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Full text of "Discours"

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in  2011  with  funding  from 

University  of  Toronto 


http://www.archive.org/details/discours01cic 


CICÉRON 


DISCOURS 


TOME    I 


>ii> 


? 


1 


IL  A  ÉTÉ  TIRÉ    DE     CET    OUVRAGE  : 


150  exemplaires  sur  papier  pur  fil  La  fuma, 
numérotés  à  la  presse  de  I  à  loO, 


i 


»  .        > 


COLLECTION       DES       UNIVERSITÉS       DE      FRANCE 

publiée  sous  le  patronage  de  l' ASSOCIA  TION  GUILLAUME  HUDÈ 


CICÉRON 


DISCOURS 


,.*\ie  d'Ot* 

TOME     I 

TOUR    P.    QUINCTIUS 

POUB    si  \.    ROSCIUS   D'AMÉRIE 

POUR     Q.      ROSCIUS     LE     COMEDIEN 


^  « 


TEXTE  ÉTABLI  ET  TRADUIT^ 


*>/u  n& 


PAR 


Vtay  o<  & 


H.  DE  LA  VILLE  DE  MIRMONT 

Professeur  à  la  Faculté  des  Lettres 
de  l'Université  de  Bordeaux 


•4A 


r- 


PARIS 

SOCIÉTÉ    D'ÉDITION    .  LES  BELLES  LETTRES  » 

157,    BOULEVARD   SAINT-GERMAIN 

1921 

Tous  droits  réserva. 


Conformément  aux  stituls  de  l'Association  Guillaume  Budé, 
ce  volume  a  été  soumis  à  l'approbation  de  la  commission  technique, 
qui  a  chargé  M.  Marlha  d'en  faire  la  revision  et  d'en  surveiller 
la  correction,  en  collaboration  avec  M.  de  la   Ville  de  Mirmonl. 


PRKFAGE 


Ce  premier  volume  des  M,  Tulli  Ciceronis  orationes 
contient  le  ProP.  Quindio,  le  Pro  Sex.  Roscio  Amerino 
et  le  Pro  Q.  Roscio  comoedo,  tout  ce  que  nous  possédons 
des  discours  de  Cicéron  antérieurs  à  sa  quesl  ure. 

Le  commencement  du  Sex.  R.  est  donné  par  le  palim- 
pseste du  Vatican  (V),  quelques  fragments  du  P.  Q.,  par 
le  palimpseste  de  Turin  (P),  détruit  dans  la  nuit  du  21 
au  25  janvier  1904,  lors  de  l'incendie  de  la  Bibliothèque 
de  cette  ville. 

Les  trois  discours  se  trouvent  avec  les  mêmes  lacunes 
dans  un  grand  nombre  de  mss.,  tous  du  xve  siècle.  Voici 
ceux  que  l'auteur  de  la  plus  récente  et  de  la  meilleure 
édition  critique  des  discours  de  Cicéron,  A.  C.  Clark  (1), 
a  retenus  pour  constituer  son  texte  : 

D'abord,  le  ms.  Parisinus  1 1749,  olim  S.  Victoris 
91  (S).  Ce  ms.,  qui  contient  le  P.  Q.  et  le  Sex.  R.,  pro- 
vient de  la  célèbre  abbaye  de  Saint-Victor,  fondée  à 
Paris,  en  11 13,  par  Guillaume  de  Champeaux  ;  il  est  le 
chef  de  la  famille  des  mss.  copiés  en  France  au  commen- 

1.  M  Tulli  Ciceronis  orationes  (Oxford  Classical  textes),  6  vo- 
lumes, 1900-1910.  Le  Sex.  R.  se  trouve  dans  le  vol.  publié  en 
1905  et  réimprimé  en  1908  ;  le  P,  Q.  et  le  Q.  R.,  dans  le  volume 
publié  en  l'.»09. —  W.  Petenon  a  donné  le  vol.  qui  contient  les 
Yerrine*  et  celui  qui  contient  les  Orationes  cuni  Senatui  gralias 
egit,  cum  populo  grulias  egit,  de  domo  sua,  de  Haruspicum  responso, 
pro  Sestio,  in  Yalinium,  de  prouinciis  consuluribus,  pro  Balbo. 


H  PRÉFACE 

cemenl  «lu  w    iècle,  I  .'■   I  de  lui  que  dérivent  plusieurs 
nus.  Parisini  <i  le  ms.  Guelferbgiantu  205  (10),  de  Is  M- 
bliothèque  «le  Wolfenbflttel,  qui  contienl  le  P.  0-  »  '  le 
/.'.  Pour  i  R.,leZ  a  on  mérite  particulier,  que 

Clark  a  mis  eu  lumière  :  on  y  trouve, entre  les  ligni 
dans  les  marges,  des  leçons  empruntées  au  ms.  Cluniù' 
censis  du  ne*  siècle,  aujourd'hui  perdu,  que  Poggio  Brac- 
ciolini,  le  grand  dénicheur  de  mss.,  découvrit,  en  1115,  à 
l'abbaye  de  Cluny  et  emporta  en  Italie,ou  l'on  en  lit  plu- 
sieurs copies,  toutes  fort  défectueuses,  car  le  Cluniacen- 
sis était  peu  lisible.  Un  ami  de  Poggio,  Bartolomeo, 
originaire  de  Montcpulciano,  avait  fait  des  extraits  du 
'"Juniacensis,  qui  furent  maladroitement  transcrits  dans 
un  ms.  conservé  à  la  Bibliothèque  Laurentienne  de  Flo- 
rence :  ce  sont  les  Exccrpta  Bartolomaei  de  Moniepolitia- 
no,  quae  in  ms.  Laur.  L1V.  5  inueniuntur  (B).  En  1416, 
Giovanni  Arretino  publiait  une  copie  du  Cluniacensis 
qui  est  le  Laur.  XLVIII.  10  (A),  qui  a  été  collationné  par 
Lagomarsini  (Lag.  10).  En  1417,  paraissait  une  autre 
copie,  le  Perusinus  E.  71  (71),  dont  se  rapproche  beau- 
coup une  troisième  copie  faite  à  une  date  inconnue,  le 
Laur.  LU.  1(9),  collationné  par  Lagomarsini  (Lag.  65). 
Le  A,  le  7;  et  le  9  sont  les  meilleurs  mss.  italiens  du  Sex. 
R.  L'influence  du  Cluniacensis  se  fait  aussi  sentir  sur  le 
Laur.  (Gadd.)  XC  sup.  69  (<»,  qui  donne  le  Sex.  R,  et  le 
Q.  R.,  et  sur  le  Monacensis  15734  (s),  qui  donne 
le  Sex.  R.  Quelques  particularités  du  Laur.  XLVIII.  25 
(X),  qui  a  été  collationné  par  Lagomarsini  (Lag.  25), 
prouvent  que  ce  ms.  a  été  établi  après  une  nouvelle  étu- 
de du  Cluniacensis.  Un  autre  ms.  de  la  Bibliothèque  Lau- 
rentienne, le  Laur.  XLVIII.  26  (co),  postérieur  à  l'an 
1425,  qui  a  été  également  collationné  par  Lagomarsini 
(Lag.  26),  n'a  pas  une  très  grande  importance  pour  le 
Sex.  R.  On  doit  enfin  à  un  ami  de  Poggio,  connu  sous  le 
nom  de  Sozomenus,  le  Pistoriensis  A.  32  (a)  ;  c'est  du  ms. 


PRÉFACE  vu 

de  Pistoja  que  semblent  dériver  les  «codices  deteriori 
du  Sex,  R. 

A  côté  des  mss.  qui  ont  pour  source  plus  ou  moins  di- 
recte les  mss.  de  Cluny  et  de  Saint-Victor,  on  note  pour 
le  P.  Q.  e1  le  n.  /».  le  ms.  s.  Mord  '2.7)7).  Flor.  nihl.  Xat.  I, 
iv,  4  (b),  quiaétàcdllationaé  par  Lagomarsini  (Lùg.  6) 
et  qui  est  voisin  du  S. Dans  la  marge  de  ce  ms.  se  trou- 
vent   de   nombreuses  variantes  (/;-),  empruntées   à   un 

autre  archétype  que  celui  d'où  Le 5  dérive.  Des  correc* 

tions  b-  et  des  leçons  de  la  famille  ~  naît  la  reeensiuii 
italienne  dont  le  type  est  donné  par  le  ms.  S.  Marri  27)  l. 
Flor.Bibl.  Xat.  I,  iv,  5  (  y),  qui  contient  le  P.  Q. 

Pour  le  Q.  R..  Clark  fait  étal  de  divers  apographes  du 
ms.  que  Poggk)  avait  rapporté  d'Allemagne  avant  1  117: 
leLaur.  XLVIIL  2G  (o),  collationné  par  Lagomarsini 
(Lag.  26),  qui  contient  aussi  le  Sc.v.  R  ;  un  ms.  d'Oxford, 
le  ms.  Oxon.  Dorvill.  78  (o),  autrefois  ms.  S.  Mariae,  col- 
lationné par  Lagomarsini  (Lag.  38)  et  devenu  la  pro- 
priété de  Jacques  Philippe  d'Orville  (1696-1751)  ;  un 
ms.  de  Sinigaglia,  Senensis  II.  VI.  12  (r).  Un  autre  ms. 
de  Sinigaglia,  le  Smcnsis  II.  XI.  61  (/),  et  un  ms.  de  la 
Bibliothèque  Ambrosienne  de  Milan,  VAmbrosianus  C. 
96  supr.  (m),  qui  contiennent  l'un  et  l'autre  le  Q.  R., 
semblent  ne  pas  être  des  apographes  du  ms.de  Poggio. 

Clark  utilise  enfin  un  ms.  de  Paris,  originaire  d'Italie, 
le  Paris.  7771)  (k),  copié  à  Pavie  en  1459,  et  un  ms.  d'Ox- 
ford, Y  Oxon.  Canonici  226  (c),  qui  donnent  tous  les  deux 
le  P.  Q.  et  le  Q.  R.  Ils  se  ressemblent  beaucoup  ;  mais  le 
k  est  supérieur  au  c. 

Parmi  les  très  nombreux  mss.  qui  ont  été  employés 
par  les  anciens  éditeurs  et  dont  plusieurs  sont  perdus  ou 
n'ont  pas  été  identifiés,  on  trouvera  cités  incidemment 
dans  l'apparat  critique  : 

le  Paris.  6369,  qui  dérive  du  i]  ; 

le  Paris.  7774  ; 


mu  /'/;// 

h-  Parts.  16  226; 

des  mss.  d'Oxford  ; 

des  ms*.  Palatinifdont  Gru  ter  avait  mé  à  la  Bibliothè- 
que de  Heidelberg  donl  il  était  conservât  or  ; 

le  Lag.  13; 

Le  Liber  mi,  perantiquut  de  Fr.  I  [otman  ; 

les  ni88.de  Lambin,  en  particulier  le  Menunianus,  qui 
appartenait  à  Henri  de  Mesmi  neur  de  Mais 

(1531-1596) ; 

les  mss.  de  Graevius. 

Les  mss.  d'autres  textes  que  ceux  de  ces  trois  discours 
permettent  d'apporter  des  corrections  utiles  à  quelques 
leçons  du  P.  Q.,  du  Sex.  R.  et  du  Q.  R.  : 

YAbrincensis  238  de  VOrator  de  Cicéron  lui-même, ms. 
du  ixe  siècle,  provenant  de  l'abbaye  du  Mont-Saint-Mi- 
chel et  conservé  à  la  Bibliothèque  d'Avranches  (Orator, 
107  :  Sex.  R.,  72)  ; 

les  mss.  de  Valère  Maxime  (VIII,  i,  13  :  Sex.  /?.,  04)  : 

les  mss.  de  Quintilien  (I.O,  XI,  i,  19  ;  IX,  m,  80  ;  XII, 
vi,  4  :  P.  Q.,  4,  78  ;  Sex.  R.,  72)  ; 

les  mss.  d'Aulu-Gelle  (A7.  A.,  IX,  xiv,  9  ;  X,  xxi:  Sex, 
R.,  131  ;  Q.  R.,  30)  ; 

les  mss.  des  rhéteurs  et  des  grammairiens  latins.  Iulius 
Seuerianus  (C.  Halm,  Rhet.  Lat.  Min.,  Leipzig,  1863) 
supplée  quelque  peu  par  une  analyse  à  la  partie  perdue 
du  P.  Q.  —  Iulius  Rulinianus  (Rhet.  Lat.  Min.)  est  utile 
pour  Sex.  R.,  24,  34.  —  Quelques  bonnes  leçons  sont 
fournies  par  Charisius  (H.  Keil,  Grammat.  Lat.,  Leipzig, 
1856-1879,  t.  I,  p.  264  :  Sex.  R.,  21),  par  Diomède  (  Gram- 
mat. Lat. f  t.  I,  p.  390  :  Sex.  R.,  21),  par  Priscien  (Gram- 
mat. Lat,  t.  III,  p.  534,  7,  28  :  Sex.  R.,  76,  95,  104),  par 
Arusianus  (Grammat.  Lat., t.  VII,  p.  454,  481,  486  :  P.  Q., 
17;  Sex.  R.,  11,  23). 

On  doit  enfin  tenir  compte  pour  le  Sex.  R.  des  scolies 
qui  se  trouvent  dans  un  ms.  du  xe  siècle,  le  Leidensis 


PRÉFACE  ix 

Vossianus  Q.  138,  dont  raulcur  inconnu  est  désigné  sous 
le  nom  de  Scholiasta  Gronouianus,  parce  que  son  com- 
mentaire a  été  publié  pour  la  première  fois  dans  l'édition 
de  Gronovius. 

Depuis  cinq  siècles  et  demi  environ  que  l'on  imprime 

le  P.  Q.%  le  Sex.  R.  et  le  Q.  /.'.,  soit  avec  Les  autres  discours 
de  Cicéron,  soit  à  part,  et  que  l'érudition  s'évertue  à  en 
améliorer  le  texte,  les  éditions  sont  très  nombreuses;  les 

essais  de  correction,  innombrables. 

Voici  la  liste  des  éditeurs  et  des  philologues  dont  les 

corrections  et  les  conjectures  sont  mentionnées  dans  l'ap- 
parat critique  (1)  : 

Au  x\ ■«'  siècle,  en  la  même  année  1471,  une  double  rdi- 
iio  princeps  :  celle  de  Rome  (éd.  Rom.  1  171),  soignée  par 
le  savant  Giovanni  Andréa,  évêque  d'Aleria  (Io.  Andréas 
Aleriensis),  et  celle  de  Venise  (éd.  Yen.  1471),  soignée 
par  L.  Carbo  ;  en  1  I7.*î,  à  Brescia,  l'édition  de  Ferando 
(ni.  Bresc.  i  173),  qui  contient  les  «  orationes  iam  emen- 
dalae  el  correctae  per  Dominum  (iuarinuni  Yeronensem  i 
iGuarini,  de  Vérone,  i:'>7()-1460)  ;  en  1 198,  l'édition  pu- 
bliée à  Milan  (éd.  Mediol.  1 108)  par  AI.  Minuziano  (Mi- 
kutianus,  professeur  et  imprimeur,  1 150-1522)  ;  en  1  ; 


1.  J'évite,  autant  que  possible,  d'imposer  aux  noms  propn 
travestissement  «l'uni-  forme  latine.  Dans  ses  Essais  (I,  xi.vn, 
notre  Montaigne  «lisait  fort  bien  :      i'a\  souhaité  sonnent  que  ceux: 
qui  escriuent  les  histoires  en  Latin  non-  laissassent   nos  noms  tous 
tels    qu'ils  sont   :  car,  en  faisant   de  Yaudemonl.  Yalleinontanus, 

Kles  métamorphosant  pour  les  garber  à  la  Grecque  ou  à  la  Romaine, 

nous  nesçauon  >où  m  m  s  en  sommes  el  en  perdons  la  connoissance.  » 
Nous  ne  saxons  évidemment  où  nous  en  sommes  quand  nous 
vo>  dus  dénommer  Si/luius.Vr.  Dubois  d'Amiens,  éditeur  de  quelques 
Bscours  de  Cicéron,  et  Bosius,  Simon  Dubois,  commentateur  des 
lettres  de  Cicéron  a  Atticus.  Conservons  leurs  noms  latins  à 
■en.  Boemoraeus  et  a  lan.  Gulielmius,  qui  ne  sont  pas  connus  bous 
d'autres  noms;  continuons, à  la  ligueur,  à  appeler  (irelï , GraeuiltS 
et  Gronov,  Gronouius;  mais  n'allons  pas  faire  de  Manu/.io,  Munu- 

tiust  ou  de  Lambin,  Lambinas    et  métamorphoser  Liebhard  en 

Camcrariiis  ou  Wynants  en  Pighius. 


l'édition  publii  (erf.  Bonon.  1  li  ippo 

lus)  l*i  1515),  dont  le  ne- 

.  Filipp  tldo  le  jeune,  devait 

Rome,  en  : 

Au  .  né  ''ii  l  l'  chen, 

truxelles  (  lodocus  Badiu 
Paris,  ou  ii  avait  établi  une  Imprimerie  vers  1500,  I 

I  Esti<  nne  1 1  de  Michel  Va  ..  donne 

de  nombreuses  Ascensianae  de  Cicéron  :  les  plus  impor- 
tantes de  ces  éditions  pariai  sont  Ved,  A$c  1511, 
Ved,  A$c.  1522  et  L'ed.  .i.v.  1527, qui  conti  rveo- 
t ions  de  Guillaume  Budé  (1467-1540),  fondées  sur  le 
ms.  de  Saint-Victor;  i  paiement  d'après  ce  ms.  que 
François  Dubois  d'Amiens  (Fr.  Syluius  Ambianus)  éta- 
blit le  texte  d'une  édition  du  Sex,  R.  publiée  par  .1 
Bade  en  1530  (éd.  1530). 

