiance  peu  pefante, folide, 
friable  ,  d'une  couleur  brune  &  même  noire  ,  brillante , 
d'une  odeur  bitumineufe ,  fur-tout  lorfqu'on  l'a  échauf- 
fée ;  elle  s'enflamme  aifément ,  &  fe  liquéfie  au  feu.  Il 
s'élève  du  fond  des  eaux  fur  la  furface  du  lac  Afphaltidz 
eu  mer  de  Loth ,  ou  mer  morte  (  lieu  oii  étoient  autre- 
fois les  deux  villes  criminelles  qui  furent  englouties  , 
Sodcme  6c  Gomorrhe  )  ;  il  s'élève  ,  dis-je  ,  à  la  furface  de 
ce  lac  maudit ,  &  dont  les  eaux  ont  un  goût  defagréa- 
ble  ,  beaucoup  de  ce  bitume  qui  y  furnage.  Dans  les 
ccmmencemens  ,  il  ell  mou  ,  vifqueux  ,  très  -  tenace  ; 
mais  il  s'épaiillt  avec  le  temps  ,  &  acquiert  plus  de 
dureté  .que  la  poix  feche.  Lorfqu'il  eil  encore  liquide, 
les  Arabes  le  ramaifent  pour  goudronner  leurs  baîc-aiix. 
On  prétend  que  ce  bitume  entre  dans  la  compofition 
des  beaux  vernis  noirs  de  l'Inde  ,  &  dans  celle  des  feux 
d'artifice  que  les  Orientaux  font  brûler  fur  l'eau.  Selon 
îe  témoignage  des  Anciens  ,  les  murs  de  Babylone  tu- 
rent cimentés  avec  Vafphalte.  Ce  bitume  de  Judée  ,  qui 
eft  un  ingrédient  de  la  grande  thériaque  ,  efl  quelque- 
fois nommé  gomme  de  funêraille  &  de  momie  ,  parce  que 
le  commun  du  peuple  ,  chez  les  Egyptiens  y  en  faifoit 


ASP  539 

ufage  autrefois  pour  embaumer  les  corps  morts  de  leurs 
parens  ,  Sz  même  les  oifèaux  facrés.    Foyei  Mor.iïE. 

On  trouve  auili  dans  le  fein  de  la  terre  ,  des  mines 
A'afphalu  ou  bitume.  La  première  qui  ait  été  trouvée 
an  Europe  ,  eil  celle  de  Neufchâtel  en  Suifle.  Le  bi- 
tume en  eil  grenu  &  grifâtre.  La  découverte  en  a  été 
faite  par  M.  de  U  Sabloniere  ,  ancien  Tréforier  des 
Ligues  Suiilés.  Il  en  a  aulTi  découvert  une  autre  dans 
la  baffe-Âlface.  Le  bitume  que  l'on  retire  de  ces  deux 
mines  eil  à  peu -près  de  la  même  nature  ;  celui  de 
Neufchâtel  fe  trouve  filtré  entre  des  pierres  propres  à 
fcûre  de  la  chaux,  &  celui  de  la  baffe-Allace  entre  deux 
îits  d'argile  :  le  lit  fupérieur  de  ces  deux  mines  cft 
recouvert  d'un  banc  de  terre  noire ,  d'un  ou  deux  pieds 
d'épaiffeur.  On  trouve  encore  des  mines  de  ce  bitume 
dans  quelques  autres  endroits  de  la  Suiilé  ;  félon 
M.  Bourgeois ,  il  y  en  a  une  très-abondante  auprès  du 
village  de  Chavornay  ,  dans  le  Canton  de  Berne. 

La  mine  de  bitume  de  Neufchâtel  fe  fond  au  feu  , 
en  y  joignant  une  dixiemie  partie  de  poix  :  on  en  forme 
\\n  mallic  impénétrable  à  l'eau ,  &:  qui  dure  très-long- 
temps ,  pourvu  qu'il  ne  foit  point  expofé  à  (ec  à  l'ar- 
deur du  foleil ,  car  il  fe  ramolliroit  &  fe  détacheroit 
de  la  pierre.  En  1743  ,  le  principal  baffin  du  Jardin 
du  Roi  a  été  réparé  avec  ce  mélange  ;  &  depuis  ce 
temps  il  ne  s'efl  point  dégradé.  C'efl  avec  ce  maflic 
que  l'on  a  réparé  les  baffins  de  Verlailles  ,  Latone  , 
FArc-de-triomphe  ,  ainfi  que  le  beau  vafe  blanc  fur 
lequel  efl:  en  relief  le  Sacrifice  d'Iphigénie. 

Avec  cette  mine  çxafphalu  de  Neufchâtel ,  M."  de  ht 
Sabloniere  a  fait  le  pijfafphalte  qui  a  été  employé  à 
caréner  deux  vaiiTeaux  qui  partoient  de  l'Orient ,  l'un 
pour  Pondichery  ,  &  l'autre  pour  Bengale.  Quoique 
ces  vaiiTeaux  à  leur  retour  ^w^kivX  perdu  une  partie 
de  leur  carène  ,  ils  revinrent  bien  moins  piqués  de 
vers ,  que  ctux  qui  avoient  eu  la  carène  ordinaire. 

Ce  qui  donna  lieu  à  la   découver;e   de  la  mine 


540  ASP 

à^afphalntn  Alface  ,  eil  une  fontaine  dont  l'eaiî,quolque 
claire  &  limpide  ,  fent  un  peu  le  goudron  ,  à  caufe 
des  parties  bitumineufes  dont  elle  eft  chargée.  Les  lia- 
biîans  du  pays  eftiment  fmguliérement  cette  eau  pour 
tenir  le  ventre  libre  &  exciter  l'appétit  :  les  bains  de 
cette  fontaine  font  auffi  très-falutaires  pour  les  mala- 
dies de  la  peau.  Il  s'élève  fur  la  furface  de  cette  eau  ^ 
ii  tous  momens  ,  un  bitume  noir  &  une  huile  rouge 
qui  furnage  en  plus  grande  abondance   en  été  qu'en 
hiver.  On  peut  en  recueillir  dix  à  douze  livres  par 
jour  :  c'efl:  ce  qui  a  fait  donner  à  cette  fontaine  mi- 
nérale le   nom  de  Backdbrunn  ,  ou  fontaine  de  poix, 
La  tradition  du  pays  eil  qu'on  creufa  cette  fontaine 
dans  l'efpérance   d'y  trouver  une  mine  de  cuivre  & 
d*argent.  La  mine  qu'on  a  ouverte  s'étend  à  fix  lieues 
à  la  ronde  ;  outre  les  veines  à^afphaltc  qu'on  y  trouve, 
qui  ont  quelquefois  dans  de  certains  endroits  fix  pieds 
a'épaifleur  ,  &  qui  font  les  unes  à  trente  pieds  ,  les 
auties  à  foixante  pieds  de  profondeur  ,  on  a  efpérance 
d'y  découvrir  une  grande  veine  de  charbon  de  terre  ; 
car  on  commence  déjà  à  en  trouver  quelques  mor- 
ceaux ;  &:   en  continuant  le  travail  ,  on  pourroit  y 
rencontrer  une  mine  de  cuivre  6c  d'argent  fort  riche , 
car  les  pyrites   qu'on  y  trouve  font  les  mêmes   que 
celles   de    Sainte-Marie-aux-Mines.    M.   Spidmann    a 
donné  à  l'Académie  des  Sciences  de  Berlin  ,  un  Mé- 
nicire  circonftancié  fur  ce  bitume.  Confultez  le  tome 
XIII  de  cette  Colleciion  Académique.  Au  refte  ,  {^afphahc 
fe  trouvant  toujours  au  deflus  des  couches  de  bitumes 
terreiLX  &:  folides  ,  tels  que  le  charbon  minéral ,  il  n'a 
pu  s'élever  au  deÔiis  du  charbon  que  par  une  diilil- 
ïation  produite  par  la  chaleur  d'un  feu  fouterrain. 

On  retire  préfentement  de  cette  mine  ,  en  faifant 
bouillir  le  fable  dans  de  l'eau  ,  une  forte  d'oing  noi- 
râtre ,  propre  à  graiffer  tous  les  rouages.  Par  le  moyen 
de  la  diftillation  per  defanfum  ,  on  tire  de  la  mine  ou 
du  rocher  ,  6c  de  fa  terre  rouge  ,  un  goudi-on  minéral 


ASP  541 

ou  une  huile  de  pétroU  très  -  abondante  :  c'eil  cette 
huile  minérale  préparée  que  M.  de  La  Sablonkrc  pré- 
tend employer  pour  la  carène  des  vaiffeaux.  On  retire 
aujQi  (  per  afcmfum  )  V huile  rouge  &  V huile  blanche  ,  qui 
font  employées  très-utilement  pour  guérir  les  ulcères 
&  toutes  les  maladies  de  la  peau,  roye^  Pétrole. 
M.  Bourgeois  obferve  que  ce  bitume  eft  encore  très- 
efFicace  en  parfum  pour  guérir  les  douleurs  de  goutte , 
rhumatifme,  fciatique  ,  &  les  enflures  œdémateufes 
des  jambes.  Pour  en  faire  ufage  ,  on  met  un  uftenfile 
appelé  moiîie  ,  dans  le  lit  à  côté  du  malade  ;  on  y 
fufpend  un  petit  chaudron  plein  de  braife  ,  &  on  y 
répand  par  intervalles  de  Vafphalte  en  poudre  ;  cette 
vapeur  excite  une  fueur  très-abondante  ,  fur-tout  dans 
la  partie  malade  ,  &  elle  appaife  les  douleurs  les  plus 
violentes  &;  les  plus  opiniâtres. 

On  vient  de  découvrir  encore  en  France  deux  mines 
très-abondantes  de  ce  bitume  ,  dans  les  Paroiiles  de 
Bailene  &  de  Caupene  ,  à  quatre  lieues  de  Dax  :  ce 
bitume  efl  d'une  ténacité  fi  grande  ,  qu'on  ne  peut  le 
brifer  ;  on  l'a  employé  avec  le  plus  grand  fuccès  pour 
fonder  ou  cimenter  les  pierres  qui  ont  fervi  de  pavé 
aux  remparts  du  Château  Trompette  à  Bourdeaux. 

ASPHODELE  ,  Afphodelus.  Genre  de  plante  à  fleur 
en  lis  ,  dont  nous  diflinguerons  ici  deux  efpeces  , 
l'une  à  fleurs  blanches  ,  l'autre  à  fleurs  jaunes. 

L'Asphodèle  blanc,  Afphodelus  ramofus ^  Linn. 
444;  &  mas{&  minor)  Tourn.  343.  Cette  plante  pouHe 
de  fa  racine  des  feuilles  fort  longues  ,  nombreufes ,  enû- 
formes ,  &  qui  ont  un  angle  tranchant  fur  leur  dos.  Sa 
tige  nue  ,  ronde  &  rameufe  vers  le  haut ,  s'élève  à  la 
hauteur  de  deux  à  trois  pieds  ,  &:  efl  garnie  de  beau- 
coup de  fleurs  grandes ,  d'une  feule  pièce ,  en  hs ,  de 
couleur  blanche  ,  découpée  profondément  en  fix  par- 
ties. Chaque  pétale  a  extérieurement  une  ligne  rou- 
geâtre  ;  la  fleur  efl  fans  calice ,  portée  fur  un  pédicule 
court ,  &  renferme  ,  outre  les  fu'  étamines  y  fix  pièces 


54Î  A     S     P      ^ 

en  écailles  ,  qui  enveloppent  l'ovaîre.  A  cette  fleur 
ilîccede  un  fruit  prefque  rond ,  charnu  ,  &  renfermant 
des  femences  triangulaires  &c  brunes.  Cette  plante  eu 
d'un  port  agréable  ,  &  mérite  par  la  beauté  de  fes 
épis  de  fleurs  d'être  cultivée  comme  ornement  dans 
les  parterres.  Sa  racine  confifle  en  un  très -grand 
nombre  de  tubérofités  oblongues  ,  charnues ,  &  réunies 
en  un  faifceau ,  qui  reffemble  à  une  botte  de  navets  , 
d'un  goût  un  peu  amer  &z  acre.  On  la  fait  bouillir  &c 
tremper  dans  de  Teau  pour  en  enlever  l'âcreté  :  dans 
les  années  de  difette  ,  on  peut  faire  ufage  de  cette 
pulpe  ,  ainfi  adoucie  ,  que  l'on  mêle  avec  de  la  farine 
de  blé  6c  d'orge  ;  on  y  ajoute  un  peu  de  fel  marin  , 
6z  on  en  fait  un  pain  d'ûfphodclc ,  que  Ton  cuit  au  four , 
&:  qui  peut  fe  m.anger. 

Les  Anciens  femoient  cette  plante  auprès  àes  tom- 
beaux comme  une  nourriture  agréable  aux  morts. 
Porphyre  fait  parler  ainli  un  tombeau  dans  une  infcrip- 
îion  :  Au  dehors  y  je  fuis  entouré  de  mauve  &  d'afphodele  , 
&  au  dedans  ,je  ne  renferme  quun  cadavre.  Lucien  dit 
(  de  Luciu  )  que  les  mânes  ,  après  avoir  traverfé  le 
St}^x  ,  defcendoient  dans  une  longue  plaine  plantée 
Çiafphodele. 

Les  racines  à^afphodek  font  réfolutives  ,  &  propres 
à  nettoyer  les  vieux  ulcères. 

L'Asphodèle  jaune  ou  Verge  de  Jacob  ,  Jf- 
phodelus  luteus  ,  Linn.  443  ;  6'  flore  &  radice  ,  C.  B. 
Pin.  28  :  Aphodelus  feminci  ^  Cam.  Epit.  372.  Sa  tige 
eft  haute  d'un  pied  oc  demi ,  fimple  ,  garnie  de  feuillet 
felTiles  ,  entières  ,  longues  ,  pointues  y  à  trois  angles  & 
comme  fifaileufes  ;  les  feuilles  qui  partent  de  la  racine 
font  plus  longues  ;  les  fleurs  font  jaunes  ,  terminales 
ôi  comme  en  épi  ,  &  chaque  pétale  traverfé  dans  fa 
longueur  par  une  raie  verte. 

Vafphodcle  à  fleurs  jaunes  croit  très-abondamment 
dans  les  prés  en  Sicile  ,  &  aux  environs  du  Croific 
en  Bretagne  ^  &  ailleurs.  Uafphodcle  à  fleurs  blanches 


ASP  Î4î 

^roît  abondamment  en  Provence  ,  en  Efpagne  ,  en 
Italie  ,  &G. 

ASPiC  ,  ^fpls'i  cherfea.  Efpece  de  ferpent ,  dont  îes 
Anciens  ont  beaucoup  parlé.  li  eil  diiHcile  préientement 
de  reconnoître  Peipece  à  laquelle  ils  ont  donné  ce 
nom.  Ce  que  Pon  lait  de  ce  ferpent  paroît  fort  in- 
certain ,  &  en  partie  fabuleux.  Les  uns  ne  lui  don- 
nojent  qu'un  pied  de  longueur ,  d'autres  cinq  coudées  ; 
les  uns  difoient  qite  {qs  dents  fortoient  de  fa  bouche 
comme  les  dents  d'iui  fanglier  ;  d'autres  qu'il  avoit  des 
dents  creufes  ,  qui  diililloient  du  poifon  comme  le 
crochet  de  la  queue  du  f cor  pion.  Quoi  qu'il  en  foit  , 
il  paroi t ,  par  PHiiloire  ,  que  Cléopatre  fit  ufage  d'un 
afplc  pour  fe  donner  la  mort.  Accoutumée  à  la  mol- 
leflé ,  elle  choifit  ce  moyen  com^me  le  plus  doux.  Le  coup 
que  lance  Vafpïc  eil ,  dit-on ,  ii  imperceptible  ,  qu'on  ne 
le  fcnt  pas  :  le  venin  qui  fe  répaud  dans  les  veines  caufe 
Wïi^  agréable  laiîitude  ,  enfuite  le  fommeil ,  &  enfin 
\\x^  mort  fans  douleur.  Hivpocratc  dit  que  la  morfure 
de  ce  ferpent  ne  fe  guérit  point  ;  &  c'efi  un  de  fes 
aphorifm.es.  EUen  dit  que  la  Déeffe  IJis ,  étant  irritée 
contre  les  fcélérats ,  étoit  coiffée  d^ajpics  comme  d'un 
diadème  ;  elle  leur  lançoit  ces  reptiles  dangereux ,  qu'il 
appelle  ailleurs  les  e-mblcims  de  la  Jujiiu^  à  l^ œil  per- 
çant de  laquelle  rien  ne  jkuroit  échapper, 

M.  Dauhentcn  dit  qu'on  a  donné  le  nom  ^afpic  ù 
un  ferpent  de  ce  pays-ci ,  aiTez  commun  aux  environs 
de  Paris.  Il  paroit  plus  effilé  &c  un  peu  plus  court  que 
la  vipère.  Il  a  la  tête  moins  aplatie  ;  il  n'a  point  de 
dents  mobiles  comme  la  vipère  ;  fon  cou  efl  aPfez 
mince.  Ce  ferpent  ell  marqué  de  taches  noirâtres  fur 
un  fond  de  couleur  roufiâtre;  Si  dans  certains  temps 
les  taches  diiparoiffent.  L'abdomen  eil  recouvert  par 
1 46  grandes  plaques ,  &C  le  deffous  de  la  queue  garni 
de  46  paires  de  petites  plaques. 

Notre  ajpic  efl  du  troifieme  genre  dans  l'ordre  des 
ferpens.  Il  mord  ôc  déchire  la  peau  par  fa  morfure  ; 


544  ASP 

mais  on  a  éprouve  qu'elle  n'efl  point  venimeufe  :  au 
moins  on  n'a  reffenti  aucun  fymptôme  de  venin ,  après 
s'en  être  fait  mordre  au  point  de  rendre  du  fan  g  par 
la  plaie.  Cette  expérience  a  été  faite  &  répétée  plu- 
fieurs  fois  fur  d'autres  ferpens  de  ce  pays-ci  ,  tels  que 
la  couleuvre  ordinaire  ,  le  ferpent  à  collier  ,  &  Vorvet  , 
qui  n'ont  donné  aucune  marque  de  venin.  Si  ces  expé- 
riences étoient  bien  connues  ,  on  ne  verroit  point  tant 
de  perfonnes  trembler  à  la  vue  de  ces  reptiles  ;  &  leur 
morfure  ne  donneroit  pas  plus  d'inquiétude  qu'elle  ne 
caufe  de  mal. 

A  l'égard  de  V^Jpic  cornu ,  Voyez  Ammodyte. 

Aspic.  Voye^^  Lavande. 

ASPREDE  ,  Silurus  afpredo ,  Linn.  PoilTon  du  genre 
du  Silure  ;  il  fe  trouve  dans  les  fleuves  de  l'Amérique , 
Ôc  en  particulier  à  Surinam.  Des  Auteurs  l'ont  défigné 
fous  le  nom  à^ afpredo ,  de  l'efpece  de  dentelure  dont 
le  premier  rayon  de  fes  nageoires  pe£lorales  eli  tout 
hériffé  ;  d'autres  lui  ont  impofé  le  nom  de  myflus , 
comme  qui  diroit  moufiache  ^  parce  qu'il  a  des  barbil- 
lons autour  de  la  gueule. 

Sa  tête  efl  fort  volumineufe ,  comprimée  en  deffus  , 
beaucoup  plus  large  que  le  corps  ,  &:  chargée  de  pla- 
ideurs inégalités ,  mais  dépourvue  d'écaillés ,  ainfi  que 
la  peau  du  corps  ,  qui  eft  liffe  ;  le  corps  eil  épais  , 
aplati  par  les  côtés  ;  le  ventre  large  ,  un  peu  plat  ; 
le  dos  furmonté  ,  depuis  la  nageoire  dorfale  jufqu'à 
la  queue  ,  d'une  petite  faillie  aiguë  ,  d'une  fubfrance 
prefque  oiTeufe  ;  les  lignes  latérales  prefque  droites  ; 
la  gueule  efl  fur  le  defllis  du  mufeau  ,  &  a  fon  ou- 
verture large  ;  la  mâchoire  de  defîiis  dépaffe  de  beau- 
coup celle  de  defîbus  ;  toutes  deux  ,  ainfi  que  le  gofier , 
font  garnies  de  dents.  Ce  poiffon  a  fix  barbillons  , 
dont  les  deux  fitûés  à  la  mâchoire  fupérieure  font 
beaucoup  plus  longs  que  les  autres  ,  &  s'étendent 
prefque  jufqu'aux  nageoires  pedorales  ;  il  y  en  a  deux 
fur  Ui  cotés  de  la  lèvre  inférieure  ,  ôc  deux  fous  le 

menton. 


A   s   P         A    s    s  545 

menton.  Les  narines  font  très-écartées  Tune  de  Pautre, 
6c  percées  chacune  d'un  leul  trou  ;  les  yeux  petits  , 
fort  écartés  l'un  de  l'autre ,  tournés  en  haut  ,  noirâ- 
tres ,  6c  placés  fur  le  haut  de  la  tête  ;  la  nageoire 
dorfale  eil  d'une  forme  prefque  triangulaire  ,  &  a  cinq 
rayons  ;  les  pedorales  en  ont  chacune  huit ,  dont  le 
premier  eft  d'une  confiiîance  ofîeufe  ,  plane  &  garni 
fur  les  deux  bords ,  dans  fa  longueur ,  de  dents  difpofées 
comme  celles  d'une  fcie  ,  mais  dont  les  intérieures 
font  inclinées  ,  6c  les  extérieures  relevées  en  fens  con- 
traire ;  les  autres  rayons  font  flexibles  &c  rameux.  Les 
nageoires  du  ventre  font  auprès  de  l'anus  :  elles  ont 
chacune  fix  rayons  ;  celle  de  l'anus ,  qui  s'étend  prefque 
jufqu'à  la  queue  ,  offre  55  à  56  rayons.  Celle  de  la 
queue  eft  oblongue  ,  étroite  ,  très-échancrée  ;  elle  offre 
neuf  rayons  rameux.  La  couleur  de  ce  poifTon  eil 
tantôt  d'un  blanc  mêlé  de  roux ,  &  tantôt  mélangée 
de  noir  &  de  brun.  Il  y  a  une  variété  qui  a  huit 
barbillons  ÔC  dont  la  nageoire  de  la  queue  n'a  que 
cinquante  rayons. 

ASPRESLE  ou  Presle.  Foyei  ce  mot. 

ASSA-FŒTIDA.  C'eil  une  eipece  de  gomme-ré/ine  ^ 
compa6le  ,  molle ,  en  partie  jaune  &  rouiTe  ,  fouvent 
blanche  intérieurement ,  en  gros  morceaux  d'une  odeur 
tres-défagréable  ,  d'où  vient  cjue  les  Allemands  l'ap- 
pellent Jlzrcus  Dïaholi. 

Quoique  cette  odeur  nous  paroiiTe  iî  détefiable ,  les 
Perles  û,  tous  les  Afiatiques  n'en  font  point  afFedés 
de  même  ;  car  ils  l'appellent  le  manger  des  Dieux,  Les 
Indiens  en  mangent  familièrement',  &:  y  trouvent  une 
bonne  odeur  &  un  goût  exquis  :  les  Pv-omains  eftimoient 
fort  celui  qui  venoit  de  la  Province  Cyrénaïque  &  de 
la  Médie  :*tant  il  exifle  peut-être  de  diiîérence  dans  la 
flruûure  ou  les  aiîeclions  des  organes  des  peuples  de 
divers  pays ,  &:  même  de  divers  habitans  du  même  pays. 
Ne  voit-on  pas  tous  les  jours  des  gens  qui  ont  une 
telle  horreur  i^owxVail^  que  bien  loin  de  pouvoixen 
Tome  L  Mm" 


54^  A    s    s 

goûter ,  ils  ne  peuvent  foufFrir  l'haleine  de  ceux  qui  en 
ont  mangé.  ?  Cependant  d'autres  le  regardent  comme  un 
afTaifonnement  û  excellent ,  qu'ils  le  prodiguent  dans 
tous  leurs  mets.  Notre  fiecle  a  vu  une  inconitance  mar- 
quée fur  les  odeurs.  Les  parfums  que  l'on  faifoit  il  y  a 
cinquante  ans  avec  le  mufc ,  &:  qui  étoient  fi  agréables , 
font  tellement  mis  en  oubli ,  que  la  poilérité  ne  faura 
ce  que  c'étoit  ;  car  il  lui  fera  très-difficile  de  concilier 
avec  fon  ancienne  fuavité  ,  la  puanteur  ou  l'odeur 
•nuifible  qu'elle  croira  y  trouver.  Il  eft  certain  qu'il  y 
a  beaucoup  de  chofes  qui  ont  plu  aux  Anciens  ,  foit 
par  leur  goût ,  foit  par  leur  odeur ,  qui  font  préfente- 
ment  défagréables ,  &  qui  nous  paroiftent  très-puantes. 
Nous  favons  au  contraire ,  que  la  plupart  des  Anciens 
ont  eu  en  exécration  Podeur  du  citron.  Arriveroit-il 
dans  la  révolution  des  fiecles  ,  quelque  changement 
ou  altération  dans  la  ilrucku'e  des  organes  de  l'efpece 
humaine  ,  ou  dans  les  prcdiidions  de  la  Nature  ? 

Les  Indiens  elTuient ,  à  la  récolte  de  Vajfa-fœtlda  , 
les  fatigues  les  plus  pénibles  ,  qui  confiftent  à  errer 
pendant  plufieurs  jours  far  les  lieux  les  plus  efcarpés 
des  montagnes  de  la  Province  de  Laar  en  Perfe  ,  de- 
puis le  fleuve  Cuau  jufqu'à  la  ville  de  Congo  &  aux 
environs  de  celle  de  Heraath  ,  dans  la  Province  de 
Coraiian.  Là  ils  fe  trouvent  ex-pofés  à  l'ardeur  la  plus 
brûlante  du  foleil.  Kczmpfer  rapporte  comment  on  fait 
la  récolte  de  Vajfa-fœûda  far  le  fommet  des  m.ontagnes 
d'Hingifer.  (Sa  plante  efl  encore  fort  commune  en 
Médie^  )  Ceux  qui  la  recueillent  fe  rendent  en  troupe 
fur  le  haut  des  montagnes  à  la  mi- Avril  ;  ils  arrachent 
les  feuilles  de  la  plante  qui  donne  la  gomme-réfme  ^ 
VaJJa-fœt'ida  ,  nommée  en  Perfe  hingifch  ,  &  par  les 
Arabes  altiht,  C'eil  une  plante  férulacée  ,  du  genre 
des  panais  (une  \rm.Q  férule  félon  M.  Linnœics)'^  les 
Perfans  ,  les  Ethiopiens  &:  les  Abyffms  l'appellent 
anjudm ,  angzidan  ;  fa  racine  eft  d'une  fubflance  folide 
comme  celle  de  la  rave ,  noire  en  dehors  ,  très-blauçhç 


A    s    s    ^  Î47 

kn  dedans  ^  ayant  à-peu-près  la  même  forme  ;  longue 
quelquefois  d'une  aune  ,  &:  de  la  groffeur  de  la  cuiiïe  : 
du  fommet  de  la  racine  naiffent  ,  fur  la  fin  de  l'au- 
tomne ,  fix  ou  fept  feuilles  qui  fe  fechent  vers  le 
milieu  du  printemps  ,  branchues ,  d'une  odeur  puante 
&  d'une^iaveur  acre  :  fa  tige  efl  fimple  ,  droite ,  ronde  ^ 
cannelée  ,  moclleufe  ,  longue  d'une  braffe  &c  demie  , 
&  grofle    de   fept  à  huit  pouces  par  le  bas  ,  fe  ter- 
minant en  un  petit  nombre  de  rameaux  qui  portent 
des  fleurs  en  parafol  comme  les  plantes  férulacées  , 
&  auxquelles  fuccedent  des  femences  aplaties  ,   feuil- 
lées  ,  d'un  roux  brun  ,  ovalaires  ,  velues  ,  cannelées  , 
d'une  odeur  de  poireau  &:  d'une  odeur   déiagréable. 
Cette  plante ,  qui  fe  plaît  dans  les  terraiias  arides  de 
Heraath  &C  de  Corofaan  ou  CorafTan  ,  a  une  racine 
peu  fucculente  avant  l'âge  de   quatre  ans  ;  mais  plus 
elle   efl  vieille  ,  plus  elle  abonde  en  un  fuc  laiteux  ^ 
liquide ,  gras  comme  de  la  crème  de  lait.  Revenons  à 
la  manière  de  retirer  ce  fuc. 

Ce  font  fouvent  des  familles  ou  des  villages  entiers 
qui  vont  à  la  récolte  de  Vaffa-fœdda,    Chacun   s^em- 
pare  d'un  certain  terrain,  quatre  ou  cinq  hommes  fe 
chargent    de    la  récolte   d'environ    deux  mille   pieds» 
Avant   d'arracher    les    feuilles  feches ,  ils  découvrent 
un  peu  la  terre  ,   afin  de  les  arracher  jufqu'au  collet  z 
ils  recouvrent  enfuite  la  racine  de  terre  6c  de  feuilles  , 
pour  que  le  foleil  ne  puifTe  pénétrer,  ce  qui  feroit 
périr  la  racine.  Cette  opération  faite  ,  ils   retournent 
tous  à  la  maifon  ;  6c  au  bout  de  trente  ou  q^iarante 
jours ,   ils    vont   de  nouveau  fur  les  montagnes ,   6c 
chacun  prend  fa  première  place  pour  retirer  des  racines 
le  tribut  de  fon  premier  travail.   Ils  coupent  tranfver- 
falement  le  fommet  de  la  racine  ;  de  forte  que  le  tronc 
repréfente  un  difque ,  fur  lequel  fe  rend  fa  liqueur  y, 
fans  être  expofée  à  s'écouler  :  ils  recouvrent  chaque 
racine  d'un  fagot  d'herbes  qui  fait  l'arc  ;  &C  au  bout 
d^  devix  jours ,  ils  viennent  recueillir  le  fuc ,  qu^î]J 

M  m     2, 


548  A    s    s  , 

mettent  dans  de  petits  vafes  attachés  à  leur  ceinture; 
enfuite  ils  emportent  la  fuperfîcie  extérieure  qui  bou- 
choit  les  pores  ,  aiîn  que  le  lue  puiiTe  couler  de  nou- 
veau :  ils  viennent  le  recueillir  de  même  au  bout  de 
quelques  jours  :  ils  font  la  même  opération  fur  chaque 
racine  plufieurs  fois ,  jufqu'à  ce  qu'ils  en  aient  retiré 
tout  Vajpi-fœtlda  ;  ils  mettent  ce  fuc  gommo-réiineux 
fur  des  feuilles ,  &:  l'expofent  au  foleil  pour  lui  faire 
prendre  de  la  folidité.  C'eft  alors  qu'il  perd  beaucoup 
de  fa  puanteur.  Suivant  M.  Carthcufer  ^  Vajfa-fœtida 
eft  compofé  d'environ  un  tiers  de  réfme  pure ,  &  de 
deux  tiers  de  partie  extra£live.  -- 

Il  paroit  que  le  fdphium  des  Anciens ,  le  lafcr  des 
Romains,  &  Vajja-fztida  des  Modernes,  ne  font  pas 
des  fucs  diîFérens.  (  Voyc^  ces  jjiots,  )  Quoi  qu'il  en 
foit  5  la  gomme-réfme  affa-fœtida  eil  employée  comme 
remède  en  Europe  :  elle  excite  puilTamment  la  tranf- 
piration  ,  &  eit  utile  dans  les  mxaladies  des  nerfs  :  fon 
plus  grand  ufage  eil  pour  délivrer  les  femmes  de  la 
îliffocation  hyïlérique,  &  pour  les  maladies  des  che- 
vaux. M.  Bourgeois  prétend  que  Vajfa-fœdda  eft  non- 
feulement  im  très-excellent  remède  pour  les  vapeurs 
hyfîériques  des  femmes,  mais  qu'elle  efl:  aufîi  très-efficace 
dans  l'épilepfie  hyilérique  &  dans  toutes  les  maladies 
convulfives.  On  a  obfervé  que  Vajfa-fcenda  commu- 
nique fon  odeur  aux  excrémens  de  ceux  qui  en  font 
ufage ,  même  pris  en  très-petite  dofe ,  ôc  mêlé  avec 
d'autres  fubflances. 

