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Full text of "Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle"

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THIS  BOOK IS  DUE  ON  THE  DATE 
INDIC ATED  BELOW  AND  IS  SUB- 
JECT  TO  AN  OVERDUE  FINE  AS 
POSTED  AT  THE  CIRCULATION 
DESK. 


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in  2009  with  funding  from 

NCSU  Libraries 


http://www.archive.org/details/dictionnairerais02viol 


1)1CT1().\.\AII1E  HAISONNE 


PF. 


L'ARCHITECTLRE 

FRANÇAISE 
DU     XK    AU    XV  l«"    SIECLE. 


11 


Droits  de  traduction  et  de  reproduction  reserves 


PARIS 


IMI'RTME  CHEZ  BONAVENTURF,   ET   niTESSOTS 
Quai  des  Anguslins,  55,  près  du  Pont-Neul. 


DICTIOMMAIRE  RAISONNÉ 


l)K 


l'archuectlhk 


FIUNCAISK 


DU  xr  AU  xvr  siècle 


M.  yiOLLET-LE-DUC 

AK<HlTKrTE    I»  l'     (iO  t' \  KKN  KM  EN  I 
INSPKrrKl'R-GENERAL    DES    EDIFICES     DIOCESAINS 


TOME     DEUXIEME 


HANCE,  EDITEUR 

R  TT  R    BON  A  P  A   R  T  K  ,       13. 
.■MDCCÇf.IX 


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J 


BOUND. 
NOV  14  1896 


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iTlON.^lItK    RAISONNÉ 


LAUCHITECTLRE 


FRANÇAISE 

Dr   XI    Al    \M    SIÈCLE. 


^5.iv 


AT.TS   (LIBÉRAIS  .  S.  m.   p.   Los  monuments  des  .vii«"  et  xw  siècles 

représentent  fréquemment  les  sept  arts  libéraux.  La  belle  encyclopédie 

manuscrite  intitulée  :  Horlus  delicianim.  composée,  au  ku*"  siècle,  par 

Herrade  de  Landsberg,  abbesse  du  monastère  de  Hohenbourg  (sainte 

Odile),  en  Alsace,  et  conservée  à  la  Bibliothèque  de  Strasbourg  ',  renferme 

parmi  ses  vignettes  une  personnification  de  la  philosophie  et  des  sept  arts 

libéraux.  La  figure  principale,  la  Philosophie,  est  représentée  assise; 

sept  sources  sortent  de  sa  poitrine;  ce  sont  les  sept  arts  libéraux:  la 

Granunaire.  la  Rhétorique,  la  Dialectique,  la  Musique,  rArithmétique,  la 

Géométrie  et  l'Astronomie.  Cette  figure ,  qui  occupe  le  centre  de  la 

vignette,  est  couronnée  d'un  bandeau  duquel  sortent  trois  têtes;  les  trois 

noms:  «Ethica,  Logica,  Physica,  »  les  surmontent;  sous  ses  pieds, 

vSocrate  et  Platon  écrivent;  cette  légende  les  accompagne:  Naluram 

universœ  rei  qucri  dociiil  Philosophia.  Autour  du  cercle  qui  inscrit  le 

sujet  principal  sont  tracés  les  sept  conqîartinients  dans  lesquels  ces  sept 

arts  sont  figurés.  Au  sonnnet,  la  Grammaire  est  représentée  tenant  des 

verges  et  un  livre;  en  suivant  de  gauche  à  droite,  la  Rhétoricpie  tient  un 

style  et  des  tablettes;  la  Dialectique,  une  tète  de  chien,  capiit  canis,  et 

cette  légende:  Argumenla  sino  conciirrere  more  canino.  \.a.  Musique 

porte  une  harpe,  cilliara;  devant  elle  est  une  sorte  de  viole,  nonmiée  lira  ; 

'  Voy.  la  notice  sur  le  Hortiis  deticiarum.  par  M.  A.  Le  Noble.  (Bibt.  de  l'école  des 
Charles,  t.  1.  \^.  238.1 

T.     II.  1 

601^8 

Library 


AUTS 


0    


(lenirrc  elle  une  vielle  désignée  par  le  mot  organislrum.  L'Aiilliméli(|ue 
port(^  une  verj^e  (lenii-circuiaiie  à  laquelle  sont  eiililces  des  houles  noires, 
sorte  de  conipteiu' encore  en  usa^'e  en  Orient  ;  la  (iéoméirie,  un  compas  et 
une  règle.  I/Astronomie  tient  un  boisseau  plein  d'eau,  prohahlement  pour 
observer  les  astres  par  réflexion;  au-dessus  du  i)oisseau  sont  figurés  des 
astres.  Quatre  poètes  païens  sont  assis  sous  le  cycle  des  arts;  ils  tiennent 
des  plumes  et  des  canifs  ou  grattoirs;  sur  leur  épaule  un  oiseau  noii' 
(l'esprit  immonde)  send)le  les  inspii'er. 

La  porte  lie  droite  de  la  taçadc  occidentale  de  la  cathédrale  de  (Chartres 
présente,  sculptés  dans  ses  voussures,  les  arts  libéraux.  Chaque  science  ou 
chaque  art  est  personnifié  par  une  femme  assise;  au-dessous  d'elle,  un 

homme  est  occupé  à  écrire  sur  un 
pupitre  [scrip(iotiale)  jwsé  sur  ses 
genoux.  M.  labbe  liulteau,  dans  sa 
Descriplion  de  la  cathédrale  de 
Cltarlres^,  désigne  chacune  de  ces 
figures;  et  en  eftet  la  jjlupart  d'entre 
elles,  sinon  toutes,  sont  faciles  à 
reconnaitie  aux  attributs  (|ui  les  ac- 
compagnent. La  Musi(|ue  frappe 
d'un  marteau  trois  clochettes;  sur 
ses  genoux  est  posée  une  harpe  à 
huit  cordes;  des  violes  sont  suspen- 
dues à  ses  côtés.  Sous  la  Musique, 
Pylliagore  écrit;  il  lient  un  grattoir 
de  la  main  gauch(\  L"Aritlmieli(|ue 
porte  danssa  main  droite  un  dragon 
ailé,  et  dans  sa  gauche  un  sceptre. 
Gerbert  écrit  sous  sa  dictée;  il 
trempe  sa  })lunie  dans  son  écritoire. 
La  lihélorique  discourt  ;  Quintilien, 
placé  au-dessous  délie,  taille  sa 
plume.  La  Géométrie  tient  un 
compas  et  une  éipierre;  Archi- 
mède  écrit.  La  IMiilosophie  ti«Mil  un 
livre  ouvert  sur  ses  genoux  ;  Platon 
semble  parler.  L'Astronomie  re- 
garde le  ciel  et  pt)rte  un  boisseau, 
comme  dans  le  manuscrit  d'Her- 
rade;  Ptolémée  tient  dans  chaque 
main  un  objet  cylindrique.  La 
(iranmiaii-e  lient  dans  sa  droite  une  verge,  un  livre  ouvert  dans  sa  gau- 
che; deux  écoliers  sont  accroui)is  à  ses  pieds  :  lun  étudie,  l'autre  tend 


PCGARD.SC. 


Descvipt.de  lacatliéd.  (le  Chartres,  p:ir  M.  l';il)lic  I5iilt(\ui  ;  IS.'iO. 


;{  — 


A  m  s 


la  iiiaiii  pidii'  rrccvoir  uiit'  cuiit'clion  ;  sa  ligure  t'sl  ^riiiiavaiile.  Sous  la 
lirainiiiaiit'.  Cliilon  t'ciil.  Nous  donnons  (1)  la  copie  de  cclh'  diM-nit'ic 
sculpture  du  xii'^ siècle,  remarquahleinent  tiaitée.  (lliilon  est  loit  attentif; 
penche  sur  son  i)u|>ilie,  il  se  sert  du  grattoir;  à  sa  droite,  des  plumes 
sont  posées  sur  un  râtelier. 

Les  arts  libéraux  ne  sont  jtas  toujours  seulement  au  nombre  de  sept. 
On  les  renconlie  lii^urés  en  plus  ou  moins  i^rand  nombre.  A  la  porte 
centrale  de  la  cathédrale  de  Sens,  qui  date  de  la  fin  du  xii<'  siècle,  les  arts 
et  les  sciences  sont  au  nombre  de  douze  ;  malheureusement,  la  plupart  de 
ces  bas-reliefs,  sculptés  dans  le  soubassement  de  gauche,  sont  tellement 
nuifilés,  qu'on  ne  peut  les  désigner  tous.  On  distingue  la  Grammaii-e;  la 
iMédecine  (probablement) .  représentée  par  une  tigure  tenant  des  plantes; 
la  l{lielori(iue,  qui  semble  discourir;  la  (Jéometrie  ;  la  Peinture,  dessinant 
sur  une  tablette  posée  sur  ses  genoux;  l'Astronomie  (i)  ;  la  Musique;  la 


Philosophie  ou  la  Théologie  (3)  ;  la  Dialectique  (?)  [1].  Sous  chacune  de  ces 
figures  est  sculpté  un  animal  réel  ou  fabuleux,  ou  quelque  monstre  prodi- 
gieux, ainsi  qu'on  peut  le  voir  dans  la  fig.  4.  On  distingue  un  lion  dévorant 
un  enfant,  un  chameau,  un  griffon,  un  éléphant  portant  une  tour,  etc.  Il 
ne  faut  i)asoublierque  l'esprit  encyclopédi(jue  dominait  à  la  fin  du  xii'"siècle, 
et  que  dans  les  grands  monuments  sacrés  tels  que  les  cathédrales,  on  cher- 
chait à  résumer  toutes  les  connaissances  de  l'époque,  (tétait  un  livre  ouvert 
pour  la  foule,  qui  trouvait  là,  sur  la  pierre,  un  enseignement  élémentaire. 
Dans  les  premiers  livres  imprimés  à  la  fin  du  xv  siècle  ou  au  conunence- 


AKTS 


nifiit  (lu  xvi'\  U'Is  (jiK'  les  cosiiiitiirapliies  pai' fxfiiiplc ,  ou  rt'|)r()(luisail 
t'iicorc  un  },Man<l  nonihro  dn  ces  figures  qu«'  nous  \ oyons  sculptées  sur  les 
soubassements  de  nos  cathédrales, et  qui  étaient  destinées  à  Caniiliariser  les 
intelligences  populaires  non-seulement  avec  l'histoire  de  l'Ancien  cl  du 

Nouveau  Testament,  mais  encore 
avec  la  philosopliie.  et  ce  qu'on 
appelait  alors  la  physique,  ou  les 
connaissances  naturelles.  Dans  la 
Cosmographie  urm^erselle  de  Séhas- 
licii  Munster',  nous  trouvons  des 
gravures  sur  bois  qui  reproduisent 
les  singularités  naturelles  sculptées 
dans  beaucoup  de  nos  églises  du 
xii''  siècle;  et  pour  n'en  citer  qu'un 
exemple,  Sébastien  Munster  donne,' 
à  la  page  l''2'2U  de  son  recueil, 
rhomme  au  grand  pied  qui  est 
sculpté  sur  les  soubassemtMits  de  la 
porte  centrale  de  la  cathédral(î  de 
Sens  (Ti)  '^  et  voici  ce  qu'il  en  dit  : 


((  ...  Siiuilmente  dicesi  di  alcuni 
«  ail  ri  p(t|)uli.  clie  ciascheduno  di 
«  loro  ha  ne  piedi  che  sono  gran- 
M  dissimi  una  gamba  sola,  sensa 
«  piegar  giuocchio  ,  et  pur  sono 
«  di  mirabili  velocitade,  li  (|ua  li 
((  si  adimandono  Sciopodi.  Questi, 
K  corne  attesta  IMinio,  nel  tempo  dell"  «>stade,  dislesiin  terra  col  viso  in  su, 
«  si  l'anno  ondua  col  picde.  »  Ces  étranges  figures,  que  nous  sonunes 

'  Sei  Hliri  dclhi  Cui^mnri.  iiuiv.,  Sel).  MniisU-ro,  t'dit.  de  lof),"]. 
-  Nniisdoniioiis  ici  le  fiic-simili'  de  oclle  i^nviire  tirée  du  cluipine  inliudé  ;  "  Ddie 
»   innriivigiinsce  monslniofio  cretitiirc  clw  si  Iroi^nint  nd'  iiUcrnc  juirti  deC  Africii.  » 


î5;mii)PI';..ui "ii|(ilii)AM'".-«i' 


—    O    —  l    AKTS    ] 

li'op  racilcinent  disposos  à  considcivr  coiumc  des  t'aiilaisics  d'artistes, 
avaieiil  leur  place  dans  le  cycle  cncyclopeduiue  du  moyeu  àye,  et  les 
auteurs  antiques  faisaient  la  plupart  du  temps  les  frais  de  cette  histoire 
naturelle,  scrupuleusement  figurée  par  nos  peintres  ou  sculpteurs  des 
\ii'-  et  Mil-'  siècles,  afin  de  faire  connaître  au  peuple  toutes  les  œuvres  de 
la  création  (voy.  bestiauu:). 

Mais  revenons  aux  arts  libéraux.  L'ne  des  plus  i)elles  collections  des  arts 
lil)eraux  ti-ures  se  voit  au  portail  occidental  de  la  cathédrale  de  Laon 
(de  h2IOa  h2-20),  dans  les  voussures  de  lajjjrande  haie  de  ^^auclie, au-dessus 
du  porche.  Là,  les  figures  sont  au  nombre  de  dix.  La  première,  à  gauche, 
représente  la  Philosophie  ou  la  Théologie  (()).  Cette  statuette  tient  un 


FEG-MKB 


Pe^M^û 


sceptre  de  la  main  gauche  %  dans  la  droite  un  livre  ouvert  ;  au-dessus  un 
livre  fermé.  11  est  à  présumer  que  le  livre  fermé  représente  l'Ancien  Testa- 
ment, et  le  livre  ouveil  le  Nouveau.  Sa  tète  n'est  pas  couronnée  connue  à 
Sens,  mais  se  perd  dans  une  nuée;  une  échelle  part  de  ses  pieds  pour 
arriver  jusqu'à  son  col,  et  figure  la  succession  de  degrés  qu'il  faut  franchir 
pour  arriver  à  la  connaissance  parfaite  de  la  reine  des  sciences.  La  seconde, 
au-dessus,  représente  la  Grammaire  (7).  La  troisième,  la  Dialectique (8) ; 
un  serpent  lui  sert  de  ceinture.  La  (quatrième,  la  Rhétorique  (9).  La 
cinquième,  rArithmetique  ;  la  statuette  tient  des  boules  dans  ses  deux 


<  Le  sceptre  est  tirisé. 


[     AKTS     1  —    0    — 

imiins  (10).  La  piciiiici'c  ti^uiv  à  droite  icprcbeiile  lu  Médecine  (piobal)le- 

8  9 


/f  L'A  no  « 

nient)  ;  elle  i-ej^arde  à  travers  un  vase  (11).  La  seconde,  la  Peinture  (l'2); 


WÏÏTTT 


PEGhRD 


c'est  la  seule  statue  qui  soit  figurée  sous  les  traits  d'un  honnne  dessinant 


—    7    —  I    ARTS 

avec  1111  style  en  loriiif  de  eloii,  siti-  une  tiihlctle  peiila^oiiale.  La  troisième. 


la  Géométrie  (13).  La  quatrième,  rAslronomie  (11).  11  est  à  propos  de 


remarquer  que  le  disque  que  tient  cette  statue  de  l'Astronomie  est  coupé 


AUTS 


—   K 


par  iiii  (l(iul)l('  Irait  brisé;  iiumiic  chose  à  Sens.  A  (lliaili'c.^,  drs  aiij^es 
(iciiiicnt  ('^mIoihoiiI  dos  disquos  coupés  de  la  mriiK'  fav»?fi!  C»'  sont  là 
évidonimciit  dos  astrolabes  avec  leurs  alidades.  La  ci.  lièiiie  ,  la 
Musique  (15). 

Dans  le  socle  de  la  slalue  du  (^Juisl  (|ui  dt'Corail  le  liuuieau  de  la  callie- 
diale  de  Paris,  ('laieiil  S(ul|»tés  les  ails  libéraux.  Sur  luii  des  piliei's  (|ui 
servent  de  supports  aux  belles  statues  du  porche  septentrional  de  la  cathe 
drale  de  (Ihaiti'es   (l'iiid  environ) .  on    voit  ti{.iui'és   le  IMiilosophe   (l<>), 


16 


n 


^c. 


PhlLO.SOPHVS 


il'  PF&ARO.  se. 


l'Architecte  ou  leCéoinètre  (17),  le  Peintre  (l<S)  ;  il  tient  de  la  main  ijau- 
che  une  palette,  sur  laquelle  des  couleurs  épaisses  paraissent  posées;  de 
la  main  droite,  il  tenait  une  brosse  dont  il  ne  reste  (iiTim  moiceau  de  la 


—    •,»    —  [    ARTS    I 

haïupo  ,  ft   I»     crins  sur  la  paL'Itc.    Le  Médecin  (  |)rol)al)lenipnt)  1 19|  ; 


18. 


(9 


des  plantes  poussent  sous  ses  pieds;  le  haut  de  la  figure  est  mutilé'. 
Nous  trouvons  encore  une  série  assez  complète  des  arts  libéraux  figurés 

1  11  y  a  des  lois  qui  prononcent  des  peines  assez  sévères  contre  ceux  qui  mutilent 
les  édifices  publics;  les  cathédrales  et  les  églises,  que  nous  sachions,  ne  sont  pas 
exceptées.  Tous  les  jours,  cependant,  des  enfants  ,  à  la  sortie  des  écoles,  jettent  des 
pierres,  à  heures  fixes,  cor.ire  leurs  sculptures,  et  cela  sur  toute  la  surface  de  la 
France.  11  nous  est  arrivé  quelquefois  de  nous  plaindre  de  cette  habitude  sauvage; 
mais  la  jilainte  d'un  particulier  désintéressé  n'est  guère  écoutée.  Les  magistrats  chargés 
de  la  police  urbaine  rendraient  un  service  aux  arts  et  aux  artistes,  et  aussi  à  la  civili- 
sation, s'ils  voui;iient  faire  exécuter  à  cet  égard  l(>s  lois  on  vigueur.  On  le  fait  bien 
pour  la  destruction  intempestive  du  gibier.  Or  un  bas-relief  vaut,  sinon  pour  tout  le 
monde,  au  moins  pour  quelques-uns ,  une  perdrix  ,  et  les  lois  s'exécutent  d'ordinaire, 
quel  que  soit  le  petit  nombre  de  ceux  dont  elles  protègent  les  intérêts  (voy.  art.  237 

T.    II.  2  . 


[     ASrilA(iAI.K    I  10    

SOUS  k'  porclif  (le  la  lalliedialt'  de  Kiiltourj;  en  lirisj;aii.  Ici  lis  llt)lll^  des 
figures  sont  |)f'iii(s  sous  les  pieds  des  slalues.  Celte  collection  est  <k»nc 
précieuse,  en  ce  qu'elle  peut,  avec  le  manuscrit  dllerrade,  faciliter 
l'explication  (les  tij^ures  sculptées  ailleurs  et  qui  ne  sont  accompagnées 
que  d'attributs.  Ainsi,  à  Krihomg,  la  Dialectique  semble  compter  sur  ses 
doigts,  la  lîlielori(|ue  tient  un  pa(|uel  de  Heurs,  la  Médecine  regarde  h 
travers  une  bouteille,  la  Philosopliie  foule  un  dragon  sous  ses  pieds;  elle 
est  couronnée. 

On  voit  par  les  exemples  que  nous  donnons  ici  que,  dans  les  grandes 
cathédrales,  à  la  lin  du  xie'  sircjf  et  au  conuuencement  du  xin^',  les  arts 
lil)t''rau\occu|)ai('n(  une  place  importante;  c'est  qu'en  effet, à  cette  époque, 
l'élude  de  la  philosophie  anti(pie,  des  sciences  et  des  lettres,  était  en  grand 
honneur,  et  sur  nos  monuments  les  personnilications  des  arts  libéraux  se 
trouvaient  de  pair  a\ec  les  saints,  les  représentations  des  vertus,  la  para- 
bole des  vierges  sages  et  folles.  L'idée  de  former  un  (Misemble  des  arts, 
de  les  rendre  tous  sujets  de  la  philosoj)hie,  était  d'ailleurs  heureuse,  et 
explirpiait  parfaitement  les  tendances  encyclopédiques  des  esprits  élevés 
de  cette  époque. 

ASSEIVIBLAGE,  s.  m.  On  désigne  par  ce  mot  la  réunion  de  pièces  de 
charpente  (voy.  charpente)  . 

ASSISE,  s.  f.  Cha(|ue  lit  de  pierre,  de  moellon  ou  de  brique,  prend,  dans 
une  construction ,  le  nom  d'assise.  La  hauteur  des  assises  varie  dans  les 
édifices  du  moyen  âge  en  raison  de  hupialité  des  matériaux  dont  pouvaient 
disposer  les  constructeurs.  Chacun  sait  (pie  les  pierres  calcaires  se  ren- 
contrent sous  le  sol,  disposées  par  bancs  plus  ou  moins  épais.  Les  archi- 
tectes du  moyen  âge  avaient  le  bon  espiit  de  modifier  leur  construction  en 
raison  de  la  hauteur  natuielle  de  ces  bancs.  Ils  évitaient  ainsi  ces  déchets 
de  pierre  qui  sont  si  onéi-eux,  aujourd'hui  (pie  l'on  prétend  soumettre  la 
pierre  à  une  foriuo  d'architecture  souvent  en  désaccord  avec  la  hauteur 
des  bancs  naturels  des  pieri-es.  Les  constructeurs  antérieurs  à  l'éjioque 
de  la  renaissance  ne  connaissaient  |)as  les  sciages  qui  permettent  de 
débiter  un  banc  calcaire  en  un  plus  ou  luoins  grand  nombre  d'assises.  La 
pierre  était  (Muployee  telle  que  la  donnaient  les  carrières  ;  aussi  la  hauteur 
naturelle  des  assises  a-l-elle  une  iplluence  considérable  sur  la  forme  de 
l'architecture  des  édifices  d'une  même  époque  (voy.  construction). 

ASTRAGALE,  s.  m.  C'est  la  m(»ulure  (pii  sépare  le  chapiteau  du  fût  de  la 
colonne.  Ihins  les  ordres  romains,  lastragale  fait  partie  du  fût;  il  est 

(lu  code  Niipolooii,  rode  |H'ii;tl).  Toutes  k's  miililations  des  ligiiics  si  (•lll■i(■MS(■^ ,  et 
belles  souNcnl,  (|iic  mms  ;iv(tiis  données  ci-dessns,  sitnt  dues  bien  plus  ;hi\  nuiins  d(^s 
(Milants  sorlanl  de  nets  écoles  publiques  rpi'au  niarleau  des  déinolisx'uis  de  17915. 


—     Il     —  I     ASTRAGALE     ] 

(•(»iii|t(>s('  (I  un  cavt't,  diiii  lilcl  cl  (11111  lorc  (II.  Celle  tonne  est  suivie 
I  j,Tnéi'alenieiil  dans  les  éditices  des  premiers  temps  du  moyen 
à^'e.  Le  l'ùl  ûc  la  colonne  porte  l'astrafJiale  ;  mais,  à  partir  du 
XII"  siècle,  on  voit  souvent  Taslrajifale  tenir  au  chapiteau,  atin 
dV'viter  révideiuent  C()iisidt''ral)Ie  (|ue  son  d(''^Mp'ment  ohlii;»' 
de  taire  sur  le  tVit.  Tant  (pie  la  colonne  est  diminuée  ou  j4all)(}e, 
cet  évidement  ne  se  fait  (]ue  dans  une  pailie  du  l'ùl;  mais 
quand  la  colonne  devieiil  un  cylindre  parlait,  c'est-à-dire 
lorsque  son  diamètre  est  éjial  du  lias  en  haut,  à  dater  des  pre- 
mières années  du  xiii*'  siècl<',  rasirairale  (hnient,  sans  excep- 
tion, un  membre  du  chapileau.  Son  jirotil  varie  du  x''  an 
xvi"si('cle,  comme  tonne  et  comme  dimension.  Dans  les  édilices  de  lépocpie 
carlovingienne,  laslragale  prend,  relativement  à  la  hauteur  du  chapiteau 
et  au  diamètre  de  la  colonne,  une  plus  grande  importance  que  dans  les 
ordres  romains;  le  cavet  s'amoindrit  aux  dépens  du  lore,  ou  disparail 
complètement  [-2]  ',  ou  bien  est  remplacé  j)ar  un  ornement.  I.a  lorme  de 


/F 


..^^ 


li 


A". 


^. 


Taslragale  romain  faisant  partie  du  fût  de  la  colonne  est  surtout  conservée 
dans  les  contrées  où  les  monuments  antiques  restaient  debout.  A  Autun. 
à  Langres.  dans  la  Bourgogne,  dans  la  l*rovence,  en  Auvergne,  l'astragale 
conserve  habituellement  ses  membres  primitifs  jusqu'au  xiii»^  siècle;  seule- 
ment, pendant  le  xii'"  siècle,  ils  deviennent  plus  tins,  et  le  cavet,  au  lieu  de 
se  marier  au  fût,  en  est  séparé  par  une  légère  saillie  (3)  \  Quelquefois,  à 
cette  époque  de  recherche  dans  l'exécution  des  profils,  le  tore  de  l'astragale, 
au  lieu  de  présenter  en  coupe  un  demi-cercle,  est  aplati  (-i)^,  ou  est  com- 
posé de  fines  moulures,  ou  taillé  suivant  un  polygone  (5)  \  A  mesure  que 
la  sculpture  des  chapiteaux  devient  plus  élégante  et  refouillée,  que  les 

I  A,  df  la  ciyiile  de  l'église  Saiiil-béger  à  Soissoiis;  B,  de  la  crjple  de  l'église  de 
Saint-Denis  en  France;  C,  de  la  nef  de  l'église  Saint-.Menoii  (Hoiirbonnais). 
-  Calliédrale  de  Laiigres. 
*  Clocher  vieux  de  la  callK'dralc  lic  (lliarires. 
'  Salle  capiUilaire  de  Vézelav.  A;  Kglise  de  Montréal,  H  (Ronrgofjnc). 


I     ASlK.VtiAl.t     1  l'I    

diaiiièlies  des  colonnes  (ievieniit'iit  moins  t'oils  ,  les  astragales  perdent  de 


leur  lourdeur  primitive  et  se  détachent  bien  réellenienl  du  lïit.  Voici  (0)  un 
astragale  de  l'un  des  chapiteaux  du  clKeur  de  l'église  de  Vé/elay  (premières 
années  du  xiii*'  siècle)  ;  (7)  des  cluiititeaux  de  la  galerie  des  rois  de  Notre- 


jp 


1 


1 


Dame  de  Paris  (même  époque).  Puis  enlin  iinus  donnons  (S^  le  profil  de 
l'astragale  adopté  presque  sans  exception  pendant  le  xni''  siècle;  profil 
qui,  conformément  à  la  méthode  alors  usitée,  sert  de  larmier  à  la  colonne. 
Quehpu^fois.  dans  les  édifices  de  transition,  l'astragale  est  orné  ;  dans  le 
chœur  de  la  calhédiale  de  Paris  .  (pielques  chapiteaux  du  tritorium  sont 
munis  d'astragales  composés  de  rangées  de  petites  feuilles  deau  (iM  ;  plus 


jV. 


tard  encore  trouve-l-(jn  .  surloul  eu  Noniiaudie,  des  astragales  décorés, 
ainsi  qu'on  peut  le  remanjuer  dans  le  cho'ur  de  la  cathédiale  du  Mans  (10). 


13    I     VTTUIUITS     I 

l*eiulant  It'xivsit'cle.  les  astraiialpss'aniaiin'isscnt,  leurs  jjrfililsdoviciinciil- 
..  moins  acct'ntiu's  (1 1  ).  Au  XV  siècle,  ils  prciiiH'iit 

I  au  contraire  de  la  lourdeur  el  de  la  sécheresse, 


► 


^>>.^      connue  tous  les  profils  de  cette  époque;  ils  ont 

1^^^^  une  forle  saillie  (|iii  contraste  avec  l'excessive 

J^^^^  maigreur  des  coloimeltes  ou  prismes  verticaux 

(l'2).  11  n'est  pas  l)(>soin  d'ajouter  ([u'au  moment 

de  la   renaissance   l'astragale   romain   reparait 

A'  "    f        avec  les  imitations  des  ordres  de  l'antiquité. 

ATTRIBUTS,  s.  m.  p.  Ce  soiit  les  objets  enq)runtés  à  l'ordre  matériel, 
qui  accompagnent  certaines  tiguressculptéesou  peintes  pour  les  faire  recon- 
naître, ou  (|ue  l'on  introduit  dans  la  décoration  des  édifices  atin  d'accuser 
leur  destination,  quchpietois  aussi  le  molit'qui  les  a  fait  eleviM-;  de  rappeler 
certains  événements,  le  souvenir  des  personnages  qui  ont  contribué  à  leur 
exécution,  des  saintsauxquels  ils  sont  dédiés. L'antiquitégrecque  et  romaine 
a  prodigué  les  attributs  dans  ses  monuments  sacrés  ou  profanes.  Le  moyen 
âge. jusqu'à  l'époquedela  renaissance,  s'est  montré  au  contraire  avarede  ce 
genre  de  décoration.  Les  personnages  divins,  les  apôtres,  les  saints  ne  sont 
que  rarement  acconq^agnés  d'attributs  jusque  vers  le  milieu  du  xni«*  siècle 
(voy.  APÔTRE,  saints)  ,  OU  du  moms  ces  attributs  n'ont  pas  un  caractère 
particulier  à  chafjue  personnage  :  ainsi  les  prophètes  portent  généralement 
des  phylactères;  Notre-Seigneur,  les  apôtres,  des  rouleaux  ou  des  livres*  ; 
les  martyrs,  des  palmes.  La  sainte  Vierge  est  un  des  personnages  sacrés 
que  l'on  voit  le  plus  anciennement  accompagné  d'attributs  (voy.  viergk 
sainte).  Mais  les  ligures  qui  accompagnent  la  divinité  ou  les  saints  person- 
nages, les  vertus  et  les  vices,  sont  plutôt  des  symboles  que  des  atfi'ibuts 

'   "  El  remarque  ,  dit  Giiilhuiine  Durand,  que  les  patriarches  et  les  prophètes 

sout  peints  avec  des  rouleaux  dans  leurs  mains,  et  certains  apôtres  avec  des  livres, 
et  certains  autres  avec  des  rouleaux.  Sans  doute  parce  qu'avant  la  venue  du 
Christ  la  foi  se  montrait  dune  manière  figurative,  el  qu'elle  était  enveloppée 
de  heauciiup  dohscurités  au-dedans  d'elle-même.  C'est  pour  exprimer  cela  que 
les  patriarches  et  le-  prophètes  sont  peints  avec  des  rouleaux,  par  lesquels  est 
désignée  en  quelque  sorte  une  coniiaiss;ince  imparfaite;  mais  comme  les  apôlres 
ont  élé  parCaiteuient  instruits  par  le  Christ,  voilà  pourquoi  ils  peuvent  se  servir 
des  livres  par  lesquels  est  désignée  convenablement  la  connaissance  parfaite.  Or, 
comme  certains  «l'entre  eux  ont  rédigé  ce  qu'ils  ont  appris  pour  le  l'aire  servir  à 
renseignement  des  autres,  voilà  pourquoi  ils  sont  dépeints  convenablement,  ainsi 
que  des  docteurs ,  avec  des  lixrcs  dans  leurs  mains  ,  comme  Paul ,  Pierre ,  .Jacques 
et  Jude.  Mais  les  autres,  n'ayant  rien  écrit  de  stable  ou  d'approuvé  par  l'Kglise, 
sont  représentés  non  avec  des  livres,  mais  avec  des  rouleaux^   eu  signe  de  leur 

prédication.  On   représente,  ajoute-l-il   plus  loin,   les  confesseurs  avec   leurs 

attrilmis;  les  évéques  mitres,  les  abbés  encapuchonnés,  et  parfois  avec  des  lis  <|ui 
désignent  la  chasieté  ;  les  docteurs  avec  des  livres  dans  leurs  mains,  el  les  vierges 

'd'après  l'Kvangde'i  avec  des  lanq)es tiJuillaume  Durand,  lialional,  trail.  par 

M.  C.  Rarihélemv,  chap.  m.  l'aris,  l8o4.i 


[    AIJBlbK    ]  li    

prnpronioiit  dits.  F. os  attril)iits  no  so  sont  ^uhv  iiifrodiiits  dans  les  arts 
plasti(iu«'s  que  l()rs(|iu'  l'ait  inclinait  vers  lo  réalisme,  au  coninuMicenion! 
du  XIV  siècle.  C'est  alors  que  l'on  voit  les  saints  représentés  tenant  en  main 
les  instruments  de  leur  martyre;  les  personna^'es  profanes,  les  objets  qui 
indiquent  leur  lanjj;  ou  leur  état,  leurs ^'oùts  ou  leurs  passions. 

Il  est  essentiel,  dans  l'étude  des  monuments  du  moyen  âge,  de  distin- 
liucv  les  attributs  des  symboles.  Ainsi,  |)ar  exeinple ,  le  démon  sous  la 
tij^ure  d'un  draj^on  (|ui  se  trouve  sculpté  sous  les  pieds  de  la  plupart  des 
statues  d'évèques,  mordant  le  bout  du  bâton  pastoral,  est  un  symbole  et 
non  un  attribut.  L'aj^neau,  le  pélican,  le  phénix,  le  lion,  sont  des  fijrures 
symboliques  de  la  divinité,  mais  non  des  attributs;  les  clefs  entre  les 
mains  de  saint  Pierre  sont  un  synd)oIe,  tandis  que  la  croix  en  sautoir 
entre  les  mains  de  saint  Andi'é.  le  calice  entre  les  mains  de  saint  Jean,  le 
coutelas  entre  les  mains  de  saint  liaithélemy,  léquerre  entre  les  mains 
de  saint  Thomas,  sont  des  attributs. 

Sur  les  monuments  de  l'antiquité  romaine,  on  trouve  fréquemment 
représentés  des  objets  tels  que  des  instruments  de  sacrifice  sur  les  temples, 
des  armes  sur  les  arcs  de  triom|)he,  desmascpies  sur  les  théâtres,  des  chars 
sur  les  hippodromes;  rien  d'analoi^ue  dans  nos  édifices  chrétiens  tlu  moyen 
âf?e  (voy.  décoration,  ohxkmknt),  soit  relij^ieux,  civils  ou  militaires.  Ce  n'est 
fîuère  qu'à  l'époque  de  la  renaissance,  alors  que  \o  ^où{  de  Timitation  des 
arts  antiques  prévalut,  que  l'on  couvrit  d'allributs  les  édifices  sacrés 
ou  profanes;  que  l'on  sculpta  ou  peignit  des  instruments  relif^ieux  sur 
les  parois  des  éiïlises;  sur  les  murs  des  palais,  des  trophét^s  ou  des 
emblèmes  de  fêtes,  et  même  souvent  des  objets  empruntés  au  |)aganisme 
et  qui  n'étaient  plus  en  usaye  au  milieu  de  la  société  de  celte  époque. 
Etrange  confusion  d'idées,  en  eflet,  que  celle  qui  faisait  réunir  sur  la  frise 
d'une  église  des  têtes  de  victimes  à  des  ciboires  ou  des  calices;  sur  les 
trumeaux  d'un  |)alais,  des  boucliers  romains  à  des  canons. 

AUBIER,  s.  m.  C'est  la  partie  blanche  et  spongieuse  du  bois  de  chêne  (jui 
se  trouve  immédiatement  sous  l'écorce  et  qui  entoure  le  cœur.  L'aubier 
n'a  ni  durée  ni  solidité,  sa  présence  a  l'inconvénient  d'engendrcM-  les  vers 
et  de  provoquer  la  carie  du  bois.  Les  anciennes  charpentes  sont  toujours 
parfaitement  j)urgées  de  leur  aubier,  aussi  se  sont-elles  bien  conservées. 
Il  existait  autrefois,  dans  les  forêts  des  Caules,  une  es|)èce  de  chêne,  dile 
chêne  blanc,  disparue  aujourd'hui,  qui  possédait  cet  avantage  de  donner 
des  pièces  d'une  grande  longueur,  droites,  et  d'un  diamètre  à  peu  près 
égal  du  bas  en  liaul  ;  ce  chêne  n'avait  que  peu  d'aubier  sous  son  écorce, 
et  on  l'employait  en  brins  sans  le  refendre.  Nous  avons  vu  beaucoup  de 
ces  bois  dans  des  charpentes  cxéculées  j)endanl  lès  xni'',  xivet  xv  siècles, 
qui,  simplement  é(|uanis  à  la  hache  et  laissanl  voir  parfois  l'écorce  sur 
les  arêtes,  sont  à  j)eine  chargés  d'aubier.  Il  y  aurait  un  avanlage  considé- 
rable, il  nous  semble,  à  tenter  de  retrouver  et  de  reproduire  une  essence 
(le  bois  possédani  fies  qualités  aussi  ])récieuses  (\<>\.  ciiviu'kmk). 


I.")    [    AUTEL    ] 

AUTEL,  s.  ni.  Tout  ce  (|u»'  Von  peut  savoir  des  autels  de  la  primitive 
Église,  c'est  (|u"ils  étaient  inditl'éreiunient  de  bois,  de  pierre  ou  de  métal- 
P(Mi(hmf  les  temps  de  persécution,  les  autels  ('laient  souvent  des  tables  de 
bois  (jue  l'on  j)ouvait  tacilement  transporter  d'un  lieu  à  un  autre.  L'autel 
deSaint-.lean-de-Latran  était  de  bois.  L'empereurConstantin  ayant  rendu 
la  paix  à  l'Kuiise  chrétiemie,  saint  Sylvestre  fit  placer  ostensiblement  dans 
cette  basili(|ue  l'autel  de  bois  qui  avait  servi  dans  les  temps  d'épreuves^ 
avec  défense  (ju'aucun  autre  (]ue  le  pape  n'y  «lit  la  messe.  Ces  autels  de 
bois  étaient  faits  en  forme  de  coftre,  c'est-à-dire  qu'ils  étaient  creux.  Saint 
xVugustin  raconte  que  Maximin,  évèquede  lia{.;ai  en  Afriiiue,  fut  massacré 
sous  un  autel  de  bois  que  les  Donatistes  enfoncèrent  sur  lui.  Grég;oire  de 
Tours  se  sert  souvent  du  mot  archa,  au  lieu  d'ara  ou  d'altare,  pour  dési- 
gner l'autel.  Ces  autels  de  bois  étaient  revêtus  de  matières  précieuses,  or, 
argent  et  pierreries.  L'autel  de  Sainte-Sophie  deConstantinople,  donné  par 
l'impératrice  Pulchérie,  consistait  en  une  table  d'or  garnie  de  pierreries. 

Il  est  d'usage  depuis  plusieurs  siècles  d'offrir  le  saint  sacrifice  sur  des 
autels  de  pierre,  ou  si  les  autels  sont  de  bois  ou  de  toute  autre  matière, 
faut-il  qu'il  y  ait  au  milieu  une  dalle  de  pierre  consacrée  ou  autel  portatif. 
Il  ne  send)le  pas  que  les  autels  portatifs  consacrés  aient  été  admis  avant  le 
vm»"  siècle,  et  l'on  pouvait  dire  la  messe  sur  des  autels  d'or,  d'argent  ou  de 
bois.  Théodoret,  évèque  de  Cyr,  qui  vivait  pendant  la  première  moitié  du 
v«  siècle,  célébra  les  divins  mystères  sur  les  mains  de  ses  diacres,  à  la 
prière  du  saint  ermite  Maris,  ainsi  qu'il  le  dit  dans  son  Histoire  religieuse^ 
Théodore,  archevêque  de  Cantorbéry,  mort  en  690,  fait  observer,  dans 
son  Pénitenliel  ^,  qu'on  peut  dire  la  messe  en  pleine  campagne  sans  autel 
portatif,  pourvu  qu'un  prêtre,  ou  un  diacre,  ou  celui  même  qui  dit  la 
messe,  tienne  le  calice  et  l'oblation  entre  ses  mains.  Les  autels  portatifs 
paraissent  avoir  été  imposés  dans  les  cas  de  nécessité  absolue  dès  le 
viii'"  siècle.  Bède,  dans  son  Histoire  des  Anglais,  parle  d'autels  portatifs 
que  les  deux  Evvaldes  portaient  avec  eux  partout  où  ils  allaient  ^  Hincmar, 
archevêque  de  Reims,  mort  en  882,  permit,  dans  ses  Capitulaires,  l'usage 
des  autels  portatifs  *  en  pierre,  en  marbre  ou  en  mosaïques.  Pendant  les 
XI*  et  xir  siècles,  ces  autels  portatifs  devinrent  fort  communs;  on  les 

'  ...  «  Ego  verb  libenterobtemper:ivi ,  et  sacra  vasa  adfeni  jussi  (nec  enim  prociil 
"  aberat  locus).  Diacouunique  manibiis  utens  pro  allari  ,  mysticum  ol  tlivinum  ac 
•<   salulare  sacrificium  obtiili.    • 

î  Cap.  II. 

'  Diicange,  Gloss. 

'  Cap.  III.  n  ....Nemo  presbyterorum  in  ;iltavi(i  ab  eplscopo  non  consecralo  cantare 
•  présumât.  Oiiapropter  si  nécessitas  poposcerit .  donec  ecclesia  vel  altaria  cunse- 
"  crentur,  et  in  capellis  etiam  quic  conseciationeni  non  nieientur,  tabulam  (piisque 
■'  presbvter,  ciii  necessai inin  lïierit,  de  niarnioie,  vel  nigra  petra,  aut  lUro  bonestis- 
"  sinio  ,  secundnni  suani  possibililalein ,  iioneste  aireclatam  iiabcal ,  et  nobis  ad 
"  conseciamlnm  nlVi^ral ,  ipiani  scciini ,  cùin  expedierit,  deseiat ,  in  qiia  sacra  niysteria 
■    secnndnni  liUini  ccclesiaruni  ant-re  valeat.    ■ 


I     Al'TKI.     I  _     |(i    _ 

fiii|)(»rl;iil  dans  les  voya^os.  Aussi  l'Ordre  romain  les  appnllo-t-ii  lahukis 
ilinerarias.  Les  inventaires  des  trésors  d  églises  l'ont  mention  fréquem- 
ment d  autels  portatifs. 

Sur  les  tables  d'autels  fixes,  il  était  d'usage,  dès  avant  le  ix^  siècle, 
d'incruster  des  propitialoircs ,  (\u\  étaient  des  p!a(|M('s  d"or  ou  d'argent 
sur  Icscpicllcs  on  oilVaii  Ir  saint  sacrifice.  Anaslliasc  le  lîihiiothecaire  dit, 
dans  sa  Vie  du  pape  Pascal  /■•■,  que  ce  souverain  ixinlife  lit  poser  un  pro- 
pitiatoire en  argent  sur  l'autel  de  Saint-Pierre  de  Rome,  un  sur  l'autel  de 
l'église  de  Sainte-Praxède,  sur  les  autels  de  Sainte-Marie  de  Cosmedin,  de 
la  basilique  de  Sainte-Marie-Majeure.  Le  pa|)e  Léon  IV  fit  également  faire 
un  propitiatoire  pesant  lH  livres  d'argent  et  SO  livies  d'or  pour  l'autel  de 
la  i)asili(|U('  de  Saint-Pierre. 

Les  autels  primitifs,  cpi'ils  fussent  de  pierre,  de  bois  ou  de  métal,  étaient 
creux.  L'autel  d'or  di'essé  par  l'archevêque  Angelbert  dans  l'église  de 
Saint-And)roise  de  Milan  était  creux,  o\  l'on  pouvait  apercevoir  les  reliques 
qu'il  contenait  par  une  ouverture  percée  par  derrière  '. 

Ij'évèque  Adelhelme,  (pii  vivait  à  la  lin  du  ix<siècle,  raconte  qu'un  soldat 
du  r()'\  P»ozon.  qui  elait  devenu  aveugle,  recouvra  la  vue  en  se  glissant  sous 
l'autel  de  l'église  de  Mouclii-le-Nenf.  du  diocèse  de  l*aris,  ])endant  que  l'on 
célébrait  la  messe.  Lesmonnnicnis  \iennent  à  cet  égard  appuyei'les  textes 
nombreux  que  nous  croyons  inutile  de  citer";  les  autels  les  plus  anciens 
coimus  sont  généralement  portés  sur  une  ou  plusieurs  colonnes'  (1  et  2). 
Laplu|)art  des  autels  grecs  étaient  portés  sur  une  seule  colonne.  L'usage 
des  autels  creux  ou  portés  sur  des  points  d'appui  isolés  s'est  conservé 
jusqu'au  xv^"  siècle.  L'autel  n'était  considéré  jus(|u'alors  que  comme  une 
table  sous  laquelle  on  plaçait  parfois  de  saintes  reliques,  ou  qui  était  élevée 
au-dessus  d'une  crypte  renfermant  un  corps  saint;  car,  à  vrai  dire,  les 
reli(|uaii'es  étaient  plut(M,  jjendaid  le  moyen  âge,  posés,  à  certaines  occa- 
sions, sui-  l'autel  que  dessous  '.   Il  n'existe  ])lns,  que  nous  sachions,  en 


'  Ughdliis,  t.  IV. 

-  Voy.  Disnert.  ecclés.  sur  los  princip.  aiilfls  dcK  ('ylisi's,  par  ,1.-15.  Tliiers.  Paris, 
1 6H8.  Nous  ne  pouvons  mieux  faire  que  de  renvoyer  nos  lecteurs  à  ce  curieux  ouvrage, 
plein  de  recherclies  savantes. 

'  1-a  tiniire  1  donne  l'anlel  do  la  cliapoUo  do  la  Viorçto  do  rôtjliso  do  Montr(^al 
(IJourL^o^no);  cet  aulel  osl  du  xii'  siècle,  l.a  liiçuro  2,  le  nuiilro  aulol  de  l'église  de 
Bois-Saiiite-Marie  (Saône-el-Loire)  ;  col  autel  est  du  \i'  siècle.  A  est  le  socle  avec 
rincruslomenl  des  colonneltes  ;  15,  le  chapiteau  ilc  la  colonuelle  centrale;  C,  la  base 
d'iMio  dos  quatre  colonnes.  Nous  deviuis  ce  dessin  :i  roi)ligeanco  de  M.  Millet,  rarchi- 
tecte  lie  la  curieuse  église  de  Bois-Sainlo-Marie. 

'  «  Rien  ne  nous  porte  à  croire,  dit  Tliiers  dans  ses  Disucrl.  sni'  /es  )>riiicip. 
autch  (/('.s  ('(//j'st's  (p.  42),  qu'un  ait  mis  des  reliques  des  saints  sur  les  autels  avant  le 
IX'  siècle;  nul  canon,  nul  décret,  nul  règleineut.  nul  exemple,  nul  témoignage  des 
écrivains  ecclésiastiques,  ne  nou>  le  persuade  ;  ou,  si  l'on  y  eu  a  mis,  les  saints  de  qui 
elles  étoients'en  sont  olfensés  et  les  ont  fait  ôier....  Dans  le  x'  siècle  même,  <|uelquos 
saints  ont  cru  qu'il  y  avoit  de  l'irrévérence  à  mettre  leurs  reliques  sur  les  autels.  En 


ALTKI. 


France,   d'autels  complets   d'uiie    certaine    importance   antérieurs   au 
XII*  siècle.  On  en  trouve  fitfurés  dans  des  manuscrils  ou  des  bas-reliefs 


f    S2 > 


-5iL. 


M. 


PIOAKD  Sf 


avant  cette  époque;  mais  ils  sont  très-simples,  presque  toujours  sans 
retables,  composés  seulement  d'une  table  supportée  par  des  colonnes  et 
recouverte  de  nappes  tombant  sur  les  deux  côtés  jusqu'au  sol.  I/usage 
des  retables  est  cependant  fort  ancien,  témoin  le  l'etable  d'or  donné  par 
l'empereur  Henri  II  à  la  catbédrale  de  Bàle,  en  lOH),  et  conservé  aujour- 
d'iiui  au  musée  de  Cluni  (voy.  retable)  ;  le  grand  retable  d'or  émaillé  et 
enrichi  de  pierreries  déposé  sur  le  maitre-autel  de  l'église  Saint-Marc  de 
Venise,  connu  sous  le  nom  de  la  Pala  d'oro ,  et  dont  une  partie  date  de 
la  fin  du  xt"  siècle;  celui  conservé  autrefois  dans  le  trésor  de  wSaint-Denis. 
L'autel  étant  consacré  dès  les  premiers  siècles,  aucune  image  ne  devait 
y  être  déposée  en  présence  de  l'Eucharistie  ;  mais  le  retable  ne  l'étant 
point^  on  pouvait  le  couvrir  de  représentations  de  personnages  saints,  de 
scènes  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament.  Sauf  dans  certaines  cathé- 
drales, à  dater  du  xii''  siècle,  les  autels  sont  donc  surmontés  de  retables 


voiri  un  exemple  qui  ne  peut  pas  raisonnablement  èU-e  contesté.  Bernou  1 ,  al)l)e  de 
(;iuni,  rapporte  i;apu(l  S.  Odon,  abb.  (".luniac.,  L.  2)  «  qu'aussitôt  qu'on  eut  mis,  pour 
(luelqucs  jours  seulement,  les  reliques  de  sainte  Cauburge  sur  l'aulel  d'une  église  de 
son  nom,  et  voisine  de  Cluni,  les  miracles  qui  s'y  faisoient  cessèrent;  et  que  celte 
sainte,  étant  apparue  à  l'un  des  malades  qui  imploroit  son  assistance,  lui  dit  que  la 
raison  pour  laqm  lie  il  ne  recouvroil  pas  la  santé  était  parce  qu'on  avoit  mis  ses 
reliques  sur  l'autel  du  Seigneur,  qui  ne  doit  servir  qu'a  la  célébration  des  mystères 
divins.  Ce  qui  donna  occasion  de  les  en  ôler  et  de  les  rapporter  dans  le  lieu  où  elles 
étoienl  auparavant.  El  au  même  instant  les  miracles  continuèrent  de  s'y  l'aire.  >•  (Juil- 
laume  luraiid.  dans  sim  Hatioiial  dci^  diviiin  officea  (cliap.  III,  p.  xxv),  qui  date  du 
XIII'  siècle,  admet  les  châsses  des  saints  sur  les  autels.  11  dit  :  ■<  ...  Et  les  (liasses 
(capsse)  posées  sur  l'autel,  qui  est  le  Christ,  ce  sont  les  apôtres  et  les  imrtyrs •■ 

T.     II.  3 


ALTKL 


—    \H 


fori  riches,  et  souvent  d'une  j^Tande  diinension.  (Jmmt  nu\  lal)les  des 
autels,  jusque  vers  la  ninilié  du  xii''  sièch^  elles  sont  très-fréqueininenl 
ereus(''es  en  forme  de  plateau.  Saint  lienii.  ai(lievè(|nr  de  Lyon,  avait 


■  1,1,5. 


B!g^i^iii-'''''1ii!||||||iiilllii!li|liil!::!:''''''ii!llii  ''i'i'li 


donné  à  l'église  Saint-Élienne,  pendant  le  ix*-  siècle,  un  autel  de  niarhre 
dont  la  table  était  creusée  de  si\  centimètres  environ,  avec  de  petits 
oritices  à  chacun  des  coins  '.  1).  Mahillon  reproduit,  dans  le  troisième 
volume  de  ses  Annales  liemdiciini ,  une  tahle  daulel  de  sept  palmes  de 
long  sur  quatre  de  large,  donnée  par  l'abbé  Tresmirus  à  son  monastère 
de  Mont-Olivet,  du  diocèse  de  Carcassonne,  également  creusée  et  remplie 
d'inscriptions  et  d'ornements  gravés,  avec  les  quatre  signes  des  évangé- 
listes  aux  quatre  c(»ins\   La  grande   table  du  maitre-autel  de   l'église 

'    loyaijcs  lUurgiques  de  France,  par  le  sieur  de  .Moléon,  p.  80.  l'aris,  1718. 

-  L'inscription  qui  faille  tour  de  la  table  est  ainsi  conçue  :  «  'Jresniirus,  gralia  dei 


—    Ï^J   —  [    ALTtL    J 

Saint-S(Mniii  do  TkuIouso.  retrouvée  depuis  (iiiel(|nos  annéos  dans  l'une 
des  ehaiH'lles,  et  conservée  dans  cette  é^dise,  était  eiialeiuent  entourée 
d'une  riche  hordure  d"orneinents  et  creusée  ;  cette  table  parait  appartenir 
à  la  première  moitié  du  xii^'  siècle.  Il  semlde  que  ces  tables  aient  été 
creusées  et  percées  de  trous  afin  de  pouvoir  être  lavées  sans  crainte  de 
répandie  à  terre  l'eau  qui  pouvait   entraîner  des  parcelles  des  saintes 

espèces.  Voici  (3)  la  tl^aire 
de  l'autel  de  la  tribune  de 
l'éj^dise  (le  Montréal  près  Aval- 
Ion,  dont  la  table,  portée  sur 
une  seule  colonne,  est  ainsi 
creusée  et  percée  d'un  petit 
orifice  '.  «  Le  fjrand  autel  de 
la  cathédrale  de  Lyon,  dit  le 
sieur  de  Moléon  ,  dans  ses 
Voi/ages  liturgiques  - ,  est 
ceint  d'une  balustrade  de  cui- 
vre assez  légère ,  haute  de 
deux  pieds  environ,  et  elle  finit  au  niveau  du  derrière  de  l'autel,  qui  est 
large  environ  de  cinq  pieds.  L'autel,  dont  la  table  de  marbre  est  un  peu 
creusée  par-dessus,  est  fort  simple,  orné  seulement  d'un  parement  par 
devant  et  d'un  auli'e  au  retable  d'au-dessus.  Sur  ce  retable  sont  deux 
croix  aux  deux  côtés;  Scaliger  dit  qu'il  n'y  en  avait  point  de  son  temps. 
Guillaume  Durand,  dans  son  Rational,  que  l'on  ne  saurait  tiop  lire  et 
méditer  lorsqu'on  veut  connaître  le  moyen  âge  catholique',  s'étend  longue- 
ment sur  l'autel  et  la  signification  des  diverses  parties  qui  le  composent. 
«  L'autel,  dit-il  d'après  les  Ecritures,  avait  beaucoup  de  parties,  à  savoir 
la  haute  et  la  basse,  l'intérieure  et  l'extérieure....  Le  haut  de  l'autel,  c'est 
Dieu-Trinité,  c'est  aussi  l'Eglise  triomphante....  Le  bas  de  l'autel,  c'est 
l'Eglise  militante;  c'est  encore  la  table  du  temple,  dont  il  est  dit  :  «  Passez 
«  les  jours  de  letes  dans  de  saints  repas  .  assis  et  pressés  à  ma  table  près 
«  du  coin  de  l'autel....  »  L'intérieur  de  l'autel,  c'est  la  pureté  du  cœur.... 


\ 


.  f£^ARa.  se. 


abbas,  edificavit  banc  dorauni,  et  jussil  dedicare  in  fiouore  saiicte  Trinilatis,  id  est 
palris .  et  filii,  et  spirilus  sancti.  Deo  gratias.  »  Dans  la  longueur,  on  lit  cette  autre 
inscription  :  »  Amelius,  uutu  dei  viceconies.  »  En  cercle  sont  gravées  les  inscriptions 
suivantes  :  autour  de  la  télé  de  lion  (saint  Marc)  :  ■  Vox  per  déserta  frendens  leocujus 
imagineui  Marcustenet"-,  autour  de  la  tète  de  l'aigle  (saint  Jean)  :  «  More  volatiir  aquila 
ad  astra  cujus  figurani  Johannes  lenel  »;  autour  de  la  tète  du  ve;iu  (saint  Luc):  •■  Rite 
mactatur  taurus  ad  aram  cujus  tipum  Lucas  tenet  »  ;  autour  de  la  tète  de  l'ange 
saint  Mathieu)  :  «  Specieni  tenet  et  naturani  Matheusut  bomo.   »  ^T.  \\\,  p.  i95.) 

'  Cet  autel  date  de  la  fin  du  xir  siècle. 

«   Page  4i. 

•'  Rational,  cbap.  ii.  (iuiilaunie  Durand,  èvèque  île  Mende,  nnuirul  a  la  lin  du 
xiir  siècle.  Trad.  par  M.  C  Hartlièlemy.  Paris,  18;)4. 


1    ALTKL    I  _    .2(»    — 

L'pxtt'riciir  de  I  iiiilcl.  cCst  le  hi'iclit'r  ou  r;int('l  iik'ihc  de  la  croix....  Kn 
sot'oiid  lieu,  laiilrl  siiiiiitic  aussi  lE^disc  spiiiliicllc  ;  «M  ses  (|iialn' coins, 
1rs  qiialiv  pai'licsdii  monde  sur  l('S(|U('ll('s  IKi^lisc  clond  son  cnipiic.  Troi- 
sirnicnirnl.  il  est  1  inia;;»'  du  (Muisl,  sans  le(iu<'l  aucun  don  no  peut  tMre 
offert  d'une  manière  aj^réable  au  J*ère.  C'est  pourquoi  l'Ejilise  a  coutume 
d'adresser  ses  prièi-f^s  au  Père  par  l'entremise  du  (llnisl.  Un^drièmement, 
il  est  la  fiij:ure  du  cor|)s  du  Seii;neur ;  cinquièmement,  il  leprésenle  la  lable 
SIM'  la(|ucllc  ledhrist  but  el  mant;ea  avec  ses  disciples.  Or.  poursuit-il.  on 
lil  dans  lExode  (|uc  Ion  dèj)osa  dans  l'arche  du  Testament  ou  du  Témoi- 
jiua^e  la  déclai-alion,  c'est-à-dire  les  tables  sur  lescjuelles  était  écrit  le 
témoi^Miajjre,  on  peut  mèmedire  les  témoif^nagesdu  Seigfneurà  son  peuple, 
et  cela  fut  tait  pour  montrer  que  Dieu  avait  fait  revivre  par  l'écriture  des 
tables  la  loi  naturelle  }»ravée  dans  les  cœurs  des  bonnnes.  On  y  mit  encore 
une  urne  d'or  pleine  de  manne  pour  attestei'  qu(>  l)i<Mi  avait  domi('>  du  ciel 
du  })ain  aux  tils  dlsiafl,  cl  lavcriie  dAaron  pour  monticr  (jue  toute  jjuis- 
sance  vient  du  Seigneur-Dieu  ,  et  le  Deutéronome  en  signe  du  pacte  par 
lequel  le  j)euj)le  avait  dit  :  «  Nous  ferons  tout  ce  que  le  Seigneur  nous  dira.» 
Et  à  cause  de  cela  l'arche  fut  appelée  l'Arche  du  Témoignage  ou  du  Testa- 
ment, et,  à  cause  de  cela  encore,  le  Tabernacle  fut  appelé  le  Tabernacle 
du  Témoignage.  Or,  on  lit  un  jiropitialoire  ou  couverture  sur  l'Arche.... 
(^est  à  limitation  de  cela  ([ue  dans  certaines  églises  on  place  sur  lautel 
une  arche  ou  un  tabernacle  dans  lequel  on  dépose  le  corps  du  Seigneur  el 
les  reliques  des  saints....  Donc,  ajoute  (iuillaume  Durand  plus  loin,  par 
l'autel  il  faut  entendre  notre  co'ur;...  et  le  cœur  est  au  milieu  du  corps 
comiue  l'autel  est  au  milieu  de  l'église.  C'est  au  sujet  de  cet  autel  que  le 
Seigneur  donne  cet  ordr<'  <lans  le  Lévilique:  «l.e  feu  brûlera  toujours  sur 
«  mon  autel.  »  Le  feu,  c'est  la  charité;  l'autel,  c'est  un  co'ui-  pur....  Les 
linges  blancs  dont  on  couvre  l'autel  représentent  la  chair  ou  l'humanité 
du  Sauveur....  »  Cuillaume  Durand  termine  son  chapitre  de  l'Autel,  en 
disant  que  jamais  l'autel  ne  doit  être  dépouillé  ni  revêtu  de  parements 
lugubres  ou  d't'pines,  si  ce  n'est  au  jour  <le  la  Passion  du  Seigneur  (ce 
que,  ajoute-t-il,  rei)rouve  aujourd'hui  le  concil(Mle  Lyon),  ou  lorsque 
l'Kglise  est  injustement  dépouillée  de  ses  droits.  Dans  son  chapitre  m 
(des  Peintures,  etc.),  il  dit  :  «  On  j)eint  quelquefois  les  images  des  saints 
Pères  sur  le  retable  de  l'autel....  Les  ornements  de  l'autel  sont  des  coti'res 
et  des  châsses  (capsis) ,  des  tentures,  des  phylactères  (pliilotteriis) ,  des 
chandeliiMs,  des  croix,  des  franges  d'or,  des  bannières,  des  livres,  des 
voiles  et  d(  s  courtines.  Le  colfre  dans  lefjuel  on  conserve  les  hosti(^s  con- 
sacrées signifie  le  corps  de  la  Vierge  glorieuse....  Il  est  parfois  de  bois, 
parfois  d'ivoire  blanc,  parfois  d'argent,  parfois  d'or  et  parfois  de  cristal.... 
Le  même  coffre,  lorsqu'il  contient  les  hosties  consacrées  et  non  consacrées, 
désigne  la  mémoire  humaine  ;  cai'  l'honnne  doit  se  rappeler  contimu'lle- 
ment  les  biens  (|u'il  a  icçus  de  Dieu  .  tant  les  lenqxirels.  q\\\  sont  figurés 
par  les  hosties  non  consacrées,  que  les  spirituels,  représentes  par  les  hos- 
ties consacrées...  Et  les  châsses  (capsœ)  posées  sur  l'autel, cpii  est  le  Christ. 


—    -21     —  [    AUTKL    ] 

ce  sont  les  apôtres  et  les  martyrs;  les  tentures  et  les  linj^es  de  l'autel,  ce 
sont  les  confesseurs,  les  vierges  et  tous  les  saints,  dont  le  Seigneur  dit  au 

prophète  :  «  Tu  te  revèlii'as  d'eux  eomnie  d'un  vtMenient »  On  j)la(e 

encore  sur  l'autel  même,  dans  certaines  églises,  le  lahernacle  {laberna- 
cuhim),  dont  il  a  été  parlé  au  chapitre  de  TAutel. 

«  Aux  coins  de  l'autel  sont  placés  à  demeuie  deux  chandeliers,  pour 
signitier  la  joie  des  deux  peuples  qui  se  réjouirent  de  la  nativité  du  Christ  ; 
ces  chandeliers,  au  milieu  desquels  est  la  croix,  portent  de  petits  tlam- 
beaux  allumés  ;  car  l'ange  dit  aux  pasteurs  :  ((  Je  vous  annonce  une  grande 
M  joie  qui  sera  pour  tout  le  peuple,  parce  qu'aujourd'hui  vous  est  né  le 
«  Sauveur  du  monde » 

«  Le  devant  de  l'autel  est  encore  orné  d'une  frange  d'or,  selon  cette 
parole  de  l'Exode  (chap.  xx\  et  xxvm)  :  «  Tu  nie  construiras  un  autel,  et 
«  tu  l'entoureras  d'une  guirlande  haute  de  quatre  doigts. 

«Le  livre  de  l'Evangile  est  aussi  placé  sur  l'autel,  parce  que  l'Evangile 
a  été  publié  par  le  Christ  lui-même  et  que  lui-même  en  rend  témoignage.» 
En  parlant  des  voiles,  l'évêque  de  Mende  s'exprime  ainsi  :  «  Il  est  à 
remarquer  que  l'on  suspend  trois  sortes  de  voiles  dans  l'église,  à  savoir  : 
celui  qui  couvre  les  choses  saintes,  celui  qui  sépare  le  sanctuaire  du  clergé, 
et  celui  qui  sépare  le  clergé  du  peuple....  Le  premier  voile,  c'est-à-dire 
les  rideaux  (|ue  l'on  tend  des  deux  côtés  de  l'autel,  et  dont  le  prêtre 
pénètre  le  secret,  a  été  figuré  d'après  ce  qu'on  lit  dans  l'Exode  (xxxiv).... 
Le  second  voile,  ou  courtine,  que,  pendant  le  carême  et  la  célébration  de 
la  messe,  on  étend  devant  l'autel,  tire  son  origine  et  sa  figure  de  celui  qui 
était  suspendu  dans  le  tabernacle  et  qui  séparait  le  Saint  des  saints  du  lieu 

saint (]e  voile  cachait  l'arche  au  peuple  ,  et  il  était  tissu  avec  un  art 

admirable  et  orné  d'une  belle  broderie  de  diverses  couleurs;...  et,  à  son 
imitation,  les  courtines  sont  encore  aujourd'hui  tissues  <,\e  diverses  cou- 
leurs très-belles.... 

«  Dans  quelques  églises,  l'autel,  dans  la  solennité  de  Pâques,  est  orné 
de  couvertures  précieuses,  et  l'on  met  dessus  des  voiles  de  trois  couleurs  : 
rouge,  gris  et  noir,  qui  désignent  trois  époques.  La  première  leçon  et  le 
répons  étant  finis,  on  ôte  le  voile  noir,  qui  signifie  le  temps  avant  la  loi. 
Après  la  seconde  leçon  et  le  répons,  on  enlève  le  voile  gris,  qui  désigne  le 
temps  sous  la  loi.  Après  la  troisième  leçon,  on  ôte  le  voile  rouge,  qui 
signifie  l'époque  de  la  grâce,  dans  laquelle,  par  la  Passion  du  Christ, 
l'entrée  nous  a  été  et  nous  est  encore  ouverte  au  Saint  des  saints  et  à  la 
gloire  éternelle.  » 

Quelque  longues  que  soient  ces  citations,  on  comprendra  leur  impor- 
tance et  leur  valeur;  elles  jettent  une  grande  clarté  sur  le  sujet  qui  nous 
occupe.  Tant  que  le  clergé  maintint  les  anciennes  traditions,  et  jusqu'au 
moment  où  il  lut  entraîné  par  le  goût  quelque  peu  désordonné  du 
xvF  siècle,  il  sut  conserver  à  l'autel  sa  signification  première.  L'autel 
demeura  le  symbole  visilile  de  l'ancienne  et  de  la  nouvelle  loi.  Chacune 
des  parties  qui  le  composaient  rappelait  les  saintes  Ecritures,  ou  les  grands 


[    ALTKI.    I  "2^2    — 

faits  (le  la  |)riiniti\p  Éi,Misp.  Toujuiiis  sinipit»  de  luinic,  (|ii('  sa  inalièrc  lïit 
pivciouse  on  coiiiiiiunc,  il  était  ciittiuii;  de  tout  ce  (jiii  devait  \o  lairo 
paraître  saint  aux  yeux  des  fidèles,  sans  que  ces  accessoires  lui  otassent 
ce  caractère  de  siinplicite  et  de  pureté  (jue  l<'  faux  {ioùt  des  derniers 
siècles  lui  ont  enlevé. 

Nous  allons  essayer ,  soit  à  l'aide  des  textes,  soit  à  l'aide  des  monu- 
ments, de  donner  une  idée  coniplèle  des  autels  de  nos  t'^dises  du  moyen 
k'jfe.  Mais  d'abord,  il  est  nécessaiie  délahlii-  une  distinction  entre  les 
différents  autels.  Dans  les  églises  cathédrales,  le  maitre-autel  non-seule- 
ment était  simple  de  forme,  mais  souvent  même  il  était  dépourvu  de 
retable,  entouré  seulement  d'une  clôture  avec  voiles  et  courtines,  et 
surmonté  au  dossiei'  d'ime  colonne  avec  crosse  à  laquelle  était  suspendue 
la  sainte  Eucharistie.  Sui'  les  côtés  ('taient  (Mahlies  des  armoires  dans 
les(|uelles  étaient  renfermées  les  reliques;  (|uei(|uefois ,  au  lieu  de  la 
suspension,  sur  l'autel,  était  posé  un  riche  tabernacle,  ainsi  que  nous 
l'apprend  (iuillaume  iHnand,  destiné  à  contenir  les  hosties  consacrées  et 
non  consacrées.  Toutefois,  il  est  à  présumei-  fjue  ces  tabernacles  ou 
coffres,  n'étaient  pas  fixés  à  l'autel  d'une  manière  permanente.  Sur 
l'autel  même  se  dressaient  seulement  la  croix  et  deux  lland)eaux.  Jus- 
qu'au XIII''  siècle  ,  les  trônes  des  évéques  et  les  stalles  des  chanoines 
ré}J[uliers  étaient  disposés  généralement,  dans  les  cath«'drales,  au  chevet  ; 
le  trône  épiscopal  occupait  le  centre.  Cette  disposition,  encore  conser- 
vée dans  queUpies  basiru|ues  roniaines  , 
entre  autres  à  Saint -.leaii-de- Latran  ,  à 
Saint-Laurent  hors  les  murs  (i)  ',  à  Sainl- 
Clement  (5)  %  etc.,  et   qui    appartenait   a 


la  piimitive  Église,  devait  nécessairement  empêcher  l'établissement  des 
contre-autels' ou  des  retables,  car  ceux-ci  eussent  caché  le  célébrant. 
Aussi  ne  voil-on  guère  les  retables  apparaît i-e  (jue  sur  les  autels  adossés. 


>  Dniis  lo  ])I;ni  (|iie  nous  donnons  ici,  l'autol  est  élevé  en  A   sur  iint'  crvi»!»'  on 
lonlessioii  ;  le  Irônc  épiscopal  est  en  \i. 

*  Dans  ce  pian,  l'autel  esl  en  .\,  le  Irônc  épiscopal  en  15. 


-l'.i    —  [    ALTKI.     I 

sur  ceux  desrhapolles.  raivnifiit  sui'  les  autels  principaux  des  cathédrales. 
ï>ans  les  éi,dises  monastiques,  il  y  avait  presque  toujouis  l'autel  niatu- 
tinal,  qui  était  celui  oîi  se  disait  lOtlice  oi-diiiaire.  plact'  à  l'entrée  du 
sanctuaire  au  bout  du  chteur  des  relif;icux ,  et  l'autel  des  reli(|ues^  posé 
au  fond  du  sanctuaire,  et  derrière  ou  sous  lequel  étaient  conservées  les 
châsses  des  saints.  C'était  ainsi  qu'étaient  établis  les  autels  principaux  de 
l'église  de  Saint-Denis  en  France ,  dès  le  temps  de  Su},'er.  Au  fond  du 
rond-j)oint,  l'illustre  abbé  avait  fait  élever  le  leliquaire  contenant  les 
châsses  des  saints  martyrs ,  en  avant  du(juel  était  placé  un  autel.  Voici 

la  description  (pie  donne  L).  Doublet  de  ce  monument  l'cmarquable 

«  En  ceste  partie  est  le  très-sainct  autel  des  glorieux  saincis  martyrs  (ou 
«  bien  l'autel  des  corps  saincts.  à  raison  que  leurs  corps  reposent  soubs 
((  iceluy),  lequel  est  de  porphyre  gris  beau  en  perfection  :  et  la  partie 
K  d'au-dessus,  ou  surface  du  même  autel,  couverte  d'or  fin,  aussi  enrichi 
«  de  plusieurs  belles  agathes,  et  pierres  précieuses.  Là  se  voit  une  excel- 
le lente  table  couverte  d'or  (un  retable),  ornée  et  embellie  de  pierreries, 
((  qu'a  fait  faire  jadis  le  roi  Pépin,  laquelle  est  quarrée;  et  sur  les  quatre 
«  costez  sont  des  lettres  en  émail  sur  or,  les  unes  après  les  autres,  en  ces 
((  termes:  lierlrada  Denm  venerans  Chhsioque  sacrala.  Et  puis  :  Pro 
«  Pippino  rege  fœlicissinio  quondam....  Au  derrièie  de  cet  autel  est  le 
((  sacré  cercueil  des  corps  des  saints  martyrs,  (|ui  contient  depuis  l'aire  et 
«  pavé  cinq  pieds  et  demy  de  hault,  et  huict  pieds  de  long  sur  sept  pieds 
«  de  large,  fait  d'une  assise  de  marbre  noir  tout  autour  du  bas  d'un  pied 
«  de  hault,  et  sur  la  dicte  assise  huit  pilliers  quarrez  aussi  de  marbre  noir 
«  de  deux  pieds  et  demy  de  hault,  et  sur  iceux  huit  pilliers  une  autre 
«  assise  de  marbre  noir,  à  plusieurs  moulures  anciennes,  et  entre  les 
i(  dicis  huit  pilliers,  huit  panneaux  de  treillis  de  fonte,  enchâssez  en  bois, 
<(  de  plusieurs  belles  façons,  de  deux  pieds  et  demy  de  long,  le  pillier  du 
«  milieu  de  derrière,  et  pareillement  le  pillier  de  l'un  des  coings  du  dit 
((  derrière,  couverts  chacun  d'une  bande  de  cuivre  doré,  aussi  iceux 
«  treillis  et  bois  couverts  de  cuivre  doré  à  feuillages,  avec  plusieurs 
M  émaux  ronds  sur  cuivre  doré,  et  plusieurs  clous  dorés  sur  iceux  ;  et  sur 
«  le  marbre  de  la  couverture,  dedans  ledit  cercueil,  une  voulte  de  pierre 
'(  revestuë  au  dedans  de  cuivre  doré,  qui  prend  jusque  soubs  l'autel,  qui 
((  est  le  lieu  où  reposent  les  sacrez  corps  des  apôtres  de  France  saint  Denys 
K  l'Aéropagite,  saint  Hustic,  et  saiiU  Éleuthère,  en  des  châsses  d'argent  de 
«  très-ancienne  façon,  pendantes  à  des  chaînettes  aussi  et  boucles  d'ar- 
((  gent,  pour  lesquelles  ouvrir  il  y  a  trois  clefs  d'argent...  Au-dessus  dudit 
«  cercueil  il  y  a  un  grand  tabernacle  de  charpenlerie  de  ladite  longueur 
«  et  largeur  en  façon  d'église,  à  haute  nef  et  basses  voûtes,  garny  de  huict 
«  posteaux,  à  savoir  à  chacun  des  deux  pignons  quatre,  les  deux  des  coings 
«  ronds  de  deux  pieds  et  demy  de  hault,  et  les  deux  autres  dedans  œuvre 
«  de  six  pieds  et  demy  de  hault ,  aussi  garny  de  bases  et  chapiteaux  :  et 
«  entre  iceux  trois  béez  et  regards  de  ténestres  à  demy  ronds  portaiis  leur 
«  plein  centre,  et  celle  du  milieu  plus  haulle  que  les  autres  :  le  dessus  des 


[    AITKI.    ]  —    '2-4    — 

((  pillipi'S  (le  dedans  œuvre  en  manière  d'une  nef  d'église  de  ladite  lon- 
((  gueur,  et  de  deux  pieds  et  deniy  de  large,  portant  de  costé  et  d'autre 
.(  dix  coloniheltes  à  jour,  et  deux  aux  deux  bouts  à  I)ase  et  cluipilcau 
((  d'ancienne  t'avon  :  au-dessus  de  ladite  nel'  et  coloniheltes  de  chacun 
((  costé  est  un  appentil  en  manière  de  basses  chapelles,  voûtes  et  allées, 
«  les  coste/.  et  ceintres  à  demy  ronds  portans  (juatre  culs  de  lampe;  à 
«  chacun  des  deux  pignons  de  ladite  nel'cincj  petites  fenestres,  trois  par 
((  haut  à  deux  petits  pilliers  rpiarrez  parvoye,  et  au-dessous  d'eux,  au 
((  milieu  un  pilhcr  rond;  le  dedans  de  hi  nefiemply  j)ar  bas  d "une  Ibi'ine 
«  de  cercueil,  et  les  deux  coslez  aussi  rein|)lis  par  bas  dune  même  forme 
«  de  cercueil  de  bois  de  la  longueur  dudit  tabernacle,  celle  (bi  mibeu  plus 
«  liiiul  eslevée  que  les  autres.  Le  devant  du  cercueil  du  milieu  joignant 
«  ledit  autel  est  garny  en  la  Ixtrdure  d'en  bas  de  plusieurs  beaux  esmaux 
«  sur  cuivre  doré,  en  favon  dapplicpu'  de  diverses  façons,  et  au-dessus 
«  desdits  esmaux  i)lusieurs  belles  agathes.  les  unes  en  façon  de  camahieux 
((  à  faces  d'honmies  (camées)  et  les  autres  en  fond  de  cuve  (chatons).... 
«  Tout  le  devant  de  cet  autel  est  couvert  d'or,  et  enrichy  de  belles  perles 
«  rondes  d'Orient,  d'aiguës  marines  en  fond  de  cuve,  de  topazes,  grenats, 
((  saphirs,  amatistes,  cornalines,  presmes  d'esmeraudes,  esmaux  d'ap- 
«  prupie  et  cassidoines,  avec  trois  belles  croix  posées  sur  la  pointe  de 
((  chacun  pignon  du  cercueil ,  dont  celle  du  milieu  est  d'or,  et  les  autres 
«  d'argent  doré,  enrichies  de  beaux  saphirs,  de  belles  amatistes,,de  grenats 
((  et  presmes  d'esmeraudes.  Au  derrière  du  cercueil  préallégué  ce  vers-cy 
«  est  escrit  en  lettres  d'or  sur  laiton,  ainsi  c(ue  s'ensuit  : 

«  Facitulnnnque  lalus,  fronlem,  leclumque  Suggerns'.  » 

Cette  description  si  minutieuse  de  l'autel  des  reliques  de  l'abbaye  de 
Saint-l>enis  l'ail  voir  que,  si  le  reliciuaire  ('tait  important  et  aussi  riche  j)ar 
son  oinemenlation  (pie  par  la  matière,  l'autel  placé  en  avant  conservait 
la  simplicile  des  formes  primitives,  que  cet  autel  elait  indépendant  du 
reli(piaire,  que  les  trois  châsses  des  saints  étaient  placées  de  façon  à 
pénétrer  jusque  sous  la  table  ,  et  que  les  cercueils  supéricnus  disposés 
dans  le  grand  tabernacle  à  trois  nefs  étai(>nt  feints,  et  ne  faisaient  que 
rappeler  aux  yeux  des  tidèles  la  présence  des  cor|)s  saints  (pi  ils  ne  j)Ou- 
vaient  apercevoir.  Sans  prétendre  faire  ici  une  reslauiation  de  cet  autel 
remar(piable,  nous  croyons  cependant  dtnoii'  en  domiei'  un  ciocpiis  aussi 
exactement  tracé  que  possible  d'aj)rès  la  description,  alin  de  rendre  le 
texte  intelligible  pour  tous  (('•)  '^  Cet  autel  et  son  reli(|uaire,  placés  au  fond 
du  rond-i)oinl  de  l'église  abbatiale,  n'étaient  pas  entourés  d'une  ch'iluic 
particulière,  car  le  sanctuaire  elait  lui-même  fermé  et  élevé  au-dessus  du 

'  yUiliq.  de  l'ahbtnje  de  Suinct-Dennn  en  France,  par  F.  J.  Doublet,  IG-2o,  1  I, 
p.  289  et  siiiv. 

^  INous  doiinniis  (mi  A  le  plan  de  cet  autel  et  reliquaire,  dressé  d'aprt's  les  dimensions 
données  par  1).  Doultlel. 


lilbrary 


-2:> 


Al  ni. 


sol  (le  la  iiot'ct  (In  liaiisscpt.  dr  trois  iiu-lres  t'uvinm  ;  il  nctail  acAîoiiipaj^iic 


^      1^       H^ . 


6 


que  de  deux  armoires  à  droite  et  à  gauche,  contenant  le  trésor  de  Téirlise 


r.    M. 


I     AITKL    1  —    -2{\    — 

(voy.  AïoioïKi:).  (Jiianl  à  laiitcl  iiialiiliiial  place  ii  I  c\li'(''iiiil('  de  I  a\r  de  la 
croisée  ot  j)rt'S(|iir  adosse  à  la  Ii  iluiiic  roniicc  |>ar  rcxliaussciiiriil  du  saiir- 
tiiaire.  il  ('lait  ciitoiuvdf  ^l'illcs  de  l'cr  «  l'ailcs  par  beaux  (•ompaiiinitMils,  )> 
coiii|)()S('(run<'  table  de  niaibre  portée  sur  cpialre  piliers  de  marbre  blanc; 
il  avait  été  consacré  pai'  le  pape  saint  Etienne  '.  A  la  lin  du  \v  siècle, 
cet  autel  était  encore  environné  de  colonnes  de  vermeil  surmontées  de 
figures  d'anges  tenant  des  (lambeaux,  et  reliées  par  des  tringles  sur  les- 
quelles glissaient  les  conrlint^s.  Derrière  le  retable,  (pii  était  d'or,  avait 
été  élevée  la  ciiàsse  renl'ermant  les  relirpies  du  roi  saint  Louis. 

Vu  «lélicieux  tableau  de  Van  Eyck,  conserve  à  Londres  dans  la  colleclion 
de  lord  ***.  nous  donne  la  disj)osition  et  la  forme  des  |)arlies  supérieures 
de  cet  autel  ;  le  dessous  de  la  table  de  l'autel  e^t  caelie  par  un  rielie  pare- 


ment de  tapisserie  (7).  On   retrou>e   ici   le  retable  doime  par  (Charles  le 

'     I).    i>(lllltl('l,  llliip.  WXVIII. 


"27    [    AUTKL    1 

dliauvt'  vl  la  croix  d'oi'  (loiinéc  par  l'abbé  Suger  '.  Le  tableau  de  Vaii  Eyck 
est  exécuté  avec  une  Hnesse  et  une  exactitude  si  reniaïquables,  que  l'on 
distin^aie  parfaitcMiient  JKscju'aiix  iiioiiidres  détails  du  retable  et  du  reli- 
quaire. Les  caractèies  particuliers  aux  styles  dilVereiils  sont  observés  avec 
une  scrupuleuse  tidelite.  On  voit  que  le  retable  appartient  au  ix*"  siècle; 
les  colonnes,  les  anj^es  et  le  reli(|uaire,  à  la  tin  du  xiii<"  siècle. 

D.  Doublet  donne,  dans  lecliapitre  xi.v  de  ses  Anliquilezdc  t'ahhai/e  de 
Sainl-lfenis,  une  description  minutieuse  du  retable  d'or  de  cet  autel,  qui 
se  rai)porle  entièrement  au  tableau  de  Van  Eyck  ;  il  mentionne  la  qualité 
et  le  nombre  des  pierres  piécieuses,  des  perles,  leur  position  ,  les  acces- 
soires qui  accompagnent  les  personna^ics. 

Guillaume  Durand  semble  admettre  que  tous  les  autels  de  son  tenqîs 
tussent  entourés  de  voiles  et  courtines,  et  en  ettet  les  exemples  donnés  par 
les  descriptions  ou  les  représentations  |)eintes  ou  dessinées  (car  inalbeu- 
reusement  de  tous  ces  monuments  pas  un  seul  ne  reste  debout)  vi<'nnent 
appuyer  son  texte.  Du  teuips  de  Moléon  (  1 7 1  S) ,  il  existait  encore  un  certain 
nond)re  d"autels  ayant  conservé  leur  ancienne  disposition.  Ot  auteur  cite 
celui  de  Saint-Seine,  de  Tordre  de  saint  Benoit  ^  «  Le  {.,Mand  autel  est  sans 
retable.  Il  y  a  seulement  un  gradin  et  six  chandeliers  dessus.  Au-dessus  est 
un  crucifix  haut  de  plus  de  huit  pieds,  au-dessous  duquel  est  la  suspension 
du  saint  sacrement  dans  le  ciboire;  et  aux  deux  côtés  de  l'autel  il  y  a 
quatre  colonnes  de  cuivre,  et  quatre  anges  de  cuivre  avec  des  chandeliers 
et  des  cierges  et  de  grands  rideaux.  »  A  Saint-Étienne  de  Sens  (la  cathé- 
drale), même  disposition.  A  la  cathédrale  de  Chartres,  «  le  grand  autel 
est  fort  large;  il  n'y  a  point  de  balustres,  mais  seulement  des  colonnes  de 
cuivre  et  des  anges  au-dessus  autour  du  sanctuaire.  Le  parement  est  attaché 
aux  nappes,  un  demi-pied  sur  l'autel  ;  la  frange  du  parement  est  tout  au 
haut  sur  le  bord  de  la  table.  Au-dessus  de  l'autel  il  y  a  seulement  un  pare- 
ment au  retable,  et  au-dessus  est  une  image  de  la  sainte  Vierge  d'argent 
doré.  Par  derrière  est  une  verge  de  cuivre,  et  au  haut  un  crucifix  d'or  de  la 
grandeur  d'un  pied  et  demi,  au  pied  duquel  est  une  autre  verge  de  cuivre 
qui  avance  environ  d'un  pied  ou  d'un  pied  et  demi  sur  l'autel,  au  bout  de 
laquelle  est  la  suspension  du  saint  ciboire,  selon  le  second  concile  de  Tours, 
sub  titulo  cnicis  corpus  Domini  componalur.  »  A  Saint-Ouen  de  Uouen, 
«  le  grand  autel  est  simple,  séparé  de  la  nmraille,  avec  des  rideaux  aux 
côtés,  une  balustrade  de  bois,  quatre  piliers  et  quatre  anges  dessus,  comme 
à  celui  de  l'église  cathédrale.  Au-dessus  du  retable  est  la  suspension  du 
saint  ciboire  (au  pied  de  la  croix),  et  les  images  de  saint  Pierre  et  de  saint 
Paul,  premiers  patrons,  entre  deux  ou  trois  cierges  de  chaque  côté.  Il  y  a 
trois  lanq^es  ou  bassins  devant  le  grand  autel,  avec  trois  cierges,  connue  à 

<  Un  peut  encore  voir  une  lepiésentation  de  ceUe  eroix  dans  le  Irésor  de  Sainl- 
Denis ,  gravé  dans  l'ouvrage  de  D.  Kéliliien  ;  quant  au  relii|iiairc  de  vermeil,  les 
liuguenots  s'en  emparèrent  lorsqu'ils  prirent  Saint-Denis. 

'  Saint-Seine,  près  Dijon.  (Vofidijcs  til\iriii(jiii'^  en  Fraiicr,  p.  l'iT.; 


[    AIITKL    i  _    -2S    _ 

la  catln'dralf.  »  .1.-1».  iliici>'  déiiKtiili»'  (  laiicmcnl  (|iii' l'iisajif  d'entourer 
les  autels  de  voiles,  encore  conservé  de  son  tenii)s  dans  (|uel(|ues  éiiiises, 
j'iait  1,'énéral  dans  les  pieniiers  siècles  du  christianisme.  Nous  donnons  ici 
la  copie  de  l'ancien  maître-autel  de  la  cathédrale  d'Arras  (S),  représenté  sur 
un  tahleau  du  xvc'  siècle  conservé  dans  la  sacristie  de  cette  éj,dise  *.  (let 
autel  datait  ceitainement  du  xiir' siècle,  sauf  jteut-éire  la  partie  supérieuie 
do  la  suspension,  la  croix,  qui  parait  appartenii-  au  xv.  Ce  charmant 
monument  était  construit  partie  en  n)arl)re  hlanc,  partie  en  ar^^ent  naturel 
ou  doré.  La  pile  postérieure  derrière  le  retable  était  en  marbre  rehaussé 
de  (pielques  doiures;  elle  |)ortait  une  petite  statue  de  la  Vierge  sous  un  dais 
coui'omic  d'un  cruciliement  en  arj^t'ut,  avec  saint  Jean  et  la  A  ierj^^e  ;  trois 
anj^es  reçoivent  le  ])récieux  san^  de  Notre-Sei^iieur  dans  de  petites  coupes. 
Derrière  le  dais  de  la  Viei'j^e  était  un  anj^e  en  vérnieil  sonnant  de  l'olilant. 
Une  crosse  en  vermeil  à  laquelle  s'altachail  un  an^e  aux  ailes  déployées 
soutenait  le  saint  ciboire  suspendu  par  une  petite  chaîne.  Sur  le  letahle 
étaient  jxisésdes  l'cliquaires.Six  colonnes  d'ari;enl  et  de  \('iiiieil  portaient 
six  an^cs  entre  les  mains  desquels  on  distiniiiie  les  iiisliumenls  de  la 
Passion.  Dans  le  tableau  de  la  sacristie  d'Arras,  l'autel  ainsi  (|ue  le  retable 
sont  couverts  de  parements  semés  de  lleurs  de  lis.  Nous  ne  savons  pas 
comment  était  décoré  le  retable  sous  li'  parement  ;  quant  à  l'autel,  il 
présentait  une  disposition  très-remarcpialde  .  disposition  (|ue  nous  repro- 
duisons dans  la  trravure  (fii^.  S),  d'après  un  dessin  de  feu  (iarnerey  ■'. 

Le  maîlie-aiilel  de  la  catliédrale  de  Paiis,  qui  est  représenté  dans  une 
gravure  de  i(i(i-2  ',  est  disposé  connue  celui  de  lacathediale  d'Arras.  Quatre 
anj,'es  tenant  les  instruments  de  la  Passion  sont  posés  sur  (piati-e  colonnes 
de  cuivre  portant  les  trinjj;les  sur  lesquelles  «^dissent  les  courtines.  A  Notre- 
Dame  de  Paris,  l'autel  était  fort  sinqile,  revêtu  d'un  parement  ainsi  que  le 
retable;  derrière  l'autel  s'élevait  le  i^rand  r(Miqiiaire  contenant  la  cliAsse 
de  saint  Marcel.  «  Premièrement,  dil  le  i*.  Du  P»i<'ui  '',  derrière  et  au  hault 
<(  du  ^rand  autel,  sur  une  large  tal)ie  de  cuivre,  soutenue  de  quatre  {j;ros 
«  et  fort  haults  pilliers  de  même  estotî'e,  est  posée  la  châssede  sainl  Marcel, 
K  neutième  évéque  de  l*aris,  laquelle  est  d'argent  doré,  enrichie  d'une 
«  intinité  de  grosses  peiles  et  pi(Mres  précieuses —  Plus  haull  d'iceile, 
((  est  une  fort  grande  croix,  dont  le  crucifix  est  d'argent  dort'.  » 

Acùté  de  ce  relitpiaire  était  un  autre  autel  :  «  Au  côte  droit,  |)oursuit  Du 
«  Breul,  sui'  l'autel  de  la  Trinité,  dict  des  Ardents,  est  la  châsse  de  Notre- 

'   Dinsert.  ccclés.  .si/r  les  princip.  inili'ls  des  éiilises,  cli.  xiv. 

-  V(»yez  Aiumles  archmlniiiquefi ,  I.  IX,  p.  I,  l'ailiclo  de  M.  l,:is>iis  ot  los  notes  fie 
.M,  l)i(iroi),  ainsi  que  la  gravure  extVnléo  sur  nn  calque  de  ce  lalili  an. 

*  Nous  devons  la  conservalion  de  ce  dessin  à  M.  i-assus,  (iiii  ,  du  \ivant  île  M.  Ijur- 
nerey,  en  avall  l'ail  un  calque.  Ce  dessin  esl  n'iiidduil  dans  les  Aimdles  urchéolo- 
(jiqites,  l.  IX. 

•  I^Knlrée  Iriomphitnlc  île  Lnirs  Majcslrs  Lmiis  \l\  ri  M  a  r  if-  Thérèse  ihnis  lu 
ville  de  Piiris.  Paris,  1()()2,  in-l  . 

s   Thciilrc  (les  (iiili'i.  (Il'  l'diis.  |iar  l{.  I'.  !•'.  .Iai(|iies  \Ui  l'.reid,  y.  :\C>.  |':iiis,   Mil  2. 


—  -20 


Auri: 


(I  hamc.  (lar^riit  (ioiv \  cnU'  sciipstrc  diidict  aiilcl  (piiiicipal)  est  une 


AIjTKL 


;{() 


((  châsse  (le  luds  ,  ayaiil  seulciiiciit   le  dcxiini  ((imcil  d'arj^enl  dmi;,  en 

«  l;i(|ii('llo  est  lecoi'ps  (le  sainct  Lucain.  iiiailyi' Au-dessus diidicl  aulel 

«  de  la  Trinité  sont  plusieurs  cliàsses » 

Voici,  (ra|)ivs  la  iiiavui'e  dont  nous  avons  ])ai"le  loul  a  llieure.  la  vue  de 
cet  aulel  principal  de  Notre-Dame  de  l*aris,  avec  la  (liasse  de  saint  Marcel 
suspendue  sous  son  j^rund  ltalda(|uin  (9).  Ce  niailre-aiitel  parait  avoii-été 


élevé  vers   la  lin   du   \iii''   siècle;    peut-èlre   elail-il   contemporain  de  la 
clôture  du  cliu'ur.  (jui  date  du  commencciin'iit  du  \i\"'  sirclc. 


—    31     —  [    AUTKI.    ] 

L'auti^l  dos  rpli(iues  do  la  ratlicdrale  d'Arras  disposé  au  chovot  de  retto 
«''^list\  et  (|ui  est  icpi'odiiil  dans  les  Annales  arch(''ologi(iuc!>  do  M.  Didroii, 
d'aprôs  un  lal)loau  consorvô  dans  la  saciislio,  piu'sonlait  nuo  disj)()sit'Kui 
analoguo  à  collo  ûi'  l'autol  du  cliovot  do  Notro-nanio  do  Paris,  si  co  n'osl 
quo  lo  roliquaire  osl  suspoudu  au-dossus  de  l'autel,  scellé  aux  deux  piles 
extrêmes  de  lahside,  et  qu'on  y  monte  par  un  petit  escalier  en  bois  posé 
à  la  droite  de  cet  autel  '. 

I.'usago  do  poser  dos  paremenifi  '  devant  les  autels,  bien  qu'ancien,  ne 
tut  pas  adopte  uniformomont  on  Franco,  (^.ola  explique  poui(pioi,  à  partir 
du  xio  siôolo,  (piol(|uos  tables  dautols  anciens  sont  poiloos  sin-dos  massifs 
bruts,  tandis  quo  d'autres  sont  soutenues  par  des  colonneltes  riches  de 
sculptures,  des  arcatures,  des  plaques  de  pierre  ou  de  marl)re  incrustées 
ou  sculptées.  I.e  sieur  de  Moléon  observe  '  «  que  dans  les  chapelles  de 
léglise  calliédrale  d'Anjiors,  les  autels  (selon  l'ancien  usaçte  quo  nous  avons 
conservé  lo  vendredi  saint,  et,  il  n'y  a  pas  encore  lonytenqis,  lo  samedi 
saint  aussi)  sont  à  nu,  et  ne  sont  couverts  de  quoi  quo  ce  soit  ;  de  sorte 
(jue  ce  n'est  qu'un  moment  avant  que  d'y  dire  la  nu^sse  qu'on  y  met  les 
nappes,  qui  débordent  comme  celle  qu'on  mot  sur  une  table  où  l'on  dîne; 
et  il  n'y  a  point  de  parement.  »  La  forme  la  plus  habituelle  de  l'autel, 
pondant  lo  moyen  àfïo.  qu'il  soit  ou  non  revêtu  de  parements,  est  celle 
d'une  table  ou  d'un  cotiVe. 

Il  est  certain  que  les  beaux  autels  des  chapelles  de  l'église  abbatiale  de 
Saint-Denis  en  Franco  dont  nous  donnons  plus  loin  les  dessins,  et  tant 
d'autres,  portés  sur  des  colonnes  ou  i)ivsontant  des  faces  richement  déco- 
rées de  sculptures,  de  peintures  et  d'applications,  n'étaient  pas  destinés  à 
recevoir  des  parements  ;  tandis  quo  très-anciennement  déjà  certains  autels 
en  étaient  garnis.  L'autel  niajour  de  la  cathédrale  de  Reims  avait  un  pare- 
ment en  partie  d'or  fin,  en  partie  de  vermeil,  donné  par  les  archevêques 
Hincmar  et  Samson  des  Prés.  L'autel  des  reliques  de  l'église  de  Saint-Denis 
était  également  revêtu  sur  la  face  d'un  parement  d'or  enrichi  de  pierres 
précieuses  qui  avait  été  donné  par  Suger.  Mais  le  plus  souvent  les  pare- 
ments étaient  d'étoffes  précieuses,  pour  les  devants  d'autel  connno  pour 
les  retables.  Guillaume  iHirand  '*  n  "admet  pour  les  vêtements  ecclésiastiques 
que  quatre  couleurs  principales  :  lo  blanc,  le  rouge,  le  noir  et  le  vert  ;  il 
ajoute,  il  est  vrai,  que  l'emploi  de  ces  quatre  couleurs  n'est  pas  absolu- 
ment rigoureux  ;  l'écarlate  peut,  selon  lui,  être  substitué  au  rouge,  le  violet 
au  noir,  la  couleur  hi/sse  au  blanc,  et  le  safran  au  vert.  Il  est  |)robable  que 
les  paromonis  dos  autels  étaient  soumis,  comme  les  vêtements  <>cclosias- 

•  AniKiles  urchéo'.,  t.  Vlll.  Nous  lu;  ixnivoiis  mieux  (idro  que  de  renvoyer  nos 
lecteurs  à  la  gravure  flou  née  par  MM.  I,as^iisft  (iaiiclicrcl. 

*  Ou  eiilt'ud  par  jmrrmeidfi  un  l'cvr'tonK'iil  moliili'  ([tie  l'on  place  dovaiit  cl  sur  les 
côtés  des  auteU  ou  rclahlcs  ,  cl  (pic  l'on  change  suivant  les  fêles  ou  les  époques  de 
l'annéo.  (  Voy.  le  Dictionnaire  du  Mobilier,  an  mol  i>ari;ment  . 

3  Page  79. 

''    litlliOHlll,  C.    XVIM,   I.   II. 


I    AITEL    1  —    3'2    — 

tuiuos,  àceslois,  et  il  faut  les(listin^niprdesc(»ii\frliirosou  iiapj)es  rouges, 
grises  et  noires  dont  parle  révèque  de  Mende  dans  son  troisième  cliapitre, 
cité  plus  haut.  Kn  changeant  la  couleur  des  vêtements  ecclésiaslifiucs 
suivant  les  ditl'éreiUs  tem|)s  de  lannec.  le  clergé  changeait  étialenicnl, 
comme  cela  se  prali(jue  encore  aujourd'iiui,  la  couleur  des  parements 
d'autels,  lorscpie  ces  parements  étaient  faits  en  étoiles.  Il  en  était  de  même 
des  voiles  et  courtines  entourant  les  autels;  ces  tentures  étaient  xariahles. 
Nous  ajouterons,  au  sujet  des  voiles  et  courtines,  fpiils  n'étaient  pas 
uniformément  disposés  pendant  le  moyen  Age  autour  des  autels.  «  Outre 
<(  (|u'auj(»ur(l'hui,  dit  Thiers  (chap.  xix)  ',  il  y  a  peu  de  cilxiii'es  au-dessus 
a  (les  autels,  hors  lltalie  ,  il  n'y  a  point  d'aulels  ([ui  aient  des  voiles  ou 
«  rideaux  tout  autour.  La  vérité  est  qu'en  plusieurs  anciennes  églises, 
«  tant  séculières  que  régulières,  les  principaux  autels  ont  des  xoiles  au 
«  côté  droit  et  au  côté  gauche;  mais  ils  n'en  ont  ni  au  devant,  ni  au  der- 
«  rière,  parce  (pi'au  derrière  il  y  a  des  retables,  des  tableaux  ou  des  images 
<(  en  relief,  et  (|ue  le  devant  est  entièrement  ouvert .  si  ce  n'est  ([u'eii 
«  carême  on  y  met  ces  voiles  dont  parlent  lielelh-,  Dm  and  %  et  les  Iz  de 
«  Citeaux'*.  En  d'autres  églises,  les  autels  n'ont  point  du  tout  de  voiles, 
((  (pioicju'il  y  ait  apparence  qu'ils  en  ont  eu  autrefois,  ou  au  moins  à  droite 
«  et  à  gauche,  ce  qui  se  reconnoît  par  les  pilaatrcs  ou  colonnes  île  bois  ou 
((  (le  cuivre  <|ue  l'on  y  voit  encore  à  pn'sent.  Kniin  il  y  a  une  inlinité 
((  d'autels  (pii  non-seulement  n'ont  point  du  tout  de  voiles,  mais  (|ui  no. 
.(  paraissent  pas  même  en  avoir  eu  autrefois,  n'ayant  aucun  vestige  de 
«  i)ilastres  ou  colonnes.  11  y  en  avoit  cependant  autour  des  anciens  autels, 
((  dans  les  églises  d'Oiient ,  comme  dans  celles  d'Occident ,  et  on  les  y 
«  tenoit  dépliés  et  étendus  (fermés)  au  moins  pendant  la  consécration  et 
«  jusqu'il  l'élévation  de  lasainte  hostie,  atiii  de  piocurei'  j)lus  devénéralion 
«  aux  divins  mystères.  »  Après  une  dissertation  étendue  sur  l'usage  des 
voiles  posés  au  devant  des  autels  grecs .  Thiers  termine  son  chapitre  en 
disant:  <<  A  l'égard  des  églises  d'Occident,  nous  avons  des  preu\es  de  reste 
«  comme  les  autels  y  étoient  entourés  de  voiles  attachés  aux  ciboires,  à 
«  leurs  arcades,  ou  aux  colonnes  qui  les  souteiioient.  Il  ne  faut  que  lire 
«  les  vies  des  papes  écrites  ))ar  Anasthase  le  bihliolliecaii-e  jutur  en  être 
«  convaincu,  et  surtout  celles  de  Serge  I,  de  ('iiégoire  III,  de  Zacharie, 
«  d'Adrien  I,  de  Léon  III,  de  Pascal  I,  de  Grégoire  W,  de  Serge  II,  de 
«  Léon  IV,  de  Nicolas  I  ;  on  y  verra  que  ces  souverains  pontifes  ont  fait 
<(  faire  en  diverses  églises  de  Kome,  les  unsvingt-cin(],  les  autres  huit,  et 
K  la  phqiart  quatre  voiles  (rt-tolVes  précieuses  pour  être  tiMidus  autour  des 
«  autels,  pour  être  suspendus  aux  ciboires  des  autels,  poui' êlre  allaehès 
«  aux  arcades  des  ciboires  autoui'des  autels.  ..('luillaume  le  bibliothécaire, 

I  Thiers  t'crivail  ceci  en  1088. 

*  In  Explicat.  divin,  ofjic,  c.  txxxv. 
'  Ratiomil,  c.  m,  1.  1. 

*  C.  XV. 


10 


—  :{:{  —  [  AiTKL  I 

K  (|ui  a  ajduté  les  vies  de  ('in(|  |)a|)("s,  savoir  :  d'Adrien  II.  de  Jean  VIII,  do 
«  Martin  II  on  Marin  I,  d'A<lrien  III  e(  (rKtieinie  V|,  à  celh^s  qn'Anaslliase 
((  a  Unies  par  Nicolas  I,  parie  encore  de  ces  mêmes  voiles,  dans  la  vie 
K  (IKrK'nne  VI,  oîi  il  dit  (pie  ce  pape  donna  un  voile  de  lin  et  trois  autres 
«  voiles  de  soie  pour  nieltn'  autour  de  l'autel  de  l'éj^dise  de  Saint-Pierre  à 
«  Rome...  ))  Thiers,  qui  ne  va  guère  clierclier  ses  documents  (jue  dans  les 
textes,  ne  parait  pas  certain  (pie  dans  l'(''glise  d'Occident  il  y  eut  eu  des 
voiles  derattl  les  autels.  Le  l'ait  ne  nous  semble  pas  douteux  cependant,  au 
moins  dans  un  certain  nombre  de  dioc('ses.  Voici  (10)  comme  preuve  la 
copie  d'un  ivoire  du  xi'=  siècle  ',  sur  lequel  le  voile  anlérieur  ûc  l'autel  est 
parfaitement  visible.  Dans  cette   petite   sculpture,    que  nous  donnons 

grandeur  d'exécution,  le  prêtre 
est  assis  dans  une  chaire  sous  un 
dais;  devant  l'autel,  trois  clercs 
sont  également  assis,  le  voile  an- 
térieur est  relevé.  La  suspension 
du  saint  sacrement  est  attachée 
sous  le  ciborium.  On  ne  voit  sur 
la  table  de  l'autel  qu'un  livre 
posé  à  plat,  l'Évangile  ;  des  (iercs 
tiennent  trois  flambeaux  du  côté 
droit  de  l'autel.  Nous  trouvons 
des  exemples  analogues  dans  des 
vitraux,  dans  des  manuscrits  et 
sculptures  du  xi'*  au  xiii'=  siècle. 
Plus  tard  les  voiles  antérieurs  des 
autels  sont  rares  et  on  ne  lès  re- 
trouve plus,  en  Occident,  que  sur 
les*ôtés,  entre  les  colonnes,  ainsi 
que  le  font  voir  les  fig.  7,  8  et  V). 
Il  semblerait  que  les  voiles  anté- 
rieurs aient  cessé  d'être  employés  pour  cacher  les  autels  des  églises 
d'Occident  pendant  la  consécration  ,  lorsque  le  schisme  grec  se  fut  établi. 
C'est  aussi  à  cette  époque  que  le  ciborium,  ou  baldaquin  recouvrant 
directement  l'autel,  cesse  de  se  rencontrer  dans  les  églises  de  France,  et 
n'est  plus  remplacé  que  par  la  clôture  de  courtines  latérales.  En  effet,  dans 
tous  les  monuments  de  la  fin  du  xiii'^  siècle,  ainsi  (pie  dans  ceux  des  xiv^  et 
xvs  l'autel  n'est  plus  couvert  de  cet  édicule,  désigné  encore  vn  Italie  sous 
le  nom  de  ciborium  (voy.  ce  mot)  ;  tandis  que,  pendant  la  période  romane 
et  jusque  vers  le  milieu  du  xni«  siècle,  on  trouve,  soit  dans  les  bas-reliets, 
les  peintures,  les  vitraux  ou  les  vignettes  des  manuscrits,  des  édicules 
portés  sur  des  colonnes  et  recouvrant  l'autel,  comme  ceux  (pi'on  peut 


1  Muulage  tiré  du   cal)inel  de  M.  AU'.  (Jéiente.  Cet  ivoire  parait  apparleiiir  à  la 
fia  du  XI'  siècle  et  au  style  rtiénaii. 

T.     !..  ^ 


I     AliTKI.     I  —     34    

encore  voir  à  Kuiiie,  dans  les  églises  de  Saint-Clément,  de  Sainte-Agnès 
(hors  les  murs),  de  S.  Georgio  in  Velabro;  à  Venise,  dans  l'église  de 
Saint-Marc,  etc.  Cependant,  du  temps  de  Guillaume  Durand,  connue  le 
fait  remarcjuer  Tliiers,  les  voiles  antérieurs  des  autels  étaient  encore  posés 
pendant  le  carême,  et  Guillaume  Ihuand  écrivait  son  National  à  la  tin  du 
xiii''  siècle.  «  Il  est  à  remarquer,  dit-il',  que  IVju  sus|)t'nd  trois  sortes  de 
«  voiles  dans  1  "église,  à  savoir  :  celui  qui  couvre  les  choses  saintes,  celui 
«  qui  sépare  le  sanctuaire  du  clergé,  et  celui  qui  sépare  le  clergé  du 

«  p(Miple Le  premier  voile,  c'est-à-dire  les  rideaux  que  l'on  tend  des 

«  deux  côtés  de  l'autel,  et  dont  le  prètie  pénètre  le  secret,  a  été  figuré 
<(  d'après  ce  qu'on  lit  dans  l'Exode  (xxxiv)  :  «  Moïse  mit  un  voile  sur  sa 
«  figure,  parce  que  les  tils  d'Israël  ne  pouvaient  soutenir  l'éclat  de  son 
«  visage....  »  Le  second  voile,  ou  courtine,  que,  pendant  le  carême  et  la 
M  célébration  de  la  messe,  «m  elend  devant  l'autel,  tire  son  origine  et  sa 
«  figure  de  celui  qui  était  suspendu  dans  le  tabernacle  (]ui  séparait  le  Saint 

«  des  saints  du  lieu  saint Ce  voile  cachait  l'arche  au  peuple,  et  il  était 

«  tissu  avec  un  art  admirable  ol  orné  d'une  belle  broderie  de  diverses 
«  couleurs,  et  il  se  fendit  lors  de  la  Passion  du  Seigneur;  et,  à  son  imita- 
«  tion,  les  courtines  sont  encore  aujourd'hui  tissues  de  diverses  couleurs 
«  très-belles...»  Le  troisième  voile  a  tiré  son  origine  du  cordon  de  muraille 
«  ou  tapisserie  qui,  dans  la  primitive  Eglise,  faisait  le  tour  du  chœur  et  ne 
«  s'élevait  qu'à  hauteur  d'appui,  ce  qui  s'observe  encore  dans  certaines 
«  églises  2....  Mais  le  vendredi  saint,  (ui  (Me  tous  les  voiles  de  l'église, 
«  parce  que,  lors  de  la  Passion  du  Seigneur,  le  voile  du  temple  fut 
«  déchiré....  Le  voile  qui  sépare  le  sanctuaire  du  clergé  est  tiré  ou  enlevé 
«  à  l'heure  de  vêpres  de  chaque  samedi  de  carême,  et  quand  l'office  du 
«  dimanche  est  commencé,  afin  que  le  clergé  puisse  regarder  dans  le 
«  sanctuaire,  parce  que  le  dimanche  rappelle  le  souvenir  de  la  résurrec- 
M  tion....  Voilà  pourquoi  cela  a  lieu  aussi  pendant  les  six  dimanches  qui 
«  suivent  la  fête  de  Pâques —  » 

L'autel  de  la  Sainte-Chapelle  haute  de  Paris  ne  parait  pas  avoir  été 
disposé  pour  être  voilé,  et  l'édicule  qui  portait  le  grand  reliquaire  était 
placé  derrière  et  non  au-dessus  de  lui.  Nous  traçons  ici  (II)  le  plan  de 
cet  autel  et  de  son  entourage.  L'autel  semble  être  conlenq)orain  de  la 
Sainte-Chapelle  (hiiOà  1^50);  (pumt  à  la  tribune  sur  hupielle  est  |)osée  la 
grande  châsse,  et  dont  tous  les  débris  sont  aujourd'hui  replacés,  elle  date 
évidemment  des  dernières  années  du  xui«-  siècle.  Quatre  colonnes  portant 
des  anges  de  bronze  doré  étaient  placées  aux  (juatre  coins  de  l'eunnarche- 
ment  de  l'autel;  mais  ces  colonnes  avaient  ete  élevées  sous  Henri  111.  Au 
fond  du  rond-point,  derrière  le  maitre-autel  A,  était  dressé  un  petit  autel  B; 
suivant  un  ancien  usage,  ce  petit  autel  était  désigné  sous  le  nom  d'autel 

.'   Hntioiial,  cfiap.  m,  1.  I. 

'  (^est  par  suite  de  ceUe  tradition  que  nous  voyons  encore  sur  les  murs  de  quel- 
ques églises  des  peintures  simulant  des  tentures  suspendues  (vov.  peinture). 


—  35  —  [  AiJT;h;u  I 

de  rétro.  C'était,  comme  à  la  cathcdralc  do  Paris,  commf  à  Bourges,  à 
Chartres,  à  Amiens,  à  Arras,  l'autel  des  reliques,  qui  n'avait  qu'une  place 


4-,   • 


secondaire,  le  maitre-autel  ne  devant  avoir  au-dessus  de  lui  que  la 
suspension  de  l'Eucharistie.  Nous  donnons  (i'2)  l'élévation  perspective  de 
cet  autel,  avec  la  tribune,  les  deux  petits  escaliers  en  bois  peint  et  doré  qui 
accèdent  à  la  plate-forme  de  cette  tribune  voûtée  et  à  la  grande  châsse  en 
vermeil  posée  sur  une  crédence  de  bois  doré,  surmontée  d'un  dais  égale- 
ment en  bois  enrichi  de  dorures  et  de  peintures. 

Nous  entrerons  dans  quelques  détails  descriptifs  à  propos  de  cet  autel 
et  de  ses  accessoires  si  importants,  conservés  au  musée  des  Augustins  et 
rétablis  aujourd'hui  à  leur  place.  L'autel  n'existe  plus,  mais  des  dessins  et 
une  assez  bonne  gravure  faisant  partie  de  l'ouvrage  de  Jérôme  Morand*, 
nous  en  donnent  une  idée  exacte.  Cet  autel  était  fort  simple  ;  la  table 
formée  dune  moulure  enrichie  de  roses,  portée  sur  un  dossier  et  trois 
colonnettes,  n'était  pas  surmontée  d'un  retable.  Derrière  cet  autel  s'ouvre 
une  arcade  formant  l'archivolte  d'une  voûte  figurant  une  abside  et  s'éten- 
dant  jusqu'au  fond  du  chevet  ;  la  grande  arcade  est  accompagnée  et  contre- 
buttée  par  une  arcature  à  jour  servant  de  clôture.  Deux  anges  adorateurs 
sculptés  et  peints  se  détachent  sur  les  écoinçons  de  la  grande  arcade,  ornés 
d'applications  de  verre  bleu  avec  Heurs  de  lis  d'or.  Sous  la  courbe  ogivale 
de  cet  arc  sont  suspendus  des  anges  plus  petits;  les  deux  du  sonnnet 
tiennent  la  couronne  d'épine,  les  quatre  inférieurs  les  instruments  de  la 
Passion.  L'arcature  et  les  archivoltes  en  retour  s'ouvrant  sous  la  voûte 
sont  couverts  d'applications  de  verre,  de  gaufrures  dorées  et  de  peintures. 


Hisl.  delà  Sainte-Chapelle  royale  du  Palais,  par  M .  S.  Jérôme  Morand.  Paris,  1 790. 


AUTEI.    1 


:{(!  — 


La  voùlr  est  conipnsf'cdc  iicrviirpségraloinonlfïaufivcs,  fiirirliios  (U-  piorros 


—    37    —  [    AUTEI.    1 

fausses  et  d<'  reniplissafïes  l)leiisavec  étoiles  d'or.  Les  deux  petits  escaliers 
en  bois  qui  montent  sur  la  voûte  sont  d'une  délicatesse  extrême  et  très- 
liabilenient  coinhinés  connne  menuiserie.  Au  roi  de  France  seul  était 
réserve  \o  piivilciic  d'aller  prendre  la  monstrance  contenant  la  couronne 
d'épine  l'enlérnu'e  dans  la  jurande  châsse,  et  de  présenter  la  très-sainte 
relique  à  l'assistance  ou  au  peui)le  dans  la  cour  de  la  Sainte-Chapelle.  A 
cet  etiet,  en  bas  de  la  iirande  verrière  absidale,  était  laissé  un  panneau  de 
vitres  blanches,  afin  que  le  reliquaire  put  être  vu  du  dehors,  entre  les 
mains  du  roi.  La  suspension  du  saint  sacrement  était  devant  la  grande 
châsse  au-dessus  de  l'autel.  Notre  gravure  ne  peut  donner  qu'une  bien 
faible  idée  de  ce  chel"-d "œuvre,  où  l'art  l'enqwrte  de  beaucoup  sur  la 
richesse  des  peintures,  des  applications,  des  dorures.  Il  va  sans  dire  que  la 
grande  châsse  fut  fondue  et  que  nous  n'en  possédons  plus  que  des  dessins 
ou  des  représentations  peintes.  Derrière  la  clôture,  l'arcature  (jui  garnit 
le  soubassement  de  la  sainte  chapelle  continue  ;  seulement  à  droite,  sous 
la  première  fenêtre,  est  pratiquée  une  piscine  d'un  travail  exquis  (voy.  pis- 
cine); à  gauche,  une  armoire.  Deux  des  douze  apôtres,  dont  les  statues 
ont  été  adossées  aux  piliers,  sont  placés  à  côté  des  deux  escaliers  ;  ce  sont 
les  statues  de  saint  Pierre  et  de  saint  Paul.  Au-dessus  du  petit  autel  de 
rétro,  sous  le  formeret  de  la  voûte  de  la  tribune,  est  peint  un  crucifiement, 
avec  le  soleil  et  la  lune  et  deux  figures,  dont  l'une,  couronnée,  est  proba- 
blement saint  Louis  '.  Deux  marches  montent  à  l'autel  principal. 

On  observera  que  les  autels  dei-rière  lesquels  s'élèvent  des  reliquaires, 
tels  que  ceux  de  l'église  abbatiale  de  Saint-Denis,  de  Notre-Dame  de  Paris 
et  de  la  Sainte-Chapelle,  sont  placés  de  façon  à  ce  que  le  dessous  du 

reliquaire    forme  connue   une 
M'Iiiiil  , ^~^    grotte  ou  crypte  à  rez-de-chaus- 

sée. A  Saint-Denis,  cette  petite 
crypte  était  occupée  par  les  corps 
saints;  mais  à  Notre-Dame  de 
Paris,  à  la  Sainte-Chapelle,  les 
châsses  sont  fort  élevées  au-des- 
sous du  sol,  comme  suspendues 
en  l'air,  de  manière  à  ce  que 
l'on  puisse  se  placer  au-dessous 
d'elles.  Cette  disposition  paraît 
^2-^  avoir  été  adoptée  fort  ancienne- 
ment. Il  existe  dans  les  cryptes 
de  l'église  de  Saint-Denis,  du 
..,,,  côté  du  nord,  proche  l'entrée 
du  caveau  central,  une  arcature 
dépendant  de  l'église  carlovingienne;  sur  l'un  des  chapiteaux  de  cette 
arcature  est  sculpté  un  autel  (l''2  a),  derrière  lequel  est  posé  un  édicule 


1  Ces  peintures  étaient  à  peine  visibles. 


I    ALTEL    I  38    

IHirlaiit  un  rolicjuaiiv.  Lue  petite  éfjflise  du  midi  de  la  France,  l'éfîlise  de 

Valcabrère  près  Saint-Bertrand 
de  Connninges,  a  conservé  dans 
son  chevet,  dont  la  construction 
appartient  a  icpncpie  carlovin- 
^ienne,  un  autel  établi  très- 
franclienient  au  xui'"  siècle  d'a- 
près cette  donnée.  Le  plan  (12  b) 
de  l'abside  de  cette  église,  l'élé- 
vation (12  c)  et  la  coupe  (12  d) 
de  l'autel,  indiquent  nettement 
la  j)etite  crypte  placée  sous  le 
reliquaire  contenant  la  châsse. 
Un  escalier  conduit  sur  la  voûte 
qui  reçoit  la  (basse,  et  les  fi- 
dèles peuvent  circuler  derrière 

lautel  sous  cette  voûte,  pour  se  placer  directemenl  sous  la  protection  du 


--€'"00- 


pteAHD  se 


saint.  Nous  verrons  tout  à  l'heure  comme  ce  principe  est  appliqué  aux 
autels  secondaires  de  l'église  abbatiale  de  Sainl-Dt'nis. 


—    31>    —  [    ALTEL    ] 

Il  est  une  chose  dii^MU'  de  remarque  lorsqu'on   examine  ces  restes 
précieux,  ainsi  que  ceux  qui  nous  sont  encore,  el  en  si  grand  nombre, 


flfÇAfiû.SC 


consen'és  à  Saint-Denis  :  c'est  que,  dans  les  décorations  des  autels,  dans 
tout  ce  qui  semblait  fait  pour  accompagner  dignement  le  sanctuaire  des 
églises,  on  s'est  préoccupé  au  moyen  âge,  surtout  en  France,  d'honorer 
l'autel,  plus  encore  par  la  beauté  du  travail .  par  la  perfection  de  la  main- 
d'œuvre  (\ue  par  la  richesse  intrinsèque  des  matières  employées.  A  la 
Sainte-Chapelle,  ce  gracieux  sanctuaire  n'est  composé  que  de  pierre  et  de 
bois;  les  moyens  de  décorations  employés  sont  d'une  grande  simplicité  : 
du  verre  appliqué,  des  gaufrures  faites  dans  une  pâte  de  chaux,  des 
peintures  et  des  dorures,  n'ont  rien  qui  soit  dispendieux.  La  valeur  réelle 
de  ce  monument  tient  à  l'extrême  perfection  du  travail  de  l'artiste.  Toutes 
les  sculptures  sont  traitées  avec  un  soin  .  un  art ,  et  nous  dirons  avec  un 
respect  scrupuleux  de  l'objet,  dont  rien  napj)roche.  N'était-ce  pas,  en 
effet,  la  plus  noble  manière  d'honorer  Dieu  que  de  faire  passer  l'art  avant 
toute  chose  dans  son  sanctuaire?  et  n'y  avait-il  pas  un  sentiment  vrai  et 
juste  dans  cette  perfection  que  l'artiste  cherchait  à  donner  à  la  matièie 
grossière?  Nous  avouerons  que  nous  sommes  bien  plus  touchés  à  la  vue 
d'un  autel  de  pierre  sur  lequel  l'hounnea  épuisé  toutes  les  ressources  de 


I     AITEL    )  —    40   — 

son  art,  que  devant  ers  morceaux  de  bronze  ou  d'arjjjent  j^rossièi'enieiil 
travaillés,  dont  la  valeur  consiste  dans  le  poids,  et  (|ni  excil(Mit  bien  |»lntôl 
la  cupidité  (|u  ils  néuieuveiU  lànie.  Nous  avons  déjà  parlé  des  autels  de 
l'église  abbatiale  de  Saint-Denis,  et  nous  avons  cherché  à  donner  une  idée 
de  ce  que  pouvait  être  l'autel  des  reliques  élevé  dans  son  sanctuaire  ;  mais 
ce  n'est  là  qu'une  restauration  dont  chacun  peut  contester  la  valeur; 
heureusenxMit  j)lusieurs  des  autels  secondaires  de  cette  église  célèbre  ont 
été  conservés  ius(|irà  nous  en  débris,  ou  nous  sont  domiés  par  de  précieux 
dessins  exécutés  en  I7U7  par  feu  Percier '.  C'est  surtout  dans  ces  autels 
que  l'œuvre  de  l'artiste  api)araît.  Là  point  de  retai)les  ni  de  parementsd'or 
ou  de  vermeil.  La  pierre  est  la  seule  matière  enq)lo\ée;  mais  elle  est 
travaillée  avec  un  soin  et  un  goût  parfaits,  recouverte  de  peintures,  de 
dorures,  de  gravures  remj)lies  de  mastics  colorés  ou  d'ai)j>lications  de 
verre  qui  ajoutent  encore  à  la  beauté  du  travail,  sans  que  jamais  la  valeur 
de  l'œuvre  d'art  puisse  être  dépassée  par  la  richesse  de  la  matière.  Nous 
donnerons  d'abord  l'autel  de  la  chapelle  de  la  Vierge  située  au  chevet 
dans  l'axe  de  l'église.  Cet  autel,  élevé  sur  un  pavé  en  terre  cuite  d'une 
grande  finesse,  et  qui  dépend  de  l'église  bâtie  par  Suger,  est  posé  sur  une 
seule  marche  en  pieire  de  liais  giavée  et  incrustée  de  mastics.  Les 
gravures  forment ,  au  milieu  dune  délicate  bordure  d'ornements  noirs, 
un  semis  de  fleurs  de  lis  et  de  tours  de  Casiille  sm-  champ  bleu  verdàtre 
et  rouge  (voy.  dallage).  Portée  sur  trois  colonnettes  et  sur  un  dossier 
richement  peint ,  la  table  de  l'autel  est  simple  et  surmontée  d'un  retable 
en  liais  rei)résentant,  au  centre,  la  sainte  Vierge  couroimée  tenant  l'eidant 
Jésus;  adroite,  la  naissance  du  Christ,  l'adoration  des  Mages;  à  gauche, 
le  massacre  des  Innocents  et  la  fuite  en  Egyj)te.  (^es  ligures,  d'un  travail 

'  M.  Percier,  dont  la  jtiédilectioi)  pour  les  arts  de raiitiquilé  ne  saurait  être  contestée, 
était  avant  tout  un  lioniinc  de  yoùl,  et  mieux  que  cela  encore,  un  lionune  de  cœur  et 
de  sens.  Kn  revenant  d'Italie,  il  vit  l'église  de  Saint-Denis  pillée,  dévastée;  il  ne  put 
regarder  avec  indillérence  les  restes  épars  de  tant  de  monuments  d'an  irtnassés 
pendant  plusieurs  siècles,  alors  nnitilés  par  l'ignorance  ou  le  lanatisnie;  il  se  mit  à 
l'œuvre  ,  et  lit  dans  rancienne  alil)aliale  un  grand  nombre  de  croquis.  Ces  travaux 
portèrent  leur  l'ruil ,  et  bientôt,  aidé  de  M.  Lenoir ,  il  sauva  d'une  destruction  com- 
plète un  grand  mjuibre  de  ces  débris,  qui  lurent  déposés  au  Musée  des  n)onuments 
français.  JNous  eûmes  cpielquelois  le  bonbcur  d'enlendre  M.  Percier  parler  de  cette 
époque  de  sa  vie  d'artiste;  il  était,  sans  le  savoir  peut-être,  le  premier  qui  avait  voulu 
voir  et  l'aire  apprécier  notre  vieil  art  national  ;  le  souvenir  des  monuments  mutilés  de 
Saint-Denis,  mais  qu'il  avait  vus  encore  en  place ,  avait  laissé  dans  son  esprit  une 
impression  inell'açable.  A  sa  mort,  M.  Vilain,  son  neveu,  béritier  de  ses  portelénilles, 
eut  l'obligeance  de  nous  laisser  calquer  toutes  les  notes  et  croquis  recueillis  dans  l'église 
de  Saint-Denis;  grâce  à  ces  renseignements  si  libéralement  accordés,  nous  piimes 
rassembler  et  recomposer  les  débris  sortis  du  musée  des  Pelits-Auguslins.  Quelcpies- 
uns  des  anciens  autels  de  l'abbaye  ont  été  ainsi  lacilemenl  rélai)lis,  beaucoup  d'autres 
pourraient  l'être  à  coup  sur;  car  les  nombreuses  traces  encore  existantes  dans  les 
cliapelles  et  les  fragments  déposés  en  magasin  montrent  combien  les  croquis  de 
M.  Percier  sont  tidèlcs. 


—  il  — 


[    AITKI, 


reniiii'(|iial»It'.  sont  ciitièi'cnu'iil  pcinles  sur  l'oiid  hlf'u  losanf.^*'  ot  somt'  Ho 
tleiirs  (le  lis  d  oi'.  Ih'rriôrc  le  it'lahlo,  eiitiv  l'aulcl  et  le  l'ond  de  la  cliapcllc, 
est  un  poli!  cdiculc  sous  UmjucI  on  peut  passer,  et  ([ui  supporte  au  niveau 
du  (U'ssus  du  retable  un  tabernacle  en  pierre  d'une  excessive  délicatesse. 
Deux  colonnes  à  liuil  pans,  terminées  ;i  leiu'  sonniiel  par  des  fleurons 
téuillus,  posées  aux  deux  côtés  du  retaille,  reçoivent  des  crosses  en  fer 
doré,"  auxquelles  des  lampes  sont  suspendues.  Au-dessus  du  tabernacle, 
sur  un  cul-de-lampe  incrusté  dans  la  colonne  centrale  du  l'ond  de  la 
chapelle,  est  posé(^  une  jolie  statue  de  la  sainte  Vierge  tenant  reniant, 
en  marbre  blanc,  demi-nalme;  sur  sa  tête  est  un  dais.  Voici  (l.'J)  un  plan 


13 


peoAKc .se 


de  cet  autel  avec  la  chapelle  dans  laquelle  il  est  posé,  et  (i;3  bis)  une  vue 
de  l'ensemble  du  petit  monument.  Dans  le  tabernacle,  derrière  l'autel, 
était  placée  une  châsse  contenant  les  corps  de  saint  llilaire,  évéque  de 
Poitiers,  et  de  saint  Patrocle,  martyr,  évoque  de  Grenoble.  Cet  autel, 
comme  la  plupart  des  autels  secondaires  de  I  e^dise  abbatiale  de  Saint- 
Denis,  avait  été  élevé  par  les  soins  de  saint  Louis  lorscjuil  fil  restaurer  et 
rebâtir  en  partie  cette  éj^lise. 

A  l'entrée  du  rond-point  de  l'église  abbatiale,  du  côté  j^^auche  (nord), 
était  autrefois  la  chapelle  dédiée  à  saint  Firmin,  premier  évéque  d'Amiens, 


T.    II. 


AllTEI. 


—  ^^  — 


C'^ff.L  A  tz-v^  r  ^/:a.\tt 


iiiailN !•.  Lf  pavé  de coUc  clia|)fll(' cl  la  iiiarclio do  raïUel. (|ui  ost  tbrl  large, 


—    -i.'î    —  [    AlïKL    ] 

élaieiil  en  mosaïques,  et  dataient  du  m^"  siècle'.  Laulel  est  du  connnen- 
cenient  du  ww  siècle,  ainsi  (|ue  son  retahlo.  qui  existe  encore  en  entier-. 
l).  Doublet  mentionne  le  pavaiic  en  mosaïque  de  cett-e  chapelle.  d(tnt  nous 
avons  dernièrement  retrouve  des  |H»itionsen  place;  il  donne  la  lèj^ende  de 
la  châsse  de  saint  Firmin  concjuise  par  Dagobert,  légende  qui  était  peinte 
sur  le  devant  de  lautel,  entre  l'arcature  dont  il  était  décoré '.  Il  parle  de 
la  châsse  en  bois  doré  posée  derrière  l'autel,  et  d'une  certaine  «  bande  de 
((  broderie  au-dessus  de  l'autel ,  toute  pourtilée  de  perles  et  enrichie  de 
«  pierieries,  de  la  longueur  d'yceluv,  à  laquelle  sont  suspendues  soixante 
«  bransUns  (glands)  daigent  doré.  »  Voici  (1-i)  la  (ace  de  l'autel  avec  son 


ct/'Zt'u^or  ^■cc/^€    .1  f 


retable  en  piei-re  sculptée  et  peinte,  représentant  le  Christ  au  centre,  avec 
les  quatre  évangélistes;  des  deux  côtés,  les  douze  apiMres  avec  leurs  noius 
au-dessous.  En  commentant  par  la  droite  de  lautel,  on  lit  :  Simon,  Bartholo- 

'  Une  partie  de  ce  pavage  existe  encore  :  c'est  une  mosaïque  composée  de  pierres 
dures,  porphyre,  vert  antique,  serpentine,  de  pâtes  colorées  et  dorées,  et  de  petits 
morceaux  déterre  cuite  ;vov.  mosaïqie). 

2  Le  corps  de  l'autel  a  été  coupé  en  morceaux  lors  des  restaurations  entreprises  de 
1 830  à  1 840  ;  lieureusenient  tous  ces  fragments  existent  encore,  et  peuvent  être  faci- 
lement recomposés  à  l'aide  d'un  dessin  très-complet  et  détaillé  de  M.  Percier. 

■^  On  voit  dans  le  dessin  de  M.  Percier  l'indication  de  i-^Wc  peinture,  l'armée  de 
Dagobert  au  siège  de  Picquigny,  etc. 


ii 


[    ALTKI.    I 

meus,  Jacolms,  JctliiiiiiH'^,  Andréas,  Petrus;  sous  le  (Christ,  Apostolus;  puis 
en  suivant,  Paulus,  Jacohus,  Tlionias.  Filipus,  Malheus,  Judas  (Jude).  lians 
lequatre-Ccuillesquicnfourele  (llnist.on  lit  cetlciiisciiplion  :  Hir  Deusesl 
el  liomo  quem  preaens  signal  imago  ;  ergo  rogahil  homo  (inctn  sntlia  figurai 
imago.  Le  corps  de  l'autel  est  coinpose  d  iinr  ;ii(  alnif  tcuillue  soutenue 
par  (les  colonnettes  engagées,  cylindriques  et  piisinati(iues  alternées;  le 
tout  est  couvert  de  peintures;  les  t'euillages  sont  colorés  en  vert  ainsi  que 
les  chapiteaux;  les  colonnettes  sont  divisées  par  des  coiupartinients  très- 
tins  siuudant  des  niosaiVpies .  assez  semblables  à  celles  qui  couvrent  les 
colonnellcs  des  cloîtres  de  Saint-Jean  de  Lalran  et  de  Sainl-l*aul  hors  les 
murs  à  Home;  les  intervalles  entre  les  colonnettes  sont  couverts  de  sujets 
légendaires,  ainsi  (]u'il  vient  d'être  dit.  La  table  de  l'autel  était  bordée  sur 
ses  rives  d'une  inscription,  perdue,  et  couverte  sur  le  plat  d'une  mosaïque 
à  compartiments.  Nous  donnons  ici  (15)  le  plan  de  cet  autel,  avec  la  chasse 


>L 


PCSARP     se 


de  saint  Firmin  placée  derrière  le  dossier,  sous  une  table  portf'e  sur  des 
colonnes;  et  (10)  le  côté  de  l'autel  qui  l'ait  coiupiendre  la  disjiosition  de 
cette  châsse,  des  grilles  dont  elle  était  entourée  et  de  la  |)etile  lauq)e  (jui 
brûlait  sur  !<>  corps  saint.  On  voit  combien,  malgré  la  richesse  des  d«'tails, 


—  45  — 


ACIKI. 


la  forme  générale  de  ce  petit  inonunient  est  simple  et  dii^ne.  Comme  dans 
toutes  les  (envies  du  moyen  à^e.  surtout  avant  le  xiv  siècle,  on  remai-que 
dans  le  jx'tit  nombre  d'autels  (|ui  nous  sont  conservés  par  des  dessins  ou 
des  monunu'uts,  et  surtout  dans  leurs  accessoires,  tels  que  retables,  taber- 
nacles, reliquaires,  une  },M'ande  variété;  que  serait-ce  si  tous  ces  objets 


16 


7:^7Z7rM 


^ 


nouseussent  été  transmis  intacts!  Les  deux  deriners  autels  nous  montrent 
des  relicjuaires  disposés  d'un»'  façon  très-ditierente  et  parfaitement  justi- 
fiée par  la  situation.  En  etl'et,  l'autel  (fii>.  13)  de  la  chapelle  de  la  Viertse  de 
Saint-Denis  est  adossé,  et,  pour  faire  voir  la  châsse,  il  fallait  nécessairement 
l'élever  au-dessus  du  retable;  au  contraire,  l'autel  de  Saint-Firmin  est 
placé  de  manière  que  l'on  peut  tourner  facilement  tout  autour  (fig.  I  o)  ;  la 
châsse  se  trouvait  alors  au  niveau  du  sol,  protégée  par  un  grillage.  Au- 
dessus  d'elle,  suspendue  à  la  grande  tablette  qui  la  recouvrait,  se  voit 
la  petite  lampe.  11  existait  encore  à  Saint-Denis  un  grand  nombre  d'autels 
secondaires  dont  les  dispositions  accessoires  dilferaient  de  celles  que  nous 
venons  de  donner.  Voici  entre  autres  l'autel  Saint-Eustache,  qui  se  trouvait 
adossé  au  fond  de  la  première  chapelle  carrée  au  nord ,  au-dessus  de  la 
chapelle  de  la  Vierge  Blanche  (17).  Ici  le  tabernacle  recouvrant  la  châsse 
du  saint  était  complètement  isolé  du  retable  et  porté  sur  deux  colonnes  et 
des  consoles  à  figures.  Il  parait  ditficile  de  donner  une  signification  a  ces 
monstres  accroupis  sur  des  honnnes  vêtus.  Le  sculpteur  a-t-il  vouJu  faire 


[    AllKL    1 


—  m  — 


des  sirènes,  en  se  conformant  aux  textes  des  bestiaires  si  fort  en  voii 


ue 


i"    —  I     Al'TEI. 


pendant  les  xn^'  ot  xiii'  siècles',  ft  rappeler  ainsi  aux  fidèles  le  danj^ferdes 
séduclinnsdu  siècle?  Parmi  les  autels  de  Saint-Denis,  il  en  est  encore  un 
autre  dont  la  plac(>  n'a  pu  être  jiiscprà  présent  reconiuie-,  niais  qui  pré- 
sente un  jii'and  intérêt  :  il  se  compose  d'un  massit'en  maconni'rie  entière- 
ment revêtu  sur  le  devant  et  les  côtés  (rapi>licati(»us  de  veries  taillés  en 
losanges,  et  à  travers  iesciuels  on  aperçoit  des  tours  de  Castille  sur  fond 
écarlate,  des  fleurs  de  lis  sur  fond  bleu,  des  rosaces  et  des  aif^lettes  sur 
fond  pourpre.  Sur  le  dossier  est  un  retable  éj^^alement  incrusté  de  verre 
bleu  taillé  en  poly<ïones,  avec  un  crucifiement,  saint  .leaiv  et  la  Vierge, 
rEglise  et  la  Synagogue,  en  bas-relit^f.  La  marche  de  cet  autel  est  en  liais, 
avec  bordure  de  Heurs  de  lis  et  tours  de  Castille  très-tines  se  détachant  sur 
un  fond  de  mastic  bleu  et  rouge;  le  milieu  présente  des  dessins  d'une 
grande  délicatesse,  noirs,  bleus  et  rouges,  également  en  mastic.  Le  pavé 
de  la  chapelle  était  en  mosaïque  de  terre  cuite  et  de  petites  pierres  de 
couleur,  avec  carreaux  menus  de  marl)re  blanc  (voy.  pavages).  Nous  don- 
nons ci-contre  (18)  une  élévation  perspective  de  cet  autel. 

Dansquelques-uns  desexemples  donnés  ci-dessus,  on  ne  voitpas  que  l'Eu- 
charistie ait  été  placée  autrement  que  dans  un  ciboire  suspendu,  et  nous 
n'avons  pas  trouvé  de  tabernacles  ou  custodes  posés  sur  les  autels  pour 
contenir  les  hosties  consacrées  et  non  consacrées,  ainsi  que  le  dit  Guillaume 
Duranddansson  /îa</ona/.  L'usage  de  réserver  l'Eucharistie  dansdes  réduits 
tenant  aux  retables  des  principaux  autels  ne  remonte  pas  à  plus  de  deux 
cents  ans,  et  encore,  à  la  fin  du  xviiie  siècle,  conservait-on  l'Eucharistie 
dans  des  boîtes  en  forme  de  pavillons  ou  de  tours,  ou  dans  des  colombes 
d'argent,  suspendues  au-dessus  des  autels  majeurs  des  grandes  cathédrales 
et  des  églises  monastiques.  Souvent  aussi  apportait-on  les  hosties  pour  la 
communion  dans  des  ciboires  que  l'on  posait  sur  la  table  de  l'autel  au 
moment  de  dire  la  messe.   Dans  ce  cas,  le  ciboire,  la  boîte  de  vermeil 


1  Voy.  les  Mélangea  archéol.  des  RR.  PP.  Marlin  et  Cahier,  t.  il ,  p.  173.  »  Phy- 
"  siologes  disl  que  la  seraine  port  saniblancc  de  lenie  de  si  al  iKiinlpiil,  et  la  partie 
■'  d'aval  est  oisel.  La  seraine  a  si  doux  chant  qu'èle  déchoit  cels  qui  nagent  en  mer; 
'<  et  est  lor  mélodie  tant  plaisant  à  oïr,  que  nus  ne  les  ot,  tant  suit  loing,  qu'il  ne  li 
«  conviegne  venir.  Et  la  seraine  les  fait  si  oi)lier  quant  èle  les  i  a  atrait,  que  il  s'en- 
•  dorment;  et  quant  il  sont  endormi,  èles  les  assaillent  et  ocient  en  traïson  que  il  ne 
«  s'en  prennent  garde.  Ensi  est  de  cels  qui  sont  es  richoises  de  cest  siècle,  et  es  délis 
"  endormis,  qui  lor  aversaire  ocient  :  ce  sont  li  diable.  Ia^s  seraines  senefient  les 
«  lémes  qui  atraient  les  homes  par  lor  blandissemens  et  par  lor  déchèvemens  à  els, 
«  de  lor  paroles;  que  èles  les  mainent  à  poverté  et  à  mort.  Les  èles  de  la  seraine,  ce 
■  est  l'amor  de  la  feme  qui  tost  va  et  vient.  »  (Manusc.  .Vrsenal,  n"  28o.) 

-  I-es  fouilles  faites  sons  le  i)avé  actuel  du  choMir,  en  faisant  retrouver  les  dallages 
ou  carrelages  anciens,  permettent  de  replacer  à  coup  sûr  les  autels  dessinés  par 
M.  Percier  avec  leurs  pavages.  Malheureusement,  ces  fouilles  ne  peuvent  être  entre- 
prises que  successivement,  par  suite  de  la  faiblesse  des  allocations  annuelles,  et  l'autel 
dont  nous  parlons  n'a  p;is  encore  retrouvé  sa  place,  bien  que  son  retable  et  une  grande 
partie  de  son  devant  existent  encore,  ainsi  que  la  marche. 


AlTKI.    1 


—  \H  — 


conteiiani  l'Kucharistip,  était  hahiuirlloiupnt  dépos«''<>  dans  un  sacraire  ou 
petite  saciislic  voisiiKMlo  l'autel.  Tliieis  parle,  dans  ses  Dinaerlalions  sur 
les  priiicipau.r  aulels  des  églises,  de  (ours  destinées  à  rontenir  IKurlia- 
ristie  ;  il  dit  en  avoir  vu  une  de  cuivre,  assez  ancienne,  dans  le  chœur  de 

18 


Wii^m'^m^^^^^  ^f''^'^^^"''''.^^^^^^^ 


-^ 


i 


%Mèi 


réglise  paroissiale  de  Saint-Michel  de  Miidn.  (!let  usaj^e  était  fort  ancien  en 
effet;  car  saint  Rémi,  archevêque  de  Reims,  ordonna,  par  son  testament, 
que  son  successeur  ferait  faire  un  tabernacle  ou  ciboire  en  forme  de  tour 
d'un  vase  d'or  pesant  dix  marcs.  (|iii  lui  avait  ete  donn»'  par  le  loi  (llovis. 
Fortunat,  evèquede  Poiliei's,  l«»ue  saint  Kelix,  ar(hevt''(nie  de  Rouriies,  (pii 
assista  aucpuitrième  concile  de  Paris  en  r>7;},  de  ce  (piil  avait  fait  faire 'une 
tour  d'or  très- pi'écieuse  pour  luettre  le  corps  dt^  Jésus -Christ.  Les 
exemples  abondent,  aussi  bien  pour  les  tours  transporlables  que  pour  les 
colombes  suspendues  au-dessus  des  autels  et  contenant  l'Eucharistie. 
Peut-être  (uiillaunie  Durand  ,  en  jiarlant  des  tabernacli^s  posés  sur  les 
autels,  entend-il  designer  ces  tours  ou  custodes  mobiles  (pii  ne  contenaient 
pas  seulement  les  hosties  consacrées,  mais  encore  les  non  con.sacrées  et 


49   [    AlITtiK    j 

nièine  des  reliques  de  saints  ;  ces  custodes,  complètement  indépendantes 
du  retable,  se  posaient  devant  lui,  sur  Taufel  mrme,  au  niomrnt  de  la 
connuunion  des  tidèles.  Mais  il  faut  reconnaître  que  le  texte  de  levcque 
de  Mcnde  est  assez  va^ue,  »'t  l'opinion  de  Tliiers  sur  les  oUstodesou  tours 
mol)il(^s  nous  parait  appuyée  sur  des  faits  dont  on  ne  peut  contester 
l'authenticité.  Tliiers  rep;arde  les  tours  comme  des  cottres  destinés  non 
point  à  contenir  l'Eucharistie,  mais  les  ustensiles  nécessaires  pour  l'obla- 
tion,  la  consécration  et  la  communion,  et  il  incline  à  croire  (jue  l'Eucha- 
ristie était  (ot( jours  réservée  dans  une  boite  suspendue  au-dessus  de  l'autel, 
que  cette  boite  fût  faite  en  forme  de  tour,  de  coupe  ou  de  colombe.  Saint 
Udalric  parle  d'une  colombe  d'or  continuellement  suspendue  sur  l'autel 
de  la  {grande  éjjflise  de  Cluny.  dans  laquelle  on  réservait  la  sainte  Eucha- 
ristie. Mais  ces  suspensions  aftectaient  diverses  formes,  sans  parler  de 
celle  représentée  dans  la  fip-.  S  ;  il  existe  encore  dans  le  trésor  de  la  cathé- 
drale de  Sens  un  ciboire  en  forme  de  coupe  recouverte,  destiné  à  être 
suspendu  au-dessus  de  l'autel;  ce  ciboire  date  du  xnii'  siècle.  Quant  aux 
ustensiles  nécessaires  pour  l'oblation,  la  consécration  et  la  comnmnion, 
tels  que  le  calice,  la  patène,  la  fistule,  les  burettes,  le  voile,  etc.,  ils  étaient 
conservés  ou  dans  ces  coffres  mobiles  que  l'on  transportait  près  de  l'autel 
au  moment  de  l'oblation,  ou  dans  ces  petites  armoires  qui  sont  générale- 
ment pratiquées  dans  les  murs  des  chapelles  à  la  droite  de  l'autel  en  face 
de  la  piscine,  ou  dans  de  petits  réduits  pratiqués  à  cet  effet  dans  les  autels 
mêmes.  Nous  retrouvons  un  assez  grand  nombre  d'autels  figurés  dans 
des  peintures  et  des  bas-reliefs  où  ces  réduits  sont  indiqués.  Voici  entre 
autres  (19)  un  autel  provenant  d'un  bas-relief  en  albâtre  conservé  dans 
le  musée  de  la  cathédrale  de  Séez ,  sur  la  paroi  duquel  est  ouverte  une 
petite  niche  contenant  les  burettes. 

Quant  aux  retables,  ils  prirent  une  plus  grande  importance  à  mesure  que 
le  goût  du  luxe  pénétrait  dans  la  décoration  intérieure  des  églises  (voy.  re- 
table). Déjà  très-riches  au  xiu'"  siècle,  mais  renfermés  dans  des  lignes 
simples  et  sévères  ,  ils  ne  tardèrent  pas  à  s'élever  et  à  dominer  les  autels 
en  présentant  un  échafaudage  d'ornementation  et  de  figures  souvent  d'une 
assez  grande  dimension,  ou  une  succession  de  sujets  couvrant  un  vaste 
champ.  Les  cathédrales  seules  conservèrent  longtemps  les  anciennes  tradi- 
tions, et  ne  laissèrent  pas  étouffer  leurs  maître-autels  sous  ces  décorations 
parasites.  Il  faut  rendre  justice  à  l'Église  française,  cependant  :  elle  fut  la 
dernière  à  se  laisser  entraîner  dans  cette  voie  fâcheuse  pour  la  dignité  du 
culte.  L'Italie,  l'Espagne,  l'Allemagne  nous  devancèrent  et  couvrirent  dès 
le  xive  siècle  leurs  retables  d'un  fouillis  incroyable  de  bas-reliefs,  de  niches, 
de  clochetons,  qui  s'élevèrent  bientôt  jusqu'aux  voûtes  des  églises.  Les 
dossiers  des  autels  des  églises  espagnoles  notannnent  sont  surmontés  de 
retables,  dont  quelques-uns  appartiennent  au  xiv  siècle,  et  un  plus  grand 
nombre  aux  xv»"  et  xyi»-  siècles,  qui  dépassent  tout  ce  que  l'imaginalioii  peul 
supposer  de  plus  riche  et  de  plus  chargé  de  sujets  el  de  sculptures  d'orne- 
ment. Sans  tomber  dans  cette  exagération,  les  autels  de  France  perdent  a 

T.    II.  7 


I    Al'THl.    1  '><>    

la  fin  du  xiv<'  sièclf  l'aspect  sévère  (|u'ils  avaient  su  couserver  encore 
|)en(lant  le  xm*".  Les  retables  prennent  assez  d'iinportance  (excepté,  comme 


•4, 


:"i"i  I  I  nil  I  I  I  I  I  I  ' PESARD.) 


nous  l'avons  dit,  dans  quehpies  églises  cathédrales)  pour  faire  disparaître 
la  belle  disposition  des  autels  de  Saint-Denis.  On  n'établit  plus  cette 
distinction  entre  l'autel  et  le  rerupiaires'élevant  derrière  lui  ;  tout  se  mêle 
et  devient  confus  ;  l'autel,  le  retabh^  et  le  reli(|uair(>  ne  forment  plus  qu'un 
seul  édicule,  contrairement  à  cette  loi  de  la  primitive  Église,  que  rien  ne 
doit  être  placé  directement  au-dessus  de  l'autel,  si  ce  n'est  le  ciboire.  Il 
ne  nous  appartient  pas  de  décider  si  ces  changements  ont  été  favorables  ou 
non  à  la  dignité  des  choses  saintes;  mais  il  est  certain  qu'au  point  de  vue 
de  l'art,  les  autels  ont  perdu  cette  simi)licité  grave,  qui  est  la  marque  du 
bon  goût,  depuis  (ju'on  a  surchargé  leurs  dossiers  d'ornements  parasites, 
depuis  (ju'on  a  remplacé  les  susjxMisionsdu  saint  ciboire  par  des  tabernacles 
qui  s'ouvrent  au  milieu  du  retable;  depuis  rpie  les  retables  eux-mêmes, 
convertis  en  gradins,  ont  été  couverts  d'une  quantité  innombrable  de 
flambeaux,  de  vases  de  fleurs  artificielles;  depuis  que  des  tableaux  avec 
encadrements  présentent  des  scènes  réelles  aux  yeux,  et  viennent  distraire 
plutôt  quéditier  les  fidèles.  Notre  opinion  sur  un  sujet  aussi  délicat  pour- 
rait au  besoin  s'appuyersur  celle  d'un  auleurecclésiasliqu<Mjue  nous  avons 


—    51     —  [    AUTEI.     ] 

déjà  cité  bien  des  fois  dans  le  cours  de  cet  article.  Thiers,  en  parlanl  de  ces 
innovations  qu'il  rejjarde  comme  funestes,  dit  •  :  «  Les  petits  esprits,  les 
esprits  foibles.  les  dé\ots  de  mauvais  ^oust.  (jui  ont  j)lus  de  zèle  que  de 
lumières,  et  qui  ne  sont  j)as  prévenus  de  respect  j)(>ur  les  anli(|uités 
ecclésiastiques,  louent,  approuvent  ct's  nouvelles  inventions,  jusqu'à  dire 
qu'elles  entretiennent,  ([u'elles  excitent  leur  dévotion.  Comme  s'il  n'y 
avoit  point  eu  de  dévotion  dans  l'antiquité;  connnesi  l'on  ne  pouvoit  pas 
être  dévot  sans  cela;  connue  s'il  n'y  avoit  pas  de  dévotion  dans  les  églises 
cathédrales,  où  les  tabernacles  sont  extrêmement  simples,  aussi  bien  que 
les  autels,  quoique  les  end)ellissements  leur  conviennent  inciMuparablement 
mieux  qu'aux  églises  des  Réguliers  entre  autres.  »  Que  dirait  donc  Thiers 
aujourd'hui  que  toutes  les  églises  cathédrales  elles-mêmes  ont  laissé 
perdre  la  vénérable  simplicité  de  leurs  autels  sous  des  décorations  qui 
n'ont  même  pas  le  mérite  de  la  richesse  de  la  matière,  ou  de  la  beauté  de 
la  l'orme?  Depuis  l'époque  où  écrivait  notre  savant  auteur  (1088),  que  de 
tristes  changements  dans  les  chœurs  de  nos  églises  mères,  quelle  mons- 
trueuse ornementation  est  venue  remplacer  la  grave  et  simple  décoration 
de  ces  anciens  autels,  témoins  des  faits  les  plus  émouvants  de  notre  histoire 
nationale!  Qu'eût  dit  Thiers  en  voyant  le  chapitre  de  la  cathédrale  de 
Chartres  démolir  son  jubé  et  son  autel  du  ww  siècle;  le  chapitre  de 
Notre-Dame  de  Paris  présider  à  la  destruction  de  son  ancien  autel ,  de 
ses  reliquaires,  de  ses  tombes  dévêques;  celui  de  la  cathédrale  d'Annens 
remplacer  par  du  stuc,  du  plâtre  et  du  bois  doré  le  magnifique  maître-autel 
dont  nous  donnons  plus  bas  la  description  ?  Peut-on,  après  cet  aveuglement 
qui  entraînait,  pendant  le  cours  du  dernier  siècle,  le  clergé  français  à  jeter 
au  creuset  ou  aux  gravats  des  monuments  si  vénérables  et  si  précieux, 
pour  mettre  à  leur  place  des  décorations  théâtrales  où  toutes  les  traditions 
étaient  oubliées;  peut-on,  disons-nous,  trouver  le  courage  de  blâmer  les 
démolisseurs  de  1793,  qui  renversaient  à  leur  tour  ce  qu'ils  avaient  vu 
détruire  quelques  années  auparavant  par  les  chapitres  et  les  évêques  eux- 
mêmes?  Ces  pertes  sont  malheureusement  irréparables  :  car,  admettant 
qu'aujourd'hui,  par  un  retour  vers  le  passé,  on  tente  de  rétablir  nos 
anciens  autels,  jamais  on  ne  leur  donnera  l'aspect  vénérable  que  le  temps 
leur  avait  imprimé;  on  pourra  faire  des  pastiches, on  ne  nous  rendra  pas 
tant  d'oeuvres  d'art  accumulées  par  la  piété  des  prélats  et  des  fidèles  sous 
l'intluence  d'une  même  pensée;  car  jusqu'à  la  réformation,  sauf  quelques 
légères  modifications  apportées  parle  goût  de  chaque  siècle,  les  dispositions 
des  autels  étaient  à  très-peu  de  choses  près  restées  les  mêmes.  En  voici 
une  preuve. 

Le  maître-autel  de  la  cathédrale  d'Amiens  avait  été  érigé  pendant 
le  xv^  siècle  et  au  commencement  du  wi»-,  soit  que  l'ancien  autel  n'eût 
été  que  provisoire,  soit  qu'il  eût  été  ruiné  pendant  les  guerres  désas- 
treuses des  xive  et  xv«  siècles.  Ce  nouvel  ault'l  lappelait  les  dispositions 

'   Disserl.  mir  lex  prinrip.  milels  des  églises,  cliap.  xxiv,  y.  209. 


ALTEL 


(I»'   (('liii  (If  la  Sainlo-i^liapclle,  ce  qu'il  «'sl   facile  de  l'econiiaitic   en 
examinant  le  plan  C^O)  '  que  nous  présentons  ici.  C.ràce  au  zèle  (l'un 


2(» 


Aniiénuis  dont  tous  les  loisirs  sont  employés  à  t'aiit'  coiuiaitrc  lliistoire  de 
son  pays%  et  dont  les  recherches  ont  déjà  produit  de  précieux  travaux  sur 
la  Picardie,  nous  pouvons  donner  à  nos  lecteurs  une  idée  complète  du 
maitie-autel  de  la  cathédrale  d'Amiens.  Cet  autel  était  en  pierre  blanche, 
percé  de  trois  niches  destinées  à  contenir  les  chasses  des  trois  saints  les 
plus  vénérés  du  diocèse  d'Amiens;  il  avait  été  consacié  en  I  iS3  par 
l'évèque  Versé,  neveu  de  .1.  Coythier,  médecin  de  Louis  M.  La  tahle,  en 
marbre  noir,  avait  4"",5  i  de  long  sur  0"',t>()  de  lar^'eur  ;  elle  avait  été  donnée 
en  1413  par  un  chanoine  de  la  cathédrale,  Pierre  Millet.  Le  retable,  sur- 


1  Ce  plan  nous  a  été  communiqué  par  M.  Dullioit,  tlWmicns;  il  csl  copié  sur  un 
dessin  l'ail  on  1727,  et  faisant  partie  de  la  précieuse  collection  de  M.  (JiUtcrt,  linlati- 
gal)le  historien  de  nos  anciennes  catliédrales  du  nord. 

2  M.  Goze;  c'est  à  cet  archéologue,  dont  la  com]»laisaucc  ne  nous  a  jamais  l'ait 
défaut,  que  nous  devons  la  description  suivante,  extraite  des  registres  déposés  aujour- 
d'hui dans  la  hihliothèque  couinmnalo  (fAniiens. 


—    r>3    —  [    Al  IKL    1 

élevé  iiu  centre,  était  couvert  de  panneaux  de  bois  peint  représentant  la 
Passion,  qui,  en  s'ouvrant  connue  des  volets,  laissaient  voir  des  i)as-reliers 
d'ari^ent  t'xécutés  de  I  iS5  à  \\\V.i.  Six  colonnes  île  cuivre,  tlonl  les  fûts 
élaient  ornés  de  slaluelles  de  saints,  posées  des  deux  côtés  de  l'autel, 
portaient  six  anyes  vêtus  de  chapes  et  tenant  les  instruments  de  la  Passion. 
Des  voiles  glissant  sur  les  tringles  qui  réunissaient  les  trois  colonnes,  de 
cluKpie  côté,  térniaient  le  sanctuaire.  Ces  voiles  furent  conservés  jusqu'en 
ICtTI .  Les  colonnes  avaient  été  données  par  un  chanoine  d'Amiens,  .lehan 
l.eclère,  en  I.M  I .  Un  lustre  d'argent  à  trois  branches  était  suspendu  devant 
l'autel.  Tiois  grands  chandeliers  de  cuivre  étaient  en  outre  placés  dans  le 
sanctuaire.  Vn  dais  en  forme  de  carré  long,  couvert  d'une  étotfe  de  soie 
semée  de  fleurs  de  lis  d'or,  était  suspendu  à  la  voùle  inmiédiatemeut 
au-dessus  de  la  table  de  l'autel.  Aux  deux  angles  postérieurs  de  l'autel,  aux 
extrémités  du  retable,  étaient  plantées,  sur  le  dallage,  deux  colonnes  de 
cuivre  en  forme  d'arbres  chargés  de  fleurs  et  de  fruits.  Les  corolles  dés 
fleurs  portaient  des  cierges  que  l'on  allumait  aux  jours  de  fêtes  devant  les 
châsses  des  saints.  Quant  à  la  suspension  du  saint  sacrement,  elle  avait  été 
refaite  pendant  les  x\w  et  wni^  siècles.  Il  n'est  pas  fait  mention,  dans  les 
registres  capitulaires  d'où  sont  tirés  ces  renseignements,  de  la  clôture  qui, 
comme  à  la  Sainte-Chapelle  de  Paris,  fermait  le  rond-point  derrière  l'autel; 
mais  il  y  a  tout  lieu  de  croire  que  cette  clôture  double,  voûtée,  formait  une 
galerie  élevée  sur  laquelle  étaient  exposées  les  châsses  qui,  à  la  cathédrale 
d'Amiens,  étaient  nombreuses  et  d'une  grande  richesse.  Derrière  le  maître- 
autel,  au  fond  du  rond-point,  s'élevait  le  petit  autel  de  relro;  il  était 
décoré  d'un  groupe  de  statues  représentant  le  Christ  mis  au  tombeau, 
exécuté  en  14'84r. 

Pour  clore  dignement  ce  chœur,  des  tombes  d'évêfiues  surmontées 
d'arcatures  à  jour  ,  terminées  par  des  pignons  et  clochetons,  étaient  dis- 
posées entre  les  piles  du  rond-point.  Ce  fut  seulement  en  1755  que  tout 
le  sanctuaire  de  la  cathédrale  fut  bouleversé  pour  faire  place  à  des  images 
de  plâtre  et  à  des  rayons  de  bois  doré,  avec  grosses  cassolettes,  draperies 
chifl'onnées,  gros  anges  ettarouchés  également  en  plâtre. 

11  ne  parait  pas  que  juscpi'au  xv«^  siècle  il  fût  d'usage  dans  le  nord  de  la 
France  de  placer  des  statues  de  saints,  et  à  plus  forte  raison  le  Christ  ou 
la  sainte  Vierge,  sur  le  devant  des  autels  au-dessous  de  la  table'.  En 
admettant  qu'il  n'y  eût  pas  là  une  question  de  convenance,  les  nappes 

'  Nous  disons  :  dans  le  nord,  parce  qu'il  existe  dans  la  cathédrale  de  iMarseille  un 
autel  du  xu"^  siècle  dont  le  devant  est  décoré  d'une  flgure  de  la  sainte  Vierge ,  et  de 
deux  figures  d'évéques  en  bas-i-clief  ;  mais  Marseille  ne  faisait  point  alors  partie  de  la 
France.  On  voit  encore  dans  l'église  d'Avenas  un  autel  sur  la  face  duquel  sont  sculptés 
1(;  Ciirisl,  les  (juatre  évangélistes  et  les  douze  apùlres.  Cet  autel  est  lidélcnient  repro- 
duit dans  WhxhUecture  du  v«  an  xvii"  siècle,  de  M.  Gailhabaud.  Nous  ne  prétendons 
pas  d'ailleurs  aflûrmer  qu'il  n'y  ait  point  eu  en  France  de  devants  d'autels  ornés  de 
figures  de  saints  ou  de  personnages  divins,  car  les  exemples  ilautels  anciens  sont  trop 
rares  pour  que  l'on  puisse  rien  altirnier  à  cet  égard. 


[    AtlEL    ]  —    54    — 

des  aulels  anciens  descendant  forl  bas  ("21)  ',  il  était  inutile  de  placer  sur 

les  laces  des  bas-reliefs  qui  n'eussent  point 
été  vus.  Mais  pendant  les  xv*^  et  xvi»'  siècles 
on  sculpta  souvent  des  fijjrures  de  saints  sur 
les  devants  dautel^  des  anyes,  des  scènes 
de  la  Passion  ;  on  représenta  même,  sous  la 
table  de  l'autel,  le  ('hrist  au  sépulcre  en 
ronde-bosse;,  avec  les  saintes  femmes  et  les 
soldats  endormis*,  ('e  n'est  qu'au  xvi^  siècle 
que  lautel  cesse  d'ati'ecter  la  foiine  d'une 
table  ou    d'un  coffre ,  pour  adopter  celle 

d'un    tombeau ,    dun    sarcophage.    Jusqu'alors  l'autel    n'est    pas    le 


PEGMD.  se. 

tond)eau  du  (Christ   ou   dun  niarlyr   :    il   recouvre    le   l(>nd)eau  ,    c'est 

>  i/;iul('l  que  nous  (loiiiuins  ici  est  copié  sur  iiii  dos  l);is-rclicls  du  portail  de  la 
Vierge  dorée  de  la  cathédrale  (i'Ainiens.  (le  bas-reliel  a[)parlieiit  à  la  seconde  moitié 
du  XIII'  siècle. 

^  Ou  voit  un  autel  de  ce  genre  dans  le  musée  du  (irand-.lardiu  a  Dresde;  cet  autel 
appartient  aux  ileruiéres  années  du  xV  siècle. 


;>•> 


AUTEL 


la  table  posée  sur  le  toinlxMu  <»ii  devant  lui,  et  même  sur  la  crypte 
renfermant  le  tombeau.  Olle  idée  est  dominante  ,  et  les  exeniples 
que  nous  avons  donnés  le  prouvent  surabondamment.  La  façon  dont 
sont  disposés  les  corps  saints  sous  Taulel  des  reliciues  de  I  e^dise  de 
Saint-Denis,  derrière  les  autels  de  Saint-Kirmin,  de  la  Vier}>e,  de  Saint- 
Eustache  de  la  même  église,  de  Valcabrère,  de  la  cathédrale  d'Amiens 
même,  indique  bien  nettement  que  l'autel  n'est  pas  un  tondteau,  mais  un 
meuble  posé  devant  ou  sur  des  reliques  saintes.  Un  bas-relief  de  la  porte 
Sainte-Anne  à  Notre-Dame  de  Paris  donne  d"une  manière  naïve  la  véritable 
signification  de  l'autel  {"li).  Là,  on  voit  la  crypte  exprimée  par  les  arcs 
sous  l'emmarchement  ;  trois  petites  baies  s'ouvrent  dans  la  partie  supé- 


PLAN^ 


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23 


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rieure  de  cette  crypte  et  indiquent  la  place  de  la  châsse  du  saint  ;  puis 
l'autel  adossé  s'élève  sur  la  crypte  et  la  châsse,  il  est  garni  de  ses  nappes  ; 
seul  le  ciboire  est  posé  sur  la  table,  et  une  lampe  est  suspendue  au-dessus 


[    AUVEM'    1  56    

do  lui  '.  Mais,  à  partir  du  xvi'  siècle,  c'est  Tautel  lui-même  qui  devient  la 
repiTsentation  du  t<)nd)eau;  il  affecte  de  préférence  la  forme  duu  sarco- 
phage scellé.  Les  autels  pleins,  antérieurs  au  xvi*"  siècle,  tels  (jue  ceux  de 
Saint-(îernier.  de  Paray-le-Monial  {il'.\)  du  xii''  siècle,  l'autel  en  veires  appli- 
qués de  Saint-Denis  (tig.  1«),  celui  mèniedereglisedu  Foll-(ioat  (BnMagne) 
(2-i)  *,  qui  date  du  commencement  du  xvi>'  siècle,  conservent  toujours 


24 


l'apparence  d'un  meuble.  Cette  forme  traditionnelle  se  perd  avec  les 
derniers  vestiges  des  arts  du  moyen  âge. 

AUVENT,  s.  m.  Avant-vent.  C'est  le  nom  (|ue  l'on  donne  à  un  ouvrage 
de  chaipente  (]ue  l'on  dresse  d'une  manière  permanente  ou  provisoire 
devant  une  porte,  devant  une  l)outi(|ue,  ou  une  salle  s"f»uvrant  au  rez-de- 
chaussée,  pour  abriter  les  personnes  qui  entrent  ou  qui  sortent.  Pendant  le 
moyen  âge  on  donnait  aussi  à  l'auvent  le  nom  d'ague.  L'auvent  se  distingue 
du  porche  en  ce  que  ce  dernier  est  porté  sur  des  piliers  en  plus  ou  moins 
grand  nombre  ,  tandis  que  l'auvent  est  comme  suspendu  à  la  muraille 
au-dessus  de  la  porte  ou  claire-voie  qu'il  est  destiné  a  abriter.  La  plupart 
des  maisons  élevées  pendant  les  xu»,  xni«  et  xiv«  siècles,  avaient  leurs 
entrées  et  leurs  boutiques  surmontées  d'auvents  attachés  à  des  corbeaux 
saillants  que  l'on  rencontre  encore  en  grand  nombre  aujourd'hui.  Dans  ce 
cas,  l'auvent  avait  la  forme  d'un  appentis,  c'est-à-dire  qu'il  était  à  pente 
simple  renvoyant  les  eaux  pluviales  dans  le  milieu  de  la  rue.  Lesbouti(|ues 
des  marchands  étaient  généralement  ouveiles,  et  les  acheteurs  se  tenaient 
dans  la  rue  devant  l'étalage;  force  était  donc  de  leur  donner  un  abri,  aussi 
bien  qu'aux  marchandises,  au  moyen  d'un  toit  saillant  ne  pouvant  gêner  la 

1  CeUc  sciilpUiro  îipinirrKMit  au  si'coml  linteau  tic  la  porto  Sainto-.Vnnc;  c'est  une 
adjonction  l'aile,  au  xiir  siècle,  à  ce  linleaii,  qui  ilate  du  xir. 

2  L'autel  de  l'église  du  Foll-Goal  est  en  pierre  uniic  de  Kersantun  ;  les  petites 
niches  sont  remplies  par  des  figures  d'anges  t(?nant  alternativement  des  pliylaclèrés  et 
des  écussons. 


.M 


I     AlVEM    1 

circulation  (voy.  boltiqle).  Ces  auvents  étaicnl  (lailleiiis  fort  simples, 
composés  de  potences  accrochées  aux  corheaux  ddut  nous  venons  (]o 
parler  ( I) . 


Beaucoup  d'édifices  publics  avaient  leurs  portes  munies  d'auvents. 
Les  entrées  des  hôpitaux,  des  maisons  d'asiles,  des  couvents,  étaient 
abritées  par  des  auvents  pour  permettre  aux  pauvres  d'attendre  à  couvert 
les  secours  qu'ils  venaient  réclamer.  On  rencontre  très-peu  de  ces  ouvrages 
de  charpente  conservés  aujourdhui  ;  leur  fragilité,  les  saillies  gênantes 
qu'ils  formaient  sur  la  voie  publique ,  ont  dû  les  faire  supprimer.  C'est 
surtout  dans  les  manuscrits,  les  anciennes  gravures,  que  l'on  trouve  des 
auvents  figurés  en  grand  nombre  devant  les  portes  des  édifices  publics 
ou  privés.  Nous  en  voyons  un  encore  attenant  à  la  porte  principale  de 
l'Hôtel-Dieu  de  Beaune,  (|ui  date  du  xv  siècle  ;  nous  le  donnons  ici  (î>)  '. 
Il  y  en  avait  un  devant  le  portail  de  Tancien  Hôtel-Dieu  de  Paris,  que  l'on 
voit  représenté  dans  d'anciennes  gravures  du  parvis  Notre-Dame.  Ces 
auvents  étaient  couverts  presque  toujours  en  matières  légères,  telles  que 
l'ardoise,  les  bardeaux,  ou  en  plomb  orné  et  doré.  Il  est  à  présumer  que 

'  Voy.  ÏArchUecture  civile  et  domestique  de  MM.  Verdier  et  CaUois.  In-4«. 

T.    II.  " 


AXK 


tciix  (les  ltouti(|ues  accrochés  à  des  corheaux  de  pierre  iiclaicnl  nu^mc 
soin  ont  composés  cpic  de  toiles  mobiles  maintenues  par  des  traverses  et 


/0f6/\R0.  se. 


des  perches  inclinées,  ainsi  que  cela  se  pratique  encore  aujourd'hui 
devant  les  maiiasins  pour  j)réservei'  les  marchandises  du  soleil. 


AVANT-BEC,  s.  m.  On  dési}j;ne  ainsi  les  renforts  saillants  élevés  en  aval 
des  piles  des  ponts,  et  formant  en  plan  un  anjj;le  plus  ou  moins  aigu,  pour 
r()m|)re  le  courant  ou  p;aranlir  les  piles  contre  l'effort  des  j^laces  (voy.  pont). 

AXE,  s.  m.  En  architecture,  c'est  le  nom  que  l'on  donne  à  la  ligne  qui 
coupe  un  éditice  en  deux  parties  égales,  ('/est  aussi  la  ligne  qui  passe 
verticalement  par  le  centre  d'un  |)ilier,  d'un(>  colonne,  qui,  en  élévation, 
divise  une  travée,  un  membre  symétiicpu'  d'architecture  en  deux  por- 
tions semblables.  Dans  la  plupart  des  plans  des  églises  du  moyen  âge 
du  XI''  au  xiv^  siè(île,  on  observe  que  l'axe  de  la  nef  et  celui  du  chœur  for- 
ment une  ligne  bi'is(^e  au  transsept.  On  a  voulu  voir  dans  cette  inclinaison 
de  l'axe  du  clueur  (ordinairement  vers  le  nord)  une  intention  de  rappeler 
l'inclinaison  de  la  tête  du  Christ  mourant  sur  la  croix.  Mais  aucune  preuve 


—  59  —  I   ua(;li;  ] 

ceHuiiU'  iievienl  appuyer  («'ttc  ('onjeclurt'.  (|iii  iia  licii  dr  cunli-airc  dail- 
leiirs  aux  idées  du  moyeu  ài^'e ,  ft  (|ue  nous  ne  donnons  ici  (|iii'  coiiiiiic 
une  explication  in},^Mneuse,  sinon  compléleuient  satisfaisante. . 


03 


BADIGEON,  s.  ui.  Le  badigeon  est  une  |)cintuic  dun  Ion  uni  (|Uc  Ion 
passe  iiidistinctcnicnt  sur  les  nuus  et  les  divers  membres  ilarchilecturc 
extérieurs  ou  intérieurs  d'un  éditice.  Ce  n'est  guèie  fjue  depuis  deux 
siècles  que  l'on  s'est  mis  à  badigeonner  à  la  colle  ou  à  la  chaux  les  édifices, 
afin  de  dissimuler  leur  vétusté  et  les  inégalités  de  couleur  de  la  pierre 
sous  une  couche  uniforme  de  peinture  grossièrement  appliquée.  La  plupart 
de  nos  anciennes  églises  ont  été  ainsi  badigeonnées  à  lintéi'ieur  à  plusieurs 
reprises ,  de  sorte  que  les  couches  successives  de  badigeon  forment  une 
épaisseur  qui  émousse  tous  les  membi-es  de  moulures  et  la  sculpture. 
Souvent  le  badigeon  est  venu  couvrir  d'anciennes  peintures  dégradées  par 
le  temps;  il  est  donc  important  de  s'assurer,  lorsqu'on  veut  enlever  le 
badigeon,  s'il  ne  cache  pas  des  traces  précieuses  de  peintures  anciennes, 
et  dans  ce  cas  il  ne  doit  être  gratté  ou  lavé  qu'avec  les  plus  grandes  pré- 
cautions '. 

BAÉE,  BÉE,  s.  f.  Ancien  mot  encore  usité  dans  la  construction,  qui 
signifie  le  vide  d'une  porte,  d'une  fenêtre,  d'une  ouverture  quelconque 
percée  dans  un  mur  ou  une  cloison  (voy.  fenêtre,  porte). 

BAGUE,  s.  f.  On  désigne  par  ce  mol  un  membre  de  moulure  qui  divise 
horizontalement  les  colonnes  dans  leur  hauteur.  Lorsqu'au  xn*^  siècle 
on  remplaça  les  grosses  piles  carrées  ou  cylindri(|ues  dans  les  édifices 
par  des  faisceaux  de  colonnettes  d'un  faible  diamètre,  ces  coloimettes, 

'  On  peut  enlever  le  badigeon,  suivant  sa  qualité,  de  plusieurs  manières.  Lorsqu'il 
est  épais  et  qu'il  se  compose  de  plusieurs  couches,  que  la  pierre  sur  laquelle  il  a  été 
posé  n'est  |>as  poreuse,  on  le  fait  tomber  facilement  par  écailles  au  moyen  de  ràcloirs 
de  bois  dur.  S'd  caclie  d'anciennes  peintures,  ce  procédé  esl  CL-Uii  cpii  réussit  le  mieux, 
car  alors  il  laisse  à  nu  et  n'entraîne  pas  avec  lui  les  peintures  ap|)liquées  directement 
sur  la  pierre.  Si,  au  contraire,  l;i  couche  de  badii^eon  est  très-mince,  la  méthode 
humide  est  préférable.  Dans  ce  cas,  on  humecte  à  l'eau  chaude,  au  ninyon  d'éjionges  ou 
de  brosses,  les  parties  de  badigeon  que  Ton  vent  enlever,  et  lorsque  riuiniidité  com- 
mence à  s'évaporer,  on  racle  avec  les  ébauchoirs  de  bois.  Presque  toujours  alors  le 
badigeon  tombe  comme  une  peau.  Le  lavage  à  grande  eau  est  le  moyen  le  plus  écono- 
mique, et  réussit  souvent  ;  on  peut  l'employer  avec  succès  si  le  Itadigeon  esl  mince  et 
s'il  ne  recouvre  pas  d'anciennes  peintures.  En  tous  cas,  il  faut  se  garder  d'employer 
des  grattoirs  de  fer  qui ,  entre  les  mains  des  ouvriers,  enlèvent  avec  le  badigeon  la 
surface  de  la  pierre,  émoussent  et  déforment  les  profils  et  allèrent  les  sculptures,  surtout 
si  la  pierre  est  tendre. 


BA(iUE    ] 


—    60    — 


durent  être  tirées  de  morceaux  de  pierre  posés  eu  délit,  qui  n'avaient  pas 
uiif  lonjiueur  sutlisanle  pour  ne  former  qu'un  seul  bloc  de  la  base  au 
cliapileau.  Leur  petit  diamètre  relativement  à  leur  longueur  oblip;eait  les 
coiistnirtcurs  à  nuMiaiici'  un  on  jtlusieui's  joints  dans  leur  hauteur;  ces 
coloiincltes  étaient  dautant  plus  minces  cpielles  se  trouvaient  adossées  à 
une  pile  ou  à  un  mur,  et  leurs  joints  devaient  être  d'autant  plus  fréquents 
qu'elles  étaient  plus  minces.  Les  joints  étaient  une  cause  de  dislocation  ; 
force  était  donc  d'empêcher  les  ruptures  ou  les  déranj,'ements  surces  points. 
La  nécessité  de  parer  à  ces  inconvénients  devint  immédiatement  un  motif 
de  décoration.  En  intercalant  entre  les  lonpfs  morceaux  des  colonnettes 
en  délil  une  assise  basse  de  pierre  dure  reliée  au  massif  des  piles  ou  des 
murs,  les  architectes  du  xii^  siècle  les  rendiient  stables  et  les  fixèrent  à  la 
construclion.  Pour  nous  faire  mieux  comprendre,  nous  donnons  ici  une 
bague  disposée  connue  nous  venons  de  l'indiquer  (I)  ;  la  fig.  A  présente 


la  bague  avant  la  pose  des  fùls  de  coloimettes,  et  la  tig.  B  la  bague  après 
la  pose  des  fûts.  Ce  principe  une  fois  admis,  on  ne  cessa  de  l'appliquer  que 
lorsque  les  colonnettes  firent  partie  des  assises  de  la  construction,  lorsque 
les  mati'riaux  enq^loyes  furent  ass(v,  gi'ands  et  assez  résistants  pour 
permettre  d'éviter  les  joints  dans  leur  hauteur,  ou  lorsqu'au  milieu  du 
xni«  siècle  on  évita  systématiquement  de  couper  les  lignes  verticales  de 
l'architecture  par  des  lignes  horizontales.  Les  raisons  de  construction  qui 
avaient  fait  adopter  les  i)agues  bien  comprises  (voy.  construction)  ,  nous 
allons  présenter  une  suite  d"e\emj)les  de  ce  membre  d'architecture,  si 
lï'e(iuennne!il  employé  |HMi(lant  le  xu'"  siècle  et  le  coumumcement  du  xm*'. 


—  ni  — 


IIAC.UK 


Au  xii«  siècle,  les  bannies  étaient  souvent  décorées  par  des  feuilles,  des 
perles,  des  pointes  de  diamant.  Voiei  des  exemples,  1"  d'une  hajiue  ornée 
de  feuilles  tenant  aux  colonnettes  du  bas-cùté  du  tour  tlu  clurur  de  la 
cathédrale  de  Lanj,a'es  (-2)  [milieu  du  xii»^  siècle];  et  2"  d'une  bague  des 


colonnettes  des  bas-côtés  de  la  nef  de  la  cathédrale  de  Sens  (3)  [tin  du 


pr&inB   se 


\n^  siècle]  présentant  un  large  profil  avec  billettes.  Au  commencement  du 
xiii»^  siècle,  les  bagues  ne  se  composent  plus  que  de  profils  minces  sans 
ornements,  ainsi  qu'on  peut  l'observer  dans  le  bas-côté  du  croisillon  sud 
de  la  cathédrale  de  Soissons,  dans  la  nef  de  la  cathédrale  de  Laon,  dans  le 
chœur  de  l'église  de  Vézelay  (4)  et  dans  un  grand  nombre  d'édifices  du 
nord  et  de  l'est  de  la  France.  Quelquefois  aussi  les  bagues  tiennent  à  des 
colonnes  isolées  et  ne  sont  alors  qu'un  ornement ,  un  moyen  de  décorer 
la  jonction  de  deux  morceaux  de  fûts.  Un  des  plus  beaux  exemples  de  ce 
genre  de  bagues  se  trouve  dans  le  réfectoire  du  prieuré  de  Saint-Martin- 
des-Clunnps  à  Paris  (5).  Les  colonnes  qui  portent  les  grandes  voûtes 
divisent  la  salle  en  deux  travées.  Ces  colonnes  sont  très-hautes  et  compo- 
sées de  deux  morceaux  de  pierre  réunis  par  une  bague;  la  bague  est 
d'autant  plus  nécessaire  ici,  que  le  morceau  inférieur  est  d'un  diamètre 
plus  fort  que  le  .fût  supérieur  (voy.  colOiNne).  Voici  encore  un  exenqile 


I    BAGtE    I  (j'2    — 

(l'une  I»aj4:ii('  ou  lamliour  inuulurv,  divisant  une  colonne  en  deux  |K)rlinns 


i 


•1 
(le  fùls  (5  bis).  F.a  bagfue  (3St  ici  une  véritable  assise  entre  dnix  morceaux 


S 


4. 


de  pienc  posés  en  délit,  (^elle  colonne  appartient  à  I  une  des  maisons  du 


Mil'"  sit'clc  (le  la  ville  d( 


2  0.C 


()3    I     RAGL'KTTK    ] 

Dol  en  l'rotagne'.  Nous  ne  pouvons  omettre  les 
bagues  de  métal  qui  maintiennent  les 
rolonn(»lles  de  la  eathédi'ale  de  Salis- 
hury,  bien  que  cet  édilice  n'appar- 
tienne pas  à  laichi lecture  française; 
mais  cet  exemple  est  trop  précieux 
pour  ne  pas  être  mentionné.  La  ca- 
tbédrale  de  Salisbury,  comme  cha- 
cun sait,  est  construite  avec  un  grand 
soin;  les  piles  de  la  nef,  élevées  par 
assises,  et  qui,  en  plan,  donnent  une 
figure  composée  de  quatre  demi- 
cercles,  sont  cantonnées,  dans  les 
angles  curvilignes  rentrants,  de  qua- 
tre colonnettes  dont  les  fûts  sont  en 
deux  morceaux  dans  leur  hauteur. 
Les  joints  qui  réunissent  ces  fûts, 
placés  au  même  niveau  pour  toutes 
les  piles,  sont  maintenus  par  des  ba- 
gues ou  colliers  de  bronze  scellés 
dans  la  pile  au  moyen  d'une  queue 
de  carpe  ((>);  A  représente  une  de  ces 
bagues  avec  sa  queue  de  carpe,  et 
B  la  coupe  du  cercle  de  bronze. 
On  donne  aussi  le  nom  de  bague 
^     aux  moulures  saillantes,  ornées  ou 

simples,  qui  entourent  la  base  des  fleurons  des  couronnements  de  pinacles 

ou  de  pignons,  etc.  (Voy.  fleukox.) 

BAGUETTE,  S.  f.  C'est  un  membre  de  moulure  cylindrique  d'un  petit 
diamètre,  qui  fait  partie  des  corniches,  des  bandeaux,  des  archivoltes,  des 
nervures.  La  baguette  n'a  guère  qu'un  diamètre  de  0,01  à  0,05;  au-dessus 
de  cette  grosseur,  elle  prend  le  nom  de  boudin  (voy.  ce  mot).  Mais  ce  qui 
distingue  surtout  la  baguette  du  boudin,  c'est  safonction  secondaire.  Ainsi 
dans  les  profds  que  nous  donnons  ici  d'arcs  ogives  du  xiii«  siècle  (1),  A  est 
une  baguette  et  B  un  boudin.  Dans  l'architecture  romane  du  Poitou  et  de 
la  Normandie,  la  baguette  est  parfois  décorée  de  perles  (2)  ;  son  profd  C, 
dans  ce  cas,  est  souvent  méplat,  pour  que  la  lumière  découpe  nettement 
chacune  des  perles  ou  petits  besans.  Dans  larchitecture  des  xu'',  xm^  et 
xiv^  siècles,  les  architectes  se  sont  servis  de  la  baguette  parmi  les  faisceaux 
de  colonnes  pour  faire  valoir  leur  diamètre  par  opposition,  et  leur  donner 
plus  de  force  (3)  à  l'œil.  On  trouve  souvent,  dans  les  édifices  des  xiii'^  et 
XIV  siècles,  des  baguettes  dégagées  dans  les  angles  des  piles  carrées,  et 


\f. 


rccAna  se 


Nous  devons  ce  curieux  dessin  à  M.  Knprich  Robeii. 