Parmi  les  nombreuses  éditions  italiennes  procurées  par 
la  famille  Giunta,  d'abord  à  Florence,  puis  à  Venise,  et 
par  la  famille  Manuzio  à  Venise  :  l'édition  soignée  par 
Nie.  Angeli  (Angelius)  et  publiée  par  Luca  Antonio  et 
Filippo  Giunta  à  Florence,  en  1515  (éd.  lunt.  1515)  ;  l'é- 
dition imprimée  en  1519  dans  l'atelier  typographique 
d'Aldo  Manuzio  (1450-1515)  et  de  son  beau-père  Andréa 
Torresano  d'Asola  (éd.  Aid.  1519),  soignée  par  Andréa 
Navagero  (Xaugerius,  1483-1529),  conservateur  de  la 
Bibliothèque  Saint-Marc  de  Venise,  qui  fut  chargé  de 
missions  diplomatiques  auprès  de  François  Ier  et,  en 
Espagne,  auprès  de  Charles-Quint.  L'ed.  Iunt.  1534,  im- 
primée à  Venise  par  Luca  Antonio  Giunta,  profitait  des 
découvertes  que  Xavagero  avait  faites  dans  les  mss.  de 
France  et  d'Espagne.  Pietro  Vettori  (Petrus  Victorius, 
1499-1585)  avait  collaboré  à  Ved.  Iunt.  1534.  —  Cf.  Pétri 
Victorii  Variarum  Lectionum  libri  XXV,  Florentiae, 
1553  (P.  Q.  :  XI,  xxn  ;  XXI,  xm  ;  Sex.  R.  :  XI,  xi  ; 
XIV,  xxi  ;  XV,  vi  ;  XVII,  xxi  ;  XVIII,  vu).  —  Plu- 


PRÊ1  ACl  XI 

sieurs  Aldines  (1540,  1550,  1551,  etc.)  de  Paolo  Manuzio 
(1511-1574),  fils  d'Aldo. 

Les  éditions  parisiennes  publiées,  en  1538,  par  le  gendre 
de  Josse  Bade,  Robert  Estienne  (1503-1559),  qui  utilise 
les  travaux  de  Pietro  Vettori,  et,  en  1555,  par  le  frère  de 
Robert,  Charles  Kstienne  (1504-Î564). 

Les  éditions  imprimées  à  Jiàle  par  J.  Hervag,  en  1534 
(éd.  Basil.  1534)  et  en  1540,  celle-ci  soignée  par  Joachim 
Liebhard  de  Bamberg  (1500-1574),  dit  Camerarius. 

Travaux  de  Barthélémy  Lemasson,  d'Arlon  (1485- 
1570), dit.  Steinmetz  ou  Latomus,  premier  titulaire  de  La 
chaire  d'éloquence  latine  au  Collège  de  France  ;  —  du 
Bordelais  Aymar  de  Ranconnet,  président  au  Parlement 
de  Paris,  mort  à  la  Bastille  en  1559  ;  —  d'Ottavio  Pacato, 
de  Brescia  (149  H567),  dit  Pantagato  ;  —  de  Mario  Niz- 
zoli  (Nizolius),  de  Brescello  (1498-1565),  auteur  du  Thé- 
saurus Ciceronianus  (1535)  ;  — d'Adrien  Turnèbe  (1512- 
1565),  auteur  des  Aduersariorum  libri  XXX  (  P.  Q.  : 
XVIII,  xxi  ;  Q.  R.  :  XXIX,  xxxvi);  —  de  l'Espagnol 
Ant.  Augustino,  de  Tarragone  (1517-1586)  ; —  du  Hollan- 
dais Wynants  (1520-1564),  dit  Pighius  ;  —  du  Parisien 
François  Hotman  (1521-1590),  auteur  de  Commentarii 
in  XXV  Ciceronis  oraliones  (1554)  ;  —  du  Limousin  Marc- 
Antoine  Muret  (1526-1585),  auteur  de  Variae  Lectiones 
(1559)  ;  —  du  Parisien  Claude  Dupuy  (1545-1594),  dit 
Puteanus. 

Les  nombreuses  éditions  deDenysLambin(1516-1572), 
qui  donnent  les  corrections  de  Ren.  Boemoraeus.  La  pre- 
mière parut  à  Paris  en  1566;  l'édition  publiée  à  Genève, 
en  1584,  contient  les  corrections  de  Fulvio  Orsini  (1529- 
1600),  dit  Ursinus. 

Au  xvne  siècle,  l'édition  publiée,  en  1618,  chez  Georg 
Ludwig  Froben,à  Hambourg,  par  J.  van  Gruytere,  d'An- 
vers (1560-1627),  dit  Gruter,  donne  les  leçons  des  mss. 
Palatini  d'IIeklelberg  et  les  corrections  de  Ianus  Guliel- 


xii  PRÉFACE 

miiis,  de  Lubeck  (1555-1584),  mort  à  Boui  il  était 

allé  suivre  ]»s  cours  de  Cujas.  Jacques  Auguste  de  I  hou 
a  tait  un  éloge  ému  (Histor.,  lib.  LXXX)  de  ce  Jeune  «ru- 
dit  dont  on  espérail  une  édition  de  Cicéron. 
L'édition  publiée  a  Amsterdam  (1684-1099)  par  le 

professeur    dltreelit    .1.    GeOTg    Grefl    (1632-1703),    dit 

Graeuius,  donne  les  correction*  de  Jacques  Ménard  et  de 
Jean  Passerai  (1534-1602),  professeur  au 

France,  auteur  d'un  Coniecturaïuin  liber  (Paris,  1612). 
L'édition  publiée  à  Leyde  en  1692  parJ.Gronov  (16  IV 

1716),  dit  Gronouius. 

L'Ars  Crilica  (Amsterdam,  1696)  du  Genevois  Jean 
Le  Clerc  (1656-1737),  dit  Clericus. 

Au  xvme  siècle,  l'édition  du  P.  Q.  et  du  Sex.  R.  pu- 
bliée à  Padoue,en  1723,  par  Giacomo  Facciolati  (1682- 
1769)  ;  les  éditions  de  Cicéron  publiées  à  Leipzig  (1737- 
1739)  par  Johann  August  Ernesti  (1701-1781),  a  Paris 
{1739-1743)  par  Pierre  Joseph  Thoulier,  abbé  d'Olivet 
(1682-1768),  à  Naples  (1777-1788)  par  Gasp.  Garatoni 
(1743-1817),  à  Leipzig  (1795  et  suiv.)  par  Chr.  Daniel 
Beck  (1756-1832). 

Les  travaux  de  D.  Ruhnken  (1723-1798).  En  particu- 
lier, édition  de  Rutilius  Lupus,  Leyde,  1768,  p.  36  :  Sex. 
R„  xliv,  129. 

Au  xixe  siècle,  les  éditions  publiées  à  Leipzig  (181 1- 
1823)  par  Christ.  Gottfried  Schutz  (1747-1832),  et  à  Zu- 
rich (1826-1831)  par  Gaspard  d'Orelli  (1785-1819). 

Les  Aduersaria  (1831-1833)  de  Peter  Paul  Dobree, 
professeur  à  Cambridge  (1782-1825). 

L'édition  du  Sex.  R.  (Leipzig,  1835)  de  W.  Biïchner, 
qui  donne  les  corrections  et  conjectures  de  B.  Matthaei, 
de  Heumann,  de  J.  F.  Heusinger,  de  C.  Reisig  et  de  Schel- 
ler. 

Les  Kritiske  Bemaerkninger  (Viborg,  1836)   de  A.-S. 


PRÉFACE  xni 

Wesenberg;  l'étude  de  ll\ischke(Ili chic rs  Krilik.Jahrb.t 
1840). 

La  deuxième  édition  d'Orelli  (Zurich,  18 15-1862), com- 
plétée et  remaniée  par  J.G.Baiter  et  Karl  von  I  Ialm. 

Les  corrections  et  conjectures  de  Pluygers  (Mncmo- 
syne,  VII^,  de  Bake  (Mncmos.,\lll),dc  Hinkcs  (Mne- 
rnos.,  VIIi;,  de  J.  Vahlen  (Rhcin.  Mus. ,XUl)  et  de 
L.  Jeep  (Iahrb.  f.  Klass.  Phil.9LXXVlI). 

L'édition  de  Kayscr  (Leipzig,  1861),  qui  donne  des 
corrections  de  Krause,  de  F.  Passow,  de  F,  Buecheler  et 
de  Th.  Mommsen  ;  la  deuxième  édition  de  H.  Klotz  (Leip- 
zig, 1863)  ;  les  éditions  du  Sec.  /'.  publiées  par  Alfred 
Eberhard  (Leipzig,  1874),  par  Friedrich  Richter  et  Al- 
fred Fledceisen  (Leipzig,  1877),  par  G.  Landgraf  (Gotha, 
1882  ;  Erlangen,  1882-1884). 

Les  travaux  de  J.  N.  Madvig  (en  particulier  :  Madni- 
gii  ad  I.  C.  Orellium  Epistola  critica,  1828  ;  Epistola  cri- 
tica  ad.  C.  Halmium,  1856  ;  Aduersaria  critica,  1871- 
1884),  de  Nielaender  (Progr.,  Krotoschin,  1874J, de  Paul 
(Progr.,  Berlin,  1875J,  de  Whitte  (Opuscula  philologica, 
1876^,  de  G.  Landgraf  (De  Ciceronis  elocutione  in  ora- 
tionibus  pro  P.Quinctio  et  pro  Sex.Roscio  Ameri/10,  Wûrz- 
burg,  1878  ;  Berlin.  Philol.  Wochensch.,  1912,  N°  41  :  Sec. 
R.,  v,  llj,  de  C.  A.  Lehmann  (Hennés, XIV),  de  G.  Krue- 
ger  (lahrb.  /.  Klass.  Phil.,  XCW11)9  de  Gustafsson  et  de 
Trojel,  cité  par  Gustafsson  (Revue  de  Philologie,  1894, 
p.  259). 

L'édition  de  C.  F.  W.  Mueller  (Leipzig,  1891),  qui 
donne  des  corrections  de  Buttmann,  de  Buecheler  et  de 
Mommsen  ;  l'édition  du  Scx.  R.  de  Halm  et  Laubmann 
(Berlin,  1896). 

Au  xxe  siècle,  l'édition  de  Clark,  qui  donne  des  cor- 
rections de  Mommsen,  de  Heid  et  de  Novâck,  auteur 
d'une  édition  du  Scx.  R.  ;  les  corrections  de  C.  Jullian 
{Histoire  de  la  Gaule,  t.  II,  Paris,  1908,  p.  517,  note  6) 


xiv  PRÊFACl 

et  de  L  Delaruelle  (Rmt*  dé  Philêbgiz  1910,  p.  9 

Notre  texte  b  profité  de  tous  cei  travaux  des  éditeurs 
et  des  èrudits.  Il  n'en  b  pat  abusé  ;  il  oonaerve  i«-  plus 
souvent  la  leçon  dei  mss.  et  ne  l'abandonna  que  quand 
cette  leçon  est  absurde  ou  impossible  ;  c'est  leulemeot 
alors  qu'il  adopte  l:i  correction  qui  se  rapproche  le  plus 
de  cette  absurdité  en  lui  donnant  un  sens  raisonnable, 
ou  la  conjecture  qui  remédié  à  cette  impossibilité.  Par 
exemple,  P.  Q.  ,7,  £  a  horrentissimos,  qui  est  absurde  ; 
b,  honeslissimos  ;  y,  c,  k,  ornatissimos,  qui  donnent  un 
sens  convenable  :  j'admets  la  correction  de  Fr.  Hotman 
florenlissimos,  qui  doit  être  la  leçon  primitive  dont  un 
copiste  a  fait  horrentissimos  et  qui  est  d'ailleurs  confirmé 
par  P.  Q.t  72  :  L.  Philippus.  .honore  flortntissimus.  — 
Q.  R.,  30,  tous  les  mss.  ont  nouissimis.  Or,  Aulu-Gelle 
(N.  A.,  X,  xxi,  1)  note  :  «  Non  paucis  uerbis,  quorum 
frequens  usus  est  nunc  et  fuit,  M.  Ciceronem  noluisse 
uti  manifestum  est,  quod  ea  non  probaret  :  uelut  est  et 
nouissimus  et  nouissime.  »  Cicéron  n'a  donc  pas  écrit 
nouissimis. Clark  conjecture  «fort.  uilissimis>).  J'admets 
dans  le  texte  la  conjecture  uilissimis,  très  voisine  de  la 
leçon  nouissimis. 

Depuis  cinq  siècles  et  demi  qu'il  y  a  des  philologues 
qui  impriment  leurs  corrections  et  leurs  conjectures,  il 
ne  doit  plus  rester  beaucoup  à  corriger  et  à  conjecturer  : 
j'estime  qu'il  est  sage  de  ne  pas  essayer  d'ajouter  de 
glanes  à  une  moisson  très  abondante, dont  les  gerbes  ont 
accueilli  beaucoup  d'ivraie.  J'ai  résisté  à  cette  déman- 
geaison de  corriger,dont  Turnèbe  confessait  ingénument 
qu'il  était  attaqué  (1).  Je  ne  propose  pour  les  trois  dis- 
cours qu'une  seule  correction  de  minime  importance:  les 
mss.  ont  Q.  R.,  24,  expressae.  .publica  hae  a  praetore  for- 
mulât ;  l'ed.  Aid.  1519  a  fait  entrer  dans  le  texte  la  cor- 


1.  Aduers.,  XX,  xxv  :  Nunc  scabie  quadam  et   prurigine  eraen- 
dandi,  fortasse  non  mendosa.  agitatus... 


PRÉFACE  xv 

rection  publicae  a  praetore  ;  je  me  fonde  sur  De  Re  Publ.t 
IV,  m,  3,  disciplinam.  .publiée  expositam,  pour  écrire 
publiée  a  praetore. 

Notre  texte  est  accompagné  d'une  traduction  en  fran- 
çais. Le  travail  de  la  traduction  est  indispensable  à  qui- 
conque prépare  l'établissement  d'une  édition  ;  on  appré- 
cie les  difficultés  du  texte  en  s'imposant  la  tâche  de  le 
traduire  ;  on  échappe  au  danger  de  dénaturer  par  des 
conjectures  hasardeuses  ce  texte  dont  on  a  essayé  de  pé- 
nétrer le  sens.  Les  philologues  de  race  et  d'intelligence 
germaniques  reculeraient  devant  certaines  des  préten- 
dues corrections  auxquelles  se  complaît  leur  lourde  fan- 
taisie, s'ils  étaient  tenus  d'en  donner  la  traduction  dans 
une  langue  moderne  claire  et  précise.  Convaincue  que  la 
nécessité  s'impose  de  traduire  le  texte  qui  fait  l'objet 
d'une  édition  et  d'une  étude,  notre  Faculté  des  Lettres  est, 
je  crois,  la  première  qui  ait  demandé  aux  candidats  au  doc- 
torat une  traduction  des  ouvrages  latins  dont  ils  entrepre- 
naient d'établir  le  texte  critique  accompagné  d'une  étude 
sur  l'auteur  et  sur  son  œuvre.  Les  thèses  de  M.Vessereau, 
soutenues  en  1905,  étaient  une  édition  critique  de  Cl. 
Rutilius  Namatianus,  accompagnée  d'une  traduction 
française  et  d'un  index  et  suivie  d'une  étude  historique 
sur  l'œuvre  et  l'auteur, et  un  texte  critique  de  V Aetna, 
publié  avec  traduction  et  commentaire. 