ASSAPANIK.  Nom  donné  dans  quelques  parties 
du  Nord  de  l'Oueft  de  l'Amérique ,  à  la  petite  efpece 
d'écureuil  volant ,  ou  de  petit  polatouche.  Voye?^ 
Ecuretjil   volant. 

ASSÉE.    Voyei  Bécasse, 

ASSIMINIER  ,  Anona  triloha  ,  Linn.  ;  Anonafrucîu 
lutefcente  f  lœvl  ^  fcrctum  arietlnum  referente  ^  Catesb.  Gar. 
C'eft  un  arbriiïeau ,  efpece  de  coroJfoUer  qui  croît  na- 
turellement au  MifFiffipi  ôç  .dans   d'autres  parties  d^ 


A    s    T  549 

î'^  mérique  Septentrionale  :  il  eu  haut  de  dix  à  douze 
pieds  ;  ion  tronc  efl  gros  comme  la  jambe.  Ses  feuilles , 
qu'il  perd  tous  les  hivers ,  font  grandes ,  alternes  , 
lancéolées^  glabres  6c  d'un  afîez  beau  vert  ;  les  fleurs 
qui  paroiffent  prefque  en  même  temps  que  les  feuilles, 
font  à  fix  pétales  ,  dont  trois  extérieurs  font  larges, 
&  trois  intérieurs  petits  ;  elles  font  d'abord  verdâtres 
&  fe  teignent  enfuite  d'un  rouge  obfcur  ou  noirâtre. 
Aux  fleurs  fuccedent  des  fruits  divifés  jufqu'à  leur 
bafe  en  trois  lobes  ovoïdes  ,  prefque  en  forme  de  con- 
combre à  écorce  lilTe  6c  d'une  couleur  jaunâtre.  Cha- 
que lobe  contient  environ  douze  femences  lon-gues  de 
huit  à  neuf  lignes,  un  peu  courbées ,  6c  difpoiees  en 
deux  rangées  dans  une  fubftance  charnue  6c  jaunâtre. 
L'odeur  de  ce  fruit  eft  déplaifante  ;  cependant  les  Sau- 
vages en  mangent ,  6c  en  trouvent  la  chair  agréable. 
On  dit  que  la  peau  de  ce  fruit  s'enlève  facilement  , 
6c  laifTe  fur  les  doigts  une  imprefîion  d'acide  fi  vif, 
que  fi  on  porte  fes  doigts  aux  yeux ,  fans  avoir  eu 
foin  de  les  laver  ,  ils  y  caufent  une  inflam.maîion  ac- 
compagnée de  démangcaifons  infuppor tables.  Ce  mal 
ne  dure  que  vingt-quatre  heures ,  6c  eil  fans  fuites 
funeiles.  On  •  prétend  que  cet  arbriileau  n'a  point 
encore  frudiiié  en  France  ,  où  on  le  cultive  en  pleine 
terre.  On  peut  l'employer  à  la  décoration  des  bofquets 
du  printemps. 

ASTACOLITE  ,  Jjîacoutus.  Sous  ce  nom  les  Natu- 
raliiles  décrivent  des  pétrifications  d'écrevilTes  ,  6c 
fous  celui  êi  ajlacopodlum  ,  une  portion  du  bras  d'une 
écreviffe  pétrifiée  :  on  en  trouve  en  Angleterre  , 
6c  notamment  à  Pappenheim   en   Allemagne,    ^oye^ 

EC  RE  VISSE. 

ASTER.  On  donne  ce  nom  à  un  genre  de  plantes 
fort  nombreux  ,  à  tiges ,  les  unes  ligneufes  ,  ks  autres 
herbacées  ,  toutes  à  fleurs  radiées  ,  dont  la  couronne 
efl  formée  d'un  grand  nombre  de  demi-fleurons ,  mais 
jamais  jaunes  ;  le  calice  éciiilleux  6c  lâche  par  le  bas  ^ 

Mm    3 


5fO  A    S    T 

6c  les  femcnces  chargées  d'une  aigrette  fîmple ,  portées 
par  un  placenta  nu  &  fans  balle. 

Il  y  a  une  efpece  à^afier ,  plus  connu  fous  le  nom  à'œll 
de  Chrïjl ,  A  fier  Attïcus  cœrukus  vulgaris  _,  Tourn.  481, 
C.  B.  :  Pin.  267  :  Afier  amdlus ,  Linn.  1 226  ,  &  que  M. 
Linnœus  a  tranfporté  dans  le  genre  de  Vaunie.  Voyez  ce 
mot.  L'œil  de  Chrift ,  oculus  Chnjii ,  eu  une  belle  plante 
à  racine  vivace ,  que  l'on  cultive  pour  l'ornement 
des  jardins ,  &  qu'on  appelle  ainli ,  à  caufe  de  l'ar- 
rangement de  fes  fleurs  qui  font  difpofées  en  rayons. 
Sa  tige  efl  haute  de  deux  à  trois  pieds  ,  cannelée  , 
rameufe ,  rougeâtre  &  un  peu  velue  ,  garnie  dans  toute 
fa  longueur  de  feuilles  ovales  ,  oblongues ,  obtufes  , 
rudes ,  un  peu  ciliées  en  leurs  bords  ,  &:  d'un  vert  clair. 
Cette  plante  agréable  à  la  vue  par  {ts  fleurs  à  rayons 
de  couleur  bleue  ou  violette ,  quelquefois  blanche  , 
è  difque  jaunâtre,  terminales  6^:  à  écailles  calicinales, 
obtufes  5  ciliées  ,  fe  multiplie  au  mois  de  Septembre 
de  graines  ou  de  racines  éclatées.  Toutes  fortes  de 
terres  lui  conviennent.  Ses  places  ordinaires  dans  les 
jardins  font  les  plates-bandes  &  les  bordures ,  oii  ces 
plantes  figurent  très-bien  par  la  beauté  de  leurs  fleurs 
&:  la  groffeur  de  leurs  touffes.  Elle  croît  naturellement 
fur  les  collines  arides  des  contrées  méridionales  de 
l'Europe..  On  l'appelle  auiîi  le  hd  AJicr  de  Virgile  y 
parce  qu'il  paroît  que  cette  plante  a  été  connue  de  ce 
Poète ,  &  que  c'eft  d'elle  dont  il  parle  dans  ce  vers  :  EJl 
etiam  fios  in  pratis  ,  ciii  nomen  amello,  Virg.  Georg.  L.  4. 

On  diilingue  auiîi  VAjîer  de  la  Chine ,  appelé  la  rdnz 
mar guérite  des  jardins  ,  AJier  chincnjis  _,  Linn.  1232.  Cette 
plante  fait  en  automne  l'ornement  de  nos  parterres. 
Ses  rayons  font  panachés  de  bleu  ,  de  violet ,  de  blanc , 
&c.  La  culture  les  varie  beaucoup  ;  les  fleurs  font 
pédunculées  ,  grandes  ;  le  calice  large  ôc  feuille;  la  tige 
haute  de  plus  d'un  pied  ,  branchue  ,  garnie  de  feuilles 
cvales ,  anguleufes  ôc  dentées.  Elle  efl:  annuelle. 

On  voit  auffi  dans  les  Jardins   des  curieux  VAJlcr 


A    s     T  ^51 

&  la  Nouvelle  Hollande  ,  /ijîer  novl  BelgU^  Lmn.  1 23 1 . 
Sa  tige  eil  haute  de  deux  à  trois  pieds ,  droite  &  ferme , 
foutenant  un  panicule  rameux  ;  les  fleurs  font  d'un 
bleu  tendre  ;  le  calice  garni  d'une  efpece  de  membrane 
feche  &  luifante  ;  les  feuilles  éparfes  ,  lancéolées  ,  M-, 
files  &  pointues. 

VAJler  qui  croît  fur  les  bords  de  la  mer ,  JJlcr  tri- 
poLium  y  Linn.  IZ26  ,  a  fes  feuilles  un  peu  charnues, 
chargées  de  trois  nervures  ;  les  fleurs  terminales  en 
corymbe  à  rayons  bleuâtres  &:  le  difque  jaune.  Sa 
tige  efl  haute  de  trois  pieds ,  fa  racine  vivace.  C'eil 
r  djlcr  maritimus ,  paluflris  ,  cœmUus  ,  falïcis  folio  ,  de 
Toumefort.  Combien  d'autres  aficrs  fe  trouvent  cul- 
tivés au  Jardin  du  Roi  &  dans  ceux  des  am_ateurs, 

La  Conifc  des  prés  eil  aufH  une  vraie  efpece  à^aflcr* 
Foyei  CONISE. 

ASTÉPJE.  Pierre  fine  chatoyante,  aufTi  nommée 
pierre  âufoldl  :  elle  réfléchit  la  lumière.  Des  Modernes 
croient  que  cette  pierre  eft  Vaventurim  naturelle. 
Voyei  AVENTURINE  &   CHATOYANTE. 

Astéries.  Pierres  étoilées  que  l'on  rapporte  aux 
petits  os  ou  Vertèbres  de  certaines  étoiles  de  mer 
arbreufes  ,  appelées  têtes  de  Midufe.  Les  lignes  &  les 
raies  font  des  efpeces  d'apophyfes.  Les  ajléropodes  font 
les  tiges  d'une  étoile  de  mer  rameufe.  Foye^  à  C article 
Palmier  marin. 

ASTRAGALE ,  Aflragalus,  Plante  de  l'ordre  de  celles 
à  fleurs  légurnineufes  ;  on  en  diflingue  plufieurs  efpeces. 
Nous  ne  parlerons  ici  que  de  VaJlragaU  de  Mo7itpeUiery 
Ajlragalus  Monfpejfulanus  ^  Linn. ,  Tourn.  416.  Plante 
qui  croît  en  France  fur  les  chemins ,  dans  les  Provinces 
qui  font  au  Sud  de  ce  Royaume.  Sa  racine ,  qui  eil  longue 
de  plus  d'un  pied  &  groite  d'un  doigt ,  fe  divife  ou  porte 
plufieurs  têtes  longues  de  trois  ou  quatre  daigts  ,  d^où 
partent  de  petites  tiges  funples ,  creufes ,  rougeâtres , 
chargées  des  deux  côtés  de  petites  feuilles  ameres  , 
pointues ,  velues  ^  oppofées ,  ou  rangées  par  paires  iiir 

M  m    4 


5Î2  A    S    T 

une  côte  qui  eft  terminée  par  une  feule  feuîlîe  :  les 
fommités  des  hampes  font  garnies  de  beaucoup  de 
fleurs  légumineufes  ,  tantôt  purpurines  oc  tantôt  blan- 
ches y  difpofées  en  épi  court  &  lâche  ;  ces  fleurs  ont 
leur  calice  prefque  glabre,  &c  font  remarquables  par 
l'étendard  de  leur  corolle  qui  eu  fort  alongé.  A  ces 
fleurs  fuccedent  de  petites  gouffes  arrondies  ,  doubles  , 
rougeâtres  &  remplies  de  graines  qui  ont  la  figure 
d'un  petit  rein. 

La  racine  de  Vajiragale  de  Montpellier  eil  dure  ^ 
ligneufe ,  blanche  intérieurem.ent  &  brunâtre  en  dehors,, 
d'un  goût  douceâtre  :  on  s'en  fert  intérieurement  , 
ainfi  que  de  la  femence  ,  pour  arrêter  le  cours  de  ven- 
tre &  pour  provoquer  les  urines.  On  l'em^ploie  exté- 
rieurement pour  déterger  &:  deïTécher  les  plaies. 
L'efpece  à^ajîragale  (T Orient  ,  à  feuilles  de  galéga  , 
étant  mâchée  ,  brûle  la  langue  à-peu-près  comme  la 
perficaire. 

M.  Haller  dit  qu'il  y  a  un  grand  nombre  d'efpeces 
de  ce  genre ,  la  plupart  exotiques ,  dont  aucune  n'efl 
connue  en  Médecine ,  excepté  le  tragacantha ,  qui  eil 
une  véritable  ajîragale ,  &  dont  on  parlera  à  l'article 
Barbe  de  renard.  Il  y  a  auiÏÏ  Vajîragal  -  orglijffe.  Voyez 
RÉGLISSE    SAUVAGE. 

ASTRE ,  AJîrum,  Mot  qui  s'applique  en  général  aux 
étoiles  5  tant  fixes  qu'errantes  ,  c'eft~à-dire  ,  aux  étoiles 
proprement  dites  ,  aux  planètes  &  aux  comètes.  Voyez 
ces  mots, 

Ajire  fe  dit  |X)urtant  le  plus  ordinairement  des  corps 
ccleltes ,  lumineux  par  eux-mêmes ,  comme  les  étoiles 
fixes  &:  le  foleil. 

Il  efi:  bon  de  remarquer  qu'il  n'y  a  aucun  aflre  lu- 
miaeux  par  lui  -  même  qui  tourne  autour  d'un  autre 
ajîrc. 

L'Ailronomie  eft  la  fcience  qui  s'occupe  du  ciel  étoile, 
des  corps  planétaires  ,  de  leurs  phénomènes ,  &c.  La 
Chaldée  ,  ancienne  contrée  de  l'Afie ,  paroît  avoir  été 


A   s   T  în 

le  berceau  de  l'AftroRomie.  PtoUmie  fait  mention  d'une 
éclipfe  de   lune    qui  avoit  été  obiervée  à  Babylone  , 
capitale  de  l'Empire  des  Affyriens  ,  &:  fituée  au  milieu 
de  la  Chaldée,  721   ans  avant  la  venue  de  /.   C  A 
cette  époque,  les  Chaldéens  avoient  déjà  Inventé  le 
Zodiaque  &  divifé  le  ciel  en  conilellations  ,  mais   ils 
ne  connoiffoient  pas  encore  la  caufe  des  phafes  de  la 
lune.    Bérofc ,  un  de  leurs  Auteurs ,   qui    vivoit  dans 
un  temps  fort  pofiérieur  à  celui  dont  nous  parlons  , 
croyoit  que  cette  planète  fecondaire  avoit  deux  cblès^ 
l'un  brillant  &  l'autre  obfcur.  Les  Egyptiens  ont  aufîi 
acquis  beaucoup  de  gloire  dans  la  fcience  des  Ajlres, 
Ces  deux  peuples  paroiffent  être  les  premiers  qui  aient 
appliqué  la  connoiiTance  du  ciel  à  l'ufage  de  la  navi- 
gation ;  l'on  croît  communément  que  les  autres  peu- 
ples leur  doivent  celui    de   l'obfervation    des    étoiles 
boréales ,  pour  fe  conduire  en  mer.  Hérodote  prétend 
que  prefque  tous  les  noms  des  Divinités  Grecques , 
donnés  aux  Conilellations  ,  tiroient    leur   origine   de 
l'Egypte.   Il  paroît  c|ue  les  Perfes  ,  les  Indiens  ,  les 
Grecs  &  les  Arabes  ,  ont  fuccédé  aux  Chaldéens  & 
aux  Egyptiens,  dans  l'étude  du  Ciel.  L'hifloire  de  VAJlro' 
nomïe  ne  nous  offre  aujourd'hui  que   la  décadence  de 
cette  fcience ,   chez  les  peuples  qui  l'avoient  cultivée 
avec  le  plus  de  fuccès   &  d'éclat.  Les  Copernic ,  les 
Tychohrahé  ,   les  Kepler  ,  ont  vécu  dans  le   feizieme 
fiecle  ,  qui ,  félon  M.  Maclot ,  efl  l'époque  des  grands 
progrès  de  l' Agronomie  en  Europe.  Le  fiecle  iuivant 
ell:  celui  des  Gaffendi  ,  des  Dif cartes  ,  des  CaJJîni ,  des 
Huyghens,    Le  célèbre  Newton  y  né  dans  le  même  fiecle, 
peut  être  réclamé  par  le  nôtre  ,  qui  ell:  encore  illuilré 
par  pluiieurs  Agronomes  du  premier  ordre. 

ASTPvOlTE,  Jfiroites.  Vaftroïte  eil  un  corps  pier- 
reux ,  plus  ou  moins  gros  ,  organifé  régulièrement , 
de  couleur  blanche  ,  &:  qui  brunit  par  diiférens  acci- 
dens  ;  il  fe  trouve  dans  la  mer.  Comme  la  furface  de 
ce  corps  qui  eiî  fans  ramifications  ou  avec  ramifica- 


n4  A    s    T 

lions ,  eft  couverte  de  figures  étoilées ,  pafftie  en  creux 
&  partie  en  relief ,  &  ces  étoiles  font  à  pans ,  tantôt  pe- 
tites &  tantôt  grandes,  quelquefois  pentagones,  d'autres 
fois  hexagones  ;  on  a  cru  y  voir  des  figures  d'aflres 
&  d'étoiles  ,  ce  qui  la  feit  nommer  aflroiu  &:  pknc 
itoïlk^  lorfqu'on  croyoit  que  c'étoit  une  pierre  :  on 
l'a  regardée  enfuite  comme  une  plante  marine  pierreufe; 
enfin  Vafiroite.^  ainfi  que  plufieurs  autres  plantes  ma- 
rines pierreufes  ,  ont  été  démontrées  être  du  règne 
animal  par  les  obfervations  de  M.  Peyjfoml ,  qui  a 
découvert  des  animaux ,  au  lieu  de  fleurs  dans  ces 
corps  marins  polypiers,  ainii  qu'on  le  peut  voir  au 
mot  Corail  &  Corallines.  Vajlwïu  eft  une  pro- 
dudion  de  polypes  qui  fe  trouvent  dans  la  mer. 

Nous  difons  qu'il  y  a  plufieurs  efpeces  à^ajlroàcs  qui 
différent  par  la  grandeur  des  figures  dont  ils  font  par- 
femés  ,  &  par  le^nombre  des  rayons.  UaJirGÏu  à  l'exté- 
rieur efl  couvert  de  figures  à  pans  ou  obrondes ,  ter- 
minées par  un  bord  prefque  circulaire  &  faillant  ;  il 
y  a  dans  l'aire  de  chacune  de  ces  efpeces  de  cercles , 
des  feuillets  perpendiculaires  &  efpacés ,  qui  s'étendent 
en  formée  de  rayons  depuis  le  centre  jufqu'à  la  cir- 
conférence :  ainfi  l'intérieur  efl  compofé  d'autant  de 
cylindres  ou  de  tuyaux  à  pans  ,  qu'il  y  a  de  cercles 
fur  la  furface  fupérieure.  En  un  mot  les  ajîroïtes  font 
autant  de  tubes  parallèles  joints  enfemble  par  leurs 
côtés  ,  &  dont  la  cavité  eft  remplie  de  plufieurs  lames , 
qui  partent  de  leurs  parois  ,  &  vont  aboutir  à  un 
centre  ,  ce  qui  forme  des  étoiles  ou  rondes ,  ou  ova- 
les ,  ou  anguleufes  ,  plus  ou  moins  grandes ,  Se  à  plus 
ou  moins  de  rayons.  Les  afiroïtes  diiferent  à^s  madré- 
pores ,  en  ce  qu'ils  ont  des  pores  étoiles  ,  joints  & 
parallèles  ,  qui  n'en  fopt  qu'une  feule  maffe  ;  ils  dif^ 
ferent  auiïi  des  tubipores  ,  en  ce  que  ceux-ci  ont  de5 
tubes  fourchus  &  irréguliers  ,  fort  faillans  &  non 
parallèles.  Il  y  a  une  autre  forte  de  corps  qui  n'eft  pas 
t\n  aflroiu ,  dont  la  furface  liipérieure  eft  creufée  par 


A   s   T  A   T   E  555 

filions  ondoyans ,  que  l'on  a  comparés  aux  anfra£luo- 
fitcs  du  cerveau  ;  ce  qui  lui  a  fait  donner  le  nom  de 
cerveau  de  mer.  On  en  peut  remarquer  un  très-beau  au 
Cabinet  du  Jardin  du  Roi ,  fous  le  nom  à^ajlroïte  cer- 
veau. Voyez  Vartïck  MÉandrites. 

On  trouve  auiïi  des  apoites  fojjiles,  M.  le  Comte  de 
Tnffan  en  a  trouvé  de  pétrifiés  dans  le  Barois  &  le 
Toulois.  Les  ajirdites  pétrifiés  en  marbre  ,  en  pierre 
£ne  5  fur-tout  en  fubilance  d'agate ,  font  les  plus  rares. 
Ces  derniers  font  fufceptibles  d'un  très-beau  poli  ;  & 
les  figures  qu'on  y  voit  font  un  fort  joli  effet  :  auiîi 
les  emploie-t-on  à  faire  des  boîtes  &:  autres  bijoux  : 
on  trouve  en  Angleterre  de  ces  aflroites  pétrifiés  en 
agate  ,  &  nos  Lapidaires  les  appellent  improprement 
cailloux  d'u4ngUterrc.  On  en  trouve  de  femblables  à 
Touque  en  Normandie. 

ASTPcOLEPAS,  Nom  donné  à  un  lipas  ou  patelle , 
dont  la  bafe  du  contour  fe  termine  par  fept  angles  , 
comme  l'on  repréfente  quelquefois  les  étoiles.  Voye^ 
Lepas. 

ASTROPHYTE.  Nom  donné  à  l'étoile  de  mer  ar- 
borefcente  ,  efpece  de  médufe  à  côte.  Foye^  à  VarticU 
Etoile  de  mer. 

ATALANTE.   Voye:;^  à  r article  AMIRAL  papillon. 

ATÉ  ,  Ata.  Fruit  qui  croit  à  Siam  &  à  la  Côte  de 
Coromandel  fur  un  très-bel  arbre.  Ce  fruit  a  à-peu- 
près  la  figure  d'une  pomme  de  pin ,  &  efl  beaucoup 
plus  petit  ;  la  peau  en  eft  épaiffe  ,  d'un  jaune  brillant  , 
comme  vernie ,  &  la  chair  blanche  &:  molle  :  il  a  le 
goût  de  la  crème  fucrée.  Cet  arbre  fe  voit  au  Jardin 
du  Roi  fous  le  nom  de  guanabanus.  Ses  feuilles  ont 
une  faveur  aromatique  :  infufées  dans  le  taffia  ,  elles 
hii  donnent  un  goût  agréable.  On  prétend  que  Vata 
n'eft  autre  chofe  que  le  fruit  d'un  cachimentier.  Voyez 
à  r  article  COROSSOLIER  à  fruit  écailleux. 

Nous  avons  vu  ,  en  1771  ,  chez  M.  Gilbert  de 
Voijins  3  à  Paris  ^  une  brajiche  de  l'arbre  ati;,  il  y  avoit 


y55  ATI  ATM 

environ  i  50  fruits  attachés.  Cette  branche  ou  régime 
lui  avoît  été  envoyée  des  grandes  Indes. 

ATIMOUTA.   Voyei  Varûcu  Bauhine. 

ATINGAUT  CAMUM.  Voye^  Coucou  cornu 
du  Bréfil. 

ATLAS.  Les  curieux  Holîandois  appellent  ainfi  deux 
efpeces  de  beaux  papillons  de  Surinam.  L^  plus  grand 
a  les  ailes  rayées  de  bleu  ,  de  blanc  &  de  brun  ,  cer- 
clées de  jaune  ôc  de  noir  ;  il  eft  d'ailleurs  admirable- 
ment émaillé.  La  petite  efpece  n'eft  pas  moins  belle  , 
êc  fe  voit  gravée  avec  fon  papillon  ,  dans  les  Inficîes 
de  Surinam.  PL  23  &  Go, 

ATMOSPHERE  ,  eil  proprement  cette  mafle  fl|.ide 
&  élal^ique  ;  cette  fphere  des  vapeurs  rem_plie  ou 
compofée  d'exhalaifons  ,  qui  environne  le  globe  ter- 
reftre ,  &:  dont  la  terre  eft  couverte  par-tout  à  une 
hauteur  confidérable.  Cet  atmcfphcre  ,  dit  M.  ToaUo  , 
reçoit  de  la  terre  ,  de  la  furface  des  eaux  &  de  tous  les 
corps  5  fur-tout  des  organiques  ,  ces  émanations,  pré- 
cieufes  qui  s'en  détachent  ,  &:  qui  ne  font  que  des 
décompofitions  des  principes  déjà  préexiilans  dans  les 
corps  naturels  ;  &  ces  émanations  dans  V atmofphcrô 
y  font  ou  attirées  par  la  chaleur  du  foleil ,  ou  pouiîées 
par  jles  feux  fouterrains ,  par  les  fermentations  ,  & 
iiir-tout  par  l'a£l:ion  du  fluide  éleûrique  :  tous  ces 
corpufcules ,  en  s'élevant ,  vont ,  dit  encore  M.  Toaldo  ^ 
fe  mêler  dans  l'air  ,  o^i^AriJlou  appelle  la  grande,  mer , 
V  Océan  ,  où  vont  aboutir  les  courans  de  toutes  les 
vapeurs  &  des  exhalaifons  de  la  terre.  Cependant  , 
quoiqu'il  fe  faite  une  confufion  immenfe  de  toutes  ces 
matières  volatiles  dans  ce  grand  chaos  ,  il  peut  arriver 
que  chaque  efpece  de  corpu feule  retient  fa  propre 
nature  ;  c'eft  une  opération  chimique  en  grand  qui 
par  l'analyfe  fépare  la  partie  aqueufe  ,  la  partie  hui- 
leufe ,  la  partie  faline ,  la  partie  volatile ,  &  les  difperfe. 
Les  odeurs  le  prouvent  ,  par  exemple  ,  lorlqu'à  plu- 
iieurs  milles  de  diftance  en  mer ,  on  fent  les  émana- 


A    T    O  A    T    R  557 

îions  des  plantes  aromatiques  des  Ifles  Moluques.  C^'eil 
à  cet  atmofphcre  ,  à  celui  le  plus  élevé  ,  que  nous 
devons  les  aurores  ,  les  crépufcules  ,  &  l'effet  de  k 
lumière  qui  nous  éclaire.  Voye^  AiR. 

Les  phénomènes  atmofphériques  méritent  la  plus 
grande  attention  des  Oblervateurs ,  ils  femblent  occa- 
iionner  le  balancement  du  feu  éledrique  ,  celui  des 
nuages ,  l'agitation  de  l'air  ,  le  rétabliliement  d'équi- 
libre ;  leur  action  ne  s'anéantit  pas  toujours  dans  les 
nuages ,  ils  parviennent  aflez  louve nt  aux  objets  ter- 
reftres  ;  les  fluides  de  V atmofphcre  paroiiïent  avoir 
beaucoup  d'influence  fur  les  corps  organifés  :  le  fluide 
électrique  y  joue  un  grand  rôle  ;  en  effet  ,  tous  les 
corps  animés  languiffent  quand  la  partie  de  notre  at- 
inofphre  ,  que  nous  refpirons  ,  efl  comme  dépouillée 
de  fqn  éle£tricité  ou  de  l'aâ:ivité  de  ce  fluide. 

ATOCALT.  Nom  que  l'on  donne  à  une  araignée 
du  Mexique^  qui  vit  près  de  l'eau  ,  &>qui  n'efl  point 
venimeulè.  C'efl  un  des  infedes  qui  nous  préfente  les 
ouvrages  les  plus  variés  en  couleur.  Cette  araignée 
file  un  tiffu ,  qu'elle  entrelace  de  fils  rouges ,  jaunes 
&  noirs  ,  avec  tant  d'art ,  que  l'oeil  ne  peut  fe  laffer 
d'admirer  la  beauté  de  l'ouvrage.  Foye^  Araignée. 

*  ATOME.  A  ce  nom  eff  attachée  ordinairement 
l'idée  de  corpufcules  invifibles  ou  infécables  ,  que  les 
Anciens  regardoient  comme  les  élémens  primitifs  des 
corps  naturels.    Voyei  Vartïck  ÉlÉmens. 

On  donne  aufTi  ce  nom  à  un  animal  microfcopique  , 
le  plus  petit ,  à  ce  qu'on  prétend ,  de  tous  ceux  qu'on 
a  découverts  avec  les  meilleurs  microfcopes.  On  dit 
qu'il  paroît  au  microfcope  ,  tel  qu'un  grain  de  iable 
fort  fin  paroît  à  la  vue  ,  ô^  qu'on  lui  remarque  plu- 
iieurs  pieds  ,  le  dos  blanc  ,  &  des  écailles. 

ATROPOS ,  Colubcr  Atropos ,  Linn.  Serpent  d'Ame* 
rique ,  dont  la  robe  efî  d'une  couleur  blanchâire  ;  {ç^^ 
yeux  font  bruns  ,  avec  des  iris  blanches  ;  il  a  131 
grandes  plaques  fur  l'abdomen^  &  zz  paires  de  petites 


558  AT    T 

plaques  fur  la  partie  inférieure  de  la  queue.  Sa  moi-- 
fure  eil  très-dangereufe.  Ce  ferpePxt  efl  du  troifieme 
genre. 

ATTAGAS.  Cet  oifeau  ,  d'après  les  obfervations 
&  les  recherches  faites  par  M.  de  Buffon ,  eil  Içfran- 
colin  de  Bclon  ^  &C  non  celui  à^Olina;  &  notre  attagas 
à  plumes  variées  ,  eit  Vattagm  de  Jdim,  Voyez 
Lagopède. 

ATTAGEN.  Oifeau  très-vanté  des  Anciens  comme 
un  des  mets  les  plus  délicats.  Foye^  V article  Lagopède. 

Quelques-uns  ont  regardé  le  coq  des  marais  ,  de 
Gefner^  comme  un  attagen  ;  on  croit  q^'l  Albin  en  a 
parlé  fous  le  nom  ^cegodphale, 

ATTARSOAK.  Les  Groënlandois  donnent  ce  nom 
à  une  efpece  de  phoque ,  remarquable  par  deux  taches 
noires  fur  la  peau  en  forme  de  croisant.  Ces  peuples 
défignent  par  les  mots  attarak ,  atteitfiak ,  Sec.  le  mêm.e 
animal  fuivant  fon  âge.   Voye^  à  tanicle  Phoque. 