[    BAdlETTE    1  t)4    

surtout  dans  les  pieds-droits  des  portes,  pour  éviter  les  vives  arêtes  qui  se 

2 


dégradent  facilement  ou  des  aiguités  qui  peuvent  blesser  (i).  La  baguette 


M 


PSGAf^D  sr 


F 


t'y'}'    ■  'i 


/yg^RO  se    ti.uVVvxvy.  o<\-.\.--    '' 


alors  ne  descend  pas  jusqu'au  sol,  mais  s'arrèlc  sur  iaiigle  vif  réservé 


—  (>o 


BAHL'T 


il  la  partio  inférieure,  soit  eu  pénétrant  un  hiseaii  D,  soit  en  tombant 
carrément  E,  soit  en  se  perdant  derrière  un  ornenimt  F.  re  qui  se  ren- 
contre très-fréquenmient  dans  les  édifices  de  Bouriio^ne  qui  datent  de  la 
tin  du  \ii«'  siècle  ou  du  connuencement  du  xiu"'  (voy.  coxiÉ).  Dans  la 
menuiserie,  la  ba.uuette  est  un  îles  membres  de  moulures  les  plus  souvent 
employés. 

BAHUT,  s.  m.  Cest  le  nom  que  l'on  donne  à  un  nun  bas([ui  est  destiné 
à  porter  un  comble  au-dessus  d'un  chéneau,  l'arcature  à  jour  d'un  cloître, 
une  iirille.  une  barrière.  Lorsqu'au  \iw  siècle  on  établit  sans  exception, 
dans  tous  les  édifices  de  quelque  importance ,  des  cliéneaux  en  pieire 
décorés  de  balustrades  à  la  chute  des  combles,  on  éleva  ceux-ci  (afin 
d'éviter  les  dégradations  (]ue  le  passage  dans  les  chéneaux  devait  faire 
subir  aux  couvertures)  sur  de  petits  murs  qui  protégeaient  leur  base ,  et 
empêchaient  les  tillrations  causées  par  des  amas  de  neige  ou  de  fortes 
pluies.  Les  grands  combles  du  chœur  et  de  la  nef  de  la  cathédrale  de  Paris 
sont  ainsi  portés  sur  des  bahuts  de  l'",'-2.'i  de  hauteur,  dont  nous  donnons 
ici  la  figure  (1).  Ces  bahuts,  décorés  d'une  assise  de  damiers  sous  les 


\ 


sablières,  sont  en  outre  percés  d'ajours  pour  éclairer  et  aérer  la  charpente 
du  comble.  Plus  tard,  vers  le  milieu  du  xin^  siècle,  les  bahuts  furent 
pourvus  dune  dernière  assise  formant  larmier  pour  éviter  (pie  les  eaux 
descendant  de  la  couverture  ne  dégradassent  les  parements  de  i)ie!re  et 
pour  les  faire  tomber  directement  dans  le  chéneau  (2).  On  trouve  à 
Amiens,  à  Béarnais,  à  la  Sainte-Cha|îelle  du  Palais,  des  bahuts  ainsi 
couronnés.  Ce  profil  saillant  permettait  d'ailleurs  d'établii-  des  coyaux  A, 
et  en  laissant  une  ciiculation  d'air  enlie  les  pieds  des  chevrons,  les  sabliè- 
res et  la  couverture  .  il  pi-eservait  ces  pièces  de  bois  de  la  |)ourriture.  Les 

T.    II.  il 


I     IIVIN     I  <'<■»    

iialiiils  (les  ui'aiids  comhh's  n'ont  micic  (iiic  (),\()  (m  <>.(»(>  c.  d'épaissjMir 


et  porlciil  sur  les  formerets  des  voûtes  hautes  (voy.  constulction  ,  (iivu- 
peistk)  ,  en  laissant  le  plus  de  larj-cur  possible  à  la  tète  des  murs  pour 
l'établissement  des  cliéneaux.  Quehpiefois  même  les  balmls  dos  combles 
sont  établis  sur  des  arcs  de  décharj^e  reportant  le  j)()ids  de  la  charpente 
sur  les  sonniiiers  des  voûtes  intérieures;  alors  toute  l'épaisseur  des  murs 
est  réservée  pour  le  placement  des  chéneaux.  Les  colonnes  des  f?aleries 
intérieures,  pendant  l'époque  romane  et  au  commencement  de  la  période 
ogivale,  sont  souvent  dressées  sur  de  petits  murs  d'appui  qui  sont  de 
/  véritables  bahuts.  L(\s  colonnettes  du  triforium  du  porche  de  Téi^lise  de 
Vézelay  sont  ainsi  disposées.  Dans  la  nef  et  le  clueur  de  la  cathédrale 
d'Amiens  même,  c'est  encore  sur  un  bahut  que  sont  posées  les  colonnes 
du  liiforium  (voy.  tkikouilm). 

BAINS,  s.  m.  (Voy.  ÉTiVK.) 

BAIN  DE  MORTiEu.  Oii  désigne  ainsi,  dans  les  ouvrages  de  maçonnerie,  le 
lit  de  niortier  sui-  letjuel  on  pose  une  pierre  de  taille  ou  des  moellons.  A 
Paris,  depuis  le  conmiencemenl  du  xvn«  siècle,  on  |)ose  les  pierres  de 
taille  sur  des  cales  de  bois  et  on  les  fiche  au  morlirr,  cest-à-dire  que  l'on 
fait  entrer  du  moitier  dans  l'espace  vide  laissé  entie  ces  deux  pierres  par 
l'exhaussement  des  cales  au  m(»yen  de  lames  de  ter  mince  découpées  en 
dents  de  scie.  Ce  procédé  a  rinconvénient  de  ne  jamais  remplir  les  lils 
d'un  mortier  assez  compacte  pour  résister  à  la  pression.  Les  ficheurs  étant 
obligés,  pour  introduire  le  mortier  entre  les  pierres  par  une  fente  étroite, 
de  le  délayer  beaucoup,  lorsque  la  dessiccation  a  lieu,  ce  mortier  diminue 
de  volume  et  les  pierres  ne  portent  plus  (|ue  sui'  leuis  cales.  Heureusement 
pour  nos  édiUces  modernes  cpron  a  le  soin  de  mettre  en  o'uvre  un  cube  de 


(17    [    haï  l  STRAIIK     I 

j)iori'«'  liois  on  (|nalic  l'ois  plus  fort  (jii  il  nCsl  besoin,  et  (jue,  j^iàct'  à  cel 
excès  (le  forée.  cliiiqiK^  pieti't»  ne  subit  (juinie  faible  pression;  mais  lors- 
(ju On  bâtissait  au  moyen  àfif  ,  les  arcbiteetes  étaient  poi'les  à  mettre  en 
(l'uvre  un  cube  de  pierre  plutôt  trop  faible  (jue  tiop  fort  :  il  devenait  donc 
nécessaire  de  faire  poser  ces  pierres  sur  toute  la  surface  de  leur  lit,  atin  de 
profiter  de  toute  leur  force  de  résistance.  On  posait  alors  les  pieries  à 
bain  de  mortier,  c'est-à-dire  (ju'après  avoir  étendu  sur  le  lit  sui)éiieur 
d'une  j)remière  assise  de  pierre  une  épaisse  couche  de  mortier  peu  delayt', 
on  asseyait  la  seconde  assise  sur  <'ette  couche,  en  ayant  le  soin  de  la  bien 
appuyer  au  moyen  de  masses  de  bois  jusqu'au  refus,  ce  qui,  en  terme  de 
maçons,  veut  dire  jusqu'à  ce  que  le  mortier,  après  avoir  débordé  sous  les 
cou|)sde  la  masse,  refuse  de  se  conq^rimer  davantage.  On  obtenait  ainsi 
des  constructions  i-ésistant  à  une  pression  considérable  sans  craindre  de 
voir  les  pierres  s'éi)auti'rer  ,  et  on  évitait  des  tassements  (jui,  dans  des 
editices  très-élevés  sur  des  points  d'appui  léj^ers,  eussent  eu  des  consé- 
quences désastreuses  (voy.  constrlc.tion). 

BALCON,  s.  m.  (Voy.  bretèche.) 

BALUSTRADE,  s.  f.  (  haiicel ,  Guriol.  Le  nom  de  balustrade  est  seul 
enqdoye  aujourd'hui  pour  désigner  les  garde-corps  à  hauleui'  d'appui,  le 
plus  souvent  à  jour,  qui  couronnent  les  chéneaux  à  la  chute  des  combles, 
(jui  sont  disposés  le  longr  de  g,aleries  ou  de  terrasses  élevées,  pour  garantir 
des  chutes.  On  ne  trouve  pas  de  balustrades  extérieures  surmontant  les 
corniches  des  édifices  avant  la  période  ogivale,  par  la  raison  que  jus(|u'à 
cette  époque  les  combles  ne  versaient  pas  leurs  eaux  dans  des  chéneaux, 
mais  les  laissaient  égoulter  directement  sur  le  sol.  Sans  atiirmer  qu'il  n'y 
ait  eu  des  balustrades  sur  les  monuments  romans,  ne  connaissant  aucun 
exemple  à  citer,  nous  nous  abstiendrons.  Mais  il  convient  de  divisei- 
les  balustrades  en  balustrades  intérieures,  qui  sont  destinées  à  garnir  le 
devant  des  galeries,  des  tribunes,  et  en  balustrades  extérieures,  disposées 
sur  les  chéneaux  des  combles  ou  à  l'extrémité  des  terrasses  dallées  des 
édifices. 

Ce  n'est  guère  que  de  l'-2:2(>  à  h230  que  l'on  établit  à  l'extérieurdesgiands 
édifices  une  circulation  facile,  à  tous  les  étages,  au  moyen  de  chéneaux  ou 
de  galeries,  et  que  l'on  sentit,  par  conséquent,  la  nécessité  de  parer  au 
danger  que  présentaient  ces  coursières,  étroites  souvent,  en  les  garnissant 
de  balustrades;  mais  avant  cette  époque,  dans  les  intérieurs  des  églises  ou 
<le  grand'salles,  on  établissait  des  galeries,  des  tribunes,  dont  l'accès  était 
public,  et  qu'il  fallait  par  conséquent  nmnir  de  garde-corps.  Il  est  certain 
(]ue  ces  garde-corps  furent  souvent,  pendant  l'époque  romane,  faits  en 
bois;  lorsqu'ils  étaient  de  j)ierre,  c'était  plutôt  des  mursd'ai^pui  (pie  des 
Italustrades.  La  tribune  du  porch<'  de  l'église  abbatiale  de  Vezelay  iporclu^ 
dont  la  consiruclion  |)eul  èlre  eonqirise  entre  W'.H)  el  I  I  KM  est  munie 
d'un  mur  d'appui  ([ue  nou^  pouvons  a  la  rigueui'  classeï  p;irini  les  balus- 


[     BVI.ISTUADK     I  (IX    

tradf^s,  ce  mur  d'appui  t'tani  décoré  de  f-randrsdcnls  de  scie  qui  lui  douueul 
l'aspect  d'un  couronuenieiit  plus  lé^^er  (pie  le  reste  de  la  construclioii  (11. 


Les  galeries  intérieures  des  deux  pignons  du  transsept  de  la  même  église, 
construit  pendant  les  dernièies  années  du  xn"  siècle  ou  au  commencement 
du  XIII'',  possèdent  de  belles  balustrades  pleines  ou  bahuts  décorés  d'arca- 
tures,  sur  les(|uels  sont  posées  les  coloiiiiettes  de  ce  tril'oriuni.  Nous 
donnons  ici  ("i)  la  balustrade  de  la  galeri(!  sud,  dont  le  dessin  produit  un 
grand  etïet. 

Mais  on  ne  tarda  pas,  lorsque  l'ait^hitecture  prit  des  formes  plus  légères, 
à  évider  les  balustrades;  un  reste  des  traditions  romanes  fit  que  l'on  con- 
serva pendant  un  certain  temps  lescolonneltes  avec  chapiteaux  dans  leur 
composition.  Les  balustrades  n  étaient  que  d(>sarcatures  à  jour,  construites 
au  moyen  de  colonnettes  ou  petits  piliers  espacés,  sur  les(|uels  venait 
poser  une  assise  évidée  par  des  arcs  en  tiers-point.  Les  restes  du  trilbrium 
primilit'de  la  nef  de  la  cathédrale  de  Ilouen  (h2"20à  IH'M))  présentent  à 
l'intérieur  une  balustrade  ainsi  combinée,  se  reliant  aux  colonnes  portant 
la  grande  arcaturc  loniiant  galerie,  afin  d'otlVir  une  plus  grande  résis- 
tance (;{).  On  concevra  facilement,  en  elfet ,  (piune  claire-voie  reposant 
sur  des  points  (rapj)ui  aussi  grêles,  ne  pouvait  se  maintenir  sur  une  grande 
longueur,  sans  quelques  renforts  qui  pussent  lui  donner  de  la  rigidité. 
Mais  c'est  surtout  à  l'extérieur  des  monuments  que  les  balustrades  jouent 
un  rôle  important  a  partir  du  xiif  siècle  :  car,  ainsi  que  nous  l'avons  dit 
l)lus  liant,  c'est  à  dater  du  commencement  de  ce  siècle  quel'on  établit  des 
cheneaux  et  des  galeries  de  circulation  à  tous  les  étages.  Les  balustrades 
exécutées  pendant  cette  période  présentent  uneexlrèm<>  variété  de  formes 
et  de  constructions,  La  nature  de  la  pierre  inllue  beaucoup  sur  leur  compo- 


—    ()«.)    —  [    BALUSTUVDi:    1 

siiioii.  La  (Ml  les  iiiiilériaux  étaient  durs  ol  résistants,  mais  d'un  '^nùn  tin 


t't  faciles  à  tailler,  les  balustrades  sont  légères  et  très-ajourées ;  Ikon  la 


1^ 
pierre  est  teiidic.  au  eonirairo,  les  vides  sont  Uioiiis  larges,  les  pleins  plus 


I    HAi.rsTUAi»!;   I  —   70  — 

t'[)ais.  Leur  dimension  est  éj^alenienl  soumise  aux  dimensions  des  maté- 
riaux, car  on  renonça  bientôt  aux  balustrades  composées  de  i)lusieurs 
morceaux  de  pierre  placés  les  uns  sur  les  autres,  comme  n'otl'rant  pas  assez 
d'assiette,  et  on  les  évida  dans  une  dalle  posée  en  délit.  Kn  Normandie,  en 
Chamiiai,Mi(\  où  la  pierre  ne  s'extrait  généralement  (pi'en  morceaux  dune 
petite  dimension,  les  balustrades  sont  basses  et  n"alteij,Mient  i)as  laliauteur 
(l'appui  (  l"',()0  au  moins).  Dans  les  parties  de  la  liourgogne  où  la  pierre  est 
très-dure,  ditlicilc  à  tailler,  et  ne  s'extrait  pas  facilement  en  bancs  minces, 
les  balustrades  sont  rares  et  n'ai)paiaissent  (pie  fort  tard,  lorsque  l'an^hi- 
teclure  imposa  les  formes  (pi'elle  avait  adoptées  dans  le  domaine  royal  à 
toutes  les  provinces  environnantes,  c'est-à-dire  vers  la  fin  du  xiic  si('cle. 
Les  bassins  de  la  Seine  et  de  l'Oise  otl'raient  aux  constructeurs  des  qualités 
de  matériaux  très-propres  à  faire  des  balustrades;  aussi  est-ce  dans  ces 
contrées  qu'on  trouve  des  exemples  variés  de  cette  partie  important(Mle  la 
décoration  des  édifices.  Connue  l'usai^^e  de  scier  les  bancs  en  lames  minces 
n'était  j>as  prati(pié  au  xni''  siècle,  il  fallait  trouver  dans  les  carri('res  des 
bancs  naturellement  assez  peu  épais  pour  permettre  d'exécuter  ces  claires- 
voies  légères.  Le  cli(iuart  de  Paris,  le  liais  de  l'Oise,  certaines  pierres  de 
Tonnerre  et  de  Vernon  ,  (|ui  pouvaient  s'extraire  en  bancs  de  0,15  à 
0,'20  c.  d'épaisseur,  se  pi'ètaient  merveilleusement  à  l'exécution  des 
balustrades  consliuites  en  grands  morceaux  de  j)ierre  posés  de  cliamp  et 
évidés.  Partout  ailleurs  les  arcbileclt^s  s"ingéni('rent  à  trouver  un  ai)pareil 
(!ond)iné  de  manière  à  supj)l(''er  à  l'insuflisancedes  matériaux  qu'ils  possé- 
daient,  et  ces  appareils  ont  eu,  comme  on  doit  le  penser,  une  grande 
influence  sur  les  formes  adoptées.  11  en  est  des  balustrades  connue  des 
meneaux  de  fenêtres,  comme  de  toutes  les  parties  délicates  de  l'architec- 
ture ogivale  des  xiic  et  xiv<'  siècles  :  la  nature  de  la  pierre  connnande  la 
forme  ius(prà  un  certain  j)oint ,  ou  du  moins  la  mo(liti<\  Ce  n'est  donc 
([u'avec circonspection  que  l'on  doit  étudier  ces  variétés,  qui  ne  peuvent 
inditiérenmient  s'appli(iuer  aux  diverses  provinces  dans  lesquelles  l'archi- 
tecture  ogivale  s'est  développée. 

Dans  l'Ile  de  France,  une  des  plus  anciennes  balustrades  que  nous 
connaissions  est  c<'lle  (|ui  couronne  la  galeri/^  des  Rois  de  la  fa(,'a(le  occi- 
dentale de  la  catliedi'aie  de  Paris;  elle  appartient  aux  premières ann(''es du 
xiii*^  siècle  (h2IOà  h2:2(M  connue  toute  bipartie  inférieure  (l(M"ettefa(,'a(le(i). 
Avant  la  restauration  du  portail,  cette  balustrade  n'existait  plus  qu'au 
droit  des  deux  contre-forts  extrêmes,  ainsi  qu'on  peut  s'en  assurer'  ;  elle 
est  construite  en  plusieurs  morceaux,  au  moins  dans  la  pai'tie  à  jour,  et  se 
compose  d'une  assise  poi'ianl  les  bases,  de  colomiettes  posées  en  délit  avec 
renfort  par-deri'ièrt»,  et  d'une  assise  de  couronnement  évidée  en  aicatures, 
décorées  de  fleurettes  en  j)ointes  de  diamant.  11  existe  encore  sur  les  gale- 
ries intermédiaires  des  tours  du  portail  de  la  (>alen(le,  à  la  cathédrale  de 

'  CfUc  l);iliistr;i(l(>  est  rélalilie  ;nijonni'lnii  sur  loiilo  i:i  loii^ni'iir  do  la  l'ai,;«li"  .  ri 
i'oni|)larc  «'cllo  (jiii  avait  oU'  rol'aile  an  mV  sicclo  cl  (|iii  lomliait  ou  nmio. 


71     I     BAI.I  STHADli    J 

Uuiicii.  mit'  Itiilitslradt'  du   (•(tumiciict'mpnl   du    \im''   ^irclc.   At'   niônit' 


construite  par  morceaux  superposés  (5).  Ici  les  coloniiettes  reposent  direc 


tement  sur  le  larmier  de  la  corniche  formant  pass;ig«%et  laissent  entre  elles 


7^2  — 


I     ItAMSrUVDK     I 

h's  raiix  sécoulcr  natun'lloinent  sans  chenal,  (le  nVst  ^Mière  qiio  vers 
l:2;}0  que  l'on  élahlit  des  eliéneaux  conduisant  les  eaux  dans  des  ^ai- 
j^ouilles  :  jusqu'alors  les  eaux  s'éj^outlaienl  sur  le  larmier  des  corniches, 
comme  à  la  cathédrale  de  Cliarlres,  à  la  chute  des  f;rands  cond)les;  mais 
ces  balustrades,  composées  de  petits  piliers  ou  colonnettes  isolées  et 
scellées  sur  le  larmier,  conservaient  dil'licilement  Icui'  aplomb.  Les 
constructeurs  avaient  tenté  quelquefois  de  les  réunira  leur  base  au  moyen 
d'une  assise  continue  évidee  par-(lessous  poui'  l'écoulement  des  eaux .  ainsi 
qu'on  peut  le  voir  à  la  base  du  haut  chu'ur  nord  de  la  cathédrale  de 
Chartres  (0);  mais  ce  moyen  ne  faisait  que  rendre  le  (juillage  plus  dnuno- 


PEGARD.^C 


reuxen  multipliant  les  lits,  et  ne  domuiit  pas  à  ces  claires-voies  la  rii^ndité 
nécessaire  pour  éviter  le  bouclement.  On  dut  renoncer  bientôt  aux 
colonnettes  ou  petits  piliers  isolt';s  reunis  seulement  par  l'assise  supérieure 
continue,  et  on  se  décida  à  prendre  les  balustrades  dans  un  seul  morceau 
de  pierre  ;  dès  lors  les  colonnettes  avec  chapiteaux  n'avaient  pas  de  raison 
d'être,  car  au  lieu  d'une  arcature  construite,  il  s'aj,Mssait  simplement  de 
dresser  des  dalles  percées  d'ajcturs  aiVectaul  des  formes  (pii  ne  convenaient 
pas  à  des  assises  superj)()sées.  C'est  ainsi  (pie  le  sens  dioit,  l'esprit  loiii(pie 
(|ui  dirij^eaient  les  architectes  de  ces  e|M)(pies,  leur  commandaient  de 
chan^'er  les  formes  des  détails,  comme  de  l'ensemble  de  leur  architecture, 
à  mesui-e  qu'ils  modifiaient  les  moyens  de  construction.  Dans  les  balus- 
trades construites,  c'est-à-dire  conqDosées  de  points  d'appui  isolés  et  d'une 
assise  de  couronnement,  on  i-emarquera  que  la  partie  supérieure  d<>s 
balustiades  est,  (;onq)arativemenl  aux  points  d"M|>pui .  Ires-volumineuse. 
Il  était  nécessaire  en  etiet  de  charj^er  beaucoup  ces  poinis  d'appui  isolés 
pour  les  maintenir  dans  leur  aplomb,  (juand  les  balustrades  furent  prises 


—    7;{    —  I     BAI.ISTKADF,    ] 

dans  un  seul  morceau  d»'  pieno ,  au  contraire^  on  donna  de  la  Jorce,  du 
pied  à  leui'  pailie  inférieure,  et  de  la  léi;èi'elé  à  leur  partie  su|)(''iieure, 
car  on  navail  plus  à  craindre  alors  les  déversenienls  causés  j)ar  la  multi- 
plicité des  lits  horizontaux.  Les  balustrades  des  jurandes  ^^aleries  de  la 
tavade  et  du  sommet  des  deux  tours  de  la  callié'drale  de  Paris  sont  taillées 
conformément  ii  ce  principe  (7)  :  leur  pied  sempatte  vi^'oureusemenl  et 


prolou^H'  le  lilacis  du  larnner  de  la  corniche;  un  ajour  en  qualre-feuilles 

donne  une  décoration  continue  qui  n  indique  plus  des  points  d'appui 

T    II  Ht 


[    BAI-LSTftADE    I  '  ^    — 

séparés,  mais  qui  laisse  bien  V(»ii'  (lUc  collo  déoiralion  est  découiu'c  dans 
un  seul  morceau  de  pierre;  un  appui  saillant.  ména{xé  dans  l'épaisseur  de 
la  pierr(\  sert  de  larmier  et  préserve  la  claiic-voie.  Aux  aniiles  .  la  balus- 
trade de  la  iirande  },'alerie  est  reid'orcéc^  par  des  paities  pleines  ornées  de 
f,'ros  croehets  saillants  et  de  li^'ures  (ranimaux,  qui  viennent  rompre  la 
monotonie  de  la  li^ne  horizontale  de  l'appui  (voy.  am:»iaix).  Ka  balustrade 
extérieuiedutrilorium  de  la  même  éiilise,plus  légère paree(|u"elle  couronne 
un  ouvra^^e  de  moindre  importance,  est  encore  nmnie  de  rempattemeni 
infV'rieur  nécessaire  à  la  solidité,  ('et  empattement,  pouréviter  les  dérange- 
ments^ est  posé  en  léuilkire  dans  l'assise  du  larmier  (8).  Il  ne  faudrait  |)as 


PfTGAfiD   5r 


cependant  ((tnsidérer  les  principes  que  nous  posons  ici  connue  absolus  :  si 
les  architectes  du  xiic  siècle  étaient  soumis  aux  rèfïles  de  la  logique,  ils 
n'étaient  pas  ce  que  nous  appelons  aujourd'hui  des  rationalistes;  le  senti- 
ment de  la  forme,  Tà-propos  avaient  sur  leur  esprit  une  grande  pi'ise,  et  ils 
savaient  au  Ix^soin  faire  plier  un  ])rincipe  à  ces  lois  du  goût  (]ui,  ne  ])oiivanl 
être  formulées,  sont  d'autant  plus  impérieuses  (ju'elles  s'adressent  à  l'in- 
stinct et  non  au  raisonnement.  C'est  surtout  dans  les  accessoires  de 
l'architectui'e  commandés  par  un  besoin  et  nécessaires  en  même  tem|)s 
à  la  décoration,  que  le  goût  doit  intervenir  et  qu'il  intervenait  alors,  .\insi. 
en  cherchant  à  donner  à  leurs  balustrades  prises  dans  d(^s  dalles  décou- 
pées l'aspect  d'un  objet  taillé  dans  une  seule  pièce,  il  falUil  (lueces  parties 
imp(»rtanles  de  la  (h'coration  ne  vinssent  pas  ,  par  leur  forme,  contrarier 


l,^ 


B.VI.LSrUADK 


It's  lij;iiés  principales  ilc  raicliilt'ctmc.  Si  les  ajorns  ohlniiis  au  moyen  de 
tiètles  ou  de  qua(ie-l"euill»'s  juxtaposés  convenaient  à  des  balustrades 
continues  non  inttMroni|)ues  par  des  divisions  vevlicalf^  ra|>proclit''es,  ces 
ajours  produisaient  un  mauvais  ell'et  Ntisipiils  se  développaient  par  petites 
travées  coupées  par  des  pinacles  ou  des  points  d'appui  veiticaux;  aloi'S  il 
fallait  en  revenir  aux  divisions  multiplié<*s  et  dans  lesciuelles  la  li^Mie  ver- 
ticale était  rappelée,  surtout  si  les  balustrades  servaient  de  courfunieinent 
supérieur  à  l'archileclure.  D'ailleurs  les  divisions  des  ajours  de  balustrades 
par  trétles  ou  (lualic-t'euilles  étaitMit  impérieuses,  lie  pouvaient  st»  l'étn'cir 
ou  s'élarjiir  à  volonté  ;  si  une  travée  jiermettait  de  tracer  ciiHj  (|uatre- 
feuilles,  par  exemple,  une  travée  plus  étroite  ou  plus  larjj^e  de  quelques 
centimètres  (léranj,^eait  cette  combinaison,  ou  oblifieait  le  traceur  à  laisser 
seulement  aux  extrémités  de  sa  travée  de  balustrade  une  portion  de  trètle 
ou  de  quatre-feuilles;  ce  (jui  n'était  pas  d'un  heureux  eti'et.  l^es  ilivisions 
de  balustrades  par  arcatures  verticales  permettaient  au  contraire  d'avoir 
un  nombre  dajours  complets,  et  il  était  facile  alors  de  dissimuler  les 
ditierences  de  lartjeur  de  travées. 

Nous  ferons  comprendre  facilement  par  une  tij^ure  ce  que  nous  disons 
ici.  Soit  AB  (1))  une  travée  de  balustrade  conq^renant  trois  quatre-feuilles; 


si  la  travée  suivante  AC  est  un  peu  moins  lonj;ue ,  il  faudia  (|ue  lun  îles 
trois  ajours  soit  en  partie  eni;a^;é.  Mais  si  la  travée  AB  (U  bis)  est  divisée 


en  cinq  arcatures,  la  travée  AC  pourra  n'en  contenii'  que  (juatre,  et  \\v\\. 
rHrouvant  des  formes  complètes  dans  l'une  connue  dans  l'autre,  ne  sera 
pas  cb(»(jue.   Les  <livisions  verticales  permettent  même  des  ditVérences 


[    BALUSTKADK    ]  7(>    — 

notables  dans  rérartcnient  des  axes,  sans  (|ue  ces  diHërences  soient  appiv- 
ciahlesen  exécution;  leui'dessin  est  j)lusfacileàronipren(lredansdes  espaces 
resserrés  (|ui  ne  jx'iniettraient  pas  à  des  conil)inaisons  de  cercle  de  se  déve- 
lopper en  nombre  sullisant,car  il  en  est  de  rornenienlalion  arcliilectoni(|ue 
comme  des  mélodies,  qui,  pour  être  comprises  et  produire  tout  leur  ettet, 
doivent  être  répétées.  La  l)alustrade  supérieure  de  la  nef  et  du  chœur  de 
Notre-Dame  de  Paris,  exécutés  vers  1230,  est  divisée  par  travées  inégales 
de  largeur,  et  c'est  conformément  à  ce  princi[)e  (ju'elle  a  été  tracée  (10). 
De  distance  en  distance,  au  droit  des  arcs-houtants  et  des  gai'gouilles, 
un  pilastre  surmonté  d'un  gros  tleuron  sépare  ces  travées,  sert  en  même 
temps  de  renfort  à  la  balustrade,  et  maintient  le  déversement  qui,  sans 
cet  api)ui,  ne  manquerait  pas  d'avoir  lieu  sur  une  aussi  grande  longueur  '. 
Mais  (|ue  Ton  veuille  bien  le  remarquer,  si  cette  balustrade  a  (juelque 
rapport  avec  celles  (|ui,  peu  d'anné'es  auparavant,  étaient  consiruites  j>ar 
assises  ,  on  voit  cepciKJaiil  cjuc  c'est  un  evidement,  un  ajour  percé  dans 
une  dalle,  cl  non  un  objet  construit  au  moyen  de  morceaux  de  pierre 
superposés;  cela  est  si  vrai,  que  l'on  a  cherché  à  éviter  dans  les  ajours 
les  évidements  à  angle  droit  (|ui  peuvent  provoquer  les  riq)tures.  Le  pied 
des  montanis  retombe  sur  le  profil  du  bas,  non  i)oint  bi'us(|uenient,  mais 
s'y  réuni!  par  un  biseau  formant  un  enq^attement  destine  à  donner  de  la 
force  à  ce  pied  et  à  facilitei-  la  taille  (1 1).  On  voit  ici,  en  A,  la  pénétration 
des  montants  sur  le  profil  formant  traverse  inféiieure,  et  en  B,  la  nais- 
sance des  trilobés  sur  ces  montants.  Si  les  formes  sont  nettement  accusées, 
si  les  lignes  courbes  sont  francheinenl  séparées  des  lignes  verticales, 
cependant,  soit  |)ar  instinct,  soit  par  raison,  on  a  cherché  à  éviter  ici 
toute  l'orme  pouvant  faire  supposer  la  présence  d'un  lit,  d'une  soudure. 
Mais,  nous  le  réj)étons,  les  artistes  de  ce  tenq^s  savaient,  sans  renoncer 
aux  principes  basés  sur  la  raison,  faire  à  l'art  une   large  part,  se  sou- 
mettre aux  lois  délicates  du  goût.  Si  nous  croyons  devoir  nous  étendre 
ainsi  sur  un  détail  de  l'architecture  ogivale  qui  semble  très-secondaire, 
c'est  que,  par  le  fait,  ce  di'tail  ac(|uiert  en  exécution  une  grande  iiupor- 
tance,  en  tant  que  couronnement.  L'architecture  du  xiu"'  sièch;  veut  (jue 
la  balustrade  fasse  partie  de  la  corniche;  on  ne  saurait  la  plupart  du 
temps  l'en  séparer;  sa  hauteur,  les  rapports  entre  ses  pleins  et  ses  vides, 
ses  divisions,  sa  décoration,  doivent  être  combinés  avec  la  largeur  des 
travées,  avec  la  hauteur  des  assises  et  la  richesse  ou  la  sobriété  des  orne- 
ments des  corniches.  Tell(>  balustrade  (|ui  convient  à  tel  édifice,  et  qui  fait 
bon  ell'el  la  où  elle  fut  placée,  semblerait  ridicule  ailleurs.  Ce  n'est  donc 
pas  une  balustrade  ([ii  il  l'aul  \(»irdansun  monument,  c'est  /a  balustrade 
de  ce  monument;  aussi  ne  prétendons-nous  pas  donnei'  un  exemple  de 
chacunedes  variétés  de  balustrades  exécutées  de  l'200  à  1 300,encore  moins 

'  Cctu-  l)aliislr;Ml('  ir;(ppai'tieiit  pas  à  la  l'oiistnicliuii  |»rt'iiii('ro  de  la  nel',  qui  rt'iiionlc 
à  1210  an  plus  lard;  elle  a  éié  lei'aile  vers  \2,\0,  loiMpio  après  un  inceudio  la  partie 
supérieure  de  la  nell'ul  eouiplélenieut  remaniée  et  rlialiillée  |voy.  CAriiKoiiALr.  . 


I  I 


[    BALISTKADK 


faire  supposer  que  telle  haliistiade  de  telle  epo(|iu\  a|)|>rK|iiée  à  tel  ('(lilict' 
d'une  proviiiee,  peut  être  applicpiée  a  tctus  les  t'ililiees  de  cette  niènie 
('pdipie  et  de  cette  inovinee. 


Nous  voyons  ici  (tig.  10)  une  balustrade  exécutée  de  1-230  à  1-240. 
Cette  balustrade  est  posée  sur  une  corniche  d'un  j^nand  édifice,  oii 
tout  esî  cniicu  lar-.Muent  et  sui' luie  grande  échelle.   Aussi  ses  espace- 


liALlJSTItADK 


—  7S 


n 


luftiils  (If  picds-didils  ^(Hll  larges,  ses  trilolM>s  ouv«Mlt5 ;  pas  de  détails: 
(\o  simples   biseaux  .   des  foniies  arrentiiées  pour  obtenir  des  ombres 

el  des  lumières  vives  et  franches, 
pour  produire  un  etlet  net  et  facile 
à  saisir  à  une  j,Mande  distance.  Or, 
voici  qu'à  la  même  époque,  à  cin(| 
ans  de  distance  penl-èlre,  on  élève 
la  Sainte-dliapelle  du  Palais,  édifice 
|)etit,  dont  les  détails  par  consé(pienl 
sont  tins,  dont  les  travées,  au  Thui 
d'être  larfj;es  comme  à  la  cathédrale 
de  Paris,  sont  étroites  et  coupées 
par  des  ^^àbles  i)leins  surmontant  les 
archivoltes  des  fenêtres.  L'an  hilecle 
fera-l-il  la  faute  de  placer  sur  la 
corniche  supérieure  une  balustrade 
lâche,  qui,  par  les  j^rands  espace- 
ments de  ses  pieds-droits,  rétrécirait 
encore  à  I'umI  la  lari^cur  des  travées, 
dont  on  saisirai!  ditlicilement  h'  des- 
sin, visible  seulement  entre  des  pi- 
nacles et  pignons  rapprochés?  Non 


pas; 


il  cherchera,  au  contraire,   à 


serrer  l'arcature  à  jour  de  sa  balus- 
trade, à  la  rendre  svelte  et  ferme  ce- 
pendant j)()ur  sonlenirson  couronne- 
ment ;  il  obtiendra  des  ombres  fines 
et  multipliées  j)ar  la  cond)inaison  de 
ses  trilobés,  par  des  ajouis  délicats 
percés  entre  eux  ;  il  fera  cette  balustrade  haute  pour  relier  les  {^âbles  aux 
pinacles  (12)  et  poui'  empêcher  que  le  grand  comble  ne  paraisse  écraser 
la  légèreté  de  la  maçonnerie,  pour  établir  une  transition  entre  ce  cond)le, 
ses  accessoires  inq)orlantsel  la  rich«>sse  des  corniches  el  fenêtres;  mais  il 
aura  le  soin  de  laissera  cette  balustrade  son  aspect  de  dalle  découpée,  afin 
(]u'elle  ne  puisse  rivaliser  avec  les  fortes  saillies,  les  ombies  larges  de  ces 
gables  et  pinacles.  Dans  le  même  édifice,  l'architecte  doit  couronner  un 
porche  couvert  en  leri-asse  par  unt>  balustrade.  Prendra-l-il  |)our  modèle 
la  balusti'ade  du  grand  cond)le'.'  l*oint  ;  conservant  encore  le  souvenii'  de 
ces  belles  claires-voies  du  connnencemenl  du  xiii"'  siècle,  composées  de 
colonnetles  portant  une  arcature  ferme  et  sim|)le  connue  celle  que  nous 
avons  donnée  (fig.  i)  ;  comprenant  (jue  sur  un  édifice  couvert  d'une 
terrasse  il  faut  un  couronnement  qui  ait  un  asj)ect  solide,  qui  prenne  de 
la  valeur  autant  par  la  cond)inaison  des  lignes  el  des  saillies  que  par  sa 
richesse,  et  ([U  une  dalle  plaie  percée  d'ajours  avec  de  sinq)les  biseaux 
sur  les  arêtes  ne  peu!  satisfaire  à  ce  besoin  de  l'ieil ,  il  élèvera  une  baliiN- 


70    I     ItAl.lMIlADK     i 

Iradc  onu'(>  tic  (•liai)iloau\  siipiun-liiiil  iin«'  aicaliuv  (It'coupi'f  en  liilohcs, 


relbuillée,  doiil  les  ombres  vives  viendront  ajoutera  l'etiet  de  la  corniche 
en  la  complétant,  à  celui  des  pinacles  en  les  reliant  (13) .  iMais  nous  sommes 
au  milieu  du  xin«  siècle,  et  si  la  balustrade  du  porche  de  la  Sainte-(^ha- 
pelle  est  un  dernier  souvenir  dt>s  primitives  clairt>s-voies  construites  au 
moyen  de  points  d'ai)i)ui  isoles  supportant  une  arcalure ,  elle  restera, 
connue  construction,  une  balustrade  de  son  époque,  c'est-à-dire  que  les 
colonnetles  reliées  à  leur  base  par  une  traverse,  et  les  arcalures  trilobées, 
seront  prises  dans  un  même  morceau  de  pierre  évidé.  La  tablette  d  appui 
A  sera  seule  rapportée.  C'est  ainsi  (ju'à  chaque  pas  nous  sonnnes  arrêtés 
par  une  transition,  un  pro^avs  (|uil  faut  constater,  et  que  nous  devo!is 
pres(iue  toujours  rendre  justice  au  yoùl  sûr  de  ces  praticiens  du  xni''  siècle 
qui  savaient  si  bien  tenq)érer  les  lois  sèches  et  froides  du  raisonnement 
par  l'instinct  de  l'artiste,  par  une  imagination  qui  ne  leur  faillait  jamais. 


It\U  STUADK 


KO 


L(iiifit(Miips  les  balustrades  furoiit  ex  idcimncnt  l'un  des  détails  do  larclii- 
Icctiiit'  oiiivalc  sur  l('S(|iif'ls  on  a|)i)oita  une  attention  pai-ti(uli»~'re;  mais  il 
laul  convenir  (|ua  la  tin  du  \nr  siècle  déjà,  si  elles  présenlenl  descond)i- 
naisons  iuf^M'nieuses,  belles  souvent,  on  ne  les  tiouve  i)lus  liées  aussi 
intimement  à  l'arcliiteclure;  elles  sont  parfois  comme  une  œuvre  à  part 


PFCARD   xr 


ne  participant  j)lusà  l'effet  de  l'ensend)le,  et  le  clioix  d«»  leurs  dessins,  de 
leurs  comparliments  ne  i)arait  j)as  tonjouis  avoir  été  lait  pour  la  place 
(|u'elles  occui)eiit.  La  balustrade  supeiieure  du  clio'ur  de  la  catht'drale  de 
{•eauvais  en  est  un  exem|)le  (li)  :  rallernance  des  (pialic-l'euilles  posés  <'n 
carré  et  en  diagonale  est  heureuse  ;  mais  cette  balustrade  est  beaucouj)  trop 
maigre  pour  sa  place,  les  ajours  en  sont  trop  j>i'ands,  et,  de  loin,  elle  ne 
prête  pas  assez  de  fermeté  au  couronnement.  Sous  cette  balustrade,  la 
coi-niche,  bien  (jue  délicate,  parait  lourde  et  j)auvre  en  même  temps.  Nous 
retrouvons  cette  combinaison  de  balustiades.  amai^nie  encore,  au-dessus 
des  diapelles  de  lé^lise  Saint-Ouen  (1(>  Kouen  (ir>).  Les  défauts  sont 
encore  plus  choquants  ici,  l)ien  (|ue  cette  balustrade,  en  elle-même,  et 
connue  taille  de  pierre,  soil  un  clicf-d^euvre  de  perfection;  mais,  étant 
placée  sur  des  côtés  de  polvfiones  peu  étendus,  elle  ne  donne  (|ue  (|uatre 
ou  cin(|  comparliments:  leur  dessin  ne  se  comi»rend  pas  du  pi-emier  couj), 
parcecjuela'il  nei)eul  saisircette  combinaison  alternée, (pii  serait  beuieuse 
si  elle  se  développait  sur  une  jurande  louj^^ieur.  L  excessive  maii^reur  de 
cette  l)alustrade  lui  donne  l'apparence  d'une  claire-voie  de  meta! ,  non 


SI 


ItAl 


d'une  découpure  faite  dans  de  la  pierre.  Du  reste,  à  partii-  de  la  tin  du 
xuic  siècle,  on  ne  rencontre  plus  iiiière  de  balustrades  composées  d'une 
suite  de  petits  montants  avec  arcature  ;  on  semble  prelerer  alors  les 
balustrades  foiinées  de  trètles,  de  quatre-l'euilles ,  de  triangles,  ou  de 
carrés  posés  sur  la  pointe  avec  redents,  comme  celle  qui  couronne  le 


(>£C-Aliû    se 


chœui'  et  la  nef  de  la  cathédrale  d'Amiens.  Nous  avons  fait  voir  comme 
à  la  Sainte-Chapelle  du  Palais  on  avait  heureusement  rompu  les  lignes 
inclinées  des  gables  couronnant  les  fenêtres  par  une  balustrade  à  points 
d'appui  verticaux  très-multipliés  (voy.  fig.  12),  comme  on  avait  tenu  cette 
balustrade  haute  pour  (pi'elle  ne  fût  pas  écrasée  par  l'élévation  des  pinacles 
et  gables.  Cette  balustrade,  indépendante  de  ces  pinacles  et  gables,  passe 
derrière  eux,  ne  fait  que  s'y  appuyer;  elle  leur  laisse  toute  leur  valeur,  et 
paraît  ce  qu'elle  doit  être  :  une  construction  légère ,  ayant  une  fonction  à 
part,  et  n'ajoutant  rien  à  la  solidité  de  la  maçonnerie,  pouvant  être 
supprimée  en  laissant  à  l'édifice  les  formes  qui  tiennent  à  sa  composition 
architectonique.  On  ne  s'en  tint  pas  longtemps  à  ces  données  si  sages. 
De  1290  à  1310,  on  construisait  à  Troyes  l'église  de  Saint-lJbain.  Les 
fenêtres  supérieures  du  chœur  de  ce  remarquable  édifice  sont  surmontées 
de  gables  à  jour  qui  viennent,  non  pas  comme  à  la  Sainte-Chapelle  de 
Paris,  faire  saillie  sur  la  corniche  de  couronnement  et  son  chéneau,  mais 
qui  les  pénètrent.  Et  telle  est  la  combinaison  recherchée  de  cette  construc- 
tion, que  les  deux  pentes  de  ces  gables  et  les  cercles  appareillés  dans  les 
écoincons  portent  cette  corniche  formant  chéneau  comme  le  feiaient  des 

T         M  11 


L    BAL    ]  —    8-2    - 

liens  en  charpente,  il  y  avait  à  craindre  que  ces  gables  à  jour  qui  n'étaient 
pas  reliés  au  nuir ,  et  cette  corniche-chéneau  ([ui  reposait  seulement  sur  la 
tète  de  ce  mur,  sans  être  retenue  dans  sa  partie  enjiagée  par  une  loite 
charge  supérieure ,  ne  vinssent  à  se  déverser  en  dehors.  Le  constructeui' 

/.5 


imagina  de  se  servir  de  la  balustrade  pour  maintenir  ce  dévers  (16);  et 
voici  comment  il  s'y  prit.  Tl  faut  dire  d'abord  (pi'entre  cha<iue  travée 
s'élève  un  contre-tort  avec  pinacle  bien  relié  à  la  masse  de  la  construction; 
prenant  ce  pinacle  ou  contre-fort  comme  point  fixe  (il  l'est  en  effet), 
1  architecte  fit  ses  demi -travées  de  balustiades  A  d'un  seul  morceau 
chacune,  et,  ayant  eu  le  soin  de  poser  ses  pinacles  sur  un  plan  plus  avancé 
que  celui  dans  lequel  se  trouvent  les  gables,  il  maintint  le  sonmiet  de 
ceux-ci  en  les  étrésillonnant  avec  les  balustrades,  ainsi  (jue  l"in(li(|ue  le 
plan  (IGbis).  Soit  lî  le  pinacle  rendu  lixe  par  sa  base  portant  cheneau 
fortement  engagée  dans  la  construction ,  et  CG  les  tètes  des  gables  ;  les 
demi-travées  de  balustrades  BC  étant  d'un  seul  morceau  chacune,  et 
formant  en  plan  un  angle  rentrant  en  G,  viennent  étrésillonner  et  butter 
les  tètes  des  gables  G  G,  de  manière  à  rendre  impossible  leur  déversement 
en  dehors.  Mais  pour  rendre  sa  balustrade  à  jour  très-rigide,  tout  en  la 


-  83 


l«Al, 


(ItVoiipaiil  (lélicateiiK'iit,  riurliiiecte  de  Stiiiit-Dil);!!!)  la  (oiuposa  (liiiic 
suito  de  triangles  chevauchés  réunis  par  leurs  cùlés,  et  t'onuaut  connue 
autant  de  petits  liens  inclinés  se  contre-buttant  nnitnellenient  de  manière  à 
évitei-  les  chances  di'  lupluie.  C/etait  là,  il  faut  le  dire,  plutôt  une  combi- 
naison de  charpente  qu'une  construction  de  niavonnerie  ;  mais  il  faut  dire 
aussi  que  la  piei're  à  laquelle  on  imposait  cette  fonction  anormale  est  de  la 


pierre  de  Tonnerre,  d'une  qualité,  d'une  fei-meté  et  d'une  finesse  extraor- 
dinaires, qui  lui  donnent,  une  fois  taillée,  l'aspect  du  métal.  Certes  ,  cela 
était  ingénieux  et  bien  raisonné  connue  appareil  ;  il  était  impossible  de 
dominer  la  matière  d'une  façon  plus  complète  que  ne  le  fit  avec  succès  le 
savant  architecte  de  Saint-Urbain  (voy.  construction;;  mais  pour  ne 
parler  que  de  la  balustrade  dont  il  est  ici  question,  cette  suite  de  petits 
triangles    semblables    aux   grands  triangles    formés  i)ar   les   gables    est 


«i  — 


I     BAL    I 

laclieiisc  mi  point  de  vue  de  lait.  L'ct-il  est  tomnieiité  par  tes  figures 
jîéométri(iiies  seiiiblables  mais  iiiéj-ales  ;  rhaniionie  ([ui  doit  résulter,  non 
<|("  la  similitude  des  diverses  parties  d'un  editice  ,  mais  de  leur  contraste, 
est  détruite.  Ici.  comme  dans  toutes  les  formes  de  l'architecture  adoptées 


16 


uis 


B 


PEGAnu.  zc 


à  partir  de  cette  époque,  le  raison ueuient,  la  combinaison  géométrique 
prennent  une  place  trop  importante;  le  sentiment,  l'instinct  de  l'artiste 
disparaissent  étoufllés  par  la  logique.  L'amour  des  détails,  les  raffinements 
dans  leur  application,  vinrent  encore  ôter  aux  balustrades  leur  sévérité  de 
formes.  Les  architectes  du  xiii*  siècle,  mus  par  ce  sentiment  d'art  qu'on 
retrouve  à  toutes  les  belles  épofjues.  avaient  com[)ris  que  plus  les  membres 
de  l'architecture  sont  d'une  petite  dimension,  et  plus  leurs  formes  veulent 
être  laigcment  composées,  afin  de  ne  pas  détruire  l'aspect  de  grandeur  que 
doivent  avoir  les  édifices;  car  en  nuiltipliant  les  détails  sans  mesuie,  on 
rapetisse  au  lieu  de  grandir  l'arcliitecture.  Si  parfois,  au  xur  siècle,  dans 
(pielques  monuments  exécutés  avec  un  grand  luxe,  on  s'était  permis  de 
faire  des  balustrades  très-riches  par  leur  combinaison  et  leur  sculpture,  ce 
sentiment  de  la  grandeur  apparaissait  toujours,  et  les  détails  ne  venaient 
pas  détruire  les  masses;  témoin  la  balustrade  qui  couronne  le  passage 
réservé  au-dessus  de  la  porte  sud  de  Notre-Dame  de  l'aris  (17).  élevée  en 
1257.  Il  est  impossible  de  grouper  plus  d'ornements  et  de  moulures  sur 
une  balustrade,  et  cependant  on  remarque  qu'ici  Jean  de  Chelles,  l'auteur 
de  ce  portail  .  avait  compris  que  l'excès  de  richesse  prodigué  sur  un  petit 
espace  pouvait  détruire  l'unité  de  sa  composition,  car  il  avait  eu  le  soin  de 
relier  cette;  balustrade  aux  divisions  générales  de  l'architecture  par  des  colon- 
nettes  engagées  qui  viennent  la  pénétier  et  la  forcer,  pour  ainsi  dire,  à 
participer  à  l'ensemble  de  la  décoration'.  Aussi  raffinés,  mais  moins  adroits, 
les  architectes  du  xiv«  siècle  arrivèrent  promptement  à  la  maigreur  ou  à  la 
lourdeur  (car  ces  deux  défauts  vont  souvent  de  compagnie  dans  les  compo- 

'  Il  n'existe  plus  que  deux  fragments  de  celte  cliarniante  Ijahislrade  sur  les  deux 
conlrelorls  du  portail,  mais  ces  fragments  indicpient  clairement  la  disposition  de 
rcnsemhle.  La  richesse  de  cette  balustrade  est  motivée  par  rexlrèmc  délicatesse 
des  parties  d'architecture  qu'elle  accompagne  et  coinonnc. 


85  — 


BAI.    1 


sitions  (l'art),  en  surchargeant  les  balustrades  de  profils  et  de  combinaisons 
plus  surprenantes  (pie  belles.  Ils  cherchèrent  souvent  des  dispositions 
neuves  et  ne  se  content«'rent  pas  toujours  de  la  claire-voie  perc(ie  dans  une 
dalle  de  champ,  et  couverte  par  nu  appui  horizontal.  Parmi  ces  nouvelles 

il 


i.i'  mm\\\ i'ii|i|i'iiwii.,..(ïnt|||i|||j|[pi>ii'>ii lii|i|||||j|]I||IliniiIP|llP(imr5''^ 


'•' COJ  K' ZJ. 


jf^i^^plli  f^éM 


"Un., 


P       /■"■.ij  v//////////y/;;/i 


;:«;     ^ 


formes,  nous  devons  citer  les  crénelages.  Les  créneaux  avec  leurs  merlons 
se  découpaient  vivement  au  sommet  des  édifices  ,  et  donnaient  déjà,  par 
leur  simple  silhouette,  une  décoration.  On  se  servit  parfois,  pendant  le 
xive  siècle,  de  cette  forme  générale,  pour  l'appliquer  aux  balustrades.  C'est 
ainsi  que  fut  couronnée  la  corniche  supérieure  du  chœur  de  la  cathédrale 
de  Troyes  ' .  Cet  exemple  de  balustrade  crénelée  ne  manque  pas  d'origina- 


'  Le  clid'iir  (le  hi  culiiéHrale  de  Troyes  fut  conslriiit  de  1240  à  1250,  mais  tous  les 
eouioniiemeiils  extérieurs  lurent  reliiits  au  xiv»  siècle. 


BAL 


8« 


lité,  mais  il  a  le  (léfaut  de  n'être  milleiiient  en  haimonie  avec  l'édifice;  nous 
ne  le  (loniioiis  d'ailiciirs  (jue  coninie  une  e\icj)ti()U  (IK).   Les  nierions  de 

18 


f£C/^/li>.  Si. 


celte  balustrade  crénelée  sont  alternativement  pleins  et  à  joui';  les  apj)uis 
des  créneaux  sont  tous  à  Jour.  Dcrrièic  cliaiiue  meilon  plein  est  un 
renfort  A  (jui  donne  du  poids  à  l'ensemble  de  la  constiuction  et  retient 
son  dévers.  On  remarquera  cpie  cette  balustrade  est  composée  d'assises  de 
pierre  d'un  assez  petit  échantillon,  et  cela  vient  à  l"ai>pui  de  ce  que  nous 
avons  dit  au  conmiencemenl  de  cet  article  :  que  les  matériaux  et  leurs 
dimensions  exerc^-aient  une  innuonce  sur  les  formes  doimees  aux  balustrades. 
Et,  en  ell'et,  à  Troyes  on  ne  se  procurait  que  dilticilement  alors  des  jjierres 
basses,  mais  longues  et  larges,  propres  à  la  taille  des  balustrades  à  jour 
posées  en  délit.  11  fallait  les  faire  venir  de  Tonnerre;  elles  devaient  être 
chères ,  et  ces  réparations  faites  au  xiv«  siècle  à  la  cathtidrale  de  Troyes 
sont  exécutées  avec  une  extrême  parcimonie.  A  l'église  Saint-Urbain  d<'  la 


—  S7  — 


BAI. 


inr-nu'  ville ,  presque  contemporaine  de  ces  restaurations  de  la  cathédrale, 
mais  où  la  (piestion  d'économie  avait  été  moins  impérieuse,  nous  avons  vu, 
au  contraire,  connue  l'architecte  avait  profité  de  la  (pialit(''  et  de  la  dimen- 
sion (les  pierres  de  Toinierre ,  pour  faire  des  balustrades  minces  et 
composées  de  grands  morceaux. 

Il  n'est  pas  rare  de  trouver  dans  les  édifices  du  commencement  du 
xiv*  siècle  des  balustrades  pleines  ,  décorées  d'un  simulacre  d'ajour. 
C'est  surtout  dans  les  pays  où  la  pierre,  trop  tenace  ou  trop  grossière, 
ne  se  prêtait  pas  aux  dégagements  délicats  des  redents,  et  ne  conservait 


'  ^ 


PC(rA  KO 


pas  ses  arêtes,  que  ces  sortes  de  balustrades  ont  été  adoptées.  Dans 
la  haute  Bourgogne,  par  exemple,  où  le  calcaire  est  d'une  qualité  ferme 
et  difficile  à  évider,  on  ne  fit  des  balustrades  cà  jour  que  fort  tard,  et 
lorsque  le  style  d'architecture  adopté  en  France  envahissait  les  provinces 
voisines ,  c'est-à-dire  vers  le  commencement  du  xiv<^  siècle  ;  et  même 
alors  les  tailleurs  de  pierre  se  contentèrent-ils  souvent  de  balustrades 
pleines,  de  dalles  posées  de  champ,  décorées  de  compartiments  se  déta- 
chant sur  un  fond.  C'est  ainsi  qu'est  taillée  la  balustrade  (|ui  surmonte  les 
deux  chapelles  du  transept  de  l'église  Saint-Bénigne  de  Dijon  (18  bis).  Le 


BAI 


88 


cloître  de  l'éj^'Use  cathédrale  de  Bézieis,  dont  la  construction  date  des 
premièi-es  années  du  xiv  siècle ,  est  couronné  d'une  balustrade  composée 
de  la  luênie  manière  comme  compartiments  et  comme  appareil,  ce  (\u\  est 
motive  par  la  nature  firossière  de  la  jticrre  du  pays,  qui  est  un  calcaire 
alpin  i)oreux,  tenant  mal  les  arêtes.  Seulement  ici  (IKter)  l'appui  lorme re- 
couvrement, il  est  rapporté  sur  le  corps  de  la  balustrade.  L'assise  d'aijpui. 


:  .r 


m  ■ 


■■■■■■■;•„■       xvi 


il 


-^ 


a 
^ 


taillée  dans  une  pierre  d'un  grain  plus  serré,  protège  les  dalles  de  champ, 
et  (fait  (pii  doit  être  noté)  cet  appui  porte  une  dentelure,  sorte  d'amortisse- 
ment fleuronné  couronnant  la  balustrade.  Celle-ci,  étant  pleine,  terminait 
lourdement  les  arcades  du  cloilre  ;  sa  ligne  horizontale  se  (h'tacliant  sur  le 
ciel  (car  ce  cloître  est  couvert  par  une  terrasse),  reliait  mal  les  pinacles  qui 
terminent  les  contre-forts  ;  et  c'est  évidemment  pour  ronij^re  la  sécheresse 
de  cette  ligne  horizontale,  à  laquelle  la  balustrade  pleine  n'apportait  aucun 
allégemefit,  que  fut  ménagée  cette  dentelure  supérieure.  On  trouve  plu- 
sieurs exemples  de  ces  balustrades  fleuronnées,  même  lorsque  celles-ci  sont 
à  jour,  dans  quelques  églises  de  Bretagne,  surtout  pendant  les  xv  et 
xvi«  siècles  (voy.  tig.  "l')-  Ce  qui  caractérise  les  balustrades  exécutées 
pendant  le  xiv«  siècle,  c'est  l'adoption  du  système  de  panneaux  de  pierre 
percés  chacun  de  leur  ajour,  séparés  par  un  montant  le  long  du  joint,  et 
recouverts  d'un  appui  les  reliant  tous  ensemble.  Si  l'appareil  y  gagnait,  la 
succession  de  divisions  verticales  séparant  chacun  des  panneaux  juxta- 
posés Atait  aux  balustrades  l'aspect  qu'elles  avaient  au  xm*  siècle,  d'un 


H\)    I     BALUSTRADE    ] 

couronnoinent  continu,  d'une  sorte  de  fVise  à  jour,  laissant  aux  iij^Mies 
horizontales  leur  sini|)lieilé  calme;  nécessaire  dans  des  n)oiiuinents  de 
celte  étendue  |)Our  re|)oser  les  yeux,  que  les  divisions  ré^^dières  verti- 
cales troj)  répétées  t'aliiiueni  hienlùl. 

Fjes  architectes  «'taient  conduits  à  sacritiei-  l'art  au  raisonnement;  ils 
perdaient  cette  liberté  (|ui  avait  permis  à  leurs  prédécesseurs  de  mêler  les 
inspirations  du  goût  aux  nécessités  de  la  construction  ou  de  l'appareil. 
L'exercice  de  la  liherti'  dans  les  arts  n'appartient  (ju'au  ^^énie,  et  le  génie 
avait  fait  place  au  (calcul ,  aux  méthodes ,  dès  le  counnencement  du 
xiv  siècle,  dans  tout  ce  qui  tenait  à  l'architecture.  Nous  donnons  ici  (10) 


19 


''''"W''''''''''!i!il''!!'''''"''V 


eâ'GMO. 


un  exemple  d "une  balustrade  exécutée  en  panneaux  de  pierre,  tiré  du  bras 
de  croix  méiidional  de  l'ancienne  cathédrale  de  la  cité  de  Carcassonne.  La 
construction  de  cette  balustrade  remonte  à  13^25  environ.  Il  faut  dire 
cependant  que  les  formes  des  balustrades  adoptées  par  les  architectes  du 
xMi'' siècle  furent  longtemps  emj)loyées;  on  les  amaigrissait,  ainsi  que 
nous  l'avons  vu  dans  l'exenqile  présenté  dans  la  fig.  1.^,  on  les  surchar- 
geait de  moulures  et  de  redents  évidés;  mais  le  principe  était  souvent 
conservé;  toutefois,  on  préférait  les  formes  anguleuses  aux  formes  engen- 
drées par  des  combinaisons  de  demi-cercles;  les  courbes  brisées  étaient 
en  honneur;  et  des  voûtes,  des  fenêtres,  elles  pénétraient  jusque  dans  les 
plus  menus  détails  de  l'architecture.  Le  sinq)le  biseau  (jui,  au  xuf  siècle, 
(tait  seul  destine  à  produire  des  jeux  d'ombre  et  de  lumière  dans  les 

T.    11.  12 


BAI-USIKAlili 


'.)() 


I>;iliistra(les,  parut  liDp  simple,  lorsque  lous  les  membres  de  rarcliilecluie 
se  sululivisèrent  à  riiifiiii  ;  on  le  doubla  par  un  temps  danèt,  et  les 
balustrades  eurent  deux  j)lans  de  moulures  :  l'un  donnait  la  forme  ijéné- 
rale,  le  thème;  le  second  était  destiné  à  (ornier  h^s  redenis,  la  broderie. 
l'n  exeuiple est  nécessaire  pour  l'aire  <(»mprendre  reni[)loi  de  ce  nouveau 
mode. 

Voici  CâO)  la  baluslrad<'  qui  couromie  la  corniche  du  clueurde  l'église 


20 


i 


^ 


PC6AHD.  se. 


que  nous  venons  de  cit(M".  la  cathédrale  de  Carcassonne  '.  La  forme  iréné- 
ratricede  cette  balustrade,  le  ihème ,  pour  nous  servir  d'un  mol  (jui  rend 
parfaitement  nohe  pensée,  est  une  suite  de  triangles  équilatéraux  curvi- 


hj^nes. 


Si  nous  examinons  la  coupe  sur  AB  de  cette  balustrade  ,  nous  voyons 
(|ue  1(^  biseau  C  est  divisé  païun  arrêt  résultant  d'une  petite  coupe  à  angle 
droit  l).  dette  coupe  produit  un  listel,  parallèle  à  la  face  de  la  balustrade, 
('/est  ce  listel  qui  dessine  les  redents  E,  et  le  second  membre  du  bizeau 
qui  leur  donne  leur  modelé.  Mais  les  parties  pleines  de  l'architecture,  les 
points  «l'appui,  se  perdaient  de  plus  en  plus  sous  les  subdivisions  des 
moulures,  des  colonnettes;  les  meneaux  des  fenêtres  s'amaigrissaient 
chaque  jour  sous  la  main  des  constructeurs;  les  balustrades  chargées  de 
ce  double  biseau  taillé'  suivant  un  angle  de  la  degrés,  et  de  ce  listel  du 
second  plan,  recevaient  trop  de  lumière;  elles  paraissaient  lourdes  com- 

<  Toutes  les  fois  que  nous  aurons  à  parler  des  édifices  du  xiv  siècle,  on  ne  s'éton- 
nera pas  si  nous  nieUons  en  preinièrt'  littiic  la  calliédrale  do  ('arcassnnne.  qui  est  un 
ciiel-d'u-iivri' de  «oltc  ('-pcKpit',  cl  (|iii  conuiic  style  apparliciil  it  larcliilcclure  du  Nord. 


—  "M    — 


UAI.ISIHADI 


paralivciiit'iit  aux  aiilres  membres  de  rarehilccliiit' ,  dont  les  plans  ren- 
foncés tlé('on|)aient  seulement  (|uel(iues  lignes  tiiu's  de  lumit-ic  sur  des 
ond)res  lari^cs.  Dés  lors  on  renonça  aux  biseaux  coupés  sui\anl  un  anyle 
de  io  de^M'és  dans  le  profil  des  balusliades,  et  l'on  voulut  avoir  des  plans 
plus  vivement  accusés.  Soit  (-21)  tiii.  A  :  si  le  rayon  lumineux  WC  tond»»' 


21 


B 


B 


sur  le  biseau  EF,  lui  étant  parallèle,  il  le  frisera  et  ne  produira  qu'une 
demi-teinte;  mais  si,  fig.  D,  le  biseau  EF  donne  un  angle  moindre  de 
45  degrés,  le  même  rayon  lumineux  RC  laissera  toute  la  partie  EF  dans 
une  ombre  franche.  Les  balustrades  étant  com[»osées  presque  toujours 
de  petites  courbes ,  la  lumière  frappe  sur  une  grande  partie  des  suifaces 
fuyantes;  pour  obtenir  des  ond)res  larges,  il  était  donc  nécessaire  de 
rapprocher,  autant  que  possible,  la  coupe  de  ces  surfaces  fuyantes  de  la 
ligne  horizontale,  afin  de  les  dérober  à  la  lumière  ;  et  comme  on  ne  donne 
de  la  finesse  aux  parties  éclairées  que  par  l'opposition  d'ombres  larges, 
que  les  parties  éclairées,  dans  les  formes  de  l'architecture  .  comptent 
seules,  et  qu'elles  produisent,  suivant  la  lai-geur  ou  la  maigreur  de  leurs 
surfaces,  la  lourdeur  ou  la  finesse,  les  architectes,  voulant  obtenir  la  plus 
grande  finesse  possible  dans  la  coupe  des  balustrades,  arrivèrent  à  dérol)er 
de  plus  en  plus  les  surfaces  fuyantes  aux  rayons  lumiuiHix.  A  la  lin  du 
xiv«^  siècle  déjà,  ils  avaient  entièrement  renoncé  aux  biseaux  qui,  sur 
quelques  points,  par  le  glissenient  de  la  lumière,  donnaient  toujours  des 
demi-teintes,  et  ils  les  renqjlaçaient  par  des  profils  légèrcmtMit  concaves 
(•2-2)  qui  donnent  plus  d'ombre  et  découpent  plus  vivement  les  plans.  Mais 
alors  ils  amaigrissaient  tellement  les  dalles  à  jour,  qu'elles  n'otlraient  plus 
de  solidité;  pour  remédier  à  cet  inconvénient,  ils  leur  donnèrent  plus 
d'épaisseur,  et  les  balustrades  qui,  en  moyenne,  au  xiu«  siècle,  n'avaient 
guère  que  0,12  c.  d'épaisseur  dans  leur  partie  à  jour,  |inreii1  jus(|u;t 
0,20  c. 

Par  Tertet  de  la  perspective,  ces  balustrades,  vues  de  bas  en  liaul  ou 


BALUSTKADl- 


—  M^2 


21 


de  eût»';,  piésontaienl  de  si  larf,'es  surfaces  de  champ,  qu'elles  laissaient 
à  peine  voir  les  ajouis.  Il  fallut  encore  dissimuler  ce  rléfaut,  et.  pour 

y  arriver,  on  j)rotila  les  Italustrades  en 
dedans  coninie  en  dehors.  On  avait 
voulu  d'ahord  déroher  à  la  lumière  les 
surfaces  fuyantes  des  épaisseurs  pour 
obtenir  des  ombres  accentuées;  par  ce 
dernier  moyen,  on  dérobait  aux  yeux 
une  partie  de  ces  surfaces  ("23). 

On    nous    pardomjcra    la    longueur 
d'une  théorie  qu'il  nous  a  paru  néces- 
saire d'exposer,  afin  de  faire  compren- 
dre les  motifs  des  diverses  transforma- 
tions que  l'on  fit  subir  aux  bahisliades 
jusqu'au    xy«'   siè(;Ie.    iN'ous   l'avons   dit 
déjà,  et  nous  le  répétons,  cet  accessoire 
de  l'architecture  du  moyen  âge  est  d'une 
grande  inq)ortance  ;  il  a  préoccupé  nos 
ancien*  architectes,  et  cela  avec  raison. 
Une  balustrade  de  couronnement  complète  heuieuseuient  ou  gâte  un 
édifice,  s(Mon  qu'elle  est  bien  ou  mal  conq)osée,  (|u'eli(>  (>sl  ou  n'est  |)as , 
dans  son  ensend)le  et  ses  détails,  à  léchelle  des  divers  membres  archilec- 


i 


toni(|ues  de  cet  édifice,  qu'elle  aide  ou  contiarie  son  syslènu»  géïK'ral  de 
décoration.  Tne  balustrade  bien  liée  à  la  coiniche  (|ui  lui  sei't  de  base. 
en  rapport   de  proportions   avec   le  monument  (pielle  couronne,  (|ui 


—  0:{  —  I  BALLSrKADK  | 

rappelle  st's  Ibrines  de  détail  sans  les  leproduiie  à  une  plus  petite  échelle, 
dont  les  divisions  tout  valoir  les  dimensions  de  ce  nioiunnenf ,  est  une 
(V'uvre  assez  rare  pour  (pi'il  soit  permis  de  croire  que  c'est  là  un  des 
ecueils  de  rarcliileclure  du  moyeu  àye,  et  poui-  qu'il  soi!  nécessaire 
d'étudier  avec  grand  soin  les  (juelques  beaux  exemples  qui  nous  sont 
l'est  es. 

L'adoption  du  système  de  panneaux  divisés  à  chaque  joint  par  des 
montants  verticaux  dans  l'appareil  des  halusli'ades  lit  (juehiuefois  ajoutei' 
des  terminaisons  en  l'orme  de  lleurons  ou  d"aii;uilles  sui-  ces  montants, 
car  les  arcliilectes  du  xiii''  siècle,  et,  à  plus  l'orle  laison,  du  xiv"  siècle, 
n'admettaient  pas  dans  les  formes  de  l'architecture  un  n)onlant  vertical 
d'une  certaine  largeur  sans  le  couronner  par  quelque  chose.  Pour  eux, 
\e  pilastre  venant  s<'  i)erdre  dans  une  moulure  horizontale  était  un  membre 
tronqué.  Mais  c'est  au  commencement  du  xvf  siècle  surtout  que  les 
balustrades  à  panneaux  séparés  par  des  montants  verticaux  le  long  du 
joint  furent  adoptées  sans  exception.  Les  conqiartiments  à  jour  dont  elles 
se  composaient  ne  permettaient  plus,  par  la  conqilication  de  leur  forme, 
un  autre  appareil. 

Pendant  le  xv«^  siècle ,  les  balustrades  à  panneaux  se  rencontrent  fré- 
(luemment,  mais  ne  sont  pas  les  seules.  Ce  sont  alors  les  losanges,  les 
triangles  rectilignes  qui  dominent  dans  la  composition  des  balustrades.  Il 
faut  remarquer  que  ces  formes  se  prêtaient  mieux  à  l'assendjlage  d'ajours 
en  pierre,  étaient  plus  solides  que  les  formes  curvilignes;  et  au  xv*" siècle 
l'architecte  était  surtout  appareilleur. 

Un  morceau  de  balustrade  taillé  suivant  la  fig.  ^A  présentait  beaucoup 
de  résistance  et  s'assend>lait  facilement  par  les  extrémités  AB.  Lappui, 
souvent  d'un  autre  morceau,  recouvrait  et  reliait  ces  claires-voies.  Lors(jU(!, 
pendant  le  xv^  siècle,  les  balustrades  étaient  conqjosées  de  panneaux,  les 
montants  verticaux  étaient  parfois  saillants  en  forme  de  petits  contre-forts, 
ainsi  que  l'indiquent  les  fig.  25  et  2(5. 

Ce  fut  aussi  pendant  le  xv  siècle  que  l'on  eut  l'idée  de  sculpter,  dans  les 
ajours  des  balustrades,  des  attributs,  des  pièces  piincipales  d'armoiries  '. 
Nous  donnons  ["Ih)  des  panneaux  de  la  balustrade  couronnant  la  nef  de 
la  cathédrale  de  Troyes,  et  dans  lesquels  les  tailleurs  de  pierre  du  xv«^  siè- 
cle ont  figuré  alternativement  les  clefs  de  saint  Pierre  et  des  tleurs  de  lis. 
La  balustrade  refaite ,  au  xv  siècle ,  à  la  base  du  pignon  de  la  Sainte- 
Chapelle  du  Palais,  à  Paris,  présente  également,  dans  chacun  de  ses 
panneaux,  une  belle  et  grand*»  tleur  de  lis  inscrite  dans  un  cercle  (2(>). 
Vn  grand  K  couronné,  tenu  par  deux  anges,  se  détache  au  milieu  de  cette 
balustrade;  c'est  le  chiffre  ou  la  première  lettre  du  nom  de  Charles  Vil 
(Karolus),  qui  la  tit  refaire  (voy.  r.niFFRK).  La  balustrade  de  l'oratoire, 
bâti  par  Louis  XI  sur  le  tianc  sud  du  même  édifice,  porte  également  un 

I  Voir  riiotel  de  Jacques  Cœur  h  Bourges,  sur  les  balustrades  duquel  on  a  sculpté 
des  cœurs,  des  coquilles,  et  cette  devise  «  a  vaillans  riens  impossiblk.  » 


I     BALISTKADR    |  —    'M    — 

fii'aiid  L  ((niroiiiic.  <lcl  iisaj^o  de  placer  des  chiflVes.  des  It-tircs  dans  1rs 


haliisti'ades,  fui  assez  généralement  adopté  à  la  fin  du  xve  siècle  et  au 


-J.> 


connnenrenienl  du  wv;  le  cliâteau  de  Blois  porle.  sur  la  racad(^  ("levée 


—    '.►.")    —  I     n.H.USTK.VDK    ] 

|>;ii'  KiaiH'nis  l"'.  (les  Iwiliislrados  dans  lt\sqiu'llt's  on  voit  des  F  ('oiiromu's 
fl  (les  salamandres.  On  alla  niènic  jus(|u"a  y  sculpter  de  i;ian(l<'s  insciip- 
lioiis  à  jt'iii  ,  eoiunie  au  chœur  de  leglise  de  la  Kerte-lieinard  près  du 


26 


Mans,  comme  au  château  de  Josselin  en  Bretagne,  sur  les  balustrades 
duquel  on  lit  la  devise  :  A  PLUS  (27)  '.  » 

Dans  l'architecture  civile  de  la  fin  du  xv  siècle  et  du  commencement 
du  xvie,  on  fit  souvent  aussi  des  balustrades  aveugles  qui  n'étaient,  sous 
les  appuis  des  fenêtres,  que  des  bandeaux  larges  formant  une  riche 
décoration.  Telles  étaient  les  balustrades  qui  réunissaient  les  allèges  des 
fenêtres  du  premier  étage  de  l'hôtel  la  Trémoille  à  Paris  (28),  balustrades 
qui  sont  toutes  variées  soit  comme  dessin ,  soit  connue  division  ;  car  il 
n'est  pas  rare  de  trouver  une  grande  variété  dans  la  composition  d'une 
même  balustrade  de  la  fin  du  xv^  siècle  et  du  commencement  du  xvi--. 

Lorsque  le  goût  de  l'architecture  romaine  antique  eut  effacé ,  vers  le 
milieu  du  xyi"  siècle,  les  derniers  vestiges. des  formes  adoptées  par  le 
moyen  âge  dans  les  détails  de  l'architecture,  on  se  complut  à  faire  des 
balustrades  composées  d'ordres  réduits.  11  existe  une  balustrade  de  ce 


1  Cette  balustrade  est  taillée  dans  des  dalles  de  granit  ;  elle  esl  surmontée  d'une 
dentelure  présentant  des  couronnes  et  des  (lenrons  alternés. 


—  U(i   — 


[  bai.ustrahk  I 

^(MH-e  à  la  hase  du  pii;ii(ni  de  la  pt'tiU'  cglisf  d»>  Belloy  près  Rcaiimoiil  ; 
c'est  un»'  siiilc  de  ooloiiiicllps  doriques  suniioiitt'cs  d'uno  rorniclic  à  dciili- 
cnlos  avor  sotlilcs  scidplcs  «'iilip  les  cliapilcaux.  A  Saiiil-lùistaclir  de  Paris, 


17 


ou  voit  dos  halusfrados  forméos  d«>  polils  pilastres  doriques  ou  composites 
séparés  par  des  arcades  portées  sur  des  jtieds-droils  avec  leuis  iu)postes  '. 
Mais  cette  succession  de  Hj^nes  vertical«»s  données  par  les  colonnetles  ou 
pilastres  rapprochés  prenait  tiop  dinqjortance  dans  l'enseuible  de  la 
décoration,  et  avait  linconvénient  de  rappeler  en  petit  les  jurandes  divisions 
et  décorations  de  l'architecture  alors  en  honneur;  c'était  là  ini  défaut 
majeur,  qui  ne  manqua  pas  de  frappei'  les  architectes  de  la  renaissaïu'e. 
On  voulut  rendre  au\  balustrades  leur  (rlielle,  c\  pour  (jue  les  coloimettes 
formant  la  partie  principale  de  leur  décoration  ne  parussent  pas  un 
diminutif  des  ordres  de  l'architecture,  on  leur  donna  un  ^^albe  particuliei'. 
qui  les  fait  ressembler  à  un  potelet  de  bois  tourné  au  tour.  Les  prolils  de 
c^s  supports  se  divisent  en  bafoues,  gorges,  panses,  etc.  Quelquefois  même 

'   Vov.  JJ Eglise  Saitil-Euslache  a  l'tiris,  par  Viilor  ('■alliai.  Taris,  i8."i0. 


—  *>7  — 


[    IJALUSTUADK    ] 


les  reiitlciiiciils  des  colcmiicttcs  ainsi  i-alhccs  l'urciil  décoiV's  de  sculptures  ; 
celles-ci  prirent  dès  lors  le  nom  {U'haluslri'S  (\u\  Iciu'  est  resté.  Peu  à  peu 
ces  haluslres  s'alourdirent  et  arrivèrent  à  ce  prolil  hi/arre  (|ui  rappclh' la 
forme  d'un  flacon  avec  son  ;;(tulol.  et  dont  la  réunion,  eonipiise  entre  des 


pilastres  et  de  lourds  appuis,  couronne  assez  désagréablement,  depuis  le 
xvn«" siècle,  la  plupart  de  nos  édifices.  Il  faut  croire  que  ces  morceaux  de 
pierre  tournés  parurent  être  la  dernière  expression  du  goût  :  car,  une  fois 
adoptés ,  les  architectes  ne  se  mirent  plus  en  frais  d'imagination  pour 
composer  des  balustrades  en  harmonie  avec  leur  architecture  ;  (jue  celle-ci 
fût  simple  ou  riche,  plate  ou  accusant  de  fortes  saillies,  basse  ou  élevée, 
religieuse  ou  civile,  la  balustrade  fut  toujours  la  même  ou  peu  s'en  faut, 
bien  que  les  architectes  du  xvif  siècle  aient  prétendu  la  diviser  en  balus- 
trade toscane,  ionique,  corinthienne,  etc.  On  ne  se  contenta  pas  d'en 
placer  là  où  le  besoin  demandait  une  barrière  à  hauteur  d'appui,  on  s'en 
servit  comme  d'un  motif  de  décoration.  Rien  cependant  n'autorisait  dans 
l'architecture  romaine  antique,  (jue  l'on  voulait  imiter,  un  pareil  abus  de 
la  balustrade,  ni  comme  emploi  ni  comme  forme.  Il  faut  dire  même  que 
la  corniche  saillante  de  l'entablement  romain  porte  mal  ces  rangées  de 
morceaux  de  pierre  tournés,  posés  à  l'aplomb  de  la  frise,  et  qui,  par  leur 
retraite,  n'indiquent  pas  la  présence  du  chéneau.  La  italustrade  de  l'ar- 
chitecture du  moyen  âge,  posée  sur  l'arête  supérieure  du  glacis  du  larmier 
portant  le  chéneau,  est  non-seulement  un  garde-corps  pour  ceux  qui 
passent  dans  ces  chéneaux;  mais  elle  arrête  la  chute  des  tuiles  ou  des 
T.  n.  i;j 


[    HANC    I  —    MS    — 

ai-doisps^  et  est  une  sécurité  pour  les  couvreurs,  i|iii  sont  ohlii^és  de  jxiser 
des  ('chelles  sur  la.pente  des  combles lois(|u"il  rst  nécessaire  de  les  réparer; 
elle  fait  i)arlie  de  la  corniche,  car  le  i,dacis  du  larmier  demande  iiii  cou- 
ronnement ;  tandis  (|ue  la  balustrade  moderne,  posé»'  sur  renlablcment 
lomain,  à  laplond)  de  la  frise,  est  un  },M'ossier  contre-sens,  puisque, 
d'après  la  configuration  de  cet  entablement.  !<•  cliéneau  se  trouverait  en 
dehors  de  la  balustrade  et  non  en  dedans.  Aussi,  janiais  les  architectes 
romains,  (|ui  posst'daient  cette  qualité  pr(''ciense  (ju'on  appelle  le  sens- 
commim,  n'ont  eu  l'idée  bizarre  de  placer  des  balustrades  sur  les  coiniches 
supérieures  dt'  leurs  édifices,  faites  pour  purler  les  premières  tuiles  des 
combles. 

Nous  ne  devons  pas  omettre  de  parler  des  balustrades  de  bois  fréquem- 
ment employées  pendant  les  xv^et  xvi''  siècles.  Quant  aux  balustrades  en 
métal,  il  en  est  fait  mention  dans  le  mot  (jhu.i.k.  C'est  à  l'interieui'  des 
édifices  ou  à  couvert  (pi'étaient  posées  les  balustrades  de  bois.  Le  peu 
d'exemples  qui  nous  restent  de  ces  claires-voies  à  hauteur  d'appui,  anté- 
rieures au  xvi«'  siècle,  sont  d'une  grande  simplicité  ;  ce  sont  presque 
toujours  de  petits  potelets  assemblés  haut  et  bas  dans  deux  traverses, 
ainsi  que  le  démontre  la  fig.  29,  copiée  sur  une  balustrade  du  xve  siècle. 


posée  encore  aujourd'hui  le  long  du  trifoi-iiun  de  l'église  paroissiale  de 
Klavigny  ((^«Mc-d'Or).  Au  x\i"' sit'cic,  la  forme  des  l)aluslres  tournés  conve- 
nait parfaitement  aux  balustrades  de  bois;  c'était  le  cas  de  lenqjloyer,  et 
les  architectes  ne  s'en  firent  pas  faute  (voy.  .mkmiskrik). 


BANC,  s.  ui.  Il  n'était  pas  d'usage,  avant  la  fin  du  xvi^  siècle,  de  placer, 
dans  les  églises,  des  chaises  ou  bancs  en  menuiserie  pour  les  fidèles.  Les 
femmes  riches  qui  se  rendaient  à  l'église  se  faisai(Mit  suivre  de  valets  qui 
poitaient  des  pliants  et  coussins  pour  sasseoir  et  se  mettre  à  genoux.  Le 
menu  peuple,  les  honunes,  se  tenaient  debout  ou  s'agenouillaient  sur  les 


—    ••»^»    —  [    BANC    ] 

dalles.  A  Rome,  dans  pres(|iic  toute  lltalic  rt  une  partie  de  l'Alleniagne 
callioli(|ue.  enooie  aujourdliui.  on  ne  voit  aucun  siei^c  dans  les  éi,dises. 
Mais  (|uand.  au  wi»'  siècle,  des  pièches  se  furent  établis  sur  toute  la  surface 
de  la  Fiance,  les  réformistes  |)lacèrent  dans  leurs  temples  des  bancs 
séparés  par  des  cloisons  à  hauteur  dappui  destinés  aux  fidèles.  Le  clergé 
catholicpie.  craignant  sans  doute  cpie  la  rigidité  de  la  tradition  ancienne 


ne  contribuât  encore  à  éloigner  le  peuple  des  églises,  imita  les  réformistes 
et  introduisit  les  bancs  et  les  chaises.  L'effet  intérieur  des  édifices  sacrés 
perdit  beaucoup  de  sa  grandeur  par  suite  de  celte  innovation;  et  pour  qui 
a  pu  voir  la  foule  agenouillée  sur  le  pavé  de  Saint- Pierre  de  Rome  ou  de 
Saint-Jean-de-Latran.  cet  amas  de  chaises  ou  ces  bancs  cellulaires  de  nos 
é^'lises  fran(.aises  détruisent  com])létement  laspec^t  religieux  des  réunions 


BANC 


1(10    — 


(le  fidèles.  Il  n"y  avail  aiiliclois,  dans  nos  éf^lises,  de  hancs  (jue  le  lonj^ 
des  murs  des  bas-côtés  ou  des  chapelles  ;  ces  hancs  formaient  comme  un 
souhassement  continu  entre  les  piles  en^^aj^ées  sous  les  arcatures  décorant 
les  apjiuis  dos  fenêtres  de  ces  has-côtés  ou  clia|)elles  (voy.  arcatiui:). 
Quelquefois  même  ces  hancs  fixes  en  pierre  s'élevaient  sur  un  emniarche- 
ment;,  connue  on  peut  le  voira  l'intt'rieur  de  la  cathédrale  de  Poitiers  (tin 
du  xne  siècle)  [IJ,  et  le  long  des  murs  de  la  nef  de  la  cathédrale  de  Reims. 
On  en  plaçait  presque  toujours  aussi  sous  les  porches  des  églises,  dans  les 
('hrasements  des  portails,  dans  les  galeries  des  cloîtres,  soit  le  long  des 
claires-voies,  soit  le  long  des  nuirs.  Voici  ("2)  f|uelle  est  la  disposition 


des  hancs  foiinanl  souhassement  intérieur  de  la  claire-voie  du  cloitre  de 
Fonth'oide  près  Narhonne  (commencement  du  xiii»"  siècle).  Ces  bancs  se 
combinent  adroitement  avec  la  consti-uclion  des  piles  principales  de  ce 
cloître,  ainsi  que  nous  le  voyons  dans  la  figure.  Le  hahut  de  la  claire-voie 
lui  tient  lieu  de  dossiei'.  On  voit  encore  des  bancs  avec  une  marche  au 
devant  dans  les  salles  caj)itulair<'s,  dans  les  chauHbirs  des  monastères  et 
dans  les  parloirs. 

Les  giand'salles  des  palais  royaux,  des  châteaux,  les  salles  synodales 
étaient  toujours  garnies  de  hancs  au  pourtour,  ainsi  que  les  salles  des 
gardes  et  les  vestibules  des  habitations  princières  (voy.  sallk).  On  plaçait 
aussi  à  demeure  des  hancs  de  pierre  le  long  des  jambages  des  cheminées. 
|)arliculièr(Mnent  dans  les  habilalions  d»'  campagne,  dans  les  maisons  de 


—  loi  — 


bam: 


paysans,  los  feinies,  dont  runi(jue  clieniiiiée  servait  à  faire  la  cuisine  et  à 
cliautVei'  les  habitants. 

Ht's  (l('ii\  eûtes  (les  portes  des  maisons,  il  était  également  d'nsajite  de 
})laeer  des  banesde  pierre  sur  la  voie  pul)li(pie,  soit  taillés  dans  une  seule 
pierre,  soit  composés  d'une  dalle  et  de  montants  avec  ou  sans  accoudoirs. 
Nous  avons  encore  vu  de  ces  sortes  de  bancs  de  pierre  très-simples,  avec 
accoudoir,  le  lonij  de  quelques  maisons  anciennes  du  midi  de  la  Fiance  (3), 


".  C£<iC^^^,:>;^<'^^ 


à  Cordes,  à  Saint-Antonin  près  Alby  ;  c'était  là  que  se  reposaient  les  piétons 
fatigués,  les  pauvres;  que  le  soir,  après  le  travail,  on  venait  s'asseoir  et 
causer  entre  voisins.  Si  les  façades  des  maisons  étaient  garanties  par  des 
contre-forts  très-saillants  portant  des  galei'ieset  les  charpentes  du  cond)le, 
les  bancs  étaient  alors  posés  le  long  de  ces  contre-forts  perpendiculaireniciH 
au  nuir  de  face  (voy.  maison).  Lorsque  les  murs  des  maisons  ou  ('hàteau\ 


I    BANC. 


1(^2 


prés»Milaieiif  une  assez  forle  épaisseui-,  on  réservait  des  baïu's  eu  pierre 
dans  leséhrasenienls,  à  riiih-riciir  des  fentMics.  Voici  (A)  l'un  de  ers  bancs 


tenant  à  la  fenêtre  de  premier  étage  d'une  des  maisons  construites  pendant 
le  xiii'-  siècle  dans  la  ,ville  de  Flavigny  (Bourgogne).  Il  est  placé  dans 
l'ébrasement  de  la  baie;  le  meneau  A  sépare  ce  banc  en  deux  stalles  et 
se  termine  en  accoudoir;  les  pcM'sonnes  assises  tournaient  le  dos  au  jour. 
Mais  ordinairement,  (|uand  les  imns  sont  très-é|)ais,  comme,  par  exemple, 
dans  les  châteaux  fortitiés,  les  bancs  sont  disposés  perj)en(liculaireiiieiit 
au  jour,  le  long  des  deux  ébrasemenis  si  la  fenêtre  est  large  (5),  ou  d'un 
seul  côté  si  la  fenêtre  est  étroite  (0). 

Ce  dernier  exemple  de  banc  est  fréquent  dans  les  tours  de  guet,  où 
l'on  plaçait  tles  sentinelles  pour  obser\er  ce  qui  se  passait  à  l'extérieur 
par  des  fenêtres  étroites.  Les  meurtrières  percées  à  la  base  des  c(unlines. 


—    lO.Î   — 


BANDKAl 


SOUS  de  grands  arcs  roriiiant  coiiuiif  de  petites  cliainbres  |)Ouvant  contenir 
tacileineni  deux  hommes,  sont  toujours  garnies  de  bancs  posés  le  long  des 


.f* 


:îM'j^^-. 


^ 


deux  côtés  du  réduit ,  perpendiculairement  au  mur  de  face.  Cette  dispo- 
sition de  bancs  à  demeure  dans  les  ébrasements  des  fenêtres  se  conserva 
jus([u"au  XVI'"  siècle  (voy.  fenêtre,  meurtrière). 

BANDEAU,  s.  m.  C'est  une  assise  de  pierre  saillante  décorée  de  moulures 
ou  d'ornements  sculptés  ou  peints  qui  sépare  horizontalement  les  étages 
d'un  monument.  Le  bandeau  indique  un  plancher,  un  sol;  il  ne  peut  être 
indifteremment  placé  sur  une  façade  ou  dans  un  intérieur  ;  c'est  un  repos 
pour  l'œil,  c'est  larase  d'une  construction  superposée.  Dans  les  églises  de 
l'époque  romane,  un  bandeau  intérieur  indique  presque  toujours  le  sol  du 
triîbrium  ;  il  est  interrompu  par  la  ligne  verticale  des  colonnes  engagées,  ou 
passe  devant  elles.  Dans  l'architecture  domestique,  le  niveau  des  planchers 
est  marqué  souvent,  à  l'extérieur,  par  un  bandeau  de  pierre.  Sur  les 
façades,  des  bandeaux  séparent  les  ordonnances  d'architecture  super- 
posées. Ils  ont  cet  avantage  de  garantir  les  parements  extérieurs,  leur 
saillie  empêchant  les  eaux  pluviales  de  laver  les  nmrs;  aussi  les  a-t-on  faits 
généralement  en  pierre  plus  dure  que  celle  dont  on  se  servait  pour  la 
construction  des  parements,  et  leurs  protils  étaient-ils,  surtout  à  partir 
du  xni'-  siècle,  tracés  de  manière  à  former  une  mouchelte  ou  un  larmier. 
L'influence  des  profds  antiques  romains  se  fait  sentir  dans  les  bandeaux 
comme  dans  tous  les  autres  membres  de  l'architecture  romane.  Pris  dans 


[    BANDEAi:     1  —     loi    — 

une  assise  assez  basse,  les  bandeaux  atteclent,  jusqu'au  \ir  siècle,  à  I  ex- 
térieur ou  à  l'intérieur,  des  formes  très-simples,  et  se  composent  ordinai- 
rement d'un  biseau  A.  d'un  eavel  B  Ici^èrcment  roïieave.  on  dnne  doucinc 
C  sous  un  plan  boiizontal  (I).  Ces  bandeaux  sont  IVéquennuenl  ornés  de 


1 


A 


':^ 


sculptures,  surtout  à  partir  de  la  fin  du  xf  siècle,  et  ils  passent  devant  les 
saillies  verticales  de  l'arcbilecture ,  piles,  contre-forts,  etc.  Tels  sont  les 
bandeaux  intérieurs  de  la  nef  de  l'éj^lise  abbatiale  de  Vézelay  posés  à  l'arase 
du  dessus  des  arcbivolles  des  bas-côtés  (-2)  Icommencement  du  xir  siècle]. 


Le  lit  supérieur  de  ces  bandeaux  form(>  encore  une  saillie  borizonlale.  On 
remarqua  bientôt  (|ue  c<'s  saillies  à  rinlerieurdes  éditices  masquaient,  par 
leur  projection,  une  partie  des  parements  élevés  au-dessus  d'elles.  Soit  A 


_    lOr» 


BAISDKAi: 


le  profil  (11111  liandcaii  intérieur  (3) ,  la  plus  forte  reculée  «lu  point  visuel 
,.  étant  suivant  la  li^MU^  !)(',  toute  la  hauteur  BC 

^  sera  j)er(lue  pour  IomI,  la  proj)oiti(Mi  «le  lor- 
(lonnanee  ar(hiteetoni«|U('  placée  au-dessus 
«le  B  sera  détruite  par  la  perte  de  cet  espace 
B  C.  Décorant  les  bandeaux  de  sculptures, 
surtout  à  l'intérieur,  les  architectes  tenaient  à 
piésentei'  les  ornements  sur  une  surface  per- 
pendiculaire à  la  lijiiie  visuelle  ;  ils  ne  re- 
noncèrent pas  facilement  aux  plans  inclinés 
EF,  et  se  contentèrent  de  diminuer  peu  à 
peu  les  saillies  EB.  Tel  est  le  profd  (4)  des 
l)andeaux  intérieurs  du  i)ras  de  croix  sud  de 
la  cathédrale  de  Soissons,  du  chœur  de  Saint- 

Bemy  de  Beinis  (thi  du  xir  siècle).  A  l'extérieur,  on  avait  également 


(ifr^'i,:iM|!î|îr"':'^'!l 


P£CARt'  il 


Gl 


/C 


\i^ 


reconnu  que  les  bandeaux  saillants  dont  le  lit  supérieur  était  laissé  hori- 
zontal avaient  l'inconvénient  de  ne  pas  donner  un  écoulement  prompt  aux 

eaux  pluviales.  Les  bandeaux  extérieurs 
S  taillés  suivant  le  profil  A  (5)  retenaient  la 
neige,  faisaient  rejaillir  les  gouttes  de  pluie 
projetées  suivant  CD  jus«|u"en  E,  se  dété- 
rioraient facilement  et  étaient  une  cause  de 
^^hoHBÉHM  ruine  pour  la  base  des  parements  FG  élevés 

J  au-dessus   de    leur  saillie,  à  cause   de   ce 

A    ^^  rejaillissement.  Jusqu'au  commencement  du 

g^  xnie  siècle,   on  décorait  volontiers  les  ban- 

^^#  deaux  extérieurs,    connue  ceux   intérieurs, 

I  d'ornements  sculptés,  particulièrement  dans 

I  les  provinces  de  la  Nornumdie,  du  Poitou, 

I  de  la  Saintonge,  du  Languedoc  et  de  Test; 

on  tenait  à  ce   que  les   sculptures   fussent 

vues,  et  en  même  temps  préservties  des  «légra<lations  causées  par  les 

eaux  pluviales.  Ces  ornements  étaient  taillés  sur  un  biseau,  une  doucine 

ou  un  talon  très-plats  et  protégés  par  le  lit  horizontal  supérieur;  les  orne- 

T.   n.  L4 


HAMUiAL 


KH)    — 


inents  los  plus  onlinaii  os  élairnl  des  dénis  de  scie,  des  hilletles,  «les  damiers 
(voy.  ees  mois).  Mais  lnrs(jue  an  xii'"  siècle  ,  dans  les  piovinces  du  nord 
pailiculièrenient,  tous  les  nienihres  de  rai'cliiteclure  fiMeiil  soumis  à  un 
systènK' ^'én«'ral  de  construction,  tendant  à  ne  jamais  pivsenler  à  la  pluie 
des  suifaces  horizontales,  on  protéj^ea  les  bandeaux  eux-mêmes  par  des 
talus  en  pierre  et  une  niouchette.  (l'est  ainsi  que  sont  disposés  les  ban- 
deaux de  la  tour  Saint-Romain  (0)  de  la  cathédrale  de  Kouen  (xir' siècle). 


1 

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^«i||iiii!'WiÏj;i'':'iï?^  ■'■  "''" ■  •"■'■■  '  '  '■  j|:&iii''''"'''''"'' " 


A  la  même  époque,  dans  les  provinces  méridionales,  on  se  contentait  de 
donnci'  aux  bandeaux  extérieuis  unt»  faible  saillie  ;  mais  on  ne  les  sui'mon- 
tait  pas  du  ne  j)en  te  très-prononcée  connue  on  le  faisait  dans  rile-de-Fiance, 
la  Picardie  et  la  Normandie,  et  leurs  ornements  n'étaient  pas  abrités  par 


^. 


''ÈOMasa 


une  saillie  formant  mouchette.  Entre  autres  exemples,  nousdoimons  ici  (7) 


M>"     BANDKAI      1 

un  (les  l)aii(l«\iu\  cxléricurs  du  has-côté  noid  de  I  eglisfi  Saint-EuthrDpe 
i]o  Saintes.  <|ui,  sans  (ttlVirà  la  pluie  dos  aspoiités  pouvant  »Hre  tacileincnt 
<lt'lruiU's  ,  no  sont  pas  oopondanl  itarantis  par  uno  assise  ou  un  piotil  tni- 
niant  larniioi-.  Il  n'ost  pas  hosoin  ih'  dire  (|uo  oos  détails  d'architt'otuio 
prosonlont  unt'jirando  variété,  soit  connno  pvoiils  ,  soit  comme  ornonion- 
talion;  nous  no  prétendons  donner  dans  cet  article  que  leurs  dispositions 
trénorales.  Nous  ne  saurions  cependant  passer  sous  silence  les  bandeaux 
intérieurs  (jui  servent  de  soubassement  au  Irit'orium  des  éjrlises  d'Autun, 
de  Beaune  et  de  Lani^M'os;  leur  ornementation  est  trop  empreinte  des 
traditions  romaines,  poui-  cpio  nous  no  reproduisions  pas  un  dv  ces  exem- 
ples. Voici  le  bandeau  qui  pourlourno  le  cbœur  de  l'église  do  Beaune,  à  la 
hauteur  du  sol  des  jïalerios  surmontant  les  bas-côtés  (H).  I.e  même  ban- 


deau ,  à  peu  de  ditiorences  près,  se  retrouve  à  la  cathédrale  d'Aulun  ;  a 
Langres,  les  rosaces  sont  remplacées  par  un  enroulomont  évidennnent 
copié  sur  des  fragments  antiques. 

Au  xiiF  siècle,  les  bandeaux  deviennent  plus  rares  dans  l'architecture 
que  pendant  la  période  romane.  Déjà,  à  cotte  époque,  les  architectes 
send)laient  exclure  la  ligne  horizontale,  et  ils  ne  lui  donnaient  (juune 
inqiortance  relativement  secondaire.  Opendant  larchitocte  de  la  cathé- 
drale d'Amiens  avait  cru  devoir  accuser  très-vigoureusement  la  hauteur  du 
sol  du  triforium  dans  l'intérieur  do  la  nef" par  un  large  bandeau  richement 
decorédo  feuillages  très-saillants  ;  ce  bandeau  |)ren(l  d  autant  plus  d'inq)oi'- 
lancedans  lordonnance  aichitectoniqiie  de  cet  intérieur,  cpiil  passe  devant 
les  faisceaux  de  colonnes  et  les  coupe  vois  le  milieu  de  loin-  hauteur  (9). 
A  indique  la  coupe  ih'  ce  bandeau  avec  l'appui  du  triforium.  Evidoujuienl, 
ici.  le  maître  do  l'œuxre  a  voulu  roiiq)ro  les  lignes  verticales  qui  dominent 
dans  cette  nef.  dont  la  construction  remonte  à  l'2.'j<*  envir(»n  (voy.  aiu.hi- 
TKcTiuK  RKi.uiiEisE.  fiii'.  .'{.%!.  Il  V  avait  lii  comme  un  dernier  souvenir  de 


—   108  — 


I     BANDKAl     I 

l'aiThiteclure  rouiaiie  '.  Sans  avoir  une  aussi  grande  importance,  il  arrive 
presque  toujours  que  les  bandeaux,  dans  les  édifices  du  conuiiencenient  du 


xiiie  siècle,  passent  devant  les  faisceaux  de  colonnes,  et  servent  de  bagues 

«   Nous  avons  entcMiHii  s<mivpiiI  loiior  mi  liliiinci'  par  dfs  iumsoimics  coiiipclfiitcs  la 


—  I(K»  — 


I     ItVNUKAl 


pour  inainfonir  leurs  fûts  posés  en  délit  (voy.  ba(;l'e).  Quelquefois  aussi 
les  bandeaux  s'arrondissent  en  eorheille,  et,  souteinispar  un  cul-de-lainpe. 
servent  de  point  dappui  ;i  des  faisceaux  de  eolonnetles  ne  naissant  (pi  au- 
dessus  des  co^tinies  du  rez-de-ehaussée  entre  les  archivoltes.  (]ette  dispo- 
sition est  particulitM'einent  adoptée  lorsque  les  piles  de  re/.-de-cliaussée 
sont  nionoc\iin(lri(pies,  mais  non  composées  de  la  iciinion  des  coloimes 
qui  doivent  porter  les  voûtes  supérieures.  L'intérieur  de  léfilise  de  Noire- 
Dame  de  S(Mnui'  en  Auxois  présente  de  ces  bandeaux  devenant  tablettes  de 
cul-de-lampe  sous  les  bases  des  colonnettes  supérieures  (10). 


PROFIL 


Pendant  le  xui'*  siècle,  a  lextérieur,  les  bandeaux  ne  sont  plus  yuère 


disposition  du  ^Tand  bandeau  de  la  cathédrale  d'Amiens.  .Mais  la  vérité  nous  loroe 
d'ajouter  que  les  louanges  étaient  données  par  des  amateurs  de  l'architecture  golhifiue 
à  son  apogée,  et  le  blâme  par  des  enthousiastes  du  style  roman.  Comme  dans  l'un  «.m 
l'autre  cas  il  y  avait  contradiction  entre  les  goûts  et  les  jugeuients  de  chacun,  nous  ne 
savons    trop  quel  jiigenieut   jxulcr  nous-méme.    Ndus  dirons  seulement  que   le  parti 


I     IIANDKAl'     I  —     lin    — 

(|U('  (les  iJioiiluros  avec  laniiiers  sans  oriicmonts  ;  car  les  architectes 
(le  cette  époque  ne  voulaient  pas  détruire  Telfet  des  lii^Mies  verticales, 
en  donnant  aux  membres  horizontaux  de  leur  architecture  une  troj) 
grande  iinportaïuîe,  et  la  sculpture,  en  occupant  les  yeux,  aurait  prêté 
aux  handeaux  trop  de  valeur-.  Cependant  on  voit  encore  quekjuet'ois .  à 
cette  époque,  des  i)andeaux  avec  ornements;  mais  c'est  lorscjue  l'on  a 
voulu  indi(juer  un  étatfe  ou  sol.  C'est  ainsi  qu'à  l'extérieur  de  la  Sainte- 
(]ha|)elle  de  Paris  il  existe  un  f^rand  handeau  décoré  de  feuilles  et  de 
crochets  au  niveau  du  sol  de  la  chapelle  haute. 

Si  séduisante  que  soit  l'architecture  romane  du  F*oitou  et  des  provinces 
de  l'ouest,  il  faut  convenir  qu'elle  n'est  pas  si  scrupuleuse,  et  ses  monu- 
ments sont  parfois  couverts  de  bandeaux  sculptés  dont  la  place  est  déter- 
itiinéc  seulement  parle  goût  ou  la  fantaisie  de  l'artiste,  non  i)ar  un  étage, 
une  ordonnance  d'archilecture  distincte.  Pendant  la  pciiode  lomane. 
beaucoup  de  membres  horizontaux  d'architectui'e  dont  la  fonction  est 
très-secondaire,  conrnie  les  impostes  des  archivoltes,  les  tailloirs  des 
chapiteaux  de  coloimes  engagées,  des  appuis  de  croisées,  ou  les  tablettes 
basses  des  arcatures  de  couronnement,  deviennent  de  véritables  bandeaux, 
c'est-à-dire  qu'ils  i)onitournent  foules  les  saillies  de  la  construction,  tels 
que  h'scontre-forts,  par  exemple.  Juscjuà  lahndu  xu'siècle, cette  méthode 
persiste  ;  mais  ((uand  le  système^  de  l'architecture  ogivale  est  développé,  on 
ne  voit  jamais  ces  membres  secondaires  horizontaux  devenir  des  bandeaux. 
Cela  (>st  bien  évident  à  la  Sainte-Chapelle  de  Paris;  seul,  le  profil  dont 
nous  venons  de  pailer,  et  qui  indique  le  niveau  du  sol  de  la  chapelh^  haute, 
pourtournert'dilice,  passe  sur  les  nus  des  murs  comme  sur  les  contre-forts. 
A  la  cathédrale  d  Amiens,  à  la  cathédrale  de  lleimset  à  celle  de  Chartres, 
les  appuis  des  fenêtres  du  rez-de-chaussée  forment  bandeau,  mais  sans 
ornements  (voy.  ciiArEU-i:)  ;  à  parhr  de  ce  protil,  les  contre-forts  montent 
verticalement  sans  ressauts  ni  interru|)rion  hoiizonlale  sur  les  côtés,  leurs 
faces  étant  seules  munies  de  larmiers  «jui  enqtêcheni  les  eaux  de  laver  leurs 
|)aremenls  exposes  a  la  pluie.  H  ne  peut  en  êli-e  autrement  :  lorsqu'on 
examine  la  siriiclui'e  des  édifices  dans  lescpielsle  système  ogival  est  fran- 
chement adopté  et  suivi,  toute  la  construction  ne  se  composant  que  de 
contre-forts  entre  les(juelsdes  fenêtres  s'ouvrent  dans  toute  la  hauteur  des 
étages,  il  n'y  avait  pas  de  nmrs;  les  bandeaux  indifjuanl  des  repos  horizon- 
(aux,  d«'S  arases,  elaienl  contraires  à  ce  système  vertical;  lem- effet  eût  été 
fâcheux;  leurs  prolilssaiilants  sur  les  faces  latérales  des  conire-foris  seraient 

adopté  à  Amiens  csl  liiiiu'.  (ju'il  dénolc  une  inteiilioii  bien  arrêtée,  que  cel  iulérietir 
(le  lit  1  nous  paraît  être  le  plus  lieau  spécimen  que  nous  |)ossé(lions  en  l'rance  de 
r:iiiliilt'ilure  du  xiii"  siècle,  (pie  nous  nous  rendons  dil'liciiemenl  compte  de  TelU'l 
que  pidduirail  cel  inlérienr  dépourvu  de  celle  riilic  ceinlure  de  léuillai;es  viiioiiicii- 
senuMil  relouillés,  s'il  y  tçaL;nerail  ou  s'il  y  perdrait;  el  prenant  la  chose  i>our  loil 
lielle,  exécutée  par  des  artistes  aussi  bons  comiaisseuis  que  nous,  el  |)lus  lamiliers 
avec  les  j^rands  elléts,  nous  ne  iioinoiis  qu'approuver  celle  hardiesse  de  rarcliilecle  de 
la  nef  d'Amiens. 


—    I  1 1    —  I   hvrhacam:  ] 

\tiius  pénotrer  j^'auclu^ment  les  picds-dioils  dos  fenêtres,  sans  utilité  ni 
raison  (voy.  architectirk  rki-k.ieuse,  co>tre-fort).  A  partir  du  xni"' siècle, 
dans  rarcliilecture  relif^ieuse,  le  bandeau  n'existe  plus  par  le  fait,  les  murs 
pl(Mns  étant  supprimés;  on  ne  les  rencontre,  connue  dans  le  dernier 
e\emj)le  dout  ikkis  venons  de  parler,  que  lorsqu  ils  sont  1»^  prolouiiement 
horizontal  des  appuis  des  fenêtres;  seulement,  leurs  profils  se  modifient 
suivant  leiioùt  du  moment  (voy.  profil).  Dans  rarcliitecture  civile,  où  les 
murs  sont  conservés  forcément,  où  la  construction  ne  se  compose  pas 
uni(|uement  de  contre-forts  laissant  de  grands  jours  entre  eux,  des  ban- 
(l(\iu\  in(li(]U(Mit  le  niveau  des  planchers  (voy.  chatkai,  maison).  Parfois 
alors  les  bandeaux  sont  décorés  de  sculi)tures.  parliculièi'ement  pendant 
le  XV»"  siècle.  Composés  de  simples  moulures  profilées  dans  une  assise 
basse  pendant  les  xii*",  xin«  et  xiv«^  siècles,  ils  prennent,  au  contraire,  delà 
hauteur  et  une  saillie  prononcée  au  xv»"  siècle,  coupent  les  façades  horizon- 
talement par  une  ornementation  plus  ou  moins  riche.  Au  xvr  siècle,  les 
bandeaux  perdent  leur  aspect  d'arasé,  pour  devenir  de  véritables  en- 
tablements avec  leur  architrave ,  leur  frise  et  leur  corniche  .  même 
lorsque  labsence  d'un  ordre  antique  devrait  exclure  l'emploi  detous  ces 
niembres.  Les  façades  ne  sont  plus  alors  que  des  bâtiments  superposés 
(voy.  ordre). 

BARBACANE,  baibequemie,  s.  f.  On  désignait  pendant  le  moyen  âge, 
par  ce  mot,  un  ouvrage  de  fortification  avancé  (jui  protégeait  un  passage, 
une  porte  ou  poterne,  et  qui  permettait  à  la  garnison  d'une  forteresse  de 
se  reunir  sur  un  point  saillant  à  couvert,  pour  faiie  des  sorties,  pour 
protéger  une  retraite  ou  l'introduction  d'un  corps  de  secours.  Une  ville  ou 
un  château  bien  munis  étaient  toujours  garnis  de  barbacanes,  construites 
simplement  en  bois,  connue  les  anlenntraiia ,  procaslha  des  camps 
romains,  ou  en  terre  avec  fossé,  en  pierre  ou  moellon,  avec  pont  volant, 
large  fossé  et  palissades  antérieures  (voy.  architecture  militaire).  La 
forme  la  plus  ordinaire  donnée  aux  barbacanes  était  la  forme  circulaire 
ou  demi-circulaire,  avec  une  ou  plusieurs  issues  masquées  par  la  courbe 
de  l'ouvrage.  Les  armées  qui  canq^aient  avaient  le  soin  d'élever  devant  les 
enti'ées  des  camps  de  vastes  barbacanes,  qui  permettaient  aux  troupes  de 
combiner  leurs  mouvements  d'attaque,  de  retraite  ou  de  défense.  Au 
moment  d'un  siège,  en  dehors  des  nmrs  des  forteresses,  on  élevait  souvent 
des  barbacanes,  qui  n'étaient  que  des  ouvrages  temporaires,  et  dans 
lesquelles  on  logeait  un  surcroit  de  garnison. 

"  Hordéiz  ol  et  bon  et  bel, 

Far  defors  les  murs  dou  chastel 

Ses  barbacanes  fist  drecier 

Por  son  cbastel  niiaiiz  onforcier. 

Sodoiers  mande  por  la  terre 

Qu'il  vaingnent  à  li  por  conquerre, 


l     RARBA(.ANK    |  I  i'2    

Sergeiis  à  pié  et  à  cheval  : 
Tant  en  y  vint  que  lui  un  val 
Kn  lu  ooverl,  gianl  joie  eu  fisl 
lienai'l,  et  luaiiitenaul  les  niisl 
Es  barbacanes  por  deffense '.  » 

Mais,  le  |)ius  souvent,  les  l)arl)acanes  étaicnl  des  ouvraj^es  à  dt'iiu'ure 
autour  (It's  forteresses  bien  munies. 

<'  Haut  sont  li  mur,  et  parfont  li  fossé, 

Les  barbacaues  de  lin  marbre  listé, 

Hautes  et  droites,  ja  grciguors  ne  verres  '^.  •< 

Parnti  les  barbacanes  temporaires,  une  des  plus  célèbres  est  celle  que  le 
roi  saint  Louis  fit  faire  pour  protester  la  retraite  de  son  corps  darmée 
et  passer  un  bras  du  Nil,  après  la  bataille  de  la  Massoure.  Le  sire  de 
Joinville  parle  de  cet  ouvrafïe  en  ces  termes  : 

«  Qtiant  le  roy  et  les  barons  virent  ce,  ils  s'acordèreiil  (|ue  le  roy  feist 
«  passer  son  ost  par  devers  Babiloine  en  l'ost  le  ducck-  l>(tur};oini;ne,  qui 
«  estoit  sur  le  flum  qui  aloit  à  Damiete.  Pour  reciuerre  sa  gent  plus  sau- 
ce veulent,  Hsl  le  roy  faire  une  barbaquane  devant  le  i)ont  qui  estoit  entre 
«  nos  deux  os,  en  tel  manièrt'  que  l'en  pooit  entrer  de  deu\  pars  en  la 
<(  barba(|uaneà  cheval.  Quant  la  barbaquane  fut  arée.  si  s'arma  tout  l'ost 
c<  le  roy,  et  y  ot  grani  assaut  de  Turs  ;i  losl  le  roy.  Toutev(ti/  ne  se  mut 
«  l'ost  ne  la  gent,  jusques  à  tant  que  tout  le  harnois  fu  porté  outre;  et 
«  lors  passa  li  roys  et  sa  bataille  après  li,  et  touz  les  autres  barons  après, 
«  fors  (pie  monseijineur  Gautier  de  Chasteillon  qui  fist  l'arière-garde.  Et 
«  à  l'entrer  en  la  barbacane,  rescout  monseignein-  Erart  de  Walery, 
<(  monseij^iieur  Jehan,  son  frère,  que  les  Turs  emnenoieiit  jiris. 

«  Quant  toute  lost  fu  entré  dedans,  ceulz  (pti  démoulèrent  en  la 
u  barbacane  fuK'nt  à  grant  meschief;  car  la  barbacane  n'estoit  pas 
((  haute,  si  que  les  Turs  leur  traioient  de  visée  à  cheval,  et  les  San  azins  à 
«  pié  leur  getoient  les  motes  de  terre  enmi  les  visages.  Touz  estoient 
«  perdus,  se  ce  ne  feust  le  conte  d'Anjou,  qui  puis  fu  roy  de  Cezile,  qui 
((  les  ala  rescourre  et  les  enmena  sauvemeiit  ^  » 

(]etle  barbacane  n'élait  certainement  qu'un  ouvrage  en  palissades, 
puisque  les  hommes  à  cheval  pouvaient  voir  par-dessus.  Dans  la  situation 
où  se  trouvait  l'armée  de  saint  Louis  à  ce  moment,  ayant  perdu  une 
grande  partie  de  ses  approvisionnements  de  bois,  campée  sur  un  terrain 
dans  lequel  des  terrassements  de  quelque  imporlance  ne  pouvaient  être 


'   liojntm  (lu  licniirt,  t.  11,  p.  327,  vers  1849.0. 
■•î  Le  Homtin  de  Gitriii. 

■^  Mi-moires   de  Jean  siru  de  Joinvilic,  publies  par   M.  l'ianciscpie    Mieliel.    Paris, 
Didot,  1858. 


II?»    ,  I     ItARUACANK    "1 

piitrepiis.  c'était  tout  ce  (iiitui  axait  pu  t'aiiv  (\uv  (réi»'v»'r  une  palissade 
servant  de  tète  de  pont,  pouvant  arrêter  l'arniée  ennemie,  et  permettre 
au  (•or|)S  (l'aiinée  en  reti'aile  de  liler  en  ordi'e  avec  son  matériel.  La  \ue  ii 


vol  d'oiseau  que  nous  domions  ici  (1)  fera  comprendre  liililité  de  cet 


ouvrajj[e. 


T .     II. 


iS 


I   iiaiibacam;  ]      ,  —   1 1  i  — 

Uno  (les  |)liis  imporlanlfs  baiiiacaiips  construitps  eu  niat^-oiinerie  élail 
colle  qui  protégeait  le  château  de  la  cité  de  Carcassonne,  et  qui  fut  liàlie 
par  saint  Louis  (voy.  AuciiiTECTinK  >iii.itaiiu:,  i'Vfi.  Il,  1:2  et  13).  (letle 
harbacane  .  très-avancée,  était  i'eiiiiée;  celait  un  ouvrage  isolé.  Mais  le 
plus  souvent  les  barbacanes  étaient  ouvertes  à  la  gorge  et  lorniaient 
comme  une  excroissance,  un  saillant  semi-circulaire,  tenant  au\  enceintes 
extérieures,  aux  lices.  C'est  ainsi  que  sont  construites  labarbacane  élevée 
en  avant  de  la  porte  Narbonnaise  à  Carcassonne  (voy.  pokte)  ,  celle  du 
château  du  côté  de  la  cité,  et  celle  (|ui  protège  la  poteiiie  sud  de  l'enceinte 
extérieure  de  la  même  ville.  Cette  dernière  harbacane  conununiciue  aux 
chemins  de  ronde  des  courtines  de  lenceinle  exléiieure  pai-  deux  portes 
qui  peuvent  être  fermées.  En  s'emparant  de  la  poterne  ou  des  deux  cour- 
tines, les  assiégeants  ne  |)ouvaient  se  jeter  immédiatement  sur  le  chemin 
de  ronde  de  l'ouvrage  saillant,  et  se  trouvaient  battus  en  écharpe  en 
pén<''trant  dans  les  lices.  Etant  ouverte  à  la  gorge,  cette  harbacane  était 
elle-même  conunandee  par  l'enceinte  intérieure. 

Nous  donnons   (2  A)  les  vues  cavalières  de  l'extérieur  et   ("2  R)  de 


1  intérieur  de  cet  ouvrage  de  défense.  .Ius(|u'a  l'invention  des  bouches  ;i 
leu ,  la  forme  donnée  aux  barhacaiies  des  le  xu'  siècle  ne  lut  guère  mo- 
difiée, encore  les  établit-on  même  alors   sur  un   plan   semi-circulaire; 


I  ir>    I     llAKBAr.ANK    ] 

cependant,  vers  le  milieu  du  xv«  siècle,  on  ne  les  regarda  pas  seulement 


connue 
3 


^'rande 


P€(?ARO  5: 

un  flanquement  pour  les  jjoites  extérieures  ;  on  chercha  à  les 

flanquer  elles-mêmes,  soit  par  d'au- 
tres ouvrages  élevés  devant  elles,  soit 
par  la  confi{;;uration  de  leur  plan.  La 
harbacane  qui  défend  la  principale 
entrée  du  château  de  Bonaguil,  élevé 
au  xve  siècle,  près  Villeneuve  d'Agen, 
est  une  première  tentative  en  ce  sens 
(voy.  château).  Des  pièces  d'artillerie 
étaient  disposées  à  rez-de-chaussée,  et 
les  parties  supérieures  conservaient 
leurs  crénelages  destinés  aux  archers 
et  arbalétriers.  En  perdant  leur  an- 
cienne forme,  à  la  fin  du  xv  siècle, 
avec  l'adoption  d'un  nouveau  système 
approprié  aux  bouches  à  feu,  ces  ou- 
vrages perdirent  leur  ancien  nom  pour 
prendre  ladénoHiination  de  6oi//erar(/. 
Lorsque  les  barbacanesdu  moyen  âge 
Curent  conservées  ,  on  les  renforça 
extérieurement,  pendant  les  xvi''  et 
XVII'"  siècles,  par  des  ouvrages  d'une 

importance,  (/'est  ainsi  (|ut'  les  dehors  de  la  barbacane  A  (3)  du 


I     BAUI)     I  I  l<>    

faiibuui^   Sucliseiiliaiisen   de  Fi'ancrurl-sur-le-Mt'in  fuit'ut   piotéfiés  au 
coniineiK'enieiit  du  xvu''  sièclr:  vcis  la  nKMnc  t'poque,  la  harbacanc  A  du 


château  (U'  Cauliuipit'  de  (;auil)i'ai  (V)  devinl  Toccasiou  de  la  coiistiuelion 
d'un  ouvrage  à  ('(uuouue  H  très-éleudu  (voy.  iioi  i.kvauu). 

BARD,  s.  ui.  Ksi  un  eliaiiot  à  di'U\  roues  sur  lessieu  desquelles  i)orte 
un  tablier,  avec  un  limon  armé  de  deux  ou  intis  traverses.  Cv  cliariot, 
employé  de  temps  inunémorial  dans  les  chantiers  de  construction,  sert  à 
transporter  les  i»ierrrs  laillées  à  pied  dd'uvi-e;  on  le  désigne  aussi  sous 
le  nom  de  binard.  Six  ou  huit  liouunes  satlellen!  à  ce  chariol ,  et  le  font 
avancer  en  poussant  avec  les  nuiins  sur  les  traverses  ,  cl  en  ])assant  des 
courroies  en  bandoulière  qui  vont  s'attacher  à  des  crochets  en  1er  disposés 
à  Textréniité  antérieure  du  tablier  et  sur  le  timon.  Lorsqu'on  \en\  charger 
ou  décharger  les  piiMies,  on  relève  le  limon;  rextrémilé  j)ostéi'ieure  du 
tablier  ])orle  à  terre,  et  l'orme  ainsi  un  plan  incliné  (pii  facilite  le  charge- 
ment ou  déchargement  des  matériaux.  On  dit  barduye  pour  exj)rimei- 
l'action  du  transport  des  pierres  à  pied  d'œuvre  ,  et  les  ouvriers  enq)loyés 
à  ce  travail  sont  désignés  dans  les  chantiers  sous  le  nom  de  hardeurs. 
Par  extension  on  dit  barder  des  pieri'es  sur  les  échafauds,  cesf-à-dire  les 
amener  de  réquij)e  (pii  sert  à  les  monter,  au  point  de  la  jjose,  sur  des 
plateaux  et  des  rouleaux  de  bois.  (]es  (h'uomiuations  sont  fort  anciennes. 
Le  bardage  des   pierres,  du  sol  au  point  de  pose,   se  faisail  souncuI 


117 


«AHDK.VL 


autrefois  au  iiKiycii  de  plans  inclinés  en  bois.  Le  donjon  cylin(lri(|ue  du 
château  de  Coucy,  construit  en  pierres  de  taille  d'un  très-fort  volume  de 
1^1  hase  au  faite,  fut  élevé  au  moyen  d'un  j)Iaii  incliiu'  en  spirale  qui  était 
maintenu  le  loui;  des  parements  extérimus  pai- des  traverses  et  des  liens 
en^afies  dans  la  mai,omu'i'ie  (voy.  co.nstiuction,  ÉciiAr.vii)). 

BARDEAU,  s.  m.  Bauclie,  Essenle,  Esscaii.  (^est  le  nom  que  l'on  donne 
à  de  petites  tuiles  en  hois  de  chêne,  de  cliataijj;nier,  ou  même  de  sapin, 
dont  on  se  servait  heaucoup  autrefois  pour  couvrir  les  combles  et  même 
les  pans-de-bois  des  maisons  et  des  constructions  élevées  avec  économie. 
Dans  les  pays  boisés,  le  bardeau  fut  surtout  employé.  Ce  mode  de  cou- 
verture est  excellent;  il  est  d'une  grande  lé^^èreté,  résiste  aux  efforts 
du  vent,  et,  lorsque  le  bois  employé  est  d'une  bonne  qualité,  il  se 
conserve  pendant  i)lusieurs  siècles.  Quel(|uefois  les  couvertures  en 
bardeaux  étaient  jjeintes  en  i)run  rouge,  en  bleu  noir,  pour  imiter  proba- 
blement les  tons  de  la  tuile  ou  de  l'ardoise,  (les  fonds  obscurs  étaient 
relevés  par  des  lignes  horizontales,  des  losanges  de  bardeaux  peints  en 
blanc. 

Le  bardeau  est  toujours  plus  long  que  large,  coupé  carrément,  ou  en 
dents  de  scie,  ou  en  pans,  ou  arrondis  au  pureau  ;  il  est  généralement 
retenu  sur  la  volige  par  un  Seul  clou.  Voici  (|uelles  sont  les  formes  les 
plus  ordinaires  des  l)ardeaux  employés  dans  les  couvertures  des  xv«  et 
xvi«  siècles  (1).  Leur  longueur  n'excède  guère  0,2:2  c.  et  leur  largeur 


0,08  c.  Ils  sont  souvent  taillés  en  biseau  à  leur  extrémité  niférieure,  ainsi 
que  l'indiquent  les  deux  figures  A,  afin  de  donner  moins  de  prise  au  vent 
et  de  faciliter  l'écoulement  des  eaux.  Les  bardeaux  ('taient  r<>fendus  et 
non  sciés,  de  manière  à  ce  que  le  bois  fût  toujours  i)arfaitemenl  de  fil; 
cette  condition  <le  fabrication  est  nécessaire  à  leur  conservation.  Le  sciage 


[    UAKUIÈUK     1  I  IH    

permet  remploi  de  bois  défectueux  ,  tandis  que  le  déhita^^e  de  til  exi},'e 
l'emploi  de  bois  sains,  à  mailles  réj^^ulières  et  dépounues  de  nœuds.  La 
scie  contrarie  souvent  la  direction  du  til  ;  il  en  résulte,  au  bout  de  peu  de 
teiups,  sur  les  sciaj,^es  exj)osés  à  la  ])luie,  des  éclats,  des  esquilles  entre 
lesquelles  l'eau  s'introduit.  Lorsque  Ifs  bardeaux  sont  posés  sur  des 
surfaces  verticales  telles  (|ue  les  pans-de-bois,  ils  alleclenl  les  l'oi'mes  que 
l'on  donnait  aux  ardoises  dans  la  même  position  (voy.  audoisk)  ;  le  bois 
se  découpant  avec  plus  de  facilité  que  le  schiste,  les  dentelures  des  bar- 
deaux posés  le  long  des  rampants  des  pignons,  sur  les  sablières  ou  les 
poteaux  corniers,  présentent  parfois  des  dentelures  ouvragées  et  même 
des  ajours. 

Nous  avons  encore  vu  à  Hontleur,  en  IS;jl  ',  une  maison  de  bois  sur  le 
port,  dont  les  sablières  étaient  couvertes  de  bardeaux  découpés  en  foinie 
de  lambrequins  (2).  On  voit  beaucoup  de  moulins  à  vent  en  France  qui 


4 


sont  totalement  couverts  en  bardeaux.  En  Allemagne,  on  fait  encore 
usage  des  bardeaux  de  sapin,  particulièrement  en  Bavière,  dans  le  voisi- 
nage du  Tyrol  "^ 

BARRE,  BARRIÈRE,  s.  f.  Depuis  les  premiers  temps  du  moyen  âge 
jusquà  nos  jours,  il  est  d'usage  de  disposer  devant  les  ouvrages  de 
défense  des  villes  ou  cbàteaux,  tels  que  les  portes,  des  palissades  d«'  bois 
avec  parties  mobiles  pour  le  passage  des  trou})es.  Mais  c'est  surtout 
pendant  lesxi*,  xw,  xiii''  et  xiv^"  siècles  que  les  barrières  jouent  un  grand 
rôle  dans  l'art  de  la  fortilicalion.  I^es  parties  ouvrantes  de  ces  barrières 
se  composaient  ou  de  vantaux  à  claire-voie  loulant  sur  des  gonds,  ou  de 


«  Nous  donnons  ceUe  date,  parce  uni'  ions  les  jours  ces  restes  de  revètemenls  de 
maisons  disparaissonl ,  et  que  la  maison  dont  nous  parlons  peut  avoir  perdu  son  orne- 
mentation d'essenio  on  même  cU'e  démolio  aiijonrdlini. 

*  Le  i)ardeau  eloué  sur  les  pans  dc-lidis  les  préserve  parl;ûtcnient  de  riinmidilé 
extérieure,  et  on  ne  saurait  Inip  rcconiniaiiiler  son  ciniilui  |i(iiii  les  eonstructions 
isolées,  exposées  aux  vents  de  pluie.  Trempé  a\;inl  la  jiose  dans  une  dissolution 
d'alun,  il  devient  incomlmslible. 


—  II'.» 


RAItltl^:KK 


tal)liers  à  bascule  (voy.  architecture  militaire,  ti^^,  30),  ou  de  simples 
barres  île  bois  qui  se  tiraient  borizontalenient ,  coninie  nos  barrières  de 
forets,  se  relevaient  au  moyen  dun  contre-poids  (1),  et  s'abaissaient  en 


■•^f 


pesant  sur  la  chaîne.  Ces  dernières  sortes  de  barres  ne  servaient  que 
pour  empêcher  un  corps  de  cavalerie  de  forcer  brusquement  un  passage. 
On  les  établissait  aussi  sur  les  routes,  soit  pour  percevoir  un  péage,  soit 
pour  empêcher  un  poste  d"être  surpris  par  des  gens  à  cheval  '.  Lorsqu'une 
armée  venait  mettre  le  siège  devant  une  forteresse,  il  ne  se  passait  guère 
de  jour  sans  qu'il  se  fit  quelque  escarmouche  aux  barrières;  et  les  assié- 
geants attachaient  une  grande  importance  à  leur  prise,  car  une  fois  les 
défenses  extérieures  en  leur  pouvoir,  ils  s"y  retranchaient  et  gênaient 
beaucoup  les  sorties  des  assiégés.  Ces  barrières,  souvent  très-avancées  et 
vastes,  étaient  de  véritables  barbacanes,  qui  permettaient  à  un  corps 
nombreux  de  troupes  de  se  réunir  pour  se  jeter  sur  les  ouvrages  et  les 
engins  des  assaillants  ;  une  fois  prises,  les  assiégés  ne  pouvaient  sortir  en 
masses  compactes  par  les  portes  étroites  des  défenses  construites  en 

'   Les  barrières  à  conlre-poids  sont  encore  eu  usage  daus  le  Tvrol  autrichien. 


I     BAKHitUF    1  —     I-**    

luavomierie  :  forcés  de  passer  à  la  tile  par  ces  issues,  ils  étaient  facilement 
refoulés  à  l'intérieur.  Dans  toutes  les  relations  des  siéj^es  des  xii«',  \\w  et 
XIV  siècles,  il  est  sans  cesse  question  de  combats  aux  barrières  extérieures 
des  places  foiles;  elles  sont  prises  et  reprises  avec  acliaiiiement  et  souvent 
en  perdant  beaucoup  de  monde,  ce  qui  prouve  l'inqxiitance  de  ces  défenses 
a\ancées.  Pour  éviter  que  les  assaillants  n "y  missent  le  l'eu,  on  les  couvrait 
extérieurement,  comme  les  bretèches  et  les  betiVois,  de  peaux  fraîclies,  et 
même  de  boue  ou  de  fumier. 

On  défendait  les  faubourj^s  des  villes  avec  de  simples  barrières,  et  sou- 
vent même  les  rues  de  ces  faul>ourj.;s,  en  avant  des  portes.  L'attaipie 
devenait  alors  très-dan^^ereuse  ,  car  on  {.garnissait  les  logis  à  lentour  de 
combattants,  et  les  assaillants  se  trouvaient  arrêtés  de  face  et  pris  de  tlanc 
et  en  revers.  Froissart  rend  compte  dune  alta(|ue  de  ces  sortes  de  bar- 
rières, et  son  récit  est  trop  curieux  pour  que  nous  ne  donnions  pas  ce 
passaiie  tout  au  lonJ,^  Le  roi  d'Aniiietei-re  est  camj)(''  entre  Sainf-(Jn<'iitin 
et  Péronne  (I. ■].■{'.)). 

«  ....Or  avilit  ainsi  que  messire  Henri  de  Flandre,  en  sa  nouvelle  cbe- 

((  Valérie,  et  pour  son  corps  avancer  et  accroître  son  honneur,  se  mit  un 

«  jour  en   la  (ompaj^nie  et  cueillett(>  de  plusieurs  chevaliers,  desquels 

«  messire  .lean  de  Ilainaut  étoit  chef,  et  là  étoient  le  sire  de  Fauipiemont, 

«  le  sire  de  P)erghes,  le  sire  de  P»audresen.  le  sire  de  Kuck  et  plusieurs 

«  autres,  tant  qu'ils  étoient  bien  cin(|  cents  (•omi)allans  ;  et  avoient  avisé 

«  une  ville  assez  près  de  là,  que  on   appeloit  llonnecourt,  où  la  plus 

«  grand'parlie  du  i)ays  étoit  sur  la  fiance  de  la  forteresse,  et  y  avoient  mis 

((  tous  leurs  biens.  Et  jà  y  avoient  été  niessire  Arnoul  de  Hlakeben  et 

«  messiie  (luillaume  de  Duvort  et  leurs  roules  ;  mais  rien  n'y  avoient 

«  fait  :  d(»nc,  ainsi  (pie  par  esramie  (pronqttement),  tous  ces  seii;i)eurs 

«  s'éloient  cueillis  en  i^rand  désii'  de  lii  venir,  et  faire  U'ur  pouvoir  de  la 

«  coiu[uérir.  Adonc  avoit  dedans  llonnecourt,  un  abbé  de  <j;ran(l  sens  et 

«  de  hardie  entrepi'ise,  et  étoit  moult  hardi  et  vaillant  homme  en  armes; 

«  et  bien  y  apparut,  car  il  fit  au  dehors  de  la  poi'te  de  Honnecourt  faiie 

((  et  charpenler  en  graiid'hàte  une  barrière,  et  mettre  et  asseoir  au  tra- 

«  vers  de  la  rue;  et  y  pouvoit  avoir,  eiitie  l'un  banc  (banchart)  et  l'autre, 

M  environ  demi-pied  de  creux  d'ouverture  (c'est-à-dii-e  que  les  pieux 

«  étaient  écartés  l'un  de  l'autre  duii  demi-pied)  ;  el  |)uis  til  armer  tous 

«  ses  gens  et  chascun  aller  es  guérites,  [)ourvu  de  pierres,  de  chaux,  et 

«  de  telle  artillerie  (pi'il  api)ai-lieiit  pour  là  déifendre.  Et  si  très  tôt  (jue 

«  ces  seigneurs  vinrent  ;i  lloniiecourl,  ordonnés  par  bataille,  el  en  grosse 

«  route  et  (épaisse  de  gens  d'armes  durement,  il  se  mil  entre  les  barrières 

«  et  la  porte  de  ladite  ville,  en  bon  convenant,  et  lit  la  porte  de  la  ville 

«  ouvrir  toute  arrière,  et  montra  el  til  bien  clière  manière  de  défense. 

M  Là  vint  messire  Jean  de  Hainaiil  ,  messire  Henri  de  Flandre,  le  sire 
«  de  Fauquemont,  le  siie  de  Berghes  et  les  autres,  qui  se  mirent  toul  à 
«  pied  el  approchèrent  ces  barrières,  qui  eloi<Mit  l'orles  durement,  chacun 
¥  son  glaive  en  son  poing;  et  commencèrent  à  lancer  et  à  jeter  grands 


—     1-21     —  I     BARRIÈRE    1 

«  coups  à  ceux  de  dedans;  et  ceux  de  Honneeomt  à  eux  d«*i"endie  vassal- 
ce  ment.  Làéloit  ilanip  al)l)é,  (|iii  point  ne  sépariiiioii,  mais  se  tenoit  tout 
«  devant  en  très  bon  ronvenanl.  et  recueilloit  les  horions  moult  vaillaui- 
i(  ment,  et  lançoit  aucune  fois  aussi  ^lantls  horions  et  i^rands  coups  moull 
K  apertement.  Là  eut  fait  mainte  heile  appertise  d'armes;  et  jeloient 
K  ceux  des  guérites  contreval,  pierres  et  bancs,  et  pots  pleins  de  chaux, 
«  pour  plus  essonnier  les  assaillans.  Là  étoient  les  chevaliers  et  les  barons 
M  devant  les  barrières,  qui  y  faisoient  merveilles  darmes;  et  avint  que. 
(«  ainsi  que  messire  Henri  de  Flandre,  qui  se  tenoil  tout  devant,  son  i;laive 
«  enq^oigné,  et  lançoit  les  horions  i^rands  et  périlleux,  danq)  ahlte,  (|ui 
<(  étoit  fort  et  hardi,  euqwigna  le  glaive  dudit  messire  Henri,  et  tout 
«  paumoiant  et  en  Tirant  vers  lui,  il  fit  tant  (pie  parmi  les  fentes  des 
((  barrières  il  vint  jusques  au  bras  dudit  messire  Henri,  qui  ne  vouloit 
((  mie  son  glaive  laisser  aller  pour  son  bonneur.  Adonc  quand  labbé 
«  tint  le  bras  du  chevalier,  il  le  tira  si  fort  à  lui  qu'il  l'encousit  dedans  les 
«  barrières  juscpies  aux  épaules,  et  le  tint  là  à  grand  meschef,  et  l'eut 
«  sans  faute  sache  dedans,  si  les  barrières  eussent  été  ouvertes  assez.  Si 
«  vous  dis  que  le  dit  messire  Henri  ne  fut  à  son  aise  tandis  que  l'abbé  le 
«  tint,  car  il  étoit  fort  et  dur.  et  le  tiroit  sans  épargner.  D'autre  part  les 
«  chevaliers  tiroient  contre  lui  pour  rescourre  messire  Henri  ;  et  dura 
«  cette  lutte  et  ce  tiroi  moult  longuement,  et  tant  que  messire  Henri  fut 
«  durement  grevé.  Toutes  fois  par  force  il  fut  rescous  ;  mais  son  glaive 
«  demeura  par  grand'  prouesse  devers  l'abbé,  qui  le  garda  depuis  moult 
«  d'années,  et  encore  est-il,  je  crois,  en  la  salle  de  Honnecourt.  Toutes 
«  fois  il  y  étoit  quand  j'écrivis  ce  livre  ;  et  me  fut  montré  un  jour  que  je 
«  passai  par  là,  et  m'en  fut  recordée  la  vérité  et  la  manière  de  l'assaut 
M  comment  il  fut  fait,  et  le  gardoient  encore  les  moines  en  parement 
«  (connue  ti'ophées)  '.  » 

Les  barrières  étaient  un  poste  d'honneur;  c'était  là  que  l'élite  de  la 
garnison  se  tenait  en  temps  de  guerre.  «A  la  porte  Saint-Jacques  (de  Paris) 
«  et  aux  barrières  étoient  le  comte  de  Saint-Pol,  le  vicomte  de  Rohan. 
(I  messire  Raoul  de  Coucy,  le  sire  de  Cauny.  le  sire  de  Cresques,  messire 
«  Oudart  de  Renty.  messire  Enguerran  d'Eudin.  Or  avint  ce  mardi  au 
«  matin  (septend)re  I37U)  qu'ils  se  délogèrent  (les  Anglais)  et  boutèrent 
«  le  feu  es  villages  où  ils  avoient  été  logés,  tant  que  on  les  véoit  tout  clai- 
«  rement  de  Paris.  Un  chevalier  de  leur  route  avoit  voué,  le  jour  devant, 
«  qu'il  viendroit  si  avant  jusques  à  Paris  qu'il  hurteroit  aux  barrières  de 
«  sa  lance.  Il  n'en  mentit  point,  mais  se  partit  de  son  conroi,  le  glaive  au 
«  poing,  la  targe  au  col,  armé  de  toutes  pièces;  et  s'en  vint  éperonnant 
«  son  coursier,  son  écuyer  derrière  lui  sur  un  autre  coursier,  qui  portoit 
«  son  bassinet.  Quant  il  dut  approcher  Paris,  il  prit  son  bassinet  et  le  mit 
«  en  sa  tête  :  son  écuyer  lui  laça  par  derrière.  Lors  se  partit  cil  brochant 
«  des  épei-ons,  et  s'en  vint  de  plein  élai  férir  jusques  aux  barrières.  Elles 

'   l.es  ChroniqneK  rie  Froi«';nrt.  liv.  1,  p.  78.  Kfiil.  Fiiiclion. 

T.   II.  16 


ItAltKl^lIlK 


\-)^l    


«  étoienl  ouvei-tes;  et  cuidoiéiil  les  scij^iK-iiis  (|in  la  étoient  (|uil  dût 
((  «Mitier  (lodaiis;  mais  il  n'en  avoit  nulle  volonté.  Ain^ois  (|uan(l  il  eut  l'ail 
«  «'t  liurté  aux  hairières,  ainsi  (|ue  voué  avoit,  il  tira  sui'  IVein  et  se  mit 
«  au  l'elour.  I^ors  dirent  les  chevaliers  de  France  (|ui  le  virent  retraire  : 

((  Allez-vous-en,  allez,  vous  vous  êtes  bien  acquitté '  » 

Il  n'est  pas  besoin  de  dire  qu'autour  des  canqis  on  établissait  des 
l)arrières  (voy.  lice,  ci.ôtikk)  -.  Mans  les  tournois,  il  y  avait  aussi  le 
combat  à  la  ban-ière.  Tne  barrière  de  cin(|  |)ieds  environ  séj)arait  la  lice 
en  d(Mi\.  F^es  jouteurs,  placés  à  ses  extrémités,  à  droite  et  à  ^^auclie, 
lançaient  leurs  chevaux  lun  contre  laulre,  la  lance  en  arrêt,  et  cher- 
chaient à  se  désarçonner  ;  la  barrière,  (|ui  les  séparait,  empêchait  les 
chevaux  de  se  choquer,  rendait  le  combat  moins  danj^ereux  en  ne  laissant 
aux  combatlanis  (|ue  leurs  lances  pour  se  renverser.  C-es  barrières  de 
tournois  étaient  couvertes  d'étotiés  brillaiiles  ou  jxMiites  et  ])artaitemenl 
])Ianchéiées  des  deux  C(Més,  pour  que  les  chevaux  ou  les  combattants  ne 
pussent  se  heuiler  contre  les  saillies  des  poteaux  ou  traverses. 

Quant  aux  barres  proprement  dites ,  c'étaient  des  pièces  de  bois  qui 
servaient  à  clore  et  renforcer  les  vantaux  des  portes  (|ue  l'on  tenait  à 
fermer  solidement.  Les  portes  extéiieures  des  tours,  des  ouvrajies  isolés 

de  défense,  lorscprelles  ne  se  ferment  que 
par  un  vantail,  sont  souvent  numies  de 
l)arres  de  bois  (|ui  rentrent  dans  l'épais- 
seur de  la  muraille.  En  cas  de  surpris»^  en 
poussant  le  vantail  et  tirant  la  barre  de 
bois,  on  le  maintenait  solidement  clos  et 
on  se  donnait  le  i(Mnps  de  veirouiller. 
Voici  (2)  une  des  portes  des  tours  de  la 
cité  de  Carcassonne  fermée  par  ce  moyen 
si  simple.  Du  coté  opposé  au  logement  de 
la  barre  est  pratiqué,  dans  l'ébrasement 
de  la  porte,  une  entaille  carrée  qui  reçoit 
le  bfmt  decett(î  bari-e,  lorsqu'ellt»  est  com- 
plètement tirée  :  le  vantail  se  trouvait 
ainsi  fortement  bairicadé;  j)our  tirer  cette 
''(^^Ko  \  barre,   un   anneau  était  jiosé  à  son  extré- 

mité, et  jiour  la  faire  rentier  dans  sa  loj^c,  une  morlaise  profonde,  pra- 


'   Les  Chroniques  de  Froissait,  liv.  |,  ir  pailif,  p.  (118. 

"^  Fn  l."iS(),  lors  du  projet  d'expédition  en  Aiij,deleiie,  «  le  ooniiétaMe  de  France 
«  Olivier  de  Clisson  lit  ouvrer  et  cliai|)entei'  renelosnre  d'une  ville,  tout  de  bon  bois 
«  elgi'os,  pour  asseoir  en  Angleleire  là  où  il  leur  [jlairoil ,  cpiaiid  ils  y  auroient  pris 
"   terre,   pour  les  seigneurs  loi^er  et  retraire  de  nuit,  pour  eseiiiver  les  périls  (tes 

"   réveillenieus  (surprises) On  la  pouvoit  défaire  par  eliarnières  ainsi  que  une  cou- 

n  ronne  et  rasseoir  uiendire  à  membre,  (irand  l'oison  de  eliarpenliers  et  d'ouvriers 
"   l'avoient  eompassée  et  ouvrée »  (Les  Clironiiiites  ûe  Froissarl,  liv.  111,  p.  498., 


—   1-23 


BAI<lll(:itK    ] 


tiquée  en  dessous,  permettait  à  la  main   de  la  faire  sortir  de  l'entaille 
dans  laquelle  elle  s'en}ïa}ieait  (."M. 


-.9 

M- 


FÈCftRD 


Les  portes  à  deux  .vantaux  des  forteresses  se  barricadaient  au  moyen 
d'une  barre  en  bois  à  tléau,  comme  cela  se  pratique  encore  aujourdluii 
dans  bien  des  cas.  Ce  tléau,  pivotant  sur  un  axe,  entrait  dans  deux  entail- 
les faites  dans  les  ébrasemenls  en  maçonnerie  de  la  porte  (4)  lorsque  les 


vantaux  étaient  poussés.  Quelquefois,  comme  à  la  porte  iS'arbomiaise  de 
la  cité  de  Carcassonne,  la  barre  des  vantaux  doubles  était  fixée  horizontale- 
ment à  l'un  des  deux  vantaux,  venait  battre  sui'  l'autre,  et  était  maintenue 
à  son  extrémité  par  une  forte  clavette  passant  à  travers  deux  gros  pilons 
en  fer  (o).  Les  deux  vantaux  se  trouvaient  ainsi  ne  t'onner  (|u  une  clôture 


[    BAS-CÔiÉ    I  —    l^2i    — 

lij^idf  ,  pt'iidaiit  <|ii*'  lOii  prenait  If   tt'iii|)s  de  pousser  les  vei'roux  et  de 


\ 


poser  d'autres  hari'es  uiohiles  euj;ai;ées  a  leurs  exlreiniu-s  dans  de>  lions 
carres  prali(|ués  dans  les  ei)rasenienls. 

BART,  s.  ni.  Vieux  mol  employé  poui'  moellon,  pavé. 

BAS-COTE,  s.   m.  (^est  le  nom  (jue  Ton  donne  aux   nets  lalerales  des 
éfilises  (\()y.  vik  im rcrriu:  iu:r  i(;u:rsi;.  cATin'nRALi:.  i':(U,isrK 


—    1-25    —  I     BASE    I 

BASE,  s.  I'.  Oïl  nomme  ainsi  reMi|)ateiiient  intérieur  d'une  colonne  ou 
(l'un  pilier.  Les(irecs  de  l'unli(iuifé  ne  plavaieni  une  assise  lorinant  l)ase 
(|ne  sons  les  colonnes  des  ordres  ionique  et  corinthien  ;  l'ordre  dorique 
en  ét;rit  dépourvu.  Sous  lenqùre  ,  les  Homains  adoptèrent  la  base  pour 
tous  leurs  ordres ,  et  celte  tradition  fut  conservée  pendant  les  premiers 
siècles  du  moyen  âge.  L'ordre  toscan,  qui  n'est  (jue  le  dorique  modifié 
par  les  Homains,  fut  très-rarement  employé  pendant  le  Bas-Empire  ;  on 
donnait  alors  la  préférence  aux  ordres  corinthien  et  composite,  comme 
plus  somptueux.  Les  hases  applitiuées  aux  colonnes  de  ces  ordres  se 
composaient,  avec  quelques  variétés  de  peu  d'importance,  d'une  tablette 
inférieure  carrée  ou  plinthe,  d'un  tore,  dune  ou  deux  scoties  séparées  par 
une  baguette,  et  d'un  second  tore  ;  le  fût  de  la  colonne  portait  le  listel  et 
le  congé.  Souvent  la  base  était  posée  sur  un  dé  ou  stylobale ,  simple  ou 
décoré  de  moulures.  Rien  n'égale  la  grossièreté  des  bases  de  colonnes 
appartenant  aux  éditices  des  époques  mérovingienne  et  carlovingienne, 
comme  protil  et  comme  taille.  On  y  trouve  encore  les  membres  des  bases 
romaines,  mais  exécutés  avec  une  telle  imperfection  qu'il  n'est  pas  possible 
de  définir  leur  forme,  de  tracer  leur  protil.  Leur  proportion,  par  rapport 
au  diamètre  de  la  colonne,  est  complètement  arbitraire;  ces  bases  sont 
parfois  très-hautes  pour  des  colonnes  d'un  faible  diamètre,  et  basses  pour 
de  grosses  colonnes.  Tantôt  elles  ne  se  composent  que  d'un  biseau,  tantôt 
on  y  voit  une  séi-ie  de  moulures  superposées  sans  motif  raisonna!)le.  Il 
nous  serait  ditiicile  de  donner  une  suite  complète  de  l)asès  de  ces  temps  de 
barbarie;  car  il  semble  que  chaque  tailleur  de  pierre  n"ait  été  guidé  que 
par  sa  fantaisie  ou  une  tradition  fort  vague  des  formes  adoptées  pendant 
les  bas  temps.  Nous  ne  pouvons  que  signaler  les  particularités  que 
présentent  certaines  bases  de  l'époque  carlovingienne ,  et  surtout  nous 
nous  appliquerons  à  expliquer  la  transition  de  la  l)ase  romaine  corrompue 
à  la  base  détinitivement  adoptée  à  la  tin  du  xii«  siècle  et  pendant  la  période 
ogivale. 

Un  détail  très-remarquable  distingue  la  base  antique  romaine  de  la 
base  du  moyen  âge  dès  les  premiers  temps  :  la  colonne  romaine  porte 
à  son  extrémité  inférieure  une  saillie  composée  d'un  congé  et  d'un  listel; 
tandis  que  la  colonne  du  moyen  âge,  sauf  quelques  rares  exceptions 
dont  nous  tiendrons  compte,  ne  porte  aucune  saillie  inférieure,  et  vient 
))Oser  à  cru  sur  la  base.  Ainsi,  dans  la  colonne  antique,  entre  le  tore ^ 
supérieur  de  la  base  et  le  fut  de  la  colonne,  il  y  a  une  moulure  dépendant 
de  celle-ci  qui  sert  de  transition.  Cette  moulure  est  supprimée  dès 
l'époque  romane.  Le  congé  et  le  filet  inférieur  du  fût  de  la  colonne 
exigeaient,  pour  être  conservés,  un  évidement  dans  toute  la  hauteur  de 
ce  fût;  ces  membres  supprimés,  les  tailleurs  de  pierre  s'épargnaient  un 
travail  considérable.  C'est  aussi  pour  éviter  cet  évidement  à  faire  sur  la 
longueur  du  fût  que  l'astragale  fut  réunie  au  chapiteau  au  lieu  de  tenir  à 
la  colonne  (voy.  ASTKA(iAi.K). 

Nous  donnons  tout  darx)!"!)  (|uelques-unes  desvarielés  de  bases  adoptées 


[     HASE 


—   I-2G 


(lu  vii»^  au  X''  siècle.  La  tig.  1  est  une  des  hases  trouvées  dans  les  substruc- 

tions  de  r»'>^dise  colléfiiale  de 
Poissy,  siil»stiuclions  (jui  pa- 
raissent appartenir  à  l'épcxpie 
niéro\inf,Menne  '.  La  ti^'.  i  bis 
reproduit  le  protil  de  la  |)lupart 
des  bases  de  l'arcature  carlo- 
viniïicinie  visible  encore  dans 
la  crypte  de  Te^lise  abbatiale  de 
Sainl-Denis  en  France  (x«  siè- 
cle). On  retrouve  dans  ces  deux 
profils  une  grossière  imitation 
de  la  base  romaine  des  bas 
temps.  La  fig.  ^  donne  une 
des  bases  des  piliers  à  pans 
coupés  de  la  crypte  de  Saint- 
Avit  à  Orléans  :  c'est  un  simple 
biseau  orné  d'un  tracé  grossiè- 
rement ciselé  (VII''  ou  vin*  siè- 
cle) ;  la  fig.  ."},  les  bases  des 
piliers  de  la  cry[)te  de  l'église 
Sainl-Ktienned'Auxerrelix'^siè- 
cle).  Ici  les  piliers  se  composent 
(  i  une  masse  àplan  carré  canton- 
née de  (juatre  demi-colonnes  ; 
la  base  n'est  qu'un  biseau  repo- 
sant sur  un  plaltviu  circulaire. 

(>  lait  est  intéressant  à  constater,  car  c'est  une  innovation  introduite  dans 


^.. 


iw<D^r?r"^ 


'  C'est  au-dessous  ilii  sol  de  l'église  reconsUiiilf  ;ui   \ii'  siccli- (|iie  ces  hases  ont 


)'-27    l    BASE    i 

rairhiteclme  pai'  le  moyen  âg«^  l/'idée  de  faire  leposer  les  piliers  coiii- 
rJiiilil  lÀ  V     posés  de  colonnes  sur  une  première  assise  olVranl 

f" 


'  une  assiette  unique  aux  diverses  saillies  que  pie- 
^^^  „.,..  sentent  les  plans  de  ces  piliers  ne  cesse  de  domi- 
iÇ5«'Ç^vl    jj^.j.  ^j^i^^  |.^  composition  des  bases  des  époques  ro- 

--"""'^  mane  et  ogivale. 

Nous  en    trouvons   un    autre  exemple  <lans   l'église  Saint-Remy    de 


;'    \^ 


Reims.   Les  piliers  de  la  nef  de  cette  église  datent  du   ix'"  siècle;   ils 


VI,  m 


I 


-~~~  ~   Pé^UTcI    s 


sont   formés  d'un    faisceau  de  colonnes  (i)    avec  leur  base   romaine 


élé  découveiles  à  leur  ancienne  place;  autour  délies  ont  été  trouvés  de  nombreux 
fragments  de  cliapiteaux  et  tailloirs  du  travail  le  plus  l^arbare,  des  débris  de  tuiles 
romaines.  11  n'est  pas  douteux  que  ces  restes  dépendent  de  l'église  bâtie  à  Poissy  par 
les  premiers  rois  mérovingiens,  l.e  sol  de  ces  bases  est  à  0'",60  en  contre-bas  du  sol  de 
l'église  du  xii'  siècle. 


BASH 


—    lf>Jî 


corrompue  reposant  sur  une  assise  basse  circulaire  (voy.  pm.ieu).  Dans 
les  contrées  où  les  monuments  antif|ues  restaient  debout,  il  va  sans 
(lire  que  la  base  romaine  persiste ,  est  conservée  plus  pure  que  dans 
les  provinces  on  ces  édifices  avaient  été  détruits.  Dans  le  midi  de  la 
France,  sur  les  bords  du  Rhône,  de  la  Saône  et  du  Rhin,  on  retrouve 
le  profil  de  la  base  antique»  jusque  vers  les  premières  années  du  xin«  siè- 
cle; les  innovations  apparaissent  plus  tôt  dans  le  voisinaj^e  des  grands 
centres  d'art,  tels  cpie  les  monastères.  Jusquau  w  siècle  cependant,  les 
établissements  religieux  ne  faisaient  (pie  suivre  les  traditions  romaines  en 
les  laissant  s'éteindre  peu  à  peu;  u^ais  quand,  à  cette  époque,  la  règle  de 
Cluny  eut  formé  des  écoles,  relevé  l'étude  des  lettres  et  des  ails,  elle 
introduisit  de  nouveaux  éléments  d'architecture  parmi  les  derniers  restes 
des  arts  romains.  Dans  les  détails  comme  dans  l'ensemble  de  l'architecture, 
Cluny  ouvrit  une  voie  nouvelle  (voy.  architectiuk  monastk^xe)  ;  pendant 
que  le  chaos  règne  encore  sur  la  surface  de  l'Occident,  (>luiiy  |)(>st'  des 
règles,  et  donne  aux  ouvriers  qui  travaillent  dans  ses  établissements 
(certaines  formes,  impose  une  exécution  (jui  lui  appartiennent.  C'est  dans 
ses  monastères  que  nous  voyons  la  base  s'affranchii-  de  la  li'adition 
romaine,  adopter  des  profils  nouveaux  et  une  ornementation  originale.  Les 
bases  des  colonnes  engagées  de  la  nef  de  l'éiilise  abbatiale  de  Vézèlay 
fournissent  un  nombre  prodigieux  d'exemples  variés  :  (juchpies-uns  raji- 
pellent  encore  la  base  antique,  mais  déjà  les  profils  ne  subissent  plus 
linlluence  stérile  de  la  décadence  ;  ils  sont  tracés  par  des  mains  qui 
cherchent  des   combinaisons  neuves  et  souvent   belles;   d'autres   sont 


PfOARD..Si; 


couverts  d'ornements  (5)  et  même  de  figures  d'animaux  (G).  A  la  même 


—     h>'.»    —  [    BASK    ] 

»''poque  (vors  la  tin    du  \i''  siècle),    on  voit   aillours  rij,Mi()ran(;e   o\   la 


Il 


'  f(i'( Il  ,  '■ 

l'illtl'l     l|..wi  !1 


' il!l||i  IL. 


barbarie  admettre  des  formes  sans  nom,  confuses,  et  sans  caractère 
déterminé. 

Les  bases  de  piliers  appartenant  à  la  nef  romane  de  Téglise  Saint-Nazaire 
de  Carcassonne  (fin  du  x-i»  siècle)  dénotent  et  l'oubli  des  traditions 
romaines  et  le  plus  profond  mépris  pour  la  forme,  l'invention  la  plus 
pauvre  :  la  fig.  7  reproduit  une  des  bases  des  piles  monocylindriques,  et 
la  8»  une  base  des  coloimes  engagées  de  cette  nef.  Toutes  portent  sur  un 
carré  qui  les  inscrit. 

Ailleurs,  dans  le  Berry,  dans  le  Nivernais,  on  faisait  souvent  alors  des 
bases  tournées,  c'est-à-dire  profilées  au  tour  ;  ce  procédé  était  également 
appliqué  aux  colonnes  (voy.  coloxne). 

Nous  donnons  (9)  le  profil  de  l'une  des  bases  supportant  les  colonnes 

du  bas-côté  du'cbœur  de  l'église  Saint-Étienne  de  Nevers,  qui  est  taillé 

d'après  ce  procédé  (xi*^  siècle).  Le  toui-  invitait  à  donner  aux  profils  une 

grande  finesse;  il  permettait  de  multiplier  les  arêtes,  les  filets;  et  les 

r.   M.  M 


1   nASK  J  _   i:{0  — 

toiiriHHirs  (le  hases  usaient  de  celle  faeiilté.  La  hase  tournée  B,  composée 


rtuAPJ) 


(l'une  assise,  repose  sur   un  socle  à  huit  pans  A  (jui  inscrit  son  plus 
^rand  diamètre. 

Dans  le  nord,  en  Normandie,  dans  le  Maine,  déjà  dès  le  x""  siècle,  les 


or  GARD. se 


1 


tailleurs  de  pierre  avaient  laissé  de  C(jté  les  moulures  romaines  corrom- 
pues, et  s'apprupiaîenf  à  exécuter  des  profils  tins,  peu  saillants,,  dun 
j^Mlhe  doux  et  (lelicat.  Naturellement  les  hases  suhissaient  celte  nou- 
vc^lle  influence.  C'est  par  la  finesse  du  galhe  et  le  peu  de  saillie  que 
les  profils  normands  se  distinguent   pendant  lépocpie  ronume  (voyez 

I'UOFIL)  . 

Voici  une  des  hases  des  pieds-droits  de  l'arcature  intérieure  de  la  nef  de 
la  (^.athédrale  du  Mans  (x<'  siècle)  [10],  (pii  se  rapproche  plutôt  des  piotils 
.des  has  temps  orientaux  (|ue  de  ceux  adoptés  par  les  Uomains  dOccident. 


—     i;{|     —  [    BASE    ] 

Toutplois,  nous  pourrions  multiplier  les  exemples  de  l)ases  antérieures  au 

xiie  siècle,  sans  trouver  un  mode  gé- 
néral, rai^plication  d'un  j)riii('ipe.  Tn 
monument  anli([ue  tMicore  debout, 
un  fragment  mal  interprété,  le  goût 
de  chaque  tailleur  de  pierre  influaient 
sur  la  forme  des  bases  de  tel  monu- 
ment, sans  qu'il  soit  possible  de  re- 
connaître parmi  tous  ces  exemples, 
dune  exécution  souvent  très-né{j;li- 
gée,  une  idée  dominante.  .Nous  met- 
tons cependant,  connue  nous  lavons 
dit  déjà,  les  monuments  clunisiens 
en  dehors  de  ce  chaos. 

Dans  les  provinces  où  le  calcaire 
dur  est  commun,  la  taille  de  la  pierre 
atteignit,  vers  le  commencement  du 
xiie  siècle,  une  rare  perfection.  Cluny 
était  le  centre  de  contrées  abondantes 
en  pierre  dure,  et  les  ouvriers  atta- 
chés à  ses  établissements  mirent  bien- 
tôt le  plus  grand  soin  à  profiler  les 
bases  des  édifices  dont  la  construction 
leur  était  confiée.  Ce  membre  de  l'ar- 
chitecture, voisin  de  l'œil,  à  la  portée 

de  la  main,  fut  un  de  ceux  qu'ils  traitèrent  avec  le  plus  d'amour.  Il  est 


facile  de  voir  dans  la  taille  des  profils  des  bases  l'application  d'une 
méthode  régulière  ;  on  procède  par  épannelages  successils  pour  arriver 
du  cube  à  la  forme  circulaire  moulurée. 


BASE 


—     1.^2    — 


Comme  |)rinci|K'  de  l;i  mélliode  appliquée  au  xii»^  siècle,  nous  donnons 
une  des  bases  si  fiéquentes  dans  les  édifices  du  centre  de  la  France  et  du 
Charolais  (11)  '.  F>es  deux  disques  A  et  P>  sont,  comme  la  ti^ure  l'indique, 


// 


A 


o 


i 


mmunk 


kû[UL\ï4L^\:^jl':^^s 


^ 


exactement  inscrits  dans  le  plan  carré  du  socle  1).  A  partir  du  point  K,  le 
tailleur  de  pierre  a  conmiencé  par  défifap,er  un  cylindie  EF,  puis  il  a  évidé 
la  scotie  C  et  ses  deux  listels,  se  contentant  d'adoucir  les  bords  des  deux 
discpies  AR.  sansclieicliei-àdonner  autrenient  de  i^^albe  à  son  jn-otil  |)arla 
retraite  du  second  tore  l>  ou  par  des  tailles  arrondies  en  boudins,  (le  profil 
est  lourd  tiiutel'ois,  et  ne  peut  convenir  (jua  des  bases  appartenant  à 
des  colonnes  d'un  faible  diamètre;  mais  ce  système  de  taille  est  appliqué 
pendant  le  cours  du  xii<-  siècle  et  reste  toujours  apparent;  il  connnande 
la  coupe  du  profil. 

Soit  (1^2)  un  morceau  de  pierre  0  destiné  à  une  base  :  1"  laissant  la 


hauteur  AB  pour  la  plinthe,  on  déffage  un  premier  cylindre  AC,  connue 


'  Ce«c  hase  provient  de  l'égli-ie  (ri'Lhreiiil  (  VII 


M-'i 


lei 


13:5    I     BASE    1 

dans  la  fij;.  1 1,  puis  un  socond  cylindre  EH  ;  on  obtiont  IVnidonu'nt  DEP. 
2"  On  évidf  la  scotio  F.  3'»  On  abat  les  deux  arèles  GH.  -4"  On  cisèle  les 
lilets  IKUI.  ri"  On  arrondit  le  premier  tore,  la  scolie  et  le  second  tore. 
Quelquefois  nuMue,  ainsi  ([ue  nous  le  verrons  tout  à  llieure^  la  base  reste 
taillée  coid'ornu'nient  au  (lualriènie  épannelaye  en  tout  ou  partie.  Le  profil 
des  bases  du  xn*-  siècle  conserve ,  yràce  à  cet  épannelaj^^e  sini[)le  dont  on 
sent  toujours  le  j)rincipe,  quelque  cbose  de  ferme  qui  convient  parfaite- 
ment à  ce  meMd)re  solide  de  l'architecture  et  qui  contraste,  il  faut  l'avouer, 
avec  la  mollesse  et  la  forme  indécise  de  la  plupart  des  profils  des  bases 
romaines.  Le  tore  infcrieur,  au  lieu  d'être  coupé  suivant  un  demi-cercle 
et  de  laisser  entre  lui  et  la  j)lintbe  une  surface  horizontale  qui  semble 
toujours  prête  à  se  briser  sous  la  charge,  s'appuie  et  semble  comprimé 
sur  cette  plinthe.  Mais  les  architectes  du  xii«  siècle  vont  |)lusloin  :  obser- 
vant que,  malgré  son  empâtement ,  le  tore  inférieur  de  la  base  laisse  les 
quatre  angles  de  la  plinthe  carrée  vides,  que  ces  angles  peu  épais  s'épau- 
frent  facilement  pour  peu  (jue  la  base  subisse  un  tassement;  les  archi- 
tectes, disons-nous,  renforcent  ces  angles  par  un  nerf,  un  petit  contre-fort 
diagonal  qui,  partant  du  tore  inférieur,  maintient  cet  angle  saillant.  Cet 
appendice,  que  nous  nommons  griffe  aujourdhui  (voy.  ce  mot),  devient 
un  motif  de  décoration,  et  donne  à  la  base  du  xn<=  siècle  un  caractère  qui 
la  distingue  et  la  sépare  complètement  de  la  base  romaine. 

Nous  doiuions  (13)  le  profil  d'une  des  bases  des  colonnes  monocylin- 
driques du  tour  du  chœur  de  l'église  de  Poissy  taillé  suivant  le  procédé 
indiqué  par  la  fig.  l^,  et  le  dessin  de  la  grifle  d'angle  de  cette  base  partant 
du  tore  inférieur  pour  venir  renforcer  la  saillie  formée  par  la  plinthe 
carrée.  Il  n'est  pas  besoin  d'insister ,  nous  le  croyons ,  sur  le  mérite  de 
cette  innovation  si  conforme  aux  principes  du  bon  sens  et  d'un  aspect  si 
rassurant  pour  la-il.  Quand  on  s'est  familiarisé  avec  cet  appendice,  dont 
l'apparence  connue  la  réalité  présentent  tant  de  solidité,  la  base  romaine, 
avec  sa  plinthe  isolée,  a  quelque  chose  d'inquiétant;  il  semble  (et  cela 
n'arrive  que  trop  souvent)  que  ses  cornes  maigres  vont  se  briser  au 
moindre  mouvement  de  la  construction,  ou  au  premier  choc.  C'est  vers  le 
connnencement  du  xi^  siècle  que  l'on  voit  apparaître  les  premières  griffes 
aux  angles  des  bases  ;  elles  se  présentent  d'abord  comme  un  véritable 
renfort  très-simple,  pour  revêtir  bientôt  des  formes  empruntées  à  la  flore 
ou  au  règne  animal  (voy.  griffe). 

Il  nous  serait  ditiicile  de  dire  dans  quelle  partie  de  l'Occident  cette 
innovation  prit  naissance;  mais  il  est  incontestable  qu'on  la  voit  adoptée 
presque  sans  exception  dans  toutes  les  provinces  fiançaises,  à  partir  de 
la  première  moitié  du  xn^'  siècle.  Sur  les  bords  du  lUiin  ,  connue  en  Pro- 
vence et  dans  le  nord  de  l'Italie,  les  bases  des  colonnes  sont  presque 
toujours,  dès  cette  époque  et  pendant  la  première  moitié  du  xiii^  siècle, 
nmnies  de  griffes. 

iNous  représentous  (14)  une  des  bases  des  colonnes  de  la  nef  de  l'église  de 
Kosheim,  près  vSirasbourgi  rive  gauche  du  Khin).(|uiest  renforcée  de  grifl'es 


[     BASE    1  l.'J-i    

très-simples  (prtMiiièro  moitié  du  xii»"  siècle)  ;  et  (15)  une  base  des  colonnes 


fteAno 


engagées  de  l'église  de  Schelestadt,  même  époque,  qui  offre  la  même  par- 
ticularité, bien  que,  de  ces  deux  protils,  l'un  soit  très-saillant  et  lautre 
très-peu  accentué.  Mais  on  remanjuera  que  dans  ces  deux  exemples,  comme 
dans  tous  ceux  que  nous  pourrions  tirer  des  monuments  rhénans,  le  goût 
lait  complètement  défaut.  Les  bases  des  colonnes  de  l'église  de  Rosheim 
sont  ridiculement  empâtées  et  lourdes;  celles  de  l'église  de  Schelestadt 
sont,  au  conti'aire  .  trop  ])lates.  et  leurs  griffes  fort  pauvres  d'invention. 


—    l;{a    —  l    BASE    1 

C'est  toujours  dans  rih'-dc-Fiancf  ou  les  provinces  avoisinantes  qu'il 


U 


faut  chercher  les  heauK  exemples  de  Tarchitecture  du  moyen  âge,  soU 


comme  ensemble,  soit  comme  détails.  Tandis  que  dans  ces  contrées,  centre 
des  arts  et  du  mouvement  intellectuel  au  xn«^  siècle,  la  base  se  soumettait, 
ainsi  que  tous  les  membres  de  l'architecture,  à  des  règles  raisonnees, 
l'anarchie  ou  les  vieilles  traditions  régnaient  encore  dans  les  provmces 
du  centre,  qui  ne  suivaient  que  tardivement  l'impulsion  donnée  par  les 
artistes  du  xu^  siècle.  En  Auvergne,  dans  le  Berry ,  le  Bourbonnais 
et  une  partie  du  Poitou,  la  base  reste  longtemps  dépourvue  de  son  nou- 


BASE 


—  i;{(;  — 


\ii''si(VU',  la  hase  anticiuo  adopU'r  lu 


veau  membre,  la  griffe,  el  les  aiehiteetes  paraissent  livrés  aux  fantaisies 

les  j)lus  étran{j;es.  C'est  ainsi 
que  nous  voyons  au  clocher 
d'Éhreuil  (Allier)  des  colonnes 
dont  les  chapiteaux  et  les  hases 
sont  identi(|ues  de  forme  (l(i). 
Même  chose  à  la  porte  de  l'é- 
glise de  Neuvy-Saint-Séi^ulcre 
(Indre)  ;.  à  l'église  de  Cusset, 
qui  nous  laisse  voir  encore 
une  hase  dont  la  forme  et  la 
sculpture  appartiennent  à  un 
chapit(>au  (17)  '. 

I>à   même  où  les  traditions 
romaines  avaient  conservé  le 
plus  d'enq)ire,  à  Langres,  par 
exemple,  mais  où  l'influence 
des  écoles  d'art  de  la  France 
pénétrait ,   nous   voyons  ,    au 
rifle.  I.es  hases  des  colonnes  du 
tour  du  clia'Ui'  de  la  cathédrale 
de  Langres  sont  pourvues  de 
griftes  flnement  sculptées  (18). 
Le  profll  A  de  ces  bases  est 
presque  n»main,  sauf  la  scotie, 
qui  semhle  seulement  épanne- 
lée;  la  plinthe  (voir  le  plan  li), 
au  lieu  d'être  tracée  sur  un 
plan  cai-ré,  est  brisée  suivant 
"angle  du  polygone  sur  lequel 
es  colonnt^s  du  cho'ur  s'élè- 
vent. 11  y  a  la  une  recherche 
qui  dénote  de  la  part  des  con- 
structeurs "de   cet  édifice    un 
soin  tout  paiticulier'-.  Cette  re- 
cherche dans  les  détails  se  re- 
trouve poussée  fort  loin  dans 
les  bases  des  colomiettes  du  tri- 
forium  du  chœur  de  la  cathé- 
drale de  Langres.  Les  colon- 
nettes  jumelles  qui  reposent 


1  Ces  deux  derniers  exenijiles  appartieinient  au  .\ir  suite,  ('/est  à  M.  Millet,  arclii- 
lecle,  que  nous  devons  les  dessins  de -ces  deux  Itases. 

-  I.e  chœur  de  la  ealiiédrale  de  [.angres  ouvre  un  lar^e  eiiamp  à  l'étude  de  la 


!•<"    I     BASF    I 

sur  (les  hases  taillées  dans  un  luèine  morceau  de  pierre,  lorsqu'elles  sont 


i-eC/lfiO 


très-chargées,  portent  toute  la  charge  aux  deux  extrémités  de  ce  morceau 
de  pierre  et  manquent  rarement  de  le  faire  casser  au  milieu,  là  où  il  est 
le  plus  faihle,  puisqu'il  n'a  sur  ce  point  que  l'épaisseur  de  la  plinthe.  Pour 


construction    pendant    le  xii'    siècle;   nous   avons  l'occasion    d'y    revenir  au    mot 

CONSTRUCTION. 

T.    II.  18 


DASK 


i;{K 


évil(M'  cet  iiiconvéïiicnl,  les  conslrucUnns  du  cliirur  de  la  callicdral»' di- 
Lan}j;res  ont  eu  l'idé'e  de  réserver  entre  les  deux  colonneltes  jumelles,  sur 
la  plinthe,  un  l'enforl  pris  dans  la  hauteur  d'assise  de  la  hase  (lUi.  Cela 


'-1- 


est  Ibrt  injiénieux,  et  ce  principe  est  également  appliqué  aux  chapiteaux 
de  ce  triforium  (voy.  ciiAriTKAii). 

Il  ressort  déjà  de  ces  quelques  exemples  que  nous  venons  de  donner  un 

fait  remarquahle  :  c'est  la  propension  erois- 
■10  saule  des  ai'chitectes  du  xii'' siècle  à  étahlir  des 

transitions  enlic  la  ligne  verticale  et  la  ligne 
horizontale,  à  ne  jamais  laisser  porter  brus- 
quement la  première  sur  le  seconde  sans  un 
intermédiaire.  Et  pour  nous  faire  comprendre 
par  une  tigure  C^O)  :  soient  A  A  deux  assises 
horizontales  d'une  construction  et  B  un  point 
d"ap|)ui  vertical;  les  constructeurs  ne  laisse- 
ront jamais  les  angles  CC  vides,  mais  ils  les 
remplii'ont  par  des  renforts  inclinés  D  D,  des 
transitions  qui  sont  des  épaulements,  contre- 
forts, glacis,  quand  on  part  de  la  ligne  hori- 
zontale poui'  arriver  à  la  ligne  verticale;  des 
encorhellements,  (juand  on  part  de  la  ligne 
verticale  pour  arriver  à  l'horizontale.  Tout  est 
logi(jU('  dans  l'architecture  du  moyen  âge,  à 
dater  de  la  grande  école  du  xn*  siècle,  dans 
les  ensend)les  connue  dans  les  moindres  dé- 
tails; le  prinrij^e  ([ui  conduisait  les  archi- 
tectes à  élever  sur  la  c(»l(»inie  cylin(lri(|ue  un  chapiteau  évasé  pour  porter 


—     I.5λ    —  ,  1     BASK    1 

l«»s  nieinluvs  divers  des  constructions  supérieures.  ;i  multiplier  les  encor- 
bellements pour  passer,  par  une  succession  de  saillies,  du  ])oint  (l'ap|)ui 
vertical  à  la  voûte,  les  amenait  naturellement  à  {U'océder  de  la  même 
manière  lorsqu'il  s"ai,Mssait  de  poser  un  point  dappui  veitical  mince  sur 
un  lar{,'e  empâtement.  Aussi,  mettant  à  part  les  marches,  les  bancs  qui 
doivent  nécessairement ,  dans  les  soubassements  des  édifices,  présenter 
des  surfaces  horizontales .  voyons-nous  toujours  la  surface  horizontale 
exclue  connue  ne  fonctionnant  pas,  ne  portant  pas. 

Kn  effet  :  soit  (:2I  i  A  une  colonne  et  P.  une  assise  servant  d'empâtement 

inférieur,  de   l)ase.   Toute  la 


A 


2i 


B 


D 


charge  de  la  colonne  porte  seu- 
lement sur  la  surface  C  D.  Si 
forte  que  soit  l'assise  de  pierre 
B,  pour  peu  que  la  surface  C  D 
s'ati'aisse  sous  la  charge,  les  ex- 
trémités (]  F,  D  G  non  chargées 
ne  suivront  pas  ce  mouvement, 
et  lapierre  ne  possédant  aucune 
propriété  élastique  cassera  en 
EE.Mais  si  (^l  6«s),  entre  la  co- 
lonne A  et  l'empâtement  B,  on 
place  une  assise  0,  les  chances 
de  rupture  n'existeront  plus, 
car  la  charge  se  répartira  sur 
une  surface  CD  beaucoup  plus 
large.  Les  angles  E  seront  abat- 
tus comme  inutiles;  dés  lors, 
plus  de  surface  horizontale  ap- 
parente. Telle  est  la  loi  qui 
commande  la  forme  de  toutes 
les  bases  de  l'époque  ogivale'. 
Voyons  maintenant  comment 
cette  loi  une  fois  établie,  non- 
seulement  lesarchitectesne  s'en 
écartent  plus,  maisencorel  ap- 
pliquent jusque  dans  ses  dernières  conséquences,  sans  dévier  jamais,  avec 
une  rigueur  de  logique  qui,  dans  les  arts,  à  aucune  époque,  ne  fut  poussée 
aussi  loin;  telle  enfin,  que  chaque  tentative,  chaque  essai  nouveau  dans 
cette  voie,  n'est  (ju'un  degré  pour  aller  au  delà.  Mais,  d'abord,  observons 
que  la  qualité  des  matériaux,  leur  plus  ou  moins  de  dureté,  influe  sur  les 

profils  des  bases.  Lorsque  les  architectes  du  xii^'  siècle  employèrent*  le 

• 

•  Cette  loi ,  bien  enlendd  .  ne  >'appli(iiie  pas  seulemenl  aux  bases,  mais  à  loul 
l'ensemble  comme  aux  détails  ries  constructions  Hu  nioven  âge,  à  partir  du  xir  siècle 

(VOJ.  CONSTRtCTH»,. 


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[    RASE    I 


—     I  '((»    — 


inarluv  ou  (l»^s  calcaires  compactes  et  d'une  nature  fière,  ils  se  f(ardèrenl 
de  refouiller  les  scoties  des  bases;  ils  multiplièrent  les  arêtes  fines,  les 
plans,  pour  obtenir  des  ombres  vives,  minces,  et  de  l'elVel  à  peu  de  fiais. 
Dans  le  I.aniruedoc,  où  les  marbi-es  et  les  pierres  calcaires  compactes 
froides  se  rencontrent  à  peu  près  seules,  on  trouve  beaucoup  de  profils  de 
bases  taillés  au  xii^  siècle  avec  un  ^l'and  soin,  une  firande  finesse  de  galbe, 
mais  où  les  refouillements  profonds  si  fréquents  dans  le  Nord  sont  évités. 
Nous  prenons  comme  exemple  une  des  bases  des  colonnes  jumelles  de 
la  galerie  du  i)renner  étage  de  Thôtel  de  ville  de  Sainl-Antonin  près  Montau- 
ban  (^2-2).  La  pierre  employée  est  tellement  compacte  et  fière  qu'elle  éclate 


sous  le  ciseau,  à  moins  de  la  tailler  à  très-petits  coups,  sans  engager 
l'outil.  Or  le  profil  A  de  cette  bas(»  montre  avec  quc^lle  adresse  les  tailleurs 
de  pierre  ont  évité  les  refouillements,  les  membres  saillants  des  moulures; 
comme  ils  ont  tiré  parti  de  la  finesse  du  grain  de  la  pierre  pour  obtenir, 
par  des  ciselures  faites  à  petits  coups,  des  plans  nettement  coupés,  des 
arêtes  vives  quoi(|ue  j)eu  accentuées.  Les  traditions  antiques,  là  où  elles 
étaient  vivantes^  comme  en  Provenc»*,  conservaient  encon»,  à  la  fin  du 
xii'' siècle,  leur  influence,  tout  en  permellant  rinlroduclion  d(^s  innova- 
lions.  Parmi  un  grand  nombre  d'exemples  (|ue  nous  pourrions  citer,  il  en 
est  un  fort  remarquable  :  ce  sont  les  bases  des  piliers  du  tour  du  cba-ur 
de  l'église  de  Saint-Gilles  (23).  Des  gritïes  d'angle  viennent  s'attacher  au 
tore  inférieur  de  la  base  ionique  romaine;  leur  sculpture  rappelle  la 
sculpture  antique.  Cette  base,  qui,  en  se  retournant  entre  les  piles,  forme 
le  socle  d'une  cUMure,  porte  sur  le  sol  duclid'Uiel  n'es!  surélevée  (jue  du 
côté  du  bas-côté  en  A.  Il  est  à  présumer  que  les  colonnes  porlaieni  le  tilel  et 


BASK 


—    lil     — 

le  conjuré  cimuno  la  colonne  aii(i(|ii('  ' .  Dans  le  ehd'ui'  dr  1  V^'lise  do  Vézelay, 

23 


PEGARO    S( 


0  77 


là 


peu  postérieur  à  celui  de  Saint-Gilles  (dernières  années  du  xiie  siècle)  nous 

retrouvons  encoi-e  la  tradition  romaine, 
mais  seulement  dans  le  fut  de  la  colonne  qui 
porte  en  B  un  tore,  un  fdet  et  un  cavet  (-24) . 
Quant  à  la  base  elle-même,  outre  ses  grif- 
fes, qui  sont  bien  caractérisées  et  n  ont  rien 
d'antique  (voy.  gkiffe),  son  profil  est  le 
profil  de  la  fin  du  xii"  siècle;  le  bahut  qui 
■•^^^^  surélève  cette  base  sur  le  bas-côlé  n'est 

^V^  ^  pas  couronné  par  le  quart  de  rond  anticjue 

^^Ê  ?.  de  Saint-Gilles,  mais  par  un  profil  beau- 

WÊ  ^^"P  "l'PU-'^  approprié  à  cette  place,  en  ce 

B|  qu'au  lieu  de  former  une  arête  coupante, 

^H  il  présente  un  adouci.  Ces  quelques  excep- 

^^B  ^  fions  mises  de  côté,  la  base  ne  dévie  |)lus 

de  la  forme  rationnelle  que  lui  avaient 
donnée  les  architectes  français  du  xii»^  siè- 
cle; elle  ne  fait  que  la  perfectionner  jusqu'à 
l'abus  du  principe  logique  qui  avait  com- 
mandé sa  composition. 

Un  des  plus  beaux  t>l  derniers  exemples 
de  la   base  du   \w   siècle  se   rencontre 
dans  une  petite  église  de  Bourgogne,  l'église  de  Montréal,  près  Aval- 

'  Ce  chœur  est  nialheiireusenient  déhiiil .  el  les  hases  restent  seules  fi  leur  place, 
ainsi  que  findiiiue  notre  dessin. 


[    BASK    1  _     I  i-2    — 

Ion'.  Nous  (loiliioiis  ici  (-2.%)  i drs  hases  drs  coIoiiik-s  .'niiaiit-t's  de  la 


nef  de  cette  église  et  son  profil  A  moitié  d'exécution.  I.'épainiclaj;*' 
indiqué  par  la  ligne  ponctuée  est  encore  parfaitement  respecté  ici.  I.es 
|)iles  de  celte  église  présentent  parfois  des  pilastres  à  pans  coupés  au  lieu 
de  colonnes  engagées;  ces  pilastres  ne  j)orlent  jias  sur  un  piolil  de  base 
répétant  celui  des  colonnes  :  ils  ont  leur  l>ase  spt'ciaie  {"Ht),  dont  la  compo- 
sition vient  appuyer  notre  théorie  e\pli(|uéê  i)ar  la  llg.  "21  his.  Ce  nesl 
guère  que  dans  les  monuments  élevés  sous  une  influence  romaine,  connue 
les  cathédrales  de  Langres  et  d'Autun,  comme  heaucoup  d'édifices  du 
Charolais  et  de  la  haute  Bourgogne,  que  les  pilastres  (frétjuenls  dans  ces 

'  l^es  proiils  de  l'église  île  Montréal  sont  d'inio  pnrelé  el  d'une  beauté  tiès-ieniai- 
(lualiles,  el  leur  exécution  est  parfaite.  Dans  ce  monument,  toutes  les  hases  et  profils 
à  la  portée  de  la  main  sont  polis,  tandis  que  les  parements  sduI  taillés  au  taillant  simple 
d'une  façon  assez  rustique.  Ce  tonlr;istc  entre  la  tailli"  ile^<  moulures  et  des  parements 
est  fréquent  à  la  tin  du  xii''  siècle  et  au  commencement  du  \ni'  ;  il  ^n•éte  im  cliarme  tout 
particulier  aux  détails  de  l'architecture  (voy.  taille). 