Les  traductions  peuvent  aussi,  ce  me  semble,  ne  pas 
être  utiles  seulement  à  ceux  qui  les  ont  faites.  En  1905, 
elles  étaient  encore  pour  certains  érudits  l'objet  d'une 
injuste  défiance. M.  Hild,  doyen  de  la  Faculté  des  Lettres 
de  Poitiers,  pouvait  écrire  dans  la  Préface  d'une  traduc- 
tion des  Annales  de  Tacite,  due  à  M.  Loiseau  (Paris, 
Garnier,  1905)  :  «  J'ai  assez  de  confiance  dans  ma  vieille 
expérience  de  professeur,  je  crois  assez  bien  connaître 
l'opinion  des  latinistes,  mes  confrères  de  tout  pays,  pour 
affirmer  que  les  traductions  en  langue  moderne  de  nos 

b 


\w  PRÊFAC1 

auteurs  de  prédilection,  fussent-elles  excellentes,  nous 
inspirent  surtoul  de  l'indifférence  ef  que  n'en  usant  pas 

pour  noire  propre  compte,  nous  nous  faisons    un  point 

d'honneur  de  ne  lea  pas  trop  recommander  à  nos  di 
pies.  »  J'avoue  ne  pas  être  du  nombre  plutôt  resta     I 
de  ces  savants  latinistes-  ■  pauci  quoi  aequiu  amauit 

JupjiHcr  -  -  ,   qui  n'ayant   jamais  de  doutes  mit   le 

d'une  phrase  latine,  ne  consultent  jamais  de  traductions. 

Pour  ce  qui  est  de  nos  disciples,  prof esseurs de  \ .y 
nous  prions  le  conservateur  de  la  Bibliothèque  Munici- 
pale de  ne  pas  communiquer  la  traduction  Nisard  ou  la 
traduction  Panckoucke  à  ceux  de  nos  élevés  qui  viennent 
bâcler  leurs  versions  dans  la  salle  publique  avant  la  clas- 
se de  deux  heures  ;  professeurs  de  Facultés,  nous  encou- 
rageons nos  étudiants  à  prendre  dans  une  traduction 
une  première  idée  d'un  auteur  à  expliquer  ou  une  idée 
générale  des  ouvrages  qu'ils  n'ont  pas  à  étudier  spécia- 
lement. D'autre  part,  il  n'y  a  pas  que  des  professeurs  et 
des  disciples.  Bien  des  amis  des  lettres  anciennes,  un 
peu  éloignés  de  leurs  études  classiques,  aiment  l'aide 
d'une  interprétation  pour  revoir  utilement  un  texte  qui, 
seul,  leur  serait  d'une  lecture  pénible  ;  et  les  honnêtes 
gens,  qui  n'ont  pas  fait  leurs  humanités,  ont  bien  le  droit, 
s'ils  en  ont  le  désir,  de  faire  connaissance  avec  les  ou- 
vrages latins  qu'ils  ne  peuvent  lire  dans  le  texte. 

Que  doit  être  cette  traduction  dont  la  nécessité  nous 
semble  s'imposer  à  tant  d'égards  ?  Il  faut  qu'elle  rende 
scrupuleusement  le  texte,  sans  en  dissimuler  les  défauts, 
qui  sont  nombreux  dans  les  discours  qui  nous  occupent. 
Il  ne  convient  pas  que  le  lecteur  s'imagine  que  le  style 
des  discours  de  jeunesse  est  le  même  que  celui  des  Ver- 
rines  ou  de  la  Miloniertne.  On  pourra  accuser  bien  des 
passages  de  ma  traduction  d'être  en  mauvais  français  : 
c'est  qu'ils  rendent  des  passages  écrits  en  mauvais  latin. 
Par  exemble,  Sex.  i?.,  5  :  His  de  causis  ego  huic  causae 
patronus  =  C'est  pour  ces  causes  que  me  voici  défen- 


PRÉFACE  xvn 

seur  dans  cette  cause.  Même  jeu  de  mots,  Sex.  /?.,  149  : 
Causam  mihi  tradidit,quem  sua  causa  cupere  ac  debere 
intellegebat  =  Il  m'a  confié  cette  cause  :  à  cause  de  lui, 
il  s'en  rendait  compte,  mon  désir  et  mon  devoir  étaient 
de  la  défendre.  —  Q.  /?.,  21  :  Non  eodem  tempore  et  ges- 
tum  et  animam  ageres?  =  (N'irais-tu  pas  jusqu'à)  ren- 
dre l'âme  en  rendant  par  tes  gestes  quelque  action  théâ- 
trale ?  —  Q.  i?.,  42  :  Qui  omnium  iudicio  comprobatus 
est  iudex  =  Celui  dont  la  désignation  comme  juge  a  été 
pleinement  approuvée  par  le  jugement  de  tous. 

Les  notices  qui  précèdent  chaque  discours  et  les  notes 
qui  accompagnent  la  traduction  ont  été  réduites  au 
strict  minimum  des  affirmations  indispensables.  Le  vo- 
lume de  commentaires  qui  complète  ce  volume  de  texte 
et  de  traduction  donnera  l'histoire  critique  des  discours, 
la  discussion  des  leçons  douteuses,  les  remarques  sur  le 
vocabulaire,  la  grammaire  et  le  style  et  les  renseigne- 
ments utiles  sur  les  faits  historiques  et  les  institutions 
dont  il  est  question  dans  ces  trois  discours. 


H.  de  la  Ville  de  Mirmont 


Bordeaux,  1er  octobre  1918. 


H.  TVLLI  CICERONIS 
1MIO    P.   QVINCTIO 

ORATIO 


NOTICE 


On  sait  par  Aulu-Gcllc  (1)  que  Cicéron,né  sous  le  consu- 
lat de C.  AtiliusSerranus  etdeQ.  ServiliusC.aepio(648  /106), 
plaida  pour  P.  Quinctiua  sous  le  consulat  de  M.  Tullius 
Decula  et  do  Cn.  Cornélius  Dolabella  (673 /81).  C'est  le 
premier  en  date  des  discours  de  Cicéron  que  nous  connais- 
sons ;  ce  n'est  pas  le  premier  qu'il  ait  prononcé.  Il  fait 
lui-même  allusion  dans  le  P.  Q.  (2)  aux  autres  causes  qu'il 
avait  déjà  plaidées.  Mais  il  ne  dit  rien  de  ce  plaidoyer  dans 
les  ouvrages  où  il  parle  de  ses  discours  ;  dans  sa  biographie 
de  Cicéron,  Plutarque  ne  le  mentionne  pas  non  plus. 
D'après  le  Dialogue  des  Orateurs  (3),  ce  discours  n'est  pas 
au  nombre  de  ceux  qui  ont  contribué  à  établir  la  répu- 
tation oratoire  de  Cicéron. 

C'est  à  la  demande  du  grand  comédien  Roseius,  dont 
P.  Quinetius  avait  épousé  la  sœur,  que  le  jeune  avocat  se 
Chargea  de  cette  affaire.  Héritier  de  son  frère  C.  Quinetius, 
qui  s'était  associé  avec  un  ancien  crieur  public  de  Rome, 
Sex.  Naevius.  pour  l'exploitation  de  propriétés  dans  la 
Gaule  Xarbonnaise,  P.  Quinetius  trouvait  auprès  de 
l'associé  de  son  frère  de  grandes  difficultés  pour  le  règle- 
ment de  la  succession.  Xaevius,  qui  avait  épousé  une 
cousine  de  C.  et  de  P.  Quinetius,  était  loin  de  se  montrer 
bon  parent.  Il  avait  fallu  porter  l'affaire  devant  les 
tribunaux,  où  elle  traînait.  Un  avocat  expérimenté, 
M.  Junius, l'avait  plaidée  plusieurs  fois, quand  son  absence 

(1)  .V.  A.  ,  XV,  xxyiii,3. 

(2)  P.  Q.  ,  i,  1  :  Quoil  mihi  consueuit  in  ecteris  causis  esse  adiu- 
mento. 

(3)  Dîal.  de  Oral.  ,  xxxvn  :  Ncc  Ciceronem  magnum  oratorcm 
P.  Quinctiua  defensus...faciunt. 


OTICE  4 

de  Rome  fori  a  Cicéron  A  le  rappléer.  Le  loge  d 
le   préteur  Cn.   CoraeUut  Dolabella  (1)  était  CAquillui 
dallus,  homme  Intègre  et  lavant   jurisconsulte  '*_'),  qui 
devait  plus  tard  être  préteur  en  même  t<  mpe  que  Ci< 

(688/Gb).    Le   juge    avait    pour    asti  I'.    Ouinctilius 

Varus,  homme  d'une  grande  honni  I   d"un< 

autorité  (3),  M.  ClaudJus  Marcellus,  que  Clcéron  i 

avec  éloges  (1),  et   L.   Luciliuf  Balbus, 

comme  C  Aquiliui  Gallus,  du  savant  Juriste  f'.  M 

Scaevola  le  Pontife  (5). 

Sex.  Naevius,  protégé  par  Sylla  et  par  l'aristocr; 
avait  pour  avocat  le  célèbre  orateur  Hortensia  . 

de  L.  Marcius  Philippus,  cjui  avait  dé  consul  en  663  !. 
et  qui  était  réputé  pour  la  force  et  l'habileté  de  sa  dialec- 
tique (6). 


ANALYSE  DU   DISCOl 

exorde(i-ii).  Situation  défavorable  de  P.  Quinctius  et 
de  son  défenseur  ;  appel  à  l'équité  et  à  la  miséricorde  des 
juges. 

narration  (iii-ix).  Exposé  des  faits.  L'association  de 
Sex.  Naevius  et  de  C.  Quinctius.  Mauvais  procédés  de 

(1)  Il  ne  faut  pas  confondre  le  préteur  urbain  <Je  l'an  673  SI, 
homme  peu  recommandable.  propréteur  en  Cilicie(674  /S1 

où  il  eut  pour  questeur  et  pour  légat  Verres,  dont  il  fut  le 
digne  maître  en  fait  de  pillages  et  d'abus  de  pouvoir,  avec  son 
parent  et  homonyme  Cn.  Cornélius  Dolabella,  le  consul  de  l'an 
073/81,  qui  fut,  après  son  proconsulat  en  Macédoine,  accusé  de 
concussion  par  Jules  César  âgé  de  vingt-trois  ans  (Brulus,  xen, 
317). 

(2)  Brutus,  xlii,  154  ;  Pro  Caecina.  xxvn.  77-78. 

(3)  Pro  Cluenlio, xxix, 53  :  P.  Quinctilius  Varus.  summa  rcligione 
et  summa  auctoritate  praeditus. 

(4)  Verr.(II)..  I,  li,  135. 

(5)  Brulus,  xlii,  154. 

(6)  Brutus,  xlvii,  173  ;  De  OraL,  III,  i,4.  —  C'est  l'orateur 
rtrcnuus  et  fortis,  causisque  Philippus  agendis  clarus  qu'Horace 
met  en  scène  dans  l'épisode  du  praeco  Vulteius  Menas  (Episl.,  I, 
vu  v  46  et  suiv.). 


5  soi  u 

Nacvius  ;  sa  conduite  Illégale  avec  P.  Quinctiu  ,  héritier 
de  C.  Qulnctius. 

DlVlSION(x).  Cicéron  annonce   qu'il  prouvera  : 

1°  que  Xaevius  n'était  pas  fondé  à  requérir  du  préteur 
l'envoi  en  possession  des  biens  de  P.  QuincthlS  ; 

2°  que  Xaevius  n'a  pas  pu  posséder  ces  biens  en  vertu 
de  l'édit  du  préteur  ; 

3°  que  Xaevius  ne  les  a  pas  possédés. 

CONFIRMATION    (xi-XXVIl). 

1°  Naevius  n'était  pas  fonde  à  re  juérir  (tu  préteur  V envoi 
en  possession  des  biens  de  P.  Quinrlius(xi-s.\ni).  —  A. 
P.  Qulnctius  ne  doit  rien  à  Xaevius,  puisque,  pendant  plus 

d'un  an  qu'ils  ont  demeuré  ensemble  en  Gaule,  Xaevius 

n'a  rien  réclamé  à  1'.  Quinctius(xi-XIl).  —  B.  En  s'obsti- 

nant  à  refuser  qu'on  ju^e  le  fond  du  procès,  Xaevius 
avoue  que  Qulnctius  ne  lui  doit  rien(xin-xiv).  —  C. 
Naevius  ne  peut  pas  démontrer  que  Qulnctius  ait  jamais 
l'ait  défaut  ;  quand  même  Qulnctius  aurait  fait  défaut,  ce 
ne  serait  pas  une  raison  pour  le  traiter  avec  cette  rigueur 
(xv-xvm). 

2°  Nacvius  n'a  pas  pu  posséder  ces  biens  en  vertu  de 
l'édit  du  préleur (xix-xxvn).  —  Cet  édit  ne  concerne  que 
le  débiteur  qui  s'est  caché  pour  frustrer  le  créancier  ;  le 
ilteur  qui  n'a  point  d'héritier  connu  :  h'  débiteur  qui  a 
quitté  son  domicile  pour  aller  en  exil  ;  le  débiteur  absent 
qui  n'a  pas  été-  défendu  en  justice  :  aucun  de  ces  divers 
cas  ne  peut  s'appliquer  à  P.  Quinctius(xix-xxi).  Au  point 
de  vue  des  influence-,  politiques,  NTaevius  était  aussi 
puissant  que  le  mandataire  qui  défendait  Quinctius  en 
justlce(xxil).  Si  Xaevius  a  possédé  les  biens  de  Quinctius 
in  vertu  de  l'édit  du  préteur,  pourquoi  ces  biens  n'ont-ils 
été  mi>  en  vente  ?  Pourquoi  n'y-a-t-il  pas  eu  une 
reunion  de  créanciers(xxin)  ?  Avant  de  demander  l'envoi 
en  possession  des  liens,  Xaevius  s'est  emparé  de  ces  biens, 
ce  qui  est  contraire  à  l'édit  du  préteur  (xxiv-xxvn). 

3°  N devins  ne  les  a  pas  possédés.  —  Cette  troisième 
partie  de  la  confirmation  est  perdue  ;  mais  on  sait  par  le 
rhéteur  JuUus  Severianus  quelle  était  l'argumentation  die 
Cicéron  :  Xaevius  n'a  pas  réellement  possédé  les  biens  de 


OTICB  0 

Quinctius,  puisque,  au  lieu  d'en  possède?  li  totalil 
n'en  a  possédé  qu'une  partie. 

RRC  \i'i  M  i.m  ion  |  i.nymi.k  \tio  |(xxvill-xxixj.I 

ne  donnent  pas  tout  entière  la  récapitulai Um  qui  n 

et  résumait  ions  lea  ergumenti  développé!  dani  lei  trois 

parties  de  l.i  confirmation. 

PÉRORAISON (XXX-XXXl). Parallèle  entre  l'insolente  for- 
tune de  Naeviua  et  la  situation  misérable  de  Quinctius. 

Appel  pathétique  à  la  justice  et  à  la  miséricorde  des  juges. 


SIGLA 


P  =  PatfmpsesttlS  Taurincnsis  (50-53:  sed  bono- 
ruiR...  tute  collegis-  ;  G6-70  :  -scnlem  sine 
causa...  commemorando  renoua-  ;  92-93  : 
minas  quas.  .ait  officium). 

1     -*  ms.  Paris.  14749,  olim  S.  Victoria  91. 

b  =»  ms.  S.  IMarci  255  (Lag.  6),  Flor.  Bibl.  Nat. 
I.  iv.  4. 

b*    =   m.  2  in  ms.  S.  Marri 255. 

£     =   ms.  S.  Marci  254,  Flor.  Bibl.  Nat  I.  IV.  5. 

c      =  ms.  Oxon.  Canonici  226. 

k      s=   nis.  Paris.  7779. 

w     =s   ms.  Guclferbytanus  205. 


PLAIDOYKK  POUR   P.    QUINCTIUS 


Exorde  I  1  Les  deux  autoii^s  clui  ont  le  Plus  grand 
pouvoir  dans  l'État,  ces  autorités  agissent 
aujourd'hui  toutes  les  deux  ensemble  contre  nous,  je  veux 
dire  la  souveraineté  du  crédit  et  celle  de  l'éloquence  : 
celle-ci,  C.  Aquilius,  m'inspire  une  crainte  respectueuse  ; 
celui-là,  je  le  redoute.  Que  l'éloquence  de  Q.  Hortensius 
soit  une  gêne  pour  mon  discours,  j'en  suis  profondément 
ému;  que  le  crédit  de  Sex.  Xaevius  nuise  à  P.  Quinctius, 
j'en  ai  une  vive  frayeur.  2  Et  il  ne  nous  semblerait  pas 
avoir  à  déplorer  ainsi  leur  position  éminente,  si  la  nôtre 
était  tout  au  moins  moyenne.  Mais  l'affaire  se  présente  dans 
de  telles  conditions,  que  moi,  qui  n'ai  pas  assez  d'expé- 
rience et  qui  ai  trop  peu  de  talent  naturel,  je  me  trouve 
apparié  avec  un  défenseur  très  disert, que  P.  Quinctius, 
dont  les  ressources  sont  faibles,  les  moyens  d'action  nuls, 
le  nombre  des  amis  très  restreint,  est  en  lutte  avec  un 
adversaire  qui  jouit  du  plus  immense  crédit.  3  Et,  ce 
qui  aggrave  encore  notre  désavantage,  M.  Junius,  qui  a 
plaidé  souvent  cette  cause  devant  toi,  C.  Aquilius,  M.  Ju- 
nius, cet  homme  qui  s'est  exercé  dans  d'autres  causes  et 
qui  s'est  souvent  et  beaucoup  occupé  de  celle-ci,  est 
absent  en  ce  moment,  retenu  par  une  nouvelle  mission  ; 
et  c'est  à  moi  qu'on  est  venu,  à  moi,  qui,  aurais-je  même 
au  plus  haut  point  les  autres  moyens  de  succès,  n'ai  pu  as- 
surément avoir  qu'à  peine  le  temps  nécessaire  pour  pren- 
dre connaissance  d'une  cause  que  compliquent  tant  de 
questions  controversées. 