ATTELABL^S  ,  Arachnoïdes.  Efpece  d'infecte  aqua- 
tique qui  a  la  tête  de  la  fauterelle  &  le  corps  de  l'arai- 
gnée :  il  nage  dans  l'eau  ,  eu  il  rampe  fur  la  terre.  On 
peut  cependant  le  regarder  comme  une  efpece  de  fau- 
terelle. Voye^  Sauterelle. 

ATTERRISSEMENT ,  eft  un  accroiflement  qui  fe 
fait  par  degrés  plus  ou  moins  rapides  ,  au  rivage  de 
la  mer  ou  à  la  rive  d'un  fleuve  ,  par  les  terres  ou  les 
fables ,  ou  un  limon  compofé  de  lubftances  de  toute 
efpece  ,  les  cailloux  roulés  ou  galets  que  l'eau  ou  des 
alluvions  y  apportent  fucellivement.  C'cll  bien  ici  le 
cas  de  dire  avec  Joh  ,  cap.  XIV.  verf  1 9  :  Lapides 
excavant  aquce  ,  (S*  alluvione  paulatim  terra  confumitiLr „ 
La  maffe  des  atterrijfemens  s'élève  &  devient  d'autant 
plus  confidérable ,  qu'on  approche  davantage  de  l'em- 
bouchure des  fleuves  ,  ou  de  celles  des  rivières  ,  des 
torrens  &:  des  fleuves  dont  le  fol  eil  moins  profond  , 
ou  qu'il  s'y  trouve  des  rochers  qui  ,  en  retardant 
l^  Yîieffç  dé  l'çau ,  lui  fpnt  dépofer  fur  les  bords  de 


ATT  ^        559 

fon  lit  les  terres  &  les  fables  ,  qu'elle  charîe  ordinai- 
rement vers  le  confluent  des  fleuves. 

Les  att&rrijfcmms  ne  font  que  iliperficiels.  Les  dépots 
que  les  eaux  de  la  mer  font  fur  fes  bords  ,  font  dus  ^ 
tantôt  à  des  matières  que  les  fleuves  y  portent ,  6c 
à  celles  que  les  flots  ,  en  battant  avec  violence  contre 
les  falaifes  ou  les  montagnes  qui  bordent  le  plus 
fouvent  fes  rivages  ,  arrachent  de  ces  falaifes  ,  ballot- 
tent enfuite  plus  ou  moins  long-temps,  &:  dépofent 
enfin  fur  les  plages  ,  réduites  en  poudre  ou  en  maffes 
peu  confidérables.  A  ces  matières  entraînées  ou  arra- 
chées des  montagnes  ,  fe  joignent  celles  que  les  flots 
détachent  également  des  rochers  cachés  ou  couverts 
par  les  eaux  de  la  mer  ,  ou  des  montagnes  qui  s'y 
trouvent  dans  les  Ifles  ,  auxquelles  fe  joignent  auffi 
les  corps  marins  plus  ou  moins  mutilés  ou  broyés , 
'tels  que  des  coraux  ,  madrépores  ,  coquilles  ,  os  de 
poiflbns  ,  &c.  Ces  dépôts  fe  font  fur  les  bords  de  la 
mer ,  ou  dans  la  mer  même  ,  &  quelquefois  ils  s'y 
accumulent  tellement  ,  qu'ils  deviennent  des  digues 
infurmontables  à  fes  flots.  Les  pierres  appelées 
vaches  noires  près  de  Caen  ,  font  des  atterriJJcTîzcns 
glaifeux  ,  anciens ,  &  remplis  de  cornes  d'ammon  ,  de 
belemnites  ,  &c.  :  elles  font  fituées  fur  un  plateau  de 
dunes  près  la  mer.  De  tout  temps  le  Rhône  a  produit 
à  fon  embouchure  des  atterriffcmens  fort  étendus.  Le 
Danube  n'efl:  pas  moins  célèbre  à  cet  égard  ,  il  tend 
journellem.ent  à  combler  le  Pont-Euxin  ,  &:  la  mer 
d'Azoph.  Chez  les  Anciens ,  la  baffe-Egypte  nommée 
Delta  ,  à  caufe  de  fa  figure  triangulaire ,  a  toujours 
été  regardée  comme  un  préfent  du  Nil.  Il  femble  que 
les  terrains  de  la  Hollande  ,  &:  peut-être  de  la  Zélande , 
font  l'ouvrage  de  l'Efcaut ,  de  la  Meufe  &  du  Rhin. 
Il  en  efl  de  même  ,  fans  doute  ,  de  la  grande  Ifle  à 
l'entrée  du  fleuve  Amour ,  dans  la  mer  Orientale  de  la 
Tartarie  Chinoife  ;  la  campagne  de  Ferrare  paroîî  due 
^ux  acHrriJfmms  i\\  P$  j  VerujÇe  ^  les  Iflots   qui 


5^o  ATT 

entourent  cette  piiîfTante  Ville  ,  parolffent  tenir  leur  foî 
des  aturrijfcmens  du  Pô  &  de  l'Adige  ^  &c.  &c.  Il  efl: 
un  grand  nombre  d'autres  faits  de  ce  genre  gravés  dans 
les  fafles  les  plus  anciens  de  la  Nature.  Foye^  ce  qui 
eil  dit  encore  des  aturrïffcmms  dans  la  théorie  de  la 
Terre, 

ATTOLE.  Voye^^  Anate. 

ATTRAPE-MOUCHE  ,  Mufcipula,  Plante  qui  croît 
naturellement  dans  les  lieux  incultes  &:  fecs.  C'eil  une 
efpece  de  petit  (zilkt ,  ou  plutôt  de  lychnïs ,  dont  les 
fleurs  font  aux  fommités  des  tiges  ,  difpofées  en  petit 
bouquet ,  d'une  belle  couleur  rouge  &  un  peu  odorante. 
Les  fruits  contiennent  de  petites  femences  rondes  & 
rougeâtres.  Cette  plante  efi:  finguliere  ,  en  ce  qu'il 
découle  de  fa  tige  une  fubilance  vifqueufe  ,  où  les 
mouches  fe  prennent  ;  ce  qui  Ta  fait  nommer  attrape- 
mouche.  Il  y  en  a  une  efoece  à  fleurs  doubles  d'un 
beau  rouge  que  l'on  cultive  dans  les  jardins  ,  &  qui 
fleurit  en  Juin  &  Juillet.  On  peut  la  multiplier  facile- 
ment en  la  marcotant. 

Depuis  trois  à  quatre  ans ,  les  Anglois  ont  reçu  du 
fond  àts  terres  en  Penfilvanie  ,  une  plante  herbacée , 
qui  y  croît  fpcntanément  fur  le  bord  des  eaux ,  dans 
les  lieux  ombragés  ,  &  à  laquelle  ils  ont  donné  le 
nom  de  tip'itlwklie  ,  &:  celui  de  Vénus  attrape-mouche, 
M.  EUls  en  a  donné  la  defcription  :  les  François 
l'appelent  attrape-mouche  ;  car  à^^s  qu'un  tel  infedte 
vient  à  fe  pofer  lur  une  des  feuilles  de  cette  plante  , 
la  feuille  s'agglomère  &  enferme  fi  promptement  le 
petit  animal,  qu'il  ne  peut  pas  s'échapper;  on. pré- 
tend même  qu'il  y  efl:  quelquefois  écrafé.  Les  Bota- 
niHes  la  défignent  ainfi  ,  Dionœa  mvfàpula  aut  mufci- 
capa.  On  voit  adhiellement  cette  plante  au  Jardin 
Royal  dé  Trianon  ,  &c.  Voilà  une  nouvelle  efpece 
de  fcnjztive  ou  mimeufe  :  à  Tinilant  que  l'on  pofe  le 
doigt  au  centre  creux  de  la  feuille ,  les  fibres  nerveufes , 
végétales  j  qui  en  font  irritées ,  fe  conir.iai\at ,  &  le 

doigt 


A   V  A  ^   U  B  5^1 

èoigt  eu  enveloppé  dans  la  feuille.  Il  naît  du  milieu 
de  ces  feuilles  une  hampe  nue ,  grêle  ,  herbacée ,  haute 
de  fix  à  fept  pouces  ,  &c  qui  foutient  à  fon  fomânet 
cinq  à  fept  fleurs  blanches  ,  pédunculées  ,  &  diipofée? 
en  corymbe  terminal.  Le  fruit  efl  une  capfule  obronde , 
enflée  ,  uniloculaire  ,  &  qui  contient  un  grand  nombre 
de  femences  menues  ,  attachées  à  fa  bafe.  En  fuivant 
le  fyilême  fexiiel  de  Linné ,  cette  plante  (  la  ^lionée  ) 
offre  des  caraderes  qui  la  placent  dans  la  décandrie 
monogynle.  Son  calice  eft  à  cinq  feuilles  ;  fa  corolle  , 
compoiée  de  cinq  pétales  blancs  ,  dix  étamines  ,  un 
piftil  ;  fes  racines  vivaces  ;  les  feuilles  rangées  en  rond 
îiir  la  terre  ,  fucculentes  ,  prefque  recourbées  ,  avec 
deux  efpeces  de  géniculations  ,  dont  la  fupérieure  eu 
à  deux  lobes  fémi-ovales  ,  irritables  ,  bordés  de  cils 
ou  foies  longues  &  roides.  Ces  deux  lobes  ,  quand 
on  les  touche ,  s'approchent  &  fe  joignent  en  forme  de 
iàutoir  tant  que  l'infe£le  fe  débat  6c  fe  meurt  ;  les 
cils  qui  fe  croifent  ,  les  lobes  étant  conllamment 
fermés ,  ne  s'ouvrent  que  lorfque  Pinfede  cefTe  de  fe 
mouvoir  ;  ils  fe  romproient  plutôt  que  de  les  forcer 
à  s'ouvrir  :  dans  ce  cas  ,  fi  le  prifonnier  n'efl  qu'épuifé 
de  fatigue  ,  il  peut  fubitement  recouvrer  fa  liberté. 

AVALANGE.  Fojei  Lavancke. 

AUBÉPIN  5  Aubépine.  Fojsi  à  lafulu  de  VarticU 

NÉFLIER. 

AUBERGINE.  Voy^i  Mélongene. 

AUBIER  ,  arbriffeau.  Voye^  Obier. 

Aubier  ,  Alburnum.  C'eil:  une  ceinture  ou  couche 
circulaire  plus  ou  moins  épaifle  de  bois  imparfait ,  qui 
elï  entre  l'écorce  &  le  cœur  ou  le  vrai  bois  ,  dans 
tous  les  arbres.  On  le  diftingue  aifément  du  bois  par- 
fait, par  la  différence  de  fa  couleur  &  de  fa  dureté. 
On  doit  ôter  Vauhkr  dans  les  bois  que  l'on  emploie  ; 
car  il  fe  pique  de  vers ,  &  efl  peu  folide.  M.  cU  Buffon 
a  pourtant  démontré  les  moyens  de  le  rendre  auffi  bon 
que  le  reile  du  bois,  Foyc^  Us  mots  Arbre  6c  Bois. 
Tom&  I,  N  n 


^6i  A  V  A  AVE 

AVAOUS.  En  Languedoc  on  donne  ce  nom  à  iirt 
arbiiile  ,  efpece  de  chêne  vert  qui  porte  le  Kermes" 
infecta.  Il  croît  abondamment  dans  les  ganiques 
(communes)  du  pays. 

AUBiFOIN.   Vcyei  Bluet. 

AUBOURS.  Voyei  ÉEÉNIER  DES  AlpES  ,  à  la 
fuite  du  mot  CytiSE. 

AUCHA ,  dans  quelques  Voyageurs  ,  efl  le  fangm. 
Voyez  Sarigue. 

AVELANED  ou  Valanede.  Voyci  à  Canick 
Chêne. 

AVELINIER.  Voyei  Noisetier. 

AVENTURINE.  On  entend  communément  par  ce 
mot  y  une  compofition  de  verre  brun  ,  jaunâtre ,  opa- 
que ou  d'émail ,  rouffâtre ,  parfemée  de  points  brillans 
de  couleur  d'or.  La  découverte  de  cette  compofition 
fort  jolie  ,  eft  due  au  hafard.  Un  Verrier  lailla  tomber, 
fans  y  faire  attention  ,  dans  fon  creufet  qui  tenoit  du 
verre  en  fufion  ,  des  particules  de  laiton  ;  la  vitri- 
fication étant  refroidie  ,  il  y  remarqua  des  paillettes 
brillantes  ,  dorées ,  &:  qui  donnoient  à  la  mafie  confo- 
lidée  par  le  refroidiffemxent ,  le  coup  d'oeil  de  certaine* 
topa^^s  artificielles  &  opaques.  Ce  phénomène  mérita 
-à  ce  verre-émail  le  nom  à^aventurine  ,  comme  qui  di- 
roit  pierre  trouvée  par  aventure. 

S'il  y  a  quelque  pierre  fine  qui  reffemble  à  cette 
compofition  ,  éc  qu'on  puiiTe  aujourd'hui  nommer 
avcnturine  naturelle  ,  il  faut  la  chercher  parmi  les  pierres 
chatoyantes  à  tiffu  ou  à  pâte  de  celle  qu'on  appelle 
ail  du  monde.  Il  y  en  a  une  efpece  dont  la  couleur 
à  fond  brun-roux,  ou  gris-rouflatre  ,  &  à  peine  tranf- 
parente  ,  approche  beaucoup  de  celle  de  Vavemurim 
facilce  ;  mais  elle  diffère  de  Vaventurine  facîlce  en  ce 
qu'elle  efl  dure  ,  &  elle  diffère  de  Vœ'il  du  monde  ,  en 
ce  qu'elle  eft  parfemée  de  points  chatoyans ,  très-bril- 
lans  ,  clair-femés  &  de  couleur  d'or  :  il  y  a  àt^ 
(Lvcmuiines  à  fond  vert ,  à  petits  points  d'or  &  pail- 


AVE  AVI  5(^5 

kttes  d'argent.  Il  y  a  des  pierres  fines  réputées  aventurims^ 
à  demi  tranfparentes ,  dures  comme  l'agate  ,  qui  font 
comme  truitées  ou  trézalées ,  &  qui,  dans  un  beau  jour, 
ont  la  propriété  de  très-bien  chatoyer  ,  c'efl-à-dire ,  de 
réfléchir  agréablement  la  lumière  ,  &  même  d'offrir 
des  éclats  de  lumière  de  différentes  nuances  ;  &  ces 
éclats  ,  qui  font  le  plus  grand  plaiiir  aux  yeux  des 
Amateurs  ,  partent  de  différens  points  ,  en  la  manière 
des  pierres  précieufes  taillées  à  facettes.  La  couleur  de 
cette  pkrrz  chatoyante  &  fon  jeu  empêchent  de  la 
confondre  avec  les  autres  pierres  chatoyantes  ,  telles 
que  V opale ,  le  girafol ,  Viris  ,  la  pierre  de  lune  ,  Vœil  de 
chat ,  Vœil  du  monde  ,  &c.  Voyei  CHATOYANTE  &  AS- 
TÉRIE. 

On  prétend  que  la  véritable  pierre  d'^aventurine  réfléchit 
l'image  entière  du  foleil  ,  tandis  que  les  autres  cha- 
toyantes ne  font  que  rendre  la  lumière  du  foleil  dans  une 
forme  alongée.  On  taille  prefque  toujours  en  cabochon 
la  YXd^ie  pierre  d'aventurine.  Cette  pierre  a  un  prix  d'af- 
fedion. 

AVEPvANO.  C'efl  Vave  de  verano  des  Portugais  ;  le 
guira  punga  des  Braffliens  ;  le  cotinga  tacheté  de  M.  Brifi 
fon  ,  tom.  2.  p.  3  54.  Sa  chair  eff  un  comeilible  agréable 
&  nourriffant.  Cet  Oifeau  ,  en  vie  ,  pouffe  un  fon  fem- 
blable  à  celui  d'une  cloche  fêlée  ,  &  tantôt  femblable  à 
celui  qu'on  feroit  en  frappant  fur  un  coin  de  fer  avec 
un  inffrument  tranchant,   ^oye^^  maintenant  COTiNGA. 

AVERHAHN.  Voyeià  l'article  Coq  des  BRUYERES. 

A  VERNE.  Nom  donné  aux  grottes  ou  foffes  d'oii 
fortent  des  vapeurs  empoifonnées  :  ce  font  des  efpeces 
de  moufettes.  Voyez  ce  mot  a  t article  EXHALAISONS 
MINÉRALES. 

AVÉRON  ,  ou  AvENERON.  Voye^^  à  la  fuite  de  Var" 
ticle  Avoine. 

AVEUGLE  ,  ou  Anvoie.  Voye^  Orvet. 

AVIGNON.  Voyei  Lavignon. 

AVILA.  Fruit  des  Indes  qui  croit  fur  une  plants 

N  n     2 


5<S4  AVI  A  U  N 

rampante  (  efpece  de  lïam  )  qui  s'attache  aux  arbres  dans 
l'Amérique  Elpagnole.  Ce  fruit  contient  au  milieu  de  fa 
chair  huit  ou  dix  noix  convexes  d'un  côté  &  concaves  de 
l'autre  ^  épaifles  d'un  demi-doigt.  L'amande  des  graines 
ou  noix  de  ce  fruit ,  eft  crbiculaire  ,  d'un  goût  amer  ; 
elle  eft  eftim^ée  un  grand  contre-poiion  ,  &:  un  remède 
excellent  contre  les  hum.eurs  malgnes  ,  à  la  dofe  d'une 
ou  deux  graines.  Lémcri  dit  que  ce  truit  eft  la  nhandïroba, 
des  Auteurs  ,  ôc  la  noix  de.  ferpmt  des  Américains. 
Foye^  L'article  LiANE  contrepo'^fon . 

AVIOSA.  Fcyei  à  t article  SERPENT  &  CORAL. 

AUNE  5  Aulne  ,  Vergne  dans  plufieurs  Provinces , 
en  latin  almis^  Dod.  Pempt.  83  9  ;  6^  vul^aris^  J.  B.  1. 1 5 1  ; 
aut  rotundi  folia^  glutinofa^  viridis^  C.  B.  Pin.  428 ,  Tourn, 
587.  C'eft  un  grand  arbre  ,  d'une  groffeur  médiocre.  Il 
s'élève  bien  moins  que  le  bouleau:  il  forme  une  large  têie. 
Ses  branches  redrelTées  lui  donnent  une  forme  pyramii- 
dale.  Sa  racine  eft  rameufe  :  fon  bois  qÛ  rougeâtre,  mou  , 
léger  5  &  facile  à  travailler.  Son  écorce  eft  grife ,  bru- 
nâtre en  dehors  ,  jaunâtre  en  dedans  ,  amere ,  un  peu 
aflringente  Se  défagréable.  Ses  feuilles  font  glabres  , 
prefque  rondes  ,  alternes  ,  dentées  dans  leur  contour ,  un 
peu  larges  &  vifqueufes ,  ce  qui  a  fait  dire  ae  cet  arbre , 
ainus  g/utinofa.  Ses  rameaux  font  triangulaires  vers  leur 
fommet.  C'ell:  un  arbre  à  fleurs,  à  étammes  ou  à  chatons^ 
èc  ces  chatons  font  petits  &  portés  lur  des  péduncules 
ramietix.  Ses  fruits  naiffent  en  d'autres  endroits  fur  le 
même  individu  ;  ce  font  des  cônes  écailleux  ,  fembla- 
blés  à  de  petites  pommes  de  pin  :  les  graines  font 
Tougeâtres  ,  aplaties  ,  d'une  faveur  aftringente  ,  6c 
ont  un  peu  d'amertume. 

Uaurze  que  les  Provençaux  appellent  averno  ,  efl  le 
hctula  alnus  (  boideau-aune  )  de  Linnccus  i^()4.  On  voit 
aux  environs  de  Lyon  une  efpece  à^aune  à  feuilles  blan- 
châtres ^  Alnus  folio  incano ,  Bauh.  Pin.  410 ,  vulgairem.ent 
aune  des  montagnes.  Il  croît  dans  les  terrains  frais  de 
ces  lieux  élevés  ^  ôc  ne  s'élève  communément  qu'en 


A    U    N  5^5 

arbrîffeau.  J'aî  obfervé  aux  envjrons  de  Caen  que  Vaime 
àfcuïlhs  découpées  ^  Alnus  foUïs  décanter  incifis ^Toiirn.  , 
y  eu  des  plus  communs.  L'on  connoît  aufli  le  petit 
aiwe  Cl  fiuilles  oblongues  ou  arrondies  du  Canada.  On  le 
cultive  en  France  dans  les  jardins  des  Curieux. 

Vaune  eft  fort  utile  dans  une  ferme  :  il  fe  plaît  dans 
les  lieux  humides  &  marécageux  ou  fujets  aux  inonda- 
tions ;  auiTi  le  plante-t-on  fouvent  en  file  le  long  des 
rivières  &  des  ruiffeaux  ;  il  en  orne  les  fmuofités.  Il  fe 
multiplie  très-facilement  ;  une  grolTe  fouche  à^aune  ^ 
éclatée  avec  la  coignée  en  cinq  ou  fix  morceaux ,  fournit 
autant  de  pieds  qui  réuffiffent  très-bien.  Il  fe  multiplie 
aufîi  de  marcottes  ;  une  fouche  couverte  de  teiTe  four- 
nit ,  au  bout  de  deux  ou  trois  ans  ,  beaucoup  de  plants 
enracinés.  Pour  faire  une  aimaie  ,  on  doit  mettre  les 
plants  à  un  pied  oc  demi  de  diflance  dans  des  rigoles 
profondes  d'un  pied  &  demi ,  éloignées  de  trois  ,  ôc 
qu'on  recouvre  de  terre ,  &  les  couper  deux  doigts  au- 
defliis  de  terre  :  on  leur  donne  dix  &:  même  quinze  ans 
de  crue  ,  quand  on  veut  qu'ils  fervent  pour  les  bâtimens 
légers  de  la  campagne ,  comme  poulaillers ,  étables ,  &c. 
En  général  ,  cet  arbre  exige  peu  de  culture  ,  &:  pro- 
duit des  jets  qu'on  peut  couper  tous  les  quatre  ans  : 
on  en  peut  faire  des  échalas  ,  des  poulaillers  &;  des  per- 
ches pour  les  BlanchifTeufes  &  les  Teinturiers.  Une 
plantation  faunes  peut  fervir  à  relever  un  terrain  bas  y 
par  la  terre  que  produifent  fes  feuilles  en  fe  pourrifTant. 
Comme  cet  arbre  verdit  de  très-bonne  heure  ,  il  figure 
très-bien  dans  les  bofquets  du  printemps  ;  on  en  fait 
de  belles  allées  dans  les  lieux  frais  des  parcs  ;  on  peut 
aufïi  l'employer  en  paliflades  élevées  ,  qui  fouffrent 
la  coupe  par  le  croiflant  y  &  font  d'un  effet  très* 
majeflueux. 

Son  écorce ,  qui  efl  employée  par  les  Tanneurs  & 
les  Chapeliers  ,  mêlée  avec  de  la  rouille  de  fer ,  donne 
une  couleur  noire  employée  dans  la  teinture.  Cette 
écorce  peut  tenir  lieu  de  noix  de  galle  pour  faire  de 

N  n    3 


^66  A     U     N 

l'encre .  En  Suéde  ,  les  Pêcheurs  s'en  fervent  pouf 
colorer  leurs  filets.  Elle  peut  teindre  aufïï  la  corne 
&  les  os  5  dans  les  ouvrages  de  coutellerie.  L'écorce 
&  le  fruit  font  aflringens  &c  rafraîchilTans  ,  propres 
peur  les  hémorragies  ,  les  flux  &  les  inflammations 
<ie  la  gorge  ,  étant  employés  en  gargarlfme.  Les  feuilles 
vertes ,  appliquées  extérieurement  ,  diflipent  les  tu- 
meurs 6c  guérifîent  les  inflammations.  On  prétend 
t^u'étant  fraîches  elles  écartent  &:  chaflent  les  puces. 
Dans  les  Alpes ,  on  guérit  les  paralyfies  qui  viennent 
de  caufe  externe  ,  en  enveloppant  les  malades  dans 
des  tas  de  feuilles  à^aum  échauffées  dans  un  four  :  ce 
remède  domeflique  produit  une  fueur  abondante.  La 
décoction  des  feuilles  peut  être  employée  en  garga- 
rifme  pour  les  maux  de  gorge. 

Le  bois  àiaiim  qui  croît  fur  les  bords  des  terrains 
à  couches  calcaires  ,  a  la  propriété  de  s'incrufler  ,  & 
même  de  fe  pétrifier  en  peu  de  temps.  Quoique  l'Or- 
donnance de  171  3  ait  mis  Vaune  au  nombre  des  bois 
morts ,  il  n'en  efl  cependant  pas  moins  recherché  pour 
chauffer  le  four  :  on  en  brûle  aufii  dans  quelques 
appartemens ,  &:  s'il  ne  donne  pas  beaucoup  de  cha- 
leur ,  il  fait  un  feu  agréable  quand  il  efl:  bien  fec.  Le 
bois  à^aime ,  qui  fe  corrompt  facilement  à  l'air  ,  dure 
îrès-long-temps  dans  l'eau  ou  dans  la  glaife  bien  hu- 
mide. Ainfî  il  eil  très-utile  dans  les  pilotis  ,  dans  les 
machines  hydrauliques  ,  principalem.ent  à  faire  des 
tuyaux  pour  conduire  les  eaux.  Le  Pont  de  Londres , 
celui  de  Rialto  à  Venife  ^  ne  font  bâtis  que  fur  Vanne, 
Ses  branches  font  encore  une  des  meilleures  fafcines 
pour  mettre  dans  les  fondrières ,  afin  d'en  écouler  les 
eaux. 

Les  Sculpteurs  reconnoifient  ce  bois ,  doux  ou  tendre , 
llffe ,  un  peu  rougeâtre  ,  facile  à  manier  fans  être  trop 
caiTant.  Les  Tourneurs  l'emploient  en  échelles ,  en  chaifes 
communes  &  autres  ouvrages  :  il  efl:  recherché  auiiî  par 
les  Sabotiers.  On  en  ^^it  des  talons  pour  les  fouliers. 


A    U    N  5^7 

Les  Ebéniiles  en  emploient  beaucoup  ,  parce  qu'il  prend 
bien  le  noir  ,  &  qu'alors  il  refièmble  à  l'ébene. 

AUNE  NOIR.   Foy^.i  Bourdaine. 

AU  NÉE,  ou  ÉNULE  ckM.VK-H^^HehmumfLvc  Enida 
campana ,  J.  B.  ;  Ajier  omnium  maximus  ,  Hdcnium  dïclus , 
Tourn.  Inil.  /s^^t, '^  Inula  HeUnium  ^  Linn.  1236.  Plante 
dont  la  racine  eil  d'un  ulage  afîez  commun  en  Méde- 
cine. Cette  racine  eil  vivace  ,  charnue ,  brune  en  dehors , 
blanche  en  dedans ,  d'une  faveur  acre  ,  un  peu  amere  , 
d'une  odeur  agréable  quand  elle  efl:  feche.  Les  feuilles 
de  cette  plante  ibnt  amples  ,  longues  d'une  coudée ,  un 
peu  ridées  6c  d'un  vert-pâle  en  deffiis  ,  blanchâtres  ou 
cotonneufes  en  deflbus  ,  crénelées  ;  les  feuilles  de  la 
tige  n'ont  point  de  pédicule  comme  en  ont  les  feuilles 
inférieures  ;  la  tige  eil  haute  de  trois  ,  quatre  &  cinq 
pieds  ,  ferme  ,  cannelée  ,  &  foutient  de  grandes  fleurs 
radiées  de  couleur  d'or ,  auxquelles  fuccedent  des  femen* 
ces  longues  ,  étroites ,  &  garnies  d'aigrettes.  Les  écailles 
du  calice  font  grandes  &:  ovales. 

Cette  plante  ,  dit  M.  Ddm^z  ,  étoit  rangée  par  les 
Méthodi fies  dans  le  genre  de  VAJlcr  ;  mais  M.  Linnœus 
€n  a  formé  im  genre  particulier  ,  dont  le  principal 
caradere  qui  le  diilingue  des  autres  plantes  à  fleurs  ra- 
diées, &  fur-tout  de  Vafier^  fe  tire  de  ce  que  chacune  àes 
anthères  ,  qui  forment  un  tube  autour  du  piilil ,  ié  ter- 
mine inférieurement  par  deux  fils  de  la  longueur  à^s 
filets  des  étamines. 

Cette  plante  croît  dans  les  lieux  gras  &;  humides  , 
en  un  mot  dans  les  marais  aux  environs  de  Paris^ 
Sa  racine  rougit  le  papier  bleu  :  elle  e  r  béchique  , 
diurétique  &:  iudorifîque  ,  utile  dans  l'ailhme  ;  infu- 
fée  dans  du  vin ,  elle  (tû.  très-apérilive.  En  Allemagne 
on  confit  beaucoup  de  cette  racine  ;  on  en  ailaiionne 
les  mets ,  &:  on  la  préfère  aux  aromates  des  Indes. 
On  prétend  que  ,  mile  dans  du  vin  ou  du  vinaigre , 
elle  guérit  les  moutons  d'une  certaine  pefle  à  laquelle 
ils  font  fujets  ,  que  les  Bergers  appellent  claveau.  Elle 

N  n     4 


568  A    V     O 

efl:  falutaîre  pour  Peftomac  ;  auiîî  dit-on  en  proverbe  : 
Emda  campana  reddït  prœcordia  fana. 

Selon  M.  Halkr ,  Vaunic  efl:  un  amer  acre  &  aro- 
matique ;  elle  efl  de  bon  ufage  ,  quand  il  s'agit 
d'augmenter  le  mouvement  des  Iblides  ,  comme  dans 
les  pâles-couleurs  ,  dans  l'allhme  ,  dans  la  cachexie. 
L'intufion  fpiritueufe  ou  vineufe  en  efl  la  plus  efficace. 

Hcknhim  ab  Helena  ,  dit  Lémeri  ,  parce  o^Hchnc 
fut  la  première  qui  mit  en  ufage  cette  plante  contre 
la  morlure  des  ferpens  :  ou  parce  que  les  Poètes  an- 
ciens ont  dit  qu'elle  avoit  pris  naifTance  des  larmes 
À^ Hélène  ,  lorfqu'elle  eut  été  enlevée  d'avec  fon  mari. 