—     \\:\    —  [    BASE    I 

('(tnsli'iu'li(>i)s|)('n(lant  lo  XII'"  sit'clo)  posent  surdesprolilsdo  hases  son  il)lal)les 


0.70 


à  ceux  des  colonnes.  La  véritable  architecture  française,  naissante  alors, 
n'admettait  pas  qu'un  même  profd  de  liase  put  convenir  à  un  pilastre  carré 
et  à  un  cylindre.  Et  en  cela,  comme  en  beaucoup  d'autres  choses,  la  nou- 
velle école  avait  raison.  Les  tores  et  filets  des  bases,  fins,  détachés,  présen- 
tent dans  les  retours  d'équerre  des  aiguités  désagréables  à  la  vue,  et  surtout 
fort  gênants  à  la  hauteur  où  ils  se  trouvent  placés  ;  car  il  est  rare  que  le 
niveau  supérieur  des  bases,  à  dater  du  xu^  siècle,  excède  1™,'20  au-dessus 
du  pavé.  Les  arêtes  saillantes  des  hases  de  pilastres  se  fussent  donc  trouvées 
à  la  hauteur  des  hanches  ou  du  coude  d'un  homme  ;  et  si  les  architectes 
du  moyen  âge  avaient  toujours  en  vue  l'échelle  humaine  dans  leurs  com- 
positions (voy.  architecture)  ,  s'ils  tenaient  à  ce  qu'une  base  fût  plutôt 
proportionnée  à  la  dimension  humaine  qu'à  celle  de  l'édifice,  on  ne  doit 
pas  être  surpris  qu'ils  évitassent  avec  soin  ces  angles  dont  les  vives  arêtes 
menacent  le  passant.  Tenant  compte  de  la  dimension  humaine,  ils  devaient 
naturellement  penser  a  ne  pas  gént;r  ou  blesser  Ihonnue,  pour  lequel  leurs 


I    BASE    ]  —     \\i    — 

t'dificps  étaient  laits  '.  Ces  raisons.  ctAU's  non  moins  inipt-rieuscs  déduilt's 


du  nouveau  système  de  ennstriiction  a(l()|)té  dès  le  ('onuneiu'enieiil  du 

»  Combien  ne  voyons-nous  pas,  dans  nos  édilioes  niodornes,  de  cei  corniches  de 
slylobates  présenter  leurs  angles  vifs  à  la  liaiitcnr  de  Td'il?  de  ces  ;irèles  do  pdaslres 
ou  de  bases  que  l'on  maudit  avec  raison  lorsque  \:\  loule  vous  précipite  sur  elles'/ 


\r^ 


[    BASF,    ] 

XIII*  siècle,  ainenèi'piit  successivement  les  architectes  à  modifier  les  hases. 
C'est  dans  rile-de-France  qu'il  tant  étiuHer  ces  trajisformations  suivies 
avec  persistance.  Ia>s  architectes  de  cette  j)rovince  ne  tardèrent  pas  ;i 
recoimaitre  que  le  plan  carré  de  la  plinthe  et  du  socle  était  gênant  sous  le 
tore  inférieur,  quoique  ses  angles  fussent  adoucis  et  rendus  moins  dange- 
reux par  la  présence  des  griffes.  S'ils  conservèrent  les  plinthes  carrées 
pour  les  hases  des  colonnes  hors  de  portée,  ils  les  ahattiient  aux  angles 
pour  les  grosses  colonnes  du  rez-ile-chaussée  :  témoin  les  colonnes  mono- 
cylindriques du  tour  du  chœur  de  la  cathédrale  de  Paris  (tin  du  \iv  siècle)  ; 
celles  de  la  nef  de  la  cathédrale  de  Meaux  ,  du  tour  du  chœur  de  l'église 
Saint-Uuiriace  de  Provins,  dont  les  hases  sont  élevées  sur  des  socles  et  des 
plinthes  donnant  en  plan  un  octogone  à  quatre  grands  côtés  et  quatre 
petits.  Toutefois,  comme  pour  conserver  à  la  hase  son  caractère  de  force. 


fi£^ffA/ll?.  se. 


un  empâtement  considérahle  sous  le  fiît  de  la  colonne,  les  constructeurs 
reculent  encore  devant  l'octogone  à  côtés  égaux  ;  ils  conservent  la  griffe, 
mais  en  lui  donnant  moins  d'importance  puisqu'elle  couvre  une  plus  petite 
surface.  La  tig.  -2(»  his  iu(li(|Ué  le  plan  et  l'angle  ahattu  avec  sa  giilVe  dune 
des  hases  du  tour  du  chœur  dans  la  cathédrale  de  Paris,  taillée  d'après  ce 

T.    II.  lU 


ItASK 


I  ic. 


l)r"m(;ip('.  Mais  (|ue  l'on  veuille  h'wn  roiuarquor  (|ue  ces  bases,  à  j)laii 
octogonal  invj^'ulior,  ne  sont  placées  (|ue  sous  les  {grosses  colonnes  isolées 
du  re/.-de-cliaussée  ;  ces  angles  abattus  ne  se  trouvent  pas  aux  hases  des 
colonnes  engagées  d'un  faible  diamètre.  L'intention  de  ne  j)as  gêner  la 
circulation  est  ici  manifeste  '.  Autour  du  chœur  de  la  cathédrale  de  Char- 
tres (connnencement  du  xui*'  siècle) ,  les  grosses  colonnes  qui  forment  la 
précinction  du  deuxième  has-côté  sont  portées  sur  des  hases  dont  le  socle 
est  cubique,  et  la  plinthe  octogonale  n'gulière  i^l).  Mais  la  position  de  ces 
colonnes  accomj)agnant  un  ennnarchement  justifie  la  présence  du  socle  à 
pan  carré.  En  ellet,  ces  marches  interdisant  la  circulation  en  tous  sens,  il 
était  inutile  d'abaltre  les  angles  des  carrés.  Ici  la  gritîe  est  descendue  d'une 
assise;  elle  dégage  la  base,  dont  la  plinthe  à  la  portée  de  la  nuiin  est  fian- 
chement  octogone.  Déjà  même  le  tore. inférieur  de  cette  base,  pour  garantir 
par  sa  courbure  les  arêtes  du  polygone,  éviter  la  saillie  des  angl(^s  obtus. 
(lél»orde  les  faces  de  ce  polygone,  ainsi  que  rindicpif  en  A  le  protil  jtris 
sur  une  ligne  perpendiculaire  au  milieu  de  Tune  d'elles.  En  si  beau  chemin 
de  raisonner,  les  architectes  du  xiiicTsiècIe  ne  s'arrêtent  plus.  A  la  cathé- 


BgeAUO-^^ 


drale  de  Fieinis  (28),  nous  les  voyons  conserver  la  plinthe  carrée  avec  ses 

I  Cos  bases  de  la  cathcdrale  de  l'aris  dnivenl  avoir  élé  taillées  et  mises  en  place 
entre  les  années  1 1  Go  et  1 1 70. 


Il 


UASJ-: 


grirtes,  mais  {iardcr  los  [)assaiils(l<'S arêtes  parla  première  assise  du  socle  B, 
qui  est  taillée  surun  plan  octogonal;  le  toic  inférieur  C  déhorde  les  faces  I>. 
A  la  même  ep(t((iie,  (ni  construisait  la  lU'f  de  la  cathédrale  d'Amiens  et 
une  (juanlilé  inn(tnd)rahle  d'édifices  dont  les  hases  des  j^ros  piliers  sont 
prolilees  sur  des  plinthes  et  socles  octogones.  La  griife  alors  disparait.  Voici 
un  exemple  de  ces  sortes  de  bases  à  socle  octogone  tiré  des  colonnes 
monocylin(lri(|ues  des  has-côtés  du  chœur  de  l'église  Notre-Dame  de 
Semur  en  Auxois  (-29).  Pendant  que  l'on  abattait  partout,  de  1230  à  h2iO, 


29 


les  angles  des  plinthes  el  les  socles  des  grosses  piles,  afin  de  laisser  une 
circulation  plus  facih;  autour  de  ces  piliers  isolés,  on  maintenait  encore  les 
bases  à  plinthes  et  socles  carrés  pour  les  colonnes  engagées  le  long  des 
murs,  pour  les  colonneltes  des  fenêtres,  des  arcatures,  et  toutes  celles  qui 
étaient  hors  de  la  circulation;  seulement,  pour  les  colonnes  <Migagées,  on 
posait,  lorsqu'elles  étaient  triples  (ce  qui  arrivait  souvent  afin  de  porter 
l'arc  doubleau  et  les  deux  arcs  ogives  des  voûtes),  les  has(>s  ainsi  (jue 
lindique  la  fig.  30.  Il  y  avait  à  cela  deux  raisons  :  la  première,  que  les 
tailloirs  des  chapiteaux  étant  souvent  à  cette  époque  posés  suivant  la 
direction  des  arcs  des  voûtes,  les  faces  B  des  tailloirs  étaient  perpendicu- 
laires aux  diagonales  A  ;  que  dès  lors  les  bases  prenaient  en  plan  une 
position  send)lableà  celle  des  chapiteaux;  la  seconde,  que  les  bases  ainsi 
placées  présentaient  des  pans  coupés  B  ne  gênant  pas  la  circulation.  Déjà, 
dès  1230,  la  direction  et  le  nombre  des  arcs  des  voûtes  commandaient 


[    BASE    ]  —     lis    — 

non-seuleiiKMit  le  nombre  cl  la  force  des  eolomies,  mais  la  position  des 
l)ases  (voy.  construction).  Suppiimaiit  les  ^a'iffes  aux  l)ases  des  piliers 
isolés,  on  ne  pouvait  les  laisser  aux  bases  des  colonnes  engragées  et  des 
eolonnettes  des  galeries ,  des  fonètn^s  .  etc.  I>es  airbitectes  du  xiir'  siècle 


30 


tenaient  trop  à  l'unité  de  style  pour  faire  une  semblable  faute;  mais  nous 
ne  devons  pas  oublier  leur  aversion  pour  toute  surface  horizontale  décou- 
verte et  par  conséquent  ne  portant  rien.  Les  gritfes  enlevées,  l'angle  de  la 
plinthe  carrée  redevenait  apparent,  sec,  contraire  au  principe  des  éi)aule- 
ments  et  transitions.  [*our  éviter  cet  écueil,  les  architectes  commencèrent 
par  faire  déborder  de  beaucoup  le  tore  inférieur  de  la  base  sur  la  i)linthe 
(31)  '  ;  mais  les  angles  A,  malgré  le  biseau  C,  laissaient  encore  voir  une 
surface  horizontale ,  et  le  toreB  ainsi  débordant  (quoique  lebiseau  il  ne  fût 
pas  continué  sous  la  saillie  en  D)  était  faible,  facile  à  briser;  il  laissait  voir 
par-dessous,  si  la  base  était  vue  de  bas  en  haut,  une  surtace  horizontale  E. 
On  ne  tarda  guère  à  éviter  ces  deux  inconvénients  en  entaillant  les  angles 
et  en  ménageant  un  petit  support  sous  la  saillie  du  tore.  La  fig.  3''2  A 
indi(iue  en  plan  l'angh»  de  la  plinthe  dissimulé  par  un  congé,  et  B,  le 
support  réservé  sous  la  saillie  du  tore  inférieur.  I>a  lig.  ',)',]  donne  les  bases 
d'une  pile  engagée  du  cloître  de  la  cathédrale  de  Verdun  taillé«\s  <rai)rès 
ce  principe.  On  voit  que  là  les  angles  saillants,  contre  lesquels  il  eût  été 
dangereux  de  heurter  les  pieds  dans  une  galerie  destinée  à  la  promenade 
ou  à  la  circulation,  ont  été  évités  par  la  disposition  à  pan  coupé  des  assises 
inférieures  P.  Toutes  ces  tentatives  se  succèdent  avec  une  rapidité  incroya- 
ble; dans  une  même  consliuclion  ,  élevée  en  dix  ans,  les  progrès,  les 
perfectionnements  apparaissent  à  clia(iue  étage.  D(;  1235  à  i2io,  les 
architectes  prirent  le  parti  d'éviter  les  complications  de  tailles  pour  les 
plinthes  et  socles  des  bases  des  colonnes  secondaires,  comme  ils  l'avaient 
fait  déjà  pour  les  grosses  colonnes  des  nefs,  c'est-à-dire  qu'ils  adoptèrent 


'  Base  (le  l'église  de  NdUe-Danie  de  Seniiir,  de  NoU-e-Dame  de  Dijon  ,  cle.  Vove/. 
aussi  (37)  la  tij^iire  d'une  l)asede  la  calliédrale  <le  l.aoïi,  coninieneenient  du  \\W  siècle. 


119  — 


1    BASK    I 


partout,  sauf  pour  iiuehjues  bases  de  colonnettes  de  uieneaux,  la  pliuihe 
et  le  socle  octogones.  A  la  cathédrale  d'Amiens,  dans  les  parties  intérieures 


3J 


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PEGARD.SC 


du  chœur,  à  la  Sainte-Chapelle  de  Paris,  dans  la  nef  de  l'église  de  Saint- 
Denis^  dans  le  chœur  de  la  cathédrale  de  Troyes,  etc.,  toutes  les  bases  des 
colonnes  engagées  ou  isolées  sont  ainsi  taillées  (34).  Quelques  provinces 
cependant  avaient,  à  la  même  épo(]ue,  pris  un  autre  parti.  La  Normandie, 
le  Maine,  la  Bretagne  établissaient  les  bases  de  leurs  piliers,  colonnes 
ou  colonnettes  isolées  ou  engagées,  sur  des  plinthes  et  socles  circulaires 
concentriques  à  ces  tores.  Telles  sont  les  bases  des  piles  de  la  net  de  la 
cathédrale  de  Séez  (35),  les  bases  des  colonnes  de  la  partie  de  l'église 
d'Eu  qui  date  de  1^210  environ,  du  chœur  de  la  cathédrale  du  Mans  de  la 
même  époque,  etc.;  car  il  est  à  remarquer  que,  pendant  les  premières 
années  du  \\\v  siècle,  ces  détails  de  l'architecture  normande  ne  diffèrent 
que  bien  peu  de  ceux  de  l'architecture  de  l'Ile-de-P'rance,  et  qu'au  moment 
où,  dans  les  diocèses  de  Paris,  de  Reims,  d'Amiens,  d'Auxerre,  de  Tours, 
de  Bourges,  de  Troyes,  de  Sens,  on  faisait  passer  le  plan  inférieur  de  la 
base  du  carré  à  l'octogone,  on  adoptait  en  Normandie  et  dans  le  Maine  le 
socle  circiiiaire.  Otte  dernière  forme  est  molle,  pauvre,  et  est  loin  de 


BASE    I 


—   150 


[H'oduii'c  l'cttcl  cticoïc  solide  de  la  hase  sur  socle  ()clf)j;()iie.  (y'esl  aussi  à 
la  forme  eircidaii'e  que  s'arrêtèrent  les  architectes  aii^dais ,  à  la  inèiiif 
époque.  L'influence  du  slvie  français  se  fait  sentir  en  NoriDandie  à  la  tin 


n^^ 'iwr^SIP^' 


^ 


du  rèf-ne  de  Philippe-Auj-usle;  plus  tard,  le  style  anglo-normand  semble 
prévaloir,  dans  celle  province,  dans  les  détails  sinon  dans  l'ensemble  des 
constructions. 

Cependant  le- profil  de  la  base  avait  subi  des  modilications  essentielles 
de  \^^<)  à  l"240.  Le  tore  inférieur  (fiy-.  34.)  B  s'était  aplati;  la  scotie  C  se 
creusait  et  arrivait  j)arfois  jusqu'à  l'aplomb  du  nu  de  la  colonne;  le  tore 
supérieur  A,  au  lieu  d'être  tracé  par  un  Irait  de  compas,  subissait  une 
dépression  qui  alléj^'cait  son  profil  et  lui  donnait  de  la  finesse.  Le  but  de 
ces  modilications  est  bien  évident  :  les  arcliilecles  voulaient  donner  plus 
d'importance  au  tore  inférieur  aux  dépens  des  autres  membres  de  la  base, 
afin  d'arrêter  la  colonne  par  une  moulure  lary<>  et  se  dérobant  le  moins 
possible  aux  yeux.  Mais  ce  n'est  qu(»  dans  lés  provinces  mères  de  l'archi- 
tecture oiiivale  que  ces  détails  sont  soumis  à  des  l'ègles  dictées  par  le  bon 
sens  et  le  yoùt  ;  ailleurs,  en  Normandie,  par  exemple,  où  la  dernière 
l)ériode  romane  jette  un  si  vif  et  bel  éclat,  on  voit  que  l'école  ogivale  est 
flottante,  indécise;  elle  mêle  ses  profils  romans  au  nouveau  système 
d'architecture;  elle  trace  ses  moulures  souvent  au  hasard,  ou  cherche  des 
efièls  dans  lesquels  Texagération  a  plus  de  part  que  le  goût.  Le  profil  de 
la  base  que  nous  donnons  (fig.  35)  en  est  un  e\enq)le  :  c'est  un  prolil 
roman;  la  scotie  est  maladroitement  remplie  par  un  perlé  qui  amollit 


ir>i  — 


[    BASK    1 


t'iicore  ce  profil ,  déjà  liop  plal  pour  une  pile  de  ce  dianièlre.  Ce  n'est 
pas  ainsi  (pic  |)ro('t'(laienl  les  inaities,  les  architectes  tels  (pie  Robert  de 
Ln/arclics.  Picric  de  Coi'bie,  l*ierre  de  Montereau  el  tant  d'autres  sortis 


PFCARDSC. 


LAN. 


des  écoles  de  l'Ile-de-France,  de  la  Champagne,  de  la  Picardie  et  de  la 
Bourgocne;  ils  ne  donnaient  rien  au  hasard,  et  ils  se  rendaient  compte, 
dans  leurs  compositions  d'ensemble  comme  dans  le  tracé  des  moindres 
profils,  en  praticiens  habiles  qu'ils  étaient,  des  efïets  qu'ils  voulaient 
produire. 

Qu'on  ne  s'étonne  pas  si,  à  propos  des  bases,  nous  entrons  dans  des 
considérations  aussi  étendues.  Les  bases,  leur  composition,  leurs  profils, 
ont,  dans  les  édifices,  une  importance  au  moins  égale  h  celle  des  chapi- 
teaux; elles  doiment  l'échelle  de  l'architecture.  Celles  qui  sont  po/és  sur 
le  sol  étant  près  de  l'o'il  deviennent  le  point  de  comparaison,  le  module 
qui  sert  à  établirdes  rapports  entre  les  moulures,  les  faisceaux  de  colonnes, 
les  nervures  des  voûtes.  Trop  fines  ou  trop  accentuées,  elles  feront 
paraître  les  membres  supérieurs  d'un  monument  lourds  ou  maigres  '  ; 

'  Combien  d'édifices,  dont  l'elTet  intérieur  était  détruit  par  ces  amas  de  chaises  ou 


[  BAS..;  1  —   irr2  — 

aussi  los  bases  sont-elles  traitées  par  les  grands  maîtres  des  œuvres  du 
xine  siècle  avec  un  soin,  un  amour  tout  particulier.  Si  elles  sont  posées 


/sfCARD    5t 


très-près  du  sol  et  vues  de  haut  en  bas,  leurs  profils  s'aplatiront,  leurs 
moindres  détails  se  prêteront  à  cette  position  (36  A).  Si,  au  contraire, 
elles  port(Mit  des  colonnes  supériemes  telles  que  celles  des  fenêtres 
hautes,  des  tritoriunis,  et  si,  par  conséquent,  on  ne  peut  les  voir  que  de 
bas  en  haut,  leurs  moulures,  tores,  scoties  et  listels  prendront  de  la 
hauteur  (3()  B),  de  manière  que,  par  l'effet  de  la  perspective,  les  profils  de 
ces  bases  inférieures  et  supérieures  j)araili'()nt  les  mêmes.  Cette  étude  de 
l'effet  des  profils  des  bases  est  bien  évidente  dans  la  nef  de  la  cathédrale 
d"Amiens,  bàlie  d'un  scid  jet  de  h2'2r)  à  l-i.t.').  Là,  plus  les  l)as(>s  se  rap- 
prochent de  la  voûte  et  j)lus  leurs  profils  sont  hauts ,  tout  en  consei'vant 
exactement  les  mêmes  membres  de  moulures. 

Depuis  les  premiers  essais  de  l'architecture  du  \m''  siècle,  dans  les 


de  bancs  encomliranl leurs  bases,  paraissent  cent  lois  plus  beaux,  une  lois  ces  nieiililes 
enlevés. 


—  \:v.]  — 


[    BASK    I 


provinces  do  Franco,  jusque  vois  l"2-2o  oiivirqn,   lorsque  dos  pilos  so 
composont  (\o  fniscoaux  de  colonnes  inégales  de  diamètre,  la  réunion  des 


bases  donne  des  profils  différents  de  hauteur  en  raison  de  la  grosseur  des 
diamètres  des  colonnes  ;  du  moins  cela  est  fréquent  ;  c'est-à-dire  que  la 


36 


k^ 


grosse  colonne  a  sa  base  et  la  colonne  fine  la  sienne,  les  profils  étant 
semblables  mais  inégaux.  Ce  fait  est  bien  remarquable  à  la  cathédrale  de 
Laon'j  dont  quelques  piles  de  la  nef  se  composent  de  grosses  colonnes 
monocylindriques  tlanquées  de  colonnettes  détachées,  d'un  faible  diamètre 


'  Commencemenl  du  xm'  siècle. 

T.     II. 


-20 


BASK 


—  ir)V 


(.'{7).  A  (loniic  If  profil  do  hi  «iiossc  (olomir  cniiialc.  ri  H.  le  piotil  lU- 


i 


37 


coloniipttos  reposant  tous  deux  sur  un  sitclc  et  une  i)iin[|i«'  de  nièiiip 
épaisseur.  Mais  déjà,  de  h23()à  l'-2i(),  nous  voyons  les  piles  composées  de 
colonnes  de  diamètres  inéjïaux  posséder  le  même  profil  de  hase  pour  ces 
colonnes,  indépendamment  de  leur  diamèlre.  Il  est  certain  que,  quelle 
que  fiil  la  conqxtsilion  de  la  pile,  les  arcliilecl(\s  du  xiii-'  siècle  voulaient 
qu  elle  rùi  sa  hnse.  et  non  .ses  basies;  c'était  là  ujie  (pi(>stinn  «l'unité.  A  la 


—  irir»  —  I  BASK  I 

Saiiile-Chapolle  de  Paris  (voy.  tiji.  34),  les  trois  colonnes  des  piles  enj^a- 
{j[ées  et  les  colonnettes  de  l'arcature  ont  le  même  protil  de  hase,  qui  se 
continue  enlie  ces  colonnettes  le  loni; du  pied  de  la  tapisserie;  seulement 
le  protil  appliqué  au\  coKinnetles  de  l'arcature  et  courant  le  Unv^  du 
parement  esl  plus  camard  (jue  celui  des  grosses  colonnes.  Les  architectes 
du  xiir  siècle,  artistes  de  j;oùt  autant  au  moins  que  loj;iciens  scrupuleux, 
avaient  senti  qu'il  fallait,  dans  leurs  édifices  composés  de  tant  de  mem- 
hres  divei's ,  nés  successivement  du  principe  au(|uel  ils  s'étaient  soumis, 
rattacher  ces  memi)res  pai'de  i;randes  lii^nes  horizontales,  d'autant  mieux 
accusées  qu'elles  étaient  plus  rares.  La  hase  placée  pres(|ue  au  niveau  de 
l'œil  était,  plus  (jue  le  sol  encore,  le  véritahle  point  de  dépait  de  toute 
leur  ordonnance;  ils  cherchaient  si  bien  à  éviter,  dans  cette  ligne,  les 
lessauts,  les  démanchements  de  niveaux,  qu'ils  réunissaient  souvent  les 
hases  des  piles  adossées  aux  nmrs  par  une  assise  contiimant  le  profd  de 
ces  bases,  ainsi  qu'on  peut  le  voii'  à  la  Sainte-Chapelle  de  Paris. 

Lorsque  les  éditices  se  composent,  connue  les  grandes  églises,  de  ran- 
gées de  piles  isolées  et  de  piles  engagées  dans  les  murs  latéraux,  les  bases 
atteignent  des  niveaux  ditterents,  celles  des  grandes  piles  isolées  étant 
plus  hautes  que  celles  des  piles  des  bas-côtés;  cela  est  fort  bien  raisonné, 
car  un  niveau  unique  pour  les  bases  des  piles  courtes  et  des  piles  élancées 
devait  être  choquant;  ce  niveau  eut  été  trop  élevé  pour  les  piles  des  bas- 
côtés  ou  trop  bas  pour  les  piles  isolées  qui  montent  jusqu'à  la  grande 
voûte.  Ainsi ,  pour  les  grandes  piles,  la  base  se  compose  généralement  de 
trois  membres  :  1"  d'un  socle  inférieur  circonscrivant  les  polygones, 
2"  d'un  second  socle  avec  moulure,  3"  de  la  base  proprement  dite  avec  sa 
plinthe;  tandis  que  pour  les  piles  des  bas-côtés,  la  base  ne  se  compose 
guère  que  de  deux  membres  :  1"  d'un  socle  à  la  hauteur  du  banc,  ^2"  de 
la  base  avec  sa  plinthe.  Si  le  bas-côté  est  double,  le  second  rang  de  i)iles 
isolées  est  porté  sur  des  bases  dont  le  niveau  est  le  même  que  celui  des 
bases  des  piles  engagées,  puisque  ce  second  rang  de  piles  n'a  que  la  hau- 
teur de  celles  adossées  aux  nmrs  latéraux.  Si  grand  que  soit  l'édifice,  les 
bases  dont  le  niveau  est  le  plus  élevé  ne  dépassent  jamais  et  atteignent 
rarement,  dans  les  monuments  construits  par  les  artistes  de  France  au 
xuF  siècle,  la  hauteur  de  l'œil,  c'est-à-dire  1"',G0.  La  hauteur  de  la  base 
est  donc  le  véritable  module  de  l'architecture  ogivale;  c'est  le  point  de 
comparaison,  l'échelle;  c'est  comme  une  ligne  de  niveau  tracée  au  pied 
de  l'édifice,  qui  rappelle  partout  la  stature  humaine.  Si  le  sol  s'élève  de 
quelques  marches,  comme  dans  les  chœurs  des  églises,  le  niveau  de  la 
base  ressaute  d'autant,  retrace  une  seconde  ligne  de  niveau,  indique  un 
autre  sol.  Ces  règles  sont  bien  éloignées  de  celles  qu'on  a  voulu  baser  sur 
les  ordres  romains,  et  qui  sont  du  reste  rarement  confirmées  par  les  faits; 
mais  n'oublions  pas  qu'il  faut  étudier  l'architecture  antique  et  l'architec- 
ture ogivale  à  deux  points  de  vue  différents. 

En  soumettant  ainsi  toutes  les  piles  et  les  membres  de  ces  piles  à  un 
seul  profil  de  bases,  sans  tenir  compte  des  diamètres  des  colonnes,  les 


(     BASK    ]  •  —     lo(>    — 

architccles  obéissaient  à  leur  instinct  d'artiste  plutôt  qua  un  raisonnement 
de  savants;  ils  avaient  dévié  de  l'ornière  loj,M(jue.  Nous  ne  sauiions  trop 
le  dire  (parce  que  dans  les  arts,  et  surloul  dans  l'art  de  l'arcliilecture, 
♦'iilre  la  science  pure  et  le  caprice,  il  est  un  chemin  (pii  n'est  ouvert  qu'aux 
lionmies  de  yénie),  ce  qui  nous  porte  à  tant  admirer  nos  arcliilecU^s 
français  du  xiii»^  siècle,  c'est  qu'ils  ont  suivi  ce  chemin,  connue  dans  leur 
temps  les  Grecs  l'avaient  parcouru;  mais  malheureusement  cette  voie, 
dans  l'histoire  des  arts,  n'est  jamais  longue.  Le  goût,  le  génie,  l'instinct 
ne  se  l'oiinident  pas,  et  l'heure  des  ])é(lanfs,  des  raisonneurs,  succède 
bientôt  a  l'inspiration  (|ui  |)ossè(le  la  science,  mais  la  possède  prisonnière 
et  soumise. 

Avant  de  passer  outre  et  de  montrer  ce  que  devient  ce  membre  si 
important  de  l'architecture  ogivale,  la  base,  nous  ne  devons  pas  omettre 
une  observation  de  détail  qui  a  son  importance.  Si  les  bases  des  piles"  de 
l'ez-de-chaussée  exécutées  de  \^30  à  l'2<iO  ne  présenl«'nt  que  peu  de 
variétés  <lans  la  conqjosition  de  leurs  j)rotilset  de  leurs  plans;  si  les  archi- 
tectes, pendant  cette  période,  attachaient  une  grande  importance  à  ces 
bases  inférieures,  le  point  de  départ,  le  module  de  leurs  éditices,  il  semble 
qu'Usaient  abandonné  souvent  l'exécution  des  bases  des  colonnes  secon- 
daires des  ordonnances  supérieures  aux  tailleurs  de  j)ierre.  Les  ouvriers 
sortis  de  divers  ateliers ,  réunis  en  grand  nombre  lorsqu'il  s'agissait  de 
construire  un  vaste  édifice  (et  à  cette  époque  on  construisait  avec  une 
rapidité  cpii  tient  du  prodige)  [voy.  construction],  se  permettaient  de 
modifier  certains  profils  de  détails  suivant  leur  goût.  Il  n'est  pas  rare  (et 
ceci  peut  être  observé  surtout  dans  les  grands  monuments)  de  trouver, 
dans  les  édifices  qui  datent  de  \^W  à  1:270,  des  bases  de  colonneltes,  de 
meneaux  de  f'enèlres,  de  galeries  suj)érieures,  présentant  des  rangs  de 
pointes  de  diamant  dans  la  scotie,  des  bases  sans  scoties,  avec  tore  supé- 
rieur «l'une  coupe  circulaire,  avec  plinthe  carrée  simple  ou  avec  angles 
abattus  et  supports  sous  la  saillie  du  tore  inférieur.  H  y  a  donc  encore  k 
cette  époque  une  certaine  liberté ,  mais  elle  se  réfugie  dans  les  parties 
des  édifices  qui  sont  hors  de  la  vue,  et  se  produit  sans  la  participation  de 
l'architecte. 

Au  connnencement  du  xiv'  siècle,  la  base  s'appauvrit .  ses  profils  perdent 
de  leur  hauteur  et  de  leur  saillie.  Dans  l'église  Saint-rrbain  de  Troyes 
déjà,  qui  ouvre  le  xiv  siècle,  les  bases  des  piliers  et  colonnettes  comptent 
à  peine;  les  deux  tores  se  sont  réunis  et  la  scotie  a  disparu  (38);  les 
moulures  des  socles  sont  maigres;  et  partout,  au  rez-de-chaussée  comme 
dans  les  gaI(M'ies  supérieures,  le  profil  est  le  même.  On  voit  (pi'alors  les 
architectes  cherchaient  à  dissimulerce  membre  d'architecture,  si  inq)ortant 
dans  les  édifices  des  premiers  temps  de  la  période  ogivale,  à  éviter  des 
empâtements  dont  l'iniportance  était  en  désaccord  avec  le  système  vertical 
des  constructions.  En  progressant,  l'architecture  ogivale  nuUtiplie  ses 
lignes  verticales  et  eft'ace  ses  membres  horizontaux  ;  ceux-ci  se  réduisent 
de  pins  en  plus  poiu-  disparaître  conqilt'lrment  au  \>-' siècle.  Telle  est  la 


—     ir>7    —  l    BASE    1 

puissance  d'un  principe  lo^Mque  poursuivi  à  outrance  dans  les  arts,  qu'il 
finit  par  étoutier  ses  propres  origines. 


Pendant  les  premières  années  du  xiv«;  siècle,  les  piliers  possèdent  encore 
la  base  à  niveaux  et  profils  uniques.  Non-seulement  les  colonnes  formant 
faisceaux  se  subdivisent  (voy.  pilier),  mais  elles  commencent  à  porter  des 
arêtes  saillantes  destinées  à  multiplier  les  lignes  verticales.  Le  profil  des 
bases  obéit  au  contour  donné  par  le  plan  de  ces  piliers  :  et,  dans  ce  cas, 
la  plinthe  conserve  son  plan  carré ,  dont  l'angle  saillant  est  couvert  par 
l'excroissance  que  forme  le  tore  inférieur  de  la  base.  Dans  le  rhieur  de 
l'église  Saint-Nazaire  de  Carcassonne  (39),  les  piles  engagées  pr('sentent 
en  section  horizontale  A  des  réunions  de  colonnettes  portant,  la  plupart, 
des  arêtes  saillantes;  le  profil  de  la  base  contourne  ces  arêtes,  et  les 
saillies  des  tores  iiderieurs  sont  acconqîagnées  encore  de  petits  supports. 
Les  surfaces  horizontales  sont  soigneusement  évitées  ici ,  car  les  plinthes 
carrées  des  bases  pénètrent  un  biseau  continu  dépendant  du  socle  qui 
circonscrit  le  plan  de  ces  plinthes.  Toutefois  un  fait  curieux  doit  être  signalé 
ici  :  le  chœur  de  l'église  Saint-Nazaiie  de  C.arcassoime  conserve  encore  de 
grosses  colonnes  cylindriques,  et.  par  exception,  rairhitecte  de  cet  édifice. 


BASK 


)S 


PECAKD.SC 


Il  uvani  pas  admis  la   pliiillic  ixilviioiialo  sons   los  toivs  (\o>,  hasfs.  Cul 


I  ;;'.) 


RASI-: 


j'iilrainc  à  fair»-  tMicore  des  grittos  pour  couvrii-  It^s  anf,'les  saillants  des 
pliiilhes  que  le  tore  des  bases  des  grosses  colonnes  ne  pouvait  masquer  (40). 


Ces  exemples  indicjuent  j)arraitement  la  transition  entre  la  hase  du 
xiiie  siècle  et  la  hase  du  xiv»",  car  la  plinthe  à  plan  carré  et  la  {iritie  ne  se 
retrouvent  plus  à  partir  de  cette  dernière  époque.  A  Saint-Nazaire  de  Car- 
cassonne,  nous  voyons  encore,  sous  la  plinthe,  le  profil  B  (tiJ.^  iO),  qui 
fifîure  une  assise  sous  cette  plinthe,  bien  que  par  le  t'ait  ce  prolil  B  soit 
pris  dans  l'assise  même  de  la  base.  C'était  là  un  contre-sens  qui  ne  fut  pas 


1     BASE    I  •  —     IC»0    — 

souvent  répété.  Riontôt,  en  effet,  le  profil  Bdu  socle  et  la  piinllie  ne  (irent 
à  A]  P'^'^  qii  un  ;  les  deux  profils  des  tores  de  la 
base  arrivèrent  également  a  ne  former 
qu'une  seule  inouinie.  Soit  A  (-41)  le  profil 
dîme  hase  de  la  tin  du  xiii»^  siècle  :  la  scotie 
I)  est  encore  visil)le,  ce  ir'est  plus  (|u"un  trait 
gravé;  l'ancienne  moulure  du  socle  E  tient 
à  la  plinthe  et  lui  donne  un  empâtement 
détaché  comme  s'il  y  avait  un  joint  en  F, 
qui  n'existe  pas  cependant.  La  hase  se  mo- 
difie encore  :  B,  la  scotie,  disparaît  entiè- 
rement; le  profil  E  s'amaigrit,  son  meîiihi'e 
supérieur  se  détache.  Puis  enfin,  vers  1320, 

C'  les  deux  tores,  se  réunissent,  et  le  profil   E  s'est  fondu  dans   la 


plinllu".  Les  pelils  supports  sous  les  saillies  du  tore  inférieur  sont  conser- 


—    Kil    — 


HASK 


vés,  lorsque  la  j)liiitlio  à  plan  carré  persiste,  ce  qui  est  rare.  La  plinthe 
(levicnl  polygdualc  jxtiir  nThUix  circonscrire  les  tores.  Ne  comprenant  plus 
les  raisons  d'art  (pii  avaifMil  (Mif;a^é  les  archilecles  du  milieu  du  xiu'' siècle 
à  taire  régner  la  même  hauteur  et  le  même  protll  de  base  sous  toutes  les 
colonnes,  quel  que  fût  leur  diamètre,  et  tendant  à  soumettre  tous  les 
détails  architectoniques  à  une  lo^i(|ue  impérieuse,  les  constructeurs  du 
xiv«  siècle  reviennent  aux  bases  iné^^ales  de  hauteur  en  raison  des  diamè- 
tres des  colonnes  réunies  en  un  seul  faisceau.  On  peut  en  voir  un  exemple 
à  la  cathédrale  de  l*aris,  dont  les  chapelles  ahsidales  ont  été  construites 
de  ly-^ri  à  I  ;};}(>;  les  piles  de  tète  de  ces  chai)elles  sont  portées  sur  des  bases 
ainsi  taillées  (i"2).  Toutefois,  ici,  les  inéf;alités  entre  les  hauteurs  des  bases 
sont  peu  sensibles,  et  les  tores  sont  profilés  au  même  niveau.  L'œil  est 
ramené  à  une  seule  ligne  horizontale  de  laquelle  les  piles  s'élancent.  Pen- 
dant toute  la  durée  du  xiv"  siècle,  cette  méthode  est  suivie  sans  déviations 
sensibles.  Ce  n'est  qu'à  la  fin  de  ce  siècle  et  au  commencement  du  xv  que 
les  architectes  imaj.(iiient  de  fiiire  ressauter  les  bases  et  de  ne  conserver  ni 
les  tores  ni  les  plinthes  au  même  niveau.  Mais  disons  d'abord  que  les  deux 
tores  de  la  base,  après  l'abandon  de  la  scotie.  s'étaient  si  bien  soudés 
qu'on  avait  fini  par  oublier  l'origine  de  ce  profil;  des  deux  moulures, 
pendant  le  xv<'  siècle,  on  n'en  formait  plus  qu'une  seule  ;  et  connue  cette 
moulure  se  trouvait  prise  dans  la  même  pierre  que  la  plinthe,  on  ne  la 
sépara  plus  de  celle-ci  par  une  coupe  vive  à  angle  droit,  coupe  qui,  pour 
les  raisonneurs  de  cette  époque,  indiquait  un  lit  qui  n'avait  jamais  existé. 
Du  profil  A  (4.3)  on  arriva  au  profil  B ,  et  le  membre  C  qui  remplaçait 


.A. 


l'ancien  tore,  au  lieu  d'être  tracé  sur  un  plan  circulaire,  prit  la  lorme 

T.    II.  21 


I     HASK 


—   l()-2 


polygonale  de  laiicicmit'  pliiillie  l),  la  (((ioiiiic  ivslaiil  <vliii(lhqiif.  Ïas 
arcliilecIcsatVt'clèreiit  de  piofilcr  les  hases  d'une  même  pile  à  des  niveaux 
ditféi-enls,  connue  pour  mieux  séparer  cliaque  colonnelle  on  niemhrede 
ces  jMles,  et  pour  éviter  la  conlinnile  des  lignes  horizontales.  Voici  (  U)  un 


exemple  de  hases  dune  pile  du  xv^  siècle  In-é  de  la  nel' de  la  cathédrale 
de  Meaux,  Ces  exemples  sont  très-fréquents,  et  nous  ne  croyons  pas  avoir 
hesoin  de  les  multij)lier  ;  d'ailleurs  il  en  est  des  hases  du  xv"  siècle  comme 
de  tous  les  détails  et  ensemhles  architectoniques  de  cette  épotpie,  la 
conq)lication  des  formes  arrive  à  la  monotonie.  Plus  d'originalité,  plus 
d'art;  tout  se  réduit  à  des  fonnuh^s  <rappai'eilleur.  A  la  fm  du  xv  siècle, 
les  piles,  au  lieu  de  se  conq)oser  de  faisceaux  de  colomies  cylindiiciues, 
reviennent  à  la  forme  monocylindri(|ue  ou  aux  groupes  de  prismes  curvi- 
lignes. Dans  le  premier  cas,  une  seule  hase  à  socle  polygonal  porte  le  gros 
cylindre  (4^);  dans  le  second,  on  retrouve  la  hase  principale,  celle  du 
corps  du  pilier,  <lans  laquelle  viennent  pénétrei'  l(»s  petites  hases  partielles 
et  ressautantes  des  prismes  groupés  autour  de  ce  |)iliei'.  On  se  fait  ditlici- 


V 
BASK 


—     103    — 

lemeiit  iino  idt'c  de  |;i  (•oiifnsioii  qui  icsiiltr  de  <<■  liacc:  mais  los  appa- 


reilleurs  et  tailleurs  de  pieire  de  ce  temps  se  faisaient  un  jeu  de  ces 
pénétrations  de  corps  (voy.  trait). 

Nous  donnons  ci-contre  (40)  la  base  d'une  pile  provenant  du  portique 
de  l'hôtel  de  la  Trémoille  à  Paris  ;  cet  exemple  confirme  ce  que  nous 
disons  '.  On  voit,  en  coupe,  le  profd  principal  D  de  la  base  du  pilier, 
exprimé  en  EV  dans  le  plan  P.  Les  bases  ressautantes  des  prismes  accolés 
à  ce  pilier  viennent  pénétrer  dans  le  profil  I)  de  manière  à  ce  que  les 
angles  saillants  AEFGCH  des  plinthes  tombent  sur  la  circonférence  de  la 
courbe  du  socle  inférieur.  La  colonne  engagée  B,  qui  a  une  fonction 
particulière,  qui  porte  la  retombée  de  l'arc  doubleau  et  de  deux  arcs 
ogives,  possède  sa  base  distincte.  Les  petites  surfaces  I  restant  entre  le 
profil  D  de  base  et  le  fond  des  gorges  sont  taillées  en  pente,  ainsi  que 
I  indique  la  coupe  F.  On  en  était  donc  venu,  au  xv*"  siècle,  à  donnera 
chaque  membre  des  piliers  sa  base  propre,  indépendante,  tout  en  laissant 
sous  le  corps  du  pilier  une  base  principale  destinée  à  recevoir  les  péné- 
trations des  bases  secondaires  (voy.  pilier,  pénétration). 

Lorsqu'au  commencement  du  xvr  siècle  on  fit  un  retour  vers  les  formes 
de  l'architecture  romaine,  on  reprit  le  profil  de  la  base  antique;  pendant 
quelque  temps  encore,  le  système  de  bases  appliqué  à  la  fin  du  xv«  siècle 
se  trouva  mêlé  avec  le  profil  de  la  base  romaine,  ce  qui  produit  une  singu- 

'  Cette  constiiicliim  il;it;iil  des  rloniièrcs  années  du  xv  siècle. 


I     ItASIC     I 


—     |()i 


'— . 


lific  coiiriisioii  ;  iiiaiN  du  uioiiiciil  (|iir  \vs  ordres  rurciil   rci^uliciciueiil 


—    Kià  —  [    BASii.iyi  K    I 

admis,  les  deinières  tracî's  des  pjofds  des  bases  du  xv^-  siècle  disparurent 

(Voy.    l'KOFII.). 

BASILIQUE,  s.  f.  Chez  les  Crées  et  les  Uoiuains  de  rantiquilé,  la  basi- 
liiiuf  elail  une  salle  plus  loii;;;ne  que  larjj^e,  souvent  avec  bas-côtés  et 
tribune  au-dessus,  terminée,  à  l'extrémité  opposée  à  l'entrée,  par  un 
hémicycle.  C'était  là  qu'on  rendait  la  justice,  que  se  traitaient  les  atïaires 
connnerciales  comme  dans  nos  Bourses  modernes.  Parmi  les  édifices  qui 
entouraieni  le  forum,  la  basilique  tenait  un<'des  premières  places.  Vitruve 
la  décrit,  en  indi(|ue  l'usage  et  les  dimensions. 

Les  l)asili([ues  antiques  possédaient  (juchpielois  des  doubles  bas-côtés; 
telle  était  la  basilique  Émilienne  dont  le  plan  est  tracé  sur  les  fragments 
de  marbre  du  ^M-and  plan  de  Kome  levé  sous  Septime-Sévère.  Lorsque  les  ^ 
chrélieiis  purent  pratiquer  leur  culte  ostensiblement ,  ils  se  servirent  de 
la  basilique  antique  connue  convenant  mieux  aux  réunions  de  fidèles  que 
tout  autre  édifice  du  paganisme;  les  premières  églises  qu'ils  élevèrent  en 
adoptèrent  la  forme.  A  proprement  parler,  il  n'y  a  pas  en  France,  depuis 
le  x*-  siècle,  de  basilique  (voy.  auchitectire,  architecture  religiecse). 

Ce  nom  fut  seulement  appliqué  à  quelques  églises  primitives  de  Rome, 
telles  que  Saint-Pierre  ',  Sainte-Marie-Majeure,  Saint-Jean-de-Latran,  qui 
sont  les  trois  grandes  basiliques  chrélieimes  de  premier  ordre;  Saint-Lau- 
rent, Sainte-Agnès,  Sainl-Paul  (hors  les  nmrs)  et  plusieurs  autres  églises 
de  la  cité  antique,  conservent  aussi  le  titre  de  Ijasilique.  En  France, 
quelques-unes  de  nos  églises  obtinrent  des  papes  le  privilège  d'être 
désignées  comme  basiliques;  mais,  au  point  de  vue  architectonique,  on 
ne  peut  leur  donner  ce  nom.  Le  plan  et  les  dispositions  générales  de  la 
basilique  antique  peuvent  convenir  aux  églises  chrétiennes  ;  mais  ces 
monuments  ne  doivent  être  considérés  que  connue  l'appropriation  d'un 
édifice  antique  à  un  besoin  moderne,  non  comme  la  réalisation  d'un 
programme  arrêté;  cela  est  si  vrai ,  que  les  constructeurs  du  moyen  âge, 
du  moment  qu'ils  abandonnèrent  les  traditions  abâtardies  de  l'antiquité, 
cherchèrent  de  nouvelles  dispositions  comme  plan,  et  un  nouveau  système 
de  construction;  c'est  ce  qui  a  fait  dire  à  beaucoup  de  personnes  s'occu- 
pant  des  arts  religieux,  que  les  églises  romane  et  ogivale  étaient  les  seules 
qui  fussent  vraiment  chrétiennes. 

Si  cela  n'est  pas  soutenable  au  fond,  puisque  dans  la  ville  chrétienne 
par  excellence  il  n'existe  pas  une  église  bâtie  suivant  la  donnée  romane  ou 
ogivale,  nous  sommes  bien  forcé  de  reconnaître  que  le  christianisme,  en 
Occident,  a  trouvé  une  forme  nouvelle  qu'il  a  merveilleusement  appliquée 
aux  besoins  du  culte.  On  peut  adopter  ou  repousser  celle  forme,  elle  n'ap- 
partient pas  moins  au  catholicisme;  bonne  ou  mauvaise,  c'est  son  œuvre. 

'  Si  Saint-Pierre  de  Flonie  a  conservé  son  nom  de  ha.silkiiw,  il  n'est  pas  besoin  de 
dire  que  la  disposition  de  l'édifice  actuel  ne  rappelle  en  rien  celle  des  basiliques  primi- 
tives. 


I     «ASTIDI-;    1  —     l(»(>    — 

BASSYE,  vieux  mol  employé  j)oiir  lalrines,  privé.  (Voy.  privé.) 

BAS-RELIEF,  s.  m.  (Voy.  iji.vc.kkii:.) 

BASTARDE,  s.  f.  Vioux  mot  employ(;  pour  désignei-  une  \mn'  de  bois 
(le  moyenne  grandeur. 

BASTIDE,  s.  f.  Hdsiille.  On  entendait  \yàvbasli(lc.  pendant  le  moyt-nâj^e, 
un  ouvrage  de  défense  isolé,  mais  faisant  ('e|)endanl  partie  diin  système 
iiV'iiéral  de  forliliealion.  On  doit  distinguer  les  hasiilles  permanentes  des 
hastilles  élevées  provisoirement;  les  bastilles  tenant  aux  fortifications 
d'une  place,  de  celles  construites  par  les  assiégeants  pour  renforcer  une 
enceinte  de  circonvallation  et  de  contre-vallation.  Le  mot  bastide  est 
plutôt  «'Uiplové,  jusqu  a  la  fin  du  xm*"  siècle,  pour  désigner  des  ouvrages 
pi'ovisoires  destinés  à  pro.téger  un  campement  (jne  des  constructions  à 
demeuie;  ce  n'est  que  par  extension  que  l'on  désigne,  à  partir  de  celle 
époque,  par  bastide  ou  bastille,  des  forts  en  maçonnerie  se  reliant  à  une 
enceinte.  Le  mot  bastide  cs\  souvent  appliqué  à  une  maison  isolée,  bâtie 
en  dehors  des  murs  d'une  ville  '. 

Loi'sque  les  Romains  investissaient  une  place  forte,  et  se  trouvaient 
dans  la  nécessité  de  faii'e  un  siège  en  règle,  leur  premier  soin  é'Iail  d'éta- 
blir des  lignes  de  circonvallation  et  de  conire-vallalion,  l'cnfoi'cées  de 
distance  en  distance  par  des  tours  en  bois  ou  même  en  maçonnerie.  S'il 
était  facile  d'élever  les  tours  des  lignes  de  circonvallation, on  comprendia 
que  les  assiégés  s'efforçaient  d'empêcher  l'élablissement  des  tours  tenant 
aux  lignes -de  contre-vallation  ,  de  détruire  ces  ouvrages  (]ue  l'on  dressait 
en  face  des  remparts  de  la  place,  souvent  à  une  très-pelile  dislance.  (iCiK-n- 
dant  les  armées  romaines  altachaient  la  plus  grande  inqjorlance  à  ces 
ouvrages,  que  nous  ne  pouvons  comparer  qu'à  nos  batteries  de  siège  et  à 
nos  places  d'armes.  Élever  en  face  des  tours  d'une  ville  assiégée  des  tours 
plus  hautes  afin  de  dominer  les  forlilicafions,  d'empêcher  les  défenseurs 
de  se  tenir  sui'  les  chemins  de  ronde,  et  de  proléger  ainsi  le  travail  du 
mineur,  ("lait  le  moyen  leni  mais  sûr  que  les  armées  romaines  mettaient 
en  |)rali(|ue,  avec  autant  de  melliode  et  de  persévérance  (|ue  dhal^ileté. 
Nous  ne  pouriions  nous  occuper  en  détail  de  la  bastide ,  sans  avoir  au 
jH-èalable  in(li(pié  l'origine  de  cet  ouvrage  d'après  les  données  antiques, 
il  faut  convenir  d'ailh-urs  que  jamais  les  armées  du  moyen  âge  ne  présen- 
tèrent un  corj)s  aussi  discipliné  el  homogène  (|ue  les  armées  roiuaines,  et 
(jue,  pai-  conse(pienl,  les  moyens  d'allaque  régulière  (ju'elles  mirent  en 
{uatique  ne  purent  rixaliser  avec  ceux  enq)loyés  |)ar  les  Homains. 

Lorsque  le  lieutenanl  C.  Trébonius  fut  laissé  par  César  au  siège  de  Mar- 
seille, les  Homains  durent  élever  des  ouvrages  cqnsidéral)les  pour  réduii'e 
la  ville,  qui  était  forte  et  bien  munie.  L'un  de  leurs  travaux  d'approche, 

'   biUMiii^c,  (ilussitirc. 


—     |(»7    —  [    IJASriDK    ] 

véritable  hasiide,  est  d'une  grande  importance  ;  nous  donnons  ici  la  tra- 
duction du  |)assai,'e  des  Mémoires  de  César  qui  le  déciit ,  en  essayant  de 
la  rendi'C  aussi  claire  quc^  possible: 

«Les  léi"ionnaii'es,(pii  dirigeaient  la  droite  des  travaux,  Jugèrent  (piune 
«  lourde  bri(|ues,  élevée  au  pied  de  la  muraille  (de  la  ville),  poui-rait  leur 
«  être  d'un  grand  secours  contre  lès  fréquentes  sorties  des  ennemis,  s'ils 
«  parvenaient  à  en  taire  une  bastille  ou  un  réduit.  (]elle  qu'ils  avaient 
((  faite  d'abord' était  petite,  basse;  elle  leui'  servait  cependant  de  retraite. 
«  Ils  s'y  défendaient  conti'e  des  foi'ces  supérieures,  ou  en  sortaient  })our 
«  repousser  et  poursuivre  l'ennemi,  (let  ouvrage  avait  ticnte  pieds  sui' 
«  cliaque  côté,  et  l'épaisseur  des  murs  était  de  cinq  pieds  ;  on  recoimut 
«  bientôt  (car  l'expérience  est  un  grand  maître)  qu'on  pourrait,  au  moyen 
«  de  quelques  combinaisons,  tirer  un  grand  parti  de  celte  construction, 
«  si  on  lui  donnait  l'élévation  d'une  tour. 

«  Lorsque  la  bastille  eut  été  élevée  à  la  hauteur  d'un  étage,  ils  (les 
«  Romains)  placèrent  un  plancher  composé  de  solives  dont  les  extrémités 
«  étaient  masquées  par  le  parement  extérieur  de  la  maçonnerie,  afin  que 
«  le  feu  lancé  par  les  ennemis  ne  pût  s'attacher  à  aucune  partie  saillante 
«  de  la  charpente.  Au-dessus  de  ce  plancher  ils  surélevèrent  les  murailles 
«  de  brique  autant  que  le  permirent  les  parapets  et  les  mantelets  sous 
«  lesquels  ils  étaient  à  couvert;  alors,  à  peu  de  distance  de  la  crête  des 
M  murs,  ils  posèrent  deux  poutres  en  diagonale  pour  y  placer  le  plancher 
«  destiné  à  devenir  le  comble  de  la  tour.  Sur  ces  deux  poutres,  ils  âssem- 
«  blèrent  des  solives  transversales  comme  une  enrayure,  et  dont  les 
«  extrémités  dépassaient  un  peu  le  parement  extérieur  de  la  tour,  pour 
«  pouvoir  suspendre  en  dehors  des  gardes  destinées  à  garantir  les  ouvriers 
«  occupés  à  la  construction  du  mur.  Ils  couvrirent  ce  plancher  de  briques 
«  et  d'argile  pour  qu'il  fût  à  l'épreuve  du  feu,  et  étendirent  dessus  des 
«  couvertures  grossières,  de  peur  que  le  comble  ne  fût  brisé  par  les  pro- 
«  jectiles  lancés  par  les  machines,  ou  que  les  pierres  envoyées  par  les 
«  catapultes  ne  pussent  tracasser  les  briques.  Ils  façonnèrent  ensuite  trois 
«  nattes  avec  des  cables  servant  aux  ancres  des  vaisseaux,  de  la  longueur 
«  de  chacun  des  côtés  de  la  tour  et  de  la  hauteur  de  quatre  pieds,  et  les 
«  attachèrent  aux  extrémités  extérieures  des  solives  (du  couïble),  le  long 
«  des  murs,  sur  les  trois  côtés  battus  par  les  ennemis.  Les  soldats  avaient 
«  souvent  éprouvé ,  en  d'autres  circonstances,  que  cette  sorte  de  garde 
«  était  la  seule  qui  offrit  un  obstacle  impénétrable  aux  traits  et  aux  projec- 
«  tiles  lancés  par  les  machines.  Une  partie  de  la  tour  étant  achevée  et  mise 
«  à  l'abri  de  toute  insulte,  ils  transportèrent  les  mantelets  dont  ils  s'étaient 
«  servis  sur  d'autres  points  des  ouvrages  d'attaque.  Alors,  s'étayant  sur 
«  le  premier  plancher ,  ils  commencèrent  à  soulever  le  toit  entier,  tout 
«  d'une  pièce,  et  l'enlevèrent  aune  hauteur  suflisante  pour  que  les  nattes 
«  de  câbles  pussent  encore  masquer  les  travailleurs.  Cachés  derrière  cette 
«  garde,  ils  construisaient  les  murs  en  briques,  puis  «'levaient  encore  le 
«  toit,  et  se  domiaient  ainsi  l'espace  nécessaire  pour  monter  peu  à  peu  leur 


I     BASTIDE    1  —     H»K    — 

«  construction.  Quand  ils  avaient  atteint  la  hauteur  d'un  nouvel  étajjje, 
«  ils  faisaient  un  nouveau  plancher  avec  des  solives  dont  les  poi'tees 
«  étaient  toujours  nias(juées  par  la  maçonnerie  exterieuie;  et  (h;  la  ils 
«  continuaient  à  soulever  le  comble  avec  ses  nattes.  C'est  ainsi  que,  sans 
w  courir  de  dangers,  sans  s'exposer  à  aucune  blessure,  ils  élevèrent 
«  successivement  six  étages.  On  laissa  des  meurtrières  aux  endroits 
«  convenables  pour  y  placer  des  machines  de  guerre. 

«  Lorsqu'ils  turent  assurés  que  de  cette  tour  ils  pouvaient  défendre  les 

«  ouvrages  qui  en  étaient  voisins,  ils  commenceicnt  à  construire  un  rat 

M  {musciilus)  ',  long  de  soixante  pieds,  avec  des  poutres  de  deux  pieds 

«  d'équarrissage,  qui  du  lez-de-chaussée  de  la  tour  les  conduiraient  à  celle 

«  des  ennemis  et  aux  murailles.  On  posa  dabord  sur  le  sol  deux  sablières 

«  d'égale  longueur,  distantes  l'une  de  lautre  de  qualie  pieds  ;  on  assembla 

«  dans  des  mortaises  faites  dans  ces  poutres  des  poteaux  de  cinq  pieds  de 

«  hauteui'.  On  réunit  ces  poteaux  par  des  traverses  en  forme  de  fiontons 

«  peu  aigus  pour  y  j)lacer  les  pannes  destinées  à  soutenir  la  couverture  du 

«  rai.  Par-dessus  on  posa  des  chevrons  de  deux  pieds  d'équarrissage, 

«  reliés  avec  des  chevilles  et  des  bandes  de  fer.  Sur  ces  chevrons  on  cloua 

«  des  lattes  de  quatre  doigts  d'écpiarrissage,  pour  soutenir  les  briques 

«  formant  couverture.  Otte  charpente  ainsi  ordonnée,  et  les  sablières 

«  portant  sur  des  traverses,  le  tout  fut  recouvert  de  bricjue  et  d'argile 

«  détrempée,  pour  n'avoir  point  à  craindre  le  feu  qui  serait  lancé  des 

«  murailles.  Sur  ces  briques  on  étendit  des  cuirs,  afin  d'éviter  que  l'eau 

«  dirigée  dans  des  canaux  par  les  assiégés  ne  vînt  à  détremper  l'argile; 

«  pour  (jue  les  cuirs  ne  pussent  être  altérés  par  le  feu  ou  les  pieri'es,  on 

«  les  couvrit  de  matelas  de  laine.  Tout  cet  ouvrage  se  fit  au  j)ied  de  la 

«  tour,  à  l'abri  des  mantelets,  et  tout  à  coup,  lorsque  les  Marseillais  s'y 

«  attendaient  le  moins,  à  l'aide  de  rouleaux  usités  dans  la  marine,  \erat 

((  fut  poussé  contre  la  tour  de  la  ville,  de  manièie  à  joindre  son  pied. 

«  Les  assiégés,  effrayés  de  cette  manœuvre  rapide,  font  avancer,  à  force 
«  de  leviers,  les  plus  grosses  pierres  (pfils  peuvent  trouver  .  et  les  préci- 
«  pitent  du  haut  de  la  muraille  sur  le  rai.  iMais  la  charpente  résiste  par  sa 
«  solidité,  et  tout  ce  (|ui  est  jeté  sur  le  cond)le  est  écarté  par  ses  pentes. 
«  A  cette  vue,  les  assiégés  changent  de  dessein,  mettent  le  feu  à  des 
«  tonneaux  remplis  de  poix  et  de  goudron  et  les  jettent  du  haut  des  para- 
«  pets.  Ces  tonneaux  roulent ,  tond)ent  à  terre  de  chaque  côté  du  rai  et 
«  sont  éloignés  avec  des  perches  et  des  fourches.  Cependant  nossolda'ts,  à 
((  couvert  sous  le  rai,  ébranlent  avec  des  leviers  les  |)ierres  des  fondations 
«  de  la  tour  des  ennemis.  D'ailleuis  le  rai  est  défendu  i)ar  les  traits  lancés 
((  du  haut  de  notre  tour  de  briques  :  les  assiégés  sont  écartés  des  parapets 
«  de  leurs  tours  et  de  leurs  courtines;  on  ne  leur  laisse  pas  le  temps  de 

'  Isiilorus,  libro  duodevigesinio  Klipnnloijidnnii.  capite  da  Ariele  :  «  Miisculiis, 
iiiquil,  cimiculo  similis  sil,  qiio  murus  perfodiliir  :  ex  qito  cl  (tppelUUur,  quiisi  miirits- 
cultis.  .  ((Jodesc.  Stewec,  Cnmm.  ad  lit).  IV  Veget.,  1492.) 


—    Hi'.t 


[    BASnilK    I 


«  s'y  montrer  pour  les  défendre.  Déjà  une  grande  (|iianlité  (ies  pierres  des 
«  soubassements  sont  enlevées,  une  pai'lie  de  la  tour  s'écroule  tout  à 
«  coup'.»    Afin  d'eclaircir  ce  passage,    nous  doniKuis  (1)   une  coupe 


perspective  de  la  toui'  ou  bastille  décrite  ci-dessus  par  César,  au  moment 
où  les  soldats  romains  sont  occupés  à  la  surélèvera  couvert  sous  le  c(»nil)le 
mobile.  Celui-ci  est  soulevé  aux  (juatre  angles  au  moyen  de  vis  de  cliar- 
pente,  dont  le  pas  s'engage  successivement  dans  de  gros  écrous  assemblés 
en  deux  pièces  et  maintenus  par  les  prennères  solives  latérales  de  chacun 


>  Cssar,  Dr  lii-lln  ni\,  lili.  11.  cap.  viii,  i\,  x,  xi. 
1.   II. 


22 


j     BASTIDIs    1  170    — 

des  étages,  et  dans  les  anjdes  de  la  tour  ;  de  cette  façon  ces  vis  sont  sans 
fin,  car  lorsqu'elles  quittent  les  écrous  d'un  étage  inféiieur,  elles  sont  déjà 
engagées  dans  les  écrous  du  dernier  étage  posé;  des  ti-ous  percés  dans  le 
corps  de  ces  vis  permettent  à  six  hommes  au  moins  de  viier  à  chacune 
d'elles  au  moyen  de  barres,  comme  à  un  cabestan.  Au  fur  et  à  mesure  que 
le  comble  s'élève,  les  maçons  le  calent  sur  plusieurs  points  et  s'arasent. 
Aux  extrémités  des  solives  du  comble  sont  suspendues  les  nattes  de  câbles 
pour  abriter  les  travailleurs.  Quant  au  rat  ou  galerie  destinée  à  permettre 
aux  pionniers  de  saper  à  couvert  le  pied  des  murailles  des  assiégés,  sa 
description  est  assez  claire  et  détaillée  pour  n'avoir  })as  besoin  de  commen- 
taires. 

Protéger  les  travaux  des  mineurs,  posséder  près  des  murailles  attaquées 
un  réduit  considérable,  bien  muni,  propre  à  contenir  un  poste  nombreux 
destiné  à  couvi'ir  les  parapets  de  projectiles  et  à  prendiv  en  tlanc  les 
détachements  qui  tentaient  des  sorties,  telle  était  la  fonclion  de  la  l)astille 
romaine,  que  nous  voyons  employée,  avec  des  moyens  moins  puissants,  il 
est  vrai,  aux  sièges  d'Alésia  et  de  Bourges.  Là  ce  ne  sont  que  des  ouvrages 
en  terre  en  forme  de  fera  cheval,  avec  fossés  et  palissades,  sortes  de 
barbacanes  destinées  à  permettre  à  des  corps  de  ti'oupes  de  sortir  en  masse 
sur  le  liane  des  assaillants  jetés  sur  les  lignes.  Il  va  sans  dire  que  ces 
bastides  étaient  garnies  de  machines  de  jet  propres  soit  à  battre  les  tours 
de  la  place  assiégée,  soit  à  enfiler  les  fossés  des  lignes  de  circonvallation 
et  de  contre-vallation. 

Ce  système  est  également  appliqué  dès  les  premiers  temps  du  moyen 
âge  par  les  armées  assiégeantes  et  assiégées  pour  l)attre  les  remparts  et 
défendre  des  points  faibles,  ou  plutôt  il  ne  cesse  d'être  employé;  car 
vaincre  un  ennemi,  c'est  l'instruire,  et  les  Romains,  en  soumettant  les 
barbares,  leur  enseignaient  l'art  de  la  guerre.  Charles  le  Chauve,  pour 
empêcher  les  Normands  de  remonter  la  Seine,  avait  fait  élever  à  Pistes, 
aux  deux  extrémités  d'un  pont,  qui  est  probablement  le  Pont-de-l'Arche, 
deux  forts,  véritables  bastilles.  Dans  l'enceinte  de  l'abbaye  de  Saint-Denis, 
le  même  j)rin('e,  en  8(l(>,  afin  de  niettic  le  monastère  ii  l'abri  d'un  coup  de 
main,  fil  élever  uik^  j)etite  bastide  qui  sufiit  pour  enq)êcher  les  Normands 
de  s'emparer  désormais  de  ce  poste.  A  la  même  éj)oque,  les  ponts  situés 
aux  embouchures  de  la  Marne  et  de  l'Oise,  à  Charenton  et  à  Auvers,  furent 
également  nmnis  de  bastides  '.  Toutefois,  si  les  textes  font  mention 
d'ouvrages  de  ce  genre  pendant  l'époque  carlovingieime,  si  quehpies 
vignettes  de  manuscrits  représentent  des  bastides,  nous  ne  connaissons 
aucun  monument  (jui  donne  une  idée  aussi  nette  de  la  construction  d'une 
bastide  offensive  que  le  texte  de  César  précité.  Nous  en  sommes  réduits  à 
constater  simplement  que  ces  ouvrages  sont  généralement  élevés  en  bois, 
qu'ils  affectent  de  préférence  la  forme  carrée,  qu'ils  sont  à  |)lusieurs  étages 
avec  plate-forme  pour  le  jeu  des  machines,  et  crénelages  jtour  garantir  les 

'  Voy.  llisl.  descxpécl.  riuviL.  des  Normands,  p;ir  M.  Depping.  Paris,  1844. 


—     171     —  I     BASTIDK    ] 

soldats.  Une  des  représt^nlatioiis  les  plus  claires  de  bastides  provisoires 
élevées  en  dehors  des  murailles  d'une  place  forte  se  ti'ouve  sculptée  sur 
le  cintre  de  la  porte  nord  de  la  calliédiale  de  Modène.  (Test  un  has-relief 
du  x^'  siècle  retraçant  riiistoire  d'Artus  de  Bretagne^  {"2)  '.  Les  deux  bastides 


figurées  dans  ce  bas-relief  sont  évidemment  en  bois  et  à  plusieurs  étages. 
Nous  ne  saurions  dire  si  elles  appartiennent  à  la  ville,  ou  si  elles  dépendent 
d'une  ligne  de  contre-vallation  ;  mais  ce  point  est  de  médiocre  importance  ; 
elles  servent  de  refuge  à  des  soldats  soit  pour  défendre,  soit  pour  attaquer 
la  ville.  Car  si  les  assiégeants  élevaient  des  bastides  sur  la  circonférence 
de  leurs  lignes,  souvent  aussi  les  assiégés,  lorsque  les  murailles  ne  pré- 
sentaient pas  une  défense  très-forte,  en  construisaient  en  dehors  des  murs, 
de  distance  en  distance,  pour  protéger  ces  murs,  éloigner  les  assaillants  ou 
les  prendre  en  flanc  et  en  revers,  s'ils  se  présentaient  pour  livrer  l'assaut. 
Dans  ce  cas,  ces  bastides  étaient  entourées  de  palissades  et  de  fossés  ;  elles 
se  reliaient  aux  barbacanes  des  portes,  ou  les  surmontaient.  Quelquefois 
même  les  portes  et  les  bastides  ne  faisaient  qu'un  seul  corps  d'ouvrages 
derrière  une  barbacane  ;  on  en  élevait  aussi  pour  commander  une  tête  de 
pont,  un  défdé,  un  passage,  comme  le  fit  Charles  le  Chauve  au  ixe  siècle. 
L'enceinte  de  Paris,  commencée  sous  le  roi  Jean  et  achevée  sous  Charles  V, 
était  défendue  par  des  bastides  reliées  entre  elles  par  une  courtine  et  de 
doubles  fossés  avec  une  braie  entre  eux  deux  ^.  Ces  bastides  avaient  la 


'  Ce  curieux  l)as-relief  nous  a  été  signalé  par  M.  Didron  ,  (jui  l'a  fait  dessiner  pen- 
dant son  séjour  à  Modène;  nous  le  croyons  inédit;  la  communication  obligeante  de 
M.  Uidrim  est  donc  d'un  grand  intérêt. 

*  Dans  les  extraits  des  comptes  imprimés  à  la  suite  du  Mémoire  de  IJouquet,  il  est 


I     BASTIKK     I  —     I  /"J    — 

forme  en  plan  d'un  parallélo^rainine  dont  le  fïrand  cAté  faisait  face  à 
rextériour.  Les  portes  principales  de  l*aris  sont  aussi  désii,Miées  quelque- 
fois par  le  mot  baatidc,  la  bastide  SaiiU-Denis  '.  la  bastide  Saint-Antoine. 
Nous  nous  oeeui)erons  j)lus  parliculièrement  de  celte  dernière,  qui  con- 
serva le  nom  de  bastide,  ou  bastille  par  excellence. 

Dès  le  temps  du  roi  Jean  ,  ou  même  avant  cette  époque,  il  existait  \\ 
l'entrée  de  la  rue  Saint-Antoine  une  porte  flanquée  de  deux  hautes  tours; 
Charles  V  résolut  de  faire  de  cette  porte  une  forte  bastide.  Vers  l.'itiU,  ce 
princ(>  donna  ordie  à  Uuj^ues  Aubriol ,  prévôt  de  Paris,  d'ajouter  à  ces 
deux  tours  un  ouvrage  considérable  ,  composé  de  six  autres  tours  reliées 
entre  elles  par  d'épaisses  courtines.  Dès  lors  il  paraîtrait  (jue  la  Bastille  ne 
fut  plus  une  porte,  mais  un  f'oi't  protéjjjeant  la  porte  Saint-Antoine  construite 
vers  le  faul)ourg  au  nord.  La  bastille  Saint-Antoine  conserva  toutefois  son 
ancienne  entiée  ;  dans  la  partie  neuve,  trois  autres  portes  furent  percées 
dans  les  deux  axes,  afin  de  pouvoir  entrer  dans  le  fort  ou  en  sortir  par 
quatre  ponts  jetés  sur  les  fossés.  C'était  là  un  véritable  fort  isolé,  fermé  <à 
la  gorge,  commandaiu  la  campagne  et  la  ville  au  loin,  indépendant  de 
l'enceinte  mais  l'appuyant.  Le  nom  de  baslille  par  excellence  donné  à  ce 
poste  indique  clairement  ce  que  l'on  enlendail  par  bastide  au  moyen  âge. 
Nous  donnons  (3)  le  plan  de  la  bastille  Saint-Antoine.  Les  deux  tours  Hl 


l'LC-nRD 


-t-^-f -»-+-, 


dépendaient  de  la  porte  primitive  A.  En  B  s'ouvrait  la  porte  du  côté  de 
l'Arsenal,  au  sud  ;  en  F,  la  porte  en  face  la  rue  Saint-Antoine,  et  en  C, 
la  porte  du  côté  du  nord  se  reliant  à  l'enceinte  de  l*aris  (les  boulevards 

qiieslion  des  «  Eschifflfs^  et  des  Haslidca  étant  sur  les  murs  de  l'aris,  sur  les  fossés 
«  pleins  d'eau,  par  devers  la  porte  Saint-Denys  en  France  (p.  176  )  »  Voy.  les  Disaerl. 
archi'ol.  sur  les  (iiicicnnes  mrcintcs  de  ParÏK,  \Mir  Honnarddt,  1852. 
'  Memnirr  <\f  ]\tn\qi\ei,  H  Jounidl  de  Paris  sons  ('hurlen  17,  1429. 


t;{ 


IIASTIDK 


actuels)  '.  La  firrande  tapisserie  de  i'IIùlel-de-Ville  représentant  Paris  a  vol 
doiseau  tel  (piii  existait  sous  (>liailes  IX  l'ait  voir  la  hastille  Saint-Antoine 
avec  ses  alentours.  iNuus  avons  essayé,  à  lairle  de  ce  plan,  de  doinier  une 


/=■.  e&n^^i'/i/û  / . 


vue  cavalière  de  cette  forteresse  (4),  prise  du  côté  sud.  En  A,  on  aperçoit 


1  La  tour  (\  élail  nommée  tour  du  Puits;  les  tf»urs  fi,  de  la  Chapelle;  I,  du  Trésoi'; 
K,  de  la  Comté;  (),  delà  Bazinière;  N,  de  la  Hertaudière  ;  M,  de  la  Liberté:  L,  du 
Coin;  Prêtaient  des  bâtiments  d'une  é|)oque  assez  récente,  mais  qui  peut-èlre  rem- 


[    BASTIDK    ]  —     174    — 

le  sommet  de  la  porte  Saint-Antoine  ;  en  B,  les  murailles  de  la  ville  ;  en 
C,  le  pont  de  la  Bastille  jeté  en  face  la  rue  Saint-Anloine.  el  en  l),  un  j,'rf>s 
ouvra^re  en  terre  intitulé,  sur  la  ta|)isst'rie  en  question,  le  hasiiUon,  ouvrai^^e 
qui  datait  probablement  de  la  tin  du  xv  siècle.  Ce  bastillon  est  un  cavalier 
assez  élevé  commandant  les  dehors  el  llanquant  les  vieilles  nmrailles  de 
Charles  V.  Dans  le  même  plan  déposé  à  l'Hùtel-de-Ville,  on  voit  un  {iras, 
bastillon  à  peu  près  semblable  à  celui-ci,  construit  à  côté  et  en  dehors  de 
la  porte  du  Tenq)le.  Mais  nous  reviendrons  tout  à  l'iieme  sui-  ces  sortes 
d'ouvrantes. 

Pendant  les  xiv«  et  xv"  siècles,  il  est  fort  souvent  question  de  bastilles  en 
terre,  en  pierres  sèches  ou  en  bois,  élevées  par  des  armées  pour  protéger 
leurs  camps  et  battre  des  murailles  investies  ,  pour  couper  les  comnumi- 
cations  ou  tenir  la  campagne.  Les  Anglo-Normands  paraissent  surtout 
avoir  adopté  ce  systèiue  pendant  leurs  guerres,  et  il  semblerait  même  que 
chez  eux  cette  habitude  était  venue  du  nord  plutôt  que  i)ar  la  tradition 
romaine.  Lors  de  leurs  grandes  invasions  sur  le  continent  occidental  au 
ixe  siècle,  les  Normands  choisissent  une  île  sur  un  fleuve,  un  promontoire, 
un  lieu  défendu  pai-  la  nature;  là  ils  établissent  des  campements  fortifiés 
par  de  véritables  blockaus,  y  laissent  des  garnisons  et  remontent  les  fleuves 
sur  leurs  bateaux,  vont  piller  le  pays,  attaquer  les  villes  ouvertes,  les 
monastères,  et  reviennent  déposer  leur  butin  dans  ces  camps,  où  parfois 
ils  hivernent.  Plus  tard,  lorsque  les  Normands  établis  dans  l(\s  provinces 
du  noid  de  la  France  vont  faire  la  conquête  de  l'Angleterre,  ils  couvrent 
le  pays  de  bastilles  ;  ils  ne  se  sont  pas  plus  tôt  emparé  d'une  ville  ou  dune 
bourgade,  qu'ils  y  élèvent  des  ouvrages  isolés,  des  postes  militaires  soli- 
dement construits,  au  moyen  desquels  ils  maintiennent  les  habitants.  C'est 
en  grande  partie  à  ces  précautions,  à  cette  défiance  salutaire  à  la  guerre, 
qu'il  faut  attribuer  le  succès  incroyable  des  armées  de  Guillaume  le 
Conquérant  au  milieu  d'un  pays  toujours  prêt  à  se  soulever,  la  réussite 
d'une  conquête  odieuse  aux  populations  galloises  et  saxonnes  de  la  Grande- 
Bretagne.  C'est  encore  à  ces  moyens  que  les  Anglo-Normands  ont  recours 
lorsqu'ils  font  invasion  sur  le  sol  fiançais  pendant  les  xiv<'  et  xv  siècles. 
Lorsque  Edouard  assiège  Calais ,  il  entoure  ses  lignes  de  bastilles  ;  il  en 
garnit  les  passages  (voy.  architecture  militaire).  Quand  enfin  la  ville 
d'Orléans  est  investie,  en  i-iâS,  «le  comte  de  Sallebery  y  mis  des  bastilles 
«  du  côté  de  la  Beausse  ^  »  Les  bourgeois  d'Orléans  et  la  Pucelle  à  leur 
tête  sont  obligés,  pour  faire  lever  le  siège,  d'attaquer  ces  bastilles  et  d'y 
mettre  le  feu.  L'organisation  des  armées  anglo-normandes,  leur  génie 
pendant  le  moyen  âge,  se  prêtaient  à  ces  travaux  ;  en  France,  au  contraire, 
la  gendarmerie  les  dédaignait,  et  l'infanterie,  indisciplinée,  recrutée  de 

plaçaient  un  ancien  logis.  D  était  la  grande  cour;  E,  la  cour  du  Puits  ;  R,  un  corps  de 
garde,  et  S,  des  magasins.  Les  portes  ACF  étaient  murées  depuis  longtemps  lorsque 
la  Bastille  tut  démolie. 

'  Alaiu  Chartier,  Hist.  de  Charles  Vil. 


—   ITT)  —  [  BAsriUK  I 

tous  côtés,  !i'eii  soupv<»"iait  pas  l'utilité  ;  elle  eût  été  d'ailleurs  incapable 
de  les  exécuter.  Les  bastilles  de  campaj^ne  ou  d'assiégeants  étaient  cou- 
ronnées par  une  plate-forme  atin  de  permettre  l'établissement  de  machines 
de  jet  et  de  pouvoir  ainsi,  ou  connnander  la  campagne,  ou  battre  les  tours 
des  assiégés.  Il  est  à  croire  qu'il  en  était  de  même  pour  les  bastilles 
permanentes,  et  que  la  grande  bastille  Saint-Antoine  eut,  de  tout  temps, 
ses  tours  terminées  par  des  plates-formes.  Sous  Charles  V,  on  faisait  usage 
déjà  de  l'artillerie  à  feu,  et  il  est  possible  que  ces  plates-formes  aient  reçu 
dès  l'origine  quelques  bombardes.  Assiégés  comme  assiégeants,  au  moment 
de  l'emploi  de  l'artillerie  à  feu,  plaçaient  de  préférence  leurs  pièces  desti- 
nées à  l'attaque  ou  à  la  défense  sur  des  points  élevés,  et  dans  la  position 
que  l'on  donnait  aux  machines  de  jet  ;  en  substituant  le  canon  aux  trébu- 
chets,  aux  machines  lançant  des  projectiles  en  bombe  au  moyen  de  contre- 
poids, on  ne  changeait  que  le  moteur,  et  l'on  conservait  la  position  de 
l'engin.  Les  premières  bombardes  ne  lançaient  pas  des  projectiles  de  plein 
fouet,  mais  suivant  une  parabole  comme  les  trébuchets;  il  y  avait  dès  lors 
avantage  à  dominer  les  points  que  l'on  voulait  battre,  et  ce  ne  fut  qu'au 
xv»  siècle  que  l'artillerie  à  feu  fut  placée  près  du  sol  et  que  Ton  reconnut 
l'avantage  du  tir  rasant  (voy.  architecture  mihtatre).  La  bastille,  en  tant 
qu'ouvrage  élevé  et  isolé,  devint  donc  la  défense  appi'opriée  à  l'artillerie 
à  feu.  Pendant  les  guerres  du  xv<"  siècle,  les  vieilles  enceintes  du  moyen 
âge  parurent  bientôt  insutîîsantes  pour  résister  au  canon;  des  bastilles  ou 
bastillons  furent  élevés  autour  de  ces  enceintes,  soit  en  dehors,  soit  en 
dedans,  mais  de  préférence  en  dehors,  pour  mettre  des  pièces  en  batterie. 
On  était  pressé  par  le  temps  ;  les  malheurs  publics  ne  permettaient  pas 
d'employer  des  sommes  considérables  à  la  construction  de  ces  sortes 
d'ouvrages,  et  ils  furent  presque  toujours  élevés  en  terre,  avec  revètisse- 
ment  de  bois  ou  de  pierre  sèche. 

Les  bastillons  de  Paris,  dont  nous  avons  vu  un  exemple  dans  la  fîg.  A, 
peuvent  donner  l'idée  des  essais  tentés  pour  flanquer  les  vieilles  murailles 
et  placer  de  l'artillerie  à  feu.  Plus  tard,  sous  Louis  XI,  Charles  VIII  et 
François  I**'",  beaucoup  de  ces  ouvrages  furent  solidement  étal)lis  en  maçon- 
nerie et  prii-ent  le  nom,  conservé  jusqu'à  nos  jours,  de  bastions.  Quant 
aux  bastilles  de  campagne,  nous  les  voyons  encore  employées  au  commen- 
cement du  xvi«^  siècle  :  ce  sont,  connue  nous  l'avons  dit  plus  haut,  de 
véritables  blockaus  propres  à  contenir  un  poste  et  de  l'artillerie.  Voici  (5) 
un  de  ces  ouvrages  en  bois  entouré  d'un  fossé  et  d'une  palissade,  repré- 
senté dans  le  Récit  des  actions  de  l'empereur  Maximilien  h'  '.  Toutefois, 
le  nom  de  bastille  cesse  d'être  appliqué,  à  partir  du  xm''  siècle,  aux 
ouvrages  isolés  ou  flanquants  ;  ils  prennent  dès  lors  le  nom  de  bastions, 
et,  dans  certains  cas,  de  boulevards  (voy.  ces  mots).  Seule  peut-être,  la 
bastille  Saint-Antoine  de  Pai'is  conserva  son  nom  jusqu'au  jour  de  sa 

'  Le  Roi  S(Kjc,  Ih'cit,  etc.,  par  M.  Treilzauvweiii ,  grav.  par  llauiisen  Burgniayr. 
Vienne,  publ.  en  1775,  p.  144. 


[    BASTION    1  —    170    — 

déiiiolilion.  Il  ncst  pas  besoin  dt'  i;i|»p»'Ii'r  i\uo  cctl»'  tbrieresse  sei'vil  dr 
prison  d'État  depuis  l'époque  de  sa  ('(iiislructioii  jiis(nrà  la  tin  du  deiiiier 


siècle;  ei.  ((iiniuaiidaiii  un  t'auhouii;  populeux,  reliée  à  l'Arsenal  par  des 
murs  el  des  fossés,  elle  était  ii^stée  le  sii;ne  visible  de  la  suzeraineté  royale 
au  centre  d<'  l*aris.  depuis  la  reconstruction  du  vieux  Louvre. 

BASTION,  s.  ni.  OuvraiiC  saillant  de  toi  litication,  adopte'  depuis  le 
\\r' siècle  pour  IbuKiuei'  les  enceintes  el  enipècber  les  appi'ocbes  par  des 
feux  croisés  (voy.  auciuthcti  uk  .mii.itaihk).  Les  bastions  leinplacèrenl  les 
tours  du  moyen  àiie.  Les  mois  baslide,  hasiillc.  iKtslUlon  ,  explicpienl 
l'orijiine  du  bastion.  La  |)luparl  des  anciennes  enceinles  (pie  l'on  voulut 
renforcer  à  la  lin  du  xv  siècle,  lorscpie  l'ailillerie  de  siège  eul  accpiis  une 
lirande  puissance  de  desirnction.  fiireiil  entourées  de  bastions  en  lerre 
gazonnee  ou  revêtue  de  mavomieiie,  loiscjue  le  temps  et  les  ressources  le 


—    177    —  1    BASTION    ] 

peniiettaioiit.  Dans  cp  deiniercas,  on  donna  aux  bastions  piiinilifs  plusieurs 
étajïos  (le  feux,  atin  <lo  connnandrr  la  campa^Mio  au  Idin  et  d»»  hattie  les 
assiégeants  lors(|u'ils  s'emparaient  des  fossés.  Kn  France.  <mi  Allemagne 
et  en  Italie,  on  voit  apparaitie  le  bastion  dès  la  lin  du  xv«  siècle;  les 
Italiens  prétendent  être  les  inventeurs  de  ce  genre  de  défense  ;  mais  nous 
ne  voyons  pas  que  les  faits  viennent  appuyer  cette  prétention.  En  France 
et  en  Allemagne,  les  bastions  ronds  s'élèvent  en  même  temps,  de  1490  à 
lo'iO.  Il  nous  send)lerait  plus  raisonnable  de  supposer  rpie,  pendant  les 
guerres  dllalie  de  la  tin  du  xv  siècle,  Français,  llaliens,  Suisses  et  Alle- 
mands, perfectionnèrent  à  l'envi  les  moyens  d'attaque  et  de  défense.  Le 
texte  de  Machiavel  que  nous  avons  cité  dans  l'article  Àrchitechire  militaire  ' 
est  loin  de  donner  à  lltalie  cette  prédominance  sur  les  autres  contrées 
occidentales  de  l'Europe  *.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  France  et  FAlIemagne, 
qui,  pendant  toute  la  durée  du  xvi>^  siècle,  eurent  de  longues  et  terril)les 
guerres  à  soutenir,  guerres  civiles,  guerres  étrangères,  ne  cessèrent  de 
fortifier  à  nouveau  leurs  anciennes  places,  de  munir  les  châteaux  de 
défenses  propres  à  résister  à  l'artillerie.  En  France,  les  armées  royales  et 
les  armées  de  la  réforme,  assiégeantes  et  assiégées  tour  à  tour  dans  les 
mêmes  villes,  à  quelques  mois  de  distance,  instruites  par  l'expérience, 
ajoutaient  tous  les  jours  de  nouveaux  ouvrages  de  défense  aux  forteresses 
ou  perfectionnaient  les  anciens;  et  il  faut  dire  que  si,  pendant  ces  temps 
malheureux,  un  certain  nombre  d'ingénieurs  italiens  montrèrent  un  véri- 
table talent,  ce  fut  souvent  au  service  des  rois  de  France.  Tous  les  hommes 
qui  s'occupaient  de  construction  dans  notre  pays,  pendant  ce  siècle, 
étaient  familiers  avec  l'art  de  la  fortification,  et  Bernard  Palissy  lui-même 
préfendit  avoir  trouvé  un  système  de  défense  des  places  à  l'abri  des 
attaques  les  plus  formidables  ^ 

Parmi  les  premiers  ouvrages  à  demeure  qui  peuvent  être  considérés 
comme  de  véritables  bastions,  nous  citerons  les  quelques  grosses  tours 
rondes  qui  flanquent  les  angles  saillants  de  la  ville  de  Langres  \  Le  plus 
important  de  ces  bastions  est  un  ouvrage  circulaire  qui  défend  une  porte; 
il  est  à  trois  étages  de  batteries,  dont  deux  sont  casematées.  La  tig.  1 
donne  le  plan  du  rez-de-chaussée  de  ce  bastion;  la  tig.  "2,  le  plan  du  premier 
étage,  et  la  tig.  3,  la  coupe.  Les  embrasures  des  deux  étages  casemates 
sont  ouvertes  de  manière  à  flanquer  les  courtines.  La  batterie  supérieure 


'  T.  I,  p.  129. 

-  On  est  trop  disposé  à  croire  généralement  que  nous  ayons  tout  emprunté  à  l'Italie 
au  commencement  flu  xvi=  siècle.  Peut-être  quelques  capitaines  italiens  ayant  étudié 
les  auteurs  romains  avaient-ils  à  cette  époque  certaines  idées  sur  l.i  tactique  militaire 
qui  n'avaient  pas  cours  en  l-rance;  mais  ce  n'est  pas  dans  Végèce  qu'ils  avaient  pu 
apprendre  l'art  de  fortitier  les  places  contre  l'artillerie  à  feu. 

^  OËuvres  comiileles  de  Bernard  Pidissij,  chap.  De  la  ville  de  Forteresse.  Kdilion 
Dnbochet,  1844,  p.  113. 

^  Voy.  le  plan  général  de  la  ville  de  L.mgres.  (Ari:iiiii ctliu,  mii.ii  aiuk,  1".  I,  p.  411.) 
T.   II.  23 


I    «Asrio.v    I  —    l"ÏS  — 

seule  (levait  «'tre  réservée  pour  baltie  la  campanile  au  l<»in.  I.cs  bastions 


(le  la  ville  de  l^angres  ne  sont  pas  élevés  en   lerrc  ;   ce  soul  encore  de 


10  iS 


20 


25' 


véritables  tours  en  maçoinierie  d'un  fort  diamètre ,  et  dont  les  murs  sont 
assez  épais  pour  résister  au  boulet.  La  vue  extérieure  (i)  du  bastion  dont 
nous  venons  de  donner  les  plans  et  la  coupe  a  conseivé  l'apparence  d  ime 
tour  du  moyen  â^^e,  si  ce  n'est  que  cet  ouvrage  est  peu  élevé  relativement 
il  son  diamètre,  et  «]ue  les  parements  sont  dressés  en  talus  pour  mieux 
résister  aux  boulets  île  fer.  Les  gargouilles  (pii  garnissent  le  pourtour  de 
l'ouvrage  demonli'ent  bien  claireuKMit  quil  n'éiail  jioint  autrefois  couverl 
])ai'  un  comble,  mais  par  une  plate-forme,  (le  bastion  fut  ilailleurs  remanie 
peu  de  temps  après  sa  ct)nslruction  |)remière,  et  exliausse;  à  l'intérieui', 
les  voûtes  in(li(pient  un  cliangement,  et  les  ih'ux  rangs  superposés  des 
gargouilles  (lig.  A)  ne  peuvent  faire  douter  (|ue  la  plate-forme  n'ait  été 
sui'élevée. 

Les  j)iemiers  bastions  circulaires  n'étaieiU  |)as  toujours  cependani 
dépoui'vus  de  cond)les  ,  sans  parler  tles  grosses  tours  l'ontles  de  la  ville  de 
Nuremberg  bâties  par  Albert  Durer  (voy.  Tom),  (pu  peuvent  passer  poui' 


—     •"••    —  [    BASTIOA 

(le  véritables  baslioiis  dans  l'acception  primitive  du  mol,  et  ont  toujour: 


été  couvertes;  voici  (5)  des  bastions  de  l'ancienne  enceinte  de  Soleure 


également  couronnés  par  des  combles  '.  On  leconnut  bientôt  que  ces 
bastions  circulaires  n'étaient  pas  assez  vastes ,  que  leurs  feux  divergents 
ne  pouvaient  contrarier  les  approches  des  assiégeants,  (|u'i!s  ne  flanquaient 
les  courtines  que  par  deux  ou  trois  bouches  à  feu,  qu'ils  n'opposaient  pas 
des  faces  étendues  aux  batteries  de  siège.  Ils  subirent,  dès  le  commence- 
ment du  xvF  siècle ,  diverses  transformations.  Quelques-uns,  pour  bien 
flanquer  les  deux  côtés  d'un  angle  saillant,  s'avancèrent  sur  les  dehors , 

'   Délia  Cof^mnfi.  univers,  di  Scb.  Munuter. 


I     BASTION    1  _    180    — 

ainsi  (|uc  riii(Jit|U('  ht  lig.  «)',  et  allonj^^èrciit  leurs  flancs;  d'autres,  au 


contraire,  étendireni  leurs  faces  pour  piolé^er  u1i  Iront.  Albert  Durer, 
dans  son  Art  de  forlifier  les  villes  et  citadelles  \,  adopte  un  système  de 
bastions  qui  mérite  d'être  étudié  avec  soin;  cet  artiste,  peintre  et  architecte, 
ne  fut  pas  seulement  un  ini;énieux  théoricien,  il  présida  à  la  construction 
d'une  partie  des  défenses  de  la  ville  de  Nuremberg;  et  ces  défenses  sont, 
l)our  l'éjxxpie  où  elles  furent  élevé(>s,  un  travail  très-remarquable.  On 
doit  même  supposer  que  son  système  eut  une  grande  vogue  dans  une 
partie  de  l'Allemagne  et  de  la  Suisse  au  commencement  du  xv!*"  siècle, 
car  on  trouve  encore  dans  ces  contrées  des  restes  nond)reux  de  défense 
qui  rappellent  les  principes  développés  par  AllxMt  Diirer  dans  son  œuvre, 
et  nous  citerons  entre  autres  la  forteresse  de  Schatt'hausen  (voy.  boii.evard). 
Pour  renfoicer  et  tlanquej-  un  front,  Albert  Diuer  construit  de  larges  et 
hauts  bastions  avec  batterie  casematée  au  niveau  du  fond  des  fossés,  et 
batterie  découverte  au  sonmiet.  Ces  bastions  présentent  un  énorme  cube 
de  maçonnerie  ;  il  les  isole  des  remparts  ou  les  y  réunit  à  la  gorge.  Le  plan 
de  son  bastion  est  un  arc  de  cercle  ayant  pour  base  un  parallélogrannne. 
Nous  figurons  (7)  ce  plan  au  niveau  du  fond  du  fossé  ;  du  terre-plein  A 
au  niveau  du  sol  de  la  ville,  il  comnumi(|ue  à  la  batterie  casematée  Fi  par 
un  ou  deux  escaliers  C.  Les  deux  escaliers  D  communiquent  du  teire-plein 
A  à  la  batterie  supérieure  et  aux  batteries  inférieures.  La  iig.  H  doime  le 
plan  du  bastion  sous  le  sol  de  la  batterie  supérieure,  et  la  fig.  y  le  plan  de 
cette  batterie.  La  construction  se  compose  de  murs  concentriques  éperon- 
nés  et  reliés  par  des  murs  rayonnants  ou  j^nrallèles  dans  la  paitie  rectangle 
du  bastion,  de  manière  à  former  un  grillage  terrassé  présentant  une  grande 

'  Angle  Est  de  ht  ville  de  liiiy,  sur  la  Meuse,  liilrod.  à  la  foiiif.,  par  de  Fer.  Paris, 
17^2. 

2  Mhrrli  Durer),  pict.  et  iirrhil.  prœfilantiKsimi,  de  urb.  (ircib.  ciixtellixqiw  condeii- 
dia,  elc,  niiHC  reeeiis  c  linijitii  germniiiat  iu  l<diiitii)i  Irudiiclœ.  l'aiisiis,  to3."j. 


—     181     —  [    BASTION     I 

lorce  de  résislance  aux  piojoctiles.  La  l)atterit'  caseiiiatée  peut  contenir 


<juatie  bouches  à  feu  pour  flanquer  les  deux  courtines,  et  huit  l)ouches  à 

8 


feu  pour  protéger  la  face  en  arc  de  cercle.  La  batterie  découverte  du 

5 


soiniuet  (jui  coiuiuaiule  les  glacis  et  la  campagne  coiilieul  deux  bouches  à 


BASTION 


—     IS^2    — 


Ipu  naiK|uaii(»'s.  cl  iiciit'  bouches  à  feu  sui-  la  face  cintrée.  Ce  bastion  peut 
avoir  environ  130  nièti'es  <U'  largeur  d'un  tlanc  à  l'autre,  et  60  mètres  de 
tlcche  à  la  hase.  La  coupe  transversale  de  cet  ouvrajie  faite  sur  l'un  des 
deux  escaliers  droits  (!  est  très-curieuse  (10).  Les  murs,  de  la  hase  au 


^,-u 


-^^ 


X 


.G 0-!"^ Qnviziin-  ■ 


sonuuel.  lendcnl  à  un  centre  commun  post' sur  le  pi(»loni;('m(Mit  de  l'axe  K. 
et  les  assises  de  maconneiie  sont  jjeipendiculaires  aux  rayons,  en  formant 
ainsi  un  an^le  plus  ou  moins  ouvert  avec  Ihori/.on^  selon  que  les  murs  sont 
plus  ou  moins  éloij^nés  du  centre  de  Inut  iouvi-age.  Alhert  Durer  re^^arde 
ce  moyen  de  construction  connue  présentant  une  grande  cohésion,  connue 
épaulant  puissamment  le  noyau  du  bastion;  et  il  ne  se  trompe  pas.  Il 
('tahli!  un  plancher  de  l)<»is  pour  le  service  de  la  hatt(M'ie  su|)érieui'e,  atin  de 
faciliter  le  mouvement  des  pièces  de  canon.  Les  détails  de  cet  ouvrai^e  sont 
assez  bien  étudiés  et  ex|)liquès;  la  batterie  casematée,  outre  ses  eud)rasures 
F,  est  percée  d'évents  (i  pour  la  fumée  et  de  cheminées  H,  afni  d'obtenir 
un  lirai^e.  Le  j)arapet  supéricui' esl  bâti  suivant  un  arc  de  cercle  en  coupe, 
poui' faire  ricocher  les- boulets  ennemis;  les  embrasuies  sont  numies  de 
mantelets  en  madriers  toui'nant  sur  un  axe  et  masipiant  les  pièces  jiendanl 
(pie  lescanonniers  sont  occupés  à  les  charger  (voy.  k.mbkaslki:).  Ce  bastion 
isolé  peut  tenir  encore  si  la  courtine  est  au  pouvoir  de  rennemi  ;  on 
retrouve  encore  là  un  reste  de  la  fortiticalioii  du  moyen  à^^e  ;  et  ce  bastion 
est  une  bastille  que  l'on  suj)pose  moins  prenable  que  les  courtines.  Le 
fossé  est  très-larj;e,  -2{)()  pas,  et  sa  cimetle  est  creusée  le  loniidu  bastion, 
ainsi  que  l'indicpie  le  prolil  -énéral  \,  lig.  10.  La  coulrescar|)e  du  fossé  esl 


—        lî^'J     —  I     ItVMION 

revt'Iuc.  I.ii  lii;.  I  I  (liniiic  rclcvjiiioii  rxIcrit'iiiT  de  l;i  iiioilif  de  ce  hasiioti. 


A  X.E 


II 


pÉg^rû  se 


-1 


On  remarquera  les  grands  arcs  de  décharge  qui  accusent  les  embrasures  et 
reportent  tout  le  poids  du  mur  extérieur  sur  les  tètes  des  nuu's  convergents. 
Cette  élévation  t'ait  également  voir  les  trous  des  évents  et  cheminées,  les 
mantelets  de  bois  des  embrasures  supérieures  et  les  courtines  de  la  ville, 
dont  les  chemins  de  ronde  sont  couverts  par  un  appentis  continu.  C'est  là 
une  fort  belle  construction,  et  ce  qu'on  peut  lui  repi'ocher,  c'est  l'énorme 
dé|)ense  qu'elle  exigerait.  Il  seml)le  qu'Alberl  lUu'er  ait  attaché  une  grande 
inqîortance  aux  fossés;  il  les  fait  très-lai'ges  et  profonds,  et  les  défend 
souvent  par  de  pelits  bastions  circulaires  isolés,  connne  nos  ra\elins 
modernes.  Il  laisse  ces  petits  ouvrages  au-dessous  du  niveau  de  la  créle  de 
la  contrescarpe,  et  ne  les  considère  que  comme  des  défenses  propres  à 
battre  un  ennemi  débouchant  par  un  boyau  de  tranchée  au  niveau  du  fond 
du  fossé,  et  se  disposant  à  le  passer  pour  attacher  le  mineur  au  pied  des 
nuu'ailles,  ou  pom-  les  escalader  au  moyen  d'échelles.  Dans  le  cha|)ilre 
de  son  œuvre  inlitulé  :  Ânliquœ  civilalis  muniendœ  ratio,  ou  il  e\pli((ue 
connnent  on  doit  renforcer  par  des  défenses  extérieures  une  ville  dont  on 
veut  conser\t'i-  l'ancienne  enceinte  munie  de  tours,  il  construit  de  ces 
petits  bastions  isolés  au  fond  des  fossés  (l'2)  '. 

'  Voici  le  passage  in(li(iiiaiit  riililitc  de  ces  ouvrages..  .  ■■  liiler  luee  deiude  propii- 
'"  gnacula  ad  f'ossa;  alla  passiiii  eonslnientiir  loUiiida,  qiiec  et  ipsa  liimiilia  et  siirsum 
•<  versus  non  niliil  l'astigiala,  Ittti  rationeni  ;i  siiperioribus  non  ahsimilem  sorliantur. 
•  In  liU'c  iiiminiMi  propiignaenla  seii  tossa'  slaliunes  secretiora  itinera  quasi  dill'ui,'i;i 
"  agentnr  ,  quie  adilus  reditusqui-  elaucularit)s  pr:eslent.  Est  eiiiin  hoc  geuus  niuiii- 
"   tionnni  luin  modo  utile,  sed  necessariuni  quoqne,  cum  liostis  in  lossani  provolulus. 


I   hatons-ho.mim's  1  —   1^'*  — 

Le  nom  do  bastion,  ou  plutôt  do  bastillnn.  no  fut  j^uric  applique  aux 
défenses  avancées  importantes  pendant  le  \vi''  siècle.  On  désigna  plulùl 


ces  ouvra^'ps  parles  noms  de  boulevard,  de  ;j/a/<'-/'o///((',(piils  ne  |)enlireiil 
que  vers  les  juemières  années  du  xvii''  siècle,  pour  reprendre  détinitiveuieni 
la  dénomination  de  bastion,  conservée  jusqu'à  nos  jours  (voy.  bollkvari)). 

BATONS-ROIVIPUS,  zigzogs.  C'est  un  boudin  ou  une  baguette  brisée 
que  Ion  rencontre  fréquemment  dans  les  arcs,  archivoltes,  cintres.  i)an- 
(leaux  et  pilastres  même  de  larchiteclure  du  xii''  siècle.  Les  tailleurs  de 
pierre  à  cette  époque  étaient  arrivés  à  une  exécution  parfaite,  et  ils  se 
plaisaient  à  varier  les  membres  nond)reux  des  archivoltes.'les  réunions  de 
moulures,  au  moyen  de  combinaisons  de  tracés  tpii  produisaient  un  grand 
effet  par  le  jeu  des  lumières  et  des  ombres.  Les  bâtons-rtnupus  les  j)lus 
ordinaires  sont  ceux  qu«^  nous  donnons  dans  la  tig.  I ,  reproduisanl  l'arclii- 
voltedune  des  fenêtres  de  la  calliedrale  de  Tj^dle.  Cette  orneiiienlation  se 
cond)ine  avec  l'appareil  des  claveaux;  ceux-ci  étant  taillés  el  ravalés  avant 
la  pose,  rien  n'était  plus  simple  que  le  tracé  du  boudin  ronqiu  sur  chacun 
d'eux,  comme  le  démontre  le  voussoir  A  ;  rassend)la}j;e  de  ces  voussoirs 
produisait  beaucoup  d'etiet  à  peu  de  frais.  Mais  c'est  en  Normandie  surtout 
que  ce  moven  de  decoi-er  les  archivoltes  est  fort  enq)lo\e  du  xi«-'  au 
xni«^  siècle.  La  pieric  de  taille  tMuployee  dans  cette  contrée  se  prétait  aces 
recherches  de  moulures.  Non-seulement  en  Normandie  on  trouve  un  grand 
nombre  d'arcs  moulurés,  tracés  suivant  la  tig.  1;  mais  les  bâtons-rompus 
se  doublent,  se  contrarient  ("2)  ',  se  pénètrent  même  parfois.  Les  monu- 
ments normands  de  l'Angleterre  nous  donnent  les  plus  nond)reux  et 
riches  exemples  de  ce  gemc  de  décoration  '. 

Les  architectes  de  Ille-de-Fiance  n'usèrent  qu'avec  discrétion  de  la 
moulure  en  bâlons-ronqjus.  Ils  évitaient  les  bizarreries,  les  recherches,  et 
semblaient  prendre  à  tâche  dans  leurs  éditices  de  laisser  aux  grandes  lignes 
de  l'architecture  leur  fonction,  de  repousser  les  formes  qui  pouvaient 

«  calervalini  mûris  scalas  ailnuiliuir »  (Voy.,  au  uiul  iidUi.tvAiti),  des  [)olils  l)a»li(iiis 

analogues  à  ceux  dont  parle  Albert  Durer ,  allaciiés  aux  lianes  de  la  forteresse  de 
Scliairiiausen.j 

'   Porte  du  doeiier  de  Saint-I.oup,  à  Baveux. 

-  Voy.  .1  (ilosK.  of  Ti'rms  iisi'd  ui  (irçcc,  liovi.,  liai,  miil  (luHiir.  Airhil.  Oxiord, 
.1.  II.  l'arker,  I8."J0. 


IXr)    [    IIAT(»>S-R()MIM  s    1 

détruire  leur  simplicité.  S'ils  adoptèrent  le  Ixmdiii  ou  la  l)aj,^uette  brisée 


dans  certains  cas,  ce  n'était  qu'en  les  subordonnant  à  des  membres  de 

2       MA 


moulures  conservant  la  pureté  des  courbes  prin('ij)ales,  eu  leur  taisant 
jouer  un  rôle  très-secondaire.  Nous  citerons  cependant  le  j>rand  arc  dou- 
bleau  de  l'entrée  du  chœur  de  l'éf^lise  de  Saint-Martin-des-Champs  à  Paris, 
qui  est  tlanqué  de  deux  j^ros  boudins  présentant  des  zij^zajis  très-accentués 
T.    II.  ->'« 


tii 


BKFI'HOI 


—     180    — 


et  d'une  dimension  \wn  ordinaire;  mais  il  faut  dire  que  cet  are  douhleaii 
n'est  pas  à  l'échelle  de  l'arcliilecture  du  chœur^  et  que  le  maître  de  l'ieuvre 
a  voulu  dissinuderla  lourdeur  de  cet  arc  par  une  dentelure  (|ui  lui  donne 
de  la  légèreté;  c'est  là  une  exception  '.  L'abus  de  la  moulure  en  bâtons- 
rompus,  dans  les  édifices  de  la  dernière  [)ériode  romane  en  Normandie  et 
en  Angleterre,  fatigue  et  donne  un  aspect  monotone  à  rarcliileclure  de 
cette  époque.  Cette  moulure  en  zigzags  porte  mal  sur  les  tailloirs  des 
chapiteaux  lors(ju'elle  prend  une  certaine  inq)orlance  ;  elle  ne  |)ro(luil  un 
bon  etiet  que  lorsqu'elle  est  conq^rise  entre  des  nerfs  accusant  la  courbe 
de  l'arc,  comme  dans  le  cha.'ur  de  la  cathédrale  de  Canterbury  ('.{)  *, 


lorsque  ses  dentelures  ne  sont  pas  assez  saillantes  pour  rompre  cette 
courbe.  On  voit  encore  des  bâtons-rompus  dans  l'architecture  de  la  pre- 
mière période  ogivale,  comme  à  la  cathédrale  de  Noyon,  dans  le  chœur 
de  l'église  Saint-Germer.  Ils  disparaissent  complètement  lorsque  le 
système  de  l'architecture  adopté  à  la  fin  du  xn«^  siècle  se  développe,  c'est- 
à-dire  vers  1^00. 


BEFFROI,  s.  m.  liaffraiz.  On  désigne  par  ce  mot  un  ouvrage  de  char- 
pente destiné  à  contenir  et  à  permettre  de  faire  mouvoir  des  cloches  ; 
prenant  le  contenant  pour  le  contenu,  on  a  donné  le  nom  de  beffroi  aux 
tours  renfermant  les  cloches  de  la  commune.  Les  tours  roulantes  en  bois 
destinées  à  l'attaque  des  places  fortes  pendant  le  moyen  âge,  et  jusqu'à 
l'emploi  de  l'artillerie  à  feu,  sont  aussi  nonnnées  beffrois  ou  brelèches 
(voy.  ce  mot). 

BEFFROIS  DE  CHARPENTE.  Lcs  clochcrs  dcs  égliscs  sout  toujours  disposés 
pour  contenir  des  beffrois  en  charpente,  au  milieu  desquels  manoeuvrent 
les  cloches.  Ces  beffrois  sont  posés  sur  une  retraite'  ou  sur  des  corbeaux 
ménagés  dans  la  construc-lion  des  tours,  et  s'élèvent  en  se  rétrécissant 

»  Cet  arc  (loiil)li>:ui  a  été  déposé  et  reposé  avec  surélévation  au  xiii'  siècle,  lorsque 
la  nef  de  celle  éj^lise  l'ut  reconstruite,  ainsi  que  les  voûtes  hautes  du  chœur. 

*  En  parlant  de  l'architecture  française,  on  ne  s'étonnera  pas  si  nous  citons  souvent 
la  cathédrale  de  Canterbury.  Le  chœur  de  cette  catliédrale  a  été  élevé  par  des  archi- 
tectes sortis  de  France.  (Voy.  The  Architcct.  Hislor.  of  Cantcrburu  cailicdral,  par  le 
Rév.  K.  Willis.  London,  1845.) 


:  Ciyy^.^<:f. 


vers  leur  soiuniet.  atiii  de  ne  pas  toucher  h's  parois  intérieures  de   li 


[    BEFFROI    I  INS    

niacomiei'ie  lorsque  lo  mouvement  imprimé  aux  cloches  les  fait  osciller,  et 
aussi  pour  présenter  une  plus  frraïuie  lésistance  à  l'action  de  va-et-vicnl  de 
ces  cloches  mises  en  branle.  Dès  que  l'usa^'e  des  cloches  d'un  poids  consi- 
dérable fut  adopté,  on  dut  les  suspendre  dans  des  beffrois  de  chaipente 
indépendants  de  la  construction  en  maçonnerie.  En  France,  en  Belfiicjue, 
en  Allemaj,nie,  on  construisait  déjà,  au  x*  siècle,  des  clochers  d'un  diamètre 
tel,  qu'il  fait  supposer  l'emploi  de  fortes  et  nombreuses  cloches,  la  con- 
struction de  beffrois  intérieurs  de  charpente  très-importants.  Il  ne  nous 
reste  pas  une  seule  de  ces  charpentes  antéiieures  au  wv  siècle.  Nous  ne 
pourrions  donc  donner  un  exemple  appuyé  sur  un  monument  existant. 

Avant  IS;J6,  le  clocher  vieux  de  la  cathédrale  de  Chai-tres  contenait  un 
beffroi  considérable  du  xive  siècle  :  malheureusement,  cette  curieuse  char- 
pente fut  brûlée  à  cette  époque,  et  nous  n'en  possédons  qu'un  dessin 
donnant  l'enrayure  basse  (I)  avec  le  premier  étap;e.  Deux  j,m'os  poinçons 
divisaient  ce  betfroi  tMi  deux  travées  dans  toute  la  hauteur,  et  les  cloches 
étaient  suspendues  dans  chacune  de  ces  deux  travées  ;  les  tourillons  de 
leurs  moutons  posaient  sur  les  deux  j)ans-de-bois  latéraux  et  sur  les 

2  chapeaux  assemblés  dans  ces  poin- 
çons portés  par  les  liens  courbes  in- 
férieurs et  soulajiés  par  des  arbalé- 
triers à  chaque  étage,  ainsi  que  l'in- 
dique la  fig.  2.  Un  escalier  posé  dans 
un  des  angles  desservait  tous  les 
étages  du  beffroi  et  était  destiné  aux 
sonneurs. 

Avant  le  xv siècle,  les charpentieis 
paraissent  s'être  préoccupés,  dans  la 
construction  des  beffrois,  de  main- 
tenir le  pan-de-bois  central  (car  les 
anciennes  charpentes  de  beffrois  sont 

r^        "^m^^^^^Hk         niVI      toujours  divisées  en  deux  travées)  par 
#11  liim        MÏ     des  arbalétriers  ou  pièces  inclinées 

reportant  la  charge  centrale  sur  les 
pans-de-bois  latéraux.  Mais  on  dut 
reconnaître  que  des  fermes  taillées 
conformément  à  la  tig.  "2,  posées  les 
unes  sur  les  autres,  étaient  insutii- 
santes  pour  résister  à  la  charge  et 
surtout  aux  oscillations  causées  par 
le  mouvement  des  cloches;  que  les 
assemblages  devaient  se  fatiguer , 
étant  successivement  refoulés  ou  ar- 
rachés par  le  balancement  des  cloches 
dont  tout  le  poids  se  porte  brusquement  dun  côté  à  l'autre. 

A  la  tin  du  xv«^siècle,  les  pans-de-bois  des  beffrois  furent  composés  d'une 


IX'.)    —  [    BKFFKOI     I 

succession  de  croix  de  Saint-André,  dont  rassénil)laj,^e  à  nii-bois  les  rendait 
beaucoup  i)lus  rigides,  et  arrtMait  les  etVels  de  roseillation  sur  les  tenons 
et  mortaises.  Kn  etï'et,  lorsque  les  étages  des  pans-de-l)ois  des  betl'rois  se 
composaient  seulement  du  poin(.-on  central  E,  des  deux  poteaux  corniersF 

et  des  deux  arbalétriers  AB,  la  clo- 
che étant  en  branle  et  dans  la  posi- 
tion indiquée  j)ar  la  fig.  3,  l'assem- 
h\',iii('  \)  était  refoulé  et  l'assendilaye 
C  arraché;  il  en  résultait  que  le 
chapeau  K  taisait  bientôt  un  mouve- 
ment de  va-et-vient  fort  danj^ereux 
de  L  en  M.  L'adjonction  des  deux 
pièces  G  H  arrêta  ce  mouvement  en 
reportant  toujours  le  poids  de  la 
cloche,  quelle  que  fût  sa  position, 
sur  la  verticale  E.  Parlant  de  ce 
principe,  les  charpentiers  compo- 
sèrent les  pans-de-bois  des  beffrois  de  grillages  en  lozange  dune  grande 
résistance  (4),  moisés  en  X  par  des  moises  doubles   avec   clefs  pour 


éviter  la  poussée  des  pièces  PP  sur  les  poteaux  corniers.  L'oscillation  des 
beffrois  fut  très-réduite  par  cette  combinaison.  Mais  le  mouvement  des 
grosses  cloches  est  tellement  puissant  que  ces  pans-de-bois  rendus  rigides, 
entraînés  tout  d'une  pièce,  tantôt  d'un  côté,  tantôt  de  l'autre,  avaient  pour 
effet,  à  la  longue,  de  faire  |nvoter  rensend)le  de  la  charpente  de  façon  à 
placer  Temaym-e  basse  et  1  enrayure  haute  dans  deux  [>lans  non  parallèles. 


BKFFHOI 


—     \9() 


ainsi  que  l'indique  la  tig.  5.  Les  quatre  pans-de-bois  iah^raux  et  le  pan-de- 
hois  central  gauchissaient,  et  la  dernière  enrayure  du  sommet  ariivaif  à 
battre  les  parois  de  ma(,'onnerie  des  toui's  en  A  ;  les  cloches  maïKcuvraient 
mal  entre  ces  surfaces  gauches,  et  leurs  battants,  pnMiant  un  léger  mou- 
vement de  rotation,  IVapj)aient  les  bords  du  bronze  à  faux  et  brisaient  les 
cloches.  Pour  parer  à  cet  inconvénient,  on  établit  des  goussets  R  aux  angles 
de  chaque  enrayure  à  tous  les  étages  (6)  ;  dès  lors  les  pans-de-bois  furent 


S 


X 

K 

X 

^ 

X                       X 

X 

G 


maintenus  dans  leurs  plans.  Ces  perfectionnements,  apportés  successive- 
ment par  les  charpentiers  habiles  du  xv"  siècle,  furent  oubliés  un  siècle 
plus  tard,  et  les  beffrois,  en  grand  nombre,  (|ui  datent  du  xyii*^  siècle, 
sont,  malgré  l'équarrissage  démesuré  du  bois,  de  pauvres  charpentes  fort 
mal  combinées,  mal  exécutées,  et  qui  s'atfaiss(Mit  sous  leur  propr(^  poids. 

Les  incendies,  le  défaut  d'entretien,  de  maladroites  réparations  ont 
détruit  ou  altéré  les  bettVois  que  lesxin*',  xiv^  et  xv  siècles  avaiiMit  élevés; 
ce  que  nous  donnons  ici  ne  peut  être  que  le  résultat  de  quelques  observa- 
tions faites  sur  des  débris  informes  aujourd'hui.  Toutefois  ces  observations 
nous  ont  j)ermis  de  reconstituer  un  énoinie  beffroi  d'après  ces  données, 
celui  de  la  tour  sud  de  la  cathédrale  de  Paris:  et,  à  défaut  d'une  ancienne 
charj)ente  comi)lèt(',  nous  croyons  pouvoir  rej)résenter  cell(>-ci ,  dans 
laquelle  nous  avons  cherché  à  profiter  de  rexj)érience  des  charj)enliers 
du  moyen  âge,  et  (jui  résume  les  princij)ales  règles  posées  ci-dessus  '. 

La  fig.  7  présente  le  |)ian  de  l'enrayure  basse  de  ce  betIVoi,  (\iù  repose  sur 
une  saillie  de  la  ma(,'onnerie  ménagée  à  cet  etïet.  Au  lieu  d'un  seul  j)an-de- 


'  l.e  Diclioiuinirr  tondant  avant  tout  vers  un  liut  praliciiio,  on  ne  nous  saura  pas 
mauvais  gré,  nous  l'ospérons,  de  doiniei'  un  «'xcniple  tl'iinc  conslnictidn  neuve,  élevée 
d'après  les  règles  et  des  principes  que  les  anciens  exemples  ne  sauraient  nous  fournir 
d'une  manière  complète.  I^e  helTroi  neul'  de  Notre-Dame  de  l*aris  fonctionne  liien 
di>l»uis  sept  ans,  et  sans  (in'il  soit  )iossil»le  de  remarquer  la  plus  légère  altération  dans 
loni  le  svstème. 


—  1»M   — 


[    BEFFHOI 


E 


E 


H 


M 


1^ 


0 


ja. 


K' 


a 


12- 


S  us 


bois  intPiMuédiairo,  ici  il  y  en  a  deux,  se  coupant  à  an^Me  droit,  à  cause  de 

l'ciionii(>   hauteur  (le  cette 
'  ^  cliarijentc  cl    pour   donner 

plus  de  tixité  au  poinçon 
central.  L'un  de  ces  deux 
pans-de-bois  ne  s'élève  que 
.jus({u  au  second  étajre;  les 
deux  derniers  éta^^s  restants 
ne  conservent  plus  qu'un 
seul  pan-de-bois  de  refend 
pour  permettre  le  jeu  des 
grosses  cloches.  La  tig.  8 
donne  le  plan  de  l'enrayure 
supérieure  de  ce  betiVoi,  au 
sonuiiet  duquel  est  posé  un 
chemin  de  service  et  une  ga- 

A  0  ... 

"^  lerie  vitrée    recouverte    de 

plomb.  La  fig.  0  donne  l'un  des  quatre  pans-de-bois  latéraux;  la  fig.  10, 
le  pan-de-bois  de  refend  s'élevant  jusqu'au  faite  de  la  charpente.  Le 

g  second  pan-de-bois  de  refend,   à 

Ë  angle  droit,  est  en  tout  semblable  à 

celui-ci,  si  ce  n'est  qu'il  n'existe  que 
jusqu'au  point  A.  L'ensemble  de 
l'ouvrage    est    garni    tout    autour 


<-N 


-7,  20- 


d'abat-sons  recouverts  de  plomb,  et 
ces  abat-sons,  tenant  seulement  à  la 
charpente,  suivent  ses  mouvements 
sans  que  les  oscillations  puissent 
agir  sur  les  piliers  en  pierre  de  la 
tour.  C'est  donc  là,  conformément 
à  la  méthode  ancienne,  un  ouvrage 
g  complètement  indépendant  de   la 

ma(,'ûnnerie,  garni  de  ses  accessoi- 
res, et  garanti  des  intempéries  par  les  ouïes  qui  sont  destinées  à  rabattre 
le  son  des  cloches.  La  pluie  qui  s'introduit  par  les  longues  baies  de  la 
tour,  fouettée  par  le  vent,  rencontre  une  construction  isolée  bien  couverte, 
s'égoutte  d'un  abat-son  sur  l'autre  jusqu'au  point  B,  où  un  trottoir  libre, 
isolé  de  la  maçonnerie  et  recouvert  également  de  plomb,  la  renvoie  sur 
les  galeries  en  pierre  extérieures.  Lorsque  le  bourdon  suspendu  en  C  est 
en  branle,  à  grande  volée,  l'oscillation  de  ce  betiroi  à  son  sommet  est  de 
cinq  centimètres  environ,  à  peine  sensible  au  niveau  B  des  galeries,  et 
inappréciable  au-dessus  de  l'enrayure  basse  '. 

»  Celte  charpente  ,  qui  a  remplacé  un  beflroi  du  xvii'  siècle,  a  été  exécutée  en  beau 
bols  de  chêne  par  M.  Bellu,  entrepreneur. 


KEKFHOI 


—     I«.>^2 


Dans  le  nord,  il  était  d'usaj^e  souvent  d'établir  des  beffrois  dans  les  char- 
pentes mêmes  des  flèches  en  bois  recouvrant  des  tours  d'une  dimension 


ii 


médiocre;  ce  système  t'ati^^uait  beaucoup  les  iiiuis  en  macoimeiie,  et  on 
dut  renoncera  l'employer  lorsque  les  cloches  èlaieni  dun  poids  cunsidé- 


—    l«K{   — 


[    IIKFFKOI    ] 


ial)lo.  Les tlèohes(lescallu'(lr;iles(l»'Koiins, (le Paris. (l('noauvais.(l('l^»uf'n, 

de  la  Saint<'-(^haj)eile 
H  il     1      -^^  du  imitais,  otc,  coiite- 

uait'iil  un  iiraiid  noiu- 
bic  (le  cloclios,  mais 
d'une  petite  dimen- 
sion. La  cathédrale 
(rAmiens,  qui  a  con- 
servé sa  flèclie  du  com- 
mencement du  xv  siè- 
cle, contient  un  petit 
betfroi  indépendant  de 
la  charpente  dans  sa 
basse  lanterne.  Dans 
ce    cas  ,    les   hettrois 

-A  n'étaient  pas  munis 
d'abat-sons  ;  leurs  bois 
étaient  simplement 
garnis  de  plomb,  et 
posaient  sur  un  ter- 
rasson     recevant     les 

-^  eaux  de  pluie  chassées 
par  le  vent  au  milieu 
de  ces  charpentes  à 
l'air  libre. 

BEFFROI    DE  COMMUNE. 

Lorsqu'au  xi*-  siècle 
s'établirent  les  pre- 
mières communes, 
elles  s'assemblaient  au 
son  des  cloches  ,  et 
presque  toujours  alors 
c'était  des  tours  des 
églises  que  partait  le 
signal  des  réunions. 
Le  clergé  régulier  et 
séculier  était  généra- 
lement opposé  à  ces 
conquêtes  de  la  bour- 
geoisie, à  ces  conju- 
rationa  qui  tendaient  à  secouer  le  joug  leodaP.  Les  curés,  les  abbés 
interdisaient  les  clochers  des  églises  aux  nouveaux  citonens,  el  ne  permet- 
taient pas  de  sonner  les  cloches  pour  un  autre  motif  que  celui  des  otiices. 


'    Voy.  ARCHITECTURE  CIVILE. 
T.    II. 


25 


I   nKFFUoi   I  —   194  — 

Souvent  celte  opposition  était  la  cause  de  scènes  de  violence  (pie  dciilo- 
raient  les  chefs  des  villes  alIVancliies.  Plutôt  cpie  de  provoquer  des  luttes 
continuelles,  les  l)ourj;eois  installcrrnt  des  cloches  an-dessus  des  porlps 
des  villes,  sur  des  tours  destinées  à  tout  autre  usaiie  qu'à  celni  de  clocher, 
et  ce  ne  tut  qu'à  la  tin  du  xn*"  siècle  et  au  comniencenienl  du  xin^  que 
certaines  communes  purent  songer  à  élever  les  tours  uniquement  réservées 
aux  cloches  de  la  ville.  Ces  tours  prirent  le  nom  de  beffrois.  Elles  furent 
d'ahord  isolées  ;  elles  étaient  comme  le  sij,Mie  visihie  de  la  franchise  de  la 
coumume.  Pins  tard,  elles  furent  réunies  à  la  maison  fk  ville  :  c'était  le 
donjon  nuniicipal.  Il  ne  nous  reste  plus  en  Fi'ance  cpiun  bien  jietit  iiond)re 
de  ces  monuments,  témoins  des  premiers  et  des  jilus  léiiitimes  efforts  des 
poi)ulalions  mhaines  iKiur  conquérir  la  lihei-lt'  civile,  et  encore  ces  rares 
exemples  que  nous  possédons  ne  remontent  |)as  au  delà  du  xiv  siècle. 

Les  premiers  heH'rois  isolés  se  composaient  d'une  grosse  tour  carrée,  le 
plus  souvent  surmontée  d'un  couible  ou  charpente  recouvert  d'ardoises  ou 
de  plond»,  dans  le([uel  étaient  suspendues  plusieurs  cloches.  Tne  galerie 
ou  étage  i)ercé  de  fenêtres  sur  les  quatre  faces  servait  de  poste  pour  les 
guetteurs  qui.  le  jour  et  la  luiit,  avertissaient  les  citadins  de  ra|>pro(;he  des 
ennemis,  découvraient  les  incendies,  réveillaient  les  habitants  au  son  des 
cloches  ou  des  trompes.  C'était  du  haut  du  beffroi  que  sonnaient  l(»s  heures 
du  travail  ou  du  re|)f»s  pour  les  ouvriers,  le  le\er  du  soleil,  \o  couvre-feu. 
que  l'on  annonçait  au  bruit  des  fanfares  les  principales  fêles  de  l'année. 
La  tour  contenait  ordinairement  des  prisons,  une  salle  de  réunion  pour  les 
échevins,  et  quelques  dépendances  telles  que  déjjot  d"archiv(>s,  magasin 
des  armes  que  l'on  distribuait  aux  bourgeois  dans  les  temps  de  trouble, 
ou  lorsqu'il  fallait  défendre  la  cité. 

IVndant  le  xiv  siècle,  lorsque  les  grandes  horloges  furent  devenues 
comnumes,  les  bellrois  reçurent  des  cadrans  marquant  les  heures.  Le 
betfroi  est  longtemps  la  seule  maison  de  ville,  U'inomimenl  numicipal  par 
excellence.  Lorsque  le  pouvoir  féodal  est  le  plus  fort,  son  premier  acte 
d'autorité  est  ladémolili(»ii  du  beffroi.  Kn  \:)±2,  l'évêque  et  le  chapitre  de 
Laon  obtieiment  de  Charles  IV  une  ordonnance  dans  laquelle  il  est  dit  : 
«  Ona  l'avenir,  en  la  ville,  cité  cl  faubourg  de  Laon,  il  ne  jxturra  y  avoir 
((  connnune,  corps,  université,  échevinage,  maire,  jurés,  cotfreconnnun, 
«  beffroi,  cloche,  sceau  ni  autre  chose  appartenant  à  l'état  de  la  coni- 
K  mune  '.  »  Et  plus  tard,  en  1331,  Philippe  VI  rend  une  seconde  ordon- 
nance conlirmative  de  la  première,  se  terminant  parcelle  danse  :  a  II  n'y 
«  aura  plus  à  Laon  de  tour  du  betlVoi;  et  les  deux  cloclu^s  qui  y  étai(Mn 
((  en  seront  ôtées  et  conlis(pu''es  au  roi.  Les  deux  autres  cloches  qui  sont 
{(  en  la  tour  de  la  ]*orte-lMartel  y  resteront,  dont  la  gi'ande  sei'viraà  sonnei' 
<(  le  couvre-feu  au  soir,  le  point  du  jour  au  matin,  et  le  tocsiu  :  et  la 
<(  petite  pour  faire  assend)ler  le  guet  *.  » 

>  A.  Thierry.  LcUres  sur  l' histoire  de  Fraiici-,  IcU.  xviii. 

•i  Jifiii^ — l^es  cloclics  claienl  placées  «  iiiter  iiisii,Mii;t  de  nalma  ((insuialiis  exisleiilia.i 


—  l'c)  — 


IIKKi'IUII     I 


Noyon.  Laon,  Keims,  Amiens  possedaitiil  des  liellVois.  Cette  deniièn 


// 


iiiâ  \  "^ 


ville  a  ecmseivé  le  sien  jusiiu  a 
nos  jours;    mais   reconsiriiil 
à  plusieurs  reprises  et  déna- 
turé pendant  le  dernier  siècle, 
la  base  seule  de  la  toui-  car- 
rée présente  encoïc  rflicUpu-s 
traces  de   constructions  éle- 
vées pendant  les  xui*^  et  xv 
siècles  ' .   Les  autres  jjirandes 
cilés    que    nous    venons    ih' 
nonnner   ont   laissé  détruire 
complètement    les    leurs.   Ce 
n'est  plus,    en  France,   que 
dans  quelques  villes  de  second 
ordre  qu'on  trouve  encore  des 
bett'rois. 

Nous  donnons  ici  (11)  celui 
de  la  ville  de  Béthune  (Pas- 
de-Calais),  qui  est  assez  bien 
conservé  et  peut  donner  une 
idée  de  ces  constructions  mu- 
nicipales au  xiv*^  siècle.  L'étage 
inférieur,  masqué  derrière  des 
maisons  particulières,  conte- 
nait les  services  mentionnés  ci- 
dessus.  Une  grande  salle  per- 
cée de  liuil  haies  renfermait 
les  grosses  cloches  ;  au-dessus 
était  une  salle  percée  de  meur- 
trières et  de  petites  ouver- 
tures. Un  escalier  à  vis  posé 
sur  l'un  des  angles  monte  à 
la  galerie  su{)érieure,  llanquée 
aux  angles  d'écbauguettes 
crénelées.  In  comble  recou- 
vert d'ardoise  et  de  plond» 
contient    un   carillon  cl   une 


'Les  Olim  ,  oriloniuiiue  M,  G8  ,  ail.  ix.^  Helirer  à  une  ville  ses  clociies,  c'était  lelirei- 
an  coii)S  nmiiicipal  de  colle  ville,  iKPii-s.Miiement  le  moyen  ,  mais  le  flroil  de  s'assem- 
liler.  Pondant  toute  la  durée  de  linlonlictiuii ,  les  allaires  reslaienl  suspendues  ,  ou 
.-laienl  dévolues  à  la  décision  des  officiers  royaux.  Ln  tel  élal  de  choses  ne  durait  pas 
longtemps,  et  la  ville  pouvait  (Toidinaire  abréger  sa  durée  eu  raclielanl  le  droit  des 
cloclii"^.  (Les  Oliiii,  I,  p.  .S:}()  du  texte,  note  12i). 

'  Voy.  la  De.sciiiiUon  du  belJnu  d<:  lu  ville d'AmUns,  par  M .  Il .  Dusevel.  Amiens,  1 8 i7 . 


[   hkfkroi    1  —    l".»"»  — 

lanlprne  supérieure  avec  {^alerio  pdiii    le  guetteur.  Siii\;iiil 

9 


iisiiu»'.  une 


^. 


—  —      «C-t.tJ 


j<irouetlp  couromu'  la  tlèclie.  Les  villes  d'Auxerre,  de  lieaunc  (Uil  ciuore 


h)7    [    BKFFKOI    ] 

leurs  beffrois.  Voici  (l'2)  celui  d'Evreux,  coiislruit  au  xv«  siècle,  et  qui  est 
complet.  Nous  en  (lonuons  les  plans,  avec  la  vue  persjjcctive,  aux  trois 
étaitcs  AHd.  Les  luniiicipalitt's  déployaient  un  certain  luxt^  dans  ces 
constructions  uihaiiies;  elles  tenaient  à  ce  (|ue  leurs  couroinienients 
élevés,  souvent  ornés  de  clochetons,  d'aiguill(\s,  de  j^M-andes  lucarnes, 
fussent  aperçus  de  loin,  el  l(''inoiiiiiassent  de  la  richesse  de  la  citt'. 

Nous  avons  dit,  en  connnençant,  (|ue  les  cloches  de  la  connnune  étaient 
suspendues,  dans  certains  cas,  au-dessus  daiu-iennes  portes  de  villes. 
Peut-èti-e  est-ce  en  sonvcnii- de  celte  disposition  prcivisoire  ((ue  beaucoup 
de  beti'rois  isolés  furent  constiuits  à  dessein  sous  forme  de  |)orle  suriuontée 
d'une  ou  deux  tours.  Nous  citerons  parmi  les  beffrois  servant  de  porte, 
bâtis  à  cheval  sur  une  rue,  les  tours  de  beffroi  de  Saint-Antonin,  de  Troyes 
^démolie  aujourd'hui),  d'Avallon,  de  Bordeaux.  Ce  dernier  beffroi  est  fort 
remarquable  ;  il  se  comj)Ose  de  deux  grosses  tours  entre  lesquelles  s'ouvre 
un  arc  laissant  un  passaj^e  public.  x\u-dessus,  un  second  arc  couroiuié 
par  un  crénela^e  el  fin  comble  couvre  la  sonnerie  (voy.  poktk). 

Dans  quelques  villes,  l'une  des  tours  de  l'éjilise  principale  servit  et 
sert  encore  de  beH'roi.  A  Metz,  à  Soissons,  à  Saint-Quentin,  une  des 
tours  de  la  cathédrale  est  restée  destinée  à  cet  usai^^e.  Quant  aux  beffrois 
tenant  aux  hôtels  de  ville,  nous  renvoyons  nos  lecteurs  au  n)ot  hôtel  de 

VILLE. 

BEFFROI,  MACHINE  DE  GUERUE.  Pcudaut  les  siégcs  du  uioyeu  âge,  on  se 
servait  de  tours  de  bois  mobiles  pour  jeter,  sur  les  murailles  attaquées, 
des  troupes  de  soldats  qui  livraient  ainsi  l'assaut  de  plain  pied  (voy.  archi- 
tecture militaire).  Ces  tours  prenaient  le  nom  de  beffrois.  Cet  engin  de 
guerre  était  en  usage  dans  l'antiquité.  César,  dans  ses  Mémoires,  indique 
souvent  leur  emploi.  Après  avoir  élevé  des  terrassements  (|ui  })ermeUaient 
d'approcher  de  grosses  machines  des  murailles  attaquées,  comblé  les 
fossés  et  étal)Ii  des  mantelets  qui  couvraient  les  travailleurs,  l'armée  de 
César,  au  siège  d'une  place  forte  défendue  par  les  Nerviens,  construit 
une  tour  de  bois  hors  de  la  portée  des  traits  des  assiégés. 

«  Lorsqu'ils  nous  virent  dresser  la  tour,  dit  César  ',  après  avoir  posé 
«  des  mantelets  et  élevé  la  terrasse,  les  Nerviens  se  mirent  à  rire  du  haut 
«  de  leurs  murailles,  et  demandèrent  à  grands  cris  ce  que  nous  voulions 
«  faire,  à  une  si  grande  distance,  d'une  si  énorme  machine  ;  avec  quelles 
«  mains  et  quels  efforts  des  hommes  d'une  si  petite  taille  pourraient  la 
«  remuer  (car  les  Gaulois,  à  cause  de  leur  haute  stature,  méprisent  notre 
«  petite  taille)  ;  prétendions-nous  approcher  cette  masse  de  leurs  murs? 
«  Mais  lorsqu'ils  la  virent  s'ébranler  et  s'avancer  vers  leurs  défenses, 
((  étonnés  d'un  spectacle  si  nouveau,  ils  envoyèrent  à  César  des  députés 
«  pour  traiter  de  la  paix....  » 

Les  (iaulois  iniilaieurs,  d'après  le  dire  de  César  lui-même,  ne  tardèrent 


'   Livre  11.  ])c  liello  gallico. 


I     UKKFIUtI    I  —     l*>8    — 

pas  à  adopter^  eux  aussi^  les  toiiis  de  bois  iiiohiles.  Lors(|ue  le  eaiiip  des 
Hoiiiaiiis  est  assiéfïé  par  les  Nerviens  révoltés  ',  «  le  septième  joui-  dti 
«  siéj,'e,  un  faraud  veut  s'étant  élevé,  les  ennemis  lancèrent  dans  le  camp 
«  des  dards  enihnnmés,  et  avec  la  fronde  des  l)alles  d"arf;ile  rouiiics  an 
M  feu.  Les  baraques  de  nos  soldats,  couvertes  en  paille  à  la  manière 
«  gauloise,  eurent  bientôt  pris  feu,  et  en  un  instant  le  vent  j)orta  la  llanmic 
«  sur  tout  le  camp.  Alors,  poussant  de  grands  cris  comme  si  déjà  la 
«  victoire  eût  été  jwur  eux,  ils  tirent  avancer  leurs  tours  et  Ituns  tortues, 
«  et  commencèrent  à  escalader  l(>s  retrancbements.  Mais  tels  furent  le 
«  courage  et  la  solidité  de  nos  troupes,  (jue,  de  toutes  pails  environnées 
«  de  flannnes,  accablées  d'une  grêle  de  traits,  sachant  que  l'incendie 
M  dévorait  leur  bagage  et  leur  fortune,  aucun  soldat  ne  (|uilta  son  poste 
«  et  ne  songea  même  à  regarder  en  arrière;  tous  combattirent  avec  acliar- 
«  nement.  Cette  journéf»  fut  rude  pour  nous;  cependant  beaucoup 
«  d'ennemis  y  furent  tués  ou  blessés;  entassés  au  pied  du  rempart,  les 
«  derniers  venus  empêchaient  les  autres  de  se  l'elirer.  (Juand  l'incendie 
«  fut  un  peu  apaisé,  les  assaillants  ayant  roulé  une  de  leurs  tours  près 
«  du  retranchement,  les  centurions  de  la  troisième  cohorte  postés  sur  ce 
«  point  s'éloignèrent,  emmenèrent  tout  leur  monde,  et,  appelant  les 
«  ennemis  du  geste  et  de  la  voix,  les  invitèrent  à  entrer  s'ils  voulaicni  ; 
«  aucun  n'osa  se  porter  en  avant.  On  les  dispersa  par  une  grêle  de  pierres. 

«  et  on  brûla  leur  tour » 

Depuis  loi's,  et  jusqu'à  l'emploi  de  l'artillerie  à  feu,  on  ne  cessa,  tlans 
les  Gaules,  d'employer  ce  moyen  d'attaque  pendant  les  sièges.  Il  n'est  pas 
besoin  de  dire  qu'il  ne  nous  reste  aucun  renseignement  pratique  sur  ces 
énormes  machines.   Nous  devons  nous  en  tenir  aux  descriptions  assez 
vagues  qui  nous  sont  restées,  à  quelques  vignettes  de  manuscrils  exécu- 
tées de  façon  qu'il  est  impossible  de  constater  les  moyens  employés  pour 
les  ftiire  mouvoir.  Pendant  le  moyen  âge,  ces  tours  mobiles  étaient  assez 
vastes  pour  contenir  une  troupe  nombreuse;  elles  étaient  divisées  par  des 
planchers  formant  |)lusieurs  étages  percés  de  meurtrières,  et  leur  sommet 
crénelé,  dont  la  hauteur  était  calculée  de  manière  à  dominer  la  crête  <les 
tours  ou  murailles  atta(|uees,  recevait  un  pont  s'abattant  sui-  les  jKirapels 
des  assiégés,  lorsfjue  le  beffroi  était  amené  le  long  des  nuu-s.  On  garnissait 
extérieurement  ces  grandes  charpentes  de  peaux  fraîches ,  de  grosses 
étoffes  de  laine  mouillées  pour  les  préserver  des  projectiles  incendiaires 
(voy.  Aur.HiTKCTiRi:  imiTAUu;,  lig.  ITi  et  !(!). 

C'est  au  siège  du  château  de  l>releuil  pai'  le  roi  Jean  (I.5.M)).  (|u"il  est 
l'ait  mention  une  des  dernières  fois  d'un  betfroi  mobile,  et  la  descri|)tion 
(|ue  Froissart  donne  de  ce  siège  mérite  d'êli'e  transcrite,  car  l'artillerie  à 
feu  connnence  à  jouer  un  rt)le  important  en  détruisant  les  anciens  engins 
«l'assaut,  si  formidables  jusqu'alors. 


'   Livre  \  .  De  Bello  gallko. 


—     lO'J    —  [    BEFFROI     ] 

K  Et  sachez  que  les  François  qui  éJoient  devant  Breteuil  ne  séjournoienl 
«  mie  (ie  iniap^ineiet  subliller  |)lusi(nirs  assauts  pour  |)Ius  i^réver  ceux  de 
X  la  t;ainis(»n.  Aussi  les  chevaliers  et  écuyeis  (|ui  dedans  étoient  suhlil- 
«  loient  nuit  et  jour  pour  eux  porter  douiniai^e;  et  avoient  ceux  de  lust 
«  fait  l('\er  et  (h'esser  i^rands  enjoins  qui  jetoient  nuit  et  jour  sur  les 
<«  combles  des  tours,  et  ce  moult  les  fiavailloit.  ¥11  fit  le  roi  de  France  faire 
«  par  iirand  Toison  de  charpentiers  un  lirand  bett'roy  à  trois  étages  que  on 
'(  menoit  à  roues  cpielle  j)aif  que  on  vouloif.  En  chacun  ('•faiie  pouvoit  bien 
K  entrer  deux  cents  hommes  et  tous  eux  aider;  et  étoit  breteskié  et  cuire 
«  pour  le  trait  troj)  nialeuient  tort  ;  et  lappeloient  les  plusieurs  un  cas,  et 
«  jes  autres  un  atournement  d'assaut.  Si  ne  fut  mie  si  tôt  fait,  charpenté 
«  ni  ouvré.  Entrementes  que  on  le  charpenta  et  appareilla,  on  fit  par  les 
«  vilains  du  pays  amener,  apporter  et  acharner  grand'foison  de  bois  et 
«  tout  renverser  en  ses  fossés,  et  estrain  et  trefs  (paille  et  pièces  de  bois) 
«  sus  p(»ur  amener  liulit  engin  sur  les  quatre  roues  jusfiues  aux  murs  pour 
«  cond)attre  à  ceux  de  dedans.  Si  n)it-on  bien  un  mois  à  remplir  les  fossés 
((  à  l'endroit  où  on  vouloit  assaillir  et  à  faii-e  le  char  (le  charroi).  Quand 
«  tout  fut  prêt,  en  ce  betfroy  entrèrent  grand'foison  de  bons  chevaliers  et 
«  écuyers  qui  se  désiroient  à  avancer.  Si  fut  ce  betfroy  sur  ces  quatre 
«  roues  ai)outé  et  amené  jusques  aux  murs.  Ceux  de  la  garnison  avoient 
«  bien  vu  faire  ledit  beti'roy,  et  savoient  bien  l'ordonnance  en  partie  com- 
te ment  on  les  devoit  assaillir.  Si  étoient  pourvus  selon  ce  de  canons  jetant 
«  feu  et  grands  gros  carreaux  pour  tout  dérompre.  Si  se  mirent  tantôt  en 
«  ordonnance  pour  assaillir  ce  bettVoy  et  eux  défendre  de  grandvolonté. 
«  Et  de  commencement,  aincois  que  ils  fesissent  traire  leurs  canons,  ils 
«  s'en  vinrent  condjattre  à  ceux  du  beffroy  franchement,  main  à  main.  Là 
«  eut  fait  plusieurs  grands  appertises  darnies.  Quand  ils  se  furent  planté 
'(  ébattus,  ils  conmiencèrent  à  traire  de  leurs  canons  et  à  jeter  feu  sur  ce 
«  bertVoy  et  dedans,  et  avec  ce  feu  traire  épaissement  grands  carreaux  et 
«  gros  qui  en  blessèrent  et  occirent  grand'foison,  et  tellement  les  enfon- 
«  cèrent  que  ils  ne  savoient  auquel  entendre.  Le  feu,  qui  étoit  grégeois, 
<(  se  prit  au  toit  de  ce  betlVoy,  et  con\int  ceux  qui  dedans  étoient  issir 
«  de  force,  autrement  ils  eussent  été  tout  ars  et  perdus.  Quand  les  com- 
«  pagnons  de  Breteuil  virent  ce,  si  eut  entre  eux  grandhuerie,  et  s'écriè- 
«  rent  haut  :  «  Saint-George!  Loyauté  et  Navarre  !  Loyauté!  »  Et  puis 
«  dirent  :  «  Seigneurs  françois,  par  Dieu,  vous  ne  nous  aurez  point  ainsi 
«  (jue  vous  cuidez.n  Si  demeura  la  greigneure  partie  de  ce  betfroy  en  ces 
«  fossés,  ni  onques  depuis  nul  n'y  entra '  » 

Lorsqu'à  la  fin  du  xv«^  siècle  les  auteurs  de  l'antiquité  furent  en  honneur, 
on  fit  de  nombreuses  traductions  de  Végèce,  de  Yitruve,  et  leurs  traduc- 
teurs ou  commentateurs  s'ingénièrent  à  trouver  dans  ces  auteurs  des 
applications  à  l'art  militaire  de  leur  temps.  Ces  travaux ,  utiles  peut-être 


'  Cbron.de  Froinaart,  liv.  1"^,  p;irt.  ii,  clinp.  \\i.  Kdit.  Biictioii. 


I     BÉMTIKK     I  —    -iOO    — 

(|uaiit  à  la  lacliqup,  ne  pouvai(Mit  s  "appliquer  à  l'art  des  siéjj;es  en  face  de 
rartilleiie  à  feu,  et  les  combinaisons  plus  ou  moins  iuirénieuses  de 
machines  de  ^^uerre  (|ue  quelques  savants  s'amusaient  à  mettre  sur  le 
papier  restèi-ent  dans  les  livres;  ils  ne  pouvaient  avoir  et  n'eurent  aucun 
résultat  pratiijue  ;  nous  n'en  parlerons  donc  pas  '. 

BÉNITIER,  s.  m,  lienoislier.  Petite  cuve  dans  laquelle  on  laisse 
séjourner  l'eau  bénite  pour  l'usa^^e  des  fidèles,  à  l'entrée  ou  à  la  sortie 
des  éj^lises.  Il  y  a  deux  sortes  de  bénitiers  :  les  bénitiers  portatifs 
et  les  bénitiers  fixes.  Nous  ne  nous  occuperons  que  de  ces  derniers, 
les  premiers  faisant  partie  des  ustensiles  à  l'usafije  du  culte.  Il  nous 
serait  ditlicile  de  dire  à  quelle  époque  les  bénitiers  fixes  furent  posés 
à  la  porte  des  églises.  Nous  connaissons  quelques  bénitiers  informes 
qui  paraissent  avoir  été  très-anciennement  scellés  dans  les  pieds-droits 
des  portes  d'ejilises  d'une  date  reculée;  mais  rien  ne  prouve  que  ces 
bénitiers  appartiennent  à  l'époque  de  la  construction  de  ces  édifices.  Ces 
bénitiers,  en  tant  (|uils  soient  primitifs,  ne  sont  guère  que  de  très-petites 
cuves  en  pierre  et  en  forme  d'une  demi-sphère.  Nous  serions  tenté  de 
croire  (bien  (jue  nous  ne  puissions  ai)puyer  notre  opinion  sur  aucune 
preuve  certaine)  tpie,  dans  les  églises  antérieures  au  xm>' siècle,  le  bénitiei' 
était  un  vase  de  métal  que  l'on  plaçait  près  de  l'entrée  des  églises  lorsque 
les  portes  étaient  ouvertes.  Cette  conjecture  n'est  basée  que  sur  l'absence 
de  toute  disposition  indiquant  la  place  de  cet  accessoire.  Sous  le  porche 
des  églises  primitives  de  l'ordre  de  Cluny,  il  y  avait  presque  toujours  une 
table  de  j)ieiTe  d'une  dimension  médiocre  posée  près  de  la  porte.  Cette 
table  était-elle  destinée  à  recevoir  un  bénitier  portatif  ?  C'est  c«^  f|ue  nous 
n'oserions  affirmer.  Était-elle,  connue  semblent  le  croire  (piel(|ues 
auteurs,  entre  autres  Mabillon  ,  un  autel?  L'absence  de  monuments 
existant  aujourd'hui  nous  laisse  à  cet  égard  dans  le  doute. 

Une  gravure  donnée  par  Dom.  Plancher*,  dans  son  Histoire  de  lionr- 
(jogne,  et  représentant  le  porche  de  l'église  abbatiale  de  i\loulier-Saint-.lean, 
montre  un  bénitier  fort  inqmrtant  placé  d(>vanl  le  trumeau  de  la  pt)rte 
centrale,  La  façade  de  cette  église  avait  été  élevée  vers  I  L'JO,  et  le  bénitier 
semble  appartenir  à  la  même  époque;  autant  qu'on  peut  en  juger  par  la 
gravure,  fort  grossièrement  exécutée,  ce  bénitier  parait  être  en  bronze  et 
posé  immédiatement  sous  les  pieds  de  la  statue  de  la  Vierge  qui  fait  partie 
du  trumeau.  Nous  donnons  (I)  une  copie  de  ce  l)énitier  avec  son  entou- 
rage'.  H  était  porté  sur  une  colonne  ilont  l'excessive  maigreur  nous  faii 
supposer  qu'elle  était  en  métal. 

1  Voy.  entre  autres  Roberli  y<illurii  de  rc  mililurl.  fil).  XII  ;  1493.  Édit.  do  to34  , 
Paris,  pet.  in-f°  latin,  avec  de  nombreuses  planclies  eu  l)ois,  donnant  les  plus  étranges 
inventions  de  machines  pour  attaquer  et  prendre  les  places  l'ortes. 

^  Ilisl.  génér.  d  partie,  de  Hoiinjognc,  t.  1".  p.  517.  Dijon,  1739. 

^  Nous  nous  sommes  permis ,  tout  en  conservant  aussi  tidèlement  que  possible  les 


•un  — 


BÉMTir.n 


L'absence  des  bénitiers  d'une  époque  ancienne  dans  nos  églises  n'aurait 
pas  lieu  de  surpivndre,  s'il-élait  constaté  qu'ils  eussent  été  généralement 
exécutés  en  bnuizr.  Kn  etl'ct,  les  bénitiers  en  pierre,  que  nous  trouvons 
tenant  à  des  monuments  des  \w  et  ww  siècles,  sont  dune  extrême  sim- 
plicité^ et  nous  ne  les  rencontrons  que  dans  des  églises  pauvres.  On  jx-ut 
donc  supposer  avec  assez  de  raison  que  les  bénitiers  des  églises  riches, 
étant  en  bronze,  ont  été  volés,  détruits  et  fondus  à  répo(|ue  des  guerres 
religieuses.  Dans  les  petites  églises  du  Soissonnais.  de  l'Oise,  construites 
a  la  tin  du  xii''  siècle  et  au  commencement  du  xni*^,  il  existe  un  grand 
nombre  de  bénitiers  taillés  comme  l'indique  la  fig.  1  bis  '. 


I  bi; 


cmj^uuc  T   jeune 


Mais  les  architectes  du  xui*"  siècle  aimaient  à  faire  tenir  aux  édifices  tous 
les  accessoires  nécessaires  ;  ils  étaient  portés  à  prévoir,  dans  la  construction, 
des  objets  qui  jusqu'alors  avaient  été  regardés  comme  des  meubles  ;  ils 
durent  disposer  des  bénitiers  faisant  partie  de  l'édifice,  près  des  portes,  de 
même  qu'ils  accusaient  franchement  les  piscines,  lescrédences.  Ces  acces- 
soires devenaient  pour  eux  autant  de  motifs  de  décoration.  Près  de  la  porte 
méridionale  de  l'église  de  Villeneuve-le-Roi ,  on  voit  encore  un  bénitier 


formes  indiquées  par  la  gravure,  de  rapprocher  notre  dessin  du  style  du  xii'  siècle,  la 
gravure  étant  cuniplétenient  dépourvue  de  caractère. 

»  Ce  bénitier  provient  de  l'église  de  Saint-Jean-aux-Bois,  près  Compiègne. 

T.    II.  2ti 


[     BÉMTfKl?    1 


—  ^2(V2  — 


tcnaiil  au  nilior  de  droite  ;  ce  béiiilier  est  combiné  avec  la  construction  (2) 


HO'A    [    BESAMS    ] 

Ses  assises  rè{;iient  avec  les  assises  du  i)ilier;  ce  n'est  pas  un  accessoire 
rapi)orlt'  apirs  coup  :  il  est  prévu  eu  bâtissant.  La  cuve  polyiionaie  est 
sunuoiilcc  d'un  dais  liueiueiit  taillé.  Cet  édicule,  connue  la  coustrucliou 
à  la(pi('ll(^  il  lient,  date  di>  la  première  moitié  du  xni''  siècle  '. 

Plus  tard,  pendant  les  xiv«-  et  xv«  siècles,  les  bénitiers  reprennent  leur 
apparence  de  meubles,  et  se  composent  pi'esque  toujours  d'une  cuve 
polviionale  ou  circulaire  portée  sur  une  coloime  ;  ils  ne  font  plus  partie  de 
Tédilice.  Quelipu^fois  les  sculpleui's  se  sont  plu  à  fii;urer,  au  fond  des  cuves 
des  bénitiers,  des  serpents,  des  grenouilles,  des  poissons,  jjuerilités 
d'assez  mauvais  yoùt  et  qui  fout  l'admiration  de  beaucoup  de  yens.  Si  ces 
fantaisies  avaient  pour  but  de  rappeler  aux  tidèles  qu'ils  doivent  prendre 
de  l'eau  bénite  en  entrant  dans  l'église,  il  faut  avouer  que  cette  singulière 
façon  d'attirer  l'attention  eut  un  plein  succès.  A  l'époque  où  le  zèle  reli- 
gieux se  refroidissait,  les  artistes  s'ingéniaient  souvent  à  exciter  la  curiosité, 
à  défaut  d'autre  sentiment.  Nous  pensons  qu'il  faut  classer  ces  sculptures 
d'animaux  au  fond  des  cuves  des  bénitiers  parmi  les  fantaisies,  parfois 
burlesques,  des  sculpteurs  du  xv^  siècle ,  quoiqu'on  ait  voulu  trouver  à 
ces  figures  un  sens  symbolique. 

Au  pied  des  tombes,  dans  les  cimetières,  il  était  d'usage  de  placer  ou  de 
creuser  de  petits  bénitiers  dans  la  -^lierre  même  recouvrant  la  sépulture; 
on  en  voit  encore  un  grand  nombre  en  Bretagne ,  dans  le  Poitou  et  le 
Maine,  où  cet  usage  s'est  conservé  jusqu'à  nos  jours.  Ces  petits  bénitiers 
étaient  quelquefois  en  métal,  en  fer  ou  en  bronze,  accompagnés  d'un 
goupillon  attaché  à  la  cuve  avec  une  chaînette. 

Le  siècle  de  la  renaissance  sculpta  des  bénitiers  en  marbre  d'une  grande 
richesse,  supportés  par  des  figures.  Mais  malheureusement  les  guerres 
religieuses  détruisirent  en  France  ces  petits  monuments.  L'Italie  et 
l'Espagne  nous  en  ont  conservé  un  grand  nombre  d'exemples. 

BERCEAU,  s.  m.  (Voy.  architecture,  construction,  voûte.) 

BESANTS,  s.  m.  Le  besant,  en  termes  de  blason,  est  un  (lis(|iiede  métal 
pose  sur  le  champ  ou  sur  les  pièces  principales  de  l'ecu.  Ou  désigne,  en 
architecture  ,  par  besants  ,  une  série  de  disques  plats  sculi)tés  dans  une 
moulure.  Cet  ornement  est  fréquent  dans  les  édifices  du  xu^  siècle  ;  il  est 
toujours  d'une  petite  dimension,  plus  gros  que  la  perle,  plus  petit  que  le 
boulon;  il  décore  les  bandeaux,  les  archivoltes,  les  cannelures  des  pilastres. 
C'est  dans  le  Poitou,  la  Saintonge  et  sur  les  bords  de  la  Loire  qu'on  le 
rencontre  de  préférence. 

()nverraci-contre(l)unfragmentd'unedesarcaturesduclocherdel'église 
de  la  Charité-sur-Loire,  dont  l'archivolte  et  les  pilastres  sont  orné^debesants 
délicatement  sculptés.  Le  besant  diffère  surtout  de  la  perle  et  du  boulon  en 

•  Le  dessin  de  re  bénitier  nous  a  été  comninniqiié  par  .M.  Millet  ,  aicliitecte,  k  qui 
nous  devons  déjà  de  précieux  renseignements. 


BKSTIAlKKS 


—  -H)ï 


ce  (]u'il  est  plat  au  lieu  de  présenter  une  portion  de  sphère.  Il  est  f-énéra- 
lenient  taillé,  ainsi  (pif  l'iiurKpie  la  ^i^^  ^2,  cpieUpie  peu  biseauté  sur  les 

hords  ])oui'  éviter  la  sécheresse  et  la  niai- 
j  jireur  ijioduitcs  i)ar  des  coupes  à  an^lc 

choit.  Les  hesanis  ont  cet  avantage,  dans 
la  décoration,  de  donner  à  peu  de  frais, 
heaucoup  de  richesse  cl  de  légèreté  aux 

2 


'•>!«. 


vi.    r 


— ,,r--s/— V" 


membres  de  l'architecture  auxquels  ils 
sont  a|)prK|ués  :  leur  surface  |)lane,  acci'O- 
cliant  vivement  la  lumière,  les  l'ait  dislin- 
fy^^  guer  à  une  grande  dislance  malgré  leur 

ténuité;  ils  rompent  la  monotonie  des 
moulures  fines  répétées  et  d'un  profil  plal,  préférées  par  les  architectes  du 
xii«  siècle;  ils  ont  enfin,  malgré  leur  peu  d'importance  conmie  dimension, 
une  fermeté  qui  convient  parfailemenf  à  des  constructions  de  pierre.  Les 
besants  disparaissent  au  xiii'' siècle,  pour  ne  plus  rej)arai(re  dans  la  déco- 
ration archi  tectonique. 

BESTIAIRES,  s.  m.  On  désigne  \ydv  bestiaires  les  recueils,  fort  en  vogue 
pendant  le  moyen  âge,  qui  contiennent  la  description  des  animaux  réels 
ou  fabuleux  de  la  cn'ation.  Ces  descrijilions  sont  presque  toujours  accom- 
pagnées de  vignelles.  Peiulant  les  xe",  xii'' et  xiir'  siècles,  ces  bestiaires, 
copiés  et  aimotés,  dans  les  monastères,  sur  les  auteurs  de  ranliquilé,  avec 
force  variantes  et  nouvelles  histoires,  avaient  un  sens  symbolique.  Les 
qualités  ftu  les  défauts  de  chaque  animal  étaient  présentés  comme  une 
figure  de  l'état  de  l'âme  humaine,  de  ses  vices  ou  de  ses  vertus,  comme 
une  personnification  de  l'Eglise  ou  même  de  Jésus-Christ.  Le  bestiaire 
en  prose;  j)icarde  du  ('onnnencement  du  xin»'  siècle,  donné  tout  au 
long  dans  les   Mélanges  archéologiques  des   R|{.   I»P.    A.    Martin   et 


—   :2()r>    —  [  BÉTON    1 

Cahier  ',est  précédé  d'un  court  prolo;ïue  qui  indique  parfaitement  le  but 
que  les  coinpilateuis  des  bestiaires  se  proposaient  d'atteindre.  «  Chi  com- 
«  menée,  dit  l'auteur,  li  livres  <''on  apèle  Bestiaiie.  Et  par  ce  est-il  apelés 
«  ensi,  qu'il  pai'ole  (parle)  des  natures  des  bestes;  car  totes  les  crt^atures 
«  que  Dex  créa  en  terre,  cria  il  por  home,  et  por  prendre  essanple  et  de 
«  foi  en  eles  et  de  créance.»  Du  moment  qu'il  était  admis  que  les  animaux 
de  la  création  avaient  été  créés  pour  l'homme,  et  afin  que  l'étude  de  leurs 
mœurs  fût  pour  lui  un  exemple,  on  ne  doit  pas  s'étonner  si  nous  voyons 
sculptés  sous  les  portails  des  éijjlises,  autour  des  chapiteaux  et  jusque  sur 
les  meubles  sacrés,  une  foule  d'animaux  destinés  à  rappeler  les  vei'tus  que 
les  chrétiens  devaient  pratiquer  ou  les  vices  qu'ils  devaient  éviter.  Au 
moyen  âge,  l'homme  est  le  centre  de  toutes  choses  sui-  la  terre,  et  l'Église 
lui  montre  sans  cesse  cette  vérité  dans  les  monuments  qu'elle  élève.  Après 
avoir  représenté  Dieu,  ses  rapports  avec  l'homme,  l'histoire  de  son  sacrifice 
et  la  hiérarchie  céleste ,  l'Eglise  n'oublie  aucun  des  êtres  secondaires,  et 
les  fait  entrer  dans  le  grand  concert  de  la  création.  C'est  là  le  signe  le 
plus  évident  de  la  tendance  des  idées  du  moyen  âge  vers  l'unité,  l'ordre, 
le  classement.  Tout  a  sa  place  dans  la  création,  tout  a  un  but  et  une 
fonction,  tout  se  rapporte  à  l'homme,  qui  doit  compte  à  Dieu,  comme 
l'esponsable  à  cause  de  son  intelligence,  de  toute  chose  créée  pour  lui.  Ne 
regardons  pas,  dans  nos  monuments,  ces  sculptures  d'animaux,  souvent 
étranges,  comme  des  caprices  d'artistes,  des  bizarreries  sans  signification; 
voyons-y,  au  contraire,  l'unité  vers  laquelle  tendait  la  pensée  du  moyen 
âge,  les  premiers  efforts  encyclopédiques  des  intelligences  du  xiii«  siècle, 
les  premiers  pas  de  la  science  moderne  dont  nous  sonunes  si  fiers  - 

(VOy.  CATHÉDRALE,   IMAGERIE). 

BÉTON,  S.  m.  C'est  une  maçonnerie  faite  de  mortier  de  chaux  et  sable 
et  de  caillou  ou  de  pierres  cassées  menu.  Les  Romains  ont  fait  grand 
usage  du  béton  dans  leurs  constructions  ;  ils  employaient  des  chaux  bien 
cuites  et  bien  éteintes,  presque  toujours  hydrauliques,  des  sables  ou 
pouzzolanes  parfaitement  purs;  avec  ces  premiers  éléments,  ils  ne  pou- 
vaient manquer  de  faire  du  béton  excellent  (voy.  coxstrlctiox). 

Les  traditions  romaines  touchant  la  construction  se  conservèrent  assez 
bien  jusqu'à  l'époque  carlovingienne,  et  on  voit  encore,  dans  les  construc- 
tions antérieures  au  x"  siècle,  des  massifs  exécutés  en  béton  grossier  con- 
servés sans  altération.  Depuis  le  x^  siècle  jusqu'à  la  fin  de  la  période  ogivale, 
les  constructions  élevées  en  pierre  ou  en  moellon  ne  laissent  guère  de  place 
au  béton,  que  l'on  ne  rencontre  que  dans  les  intérieurs  des  massifs  ou  dans 

I  Manusc.  de  la  bibliot.  de  l'Arsenal,  n°  283,  fol.  cciii. 

"  Nous  renvoyons  nos  lecteurs  aux  Mélanges  archéologiques  des  RR.  PP.  Martin  et 
Cafiier,  pour  l'éttide  détaillée  des  bestiaires  du  moyen  âge.  Cette  portion  de  l'ouvrage 
des  RK.  PI\  est  très-complète  et  accompagnée  de  planches  n()nil)reuses,  copiées  sur 
les  manuscrits. 


BfiTON 


—  fior.  — 


les  foiidalions.  (iénéralcnu'nt  ces  bétons  ou  rciiiplissayes  en  maçonnerie 
sont  mal  faits  pendant  la  pt'riode  romane  ;  ils  sont  inétfaux,  mal  corroyés 
et  pilonnés;  les  chaux  employées  sont  de  mauvaise  ipialilé,  les  sal)les  mé- 
lanines de  terre.  ir;iilleurs  les  l)étons  veulent  èlie  coules  en  grandes  niasses 
j)our  conserver  leurs  (lualités;  et  ces  remplissages  en  mortier  et  débris  de 
pierres,  que  Ton  trouve  au  milieu  d(^^  massifs  romans  revêtus  de  pierre  de 
taille,  se  desséchaient  trop  rapidement  pour  pouvoir  acquérir  de  la  dureté. 
Dans  les  provinces  méridionales,  là  où  le  mode  de  conslruire  des  Komains 
s'était  le  mieux  conservé,  nous  trouvons,  jusqu'au  xu*' siè<'le,  le  béton 
emi)loyé  pour  les  fondations,  ))ûur  les  aires  sur  les  voùles.  11  iaut  croire  que 
dans  ces  contrées  on  avait  acquis  même  une  expérience  consonnnéedans  la 
fabrication  du  béton  ;  car  nous  voyons  au  château  de  la  cité  de  Carcassonne 
des  fenêtres  et  des  portes  de  la  fin  du  xc"  siècle  dont  les  linteaux,  d'une 
grande  porlée,  sont  en  béton  coulé  dans  une  forme.  Nous  donnons  ici  (  I  ) 


une  de  ces  fenèlres;  le  linteau  A  est  en  belon  d  une  extrême  dureté,  et 
nous  n'avons  pas  vu  un  seul  de  ces  linteaux  brisé  par  la  charge.  (|ui 


—  ^207  —  I    iiiiîK   I 

cependant  esl  eonsidéiahle.  Ce  béton,  coulé  et  pilonné  dans  un  encaisse- 
ment, es!  c()nii)osé  d'une  chaux  hydraulique  uiéiée  avec  le  sable  limoneux 
de  rAu(l<'  ol  de  jK'lils  IVai^uienls  de  brique;  le  caillou  est  cass(''  liès-meim 
et  pi'es(|ue  entièrement  composé  de  grès  vert.  Ici,  l'intention  bien  ('vidente 
des  constructeurs  a  été  de  réserver  ces  pierres  factices  pour  les  grandes 
portées  ;  ils  les  estimaient  donc  plus  résistantes  que  le  grès  du  pays  ,  (\u\ 
cependant  est  très-dur;  (>t  ils  ne  se  sont  pas  trompés,  car  ces  linteaux 
n'ont  subi  aucune  altéiation  '.  Lorsqu'au  xiii'"  siècle  les  constructions  ne  se 
composèrent  |)lus  (|ue  de  murs  minces  et  de  points  d'appui  grêles,  le  IxUon 
ne  tiouvait  |)lus  d'emploi  (ju'en  fondation,  et  encore  on  ne  saurait  donner 
ce  nom  aux  maçonneries  bloquées  alors  en  usage  (voy.  constiujctio.n). 

BIBLIOTHÈQUE,  S.  f.  Jusqu'au  moment  oîi  l'imprimerie  fut  inventée, 
les  bibliothèques,  conq)osées  de  manuscrits,  ne  pouvaient  être  très-nom- 
breuses, les  salles  pour  les  contenir  très-vastes.  Les  monastères  possédaient 
tous  des  bibliothèques  que  les  frères  copistes  augmentaient  lentement. 
Ces  bibliothèques  n'occupaient  guère  qu'une  salle  du  couvent,  de  médiocre 
étendue,  autour  de  laquelle  des  armoires  en  bois  étaient  destinées  à 
contenir  lès  manuscrits.  Les  rois,  les  grands  personnages, dès  le  xive  siècle, 
voulurent  avoir  des  bibliothèques  dans  leurs  palais.  Charles  V  réunit  au 
Louvre  une  bibliothètiue  fort  nombreuse  pour  l'épo(|ue.  (Charles  d'Orléans 
avait  formé  une  bibliothèque  dans  son  château  de  Blois.  En  14'27,  ce 
prince,  prisonnier  en  Angleterre,  ayant  su  que  les  Anglais  mettaient 
le  siège  devant  Montargis,  donna  pouvoir  au  sire  de  Mortemart  d'en- 
lever de  Blois  ses  meubles  et  sa  bibliothèque  ^  et  de  tout  transporter  à 
Saumur  ^ 

Toutefois ,  les  salles  dans  lesquelles  les  manuscrits  étaient  déposés  ne 
paraissent  pas  avoir  présenté,  avant  l'invention  de  l'imprimerie,  des  dispo- 
sitions particulières. 

BIEF,  s.  m.  Canal  qui  va  prendre  l'eau  d'un  ruisseau  ou  d'une  rivière 
en  aval,  pour  la  conduire  à  niveau  au-dessus  de  la  roue  d'un  moulin,  en 
profitant  de  la  ditïérence  de  niveau  qui  existe  entre  le  point  de  la  prise  et 
celui  où  l'usine  est  établie.  Le  bief  est  ordinairement  formé  par  des  digues 
en  terre  ;  mais  autrefois  ce  n'était  souvent  qu'un  canal  formé  de  planches 
posées  sur  des  chevalets. 

Les  grands  établissements  monastiques  du  xii*"  siècle  possédaient  des 

'  La  coloiinette  qiii  divise  en  deux  ceUe  fenêtre  est  en  niail)rc  l)lanc  des  l'yrénées, 
ainsi  que  la  l)ase  el  le  ciiapite;iu  ;  les  pieds-droits  el  le  second  linteau  B  sont  en  grès 
vert.  Les  constructeurs  ont  donc  admis  qu'un  morceau  de  béton  était  moins  fragile 
que  les  pierres  naturelles ,  étant  seulement  soutenu  à  ses  extrémités  et  charge  sur  le 
milieu.  Ce  linteau  n'a  que  0"',2o  d'épaisseur  sur  une  longueur  de  1"',20  de  portée  et 
une  largeur  de  0"*, 30  environ. 

^  Ecole  (lefi  chartes,  t.  V,  p.  59.  V'oir  l'inventaire  de  cette  hibrmthèque. 


f    BILl-ETTES    1  -O'*^    — 

usines  considérables  pour  l'époque,  et  l'on  voit  encore  la  trace  des  travaux 
d'cndiguenient  qu'ils  exécutèrent  pour  diriger  les  cours  d'eau  sur  leurs 
moulins  et  obtenir  de  puissants  moteurs.  Beaucoup  de  nos  usines  de  la 
(Champagne  et  de  la  P.ourfîoj^^ie  profitent  encore  de  ces  ouvrages,  exécutés 
souvent  avec  une  grande  intelligence  et  à  l'aide  de  labeurs  innnenses. 

BIENFAITURE.  Vieux  mot  qui  signifie  une  bonne  construction. 

BILLETTES,  s.  \\  (^est  un  terme  de  blason  pour  désigner  de  petits 
parallélogranmies  posés  sur  le  champ  ou  les  pièces  principales  de  l'écu. 
En  architecture,  on  entend  pavUillelles  une  série  de  petits  parallélogrammes 
ou  portions  de  cylindres  séparés  par  des  vides,  et  dont  les  rangs  j)lus  ou 
uioins  nombreux  chevauchent.  Cet  ornement  se  rencontic  Irès-ancien- 
uement  sur  les  lailloirs  des  chapiteaux,  autour  des  archivoltes,  sur  les 
bandeaux.  Nous  trouvons  déjà  des  billettes  taillées  sur  des  membres 
d'architecture  de  la  période  mérovingienne.  Parmi  les  fragments  de  celte 
époque  découverts  sous  le  sol  de  la  parlie  romane  de  l'église  de  Poissy, 
s'est  rencontré  un  tailloir  décoré  de  billettes  que  nous  donnons  ici  (I). 


Mais  c'est  surtout  i)endant  les  xi^  et  xii''  siècles  que  cet  ornement  prend 


une  grande  importaiK c  dans  la  décoration  des  membres  moulurés  des 


—    -2()«.>    —  I     BILI.ETTES    1 

édifices.  Les  archivoltes,  bandeaux  et  corniches  des  monuments  de  cette 
époque,  reçoivent  une  ou  phisieurs  rangées  de  hillettes,  presque  toujours 
c\iin(hi(iues. 

Lati};.  :2  représente  l'un  des  haiidt'aux  extérieurs  de  l'égHse  Saint-Etienne 
de  Nevers,  décoré  d'un  rang  de  hillettes  (xi»"  siècle) ,  et  la  tig.  3  l'une  des 


corniches  extérieures  de  l'église  de  Saint-Sernin  de  Toulouse,  qui  en 
contient  plusieurs.  Les  coupes  de  ces  deux  figures  font  voir  comment 
sont  taillés  ces  ornements,  qui,  malgré  leur  simplicité,  donnent  une  grande 
richesse  aux  membres  d'architecture  auxquels  ils  sont  appliqués,  en  leur 
laissant  leur  fermeté.  C'est  surtout  dans  les  provinces  du  centre  et  du 
midi,  dans  le  Poitou  et  la  Saintonge,  que  les  hillettes  sont  employées  par 
rangées  nombreuses,  au  xn^  siècle.  En  Normandie  et  dans  l'Ile-de-France, 
l'emploi  des  hillettes  est  fréquent  à  la  même  époque;  mais  il  est  rare 
qu'elles  se  présentent  en  rangs  répétés,  et  qu'elles  couvrent  les  bandeaux, 
archivoltes  et  corniches,  conmie  dans  les  provinces  du  centre.  Les  hillettes 
alternent  avec  des  moulures  et  n'ont  guère  qu'une  importance  secondaire. 
Comme  exemple  de  ce  que  nous  avançons  ici,  nous  donnons  (4)  l'une  des 
archivoltes  des  fenêtres  de  la  tour  Saint-Romain  de  la  cathédrale  de  Rouen 
sur  laquelle  les  hillettes  à  une  seule  rangée  alternent  avec  des  surfaces 
plates  et  des  boudins  sans  ornements.  Dans  ce  cas,  les  hillettes,  conmie  les 
T.  II.  '27 


[    BISKAIJ     I  —    -2I(»    — 

l)Ps;iiiK.  les  l»(»iil<»iis ,  les  pcrlfs  ivoy.  ces  mots)  .  lU-   Imil    (|iit'  fi>iii|iic  la 


C 


U 


PG  ù  A  R.n 


monotonie  des  moulures  fines  et  à  peu  près  éj^^ales,  répétées.  Les  billettes 
disparaissent  avec  les  dernières  traces  de  l'architectuie  romane. 

BISEAU,  s.  m.  Se  (lit  d'une  arête  abattue.  Les  constructeurs,  pendant  la 
période  ogivale,  évitaient  les  arêtes  vives,  à  anj;le  di(»it.  suitoul  dans  les 
parties  intérieures  des  édifices;  et  lorscjue  ces  arêtes  n'étaient  pas  masquées 
par  des  colonnettes  ou  adoucies  par  des  moulures,  ils  se  contentaient 
souvent  de  les  tailler  en  hiseau.  Les  tableaux  des  portes,  des  fenêtres,  dans 
l'arcbitecture  civile,  sont  prescpui  toujours  biseautés  à  l'extérieur;  on 
évitait  ainsi  les  écornures,  et  plus  encore  les  saillies  jiênantes  des  arêtes 
vi\es  sur  les  points  des  editices  oii  la  circulation  est  active.  Ce  principe  se 
trouve  appfuiue  également  à  la  charpente  et  à  la  menuiserie  ;  les  bois 
équarris  sont  souvent  biseautés  sur  leurs  arêtes. 

Voici  (i)  un  exemple  d'une  baie  dont  toutes  les  arêtes  extérieures  sont 
biseautées.  Parfois  le  biseau  n'existe  ([ue  là  seulement  où  l'arête  saillante 
j^'ênei'ait  le  passaj;e;  le  linteau  et  l'exticmité  supérieure  des  pieds-droits 
hors  de  la  portée  de  la  main  consei'vent  leurs  arêtes  pures  ("2).  Dans  les 
ouvrages  de  charpente,  les  biseaux  s'arrêtent  au  droit  des  assemblages, 
afin  de  laisser  aux  bois  toute  leur  force  sur  ces  points. 

La  figure  3  donne  un  juiinvon  et  un  entrait  biseautés,  conformément  à 
cette  méthode.  Les  retraites  de  soubassements  de  la  maçonnerie  sont 
toujours,  dans  rarchiteclure  ogivale,  ou  moulurées,  ou  biseautées,  en 


—    -Il    —  I     BISEAU     I 

raison  de  ce  |»iiiici|»c  (|iij  iradiiirllail  ();is  les  sinfacrs  lioiizonlalcs,  U'Ilrs 


^as-ju 


petites  qu'elles  fussent  (voy.  base).  Sur  les  arêtes  horizontales,  ces  biseaux 

forment  presque  toujours  un  an^de 
au-dessus  de  45  dej^res  (4-)  tandis  que 
les  biseaux  sur  les  arêtes  verticales 
sont  taillés  suivant  un  angle  de  45  de- 
grés. Cette  loi  est  trop  naturelle  pour 
avoir  besoin  d'être  commentée.  On 
voulait  dérol)er,  autant  que  possible, 
les  arêtes  horizontales;  il  était  tout 
simple  de  donner  une  forte  inclinai- 
son au  biseau,  et  langle  à  4-5  degrés 
eût  encore  présenté  une  trop  grande 
acuité ,  surtout  dans  les  retours 
d'équerre  saillants;  tandis  qu'il  fallait 
abattre  les  arêtes  verticales  par  une 
,  face  formant,  avec   les  deux   autres 

\^  faces  se  coupant  à  angle  droit,  deux 

angles  égaux  (5). 

Les  arcs  doubleaux,  arcs  ogives  et 
tormerets  des  voûtes  construites  avec 
■•f^  économie,    sont     biseautés    au    lieu 

d'être  moulurés;  cl.  dans  ce  cas,  le 

biseau  est   taillé  suivanl    lui   angle  de  45   degies    pom    les   arcs 


dou- 


[  BOIS  I  —  "21^2  — 

bleaux  lar^'es  A,  ol  (!♦•  |)lus  de  4r>  déférés  pour  les  arcs  ogives  B  ou  forine- 


5 


rels  (6).  On  laissait  ainsi  plus  de  force  aux  arcs  doul)leaux,  et  on  donnait 
de  la  légèreté  aux  arcs  ogives. 


Le  biseau  n'est  ,  par  le  fait,  qu'un  épannelage,  et,  dans  rarchitectui' 
ogivale,  il  est  taillé  en  raison  de  la  niouluie  qu'il  est  destiné  à  prépaie!- 
(voy.  épannelaue)  . 

BLOCAGE,  s.  m.  On  désigne  par  ce  mot  un  massif  en  maçonnerie  formé 
de  blocs  de  pierre  gros  ou  menus  jetés  pèle-mêle  dans  un  bain  de  moi-lier. 
Toutes  les  coiislruclions  romanes  ne  se  conq)osent  généralemenl  (|ue  d'un 
revêtement  de  pierre  renfermant  un  blocage,  l^endant  la  période  ogivale, 
les  membres  résistants  de  l'architectuie,  sauf  les  contre-forts  ou  les  sou- 
bassements des  tours,  étant  réduits  à  la  j)lus  petite  section  horizontale 
possible,  ne  contiennent  généralement  pas  de  blocages;  on  ne  trouve  alors 
les  blocages  qu'au  centre  des  grosses  piles,  des  contre-forts  épais,  ou  dans 
les  fondations  (voy.  constructio>). 

BLOCHET,  s.  m.  Terme  de  charpente  (voy.  chakpente). 

BOIER,  s.  m.  Vieux  mot  qui  signifie  ègoul,  cloaque  (voy.  égout). 

BOIS,  s.  m.  On  désigne  par  ce  mot,  en  architecture,  la  partie  ligneuse 
des  arbres  propres  à  la  charpente  ou  à  la  menuiserie.    Le  bois  de 


—  -2i:!  —  .  I    BOIS   1 

consliuctioii  pai-  excellence  est  le  bois  de  clièiie.  I.e  sol  des  (laules  était 
renoiunié  dans  l'antiquité  pour  l'abondance  et  la  (jualité  de  ses  bois  de 
chêne.  f>es  H(»inaiiis  tiraient  de  celte  contrée  les  bois  (|u"ils  employaient 
dans  la  constructictii  de  leurs  editices  ou  dans  la  marine;  et  telle  était 
l'immense  étendue  de  ses  forêts,  que  lonj^temps  après  eux  les  constructeurs 
firent  usage  du  bois  de  chêne  avec  une  incioyable  profusion  dans  les 
constructions  relijiieuses,  civiles  et  militaires.  Pendant  les  périodes  méro- 
vingienne et  carlovingienne,  les  églises,  les  monastères,  les  palais,  les 
inaisons.  les  chaussées,  les  ponts  et  même  les  enceintes  des  villes  étaient 
en  grande  partie  élevés  en  bois,  ou  du  moins  cette  matière  entrait  pour 
beaucoup  tians  la  construction.  Les  premières  chroniques  françaises 
mentionnent  sans  cesse  des  désastres  terribles  causés  par  le  feu  ;  des  villes 
tout  entières  sont  consumées.  Ce  tléau  devint  tellement  fréquent,  surtout 
pendant  les  expéditions  normandes,  que  l'on  dut  songer  à  rendre  les 
édifices  publics  et  les  habitations  privées  plus  durables,  en  remplavant  le 
bois  par  de  la  maçonnerie.  Les  voûtes  furent  substituées  aux  charpentes 
apparentes.  Les  palais  et  maisons  eurent  des  murs  de  brique  et  de  pierre 
au  lieu  de  ces  pans-de-bois  si  fréquents  du  temps  de  Grégoire  de  Tours  et 
longtemps  encore  après  lui. 

A  partir  du  xi*^  siècle,  le  bois  n'est  plus  guère  employé  dans  les  édifices 
publics  que  pour  couvrir  les  voûtes  et  recevoir  la  tuile  ou  le  plomb  ;  dans 
les  hal)itations,  que  pour  les  planchers  et  les  combles.  Lorsque  ces 
désastres  causés  par  la  négligence,  le  défaut  d'ordre  et  les  guerres,  furent 
oubliés  ;  lorsque  les  villes  prirent  une  grande  importance  commerciale, 
que  le  terrain  municipal  eut  acquis  de  la  valeur  par  suite  de  Taugmentation 
de  la  population  dans  des  enceintes  fortifiées  que  l'on  ne  pouvait  étendre, 
les  constructions  privées  en  bois  reparurent,  comme  plus  faciles  à  élever, 
et  surtout  perdant  moins  de  terrain  que  les  constructions  de  maçonnerie. 
Et,  en  effet,  c'est  dans  les  villes  commerçantes  du  xv^  siècle,  telles  que 
Rouen.  Caen,  Paris,  Reims,  Troyes,  Amiens,  Béarnais,  que  s'élèvent 
surtout  des  maisons  de  bois  à  la  place  des  maisons  de  pierre  des  xn*^  et 
XHF  siècles. 