PRO  P.   QVINXTIO   ORATIO 


I  1  Quae    res  in   ciuitate  duae  plurimum  possunt, 

ne  cor. t ru  nos  ambae  faciunt  in  hoc  tempore,  summa 

•  el  eloquentia  ;  quarum  alteram,  C.  Aquili,  uereor, 

dteram  metuo.  Eloquentia  Q.  Hortensi  ne  me  in  dicendo 

liât,  non  oihil  commoueor,  gratia  Scx.  Naeui  ne 

P.  Qulnctio  noceat,  id  uero  non  mediocriter  pertimesco. 

I  Neque  hoc  tanto  opère  querendum  oideretur,  haec 

lumma  in  illis  esse,  si  in  nobis  essent  saltem  mediocria  ; 

terum  ita  se  res  habet,  ut  ego,  qui  neque  nsu  salis  et 

io  parum  possum,  cum  patrono  disertissimo  com- 

juinctius,  cui  tenues  opes,  nullae  facultates, 

amicorum  copiae  sunt,  cum  aduersario  gratio- 

.. :(>  contendat.  3  Ilhul  quoque   nobis  accedit  in- 

i  >mmodum,  quod  M.  lunius,  qui  hanc  causam,  C.  Aquili, 

diqu  apnd  te  •■■  it,  homo  et  in  aliis  causis  e» 

atus,  el  in  hac  multum  et  saepe  uersatus,  hoc  tempore 

t,  noua  legatione  impeditus,  et  ad  me  uentum  est, 


1.  res  in  ciuitate  duae  :  duae  res  in  ciuitate  bl,  c,  k.  |)  lu  dicendo  : 
DcendoZ,   b\  ||  2.  se  res  :  res  se  éd.  Yen.  1471.   Il  cui  tenues  :  cuius 

envies  u\  |  3  hanc  <  causam,  C  Aquili,  >  aliquotiens  Klolz  : 
lanc  aliquotiena  mu.  :  liane  <  causam>  aliquotiens  éd.  lant.  1515. 
I  et  saepe  /  :  ac   saepe  cetert  mss. 


i  4  ri.  \  W(  I  01  R  P.  01  r.<  i  ir 

4  C'e*1  alii  i  que  le   outicii  sur  lequel  j '.. 
de  m'appuyer  dani  les  autres  eau  e    que  J'ai  plaidée    me 
fait  aussi  défaul  dans  celle-ci  «  Sa 
lent  csi  Impuissant  à  me  fournir,  je  me  les  procurai    par 
une  étude  diligente  de  l'affaire  :  si  le  temps  et  le  loisir  né» 
cessaires  font  défaut,  que  sera  ce  travail,  miellé  i 

l'importance?  on  ne  p.  ut  s'en  faire  un*-  Idée.  i'Ius  m*s  dé- 
savantages sont  nombreux, G  Aquilius,  j>ins  il  vous  faudra* 

toi  et  les  assesseurs  qui  composent  ton  conseil,  écouter  nos 
paroles  avec  un  esprit  bienveillant, afin  que  la  vérité  affai- 
blie par  tant  de  conditions  défavorables  retrouve  enfin 
toute  sa  force  grâce  à  l'équité  d'hommes  aussi  éminents. 
5  Que  si,  étant  juge,  on  te  voit  ne  donner  aucune  protec- 
tion à  la  solitude  et  à  la  détresse  contre  la  puissance  et  le 
crédit,  si,  devant  le  conseil  que  tu  présides,  la  cause  doit 
être  pesée  d'après  les  richesses  et  non  d'après  la  >  érité, 
certes,  il  n'y  a  plus  alors  dans  l'Etat  ni  moralité,  ni  sincé- 
rité ;  il  n'y  a  plus  ni  autorité,  ni  intégrité  du  juge  qui 
donne  du  réconfort  «à  l'humble  situation  d'un  plaideur. 
Oui,  ou  la  vérité  l'emportera  par  sa  force  devant  toi 
et  ceux  qui  t'assistent  ;  ou,  repoussée  de  ce  tribunal  par 
la  puissance  et  par  le  crédit,  elle  ne  pourra  trouver  nulle 
part  un  refuge  où  s'arrêter. 

II  Si  je  parle  ainsi,  C.  Aquilius,  ce  n'est  pas  qu'il  me 
vienne  le  moindre  doute  sur  la  confiance  que  tu  mérites  et 
sur  la  fermeté  de  ton  caractère,  ce  n'est  pas  que  P.  Quinc- 
tius  ne  doive  mettre  la  plus  grande  espérance  dans  ces 
hommes  que  tu  as  appelés  auprès  de  toi  comme  conseillers 
et  qui  sont  l'élite  de  l'Etat.  6  Qu'est-ce  donc  qui  nous  in- 
quiète? D'abord, la  grandeur  du  danger  accable  P.  Quinc- 
tius  de  la  plus  forte  crainte;  dans  la  lutte  où  il  est  engagé, 
sa  situation  tout  entière  dépend  d'un  seul  jugement  :  et, 
pendant  qu'il  agite  cette  pensée,  l'idée  de  ta  puissance  se 
présente  à  son  esprit  aussi  souvent  que  celle  de  ton  équité  ; 
car  tous  ceux  dont  la  vie  est  entre  les  mains  d'autrui  se 
préoccupent  plus  souvent  de  ce  que  peut  que  de  ce  que  doit 
faire  l'homme  au  pouvoir  et  à  la  souveraineté  duquel  ils 
sont  soumis.  7  Ensuite,  P.  Quinctius  a  pour  adversaires, 
en  apparence  S  ex.  Naevius,  mais  en  réalité  les  hommes 


9  PRO  P.   QVISCT10  i  3 

qui,  ut  summa  haberem  cetera,  temporis  quidem  certe 
uix  satis  habui,  ul  rem  tantam,  toi  controuersiis  impli- 
catam,  possem  co  Te. 

4  lia,  quod  rnihi  consueuit  in  ceteris  causis  esse  adiu- 
oiento,  id  quoque  in  hac  causa  déficit.  Nam,  quod  minus 
ingenio  possum,  subsidium  mihi  diligentia  comparaui  ; 
quae  quanta  Bit,  oisi  tempua  et  spatium  datum  sit, 
inteUegi  non  potest.  Quae  quo  plura  saut,  C.  Aquili, 
co  te,  et  nos,  qui  tibi  in  consilio  sunt,  meliore  mi 
uostra  uerba  audire  oportebit,  ut  multis  incommodis 
ueritas  debilitata  tandem  aequitate  talium  uirorum 
recrectur.  5  Quod  si  tu  iudex  nullo  pracsidio  fuisse  uide- 
bere  contra  uim  et  gratiam  solitudini  atque  inopiae, 
si  aj)ud  lioc  consilium  ex  opibus,  non  ex  ucritate  causa 
pendetur,  profecto  nihil  est  iam  sanctum  atque  sincemm 
in  ciuitate,  nihil  est  quod  humilitatem  cuiusquam  graui- 
tas  et  uirtus  iudicis  consoletur.  Certe,  aut  apud  te  et  hos, 
qui  tibi  adsunt,  ueritas  ualebit,  aut  ex  hoc  loco  repuisa 
ui  et  gratia  locum,  ubi  consistât,  reperire  non  poterit. 

II  Non  eo  dico,  C.  Aquili,  quo  mihi  ueniat  in  dubium 
tua  fides  et  constantia,  aut  quo  non  in  his,  quos  tibi  ad- 
nocastî,  uiris  /ectissimis  ciuitatis  spem  summam  habere 
P.  Quinctius  debeat.  6Quid  ergo  est  ?  Primum  magni- 
tudo  periculi  summo  timoré  hominem  adficit,  quod  uno 
iudicio  de  forlunis  omnibus  decernit,  idque  dum  cogitât, 

possem  éd.  Rom.  1471  :  possim  mss.  ||  4.  quod  niimis  ingenio 
MucUcr  :  quo  minus  ingenio  mss.  ;  quod  ingenio  minus  Quintil. .  I. 
0., XI, i,  u).  H  subsidium  mihi  diligentia  Quintil..  h  O.,  XI,  i,  19 : 

subsidio  mihi  diligrntinm  mss.  ||  et  hos  :  et  eosD,  bl,  w.  \[  5.  nullo 
pracsidio  :  nulli  praesidio  Lambin.  ||  nihil  est  quod  :  nihil  quod  éd. 
Bas.  1534.  ||  aduoeasti  b  :  aduoeauisti  ecleri  mss.  ;|  lectissiiuls  Lam- 
bin :  electissimis  mss.  il  6.  dum  cogitât  :  cum  cogitât  D,  b\  iv. 


ii  7  ri  AID0Y1  R  POl  /.*  P.  01  I    I  10 

(i  aujourd'hui  les  plui  dli  erl  .  I<    nomme   oui  i 

il  de  notre  ville  l'emportent  par  i<-ur  puissance  <i  ; 
leur  splendeur,  et  ers  nommée  emploient  nn  zèle  connu 
et  de  •  re  i  Immei  défendre  Scol 

l'on  peu1  dire  qu  défendre  l'un  dee  deui  advei 

que  de  servir  docilement  les  désin  pas  tonnés,  afin  qu'il 
puisse*  ))lus  facilement  accabler  celui  qu'il  veut  perdre  p 
une  inique  action  Judiciaire.  B  Peut-on,  en  effet,  C.  Aqi 
lius,peut-on  citer  ou  mentionner  une  décision  plus  inique, 
plus  Indigne,  que  celle  qui  exige  que  moi,  le  défenseur 
la  personnalité  civile  de  l'autre  adversaire,  de  sa  répul 
tion,  de  sa  situation,  je  plaide  en  premier  lieu  7  Alors  sur- 
tout que  Q.  Hortensius,  qui  occupe  dans  l'affaire  que  l'on 
juge  aujourd'hui  l'ofTice  d'accusateur,  parlera  contre  moi, 
lui  à  qui  la  nature  a  prodigué  une  si  grande  abondance, 
une  telle  facilite  de  parole  ?  Il  arrive  ainsi  que  moi,  qui 
dois  détourner  les  traits  et  panser  les  blcssure^.j'ai  à  m'ac- 
quitter  de  cette  tâche  avant  même  que  la  partie  adverse 
n'ait  lancé  aucun  trait  et  qu'on  leur  donne,  à  eux,  pour 
nous  attaquer,  le  moment  où  le  pouvoir  nous  aura  été  enle- 
vé d'éviterleurassaut,  et  que  si,  en  quelqueendroit,  comme 
ils  sont  disposés  à  le  iaire,  ils  lancent,  en  guise  de  trait 
empoisonné,  quelque  accusation  mensongère,  il  n'y  aura 
plus  moyen  d'apporter  le  remède.  S  Cetteposition  fâcheuse 
résulte  de  l'iniquité  et  du  déni  de  justice  du  préteur. 
D'abord,  contrairement  à  la  coutume  de  tous  les  pré- 
teurs, il  a  préféré  que  l'action  judiciaire  s'occupât  du 
déshonneur  de  P.  Quinctius  avant  d'en  venir  au  fond  de 
l'affaire  ;  ensuite,  il  a  réglé  la  procédure  de  l'action  de 
telle  manière  que  le  défendeur,  avant  d'avoir  entendu  la 
parole  de  l'accusateur,  fût  forcé  de  plaider  sa  cause.  Voilà 
ce  qu'ont  obtenu  le  crédit  et  la  puissance  d'hommes  qui 
se  font  les  complaisants  de  la  passion  et  de  la  cupidité  de 
Sex.  Naevius  avec  autant  de  zèle  que  s'il  s'agissait  de 
leurfortune  ou  de  leur  honneur  et  qui  font  l'essai  de  leurs 
forces  dans  une  affaire  telle  que,  plus  leur  mérite  et  leur 
rang  élevé  leur  donnent  de  pouvoir,  moins  ils  devraient 
y  montrer  tout  ce  qu'ils  peuvent. 

10  Alors  que,  abattu  et  abîmé  par  un  si  grand  nombre 


10  PAO  P.   n\  ISCTIO  n-6 

non  minus  saepe  ci  uenit  in  meulem  potestatis  quam 
aequiiatis  tuae,  propterea  quod  omnes,  quorum  in  alte- 
rius  manu  uila  posita  est,  saepius  illud  cogitant,  quid 
possit  is,  euius  in  dicione  ;»'•  potestate  sunt,  quam  quid 
debeat  facere.  7  Deinde  liai)».'!  aduersarium  P.  Quinctius 
uerbo  Sex,  Naeuium,  re  uera  huiusce  aetatis  homines 
disertissimos,  fortissimos,//orentissimos  nostrae  ciuitatis, 
qui  commun]  studio  Bummis  opibus  Sex.  Naeuium  de- 
fendunt,  si  id  est  defendere,  cupiditati  alterius  oblem- 
perare,  quo  is  facilius,  quem  uelit,  iniquo  iudicio  oppri- 
mera possit.  8  Nam  quid  hoc  iniquius  aut  indignius,  C. 
Aquili,  dici  aut  commemorari  potest, quam  me,  qui  ca- 
put  alterius,  famam  fortunasque  defendam,  priore  loco 
causamdicera?cum  praesertimQ.Hortensius,qui  in  hoc 
iudicio  partes  accusatoris  obtinet, contra  me  sit  dicturus, 
cui  summum  copiais  facultatemque  dicendi  natura  lar- 
gita  est.  lia  lit,  ut  ego,  qui  tela  depellera  et  uulneribus 
mederi  debeam,  tum  id  facere  cogar,  cum  etiam  telum 
aduersarius  nullum  iecerit,  illis  autem  id  tempus  impu- 
gnandi  detur,  cum  et  uitandi  illorum  impetus  potestas 
adempta  nobis  erit  et,  si  qua  in  re,  id  quod  parati  sunt 
facere,  falsum  crimen  quasi  uenenatum  aliquod  telum 
iecerint,  medicinae  faciendae  locus  non  crit.  9  Idacciuit 
praetoris  iniquitate  et  iniuria,  primum  quod  contra  om- 
nium consuetudinem  iudicium  prius  de  probro  quam  de 
re  maluit  ûeri,  deinde  quod  ita  constituit  id  ipsum  iu- 
dicium, ut  rcus,  ante  quam  uerbum  accusatoris  audissel, 

polestatis  :    iris   potestatis  c,  k.  !|  7.  florcntissimos  Hotman   (cf. 
xxii.  72:/..  Philippus...   florentiuinuu)  :  horrentissimos  £  ;  ho- 

mos  b  ;  oniatissiinos,  y,  c,  A-.  .8.   <in>  hoc  iudicio  Bailcr: 
hoc  iudicio  mu. 


n-10  PLAIDOYER  POUR  P.  QVINCT II  11 

de  si  graves  difficultés,  P.  Quinctius  est  venu  chercher 

un  refuge  dam  ton  amour  de  la  bonne  foi  et  dfl  11  Vérité, 
dans  tes  sentiments  de  miséricorde,  C.  Aquiiius,  alors  que 
la  puissance  de  ses  adversaires  ne  lui  a  pas  permis  de 
jouir  de  droits  égaui  aux  leurs,  d'obtenir  le  même  pou- 
voir d'agir  en  justice,  de  trouver  un  magistrat  équitable, 
alors  que,  par  la  plus  grande  des  injustice,,  tout  lui  est 

ennemi  et  hostile,  c'e^t  toi,  C.  Aquiiius,  c'est  vous,  qui 
siégez  dans  le  conseil,  qu'il  prie  et  qu'A  supplie  nu  nom 
des  dieux  de  permettre  que  l'équité,  Inquiétée,  p  rsécu- 
tée  par  tellement  d'injustices,  puisse  s'arrêter  enfin  ici  et 

y  trouver  une  position  solide. 

..         ..  III  11  Pour  vous  rendre  la  chose  plus    fa- 

Narration  .  ' 

cile,je  vais  mettre  tous  mes  soins  a  vous  faire 

connaître  de  quelle  manière  et  suivant  quels  contrats 
l'affaire  a  été  gérée  dès  l'origine. 