AVOCATIER,  PalfifzraPafea,  Cluf.  Ahuaca-qua- 
^///V/,Xim.  I40,  Laet.  N.°  xx6\  Aguacate  Hifpanis 
corrupto  nomine  ^  Laet.  ibid.  ;  Aouacau  Caraih,  (^Boi s  d'u- 
nis Gall.  luivant  M.  de  Préfcntaim  ).  Bel  arbre  fruitier 
de  Saint-Domingue  &:  de  la  Guiane  ,  qui  s*éleve 
quelquefois  de  quarante  à  cinquante  pieds.  Sa  racine 
eit  grofïe  ,  traçante  ;  fon  tronc  branchu  ;  fon  bois 
efl  mou,  fendant  &  fujet ,  dit  M.  de  F  réfont  aines  ,  à 
prendre  la  pente  fous  le  vent  ,  ce  qui  oblige  de  l'é- 
tayer.  (  ^  )  On  n'en  tire  aucun  ufage  :  l'écorce  qui 
îe  couvre  efl  grifâtre  &  crevafTée  ;  fes  branches  foi-, 
blés  ,  pliantes  &  calTantes  ;  fes  feuilles  ,  tantôt  rondes , 
&  de  plus  de  fix  pouces  de  diamètre ,  tantôt  alongées 
&  ayant  prefque  un  pied  de  longueur  ,  font  minces , 
lifîés  en  delRis ,  d'un  vert  tantôt  pâle  ,  tantôt  foncé  , 
blanchâtres  en  deffous ,  comme  veloutées  ,  attachées  par 

{a)  Le  P.  Nlcolfon  prérend  que  dans  les  coups  de  vent ,  les  avocatiers 
fe  brifent  quelquefois,  ainfi  que  les  abricotiers  y  les  goyaviers  ,  &  les 
autres  arbres  dont  la  tige  eft  élevée  ;  mais  on  laifle  faire  le  vent.  Les 
Habitans,  dit -il,  font  trop  indolens  pour  s'amufer  à  étayer  un  arbre 
de  plus  de  40  pieds  de  hauteur,  pour  conferver  des  fruits  infipides  & 
fi  communs  ,  qu'on  en  a  communément  une  douzaine  au  marché  pour 
un  efcalin  ,  qin  vaut  dix  î'ous  de  France.  Nous  n'ofons  inviter  notre 
Le(fleur  à  lire  les  nombreufes  réflexions  ou  obfervations  du  P.  Nlcotfon 
<lans  les  notes  de  fon  ouvrage  intitulé  :  Ejl'ai  fur  l^ Hifioirc  Naturelle  de 
Saint-Domingue  :  cependant  la  vérité ,  la  clarté  &  la  Jimplicité  qui  régnent 
clans  cet  ouvrage  ,  ont  fsit  dire  à  fon  Cenfeur  ,  qu'il  peut  fervir  de 
modèle  à  tous  les  Voyageurs.,,.  Rifum  teneatis.» 


A    V    O  5^9 

bouquets  au  bout  des  ramilles  ,  divifëes  d'un  bout  à 
l'autre  par  une  cote  faillante  ,  garnies  de  nervures 
obliques  ,  attachées  à  une  grollë  queue.  Ses  fleurs 
croiiîent  par  bouquet  au  centre  des  feuilles.  Elles  font 
en  rofe  ,  compofées  de  fix  pétales  alongés  ,  pointus  , 
blanchâtres  ,  de  quatre  à  cinq  lignes  de  diamètre. 
Chaque  pétale  eu.  accompagné  d'une  étamine  dont  le 
filament  cil  fort  délié  ;  l'anthère  fphérique.  Le  piftil 
qui  occupe  le  centre  efl:  de  forme  conique ,  &  fe  change 
en  un  fruit  rond  ou  oblong  ,  vert  ou  violet.  Dans  fa 
maturité  il  devient  mou  ;  fa  fubflance  ou  chair  efi  onc- 
tueufe  ,  jaunâtre  &  fans  odeur  ;  fon  goût  n'efl  ni  fucré 
ni  acide.  (  Sa  fadeur  ,  dit  Nico/fon  ,  fait  qu'on  a 
quelque  peine  à  s'y  accoutunier  ;  mais  lorfcju'on  en  a 
mangé  plufieurs  fois ,  on  le  recherche  avec  plaifir ,  6c 
on  lui  trouve  un  petit  goût  d'aveline.  )  Ce  fruit  ac- 
quiert la  groileur  d'une  poire  de  bon-chrétien  ;  lorfqu'il 
neû  pas  tout-à-fait  mûr  ,  on  le  mange  comme  les 
artichauts  à  la  poivrade.  Ce  fruit  ,  que  les  Indiens 
nomment  paltas  ,  efl  très-utile  contre  la  dyfienterie. 
On  prétend  aufîi  qu'il  provoque  à  l'arnour.  Il  ren- 
ferme un  noyau  gros  comme  un  œuf  de  poule  , 
jaunâtre  ,  raboteux  ,  couvert  d'une  pellicule  grilâtre. 
Il  contient  une  huile  très-cauflique  ,  de  couleur  vio- 
lette 5  &c  dont  on  peut  colorer  le  fil  qui  fert  à  marquer 
le  linge.  Il  efl  vrai  qu'on  fe  fert  d'un  moyen  plus  court  : 
on  étend  fur  le  noyau  l'endroit  du  linge  qu'on  veut 
marquer  ,  &  avec  la  pointe  d'un  couteau  on  trace  fur 
le  linge  la  lettre  qu'on  veut  :  la  couleur  alors  ,  fui- 
vant  la  trace  qu'on  a  faite  ,  s'imbibe  dans  le  linge 
•d'une  manière  diftinde  ,  prend4a  teinte  de  fer  &  ne 
palTe  jaînais. 

Nico/fon  dit  encore  qu'on  peut  diflinguer  cinq  efpe- 
ces  ^avocatiers ,  qui  ne  différent  entre  eux  que  par  leur 
couleur  ou  la  diverfe  configuration  de  leurs  fruits  ; 
favoir ,  ceux  à  fruits  ronds  &  verts ,  ou  ronds  èc  violets., 
OU  oNon^'s  de  verts  ^  ou  ob longs  ÔC  vioUts  y  ou  mamdonés. 


J70  A     V     O 

L' Auteur  de  la  Maif,  Rufi.  de  Cayen.  obferve  qiie 
trois  ou  quatre  de  ces  arbres  feroîent  très  -  utiles  à 
côté  de  chaque  café  de  Nègres  ,  pour  eux  &  pour  leurs 
enfans.  Au  refle ,  cet  arbre ,  ainfi  que  Pabricotier  de 
Saint-Domingue ,  efi:  très-commun  dans  les  terres  des 
Efpagnols  de  cette  contrée  ;  car  il  eil  rare  qu'un  Ef- 
pagnol  mange  un  fruit  dan3  un  bois  fans  en  mettre  les 
noyaux  ou  pépins  en  terre  :  les  arbres  fruitiers  ne  font 
pas  fi  fréquens  dans  les  quartiers  François ,  parce  qu'ils 
n'ont  pas  le  même  foin.  Les  fangliers  qu'on  nomme 
cochons  marrons  ,  viennent  s'engraiiler  dans  les  forets 
remplies  de  ces  arbres  ,  &  leur  chair  contracte  un  goût 
excellent,   yoy^l  Abricot  de  Saint-DoiMingue. 

M.  de  la  Lonlainine.  nous  a  dit  que  le  nom  uguxcatc 
eft  le  nom  Indien  que  les  Efpagnols  ont  coniervé  , 
mais  que  nos  Boucaniers  ,  Flibuitiers ,  Matelots ,  pre- 
miers Colons  François  de  Saint-Domingue,  ont  défiguré 
fous  le  nom  (^avocatier, 

AVOCETTE  ,  Avocîta,  Genre  d'oifeau  aquatique  y 
de  la  groffeur  du  pigeon  ,  dont  le  bec  tendre  ,  long 
de  quatre  à  cinq  doigts ,  pointu  &  noir ,  eil  courbé 
en  arc ,  relevé  ,  édenté  ,  Ùc  comprimé  latéralement. 
Cet  oifeau  a  les  jambes  longues  ,  &  les  trois  doigts 
antérieurs  joints  par  des  membranes;  le  doigt  poilé- 
rieur  eil  ifolé  ,  ck  la  moitié  inférieure  des  cuiiles  eil 
fans  plumes.  La  partie  fupérieure  de  la  tête  &:  du  cou 
jufqu  a  la  moitié  ,  eil  noire  ;  tout  le  reile  du  plu- 
mage eil  d'un  beau  blanc,  excepté  une  large  bande 
d'un  noir  luilré  qui  s'étend  fur  l'aile  de  chaque  côté. 
Par-tout  dans  la  Nature  on  voit  la  forme  appropriée 
au  befoin.  h''avoceuc  eft  fins  défenfe ,  ne  peut  ni  bec- 
queter ni  prefque  rien  faifir  avec  fon  bec.  On  foup- 
çonne  que  cet  oifeau  fe  nourrit  de  frai  de  poiilbn ,  & 
de  vers ,  qu'il  cherche  parmxi  l'écume  des  eaux  &  là 
vafe.  Cet  oifeau  dont  le  cri  eil  crex  ,  crex ,  fe  ren- 
contre en  Italie ,  fur  les  rivages  de  la  mer ,  &  notam- 
nient  aux  embouchures  des   ileiives  &:  des  rivières; 


A    V     O  Î71 

on  le  rencontre  moins  rarement  dans  le  Poitou  èc  aux 
environs  de  Ferrare  ;  on  l'a  aufîi  trouvé  en  SuilTe  &c 
en  Suéde ,  &  même  à  la  Lcuifiane.  On  donne  encore 
à  cet  oifeau  le  nom  de  hec  courbé. 

Vavocette  femble  être  un  oifeau  de  paiTage  ,  &  aimer 
les  pays  chauds  ;  on  ne  la  trouve  point  en  hiver  dans 
le  Poitou  ,  où  en  été  elle  fait  ion  nid  ;  &  fuivant 
M.  de  Sakrm ,  les  payfans  en  ramaiient  les  œufs  par 
milliers  ,  ce  qui  fuppofe  que  l'efpece  eft  affez  abon- 
dante ,  mais  peu  répandue.  \Javocztu  de  la  Louifiane 
*eft  d'un  tiers  plus  grande  que  celle  de  TEurope.  Sa 
couleur  efl  un  blanc  fali  de  grisâtre.  On  voit  dans  le 
Cabinet  du  Jardin  du  Roi ,  plufieurs  de  ces  cifeaux  , 
dont  le  plumage  eil  en  partie  blanc  &  en  partie  noir. 

AVOÎNE  ,  Avma.  Nom  donné  à  un  genre  de  plantes 
de  l'ordre  des  Etanruiks  &  de  la  famille  des  Graminées  : 
les  avoims  ont  leurs  épillets  compofés  de  deux  à  Tix 
fleurs  ;  leurs  barbes  font  géniculées  ,  tortillées  ,  &  s'in- 
fèrent fur  le  dos  des  écailles  florales.  Les  Botanifles 
diilinguent  plufieurs  fortes  d'avoines  ,  tant  cultivées 
que  fauvages  :  les  premières  font  annuelles ,  les  autres 
font  vivaces  par  leurs  racines.  Il  y  a  V avoine  blanche  , 
la  noire  ,  Xaveron  ,  &Lc. 

L'Avoine  blanche  ,  Jvena  alba  ,  vidgaris  , 
C.  B.  Pin.  23  ,  Tourn.  5 14  ;  Avena  fadva  ,  Linn.  118, 
efl  celle  qu'on  cultive  principalement  pour  faire  partie 
de  la  nourriture  des  chevaux  ,  quoique  en  temps  de 
difette  on  en  puiffe  faire  du  pain.  Les  Habitans  à^^ 
montagnes  du  Nord  de  la  Grande-Bretagne  m.angent 
communément  de  ce  pain ,  qui ,  quoique  un  peu  amer, 
ëil:  très-fain.  Les  tiges  ou  chaumes  de  cette  plante 
annuelle  ,  font  droites ,  hautes  de  deux  à  trois  pieds  : 
elles  fortent  de  graines  affez  femblaDles  à  celles  du 
chiendent  ;  elles  ont  quatre  ou  cinq  nœuds  eu  articles  : 
les  racines  font  menues  &  nombreufes  :  les  feuilles  font 
larges  de  quatre  à  cinq  lignes  ,  &  afléz  fernblables  à 
celles  du  froment.  Au  fommet  de  la.  tige  ell  unpani- 


572  A    V    O 

cille  épars ,  avec  des  fleurs  fans  pétales  ,  dlfpofées  par 
paquets  pendans.  Chaque  fleur  eft  compofée  de  plufieurs 
étamines  :  le  piftil  fe  change  en  une  graine  farineufe  y 
oblongue  ,  menue  ,  pointue  aux  deiux  bouts  ,  munie 
d'un  côté  d'un  fillon  longitudinal ,  blanchr.tre  avant 
d'être  mûre  ,  mais  pref"ue  noirâtre  lorfqu'elle  eft 
mûre.  On  ^_roit.  que  cette  efpece  à^ avoine  efl:  origi- 
naire de  rifle  de  Jean  -  Fernandez  ,  dans  la  mer  du 
Sud ,  près  du  Ch'li. 

L'Avoine  noire  ,  Avenu  nigra ,  a  le  tuyau  plus 
gros  &:  la  feuille  d'une  couleur  plus  foncée.  Sa  graine 
eft  plus  maigre ,  plus  longue  &  plus  velue  que  celle  de 
la  blanche  :  fa  paille  efl:  noirâtre  &  velue. 

Les  avoines  ont  une  ou  plufieurs  fleurs  herma- 
phrodites dans  le  même  calice  ,  deux  fl-yles  &C  deux 
ftigmates  en  pinceau.  On  remarque  dans  toutes ,  une 
arête  à  la  bafe  ou  au-deiious  du  milieu  du  dos  de  la 
balle  extérieure  de  la  corolle ,  eu  au  moins  dans  une 
de  leurs  fleurs.  Cette  arête  difparoît  par  la  culture 
dans  l'avoine  ;  mais  on  en  trouve  toujours  des  appen- 
dices. On  a  obfervé  que  ces  arêtes  fe  courbant,  tour- 
nent de  différens  côtés  ,  fuivant  la  température  de 
l'air ,  &c  fervent  d'aréomètre. 

U Avoine  efl  très-utile  en  Médecine.  Les  Médecins 
Anglois  ne  nourriflent  leurs  malades  qu'avec  des  bouil- 
lons d'avoine  dans  les  maladies  aiguës.  En  Bretagne 
cl  en  Touraine  on  la  dépouille  de  fon  écorce  ,  6c  on 
la  réduit  en  poudre  grofliere  dans  des  moulins  faits 
exprès  :  on  la  nomme  alors  gmau.  On  en  fait  une 
bpiflbn  pedorale  ,  adouciflante  ,  légèrement  apéritive , 
propre  aux  perfonnes  échauffées  ,  Ôc  maigries  par  de 
longues  maladies.  On  le  fait  bouillir  dans  du  lait ,  de 
l'eau  ou  du  bouillon.  Ces  décodions  lont  bonnes  pour 
là  poitrine  &  pour  la  toux.  On  fait  avec  le  gruau  & 
le  lait  une  forte  de  bouillie  qui  fournit  un  aliment 
plus  léger  que  le  ri:^  &  Vorge  mondé.  Les  Anglois  & 
les  Polonois  font  de  la  bière  avec  de  l'avoine  ,  5s 


même  préférable  ,  à  certains  égards ,  à  celle  que  l'on 
fait  avec  Vorge.  La  farine  d'avoine  efl  réfolutive. 
Depuis  quelque  temps  ,  on  a  reconnu  que  la  graine 
d'avoine  ofFroit  en  décoftion  une  odeur  de  vanille  ; 
auiîi  s'en  Ibrt-on  maintenant  pour  affaifonner  le  blanc- 
manger  qu'on  fert  en  petits  pots  à  l'entremets, 

Vavoine  n'a  pas  beloin  de  palier  l'hiver  en  terre 
comme  le  blé.  On  la  feme  depuis  la  fin  de  Février 
jufqu'à  la  fin  d'Avril ,  elle  croît  dans  les  terres  fortes 
6c  dans  les  maigres.  On  donne  ,  avant  de  la  femer ,  un 
premier  labour  :  il  faut  huit  ou  neuf  boiffeaux  de  fe- 
mences  par  arpent.  Uavoine ,  quoique  femée  en  dernier, 
fe  recueille  la  première  ;  alors  commence  l'année  de 
jachère  ,  c'efi-à-dire  ,  qu'on  ne  feme  rien  dans  cette 
terre  pendant  l'année  fuivante  :  on  la  laboure  fmiple- 
ment ,  afin  de  la  faire  profiter  des  influences  de  l'air 
pour  la  mettre  en  état  de  recevoir  du  froment. 

Uavoine  fe  feme  fort  bien  d^elle  -  même  ,  dit 
M.  H  aller  ,  n'ayant  que  trop  de  facilité  à  laiffer 
tomber  fa  graine.  L'hiver  ne  lui  nuit  point ,  du  moins 
dans  un  pays  tempéré  ;  &:  j'ai  fait  moi-même  ,  dit  cet 
Obfervateur ,  la  troifieme  récolte  d'un  terrain  d'environ 
foixante  toifes  de  long  ,  que  j'avois  femé  en  avoïm  , 
6l  qui  donna  deux  années  de  fuite  une  moifîbn  paf- 
fable  ,  après  la  première.  Apparemment  que  V avoine. 
ne  foutient  pas  aufii-bien  la  rigueur  du  froid  en  Suéde  ; 
car  il  y  a  toute  apparence  que  l'équivoque  de  M.  Vor- 
^'m  (dit  encore  M.  HalUr^  eil  née  de  ce  qu'en  femant 
en  automne ,  une  avoine  mêlée  par  hafard  de  feigle , 
qui  réfiile  mieux  au  froid ,  s'étoit  foutenue  ,  &:  avoit 
tallé  à  fon  aife  l'été  fuivant. 

Il  faut  cependant  convenir  que  Vavoine  efi:  non  feu- 
lement fenfible  au  froid  en  Suéde  ,  elle  périt  même 
fouvent  en  France  dans  les  Provinces  maritimes ,  telles 
que  la  Bretagne ,  où  l'on  fait  que  le  froid  eft  en  général 
jnoins  violent  que  dans  celles  de  l'intérieur  du  Royaume. 

yoici  une  expérience  faite  par  feu  M,  Ramon  ,  dans 


574  ,^.^     ^ 

ion  jardin  ,  expofé  principalement  au  Levant  &  au 
Midi ,  &:prefque  entièrement  à  l'abri  du  Nord.  Un  pied 
d'avoine  ordinaire  ayant  donné  ,  en  1758  ,  des  tuyaux 
chargés  de  graines ,  ne  périt  pas  ,  m.ais  paiTa  l'hiver  , 
garda  fes  feuilles  ,  cZ  donna  en  1759  ,  dès  le  mois  de 
Mai ,  une  quantité  de  graines  ,  qui  augmenta  eniiiite. 
Cette  expérience  favorife  encore  le  fyilême  de  M.  Hal- 
ler ,  &  dont  il  ePc  fait  m.ention  ci-deRus. 

Au  lieu  de  rentrer  l'avoim  dans  les  granges  aufli-tôt 

qu'elle  eft  fciée  ,  on  la  lailTe  fiir  le  champ  ,  ce  qu'on 

appelle  y ^^^'/:^,  jufqu'à  ce  que  la  rofée  &  la  pluie  aient 

fait  noircir  &  grofTu-  le  grain  :  il  faut  cependant  obfer- 

ver  que    fi  la  pluie   devenoit   abondante   &  de  trop 

longue  durée  ,  elle  fe  corrom.proit  &  feroit  d'un  ufage 

pernicieux  à  la  nourriture   du  bétail.    Un  arpent  de 

bonne  terre  en  avoine  ,  peut  rapporter  cent  gerbes  qui 

rendent  trois  fetiers.    Comme  prefque  dans  tous  les 

pays  on  coupe  Vavoine   avant  qu'elle  foit   tout-à-fait 

mûre  ,  &   qu'on  la  fait  javeler  trop  long-temps  ,  la 

graine  doit   dég-énérer  à  la  longue.   On  propofe  aux 

Laboureurs  ,  dans  le  Journal  Economique  ,    de  laiiTer 

mûrir  parfaitement  la  quantité  ^avoine  néceifaire  pour 

la  femence  ,  &  de  la  recueillir  fans  la  lailTer  expofée  à 

la  pluie.  Il  y  a  lieu  de  penfer  que  par  cette  méthode 

la  femence  feroit  de  meilleure  qualité  ;  &  l'on  auroit 

vraifemblablement  de  meilleure  avoine  &  en  plus  grande 

quantité.    Le  feul  inconvénient  eft  peut-être   qu'en 

coupant  cette  avoine  ainfi  bien  mûre  ,  il  s'en  égrene- 

roit  beaucoup.  Une  autre  obfervation  cu'il  faut  faire , 

c'efl  que  le  grain  de  Vavoine  demande  encore  beaucoup 

de  foin  dans  le  grenier.  On  doit  le  remuer  fouvent , 

non-feulement  pour  fa  confervation ,  mais  encore  pour 

fa  perfection.    Si  Ton    néglige    cette    manœuvre    qui 

doit  s'exécuter   tous   les    mois  ,    Vavoim    fermente  , 

s'échauffe  ,  devient  rance  &  acide  ;  enfin  elle  tombe 

dans  un  état  de  putréfadion  qui  caufe  aux  chevaux 

les  mêmes  maladies  que  le  foin  corrompu  :  telles  que 


A    V    O  57.Î 

îe  farcîn  ,  la  maladie  du  feu ,  la  gale ,  Se  quelquefois 
la  morve. 

Maintenant  on  cultive  en  Franche-Ccmté ,  6c  en 
quelques  autres  endroits  ,  une  efpece  à^avoim  hlanch , 
originaire  de  Hongrie  ,  Jvena  nuda ,  Linn.  ,Toum.  514. 
Elle  produit  beaucoup  étant  femée  ;  fa  tige  efî  plus 
foite  ,  plus  élevée ,  plus  dure  ;  &:  fon  grain  efl  plus 
gros  ,  plus  pefant  à  plus  farineux.  Quelques  -  uns 
l'appe  lent  avoine,  d'hiver. 

Il  y  a  la  folU  avoim  ,  qu'on  appelle  aviron  ou  avt-- 
mron  ,  Avma  fatua  &  Jhrïlis  ,  Linn.  118;  Gramcn 
avmacuun  ^  locufiis  lamigine  fiavefcentibus  ^  Tourn.  524. 
Elle  eft  ilérile  6c  fans  grains  ;  fa  tige  ell  droite ,  haute 
de  deux  pieds  ou  environ  ;  fes  panicules  très-lâches  ; 
fes  épillets  pendans  ;  les  balles  fiorales  ,  couvertes  dans 
leurs  parties  intérieures  d'un  duvet  roufsâtre ,  très- 
abondant.  Cette  efpece  A^avoine  infede  un  champ  & 
repcuffe  Tannée  fuivante  ,  à  moins  qu'on  ne  l'an'ache 
6c  qu'on  n'en  coupe  les  tiges  avant  fa  maturité.  On 
prétend  que  la  Scanie  eft  le  lieu  natal  de  Vavcneron ,  ou 
du  moins  l'endroit  où  il  en  croît  le  plus.  Les  Hollandois 
ont  fu  tirer  plus  d'avantage  de  cette  plante  ,  que  les 
Habitans  du  pays  ,  qui  n'en  retirent  aucune  utilité.  Les 
Hollandois  en  ont  rempli  leurs  dunes ,  pour  en  affer- 
mir le  fable  mouvant  ,  qui  fans  cela  feroit  agité  & 
emporté  fans  cefle  par  la  violence  des  vents. 

\J avoine  élevée ,  Avena  elatior ,  Linn.  1 1 7.  Quelques 
uns  l'appellent  avoine  frcmentale  ;  elle  croît  dans  les 
prés  5  fur  le  bord  des  champs.  Sa  racine  efl  fibreufe 
&  rampante  ;  fa  tige  eil  haute  de  trois  à  quatre 
pieds  ;  le  panicule  ell  affez  lâche ,  étroit ,  pointu  ,  & 
long  de  fix  à  dix  pouces  ;  l'épillet  compofé  de  deux 
fleurs  ,  dont  une  feule  fertile ,  ou  hermaphrodite  ,  &: 
qui  n'a  qu'une  barbe  très -courte  ;  l'autre  fleur  eft 
mâle  ou  flérile ,  &  garnie  d'une  barbe  fort  longue. 

Il  y  a  Vavoine  qui  croît  dans  les  prés  fecs  ,  Avena 
fratcnjîs  ,  Linn,  119.  Sa  tige  efl  haute  d'un    à  deux 


57(5  A    V    O  A    U    R 

pieds  ;  le  panicule  eft  droit ,  refierré  ;  les  ëpillets  de 
quatre  à  cinq  fleurs  ,  redrefTes  contre  la  tige  ;  les 
écailles  du  calice  font  de  couleur  purpurine  &  argentée 
en  leurs  bords. 

On  diiîin^ue  encore  Vavoir7e  velue  ,  Avcna  pubefcens , 
Linn.  1 665.  Elle  croit  dans  les  prcs  lecs  &  montagneux , 
fa  tige  ell  haute  d'environ  deux  pieds  ;  fes  feuilles 
font  velues  ;  les  épillets  font  ordinairement  de  trois 
fleurs  droites  ,  lilTes ,  luifantes ,  rougeâtres  ou  violettes 
à  leur  bafe ,  argentées  à  leur  fommet  ;  les  balles  flo- 
rales velues  à  leur  bafe. 

Les  Canadiens  ont  une  forte  à^avolne  qu'ils  re- 
cueillent en  Juin  :  elle  efl  beaucoup  plus  groffe  &:  plus 
délicate  que  la  nôtre  ;  6c  on  la  compare  au  riz  pour 
la  bonté.  A  l'égard  des  avoines  rouges  ,  elles  aiment  les 
terres  légères  6c  chaudes. 

AVOUPvA  ou  AvoiRA.  Foyei  Aavora  ,  cocotier 
de  Guinée. 

AURA  de  Nuremberg;  c'eil  V urubu,  VojQz  ce  mot, 

AURELIE.  Foyei  Chrys  .lïde. 

AUBiOL.  Voyei  Maquereau. 

AURîPEAU  ou  Clinquant  ,  Aurkhalcum,  C'eft 
du  cuivre  jaune  battu  jufqu'à  ce  qu'il  foit  réduit  en 
feuilles  minces  comme  du  papier.  Ces  feuilles  font 
employées  par  les  PaiTementiers  ,  par  les  Doreurs, 
Vcyei  Cuivre. 

AURITE  ,  Labrus  auritus  ,  Linn.  ;  an  Perça  fiuvlatius 
gibbofa^  ventre  luteo  ^  Catesb.  Car.  2.  p.  8.  Poiiion  du 
genre  du  Labre  ;  il  fe  trouve  dans  les  eaux  douces  de 
PAmérique  Septentrionale  ;  quelques-uns  l'appellent 
perche  de  terre  ,  parce  qu'il  s'enfonce  dans  la  vafe  ou 
dans  le  fable.  Ce  poiflbn  t^i  remarquable  ,  fur-tout 
par  la  forme  &  la  couleur  de  fes  ouïes  ,  qui  font 
alongées  ,  obtufes  &  noires  à  leur  fommet  ;  les  iris 
des  yeux  font  de  couleur  jaune  ;  la  nageoire  dorfale  a 
vingt-un  rayons ,  dont  les  dix  premiers  font  épineux  ; 
les  pectorales  en  ont  quinze  \  les  abdominales  en  ont 

fix^ 


A    U    R  577 

fix ,  lîs  paroifTent  épineux  ;  la  nageoire  de  l'anus  en  a 
treize  ,  dont  trois  épineux  ;  celle  de  la  queue  ,  qui 
forme  deux  lobes  bien  diftinds ,  çû  garnie  de  dix-lept 
rayons.  Linnceus  préiume  que  ce  poifîon  eft  la  perche 
d'eau  douce  de  Catcsby.  Ce  dernier  Auteur  dit  que  cette 
perche  eil  rarement  auffi  grande  que  la  main  ;  que  le 
delTus  du  corps  eft  d'un  bleu  foncé  ,  avec  une  teinte 
plus  pâle  fur  le  dos  ,  qui  eil  tres-convexe  ;  le  ventre 
jaune  ,  les  ouïes  bleues  ,  avec  qutlque>  raies  d'un 
jaune-brun  ;  une  tache  noire  auprès  de  chaque  ouïe  , 
ëc  une  autre  tache  rouge  qui  borde  la  première. 

AUROCHS.  Nom  Allemand  ibus  lequel  on  ccnnoît 
un  anim^al  refîemblant  beaucoup  à  notre  taureau  ,  au- 
quel il  eil  fupérieur  par  la  grandeur  ce  par  la  force  r 
c'eft  Vurus  des  Naturalilles. 

Il  paroît ,  d'après  les  ciiricufes  &  favantes  recherches 
de  M.  de  Buffoîi  ,  que  Vaiirochs  peut  être  regardé 
comme  étant  notre  taureau  domejilqiie  dans  fon  état 
naturel  &  fauvage  :  on  doit  le  confidérer  comme  la 
race  première  6c  primitive  ,  mais  altérée  ,  changée  ^ 
-modifiée  par  la  diveriité  des  climats  ,  des  nourritures  ^ 
&  par  la  domefiicité.  U  aurochs ,  autrefois  ,  remplilToit 
les  forêts  de  la  Germanie  ;  on  le  connoit  encore  dans 
les  forêts  du  Nord,  en  Mofcovie,  fous  ce  même  nom 
^aurochs, 

'L'aurochs  ell:  donc  Tefpece  du  taureau  fauvage ,  le 
véritable  animal  primitif  d'où  dérivent  d'autres  ani- 
maux ,  qui ,  à  l'extérieur  ,  paroiiTent  avoir  des  diffé- 
rences elfentielles  ,  mais  qui ,  comme  le  prouve  très- 
conflamment  M.  de  Burfon  ,  ne  font  qu'accidentelles. 
On  doit  par  conféquent  rapporter  à  V aurochs  plufieurs 
animaux  comius  fous  des  noms  divers  par  les  Natura- 
lises 5  tels  que  le  bonafus  ,  le  bifoii ,  le  y^chu  ,  &:  toutes 
les  diverfes  efpeces  de  bœufs ,  tant  de  l'Europe  &:  de 
l'Afie  5  que  de  l'Afrique  6i  de  l'Amérique ,  qui  tirent 
leur  origine  de  cette  fouche.  On  ne  peut  bien  taire 
Tentir  toute  la  vérité  de  ces  faits  qu'en  parlant  d'aprcs 
Tomz  /,  O  o 


578  A    U    R 

M.  dz  Buffbn  j  dont   la  plume  développe  avec  une- 
énergie  finguliere  tous  les  faits  qu'elle  préfente. 

Il  n'en  eit  pas  ,  dit  cet  illuftre  Auteur ,  des  animaux 
domeftiques ,  à  beaucoup  d'égards  ,  comme  des  ani- 
maux fauvages.  Leur  nature  ,  leur  grandeur  &  leur 
forme  font  moins  confiantes  &  plus  lu  jetés  aux  varié- 
tés ,  fur-tout  dans  les  parties  extérieures  de  leur  corps. 
L'influence  du  climat ,  û  puiffante  fiu-  toute  la  Nature  , 
agit  avec  bien  plus  de  force  fur  des  êtres  captifs  ^  que 
fur  des  êtres  libres  :  la  nourriture  préparée  par  la  main 
de  Fhomme .  fouvent  épargnée  &c  mal  choifie ,  jointe 
à  la  dureté  d'un  ciel  étranger  ,  produifent  avec  le 
temps  des  altérations  ailez  profondes  ,  pour  devenir 
confiantes  en  fe  perpétuant  par  les  générations ...  * 
Cette  caufe  générale  d'altération  n'eft  pas  afTez  puif- 
fante pour  dénaturer  efTentiellement  des  êtres  ;  mais 
elle  les  change  à  certains  égards  ,  elle  les  mafcue  ôc 
les  transforme  à  l'extérieur;  elle  fuppnme  certaines 
parties ,  ou  leur  en  donne  de  nouvelles  :  elle  les  peint 
de  couleurs  variées  ;  &  par  fon  aftion  fur  l'habitude 
du  corps  ,  elle  influe  aufil  fiir  le  naturel ,  fur  l'inflind 
èc  fur  les  qualités  les  plus  intérieures.  Une  feule  partie 
modifiée  dans  \m  tout  aufTi  parfait  que  le  corps  d'un 
animal ,  fuiEt  pour  que  tout  fe  refiente  en  effet  de 
cette  altération  ;  oc  c'efc  par  cette  raifon  que  no5 
animaux  domeftiques  différent  prefque  autant  par  le 
naturel  6c  l'inflind  que  par  la  figure  de  ceux  dont 
ils  tirent  leur  première  origine. 