Depuis  le  xiii**  siècle,  les  provinces  du  midi  étaient  en  décroissance; 
les  enceintes  des  villes  à  peine  remplies  ne  nécessitaient  pas  ces  économies 
de  l'espace;  les  habitants  continuèrent  à  élever  des  maisons  de  pierre  ou 
de  brique  ;  d'ailleurs  les  forêts  de  ces  contrées  étaient  déjà  dévastées  en 
grande  partie  dès  l'époque  des  guerres  religieuses  du  xiii«  siècle,  et  le 
climat  est  moins  favorable  à  la  reproduction  des  bois  durs  que  le  nôtre. 
C'est  donc  surtout  dans  les  provinces  situées  au  nord  de  la  Loire  qu'il  faut 
aller  chercher  les  constructions  de  bois ,  que  cette  matière  fut  employée 
avec  une  parfaite  connaissance  de  ses  qualités  précieuses.  Or,  si  aujourd  hui 
nous  possédons  des  ouvrages  pleins  d'observations  savantes  sur  les  bois, 
si  nous  connaissons  parfaitement  leur  pesanteur  spécifique,  leur  dureté, 
leur  degré  de  résistance;  si  de  nombreuses  ex|)eriences  ont  été  faites  sur 
les  moyens  de  les  conserver,  sur  la  meilleure  culture  et  l'aménagement  des 


I    BOIS   I  _   »2 1  i   _ 

forêts,  il  faut  cependaiil  ieconiiailre(|uedans  la  j)rali(|ue  nous  ne  pensons 
liuère  à  ces  savantes  ivrlicirhes ,  à  ces  ol)sorvati(>ns  appr«»IVni(lit's;  (|ut' 
nous  discourons  à  merveille  sur  les  bois,  et  (|ue  nous  les  »'inployons  trop 
souvent  en  dépit  de  leurs  qualités,  et  conini»'  si  nous  ne  connaissions  pa^ 
la  nature  de  cette  matière.  iMallieurensenient,  de  nos  jours,  le  praticien 
dédaifîne  Tobseivation  scientili(|ue  ;  le  savant  n'est  pas  praticien.  Le  savant 
travaille  dans  son  cabinet,  et  ne  descend  pas  sur  le  chantier;  le  praticien 
n'obsei'vc  |)as.  il  cherche  à  produire  vite  et  à  bon  marché.  I>es  mauvaises 
habitudes  intioduites  par  Tamour  du  lucre,  rij;norance  et  la  routine, 
suivent  leur  cours,  pendant  que  le  savant  observateur  compose  ses  livres, 
établit  ses  formules. 

Le  moyen  âge,  qui,  pour  beaucoup  de  gens,  non  praticiens  il  est  vrai, 
est  encoie  une  époque  d'ignorance  et  de  ténèbres,  n'a,  que  nous  sachions, 
laissé  aucun  livre  sur  la  nature  des  bois  et  les  meilleurs  moyens  de  les 
employer  dans  les  constiuctions;  cette  époque  a  fait  mieux  que  cela  :  elle 
a  su  les  mettre  en  œuvre,  elle  a  su  élever  des  ouvrages  de  charpente  dont 
la  conservation  est  encore  parfaite,  tandis  que  nos  bois  employés  il  y  a 
vingt  ou  trente  ans  à  peine  sont  pourris. 

Nous  a!l(nis  essayer  de  nous  servir  des  observations  purement  |)raliques 
des  charpentiers  du  moyen  âge  sur  les  bois;  cet  aperçu  aura  peut-être  son 
utilité.  On  a  prétendu  (|ue  beaucoup  de  (charpentes  du  moyen  âge  étaient 
faites  en  bois  de  châtaignier;  nous  sommes  obligé  d'avouer  que  nous 
n'avons,  jusqu'à  présent,  rencontré  aucune  pièce  de  charpente  de  cette 
époque  dont  le  tissu  lessemble  à  celui  de  cette  essence.  Toutes  les  char- 
pentes que  nous  avons  visitées,  celles  des  cathédrales  de  (Iharlies  et  de 
Paris,  de  Saint-ticorges  de  Rocherville,  de  l'évèché  d'Auxerre,  (1»>  l'église 
de  Saint-Denis,  (jui  datent  du  xiik  siècle",  celles  des  cathédrales  de  Reims, 
d'Amiens,  de  l'église  Saint-Martin-des-dhamps,  de  la  cliaj)elle  Saint- 
(iermer ,  de  l'hôpital  de  Tonnerre,  et  tant  d'auties  qu'il  serait  tioplong 
d  enumérer  et  qui  datent  desxine,xiv*,xv«etxvi«*siècles,  nous  ont  paruètre 
en  chêne,  et  n'avoir  aucune  ressemblance  avec  le  bois  de  châtaignier  (|ue 
nous  j)()Ssé(lons  aujourd  hui  dans  nos  forêls.  (Cependant  il  l'aut  dire  que  le 
bois  de  chêiie  enq)loye  alors  elail  dune  autre  essence  (|ue  celui  générale- 
ment admis  dans  les  constructions  modernes.  Les  caractères  particuliers 
de  ces  anciens  bois  sont  ceux-ci  :  égalité  de  grosseur  d'un  bout  a  l'autre 
des  pièces,  peu  d'aubier,  tissu  poreux,  soyeux,  til  dioil,  absence  presque 
totale  de  nœuds,  de  geri^'ures,  rigidité,  égalité  de  coideur  au  cu'ur  et  à  la 
surface;  couches  concentriques  fines  et  égales,  légèreté  (ce  (|ui  lient  pro- 
bablement à  leur  sécheresse),  il  est  certain  que  l'on  possédait  encore  au 
moyen  âge  et  jusqu'au  xvii»"  siècle,  dans  nos  forêts,  une  essence  de  chênes 
parfaitement  droits,  égaux  de  la  base  aux  branches  supérieures ,  et  très- 
élevés  quoique  d'un  diamètre  assez  faible.  Ces  chênes,  qui  semblaient 

'   L'ancienne  cliaijieiiU'  (Je  la  ealliedrale  de  Cli;iiiieb  lui  mceiuliee  en  IIS.'5()  ;  colle  de 
l'oylise  de  Saint-Denis  esl  démolie,  mais  il  en  existe  de  nomhreu.v  fragments. 


-21  ri  — 


BOIS 


|)oussés  pour  faire  de  la  charptMite,  n'avaient  pas  besoin  d'être  refendus  à 
la  scie  pour  faire  des  entraits,  des  arbalétriers,  des  poinçons;  on  se  con- 
tentait de  les  équarrir  avec  soin  ;  n'étant  pas  refendus,  et  le  cueur  n'étant 
pas  ainsi  mis  à  découvert .  ils  étaient  moins  sujets  ii  se  gercer,  à  se  tour- 
menter, et  conservaient  leui'  foice  naturelle.  (>es  bois  (ce  qu'il  est  facile 
de  reconnaître  au  nombre  des  couches  concentriques)  ne  sont  pas  vieux  ; 
ils  conqitent  habituellement  soixante.  (|uatre-vinf,fts  ou  cent  années  au 
plus  pour  les  pièces  d'un  fort  équarrissaj^'e.  I-,es  chevrons  portant  ferme 
sont  eux-mêmes  des  bois  de  brin  non  refendus,  et  ces  chevrons,  qui  ne 
comptent  ixuère  (jue  soixante  années^  altei.unent  cependant  parfois  douze 
et  (|uinze  mètres  de  lon<iueur  sur  un  é(iuarrissage  de  0,!20  x  0,'20. 
Évidemment  nos  forêts  ne  produisent  plus  de  ces  bois. 

Les  charpentiers  du  moyen  k^e  semblent  avoir  craint  d'employer,  même 
dans  les  plus  ^n-andes  charpentes,  des  bois  d'un  fort  équarrissage,  et  très- 
vieux  par  conséquent  ;  s'ils  avaient  besoin  d'une  grosse  pièce,  telle  qu'un 
poinçon  de  flèche  par  exemple,  ils  réunissaient  quatre  brins:  c'était  encore 
un  moyen  d'éviter  les  torsions  si  fréquentes  dans  les  pièces  uniques. 
Avait-on  une  grande  charpente  à  exécuter,  on  allait  à  la  forêt  choisir  les 
bois  ;  on  les  écorçait  avant  de  les  abattre  ;  on  les  emmagasinait  plusieurs 
années  à  l'avance,  à  l'air  libre,  mais  abrités  et  tout  équarris.  L'abatage 
se  faisait  en  hiver,  et  pendant  la  durée  d'une  certaine  lune  '.  Vraie  ou 
fausse ,  cette  croyance  démontre  l'importance  que  l'on  attachait  à  ces 
opérations  préliminaires.  Les  bois  bien  secs,  après  un  très-long  séjour  à 
l'air,  ou  une  immersion  destinée  à  dissoudre  et  enlever  la  sève,  étaient 
mis  sur  chantier,  A  la  pose,  on  redoublait  de  soins;  le  bois  coupé  debout 
et  posé  contre  la  maçonnerie  aspire  l'humidité  de  la  pierre;  pour  éviter  la 
pourriture  qui  résulte  bientôt  de  cette  aspiration,  on  clouait  quelquefois 
aux  extrémités  des  pièces  touchant  à  la  maçonnerie,  soit  une  lame  de 
plomb^  soit  une  petite  planchette  coupée  de  fd;  d'ailleurs  on  prenait  les 
plus  grands  soins  pour  tenir  les  sablières  isolées  de  la  pierre,  pour  laisser 
circuler  l'air  autour  du  pied  des  arbalétriers  ou  des  chevrons.  On  évitait 
autant  que  possible  les  assemblages,  tant  pour  ne  pas  affaiblir  les  bois  que 
pour  éloigner  les  chances  de  pourritui'e.  11  arrivait  souvent  (|ue  les  bois  de 
chaipente  recevaient  une  couche  de  peinture  qui  semble  n'être  qu'une 
dissolution  d'ocre  dans  de  l'eau  salée  ou  alunée  ;  et,  en  etfet,  une  lessive 
de  sel  marin  ou  d'alun  empêche  les  insectes  de  s'attacher  à  la  surface  du 
bois;  elle  leur  donne  une  belle  teinte  gris-jaune  d'un  aspect  soyeux.  On  a 
supposé  que  le  bois  de  châtaignier  avait  la  propriété  d'éloigner  les 
araignées,  et  on  a  conclu  de  l'absence  des  araignées  dans  les  anciens 
combles  que  ceux-ci  étaient  en  bois  de  châtaignier;  mais  les  araignées  ne 
se  logent  que  là  où  elles  peuvent  vivre,  et  les  bois  bien  purgés  de  sève, 

'  CeMe  croyance  à  l'influence  de  la  lune  sur  les  bois  au  momenl  de  l'abatage  s'est 
encore  conservée  dans  quelques  provinces  du  centre  eu  France,  à  ce  point  que  les  bois 
abattus  pendant  la  lune  favorable  se  vendent  plus  cher  que  les  autres. 


I     BOSSAliK    1  —    ^"'    — 

quelle  que  soit  leur  essence,  |)ro(iuisaiil  peu  ou  point  de  vers,  de  mouches, 
ne  peuvent  servir  de  loj-^is  aux  arai^niées. 

Quant  aux  bois  enqiloyés  dans  les  planchers  et  pans-de-bois  pendant  le 
moyen  à{iO,  ils  n'étaicnl  jamais  enfermés,  comme  ils  le  sont  aujoindiiui, 
entre  des  enduits;  deux  de  leurs  faces  au  moins  restaient  tctujours  à  lair 
libie  :  or  cette  condition  est  nécessaire  à  leur  conservation.  Les  planchers 
se  composaient  d'une  série  de  poutrelles  ou  solives  apparentes  recouvertes 
d'une  aire,  sur  laquelle  on  posait  le  carrelage;  les  pans-de-bois  laissaient 
voir  leurs  deux  faces  intérieure  et  extérieure.  Dans  cette  situation,  la  durée 
des  bois  est  illimitée,  tandis  (|u"ils  sechaulVenl ,  fermentent  et  se  pour- 
rissent avec  rapidité,  lors(|uils  sont  conqilétement  enfermes.  Tous  les 
jours  nous  voyons  des  planchers  qui  n'ont  pas  plus  de  vingt  et  trente  ans 
d'âge,  dont  les  solives  sont  totalement  pourries.  On  objectera  que  ces 
planchers  ont  été  exécutés  avec  des  bois  verts  ;  cela  est  possible.  Mais 
nous  avons  vu  des  poutres  de  planchers  restées  apparentes  ptMidant  deux 
ou  trois  siècles  en  parfait  état,  se  pourrir  en  quelques  années  lorstjuon 
les  avait  enfermées  dans  des  enduits;  ce  n'est  donc  pas  seulement  à  la 
verdeur  des  bois  qu'il  fan!  allribuer  leur  décomposition  lorscpi'ils  sont 
enfermés,  mais  au  défaut  d'air  qui  produit  leur  fermentation. 

On  a  cru,  surtout  depuis  le  xviie  siècle,  que  plus  les  bois  étaient  gros  et 
mieux  ils  résistaient  à  la  destruction  ;  c'est  là  une  erreui-  que  ne  parta- 
geaient pas  les  charpentiers  du  moyen  âge.  Nous  lavons  dit  déjà  :  les 
bois  qu'ils  employaient  généralement  dans  les  charpentes  n'étaient  |)as 
d'un  très-fort  équarrissage  ;  ils  tenaient  plus  à  leur  qualité,  à  l'égalité  de 
leur  tissu,  à  leur  longueur  et  rectitude  naturelles,  qu'à  la  grosseur  du 
diamètre  des  pièces.  Le  bois  de  chêne  ne  devient  très-gros  qu'après  cent 
cinquante  ou  deux  cents  ans  d'âge;  alors  le  co-ur  tend  à  se  décomposer, 
et  c'est  par  le  coeur  que  conmience  la  ponrriture  si  dangereuse  des  gros 
bois.  Nous  renvoyons  nos  lecteurs  à  l'ailicle  charpenïi:,  dans  lequel  nous 
démontrons,  par  des  exemples,  que  si  les  ('harj)entiers  du  moyen  âge 
choisissaient  les  bois  de  construction  avec  grand  soin ,  ils  n'étaient  pas 
moins  scrupuleux  dans  la  manière  de  les  tailler,  de  les  monter  et  les  poser. 

BOISERIE,  s.  f.  (Voy.  menuiserie.) 

BOSSAGE,  s.  m.  C'est  le  nom  (pie  l'on  donne  au  parement  saillant 

brut  d'une  pierre  dont  les  arêtes  seulement 
^  sont  relevées  par  une  ciselure,  ainsi  (|ue  le 
démontre  la  tig.  I .  Dans  des  constructions  de 
pierre  de  taille  que  l'on  veut  élever  rapide- 
ment, en  n'enqîloyant  que  la  main-d'œuvre 
rigoureusement  nécessaire  pour  permettre  de 
poser  les  assises  sans  perte  de  temps,  on  s'est 
quelquefoiscontentéde  tailler  les  lits,  joints  et 
les  arêtes  des  pierres,  sans  se  préoccuper  de  parementer  les  surfaces  com- 


—  -217  — 


BUSSAliK    j 


prises  entre  ces  aiètes.  Les  Koiuaiiis  ont  fait  usa^'e  de  ce  mode  rapide  dt- 
construire,  et,  p<Midant  le  moyen  àiîe,  nous  \ oyons  certaines  bâtisses  dans 
lesquelles  on  a  laisse  des  bossages  bruts  sur  la  face  \ue  de  tluKpie  pierre. 
C'est  particulièrement  dans  les  tuivrages  de  tortiticati(»n  de  la  fin  du 
xnr  siècle  (pie  ce  genre  de  construction  apparaît,  surtout  dans  les  contrées 
où  la  qualité  très-dure  de  la  pierre  ne  se  prèle  pas  à  la  taille.  Toutes  les 
parties  de  lenceinte  de  la  cité  de  Carcassonne,  bâties  sous  IMiilippe  le 
Hardi,  ont  des  parements  à  bossaa:es  ;  nous  en  voyons  également,  vers  la 
même  époque,  à  la  grosse  tour  de  l'ancien  archevêché  de  Narbonne,  à 
Aigues-Mortes,  etc. 

Les  bossages  disparaissent  des  parements  de  pieire  pendant  les  xiv 
et  xv«;  siècles ,  pour  reparaître  au  xvi^,  avec  l'imitation  de  l'architecture 
italienne.  Ils  deviennent  même  alors  un  motif  de  décoration  dans  l'archi- 


tecture civile  et  militaire:  ils  sont  ou  bruts,  ou  taillés  en  tables  (2),  en 


4 


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A 


M 


poinie>  de  diamant  (3),  en  demi-sphères  (i),  connue  un  peut  le  voir  dans 

2S 


T.    11. 


IIOlDIN 


—   '2\H  — 


qiu'lqiu's  timrs  l'ortiliccs  de  la  fin  du  .\\'"  sit^'clc  »»u  du  ronnufiift'iiioiif 
du  wi-',  el  nolaunncnt  sur  les  parcnitMils  de  la  grosse  lourde  la  \)inlr 
nord  de  renceiule  de  Vezolay,  hàlie  au  <'oiinu«>n(<Mn»'iit  du  règne  de 
François  l'''". 

Pondant  le  développement  de  l'arcliilecture  de  la  renaissanee ,  on  voit 
les  l)ossaj?es  se  couvrir  de  divers  ornements,  tels  que  vermiculures  *, 
emi>lènies,  chiH'res,  r«''seau\.  efe.  Le  rez-de-cliaussee  de  la  jurande  i:alerie 
du  Louvre,  du  pavillon  d'Apollon  au  pavillon  Lesdi;;uières,  nous  lournil 
de  nombreux  exemples  de  ce  genre  de  décoration  de  bossages. 

BOSSIL,  s.  m.  Vieux  mot  qui  signifie  une  braie,  un  dos  d'âne  au  milieu 
d'un  fossé;  aussi  l'escarpement  que  produit  la  terre  d'un  fossé  jeté  sur 
berge  (voy.  bu  aie). 

BOUDIN,  s.  m.  (yest  un  membre  d'architecture  de  forme  cylindri(|ue 
qui  décore  les  archivoltes,  les  arcs  doubleaux,  arcs  ogives,  bandeaux,  etc. 
Dès  le  IX*  siècle,  on  voit  apparaître  le  boudin  dans  les  arcs  doubleaux 
pour  les  alléger.  La  crypte  de  l'église  cathédrale  de  vSaint -Etienne 
d'Auxerre  présente  déjà  de  gros  boudins  ou  demi-(  ylindres  saillants  siu* 
un  arc  doubleau  à  aiètes  vives  (I).  On  voit  aussi,  dans  la  cryjile  de  l'église 
Saint-Euthrope  de  Saintes  (conmiencement  du  xii''  siècle) ,  des  arcs  dou- 


bleaux  qui  ne  sont  que  de  gros  boudins  ("2).  Lorsque  la  voûte  en  arcs 
d'ogive  est  adoptée  pendant  le  xu<-  siècle,  la  coupe  des  arcs  doubleaux 
reste  souvent  rectangle,  et  les  arcs  ogives  prennent  un  ou  trois  boudins  (;{)  \ 


1  Ces  bossaj;;es  luMnisiiIitMiques  se  Irouvent  souvent  sur  les  parements  fies  forlifi- 
calions  élevées  au  nionieiil  île  l'emploi  régulier  de  l'arlilleiie  à  l'en.  Ils  (iijnraienl 
évidemment  des  boulets. 

2  Ce  genre  d'ornemenlalion  est  une  imitation  des  ell'els  que  produit  le  salpêtre  sur 
certaines  pierres  caleaires  tendres,  particnliéreliient  à  l'exposition  du  sud.  Les  tailleurs 
de  pierre  et  les  carriers  attribuent  encore  aiijourd'liui  cet  ellét  singidicr  de  décompo- 
sition à  rinihience  de  la  lune. 

■'  l'on  lie  de  l'édise  abbatiale  de  Vé/elav. 


-2  lu 


[    BOULEVARD    | 


Mais  les  cou|)es  rectaiij'les  ne  devaient  pas  ètiv  longtemps  conservées 
|)our  les  arcs  doubleaux;  dès  le  milieu  du  \m'"  siècle,  nous  voyons  les 
Itondins  i"»'mj)lacer  les  arêtes  vives  (voy.  aik;  doibi.eai  .  arc  fMUVE). 


Pendant  le  xni*^  siècle,  les  moulures  des  divers  membres  de  larchitecture 
deviennent  de  plus  en  plus  délicates,  et  les  boudins  donnent  une  forme 
trop  molle  pour  être  longtemps  conservés;  ils  reçoivent  une  arête  sail- 
lante A  (4) . 

Au  xive  siècle,  larète  aiguë  du  boudin  ne  semble  pas  assez  accusée  ; 
on  lui  donne  un  méplat  A  (o)  '. 


Dans  les  meneaux,  c'est  un  boudin  qui  forme  le  principal  nerf  de  la 
combinaison  des  courbes  (voy.  mexeal);  dans  ce  cas,  il  ne  fait  que  conti- 
nuer le  diamètre  de  la  colonnette.  Le  boudin  disparaît  au  xv»;  siècle  et  fait 
place  à  des  formes  prismatiques  curvilignes  (voy.  profil). 

BOULEVARD,  s.  m.  Boluverl,  boulevert.  On  désignait  par  ce  mol,  à  la 
fin  du  xye  siècle  et  pendant  le  xyi»,  un  ouvrage  de  fortification  avancé  qui 


'  Déjà  on  trouve,  dans  des  »>difiies  du  xiu'  siècle,  des  lioudins  taillés  suivant  la 
roupp  donnée  par  la  fig.  'i. 


I  itou.KWui)  1  —  '2-20  — 

remplaçait  les  barbacanes  des  anciennes  forteresses  (voy.  architectire 
.Mii.iTArnF,).  Le  Ixuilevard  apparaît  en  même  temps  (pie  l'application  réf,'u- 
lière  (le  Tartillerie  à  l'eu.  Il  est  d'abord  élevé  en  teric  i^a/.onnée.  et  c'est 
peut-être  à  son  apparence  verdoyante  à  l'extérieur  qui!  doit  son  nom  ; 
l)ientôt,  d'ouvraj^e  "provisoire  élevé  à  la  bàle  en  dehors  des  vieilles 
nmrailles,  il  passe  à  l'état  de  terrassement  pei-manent  revêtu  de  pierre 
ou  de  construction  de  maçonnerie  épaisse  ,  défendue  par  des  fossés,  des 
batteries  couvertes  et  barbettes.  Le  boulevard  devient  la  principale 
défense  des  places  ;  il  proté^^e  les  anciens  nmrs,  ou  bien,  établi  sur  un 
point  faible,  il  forme  un  saillant  considérable  et  ne  se  relie  à  r'ensend)le 
de  la  forteresse  que  par  des  lignes  étendues. 

Parmi  les  essais  qui  furent  tentés,  à  la  fui  du  xve  siècle  et  au  comni^nce- 
ment  du  xvi«,  pour  mettre  la  défense  des  places  au  niveau  de  l'atta(iue, 
nous  devons  citer  en  pnMnière  ligne  la  belle  forleress(>  de  Schaffbausen, 
véritable  boulevai'd,  (pii  présente  tout  un  enseml'le  d'ouvrages  fort 
reniar(piable  pour  répo(|ue,  et  parfaitement  complet  encore  aujourd'hui. 
Mais  pour  faire  comj)rendre  l'importance  de  cet  ouvrage,  il  est  nécessaire 
de  se  rendre  compte  de  son  assiette.  En  sortant  du  lac  de  Constance,  le 
Rhin  se  dirige  par  Stein  vers  l'ouest  ;  arrivé  à  Schaffhausen.  il  se  détourne 
brusquement  vers  le  sud  jusqu'à  Kaiserstuhl.  (le  coude  est  causé  pai- de 
hautes  collines  locheuses  (pii  ont  présenlé  un  obstacle  au  fleuve  et  l'ont 
contraint  de  changer  son  cours.  Stein,  SchalVhausen  et  Kaiserstuhl  forment 
les  trois  angles  d'un  triangle  équilatéral  dont  Schaffbausen  est  le  sommet. 

II  était  donc  d'une  grande  importance  de  fortifier  ce  point  avancé,  frontière 
d'un  État,  d'autant  mieux  que  la  rive  gauche  du  fleuve,  celle  qui  est  dans 
le  triangle,  estMominé(>  par  l(>s  collines  de  la  rive  dioile  qui  ont  présenté 
au  fl(>uve  un  obstacle  iiisuinionlable.  En  cas  d'invasion,  l'ennemi  ne 
pouvait  manquer  d'occuper  les  deux  côlés  du  (l'iangle  et  de  tenter  le 
passage  du  fleuve  au  j)oml  où  il  forme  un  coude;  il  ne  risquait  pas  ainsi 
d'être  pris  en  flanc.  Ceci  |)osé,  les  Suisses  établirent  dès  lors  un  pont 
reliant  les  deux  rives  du  Khin  et  les  deux  parties  de  lavilledeSchafi'hausen, 
et  sur  la  rive  droite  ils  planlt'rent  une  gi'aiide  forteresse  au  sommet  de  la 
colline  commandant  le  fleuve,  en  reliant  cette  ciladelle  au  lUiin  par  deux 
murs  et  des  tours.  Ces  deux  nmrs  forment  un  vaste  triangle,  sorte  de  tête 
de  pont  commandée  par  la  forteresse.  Voici  (1)  l'aspect  général  de  cette 
fortification,  (pie  nous  devons  étudier  dans  ses  détails.  La  ciladelle,  ou 
phil(')t  le  grand  boulevard  (|ui  couronne  la  colline,  est  à  trois  étages  de 
batteries,  deux  couveiles  ei  une  à  ciel  ouvert.  La  batterie  inférieure  est 
placée  un  peu  au-dessus  du  fond  du  fossé,  (|ui  est  liès-profond  ;  en  voici 
le  plan  (2).  On  arrive  au  chemin  de  ronde  pentagonal  A  par  une  rampe 
spirale  en  pente  douce  B  permettant  le  charroi  de  pièces  de  canon.  A 
chaque  angle  de  ce  chemin  de  ronde,  d'une  largeur  de  2'",00  environ,  sont 
perctM's  des  endtrasures  biaises  pour  l'arlilleiie  batlani  le  fossé;  en  avant 
des  ci!)tés  du  p(»lyg()ne  sont  élevés  trois  petits  ouviages  isolés,  sortes  de 
bastions  doiu  nous  donnons  (li)  Tt-hnatioii  peispcclivc.  Ln  ïjupposani  que 


—    --I     —  [    BOll.KNAHIi     I 

rassit'jieaiit  Cùl  |>ai\tiiii  à  (Iftiuiic  un  de  ces  bastions  au  moyen  d'une 


I 


=^E^^^ 


^ 


VI. 


ah  I  N 


liatterie  de  brèche  établie  sur  la  contrescarpe  du  fossé  (car  le  sommet  de 


ces  bastions  ne  dépasse  pas  le  iiixcau  de  la  «H'Ic  d.-  crllf  ctintrescarpe.  l't 


I     BUI'LKVAIU) 


»)>.)v)     


ils  sont  ((jinplétenu'iil  masqués  du  dcluns) ,  on  ne  pouvait  s'introduirr 
dans  la  |)la('(' ;  non-scidcinciil  ces  hastictiis  sont  isolt's  cl  n'ont  de  (■(iitniin- 


t^^M<. 


nication  qu'avec  le  fossé,  mais  ils  sont  aiMnés  d'embrasuies  de  canon  C  à 
la  gorge,  percées  dans  le  chemin  de  ronde  (fîg..  2),  et  leur  destruetion  ne 
faisait  que  démasquer  ces  end)rasures.  Les  bastions,  complètement  hàtis 
en  pierre,  sont  couverts  par  des  coujxiles  avec  lant(Mn()iis  perces  dévcnts 
pour  |)ermettre  à  la  fumée  des  pièces  de  s"èclia[)per.  Le  premier  étage  (i), 
auquel  on  arrive  par  la  même  pente  douce  spirale  B,  hupielle  est  alors 
supportée  par  quatre  colonnes  montant  de  fond,  présente  à  l'extérieur  un 
plan  parfaitement  circulaire,  la  tour  contenant  la  rampe  formant  seule  une 
saillie  sur  ce  pâté,  du  côté  du  lleuve.  Vers  le  point  opixtsè,  en  E,  est  un 
pont  volant  traversant  le  fossé;  c'est  de  ce  côte  (pie  rai-chitecte  a  cru 
devoir  renforcer  son  houlevard   par  une  énorme  masse  de  mavonnerie 


—  -2-23   - 


BOII.KWUI) 


pleine,  ot  ct'la  avec  raison,  la  foitorpsse  no  pouvant  être  l)attuo  en  brèche 
des  plateaux  voisins  que  sur  ce  point.  Sur  la  (lroit(>  du  boulevard,  eu 


amont  du  fleuve,  du  côté  on  une  attaque  pouvait  aussi  être  tentée,  est  une 
batterie  F  caseniatée,  séparée  de  la  salle  principale  par  une  épaisse  maçon- 
nerie. Une  brèche  faite  en  G  ne  pouvait  permettre  à  l'ennemi  de  s'introduire 
dans  la  place.  En  H  est  une  inmiense  salle  dont  les  voûtes  d'arêtes  sont 
soutenues  parquatreirros  piliers  cylindriques.  Quatre  embrasures  s'ouvrent 
dans  cette  salle,  deux  flanquant  les  deux  courtines  qui  det^c'cudent  au  fleuve, 
et  deux  donnant  dans  le  triangde.  Outre  les  évents  percés  au-dessus  de 
chacune  des  embrasures,  dans  les  voûtes  de  la  i^rande  salle  s'ouvrent 
quatre  lunettes  M  de  près  de  trois  métrés  de  diamètre,  destinées  à  donner 
du  jour  cl  de  l'air,  et  à  laisser  échapper  pnunptement  la  fumée  de  la 


[    BOILKVAHI)    I  —    "l'ii    — 

poudre.  En  I  est  un  puits,  el  ou  K  deux  jx'tils  escaliers  à  \is  (-(nmiiuui- 

(|Uiint  à  la  plale-rornio  supérieure 
pour  le  service  de  la  j,'aruisoii. 
Près  de  la  rampe  est  un  troisième 
escalier  à  vis  qui  monte  de  tond. 
Nous  présentons  ici  (5)  une  des 
embrasures  de  la  frrande  salle,  in- 
;;éuieuseuuMit  coud)iuee  pour  per- 
mellre  à  des  pièces  de  petit  calibre 
de  tirer  dans  toutes  les  directions 
sans  démas(pier  ni  ces  pièces  ni 
les  servants.  La  tiy.  ('»  donne  le 
plan  de  l'ela^c  supérieur  ou  jjlate- 
t'oruic  dont  le  parapet  est  percé  de 
dix  embrasures  pour  du  canon,  et 
de  quatre  échaujjfuettes  ttanciuanl 
la  circonlerence  de  la  forteresse, 
percées  de  meurtrières  plou^^an- 
les  el  borizontales.  pour  poster  des 
ar(iuebusiers.  On  voit  que  les  deux 
premières  end)rasures  à  droite  et 
à  gauche  battent  l'intérieur  du 
trianj(le  et  tlanquent  la  tour  de  la 
rampe  (|ui  sert  de  donjon  ou  de 
{jfuette  à  tout  l'ouvrajïe.On  retrouve 
„,  . ,,  sur  ce  plan  les  (luatre  crandes  lu- 

PLAN  ,.■•..- 

nettesI\l,lepuUs  iet  lespetUsesca- 
liers  de  service.  Les  eaux  de  la  plate-torme  s'écoulent  par  dix  gargouilles 


placées  sous  les  end)rasures.  En  N,()  (fig.  i) .  soiii  les  deux  cointines  (pii 


'2î*r^  — 


KOILKVAHU 


^i/.'LL/iuvor  ^savë' 


vont  rejoindre  le  fleuve.  Celle  N.  en  amont,  est  plus  fortement  défendue 
T.  II.  -20 


[    BOLLKVARI)    |  —    "^-'J    — 

que  l'autre;  sous  les  arcs  qui  portent  le  chemin  de  ronde  et  leshourds  de 
bois,  encore  en  place  aujourd'hui,  sont  percées  des  embrasures  qui  battent 
les  rampes  du  coteau,  du  côté  où  rennemi  devait  se  présenter,  l'autre 
côté  étant  pioté^'é  par  la  muraille  du  faubourj;  de  SchatVhausen.  Pour  bien 
faire  comprendre  l'ensemble  de  cette  belle  forteresse,  nous  en  donnons  une 
vue  (7),  prise  en  dedans  du  triangle  foiiné  par  les  deux  courtines  descen- 
dant au  fleuve.  On  voit  que  la  courtine  N  en  amont  est  tlanrpiée  par  une 
haute  tour  carrée.  Nous  avons  rétabli  la  tour  qui  se  trouvait  à  la  tète  du 
pont,  et  qui  est  aujourd'hui  détruite.  H  ne  reste  plus  que  quehpies  traces 
des  ouvrajijes  (|ui  «Miviron liaient  celte  tour.  L'ancien  pont  a  été  remplacé 
par  un  pont  moderne.  Quant  au  corps  principal  de  la  forteresse,  aux 
courtines,  fossés,  etc.,  rien  n'y  a  été  retranché  ni  ajouté  depuis  le 
xvie  siècle.  La  maçonnerie  est  grossière,  mais  excellente,  et  n'a  subi 
aucune  altération.  Les  voûtes  de  la  grande  salle  sont  épaisses,  bien  faites, 
et  paraissent  être  en  état  de  résister  aux  bombes. 

Cette  défense  de  Schalfhausen  a  un  grand  air  de  puissance,  et  nous 
n'avons  rien  conservé  de  cette  époque,  en  France,  qui  soit  aussi  complet 
et  aussi  habilement  combiné.  Pour  le  temps,  les  llanquements  sont  très- 
bons,  et  le  plan  du  rez-de-chaussée  au  niveau  du  fond  du  fossé  est 
réellement  tracé  d'une  manière  remarquable.  Si  l'on  tiouve  encore  ici  un 
reste  des  traditions  de  la  fortification  antérieure  aux  bouches  à  feu,  il  faut 
dire  cependant  que  les  efforts  faits  pour  s'en  affranchir  sont  très-sensibles. 


PSGAHD 


et    la  forteresse  de  Sehaniiausen   nous  parait   su|)érieure   aux   ouvrages 
analogues  exécutés  à  la  même  épo(jue  en  Italie. 


■2-27  


iioi  l.i:\  AUl) 


A  l'instar  des  lours  du  moyen  àj^e,  la  forme  circulaire  est  prélerée 
pour  les  i)remiers  boulevards  comme  poiu-  les  pr<'iniers  bastions.  Albert 
Durer  trace  des  boulevards  semi-circulaires,  avec'  tlancs  droits  en  avant 
des  anj^les  saillants  des  muiailles.  Il  les  compose  d'une  batterie  barbette 
battant  les  dehors,  la  contrescarpe  et  les  jilacis,  et  d'une  batterie  couverte 
battant  les  fossés,  ainsi  que  l'indique  le  plan  (H)  cpie  nous  donnons  ici 
d'après  son  œuvre.  Le  boulevard  d'Albert  Durer  est  isolé  de  la  courtine 
par  un  boyau  DD,  sorte  de  fossé  couvert  |)ar  un  j)lancliei'.  Derrière  le 
boulevard  sont  établies,  au  niveau  du  sol  de  la  place,  de  vastes  casemates 
E(9)  destinées  au  lof^ement  de  la  garnison  et  au  dépôt  des  nuuiitions  (voyez 
la  coupe  sur  AB  du  plan,  fig.  8).    La  batterie  couverte  est  munie  de 


grandes  embrasures  pour  du  canon  et  d'autres  plus  petites  pour  les 
arquebusiers.  Des  évents  et  cheminées  sont  percés  au-dessus  de  chaque 
embrasure.  Les  casemates  E  sont  éclairées  et  aérées  par  des  lunettes 
percées  au  milieu  de  chaque  voijte  d'arête,  comme  à  Schatî'hausen. 
Contrairement  à  l'usage  adopté  jusqu'alors,  Albert  Durer  ne  fait  pas 
commander  les  courtines  par  le  boulevard;  au  contraire,  ainsi  que 
l'indique  la  face  extérieure  (10),  il  semble  admettre  que  le  boulevard  étant 

10 


» 

pris ,  en  détruisant  le  plancher  posé  sur  le  fossé  D  (fig.  8  et  9),  les  cour- 
tines pourront  conmiander  cet  ouvrage  avancé  et  empêcher  l'assaillant  de 
s'y  maintenir'. 

Quelle  que  fût  l'étendue  des  boulevards  semi-circulaires,  leurs  feux 
divergents  flanquaient  mal  les  courtines;  on  comprit  bientôt  qu'il  fallait 
se  préoccuper  de  défendre  les  saillants  des  boulevards  plutôt  par  les  feux 
croisés  des  boulevards  voisins  que  par  leur  armement  piopre  ;  que 
l'assaillant  tendant  toujours  à  battre  les  points  saillants,  il  fallait  fair«' 


AU).  Uureri,  picl.  cl  ardiH.,  de  slruend.  aj^gerih.  Parisiis,  1535. 


[    BOULKVARD    | 


—  ■l'2i<>  — 


conver^fii"  sur  le  point  atfa(|Lié  des  l)atl('ri<'s  prcnaiil  r<'miemi  en  écliaipt'  ; 
c'est  alors  que  l'on  renonça  aux  boulevards  scnii-eirculaiies  pour  adopter 
les  faces  formant  un  anyle  ,  ou  (jue  l'on  rcnfoiva  les  batteries  circulaires 
supérieures  par  des  batteries  basses  avec  redents,  connue  à  Augsbour^ 
(voy.  ARCHiTECTLKE  suLiTAMiE,  fig.  68).  Le  plau  général  dcs  fortifications  de 
cette  ville,  au  coniniencenient  du  xyi»^  siècle,  que  nous  donnons  ici  (II), 


fait  voir  comme  on  entendait ,  à  cette  époque,  disposer  les  boulevards  en 
avant  des  aniïles  saillants  des  vieilles  défenses,  et  connue  on  cherchait 
dès  lors  à  rendre  ces  boulevards  plus  forts  par  des  redents  tlanquant  leurs 
faces. 

Mais  c'est  en  France  que  nous  trouvons  les  boulevards  les  mieux  conçus 
dès  le  commencement  du  xvi'^  siècle.  Il  existe  un  plan  (manuscrit  sur 
vélin)  de  la  ville  de  Troyes,  conservé  dans  les  archiv(>s  de  cette  ville,  (jui 
indi((ue  de  la  manière  la  plus  évidente  des  frrands  bastions  ou  boulevards 
àorillons  et  faces  loiinant  des  angles  aij^us  ou  obtus;  et  ce  plan  ne  peut 
être  postérieur  à  1530,  car  il  fut  dressé  au  moment  où  François  I**'' fit 
réparer  les  fortifications  de  Troyes,  en  ir>'-2i.  Voici  (12)  un  fac-similé 
d'un  des  ouvraj^es  projetés  sur  ce  plan.  Le  fossé  est  plein  d'eau;  on  voit 
en  A  de  petites  batteries  masquées,  à  double  étajje,  probablement  réser- 
vées en  contre-bas  et  en  arrière  des  flancs  couverts  B  consliuils  deirière 
les  orillons.  Les  batteries  B  enfilent  le  devaiU  des  anciennes  tours  conser- 
vées. On  remarcjuera  que  la  maçonnerie  qui  revêt  le  boulevard  est  plus 
épaisse  à  la  pointe  qu'aux  épaules ,  présentant  ainsi  sa  plus  {grande 
résistance  au  point  où  la  brèche  devait  être  faite  ;  des  contre-forts  viennent 
encore  maintenir,  sous  le  terrassement,  tous  les  revêtements.  Ol  ouvrajic 
est  inliude  :  lUmlevai'd  de  (a  porte  Saint-Jacques. 

Kn  donnant,  chaque  jour,  aux  boulevards  une  plus  }iraud<'  étendue. 


»2'2i)  


BOLLKV.llU) 


«'Il  protéiieant  leurs  faces  par  des  feux  croisés,  en  aufînientaiit  et  masquant 
leurs  tlancs  pour  enliler  les  fossés,   on  chercliait  encore,  à  la  fin  du 


VILLE 


xvr  siècle,  à  les  isoler  du  corps  de  la  place  dans  le  cas  où  ils  tomberaient 
au  pouvoir  de  l'ennemi.  Dans  les  traités  de  fortification  de  Girolamo  Maggi 
et  du  capitaine  Jacomo  Castriotto,  ingénieur  au  service  du  roi  de  France  ', 
on  voit  des  l)oulevards  très-étroits  à  la  gorge ,  et  pouvant  être  facilement 
remparés;  d'autres  sont,  au  contraire,  fort  larges  à  la  gorge;  mais  celle-ci 
est  casematée,  et  la  galerie  inférieure,  étant  détruite  au  moyen  de  four- 
neaux, forme  un  fossé  entre  le  boulevard  et  le  corps  de  la  place.  Voici  le 
plan  (13)  de  ces  ouvrages  qui  méritent  d'être  mentionnés.  Girolamo 
Maggi  dit  -  qu'un  boulevard  de  ce  genre  avait  été  construit  en  1550  près 
la  porte  Livinia,  à  Padoue,  par  San  Michèle  de  Vérone.  Ce  boulevard  était 
entièrement  isolé  par  une  galerie  casematée  inférieure  A  au  niveau  du 
fossé,  pouvant  servir  au  besoin  de  logement  pour  la  troupe  et  de  maga- 
sins. Dans  les  piles  de  cette  galerie  étaient  ménagées  des  excavations 
propres  k  recevoir  des  fourneaux;  si  les  faces  du  boulevard  tombaient  au 
pouvoir  de  l'ennemi,  on  mettait  le  feu  à  ces  fourneaux,  et  l'ouvrage  avancé 
se  trouvait  tout  à  coup  isolé  des  courtines  B  par  un  fossé  impraticable. 
Pour  la  défense  des  fossés,  des  pièces  d'artillerie  étaient  placées  en  C  aux 
deux  extrémités  de  la  galerie  et  masquées  par  les  épaules  D.  Il  faut 


«  Delta  forlif.  délie  Città,  di  M.  Cirol.  Maggi,  et  del  capit.  Jac.  CastiioUo,  1o83. 
In  Venelia. 

^  Lib.  11,  p.  o9. 


[    BOULEVAHI)    1  —    •2.'J<)    — 

convenir  (luo  des  ouvraiiPS  de  ce  jj;ein'e,  eonstruilsen  assez  j,'i'an<l  nonibi-e 
antftur  diHK^  place  inipnrlante.  ani'aieni  occasioniu'  desdépensesénoiines, 


et  qui  n'eussent  peut-être  pas  été  proportionnées  aux  avantages  que  l'on 
aurait  pu  en  relirer;  mais,  jusqu'au  connnencenient  du  xvir  siècle,  les 
ingénieurs  niilitaires,  encore  imbus  des  traditions  du  moyen  âge,  ne 
craignaient  pas,  comme  on  a  pu  le  voir  par  les  exemples  que  nous  avons 
donnés  ci-dessus,  de  projeter  et  d'exécuter  même  des  travaux  de  fortifi- 
cation exigeant  des  amas  considérables  de  matériaux  et  des  combinaisons 
de  construction  dispendieuses.  Les  progrès  de  l'artillerie  à  l'eu  obligèrent 
peu  à  peu  les  ingénieurs  à  sinqilitier  les  obstacles  détènsifs  des  places,  à 
doimer  un  plus  grand  développement  aux  ouvrages  saillants  et  à  les  rendre 
solidaires. 

Les  boulevards  ne  sont  encore,  au  commencement  du  xvie  siècle ,  que 
des  fortifications  isolées  se  défendant  par  elles-mêmes,  mais  se  protégeant 
mal  les  unes  les  autres.  Le  principe  «  ce  qui  défend  doit  être  défendu  » 
n'est  pas  encore  appliqué.  Ce  n'est  guère  (|ue  vers  le  milieu  île  ce  siècle 
que  l'on  commence  à  protéger  les  places  autant  par  le  tracé  des  ouvrages 


—    '2'JI     —  1    BUULEVAKU    ] 

saillants,  l'ouverture  des  angles  de  leurs  faces  et  de  leurs  flancs,  que  par 
la  solidité  des  constructions. 

il  est  curieux  de  suivre  j)as  à  pas  toutes  les  tentatives  des  architectes  et 
ingénieurs  de  cette  éixxjue  :  comme  toujours,  les  dispositions  les  plus 
simples  sont  celles  qui  sont  adoptées  en  dernier  lieu.  L'art  de  battre  en 
brèche  faisant  des  progrès  rapides,  il  fallait,  chaque  jour,  opposer  de 
nouveaux  obstacles  au\  feux  convergents  des  assiégeants.  Longtemps  les 
constructeurs  militaires  se  préoccupèrent  de  couvrir  leurs  batteries,  de  les 
mascpier  jusqu'au  moment  de  l'assaut,  plutôt  (|ue  de  battre  au  loin  les 
abords  des  forteresses,  »'t  d'opposer  à  une  armée  d'investissement  un 
grand  nombre  de  bouches  à  feu  pouvant  faire  converger  leurs  projectiles 
sur  tous  les  points  de  la  circonférence.  Ce  ne  fut  que  quand  l'artillerie  de 
siège  fut  bien  montée,  nombreuse,  qu'elle  eut  perfectionné  son  tir,  et 
que  les  batteries  de  ricochet  purent  atteindre  des  défenses  masquées,  que 
l'on  sentit  la  nécessité  d'allonger  les  faces  des  boulevards,  de  remplacer 
les  orillons,  qui  ne  préservaient  plus  les  pièces  destinées  à  enfiler  les 
courtines,  par  des  flancs  étendus  et  enfilant  les  faces  des  boulevards  voi- 
sins; mais  alors  les  boulevards  prirent  le  nom  de  bastions  K  La  dénomi- 
nation de  boulevard  fut  conservée  aux  promenades  plantées  d'arbres  qui 
s'établirent  sur  les  anciens  ouvrages  de  défense. 

La  grande  artère  qui,  à  Paris,  entoure  la  rive  droite,  de  la  Madeleine  à 
la  Bastille,  a  longtenqjs  laissé  voir  la  trace  des  anciens  boulevards  sur 
lesquels  elle  passait.  Les  nivellements  et  alignements  opérés  depuis  une 
vingtaine  d'années  ont  à  peu  près  détruit  ces  derniers  vestiges  des  défenses 
de  l'enceinte  du  nord  commencée  en  1336,  et  successivement  augmentée 
jusque  sous  Louis  XIII.  «  En  ce  temps-là,  dit  Sauvai  *,  les  ennemis  étoient 
M  si  puissants  en  Picardie,  qu'ils  ne  menaçoient  pas  moins  que  de  venir 
«  forcer  Paris  ;  le  cardinal  du  Bellay,  lieutenant  général  pour  le  roy,  tant 
«  dans  la  ville  que  par  toute  l'Isle  de  France,  en  étant  averti,  pour  les 
«  mieux  recevoir,  outre  plusieurs  tranchées,  fit  faire  des  fossés  et  des 
w  boulevards,  depuis  la  porte  Saint-Honoré  jusqu'à  celle  de  Saint-Antoine, 
«  et  afin  que  ce  travail  allât  vite,  en  1536,  les  officiers  de  la  ville,  s'étant 
«  assemblés  le  29  juillet,  defiéndirent  à  tous  les  artisans  l'exercice  de  leur 
«  métier  deux  mois  durant,  avec  ordre  aux  seize  quarteniers  de  lever 
«  seize  mille  manœuvres,  et  de  plus  à  ceux  des  faux-bourgs  d'en  fournir 
«  une  fois  autant,  sinon  que  leurs  maisons  seroient  rasées....  En  1544, 

<  Voj.  laiticle  ahchitectire  militaire.  Parmi  les  ouvrages  à  consulter  :  Délia 
fortif.  délie  Città,  di  M.  Girol,  Maggi,  et  del  capilan  Jacomo  Castriolto;  1583,  Venetia. 
—  Disc,  sur  pluaieurs  poincls  de  r architecture  de  guerre,  par  M.  Aurel.  de  Pasino; 
1579,  Anvers. — Delte  fortif..,  iW  Gidv.  Scala  ;  1590,  Rome. — Le  fortif.,  di  Buonaiuto 
Lorini;  1609,  Venetia. — La  fortif.  démonstrée,  par  Lrrard  de  Bar-le-Duc;  1620. — 
Les  Fortifications,  du  chev.  Ant.  Deville;  1641,  Lyon.  —  La  fort.  Guardia  difesa  et 
expug.  délie  fortezze.  Tensini;  1655,  Venetia. — Fortif.  ou  Archit.milit.,  par  S.  Maro- 
lois;  1627,  Amsterdam.  —  Architecture  militaire  de  Speklin;  Strasbourg,  1S59. 

"  T.  I,  p.  4:i. 


[    HOtLON 


'2',i-2    


«  FiaiH'ois  I  ayant  appris  que  Chailcs-Uninl  avec  son  arn)ée  étoit  à 
«  Château-Thierry,  aussitôt  il  envoya  à  Paiis  le  duc  de  Cuise,  qui  revêtit 
«  d<'  remparts  les  murs  de  la  ville,  tant  du  côté  des  laux-lumr^^s  du  Temple, 
«  de  Montmartre  et  de  Saint-Antoine,  (jue  de  ceux,  de  Saint-Michel  et  de 
«  Saint-Jacques....  » 

La  plupart  de  ces  ouvrages  n'étaient  point  revêtus,  mais  simplement 
gazonnés.  Les  buttes  que  l'on  remarcjue  encore  entre  la  rue  Montmartre 
et  la  rue  Saint-Fiacre,  entre  la  rue  Poissonnière  et  la  rue  de  (vh'ry.  au 
droit  de  la  rue  de  lîondy,  au  boulevard  du  Temple,  remplacemenl  aujour- 
d'hui bâti  du  Jardin  Beaumarchais,  étaient  autant  de  boulevards  élevés  en 
dehors  de  l'enceinte  de  Charles  V. 

BOULON,  s.  m.  C'est  le  iiom  que  l'on  donne  à  une  tige  de  fer  rond, 
munie  (liuie  tête  à  im  bout  et  d'un  écrou  à  l'autre  bout.  Les  boulons  son! 
c(-nnnunement  employés  aujourd'hui  dans  la  chari)enle  et  la  serrurerie. 
Avant  le  wii^  siècle,  ils  n'<jtaient  pas  nmnis  d'un  filet  avec  écrou  et  pas- 
de-vis  pour  serrer,  mais  sinq)Iement  d'une  clavette  passant  à  travers  l'ex- 
trémité opposée  à  la  tête,  ainsi  qu'on  le  voit  ici  (1).  Du  reste,  les  charpentes 


R 


anciennes  ne  sont  maintenues  que  par  la  combinaison  des  assemblages, 
des  clefs  de  bois,  et  ne  recevaient  pas  de  ferrures.  Quelquefois,  cependant, 
les  sablières,  les  longrines  sont  retenues  enstMulile  par  des  broches  de  fer 
ou  boulons  avec  clavettes,  connue  celui  représenté  ici.  Mais  ces  sortes  de 
boulons  ne  permettaient  |)as  de  serrer  les  pièces  de  bois  l'une  contre 
l'autre  connue  on  le  fait  aujourd'hui  au  moyen  des  écrous.  Le  boulon 
moderne  est  un  véritable  perfectionnement  ;  il  permet  d'assembler  des 
pièces  de  charpente  avec  facilité,  t'conomie  et  pi'écision.  A  notre  sens,  on 
en  abuse  connue  de  tout<'  invention  d'un  usage  connnode  et  économique; 
on  en  est  venu  à  conq)ter  trop  sur  la  puissance  des  boulons  à  écrous,  à 
négliger  les  assend)lages  et  ces  clefs  de  bois  qui  possédaient,  avec  une 
grande  élasticité,  l'avantage  de  ne  pas  endommager  les  bois  par  des  trous 
et  des  liges  de  fer  qili  souvent  les  font  éclater.  Les  boulons  sont  munis 
aujourd'hui  de  têtes  carrées,  afin  qu'étant  engagées  dans  le  bois,  la  tige 
ne  puisse  tourner  lors(|ue  l'on  serre  l'iîcrou.  Autrefois  ,  les  têtes  des 
boulons  étaient  généralement  rondes  comme  des  têtes  de  clous. 


—  '2'^'^  —  [  BoiusE  ] 

BOURSE,  s.  f.  Dans  les  anciennes  villes  franches  du  nord,  des  Flandres 
et  de  la  Hollande,  le  connnerce  prit,  dès  le  xive  siècle ,  une  si  j^'rande 
importance,  ((iic  les  nciiociants  établirent  des  locaux  destinés  à  leurs 
réunions  jouiMialières  afin  de  faciliter  les  transactions,  (^es  hàtinients, 
véritable  hasilique  des  marchands,  se  composaient  de  vastes  porti([ues 
entourant  une  cour.  Au-dessus  des  portiques  étaient  ménaf,'ées  des  gale- 
ries couvertes.  Un  hetiVoi,  muni  d'une  horloge,  accessoire  indispensable 
de  tout  établissement  municipal,  était  joint  aux  bâtiments.  Les  villes  de 
France  ne  prirent  pas,  pendant  le  moyen  âge,  une  assez  grande  importance 
commerciale,  ou  j)lutùt  U^s  négociants  ne  composaient  pas  un  corps  assez 
homogène  et  compacte  pour  élever  des  bourses.  A  Paris,  on  se  réunissait 
aux  halles  ou  sous  les  piliers  de  l'Hôtel-de-Ville.  Dans  les  grandes  villes 
du  midi,  qui  consei-vèrent  leur  régime  municipal  au  milieu  de  la  féodalité, 
commeToulouse,  par  exemple,  c'était  sur  la  place  publicjue  que  se  traitaient, 
en  plein  air,  les  att'aires  de  négoce.  Mais,  en  France,  c'était  surtout  dans 
les  grandes  assemblées  connues  sous  le  nom  de  foires  que  toutes  les 
transactions  du  gros  commerce  avaient  lieu;  et  ces  foires,  établies  a 
certaines  époques  fixes  de  l'année  sur  plusieurs  points  du  territoire,  dans 
le  voisinage  des  grands  centres  industriels  ou  agricoles,  attiraient  les 
négociants  des  contrées  environnantes.  Là,  non-seulement  on  achetait  et 
l'on  vendait  des  produits  et  denrées  apportés  sur  place ,  mais  on  traitait 
d'atfaires  à  long  terme,  on  faisait  d'importantes  commandes,  dont  les 
délais  de  livraison  et  les  payements  étaient  fixés  presque  toujours  à  telle 
ou  telle  autre  foire  ;  car  le  commerce,  pendant  le  moyen  âge,  n'avait  pas 
d'intermédiaires  entre  le  fabricant  et  le  débitant.  Les  juifs,  qui  alors  étaient 
les  seuls  capitalistes,  faisaient  plutôt  l'usure  que  la  banque.  Un  tel  état  de 
choses,  (pii  existait  sur  tout  le  territoire  de  la  France ,  ne  nécessitait  pas, 
dans  les  grandes  villes,  l'établissement  d'un  centre  conunercial;  tandis 
que  les  villes  libres  du  nord,  dès  le  xiv^  siècle,  villes  la  plupart  maritimes 
ou  en  communication  directe  avec  la  mer,  avaient  déjà  des  correspondants 
à  l'étranger,  des  comptoirs,  et  spéculaient,  au  moyen  de  billets,  sur  la 
valeur  des  denrées  ou  produits  dont  la  liviaison  était  attendue.  En  France, 
le  négociant  faisait  ses  atl'aires  lui-même,  recevait  et  payait,  revendait  au 
débitant  sans  intermédiaire;  un  local  public  destiné  à  l'échange  des  valeurs 
ne  lui  était  pas  nécessaire  ;  traitant  directement  dans  les  foires  avec  le  fabri- 
cant ou  le  marchand  nomade,  payant  comptant  la  marchandise  achetée,  ou 
à  échéance  la  marchandise  commandée  à  telle  autre  foire,  il  n'avait  de 
relations  qu'avec  la  clientèle  qu'il  s'était  faite,  et  ne  connaissait  pas  le 
mécanisme  moderne  du  haut  négoce;  mécanisme  au  moyen  ducpiel  le 
premier  venu  qui  n'a  jamais  vendu  un  granune  d'huile  et  n'en  vendra 
jamais  peut  acheter  plusieurs  milliers  de  kilogrammes  de  cette  denrée, 
et,  sans  en  toucher  un  baril,  faire  un  bénéfice  de  dix  pour  cent.  Les 
grands  marchés  périodiques  ont  longtemps  préservé  le  négoce  en  France 
de  ce  que  nous  appelons  la  spéculation,  ont  contribué  à  lui  conserver,  jus- 
qu'au commencement  du  siècle,  une  réputation  de  i)robilé  tradilionnelle. 
T.  n.  :«) 


I   BorTiQUK  ]  —  "234  — 

Nous  ne  pouvons  donner  à  nos  lecteurs  un  exemple  de  bourse  française 
du  moyen  î\ii(\  ces  étaltlissements  n'existant  pas  et  n'ayant  pas  de  raisdii 
d'oxister.  Nous  devons  dire,  à  riionneurdes  monastères  (car  c'est  toujours 
liKiu'il  faut  revenir  lors(|ue  l'on  veut  comprendre  et  expliquer  la  vie  du 
moyen  A^^e  en  France)^  que  ces  centres  de  religieux  réj^uliers  Curent  les 
prenners  à  établir  des  foires  sur  le  territoire  de  la  France.  Possesseurs  de 
vastes  domaines,  d'usines,  afi;iiculteurs  et  fabricants,  ils  formaient  le  noyau 
de  ces  ajifilomt'i-ations  périodicjues  de  marchands;  certes,  ils  tiraient  un 
profit  considérable  de  ces  réunions,  soit  pai'  la  vente  d(>  leurs  i)ro(luits  et 
denrées,  soit  par  la  location  des  terrains  qu'ils  abandonnaient  temporaire- 
ment ;  vastes  camps  paciti(iues  dont  la  foire  de  Beaucaire  peut  seule 
auioui'd'liui  nous  donner  l'idée.  Mais  ce  profil,  outre  qu'il  était  fort  légi- 
time, était  une  sauvej;arde  pour  le  conunei-ce;  voici  comment  :  les 
monastèi'cs  conservaient  un  droit  de  contrôle  sur  les  objets  apportés  en 
foiie,  et  ils  ne  laissaient  pas  mettre  en  vente  des  marchandises  de 
mauvaise  (jualité;  cela  eut  peu  à  peu  discrédité  le  centre  commercial; 
quant  aux  denrées  ou  produits  sortis  de  leurs  mains,  ils  avaient  intérêt 
et  tenaient  à  coeur  de  leur  maintenir  une  supériorité  sur  tous  les  autres. 
Les  bois,  les  céréales,  les  vins,  les  fers,  les  tissus,  les  pelleteri<'s,  les  laines 
sortant  des  établissements  i-eligieux  étaient  toujours  de  (jualilé  su})érieure, 
recherchés,  et  achetés  de  conliance;  car  le  couvent  n'était  pas  un  fabri(;ant 
ou  un  aj^riculteur  qui  passe  et  cherche  à  gagner  le  plus  possible  sa  vie 
durant,  quitte  à  laisser  après  lui  un  établissement  discrédité;  c'était,  au 
contraire,  un  centre  perpétuel  de  produits,  travaillant  plus  pour  conserver 
sa  réputation  de  supériorité,  et  par  conséquent  un  débit  assuré  à  tout 
jamais,  (|ue  pour  obtenir  un  gain  exagéré,  accidentel^  en  livrant  des 
produits  falsitiés  ou  de  médiocre  qualité,  au  détriment  de  l'avenir. 
Les  établissements  religieux  ,  à  la  tin  du  siècle  dernier,  n'étaient  plus  ce 
que  les  xc  et  xic  siècles  les  avaient  faits;  et  cependant  cette  époque  n'est 
pas  assez  éloignée  de  nous  pour  que  nous  ayons  oublié  la  réputation 
méritée  dont  jouissaient  encoie  les  vins,  par  exemple,  des  grands  monas- 
tères, pendant  ces  dernières  aimées  de  leur  existence. 

Si  des  villes  comme  Amsterdam,  Anvers,  Londres,  (|ui  n'étaient  et  ne 
sont,  par  le  fait,  que  de  grands  entrepôts,  ont  eu  besoin  de  bourses  pour 
établir  la  valeur  journalière  des  produits  qu'elles  recevaient  et  exportaient, 
il  n'en  était  pas  de  même  en  France,  pays  plus  agricole  qu'industriel 
et  commerçant,  qui  consomme  chez  lui  la  plus  grande  partie  de  ses 
produits. 

BOUTIQUE,  s.  f.  Salle  ouverte  sur  la  rue,  au  rez-de-chaussée,  dans 
laquelle  les  marchands  étalent  leurs  marchandises.  Il  n'est  pas  besoin  de 
dire  que  l'usage  des  boutiques  appartient  à  tous  les  pays,  à  toutes  les 
époques  et  à  toutes  les  civilisations.  Dans  l'antiquité  grecque  et  romaine, 
des  boutiques  occupaient  le  rez-de-chaussée  des  maisons  des  villes;  il  en 
fut  de  mêmeen  France  pendant  le  moyenàge.  Ces  boutiques  se  composai<'nt 


—  :2;{.S  —  i   Boi  iiQiK  ] 

ordinaireiiuMit  d'iiiie  salle  s'ouvraiif  siii-  la  riif  |iai'  iiii  ^raiid  arc  piPiiaiit 
toute  la  laifïpur  de  la  pièce,  avec  un  mur  d'appui  pour  poser  les  inai(;liai)- 
dises.  Ce  nuu-  d'appui  était  iuleri-onipu  d'un  cùf»'  pour  laisser  un  passafj;e. 
Un  arrière-magasin  (ounoir)  elait  souveiil  annexé  à  la  honlifpie;  les 
ouvriers  et  apprentis  travaillaient  soit  dans  Touvroir,  soit  dans  la  boutique 
elle-même;  quelquefois  aussi  un  escalier  privé  montait  au  premier  étage, 
et  descendait  sous  le  sol  dans  une  cave;  Les  exemples  anciens  de  boutiques 
ne  sont  pas  rares,  et  on  peut  en  citer  un  faraud  nombre  appartenant  aux 
xir,  xni'"  et  xiv*^  siècles.  Karement  les  boutiques,  ius((u'à  la  fin  de  ce 
siècle,  étaient  fermées  par  une  thnanlme  vitrée.  Les  volets  ouverts,  le 
marchand  était  en  comnumication  directe  avec  la  rue.  La  fermeture  la 
plus  ordinaire,  pendant  la  période  que  nous  venons  d'indiquer,  se  compo- 
sait de  volets  inférieurs  et  supérieurs,  les  premiers  attachés  à  l'appui, 
s'abaissant  en  dehors  de  manière  à  former  une  large  tablette  piopre  aux 
étalages,  les  seconds  attachés  à  un  linteau  de  bois,  se  relevant  comme  des 
châssis  à  tabatière.  La  tig,  I  explique  ce  genre  de  fermeture.  La  nuit , 
les  volets  inférieurs  étant  relevés  et  les  supérieurs  abaissés,  deux  barres 
de  fer,  engagées  dans  des  crochets  tenant  aux  montants,  venaient  serrer 
les  vantaux  et  étaient  maintenus  par  des  boulons  et  des  clavettes,  comme 
cela  se  pratique  encore  de  nos  jours.  Au-dessus  du  linteau,  sous  l'are, 
restait  une  claire-voie  vitrée  et  grillée  pour  donner  du  jour  dans  la  salle. 
Presque  tous  les  achats  se  faisaient  dans  la  rue,  devant  l"a|)pui  de  la  bou- 
tique, l'acheteur  restant  en  dehors  et  le  mai'chand  à  l'intérieur;  la 
boutique  était  un  magasin  dans  lequel  on  n'entrait  que  loisqu'on  avait  à 
traiter  d'ati'aires.  Cette  habitude,  l'étroitesse  des  rues  expliquent  pourquoi, 
dans  les  règlements  d'Etienne  Boileau,  il  est  défendu  souvent  aux  mar- 
chands d'appeler  l'acheteur  chez  eux  avant  qu'il  n'ait  f|uillé  l'étal  du  voisin. 
D'ailleurs,  pendant  le  moyen  âge  et  jusqu'à  la  tin  du  xvn*-  siècle,  les 
marchands  et  artisans  d'un  même  état  étaient  placés  très-proches  les  uns 
des  autres,  et  occupaient  quelquefois  les  deux  côtés  d'une  même  rue  :  de 
là  ces  noms  de  rues  de  la  Tixeranderie,  de  la  Mortellerie,  où  étaient  établis 
les  maçons;  de  la  Chaironnerie,  où  habitaient  les  charpentiers;  de  la 
Huchette,  de  la  Tannerie,  etc.,  que  nous  trouvons  dans  presque  toutes 
les  anciennes  villes  du  moyen  âge. 

Le  samedi,  le  commerce  de  détail  cessait  dans  presque  tous  les  quartiers 
pour  se  rassembler  aux  halles  (voy.  halle).  Les  journaux,  les  atiiches  et 
moyens  d'annonce  manquant,  les  marchands  faisaient  crier  par  la  ville 
les  denrées  qu'ils  venaient  de  recevoir.  11  y  avait  à  Paris  une  corporation 
de  crieurs  établie  à  cet  effet  ;  cette  corporation  dépendait  de  la  |)révôlé,  et 
l'autorité  publique  se  servit  des  crieurs  pour  jjercevoir  les  inqxMs,  particu- 
lièrement chez  les  marchands  de  vin  ou  taverniers,  qui  furent  obligés 
d'avoir  un  crieur  public,  chargé  en  même  temps  de  constater  la  (|uantité 
de  vin  débitée  par  jour  dans  chaciue  taverne.  Le  roi  saint  Louis  ayant 
interdit  le  débit  du  vin  dans  les  tavernes ,  les  crieurs  de  vin  se  tuent 
débitants,  c'est-à-dire  qu'ils  se  tenaient  dans  la  rue,  un  broc  d'une  main. 


I  BoiTiguK  I  —  "2;ir>  — 

1111  haiiap  (le  laiilrc^  el  vciidaieiit  le  \iii  aux  passants  j)<)ur  le  cdinj)!!'  du 
la\t'rni('r  '. 

(yii  iciicoiilrc  ciicon"  hcaticoiiit  de  l>uiirK|iU'S  des  xi^'.  xiiP'ct  xiV  siècles. 


à  Cliiiiy,  à  Cordes  (Tarn),  à  Saint-Yriex,  à  Périgueux,  à  Alhy,  à  Sainf- 
Anlonin  (Tarn-et-Garonne),  à  Monlfcrrand  près  Clerniont,  à  Kioni,  et  dans 
des  villes  plus  septentrionales,  telles  que  Keiins,  Beauvais,  Chartres,  etc. 


'  Voy.  Vlntrod.  au  Livre  rfcs  méiierx,  d'Etienne  Roileau,  par  G.  W.  IVpping.  {Coll. 
des  Doc.  inèd.  si/r/7ifs/.  de  France,  l'aris,  1837.) 


—  ^2:r 


[    lIOUTiylK 


I.a  (iisposilidii  indiciueo  fi^.  l  l'tait  ♦Tii't'»'»'"'  adopté*'  à  Paris,  aulaiil 
(|U(.ii  pt'ul  .'Il  ju^tM-  pav  trancuMines  ^Ta\uivs.  Dans  (piclijiu-s  \ill.'s  du 
littoral  (!.•  la  Maiiclir  .  il  paraîtrait  toutefois  (pio  rohscuritr  onlinairc  du 


pèOKno.  sn 


ciel  avait  oblifié  les  maichands  à  ouvrir  davantaiïe  les  devantures  des  bou- 
tiques sur  la  rue.  X  Dol,  en  Bretagne,  il  existe  encore  un  certain  nombre 
de  maisons  des  xiii^  et  xiv<^  siècles  dont  les  boutiques  se  composent  de 
colonnes  en  granit,  portant,  rommo  aiijourd'bui.  des  poitraux  en  bois  ("2)  ; 


1     BOUTIQUE    ]  —    238    -r- 

vl  bien  que  les  devanlinvs  primitives  aient  été  remplacées  par  des  ferme- 
tures récentes,  il  n'est  pas  douteux  que,  dans  l'orij^ine,  ces  {jfrandes 
ouvertures  carrées  n'eussent  été  destinées  à  recevoir  de  la  boiserie  posée 
en  arrière  des  pilieis.  hans  les  villes  n)eridionales,  des  corbeaux  en 
pierre  saillants  portaient  des  auvents  en  bois  ou  en  toile,  posés  devant 
l'ouverture  des  arcades  (voy.  auvent). 

Déjà,  au  xv*'  siècle,  les  marcliands  demandaient  des  jours  plus  larges  sur 
la  rue;  les  bouticpies  ouvertes  par  des  arcs  plein  cintre,  en  tiers-point  ou 
bombés,  ne  leur  j)erinetlai«Mit  pas  de  laire  des  élalai;es  assez  étendus.  Les 
(constructeurs  civils  clierc  baient,  par  de  nou\  elles  cond)inaisons,  à  satisfaire 
à  ce  besoin  impérieux  ;  mais  cela  était  ditlicile  à  obtenir  avec  la  pierre,  sans 
le  secours  du  bois  et  du  ter,  surtout  lorsqu'on  était  limité  par  la  bauteur 
des  rez-de-chaussée,  qui  ne  dépassait  guère  alors  trois  ou  quatre  mètres, 
et  lorsqu'il  fallait  élever  plusieurs  étages  au-dessus  de  ces  rez-de-chaussée. 

Voici  un  exemple  d'une  de  ces  tentatives  (3).  ('/est  une  boutique  d'une 


,)iiiiiiiiii"|-w/â;,V">"  I  ,. 


Jp 1 

*  ^-^v'^^*: 

^^"''       l^:/ 

des  maisons  de  Saint-Antonin;  son  ouverture  n'a  pas  moins  de  sept  mètres; 
sa  construction  remonte  au  xv«  siècle.  L'arc  surbaissé,  obtenu  au  moyen 
de  quatre  centres,  est  double  dans  les  reins,  simple  en  se  rapprochant  de 
la  clef;  celle-ci  est  soulagée  par  une  colonne.  Quoique  cet  arc  j)orfe 
deux  étages  et  un  comble,  il  ne  s'est  pas  déforme;  ses  coupes  sont  d'ail- 
leurs exécutées  avec  une  grande  perfection,  et  la  pierre  est  d'une  ({ualilé 
fort  dure. 

Mais  au  xv^  siècle,  dans  les  villes  du  nord  surtout,  les  constructions  de 
bois  furent  presque  exclusivement  adoptées  poui-  les  maisons  des  mar- 
chands, et  ce  mode  permettait  d'ouvrir  largement  les  bouti(|ues  sur  la  rue 
au  moyen  de  poteaux  et  de  poitraux  dont  la  portée  était  soulagée  par  des 


—  -239 


[    BOtUQlE 


écharpes  ou  des  croix  do  Saint-Aiulré  disposées  au-dessus  d'eux  dans  les 
pans-(le-l)ois.  Les  villes  de  Kouen,  de  Cliailres.  de  Reims,  de  Beauvais,  ont 
conseivé  quelques-unes  de  ces  maisons  de  bois  avec  boutiques.  La  fi},^  i 


donne  une  de  ces  boutiques,  complétée  au  moyen  de  renseignements  pris 
dans  plusieurs  maisons  des  villes  citées  ci -dessus  (voy.  maison).  Les 
devantures  des  boutiques  du  xv^  siècle  étaient  encore  fermées  soit  par  des 
volets  relevés  et  abattus  connue  ceux  représentés  dans  la  fig.  1,  soit  par 
des  feuilles  de  menuiserie  se  repliant  les  unes  sur  les  autres  (voy.  fig.  A). 
Dans  quelques  villes  de  Flandre,  les  boutiques  étaient  situées  parfois 
au-dessous  du  sol  ;  il  fallait  descendre  (}uelques  marches  pour  y  entrer, 
et  ces  marches  empiétaient  même  sur  la  voie  publique.  La  rampe  était 


[    BOUTIQUK    j  —    "2i<>    — 

bordée  de  bancs  sur  lescjuels  des  é(;haiitill(ms  de  niiiicliaiuliscs  (Maietil 
posés:  un  auvent  préservait  la  descente  cl  les  l)ancs  de  la  |t[nie.  Il  est  Ixm 
de  i'einar(|uer  que,  dans  les  vill(>s  marchandes,  les  l)outi(|uiers  cherchaient 
autant  ({u'ils  pouvaient  à  barrer  la  voie  pul)ii(iue,  à  arrètei-  le  passant  en 
mettant  obstacle  à  la  circulation.  Cet  usa^e,  nu  plutôt  ce!  abus,  s'est 
perpétué  loiif^temps;  il  n"a  fallu  rien  luoins  que  rétablissement  des 
trottoirs  et  des  règlements  de  voirie  rigoureusement  appli(iués  à  grand'- 
peine  pour  le  faire  disparaître.  I.es  rues  marchandes,  i)en(lant  le  moyen 
âge,  avec,  leurs  boutitiues  ouveites  et  leurs  étalages  a\ances  sur  la  voie 
publique,  ressemblaient  à  des  bazars.  La  rue,  alors,  devenait  comme  la 
propriété  du  marchand,  et  les  piétons  avaient  |)eine  à  se  faire  jour  pendant 
les  heures  de  vente  ;  quant  aux  chevaux  et  chariots,  ils  devaient  renoncer 
à  cii'culer  au  milieu  de  rues  étroites  encond)rées  d'étalages  et  d'acheteurs. 
Pendant  les  heures  des  repas,  les  transactions  étaient  suspendues;  bon 
nombie  de  boutiques  se  fermaient.  Lorsque  le  couvre-feu  sonnait,  et  les 
Jours  fériés,  ces  rues  devenaient  silencieuses  et  presque  désertes. 

Quekpn^s  petites  villes  de  Bretagne,  d'Angleterre  et  de  Belgique  peuvent 
encore  donner  l'idée  de  ces  contrastes  dans  les  hai)itudes  des  maichands 
du  moyen  âge.  Sui- ces  petits  volets  abattus,  ne  piéseiUanl  <|u'une  suiface 
de  quatre  ou  cincj  mètres,  des  fortunes  solides  se  faisaient.  Les  tils 
restaient  marchands  comme  leurs  pères,  et  tenaient  à  conserver  ces 
modestes  devantures  conimes  de  toute  une  ville.  Un  marchand  eut  éloigné 
ses  clients,  s'il  eût  remplacé  les  vieilles  grilles  et  les  vieux  volets  de  son 
magasin,  changé  son  enseigne,  ou  déployé  un  luxe  qui  n'eût  fait  qu'exciter 
la  défiance.  Nous  sommes  bien  éloignés  de  ces  ma'urs.  Les  boutiques, 
dans  les  villes  du  Nord  i)arliculièrement .  étaient  plus  comuies  \rdv  leurs 
enseignes  (|ue  par  le  nom  des  marchands  (pu  les  possédaient  de  })èreiMi 
tils.  On  allait  acheter  des  draps  à  la  Truie  qui  file,  et  la  Truie  qui  file 
maintenait  intacte  sa  bonne  réputation  pendant  des  siècles.  Beaucoup  de 
ces  enseignes  n'étaient  que  des  rébus;  et  bon  nombre  de  rues,  même 
dans  les  grandes  villes,  empruntèrent  leurs  noms  aux  enseignes  de 
certains  nmgasins  célèbres. 

Les  corj)s  de  métiers  étaient,  connue  (chacun  sait,  soumis  à  des  règle- 
ments particuliers.  Ln  patron  huchier,  bouclier,  palier,  gantier,  etc.,  ne 
pouvait  avoir  qu'un  certain  nombre  (rai)preinis  à  la  fois,  et  ne  devait  les 
garder  en  apprentissage  qu'un  certain  temps  ;  les  locaux  destinés  à  contenir 
les  ouvriers  de  clnuiue  maitie  restaient  donc  t(Hiioursles  mêmes,  n'avaient 
pas  besoin  détrt^  agrandis.  On  ne  connaissail  pas,  pendant  le  moyen  âge, 
ce  que  nous  appelons  aujourdlmi  le  marclunidaye,  Vouvrier  en  chambre. 
tristes  innovations  ((ui  ont  contribué  à  démoraliser  l'artisan,  à  avilir  la 
main-d'œuvre,  et  à  ronq)re  ces  liens  intimes,  et  prestpie  de  famille,  qui 
existaient  entre  l'ouvrier  et  le  patron.  Les  nueurs  inq)riment  leurs  (|ualités 
et  leurs  défauts  sur  rarchitecture  domesliciue,  plus  enc<u'e  (|ue  sur  l(\s 
monuments  religieux  ou  les  éditices  publics.  Les  boutiques  du  moyen  âge 
rellèlent  l'organisation  étroite,  mais  sage,  prudente  et  paternelle,  qui 


—   iW 


IIOI  T(»> 


l'éjiissait  les  corps  de  int'ticis.  Il  n fiait  pas  possildc  de  \(iir  alois  des 
nu%^asins  de  (l»'l)ilaiits  occupor  un  jour  de  vastes  espaces,  puis  disparailr»' 
tout  à  coup,  laissant  une  lon^'ue  liste  de  mauvaises  créances  sur  la  place, 
et,  dans  toute  une  ville,  des  marchandises  défectueuses  ou  falsitif'es.  Nous 
n'avons  pas  a  discuter,  dans  cet  ouvraf^e,  sur  ces  matières  étranjj^ères  à 
notre  sujet  ;  nous  voulons  seulement  faire  ressortir,  en  quelques  mots,  le 
caractère  des  anciens  magasins  de  nos  villes  marchandes,  afin  qu'en 
passant  on  ne  jette  pas  un  coup  d'œil  trop  méprisant  sur  ces  petites 
devantures  de  houtique  qui,  tout  étroites  et  siuiples  quelles  soient,  ont 
abrité  des  fortunes  patientes,  laborieuses,  ont  vu  croître  et  se  développer 
la  prospérité  dt^s  classes  moyennes. 

BOUTISSE,  s.  f.  On  entend  par  ce  mot  des  pierres  de  taille  qui,  de 
distance  en  distance,  prennent  toute  l'épaisseur  d'un  mur,  et  relient  ses 
deux  parements  extérieur  et  intérieur.  Quand  un  nmr  ne  se  compose  pas 
seulement  de  pieries  faisant  parpaing  (c'est-à-dire  portant  toutes  l'épaisseur 
du  nmr),  soit  parce  qu'on  ne  peut  disposer  de  matériaux  d'un  volume 
assez  gros,  soit  par  économie,  on  l'élève  au  moyen  de  carreaux  de  pierre 
reliés  de  distance  en  distance  par  des  boutisses  ;  on  dit  alors  un  mur 


■'V,f,>-,M'iJI,7,..,i| 


■■*:- 


construit  en  carraudagea  et  boiHisses.  La  pierre  A  (I)  est  une  boutisse 

(VOV.  CONSTRLCTIOM. 


BOUTON,  s.  m.  On  entend  désigner  par  ce  mot  un  ornement  de 
sculpture  qui  tigure  un  bouton  de  fleur.  Le  bouton  est  fréquemment 
employé  dans  la  décoration  architecturale  pendant  le  xii»  siècle  et  au 
conmiencement  du  xm»-.  Il  est  destiné  à  dé'corer  les  gorges  qui  séparent 
des  baguettes  ou  des  boudins  dans  les  bandeaux  et  les  arcs  ;  les  boulons 


T.     M. 


;ji 


[    BOUTON    ]  —    "24'i    — 

sont   l'ounis  coinm»'  les  grains  d'un  chapelet,  nii    espacés,  simples  on 

J 


façonnés.  Simples,  ils  affectent  la  forme  indiquée  dans  la  fig.  1  ;  façonnés, 

ils  sont  recoupés  en  trois,  en  quatre  ou 
cinq  feuilles  (ît). 

Dans  les  monuments  du  Poitou,  élevés 
pendant  le  xir  siècle,  on  rencontre  sou- 
vent des  boutons  qui  sont  divisés  par 
côtes,  connue  le  pistil  de  certaines 
fleurs  (3)  '.  Quelquefois  le  bouton  est 
percé  d'un  trou  carré  au  milieu  et  strié 
sur  les  bords.  Ces  sortes  de  boutons 
sont  fi'équents  dans  la  décoration  des 
archivoltes  des  édifices  normands  du 
xiie  siècle  (4)^. 

Les  roses  qui  s'ouvraient  au-dessus 
du  triforium  de  la  cathédrale  de  Paris, 
avant  le  j)ercem(Mit  des  jurandes  fenêtres 
du  xni'"  siècle,  sont  décorées  de  boutons 
rapprochés  taillés  en  forme  de  petit  ma- 
melon avec  un  trou  au  centre  (5)  ^  Les  riches  arcalures  de  la  grande 


galerie  extérieure  qui  ceint  les  tours  de  la  même  cathédrale  ont  leurs 


'  De  l'église  de  Surgère. 

*  Delà  tour  Saint-Romain,  cathédrale  de  Rouen. 

'  Cette  singulière  ornoincMilatidn  se  voit  atijourd'lmi  sur  les  roses,  de  la  Hn  du 
xii«  siècle,  qui  ont  été  replacées  au-dessous  des  fenèlres  hautes,  dans  les  bras  de  croix. 


—  -2t;{  — 


I     BOUION    ] 

^'Oi'fies  décorées  de  jïros  boutons  trifoliés  (|tii   tout  un  toit  bel  eHcl.  en 


PCCAft.D    J  - 

■tiiiil  (les  luinifies  et  des  ombres  au  milieu  des  courbes  concentriques. 


et    rompent  ainsi   leur   monotonie   (0).r,  Les   boutons  disparaissent,  de 

6 


^SARO 


la   sculpture   ornementale  des   édifices  pendant   le   xiu'-  siècle;    alors 


[    BUKTtCllK    I  —   '2ii   — 

on  ne  cherche  à  imiter  que  les  tleurs  ou  feuilles  «'panouies  (voy.  flork). 
On  (lési^'ue  aussi  par  boulon  une  pouune  de  fer  ou  de  bronze  qui,  étant 
lixée  aux  vantaux  des  poi'tes,  sei't  h  les  tirer  à  soi  pour  les  fermer. 
Pendant  le  moyen  àj,^e,  les  vantaux  de  portes  sont  plutiM  jj;aiiiis  d'amieaux 
que  de  boutons;  cependant,  vers  la  fin  du  xv^  siècle,  l'usage  des  boutons 
de  porte  n'est  pas  rare  ;  ils  sont  généralen)ent  composés  d'un  champiiïnon 
de  fei-  forf^'é,  sur  le  dis(]ue  duquel  on  a  rapporté  des  plaques  de  tôle 
découpée  et  formant ,  par  leur  superposition  ,  des  dessins  en  relief  et  à 
j)lusieurs  plans  (voy.  serrikerik). 

BRAIE,  s.  f.  Brai/e.  C'est  un  ouvrage  de  défense  élevé  en  avant  d'un 
front  de  fortification,  laissant  entre  le  pied  des  murailles  et  le  fossé  une 
circulation  plus  ou  moins  large,  servant  de  chemin  de  londe,  et  destiné  à 
empêcher  l'assaillant  d'attacher  le  mineur.  Les  braies  étaient  le  plus 
souvent  un  ouvrage  palissade  .  renforcé  de  distance  en  distance  d'échau- 
guettes  propres  à  protéger  des  sentinelles.  Lorsque  l'artillerie  à  feu  fut 
employée  à  l'attaque  des  places  fortes,  on  éleva  autour  des  courtines,  des 
boulevards  ou  bastions,  des  murs  peu  élevés,  des  parapets  au  niveau  de 
la  crête  de  la  contrescarpe  des  fossés,  pour  y  placer  des  arquebusiers. 
Ces  défenses,  connues  sous  le  nom  de  fausses  braies,  avaient  l'avantage 
de  présenter  un  front  de  fusiliers  en  avant  et  au-dessous  des  pièces 
d'artillerie  placées  sur  les  ren)parls,  et  de  gêner  les  approches;  on  dut  y 
renoncer  lorsque  l'artillerie  de  siège  eut  acquis  une  grande  puissance, 
car  alors,  les  parapets  des  fausses  braies  détruits,  celles-ci  formaient  une 
banquette  qui  facilitait  l'assaut  (voy.  architecture  rulitaire). 

BRETÈCHE,  s.  f.  lirelesche ,  brelesce,  bertesche ,  berleiche .  breireske. 
On  désignait  ainsi,  au  moyen  âge,  un  ouvrage  de  bois  à  plusieurs  étages, 
crénelé,  dont  on  se  servait  pour  attaquer  et  défendre  les  places  fortes. 
Quand  il  s'agit  de  l'attaque,  la  bretèche  diffère  du  beffroi  en  ce  qu'elle 
est  immobile,  tandis  que  le  beff'roi  est  mobile  (voy.  beffroi).  La  bretèche 
se  confond  souvent  avec  la  bastide;  la  dénomination  de  bre lèche  \nir<\\\ 
être  la  plus  ancienne.  On  disait,  dès  le  \i''  siècle,  brelescher  pour  fortifier, 
garnii' de  créneaux  de  bois,  ou  de  luniids  (voy.  holru). 

«    l,:i  cité  (RoMi'ii)  csleit  rlose  de  mnr  o  de  fossé. 
"   Fiaiiceiz  et  Aleinan/,,  (|ii;iiit  il  lurent  armé, 
"  Ont  à  cels  de  Roen  un  graiil  assall  doné  : 

Normaiiz  se  desf'endiienl  ctinime  vassal  prové; 
«    As  herteiches  nionteiit  et  al  mur  quenielé  ; 
"   N'i  ont  rienz  par  assalt  cil  de  lors  cnnqiiesté,...  '   ■ 

Os  bietèches  étaient  souvent  des  ouvrages  de  campagne  élevés  à  la 
hàfe. 

'   i.v  HoDKtn  (le  Hou,  I'    pari.,  yers  iOoi)  et  sui\. 


—    '2ir)    —  I     BKKlfcCIIF     I 

"  he  celé  pari  el  cliiei'  del  poiil, 

«  Par  où  la  genl  vienent  è  vont, 

'<  Avoit  h  cel  tems  un  lossé 

'  Haut  è  pai  l'onl  è  réparé  ; 

"  Sor  li  fossé  ont  heriçun  (chevaux  de  frise), 

"  Et  dedenz  close  une  maison  ; 

"  Encore  unt  Itertesches  levées, 

«  Bien  plancliies  è  kernelées '  » 

les  hretèclios  se  (U'Hioiitaiont  o\  poiivaiont  cUv  tiaiisporléos  duii  lieu 
à  un  autre,  suivant  les  besoins.  Guillaunie  de  Normandie,  après  s'ètie 
eni|)aré  de  Domfront,  veut  fortifier  Anibrières  sin-  la  Mayenne  : 

«  E  H  Dus  fist  sun  gonfanon 

«  Lever  è  porter  el  dangon  (donjon   : 

■•  El  chasiel  a  altres  niiz 

"  Od  ki  il  ont  Danfront  assiz. 

"  Li  bertesches  en  fist  porter, 

■  Por  li  Conte  GifTrei  grever. 

'<  A  Anl)rieres  les  fist  lever  : 

«  Un  chastel  fist  iloec  fermer....  -  ■ 

Le  dur  prétend  défendre  un  château,  ou  plutôt  un  poste,  au  moyen  de 
l)retèches  qu'il  fait  charrier  de  Domfront  à  Ambrières.  Beaucoup  plus 
tard,  «  le  roy  d'Angleterre,  qui  ne  pouvoit  conquester  la  ville  de  Calais 
'<  fors  par  famine,  fit  charpenter...  un  chastel  grand  et  haut  de  longs 
«  niesrins,  tant  fort  et  si  bien  hretesché,  qu'on  ne  l'eust  pu  grever  *.  » 

Quand  on  voulait  défendre  une  brèche  faite  par  l'assiégeant,  on 
établissait,  le  plus  pi^omptement  possible,  en  dedans  de  la  ville,  un  pâlis 
en  arrière  de  cette  bretèche,  et  on  renforçait  ce  pâlis  d'une  ou  plusieurs 
bretèches  (voy.  architecture  militaire,  tlg.  10).  Ces  ouvrages  s'établis- 
saient aussi  pour  protéger  un  passage,  une  tête  de  pont. 

"   Et  par  devant  le  pont  dont  je  vous  ai  parlé 
"    Furent  faites  défen ces,  brestèques  ou  terré, 
A  la  fin  qu'il  ne  soient  souspris  ne  engingiiié. 


(Juaut  Englois  ont  véu  jus  chéoir  une  tour, 
A  l'autre  tour  s'en  sont  fui  pour  le  secour; 
Barrières  y  ont  fait  à  force  et  à  vigour. 
S'ont  sur  arbalestrier  et  maint  bon  arc  à  tour, 
La  tour  fu  bretechée  noblement  tout  ontour.. 


On  hreteschait  des  défenses  fixes  en  maçonnerie,  soit  |)ar  des  charpenles 
il  <lemeure,  soit  par  des  saillies  provisoires  en  bois  (|ui  permettaient  de 


I  Le  Homan  de  Hou,  II'  pari.,  vers  9444  et  suiv. 

-  Ibid.,  11'  part.,  vers  9(i2.^  et  suiv. 

'  Kroissart,  cbap.  rxiiv. 

'  Chron.  de  li.  Duquesctin.  vers  l9;j2o  el  suiv. 


BRET^:(:llE    ] 


^21() 


hattre  le  pied  de  ces  défenses,  des  passaj^^es.  des  portes.  Dans  ce  cas,  ce 
qui  disliuiiue  la  bretèche  du  liouid,  c'est  que  le  liourd  est  une  galerie 
continue  (|ni  couronne  une  nnu'aille  ou  une  tour,  tandis  «pie  la  bretèche 
est  un  appentis  isolé,  saillant,  adossé  à  li-dilice.  fermé  de  trois  côtés, 
crénelé,  (^ouvert  et  pei'cé  de  mâchicoulis. 

V'oici  (1)   une    porte  de  ville  surmontée  d'une    bretèche  '    posée  en 

temps  de  {^ueire  et  pouvant 
se  démonter.  Nous  connais- 
sons quchpies  très-rares  exem- 
ples encore  (existants  de  bre- 
tèches  à  demeure  posées  au 
niveau  des  combles  des  tours, 
se  condiinant  avec  leurs  char- 
pentes, et  destinées  à  tlan^juer 
leurs  faces;  et,  i)armi  ceux-ci. 
nous  citerons  les  bretèches  de 
la  tour  des  deniers  de  Stras- 
bourg;, qui  sont  fort  belles  et 
paraissent  appartenir  aux  der- 
nières années  du  xiv  siècle 
(^).  Ces  ouvrai^es  de  char- 
pente sont  assez  saillants  sur 
le  nu  des  faces  en  maçonne- 
rie pour  ouvrir  de  larges  mâ- 
chicoulis et  des  créneaux  la- 
téraux ;  ceux-ci  sont  encore 
garnis  de  leurs  volets.  Leurs 
appuis  sont  couverts  de  tuiles 
en  écaille  et  leurs  combles  en' 
tuiles  creuses  hourdées  en 
mortier.  Les  poinçons  ont 
conservé    leur    plomberie    et 

leurs    épis     avec    girouetles. 

Les  bretèches  en  bois  etaitMit  aussi  posées  sur  des  éditices  civils  qui 
n'étaient  pas  spécialement  aiîectés  à  la  défense;  telles  sont  les  deux 
bretèches  (jui  sont  encore  conservées  aux  angles  du  bâtiment  de  la  Douane 
de  Constance  (3),  au-dessus  de  hourds  également  en  bois.  Ce  bâtiment 
fut  élevt'  en  1388,  et  ces  ouvrages  de  charpfMile  datent  de  la  construction 
primitive;  les  bretèches  sont  posées  en  diagonale  aux  angles  des  hourds,  cl 
doiment  ainsi,  outre  les  faces  diagonales  destinées  à  protéger  les  angles, 
deux  mâchicoulis  triangulaires  doublant  les  mâchicoulis  du  hourdage. 


'  M(tn.  (le  Fruissarl,  xv  siècle;  Hilt.  iiiip.  ■■  Cy  piii'le  de  l:i  l);il:iille  à  Meaiix  en 
"  Bryo  oii  les  Jacques  l'iiienl  (iesconlil/.  parle  (".diile  de  l'iiix  el  le  Caplal  de  liens;  el 
"   est  le  IX"  V'  cliapilre.  „ 


-217    '     HItKifiCHK     I 

l>ès  ir  xiv  siècle,  les  hretèches  ne  turent  pas  seulement  des  ouvrages 


Pr&AWj 


fi  architecture  militaire;  les  maisons  de  ville  étaient  garnies,  sur  la  façade 
du  côté  de  la  place  publique,  d'une  bretèche  en  bois  ou  maçonnerie,  sorte 
de  balcon  d'où  l'on  faisait  les  criées,  où  on  lisait  les  actes  publics.  les 
proclamations  et  condamnations  judiciaires.  On  cRsait  breléquer  pour 
proclamer.  On  voit  encore  à  l'HO)tel-de-Ville  d'Arras  les  restes  d'une 
bretèche  couverte  qui  était  posée  en  encorbellement  sur  le  milieu  de  la 
façade.  La  bretèche  de  rHôtel-de-Ville  de  Luxeuil  est  encore  entière.  Cette 
disposition  fut  adoptée  dans  tous  les  édifices  municipaux  d'Europe.  En 
Italie,  ce  sont  des  loges  élevées  au-dessus  du  sol  au  moyen  d'un  emmar- 
chement,  comme  au  palais  de  Sienne,  ou  des  portiques  supérieurs, 
ou  des  balcons,  comme  au  palais  des  Doges  de  Venise.  En  Allemagne, 
non-seulement  les  édifices  publics  sont  garnis  de  brelèches,  mais  les 


I    BRETf:<:ilK    I  —    -2VK    — 

palais  .  les  maisons   |)ai'liciili«'ivs  ont   picscjuc  toujours  une  hivItVIu»  à 


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plusieurs  étages,  sorte  de  demi-tourelle  saillante  posée  souvent  au-dessus 
de  la  porte.  A  Nuremberg,  à  Insbruck,  à  Augsbourg,  à  Prague,  les  maisons 
desxiv,  xvet  xvi«-'  siècles  ont  toutes  une-ou  |)lusi('urs  bretj'rhes  lermées 
sur  leur  façade,  qui  permettent  de  voir  a  couvert  tout  ce  qui  se  passe 
d'un  bout  à  l'autre  de  la  rue.  En  France,  les  bretèches  atteclent  plus 


—  •249  — 


I     BKigiE 


paiticulièrenit^nt  la  t'ornie  de  tuuivllt'S  (voy.  tourelles),  et  sont  alors 
posées  (le  prérerence  aux  anj^Mes  des  haltilations.  On  peut  considérer 
comme  de  véritables  bretèches  les  petits  balcons  à  deu\  etaj^es  en  encor- 
bellement qui  tlanquent  la  ra(,'ade  extérieure  du  château  de  Blois  (aile  de 
François  I*^""). 

BRETTURE,  s.  f.  Outil  de  tailleur  de  pierre,  façonné  en  forme  de  marteau 
tranchant  et  dentelé  1 1 1.  Les  tailleurs  de  pierre  du  moyen  âge  comniencent 

1 


■■^■*Ji-tl!ji# 

à  employer  la  bretture  pour  laver  les  parements  vers  le  milieu  du 
xu»^  siècle.  Jusqu'alors  les  parements  étaient  dressés  au  taillant  droit  ou 
au  ciseau  sans  dents.  La  bretture  cesse  d  être  employée  au  xvie  siècle 
pour  la  taille  des  parements  vus.  Elle  est  à  dents  larf,^es  dans  l"origine, 
c'est-à-dire  vers  la  tin  du  xii^  siècle  et  le  commencement  du  xiiie  ci).  Les 


2  3 

dents  se  rapprochent  à  la  tîn  du  xiiie,  et  sont  très-serrées  au  xiv^  (3) 
[voy.  taille].  La  façon  des  tailles  des  moulures  et  parements  est  donc  un 
des  moyens  de  reconnaître  la  date  de  la  construction  des  édifices. 

BRIQUE,  s.  f.  On  désigne  par  ce  mot  des  tablettes  de  terre  battues, 
moulées,  séchées  au  soleil  et  cuites  au  four.  L'emploi  de  la  brique 
remonte  à  la  plus  haute  antiquité.  Les  Romains  en  firent  grand  usage, 
surtout  dans  les  contrées  où  la  pierre  n'est  pas  connnune.  Pendant  le 
Bas-Empire,  ils  élevèrent  souvent  les  maçonneries  au  moyen  de  blocages 
avec  parements  de  petits  moellons  taillés,  alternes  avec  des  lits  de  briques 
T.  II.  32 


[   BRiguE   I  —  '2o()  — 

posées  de  plat.  Les  constructions  jjtallo-roniaines  et  mérovinj^iennos 
conservent  encore  ce  mode.  Mais,  à  partir  du  ix»-' siècle,  on  rencontre 
très-rarement  des  briques  mêlées  aux  autres  matériaux;  la  brique  n'est 
plus  employée  ou  est  employée  seule.  Nous  devons  toutefois  excepter 
certaines  bâtisses  du  midi  de  la  France,  où  l'on  trouve  la  brique  rései-vée 
pour  les  remplissages,  les  voûtes,  les  parements  unis,  et  la  pierre  pour 
les  piles,  les  angles,,  les  tableaux  de  fenêtres,  les  arcs,  les  bandeaux  et 
corniches.  C'est  ainsi  que  la  brique  fut  mise  en  œuvre,  au  xii'"  siècle,  dans 
la  construction  de  l'église  Saint-Sernin  de  Toulouse.  Cette  partie  du 
Languedoc  étant  à  peu  près  la  seule  conU'ée  de  la  France  où  la  pierre 
fasse  complètement  défaut,  les  architectes  des  xui''  et  xiv«^  siècles  prirent 
franchement  le  j)arli  d'élever  leurs  édifices  en  brique,  n'employant  la 
pierre  que  pour  les  meneaux  des  fenêtres,  les  colonnes,  et  quelques  points 
d'ai)pui  isolés  et  d'un  faible  diamètre. 

Un  des  plus  beaux  exemples  de  construction  du  moyen  âge,  en  brique, 
est  certainement  l'ancien  couvent  des  Jacobins  de  Toulouse^  qui  date  de 
la  fin  du  xin«  siècle.  Plus  tard,  au  xiv^  siècle,  nous  voyons  élever  en  brique 
la  jolie  église  fortifiée  de  Simorre  (Gers)  ,  le  collège  Saint-Réniond  et  les 
murailles  de  Toulouse,  des  maisons  de  cette  même  ville,  le  pont  de 
Montauban;  plus  tard  encore,  la  cathédrale  d'Alby,  grand  nombre 
d'habitations  privées  de  cette  ville,  les  églises  de  iMoissac,  de  Lombez, 
le  clochiM-  de  Caussade ,  etc.  La  brique  employée  dans  cette  partie  de  la 
France,  pendant  les  xia»,  xiv»  et  xv«  siècles,  est  grande,  presque  carrée 
(ordinairement  0,33  cent-imètres  sur  0,25  centimètres  et  0,00  centimètres 
d'épaisseur).  Souvent  les  lits  de  mortier  qui  les  séparent  ont  de  0,0-i  à 
0,05  centimètres  d'épaisseur,  La  bricpu'  moulée  est  rarem<'nt  employée 
en  France,  pendant  le  moyen  âge,  tandis  qu'elle  est  frécjuenle  en  Italie 
et  en  Allemagne;  cependant  on  rcMicontre  parfois  de  petits  modillonsdans 
les  corniches,  des  moulures  simples,  telles  que  des  cavets  et  quart-de- 
rond.  La  bricjue  du  Languedoc  étant  très-douce,  les  constructeurs 
préféraient  la  tailler;  ou  bien  ils  obtenaient  une  ornementation  en  la  posant 
en  diagonale  sous  les  corniches,  de  manière  ;i  faii'e  débordei'  les  angles, 
ou  en  épis,  ou  de  «-hanq)  et  de  plat  alternativement  (voy.  constrlction). 
La  bri(|ue  fut  lrès-l'réquemm(Mit  employée,  pendant  le  moyen  âge,  pour 
les  carrelages  intérieurs;  elle  était  alors  émaillée  sur  incrustations  de 
terres  de  diverses  couleurs  (voy.  cauuki.age).  Dans  les  constructions  en 
pans-de-bois  du  nord  de  la  France,  des  xvj-  et  xvi''  siècles,  la  brique  est 
utilisée  comme  l'cmplissage  entre  les  poteaux,  décharges  et  tournisses; 
et  la  manière  dont  elle  est  posée  forme  des  dessins  variés.  Dans  ce  cas, 
elle  est  quelquefois  émaillée  (voy.  pan-de-bois). 

Nous  trouvons  encore  dans  le  Bourbonnais,  au  château  de  la  Palisse,  à 
Moulins  même,  des  constructions  élevées  en  brique  et  mortier  (jui  datent 
du  XV  siècle,  et  dont  les  parements  présentent  (par  l'alternance  de  briques 
rouges  et  noires)  des  dessins  variés,  tels  que  losanges,  zigzags,  clie- 
\rons,  etc.  La  façon  dont  ces  briques  sont  posées  mérite  l'attention  des 


—    '^^1     [    BRIQUE    1 

consh'iufoui's  :  les  lits  et  joints  en  mortier  ont  une  épaisseur  égaie  à  celle 
des  l)ri(iiies,  c'est-à-dire  (),()3i;  ces  briques  i)résentent,  à  l'extérieur,  leur 
petit  côté,  qui  n'a  que  0,l'2  c,  et  leur  pand  côté,  de  (),ti  c,  forme  ((ueue 
dans  le  mur.  La  tig.  1  fait  voir  comment  sont  montés  ces  parements  bri- 
quefés  '. 

y 


Pendant  la  Renaissance,  les  constructions  de  pierre  et  brique  mélangées 
jouirent  d'une  grande  faveur;  on  obtenait  ainsi,  à  peu  de  frais,  des 
parements  variés  de  couleur,  dans  lesquels  l'œil  distingue  facilement  des 
remplissages  les  parties  solides  de  la  bâtisse.  Les  exemples  de  ces  sortes 
de  constructions  abondent.  II  nous  sutiira  de  citer  l'aile  de  Louis  XII  du 
château  de  Blois,  certaines  parties  du  château  de  Fontainebleau,  et  le 
célèbre  château  de  Madrid ,  bâti  par  François  le--,  près  Paris ,  où  la  terre 
cuite  émaillée  venait  se  marier  avec  la  pierre,  et  présenter  à  l'extérieur 
une  inaltérable  et  splendide  peinture  ^  Tout  le  monde  sait  quel  parti' 
Bernard  de  Palissy  sut  tirer  de  la  terre  cuite  émaillée.  De  son  temps,  les 

M.  Millet ,  architecte,  à  qui  nous  devons  ces  rcnseignenienls  sur  les  briques  du 
Boiirl)()nnais,  reconnaît  que  les  briquclages  avec  lits  épais  de  mortier  ont  une  force 
extraordinaire;  cela  doit  être.  La  brique,  étant  Irès-àpre  et  poreuse,  absorbe  une 
grande  quantité  d'eau;  lorsqu'elle  se  trouve  séparéo  par  des  lits  minces  de  mortier, 
elle  a  bientôt  desséché  ceux-ci,  et  nous  n'avons  pas  besi.in  de  rappeler  que  les  mortiers, 
pour  conserver  leur  force,  doivent  contenir,  à  l'état  permanent,  une  quantité  assez 
notable  d'eau. 

2  gi't^lques  fragments  de  ces  terres  cuites  émaillées,  du  château  de  Madrid  ,  sont 
déposés  au  musée  de  Clunv. 


[  BUFFKT  ]  —  :25-J  — 

nombreux  produits  sortis  de  ses  fourneaux  servirent  non-seulement  à 
orner  les  dressoirs  des  riches  pai'ticidiers  et  desseij,Mieurs,  n)ais  ils  contri- 
buèrent à  la  décoration  extérieure  des  palais  et  des  jardins. 

BUFFET  (i)'oRGUEs),  s.  m.  On  désigne  ainsi  les  armatures  en  charpente 
et  menuiserie  qui  servent  à  renfermer  les  orgues  des  églises.  Jusqu'au 
xv«  siècle,  il  ne  parait  pas  que  les  grandes  oigues  tussent  en  usage.  On 
ne  se  servait  guère  que  d'instruments  de  dimensions  m/'iiiocres,  et  qui 
pouvaient  être  renfermés  dans  des  meubles  j)osés  dans  les  chœurs,  sur 
les  jubés,  ou  sur  des  tribunes  plus  ou  moins  vastes  destinées  à  contenii' 
non-seulement  les  orgues,  mais  encore  des  chanli'es  et  musiciens.  Ce 
n'est  que  vers  la  fin  du  xv  siècle  et  au  commencement  du  xvr  que  l'on 
eut  l'idée  de  donner  aux  orgues  des  dimensions  inusitées  jusqu'alors, 
ayant  une  grande  puissance  de  son  et  exigeant ,  pour  les  l'enfermer,  des 
char{)entes  colossali's.  Les  buffets  d'orgues  les  jthis  anciens  que  nous 
connaissions  ne  remontent  pas  au  delà  des  dernières  années  du  xv*^  siècle; 
et  ces  orgues  ne  sont  rien  auprès  des  instruments  monstrueux  que  l'on 
fabiique  depuis  le  xvne  siècle.  Cependant,  dès  le  xiv«"  siècle ,  certaines 
orgues  étaient  déjà  composées  des  mêmes  éléments  que  celles  de  nos 
jours  :  claviers  superposés  et  pouvant  se  réunir,  tuyaux  détain  en  montre, 
trois  soufflets ,  jeux  de  mutation;  et  ce  (|ui  doit  être  noté  ici  particulièi-e- 
ment,  ces  orgues  avaient  un  positif  placé  derrière  l'organiste,  et  dans 
lequel  on  avait  mis  des  tîntes  dont  l'eHet  est  signalé  comme  très-agréable. 

M.  Félix  Clément,  à  qui  nous  devons  des  renseignements  précieux  sur 
l'ancienne  musique  et  sur  les  orgues,  nous  fait  connaître  qu'il  a  trouvé, 
dans  les  archives  de  Toulouse,  un  document  fort  curieux  sur  la  donation 
faite  à  une  confrérie,  par  P>eriiard  de  Hosergio,  archevêque  de  Toulouse, 
d'un  orgue,  à  la  date  de  I4(i3.  Il  résulte  de  cette  pièce  que  cinq  orgues 
furent  placées  sur  le  jubé  dans  Tordre  suivant  :  un  grand  orgue  s'élevait 
au  milieu,  derrière  un  petit  orgue  disposé  comme  l'est  actuellement  le 
positif;  un  autre  orgue,  de  petite  dimension,  était  placé  au  haut  du- grand 
buttet  et  surmonté  d'un  ange;  à  droite  et  à  gauche  du  jubé  se  trouvaient 
deux  auti-es  orgues ,  dont  deux  confréries  étaient  autorisées  à  se  servir, 
tandis  que  l'usage  des  trois  premières  était  exclusivement  réservé  aux 
chanoines  et  au  chapitre  de  la  cathédrale.  Les  cinq  insiruments  pouvaient, 
du  reste,  résonner  ensemble  à  la  volonté  de  rarchevêijue  '. 

«  L'église  de  Sainl-Severin,  dit  l'abbé  Lebeuf  %  est  une  des  premières 
de  Paris  où  l'on  ait  vu  des  orgues  :  il  y  en  eut  dès  le  règne  du  roi  Jean, 
mais  c'éloit  un  petit  buffet;  aussi  l'église  n'éloit-elle  alors  ni  si  longue  ni 
si  large.  J'ai  lu  dans  un  extrait  du  nécrologe  manuscrit  de  cette  église  que, 
l'an  l^oS,  le  lundi  après  l'Ascension,  maître  Rei/naud  de  Doua  .  écolier 

*  Rappnrl  adressé  par  M.  Félix  Cirmcni  à  M.  le  Miiiislrc  de  rinstrttction  publique 
et  des  Cultes,  sur  Torgue  de  Toulouse.  tSiii. 

î  m  si.  de  la  ville  et  du  diocèse  de  Paris,  t.  1,  p.  168. 


'253    —  [    BUFFET     I 

en  Ihvohqie  (\  Parh  et  (fourerneur  dea  grandes  écoles  de  la  parouesse 
Sainl-Scverin.  donna  àréqlise  une  bonne  orgues  et  bien  ordeni-es.  Celles 
que  l'on  a  vu  subsister  jiis(|u"en  17i7,  adossées  à  la  tour  de  l'église, 
n'avoieut  été  faites  qu'en  loh2 » 

Au  xv  siècle,  on  parle,  pour  la  première  fois,  d'orgues  de  seize  et  même 
de  trente-deux  pieds  ;  les  buffets  durent  donc  prendre,  dès  cette  époque, 
des  dimensions  monumentales. 

Au  \\i>'  siècle,  tous  les  jeux  de  lorgue  actuel  étaient  en  usage  et  for- 
maient un  ensemblede  quinze  cents  à  deux  mille  tuyaux.  L'orgue  qui  passe 
pour  le  plus  ancien  en  France  est  celui  de  Soliès-Ville  dans  le  Var  '.  Celui 
de  la  cathédrale  de  Perpignan  date  des  premières  années  du  xyi»  siècle; 
nous  en  donnons  (1)  la  montre.  Le  buffet  se  ferme  au  moyen  de  deux 
grands  volets  couverts  de  peintures  représentant  l'Adoration  des  Mages, 
le  baptême  de  Notre-Seigneur  et  les  quatre  Evangélistes.  In  positif,  placé 
à  la  tin  du  xvi<'  siècle,  est  venu  défigurer  la  partie  inférieure  de  la  montre; 
le  dessin  que  nous  donnons  ici  le  suppose  enlevé.  Le  positif  n'est  pas, 
d'ailleurs,  indispensable  dans  les  grandes  orgues.  Lorsque  le  facteur  peut 
disposer  son  mécanisme  sur  une  tribune  assez  spacieuse  pour  placer  ses 
sonnniers  dans  le  corps  principal  du  buffet,  le  positif  n'est  j)lus  qu'une 
décoration  qui  cache  l'organiste  aux  regards  de  la  foule.  Un  clavier  à 
consoles  est  préférable,  car  il  est  nécessaire  (jue  lartiste  puisse  voir  ce  qui 
se  passe  dans  le  chœur.  Il  est  probable,  cependant,  que  les  anciens  fadeurs 
trouvaient  plus  commode  de  placer  le  sommier  du  positif  à  une  certaine 
distance  des  claviers,  à  cause  du  peu  de  largeur  du  mécanisme,  tandis 
qu'en  plaçant  leurs  sonmiiers  dans  l'intérieur  du  grand  buffet,  ils  étaient 
obligés  d'établir  la  correspondance  par  des  abrégés,  des  registres,  etc., 
dont  la  longueur  devait  amener  des  irrégularités  dans  la  transmission  des 
mouvements.  Le  buffet  de  la  cathédrale  de  Perpignan  est  bien  exécuté, 
en  beau  bois  de  chêne,  et  sa  construction,  comme  on  peut  le  voir,  établie 
sur  un  seul  plan,  est  fort  simple;  elle  ne  se  compose  que  de  montants  et 
de  tiaverses  avec  panneaux  à  jour.  Presque  tous  les  tuyaux  de  montre 
sont  utilisés.  L'organiste,  placé  derrière  la  balustrade,  au  centre,  touchait 
les  claviers  disposés  dans  le  renfoncement  inférieur;  la  soufflerie  est 
établie  par  derrière  dans  un  réduit. 

On  va  voir  (2)  le  buffet  et  la  tribune  des  orgues  de  l'église  d'Hombleux 
(Picardie) ,  qui  date  du  commencement  du  xvr  siècle.  Ici  ,  l'instrument 

'  1/orgue  de  Soliès-Ville  est  fort  petit.  Sa  montre  n'a  pas  plus  de  2", 50  sur  2", 60 
de  haut;  cette  montre  est  datée  de  1499.  Nous  préférons  donner  à  nos  lecteurs  fa 
montre  de  l'orgue  de  f^erpignan,  qui  est  plus  grande  et  plus  fiefle  comme  travail  et 
comme  composition,  et  (jui  date  de  la  même  époque.  D'aifleiirs ,  et  bien  que  l'at- 
tention des  archéologues  ait  été  fixée  sur  les  orgues  de  Soliès  (voy.  le  111*  vot.  du 
Hallelin  ttrchéol.,  pub.  par  le  Min.  de  l'Inst.  publique,  p.  176)  ,  l'instrument  a  été 
enlevé  du  buffet  et  refondu  par  un  Polonais.  L'inscription  curieuse  qui  était  sculptée 
à  la  base  le  la  montre  a  été  arrachée,  et  le  curé  actuel  de  Soliès  médite  de  faire  de  ce 
buffet  vide  un  confessionnal. 


1   BLKFET   I  —  :25i  — 

est  porté  par  des  eiicorhelleineiits,  la  partie  inférieure  n'ayant  guère  que 
la  largeur  nécessaire  aux  elavi»'rs  et  aux  regisinvs.  Cette  disposition  per- 
mettait à  des  musiciens,  joueurs  d'instruments  ou  clianieurs,  de  se  placer 
dans  la  tribune  autour  de  lorganiste,  assis  dans  la  ])elile  chaire  portée 


sur  un  cul-de-lampe;  et.  sous  ce  rappoit.  elle  mérite  d'êlre  signalée.  Du 
reste,  même  système  de  menuiserie  qu'à  lN'r|)ignan  el  à  Soliès.  (le  sont 
les  tuyaux  qui  commandent  la  forme  de  la  boiserie,  celle-ci  les  laissant 
apparents  dans  toute  leur  hauteur  et  suivant  leur  déclivité.  Nous  citerons 


—    "loh    —  [    BUFFET    1 

encore  les  buffets  d'oij^ues  de  la  cathédrale  de  Strasbourg,  des  églises  de 

2 


Gouesse,  de  Mord  près  Fontainebleau,  de  (Manieoy,  de  Saint-Bertrand  de 
Conniiinges,  de  la  eathédralf  de  ("liarties.  (jui  dalent  de  la  tin  du  xv  siècle 


[    r.ALVAlKK     I  '25r>    

et  du  xYi''.  La  menuiserie  de  tous  ces  buttets  est  soumise  à  rinstruinent 
et  ne  fait  que  le  couvrir;  les  panneaux  ajourne  remplissent  que  les  vides 
existant  entre  l'extrémité  sujiérieure  de  ces  tuyaux  et  les  j)!at'onds,  atin 
de  permettre  l'émission  du  son;  quant  au  mécanisme  et  aux  purle-venl, 
ils  sont  complètement  renfermés  entre  les  panneaux  pleins  des  soubasse- 
ments. 11  arrivait  souvent  (}ue,  pour  donner  plus  d'éclat  aux  niontres,  les 
tuyaux  visifMes  étaient  gaufrés  et  dorés  ,  rehaussés  de  filets  noirs  ou  de 
couleur;  la  menuiserie  elle-même  était  peinte  ou  dorée  :  tel  est  le  butiet 
des  grandes  orgues  de  la  cathédrale  de  Strasbourg.  Pres(|ue  tous  les 
anciens  butiets,  connue  celui  de  la  cathédrale  de  l'erpignan,  étaient  clos 
par  des  volets  peints,  que  l'organiste  ouvrait  lorsqu'il  touchait  de  l'orgue. 

BUIZE,  s.  f.  Vieux  mol  encore  usité  en  Picardie,  et  qui  signifie  canal, 
conduit  d'eau  (voy.  tlvai.  de  descente). 

'   BYZANTIN  (Style)  [v.  style].  BYZANTINE  (architecture)  [v.architectlkk|. 

CABARET,  s.  m.  Cahausl.  Vieux  mai  qms\iin\t\e  lieu  fermé  de  barreaux, 
d'où  vient  le  nom  de  cabaret  domié  aux  boutiques  de  débitants  de  vin. 

CAGE,  s.  f.  Désigne  l'espace  dans  lequel  est  établi  un  escalier  (v.  escaliek)  . 

CAIVIINADE,  S.  f.  Vieux  mol  employé  pour  vlyambre  à  feu,  chandjre 
dans  laquelle  est  une  cheminée. 

CALVAIRE,  s.  m.  Il  était  d'usage,  pendant  les  xv«  et  xvi«  siècles,  de 
représenter  les  scènes  de  la  Passion  de  .lésus-C.hrist  dans  les  cloîtres,  les 
cimetières,  ou  même  dans  une  cha|)elle  attenant  à  une  église,  au  moyen  de 
figurines  ronde-bosse  sculptées  sur  pierre  ou  bois,  et  rangées  soit  dans  un 
vaste  encadrement,  soit  sur  une  sorte  de  plate-forme  s'élevant  en  gradins 
jusqu'à  un  sommet  sur  lequel  se  dressaient  les  trois  croix  portant  Notre- 
Seigneur  et  les 'deux  larrons.  On  voit  encore  un  grand  nombre  de  ces 
monuments,  qui  datent  du  xvou  du  xvi*- siècle,  dans  les  cimetières  de  la 
Bretagne.  Beaucoup  de  retables  en  bois,  du  commencement  du  xvi'"  siècle, 
représentent  également  toutes  les  scènes  de  la  Passion,  en  connnenvant 
par  celle  du  Jardin  des  Oliviers  et  finissant  au  Crucifiement.  Depuis  le 
xvi«:  siècle,  on  a  riMnpIacé  ces  représentations  groupées  par  des  stations 
élevées  de  distance  en  distance,  en  plein  air,  sur  les  pentes  d'une  colline, 
ou  sculptées  ou  peintes  dans  des  cadres  accrochés  aux  piliers  des  églises  '. 

1  L'idée  de  présenter  aux  fidèles  les  quatorze  stations  de  NoU-e-Seigiieui',  depuis 
le  momenl  où  il  lui  livir  par  Judas  jusqu'à  sa  mort,  osl  cerlainouient  de  nature  à 
inspirer  les  senlinienls  les  plus  iervcnts  ;  la  vue  des  soullVances  supportées  avec 
patience  par  le  fils  de  Dieu  est  bien  propre  à  rallerniir  les  âmes  aflligées  :  aussi, 


—  ''2'">7  —  [   CAîSNKi.nU':   ] 

CANNELURE,  s.  C.  (Tosl  une  iiioiilure  pu  f'onno  do  polil  canal  creusé 
vorticalciiK'iil  sur  la  circonfÏMciico  des  colonnes  ou  sur  les  faces  des 
pilastres.  Les  Cwcs  avaieni  addplé  la  cannelure  sur  les  fnts  des  colonnes 
des  ordies  dori(|ii(' ,  ionujue  e^l  corintliicii  ;  les  Houiains  l'employèrent 
également,  autant  (jue  les  matières  dont  étaient  composées  leurs  colonnes 
le  permettaient;  aussi  voyons-nous,  en  France,  la  cannelure  applicpiée  aux 
colonneset  |)ilaslrcsde  rèpo(|ue  romane  dans  les  contrées  où  rarchitecture 
romaine  avait  laissé  de  nombreux  vestiges.  En  Provence,  le  \o\v^  du  Hliône, 
de  la  S;ione  et  de  la  Haute-Marne,  et  jusfpi'en  lîourj^oj^nio,  des  camielures 
sont  paifois  creusées,  pendant  le  xir'  siècle,  sur  les  colonnes,  mais  plus 
particulièrement  sur  les  faces  des  pilastres.  Il  se  faisait  alors  une  sorte  de 
renaissance,  qui,  dans  ces  contrées  couvertes  de  fragments  antiques, 
conduisait  les  arcliitectes  à  imiter  la  sculpture  romaine,  que  la  fdiation 
romane  avait  |)eu  i\  peu  dénaturée.  Ce  retour  vers  les  détails  de  la  sculp- 
ture anti(|ue  est  tiès-sensihle  au  portail  de  l'église  de  Saint-Gilles,  dans 
le  cloître  de  Sainl-Trophyme  à  Arles,  au  Tlior,  à  Pernes,  à  Cavaillon  en 
Provence,  dans  toutes  ces  églises  qui  bordent  le  Rhône;  puis,  plus  au 
nord,  àLangres,  à  Autun,  à  Heaune,  à  Semur  en  Brionnais,  à  la  Charifé- 
sur-Loire,  àCluny.  Dans  l'architecture  de  ces  pays,  le  pilastre  est  préféré 
à  la  colonne  engagée,  et  toujours  le  pilastre  est  cannelé;  et,  il  faut  le 
dire,  sa  cannelure  est  d'un  plus  beau  profil  que  la  cannelure  romaine, 
trop  maigre  et  trop  creuse,  mal  terminée  au  sommet  par  un  demi-cercle 
dont  la  forme  est  molle,  confuse  près  de  la  base,  lorsqu'elle  est  remplie 
par  une  baguette.  La  cannelure  occidentale  du  xii«  siècle  se  rapproche 
des  profils  et  de  l'échelle  des  cannelures  grecques,  comme  beaucoup 
d'autres  profils  de  cette  époque. 

Nous  donnons  (1)  un  des  pilastres  du  triforium  de  la  cathédrale  de 

n'esl-il  pas,  à  noire  sens,  de  spectacle  plus  touchant,  dans  nos  églises,  que  la  vue  de 
ces  femmes  venant  silencieusement  s'agenouiller  devant  les  terribles  scènes  de  la 
Passion  ,  et  les  suivre  ainsi  une  à  une  jusqu'à  la  dernière.  I^ourquoi  faut-il  que  ces 
prières  si  respectables  car  elles  ne  sont  inspirées  ni  par  un  désir  ambitieux,  ni  par 
des  sonliaits  indiscrets,  mais  par  la  douleur  et  le  besoin  de  consolation)  soient  adressées 
à  Dieu  devant  des  images  presque  toujours  hideuses  ou  ridicules,  qui  déshonorent 
nos  églises?  Ces  tableaux  des  Stations  sont  fabriqués  en  bloc,  à  prix  fixes ,  se  payent 
au  mètre  ou  en  raison  du  plus  on  moins  de  couleur  dont  elles  sont  barbouillées;  elles 
sortent  des  mêmes  ateliers  qui  envoient  en  province  des  devants  de  cheminée  grave- 
leux, des  scènes  bachiques  pour  les  tavernes;  et,  il  faut  bien  le  dire,  au  point  de  vue 
de  l'art,  ces  |ioinlnres  n'ont  même  pas  le  mérite  des  papiers  peints  les  plus  vulgaires. 
Il  nous  semble  que  les  images  qui  doivent  trouver  place  dans  les  églises,  même  les 
plus  humbles,  pourraient  être  soumises  à  un  contrôle  sévère  de  la  part  des  membres 
éclairés  du  liant  clergé  :  qu'elles  soient  parfaites,  cela  est  difficile;  mais  faudrait-il  au 
moins  (ju'elles  ne  fussent  jamais  ridicules  ou  repoussantes;  qu'elles  ne  lussent  pas, 
comme  art,  au-dessous  de  ce  que  l'on  voit  dans  les  cabarets.  Sinon,  mieux  vaut  une 
simple  inscription  ;  si  pauvre  que  soit  l'imagination  de  celui  qui  prie,  elle  lui  peindra 
les  scènes  de  la  Passion  dune  manière  plus  noble  et  plus  digne  que  ne  le  font  ces 
tableaux  grotesques. 

T.    II.  33 


CANNEI.IIUK 


-iaK  — 


Laiigres,  dont  la  l'acr  pirsenfe  une  seule  canneluie;  et  (2)  un  des  fïiands 
pilastres  des  piles  inlérieuresde  celle  même  église,  dont  la  l'ace  est  ornée 
de  deux  cannelures.  Entre  les  cannelures,  des  baguettes  sont  dégagées; 


1 


/'ft^AII.OSC 


l'ensemble  de  ces  surfaces  concaves  et  convexes  alternées  produit  beau- 
coup d'etiet.  A  la  cathédrale  d'Autun,  dont  la  construction  précéda  de 


quelques  années  l'érection  de  celle  de  Langres,  les  cannelures  des  pilastres 
se  rapprochent  davantage  de  la  cannelure  romaine  (3). 


>5'.»  — 


rAKRHI.Adi: 


Lors(|iie  les  caiiiH'liin's  sont  traînées  sur  des  colonnes,  au  xii»-'  siècle,  il 

est  rai'e  (|u'elles  soient  simples;  elles 
sont  ou  chevronnées  ou  en  zij,'/af,'s,  ou 
torses,  ou  rompues,  ou  remplies  par 
des  ornements  (v.colonnk)  ;  telles  sont 
les  cannelures  d'une  des  colonnes  de 
la  porte  principale  de  la  cathédrale 
d'Autun  (4);  ce  n'est  ^uère  qu'en 
Provence  que  l'on  rencontre  des  co- 
lonnes cannelées  simples.  Au  \\w 
siècle,  la  cannelure  disparaît  lorsque 
l'architecture  ogivale  est  adoptée. 

Un  des  dernieis  exemples  de  can- 
nelures appliquées  à  des  colonnes  se 
voit  à  l'extérieur  du  chœur  de  léglise 
Saint-Rémy  de  Reims,  dont  la  con- 
struction remonte  aux  dernières  an- 
nées du  xir  siècle.  Mais  il  ne  faut  pas 
oublier  qu'à  Reims  il  existe  de  nom- 
breux fragments  d'antiquités  romai- 
nes, et  que  la  vue  de  ces  monuments 
eut  une  influence  sur  l'architecture 
■*1  /     /  ^    '   \    ^  et  la  sculpture  de  cette  partie  de  la 

Champagne. 

Les  cannelures  reparaissent  sur  les 
pilastres  et  sur  les  colonnes  au  mo- 
ment de  la  Renaissance;  souvent  alors 
conmie  à  la  façade  de  la  galerie  du 
Louvre,  côté  de  la  rivière,  ou  conmie 
au  rez-de-chaussée  de  la  galerie  de 
Philibert  Delorme  au  palais  des  Tui- 
leries, elles  alternent  avec  des  assises  formant  bossage. 

CANTON,  s.  m.  Terme  de  blason.  CANTONNÉ  se  dit,  en  architecture, 
des  piliers  dont  les  quatre  faces  sont  renforcées  de  colonnes  engagées  ou 
de  pilastres  ;  on  dit  alors  :  pilier  cantonné  de  quatre  colonnes,  de  quatre 
pilastres  (voy.  piLtER). 

CARREAU,  s.  m.  C'est  le  nom  que  l'on  donne  à  des  tablettes  de  pierre, 
de  marbre  ou  de  terre  cuite,  qui  servent  à  paver  l'intérieur  des  édifices 
(voy.  carrelage).  On  désigne  aussi  par  carreaux  les  morceaux  de  pierre 
peu  profonds  qui  forment  les  parements  d'un  mur.  Un  mur  est  bâti  en 
carreaux  ou  carreaudages  et  bontisses  (voy.  boutisse). 


f*£c*/tû.  se 


CARRELAGE,  s.  m.  Assemblage  de  carreaux  de  pierre,  de  marbre  OU  de 


I     rAKHKI.ACK    I  —    ^<)()    — 

lern'  cuite.  Lrs  Koinains  couvraient  (ndiiiairenieiit  l'aire  des  salles  à  rez- 
de-chaussée  de  inf)saïques  conijX)sées  de  petits  cubes  de  marbre  de 
diverses  couleurs,  t'orinant,  par  leur  juxtaposition,  des  dessins  colorés, 
(les  ornements  et  même  des  sujets.  Ils  employaient  souvent  aussi  de 
{grandes  tables  de  marbre  ou  de  pierre  carrées,  oblon^^ies,  polygonales  et 
circulaires,  jmur  daller  les  salles  qui  devaient  recevoir  un  grand  concours 
de  monde;  car  la  mosaïque  ne  pouvait  durer  longten)ps  sous  les  pas  de 
la  foule.  La  brique  était  réservée  pour  les  |)avages  les  j»lus  vulgaires.  Pen- 
dant les  [)remiers  siècles  du  moyen  âge,  en  France,  ces  traditions  furent 
conservées;  mais  les  marbres,  dans  le  nord  ,  n'étaient  pas  connnuns,  la 
façon  de  la  mosaïque  dispendieuse;  elle  ne  fut  que  rarement  employée 
pour  les  pavages  (voy.  mosaïque)  ;  on  lui  préféra  les  dallages  gravés  et 
incrustés  de  mastics  de  couleur,  ou  les  terres  cuites  émaillées.  Partout,  en 
effet,  on  pouvait  fabri(|uer  de  la  brique,  et  rien  n'est  plus  aisé  que  de  lui 
donner  des  tons  variés  par  une  couverte  cuite  au  four.  Il  est  vraisemblable 
que,  dès  l'époque  carlovingienne,  les  carrelages  en  l)ri(|ues  de  couleur 
étaient  en  usage;  on  pouvait  ainsi,  à  peu  de  frais,  obtenir  des  pavages 
présentant  à  peu  près  l'aspect  des  mosaïques.  Cependant  nous  devons 
dire  que  nous  ne  connaissons  aucun  cairelage  de  ferre  cuite  antérieur  au 
xic  siècle;  on  n'en  doit  pas  être  surpris,  (|uan<l  on  observe  combien  peu 
durent  les  émaux  dont  on  revêt  cette  matière;  pronq)lement  usés,  les 
carrelages  en  terre  cuite  devaient  être  souvent  remplacés. 

Les  carrelages  les  plusanciens  que  nous  connaissions  sont  ceux  que  nous 
avons  découverts,  il  y  a  quelques  années,  dans  les  chapelles  absidales  de 
l'église  abbatiale  de  Saint-Denis;  ces  carrelages  sont  du  tcnqis  de  Snger; 
ils  fuient  laisses  la  plup;ut  en  place,  à  cause  j>robablement  de  leur  beault", 
lors(|ue.  sous  le  rt'gne  de  saint  Louis,  ces  chapelles  furent  remises  à  neuf. 
Ils  sont  en  gi'ande  partie  composés  de  très-jx'tits  morceaux  de  terre  cuite 
émaillésen  noir,  en  jaune,  en  vert  foncé  et  en  rouge,  coupés  en  triangles, 
en  carrés,  en  losanges,  en  portions  de  cercle,  en  j)olygones,  etc.;  ils 
forment,  par  leur  assemblage  ,  de  véritables  mosaïcpies  d'un  dessin  char- 
mant. Le  carrelage  de  la  chapelle  de  la  Vierge,  publie  dans  les  Annales 
archéologiques  de  M.  IMdron  et  dans  VEnci/clopnlie  d'Arcliileclure  de 
M.  Bance,  celui  de  la  chapelle  de  Saint-CiUcuphas,  également  reproduit 
dans  ce  dernier  ouvrage  et  dans  les  Eludes  sur  les  carrelages  hisloriés  de 
M.  Alfred  Ramé,  et  restaurés  aujourd'hui,  sont  deux  très-beaux  spécimen 
des  carrelages  mosaïques  du  \ii'"siècle.  Nous  croyons  inutile  de  re|)ro(luire 
ici  les  ensembles  de  ces  carrelages,  et  nous  nous  bornerons  à  en  donner 
des  fragments,  afin  de  faire  connaitre  la  méthode  suivi»'  par  les  architectes 
de  ce  temps.  Ces  carrelages  se  composent  généralement  de  bandes  formant 
des  dessins  variés,  séparées  par  des  bordures  étroites.  L'influence  de  la 
mosaïque  anti(|ue  se  fait  encore  sentir  dans  ces  combinaisons,  car  cha(|ue 
carreau  porte  sa  couleur,  et  c'est  par  leur  assemblage  (|ue  les  dessins  sont 
obtenus.  Les  britiuetiers  du  xii»^  siècle  avaient  poussé  fort  loin  l'art  de 
mouler  ces  petits  morceaux  de  terre,  et  souvent  ils  composaient  des  dessins 


—    -<»l     —  [    i:AHKKLA(il-     I 

assez  compliqués,  (les onitMiK'iils  iiièiiu",  par  reiRlicvètreiiicnt  do  ((nirbes 
U's  mu's  dans  les  aiilrcs.  I/'cxomplo  que  voici  (I  )  d'un  riaj,Mneii(  de  carre- 


ë^^n^é 


■à 


fil 


G    JEMf 

lage  de  la  chapelle  de  la  Vierge  de  l'église  de  Saint-Denis  nous  fait  voir 
des  bandes  formées  de  cercles  noirs  et  rouges  qui  se  pénètrent^  et  des 
comparliments  très-fins  composés  de  morceaux  triangulaires,  carrés,  ou 
en  fuseaux,  qui  n'ont  pas  plus  de  0,03  cenlimètres  de  côté  *.  Nous  trou- 


vons même  dans  le  carrelage  de  la  chapelle  Saiut-(Àicuphas  de  l'église  de 
Saint-Denis  des  tleurs  de  lis  jaune  sur  fond  noir-vert  ainsi  combinées  ("2). 

'  .Nous  avons  ri'iidu  les  tons  noir  ou  vert  sonilirc  par  ilu  noir  ,  U-  roiit;e  [»ar  des 


[    (".\I«IIELAGE    1  "Hy-l    — 

La  fig.  "2  his  piV'sente  la  disposition  des  morceaux  dont  est  l'oniiée  cette 


sorte  de  mosaï(|iie.  Quelquefois  h's  cari-eaux  sont  péiiéliés  d'une  petite 
pièce  de  terre  (  iiile  d'une  autre  eonleui'  (|ui  vient  s"ada|>lei'  dans  le  creux 


^P 


niéna^'é  pour  la  recevoir  (3).  Os  exein|)les  sont  liies  de  la  même  cha- 
pelle, dont  tout  le  carrelage  est  jaune  et  noir-vert. 

M.  fVrcier  nous  a  laissé,  parmi  ses  précieux  croquis  faits  en  1797  dans 
l'église  de  Saint-Denis,  (|uelques-uns  de  ces  carrelages  du  xii^  siècle,  dont 


li;nlmrt's,  el  le  jaune  par  le  l)lam'.  Le  ronge  esl  couleur  Inique,  le  jaune  est  d'un  ton 
(i'oeie  clair  fort  doux. 


—    !2().'{    I    r.ARREI.ACiK    1 

la  romposition  «'sl  si  orifiitialc.  Nous  cioiinoiis  ici  (4)  l'un  des  plus  beaux; 


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l'exactitude  de  ces  croquis  nous  est  confirmée  par  la  découverte  de  carreaux 
qui,  quoique  dérangés,  coïncident  parfaitement  avec  l'ensemble  que  nous 
reproduisons.  Dans  ce  dernier  carrelage,  beaucoup  de  morceaux  de  terre 
cuite  simulent  un  marbre  vert  jaspé'.  Evidenniient,  les  artistes  du 
xne  siècle,  imbus  des  traditions  antiques,  cherchaient  à  rendre  l'etiet  des 
mosaïques  romaines  des  bas-temps,  dont  ils  possédaient  encore  de  nom- 
breux exemples;  n'ayant  pas  de  marbres  à  leur  disposition,  ils  les  imitaient 
au  moyen  de  l'émail  dont  ils  revêtaient  leurs  carreaux. 

Nous  avons  encore  trouvé  en  Allemagne  des  combinaisons  de  carreaux 
de  terre  cuite  de  couleur  formant  des  dessins  variés  par  leur  silhouette  et 
leur  assemblage.  Ces  carreaux  datent  des  premières  années  du  \iw  siècle  ; 
il  ne  faut  pas  oublier  que  les  arts  de  l'Allemagne  étaient  alors  en  retard 
d'une  cinquantaine  d'années  sur  les  arts  de  la  France.  Nous  pensons  qu'il 
est  utile  de  présenter  ici  quelques-uns  de  ces  exemples  qui,  d'ailleurs, 
appartiennent  bien  nettement  au  style  du  xii'?  siècle,  et  cela  d'autant  mieux 
que  ces  carreaux  proviennent  des  environs  de  Dresde,  et  que  ces  contrées 
recevaient  alors  tous  leurs  arts  de  l'Occident.  Ces  fragments  (n  et  o  bis) 
sont  aujourd'hui  déposés  dans  le  musée  du  Grand-Jardin,  à  Dresde,  et 
appartiennent  au  cloître  de  Tzelle,  situé  à  vingt-quatre  kilomètres  de  cette 
ville.  Les  figures  A  et  B  font  voir  comment  ces  carreaux  sont  fabriqués  et 
comment  ils  s'assemblent  ;  ils  sont  noirs  et  rouges  ;  les  petites  pièces  C 
sont  seules  bordées  d'un  filet  blanc.  On  remarquera  que,  dans  tous  les 


•  (^es  morceaux  sont  rendus  dans  la  gravure  par  un  travail  irréguiier. 


(:Ai<Ki:i.A<iK 


—  -2G4  — 


rxfinplos  que  nous  venons  de  doiinor  ri-dessus,  le  noir-verl  Joue  un  ^M'and 
rôle;  c'est  là  un  des  li-ails  cin-icU'i'istuiucs  des  ciini-hi^fs  du  \\\'  sircir. 


landis  qu'au  xiii»- siècle  c'est  le  rouge  ([ui  doniiiu'.  En  règle  générale,  dans 
les  décorations  intérieures,  au  xu*' siècle,  les  pavages  sont  d'un  ton  tiès- 

0  S  ^'' 


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soutenu  et  charge,  tandis  que  les  peintures  sont  claires;  le  verl,  le 
jaune,  l'ocre  rouge  et  le  l)lanc  sont  les  couleurs  préférées.  Au  xin<*  siè- 
cle, au  contraire,  les  surfaces  horizontales,  les  pavages  sont  hrillanis, 
clairs,  landis  (|ue  les  j)eintures  des  parements  sont  très-vigoureuses 
de  ton  ;  et  il  n'est  pas  rare  même,  vers  la  tin  du  xuc'  siècle  et  pendant  le 
XIV,  de  voir  le  noir  occuper  des  surfaces  inqxirlantes  dans  la  décoration 
des  parements  verti(;aux  (voy.  i'kixtikk). 

Mais  ce  n'est  pas  seulement  par  l'harmonie  des  tons  que  les  carrelages 


—  -2{)7\  —  [  (Aiuni  A<iK   I 

du  xiii»'  siècle  diffèrent  de  ceii\  du  xii'",  c'est  aussi  par  le  mode  de  falni- 
cation  ;  en  cela,  comme  en  toute  eiiose,  le  xiii*^  siècle  rompt  fnm('liem<'nl 
avec  les  traditions  :  au  lieu  de  composer  les  dessins  des  cariclat:>'s  en 
assendtlant  des  pièces  de  formes  variées,  il  adopta  un  système  de  car- 
reaux ordinairement  carrés,  ornés  au  moyen  d'incrustations  de  terres  de 
couleurs  ditiérentes ,  rouge  sur  jaune,  ou  jaune  sur  rouj^e.  Les  carreaux 
noirs  furent  employés ,  le  plus  souvent  alors ,  comme  encadrements;  le 
noir-vert  devint  plus  rare,  pour  rej)araitie  au  xiv  siècle.  Les  exemples 
de  carrelantes  du  xiif  siècle  abondent  dans  nos  anciennes  églises,  dans 
les  chàleaux,  palais  et  maisons.  Il  tant  toutefois  remarquer  ici  que  le 
carielage  en  terre  cuite  émaillée  n'est  guère  enq)loyé  que  dans  les 
chœurs,  les  chapelles,  ou  les  salles  qui  n'étaient  pas  faites  {)Our  recevoir 
un  grand  concours  de  monde.  Lémail  s'enlevant  assez  facilement  par  le 
frottement  des  chaussures,  on  n'employait  pas  les  carreaux  émaillés  dans 
les  nefs  ou  collatéiaux.  dans  les  galeries  ou  grand'salies  des  châteaux  et 
palais.  Si  la  terre  cuite  était  mise  en  œuvre  dans  les  lieux  très-fréquentés, 
elle  était  posée  sans  émail  et  alternée  souvent  avec  des  dalles  de  pierre  et 
même  des  carreaux  de  marbre.  D'ailleurs,  il  ne  faut  pas  oublier  qu'à 
partir  du  xn^  siècle  le  sol  des  nefs  servait  de  sépulture,  et  qu'étant  ains 
bouleversé  sans  cesse  et  recouvert  de  dalles  funéraires,  il  n'était  guère 
possible  d"y  maintenir  un  dessin  général  composé  de  petites  pièces  de 
terre  cuite. 

Nous  avons  dit  que  le  ww  siècle  avait  remplacé  le  carrelage  en  terre 
cuite  mosaïque  par  des  carreaux  incrustés  d'ornements.  L'origine  de  ce 
mode  de  fabrication  est  facile  à  découvrir  :  dès  l'époque  mérovingienne,  on 
cuisait  des  bri(iues  pour  pavage,  présentant  en  creux  des  dessins  plus  ou 
moins  compliqués;  ces  dessins  s'obtenaient  au  moyen  d'une  estampille 
ai)pliquée  sur  la  terre  encore  molle.  On  retrouve  dans  l'église  de  l'ancien 
prieuré  de  Laître-sous-Amance ,  consacré  en  1076,  des  carreaux  qui  ne 
sont  pas  recouverts  d'émail,  mais  simplement  estampés  en  creux.  «  Os 
briques  '  sont  carrées  ou  barlongues  ;  ces  dernières  ont  0,09  c.  de  largeur 
sur  0.18  c.  de  longueur.  Elles  offrent  soit  des  lignes  di-oites  qui  se  coupent 
de  manière  à  former  des  carrés,  soit  des  rinceaux  enfei-mes  entre  deux 
bandes  chargées  de  hachures.  Les  briques  barlongues  formaient  des 
encadrements  dans  lesquels  on  rangeait,  l'une  à  côté  de  l'autre,  un  certain 
nombre  de  briques  carrées.  » 

Nous  avons  trouvé,  dans  des  fouilles  faites  à  Saint-Denis,  (juelques 
carreaux  ainsi  gravés  de  cercles  et  de  losanges  recouverts  d'un  email 
tendre,  opaque,  blanc  sale,  produit  j)ar  une  légère  couche  de  terre  plus 
fusible  que  le  corps  de  la  brique.  Voici  une  copie,  moitié  d'exéculion,  de 
carreaux  ainsi  estanqiillés  provenant  des  fouilles  faites  sui-  rem|)lacenient 
de  l'ancienne  église  de  Sainte-Colombe  à  Sens,  et  dont  la  date  parait  foi-l 

'  Voy.  V Essai  sur  le  imvinje  des  éijlises  uiitér.au  w  siècle,  par  M.  Itescliaiii[)s  du 
ï'm.  (Anitdles  (trchcoL,  l.  X).  Biillel.  mouuui.  de  M.  de  Caiiiiioiil,  1848,  |).  l\i. 

T.  II.  :u 


[    C.AUKELAGK    ]  —    ^(i(i    — 

ancienne  (6)  '.  Ils  sont  composés  d'une  lerre  blanc  jaunâtre  assez  résis- 
tante, mais  sans  couverte.  Du  moment  qu'on  possédait  des  carreaux  j^ravés 
en  creux,  il  était  naturel  de  clKMrlier  à  iemj)lir  cette  j^ravure  par  une  terre 
d'une  autre  couleur,  et  de  recouvrir  le  tout  dun  émail  transparent  ;  c'est 


l 


?!  y- 


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C    j^^(^'/Vé= 


ce  que  l'on  fit  dès  le  \\\^  siècle,  et  peut-être  même  antérieurement  à  cette 
époque;  cette  méthode  de  fabrication  devint  fjfénérale  au  xni«^.  Par  ce 
procédé,  en  supposant  l'émail  enlevé,  la  terre  incrustée  ayant  une  épaisseur 
de  quehjues  millimètres,  le  carreau  conservait  lonj^Memps  son  dessin.  La 
gravure  du  carrelaj^^e  étant  remplie,  la  poussière  n'élail  plus  arrêtée  par  les 
intailles,  et  on  pouvait  maintenir  ces  carrelages  [)ropres  en  les  lavant  et  les 
balayant.  Posés  dans  des  chapelles  ou  dans  des  salles  capitulaires,  ou  des 
appaitements  intérieurs  dans  lesquels  on  n'entrait  qu'avec  des  chaussures 
molU's  et  légères,  on  ne  riscjuait  pas  de  glisser  sur  leur  surface  émaillée. 
L'un  des  plus  anciens  cari'elages  incrustés  conmis  est  celui  de  l'église  de 
Saint-Pierre-sur-Dive;  il  est  reproduit  avec  une  scrupuleuse  exactitude  dans 
les  AmmUi  archéologiques  *.  Le  cairelage  de  Saint-Pierre-sur-Dive  (près 


i  Le  monastère  de  Sainte-Colombe,  fondé  en  630  par  Clulaire  11,  est  situé  à  deux  kilo- 
mètres de  Sens.  Ces  briques  nous  paraissent  appartenir  à  ces  premières  cunslrucliinis. 

-  Annales  archéol.,  pub.  par  M.  Didron  aîné,  t.  XII,  p.  281.  M.  Alfred  Ramé  lait 
paraître  en  ce  moment  un  ouvrage  spécial  sur  les  carrelages  émaillés  (voy.  Elitd.  sur 
les<(irrel(U)cs  historiés  du  xii'  an  wir  siècle).  Cet  ouvrage,  accompagné  de  nombreuses 
planches  exécutées  avec  le  plus  grand  soin,  ne  saurait  trop  être  recommandé.  C'est 


-   *  —    "IVÛ    —  I    C.ARREI.AtlF    1 

Caen)  se  coniposp  d'une  {^Mande  rosace  de  carreaux  concentriques,  coupée 
par  une  croix  de  dalles  de  pierre,  et  encadrée  de  même.  Nous  partaj^eons 
comi)létement  l'opinion  de  M.  Alfred  Uamé  qui,  contrairement  à  celle  de 
M.  de  Caumont ,  admet  ce  mélanj^e  de  dalles  de  pierre  et  de  carrelage  de 
terre  cuite,  comme  étant  de  l'époque  primitive,  c'est-à-dire  de  la  fin  du 
xii»-  siècle.  Les  irrégularités  que  l'on  observe  dans  ce  carrelage  ne  prouvent 
pas  qu'il  y  ait  eu  renumiement,  mais  simplement  restauration  ;  nous  avons 
remarqué,  d'ailleurs,  dans  tous  les  anciens  carrelages,  des  défauts  de  pose 
très-frequents.  Cela  est  facile  à  expliquer  :  les  fabriciues  envoyaient,  sur 
commande,  un  certain  nombre  de  carreaux  cuits  depuis  longtemps  et 
emmagasinés  ;  lorsqu'on  les  mettait  en  place ,  à  moins  de  se  résoudre  à 
faire  une  commande  partielle  et  spéciale,  et  à  attendre  une  nouvelle 
cuisson,  ce  qui  pouvait  retarder  l'acbèvement  du  pavage  de  deux  ou  trois 
mois ,  il  fallait  se  résoudre  à  employer  tels  quels  les  carreaux  envoyés 
par  le  briquetier  ;  de  là  souvent  des  combinaisons  connnencées  avec  un 
dessin  et  achevées  avec  un  autre ,  des  carreaux  posés  pêle-mêle,  ou  par 
rangées  sans  relations  entre  elles.  A  Saint-Pierre-sur-Dive,  le  sujet  prin- 
cipal, la  rosace  centrale ,  croisée  de  dalles  de  pierre,  est  régulière  ;  mais 
le  grand  encadrement  carré  qui  la  cerne  n'est  composé  que  de  rangs  de 
briques  de  dessins  divers,  la  plupart  de  la  même  époque  cependant  et  fort 
beaux.  D'ailleurs,  il  faut  bien  reconnaître  que  les  artistes  du  moyen  âge 
n'étaient  pas  pénétrés  de  ce  besoin  de  symétrie  puérile  qui  fait  loi  aujour- 
d'hui; ils  étaient  guidés  par  une  idée  toute  opposée  :  la  variété.  Rien  n'est 
plus  ordinaire  que  de  voir,  dans  les  carrelages  anciens,  jusqu'à  l'époque 
de  la  Renaissance,  de  ces  mélanges  de  dessins,  de  ces  divisions  inégales 
de  bandes,  de  bordures,  de  compartiments. 

Le  carrelage  de  Saint-Pierre-sur-Dive  est  incrusté  jaune  sur  noir  brun  ; 
il  est  en  cela  conforme,  comme  couleur,  aux  carrelages  mosaïques  du 
XII*  siècle,  où  le  noir  domine,  où  le  rouge  n'est  qu'accessoire  quand  on  le 
rencontre.  Le  procédé  de  fabrication  du  carrelage  de  Saint-Pierre-sur-Dive 
mérite  d'être  mentionné  :  il  consiste  en  une  couche  de  terre  fine  noircie, 
posée  sur  une  argile  rouge  grossière,  estampée,  incrustée  d'une  terre 
jaunâtre  et  couverte  d'un  émail  transparent  ;  le  dessin  de  ces  carreaux  est 
noir  sur  jaune,  ou  jaune  sur  noir.  La  terre  blanc  jaunâtre  pénètre  à  tra- 
vers Vengobe  brune  et  vient  s'incruster  jusque  dans  l'argile  rouge,  ainsi 


que  l'indique  la  coupe  (7)  ;  l'émail ,  étant  safrané,  donne  un  éclat  d'or  à 
la  terre  blanche. 

une  étude  complète  de  cette  partie  importante  de  la  décoration  des  édifices  au  moyen 
âge.  Un  de  nos  jeunes  architectes,  M.  Amé,  a  fait  également  paraîn-e  un  volume  conte- 
nant les  plus  beaux  carrelages  des  provinces  de  la  Bourgogne  et  de  la  Champagne. 


(AKItll  a(;k 


^2(iK  — 


Nous  prosontons  (8)  uno  portion  de  la  rosace  ou   torre  cuite  éniaillée 


:2()U    [    CAKRKI.AIiK     I 

de  Saint-Pienv-sur-Mivt'.  qui  est  certaineiiifiU  unedesbollpsronipositions 
(le  ce  jienre.  Les  carreaux  (jui  forment  cette  rosace  exc»'(lent  les  diiiien- 
sions  ordiiiaiies;  quel(|iies-uns  ont  O.IH  c.  de  côf»^ ,  c<mi\  octoiîoiics  des 
écoinvons  ont  ius(|u  a  i),'23  c. 

On  voit  encore,  dans  la  chapelle  Saint-Michel  de  l'ancienne  collci-iale  de 
Saint-Quentin,  un  carrelaf^e  de  la  lin  du  xii""  siècle,  composé  également  de 
bandes  de  pierre  encadrant  des  briques  de  couleur  brun  foncé.  De  même 
à  Saint-Denis,  si  nous  en  croyons  les  croquis  de  M.  Percier,  quelques 
carrelages  des  chapelles  présentaient  des  encadrements  de  pierres  unies. 
Ce  système  parait  donc  avoir  été  adopté  au  xn«"  siècle,  tandis  qu'au 
xiiie  s'fècle  les  deux  matières  ne  se  trouvent  plus  réunies;  le  carrelage  de 
terre  cuite  couvre  sans  mélanges  les  salles  pour  le  pavage  desfjuelles  il  est 
réservé,  et  les  dalles  ne  viennent  plus  s'y  mêler. 

Ainsi  que  nous  l'avons  dit  déjà,  le  rouge  domine  dans  les  carrelages  du 
xiii*"  siècle  ;  c'est  qu'aussi  le  procédé  de  fabrication  change  et  se  simplifie. 
11  est  à  remaïquer  que,  dans  tous  les  arts  et  industries  qui  se  rattachent  à 
l'architecture,  le  xii*"  siècle  a,  sur  le  xni«",  une  grande  supériorité  d'exécu- 
tion; les  vitraux,  les  peintures,  les  sculptures,  dallages  incrustés  et  carre- 
lages du  xu**  siècle ,  et  nous  dirons  même  la  construction  des  édifices, 
dénotent  un  soin  et  une  recherche  que  le  xnr  siècle,  préoccupé  de  ses 
grandes  conceptions,  abandonne  bientôt.  Le  procédé  de  fabrication  des 
carrelages  du  xie'  siècle,  soit  qu'ils  fussent  composés  de  pièces  enchevê- 
trées, soit  qu'ils  fussent  incrustés,  exigeait  beaucoup  de  temps,  un  grand 
nombre  d'opérations  successives,  une  main-d'œuvre  lente.  Au  xiii«^  siècle, 
on  se  contente  de  la  brique  rouge  estampée,  incrustée  d'une  terre  blanc 
jaune,  et  couverte  d'un  émail  transparent.  Quelquefois  la  terre  blanche 
fait  le  fond,  plus  fréquemment  elle  fait  le  dessin  ;  dans  l'un  connue  dans 
l'autre  cas ,  le  procédé  de  fabrication  est  le  même.  Les  carreaux  noirs, 
pour  être  incrustés  comme  ceuxdeSaint-Pierre-sur-Dive,  exigeaient  cinq 
opérations  successives,  sans  la  cuisson  :  1"  le  moulage  de  la  brique  ; 
2"  une  première  couverte  d'une  terre  fine,  noircie  par  un  oxyde  métallique; 
3"  l'estampage  du  dessin  en  creux  ;  4"  le  remplissage  du  creux  par  une 
terre  blanche,  le  battage;  5"  l'émaillage.  Les  carreaux  rouges  incrustés  de 
blanc  n'en  exigeaient  que  quatre  :  1"  le  moulage  de  la  brique  ;  tJ"  l'estam- 
page; 3"  le  remplissage  du  creux,  le  battage;  4"  l'émaillage.  Aussi, 
pendant  le  xiii«?  siècle,  les  carreaux  noirs  sont  généralement  unis  et  ne 
sont  employés  que  comme  encadrements.  L'émail  des  carrelages  du 
xni<-  siècle  est  toujours,  comme  celui  du  xw,  coloré  en  jaune;  il  contribue 
à  donner  ainsi  de  l'éclat  au  blanc  et  au  rouge. 

Les  carreaux  de  britjue  rouge  carrée  incrustée,  si  fort  en  vogue  au 
xiii*  siècle,  forment  des  dessins  isolés  ou  par  quatre.  Il  n'est  pas  besoin 
de  démontrer  comment  ce  système  permettait  de  trouver  des  combinai- 
sons de  dessins  à  l'infini. 

Voici  des  carreaux  incrustés  et  émaillés  provenant  du  château  de  Coucy, 
faç(jnnes  d'après  celle  doimée. 


(;arrki.a<;k  |  —  :27()  — 

La  figure  0  présente  deux  carreaux  dont  le  dessin  est  isole;  riiii 


9 


d'eux  est  un  écusson  arnioyé.  Les  figures  10  et  II   donnent  chacune 
un  assemblage  de  quatre  carreaux  complétant  un  dessin  circulaire'. 

10 


La  fabrication  de  ces  carreaux  est  grossière;  nous  sommes  ici  bien 
éloignés  de  la  finesse  et  de  la  pureté  des  carreaux  de  Saint-Pierre-sur-l>ive. 
Mais  cependant,  en  simplifiant  l'exécution  pour  obtenir  des  produits  i)lus 
nombreux  et  moins  longs  à  fabriquer,  le  xnu'  siècle  sut  taire  d'admi- 

'  Ces  carreaux,  aujourd'hui  déposés  daus  l'ancienne  al)l)aye  de  l*rémonlré,  ont  0,1  2  c. 
de  côté;  ils  nous  ont  été  donnés  par  M.  de  Violaine.  Ils  servaient  certainement  de 
pavage  aux  salles  du  cliàteau  de  Coucy,  qui  datent  de  la  première  moitié  du  xiii'  siècle. 


—    "21  \     —  [    CARKKLAIJK    | 

rables  carrelantes ,  et  nous  citerons  entre  autres  ceux  des  chapelles  de  la 

11 


cathédrale  de  Laon,  dont  nous  figurons  (12  et  13)  quelques  échantillons, 
et  le  beau  pavé  de  la  salle  du  trésor  de  l'ancienne  cathédrale  de  Saint - 
Orner,  reproduit  en  entier  dans  les  Annales  archéologiques  de  M.  Didron  '. 
Ce  dernier  carrelaf,^e,  qui  date  de  la  fin  du  xiiie  siècle,  présente  une  suite 
de  compartiments  de  seize  carreaux  rouges  incrustés  de  jaune,  avec  enca- 
drements noirs  unis^  Les  compartiments  sont  posés  sur  la  diagonale,  et 
les  carreaux  ont  environ  0,12  c.  de  côté.  De  deux  en  deux,  les  comparti- 
ments offrent  un  mélange  de  carreaux  noirs  et  blancs,  à  dessins  mosaïques 
très-fins,  qui  jettent  de  l'éclat  au  milieu  de  cette  riche  composition.  Les 
carreaux  rouges  et  jaunes  sont  variés  à  chaque  compailiment,  et  leurs 
dessins  se  combinent  par  quatre  ou  sont  complets  dans  chaque  brique. 
Au  xiiie  siècle,  les  dessins  des  carrelages  incrustés  sont  encore  larges, 
simples  comme  disposition  générale  ;  ils  deviennent  plus  confus  et  plus 
maigres  pendant  le  xiv«  siècle.  Lue  difficulté  de  nature  à  embarrasser  les 
archéologues,  lorscju'il  s'agit  de  reconnaître  l'époque  des  carrelages,  se 
présente  fréquemment  à  partir  du  xiu«*  siècle.  Les  briquetiers,  qui  possé- 
daient dans  leurs  ateliers  ces  matrices  en  bois  propres  à  imprimer  les 
dessins  destinés  à  orner  les  carreaux,  s'en  servirent  longtemps  après  que 
ces  estampilles  avaient  été  gravées ,  et   souvent  des  carrelages  furent 

«  Voy.  Annales  archéoL,  pub.  par  M.  Didioii  aiué,  l.  XI,  p.  65.  Nous  renvoyons  nos 
ieoleurs  aux  belles  planches  de  ce  recueil;  elles  donnent  rensenil)le  de  ce  carrelage. 


CAKKKLAGK 


-27-2 


fabriqués  au  xiv»'  siècle  avec  des  inafrires  faites  pendant  le  xui»-  ;  cela 
explique  comment  on  l'ctroiive,  dans  des  carrehii^es  j)oses  évidemment  à 
une  certaine  époque,  des  échantillons  de  cai  reaux  beaucoup  plus  anciens 
que  les  édifices  auxquels  ils  appartiennent.  Comme  principe  décoratif,  les 


h2 


carrelages  ne  se  moditient  guère  du  xue  au  xv«  siècle;  leur  dessin  s'amai- 
grit de  plus  en  i)lus  ;  à  la  fin  du  xiv»'  siècle,  on  introduit  à  profusion  dans 
les  carrelages  des  chiti'res,  des  inscriptions,  des  armoiries,  (juehiuefois 
même  de  petites  scènes;  on  voit  ap|)araitre  les  tons  verts,  bleu-clair;  le 
noir  devient  plus  lare. 

Nous  donnons  (14  et  15)  deux  portions  de  carrelages  de  cette  épcxpie 
qui  proviennent  des  fouilles  exécutées  en  18i0  dans  les  jardins  de  riiùlel 
des  Archives  à  l'aris  (ancien  hôtel  Soubise),  et  dont  les  dessins,  rouge 
sur  jaune,  sont  exécutés  avec  une  rare  perfection.  Des  fragments  d'une 
bordui'c  bleue  et  blanche  furent  dei'ouverls  en  même  tenq)s. 

Les  carrelages  des  xiv"  et  xv^  siècles  abondent;  les  villes  de  la  Cham- 
pagne, de  la  lirie,  de  la  Bourgogne  en  sont  encore  remplies,  et  les  ouvrages 


-273  — 


I.ARUKI.AUK    ] 


spéciaux   sur  celW  uiatirn'   nous  eu   présenteronl    des  cxcinplcs  assez 
iKMiihioux  pour  (\ue  nous  nous  (lisi)fnsions  do  les  rf'i)ro<luir<'  ici. 

l'cndaiil    le  xvi''  siccic.   le  carrclaue  m  brique  iiicruf^t»'»'  se  rencontre 


i:} 


encore,  et  nous  en  trouvons  de  beaux  spécimens  dans  la  ville  de  Troyes 
(l(i)  '.  Mais  alors  apparaissent  les  carrelajj^es  en  faïence  peinte,  dans 
lesquels  les  tons  blancs,  bleus,  jaunes  et  verts  dominent.  Tout  le  monde 
connaît  les  carrelantes  des  châteaux  d'Écouen,  de  Blois,  de  l'église  de  Brou; 
nous  en  citerons  un  loutel'ois  qui  surpasse  tous  ceux  que  nous  avons  vus 
de  cette  épocpic  :  c'est  le  carrelage  en  iaïence  de  la  chapelle  située  au  nord 
de  la  nef  de  la  cathédrale  de  Langres.  Il  est  difficile  de  lencoulrer  une 


'  De  l'église  de  Sainl-Nicofas  à  Troyes.  Ce  canelage,  qui  se  compose  de  hriqiies 
circufaires  enfermées  dans  (raiiUcs  l)riques  carrées  entaillées  en  quart  de  ocrclc, 
représente  le  numograniine  du  Christ  cnlouré  de  la  ((nirtiniic  d'épines,  i.a  date  de 
Mï-JZ  esl  ineriislée  au-dessous  dii  niduoiïrauiiuc 

r .    II.  30 


(    {-.AKKEl.ACE    I  —    '274    — 

décoration  de  pavage  à  la  fois  plus  riche,  mieux  composée  et  j)lus  harmo- 
nieuse de  tons. 

On  ne  se  contenta  pas,  pendant  le  iTioyen  Afie  ,  de  faire  des  carreaux 


li 


mosaïques  ou  incrustés  de  terres  de  couleurs  différentes,  on  en  falniqua 
aussi  avec  des  dessins  en  relief,  (^es  sortes  de  carrelfïges  ne  pouvaient 
s'exécuter  qu'avec  des  terres  très-dures,  autrement  les  dessins  eussent  été 
promptement  usés  par  les  chaussures.  Ces  dessins  en  relief  avaient 
l'avantage  d'empêcher  de  glisser  sur  la  surAice  du  carrelage  ;  mais  il 
devait  être  ditlicile  de  le  maintenir  en  bon  état  de  propreté,  la  poussière 
se  trouvant  arrêtée  par  les  aspérités  des  dessins. 

Nous  possédons  un  échantillon  de  carreaux  fabriqués  suivant  ce  système 
et  qui  nous  paraissent  appartenir  au  xv«  siècle  '.  La  fig.  17  en  donne  le 


'  Ces  carreaux  nous  ont  (■té  donnés  par  M.  Mallay,  archilecto  du  I»iiv-do-I)ônie  :  ils 
proviennent  fie  Hiom. 


^)7r. 


,li)    [    CARKELAliK    ] 

dessin;  K's  saillies  n'ont  pas  plus  do  doux  millimètres;  la  terre  en  est  fort 


compacte,  bien  battue  et  bien  cuite. 


ÎS 


Les  carrelages  en  faïence  furent  encore  employés  en  France  pendant  le 

11 


«c  ' 


^ 

^ 


x\ii'-  siècle,  et  iusaye  sen  est  perpétué  en  Italie,  en  Espa};ne,  en  Afrique 


I   (:aiii(i(':kk   |  '  —  -27(i  — 

et  t'ii  Orient  jus(iu'à  nos  jours,  (^iicz  nous,  on  nr  les  cinploic  plus  guérr 

m 


0  -     i"wv\t 


(\\u'  pour  carreler  des  fourneaux  de  cuisine,  et,  dans  le  midi,  des  salles 
de  bain  ou  des  otiices  '. 


CARRIÈRE,  s.  t'.  Orif^'inairenienl  ce  ni(>t  est  employé  comme  cAo/zm  où 
peut  panser  un  char,  puis  comme  lieu  doii  l'on  extrait  de  la  pierre  à  i)àlir. 
De  tout  temps,  en  France,  on  a  exilait  la  pierre  à  bâtir  soit  à  ciel  ouvert, 
soit  dans  des  f^aleries  creusées  sous  le  sol.  La  colline  Sainl-Jacques  à  Paris 
est  complètement  excavée  par  les  constructeurs  parisiens  depuis  les 
premiers  siècles  du  christianisn)e.  (Vcst  de  celle  colline  et  des  (Mivirons 
(lArcueil  que  furent  lires  tous  les  matériaux  calcaii-es  employés  dans  les 
constructions  de  la  cité,  et  notanniienl  ceux  ((ui  oui  seivi  à  l'édification  de 

'  «Jiifl  jiK-s  t;il)ru;Hils  l)ri(iii('lieis  mil  lliit  rciiiiîlrc  Tnil  du  caiTcliMir  cniailloiir  :iv<'(' 
succès.  Nitiis  riU'rons,  l'iitrc  îtiilics  liihiKiiics,  ct'llf  «le  M.  i>iilMiis  ii  Paris,  (iiii  a  louriii 
les  carrelages  neufs  de  l'éj^lise  de  Saint-Denis,  restaures  sur  les  fragu)ents  anciens; 
celle  de  .\J.  Millard  à  Troyes,  don!  les  produits  sont  lieaux  ;  la  ral)ri(|ne  de  terres  cuites 
éuiaillées  de  Langeais.  Nous  renvoyons  nos  lecteurs,  pour  de  plus  amples  reiiseiiiue- 
uu'uls  sur  cet  article  spécial,  ii  l'ouvraye  de  M.  AlIVed  liauic  cité  ci-dessus. 


"211    —  [    CARKltUK     t 

NoIrt'-DaiHt'.  On  employait  alors,  coiiiii»'  aiijourd'luii,  pour  cxliaiir  les 
bancs  calcaires,  des  treuils  munis  de  grandes  roues  posés  à  l'orilice  des 
puits.  On  trouve,  dans  le  recueil  des  Olim  \  quehpies  arrêts  touchant 
l'exti-action  des  pierres  à  bâtir;  ils  sont  relatifs  aux  indemnitésà  payer  par 
'les  carriers  ou  constructeurs  pour  réparations  des  cbemins  défoncés.  Nous 
citons  ici  un  fragment  d'un  de  ces  arrêts  royaux  qui  date  de  1^73. 

«  Ce})endant  l'abbé  et  les  moines  du  couvent  de  Saint-Port  se  plaignaient 
«  de  ce  que  ceux  qui  réparaient  le  pont  de  Melun  étaient  venus  dans  leurs 
«  terres,  et  y  avaient  creusé  pour  faire  une  carrière  de  hupielie  ils  tiraient, 
«  malgré  eux  moines,  des  piei-res  nécessaires  à  la  construction  dudit  pont  ; 
«  que  par  cela  même  un  tort  considérable  leur  avait  été  fait,  en  détruisant 
«  presque  entièrement  un  chemin  sur  lequel  on  arrivait  à  leur  abbaye; 
«  c'est  pourquoi  les  moines  demandaient  qu'on  poursuivit  ces  carriers 
«  pour  faire  cesser  l'abus,  et  leur  faire  réparer  les  dommages  qu'ils 
«  avaient  causés  au  couvent.  Le  bailli  de  la  Seine  fut  donc  invité  à  faire 
«  réparer  le  chemin  de  telle  sorte  que  les  moines  pussent  se  rendre  faci- 
«  lement  et  en  toute  sûreté  à  l'abbaye,  comme  auparavant,  et  à  les 
«  indemniser  des  dommages  qu'ils  avaient  soufferts  par  suite  de  l'exploi- 
«  tation  de  ladite  carrière  :  savoir,  en  leur  payant  des  deniers  royaux  une 
M  somme  égale  à  celle  de  la  pierre  extraite,  ou  en  leur  faisant  restituer 
«  cette  somme  par  les  entrepreneurs  dudit  pont....  « 

A  une  époque  où  il  n'existait  pas  une  législation  uniforme,  propre  à 
régler  l'exploitation  des  carrières,  ces  contestations  étaient  fréquentes; 
les  abbayes,  les  seigneurs  féodaux,  possesseurs  du  sol,  faisaient  payer  des 
droits  pour  permettre  l'exploitation  sur  leurs  teires,  ou  exigeaient  un 
charriage  gratuit  d'une  portion  des  matériaux  exploités  pour  leur  usage 
particulier.  Souvent  même  les  couvents  faisaient  exploiter  eux-mêmes  et 
vendaient  les  matériaux.  Les  coteaux  de  carrière  de  Saint-Denis  a|)parte- 
naient  à  l'abbé  et  aux  moines  de  Saint-Denis;  ceux-ci  possédaient  aussi 
des  carrières  près  Pontoise.  Les  abbayes  de  Royaumont,  du  Val-sur-l'Oise, 
tiraient  profit  des  vastes  et  belles  carrières  dont  leur  sol  est  rempli.  Les 
établissements  religieux  se  faisaient  souvent  un  revenu  considérable  par 
l'extraction  de  la  pierre,  car  ils  avaient,  autant  que  faire  se  pouvait,  le  soin 
de  bâtir  leurs  monastères  dans  le  voisinage  de  dépôts  calcaires;  et,  sur  le 
sol  de  la  France,  on  peut  être  assuré  de  trouver,  proche  des  abbayes,  de 
bonnes  terres,  des  cours  d'eau  et  de  la  pierre  propre  à  bâtir.  Agriculteurs, 
industriels  et  constructeurs,  les  moines  furent  les  premiers  à  ouvrir  le  sol 
et  à  lui  faire  rendre  tout  ce  qui  est  nécessaire  aux  besoins  d'un  peuple 
civilisé.  Les  constructions  qu'ils  nous  ont  laissées  font  voir  que  les  moyens 
d'exploitation  (piils  employaient  étaient  bien  organises  et  d'une  grande 
puissance,  car  il  n'est  pas  rare  de  trouver  dans  les  églises  abbatiales  des 
blocs  énormes.  Ainsi,  par  exemple,  on  voit,  dans  le  choeur  de  l'abbaye  de 
Vézelay,  des  colonnes  monolithes  (|ui  ne  cubent  pas  moins  de  quatre 

1   Les  Olim,  (li)cmii.  iiiéd.  siii'  lliist.  de  Kraiier,  l.  I. 


[    CAKIUÈRK    1  "llH    

mètres;  or,  ces  colonnes  proviennent  des  carrières  de  Coutarnoux,  qui 
sont  distantes  de  vin^'t-huit  kilomètres  de  l'abbaye,  et  il  a  fallu  montei- 
ces  blocs  au  sommet  d'une  monta^Mie  escarpée,  et  cela  avec  des  ett'orts 
inouis.  Dans  beaucoup  d'éj^dises  de  Bour^'ogne,  du  Maçonnais,  on  trouve 
des  monolithes  qui,  pour  le  cube,  ne  le  cèdent  en  rien  à  ceux-ci.  On  ne 
peut  douter  que  l'attention  des  moines  ne  se  soit  portée  d'une  manière 
toute  particulière  sur  l'exploitation  des  carrières,  car  ils  ont  su  extraire 
des  matériaux  de  choix  en  grande  quantité,  et  les  (aire  transporter  j)ai' 
des  moyens  niécani(jues  assez  énergicjues  pour  causer  encore  aujourd'liui 
notre  étonnemenl. 

Nous  n'avons  pu  jusqu'à  présent  savoir  s'il  n'existait  pas,  pendant  les 
xii*"  et  xiii*^  siècles,  des  corporations  de  carriers,  comme  il  existait  des 
corporations  de  constructeurs  de  ponts  {ponlifîces);  la  vue  des  monuments 
nous  le  ferait  croire,  car  nous  avons  trouvé,  en  examinant  des  matériaux 
de  gros  volume,  des  traces  de  moyens  de  transport  identiques  dans  des 
contrées  très-éloignées  les  unes  des  autres,  des  choix  de  matériaux  en 
raison  de  la  place  qu'ils  occupent,  indiquant  un  système  d'extraction  suivi 
avec  méthode.  Mais  nous  avons  l'occasion  de  nous  étendre  sur  ce  sujet 
dans  le  mot  coxstkuction,  auquel  nous  renvoyons  nos  lecteurs.  Il  est 
certain,  par  exemple,  (|ue  les  carriers  du  moyen  âge  devaient  posséder  une 
méthode  simple  pour  rxtraire  des  pierres  dune  grande  longueur,  quoique 
faibles  d'épaisseur  et  de  largeui-. 

Pendant  les  xn«  et  xui''  siècles,  on  a  mis  en  œuvre,  dans  les  construc- 
tions, avec  une  profusion  extraordinaire,  des  colonnettes,  des  meneaux 
de  fenêtres,  dont  le  diamètre  n'excède  pas  0,'20  c.  et  dont  la  longueur 
varie  de  quatre  à  cinq  mètres,  quel(|uefois  plus;  or,  aujourd'hui,  nous 
avons  souvent  de  la  j)eine  à  faire  extraire  des  matériaux,  iiMuplissant  ces 
conditions,  des  mêmes  carrières  d'oii  autrefois  on  les  lirait  en  grande 
quantité.  En  cela,  connue  en  bien  d'autres  choses,  nos  progrès,  dont  nous 
sommes  si  fiers ,  ressembleraient  foit  à  une  infériorité  dans  la  pratique. 

Jusqu'au  xv»  siècle,  on  n'employait  pas  la  scie  pour  débiter  la  j)ierre 
«lure  ;  la  pierre  arrivait  de  la  carrière  dans  les  dimensions  demandées  i)ar 
leconslrucleur;  il  fallait  donc,  pour  extiaire  et  tiansporter  ces  blocs  longs 
et  fragiles,  des  précautions  et  des  ressources  négligées  ou  perdues,  il  est 
vraisemblable  que,  pourobtenir  ces  pierres  longues  et  minces,  on  employait 
un  i)rocédé  encore  usité  dans  quelques  provinces  en  France,  et  qui  consiste 
à  faire  une  tianchée  étroite  dans  le  banc  que  l'on  veut  IVndre;  à  placer 
dans  cette  tranchée,  de  dislance  en  dislance,  des  coins  de  bois  de  frêne 
séchésau  four,  sur  lescpiels  on  laisse  loml)er  de  l'eau  goutte  à  goutte;  les 
coins,  en  se  gonllant  par  l'hiuiiidilé  qui  les  pénètre  également,  font  fendre 
le  bloc  longiludinalement,  sans  risquer  de  le  casser  par  tronçons  comme 
le  ferait  infailliblement  la  percussion  sur  des  coins  de  1er.  Trop  dédaigneux 
d'un  passé  que  nous  laissons  dénigrer  par  quclcpies  esprits  étroits  et 
paresseux,  nous  négligeons  aujourd'hui  «'csdélails  (|ui,  aulicfois,  prt'occu- 
l)aient  aveciaison  les  constructeurs.  Si  lesarchileetes  icgardent  (■(»mme  un 


"270    1     (AlIlfllltAl.K     I 

(le  leurs  devoirs  de  s'enquérir  (les  cariières  el  de  les  visiter,  ils  ne  cher- 
chent à  avoir  aucune  action  sur  la  niani('r(^  dt>  les  e.\j)loilcr;  cest,  nous  le 
croyons,  un  grand  tort  :  car  la  (jualité  de  la  j)ierre  dépend  parfois  autant 
de  son  gisement  ((ue  des  proc(klés  employés  pour  l'extraire,  ou  de  la  saison 
pendant  la(juelleon  l'extrait.  Beaucoup  de  carrières  sont  gâchées  par  des 
carriers  ignorants  ou  malhabiles,  et  ce  serait  un  service  à  rendre  que 
d'établir  une  police  sur  lexploitation  des  pieri-es;  si  cette  police  n'avait 
pas  autrefois  une  action  uniforme  sur  toute  la  surface  de  la  Fiance,  on  ne 
saurait  douter,  rien  qu'en  examinant  les  anciennes  cari'ières  abandonnées, 
que  chaque  centre  religieux,  ou  peut-être  chaque  province,  avait  la  sienne: 
car  presque  toujours,  dans  ces  carrières  anciennes,  on  retrouve  les  traces 
d'une  exploitation  méthodique.  Le  même  fait  nous  frappa  lorsque  nous 
visitàuKS  les  carrières  antiques  de  lltalie  et  de  la  Sicile.  Et,  en  eti'e.f,  si  les 
constructeurs  du  moyen  âge  avaient  rompu  avec  la  forme  de  l'architecture 
antique,  ils  en  avaient  conservé  l'esprit  pratique  beaucoup  plus  qu'on  ne 
le  croit  peut-être.  Ce  qu'on  ne  saurait  trop  dire,  c'est  que  précisément  les 
amateurs  exclusifs  de  la  forme  antique,  depuis  la  Renaissance,  ont  dédaigné 
ces  bonnes  et  sages  traditions  qu'avaient  su  conserver  les  architectes  du 
moyen  âge.  Il  est  prol)able  que  le  maître  des  œuvres,  Pierre  de  Montereau 
(à  voir  les  matériaux  admirables  choisis  pour  bâtir  la  Sainte-Chapelle,  on 
peut  l'aflirmer),  allait  à  la  carrière,  et  voulait  savoir  d'où  et  comment 
étaient  tirés  les  grands  blocs  qu'il  allait  mettre  en  oeuvre. 

CATHÉDRALE,  s.  f.  De  cathedra,  qui  signifie  siège,  ou  (rêne  éphcopal. 
Cathédrale  s'entend  comme  église  dans  laquelle  est  placé  le  tr(jne  de 
l'évêque  du  diocèse  *.  Dans  les  églises  primitives,  le  trône  de  l'évêque 
(cathedra)  était  placé  au  fond  de  l'abside,  dans  l'axe,  comme  le  siège  du 
juge  de  la  basilique  antique,  et  l'autel  s'élevait  en  avant  de  la  (libune, 
ordinairement  sur  le  tombeau  d'un  martyr'-.  L'évêque,  entouré  de  son 
clergé,  se  trouvait  ainsi  derrière  l'autel  isolé  et  dépourvu  de  retable;  il 
voyait  donc  l'oliiciant  en  face  (voy.  altel).  Cette  disposition  priniitive 
explique  pourquoi,  jusque  vers  le  milieu  du  dernier  siècle,  dans  certaines 
cathédrales,  le  maître  autel  n'était  qu'une  simple  table  sans  gradins, 

1  Cathedra,  propria  est  sedes,  seu  sessio  honestior  et  augustior  episcoporuni  in  Ec- 
clesia,  cœteris  aliorum  presbyterorum  sedilibus  excelsior  :  Ut  in  nwntem  rcvocarenl, 
inqiiit  S.  Aiigiist.  in  Psalm.  1  26,  altiore  se  iit  loco,  tanquam  in  sjicculd  conslittitos,  quo 
oculorum  acie  perviyiti,  alque  indefessa  ,  in  lutetum  grecjis  incumbdnt ,  lanlo  cœteris 
virtute  et  probitate  dariores,  quanto  magis  essent  sedis  honore  ac  sublimilate  conspicui. 
(Ducange,  Gloss.) 

-  Il  existe  encore  quelques-uns  de  ces  sièges  épiscopaux.  En  Provence,  à  Avignon, 
on  en  voit  un  dans  l'église  cathédrale;  il  est  en  marbre,  et  l'ut  enlevé  de  sa  place 
primitive  pour  être  rangé  à  la  droite  de  l'autel.  Dans  la  cathédrale  d'Auiisbourg ,  le 
siège  épiscnpal  est  resté  à  sa  place,  au  fond  de  l'abside,  comme  ceux  que  l'on  voit 
encore,  dans  les  basiliques  de  Saint-Clément  et  de  Saint-Laurent  (txtra  mtiros)  à  Rome. 

(Voy.  CHAIRE.) 


I     (AIIIÉDKAIK     I  -iKII    

tahornarlos  ni  rolahh's  '.  La  callu'dralt'  du  nioiidc  clnvlicn,  Saiiil-Pii'ir»' 
de  Homo,  coiisci'vt'  fiicorp  lo  sit'j^'o  du  piiiicc  dos  apùlifs  fiifcniK'  dans 
une  chaire  de  Inonze,  au  fond  de  l'aliside.  (y«»lail  dans  les  églises  cathé- 
drales, dans  ce  lieu  réservé  à  la  cathedra,  (jue  l<'s  évè(|ues  faisaient  les 
ordinations.  Lors(|ue  ceux-ci  étaient  invités  pai'  iabhé  d'un  monastère, 
on  plaçait  uno  collieih  a  au  fond  du  saiuluaire.  (lejoui'-là,  l'église  abbatiale 
élait  cathédrale.  Le  siège  é[)iscopal  était  et  est  encore  le  sigiie^  le  synd)ol(' 
de  la  juridiction  des  évè(|ues.  La  juiidiction  é|iiscopale  est  donc  le  véritable 
lien  (|ui  unit  la  basili(iue  anti(|ueà  l'église  chrétiemie.  La  cathédrale  n'est 
pas  seulement  une  église  approj)riée  au  scivicc  divin,  elle  consei've,  et 
conservait  bien  plus  encore  pendant  les  premiers  siècles  du  christianisme, 
le  caractère  d'un  tiibunal  sacré;  et  connue  alors  la  constituti(Ui  ci\ile 
n'était  pas  parfaitement  distincte  de  la  constitution  religieuse,  il  en  résulte 
que  les  catht'drales  sont  restées  longfemj)S ,  et  jusqu'au  xiv^  siècle,  des 
édilices  a  la  l'ois  religieux  et  civils.  On  ne  s'y  réunissait  pas  seulement 
pour  assister  aux  otlices  divins,  on  y  tenait  des  assemblées  qui  avaient  un 
caractère  purement  ])oliti(pu';  il  va  sans  dire  (pie  la  religion  intervenait 
presque  toujours  dans  ces  grandes  réunions  civiles  ou  militaires. 

Juscpi'à  la  tin  du  xm>'  siècle,  les  cathédrales  n'avaient  pas  des  dimensions 
extraordinaires;  beaucoup  d'églises  abbatiales  étaient  d'une  plus  grande 
étendue  :  c'est  que,  jusqu'à  cette  époqiu\  le  morcellement  féodal  était  un 
obstacle  à  la  constitution  civile  des  jxtpulations  ;  l'inlluence  des  évè(iues 
était  gênée  par  ces  giands  établissements  religieux  du  w  siècle.  Proprié- 
taires puissants,  jouissant  de  privilèges  étendus,  stMgneurs  féodaux, 
protégés  par  les  papes,  tenant  en  main  l'éducation  de  la  jeunesse,  partici- 
pant à  toutes  les  grandes  atfaii'es  politiques,  les  abbés  attiraient  tout  ii 
eux,  richesse  et  pouvoir,  intelligence  et  activité.  Lorsque  les  populations 
urbaines,  instruites,  enrichies,  laissèrent  paraître  les  premiers  synij)tômes 
d'émanci|)ation,  s'érigèrent  en  communes,  il  se  lit  une  réaction  contre  la 
féodalité  monastique  et  séculière  d(jnl  les  èvéciues,  ai>pu\és  par  la  monar- 
chie, profitèrent  avec  autant  de  promptitude  que  (rintelligence.  Ils  com- 
prirent que  le  moment  était  venu  de  reconquérir  le  pouvoir  et  l'inlluence 
que  leur  donnait  l'Kglise,  et  qui  étaient  tombés  en  partie  entre  les  mains 
des  établissements  religieux,  (le  que  les  abbayes  firent  pendant  le  xc"  siècle, 
les  évéques  n'eussent  pu  le  faire;  mais,  au  xic siècle,  la  tâche  des  établis- 
semenls  religieux  était  remplie;  le  pouvoir  monarchique  avait  grandi, 
l'ordre  civil  essayait  ses  forces  et  voulait  se  constituer.  C'est  alors  que 
l'épiscopat  entreprit  de  reconstruire  <'t  reconstruisit  ses  cathédrales;  et  il 
trouva  dans  les  popidations  un  concours  tellement  énergique,  qu'il  dut 
s'apercevoir  que  ses  prévisions  étaient  just<^s.  que  son  tem])S  était  venu, 
et  que  l'activité  développée  par  les  établissements  religieux,  et  dont  ils 

'  A  Lyon,  le  U-ôiie  épiscopal  occupait  eiicorc ,  il  y  a  un  sictic ,  le  luiid  de  l'abside 
de  la-catliédrale,  et  l'autel  était  dépouivii  de  tout  ornement  aii-dessns  de  la  laide;  une 
croix  et  deux  llamheanx  devaient  seuls  y  être  placés. 