C.  Quinctius,frère  de  P.  Quinctius,  notre  client,  donna, 
sans  doute,  à  l'administration  de  ses  autres  affaires  les 
soins  prudents  et  attentifs  d'un  bon  père  de  famille  ;  il  ne 
montra  un  peu  moins  de  circonspection  que  dans  une  seule 
entreprise,  lorsqu'il  forma  une  association  avec  Sex.  Nae- 
vius,  homme  de  bien,  assurément,  mais  que  son  éducation 
n'avait  pas  rendu  capable  de  connaître  les  droits  respec- 
tifs de  chacun  des  associés  et  les  devoirs  d'un  père  de 
famille  sérieux.  Ce  n'est  pas  qu'un  certain  talent  naturel 
lui  fît  défaut  :  jamais,  en  effet,  Sex.  Xaevius  n'a  passé 
pour  un  bouffon  sans  esprit  de  bon  goût  ou  pour  un  crieur 
public  sans  belles  manières  de  société.  Qu'y  a-t-il  donc 
contre  lui  ?  Comme  la  nature  ne  lui  avait  donné  rien  de 
mieux  qu'une  bonne  voix,  comme  son  père  ne  lui  avait 
laissé  d'autre  héritage  que  l'état  d'homme  libre,  sa  voix, 
il  en  fit  un  instrument  de  trafic  ;  son  état  d'homme  libre, 
il  en  profita  pour  débiter  plus  impunément  ses  mordantes 
plaisanteries.  12  Vouloir  vous  adjoindre  cet  homme 
comme  associé,  ce  n'était  que  lui  donner  les  moyens  d'ap- 
prendre à  fond,  aux  dépens  de  votre  propre  argent,  ce 
que  l'argent  rapporte...  Cependant  se  laissant  entraîner 
par  l'amitié  qui  était  née  de  ses  relations  avec  Xaevius, 
Quinctius  forma,  comme  je  l'ai  dit,  une  association  rela- 


1  I>RO  P.  QVINCTIO  n-9 

:ausam  dicerc  cogerctur.  Quod  eorum  gratia  et  potentia 
actum  est,  qui,  quasi  sua  res  aut  honos  agatur,  ita  di- 
igenter  Sex.  Naeui  studio  et  cupiditati  morem  gérant 
t.  iu  eius  modi  rébus  opes  suas  experiuntur,  in  quibus, 
[uo  plus  propter  oirtutem  Dobilitatemque  possunt,  eo 
ninus.  quantum  possint,  debent  osteudere. 

10  Gum  tôt  tantisque  difficultatibus  adfectus  atque 
idflictufl  in  tuam,  C.  Aquili,  ftdem,  ueritatem,  misericor- 
tiam  P.  Quinctius  confugerit,  cum  adhuc  ei  propter  uim 
iduersariorum  non  ius  par,  non  agendi  potestas  eadem, 
ion  magistratua  aequus  reperiri  potuerit,  cum  ei  sum- 
nain  per  iniuriam  omnia  inimica  atque  infesta  fuerint, 
e,  C.  Aquili,  uosque,  qui  in  consilio  adcstis,  orat  atque 
>bsecrat,  ut  multis  iniuriis  iactatam  atque  agitatam 
lequitatem  in  hue  tandem  loco  consistere  et  confirmari 
patiaminL 

III  11  Id  quo  faeilius  facere  possitis,  dabo  operam, 
ît  a  principio  res  quem  ad  modum  gesta  et  contracta  sil 
Jognoscatis. 

C.  Quinctius  fuit  P.  Quincti  huius  frater,  sane  cetera- 

*um  rerum  pater  familias  et  prudens  et   attentus,  una  in 

re  paulo  minus  consideratus,  qui  societatcin  cum  Ses. 

Naeuio  fecerit,  uiro  bono,  uerum  tamen  non  ita  institu- 

to,  ut  iura  societatis  et  oilicia  certi  patris  familias  nossc 

|         t  ;  non   quo  ei  deesset  îngenium  ;  nam  neque  pa- 

rum  facetus  scurra  Sex.Xaeuius  ueque  inhumanus  prae- 

co  umquam  est  existimatus.  Quid  ergo  est  ?  Cum  ci  natu- 

ra  nihil  melius  quam  uoeem  dédisse  t,  pater  nihil  praeter 

libertatem    reliquisset,    uoeem    in    quacstum    contulit, 

l).  quantum  possint  Jr:  quod  possint  S; quam  possint  cclcri  mss.  ; 
quiJ  possint Klotz,  ,11.  umquam  est  :  esl  umquau  /.  k. 


mi-12  PLAIDOYER  POUR  P.  <><  INCTl  12 

tive  ;m\  produit!  que  l'an  m  procurait  en  Gaule,  il  y 
possédait  un  vaste  établissement  pour  l'éft 
inii  ci  di  i  dont  la  culture  et  le  rapport  lui   d 

naient    satisfaction.  Voici  donc  N 
les  de  Licinius  (1),  .1  la  réunion  de  ni  publics,  et 

transporté  en  Gaule  Jusqu'au  delà   des  ai  du 

grand  changement  de  milieu:  mais  Le< 
vius  ne  change  pas.  Lui  qui  s'était  établi  dès   b  pi 
jeunesse  un  genre  de  qain  qui  ne  demandait  aucun 
de  fonds, après  avoir  déboursé  et  port'- a  l'actil  de  l'asso- 
ciation Je  ne  sais  quel  capital,  il  ne  pouvait  tenter 
d'un  gain    médiocre.  13   Rien   d'étonnant   si  qui 
avait  réussi  à  trafiquer  de  sa  voix  estimait  que  ce  que 
sa   voix   lui    avait  fait   gagner    devait  être   pour  lui  le 
moyen  d'un  gain  considérable.  Aussi,  par  Hercule  !  c'i 
sans  y  mettre  de  mesure  qu'il  détournait  de  son  côte  pour 
sa  maison  particulière  tout  ce  qu'il  pouvait  distraire  du 
fonds  commun  :  et  en  cela  il  dépensait  une  telle  activité 
qu'on  eût  dit  que  ce  sont  ceux  qui  gèrent  une  associa- 
tion avec  grande  honnêteté  que  l'arbitre  condamne  d'or- 
dinaire dans  les  actions  pour  fraude  envers  un  associé. 
Mais  je  n'estime  pas  qu'il  soit  nécessaire  de  citer  à  ce  pro- 
pos  certains  actes  que    P.   Quinctius   désire  m'entendre 
rappeler.  Quoique  notre  cause  le  demande, comme  elle  ne 
fait  que  le  demander  sans  le  réclamer  instamment,  je  pas- 
serai outre. 

IV  14  La  société  durait  déjà  depuis  bon  nombre  d'an- 
nées; plus  d'une  fois  Naevius  avait  été  suspect  à  Quinctius, 
car  il  ne  pouvait  pas  rendre  des  comptes  en  règle  à  propos 
d'affaires  qu'il  avait  traitées  suivant  sa  fantaisie  et  non 
suivant  des  procédés  réguliers.  Cependant. Quinctius  meurt 
en  Gaule  —  Naevius  était  auprès  de  lui  —  et  il  meurt  de 
mort  subite.  Par  son  testament  il  laissa  comme  héritier 
notre  P.  Quinctius  ;  en  même  temps  qu'une  très  grande 
douleur  venait  à  Publius  de  sa  mort,Caius  voulait  lui  faire 


(1)  Les  Atria  Licinia  étaient  les  salles  de  vente  aux  enchères  où 
se  tenait  la  réunion  des  crieurs  publics;  on  admet  que  ces  atriq  ont 
été  édifiés  par  l'orateur  L.  Licinius  Crassus,  alors  qu'il  était  édile. 


12  Plio  r.  QVISCT10  m-11 

libertate  usus  est,  quo  impunius  dicax  essot.  12  Qua  re 
quidem  socium  tibi  eum  uelles  adiungere,  nihil  crat,  nisi 
ut  in  tua  pecunia  condisceret,  qui  pecuniae  fructus  essct; 
tamcn  inductus  consuetudine  ac  familiaritate  Quinctius 
fecit,  ut  dixi,  societatem  earum  rerum,  quae  in  Gallia 
comparabantur.  Erat  ci  pccuaria  res  ampla  et  rust u;i 
Bane  bene  culta  et  fructuosa.  Tollitur  ab  atriis  Liciniis 
atque  a  praeconum  consessu  in  Galliam  Naeuius  et  trans 
Alpes  nsque  transfertur.  Fit  magna  mutatio  loci,  non 
ingeni.  Nain  qui  ab  adulescentulo  quaestum  sibi  insti- 
tuissef  sine  impendio,  postea  quam  nescio  quid  impendit 
et  in  commune  contulit,mediocri  quaestu  contentus  esse 
non  poterat.  13  Nec  mirum,  si  is,  qui  uoeem  uenalein 
habuerat,  ea,  quae  uoee  quaesiuerat,  magno  sibi  quae- 
stui  fore  putabat.  Itaque  hercule  liaud  mediocriter  de 
communi,  quodn/mque  poteral,  ad  se  in  priuatam  do- 
muni  seuoeabat  ;  qua  in  re  ita  diligens  erat,  quasi  ii,  qui 
magna  fide  societatem  gérèrent,  arbitrium  pro  socio 
condemnari  solerent,  Verum  bis  de  rébus  non  necesse 
habeo  dicere  ea,  quae  me  P.  Quinctius  cupit  commémo- 
ra re  :  tametsi  causa  postulat,  tamen,  quia  postulat,  non 
Dagitat,  praeteribo. 

IV  14  Cum  annos  iam  eomplures  societas  esset,  et 
cum  saepe  suspectus  Quinctio  Naeuius  fuisset  neque  ita 
commode  posset  rationem  reddere  earum  rerum,  quas 
libidine,  non  ratione  gesserat,  moritur  in  Gallia  Quinc- 
tius, cum  adesset  Naeuius,  et  moritur  repentino.  Ilerc- 

12.  pecuaria  :  pecuniaria  bl,  y'-,  c,  k.  ||  13.  quodeumque  Bailer  : 
quod  quidquc  (quisque  b)  mss.  :  quidqilid  éd.  Aid.  1519.  ||  arbi- 
trium :  arbitrio  Hotnum  ;  ad  arbitram  Ranconnet  ;  pei  arbitrum 
(>  Landgraf.  |  tametsi:  nam  ctsi  iiotman  ;  et  tametsi  Kayscr  ; 
qxiAv.  tametsi  coni.   Mucllrr. 


iv  14  /'/  UDOYl  R  POUR  I  13 

parvenir  aussi  on  très  grand  témoignage  d'estime.  18  Son 

frère  mort,  et  peu  de  t (  mi>s  après,  Quinctius  pari  pour  la 

Gaule*;  là,  il  vit  familièrement  avec  ce  N  .  Pendant 

près  «l'une  année,  Us  sont  ensemble  :  ils  échang  de 

nombreuses  communications  sur  La  société,  sut  toul  1 1  qui 
avait  rapport  à  ces  opérations  commerciales  et  ro- 

priétés  <ic  la  province  de  Gaule  :  an  cours  de  ces  enti 

\;u  \  ius  ne  fit  jamais  intervenir  un  mot  pour  al!  :ii" 

la  société  lui  fut  redevable  ou  que  Quinctius  lui  eut 
personnellement  redevable  de  quelque  argent.  I.;.  ■ 
sion  avait  laissé  quelques  dettes;  comme  il  fallait  se  pro- 
curer les  sommes  nécessaires  pour  régler  à  Rome  ces  créan- 
ces, notre  P.  Quinctius  fait  annoncer  en  Gaule  par  affiches 
qu'il  vendra  aux  enchères  à  Xarbonne  quelques  biens  qui 
étaient  sa  propriété  personnelle.  16  Alors,  Sex.  Naevius, 
ce  très  honnête  homme,  n'épargne  pas  les  paroles  pour  le 
détourner  de  cette  vente  aux  enchères  :  la  date  que  les  affi- 
ches avaient  fixée  pour  la  vente  n'était  pas  favorable  :  il 
possédait  lui-même  à  Rome  une  assez  forte  somme  en  espè- 
ces ;  cette  somme,  Quinctius  devait,  s'il  avait  le  moindre 
bon  sens  ,  la  regarder  comme  une  propriété  qui  leur  appar- 
tenait en  commun,  étant  donnés  les  liens  de  fraternelle 
amitié  et  de  parenté  par  alliance  qui  les  unissaient  — 
Naevius  est,  en  effet,  le  mari  d'une  cousine  germaine  de 
P. Quinctius  et  il  a  d'elle  des  enfants. —  La  conduite  qu'un 
honnête  homme  devait  tenir,  Xaevius  la  promettait  par  ses 
paroles.  Quinctius  crut  que  celui  qui  parlait  comme  les 
honnêtes  gens  agirait  aussi  comme  eux.  Il  se  désiste  de 
son  projet  de  faire  une  vente  aux  enchères  ;  il  part  pour 
Rome.  Naevius  quitte  la  Gaule  en  même  temps  et  se 
rend  aussi  à  Rome.  17  C.  Quinctius  devait  de  l'argent  à 
P.Scapula  (1)  :  c'est  suivant  ta  sentence,C.  Aquilius,  que 
P.  Quinctius  transige,  qu'il  compte  aux  enfants  de  Sca- 
pula  la  somme  nécessaire  pour  éteindre  la  dette. C'est  par 
toi  que  cette  question  devait  être  tranchée  ;  car,  comme 
il  fallait  fixer  le  cours  du  change  de  monnaie,  un  examen 
du  montant  de  la  dette  dans  les  livres  de  comptes  n'était 

(1)  Ce  personnage  est  inconnu. 


3  PRO  P.  QV1NCTI0  iv  14 

lem  testamento  reliquit  hune  P.  Quinctium,  ut,  ad  quem 
ummus  maeror  morte  sua  ueniebat,  ml  eundem  suin- 
nus  honos  quoque  perueniret.  15  Quo  mortuo,  nec  ita 
Quito  post,  in  Galliam  proficiscitur  Quinctius,  ibi  cum 
sto  Naeuio  familiariter  uiuit.  Annum  fere  una  saut, 
:um  et  de  societate  multa  inter  se  communicarent  et  de 
ota  illa  ratione  atque  re  (iallicana  ;  neque  inteiva  uer- 
Dum  ullum  interposait  Naeuius  aut  societatem  sibi  qirid- 
)iam  debere,  aut  priuatûn  Quinctium  debuisse.  ('.uni 
\eris  alieni  aliquantum  essel  relictom,  quibus  nominibus 
pecuniain  Romae  curari  oporteret,  auctionem  in  Gallia 
P.  hic  Quinctius  Narbone  se  facturuin  esse  proscribit 
?arum  rerum,  quae  ipsius  erant  priuatae.  16  Ibi  tuni 
air  optimus  Sex.  Naeuius  hominem  multis  uerbis  deter- 
ret,  ne  auetionetur  :  eum  non  ita  commode  pusse  eo 
lempore,  quo  proscripsisset,  uendere  ;  Romae  sibi  nuin- 
morum  facultatem  esse,  quam,  si  saperet,  communem 
Bxistimaret  pro  fraterna  illa  necessitudine  et  pro  ipsius 
adlinitale  ;  nain  P.  Quineti  cnnsobriiinin  habet  in  matri- 
monio  Naeuius  »  t  i  \  ea  liberos.Quia,quod  uirum  bonum 
Eacere  oportebat,  id  loquebatur  Naeuius,  credidit  Quinc- 
tius eum,  qui  orationem  bonorum  imitaretur,  facta 
quoque  imitaturum  ;  auctionem  uelle  facere  desistit, 
Romain  proficiscitur  ;  decedit  ex  Gallia  Homam  simul 
Naeuius.  17  Cum  necuniam  C.  Quinctius  P.  Scapulae 
debuisset,  per  le,  C.  Aquili,  decidit  P.  Quinctius,  quid 


15.  isto  Naeuio  :  isto  P.  Manuzio.  ;  multa  Intel  se  :  Inter  se  mul- 
ta /.  H  Quinctium  debuisse  :  C.  Quinctium  (U'buisse  coni.  Mucllrr.  | 
aliquantum  :  aliquantulum  b.  16.  quo  proscripsisset  :  quae  pros- 
cripsisset y,  éd.  Rom.  1  171.  |  17.  quid  liberis  Huiler:  quod  liberi* 
ms€. 


iv-17  PLAIDOYER  POUR  P.  "'  ÏSC1  N  1  J 

p;is  suffisant  :  il  te  fallait  encore  t'eoqaérir  au  temple 
Castor  (1)  de  ce  qu'il  y  avait  à  payer.  Ta  tranches  la  qui 

tion  ;  et,  en  raison  de  l'amitié  qui  te  lie  ;mx  Scapula,  ta 

établit  ce  qu'il  fallait  leur  payer  en  dealers  romains. 