La  brebis  nous  en  fournit  un  exemple  frappant. 
Cette  eipece  ^  telle  qu'elle  efl  aujourd'hui ,  périroit 
en  enlier  fous  nos  yeux ,  &c  en  fort  peu  de  temps  , 
il  l'homme  cefibit  de  la  foigner  ,  de  la  défendre  ;  aufii 
efl-elle  très-différente  d'elle-m.ême  ,  très-inférieure  à 
fon  efpece  originaire  ^  ainfi  qu'on  le  peut  voir  au  mot 
Moiifon ,  fous  lequel  on  défigne  la  brebis  fauvage  , 
race  primitive  de  nos  brebis. 

Nous  allons  voir  ici  combien  de  variétés  les  bœu.fs 


A     Ù    R  ,     579 

mit  effuyées  par  les  effets  divers  &  diverfemeht  con>- 
binés  du  climat ,  de  la  nourriture  &  du  traitement 
dans  leur  état  d'indépendance  ,  ÔC  dans  celui  de  do- 
mefticité. 

La  variété  la  plus  générale  &  la  plus  remarquable 
dans  les  bœufs  domefiiques  &C  même  fauvages  ,  con- 
fifle  dans  cette  efpece  de  bofîe  qu'ils  portent  entre  les 
deux  épaules  :  on  a  appelé  i^ifons  cette  race  de  bceufs 
bolTus  ,  &C  l'on  a  cru  jufqu'ici  que  les  bifons  étoient 
d'une  efpece  difrérente  de  celle  des  bœufs  communs  ; 
mais  com.me  nous  fommes  maintenant  aifurés  que  ces 
bœufs  produifent  avec  les  nôtres  ,  6c  que  leur  boifé 
diminue  dès  la  première  génération  ,  &  difparoît  à  la 
féconde  ou  à  la  troifieme  ,  il  efl  évident  que  cette 
fcofTe  n'efl  qu'un  caradere  accidentel  &c  variable ,  qui 
n'empêche  pas  que  le  bœuf  bofîii  ne  foit  de  la  même 
(efpece  que  notre  bœuf:  on  a  même  trouvé  autrefois 
dans  les  parties  défertes  de  l'Europe  5  des  bœufs  fau- 
vages ^  les  uns  fans  bofle ,  &  les  autres  avec  une  boiTci» 

Cette  boile  ,  dit  M.  ^e  Buffon  ,  eu  moins  un  produit 
de  la  Nature ,  qu'un  effet  du  travail ,  un  ftigmate  d'ef- 
C!  rivage.  On  a ,  de  temps  immémorial ,  dans  prefque 
tous  les  pays  de  la  terre  ,  forcé  les  bœufs  à  porter 
des  fardeaux  ;  la  charge  habituelle  &c  fouvent  exceîTive , 
a  déformé  leur  dos  ,  &  cette  difformité  s'eil  enfuite 
propagée  par  les  générations.  îl  n'eft  reflé  de  bœufs 
lion-déformés  que  dans  les  pays  où  l'on  ne  s'efl  pas 
fervi  de  ces  animaux  pour  porter.  Dans  toute  l'Afrique 
6c  dans  tout  le  Continent  Oriental ,  les  bœufs  font 
boiliis  j  parce  qu'ils  ont  porté  de  tout  temps  des  far-^ 
deaux  fur  leurs  épaules.  En  Europe  ,  ou  on  ne  les 
emploie  qu'à  tirer  ,  ils  n'ont  pas  fubi  cette  altération  , 
&  aucun  ne  nous  préfente  cette  difformité  :  elle  a 
vraifem.blablement  pour  caufe  première  ,  Je  poids  &  la 
comprefîion  des  fardeaux  ,  &c  pour  caufe  féconde  ,  la 
furabondance  de  nourriture  ;  car  elle  difparoît  lorfquô 
l'animal  ell  niaigre  Si  mal  noiini  Des  bceufs  efclaves 

O  0     ^ 


58o  A     U    R 

&  boffus  fe  feront  échappés  ,  ou  auront  été  aban- 
donnés dans  les  bois  ;  ils  y  auront  laiffé  une  pofténté 
fauvage  &:  chargée  de  la  même  difformité  ,  qui ,  loin 
de  dilparoître  ,  aura  dû  s'augmenter  également  par 
Tabondance  des  nourritures  dans  tous  les  pays  non- 
cultivés  ;  en  forte  que  cette  race  fecondaire  aura 
peuplé  toutes  les  terres  défertes  du  Nord  &  du  Midi , 
&  aura  paiTé  dans  le  nouveau  Continent ,  comme  tous 
les  autres  animaux  dont  le  tempérament  peut  fupporter 
le  froid  {a). 

Une  autre  différence  qui  fe  trouve  entre  Vaiirochs 
&  le  hifon  ou  bœuf  bojfu ,  eil  la  longueur  du  poil  ;  le 
cou  ,  les  épaules  &:  le  delTous  de  la  gprge  du  bifon  , 
font  couverts  de  poils  très-longs  ;  au  lieu  que  dans 
Vaiirochs  toutes  ces  parties  ne  font  revêtues  que  d'un 
poil  affez  court  &  femblable  à  celui  du  corps ,  à  l'ex- 
ception du  front  qui  eil  garni  d'un  poil  crépu  :  mais 
cette  différence  de  pcil  eff  encore  plus  accidentelle 
que  la  boffe ,  &  dépend  de  même  de  la  nourriture  & 
du  climat. 

{a)  Des  Le£l:eurs  attentifs  prétendent  que  cette  théorie,  toute  belle 
qu'elle  eft,  ne  parcît  pas  encore  fuffiiante  pour  expliquer  la  boffe  qu'on 
dit  accidentelle  dans  le  bifon  ;  car  fi  elle  ei\  l'effet  du  travail ,  le  ftigmate 
<ie  l'efclavage  plutôt  que  le  produit  de  la  Nature  ,  elle  devroit  néceffai- 
rement  s'oblitérer  ou  difparoître  au  plus  tard  à  la  troifieme  génération , 
c'eft  ce  qui  arrive  par  l'accouplement  de  ces  bœufs  bojfus  avec  les 
nôtres  ;  mais  le  contraire  fe  remarque  dans  les  bifons  ,  puifque  cette 
boffe,  loin  de  difparoître,  fe  perpétue  par  les_  générations  ;  elle  paroît 
donc  plutôt  effentielle  qu'accidentelle  à  cet  animal  ;  &  (i  l'on  ne  veut 
pas  trouver  de  contradictions  dans  les  deux  faits  que  nous  venons  de 
rapporter,  il  faut  dire;  La  boffe  diminue,  difparoît  peu-à-peu  par  le 
croifement  des  races  à  boffes  avec  celles  qui  ne  le  font  pas  ;  &  elle  fe 
conferve  dans  les  individus  iffus  uniquement  de  la  race  à  boffe  ,  parce 
qu'elle  eft  le  produit  de  la  Nature.  Enfin  Ci  la  boffe  n'étoit  qu'acciden- 
telle dans  les  bifons  &  les  bœufs  domeffiques  ,  en  un  mot ,  l'effet  du 
travail,  elle  difparoîtroii:  dans  l'une  &  l'autre  efpece  qui  ne  porteroit 
plus  de  fardeaux.  'Ajoutons  que  généralement  les  animaux  de  même 
efpece  diminuC\nr  de  taille  vers  le  Nord.  M.  Pallas  obferve  que  Iês 
boffes  &  les  caDofités  du  chameau  &  du  dromadaire  ne  font  point  pro- 
venues de  rétat  deîervitude  que  ces  animaux  ont  fubi  ;  elles  appartiennent 
à  leur  conformation  naturelle  ,  auff.-bien  que  les  callofités  des  'anges,  leii 
chàtàip;nes  du  cheval,  les  broffes  des  gazelles,  &  même  l'épiderme  plus 
cpais  déjà  dahs  le  foetus  humain  ,  à  la  plante  des  pieds  &  au  CCeiVâ 
des  maiiîs  ,  que  fur  le  réû<i   du  corps. 


A    U    R  j8i 

tJiie  variété  plus  étendue  que  les  deux  autres ,  &c 
à  laquelle ,  dit  M.  cie  Biiffhn  ,  il  femble  que  les  Natu- 
iralifles  aient  donné  ,  de  concert,  plus  de  caradlere 
qu'elle  n'en  mérite  ,  c'eft  la  forme  des  cornes.  Ils 
n'ont  pas  fait  attention  que  dans  tout  notre  bétail  do*- 
meftique ,  la  figure  ,  la  grandeur ,  la  polition  ,  la  di- 
reûion  des  cornes ,  varient  fi  fort  ,  qu'il  efl  impoiïible 
de  prononcer  quel  eft ,  pour  cette  partie ,  le  vrai  mo- 
dèle de  la  Nature.  On  voit  des  vaches  dont  les  cornes 
font  plus  courbées  ,  plus  rabaiffées ,  prefque  pendantes  ; 
d'autres  qui  les  ont  plus  droites  ,  plus  longues  , 
plus  relevées  :  il  y  a  des  races  de  vaches  qui  n'en 
ont  point  du  tout  :  on  voit  parmi  les  brebis  les 
mêmes  variétés.  C'eft  cependant  d'après  cette  diffé- 
rence dans  la  forme  des  cornes ,  qui  ,.  comme  on  le 
voit  ,  n'efl  que  très  -  accidentelle  ,  qu'on  a  regardé 
le  bonafus  comme  une  efpece  particulière  de  bœut, 
parce  qu'il  s'efl  trouvé  avoir  les  cornes  tournées  en 
dedans. 

A  ces  caufes  de  variété,  il  s'en  joint  encore  d'au- 
tres 5  qu'on  doit   aufîî   regarder ,   dit    M.  de  Biiffon  y 

M.  Chnngeux  dit  qu'il  femble  que  la  Nature  fait  dégénérer  les  êtres, 
fuivant  les  circonftances  ,  dans  des  temps  réglés  &  périodiques  ; 
quoique  chez  les  êtres  qui  dégénèrent,  toute  rorganifation  foit  alté- 
rée ,  cette  altération  paroît  cependant  plus  ou  moins  fenfiblement  dans 
certaines  parties  de  cette  même  organifation  :  de  là  plufieurs  époques 
dans  la  dégénération;  la  première  comprend  principalement  les  change- 
mens  dans  la  grandeur  &  la  couleur ,  ainli  que  dans  la  force  ,  la  vivacité, 
la  beauté,  &c.  de  l'individu.  11  paroît  qu'elle  fe  partage  en  quatre  temps 
ou  périodes.  C'eft  une  obfervation  de  M.  Calm  ,  que  tout  bétail  apporté 
par  les  Européens  en  Amérique  ,  dégénère  peu-à-peu  ;  il  y  devient 
beaucoup  plus  petit  qu'il  ne  l'eff  en  Angleterre,  quoique  les  premières 
races  aient  été  apportées  de  ce  Royaume.  Dès  la  première  génération , 
les  boeufs  ,  les  chevaux  ,  les  brebis  Se  les  cochons  perdent  quelque 
chofe  de  leurs  pères  ,  &  à  la  quatrième  il  n'y  a  prefque  plus  de  compa- 
raifon  à  faire  entre  les  enfans  &  les  ancêtres  pour  la  groiïeur  &  la 
force.  Or  on  peut  obferver  que  cette  durée  de  quatre  générations  , 
que  la  Nature  emploie  pour  faire  dégénérer  les  anfinaux  dont  nous 
venons  de  parler,  (n'oublions  pas  la  tranfplantation  &  le  croifement  des 
races,  )  eft  affez  communément  la  mefure  dont  elle  fe  fert  pour  tout  le 
règne  animal.  On  peut  voir  à  l'article  Negrc  ,  qu'il  ne  faut  guère  que 
quatre  générations  de  races  croifées  pour  noircir  un  homme  à  peau 
Planche  ,  ou  pour  blanchir  wn   homnae  à    peau   noire. 

o  o    3 


jgî        ^  A     U     R 

comme  générales  pour  tcfites  les  efpeces  d'animaux 
domeftiques. 

La  mutilation  des  animaux  par  la  cafiration ,  conti- 
îiue  ce  célèbre  Ecrivain  ,  femble  ne  faire  tort  qu'à 
rindividii ,  &C  ne  paroît  pas  devoir  influer  fur  Tefpece  ; 
cependant  il  efl  fur  que  cet  ufage  reflreint  d*un  côté 
la  nature ,  &  l'affoiblit  de  l'autre.  Un  feul  mâle  con- 
damné à  trente  ou  quarante  femelles  ,  ne  peut  que 
s'épuifer  fans  les  fatisfaire  ,  &  dans  l'accouplement 
l'ardeur  eu  inégale  ,  plus  fbible  dans  le  mâle  qui  jouit 
trop  fouvent  ^  trop  forte  dans  la  femelle  qui  ne  jouit 
<5u'un  inilant  :  dès-lors  toutes  les  produdions  doivent 
tendre  aux  qualités  féminines  ;  l'ardeur  de  la  mère  étant , 
au  moment  de  la  conception  ,  plus  forte  que  celle  du 
père  ,  il  naîtra  plus  de  femelles  que  de  mâles ,  &  les 
mâles  tiendront  même  beaucoup  plus  de  la  mère  que 
du  père.  C'efl:  fans  doute  par  cette  caufe  qu'il  naît 
plus  de  filles  que  de  garçons  dans  les  pays  où  les 
hommes  ont  un  grand  nombre  de  femmes  ;  au  lieu 
que  dans  ceux  où  il  n'efl  pas  permis  d'en  avoir  plus 
d'une ,  le  mâle  conferve  &  réalife  fa  fupériorité  ,  en 
produifant  en  effet  plus  de  mâles  que  de  femelles. 

Il  efl  vrai  que  y  dans  les  animaux  domeftiques  ,  on 
clioifît  ordinairement  parmi  les  plus  beaux  ceux  que 
l'on  fouftrait  à  la  caiiration  ,  6c  que  l'on  defline  à 
devenir  les  pères  d'une  fi  nom.breufe  génération.  Les 
premières  produdions  de  ce  mâle  choifi ,  feront  ,  fi 
l'on  veut  5  fortes  &:  vigoureufes  ;  mais  à  force  de  tirer 
des  copies  de  ce  feul  &  même  moule  ,  l'empreinte  fe 
déforme  ,  ou  du  moins  ne  rend  pas  toute  la  nature 
dans  fa  perfedion  ;  la  race  doit  par  conféquent  s'af- 
foiblir ,  fe  rapetiffer ,  dégénérer  ;  &  c'efl:  peut-être  par 
cette  raifon  qu'il  fe  trouve  plus  de  monflres  dans  les 
animaux  domeftiques  que  dans  les  animaifx  fauvages  , 
où  le  nombre  de  mâles  qui  concourent  à  la  généra- 
tion ,  efl  aufTi  grand  que  celui  des  femelles.  D'ailleurs , 
lorfqu'il  n'y  a  qu'un  mâle  pour  un  <grand  nombre  de 


A    U    R  ^  585 

femelles ,  elles  n'ont  pas  la  liberté  de  confulter  leur 
goût  ;  la  gaieté  ,  les  plaifirs  libres ,  les  douces  émo- 
tions leur  font  enlevés  ;  il  ne  refle  rien  de  piquant 
dans  leurs  amours  ;  elles  fouffrent  de  leurs  feux ,  elles 
languiffent  en  attendant  les  froides  approches  d'un 
maie  qu'elles  n'ont  pas  choifi ,  qui  fouvent  ne  leur 
convient  pas  ,  &c  qui  toujours  les  flatte  moins  qu'un 
autre  qui  ié  fcroiî  fait  préférer  :  de  ces  trilles  amours , 
de  ces  accouplemens  ians  goût  ,  doivent  naître  des 
productions  aufli  trifles ,  des  êtres  infipides  qui  n'au* 
ront  jamais  ni  le  courage  ,  ni  la  fierté ,  ni  la  force 
que  la  Nature  n'a  pu  propager  dans  chaque  efpece., 
qu'en  laiiTant  à  tous  les  individus  leurs  facultés  toutes 
entières  ,  &  fur-tout  la  liberté  du  choix  ,  &  même  le 
hafard  des  rencontres. 

A  toutes  ces  caufes  de  dégénération  dans  les  anl- 
tnaux  domeftiques ,  il  s'en  jcmt  une  qui  a  dû  produire 
feule  plus  de  variétés  que  toutes  les  autres  réunies  ; 
c'efl  le  tranfport  que  l'homme  a  fait,  dans  tous  les 
temps  ,  de  ces  animaux  de  climats  en  climats»  Par-tout 
ces  efpeces  ont  fubi  les  influences  du  climat  ,  par-tout 
elles  ont  pris  le  tempérament  du  ciel  &  la  teinture 
de  la  terre  ;  en  forte  qu'il  eft  bien  difficile  de  recon- 
noître ,  dans  ce  grand  nombre  de  variétés ,  celles  qui 
s'éloignent  le  moins  du  type  de  la  Nature. 

Telles  font ,  fuivant  M.  de  Bufon ,  les  caufes  gé- 
nérales de  variété  &  de  dégénération  dans  les  ani- 
maux dcmefliques ,  &  que  l'on  peut  obferver  parti- 
culièrement dans  l'efpece  des  bœufs.  Nous  avons  dit 
que  Vaîirochs  peut  être  regardé  comme  la  fouche  pri- 
mitive de  nos  bœufs  :  le  bifon ,  efpece  de  bœuf  bofîii  ^ 
n'en  efl:  qu'une  variété  ,  ainfi  que  le  bonafus ,  bœuf 
fauvage  de  Pœonie.  Cet  animal  eft  au  moins  auffi 
grand  qu'un  taurear.  domeftique  ,  &:  a  la  même  force  ; 
mais  fon  cou  eft  •  depuis  les  épaules  jufque  fur  les 
yeux ,  couvert  d'un  long  poil ,  bien  plus  doux  que  le 
Ciin  du  cheval  j  il  a  la  voix  du  bœuf ,  les  cornes  affezi 

Q  o    4 


584  A    U    R 

courtes ,  &  courbées  en  bas  autour  des  oreilles  ,  les 
jambes  couvertes  de  longs  poils  ,  doux  comme  la  laine, 
&  la  queue  alïez  petite  pour  la  grandeur ,  quoique  au 
reûe  affez  femblab'e  à  celle  du  bœuf  :  fon  cuir  eft  dur  , 
3c  fa  chair  ell  t^n.'re  &  bonne  à  m-anger. 

Le  lébu  peut  être  encore  regardé  comme  une  variété 
^ans  l'efpece  du  bœuf.  C'eil  un  petit  bœuf  qui  a  une 
bolTe  fur  le  dos  :  cet  animal  eft  de  la  plus  grande 
docilité. 

Tous  les  bœufs  domefiiques  fans  bofTe  viennent 
originairement  de  V aurochs^  6c  tous  les  bœufs  à  boffe 
font  iffus  du  lifin.  La  race  de  Vaurochs  ou  du  bœuf 
fans  boiTe  ,  occupe  les  zones  froides  &  tempérées  ; 
elle  ne  s'eil  pas  répandue  beaucoup  vers  les  contrées 
<lu  Midi  :  au  contraire ,  la  race  du  bifoji  ou  du  bœuf 
à  bofie  ,  remplit  aujourd'hui  toutes  les  Provinces  Méri- 
dionales ;  on  Ic:.  trouve  dans  les  Indes  ,  dans  l'Atrique, 
jufqu'au  Cap  de  Bonne-Elpérance  dans  les  Iflcs  Méri- 
dionales. 11  paroît  même  que  cette  race  de  bœufs  à 
boiîe  a  prévalu  dans  tous  les  pays  chauds.  Elle  a 
réellement  plufieurs  avantages  fur  l'autre  ;  ces  bœu& 
ont  le  poil  plus  doux  &  plus  lullré  que  les  nôtres  :  ils 
font  plus  légers  à  la  courfe  ^  plus  propres  à  fuppléer 
au  fervice  du  cheval ,  &  en  même  tem.ps  ils  ont  un 
naturel  moins  lourd  6l  m.cins  brut  que  nos  bœufs  : 
ils  ont  plus  d'intelligence  &  de  docilité  ;  auili  font-ils 
traités ,  dans  leur  pays  ,  avec  plus  de  loin  que  nous 
n'en  donnons  à  nos  plus  beaux  chevaux.  On  voit , 
fur-tout  chez  les  Hottentots ,  des  elpeces  de  bœufs  à 
boffe  qui  ont  un  inltind  admirable  :  ils  les  nomment 
hakeleys.  Voyez  u  mot  &c  celui  de  iifon. 

Rien  ne  prouve  mieux  tous  les  changemens  que 
peuvent  occafionner  dans  les  animaux  ,  le  clim.at ,  &c 
fur-tout  la  différence  des  nourritures ,  que  la  compa- 
raifon  du  même  animal  dans  les  diverfes  parties  de 
la  terre. 

A  commencer  par  le  Nord  de  TEurope^     ^e  pen 


A    U    R  5^$ 

ae  boeufs  &  de  vaches  qui  fubfiilent  en  Mande  ,  font 
dépourvus  de  cornes  ,  quoiqu'ils  foient  de  la  même 
race  que  nos  bœufs.  La  grandeur  de  ces  animaux  eu 
plutôt  relative  à  l'abondance  &  à  la  qualité  des  pâ- 
turages ,  qu'à  la  nature  du  climat.  Les  bœufs  6c^  les 
vaches  du  Danemarck,  delà  Podolie  ,  de  l'Ukraine, 
dont  les  pâturages  font  excellens  ,  paffent  pour  être 
les  plus  grands  de  l'Europe  :  ils  font  cependant  de  la 
même  race  que  nos  bœufs.  En  Suiffe ,  oii  les  têtes 
de  quantité  de  montagnes  font  couvertes  d'une  verdure 
abondante  &  fleurie ,  ,  que  l'on  réferve  uniquement 
à  l'entretien  du  bétail ,  les  bœufs  font  prefque  une 
fois  plus  gros  qu'en  France ,  oii  on  ne  lailie  à  ces 
animaux  que  des  heibes  grolTieres  ,  dédaignées  par  les 
chevaux.  (  On  a  vu  à  Paris  un  animal  d'une  groifeur 
monilrueufe  ;  il  étoit  annoncé  au  public  fous  le  nom 
de  fubfilvLana.  Ce  n'étoit  qu'un  taureau  de  la  Suifle  , 
mais  d'une  taille  extraordinaire  ).  Au  printemps  ,  oii 
ils  auroient  befoin  de  fe  refaire  ,  on  les  exclut  des 
prairies ,  on  les  conduit  fur  les  chemins ,  dans  les  bois, 
îiir  les  terres  ilériles  ,  &  toujours  à  des  diftances  éloi- 
gnées ;  en  forte  qu'ils  fe  fatiguent  plus  qu'ils  ne  fe 
nourriiTent.  Dans  toute  l'année  il  ne  fe  trouve  pas 
une  feule  faifon  où  ils  foient  largement  ni  convena- 
blement nourris  :  c'cft  la  feule  caufe  qui  les  rend  foi- 
blés  ,  chétifs  &  de  petite  flature.  En  Efpagne  &  dans 
quelques  cantons  de  nos  Provinces  de  France  ,  où 
l'on  a  des  pâturages  uniquement  réfervés  aux  bœufs  , 
ils  y  font  plus  gros  &  plus  forts. 

En  Barbarie  ëc  dans  la  plupart  des  Provinces  de 
l'Afrique  ,  où  les  terrains  font  iecs  &  les  pâturages 
ma 'grès  ,  les  bœuf^  font  encore  plus  petits  ,  les  vaches 
donnent  beaucoup  moins  de  lait  que  les  nôtres  ,  ÔC 
la  plupart  perdent  leur  lait  avec  leur  veau.  Il  en  eiî: 
de  nérje  de  quelques  parties  de  la  Perfe ,  de  la  baffe 
E:^  V.i;'^  (5c  de  la  grande  Tartarie  ;  tandis  que  dans  les 
mêmes  climats  ^  à  d'aiiez  petites  diihnces ,  comme  en 


yS^  A    U    R 

Kalnîciiqiue  ,  dans  la  \mnte  Ethiopie ,  dans  l'Abyfîinîe , 
les  bœufs  font  d'une  prodigieufe  groffeur.  Cette  dirTé- 
rence  dépend  donc  beaucoup  plus  de  l'abondance  de 
la  nouiTÎture  que  de  la  température  du  climat.  Dans 
le  Nord ,  dans  les  régions  tempérées  6c  àmn  les  pays 
chauds,  on  trouve  également  ,  &  à  de  très -petites 
diiîances  ,  des  bœufs  petits  ou  gros ,  félon  la  qualité 
des  pâturages  ,  &  l'ufage  plus  ou  moins  libre  de  la 
pâture. 

ÂURONE  5  Ahrotanum.  Plante  vivace  de  la  famille 
des  AhJiJithes  &  àts  Armoifes  ,  dont  on  diftingue  deux 
efpeces  ,  une  mâle  &  l'autre  femelle  ,  mais  furnom« 
mées  ainii  improprement ,  car  elles  portent  toutes  les 
deux  des  ileurs  hermaphrodites.* 

L'AURONE  MALE  ,  Abrotanum  mas  ,  angiiflifolium 
majus ,  C.  B.  Pin.  136;  Arumifici  abrotanum  ^lÀnn^ 
118^.  Cette  plante  ,  qui  paroit  beaucoup  plus  amere , 
lelon  la  culture  ,  le  lieu  où  elle  croît ,  &  le  temps  de 
l'année  ,  a  une  racine  Jigneufe  &  fibreufe.  Sa  tige  eft 
ligneiife  &  perfiilante  l'hiver  ,  haute  de  trois  à  quatre 
pieds  ,  dure ,  moëlleufe  ,  rougeâtre  ,  cannelée  &  bran- 
chue  ;  {^s  feuilles  font  nombreufes  ,  découpées  forte- 
ment en  folioles  capillaires  ,  blanchâtres ,  d'une  odeur 
forte  ,  un  peu  aromatique  ,  qui  a[X)roche  de  celle  du 
camphre  &,  du  citron ,  &  d'une  faveur  amere.  Ses 
fleurs  ,  qui  naiffent  en  grand  nombre  le  long  &  au 
fomxmet  des  rameaux  ,  font  jaunâtres  &  à  deurons 
très-courts  :  il  leur  fiiccede  de  petites  graines  oblongiies , 
TxV^ç.'^  &  fans  aigrette.  Cette  aiironc  naît  communé- 
ment fur  les  montagnes  de  l'Italie  6c  des  Provinces 
Méridionales  de  France.  On  la  cultive  dans  nos  jardins, 
où  ,  quand  on  en  a  arraché  les  branches  ,  les  racines 
en  pouffent  d'autres, 

L'AURONNE  FEMELLE  OU  SaNTOLINE  à  fcuilks 
de  cyprès  ,  Abrotanum  fœmina  ,  Lobel.  Icon.  768  ,  aut 
Santolïna  foliis  terctibus  ,  C.  B.  Pin.  136  ,  Tourn.  Infl. 
460  ;  Santolina  Chamœcy.par'ijfus  ^  Linn.  1 1 79.  Sa  racine 


A    U    R  557 

eft  bran  chue  ;  fa  tige  eft  cylindrique  ,  lîgneiife,  beau- 
coup plus  petite  &  moins  grofte  que  celle  de  la 
précédente  :  elle  eft  couverte  d'un  duvet  blanchâtre  , 
branchue  &c  portant  des  feuilles  finement  dentelées.  Sa 
ileur  eR  plus  grande  que  dans  Vaurcrzc  mdh.  Cette 
plante  eft  connue  auffi  fous  le  nom  de  fantolim , 
petit  cyprès  ou  garde-robe  ,  parce  qu'on  la  croyoit 
propre  \  garantir  les  habits  de  laine  &  les  fourrures 
contre  la  teigne  ;  mais  les  eifais  de  M.  de  Réaumur 
lui  ont  prouvé  que  l'effet  en  étoit  nul  ,  &  qu'il  n'y 
avoit  abfolument  que  l'huile  eiléntielle  de  térébenthine 
qui  pût  faire  périr  les  teignes.  Ces  plantes  ont  à-peu- 
près  les  mêmes  propriétés  que  rabfnîthe.  On  diflingue 
wwt  fantolim  à  feuilles  blanches^  Santolïna,  repens  & 
tanefccns  ,  Tourn.  Inft.  460  ;  il  y  a  encore  Xr  fantolim 
à  feuilles  de  romarin  ,  com.me  tuberculée  ,  Santolina 
rorifmarini  folio  ,  Linn.    1 180, 

Les  Jardiniers  vendent ,  fous  le  nom  de  grande  & 
de  petite  citronnelle^  deux  efpeces  ^aurone\  l'une  à 
feuilles  étroites  ,  &  l'autre  à  feuilles  larges.  Comme 
ces  petits  arbuiles  ne  quittent  point  leurs  feuilles  ,  ils 
peuvent  être  employés  à  garnir  les  bofquets  d'hiver. 

AUPcORE.  Nom  que  l'on  donne  à  un  beau  papillon 
de  jour  ,  qui  habite  les  bois  &  les  prairies  :  il  efl  com- 
mun du  côté  d'Upfal  &  dans  prefque  toute  l'Europe. 
M.  Linnmis  l'a  nommé  cardamim  ,  parce  que  fa  che- 
nille fe  trouve  fur  la  plante  qui  porte  ce  nom.  Le  mâle 
a  une  belle  tache  de  couleur  de  fafran  fur  le  deflus  des 
ailes  fupérieures  ,  ce  qui  l'a  fait  nommer  par  les  Natu- 
ralifles  ,  aurore  :  le  refle  des  ailes  eft  blanc  ,  avec  un 
point  noir  ;  le  deffous  des  ailes  fupérieures  efl  partagé 
en  trois  couleurs  ,  blanc  foufré ,  aurore  &:  vert-blanc  ; 
le  deffous  des  inférieures  eil  marbré  de  blanc  &  de 
vert.  L'efpece  femelle  n'a  point  de  taches  aurores.  On 
connoît  auffi  de  très-petits  papillons  aurores.  Tous  ces 
papillons  font  difficiles  à  attraper  ;  mais  fi  Ton  peut 
avoir   uae   feni^Ue  ^  &  qu'on  la  fixe  fur  un  chou 


5SS  A     U    R 

fauvage  ,  on  aura  facilement  le  mâle.  Leur  chryMii^ 
eu  renflée  dans  le  milieu  ,  forme  une  efpece  d'angle  , 
&  fes  deux  bouts  fe  terminent  en  fufeau. 