'2H\     I     (ATHfiDRAI.K    ] 

avaient  piolilt'*.  allait  lui  voiiir  en  aidr.  Rien,  eu  ettel.  aujouidliui,  si  ce 
nest  peut-être  le  niouvenient  intellectuel  et  cnninieicial  (|ui  rouvre 
l'Europe  lie  li^Mies  dr  ehcmiiis  de  l'er,  ne  j)eut  donner  lidee  de  Tenipres- 
sement  avec  lequel  les  populations  urbaines  se  mirent  à  élever  des  cathé- 
drales. Nous  ne  prétendons  pas  démontrer  que  la  foi  n'entrât  pas  pour 
une  {grande  part  dans  ce  mouvement;  mais  il  s  "y  joijinait  un  instinct  très- 
juste  d'unit»',  de  constitution  (ixile. 

A  la  tin  du  \\v  siècle,  I  érection  d'une  cathédrale  était  un  besoin,  parce 
que  c'était  une  pioiestation  éclatante  contre  la  féodalité.  (Juand  un  senti- 
ment instinctif  pousse  ainsi  les  peuples  vers  un  but,  ils  font  des  travaux 
qui,  plus  tard,  lorsque  cette  sorte  de  fièvre  est  passée,  semblent  être  le 
résultat  d'eti'orts  qui  tiennent  du  prodige.  Sous  un  régime  théocratique 
absolu,  les  hommes  élèvent  les  pyramides,  creusent  les  hypogées  de  Thèbes 
et  de  Nubie;  sous  un  gouvernement  militaire  et  administratif,  connue 
celui  des  Romains  pendant  l'empire,  ils  couvrent  les  pays  conquis  de 
routes,  de  villes,  de  monuments  d'utilité  publique.  I.e  besoin  de  sortir  de 
la  barbarie  et  de  l'anarchie,  de  défricher  le  sol ,  fait  élever,  au  xi»"  siècle, 
les  abbayes  de  l'Occident.  L'unité  monarchique  et  religieuse,  l'alliance  de 
ces  deux  pouvoirs  pour  constituer  une  nationalité,  font  surgir  les  grandes 
cathédrales  du  nord  de  la  France.  Certes,  les  cathédrales  sont  des  monu- 
ments religieux,  mais  ils  sont  surtout  des  édifices  nationaux.  Le  jour  où 
la  société  française  a  prêté  ses  bras  et  donné  ses  trésors  pour  les  élever, 
elle  a  voulu  se  constituer  et  elle  s'est  constituée.  Les  cathédrales  des  xif 
et  xiir  siècles  sont  donc,  à  notre  point  de  vue,  le  symbole  de  la  nationalité 
française,  la  première  et  la  plus  puissante  tentative  vers  l'unité.  Si,  en 
1793,  elles  sont  restées  debout,  sauf  de  très-rares  exceptions,  c'est  que  ce 
sentiment  était  resté  dans  le  cœur  des  populations,  malgré  tout  ce  qu'on 
avait  fait  pour  l'en  arracher. 

Où  voyons-nous  les  grandes  cathédrales  s'élever  à  la  fin  du  xn»;  siècle  et 
au  commencement  du  xiii*?  c'est  dans  des  villes  telles  que  Noyon,Soissons. 
Laon,  Reims.  Amiens,  qui  toutes  avaient,  les  premières,  donné  le  signal 
de  latiranchissement  des  conuîiunes;  c'est  dans  la  ville  capitale  de  l'Ile- 
de-France,  centre  du  pouvoir  monarchique,  Paris;  c'est  à  Rouen,  centre 
de  la  plus  belle  province  reconquise  par  Philippe-Auguste.  Mais  il  est 
nécessaire  que  nous  entrions  à  ce  sujet  dans  quelques  développements. 

Au  connnencement  du  xii*"  siècle,  le  régime  féodal  était  constitué;  il 
enserrait  la  France  dans  un  réseau  dont  toutes  les  mailles,  fortement 
nouées,  send)laient  ne  devoir  jamais  permettre  à  la  nation  de  se  développer. 
Le  clergé  régulier  et  séculier  n'avait  pas  protesté  contre  ce  régime;  il  s'y 
était  associé;  toutefois,  quoique  seigneurs  féodaux,  les  abbés  des  grands 
monastères  conservaient,  par  suite  des  privilèges  exorbitants  dont  ils 
jouissaient,  une  sorte  d'indépendance  au  milieu  de  l'organisation  léodale. 
Il  n'en  était  pas  de  même  des  evêques;  ceux-ci  n'avaient  pas  profite  de  la 
position  exceptionnelle  que  leur  donnait  le  pouvoir  spirituel  ;  ils  venaient 
se  ranger,  comme  les  seigneurs  laï([ues,sous  la  bannière  de  leurs  suzerains. 
T.  11.  3(i 


(     r.ATIlf-DKXI.K     I  'l^'l    

«  Qui  110  s'étonnorait  pas,  disait  saint  Bernard  '.  de  voir  (\uo  la  niôine 
«  personne  qui,  lépée  à  la  niain.ronnnande  une  troupe  de  soldats,  puisse, 
«  revêtue  de  l'étole,  lire  rÉvani^^ile  an  milieu  d'une  éiilise?»  Mais  les 
évêques  ne  tardèrent  pas  à  reconnaître  (|ue  cette  position  douteuse  ne 
convenait  pas  au  caractère  dont  ils  étaient  revêtus.  Lorsque  la  monarchie 
eut  laissé  voir  que  son  intention  était  de  donqîter  la  féodalité,  «  le  cleri;é 
sentit  aisément-  (|ue,  dans  la  lutte  (|ui  allait  s'enjiaj,'er^  les  sei^Mieurs 
seraient  vaincus  ;  dès  lois  il  rompit  avec  eux,  sépara  sa  cause  de  la  leur, 
renoïK'a  à  tout  engagement,  déposa  ses  mœurs  guerrières,  et  même, 
abjurant  tout  souvenir,  il  ne  craignit  pas  de  rivaliser  d'ardeui'  avec  le 
trône,  pour  dépouiller  les  seigneurs  de  leurs  prérogatives.  Il  commença 
par  étendre  au  delà  de  toutes  limites  sa  juridiction  ,  (|ui,  dans  l'origine, 
était  toute  spirituelle;  il  lui  sutlil  pour  cela  d'un  mauvais  raisonnement, 
dont  le  succès  lut  prodigieux;  il  consistait  à  dire  :  que  l'Kglise,  en  vertu 
du  pouvoir  que  Dieu  lui  a  donné,  doit  prendre  connaissance  de  tout  ce 
qui  est  péché,  afin  de  savoir  si  elle  doit  remettre  ou  retenir,  lier  ou  délier. 
Dès  lors,  comme  toute  contestation  judiciaire  peut  prendre  sa  source  dans 
la  fraude,  le  clergé  soutenait  avoir  le  droit  de  juger  tous  les  procès: 
affaires  réelles,  personnelles  ou  mixtes,  causes  féodales  ou  criminelles.... 
Le  peuple  ne  voyait  pas  ces  envahissements  d'un  mauvais  œil  ;  il  trouvait 
dans  les  cours  ecclésiastiques  une  manière  de  procéder  moins  harbare  que 
celle  dont  on  faisait  usage  dans  les  justices  seigneuriales  :  le  combat  n'y 
avait  jamais  été  admis  ;  l'appel  y  était  reçu;  on  y  suivait  le  droit  canonique, 
qui  se  rapproche,  à  beaucoup  d'égards,  du  droit  romain;  en  un  mot. 
toutes  les  garanties  légales  (jue  refusaient  les  tribunaux  des  seigneurs,  on 
était  certain  de  les  obtenir  dans  les  cours ecclésiasti(iues.  »  C'est  alors  que, 
soutenus  par  le  pouvoir  monarchique  déjà  puissant,  forts  des  sympathies 
des  populations  qui  se  tournaient  rapidement  vers  les  issues  qui  leur 
faisaient  entrevoir  une  espérance  d'atfranchisseinent,  les  évêques  voulurent 
donner  une  forme  visible  à  un  pouvoir  qui  leur  semblait  désormais  appuyé 
sur  des  bases  inébranlables;  ils  reuniient  des  sommes  énormes,  et  jetant 
bas  les  vieilles  cathédrales  devenues  trop  petites,  ils  les  employèrent  sans 
délai  à  la  construction  de  monuments  immenses  faits  pour  réunir  à  tout 
jamais  autour  de  leur  siège  épiscopal  ces  [topulat  ions  désireuses  de  s'affran- 
chir du  joug  féodal.  Ola  se  passait  sous  Philippe-.Vuguste,  et  c'est  en  ett'et 
sous  le  règne  de  ce  prince  (|ue  nous  voyons  connueiicer  et  élever  rapide- 
ment les  grandes  cathédrales  de  Soissons,  de  Paris,  de  Boui'ges,  de  Laon, 
d'Amiens,  de  Chartres,  de  Reims.  C'est  alors  aussi  que  l'architecture  reli- 
gieuse sort  de  ses  langes  monacals  ;  ce  n'est  pas  aux  couvents  que  les  évê- 
ques vont  demander  leurs  architectes,  c'est  à  ces  populations  laïquesdont  les 
trésors  apportés  avec  empressement  vont  servir  à  élever  le  premier  édifice 
vraiment  populaire  en  face  du  château  féodal,  et  ()ui  finira  par  le  vaincre. 

'  Lettre  LXXVin. 

i  [nstit.  de  saint  Louis,  p.  172.  l.o  lomle  Beiignol. 


—    "283    —  I    CATIlfiDKALK     | 

Nous  ne  voudrions  pas  que  cette  origine  à  la  fois  politi(jue  et  i'elijj;ieuse 
donnée  par  nous  à  la  grande  cathédrale  put  taire  supposeï-  (juc  nous 
prétendons  diminuer  la  valeur  de  cet  élan  (|ui  se  nianitésle  en  France  à 
la  tin  du  \w  siècle.  Il  y  a  dans  le  haut  clergé  séculier  de  cette  épo(|ue  une 
pensée  trop  grande,  dont  les  résultats  ont  été  trop  vastes,  pour  qu'elle 
ne  prenne  pas  sa  source  dans  la  religion  ;  mais  il  ne  faut  pas  oublier  que, 
chez  les  peuples  naissants,  la  religion  et  la  politique  vont  de  pair;  il  n'e.st 
pas  possible  de  les  séparer;  d'ailleurs  les  faits  parlent  d'eux-méu)es.  On 
était  aussi  religieux  en  France  au  commencement  du  xn*;  siècle  qu'à  la 
fin  ;  cependant,  c'est  précisément  au  moment  où  les  évoques  font  cause 
connnune  avec  la  monarchie,  veulent  se  séparer  de  la  féodalité,  qu'ils 
trouvent  les  ressources  énormes  dont  l'emploi  va  leur  permettre  d'élargir 
l'enceinte  de  leurs  cathédrales  pour  contenir  tout  entières  les  populations 
des  villes.  Non-seulement  alors  la  cathédrale  dépasse  les  dimensions  des 
plus  vastes  églises  d'ahhayes,  mais  elle  se  saisit  d'une  archit(>cture  nou- 
velle; son  iconographie  n'est  plus  celle  des  églises  monastiques;  elle 
parle  un  nouveau  langage;  elle  devient  un  livre  pour  la  foule,  elle  instruit 
le  peuple  en  même  temps  qu'elle  sert  d'asile  à  la  prière. 

Nous  allons  étudier  tout  à  l'heure,  sur  les  monuments  mêmes,  les  phases 
de  ce  mouvement  qui  se  manifeste  vers  la  fin  du  xii«'  siècle. 

Poursuivons.  L'alliance  du  clergé  avec  la  monarchie  ne  tarda  pas  à 
inquiéter  les  barons;  saint  Louis  reconnut  bientôt  que  le  pouvoir  royal  ne 
faisait  que  changer  de  maître.  En  l'235,  la  noblesse  de  France  et  le  roi 
s'assemblèrent  à  Saint-Denis  pour  mettre  des  bornes  à  la  puissance  que 
les  tribunaux  ecclésiastiques  s'étaient  arrogée.  En  I^IO,  les  barons  rédi- 
gèrent un  acte  d'union  «  et  nommèrent  une  commission  de  quatre  des 
plus  puissants  d'entre  eux  ',  pour  décider  dans  quels  cas  le  baronnage 
devait  prendre  fait  et  cause  pour  tout  seigneur  vexé  par  le  clergé;  de 
plus,  chaque  seigneur  s'était  engagé  à  mettre  en  commun  la  centième 
partie  de  son  revenu,  afin  de  poursuivre  activement  le  but  de  l'union. 
Ainsi  l'on  voit  l'attitude  du  clergé  français  quand  saint  Louis  monta  sur 
le  trône  :  elle  était  hostile  et  menaçante.  » 

Au  milieu  de  ces  dangers^  par  sa  conduite  à  la  fois  ferme  et  prudente, 
le  saint  roi  sut  contenir  les  prétentions  exorbitantes  du  clergé  dans  de 
justes  bornes,  et  faire  prévaloir  l'autorité  monarchi([ue  sur  la  féodalité. 
Dès  1*250,  le  peuple,  rassuré  par  la  prédominance  du  pouvoir  royal, 
s'habiluant  à  le  considérer  comme  la  représentation  de  l'unité  nationale, 
trouvant  sous  son  ombre  l'autorité  avec  la  justice,  ne  montra  plus  le  même 
enqjn>ssement  pour  jeter  dans  l'un  des  plateaux  de  la  balance  ces  trésors 
qui,  cinquante  ans  auparavant,. avaient  permis  de  conmiencer,  sur  des 
proportions  gigantesques,  les  cathédrales.  Aussi  est-ce  à  partir  de  cette 
époque  que  nous  voyons  ces  constructions  se  ralentir,  ou  s'achever  à  la 
hâte  sur  de  moins  vastes  patrons,  s'atrophier  pour  ainsi  dire.  Faut-il 

1   liiKlit.  tli'  saint  Loiiiii.  l>e  comte  Hciif^iud. 


I    (,ATH(-I)H\LK    I  —    '2Si    — 

atliihiicr  cela  à  im  refroidisseineiit  relijiieux?  nous  ne  ie  pensons  pas;  la 
nalion.  sentant  désormais  un  pouvoir  supérieur  à  la  IV'odalit»'.  portait  ses 
reiiai'ds  vers  lui,  et  néprouvail  plus  le  besoin  si  vif,  si  prt^ssant,  d  élevei' 
la  cathédrale  en  lace  de  la  l'orleresse  féodale. 

A  la  fin  du  xni«  siècle,  celles  de  ces  vastes  constructions  qui  étaient 
tardivement  sorties  de  terre  n'arrivèrent  pas  à  leur  développement  ;  elles 
s'arrêtèrent  tout  à  coup;  si  elles  furent  achevées,  ce  ne  fut  plus  (|ue  par 
les  etTorts  personnels  d'évêques  ou  de  chapitres  (pii  eniployèi-ent  leurs 
pi'opres  biens  |>oni'  terminer  ce  que  rentiainement  de  toute  une  popula- 
tion avait  ))eriuis  de  commencer.  Il  n'est  pas  ?inp  .sew/t' calliediale  qui  ait 
été  finie  telle  ([u'elle  avait  été  projetée,  et  cela  se  comprend;  la  période 
pendant  laquelle  les  j,n'andes  cathédrales  eussent  dû  être  conçues  et 
élevées,  celle  pendant  laquelle  leur  existence  est  pour  ainsi  dire  un  besoin 
impérieux,  l'expression  d'un  désir  national  irrésistible,  est  conq)rise  entre 
les  années  1180  et  l:2iO.  Soixante  ans!  Si  l'on  peut  s'étoimer  d'une 
chose,  c'est  que,  dans  ce  court  espace  de  temps,  on  ait  pu  obtenir,  sur 
tout  un  grand  territoire,  des  résultats  aussi  surprenants;  car  ce  n'était 
pas  seulement  des  manœuvres  qu'il  fallait  trouver,  mais  des  milliers 
d'artistes  qui,  la  plupart,  étaient  des  hommes  dont  le  talent  d'exécution 
est  pour  nous  aujourd'hui  un  sujet  d"admii'ati(»n. 

Tel  était  alors,  en  France,"  le  besoin  d'agrandir  les  cathédrales,  que, 
pendant  leur  construction  même,  les  premiers  travaux,  déjà  exécutés  en 
partie,  furent  j)arfois  détruits  pour  faire  place  à  des  projets  plus  grandioses. 
En  dehors  du  domaine  royal,  le  mouvement  n'existe  pas,  et  ce  n'est  que 
plus  tard,  vers  la  fm  du  xiu''  siècle.  lors([ue  la  monarchie  eut  à  peu  près 
réuni  toutes  les  provinces  dt>s  (iaules  à  la  France,  <|ue  l'on  entrepiend  la 
reconstruciion  des  cathediales.  C'est  alors  que  quelques  diocèses  rempla- 
cent leurs  vieux  monuments  par  des  constructions  neuves  élevées  surdes 
plans  sortis  du  domaine  royal.  Mais  ce  mouvement  est  restreint,  timide, 
et  il  s'arrête  bientôt  jjar  suite  des  mallieurs  politiques  du  xive  siècle.. 

A  la  mort  de  Philippe-Auguste,  en  Iiî23,  les  principales  cathédrales 
comjM'ises  dans  le  doiiiaiiie  royal  étaient  celles  de  Paris  .  de  (-harires.de 
liourges,  de  Noyoïi,  de  Laon, de  Soissons,  deMeaux,  d'Amiens,  d'Arras, 
de  Cambrai,  de  Rouen,  d'Kvreux,  de  Séez,  de  Bayeux,  de  Coulances,  du 
Mans,  d'Angers,  de  Poitiers,  de  Touis  ;  or  tous  ces  diocèses  avaient  lebàli 
leurs  cathédrales,  dont  les  consti'uctions  étaient  alors  fort  avancées.  Si 
certains  diocèses  sont  polili(pi(Mnent  unis  au  domaine  royal  et  se  recon- 
naissent vassaux  ,  leurs  cathedralis  s'élèvent  raj)i(lement  sur  des  plans 
nouveaux  comme  celles  de  la  France;  les  diocèses  de  Jieims.  de  Sens,  de 
Chàlons,  de  Troyesen  Chanq)agne,  sont  les  premiers  à  suivie  le  mouve- 
menl.  En  Bourgogne,  ceux  d'Auxeire  et  de  Nevers,  les  i>lns  rapprochés 
du  domaine  royal,  reconstruisent  leurs  cathédrales;  ceux  d'Autun  et  de 
Langres.  plus  éloignés,  conservent  leurs  ancieimes  églises  élevées  vei-s  le 
milieu  du  xii*'  siècle. 

Dans  laCuyeime,  restée  anglaise,  excepté  Bordeaux  <pii  tenle  un  ellori 


;285    l     CAIIlf-DRAl.E     I 

vfM's  i-2-25,Périgueux,Angoulènu\  l>iiiioges,  Tulle,  Cahors,  A^en,  gardent 
leurs  vieux  inoiumients. 

A  la  nioil  (le  lMiilii>iit'  le  Bel,  en  131-4,  le  domaine  royal  sesl  étendu  : 
il  a  englobe  la  (lluunpagne;  il  possède  le  Languedoc,  le  marquisat  de 
Provence  ;  il  tient  l'Auvergne  et  la  Bourgogne  au  milieu  de  ses  provinces. 
Montpellier,  Carcassonne,  Narlmnne ,  Lyon,  exécutent  dans  leurs  cathé- 
drales des  travaux  considérables  et  tentent  de  les  renouveler,  (llcrmont 
en  Auvergne  cherche  à  suivre  l'exemple.  Les  provinces  anglaises  et  la 
Provence  résistent  seules. 

A  la  mort  de  (Charles  V,  en  liiHO,  les  Anglais  ne  possèdent  plus  (|ue 
Bordeaux,  le  (Aitentin  et  Calais  ;  mais  la  sève  est  épuisée  :  les  cathédrales 
dont  la  reconstruction  n'a  pas  été  conunencée  pendant  le  xiii«^  siècle 
demeurent  ce  qu'elles  étaient  ;  celles  restées  inachevées  se  terminent  avec 
peine. 

N(tus  a\ons  essayé  de  tracer  sommairement  un  historique  général  de  la 
construction  de  nos  cathédrales  françaises;  si  incomplet  qu'il  soit,  nous 
espérons  qu'il  fera  comprendre  l'inq^ortancede  ces  monuments  pour  notre 
pays,  de  ces  monuments  qui  ont  été  la  véritable  base  de  notre  unité 
nationale,  le  premier  germe  du  génie  français.  A  nos  cathédrales  se 
rattache  toute  notre  histoire  intellectuelle  :  elles  ont  abrité,  sous  leurs 
cloîtres,  les  plus  célèbres  écoles  de  l'Eurupe  pendant  les  xii'-  et  xui^  siècles; 
elles  ont  fait  l'éducation  religieuse  et  littéraire  du  peuple  ;  elles  ont  été 
l'occasion  d'un  développement  dans  les  arts  qui  n'est  égalé  que  par  l'anti- 
quité grecque.  Si  les  derniers  siècles  ont  laissé  périr  dans  leurs  mains  ces 
grands  témoins  de  l'effort  le  plus  considérable  qui  ail  été  fait  depuis  le 
christianisme  en  faveur  de  l'unité,  espérons  (jue .  plus  juste  et  moins 
ingrat,  le  nôtre  saura  les  conserver. 

Puisque  nous  prétendons  démontrer  que  la  cathédrale  française,  dans 
le  sens  moral  du  mot,  est  née  avec  le  pouvoir  monarchique  ,  il  est  juste 
que  nous  commencions  par  nous  occuper  de  celle  de  Paris  ;  d'ailleurs, 
c'est  la  première  qui  ait  été  commencée  sur  un  plan  vaste  destiné  à 
donner  satisfaction  aux  tendances  ;i  la  fois  religieuses  et  politiques  de  la 
tin  du  xir  siècle. 

La  cathédrale  de  Paris  se  composait,  en  SGO,  de  deux  édifices,  l'uli  du 
titre  de  Saint-Étienne,  martyr,  l'autre  du  titre  de  Sainte-Marie  ;  nous  ne 
savons  pas  quelles  étaient  les  dimensions  exactes  de  ces  monuments,  dont 
l'un,  Saint-Étienne,  fut  épargné  par  les  Normands  moyennant  une  sonnne 
d'argent.  Les  fouilles  ipii  furent  faites  nu  midi,  en  1845,  laissèrent  à 
découvert  un  mur  épais  qui  venait  se  prolonger,  en  se  courbant,  sous  les 
chapelles  actuelles  du  chœur.  La  portion  visible  du  cercle  donne  lieu  de 
croire  que  l'abside  de  cette  première  église  n  avait  guère  plus  de  huit  à 
neuf  mètres  de  diamètre.  En  I  UO  environ  ,  Etienne  de  (^.arlande,  archi- 
diacre ,  tit  faire  d'inq^ortanls  travaux  a  l'église  de  la  Vierge.  De  ces 
ouvrages,  il  ne  reste  plus  que  les  bas-reliels  du  tympan  et  une  portion 
des  voussures  de  la  porte  Sainte-Anne,  replacés  au  connnencement  du 


I   c.ATiifiDKAi.K    I  —  :28(i  ' 

Mil''  siècle,  loisquOn  coiisliuisit  la  façade  acliiollc,  prohahloniont  parce 
(|iie  ces  scul!)liires  seMii)lèient  ti'op  reinar(|iial)les  pour  être  délniitcs. 
(/"«'tail  (railleurs  un  usa^e  assez  ordinaire,  au  nioinent  de  cet  cnliaincnirnl 
(jui  taisait  recons^truire  les  cathédrales,  de  conserver  un  souvenir  (ies 
édifices  piiinitifs,  et  l'exemple  cité  ici  n'est  pas  le  seul,  ainsi  que  nous  le 
verrons^  En  1160,  Maurice  de  Sully,  évêque  de  Paris,  résolut  de  réunir 
ies  deux  éj,dises  en  une  seule,  et  il  fit  commencer  la  cathédrale  (pie  nous 
voyons  aujoui'dhui  ',  sous  l'unique  vocahle  de  Sainte-Marie.  En  ll'.Ki, 
Maurice  de  Sully  mourut  en  laissant  ciiKi  mille  livres  pour  couvrir  le  clm'ur 
en  plomh;  donc,  aloi-s,  le  chœur  était  achevé  jusqu'au  transsept,  ce  que 
vient  confirmer  le  caractère  archéologique  de  cett(>  pai'tie  de  Notre-Dame 
de  Paris.  11  y  a  tout  lieu  de  croire  même  que  la  nef  était  élevée  alors  jusqu'à 
la  troisième  travée  après  les  tours ^,  à  quelques  mètres  au-dessus  du  sol. 
Eude  de  Sully,  successeur  de  Maurice,  continua  r(euvre  jusquen  1:208, 
époque  de  sa  mort.  La  grande  fa(,'ade  et  les  trois  premières  travées  de  la 
nef  furent  seulement  commencées  à  la  fin  de  1  episcopat  de  Pierre  de 
Nemours,  vers  I'2I8;  car  ce  fut  seulement  à  cette  époque,  d'après  le 
Martyrologe  de  l'église  de  Paris  cité  par  l'abhé  Lebeuf,  qu'on  détruisit  les 
restes  de  la  vieille  ('glise  de  Sainl-Etiennc  (|ui  gênaient  les  travaux.  A  la 
mort  de  IMiilij)|)e-Auguste,  en  l^^iiJ,  le  j)ortail  était  achevé  juscju'à  la  hase 
de  la  grande  galerie  à  jour  qui  réunit  les  deux  tours.  Il  y  eut  évidenunent, 
à  cette  époque,  une  interruption  dans  les  travaux;  le  style  du  sommet  de 
la  fa(,'ade  et  la  nature  des  matériaux  employés  ne  peuvent  faire  douter  que 
les  tours,  avec  la  grande  galerie  qui  enceint  leur  hase,  aient  été  élevés, 
vecs  1235,  fort  rapidement.  Alors  la  cathédrale  était  complètement 
terminée,  sauf  les  flèches  qui  devaient  surmonter  les  deux  tours. 

Nous  donnons  (1)  ^  le  plan  de  cette  église  primitive  dépouillé  des 
adjonctions  laites  depuis  cette  époque.  Comme  on  peut  le  voir,  cette  vaste 
église  était  dépourvue  de  chapelles,  ou,  s'il  en  existait,  elles  n'étaient 
(|u'au  nond)i'e  de  trois,  fort  petites,  et  situées  derri("re  l'ahsidfM^n  L  ;  car 
nous  avons  i'etrouv('  la  coiniche  extérieure  du  double  bas-ccMé  sur  |)resque 
tous  les  points  de  la  circonférence  de  ce  double  bas-c(Mé  absidal  ;  ces 
chapelles  ne  pouvaient  donc  être  percées  qu'au-dessous  ûo  cette  corniche, 
et,  par  consé(pienl ,  n"o(^cuper  qu'une  faible  hauteur  et  un  petit  espace. 
Nous  serions  pliit(')l  porté  à  croire  que  trois  autels  étaient  i)la(^és  contre  la 
paroi  de  ce  (loid)le  bas-C('>lé  :  l'un  dédié  à  la  Vierge,  l'autre  à  saint  Etienne, 
et  le  troisième  à  la  sainte  Trinité.  Mais  ce  (lu'on  avait  voulu  surtout  obtenir 
en  fra(,'ant  ce  plan  si  sinq)le,  c'était  un  vaste  espace  pour  contenir  le  clergé 
et  la  foule  devant  et  autour  de  l'autel  principal  |)lacé  au  centre  du  sanc- 
tuaire. En  E  était  une  galerie  à  deux  étages,  dont  les  traces  ont  été  retrou  - 

«  Voir,  pour  de  plus  amples  détails,  Vllinér.  archéol.  de  Paris,  par  M.  le  baron  de 
(Jiiilhcriiiy. — Paris,  i85.'i. 

"■'  i/c'cliolle  de  ce  plan  ,  ainsi  que  fie  tous  ceux  qui  vunl  suivre,  est  de  0,001'"  pour 
mètre. 


->,S7  — 


CATIlf-Kll  VIK 


vées,  coininiiiiiciiiaiil   de  r»'Vt'(h('  au  clKnir  cl  aux   lai^^cs  j^alcries  qui 
selt'vcnl  surl('|)r('nru'il>as-(ùtf.  Kii(i,  leslivi/c  uiaiclics  qui  (Icscriidaiciil 


pesAU)  se 


du  parvis  à  la  berge  de  la  Seine.  A  gauche,  du  côtt'  uoi-d,  contre  le  flanc 
de  la  façade,  s'élevait  la  petite  église  de  Sainf-.Iean-le-P,ond,  proliahleuient 
un  ancien  baptistère  ;  et,  de  cette  église  à  la  ligne  poncluée  A,  les  cloitres 
et  dépendances  de  la  cathédrale  qui  s'étendaient  assez  loin.  Ce  n'était  pas 


I    CVIIlf-llUVI  K    I  —    2SS    — 

assez  (le  cette  vaste  suiiace  couverte  '  à  rez-de-cliaussée  ;  comme  nous 
l'avons  (lit  tout  à  llieure,  une  hw^o  j^alerie  pdiirtnurne  lé^Mise  au-dessus 
(lu  collaleral  intérieur*;  on  y  arrive  par  ([uatrc  j;ran(ls  escaliers  iixisdun 
emmarcliement  de  l '",50  environ.  Les  galeries  su|)érieures,  de  la  même 
lar^'eur(|uelel)as-c(Mt^etvoùtées,n'apparaissent{^uèi'e,pendanl  lapremi('re 
partie  de  la  période  ogivale,  que  dans  les  catliédiales  de  l'IU^-de-France; 
on  les  retrouve  à  Noyon,  à  Laon,  à  Senlis,  à  Soissons  (voy.  aiu.hitectiuk 
RELKjiEcsi;).  Dans  ces  villes  riches  et  populeuses,  ou  avait  probablement 
senti  le  besoin  d'otlrir  aux  fidèles  ce  supplément  de  surface,  pour  les 
jours  de  (grandes  cérémonies;  mais  ces  {galeries  avaient  encore  cet  avan- 
tage de  permettre  d'ouvrir  des  jours  larges  propres  à  éclairer  le  centre  de 
la  nef  et  de  donner  une  plus  grande  solidité  aux  constructions. 

I.a  coupe  transversale  (pie  nous  pn'stMitons  ("2)  lera  comprendre  le 
système  de  construction  adopté  pai'  rarcliilecte  de  la  cathédrale  de  Pans, 
de  ll(i(>  à  l^'^O.  Des  découvertes  récentes  du  plus  haut  intérêt  nous 
engageiil  ii  rej)ro(luire  cette  coupe,  tracée  déjà,  mais  dune  manière 
incomplète,  dans  larticle  ahchitecture  kelujieuse.^Oii  voit,  en  A,  les 
fenêtres  de  la  galerie  ou  triforium,  dont  la  position  indi(|ue  nettement 
l'intention  de  donner  du  jour  dans  la  n<»f,  que  les  fenêtres  B  du  double 
bas-cê)té  et  les  fenêlres  C  supérieures  euss«Mit  laissc'e  dans  l'obscurité. 
Mais  cette  (lis[)osi[ion  inclinée  d(^s  voûtes  du  triforium  l(»r(,ait  de  relever  le 
chéneau  \)  et  par  conséquent  le  comble  E;  il  restait  un  espace  FG,  (jue 
nous  su|)posions  plein ,  nous  en  tenant  à  la  première  travée  de  la  nef 
laissée  dans  son  étal  primitif''.  Or  cet  intervalle  entre  l'appui  de  la  fenêtre 
haute  et  l'arc  du  triforium  était  percé  de  roses  .1  à  meneaux  très-singuliers, 
et  destinées  autant  à  alléger  la  construction  qu'à  donner  de  la  lumière 
sous  le  comble  E.  Les  jours  de  grandes  cérémonies,  ces  roses  étaient 
utilisées  pour  décorer  l'éditice  à  l'intérieur.  La  grande  élévation  du  mur 
du  triforium  portant  le  chéneau  1>  avait  permis  de  construire  les  arcs- 
boutants  Hl  à  double  volée  avec  une  j)ile  K  intermédiaire.  De  plus,  la 
naissance  des  grandes  voûtes  était  maintenue  par  des  S(»us-arcs-boutants  L 
portant  les  jjannes  du  comble  E.  (les  arcs-boutants  L  étaient  eux-mêmes 
contre-buttes  par  les  arcs-boutants  inférieurs  M,  qui  maintenaient  en  même 
temps  les  voûtes  du  triforium.  Cette  construction,  solide  ,  ingénieuse  et 
belle  en  même  temps,  était  rendue  stable  à  tout  jamais  par  les  énormes 

'  l.a  siiiTace cuuvciie  de  l'éi^lise  dv  Nulie-Dame  de  Paris  élail  de  '4,370  lucl.;  dédui- 
sant les  pleins  et  le  sanctuaire,  restait  environ  3,800  met  à  re/.-de-cliaussée,  pouvant 
contenir,  eu  supposant  les  espaces  laissés  libres  pour  les  passages,  7,500  personnes. 

2  Ces  galeries  peuvent  contenir  1,500  personnes,  en  supposiml  (in'clics  soient  pla- 
cées seulement  sur  quatre  rangs. 

^  C'est  en  réparant  les  fenêtres  hautes  de  la  nef  de  la  cathédrale,  pendant  le  coins 
de  la  campagne  de  1854  ,  que  nous  avons  découvert  les  roses  s'ouvranl  dans  la  net 
au-dessus  de  la  galerie  du  premier  étage,  et  éclairant  le  cond)ie  de  cette  galerie.  Des 
fragments  de  ces  roses  ont  pu  être  replacés  dans  la  dernière  travée  de  la  net  et  les 
deux  travées  ouest  du  croisillon  sud. 


-2SU  — 


CATIIÉDKALK   j 


contre-forts  N  ,  qui  seuls  présentent  un  cuhe  (xtnsidérable  de  matériaux 
posés  à  l'extérieur  de  lédifice. 


T.    II. 


■il 


CATIIËDItAl.l':     I 

.11». 


-i'.tO 


La  fifi.  .5  (lomio  l"asi>ool  extérieur,  et  la  lij{.  i  lasprcl  intérieur  (eoupe 


—  -2*M 


I    r.ATHf-DRAI.K    I 


^=^ 


Cjn-i.yj(Mor  jêmie 


longitudinale)  df  dfiix  tiav.'cs  piimitivt's  do  la  cathédrale  et  dune  travée 


[    CATHÉDRALE    ]  —    ^l'iH    — 

modifiée  pendant  le  cours  du  xiii«  siècle.  La  coupe  fait  voir  avec  quel 
soin  le  poids  des  constructions  était  réparti  sur  les  piles^,  et  combien  déjà, 
à  cette  époque,  les  constructeurs  cherchaient  à  éviter  les  murs.  En  etlet, 
sous  l'appui  des  grandes  fenêtres  A  du  triforiuni,  faites  pour  être  vues  de 
la  nef,  sont  ménagés  des  arcs  de  décharge. 

La  tradition  de  la  construction  romane  est  donc  déjà  complètement 
abandonnée  dans  la  cathédrale  de  Paris  de  la  fin  du  xii^  siècle  ;  il  n'y  a 
plus  que  des  piles  et  des  arcs.  Le  système  de  la  construction  ogivale  est 
franchement  écrit  dans  ce  remarquable  monument.         — 

Malheureusement,  cette  église  reçut  très-promptement  d'importantes 
modifications  qui  sont  venues  en  altérer  le  caractère  si  simple  et  grandiose. 
De  l'-230  à  1240  \  un  incendie,  dont  l'histoire  ne  fait  nulle  mention,  mais 
dont  les  traces  sont  visibles  sur  le  monument,  détruisit  une  partie  des 
charpentes  supérieures  et  des  combles  E  du  triforium  de  la  caihédrale 
(voy.  la  C(jupe  transversale  fig.  2  et  la  coupe  longitudinale  tig.  4)  ;  les 
meneaux  des  roses  J  furent  calcinés,  ainsi  que  leurs  claveaux  et  les 
bahuts  0  du  grand  comble.  Il  est  probable  (|ue  la  seconde  volée  I  des 
arcs-boutants  et  les  voûtes  du  triforium  turent  endonunagées. 

Déjà,  à  cette  époque,  d'autres  cathédrales  avaient  été  élevées,  et  on  les 
avait  percées  de  fenêtres  plus  grandes,  garnies  de  brillants  vitraux;  celle 
décoration  prenait  chaque  jour  plus  d'importance.  Au  lieu  de  répaicr  le 
dommage  survenu  aux  constructions  de  Notre-Dame  de  Paris,  on  en 
profita  pour  supprimer  les  roses  J  percées  au-dessus  du  triforium,  faire 
descendre  les  fenêtres  hautes,  en  sapant  leurs  appuis  jusqu'au  point  P 
(voy.  la  (îoupe  fig.  2,  la  face  extérieure  lig.  ,'J  et  la  coupe  fig.  i)  ;  on  enleva 
le  chéneau  D,  on  démolit  les  arcs-boutanis  III  à  double  volée,  on  descendit 
le  chéneau  D  au  niveau  H,  on  abaissa  les  triangles  S  des  voûtes,  on  lil 
sur  ces  voûtes  un  dallage  à  double  pente;  les  grandes  fenêtres  A  de  la 
galerie  furent  coupées,  ainsi  qu'il  est  iiuli(|ué  en  Q  (fig.  3)  ;  et,  n'osant  {)lus 
laisser  isolées  les  piles  K  (tig.  '2),  qui  ne  se  trouvaient  plus  sutlisanunent 
étrésillonnées  par  les  couronnements  D  abaissés,  on  établit  de  grands 
arcs-boulants  à  une  seule  volée  de  T  en  V.  Les  arcs-boulanis  sous-comble 
L,  détruits  par  le  feu,  fuient  supprimés,  et  les  arcs-boutants  M  restèrent 
seuls  en  place  dans  une  situation  anormale,  car  ils  étaient  trop  hauts  pour 
contre-butter  les  voûtes  du  triforium  seulement.  Les  corniches  et  les 
couronnements  supérieurs  X  furent  refaits,  les  pinacles  Z  changés.  Les 
fenêtres  hautes,  agrandies,  furent  garnies  de  meneaux  (fig.  3  et  A)  très- 
simples,  dont  la  forme  et  la  sculpture  nous  domient  précisément  répcxpu' 
de  ce  travail.  A  peine  cette  opération  était-elle  lerniinée  à  la  hâte  (car 
Texamen  des  constructions  dénote  une  grande  |)récipitalion),  que  l'on 

1  Nous    n'iivons,    iioiir  <l(»niier   ces  dates,    que    le  caractère  aichitectonique  des 
•  constnutions;  mai»,  dans  rile-de-France,  les  propres  sont  si  rapides,  que  l'on  apei- 
çoit.  dans  un  espace  de  dix  ans,  îles  clKinf;enients  assez  seusildes  |iour  pouvoir,  à  coiqi 
sur,  lixiM  la  date  dune  conslrurlion. 


"293    [    CATHEDRA LK    | 

<Mif reprit,  vers  \^2Ab,  de  faire  des  chapelles  II,  entre  les  saillies  formées  à 
rextéi'ieur  par  les  jj;rns  contre-forts  de  la  nef.  (]es  chapelles  furent  élevées 
éjîal(MHent  av(>c  une  grande  rai)idité;  leur  construction  eut  poui- résultat  de 
faire  disparaître  la  claire-voie  A'  (voy.  les  fi^^  ^2  et  3)  -  qui  doiuiait  du  jour 
au-dessus  des  voûtes  du  deuxième  bas-côté,  et  de  rendre  l'écoulement 
des  eaux  plus  diilicile.  En  examinant  le  plan  {ii^.  1),  on  peut  se  rendre 
compte  du  fiicheux  etiét  produit  par  cette  adjonction.  Les  deux  pignons 
du  transsept  se  trouvaient  alors  di'hordés  j)ar  la  saillie  de  ces  chapelles. 
(^omj)arativement  à  la  nouvelle  décoration  extérieure  de  la  nef  ,  ces  deux 
pignons  devaient  présenter  une  masse  lourde  ;  on  les  démolit,  et,  en  1257, 
on  les  reconstruisit  à  neuf,  ainsi  (jue  le  constate  l'inscription  sculptée  à  la 
base  du  portail  sud.  Entre  les  contre-forts  du  chœur,  trois  chapelles  au 
nord  et  trois  chapelles  au  sud,  compris  la  petite  porte  rouge  qui  donnait 
dans  le  cloître,  furent  bâties  en  même  tenqis,  pour  continuer  la  série  des 
chapelles  de  la  nef.  (^es  travaux,  vu  leur  importance  et  le  soin  a|)porlc 
dans  leur  exécution,  durent  exiger  plusieurs  années.  En  1290,  Matitïasde 
Bucy,  évêque  de  Paris,  commença  la  construction  des  chapelles  du  chœur, 
entre  les  contre-forts  du  xu*^  siècle,  en  les  débordant  de  l'»,50  environ.  Ce 
fut  alors  aussi  (jue  l'on  relit  les  grands  pinacles  des  arcs-boutants  de  cette 
partie  de  l'éditice,  et  (jue  l'on  ouvrit,  dans  la  pai'tie  circulaire  du  friforium, 
de  grandes  fenêtres  surmontées  de  gables  ii  jour ,  à  la  place  des  fenêtres 
coupées  précédemment.  Ces  ouvrages  durent  être  terminés  vers  1310.  En 
même  temps  que  l'on  reconstruisait  les  pignons  du  transsept  (c'est-à-dire 
vers  1260),  on  refit,  au  nord,  un  arc-boutant  à  double  volée,  le  premier 
après  le  croisillon.  C'était  un  essai  de  reconstruction  des  anciens  arcs- 
boutants  du  xn*'  siècle  ,  probablement  conservés  jusqu'alois  autour  du 
chœur,  bien  que  l'on  eût  fait  subir  aux  fenêtres  hautes,  vers  1235,  le 
même  changement  qu'on  avait  inqiosé  à  celles  de  la  nef.  Il  n'était  plus 
possible  de  rien  ajouter  à  ce  vaste  édifice,  achevé  vers  1230  et  remanié 
pendant  près  d'un  siècle.  Son  plan  ne  fut  plus  modifié  depuis  lors;  nous 
le  donnons  ici  (5)  tel  qu'il  nous  est  resté  *.  Les  tours  de  la  façade  demeu- 
rèrent inachevées;  les  tlèches  en  pierre  dont  la  souche  existe  au  sommet, 
à  l'intérieur,  ne  furent  jamais  montées.  Une  flèche  en  bois,  élevée  au 
commencement  du  xrii''  siècle,  recouverte  de  plomb,  surmonta  la  croisée 
du  transsept  jusqu'à  la  fin  du  siècle  dernier  (voy.  flèchk).  Ces  change- 
ments, faits  à  un  monument  complel,  immédiatement  après  sa  construc- 
tion, donnent  l'histoire  des  programmes  de  cathédrales  qui  se  succédèrent 
en  France  pendant  tout  le  cours  du  xiii^  siècle. 

Dans  l'origine,  peu  ou  point  de  chapelles;  un  seul  autel  principal,  le 

'  Kpoque  de  la  construclion  de  la  Saiute-Cliapelle.  (ies  cliapelles  présenleiu  des 
détails  et  des  profils  identiques  avec  ceux  de  ce  monument. 

^  Celte  claire-voie  est  restée  du  côté  nord,  derrière  les  couvertures  de  ces  cliapelles. 

•^  Ce  plan  est  le  plan  actuel,  avec  la  sacristie  l)àtie  depuis  IH'i')  :i  la  place  de  l'ancien 
arclievèclié,  au  sud. 


[    CATHÉDKAI.E    |  —    ^VU    — 

trônt'  (le  Irvèque  placé  (lemère.  à  l'abside.  Tout  autour,  dans  des  cnllii- 


téraux  larges,  la  l'ouïe;  à  l'entrée  du  eho'ui'.  (I(tnnant  sur  le  transsepl,  une 
tribune  pour  lire  l'épitreet  l'évanj^ile;  les  stalles  du  cliapitre  dans  le  chœur, 
des  deux  côtés  de  l'autel.  La  catln'drale,  dans  cet  état,  c'est-à-dire  au 
moment  où  elle  pnMid  une  jurande  importanc<>  moi'ale  et  matt'rielle .  se 
l'approche  i)lus  de  la  basilicpie  antique  (jue  les  éj^lises  monastiques,  déjà 
toutes  munies,  à  l'abside  au  moins,  de  nond)reuses  chapelles,  (l'est  une 
immense  salle,  dont  lObjet  principal  est  l'autel,  et  la  cathedra,  le  siéj;e 
du  prélat,  sijijne  de  la  justice  épiscopale.  Le  monument  vient  donc  ici 
pleinement  justifier  ce  que  nous  avons  dit  au  commencement  de  cet  article. 
Mais  un  seul  exemple  n'est  pas  une  |)reuve  ;  ce  j)eut  être  une  exceplion. 
Examinons  daulres  calhédiale  de  la  France  d'alors. 

A  Bourges,  il  existait  encore,  au  milieu  du  xii*'  siècle  ,  une  cathédrale 
bâtie  pendant  le  xi«,  d'une  dimension  assez  restreinte,  si  l'on  en  juge  pai' 
la  crypte  qui  existe  encore  au  centre  du  cho'ur  et  qui  donne  le  périmètre 
de  l'ancienne  abside.  En  1 1""^,  l'évéque  Etienne  ((rojelle  de  bàlirun  nouvel 
édifice  '.  Toutefois,  il  ne  parait  pas  que  l'exécution  de  ce  grand  monmiieiil 

'    l'iii  lltiO,  on  jeUe  les  londenieiils  de  la  calhédiale  actnrllc  de  i':iri>;  «-n    Il7i, 


—  -295 


CATHKOKAI.K 


ait  été  conimtMicép  avant  les  premières  années  du  xiii»"  siècle.  En  voici 
le  plan  ((>)  '.  A  l'abside,  seulement  cinq  très-petites  chapelles  ;  doubles 


collatéraux  comme  à  Notre-Dame  de  Paris;  f»as  de  transsept  ;  i  uiiiu- 

on  projette  la  reconstriiclioii  de  celle  de  Bourges.  1,'évèque  Ktienne  (ioiiiie  à  Odon. 
clerc,  celte  année  I  172,  une  place  située  devani  la  porte  de  l'église,  pour  y  l>àtir  une 
maison  ,  à  la  condition  de  rendre  remplacement  «  aussitôt  que  la  conslructioii  de 
l'église  projetée  l'exigera.  »  {La  Cnthodrale  de  Bourges,  par  A.  de  (Jirardot  et 
Hip.  Durand.  Moulins,  1849.) 

'  Ndus  avons  enlevé  de  ce  plan  quelques  chapelles  ajoutées  le  lonti  du  iias-côtc  d( 
la  nef  pendant  les  xiv  et  xv  siècles. 


[  (.ATiU:i>K\i.K   I  —  :2VHi  — 

(l'ohjot  ,  dans  ce  plan,  est  encorf  plus  niar<pu'0  (pir  dans  !»■  pl;in  de  la 
calliédralt'  de  l*aiis.  Outre  les  entrées  de  la  l'ai^ade  ,  deux  |)()rles  sont 
ménagées  en  A  et  B  ;  et  c'est  (comme  à  Notre-Dame  de  Paris,  à  la  porte 
Sainte-Anne)  avec  des  fragments  de  sculpture  appartenant  an  \ii"  siècle 
que  ces  portes  sont  bâties  '.  On  élève,  vers  le  milieu  du  xiii*^  siècle,  deux 
porches  en  avant  de  ces  portes.  A  côté  sont  ménai;és  deux  larges  escaliers 
(pii  desc(Mi(lent  à  une  église  souterraine,  à  doubles  bas-côtés,  enveloppant 
l'ancienne  crypte  de  la  cathédrale  du  w  siècle.  Les  petites  chapelles 
absidales  n'ajjparaissent  pas  dans  l'église  inférieure;  elles  sont  portées 
en  encorbellement  sur  un  pilier  accosté  de  deux  colonnes  dégagées. 
Otte  église  inférieure  n'est  pas  une  nécessité  du  culte,  mais  une  nécessité 
de  construction  ;  à  la  fin  du  xii'"  siècle,  les  remparts  roiuains  de  la  ville 
de  Boui'ges  s'élevaient  à  (juelques  mètres  de  l'abside  de  l'ancienne 
cathédrale,  qui  ne  dépassait  pas  le  sanctuaire  de  celle  actuelle.  Voulant 
faire  pourtourner  les  doubles  collatéraux ,  les  constructeurs  se  trouvaient 
obUgés  de  descendre  dans  les  fossés  de  la  ville  ;  il  y  avait  donc  nécessité 
de  faire  un  étage  inférieur,  ce  qui  fut  fait  avec  un  luxe  de  construction 
remarquable  :  car  de  toute  la  cathédiale  de  Bourges,  c'est  cet  étage 
inférieur  ((ui  est  le  mieux  bâti  ;  là,  rien  n'a  été  épargné,  ni  les  matériaux 
(|ui  sont  d'une  belle  qualité,  ni  la  taille,  ni  même  la  sculpture,  qui  est  du 
plus  beau  caractère.  Mais  la  cathédrale  de  Bourges  était  en  retard.  Sa 
partie  orientale ,  sortie  de  terre  seulement  vers  12'20,  était  à  peine  élevée 
à  la  hauteur  des  voûtes  du  deuxième  collatéral,  que  les  ressources  étaient 
moins  abondantes.  La  construction  s'en  ressentit,  et  tf)ules  les  parties  supé- 
rieures de  cet  immense  vaisseau  furent  terminées  tant  bien  que  mal,  a  la 
hâte,  et  probablement  en  réduisant  la  hauteur  de  la  nef,  qui,  nous  le  croyons, 
avait  été  projetée  sur  une  coupe  plus  élancée  (voy.  au  mot  architecture 
RELIGIEUSE,  tlg.  34,  la  coupc  de  cette  cathédrale).  La  partie  antérieure  de 
la  nef  ne  fut  achevée  qu'au  xiv  siècle,  et  le  sonmiet  de  la  façade  avec  ses 
deux  tours  qu'au  xvi''.  Hes  cha})elles  latérales  viiu'ent  gâter  ce  beau  plan, 
et  entourer  le  colosse  d'une  décoration  parasite;  mais  ,  à  partir  de  la  tin 
du  xiue  siècle,  bien  peu  de  cathédrales  en  France  purent  se  soustraire  à  la 
manie  de  ces  chapelles  latérales.  La  grande  idée  première  qui  les  avait  fait 
élever  était  sortie  de  l'esprit  du  clergé  pendant  le  cours  de  ce  siècle.  Les 
confréries,  les  corporations,  des  familles  même,  en  donnant  des  sommes 

'  Nous  avons  entendu  exprimer  l'opinion  que  tes  porles  étnient  les  restes,  demeurés 
en  place,  d'une  église  du  xii"^  siècle;  il  n'est  pas  besoin  d'être  très-l'amilier  avec  les 
détails  de  sculpture  et  les  moulures  des  xir"  et  xiir  siècles,  pour  rocounaître  (pi'i^i  la 
porte  15  du  sud,  par  exemple,  le  trumeau  portant  la  tigure  du  C.lirist  est  du  xni' siècle, 
t|ue  les  moulures  de  soubassements  et  quelques  colonnes  servant  de  supports  aux 
statues  sont  du  xiir  siècle,  tandis  que  les  figures  des  ébrasenients,  les  linteaux  et 
tympans  sont  du  xif.  C'est  encore  la  ,  comme  à  Paris,  une  collection  de  IVagmcnls 
précieux,  un  souvenir  d'un  édifice  antérieur  qu'on  a  voulu  conserver  et  enchâsser  dans 
la  construction  n)è>ne.  Du  reste,  comme  à  Paris,  ces  sculptures  méritaient  bien  cet 
li4)nneur  ,  elles  sont  de  la  plus  grande  beauté. 


-21 1"    —  [    CATIlf:i)KAl.K     1 

pour  acliPVPi"  ou  ivparei'  le  monument  national,  voiilaicnf  avoir  lour  cha- 
pelle; on  n'obtenait  plus  d'aiiient  quà  ce  \)r\\. 

Les  parties  suj)erieures  de  la  cathédrale  de  Bouri^es  se  ressentent  du 
dél'aut  d'unité;  déti^'urées  aujourd'hui  par  des  restaurations  barbares  qui 
n'appartiennent  à  aucune  épocjue,  à  aucun  style,  on  n'en  juut  plus  juger. 
Mais  nous  les  avons  vues  encore,  il  y  a  (juinze  ans,  telles  que  les  siècles 
nous  les  avaient  laissées;  il  semblait  que  l'emploi  des  sonmies  successives 
eût  été  fait  sans  tenir  compte  du  projet  primitif;  cctait  connue  une 
montagne  sur  la(piellc  chacun  élève  ;i  son  gré  la  construction  qui  lui 
convient.  Les  architectes  appelés  successivement  à  la  terniinerou  à  conso- 
lider des  constructions  élevées  avec  des  moyens  insutlisants  y  ajoutèrent, 
l'un  un  arc-boutant.  l'autre  un  couronnement  de  contre-fort  incomplète- 
ment chargé,  (leitainement  celui  qui  avait  com u  le  plan  et  élevé  le  ch(eur 
jusqu'à  la  hauteur  des  voûtes  avait  projeté  un  édifice  (jui  ne  présentait 
pas  ces  superfétalions  et  cette  confusion  ;  et  il  faut  se  garder  déjuger  l'art 
des  hommes  du  commencement  du  xm»"  siècle  avec  ce  (pie  nous  donne 
aujourd'hui  la  cathédrale  de  Bourges  '. 

l^a  cathédrale  de  Bouiges  nous  représente  mieux  encore  une  salle  destinée 
il  une  grande  assend)lée  que  la  cathédrale  de  Paris,  non-seulement  dans 
son  plan,  par  l'absence  du  transsept,  mais  dans  sa  coupe,  pai-  la  disposition 


'  On  a  repiOL-lié  ,  et  on  repioclie  iliaque  jour  aux  architectes  de  cette  époque, 
d'avoir  conçu  des  cditices  qui  irélaieiit  pas  poi^iblea  ;  et,  confondant  les  styles,  les 
époques,  ne  tenant  pas  compte  de  l'épuisement  des  sources  flnancières  qui  se  tarirent 
au  milieu  du  xiii^  siècle ,  on  les  accuse  de  n'avoir  pas  su  achever  ce  qu'ils  avaient 
commencé.  Mais  les  architectes  qui ,  en  I  1 90  ,  élevaient  une  cathédrale  ,  no  pouvaient 
supposer  alors  tel  était  l'entraînement  général)  que  les  moyens  dont  ils  dispusaieiit 
viendraient  à  s'amoindrir.  Lorsqu'ils  ont  pu,  par  hasard,  terminer  l'œuvre  qu'ils 
avaient  conçue,  nous  verrons  avec  quelle  puissance  de  moyens  et  avec  quelle  science 
soutenue  ils  l'ont  fiit.  Déjà  l'exemple  de  la  cathédrale  de  Paris  que  nous  avons  donné 
le  prouve;  nous  allons  voir  qu'il  n'est  pas  le  seul.  Un  fait  curieux  t'ait  comprendre  ce 
que  c'était  que  la  construction  dune  cathédrale  au  commencement  du  mii'  siècle.  Ce 
fait  étant  plus  rapproché  de  nous,  bien  c;'nnu,  convaincra,  nous  le  croyons,  les  esprits 
les  plus  enclins  au  doute.  T.a  cathédrale  d'Orléans  fut  détruite  de  fond  en  comble  par 
les  protestants,  à  la  tin  du  xvr  siècle.  Les  Orléanais  vouliirciU  avoir  non-seulement 
une  cathédrale,  mais  ie/fr  cathédrale,  celle  qui  avait  été  démolie ,  et  pendant  deux 
siècles  ils  poursuivirent  cette  idée  .  bien  que  le  goiil  des  constructions  ogivales  ne 
fût  guère  de  mode  alors.  \.a  cathédrale  d'Orléans  fut  rebâtie,  et  ce  n'est  pas  la  faute 
des  populations  si  les  architectes  ne  surent  leur  élever-  qu'un  monument  bâtard. 
Certes,  nous  n'avons  pas  l'intention  de  donner  cet  édifice  comme  un  modèle  d'archi- 
tecture ogivale  ;  mais  sa  reconstruction  est  un  fait  moral  d'une  grande  portée.  Orléans, 
la  ville  centrale  de  la  France,  avait  seule  peut-èlre  conserxé,  en  plein  xvii*  siècle, 
le  vieil  esprit  n^aional;  seule  elle  était  restéi'  attachée  à  son  monumenl,  qui  lui  rappe- 
lait une  grande  époque,  de  grands  souvenirs,  les  premiers  elTorts  de  la  société  française 
pour  se  constituer.  Nous  l'avcms  dit  déjà,  si  les  châteaux,  si  les  abbayes  furent  brûlés 
et  ilévastés  en  1793.  tnntes  no>  L;randes  eaihédralts  lestèrent  debout,  (t  beaucmip 
iiK'nie  n(^  siiiiirenl  pas  «le  ninliialions. 

T.     II.  •>'S 


[    r.ATHÉDKAI.E    |  —    "Idii    — 

(If^s  deux  j,'alpries  élaf^ées ,  l'une  au-dessus  du  second  bas-cAté  donnant 
dans  le  premier  l)as-roté.  l'autre  au-dessus  des  voûtes  de  ce  premier  bas- 
culé doimant  dans  la  nef  centrale.  C'était  la  un  moyen  de  permettre  a 
de  nond)reux  spectateuis  de  voir  ce  qui  se  passait  dans  la  jurande  nef. 
Ne  perdons  pas  de  vue  que  les  cathédrales  n'étaient  pas,  au  xim<^  siècle, 
seulement  destinées  au  culte;  on  y  tenait  des  assemblées,  on  y  discutait, 
on  y  représentait  des  mystères,  on  y  plaidait,  on  y  vendait,  et  les  diver- 
tissements })i()tanes  n'en  étaient  pas  exclus  '.  par  exenqile  :  la  l'été  des 
limocents  à  l^aon,  (|ui  se  célebiait  le  -2H  decend)re;  la  lele  des  Fous,  etc.; 
ces  farces  furent  diHicilement  supprimées,  et  nous  les  voyons  encore 
persister  pendant  le  xv  siècle. 

Mais  les  dispositions  particulières  à  la  catliediale  de  Boui-fj;es  nous  ont 
fait  sortir  de  la  voie  clironoloj^ique  dans  la(|iit'llc  il  est  nécessaire  de 
revenir  pour  mettre  de  Tordie  dans  notre  sujet. 

En  1 1^1,  un  incendie  teirible  détruit  la  ville  de  Noyon  et  sa  cathédrale. 
L'évèque  Simon,  qui  occupait  alors  le  siège  épiscopal  de  Noyon  ,  n'était 
pas  en  état  de  réparer  le  désastre;  ses  finances  étaient  épuisées  par  la 
construction  de  l'abbaye  d'Ourscamp;  alors,  le  mouvement  qui.  quelques 
années  plus  tard,  allait  juirter  le  haut  clergé  séculier  et  les  fidèles  à  élever 
des  cathédrales  siu  de  vastes  [)lans,  n'était  pas  piononcé.  I>e  successeur 
de  Simon  ,  Beaudoiu  II,  prélat  renq)li  de  prévoyance,  i)rudent ,  régulier, 
sut  administrer  son  diocèse  avec  autant  de  sagesse  que  d'énergie;  il  était 
lié  d'amitié  avec  saint  Beinaid,  honoré  de  la  confiance  et  de  la  faveur  de 
Suger.  Dans  son  excellente  notice  archéologique  sur  Notre-Dame  de 
Noyon,  M.  Vitet  croit  devoir  faii'e  remontei-  la  construction  de  cette  église, 
telle  que  nous  la  voyons  aujourd'hui,  à  l'épiscopat  de  Beaudoin;  non-seu- 
lement nous  partageons  l'opinion  émise  par  M.  Vitet,  mais  nous  serons 
plus  afiirmatif  (jue  lui,  car  nous  api)uierons  ses  preuves  historiques  de 
preuves  plus  sûres  encore,  tirées  de  l'examen  du  monument  même.  Nous 
venons  de  dire  que  Suger  honorait  l'évèque  Beaudoin  d'une  confiance 
particulière,  et  Suger  était  ,  connue  chacun  sait,  fort  ])réoccupé  de  la 
construction  des  églises;  il  fit  rebâtir  entièrement  celle  de  sou  abbaye,  et 
les  portions  qui  nous  restent  de  ces  constructions  ont  un  caractère  reinaï- 
(juable  pourl  époque  où  elles  furent  élevées.  Elles  font  un  grand  pas  vers 
le  système  ogival;  elles  ai)andonnent  presque  entièrement  la  Iradiliou 
romane.  Qui  Suger  enq)loya-t-il  pour  élever  l'église  abbatiale  de  Saint- 
Denis?  cela  nous  sei'ait  difficile  à  savoir.  I/illustre  abbe  <'t  ses  successeurs 


1  (it'S  usages  ne  furciil  guère  .Tbolis  qu'à  fa  lin  (fn  xiir  siècle.  Jean  de  (^onrlenai , 
arcfievèque  de  Reims,  donna,  en  I2(i0,  des  fellres  de  rél'ormaiion  pour  la  calhédrafe 
de  l.iion,  dans  lesquelles  on  fil  ce  passage  :  «  Eccfesiani  qinique,  quae  doraus  oralionis 
«  esse  débet,  focuni  negociationis  fieii  |)i'(iliil)enuis,  née  in  eadeni  reruni  qiiarnni- 
"  fibel  niercos  vendi  ,  causas  audiri  vef  decidi  voluinus,  sru  innndana  celebrari  :  inu» 
''  mundanis  excfusis  negotiis.soluni  ibidem  divinuui  ncgotinm  liai."  [^Ciirliil.  Liuidiin., 
Essai  aw  r(-glisc  de  N.-D.  de  Luon,  par. I.  Marion.  1843.) 


—    !29'J    —  I    CATIIÉURAI.I':     I 

iw  iKiiiv,  cil  dibenl  ncii  ;  ils  conservent  pour  eux  (et  cela  se  eon(;oil)  tout 
llionneur  de  cette  enlivpiise;  a  les  en  croire,  les  moines  sullirent  a  tout. 
Mais  il  y  a.  dans  Ihisloire  de  cette  éditiealion,  tant  de  tables,  de  laits 
eyideniiiiriii  présentés  avec  rinlenlion  de  frapper  la  foule  de  respect  et 
d  adiniiation  ,  (pie  nous  ne  pouvons  y  attacher  une  véritable  importance 
Insloiiipie  '.  Siii^cr  était  aussi  bon  politique  (pie  relij>ieux  sincère;  il  était 
plus  (ju  aucun  aulre  a   même  de  se  servir  des  hommes  que  pouvait  lui 
fournir  ré|)oqueoù  il  vivait;  celait  un  espiil  (îciairé,  et,  comme  on  dirait 
aujourd'hui,  amateur  du  proférés.  Son  église  le  prouve;  elle  est  en  avance 
de  vin-l  ou  trente  ans  sur  les  constructions  que  l'on  élevait  alors,  même 
dans  le  domaine  royal.  Qu'il  ait  été  le  premier  à  former  cette  école  nouvelle 
de  coiislrucletirs.  ou  (ju'ii  ail  su  voir  le  premiei^iu'à  c(Mé  de  l'école  mona- 
cale il  se  formait  une  école  laïque  d'archilecles,  à  nos  yeux  le  mérite  serait 
le  même;  mais  ce  qui  est  incontestable,  c'est  la  physionomie,  nouvelle 
pour  le  temps,  des  constructions  élevées  par  lui  à  Saint-Denis.  Or  nous 
retrouvons,  à  la  cathédrale  de  Noyon,  la  même  construction,  les  mêmes 
procédés  d'appareil,  les  mêmes  profils,  les  mêmes  ornements  qu'à  Saint- 
Denis.  Nous  y  voyons  ce  singulier  mélange  du  plein  cintre  et  de  l'ogive, 
i/eglise  de  Saint-Denis  de  Suger  et  la  (cathédrale  de  Noyon  semblent  avoir 
été  bâties  par  le   même  atelier  d'ouvriers.   L'abbé  et  l'évêque  sont  liés 
d'amitié;  Suger  est  à  la  tête  du  pays  :  quoi  de  plus  naturel  que  de  supposer 
(pie  l'évêque  Beaudoin,  le  voyant  rebâtir  l't^glise  de  son  abbaye  sur  des 
dispositions  et  avec  des  moyens  de  construction  neufs  pour  l'époque,  se 
soit  adressé  à  lui  pour  avoir  les  maiti'es  des  œuvres  et  ouvriers  nécessaires 
à  la  reconstruction  de  sa  cathédrale  ruinée  par  un  incendie?  Si  ce  ne  sont 
pas  là  des  pieuves,  il  nous  semble  que  ce  sont  au  moins  des  piésomptions 
frappantes.  M.  Vitet  a  compris  toute  l'importance  qu'il  y  a  à  préciser  d'une 
manière  rigoureuse  la  date  de  la  construction  de  la  cathédrale  de  Noyon. 
Cette  importance  est  grande  en  effet,  car  la  cathédrale  de  N(jyon  est  un 
monument  de  transition,  et  un  monument  de  transition  en  avance  sur  son 
temps.  H  |)récède  de  (juelques  années  la  construction  des  cathédrales  de 

»  Tels  sont,  par  exemple,  les  faits  relatifs  aux  Ibiidalions,  que  Suger  dit  avoir  fait, 
exécuter  avec  le  plus  grand  soin  :  or  ces  fondations  sont  aussi  négligées  que  possible; 
aux  colonnes  du  clia-ur,  qui  auraient  été  rapportées  d'Italie:  elles  proviennent  des 
carrières  de  l'Oise;  aux  vitraux,  dans  la  fabrication  desquels  il  entra  une  quantité 
considérable  de  pierres  précieuses,  sapbirs,  éuieraudes,  rubis,  topazes  :  or  ces  vitraux, 
donl  nous  possédons  heureusement  de  nombreux  fragments,  quoique  fort  beaux,  sont, 
bien  entendu,  eu  verre  cdloré  par  des  oxules  métalliques.  On  objectera  peut-être  que 
les  fabricants  cbargés  de  faire  ces  vitraux  firent  croire  à  Suger  que ,  pour  obtenir  des 
verrières  d'une  belle  couleur,  il  fallait  y  jeter  des  pierres  précieuses;  mais  alors  ces 
vitraux  auraient  donc  été  faits  en  deboi  s  de  l'abbaye,  et  Suger  se  servait  donc  d'artistes 
laïques?  Nous  sommes  plus  disposé  à  croire  que  ce  récit  est  une  exagération.  Suger, 
tel  que  nous  le  représente  l'iiistoire,  ne  paraît  pas  être  homme  à  se  laisser  tromper 
d'une  façon  aussi  grossière.  On  devait  savoir,  dans  son  abbaye,  comment  se  fabri- 
quaient les  vitraux. 


1  cAriir-oiiAi-K  I  —  ;{<!()  — 

Paris  ol  de  Siiissoiis.  h'audrait-il  donc  voir,  dans  1  église  de  Sainl-hcnis  et 
dans  It's  callit'dralcs  de  Noyon  et  de  Seidis,  le  heiceaii  de  rarcliitectiire 
o;,Mvale?  Et  Su^^er,  k  la  fois  abbé  et  ministre,  serait-il  le  premier  qui  eût 
été  chercher  les  constructeurs  en  dehors  des  monastères,  qui  eût  compris 
(|iie  les  arts  et  les  sciences  étouHaient  dans  les  cloîtres  et  ne  pouvaient 
plus  se  développer  sous  leur  ombre?  Voilii  (h^^  questions  que  iious  laissons 
à  lésoudi'e  à  plus  habiles  (|ue  nous. 

Mais,  avant  d'enlamer  la  descriitlion  des  monuments,  (|ue  Ion  nous 
])ermelte  encoi'e  un  argument.  Saint-Bernard  s'était,  à  plusieuisrepi'ises, 
élevé  contre  le  jioùt  des  sculptures  répandues  dans  les  églises  clunisiennes  ; 
son  espi'it  droit,  j)ositif,  éclairé,  était  cho((ué  par  ces  re[)résentations  des 
scènes  singulièi'emenl  traVesties  de  IWncien  et  du  Nouveau  Testament  . 
ces  légendes,  celte  lavon  barbare  de  tigurer  les  vices  et  les  vertus  (jui 
tapissaient  les  chai)iteaux  des  églises  romanes.  A  Vézelay  même ,  au 
milieu  de  ces  images  les  plus  étrangement  sculptées,  il  n'avait  pas  craint 
de  qualifier  ces  arts  de  barbares  et  d'impies,  de  les  stigmatiser  connue 
confraiies  à  l'esprit  chrétien  ;  aussi,  lorstju'il  établit  la  i-ègle  de  Cîteaux. 
voulut-il  j)i'otester  contre  ce  (|u"il  regardait  connue  une  monstruosité,  en 
s'abstenant  de  loule  it^i)réseutation  sculptée. 

F.es  âmes  de  la  lrenq)e  de  celle  de  saint  Bernard  sont  rarement  comprises 
par  la  loule  :  (|uand  elles  sont  soutenues  par  des  vertus  éclatantes,  une 
conviction  inébranlable  et  une  éloquence  entrainanle.  tant  (ju'elles  demeu- 
rent au  milieu  de  la  société,  elles  exercent  une  pression  sur  ses  goûts  et 
ses  habitudes  ;  mais  sitôt  (|u'elles  ont  disparu,  ces  goûts  et  ces  habitudes 
reprennent  h'ur  empire  ;  toutefois,  de  laproleslalion(runesj)rit  convaincu, 
il  reste  une  trace  inefl'açalile.  Faites  honte  à  un  honune  de  ses  goûts 
dépravés,  montrez-les-lui  sous  le  côté  odieux  et  ridicule,  il  ne  se  corrigera 
peut-être  pas;  mais  il  modifiera  la  forme,  l'expression  de  ces  goûts.  La 
protestation  de  saint  Bernard  ne  changea  pas  les  goûts  de  la  nation  pour 
les  arts  plasli(|ues.  heureusement;  mais  il  est  certain  qu'il  les  modifia,  el 
les  modifia  en  les  foi(,ant  de  se  diriger  vers  le  vrai,  vers  le  beau.  Celle 
révolution  se  fait  précisément  au  moment  où  les  arts  se  répandent  en 
dehors  du  cloître,  et  deviennent  le  partage  des  laïques. 

A  Sainl-neiiis,  les  étrangetés  contre  lesquelles  saint  Bernard  s'était 
élevé  ont  déjà  disparu.  Dans  nos  cathédrales  des  xie'  et  xiii"'  siècles,  il  n'en 
reste  |)lus  trace.  Sur  les  chapiteaux  et  dans  les  intérieurs,  des  ornements 
empruntés  à  la  Flore  locale;  jamais  ou  très-raremeiil  des  figures,  des 
scènes  sculptées  ;  il  semble  que  la  voix  de  saint  Bernard  tonnait  encore 
aux  oreilles  des  imagiers. 

Dans  nos  cathédrales,  l'iconographie  se  règle  sous  la  haute  direction 
des  évê(|ues;  les  ouvrier;?  laïques  ne  tombent  jilus  dans  ces  bizarieries 
affectionnées  par  les  moiin'S  des  xi'"  et  xii*'  siècles.  La  sculpture  cherche 
moins  à  surprendre  ou  terrifier  qu'a  instruire  et  ex|)liquer  ;  ce  n'est  plu.s 
de  la  superstition,  cesl  de  la  foi.  de  la  poésie,  de  la  science. 

Aillai,   cftnslalon^  bien   ce   l'ail  :  avec   le   besoin   d'élever   nos  grandes 


:{(il  — 


[    ( ATHÉDKALt 


catliéflralj's.  liait  un  sysfèiiu*  do  ronstnuti<»ii  nouveau,  apparaît  un  art 
nouveau,  en  ilehors  de  riiithieiue  des  ordres  monastiques,  et  jMesquen 
opposition  avee  l'esprit  de  ees  ordres. 

Revenons  à  la  cathédrale  de  Noyon.  Cest  donc  vers  1150  quelle  fut 
connuencée;  l'église  de  Saint-Oenis  .  Italie  par  Suger,  avait  été  dédiée  en 
1 110  et  Il4i. 

Nous  donnons  (7)  le  plan  de  la  cathédrale  de  Noyon  '.  Le  ciid'ur,  le 


transsept  appartiennent  à  la  construction  de  Beaudoin  ;  la  nef  paraît  navoir 
été  terminée  que  vers  la  tin  du  xii«  siècle.  Nous  ne  pouvons  mieux  faire  ici 


«  Ces  pians  sout  tous  à  la  même  échelle  ,  0,001"'  pour  mètre.  Il  est  entendu  que 
lorsque  nous  parlons  du  côté  sud  .  c'est  la  droite  que  nous  prétendons  indiquer  ;  du 
nord,  c'est  la  gauche  pour  celui  qui  regarde  la  planche;  toutes  les  cathédrales  étant 
orientées  de  la  même  manière,  sauf  de  très-rares  exceptions. 


I     (ATHÉDRAI.E     |  'MH    

que  (le  cilci  M.  Vilet  ',  pour  expli(|iiei'  la  forint  de  (tr  |>lan  »'l  !«'  iiicluii;;»' 
prononcé  du  plein  cintre  et  de  l'ogive  dans  cette  église  déjà  toute  ogivale 
connue  constiuction  : 

«  Lorsque  Beaudoin  II  entieprit  la  reconstruction  de  sa  cathédrale,  il 
M  existait  à  Noyon  une  connnune  depuis  longtemps  établie,  et  consacrée 
«  par  une  paisible  jouissance,  niais  placée  en  quelque  sorte  sous  la  tutelle 
«  de  levéque.  (Test  le  rellel  de  celte  situation  que  nous  présente  l'arcln- 
«  lecture  de  l'église.  Le  nouveau  style  avait  déjà  lait  trop  de  chemin  à 
«  cette  époque  pour  qu'il  ne  fût  pas  franchement  ado|)té,  surtout  dans  un 
((  édifice  séculier  et  dans  une  ville  en  possession  de  ses  franchises  ;  mais 
«  en  même  temps  le  j)ouvoir  teiiq)()iel  de  l'évoque  avait  encore  trop  de 
«  réalité  p<)Ui(|u'il  ne  l'ùl  pas  fait  une  large  part  aux  traditions  canoniques. 
«  Nous  ne  prétentions  pas  ([ue  cette  part  ait  été  réglée  pai'  une  transaction 
«  explicite,  ni  même  (juil  soit  intervenu  aucune  convention  à  ce  sujet  :  les 
«  faits  de  ce  genre  se  passent  souvent  presque  à  l'insu  des  contemporains. 
«  Que  de  fois  nous  agissons  sans  nous  douter  que  nous  obéissons  à  une 
c(  loi  générale  ;  et  cependant  cette  loi  existe,  c'est  elle  qui  nous  fait  agir, 
«  et  d'autres  que  nous  viendi-ont  plus  tard  en  signaler  l'existence  et  au 
«, apprécier  la  j)ortée.  (l'est  ainsi  que  l'évè(|ue  et  les  chanoines,  tout  en 
«  confiant  la  conduite  des  travaux  à  quelque  maître  de  l'œuvre  laïque, 
((  parce  que  le  tenqis  le  voulait  ainsi,  tout  en  le  laissant  l)àtii'  à  sa  mode, 
K  lui  auront  reconmiandé  de  conserver  quelque  chose  de  l'ancienne  église, 
«  d'en  rappeler  l'aspect  en  certaines  parties;  et  de  là  tous  ces  pleins  cintres 
«  dont  l'extérieur  de  l'édifice  est  pei'cé,  de  là  ces  grandes  arcades  circu- 
«  laires  qui  lui  servent  de  couronnement  tant  au  dedans  (|u'au  dehors.  Il 
«  est  vrai  (jue  les  profils  déliés  de  ces  arcades  les  rendent  aussi  légères 
«  que  des  ogives;  l'obéissance  de  l'artiste  laïque  ne  pouvait  pas  être  plus 
«  complète;  elle  consistait  dans  la  forme  et  non  pas  dans  l'esjjrit. 

«  C'est  encore  poui-  com{)laire  aux  souveniis  et  aux  prédilections  des 
K  chanoines  (|ue  le  plan  semi-circulaire  des  transsepts  ama  été  maintenu  : 
i!  la  vieille  église  avait  probablement  ses  bras  ainsi  arrondis,  suivant 
«  l'ancien  type  byzantin.  Mais  tout  en  conservant  cette  forme,  on  scnililc 
«  avoir  voulu  racheter  l'antiquité  du  plan  par  un  ledoublemenl  de  non- 
ce veauté  dans  l'élévation.  Remarquez,  en  ettét ,  que  ces  transsepts  en 
«  hémicycles  sont  percés  de  deux  rangs  de  fenêtres  à  ogive,  tandis  (|ue, 
«  dans  la  nef,  bien  (ju'elle  soit  évidennnent  posterieui'e,  toutes  les  fenêtres 
«  sont  à  plein  cinire. 

«  II  est  très-probable  aussi  que  la  fornie  arrondie  de  ces  deux  transsepts 
«  a  été  conservée  en  souvenir  de  la  cathédrale  de  Tournay,  cette  sœur  de 
«  notre  cathédrale.  A  Tournay,  en  effet,  les  deux  transsepts  byzantins 
«  subsistent  encore  aujourd'hui  dans  leur  majesté  primitive,  avec  leur 
«  ceinture  de  hautes  et  massives  colonnes.  En  I  !.%;{,  la  séparation  des  deux 
«  sièges  n'était  prononcée  que  depuis  sept  années.  La  mémoire  de  ces 

I  Monnij.  de  l'église  dr  N.-D.  dr  .V(»i/o/»,  par  M.  !..  Vitet,  1845. 


3(n  — 


I  (:atii(:i>hai  E  | 


((  admirables  traiissepts  était  encore  toute  fraîche  ,  et  c'est  peut-être  eu 
<i  ténioiiiiiaiit'  (le  ses  rciirets .  et  connue  une  sorte  de  protestation  contre 
«  la  bulle  du  Saint-I*ère  ',  que  le  chapitre  tie  Noyou  voulut  que  les  trans- 
«  septs  de  sa  nouvelle  église  lui  rappelassent ,  au  moins  par  leur  plan, 
«  ceux  de  la  cathédrale  qu'il  avait  perdue....  » 

L'incendie  de  1131  ne  fut  pas  le  seul  qui  attaqua  la  cathédrale  de 
iNoyon  :  en  1152,  la  ville  fut  bridée,  et  la  cathédrale  fut  probablement 
atteinte;  mais  alors,  ou  léjilise  de  Beaudoin  n'était  pas  conunencée,  ou 
elle  était  à  peine  sortie  de  terre,  et  l'incendie  ne  put  détruire  que  des 
constructions  provisoires  faites  pour  que  le  culte  ne  fût  pas  interrompu 
pendant  la  construction  du  nouveau  chœur.  En  1238, *le  feudé\asta,  pour 
la  troisième  fois,  une  grande  partie  de  la  ville.  En  1203,  quatrième 
incendie,  qui  brûla  les  charpentes  de  la  nouvelle  cathédrale  et  lui  causa 
des  donnnages  considérables.  Ces  dévastations  successives  expliquent 
certaines  singularités  que  l'on  remarque  dans  les  constructions  de  la 
cathédrale  de  Noyon.  Nous  allons  y  revenir. 

Observons  d'abord  que  le  plan  du  chœur  de  la  cathédrale  de  Noyon  est 
accompagné  de  cinq  chapelles  circulaires  et  de  quatre  chapelles  carrées  ; 
or  ces  chapelles  sont  la  partie  la  plus  ancienne  de  toute  l'église.  Nous 
avons  vu  et  nous  verrons  que  les  plans  des  cathédrales  bâties  vers  la  tin 
du  xu'"  siècle  et  le  commencement  du  xni*',  comme  Notre-Dame  de  Paris, 
Bourges,  Laon,  Charti-es,  sont  totalement  ou  presque  totalement  dépour- 
vues de  chapelles.  Mais  Noyon  précède  le  grand  mouvement  qui  porte  les 
évêques  et  les  populations  à  élever  de  nouvelles  cathédrales,  mais  le  plan 
de  Noyon  est  encore  soumis  à  l'influence  canonique  ou  conventuelle;  mais 
enfin  Noyon  suit  la  construction  de  l'église  de  Saint-Denis,  qui  possède  de 
même  des  chapelles  circulaires  et  des  chapelles  carrées  à  l'abside.  Si  nous 
examinons  le  plan  de  Notre-Dame  de  Noyon ,  nous  voyons  encore  qu'à 
l'entrée  du  chœur,  après  les  deux  piles  des  transsepts,  sont  élevées  deux 
piles  aussi  épaisses.  En  regard,  les  maçonneries  des  bas- 
côtés  ont  également  une  grande  force,  et  contiennent 
des  escaliers.  Des  tours  sont  conmiencées  sur  ce  point, 
elles  ne  furent  jamais  terminées.  Dans  la  nef,  dont  la 
construction  paraît  être  comprise  entre  les  années  1 180 
et  1190,  nous  voyons  cinq  travées  presque  carrées  por- 
tées par  des  piles  formées  de  faisceaux  de  colonnes,  et 
divisées  par  des  colonnes  monocylindiiques.  Cette  dispo- 
sition indique  nettement  des  voûtes  composées  d'arcs 
ogives  portant  sur  les  grosses  piles,  avec  arcs  doubleaux 
simples  sur  les  piles  intermédiaires  (8).  C'est,  en  etfet,  le 
mode  adopté  pour  la  construction  des  voûtes  de  Notre-Dame  de  Paris,  de 


•  La  réunion  des  deux  évècliés  de  Touniay  el  de  Noyon  fut  niainlenne  jiisqne  vers 
41.35;  à  cette  époque,  les  chanoines  de  loinnay  obtinrent  une  Itulle  qui  pronouçait  la 
séparation  des  deux  diocèses  et  donnait  à  Tonrnay  un  évèque  propre. 


[    CATHÉDUAI.K    |  —    .JOi    — 

Bour^«\s  Pt  (le  Laoïi  ;  coppiidant,  contraironient  à  ccfto  dispositidii  si 
l)i(Mi  écrite  dans  le  plan  (1<'  la  nef,  les  voûtes  sont  constiuitcs  conforiné- 
nient  à  l'usa^'e  adopté  au  xiii*'  siècle,  cest-à-dire  que  chaque  pile,  finisse 
ou  fine,  porte  arcs  doubleaux  et  arcs  ofi;ives  (voy.  fi^'.  7)  ;  seulenuMit  les 
arcs  doubleaux  des  grosses  piles  sont  plus  épais  que  ceux  posés  sur  les 
piles  intermédiaires.  Il  y  a  lieu  de  croire  f|ue  ces  voùles  de  la  nef  furent 
en  partie  refaites  après  l'incendie  de  1:2.'JS,  les  piros  arcs  doubleaux  seuls 
auraient  été  conservés;  et,  au  lieu  de  refaire  ces  voûtes  ainsi  quelles 
avaient  existé,  c'est-à-dire  avec  arcs  oi>ives  portant  seulement  sur  les 
grosses  piles,  on  aurait  suivi  alois  la  méthode  adoptée  partout.  Si  nous 
examinons  les  profils  de  ces  arcs  ogives  et  des  arcs  doubleaux  portant  sur 
les  piles  intermédiaires,  nous  voyons  qu'en  eHet  ces  profils  ne  pai'aissent 
pas  appartenir  à  la  lin  du  xii*'  siècle.  Les  voûtes  du  dueur  et  des  ('haj)elles 
absidales  seules  sont  certainement  de  la  (construction  primitive;  leurs 
nervures  sont  ornées  de  perles,  de  rosettes  très-délicates,  comme  les 
arcs  des  voûtes  de  la  partie  antérieure  de  l'église  de  Saint-Denis.  Quoi 
qu'il  en  soit,  la  cathédrale  de  Noyon  était  complètement  terminée  à  la  fin 
du  xn«^  siècle,  et,  sauf  (pu'Iques  adjonctions  et  lestaurations  faites  aj)rès 
Tincendie  de  h29.'î  et  après  les  guerres  du  xvi^  siècle,  elle  est  parvenue 
jusqu'à  nous  à  peu  près  dans  sa  forme  première. 

A  Noyon,  comme  à  la  cathédrale  de  Paris,  et  comme  dans  l'église  de 
Saint-Denis  construite  jiar  Sugei-,  les  collatéraux  sont  surmontés  d'une 
galerie  voûtée  au  premier  étage  '.  En  examinant  la  coupe  du  chceur.  on 
voit  ((ue  l'arcature  ((ui  surmonte  la  galtM'ie  du  premier  étage  n'est  (pi'un 
faux  trifoiium,  sinqile  (léc(»ration  i)la(|ué(>  sur  le  nun-  (jui  est  élevé  dans  la 
hauteur  du  comble  en  appentis  recouvrant  les  voûtes  du  premier  étage. 
Dans  la  nef,  cette  arcature  est  isolée  :  c'est  un  véritable  triforium  comme 
à  la  cathédrale  de  Soissons  dans  le  croisillon  sud  (voy.  architecture  reli- 
gieuse, fig.  .'51).  Une  belle  salle  capitulaire  et  un  cloître  du  xiir  siècle 
acconq)agnent,du(  ôtenoid.la  nef  de  lacatht'drale  de  Nctyon  (voy.  cloître, 
SALLECArriULAUu:).  Deux  grosses  tours,  for!  detiguréespar  desrestaui'ations 
successives,  et  dont  les  fU'ches  primitives  ont  été  remplacées,  si  jamais 
elles  ont  été  faites,  par  des  combles  en  charpente,  sont  élevées  sur  la 
façade.  (Juaiit  au  porche,  il  date  du  (ounuencement  du  xive  siècle;  mais 
cette  parti(^  de  l'édifice  n'offre  aucun  intérêt. 

Il  est  une  cathédrale  (|ui  remplit  exacteuK'Ut  les  conditions  imposées  aux 
reconstructions  de  ces  grands  édifices  à  la  fin  du  xu'"  siècle  et  au  commen- 
cement du  xin*",  c'est  celle  de  Laon.  On  a  voulu  voir,  dans  la  calhedrale 
actuelle  de  Laon,  celle  qui  fut  leconstiuite  ou  réparée  après  les  désastres 
qui  signalèrent,  en  11  1*2,  rétablissemeiil  de  la  conmiune.  Cela  n'est  pas 
admissible;  le  monument  est  là,  qui,  mieux  (pie  tous  les  textes,  donne  la 
date  i)récise  de  sa  reconstruction,  et  nous  n'jivons  piis  besoin  de  revenir 

'  \nv.  I;)  MdiiDij.  lie  /V(///.sr  dr  A.-/',  ilc  Aoijon,  [kw  .M.  !..  \  ilcl,  <l  l',ill;i^  «le 
|il;iinlir>,  ji.ii    M.  I>     Uiiinoo.  i84.*). 


—    30?)    —  [    CATHfiDKAI.K    | 

là-(lossiis  apivs  los  obstMvatioiis  que  M.  Vile!  a  iiiséréos  sur  la  cathédrale 
(le  Laon  dans  sa  Monographie  de  Notre-Dame  de  Xoi/oti. 

La  catliedrale  de  Laou  (iM  |)res(Mi(e  en  plan  une  ;4iand('  net' avec  colla- 


téraux, coupée  à  peu  près  vers  son  milieu  par  des  Iranssepis  ;  lahside  se 
termine  carrément^  bien  que  primiliveinenl  elle  fût  sur  plan  circulaire. 
Deux  chapelles  sont  seulement  prali(|uées  vers  lest  aux  deux  extrénntés 
des  bras  de  ci-oix.  La  ville  de  Laon  était,  pendant  les  xn*'  et  xmi'-  siècles 
une  ville  riche,  pojxdeuse.  tuibulente  ;  elle  selablit  à  main  armée  une 
des  premières  en  connnune,  et  obtint  de  i*hili|)pe-Au^Histe,  après  bien 
des  tumullcs  (M  des  violences,  <'n  ll'.tl,  une  paix,  ou  confirmati(»n 
de  la  commune,  moyennant  une  renie  annuelle  de  deux  cenis  livres 
T.    11.  ;{() 


I     (.ATHfl>U\I.K    ]  .■J(><)    

parisis'.  (^pst  probahlcinciit  pou  do  tomps  aprôs  l'octroi  do  oolto  p(ii.r 
(|iio  los  ritoyons  i\o  Laon ,  possossoui's  tranqiiillos  ûo  lours  IVanchisos. 
aidoi'oiit  los  évèquos  do  oo  diocèse  à  éhnor  radiuiiablo  édifice  que  nous 
voyons  encore  aujourd'hui. 

De  toutes  les  populations  urbaines  qui,  dans  lo  nord  de  la  France, 
s'établirent  en  connnune,  celle  de  Laon  fut  une  des  plus  énergiques,  et 
dont  los  tondanros  furont  plus  parlicidiônMnont  démocratiques.  Lo  plan 
donné  à  leur  cathédrale  fut-il  une  sorte  do  concession  à  cet  esprit?  Nous 
n'oserions  latlirnior  ;  il  non  est  pas  moins  certain  que  ce  plan  est  celui  do 
toutes  nos  grandes  cathédrales  qui  se  prête  le  mieux,  par  sa  disposition, 
aux  réunions  populaires,  (^est  dans  ce  vaisseau,  qui  conserve  tous  los 
caractères  d'une  salle  innnense,  que,  pondant  plus  i]o  trois  siècles,  se 
passèrent ,  à  certaines  époques  de  l'année ,  los  scènes  los  plus  étranges. 
Nous  avons  dit  déjà  «  qu'on  y  célébrait,  lo  -2H  décembre,  la  féto  dos  Inno- 
cents '%  où  los  enfants  do  chœur,  portant  chapes,  occupaient  los  hautes 
stalles  et  chantaient  rollice  avec  toute  espèce  de  bouttonnorios  ;  le  soir,  ils 
étaient  régalés  aux  frais  du  chapitre  '.  Huit  jours  après,  venait  la  fête  des 
Fous.  La  veille  de  l'Epiphanie,  les  chapelains  et  choristes  se  réunissaient 
pour  élire  un  pape,  qu'on  apj^olait  lo  jiatriarcho  dos  Fous.  Ceux  qui  s'abs- 
tenaient do  loloction  payaioni  uiio  amende.  On  ollrait  au  patriarche  lo 
pain  et  lo  vin  do  la  part  du  chapitic,  (pii  donnait,  on  outre,  à  chacun,  huit 
livres  parisis  pour  le  repas.  Toute  la  troupe  se  revêtait  d'ornements 
bizarres,  et  avait,  les  doux  jours  suivants,  l'église  entière  à  sa  disposition. 
Après  plusieurs  cavalcades  par  la  ville,  la  fête  se  terminait  par  la  grande 
procession  des  rabardiau.r.  (-es  fai'cos  furont  abolies  on  I.MiO;  mais  le 
souvenir  s"on  conserva  dans  l'usage,  (jui  subsista  jusqu'au  dernier  siècle, 
do  distribuer,  à  la  messe  de  l'Epiphanie,  des  couronnes  de  fouilles  vertes 
aux  assistants  '\..  Au  xv«^  siècle,  de  nombreux  mystères  furent  représentés 
dans  la  cathédrale  de  Laon,  et  los  chanoines  eux-mêmes  ne  dédaignèroni 
pas  d'y  figurer  connue  acteurs  ^  En  li{>'2,  aux  fêtes  de  la  Pentecôte,  on 
joua  la  Passion  de  N.-S.  Jésus-t^hrist,  distribuée  en  cinq  journées....  Le 
20  août  I  iTO,  on  représenta  un  mystère  intitulé  :  Les  Jeiw  de  la  vie  de 
Monseigneur  saint  Denijs.  Atiiï  de  faciliter  la  rei)résentation,  la  messe 
fut  dite  à  huit  heures  et  les  vêpres  chantées  à  midi  ''....  » 

Si  le  chapitre  et  les  évêques  de  Laon  croyaient  nécessaire  de  faire  de 
sond)lables  concessions  morales  aux  citoyens,  no  pout-on  admettre  que 
cette toléianco  influa surlosdispositionsprimilivos du  plando  laoalhodraioV 

Après  los  luttes  et  les  scènes  lragi(pios  i[u\  onsanglantèront  rétablisse- 
ment de  la  commune  de  Laon,  lors(iuo.  par  l'entremise  du  pouvoir  royal, 
cette  conmiune  fut  définitivement  constituée,  il  est  probable  que,  d'un 

'  Aug.  Thierry,  Letlrea  sur  l'Iiist.  dn  France.  (Iveltre  XVlll.) 

'■'  /:.s.s(i)  liixt.  rt  archéol.  sur  l'i-gl.  cnihécl.  de  N.-IK  de  L(iou\  \Y.\r  .1.  Marimi;  1X4:5. 

^  Dom  Bugiiâlre.  —  ^  Idem. 

^  lieyisl.  cupil.  —  ^  Ibidem. 


307    —  [    CAIHÉDUALE    | 

comimin  accord,  le  cliai)iln',  rt''vc(]iip  et  les  hourj^eois  élevèrent  cet  édifice 
à  la  fois  idi^ieux  et  civil,  (^est  par  des  concessions  de  ce  genre  que  le 
clergé  put  amener  les  citoyens  d'une  ville  riche  à  faire  les  sacrifices  d'argent 
nécessaires  à  la  construction  d'un  inonument  qui  devait  servir  non-seule- 
ment au  culte,  mais  même  à  des  assemblées  profanes.  Nous  ne  nous  dis- 
simulons pas  combien  ces  conjectures  paraîtront  étranges  aux  personnes 
qui  n'ont  pas  ,  pour  ainsi  dire,  vécu  dans  la  société  du  moyen  âge,  qui 
croient  que  cette  société  était  soumise  à  un  régime  purement  féodal  et 
théocrati(|ue  ;  mais  (juand  on  pénètre  dans  cette  civilisation  qui  se  forme 
au  xne  siècle  et  se  développe  au  xiii*',  on  voit  à  chaque  pas  naître  un  besoin 
(le  liberté  si  prononcé  à  côté  de  privilèges  monstrueux,  une  tendance  si 
active  vers  l'unité  nationale ,  qu'on  n'est  plus  étonné  de  trouver  le  haut 
clergé  disposé  à  aider  à  ce  mouvement  et  cherchant  à  le  diriger  pour  ne 
pas  être  entraîné  et  débordé.  Les  evéques  aimaient  mieux  ouvrir  de  vastes 
édifices  à  la  foule,  sauf  à  lui  permettre  parfois  des  saturnales  pareilles  à 
celles  dont  nous  venons  de  donner  un  aperçu,  plutôt  que  de  se  renfermer 
dans  le  sanctuaire,  et  de  laisser  bouillonner  en  dehors  les  idées  populaires. 
Sous  les  voûtes  de  la  grande  cathédrale,  les  assemblées  des  citoyens,  quoi- 
que profanes,  étaient  forcément  empreintes  d'un  caractère  religieux.  Les 
populations  urbaines  s'habituaient  ainsi  à  considérer  la  cathédrale  comme 
le  centre  de  toute  manifestation  publique.  Les  évèques  et  les  chapitres 
avaient  raison,  ils  comprenaient  leur  époque  ;  ils  savaient  que,  pour  civi- 
liser des  esprits  encore  grossiers,  faciles  à  entraîner,  unis  par  un  profond 
sentiment  d'union  et  d'indépendance,  il  fallait  que  le  monument  religieux 
par  excellence  fût  le  pivot  de  tout  acte  public. 

Laon  est  une  ville  turbulente  qui,  pendant  un  siècle,  est  en  lutte  ouverte 
avec  son  seigneur,  l'évéque.  Après  ces  troubles,  ces  discussions,  le  pouvoir 
royal  qui ,  par  sa  conduite,  commence  à  inspirer  confiance  en  sa  force, 
parvient  à  établir  la  paix  ;  mais  on  se  souvient,  de  part  et  d'autre,  de  ces 
luttes  dans  lesquelles  seigneurs  et  peuple  ont  également  souffert;  il  faut 
se  faire  des  concessions  réciproques  pour  que  cette  paix  soit  durable.  La 
cathédrale  se  ressent  de  cette  sorte  de  conqjromis;  sa  destination  est 
religieuse,  son  plan  conserve  un  caractère  civil. 

A  Noyon,  d'autres  précédents  amènent  des  résultats  différents. 

«  En  l'année  1098,  dit  M.  A.  Thierry  ',  Baudri  de  Sarchainville,  archi- 
«  diacre  de  l'église  cathédrale  de  Noyon,  fut  promu,  par  le  choix  du  clergé 
((  de  cette  église,  à  la  dignité  épiscopale.  C'était  un  homme  d'un  caractère 
((  élevé,  d'un  esprit  sage  et  rétléchi.  Il  ne  partageait  point  l'aversion 
«  violente  que  les  personnes  de  son  ordre  avaient  en  général  contre 
«  l'institution  des  communes.  Il  voyait  dans  cette  institution  une  sorte 
M  de  nécessité  sous  laquelle,  de  gré  ou  de  force,  il  faudrait  plier  tôt  ou 
K  tard,  et  croyait  qu'il  valait  mieux  se  rendre  aux  vœux  des  citoyens  que 
«  de  verser  le  sang  pour  reculer  de  (juelques  jours  une  révolution  inévi- 


Liilrcs  sur  l'hist.  de  France,  (l.ellre  XV.) 


CATHÉUH.VLi:    |  —    308    — 


«  table De  son  propre  mouvenieiit,  l'évt-'fpie  de  Noyoïi  convoiiua  en 

((  assemblée  tous  les  habitants  de  la  ville,  eleirs,  chevalieis,  connneivanls 
«  et  ji^ens  de  métier,  il  leui  piésenta  une  charte  qui  constituait  le  corps 
'<  des  bourgeois  en  association  perpétuelle,  sous  des  magistrats  appelés 
«  jurés,  comme  ceux  de  Cambrai....  )x 

M.  Vite!  a  donc  raison  de  dire  '  «(ue  «  lorsque  Beaudoin  II  entrepiit 
«  la  reconslinction  de  sa  cathédrale,  il  existait  à  Noyon  une  commune 
(<  depuis  longtemps  élablie,  et  consacrée  par  vue  fjaisihle  jouissance, 
«  mais  placée  en  quelque  sorte  sous  la  tutelle  de  l'évèque.  » 

Aussi  lacathédrale  de  Noyon  présente-t-elle  le  ijlandunédiMceivligieux: 
abside  avec  chapelles ,  transsepts  avec  croisillons  arrondis.  Là,  le  clergé 
est  resté  le  directeur  de  l'œuvre,  il  n"a  besoin  de  l'aire  aucune  concession  ; 
il  n'a  pas  eu  recours,  non  plus  (|ue  la  connuune,  loi-squ'il  commença 
l'œuvre,  à  l'inteivention  du  pouvoir  royal.  11  entre  dans  la  calhédiale  de 
Noyon  moins  d'éléments  hùques  (\uv  dans  celle  de  Senlis,  par  exemple, 
construite  en  même  temps,  et  où  l'ogive  domine  sans  partage;  mais  la 
cathédrale  de  Noyon  est  de  près  de  cin(|uante  années  antérieure  à  celle  de 
Laon.  Il  n'est  pas  surprenant,  objectera-t-on,  que  son  plan  se  rapproche 
davantage  des  traditions  cléricales;  cela  est  vrai.  Cependant,  nous  avons 
vu  le  plan  de  la  cathédrale  de  Bourges,  contemporaine  de  celle  de  Laon, 
où  la  tradition  cléricale  est  encore  conservée  ;  nous  verrons  tout  à  l'heure 
le  plan  de  la  cathédrale  de  Chartres,  où,  plus  (|u'à  Bourges  encore,  les 
données  religieuses  de  l'architecture  romane  sont  observées.  Laon ,  au 
contraire,  possède  un  plan  dont  le  caractère  est  tranché;  il  a  fallu  l'aire 
une  large  part  aux  idées  laï(|ues.  P»Hit-èti'e  voudra-t-on  prétendre  encore 
(jue,  les  évèques  de  Laon  ayant  eu  de  fréquents  rapports  avec  l'Angleterre, 
leur  cathédrale  aurait  pris  la  disposition  carrée  du  plan  de  l'abside  aux 
monuments  de  ce  pays;  l'observation  ne  saurait  être  admise,  par  la  raison 
(|ue  les  absides  carrées  anglaises  sont  postérieures  à  celle  de  la  cathédrale 
de  Laon  :  lechceur  de  la  cathédi-ale  de  Canlorbéiy,  (]ui  date  du  xii«  siècle, 
est  circulaire;  les  absides  carrées  d'Ély.ih»  Liiuoln.iu'sont  pas  antérieures 
à  l!230. 

Ce  n'est  pas  seulement  cette  abside  carrée,  lefaite  après  coup,  (jui  nous 
frappe  dans  le  plan  de  la  cathédrale  de  Laon  (Hg.  9),  c'est  encore  la  dispo- 
sition des  collatéraux  avec  galeries  supérieures  voûtées,  connue  à  Notre- 
Dame  de  i*aris,  comme  à  Noyon  ,  comme  à  la  cathédrale  de  Meaux  dans 
l'origine;  c'est  la  place  qu'occupent  les  chapelles  circulaires  des  trans- 
septs, chapelles  à  deux  étages;  c'est  la  présence  de  quatre  tours  aux 
quatre  angles  des  deux  croisdlons  et  d'une  tour  carrée  sur  les  piles  de 
la  croisée;  c'est  cette  graiule  et  belle  salle  capitulaire  qui  s'ouvre  au  sud 
des  premières  travées  de  la  nef;  ce  sont  ces  deux  salles,  trésors  et  sacristies, 
(jui  avoisinent  le  clKeui-  et  sont  réservées  entre  les  collatéraux  et  les  cha- 
j)elles  circulaires.  On  \oil  m  loul  ceci  un  plan  con(,u  et  exécuté  d'un  seul 

'   Mouoij.  (le  In  cdtlK'tlrdlc  (U  iS'oijoti. 


:]{Y.)    —  [    CATUtDRALK    \ 

jet,  une  disposition  bien  tranche  conunandée  par  un  proj,Tannne  arrêté. 
Quant  au  style  d'architecture  adopté  dans  la  cathé(hale  de  Laon  ,  il  se 
rapproche  de  celui  des  parties  de  Notre-Dame  de  l'aris  qui  datent  du 
conmiencenient  du  xiii-'  siècle;  il  est  cependant  plus  lourd,  plus  trapu; 
il  faut  dire  aussi  que  les  matériaux  employés  sont  |)lus  j^nossiers. 

A  la  fin  du  xiif  siècle,  ce  beau  plan  fut  défijjuré  par  l'adjonction  de 
chapelles  élevées  entre  les  saillies  des  contre-forts  de  la  nef.  Une  salle  fut 
érigée  au  milieu  du  préau  du  cloître.  C'est  aussi  pendant  le  cours  du 
xiu''  siècle  que  les  disjjosilions  premières  du  porche  furent  nioditiees.  Les 
sept  tours  étaient  surmontées  de  flèches,  détruites  aujourd'hui  (voy.  au 
mot  clocher). 

Malgré  son  importance,  la  cathédrale  de  Laon  fut  élevée  avec  une  préci- 
pitation telle,  que,  sur  quelques  points,  et  particulièiement  sur  la  façade, 
les  constructeurs  dédaignèrent  de  prendie  les  précautions  que  l'on  prend 
d'ordinaire  lorsque  l'on  bâtit  des  édifices  de  cette  dimension  :  les  fonda- 
tions furent  négligées,  ou  bloquées  au  milieu  des  restes  de  substructions 
antérieures;  on  ne  laissa  pas  le  temps  aux  constructions  inférieures  des 
tours  de  s'asseoir,  avant  de  terminer  leurs  sommets.  Il  en  résulta  des 
tassements  inégaux,  des  déchirements  qui  compromirent  la  solidité  de  la 

façade  '. 

La  cathédrale  de  Laon  conserve  quelque  chose  de  son  origine  démo- 
cratique; elle  n'a  pas  l'aspect  religieux  des  églises  de  Chartres,  d'Amiens 
ou  de  Reims.  De  loin,  elle  parait  un  château  plutôt  qu'une  église;  sa  nef 
est,  comparativement  aux  nefs  ogivales  et  même  à  celle  de  Noyon,  basse; 
sa  physionomie  extérieure  est  quelque  peu  brutale  et  sauvage;  et  jusqu'à 
ces  sculptures  colossales  d'animaux,  bœufs,  chevaux,  qui  send)lent  garder 
les  sommets  des  tours  de  la  façade  (voy.  ammalx),  tout  concourt  à  produire 
une  iujpression  d'ettVoi  plutôt  qu'un  sentiment  religieux,  lorsqu'on  gravit 
le  plateau  sur  lequel  elle  s'élève.  On  ne  sent  pas,  en  voyant  Notie-Dame 
de  Laon,  l'empreinte  d'une  civilisation  avancée  et  policée,  connue  à  Paris 
ou  à  Amiens;  là,  tout  est  rude,  hardi  :  c'est  le  monument  d'un  peuple 
entreprenant,  énergique  et  plein  d'une  mâle  grandeur.  Ce  sont  les  mêmes 
honmies  que  l'on  retrouve  à  Coucy-le-Château,  c'est  une  race  de  géants. 

Nous  ne  quitterons  pas  celle  partie  de  la  France  sans  parler  de  la  cathé- 
drale de  Soissons.  Cet  édifice  fut  certainement  conçu  sur  un  plan  dont  les 
dispositions  rappellent  le  plan  de  la  cathédrale  de  Noyon  ^10).  Connue  à 
Noyon,  le  transsept  sud  de  la  cathédrale  de  Soissons,  qui  date  de  la  fin 
du  xw  siècle,  est  arrondi,  et  il  est  fianqué  à  l'est  d'une  vaste  chapelle 
circulaire  à  deux  étages,  connue  celles  des  transsepts  de  Laon.  A  Soissons, 
ce  croisillon  circulaire  possède  un  bas-côté  avec  galerie  voûtée  au-dessus 

1  CeUe  partie  de  la  cathédrale  de  Laon  est  aujourd'hui  en  pleine  restauration,  sous 
la  direction  de  M.  Bœswihvald  ,  architecte  des  nionmnents  historiques.  I.a  cathédrale 
de  Laon  n'est  plus  siét;e  épis(op;il  depuis  la  révolution  ;  elle  dépend  du  siège  de  Sois- 


sons 


CATHÉDKALE 


—  :no  — 


et  triforiuin  dans  la  hauteur  du  comhU'  do  la  jïalorio  (voy.  arcmitectlrk 
REi.iGiKi  SK,  i\{i.  ."{()  et  .'{1  ).  l/t'la^'o  supérieur  de  la  chapelle  eirrulaire  servait 
de  trésor  avant  la  révolution  ;  était-ce  là  sa  destination  i)i'iiuitive?  C'est 
ce  que  nous  ne  pourrions  dire  aujourd'hui,  n'ayant  aucune  donnée  sur 
Tutilité  de  ces  chapelles  à  deux  étages,  (|ue  nous  retrouvons  encore  à 
Saint-Reniy  de  Reims  et  dans  la  grande  église  de  Saint-Cernier. 


pectAkd 


Que  la  cathédrale  de  Soissons  ait  été  élevée  coniplélenient  pendant  les 
dernières  années  du  xii«  siècle,  ou  seulement  conmiencée,  toujours  est-il 
que  le  chœur  et  la  nef  furent  construits  pendant  les  premières  années  du 
xiiie  siècle.  Le  chœur  est  accompagné  de  cinq  chapelles  circulaires  et  de 
huit  chapelles  cai'rées.  C'est  dtîjà  une  moditication  au  plan  des  cathédrales 
de  cette  époque.  Le  transsept  nord  ne  l'ut  termine  (|ue  plus  tard,  ainsi 
(|ue  la  fa(,ade. 

Jus(|u"à  présent,  nous  \(>)(»n>  régner,  dans  ce>  edilices  élevés  depuis  le 


—    •'{!  I     —  [    (.ATHÉDRAF.K    ] 

miliou  (lu  xii»^  siècle  jusqu'au  ('(tiiuutMiconiont  du  xrii*'  ',  une  sorte  d'incer- 
titude; les  plans  do  CCS  cathédrales  françaises  sont  comme  autant  d'essais 
subissant  rinlluence  de  pio^Mannnes  variés.  On  élève  des  cathédrales 
nouvellt^s  plus  vastes  que  les  éj^lises  romanes,  pour  suivre  le  mouvement 
qui  s'était  si  bien  prononcé  pendant  les  rèjjfnes  de  Louis  le  Jeune  et  de 
Philippe-Auguste;  mais  la  cathédrale  type  n'est  pas  encore  sortie  de 
terre.  Nous  allons  la  voir  naître  définitivement  et  arriver,  en  quelques 
années,  à  sa  jierfection. 

A  la  suite  d'un  incendie  qui  détruisit  de  tond  en  comble  la  cathédrale 
de  (Ihartres,  en  10^0,  l'évèque  Fulbert  voulut  reconstruire  son  éfdise.  Les 
travaux  furent  continués  par  ses  successeurs  à  de  longs  intervalles.  En 
1 145,  les  deux  clochers  de  la  façade  occidentale,  que  nous  voyons  encore 
aujourd'hui,  étaient  en  pleine  construction.  En  I  lOi,  un  nouvel  incendie 
ruina  léditice  de  Fulbert  à  peine  achev(''.  Les  parties  inférieures  de  la 
façade  occidentale ,  le  clocher  vieux  terminé  et  la  souche  du  clocher  neuf 
resté  en  construction  échappèrent  à  la  destruction.  Sur  les  débris  encore 
fumants  de  la  cathédrale  ,  iMélior,  cardinal-légat  du  pape  Célestin  III,  fit 
assembler  le  clergé  et  le  peuple  de  Chartres,  et,  à  la  suite  de  ses  exhorta- 
tions, tous  se  mirent  à  l'œuvre  pour  reconstruire,  sur  un  nouveau  plan, 
l'ancienne  église  Notre-Dame  ^  L'évèque  Reghault  de  iMouçon  et  les 
chanoines  abandonnèrent  le  produit  total  de  leurs  revenus  et  de  leurs 
prébendes  pendant  trois  années. 

....  Borjois  et  rente  et  niueble 
Abandonèrent  en  aie 
rhascun  selon  sa  nienantie  '. 

Philippe-Auguste .  Louis  VIII  et  saint  Louis  contribuèrent  par  leurs 
dons  à  l'érection  de  la  vaste  église. 

Déjà,  en  1220,  Guillaume  le  Breton  parle  de  ses  voûtes  «que  l'on  peut 
comparer,  dit-il,  à  une  écaille  de  tortue,  »  et  qui  sont  assez  solides  pour 
défier  les  incendies  à  venir. 

La  fig.  1 1  tlonne  le  plan  de  la  cathédrale  de  Chartres.  Ici,  lintluence  reli- 
gieuse paraît  tout  entièi^e.  Trois  grandes  chapelles  à  l'abside,  quatre  autres 
moins  prononcées  entre  elles,  doubles  bas-côtés  d'une  grande  largeur  ; 
autour  du  chœur,  vastes  transsepts.  Là,  le  culte  peut  déployer  toutes  ses 
pompes;  le  cha^ur,  plus  qu'à  Paris,  plus  qu'à  Bourges,  plus  qu'à  Soissons 
et  à  Laon  surtout,  est  l'objet  principal  ;  c'est  pour  lui  que  l'église  est  faite. 
Il  faut  supposer  que  l'église  de  Fulbert  était  très-vaste  déjà,  car  les  cryptes 

1  Nous  comprenons  la  cathédrale  de  Bourges  dans  celte  période ,  parce  qu'il  y  a 
lieu  de  présumer,  eu  examinant  son  plau  ,  que  les  architectes  du  xiir  siècle  qui  la 
construisirent  exécutèrent  un  projet  antérieur,  peut-être  celui  qui  avait  été  conçu  dans 
la  seconde  moitié  du  xn'  siècle. 

*  Deacripl.  (/^  lu  calhéd.  de  Chartres,  par  l'abbé  liulteau.  1850. 

'  Poème  des  Miracles,  p.  27.  (Jelian  le  Marchant., 


CAllUCDItAI-K 


—    .iH     — 


(|iii  cxislcnt,  <'t  (latent  de  son  «''pis('o|)at .  occupent   la  surface  entière  du 
ineniier  l)as-cùte;  la  nef  centrale  et  le  clut'ur  étant  nu  tene-plein  ,  le 


\iii<'  siècle  n  ajouta  donc  a  l'editîce  roman,  connue  suil'ace.  que  le  second 
i)as-côté  du  chœur,  les  chapelles  ahsidales  et  les  extréuiilés  des  deux 
ti'anssepts. 


3l:{    1    CATHÉUKALI-;    J 

Nous  voyons  se  reproduire  à  Notre-Dame  de  (-liartres  un  fait  analoj;;ue 
à  ceux  sif,Mialés(lans  la  construrlion  descallu'drales  de  l*aris  et  de  Bourges. 
Non-seulement  les  arehittMtes  du  xuesiècle  eonservèrent  les  deux  clochers 
occidentaux  de  l'église  du  xie'  siècle,  mais  ils  ne  voulurent  pas  laisser 
perdre  les  trois  belles  portes  qui  donnaient  entrée  dans  la  nef  et  étaient 
autrefois  placées  au  fond  d'un  porche  en  A  (voy.  le  plan).  On  voit  encore 
entre  les.  deux  tours  la  trace  des  constructions  de  ce  porche  et  l'amorce 
du  mur  de  face.  Les  trois  portes,  avec  leurs  belles  statues,  les  tympans, 
voussures  et  fenêtres  qui  les  surmontent,  replacées  sur  l'alignement  des 
deux  clochers,  furent  couronnées  par  une  rose  s'ouvrant  sous  la  voûte  de 
la  nef  centrale.  La  construction  de  la  cathédiale  de  Chartres  fut  conduite 
avec  une  incroyable  rapidité.  L'enqîressement  des  populations,  des  sei- 
gneurs et  souverains,  à  mener  l'œuvre  à  fin  ne  fut  nulle  part  ])lus  actif. 
Aussi,  cet  édifice  présente-t-il  une  grande  liomogénéité  de  style  ;  il  devait 
être  complètement  achevé  vers  HiO  '.  Ue  l"2i()  à  1:250,  on  ajouta  des 
porches  aux  deux  entrées  des  transsepts;  la  sacristie  fut  bâtie  au  nord, 
proche  le  chœur,  à  la  fin  du  xui^  siècle,  et,  vers  le  milieu  du  xiv^  siècle, 
on  éleva,  derrière  l'abside,  la  chapelle  Saint-Piat  à  deux  étages.  C'est 
aussi  pendant  la  seconde  moitié  du  xur  siècle  que  fut  posé  l'admirable 
jubé  qui  fermait  l'entrée  du  chœur  il  y  a  encore  un  siècle  ^ 

A  Notre-Dame  de  Chartres,  la  nef  est  courtecomparativement  au  chœur; 
c'est  probablement  pour  lui  donner  deux  travées  de  plus  que  l'ancien 
porche  de  la  façade  fut  supprimé  et  les  portes  avancées  au  nu  du  nmr 
extérieur  des  tours.  Voulant  conserver,  pour  bâtir  le  chœur,  la  crypte  qui 
lui  sert  de  fondations  et  les  deux  belles  tours  occidentales,  il  n'était  pas 
possible  de  donner  à  l'église  une  plus  grande  longueur. 

Aux  quatre  angles  du  transsept,  quatre  tours  B  furent  commencées 
(voy.  fig.  l'2,  présentant  le  plan  du  premier  étage  de  la  moitié  du  chœur 
et  des  transsepts  de  la  cathédrale  de  Chartres)  ;  elles  restèrent  inachevées, 
ainsi  que  la  tour  centrale  qui,  probablement,  devait  s'élever  sur  les  quatre 
gros  piliers  C  de  la  croisée.  Deux  autres  tours  A  furent  élevées  sur  les 
deux  dernières  travées  du  second  bas-colé  du  chœur  précédant  les  cha- 
pelles absidales;  ces  tours  restèrent  également  inachevées  à  la  hauteur 
des  corniches  supérieures  du  clia'ur.   C'étaient   donc  neuf  tours   qui 
surmontaient  la  grande  cathédrale  du  pays  chartrain.  Les  tours  situées 
en  A,  en  avant  du  rond-point,  appartiennent  à  une  disposition  normande  ; 
beaucoup  d'églises  de  cette  province  possédaient  ainsi  des  tours  élevées 
sur  les  bas-cùtés  au  delà  des  transsepts.  Ce  monument ,  complètement 
achevé  avec  ses  neuf  flèches  se  surpassant  en  hauteur  jusqu'à  la  flèche 
centrale,  eût  produit  un  efîét  prodigieux. 

Une  seule  chapelle  fut  élevée  au  sud,  entre  les  contre-forts  de  la  nef,  en 

•  Notre-Dame  de  Cliartres  fut  dédiée  seulement  le  17  octol^ie  1260. 

s  Des  fragments  de  ce  jubé  ont  été  découverts  en  gi'and  nombre  sous  le  dallage  ;  ils 
sont  de  la  plus  grande  beauté,  et  déposés  aujourd'bui  dans  la  crypte  et  sous  la  chapelle 
Saint-Plat  (voy.  jibé). 

T.   II.  io 


CATHËUKAI.K 


—    Mi 


p£ûUii<ir: 


1413.  Au  (■ominciuniK'iit  du  wv  si<Vlr ,  ou  Ipruiuia  le  cloc  lier  uuni  du 


M^    I    r.ATHÉDUAI.K    ] 

portail  qui  était  resté  inachevé,  et  on  dressa  la  {jjraeieuse  clôture  du  chœur 
que  nous  voyons  encore  aujourd'hui,  et  qui  seule  a  résisté  en  partie  aux 
mutilations  que  les  chanoines  tirent  subir  au  sanctuaire  pendant  le  dernier 
siècle.  Toutes  les  verrières  de  cet  édifice  sont  de  la  plus  grande  magnifi- 
cence et  datent  du  xiii'  siècle,  sauf  celles  des  trois  fenêtres  du  portail 
occidental,  qui  furent  n^placées  avec  leurs  baies  et  qui  proviennent  de 
l'église  du  xii»"  siècle. 

(uiillnunie  le  Breton  avait  raison  lorsque,  en  l'2'20,  il  disait  que  la 
cathédrale  de  Chartres  n'avait  plus  rien  à  craindre  du  feu.  En  I83(j,  un 
terrible  incendie  consuma  toute  la  charpente  supérieure  et  le  beau  betîroi 
du  clocher  vieux  (voy.  beffroi).  La  vieille  cathédrale  put  résister  à  cette 
épreuve;  elle  est  encore  debout  telle  que  les  constructeurs  du  xiii*' siècle 
nous  l'ont  laissée  ;  elle  demeure  comme  un  témoin  de  l'énergique  puissance 
des  arts  de  cette  époque  ;  et.  du  haut  de  la  colline  (jui  lui  sert  de  base,  sa 
mâle  silhouette,  qui  de  neuf  llèches  n'en  possède  que  deux,  est  une  cause 
d'étonnement  et  d'admiration  pour  les  étrangers  qui  traversent  la  Beauce. 

Nous  ne  trouvons  plus  à  Chartres  la  galerie  supérieure  voûtée  ;  un 
simple  triforium,  décoré  d'une  arcature,  laisse  une  circulation  intérieure 
tout  au  pourtour  de  la  cathédrale,  derrière  les  condtles  en  appentis  des 
bas-côtés.  Cette  église ,  la  plus  solidement  construite  de  toutes  les  cathé- 
drales de  France  \  ne  présente ,  dans  sa  coupe  transversale,  rien  qui  lui 
soit  particulier,  si  ce  n'est  la  disposition  des  arcs-boutants  (voy.  arc-bol- 
TANT,  fig.  54) . 

Afin  de  conserver  un  ordre  logique  dans  cet  article,  nous  devons, 
quant  à  présent,  laisser  décote  certains  détails  sur  lesquels  nous  aurons 
à  revenir',  et  poursuivre  notre  examen  sommaire  des  cathédrales  élevées 
au  commencement  du  xui^  siècle.  Jusqu'à  présent,  nous  avons  présenté 
des  plans  dans  lesquels  il  se  rencontre  des  indécisions,  des  tâtonnements, 
l'empreinte  de  traditions  antérieures.  A  Chartres  même,  les  fondations 
de  l'église  de  Fulbert  et  la  conservation  des  vieux  clochers  ne  laissent  pas 
aux  architectes  toute  leur  liberté. 

En  1-211,  l'ancienne  cathédrale  de  Reims,  bâtie  par  Ebon,  et  qui  datait  du 

ix*^  siècle,  fut  détruite  de  fond  en  comble  par  un  incendie.  Cette  église  était 
lambrissée,  et  affectait  probablement  la  forme  d'une  basilique.  Dès  l'année 
suivante,  en  1-21-2,  Albéricde  Humbert,  qui  occupait  le  siège  archiépiscopal 
de  Reims,  posa  la  première  pierre  de  la  cathédrale  actuelle;  l'œuvre  fut  con- 
fiée à  un  honmie  dont  le  nom  nous  est  resté,  Robert  de  (V)ucy.  Si  le  monu- 
ment était  champenois,  l'architecte  était  d'une  ville  voisine  dudomaineroyal; 
il  ne  faut  pas  oublier  ce  fait.  Le  plan  conçu  par  Robert  de  Coucy  était  vaste, 
établi  sur  des  bases  solides;  cet  architecte  doutait  de  pouvoir  l'exécuter  tel 

«  La  cathédrale  de  Chartres  est  bâtie  en  pierre  de  Berchère  ;  c'est  un  calcaire  dur, 
grossier  d'aspect,  mais  d'une  solidité  à  toute  épreuve.  Les  blocs  employés  sont  d'une 
"randeiir  extraordinaire.  Nous  aurons  l'occasion  de  revenir  sur  ces  détails  (vov.  arc- 

BOUTANT,   BASE,  CONSTUl  CTKIN  ,  WOROHli,  PILIER,   SOIBASSEMENT). 


[    CATIIÉDUALK    J  —    3I()    — 

qu'il  l'avait  projot»';  il  doutait  de  l'étenduo  des  ressources,  et  peut-rtic 
de  la  constance  des  Héniois.  Ses  doutes  n'étaient  (|ue  trop  fondés,  (dépen- 


de la  constance  (les  neniois.  >es  doutes  n  eiaiein  (|ue  irop  londes.  (>epen- 
dant  le  projet  de  Kobert  l'ut  rapidement  exécuté  ius(iu"à  la  hauteui- des 
voûtes  des  bas-côtés,  depuis  le  chœur  jusqu'à  la  moitié  de  la  nef  environ. 


pcgam  se 


Nous  présentons  (i;{)  le  plan  de  la  cathédrale  de  Reims. 

Si  nous  comparons  ce  i)lan  avec  ceu\  de  Notre-Uaine  de  Paris,  des 


—    .317    —  I    CATHÉDRALK    ] 

calhédialt's  de  R(»urj:es,  do  Noyon,  de  Laon  el  de  Chartres,  nous  serons 
frappés  de  ré|)aisseur  proportionnelle  des  eonstiuetions  formant  le  péii- 
inètre  de  ["«'ditice.  (Vesl  que  Hohert  de  Coucy  ajtparteiiait  à  une  éeole  de 
constructeurs  robustes,  «jue  cette  école  s'était  élevée  dans  un  pays  où  la 
pierre  est  abondante  ;  c'est,  bien  plus  encore,  que  Robert  avait  con(,'u  un 
édifice  devant  atteindre  des  dimensions  colossales.  La  bâtisse  avait  à  peine 
atteint  la  hauteur  des  basses  nefs,  que  Ion  dut  renoncer  à  exécuter,  dans 
Ions  leurs  développements,  les  projets  de  Robert  ;  qu'il  fallut  faire  certains 
sacrifices,  probablement  à  cause  de  l'insutiisance  reconnue  des  ressources 
futures.  Le  plan  du  premier  elaiie  de  la  cathédrale  de  Reims  est  loin  de 
repondi'e  à  la  puissance  des  soubassements.  Cependant  il  est  certain  que 
l'on  suivit,  autant  que  jjossible,  en  diminuant  le  volume  des  points 
d'ap|>ui  ,  les  projets  primitifs;  et  il  faut  une  attention  particulière,  et 
surtout  la  connaissance  des  constructions  de  cette  époque,  pour  recon- 
naître ces  chauijements  apportés  au\  plans  de  Robert  de  Coucy.  Nous 
essaierons  toutefois  de  les  rendre  saisissables  pour  tout  le  monde,  car  ce 
fait  ne  laisse  pas  d'avoir  une  grande  importance  pour  l'histoire  de  nos 
cathédrales,  d'autant  plus  qu'il  se  reproduit  partout  à  cette  époque. 

Voici  d'abord  (14)  une  coupe  transversale  de  la  nef  de  la  cathédrale  de 
Reims.  Il  est  facile  de  reconnaître  que  les  contre-forts,  dans  la  hauteur 
du  collatéral,  ont  une  puissance,  une  saillie  que  ne  motive  pas  la  légèreté 
de  la  partie  supérieure  recevant  les  arcs-boutants  ;  on  sera  plus  frappé 
encore  de  la  différence  de  force  qu'il  y  a  entre  les  parties  inférieures  et 
supérieures  de  ces  contre-forts,  en  examinant  la  vue  perspective  extéiieure 
d'un  contre-fort  de  la  nef  (15).  Dans  la  construction  des  deux  pignons 
des  transsepts,  la  différence  entre  le  rez-de-chaussée  et  les  étages  supé- 
rieurs est  encore  plus  mar(|uée.   Robert  de  Coucy  avait  proliablement 
projeté,  sur  ce  point,  des  tours  dont  il  fallut  réduire  la  hauteur  par  des 
raisons  d'économie.  Une  observation  de  détail  vient  appuyer  la  conjecture 
d'une  modification  dans  les  projets.  Le  larmier  du  couronnement  des 
corniches  qui  passent  au  niveau  des  bas-côtés  devant  les  contre-forts  des 
transsepts  et  du  chœur  est  muni  de  petits  repos  horizontaux,  espacés  les 
uns  des  autres  de  0,40  c.  à  0,.")0  c.  qui  forment  connue  des  créneaux, 
et  que  Villard  de  Honnecourt,  contemporain  et  ami  de  Robert  de  Coucy, 
appelle ,  dans  ses  curieuses  notes,  des  créllaux  réservés  sur  la  pente  des 
larmiers  pour  permettre  aux  ouviiers  de  circuler  autour  des  contre-forts  à 
l'extérieur  (  10).  Cela  est  fort  ingénieux  et  bien  entendu,  puisque  la  pente 
des  larmiers  ne  permettrait  pas,  sans  ce  secours,  de  passer  devant  les 
parements  des  contre-forts  à  toutes  hauteurs.  Or  ces  octiaujr,  dont  parle 
Villard,  n'existent  que  sur  les  larmiers  couroimant  le  rez-de-chaussée. 
Robert  de  Coucy  eût  cependant,  s'il  eût  continué  l'œuvre  ,  réservé  à  plus 
forte  raison  des  passages  send)lables  dans  les  parties  élevées  de  l'édifice; 
mais  les  parements  qui  se  dressent  au-dessus  de  ces  larmiers  à  créliaux, 
au  lieu  d'atlleurer  l'arête  supérieure  du  lit  du  larmier,  ainsi  que  l'indique 
la  fig.  17.  sont  en  retraite,  comme  l'indique  la  tig.  17  bis.  Donc,  alors,  les 


I    r.ATHÉDRAI.K 


—    31 S    — 


créliau.r  dcviciiiiciit  iiiiililcs.  piiisiinc  drrrière  eux  rcslc  iiiio  |)arlit'  liori- 


31  y    I    CA1IIÈHHAI.K    1 

zontale  permettant  la  cireulatioii  ;  donc,  si  Kolteit  eût  voulu  retraiter  ainsi 


l)rusquement  ses  contre-forts  à  partir  du  premier  étage,  il  n'eût  pas  réservé 

16 


des  crétiauJi-  sur  ses  larmiers;  et  })uisquil  les  avait  réservés,  c'est  qu'il 


1    CAIIIÉDKAI.K    j 


liii) 


cnltMidait  continuer  à  donner  à  ses  {.n'os  points  d'appui  une  saillie,  et  par 
eonsécjuent  une  force  |)lus  ^M'ande  (pie  celle  laissée  après  l'abandon  des 


premiers  projets.  Il  y  a  donc  lieu  d'admettre  que  Kohert  de  Coucy  éleva 
la  cathédrale  de  Heims  jusqu'à  la  hauteur  des  corniches  des  chapelles  du 
cho'ur  et  des  bas-côtés,  sauf  les  quatre  premières  travées  de  la  nel",  qu'il  ne 
con)menc,'a  même  pas  ;  (pi'après  lui,  la  construction  fut  contiiUK'e  en  faisant 
subir  des  chanj^ements  aux  jti'ojets  primitifs  atin  de  réduire  les  dépenses; 
(|ue  cette  nécessité  de  terminer  leditice  à  moins  de  frais  était  le  résultat 
d'une  diminution  dans  les  dons  faits  parles  j)opulations.  L'ornementation 
des  parties  inférieures  du  cho'ur  et  des  transsepts  de  la  cathédrale  de 
lieims,  jusques  et  y  compris  la  corniche  des  chapelles  rayonnantes,  jwi-te 
encore  le  cachet  de  la  scuipfuie  de  la  lin  du  \w'  siècle;  tandis  qu'innné- 
diatemenl  au-dessus  du  niveau  des  corniches  de  ces  chapelles  appaiait  une 
ornemenlalion  (pii  a  tous  les  caractères  de  celle  du  milieu  du  \ni''  siècle. 
Dans  la  ti-avée  de  droite  du  pij^non  du  transsept  nord,  est  percée  une  porte 
donnant  aujourd'hui  dans  la  petite  sacristie  établie  entre  les  contre-foris  ; 
cette  porte,  dont  les  sculptures  sont  peintes,  date  évidenmient  des  pre- 
mières constructions  connneiicées  par  Hobert  de  (loucy,  et  les  bas-reliefs 
|)ourraient  même  élre  attribués  à  l'école  des  sculpteurs  de  la  tin   du 
xu'-  siècle.  Les  parties  inférieures  du  pij-non  du  transsept  sud,  qui  ne  furent 
pas  modifiées  par  l'ouverture  de  portes,  ali'ectent  une  sévérité  de  style 
qui  ne  le  cède  en  rien  aux  constructions  inférieures  de  la  façade  de  Noire- 
Dame  de  Paris.  Tout,  enfin  ,  dans  le  rez-de-chaussée  de  la  cathédrale  de 
Kcims,  (lu  clueur  à  la  moiti(''  de  la  nef,  dénote  l'feuvre  d'un  artiste  appar- 
tenant à  l'école  laïque  d'architectes  né(?  à  la  tin  du  xie"  siècle.  Au-dessus, 
le  style  o</\\n\  a  pris  son  entier  développement  ;  mais  la  transition  entre  les 
deux  caractères  architectoniques  est  habilement  ménagée.  Nous  ne  savons 
en  quelle  année  Hobert  de  (>)ucy  cessa  de  travailler  à  la  cathédrale  ;  cepen- 
dant lui-même,  en  (construisant,  modifia  probaldemenl  (pieUjues  (h'Iails  de 
son  projet  primitif,  ('.et  architecte  n'en  était  i)as  à  son  coup  d'essai  lorsqu'il 
commenta  r(euvre  en   l''2h2,  et  peut-être  était-il  déjà  d'un  âge  assez 
avancé.  Toutefois  (et  les  notes  de  Villard  de  Honnecourt  sont  là  pour  le 
prouver)  il  cherchait  sans  cesse,  coimne  tous  ses  contemporains,  des 


—    .121     —  [    (ATIIÈDRAI-K    ] 

ppi'fectiomiomfnts  à  l'art  laissé  par  le  xn*"  sit'cio;  il  no  pouvait  ignorer  ce 
que  Ion  tentait  autour  rie  lui;  e'est  ainsi  qu'il  fut  amené  à  terminer  les 
chapelles  du  clKeur.  connuencées  sur  un  plan  circulaire  connue  celles  de 
la  catlu'drale  de  Noyon,  par  des  pans  coupés.  Les  ornements  de  la  corniche 
de  ces  chapelles,  les  créliaux  des  larmiers  dont  parle  Villard,  le  style  des 
statues  d'anges  qui  surmontent  les  petits  contre-forts,  ne  peuvent  laisser 
douter  qu'elles  n'aient  été  achevées  par  Robert  de  Coucy,  de  1"220  à  lîi.'iO. 
Il  avait  fallu  plusieurs  années  pour  jeter  les  fondements  de  cet  édifice 
commencé  suivant  un  projet  aussi  robuste,  d'autant  plus  que  le  sol  sur 
lequel  la  cathédrale  de  Reims  est  assise  n'est  pas  égal,  et  ne  devient  bon 
qu'à  plusieurs  mètres  au-dessous  du  pavé  (de  quatre  à  sept  mètres,  d'après 
quelques  fouilles  faites  au  pourtour).  Il  n'est' pas  surprenant  donc  que  ces 
énormes  constructions,  quelle  que  fût  l'activité  apportée  à  leur  exécution, 
ne  fussent  pas,  en  l''2;30,  c'est-à-dire  dix-huit  ans  après  leur  mise  en  train, 
élevées  au-dessus  des  voûtes  basses.  A  la  première  vue,  le  rez-de-chaussée 
des  pignons  des  deux  transsepts  '  paraît  plus  ancien  que  les  chapelles  du 
chœur  ;  les  fenêtres  basses  sont  sans  meneaux  et  encadrées  de  profils  et 
ornements  qui  rappellent  l'architecture  de  transition;  tandis  que  les  fenê- 
tres des  chapelles  du  chœur  sont  déjà  pourvues  de  meneaux  dont  les 
formes,  la  disposition  particulière  et  lappareil  sont  identiquement  sem- 
blables aux  meneaux  des  bas-cùtés  de  la  nef  de  la  cathédrale  d'Amiens, 
qui  datent  de  l'année  i  230  environ .  Robert  de  Coucy  avait  bien  pu  amender 
lui-même  certains  détails  de  son  projet,  en  même  temps  qu'il  adoptait  les 
pans  coupés  pour  ces  chapelles  au-dessus  de  la  forme  circulaire  de  leur 
soubassement.  Quoi  qu'il  en  soit ,  le  maître  de  l'œuvre,  en  mourant  ou 
en  abandonnant  les  constructions  à  des  architectes  plus  jeunes,  peut-être 
après  une  interruption  de  quelques  années,  avait  laissé  des  projets  dont 
ses  successeurs,  malgré  les  réductions  dont  nous  avons  parlé,  se  rappro- 
chèrent autant  que  possible.  C'est  ce  qui  donne  à  cet  édifice  un  caractère 
d'unité  si  remarquable,  fjuoiqu'il  ait  fallu  près  d'un  siècle  pour  conduire 
le  travail  jusqu'aux  voûtes  hautes.  A  Reims,  plus  que  partout  ailleurs,  on 
respecta  la  conception  du  premier  maître  de  l'œuvre.  Aussi,  lorsque  l'on 
veut  se  faire  une  idée  de  ce  que  devait  être  une  cathédrale  conçue  par 
un  architecte  du  commencement  du  xnie  siècle,  de  la  plus  belle  époque 
de  Tart  ogival,  c'est  à  Reims  qu'il  faut  aller.  Et  cependant,  combien  ce 
grand  monument  ne  sul)it-il  pas  de  modifications  importantes;  et,  tel  que 
nous  le  voyons  aujourd'hui,  combien  il  est  loin  des  projets  de  Robert  de 
Coucy  et  même  de  ce  qu'il  fut  avant  l'incendie  de  la  fin  du  xve  siècle. 

Le  plan  de  la  cathédrale  de  Reims  est  simple  (voy.  fig.  13)  ;  les  chapelles 
rayonnantes  du  chœur  sont  larges,  profondes  ;  la  nef  longue  et  dépourvue 
de  chapelles.  Les  coupes  et  élévations  des  parties  latérales  de  l'édifice 
répondent  à  la  simplicité  du  plan  ;  les  contre-forts  et  arcs-boutants  sont 

'  11  est  eiUeiidu  que,  pour  le  pi|,moii  uord,  nous  no  parlons  pas  des  deux  portes 
percées  vers  le  milieu  du  xiic  siècle. 

T.    II.  ^1 


I    t:\THi-im\Li';   j  —  .\'i'l  — 

;i(lmiral)los  do  coiicoptioii  et  de  {^raiuleur,  les  |)iles  épaisses,  les  IVnètres 
siipt'iiciiios  pioroiidcmciit  encadrées.  (!el  edilice  a  toute  la  t'orce  de  la 
cailicdiale  de  (liiaities,  sans  en  avoir  la  lourdeur;  il  réunit  enlin  les  véri- 
tables conditions  de  la  beauté  dans  les  arts,  la  puissance  et  la  grâce;  il  est 
d'ailleurs  construit  en  beaux  matériaux,  savannnent  appareillés,  et  on 
retrouve  dans  toutes  ses  parties  un  soin  et  une  recherche  fort  rares  à  une 
épo(jue  où  l'on  l>Atissait  avec  une  giande  rapidité  et  souvent  avec  des 
ressources  insidlisantes.  (le  ne  fut  guère  qu'en  I;2i0  que  l'on  continua  les 
parties  supérieures  du  chœur,  que  l'on  commença  les  premières  travée;^ 
de  la  nef  et  la  façade.  Celle-ci  ne  fut  achevée,  sauf  les  deux  flèches  des 
deux  tours  occidentales,  que  vers  le  commencement  du  xiv  siècle;  on  y 
travaillait  encore  pendant  le  xv  siècle,  mais  en  suivant  les  dispositions 
et  détails  des  xiir  et  xiv*"  siècles.  Ihi  cloître  s'élevait  au  nord  de  la  nef  et 
du  transsept;  et  c'était  probablement  pour  donnei'  entiée  dans  ce  cloître 
qu'avait  été  faite  la  porte  ouverte  dans  la  travée  de  droite  du  pignon  nord, 
porte  dont  nous  avons  parlé  tout  à  l'heure.  Deux  autres  portes  publiqua^ 
furent  ouvertes,  dans  les  deux  autres  travées  de  ce  pignon,  vers  le  milieu 
du  xiir  siècle,  et  richement  décorées  de  voussures,  bas-reliefs  et  statues  ' . 
Deux  tours  s'élèvent  sur  la  façade  occidental*';  quatre  tours  surmontent 
les  quatre  angles  des  transsepts,  et  une  tour  centrale  se  dressait,  au  centre 
de  l'édifice,  sur  les  quatre  piles  de  la  cioisée.  Une  flèche  en   plond) 
couronnait  le  poinçon  de  la  crou[)e  du  coiuble  au-dessus  du  sanctuaire.  Le 
pignon  du  transsept  sud  donnant  du  côté  de  l'archevêché  ne  fut  jamais 
percé  de  grandes  portes.  On  arrivait  du  palais  archiépiscopal  au  cha-ur  par 
des  portes  secondaires,   percées  dans  les  soubassements  de  ce  pignon 
(voy.  le  plan).  Pendant  les  xiv  et  xv  siècles,  de  petites  chapelles  furent 
bâties  du  côté  nord,  entre  les  contre-forts  de  la  nef  et  dans  l'intervalle 
laissé  par  le  cloître  ;  mais  ces  petites  chapelles ,  (pii  ne  dépassent  pas 
ra|)pui  des  fenêtres,  ne  dérangent  en  rien  l'ordonnance  intérieure  du 
vaisseau  ;  elles  ne  s'ouvrent,  dans  le  bas-côté,  (pie  par  de  petites  portes. 
Si  les  projets  de  iiobert  de  Coucy  furent  modifiés,  c'est  surtout  dans 
la  constiuction  de  la  façade  occidentale,  qui  présente  tous  les  caractères 
de  l'architecture  la  plus  riche  de  la  seconde  moitié  du  xui^  siècle.  Comme 
décoration,  elle  se  relie  encore  aux  faces  latérales  par  ces  admirables 
couronnements  de  contre-forts  dans  lesquels  sont  j)laceesdes  statues  colos- 
sales. iMais  la  multiplicité  des  détails  nuit  a  rensend)le;   cette  façade, 
(juclque  belle  (juclle  soit,  n'a  pas  la  grandeur  des  faces  latérales.  L'archi- 
volte delà  porte  principale  vient  entamer  la  base  des  contre-forts  intermé- 
diaires, ce  qui  tourmente  l'œil  ;  les  nus,  les  parties  tranquilles  font  défaut. 
Cependant,  et  telle  qu'elle  est,  la  façade  occidentale  de  la  cathediale  de 
Heims  est  une  des  plus  splendides  concej)tions  du  xiir  siècle;  elle  a  pour 
nous,  d'ailleurs,  l'avantage  d'être  la  seule.  iNotre-Dame  de  Paris  est  encore 
une  façade  de  lepoque  de  transition.  11  en  est  de  même  à  Laf)n.  Nous  ne 

'  Seule,  l:i  porte  centrale  esl  umeite  aujoiii<riiui. 


•t'21    —  '[    CATIII-DKALi:     I 

pouvons  fousidérer  ces  portails  coiiiiik'  appartenant  au  style  punMnenI 
ogival.  Ainieiis  n'a  (pi'une  faeade  li'oïKiué*",  non  terniinf'e,  sur  lacjuelle 
(les  épo(pi('s  (iill'erenlrs  sont  venues  se  supet'poser.  Cliiirlics  n'est  (|n"iine 
réunion  de  IVai^nienls.  |{ouri;es  et  Rouen  sont  des  mélanges  dv  styles  de 
trois  et  quatre  siècles.  Les  façades  de  Bayeux,  de  Coutanees^  de  Soissons, 
de  INoyon,  de  Sens,  de  Séez,  sont  restées  inachevées,  ont  été  dénaturées, 
ou  présentent  des  amas  de  constructions  sans  ensemble,  élevées  succes- 
sivement sans  i)roiet  arrêté.  La  It^-ade  prinei|)ale  de  Notre-Dame  de 
Reims,  malj^ré  cet  excès  de  richesse,  a  donc  pour  nous  l'avanlafie  de 
nous  doimer  une  conce|)tion  franche  en  style  of^ival,  et,  sous  ce  point  de 
vue,  elle  mérite  toute  l'attention  des  architectes.  Son  iconoj^raphie  est 
complète,  et  ce  fait  seul  est  d'une  grande  iniportance.  Mais  nous  revien- 
drons sur  cette  partie  de  la  décoration  des  cathédrales. 

Afin  de  donner  une  idée  de  ce  que  devait  être  une  cathédrale  du 
XIII''  siècle,  couiplète,  ach(>vée  telle  qu'elle  avait  été  connue,  nous  reprodui- 
sons (18)  une  vue  cavalière  d'un  édifice  de  cette  époque,  exécutée  d'après 
le  type  adopté  à  Reims.  Faisant  bon  marché  des  détails,  auxquels  nous 
n'attachons  pas  ici  d'importance,  on  peut  admettre  que  le  monument 
projeté  par  Robert  de  Coucy  devait  présenter  cet  ensemble ,  si  ce  n'est 
que  les  tlèches  occidentales  ne  furent  jamais  terminées  et  que  les  flèches 
centrale  et  des  transsepts  étaient  en  bois  et  plomb.  Le  ^24  juillet  1481, 
des  ouvriers  plond)iers,  dont  les  noms  nous  sont  restés  ',  mirent  le  feu  à 
la  toiture  par  négligence.  L'incendie  dévora  toutes  les  charpentes.  C'était, 
autour  de  l'édifice,  un  tel  déluge  de  plomb,  que  l'on  ne  pouvait  en  appro- 
cher pour  porter  secours.  Le  dévouement  des  Rémois  ne  put  maîtriser  le 
Héau,  et  ce  fut  une  véritable  désolation  non-seulement  dans  la  province, 
mais  dans  la  France  entière.  Louis  XI  prit  fort  mal  la  nouvelle  de  ce 
sinistre,  qu'on  lui  apporta  au  Plessis-lès-Tours ;  il  fut  question  de  rem- 
placer le  chapitre  par  des  moines  \  Quels  que  fussent  les  sacrifices  que 
s'imposèrent  le  chapitre  et  l'archevêque,  les  dons  royaux,  qui  furent 
considérables,  on  ne  put  songer  à  rétablir  le  monument  dans  l'état  où  il 
était  avant  l'incendie.  La  sève  qui,  au  xn!»-  siècle,  se  répandait  dans  ces 
grands  corps  était  é|)uisée.  On  dut  se  borner  à  refaire  la  charpente ,  les 
galeries  supérieures,  les  pignons,  à  réparer  les  tours  du  portail  et  araser 
les  quatre  tours  des  transsepts  au  niveau  du  pied  du  grand  comble.  C'est 
dans  cet  état  cjue  nous  trouvons  aujourd'hui  ce  monument,  si  splendide 
encore  malgré  les  mutilations  qu'il  a  subies. 

La  cathédrale  d'Amiens,  dévastée  par  le  feu  et  les  invasions  normandes, 
en  850,  1019  et  1107,  fut  totalement  détruite  par  un  incendie  en  l'218. 
En  H^O,  Evrard  de  Fouilloy,  quarante-cinquième  évèque  d'Amiens,  fit 
jeter  les  fondements  de  la  cathédrale  actuelle.  Le  maître  de  l'œuvre  était 
Robert  de  Luzarches.  L'évêque  picaid  alla  chercher  son  architecte  dans 
l'Ile-de-France.  Les  nouvelles  constructions  furent  commencées  pai-  la  nef; 

'   .Iran  il  lîniii  bcgoix.  —  -  Anquelil. 


[    (.AlHfiKHALi: 


3-2i 


probableiiioiit  les  rcslcsdc  r;(ii«i«'ii  cIkiiii  liiiviil  (oiiscrvésprovisoiiviiiciit 


—  [i'iiy  —  [  caiiiCdhai-k   I 

iiliii  (le  ne  pas  iiiU'n(>iii|)ie  iv  culte.  En  ["iilli,  l'évè(|Ut'  Kviaid  inoiiiiit; 
Ifs  toiidations  rlaioiil  achevées  sous  la  nef,  et  prohahleiuent  le  pignon  du 
traiissept  sud  était  élevé  de  quelques  mètres  au-dessus  du  sol.  Sous 
l'épiscopat  du  successeur  de  l'évèque  Evrard,  GeottVoy  d'Eu,  nous  voyons 
déjà  les  travaux  confiés  à  un  second  architecte,  Thomas  de  Cormont. 
Rohertde  Luzarches  n'avait  pu  ([uc  laisser  les  plans  de  l'édifice  qu'il  avait 
fondé.  Le  second  maitrede  To'uvre  éltna  les  constructions  de  la  nef  jusqu'à 
la  naissance  des  jurandes  voûtes;  nous  arrivons  alors  à  l'année  1"'2:28.  Son 
tils,  HtMiault  de  (>ormont ,  continua  l'œuvre  et  passe  pour  l'avoir  achevée 
en  l'288,  ce  qui  n'est  guère  admissible,  si  nous  obser\ons  les  différences 
profondes  de  style  qui  existent  entre  le  rez-de  chaussée  et  les  parties 
hautes  du  chœur.  En  l'237,  l'évèque  Geoffroy  mourut;  son  successeur 
Arnoult  termina  les  voûtes  de  la  nef  et  fit  élever  sur  la  partie  centiale  de 
la  croisée  une  tour  de  pierre  surmontée  d'une  flèche  en  bois  et  plomb.  Ce 
fut  probablement  aussi  cet  évèque  qui  fit  élever  les  chapelles  du  chœur  '. 
En  1240,  l'évèque  Arnoult  avait  poussé  les  travaux  avec  une  telle  activité 
que  les  fonds  étaient  épuisés;  il  fallut  suspendre  les  constructions  et 
amasser  de  nouvelles  sommes.  En  l'2o8,  un  incendie  consuma  les  char- 
pentes des  chapelles  de  l'abside  ;  on  voit  parfaitement,  encore  aujourd'hui, 
les  traces  de  ce  sinistre  au-dessus  des  voûtes  de  ces  chapelles.  Ce  désastre 
dut  contribuer  encore  à  ralentir  l'achèvement  du  chœ'ur.  11  est  certain 
que  le  triforium  de  l'abside,  et  par  conséquent  toute  l'œuvre  haute, 
ne  fut  commencé  qu'après  cet  incendie  :  car,  sur  les  pierres  calcinées 
en  1258,  sont  posées  les  premières  assises  parfaitement  pures  de  ce 
triforium.  Les  successeurs  d'Arnoult,  Gérard  ou  Evrard  de  Couchy  et 
Aléaume  de  Neuilly,  ne  purent  que  réunir  les  fonds  nécessaires  à  la 
continuation  des  travaux.  A  Amiens,  comme  partout  ailleurs,  les  popu- 
lations montraient  moins  d'empressement  à  voir  terminer  le  monument 
de  la  cité;  on  mit  un  temps  assez  long  à  recueillir  les  dons  nééessaires  à 
l'achèvement  du  chœur,  et  ces  dons  ne  furent  pas  assez  abondants  pour 
permettre  de  déployer  dans  cette  construction  la  grandeur  et  le  luxe  que 
l'on  trouve  dans  la  nef  et  les  chapelles  absidales.  En  1269,  cet  évèque 
faisait  placer  les  verrières  des  fenêtres  hautes  du  chœur  -,  et  son  succes- 
seur, Guillaume  de  iMâcon,  en  1288,  mit  la  dernière  main  aux  voûtes  et 
parties  supérieures  du  chevet.  En  construisant  la  nef,  de  1220  à  1228, 
on  avait  voulu  clore,  avant  tout,  le  vaisseau,  et  on  ne  s'était  pas  préoc- 
cupé de  la  façade  laissée  en  arrachement.  La  porte  centrale  seule  avait 

'  '<  ....  Le  iiécroloLçe  du  chapitre  en  la  roiulalioii  de  l'obil  de  cet  évesque  le  taiel 
■<  origenaire  de  la  ville  d'Amiens,  ioit  débonnaire  et  de  grande  estude,  et  croyrois  que 
«  c'est  luy  (|ui  gist  en  marbre  noir,  tout  an  pins  haut,  s'il  faut  ainsi  dire,  de  l'église, 
«  vis-à-vis  de  la  chapelle  paroissiale  (la  chapelle  de  la  Vierge  dans  l'axe),  justement 

«   derrière  le  chœur,  en  mémoire  (pi'il  acheva  la  summité  d'icelle »  {Antiquilez  du 

la  ville  d'Amiens.  Adrian  de  la  Morlière,  chan.  1627.) 

2  L'inscription  qui  constate  ce  lait  existe  encore  sur  la  verrière  haute  située  dans 
l'axe  du  chœur. 


I   CAinr-rtKAi.K   )  —  ;{:2(»  — 

été  percéfi  au  bas  du  pignon  et  la  rose  supéiiouro  ouverte.  Ce  ne  fut 
iiuève  qu'en  123S,  lorsqu'une  nouvelle  impulsion  fut  donnée  aux  travaux 
par  l'évèque  Arnoult,  (|ue  l'on  songea  à  lerniiner  la  ta(,'a(le  (ucidentale. 
Mais  déjà,  prohaltlenieni ,  on  pressentait  ré[)uiseuient  des  ressources,  si 
abondantes  pendant  le  réunie  de  IMiili|)pe-Au^aiste,  et  les  projets  primitifs 
furent  restreints.  I/'examen  de  l'éditice  ne  peut  laisser  de  doutes  à  cet 
é^ard. 

En  jetant  les  yeux  sur  le  plan  (lî>),  nous  voyons  une  lij^Mie  EF  tirée 
parallèlement  au  pij^non  du  portail  :  c'est  la  limit<'  de  lairacliemenl  d<' 
l'ancienne  façade  projetée,  contre  leciuel  on  est  venu  plaquer  le  portail 
actuel.  De  cette  modification  au  projet  primitif,  il  résulte  que  les  deux 
tours  GH,  au  lieu  d'être  élevées  sur  un  plan  carré  connue  toutes  les  tours 
des  cathérliales  de  cette  épotpie  ,  sont  barlonjjfues,  moins  épaisses  que 
larges;  ce  ne  sont  que  des  moitiés  de  tours  dans  toute  leur  hauteur,  et 
les  deux  contre-forts,  qui  devaient  se  trouver,  latéralement,  dans  les 
milieux  de  ces  tours,  sont  devenus  contre-forts  d'anj^fles.  La  preuve  la  plus 
certaine  de  cette  modification  apportée  au  projet  de  Robert  de  Luzarches, 
c'est  que  les  fondations  existent  sous  le  périmètre  total  des  tours  telles 
qu'elles  sont  indicpiées  sur  le  plan  présenté  ici.  De  la  façade  primil4ve,  il 
ne  i-este  que  le  trumeau  et  les  deux  pieds-droits  de  la  porte  centrale,  sur 
lesquels  sont  sculptées  les  vierges  sages  et  folles,  et  l'entourage  de  la 
grande  rose  percée  sous  la  maîtresse  voûte.  Les  trois  porches,  si  remar- 
quables d'ailleurs,  les  pinacles  qui  les  surmontent,  la  galerie  à  jour  et  la 
galerie  des  rois,  datent  de  12-40  environ,  ainsi  que  l'étage  inférieur  des 
toui  s.  Quant  aux  parties  supérieures  de  ces  tours  et  à  la  galerie  entre  deux, 
ce  sont  (h's  constructions  successivement  élevées  pendant  le  xiv  siècle,  (^e 
fut  aussi  j)endant  le  xiv  siècle  que  l'on  ferma  les  parties  supérieures  des 
pignons  des  deux  lransse|)ts  qui  probablement  étaient  restées  inachevées, 
et  que  l'on  construisit  des  chapelles  entre  les  contre-forts  de  la  nef, 
adjonction  funeste  à  la  conservation  de  l'édifice  et  qui  détruisit  l'unité  et  la 
grandeur  de  cet  admirable  vaisseau.  Le  xivi-  siècle  vit  encore  exécuter  les 
balustrades  supérieures  du  chœur  et  de  la  nef.  l^es  balustrades  des  cha- 
pelles et  les  meneaux  des  deux  roses  occidentale  et  méridionale,  la  conso- 
lidation de  la  rose  septentrionale  furent  entrepris  au  conmiencement  du 
xvi«  siècle.  Le  clocher  central  en  pierre  et  charpente,  posé  sur  les  quatre 
piliers  de  la  cioisée,  sous  l'épiscopat  d'Arnoult,  vers  h240,  fut  détruit  par 
la  foudre  le  15  juillet  ir»27.  On  craignit  un  instant  que  le  sinistre  ne 
s'étendit  à  toute  la  cathédrale;  heureusement  les  progrès  (lu  feu  furent 
promptement  arrêtés,  grâce  au  dévouement  des  habitants  d'Amiens. 

Ce  fut  en  1529  que  fut  reconstruite  la  llèche  actuelle,  en  charpente 
recouverte  de  plond),  par  deux  charpentiers  |)icards,  Louis  Cordon  et 
Simon  Taneau  (voy.  klèchk). 

Nous  avons  dit  (jue  Hoixn't  de  Luzarches  a\ail  pu  voir  non-seuleinenl 
les  fondations  de  sa  cathédrale,  mais  aussi  (juehiues  mètres  du  pignon  du 
transsept  sud,  élevés  au-dessus  du  sol.  En  eti'et.  le  portail  percé  à  la  base 


—  :\'îl 


I     f.XTIlÉDHAI  H 


PF6AR0.sC 


de  ce  pitinoii,  dil  portail  de  la  Vi.M-.^  doiee,  présente  d.-s  détails  daroh 


[    CATHÉDRALE    ]  —    '.V2X    — 

tecturp  plus  ancifiis  ([uo  tous  ceux  des  autres  parties  de  lédltice;  ce 
portail  fut  cependant  remanié  vers  l'iriO;  le  tympan  et  les  voussures 
datent  de  cette  époque,  et  furent  reposés  après  coup  sur  les  pieds-droits 
«>l  le  trumeau  du  coinmencemeiit  du  xni''  siècle.  La  Vieri^c  (|ui  décore  ce 
trumeau  ne  peut  être  antérieure  à  l'^riO;  le  trumeau  fut  lui-même  alors 
doublé  à  l'intérieur,  afin  de  recevoir  une  décoration  en  placajïe  qui 
n'existait  pas  dans  l'orijiine. 

Le  plan  de  la  cathédrale  d'Amiens  n'indique  pas  que  les  premiei-s 
maîtres  de  l'ccuvre  aient  eu  la  pensée  d'élever,  comme  à  Chartres,  à  Laon 
et  à  Ueims,  quatre  tours  aux  angles  des  transsepts;  de  sorte  que  nous 
voyons  aujourd'hui  la  cathédrale  d'Amiens  à  peu  près  telle  quelle  fut 
orijj;inairement  conçue,  si  ce  n'est  que  les  deux  tours  de  la  façade  eussent 
dû  avoir  une  base  plus  larj^e  et  une  beaucoup  plus  j'rande  hauteur, 
Cependant  on  remarque  sur  ce  plan  les  escaliers  posés  à  l'extrémité  des 
doubles  bas-côtés  du  chcrur.  et  précédant  les  chapelles.  Ces  escaliers  sont 
conmie  un  dernier  reflet  des  tours  placées  sur  ces  points  dans  les  églises 
normandes,  et  qui,  comme  nous  l'avons  dit,  se  voient  encore  à  Chartres. 
Nous  les  retrouvons  dans  les  cathédrales  de  Beauvais,  de  (Pologne,  de 
Narbonne,  de  Limoges,  qui  sont  toutes  des  filles  de  la  cathédrale 
d'Amiens.  Du  côté  du  nord  s'élevaient  les  anciens  bâtiments  de  Tévéché, 
qui  étaient  mis  en  connnunication  avec  la  cathédrale  par  la  grande 
porte  du  pignon  septentrional  et  par  une  petite  porte  percée  sous  l'appui 
de  la  fenêtre  de  la  première  travée  du  bas-côté.  Sur  le  flanc  nord  du 
chœur  était  placée  une  sacristie  avec  trésor  au-dessus.  Un  cloître  du 
xiye  siècle,  dans  les  galeries  duquel  on  entrait  par  les  deux  chapelles  A  et 
B,  pourtournait  le  rond-point  irrégulièrement,  en  suivant  les  sinuosités 
données  par  d'anciens  terrassements.  En  !>  sont  placé(s  des  dépendances 
et  une  chapelle,  ancienne  salle  capitulaiie  qui  date  également  de  la 
première  moitié  du  xiye  siècle.  Ce  cloître  et  la  chapelle  étaient  désignés 
sous  la  dénomination  de  cloître  et  chapelle  Macabre,  des  Macabres,  et, 
par  corruption,  des  Machabées.  Les  arcades  vitrées  de  ce  cloître,  ou 
peut-être  les  murs,  étaient  probablement  décorés  autrefois  de  peintures 
représentant  la  danse  macabre  '. 

Voici  ("20)  la  coupe  transversale  de  la  nef  de  cette  iimnense  église, 
la  plus  vaste  des  cathédrales  françaises,  dont  le  plan  couvre  une  surface, 
tant  vides  que  pleins,  de  8,000  mètres  environ  ^  Il  est  intéressant  de 
comparer  les  deux  coupes  transversales  des  cathédrales  de   Reims  et 

'  De  ces  dépendances,  il  ne  reste  aujourd'hui  «juc  la  cliapelle  qui  sert  de  grande 
sacristie  ;  elle  est  décorée  par  une  belle  tribune  en  bois  sculpté  de  la  fin  du  xv  siècle, 
l'no  porlion  du  cloître  a  élé  roconslniitc  depuis  184S,  ainsi  que  le  pdit  hàtiniont  placé 
en  l>.  I>es  icstes  anciens  étaient  en  ruine. 

2  Le  plan  de  la  cathédrale  de  Cologne  terminée  couvre  une  surface  de  8,900  m. 
environ  ;  celui  de  la  cathédrale  de  Reims  une  surface  de  6,650  mètres;  celui  de  la 
calliédralc  de  Bourges  une  surface  de  6,200  mètres;  celui  de  la  cathédrale  de  f\iris 
une  stirlace  de  •>,■)(>()  mètres. 


dAniions.  I.anefdp  la  cathéfliale  d'Aniipiis,  élevée  rapidement  (Inii  seul 


T.     Il, 


i-2 


(    CATlH-DHVI.li     1         ,  .{.'{(1    

jet,  dix  ans  environ  avant  ccllo  de  Heinis,  présenlc  une  construclion  plus 
lé^'èrp,niioux('ntPnduo.  A  llcinis.non-soulonionl  dans  le  plan  et  les  paili<'s 
inférieures  de  lédiliee  on  retrouve  encore  fiuehjues  traces  des  traditions 
romanes;  mais  dans  la  coupe  de  la  net"  il  y  a  un  luxe  d'épaisseurs  de  piles 
qui  indique,  chez  les  constructeurs,  une  certaine  appréhension.  A  H(>ims 
(voy.  fig.  1-4),  les  arcs-houtants  sont  placés  trop  haut  ;  on  ne  comprend 
pas,  par  exemple ,  quelle  est  la  fonction  du  deuxième  arc.  Le  triforium 
est  petit,  mesquin;  les  arcs  doubleaux,  atin  de  diminuer  la  pousst'e  des 
voûtes  ,  sont  trop  aij;us,  et  pi'ennent ,  par  consécpient,  trop  de  hauteur  ; 
leur  importance  donne  de  la  lourdeur  à  la  nef  principale;  il  semble  ([ue  ces 
voûtes,  qui  occupent  une  énorme  surface,  vous  étouffent.  La  construction 
préoccupe.  Dans  la  nef  d'Amiens,  au  contraire,  on  respire  à  Taise;  à 
peine  si  l'on  songe  aux  piles,  aux  constructions;  on  ne  voit  pas,  ])our  ainsi 
dire,  le  monument;  c'est  conmie  un  f^rand  réservoir  d'air  et  de  lumièie. 

Bien  que  la  cathédrale  de  Keims  soit  un  édifice  oii;ival,  on  y  sent  encore 
l'empreinte  du  monument  antique;  que  cette  inlluence  soit  due  au  {^énie 
de  Ilobert  de  Coucy,  ou  aux  restes  d'édifices  romains  réj)andus  sur  le  sol 
de  Reims,  elle  n'en  est  pas  moins  sensible.  La  cathédrale  d'Amiens, 
comme  plan  et  comme  structure,  est  l'église  ogivale  par  excellence.  En 
examinant  la  coupe  (fig.  20),  on  n'y  trouve  nulle  part  (Texcès  de  force  '. 
Les  piles  des  bas-cotés ,  plus  hautes  que  celles  de  Heims.  ont  près  d'un 
tiers  de  moins  d'épaisseur.  Le  triforium  B  est  élancé  et  permet  de  donner 
aux  cond)les  des  bas-côtés  une  foite  inclinaison.  Les  arcs-houtants  sont 
parfaitement  jilacés  de  façon  à  contre-butter  la  grande  voûte,  l^a  charge 
sur  les  piles  inférieures  est  dimiimée  j)ar  l'évidement  des  contre-forts 
adossés  aux  piles  supérieures;  les  aies  doubleaux  sont  moins  aigus  (jue 
(;eux  de  Keims. 

On  ne  voit  plus,  au  sonnnt^t  de  la  nef  d'Amiens,  cette  masse  énorme 
de  maçonnerie,  qui  n'a  d'autre  but  que  de  charger  les  piles  afin  d'arrêter 
la  poussée  des  voûtes.  Ici,  toute  la  solidité  réside  dans  la  disposition  des 
arcs-houtants  et  l'épaisseur  des  culées  ou  contre-forts  A.  Cependant  cette 
nef,  dont  la  hauteur  est  de  i'i'",.')^  sous  clef,  et  la  largeur  d'axe  en  axe 
des  piles  de  1  i"',t)0,  ne  s'est  ni  déformée,  ni  déversée.  La  construction 
n'a  subi  aucune  altération  sensible;  elle  est  faite  pour  durer  encore  des 
siècles,  pour  peu  que  les  moyens  d'écoulement  des  eaux  soient  maintenus 
en  bon  état.  A  Amiens,  les  murs  ont  disparu  ;  derrière  la  claire-voie  du 
triforium  en  C,  ce  n'est  (pTune  cloison  de  pierre,  rendue  plus  légère 
encore  par  des  arcs  de  décharge;  sous  les  fenèlres  basses  en  I),  ce  n'est 
(|u"un  d\)\)m  évidé  par  une  arcature  ;  au-dessus  des  l'enétres  supérieures  en 
E,  il  n'y  a  qu'une  corniche  et  un  chéneau  :  partout  entre  la  lumière.  Les 
eaux  du  grand  comble  s'écoulent  sinq)lement ,  facilement  et  par  le  plus 
court  chemin,  sur  les  chaperons  des  arcs-houtants  supérieurs.  Celles  reçues 
par  les  combles  des  collatéraux  sont  déxcrsées  à  droite  et  à  gauche  des 

'  Voy.  -.iu  iiint  Ai!Ciiiri:t.Ti  lîE  Kt;i,i(aiiisii:,liy.35,  un  eiiseinblo  pcrspeclildi'  ci'Uc  coiiiic. 


—  331   —  (;atiii^:i)iiai,k  ] 

('ontre-forlspar(los^arj,^ouilles'.  Ilfstditliciledevoirunoconslmclioii  plus 
sinip|p('l|)liis('('()ii()nii(|ii(\('iH''i;ai(làsa(lini(Misiono(iil'('n"('l(|ir<>II('pr(t(liiil. 

Danslt's  parties  liaulrs  du  clia'urdê  la  calliédralc  dAuiicns.  ou  voulut 
pousser  le  pi-iucipe  si  simple^  adopté  pour  la  uef,  aux  dciuicics  liuiil(>s, 
et  ou  dépassa  le  l)ut.  Lorsque  la  coustruetiou  de  l'œuvre  haute  du  clio'ur 
fut  reprise  après  une  iuterruption  de  près  de  vingt  ans,  on  avait  déjà,  dans 
l'église  de  l'abbaye  de  Saiut-Deuis,  dans  les  cathédrales  de  Troyes  et  luénic 
de  Beauvais,  adopte'  le  système  des  galeries  de  preiiiiei'  ("lage  à  claire-voie 
prenant  des  jours  extérieurs.  Le  triforium  se  trouvait  ainsi  participer  des 
grandes  fenêtres  supérieureset  prolongeait  leurs  ajonrs  et  leur  riche  décora- 
tion de  verrièies  jusqu'au  niveau  de  l'appui  de  la  galerie.  Ce  parti  était  trop 
séduisant  pour  ne  pas  être  adopté  par  l'architecte  du  haut  clKeur  d'Amiens. 

Mais  examinons  (l'abord  le  plan  de  cette  partie  de  fédilice,  (pii  sortait 
déterre  seulement  un  peu  avant  h2U),  c'est-à-dire  au  moment  où  l'on 
commençait  aussi  la  Sainte-Chapelle  du  Palais  à  i'ai-is'-.  On  reconnaît, 
dans  le  plan  du  chœur  de  Notre-Dame  d'Amiens,  une  main  savante;  là, 
plus  de  tâtonnements,  d'incertitudes  :  aussi,  nos  lecteurs  ne  nous  sauront 
pas  mauvais  gré  de  leur  faire  connaître  la  façon  de  procéder  employée  par 
le  troisième  maître  de  l'œuvre  de  la  cathédrale  d'Amiens,  Renault  de 
Cormont,  pour  tracer  le  rez-de-chaussée  du  plan  de  l'abside.  Soit  AB  la 
ligne  de  base  de  la  moitié  de  l'abside  (21)  ;  les  espaces  AC,CB  les  écarte- 
ments  des  axes  des  rangées  de  piles  ;  soit  la  ligne  AX  l'axe  longitudinal  du 
vaisseau.  Sur  cette  ligne  d'axe,  le  traceur  a  commencé  par  poser  le  centre 
0  à  2'",o0  de  la  ligne  AB  ;  les  deux  cercles  CE,BD  ont  été  tracés  en  pre- 
nant comme  rayons  les  lignes  OC,OB.  L'arc  de  cercle,  dont  BD  est  la 
moitié,  a  été  divisé  en  sept  parties  égales  ;  le  rayon  FO  prolongé  a  été 
tiré;  ce  rayon  vient  couper  l'arc  CE  au  point  d'intersection  du  prolonge- 
ment de  l'axe  CC/,  et,  passant  par  le  centre  0,  rencontre  le  point  corres- 
pondant à  C.  Connnent  le  traceur  aurait-il  obtenu  ce  résultat?  Est-ce  par 
des  tâtonnements  ou  par  un  moyen  géométrique?  Les  côtés  BFCH  n'ap- 
partiennent pas  à  un  polygone  divisant  le  cercle  en  parties  égales.  Il  y  a 
lieu  de  croire  que  c'est  le  tracé  primitif  de  l'abside  (|ui  a  commandé  l'ou- 
verture de  la  nef  principale,  et  que  Renault  de  (>ormont  n'a  fait  que  suivre, 
quant  à  la  plantation  de  cette  abside ,  ce  que  ses  prédécesseurs  avaient 
tracé  sur  l'épure  ^  Si  le  tracé  de  l'abside  n'avait  pas  commandé  l'espace  AC, 

>  Il  esl  entendu  que  nous  parlons  ici  de  la  nef  de  la  cathédrale  d'Amiens  telle 
qu'elle  existait  avant  la  conslriicliou  des  cliapelles  du  xiv  siècle.  Cette  adjonction 
laisse  d'ailleurs  voir  toute  la  disposition  ancienne  ,  et  à  l'inlérieur ,  dans  le  transsept, 
les  fenêtres  des  bas-côtés  sont  restées  en  place. 

2  L'architecture  des  ciiai)elles  absidales  de  la  cathédrale  d'Amiens  a  la  pins  grande 
ressemblance  avec  celle  de  la  Sainte-Chapelle  de  Paris.  Ce  sont  les  mêmes  prolils,  les 
mêmes  meneaux  de  fenêtres,  le  même  système  de  construction,  l/arcalure  de  la  Sainte^ 
Chapelle  basse  reproduit  celle  des  chapelles  du  lom  du  chœur  d'Amiens. 

•'  Il  faut  se  rappeler  que  la  nef  était  cnlirrcniciil  élcvi-c  linscpic  le  (iKi^iir  élail  à 
peine  rnnunemt'. 


CATHÉDIULE    ] 

2i  hs 


Pf&MtO    iC         Hi  'il,  /i, 

!<■  Ii;is;ii(l  ir;iiii;iil  pu  !';iiir  i\nv  le  |>(tiiil  (l'iiilcis«'«-lio!i  de  la  li^ij<'  F(>,  s<' 


333    [    CATHÉUKALE     j 

proloiiiïoaiit  jusqu'au  point  convspoudant  à  C  avrc  l'axp  C(?,  so  roncoiitràt 
sur  laïc  CE.  Il  »'Sl  donc  M'aiscmblahlt'  que  la  laij^eur  AB  elant  donnée, 
le  centre  0  a  été  posé  sur  le  grand  axe  ;  que  le  grand  aie  de  cercle  BD  a 
été  tracé  et  divisé  en  sept  parties,  et  que  le  prolongement  du  rayon  FO  a 
donné,  par  son  intersection  avec  la  ligne  AB,  la  largeur  AC  de  la  nef 
centrale.  Dès  lors,  traçant  Tare  CE,  la  perpendiculaire  CC  devait  néces- 
sairement rencontrer  le  rayon  FO  sur  un  j)oint  K  de  ce  cercle,  qui 
devenait  le  centre  de  la  deuxième  pile  du  rond-point.  Il  ne  faut  pas 
oublier ,  d'ailleurs,  que,  généralement,  la  construction  des  cathédrales 
était  commencée  par  le  chœur.  Amiens  fait  exception  ;  mais  tous  les  tracés 
et  la  plantation  avaient  dû  être  préparés  par  Robert  de  Luzarches,  le 
premier  architecte.  Quoi  qu'il  en  soit,  ce  fait  indique  clairement  que  les 
tracés  de  cathédrales  étaient  commencés  par  le  rond-point;  c'était  la 
disposition  de  labside  qui  commandait  l'écartement  relatif  des  piles  de  la 
nef  et  des  bas-côtés. 

Les  rayons  GO.HO  tirés  donnaient,  par  leur  rencontre  avec  le  petit  arc 
CE,  les  centres  des  autres  piles  du  sanctuaire.  Quant  aux  chapelles,  celles 
de  la  cathédrale  d'Amiens  présentent  cinq  côtés  d'un  octogone  régulier. 
Voici  comment  on  s'y  prit  pour  les  tracer  :  la  ligne  NP,  axe  de  la  chapelle, 
étant  tirée,  les  lignes  GG  ,FF'  ont  été  conduites  parallèles  à  cet  axe.  La 
base  FG  du  polygone  étant  reculée  pour  dégager  la  pile,  la  ligne  LM  a  été 
tirée,  divisant  en  deux  angles  égaux  l'angle  droit  F  LS.  L'angle  MLS  a  été 
divisé  en  deux  angles  égaux  par  une  ligne  LR.  L'intersection  de  cette  ligne 
LR  avec  l'axe  iNP  est  le  centre  T  de  l'octogone.  Les  lignes  TR,TM,TZ,TF' 
donnent  la  projection  horizontale  de  quatre  des  arcs  de  la  voûte.  Il  en  est 
de  même  des  lignes  OC,OKF,OG,  etc. 

Pour  tracer  les  arcs  ogives  des  voûtes  des  bas-côtés,  soit  I  le  devant  de 
la  pile  séparative  des  chapelles,  la  ligne  IF  a  été  divisée  en  deux  paities 
égales,  et,  prenant  OJ  comme  rayon,  un  cercle  a  été  décrit.  La  rencontre 
de  ce  cercle  avec  les  axes  des  chapelles  a  donné  le  centre  des  clefs  des 
voûtes  (voy.  constrccïion). 

Voulant  avoir  une  chapelle  plus  profonde  que  les  six  autres  dans  l'axe, 
on  a  pris  la  distance  HU  sur  le  prolongement  de  la  ligne  tirée  du  point  H 
parallèlement  au  grand  axe;  puis,  à  partir  du  point  U,  on  a  procédé 
comme  nous  l'avons  indiqué  à  partir  du  point  L. 

La  fig.  -21  bis  présente  le  tracé  des  arcs  des  voûtes  et  piles  des  chapelles, 
ainsi  que  des  contre-forts  extérieurs  qui  viennent  tous  s'inscrire  dans  un 
grand  plateau  circulaire  en  maçonnerie  VQ,  s'élevant  d'un  mètre  environ 
au-dessus  du  sol  extérieur. 

Tout  ce  grand  ensemble  de  constructions  est  admirablement  planté, 
régulier  .  solide  ;  les  différences  dans  les  ouvertures  des  chapelles  sont  de 
trois  ou  quatre  centimètres  en  moyenne  au  plus.  On  voit  que  ce  sont  les 
projections  horizontales  des  arcs  des  voûtes  qui  ont  conmiandé  la  dis|)o- 
sition  du  plan  (voy.  (Hapelle,  coxstrk.tk»  .  imlieh.  thavée.  voite,  |)our 
les  détails  de  celte  partie  de  la  cathédrale  d'Amiens). 


CATliÉDKALK 


—    334    — 


La  callKkli-ilo  d'Amiens  n'était  pas  la  seule  (jui  se  construisait  sur  ce 
plan,  dans  cette  partie  de  la  France,  de  l~2'i>()ii  h2()0.  A  Beauvais,  en  l-2"2r>. 


^ — y^ — '^  Zi 


'•  ^.'^  C^  c<^ 


on  jetait  les  fondements  d'une  église  aussi  vaste;  mais  la  bâtisse  était, 
suivant  l'usage  ordinaire,  ronniiencee ,  dans  cette  dernière  ville,  par  le 
clueur;  et  le  plan  de  ce  clKcur  vient  ajjpuyeiropinion  (|ue  n(tus  cMiellions 
ci-dessus  au  sujet  du  tracé  de  ces  nionunu'Uls .  à  savoir  :  (|ue  celait  le 


—  a.i.n  — 


[    CATIlfiDHM.K    ] 


tracé  du  sanctuaire  (|ui  donnait  la  larj^^eur  comparative  des  bas-côtés  et  de 
la  nef  centrale. 

Si  nous  jetons  les  yeux  sur  le  plan  de  la  cathédrale  de  Beauvais  (^2)  ', 
nous  voyons  que  si  la  largeur  du  cliœui-  de  la  catlu'drale  de  Beauvais, 
compris  les  bas-côtés,  est  moindre  que  celle  du  chœur  de  la  cathédrale 
d'Amiens,  cependant  la  largeur  du  sanctuaire  de  Beauvais,  d'axe  en  axe 
des  piles,  est  plus  grande  que  celle  d'Amiens  \  Procédant,  pour  le  tracé 
des  parties  rayomiantes  de  l'abside,  comme  nous  l'avons  indicpié  Hg.  *2l, 
le  centre  étant  i)orle  ii  Beauvais,  comme  à  Amiens,  de  -2<",ï)()  environ  sur 
le  grand  axe  au  delà  de  la  ligne  de  base ,  et  le  cercle  extérieur  à  diviser 
en  sept  parties  égales  étant  plus  petit,  il  en  résultait  nécessairement  (ces 
divisions  n'étant  pas  d'ailleurs  les  côtés  de  polygones  réguliers)  que  le 
rayon,  passant  par  la  première  de  ces  divisions  et  le  centre,  venait  couper 
la  ligne  de  base  à  une  distance  plus  grande  du  grand  axe.  Tue  figure  fera 
comprendre  ce  que  nous  voulons  dire.  Soit  [i'S)  la  ligne  de  base  AB,  le 


grand  axe  CD;  0  le  point  de  centre,  traçant  deux  arcs  de  cercle  ADB.GFE. 
Si  nous  divisons  chacun  de  ces  arcs  de  cercle  en  sept  parties  égales,  le 
rayon  HO,  tiré  du  point  diviseur  H  de  l'arc  du  grand  cercle  prolongé, 
viendra  couper  la  corde  AB  au  point  K;  tandis  que  le  rayon,  tiré  du  point 
diviseur  I  de  l'arc  du  petit  cercle  prolongé,  viendra  couper  cette  même 
corde  en  L.  D'où  l'on  doit  conclure,  si  nous  suivons  la  méthode  adoptée 
par  les  architectes  des  cathédrales  d'Amiens  et  de  Beauvais  pour  tracer 
une  abside  avec  bas-côtés  et  chapelles  rayonnantes,  que  le  centre  de 
l'abside  étant  fixé  à  une  distance  invariable  de  la  ligne  de  base  sur  le  grand 
axe  ,  la  largeur  du  sanctuaire  sera  en  raison  inverse  de  la  largeur  totale 


'  A  réciielle  do  0,001™  pour  mètre,  comme  tous  les  autres  plans  conletuis  dans  cet 
article. 

*  I.a  nef  centrale,  d'axe  en  axe  des  |iiles,  porte,  à  Amiens,  14'",()0;  :i  Beauvais, 
■1o'",60. 


[    fATHÊDUALK     |  —    'VM)    — 

comprise  oiilre  les  axes  des  piles  extérieures  des  has-côlés,  du  nioimiil 
que  la  portion  du  cercle  ahsidal  sera  divisée  en  sept  parties. 

Nous  avons  vu,  dans  le  j)lan  de  l'ahside  de  la  cathédrale  de  (Ihartres 
(tip.  42),  que  les  chapelles  sont  mal  plantées;  lesarcs-boutants  ne  sont  pas 
placés  sur  le  prolongement  de  la  li^iie  de  projection  horizontale  des  arcs 
rayonnants  du  sanctuaire;  (|ue  l'on  trouve  encore  là  les  suites  d'une 
hésitation  ,  des  tâtonnements.  Bien  de  pareil  à  Amiens  et  à  Beauvais  ;  la 
position  des  arcs-boutants  venant  porter  sur  les  massifs  entre  les  chapelles 
rayonnantes  est  parfaitement  indi(|iiée  pai'  le  prolon^^ement  des  rayons 
tendant  au  cenli'c  de  Pahside.  A  Amiens,  à  Beauvais,  on  ne  rencontre 
aucune  irré^adaiité  dans  la  plantation  des  constructions  absidales. 

L'architecte  de  la  cathédrale  de  Beauvais  avait  voulu  surpasseï'  l'œuvre 
des  successeurs  de  Bobert  de  Luzarches.  Non-seulement  ^ti^^  '2^)  il  avait 
tenté  de  donner  plus  de  larj^eur  au  sanctuaire  de  son  é^dise,  mais  il  avait 
pensé  pouvoir  donner  aussi  une  plus  i^nande  ouverture  aux  arcades  |)aial- 
lèles  du  chœur,  en  n'élevant  que  trois  travées  au  lieu  de  quatre  entre  le 
rond-point  et  la  croisée.  Aux  angles  des  transsepts,  il  projetait  certainement 
quatre  tours,  sans  compter  la  tour  centrale  qui  fut  bâtie.  Ses  chapelles  absi- 
(lales,  moins  grandes  que  celles  d'Amiens  et  moins  élevées,  laissèrent, entre 
leurs  voûtes  et  celles  des  bas-côtés,  régner  un  triforium  avec  fenêtres  au- 
dessus  '.  En  élévation,  il  donna  plus  de  hauteur  a  ses  constructions  cen- 
trales, et  surtout  |)lus  de  légèreté.  Ses  etlbrls  ne  furent  pas  couroim»'s  de 
succès;  la  construction  du  chœur  était  à  peine  achevée  avec  les  quatre  piles 
de  la  croisée  et  la  tour  centrale,  que  cette  construction,  trop  légère,  et 
dont  l'exécution  était  d'ailleurs  négligée,  s'écroula  en  partie.  A  la  hn  du 
xiii*^  siècle,  des  piles  durent  être  intercalées  entre  les  piles  des  trois 
travées  du  clKcm-  (tig.  2'2)  en  A,  en  B  et  en  C  (voy.  c.onstklction). 

Une  sacrisli(!  fut  élevée  en  l)  comme  à  Amiens,  et  ce  ne  fut  qu'au 
commencement  du  xvi«  siècle  que  l'on  put  songer  à  terminer  ce  grand 
monument.  Toutefois,  ces  dernières  constructions  ne  purent  s'étendre  au 
delà  des  transsepts,  ainsi  que  rindicjue  notre  plan;  les  guerres  religieuses 
arrêtèrent  à  tout  jamais  leur  achè\emenl  *. 