V    18  Eli  tout  cela,  Quinctillfl    n'agissait  que  lOOS  l'in- 
fluence et  d'après  les  conseils  pressants  de  Naevin     Et 

il  n'était  pas  étonnant  qu'il  se  conformât  aux  avis  d'un 
homme  dont  il  se  croyait  le  secours  assuré.  Kn  effet,  ce  n'est 
pas  seulement  en  Gaule  qu'il  lui  avait  promis,  c'est  a  Home 
même  que  chaque  jour  il  répétait  qu'au  premier  ligne  il 
lui  compterait  la  somme  nécessaire.  Or,  Quinctius  savait 
que  cet  homme  le  pouvait  ;  il  se  rendait  compte  qu'il  le  de- 
vait; quant  à  un  mensonge  de  sa  part,  comme  Xaevius  n'a- 
vait aucun  motif  de  mentir,  il  n'y  pensait  pas.  Comme  s'il 
avait  les  fonds  chez  lui,  il  s'engage  avec  les  Scapula  pour 
le  jour  du  paiement; il  en  informe  Xaevius  etle  prie  de  pro- 
curer l'argent  conformément  à  ce  qu'il  avait  dit.  19  Alors 
ce  très  honnête  homme — je  crains  que  Naevius  en  m'en- 
tendant  le  nommer  ainsi  pour  la  seconde  fois  ne  pense  que 
je  le  tourne  en  dérision  —  ce  très  honnête  homme,  dis-je, 
qui  estimait  que  Quinctius  se  trouvait  réduit  aux  plus  an- 
goissantes difficultés,  veut  l'astreindre  à  se  soumettre  en 
ce  moment  précis  aux  conditions  qu'il  lui  imposerait  :  il 
déclare  qu'il  ne  donnera  pas  un  as  avant  le  règlement  de 
toutes  les  affaires  et  de  tous  les  comptes  de  la  société, 
avant  de  posséder  l'assurance  qu'il  n'y  aurait  plus  de  sujet 
de  contestation  avec  Quinctius.  «  C'est  plus  tard,  dit  Quinc- 
tius, que  nous  aurons  à  nous  occuper  de  ces  questions.  Pour 
l'instant,  je  voudrais,  s'il  te  plaît,  que  tu  procures  l'ar- 
gent, conformément  à  ce  que  tu  as  dit.  »  Xaevius  déclare 
qu'il  n'agira  pas  autrement  qu'il  ne  l'a  décidé  ;  ce  qu'il  a 
pu  promettre,  cela  lui  importe  aussi  peu  que  ce  qu'il  aurait 
pu  promettre  par  l'ordre  du  propriétaire,  quand  il  procé- 
dait à  une  vente  à  l'encan.  20  Consterné  par  ce  manque  de 
parole,  Quinctius  parvient  à  obtenir  des  Scapula  un  délai 
de  quelques  jours  ;  il  envoie  en  Gaule  faire  la  vente  des 

(1)  Les  comptoirs  des  changeurs  se  trouvaient  au  Forum,  près 
du  temple  de  Castor. 


14  PRO  P.  QVINCTIO  iv-17 

liberis  cius  dissolucret.  Hoc  co  per  te  agebatur,  quod 
propter  aerariam  rationem  non  Bâtis  erat  in  tabulis  in- 
spexisse,  quantum  deberetur,  nisi  adCastoris  quaesissesi 
quantum  solueretur.Decidisstatuisque  tu  propterneces- 
situdinem,  quac  tibi  cum  Scapulis  est,  quid  Lia  ad  dena- 
rium  solueretur. 

V  18  Ilaec  oinnia  Quinctius  agebat  auctore  et  con- 
suasore  Naeuio.  Nec  mirum,  si  eius  utebatur  consilio, 
cuius  auxilium  sibi  paratum  putabat  ;  non  modo  eniin 
pollicitus  erat  in  Gallia,  sed  Romae  cotidie,  simul  atque 
sil)i  hic  adnuisset,  numeraturum  se  dicebat.  Quinctius 
porro  istum  posse  facere  uidebat,  debere  intellegebat, 
nuiitiri,  quia  causa,  cur  mentiretur,  non  erat,  non  puta- 
bat ;  quasi  domi  nummos  haberet,  ita  constituit  Scapulis 
se  daturum  ;  Naeuium  certiorem  facit,  rogat,  ut  curet, 
quod  dixisset.  19  Tum  iste  uir  optimus — uereor,  ne  se 
derideri  putet,quod  iterum  iam  dico  «optimus  » —  qui 
hune  in  summas  angustias  adductum  putaret,  ut  cum 
suis  condicionibus  in  ipso  articulo  temporis  adstringeret, 
assem  sese  negal  daturum,  nisi  prius  de  rébus  rationi- 
busque  societatis  omnibus  decidisset  et  scisset  sibi  cum 
Quinctio  controuersiae  nihil  futurum.  «  Posterius,  »  in- 
(juit,  •  ista  uidebimus,  »  Quinctius  ;  «  nunc  hoc  uelim 
cures,  si  tibi  uidetur,  quod  dixisti.  »  Negat  se  alia  ratione 
facturum  ;  quod  promisisset,  non  plus  sua  referre,  quam 
si,  cum  auctioncm  uenderet,  domini  iussu  quidpiam 
promisisset.  20  Destitutione  illa   perculsus  Quinctius  a 

ad  Castoris£:a  quaestoribua  />.  y  ;  ad  quaestores  e,k.  il  n 

sisses  Arusianus  :  quaesissot  mu.  |  18.  admdssetZ:  annuissel  céleri 
mss.  ||  19.  tum  iste  :  cum  iste~\y:    ,;  auctionem  :  auctionc  r,  k, 

Hotman. 


Y-20  n.Mixr,  i  i:  i>,<  R  p,  Q[  r.f.i  n  \  ', 

biens  qu'il    avait   aflicli»'     :   le      I ffl  Otlt    lien    <n    son 

absence  à  on  moment  défavorable,  n  l'acquitte 
Scapula  à  des  conditions  fort  pénibles.  Alors  il  f.'iit  un 
appel  ipontané  à  Naevius  en  le  priant,  puisqu'il  loup- 
çonnait  qu'il  pourrait  y  avoir  contestation  sur  quelqu 

points,  de  voir  à  en  finir  pour  le  tout  par  une  transaction, 

le  plus  tôt  et  avec  le  moins  d'ennuis  qu'il  serait  possible. 
21    Naevius  se  fait  représenter  par  M.    J  rebellius,  s 

ami  (1);   et  nous,  par  un   homme  qui    était  uni  par  d 
liens  communs  aux  deux  parties, qui  avait  été  élevé 
la  maison  de  ce  Naevius, qui  entretenait  avec  lui  des  rela- 
tions intimes,  notre  proche  parent  Sex.  Alfenus.  Aucune 
conciliation   n'était  possible  :    notre    client    désirait   ne 
subir  que  des  dommages  modérés  ;  son  adversaire  ne  se  con- 
tentait pas  d'un  profit  modéré.  22  C'est    pourquoi,  d 
lors,  l'affaire  en  arrive  aux  promesses  mutuelles  de  compa- 
rution  en   justice.   Après  plusieurs  remises    successives, 
après  un  certain  temps  perdu  ainsi  sans  aucun  résultat, 
Naevius  s'acquitte  de   la  promesse  qu'il  avait  faite   de 
comparaître. 

VUe  t'en  conjure,  C.  Aquilius,  par  tout  ce  que  tu  as  de 
plus  sacré;  je  vous  en  conjure,  vous  qui  siégez  dans  le  con- 
seil :  prêtez  moi  l'attention  la  plus  diligente  pour  qu'il  vous 
soit  possible  de  connaître  d'une  affaire  où  la  fraude  est 
d'un  genre  tout  spécial,  où  les  pièges  sont  tendus  suivant 
des  combinaisons  toutes  nouvelles.  23  D'après  ses  dires, 
Naevius  a  fait  en  Gaule  une  vente  aux  enchères  ;il  a  vendu 
ce  qu'il  a  jugé  à  propos  de  vendre  ;  il  a  tout  réglé  pour  que 
l'association  ne  lui  dût  rien  ;  désormais,  il  ne  requiert  plus 
d'autre  comparution  de  Quinctius  garantie  par  des  cau- 
tions ;  il  se  refuse  de  son  côté  à  garantir  par  des  cautions 
la  promesse  de  comparaître  lui-même  ;  si  Quinctius  veut, 
sur  quelque  point,  agir  en  justice  avec  lui,  il  y  consentira. 
Comme  celui-ci  désirait  aller  de  nouveau  visiter  ses  pro- 
priétés dans  la  province  de  Gaule,  il  n'exige  pas  alors  que 
Naevius  s'engage  à  comparaître  de  nouveau.  C'est  ainsi 
que  l'on  se  sépare  sans  promesse  de  nouvelle  comparution. 

(1)  Cet  ami  de  Naevius  est  inconnu. 


15  PRO  P.  QVINCTIO  v  20 

Scapulis  paucos  dies  aufert,  in  Gallium  mittit,  ut  ea,quae 
proscripserat,  uenirent,  détériore  tempore  absens  auc- 
tionatur,  Scapulis  difïïciliore  condicione  dissoluit.  Tum 
appellat  altro  Naeuium,  ut,  quonlam  suspicaretur  ali- 
qua  de  re  fore  controuersiam,  uideret,  ut  quam  primum 
et  quam  minima  cum  molestia  toia  res  transigeretur. 
21  Dal  iste  amicum  M,  Trebellium,  nos  communem 
necessarium,  qui  istius  domj  erat  eductus,  et  quo  uteba- 
t ii r  iste  plurimum,  propinquum  nostrum,  Sex.  Alfenum. 
conuenire  uullo  modo  poterat,  propterea  quod  hic 
mediocrem  iacturam  facere  cupiebat,  iste  mediocri  prae- 
da  contentua  non  erat.  22  Itaque  ex  eo  tempore  res  esse 
in  uadimonium  coepit.  Cum  uadimonia  saepe  dilata 
essent,  et  cum  aliquantum  temporis  in  ea  re  esset  con- 
sumptum,  neque  quicquam  profectum  esset,  uenit  ad 
uadimonium  Naeuius. 

VI  (  Ibsecro  /c,C.  Aquili  uosque,qui  adestis  in  consilio, 
ut  diligente!  attendais,  ut  singulare  genus  fraudis  et 
uouam  rationem  insidiarum  cognoscere  possitis.  23  Ait 
se  au  itionatum  esse  in  Gallia  ;  quod  sibi  uideretur,  se 
uendidisse  ;  curasse,  ue  quid  sibi  societas  deberet  ;  se  iam 
neque  uadari  amplius  neque  uadimonium  promitl« 
si  quid  agere  secum  uelit  Quinctius,  non  recusare.  Hic 
cum  rem  Gallicanam  cuperet  reuisere,  hominem  in  prae- 
scntia  non  uadatur  ;  ita  sine  u.idimonio  disceditur.  Dein- 
de  Romae  «lies  xxx  fere  Quinctius  commoratur  ;  cum 
céleris  ([une  habebat  uadimonia,  ditïcrt,  ut  expeditus  in 


20.  tum  appellat  :  tune  appellat  c,k.     21.  eductus  b*,  y  (c/.J 
educatns  cricri  mu.     22.  esse  In  uadimonium  :  esse  in  uadimonio 
obsecro  te  Oliocl  :  obsecro  mss. 


vi  23  PLA1D0Y1  H  POl  f<  P.  Ql  INCTIi  16 

QllinctiUI  demeure  encore  ;«  Rome  trente  jours  environ.  Il 
obtient  remise  de  tOUtCS  les  .-mtres  personnes  aver  \,    miel- 

les  il  avail  engagement  à  comparaître;!]  peut  ainsi  j»artir 
pour  la  Gaule,  libre  de  tout  souci  :  il  part.  24  C'est  la  veille 

des   calendes  de   février,   SOUI    le   consulat    rie   Scipion    et 

de  Norbanus  j  1 ),  que  Quinctiui  sort  de  Rome.  —  Je  von 

prie  de  confier  cette  d;dc  a  votre  mémoire.  —  ]..  Albin- . 
lils  de  SextUS,  de  la  tribu  Ouirina  (2),  un  honm'-te  homme 
qui  va  de  pair  avec  les  plus  honnêtes  gens,  partit  en  même 
temps  que  lui.  Arrivés  a  l'endroit  qu'on  appelle  les  (,;:> 
Volaterre  (3),  ils  y  voient  un  ami  intime  de  Naevius,  qui  lui 
amenait  de  Gaule  des  esclaves  à  vendre,  L.  Publicius.  A 
son  arrivée  à  Rome,  Publicius  raconte  à  Naevius  en  quel 
endroit  il  a  vu  Quinctius.  25  Aussitôt  qu'il  eut  appris  de 
Publicius  cette  nouvelle,  Naevius  dépêche  des  escla\ 
dans  tout  le  cercle  de  ses  amis;  il  va  lui-même  solliciter  les 
gens  avec  lesquels  il  s'est  lié  dans  les  salles  de  Licinius  et 
dansle  passage  qui  conduit  au  marché  :  qu'ils  ne  manquent 
pas  de  se  trouver  au  comptoir  du  banquier  Sextius,  le  len- 
demain à  la  deuxième  heure.  Ils  viennent  en  nombre  ; 
Naevius  atteste  que  Quinctius  n'a  pas  comparu  et  que, lui, 
il  a  comparu.  Les  actes  sont  abondamment  revêtus  des 
sceaux  des  nobles  témoins.  On  se  sépare.  Naevius  requiert 
du  préteur  Burrienus,  en  vertu  de  son  édit,  l'envoi  en  pos- 
session dans  les  biens  du  défaillant.  Il  fit  afficher  la  mise 
en  vente  des  biens  d'un  homme  dont  il  avait  été  l'ami, 
dont  il  était  encore  l'associé,  dont  il  ne  pouvait  cesser  d'ê- 
tre le  parent  par  alliance,  tant  que  ses  propres  enfants  se- 
raient en  vie.  28  On  peut  facilement  s'en  rendre  compte 
par  ce  que  je  viens  d'exposer  :  ii  n'est  pas  de  devoir  si  saint 
et  si  solennel  que  la  cupidité  n'ait  coutume  d'en  affaiblir 
et  d'en  violer  les  obligations.  Car,  si  l'amitié  est  entretenue 
par  la  franchise,  l'association  par  la  bonne  foi,  la  parenté 
par  la  piété,  l'homme  qui  s'est  efforcé  de  dépouiller  de  sa 

(1)  L.  Cornélius  Scipio  Asiaticus  et  C.  Junius  Norbanus  furent 
consuls  en  671  /S3,  deux  ans  avant  le  plaidoyer  de  Cicéron  pour 
Quinctius,  qui  est  de  l'an  673  /81. 

(2)  Ce  personnage  est  inconnu. 

(3)  Vada  Volaterrana,  port  d'Etrurie  ;  aujourd'hui,ro/redz  Yada. 


16  PRO  P.  QVIXCTIO  vi  23 

Galliam  proficisci  posset  ;  proficiscitur.  24  Roma  egre- 
ditur  ante  diem  n  Kalend.  Februarias  Quinctius,  Scipio- 
ne  et  Norbano  coss.  Quaeso,  ut  eum  diem  memoriae 
mamlelis.  L.  Albius  Sex.  iilius,  Quirina,  uir  bonus  et 
cum  primis  honestas,  ana  profectus  est.  Cum  uenissent 
ad  Vada  Volaterrana  quae  Qominantur,  uidenl  perfami- 
liarem  Naeui,  qui  ex  Gallia  pueros  uenales  isti  adducebat, 
L.  Publicium  ;  qui,  ut  Romam  uenit,  narrât  Xaeuio,  quo 
in  loco  uiderit  Quinctium.  25  Quod  ubi  ex  Publicio  <m- 
diuii,  pueros  circum  amicos  dimittit,  ipse  suos  ne© 
rios  ab  atriis  Liciniis  et  a  faunbus  macelli  COlTOgat,  ut 
ad  tabulam  Sextiam  sibi  adsint  hora  secunda  postridie. 
Veniunt  fréquentes.  Testilicatur  iste  p.  qvingtivm  non 
stitisse  et  stttisse  se  ;  tabulae  maxime signis  homi- 
num  nobilium  consignantur,  disceditur.  Postulat  a  Bur- 
rieno  praetore  Naeuius,  ut  ex  edicto  bona  possidere  li- 
ceat  ;  iussit  bona  proscribi  eius,  quicum  familiarilas  fue- 
rat,  societas  erat,  adfinitas  liberis  istius  uiuis  diuelli 
nullo  modo  poterat.  26  Qua  ex  re  intellegi  facile  potuit 
DUllum  esse  ollicium  tam  sanetum  atque  sollemne,  quod 
non  auaritia  eonmiinuere  ac  uiolare  soleat.  Ktenim  si 
ueritate  amicitia,  Bde  societas,  pietate  propinquitas  coli- 
tur,  necesse  est  iste,  quiamieum,  soeium,  adlinem  fama 

23.  posset  b2.y  :  DOSSit  cricri  iras.  24.  ante  diem  n  Hotman  (cf. 
§  57  })ritlic  Kal.)  :  ante  diem  nn  mss.  ||  Quirina  cd.  Iunt  1534  : 
Quirinas  DUS.  et  eum  primis  :  et  In  primis  b\  c,  A-.  ||  25.  quod  ubi 
ex  Publicio  <audiuit>  pueros  Clark  :  quod  ubi  ex  Publicio  pue- 
ros £,  ft1,^1;  quod  ubi  ex  Publicio  agnouit  pueros  c,k:  quod  ubi 
aarratum  Naeuio  esset  non  tam  cito  res  lu  contentionem  uenisset. 
Tum  Naeuius  lpse  pueros  b*  Y1.  |  DOnstitisse  etstitisse  se  Muti- 
ler: non  Btetisseel  stetisse  seS;  non  stetisse  et  se  Bteti 
mss.  ;  non  stitisse  et  se  stitisse  llulrnan.  ||  maxime  :  inaximae 
x,  e,  If. 