Aurore.  Nom  donné  au  crépufaile  du  matin  ,  k 
cette  lumière  foible  qui  commence  à  paroitre  quand 
le  foleil  eft  à  1 8  degrés  au-deffous  de  l'horizon  ,  êc  qui 
continue  en  augmentant  jufqu*au  lever  du  foleil.  Foyei^^ 
VartïcU  Crépuscule. 

Aurore  boréale  ,  Aurora  borcalis,  Uaurore  Bo- 
réale eu  une  efpece  de  nuée  rare ,  fouvent  tranfparente  ^ 
toujours  lumineufe  ,  communément  ondoyante  ,  qui 
paroît  de  temps  en  temps  s'élever  dans  le  filence  de 
la  nuit  de  derrière  l'horizon  du  côté  du  Nord ,  plus 
rarement  dans  nos  climats  tempérés  que  dans  d'autres 
régions  de  la  terre ,  foit  que  le  ciel  paroiffe  pur ,  foit 
qu'il  foit  couvert  de  nuages,  h' aurore  boréale  a  été 
ainfi  nommée  parce  qu'elle  a  coutume  de  paroitre  du 
côté  de  la  partie  boréale  du  ciel ,  &  que  fa  lumière  , 
lorfqu'elle  efl  proche  de  l'horizon  ,  reiTem.ble  quel- 
quefois fi  bien  à  celle  du  crépufcule  ou  du  point  du 
jour  ou  de  V aurore ,  qu'on  croiroit  que  le  foleil  va 
fe  lever  en  cet  endroit.  (  Ce  même  phénomène  qui 
s'offre  quelquefois  aux  yeux  des  Habitans  fitués  proche 
ou  fous  l'équateur ,  a  été  nommé  lumière  ipdiacale?)  {a) 

\J aurore  boréale  paroît  plus  fréquemment  en  automne 
que  dans  une  autre  faifon  ;  ce  météore  a  la  forme  d'un 
fegment  de  cercle  qui  offre  à  la  vue  des  variétés 
infinies  :  on  en  voit  fortir  d'abord  des  arcs  lumineux , 
puis  des  jets  &:  des  rayons  de  lumière.  Lorfque  ce 
phénomène  eft  dans  fa  plus  grande  magnificence  ,  une 
efpece  de  couronne  lumineufe  fe  forme  vers  le  zénith. 
Ses  rayons  ,  s'ils  font  bas  ,  font  perpendiculaires  à 
l'horizon  ;  &;  quand  ils  font  plus  hauts  ^  ils  vont  fe 

(a)  Dom  Antoine  de  Vlloa ,  Chef  d'Efcadre  de  Sa  Majefté  Catholique, 
a  vu  au  pôle  du  Sud  des  aurores  entièrement  ("emblables  à  celles  qu'a 
nous  voyons  dans  nos  rtIgionSt  Voil*  donc  des  Aworcs  poUins  ,  k* 
une3  nord ,  les  autres  fud. 


A     U    R 

réunir  à  un  centre  commun  auprès  du  zénith ,  où  ils  font 
différens  mouvemens  qui  les  font  paroître  gliffer  les 
uns  fur  les  autres.  Le  Dodeiir  Halky  a  démontré  ,  par 
fes  obfervations  fur  le  météore  qui  parut  le  3 1  Juillet 
170  8,  entre  neuf  &  dix  heures  du  foir,  que  ces  mé- 
téores font  dans  la  partie  la  plus  élevée  de  l'atmof- 
phere ,  ou  entre  quarante  ou  cinquante  milles  d@ 
hauteur  perpendiculaire.  On  a  aufîi  trouvé  par  le  calcul, 
que  le  météore  du  19  Mars  171 9  n'étoit  pas  moins 
élevé  que  de  foixante-treize  milles  &  demi  de  hauteiu- 
perpendiculaire.  Pour  expliquer  Vaiirorc  boréale  d'une 
manière  phyfique  ,  nous  ne  faurions  mieux  faire  que 
de  rapporter  en  peu  de  mots  le  fyftême  de  M.  ds 
Mairan  fur  ce  phénomène. 

Le  foleil  efl  environné  d'une  atmofphere  qui  nous 
éclaire  ,  &  qui  s'étend  quelquefois  jufqu'à  plus  de 
trente  millions  de  lieues.  Lorfque  les  dernières  couches 
de  l'atmofphere  folaire  ne  font  pas  éloignées  de  plus 
de  foixante  mille  lieues  de  la  terre ,  elles  tombent  alors 
vers  notre  globe  ,  en  vertu  des  lois  de  la  gravitation 
mutuelle  des  corps.  La  matière  lumineufe  de  l'atmof- 
phere folaire  fe  précipitant  en  affez  grande  quantité 
dans  l'atmofphere  terrellre  ,  elle  doit  néceffairement  y 
caufer  des  aurons  boréaks.  Rien  n'eft  fi  curieux  &  ii 
bien  raifonné  que  l'excellent  Traité  de  M.  de  Mairan 
fur  les  aiLrores  borlaks.  C'eit  un  ouvrage  qu'on  peut 
regarder  comme  un  chef-d'œuvre  de  travail ,  de  faga- 
cité  &:  de  génie.  On  voit  dans  ce  Traité  pourquoi 
V aurore  boréale  va  fe  ranger  plutôt  du  côté  des  Pôles 
qu'à  l'Equateur  ,  pourquoi  elle  décline  ordinairement 
de  dix  à  douze  degrés  vers  l'Occident  ;  pourquoi  enfin , 
dans  le  temps  de  ce  phénomène  ,  l'on  voit  inllanta- 
nément  des  ileches  ou  colonnes  de  feu  ,  des  jets ,  des 
gerbes  brillantes  ou  flots  de  lumière ,  des  éclairs  &  une 
couronne  lumineufe  près  du  zénith. 

Quelques-uns  regardent  cette  apparence  d'incendie 
de  l'atmofphere  boréale ,  comme  le  dernier  effet  d'un 


590  A    U    R 

:flur.ie  lumineux  &  électrique  ,  qui  préparé  dans 
l'intérieur  de  notre  globe  ,  s'eft  échappé  de  ce  labora* 
toire  à  travers  les  parties  perméables  de  la  croûte  de 
la  terre  pendant  les  grandes  chaleurs  de  l'été  ,  pour 
produire  eniuite  dans  notre  atmolphere  les  redoutables 
eirets  des  éclairs  &  du  tonnerre  ,  de  là  s'élever ,  en 
vertu  de  fa  force  expanfive ,  au-deffus  de  la  plus  haute 
couche  de  l'atmofphere  ,  pour  y  jouir  en  paix  de  fes 
propriétés,  n'obéir  qu'à  fes  propres  lois  ,  parce  que 
rien  ne  le  contraindra  alors  à  fe  condenfer  en  lui,  à 
marquer  par  des  coups  d'éclat  &  de  violence  la  rup* 
ture  de  fon  efclavage  :  voilà  le  terme  oii  le  vide  dans 
lequel  ce  fluide  s'étend  librement ,  s'accumule  en  cer- 
taines circonilances  au-defius  des  Pôles ,  &  répand  en 
filence  une  lumière  qui  ,  fuivant  les  mouvemens  de 
l'air  ou  les  variations  de  l'atmofphere  fur  laquelle  elle 
fera  appuyée  ,  devra  comme  elle  ondoyer ,  &:  dont 
l'éclat  ne  fera  plus ,  com.me  dans  les  orages  ,  l'annonce 
d\me  commotion  funeile.  En  effet ,  plus  l'air  eil  rare  , 
plus  l'éledricité  fe  manifeiîie  fous  la  figure  d'une  lumière 
phofphorique.  Cette  explication  de  la  caufe  ou  fluide 
créateur  de  V aurore  boréale ,  elt  tres-ingénieufe.  M.  Fran' 
klln  foupçonne  que  la  grande  quantité  de  vapeurs 
qui  montent  entre  les  Tropiques  ,  forme  des  nuages 
qui  contiennent  beaucoup  d'éle£b:icité  ;  quelques-uns 
tombent  en  pluie  avant  d'arriver  aux  régions  polaires , 
d'autres  pafTent  à  ces  régions.  Chaque"  goutte  de  pluie, 
de  même  que  la  neige  &:  la  grêle  ,  apporte  un  peu 
d'éledricité  ,  qui ,  deicendant  ainfi ,  efl  reçue  &  imbi- 
bée par  la  terre.  Si  les  nuages  ne  font  pas  fjflifam- 
ment  déchargés  par  cette  opération  graduelle ,  ils  fe 
déchargent  quelquefois  (budainement  ,  par  de  grands 
coups  de  tonnerre  fur  la  terre  ,  c]u'ils  trouvent  en 
état  de  recevoir  leur  électricité  ,  notamment  dans  les 
climats  tempérés  &  chauds  :  car  dans  les  réglons  po- 
laires, le  grand  gâteau  de  glace  qui  les  couvre  éternel- 
lement ne  permet  pas  à  ï'éledricité  qiâ  defceiid  avec 


A    U    R  59t 

la  neige  ,  de  pénétrer  dans  la  terre.  Amû  ^  la  grande 
quantité  d'éledricité  portée  dans  les  régions  polaires  , 
par  les  nuages  qui  s'y  raffemblent ,  en  fuivant  la  di- 
redion  des  méridiens  ,  s'y  condenfe ,  y  tombe  a\'^c  la 
neige  ,  &  ne  pouvant  pénétrer  la  terre  ,  à  caufe  des 
glaces  qui  s'y  oppofent ,  fe  reporte  .en  haut  ^  s'ouvre 
un  chemin  à  travers  l'aîmofphere  peu  élevée  &  très- 
pelante  de  cette  contrée  extrêmement  froide  ,  plane 
comme  dans  le  vide  au-delTus  de  l'air ,  &  fe  dirige 
enfin  du  côté  de  l'Equateur ,  en  divergeant  ccmmic  les 
méridiens.  L'éleclricité  devient  alors  très-vifible  dans 
les  endroits  où  elle  efl:  plus  denfe  ,  &  le  devient  de 
moins  en  moins  à  mefare  que  la  divergence  augm^ente  ^ 
juiqu'à  ce  qu'enfin  elle  trouve  une  iiiiie  vers  la  terre 
dans  les  climats  plus  tempérés  ,  ou  qu'elle  fe  mêle 
avec  Pair  fupérieur  ;  la  Nature  opérant  de  cette  ma- 
nière 5  il  en  doit  réfalter  toutes  les  apparences  des 
aurores  borLiks,  Les  eixets  du  Huide  éledrique  ne  peu-» 
vent-ils  pas  expliquer  quelques-unes  de  ces  variétés  de 
figures  qu'on  obferve  quelquefois  dans  le  mouvement 
de  la  matière  immenfe  des  aurons  boréales?  Confultez 
le  Mémoire  fur  ks  aurores  boréales  ,  par  M.  le  Comtz 
de  la  Cépede  ;  le  Mémoire  fur  la  caiife  phofpho ri co- élec- 
trique des  aurores  boréales ,  par  M.  Bertholon  ;  l  ^Extraiù 
des  fuppofiticns  &  d.es  conjectures  fur  la  caufe  de  P aurore^ 
boréale ,  de  M.  Franklin  ;  le  Journal  de  Phyfique  ^  Aviil 
&   Décembre   iyy2 ,  Juin  lyy^, 

La  fuperftition  avoit  toujours  montré  aiLX  Peuples 
Méridionaux  ce  météore  fmgulier  ,  comme  un  iigne 
certain  des   plus  grands  malheurs  (  ^  )  ;  mais  depuis 


(û)  Les  bandes  ronges  &  les  p«oints  de  couleur  de  fang  des  aurores 
boréales,  ont  été  pris  autrefois  pour  des  nuées  ôc  des  pluies  de  fang, 
powr  des  incendies  dans  le  ciel  ou  fur  la  terre;  elles  rappellent  nécef- 
iairement ,  dit  M.  Bertholon  »  le  fouvenir  de  ce  qui  fe  paffa  fous 
l'empire  de  Tibère  à  l'apparition  d'un  phénomène  de  ce  genre  ;  les 
cohortes  Romaines  crurent  que  la  ville  d'Oflie  étoit  toute  en  feu  ,  & 
y  accoururent  pour  porter  du  fecours.  On  s'imagina  encore  que  c'étoit 
«n  incendie,  du  temps  de  l'Emperear  Sévère:  &  en  1705,  à  i'Qccafioa 


592L  A     U    R 

qu'on  a  voyagé  vers  les  régions  Septentrionales ,  les 
aurons  borcaLs  ne  font  aujourd'hui  pour  les  Philofo- 
phes  qui  en  connoiiTent  la  caufe  ,  que  des  fpeclacles 
qui  attirent  leur  attention  ;  &  pour  les  Peuples  voifins 
des  Pôles  ,  elles  font  un  dédommagement  de  l'abfence 
du  foleil.  Lorfque  cet  aftre  les  a  quittés ,  qu'il  fe  tient 
caché  près  de  fix  mois ,  pour  dérober  fa  clarté  à  cette 
partie  de  notre  planète  ,  &  la  laiffer  dans  l'obfcurité , 
la  terre  efl:  horrible  alors  dans  ces  climats  ,  mais  le 
ciel  préi'ente  ,  étale  très  -  fouvent  aux  yeux  le  plus 
charmant  &  le  plus  magnifique  fpeclacle.  M.  de  Mau- 
pcrtiàs  a  vu  ,  dans  ce  pays  ,  des  nuits  qui  auroient  fait 
oublier  l'éclat  du  plus  beau  jour.  Des  feux  de  mille 
couleurs  éclairent  le  ciel  prefque  continuellement. 
Ces  lumières  prennent  rapidement ,  par  reprifës  ,  diffé- 
rentes formes  ,  &  ont  différens  mouvemens  ;  fouvent 
leur  éclat  augmente  &  diminue  alternativement  ;  le 
plus  ordinairement  elles  reiiemblent  à  des  drapeaux 
qu'on  feroit  voltiger  dans  l'air  ;  &  par  les  nuances  des 
couleurs  dont  elles  font  teintes  ,  on  les  prendroit  pour 
de  vaftes  bandes  de  ces  taffetas  que  nous  appelons 
fiambés.  Quelquefois  elles  tapiiïent  certains  endroits  du 
ciel  en  écarlate  ;  couleur  que  l'on  craint  beaucoup 
encore  ©ans  le  pays  même  ,  comme  l'avant-coureur 
de  quelque  événement  funeile.  Cependant  les  diffé- 
rentes couleurs  de  ces  apparences  lumineufes  qui 
affedent  l'œil  ,  doivent  être  rapportées  à  la  différente 
réfrangibilité  des  milieux  ,  au  travers  defqucls  nous 
voyons  ce  météore.  Tout  feu  ,  toute  flamme  vue  au 
travers  des  vapeurs  &  des  exhalaifons  ,  paroît  rouge  , 
&  fur-tout  la  lumière  phofpborique  ;  dans  certains 
temps  les  nuages  qui  font  au  couchant  ,  lorfque  le 
foleil  commence  à  difparoître ,  offrent  à  nos  yeux  des 
teintes  d'une  couleur  rouge  ôc  vive  comme  du  fang , 

malgré 

d'une  autre  aurore  horéaU ,  plufienrs  Corps-de-garcîes  de  la  Garnifon  de 
Copenhague  éprouvèrent  uriC  alarme  femblable  ,  «rirent  les  armes  5c 
battirent  le  tambour,,!» 


A    U    R  595 

malgré  i'éclat  du  jour.  Le  feu  éledrlque^  dans  fes  dif- 
férens  degrés,  paroît  blanc,  rouge  ,  jaune  ,  &c.  Enfin 
lorfqu'on  voit  ces  phénomènes  ,  la  pompe  de  leur 
appareil  impofant ,  on  ne  peut  s^étonner  que  ceux  qui 
les  regardent  avec  d'autres  yeux  que  les  Philofophes, 
y  voient  des  chars  enflammés  ,  des  armées  combat- 
tantes ,  une  mer  de  feu  qui  tend  à  inonder  l'atmof- 
phere  du  côté  du  Nord ,  &:  mille  autres  prodiges  qui 
ont  pu  donner  aux  Poètes  l'idée  de  l'Olympe  ,  comme 
la  vue  des  nuages  groupés  de  mille  manières  peut 
avoir   fait  imaginer  la  defcente   des    Dieux  du  haut 

o 

de  l'Empyrée. 

Uauron  boréale  ne  com.mence  à  paroître  que  deux 
ou  trois  heures  après  le  coucher  du  foleil  :  elle  a  été  ap- 
perçue  très-fréquemment  en  Europe  depuis  1 7 1 6  ,  ÔC 
très-rarement  avant  cette  époque.  Elle  îe  montre  phis 
fréquemment,  depuis  le  22  Décembre  jufqu'au  22  Juin, 
que  dans  les  autres  mois  de  l'année  ,  quoiqu'on  en 
ait  obfervé  auili  dans  le  mois  de  Juillet, 

On  a  mandé  de  Lisbonne  ,  que  la  nuit  du  5  au  G 
Mars  1764  ,  on  a  vu  une  auror&  boréale  qui  a  dure 
plus  de  quatre  heures. 

En  1771  ,  le  19  Février  au  foir ,  le  thermomètre 
de  M.  de  Réaumur  étant  à  fept  degrés  de  dilatation  , 
le  vent  à  l'Eil: ,  un  léger  brouillard  répandu  vers  l'Efl  ^ 
îe  Sud  &:  POuefl ,  M.  l'Abbé  Duqmmare  obferva  au 
Kavre-de-Grace  ,  depuis  huit  heures  un  quart  jufqu'-à 
neuf,  la  lumière  ^âiacale  ,  fous  une  forme  prefque 
iemblable  à  celle  d'une  palme  ,  prenant  quelquefois 
des  courbures  différentes  :  la  lumière  en  étoit  très- 
fenfible  ,  de  couleur  orangé  fort  pâle  ,  étendue  le 
long  du  zodiaque  ,  fans  paroître  avoir  de  bafe  appuyée 
fur  rhorizon  :  notre  Obiervateur  apperçut  très-dii1:inâ:e- 
ment  à  travers  ce  météore  ,  des  étoiles  de  la  cinquième 
^  fixieme  grandeur  ,  les  Pléiades  ,  &c.  On  voyoit 
vers  le  Nord  une  lumière  foible ,  mais  allez  étendue , 
ou  une  aurore  boréale  fort  tranquille.  U  aurore  boréak 
Tome  /,  F  p 


594  A    U    S 

efl  un  phénomène  lumineux  moins  rare  que  l'appari- 
tion de  la  lumière  zodiacale.  M.  l'Abbé  Dicquemarc 
obierva,  le  24  Octobre  1769  ,  une  aurore  boréale  très- 
belle  ,  qui  dura  quatre  nuits  de  fuite.  Nous  en  avons 
cbfervé  une  au  Château  de  Chantilly  ,  dans  la  partie 
du  Nord-Oueil ,  le  21  Septembre  1778;  ce  fpedacle 
avec  toute  fa  pompe  dura  depuis  neuf  heures  trois 
quarts  ,  jufqu'à  dix  heures  trois  quarts  ;  elle  avoit  en 
général  la  forme  d'une  couronne  antique  :  fa  bafe  ap- 
puyée fur  l'horizon  ,  étoit  fort  obfcure  du  côté  du 
Levant  ;  &  de  cette  partie  s'élançoit  à  travers  la  Voie 
Lactée  jufqu'aux  Pléiades ,  une  large  bande  lumineufe  , 
terminée  en  pyramide  ^l  de  couleur  d'écarlate  ;  la 
partie  vers  le  Couchant  étoit  d'une  lumière  blanche  , 
celle  du  milieu ,  qui  dépaiToit  de  beaucoup  la  grande 
Ourfe ,  donnoit  fans  celle  des  effluves  violets  &  chan- 
geans  refplendiffans  ;  on  diilinguoit  à  travers  fa  bafe 
des  étoiles  de  la  première  grandeur. 

M.  de  Marfchall  ,  dans  lés  nouvelles  Obfervations 
choifies  ,  fait  remarquer  plus  de  foixante  fortes  de 
lueurs  boréales  ,  avec  leurs  principales  circonilances 
qu'il  a  obfervées  depuis  1740.  Il  en  diilingue  trois 
claffes ,  c'efi-à-dire  ,  i.^  une  lueur  limple  ;  2.^  un  arc 
clair  ,  fimple  ou  double  ,  regardant  le  Nord  ;  3  .^  des 
vapeurs  lumineufes  qui  partent  du  Nord ,  ce  occupent 
une  partie  de  l'atmofphere.  Dans  l'efpace  de  feize  ans^ 
il  n'a  vu  qu'une  feule  fois  un  arc  double  ;  un  arc 
triple  eil  encore  bien  plus  rare.  MM.  Aknfdd  6c  Vol^ 
fai  prennent  la  fplendeur  boréale  pour  un  ouragan 
informe.  Des  Obfer\^ateurs  prétendent  avoir  reconnu  , 
pendant  la  durée  de  ces  brillans  météores ,  des  varia- 
tions très  -  fenfibles  dans  la  direction  de  l'aiguille 
aimantée  ,  &  en  attribuent  la  caufe  au  fluide  élec- 
trique qui  l'emporte  far  le  fluide  magnétique.  Foyei 
maintenant  rarticU  Lur/IIER.E  ZODIACALE. 

AUSQUOL  Les  Huions  donnent  ce  nom  au  caribou^ 
yoyez  ce  mot. 


A    U    T  59J 

AUTOMNE.  Foyei  à  VartïcU   QUATRE  SAISONS. 

AUTOUR  5  Accipiur-ajlur.  Oifeau  de  proie  ,  qiiî 
eft  beaucoup  plus  grand  que  l'épervier  ,  aiiquel  il  ref- 
femble  néanmoins  par  les  habitudes  naturelles  ,  &:  par 
un  caraQere  qui  leur  eft  commun  ,  &:  qui  dans  les; 
oifeaux  de  proie  ,  n'appartient  qu'à  eux  &  aux  pies- 
grieches  ,  c'ed-à-dire  ,  d'avoir  les  ailes  courtes  ;  en 
Ibrte  que  quand  elles  Ibnt  pliées  ,  elles  ne  s'étendent 
pas  à  beaucoup  près  à  l'extrémité  de  la  queue.  Il  ref- 
lemble  encore  à  l'épervier,  en  ce  qu'il  a  ,  comme  lui, 
la  première  plume  de  l'aile  courte  ,  arrondie  par  fon 
extrémité  ;  &;  en  ce  que  la  quatrième  plume  de  l'aile 
eil  la  plus  longue  de  toutes. 

Uautour  a  les  jambes  plus  longues  que  les  autres 
oifeaux  qu'on  pcurroit  lui  comparer  ,  &  même  que 
le  gerfaut ,  qui  eil  à-peu-près  de  fa  grandeur.  Il  a  les 
yeux  rouges  ,  &;  d'autant  plus  rouges  ,  qu'il  eil  plus 
âgé  ;  on  obferve  dans  les  autours  de  France  ,  une 
différence  ou  variété  de  plumage  6c  de  couleur  ,  tant 
dans  le  mâle  que  dans  la  femelle ,  &  le  même  oifeau 
diffère  de  lui-même  dans  les  différens  âges  de  la  vie  5 
ce  qui  eil  bien  propre  à  induire  en  erreur.  Avant  fa 
première  mue  ,  c'efl-à-dire  ,  pendant  la  première  année 
de  fon  âge ,  il  porte  fur  la  poitrine  &  fur  le  ventre  , 
des  taches  brunes  perpendiculaires  ,  longitudinales  ^ 
mais  lorfqu'il  a,  fubi  fes  deux  premières  mues  ,  ces 
taches  longitudinales  difpayoiiTent ,  &  il  s'en  forme  de 
tranfverfales ,  qui  durent  enfuite  pour  tout  le  refle  de 
la  vie  ;  en  forte  qu'il  eil  très-facile  de  fe  tromper  fur 
la  connoîfTance  de  cet  oifeau  qui ,  dans  deux  âges 
différens  ^  eil  marqué  fi  difréremmenî.  Le  mâle  de 
Vautour  ,  comme  dans  tous  les  oifeaux  de  proie  ,  eil 
beaucoup  plus  petit  ,  c'eil-à-dire  ,  bien  moins  gros 
que  la  femelle  :  c'eft  ce  qui  l'a  fait  appeler  tkrceUi 
d^ autour,  La  femelle  a  communément  ,  du  bout  du 
bec  à  celui  de  la  queue  ,  un  pied  dix  pouces  de 
longueur. 

P  p     z 


^595  A    U    T 

M.  de  Biiffon  ,  qui  a  fi  bien  éclair  cl  Phifloire  ^<^^ 
oifeaux  ,  qui  a  étudié  leurs  mœurs  ,  leur  génie ,  leur 
inflinâ:  avec  tant  de  fagacité  ,  a  fait  nourrir  long-temps 
un  mâle  &  une  femelle  de  Tefpece  de  Vautour  ;  la  fe- 
melle étoit  au  moins  d'un  tiers  plus  greffe  que  le  mâle  ; 
il  s'en  falloit  plus  de  fix  pouces ,  que  les  ailes ,  lorf- 
qu'elles  étoientpliées ,  ne  s'étendiffent  jufqu'à  l'extrémité 
cle  la  queue  :  elle  étoit  plus  greffe  qu'un  chapon  àks 
l'âge  de  quatre  mois  ,  qui  lui  a  paru  le  terme  de  l'ac- 
croiffement  de  ces  oifeaux.  Dans  le  premier  âge ,  jufqu'à 
cinq  ou  ïix  femaines  ,  ces  oifeaux  lont  d'un  gris-blanc  ; 
ils  prennent  enfuite  du  brun  fur  tout  le  dos ,  le  cou  & 
les  ailes  ;  le  ventre  &  le  deffcus  de  la  gorge  changent 
moins  ,  &  font  ordinairement  blancs  ,  ou  blancs- jau- 
nâtres 5  avec  des  taches  longitudinales  ,  brunes  dans  la 
première  année  ,  &:  des  bandes  tranfverfales  brunes  dans 
les  années  fuivantes.  Le  bec  eff  d'un  bleu  fale  ,  &  la 
membrane  qui  en  couvre  la  bafe  eff  d'un  bleu  livide  ; 
les  jambes  font  dénuées  de  plumes  ,  &  les  doigts  des 
pieds  font  d  un  jaune  foncé;  les  ongles  font  noirâtres  , 
&  les  plumes  de  la  queue  qui  font  brunes ,  font  mar- 
quées par  des  raies  tranfverfales  fort  larges ,  de  couleur 
d'un  gris  fale  :  le  mâle  a  fous  la  gorge ,  dans  cette  pre- 
mière année  de  fon  âge ,  les  plumes  mêlées  d'une  couleur 
rouffâtre ,  ce  que  n'a  pas  la  femelle  ,  à  laquelle  il  ref- 
fem.ble  pour  tout  le  reffe ,  à  l'exception  de  la  groffeur 
c[ui  ,  comme  nous  l'avons  dit  ,  eff  plus  d'un  tiers  au- 
deffous. 

On  a  remarqué  que ,  quoique  le  mâle  fût  beaucoup 
plus  petit  que  la  femelle  ,  il  étoit  plus  féroce  &:  plus 
méchant  ;  ils  font  tous  deux  affez  difficiles  à  aprivoi- 
fer  ;  ils  fe  battoient  fou  vent  ,  mais  plus  des  griffes  que 
du  bec  ,  dont  ils  ne  fe  fervent  guère  que  pour  dépe- 
cer les  oifeaux  ou  autres  petits  animaux  ,  ou  pour 
bleffer  &  m.ordre  ceux  qui  ks  veulent  faifir  ;  ils  coîu- 
mencent  par  fe  défendre  de  la  griffe  ,  fe  renvcrfent  fur 
le  dos  en  ouvrant  le  bec  ;  ôc  cherchent  beaucoup  plus 


A    U    T  Î97 

à  déchirer  avec  les  ferres  ,  qu'à  mordre  avec  le  bec. 
Jamais  on  ne  s'efl  apperçu  que  ces  oifeaux ,  quoique 
feuls  dans  une  volière  fpacieufe  &  placée  en  un  lieu 
folitaire  ,  aient  pris  de  l'afTeâ;ion  l'un  pour  l'autre  ;  ils 
y  ont  cependant  paiTé  la  faiion  entière  de  l'été  ,  depuis 
le  commencement  de  Mai  jufqu'à  la  fin  de  Novembre  , 
où  la  femelle  ,  dans  un  accès  de  fureur  ,  tua  le  mâle 
dans  le  filence  de  la  nuit.  Leur  naturel  eil  li  fangui- 
naire  ,  que  quand  on  laifTe  un  autour  en  liberté  avec 
plufieurs  faucons  ,  il  les  tue  tous  les  uns  après  les  au- 
tres ;  cependant  il  femble  manger  de  préférence  les 
fouris  5  les  mulots  ,  &  les  petits  oifeaux  :  il  fe  jette 
avidement  fur  la  chair  faignante  ,  &  refufe  aflez 
conframment  la  viande  cuite  ;  mais  en  le  faifant  jeû- 
ner ,  on  peut  le  forcer  à  s'en  nourrir  :  il  plume  les 
oifeaux  fort  proprement,  &:  enfuite  les  dépecé  avant 
de  les  manger  ,  au  lieu  qu'il  avale  les  fouris  tout 
entières.  Ses  excrémens  font  blanchâtres  ÔC  humides; 
il  rejette  fouvent  par  le  vomiffement  les  peaux  rou- 
lées des  fouris  qu'il  a  avalées.  Son  cri  eft  fort  rauque  , 
&:  finit  toujours  par  des  fons  aigus  ,  d'autant  plus  défa- 
gréables  ,  qu'il  les  répète  fouvent  :  il  marque  aufii  une 
inquiétude  continuelle  dès  qu'on  l'approche ,  &  femble 
s'eiraroucher  de  tout  :  en  forte  que  l'on  ne  peut  paiTer 
auprès  de  la  volière  où  il  efi:  détenu  ,  fans  le  voir 
s'agiter  violemment  &:  l'entendre  jeter  plufieurs  cris 
répétés.  L'extérieur  de  Vautour ,  fes  mouvemens  bruf- 
ques  &  farouches  s'accordent  avec  i^s  moeurs ,  qu'ils 
femblent  déceler. 