La  cathédrale  d'Amiens  et  celle  de  lieauvais  |)roduisirenl  un  troisième 
édilice,  dans  l'exécution  ducjuel  on  piotita  av(>c  succès  des  elforts  t<M)tés 
par  les  architectes  de  ces  deux  monuments;  nous  voulons  parler  de  la 
cathédrale  de  Cologne.  Nous  avons  vu  que  le  chœur  de  la  cathédrale 
d'Amiens  avait  dû  être  conmiencé  de  1^235  à  l!2iO;  celui  de  la  cathédrale 
de  Beauvais  fut  fondé  en  l'Hl^.  Mais  nous  devons  avouer  (jue  nous  ne 
voyons,  dans  les  |)ai'ties  moyennes  de  cet  é(liti(;e  ,  lien  qui  puisse  êti-e 
antérieur  à  l'2iO;  cependant,  en  127'2,  ce  chu'ur  était  achevé,  puis(pï"on 
s'occupait  déjà,  à  cette  époque,  de  relever  les  voûtes  écroulées.  En  1248, 

'    Voy.  ARC-BOUTANï,  tig.  61  . 

2  Dans  notre  |ilaii  fig.  22,  l;i  leiiile  griso  iniliqno  les  cnnsn'iicliDns  du  xvi'  siècle,  et 
le  trail  le  projet  de  la  iielqui  ne  lui  jamais  mis  à  exéculioii. 


on  comiiienvait  la  coiisHiictioii  du  chœui'  de  la  calliédiale  de  Cologne  '  ; 
en  \'.Hîl.  ce  clKeur  «'tait  consacré.  On  a  {)relendn  que  les  projets  priniilifs 
de  lu  cathédrale  de  Colofjne  avaient  été  rigoureusement  suivis  lois  de  la 
continuation  de  ce  vaste  édifice  ;  si  cette  conjecture  n'est  pas  adniissilde 
dans  l'exécution  des  détails  architectoniques,  nous  la  croyons  fondée  en 
ce  qui  touche  aux  dispositions  générales. 

Nous  donnons  (:24)  le  |)lan  de  celte  cathédrale*.  Si  nous  le  comparons 
avec  ceux  (l'A  miens  et  de  Heauvais.  nous  voyons  entre  eux  tiois  un  degré  de 
parenté  incontestable  ;  non-seulement  les  dispositions,  mais  les  dimensions 
sont  à  peu  de  chose  près  les  mêmes.  A  Amiens,  si  ce  n'est  la  chapelle  de 
la  Vierge,  qui  fait  exception,  nous  voyons  le  chœur  composé  de  quatie 
travées  paiallèles  comme  à  Cologne  ;  dans  l'une  et  l'autre  église,  les 
bas-côtés  sont  doubles  en  avant  des  chapelles  absidales  ;  ils  se  retournent 
dans  les  transsepts.  La  ditierence  la  plus  remarquable  entre  ces  deux 
édifices  consiste  dans  les  transsepts  et  la  nef.  La  nef  du  dôme  de  Cologne 
possède  quatre  collatéraux  ;  celle  de  la  cathédrale  d'Amiens  n'en  possède 
que  deux.  Les  transsepts,  à  Cologne,  se  conjposent  de  quatre  travées 
chacun  ;  ceux  d'Amiens  n'en  ont  que  trois.  A  Béarnais,  la  nef  du  xiiie  siècle 
devait-elle  avoir  quatre  bas-côtés?  c'est  ce  que  nous  ne  pourrions  atiirmer; 
mais  le  plan  des  chapelles  absidales  de  Cologne  semble  caUpié  sur  celui 
de  Beauvais.  Cependant  l'architecte  du  dôme  de  Cologne  avait  élargi  ses 
bas-côtés  et  donné  plus  de  force  aux  contre-forts  extérieurs  ;  il  s'était 
écarté  de  la  règle  suivie  à  Amiens  et  à  Beauvais ,  pour  le  tracé  de  la 
grande  voûte  du  rond-point  ;  il  avait  su  éviter  les  témérités  qui  causèrent 
la  ruine  du  chœur  de  Beauvais  ;  si  ses  élévations  et  ses  coupes  se  rappro- 
chent de  celles  d'Amiens  .  elles  s'éloignent  de  celles  de  Beauvais.  De  ces 
trois  chœurs  élevés  en  même  temps,  ou  peu  s'en  faut,  celui  de  Cologne 
est  certainement  le  moins  ancien  ;  et  le  maître  de  l'œuvre  de  ce  dernier 
monument  sut  profiter  des  belles  dispositions  adoptées  à  Beauvais  et  à 
Amiens,  en  évitant  les  défauts  dans  lesquels  ses  deux  devanciers  étaient 
tombés.  Mais,  nous  devons  le  dire,  malgré  la  perfection  d'exécution  du 
chœur  de  la  cathédrale  de  Cologne,  malgré  la  science  prati(iue  déployée 
par  le  constructeur  de  cet  édifice,  dans  lequel  il  ne  se  manifesta  aucun 
mouvement  sérieux,  la  conception  du  chœur  de  Beauvais  nous  parait 
supérieure.  Si  l'architecte  du  chœur  de  Beauvais  avait  pu  disposer  de 
moyens  assez  puissants,  de  matériaux  d'un  fort  volume;  s'il  n'eût  pas  été 
contraint,  par  le  manque  évident  de  ressources  financières,  d'enqjloyer  des 
procédés  trop  au-dessous  de  l'œuvre  projetée  ;  s'il  n'eût  pas  été  gêné  par 
l'emplacement  trop  étroit  qui  lui  était  donné,  il  eût  accompli  une  œuvre 
incomparable  ;  car  ce  n'est  pas  par  la  théorie  que  pèche  la  construction  du 

'  Vuv.  fexcellenle  Notice  de  M.  Kéli\  de  Verneilli  sur  la  calhédrale  de  Cologne, 
dans  les  Annales  archéologiques  de  M.  Didron,  tirée  à  part.  1848.  (Lil)iairie  iiiriiéol. 
de  M.  V.  Didron.) 

-  Comme  loiis  les  autres,  ce  plan  esl  ii  ri-cliclk-  lie  (1,001"  pour  mélre. 

T.    11.  W 


[  CATnf:i)UAi.K   I  —  -^38  — 

chœur  de  lacallii-dralcdc  licaiivais,  mais  i>ai'  rt'xt'Ciilioii.  quicsl  nn-diocre, 
pauvre.  N'oultlions  |)as  i\iu'  la  cathédrale  de  licaiivais  fui  ('oiiinitMicfe  au 


Pt  GAno.sc 


uK.iiienl  oii  déjà  sVïtail  ralenti  le  mouveuieiii  polidiiue  et  religieux  qui 
avait  i)rov(»<iué  l'exécution  des  grandes  cathédrales  du  Nord. 


—    .'{.'{U    —  [    rATllfiDRAI.E    ] 

Cet  art  français  du  xiire  siècle  arrive  si  rapidement  à  son  déveloj)|)einent, 
(jue  déjà,  vers  le  milieu  de  ce  siècle,  on  seul  (|u"il  eloutVera  l'imai^inalictn 
de  l'artiste;  il  se  rt'duil  souvent  à  des  Cornudes  (|ui  tiennent  plus  de  la 
science  (jue  de  l'inspiialion  ;  il  tend  à  devenir  banal.  Des  làtonnemenis, 
il  tombe  presque  sans  transition  dans  la  rij^ueur  niathémati(|ue.  Le 
moment  pendant  lequel  on  peut  le  saisir  est  compris  entre  des  essais 
dans  lesquels  on  sent  une  surabondance  de  force  et  d'imaj^nnalion,  et  un 
formulaire  toujours  loi:i(pie,  mais  souvent  sec  et  froid,  (^ela  lient  îion  pas 
seulement  aux  arts  de  cette  épo(|ue^  mais  à  l'esprit  de  notre  i)ays ,  qui 
tond)e  sans  cesse  des  excès  de  l'imagination  dans  l'excès  de  la  méthode, 
de  la  règle;  qui,  après  s'être  passionné  pour  les  formes  extérieures  de 
l'art,  se  passionne  pour  un  principe  abstrait;  qui,  pour  tout  dire  en  un 
mot,  ne  sait  se  maintenir  dans  le  juste  milieu  en  toutes  choses. 

On  nous  a  répété  bien  des  fois  ((ue  nous  étions  lalins  :  par  la  langue, 
nous  en  tond)ons  d'accord;  par  l'esprit,  nous  penchons  plutôt  vers  les 
Athéniens.  Comme  eux,  une  fois  au  pied  de  l'échelle,  nous  arrivons 
promptement  au  sonmiet,  non  pour  nous  y  tenir,  mais  pour  en  descendre. 
Si  nous  passons  en  revue  l'histoire  des  arts  de  tous  les  peuples  (qui  ont 
eu  des  arts),  nous  ne  trouverons  nulle  part,  si  ce  n'est  à  Athènes  et  dans 
le  coin  de  l'Occident  que  nous  occupons,  ce  besoin  incessant  de  faire 
pencher  les  plateaux  de  la  balance  tantôt  d'un  côté,  tantôt  de  l'autre, 
sans  jamais  les  maintenir  en  équilibre. 

Ce  qu'on  a  toujours  paru  redouter  le  plus  en  France,  c'est  l'immobilité; 
au  besoin  de  mouvement,  l'on  a  sacrifié  de  tout  temps,  chez  nous,  lé  vrai 
et  le  bien,  lorsque  par  hasard  on  y  était  arrivé.  Et  pour  ne  pas  sortir  des 
questions  d'art,  nous  avons  toujours  lait  succéder  à  une  période  d'inven- 
tion, de  recherche,  de  développement  de  l'imagination,  de  poésie,  si  l'on 
veut,  une  période  de  raisonnement  ;  aux  égarements  de  la  fantaisie  et  de 
la  liberté,  la  règle  absolue.  De  l'architecture  si  variée  et  si  pleine  d'inven- 
tion du  commencement  du  xnie  siècle,  de  cette  voie  si  large  qui  permettait 
h  l'esprit  d'arriver  à  toutes  les  applications  de  l'art,  on  se  jette  tout  à  coup 
dans  la  science  pure,  dans  une  suite  de  déductions  impérieuses  qui  font 
passer  cet  art  des  mains  des  artistes  inspirés  aux  mains  des  appareilleurs. 
Des  abus  de  ce  principe  naissent  les  architectes  de  la  Renaissance  :  ceux-ci 
laissent  pleine  carrière  à  leur  imagination  ;  la  fantaisie  règne  en  maîtresse 
absolue.  Mais  bientôt,  s'appuyant  sur  une  interprétation  judaïque  des  lois 
de  l'architecture  antique,  on  veut  être  plus  Romain  ([ue  les  Romains;  on 
circonscrit  l'art  de  l'architecture  dans  la  connaissance  des  ordres,  soumis  à 
des  règles  inqîérieuses  que  les  anciens  se  gardèrent  bien  de  reconnaître  '. 
Cependant,  les  excès  en  France  sont  presque  toujours  couverts  d'un 

•  Dans  le  temps  où  l'on  croyait  très-sérieusement  faire  en  France  de  rarcliitecture 
romaine,  on  portait  des  perrtiqnes  colossales  et  des  souliers  à  talons,  des  canons 
couverts  de  rubans,  des  aiguillettes  et  des  baudriers  larges  de  six  pouces  :  nous  n'y 
voyons  pas  de  mal  ;  mais  on  nous  dit,  très-sérieusement  aussi ,  lorsque  nous  croyons 


[    (.ATIIÉDKAIK    ]  —    ;{i()    — 

vornis,  diino  sortp  d'onvoloppp  qui  les  rend  suppoilaliles;  on  appclhMii 
cela  \o  iiinU.  si  l'on  vont.  On  arrive  prompteinenf  à  l'abus,  et  l'abus  porsisle 
parce  (pi'on  le  rend  presque  toujours  séduisant. 

L'architecture  franvaise  était  en  clieniin  ,  dès  le  milieu  du  xiie  siècle, 
de  franchir  en  peu  de  temps  les  limites  du  possible;  cependant  on  s'airêle 
aux  hardiesses,  on  n'atteint  pas  l'extravagance.  L'architecte  du  ch(eur  de 
la  cathédrale  de  Reauvais,  si  ce  monument  eût  été  exécuté  avec  soin,  fût 
arrivé,  cinquante  ans  après  l'inauguration  de  l'art  ogival,  à  produiie  tout 
ce  que  cet  arl  |i<'ut  produire;  il  est  à  croire  (|ue  les  fautes  qu'il  conniiil 
dans  l'exécution  anètèrent  l'élan  de  ses  confrères  :  il  y  eut  réaction.  A 
partir  de  ce  moment ,  l'imagination  cède  le  pas  aux  calculs,  et  les  con- 
structions religieuses  qui  s'élèvent  à  la  fin  du  xiii'-  siècle  sont  l'expression 
d'un  art  arrivé  à  sa  maturité,  basé  sur  l'expérience  et  le  calcul,  et  (pii 
n'a  plus  rien  à  trouver. 

Mais  avant  de  donner  des  exemples  de  ces  derniers  monuments,  nous 
ne  pouvons  omettre  de  parler  de  certaines  cathédrales  qui  doivent  être 
classées  à  part. 

Nous  avons  d'abord  fait  connaître  les  édifices  de  premier  ordre  élevés 
pendant  une  j)ério(le  de  soixante  ans  environ^  pour  satisfaire  aux  besoins 
nouveaux  du  clei-gé  et  des  populations,  dans  des  villes  riches,  et  au  moyen 
de  ressources  considéiables.  Mais  si  l'entrainement  (|ui  portail  lesévèques 
à  rebâtir  leurs  cathédrales  était  le  même  sur  toute  la  surface  du  domaine 
royal  et  des  provinces  les  plus  voisines,  les  ressources  n'étaient  pas,  a 
beaucoup  près,  égales  dans  tous  les  diocèses.  Pendant  que  Reims,  Chartres 
et  Amiens  élevaient  leur  église  mère  sur  de  vastes  plans,  après  en  avoir 
assuré  la  durée  par  des  travaux  préliminaiies  exécutés  avec  un  giand 
luxe  de  pi'écautions,  d'autres  diocèses,  entourés  de  populations  moins 
favorisées,  moins  riches,  en  se  laissant  entraîne!'  dans  le  mouvement 
irrésistible  de  cette  époque  ,  ne  pouvaient  réunir  des  sonniiesen  rapport 
avec  la  grandeur  des  entreprises,  quelle  ((ue  fût  d'ailleurs  la  bonne 
volonté  des  fidèles. 

De  ce  besoin  de  construire  des  églises  vastes  avec  des  moyens  insuffi- 
sants, il  résultait  des  édilices  qui  ne  pouvaient  jirt'senter  des  garanties  de 
durée.  Pour  pouvoir  élever,  au  moins  partiellement,  les  constru(  licous  sans 
épuiser  toutes  les  ressources  disponibles  dès  les  premiers  travaux,  on  se 
passait  de  fondations,  ou  bien  on  les  établissait  avec  tant  de  paicimonie, 
qu'elles  n'offraient  aucune  stabilité.  Lorsqu'on  a  vu  comment  sont  fondées 
les  cathédrales  de  Paris,  de  Reims,  de  Chartres  ou  d'Amiens,  on  ne  |)eul 
admettre  que  les  maîtres  des  œuvres  des  xw  et  xm«"  siècles  ne  fussent  pas 

qu'on  peut  tirer  quelque  chose  de  l'architecture  IVaiK-aiso  du  xm'  siècle  et  lorsque 
nous  engageons  les  jeunes  architectes  à  l'étudier,  pour  conihaltre  cette  opinion  et  ce 
désir,  que  nous  ne  nous  li:il)illons  pins  conniie  du  temps  de  IMiilippe-AugusIe.  Nos 
iiabits  se  rapproclient-ds  davantage  du  costume  romain  ou  micore  des  vêlements  du 
siècle  de  Louis  \|V  ? 


—    ;{il     —  I    CATHEDRA  I.F    ] 

exjMM'Is  dans  la  comiaissaiioo  de  ces  éléments  de  la  construction.  Mais  tel 
évèque  voulait  une  cathédrale  vaste,  pronipteuient  élevée,  qui  pût  rivaliser 
avec  celles  des  diocèses  voisins,  et  ses  ressources  étaient  proportionnelle- 
ment minimes;  il  n'entendait  pas  qu'on  enfouît  sous  le  sol  une  grande 
partie  de  ces  sommes  réunies  à  grande  jM^ine  :  il  fallait  paraître.  Le  maître 
de  l'œuvre  se  contentait  de  jeter,  dans  des  tranchées  mal  faites,  du  mau- 
vais moellon  cpie  l'on  pilonnait;  puis  il  élevait  à  la  hâte,  sur  cette  hase 
peu  résistante,  un  grand  editice.  Habile  encore  dans  son  imprudence,  il 
achevait  son  o-uvre. 

Ces  derniers  monuments  ne  sont  pas  les  moins  intéressants  à  étudier, 
car  ils  prouvent,  beaucoup  mieux  que  ceux  élevés  avec  luxe,  deux  choses  : 
la  première,  c'est  que  le  nouveau  système  d'architecture  adopté  par  l'école 
laïque  se  prétait  à  ces  imperfections  d'exécution ,  et  pouvait,  à  la  rigueur, 
se  passer  de  précautions  regardées  connue  nécessaires  ;  la  seconde,  que, 
dans  des  cas  pareils  ,  les  maîtres  des  œuvres  du  moyen  âge  arrivaient, 
par  des  artifices  de  construction  qui  dénotent  une  grande  subtilité  et 
beaucoup  d'adresse,  à  élever  à  peu  de  frais  des  édifices  vastes  et  d'une 
grande  apparence.  Si  ces  édifices  tombent  aujourd'hui,  s'ils  ont  subi  des 
altérations  effrayantes,  ils  n'en  ont  pas  moins  duré  six  siècles;  lesévéques 
qui  les  ont  bâtis  ont  obtenu  le  résultat  auquel  ils  tendaient  :  eux  et  leurs 
successeurs  les  ont  vus  debout. 

Parmi  les  cathédrales  qui  furent  construites  dans  des  conditions  aussi 
défavorables,  il  faut  citer  en  première  ligne  la  cathédrale  de  Troyes.  Le 
chœur  et  les  transsepts  de  la  cathédrale  de  Troyes,  dont  nous  présentons 
le  plan  (-2^),  appartiennent,  parleurs  dimensions,  à  un  monument  du 
premier  ordre.  Le  vaisseau  principal  n'a  pas  moins  de  li'", 50  d'axe  en 
axe  :  or,  que  l'on  compare  le  plan  du  chœur  de  la  cathédrale  de  Troyes 
avec  celui  du  chœur  de  la  cathédrale  de  Reims,  par  exemple,  qui ,  dans 
œuvre,,  est  à  peu  près  de  la  même  dimension  comme  largeur,  quelle 
énorme  différence  de  cube  de  matériaux  à  rez-de-chaussée  entre  ces  deux 
édifices?  L'architecte  de  la  cathédrale  de  Troyes  a  établi  ce  vaste  monument 
sur  des  fondations  composées  uniquement  de  mauvais  sable  et  de  débris 
de  craie  ;  mais,  avec  une  connaissance  parfaite  du  défaut  de  sa  construc- 
tion, il  a  cherché  à  reporter  ses  pesanteurs  sur  le  milieu  du  chœur,  en 
donnant  aux  piliers  intérieurs  une  assiette  comparativement  large,  et  aux 
contre-forts  extérieurs  un  volume  moindre  que  dans  les  édifices  analogues. 
Il  espérait  ainsi ,  en  ne  chargeant  pas  le  périmètre  de  son  monument, 
éviter  le  déversement  que  devait  nécessairement  produire  le  poids  des 
contre-forts,  augmenté  de  la  poussée  des  grandes  voûtes.  Il  va  sans  dire 
qu'il  ne  réussit  qu'imparfaitement  dans  l'exécution.  Malgré  leur  peu  de 
pesanteur,  les  contre-forts  extérieurs  se  déversèrent  sous  la  pression 
oblique  des  arcs-boulants ,  et,  au  xiv  siècle,  il  fallut  déjà  prendre  des 
mesures  pour  ariètei-  les  fâcheux  etiets  causés  par  le  vice  radical  de  la 
construction  de  la  cathédrale  de  Troyes.  Ce  n'est  pas  seulement  dans  les 
fondations  (juc  I  on  ifinarque  l'extrême  parcimonie  avec  laquelle  la  partie 


[    CATHÉDRALE    |  —    -iH    — 

orientale  de  cet  édifice  ("ut  élevée  ;  en  élevai  ion,  tous  les  mt-inhies  résistants 
et  épais  de  la  bâtisse  sont  construits  (M1  matériaux  |)etits,  inéj^MUX,  dune 
mauvaise  qualité;    les   meneaux,  corniches  et  colonnes  sont  seuls  en 


pierre  de  taille;  les  voûtes  sont  en  craie.  I-e  fondateur  n'en  vit  pas  moins 
ce  vaste  cho-ur  élevé  :  son  but  était  atteint.  I.e  chœur  de  la  cathédrale  de 
Troyes  est  d'ailleurs  fort  beau  comme  comj^osilion  ;  à  linlérieur  on  ne 
s'aperçoit  pas  de  cette  pauvre  exécution,  i.a  galerie  ou  tiiforium  est, 
comme  dans  le  chœur  de  la  cathédrale  d'Amiens,  à  claire-voie,  et  toutes 
les  fenêtres  sont  ^^-u'nies  de  beaux  vitraux.  La  sculpture  intérieure  est 
sobre,  mais  lar^^e  et  belle;  les  chapelles  sont  d'une  heureuse  proporlifin. 
Vers  le  conmiencement  du  xiv»-  siècle,  la  nef  fut  élevée  avec  des  doubles 


—    343    (    CATIIÈDRAIK    ] 

bas-côtés;  peu  après,  c'est-à-dire  vers  le  milieu  du  xiv»  siècle,  des  cha- 
pelles vinrent  encore  s'ajouter  à  cette  nef.  La  façade  ne  fut  conuiiencée 
qu'au  wc  siècle  «^l  resta  inachevée.  Ces  constructions  des  xiv^'  et  \vi«  siè- 
cles sont  soridenienl  fondées  et  savanniient  combinées  '. 

Le  chœur  de  la  cathédrale  de  Troyes  présente  (]uelques  particularités 
que  nous  devons  signaler  (fig.  "25).  Si  la  chapelle  de  la  Vierge  (dans  Taxe  de 
l'abside)  n'est  pas  aussi  profonde  qu'à  Amiens,  cependant  elle  se  distingue 
des  quati'e  autres  chapelles  absidales  ;  elle  possède  deux  travées  en  avant 
du  rond-point  au  lieu  d'une  seule.  Du  côté  du  nord,  deux  chapelles  plus 
petites  s'ouvrent  à  l'extrémité  des  bas-côtés,  avant  les  chapelles  absidales; 
Tune  des  deux  est  ouverte  dans  le  second  collatéral.  Au  sud ,  est  une 
sacristie,  et  un  double  bas-côté  terminé  par  une  sorte  d'abside  peu  pro- 
noncée. La  grande  voûte  n'est  pas  tracée  comme  le  sont  celles  d'Amiens 
et  de  Beauvais.  Le  centre  du  rond-point  est  posé  sur  le  dernier  arc  dou- 
bleau,  et  la  poussée  des  arcs  arêtiers  est  contre-buttée  par  deux  demi-arcs 
ogives  franchissant  la  largeur  de  la  dernière  travée.  Enfin,  si  le  chœur  de 
la  cathédrale  de  Troyes  est  champenois,  bâti  à  une  époque  où  xette 
province  n'était  pas  encore  réunie  à  la  France,  il  appartient,  connue 
architecture,  au  domaine  royal.  Sa  construction  fut  certainement  confiée 
à  l'un  de  ces  maîtres  des  œuvres  appartenant  à  l'école  des  Thomas  de 
Cormont,  des  architectes  qui  rebâtirent,  au  xiie"  siècle,  le  haut  chœur  de 
l'église  abbatiale  de  Saint-Denis -,  qui  élevèrent  le  chœur  de  la  cathédrale 
de  Tours,  dont  nous  présentons  (26)  le  plan.  Conq^arativement  aux  plans 
que  nous  avons  donnés  jusqu'à  présent,  celui  de  la  cathédrale  de  Tours 
est  petit*;  mais  les  constructions  sont  excellentes.  Le  triforium  est  à 
claire-voie,  connne  ceux  de  Troyes  et  d'Amiens. 

Tours  était  cependant  une  ville  très-importante  au  x[ne  siècle;  mais 
nous  ne  trouvons  plus  dans  les  populations  des  bords  de  la  Loire  cet 
esprit  hardi,  téméraire  des  populations  de  l'Ile-de-France,  de  Champagne 
et  de  Picardie.  Plus  sages,  plus  mesurés,  les  riverains  de  la  Loire  n'exé- 
cutent leurs  monuments  que  dans  les  limites  de  leurs  ressources.  La 
cathédrale  de  Tours,  dans  ses  dimensions  restreintes ,  en  est  un  exemple 
remarquable. 

Ce  charmant  édifice  est  exécuté  avec  un  soin  tout  particulier;  on  n'y 
voit,  dans  aucune  de  ses  parties,  de  ces  négligences  si  fréquentes  dans  nos 

'  En  1845,  il  i'allul  rebâtir  le  pignon  du  Iranssept  sud  qui  s'élail  écroulé  en  partie  ; 
déjà,  au  xv<^  siècle  ,  on  avait  consolidé  celui  du  nord.  En  1849  ,  il  fallut  élayer  les 
voûtes  du  chœur  ,  et ,  depuis  cette  époque,  des  travaux  de  reprise  en  seus-œuvre  des 
fondations  ont  été  exécutés  avec  une  grande  adresse  :  les  chapelles  sont  restaurées, 
et  on  reconstruit  aujourd'hui  toute  la  partie  supérieure  du  sanctuaire. 

2  Le  haut  chœur  de  l'église  abbatiale  de  Saint-Denis  a  la  plus  grande  analogie  avec 
le  chœur  de  la  cathédrale  de  Troyes. 

*  Le  chœur  seul  de  cet  édifice  date  du  xiii=  siècle  (première  moitié).  I^a  nefappar- 
tient,  ainsi  que  les  chapelles,  aux  siècles  suivants;  la  l'a(j^ade  ne  fut  élevée  qu'au 
commencement  du  xvi'  siècle. 


[    CATHÉDRALE    ]  —    '{ii    — 

},qaiides  catlu'drales  du  nord.  Les  calhédialfs  de  (Uiarlies  et  d'Aïuieiis 
particulièroinpiit  paiaissont  avoir  été  élevées  avec  une  liàlequi  tient  de  la 
fièvre;  il  seniltle  .  lors(|u'on  parcourt  ces  édifices,  (jue  leuis  architectes 
aient  eu  le  pressentiment  du  peu  de  durée  de  cette  inij)ulsi<>n  à  la(|uelle 
ils  obéissaient.  A  Tours,  on  sent  Tétude,  le  soin,  la  lenteur  dans  l'exécu- 
tion; le  chœur  de  la  cathédrale  est  l'œuvre  d'un  esprit  rassis,  qui  possède 
son  art  et  n'exécute  qu'en  vue  des  ressources  dont  il  peut  disposer.  On 


|)eut  dire  que  ce  gracieux  monument  suit  pas  à  pas  les  proj^Mvs  de  I  art  de 
son  temps;  mais  aussi  n'y  sent-on  pas  rinsi)iration  du  f^énie  (|ui  conçoit 
et  devance  l'exécution,  (|ui  anime  la  pierre,  et  la  soumet  sans  cesse  à  de 
nouvelles  idées. 

Il  est  nécessaire  que  nous  revenions  sur  nos  pas  pour  reprendre ,  à  sa 
souche,  une  autre  branche  des  grandes  constructions  religieuses  du 
xui«  siècle.  A  Autun,  il  existe  encore  une  cathédrale  bâtie  vers  le  milieu 
du  xu»"  siècle;  ce  monuuKMit  rappelle  les  citustructions  religieuses  de 
(lluny  ;  il  avait  été  élevé  sous  linllueuce  des  églises  de  ce!  ordre  et  des 
traditions  romaines  vivantes  encore  dans  cette  ville. 


—    ;}45    I    CATHfiDKALK    | 

Son  plan,  (|U('   nous  donnons  ici  ('27),  couvr<'  une  surface  médiocre 


rseAM  se 


comme  étendue'  ;  il  est  d'une  grande  simplicité  ;  la  nef  et  les  collatéraux 
se  terminent  par  trois  absides  semi-circulaires;  le  vaisseau  principal 
est  voûté  en  berceau  ogival,  avec  arcs  doubleaux;  les  bas-côtés  en 
voûtes  d'arêtes,  sans  arcs  ogives  ^  Un  vaste  porche ,  bâti  peu  de  temps 
après  la  construction  de  la  nef,  la  précède,  comme  dans  les  églises 
clunisiennes. 

Cet  édifice  en  produisit  bientôt  un  autre  :  c'est  la  cathédrale  de  Langres 
(28).  A  Langres,  le  bas-côté  pourtourne  le  sanctuaire  ;  une  seule  chapelle 
existait  à  l'abside*;  dans  les  murs  est  des  croisillons  s'ouvrent  deux 
petites  absides.  Le  rond-point  était  encore  voûté  en  cul-dc-four;  mais, 
dans  la  travée  (|ui  le  précède  et  dans  le  collatéral  circulaire,  apparaissent 
les  voûtes  darétes  avec  arcs  ogives.  Les  fenêtres  et  les  galeries  sont  plein 
cintre;  tous  les  archivoltes,  formerets  et  arcs  doubleaux,  en  tiers-point 

1  Ce  plan  est  à  0,001'"  pour  mèlre.  La  cathédrale  d'Aulun  est  mal  orientée  :  l'abside 
est  tournée  vers  le  sudsiul-est. 

2  Voy.  ARCIMTECTL'KE  heligikusf;,  fig.  20. 

*  Ce  collatéral  circulaire  a  été  entouré,  au  xiv  siècle,  de  diapelles  informes;  mais 
on  retrouve  facilenieul ,  au-dessus  des  voûtes  de  ces  cliapolles,  fort  légèrement 
construites,  les  dispositiiuis  |)riniitives  <\n  has-côlé. 

T.    11.  W 


[  CATHfinuMi:   I  —  :{4H  — 

(voy.  voiite).  Des  arcs-houlants,  qui  tiomient  à  la  oonstruclioii  piiinitiv»', 
coiitre-lnittont  les  poussôos  rpporl(''ps  sur  l»'s  conlre-forts. 

Le  chœur  do  la  calliédrale  de  Lan^ics  date  do  la  sonmdo  innilio  du 


''ieAp.o     (i 


xif  siècle;  la  nef,  des  dernières  années  de  ce  siècle  ou  des  premières  du 
xiM«,  Nous  présentons  (29)  la  coupe  transversale  de  ce  monument.  En 
examinant  cette  coupe,  il  est  facile  de  voir  qu'il  y  a  là  tous  les  éléments 
d'un  art  qui  se  développe,  des  dispositions  simples  et  sajj;es.  Si  la  cathé- 
drale d'Autun,  avec  son  j^rand  berceau  ogival  sans  arcs-boulants,  n'otirait 
pas  des  conditions  de  stabilité  sutiisantes  ',  à  Lani-res,  le  problème  était 
résolu,  les  conditions  de  stabilité  excellentes. 

Cette  école  de  constructeui's,  dont  nous  retrouvftns  les  o'uvres  à  la 
Charité-sur-Loii-e,  dans  le  jjorche  de  Vezelay  ,  dans  celui  de  (lluny.  dans 
la  belle  éj^lise  de  MiMiIrcalr  (  Yoime),  dans  une  grande  partie  du  Lyonnais, 


'  Quoique  la  calliédrale  (r\utmi  ait  (Me  liàlic  eu  excellents  matériaux ,  hieu  appa- 
reillés, d'un  Idil  volume,  cl  posés  avec  soin  ,  le  ^land  berceau  ogival  lit  déverser  les 
murs  latéraux  imniédialeuu'iil  après  le  décinUage  ;  on  dut  soutenir  ces  murs  par  des 
arcs-boutants  ,  qui  lurent  lelaits  ou  rliabillés  au  w^  siècle.  Il  y  a  dix  ans,  il  l'allul 
reconstruire  les  grandes  voûtes  en  poterii»  et  ter;  elles  nuMiaçaienl  luiiu'. 


:U7 


I    (:.\TllfU)U.\I.K 


de  la  BouriiOj^iie  et  du  tond  de  la  (llïaiiipaftiie  ,  s'élevait  paiallèleinent  à 
l'école  sorlie  de  l'Ile-de-France;  elle  fut  absorbée  par  celh'-ci. 

La  catlieiliale  de  Laiigres  es!  la  dernière  expression  originale  de  celle 


branche  de  l'art  ofrival  issue  des  provinces  du  sud-est;  les  deux  rameaux 
se  rencontrèrent  à  Sens  pour  se  mêler  et  {troduire  un  édifice  d'un  carac- 
tère particulier,  mais  oii  cependant  l'intUience  française  prédomine. 


r.ATIir-DIlAI.K     I  —    ^'*X    

Nous  présentons  (30)  lo  plan  dr  la  oathédralo  de  Sens  ',  lenninée  à  la 


'^ 


fin  (lu  \ii'  siècle.  En  comparant  le  chœur  de  cette  catliédrak;  avec  celui 
de  Lan^nes,  on  tiouve  entre  eux  deux  une  certaine  analogie.  Le  sanctuaire 
est  entouré  d'iin  collatéral;  une  seule  chapelle  est  disposée  dans  l'axe; 
dans  les  ti'ansse|(ts,  les  absides,  dont  nous  tiouvons  rend)i'yon  à  l.ani,M*es, 
se  développent  à  Sens.  Dans  les  détails,  on  rencontre  é^uilenient,  entre 
les  deux  édilices,  des  points  de  rapport.  Les  arcs  ogives,  par  exemple, 
des  voûtes  des  has-cotés,  à  Sens  connue  à  Langres,  reposent  sur  des 
culs-de-lampes  ménagés  au-dessus  des  chapiteaux,  ceux-ci  ne  recevant 
(|ue  les  retombées  des  archivoltes  et  des  arcs  doubleaux. 

Mais,  à  Sens,  plus  de  j»ilasfres  cannelés  :  déjà  le  sysiènie  de  la  voûte 


A  ri'cliellc  (If  0,001"'  |i(>iii  iKcl 


If. 


[W.)    —  [    CATHfinRAI.K    I 

française  est  adopté  dans  les  bas-côtés  '.  Autour  du  sanctuaire,  ce  n'est 
plus,  comme  à  Lanjjres ,  une  simple  rangée  de  colonnes  qui  porte  les 
parties  supérieures,  mais  des  colonnes  accouplées  suivant  les  rayons  de  la 
courbe,  et  des  piles  formées  de  faisceaux  de  colonnettcs.  Ce  système  de 
colonnes  accouplées  entre  des  piles  plus  fortes  se  re|)roduit  dans  toute 
l'œuvre  intérieure  de  la  catliédrale  de  Sens,  et  s'adapte  parfaitement  à  la 
combinaison  des  voûtes  dont  les  diagonales  ou  arcs  ogives  comprennent 
deux  travées  ;  c'est  une  disposition  analogue  à  celle  de  la  nef  de  la  cathé- 
drale de  Noyon,  et  rpii  lut  généralement  adoptée  dans  les  églises  de 
l'Ile-de-France  de  la  tin  du  xii^'  siècle.  Malheureusement,  la  cathédrale  de 
Sens  subit  bientôt  de  graves  modifications;  des  reconstructions  et  adjonc- 
tions postérieures  à  sa  construction  changèrent  profondément  ses  belles 
dispositions  premièi-es.  Pour  bien  nous  rendre  compte  de  l'édifice  primitif, 
il  nous  faut  passer  la  Manche  et  aller  à  Canterbury. 

Nous  ne  possédons  aucun  renseignement  précis  sur  la  fondation  de  la 
cathédrale  actuelle  de  Sens,  et  le  nom  du  maître  de  l'œuvre  qui  la  conçut 
nous  est  inconnu;  on  sait  seulement  que  sa  construction  était  en  pleine 
activité  sous  l'épiscopat  de  Hugues  de  Toucy,  de  1 144  à  1 168,  dates  qui 
s'accordent  parfaitement  avec  le  caractère  archéologique  du  monument. 
Nos  voisins  d'outre-mer  sont  plus  soigneux  que  nous  lorsqu'il  s'agit  de 
l'histoire  de  leurs  grands  monuments  du  moyen  âge.  Les  documents 
abondent  chez  eux,  et  depuis  longtemps  ont  été  recueillis  avec  soin; 
grâce  à  cet  esprit  conservateur,  nous  allons  trouver  à  Canterbury  l'histoire 
(le  la  cathédrale  sénonaise. 

En  1 174-,  un  incendie  détruisit  le  chœur  et  le  sanctuaire  de  la  cathédrale 
de  Canterbury;  l'année  suivante,  après  que  les  restes  de  la  partie  incendiée 
eurent  été  dérasés  et  qu'on  eut  établi  provisoirement  les  stalles  dans 
l'ancienne  nef,  on  commença  le  nouveau  chœur.  L'œuvre  fut  confiée  à  un 
certain  Guillaume  de  Sens  *.  Ce  maître  de  l'œuvre  ne  quitta  l'Angleterre 
qu'en  1179,  à  la  suite  d'une  chute  qu'il  fit  sur  ses  travaux,  après  avoir 
élevé  la  partie  antérieure  du  nouveau  chœur  et  les  deux  transsepts  de 
l'est  '\  Avant  de  partir,  étant  blessé  et  ne  pouvant  quitter  son  lit,  Guillaume 

'  Nous  ne  parlons  pas  des  voûtes  hautes  du  chœur  et  de  la  nef  qui,  dans  la  cathé- 
drale de  Sens,  furent  refaites,  vers  la  fin  du  xiii'  siècle,  à  la  suite  d'un  incendie. 

•2  II  ne  faut  pas  oublier  que  la  cathédrale  de  Canterbury  avait  conservé  avec  la 
France  des  relations  suivies.  Lanfranc,  Saint-Anselme,  tous  deux  Lombards,  tous 
deux  sortis  de  Tabbaye  du  Bec  en  Normandie,  devinrent  successivement  archevêques 
de  Canterbury,  primats  d'Angleterre.  Saint  Thomas  Becket  demeura  longtemps  à 
Pontigny  et  à  Sens;  le  trésor  de  cette  cathédrale  conserve  encore  ses  vêlements 
épiscopaux. 

•^  La  cathédrale  de  Canterbury  est  à  doubles  croisillons  ;  les  croisillons  de  l'ouest 
dépendent  de  la  basilique  primitive;  ceux  de  Lest  appartiennent  à  la  construction 
commencée  par  (Hiillaunie  de  Sens.  (Voy.  The  architcclunil  hiatorii  of  Canterbury 
culhedral,  par  le  professeur  \\  illis,  auquel  nous  empruntitns  ce  curieux  passage,  que 
l'auteuru)  lui-même  extrait  iW  la  chronique  de  (Jcrvase.) 


(     CATHÉDKALE     |  .joO    

(le  Sens,  voyant  l'hiver  (I77S-I77U)  appi'ocliciM't  ne  vonlant  pas  laisser  la 
grande  vonle  inachevée,  donna  la  condnite  dn  ti'avail  h  un  moine  habile 
rt  industrieux  (|ui  lui  servait  de  eotiduelcur  de  travaux,  (le  fut  ainsi  que 
jiut  tMre  terminée  la  voûte  de  la  croisée  et  des  deux  transse|>ts  oiicnlaux. 
Mais  «  le  maître,  s'apercevant  quil  ne  recevait  aucun  soulajiement  des 
K  médecins,  abandonna  l'œuvre,  et,  traversant  la  mer.  retourna  chez  lui 
«  en  France.  Un  autre  lui  succéda  dans  la  direction  des  travaux.  William 
«  de  nom,  Anj^dais  d(>  nation,  petit  de  coips,  mais  pi'obe  et  habile  dans 
«  toutes  sortes  darts.  «  Ce  fut  ce  second  maître,  atiglais  de  nation,  qm 
termina  le  clueur,  le  chevet,  la  chapelle  de  la  Trinité  et  la  chapelle  dite 
la  couronne  de  liecket.  Or  cette  extrémité  orientale,  dont  nous  donnons  le 
plan  au  niveau  de  la  j>alerie  du  rez-de-chaussée  (lil),  (|uoique  élevée  par 

un  architecte  anglais,  conserve  encore  tous 
les  caractères  de  l'abside  de  la  cathédi'ale  de 
Sens,  non-seulement  dans  son  plan,  mais  dans 
sa  construction,  ses  protils  et  sa  sculi)ture 
d'ornement,  avec  plus  de  finesse  et  de  léj^^è- 
reté  ;  ce  qui  s'explique  par  l'intervalle  de  quel- 
ques années  qui  sépare  ces  deux  construc- 
tions. William  l'Anglais  n'a  fait  que  suivre, 
nous  le  croyons,  les  j)roiets  de  son  malheu- 
reux prédécesseur,  qui  pourrait  bien  être  le 
maître  de  l'œuvic  de  la  cathédrale  de  Sens. 
Le  chevet  de  la  cathédrale  de  Canterbury  nous 
donne  le  moyen  de  restituer  le  chevet  de  la 
cathédrale  de  Sens,  ainsi  que  nous  l'avons  fait  (fig.  .'{())  '. 

Ce  qui  caractérise  la  cathédrale  de  Sens,  c'est  lauqjleur  et  la  simplicité 
des  dispositions  générales.  La  nef  est  large,  les  points  d'appui  résistants, 
élevés  seulement  sous  les  retombées  réunies  des  grandes  voûtes  ;  le  chœui- 
est  vaste  et  profond.  L'ai-chitecte  avait  su  allier  la, mâle  grandeur  des 
églises  bourguignonnes  du  xu»'  siècle  aux  nouvelles  formes  ado|)tées  par 
I  lle-(l(!-KraMce.  Mais  il  ne  faut  pas  croire  que  ce  monument  nous  soit 
conservé  tel  que  l'avait  laissé  l'évèque  Hugues  de  Toucy.  Dévaste  par  un 
incendie  vers  le  milieu  du  xiii«  siècle,  les  voûtes,  les  fenêtres  hautes  et 
les  couronnements  furent  refaits,  puis  la  chapelle  absidale.  Des  colonnes 
furent  ajoutées  entre  les  colonnes  accouplées  du  rond-point,  afin  de  porter 

'  La  seule  partie  contest;il)le  de  ceUe  resliuition  serait  la  chapelle  circulaire  dans 
l'axe,  r('ni|)la(ée  par  une  chapelle  plus  profonde  élevée,  après  l'incendie ,  a  la  lin  du 
xiir  siècle.  Mais  il  y  a  tant  d'analo5j;ie  entre  le  clievel  de  ("anterhnry  et  celui  de  Sens, 
que  nous  sommes  iorl  disposé  à  croire  cpie  la  couronne  de  i?ecket  n'çsl  (prune  imitation 
d'une  chapelle  send)lal»ie  bàlie  à  Sens  par  le  maître  (Miillaunie  ,  avant  son  dépari  pour 
i'Auifliterre.  N'oublions  pas  que  c'est  en  t  168  que  la  cathédrale  de  Sens  est  terminée, 
et  (jue  cesl  eu  I  l7o  que  (Jnillaume  commence  les  constructions  du  chœur  de  (".anter- 
hury.  iNous  renvoyons  nos  lecteurs,  pour  de  plus  anq)les  renseignements  sur  ce  sujet, 
à  l'excellent  ouvrage  déjà  cilé  du  l*rol'  Willis. 


•'*•"»•     I     (ATllfiDRAI.K     I 

(le  fond  l»>s  archivollps  qui  devaient,  ooinnie  à  (>anterl)ury,  porlei'  sur  des 
euls-de-lainpc  saillants  entre  les  deux  eiiapiteaux  (vuy.  imli;). 

A  la  lin  de  ee  siècle,  on  i)rati(|ua  d(^s  ehaix'llcs  entre  les  contre-torts  de 
la  nef,;  cette  malheureuse  opération,  que  subirent  toutes  nos  catliédiales 
françaises,  sauf  celles  de  Keiniset  de  Charlivs,  eut  poui'  résultat  d'allaiMir 
les  points  d'appui  extérieurs  et  de  rendre  I  écoulement  des  eaux  dilliciie. 
Vers  1^2()(),  la  tour  sud  de  la  façade  s'écroula  sur  la  belle  salle  synodale  bàlie 
vers  h2i().  en  C  ;  cette  tour  fut  remontée  à  la  fin  du  xui*'  siècle  et  achevée 
seulement  au  xvi"'  siècle.  La  tour  du  nord,  élevée  vers  la  tin  du  xii»-  siècle, 
n'était  terminée  que  par  un  bettroi  de  bois,  recouvert  de  plomb,  monte 
vers  le  conmiencemeiii  du  xiv  siècle  '.  Au  connnencement  du  xvi»'  siècle, 
le  pij^Mion  du  transsept  sud,  qui  datait  du  xm»^  siècle,  fut  reorisdans  toute 
sa  partie  supérieur»';  celui  du  nord,  complètement  rebâti;  les  fenêtres 
hautes  des  croisillons  ,  refaites  avec  leurs  vitraux;  enlin,  deux  chapelles 
de  forme  irré^ulière  vinrent  s'accoler,  à  la  Hn  du  xvr  et  au  xvii"'  siècle, 
contre  les  lianes  du  collatéral  de  l'abside.  Une  salle  du  trésor  et  des 
sacristies  qui  communiquent  avec  l'archevêché  s'élevèrent  en  B.  l/entree 
principale  du  ])alais  archiépiscopal  était  sous  la  salle  synodale  en  A. 

Dans  la  cathédrale  de  Sens,  le  plein  cintre  vient  se  mêler  à  l'ogive, 
comme  dans  le  chœur  de  la  cathédrale  de  (lanlerbury.  (]'est  encore  là  une 
influence  de  l'école  bourguignonne. 

Les  constructions  achevées  en  1168  avaient  dû  s'arrêter  à  la  seconde 
travée  de  l'entrée  de  la  nef.  Les  parties  les  plus  anciennes  de  la  façade  ne 
remontent  pas  plus  loin  qu'aux  dernières  années  du  xiie  siècle;  il  ne  reste, 
de  cette  épo(|ue,  que  les  deux  portes  centrale  et  nord  et  la  tour  nord 
tronquée.  \  l'inférieur  et  à  l'extérieur,  sur  ce  point,  c'est  un  mélange 
incompréhensible  de  constructions  reprises  pendant  les  xin«,  xiv  et 
xvi»"  siècles.  Ce  qui  reste  des  vitraux  du  commencement  du  xni»-  siècle  et 
du  xvie,  dans  la  cathédrale  de  Sens,  est  fort  remarquable  (voy.  vitrail). 

Saint-Etienne  de  Sens  est  une  cathédrale  à  part,  connue  plan  et  comme 
style  d'architecture;  contem[)oraine  de  la  cathédrale  de  Noyon,  elle  n'en 
a  pas  la  tînesse  et  l'élégance.  On  y  trouve,  malgré  l'adoption  du  nouveau 
système  d  architecture,  l'ampleur  des  constructions  romanes,  bourgui- 
gnonnes et  de  Langres,  comme  un  dernier  reflet  de  ranfi(piité  romaine. 
Ce  qui  caractérise  la  cathédrale  sénonaise,  c'est  surtout  l'unique  chapelle 
absidale  et  les  deux  absidioles  des  transsepfs.  Quoique  Sens  et  Langres 
dépendissent  de  la  Champagne,  ces  deux  églises  a|)partiennent  bien 
moins  a  cette  province  qu'à  la  Bourgogne,  comme  disposition  et  style 
d'architecture. 

Nous  en  trouvons  la  preuve  dans  les  substructions  de  la  cathédrale 
d'Auxerre.  La  cathédrale  d'Auxerre,  rebâtie  après  un  incendie  par  l'évêque 
Hugues,  vers  lO.'JO,  possédait  un  sanctuaire  circulaire  avec  bas-côtés  et 

1  Ce  helhdi  n'exisU'  |>lus;  il  lui  descendu,  pour  cause  de  vétusté,  il  y  a  une  ili/.;tine 
d'années. 


32 


1   i:athédralk  1  —  "{o^  — 

tliapcllo  unique  dans  l'axe;  la  crypte  de  cette  église,  encore  existant*' 
aiijouid'lmi ,  est ,  sous  ce  point  de  vue,  du  plus  j^M-and  intérêt.  Nous  en 
donnons  ici  (3'2)  le  plan  ',  dépouillé  des  contre-forts  extérieurs  ajoutés 

au  xiii«  siècle.  En  comparant  ce  plan  de 
crypte  avec  le  plan  du  chœur  et  du  chevet 
de  la  cathédrale  de  Lan^M'es,  et  surtout  avec 
celui  de  la  cathédrale  de  Sens,  il  est  facile 
de  reconnaître  le  de^ré  d<'  parenté  intime 
qui  lie  ces  trois  édilices ,  construits  à  des 
époques  fort  ditierentes  ;  et  on  peut  con- 
clure, nous  le  croyons,  de  cet  examen, 
que  les  diocèses  d'Autun ,  de  Langres , 
d'Auxerre  et  de  Sens,  possédaient,  depuis 
le  xi*"  siècle,  certaines  dispositions  de  plan 
qui  leur  étaient  particulières,  et  qui  furent 
adoptées  dans  la  partie  orientale  de"  la 
cathédrale  de   Canterbury. 

Nous  retrouvons  encore  les  traces  de  cette  école,  au  xni*  siècle,  à 
Auxerr*'  même.  En  1215,  l'évêque  Guillaume  de  Seignelay  commenta  la 
reconslruclioii  de  toute  la  partie  orientale  de  la  cathédrale  d'Auxerre  ; 
Tancienne  (■ryi)le  fut  conservée,  et  c'est  sur  son  périmètre,  augmenté 
seulement  de  la  saillie  de  ((uel(|ues  contre-forts ,  (jue  s'éleva  la  nouvelle 
abside.  Sur  la  petite  chapelle  absidale  de  la  crypte,  on  bâtit  une  seule 
chapelle  carrée  dans  Taxe,  en  renforc^-ant  par  des  piliers  ,  à  l'extérieur,  le 
|)etit  hémicycle  du  xi<^'  siècle  (tig.  32). 

Certes,  à  celle  époque,  si  fou  n'avait  pas  regardé  cette  forme  de  plan 
comme  consacrée  par  l'usage,  même  en  conservant  la  crypte,  on  aurait 
pu,  comme  à  Chartres,  s'étendre  au  dehors  de  son  périmètre  ,  soit  pour 
élever  un  second  bas-côté,  soit  pour  ouvrir  un  i)his  gi-and  nombre  de 
chapelles  absidales.  Le  plan  du  xi"  siècle  fut  conserve^  et  le  chœur  de 
la  cathédrale  auxerroise  du  xni'"  siècle  respecta  sa  forme  traditionnelle. 
Cependant  la  construclion  du  chœ'ur  de  Saint-Étienne  d'Auxeri-e  fut  assez 
longue  à  terminer. 

Guillaume  de  Seignelay,  en  prenant  possession  du  siège  épiscopal  de 
Paris,  en  1220,  laissa  des  sommes  assez  importantes  pour  contimier 
l'œ'uvre;  son  successeur,  Henri  de  Villeneuve,  (pii  moiiiut  en  1231,  parait 
avoir  achevt'  l'entreprise;  c'est  l'opinion  de  l'abbé  Lebeuf-,  opinion  (|ui 
se  trouve  d'accord  avec  le  slyle  de  cette  partie  «le  la  cathédrale.  Quant 
aux  transsepts  et  à  la  nef  de  l'église  Saint-Étienne  d'Auxerre,  commencés 
vers  la  tin  du  xiiie  siècle,  on  ne  les  acheva  que  pendant  les  xiv  et  xv^  siè- 


'  A  récliclle  (le  0,001""  pour  mèlre. 

*  Mém.  conccrn.  l'hisl.  civ.  cl  ceci.  d'Auxerre ,  \y.w  V:\\)\n'  I.cIkmiI',  I.  1  ,  p.  '(02  ol 
siiiv.  I84S.  l'oiir  les  dispiisitions  iiil(''iioiiros  (\e  rc'diticc  du  mm''  sirclo,  voyez  au  mol 
iMiNSTKUCTioN.  ( '.cs  dis|i(isil  idiis  ;iii|i:iH  irii  iiciil  II  aiicliciiinil  a  \'fi(<\f  Imiiii  i^uiiiiionnt'. 


—  :WA 


(ATHÉDRAIK 


des.   La  favade  occidontalo  ivsta  iiicoinplMe:   la   tour  nord  seulo  fut 
terminée  vers  le  coninienceniont  du  wi*'  sit'('l(\ 

Si  les  diocèses  méridionaux  df  la  Cliampaj^ne  avaient  subi  Tintluence 
des  arts  bourguignons,  lun  de  ceux  du  nord  avait  pris  certaines  disposi- 
tions aux  édifices  reli^deux  des  bords  du  Hhin.  Au  conmiencement  du 
xiii"  siècle  .  on  reconstruisit  la  cathédrale  de  Chàlons-sur-Marne  ,  dont  le 
sanctuaire  (33)  était  dépourvu  de  bas-côtés,  rt  dont  les  transsepts  allon^^és 


étaient  accompagnes,  à  l'est,  de  deux  chapelles  carrées,  de  deux  petits 
sacraires  et  de  tours,  restes  dun  édifice  roman.  Nous  ne  pouvons  savoir 
si,  comme  dans  les  églises  rhénanes,  la  nef  était  terminée,  à  l'ouest,  par 
des  transsepts  et  par  une  seconde  abside  ;  nous  serions  tenté  de  le  croire 
en  examinant  les  dispositions  rhénanes  de  ce  plan  du  cO)té  de  l'est  '. 
Toutefois,  si  la  cathédrale  de  Châlons-sur-Marne  rappelle,  dans  le  plan  de 
son  chevet,  celle  de  Verdun,  par  exemple,  qui  est  entièrement  rhénane, 

'  Au  \i\'  siècle,  un  collatéial  ciirulaire  et  des  chapelles  lureul  élevés  autour  du 
sanctuaire  de  la  cathédrale  deChàlons,  et  la  nefiiit  presque  entièrement  reconstruite. 
La  partie  occidentale  de  cette  cathédrale  date  du  dernier  siècle.  Après  un  incendie  qui 
causa  les  plus  graves  dommages  à  cet  édifice  et  qui  détruisit  la  voûte  du  sanctuaire, 
une  restauration,  entreprise  sous  le  régne  de  Louis  \1V,  acheva  de  dénaturer  ce  qui 
restait  du  monument  du  xui'  siècle.  Cependant  on  peut  encore  facilement  reconnaître 
le  plan  primitif  enté  sur  ini  édifice  roman. 

T.    II.  *^ 


f    r.ATHÉUHAI.K    1  —    .{^4    — 

les  détails,  le  système  de  construction  et  l'ornementation,  se  rapprochent 
de  IfH'ole  (le  Reims,  (l'est  là  un  monument  exceptiomiel ,  sorte  de  lien 
ejilre  deux  styles  fort  dillcrents,  mais  qui  se  réduit  à  un  seul  exemple. 

Ne  pouvant  nous  occuper  des  admirables  cathédrales  de  Canihrai  et 
d'Arras ',  détruites  aujourd'hui,  et  qui  auraient  pu  nous  fournir  des 
renseignements  précieux  sur  la  fusion  de  l'école  rhénane  avec  l'école 
française,  nous  ferons  un  détour  vers  les  provinces  du  Nord-Ouest  et  de 
l'Ouest. 

Dans  le  Nord,  les  voûtes  avaient  paru  tardivement;  les  grandes  églises 
du  centi'e  de  la  France,  des  provinces  de  l'Est  et  de  l'Ouest,  étaient  déjà 
voûtées  au  \v  siècle,  quand  on  couvrait  encore  les  nefs  principales  des 
églises  par  des  charpentes  apparentes  dans  une  partie  de  la  Picardie  et  de 
la  Champagne,  dans  la  Nm-mandie,  le  Maine  et  la  Bretagne. 

Pendant  le  xii''siècl<\  la  Normandie  et  le  Maine  n'étaient  pas  reunis  au 
domaine  royal;  et,  quoicjue  les  ducs  de  Normandie  tinssent  leur  j)rovince 
en  fief  de  la  couronne,  chacun  sait  coniliicii  ils  reconnaissaient  peu,  de  fait, 
la  suzeraineté  des  rois  de  France.  Ce(}ui  reste  des  cathédrales  normandes  du 
xi^au  XM*"  siècle,  en  Angleterre  et  sur  le  continent,  donne  lieu  de  supposer 
que  ces  monuments,  dont  le  plan  se  rappiochait  beaucoup  de  la  basilique 
romaine,  étaient,  en  grande  partie,  couverts  par  des  lambris;  les  voûtes 
n'apparaissaient  (pie  sur  les  bas-côtés  et  les  sanctuaires.  L'ancienne  cathé- 
drale du  Mans  fut  construite  d'après  ce  juincipe  au  commencement  du 
XF  siècle.  Nous  en  donnons  le  plan  (3i)  -.  Les  bas-C(')tés  A  étaient  fermés 
par  des  voûtes  d'arêtes  romaines,  les  absides  par  des  culs-de-four,  les 
transsepts  B  et  la  nef  C  par  des  charj)entes  lambrissées.  Sur  les  quatre 
piles  de  la  croisée,  dans  les  églises  normandes,  s'élevait  toujours  une 
haute  tour  portée  sur  quatre  arcs  doubleaux.  Au  Mans,  la  façade  occiden- 
tale existe  encore,  ainsi  que  les  murs  latéraux  et  la  base  du  pignon  du 
Iranssept  nord.  On  aperçoit  l'amorce  des  absidioles  E. 

La  cathédrale  de  Pélerborough  en  Angleterre,  d'une  date  plus  récente, 
mais  qui  ceixMidant ,  sur  presque  toute  son  ('tendue,  est  ant(''rieur('  au 
xii<"  siècle,  présente  encore  une  disposition  analogue  à  celle-ci. 

Pendant  le  xii«  siècle,  vers  l'époque  où  l'on  construisait  les  églises  de 
l'abbaye  de  Saint-Denis  et  de  Notre-Dame  de  Noyon,  la  nef  romane  de  la 
cathédrale  du  Mans  fut  remaniée;  on  reprit  les  piles  et  les  parties  supé- 
rieures de  la  nef,  (|iii  fut  alors  voût(^e  ainsi  qm»  les  transsepts.  Ces  voûtes 

'  L;i  Ix'iic  (allit-dralo  dAnas  no  lui  détniilt'  (|nc  depuis  la  lévoliilion  de  1792;  elle 
existait  encore  au  coniniencenicnt  du  siècle.  Celle  de  (laminai  était  l'œuvre  de  Villard 
de  Iloiinecourt,  ce  maître  dont  nous  avons  parlé  plusieurs  fois,  l'ami  de  Robert  de 
Coucy.  Vienne  possède  un  modèle  de  celle  cathédrale  dépendant  d'un  plan  en  relief 
enlevé,  en  1815,  du  musée  des  Invalides,  par  les  iréiiéraux  aulricliiens. 

-  Ce  plan  est  à  l'échelle  de  0,001'"  pour  mètre.  H  est  entendu  que  nous  n'avons  eu, 
pour  le  tracé  de  l'ahside  principale,  que  des  données  fort  vagues.  Mais  nous  présentons 
ce  plan  comme  un  ivpe  plutôt  que  comme  un  édifice  parlicnlier. 


—  ;j5r> 


CATHËDKALE 


se  i-approi'lu'iit,  connue  constriulioii .  non  du  système  adopté  dans  l'Ile- 
de-Fiance  et  le  Soissonnais,  mais  de  eelui  (|ui  dérivait  des  coupoles  des 

u 


I        I 


églises  de  l'Ouest  ivoy.  volte).  Une  porte ^  décorée  de  sculptures  et  de 
statues  qui  ont  avec  celles  du  portail  royal  de  la  cathédrale  de  Chartres  la 
plus  grande  analogie,  fut  ouverte  au  milieu  de  la  nef  au  sud  (35).  On  ne 
se  contenta  pas  de  ces  changements  importants.  Vers  1:2^0,  les  anciennes 
absides  furent  démolies,  et  on  construisit  l'admirable  chœur  que  nous 
voyons  figuré  dans  ce  plan.  Mais  alors  le  Maine  venait  d'être  réuni  au 
domaine  royal.  Le  diocèse  du  Mans  payait  sa  bienvenue  en  reconstruisant 
un  chœur  qui,  a  lui  seul,  couvre  une  surface  de  terrain  plus  grande  que 
tout  le  reste  de  l'ancienne  cathédrale. 

Le  chœur  de  la  cathédrale  du  Mans,  si  ce  n'était  la  profondeur  inusitée 
des  chapelles  absidales,  présenterait  une  disposition  absolument  pareille  à 
celle  de  la  cathédrale  de  Bourges.  C'est-à-dire  qu'il  possède  deux  rangs  de 
galeries;  le  piemier  bas-côté,  étant  beaucoup  plus  élevé  que  le  second,  a 
permis  de  prati(|uer  des  jours  et  un  trit'orium  dans  le  mur  séparant  ces 
deux  bas-côtés  au-dessus  des  archivoltes.  Mais  la  construction,  la  disposi- 


[    CATHÉDRALK     | 


—  :iM\  — 


lion  des  chapelles,  les  détails  de  l'architecture  sont  beaucoup  plus  heaux 
au  Mans  qu  a  Bouii^es.  Les  extérieurs  sont  traités  d'une  nianièi-e  remar- 
quable, avec  luxe,  et  ne  laissent  pas  vf»ir  la  j)auvrel<'  des  moyens  conune  la 


PBGARÛ 


cathédrale  du  Berry.  Tne  belle  sacristie  s'ouvre  au  sud  ;  elle  date  égale- 
ment du  xiii«  siècle.  r>es  deux  pignons  des  transsepts  et  le  seul  clocher  '  bâti 
à  l'extrémité  du  croisillon  sud  ne  furent  fenninc's  (|u'au  xiv  siècle.  Il 
est  à  croire  que  le  maiire  {\v  Iceuvre  du  clurur  de  la  cathédrale  du  Mans 

>  La  posilion  inusitée  <le  ce  clocher  ne  pont  être  expliquée  que  par  la  détermination, 
prise  à  la  fin  du  \iii'  siècle,  de  ne  pas  étondre  plus  loin  que  les  transsepts  les  nouvelles 
constructions,  et  de  conserver  la  nel  roman-  restaurée  au  xii'  siècle.  Dans  l'église 


CAlHÈUUALli 


songeait  à  reconslruire  la  nef  dans  le  même  style;  les  liavaux  s'anètè- 
rent  aux  transsepts,  et  si  le  monument  y  perd  de  l'unité,  Ihistoire  de  lart 
y  ga^nc  des  restes  tort  jirt'cieux  de  lu  catlunlrale  primitive. 

Au  Mans,  la  chapelle  de  la  Vierge,  dans  l'axe,  est  beaucoup  plus  pro- 
fonde que  ses  voisines,  et  s'élève  sur  une  crypte  dans  laquelle  on  descend 
par  un  petit  escalier  particulier,  (^ette  disposition  de  chapelles  ahsidales 
profondes,  celle  centrale  étant  accusée  par  une  ou  deux  travées  de  plus 
que  les  autres,  se  retrouve  également  dans  le  cho'ur  de  la  cathédrale  de 
Séez.  Cet  éditice,  complètement  de  style  normand  dans  la  nef,  (jui  date 
des  premières  années  du  xni«  siècle,  se  rapproche  du  style  français  dans 
sa  partie  orientale  ;  il  peut  être  classé  parmi  ceux  qui ,  élevés  au  moyen 
de  ressources  insutlisantes,  connue  Troyes,  Châlons-sur-Marne,  Meaux,  ne 


furent  point  fondés,  ou  le  furent  mal.  La  nef  (36),  bâtie  au  commencement 
duxiu'-siècle,  fut  remaniée  dans  sa  partie  supérieure  cinquante  ou  soixante 

primitive,  dont  nous  avons  donné  le  plan  fig.  34,  le  clocher  nnuiue  devait  être  posé 
sur  les  quatre  piles  de  la  croisée,  suivant  la  méthode  normande.  Démoli  lorsqu'on 
refit  le  chœur,  en  renonçant  'a  la  reconstruction  totale,  ou  ne  trouva  pas  d'autre  place 
pour  recevoir  les  cloches  que  rextrémilé  du  croisillon  sud. 


[    CATHÉDRALE    ]  .JaS    

ansapivssa  constiuclion  ;  le  rlid'ur.  élevé  vers  \îi:\0.  et  presque  eiitière- 
uiciil  (lelruit  jkiiuii  incendie,  diitèlre  repris,  vers  hiiiO.deloiid  en  coniltle, 
sauf  la  chapelle  de  la  Viei'j^e,  que  1  on  '\u'^od  pouvoii'  èlre  cons»'ivée.  I.e 
maître  de  l'œuvre  du  chœur,  ne  se  tondant  (juesur  des  maçonneries  très- 
insuttisantes,  avait  cherché,  |)ar  l'extrême  légèreté  de  sa  construction,  a 
diminuer  le  danf>er  dime  pareille  situation  ;  et  en  ne  considérant  même 
le  chœui'  de  la  cafht'drale  de  Sée/  (|u'ii  ce  jioint  de  vue.  il  meriteiait  d'être 
étudié.  I^es  chai)elles  |)r(tl'on(les  ahsidales,  |)resentaiit  des  nmrs  rayonnants 
étendus,  se  pn-laient  d'ailleurs  a  une  construction  léj^^ère  et  bien  empatlee. 
En  effet,  les  travées  intérieures  du  sanctuaire  sont  d'une  légèreté  (pii 
dépasse  tout  ce  qui  a  été  tenté  en  ce  genre  (voy.  tuavée),  et  la  construction 
en  élévation  est  des  plus  savantes;  cependant,  rien  ne  peut  remplacer  de 
bonnes  fondations.  Vei's  la  lin  du  xiv  siècle,  on  crut  nécessaire  de  ren- 
lorcer  les  contre-forts  extéiieurs  du  chœui'  ;  mais  ces  adjonctions  ,  mal 
fondées  elles-mêmes,  contribuèrent  encore,  par  leur  poids,  à  entraîner  la 
légère  bâtisse  du  xiii*"  siècle,  (jui  ne  lit,  depuis  lors,  que  s'ouvrir  de  plus 
en  plus.  Au  commencement  de  notie  siècle,  les  grandes  voûtes  du  sanc- 
tuaire s'écroulèrent  ;  il  fallut  les  refaire  en  bois. 

I^a  façade  de  la  calbédi'ale  de  Séez  est  couronnée  fiai'  deux  tours  avec 
llèches  élevées  au  conunencemenl  du  xm*^'  siècle  et  réparées  ou  reprises 
pendant  les  xiv*  et  xv.  Os  toui-s,  ainsi  que  toute  la  nef,  ont  fait  de  très- 
sérieux  mouvements,  par  suite  de  rinsuilisance  des  fondations.  C'est 
aujourd'hui  un  monument  fort  compromis  '. 

iNous  ne  ([uillerons  pas  la  Normandie,  sans  parler  des  cathédrales  de 
Baveux  et  de  (loulanc(>s. 

La  cathédrale  de  Baveux,  dont  n(^us  doimons  le  plan  (37),  est  un  éditice 
du  xm»-  siècle  enté  sur  une  église  du  xik;  et,  de  l'église  du  x[F  siècle,  il 
ne  reste  que  les  piles,  les  archivoltes  et  les  tympans  du  rez-de-chaussée 
de  la  nef.  Connue  an  Mans,  comme  à  Séez,  les  transsepts  sont  simples, 
sans  collatéraux;  à  Baveux, deux  chapelles  lrès-j)eu  piofondes.  dont  nous 
trouvons  •■l'alemen!  la  trace  dans  le  mur  oritMital  du  (  loisillon  sud  de  la 
cathédrale  de  Seez,  s'ouvraient  ,  à  l'est  ,  sur  les  deux  transsepts  nord  et 
sud.  C'est  là  un  dernier  souvenir  des  chapelles  romanes  des  transsepts 
normands  que  l'on  voit  développées  dans  le  plan  primitif  de  lacathédiale 
du  Mans  (fig,  34.).  A  Bayeux  encore,  dans  le  plan  du  chu'ur  du  \\w  siècle, 
on  voit  les  deux  tours  normandes  (sur  une  petite  échelle,  j)uis(pi'elles  ne 
contiennent  «juedes  escaliers)  (|ui  tei'niinaient  la  série  des  chaj)elles  carrées 
avant  les  chapelles  absidales^.  Sur  la  façade,  deux  giands  clochers  romans 

'  Do  funesles  restaiiratiims  turent  entreprises  sur  la  façade  et  autour  de  la  nef  de  la 
cattiédrale  de  Séez,  de  1818  à  18ii)  ;  elles  n'ont  lait  qu'empirer  un  étal  de  choses  déjà 
fort  dangereux.  Des  travaux  exécutés  avec  intelligence  et  soin  depuis  celte  époque 
permettent  d'espérer  que  ce  remarquable  édifice  pourra  être  sauvé  de  la  ruine  dont  il 
esl  menacé  depuis  longlemps.  ' 

*  Voy.  le  plan  du  premier  étage  de  la  cathédrale  de  Chartres,  où  ce  parti  est  large- 
ment développé. 


—  359  — 


(.ATHfiDKAI.K 


avec  tlèclips.  Sur  les  quatre  piles  de  la  croisée,  une  tour  existait  dès  le 
xir  siècle;  elle  fut  rebâtie  au  xiii'',  puis  continuée  pendant  les  xive  et 
xve  siècles,  pour  être  terminée,  pendant  le  siècle  dernier,  par  une  coupole 


avec  lanterne.  Ces  quatre  piles  de  la  croisée  turent  successivement  enve- 
loppées de  placages  pendant  les  xiii''  et  xiv"  siècles  '.  On  remarquera  la 
disposition  des  clochers  romans  de  la  façade  occidentale  :  ils  sont  com- 
plètement fermés  à  rez-de-chaussée  et  portent  de  fond;  c'est  là  une 
disposition  normande,  que  nous  retrouvons  à  Rouen,  à  Chartres  même, 
encore  indiquée  à  Séez  et  a  Coutances  (voy.  clochkr)  ^ 

A  Baveux,  il  n'ya  plus  Irace, dans  le  style  de  l'archileclure, de  l'influence 
française.  Le  mode  normand  domine  seul  ;  c'est  celui  que  nous  retrouvons 

'  Par  suite  de  ces  constructions  successives,  faites  d'ailleurs  en  matériaux  peu 
résistants,  des  écrasements  si  graves  se  sont  manifestés  dans  les  quatre  points  d'appui, 
sous  l'énorme  charge  qu'ils  ont  à  porter,  qu'il  a  fallu  cintrer  les  quatre  arcs  doubleaux, 
étayer  les  piliers,  et  procéder  à  la  démolition  des  pariies  supérieures. 

*  La  cathédrale  de  Baveux  possède  encore,  des  deux  côtés  dii  cliœiir,  ses  sacristie 
et  salle  de  trésor,  et,  au  nord  de  la  façade  occidentale,  une  belle  salle  capitulaire  du 
XIII'  siècle  (voy.  salle  capiti  lairf.. 


(    CATHÉUKAIK     |  3<i()    

à  Westminster,  à  Lincoln  .  à  Salisbury.  ii  f'^ly  ,  en  An^Meterre  ;  et  cepen- 
dant, connne  disposition  de  plan ,  la  cathédrale  de  Baveux  se  rap|)i()che 
plus  des  cathédrales  françaises  du  xiii"'  siècle,  au  moins  dans  sa  partie 
orientale,  que  des  cathédrales  anglaises.  C'est  qu'au  xui"  siècle,  si  la 
Normandie  possédait  son  style  d'architecture  propre,  elle  subissait  alors 
l'influence  des  édifices  du  domaine  royal. 

La  cathédrale  de  Dol  seule,  en -Bretagne,  paj-ait  s'être  affranchie  com- 
plètement de  l'empire  (pi'exervaient ,  sur  tout  le  territoire  occidental  du 
continent,  les  dispitsilions  de  plan  adojttées,  à  la  tin  du  rèjine<le  IMiilippe- 
Auj^uste,  dans  la  constiuclion  des  cathédrales.  La  cathédrale  de  Dol  est 
terminée,  à  l'orient,  par  un  mur  carré,  dans  lequel  s'ouvre  un  immense 
fenestrage,  connne  les  cathédrales  d'Ely  et  de  ï^incoln. 

La  cathédi-ale  de  Coutances,  fondée  en  1030  et  terminée  en  1083,  soit 
(pi'elle  menac'ât  ruine  comme  la  phij)art  des  grandes  églises  du  nord  de 
C(Mte  époque,  soit  (|u"elle  parût  insuttisante.  soit  enfin  que  le  diocèse  de 
(Coutances.  nouvellement  réuni  à  la  coui'onne  de  France,  voulût  entrer 
dans  le  grand  mouvemeiU  (|ui  alois  faisait  reconstruire  toutes  les  cathé- 
drales au  nord  de  la  Loire;  la  cathédrale  de  Coutances,  disons-nous,  fut 
complètement  réédifiée  dès  les  premières  années  du  xiii-'  siècle.  Le  chœur, 
avec  ses  chapelles  layonnantes,  qui  rappelIfMit  celles  du  ch(eui'  de  la 
cathédrale  de  Chartres,  parait  avoir  été  fondé  vers  la  fin  du  règne  de 
Philij)pe-Augusle.  Les  constructions  de  la  nef  durent  suivre  presque 
immédiatement  celles  du  sanctuaire;  mais  il  est  probable  que  les  trans- 
septs  furent  élevés  sur  les  anciennes  fondations  romanes  du  xi*'  siècle,  et 
que  même  les  énormes  piliers  de  la  croisée  ne  font,  comme  à  Baveux, 
qu'envelopper  un  noyau  de  construction  romane. 

En  eti'et,  si  nous  examinons  le  plan  (38)  de  cette  partie  de  l'édifice,  nous 
y  trouvons  une  sorte  de  gêne  dans  l'ensemble  des  dispositions,  et  la  trace 
encore  bien  marquée  des  chapelles  normandes  des  croisillons.  Quellf^ 
que  fût  la  charge  que  le  maître  de  l'oeuMe  voulait  faire  porter  aux  (juatre 
piliers  de  la  croisée  icharge  énorme,  il  est  vrai),  il  nous  parait  difficile 
d'admettre  qu'en  plein  xiii*-  siècle,  s'il  n'eût  pas  été  commande  j)ar  des 
substructions  antérieures,  il  ne  se  fût  pas  tiré  avec  plus  d'adresse  de  cette 
partie  importante  de  son  projet.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  ne  reste  plus  de  traces 
visibles  de  constructions  romanes  dans  la  cathédrale  de  Coutances;  c'est 
un  édifice  entièrement  de  style  ogival  pur;  la  chapelle  de  la  Vierge,  à 
l'extrémité  de  l'abside,  et  les  chapelles  de  la  nef  furent  seules  ajoutées^ 
après  coup,  au  xiV  siècle  '.  La  façade  occidentale  est  surmontée  de  deux 
clochers  avec  flèches  en  pierre,  sous  lesquels,  outre  les  trois  portes  princi- 

'  Les  cfiapelles  de  la  iieC  présentent  une  disposition  si  i)elie  et  si  rare,  que  nous  avons 
cru  devoir  les  donner  sur  ce  plan,  bien  qu'elles  dénaturent  les  dispositions  primitives, 
(les  elia])olles  soûl  mises  en  ((immunicalion  les  unes  avec  les  antres,  à  une  hauteur  de 
trois  nit'lres  environ,  par  des  claires-voies  on  meneaux  sans  vitraux  :  c'est  comme  un 
collatéral  qui  serait  divisé  par  des  cloisons  transversales  peu  élevées. 


—    .'Kil     —  l    CATHÉDKAI.E    ] 

pales,  souvroiit.  au  unn\  o\  au  sud.  doux  porches  latéi-au\  d  ini  ^'laud 
prtof.  Sur  los  (jualre  piles  dt»  la  croisép  s'élève  une  énorme  tour  octogonale, 
flanquée,  sur  les  (juatre  laces  diaiionales .  de  quatre  touielles  servant 
d'escaliers.  (Irlle  loui"  centrale,  (jui  devait  cei  laineuient  êtrt'  <(iuronnée  pai- 

38 


Pe&AHb 


une  flèche,  est  restée  inachevée.  Aux  deux  extrémités  des  croisillons  sont 
adossées,  au  sud,  une  chapelle;  au  nord,  une  vaste  saciistie.  On  retrouve 
encore  à  Coutances,  en  avant  des  chapelles  rayonnantes,  les  deux  tourelles 
carrées  normandes,  qui,  connue  à  Baveux,  contiennent  des  escaliers  et 
séparent  si  lieureusement  l'altsidedu  chœur  proprement  dit.  Comme  style 
d'architectuiv  ,  la  cathédrale  de  Coutances  est  complètement  normande. 
Le  diocèse  dans  lequel  le  mélan{j;e  du  style  normand  et  du  style  français 
est  le  plus  complet,  ce  doit  être,  et  c'est  en  effet  le  diocèse  de  Rouen.  La 
cathédrale  de  Rouen  occupait  déjà,  au  xii^  siècle,  la  surface  de  terrain 
quelle  occupe  encore  aujourfl'hui.  Rebâtie,  pour  la  troisième  fois,  pendant 
T.   fi.  -iH 


I     (ATHÉDKAI.i:     I  —    •■»»"2    — 

le  rours  du  w*"  siècle,  elle  lut  enlièienient  réédifiée  pendant  la  seconde 
moitié  du  xii''  siècle  dans  le  style  normand  de  Iransilion. 

neresconsli'urtions  {'M)),  il  ne  reste  (|ue  la  tour  dite  de  Sainl-liownln. 


/'e&AKO 


qui  s'élève  au  nord  du  portail  occidental,  les  deux  chapelles  de  l'abside. 
celles  des  transsepts  et  les  deux  portes  de  la  ia(,a(le  s'ouvrant  dans  les 
deux  collatéraux;  ces  derniers  ouvraj'es  même  paraissent  apparlenir  aux 
dernières  années  du  xii'' siècle.  Ainsi  donc,  lorsque  l*.icliar(lC(eur-(le-Lion 
mourut,  en  ll'.M»,  la  cathédiale  de  Uoueii  avait  déjà  letendue  actuelle. 
Cesl  en   l^2(H  que  IMiili|>pe-Au^Hisle  arracha  des  mains  de  Jean-sans- 


—  3(53  —  I   c.ATiir'DUAi.i;   1 

Terre  la  Nonuiiiidie,  et  (lu'il  réunit  à  la  coinoniie  <le  France  eelte  helle 
province,  ainsi  (|ue  rAnjon,  le  Maine  et  la  Tonraine,  avec  une  partie  du 
l*oiluu,  Peu  après,  de  j^rands  travaux  furent  entrepris  dans  la  cathédrale 
de  Rouen.  l>a  nef,  les  transsepts  et  le  sanctuaire  durent  être  reconstruits, 
a  la  suite  dun  incendie  qui,  probablement,  endommagea  ^M'avement 
I  eylise  du  xu'-  siècle.  Là,  connue  dans  les  autres  diocèses  français,  s  "élève 
une  cathédrale  au  commencement  du  xiuf  siècle,  sous  l'hinuence  du 
pouvoir  monarchi(iue;  et,  chose  remarquable,  à  Houen.  les  coustrucîtious 
(pii  paraissent  avoir  été  élevées  sous  le  règne  de  IMiilippe-Aiiguste,  c'est- 
à-dire  de  1^210  à  h22<)  environ,  appartiennent  au  style  français,  tandis  que 
celles  qui  datent  du  milieu  du  xuit-  siècle  sont  enqireintes  du  style  ogival 
normand.  Ce  fait  curieux  ,  écrit  avec  plus  de  netteté  encore  dans  l'église 
d'Eu,  est  d'une  grande  importance  pour  l'étude  de  l'histoire  de  notre 
architecture  nationale. 

La  Normandie  possède,  pendant  toute  la  période  romane  et  de  transi- 
tion, c'est-à-dire  du  xi«^  au  \w  siècle^  une  architecture  propre,  dont  les 
caractères  sont  parfaitement  tranchés.  Dans  les  édifices  élevés  pendant  ce 
laps  de  tenqis,  la  disposition  des  plans,  la  construction,  roriTementation 
et  les  proportions  de  l'architecture  normande,  se  distinguent  entre  celles 
des  provinces  voisines ,  l'Ile-de-France,  la  Picardie,  l'Anjou  et  le  Poitou. 

Au  connuencement  du  xne'  siècle,  lorsque  l'architecture  ogivale  atteint, 
pour  ainsi  dire,  sa  puberté,  en  sortant  de  son  domaine  elle  étouffe  les 
écoles  provinciales;  si  elle  respecte  parfois  certaines  traditions,  certains 
usages  locaux  qui  n'ont  d'intluence  que  sur  la  conqjosition  générale  des 
plans,  elle  impose  tout  ce  qui  tient  à  l'art,  savoir  :  les  proportions,  la 
construction,  les  dispositions  de  détails  et  la  décoration.  Cette  sorte  de 
tyrannie  ne  dure  pas  longtemps,  car,  de  1220  à  1230,  nous  voyons 
l'architecture  normande  se  réveiller  et  s'emparer  du  style  ogival  pour  se 
l'approprier,  connue  un  peuple  conquis  modifie  bientôt  une  langue 
imposée,  pour  en  faire  un  patois.  Disons  tout  de  suite,  pour  ne  pas 
soulever  contre  nous,  non-seulement  la  Normandie,  mais  toute  l'Angle- 
terie,  que  le  patois  ogival  de  ces  contrées  a  des  beautés  et  des  qualités 
originales  qui  le  mettent  au-dessus  des  autres  dérivés,  et  qui  pourraient 
presque  le  faire  passer  pour  une  langue.  Mais  nous  aurons  l'occasion  de 
développer  notre  pensée  à  la  fin  de  cet  article. 

La  cathédrale  de  Rouen,  reconstruite  au  connuencement  du  xui**  siècle, 
adopta  cependant  certaines  dispositions  qui  indiquent  une  singulière 
hésitation  de  la  part  des  architectes,  probableuient  français,  qui  furent 
appelés  pour  exécuter  les  nouveaux  travaux.  Dans  la  nef,  le  maître  de 
l'œuvre  semble  avoir  voulu  figurer  une  galerie  de  premier  étage,  comme 
dans  presque  toutes  les  grandes  églises  de  l'Ile-de-F'rauce  et  du  Soisson- 
nais,  mais  s'être  arrêté  à  moitié  chemin,  et,  au  lieu  d'une  galerie  voûtée, 
avoir  fait  un  simple  passage  sur  des  arcs  bandés  au-dessous  des  archivoltes 
des  bas-côtés,  et  pourtouruant  les  piles  (voy.  galkku-:)  au  moyeu  de  colon- 
nettes  portées  en  encorbellement. 


[    CAIHÉUKALE     |  —    'MM    — 

Dans  réjjrlise  d'Eu,  même  étian^^cté,  mais  partailt'iiicnt  ('\|)li(|ii('*'.  Le 
chœur,  les  ti'anssepts  et  la  dernière  Iravée  de  la  iiel'de  cet  edilice  turent 
élevés  dès  les  j)remières  années  de  la  coïKiuèic  de  IMiili|(|)e-Auj^uste,  c'est- 
à-dire  de  Hori  à  1^10,  en  style  français  parfailement  pur,  avec  {jaleiie 
voûtée  au  premier  étaj^e,  comme  à  Notre-Dame  de  Paris.  De  h2lO  à  1:2-20 
environ,  interruption;  de  1220  à  I2:{0,  reprise  des  travaux  ;  la  nef  est 
continuée  eonloi'mèincnl  aux  disjtositions  |)reniières,  c"est-à-dire  que  tout 
est  prt'pait'  jiour  recevoir  une  i^aleiie  voùlee  (h-  premi(M'  éta^^e  au-dessus 
des  ('(tllaleiaux  ;  mais  déjà  les  tailloirs  des  chapiteaux  et  les  socles  des 
bases  sont  circulaires,  les  ornements  et  moulures  sont  devenus  noiiuands; 
puis,  en  construisant,  on  se  reprend  ,  on  coupe  les  chapiteaux  destinés  à 
recevoir  les  voûtes  formant  galerie,  on  laisse  seulement  subsister  les 
archivoltes  dans  le  sens  de  la  longueur  de  la  nef  entre  les  j)iles;  on  ne 
construit  pas  les  voùles  devant  servir  de  sol  à  la  galeiie  de  premier  étage, 
et  ce  sont  les  voûtes  hautes  de  celte  galeiie  (pii  deviennent  voûtes  des 
collatéraux  ;  les  fenêtres  de  cette  galerie  supprimée  et  celles  du  rez-de- 
chaussée  se  réunissent,  en  formant  ainsi  des  baies  démesurément  longues. 

La  nef  de  la  cathédrale  de  Rouen  est  de  (pielques  années  antérieure  à 
celle  de  l'église  d'Eu.  A-t-on  voulu,  dans  ce  dernier  éditice,  imiter  la 
disposition  adoptée  à  Kouen,  seulement  (piani  à  l'eflet  produit  (les  sous- 
archivoltes  de  la  nef  de  l'église  d'Eu  étant  sans  utilité  puiscpi'on  ne  peut 
communiquer  de  l'un  à  l'autre,  tandis  qua  Houen  ils  forment  une  galerie)? 
C'est  probable...  Quel  que  fût  le  motif  qui  dirigeât  l'aichitecte  de  la  cathé- 
drale de  Kouen ,  toujours  est-il  que  la  disposition  de  sa  nef  ne  fut  plus 
imitée  ailleurs  en  Normandie  .  et  que.  dans  cette  province,  dès  que  l'art 
ogival  se  fut  alfraïu-hi  de  linlhuMice  française  et  eut  acquis  un  caractère 
propre,  on  ne  voit  plus  de  galeries  voûtées  de  premier  étage,  ni  rien  qui 
les  rappelle;  un  sinq)le  triforium  couronne  les  archivoltes  des  bas-côtés. 

La  cathédrale  de  Kouen,  rebâtie  presque  totalement  en  style  ogival 
français,  est  terminée  ,  à  partir  du  niveau  des  voûtes  des  collatéiaux,  en 
style  ogival  normand.  Les  quatre  tours  qui  tlanquent  les  transsepts,  les 
fenêtres,  les  coi-niches  et  les  balustrades  supérieures  sont  normandes. 
Mais  la  nef  de  la  cathédrale  de  Kouen  était,  connue  toutes  les  nefs  des 
cathédrales  françaises  du  commencement  du  xui»"  siècle,  dépourvue  de 
chapelles.  A  la  fin  de  ce  siècle,  on  en  construisit  entre  les  contre-forts  (39), 
comme  à  la  cathédrale  de  Paris.  En  1302,  on  connnença  la  reconstruction 
de  la  chapelle  (\o  la  Vierge,  située  dans  l'axe  au  chevet .  eu  lui  donnant 
de  glandes  dimensions,  à  la  place  de  la  chapelh^  du  xii''  siècle,  (pii  n'était 
pas  plus  grande  que  les  deux  autres  chajielles  absidales  encore  existantes. 
Vers  cette  époque,  on  refit  les  deux  pignons  nord  ci  sud  des  transsepts 
(portail  de  la  Calende  et  portail  des  Libraires).  Ces  travaux,  du  commen- 
cement du  XIV  siècle  ,  surpassent  comme  richesse  et  beauté  d'exécution 
tout  ce  (pie  nous  connaissons  en  ce  genre  de  cette  epo(pu\ 

Alors,  la  Normandie  possède  une  école  de  consli  iicleurs,  d'appareilleurs 
et  de  sculpteurs,  qui  égale  l'école  de  l'Ile-de-France. 


—    3(55    [    CATHÉDKALK    1 

Les  portails  de  la  Caleiide  et  des  Libraires,  la  chapelle  de  la  Vierge  de 
la  cathédrale  de  Rouen,  sont  des  chefs-d'u'inre  '. 

Mais  la  cathédrale  du  xni''  siècle,  dont  les  dispositions  primitives  étaient 
déjà  altérées  au  connneuceuient  du  xiv  siècle,  suhit  encore  des  change- 
ments importants  qui .  malheureusement,  ne  furent  pas  aussi  heureux 
que  ceux  dont  nous  venons  de  parler.  En  14.30,  les  chanoines  firent 
agrandir  les  fenêtres  du  clKcnr  ,  non  par  nécessité,  mais  parce  que, 
connue  le  dit  Pommeraye%  le  clueur paraissait  «sombre  et  ténébreux.  » 
Les  fenêtres  de  la  nef  et  une  grande  partie  des  couroimements  extérieurs, 
des  galeries  intérieures,  furent  également  moditiés  pendant  le  xv«"  siècle. 
En  1485  fut  conmiencée  la  construction  de  la  tour  qui  flanque  le  portail 
au  sud,  comme  sous  le  nom  do  lour  de  Beurre  \  Le  caidiiuil  George 
d'Amboise  commença  la  reconstruction  de  la  façade  occidentale,  qui  ne 
fut  jamais  achevée.  Déjà,  au  xiii'-  siècle,  il  existait,  sur  les  quatre  piliers 
de  la  croisée,  une  haute  tour  carrée,  dont  deux  étages  subsistent  encore, 
endommagée  par  le  vent  en  1353,  puis  réparée  et  brûlée  en  1514  par  la 
négligence  des  plombiers;  l'étage  supérieur  de  cette  tour  fut  reconstruit 
et  surmonté  d'une  immense  tlèche  en  bois  recouvert  de  ploml),  (\u\  ne 
'  fut  achevée  qu'en  1544.  La  foudre  y  mit  le  feu  en  IS-21,  et  on  Ta  voulu 
remplacer  de  nos  jours  par  une  flèche  en  fonte  de  fer  \ 

Les  dépendances  de  la  cathédrale  de  Rouen  étaient  considérables,  et. 
sous  son  ombre,  l'archevêché,  un  beau  cloître,  des  écoles,  des  biblio- 
thèques, des  sacristies,  salles  capitulaires  et  trésors  étaient  venus  succes- 
sivement se  grouper  du  côté  du  nord  et  de  Test.  Il  reste  encore  de  beaux 
fragments  de  ces  divers  bâtiments  (voy.  cloître). 

Jusqu'à  présent,  nous  avons  vu  l'architecture,  née  en  France  à  la  fin  du 
xn«"  siècle,  se  développer  avec  le  pouvoir  royal  et  pénétrer,  à  la  suite  de  ses 
conquêtes  ou  à  l'aide  de  son  influence  politique,  dans  les  provinces  voisines 
de  l'Ile-de-France.  Cette  révolution  s'acconq^lit  dans  lespace  de  peu 
d'années,  c'est-à-dire  pendant  la  durée  du  règne  de  l*hilippe-Auguste. 
Mais,  jusqu'à  la  fin  du  xiii«^  siècle  ,  elle  ne  dépasse  pas  les  territoires  que 
nous  venons  de  parcourir.  Dans  d'autres  provinces,  au  sud  et  à  1  ouest, 
l'architecture  romane  suit   paisiblement  son    cours  naturel;   si  elle  se 

'  Le  portail  des  Libraires  (nord)  vient  d'être  restauré,  par  MM.  Desniarels  et 
Barliiélemy,  avec  un  soin  et  une  perfection  qui  font  le  plus  grand  fionneuv  à  ces  deux 
architectes. 

i   Hisl.  di'  l'pql.  cathéd .  de  Bnnen.  ftouen,  1696. 

3  «  Chacun  sçait  (dit  Ponimeraye  dans  son  Hist.  de  l'ajl.  aithrd.  de  Rouen,  p.  35) 
«  qu'elle  a  eu  ce  nom  à  cause  de  la  permission  que  le  cardinal  Cnillaume  d'Estoule- 
..  ville  obtint  pour  les  fidelles  du  diocèse  de  Roiien  et  (l'Kvienx  d'user  de  beurre  et  de 
«  laict  pendant  le  carême....  Hobert  de  Croismare  archevêque  de  fiouen;  destina  au 
«  bâtiment  de  cette  tour  les  deniers  qui  furent  offerts  par  les  fidelles  pour  reconnoissance 
"  de  cette  faveur....  La  tour  ne  fut  achevée  qu'en  1507.... 

*  A  la  suite  de  l'incendie  de  1821,  ime  partie  de  la  toiinre  des  grands  combles  et 
les  voûtes  de  la  nef  furent  refaites  à  neuf. 


r.ATIIËDItALE 


—    ;j(»() 


modilio,  ce  n'est  pas  dans  son  princi|)o,  mais  dans  les  détails  de  son 
orncnieiitafioii. 

LV'^lise  al)l)atial('  de  Saint-Front  de  IVrii^ncux  avait  clé  élevée,  vers  la 
lin  du  X'' siècle,  à  rimilalion  de  l'éj^lisede  Sainl-.Marc  de  Venise  (voy.  aiu.mi- 
TECTUUE  kelicieuse).  Pcu  apivs,  ou  en  n)cnic  temps  peut-ctie,  on  élevait 
Icjilise  caihédrale  de  Péiij^ucux  '  et  l'église  catliédiale  deCaliors,  toutes 
deux  sans  tianssepts,  et  présentant  seulement  une  seule  nef  avec  abside. 

Nous  doimons  (iO)  \e  plan  de  ce  dernier  edilice.  11  se  comj)ose  de  deux 


coupoles  portées  sur  six  gros  piliers,  huit  pendentifset  des  arcsdoubleaux. 
L'abside  est  voûtée  en  cul-de-tour,  et  trois  petites  chapelles  s'ouvrent 
dans  le  nnu*  du  sanctuaire. 

L'église  abbatiale  de  Saint-Fiont  était  plus  étendue  et  plus  riche  que 
les  deux  pauvies  cathédrales  de  (lahors  et  de  la  cité  de  IN-rigueux. 

Dans  les  j)rovinces  de  l'Ouest,  comme  en  liouryogne,  en  Cliamj)agne,en 
Normandie,  les  églises  abbatiales,  pendant  les  x«  et  xi^  siècles,  attiraient 
tout  à  elles;  mais  si,  dan.s  les  provinces  du  Centre  et  de  l'Ouest,  la  renais- 
sance épiscopale  fut  moins  active  au  xn»  siècle  que  dans  le  Nord  et  l'Est, 
elle  fit  cep(Midant  de  grands  efforts ,  sans  trouv(^r  une  école  darclùtectes 
laï(|ues  toute  prête  à  la  seconder,  et,  dans  les  ])o|)uIations,  un  désir  j)ro- 
non(  é  de  se  constituer  en  corps  de  nation.  D'ailleurs,  l'architecture  romane 
de  ces  dernières  provinces  avait  adopté,  pour  ses  monuments  religieux, 
un  mode  de  construction  durable,  solide,  qui  excluait  les  charpentes  et, 
par  conséquent,  annulait  les  causes  d'incendie  ;  et  nous  voyons  (jue,  dans  le 


'  Nous  ilcsi^iioiis   ici  l';incienne   catfiédraie  de   Péiii^uoiix    ol    non   la   caliiodralo 
acUielle,  rélal)lie  dans  l'église  abbatiale  de  Sainl-Kionl. 


—    'Mil    —  I    CATIIÉDIIAI.I';    I 

Nord,  à  la  tin  du  xii«  siècle,  la  reconsUuction  de  la  plupart  des  ealliédi-ales 
romanes  (>st  i)iov()qut'e  j)ar  des  iueendies,  eoinnie  si  ce  tléau  avait  voulu 
venir  en  aide  aux  tendances  de  l'épise()|)at  et  des  populations  urbaines. 

A  An^oulènie,  une  eatliediale  avait  été  hàtie  au  eoinnienecnicnt  du 
xii*"  siècle  ;  elle  se  composait  d'une  nef  à  quatre  coupoles,  avec  une  abside 
et  quatie  chapelles  rayonnantes  (il).  Vers  IfMuilieu  de  ce  siècle,  alors  que 


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sur  une  grande  partie  du  territoire  de  la  France  actuelle  on  élevait  ou  on 
songeait  à  élever  de  nouvelles  cathédrales  plus  vastes,  on  se  contenta 
d'agrandir  la  cathédrale  d'Angoulème  par  l'adjonction  des  deux  transsepts 
surmontés  de  deux  tours',  et  on  enrichit  l'inféiieur  de  la  nef  en  incius- 
tant  des  colonnes  engagées  et  quelques  détails  d'architecture.  La  façade 
occidentale  fut  reconstruite  et  couverte  de  sculpture.  De  la  primitive 
église,  la  première  ti-avée  de  la  nef  demeure  seule  intacte.  A  l'extérieur, 
les  couronnements  furent  refaits. 

Nous  donnons  (42),  en  A,  la  coupe  sur  le  transsept  nord  de  cette  église, 
et  en  B  la  coupe  transversale  sur  la  nef*.  Les  adi(»nctions  et  les  réparations 
à  l'église  primitive  de  Saint-Pierre  d'Angoulème  ne   moditient  pas  le 

1  Seule  la  lour  du  nord  existe  aujourd'tiui. 

2  Nous  devons  ces  dessins  à  notre  ami,  M.  Abadie,  architecte  de  la  catliédraie 
d'Angoulème,  qui  vient  do  terminer  avec  autant  de  tionlicur  que  do  taiont  le  démontage 
el  la  l'econstruclioii  pioco  |iar  pièce  do  la  belle  lour  dont  nous  doiuions  la  coupe. 


I    CATHl-DKALK    ]  —    .{(iS    — 

système  de  construction.  La  liadilion  romane  est  conservée  pine.  Kn  se 


-I ■■';■■     '    '    1 —    I     I    I    I — ■— • — I    I     j 


ÎOm 


v|j         A.KCAXO.iX. 


iap{)ro('hanl  des  provinces  du  Nord,  le  style  l)yzanlin  des  éiilises  de 
rOuesl  allait,  dès  le  milieu  du  wv  siècle,  suhir  liidluence  des  écoles  de 
rile-de-France  et  de  Picardie. 

Me  1 1  iri  il  I  Kiri,  on  bâtissait,  à  Anfifers,  la  nef  de  la  cathédrale  '.  Le 

•   Voy.  K Arch\i.  byzanline  en  Frnnrp,  par  M.  Friix  df  Vornoilli,  p.  ^S!^  o\   suiv. 
Paris,  1851. 


—    369    f    r.ATIII-DRAlK    1 

plan  do  (t'ttc  nef  (13)  se.rapproche  beaucoup  do  celui  de  la  net"  de  la  cathé- 


drale d'Anj^^oulême  (fig.  -41).  Mais,  à  Saint-Maurice  d'Angers,  la  coupole  a 
fait  place  à  la  voûte  d'arête.  Au  conniiencement  du  xui»"  siècle,  on  élève 
les  transsepts  et  le  chœur,  en  suivant  encore  le  système  adopté  au  xii*. 
L'architecture  du  Nord  n'impose  ici  ni  ses  dispositions  de  plans,  ni  même 
son  système  de  construction  ;  car  ces  voûtes  d'arêtes  sont  plutôt  des 
coupoles  nervées  que  des  voûtes  en  arcs  d'ogive  (voy.  construction).  Les 
nervures  diagonales  sont  une  décoration  plutôt  qu'un  moyen  de 
construction.  Point  de  collatéraux,  point  de  chapelles;  une  nef,  des 
transsepts  et  un  sanctuaire. 

Saint-Front  de  Périgueux  avait  été  l'origine  de  tous  les  monuments  à 
coupole  bâtis  dans  les  provinces  de  l'Ouest  pendant  un  siècle  '.  Mais,  dans 
le  Poitou  et  les  provinces  du  Centre,  il  s'était,  dès  le  xi«^  siècle,  formé  une 
(H'ole  de  constructeurs  dont  le  mode  dittV-rait  essentiellement  de  ceux 
adoptés  par  les  architectes  romand-byzantins  de  l'Ouest  ou  par  ceux  du 
Noid.  Une  grande  partie  des  églises  romanes  du  Poitou,  du  Limousin,  de 
la  Saintonge,  de  la  Vendée  et  même  du  Berry ,  possèdent  une  nef  avec 
bas-côtés,  dont  les  voûtes  atteignent  à  peu  près  le  même  niveau;  celles 


Vov.  If  mémo  diiviago,  el  l'arlicle  AiiCHirecTiiRE  religieiisk. 
T.    II. 


I    CATIIÉI)BAI.K     I  —    370    — 

(les  collaléraux  ,  plus  étroites ,  en  berceau  ou  d'arêtes ,  servent  de  buttée 
aux  voûtes  centrales  en  berceau  (voy.  ARr.iiiTKc.TiRK  uki.kwusk.  li^.  \î>). 
(l'est  contoi-niénient  à  ce  [)rinci|X'  (|ue  sont  conslruites  les  enlises  de 
S;iinl-Savin  |)rès  Poitiers,  de  Notre-Dame  ladrande,  de  Melle,  de  Surj^ère, 
de  Saint-Euthrope  de  Saintes,  et  niênie  dans  des  provinces  éloif^nées,  de 
la  cité  de  Carcassonne  au  xi^  siècle,  de  Brives  et  de  Limoges  au  xiii»".  Ces 
trois  nefs,  égales  en  bauteur,  sinon  en  largeur,  ne  permettaient  de  prendre 
des  jours  que  dans  les  murs  des  collatéraux,  la  voùle  ceuliale  restant 
dans  r»»bs<  lu'ilé.  Ce  mode  de  construction  tut  adopté  ])our  redilicatiou 
de  lacalbédrale  de  Poitiers,  au  commencement  du  xni''  siècle.  Seulement, 
l'arcbitecte  donna  à  ses  trois  nefs  une  largeur  à  peu  près  égale ,  et  les 
voûtes  fui-enl  laites  en  arcs  d'ogive  avec  nerf  partant  des  clefs  centrales 
aux  clefs  des  arcs  doubleaux. 

Voici  (i'O  le  plan  de  la  cathédrale  de  Poiti«M's.  I,ii  encore,  dans  les 


dispositions  c(»nMuc  dans  le  svstème  de  la  construction,  linlluence  du 


—  ;ni  — 


[    CATHEDRA  I.K    J 


Nord  est  nulle,  quoique  tous  les  arcs  soient  en  tiers-point,  ainsi  qut;  dans 
la  cathtVirale  d'Angers;  elle  se  fait  sentir  dans  le  style  des  moulures  et 
dans  rornonientation.  Grâce  à  la  lari^^eur  et  à  la  hauteur  des  travées,  k  la 
grandeur  des  fenêtres  jumelles  ouvertes  au-dessus  de  l'arcature  des  bas- 
côtés,  cet  intérieur  est  fort  clair.  Les  transsepts  ne  sont,  à  vrai  dire,  que 
des  chapelles  latérales  orientées,  et  les  absides,  tracées  suivant  une 
courbe  peu  prononcée,  ne  paraissent  pas  à  l'extérieur. 

Du  dehors ,  la  cathédrale  de  Poitiers ,  couverte  par  un  cond)le  à  deux 
pentes,  terminée  à  l'orient  par  un  énorme  mur-pignon  sans  saillies  et  à 
peine  percé,  paiait  être  i)lulùt  une  salle  immense  ([u'une  église  avec  nef 
et  collatéraux.  Hien,  dans  le  plan,  n'indique  ni  le  clio'ur,  ni  le  sanctuaire. 
Nous  sommes  disposé  à  croire  que,  connue  à  Saint-Pierre  d'Angoulême, 
des  tours  avaient  été  projetées  sur  les  deux  transsepts.  Une  façade  de 
style  français  du  Nord  fut  commencée ,  vers  le  milieu  du  xiif  siècle,  à 
l'ouest,  et  flanquée  de  deux  petites  tours  non  achevées.  Les  constructions 
supérieures  de  cette  façade  ne  datent  que  des  xiv»^  et  xv«^  siècles.  Maigre 
sa  grandeur,  la  beauté  de  sa  construction  et  de  ses  détails,  c'est  là,  nous 
l'avouons,  un  monument  étrange,  une  exception  qui  ne  trouve  pas  d'imi- 
tateurs. 

Nous  donnons  (45)  la  coupe  transversale  de  la  cathédrale  de  Poitiers, 


dont  les  voûtes  se  rapprochent  plutôt,  comme  à  Saint-Maurice  d "Angers, 


I    r.ATIlÉORALE    ]  —    'M"!    — 

de  la  coupole  nervée  que  de  la  voûte  en  ares  d'o^'ive  (voy.  construction). 
Dans  la  cathédrale  de  Poitiers  viennent  se  réunir  et  s'éleindre  les  an- 
ciennes dispositions  de  plan  et  de  coupe  des  é^dises  lonianes  du  Pctitou, 
à  trois  nefs  égales  de  hauteur,  et  les  ti'aditions  de  la  construction  des 
coupoles  byzantines. 

A  partir  du  milieu  du  xni"'  siècle  ,  rarchitecture  ogivale  française 
s'impose  dans  toutes  les  provinces  réunies  à  la  couronne,  et  même  dans 
(|uelf|ues-unes  de  celles  qui  ne  sont  encoi'c  (pic  vassales.  Excepté  en 
Provence  et  dans  (|uelques  diocèses  du  îMidi  .  les  styles  provinciaux 
s'etVacent,  et  les  eti'orts  des  évêcpies  tendent  à  élever  des  callicdrales 
dans  le  style  de  celles  qui  taisaient  l'orf^ueil  des  villes  dn  Nord. 

C'est  de  1260  à  1275  que  nous  voyons  trois  villes  importantes  du  midi 
jeter  bas  leurs  cathédrales  romanes  pour  élever  des  édifices  dont  la  direc- 
tion fut  évidemment  confiée  à  un  même  architecte  du  Nord  :  Clernumt  en 
Auverj,fne ,  Limoi^^es  et  Narhonne.  Ces  trois  diocèses  connnencenf  leurs 
cathédrales,  la  première  en  12(58  et  la  dernière  en  1272,  sur  des  plans 
tellement  idenliciues,  qu'il  est  ditliciie  de  ne  pas  voir,  dans  ces  lidis 
monuments,  la  main  d'un  même  maître.  IVut-êtie,  cependant,  la  calhé- 
diale  de  Narhonne,  tout  (mi  appartenant  à  la  même  école  que  les  deux 
autres,  fut-elle  élevée  par  un  autre  architecte  ;  mais,  cpuint  aux  cathé- 
drales de  (^lei-inont  et  de  Limof^es,  non-seulemeiU  ce  sont  les  mêmes 
plans,  mais  les  mêmes  profils,  les  mêmes  détails  (rornementation,  le 
même  système  de  construction. 

Nous  représentons  ici  (4<i)  le  plan  de  la  cathédrale  de  Clermoni ,  la 
première  en  date  '. 

La  construction  de  la  cathédrale  de  (^lermont  fut  conunencée  par  le 
chœui'.  L'ancienne  éptlise  romane  avait  été  laissée  debout,  son  abside  ne 
venant  j,'uère  (jue  jusquà  l'entrée  du  chœur  nouveau  -.  Le  sanctuaire 
achevé  vers  la  fin  du  xiic  siècle,  l'éj^dise  romane  fut  démolie,  sauf  la 
façade  occidentale,  ol  on  continua  l'œuvre  pendant  les  premières  années 
du  xiv«  siècle.  Quatre  travées  de  la  nef  furent  conq)létées.  Le  travail,  alors 
suspendu,  ne  fut  j)Ius  repris,  et  on  voit  encore  les  restes  de  la  façade  du 
XI*"  siècle '.  I^a  pai'lic  orienlale  de  la  cathédrale  de  (ilern)ont,  enlièicmcnl 
bâtie  en  lave  de  Volvic,  est  admirablemcnl  conslruile,  bien  que  Ton 
s'aperçoive  de  l'extrême  économie  imposée  au  maître  de  l'œuvre.  Absence 
d'arcalure  dans  les  soubassements  des  chajjclles,  sculpture  raie,  i)as  de 
formerets  aux  voûtes.  Ce  qui  est  surtout  remaïquable,  à  Clermoni  comme 
à  Limoges  et  à  IVarbonnr,  c'est  la  concession  faitf  t'vidciumenl  aux  lia<li- 

'   Coiiiiiic  Unis  les  ;iiilr('s  plans,  celui-ci  est  ii  Tcclicllc  de  0,()()l"'  |)(Uir  inclrc 

-  Kn  iaisaiit  qii('l(|ii('s  rouilles,  iM.  Mallay,  aicliilecle,  a  reU'omé  exacteineiil  le  pian 

de  la  cathédrale  du  \'-  au  xi«  siècle,  dont  les  dis|)osilions  se  ia|)porlaienl  a  celles  de 

tontes  les  éirlises  romanes  d'Anvergne. 

3  Denx  lonrs  qui  snhsislaienl  encore  sur  ceUe  façade,  mais  (pii  avaient  été  déiiatu 

rées  depuis  lon;j;leiiij»s,  onl  dû  èU'c  démolies  parce  cju'elles  meiia<,';iieul  de  s'écrouler. 


;n:j 


[    CATHÉDRALE 


lions  méridionales  par  l'architecte  du  Nord.  Ainsi,  les  bas-côtés  et  les 
chapelles  sont  couverts  en  terrasses  dallées,  quoique  le  triforium  ne  soit 


L.Ml 


^e-Jin?       1 


point  à  claire-voie.  Les  fenêtres  hautes  ne  remplissent  pas  complètement 
l'intervalle  entre  les  piliers,  mais  laissent  entre  elles  des  trumeaux  d'une 
certaine  lar^^eur,  ce  qui  est  tout  à  tait  contraire  au  système  adopté  dans 
toutes  les  éj^dises  du  Nord  de  cette  époque.  Deux  des  chapelles  carrées  du 
chœur,  au  nord,  sont  consacrées  au  service  de  la  sacristie,  avec  trésor 
au-dessus. 

A  la  cathédrale  de  Limoges,  dont  nous  donnons  le  plan  (47),  c'est  au 
sud  et  de  la  même  manière  que  sont  placés  les  services  pris  aux  dépens 
de  deux  chapelles.  Dans  les  chapelles  absidales  de  ces  deux  plans,  qui 
présenttMit  non-seulement  des  dispositions,  mais  encore  des  dimensions 
semhlahlrs,  on  remanjuera  la  petite  travée  d'entrée  qui  précède  le  poly- 
gone ;  c'est  là  un  parti  que  nous  ne  trouvons  pas  adopté  dans  les  chapelles 
absidales  des  cathédrales  du  Noitl.  Du  reste,  comme  à  Reims,  comme  à 
Beauvais,  les  chapelles  rayonnantes  sont  toutes  égales  entre  elles  ;  il  n'y  a 
pas  de  chaj)elle  plus  jn-ofonde  dans  Taxe,  connue  à  Amiens,  à  Troyes,  etc. 

La  net' de  la  catlicdralc  (le  (llermont  appartient  au  mv  siècle;  celle  de 


[    CATHÉDRALE    ]  —    '{7  4    — 

la  cathédrale  de  Linio^^es  au  w^et  même  au  wi»^  ',  ainsi  que  le  pignon  du 
transsept  noid.  L'histoire  de  la  construction  de  ces  deux  nKinuincnts  est 
doncsemhlahle.  Les  ressources  que  les  chapitres  et  les  évèques  de  (llmnont 


et  de  Limojj;es  avaient  pu  rt'unir,  vers  la  fin  du  xm^  siècle  .  pour  rehàlir 
leui's  cathédi-ales,  furent  proniptement  éi)uisées;  et,  à  Limoges,  ce  ne  tut 
(pi'à  la  tin  du  xv  siècle  que  les  travaux  j)urent  être  repris,  pour  être  de 
nouveau  abandonnés. 

A  Narbonne,  siège  archiépiscopal,  la  cathédrale  de  Saint-Just,dont  nous 
admirons  aujourd'hui  le  chœur,  ne  sortit  de  terre  que  vers  les  dernières 
années  du  xm*"  siècle  ;  entre  cet  édifice  et  ceux  de  Clermont  et  de  Limoges, 
on  i-emartpu'  une  dillérence  notable  dans  le  style  des  profils  et  des 
détails  de  la  construction.  La  cathédrale  de  Narbonne,  conçue  d'après  des 


>  La  nef  de  la  calliédrale  de  Limoges  resta  inachevée  comme  celle  de  la  cathédrale 
de  Cloimont.  A  l'ouest  (voy.  tig.  47),  on  a  laissé  suhsisler  un  déi)ris  de  raïKicMiiie  nef 
romane  et  les  soubassements  de  la  tour  du  xr  siècle,  renlorcés  cl  surélevés  au  xiii'  et 
au  xiv  siècle  (vov.  CLociiti!  . 


—    375    —  [    r.ATIIÈDIULK    1 

données  hoaucoup  plus  vastes  que  ses  deux  devancières,  ne  vit  élever,  de 
1"27''2  à  i;{;{0  environ,  que  son  chœur  (48)  '. 


PEMUD  St 


Vers  cette  époque,  Narbonne  perdit  son  antique  importance  par  suite  de 

'  Ce  chœur  est  à  peu  près  aussi  élevé  que  celui  des  caihéd raies  de  Beauvais  el  do 
Cologne. 


[    (ATllfiimAI-E     I  .ne»    

l'eiisablomont  de  son  port.  La  cathédrale  resta  inachevée;  h'S  Iraiissepts 
ne  furent  même  pas  élevés  '.  La  construction  de  ce  vaste  chœur  est  admira- 
blement traitée,  par  un  hoM)me  savant  et  connaissant  j)artailement  toutes 
1er;  ressources  de  son  arl.  Il  semble  mèm(>  (|u'on  ait  voulu,  avant  tout,  à 
Narboime,  faii'c  preuve  de  savoir.  Les  chapiteaux  des  piles  sont  complè- 
tement dépourvus  de  sculi)ture  ;  le  triforium  est  d'uiu'  simplicité  rare; 
mais,  en  revanche,  l'agencement  des  arcs,  les  pénétrations  des  moulures, 
les  profds,  sont  exécutés  avec  une  perfection  (pii  ne  le  cède  à  aucun  de 
nos  édifices  du  Nord.  Les  voûtes  sont  admiiablement  apjtareillées  et 
construites.  Celles  des  chapelles  et  des  bas-côlc's  (jui  reçoivent  ,  connue  à 
Limoges  et  àClermont,  un  dallaj;»' presque  horizontal,  ont  ()'",i()  d  épais- 
seur et  sont  maçonnées  en  pierres  dures.  L'ensemble  de  la  constj'uclion, 
bien  pondéré,  dont  les  poussées  et  les  buttées  sont  calculées  avec  une 
adresse  incomparable,  n'a  pas  fait  le  moindre  mouvement;  les  piles  sont 
restées  parfaitement  verticales.  L'architecte,  afin  de  \w  pas  aflaiblir  ses 
points  (l'appui  princi|)au\  par  les  passages  des  galeries,  a  l'ait  tourner  le 
mur  <'xtérieur  du  triforium  aut(»ur  des  piles  (voy.  ahciutkc.ti  uk  «ELKirKUSK, 
fig.  38).  Cette  mêniP  disposition  se  retrouve  également  a  la  cathédrale  de 
Limoges.  Mais  outre  la  grandeur  de  son  plan,  ce  qui  donne  à  la  (;athédrale 
de  Narbonne  un  aspect  particuUer,  c'est  la  double  ceiidure  de  créneaux 
(|ui  reuq)lace  les  balustrad(>s  sur  les  chapelles,  et  qui  réunit  les  culées  des 
arcs-boutauts  terminées  eu  forme  de  tourelh^s  (voy.  aiu.-boi  tant,  fig.  (iiS). 
C'est  (|u'en  etl'el  cette  abside  se  reliait  aux  fortifications  de  l'archevêché 
et  contribuait ,  du  côté  du  nord  ,  à  la  défense  de  ce  palais  (voy.  évêché). 
C'était,  dans  les  villes  du  Midi,  un  usage  fré(iuent  de  f(utilier  les  cathé- 
drales. Celle  de  Béziers,  outre  ses  fortitications  de  la  fin  du  \\w  siècle, 
laisse  voir  encore  des  ti'aces  noiubreuses  de  ses  foililications  du  xic".  La 
partie  de  la  cathèdi-ale  de  Carcassonne  qui  date  du  xi**  siècle  se  reliait  aux 
fortifications  de  la  cité. 

Au  xiv  siècle ,  nous  voyons  encore  les  archevêques  d'Alby  élever  une 
cathédrale  qui  présente  tous  les  caractères  d'une  forteresse.  Ce  fait  n'a  rien 
d'extraordinaire,  quand  on  se  rapi)elle  les  guerres  féodales,  religieuses  et 
politicjues  (|ui  ne  cessèrent  de  bouleverser  le  Languedoc  pendant  les  xu'', 
xni'"  et  xiv<"  siècles,  l'our  en  revenir  à  la  cathédrale  de  Narbonne,  on  icmai- 
quera  la  disposition  neuve  et  originale  des  chapelles  nord  du  cho'ur, 
laissant  entre  elles  et  le  collatéral  un  étroit  bas-côté  qui  produit  un  grand 
effet ,  en  donnant  à  la  construction  beaucoup  de  légèreté,  sans  rien  ôter 
de  la  solidité,  il  est  vraisendjlable  que  cette  disposition  devait  être  adoptée 

1  L'un  (les  archevêques  fie  Narbonne,  peiidanl  le  dernier  siècle  ,  voulut  reprendre 
celle  consUiiclion  el  élever  l'église  au  moins  jusiiu'ii  la  ineniière  Uavée  eu  avant  des 
Iranssepts  ;  l'enU'eprise  l'ut  bientôt  suspeudue  ;  les  constructions,  reprises  de  nouveau  il 
y  a  quinze  ans,  n'ont  lail  qu'ajouter  ([ueUiues  assises  .^  celles  laissées  en  attente  à  la  Hn 
du  xvm'  siècle,  bans  notre  plan,  la  teinte  L,'rise  indique  les  constrnclioiis  dernières,  cl 
le  trait  le  projet  prolialilc. 


—    ■{"T    —  I    (  ATHÉDUAIK    ] 

(laii>  la  net',  (|ui,  coiimit'  celles  de  Clermoiit  et  de  Liiiiof,^es,  avait  été 
pntjetee  avec  des  cliapelles  latérales. 

A  Narlioiint»,  la  sacristie  et  le  trésor  sont  disposés  dans  deux  des 
chapellt^s  du  clueur ,  au  sud  ;  cest  encore  là  un  point  de  resseudtlance 
avec  Clerniont  et  Linio^'es  (voy.  fig.  46  et  47).  Les  fenêtres  de  ces  trois 
monuments  fuient  j^^arnies  de  vitraux  ;  mais  ceux  de  la  cathédrale  de 
Narhonne  .  posés  seulement  pendant  le  xiv  siècle,  ne  présentent ,  dans 
toutes  les  chapelles,  excepté  dans  celle  de  la  Vierjjje,  (jue  des  grisailles 
avec  entrelacs  de  couleur  et  écussons  armoyés.  Il  semble  (|ue  Ion  ait 
tenu  à  bamiir  la  sculpture  et  la  peinture  de  cette  église;  aussi  est-elh; 
d'un  aspect  passablement  froid.  C'est  plutôt  là  l'œuvre  d'un  savant  que 
d'un  artiste.  Le  sanctuaire  de  Narbonne,  connue  celui  de  Limoges,  a 
conservé  sa  clôture  formée  de  tombeaux  d'évèques  (voy.  tombeau).  La 
cathédrale  de  Narbonne  possède  encore  son  cloître  du  xv*"  siècle,  au  flanc 
sud  du  chœur,  connue  celle  de  Béziers  (voy.  cloître),  et  des  dépendances, 
entre  autres  une  salle  capitulaire  d'un  fort  bon  style. 

Saint-Just  de  Narbonne  est  un  édifice  unique  dans  cette  contrée  du  sol 
français,  et  par  son  style  et  par  ses  dimensions;  car  les  cathédrales  du 
Languedoc  sont  généralement  peu  étendues,  et  la  plupart  ne  sont  que  des 
édifices  antérieurs  aux  guerres  des  Albigeois,  réparées  ou  reconstruites 
en  partie  à  la  fin  du  xni«"  et  pendant  le  xiv^  siècle. 

Toulouse,  seule  peut-être,  possédait,  au  xn«^  siècle,  une  grande  cathé- 
drale à  nef  unique  sans  collatéraux,  autant  qu'on  peut  en  juger  par  le 
tronçon  qui  nous  reste  de  ce  vaste  et  bel  édifice  '.  Mais  Toulouse  était,  au 
xiie  siècle,  une  ville  riche,  très-populeuse,  et  fort  avancée  dans  la  culture 
des  arts. 

Avec  celle  de  Béziers,  la  cathédrale  de  Carcassonne  '  est  une  de  celles 
qui  nous  présente  cette  invasion  du  style  ogival  du  Nord  dans  un  monu- 
ment roman  du  Midi.  Nous  donnons  (49)  le  plan  de  ce  curieux  monument. 
La  nef  et  ses  deux  collatéraux,  jusqu'aux  transsepts,  appartiennent  à  une 
église  de  la  fin  du  xf  siècle.  Immédiatement  après  que  Carcassonne  eut  été 
réunie  à  la  couronne  de  France  sous  saint  Louis,  l'évêque  Radulphe  fit 
construire,  en  style  ogival  quelque  peu  bâtard,  à  l'extrémité  du  transsept 
sud  (qui  alors  était  roman  et  devait  avoir  létendue  actuelle) ,  la  chapelle 
teintée  en  gris  sur  le  plan  et  la  salle  voisine  \  Au  connnencemenl  du 
xiv^  siècle,  l'évêque  Pierre  de  Roquefort  ou  Rochefort  démolit  le  chœur, 

'  CeUe  nef  dans  œuvre  n'a  pas  moins  de  54  mètres  ;  les  voûtes  sont  en  arcs  d'ogive, 
portées  sur  des  piles  et  contre-buttées  par  des  conlre-torts  formant  des  travées  inté- 
rieures profondes  ou  des  chapelles  entre  eux.  11  est  probable  que  ceUe  disposition  était 
une  de  celles  adoptées  dans  ces  provinces  avant  l'invasion  du  style  français,  après  les 
guerres  des  Albigeois. 

-  Aujourd'hui  l'église  de  la  Cité,  le  siège  épiscopal  :iy.tiil,  depuis  le  concordat,  élé 
Iransléré  dans  la  ville  basse. 

^  CeUe  salle  a  été  nioditiée  au  xv=  siècle.  Le  tombeau  de  l'évêque  Kadulplie  est  placé 
dans  la  chapelle  (voy.  tombkau). 

T.    n.         .  '^^ 


[    CATHÉDKAI.I'    ]  'f"!^    

les  transsepls  roiuaiis,  et  hàliteii  styl»'  ogival  pur  IVanvais  la  pai  lie  orifiilalc 
de  la  calhédrale  que  lums  voyons  aiijoiiidliiii.  (lepeiidanl,  soil  (pioii  ail 
voulu  se  tenir  sur  les  fondations  ancinincs  du  clicxcl  cl  drs  transsepls 


v< 


ï\) 


romans,  soit  quon  ait  voulu  conserver  une  disposition  liaditionnelle  et 
que  nous  ne  voyons  guère  adoptée,  en  dehoi's  de  Careassonne,  que  dans 
l'éylise  d'Obazine,  on  donna  à  la  nouvelle  consiruotion  un  plan  qui  ne 
trouve  d'analogue  nulle  part  dans  le  Nord;  mieux  encore  :  dans  la  nef 
romane,  il  existe  des  piles  alternativement  carrées,  cantonn(''cs  de  demi- 
colonnes  et  cylin(lri(|ues.  dette  foiine  de  pilier.  (\u'\  n'est  pas  ordinaire  dans 
les  constructions  d'églises  du  xiii"'  et  du  xiv  siècle,  fut  ado|)tce  pour  les  six 
piliers  formant  tètes  des  chapelles  et  du  sanctuaire,  c'est-à-dire  que  les 
deux  piles  de  la  croisée,  à  l'entrée  de  l'abside,  lebâties  en  face  des  deux 
piliers  romans  laissés  en  place,  prirent  la  section  horizontale  en  plan  de  ces 
derniers,  et  (pie  les  quatre  autres  piles  sc'parant  les  cha|)elles  des  transsepls 
prin'nt  la  forme  cylindricpie,  connue  pour  se  relier  avec  la  vieille  église; 
partout  ailleurs  les  sections  des  pilieis  du  xiv  siècle  adoptent  les  formes 
usitées  à  cette  époque.  lj'évè(jue  Pierre  de  Ko(|ucfort,  en  faisant  lebàlir  la 
partie  orientale  de  sa  cathédrale,  axait  donc  r'intenlion  de  borner  là  son 
entreprise  et  de  respecter  la  nef  lomane,  puisqu'il  chenhait  à  conserver, 
enti'e  les  deux  constructions,  une  certaine  hainionie.  malgré  la  ditVérence 
de  style.  Ce  n  était  |)lus  celle  confiance  des  evè(|ues  du  iNoi'd  ,  (|ui,  au 
XIII''  siècle,  lors(|u'ils  laissaient  subsister,  pour  le  service  du  culte,  une  poi- 
tion  d'église  antérieure,  ne  le  faisaient  (ju'à  titre  provisoire,  et  ne  songeaient 
guère  à  raccorder  leurs  nouveaux  projets  avec  ces  débris  romans  destinés 
a  être  jetés  bas  aussitôt  «pie  l'avancement  de  l'œuvre  nouvelle  l'aurait 
permis.  On  voit,  d'aillems,  combien  les  consli'uciions  dernières  de  I;i 
cathedraU'  de  (larcass(»nne  sont  exigu«'s  :  on  rebàlissail  Tcglise  pour  se 


—    .{7".>    —  j     CATIIÉDKALE    ] 

coiifonner  au  ^'oùt  du  temps,  mais  on  ne  pensait  pas  à  l'aj^^-andir  '  ;  tandis 
qu'à  Clermont  et  à  Limoires  encore,  bien  que  ces  cathédrales  ne  soient  pas 
d'une  irraiide  dimension,  on  avait  cependant  beaucoup  anirmenté,  au 
XIII''  siècle,  le  périmètre  des  èirlises  romanes  -.  Si,  a  la  tiii  du  xiir-  siècle, 
dans  le  Nord,  la  puissance  qui  avait  tait  élever  les  cathédrales  commentait 
à  satiaiblir.  il  est  évident  (jue.  dans  les  provinces  du  Midi,  et  même  dans 
celles  alors  réunies  à  la  couronne  de  France,  il  n'y  avait  plus  qu'un  reste 
de  l'impulsion  piovof|uée  |)ar  le  itrand  mouvement  de  la  fin  du  xii""  siècle. 

l/e\è(|ue  Pierre  de  R(»(|ucfort  send)la  vouloir,  du  moins,  l'aire  de  sa 
petite  calliediale  de  Saiiit-Na/aire,  si  modeste  comme  étendue,  un  chef- 
d'œuvre  d'éléjj^ance  et  de  richesse.  Contrairement  à  ce  que  nous  voyons  à 
Narbonne,  où  la  sculpture  t'ait  complètement  défaut ,  l'ornementation  fut 
prodiguée  dans  l'église  Saint-Nazaire.  Les  verrières  innnenses  et  nom- 
breuses (car  ce  chevet  et  ces  transsepts  sont  une  véritable  lanterne)  sont 
de  la  plus  grande  magnificence  (voy.  vitrail)  comme  composition  et 
couleur.  Le  sanctuaire,  décoré  des  statues  des  apôtres,  était  entièrement 
peint.  Les  deux  chapelles  latérales  de  l'extrémité  de  la  nef,  au  nord  et  au 
sud,  ne  furent  probablement  élevées  qu'après  la  mort  de  Pierre  de 
Rochefort,  car  elles  ne  se  relient  pas  aux  transsepts  comme  construction, 
et  dans  l'une  d'elles,  celle  du  nord ,  est  placé,  non  pas  après  coup,  le 
tombeau  de  cet  évèque  .  Tun  des  plus  gracieux  monuments  du  xiv  siècle 
que  nous  connaissions  (voy.  tombeau). 

Les  grands  vents  du  sud-est  et  de  l'ouest  qui  régnent  à  Carcassonne 
avaient  fait  ouvrir  la  porte  principale  au  nord  de  la  nef  lomane;  une 
autre  porte  est  percée  dans  le  pignon  du  transsept  nord.  Le  clocher  de 
l'église,  qui  datait  du  xi^  siècle,  s'élevait  sur  la  première  travée  de  la  nef 
et  servait  de  défense,  car  il  dominait  la  nuu'aille  de  la  cité,  qui  .  alors, 
passait  au  raz  du  mur  occidental. 

En  A  est  le  cloître:  il  reliait  les  bâtiments  du  chapitre  et  de  l'évèché  à 
l'église.  Des  deux  côtés  du  sanctuaire,  entre  les  contre-forts,  sont  réservés 
deux  petits  sacraires  qui  ne  s'élèvent  que  jusqu'au-dessous  de  l'appui  des 
fenêtres.  Ces  sacraires  sont  garnis  d'armoires  doubles  fortement  ferrées 
et  prises  aux  dépens  du  mur.  Ils  servaient  de  trésors,  car  il  était  d'usage 
de  placer,  des  deux  côtes  de  l'autel  principal  des  églises  abl)atiales  ou  des 
cathédrales,  des  armoires  destinées  à  contenir  les  vases  sacrés,  les  reli- 
quaires et  tous  les  objets  précieux.  A  Saint-Xazaire  ,  on  avait  habilement 
profité  des  dispositions  de  la  construction  pour  établir  d'une  manière  fixe 
ces  sacraires  qui,  le  plus  souvent,  n'étaient  que  des  meubles  (voy.  autel). 

Les  cathédi'ales  des  diocèses  de  la  France  actuelle  avaient  tous,  ou  peu 

•  Ce  plan  est  à  hi  même  échelle  que  les  autres,  0,001'"  pour  mètre. 

*  La  crvpte  romane  de  l'église  cathédrale  de  Limoges ,  qui  existe  encore  et  était 
placée  sous  le  chevet,  n'arrive  guère  qu'au  milieu  du  s:incluaire  actuel.  Les  fonda- 
tions de  la  lalhédrnle  romane  de  (Mormont  ne  dépassent  pas  la  premiiTi'  travée  du 
chœur. 


I    (,ATiif:i)«\i  !•:   I  —  •{^<*  — 

s'en  faut,  reconstniit  leurs  cathédrales  pendaiil  lt's\ii>'.  \iii'  et  \iv  siècles; 
ceux  dont  l'teuvre  de  reconstruction  n'avait  été  conunencée  (|ue  lardive- 
nicnt  ne  purent  ,  la  plupart,  la  terminer.  Les  j,aierres  qui,  ])endant  la 
dernière  moitié  du  xiv^  siècle  et  le  connuencement  du  xv«',  ensanglan- 
tèrent le  sol  français,  ne  permirent  pas  de  continuer  ces  monuments 
tardifs.  Ce  fut  seulement  à  la  fin  du  xv«"  siècle  et  au  conmiencemenl  du 
\vi*  que  l'on  reprit  les  travaux.  Alors,  comme  nous  l'avons  dit  en  décri- 
vant (|uelques-uns  de  ces  grands  édifices,  on  fit  de  nouveaux  eHorts;  à 
Troyes,  à  Auxeire,  à  Tours,  à  Évreux,  à  Fiouen.  à  Heauvais.  à  Limoi^es,  à 
Bourj,^es,  à  Ncners,  etc.,  les  évé(|ues  et  les  chapitres  consacrèrent  des 
sonnnes  considérables  à  parfaire  des  monuments  que  le  refroidissement 
du  zèle  des  po|)ulalions  et  les  guerres  avaient  laissés  incomplets.  Quelques 
cathédrales,  en  bien  petit  nombre,  furent  commencées  à  cette  époque. 
Le  xv«;  siècle  vit  fonder  la  cathédrale  de  Nantes,  celles  d'Auch,  de  Mont- 
pellier, de  Hhodez,  de  Viviers  ;  les  gueires  religieuses  du  xvi''  siècle  tirent 
de  nouveau  suspendre  les  travaux. 

Nous  ne  devons  pas  quitter  ce  sujet  sans  parler  de  la  cathédrale  dAlby  , 
monument  exceptionnel,  tant  à  cause  du  principe  de  sa  construction  et  de 
ses  dispositions  particulières  que  par  la  nature  des  matériaux  employés, 
la  brique. 

•  Nous  donnons  (50)  le  plan  de  la  cathédrale  dAlhy '.  néjà  nous  avons 
parlé  de  deux  cathédrales  ilu  midi  de  la  France  qui  pouvaient,  au  besoin, 
servir  de  forteresses  :  Narbonne  et  Béziers;  ce  parti  est  plus  franchement 
accusé  encore  dans  l'église  Sainte-Cécile  d'Alby.  La  tour  occidentale  est 
un  véritable  donjon ,  sans  ouvertures  extérieures  à  rez-de-chaussée.  Du 
côté  méridional ,  une  porte  fortifiée  se  reliant  à  une  enceinte  défendait 
l'entrée  qui  longeait  le  fianc  de  la  cathédrale,  et  s'élevait  au  niveau  du  sol 
intérieur  au  moyen  dun  large  ennnarchement.  Du  côté  du  nord,  des 
sacristies  fortifiées  reliaient  la  cathédrale  à  l'ai'chevêché,  fort  bien  défendu 
par  d'épaisses  nmrailles  et  un  magnifique  donjon  ^ 

Sainte-Cécile  d'Alby,  conunencée  vers  le  milieu  du  xiv*"  siècle,  n'est 
qu'une  salle  iunnense  terminée  par  une  abside  et  ('omj)létement  entourée 
(le  chapelles,  polygonales  au  chevet,  carrées  dans  la  nef.  Ces  chapt^lles  sont 
prises  entre  les  contre-forts  qui  contre-buttent  la  grande  voùle;àdeux 
étages,  ces  chapelles  communiquent  toutes  enti'e  elles,  au  premier  étage, 
par  des  portes  percées  dans  les  contre-forts,  et  forment  ainsi  une  galerie. 
Ces  chapelles  du  rez-de-chaussée  sont,  les  unes  voûtées  en  berct^iu  ogival, 
les  autres  en  arcs  d'ogive,  irrégulièrement,  ainsi  (\nc  rindi<|ue  le  plan. 
Les  voûtes  du  premier  étage  des  chapelles  sont  toutes  en  arcs  dogive. 
Les  contre-forts,  ou  séparation  des  clia|)elles,  au-dessus  du  soubass«Mnenl 
continu,  se  dégagent  en  tourelles  fiantpiantes  dont  la  section  hoiizonlale 
donne  un  arc  de  cercle  dont  la  fièche  est  courte.  Des  fenêtres  étroites  et 

'  A  l'ôclicllc  (lo  (),()()!"'  pour  nictro. 

2  Cet  iiiclicvt'ilié  l'iail  ori^'iiiaircnicnl  lo  palais  des  comtes  di;  Idiilduse. 


—    '{^^1     —  [    CATHÈDUALi;    ] 

i(m}j;ii('s.  porcéos  Sfnilcmciil  au  premier  claiic .  dans  les  imiis,  entre  les 
ennli'e-torls,  éclairent  le  vaisseau. 


La  construction  de  cette  éi^iise  fut  interrompue  vers  le  commencement 
du  xyp  siècle;  les  couronnements  projetés,  et  qui  certainement  ne  devaient 
être  qu'un  crénelage,  ne  furent  pas  montés.  Au  conmiencement  du 
xvre  siècle,  on  se  contenta  de  placer  des  balustrades  aux  ditïérents  étages 
de  la  tour,  de  faire  quelques  travaux  intérieurs,  le  porche  sud,  et  la  clôture 
du  chœur  avec  un  jubé  qui  occupe  la  moitié  du  vaisseau  et  forme  ainsi 
comme  un  bas-côté  autour  du  sanctuaire,  (le  grand  édifice ,  entièrement 
bâti  en  briques,  excepté  les  meneaux  des  fenêtres,  les  balustrades  et  la 
clôture  du  chœur  qui  sont  en  pierre,  fut  enduit  à  l'intérieur  et  complè- 
tement couvert  de  peintures  de  la  fin  du  xve  siècle  et  du  xvi'  '. 

'   Voy.  la  cuiipe  de  la  calliédralo  dAlljy,  a  railicle  auchitk.ctirk  reiigieisk,  lig.  ol . 


La  catlicdralc  dAlby  est  certaiiiêiucnt  leditice  ogival  le  plus  imposant 
dos  pro\iiU'«'s  du  Midi;  il  est  (railleurs  orii^^iiial,  et  n'a  pas  subi,  coinnie 
Narltonne,  IIIk (df/,,  Mende.  Hé/iers,  les  iniluenees  du  Nord.  Il  dérive  des 
éfîlises  de  la  ville  basse  de  Carcassonne,  de  laiieieiMie  catbédrale  de  Tou- 
louse, uKiMuiiicnls  leligieux  sans  bas-côtés,  (|ui  n'élaieiit  eux-mêmes 
(|uinie  application  des  constructions  quasi-romaines  de  Fréjus,  de  Notre- 
Danie-des-Dons  d'Avij^Mion,  de  la  iMajor  de  Marseille,  éfdises  rap|)elant  le 
système  de  consfructinn  adopté  dans  la  basilique  de  ('onstaiitin  à  Kome. 

Si  la  cathédrale  (lAlby  est  unéditice  <»^ival  dans  les  moyensd'execution, 
il  faut  reconnaître  qu'il  est,  comme  dispositi(»n  de  plan,  connue  structure, 
complètement  roman  et  môme  antique.  Le  style  oj,Mval  n'est  là  qu'une 
concession  faite  au  ^oi\t  du  temps,  l'application  d'une  forme  étranj^fère, 
nullement  une  nécessité.  La  voûte  de  la  cathédrale  d'Alby  pounait  être  un 
Krand  beiceau  plein  cintre,  pénétré  par  les  petits  berceaux  Iraiisveisaux 
fermant  les  travées  entre  les  contre-forts;  la  stabilité  de  ICdilice  n'eût 
rien  perdu  à  l'adojjlion  de  ce  dernier  système  roman  ou  romain  ;  et  nous 
dirons  même  que  les  voûtes  en  arcs  d'ogive  qui  couvrent  les  travées  entre 
les  contre-forts,  à  la  hauteur  de  la  finaude  voûte,  sont  un  non-sens;  la 
véritable  consliuction  de  ces  voûtes  eût  dû  être  faite  en  berceaux,  bandés 
perpendiculairement  à  la  nef  et  portant  sur  ces  contre-forts.  Ce  parti  eût 
été  plus  solide  et  suitout  plus  logique. 

C'est  en  étudiant  les  monuments  (|ui  ont  admis  les  formes  de  l'architec- 
ture ogivale  sans  en  bien  comprendre  l'esprit,  que  l'on  reconnaît  combien 
le  style  adopté,  à  la  fin  du  xne  siècle,  dans  le  nord  de  la  France,  est 
impérieux;  cond)ien  il  se  sépare  nettement  de  tous  les  autres  modes 
d "architecture  antérieurs. 

L  architecture  romaneest  multiple;  dérivée  du  principe  anti(|ue  romain, 
elle  a  pu  pousser  des  rameaux  divers,  ayant  chacun  leur  caractère  particu- 
lier. Il  n'en  est  pas  et  ne  peut  en  être  de  même  de  l'aichilecture  ogivale  : 
il  n'y  aqu'wwe  architecture  ogivale;  il  y  a  dix,  vingt  architectures  romanes. 
Nous  voyons  en  A(|uitaine,  en  Auvergne,  en  Poitou,  en  Normandie,  en 
Homgogne,  en  Alsace, en  Provence, en  Picardie,  dans  l'Ile-de-Fiance,  dans 
le  iMaine,  en  ChaMq)agne,  des  écoles  romanes  (pii  se  dévelo|)pent  chacune 
dans  leur  propre  sphère,  bien  qu'elles  soient  filles  de  la  même  mère, 
connue  les  langues  italienne,  française,  espagnole  se  sont  développées 
chacune  de  leur  coté,  quoique  dérivées  du  latin.  Pour(|uoi?  C'est  que  dans 
I "architecture  romane,  connne  dans  rarchileclure  anti(pie,  la  forme  d'art, 
renvelo|»pe  ne  dé|)en(l  |)as  absolument  de  la  consti  uclion  ,  du  besoin  à 
salisfaiie  ;  l'art  est  libie,  il  ne  dépend  que  de  la  tiadition  et  de  rins[)ira- 
tion;  il  n'est  pas  une  déduction  dun  principe  absolu.  Veut-on  des  exem- 
ples? Nous  ne  répéterons  pas  ici  ce  qu'on  a  dit  du  t(Mnple  grec,  qui  repro- 
duit en  pierre  ou  en  marbre  une  construction  de  bois;  nous  estimons  trop 
ces  maîtres  dans  tous  les  arts,  pour  les  accuser  d'avoir  ainsi  manqué  aux 
règles  les  plus  sinq)les  du  bon  sens,  et  par  cons(''(|ueiil  du  bon  goût;  mais 
il  est  certain  que,  dans  l'archileclure  greccpir,  les  ordres  prennent  une 


.ÎH.'}    —  I    (.ATHfiDKAI.K    ) 

iiu|)ortaiice,  ('(MUiue  art,  qui  doiiiint'  I  aichitocle;  l'arl  est  le  inailrede  son 
iiiia^Miiatioii,  plus  fort  (|iie  son  raisonnement.  Aussi,  que  t'ait  l'artiste?  Il 
fait  tendre  toutes  les  facultés  (l(^  son  esprit  à  perfeetionnei-  cette  tornie  qui 
l'élicint  ;  ne  pouvant  l'assouplir,  il  la  polit.  Les  Honiains,  peu  ai'tistes  de 
leur  nature,  prennent  la  fcu'uie  d»'  l'art  ^rec  pour  l'ai)pliqu(M'  à  des  monu- 
ments qui  nont  aucun  rapport  avec  les  principes  de  cet  art.  Ils  trouvent 
des  ordres;  entre  tous,  ils  adoptent  volontiers  le  plus  riche;  confondant, 
comme  tous  les  parvenus,  la  richesse  avec  la  beauté,  et  ces  ordres  dont 
l'oriiïiiu'  est  j)ait'aitenient  rii,'oureuse  et  définie,   ils  les  appliquent  au 
rebours  de  cette  orij^ine.  Les  Komains  veulent  des  arcs  et  des  voûtes;  les 
Grecs  ne  connaissaient  que  la  plate-bande.  On  devrait  conclure  de  ceci 
que  les  Romains  ont  trouvé  ou  cherché  une  forme  nouvelle  propre  à  leur 
nouveau  système  de  construction;  point.  Les  Romains  prennent  la  forme 
grecque,  l'architecture  grecque,  les  ordies  grecs,  et  les  plaquent,  comme 
une  dépouille,  contre  leur  construction  ;  peu  leur  importe  que  la  raison 
soit  cho(|uee  de  ce  contre-sens;  ils  sont  les  maîtres.  Mais  ce  sont  des 
maîtres  qui  font  passer  le  besoin,  la  nécessité  avant  la  satisfaction  des 
yeux  ;  il  leur  faut  de  vastes  monuments  voûtés  ;  ils  les  construisent 
d'abord,  puis,  leur  progranmie  rempli,  trouvant  un  art  tout  fait,  ils  s'en 
emparent,  et  l'accrochent  à  leurs  murailles  comme  on  accroche  un  tableau. 
Que  ceux  qui  voudraient  nous  taxer  d'exagération  nous  expliquent  com- 
ment, par  exenq:>le ,  on  trouve,  autour  du  Colysée,  des  ordres  complets 
av(;c  leurs  plates-bandes  (des  plates-bandes  sur  des  arcs  !)  ;  dans  l'intéi-ieur 
des  salles  des  Thermes ,  des  ordres  complets ,  avec  leurs  corniches  sail- 
lantes, sous  des  voûtes  (des  corniches  saillantes  à  l'intérieur,  comme  s'il 
pleuvait  dans  l'intérieur  d'une  salle  !).  Il  est  évident  que  les  Grecs,  amants 
avant  tout  de  la  forme  .  ayant  trouvé  cette  admirable  coml)inaison  des 
ordres,  étant  parvenus,  guidés  par  un  goût  parfait,  à  donner  à  ces  ordres 
des  proportions  inimitables,  se  sont  mis  à  adorer  leur  œuvre  et  à  lui 
sacrifier  souvent  la  nécessité  et  la  raison  :  car,  pour  eux,  le  premier  de 
tous  les  besoins  était  de  plaire  aux  sens;  que  les  Romains,  indifférents 
au  fond  en  matière  d'art,  mais  désireux  de  s'approprier  tout  ce  qui  dans 
le  monde   avait  une  valeur,  ont  voulu  habiller  leur  architecture  à  la 
grecque,  croyant  que  l'art  n'est  qu'une  parure  extérieure  qui  embellit 
celui  qui  la  porte,  quelle  que  soit  sa  qualité  ou  son  origine. 

L'habitude  prise  par  les  Romains  de  se  vêtir  des  habits  d'autrui  a  lini 
par  produire,  on  le  conc^-oit  facilement,  les  costumes  les  plus  étranges. 
L'architecture  romane,  dérivée  de  l'architecture  romaine,  n'ayant  plus 
même  sous  les  yeux  ces  principes  grecs  pillés  par  les  Romains,  a  inter- 
prété les  traditions  coii'ompues  de  cent  façons  diti'erentes.  La  forme 
n'étant  pas  intimement  liée  à  la  matière,  n'en  étant  pas  la  déduction 
logique,  chacun  l'interprétait  à  sa  guise.  C'est  ainsi  que  l'art  roman  a  pu, 
à  son  tour,  s'emparer  des  lambeaux  du  vêtement  romain  ,  sans  en  com- 
prendre l'usage.  puis(|u'il  n'était  (piune  jtanire  empruntée,  et  arriver, 
dans  les  ditferentes  jjrovinces  des  (iaules,  a  former  des  écoles  sépart'es  et 


I    CATIII-DKALE    |  —    -iHi    — 

qui  pouvaient  se  divisera  linliiii.  Il  n'en  est  pas  ainsi  de  rarcliilccluic 
(|ui  naît  au  xii''  siècle  :  tilio  du  rationalisme  moderne,  chez  elle  le  calcid 
précède  lapplication  de  la  tonne;  bien  [)his,  il  la  connuande,  il  la  somnet  ; 
si,  parce  besoin  naturel  à  1  homme,  il  veut  qu  Clle  soil  belle,  il  faut  (|ue 
ce  soif  suivant  la  loi  d'unité. 

En  entrant  dans  le  domaine  dun  autre  art,  nous  pourrons  peut-être 
nous  faire  mieux  conqirendre...  I/architecture  antique,  c'est  la  mélodie; 
l'arclntecture  du  moyen  àj^e  ,  c'est  l'harmonie.  L'harmonie,  dans  le  sens 
que  nous  attachons  à  ce  mot,  c'est-à-dire  l'arrangement. et  la  disposition 
des  sons  simultanés,  était  inconnue  chez  les  anciens  (Irecs;  lantiphonie, 
au  temps  d'Aristote,  était  seule  pratiquée,  c'est-à-dire  les  octaves  produits 
par  des  voix  d'honmies  et  de  fenniies  ou  d'enfants  chantant  la  même 
mélodie,  ('e  ne  fut  que  pendant  les  premiers  siècles  de  notre  ère  que 
l'usat^e  des  quartes  et  des  quintes  fut  admis  dans  la  nnisique  ^rec<|ue,  et 
encore  l'échelle  tonale  de  ses  modes  se  j)rètait  si  peu  aux  sons  simultanés, 
que  la  pratique  de  l'harmonie  était  hérissée  de  ditliculles  et  son  enq)loi 
fort  leslreint.  M.  Vincent  ',  maljijré  des  etïbrts  persévérants  pour  découvrir 
les  traces  de  l'harmonie  chez  l(>s  Grecs,  n'a  encore  pu  arriver  à  aucun 
résultat  concluant. 

Dans  l"Et;lise  latine,  au  contraire,  l'harmonie  n'a  cessé  de  prendre  des 
développements  rapides,  et  c'est  i)rincipalement  au  moyen  àj^e  (ju'il  faut 
raj)porter  l'invention  et  l'établissement  des  rèj^les  qui  ont  élevé  cet  art  à 
la  plus  merveilleuse  puissance. 

Dès  l'époque  de  Charlemagne,  on  trouve  des  traces  de  l'art  de  combiner 
les  sons  simultanés,  et  cet  art  s'api)elle  or<ianum,  arsorganandi.  Il  était 
réservé  à  Hucbald,  moine  de  Saint-Amand  au  x<'  siècle,  de  donner  une 
grande  impulsion  à  l'harmonie,  en  établissant  des  règles  tlxes  (!t  fécondes. 
Aux  diaj)honies  à  mouvements  semblables  succéda  ,  au  xi<"  siècle,  la  dia- 
phonie à  mouvements  contraires  et  à  intervalles  variés,  comme  le  prouvent 
les  ouvrages  de  Jean  Cotton  et  d'autres  auteurs.  Enfin,  pendant  les  xn«  et 
xni''  siècles,  l'harmonie  s'em'ichit  successivement  de  tous  les  accords  qui 
forment  la  base  de  la  composition  nnisicale  moderne;  et  les  traités  de 
Jean  de  (iarlande,  de  l*icrrt^  IMcard,  de  Jérôme  de  Moravie,  etc.,  prouvent 
surabondannnent  l'emploi,  dans  la  synq)honie,  des  tierces,  des  quartes, 
des  quintes,  des  sixtes,  des  septièmes  même,  la  résolution  des  intervalles 
dissonants  sur  des  consonnances  par  mouvement  contraire  ;  et  bien  plus 
encore  ,  l'existence  des  notes  de  passage,  du  contre-point  double  et  des 
imitations  ^ 

Or,  s'il  est  deux  arts  qui  peuvent  être  comparés,  ce  sont  certainement  la 

'  Membre  de  riiislilul. 

-  Si  l'on  cloute  de  nos  assertions,  on  peut  consulter  TexcelUMii  ouvi;igi>  de  M.  de 
(loiisseniaker  sur  celte  niatièri',  el  les  travaux  de  M.  VéWx  (Mcnioiil,  (|ui  a  tiioii 
voulu  nous  fournir  tous  ces  renseiyneuionts  scieutiliiiues  (voy.  les  Annales  avchml.  d<' 
M.  Didron). 


.'Wri    [    CAIHÉURAI.K     I 

iiiiisi(|iif  l't  larcliilecliiit'  ;  ils  s'expliciuriit  l'un  |»iir  l'aiilif  ;  ils  ne  pidcèdeiit 
ni  lun  ni  lautiv  de  l'imitation  de  la  nature  :  ils  cirent.  Pour  ciéei-,  il  laut 
calculei'.  j>r»'voii'.  conslruii-e.  Le  musicien  (|iii  seul,  sans  instruments, 
sans  articuler  un  son.  enlend.  la  jjlume  à  la  main  et  le  |)a|iier  leglé  devant 
lui,  la  composition  harmonicjue  la  |)lus  c(»mprK|uée.  (jui  calcule  et  combine 
l'ettet  des  sons  sinmitanés;  Taichitecte  qui,  à  l'aide  d'un  compas  et  d'un 
crayon  ,  trace  des  projections  sur  sa  planchette,  et  voit,  dans  ces  tracés 
géométriques  et  dans  des  chittVes,  tout  un  monument,  les  etléts  des  pleins 
et  des  vides,  de  la  lumière  et  des  ombres;  qui  pr(''voil  .  sans  avoir  besoin 
de  les  peindre,  les  mille  moyens  delever  ce  fju'il  conçoit;  tous  deux, 
musicien  et  architecte,  sont  bien  forcés  de  soumettre  l'inspiration  au 
calcul.  Les  peuples  primitifs  trouvent  tous  des  mélodies  :  c'est  la  création 
d'instinct,  lépanchement  extérieur  par  les  sons  d'un  sentiment  ;  mais  à 
notre  civilisation  moderne  seule  apj)artient  l'harmonie  :  c'est  la  création 
voulue,  préméditée,  calculée,  raisonnee  de  l'honmie  qui  est  tourmenté 
par  l'éternel  u  Pourquoi?»;  qui  cherche,  travaille,  et  veut,  en  produisant 
un  etiét,  en  obtenant  un  résultat,  que  son  labeur  paraisse,  qu'on  apprécie 

les  efforts  de  sa  raison  et  la  science  qu'il  lui  a  fallu  déployer  pour  créer 

Vanité  1...  soit;  niais  plus  l'homme  mordra  au  fruit  de  l'arbre  de  la 
science,  plus  sa  vanité  croîtra.  Peut-être  (Dieu  veuille  que  nous  nous 
trompions  11  le  jour  n'est-il  pas  éloitiiié  oii  l'amour  de  l'art  sera  remplacé 
par  la  vanité  de  l'art. 

L'architecture  grecque  est  une  mélodie  rhythmee  ;  mais  ce  n'est  qu'une 
mélodie,  admirable,  nous  en  tombons  d'accord.  Enlevez  d'une  mélodie 
un  membre,  ce  qui  restera  n'en  sera  pas  moins  un  fragment  de  mélodie; 
enlevez  un  ordre  d'un  tenq)le  grec,  ce  sera  toujours  un  ordre  que  vous 
pourrez  appliquera  un  palais,  à  une  maison,  à  un  tombeau.  D'un  morceau 
d'harmonie,  d'une  synqjhonie,  retirez  une  partie,  d  ne  reste  rien,  puisque 
l'harmonie  n'est  telle  que  par  la  simultanéité  des  sons. 

De  même,  dans  un  édifice  ogival,  toutes  les  parties  se  tiennent;  elles 
n'ont  adopté  certaines  formes  que  par  suite  d'un  accord  d'ensend)le.  La 
lecture  de  ce  Dictioimaire  le  prouverait  ;  nous  ne  pouvons  nous  occuper 
d'un  détail  de  l'architecture  ogivale,  et  expliquer  sa  fonction,  qu'en  indi- 
quant sa  place,  les  circonstances  qui  ont  imj>osé  sa  forme,  sa  raison  d'être, 
indéj^endamment  du  goût  de  l'artiste  ou  du  style  dominant.  Le  même 
soutile  moderne  (|ui  faisait  substituer  l'hai  inonie  à  la  mélodie  dans  TsT 
musique  faisait,  au  \ir  siècle,  renqjlacer.  dans  l'architecture,  les  tradi- 
tions plus  ou  moins  (•orronq)ues  de  l'art  antiiiue  i)ar  une  succession  de 
combinaisons  soumises  à  un  piincijje  absolu.  Les  cathédrales  sont  le  pre- 
mier et  le  plus  grand  etlorl  du  génie  moderne  apjjliqué  à  l'architecture, 
elles  s'élèvent  au  centre  d'un  ordre  d'idées  opposé  à  l'ordre  antique.  Et, 
pendant  qu'on  les  construisait,  les  études  de  la  philosophie  grecque,  du 
droit  romain,  de  l'administration  romaine,  étaient  en  grande  faveur. 

Au  xii*"  siècle,  l'esprit  moderne  prit  à  l'antiquité  certains  j)rincipes  de 
vérité  éternelle  poui'  se  les  a[)propriei-  r[  les  transformer.  Au  x\e'  siècle,  on 
T.    II.  lu 


I    CATIII-DUAI.K     I  •W>    

s'empara  de  la  forme  aiilique,  sans  trop  se  soucier  du  fond.  C'est  donc  une 
erreur,  nous  le  croyons,  de  présenter,  connne  quelques  écrivains  de  noire 
temps  ont  voulu  le  l'aire,  rarchilectui-e  née  au  xii>' siècle  connne  une  sorte 
(le  déviation  de  resj)ril  humain  ;  déviation  hruscpie,  sans  relations  avec  ce 
(jui  a  précédé  et  ce  (pii  doit  suivre.  Si  Ton  j)rend  la  peine  déludier  sérieu- 
sement cet  art,  en  mettant  de  côté  ces  repi-oches  banals  eni^endrés  par  la 
prévention,  répétés  par  tous  les  esprits  paresseux,  on  y  trouvera,  au 
contraire ,  développés  avec  une  grande  énergie ,  les  éléments  de  ce  que 
nous  appelons  nos  con(|uètes  modernes  ,  l'ordre  gén(M-aI  avec  l'indépen- 
dance individuelle,  lunité  dans  la  variété  ;  Iharmonie.  le  concours  dt^  tous 
les  membres  vei-s  un  centre  connnun;  la  science  qui  s'impose  à  la  forme, 
la  raison  qui  domine  la  matière;  la  critique  enlin,  pour  nous  servir  d'un 
mot  de  notre  lenq^s,  qui  veut  que  la  tradition  et  rinspiration  soient  soumises 
à  certaines  lois  logiqut^s.  Et  ce  n'est  pas  seulement  dans  la  combinaison 
géométrique  (les  lignes  de  l'architecture  ogivale  (|uen(  tus  trouvons  l'expres- 
sion de  ces  principes,  c'est  encore  dans  la  sculpluie,  dans  la  statuaire. 

L'ornementalion  et  riconogra|)liie  de  nos  grandes  cathédrales  du  Jiord 
se  soumettent  à  ces  idées  d'ordre,  d'harmonie  universelle.  Ces  myriades 
de  figures,  de  bas-reliefs  qui  décorent  la  callu'drale,  composent  un  cycle 
encyclopédique,  (jui  renferme  non-seulement  toute  la  nature  créée,  niais 
encoi-e  les  passions,  les  vertus,  les  vices  et  l'histoire  de  l'humanité,  ses 
connaissances  intelleclut^lles  et  physiques,  ses  arts  et  même  ses  aspirations 
vers  le  bien  absolu.  Le  temple  grec  est  dédié  au  culte  de  Minerve,  ou  de 
Neptune,  ou  de  Hiane;  et,  considérant  ces  divinités  au  |)()int  de  \ue 
mythologique  le  plus  élevé,  on  ne  peut  disconvenir  (ju'il  y  a  là  comme  un 
morcellement  de  la  Divinité.  Le  temple  de  Minerve  est  à  Minerve  seule; 
son  culte  ne  satisfait  qu'à  un  ordre  d'idées.  L<'  Crée  qui  désire  se  rendre 
propices  les  diviniU'S  ,  c'est-à-dire  la  puissance  surnaturelle  maîtresse  de 
l'univers  et  de  sa  propre  existence,  doit  aller  successivement  sacrilier  à  la 
porte  des  douze  dieux  de  l'Olympe  ;  il  ne  peut,  à  son  point  de  vue,  croire 
(ju'un  sacrifice  fait  à  Cérès  pour  obtenir  de  bonnes  récoltes  lui  rendra 
Neptune  favorable,  s'il  doit  faire  un  voyage  sur  mer. 

Nous  adniellons  volontiers  que  les  grands  esprits  du  paganisnievoyaieni, 
dans  les  dillérenls  mytlH'S(iu"ils  adoraieni,  les  (pialiles  diverses  et  person- 
uiliees  d'une  |)uissan('e  divine;  mais,  eiitiii  .  il  fallait  une  viétodie  jiour 
chacun  de  ces  mythes.  L'harmonie  moderne  ne  pouvait  enirer  dans  le 
cerveau  d'un  (ire(;;  elle  n'avait  pas  de  raisons  d'exister;  au  contraire,  tout 
la  repoussait.  Avec  le  christianisme,  l'idée  du  moicellement  des  qualités 
de  la  divinité  disparaît  ;  en  priant,  le  chrélien  inqilore  la  pi-oleclion  de 
IHeu  pour  lui,  pour  les  siens,  })our  ce  qu  il  possède,  pour  l'humanité  tout 
(litière  ;  son  Dieu  enibnisse  l'univers  sous  son  regard.  Or  cette  idée  chré- 
tienne, chose  singulière,  nous  ne  la  voyons  matériellement  dévelop|)ée 
qu'au  xiie  siècle,  11  semble  que,  jusqu'à  ce  réveil  de  l'esprit  moderne,  la 
tradition  païenne  laissait  encore  des  traces  dans  les  espi'ifs,  connne  (>lle 
en  laissait  dans  les  l'(»rm(>s  de  rarchileclure.  .Ius(|u"au  \w  siècle,  les  églises. 


—    '.\H1    —  [    CATHÉKKALli    | 

nièiue  nioiiasli(|ues,  conservent  ([uolque  chose  du  niorcelleiuent  de  la 
Divinité  antiqii(\  En  voyant  les  nond)reuses  sculptures  romanes  {|ui  déco- 
rent nos  monuments  occidentaux,  on  ne  sait  trop  connnent  rattacher  ces 
imajjjeries  à  nue  uh'n'  conmiune.  Les  traditions  locales,  le  saint  vénéré,  les 
tendances  ou  l'histoire  des  populations,  dirii^cnt  le  sculpteur.  L'Ancien  <'l 
le  Nouveau  Testament  se  mêlent  aux  légendes.  Si  nous  visitons  une  é'^Wse 
clunisienne,  nous  voyons  que  saint  Antoine,  saint  Benoit,  l'archange  saint 
iMichel  jouent  un  rôle  important  dans  riconograi)hie;  on  retrouve  ces  per- 
sonnages partout ,  en  dedans  et  en  dehors,  sans  qu'il  soit  possihie  d'assi- 
gner un  ordre  hit'rarcliique  à  ces  représentations.  Tout  cela  est  entremêlé 
de  figures  d'animaux  hizarres,  et  nous  ne  croyons  pas  que  la  symboTuiue 
romane  puisse  jamais  être  claire  pour  nous,  puisque  saint  Bernard  lui- 
même  traitait  la  plupart  de  ces  sculptures  de  monstruosités  païennes. 
Admettant,  si  l'on  veut,  que  la  fantaisie  de  l'imagier  n'ait  pas  été  pour 
beaucoup  dans  le  choix  des  sujets,  toujours  est-il  que  chaque  église,  sauf 
certaines  représentations  invariables,  possède  son  iconographie  propre. 

Avec  la  cathédrale  de  la  tin  du  \iv  siècle,  surgit  l'iconographie  métho- 
dique, et,  pour  en  revenirà  notre  conq)araison  musicale,  chaque  sculpteur, 
en  faisant  sa  partie,  concourt  à  l'ensemble  harmonique;  il  est  astreint  à 
certaines  lois  dont  il  ne  s'écarte  pas,  comme  pour  laisser  à  la  symphonie 
sa  parfaite  unité. 

Beaucoup  d'églises  cathédrales,  avant  cette  grande  époque  de  l'art 
français,  se  composaient  de  plusieurs  églises  et  oratoires.  Connue  premier 
pas  vers  l'unité,  les  évèques  qui  reconstruisent  ces  monuments,  aux  xrr 
et  xrne  siècles,  englobent  ces  églises  et  ces  chapelles  dans  la  grande 
construction;  puis  ils  adoptent  une  iconographie  dont  nous  allons  essayer 
de  présenter  sommairement  le  vaste  et  magnifique  tableau.  Disons  d'abord 
que  les  cathédrales  qui  nous  donnent  un  ensemble  de  sculptures  à  peu 
près  complet  sont  les  cathédrales  de  Paris,  de  Reims,  d'Amiens  et  de 
Chartres,  toutes  les  quatre  dédiées  à  la  sainte  Vierge. 

Trois  portes  s'ouvrent  à  la  base  de  la  façade  occidentale.  Sur  le  trumeau 
de  la  porte  centrale  est  placé,  debout,  bénissant  de  la  droite  et  tenant 
l'Évangile  de  la  main  gauche,  le  Christ  honmie';  ses  pieds  reposent 
sur  le  dragon.  Les  douze  apôtres  sont  rangés  des  deux  côtés  contre  les 
ébrasements  -.  Sur  le  socle  du  Chiist  est  la  figure  de  David  ',  ou  les 
l)i'ophètes  qui  ont  annoncé  sa  naissance,  et  les  arts  libéraux  *  en  bas-relief. 
Sous  les  apôtres  sont  sculptés,  en  bas-relief,  les  vertus  et  les  vices,  cha(|ue 
vertu  j)lacée  au-dessus  du  vice  contraire  ^  Les  quatre  signes  des  évangé- 

'  Paris,  Amiens,  porliiil  principal;  (liiarires,  portail  niciidional  ;  Roinis,  portail 
st'ptenlri(,)nal.  — -  -   hlrm. 

■'  Amiens. 

*  Paris. 

■''  Paris,  Amiens.  A  Chartres,  les  vérins  et  les  vires  sont  soulplé>  sni  les  piles  du 
|)(ireiie  méridional. 


I    CAIIlIlDKAI.K     I  ."ÎSiS    

listes  occupent  les  an^'les  «les  éhrasenienis  '.  On  \(»if  sélever,  sur  les  deux 
pieds-droits,  a  la  droite  du  Christ,  les  vierj^'es  sages;  à  la  gauche,  les 
vierges  folles  -  ;  au-dessous  d'elles,  un  arhre  feuillu,  aurpiel  sont  sus|)en- 
(lues  des  lampes,  du  coté  des  vierges  sages;  du  coté  des  folles,  un  arbre 
mort  frappe  «lune  cognée^.  I^e  linteau  ([ui  ferme  la  j)orte  au-dessus  du 
trumeau  représent<»  la  Résurrection,  le  pèsement  des  âmes  et  la  séparation 
(les  élus  des  danmés.  Au-dessus,  dans  le  tympan,  le  (Ihiist  au  jour  du 
jugement,  nu,  montrant  ses  plaies;  des  anges  tiennent  les  instruments  de 
la  Passion;  la  Vieige  et  saint. lean  à  genoux,  imj>lorant  le  divin  Juge'.  Dans 
les  voussures,  des  ;uiges'';  à  lagauche  du  Ciirist.  les  su|)plices  des  danmés; 
à  la  droite,  les  élus;  jtuis  les  niartyrs,  les  confesseurs,  les  vierges  martyres, 
les  rois,  les  patriarches,  ou  des  prophètes,  quelquefois  un  arbfe  de  Jessé  *. 
Des  deux  côtés  de  la  porte,  l'Eglise  et  la  Synagogue  '.  Le  trumeau  de  l'une 
des  deux  portes  latérales  est  occupé  par  la  statue  de  la  Vierge  tenant 
l'enfant  Jésus  *  ;  ses  pieds  portent  sur  le  serpent  à  tète  de  femme.  Sur  le 
socle  est  sculptéf^  la  création  de  Ihomme  et  de  la  femme,  et  Thisloire  de 
la  tentation  ^  Sur  la  tèie  de  la  Vierge,  et  lui  servant  de  dais,  l'arche  d'al- 
liance, soutenue  par  des  anges'".  Des  deux  côtés,  dans  les  ébrasements, 
les  rois  Mages,  l'Annonciation,  la  Visitation,  la  Circoncision,  David  ".  Sur 
le  linteau  de  la  porte,  on  voit  les  rois  et  les  prophètes '%  ou  Moïse  et 
Aaron  et  des  prophètes  '\  xVu-dessus ,  la  mort  de  la  Vierge  '%  ou  son 
ensevelissement  par  les  apôtres  et  Tenlèvement  de  son  corps  par  les 
anges  '^  Dans  le  lynq)an,  son  couronnement  "^.  Les  voussui'f^sco'ilieiment 
des  anges,  les  rois  ancêtres  de  la  Vierge,  et  les  prophètes  (pii  ()nt  annoncé 
sa  venue  ".  La  troisième  porte  est  ordinairement  réservée  au  saint  patron 
du  diocèse  (à  Amiens,  c'est  saint  Firmin  qui  occupe  le  trumeau);  des  deux 
côtés. dans  les  ébrasements,  viennent  les  représentants  de  Tordre  religitnix 
dans  Tancienne  et  la  nouvelle  loi,  Aaron.  Melchisedech  et  l'Ange;  les 
premiei's  prèlres  martyrs,  saint  Etienne,  saint  D(Miis,  etc.;  quelquefois  des 
saints  vénéi-és  <lans  la  localité,  comme  sainte  Mlphe,  saint  Honoré  et  saint 
Salve  à  Amiens,  i^es  linteaux  et  tynqwns  de  ces  portes,  consacrées  au 
saint  palron  du  diocèse,  contiennent  sa  légende  et  l'histoire  de  la  transla- 
tion de  ses  reliques  '^  Sur  les  soubassements  ou  les  pieds-droits  de  lune 
de  ces  portf^s  latérales  sont  sculptés,  en  bas-relief,  un  /.odiacpu»  et  les  tra- 
vaux de  l'année  '^.  A  Amiens,  sur  l«»s  faces  des  contre-forts,  en  avant  des 
trois  portes,  sont  posées  les  statues  des  prophètes,  et,  au-dessous,  les 
pi'ophéties  dans  des  médaillons;  c'est  connue  une  sorte  de  prologue  aux 

'  Paris.  —  2  |»mis  ,  Amiens,  Sens.—  ■'Amiens.  —  '•  Paris,  .\miens,  iieinis, 
Chartres.  —  ^  l*aris,  Amiens,  Reims,  C-liartres.  —  "Amiens.  —  '  l*aris.  —  «A 
l'aris,  la  Vierge  esta  la  porte  de  gauche,  en  iT^ardanl  le  portail  ;  à  Amiens,,  à  la  porte 
de  droite.  —  '  Paris,  Amiens.  —  '" /(/t/n.  —  "Amiens,  Keims.  —  '*  Paris.  — 
1-'  Amiens.  —  ''•  Paris,  Seidis.  —  '•'  Amiens,  Senlis.  —  '"  Paris,  Amiens,  Seidis  , 
Reims.  —  ''' .Vmiens. —  '''Reims,  portail  sei)lenni()nal  ;  Amiens.  Paris,  Meaux , 
porlaii  méridiunal.         '■'  Paris,  {{einis,  .Vmiens. 


—    3S'.>    —  I    CATHÉI)KAI,K     | 

scènes  sculptées  autour  des  portes  et  qui  tieiinenl  a  la  nouvelle  loi.  Sur 
les  façades  des  ^'randes  cathédrales  du  litre  de  sainte  Marie,  mère  de  Dieu, 
au-dessus  des  portes,  on  voit  une  série  de  statues  colossales  de  rois  ancê- 
tres de  la  Vierjie  ';  ils  assistent  à  sa  ^loritication.  Une  galerie  supérieure 

I  A  Paris,  à  Iteims,  à  Amiens,  on  a  voulu  voir,  dans  ces  statues  de  rois,  la  série 

des  rois  de  France;  et  celte  idée  populaire  date  de  tort  loin,   puisqu'elle  est  déjà 

exprinu';e  au  xm'  siècle.  L'une  de  ces  statues,  iiivarialileiucnt  posée  sur  nu  lion,  est 

alors  prise  pour  l'epin.  Dans  Im  .Wlll  manièrcf;  de  vilai)ts,  manuscrit  qui  dale  de  la 

tin  du  xiii'-  siècle,  on  lit  ce  passage  :  •'  \À  vilains  Babnius  est  cil  ki  va  devant  Nolre- 

..   Dame  il  i'aris,  et  regarde  les  rois  et  disl  :  ■-  Vés-la  Pépin,  vés-la  Charleniainne.  " 

•    Et  on  li  coupe  sa  borse  par  derière.    ■>   Nous  ne  voyons  pas  cependant  que  les 

évèqnes  qui,  h  la  tin  du  mi'  siècle,  fixèrent  les  règles  générales  de  l'iconograpliie 

des  cathédrales,  aient  voulu  représenter  les  rois  de  France  sur  les  portails  des  églises 

du  titre  de  Sainte-Marie  ,  mais  bien  plutôt  les  rois  de  .luda;  car  rien  ne  rappelle 

riiisloire  contemporaine  dans  ces  grands  monuments,  ou,  quand  par  hasard  elle  s'y 

montre,  ce  n'est  que  d'une  numière  très-accessoire.   Le  manuscrit  cité  ici  est  une 

satire,  el  son  auteur  a   bien  pu  d'ailleurs,  en  taisant  ainsi  parler  le  badaud  parisien 

devant  le  portail  de  Notre-Dame  de  Paris ,  vouloir  rappeler  une  erreur  populaire. 

Il  nous  paraît  bien  pins  conforme  à  l'esprit  de  l'époque  d'admettre  que  les  statues 

des  rois  sont  des    rois   de  .luda,    puisqu'ils  complètent,   par  leur    présence,    les 

représentations  des    personiuiges    qui    participent    ii    la   venue    du    Christ.    Le   roi 

toujours    posé  sur  un   Hou  ,   et  tenant   luie  croix   et   une    épée,  ne  peut  être  que 

David;  l'autre  roi,  tenant  également  une  croix  et  un  anneau  ou  un  globe,  Salomon. 

D'ailleurs,  avant  le  règne  de  Philippe- Auguste,  et  même  jusqu'à  celui  de  saint  Louis, 

les  évèques   ne   pouvaient  avoir,   de   la  puissance  royale,  les   idées  admises  à  la  tin 

dn  xiii'  siècle.  Il  nous  suffira,   pour  l'aire  comprendre  ce  qu'était,  au  \u'  siècle, 

un   roi  de   France  aux    yeux  de  l'évèque  el  du  chapitre   de  Paris ,    «le   citer  un 

fait  rapporté   par  un  écrivain  contemporain ,   Ltienne  de   Paris.    <>  J'ai  vu  ,   dit-il , 

'   que  le   roi   Louis  (VU),   qui  voulait  arriver  un  jour  à   Paris,   étant  surpris  par 

«  la  nuit ,   se  relira  dans  un   village  des  chanoines  de  la  cathédrale  appelé  Creteil 

«   [Crislolium].  Il  y  coucha;  et  les  habitants  fournirent  la  dépense.  Dès  le  grand 

«-   matin  ,  on  le  vint  rapporter  aux  chanoines  ;  ils  eu  furent  fort  affligés  et  se  dirent 

<•   l'un  à  l'autre  :  «  C'en  est  fait  de  l'Kglise,  les  privilèges  sont  perdus  :  il  faut  ou  que 

••   le  roi  rende  la  dépense ,  ou  que  l'ollice  cesse  dans  notre  église.  »  Le  roi  vint  à  la 

'■   cathédrale  dès  le  même  jmr  ,  suivant  la  coutume  où  il  étoit  d'aller  à  la  grande 

«   église,  quelque  temps  qu'il  fît.  Trouvant  la  porte  fermée,  il  eu  demanda  la  raison, 

"   disant  cjne  si  quelqu'un  avoil  olfensé  cette  église,  il  vouloit  la  dédommager   Un  lui 

«  répondit  :  «  Vraiment ,  sire  ,  c'est  vous-même  qui ,  contre  les  coutumes  et  libertés 

«  sacrées  de  cette  sainte  église,  avez  soupe  hier  à  Creteil,  non  à  vos  frais,  mais  à 

«   ceux  des  hommes  de  cette  église  :  c'est  pour  cela  que  l'olfice  est  cessé  ici,  et  que 

.   la  porte  est  fermée,  les  chanoiiu's  étant  résolus  de  plutôt  soutlrir  toutes  sortes  de 

«   tourments  que  de  laisser  de  leur  temps  enfreindre  leurs  libertés.  »   Ce  roi  très 

.<   chrétien  fut  frappé  de  ci  s  |)aroles.  ■■  Ce  qui  est  arrivé,  dil-il,  n'a  point  été  fait  de 

..   dessein  prémédité.    La  nuit  m'a  retenu  en  ce  lieu,  et  je  n'ai  pu  arriver  à  Paris 

«   comnu'  je  me  l'étois  proposé,  (^est  sans  force  ni  contrainte  que  les  habitants  «le 

■<   Creteil  ont  fait  de  la  dépense  pour  moi  ;  je   suis  fâché  maintenant  d'avoir  accepté 

■   leurs  ollres.  (jue  l'évèque  Thibaud  vienne,  avec  le  doyen   Clément,   que  tous  les 

chanoines  approchent,  et  sinloiit  le  chanoine  (pii  est  prévôt  de  «e  village  :  si  je  suis 


[    CATHÉDKAI.K    ]  '.\W    

reçoit  la  statue  de  la  sainte  Vieif^e  entourée  d'anges  '.  C'était  de  ce  hakon 
élevé  qu'au  Dinianelie  des  Rameaux  le  clergé  entonnait,  en  plein  aii.  le 
(jfloria  (levant  le  peui)le  assemblé  sur  le  parvis.  Le  sonnnet  du  pij;n(»n  de 
la  nef  poi'te  une  statue  du  (Ihrisf  bénissant .  ou  un  ani,^e  sonnant  de  la 
tiompette,  connue  pour  rappeler  la  scène  du  .luiicmenl  deinier  tracée  sur 
le  tympan  de  la  porte  centrale.  Les  sculptures  des  portes  nord  et  sud  des 
transsepts  sont  ordinairement  réservées  aux  saints  particulièrement  vénérés 
dans  le  diocèse^,  ou,  comme  à  Paris,  du  côté  sud,  consacrent  le  souvenir 
de  l'une  des  éiilises  annexées  à  la  cathédrale  avant  sa  reconstruction  '. 
Autour  de  la  catlit'drale ,  sur  les  contre-loils  ,  contre  les  parois  des  clia- 
|)elles  ',  des  statues  d'anj^es  tiennent  les  ustensiles  nécessaires  au  service 
religieux,  des  instruments  de  musique  *,  comme  pour  indiquer  que 
IKglise  est  un  concert  éternel  à  la  gloire  de  Dieu. 

Nous  ne  pouvons  ici  entrer  dans  tous  les  détails  de  la  statuaire  de  nos 
grandes  caihédiales  du  Nord  ;  ce  serait  sortir  du  cadre  déjà  très-large  (|ue 
nous  nous  sommes  tracé.  N(»us  avons  seuleuKMit  voulu  tu'wo  comprendre 
le  principe  d'unité  (jui  avait  dû  diriger  les  sculpteurs.  Un  a  pu  le  voir,  par 
cet  exposé  sommaire,  non  contents  de  tracer  l'histoire  de  la  naissance  du 
Sauveur,  les  évêques  voulaient,  aux  yeux  de  tous,  établir  la  généalogie  de 
la  Vierge,  sa  victoire  sur  le  démon,  sa  gloritication,  les  l'apports  (jui 
exist(Mit  entre  Tancienne  et  la  nouvelle  loi  par  les  prophéties,  et  surtout 

"  en  lort ,  je  veux  doiiiier  salist'actioii  ;  si  je  n'v  suis  pas,  je  veux  m'en  tenir  à  leur 
«  avis.  »  Le  roi  resta  en  prière  devant  la  porte  en  ailt'udanl  Tèvèque  et  les  clianoines. 
«  On  tit  l'ouverture  des  portes;  il  entra  en  l'église,  y  donna  pour  caution  du  dédoni- 
«  niagenient  la  persoinie  de  l'évêque  même.  Le  prélat  remit  en  gage  aux  clianoines  ses 
«  deux  chandeliers  d'argent;  el  le  roi,  pour  marquer  par  un  acte  extérieur  qu'il 
«  vouloit  sincèrement  payer  la  dépense  qu'il  avoii  causée,  mit  de  sa  propre  main  une 
«  baguette  sur  l'autel ,  laquelle  toutes  les  parties  convinrent  de  laire  conserver  soi- 
«  gneusement ,  h  cause  que  l'on  avoit  écrit  dessus  qu'elle  étoit  en  mémoire  de  la 
"  conservation  des  libertés  de  l'Kglise.  »  (L'al)bé  L<'beuf,  Hisl.  rfc.s  /)/or.  de  Paris, 
t.  XII.)  Nous  le  demandons,  est-il  possible  dadmcttre  ipie  ,  quarante  ou  cinquante 
ans  après  une  scène  de  ce  genre,  l'évêque  et  le  ciiapilre  de  Paris  eussent  l'ait  placer, 
sur  le  j)ortail  de  la  catliédiale  neuve,  au-dessus  des  trois  portes,  au-dessus  du  Christ, 
des  statues  coh)ssales  des  rois  de  France,  qtiami  on  (îommençait  à  peine  à  se  faire  une 
idée  du  pouvoir  monarchique  V 

*  A  Paris.  Autrefois  à  Amiens. 

■i  On  n'a  pas  ouldié  (pi'à  Paris"'  l'une  des  deux  églises  caliiédraies  était  placée  sous 
le  titre  de  saint  Klienne.  Le  tympan  de  la  porte  sud  retrace  la  prédication  et  le  mar- 
tyre de  ce  saint,  dont  la  statue  était  posée  sur  le  trumeau;  dans  les  ébrasemenis 
étaient  rangées  les  statues  de  saint  Denis,  de  ses  deux  compagnons,  et  de  quelques 
autres  saHits  évècpies  (hi  diocèse.  La  statue  de  saint  Ktienne  se  vovait  encore  dans 
l'une  des  niches  latérales  tie  la  l'açade.  Ce  fut,  en  etïet,  pour  bâtir  cette  l'açade  que  l'on 
détruisit  les  restes  de  la  vieille  église  de  Sainl-lllienne  ;  et  lors  de  la  consUnction  de 
cette  l'açade,  le  portail  sud  n'était  point  élevé. 

i  lleinis. 

•  Palis,  biir  les  pii;ii(Piis  des  leiièties  des  chapelles  du  elneiir  ;  iîeims. 


'{-H     I     CATIlfiDUAr.K     I 

fVapjior  les  iiua^iiiiatioiis  i>ar  la  roprésentatioii  du  Jiif^cnH'iU  dorniei'.  de  la 
récompcDst'  des  l)()nset  de  la  luiniliou  des  niécliauls.  Comme  épisodes  d<? 
ce  jiiaiid  poi'iiie,  la  paraliole  des  vierges  sai^'os,  celle  de  renfaiit  piodi^aie, 
(pielqiieluis  îles  scènes  tirées  de  l'Ancien  Testament,  la  tentation  et  la 
chute  d'Adam,  la  mort  d'Ai)el,  le  délui;e,  l'Instoii-e  de  Jose|)h,  de  Jolt, 
celle  de  David,  les  principaux  exemples  de  la  faiblesse^  de  la  rési{,Miation 
ou  (lu  cduraj^^e  humain,  de  la  venj,Tance  divine;  puis  ces  tijjrui'esénerf,Mques 
des  vertus  et  des  vices  pei-soimitiés;  puis,  enfin,  l'ordre  naturel,  les 
saisons,  les  éléments,  les  travaux  de  l'atirieiUture.  les  sciences  et  les  arts. 
L'iconographie  de  la  cathédrale,  à  l'extérieur,  embrassait  donc  toute  la 
création. 

Dans  Téiilise,  la  statuaire  était  remplacée  par  les  peintures  des  verrières; 
sur  ces  splendides  tapisseries,  on  retrouvait,  dans  le  ch(eur,  la  Passion  de 
Jésus-Christ,  les  apôtres,  les  évanj^élistes  et  les  prophètes,  les  rois  de  Juda; 
dajis  la  nef,  les  saints  évéques.  Les  fenêtres  basses  retraçaient  aux  yeux 
les  légendes  des  saints,  des  paraboles,  l'Apocalypse,  des  scènes  du  Juge- 
ment dernier;  celles  de  la  chapelle  du  chevet  consacrée  à  la  Vierge,  son 
histoire,  ses  légendes,  l'arbre  de  Jessé,  les  prophéties,  les  sibylles.  Le 
pavage  venait  à  son  tour  ajouter  à  la  décoration  en  entrant  dans  le  concert 
universel;  au  centre  de  la  nef  était  incrusté  un  labyrinthe  (voyez  ce  mot), 
figure  symbolique,  probablement,  des  obstacles  (|ue  rencontre  le  chrétien 
et  de  la  patience  dont  il  doit  être  armé;  c'était  au  centre  de  ce  labyrinthe 
que  les  noms  et  les  portraits  des  maîtres  des  œuvres  étaient  tracés, 
conune  pour  indiquer  qu'ils  avaient  eu,  les  premiers,  à  traverser  de 
longues  épreuves  avant  d'achever  leur  ouvrage.  Sur  les  dallages  des 
cathédrales,  on  voyait  aussi,  gravés,  des  zodiaques',  des  scènes  de 
l'Ancien  Testament  *,  des  bestiaires^.  Si  nous  ajoutons  à  ces  décorations 
tenant  aux  monuments  les  tapisseries  et  les  voiles  qui  entoui'aient  les 
sanctuaires,  les  jubés  enrichis  de  fines  sculptures,  les  peintures  légen- 
daires des  chapelles,  les  autels  de  marbre,  de  bronze  ou  de  vermeil,  les 
stalles,  les  chasses,  les  grilles  admirablement  travaillées,  les  lampes 
d'argent  et  les  couronnes  de  lumière  suspendues  aux  voûtes,  les  armoires 
peintes  ou  revêtues  de  lames  d'or  renfermant  les  trésors,  les  statues  en 
métal  ou  en  cire,  les  tombeaux,  les  clôtures  de  chœur  couvertes  de  bas- 
reliefs,  les  figures  votives  adossées  aux  piliers,  nous  pourrons  avoir  une 
idée  de  ce  qu'était  la  cathédrale,  au  xin-'  siècle,  un  jour  de  grande  céré- 
monie, lorsque  les  cloches  de  ses  sept  tours  étaient  eu  branle,  lorsiju'un 
roi  y  était  revu  par  l'évêque  et  le  chapitre,  suivant  l'usage,  aussitôt  son 
arrivée  dans  une  ville. 