VI  26  PLAIDOYER  POl  H  P    01  WC  r/l  17 

bonne  renommée  ei  de  i ta  situation  son  uni, 

son  parent   par  alliarn  <\  <-et  homme  ne  doit  il  pas  |  onfes- 

ier  qu'il  est  perfide,  menteur,  impie  ?  27   Mami.it. 

p.  Quinctius,  Sex.  Alfenus  —  c'est  nn  ami  et  un  proche 

parent,  de  Sex.  Naevius  —  fait  renverser  h",  tabli  la 

vente  était  affichée,  reprend  possession  d'un  |eun< 
que  Naevius  avait  appréhendé,  déclare  sa  qualité  de  man- 
dataire, expose  (pie  L'équité  commande  .1  Naevius  de  m 

nager  la  bonne  renommée  et    la  situation  de  I'.  '  tiUS 

et  d'attendre  son  arrivée:  s'il  s'y  refuse,  s'il  est  imbu  de  la 
prétention  de  le  réduire  par  de  tels  procédés  à  se  soumet- 
tre à  ses  eonditions,  Alfenus  ne  lui  adresse  aucune  prière  ; 
et,  si  Naevius  désire  intenter  quelque  action,  il  se  portera 
défendeur  en  justice.  28  Pendant  que  tout  cela  se  passe 
à  Rome,  Quinctius,  contrairement  au  droit,  à  la  coutume, 
aux  édits  des  préteurs,  est  expulsé  par  la  force  des  pâtura- 
ges et  des  terres  appartenant  à  la  communauté  ;  ce  sont 
les  esclaves  mêmes  de  la  communauté  qui  procèdent  a 
l'expulsion. 

VII  Sois  d'avis,  C.  Aquilius,  que  toute  la  manière  d'agir 
de  Naevius  à  Rome  a  été  modérée  et  raisonnable,  si  tout  ce 
qui  a  été  exécuté  en  Gaule  en  vertu  de  ses  lettres  semble 
avoir  été  fait  correctement  et  dans  l'ordre.  Expulsé,  jeté 
hors  de  sa  propriété,  Quinctius,  après  avoir  subi  cette  in- 
justice insigne,  a  recours  au  gouverneur  C.  Flaccus  (1),  qui 
était  alors  dans  la  province  et  que  je  nomme  avec  le  res- 
pect que  son  rang  exige.Combien, dans  lapensée  deFlaccus, 
un  tel  acte  méritait  les  rigueurs  de  la  vindicte  publique, 
vous  pourrez  l'apprendre  par  les  arrêts  qu'il  a  rendus. 
29  Cependant,  à  Rome,  Alfenus  devait  chaque  jour  com- 
battre avec  ce  gladiateur  vieilli  dans  les  ruses  du  métier  ; 
il  avait  pour  lui  le  public,  qui  voyait  que  ce  misérable  ne 
cessait  de  le  viser  à  la  tête.  Naevius  réclamait  du  manda- 
taire caution  suffisante  qu'il  satisferait  à  la  chose  jugée.  Il 
n'est  pas  juste,  déclare  Alfenus,  que  le  mandataire  donne 
cette  caution  que  le  défendeur  n'aurait  pas  à  donner,  s'il 

(1)  C.  Yalerius  Flaccus,  propréteur  de  Gaule  en  671  /83,  est  l'oncle 
de  L.  Yalerius  Flaccus  que  Cicéron  devait  défendre  en  695  /59. 


17  PRO  P.  QVINCTIO  \i-2G 

ac  fortunis  spoliare  conatus  est,  uanum  se  et  perfidiosum 
et  impium  esse  fateatur.  27  Libellos  Sex.  Alfonus,  pro- 
curator  P.  Quincti,  familiaris  et  propinquus  Sex.  Naeui, 
deicit,  seruulum  unuiii,  quein  Iste  prehenderat,  abducit, 
denuntiat  sese  procuratorem  istum  aequum  esse 

famae  fortunisque  P.  Quincti  consulere  et  aduentum 
eius  exspectare  ;  quod  si  faoere  nolit  atque  imbibent  dus 
modi  ralionibus  illuin  ad  suas  condition  i  perducere, 
sese  niliil  precari  et,  si  quid  agere  uelit,  iudicio  defendere. 
28  Haec  dum  Romae  geruntur,  Quinctius  interea  contra 
Lus,  consuetudinem,  edicta  praetorum  de  saltu  agroque 
communi  a  seruis  communibus  ui  detruditur. 

VII Existima, C.  Aquili,  *modo  etratione  omnia Ro- 
mae Naeuium  fecisse,  si  hoc,  quod  per  litteras  istius  in 
Gallia  gestumest,  recte  atque  ordine  factuin  uidetur.  Ex- 
pulsus  atque  eiectus  e  [)raedio  Quinctius  accepta  insigni 
iniuria  confugit  ad  C.  Fiaccum  imperatorem,  qui  tune 
erat  Lnprouincia,  quem,  ut  ipsius  dignitas  poscit,  hono- 
ris gratia  aomino.  Is  eam  rem  quam  uehementer  uindi- 
candam  putarit,  ex  decretis  eius  poteritis  cognoscere.  29 
Âlfenus  Interea  Romae  cum  Lsto  gladiatore  uetulo  cotidie 
pugnabat  ;  utebatur  populo  sane  suo,propterea  quod  iste 
caputpetere  non  desinebat.Iste  postulafta/,ut  procurât 
iudicatum  solui  satis  daret  ;  negat  Alfenus  aequum  es 
procuratorem  satis  dare,  quod  reus  satis  dare  non  debe- 
ret,  si  ipse  adesset.  Appellantur  tribuni  ;  a  quibus  cum 

26.  ne  fortunis  :  nique  fortunis  b.      27.  imbibent  :  inhibuerit  b. 
c,  k  :  instituerit  Ilotnum  :  Imbiberit  <  Spem  posse  se  >   Kayser.  \\ 
28.  modo  c(/.   huit.  1515  :  Id  modo  mas.  \\  factum  uidetui  :  f. 
tum  esse  oideaturg,  éd.  Rom    tiTi;  factum  esse  uidetui  Muti- 
ler. I!  tune  :  tuniy.  c,k.  Q  29.  postulabat  éd.  Rom.  1471: postulat m 


\i'29  PLAIDOYER  POUR  P,  QUINCTIUS  1* 

étail  présent  en  personne.  On  fait  appel  ara  tribuns: 
après  leur  avoir  demandé  d'user  de  leur  droit  de  secours 
dani  les  limites  fixées  par  la  loi,  on  le  sépare  sur  la  pro- 
messe de  Sex.  Alfenus  que  P.  Quinctius  comparaîtrait  en 

justice  aUI  ides  de  sept  enduc. 

VIII    30  QuinctiUf    arrive    à   Rome  ;    il    tient    l'< 

ment  qu'il  a  pris  de  comparaître  au  Jour  dit  L'autre,  cet 
hommes]  violent,  cet  homme  qui  s  obtenu  d'être  env< 
en  possession  des  biens  de  Quinctius,cet  homme  qui  a  ex- 
pulsé, qui  a  spolié  Quinctius  :  le  voici  qui,  pendant  un  an 
et  six  inois,nefait  aucune  réclamation  devant  la  justice  ;  il 
se  tient  en  repos  ;  il  amuse,  tant  qu'il  le  peut,  son  adver- 
saire en  lui  faisant  des  propositions  ;  il  requiert  enfin  du 
préteur  Cn.  Dolabella  que  Quinctius  lui  fournisse  caution 
suffisante  qu'il  satisfera  à  la  chose  jugée.  Il  se  fonde  sur  la 
formule:  «  du  moment  ou  il  agit  contre  celui  dont  les 

BIENS  ONT  ÉTÉ  POSSÉDÉS  TRENTE  JOURS  EN  VERTU  DE  L'É- 

dit  du  préteur.»  Quinctius  ne  se  refusait  pas  à  la  mise 
en  demeure  de  fournir  la  caution  demandée,  mais  sous  la 
réserve  que  les  dits  biens  eussent  été  réellement  possédés  en 
vertu  de  l'édit.  Il  intervient  alors  une  décision  du  préteur  : 
décision  équitable  ?  Je  ne  dis  rien  de  l'équité  ;  je  me  borne 
à  constater  que  c'était  une  innovation  et  j'aurais  préféré 
me  taire  sur  ce  fait  même  :  car  chacun  a  pu  apprécier  cette 
décision  sous  l'un  et  l'autre  rapport.  Quoi  qu'il  en  soit, 
P.  Quinctius  est  mis  en  demeure  de  prendre  avec  Xae- 
vius  l'engagement  réciproque  de  payer  une  somme  sti- 
pulée sur  la  question  de  savoir  si  ses  biens   n'ont  pas 

ÉTÉ    POSSÉDÉS     TRENTE    JOURS  EN  VERTU    DE     L'ÉDIT     DU 

préteur  burrienus.  Opposition  de  la  part  des  amis 
qui  assistaient  alors  Quinctius  ;  leurs  arguments  démon- 
traient que  l'instance  devait  d'abord  s'engager  sur  le  fond 
de  l'affaire;  que  la  caution  suffisante  de  satisfaire  à  la  chose 
jugée  devait  ou  être  fournie  par  les  deux  parties  ou  n'être 
fournie  par  aucune  des  deux  ;  qu'il  n'y  avait  nulle  néces- 
sité à  ce  que  la  bonne  renommée  de  l'un  des  deux  adver- 
saires fût  soumise  à  une  instance.  31  Quinctius  de  son  côté, 
criait  bien  haut  qu'il  ne  voulait  pas  fournir  la  caution  : 
ne  semblerait-il   pas,   en  le  faisant,  déclarer  juridique- 


18  ri:i>  P.  QVINCTIO  vn-29 

esset  certum  auxilium  petitum,  il  a  tum  disceditur,  ut 
Idibus  Septembribus  1).  Quinctium  sisti  Sex.  Alfenus 
promitteret. 

V  J 1 1  30  Venil  Romani  Quinctius,  uadimonium  sistit. 
Iste,  homo  acerrimus,  bonorum  possessor,  expulsor, 
ereptor,  annum  et  sex  menses  oihil  petit  ;  quiescit,  condi- 
cionibus  hune,  quoad  potest,  producit,  a  Cn,  Dolabella 
denique  praetore  postulat,  ut  sibi  Quinctius  iudicatum 
solui  satis  det  ex  formula  :  qvod  ab  eo  petat,  qvoivs 

BX    EDICTO    PRAETORIS    BONA    DIES    XXX    POSSBSSA    SINT. 

Non  recusabat  Quinctius,  quin  îta  satis  dure  iuberetur, 
si  bona  possessa  essenf  ex  edicto.  Decernit  (quam  ae- 

quum,  nihil  dico,  unum  hoc  dieo  :  nouuin  ;  et  hoc  ipsum 
tacuisse  mallem,  quoniam  utrumque  quiuis  intellegere 
potui/),  ser/  iubet  P.  Quinctium  sponsionem  eum  Sex. 
Naeuio  facere  :  si  bona  sva  ex  edicto  p.  byhhieni  prae- 
toris  dies  XXX  possessa  NON  ESSENT.  Recusabant  qui 
aderant  /uni  Quinctio,  demonstrabant  de  re  iudicium 
ûeri  oportere,  ut  aut  uterque  inter  se  aut  neuter  satis 
darel    ;  non  necesse  amam   alterius  in  iudicium 

aenire.  31  Clamabat  porro  ipse  Quinctius  sese  ideirco 
nolle  salis  dare,ne  uideretur  iudicassebona  sua  ex  edicto 
posséda  ess  :  sponsionem  porro  si  istius  modi  faceret, 
se,  id  quod  nunc  euenit,  de  capite  suo  priore  loco  cau- 
sam  esse  dicturum.  Dolabella  (quem  ad  modum  soient 


30.  quoius  A7o/r  :  quoniam  cius  m.ss.  ;cuius  /'.  Manuzio.  |  praeto- 
risS,  bl  :  practoris  ro.  céleri  RUS.  Q  lintS,  b*  :  sunt  rrlrn  nui.  il  iu- 
beretur e,k9Hotman  :  luberet  ceieri  mes,    tacuisse  :  tacuissem  Halm, 

|  potuit  sed  Muetter  :  potuisset  nut.  ;,  tum  Quinctio  cd.  Yen.  1  1 7 1  . 
eu  m  Quinctio  DUS. 


vin  31  fi  A1D0  I  I  R  PO!  R  P.  01  WC1  fl  L9 

11 1*11 1  que  ses  biens   avaient  été   p< 
l'édll  ?  Et,  s'il  prenait  l'<         i  un  ni  qui  lui  était 
Userait  forcé-    c'est  c(  qui  arrive  aujourd'hui— d 
1er  en  premier  lieu  dani  une  ail. 

civile  est  enjeu.  Suivant  l'habitude  dl  la 

noblesse  —  quelque  projet  bon  ou  mai: 
conçu,  ils  ont  dans  le  bien  1 1  dam  le  mal  une  telli  lo- 

rité  qu'aucun  homme  m  dition  ne  (aurait 

y  atteindre  —  DolabeUa  persévère  le  plus  bravement  du 

monde  dans  i  S  injustes  :  ou  la  caution  ou  I  < 

ment,  tels  sont  ses  ordres  ;  et  cependant,  ceux  qui  ont 
appelés  par  nous  pour  nous  soutenir  et  qui  protestent 

contre  ses  ordres,  il  met  la  plus  grande  violence  à  les  fa 
écarter  de  son  tribunal. 

IX  32  C'est  vraiment  en  proie  aux  plus  troublantes 
inquiétudes  que  Quinctius  sort  de  l'audience.  Comment 
s'en  étonner?  Onlui  proposait  une  alternative  si  misérable, 
si  inique  :  ou  se  condamner  lui-même  à  perdre  fi- 

nalité civile,  s'il  donnait  caution  ;  ou,  s'il  prenait  l'enga- 
gement, de  plaider  en  premier  lieu  dans  un  procès  ou  il 
s'agissait  de  sa  personnalité  civile.  Dans  le  premier  cas, 
rien  ne  pouvait  le  soustraire  à  la  nécessité  d'être  son  pro- 
pre juge  :  et  c'est  le  jugement  le  plus  sévère  qu'il  devait 
prononcer.  Dans  le  second  cas,  il  avait  l'espoir  de  pouvoir 
comparaître  devant  un  juge  dont  il  obtiendrait  d'autant 
plus  de  secours  qu'il  serait  venu  à  lui  soutenu  par  moins 
de  crédit.  Il  préféra  donc  prendre  l'engagement  :  il  l'a  pris; 
c'est  toi,  C.  Aquilius,  qui  as  été  proposé  comme  juge  ;  il  a 
accepté  cette  désignation  et  il  a  formé  l'action  en  vertu  de 
l'engagement  qu'il  avait  fait. Voilà  l'essentiel  del'instance; 
voilà  en  quoi  consiste  le  procès  tout  entier. 

33  L'instance,  tu  le  vois,  C.  Aquilius,  n'a  pas  pour  ob- 
jet une  question  pécuniaire,  mais  bien  la  bonne  renommée 
et  toute  la  situation  sociale  de  P.  Quinctius.  Alors  que  nos 
ancêtres  ont  établi  que  celui  qui  plaide  pour  sa  personna- 
lité civile  plaiderait  en  second  lieu,  tu  te  rends  compte  que 
nous,  sans  avoir  entendu  l'accusation,  nous  devons  plaider 
notre  cause  en  premier  lieu.  De  plus,  ceux  qui  ont  eu 
jusqu'ici  l'habitude  de  défendre,  tu  les  vois  aujourd'hui 


19  PAO  P.  QVINC1  10  viii-31 

homincsnobilos;  seu  recteseu  peiperam  facere  coeperunt, 
ita  in  utroque  excellunt,  ut  nemo  uostro  loco  aatus  adse- 
qui  possit)  iniuriam  facere  fortissime  perseuerat;  aut 
satis  dare  aut  sponsionem  iubet  facere,  e1  interea  récu- 
santes nostros  aduoeatos  acerrime  submoueri. 

IX  32  Conturbatus  sane   discedit  Quinctiua  :  neque 
miruin,  cui  haee  Optio  tara  misera  lamque  iniqua  d; 
tur,  ut  aut  ipse  se  capitis  damnaret,  si  salis  dedisset,  aut 
causam  capitis,  si  sponsionem  I  .  priore  loco  dice- 

ret.  Cum  in  altéra  re  causae  aihil  esset,  quin  secus  iudi- 
caret  ipse  de  se,  quod  iudicium  grauissimum  est,  in  alté- 
ra Sp  t  ad  talem  tainen  uiruin  iudicein  ueniendi, 
undc  eo  plus  opis  aiiferret,quo  niinus  attulisset  gratiae, 
sponsionem  facere  maluit  :  fecit  ;  te  iudicem,  C.  Aquili, 
sumpsit,  ex  sponso  egit.  In  hoc  summa  iudici  causaque 
tota  consistil. 