U  autour  efl  employé  pour  la  chafîe  dans  les  fau- 
conneries ;  il  donne  m.ême  fon  nom  à  une  divifioa 
employée  par  les  Fauconniers  :  ils  appellent  autourfcrk , 
une  clailè  d'oifeaux  qui  com^x^nà  V autour  ^  Vépcrvier^ 
les  harpayôs  ,  &c.  \J autour  eft  un  oifeau  de  poing  ^ 
non  de  leurre  :  il  ne  vole  pas  fi  haut  que  certains 
oifeaux  de  proie ,  parce  qu'il  a  les  ailes  lui  peu  courtes 
à  proportion  de  fon  corps  :  il  ne  tombe  pas  fur  fa 

PP    3 


598  A    U    T 

proie  ,  mais  il  la  prend  de  côté  ,  ainii  que  Pépervîerj 
Lorliqu'on  veut  prendre  des  autours  ,  rien  n'efl  plus 
facile  :  on  met  un  pigeon  blanc  ,  afin  qu'il  foit  vu  de 
loin ,  entre  quatre  filets  de  neuf  ou  dix  pieds  de  hau- 
teur ,  &:  qui  renferment  autour  du  pigeon  qui  efl  au 
centre ,  un  efpace  de  neuf  ou  dix  pieds  de  longueur ,  fur 
autant  de  largeur  ;  Vautour  arrive  obliquement  ,  &  la 
manière  dont  il  s'empêtre  dans  les  filets  ,  indique  qu'il 
ne  fe  précipite  point  fur  fa  proie  ,  mais  qu'il  l'attaque 
de  côté  pour  la  faifr  ;  les  entraves  du  filet  ne  l'empê- 
chent point  de  dévorer  le  pigeon ,  &  il  ne  fait  de  grands 
efforts  pour  s'en  débarrailer  que  quand  il  efl  repu. 

^J autour  fe  trouve  dans  les  montagnes  de  Franche- 
Comté  5  du  Dauphiné ,  du  Bugey  ,  oii  il  fait  fon  aire 
(  nid  )  ;  dans  les  forêts  de  la  Province  de  Bourgogne  , 
éc  dans  les  environs  de  Paris  ;  m^ais  il  eil  encore  plus 
commun  en  Allemagne  qu'en  France  ;  &  l'efpece  paroît 
s'être  répandue  dans  les  pays  du  Nord  jufqu'en  Suéde  , 
&  dans  ceux  de  l'Orient ,  jufqu'en  Perle  &  en  Barbarie. 
Les  autours  les  plus  eilim.és  pour  la  chaffe  ,  félon 
Bdon  ,  lont  ceux  de  Grèce  ;  ils  ont  la  tête  grande  , 
le  cou  gros  ,  beaucoup  de  plumes.  Ceux  d'Afrique 
font  les  moins  eflimés  :  ils  ont  les  yeux  noirs  dans 
le  premier  âge  ,  &  rouges  après  la  première  mue, 

\J amour  blond  as.  M.  de  Buffon^  efl  le  gros  hufard  de  M. 
Br'jfon.  On  diilingue  encore  Vautour  gris  à  ventre  rayé 
de  Madcigafcar  ;  V amour  de  Cayenne  ,  de  la  grande  & 
de  la  petite  efpece  ;  ce  dernier  efl  reprélenté , /?/.  ^72/.  47^. 

Autour.  Efpece  d'écorce  ,  que  les  Epiciers-Dro- 
guiflcs  tirent  du  Levant  par  la  voie  de  Marfeille.  Elle  efl 
affez  femblable  à  la  cannelle  ,  mais  plus  pâle  en 
deflus  ;  en  dedans  elle  a  la  couleur  de  la  noix  muf- 
cade  ,  avec  des  points  brillans.  Elle  efl  légère  ,  fpon- 
gieufe  ,  fans  odeur  &  d'une  faveur  infipide.  On  la  fait 
entrer  dans  la  compofition  du  carmin. 

AUTRUCHE,  en  latin,  Struthio  ;  en  Arabe,  Nea- 
makh^^lxis  grand  de  tous  les  oifeaiix,  fi  ontn  exceptç 


A    U    T  599 

peut-être  le  cafoar ,  qui ,  quoiqu'il  lui  cède  en  hauteur, 
lui  eil:  néanmoins  fupérieur  en  groffeur.  Vaiitruche  , 
qui  forme  un  genre  particulier  ,  &  feul  de  fon  efpece/, 
€il  montée  fur  de   très-hautes  jambes  :  elle  a  le  cou 
très-long ,  &:  la  tête  fort  petite.  Sa  hauteur  ou   plu- 
tôt fa  longueur ,  du  bout  du  bec  à  celui  du  doigt  le 
plus  long  eil  de  huit  pieds  quelques  pouces.  Elle  n'a 
que    deux   doigts  à  chaque  pied  :    ces    doigts    armés 
chacun  d'un  ongle  noirâtre  ,  font    tous   les   deux   en 
devant ,  &  unis    jufqu'à  la  première   articulation  par 
une  forte  de  membrane.  Ses  cuiffes  font  fortes  ,  char- 
nues ,  ëc  fans  plumes   jufqu'aux    genoux ,  ainfi   que 
îe  deilbus  des  ailes.  Les  ailes  pliées  s'étendent  à  peu 
près  jufque   vers  le  milieu  de  la  queue  ;  déployées , 
elles  forment  une  envergure  de  fix  pieds  §£  demi.  Ses 
ailes  font  donc   petites  relativement  à  fon  volume , 
suffi  ne  peuvent-elles  pas  élever  cet  oifeau  ,  ôi  font- 
elles   abfolument   inutiles  pour  voler.    Elles  ont   été 
defdhées  par  la  Nature  pour  aider  l'oifeau  dans  fa  courfe, 
lorfqu'il  a  le  vent  favorable.  Elles  ne  lui  fervent  cepen- 
dant point    comme   les    voiles  à  un  vaiiTeau  ,  parce 
qu'elles  ne  font   point    conilruites   comme  celles  àts 
autres  oifeaux ,  dont  les  barbes  ,  d'une  flruûure  mer- 
veilleufe ,  font  appuyées  &  s'accrochent  les  unes  dans 
les  autres  ,  &  ferment  un  corps  continu  ,  capable  de 
frapper   l'air.  Les  fils  des  barbes  de   l'autruche  ,    qui 
font  cependant  très-belles  ,  ne  font  donc  jamais   unis 
les  uns  contre  les  autres  ,  mais  fiottans  &  flexibles  , 
n'étant  point  poiu-vus    de   ces  crochets  qui  facilitent 
l'entrelacement  des  plumes.  Les  tuyaux  de  ces  plumes 
ont  très-peu  de  force  &  d'élafîicité.    De    plus  ,   fes 
plumes  manquent  d'une  mécanique  merveilleufe  ,   qui 
rend  les  plumes    des    autres  oifeaux ,  tantôt  droites  , 
tantôt  obliques  ,    &:  dont  on  verra  le   détail  au  mot 
Oiseau.  On  diroit ,  à  juger  des  chofes  à  notre  manière, 
qu'il  en  auroit   trop  coûté  à  la  Nature    pour    rendre 
Vautruch  iin  oifeau  volant ,  &  il  fembleroit  que  fon 

Pp    4 


6co  A     U    T 

exemple  devroît  apprendre  à  ceux  qui  s'occupent  des 
moyens  de  procurer  à  Phomme  la  faculté  de  voler  , 
qu'ils  s'attachent  à  une  entreprife  dont  la  Nature 
même  n'a  pas  voulu  fe  charger  ,  par  rapport  à  un  ani- 
mal aufTi  pefant  que  Vautriickc.  Il  fuffit  d'avoir  obfervé 
le  portrait  bien  fait  d'une  autruche  pour  la  recon- 
noître.  La  grandeur ,  la  forme  &  les  fingularités  qu'elle 
préfente  ,  ont  fixé ,  dès  les  premiers  tem.ps ,  Tattention 
de  l'homme  ;  il  eil  queilion  de  V autruche,  dans  le  plirs 
ancien  àzs»  Livres  Sacrés,  &  dans  les  Ouvrages  d'/fJ- 
rodou  5  le  plus  ancien  des  Auteurs  profanes. 

On  remarque ,  à  l'extrémité  de  chaque  aile  de 
Vautruchc  ,  (kxxx  ergots  d'environ  un  pouce  de  long  , 
à-peu-près  femblables  aux  aiguillons  des  porcs-épics  ; 
îes  uns  veulent  qu'ils  fervent  kV autruche  de  défenfes, 
les  autres  d'éperons  pour  s'aiguillonner  dans  fa  courfe. 
Le  premier  fentiment  paroit  lans  doute  le  plus  vrai- 
feniblabie.  La  bafe  du  cou ,  le  dos  ,  le  croupion  ,  la 
poitrine  &  le  ventre  font  couverts  de  plumes  noires 
dans  le  mâle  ,  feulement  brunes  dans  la  femelle ,  & 
il  s'y  en  trouve  quelquefois  de  grifes  ou  blanchâtres  : 
par  leur  moileffe ,  elles  reffemblent  à  de  la  laine  :  les 
plumes  fcapulaires  &:  les  couvertures  des  ailes  font  de 
îa  même  couleur  Ôc  également  variées.  Le  reiîe  du 
CQv^s  eil:  nu  ;  la  peau  dans  cet  endroit  efl  d'un  blanc 
rougeâtre  ;  les  grandes  pennes  des  ailes  {ont  très- 
blanches  à  la  partie  fapérieure;  les  moyennes  font 
noires.  La  queue  eil  ferrée ,  ronde ,  compofée  de  pennes 
blanchâtres  dans  le  mâle,  brunâtres  dans  la  femelle, 
ôc  feulement  blanches  par  les  bouts  :  ces  plumes  font 
fort  recherchées  pour  orner  les  cafques.  Le  cou ,  dans 
la  moitié  iiipérieure  de  fa  longueur ,  &  la  tête  de 
Vautruche  font  garnis  d'une  efpece  de  duvet  ou  de 
poils  clair-femés ,  au  lieu  de  plumes.  Ce  duvet  eil  de 
deux  fortes ,  le  fin  &;  le  gros.  Quelques-uns  ont  pré- 
tendu que  le  fin  d'autruche  entre  dans  la  fabrique  des 
chapeaux  communs ,  tels  que  ceux  de  Caudebec.  Mais 


A    U    T  6oi 

rien  de  la  dépouille  de  Vautruchc  n'eil  fufceptible  de 
feutrage  :  on  prétend  encore  que  le  gros  d'autruche  fe 
£îc ,  ^  fert  dans  les  Manufadures  de  lainages  pour 
faire  les  lifieres  des  draps  noirs  les  plus  fins ,  &  que 
dans  le  commerce ,  on  nomme  ce  duvet  lainc-ploc  ou 
poil  (T autruche^  6c  par  corruption  ,  laine  d'aiitrickc. 
Ne  feroit-ce  pas  plutôt  le  mot  à'autruchc  qui  feroit 
corrompu  de  celui  à^autriche  ? 

Ne  pourroit-on  pas  dire  ,  en  voyant  cet  oifeau ,  qui  a 
des  ailes  pour  m.archer  6c  non  pour  voler  ,  qui  eil:  en 
partie  fourni  de  plumes ,  &  en  partie  garni  d'une  efpece 
de  poil  5  qu'il  efl  un  de  ces  animaux  dans  lefquels  on 
remarque  ces  nuances  par  lefquelles  la  Nature  paffe 
d'un  être  à  un  autre ,  &  qu'il  tient ,  en  quelque  forte, 
ie  milieu  entre  les  bipèdes  &  les  oifeaux  ?  IJ autruche 
pefe  de  foixante  à  quatre-vingts  livres  ;  elle  tient  d'une 
part  au  chameau  par  la  forme  de  fes  jambes  &  par  des 
callofités  ;  (  au  bas  du  fternum  &:  fous  les  os  pubis , 
on  remarque  deux  callofités  produites  par  l'habitude 
que  cet  oifeau  a  de  fe  coucher^  &  par  le  poids  du 
corps  que  ces  parties  fupportent  alors  ;  )  &  au  porc- 
épi  c  par  les  tuyaux  ou  piquans  dont  fes  ailes  font 
armées  ;  &;  indépendamment  de  l'attribut  de  la  gran- 
deiir  ,  qui  feul  fuffiroit  pour  faire  placer  V autruche  à 
îa  tête  de  tous  les  oifeaux  ,  elle  a  encore  beaucoup 
d'autres  conformités  par  fon  organifation  intérieure  avec 
les  animaux  quadrupèdes  ;  &  tenant  prefque  autant  à 
cet  ordre  qu'à  celui  des  oifeaux  ,  elle  doit  être  regardée 
comme  faifant  la  nuance  entre  l'un  &  l'autre  ? 

La  tête  de  V autruche  eil  petite ,  plate ,  prefque  chauve , 
fur  -  tout  au-defius  :  comme  Ion  crâne  efl  mince  & 
fragile  ,  le  moindre  coup  peut  le  brifer  &:  la  faire  périr  ; 
peut-être  di^i-co.  la  raifon  pour  laquelle  ,  lorfque  cet 
animal  fe  trouve  pris  ,  fans  aucune  reiTource  pour  fe 
fauver  ,  il  cache  l'a  tête  comime  fa  partie  la  plus  foihle  : 
le  refle  du  corps  refle  à  découvert.  Son  bec  eil  de 
couleur  de  corne  ,  ôc  noirâtre  à  fon  extrémité,  droit. 


6oz  A     U    T 

fort  petit  à  proportion  du  corps ,  de  figure  triangulaire: 
il  a  deux  pouces  6c  demi  de  large  à  Ion  origine  ,  6c 
quatre  pouces  6c  demi  de  long  des  angles  de  l'ouver- 
ture à  fon  extrémité.  Sa  bouche  eil  amplement  fendue  : 
{q^  yeux  font  grands  ,  (  l'iris  efl  de  couleur  de  noi- 
fette  )  6c  ont  deux  paupières  de  chaque  côté  ,  6c  des  cils 
ainii  que  ceux  de  l'homme.  On  y  obferve  une  troifieme 
paupière  en-dedans  ,  de  même  que  dans  la  plupart  des 
brutes  ;  c'efl  une  membrane  fort  mince.  Aldrovandi  croit 
que  les  oifeaux  ont  une  troifieme  paupière ,  pour  fuppléer 
au  défaut  de  leur  paupière  fupérieure  ,  qm  eil  li  courte 
qu'elle  ne  peut  s'abaiffer  pour  couvrir  l'œil ,  ainû 
qu'elle  fait  dans  l'homme.  Mais  il  y  a  apparence  que 
cette  paupière  interne  a  un  autre  ufage  dans  les  oifeaux , 
puifqu'elle  fe  trouve  dans  l'autruche  ,  dont  la  paupière 
efl  affez  grande  pour  fe  pouvoir  abaiiTer  facilement. 
D'ailleurs ,  la  paupière  inférieure  des  oifeaux  fe  ferre 
ce  '  ;e  la  fupérieure  ,  aulii  exactement  que  la  paupière 
fupérieure  de  l'homme  fe  joint  avec  l'inférieure.  L'ou- 
verture de  l'oreille  dans  l'autruche  eil  fort  grande ,  6l 
n'efl  point  ombragée  par  les  plumes  ;  &  quoique 
quelques  Voyageurs  la  difent  privée  de  l'ouïe ,  il  eft 
probable  qu'elle  n'eft  fourde  que  dans  certaines  cir- 
confiances ,  comme  le  utrao ,  c'eft-à-dire ,  dans  la  faifon 
de  l'amour  ,  ou  qu'on  a  imputé  quelquefois  à  furdité  ^ 
ce  qui  n'étoit  que  l'effet  de  la  ftupidité. 

U  autruche  fait  rarement  entendre  fa  voix  ;  les  uns  la 
comparent  à  un  gémiffement  ;  les  autres  à  un  hurle- 
ment ;  d'autres  au  cri  d'un  enfant  enroué  :  d'après  cela 
il  efî  affez  naturel  de  penfer  que  fon  cri  doit  paroître 
lugubre  6c  même  terrible  à  des  Voyageurs  qui  ne  s'en- 
foncent qu'avec  inquiétude  dans  l'immenfité  de  ces 
déferts  qu'habite  Vautruchc  ,  6c  pour  qui  tout  être 
animé  ,  fans  en  excepter  l'homme  ,  eil  un  objet  à 
craindre  ,  6c  une  rencontre  dangereufe.  U  autruche  n'ex- 
celle point  par  l'odorat  ;  fes  fenfations  principales  6c 
dominantes  font  celles  de  la  vue  6c  du  fixiem^  fens  ^ 


A    U    T  60$ 

îe  cœur  ,  cîans  cet  oifeau ,  efl  prefqiie  rond  ,  au  lieu 
que  les  autres  bipèdes  l'ont  ordinairement  plus  alongé. 

Si  nous  obiervons  les  organes  de  la  digeilion ,  nous 
Voyons  d'abord  un  bec  aiTez  naédiocre  capable  d'une 
grande  ouverture  ,  une  langue  fort  courte  6c  fans  aucun 
veflige  de  papilles  ;  plus  loin  s'ouvre  un  ample  pharinx 
proportionné  à  l'ouverture  du  bec  ,  &:  qui  peut  ad- 
mettre un  corps  de  la  groffeur  du  poing  ;  l'œfophage 
€ft  auffi  très-large  &  très-fort  ,  &:  aboutit  au  premier 
ventricule  ,  qui  fait  ici  trois  fondions  ;  celle  de  jabot , 
parce  qu'il  eil  le  premier  ;  celle  de  ventricule  ,  parce 
qu'il  efl  en  partie  mufculeux  Se  en  partie  muni  de  fibres 
mufcvdeiu'es  ,  longitudinales  6c  circulaires  ;  enfin  ,  celle 
de  la  bulbe  glanduleufe  qui  fe  trouve  ordinairement  dans 
la  partie  inférieure  de  l'œfophage  la  plus  voifme  du  géfier, 
puifqu'elle  ei\  en  effet  garnie  d'un  grand  nombre 
de  glandes  ,  non  conglobées  comme  dans  la  plupart  des 
oife'aux.  Le  fécond  ventricule  efl  féparé  du  premier 
par  un  léger  étranglement ,  &  quelquefois  il  eil  féparé 
lui-même  en  deux  cavités  diifindes  par  un  étranglement 
femblable  ;  il  n'efl  pas  au/H  fort  que  le  font  commu- 
nément les  géfiers  des  oifeaux  ,  mais  il  eil  fortifié  en 
dehors  par  des  mufcles  très-puiffans ,  dont  quelques-uns 
font  épais  de  trois  pouces  :  fa  forme  extérieure  approche 
beaucoup  de  celle  du  ventricule  de  l'homme. 

Les  végétaux  font  la  principale  noiUTiture  de  Vau- 
irucke  ;  cependant  elle  avale  avec  voracité  &  in- 
différemment tout  ce  qu'on  lui  préfente  ,  cuir,  herbe, 
pain  ,  poil  &  toute  autre  chofe  :  c'efl  l'origine  du 
proverbe  de  Ve/lomac  d'autruche  ;  elle  ne  digère  cepen- 
dant point  le  fer  ni  les  autres  corps  durs  qu'elle  avale  , 
elle  les  rend  en  entier  par  l'anus.  Il  n'étoit  pas  naturel  de 
penfer  que  le  ventricule  de  cet  animal  fût  pourvu  d'un 
dilTolvant  capable  de  dilToudre  le  fer  &  les  pierres. 
Cependant  comme  dans  les  oifeaux,  &  généralement  dans 
tous  les  animaux ,  la  diiTolution  des  alimens  ne  fe  fait 
pas  feulement  par,  les  liqueurs  gaflriques ,  mais  auiii 


eo4  A    U    T 

par  l'a£lîon  organique  &c  mécanique  du  ventricule  i 
qui  comprime  6c  bat  inceflamment  les  chofes  qu'il 
contient  ,  la  nature  a  pourvu  d'un  ventricule  mulcu- 
leux  ^  &c  a  donné  l'inftinâ:  d'avaler  des  cailloux  à  la 
plupart  des  animaux  qui  prennent  une  nourriture  dure 
lans  mâcher  ;  comme  font  les  oifeaux  qui  vivent  de 
grains.  Ces  cailloux  ,  par  leurs  frottemens  ,  broient 
dans  ce  ventricule  mufculeux  ce  que  les  autres  animaux 
broient  avec  leurs  dents  ;  quoique  le  ventricule  de 
certains  animaux  ibit  pourvu  d'une  vertu  particulière 
pour  digérer  ,  dans  les  uns ,  les  poiffons  ,  6c  dans  les 
autres  ,  les  os  6c  les  chairs  crues. 

U  autruche  étant  un  animal  vorace  ,  qui  a  befoin 
d'avaler  quelque  chofe  de  dur  qui  lui  ferve  à  broyer 
fa  nourriture  ,  ufe  mal  de  l'inflinâ:  que  la  Nature  lui 
a  donné  pour  cela  ,  lorfqu'elle  avale  du  fer  ,  &  prirx- 
cipalement  du  cuivre  ,  qui  fe  change  en  poifon  dans 
fon  eflomac.  On  a  ouvert  des  ventricules  à^autrmhes , 
dans  lefquels  on  a  trouvé  jufqu'à  foixante  &  dix  âou-* 
blés  ,  confumés  prefque  aux  trois  quarts  par  leur 
frottement  mutuel  ;  mais  les  légumes  ,  le  foin  ,  les 
pierres  &  les  os  ,  qu'on  trouvoit  dans  leur  eflomac , 
en  étoient  tout  verdis.  On  a  trouvé  la  même  chofe 
dans  le  ventricule  d'une  outarde.  Aufîi  fait-on  de  ceux 
qui  gouvernent  ces  animaux  dans  la  Ménagerie  de  Ver- 
failles  ,  que  les  autruches  qui  avalent  beaucoup  de  fer 
ou  de  cuivre  ,  meurent  toutes  bientôt  après. 

Les  autruches  paiTent  pour  être  fort  lai  cives  ;  6l  lors- 
qu'on confidere  leur  organifation  ,  il  y  a  tout  lieu 
de  penfcr  que  leur  accouplement  ne  fe  fait  pas  par 
une  fimple  compreiTion  ,  comme  dans  les  autres 
cifeaux. 

Lorfcu'après  avoir  com^paré  les  organes  de  la  digef- 
tion  de  VautrucJie  avec  ceux  des  quadrupèdes ,  on  vient 
à  comparer  les  organes  de  la  génération  ,  on  trouve  de 
nouveaux  rapports  d'organifation  entre  Vautruchc  6c  les 
quadrupèdes.  Le  plus  grand  nombre  des  oifeaiLx  n'a 


AUX  6o<} 

pas  de  verge  apparente  ;  Vainruche  en  a  une  afîez  con- 
lîdérable  ,  compofée  de  deux  ligamens  blancs  ,  folides 
&  nerveux  ,  ayant  quatre  lignes  de  diamètre,  revêtus 
d'une  membrane  épailTe ,  &  qui  ne  s'uniffent  qu'à  deux: 
doigts  près  de  l'extrémité.  Dans  quelques  fujets  on  a 
apperçu  de  plus  dans  cette  partie  ,  une  iubfîance  rouge  , 
Ipongieule  ,  garnie  d'une  multitude  de  vaiïïeaux ,  en  un 
mot  ,  fort  approchans  des  corps  caverneux  qu'on  ob- 
icrve  dans  la  verge  des  animaux  terreilres  ;  le  tout  efb 
renfermé  dans  une  membrane  commune  ,  de  même 
fubflance  que  les  ligamens  ,  quoique  cependant  moins 
ëpaiile  &  moins  dure  ;  il  y  a  quatre  mulcles  qui  appar- 
tiennent à  l'anus  &  à  la  verge  ,  &:  de  là  réfidte  entre 
ces  parties  une  correfpondance  de  mouvement  ,  en 
vertu  de  laquelle ,  lorfque  l'animal  fiente  ,  la  verge  fort 
de  plufieurs  pouces. 

Les  tellicules  font  de  différentes  groffeurs  ,  en  diffé- 
rens  fujets  ,  &  varient  à  cet  égard  dans  la  proportion 
de  quarante-huit  à  un  ,  fans  doute  félon  l'âge ,  le  genre 
de  maladie  qui  a  précédé  la  mort  ,  &  ils  varient  aufîi 
pour  la  configuration  extérieure  ;  mais  la  fîruftare  in- 
terne efl  toujours  la  même  :  leur  place  efr  fur  les  reins  , 
im  peu  plus  à  gauche  qu'à  droite.  Les  femelles  ont  aufîi 
des  teflicules ,  car  il  y  a  lieu  de  croire  qu'on  peut  nom- 
mer ainfi  ces  corps  glanduleux  que  l'on  trouve  dans  les 
femelles  au-defTus  de  l'ovaire  :  au-deflbus  de  ces  deux 
corps  glanduleux  ,  efl  placé  l'ovaire  ,  adhérent  auffi  aux 
gros  vaifTeaux  fanguins  ;  on  le  trouve  ordinairement 
garni  d'œufs  de  diiférentes  groffeurs  ,  renfermés  dans 
leur  calice  comme  un  petit  gland  l'efl  dans  le  fien ,  & 
attachés  à  l'ovaire  par  leur  pédicule. 

Dans  l'ordre  de  la  fécondité  ,  Vautrnche  femble 
encore  appartenir  de  plus  près  à  la  clafTe  des  qua- 
drupèdes qu'à  celle  des  oifeaux ,  car  elle  efl  très-féconde , 
&  produit  beaucoup.  M.  de  Bufon  dit  qu'elle  fait 
plufieurs  pontes  par  an  de  douze  ou  quinze  œufs  cha- 
cune. Ces  pontes  commeocent  vers  le  folflice  d'été  , 


6o6  A    U    T 

en  forte  qu'elles  ont  lieu  en  Juillet  dans  l'Afrique  Sepi 
tentrionale ,  &:  en  Décembre  dans  l'Afrique  Méridionale. 
Si  on  rapportoit  V autruche  à  la  claffe  des  oifeaux ,  elle 
feroit  la  plus  grande  ,  &  devroit  par  conféquent  pro- 
duire le  moins ,  fuivant  l'ordre  que  fuit  conflamment 
la  Nature  dans  la  multiplication  des  animaux  ,  dont 
elle  paroît  avoir  fixé  la  proportion  en  raifon  inverfe 
de  la  grandeur  des  individus  ;  au  lieu  qu'étant  rappor- 
tée à  la  clafTe  des  animaux  terreftres  ,  elle  ië  trouve 
très-petite  ,  relativement  aux  plus  grands  ,  ôc  plus 
petite  que  ceux  de  grandeur  médiocre  ,  tels  que  le  co- 
chon ,  alors  fa  grande  fécondité  rentre  dans  l'ordre 
naturel  &  général. 

Les  œufs  de  Vaiitrucke  font  très-gros  &  ovalaires. 
Il  y  a  des  œufs  qui  contiennent  une  pinte  de  liqueur  : 
la  folidité  de  la  coque  ,  qui  eil  très-épaiiië  ^  devient 
telle ,  avec  le  temps ,  qu'elle  permet  qu'on  en  falTe  des 
vafes  fculptcs  à  l'extérieur,  qui  reifemblent  en  quelque 
forte  à  de  l'ivoire  légèrement  jaunâtre  ,  ^  dont  on  fe 
fert  comme  nous  nous  fervons  de  ceux  de  porcelaine.  Les 
autruches  dépofent  leurs  œufs  dans  le  iable  ,  oii  l'on 
prétendoit  qu'elles  les  abandonnoient ,  laiffant  à  la  cha- 
leur du  foieil  le  foin  de  les  faire  éclore. 

M.  Adanfon  nous  a  appris  que  les  autruches  ne  font 
point  marâtres  ;  elles  couvent  leurs  œufs  au  Séné- 
gal ,  mais  feulement  pendant  la  nuit.  Ses  obfervations 
juftifient  donc  les  autruches  de  l'indifférence  dont  on 
les  accufoit  pour  leurs  œufs.  Ce  qu'on  leur  avoit 
reproché  comme  une  forte  d'imbécillité  ,  tourne  au 
contraire  à  leur  honneur  ,  puifqu'au  lieu  d'être  con- 
tinuellement fur  leurs  œufs  ,  elles  ne  les  couvent  que 
dans  les  temps  oii  ils  ont  befoin  d'être  couvés.  Ainli 
la  température  du  climat  influe  beaucoup  fur  la  manière 
de  couver  de  ces  oifeaux  ;  dans  la  Zone  torride  ils  fe 
contentent  de  les  dépofer  fur  un  tas  de  fable  qu'ils 
ont  ramaifé  exprès  ;  &:  dans  des  lieux  moins  brûlans 
y  s  les  couvent  plus  ou  moins;  mais  les  autruches  n'tn 


A    U    T  607 

font  pas  moins  attachées  à  leurs  œxifs  ;  elles  ne  s'en 
éloignent  jamais  ,  Se  ne  les  perdent  pas  de  vue  unini> 
tant.  Diodore  rapporte  même  une  façon  de  prendre  ces 
animaux  ,  fondée  fur  leur  grand  attachement  pour  leur 
couvée  ;  c'efl  de  planter  en  terre  aux  environs  du  nid 
&  à  une  jufte  hauteur  ,  des  pieux  armés  de  pointes 
acérées  ,  dans  lefquels  la  mère  s'enferre  d'elle-même  , 
lorfqu'elle  revient  avec  emprefiement  fe  pofer  fur  (es 
œufs.  On  a  eiTayé  en  vain  de  faire  éclore  à  la  cha- 
leur du  foleil  fur  une  couche  ^  ou  dans  un  athanor  à 
feu  lent ,  des  œufs  à^ autruches  élevées  dans  le  Parc  de 
Ver  failles  :  on  n'a  pu  découvrir  dans  ces  œufs  la  moin- 
<lre  difpofition  à  la  vivification. 

N'y  a-t-il  pas  lieu  de  penfer  que  ,  quoique  l'on 
pût  le  prociu-er  la  chaleur  néceilaire  pour  faire  éclore 
ces  œufs  ,  de  grands  changemens  occafionnés  dans  ces 
"animaux  par  la  différence  du  climat  ont  pu  peut-être 
altérer  les  germes  de  la  produ£lion  jufque  dans  leurs 
fources  ?  Que  d'exemples  fmguliers  ne  voyons-nous  pas 
d'altérations  occafionnées  par  les  climats  !  Nos  chiens , 
en  Nigritie ,  ne  perdent-ils  pas  leurs  poils  ,  ainfi  que  la 
faculté  d'aboyer  ?  ils  ne  pouffent  que  des  hurlemens. 
A  Batavia  ,  nos  femmes  Européennes  ne  peuvent  four- 
nir un  lait  nutiitif  à  leurs  enfans  ,  pendant  que  les 
Indiennes  leur  en  fourniffent  vm  qui  ell:  très  -  agréable 
&  très-falutaire. 