Dépouillées  aujourd'hui,  mutilées  par  le  temps  et  la  main  des  hommes, 
méconnues  pendant  plusieurs  siècles  par  les  successeurs  de  ceux  qui  les 

'  Canterbury. 

^  Saiiit-Omor. 

■'  (ienève  ;  ('aiilcihiirv. 


[    rAVALIEK    1  —    .■{«.>t>    — 

avaieiil  élevées,  nos  cathédrales  apparaissent  .  au  milieu  de  nus  xilio 
|)(>puleuses,  coininede  grands  cercueils;  cependant  elles  inspireni  toujours 
aux  populations  un  sentiment  de  respect  inaltt-rahle;  à  certains  jdurs  de 
solennités  pnhiicpu's,  elles  reprennent  leur  voix,  une  nouvelle  jeunesse, 
et  ceux  mêmes  (jui  répétaient,  la  veille,  sous  leurs  voûtes,  rpie  ce  sont 
là  des  monuments  dun  autre  âi,'e  sans  signiticalion  aujourdliui ,  sans 
raison  d'exister ,  les  trouvent  belles  encore  dans  leur  vieillesse  et  leur 
pauvreté  '. 

CAVALIER,  s.  m.  On  dési^Mie  ainsi  un  ouvrafje  en  terre  élevé  au  milieu 
des  bastions  ou  boulevards,  pour  en  doubler  le  feu  et  commandei'  la 
campafjne.  Ce  n'est  guère  qu'au  xvi»  siècle  que  Ton  eut  Tidée  d'exécuter 
ces  ouvrages  pour  renforcer  des  points  faibles  ou  jjour  dominer  des  fronts. 
On  en  exécuta  beaucoup,  pendant  les  guerres  de  siège  de  cette  époque, 
en  dedans  des  anciens  fronts  fortitiés  du  moyen  âge,  et  on  leur  donnait 
alors  généralement  le  nom  de  plaie- fonnc  ;  ils  présentaient  connue  une 


»  Un  jour  qii('l(iii'im  nous  dit,  en  pitrcoiirant  riniiMUMir  de  Notro-Daino  d'Amiens  : 
«  Oui,  c'est  i'uil  l)L'uu  ;  mais  c'est  lolic  de  vouloir  conserver,  i|uand  même,  ces 
monuments  d'un  autre  âge  qui  ne  disent  plus  rien  aiijourd'luii.  Vous  pourrez  galva- 
niser ces  grands  corps  ,  la  manie  de  l'archéologie  et  du  (jotliiquc  leur  donnera  quel- 
ques années  d'existence  de  plus  ;  mais  ,  celte  mode  passée  ,  ils  t(Mnl)eront  dans  l'oultli. 
ad  milieu  de  populations  qui  ont  besoin  de  chemins  de  1er,  d'écoles,  de  marchés, 
d'abattoirs,  de  tout,  enfin,  ce  qui  est  nécessaire  à  la  vie  journalière.  ■>  A  quelques 
jours  de  là  ,  une  grande  solennité  publique  appelait  dans  la  cathédrale  un  immense 
concours  de  monde;  elle  était  parée  de  quelqiu's  maigres  tentures,  son  chu-ur 
étincelail  de  lumières.  Notre  interlocuteur  ne  se  souvenait  [>lus  de  son  discours 
précédent;  il  s'écriail  alors  :  <<  Vraiment,  c'est  bien  là  le  monume.it  de  la  cité;  tout 
ce  qu'on  peut  faire  pour  donner  de  l'éclat  à  une  cérémonie  publique  n'a  jamais  cet 
aspect  imposant  du  vieux  monument  qui  appelle  toute  la  |)opul:ition  de  la  ville  sous  ses 
voûtes.  Voyez  c(jnune  celte  loule  donne  la  vie  à  ce  grand  vaisseau  si  bien  disposé  pour 
la  contenir!  Combien  d'illustres  personnages  ont  abrité  ces  arceaux!  Quelle  idée 
merveilleuse  d'avoir  voulu  et  su  élever  la  cathédrale  comme  un  témoin  éternel  de  tous 
les  grands  événements  d'une  cité,  d'un  pavs;  d'avoir  (ail  (pie  ce  témoin  vil.  ])arle,  eu 
présentant  au  peuple  ces  eveniples  tirés  de  Ihisloire  de  i  humanité,  ou  plulôl  du  cœur 
humain!  •■  Pour  un  peu  ,  notre  interlocuteur,  entraîné  i)ar  la  grandeur  du  sujet,  nous 
eût  accusé  de  froideur.  Telle  est  aujourd'hui  la  cathédrale  française  ;  aimée  au  fond 
du  cœur  par  les  populations;  tour  à  tour  llattée  et  honnie  par  ceux  qui  sont  charmés 
de  s'en  servir,  mais  (pii  ne  songent  guère  ;i  la  conserxei';  oeeupéi'  par  un  clergé  sans 
ressources  ,  et  souvent  insouciant;  énigme  pour  la  plupart,  dernier  vestig  •  des  temps 
d'ignorance,  de  superstition  et  de  barbarie  pour  quelques-uns,  texte  de  phrases  creuses 
pour  ces  rêveurs,  amaleurs  de  poésie  nébuleuse,  qui  ne  voient  qu'ogives  élancées  vers 
le  ciel,  dentelles  de  pierre,  sculi>ture  mvstérieuse  ou  lanlaslique,  dans  des  moniMuents 
où  tout  est  méthodique,  raisonné,  clair,  ordonné  et  précis  ;  où  tout  a  sa  place  marquée 
d'avance,  et  retrace  l'histoire  morale  de  riiomnie,  les  efforts  persévérants  de  son  intel- 
ligence contre  la  force  matérielle  et  la  barhai'ie.  ses  épreuves  et  son  derni<'r  reiiige  dans 
un  UKtude  meilleur. 


—  :\\):\ 


C.AVAIIKK 


suite  de  t'orliiis  détachés,  possédant  des  feux  de  face  et  de  flanc,  avec  une 
pente  douce  du  côté  de  la  ville  pour  amener  les  pièces  et  pouvoir  les 
mettre  en  halttM'ies.  Les  cavaliers  étaient  ou  semi-cii'(  idaiies  ou  carrés. 
Les  ])lus  anciennes  re|)résentations  de  cavaliers  se  voient  li^inces  sur  les 
bas-rclicls  en  niarhrc,  du  connnencement  du  \\v  siècle,  (pii  j^arnissent  les 
parois  du  tond)eau  de  Maxiniilien,  à  Inspruck. 

Voici  (h  un  de  ces  cavaliers  copié  sur  l'un  de  ces  h.is-rcliefs  représentant 


la  ville  d'Arias.  11  es!  en  portion  de  cercle,  établi  en  arrière  d'un  bastion  A 
possédant  un  orillon  avec  deux  batteries  découvertes  C  et  une  batterie 
casematée  D  au  niveau  du  fond  du  fossé.  Le  cavalier  B  est  revêtu  et  planté 
à  cheval  sur  la  gorge  du  bastion  ;  il  commande  ainsi  les  dehors,  le  bastion 
et  les  deux  courtines  voisines.  La  fig.  '2  nous  montre  un  autre  cavalier 
carré  fermé  sui-  ses  quatre  faces,  élevé  au  milieu  d'un  bastion  dont  les 
parapets  sont  munis  de  fascines  et  de  gabions.  Ce  cavalier  est  également 
revêtu,  percé  d'une  porte;  ses  parapets  sont  garnis  de  fascines.  Cette 
seconde  figure  est  copiée  sur  le  bas-relief  représentant  l'enceinte  de  la 
ville  de  Vérone. 

Lorsque  l'on  éleva,  au  xvi^  siècle,  des  bastions  en  avant  des  anciennes 
enceintes  du  moyen  âge,  on  conserva  souvent,  de  distance  en  distance,  les 
tours  les  plus  fortes  <le  ces  enceintes,  en  détruisant  seulement  h^s  courtines; 
on  remplit  ces  tours  de  terre,  on  enleva  leurs  crénelages,  et  on  établit  des 
plates-formes  sur  leur  sommet  pour  recevoir  une  ou  j)lusieurs  pièces  de 
canon.  Les  tours  furent  ainsi  converties  en  cavaliers.  Mais,  en  France, 
ces  dispositions  ne  furent  prises  qu'accidenlellement  et  pour  profiter 
d'anciennes  défenses,  tandis  qu'en  Allemagne,  nous  les  trouvons,  dès 
le   \vi^  siècle.  (M'igées  en  système,  ainsi   (|u"oii  piMil  le  voir   encore   à 

M» 


T.     M 


CAVAI  ii:u 


—  :\\)'i 


iNiirtMubor^.  Dans    la  Inrtiticatioii  iiiodcnit'  iiit'iiit' .  U's  AlItMiiaiids  ii  (tut 
pas  renonce  aii\  lours  isolées,  hâties.  de  dislaiicr  fii  distance,  en  arrière 


desouvra^'es  extérieurs.  A  la  Kochelle,  pendant  les  sièges  que  cette  ville 
eut  à  subir  à  la  fin  du  xvif  siècle,  des  cavaliers  en  teiTC  d'une  jurande 
importance  fuient  ('levés  en  arrière  des  anciennes  enceintes,  et,  étant 
armés  de  pièces  à  longue  portée,  liren!  heaucouj)  de  mal  aux  assiégeants. 
Les  cavaliers  tienncMit  lieu  aussi,  dans  certains  cas,  de  traverses,  c'est-à- 
dire  que  leur  élévation  au-dessus  des  courtines  et  des  bastions  empêcbe 
l'artillerie  des  assiégeants  d'enfiler  des  ouvrages  dominés  du  debors;  ou 
bien,  comme  à  Sainl-Omei'  encore,  au  xvii'"  siècle,  du  côté  de  la  porte 
Sainte-Croix  (3),  ils  commandent  au  loin  des  jdaines  s'abaissant  vers  les 
abords  d'une  place ,  et  l'orciMit  l'assiégeant  à  ne  connnencer  ses  travaux 
d'approcbe  qu'à  une  grande  distance.  Ce  cavalier  de  la  porte  Sainte-Croix 
deSaint-Omerse  composait  d'une  haute  batterie  semi-circulaire  revêtue  A, 
protégée  par  un  fossé  i)lein  d'eau  :  elle  doublait  les  feux  du  saillant  EC 
de  la  ville   le   plus  lacilcment   attaquable,   et,   au    moyen   du   fosst''  (]ui 


—  ;{«».%  — 


C.AVK     I 


reiitoluait  |)i>'S(|in>  nitièreinent,  donnait  aux  assiéjjésiiiicdciiiit'redéCens»' 
assez  forlo  poui-  arrêter  l'ennenti  qui  eût  pu  s»*  loiicr  <laus  le  Imstion  sail- 


lant, et  le  forcer,  pour  passer  outre,  de  faire  un  nouveau  siège,  (l'est 
encore  là  une  dernière  trace  du  donjon  du  moyen  âge. 

CAVE,  s.  f.  Étage  souteriain  voûté.  prati(jué  sous  le  rez-de-chaussée  des 
habitations.  De  tout  temps,  les  palais,  les  maisons  ont  été  bâtis  sur  caves. 
Les  caves  ont  l'avantage  dempècher  l'humidité  naturelle  du  sol  d'envahir 
les  rez-de-chaussée  des  habitations,  et  procurent  un  lieu  dont  la  tempéra- 
ture égale ,  fraîche .  permet  de  conserver  des  provisions  de  bouche  qui 
entreraient  en  fermentation  si  elles  restaient  exposées  aux  changements 
de  la  température  extéi'ieure.  Mais  c'est  surtout  dans  les  pays  de  vignobles 
(|ue  les  caves  ont  cté  particulièrement  pratiquées  sous  les  maisons.  En 
Bourgogne,  en  Champagne,  dans  le  centre  et  le  sud-ouest  de  la  France, 
on  voit  des  maisons  anciennes,  d'assez  chétive  apparence,  qui  possèdent 
jusqu'à  deux  étages  de  caves  voûtées,  construites  avec  soin,  quelquefois 
même  taillées  dans  le  roc. 

Pendant  le  moyen  âge.  les  \illes,  clant  entourées  de  muiailles.  ne  [)ou- 
vaient  setendie  ;  il  en  résultait  que  les  terrains  réservés  aux  consliuctions 
particulières,  lorsque  la  population  augmentait,  devenaient  fortchers;  on 
prenait  alors  en  hauteur  et  sous  le  sol  la  place  que  l'on  ne  pouvait  obtenir 
en  sui'face ,  et  les  caves  étaient  (|uel(|uefois  habitées.  On  y  descendait 
ordinairement  |>ar  une  (uuerluie  pratiquée  devant  la  façade  sur  la  voie 
nubruiiie.  Dans  (piehpies  villes  de  pruvinee.  el  parlicnliereiiieiil  en  |{(iin' 


I   ciiai>a(;m  1  —  :UH>  — 

i^ofïiie ,  on  voit  encore  un  i^rand  iKiniltrc  de  ces  descentes  de  caves  (jui 
einpièlent  siii'  la  rue,  et  sont  lerniées  par  des  volets  léfîèrenient  inclinés 
|ioui-  luire  écouler  les  eaux  pluviales  (voy.  maison). 

CAVEL,  ^.  Ml.   \icii\  iiini  (jui   siyiiitie  une  clievilli'  lU-  li(ii>.  uwv  clef 

(VOy.  CLEF). 

* 

CÈNE  (la).  Dernier  repas  de  Jésus-(^hrist  entouré  de  ses  apôtres.  La 
(lène  est  (juelcpu'fois  sculptée  sur  les  tynii)ans  des  portes  de  nos  églises 
du  moyen  ài^c.  On  la  voit  tii^urée  en  bas-relief  sur  le  linteau  de  la  porte 
occidentale  de  l'église  abbatiale  de  Saint-Gerniain-des-Prés  {xii«  siècle). 
Une  des  plus  belles  représentations  de  la  Cène  se  trouve  sur  le  linteau  de 
la  porte  principale  de  l'église  de  Nantua  {wr  siècle).  Cette  sculpture  est 
fort  i-eniarqnable;  on  ne  voit  à  la  table  de  Jésus-Christ  que  onze  apôtres  ; 
Judas  est  absent.  Le  nom  de  chaque  apôtre  est  gravé  au-dessus  de  lui. 
Voici  l'ordre  dans  lequel  sont  placés  les  apôtres ,  en  counnen^ant  par  la 
gauche  du  spectateur  :  Simon,  Taddsus,  Bartholomens,  Jacobus,'  Ma- 
theus,Petrus,  (leChrist),Johannes,  Andréas,  Jacobus,  lMiiiipi)us.  Thomas. 
Saint-Jean  appuie  sa  tète  sur  la  poitrine  de  Notre-Seigneur.  Dans  le  tympan 
au-dessus,  on  voit  le  Christ  entouré  des  (piatre  signes  des  évangélistes; 
mais  ce  bas-relief  a  été  conq)létement  mutile  ,  ainsi  que  les  anges  qui 
garnissaient  la  première  voussure.  Sur  les  chapit(>aux  (|ui  portent  les 
voussures,  on  voit,  sculptés,  l'Annonciation,  la  Visitation,  la  naissance 
du  Sauveur,  le  voyage  des  Mages  et  l'Adoration  des  bergers  et  des  Mages. 
Sur  le  linteau  de  la  porte  de  droite  de  la  façade  de  Notre-Dame  de  Dijon 
(xin*'  siècle),  au-dessous  du  crucitiement  sculpté  dans  le  tynipan,  on  voit 
aussi  une  représentation  de  la  Cène,  malheureuscMuent  fort  mutilée.  La 
l'assion  de  Notre-Seigneur  est  fréquemnient  représentée  en  sujets  légen- 
daires sur  les  verrières  des  églises.  La  Cène  ouvre  la  série  de  ces  sujets,  et 
l'apôtre  saint  Jean,  placé  le  plus  souvent  à  la  droite  du  Christ,  y  est  encore 
représenté  incliné  sur  la  poitrine  de  son  maître.  Dans  les  monastères, 
on  peignait  souvent  la  (>ène  sur  un  des  nmrs  du  réfectoii'e;  mais  nous 
n'avons  jamais  pu  lenconlrer  en  Fiance  une  seule  de  ces  peintures 
(•onq)lète. 

CERPELIÈRE,  ^.  f.  Vieux  mot  (|iii  est  enq)loyé  connue  cercle,  enceinte 
circulaire. 

CHAFFAUT,  ^.  m.  Vieux  mot  dont  on  a  fait  ce  h  a  failli,  l  liaffaul  sem- 
ployail  principalement  poiu' désigner  un  a|»pentis,  un  houi'd  (voyez  ce  mot). 
Lu  ClKunpagne,  en  Pxuiigogne,  ou  dit  rncori'  cita  f  faut  \)i)ur  ('cliafaud. 

CHAINAGE,  ^.  m.  Ce  mot  s'apidicpie  aux  longiines  d<' bois,  aux  succes- 
sions de  (Tampons  de  fei-  posj's  connue  les  <  hainons  d  une  chaîne,  ou 
même  aux  barres  de  fer  noyées  dans   ré|)aisseur  «les  nuns.  liori/.oulale 


;{«)7    —  I    CHAINAGE     1 

iiKiit,  et  destinées  à  pnijW'clu'r  les  éeartements,  la  dislocatioiides  construc- 
tions en  maçonnerie. 

Les  Romains,  et  même  avant  eux  les  Grecs,  avaient  Tliahitude,  lorsqu'ils 
construisaient  en  assises  de  pierres  de  taille  ou  de  marbre,  de  idier  ces 
assises  entre  elles  par  de  ^ros  iioujons  de  ter,  de  bronze  ou  même  de  bois, 
et  les  blocs  entre  eux  par  des  crampons  ou  des  queues  d'aronde.  Mais  les 
Grecs  et  les  Romains  posaient  les  blocs  de  pierre  taillés  à  côté  les  uns  des 
autres  et  les  uns  sur  les  autres  sans  mortier  (voy.  joint,  ht).  Le  mortier 
n'était  employé,  chez  les  Romains,  que  pour  les  blocages,  les  ouvrages 
de  moellon  ou  de  brique,  jamais  avec  la  pierre  de  taille. 

Dès  repocpie  mérovingienne,  on  avait  adopté  une  construction  mixte, 
qui  n'était  plus  le  moellon  smillé  des  Romains  et  qui  n'était  pas  l'ouvrage 
antique  en  pierre  de  taille  :  c'était  une  sorte  de  grossier  blocage  revêtu 
de  parements  de  carreaux  de  pierre  assez  mal  taillés,  et  réunis  entre  eux 
par  des  couches  épaisses  de  mortier  (voy.  construction). 

Du  temps  de  César,  les  Gaulois  posaient  ,  dans  l'épaisseur  de  leurs 
murailles  de  défense,  des  longrines  et  des  traverses  de  bois  assend)lées 
entre  les  rangs  de  pierre.  Peut-être  cet  usage  avait-il  laissé  des  traces 
même  après  l'introduction  des  arts  romains  dans  les  Gaules.  Ce  que  nous 
pouvons  donner  comme  certain,  c'est  que  l'on  trouve,  dans  presque  toutes 
les  constructions  mérovingiennes  et  carlovingiennes,  des  pièces  de  bois 
noyées  longitudinalement  dans  l'épaisseur  des  murs,  en  élévation  et 
même  en  fondation  '.  Ces  pièces  de  bois  présentent  un  équariissage  qui 
varie  de  0,12  c.  X  0,12  c.  à  0,20  c.  X  0,20  c. 

Jusqu'à  la  fin  du  xn--  siècle,  cette  habitude  persiste,  et  ces  chaînages 
sont  posés,  comme  nos  chaînages  modernes,  à  la  hauteur  des  bandeaux 
indiquant  des  étages,  à  la  naissance  des  voûtes  et  au-dessous  des  couron- 
nements supéi'ieurs.  Les  travaux  de  restauration  que  nous  eûmes  l'occa- 
sion de  faire  exécuter  dans  des  édifices  des  xf  et  xw  siècles  nous  ont 
permis  de  retrouver  un  grand  nombre  de  ces  chaînages  en  bois,  assez  bien 
conservés  pour  ne  pas  laisser  douter  de  leur  emploi.  Dans  la  net  de 
l'église  abbatiale  de  Vézelay ,  qui  date  de  la  fin  du  xi'^  siècle,  il  existe  un 
premier  chaînage  de  bois  au-dessus  des  archivoltes  donnant  dans  les 
collatéraux,  et  un  second  chaînage,  interronq:)U  par  les  fenêtres  hautes, 
au  niveau  du  dessus  des  tailloirs  des  chapiteaux  à  la  naissance  des  grandes 
voûtes.  Ce  second  chaînage  de  bois  offre  cette  j)articularité  qu'il  sert 
d'attache  à  des  crampons  en  fer  destinés  à  recevoir  des  tirants  transversaux 
d'un  mur  de  la  nef  à  l'autre  à  la  base  des  arcs  doubleaux.  Ces  tirants 
étaient-ils  (h'stinés  à  demeurer  toujours  en  place  pour  éviter  l'écartement 
des  glandes  voûtes?  nous  ne  le  pensons  [las.  Il  est  à  croire  qu  ils  ne 
devaient  rester  posés  que  pendant  la  construction,  jusqu'à  ce  que  les  nmrs 

'  II  n'est  pas  besoin  de  dire  que  le  bois  ;t  disparu,  et  se  trouve  réduit  en  poussière  ; 
mais  son  moule  existe  dans  les  inaronueries.  I,e  bois,  Inlidenirnl  privt"  d'air  t-l 
entouré  di'  riminiditt'  iii'iniaiiiMilc  de  la  niai-oniierie,  est  bienlôl  [luuiri. 


CIIAINAUK 


—     39S    — 


jioutferols  fusseiil  charges,  (HJ  juscju'à  ce  (jiu'  les  iiioiliei-s  des  voùles 
eussent   acquis    toute    leur    dureté,    c'est-à-dire    ius(|u"au     déciiilraf,'e 

(VOy.  CONSTRUCTION). 

Voici  (1)  coniuient  sont  posées  les  cliaines  de  bois  et  les  iiiauds  cram- 


pons ou  crochets  destinés  à  recevoir  un  tirant,  en  supposant  les  assises 
supérieuies  eidevées;  et  ("2)  la  coupe  du  nuu'  avec  la  position  du  chainajic 
A  et  du  crochet  en  ter  R  sous  le  sonunier  des  grands  arcs  douhleaux. 

En  démolissant  la  tour  d<'  l'église  abbatiale  de  Saint-Denis,  qui  datait 
du  milieu  du  xir  siècle,  on  trouva,  à  chaque  élaiic,  un  chaînage  en  bois 
d'un  fort  é(|uarrissage  chevillé  par  des  chevilles  en  fer  aux  retours 
d"é(iuerre,  ainsi  (jue  lindiciue  la  tig.  li,  et  noyé  dans  le  milieu  des  murs. 
La  pourriture  de  ce  chaînage,  formant  un  vide  de  près  de  0,30  c.  de  sec- 
lion  dans  l'épaisseur  de  la  maçonnerie  et  sur  tout  son  pourtour,  n'avait 
l»as  peu  contribué  à  déterminer  l'écrasement  des  parements  intérieurs  et 
extérieurs.  Des  croix  horizontales  en  bois  venaient  en  outre  s'assemblei- 
dans  les  mili(>u\  des  longrines,  à  chafjue  étage,  comme  l'indique  la  tig.  4, 
et  devaient  relier  les  quatre  trumeaux  de  la  tour  entre  les  baies  ;  mais  ces 
croix,  visibles  à  l'intérieur,  avaient  été  brûlées,  au  xn^"  siècle,  avant  la 
construction  de  la  tlèche. 

.Nous  trouvons  encore,  pendant  la  première  moitié  du  xiu«  siècle,  des 
chainag<'s  en  bois  dans  les  constructions  niilitain's  et  civiles.  Le  donjon  du 
cliâlcau  de  (loucv  laisse^  \oir.  à  tous  ses  étages,  au  nixeau  (\u  sommet  des 


—    ll\)\)    —  [    CIlAlNACiK    ] 

voiUcs.  (les  cliainaues  rirculairos  on  bois,  de  (),;{(>X(>/2r)r.  dï'quarrissajjo 


environ,  sortes  de  ceintures  noyées  dans  la  maçonnerie,  desquelles  partent 


des  chaînes  rayonnantes  é^'alement  en  bois,  passant  sous  les  bases  des 
piles  engagées  portant  les  arcs  de  la  voûte  et  venant  se  réunir  au  centre 

(VOV.   CO.NSTRlf.TION.   DON.ION). 


CIIAINACK 


KM)    — 


(IcporKlant,  à  la  lin  du  \m'  sièclecléjà,  on  r«'('<>unul  prohahlciiinii  le  |i(ii 
(le  (liiive  des  chainaj^fs  en  bois,  cai-  on  tenta  de  les  renipiacei'  pai'  des 


cliainages  en  for.  La  j^n-ande  corniche  à  damiers  qui  couronne  le  choeur  de 
la  cathédrale  dt^  Paris,  o\  qui  dut  être  post'e  vers  11^)5.  se  conqiose  de 
trois  assises  en  pierre  dure  t'oruiant  j)ari)ain^,  dont  les  morceaux  sont  tous 
réunis  ensend)le  par  deux  ranj^xs  de  erauq)(uis.  ainsi  (|ue  l'indique  la  lij;. .%. 


^ 


N^^^NVV\m 


~--^>\-^AXN'V-;, 


Cela  constituait,  au  sonunet  de  1  editice,  au-dessus  des  voûtes,  un  puissant 
chaînage;  mais  ces  crampons,  en  s'oxydanf,  et  prenant,  par  suite  de  cette 
décoiuposition,  un  plus  fort  volume,  eurent  pour  effet  de  fêler  presque 
toutes  ces  pierres  loiii;itu(linalemeiit.  el  de  faire,  de  celle  léie  de  mur 
homogène,  tiois  uuns  juxtaposés. 


—    401     —  1    CHAINAGE    ] 

En  construisant  la  Sainte-(]hap(^lle  de  Paris,  Pierre  de  Montereau  se 
rapprocha  davanta^'e  du  système  des  cliainaj^es  modernes.  Au  niveau  du 
dessous  des  ai)puis  des  fenèti-es  de  la  chappelle  haute,  à  la  naissance  des 
voûtes  et  au-dessous  ^\o  la  corniche  supérieure,  il  posa  une  suite  de  cram- 
pons d»'  ().;j()  c.  il  O.oO  c.  de  louj^ueur,  ([ui,  au  lieu  d'être  scellés  dans 
cha(|ue  morceau  de  pierre,  vinrent  s'agrafer  les  uns  dans  les  autres, 
coid'ormémenl  à  la  fij;.  (5.  Celte  chaîne,  posée  dans  une  rij^ole  taillée  dans 


le  lit  de  l'assise,  fut  coulée  en  plomh.  Le  chaînaf^e,  au  niveau  de  la  nais- 
sance de  la  voùle,  se  reliait,  à  chaque  travée,  à  une  foi-te  harre  de  fer  de 
0,05  c.  d'é(|uarrissaj>e,  passant  au-dessus  des  chapiteaux  des  meneaux,  à 
travers  ceux-ci,  et  faisant  ainsi  partie  de  l'armature  des  vitraux.  A  mi- 
hauteur  des  fenêtres,  il  existe  des  barres  semblables,  qui  sont  reliées 
entre  elles  dans  l'épaisseur  des  piles.  Ce  système  de  chaînage  était  certai- 
nement moins  dangereux  que  celui  employé  au  sommet  du  chœur  de  la 
cathédrale  de  Paris;  cependant  il  eut  encore,  malgré  la  masse  de  plomb 
dont  il  est  enveloppé,  Tinconvénient  de  faire  casser  un  grand  nombre  de 
pierres.  Pour  donner  une  idée  de  la  puissance  du  gonflement  du  fer, 
lorsqu'il  passe  à  l'état  d'oxyde  ou  de  carbonate  de  fer,  nous  ferons  observer 
que  le  chaînage  placé  au-dessous  des  appuis  des  grandes  fenêtres  de  la 
Sainte-(>hapcll(%  en  gonflant,  souleva  les  assises  composant  ces  appuis  et 
les  meneaux  qu'elles  supportent,  au  point  de  faire  boucler  ces  meneaux  et 
de  les  briser  sur  quelques  points,  bien  qu'ils  soient  d'une  grande  force. 

Au  \ui^  siècle,  le  fer  ne  se  travaillait  qu'à  la  main,  et  on  ne  possédait 
par  des  forges  comme  celles  d'aujourd'hui,  qui  fournissent  des  fers  passés 
au  cylindre,  égaux  et  d'une  grande  longueur.  Pierre  de  iMontereau  eût  pu 
ce|)endant  chainei-  la  Sainte-Chapelle  au  moyen  de  pièces  de  fer  d'une  plus 
grande  longueur  que  celles  indiquées  dans  la  tig.  (i,  puisque,  dans  le  vide 
des  fenêtres,  les  traverses  se  reliant  aux  chaînages  ont  plus  de  quatre 
mètres  de  long;  mais  il  faut  croire  qu'alors  la  difliculté  de  faire  forger  des 
fers  de  cette  longueur  et  d'une  forte  épaisseur  était  telle  qu'on  évitait  d'en 
employer,  à  moins  de  nécessité  absolue. 

Au  xiv^  siècle,  on  voit  déjà  de  hnigs  morceaux  de  (  hahies  en  fer  posés 

T.  M.  :»i 


!  (iiviN\(iK  i  —  -40:2  — 

dans  les  coiislruclions.  iNous  citerons^  entre  autres  cxtniples,  la  l'avade  de 
la  cathédrale  de  Strasl)oiUi,%  qui,  de  la  hase  jusciuà  la  hauteur  du  |)ie(l  de 
la  flèche,  est  chaînée  av<'c  un  irrand  soin  à  tous  les  étapes,  au  moyen  de 
lonj^ues  harres  de  fer  j)lal  hien  forcées,  noyées  entre  les  lits  des  assises; 
le  chœur  de  l'ancienne  cathédrale  de  ('aicassonne,  qui  est  de  même  soli- 
dement chaîné  au  moyen  de  lonj,aies  et  fortes  harres  de  fer  passant  à 
travers  les  haies,  et  servant  d'armatures  aux  vitiaux;  l'éjJtlise  Saint-(\uMi 
de  Rouen,  la  cathédrah'  (le  Narhonne. 

l>es  architectes  du  wu*"  siècle  n'enq)loyèrent  pas  seulement  les  chainaj^es 
à  demeure,  noyés'dans  les  constructions;  ils  s'en  servirent  aussi  connue 
d'un  moyen  provisoire  pour  maintenir  les  poussées  des  arcs  des  collaté- 
laux  sur  les  piles  intérieures,  avant  que  celles-ci  ne  fussent  charj^ées. 
Dans  le  chreur  et  la  nef  des  cathédrales  de  Soissons  et  de  Laon,  dans  la  nef 
de  la  cathédrale  d'Amiens,  dans  le  ch(eur  de  celle  de  Tours,  constiuctions 
élevées  de  l''21<>  à  \^2'M),  on  ohserve,  au-dessus  des  chapiteaux  poitant  les 
archivoltes  et  les  voûtes  en  arcs  d'oyives  des  has-côtés,  entaillées  dans  le 
lit  inférieur  des  sommiers,  des  pièces  de  bois  sciées  au  ras  du  ravalement  ; 
ces  pièces  de  bois  n'ont  jruère  que  0,12  c.  X  0,12  c.  d'équarrissa^e.  Ce 
sont  des  tirants  posés,  en  construisant  les  voûtes,  entre  les  cintres  doubles 
sur  lescpifis  on  bandait  les  archivoltes  et  les  arcs  doubleaux,  et  laissés 
iuscju'à  rachèvement  de  l'édifice,  c'est-à-dire  jusijuau  moment  où  les 
piles  intérieures  étaient  charj^ées  au  point  de  ne  plus  faire  ciaindre  un 
bouclement  produit  par  la  poussée  des  voûtes  des  bas-côtés.  On  pouvait 
ainsi,  sans  risques,  décintrer  ces  voûtes,  se  servir  des  bols  pour  un  autre 
usage,  et  livrer  même  ces  bas-côtés  à  la  circulation.  La  construction 
terminée,  on  sciait  les  tirants  en  bois. 

La  fig.  7  '  fera  conq)rendre  l'emploi  de  ce  procédé  fort  ingénieux  et 
simplg,.  On  \oit  en  A  le  bout  du  chaniage  de  bois  scié.  Ce  moyen  avait  élé 
indiqué  pai'  l'expérience;  beaucoup  de  piles  intérieures  d'églises,  bâties  à 
la  tin  du  XII'"  siècle,  sont  sorties  de  la  verticale,  sollicitées  par  la  poussée 
des  voûtes  des  bas-côtés  avant  l'achèvement  de  la  construction  :  car,  poui- 
interrompre  le  culte  le  moins  longtemps  possible,  à  jieine  les  bas-côtés 
»'taient-ils  élevés,  on  fermait  les  voûtes,  on  les  décintiait,  on  établissait  un 
plafond  sur  la  nef  centrale  à  la  hauteur  du  triforium,  et  on  entrait  dans 
l'église. 

A  la  cathédrale  de  Keims,  dont  la  construction  est  exécutée  avec  un 
grand  luxe,  on  avait  substitué  aux  chaînes  provisoires, en  bois  posées  sous 
les  sonmiiers  des  arcs  des  piles  des  bas-côtés  des  crochets  en  fer  dans 
lesquels  des  tirants  en  fer,  portant  un  œil  à  cha(|ue  extrémité,  venaient 
s'adapter  ;  la  construction  chargée  autant  qu'il  était  nécessaire  pour  ne  plus 
craindre  un  bouclement  des  piles,  on  enleva  les  tirants  ;  les  crochets  sont 
restés  en  place.  On  retrouve  les  traces  de  ces  chaînages  provisoires] usqu'à 
la  fin  du  XIV  siècle. 

'  De  l'une  des  piles  fie  \a  net  de  la  cathédrale  d'Amiens. 


—  i();{  — 


<:iiviN\(.i:    I 


Les  cliainajAt's  en  l'cr  noyés  dans  la  mavouiierie  à  demeure  et  donl  nmis 
avons  parlé  plus  haut  élaienl,  aulanl  (|ue  les  ressources  desconstmcJeurs 
le  i)erniettaient,  coulés  en  plomb  dans  les  scellemenis  ou  les  rigoles  ijui 


7 


..le 


".  cjy/i:jL,v^^a  ^ . 


les  renfermaient,  quelquefois  scellés  simplement  au  mortier.  Nous  avons 
vu  aussi  de  ces  chaînes  scellées  à  leurs  extrémités  et  dans  leur  lonj^uem- 
au  moyen  d'un  mastic  gras  qui  paraît  être  composé  de  grès  pilé,  de 
minium,  de  litharge  et  d'huile,  ou  dans  un  bain  de  résine.  Les  tirants 
scellés  par  ce  procédé,  dans  des  édifices  de  la  tin  du  xin'"  siècle,  se  sont 
moins  oxydés  que  ceux  scellés  au  plomb  ou  au  mortier.  La  présence  du 
plomb  paraît  même  avoir  hâté  quelquefois  la  décomposition  du  fer,  surtout 
lorsque  les  chaînes  sont  placées  au  cœur  de  la  maçonnerie,  loin  des  pare- 
ments. 

Pendant  le  xv"  siècle,  les  constructeurs  ont  préféré  souvent  placer  leurs 
chaînes  libres  le  long  des  muis,  au-dessus  des  voûtes,  transversalement 
ou  longitudinalement.  On  avait  dû  reconnaître  déjà,  à  celte  époque,  les 
effets  funestes  que  produisait  le  fernoyédans  la  maçonnerie  par  les  maîtres 
des  œuvres  des  xiii«  et  xiv«  siècles,  (.es  chaînes  libres  sont  ordinairement 
composées  de  barres  de  fer  carré  d<'  deux  à  six  mètres  de  longueui'. 


CHAINK    I 


—   iôi 


réunies  à  leurs  extrémités  par  des  boucles  et  des  clax elles,  ainsi  que 
l'indique  la  fig.  S  '.  On  tendait  la  ciiainc  fortement  en  IVapiiant  sur  les 

8 


clavettes,  connue  on  le  fait  aujourd'hui  pour  les  chaînages  dont  les  bouts 
sont  assemblés  à  lraiU-de-Jt(piter. 

CHAINE.  Pendant  le  moyen  âge  et  jusque  vers  le  commencement  du 
xviie  siècle,  il  était  d'usage  de  placer  aux  angles  des  rues,  aux  portes  des 
villes  et  des  faubourgs,  h  l'entrée  des  ponts,  des  chaînes  que  l'on  tendait 
la  nuit,  ou  lorsqu'on  craignait  (piehiue  surprise.  Ces  chaînes,  fort  lounh^s, 
étaient  scellées  d'un  bout  à  un  gros  anneau  fixe  et  de  l'autre  venaient 
s'accrocher  à  un  crochet  ^  ou  à  une  barre  de  fei',  sorte  de  verrou  gaiiii 
d'un  moraillon  entrant  dans  une  serrure  que  l'on  fermait  à  clef  pour 
empêcher  les  premiers  venus  de  détendre  la  chaîne.  Lorsque  les  chaînes 
étaient  tendues  dans  une  ville,  il  devenait  impossible  à  de  la  cavalerie  de 
circuler  ;  les  piétons  même  se  trouvaient  ainsi  arrêtés  à  chaque  pas  ^ 
Dans  les  rues,  les  maisons  permettaient  de  scellei'  les  chaînes  à  leurs 
parois  ;  mais  sur  les  routes,  à  Fentrée  des  ponts  ou  des  faubourgs,  en 
dehors  des  portes  et  passages,  les  chaînes  étaient  attachées  à  des  poteaux 
de  bois  avec  contrefiches.  Ces  supports  étaient  désignés  sous  le  nom 
d'estaquea.  En  temps  de  paix,  les  portes  des  villes  restaient  souvent 
ouvertes  la  nuit,  et  on  se  contentait  de  tendre  les  chaînes,  attachées  à 
l'extérieur,  d'une  tour  à  l'autre.  On  voit  encore,  à  la  j)()ite  Narbonnaise 
de  Carcassonne,  la  place  de  la  chaîne  ;  elle  était  scelle»^  d'un  bout  à  la  paroi 
de  l'une  des  tours  ;  l'autre  bout  était  introduit,  i)ai'  un  liou  pratiqué  à  cet 

1  Ce  délai!  est  coi)ié  sur  le  grniul  cliaîiiage  qui  lut  placé,  à  la  fin  du  xv  siècle,  sur 
le  sol  du  triforium  de  la  cathédrale  (rAiiiieiis  pour  anvicr  le  itoucleinent  des  quatre 
piles  de  la  croisée,  fatiguées  par  la  charge  de  la  tour  centrale,  avant  l'incendie  de 
cette  tour. 

^  On  voit  encore  un  de  ces  grands  cnichets  à  l'ani^lo  du  mur  sud  de  la  caliiédralc 
d'Amiens,  près  de  la  ra(;ade. 

*  «  Deniers  paye/,  pour  la  conlence  des  kaisnes  que  on  a  lait  en  aucunes  rues.  >. 
— Compte  de  recette  et  dépense  de  Valenciennes,  année  1414.  —  Les  chaînes  nouvel- 
lement faites,  sans  compter  les  anciennes,  étaient  au  nombre  lie  quatre -vingt-lrei/.e. 


405  — 


CHAIISE 


ettet,  dans  la  salle  basse  de  la  tour  en  face;  on  passai!  une  l>ari-e  de  fer 
dans  le  dernier  chaînon,  et,  du  dehors,  il  n'était  plus  possible  de  détendre 
la  chaîne.  La  tii;.  1  explicpie  celte  manœuvre  très-simple. 


CHAINE  (UK  FiKRKE).  Dans  la  bàlisse  on  désijj;ne,  parcliaines,  des  piles 

formées  d'assises  de  pierre  ou  de  maté- 
riaux résistants  se  reliant  aux  maçonneries 
et  ne  présentant  pas  de  saillies  sui"  le  nu  des 
nmis.  On  ne  trouve  que  rarement  ce  procédé 
employé  dans  les  constructions  du  moyen 
âge.  Quand  les  nuus  sont  en  maçoimerie 
ordinaire,  et  qu'on  veut  les  renforcer  par 
des  points  d'appui  espacés  plus  résistants, 
la  chaîne  de  pierre  forme  presque  toujours 
une  saillie  extérieure,  et  jn-end  alors  le  nom 
de  contre-fort.  (ïependanl  les  constructions 
rurales,  militaires  ou  civiles,  bâties  avec 
économie,  présentent  quelquefois  des  chaî- 
nes de  pieire  noyées  dans  les  murs  et  ne 
portant  pas  une  saillie  à  l'extéi'ieur,  mais 
formant  un  pilastie  intéi'ieur  pour  porter 
'  une  poutre,  une  charj<e  quelcon(|ue.  Alors, 
pour  économiser  les  matériaux  et  pour 
éviter  les  évidements,  ces  chaînes  sont 
appareillées  et  posées  ainsi  que  l'itidique 
ormant  houtisse.  les  pieries  H  parement  exté- 


[    CHAIKK     I  iOr»    

rieur,  les  pierres  C  Jiiorreau  de  pilastre  sans  liaisons  ;  ainsi  de  suit»'  de  l;i 
base  au  sommet  du  inur. 

Dans  les  constructions  militaires  de  Normandie  qui  datent  des  xii'  ri 
xin*"  siècles,  on  rencontre  des  chaînes  de  pierre  destinées  à  renforcer  des 
anodes  ol)tus  lorsque  les  murs  sont  hàlis  en  moellons.  I.e  donjon  de  la 
Koclie-Guyon  en  présente  un  exemple  remarcjuahie  (voy.  do.njon;. 

CHAIRE  A  rRfi('iiKH,  s.  f.  Pupitre.  Sorte  de  petite  tribune  élevée  au- 
dessus  du  sol  des  églises,  des  cloîtres  ou  des  réfectoires  de  monastères, 
destinée  à  recevoir  un  lecteur  ou  prédicateur.  Dans  les  éj^lises  |)rimilives, 
il  n'y  avait  pas,  à  proprement  parler,  de  chaires  à  pi-ècher,  mais  deux 
ambons  ou  pupitres  placés  des  deux  côtés  du  cha'Ui'  pour  lire  lepilre  cl 
l'Evaufiile  aux  fidèles.  On  voit  encore  cette  disposition  conservée  dans  la 
petite  basilique  de  Saint-Clément  à  Kome  et  dans  celle  de  Saint-Laurent 
hors  les  nmrs.  Dès  le  xm«  siècle,  cependant,  il  paraîtrait  qu'outre  les 
ambons  destinés  à  la  lecture  de  l'épitre  et  de  l'Kvanfjile,  on  avait  aussi 
parfois,  dans  Téglise,  un  pupitre  destiné  à  la  pré(li(  ation. 

(iuillaume  Durand,  dans  son  Ralional,  s'exprime  ainsi  à  l'éyard  du 
pupitre  '  :  «Le  pupitre  placé  dans  réji;lise,  c'est  la  vie  des  hommes  f)ar- 
«  faits,  <■!  on  l'appelle  ainsi  pour  sij^iiitiiM'  en  (juclque  sorte  un  i)upitre 
«  public  ou  placé  dans  un  lieu  public  et  exposé  aux  rejiards  de  tous.  Kn 
K  effet,  nous  lisons  ces  mots  dans  les  Pai'alipomènes  :  «Salomon  fit  une 
«  tribune  d'airain,  la  pla(;aau  milieu  du  temple,  et,  se  tenant  debout  dessus 
«  et  étendant  la  main,  il  parlait  au  peuple  de  Dieu.  »  Esdras  fit  aussi  un 
«  degré  de  bois  pour  y  parler,  et  lorsqu'il  y  montait,  il  était  élevé  au-dessus 
«  de  tout  le  peuple....  On  domie  encore  à  ce  pupitre  le  nom  (Vanaloginm. 
«  parce  qu'on  y  lit  et  qu'on  y  annonce  la  parole  de  Dieu....  On  rajjpelle 
«  aussi  nmi)on,  de  anihicmlo,  entourer,  parce  (ju'il  entoure  comme  d'une 
«  ceinlure  celui  (pii  y  monte.  » 

Mais  le  plus  souvent  c'était  sur  une  estrade  mobile  que  se  tenait  le  prédi- 
cateur lorsqu'une  circonstance  voulait  que  l'on  exhortât  les  fidèles  réunis 
dans  une  église  ou  dans  le  préau  d'un  cloître. 

Les  églises  italiennes  ont  conservé  des  chaires  à  prêcher  d'une  époque 
assez  ancienne,  des  xnc  et  xiv  siècles;  elles  sont  en  pierr(\  ou  plutôt  en 
marbre,  ou  en  bronze,  (lelle  de  la  cathédrale  de  Sienne,  qui  date  tlu 
xiii«  siècle  *,  est  fort  belle;  elle  est  portée  sur  des  colonnes  posées  sur  des 
lions,  et  son  garde-corps  est  orné  de  bas-reliefs  représentant  la  Nativité.  A 
Saint-Marc  de  Venise,  les  ambons  placés  à  droite  et  à  gauche  des  jubés 
afi'ectent  la  forme  de  cliaires  à  prè<;her  et  sont  composés  de  marbres  pré- 
cieux, de  pf)rphyre  «M  de  jaspe.  On  voit  également,  dans  l'église  San- 

'  lidlioii  tl,  (III  Mimui-I  des  divins  offices,  par  (Jiiill.  Duruiid,  évèque  de  Meiide, 
chap.  l"",  parag.  xxxiu.  xui*  siècle.  ïrad.  Harlliéleniy. 

*  l/escalior  est  du  wc  siècle.  (a-Uo  cliairc  est  placée  dans  le  cImpiii'  cl  non  dans  la 
nel. 


1(17 


CMAIItK 


Minialo  df  Kloirnce,  (l;iiis  la  cliapfllc  n.yalr  de  Palmiie,  des  pupitres 
poiivani  servir  de  chaires,  jjlaces  à  la  gauche  de  l'autel,  à  l'eutrée  du 
chd'ui'. 

Mais  en  lManc(%  aucune  de  nus  anciennes  éj^lises  n'a  conservé,  qiio  nous 
sachions,  de  chaires  à  prêcher,  ou  pupitres  pouvant  en  lenii  lieu,  antérieurs 
au  w  siècle.  I/usaiiC.  à  partir  du  xm-'  siècle  surtout,  était,  dans  nos  églises 
du  Nord,  de  disposer  à  l'entrée  des  chœurs  des  jubés,  sur  lesquels  on 
montait  pour  lire  l'epilre  et  l'Évangile,  et  pour  exhorter  les  fidèles  s'il  y 
avait  lieu  (voy.  jlbé).  Toutef'(»is  c(>s  prédications,  avant  rinstitulion  des 
frères  prêcheurs,  ne  se  faisaient  quaccidenleilenienl.  Jacques  de  Vitrv. 
écrivain  du  xui-^  siècle,  dit  «  que  Pierre,  chantre  de  Paris,  V(»ulaiil  l'aire  con- 
naître les  talents  extraordinaires  de  Foulques,  son  disciple,  le  Ht  prêcheren 
sa  présence  et  devant  plusieurs  habiles  gens  dans  l'église  de  Saint-Severin  ; 
et  que  Dieu  donna  une  telle  bénédiction  à  ses  sermons,  quoiqu'ils  fusseni 
d'un  style  fort  sinqjle,  que  tous  les  s^avans  de  Paris  s'excitoieni  les  uns 
les  autres  à  venir  entendre  le  prêtre  Foulques,  qui  preschoit,  disoient-ils, 
comme  un  second  saint  Paul.  Ces  faits  sont  d'environ  l'an  1 180....  •  »  Il 
est  probable  que,  dans  ces  cas  particuliers,  les  prédicateurs  se  plaçaient 
dans  une  chaire  mobile  disposée  en  quelque  lieu  de  l'église  pour  la  circon- 
stance. La  chaire  n'était  alors,  ainsi  que  l'indique  la  fig.  I  %  qu'une  petite 


estrade  en  bois  fermée  de  trois  côtés  par  un  garde-corps  recouvert  ^ur  le 
devant  d'un  tapis. 


'   HiHt.  de  la  ville  cl  du  diocèse  de  Paris,  par  l'aljbé  [.eheiit,  t.  I,  p.  KiO. 
2  Lf  Miroir  k,!>ton<tl.  Maiiusc.  de  la  Blbl.  imp.,  n»  6731.  w  siècle.  Prédic.  <le 
saint  l'aiil. 


<:iiAiKK  J 


—    iOS 


Mais,  an  xiii»  siècle,  quand  Ips  onlros  pièclunirs  se  fuient  élahlis  pour 
(combattre  l'hérésie  et  expliquer  au  peuple  les  vérités  du  chrislianisnie,  la 
prédication  devint  un  besoin  au(|uel  les  dispositions  aicbitecloniipics  des 
cditices  rrliiiiciix  dnreni  obéir.  Pour  rciiiplirexaclrnient  ces  conditions,  les 
dominicains,  lesiacobinseiitre  autr«>s.  bàlirent  des  éj^lisesàdeux  nel's, l'une 
étant  i-éservée  poui  le  clneur  des  relijiieux  et  le  service  divin,  l'autre  pour 
la  prédication  (voy.  architecture  monastiqie.  fifr.  24  et  24  bis).  .Mors  les 
chaires  devinreiU  fixes  et  entrèrent  dans  la  construction.  Elles  formaient 
connue  un  balcon  saillant  a  linlérienr  de  l'éi^lise.  porté  en  encoibellemenl. 
accoin|)aiine  dune  niche  |)rise  aux  dépens  du  mur,  et  ordinairement 
éclairée  par  de  |>etites  fenêtres  ;  on  y  montait  |)ai'  nn  escalier  praticpie  dans 
I  epaisseiu'  de  la  construction.  La  nef  sud  de  la  j^^rande  éi^lise  du  couvent 
des  jacobins  de  Toulouse  possédait,  à  son  extrémité  occi«lentale,  unechaiie 
de  ce  irenre  à  la(pielle  on  montait  par  un  escalier  s'ouvrant  en  dehors  de 
Téiilise  ilans  le  petit  cloiti'c  ;  nous  en  avons  \n  encoi-e  les  traces.  (pioi(|u<> 


la  saillie  du  cul-dc-lampe  eût  été  coupée  et  la  niche  bouchée.  (Test  ainsi 
qu  étaient  disposées  les  chaires  des  rt'fectoires  des  monastères,  deslintM'> 


—    W.)  — 


ciiAiiti': 


a  contenir  le  lecteur  pendant  les  repas  des  reli^Mcux.  L'une  des  plus  an- 
ciennes et  d(^s  plus  belles  chaires  de  rélectoii-e  (pii  nous  s(»ient  consei'vées 
est  celle  de  l'abbaye  Sainl-Martiii-des-Chaïups;  nous  en  donnons  (^2)  le 
plan.  (-2  bis)  la  coupe,  et  (:{).rélévation  perspective. 


On  remarquera  la  disposition  ingénieuse  de  l'escalier  montant  à  cette 
chaire  :  praticpié  dans  l'épaisseur  du  mur,  il  n'est  clos  du  côté  de  l'intérieur 
que  par  une  claire-voie  ;  mais  pour  éviter  (pie  la  c 

T.    II. 


■harjjie  du  mur  au-dessus 
52 


niAïKi': 


A\()  — 


n  ocrasâl  collo  clairo-voir.  \o  rnnstnirloui-  a  pose  un  aie  dcdt'chapgp  A  (|iii 


ill     —  [    CHAIRE    1 

vient  l;i  soulager,  et,  aliii  (|ue  cet  aie  ne  poussât  pas  à  son  arrivée  en  B,  les 
deux  premiers  pieds-droits  C  C  de  la  claire-voie  ont  été  inclinés  de  tavon  à 
opposer  une  hutée  à  celte  poussée.  Aujourdlini  on  trouverait  étranf,^e 
(lu'un  architecte  se  perniil  une  pareille  hardiesse  :  incliner  des  pieds-droits! 
On  lui  demanderai!  duser  dartilices  pour  obtenir  ce  résultat  de  butée  sans 
le  reiulre  apparent  ;  au  commencement  du  xni«-  siècle,  on  n'y  mettait  pas 
autrement  de  finesses. 

Sauvai  cite  la  chaire  du  réfectoire  de  l'abbaye  Saint-Germain-des-lM-és, 
oâti  par  Pierre  de  Montereau.  connue  un  cliel'-d'ieuvre  en  ce  i;em-e.  Elle 
était,  dit-il,  «  portée  sur  uu  liros  cul-de-lanipe  charj^e  dun  i;rand  cep  de 
vii;ne  coupe  et  touille  avec  une  patience  incroyable  '.  »  Lebeuf  parle  aussi 
de  la  chaire  du  réfectoire  de  Saiid-Maur-des-Fossés,  comme  étant  remar- 
quable et  «revêtue  de  dix  images  ou  petites  statues  de  saints  d'un  travad 
antitpie,  mais  grossier  -.»  Les  exemples  de  ces  chaires  de  réfectoires  ne 
sont  pas  rares  ;  elles  sont  toujours  disposées  à  peu  près  connue  celle 
représentée  fig.  "2  et  3. 

En  1 109,  un  morceau  considérable  de  la  vraie  croix  fut  rapporté  de 
Jérusalem  à  Paris  par  la  voie  de  terre,  en  traversant  la  Grèce,  la  Hongrie, 
l'Allemagne  et  la  Champagne.  Il  fut  provisoirement  déposé  à  Fontenet- 
sous-Louvre,  puis  transporté  en  grande  pompe  à  Saint-Cloud  pour  y  être 
gardé  jusqu'au  premier  d'août,  jour  désigné  pour  sa  réception  solennelle 
dans  la  cathédrale  de  Paris.  Il  y  eut  une  grande  affluenc(Kle  peuple  dans  la 
plaine  de  Saint-Denis  pendant  la  translation  de  cette  précieuse  relique  de 
Fontenet  à  Sâint-Cloud,  pour  la  voir  passer.  Depuis  lors,  tous  les  ans,  le 
second  mercredi  du  mois  de  juin,  le  morceau  de  la  vraie  croix  était  rapporte 
dans  la  plaine  située  entre  La  Chapelle,  Aubervilliers  et  Saint-Denis,  alin 
d'être  exposé  à  la  vénération  des  fidèles,  trop  nondireux  pour  pouvon-  être 
reçus  dans  la  cathédrale. 

«  Au  sortir  de  Notre-Dame,  dit  l'abbé  Lebeuf  ^  on  passoit  au  cimetière 
«  de  Champeaux,  dit  depuis  des  Innocens.  Après  une  pause  faite  en  ce 
«  lieu,  et  employée  à  quelques  prières  pour  les  morts,  l'évêque  commen- 
«  çoit  la  récitation  du  Pseautier  qui  étoit  continuée  jusqu'au  lieu  mduiue 
«  (ci  dessus)  usque  ad  indiclum.  Là,  après  une  antienne  de  la  croix, 
«  l'évêque  ou  une  autre  personne  en  son  nom,  étant  au  haut  d  une 
«  tribune  dressée  exprès,  faisoit  un  sermon  au  peuple  :  après  quoi  le 
a  même  prélat,  aidé  de  l'archidiacre,  donnoit  la  bénédiction  à  toute  la 
a  multitude  avec  la  croix  apportée  de  Paris,  se  tournant  dabord  à  l'orient 
«  d'où  cette  relique  est  \  enue,  puis  au  midi  vers  Paris,  ensuite  au  couchant, 
«  et  enfin  au  septentrion  du  C(Mé  de  Saint-Denis....  » 
Cet  exemple  de  prédication  en  plein  air  n'est  pas  le  seul.  Saint  Bernard 

'   Histoire  de  Paris,  l.  I,  p.  :M  I . 

^  Histoire  de  la   ville  et  du  diocèse  de  Paris,  l.  V.  y.  l-'iV.  Ce  ivlr.lniiv  (hil.iit  du 

\iv  siècU'. 

'   Ibidem.  I.  III,  !•    2»:î. 


[    CIIAIKK    1  —     ihi    

pi'ècliM,  mniité  sur  une  estrade,  du  haut  de  la  ((illiDc  de  \é/elay,  devant 
l'armée  des  croisés  rassemblés  dans  la  vallée  d"As(|nin,  en  présence  de 
F^ouis  le  Jeune,  [^a  chaire  du  prédicateur  n"«''tait  alors  (|u'une  petite  plale- 
l'orine  sans  ifai'de-corps  :  car,  au  milieu  d'un  vaste  espace,  en  |)lein  aii'.  le 
prédicateur  de\ait  être  vu  en  pied;  sa  pustui'e  dans  luie  boite  semblable  à 
nos  chaires  eût  été  ridicule  '. 

f.es  prédications  en  plein  airétaient  fréquentesau  moyen  âge  et  ius(|u'au 
moment  de  la  rétbrmation.  Les  prédicateurs  se  retirèrent  sous  les  voûtes 
des  ('glisescpiand  ils  j)ui'ent  craindre  de  trouver  |)armi  la  foule  assemblée 
des  cf)ntra(licleurs.  deux  (|ui  se  seraient  permis  de  prov(M|uer  un  scandale 
au  milieu  d'un  champ  ou  sur  une  place  j)ubli(jue  n'osaient  et  ne  pouvaient 
le  faire  dans  l'enceinte  d'une  église. 

Nous  trouvons  encore  des  chaires  élevées  dans  les  cloîtres  et  cimetières 
pendant  les  xiv^  et  xv«  siècles,  et  même  sur  la  voie  publitiue  tenant  à 
l'église.  Le  cloître  de  la  cathédrale  de  Saint-Dié  en  contient  une  en 
l)ierre,  j)lacée  vers  le  commencement  du  \\v  siècle,  et  que  nous  don- 
nons figure  A.  Ce  petit  monument  est  recouvert  par  un  auvent  égale- 
ment en  pierre,  destiné  à  garantir  le  prédicateur  contre  les  ardeurs  du 
soleil  et  surtout  à  rabattre  la  voix  sur  l'assistance  :  car,  pour  les  chaires 
élevées  en  plein  air  ou  dans  les  églises,  on  sentit  bientôt  la  nécessité  de 
suspendre  au-dessus  du  prédicateur  un  plafond  jKiur  empêcher  la  voix 
de  se  perdre  dans  l'espace  ;  cet  appendice  de  la  chaire  prit  le  nom  d'abat- 
voix. 
^  A  l'un  des  angles  de  l'église  Saint-Lô,  sur  la  rue,  on  trouve  encore  une 
de  ces  chaires  extérieures  en  pierre,  dont  la  porte  communi(]ue  avec  un 
escalier  intéi'ieur,  et  qui  est  recouverte  d'un  v'who  abat-voix  terminé  en 
pyramide  '-.  dette  chaire  date  de  la  tin  du  xv-  siècle.  Mais  c'est  i)arti(Mi- 
lièrement  pendant  le  xvr  siècle  et  au  moment  de  la  rèformation  (jue  l'on 
établit  des  chaires  dans  la  plupart  des  églises  françaises.  La  prédication 
était,  à  cette  époque,  un  des  moyens  de  combattre  l'hérésie  avec  ses 
|)ropies  armes  ;  on  plaça  leschaires  dans  les  nefs  (ce  qui  ne  s'était  pas  fait 
jus(pi'alors),  afin  que  le  prédicateur  se  trouvât  au  milieu  de  l'assistance. 
Les  cathédrales  de  Strasbourg  et  de  riesanc-on  ont  conserve  des  chair(^s  en 
pierre  de  cette  éi)oque  ;  celle  de  Strasl)ourg  particulièrement  est  d'une 
excessive  richesse  et  du  travail  le  plus  précieux.  Son  abat-voix  est  cou- 
ronné par  une  pyramide  chargée  de  détails  et  découpures  infinies  ;  ce 
monument  est  d'ailleurs,  connue  conqîosition  et  ornementation,  d'un 
assez  mauvais  goût,  se  lapprochant  du  style  adopté  en  Allemagne  à  la  fin 
de  1  ère  oi;ivale. 


'  l'.u  Italie,  corlaiiios  [trédicaliuus  t;ii  plein  air  se  toiil  encore  sur  des  estrades;  les 
gestes  et  la  pose  de  l'oraliMir  produisent  alors  un  grand  eïïel,  pour  j>eu  tpi'il  soit  doué 
de  (jueUpie  talent. 

-  Ce  nionnnieni  esl  re|.r(>ilnil  daie-  le  L;i,nid  ouvrage  île  \|  M  '\':<\\<>\  cl  N'odiei  . 
Francr  pitlori  nipa  . 


—  A  Mi  — 


CIIAIKK 


lii(Mitù(  (»n  cessa  do  faii»'  (l»^s  chaires  en  iiiaihic  (. 


Il  cil  |)i('nc  ;  on  se 


Ï-Lcu^ 


«•«'i.tenla  de  les  elal.lir  ru  Iw.is.  en   Us  adossant  et  les  acioclu 
pailois  aux  piliers. 


ml  iiicitic 


I   cH.viKK  1  —    ili  — 

Nous  ne  saurions  dount'i"  à  nos  lecteurs  des  chaires  donl  la  construc- 
tion remonterait  aux  xiir  et  xiv  siècles,  par  la  raison  (luil  n'y  en  avait 
point  alors  dans  les  é^dises  se  rapprocliani  de  la  loriue  adnph'c  depuis 
le  XM»^  siècle,  (-e  meuble  est  cependant  aujuindhiii  iiidis|»erisal»le . 
et  si  les  architectes  des  xii"  et  xin**  siècles  eussent  dû  exécuter  des 
chaii'es,  ils  leur  auraient  certainement  donne  des  formes  parlailemenl 
en  harmonie  avec  leur  destination  et  les  matériaux  employés,  marbre, 
piei'i'e,  métal  ou  bois.  En  l'absence  de  tout  document,  nous  croyons 
devoir  nous  abstenir,  laissant  à  chacun  le  soin  de  salislaii-e  à  ce  nouveau 
programme. 

CHAIRE,  s.  f.  Siéye  épiscopal  (calhedra).  Dans  les  é^dises  primitives, 
le  siège  de  l'évèque  était  placé  au  foiul  de  l'abside,  derrière  l'autel 
(voy.  CATiifiDiîALE).  Celte  disposition  existe  encore  dans  (|uel(|ues  basili- 
(|ues  italiennes;  on  la  retrouve  conservée  dans  la  catbediale  de  Lyon,  le 
sanctuaire  étant  l'ermé  et  dépourvu  de  collatéraux.  Le  siège  de  l'abbé, 
dans  les  églises  abbatiales  antérieures  au  xw  siècle,  était  placé  de  la 
même  manière.  Ces  chaires  étaient  généralement  fixes  (c'est  pounpioi 
nous  nous  en  occupons  ici),  en  marbre,  en  métal,  en  pierre  ou  en  bois, 
et  se  reliaient  àdes  bancs  ou  stalles  disposés  de  chaque  coté  le  long  di^s 
nuu^s  de  labside.  Nous  possédons  encore  en  France  (luehjues  exemples, 
en  petit  nombre,  de  ces  meubles  fixes  tenant  à  la  disposition  architecto- 
nique  du  sanctuaire  ;  seulement  ils  ont  été  déplacés.  Nous  avons  vu  encore 
en  Alleniagne  une  de  ces  chaires  absidales  en  pierre,  demeurée  vn  place, 
quoique  mutilée,  dans  la  cathédrale  d'Augsboui'g.  Le  style  de  ce  monu- 
ment, fort  ancien  ',  n'est  pas  tellement  particulier  au  pays  doutre-Ubin 
que  nous  ne  puissions  le  considérer  connue  ai)partenaiU  à  lejioque 
carlovingienne  d'Occident. 

Nous  croyons  donc  devoir  donner  cette  chaire  (I  ),  l'un  des  plus  anciens 
meubles  fixes  que  possède  l'architecture  romane  du  Nord.  Sa  forme  se 
rapproche  beaucouj)  de  celle  des  chaises  antiques  que  possèdent  les  musées 
d'Italie  et  de  Kran(  e. 

Dans  la  sacristie  de  l'église  de  l'ancien  prieuré  de  Saint-Vigor  près 
Bayeux,  il  existe  une  chaire  en  marbre  rouge  autrefois  placée  au  fond  du 
sanctuaire.  Le  nouvel  evéque  venait  s'asseoir  dans  cette  chaire  la  veille  de 
son  entrée  à  Bayeux.  De  là,  le  prélat,  avant  son  intronisation,  donnait  sa 
|)remière  bénédiction  au  peuple,  revêtu  de  ses  habits  pontificaux  -,  i)uis 
s'acheminait  à  cheval,  processiomiellement,  vers  la  \ille. 

On  voit  dans  l'église  Nolre-Dame-des-Dons,  cathédrale  d'Avignon, 
la  chaire  en  marbre  blanc  veiné  qui  était  autrefois  fixée  au  fond  du 


'  Nous  le  iM'oyoïis  du  i\'  siècle.  Le  siège,  son  ;ippni  et  sou  socle  soûl  sculplo  i1;im 
un  seul  l)loc  ;  les  lions  licuucut  des  rouleaux  daus  leurs  pâlies  de  dcvaui. 
Vo}.  le  Jiitllel.  mnniimciil.  puli.  par  M.  del'aunioul.    JSi/,  p.  ■i.'X. 


'^'-"^    [    CIIAIRK    ] 

SMiicliiain'  :  clic  est  jniionidluii  posée  a  la  dioilc  do  l'aufol,  et  sert  encorf 

1 


nm 


lions  le  croyons,  de  sii'ire  épiseopal.  ("-elle  chaire  date  du  xir  siècle  ;  elle 


[    r.MAlRK   ]  —    4"'    — 

csl  l'orl  Ix'lU' coiuiiu'  coinposilion  et  li;iv;iil  ri),  h  un  cùlc  csi  s(iil|ttr  Ir 


lion  dp  saint  Marc,  de  l'autre  le  bœuf  de  saint  Luc.  On  sent  encore  riniluencc 
anti(|ue  dans  ce  meuble,  connue  dans  raicliiteclnrc  de  la  Pi'ovencc  à  celte 
épof|ne. 

Mais  il  existe  une  cbairc  en  pierre,  du  xne'  siècle,  conservée  dans  la 
cathédrale  de  Toul,  et  connue  sous  le  nom  de  chaire  de  saint  (iérard, 
dont  la  forme  ainsi  que  les  détails  sont  étranj^ers  aux  traditions  antiques. 
Les  acoudoirs  sont  composés  avec  ce  respect  pour  les  nsaj^es  ou  les  besoins 
qiii  caractérise  les  arts  do  cette  époqu»\  La  sculplure  est  lVai)cli(\  parlai- 


—     417    —  I    CIIAIKK    ] 

temont  àré<holIe(lecepetitinonuinent,riehosansèfrécIiarjj;ée.  llestditiicile 
de  rencontrer  une  composition  à  la  fois  plus  simple  et  mieux  décorée'.  Des 
coussins  épais  étaient  natmcllemenl  posés  sur  la  tablette  de  ces  meubles. 

«  Au  fond  du  sanctuaire  de  la  catiiédraie  de  Keims,  dit  M.  Didron  dans 
ses  Annales  archéologiques  ',  derrière  le  maitre-autel,  on  voyait,  avant 
1793,  un  siéj^e  en  pitMie,  haut  d'un  mètre  soixante-dix  ceiUinièti-es,  et 
Jarfîe  de  soixante-dix  centimètres.  C'est  là  qu'on  intronisait  les  nouveaux 
archevêques.  Ce  monument  de  Reims  s'appelait  la  chaire  de  saint  Rigo- 
bert Dans  cette  chaire,  on  plaçait,  pendant  la  vacance  du  siéj^e  archi- 
épiscopal, la  crosse  la  plus  ancienne  de  tout  le  trésor  de  la  cathédrale.  Par 
là,  saint  Nicaise,  saint  Rémi,  saint  Rigobert  ou  même  Hincmar,  auxquels 
celte  crosse  pouvait  avoir  appartenu,  étaient  censés  gouverner  le  diocèse 
en  attendant  la  nomination  dun  nouvel  archevêque.» 

On  suspendait  au-dessus  de  la  chaire  épiscopale  un  dais  en  étoffe  ;  mais 
plus  tard,  pendant  les  xiv<-  et  xv  siècles,  ces  dais  entrèrent  dans  la  compo- 
sition même  du  monument,  ils  furent  faits  comme  eux  en  pierre  ou  en  bois. 
R  existe  encore,  dans  l'église  Saint-Seurin  ou  Saint-Severin  de  Bordeaux, 
une  chaire  épiscopale  en  pierre  de  la  fin  du  xiv«  siècle,  ainsi  complétée 
d'une  façon  magnihciue  (3).  Au  centre  du  dais,  sur  le  devant,  entre  les 
deux  gables,  est  sculptée  une  mitre  d'évêque  soutenue  par  deux  anges.  Le 
siège  et  les  accoudoirs  sont  délicatement  ajourés.  Les  quatre  pieds-droits 
qui  supportent  le  dais  étaient  autrefois  décorés  de  statuettes,  aujourd'hui 
détruites.  Deux  autres  figures  devaient  être  placées  également  sur  deux 
consoles  incrustées  dans  la  muraille,  sous  le  dais,  au-dessus  du  dossier. 
Cette  chaire  est  aujourd'hui  déplacée;  elle  était  autrefois  fixée  au  fond 
du  sanctuaire,  suivant  l'usage. 

En  Normandie,  en  Bretagne,  et  plus  fréquemment  en  Angleterre,  on 
voit,  dans  les  sanctuaires  des  églises  dépourvues  de  l)as-cùtés,  des  sièges 
ménagés  dans  l'épaisseur  de  la  muraille,  à  la  gauche  de  l'autel,  et  formant 
une  arcature  renfoncée,  sous  laquelle  s'asseyaient  l'officiant  et  ses  deux 
acolytes.  Ces  chaires  à  demeure  sont  ((uelquefois  de  hauteurs  différentes, 
comme  pour  indiquer  l'ordre  hiérarchique  dans  lequel  on  devait  s'asseoir. 
Le  Glossaire  dWrchileclure,  de  M.  Parker  d'Oxford,  en  donne  un  assez 
grand  nombre  d'exemples,  depuis  l'époque  romane  jusqu'au  xvje  siècle. 
Nous  renvoyons  nos  lecteurs  à  cet  excellent  ouvrage.  En  France,  ces  sortes 
de  sièges  sont  fort  rares,  et  il  est  probable  que,  dès  une  époque  assez 
reculée,  on  les  fit  en  bois,  ou  tout  au  moins  indépendants  de  la  construc- 
tion, comme  celui  que  nous  donnons  (fig.  3).  Ces  chaires,  ou  formes 
anglaises,  se  combinent  ordinairement  avec  la  piscine;  dans  ce  cas,  il  y  a 
quatre  arcatures  au  lieu  de  trois,  la  piscine  étant  sous  la  travée  la  plus 
rapprochée  de  l'autel. 

Mais  a  la  fin  du  xv«  siècle,  on  étaldit  de  préférence  les  chaires  épiscopales, 
les  trônes,  à  la  tête  des  stalles  du  chœur,  à  la  gauche  de  l'autel  (voy.  stalle). 

1  Vov.,  dans  les  Aniutles  archéoL,  t.  lî,  p.  17o,  mie  gravure  de  celte  belle  ctiaire. 

2  T.  M,  p.  175. 

T .   1 1 .  53 


[    (IIAIKI 


—  ils 


l>iinsIpssall('S(;ipitiil:iiiPS.  ily;ivait  aussi,  an  milieu  des  sir^rs.  lacliairt' 


—  il'.» 


CMA.MUUK 


(lu  président  du  chapitre,  de  l'évèqueou  de  rarchevé(|ue.  A  Mayence,  on 
voit  encore  une  de  ces  cliaires,  qui  date  du  xii«^  siècle,  dans  la  salle  carrée 

altenaii!  au  cloître  de  la  cathédrale. 

Ou  donnait  aussi  le  nom  de  chaires,  pendant  le  moyen  ài,^e  et  jusqu'au 
XVII*  siècle,  aux  stalles  des  rtMi^ieux  ou  des  chai)itres. 

CHAMBRE,  s.  f.  Pièce  retirée  dans  un  j)alais.  un  hôtel  ou  une  maison, 
destinée  à  recevoir  un  lit.  Par  suite  de  cette  destination,  on  donna  le  nom 
de  chambre  aux  salles  dans  lesquelles  le  roi  tenait  ou  [touvait  tenir  un  lit 
de  justice;  aux  salles  dans  lesquelles,  chez  les  i^rands.  était  place  le  dais 
sous  lequel  s'asseyait  le  seii;neur  lorsijuil  exerc^ait  ses  droits  de  justicier; 
on  appelait  ces  cliambres  :  Chambre  du  dais,  chambre  de  paremeyil. 

Lai.frand'chand)re  du  Palais  à  Paris  avait  été  bâtie  par  Enj^fuerrand  de 
Marigny,  sous  Philippe  le  Bel  '  ;  elle  fut  richement  décorée  en  ISOti  *. 

Jean  sans  Peur,  duc  de  Bourgogne,  tit  faire,  dans  l'hôtel  d'Artois,  après 
le  meurtre  du  duc  d'Orléans,  une  chand)re  «  toute  de  pierres  de  taille,  pour 
«  sa  sûreté,  la  plus  forte  qu'il  put,  et  terminée  de  mâchicoulis,  où  toutes 
«  les  nuits  il  couchait  '\  »  Dans  les  donjons,  il  y  avait  la  chambre  du 
châtelain,  qui  se  trouvait  toujours  près  du  sommet  et  bien  munie;  quel- 
quefois même  on  ne  pouvait  y  arriver  que  par  des  couloirs  détournés,  ou 
au  moyen  d'échelles  ou  de  ponts  volants  que  l'on  relevait  la  nuit. 

Les  chambres  des  riches  hôtels  étaient  sonqîtueusement  décorées. 

Les  solives  des  plafonds  en  étaient  sculptées,  peintes  et  dorées  ;  les 
fenêtres  garnies  de  vitraux  et  de  volelsquelquefois  doubles,  ajourés  de  fines 
découpures  et  pleins;  les  parements  tendus  de  tapisseries;  les  lambris  en 
bois  travaillés  avec  art  et  se  reliant  à  des  bancs  fixes  (banquiers)  garnis  de 
dossiers  en  étoffe  et  de  coussins;  le  pavé  de  carreaux  de  terre  cuite  éniaillée 
avec  tapis;  une  grande  cheminée,  souvent  avec  bas-reliefs  sculptés,  armoi- 
ries peintes,  occupait  l'un  des  côtés;  elle  était  acconqjagnée  de  ses  acces- 
soires, de  tablettes  latérales  pour  poser  un  flambeau,  quelquefois  d'une 
petite  fenêtre  s'ouvrant  près  de  l'un  des  jambages  ou  sous  le  manteau 
même  de  la  cheminée,  pour  voii-  le  dehors  en  se  chautt'ant  ;  de  ses  écrans 
et  escabeaux.  Les  portes  perdues  derrière  la  tapisserie  étaient  étroites  et 
basses.  Le  lit,  place  perpendiculairement  à  la  face  opposée  à  la  cheminée, 
était  large,  garni  de  courtines  et  d  un  dais  à  gouttières;  il  se  trouvait  or- 
dinairement plus  rapproché  d'un  nmr  que  de  l'autre,  de  façon  à  laisser  un 
petit  espace  libre  qu'on  appelait  la  ruelle.  Quehjuefois,  danslébrasemeiU 
profond  de  l'une  des  fenêtres,  on  plaçait  une  volière  et  des  fleurs,  car  les 
oiseaux  devenaient  les  compagnons  ordinaires  des  femmes  nobles,  dont 
les  distractions,  hormis  les  grandes  fêtes  publiques,  étaient  rares.  Lue 
chaire  (chaise  à  dossier)  se  trouvait  au  fond  de  la  ruelle  ;  un  dressoir,  une 

•  Sauvai,  l.  111,  p.  8. 

2   Diilxt-nl,  lis.   I. 

"•  Sauvai,  l.  Il,  |i.  64. 


CHAMBKK 


—     'r>(> 


petite  table,  des  escabeaux  et  carreaux  pour  s'asseoir,  complétaient  l'a- 
meublement (voy.  le  DirHotmaire  du  Mobilier). 

«  Adonc  est  li  sires  levé 

«  Et  est  entrez  Hedenz  sa  cliainhre 

«   Qui  tôle  estoit  uvrée  à  Tamltre. 

«  N'a  el  monde  besie  n'oisel 

«  Oui  n'i  soit  ovré  à  cisel, 

«   Va  la  procession  Heiiarl 

«   Qui  tant  par  sol  engin  et  arl, 

"   Que  rien  a  fere  n'i  lessa 

><   VW  qui  si  bel  la  conpassa. 

'<   Qu'en  li  séusl  onques  nonier  '. 


fiC&^PD 


Nous  donnons  (i)  un  plan  d'une  de  ces  chambres  privées,  que  Ion  avait 
'   Romnn  du  Renart,  vers  22 162  et  suiv. 


—     'ril     —  I    CHA.MIKK    j 

le  soin,  autant  (|ut'  lairc  se  pouvait,  de  placer  à  Tan^Me  des  l)àtiinents  et  de 
mettre,  par  ee  moyen,  en  comnumieation  avec  une  tourelle  qui  servait  de 
boudoir  ou  (le  cabinet  de  retraite.  La  disjiosition  que  nous  in<li(|uons  ici  se 
retrouve  i'réquemment,  à  (iuclqut\s  tlétailsprès,  dans  les  cliàlcaux  des  \ui% 
xiv«'et  \v«  siècles.  Kn  A  est  le  lit,  en  B  la  ruelle  avec  sa  chaire  C  et  ses 
carreaux  I),  en  E  le  dressoir,  en  V  des  bancs  Hxes,  bahuts  destinés  à 
contenir  la  gardei'obe  ;  en  (1  la  cheminée  avec  sa  petite  fenêtre  H  et  sa 
tablette  I,  en  K  les  portes,  en  L  la  tourelle,  en  M  la  petite  table  avec  son 
banc  à  dossier  N,  en  0  des  escabeaux  mobiles,  en  X  une  armoire  destinée 
au  linyeet  aux  objets  de  toilette.  Les  lénnnes  recevaient  souvent  le  matin 
ou  le  soir  couchées,  et  alors  ce  n'était  que  les  intimes  et  les  membres  de  la 
famille  qui  étaient  admis  dans  la  ruelle.  Le  jour,  on  recevait  les  visites  sur 
le  banc  à  plusieurs  places  posé  près  de  la  cheminée  :  les  hommes  se  tenaient 
sur  les  escabeaux  ou  carreaux  ;  les  gens  que  1  on  faisait  attendre  ou  les 
inférieurs  s'asseyaient  près  de  l'entrée  sur  les  bancs  bahuts.  Les  fenmies 
de  haut  rang  tendaient  leurs  chand)resen  noir  pendant  les  quinze  premiers 
jours  de  grand  deuil  et  restaient  couchées,  les  contre-vents  fermés.  Pendant 
leurs  couches,  les  chand)res  étaient  richement  décorées,  mais  également 
fermées  et  éclairées  aux  tland^eaux  '.  Les  époux,  même  dans  les  classes 
élevées,  n'avaient  habituellement  qu'une  chambre  ;  chez  les  bourgeois,  les 
enfants  couchaient,  pendant  leurs  premiers  ans,  dans  des  berceaux  que  l'on 
plaçait  tout  à  côté  du  lit  dans  la  ruelle.  Aussi  ne  trouve-t-on  qu'un  petit 
nombre  de  chambres  dans  des  maisons,  même  vastes,  souvent  une  seule; 
les  familiers  couchaient  dans  des  galetas.  Quand  on  recevait  un  parent  ou 
un  étranger  auquel  on  voulait  faire  honneur,  les  maîtres,  dans  la  bour- 
geoisie comme  chez  les  paysans,  abandonnaient  leur  chambre  et  allaient 
coucher  dans  la  salle,  c'est-à-dire  dans  la  grande  pièce  qui  servait  à  la  fois 
de  salon,  de  lieu  de  réunion  et  de  salle  k  manger;  ou  bien,  ce  qui  arri- 
vait souvent,  on  dressait  un  lit  dans  la  chambre  des  maîtres,  et  maîtres 
et  étrangers  couchaient  dans  la  même  chambre  (voy.  hôtel,  maison). 

CHANCELLE,  S.  m.  Cliaticel,  chaingle.  Enceinte,  clôture  ;  le  chancel  du 
chœur,  pour  la  clôture  du  chœur  d'une  église;  s'employait  aussi  comme 
balustrade. 

s 

CHANFREIN,  s.  m.  Arête  abattue  suivant  un  angle  de  45  degrés.  Dans 
l'architecture  du  moyen  âge,  surtout  à  dater  de  l'époque  ogivale,  les  arêtes 
à  la  portée  de  la  main,  au  lieu  d'être  laissées  à  angle  droit,  sont  souvent 
abattues.  Les  chanfreins  sont  très-fréquenmient  appliqués  à  la  charpente 
et  à  la  menuiserie  de  cette  époque  (voy.  biseau,  cnAuriiME,  .memjiseiue). 

CHANTIER,  s.  m.  Place  vague,  espace  découvert  sur  lequel  on  dépose 
les  matériaux  qui  doivent  servir  à  la  construction  d'un  édifice  (voy.  coi>- 

1  Les  Honneurs  de  la  Cour.  Aliéner  de  Poicliers.  xv  siècle. 


(HAI'K 


Vl'Z 


sTRLCTio).  Du  désij'iie  aussi  par  ce  mot  des  pièces  de  bois  (|iic  l'on  j)ose 
à  Icrre  hori/.onlalenient.  pour  isoler  et  soustraire  à  l'iunuidilc  du  sol  des 
chai'pcutes  ou  des  |)lauclies,  des  touueaux  couteuaut  des  boissous. 

CHANTIGNOLLE,  S.  f.  Petite  pièce  de  charpeute  (|ui  sert  à  empêcher  les 
pannes  de  jj;lisser  sur  l'arbalétrier. La  pièce  A  (l)  est  une  chauti^nolle.  La 


chantijiuolle  est  toujours  asseud)lée  dans  Tarbalétrier  à  tenon  (.'l  mor- 
taise et  cbevillée,  pour  éviter  (ju'elle  ne  se  relève  par  suite  de  la  pression 
que  la  panne  exerce  sur  la  partie  supérieure.  Souvent,  dans  les  char- 
pentes de  la  période  oj^ivale,  les  pièces  verticales  sont  moisées;  mais, 
comme  alors  on  n'employait  pas  de  boulons  mais  simplement  des  clefs 
de  bois  ]»our  serrer  les  moises  contre  les  pièces  moisées,  on  jiosait  des 
chanti^iiolles  A  sous  ces  moises  pour  que  leur  poids  ne  lali^uàt  pas  les 
clefs,  ainsi  que  l'indique  la  tig.  -2  (voy.  chakpeme). 

CHAPE,  s.  f.  Crouste.  Vieux  mot  emi)loyé  pour  voûte,  lieu  voûté. 
Aujourd'hui  on  entend  par  chape  l'enduit  (lue  l'on  pose  sur  l'extrados 
d'une  voûte  pour  le  pioté^(M'.  Toutes  les  voûtes  of^ivales  étaient  coiixertes 
d'une  chape  en  mortier  ou  en  plâtre.  En  cas  d'incendie,  celle  précaution 


—     'r2.{    —  I    (.HAI'KI,1.K    I 

* 

siittit  pour  cmpèclitM'  la  hiaisc  de  calciner  l'extrados  des  voûtes,  surtout 
si  la  chape  est  eu  plâtre.  Nous  avons  vu  aussi  des  chapes  de  voûtes  faites 
en  ciment  de  l)rique  dans  les  édifices  du  Laiif^uedoc.  La  chape  a  cet  avan- 
tai;e  encore  d(>  garantir  les  voûtes  des  filfi'ations  d'eau  pluviale,  loi'S(|ue 
lescou\er(ures  sont  en  mauvais  état  ou  lorscju'on  l'ail  des  réparations  aux 
l(»ilures.  Sur  les  voûtes  oj^nvales,  les  chapes  sont  f'ailes  avec  soin  ;  elles 
étaient  surtout  destinées  à  les  j^arantir  pendaiil  le  laps  de  temps  qui 
s'écoulait  entre  leur  achèvement  et  le  montajre  des  charpentes.  À  cet 
effet,  dans  les  reins  des  voûtes,  sont  ménagées  des  cuillers  en  pierre  avec 
frari,fouille  extérieure,  qui  ne  servaient  que  pendant  cet  intervalle  de  temps 
elaussidanslecasdedejiiadationsàla  couverture'  (voy.(;AR(;()iiLi.i:,voL"TK). 

CHAPELLE,  s.  f.  «  Dans  plusieurs  endroits  on  a|)|)elle  les  piètres,  dit 
«  Guillaume  Durand', chapelains  (cape//awî),  car  de  toute  antiquité  les  rois 
«  de  France,  lorsqu'ils  allaient  en  g;uerre,  portaient  avec  eux  la  ('haj)e 
«  icapam)  du  bienheureux  saint  Martin.  (|ue  Ion  iiardait  sous  untMente 
«  qui,  de  cette  chape,  fut  appelée  chapelle  (a  capa,  capella).  Et  les  clercs 
«  à  la  garde  desquels  était  confiée  cette  chapelle  reçurent  le  nom  de 
«  chapelains  {capedania  capella)  ;  et,  par  une  conséquence  nécessaire,  ce 
«  nom  se  répandit,  dans  certains  pays,  d'eux  à  tous  les  prêtres.  Il  y  en  a 
«  même  qui  disent  que  de  toute  antiquité,  dans  les  expéditions  militaires, 
«  on  faisait  dans  le  camp  de  petites  maisons  de  peaux  de  chèvre  qu'on 
((  couvrait  d'un  toit  et  dans  lesquelles  on  célébrait  la  messe,  et  que  de 
M  là  a  été  tiré  le  nom  de  chapelle  (a  caprantm  pellihus.  capella).  » 

La  première  de  ces  deux  étymologiesest  établie  sur  un  fait.  La  petite 
cape  que  saint  Martin  revêtit  après  avoir  donné  sa  luni(jue  à  un  pauvre 
était  religieusement  conservée  dans  l'oratoire  de  nos  premiers  rois,  d'où 
cet  oratoire  prit  le  nom  de  capella.  L'oratoire,  depuis  lors  appelé  chapelle, 
se  trouvait  compris  dans  lenceinte  du  palais  royal  ■'.  Le  nom  de  chapelle 
fut,  par  extension,  donné  aux  petites  églises  qui  ne  contenaient  ni  fonts 
baptismaux  ni  cimetières*;  aux  oratoires  dans  lesquels  on  renfermait  les 
trésors  des  églises,  des  monastères,  des  châteaux  ou  des  villes  %  les 
chartes,  les  archives  %  des  reliques  considérables;  puis  aux  succursah's 

I  Ces  gargouilles  existent  encore  à  la  Sainte-Chapelle  dn  Palais,  sous  les  pignons 
des  fenêtres,  et  à  Amiens;  dans  ce  dernier  édiflce ,  ce  sont  des  baies  assez  grandes 
pour  qu'un  tioninie  puisse  y  passer;  ces  baies  correspondt^nt  aux  gargouilles  (]iii 
desservent  les  chéueaux  à  l'arrivée  des  arcs-boiitauls. 

*  Batioiial,  liv.  II,  chap.  x,  §8. 

a  "  Capella,  postmoduni  appcllata  sedes  ipsa,  in  ipia  asservala  estcupa,  seu  capella 
«  S.  Martini,  intra  Palatii  amliituni  ine<litiiat:i  :  in  (juaui  etiaui  prtecijuia  Saiictoriim 
"  aliorum  Àc'-Ya/^'  illala,  uude  ol)  cjnsuKtdi  l>eli(iuiaruin  reverenliani  aidicuhe  istse 
"  sanctœ  capellœ  vulgo  appellantur.  «  Ducange,  (r/o.ss. 

*  Ibkl.  .loan.  de  Janua.  —  *  Ibitl. 

*  «  Caucellaria  :  ita  vero  dicta  qiidd  in  Capella  Principis,  seu  oratorio  Archivuui, 
»  diplomata  et  regni   niouunicnla  olini,   iil  iioilie,  asservareutur.   lu   Krancia  eniui 


I     CHAPKI.LK     I  —     Wi     — 

des  paroisses,  aux  édicules  annexés  aux  ^^randes  églises  cathédiales, 
conventuelles  ou  paroissiales,  et  contenant  un  autel,  et  même  la  cuve 
baptismale;  aux  oratoires  élevés  dans  Tent^'inle  des  cimetières,  sui-  un 
eniplaceniont  sanctifie'  par  un  miracle  ou  j)ar  la  présence  d'un  saint. 

iS'ous  diviserons  donc  cet  article  :  I"  en  cliaiH'lles  (saintes)  ;  "2"  chapelles 
ou  oratoires  de  châteaux,  d'évêchés;  3"  isolées,  des  morts,  votives; 
4"  annexes  d'églises  ;  5»  chapelles  faisant  partie  des  églises,  et  renfer- 
mées dans  leur  périmètre. 

(^iiAi'Ei.i.KS  (sAiNTKs).  I)ès  Ics  premiers  siècles  du  christianisme,  on 
avait  élevé  un  grand  nombre  d'oratoires  sur  les  emplacements  témoins  du 
martyre  des  saints.  Os  oratoires  se  composaient  le  plus  souvent  d'une 
crypte  avec  petite  église  au-dessus.  «  Lorsque  les  saincts  Denis,  Rustic, 
«  et  Éleuthère  souft'riient  le  martyre, dit  Dubreul',  une  bonne  dame  chré- 
«I  tieime,  nonnnée  ('atulle,  demeuroit  en  un  village,  (pie  l'on  surnommoit 
((  de  son  nom  :  lacjuelle  ensevelit  et  enterra  les  cor|)s  des  susnommés  mar- 
«  tyrs  en  une  petite  chapelle  (au  bas  de  la  ITLilte  Montmartre.),  juscpies  en 
«  laquelle  (par  grand  miracle)  saincl  Denys  avoit  apporté  sa  teste  entre 
«  ses  bras,  après  (pie  l'on  la  luv  eust  trancluîe;  laquelle  (cha[)elle)   fut 

('  rei)asti(;  du  temps  de  saincle  tienevielVe Cette  chapelle  est  double, 

n  s(,'avoir  la  plus  petite  (pii  est  presque  dans  terre,  et  l'autre  plus  grande 
«  qui  est  érigée  au  dessus  d'icelle.  Mais  au  dessoubs  de  tout  ce  bastiment 
i(  il  y  avoit  encore  une  chapelle  ou  cave  souterraine,  (pii  toutefois  a 
«  demeuré  incogneiie  à  nos  pères  jusques  en  l'an  KJl  I » 

Cette  disposition  de  chapelle  double  en  hauteur  demeure  liaditionnelle 
pendant  les  premiers  siècles  du  moyen  âge.  Nous  la  voyons  conservée 
encore  dans  la  célèbre  Sainte-Chapelle  du  l'alais  bâtie  par  saint  Louis  à 
Paris;  mais  ce  n'était  pas  avec  riiiteiition  de  consacrer  la  chapelle  infé- 
rieure au  dép(M  des  relicjues.  Au  contraire,  à  l*aris,  c'est  dans  la  chapelle 
haute  que  la  couronne  d'épines,  les  morceaux  de  la  vraie  croix  et  les 
saintes  reliques  recueillies  par  I-,ouis  IX  fureni  déposés;  la  chapelle  basse 
était  réservée  aux  familiers  du  palais  et  au  piddic;  elle  servit  aussi  de 
sépulture  aux  chanoines.  De  toutes  les  chapelles  |ialatiiies  (pii  existaient 
en  France,  celle  de  Paris  est  aujourd'hui  la  |)lus  complète  et  l'une  des  plus 
anciennes.  Elle  fut  commencée  en  12-42  ou  124.%,  et  terminée  en  1247,  sur 
remplacement  de  deux  oratoires,  l'un  bâti  en  llTiien  l'honneur  de  Notre- 
Dame,  l'autre  bâti  en  1 100  sous  le  titre  de  Saint-Nicolas,  .léreuue  Moi  and  ' 
prétend  (pic  c'est  pour  rappeler  ces  di^ux  fondations  (pic  la  Saiiit<'-Cha|)(llt' 
actuelle  est  double.  Nous  voyons  là  plut(~)[  rintluence  de  traditions  aiili'- 
rieures,  comme  nous  l'avons  dit,  et  surtout  une  nécessité  commandée  j)ar 
la  disposition  même  du  palais.  Ainsi,  la  chapelle  haute  communiquait  de 

"  Chartanim  Rcijiitrnin,  ut  vocaiil,  thésaurus,  in  Sacra  Capella  l'arisiensi  etiamnuni 
«  asservalur.  >>  [Ibid.) 

'  Dubreul,  liv.  IV,  p.  1152.  Kdit.  de  1612. 

-  Hist.drid  iSf(i/i/('-r/if»;)c//c  roj/.,  p:ir  .It'iûine  MoimiuI,  cliimoino;  P:iris,  179(1. 


i"2o    [    f.HAI'KLLK    1 

|)lain-pio(l  avec  les  sallos  du  premier  étage  et  les  appartements  royaux  ; 
tandis  que  la  chapelle  basse,  au  niveau  du  sol  extérieur,  pouvait  êtrr 
abandonné»'  au  publie. 

De  tout  temps,  cet  édifice,  dû  au  uiaitre  Pierre  de  Monlfreau,  fut  con- 
sidéré avec  raison  comme  un  chef-d'œuvre.  Le  roi  saint  l^ouis  n'éparijna 
rien  pour  en  faire  le  plus  brillant  joyau  de  la  capitale  de  ses  domaines;  et 
si  une  chose  a  lieu  de  nous  étonner,  c'est  le  peu  de  temps  employé  à  sa 
construction.  En  prenant  les  dates  les  plus  larges,  on  doit  admettre  que  la 
Sainte-(^-lia|)t'lle  fut  fondée  et  complètement  achevée  dans  l'espace  (UM"in(| 
ans;  huit  cent  mille  livres  tournois  auraient  été  enq)loye»'s  a  sa  construc- 
tion, à  sa  décoration  et  à  l'acquisition  des  précieuses  reliques  qu'elle 
renfermait.  Si  l'on  observe  avec  une  scrupuleuse  attention  les  caractères 
archéologiques  de  la  Sainte-Chapelle,  on  est  forcé  de  reconnaître  l'exac- 
titude des  dates  historiques.  Le  mode  de  construction  et  l'ornementation 
appartiennent  à  cette  minime  fraction  du  xni''  siècle.  Pendant  les  règnes 
de  Philippe-Auguste  et  de  saint  Louis,  les  progrès  de  laichitecture  sont 
si  rapides,  qu'une  périodede  cinq  années  y  introduit  des  modifications  sen- 
sibles :  or  la  plus  grande  unité  règne  dans  l'édifice,  de  la  base  au  sommet. 
Ce  n'est  plus  la  fermeté  un  peu  rude  des  sommets  de  la  façade  de  Notre- 
Dame  de  Paris  (1"230),  et  ce  n'est  pas  encore,  il  s'en  faut  de  beaucoup,  la 
maigreur  des  deux  extrémités  des  transsepts  de  la  même  église  (1257). 

Pierre  de  Montereau  fut  également  chargé  d'élever  une  chapelle  dédiée 
à  la  ViergC;,  dans  l'enceinte  de  l'abbaye  de  Saint-Cerniain-des-Prés.  Cette 
chapelle  avait  été  fondée,  en  l'24o,  par  l'abbé  Hugues  :  or  les  fragments 
assez  nombreux  qui  nous  restent  de  cette  construction  '  accusent  une 
certaine  recherche,  un  travail  déjà  maigre  dans  l'ornementation  et  les 
moulures,  qui  se  rapproche  de  l'exécution  du  portail  Saint-Etienne  de 
Notre-Dame  de  Paris  et  s'éloigne  de  celle  de  la  Sainte-Chapelle;  c'est  qu'en 
etiét  la  chapelle  delà  Vierge  de  Saint-Germain-des-Prés  n'avait  été  achevée 
que  sous  l'abbé  Thomas,  mort  en  1^255.  Il  y  avait  donc  cinq  années  de 
différence  environ  entre  la  construction  de  la  Sainte-Chapelle  du  Palais  et 
la  chapelle  de  Saint-Cermain-des-Prés;  cette  ditierence  se  fait  sentir  dans 
le  style  îles  deux  édifices  :  donc,  la  Sainte-Chapelle  du  Palais  a  dû  être 
élevée  eu  quatre  ou  cinq  années  au  plus,  puisqu'elle  ne  laisse  pas  voir, 
même  dans  ses  parties  supérieures,  cette  tendance  à  la  recherche  et  à  la 
maigreur.  On  nous  pardonnera  d'insister  sur  ce  point;  nous  désirons 
constater  ainsi,  une  fois  de  plus,  la  rapidité  avec  la([aelle  les  maiires  des 
œuvres  construisaient  leurs  édifices  auxiii»^  siècle,  lorsqu'ils  n'elaient  pas 
entraves  par  le  man(|ue  île  ressources,  et  délrune  une  opinion  trop 
généralement  accréditée,  même  parmi  les  personnes  éclairées,  savoir  : 
que  les  édifices  de  cette  époque  n'ont  pu  être  élevés  qu'avec    lenteur. 

1  f>a  porte  principale  déposée  dans  le  cinielière  des  V;dois  à  Saiiit-I)eiiis  ;  des 
"arituuiiles  et  perlions  de  coiiionnomenls  déposés  dans  une  cour  d'une  des  maisons  de 
la  rue  de  l'Abltaye,  côlé  nonl. 

T.     II.  54r 


[    CHAPELLE    1  i'2<)    — 

Ijfusqii'on  pai'court  la  Saiiil('-('ilia|»'ll(' du  Palais,  on  ne  peut  concevoir 
comment  ce  travail,  surprenant  par  la  niulliplicilé  et  la  variété  îles  détails, 
la  pureté  d'exécution,  la  l'icliesse  de  rornenieiilation  et  la  heauh'  des 
matériaux,  a  pu  être  achevé  |)endant  un  laps  de  temps  aussi  court.  !)«>  la 
base  au  faîte,  elle  est  entièrement  bâtie  en  pierre  dure  de  choix,  liais 
cliquart;  chaque  assise  est  cramponnée  par  des  agrafes  en  fer,  coulées  en 
plomb;  les  tailles  et  la  pose  sont  exécutées  avec  une  précision  raie;  la 
sculpture  en  est  composée  et  ciselée  avec  un  soin  paiticulier.  Sur  aucun 
point  on  ne  peut  constater  ces  néirlifjjences.  résultat  ordinaire  de  la  préci- 
pitation ;  et  cependant,  telle  qu'elle  est  aujouid'hui,  la  Sainte-Chapelle 
du  Palais  est  privée  d'une  annexe  importante  qui,  à  elle  seule,  était  un 
nionument  :  nous  voulons  parler  du  trésor  des  chartes  accolé  à  son  flanc 
nord,  bâti  et  terminé  en  même  temps  qu'elle. 

i 


Nous  donnons  (I)  Ir  plim  de  la  chapelle  basse  du  Palais  '.  In  porclic 
'   Ce  phiii  esl  à  l'ctlii'lk'  de  (),()02o  ixiiir  iiielir,  :iinsi  (pic  loiis  les  phiiis  >;iii\:iiils. 


'L 


C 


1-27  — 


[    CIlAl'KI.I.K    I 


précède  la  port»'  principale;  un  has-côté  élroil  fait  le  t(»iir  du  vaisseau. 
L'architecte  a  dû  l'établir  pour  ne  pas  être  contraint  ou  de  trop  éle\er  le 
sommet  de  la  voûte,  ou  de  poser  les  naissances  des  arcs  près  du  sol.  Il 
était  commandé  pai-  la  hauteur  des  sols  des  appartements  du  premiei- 
éta^'e.  (|ui  dcja  existaient,  et  il  tenait  à  placer  le  dalia^^e  de  la  chapelle 
haute  de  plain-j)ied  avec  ces  appartements  et  galeries.  Deux  escaliers  de 
service  couuuuniquent  du  rez-de-chaussée  au  premier  étage  et  au  cond)le. 
La  (  hapelle  basse  est  éclairée  par  des  fenêtres  occupant  tout  l'espace 
compris  entre  les  formerets  et  l'appui  décoré  d'une  arcaluie,  de  sorte  que 
ces  fenêtres  attecteni  la  foiine  de  triangles  dont  deux  côtés  sont  curvi- 
lignes ;  elles  sont  admirablement  composées  pour  la  place  (voy.  fe.nèthe), 
et  étaient  autrefois  garnies  de  vitraux  colorés  ou  en  grisaille.  Cette  chapelle 


laisse  voir  de  nombreuses  traces  de  peintures  du  xiii*  siècle  ',   cl,  dans 
'  Elle  fui  en  iirande  partie  repeinte  sous  Louis  XIIF. 


1    r.llAPELI.K    1  —    VIH   — 

rarcatui'c,  des  inédailliuis  t'inichis  d'incruslations  de  verre  avec  dorures 
d'une  finesse  rare,  de  gaufrures  et  de  petites  tij^^ures  d'apôtres  en  bas- 
relief  sculptées  dans  un  stuc  autrefois  peint.  Ledallaj^e  de  cette  cliaix'llt' 
est  entit'reinent  composé  de  pierres  tonil)ales.  Au  })reinier  étaj^^e  (ti^.  '2). 
un  p(»rclie  précède  le  vaisseau,  comme  au  rez-de-chaussée.  Avant  179.'{,  au 
trumeau  de  la  porte  était  adossée  une  statue  du  (Christ  bénissant  et  teiiani 
l'Évanjjfile.  Au-dessus,  dans  le  linteau,  était  sculpté  un  Jugement  dernier, 
le  Pèsement  des  âmes,  et,  dans  le  tympan,  le  Fils  de  lllomnie  luontrant 
ses  plaies,  ayant  la  sainte  Vierge  à  sa  droite,  saint  Jean  à  sa  gauche,  tous 
deux  agenouillés  comme  à  la  porte  centrale  de  la  cathédrale  de  Paris. 
Toutes  ces  sculptures  ont  été  complètement  détruiles.  Le  porche  servait 
de  conmiunication,  du  côté  du  nord,  avec  les  galeries  du  palais  royal,  et 
formait  connue  un  vaste  balcon  couvert,  de  plain-pied  avec  Téglise. 
Lorsqu'on  entre  dans  la  Sainte-Chapelle  haute,  ce  qui  frappe  surtout,  c'est 
l'extrême  légèreté  apparente  de  la  construction.  Au-dessus  d'une  arcature 
très-riche,  s'ouvreni  de  grandes  fenêtres  qui  occupent  tout  l'espace  com- 
pris entre  les  contre-forls  sous  les  formerets  des  voûtes;  de  sorte  que  la 
construction  ne  [)arait  consister  ((u'en  légers  faisceaux  de  coloimes  |)orlant 
ces  voûtes.  Les  vitraux  qui  garnissent  les  fenêtres,  à  cause  de  leur  puis- 
sante coloration,  ne  laissent  pas  voir  les  contre-forts  extérieurs  qui  consti- 
tuent à  eux  seuls  la  solidité  de  l'édifice.  L'arcature  régnant  souslesappuis 
des  grandes  fenêtres  repose  sur  un  banc  contiim,  et  présente,  dans  des 
quatre-feuilles,  des  scènes  de  martyres  (voy.  arcatlre,  iig.  S).  Les  statues 
des  douze  apôtres,  portées  sur  des  culs-de-lampe,  sont  adossées  aux 
piliers.  A  l'abside,  un  édicule  avec  clôture  fut  élevé  derrière  Tautel  après 
la  mort  de  saint  Louis,  pour  porter  la  gi-ande  châsse  contenant  les  saintes 
reliques  (voy.  autel,  fig.  11  et  l^).  L'intérieur  de  la  Sainte-Chapelle  était 
entièrement  couvert  de  riches  peintures  et  de  dorures  avec  incrustations 
de  verres  colorés  et  dores.  Mais  les  vitraux  forment  certainement  la  pai'tie 
la  plus  brillanle  de  cette  décoration;  ils  sont,  comme  couleur  et  composi- 
tion, d'une  grande  beauté,  quoi([ue,  dans  l'exécution,  on  s'aperçoive  de 
la  précipitation  avec  laquelle  ils  durent  être  fabriqués. 

Nous  présentons  (3)  la  coupe  transversale  de  la  Sainte-t'hapelle  du 
Palais,  qui  fera  comprendre  mieux  qu'aucune  inscription  laconstruclion 
simple  et  hardie  en  même  temps  de  ce  charmant  édifice. 

Le  plan  2  indique  en  A  l'annexe,  le  trésor  des  chartes,  avec  le  passage 
B  comnmniquant  à  la  chapelle.  Cet  annexe  était  divisé  en  trois  étages  : 
celui  du  rez-de-chaussée  servait  de  sacristie  à  la  chapelle  basse;  celui 
du  premier,  de  trésor  et  de  sacristie  à  la  chapelN^  haute;  et  le  dernier 
étage,  auquel  on  arrivait  par  un  escalier  à  vis,  de  dépôt  des  chartes.  L'ne 
autre  porte  de  service,  percée  dans  larcalure  en  C,  mettait  la  galerie  du 
nord  longeant  les  premières  travées  en  comnmnication  avec  la  chapelle 
haute.  Sous  les  deux  fenêtres  DD,  deux  renfoncements  dim  mètrr 
environ  de  profondeur  sur  la  largeur  de  la  travée  étaient  les  places  d'hon- 
neur réservées  au  roi  et  à  la  reine.  Mais  Louis  XI.   qui  probablenitMil 


i.>2*»    —  [    CliAl'ELLK 

liiiuxa  (OS  [)lacos  liop  tMievideiuu?,  fit  bâtir  eii  K  mi  niduit  entre  les  con- 


■7 
O 


tro-forts,  dans  lequel  il  se  retirait  pour  entendre  les  oftices;  une  petite 
ouverture  biaise  et  f;rillée  lui  permettait  de  voir  l'autel  sans  être  vu. 

Sous  Charles  VU,  des  travaux  importants  viment  modifier  certaines 
parties  de  la  Sainte-Chapelle.  Ce  prince  fît  refaire  la  rose  en  pierre  et  ses 
vitraux,  les  couronnements  des  deux  escaliers  et  les  crochets  du  jj^rand 
pij,Mion.  Déjà,  au  xiv*;  siècle,  on  avait  changé  la  décoration  des  pignons  ou 
gables  des  fenêtres;  des  crochets  dans  le  goût  de  cette  époque  et  des 
statues  danges  étaient  venus  remplacer  les  lleurons  et  les  crtîchets  du 
xiii"  siècle.  Charles  VII  tit  également  exécuter  la  tlèche  en  charpente 
recouverte  de  plomb  «pii  surmontait  le  cond)le.  ainsi  que  les  crêtes  et 
décorations  de  la  toiture.  Nous  ne  savons  pas  si  la  Sainte-Chapelle  de 
saint  Louis  possédait  une  tlèche;  aucune  vignette  antérieure  au  xv' siècle 


CHAPELLE 


—     430 


■4 


ne  la  i-eprésent(^,  aucui)  texte  iieii  |)arle'.  Le  l'ait  parait  douleux  :  car, 
eonfiairement  aux  hal)itudes  des  arehitectesdu  xiif*"  siècle,  rien,  dans  la 
eonstruction  en  maçonnerie,  n'indique  que  cette  flèche  ait  du  être  élevée. 
Peut-être  quelque  tour  du  palais,  dans  le  voisinage  de  la  Sainte-Chapelle, 
tenait-elle  lieu  d(>  clocher.  Louis  XU,  étant  ^^outleux  et  ne  pouvant  mon- 
ter à  la  Sainte-(]hai)elle  par  les  escalieis  du  palais  qu'il  n'habitait  pas,  lit 
faire  le  long  du  liane  sud  un  vaste  degré  couvert  par  des  voûtes  et  un 
comble.  Ce  degré  était  assez  doux  pour  que  des  porteurs  pussent  monter 
sa  litière  jusque  sous  le  porche.  Les  voûtes  de  cet  escalier  furent  déiruiles 
pai'  l'incendie  de  KÎ.'JO  -,  et  remplacées  par  un  appentis  en  char|)enle. 

A  l'imitation  du  roi  de  France,  les  grands  vassaux  de  la  couronne  se 
firent  bâtir,  dans  leur  résidence  habituelle,  une  sainte  chapelle,  et  le  roi 
lui-même  en  éleva  quelques  autres.  Celle  du  château  de  Saint-Germain 

<'n-Layeest  même  antérieure  de  quel- 
ques années  à  celle  du  Palais;  son 
achèvement  ne  saurait  être  postérieur 
à  I^IU).  Co  très-curieux  inonumeiil. 
fort  peu  connu,  engagé  aujourd'hui 
au  milieu  des  constructions  de  Fran- 
çois 1«^>' et  de  Louis  \IV,est  assez  com- 
|)let  cependant  pour  que  l'cui  puisse 
serendie  un  compteexact.  non-seule- 
ment de  ses  dimensions,  mais  aussi 
de  sa  coupe,  de  ses  élévations  latéra- 
les et  des  détails  de  sa  construction  et 
décoration  La  sainte  chapelle  de 
Saint-Cierniain-en-Layea  cela  de  par- 
ticulier qu'elle  n'appartient  pas  au 
style  ogival  du  domaine  royal,  mais 
{ju'elleest  un  dérivé  des  écoles  cham- 
penoise et  bourguignonne. 

Nous  en  donnons  (i)  le  plan  '.  (]on- 
forménuMil  aux  consiruclions  cham- 
penoises et  bourguignonnes,  les  voû- 
tes portent  sur  des  pih's  saillantes  à 
l'intérieur,  laissant  au-dessus  du  soubassement  une  circulation.  La  coupe 


'  La  flèclie  de  Ciiarles  Vil  a  été  rétal)lit'  sous  la  direction  de  l'eu  l^assus  (voy.  flèche); 
elle  avait  été  lirûlée  en  1630  et  remplacée  par  une  flèche  dans  le  goiit  de  ce  temps, 
qui  fut  détruite  î"»  la  fin  du  dernier  siècle. 

'■'  INous  avons  eiicoro  vu  quohjuos  restes  de  col  escalier  que  les  dernières  restaura- 
lions  ont  l'ait  disparaître.  (Voy.  les  i^ravures  d'Israël  SylvesUe,  le  tableau  déposé  an 
musée  de  Versailles  représentant  la  visite  de  Louis  XV  enfant  au  palais.) 

^  A  Téchelle  de  0,0025  pour  mètre.  Nous  devons  ces  dessins  à  M.  Millet,  architecte 
du  château  de  Sainl-tiorniain-en-Lave. 


i.n  — 


[    (.IIAI'KI.I.K 


li'iinsvei.salo  io).  faito  sur  le  milieu  d'iiix^  travée,  eN|)ii((ue  la  disposition 


[  r.HAI'KI.M'    J  —    W-2   — 

principale  de  cet  édifice.  Les  formeiets  A  des  voûtes,  au  lieu  de  servir 
d'arcliivoUes  aux  fenêtres,  sont  isoh's,  laissent  entre  eux  et  les  baies  un 
espace  lî  couvert  j)ar  le  chéneau.  Les  fenêtres  sont  alors  prises  sous  la 
(•(trniche  et  niellent  à  jour  tout  l'espace  compris  entre  les  contre-forts.  Si 
nous  examinons  la  coupe  lonj^itudinale  (6),  faite  sur  une  travée,  et  (0  bis), 
faite  sur  lapile  intérieure  enB  C  (voy.  fig.  5),  nous  pourrons  nous  rendre 
un  compte  exact  du  système  de  construction  adopté.  Les  fenêtres,  n'étant 
plus  circonsciites  par  les  formerels,  sont  carrées;  les  tympans,  ('tant 
ajourés  et  faisant  j)artie  des  meneaux,  ne  laissent  comme  pleins  visibles 
que  les  contre-forts.  A  l'extérieur,  cbaque  travée  est  conforme  à  la  ^IJ,^ 
C»  ter:  le  iiKtmiiiient  tout  entier  ne  consiste  donc  (ju'en  un  soubassement, 
des  contre-forts  et  une  claire-voie  fort  belle  et  combinée  d'une  manière 
solide;  car  les  contre-forts  (très-minces)  sont  étrésillonnés  par  ces  puis- 
sants meneaux  portant  l'extrémité  de  la  corniclie  sui)érieure  et  le  clié- 
neau.  Ces  meneaux  ne  sont  réellement  que  de  grands  cbàssis  vitrés  posés 
entre  des  piles  et  les  maintenant  dans  leurs  plans. 

Le  système  de  la  construction  ogivale  admis,  nous  devons  avouer  que 
le  parti  de  construction  adopté  à  la  sainte  chapelle  de  Saint-Germain  nous 
semble  supérieur  à  celui  de  la  Sainte-Chapelle  de  Paris,  en  ce  qu'il  est 
plus  franc  et  plus  en  rapport  avec  l'échelle  du  monument.  La  richesse  de 
rarchitccline  (le  la  Sainte-Chapelle  de  Paris,  le  luxe  de  la  sculpture  ne 
sauraieiU  faire  disparaître  des  défauts  graves  évités  à  Saint-Germain. 
Ainsi,  à  Paris,  les  contre-forts,  entièrement  reportésk  l'extérieur,  gênent 
la  vue  par  leur  saillie;  ils  sont  trop  rapprochés;  la  partie  supérieuie  des 
fenêtres  est  (jiiebpie  p(Hi  lourde  et  encombrée  de  détails;  les  gables  qui 
les  sunnoiUent  sont  une  superfétation  inutile,  un  de  ces  moyens  de 
décoration  qui  ne  sont  pas  motivés  par  le  besoin.  Si  TeHet  produit  parles 
verrières  entre  des  piles  minces  et  peu  saillantes  à  l'intérieur  est  surpre- 
nant, il  ne  laisse  pas  d'inquiéter  l'ceil  par  une  excessive  légèreté  apparente. 
A  Saint-Germain,  (in  comprend  comment  les  voûtes  sont  maintemies  par 
ces  piles  qui  se  prononcent  à  rintérieur.  Les  men(^aux  ne  sont  (pi  un 
accM'ssoire,  qu'un  châssis  vitré  indei)endant  de  la  grosse  constiuclion.  Ce 
petit  passage  chanqx'nois  ménagé  au-dessus  de  l'arcature  inférieure,  en 
reculant  les  fenêtres,  donne  de  l'air  et  de  l'espace  au  vaisseau;  il  rouq)t 
les  lignes  verticales  dont,  à  la  Sainte-t^hapelle  de  l^aris,  on  a  peut-être 
abusé.  Les  fenêtres  elles-mêmes,  au  lieu  d'être  relativement  étroites  connue 
à  Paris,  sont  largf^s;  leurs  meneaux  sont  tracés  de  main  de  maître,  et 
rappellent  les  beaux  conq)artiments  des  meilleures  fenêtres  de  la  (  allie- 
drale  de  Reims.  Les  fenêtres  delà  Sainte-Chapelle  de  Paris  ont  un  défaut, 
qui  paraîtrait  bien  davantage  si  elles  n'éblouissaieiU  pas  par  l'éclat  des 
vitraux  :  c'est  quelescolonnettesdes  meneaux  sont  dénu^surément  longues 
et  que  les  entrelacs  supérieurs  ne  conunenceni  (pi'a  partir  de  la  naissance 
des  ogives  (voy.  fkxètki;).  Cela  donne  ii  ces  fenêtres  une  appanMice  giêle 
et  pauvre  ([ue  l'architecte  a  voulu  dissinuiler  à  l'extérieur,  oii  les  vitraux 
ne  produiseiU  aucmKMllusion,  par  ces  detads  darchivolles  et  ces  gables 


[   (.M.\ri;i.i  i: 


iluiii  nous  parlions  tcml  à  riicurc  A  la  cliapcllc  de  Saiiit-(i(M'niain.  aucun 

T.  n.  rir> 


(    CIIAI-KIIK     I  'i.{4    

détail  suporflu  ;  c  est  la  construction  seule  (jui  tait  toute  la  décoration  ;  et 
sans  vouloir  faire  tort  à  Pierre  de  Montereau,  on  peut  dire  (jue  si  l'archi- 
tecte (dianipenois  prohahleinent)  de  la  cliapelle  de  Saint-Onnain  eut  en 
à  sa  disposition  les  In'soi-s  employés  à  la  construction  de  celle  de  Paris  il 
eût  l'ait  un  monument  supérieur,  connue  composition,  i\  celui  que  nous 
admirons  dans  la  Cité.  Il  a  su  (chose  rare)  conformer  son  architecture  à 
l'échelle  de  son  monument,  et,  disposant  de  ressources  modiques,  lui 
donner  toute  l'ampleur  d'un  ^M-and  éditice.  A  la  Sainte-Chapelle  de  Paris, 
on  trouve  des  tàtomuMuents,  des  recherches  (jui  occupent  l'esprit  plutôt 
(juelles  ne  charment.  A  Saint-(iermain,  tout  est  clair,  se  comprend  au 
premier  coup  iWvW.  J>e  maître  de  cette  (eu\re  était  sûr  de  son  art;  c'était 
en  même  temps  un  honnue  de  j.jont  «i  un  savant  de  premier  ordre  '. 
L'intérieur  de  ce  monument  était  peint  et  les  fenêtres  garnies  prohahle- 
ment  de  vitiaux.  Inutile  de  dire  que  leur  effet  devait  être  prodigieux  à 
cause  des  larges  surfaces  qu'ils  occupaient.  Hien  n'indique  qu'une  tlèche 
surmontât  cette  chapelle.  On  ne  voit  point  non  plus  (juc  des  places  spé- 
ciales aient  été  réservées  dans  la  nef,  connue  à  la  Sainte-Chapelle  du 
Palais,  pour  des  personnages  considéi'ahles.  11  faut  dire  qiw  la  chapelle 
de  Saint-(iermain-en-La\e  n'était  (jue  le  vaste  oratoire  d'un  château  de 
médiocre  importance.  Tous  les  détails  de  ce  charmant  édihce  sont  traités 
avec  grand  soin;  la  sculj^ture  en  est  helle  et  entièicment  dut^  à  l'école 
chanqjeijoise,  ainsi  que  les  protils. 

De  riches  ahbayes  voulurent  aussi  rivaliseï'  avec  le  souverain  en  élevant 
de  grands  oratoires  indépendants  de  leur  église.  Nous  avons  dit  que  les 
abbés  de  Saint-Cermain-des-Prés  chargèrent  l'architecte  Pierre  de  Monte- 
reau de  leur  bâtir  la  chapelle  de  la  sainte  Vierge  jirès  de  leur  réfectoire 
(voy.  Architeclure  nu)nasli(iue,i\{i.  ir>).  Les  abbés  étaient  seigneurs  féo- 
daux, et,  comme  tels,  voulaient   imiter  ce  que  faisait  le  suzerain   dans 

I  La  cliapelle  du  cliàlcaii  (Je  Saint-tierniain-eii-l.aye  est  aiijiiiinl'iiui  tort  déiiaUirée; 
les  coiUre-l'orls  ont  été  rcvèlus,  au  xvii'  siècle,  de  placages  daus  ieguùt  du  leiups;  le 
s(il  iiitéiieur  a  été  relevé  de  plus  d'un  mèlre.  i/arcalure  a  été  détruite,  ainsi  que  la 
balusU'ade  extérieure.  Cepenriant  nos  dessins  (saul' la  décoration  des  contre-toits,  sur 
laquelle  nous  n'avons  aïK  une  donnée)  ])iésciitciit  ri!;(puieiis<'nicnl  renseinhie  et  les 
détails  (le  ceUe  belle  conslruclion.  Des  touilles  l'ailes  avec  intelligence  par  l'arcliitecle 
M.  Millet  ont  mis  à  nu  les  bases  intérieures.  Des  fragments  de  l'arcature  et  de  la 
balustrade  ont  été  retrouvés  ;  les  piles  ont  été  dégagées.  Quant  aux  autres  parties  de 
l'édifice,  elles  sont  conservées,  et  la  coiislniction  n'a  subi  aucune  altération.  On  ne 
saurait  trop  étudier  cette  clia|H'lle  ,  (pii  nous  parait  être  un  des  exemples  les  |)lus 
caractérisés  de  cet  art  du  xm'  siècle,  au  monient  de  sa  splendeui .  Si  Ton  avait  (piel- 
ques  doutes  sur  la  date,  il  suflirait  de  comparer  ses  profils  et  sa  sculpture  avec  les 
profils  et  la  scul|)lure  des  inonninenls  clKinipenois  du  mii""  siècle,  pour  être  assuré  que 
la  cliapelle  du  cliàleau  de  Saint  (iermain  est  contemporaine  des  cliapelles  absidales 
delà  cathédrale  de  Reims,  des  parties  inférieures  du  chœur  de  la  cathédrale  de  Troyes, 
de  la  chapelle  de  l'archevêché  de  Heinis.  constructi(Uis  qui  sont  antérieures  à  l'24(). 
La  corniche  supérieure  et  la  lialuslrade,  dniil  on  a  retrouvé  des  fragments,  peuvent 
même  renioiiler  a    I  -l.W. 


—  i;{.*.  — 


CHAI'EI.I.K 


Sf^s  (lomaiiies;  heaucoup  (Talyhayc's  \inMil  donc,  vers  le  milieu  du 
xiiie  siècle,  éhner,  dans  leur  enceinte,  de  jurandes  chapelles  isolées,  dont 
la  construction  n'était  pas  toujours  justitiée  par  un  besoin  tu-j^ent.  Le 
prieure  de  Saint-Martin-des-Clianipsà  Paris  hàlit  aussi,  \erscelte  é|)o(|ue, 
deux  grandes  chapelles,  lune  dédiée  à  \otre-hanie,  l'autre  à  saint  Michel. 
Voici  (7)  le  plan  de  la  chapelle  de  la  Vierj>e  de  l'ahhaye  Saint-(;erniain- 


des-Pres  ',  qui  se  distiiifîue  surtout  de  celui  de  la  Sainte-Chapelle  du 
Palais  par  la  disposition  de  ses  \oùtes,  dont  les  arcs  ogives,  s'il  faut  en 
croire  un  dessin  de  xM.  Alexandre  Lenoir  relevé  avant  la  destruction  de  ce 
beau  monument,  comprenaient  deux  travées,  et  dont  l'abside  était  plantée 
d'une  façon  peu  conforme  aux  habitudes  des  constructeurs  du  milieu  du 
xni*  siècle.  Mais  Pierre  de  Montereau  avait  certainement,  dans  la  con- 
struction de  la  chapelle  de  la  Vierge,  été  forcé  de  se  renfermer  dans  une 
dépense  assez  peu  élevée,  relativement  à  la  dimension  donnée  à  l'édifice. 
Ce  geme  de  voûtes  est  moins  dispendieux  (|ue  celui  adopté  pour  la  Sainte- 
Chapelle  du  Palais,  et  les  fragments  des  couronnements  qui  existent 
encore  accusent  une  exécution   ptii  dispendieuse.   I/abbaye  Saint-Cer- 

'   A  IVcliplle  de  0,002')  pour  iiidre. 


[   r.iiAi'in.i.i:    I  —   i.'{<»  — 

inaiii-(les-l*rés  n'avait  pas,  telle  riche  qu'elle  fût  ,  les  ressouiees  du  roi 
de  France.  A  ce  point  de  vue,  la  comparaison  de  ces  deux  édifices,  élevés 
j»res(|ue  en  même  temps  par  le  même  arcliilecte,  est  intéressante. 

Mais  saint  Louis  ne  tut  pas  le  seul  roi  de  France  (pii  éleva  des  saintes 
<  hapclles.  Lt'  vaste  château  de  Vinceimes  ,  connnencé  par  le  roi  Jean, 
était  achevé,  au  point  de  vue  militaire,  sous  (>harles  V.  Son  fils  com- 
mença, sur  de  fïrandes  proportions,  la  construction  d'une  sainte  cha|M'lle, 
au  milieu  d(»  son  enceinte.  Charles  VI  éleva  \o  hâtimenl  vei-s  l'abside 
ius(|u'au\  corniches  supérieures,  dans  la  nef  .ius(|u"an\  naissances  des 
archivoltes  des  fenètn's,  et  sur  la  façade  jus(|u'au-dessous  de  la  rose.  Les 
malheurs  de  la  fin  de  ce  rèj^ne  ne  permirent  pas  de  contimier  l'édifice,  qui 
resta  en  souffrance  pendant  un  siècle.  François  Lr  reprit  les  constructions 
vers  1525,  elles  ne  furent  achevées  que  sous  Henri  IL  Les  deux  sacraires 
et  le  trésor  à  deux  étajïes  annexés  à  la  chapelle  étaient  terniinés  à  la  fin 
du  XIV  siècle  ou  au  commiMicemenl  du  w".  Deux  époques  bien  distinctes 
ont  donc  concouru  à  ledilication  de  la  sainte  chapelle  de  Vincennes,  et 
cependant,  au  premier  abord,  ce  monument  présente  une  jurande  unité. 
Les  architectes  de  la  renaissance  charj^^és  de  l'achever  ont,  aulant  (ju'il 
était  possible  à  cette  épo(|ue,  cherché  à  conserver  l'ordonnance  de  l'en- 
semble, le  caractère  des  détails.  Il  faut  examiner  la  sculpture,  reconnaître 
les  déiiradalions  causées  par  les  pluies  et  la  i;elée  aux  parties  supérieures 
des  conslruclions  laissées  inachevées  pendant  un  siècle,  jjour  trouver  les 
points  de  soudure  des  deux  époques. 

La  ti^.  8  flonne  le  plan  de  la  sainte  chapelle  de  Vincennes  ',  avec  ses 
annexes.  Ce  sont  d'abord  deux  oratoires  à  double  étaf.re  ayant  vue  sur  le 
sanctuaire  par  deux  petites  ouvertures  biaises.  A  la  suite,  à  droite,  un 
escaliei"  conduisant  à  l'étaiic  supérieur  de  Toraloire,  aux  terrasses  el  aux 
combles.  A  ^^auche,  lasacrislie  avec  son  tiésor,  éi^alement  a  deux  elaiiis. 
le  trésor  ayant,  comme  à  la  Sainte-Chapelle  du  Palais,  la  forme,  en  plan 
et  en  élévation,  d'une  pelite  cha[)elle.  Un  escalier  particulier  conduil  au 
premier  étage  du  trésor  et  au  comble. 

Il  est  vraisemblable  (pie  l'oratoire  construit  par  Louis  XI  entre  deux  des 
contre-forts  de  la  Sainte-Chapelle  de  Paris,  pendant  la  seconde  moitié  du 
XV  siècle,  est  une  imitation  de  ceux  de  la  sainte  chapelle  de  Vincennes, 
cette  disposition  ayant  paru  plus  commode  que  celle  adoptée  par  saint 
Louis,  et  ne  consistant  qu'en  doux  renfoncements  dans  l'épaisseur  de  la 
muraille  (voy.  fif^.  :2  ,  en  D).  Le  roi,  la  reine  se  trouvaient  ainsi  séparés 
des  assistants,  et  voyaient  le  prêtre  à  l"aut(>l  sans  être  vus. 

A  Vincennes,  une  tribune  larj^e  est  portée  jiar  une  voûte  au-dessus  de 
l'entrée;  elle  occuj)e  toute  la  première  travée.  A  Paris,  cette  tribune  n'est 
(|u'une  simple  j^alerie  d'un  mètre  de  larfj;eur  tout  au  plus.  Les  statues  des 
apôtres  et  de  quatre  aiifics.  derrière  l'autel,  étaient,  à  Vincennes,  c(»iiinic 
à  Paris,  adossées  aux  piliers,  a  la  hauteur  de  raj)|)uides  fenêtres,  suppoi- 

'   A  fi'i'licilc  (le  0,0()2o  ponr  nièlro. 


—    i'M    —  1    (.IIAI'KI.LK     I 

Icrs   |>;ii    (Ic^  ciils-dc-liiiuiM'  cl    sniiiioiiltM'^  dr  dais  '.    I,i'>    iiiiir>  dapiuii 


X 


sous  les  meneaux  nelaient  point  décorés  d'arcatures  à  Viiiceiuies,  mais 
piohaltlement  j;aniis  autrefois  de  bancs  en  l)ois  avec  des  tapisseries.  Les 
fenêtres  de  l'abside  ont  seules  conservé  leurs  vitraux,  qui  ont  été  peints, 
au  xvi<*  siècle,  par  Jean  Cousin,  et  représentent  le  Jugement  dernier.  Parmi 
les  vitraux  de  la  renaissance,  ceux-ci  peuvent  prendre  le  piemier  rang  ; 
ils  sont  bien  roni|)Osés  et  d'une  belle  exécution.  Le  condde  de  la  sainte 
cliapelle  de  N  incennes,  construit  en  bois  derhène,  t>sl  coiid)iné  avec  une 
grande  peifeclion;  il  ne  fut  jamais  surmonlé  que  dune  llèche  fort  petite 
et  simple,  qui  n'existe  plus. 


'   Cos  (igurcs  ont  t'Mé  hi'isi'-t^s  ;  \ouv  trace  est  seul»^  visilili 
el  les  amorces  des  da's. 


ainsi  ( 


|iif  1 


es  eiih-( 


le-lani|ie 


C.IIAPEU.K     1  i'{^<    

Voici  (ÎM  la  coupe  transversale  do  la  sainte  (liapellc  de  Vinceniies;  si 


elle  couvre  une  su{)erricie  plus  fiiande  (|ue  celle  de  Paiis.  elle  est  loin  de 
présenter  en  coupe  une  proi)ortion  aussi  heureuse.  Sous  clef,  la  Sainte- 
Chapelle  du  Palais  a  un  peu  plus  de  deux  fois  sa  larjieur,  tandis  que  celle 
de  Vincennes  n'a,  du  sonniiet  de  la  voûte  au  pavé,  que  les  neuf  cinquièmes 
de  sa  largeur.  A  ce  sujet,  qu'il  nous  soit  permis  de  faire  remarquer 
combien  on  se  laisse  entraîner  à  pi-opa^jer  les  erreurs  les  plus  faciles  à 
constat<'r  cependant,  lorsqu'on  ])arledes  éditices  de  l'époque  ogivale.  On 
veut  toujours  (jue  ces  éditices  affectent  des  proportions  élancées,  et  qu'ils 
aient  des  hauteurs  exagérées  relativement  à  leur  base  ;  d'une  part,  on  loue 
les  architectes  de  ces  temps  d'avoir  ainsi  accunmlé  des  matériaux  sur  une 
base  étroite;  d'autre  part,  on  les  blâme.  Or  ces  momnnents  ne  méritent 
ni  cette  louange  ni  ce  blâme;  les  rapports  de  leur  hauteur  avec  leur  largtMU 


VM  — 


(.IIAl'El.LE 


sont  ceux  (|u»\  de  tout  leinps,  on  a  donnés  aux  édiHces  voûtés  :  une  fois 
et  demie,  deux  lois  la  largeur.  S'ils  adoptent  des  proportions  plus  sveltes, 
c'est  pour  pi-endre  des  jours  au-dessus  des  collatéraux ,  lorsqu'ils  en 
possèdent,  (le  dont  il  faut  louer  ou  blâmer  les  architectes  du  moyen  âge, 
suivant  les  goûts  de  chacun,  c'est  d'avoir  eu  le  mérite  ou  le  tort  de  faire 
paraître  les  intérieurs  de  leurs  édifices  beaucoup  plus  élevés  (luils  ne  le 
sont  réellement. 


CHAPELLES  DE  cHATEALx ,  D'ÉvÊCHÉs.  Chaquc  seigncur  féodal  voulait 
posséder,  dans  l'enceinte  de  son  château,  une  chapelle,  desservie  par  un 
chapelain  ou  n)ème  par  un  chapitre  tout  entier.  Ces  chapelles  ne  furent 
donc  pas  seulement  de  simples  oratoires  englobés  dans  l'ensemble  des 
constructions  ,  mais  de  petits  monuments  presque  toujours  isolés  ,  ayant 
leurs  dépendances  particulières,  ou  se  reliant  aux  bâtiments  d'habitation 
par  une  galerie,  un  porche,  un  passage.  Très-fréquenunent,  ces  chapelles 
sont  à  double  étage,  afin  de  placer  l'oratoire  du  maître  au  niveau  des 
appartements  qui  se  trouvaient  toujours  au-dessus  du  rez-de-chaussée,  de 
séparer  le  seigneur  et  sa  famille  des  domestiques  et  gens  à  gages  qui 
habitaient  l'enceinte  du  château,  et  aussi  par  suite  de  cette  tradition  dont 
nous  avons  parlé  au  conmiencement  de  cet  article.  11  va  sans  dire  que  les 
évèques,  dans  l'enceinte  du  palais  épiscopal,  avaient  leur  chapelle.  L'évèque 
Maurice  de  Sully  en  avait  élevé  une  à  Paris,  à  deux  étages,  du  côté  de  la 
rivière,  et  qui  existait  encore  avant  le  sac  de  î'archevéché  en  1831. 

L'archevêché  de  Reims  possède  la  sienne,  qui  est  fort  belle,  à  deux 
étages,  et  dont  la  construction  remonte  à  1-230  environ.  Son  rez-de- 
chaussée,  dont  nous  donnons  le  plan  (10),  est  construit  avec  une  grande 


siiiiplicite.  Ialllli^  (|uc  If  prriiiitT  étage  est  richeniciil  décore  à  rinlerieur 
par  de  Hne>  ><  id|»lurt'>.  La  lig.  I  1  |»r»'senle  le  plan  de  ce  |)reiniei'  étage. 


1    CHAPKMK    1  \M)   

Suivant  le  inodcdr  coiistinctiuii  adopté  «mi  Oliainpafiiic.  It>  pilo  luiiiiciil 
saillie  à  riutéiiour,  de  fa(,'(>M  à  diminuer  à  i'extérieui-  la  saillie  des  contre- 
forts; ces  piles,  isolées  de  la  nuiiaillt'  ius(|u'à  (piatre  mètres  du  sol. 
ddunent  un  étroit  has-eôté  autour  de  la  chapelle  et  produisent  un  cliarmani 
etlet.  Les  mius  sont  décorés  par  une  arcatuie  posée  sur  un  banc  continu, 
et  les  fenêtres  ouvertes  au-dessus  de  celte  arcature  sont  sans  meneaux. 
Voici  (12)  la  coupe  de  ce  petit  éditice ,  d'une  bonne  exécution .  et  rpii. 


1 


1 Jr££i 


malgré  les  plus  regrettables  mutilations,  passe  avec  raison  pour  un  clief- 
do'uvre;  on  y  trouve,  en  effet,  toutes  les  (jualités  à  la  fois  gracieuses  et 
solides  de  la  bonne  architecture  champenoise,  et,  à  côté  de  Notre-Dame 
de  Heims,  la  chapelle  de  larchevéché  parait  encore  une  des  meilleures 
<'onceptions  du  xiii*"  siècle. 

Pendant  lépoque  romane,  les  chapelles  de  châteaux  ou  d  evèchéssont 
généralement  d'une  grande  simplicité  ,  compienant  une  nef  couite  avec 
une  abside;  (|uelquefois  de  petits  bras  de  croix  forn)ant  deux  réduits  pour 
le  châtelain  et  sa  famille,  des  bas-côtés  étroits  accompagnent  la  nef,  et 
deux  absidioles  llan(|uent  l'abside  centrale.  Telle  était  la  chapelle  du 
chàleau  de  Monlargis  (voy.  <:HATEAr). 

Cicrlains  châteaux  d'une  grande  im|)ortance  possédaient  deux  chapelles, 
lune  située  dans  la  basse-cour  pour  les  gens  de  service  et  la  garnison, 
l'autre  au  milieu  des  bâtiments  d'habilalion  intérieurs  pour  le  seigneur 
du  lieu,  (".cite  dispositinii  existait  à  ('oucy.  ainsi  (pie  le  fait  voir  le  plan  de 


—    iil     —  I    (HAI'KLI.K     1 

Duceiceau  '.  La  cliapcllc  de  la  hasse-cour  parait  èliv  de  l'époqu»'  romaiit'  ; 
celle  du  chàleau,  dont  le  rez-de-chaussée  est  encore  visible,  datait  du  coin- 
niencenienl  du  xiii""  siècle;  elle  conniiuiiiquail  diredenieul  ,  au  preniiei- 
étajic,  avec  la  j^^rande  salle,  (yélait  un  adniiiahlc  édiiic(\  à  eu  ju^ci'  par  les 
nond)reu\  traj^uienls  (jui  jonchent  le  sol  autour  des  piles  ruinées  du  rez- 
de-chaussée,  quoi(jue  d'une  simplicité  de  plan  peu  ordinair«>  (v.chatkau). 
A  dater  du  milieu  du  xiii«*  siècle,  la  construction  de  la  Sainte-Chapelle 
du  Palais  eut  une  iniluence  sur  les  chapelles  seigneuriales,  et  son  plan 
servit  de  type.  A  lexeniple  du  saint  roi,  les  fondateurs  de  chapelles 
seigneuriales  les  décoraient  de  la  façon  la  plus  somi>tueuse,  et  augmen- 
taient leurs  trésors  de  vases  et  d'ornements  précieux.  L'hùlel  Saint-i*ol,  à 
Paris,  qui  devint  une  des  résidences  les  plus  habituelles  des  rois  pendant 
les  xiv«  et  xv«*  siècles,  possédait  une  chapelle  «  dans  laquelle  Chailes  V 
«  avoit  fait  placer  des  figures  de  pierre  représentant  les  apôtres,  dit 
((  Sauvai;  Charles  VI  les  fit  peindre  richement  par  François  d'Orliens,  le 
«  plus  célèbre  peintre  de  ce  temps-là.  Leurs  robes  et  leurs  manteaux 
«  étoient  rehaussés  d'or,  d'azur  et  de  vermillon  glacé  de  fin  sinople;  leurs 
M  tètes,  accompagnées  d'un  diadème  (niml)e)  rond  de  bois,  que  l'on  avoil 
«  oublié,  qui  portoit  un  pied  de  circonférence,  brilloient  encore  d'or,  de 

«  vert,  de  rouge  et  de  blanc,  le  plus  fin  qui  se  trouvât Au  Louvre, 

c(  Charles  V  entoura  encore  la  principale  chaj)elle  de  treize  grands  pro- 
ie phètes,  qui  tenoient  chacun  un  rouleau  dans  un  petit  clocher  de 
«  menuiserie  terminé  d'une  tourelle,  où  il  fit  mettre  une  petite  cloche  : 
w  les  vitres  furent  peintes  d'images  de  saints  et  de  saintes  couronnées 
«  d'un  dais,  et  assises  dans  un  tabernacle.  » 

Les  oratoires  tenant  aux  chapelles  royales,  comme  ceux  encore  existant 
à  Vincennes,  conlenaient  eux-mêmes  des  reliques,  et  étaient  nmnis  d'une 
cheminée,  de  tapis  et  de  prie-Dieu. 

La  chapelle  de  l'hùlel  de  Bourbon  était  une  des  plus  riches  parmi  celles 
des  résidences  princières  à  Paris.  «  Louis  11  (duc  de  Bourbon),  dit  encore 
«  Sauvai,  comme  prince  dévot  et  libéral,  prit  un  soin  tout  particulier  du 

«  bâtiment  de  la  chapelle,  aussi  bien  que  de  ses  ornements :  sa  voûte 

«  rehaussée  d'or,  les  enrichissements  dont  elle  est  couverte,  ses  croisées 
c<  qui  l'environnent  coupées  si  délicatement,  ses  vitres  chargées  de  cou- 
((  leurs  si  vives,  dont  elle  est  éclairée;  enfin  les  fleurs  de  lis  de  pieri-e  qui 
M  terminent  chacune  de  ses  croisées,  et  si  bien  pensées  pour  la  chapelle 
«  d'un  prince  du  sang,  témoignent  assés  qu'il  ne  jjlaignoit  pas  la  déj)ense. . . 
«  11  fit  faire  à  côté  gauche  de  l'autel  un  oratoire  de  menuiserie  à  claire- 
((  \o\e  où  il  arbora  quatie  grands  écussons  :  dans  le  premier  étoienl 
((  gravées  les  armes  de  (^luiiies  VI  à  cause  (jue  celle  chapt'lle  fui  achevée 
a  sous  son  règne;  celles  de  Charles,  dauphin,  renq)lissoient  le  second; 
((  dans  le  troisième  étoient  les  siennes;  el  dans  le  (irniier  celles  d'Anne, 


'   Dis  plus  cxccllcnii  hastnioiii:  de  Fi(tncf. 

T.    11.  M» 


I    CHAPELLE    1  —    44:2    — 

«  daui)hine  (l'Auvergne,  sa  lenime.  C'est  dans  cet  oratoire  que  le  roi  se 
«  retire  ordinairement  pour  entendre  la  messe.  » 

Ce  n'était  jias  seulement  à  Paris  qu'on  déployait  ce  luxe  de  peinture  et 
de  sculpture  dans  les  chapelles  particulières.  Le  château  de  Marcouci,  dit 
l'abbé  Lebeuf,  «  possédoit  deux  chapelles  l'une  sur  l'autre,  peintes  toutes 
«  deux;  celle  du  rez-de-chaussée  étoit  dédiée  à  la  sainte  Trinité,  l'autre 

«  étoit  au  niveau  du  premier  étage A  la  voûte  sont  peints  les  apiMres, 

«  chacun  avec  un  article  du  symbole,  et  des  anges  qui  tiennent  chacun 
«  une  antienne  de  la  Trinité  notée  en  plain-chant.  Sur  les  nuus  sont  les 
«  armes  de  Jean  de  Montaigu  et  celles  de  .lac(jueline  de  la  (Irange,  sa 
«  femme;  il  y  a  aussi  des  aigles  éployées  et  des  feuilles  de  courge » 

On  peut  encore  voir  aujourd'hui  la  charmante  chapelle  de  l'hùtel  de 
Jacques  Cœur,  à  Bourges,  dont  les  voûtes  sont  peintes  d'azur  avec  des 
anges  vêtus  de  blanc  portant  des  phylactères,  connue  ceux  du  château  de 
Marcouci.  Mais  nous  ne  multiplierons  pas  les  citations;  il  sutlit  de  celles-ci 
pour  donner  une  idée  de  la  recherche  que  l'on  apportait  dans  la  décoration 
des  chapelles  privées  pendant  le  moyen  âge. 

Vers  la  tin  du  xv«  siècle  et  le  connnencement  du  xvie  seulement ,  on 
s'écarta  parfois  du  plan  type  de  la  Sainte-Chapelle  de  Paris,  pour  adopttn' 
les  plans  à  croix  greccjue ',  les  rotondes  avec  croisillons*,  les  salles 
carrées  '  avec  tribune  pour  le  seigneur  du  lieu. 

CHAPELLES  ISOLÉES,  DES  MORTS,  VOTIVES.  Bcaucoup  dc  uos  graudcs  églises 
conventuelles  ne  furent  d'abord  que  des  oratoires ,  successivement 
agrandis  par  la  nmnificence  des  rois  ou  de  puissants  seigneurs.  Le  sol  des 
Gaules,  pendant  les  premiers  temps  mérovingiens, était  couvei't  d'oratoires, 
bâtis  souvent  à  la  hâte,  pour  perpétuer  le  souvenir  d'un  mii-acle  et  la 
présence  d'un  saint.  Ces  édicules  furent  le  centre  autour  duiiuel  vinrent 
se  fonder  les  premiers  établissements  monastiques.  Plus  tard,  des 
évéques,  des  abbés  ou  des  seigneurs  fondèrent  des  chapelles  autour  des 
abbayes,  dans  le  voisinage  des  églises,  soit  i)our  renqilir  un  vo'u,  soit 
pour  y  trouver  un  lieu  de  sépulture  pour  eux  et  leurs  successem-s.  Saint 
Germain  ht  bâtir,  j)rès  le  jjortailde  l'église  Saint-Vincent  (Sainl-Cermain- 
des-Prés) ,  une  chapelle  en  llionneur  de  saint  Symphorien,  et  voulut  y 
être  enterré  \  En  734  ,  sous  le  règne  de  Pépin ,  les  restes  de  ce  saint 
évêque  furent  transférés  de  cette  chapelle  dans  la  grande  église. 

Le  cardinal  Pierre  Bertrand  fonda  plusieurs  chapelles,  et,  entre  autres, 
une,  vers  1300,  au  couvent  des  Cordeliers,  à  Annonay,  où  fut  enterrée  sa 
mère  '\  Philippe  de  Maisièi-es,  conseiller  du  roi  Charles  V,  se'  retira  aux 
Célestins  en  1380,  sans  toutefois  prendre  l'halùt;  il  y  mourut  en  1405, 

'  Voy.  la  chapelle  du  cliâleau  d'Aiiiboise. 

2  Anet. 

'  Kcouen. 

^  Diibreul,  Anliq.  de  Paris,  liv.  11.  —  ^  lUid. 


—     ii.}    —  [    CHAPELLE    1 

dans  «  la  même  infirmerie  qu'il  avoit  fait  bastir  à  ses  propres  cousts  et 
«  (léspeiis,  avec  une  belle  chapelle  et  un  petit  cloître  pour  rt'ciéer  les 
«  malades  '.  »  Les  maisons  d'asile,  les  maladreries,  les  collèges  et  hôtels- 
Dieu  possédaient  des  chapelles  plus  ou  moins  vastes  ,  mais  toutes  fort 
riches  des  dons  des  tidèles  et,  par  conséquent,  décorées  avec  luxe  et 
remplies  d'ornements  précieux.  Des  oratoires  plus  modestes,  et  qui 
n'étaient  souvent  qu'une  petite  salle  couverte  d'un  comble  en  charpente 
ou  d'une  voûte  en  moellons  surmontée  d'un  campanile  ou  seulement  d'un 
pijinon  percé  d'une  baie  pour  recevoir  une  cloche,  s'élevaient  près  d'un 
ermitaire  ou  dans  les  passaires  ditiiciles  des  montajxnes.  sur  quelque 
soumiet  escarpé.  Ces  monuments  isolés,  consacrés  par  quelque  tradition 
religieuse >  ou  élevés  par  suite  d'un  vœu,  étaient  et  sont  encore,  dans 
certaines  provinces  de  France,  en  grande  vénération  ;  on  s'y  rendait, 
processionnellement,  un  jour  de  l'année,  pour  y  entendre  la  messe; 
l'assistance  se  tenait  dans  la  campagne,  autour  du  monument,  et  la  porte 
ouverte  laissait  voii-  le  prêtre  à  l'autel.  Ces  chapelles  sont  souvent  bâties 
sur  des  plans  assez  étranges,  imposés  soit  par  les  dispositions  du  terrain, 
comme  la  chapelle  de  Saint-Michel  du  Puy-en-Vélay,  par  exemple,  soit 
par  un  souvenir,  une  tradition,  la  présence  d'un  tombeau,  les  traces  de 
quelque  miracle,  peut-être  même  les  restes  d'un  édicule  antique.  Il  serait 
donc  ditiicile  de  classer  ces  monuments  qui,  la  plupart  d'ailleurs,  n'ont 
aucun  caractère  architectonique. 

Nous  devons  cependant  faire  connaître  à  nos  lecteurs  quelques-unes  de 
ces  étrangetés  monumentales,  et  nous  choisirons,  parmi  elles,  les  exem- 
ples présentant  des  formes  qui  permettent  de  leur  donner  une  date  à  peu 
près  certaine,  ou  qui  sortent  des  données  ordinaires. 

La  chapelle  de  Planés,  dans  le  Roussillon ,  située  à  six  kilomètres  de 
Mont-Louis,  peut  passer  pour  un  de  ces  caprices  de  construction  que  l'on 
rencontre  en  recueillant  ces  monuments  élevés  au  milieu  des  déserts.  Elle 
se  compose  d'une  coupole  posée  sur  une  base  triangulaire  et  sur  trois 
grandes  niches  ou  culs-de-four.  Construite  grossièrement  en  moellon,  il 
serait  assez  difficile  de  lui  assigner  une  date  précise.  Cependant  le  système 
de  la  bâtisse  et  la  forme  du  plan  ne  nous  permettent  pas  de  la  regarder 
comme  antérieure  au  mm*"  siècle. 

13 


Voici  le  plan  (13)  de  cet  édicule.  La  porte  est  percée  çn  A  près  de  l'un 
'   Ibidem,  \i\.  III. 


Ui  — 


I    CIIAPEI.I.K    I 

«les  iiiijih's  (lu  liiiiiiiilc  t'(|iiiliil('riil.  I,;i  liii.  I  i  prcsenft!  s;i  viu*  cxU'i'ipiii»', 


et  la  fif>.  ih  sa  coupe  sur  la  li^Mie  BC.  A  moins  de  supposer  que  la  chapelle 


<1 


10' 


de  Planés  ait  été  élevée  en  l'Iionneur  de  la  sainte  Trinité,  nous  ne  saurions 


—   iin 


CHAPELLE    ] 


cxpruiiit'i'  la  disposition  Iriloln'o  du  plan.  (J""'  M^'  ''  ''"  ^'*''  «  'ï<*i'^  "^^ 
donnons  cet  («xcnipic  (|ii»'  connue  uncde  ces  oxcoptioiis  dont  nous  avons 
parié. 

Il  oxistf ,  dans  l'oncointf  dp  l'abbaye  de  Montniajour  près  Arlos  ,  une 
('hai)elle  élevée  sous  \c  titre  de  la  Saint«'-(li(»i\ ,  et  ((ui  mérite  toute 
l'attention  des  architectes  et  archéologues,  ('/est  un  édifice  composé  de 
quatre  culs-de-lour  é-^aux  en  diamètre,  doiil  les  arcs  poilent  une  coupole 
a  hase  cairée  ;  un  porche  précède  l'une  des  niches  (|ui  sert  d'entrée.  En 
voici  (It))  le  plan.  L'intérieur  n'est  éclairé  que  par  trois  petites  fenêtres 


I I 


percées  dun  seul  côte.  La  porte  A  donne  entrée  dan>  un  petit  cimetière 
clos  de  murs.  La  chapelle  de  Sainte-Croix  de  Montniajour  est  bien  bâtie 
en  pierres  de  taille,  et  son  ornementation,  très-sobre,  exécutée  avec  une 
extrême  délicatesse,  rappelle  la  sculpture  des  éf^lises  j^recques  des  envi- 
rons d'Athènes.  Sur  le  sommet  delà  coupole  s'élève  un  rami)anile.  I>a 


[    C.HAPKLLE    ]  —    ii(i    — 

liu.  I"  prcsoiiff  l'élévation  extérieure  de  cette  chapelle,  et  la  fif;.   18  sa 


^^^^^sfJ^W^^      IL 


coupe  sur  la  lii,Mie  RC.  L'intérieur  est  coiiiplétouient  dépourvu  de  sculp- 
tui-e,  et  devait  probahlenuMit  être  décoré  par  des  peintures.  Nous  voyons, 
dans  cet  édifice,  une  de  ces  chapelles  de  morts  que  l'on  élevait,  pendant 
le  moyen  âge,  au  milieu  ou  proche  des  cimetières,  non  point  une  église 
pouvant  être  utilisée  pour  le  service  journalier  d'une  connnunauté.  même 
provisoirement, ainsi  (|ue  le  suppose  M.  Vilet  '.  Sa  forme  ni  ses  dimensions 
n'eussent  pu  permettre  de  réunir,  dans  son  enceint(>,  les  moines  d'une 
abbaye  comme  celle  de  Montmajour,  et  de  disposer  les  religieux  d'une 
façon  convenabh'  près  de  l'autel.  Pourquoi,  d'ailleurs,  adopter  un  plan  en 
forme  de  croix  grecque  pour  une  église  destinée  aux  religieux  d'une  abbaye 
qui  doivent  être  placés  dans  un  chœur  suivant  un  oi'dre  hiérarchique  et 
sur  deux  lignes  parallèles?  Pourquoi  cette»  absence  jH-es(]ue  totale  de 
fenêtres?  Pourquoi  cette  porte  latérale  donnant  sur  un  petit  terrain  clos 

>  VArchil.  byznnt.  en  France;  réponse  à  M.  Félix  de  Veriieilli,  par  M.  L.  Vitel. 
{Journal  des  Savants,  janv. ,  fév.  et  mai  1 853.) 


—     ii"    —  [    CHAPELLE    1 

de  murs  et  conipléteiiient  reuipli  de  tombes  creusées  daus  le  roc,  si  l'ou 


IS 


.43 


ii^'^iW'niV  •  Il ''' YTTTTr 


lOia.  ,<>5rô*a7JK 


ne  veut  voir  dans  l'église  Sainte-Croix  de  Montmajour  la  chapelle  funé- 
raire de  l'abbaye?  Si ,  au  contraire,  nous  admettons  cette  hypothèse,  sa 
forme,  ses  dispositions  et  sa  dimension  sont  parfaitement  expliquées.  Les 
moines  apportent  le  mort,  processionnellement  ;  on  le  dépose  sous  le 
porche;  les  frèi'es  restent  en  dehors.  La  messe  dite,  on  bénit  le  corps  et 
on  le  transporte  à  travers  la  chapelle,  en  le  faisant  passer  par  la  porte 
latérale  A  pour  le  déposer  dans  la  fosse.  On  traverse  la  chapelle  pour 
entrer  dans  le  cimetière,  qui  cependant  avait  une  porte  extérieure.  Les 
seules  fenêtres  qui  éclairent  cette  chapelle  s'ouvrent  toutes  trois  sur 
l'enclos  servant  de  champ  de  repos.  La  nuit,  une  lampe  brûlait  au  centre 
du  monument,  et,  conformément  à  l'usage  admis  dans  les  premiers  siècles 
du  moyen  âge,  ces  trois  fenêtres  projetaient  la  lueur  de  la  lampe  dans  le 
charnier.  Pendant  l'oiiice  des  morts,  un  frère  sonnait  la  cloche  suspendue 
dans  le  clocher  au  moyen  d'une  corde  passant  par  un  leil  réservé,  à  cet 
effet,  au  centre  de  la  coupole. 


I  ciiAi'Ki.i.K  I  —   ii^  — 

Lit  cliaix-llc  Sainlf'-(^roix  d»»  Moiitmajour  fut  l)àlie»'n  lOh) '.  Ce  iiVlail  ' 
passcultMiicnl  dans  le  voisiiiai^iMlcs  ciiiirlit-ros  jiai  liciilicrs.  des  ctalilissc- 
montsreliiiicux  (|U<'  Ton  élevait  dos  rliapcllcsdcs  morts.  Tons  Icsdiarnicrs 
|)la('('s  au  niilion  des  villes  ou  près  des  églises  possédaient  un  oratoire; 
(lueUiuelois  même  cet  oratoire  n'était  quune  sorte  de  dais  ou  de  pyramide 
en  pierre  portée  sur  des  colonnes,  laissant  des  ajours  entre  elles,  de 
manière  à  permettre  à  l'assistance  de  voir  le  prêtre  qui,  le  jour  des  Morts, 
disait  la  messe  et  donnait  ainsi  la  bénédiction  en  plein  air. 

Il  existe  encore  une  tres-jolie  chapelle  de  ce  ^emc  à  Aviotli  (Meuse), 
qui  date  du  xv  siècle.  Nous  en  d(»nnons  le  plan  (!«.)),  la  coupe  (20)  el  la 


vue  perspective  (21)  -.  dette  chapelle  est  placée  près  de  la  i>orle  d'entrée 
du  cimetière;  elle  est  bâtie  sur  une  plate-forme  élevée  d'un  mètre  environ 
au-dessus  du  sol  ;  l'autel  est  enclavé  dans  la  niche  A,  iv^.  H)  et  20  ;  à  côté 
est  une  petite  piscine.  Au  milieu  de  la  chapelle  est  placé  un  tronc  en  pierre 
B,  d'une  {^Maiide  dimension,  poui-  re(>evoii'  les  dons  (pie  les  assistants 
s'empressaient  d"app<»rler  pour  le  repos  des  Ames  du  puri^aloire.  La  messe 
dite,  le  prêtre  sortait  de  la  chapelle,  s'avançait  sur  la  |)late-f'orme  jtour 
exhorter  les  fidèles  à  prier  pour  les  moits,  et  donnait  la  bénédiction.  On 
remarquera  c(ue  celte  chapelle  est  adroitement  construite  pour  laisser  \(iii 


1  Voy.  des  fiajJîmciils  de  la  cliarle  de  loiidiilion  de  ceUe  eliapelle  el  d'une  liistoire 
niaïuiseiile  de  la  ville  d'Arles,  cilés  dans  les  \()tcs  d'un  vojidiif  ditns  le  midi  de  tu 
l'iaiicr,  \>ar  M.  M»''iiiiiée  ;  jdèces  ccinniiiiiiiiiiices  i)ar  M.  ('..  Lenorniaiil. 

i  Nous  devons  ces  dessins  ;i  Idlili^i'aiicr  île  M.  li(rN\\i'i\\;dil. 


-   44'.» 
20 


I    (H.vrELLt 


ottiriant  à  la  fViulc  et  pom'  laltrifei'  aiilanf  que  jwssiblf  du  vent  et  de  la 
T.   ir.  57 


(IIAPKLI.K    1 


—    450    — 


pliiio.  Au-dessus  de  ((tlonnt's  courles   qui.  iivér  leur  l»;isc  cl  cliaitité'iu 


—     i.M     —  I    CHAI'KI.LK    ] 

n'ont  pas  plus  do  deux  mt'dvs  de  haut,  est  posée  une  claire-voie,  sorte  de 
haluslrade  (jui  porte  des  fenêtres  vitrées.  11  est  à  croire  (jue  du  s(»inint't  de 
la  voûte  pendait  un  Canal  allumé  la  nuit,  suivant  l'usage;  la  partie  supé- 
rieure de  la  chapelle  devenait  ainsi  une  jurande  lanterne  (voy.  la.mernk 
des  morts). 

On  trouve  encore,  dans  quelques  cimetières  de  Hretaj,nie,  de  ces  cha- 
l)elles  ou  ahris  pour  dire  la  messe  le  jour  des  Morts. 

Le  petit  monument ,  composé  d'un  mur  d'appui  avec  un  comhie  en 
pavillon  élevé  sur  quatre  colonnes,  que  l'on  voyait  encore,  à  la  fin  du 
siècle  dernier,  dans  l'enceinte  du  charnier  des  Innocents  à  Paris,  et  qui 
se  trouve  reproduit  dans  la  Slalistique  monumenlale  de  M.  Alh.  Lenoir, 
sous  le  nom  de  Prèchoir ,  n'est  autre  chose  qu'une  de  ces  chapelles  des 
morts  destinées  à  abriter  le  prêtre,  le  jour  de  la  fête  des  Morts,  pendant 
la  messe  et  la  bénédiction  ' . 

CHAPELLES  ANisçxEs  dcs  graudcs  éjiiises.  Jusqu'au  xni«  siècle,  les  églises 
les  plus  inqiortanles  ne  possédaient  qu'un  petit  nondîrede  chapelles;  les 
cathédrales  elles-mêmes  en  étaient  souvent  dépourvues  (voy.  cathédrale, 

fir.LISE). 

Lorsqu'au  xui*"  siècle  on  apporta  des  modifications  importantes  dans 
les  habitudes  du  clergé,  que  l'on  sentit  la  nécessité  de  nndtiplier  les 
otiices  pour  se  conformer  aux  désirs  des  tidèles,  (|ui  ne  pouvaient  tous,  a 
une  même  heure,  assister  au  service  divin ,  ou  pour  satisfaire  les  corps 
privilégiés  qui  voulaient  avoir  leur  chapelle,  leur  église  particulière,  on 
bâtit  des  chapelles  plus  ou  moins  vastes  sur  les  flancs  ou  à  l'abside  des 
grandes  églises,  dans  leur  voisinage,  et  en  communication  avec  elles.  Les 
églises  conventuelles  avaient  un  chœur  fermé  par  des  stalles  et  des  jubés; 
l'assistance  ne  pouvait  que  ditlicilement  voir  les  otiices.  Les  monastères 
élevèrent  donc  des  chapelles  où  les  religieux  ordinés  pouvaient  dire  les 
offices  pour  les  fidèles  en  dehors  du  chœur  clôturé.  Quelquefois  aussi, 
des  chapelles  anciennes,  en  grande  vénération,  furent  laissées  près  des 
églises  nouvelles.  C'est  ainsi  que  les  religieux  de  Saint-Bénigne  de  Dijon 
conservèrent  la  curieuse  rotonde  qui  renfermait  les  reliiiues  de  ce  saint 
en  reconstruisant  leur  nouveau  chœur  (voy.  sépulcre  [saint]) ,  et  qu'une 
chapelle  à  deux  étages,  qui  date  du  x«^  siècle,  fut  laissée  debout,  à  la  fin 
du  xne  siècle,  par  les  religieux  (jui  rebâtirent  l'église  de  Neuwiller  (Bas- 
Rhin). 

Cette  chapelle,  dont  nous  donnons  le  plan  ("2^2)  ,  était  placée  sous  le 
vocable  du  fondateur,  saint  Adelphe,  et  présente  une  disposition  des  plus 
curieuses.  C'est  une  petite  l)asilique,  à  deux  étages,  dont  le  rez-de-chaussée 
est  voûté  et  le  premier  étage  couvert  par  une  charpente  apparente.  Ce 
premier  étage  est  presque  de  plain-pied  avec  le  sanctuaire  de  la  grande 


'  Ce  nionnmtMit  ])ar;iîl  remonter  au  xiv«  siècle. 


[    CHAPELLE    ]  45"2    — 

é{,'liso,  tandis  que  le  nv.-de-chaussée  est,  relalivniuMil  an  sol  du  clMnird»' 


l'éfîlise,  une  véritahle  crypte. 

Nous  en  présentons  (^23)  la  coupe  transversale  '. 

Vers  la  fin  du  xin»' siècle,  on  éleva,  derrière  l'abside  de  la  trrande  é^dise 
abbatiale  de  Saint-dermer  (près  Gournay)  ,  une  ^'rande  chapelle  copiée 
sur  la  Sainte-Chapelle  haute  de  Paris,  et  connnLini(|uanl  avec  le  sanctuaire 
de  l'église  au  moyen  d'une  charmante  galerie.  Ce  monument,  exécuté 
avec  un  grand  soin,  était  décoré  de  vitraux  en  grisailles  et  de  peintures; 
son  autel  i)ortait  le  beau  retable  en  pieii-e  peinte  qui  est  aujourd'hui 
déposé  dans  le  musée  de  Cluny  à  Paris,  cl  (|ui  est  un  des  chefs-d"(euvre 
de  la  statuaire  de  cette  époque  ^. 

La  cathédrale  de  Mantes,  bâtie  à  la  fin  du  xii«  siècle,  ne  posséda  aucune 

chapelle  jus(iu'au  xiv;  à  cette  époque,  on  éleva  contre  le  bas-côté  sud 

lu  chœur  une  belle  chapelle,  composée  de  quatre  voûtes  retombant  sur 

'  Ce  monument  vient  d'être  restauré  et  déblayé  par  M.  Bœswihvald,  à  qui  nous 
levons  encore  ces  dessins. 

2  Ce  reJ;il)lecst  repnidnit^aiissiVninp'étemenlJqup  possible  dans  la  Hcvnc  d'archilec- 
t'ii-e  de  M.  C.  Dalv. 


'(.%.{    [    CHAI'EM.K    I 

imr  pile  centrale,  mise  en  coininuriicalidii  avec  ce  lias-cAlé  pai-  l'ouver- 


■^v-^^/*«».'' 


ture  de  deux  aiccatix  perces  enire  les  anciennes  piles. 

Nous  donnons  (;24)  une  vue  extérieure  de  celle  cliapelle.  Inn  des  nie 


CIIAI'i-:! 


45-i  — 


CI//L 1.  A  i/j»f/9  r     «^tr^/Kf 


lours  o\(>inplPs  de  rairliit»x-tuiT  du  ((HiiMiciic.'iiimt  du  mv  sièclo  (|n  il  v 


(  iiAi'i  II  !•;   j 


.'iil  (l;ms  rilt'-dc-KiiiiR-c,  ri  (-lU)  une  vue  inlericuic  juisr  de  I  aiuicii  hiis 


I    CIIAI'KLLK    1  —     ioC)    — 

côté  du  xw  siècle.  Otte  adionction  lut  faite  avec  adresse;  eu  consn\iiiii 
les  voûtes  du  bas-côté,  dout  les  arcs  AB  sont  ancieus,  l'architecU' du 
xiv  siècle  romphu-a  la  pile  C  en  sous-œuvre,  accola  les  deux  piles  d'entrée 
1)1)  aux  piles  K  du  collatéral  du  xie"  siècle,  conserva  les  anciens  contre-forts 
F  ;  et,  suppiiniant  celui  qui  existait  derrière  la  pile  C,  y  substitua  un  arc 
aigu  venant  reporter  le  poids  des  constructions  supérieures  sur  la  pile  (I. 
Une  charmante  arcature  décore  l'appui  des  quatre  grandes  fenêtres  doni 
les  meneaux  offrent  un  dessin  d'une  ])ureté  remarquable. 

Les  xiv«,  xv  et  xve'  siècles  bâtirent  à  proximité,  ou  attenant  aux  grandes 
églises,  unerjuantité  innombrable  de  chapelles;  parmi  h's  plus  belles,  on 
doit  citer  la  chapelle  de  la  Vierge  bâtie  à  l'abside  de  la  cathédrale  de 
Rouen  (xiv«  siècle) ,  les  grandes  chapelles  élevées  sur  le  ilanc  sud  de  la 
cathédrale  de  Lyon  et  nord  des  cathédrales  de  Châlons  et  de  Langres 
(xvi'=  siècle). 

ciiAPKi.i.i-s  (comprises  dans  le  plan  général  des  églises).  A  quelle  épo(jue 
précise  des  chapelles  vinrent-elles  entourer  le  sanctuaire  des  églises?  Il 
serait  ditlicile,  nous  le  croyons,  de  répondre  d'une  façon  catégorique  à 
cette  question  dans  l'état  actuel  des  connaissances  archéologiques;  nous 
n'essayerons  même  pas  de  la  discuter;  nous  nous  bornerons  à  constater 
quelques  faits.  Mais,  avant  tout,  nous  devons  dire  que  nous  ne  donnons 
le  nom  de  chapelles  qu'aux  al)sidioles  plus  ou  moins  profondes  et  larges, 
circulaires,  carrées  ou  à  pans,  qui  s'ouvrent  sur  les  bas-côtés  d'une  église; 
nous  rangeons  les  chapelles  posées  à  l'extrémité  des  bas-côtés,  comme  dans 
la  fig.  2^  de  cet  article,  ou  celles  qui  s'ouvrent  des  deux  côtés  du  sanctuaire 
sur  les  transsepts,  au  nombre  des  absides  secondaires.  Or  nous  voyons  des 
chapelles  absidales  donnant  sur  le  bas-côté  qui  pourtourne  le  sanctuaire, 
dans  des  églises  dont  la  construction  remonte  au  iv  ou  x^'  siècle,  couune, 
par  exenq)le,  l'église  de  Vignory.  Dans  le  centre  de  la  France,  nous  trou- 
vons des  chapelles  absidales  dès  le  x^  siècle  '.  L'église  de  Saint-Savin 
(Poitou)  nous  donne  cinq  chapelles  s'ouvrant  dans  le  bas-côté  du  sanctuaire 
(xF  siècle).  L'église  Saiiit-KJienne  de  Nevers  {xi<^  siècle)  en  présente  ti'ois; 
celle  de  Notre-Wani('-(lu-l'orl(le('lermont  (xi"' siècle),  quatre.  Dans  d'autres 
provinces,  les  cha})elles  absidales  apparaissent  beaucoup  j)lus  tai'd.  En 
Normandie,  par  exenqjle,  les  sanctuaires  demeurent  longtemps,  jusqu'à 
la  tin  du  xii«  siècle,  sans  bas-côtés  et,  par  conséquent,  sans  chapelles  absi- 
dales. En  Bourgogne,  nous  ne  les  voyons  adoptées  qu'au  xiie  siècle.  Les 
abbayes  connnencent,  dans  les  provinces  du  Nord  et  de  l'Est,  à  élever  des 


•  Une  importante  découverte  vient  ajouter  un  (ait  nouveau  à  ceux  déjà  coniuis. 
Des  fouilles,  exécutées  dans  le  sanctuaire  de  la  calliédrale  de  Clermont,  sous  la 
direction  de  M.  Ma'.lay  et  la  nôtre,  viennent  de  faire  reconnaître  l'ancien  plan  de  la 
cathédrale  |)rimitiYO,  qui  date  du  x""  au  xi'  siècle;  ces  l'ouilles  ont  laissé  voir  quatre 
cliai»elles  autour  i\u  ijas-côté  du  sanctuaire,  comme  dans  l'église  de  Notri^DanuMlii- 
l»ort. 


—  457  —  I  ciiApia.i.K   I 

cliapt'lle.s  ahsidalcs  dts  le  w  siècle  '.  An  \ir'  sirch»,  rlh's  st^  dcVrloppcnt 
fil  iKniihre  et  «mi  éleiidue  -. 

La  callK'di'al*'  iVaiivaisc.  (|ui  iiail  à  la  lin  du  xii''sitVle,  scinlilc  protcslcr 
conlif  ce  besoin  «le  niniliplicr  les  ault'ls.  Kri^éo  soUs  une  pensée  donii- 
nanle.  I  iinilé,  elle  n'adniel  les  chapelles  quassez  tard  (voy.  (:Ariif;i)i{.\i.i;). 
Si  nous  les  voyons  poindl'e  ,  au  xir  siècle  ,  daus  les  deux  cathédrales  de 
Noyon  et  (h' Sen  lis,  c'est  que  ces  deux  monuments  s^élèveiit  sous  linlhience 
«H  idente  de  i'éj^lise  abbatiale  de  Saint-Denis,  et  encore,  dans  Ih  cathédrale 
de  Senlis,  pal'  (exemple,  dont  la  conslructioii  n'est  pas  aussi  direclenu'iil 
soumise  à  celle  de  labbaye  t|ue  la  construction  de  la  calhédiale  de  Noyon, 
ces  chapelles  absidales  osent  à  peine  se  développer;  elles  ne  t'ornient  en 
plan,  à  l'extérieur,  qu'un  arc  de  cercle  très-ouvert;  elles  peuvent  diHici- 
lement  contenir  un  petit  autel,  et  ne  présentent  qu'une  fail)le  excroissance 
en  dehors  du  périmètre  du  bas-côté., Bientôt,  cependant,  il  y  a  réaction 
contre  le  ]>iincipe  qui  avait  fait  exclure  les  chapelles  des  cathédrales;  on 
auiiniente  en  nond)re  et  en  étendue  d'abord  celles  de  l'abside,  puis  on  en 
construit  après  coup  h;  long  des  bas-côtés  des  nefs.  Cet  exemple  est  suivi 
dans  les  églises  paroissiales.  Nous  ne  nous  occuperons  pas  des  chapelles 
élevées  entre  les  contre-forts  des  bas-côtés  des  nefs,  car  elles  ne  consistent 
réellement  qu'en  une  voûte  et  une  fenêtre;  mais  nous  essayerons  de 
présenter  une  série  de  chapelles  absidales  en  prenant  les  types  principaux 
classés  par  ordre  chronologique,  ou  suivant  leur  ordonnance. 

Les  chapelles  absidales  romanes  ne  consistent  à  l'intérieur  qu'en  une 
demi-tour  ronde  voûtée  en  cul-de-four,  percée  d'une,  de  deux  ou  trois 
fenêtres  cintrées,  simples,  ou  ornées  de  colonnettes  des  deux  côtés  de 
l'ébrasement.  Ces  chapelles,  destinées  à  être  peintes,  ne  sont  pas  décorées 
de  sculptures.  Quelquefois  le  soubassement  reçoit  une  arcature  ^  A 
l'extérieur,  au  contraire,  elles  sont  enrichies  de  moulures,  de  délicates 
sculptures  et  quelquefois  d'incrustations  de  pierres  de  diverses  couleurs. 
Telles  sont  les  chapelles  absidales  de  l'église  de  Notre-Dame-du-Port  à 
Clermont,  dont  nous  donnons  (26)  une  vue  intérieure,  et  (27)  une  vue 
extérieun*.  Ces  chapelles  sont  à  double  étage,  c'est-à-dire  qu'elles  régnent 
dans  la  crypte  connue  au  rez-de-chaussée;  cela  leur  donne  à  l'extérieui' 
une  proportion  très-allongée,  les  voûtes  de  la  crypte  étant  au-dessus  du 
niveau  du  sol  extérieur  afin  d'obtenir  des  jours  par  de  petites  baies  percées 
dans  le  soubassement.  Les  deux  fig.  26  et  27  font  voir  que  l'ordonnance 
des  chapelles  est  indépendante  de  celle  du  bas-côté.  Les  corniches  ne  sont 
pas  posées  au  même  niveau.  Cependant,  à  Notre-Dame-dn-Port.  la  diffé- 
rence du  niveau  entre  la  corniche  du  l)as-côté  et  celle  des  cliaiielles  nesl 
pas  telle,  que  la  couverture  en  dalle  de  ces  chapelles  ne  dépasse  l'arase  de 

'  Prieuré  de  Saiiil-Marlin-des-Champs. 

-  Clunv,  Clairvaux,  S.iint-Deiiis;  à  la  fin  du  xir  siècii-,  IVtnligny,  Vt'/elay,  rAi)l)aye- 
aiix-Homnies  de  ('aeii,  Saiut-lîcini  do  Heiiiis. 
^  Sainl-Savin  près  |'oili(M's. 

1.  M.  '  :>« 


I    CHAPE1J.K    1  —    ^^^ 

la  corniche  du  bas-côlé.  Pour  éviter  le  mauvais  effet  des  pénétrati<.i.s  dc^ 


'^■''z:i'</v..7,^. 


couvertures  des  chapelles  sur  les  dalla^^es  du  collatéral,  on  a  élevé  les 
petits  pi^Mions  A  (fig.  -i')  qui  arrêtent  le  dallaj>e  des  chapelles  et  masquent 
une  couverture  à  deux  égouts  pénétrant  le  dallage  continu  du  has-côle. 
Cela  est  adroitement  combiné,  quoique  un  peu  recherché;  mais  les  dispo- 
sitions les  plus  simples  ne  sont  pas  celles  qu'on  adopte  tout  d  abord,  i.es 
formes  primitives  des  chapelles  absidales  romanes  des  pioxinccs  du  Centre 


(■.IIAPKI.LI': 


^t  (If  lAquitainr  varirnt  \h-u:  ol  si  nous  avons  choisi  oH  êxeniplo.  cVsf 


I     CIIAI'KI.I.K     I  —     i<;0    _ 

quil  est  un  des  plus  anciens  cl  des  plus  heaiix.  I^es  cliapellesahsididesdr 
iXdlre-Danie-dii-INtrtsonleneoreenipreiiilcsdiiiiccitiiiii  pai  finn  de  ll..|ltl.• 


lUE»!!' 


ilMîl 


\ 


^' 


iiiili(|iiil('  (pii  leur  donne  à  nos  yeux  un  earaelère  pailicidiei-.  (!e  nesl  |»his 
I  aiehileeluie  anli(pie.  mais  ce  n'est  pas  I  arclnleelure  loniaiie  du  .Ndid  ri 


ici    — 


CHAPKLLE 


(If  IKst.  l>'(iii  Nt'iKtil  («M  art.  citiiimt'iit  clail-il  iir  dans  ers  provinces 
cenli'ales  de  la  France?  Coininciit  se  t'ail-il  (|ih'.  dès  le  xc  siècle,  il  se 
disliniiue  entre  tous  les  styles  daichiteclure  des  auiies  pro\inces  par  son 
extrême  linesse,  par  son  exéculion  délicate,  la  pureté  de  ses  |)i()fils  et 
rhaïuionie  parfaite  de  ses  proportions?  La  t'av<>n  dont  est  dis[)osée  la 
décoration  de  l'extérieur  de  ces  chapelles  dénote  un  art  arrivé  à  un  haut 
degré.  La  sculpture  n "est  pas  prodij^aiée,  elle  est  liiic  ri  cependant  pioduit 
un  grand  etiet  par  son  judicieux  emploi.  Les  inciuslationsde  pierre  noire 
(lave)  cntie  les  modillons  et  au-dessus  des  archivoltes  des  fenèti-escontri- 
huent  à  domierde  lelégance  à  la  partie  su|)érieurede  ces  cha|)elles,  sans 
leur  rien  enlever  de  leur  l'ermelt'. 

Lorsqu'au  wv  siècle  on  abandonne  les  voûtes  en  cul-de-1'our  pour 
adopter  définitivement  la  voûte  en  arcs  d'ogive,  les  constructeurs  profitent 
de  ce  nouveau  mode  pour  agrandir  les  fenêtres  des  chapelles  et  pour  les 
orner  de  colonnes  liégagées  (pii  reçoivent  les  arcs  et  les  formerets.  C'est 
d'après  ce  principe  (jue  sont  construites  les  chapelles  de  l'église  abbatiale 
de  Saint-Denis  et  celles  de  la  cathédrale  de  Noyon  (milieu  du  xii'' siècle), 
dont  nous  présentons  ("28)  l'aspect  intérieur.  Quant  aux  chapelles  de  la 
cathédrale  de  Senlis,  elles  ne  se  composent  que  de  deux  travées  dont  une 


29 


seuleesl  percée  d'une  fenêtre.  En  voici  ("2'.))  le  plan,  (.{(M  ia\U(^  extérieure 
et  (31  )  l'aspect  intérieur.  A  Noyon,  l'arc  doubleau  d'entrée  est  plein  cintre; 
à  Saint-Leu  d'Esserent  et  à  Senlis,  il  est  ogival  ;  cependant  ces  chapelles 
sont  construites  à  la  même  époque ,  ou  peu  s'en  faut.  Les  chapelles  de 
Noyon  sont  décorées  d'une  petite  arcature  plein  cintre,  celles  de  Saint-Leu 
et  de  Seidis  en  sont  depoui'vues. 

Il  faut  mentionner  un  lait  imp(»rlanl  :  ^lit  (|ue  ces  cliapelles  se  C(»mpo- 


I     (IIAI'KI.I.K     !  '  —     i<>-2    — 

sent  (le  (l«'iix  Iravees.  (oiiiiiic  a  Sciilis.  ou  de  ((ualic  li'avé«>s,  coiiiiiH'  a 


...i;.V,K9,^  V. 


Noyou  o\  à  Saiiil-Lcii,  I  autel  de  chacune  «Iclles  est  |)lacé  suivant  l'axe  du 
chevel ,  de  façon  à  être  toujouis  orienté,  et .  par  consé(|uent,  dans  I  une 


—  ic.:{ 


cii.vn  I  m 


des  travées  latérales,  ainsi  que  l'indique  la  tlj;.  :M  .  Cependant  les  chapelles 


[  niAi'Ki.i.i-    I  —   i(>4  — 

iihsidalcs  (le.  l'»îj;lis»'  aMuilialc  de  Sa'ml-l^ciiis  laisaiciil  cxccidioii  à  (fil»' 
lè^Ic  ;  Icursaiitclsélaicnl  tous  posés  pcrpcndiciilaiicmcnl  au  rayon  parlaiil 
du  centre  du  sanctuaire  et  l'oiinant  Taxe  de  <  liaeune  des  eliapelles.  l)an> 
les  j,M"andes  é^dises  de  l'ordi-e  de  (>luiiy  et  dans  les  cathédrales  de  TOise 
citées  plus  haut,  bâties  vers  le  milieu  duxii'  siècle,  les  chapelles  ahsidales 
sont  senii-eireulaires;  elles  sont  carrées  dans  les  éj;lises  de  l'ordre  de 
Citeaux.  A  Clairvaux  ,  à  Ponlijxny,  c'est  un  paiti  franchenienl  ado|)le,  el 
(pii  n(»us  parait  coniniandé  par  la  rèi,de  de  ccl  ordre,  (jui  voulait  (jut>  les 
constructions  nionasticpies  se  renferniassenl  dans  les  doiniées  les  plus 
simples.  En  eÛ'oi,  les  chapelles  circulaires  enli-ainent  des  dépenses  hiipor- 
tantes,  parce  qu'elles  compliquent  les  constructions,  nécessitent  des 
développements  considérables  de  murs,exij;ent  une  main-d'œuvre  dispen- 
(lieus(%  des  couvertures  ditliciles  à  ex(Vulei',  des  pénetialions,  des  ('oui)es 
particulières,  et,  par  suite,  un  iirand  dclail  de  précautions.  Les  cliajx'Ues 
carrées,  au  contraire,  ne  font  (luajouter  une  précinction  au  bas-côté,  ne 
demandent  (|u'un  mur  de  clôture  très-sim])!»'  et  des  couvertures  (pii  ne 
sont  que  le  prolonj^ement  de  celles  du  collatéral  de  l'abside:  les  contre- 
forts nécessaires  à  la  buttée  des  voûtes  supérieur(>s  leui"  servent  de  murs 
de  séparation  ;  les  voûtes  conqiosées  de  deux  arcs  oiiives  st^  consli'uisenl 
pluséconomicjuenient  que  les  voûtes  couvrant  une  surfaire  semi-circulaire, 
une  seule  fenêtre  les  éclaire  au  lieu  de  deux.  Ces  chapelles  carrées  ne  son! 
dfuic  réellement  (|u"un  second  bas-côté  divisé  par  des  murs  de  refend 
construits  suivant  les  rayons  partant  du  point  de  centre  du  sanctuaire  '. 

Les  constructeurs  de  l'éfilisedePontijiny  (Yonne)  voulurent  cependant, 
tout  en  se  conformant  à  cette  donnée  de  Tordre,  faire»  une  concession  au 
jioût  du  tenq)s.  Le  chueur  de  cette  éi;lise  abbatiale,  élevé  pendant  les 
dernières  années  du  xii*'  siècle,  conserve  le  principj^  des  chapelles  absi- 
dales  carrées  à  l'extérieur,  tandis  qu'à  l'intérieur  ces  (chapelles  sont 
plantées  sur  un  polyjj,one  irrégulier. 