Les  Turcs  &  les  Perfans  iiifpendent  les  œufs  d'/za- 
truche  ,  comme  ornement ,  à  la  voûte  de  leurs  mofquées  ; 
d'autres  prétendent  que  ce  font  les  œufs  de  crocodiles, 
Quelle  différence  de  volume  &  de  dureté  I 

M.  le  Vicomte  de  Querho'int  nous  mande  que  les 
jeunes  autruches  éclofent  aux  environs  du  Cap  de 
Bonne-Efpérance  au  mois  de  Décembre  &:  de  Janvier; 
elles  font ,  dit-il ,  en  état  de  marcher  au  fortir  de  l'œuf: 
leiurs  pères  &  mères  les  accompagnent  &:  leur  aident 
à  trouver  leur  fubfiflance.  (  Dans  des  régions  excef- 
iivement  chaudes ,  la  mère  n'en  prend  aucun  foin  , 


^o8  A     U     T 

elle  les  abandonne  peu  de  temps  après  qu'elles  font 
nées  ).  Lorique  le  Chafieur  veut  les  leur  enlever,  elles 
contrefont  les  ellropiées  ,  pour  tâcher  de  lui  donner 
le  change  ,  mais  jamais  elles  n'attaquent  le  ravifteur. 
On  en  prend  tous  les  ans  un  grand  nombre  qu'on 
apporte  au  Cap  ;  elles  font  alors  de  la  groiTeur  d'une 
oie  ;  on  les  y  élevé  ,  en  les  nourrifiant  de^  feuilles 
de  laitue  hachées  Se  de  mie  de  pain  ;  elles  font  alors 
grifes  avec  quelques  taches  brunes  :  on  les  croiroit , 
au  premier  coup  d'œil ,  couvertes  d'une  efpece  de  crin  ; 
mais  en  y  regardant  de  plus  près  ,  on  voit  que  ce 
font  des  plumes  dont  la  cote  n^eik  pas  garnie  de  barbes 
dans  toute  fa  longueur  :  le  mâle  adulte  a  les  plumes 
noires  ,  avec  les  plumets  du  bout  de  la  queue  &z  des 
ailes  blancs;  le  cou  gris;  la  tête  de  la  même  couleur, 
femée  de  poils  ou  crins  plus  longs  que  le  duvet  qui 
garnit  ces  parties  ;  le  bec  &  les  pattes  d'un  rouge 
mêlé  d'une  teinte  de  gris  ;  les  cuifies  nues ,  couvertes 
d'une  peau  blanche,  La  femelle  eil  entièrement  grife 
&  n'a  point  de  crins  fur  la  tête. 

Vautruche  fe  trouve  dans  une  partie  de  l'Af^e  ;  fa 
vraie  patrie  efl  l'Afrique  ;  en  un  miOt  c'efl  un  oifeau 
propre  à  l'ancien  Continent.  La  race  de  Vautruche  n'efl 
pas  moins  pure  qu'elle  ell  ancienne  ;  elle  a  fu  fe  con- 
ferver  pendant  une  longue  fuite  de  fiecles  ,  toujours 
dans  la  même  terre  ,  fans  altération  comme  fans  mé- 
ialliance  ;  en  forte  qu'elle  dï  dans  les  oifeaux,  comme 
réléphant  dans  les  quadrupèdes  ,  une  efpece  entière- 
ment ifolée  &  diftinguée  de  toutes  les  autres  efpeces  , 
par  des  caraderes  aufu  frappans  qu'invariables.  Les 
autruches  habitent  par  préférence  les  lieux  les  plus 
folitaires  &:  les  plus  arides ,  &  où  il  ne  pleut  jamais  ; 
cela  confirme  aûez  ce  que  cifent  les  Arabes  ,  qu'elles 
ne  boivent  point. 

Les  autruches  fe  réuniffent  dans  les  déferts  en  troupes 
nombreufes  ,  qui  de  loin  rellem-blent  à  des  efcadrons 
de   cavalerie  ,  ôc  ont  jeté  l'alarme  dans  plus  d'une 

caravane  : 


A    U    T  609 

Caravane  :  leur  vie  doit  être  un  peu  dure  dans  ces 
folitudes  vaftes  &  flériles  ,  mais  elles  y  trouvent  la 
liberté  Se  l'amour  ;  &  quel  défert  ,  à  ce  prix  ,  dit 
M.  de  Buffon  ,  ne  feroit  un  lieu  de  délices  ?  C'eft  pour 
jouir  au  fein  de  la  Nature  de  ces  biens  ineftimables  ^ 
qu'elles  fuient  l'homme  ;  mais  l'homme  ,  qui  fait  le 
profit  qu'il  en  peut  tirer ,  les  va  chercher  dans  leurs 
retraites  les  plus  fauvages  ;  il  fe  nourrit  de  leurs  œufs  , 
de  leur  fang  ,  de  leur  graifle  ,  de  leur  chair  ;  il  fe  pare 
de  leurs  plumes  ;  il  conferve  peut-être  l'efpérance  de 
les  fubjuguer  tout-à-fait ,  &  de  les  mettre  au  nombre 
de  fes  efclaves.  U  autruche  promet  trop  d*avantages  à 
l'homme  ,  pour  qu'elle  puiile  être  en  fureté  dans  {q% 
déierts.  Ces  oifeaux  font  fi  communs  ,  qu'on  en  voit 
quelquefois  des  troupes  dans  les  déferts  d'Afrique  & 
d'Ethiopie.  La  chalTe  de  cet  oifeau  eft  un  des  grands 
plailirs  que  prennent  les  Seigneurs  Africains.  On  ne 
fait  cette  chaffe  qu'après  le  temps  de  la  mue  ,  ôc 
lorfque  leui-  plumage  efî  fec  ;  autrement -la  plume  ne 
vaudroit  rien  ,  &:  l'oifeau  feroit  moins  vigoureux. 
Lorfque  les  autruches  font  en  état  d'être  pouflees  ,  les 
Seigneurs  font  la  partie  de  fe  rendre  dans  la  plaine 
oii  elles  fe  trouvent  :  ils  arrivent  tous  montés  fur  des 
chevaux  barbes ,  harpes  comme  des  lévriers.  On  fait 
quelle  eil:  la  vîteffe  de  ces  chevaux  à  la  courfe  :  on 
part ,  on  pourfuit  les  autruches  lancées  ,  qui  fuient  en 
courant  avec  une  rapidité  étonnante  ;  elles  tâchent  de 
gagner  les  montagnes  ,  à  la  faveur  de  leurs  ailes  &:  de 
leurs  pieds  :  pourfuivies  de  près ,  elles  font  à  chaque 
inftant  des  détours  brufques  ,  qui  obligent  les  Chaffeurs 
à  tourner  ii  court ,  &  à  faire  Aqs  contre  -  temps  li 
violens  ,  que  d'autres  Chaffeurs  que  des  Africains 
feroient  bientôt  renverfés  par  terre  ;  encore  auroit-on 
de  la  peine  à  les  joindre ,  îi  on  ne  lâchoit  à^s  lévriers 
qui ,  en  leur  barrant  le  chemin  ,  les  arrêtent  un  peu  , 
&  donnent  le  temps  aux  Chaffeurs  de  les  atteindre. 
On  les  attrape  quelquefois  toutes  vivantes,  avec  de^ 
Terne  I,  .Q^î  ' 


6io  A     U    T 

fourches  cle  bois  faites  exprès  ;  &C  après  les  avoir  ap- 
privoifées,  on  les  vend  aux  Marchands  qui  les  char- 
gent fur  leurs  navires  pour  nous  les  apporter  en 
Europe.  Lorfqu^on  les  tue  ,  c'eft  à  coups  de  bâton  ; 
û  on  employoit  un  autre  moyen,  le  fang  couîeroit 
&  gâteroit  les  plumes. 

Les  Chaffeurs  ont  quelquefois  recours  à  une  nife 
finguliere  pour  prendre  les  autruches  ;  ils  fe  couvrent 
d'une  peau  à' autruche  ,  paffant  leurs  bras  dans  le  cou  ; 
ils  lui  font  faire  tous  les  mouvemens  que  fait  ordi- 
nairement Vautruche  elle-même  ;  par  ce  moyen  ils  les 
approchent  ,  les  furprennent  :  c'eft  ainfi  que  les  Sau- 
vages d'Amérique  fè  déguifent  en  chevreuil  ,  pour 
prendre  les  chevreuils. 

\J autruche  ,  quoiqu'un  oifeau  très-fort ,  conferve  les 
mœurs  des  granivores  ;  elle  n'attaque  point  les  ani- 
maux plus  foibles  ,  rarement  fe  met-elle  en  défenfe 
contre  ceux  qui  l'attaquent  ;  bordée  fur  tout  le  corps 
d'un  cuir  épais  &  dur  ,  pourvue  d'un  large  flernum 
qui  lui  tient  heu  de  cuiraiïe  ,  m.unie  d'une  féconde 
cuiraile  d'infenfibilité  ,  elle  s'apperçoit  à  peine  àes 
petites  atteintes  du  dehors  ;  elle  fait  fe  fouftraire  aux 
plus  grands  dangers  ,  par  la  rapidité  de  fa  fuite  :  fi 
quelquefois  elle  fe  défend  ,  c'efl:  avec  le  bec  ,  avec  les 
piquans  de  fes  ailes  ^  &  fur- tout  avec  les  pieds.  D'un 
coup  de  pied  elle  peut  renverfer  un  homme  ;  m.ais 
îl  n'efl  pas  vraifemblabîe  qu'elle  îa»ce  des  pierres  en 
fuyant  à  ceux  qui  la  pouriuivent. 

Les  autruches ,  quoiqu'habitantes  des  déferts ,  ne  font 
point  d'un  naturel  fi  fauvage  ,  qu'on  ne  puifle  les 
apprivoifer  aifément ,  fur-tout  lorfqu'elles  font  jeunes.. 
Les  Habitans  de  Dara  ,  de  Lybie  ,  en  nourriifent  des 
troupeaux  ,  dont  ils  tirent  fans  doute  ces  plumes  de  la 
première  qualité  ,  qui  ne  fe  prennent  que  fur  les 
autruches  vivantes  ;  elles  s'apprivoifent  m.ême  fans 
qu'on  y  mette  de  foin ,  ôi  par  la  feule  habitude  de 
voir  des  homme»  ^  d'en  recevoir  la  nourriture  6c  de 


A    U    T  6it 

bons  traîtemens  :  on  eu  même  parvemi  à  en  dcmpteï 
quelques-unes  au  point  de  les  monter  comme  on 
monte  un  cheval.  M.  Addnfon  a  vu  au  comptoir  de 
Podor  ,  deux  autruches  encore  jeunes  ,  dont  la  pluâ 
forte  couroit  plus  vite  que  le  meilleur  Coureur  An* 
glois  ,  quoiqu'elle  eût  deux  Nègres  ilu:  fon  dos.  La 
difficulté  ,  &:  peut-être  l'impofTibilité  ,  eft  de  réduire 
cet  animal  à  obéir  à  la  main  du  cavalier ,  à  fentir  fes 
demandes ,  à  comprendre  {qs  volontés  &  à  s'y  fou- 
mettre  ;  il  y  a  lieu  de  le  croire  ,  puifque  l'Arabe ,  qui 
a  dompté  le  cheval  6^  fubjugué  le  chameau  ,  n'a  pas 
encore  pu  maîtrifer  entièrement  V autruche  :  cependant , 
jiifque  -  là  on  ne  poiuTa  tirer  parti  de  fa  vîtefle  &  de 
fa  force  ;  car  la  force  d'un  domeflique  indocile  fe 
tourne  toujours  contre  fon  maître. 

Lof fque  les  Arabes  ont  tué  une  autruche^  ,  ils  lui 
ouvrent  la  gorge ,  font  une  ligature  au-defibus  du  trou , 
ôc  la  prenant  enfuite  à  trois  ou  quatre  ,  ils  la  fecouent 
6c  la  reHalTent,  comme  on  reffalferoit  une  outre  pour 
la  rincer  ;  après  quoi  la  ligature  étant  défaite ,  il  fort 
par  le  trou  fait  à  la  gorge  une  quantité  confidérable 
de  mantéque  en  'confiflance  d'huile  figée  :  on  en  tire 
quelquefois  jufqu'à  vingt  livres  d'une  feule  autruche; 
cette  mantéque  n'eil  autre  chofe  que  le  fang  de  l'ani- 
mal mêlé  avec  la  grailTe  ,  qui  ,  dans  les  autruches 
graffes  ,  forme  une  couche  épaiffe  de  pluiieurs  pouces 
iiu*  les  inteftins  ;  les  Habitans  du  pa^^s  prétendent  que 
la  mantéque  eft  un  très-bon  manger ,  mais  qu'elle  donne 
le  cours  de  ventre. 

Les  Ethiopiens  écorchent  les  autruches  &  vendent 
leurs  peaux  aux  Marchands  d'Alexandrie  ;  le  cuir  en 
eft  tres-épais  ;  les  Arabes  en  faifoient  autrefois  des 
efpeces  de  foubreveftes  ,  qui  leur  tenoient  lieu  de 
aiiraffe  &  de  bouclier  :  on  voit  quelquefois  de  ces 
peaux  tout  emplumées. 

On  voit  des  efpeces  de  bipèdes  mi  Pérou  &  à 
Surinam  ,    qu'on  a  appelés  improprement  autruches 

Qq  ^ 


6i%  AUX 

d^ Occident  ;  elles  font  plus  petites  que  les  autruches 
d'Afrique  :  elles  ont  trois  doigts  aux  pieds  par  devant , 
&  point  par  derrière  ;  leur  tête  efl  faite  comme  celle 
de  Toie  :  c'eil  le  thouyou.  Voyez  ce  mot» 

Les  plumes  à^autruches  font  les  grands  matériaux 
qu'emploient  les  PlumafTiers  dans  leurs  ouvrages.  Les 
belles  plumes  s'apprêtent ,  fe  blanchiffent  &  fe  teignent 
en  diverfes  couleurs.  Elles  fournifïent  une  parure  aux 
chapeaux  des  Militaires  ,  &  à  la  coiffure  des  Dames  ; 
on  en  embellit  l'impériale  des  lits  ,  le  coin  des  dais 
des  grands  Seigneurs.  Les  Adeurs  de  Tragédie  en 
rehauffent  leur  taille  ;  &  il  faut  convenir  qu'on  ôteroit 
bien  du  grand  à  nos  Héros  de  Théâtre  ,  fi  on  leur 
otoit  les  plumes  ^autruche.  Les  plumes  des  mâles  font 
les  plus  ellimées ,  parce  qu'elles  font  plus  larges ,  mieux 
fournies  ,  qu'elles  ont  le  bout  plus  touffu  ,  la  foie  plus 
£ne ,  &  parce  qu'on  peut  leur  donner  telle  couleur 
que  l'on  défire  ;  ce  que  l'on  ne  fait  que  très-difficile- 
ment ,  &  même  jamais  bien  aux  plumes  des  femelles. 

Les  plumes  grifes  que  ces  oiléaux  ont  ordinairement 
fous  le  ventre  ,  font  appelées  petit-gris.  Les  Plumaf- 
fiers  nomment  auiîi  duvet  les  petites  plumes  ,  celles 
de  deffous ,  &  le  rebut  des  plumes  ,  qu^ils  frifent  , 
ainfi  que  le  petit-gris  ,  avec  le  couteau  ,  pour  les 
employer  à  différentes  garnitures ,  comme  bonnets ,  &c. 
on  en  failoit  autrefois  des  palatines ,  des  manchons  & 
des  écrans.  On  tire  ces  plumes  de  Barbarie,  d'Egypte, 
de  Sayde  &  d'Alep ,  par  la  voie  de  Marfeille. 

La  chair  de  V autruche  efl  de  difficile  digeffion  , 
cependant  les  Habitans  de  la  Lybie  &:  de  la  Numidie 
en  font  cas  ;  fes  œufs  font  d'un  goût  à-peu-près  fem- 
blable  à  celui  des  oeufs  d'oie.  Héliogabale ,  ce  monffre 
de  prodigalité  6c  de  volupté ,  fit  fervir  un  jour  fur  fa 
table  les  têtes  de  iix  cents  autruches  pour  en  manger 
les  cervelles. 

AbTRV-CHE    A   CAPUCHON.    Foye^   DrONTE. 
Al/TRVCHE   B'OCCIDEKT»    Foyc^  TtiOTJYOU, 


A  U  T  A   W   A  613 

Autruche  volante.   Surnom  donné  à  Voutarck 

â*  Afrique, 

A WAOU  ,  Gchïus  ccdlciris ,  BrouiTonet.  lUh.  dzcas 
prima,  PoifTon  du  genre  du  Gobis,  ;  il  a  été  trouvé  dans 
les  ruiffeaux  d'eau  douce  de  l'iile  d'Otaïti.  Ce  poiilon 
ell  comprimé  &  d'une  figure  lancéolée.  Les  écailles 
font  difpofées  en  recouvrement  fur  des  lignes  obliques , 
ovalaires  &  ciliées  ;  la  ligne  latérale  droite  ;  l'ouver- 
ture de  la  gueule  ample  ;  la  mâchoire  fupérieure  un 
peu  plus  longue  que  l'inférieure  ;  toutes  les  deux  gar- 
nies de  dents  inégales  ;  celles  de  l'inférieure  font  plus 
petites.  Les  ouvertures  des  narines  font  doubles  ;  les 
yeux  placés  dans  la  partie  antérieure  de  la  tête ,  orbi- 
culaires  ,  tournés  obliquement  de  bas  en  haut  ;  leur 
iris  d'un  vert  bleuâtre  ;  l'orbite  faillant ,  &:  la  paupière 
d'une  couleur  noire  ;  les  opercules  des  ouïes  oifeux 
mais  flexibles.  Les  deux  nageoires  dorfales  font  dénuées 
d'écaillés  ,  courtes  ;  les  rayons  de  la  première  font 
fimples ,  un  peu  roides  &  terminés  comme  par  un  fil 
de  foie  ;  prefque  tous  ceux  de  la  féconde  font  four- 
chus à  leur  extrémité.  Les  nageoires  pedlorales  font 
d'une  forme  ovale ,  &  leurs  rayons  font  fmiples  &:  ferrés 
entre  eux  ;  les  rayons  des  abdominales  font  rarneux  à 
leur  extrémité  ;  le  dernier  rayon  de  la  nageoire  de 
l'anus  eil  fourchu  à  fon  extrémité  ;  la  nageoire  de  la 
queue  efl  ovale  ;  la  membrane  de  fes  rayons  tli  d'une 
demi-îranfparence  nebuleufe  ,  ainfi  que  celles  du  dos 
&  de  l'anus  ;  les  autres  membranes  à.^^  nageoires  font 
affez  tranfparentes.  La  couleur  de  la  tête  ,  des  nageoires 
pe£lorales  &  abdominales  ,  efî:  noirâtre  ;  celle  du  corps 
efl  nuée  d'olivâtre  &  de  noir  ;  la  poitrine  &  le  ventre 
font  de  couleur  bleue  ;  près  de  la  bafe  de  la  première 
nageoire  dorfale  ell  un  petit  œil  noir  ,  de  là  l'épithete 
^ccdlaris  ,  cette  nageoire  efx  mêlée  de  bnm  &:  d'oli- 
vâtre ;  la  féconde  dorfale  efl  verdâtre  &  d'un  roux 
fale  à  fon  fommet  ;  tous  izs  rayons  font  comme  en- 
tourés d'anneaux  par  ces  deux  couleurs^  la  nageoire 


6i4  A    X    E  A    Y    A 

de  l'anus  efi  d'un  brun  verdâtre  ,  avec  un  peu  de  roux 
fale  dans  celle  de  la  queue. 

AXE.  f^oye7  la  Ji^nificadon  de  ce  mot  à  r article 
Globe. 

AXIS.  Efpece  d'animal  naturel  aux  pays  chauds  de 
l'ancien  Continent ,  qui  a  le  bois  du  cerf,  la  taille,  la 
forme  &  la  légèreté  du  daim  ;  mais  ce  qui  diflingue 
Vaxis  de  l'un  &  de  l'autre  de  ces  anim.aux  ,  c'efl  que 
tout  fon  corps  efl  marqueté  de  taches  blanches  ,  élé- 
gamment difpofées  &  nettement  féparées  les  unes  des 
autres  ,  &  que  d'ailleurs  les  axis  iont  originaires  des 
pays  les  plus  chauds  de  l'Afie  ,  fur-tout  du  Bengale  ; 
le  cert  &  le  daim  ont  le  pelage  d'une  couleur  uni- 
forme ,  &:  fe  trouvent  au  contraire  en  plus  grand 
nombre  dans  les  pays  froids  &  dans  les  régions  tem- 
pérées ,  que  dans  les  climats  qui  approchent  de  la 
Zone  torride. 

On  voit  des  axis  à  la  Ménagerie  du  Roi  à  Ver- 
failles  ,  cil  ils  multiplient  très-bien  :  on  les  y  nomme 
cerfs  du  Gan^t ,  &;  ailleurs  daims  de  Bengale  ;  Meffieurs 
de  l'Académie  les  ont  appelés  hlckes  de  Sardaigne. 
Com.me  on  n'a  jamais  remarqué  que  ces  individus  fe 
foient  mêlés  ni  avec  les  daims ,  ni  avec  les  cerfs ,  il 
y  a  lieu  de  penfer  que  c'ell  une  efpece  différente  ,  & 
qui  fait  la  nuance  entre  celle  du  cerf  &  celle  du  daim. 
Pour  porter  cependant  un  jugement  bien  décifif ,  il 
faudroit  employer  les  moyens  néceffaires  pour  déter- 
miner ces  animaux  à  fe  joindre  ,  étant  prefiés  par  le 
befoin  de  la  nature. 

AXONGE  ,  axiingia,  Eft  proprement  de  la  graiffe 
condenfée  ,  ramaffée  dans  les  follicules  adipeux.  Foyci 
l'article  Graisse. 

AYAMAKA.  Les  Habitans  de  Cayenne  donnent  ce 
nom^  à  un  lézard  goitreux  des  bois  ,  dont  Barrere  a 
parlé  en  ces  termes  :  Lacertus  maxiwMs ,  viridis ,  den-- 
tatus  ,  ingluvie  magna  penduld  :  c'eft  une  variété  da 
fenembi  des  Brafiliens.   Foyei  Iguana, 


A  Y  R  A  Z    E  6i^ 

AYRI 5  Pilon  5  Braf.  1 20.  C'eil  un  grand  Palmier 
du  Bréiil  ,  qui  paroît  avoir  des  rapports  avec  le 
Palmkr  aoura  :  fon  tronc  eu  épineux  ;  fes  feuilles 
longues  &  ailées  ;  fes  fruits  arrondis  &  contenant 
une  fubftance  graffe  &  blanchâtre  ;  fon  bois  ei\  noir 
&  fi  dur ,  que  les  Brafiliens  en  arment  leurs  maffues 
&:  leurs  flèches. 

AZALA  ou  IZARI.  Efpece  de  garance  du  Levant 
très  -  renommée.  Fojei  Garance. 

AZARERO.    Foyei  à  Vartick  LauRIER-CERISE. 

AZEBRE  ou  AzERBO.  Efpece  de  cheval  fauvage  , 
dit  l'ancienne  Encyclopédie  ,  qu'on  trouve  dans  la 
baffe  Ethiopie  ,  &  qui  a  l'air  d'un  mulet.  Ce  joli 
quadrupède  moucheté  de  blanc  &  de  noir ,  n'efl 
exaûement  que  le  zèbre.  Voye^  Zèbre. 

AZEDARACH,  Tourn.  6i6,  Dod.  Pempt.  848; 
Mclia  (  aiedarach  )  foins  hipinnatïs ,  Linn.  Mill.  Did, 
n.^  I.  Arbriffeau  ,  nommé  par  quelques-uns  margou- 
Jicr  ,  ou  nias  des  Indes  ^  6c  par  d'autres  ,  fycomore-faux 
de  Provence.  Il  fleurit  en  Juin  :  fes  fleurs  font  poly- 
pétalées  &  forment  aux  fommités  des  branches ,  des 
panicules  ou  des  grappes  droites,  très-agréables  à  voir; 
elles  font  d'un  blanc  bleuâtre  ,  mêlé  de  violet.  M.  De- 
kuie  obferve  qu'elles  font  à  dix  étamines  &  compofées 
d'un  calice  à  cinq  dentelures ,  de  cinq  pétales  ,  Û.  d'un 
necîarium  en  forme  d'un  tuyau  cylindrique  de  la  lon- 
gueur des  pétales.  On  le  dit  originaire  de  Provence  ; 
il  ne  réufîit  dans  nos  contrées ,  qu'en  lui  faifànt  pafTer 
l'hiver  dans  nos  orangeries.  Il  s'élève  à  la  hauteur  de 
huit  ou  dix  pieds  dans  nos  jardins.  M.  le  Vicomte 
de  Qiierlioint  nous  mande  qu'il  y  a  lieu  de  croire  que 
Vaiedarach  efl  plutôt  originaire  de  la  Zone  torride  que 
des  Provinces  Méridionales  de  France.  Ce  Navigateur 
inflruit  en  a  trouvé  en  Afiique  &  en  Amérique^ 
&  il  y  croît  à  la  hauteur  d'un  arbre  médiocre  ;  il  efl 
perfuadé  qu'il  pourroit  fubfiller  dans  nos  Provincf:« 
Maritimes  j  en  plein  vent ,  à  une  bonne  expofition ,  en 


çi<5  A    Z    E  A    Z    U 

Pi  britant  un  peu  dans  les  grands  froids.  Il  en  a  VU 
im  fiibrifter  plufieurs  années  au  Croific  en  Bretagne  , 
qui  étoit  au  pied  d'un  mur  expofé  au  midi ,  fans  qu'on 
le  couvrît  jamais  :  il  avoit  environ  huit  pieds  de  haut 
quand  l'hiver  de  1774a  1775  le  fit  périr.  Enfin,  cet 
arbrilTeau  m.érite  une  place  dans  nos  boiquets  d'été  ;  mais 
il  faut  lui  trouver  une  bonne  expofition.  Aux  fleurs 
fuccedent  des  fruits  glcbuleux  ,  d'un  jaune  pâle , 
charnus ,  qui  contiennent  im  noyau  oiTeux  à  cinq 
cannelures  ,  6c  l'intérieur  divifé  en  cinq  loges  mono- 
fpermes.  On  fait  des  chapelets  avec  ces  noyaux  ; 
ck:  par  cette  raifon  plufieurs  appellent  l'azedarach , 
arhre  fiira.  Ses  feuilles  font  alternes ,  rapprochées 
comme  par  bouquets  vers  le  fommet  àQS  branches  , 
£c  prefque  femblabics  à  celles  du  frêne  ;  la  dé- 
codion  des  feuilles  eft  apéritive.  On  dit  que  le 
broiit  pulpeux  de  fon  fruit  efî  \\n  poifon  pour  les 
hommes  ;  il  efl  mortel  aux  chiens.  On  s'en  fert 
pour  faire  mourir  les, peux.  Le  nîmbo  eft  encore  une 
efpece  à^a:;edi:rdch. 

AZÉROLIER.    Foye7^  Néflier. 

AZiERS.  Nom  que  les  Créoles  donnent  à  de 
très  -  petits  arbrideaux  qui  croiffent  dans  leur  pays. 
Les  aciers ,  Nonaulïa ,  ofrVent  un  genre  de  plantes 
à  fleurs  mcnopétalées  ,  de  la  famille  des  Rubïa- 
dis  ;  le  fruit  efl  une  baie  fphérique  à  cinq  loges  , 
ôc  qui  renferme  cinq  ofTelets  anguleux.  M.  Auhkt 
a  décrit  Varier  a  raJIIune  ;  Varier  a  pajiicuU  ;  Varier 
à  longue  jteur  ;  IV'pcT  à  grappes  ;  Va^j-cr  violet  ; 
l'a{:cr  jaimc, 

AZIMUTH.  Voyti  à  VankU  Gloee. 

AZOUFA.  Nom  feus  lequel  il  paroît  que  quelques- 
uns  ont  défigné  Xhymc,  Voyez  ce.  mot. 

AZUR.  Ce  nom  ç^wz  l'ufage  a  confacré  pour  déii- 
f  ner  en  général  une  belle  couleur  bleue ,  ié  donnoit 
autrefois  au  lapis'iazjdi  qu'on  appeloit  pierre  iCa^ur , 
&  au  bleu  qu'on  en  retire. 

Depuis 


A    Z    U  617 

Depuis  qu'on  cfl  parvenu  à  tirer  un  beau  bîeu  du 
cobalt ,  on  a  afFedé  particulièrement  le  nom  à^aïur 
à  ce  dernier,  qui  en  diffère  cependant  à  'plufieurs 
égards ,  puif qu'il  ne  peut  fervir  aux  mêmes  ufages  , 
&  particulièrement  à  la  peinture  à  l'huile.  Cet  aiur 
eft  en  quelque  forte  fûclice  ,  &  dû  aux  opéra- 
tions chimiques.  C'eil  dans  le  Diciionnairc  de  Chimh 
de  M.  Beaumé ^  &c  dans  notre  Minéralogie^  qu'il  faut 
voir  expliauée  la  manière  de  le  retirer  'du  cobalt. 
Voyez  ce  mot. 

On  dira  feulement  ici ,  que  cet  aiur  eil  employé 
flans  la  peinture  en  détrempe  &  dans  la  peinture  en 
émail.  Comme  les  Hollandois  en  préparent  beau- 
coup ,  il  porte  auiîi  le  nom  à^ outremer  de  Hollande  _, 
ou  outremer  commun  ,  pour  le  diflinguer  de  Voutremer 
♦  fimplement  dit ,  ou  du  bleu  d'outremer ,  nom  affedé 
à  la  poudre  du  lapis  -  la\uli  ^  pierre  naturelle.  Voye:^ 
Lapis-lazuli. 

On  remarquera  que  depuis  que  les  Chinois  font 
ufage  de  Va^ir  ou  outremer  commun  pour  peindre  leur 
porcelaine  ,  leur  couleur  bleue  efl  bien  inférieure  à 
celle  de  l'ancienne  porcelaine  qu'ils  faifoient  autrefois 
avec  la  poudre  d'un  lapis-laiuli ,  dont  la  mine  leur  a 
manqué. 

Azur.  Nom  donné  au  gobe-mouchc  bleu  des  Phi- 
lippines ,  pi.  mU  6G6.  fig.  I.  Il  y  a  une  tache  noire 
fur  la  poitrine  &:  à  l'occiput  ;  le  ventre  eft  blanc. 

AZURÉ.    Foyei  LÉZARD  azuré. 

Azuré.  Cyprinus  Americanus  ,  Linn,  Poiffon  du 
genre  du  Cyprin  ;  il  fe  trouve  dans  la  Caroline.  Lin- 
nœus  dit  que  Vaiuré  a  dix-huit  rayons  à  la  nageoire 
de  l'anus  ;  il  a  de  la  reffemblance  avec  l'efpece  de 
cyprin  ,  qu'il  appelle  la  roujfe  ;  Voyez  ce  mot  :  mais 
fa  couleur  eft  d'un  bleu-argenté  ;  la  ligne  latérale 
forme  un  arc  très-bombé  vers  le  ventre  ;  fa  queue  efl 
fourchue. 

Ton^c  I,  Rr 


6i8  A     Z     U 

AZURIN  ou  MtKLE  DE  LA  GuiANE.  Nom  donne 
à  un  oifeau  de  Cayenne  ,  de  la  grofleur  du  mcrU  ; 
la  couleur  de  la  queue  -&  de  la  poitrine  eft  violette- 
azurée.  Cet  oifeau  ,  en  raifon  du  peu  d'étendue  de 
fa  queue  &  de  fes  ailes ,  efl ,  félon  M.  Mauduit ,  de 
l'ordre  des  Brèves.    Foyc^  ce  mot. 

AZUROUX.  C'eft  le  bruant  bleu  du  Canada  ,  de 
M.  Brijfon ,  tom.  III ,  p.  298.  Le  plumage  fupérieur 
offre  un  roux  obfcur ,  &  varié  de  blanc  ;  l'inférieur 
eft  varié  de  roux  clair  &  de  bleu  ;  le  bec ,  lç«  ongles 
ÔC  le*  pieds  font  d'un  gris-brun. 


Fin  du  Toms  pr^er^ 


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