Voici  (3%  le  plan  d'une  de  ces  chajielles.  La  couverline  ne  tient  pas 
compte  de  celte  forme  ])olyfj;onale  ;  elle  j)asse  uniformément  sur  toutes, 
laissant  seulement  les  souches  des  arcs-boutants  percer  l'appentis.  Nous 
devons  reconnaître  toutefois  qu'il  y  eut  de  l'indécision  dans  la  favon  de 
couvrir  les  chapelles  absidalesde  l'église  de  Pontigny,  car  les  filets  solins 
des  combles,  ménagés  sur  les  flancs  des  souches  des  arcs-boulanls,  ne 
suivent  pas  la  direction  de  ces  combles,  et  donnent  à  croire  qu'on  avait 
voulu  faire,  soit  des  cond)les  brisés,  soit  un  appentis  sui'  le  bas-c(Me, 
pénétré  par  des  combles  à  double  pente  avec  pignon  sur  chacune  des 
chapelles.  Ces  tâtonnements,  quant  à  la  manière  de  couvrir  les  chapelles 
absidales  des  églises  monastiques,  ne  sont  pas  seulemeni  apparents  à  Pont  i- 
gny.  Il  y  avait  là  une  dilhculté  (jui,  évidennnent,  end)a>rassa  longlenq>s  les 
architectes  des  grandes  églises  d'abbayes  pendant  les  \i''  et  xic  siècles.  On 


'   Voy.  le  plan  do  riil)bayo  de  Ciairv.Tiix,  Archikcture  inoïKisdiiiif,  liii.  (i. 


—     Kir»    —  I    CHAPELIE    1 

arrivail  à  couvrir  ces  cliap«'llos  par  des  procédés  (|ui  iiOiil  ricii  de  franc  cl 


accusent  une  certaine  indécision.  Cela  est  visible  dans  le  chœur  de  l'éj^lise 
Saint-Martin-des-Clianips  de  l*aris,  dans  le  chœur  de  l'église  de  Vézelay, 
où  les  couvertures  des  chapelles  circulaires,  au  lieu  d'être  coniques, 
forment  une  surface  gauche  qu'il  n'était  possible  d'obtenir  que  par  un 
massif  posé  sur  les  voûtes.  Dans  les  églises  de  l'Auvergne,  du  Poitou  et 
de  l'Aquitaine,  les  chapelles  absidales  étant  plus  basses  que  le  collatéral, 
les  couvertures  venaient  naturellement  buter  contre  le  nun-  de  ce  collatéral , 
sous  sa  corniche;  mais,  dans  l'Est  et  le  Nord,  on  voulut  de  bonne  heure 
donner  aux  chapelles  absidales  la  hauteur  du  collatéral,  et  les  construc- 
teurs, après  avoir  arasé  les  corniches,  ne  savaient  plus  trop  comment 
couvrir  ces  surfaces  inégales,  et  reculaient  devant  les  dithcultés  que 
présentent  des  pénétrations  de  combles  en  charpente. 

Dans  l''Ile-de- France  et  les  provinces  voisines,  les  églises  de  quelque 
importance  possédaient  toutes,  au-dessus  des  bas-côtés,  une  galerie  aussi 
large  que  lui,  formant  au  premier  étage  un  second  collatéral.  Cette  dispo- 
sition permettait  d'éviter  les  dithcultés  que  nous  venons  de  signaler, 
puisque  le  mur  de  précinction  de  la  galerie  du  premier  étage  présentait 
une  surface  verticale  assez  haute  pour  permettre  d'appuyer  une  couverture 
contre  elle.  Ce  cjue  nous  disons  ici  est  parfaitement  i>\pliqué  par  la  vue 
extérieure  des  chapelles  absidales  de  la  cathédrale  de  Senlis  (lig.  30). 
Mais  aussi  ces  chapelles  n'avaient-elles  qu'une  faible  profondeur,  et 
n'étaient-elles  pas,  à  cause  de  leur  exiguïté,  d'un  usage  coimnode. 

Avant  de  passer  outre,  nous  devons  revenir  sur  ce  que  nous  venons  de 
dire  des  chapelles  absidales  des  églises  du  Poitou  et  de  l".\(|uitaine.  Dans 

T.    II.  •'»•• 


[  ciiAi'Ki.i.i:   I  —   i(»()  — 

ces  provinces,  les  bas-côtés  des  éfïlises  ont  à  peu  près  la  liaiileiirdu  vais- 
seau pi'incipal  (voy.  architectlre  ukligiiîlse,  cathèdhai.k),  atii)  de  coiilre- 
huler  la  poussée  des  voûtes  centrales;  quoicpie  ce  mode  eut  rincoiivéïiit-nl 
(rein|)ê('licr  d'ouvrir  (U's  joins  au-dessus  des  collatéraux  sous  les  voùles 
hautes,  il  avait  l'avantagée  d'éviter  la  constiuction  des  arcs-hoiilanls,  et  de 
donner  des  i)as-C(Més  fort  élevés  contre  lesquels  on  pouvait  adosser  des 
clia|)elles  d'une  bonne  dimension  connue  diamètre  et  bauteui-,  sans  que 
leur  couverture  vînt  dépasser  le  niveau  des  corniches  de  c<'s  collatéiaux. 
La  chapelle  était  alors  une  absidiole  seiui-circulaire  accoN'e  à  un  mur 
élevé;  elle  était  un  appendice  à  léditice,  nu  cdicuie  indépendant  |)our 
ainsi  dire,  ayant  son  ordonnance  particulière. 

L'exemph;  pris  sui"  le  plus  beau  monument  de  ce  genre  (pi'il  y  ait  m 
Saintonge,  et  que  nous  donnons  (33),  expliquera  nettement  ce  (pi'est  la 
chapelle  ai)sidale  dans  les  églises  romanes  de  l'Ouest.  A  Saintes,  il  existe 
une  charmante  ('giise  du  \\v  siècle,  Saint-Eulhrope.  qui  possède  une  vaste 
crypte,  ou  plutôt  une  église  basse,  à  rez-de-chaussee,  sous  le  chieur. 
L'abside  de  cette  église  est  tlan(juée  de  trois  chapelles  dont  nf)us  repi'odui- 
sons  l'aspect  extérieur.  Ces  chapelles  régnent  dans  la  crypte  connue  au 
niveau  du  clueui",  ainsi  (|ue  le  fait  voir  notre  gravure  ;  Icnrs  fenêtres  ne 
sont  pas  de  la  même  dimension  (pie  celles  du  collatéral  A  ;  «'lies  sont  plus 
petites.  Les  chai)elles  de  Saint-Euthrope  de  Saintes  sont  doiu',  connue 
nous  le  disions,  un  petit  édifice  accolé  à  un  autre  plus  grand.  Si  ce  parti 
peut  être  adopté  dans  l'architecture  romane  de  l'Ouest,  dont  l'échelle  n'est 
pas  soumise  à  des  proportions  fixes.  (|ui  ne  lient  pas  compte  de  l'unité 
dans  ses  dispositions  archilectoniques,  il  n'aurait  pu  être  admis  par  les 
architectes  des  provinces  du  iNord  à  la  fin  du  xn""  siècle,  alors  (pie  l'archi- 
teclui'c  n(>  se  permettait  plus  ces  désaccoi'ds  (r(''chclle,  et  (pie  l'on  revenait 
à  des  lois  impérieuses  duniU;.  D'ailleurs  on  n'avait  pas,  dans  le  Nord,  cette 
ressource  des  collatéraux  élevés;  il  fallait  les  tenii"  assez  bas  pour  pouvoir 
éclairer  largement  le  vaisseau  cenlial  au-dessus  de  leur  (dincrture.  Force 
fut  donc,  loi'S(pi'on  voulut,  au  commencement  du  xiu'"  siècle,  ouvrir  des 
(chapelles  à  l'abside  des  églises,  de  hnir  donner  la  hauteur  des  bas-côtés  et 
de  les  couvrii'  sans  troj)  de  ditiicultés,  sans  gêner  réconiciiient  des  eaux 
et  sans  nuiie  à  rordonnaiice  générale.  On  procéda  timidement  d  alioid; 
à  Bourges,  par  exenq)le,  les  chapelles  absidales  ne  formèrent  que  des  demi- 
tourelles  atta(;hées  au  bas-côté,  couvci  les  par  des  Icnassons  coniques  en 
dalles  '.  A  Chartres,  les  diapelles  absidales  ne  fureiil  guère  aussi  (pu'  des 
ni(hes  couronnées  par  des  pa\ liions  dalles.  (Test  en  Champagne  (pie  les 
chapelles  absidales  paraisseiU  prendre,  des  la  fin  du  xii'^  siècle,  un  deve- 
lo|)pement  considérable.  Le  cha'ur  de  l'église  Saiiil-liemy  de  Keinis  es! 
contemporain  de  celui  de  la  cathédiale  de  Paris,  c'est-à-dire  (ju'il  dut  être 
élevé  vei's  11  HO;  il  y  a  même  entre  ces  deux  édifices  une  très-grande 

'  IMiis  taiil ,  cos  couverUu'cs  lurent  i'Oiii[>l;u(''('s  par  des  pyraniidcs  cm  picrri'  l<'il 
élevées  (ini  ne  soiil  jtas  iriin  lieureii\  ellcl. 


—  u\- 


(IIAI'KI.I.K 


KiAVOICNAT 


aïKilo^ié.  (l('|>t'ii(laiit  1rs  (l(inl)lrs  has-cùlfs  du  clia'ur  de  .NoIic-lhiiiH'  (le 


CHAFKI.LK 


—   i08  — 


Paris  n'avaient  pas  de  chapelles  ou  n'en  possédaient  que  de  tivs-jxMites, 
tandis  qu'à  Saint-Reniy  de  Reims  on  voit  apparaître  autour  do  l'aljsidc 
une  disposition  particulière  à  la  Clianipaiiiie,  disposition  que  nous 
trouvons  exister  déjà  dans  les  chapelles  du  tour  du  chœur  de  Notre-Dame 
de  Châlons-sur-Marne,  et  qui  consiste  à  ouvrir  les  chapelles  sur  le  bas- 
(;olé,  de  façon  à  ce  que  leur  voi!ite  soit  inscrite  dans  un  cercle.  Ainsi,  ii 
Saint-Remy  de  Reims  {'-VS  bis)  *,  les  chapelles  absidales  sont  parCailciiiciii 


rt£ZM>FJ'.,5r 


circulaires,  voûtées  au  moyen  de  (juatre  arcs  o^^ives ,  de  cin(|  foiiiit'rct> 
et  de  trois  arcs  doubleaux  ouverts  sur  le  bas-ccMé.  Deux  colonnes  AA 
séi)arent  la  chapelle  du  collatéral  et  complètent  les  huit  points  d'appui 
sur  lesquels  reposent  les  quatre  arcs  ogives.  Ces  chapelles,  à  Texléiieur. 
ne  laissent  voir  qu'un  segment  de  cercle  assez  peu  étendu  ,  à  cause  de  l:i 
saillie  des  gros  conire-torts  qui  les  séparent  et  sont  destinés  à  contre- 
buter  les  arcs-boulants   des  voûtes  hautes.   Dans    l'axe,   nue  cba|)elle 


IM^^i;  il  l'échelle  de  (),(l(i-)  poiii  melre. 


—    i(iO    —  [    CIUPKLI.K    1 

heaucoiip  plus  profonde  B  terniino  le  chovot.  Au-dessus  de  l'arcaturequi 
décore  à  rintérieur  le  soubassement  de  ces  chapelles  ivj,Mie  un  passage 
traversant  les  piles  qui  portent  les  arcs;  les  ten«Mres  occu|i(Mit  fout 
l'espace  laissé  entre  ces  piles,  et  sont  terminées  à  leur  sommet  par  des 
berceaux  ogives  concentriques  aux  formerets.  Les  voûtes  sont  contre- 
butées  par  les  piles  formant  contre-forts  à  l'intérieur.  A  (>bàlons-sur- 
Marne ,  les  chapelles  présentent,  à  l'extérieur,  des  contre-forts  (jui  ne 
sont  qu'une  demi-colonne  cannelée  terminée  par  une  statue  et  un  dais 
(voy.  c.onstriction).  (]e  plan  circulaire,  les  piles  formant  contre-forts 
intérieurs,  les  deux  colonnes  posées  à  l'entrée  de  la  chapelle  sur  le 
collatéral,  et  juscju'aux  demi-colonnes  cannelées  extéi'ieures,  sont  des 
dispositions  qui  rappellent  encore  l'architecture  antique  romaine.  Son 
influence,  surtout  apparente  dans  la  Haute-Marne,  à  Langres,  et  le  long 
de  la  Saône,  se  fait  aussi  sentir  jusqu'à  Reims  (ville  (jui  possède  encore 
un  monument  antique),  et  même  jusqu'à  Chàlons,  pendant  les  premières 
années  du  xiii*'  siècle.  Les  chapelles  absidales  de  la  cathédrale  de  Reims, 
élevées  vingt  ou  vingt-cinq  ans  après  celles  de  l'église  de  Saint- Remy, 
sont  évidemment  dérivées  de  ces  dernières.  Mais,  à  la  cathédrale  de 
Reims,  Robert  de  Coucy  a  supprimé  les  colonnes  isolées  de  l'entrée,  et 
a  donné  à  son  plan  plus  d'ampleur. 

Les  chapelles  absidales  de  la  cathédrale  de  Reims  méritent  d'être 
étudiées  avec  soin.  Commencées  sur  un  plan  circulaire  ,  comme  celles  de 
Saint-Remy,ellesdeviennent  polygonales  au  niveau  de  l'appui  des  fenêtres: 
c'est  la  transition  entre  les  deux  systèmes  roman  et  ogival.  Les  architectes 
soumis  aux  principes  de  l'école  ogivale  reconnaissaient  :  l"que  les  archi- 
voltes des  fenêtres  percées  dans  un  mur  cylindrique  poussaient  au  vide  ; 
-2"  que  les  meneaux  ne  pouvaient  être  étal)lis  solidement  (|u"autant  qu'ils 
se  trouvaient  dans  un  plan  droit  ;  que  leur  taille,  suivant  un  plan  courbe, 
présentait  des  diflicultés  insurmontables.  Ainsi,  en  adoptant  les  meneaux 
connue  châssis  de  fenêtres  et  pour  maintenir  les  vitraux,  on  se  trouvait 
forcément  entraîné  à  abandonner  la  forme  cylindrique  dans  les  absidioles 
aussi  bien  que  dans  les  grandes  absides.  Mais  la  rencontre  des  meneaux 
avec  les  talus  circulaires  du  soubassement  nécessitait  des  pénétrations 
conq)liqnées,  un  raccordement  présentant  certaines  diiiicultés;  on  trouva 
bientôt  plus  naturel  de  prolonger  la  forme  polygonale  jusqu'au  sol.  Pour 
nous  résumer,  l'habitude  des  constructions  romanes  fait  commencer,  au 
\\n<^  siècle,  des  chapelles  sur  plan  circulaire;  le  principe  de  la  construction 
adoptée  fait  «énoncer  au  plan  circulaiie  en  construisant  les  fenêtres,  sur- 
tout lors(|ue  celles-ci  sont  garnies  de  meneaux  ;  ce  principe,  une  fois  admis, 
fait  abandonner  la  foiine  cylindrique  même  pour  les  soubassements,  et 
connnande  la  forme  polygonale  ou  prismatitjue  dans  les  plans  des  chapelles. 
Il  y  avait  dans  tout  le  système  ogival  des  données  inqiérieuses  qui  forçaient 
ainsi  les  architectes,  de  déductions  en  déductions,  à  l'ajjpliquer  avecplus 
de  rigueui'.  (pielle  que  fût  la  force  des  traditions  antérieures.  Toutefois,  à 
Reims,  l'architecte  sut  se  tirer  avec  adresse  du  nuunais  pas  où  il  s'était 


[    CIIAl'KI.I.K 


'(70    — 


en{i:afïé  en  (biKlaiil  les  chapelles  sur  plan  circnlaiie;  mais  la  leiifalive  de 
concilier  les  deux  sysItMnes  ne  fut  j^uère  renouvelée  depuis;  on  avait  fait 
là,  évidemiuenf.  ce  (|ue  nous  appelons  une  ('colc  '. 

Nous  dounous  {'M)  le  plan  inférieur  d'une  des  chaix-iles  ahsidales  de  la 


calliédi'ale  de  Reims  -,  et  (3o)  le  plan  au  niveau  des  fenêtres,  qui  indi(|ue 
comment  les  meneaux  vieimeni  péiiétrei-  le  talus  coni(|ue  couroimaiil  le 
soid)assemeiit  à  l'extérieui'.  Suivant  le  mode  champenois  ,  il  existe  une 
circulation  au-dessus  du  souhassemcnt  décoré  dune  aicature  à  l'intérieur. 
I><'s  fenêtres  se  trouvent  ainsi,  connue  à  Saint-Hemy,  comme  à  la  cha|)elle 
de  l'archevêché  de  Keiins,  comme  à  la  chapelle  du  château  de  Saint- 


'   Les  chapelles  (tu  chevet  de  la  cathédrale  de  Tours  sont  de  même  prismatiques  sur 
■UH  souhasscmcni  circulaire. 

-  A  rccliclic  de  O.OO:;  pciiir  mclrc. 


—   ïl\   —  I   r.HAPKi.i.i;   I 

Gei-inain-cn-I.ayt',  oiivcries  dans  un  ivnfoncpiiieiit  produit  |)ar  la  saillie 
iiilérifure  des  j)il('s.  A  lu'inis,  «'cpcudanl,  on  ne  retrouve  pas  le  l'ornieret 


isolé  de  la  fenêtre  par  un  plalbnd  portant  le  eliéneau  (ce  (|ui  est  du  reste 
une  disposition  bour^uiiinonne)  ;  c'est  un  éhi'asement  concentrique  au 
fornieret  qui  sépare  celui-ci  de  la  baie.  La  fi^.  30,  donnant  la  vue  inté- 
l'ieure  de  l'une  de  ces  chapelles,  nous  dispensera  de  plus  longues  explica- 
tions à  ce  sujet;  elle  fait  voir  le  passage  pratiqué  au-dessus  de  l'arcature 
et  toute  l'ordonnance  intérieure.  La  proportion  de  ces  chapelles  est  des 
plus  heureuses;  leur  aspect  est  solide,  les  détails  de  la  sculpture  et  les 
profils  sont  traités  avec  la  plus  rare  perfection.  A  l'extérieur,  ces  chapelles 
ne  sont  pas  moins  belles  et  simples,  et  n'était  la  malencontreuse  galerie  à 
jour  [)lacee,  vers  le  milieu  du  xni"'  siècle,  sur  la  corniche  su|)érieure,  dont 
le  moindre  inconvénient  est  de  faire  paraître  ces  chapelles  petites,  on 


CII.VI'KI.I.K 


—  47^2  — 


/11'-'-    ;   '  '  /     il'', 


poumiil  lt'S|n-cs(;iil(TC()iiiiiic  un  niodrlc  |)arlail  cl  compl.-t  d'airliifcrliiiv 


ogivale  primitive.  La  fig.  37  reproduit  leur  aspect  extéi-ieur.  S'élevant 
)US((u'au  niveau  supérieur  du  collatéral,  elles  sont  couvertes  par  des  cliar- 

r.   .1.  <■'<> 


r.iuPixi.K  1 


47  i 


pontes  foniiaiit  |)avill()ns  pyraiiiidaiix  isolés,  revêtues  de  plomb.  Entre 
ees  pavillons  et  l'appoiifis  lerouvrant  le  has-eôfé,  est  un  l)eau  ehéneau  de 
pierre  posé  sur  les  arcs  doubleaux  d'entrée  des  eha|)elles,  et  rejetant  les 
eaux  à  travers  les  ^^ros  contre-forts  séparalils,  par  des  canaux  dans  lesquels 
un  homme  peut  entrer  debout,  et  des  gargouilles.  Ce  canal  principal  es! 
coupé  en  croix  par  un  autre  canal  d'égale  hauteur,  recevant  les  eaux  des 
chéneaux  posés  sur  la  corniche  du  couronnement  des  chapelles. 

Quoique  les  chapelles  absidales  de  la  caihédrale  de  Reims  soient  fort 
bien  composées,  elles  n'ont  pas  encore  comph'temenl  abandonné  les  tradi- 
tions romanes;  on  en  retrouve  la  trace  dans  le  soubassement  circulaire,  dans 
les  piles  saillantes  à  l'intérieur,  dans  ce  bandeau  horizontal  qui,  couronnant 
l'arcature,  coupe  les  colonnettes,  et  dans  la  construction  qui  est  quelque  peu 
lourde.  Si  nous  voulons  voir  des  chapelles  absidales  de  l'époque  ogivale 
ariivées  à  leur  complet  développement,  il  faut  nous  transporter  dans  la 
cathédrale  d'Amiens;  celles-ci  sont  d'autant  plus  intéressantes  à  étudier 
qu'elles  ont  servi  de  type  à  toutes  les  constructions  élevées  depuis  lors, 
entre  autres  pour  les  chapelles  des  cathédrales  de  Beauvais,  de  Cologne,  de 
Nevers,  de  Séez,  et,  plus  tard,  de  Clermont,  de  Limoges,  de  Narbonne,  de 
l'église  de  Saint-Ouen  de  Rouen,  etc.  Les  chapelles  absidales  de  la  cathé- 
drale d'Amiens  sont  hautes,  largement  ouvertes  et  éclairées  ;  leur  construc- 
tion ne  comporte  exactement  que  le  volume  de  matériaux  nécessaires  à  leur 
stabilité;  ell«»s  sont  aussi  simplement  conçues  qu'élégantes  d'aspect. 


Nous  donnons  (liH)  le  plan  d'une  de  ces  chapelles  pris  au  niveau  des 


17  o 


(HAriciii; 


t'eiiètvfs.  (3V»)  nue  vue  intérieure,  et  (40)  une  vue  extérieure.  Trois  j-randes 


I    i;iiAi'i:i  II- 


i7«>  — 


vciTu-ivs,,  qui  u'onl  pas  moins  de  (|uatorze  mèlivs  (!<•  Iiiiiilciir.  ri  lairalmv 


477    I    CHAl'EI.LK 


inférieure  avec  s;i  piscine,  font  toute  leur  décoration  à  l'intérieur;  les 
fenêtres,  comme  à  la  Sainte-Chapelle  de  Paris,  occupent  tout  l'espace 
compris  entre  cette  arcature,  les  piles  et  les  voùles,  auxquelles  leurs  archi- 
voltes servent  de  formerets.  A  l'extérieur,  une  belle  eorniehe  à  crochets  et 
feuilles  les  couronne  ;  les  contre-forts,  dont  toute  la  saillie  est  reportée  en 
dehors,  reçoivent  des  archivoltes  al)ritant  les  fenêtres  et  dont  l'épaisseur 
porte  le  chéneau  supérieur.  Les  bahuts  de  la  charpente  reposent  directe- 
ment sur  les  formerets  des  voûtes.  Il  est  impossible  d'imajj;iner  une 
construction  voûtée  plus  simple  et  plus  sage.  Les  sommets  des  contre-forts 
sont  brusquement  terminés  par  des  talus  sur  lesquels  viennent  se  reposer 
des  animaux,  che\aux,  griti'ons  et  dragons.  A  la  chapelle  de  la  Vierge,  ces 
animaux  sont  remplacés  par  des  rois  de  Juda  (voy.  amortissement).  Nous 
ne  pensons  pas  que  ce  couronnement  soit  complet,  car  on  aper(,'oit,  au 
sommet  des  contre-forts,  comme  des  assises  recoupées,  des  repenlirs,  des 
négligences  qui  marquent  une  certaine  hâte  de  finu'  tant  bien  que  mal, 
et  qui  ne  répondent  pas  à  l'exécution  soignée,  précise  des  constructions 
jusques  et  y  compris  la  corniche.  Ce  qui  nous  contirme  dans  l'opinion 
que  les  couronnements  des  contre-forts  des  chapelles  de  la  cathédrale 
d'Amiens  ^  n'ont  pas  été  terminés  comme  ils  avaient  été  projetés,  ou  que 
l'incendie  qui  détruisit  leur  couverture,  avant  l'érection  de  la  partie  haute 
du  chœur,  les  ayant  calcinés,  ils  furent  refaits  avec  parcimonie  et  à  la 
hâte,  c'est  qu'à  Beauvais,  et  à  la  cathédrale  de  Cologne  particulièrement, 
les  chapelles,  copiées  sur  celles  d'Amiens,  portent  des  pinacles  très-élevés 
et  dont  la  proportion  élancée  forme  un  complément  indispensable  au  bon 
effet  de  ces  contre-forts  saillants  et  minces,  et,  plus  encore,  assurent  leur 
parfaite  stabilité  par  leur  poids.  Il  est  intéressant  de  comparer  ces  deux 
édifices,  Amiens  et  Cologne,  qui  ont  entre  eux  des  rapports  si  intimes. 
Les  chapelles  absidales  de  Cologne,  comme  celles  d'Amiens,  reposent  sur 
un  plateau  circulaire  qui  les  inscrit  et  sert  de  base  à  tout  le  chevet;  leur 
proportion  est  pareille,  les  meneaux  des  fenêtres  identiques.  A  Amiens, 
deux  gargouilles  prises  dans  la  hauteur  du  larmier  rejettent  les  eaux  des 
chéneaux  à  chaque  contre-fort;  à  Cologne,  c'est  une  seule  gargouille  prise 
dans  la  hauteur  de  la  corniche  feuillue  sous  le  larmier  qui  remplit  cet 
office.  A  Amiens,  les  balustrades  lefaites  au  xvi*-  siècle  devaient,  nous  le 
croyons,  rappeler  la  balustrade  de  la  Sainte-Chapelle  de  Paris;  à  Cologne, 
la  balustrade  est  semblable  à  celle  de  Beauvais.  Restent  les  sommets  des 
contre-forts,  incomplets  ou  inachevés  à  Amiens,  terminés  à  Cologne, 
quelques  années  après  la  construction  des  chapelles,  vers  le  conmience- 
ment  du  xiv^  siècle,  par  de  hauts  pinacles  à  jour  renfermant  des  statues. 
Dans  l'une  comme  dans  l'autre  de  ces  deux  cathédrales,  les  chapelles 
absidales  sont  couvertes  par  des  pavillons  en  charpente  isolés  et  pyrami- 

•  Voy.  au  mol  cathédrale  riiisloriqiie  de  la  construclioii  de  la  cathédrale  d'Amiens. 
A  peine  les  chapelles  de  l'abside  sonl-elles  terminées,  que  les  travaux  restent  suspen- 
dus et  ne  sont  repris  qu'après  un  incendie  des  couvertures  iulërieures. 


[    CHAI'KI.LK    1  ITS    — 

(laux.  A  Beauvais,  les  cou\iei'lures  des  chapelles  «liaient  en  dalles;  mais  il 
ne  faut  pas  oublier  (|Liê.  dans  ce  dernier  monument,  il  y  a  un  double 
friloriiiin ,  et  (|ue  larcliitecte  avait  voulu  laisser  à  cette  belle  disposition 
toutesDii  importance  à  l'extérieur,  et  ne  point  la  masquer  par  des  combles. 
A  ClerinonI  en  Auvergne,  à  Limoj^^es  et  à  Narbonne.  et  |)lus  tai'd  a 
Kvreux,  l<'s  chapelles  ahsidales  furent  protégées  par  un  dallage  Ibi'mant 
imc  seule  et  même  pente,  très-faible,  avec  celui  établi  sur  le  bas-cùlé; 
mais  nous  ne  pouvons  considérer  ce  mode  de  couveilure  connue  définitif; 
il  nous  sera  fa(;ile  de  le  démontrer.  A  ('l(<rmont,  à  Limoges  <^t  a  Narbonne, 
ces  dallages  sans  ressauts,  mais  presque  plant\s,  son!  couverts  dejturcs 
tracées  sur  la  pierre  comme  sur  une  aire,  ('.es  épures  sont  celles,  naluiel- 
lement,  de  constructions  postérieures  à  l'érection  des  chapelles  ;  ce  sont  les 
tracés  des  arcs-boutants,  des  portails  des  transsepts,  des  fenêtres  hautes. 
Dans  les  villes  du  moyen  âge,  l'espace  manquait  pour  élal)lir  des  chantiers 
avec  tous  leurs  accessoiies.  Sitôt  les  chapelles  et  bas-côtés  du  chevet 
achevés,  on  It^s  recouvrait  d'une  aire  dallée,  et  cette  surface  servait  de 
chantier  aux  api)areilleurs  pour  tracer  leurs  épures;  ce  qu'ils  faisaient  avec 
le  plus  grand  soin,  |)uis(pie,  encore  aujourd'hui,  nous  pouvons  les  relever 
exactenuMit  et  tailler  dessus  des  panneaux.  Or,  à  Cleiinniil,  quoifju'il  y  ait 
un  dallage,  on  voit,  tout  autour  des  souches  des  aics-boulantsqui  percent 
l'aire,  des  chéneaux  disposés  pour  recevoir  des  combles;  bien  mieux,  le 
nmr  du  triforium  porte  un  lilet  de  cond)le  et  des  corbeaux  destines  à 
soutenir  les  faîtages  de  l'appentis  en  charpente  que  l'on  projetait  sur  le 
bas-côté.  A  Limoges,  des  restaurations  récentes  ont  fait  disparaître  des 
traces  analogues  dont  probablement  on  n'a  pas  compris  l'importance  au 
point  de  vue  archéologi(pie.  Ces  dispositions  indiquent  évidenmient  qu'au 
xiiie  siècle  on  ne  songeait  pas  à  élever  des  chapelles  ahsidales  polygonales 
sans  cond)les  pyramidaux,  et  (|ue  ces  dallages  n'étaient  que  des  couvertures 
provisoires  destinées  à  fournir  un  emplacement  aux  traceurs  d'épurés 
pendant  la  construction  des  parties  supérieures,  et  en  même  temps  à 
protéger  les  voûtes  jusqu'au  moment  où  l'on  aurait  pu,  l'œuvre  achevée, 
établir  des  cond)les  délinilifs.  La  forme  polygonale  des  chapelles  de  chevet 
adoptée  depuis  h'  xuc  siècle  jusqu'au  xvr  demande  une  couverture  j)yra- 
midale,  et  les  architectes  de  ces  temps  avaient  un  sentiment  trop  juste  de 
l'etiet  des  masses  archilectoniques  pour  ne  pas  être  choqués  par  l'absence 
de  ce  couronnement  indispensable;  car  c'est  un  principe  général,  dans 
l'architecture  ogivale ,  que  toute  partie  d'un  monument  doit  porter  sa 
cou\erlure  propre,  lorsqu'elle  se  détache  tant  soit  peu  de  la  masse.  Nous 
voulons  bien  admettre  qu'à  la  cathédrale  de  Narbonne  on  n'a  jamais 
songé  a  couvrir  autrement  les  chapelles  ahsidales  que  par  une  plate-forme 
dallée;  mais  ces  chapelles  étaient  couronnées  par  un  crénelage  au  lieu 
d'une  balustiade.  La  cathédrale  de  Narixunie  était  presque  une  forteresse 
en  même  tenq)s  (|u'une  église,  et  dans  ce  cas  les  plates-formes  étaient 
juslilic'cs;  c'est  la  une  exception.  Quant  aux  chapelles  ahsidales  delà 
cathédrale  de  Limoges,  l'absence  de  combles  pyramidaux  jure  avec  leur 


—    iT'.i 


^.y^/rH'^^^fjJX' 


composition,  (|ui  appartient  exciusiveiiient  a   lecole  darchitectuip   du 


[    CHAPITEAU    1  4^0    — 

Nord.  L'une  de  ces  chapelles,  celle  du  chevet  (il),oflVe  une  particularité 
rare,  même  au  xiv  siècle  :  c'est  que  les  fenêtres  sont  couroniK'es  par  des 
^^âhles  à  jour  ;  or  cette  partie  de  la  cathédrale  de  l>inioj;es  date  de  la  tin 
du  XIII*"  siècle.  Pour  le  reste  de  la  composition  de  la  chapelle  du  chevet 
de  la  cathédrale  de  LimojACS,  on  retrouve  les  éléments  fournis  par  Amiens, 
B(>auvais  et  Cologne. 

La  fig.  Ai  fera  recoHnaîti'e  la  parenté  rpii  existe  entre  ces  monuments. 
Toutefois,  outre  les  p"il)les  à  jour  rpii  font  exception,  à  Limoges  connue  à 
(llei'mont,  la  halustrade  des  chapelles  absidales  passe  au-devant  des  gros 
contre-forts  séparatifs,  et  on  peut  regretter  que  cette  disposition  n'ait  pas 
été  adoptée  antérieurement  parles  architectes  d'Amiens  et  de  Cologne,  car 
elle  sert  de  transition  entre  le  gros  contre-fort  inférieur  et  celui  supérieur 
servant  de  buttée  aux  arcs-l)outants ;  et  de  plus,  die  rend  l'enlielien  facile, 
ainsi  que  le  nettoyage  des  gargouilles.  Les  ('hai)elles  du  chevet  de  la  cathé- 
drale de  Limoges  portent  sur  un  énorme  soubassement  en  granit  (jui  en- 
globe leur  base  dans  sa  masse.  A  partir  de  ce  moment  (les  dernières  années 
du  xiii'"  siècle),  on  ne  voit  plus  que  des  dispositions  particulières  aient  été 
prises  pour  la  consti'uction  des  chapelles  absidales;  les  mêmes  errements 
sont  suivis  par  les  ai'chitectes  jus(ju"au  xvi*'  siècle,  quant  à  l'ensemble,  et 
les  dittérences  que  Ton  pourrait  signaler  entre  les  chapelles  <lu  xv<-  et  celles 
du  xiiif  ne  tiennent  qu'aux  détails  de  l'architecture  qui  se  moditient. 

Nous  terminerons  donc  ici  cet  article,  puisque  nous  avons,  dans  le 
cours  du  Dictionnaire ,  l'occasion  de  revenir  sur  chacun  de  ces  détails. 

CHAPITEAU,  s.  m.  Nom  (pie  l'on  donne  à  l'évasement  que  forme  la 
partie  supérieure  d'une  colonne  ou  dun  pilastre,  et  qui  sert  de  transition 
entre  le  support  et  la  chose  portée. 

Les  Romains,  à  partir  de  l'époque  impéi'iale,  n'employaient  })Ius,  sauf 
de  rares  exceptions,  dans  leurs  édifices,  que  l'ordre  corinthien.  Plus  riche 
que  les  autres ,  se  prêtant  aux  grandes  dimensions  des  monuments,  il 
convenait  au  gont  et  aux  programmes  romains.  Mais,  dans  les  derniers 
temps  de  la  décadence,  les  sculpteurs  étaient  arrivés  à  pervertir  tîlrange- 
ment  les  formes  des  chapiteaux  antiques.  Des  chapiteaux  ionicpie  et  coiin- 
thien,  on  avait  fait  un  mélange  que  l'on  est  convenu  d'appeler  le  chapiteau 
composite,  mais  qui,  par  le  fait,  n'est  qu'un  amalgame  assez  disgi'acieux 
de  deux  éléments  destinés  à  rester  séparés.  Déjà  même  les  Romains 
avaient  introduit  dans  le  chapiteau  composite  des  figures,  des  victoires 
aih'cs,  des  aigles;  ils  avaient  chargé  le  tailloir  d'ornements,  et  cherché, 
dans  cette  partie  inqmitante  de  la  décoration  archilecloni(pu%  la  richesse 
plutôt  que  la  pureté  du  galbe,  si  bien  com|)rise  par  les  Grecs.  Lorsque 
dans  les  Gaules,  sous  les  rois  mérovingiens,  on  voulut  élever  de  nouveaux 
édifices  sur  les  ruines  qui  couvraient  le  sol,  les  matériaux  ne  manquaient 
pas;  la  sculj)lure  était  un  art  perdu;  on  em|)l()ya  donc  tous  les  anciens 
fragments  (\uo  l'on  put  iccueillir  dans  la  construction  des  bâtisses  nou- 
velles. Des  colonnes  et  des  chapiteaux,  différents  de  diamètre  et  de  hauteur. 


—  4SI   —  I   ciiAi'miAi    J 

viiiront  so  ranjier  tant  bien  que  mal  dans  un  m^nie  monument.  Les 
anciennes  basiliques  de  Rome  ne  sont  elles-mêmes  qu'une  iV'union  de 
frafïments  antiques.  Cette  vari«''té  d'ornementation,  imposée  parla  néces- 
sité, fut  cause  que  les  yeux  s'habituèrent  à  voir,  dans  un  même  édifice, 
des  chapiteaux  fort  ditiérents  par  la  composition,  l'àfie,  le  style  et  la 
provenance.  Lorsque  les  frajj^nients  antiques  vinrent  à  manquer,  il  fallut  y 
suppléer  par  des  œuvres  nouvelles,  et  les  sculpteurs,  depuis  le  vi«  siècle 
jusqu'au  ix«,  cherchèrent  à  imiter  les  vieux  débris  romains  qu'ils  avaient 
sous  les  yeux.  Ces  imitations,  faites  par  des  mains  inhai)iles,  avec  des 
outils  grossiers,  sans  aucune  idée  de  la  mise  au  point  régulière,  ne  furent 
que  d'informes  réminiscences  des  arts  antiques,  dans  lesquelles  on  cher- 
cherait vainement  des  règles,  des  principes  d'art.  Toutefois,  il  faut 
reconnaître  que,  dès  cette  époque  reculée,  il  se  fit  une  véritable  révolution 
dans  la  manière  d'employer  le  chapiteau  ;  ce  membre  de  la  colonne 
reçut  une  destination  plus  vraie  que  celle  qui  lui  avait  été  affectée  par  les 
Grecs  et  les  Romains, 

Certains  développements  sont  nécessaires  pour  faire  comprendre  toute 
l'impoitance  de  ce  changement  de  destination  donnée  au  chapiteau. 

Les  ordres  grecs  se  composent,  comme  on  sait,  de  la  colonne  avec  son 
chapiteau  supportant  un  entablement,  autrement  dit,  une  superposition  de 
plates-bandes  comprenant  l'architrave,  la  frise  et  la  corniche.  Il  en  est  de 
même  des  ordres  romains.  Avant  les  dernières  années  du  Ras-Empire,  pas 
de  colonnes  grecques  ou  romaines  sans  l'entablement  ;  et  ce  n'est  que  fort 
tard,  dans  quelques  édifices  de  la  décadence,  que  l'on  voit,  par  exception, 
l'archivolte  romain  posé  sur  le  chapiteau  sans  entablement.  Dans  les  ordres 
•■•recs  et  romains;  le  chapiteau  est  plutôt  un  arrêt  destiné  à  satisfaire  les 
veux,  qu'un  appendice  nécessaire  à  la  solidité  de  l'édifice,  car  la  première 
plate  bande  ne  dépasse  pas  l'aplomb  du  diamètre  supérieur  de  la  colonne, 
et  le  chapiteau  est  ainsi  (au  point  de  vue  de  la  solidité)  un  membre  inutile, 
dont  la  forte  saillie  ne  porte  rien  sur  deux  de  ses  faces. 

La  fig.  1 ,  qui  donne  un  chapiteau  d'un  des  temples  d'Agrigente  avec 
son  entablement,  exprime  clairement  ce  que  nous  voulons  indiquer. 
Supposant  les  parties  A  du  chapiteau  coupées,  l'architrave  portera  tout 
aussi  bien  sur  le  fût  de  la  colonne.  En  gens  de  sens  et  de  goût,  les  Athé- 
niens furent  évidemment  frappés  de  ce  défaut;  car,  dans  la  construction 
du  Parthénon  ,  ils  firent  saillir  laichitrave  sur  le  nu  de  la  colonne,  ainsi 
que  l'indique  la  fig.  2.  La  fonction  du  chapiteau  est  là  bien  marquée; 
c'est  un  encorbellement  placé  sur  le  fût  cylindrique  de  la  colonne  pour 
donner  une  large  assiette  à  la  plate-bande.  Ces  finesses  échappèrent  aux 
Romains;  ils  ne  virent  dans  le  chapiteau  qu'un  simple  ornement,  et  ne 
profitèient  pas  de  son  évasement  pour  porter  une  plate-bande  plus  large 
que  le  diamètre  supérieur  du  fut  de  la  colonne. 

Dès  les  premiers  temps  du  moyen  âge,  l'entablement  disparait  totale- 
ment, pour  ne  plus  reparaître  (juau  xvr  siècle,  et  le  chapiteau  avec  son 
tailloir  porte  larchivolte  sans  intermédiaire.  Alors,  le  chapiteau  prend  un 
T.  ...  <'• 


I     CHAI'ITKAU     I  —    4S'2    — 

rôle  mile  ;  du  cyliiHlip  il  passe  au  carré  par  un  pncorl)ellpmpnt.  n\  rf'(,nit 


le  sommier  de  l'arc;  ce  rôle,  il  le  conserve  jusqu'à  l'époque  de  la  renais- 
sance. Cependant,  jusqu'au  xi*"  siècle,  en  posant  un  sonunier  d'arcs  sur  le 
tailloir  du  chapiteau,  on  n'osait  pas  toujours  pi-ofiter  de  l'évasement  donné 
par  la  saillie  de  ce  tailloir,  et  on  tenait  le  lit  de  pose  du  sonimier  à  l'aplomb 
de  la  colonne.  C'est  ainsi  (jue  sont  disposés  les  chapiteaux  de  la  nef  de 
rég;lise  Saint-Menoux  (Allier),  qui  datent  du  ix""  ou  x*'  siècle  (3).  ('e  n'était 
que  successivement  qu'on  arrivait  à  se  servir  de  l'évasement  du  chapiteau 
comme  d'un  encorbellement  pouvant  être  utilisé  pour  porter  un  sommier 
dont  le  lit  de  pose  débordait  le  diamètre  de  la  colonne.  Nous  verrons 
quelles  furent  les  conséquences  importantes  de  cette  innovation  dans  la 
construction  des  édifices,  et  comme  le  chapiteau  dut  peu  à  peu  abandonner 
les  formes  antiques  pour  se  prêter  à  cette  fonction  imposée  j)ar  les  prin- 
cipes de  l'architecture  du  moyen  âge.  Dans  les  édifices  mérovingiens  et 


—    48.'{    —  [    ("IIAIMTEAL     1 

carlovingiens,  on  plaçait  souvent  des  colonnes  aux  angles  saillants  ,  ainsi 


que  l'indique  la  tiy.  i,  afin  de  dégager  et  doiner  ces  angles;  si  une  voûte 


en  berceau  venait  se  reposer  sur  le  mur  AB,  le  chapiteau  de  la  colonne 
formait  supj)ort  de  la  tète  du  berceau  et  venait  atilcurer  le  nu  AH  suivant 
la  ligne  pnnctueo  BB  C;  le  tailloir  seul  formait  saillie  sur  le  nu  du  mur. 


I   (.iiAriri;vr   ]  —    iMi  — 

C'est  dans  cette  position  que  nous  voyons  les  premiers  chapiteaux  porter 
une  niac^'onnerie  en  encorbellement;  car,  dans  un  même  édifice,  les 
colonnes  isolées  portent  des  sommiers  d'arrliivoites  dont  le  lit  de  pose 
inscrit  exaclemeni  l(^  diamètre  supérieur  du  lïil,  tandis  (jue  les  colonnes 
d'angle  sont  déjà  surmontées  de  chapiteaux  dont  I  evasement ,  comme 
dans  la  tig.  4,  sert  à  supporter  un  sommier  saillant. 

La  crypte  de  Téj^lise  Saint-Etienne  d'Auxeri'e  nous  présente  ces  deux 
exemples,  qin  datent  de  la  même  époque  (ix''  ou  x''  siècle). 


La  \'v^.  \  bis  est  l'élevalion  perspective  du  plan  i,  el  la  fii-.  T»  le  chapiteau 
dune  colonne  isolée,  (hi  voit  que  si  le  cha|)ifeau  de  la  colonne  d'angle 
porte  un  sommiei'  plus  saillant  que  le  nu  de  la  colomie,  il  n'en  (>st  pas 
encore  de  même  pour  la  colonne  isolée.  Ces  trois  chapiteaux  (lig.  3,  i  bis 
et  .-))  l'oni  voii-  comment  les  sculpteurs  carlovingiens  inlerprt'laient  le 
feuille  du  diapiteau  romain  :  les  uns,  ne  sachant  conmienl  réserver  el 
dégagei'  dans  la  pierre  le  revers  de  la  feuille,  |)osaienl  celle-ci  de  prolil  el 
connue  raltatUie  sur  la  corbeille;  les  aulies  se  conteiUaieul  de  (pielques 


—  AHh  —  [  ciiAPiTiau   I 

cannelures  ciselées  en  éventail  pom-  siniulei-  les  nei-ls  et  découpures  de  la 

S 


feuille  romaine.  Ces  artistes  priniilils  tentaient  cependant  de  se  soustraire 
parfois  à  la  tradition  antique,  et  taillaient  déjà,  dès  le  x*-  siècle,  des  figures 
sur  les  corbeilles  de  leurs  chapiteaux,  ou  des  formes  dont  il  serait  ditii(>ile 
de  découvrir  l'origine  ,  des  traits,  des  zigzags,  de  grossiers  linéanienls  ; 
souvent  aussi  ils  se  conlentaient  de  les  épanneler.  Mais  nous  ne  voulons 
pas  fatiguer  nos  lecteurs  par  des  reproductions  de  ces  premiers  et  informes 
essais,  qui  n'ont  qu'un  attrait  de  curiosité  ;  nous  arriverons  au  xi^  siècle, 
époque  pendant  laquelle  la  forme  des  chapiteaux ,  leur  fonction  et  leur 
sculpture  peuvent  être  parfaitement  définies. 

11  nous  faut  d'abord  distinguer  les  chapiteaux,  à  partir  de  cette  époque, 
en  chapiteaux  de  colonnes  isolées,  monocylindriques,  et  en  chapiteaux 
de  colonnes  engagées. 

Dans  les  églises,  les  colonnes  monocylindriques  sont  ordinairement 
réservées  pour  le  tour  des  sanctuaires;  partout  ailleurs  la  colonne  est 
presque  toujours  engagée  au  moins  d'un  tiers  dans  une  pile  ,  un  pilastre 
ou  un  mur.  La  fonction  de  la  colonne  engagée  étant,  dans  l'intérieur  des 
monuments,  de  supporter  un  archivolte,  et  son  diamètre  ne  dépassant 


[    CHAIMTKAL'    ]  —    i^56    — 

guère  un  pied  (de  0,33  c.  à  0,40  c,  voy.  pile),  il  fallait  donn»M-  au 
chapiteau  un  évaseuieiit  assez  considérable  pour  recevoir  le  lit  du  som- 
mier de  cet  archivolte  (jui  devait  soutenir  un  mur  épais  ou  tout  au  moins 
un  contre-tort.  Dès  l'instant  (|ue  le  système  de  la  constiuction  des  voûtes 
romanes  était  adopté,  le  chapiteau  n'était  plus  un  simple  ornement;  il 
entrait  dans  la  construction  comme  une  des  parties  les  plus  importantes, 
puisqu'il  devenait  l'assiette,  le  point  de  dépari  des  voijtes  (voy.  construc- 
TioN,  l'ii.i:).  Donc,  après  ces  tâtonnements  et  c(>s  grossiers  essais  des 
architectes  et  sculpteurs,  nous  \oyons  tout  a  coup,  au  xi*"  siècle,  le 
chapiteau  composé  pour  remplir  une  fonction  nouvelle  et  utile.  Cela  est 
particulièrement  sensible  dans  les  édifices  de  l'Auvergne,  du  Nivernais 
et  de  la  Bourgogne,  qui  datent  de  cette  époque.  Dans  ces  provinces,  les 
archivoltes  présentent  une  section  carrée  qui  exige  un  point  d'appui  solide 
pour  recevoir  le  sommier;  le  chapiteau  est  alors  muni  d'un  double  tail- 
loir, le  premier  tenant  à  l'assise  même  du  chapileau,  et  le  second  formant 
tablette  saillante  :  or  c'est  ce  premier  tailloir  (jui  embrasse  exactement  la 
surface  donnée  par  le  lit  de  pose  du  sommier. 


La  hg.  G,  copiée  sur  1  un  des  chapiteaux  du  lotu'  du  chinu'  de  l'église 


—    4S7    —  [    CHAPITKAU    ] 

de  Saint-Étienne  de  Nevers  (seconde  moitié  du  xi»"  siècle),  fera  comprendre 
le  rôle  utile  du  chapiteau  roman. 

Dans  l'Ile-de-France  et  la  Normandie,  l'indécision  dni'e  plus  lonj^temps; 
les  archivoltes  sont  nmnis  souvent  de  yros  boudins,  sont  maigres  et  ne 
viennent  pas  franchement  se  reposer  sur  la  saillie  du  chapiteau.  Cela  est 
apparent  dans  la  nef  de  la  cathédrale  d'Evreux ,  où  (juelques  piles  du 
xi«  siècle,  qui  ont  conservé  leurs  chapiteaux  et  archivoltes  primitifs,  nous 
présentent  une  disposition  reproduite  ici  (7). 


C'est  toujours  dans  le  voisinage  des  grands  centres  monastiques  qu'il 
faut  étudier  l'architecture  romane ,  c'est  là  qu'elle  se  développe  avec  le 
plus  de  vigueur  et  de  franchise.  En  Bourgogne,  l'ordre  de  Cluny  forme 
une  école ,  au  xi^  siècle,  à  nulle  autre  comparable  ;  c'est  donc  à  lui  que 
nous  irons  demander  les  exemples  les  plus  beaux  de  cette  époque.  C'est  à 
Vézelay ,  puisque  l'église  mère  de  Cluny  est  détruite  aujourd'hui.  La  nef 
de  l'église  de  Sainte-Madeleine  de  Vézelay  présente  une  série  de  quatre- 
vingt-quatorze  chapiteaux  décorés  d'ornements  et  de  tigures  ;  leur  galbe, 
leur  proportion  et  la  façon  monumentale  dont  la  sculpture  est  traitée. 


[    CHAPITEAU     I  —    4S8    

sont  un  liche  sujet  d'études  auquel  on  revient  toujours  après  avoir  examiné 
d'autres  édifices  du  même  temps.  Parmi  ces  chapiteaux,  on  en  remai(iue 
([iiel((ues-uns  ,  vers  les  transsepts,  qui  appartiennent  à  une  cpociuc  anlé- 
rieui'e,  el  ont  été  replacés,  lors  de  la  reconstruction  de  la  nef,  à  la  tin  du 
xi«  siècle.  11  ne  sendile  pas  que  le  maître  de  l'œuvre  ait  suivi  un  ordre 
méthodique  dans  le  classement  de  ces  chapiteaux;  étant  tous  apjjarcillés 
de  la  même  manière  et  sculptés,  connue  toujours,  avant  la  pose,  il  est 
vraiseml)la])le  (|ue  les  poseurs  les  ont  montés  el  scellés  à  leur  place  sans 
suivre  un  oidre.  mais  au  l'ur  et  à  mesui'e  ((u'ils  sortaient  des  inams  des 
sculpteurs.  Outre  les  chapiteaux  f'euiihis  et  qui  n'ont  aucune  sif^nilication, 
il  en  est  un  grand  nombre,  parmi  ceux  à  figures,  qu'il  est  ditlicile,  pour 
nous  du  moins,  d'expliquer.  Quelques-uns  repi'ésenlent  des  scènes  de 
l'Ancien  Testament  ;  par  exemple  ,  la  bénédiction  de  Jacob,  la  mort 
d'Absalon,  David  et  Goliath,  Moïse  descendant  du  Sinaï  (H),  ('e  chapiteau 
est  un  de  ceux  <|ui  sont  traités  avec  le  plus  de  verve;  son  tailloir  est  décoré 
de  gros  l)oulons  orlés  qui  rappellent  les  oves  antiques.  Le  démon  s'échappe 
par  la  bouche  du  Veau  d'or  à  la  vue  de  Moïse,  un  homme  apporte  un 
chevreau  pour  le  sacrifier  à  l'idole  •et  parait  interdit.  Les  gestes  sont 
justes,  bien  sentis  et  fortement  accentués;  la  figure  du  démon  (>st  d'une 
énergie  sauvage  qui  ne  manque  j)as  de  style.  En  sonune,  si  les  délaiis  de 
ces  S(;ulptures  sont  souvent  barbares,  jamais  on  ne  peut  leur  l'eprocher 
d'être  vulgaires.  Dans  les  compositions,  il  y  a  toujours  quehjue  chose  de 
grand,  de  vrai,  de  dramatique  qui  captive  l'attention  et  l'ait  songei-. 
Beaucoup  de  ces  chapiteaux  représentent  des  paraboles  :  le  mauvais  riche, 
l'enfant  prodigue;  des  légendes  :  celles  de  Gain,  tué  par  son  fils  Tubal  ;  de 
saint  Eusiache;  des  scènes  de  la  vie  de  saint  Anioine  et  de  saint  Benoit; 
puis  des  vices  et  leur  punition  (le  diable  joue  un  grand  rôle  dans  ces 
conqwsitions)  ;  des  travaux  de  l'année  :  la  moisson,  la  moulure  du  grain, 
la  vendange,  etc.;  des  animaux  bizarres  tirés  des  bestiaires  (9)  ;  des  lions 
et  des  oiseaux  adossés  ou  affrontés  au  milieu  de  feuillages.  Tous  ces 
ornements  et  figures  se  renferment  dans  le  même  e|)annelage.  consistant 
en  un  cône  ti'onqué  renversé,  pénétré  par  un  cube  donnant  en  projection 
horizontale  (10)  le  tracé  A,  et  en  projeelion  verlicale  le  trace  li.  L'astra- 
gale tient  toujours  au  fût,  el  le  second  tailloir  saillant  est  pris  dans  une 
autre  assise;  du  reste,  tous  les  tailloiis  soiU  variés  connue  profil  ou  tléco- 
ration.  Si  les  chapiteaux  à  Hgures  de  la  nef  de  l'église  de  Vézelay  sont 
d'un  style  tant  soit  peu  sauvage,  il  n'en  est  pas  ainsi  de  ceux  conq)osés 
uni(|uement  de  feuillages;  ces  derniers  sont  dune  pureté  d'exécution  et 
dune  beauté  iiK-onqiarable. 

Mais  c'est  surtout  pendant  le  xii«  siècle  que  la  sculpture  des  chapiteaux 
atteignit  une  singulière  perfection.  Leur  fonction  désormais  arrêtée, 
supports  avant  d'être  ornements,  ils  conservent  cette  forme  dominanle  en 
se  couvi'ant  de  la  paiure  la  plus  riche  .  la  plus  délicate  e!  la  plus  vaiiée. 
Depuis  longtemps  (lejii  il  était  admis  que  les  chapili^aux  dun  même  monu- 
ment, en  se  renfermant  dans  un  galbe  uniforme,  devaient  fous  être  variés  ; 


—    iXU 


ClIAI'ITKAi; 


-V.  ^^3£Z-î/B5'.^^ 


c'était  donc  là.  pour  les  sculpteurs,  une  occasion  de  se  surpasser  les  uns 

62 


T.     H. 


CHAPITEAi; 


—  Am 


les  autres,  do  faire  preuve  de  talent  dans  la  eoiuposition,  de  finesse  d'exé- 
cution, de  patience  et  de  soin,  (yétaient.  dans  les  inh-rieurs  des  monuments. 


pesÂRD.  se. 


de  nond)reuses  pa^^es  à  remplir,  destinées  à  captiver  l'attention  et  à 
instruire  la  foule.  Les  chapiteaux  à  figures  tiennent  essentiellement  à 
l'architecture  romane,  surtout  dans  les  provinces  éloignées  de  l'Ile-de- 
France.  Ils  persistent ,  jusque  vers  la  fin  du  xii«  siècle  ,  dans  le  Poitou,  le 
Herry,  la  Bourgogne,  l'Aquitaine  et  l'Auvergne,  tandis  (|ue  les  feuillages, 
les  entrelacs  sont  adoptés  de  préférence  dans  les  ])rovinces  dépendant  du 
domaine  royal.  Nous  ne  trouvons  ces  grands  chapiteaux  ave(;  tailloirs 
très-saillants  et  large  sculpture  qu'à  Vezelay  et  dans  le  voisinage  de  cette 


491     l    CHAPITEAl     ] 

rélèbre  al)l)aye.  Ailleurs,   pendant  les  xi"    el  \ii«  siècles,  ils  sont  plus 
trapus,   moins  saillants  sur  la  colonne,   moins  hauts,  et  ne  sont  pas 


couromiés  par  ces  énormes  tailloirs  d'un  etiet  si  muiiumental.  A  Vezelay. 
les  chapiteaux  des  colonnes  engagées  des  bas-côtés  ont  en  hauteur  . 
compris  le  tailloir,  le  quart  de  la  hauteur  du  fût  ;  tandis  que  généralement, 
en  Auvergne  et  dans  le  Berry ,  ils  n'ont  guère  que  le  cinquième  ou  le 
sixième  de  la  hauteur  du  fût.  En  Normandie,  dans  le  Maine,  l'Anjou  et 
le  Poitou .  ils  sont  plus  bas  encore,  comparativement  à  la  longueur  de  la 

colonne. 

La  dimension  des  matériaux  employés  était  pour  quelque  chose  dans 
ces  différences  de  proportion.  En  Bourgogne,  les  bancs  de  pierre  sont 
hauts  et  ont  toujours  été  extraits  en  blocs  d'une  grande  dimension  ;  tandis 
que,  dans  les  provinces  que  nous  venons  de  désigner  ,  la  pierre  était .  de 
temps  immémorial,  extraite  par  bancs  dune  faible  épaisseur.  Or.  pendant 
la  période  romane,  les  chapiteaux  sont  toujours  sculptes  dans  une  hauteur 
d'assise  ;  jamais  un  lit  ne  vient  les  séparer  en  deux  assises.  Les  chapiteaux 
étant,  conmie  tous  les  membres  de  l'architecture,  taillés  et  terminés  avant 
la  pose,  il  eût  été  impossible  de  raccorder  des  sculptures  faites  sur  deux 
pierres.  Ce  ne  fut  que  plus  tard  que  l'on  conq)osa  des  chapiteaux  en  deux 
ou  trois  assises,  et  nous  verrons  comment  sy  prirent  les  appareilleurs  et 
sculpteurs  pour  rassembler  ces  divers  morceaux  termines  sur  le  chanlier. 
Il  \  a  sans  dire  que,  si  la  hauteur  des  bancs  calcaires  inilue  sur  la  proportion 
donnée  aux  chapiteaux,  la  qualité  de  la  pierre,  pendant  toute  la  période 
romane,  vient  en  aide  au  sculpteur  si  elle  est  fine  et  compacte,  gène  son 
travail  si  elle  est  grossière  et  poreuse.  Là  où  les  matériaux  permettent  une 
glande  délicatesse  de  ciseau,  les  chapiteaux  sont  sculptes  avec  une  rare 
perfection  :  ils  se  couvrent  de  détails  a  peine  vi>ibles  a  la  distance  oii  ils 


[    CIIAIMIKAL     I  iU-2    

sont  placés.  Il  est  tel  cliapilt'au ,  (111X11*=  siècle,  des  provinces  l'avorisées 
par  la  nature  des  matériaux,  qui  peut  passer  pour  une  u'uvre  destinée  à 
être  vue  de  près  connne  le  serait  un  nieui)le.  Les  exein|)les  abondent  ; 
nous  en  choisirons  un  entre  tous,  tiré  des  ruines  de  léj^dis*'  de  Deols 
(Bouig-Dieu)  près  Chàteauroux  (11).  Ce  chapiteau  est  bas,  coniparative- 


H 


ment  à  ceux  de  la  liourfïogne  de  la  même  épo(|ue;  son  tailloir  est  lin.  peu 
saillant;  les  ornements  exécutés  avec  une  délicatesse  remartiuable;  il 
présente  ces  singuliers  enchevêtrements  d'animaux  <|ue  Ton  rencontre  si 
souvent  dans  les  j)rovincesvoisinesde  la  Loire  et  jus(|ue  dans  lAn^oumois. 
Ce  n'est  plus  là  cet  art  imposant  de  la  Houri^oi^ue ,  ce  pdlx»  hardi  des 
chapiteaux  du  porche  de  Vézelay,  contemporain  de  Féi^lise  de  Deols.  La 
sculpture  n'est  pas  découpée  sur  le  fond,  mais  très-modelée  ;  les  traditions 
antiques  ne  paraissent  pas  avoir  dominé  l'artiste,  qui  semble  plutôt  inspiré 
parées  dessins  d'étoffes,  ces  ivoires  ,  ces  bijoux  venus  d'Orient  et  si  fort 
prisés  au  xn'"  siècle  (voy.  sculptlre). 

Mais  c'est   sui'tout  dans  les  contrées  méridionales  compiises  entre  la 
Caronne,  la  Loire  et  la  mei',  (jue.  dès  le  xr'  siècle,  les  chapiteaux  se 


'*">5    [    CHAl'ITEAl      I 

couvrent  d'animaux  Irailés  avec  une  rare  énergie ,  modelés  simplement, 
d'un  caraclère  étrange  et  plein  de  style.  On  en  jugera  par  lexemple  que 
nous  donnons  (1-2),  eo|)ié  sur  un  ehajtiteau  du  porche  de  l'église  de 


Moissac  (partie  du  xi''  siècle).  Cette  sculpture,  dessinée  avec  vigueur, 
coupée  dans  une  pierre  dure  par  une  main  habile,  n'est  cependant  pas 
exempte  de  tinesse;  la  netteté  de  la  composition,  la  franche  disposition 
des  masses,  n'excluent  pas  la  délicatesse  des  détails,  comme  le  fait  voir, 
autant  que  possible,  notre  gravure.  Les  articulations,  les  mouvements  de 
ces  lions  fantastiques  ayant  une  seule  tête  pour  deux  corps  sont  vrais, 
bien  compris  dans  le  sens  de  la  décoration  monumentale;  la  sculpture  est 
peu  saillante,  afin  de  ne  pas  déranger  la  silhouette  du  chapiteau,  dont  la 
forme  est  trapue  connue  celle  de  tous  les  chapiteaux  de  grosses  colonnes. 
Car  il  est,  dès  l'époque  romane,  un  fait  à  remarquer  :  c'est  (fue  la  hautein- 


CHAI'ITEAL 


ï\)'i    — 


d'assises  cominandaiil  la  liaiileiir  du  chapiteau  ,  il  en  résulte  (|ue,  dans  le 
niènje  édifice,  les  eliapileaux  des  fji'osses  colonnes  sont  l»as,  larj^vs, écrasés, 
tandis  (jue  ceux  des  coloiinelles  sont  svellcs,  élancés.  Il  nr  faut  jjascroiic 
(|iie  ce  principe  est  adopté  dune  t'act>n  absolue;  mais  il  a  toujouis  une 
irdluence  sur  les  pi'oportions  des  chaj)iteaux,  qui  sont  daulant  plus  allon- 
gées, relativeineni  au  diamètre  des  colonnes,  que  celles-ci  sont  plusj-ièles. 


Nous  avons  dit  qu'à  partir  des  temps  mérovingi<'ns,  les  diapileaux 
portent  directement,  les  sommiers  des  arcs  et  ne  sont  plus,  connue  dans 
l'architecture  antique  grecque  et  romaine,  destinés  à  soutenir  une  plate- 
bande.  A  cette  règle,  quelque  générale  qu'elle  soit ,  il  y  a  cependant  îles 
exceptions. 

Dans  les  provinces  du  Centre,  en  Auvergne,  dans  le  l'oilou  et  l'Aqui- 
taine, dès  le  xi«  siècle,  on  rencontre  souvent  des  colonnes  tenant  lieu  de 
contre-forts  sur  les  parois  extérieures  des  absides  ou  chapelles  circulaires 
(voy.,  au  mot  ciiAPKi.i.i:,  les  fig.  '27  et  34).  Les  chapiteaux  alors  portent 
directement  la  corniche  sous  la  couverture,  l'inleivalle  entre  ces  chapi- 
teaux étant  soulage  par  des  corbeaux.  On  trouve  de  beaux  exemi)les  de 
ces  chapiteaux  autour  des  absides  des  églises  dissoire,  de  Saint-iNectaire, 


—    i9r>    I    CHAPITKAU    ) 

(le  Chamaillèi'es,  de  Noli'e-I)aiiie-(lii-l*ort  à  Clermont  (13),  qui  datent  du 
xi«  siècle;  nous  les  reiieoutrons  encore  au  Mas-d'Aj^enais,  sur  les  bords 
de  la  (iarf)iine.  à  Saint-Sernin  de  Toulouse,  à  la  callK'drale  d'Amen  ,  et 
jusqu'à  Saint-l*apoul,  sur  les  frontières  du  Houssillon.  [.a  eoiniclie  n'est, 
dans  ce  cas,  qu'une  sinq^le  tablette  destinée  à  recevoir  les  premières  dalles 
de  la  couverture  et  à  proté{jfer  les  murs  par  sa  saillie  (voyez  cornichk). 
On  sent  encore  l'influence  antique  dans  le  chapiteau  (fig.  13)  d'une  des 
chapelles  de  Notre-Dame-du-Port  ;  mais  ces  réminiscences  sont  peu 
connnunes,  et  les  chapiteaux  ap|)artenantà  ce  style  et  à  l'architecture  des 
XI*;  et  xiif  siècles  de  ces  pi'ovinces  ont  un  caractère  original. 

Pour  rencontrer  des  chapiteaux  dans  la  composition  descjuels  les  tradi- 
tions gallo-romaines  ont  une  grande  influence  jusqu'au  commencement 
du  \in<;  siècle,  il  faut  aller  dans  certaines  localités  de  l'Est  et  du  Sud-Est, 
à  Autun,  à  Langres,  le  long  de  la  Saône  et  du  Rhône.  Les  chapiteaux  des 
colonnes  monocylindriques  du  sanctuaire  de  la  cathédrale  de  Langres, 
(jui  datent  de  la  seconde  moitié  du  xii*"  siècle,  sont  évidenunent  imités  de 
chapiteaux  corinthiens  gallo-romains;  on  y  retrouve  même  le  faire  de 
la  sculpture,  les  trous  nombreux  de  trépan  percés  pour  dessiner  les  sépa- 
rations des  membres  des  feuilles,  la  découpure  dentelée  des  feuillages,  les 
volutes,  culots  et  retroussis,  le  tailloir  curviligne  avec  ses  quatre  fleurons 
et  la  corbeille  corinthienne.  Souvent ,  à  côté  de  ces  chapiteaux  imités  de 
l'antiquité,  le  goût  particulier  à  l'époque  apparaît,  et  les  feuillages  coiin- 
Ihiens  sont  remplacés  par  des  flgures,  connne  à  la  cathédrale  d'Autun, 
par  des  entrelacs  ou  des  rosaces,  genre  d'ornement  fréquemment  adapte 
aux  chapiteaux  pendant  le  xii*^  siècle,  ainsi  que  le  fait  voir  la  fig.  14, 
reproduisant  un  chapiteau  de  l'ancien  cloître  roman  de  l'abbaye  de 
Vézelay  '.  Il  faut  reconnaître  que,  même  dans  les  contrées  où  la  tradition 
gallo-romaine  persiste,  à  cause  surtout  du  voisinage  de  fragments  antiques 
qui  couvraient  encore  le  sol,  cette  influence  n'a  d'ettet  que  sur  les  chapi- 
teaux posés  sur  des  colonnes  monocylindriques  comme  les  colonnes 
anti(|ues,  et  sur  des  pilastres  disposés  comme  le  sont  les  pilastres  romains. 
Sur  les  colonnes  engagées,  d'angles,  et  les  colon  nettes,  le  chapiteau  roman 
prend  sa  place,  connue  si  ces  genres  de  suppoits  appartenaient  exclusive- 
ment à  ce  style  et  ne  pouvait  admettre  de  uiélanges.  Cela  est  bien  visible 
dans  la  cathédrale  de  Langres. 

Ce  monument  ne  présente  à  l'intérieur  et  à  l'extérieur  que  les  colonnes 
monocylindriques  du  chœur,  dont  nous  avons  parlé  tout  à  l'heure,  et  des 
pilastres.  Les  chapiteaux  de  ces  colonnes  et  pilastres  rappellent  avec 
plus  ou  moins  de  fidélité  la  sculpture  et  la  conqwsition  des  chapiteaux 
corinthiens  romains.  Mais  le  triforium  du  chœur  présente  une  suite 
d'arcatures  supportées  par  des  colonnettes  accouplées.  Ces  coloimettes 
sont  surmontées  de  chapiteaux  jumeaux  portant  les  sommiers  des  petits 

1  Ce  chapiteau  es.l  le  seul  de  ce  cloîUe  qui  soit  conserve  inlaci  ;  il  est  déposé  dans 
le  musée  de  l'église,  el  reproduit  dans  la  nouvelle  construction  du  cloître. 


CHAPITKAi: 


U)(l    — 


iiir-hivollos.  C-rla  est  iiiu'  disposition  toute   romane  :  or  les  cliaijileaiix 
jumeaux  des  colonnes  accouplées  ont,  la  plM|)ait ,  un  caractère  étranj^'er 


Pf 


^       a.  JS///v£' 


aux  arts  antiques;  on  en  jufïera  par  l'exemple  que  nous  donnons  ici  (15). 
Le  nuir  supportant  le  triforium  du  cho'ur  de  la  cafliédrale  de  Lanières  est 
épais;  pour  le  ])orler  sans  avoii'  des  colonnclles  dun  l'orl  diamètre, 
l'arcliitecte  a  dû  éloigner  passablement  ces  coloimettes  lune  de  l'autre, 
suivant  la  section  du  mur;  voulant  aussi  (|ue  les  chapiteaux  jumeaux 
fussent  pris  dans  une  seule  pierre,  afin  de  ne  pas  donner  troj)  de  quillaf^e 
à  ses  colonnettes,  il  les  a  réunis  par  une  jjfrosse  tète  de  lion  .  ainsi  que  le 
lait  voii'  notre  ti^uur. 

Un  procédé  analogue  avait  été  suivi  pour  la  laille  des  l)as(\s  jumelles 


i9T  — 


f    r.HAI'ITKAl'    ] 


«le  ces  colonnettes .  qui  sont  éfialement  défiai^ées  dans  un  seul  luoiceau 
(le  pierre  (voy.  base,  Hg.  19).  Ainsi,  d'une  part,  nous  voyons  la  forme 
primitive  de  la  colonne  ou  des  pilastres  antiques  faire  eoiiscrver,  à 
i.anirres.   la  formt'  et  la  eompdsition  du  chapilt'aii  (•(irinlliioii  ;  cl.  de 


/5 


lautie  .  l'adoption  dune  disposition  toute  romane  de  colonnettes  faire 
adoptei'  le  chapiteau  roman  dans  lequel  les  traditions  antiques  ne  sont 
plus  apparentes. 

C'est,  nous  le  répétons,  pendant  la  seconde  moitié  du  y.w"  siècle,  que 
ces  influences  diverses  a^'issent  à  Laniires.  Mais  il  fallait  (pie  cette  tradition 
de  la  forme  antique  fût  bien  forte  dans  cette  contrée,  puisque  ,  pendant 
les  dernières  années  du  xu«  siècle  ou  les  premières  du  xiii'',  lorsque  l'on 
construit  la  nef  de  la  cathédrale,  en  conservant  le  pilastre  antique  canton- 
nant les  piles,  on  voit  encore,  dans  la  conqjosition  des  chapiteaux  de  ces 
pilastres,  la  disposition  corinthienne  conservée  avec  certains  détails  et 
ornements  qui  appartiennent  à  la  sculpture  la  plus  belle  et  la  plus  carac- 
térisée de  la  première  période  ogivale. 

Ainsi  nous  trouvons  (16)  dans  un  même  chapiteau,  connne  masse,  les 
divisions  des  feuilles  sur  la  corbeille  corinthienne  ,  les  restes  des  volutes 
avec  leurs  caulicoles  et  bagues,  puis  les  reiroussis,  et  un  beau  crochet 
appartenant  franchement  à  la  sculpture  des  premières  années  du  xn^ 

siècle. 

Cn  autre  chapiteau  de  la  même  nef  présente,  avec  un  souvenir  plus 

T      II  -  <>3 


[    C.MAI'irKAl     1  '  —    •iV*^»   — 

('H'iicé  mais  porsistant  «'iiroiv  du  cliapilcaii  ((iiiiilliicii .  des  détails  (|iii 


quoique  fort  étranges,  sont  empreints  du  style  des  premières  années  du 
xine  siècle;  c'est  ce  chapiteau  dont  les  relroussis  des  téuilles  viennent 
couvrir  des  tètes  humaines  (17). 

ï.a  Bourgogne  nous  présente  quelques  autres  exemples  de  chapiteaux 
de  cette  époque  décorés  de  têtes  en  guise  de  crochets;  nous  en  avons  vu 
un  dans  la  petite  église  de  Sainte-Sabine  (Cùte-dOr),  entre  Saint-Thibaut 
et  Arnay-le-L)uc.  La  Normandie  et  le  Maine  en  possèdent  aussi  en  assez 
grand  nombre,  mais  d'une  date  plus  reculée. 

Aucune  époque  de  notre  architecture  ne  foui-nit  une  aussi  grande 
(|uantité  de  chapiteaux  variés  de  forme  et  de  détails  que  le  xii^'  siècle.  A 
aucune  époque  aussi  la  sculpture  de  ce  membre  important  de  la  colomie 
ne  fut  exécutée  avec  plus  d'amour.  iNous  ne  pouvons  que  donner  quelques 
types  bien  caractérisés  et  en  petit  nondjre,  en  essayant  de  les  classer 
méthodiquement. 

Puisque  nous  en  sonnnes  à  l'interprétation  plus  ou  moins  exacte  des 
formes  antiques,  nous  ne  saurions  passer  sous  silence  ces  chapiteaux  des 
bords  de  la  Haute-daronne  qui  ont  une  physionomie  bitMi  tranchée,  et 
qui,  en  conservant  à  peu  près  les  masses  du  chapiteau  corinthien,  subdi- 
visent les  grandes  feuilles  en  gracieux  (leurons  s'em-oulant  les  uns  près 


4-*.)*.)    —  I     (IIAI'ITKAl'     I 

des  autres coiiiiiic  une  sorte  dedaniasquinaj^e.  l/éj;iisedt'Saiiil-Seiniii  de 


Toulouse  en  fournit  de  beaux  échantillons  exécutés  avec  une  rare  perfection. 

Nous  donnons  (18)  un  de  ces  chapiteaux.  Dans  le  même  monument,  il 
en  est  d'autres  qui  ne  donnent  que  l'épannelage  de  cette  riche  ornemen- 
tation; quelques-uns,  posés  sur  les  colonnes  monocylindriques  du  sanc- 
tuaire, sont  des  copies  assez  fidèles  de  chapiteaux  romains,  copies  dans 
lesquelles  cependant  on  trouve  un  style,  un  goût  et  une  pureté  d'exécution, 
qui  rendent  ces  sculptures  supérieures  aux  chapiteaux  des  bas-temps. 

Il  est  un  fait  que  nous  devons  signaler,  car  il  est  particulier  à  leglise  de 
Saint-Sernin  ainsi  qu'à  certaines  églises  méridionales  du  xu^  siècle  :  c'est 
qu'à  l'intérieur  de  ces  édifices  les  chapiteaux  sont  seulement  décorés  de 
feuillages,  sauf  de  rares  exceptions,  tandis  que  ceux  qui  décorent  les 
portails  à  l'extérieur  sont  presque  tous  couverts  de  figures  légendaires, 
symboliques,  ou  d'animaux  bizarres.  Les  colonnes  du  portail  souvrant  à 
l'extrémité  du  transsept  sud  de  l'église  de  Saint-Sernin  sont  surmontées 
de  chapiteaux  sur  lesquels  on  a  figuré  la  personnification  des  vices  et  leur 
punition.  Le  portail  de  la  nef,  du  même  côté,  reproduit,'  sur  ses  chapiteaux, 
l'Annonciation,  la  Visitation,  le  massacre  des  Innocents,  etc.  Cette  méthode 
de  figurer  des  scènes  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament  sur  les  chapi- 
teaux des  portails  est  généralement  a(lo[)tce,  au  xii''  siècle,  non-seulement 


I     (.11 AIMIKM       I  h(H)    

dans  1p  Midi,  mais  ^iicoïc  dans  (|uel(|iu's-iiiu's  de  ii(>séi;lises  du  iNord.  I.c 
j)()rtail  royal  de  la  callicdralc  de  (lliarti'ps,  par  exeinijle.  développe  sur  ses 


chapiteaux  une  série  descènes  sacrées  (|ui  se  suivent  »'t  forment  <(imiiie 
une  frise  pourtournant  les  ressauts  produits  par  la  disposition  des  colonnes 
en  retraite  les  unes  sur  les  autres. 

Mais  c'est  dans  h's  cloîtres  surtout  (|ue  les  chapiteaux  sont,  au  xic  siècle, 
couverts  de  scènes  empriu)tées  à  l'histoire  sacrée  ou  aux  léjj;en(les  des 
saints.  Les  cloîtres  de  Saint-Trophyme  d'Arles,  de  Moissac,  d'Elne,  sont 
])articulièrement  riches  en  représentations  de  ce  j^enre,  ainsi  que  les  admi- 
rahles  cloîtres,  détruits  aujourd'hui,  des  églises  de  Toulouse  et  d'Avignon. 
r>es  nmsées  de  ces  villes  renferment  encore  (piehpies-uns  de  ces  fVa^ments 
<pii  sont  de  la  plus  jurande  beauté  et  d'une  liuesse  d'exécution  incompa- 


—    50 1     —  I    CHAIMTKAU    ] 

rable.  Les  chapiteaux  des  cloîtres  romans  sont  presque  toujours  doubles, 
les  colonnes  supportant  les  arcaturesdes  lialeries  étant  jumelles  ;  et,  dans 
ce  cas,  ces  chapiteaux  ne  sont  souvent  qu'une  frise  sculptée  supportée 
par  un  ranjf  de  l'euiiies  au-dessus  de  chacune  des  astrajiales.  Quelques-uns 
des  chapiieaux  déposés  dans  le  musée  de  Toulouse  et  provenant,  dit-on, 
du  cloître  de  Saint-Sernin  (xri«  siècle),  sont  ainsi  composés. 

.Nous  donnons  (19)  une  copie  de  l'un  deux.  Il  représente  une  chasse  à 
l'ours  au  milieu  d'enroulements  d'un  5^:0111  ex(|uis.  I/ours  est  remarquable- 
ment imité,  contrairement  aux  habitudes  des  sculpteurs  du  xn''  siècle,  qui 
donnaient  presque  toujours  à  leurs  animaux  une  forme  conventionnelle; 
on  voit  que  le  voisinage  des  Pyrénées  a  permis  à  l'artiste  de  prendre  la 
nature  sur  le  fait.  Quant  aux  chapiteaux  du  cloître  de  Moissac,  ils  repré- 
sentent des  scènes  diverses,  dont  les  figurines  sont  sculptées  avec  la  plus 
grande  délicatesse,  ou  des  ornements  dans  le  genre  de  ceux  du  chapiteau 
de  Saint-Sernin  (fig.  18). 

Mais,  dans  ces  provinces  méridionales,  l'école  des  sculpteurs  qui  étaient 
arrivés,  au  xn**  siècle,  à  une  si  rare  habileté,  s'éteint  pendant  les  guerres 
des  Albigeois,  et  il  nous  faut  retourner  vers  le  Nord  pour  trouver  la 
transition  entre  le  chapiteau  roman  et  le  chapiteau  appartenant  au  style 
ogival.  Cette  transformation  suit  pas  à  pas  celle  de  larchiteclure;  elle  est, 
à  cause  de  cela  même,  fort  intéressante  à  étudier.  Dans  les  provinces 
septentrionales,  et  particulièrement  dans  le  domaine  royal,  la  sculpture 
avait  atteint,  au  xn»  siècle,  une  perfection  d'exécution  qui  ne  le  cède 
guère  aux  écoles  méridionales.  Toutefois,  dans  les  chapiteaux  de  cette 
époque  et  appartenant  aux  édifices  de  ces  contrées,  les  figures  sont  rares  ; 
l'ornementation,  composée  de  feuillages  ou  d*enroulements ,  domine. 
Lintîuence  du  chapiteau  corinthien  antique  se  fait  souvent  sentir,  mais 
elle  est  déjà  soumise  à  des  formes  particulières;  c'est  plutôt  un  souvenir 
qu'une  imitation.  L'artiste  adopte  un  galbe,  certaines  dispositions  des 
masses  qui  lui  appartiennent;  il  ne  tâtonne  plus,  il  a  trouvé  un  type 
auquel  il  se  soumettra  de  plus  en  plus  jusqu'au  moment  où  il  abandonnera 
complètement  les  dernières  traces  de  l'art  romain.  La  transition  entre  le 
chapiteau  roman  plus  ou  moins  fidèlement  inspiré  de  la  tradition  antique 
et  le  chapiteau  appartenant  à  l'art  ogival  peut  être  observée  dans  un  assez 
grand  nombre  d'édifices  construits  pendant  la  première  moitié  du 
xiie  siècle. 

Nous  prendrons  un  exemple,  entre  beaucoup  d'autres  analogues,  dans 
léglise  de  Sainte-Madeleine  de  Chàteaudun  (-20).  Les  piliers  de  la  nef  de 
cette  église  (côté  nord!  sont  cantonnés  de  colonnes  engagées  de  diamètres 
ditiérents;  cependant  tous  les  chapiteaux^  pris  dans  la  même  assise  sont 
de  la  même  hauteur,  (|u'ils  appartiennent  aux  grosses  ou  minces  colonnes. 
La  corbeille  du  chapiteau  de  la  colonne  mince  s'entoure  de  feuilles  peu 
recourbées  à  leur  extrémité,  tandis  que  déjà  le  chapiteau  de  la  grosse 
colonne  retourne  vigoureusement  les  bouts  de  ses  feuilles  de  façon  à 
former,  à  chaque  extrémité,  une  masse  assez  volumineuse  pour  accrocher 


I     CHAI'IIKAI 


—  o(>-2 


^^vo 


:^^y^ 


CIIAPITKAl 


la  lumière  et  faire  prévaloir  ainsi ,  au  milieu  du  j^roupe  de  feuillages, 
certaines  masses  fortement  accentuées.  C'est,  en  eflet ,  dans  les  gros 
(']ia|)iteau\  (|ue  l'on  voit  se  développer  d'abord  ces  extrémités  de  feuilles 


qui  peu  à  peu  prennent  une  grande  importance,  jusqu'à  figurer  ces 
volumineux  bourgeons  ,  ces  paquets  de  folioles  que  l'on  désigne  aujour- 
d'hui sous  le  nom  de  crochets. 

Les  puissants  tailloirs  carrés  des  chapiteaux  romans,  encore  conservés 
dans  l'architecture  du'xii'"  siècle,  supportant  des  sommiers  d'arcs  dont  le 
lit  était  lui-même  inscrit  dans  des  angles  droits,  obligeaient  les  sculpteurs 
à  donner  aux  angles  du  chapiteau  une  grande  résistance  pour  ne  pas  être 
brisés  sous  la  charge.  Ces  letroussis  de  feuilles,  non  point  évidés  comme 
les  volutes  du  cha{)iteau  corinthien  antique  qui  n'ont  rien  à  porter,  mais 
pleins,  formaient  comme  une  console,  un  encorbellement  nécessaire  à  la 
solidité.  C'est  pourquoi  nous  voyons  ces  retroussis  adoptés  d'abord  dans 
les  gros  chapiteaux  portant  les  arcs  principaux,  tandis  qu'ils  ne  paraissent 
pas  nécessaires  dans  les  chapiteaux  plus  grêles  (|ui  n'ont  que  des  arcs 
ogives  à  soutenir.  A  plus  forte  raison  donnait-oîi  aux  angles  des  chapi- 


CHAHIÏKAI 


rioi  — 


teaux  des  colonnes  isolées,  portant  de  très-lourdes  char^TS  et  réparlissanl 
cette  char^'e  sur  un  fût  assez  mince  comparativement,  un  lrès-j,M'and 
dévelopjiement. 

Cela  esl  bien  accusé  dans  les  chapiteaux  (h>s  colonnes  monocylindriques 
du  lour  du  chœur  de  ICj^lise  de  Saint-Denis,  (|U()i(|U('  lii  encore  on  sente 
l'influence  de  la  sculpture  romaine  Le  déveloj)peuient  est  complet  dans 
les  chapiteaux  du  sanctuaire  de  léj^lise  de  Sainl-Leu  d'Esserent  cil). 


Nous  n'avons  pas  i)esoin  de  faire  ressortir  les  l)elles  qualités  de  cette 
dernière  sculpture,  qui  réunit  au  plus  haut  de}.';ré  la  finesse  à  la  fermeté. 
Dans  cet  exemple,  nulle  ccud'usion,  pas  de  làtomuMuents.  Les  angles  de 
l'épais  tailloir  sont  puissamment  souteims  par  les  gros  crochets,  com- 
posés avec  un  ait  infini  ;  entre  eux  on  voit  paraître  la  corbeille  circulaire 
qui  fait  le  fond  du  chapiteau  ;  des  tètes  d'animaux  sortant  à  la  réunion 
des  larges  feuilles  découpées  occujjent  et  décorent  la  partie  moyenne.  Les 
feuilles,  afin  de  [)resenter  à  l^eil  une  masse  plus  ferme,  sont  cernées  par 


—    505   —  [   CHA   ] 

deux  nerfs  qui  servent  de  tige  au  crochet  d'angle,  en  «'enroulant  sur  eux- 
mêmes. 

Pour  tout  artiste  de  goût,  c'est  là,  quelle  que  soit  l'école  à  laquelle  il 
appartienne,  une  œuvre  digne  de  servir  d'exenq)le,  autant  par  la  manière 
dont  elle  est  composée  que  par  son  exécution^  à  la  fois  sobre,  fine  et  monu- 
mentale. 

La  révolution  qui  s'opère  dans  la  forme  et  les  détails  des  chapiteaux, 
vers  la  fin  du  xn^  siècle,  arrive  promptement,  dans  le  domaine  royal  et 
les  provinces  environnantes,  à  son  entier  développement,  connue  nous  le 
verrons  tout  à  Iheure  ;  elle  se  fait  moins  rapidement  en  Bourgogne. 
L'influence  romane  persiste  plus  longtemps.  Dans  les  provinces  de  l'Est, 
sur  les  bords  du  Rhin  et  de  la  Moselle,  le  chapiteau  roman  se  décore  de 
détails  plus  délicats,  mais  conserve  sa  forme  primitive.  Le  chapiteau 
roman  rhénan  est  bien  connu  ;  c'est  une  portion  de  sphère  posée  sur 
l'astragale  et  pénétrée  par  un  cube. 


mm0Ê  \ 


1% 


hj 


La  fig.  22  nous  dispensera  de  plus  longues  explications  au  sujet  de  cette 
forme  singulière  que  l'on  rencontre  dans  presque  toute  l'Allemagne,  et 
dont  on  trouve  la  trace  dans  certains  édifices  du  x«  siècle,  du  nord-est  de 
l'Italie  et  en  Lombardie.  Ces  chapiteaux  ont  leurs  faces  plates  décorées 
souvent,  soit  par  des  peintures,  soit  par  des  ornements  déliés,  découpés, 
peu  saillants,  connue  une  sorte  de  gravure. 

Au  xri^'  siècle,  lorsque  tous  les  profils  de  l'architecture  prirent  plus  de 
finesse,  la  forme  cubique  de  ces  chapiteaux  dut  paraître  grossière;  on 
divisa  donc  les  gros  chapiteaux  en  quatre  portions  de  sphères  se  péné- 
trant et  pénétrées  ensemble  par  un  cube,  ainsi  que  l'indique  la  fig.  23;  puis 
on  orna  chacune  de  ces  parties  qui  formaient  comme  un  groupe  de  quatre 
chapiteaux  réunis. 

La  nef  de  l'église  de  Uosheim  près  Strasbourg,  qui  date  du  xu'"  siècle, 

(U 


n. 


1  ni  A  1  —  rioo  — 

nous  donne  un  bel  exemple  de  ces  sortes  de  chapiteaux  (2i).  On  voitquiR 


mamf 


rorncmentation  n'est  qu'accessoire  dans  les  chapiteaux  rhénans;  ce  n'est 
guère  qu'une  gravure  à  peine  modelée  qui  ne  modifie  pas  le  galbe  géomé- 
trique du  sonmnet  de  la  colonne;  on  sent  là  l'influence  byzantine,  car  si 
l'on  veut  examiner  les  chapiteaux  de  Saint-Vital  de  Ravenne  et  de  Saint- 
Marc  de  Venise,  on  reconnaîtra  que  dans  ces  édifices  la  plupart  des  chapi- 
teaux, appartenant  aux  constructions  primitives,  ne  sont  décorés  que  par 
des  sculptures  très-plates,  découpées,  ou  même  quelquefois,  comme  dans 
le  bas-côté  nord  de  cette  dernière  église,  par  des  incrustations  de  couleur. 
Ouelle  que  soit  la  beauté  de  travail  de  ces  sculptures,  la  forme  romane, 
même  à  la  fin  du  \\w  siècle,  reste  maîtresse;  il  ne  semble  pas  que  cet  art 
puisse  se  trantormcr. 

L'architecture  comme  la  sculpture  romane  du  Uhin  ne  peuvent  se  débar- 
rasser de  leurs  langes  carlovingiennes;  elles  tournent  dans  le  même  cercle 
jusipi'au  moment  où  les  arts  français  importés  viennent  prendre  leur  place. 
Cette  innnobilité  ou  ce  respect  pour  les  traditions,  si  l'on  veut,  existent, 
(pioicpie  avec  moins  de  force,  en  Normandie.  La  forme  du  chapiteau  nor- 
mand roman  persiste,  sans  modification  sensible  dans  lésinasses,  justpi'au 
moment  oii  \o,  style  français  tait  invasion  dans  celte  province  lors  de  la 


507 


f  rii\ 


(•oiiquète  de  Philippo-Aiigiisle.  l.e  chapiteau  (ubKiiie  simple  ou  divisé  se 
rencontre  aussi  dans  cette  province;  il  est  souvent  décoré  de  peintures, 
comme  on  peut  le  voir  encore  dans  l'église  de  Saint-Georges  de  Boscher- 
ville  et  dans  celle  de  l'abbaye  de  Jumièges.  Nous  retrouvons  même  ces 
chapiteaux  dans  des  parties  carlovingiennes  des  églises  françaises  de  l'Est. 
La  crypte  de  l'église  Saint-Léger  de  Soissons  contient  encore  un  chapiteau 
cubique  peint,  fort  remarquable ,  qui  paraît  dater  du  x«  siècle.  Nous  en 
donnons  une  copie  (2,%).  Les  ornements  sont  blancs  sur  fond  jaune  ocre. 


A 


(^v/ 


La  pénétration  du  cube  dans  la  sphère  est  tracée  par  une  légère  entaille 
double,  ainsi  que  l'indique  le  profil  fait  sur  l'axe  A  B,  ce  qui  donne  à  ce 
chapiteau  une  physionomie  particulière.  Ce  n'est  pas  là  le  pur  chapiteau 
rhénan. 

De  tous  ces  divers  styles  romans,  dont  la  variété  est  infinie  et  dont  nous 
n'avons  pu  que  tracer  les  caractères  les  plus  saillants,  un  seul  arrive  à  une 
transformation  à  la  fin  du  \u^  siècle  ;  c'est  le  style  français  proprement  dit, 
car  les  chapiteaux  suivaient  naturellement  les  progrès  de  l'architecture 
(voy.  ARCHiTECTCRE,  CATiiÉDRALK).  Lcs  autrcs  sc  traînent  sur  des  traces 
vieillies,  se  perdent,  ou  louibent  dans  des  raffinements  puérils   Nous  allons 


[  CHA   ]  —   508  — 

donc  pouvoir  suivre  pas  à  pas  les  transformations  successives  du  chapiteau 
français,  sans  plus  faire  d'excursions,  connue  dans  la  première  partie  de 
cet  article. 

Ainsi  que  nous  l'avons  fait  voir,  il  avait  toujours  existé  une  ditïérence 
marquée  dans  la  composition  des  chapiteaux  romans  appartenant  à  des 
colonnes  isolées  monocylindriques  d'un  diamètre  assez  fort  par  conséquent, 
et  des  chapiteaux  de  colonnettcs  et  colonnes  engagées.  Toutefois,  cette, 
différence  est  plutôt  le  résultat  d'un  instinct  naturel  d'artiste  que  d'un 
système  arrêté.  En  abandonnant  la  tradition  romane  pour  entier  dans 
l'ère  ogivale  inaugurée,  à  la  fin  du  xn^  siècle,  dans  les  provinces  du 
domaine  royal,  de  la  Champagne,  de  la  Picardie  et  de  la  Bourgogne,  la 
composition  des  chapiteaux  se  soumet  à  un  mode  fixe;  elle  devient 
logique  connue  le  principe  général  de  l'architecture.  Ce  sera  dorénavant 
le  sommier  des  arcs  supporté  par  le  chapiteau  qui  commandera  la  forme 
du  tailloir;  ce  sera  la  forme  du  tailloir  qui  commandera  la  conqxjsition 
du  chapiteau.  Notons  encore  une  fois  ce  fait,  sur  lequel  nous  reviendrons 
souvent,  et  dont  nous  ne  saurions  trop  faire  ressortir  l'inqiortancc  :  dans 
l'architecture  ogivale,  c'est  la  voûte  et  ses  divers  arcs  qui  inqwsent  aux 
mend)res  inféiieurs  de  l'architecture,  aux  supports,  leur  nombre,  leur 
place  et  leur  forme  jusque  .dans  les  moindres  détails. 

A  la  fin  du  xw  siècle,  le  chapiteau  devient,  connue  tous  les  membres 
nombreux  de  l'architecture,  un  moyen  de  construction  ;  il  est  connue  une 
expansion  intelligente  de  la  pile;  il  prend  ses  fondions  de  support  au 
sérieux. 

Dans  l'Ile  de  France  on  avait,  à  la  fin  du  xn^  siècle,  adopté  fréquemment 
la  colonne  monocylindrique  connue  pile,  non-seulement  autour  des  sanc- 
tuaires, mais  aussi  dans  k-s  nefs,  peut-être  parce  que  cette  forme  est  celle 
qui  prend  le  moins  d'espace,  gêne  moins  que  toute  autre  la  circulation,  et 
démasque  le  mieux  les  diverses  parties  intérieures  d'un  édifice.  Mais  la 
colonne  cylindrique  d'une  nef  devait  porter  :  1"  deux  archivoltes  de 
travées,  2°  l'arc  doubleau  et  les  deux  arcs  ogives  du  collatéral,  3o  le 
faisceau  de  colonnettcs  montant  jusqu'aux  naissances  des  grandes  voûtes. 
Ces  membres  compliqués,  se  pénétrant,  ayant  chacun  leur  fonction, 
demandaient  une  assiette  large,  snr  laquelle  ils  devaient  s'asseoir,  et  qui 
ne  pouvait  se  renfermer  dans  la  section  horizontale  d'un  cylindre,  dans  un 
cercle,  ni  même  dans  le  carré  qui  aurait  inscrit  ce  cercle. 

A  la  cathédrale  de  Paris ,  par  exemple,  dont  le  chœur  et  la  nef  sont 
portés  sur  des  colonnes  monocylindriques,  la  section  de  la  colonne  étant 
un  cercle  dont  le  centre  est  en  A  (i(i),  les  lits  de  sounniers  des  archivoltes 
tracent  la  projection  horizontale  B;  ceux  de  l'arc  doubleau  du  bas-côté  et 
des  deux  arcs  ogives,  les  projections  C,DD;  et,  enfin,  les  bases  des  faisceaux 
de  colomiettes  montant  juscju'aux  grandes  voûtes,  la  projection  horizontale 
E.  Qu'ont  fait  les  constiiuleurs?  Ils  ont  tracé  simplement  le  tailloir  du 
chapiteau  suivant  le  carré  FG  III  (jui  inscrit  tous  les  lits  de  ces  divers 
membres,  et  se  sont  contentés  d'abattre  ses  angles  pour  éviter  des  aiguités 


—  509  -^  l  lUA  I 

désagréables,  lorsque  l'on  regarde  le  chapiteau  parallMemenl  à  ses  diago-? 
uales.  Mais  ce  tailloir  n'inscrit  pas  exactement  les  traces  données,  surpjao 


26 


horizontal,  par  le  lit  des  sommiers  et  bases  des  colonnettes;  il  reste  deux 
surfaces  K  inutiles;  on  ne  tarda  pas  à  les  éviter. 

Avant  de  passer  outre,  nous  faisons  voir  (27)  l'élévation  de  ces  chapiteaux 
des  gros  piliers  cylindriques  de  la  cathédrale  de  Paris,  du  côté  de  la  nef. 
Les  bancs  de  beau  cliquart  dont  sont  composés  ces  piles  et  leurs  chapiteaux 
sont  bas  d'assises  et  ne  portent  guère  plus  de  0,40  c.  à  0,45  c.  de  hauteur. 
Force  était  donc,  pour  donner  aux  chapiteaux  une  proportion  convenable 
par  rapport  au  diamètre  de  la  colonne,  de  les  sculpter  dans  deux  assises. 
Notre  fig.  ^21  montre  comment  l'ornementation  de  ces  chapiteaux  concorde 
avec  la  hauteur  des  assises,  et  conunent  on  a  pu  raccorder  les  deux  tam- 
bours des  chapiteaux  très-facilement,  quoiqu'ils  aient  été  sculptés  avant  la 
pose'.  Les  chapiteaux  des  piles  du  chœur,  sculptés  et  posés  quelques 
années  avant  ceux  de  la  nef,  présentent  les  mêmes  dispositions  d'ensemble  ; 
seulement  leurs  crochets  d'angles  sont  plus  forts,  plus  larges,  les  feuilles 
plus  grasses  et  moins  découpées.  Il  est,  du  reste,  une  observation  à  faire 
au  sujet  des  chapiteaux  du  chœur  de  Notre-Dame  de  Paris,  que  nous  ne 
devons  pas  omettre,  c'est  que  les  chapiteaux  des  colonnettes  isolées  de  la 
galerie  du  premier  étage  paraissent  d'un  travail  plus  ancien  que  les  chapi- 
teaux des  grosses  piles  cylindriques  du  rez-de-chaussée.  Ils  ont  dû  tous 
cependant  être  taillés  en  même  temps,  et  s'il  y  a  quelques  années  de  ditfé- 


1  Notre  gravure  ne  peut  donner  qu'une  idée  fort  incomplète  de  ces  magnifiques 
chapiteaux  dont  la  scnl[)liiro  grassement  traitiV,  quoique  modelée  avec -un.  soin 
extrême,  présente  une  série  variée  de  compositions  du  medleur  style 


[  CHA  ]  -  510  — 

reiice entre  leur  sculpture,  évidenuiient  ceux  du  triforiinu  sont  posU'rieuis 
h  ceux   (lu  lez-de-chaussée.  Mais,  à  cette  époque  de  transition,  encore 


rapprochée  de  la  période  romane,  il  n'est  pas  rare  de  rencontrer  de  ces 
soites  d'anachronismes  en  sculpture.  Noyon,  Sonlis  nous  en  offrent  des 
exemples.  Cela  tenait  à  ce  (pie  l'on  employait  en  nuMue  temps,  pour  sculpter 
les  noiuhreux  chapiteaux  de  ces  grands  monuments,  des  artistes  d'âge 
diflférent;  les  uns  appartenaient  encore  à  la  vieille  école  romane,  d'autres 
plus  jeunes  suivaient  les  nouveaux  eriements.  Or,  connue  en  France  on  a 
toujours  été  enclin  à  préférer  la  nouveauté  aux  traditions,  on  confiait  les 
sculptures  les  ])lus  en  vue,  les  plus  iinpoitantcs.  aux  artistes  appartenant 
a  la  nouvelle  école,  et  les  œuvres  des  vieux  sculpteurs  étaient  reléguées 


—    oll    —  [   CHA    ] 

dans  les  parties  des  édifices  le  moins  en  vue.  Les  corporations  laïques 
d'artisans  ou  d'artistes  qui,  à  la  fin  du  xii»  siècle,  étaient  à  l'origine  de  leur 
puissance,  avaient  cette  intellij^îence  des  corps  qui  s'organisent  dans  le  but 
de  produire  et  de  progresser  ;  elles  ne  cherchaient  pas  à  nionoi)oliser  les 
œuvres  d'art  entre  les  mains  de  quelques  hommes  dans  nn  intérêt 
personnel;  elles  favorisaient,  au  contraire,  les  innovations,  et  les  patrons 
étaient  débordés  et  supplantés  par  leurs  apprentis  devenus  rapidement 
plus  hardis  et  plus  habiles.  Les  corporations,  pour  tout  dire  en  un  mot, 
étaient  des  corps  et  non  des  coteries  ' . 

Dans  le  même  monument,  la  cathédrale  de  Paris,  nous  voyons  les  chapi- 
teaux des  piles  séparant  les  deux  collatéraux  déjà  combinés  pour  recevoir 
exactement  les  retombées  des  ditférents  arcs  des  voûtes.  Mais  nous  revien- 
drons tout  à  l'heure  sur  les  fonctions  si  bien  écrites  du  chapiteau  appaite- 
nant  à  la  période  ogivale. 

Pour  faire  ressortir  l'influence  exercée  par  la  nature  des  matériaux 
employés,  sur  la  sculpture  des  chapiteaux,  nous  présenterons  un  exemple 
tiré  du  tour  du  chœur  de  la  grande  église  de  Mantes ,  contemporaine  du 
chœur  de  Notre-Dame  de  Paris,  et  qui  paraît  avoir  été  élevée  par  les  mêmes 
maîtres.  Les  murs  du  sanctuaire  de  l'église  de  ÏNIantes  sont  portés  sur  des 
colonnes  en  grès  qui  n'ont  pas  plus  de  0,50  c.  de  diamètre.  Pour  résister  à 
la  charge  sui)érieure,  les  chapiteaux  durent  être  également  sculptés  dans 
un  grès  très-résistant,  difficile  à  travailler  et  qu'il  eût  été  dangereux  de  trop 
évider  ;  ils  devaient  encore  présenter  un  évasement  considérable  pour 
recevoir,  sur  le  lit  supérieur  du  tailloir,  le  sommier  de  deux  archivoltes,  de 
deux  arcs  ogives,  d'un  arc  doubleau,  et  le  départ  de  la  colonnette  montant 
jusqu'à  la  naissance  des  voûtes  hautes.  Afin  d'éviter  les  brisures  qui  pou- 
vaient se  manifester  aux  angles  de  ces  chapiteaux  très-évasés,  il  fallait  que 
ces  angles  fussent  soutenus  par  la  sculpture  entourant  la  corbeille,  que 
cette  sculpture  formât  comme  un  encorbellement  reportant  la  charge  d'un 
large  sommier  sur  un  fût  très-mince.  Les  sculpteurs  résolurent  exactement 
ce  prol)lème,  ainsi  que  le  fait  voir  la  fig.  28.  A  est  Vrvc  doubleau  du  colla- 
téral. La  composition  de  ce  chapiteau  a  cela  d'étrange  que,  sur  quatre 
volutes  d'angles,  deux  se  retournent  dans  un  sens,  deux  dans  l'autre,  mais 
toutes  quatre  sont  fortement  épaulées  sous  le  retroussis.  Cette  méthode 
avait  déjà  été  employée,  quelques  années  auparavant,  autour  du  chœur  de 
l'église  de  Saint-Denis,  pour  les  chapiteaux  des  colonnes  monocylindriques 
qui  datent  de  la  construction  de  Suger,  et  qui  portent  les  culées  des  arcs- 
boutants  reconstruits  au  xur  siècle.  Il  est  donc  facile  de  reconnaître  qu'au 


1  Si  (tes  faits  ne  paraissent  pas  une  preuve  suffisante  en  faveur  de  notre  opinion, 
on  peut  consulter  les  Règlements  d'Etienne  Boileau  ;  on  y  verra  avec  (pielle  sollicitude 
ils  s'occupent  de  l'apprenti  :  s'ils  obligent  celui-ci  h  rester  auprès  de  son  patron,  ils 
veulent  que  le  patron  lui  donne  un  travail  assuré.  Un  labeur  constant  entre  les  mains 
de  jeunes  gens  devait  naturellement  amener  des  progrès  rapides,  et  il  était  de 
rintérèl  du  patron  de  l'encourager. 


•[  ciiA  "j  -  rvi2  - 

.monlentoîiTarchitcctnro  ogivale  se  développe,  le  chapiteau  se  soumet  ai* 
système  de  construction  adopté,  sa  fonction  est  nécessaire  et  sa  forme  se 
modèle  sur  les  membres  des  arcs  dont  il  doit  porter  la  charge. 


'Si  rapides  (|ue  soient  les  transformations  dans  un  art,  il  est  certains 
usages,  certaines  traditions  qui  persistent,  dont  on  ne  s'athanchit  qu'avec 
peine.  Déjà  la  section  hoii/ontale  du  pilier  roman  était  abandonnée  depuis 
longtemps,  le  pilier  ogival,  dans  les  nefs,  se  composait  d'un  cylindre  can- 
tonné de  quatre  colonnes,  (^l'autour  des  sanctuaires  on  conservait  encore 
la  colonne  monocylindrifiue,  soit  parce  que  cette  forme  était  traditionnelle 
et  que  le  clergé  y  tenait,  soit  parce  qu'elle  dégageait  mieux  les  bas-côtés 
du  chœur  et  permettait  aux  tidèles  assemblés  autour  du  sanctuaire  de 
mieux  voir  les  cérémonies,  soit  enfin  parce  que,  les  travées  de  rond-point 
étant  plus  étroites  que  les  autres,  on  voulait  donner  une  grande  légèreté 
apparente  aux  points  d'appui,  et  ne  pas  diminuer  la  largeur  des  vides 

(VOy.  PILK,  PILUUl). 

Cependant  le  système  général  de  la  construction  des  voûtes  ogivales 
franchement  appliqué  ne  pouvait  concorder  nxoc  la  colonne  monocylin- 


—  513  — 


CHA    ] 


(Iriqiie.  L'esprit  inipérieusemont  logique  des  constructeurs  excluait  les 
surfaces  horizontales  ne  supportant  rien,  inutiles  par  conséquent,  quelque 
peu  étendues  qu'elles  fussent  (vov.  base). 

Passer  d'un  lit  de  sounnier  tel  que  celui  donné  [i'ù),  par  exemple,  à  un 


cercle,  en  évitant  les  surfaces  horizontales  sur  le  tailloir  du  chapiteau, 
devenait  difticile;  on  pouvait  bien  inscrire  le  lit  des  différents  arcs 
ce  ,DD  ,E  dans  un  octogone  régulier,  et  de  l'octogone  régulier  passer  au 
cercle,  mais  les  trois  colonnettes  ABB',  destinées  à  recevoir  trois  nerfs  des 
voûtes  hautes,  sortaient  avec  leur  base  de  l'octogone;  il  fallait  ajouter  un 
appendice  au  tailloir  pour  les  soutenir,  et  cet  appendice  du  tailloir  devait 
être  lui-même  soutenu  par  un  ornement  du  chapiteau  ;  de  là  des  combi- 
naisons que  les  architectes  faisaient  concourir  avec  un  art  exquis  à  la 
décoration  de  l'ensemble. 

Le  plan  de  tailloir  et  la  trace  de  sommier,  fig.  29,  provenant  du  chœur 
de  la  jolie  église  de  Sémur  en  Auxois,  donne,  en  élévation  perspective,  la 
fig.  30  '.  On  voit  avec  quel  scrupule  l'architecte  a  évité  des  angles  saillants 
présentant  des  surfaces  horizontales  sans  emploi,  comment  il  a  su  conduire 
l'œil  du  tut  cylindrique  à  la  rencontre  compliquée  des  ditiérents  membres 
des  voûtes  et  des  colonnettes ,  de  manière  à  faire  voir  que  ce  chapiteau 
porte  réellement  et  qu'il  n'est  pas  seulement  une  décoration  banale.  Une 
fois  le  principe  admis,  il  y  a  dans  ces  combinaisons  une  sincérité  et  une 
f^ràce  bien  éloignées  de  notre  architecture  moderne,  dont  la  plupart  des 


'  Celte  paille  du  chœur  de  l'église  de  Sémur  eu  Auxois  dul  élre  consliuile  de  I  220 
à  1 230. 

T.     11.  t)0 


rn.v 


ol4 


membres  se  superposent  sans  qu'il  soit  possible  de  dire  quelle  est  leur 
fonciion,  pounpioi  ils  occupent  une  place  i)lutol  qu'une  autre. 

La  pierre  mise  en  œuvre  pour  la  construction  des  églises  de  Sénuir  en 
Auxois  est,  il  faut  le  dire,  fort  résistante;  c'est  un  gros  grès  (pierre  de 
l'ouillenay)  qui,  bien  qu'il  se  taille  assez  facilement  en  sortant  de  la  carrière, 
acnjuiert  la  dureté  du  granit. 

L'assise  du  chapiteau  représenté  fig.  30  n'a  pas  moins  de  0,80  c.  de 


lianteur,  non  compris  le  tailloir  pris  dans  une  autre  assise.  Les  construc- 
teurs n'avaient  pas  partout  des  matériaux  de  cette  hauteur  de  banc  et  de 
cette  force.  Alors,  s'ils  voulaient  maintenir  la  colonne  monocylindi'iqne 
dans  les  sanctuaires  (connue  ils  l'ont  fait  plus  tard  encore  dans  la  Bour- 
gogne), ils  lui  donnaient,  comparativement  au  sonmiier.  un  plus  fort 


515  — 


[    CHA    ] 


diamètre,  et  ils  sculptaient  le  chapiteau  dans  deux  assises,  ainsi  qu'on  peut 
le  voir  à  la  cathédrale  d'Auxerre. 

Cependant  on  ne  tarda  pas  à  s'affranchir  de  la  difficulté  résultant  de  la 
retombée  des  membres  des  voûtes  sur  un  chapiteau  unique,  et  à  oublier 
ce  dernier  vestige  des  traditions  romanes.  Admettant  définitivement,  vers 
\'2io,  que  les  voûtes  devaient  commander  la  section  horizontale  des  piliers, 
on  cantonna  les  colonnes  monocylindriques  de  deux  ou  de  (piatre 
colonnes;  cette  nouvelle  combinaison  vint  déranger  l'ordonnance  des 
chapiteaux  (voy.  pile,  pilier). 

Un  des  premiers  exemples  de  cette  transformation  se  rencontre  à  l'entrée 
de  la  nef  de  la  cathédrale  de  Paris;  les  premières  travées  de  cette  nef  sont 
d'une  époque  un  peu  postérieure  aux  suivantes  (voy.  cathédrale).  L'archi- 
tecte, en  laissant  subsister  au  centre  du  groupe  de  colonnes  le  gros  pilier 
monocylindrique  adopté  dans  le  reste  du  monument,  lui  conserva  son 
chapiteau;  seulement  il  l'interrompit  au  droit  de  chacune  des  colonnes 
engagées. 


31 


/'SJMIÙ. 


La  fig.  31  rendra  notre  description  plus  claire.  Un  voit  en  A  la  colonne 


[    CHA    J  —    510    — 

qui  porte,  comme  un  renfort  ajouté  au  pilier,  les  colonnettes  montant 
jusqu'à  la  naissance  des  voûtes  hautes  ;  en  B  l'une  des  trois  autres  colonnes 
qui  portent  k'S  deux  archivoltes  et  l'arc  douhlcau  du  collalcral  ;  les  arcs 
ogives  posent  sur  les  sections  circulaires  du  tailluii-  du  gius  chapiteau, 
laissées  encore  inutiles,  en  partie,  du  côlé  de  la  nef.  Si  le  gros  chapiteau 
est  formé  de  deux  assises  ,  les  trois  chapiteaux  des  colonnes  engagées  B 
sont  sculptés  dans  une  seule.  L'instinct  de  l'artiste  lui  commandait  cette 
diHérence  de  hauteur  donnée  à  des  chai)iteaux  de  colonnes  de  diamètres 
différents.  Quant  à  la  colonne  engagée  A  ne  portant  pas  d'arc ,  mais  un 
groupe  de  colonnettes,  elle  n'a  pas  de  chapiteaux.  Ce  fait  indique  bien 
clairement  que  l'on  n'admettait  alors  le  chapiteau  (comme  déjà  pendant  la 
période  romane)  que  pour  porter  des  arcs  de  voûtes,  et  servir  de  transition, 
d'encorbellement,  entre  le  sommier  large  de  ces  arcs  et  les  fûts  minces  des 
colonnes. 

Ce  moyen  transitoire  trouvé,  les  architectes  ne  purent  manquer  d'être 
choqués  par  ces  démanchements  d'assises  ornées,  ce  tailloir  d'une  forme 
assez  peu  gracieuse  et  compliquée  en  plan.  Ils  cherchèrent  à  concilier 
l'efllet  d'unité  donné  par  le  chapiteau  unique  possédant  un  seul  tailloir 
avec  les  nécessités  de  proportions  (jui  obligeaient  d'avoir  des  hauteurs  de 
chapiteaux  en  rapport  avec  le  diamètre  des  fûts  des  coloimes  réunies.  Ils 
résolurent  ce  problème  avec  beaucoup  d'adresse  dans  la  construction  des 
piliers  latéraux  du  chœur  de  la  cathédrale  d'Auxerre  (1230  environ),  ainsi 
que  le  fait  voir  la  fig.  32.  Les  colonnes  engagées  ne  viennent  ici  qu'épauler 
quatre  des  faces  du  tailloir  octogone  du  chapiteau  de  la  grosse  colonne 
centrale.  L'astragale  des  petits  chapiteaux  passe  également  sur  le  gros, 
indique  le  lit;  et  au-dessous,  ce  gros  chapiteau,  entre  l'astragale  fausse  et 
sa  véritable  astragale,  présente  une  sculpture  plus  simple,  plus  en  rapport 
avec  son  diamètre.  L'ornementation  de  la  partie  supérieure  du  gros  cha- 
piteau participe,  comme  échelle  de  celle  des  petits,  tandis  (lu'elle  lui 
ap[)artient  en  propre  dans  la  partie  infériem-e  où  il  reste  seul  visible.  Ce 
n'est  pas  là,  il  faut  bien  en  convenir,  l'effet  du  hasard  ou  d'une  fantaisie 
d'artiste,  mais  la  e()usé(pience  d'un  j^incipe  (jui  cherche  à  devenir  de  plus 
en  plus  absolu  jusque  dans  les  moindres  détails  de  la  construction  et  de  la 
décoration  des  édifices. 

Entre  le  chapiteau  de  Notre-Dame  de  Paris  (fig.  3»)  et  celui  que  nous 
représentons  ici  (32),  il  y  a  un  grand  pas  de  fait  vers  l'unité  d'aspect;  mais 
les  (juatre  colonnes  engagées  viennent  encore  couper  le  gros  chapiteau, 
et  l(î  demanchemenl  cpii  choque,  dans  la  fig.  31,  n'est  pas  évité  malgré 
le  passage  de  l'astragale  des  petits  chapiteaux  sur  la  corbeille  du  gros.  Un 
voulut  tout  concilier  à  Reims  en  construisant  les  piliers  de  la  cathédrale 
(1230  à  1240)  '. 


'  Nous  pailuns  dos  piliers  de  la  i)ar(ie  la  plus  aiicicuuo  de  la  uef  avoisiuaul  les 
Iranssepts. 


—    ril7    —  [    CHA    ] 

Le  gros  chapiteau  conserva    son  ordonnance  propre  au  milieu   des 


lé    i 


quatre  autres  '.  Ceux-ci  prirent  toute  la  hauteur  du  gros  chapiteau  en 


'  Par  exception,  les  qiKitre  edlonnes  engagées  dans  les  piliers  portent  chacune  un 
ciiapiteau  au  même  niveau,  les  colonnettes  supérieures  reposant  sur  le  chapiteau  de 
la  colonne  engagée  du  côté  de  la  nef(voy.  cATHÉuiiALii,  lig.  !4,  pilier). 


[   en A   I      ■  —   518   — 

deux  assises;  mais  une  seconde  astragale  vint  les  divisera  mi-hauteur  (33). 


Hi'fCErsr 


On  remarquera,  en  outre,  dans  les  chapiteaux  de  la  nef  de  la  cathédrale 
de  Reims,  la  forme  des  tailloirs;  oelni  du  jjros  clia|)it('au  est  un  carré  posé 
diagonalement,  ceux  des  petits  chapiteaux  sont  octogones;  ils  sont  com- 
binés de  manière  à  circonscrire  exactement  la  trace  du  lit  du  sommier  des 
arcs  et  des  bases  des  cinq  colonnettes  montant  juscpi'à  la  naissance  des 
grandes  voûtes,  ainsi  que  le  démontre  la  section  horizontale  (34.).  La  ligne 
ponctuée  indiiiue  le  pilier;  en  A,BB,GG  sont  les  cinq  colonnettes  (lui,  posant 
sur  un  des  quatre  chapiteaux  octogones,  portent  le  gros  arc  douhleau,  les 
deux  arcs  ogives  et  les  deux  formerets  des  voûtes  hautes  ;  en  DU  les  traces 
des  sommiers  des  archivoltes  sur  lesquels  reposent  les  écoinçons  entre  les 
piles,  le  triforium  et  les  grandes  fenêtres  supérieures;  en  EE  les  deux  arcs 
ogives  des  voûtes  des  bas-côtés;  en  F  l'arc  douhleau  de  ces  mêmes  voûtes. 
Le  tailloir  du  chapiteau  principal  avait  ses  deux  diagonales  CiII.IK  parallèles 
et  perpendiculaires  à  l'axe  de  la  nef,  ce  (pii  était  motivé  par  la  trace  du 
sommier  de  tous  les  arcs.  On  arrivait  ainsi  successivement  à  prendre  le  lit 
inférieur  du  sommier  conmie  générateur  du  tailloir  du  chapiteau.  Ce  que 


—  519  —  [  CHA  j 

l'on  ne  saurait  trop  remarquer  dans  la  structure  de  la  cathédrale  de  Reims, 


./Lonux^iP.iK: 


c'est  la  méthode,  la  régularité  de  toutes  les  parties.  Le  tracé  de  ces  som- 
miers d'arcs  est  très-savant,  et  nous  avons  l'occasion  d'y  revenir  aux  mots 

CONSTRUCTION,   SOMMIER, VOUTE. 

Il  nous  suffira  de  faire  observer  ici  que  la  disposition  du  groupe  de  chapi- 
teaux, n'ayant  pour  eux  tous  qu'un  seul  tailloir,  se  soumettant  déjà  au 
nombre  des  arcs  principaux  et  à  leur  section,  est  un  acheminement  vers  les 
chapiteaux  isolés  appartenant  à  chaque  colonne.  La  transition  est  encore 
plus  sensible  dans  la  disposition  des  chapiteaux  du  tour  du  chœur  de  la 
cathédrale  d'Amiens  (1240  environ).  Leurs  tailloirs  prennent  des  formes 
rectangulaires  qui,  non-seulement  se  modèlent  exactement  sur  la  trace  du 
lit  inférieur  du  sommier,  mais  encore  accusent  chacun  des  arcs  des  voûtes. 
Ainsi  (35)  :  soit  la  ligne  ponctuée  la  section  horizontale  du  pilier  ;  en  A  est 
la  colonnette  qui  monte  jusqu'aux  voûtes  hautes,  le  tailloir  ne  fait  que  la 
pourtourner  comme  une  bague  sans  chapiteau;  en  B  les  archivoltes  et 
leurs  doubles  claveaux  C;  en  D  l'arc  doubleau  du  collatéral,  et  en  E  les  arcs 
ogives.  On  voit  que  chacun  de  ces  arcs  porte  sur  une  portion  du  tailloir  qui 
lui  appartient  en  propre  ;  ce  n'est  plus  un  tailloir  commun  pour  plusieurs 
arcs.  En  élévation  perspective  du  côté  du  collatéral,  ces  chapiteaux  artéctent 
la  disposition  donnée  par  la  fig.  36.  Si  la  naissance  du  chapiteau  est 
composée  comme  celle  des  chapiteaux  des  piliers  du  chœur  de  la  cathédrale 
d'Auxerre,  son  tailloir  se  découpe,  se  sépare  en  autant  de  membres  qu'il  y 


I  CHA  1  —  520  — 

il  d'arcs.  Il  n'y  a  encore  que  quatre  chapiteaux,  un  gros  et  trois  plus  petits 


/t^ffstMn.'j^. 


et  il  y  a  déjà  six  tailloirs.  Du  moment  que  les  architectes  se  laissaient  ainsi 
entraîner  par  une  suite  de  raisonnements  ,  la  pente  était  irrésistible.  Les 
arcs  des  voûtes  (à  cause  de  cette  sorte  d'horreur  que  les  maîtres  avaient 
pour  les  surfaces  horizontales  inoccupées),  en  forçant  de  subdiviser  le 
tailloir  du  chapiteau,  intUièrent  bientôt  sur  les  piles.  Dès  1250,  on  donnait 
déjà  aux  piles  autant  de  colonnes  qu'il  y  avait  d'aics,  et  par  suite  autant  de 
chapiteaux  ;  on  arriva  à  doinier  aux  jjiles  autant  de  membres  que  les  arcs 
avaient  de  nerfs,  et  les  chapiteaux  perdirent  alors  leur  véritable  fonction  de 
suppoit,  d'encorbellement,  pour  ne  plus  devenir  que  des  bagues  ornées, 
mettant  une  assise  de  séparation  entre  les  lignes  veiticales  des  piles  et  les 
naissances  des  arcs.  Puis  enfin ,  comprenant  que  les  chapiteaux  n'avaient 
plus  de  raisons  d'exister,  les  maîtres  les  supprimèrent  complètement,  et 
les  arcs,  avec  toutes  leurs  moulures,  vinrent  descendre  jusque  sur  les  bases 
des  piliers.  C'est  ainsi  que  par  l'observation  rigoureuse  d'un  principe  on 


5*21     —  1    CHAl'ITKAl      i 

tombe  du  vrai  dans  l'absurde,  par  l'excès  luènic  de  la  vérité;  car  la  vérité 
(dans  les  arts  du  moins)  a  ses  excès. 


On  est  fondé  à  soutenir  que  l'art  ogival,  à  son  déclin,  aboutit  à  des 
recherches  ridicules  :  quand  on  le  considère  isolément,  de  1400  à  1500,  il 
est  impossible,  en  elïèt,  de  deviner  son  origine  et  de  prédire  juscpi'à 
quelles  extravagances  il  pourra  s'abaisser;  mais  si  Ton  suit  pas  à  i)as  les 
transformations  par  lesquelles  il  passe,  de  sa  naissance  à  sa  décrépitude, 
on  est  forcé  de  reconnaître  que  l'excès  n'est,  chez  lui,  que  l'exagération 
d'un  principe  juste  basé  dans  l'origine  sur  l'application  du  vrai  absolu, 
trop  absolu  puisqu'il  a  conduit  par  une  pente  rapide  à  de  tels  résultats.  Le 
goût  peut  seul,  dans  les  arts,  comme  en  toute  chose,  opposer  une  barrière 
à  l'exagération,  même  dans  lajjplication  du  vrai;  mais  le  goût  ne  peut 
exister  dans  une  société  qui,  ayant  rompu  avec  les  traditions,  se  trouve  à 
l'état  d'enfantement  perpétuel  ;  le  goût  n'est  alors  qu'un  sens  individuel 
propre  à  chaque  artiste,  il  n'existe  pas  à  l'état  de  doctrine.  L'architecture 
de  la  fin  du  xii«  siècle  prend  sa  source  dans  la  raison  des  artistes;  ceux-ci 


T.    11. 


f    CHAITIEAI     )  —     '.rm    — 

ne  font  que  poser  des  principes  matériels  étranj^ers  aux  principes  admis 
jusqu'alors;  la  forme,  si  belle  qu'ils  Taienl  trouvée,  n'est  qu'un  moyen, 
qu'une  enveloppe  soumis(>  aux  cilculs  de  Tesprit.  Une  fois  enj,^aj;és  dans 
cette  voie,  les  artistes  (|ui  suivent  ne  cherchent  (|u"à  la  pousser  plus  avant; 
entraillés  par  une  succession  de  lois  qui  se  déduisent  fatalement  comme 
des  j)roblèines  de  géométrie,  ne  possédant  pas  ce  tempérament  de  lesjjrit 
qu"on  appelle  le  goût,  ils  ne  peuvent  revenir  en  arrière  ni  même  s'arrêter, 
et  ils  étendent  si  loin  leurs  raisonnements  qu'ils  perdent  de  \ue  le  point 
de  départ.  C'est  toujours  la  même  voie  parcourue  dans  le  même  sens; 
mais  elle  va  si  avant,  que  ceux  qui  sont  forcés  de  la  suivre  ne  savent  où 
elle  les  conduira.  Les  arts  antiques  consei'vent  un  étalon  auquel  ils  peuvent 
recourir,  car  pour  eux  la  forme  domine  le  raisonnenu'ut;  les  arts  du 
moyen âfi;e  n'ont  d'autre  j'uide  qu'un  piincipe  abstrait  auquel  ils  soumet- 
tent la  forme.  Cela  nous  explique  connnent ,  dans  un  espace  de  temps 
très-court,  des  raisonnements  justes,  le  savoir,  l'expérience,  peuvent 
aboutira  l'absurde,  si  une  société  n'est  pas  réglée  par  le  jioùt  (voy.  golt). 

On  voudra  l)ien  nous  paidoimer  cette  dii^iession  à  propos  de  chapiteaux; 
mais  c'est  que,  dans  rarchitecture  ojj;ivale,  ce  membre  est  dune  jurande 
importance;  il  est  comme  la  mesure  servant  à  reconnaître  ies  doses  de 
science  et  d'art  qui  entrent  dans  les  compositions  architectoniques;  il 
permet  de  préciser  les  dates,  de  constater  rintluence  de  telle  école,  ou 
même  de  tel  monument  ;  il  est  connue  la  piern'  de  touche  de  lintelMijence 
des  constructeurs  :  car,  jusque  vers  le  milieu  du  xne-  sièch^,  le  chapiteau 
est  non-seulement  un  support,  mais  aussi  le  point  sur  lequel  s'équilibrent 
et  se  neutralisent  les  i)iessions  et  poussées  des  constructions  oj^ivales 
(voy.  constuuction). 

L'histoire  que  nous  avons  tracée  de  la  transition  entre  le  chapiteau 
roman  et  le  chapiteau  appartenant  définitivement  à  lère  offivale  devait 
être  trop  succincte  pour  que  nous  n'ayons  pas  été  forcé  de  né|.;lii;er  de 
nombreux  détails.  Du  jour  où  chaque  colonne  ou  colonnette  porte  son 
chapiteau  propre,  ce  n'est  plus  qu'une  question  de  décoration.  Mais  cette 
question  a  sa  valeur,  et  nous  devons  la  traiter.  Elle  ne  peut  cej)endaiit 
être  séparée  de  la  forme  et  des  dispositions  données  aux  tailloirs. 

Versle  milieu  du  xm^^siècle.  lors(|ue.  dans  rile-de-Fraiice.iaClianipaf;ne 
et  la  Picardie,  les  architectes  s'efforçaient  de  tracer  les  tailloirs  des  chapi- 
teaux suivant  des  (ij^ures  qui  inscrivaient  méthodi(piement  les  lits  des 
sommiers  des  arcs,  en  Normandie  on  tranchait  brusquement  la  ditiiculté; 
au  lieu  de  formes  anj,'uleuses,  on  donnait  aux  tailloirs  la  tif-ure  d'un  cercle 
sur  lequel  venaient  s'asseoir  les  arcs  avec  leurs  divers  membres.  L'archi- 
tecture en  Normandie  et  en  Ani,deterre  a  cela  de  particulier,  a  cette  cjxxpie, 
quelle  emploie  des  moyens  que  nous  pouri  ions  ajjpeler  mécaniques  dans 
l'exécution  des  détails.  Ainsi  se  révélait  déjà  l'esprit  pi-atique  de  ce  peuple 
plus  industrieux  que  raisonneur.  Cette  observation  s'apj)lique  également 
à  la  sculpture  qui,  en  Angleterre  et  en  Normandie,  à  partir  du  xm»"  siècle 
devient  d'une  monotonie  insupportable;  on  y  sent  le  travail  manuel,  mais 


5^3    —  ,  [    CHAPITEAU    ] 

point  l'empreinte  de  l'imagination  de  l'artiste.  Nous  reviendrons  sur  ce 
fait. 

Les  raisons  qui  font  donner  au  chapiteau  telle  ou  telle  forme,  qui 
influent  sur  le  tracé  du  tailloir  étant  connues  d'une  façon  sommaire,  on 
remarquera  que,  pendant  la  seconde  moitié  du  xn^'  siècle,  rornementation 
tend  de  plus  en  plus  à  prendre  une  fonction  utile.  Les  retroussis  ou 
crochets  qui  sont  destinés  à  soutenir  les  angles  du  tailloir  deviennent  plus 
volumineux,  plus  solidement  greffés  sur  la  corbeille  (voy.  fig.  21); 
cependant  la  saillie  de  ces  crochets  ne  dépasse  pas  l'angle  du  carré  du 
tailloir  tenant  au  chapiteau  :  c'est-à-dire  que  A  étant  le  sommet  de  l'angle 
de  la  tablette  du  tailloir  tenant  au  chapiteau,  le  crochet 
sera  pris  dans  l'épannelage  BCDE  (37).  On  ne  trouve 
que  l)ien  peu  d'exception  à  cette  règle  jusqu'au  moment 
où  les  tailloirs  commencent  à  être  tracés  sur  des  poly- 
gones, vers  l^SO.  Au  contraire,  à  partir  de  ce  mo- 
ment, les  crochets  débordent  plus  ou  moins  les  angles 
de  la  tablette  supérieure  du  chapiteau,  et  il  est  certaines 
provinces,  par  exemple,  où  ils  sortent  de  sa  corbeille 
comme  des  végétations  vigoureuses,  pour  s'épanouir  en  dehors  de  l'aplomb 
des  moulures  les  plus  saillantes  des  tailloirs. 

Cette  première  observation  faite  sur  le  plus  ou  le  moins  d'étendue  que 
prend  la  sculpture  dans  les  chapiteaux,  il  en  est  une  autre,  non  moins 
importante,  c'est  celle  relative  au  caractère  même  de  cette  sculpture. 
Pendant  la  période  romane,  la  décoration  des  chapiteaux  suit  des  tradi- 
tions, répète  ou  arrange  certains  ornements  pris  soit  à  l'antiquité,  soit 
aux  meubles,  aux  bijoux,  aux  étoffes  venus  de  Lombardie  ou  d'Orient, 
tout  en  s'appropriant  ces  ornements  et  leur  donnant  une  allure  française, 
bourguignonne,  normande,  champenoise,  poitevine,  etc.;  cependant  on 
voit  bien  qu'il  y  a  là  l'interprétation  d'un  autre  art.  Ce  sont  des  plantes 
acclimatées ,  modifiées  par  la  culture  locale  ;  mais  ce  ne  sont  pas  des 
plantes  indigènes. 

Vers  la  fin  du  xii«'  siècle,  c'est  tout  autre  chose;  une  nouvelle  plante 
naît  sur  le  sol  même  et  finit  par  étouffer  celle  qui  était  exotique.  On  voit, 
vers  le  milieu  du  xii^  siècle,  percer  autour  de  la  corbeille  du  chapiteau 
certains  bourgeons  peu  développés  d'abord,  qui  se  mêlent  aux  entrelacs 
romans,  à  leurs  feuilles,  à  leuis  animaux  fantastiques.  Peu  à  peu  ces 
bourgeons  s'étendent,  ils  s'ouvrent  en  folioles  grasses,  encore  molles  de 
duvet;  les  tiges  charnues,  tendres,  ont  cette  apparence  vigoureuse  des 
jeunes  pousses.  Mais  déjà  cette  première  végétation  a  expulsé  les  enrou- 
lements perlés  et  la  feuille  anguleuse,  découpée  ,  du  commencement  du 
xiie  siècle;  elle  est  luxuriante,  quoique  encore  chiffonnée  et  repliée  sur 
elle-même  comme  le  sont  les  premières  feuilles  qui  crèvent  leur  enveloppe. 
Entre  ces  feuilles  repliées,  on  aperçoit  les  boutons  des  fleurs.  Déjà  les  tiges 
deviennent  plus  nervées,  elles  accusent  des  angles  dans  leur  section.  Mais, 
chose  singulière,  il  ne  faut  pascroiieque  cette  floraison  de  l'ornementation 


[    CIIAPITKAU     1  Mi    

(les  chapiteaux,  au  (((inuiencenieut  du  xu«^  siècle,  imite  la  floraison  de 
telle  ou  telle  plante;  non,  c'est  une  sorte  de  tlore  de  convention,  (|ui 
ressemble  à  la  floi'e  naturelle  et  pi-ocède  connue  elle,  mais  à  Iaf|uelle  on 
ne  pourrait  donnei-  un  nom  d'espèce. 

Les  beaux  exemples  de  ce  printemps  de  la  sculptuie  française  d'orne- 
ment sont  innond)rables  ;  nous  en  choisirons  un  parmi  les  chapiteaux  si 
remarquablement  exécutés  du  chœur  de  l'église  abbatiale  de  Vézelay  (38). 


Malheureusement  la  gravure  ne  peu!  donner  Tidée  de  l'extrême  finesse 
de  modelé  de  ces  feuilles  repliées,  qui  ont  toute  la  grasse  souplesse  et  la 
pureté  de  contours  des  bourgeons  qui  s'épanouissent. 

Jamais  la  sculpture  doruement  n'avait  atteint  ce  degré  de  perfection 


—    5>25    —  [    CHAPITEAU    ] 

dans  l'exécution,  avec  une  entente  aussi  coujplète  (ie  l'etïet  des  masses. 
En  Bouriioirne  et  dans  le  Nivernais  .  ce  commencenient  de  végétation  est 
abondant,  puissant  :  il  se  développe  dans  le  même  sens.  Dans  llle-de- 
France,  et  en  Chanipaçine  surtout,  il  est  plus  délicat;  la  plante  est  moins 
viiïoureuse,  son  développement  est  aussi  plus  maii^re.  Ces  observations 
pourront  paraître  étianj^^es;  elles  sont  cependant  établies  sur  des  faits 
tellement  nombreux,  que  chacun  peut  vérifier  dans  tous  les  monuments 
de  la  période  ogivale,  qu'on  ne  saurait  en  contester  la  réalité  (voy.  flore). 

Mais  en  même  temps  que  se  développait  cette  sorte  de  végétation  de 
pierre,  l'esprit  des  maîtres,  connue  nous  lavons  vu,  ne  restait  pas  inactif. 
La  corbeille  '  du  chapiteau  roman  était  formée  par  la  pénétration  dun 
cône  dans  un  cube.  En  voulant  donner  plus  de  souplesse  à  la  sculpture, 
et  plus  de  grâce  au  chapiteau,  on  avait  successivement,  pendant  la  seconde 
moitié  du  xii^  siècle,  supprimé  le  cube  et  creusé  le  cône.  Mais  le  solide  qui 
servait  de  transition  entre  le  cylindre  de  la  colonne  et  le  carré  du  tailloir 
ne  pouvait  être  géométriquement  tracé  ;  c'était  un  solide  dont  la  forme 
n'était  pas  définie  dune  façon  rigoureuse,  et  qu'on  laissait  à  chaque  sculp- 
teur la  faculté  de  tailler  à  son  gré.  Il  en  résullait  que  les  chapiteaux 
analogues  d'un  même  édifice  présentaient  souvent  des  galbes  très-diffé- 
rents. Cela  ne  devait  point  satisfaire  les  architectes  du  \iu^  siècle,  qui 
tendaient  chaque  jour  davantage  à  ne  rien  laisser  au  hasard  et  qui  procé- 
daient méthodiquement.  On  arriva  donc  à  adopter  poui'  les  chapiteaux 
une  corbeille  indépendante  du  tailloir,  et  ne  venant  plus  s'y  relier  tant  bien 
que  mal,  comme  on  le  voit  dans  la  fig.  38,  par  des  surfaces  gauches.  En 
cela,  on  se  rapprochait  de  l'ordonnance  du  chapiteau  corinthien  antique. 
Mais,  dans  le  chapiteau  corinthien  antirpie,  le  diamètre  supérieur  de  la 
corbeille  n'excède  pas  les  côtés  curvilignes  du  tailloir,  et  le  tailloir  n'est 
qu'une  tablette  horizontale  pai'-dessous.  dont  les  angles  saillants  ne  sont 
soutenus  que  par  les  volutes  à  jour  qui  terminent  les  caulicoles.  Cela 
n'avait  nul  inconvénient,  parce  que  les  angles  du  chapiteau  corinthien 
antique  n'avaient  rien  à  porter,  et  qu'on  ne  craignait  pas,  par  conséquent, 
qu'une  charge  supérieure  les  fit  casser.  Mais  tout  autre  est  la  fonction  du 
chapiteau  du  \u\*-  siècle  ;  les  angles  de  son  tailloir  sont  utiles,  ils  reçoivent 
la  charge  considérable  des  sonmiiers  des  arcs  ;  il  était  donc  important  de 
leur  donner  la  plus  grande  solidité. 

Nous  avons  vu  qu'à  Saint-Leu  d'Esserent  (voy.  fig.  "21),  dès  les  der- 
nières années  du  xii^  siècle,  on  avait  adopté  une  corbeille  circulaire  dont 
le  bord  supérieur  n'excédait  pas  les  côtés  du  tailloir,  et  ([ue  les  angles  en 
porte-à-faux  de  ce  tailloir  n'étaient  supportés  que  par  des  crochets  auxquels 
on  avait  dû  (à  cause  de  ce  porte-à-faux)  donner  un  volume  exagéré.  Lors- 
qu'on voulut  que  les  chapiteaux  prissent  un  galbe  plus  élégant,  une 
apparence  moins  écrasée,  et  qu'on  sculpta  des  crochets  d'angles  plus  fins, 

'  On  désigne  par  corbeille,  dans  le  chapiteau,  l'évasement  qui  sert  de  transition  entre 
le  fût  et  le  tailloir,  évasement  autour  duquel  vient  se  grouper  la  sculpture. 


[    CHAPITEAL'    J  —    a"2(>    — 

il  fallut  suppléer  au  manque  de  force  qui  en  était  la  conséquence  par  un 
plus  grand  développement  donné  à  la  corbeille;  un  Iraça  donc  le  Ixtrd 
supérieur  de  celle-ci  de  façon  à  le  faire  dél)order  les  côtés  du  carré  du 
tailloir,  ainsi  qu<'  l'iiidicpie  la  fit;.  3'.».  il  ne  l'cslail  plus  alois  en  portc-à-fau\ 


fee/\Rù 


que  les  petits  trianp:les  A  facilement  soutenus  par  les  crochets  d'angles. 
Ces  petits  triangles  même  ne  furent  pas  laissés  plats,  mais  vinrent  j)énétrer 
le  revers  des  crochets  d'angles  et  le  bord  supérieur  de  la  corbeille  par  un 
biseau  (|ui  évita  toute  surface  horizontal*\,  toute  maigreur,  tout  porte-à- 
faux  si  minime  (ju'il  fût.  Le  tracé  B  explitiue  cet  arrangement  de  l'angle 
du  tailloir  sur  le  crochet  destiné  à  le  supporter.  On  conviendra  que  si  le 
hasard  a  seul  inspiré  les  architectes  du  xni«'  siècle,  ainsi  qu'on  l'a  quelque- 
fois prétendu,  ceux-ci  ont  eu  un  rare  bonheur;  le  hasard  eut  été  cette 
fois  bien  prévoyant  et  sid)til.  Ces  transformations,  ces  perfectionnements 
sencliaiiK'iil  si  iMpidemcnl,  qu'il  fan!  une  grande  attention  pour  en  suivre 
toutes  les  phases.  La  corbeille  débordant  les  côtés  du  tailloir  carré  restait 


fort  en  vue;  on  décora  son  bord  supérieur  par  un  profil  simple  (iO),  ou 
même  quelquefois  par  un  prolil  orné  de  sculpture  (il ). 


:r21 


[    CHAPITKAU    I 

En  Bourgogne,  les  tailloirs  des  chapiteaux  sont  tiès-(léveloi)pés  par 
rapport  au  diamètre  de  la  colonne,  parce  que  dans  cette  contrée  la  pierre, 
étant  forte  ,  permettait  de  mettie  en  œuvre  des  colonnes  minces  compa- 
rativement aux  sommiers  quelles  avaient  à  supporter;  aussi  la  cori)eille 
s'évase-t-elle  d'autant  plus  que  le  tailloir  prend  plus  d'imp(»itance.  En 
Champagne  et  en  Picardie,  au  contraire,  où  la  pierre  n'a  pas  une  très- 
grande  résistance,  les  chapiteaux  ne  portent  pas  une  grande  saillie,  et 
leurs  corbeilles,  par  conséquent,  ne  sont  pas  très-évasées  ;  les  crochets  se 
serrent  contre  elle  et  ne  se  projettent  que  peu  en  dehors  de  son  bord 
supérieur. 

Pendant  que  se  produisaient  ces  diverses  modifications  dans  la  forme  et 
la  décoration  des  chapiteaux,  les  archivoltes,  arcs  doubleaux  et  arcs  ogives 
changeaient  leurs  profds;  au  lieu  d'être  pris  dans  un  épannelage  rectan- 
gulaire dont  les  faces  étaient  parallèles  aux  faces  des  tailloii-s  carrés,  on 
commençait  à  les  tailler  suivant  un  épannelage  à  pans  abattus  ou  angu- 
leux. Les  cornes  du  tailloir  carré  excédaient  alors  inutilement  les  lits 
inférieurs  des  sonmiiers  des  arcs;  on  les  abattit  et  on  donna  à  ces  tailloirs 
des  formes  polygonales,  ou  on  les  posa  diagonalement.  La  corbeille  alors 
n'eut  plus  besoin  de  prendre  autant  d'évasement  ;  son  bord  supérieur  fut 
seulement  assez  saillant  pour  inscrire  à  peu  près  exactement  les  angles  du 
polygone  du  tailloir,  ainsi  que  l'indique  la  fig.  4-2.  Cependant  on  n'adopta 


42 


pas  sans  transition  le  tailloir  polygonal  pour  les  chapiteaux.  On  connuença 
par  abattre  les  cornes  du  tailloir  carre,  de  manièi'eà  former  un  octogone 
à  quatre  grands  et  quatre  petits  côtés,  et  l'on  maintint  seulement  quatre 
crochets  sous  les  petits  côtés  de  l'octogone;  pour   meubler  la  partie 


CHAPITKAll 


—   *)-28  — 


moyenne  de  la  corbeille,  un  posa  un  lanj;  infV'rieurde  feuilIcs)  on  cioclicis 
issant  entre  les  liftes  des  crochets  supérienis  à  Taplonih  des  (|iiatic  i^i  andcs 
faces  du  tailloir  oetoj^^onal. 

Le  chapiteau  que  voici  (-i3) ,  l'un  d(>  ceux  qui  su|)p()rtenl  les  voùlcs  <lii 


M 


réfectoire  de  Saint-lMarlin-des-Clianips  à  Paris  (l''2'2()  enviion)  ,  explique 
ce  premier  pas  vers  le  chapiteau  à  tailloir  octof^onal  du  milieu  du  xiii»^  siè- 
cle. La  transition  est  évidente  dans  les  exemples  tirés  deSaint-Martin-des- 
Champs  ;  quelques-uns  ont  déjà  des  corbeilles  à  bord  supérieur  mouluré, 
comme  rindiqu(^  la  fii;.  40;  d'auties.  connue  celui  donné  fil,^  43.  ont 
aussi  une  coibeille,  mais  sans  bord  suj)érieur.  et  dont  la  courlx^  vient  se 
perdre  sous  le  biseau  du  tailloir.  Dès  (|ue  la  corbeille  est  bien  distincte  du 
tailloir,  son  galbe  est  tracé  de  façon  à  prolongera  peu  près  jusciu'aux  deux 
tiers  de  sa  hauteur  le  fût  de  la  colonne,  au-dessus  de  l'astragale  ;  tandis 
(jue,  pendant  la  période  ron)ane,  et  même  encore  à  la  fin  du  xii«  siècle,  la 
corbeille  commence  à  s'évaser  tout  de  suite  en  sortant  de  l'aslingale.  ou 
(pielque  peu  au-(l(\ssus  d'elle.  Il  faut  observer  même  (piau  coinmen('"ment 
(lu  xin''  siècle,  la  corbeille  du  chai)iteau  est  légèrement  éti-anglée  au-dessus 
d'un  fdet  qui  surmonte  l'astragale;  cette  forme  est  indiquée  dans  le  cha- 
piteau qu'on  voit  ici. 

Dans  la  fig.  .'W,  nous  avons  laissé  les  crochets  et  folioles  (jui  entourent  la 
corbeille  du  (•ha|)il(\au  à  l'étal  de  bourgeons  à  peine  développés  ;  nous  les 


—  529  —  [  CHA  1 

trouvons  épanouis  vers  1250;  les  feuilles  sont  ouvertes  à  la  base  du  crochet 
(voy.  i\^.  43)  ;  celui-ci  est  plus  relbuillé.  plus  dégagé,  les  boutons  de  Heurs  ne 
sont  plus  enveloppés  dans  le  paquet  de  feuilles,  ils  poussent  de  leur  côté. 
La  sculpture  conserve  encore  cependant  (juelque  chose  de  monumental, 
de  symétrique,  de  conventionnel  qui  n'exclut  pas  la  souplesse,  non  cette 
souplesse  molle  de  la  jeune  pousse,  mais  la  souplesse  vigoureuse,  puissante 
de  la  végétation  qui  arrive  à  son  développement  et  peut^braver  les  intem- 
péries. 

Si  nous  ne  consultions  que  notre  goût  particulier,  nous  dirions  (pie  c'est 
là  le  point  où  la  sculpture  eût  dû  s'arrêter.  Car,  malgré  leur  exubérance 
de  végétation  ,  ces  magnifiques  chapiteaux  du  réfectoire  de  Saint-JMartin- 
des-Champs  conservent  un  caractère  de  force,  de  résistance  qui  est  en 
rapport  avec  leur  fonction.  Ce  sont,  en  même  temps,  et  de  riches  couron- 
nements de  colonnes,  et  des  encorbellements  dont  la  forme  énergique  est 
en  rapport  avec  la  ciiarge  énorme  qui  s'appuie  sur  leur  tête.  L'œil  est  à  la 
fois  rassuré  et  charmé.  Mais  l'ornementation  de  l'époque  ogivale  ne  pouvait 
s'arrêter  en  chemin,  pas  plus  que  le  système  général  de  l'architecture. 
f'^  ne  jour  les  membres  des  moulures  des  arcs  tendaient  à  se  diviser;  on 
excluait  les  plans  planes,  et  on  les  remplaçait  par  des  tores,  des  boudins 
nervés,  séparés  par  de  profondes  gorges.  Les  chapiteaux  qui  portaient  ces 
nerfs  déliés  devaient  subir  de  nouvelles  transformations.  D'abord  ces  larges 
feuilles  si  monuuh^jitales  parurent  lourdes  ;  on  alla  chercher' dans  les  forêts 
des  feuillages  plus  légers,  plus  découpés;  les  crochets  perdirent  peu  à  peu 
leur  forme  primitive  de  bourgeons  pour  n'être  plus  que  des  réunions  de 
feuilles  développées  se  recourbant  à  l'extrémité  de  la  tige.  Ces  transitions' 
sont  si  rapides  qu'il  faut  les  saisir  au  passage  ;  d'une  année  à  l'autre,  pour 
ainsi  dire,  les  changements  se  font  sentir. 

"'  Dahs  la  cathédrale  de  Nevers,  monument  qu'on  ne  saurait  étudier  avec 
trop  de  soin,  à  cause  des  curieuses  modifications  qu'il  a  subies,  on  voit 
encore,  dans  la  nef,  un  triforium  qui  date  de  1230  environ.  Les  chapiteaux 
de  ce  triforium  sont  exécutés  par  d'habiles  sculpteurs,  et  ils  présentent 
les  dernières  traces  de  l'ornementation  plantureuse,  grasse  du  commence- 
ment du  xni«^  siècle ,  avec  une  tendance  marquée  vers  l'imitation  de  la 
nature. 

Nous  donnons  l'un  de  ces  chapiteaux  (44).  Ses  feuilles,  bien  qu'elles  ne 
soient  pas  encore  scrupuleusement  reproduites  d'après  la  tlore,  rappellent 
cependant  déjà  les  feuilles  des  arbres  forestiers  de  la  France  ;  cela  peut 
passer  pour  du  poirier  sauvage.  La  grosse  tige  du  crochet  est  encore  appa- 
rente derrière  la  branche  de  feuillage.  Les  têtes  des  crochets  ne  sont  plus 
des  bourgeons,  mais  se  développent.  Le  tailloir  est  un  polygone  irrégulier; 
c'est  hn  carré  dont  les  angles  ont  été  abattus  ;  ce  chapiteau  conserve 
encore  ses  quatre  crochets  primitifs  sous  les  petits  côtés  du  polygone. 

Vers  1230,  il  s'opère  un  nouveau  changement;  on  pose  un  crochet  sous 
chacun  des  angles  du  tailloir;  autant  d'angles  saillants,  autant  de  crochets, 
ou,  pour  mieux  dire,  de  supports  ;  cela  était  logique.  Mais  alors  aussi  les 

T.   u.  07 


f  r.HA  ]  —  530  — 

crochets,  se  trouvant  plus  nombreux  autour  de  la  corbeille,  diminuent  de 
volume,  deviennent  moins  j)uissants.  nuaiid  les  chapiteaux  étaient  d'un 


fort  diamètre,  il  fallut  occuper  l'intervalle  laissé  entre  ces  cro(  hets  par  des 
feuillages  nuiltipli»^  (voy.  ï\^.  32  et  33);  loiscpi'ils  étaient  fins,  j)osés  sur 
des  colonncttes  grêles,  ou  se  contenta  d'un  crochet  sous  chaque  angle  du 
tailloir,  d'abord  avec  une  feuille  en  j)remier  rang  entre  eux,  puis,  plus  tard, 
vers  1240,  la  feuille  fut  remplacée  par  un  crochet.  Ce  fait  est  remarquable 
dans  les  chapiteaux  des  meneaux  des  fenêtres,  et  peut  servir  à  reconnaître 
leur  date. 

Nous  devons  à  ce  sujet  entrer  dans  (juelques  exi)lications.  Tant  que  les 
meneaux  ne  se  composèrent  que  d'un  boudin  avec  deux  biseaux,  l'aspect 
de  force  que  présentait  ce  genre  de  moulure  exigeait  que  les  chapiteaux 
portant  les  compartiments  supérieurs  conservassent  eux-mêmes  une  appa- 


—  531  — 


[     cil  A 


rence  de  résistance.  D'un  autre  côté,  le  chapiteau  adapté  aux  meneaux  se 
trouvait  en  dehors  de  la  règle  commune  imposée  par  le  système  og^ival;  il 
ne  portait  rien,  puisque  la  moulure  supérieure  au  chapiteau  est  identique- 
ment semblable  à  la  colonnetle  iniV'rieure  (voy.  meneai;).  Gela  enil>arrassa 
fort  des  arciiitectes  habitués  à  donner  une  fonction  à  chaque  nuMubre  de 
l'architecture,  si  peu  important  (]uil  fût.  La  raison  eût  indiiiné  de  ne 
pas  mettre  de  chapiteaux  aux  meneaux  ,  mais  cela  eût  été  d'un  aspect 
mou,  désagréable;  d'ailleurs  le  chapiteau  du  meneau  se  trouvait  à  l'extré- 
mité d'une  colonnette  posée  en  délit,  servait  d'assiette  aux  compartiments 
supérieurs,  et  de  point  de  scellement  pour  la  barre  en  fer  transveisale  qui 
est  toujours  posée  à  la  naissance  des  courbes.  Admettant  donc  le  chapiteau 
connue  nécessaire  sur  ce  point,  on  lui  donna  d'abord  un  tailloir  carré 
suivant  l'usage  admis  (45) ,  connue  dans  les  meneaux  des  fenêtres  supé- 


rieures de  la  cathédrale  de  Paris  (1225  à  1230),  et  un  seul  rang  de  crochets 
soutenant  les  angles  de  ce  tailloir;  mais  les  deux  angles  A  ne  portaient 
rien,  n'avaient  aucune  raison  d'exister;  on  changea  de  système.  Ce  chapi- 
teau des  colonnettes  des  meneaux  était  une  bague,  non  point  un  support; 
on  le  reconnut  promptement  ;  on  supprima  le  tailloir  carré ,  qui  fut  rem- 
placé par  un  tailloir  circulaire  (vers  1235);  on  maintint  la  corbeille  sail- 
lante sous  ce  tailloir,  l'astragale,  et  un  rang  de  crochets  comme  ornement 
(46).  Des  raiionalistes  du  temps  allèrent  même  jusciu'à  supprimer  les 
crochets  et  se  contentèrent  de  la  bague,  qui  seule  marquait  la  transition 
entre  les  verticales  et  les  courbes  des  meneaux.  On  peut  voir  de  ces  chapi- 
teaux de  meneaux  à  tailloirs  circulaires  aux  fenêtres  de  la  Sainte-Chapelle 
de  Paris,  des  chapelles  absidales  de  la  cathédrale  d'Amiens,  des  chapelles 
de  la  nef  de  la  cathédrale  de  Paris  (1240  environ).  La  section  horizontale 
des  meneaux  commençait  alors  à  donner,  non  plus  seulement  une  ou  trois 


[  CHA  ]  -  532  - 

coloniiettes  avec  deux  biseaux,  mais  des  moulures  plus  compliquées;  cela 
était  motivé  par  des  raisons  que  nous  n'avons  pas  à  examiner  ici  (voy.  me- 
neau). La  multiplicité  de  ces  nerfs  verticaux,  les  ombres  qu'ils  projetaient 
absorbaient  le  chapiteau  dont  la  décoration  simjjlc  ne  pouvait  lutter  avec 
ces  effets  de  lumière  et  d'ombre;  il  fallut  orner  davantage  la  corbeille  du 
chapiteau;  on  ajouta  au-dessous  des  crochets  un  rang  de  feuilles  qui 
épousaient  la  forme  de  la  corbeille  à  leur  naissance  et  s'en  détachaient  à 
leur  extrémité  supérieure;  puis  bientôt  ces  feuilles  elles-mêmes  ne  parurent 
pas  prendre  assez  d'importance ,  et  on  les  remplaça  par  une  première 
rangée  de  crochets  épanouis  (1245  à  1250)  (40  bis,  A  et  B).  Le  chapiteau 


LQ 


L 


■l 


G. 


du  meneau,  par  le  relief  de  son  ornementation,  put  ainsi  arrêter  le  regard 
préoccupé  de  la  nudtiplicité  des  ombres  verticales.  C'est  ainsi  que  peu  à  peu 
la  sculpture  devenait  plus  détaillée,  plus  compliquée  ,  à  mesure  que  les 
membres  de  l'architecture  se  subdivisaient  ;  les  maîtres,  en  restant  esclaves 
d'un  principe ,  perdaient  de  vue  l'effet  général.  Une  moului-e  de  plus 
ajoutée  à  un  arc,  à  des  meneaux,  les  obligeait  à  changer  l'échelle  de  tous 
les  détails  de  la  sculpture.  Dans  certaines  provinces  même,  de  1235  à  1245, 
en  Champagne  et  en  Normandie,  on  ne  considéra  le  chapiteau  des  meneaux 
que  comme  un  simple  ornement  destiné  à  marquer  le  point  de  départ  des 
courbes;  on  supprima  quelquefois  le  tailloir  qui  présentait  une  saillie,  un 
encorbellement,  l'assiette  d'un  corps  plus  large  (pie  le  fût  de  la  colonnette; 
les  ci'ochets  ou  feuillages  vinrent  seuls  arrêter  l'extrémité  des  coloniiettes 
des  meneaux. 


—  533  —  [  CHA  1 

Voici  un  exemple  de  ce  dernier  parti,  lire  des  fenêtres  supérieures  de  la 
nef  de  la  cathédrale  dÉvreux  d -24(1  environ)  ^7).  Afin  de  produire  plus 


d'etîet.  ces  chapiteaux  sont  peints  à  l'intérieur  ;  la  corbeille  (si  on  peul 
donner  ce  nom  à  ce  qui  n'est  que  la  continuation  du  fût  de  la  colonnette) 
reste  couleur  de  pierre,  les  feuilles  supérieures  sont  vert-olive  bordées  de 
noir  et  doublées  de  pourpre  sombre  :  celles  inférieures  sont  blanches 
bordées,  côtelées  de  noir  et  doublées  aussi  de  pourpie  :  lastragale  est 
vermillon.  En  Champagne,  les  meneaux  des  fenêtres  supérieures  de  la  nef 
de  la  cathédrale  de  Châlons-sur-Marne  imême  date)  ont  aussi  des  chapi- 
teaux sans  tailloirs. 

Comme  nous  l'avons  dit  déjà  souvent,  les  maîtres  voulaient  sans  cesse 
perfectionner,  donner  plus  d'unité  à  l'architecture.  Les  tailloirs  circulaires 
avaient,  au  milieu  des  aiguites  voisines,  un  aspect  mou.  indécis  qui  Uf 


r.iiA 


—  r)3i  — 


pouvait  les  satisfaire;  ils  voulurent  leur  trouver  des  angles,  mais  ne  pas 
cependant  tomber  dans  le  défaut  reconnu  au  tailloir  carré  (voy.  fig.-45).  Ils 
adoptèrent  fréquemmiMit  le  parti  dont  nous   donnons  un  exemple  (48); 


c'est-à-dire  qu'ils  posèrent  le  tailloir  en  angle  saillant  sur  la  face,  comme 
l'indique  la  section  liorizoïifale  A,  ayant  le  soin  de  ne  pas  faiie  déhordei'  ce 
tailloir  et  les  ornements  de  la  corbeille  en  deliors  de  l'epannelage   du  me- 


-  535  -  [  CHA  ] 

neaii,  pour  éviter  les  déchets  ou  évidenient  de  pierre  sur  toute  sa  longueur  ; 
précaution  d'apparcilleur  qui  n'avait  pas  toujours  été  prise  par  les  archi- 
tectes de  la  première  moitié  du  xnr'  siècle.  Cette  position  donnée  au  tailloir 
du  chapiteau  n'est  pas  seulement  réservée  aux  oolonnettes  des  meneaux, 
elle  est  encore  adoptée,  dès  HiO  à  1245,  pour  les  chapiteaux  d'arcs 
doubleaux  dont  les  membres  de  moulures,  comme  à  la  Sainte-Chapelle  du 
Palais,  par  exemple,  s'inscrivent  dans  un  angle  droit  présentant  son  som- 
met à  l'intrados. 

Plus  tard,  vers  la  fin  du  xui''  siècle  et  le  commencement  du  xiv,  l'angle 
droit  présentant  son  aiguité  sur  la  face  du  tailloir  du  chapiteau  des  meneaux 
parut  trop  vif,  trop  saillant,  trop  important,  donnant  une  ombre  trop 
prononcée;  en  conservant  le  principe  de  l'angle  sur  la  face,  on  traça  le 
tailloir  des  chapiteaux  de  meneaux  suivant  un  hexagone  régulier. 

Nous  présentons  (voy.  48  bis)  un  chapiteau  des  montants  simples  appar- 
tenant aux  fenêtres  des  chapelles  absidales  de  Noire-Dame  de  Paris;  son 
tailloir,  ainsi  que  l'indique  la  section  horizontale  A,  est  un  hexagone.  Le  fût 
de  la  colonnette  se  prolonge  jusque  sous  le  bord  supérieur  de  la  corbeille, 
ce  qui  est  encore  un  des  caractères  particuliers  aux  chapiteaux  de  la  fin  du 
xiiF  siècle  ;  cette  corbeille  est  décorée  de  bouquets  de  feuilles  empruntées  à 
la  flore  indigène,  le  crocheta  disparu.  Ces  chapiteaux  datent  des  premières 
années  du  xiv  siècle;  ils  sont  peints  à  l'intérieur  ;  la  corbeille  est  rouge,  les 
feuilles  or,  ainsi  que  le  bord  supérieur  de  la  corbeille,  l'astragale  pourpre, 
la  gorge  du  tailloir  bleu  verdâtre,  son  filet  est  pourpre  et  son  tore  doré. 

C'est  vers  1240  que  les  feuilles  décoratives  des  chapiteaux  s'épanouissent 
complètement,  et  qu'au  lieu  d'être  copiées  sur  des  plantes  grasses,  des 
herbacées,  elles  sont  de  préférence  cueillies  sur  les  arbres  à  haute  tige,  le 
chêne,  l'érable,  le  poirier,  le  figuier,  le  hêtre,  ou  sur  des  plantes  vivaces, 
comme  le  houx,  le  lierre,  la  vigne,  l'églantier,  le  framboisier.  L'imitation 
de  la  nature  est  déjà  parfaite,  recherchée  même,  ainsi  que  le  fait  voir  un 
des  chapiteaux  de  l'arcature  de  la  Sainte-Chapelle  haute  de  Paris  (49).  On 
trouve  encore,  dans  cet  exemple,  le  crochet  du  commencement  du  xin^  siè- 
cle; mais  sa  tête  n'a  plus  rien  du  bourgeon,  c'est  un  bouquet  de  feuilles; 
sur  la  corbeille  déjà  serpentent  des  tigettes;  la  feuille  ne  tient  plus  à  l'archi- 
tecture, elle  est  indépendante  ;  c'est  comme  un  ornement  attaché  autour 
de  la  corbeille.  On  comprendra  tout  le  parti  que  des  mains  aussi  habiles 
que  celles  des  sculpteurs  de  cette  époque  pouvaient  tirer  de  ce  système 
de  décoration  ;  et,  en  effet,  une  quantité  innombrable  de  ces  chapiteaux 
du  milieu  du  xui"  siècle  sont,  comme  exécution  et  comme  composition 
gracieuse,  des  œuvres  charmantes.  Les  ensembles  architectoniques  per- 
dent de  leur  grandeur  cependant  du  jour  où  la  sculpture  commence 
à  s'attacher  plutôt  à  l'imitation  de  la  nature  qu'à  satisfaire  aux  données 
générales  de  l'art  Les  chapiteaux  de  cette  époque  deviennent  déjà  confus; 
mais  la  corbeille  bien  visible,  bien  galbée,  et  le  tailloir  encore  largement 
profilé  (dans  l'Ile  de  France  surtout)  soutiennent  les  membres  supérieurs 
que  les  chapiteaux  sont  destinés  à  porter. 


CHA 


—  536  — 


En  Champaj,MK',  la  décadence  se  fait  sentir  pins  tôt  ;  dès  h24(),  les  tail- 
loirs des  chapiteaux  deviennent  d'une  excessive  maigreur:  les  bouquets  de 


feuilles,  plus  nombreux,  plus  serrés,  plus  découp('s  ,  apportent  une 
extrême  confusion  dans  ces  parties  importantes  de  la  décoration  des 
édifices.  A  la  tin  du  xur  siècle,  le  chapiteau  n'existe  déjà  plus  cpie  connue 
ornement,  il  n'a  plus  (h;  fonction  utile  ;  les  piles  se  sont  divisées  en  fais- 


—    -^'ii    —  [    CHAPITEAL    ] 

ceau\  (If  coloniiettf's  (Ml  nonibro  égal,  au  moins,  au  iKimhredes  arcs;  la 
forint  d'encorbellenient  donnée  aux  chapiteaux  du  commencement  de  ce 
siècle  n'avait  plus  de  i-aison  d'être  ;  ils  perdent  de  leur  saillie  et  de  leur 
hauteur;  sculptés  désormais  dans  une  seule  assise,  le  tailloir  compris, 
pour  les  colonnetfes  de  diamètres  ditïérents,  ils  ne  forment  plus  truère 
qu'une  sorte  de  iiuiriande  de  feuillages  à  la  naissance  des  arcs.  La  trace 
des  crochets  ou  des  bouquets  se  fait  longtemps  sentir  cependant  ;  mais 
ceux-ci  sont  tellement  serrés,  leurs  intervalles  si  bien  bourrés  de  feuillages 
et  de  tiges,  qu'à  peine  si  l'on  soupçonne  la  corbeille.  Non  contents  d'avoir 
apporté  la  confusion  dans  ces  belles  compositions  du  commencement  du 
xiu«"  siècle  ,  les  sculpteurs  se  plaisent  à  chiffonner  leurs  feuillages,  à  les 
contourner  et  à  en  exagérer  le  modelé.  De  cette  recherche  et  de  cet  oubli 
de  l'effet  d'ensemble  dans  l'exécution  des  détails,  il  résulte  une  monotonie 
qui  fatigue;  et  autant  on  aime  à  voir,  à  étudier  ces  larges  et  plantureux 
chapiteaux  primitifs  de  l'ère  ogivale,  autant  il  faut  de  courage,  nous 
dirons,  pour  chercher  à  démêler  ces  fouillis  de  feuillages  dont  les  artistes 
de  la  fin  du  xuf  siècle  garnissent  les  corbeilles  de  leurs  chapiteaux.  Il 
faut  cependant  les  connaître,  car  rien  ne  doit  être  négligé  dans  l'étude 
d'un  art;  on  n'arrive  à  en  comprendre  les  beautés  qu'après  en  avoir 
signalé  les  défauts  et  les  abus,  lorsque  ces  défauts  et  ces  abus  ne  sont 
que  l'exagération  d'un  principe  poussé  aux  dernières  limites. 

Nous  ne  fatiguerons  pas  nos  lecteurs  en  multipliant  les  exemples  ;  ce 
serait  inutile  d'ailleurs,  car  s'il  y  a,  dans  les  détails  des  chapiteaux  de  la 
fin  du  xiir  siècle  et  du  commencement  du  xiv,  une  grande  variété,  ils 
ont  une  uniformité  d'aspect  qui  doit  nous  dispenser  d'en  donner  un 
grand  nombre  de  copies. 

Il  n'est  pas  possible  d'admettre  qu'à  la  fin  du  xii^  siècle  et  jusqu'à  la 
moitié  du  xiiF  les  architectes  ne  se  soient  préoccupés  de  la  composition 
et  de  la  décoration  des  chapiteaux.  Ce  membre  de  l'architecture  tenait 
trop  alors  à  la  construction  ;  il  avait,  au  point  de  vue  de  la  solidité  et  de  la 
répartition  des  forces,  une  trop  sérieuse  importance,  pour  que  l'architecte 
n'imposât  pas,  non-seulement  sa  forme  générale,  son  galbe,  mais  encore 
la  disposition  de  ses  détails.  L'architecte  créait  alors  une  architecture; 
tous  les  divers  ouvriers  qui  concouraient  à  l'œuvre  n'étaient  que  des  mains 
travaillant  sous  l'inspiration  d'une  intelligence  qui  savait  seule  à  quel 
résultat  devaient  tendre  ces  efforts  isolés.  A  la  tin  du  xiif  siècle,  il  n'en 
était  plus  ainsi;  l'architecture  était  ci-éée;  le  maître  de  l'œuvre  pouvait 
désormais  se  reposer  sur  les  appareilleurs  et  les  sculpteurs  pour  exécuter 
des  conceptions  qui  ne  sortaient  jamais  d'une  loi  fixe.  Ln  sommier  d'arcs 
donné  exigeait  une  pile  tracée  d'une  certaine  manière,  des  chapiteaux 
de  telle  forme;  l'assise  portant  ces  chapiteaux  était  livrée  au  sculpteur, 
et  celui-ci,  trouvant  les  angles  du  tailloir  et  les  astragales  taillés  qui  indi- 
quaient les  sommiers  des  arcs  et  la  section  de  la  pile,  n'avait  rien  à 
demander  ;  il  pouvait  travailler  à  son  œuvre  personnelle  en  toute  assu- 
rance ;  il  s'y  complaisait,  ne  se  préoccupait  guère,  au  fond  de  son  atelier. 
T.   II.  68 


CHAPITEAU 


538    — 


de  la  place  assignée  à  ce  bloc  de  pierre,  et  souvent  sculptait  des  feuillages 
délicats  autour  de  chapiteaux  placés  à  une  grande  hauteur ,  des  orne- 
ments larges  autour  "de  ceux  qui  devaient  être  posés  près  de  l'œil.  Ainsi 
l'excès  de  la  méthode,  le  prévu  en  toute  chose  amenait  la  confusion  dans 
l'exécution  dos  détails. 

Nous  choisirons  donc  parmi  les  chapiteaux  de  cette  période  de  lart 
ogival  ceux  qui  paraissent  avoir  été  plus  judici(Uisement  sculptés  pour  la 
place  qu'ils  occupent  et  l'apparence  de  fonction  cpi'ils  remplissent  encore. 

La  fig.  50  donne  un  chapiteau  du  iriforium  de  la  cathédrale  de  Limoges 


^ 


Hj 


(dernières  années  du  xiii<"  siècle).  Ce  chapiteau  ne  porte  rien;  il  n'est  qu'un 
ornement,  car  les  profils  de  l'arcature  posés  sur  les  tailloirs  sont  exacte- 
ment ceux  de  la  pile.  On  voit  avec  quelle  finesse  sont  rendus  et  exagérés 
même  les  moindres  détails  des  feuilles;  ici  plus  de  crochets,  mais  toujours 
deux  rangs  de  feuillages;  quant  à  la  corbeille,  son  bord  est  perdu  sous 
la  couronne  supérieure.  Il  faut  dire  en  passant  que  cette  sculptuie  es! 
exécutée  dans  du  granit;  ainsi,  à  cette  époque,  l'architecture  adoptée  est 
tellement  impérieuse,  faite,  qu'elle  ne  lient  plus  compte  de  la  nature  des 
matériaux,  même  dans  l'exécution  des  détails  de  la  sculpture. 

La  fig.  r>l  présente  un  chapiteau  de  naissance  d'arc  ogive  de  la  cathédrale 
de  ('arcassonne  (commencement  du  xiv  siècle).  La  sculpture  en  est  large 


:)3v>  — 


(HAI'IIEAL 


relativement  à  celle  de  celle  époque,  convenahle  pour  la  place,  à  réchelle 
du  monument;  on  voit  encore  dans  ce  chapiteau  une  dernière  intention 
de  faire  paraître  la  masse  du  crorliet  ;  mais  le  désir  d'imitei'  la  souplesse 


de  la  plante,  le  réalisme  enfin,  connue  on  dit  aujouid'lmi,  domine  l'artiste 
et  lui  fait  perdre  de  vue  l'effet  monumental.  A  dislance,  ce  chapiteau, 
malgré  les  qualités  qui  distinguent  sa  sculpture,  ne  produit  que  confu- 
sion, et  c'est,  parmi  les  hons.  un  des  meilleurs. 

A  la  fin  du  xiv  siècle,  les  chapiteaux  prennent,  dans  les  moimments, 
si  peu  d'importance,  qu'à  peine  on  les  distingue.  Alors  toute  ligne  hori- 


\    CHAIMTEAI      I  —    MO    — 

zuiitale,  toute  sculpture  (\m  arrêtait  le  regard  et  rempèchait  de  suivie  sans 
interruption  les  lif^nes  verticales  de  l'architecture ,  gênaient  évidemment 
les  maîtres.  Pour  dissimuler  l'importance  déjà  si  minime  des  chapiteaux, 
les  architectes  réduisent  le  tailloir  à  un  filet  ou  un  boudin  très-fin  mas(]ué 
par  la  saillie  des  feuillages;  si  ce  tailloir  existe  encore,  on  le  soupçonne 
à  peine;  il  nest  plus  ((u'un  guide  pour  le  sculpteui,  une  assiette,  pour 
qu'en  posant  le  sounnier,  on  ne  l)rise  pas  les  sculptures. 

Vers  le  milieu  du  xv^  siècle,  on  supprime  généralement  le  (•liaj)iteau, 
qui  ne  reparaît  (ju'au  commencement  de  la  Renaissance,  en  cherchant  à 
se  rapprocher  des  formes  antiques.  Si,  par  exception,  le  chapiteau  existe 
encore  de  1400  à  I  480,  il  est  bas,  décoré  de  feuillages  très-découpés,  de 
chardons,  de  ronces,  de  passiflores;  son  astragale  est  lourde,  épaisse,  et 
son  tailloir  maigre.  Ce  dernier  chapiteau  n'est  plus  réellement  qu'une 
bague.  Parfois  aussi ,  dans  les  édifices  du  xv  siècle,  on  rencontre  des 
chapiteaux  à  figures,  mais  qui  sont  plutôt  des  caricatures  ou  des  repré- 
sentations de  fabliaux  en  vogue  que  des  légendes  sacrées. 

Nous  avons  dit  un  mot  des  chapiteaux  normands  du  xiir  siècle,  lorsque 
l'architecture  de  cette  |)rovince  cesse  d'être  une  copie  de  rarchilecture 
française  du  règne  de  IMiilippe-Auguste.  Au  moment  oîi  les  architectes  de 
rile-de-France,  de  la  Champagne,  de  la  Picardie  et  de  la  Bourgogne  aban- 
donnent le  tailloir  (;arré  pour  adopter  les  formes  polygonales  se  pénétrant 
en  raison  de  la  disposition  des  arcs  des  voûtes,  et  afin  d'éviter  les  angles 
saillants  et  les  surfaces  horizontales  inutiles,  les  appareilleurs  normands 
ne  pivnnent  pas  tant  de  soin;  ils  évitent  ces  tracés  conq)li(|ués  et  ([ui  ne 
pouvaient  être  arrêtés  que  lorsque  les  lits  des  sommiers,  et  par  consé(|uent 
la  place,  la  forme  et  la  direction  des  arcs,  étaient  connus;  ils  prennent  un 
parti  qui  supprime  les  combinaisons  géométriques  i-ectilignes,  et  donnent, 
vers  1230,  aux  tailloirs  des  chapiteaux,  la  forme  circulaire  toutes  les  fois 
que  la  disposition  des  piles  le  leur  permet,  et  surtout  (cela  va  sans  dire) 
lorsque  ces  [)iles  sont  monocylindriques.  Les  cathédrales  de  Coutances,  de 
Bayeux,  de  Dol ,  du  Mans,  de  Séez,  l'église  d'Eu  nous  donnent  de  nom- 
breux exemples  de  ces  chapiteaux  à  tailloirs  en  forme  de  disque.  (]e  qu'ils 
font  pour  les  chapiteaux,  ils  le  font  également  pour  les  bases  (voy.  base). 

Mous  donnons  (r>2)  un  chapiteau  en  deux  assises  d'une  des  jjiles  de  la  nef 
de  la  cathédrale  de  Séez,  construite  vers  cette  époque  (l'-2;}0),el  (Ti!!)  un 
chapiteau  (rune  des  colonnettes  de  l'arcatui'e  intérieure  de  la  même  église 
appartenant  aux  mêmes  constructions.  Déjà,  dans  le  gros  chapiteau,  les 
feuilles  sont  sculptées  d'une  façon  sèche' et  maniérée,  qui  est  bien  éloignée 
de  la  souplesse  des  ornements  du  même  genre  appartenant  à  l'Ile-de- 
France  ou  à  la  Bourgogne.  Il  y  a  queUpie  chose  d'uniforme  dans  le  faire 
et  la  composition  de  cette  sculpture,  une  grande  pauvi'cte  (rinvcntion  et  le 
désir  de  produire  de  leffel  par  la  nudiiplicite  des  détails  et  la  recherche  de 
l'exécution.  Ce  défaut  est  plus  sensible  encore  dans  les  édifices  anglais  de 
cette  épo(|ue.  il  faut  dire  aussi  que  les  sommiers  des  arcs  paraissent  mal 
soutenus  par  ces  tailloirs  circulaires  qui  n'indiquent  plus,  comme  les  faces 


—    .')il     —  I    (HAI'ITKAl     1 

an{4ul(Hist's  (lu  tailloir  du  clui[)ileaii  IVaiiç,ais,  rassicltc  de  chacun  dos  aies. 

^2 


cl  leur  diit'clion.   Dans  le  chieur  de  la  catliédiale  du  Mans,  on  trouve 

5  H 


pecAffû  se. 


cependant  des  chapiteaux  à  tailloirs  circulaires  dont  les  rangs  de  crochets 
sont  fort  beaux.  Mais,  au  Mans,  la  sculpture  n'est  pas  normande;  elle 
tient  plutôt  à  l'école  des  l)ords  de  la  l.oire  et  du  |»ays  (hartrain. 


[   CHAriTEAU    I  —    54i   — 

Les  exemples  donnés  plus  liaul  soûl  pris  sur  des  chapiteaux  ayant  pour 
fonction  de  porter  des  arcs  de  voûte.  Les  architectes  du  moyen  âge  n'em- 
ployaient pas  seulement  la  colonne  pour  soutenir  des  voûtes;  ils  s'en 
servaient  aussi  comme  de  supports  destinés  à  soulaj,^er  des  poitraux  de 
maisons,  des  maîtresses  poutres  de  planchers.  I>ansce  cas.  il  était  néces- 
saire que  le  chapiteau  fût  très-évasé  ou  très-saillant  dans  le  sens  de  la 
portée,  tandis  que,  dans  l'autre  sens,  il  n'était  pas  nécessaire  qu'il  prit 
une  largeur  plus  forte  que  celle  de  la  pièce  de  hois  supportée.  En  d'autres 
termes,  le  chapiteau  n'était  plus  qu'un  douhle  corheau  posé  à  l'extrémité 
de  la  colonne,  (M)nmie  on  pose  un  chapeau  avec  ses  liens  à  la  tète  d'un 
poteau  en  bois,  lorsqu'il  s'agit  de  soulager  la  portée  dune  pièce  de  char- 
pente horizontale. 

Les  habitations  privées  des  xii«,  xiii«',  xiv  et  xv»;  siècles  nous  ont 
conservé  un  grand  nombre  de  ces  sortes  de  chapiteaux  corbeaux,  (leiié- 
ralement  ils  sont  dépourvus  d'ornements;  on  en  voit  encore  dans  les 
maisons  de  Dolen  Bretagne,  au  mont  Saint-Michel-en-Mer,  en  Normandie 
et  en  Picardie,  dans  les  contrées  eidin  ou  le  Ixjis  entrait  pour  beaucoup 
dans  la  construction  des  hal)itations  privées. 


Voi(!i  (oi)  un  de  ces  chapiteaux  (jue  nous  avons  |)u  dessiner,  il  y  a  déjà 
|)lusieui's  années,  dans  une  maison  que  l'on  démolissait  i\  ('■allardon,  près 


Mo    [    CIlAPlTEAt     J 

dp  Chartres;  il  datait  des  premières  années  du  xiv^  siècle,  l/assise 
superposée  était  évidennnent  destinée  à  porter  une  seconde  colonne  en 
pierre  à  l'étage  supérieur.  Le  chapiteau  est  si  bien  admis,  dans  rarchitec- 


i 


ture  civile,  comme  un  chapeau  destiné  à  soulai;er  les  portées  des  poutres, 
que  nous  en  trouvons  dans  la  cour  de  IHùtel-Dieu  de  Beaune  (xv^  siècle), 
qui,  reposant  sur  des  fûts  à  huit  pans,  se  divisent  à  la  tête  en  trois  cor- 
beaux ,  pour  recevoir  les  poitraux  de  façade  et  la  poutre  transversale 
supportant  les  solives  du  portique  (.on). 


I    CHAIMTEAI      I  —    r)i.i    — 

Il  n'est  pas  nécossaiio,  nous  le  pensons,  de  niulliplier  des  exemples 
l)asés  sui-  un  prineipe  aussi  vrai.  Avec  les  progrès  de  la  Renaissanee  du 
xvie  siècle  disparaissent  ces  combinaisons  iniiénieuses  et  raisonnées 
toujours,  belles  quelquefois.  Les  ordres  antiques,  modulés  d'une  façon 
beaucoup  plus  rigoureuse  que  les  anciens  ne  l'avaient  fait,  premient 
possession  de  farchilecture  vers  la  tin  du  xvi*'  siècle,  après  de  longues 
luttes  entre  le  bon  sens  des  constructeurs  et  les  formules  de  quelques 
théoriciens  qui  avaient  pour  eux  tous  les  gens  qui  se  piquaient  de  bon 
goût. 

Les  chapiteaux  du  commencement  de  la  Renaissance  nous  donnent 
encore  un  grand  nondire  de  charmantes  conq)ositions,  dans  lesquelles 
l'élément  antique  ne  fait  pas  disparaître  lorigiualilé  native;  mais  ces 
chapiteaux  ne  sont  plus  qu'une  décoration  ;  leur  l'onction,  connue  support, 
est  supprimée;  la  plate-bande  reparaît  avec  l'entablement,  et  le  chapi- 
teau, pendant  le  cours  du  xvne  siècle,  n'est  plus  qu'une  copie  abâtardie 
de  la  sculpture  antique. 


Fl>    I)L     lOME    SHCOM). 


Paris. —  Imprimé  chez  BonaveiUure  et  Ducessois,  55,  quai  des  Grands-Au;justins 


sr  n 


^ibrary 


TADLE   PKOVISOIRK 


DES  MdTS  CONTENUS  DANS  LK  TiLMK  ItiaXlEMJ 


■c  \.   (suite). 


Arts  (libéraux). 


Assemblage 


1  j  Aubjer. .  .  . 

10  I  Autel.    .  .. 

Assise 10  Auvent.  .  . 

Astragale 10  !  Avant-bec. 

Attributs 13  i  Axe 


14 
15 
56 
58 
58 


03 


Badigeon       59 

Bdée,  Bée 59 

Bague 59 

Baguette.     63 

Bahut 65 

Bains.  . .    66 

Bain  de  Mortier 66 

Balcon 67 

Balustrade 67 

Banc 98 

Bandeau 103 

Barbacane 111 

Bard 116 

Bardeau 117 

Barre,  Barrière 118 

Bart 124 

Bas-côté 124 

Base 125 

Basilique 165 

Bassye 166 

Bas-relief 166 

Bastarde 166 

Bastide,  Bastille 166 

T.   11. 


Bastion 176 

Bâtons-rompus,  zigzags 184 

Beffroi 186 

Beffrois  de  charpente 186 

Beffroi,  machine  de  guerre..  197 

Bénitier 200 

Berceau 203 

Besants 203 

Bestiaires       204 

Béton 205 

Bibliothèque. 207 

Bief 207 

Bienfaiture 208 

Billettes 208 

Biseau   210 

Blocage 212 

Blochet 212 

Boier 212 

Bois 212 

Boiserie 216 

Bossage 218 

Bossil 218 

Boudin .  .  218 

69 


Boulevard 219 

Bourse 232 

Boulon    234 

Boutique 234 

BoutissG 241 

Bouton 241 

Braie,  Braye 244 


Bretèche 244 

Bretture 249 

Brique 249 

Buffet  (  d'orgues) 252 

Buize 256 

Byzantin  (style),  byzantine  (ar- 
chitecture]    256 


:â 


Cabaret 256 

Cage 256 

Caminade 256 

Calvaire 256 

Cannelure 257 

Canton 259 

Carreau 259 

Carrelage 259 

Carrière 276 

Cathédrale 279 

Cavalier 392 

Cave 395 

Cavel 396 

Cène  (la) 396 

Cerpelière 396 


Chafiauf .     396 

Chaînage 396 

Chaîne: 404 

Chaîne  (de  pierre)    405 

Chaire  à  prêcher 406 

Chaire  (siége  épiscopal) 414 

Chambre 419 

Chancel 421 

Chanfrein 421 

Chantier 42] 

Chantignollc 422 

Chape 422 

Chapelle 423 

Chapiteau 480 


IIN   l)K   I.A   TAHIK   l'H(>\  IStdlti:  Kl    TOMI     Dll  Ml  Ml!. 


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