33  [udicium  esse,  C.  Aquili,  non  de  re  pecuniaria,  sed 
de  fama  fortunisque  P.  Quincti  uides.  Cum  maiores  ita 
constituerint,  ut,  qui  pro  capite  diceret,  is  posteriore 
loco  diceret,  nos  inaudita  criminatione  accusatorum 
priore  loco  causam  dicereintellegis.Eos  porro,  qui  defen- 
dere  consuerunt,  uides  accusare,  et  ea  ingénia  conuerti 
ad  pemiciem,  quae  antea  uersabantur  in  sainte  atque 
auxilio  ferendo.  Illud  etiam  restiterat,  quod  hesterno  die 
unt,  ut  te  in  ius  educerent,  ut  nobis  tempus,  quam 
diu  diceremus,  praestituerea  ;  quam  rem  facile  a  praetore 
Empêtrassent,  nisi  tu,  quod  esset  tuum  ius  et  officium 


31.  aul  satis  dare  />:,  y  :  aut  nvt  eetert  DUS.     32.  talem  ta- 

men  :  talem  tum  b,c,  k,    33.  educerent  &*,x:  adducerent eeteri mu. 


ix  33  PLAIDOYÏ  R  POl  H  P.  Ql  W<  H  20 

accuser  ;  tu  vois  se  tourner  vers  notre  perte  CM  talent*  qui 

l'occupaient  autrefois  a  sauver  et  I  porter  secours,  n  ne 

leur  restait  plus  —  et  ils  l'ont  fait  hier  —  qu'à  t'a  .signer 

devant  le  préteur  pour  te  forcer  à  fixer  d'avance  le  tempe 

que  devrait  durer  notre  plaidoirie;  et  ils  l'auraient  facile- 
ment obtenu  du  préteur,  si  tu  ne  lui  avais  appris  queli 
sont  tes  droits  et  tes  devoirs  et  quelle  est   U   puissance. 

34  Non,  jusqu'à  présent,  excepté  toi,  nous  n'avons  encore 
trouvé  personne  qui  ait  fait  prévaloir  notre  droit  contre 
eux  ;  et  jamais  ils  n'ont  été  satisfaits  d'obtenir  un  avan- 
tage qui  pût  avoir  l'approbation  de  tout  le  monde.  Aii.  i 
donc,  si  elle  ne  s'appuie  sur  l'injustice,  la  puissance  leur 
semble  privée  de  toute  importance  et  de  toutes  ressources. 

X    Mais,    puisque  Hortensius    te  presse    de 
Division  .  ...... 

reunir  tes  assesseurs  en  conseil,  puisqu  il   me 

somme  de  ne  pas  perdre  de  temps  en  paroles,  puisqu'il  se 
plaint  que,  lorsque  le  premier  défenseur  soutenait  la  cause 
de  Quinctius,  il  n'a  jamais  été  possible  de  terminer  les  plai- 
doiries, je  ne  laisserai  pas  persister  ce  soupçon  que  nous 
ne  voulons  pas  que  l'affaire  soit  jugée.  Je  n'aurai  pas  l'ar- 
rogance de  prétendre  exposer  la  cause  avec  plus  de  jus- 
tesse qu'on  ne  l'a  déjà  fait;  et,  cependant,  je  ne  ferai  pas 
un  discours  aussi  abondant,  parce  que  celui  qui  parlait 
alors  a  déjà  donné  une  idée  de  la  cause,  et  parce  que, 
incapable  moi-même  de  concevoir  et  de  prononcer  un 
long  discours,  je  me  vois  imposer  la  brièveté,  qui  est, 
d'ailleurs,  tout  à  fait  de  mon  goût.  35  Je  vais  faire  ce 
que,  je  l'ai  souvent  remarqué,  tu  fais  toi-même,  Hor- 
tensius ;  je  diviserai  en  plusieurs  parties  bien  déter- 
minées tout  ce  que  j'ai  à  dire  dans  cette  cause.  Ce  que  tu 
fais  toujours,  parce  que  tu  peux  toujours  le  faire,  je  le 
ferai  dans  cette  cause,  parce  que,  dans  cette  cause,  il  me 
semble  que  je  peux  le  faire.  Cette  possibilité  que  la  na- 
ture te  donne  dans  toutes  les  occasions,  la  cause  me  per- 
met aujourd'hui  d'en  profiter.  Je  me  prescrirai  des  limi- 
tes et  des  bornes  nettement  établies,  que  je  ne  pourrai 
franchir,  alors  même  que  j'en  aurais  le  plus  grand  désir. 
Ainsi,  je  me  placerai  devant  les  yeux  le  sujet  que  j'ai  à 
traiter  ;   Hortensius  aura  devant  les  yeux  l'exposé   des 


20  PRO  P.  QV1NCTIO  ix-33 

potcstasque,  docuisses.  34  Neque  nobis  adhuc  praeter 
te  quisquam  fuit,  ubi  QOStrum  ÎUS  contra  illos  obtinere- 
mus,  ncque  illis  umquam  >:itis  fuit  illud  obtinere,  quod 
probari  omnibus  possct  ;  [ta  sine  iniuria  potentiam  le- 
uem  atque  inopem  esse  arbitrantur. 

\  Wriim  quoniain  tibi  înstat  Hortensius,  ut  cas  in 
consilium,  a  nie  postulat,  ne  dicendo  tempus  absumam, 
queritur  priore  patrono  causam  defendente  aumquam 
perorari  potuisse,  non  patiar  istam  maner  icionem, 

nos  rem  ludicari  aolle  ;  nec  illud  mihi  arroj  ne  posse 

causam  commodius  demonstrare,  quam  antea  demon- 
Btrata  sit, neque  tamen  tam  multa  uerba  fa  iai  i,  propter- 
ca  quod  et  ab  illo,  qui  tum  dixit,  iam  informata  causa 
est,  et  a  me,  qui  neque  excogitare  neque  pronuntiare 
multa  possum,  breuitas  postulatur,  quae  mihimet  ipsi 
amicissima  est.  35  Faciam,  quod  te  saepe  animaduerti 
facere,  Ilortensi  ;  totam  causae  meae  dictionem  certas 
in  partes  diuidam.Tu  îdsemper  facis,quia  semper  potes, 
ego  in  hac  causa  faciam,  propterea  quod  in  hac  uideor 
posse  facere  :  quod  tibi  natura  (iut  ut  semper  possis,  id 
mihi  causa  concedit  ut  hodie  possim.  Cer  ilii  fines 

terminosque  constituam,  extra quos  egredinon  possim, 
si  maxime  ueiim,  ut  et  mihi  sit  propositum,  de  quo  di- 
cam,et  1  lortensius  habeat  exposita,  ad  quae  respond 
et  lu,C.  Aquili,  iam  ante  animo  prospicere  possis, quibus 
de  rébus  auditurus  si 

36  Xegamus  te  bona   P.   Quincti,  Sex.  Nacui,  pos 

potcstasque  te,  éd.  Aid.  L519  :  testesque  eeteri  mss.;  partesque 
uulgo.    ||  34.  queritur  :  queritur    enim   eonL  Ka\  un  iufor- 

mata  :   Informata  iam  b*t  y. 


I  35  PLAIDOYER  POl  R  P.  01  WCT/I  21 

arguments  auxqneli  il  de*  m  répondre  :  et  toi,  C,  Aqnfll  . 
lu  pourras  d'avance  pré  voir  dans  ton  esprit  loi  points  sur 
letqueli  tu  amas  .i  entendre  discui 

36  Nous  affirmons,  Sex  Naeviu  .  que  tl>  u'as  p*i  pos- 
lédé  les  bieni  de  P.  Quinctius  en  vertu  de  l'édit  du  pi 
teur.  L'engagement  b  été  tait  sur  cette  question.  Je  mon- 
trerai d'abord  que  tu  n'étais  pas  fond»'  a  requérir  du  pi 
teur  l'envol  eu  possession  <!rs  biens  de  ]\  Quinctiua  ; 
ensuite,  que  tu  n'as  pas  pu  les  posséder  en  vertu  de  redit  ; 
enfin,  que  tu  ne  les  a  pas  possédés.  Je  t'en  prie,  &  Aquilius, 
je  vous  en  prie,  vous  qui  faites  partie  du  conseil  :  confiez 
avec  le  plus  grand  soin  à  votre  mémoire  la  promesse  que  Je 
viens  de  faire.  Si  vous  l'avez  présente  a  l'esprit,  il  vous  sera 
plus  facile  de  saisir  l'ensemble  du  procès  ;  et  la  pensée  de 
l'opinion  que  vous  avez  de  moi  me  ramènera  facilement  <i 
l'exécution  de  ma  promesse,  si  j'essaie  de  franchir  les  bar- 
rières dont  je  me  suis  moi-même  entouré.  J'afiirme  que 
Naevius  n'était  pas  fondé  dans  sa  requête  ;  j'affirme  qu'il 
n'a  pas  pu  posséder  en  vertu  de  l'édit  ;  j'affirme  qu'il  n'a 
pas  possédé.  Quand  j'aurai  prouvé  ces  trois  points,  j'au- 
rai terminé  mon  plaidoyer. 

„     ..        ..  XI  37  Xaevius  n'était  pas  fondé  dans  sa 

Confirmation  _  .  «  ^ 

requête.  Pourquoi  ?  On  peut  facilement  îe 

comprendre  :  parce  que, ni  pour  le  compte  de  l'association, 
ni  en  son  nom  privé,  Quinctius  n'a  rien  dû  à  Sex.  Xaevius. 
Qui  l'atteste  ?  Celui-là  même  qui  est  un  si  violent  adver- 
saire. Pour  en  déposer,  c'est  toi,  Xaevius,  c'est  toi,  dis-je, 
que  je  citerai  comme  témoin.  Après  la  mort  de  C.  Quinc- 
tius, pendant  une  année  et  plus  longtemps  encore,  Quinc- 
tius est  en  Gaule  avec  toi,  en  ta  compagnie.  Prouve  que  tu 
as  réclamé  de  lui  cette  prétendue  dette,  je  ne  sais  quelle 
somme  que  l'on  ne  peut  évaluer;  prouve  que  tu  en  as  quel- 
quefois fait  mention  ;  prouve  que  tu  as  dit  que  cette 
somme  t'était  due,  et  j'accorderai  qu'il  te  la  devait.  38  C. 
Quinctius  meurt  ;  il  était,  aflirmes-tu,  ton  débiteur  pour 
une  grande  somme  d'argent  garantie  par  des  titres  cer- 
tains. Son  héritier,  P.  Quinctius,  vient  en  Gaule  auprès  de 
toi,  sur  les  terres  que  vous  possédiez  en  commun,  sur  les 
lieux  mêmes  où  se  trouvaient  non  seulement  vos  biens, 


21  PRO  P,  QV1SCTI0  |  36 

diss.  ex  edicto  praetoris.  In  eo  sponsio  facta  est.  Osten- 
dam  primum  causam  non  fuisse,  cur  a  praetore  postu- 
lares,  ut  bona  P.Quincti  possideres  ;  deinde  ex  edicto  te 
possidere  non  potuisse  ;  postremo  non  possedisse.  Quae- 
so,  C.  Aqnili,  uosque,  qui  estia  in  consilio,  ut,quid  polii- 
citus  sim,  diligenter  memoriae  mandetis  ;  etenim  rem 
facilius  totam  accipietis,  si  haec  memineritis,  et  me  faci- 
le uestra  existim  reuocabitis,si  extra  hos  cancelloa 
egredj  conabor,  quos  tnihi  ipse  circumdedi.  Nego  fui- 
causam,  cur  postularel  :  aego  ex  edicto  possidere  potuis- 
se :  nego  possedisse.  Ilaec  tria  cum  docuero,  peroraro. 

XI  37  Non  fuit  causa,  cur  postularet.  Qui  hoc  întel- 
legi  potest?  QuiaSex.Naeuio  ueque  exsocietatis  ratione 
neque  priuatim  quicquam  dehuit  Quinctius.  Quis  huic 
rei  testis  est  ?  Idem,  qui  acerrimus  aduersarius  ;  in  hanc 
rem  te,  te,  inquam,  testem,  Naeui,  citabo.  Annuni  et  eo 
diutius  post  mortem C.  Quineti  fuit  in  Gallia  tecum  si- 
nuil  Quinctius.  Doce  te  petisse  ab  eo  istam  nescio  quam 
innumerabilem  pecuniam,  il^-^  aliquando  mentionem 
fecisse,  dixisse  deberi;  debuisse  concedam.  38  Moritur 
C.  Quinctius,  qui  tibi,  ut  ais,  certis  DODiinibus  grandem 
pecuniam  debuit.  Ileres  cius  P.  Quinctius  in  Galliam  ad 
te  ipsum  uenit  in  agrum  communem,  eo  denique,  ubi 
non  modo  res  erat,  sed  ratio  quoque  omnis  et  omnes  lit- 
terae.  Quis  tam  dissolutus  m  re  familiari  fuisset,  quis 
tara  aeglegens,  quis  tam  tui,Sexte,  dissimilis,  qui,  cum 
res  al  eo,  quicum  contraxisset,  recessissel  et  ad  beredem 

36.  i n i li î  Lpse  :  milii  Ipsl  />.  /.  peroraro  k%  éd.  Ven.  i  171  :  pc- 
rorauero  l>\  c1  ;  perorabo  (•■•im  nus.  37.  postularet  e1,  k,  Hotman  : 
postularcs  céleri  mss.  ;  In  hanc  rem  c,  k  :  In  bac  re  celert  nus. 


m  38  PI   I  //'  POI  R  P.  f>>  I'  '   il  22 

mais  .'inssi  tous  vos  comptes,  tout<  tarait- 

on  pu  rencontrer  un  homme  fi  Insoudanl  de» 

Intérêti  de  «a  maison,  il  différent,  que  ;  a  i 

qui,  iachan1  que  les  propriété!  de  celui  fuit 

fait  un  contrai  d'association  avalent  perd  eur 

cl  passé  à  son  héritier,  ne  se  leralt  empr<  a  pre- 

mière entrevue  avec  cet  héritier,  de  le  m<  nt, 

de  lui  adresser  ses  réclamations,  de  lui  présenl  •  i  V  comp- 
tes, et,  si  quelques  questions  donnaient  lieu  a 
tion,  d'arranger  le  différend  dans  l'intimité  ou  <Jc  deman- 
der un  Jugement  au  droit  strict  7  En  est-il  ain  I  :  •  que 
font  les  meilleurs  des  gens  de  bien,  s'ils  veulent  que  leurs 
parents  et  leurs  amis  soient  et  passent   ;  D  pour 

être   dignes  d'affection   et  d'estime,  Sex.   x  ne   le 

1   rait  pas,  lui  qui  se  laisse  à  tel  point  entra:.  I  u- 

pidité  qui  le  dévore  qu'il  consent  à  exposer  qfcu  Iquc  ch< 
des  avantages  de  sa  situation  pour  ne  rici;  :  à  cet 

homme,  qui  est  son  parent,  de  ce  qui  constitue  son  hon- 
neur ?  39  Et  c'est  ce  Naevius  qui,  si  on  lui  dev.iit  de  l'ar- 
gent, ne  le  réclamerait  pas,  lui  qui,  parce  que  ce  qui  ne  lui 
a  jamais  été  dû  ne  lui  a  pas  été  donné,  s'efforce  d'enlever 
à  un  homme, qui  est  son  parent,non  seulement  son  argent, 
mais  son  sang  et  sa  vie  !  Alors,  tu  n'as  pas  voulu  causer 
d'ennuis  à  celui  qu'aujourd'hui  tu  ne  lai— es  pas  respi- 
rer librement:  celui  que  tu  as  aujourd'hui  le  désir  impie 
de  faire  mourir,  alors  tu  ne  voulais  pas  lui  adresser  une 
simple  réclamation  I  Je  veux  bien  le  croire  :  ce  parent 
qui  t'estimait,  cet  homme  honnête,  modeste,  ton  aîné,  tu 
ne  voulais  pas  ou  tu  n'osais  pas  lui  adresser  de  réclama- 
tions. Plus  d'une  fois,  après  t'être  donné  du  courage, 
comme  on  fait  d'ordinaire,  après  t'être  décidé  à  faire 
mention  de  l'argent,  quand  tu  l'abordais  après  avoir 
bien  préparé,  bien  médité  ce  que  tu  dirais,  subitement, 
homme  timide  a  la  pudeur  virginale,  tu  te  retenais  toi- 
même  ;  tout  à  coup,  tu  perdais  la  parole  ;  tu  désirais  for- 
muler ta  réclamation,  tu  ne  l'osais  pas,  dans  la  crainte 
qu'il  ne  t'entendît  avec  peine.  C'est  ainsi  assurément  que 
les  choses  se  sont  passées. 

XII  40  Donc,  croyons-le  :  Sex.  Naevius,  dont  les  atta- 


22  PRO  P.  QVÎ  m   38 

peruenisset,  non  heredem,  cum  primum  uidisset,  certio- 
rem  Faceret,  appcllaret,  rationem  adferret,  si  quid  in 
controuersiam  aeniret,  aut  intra  parietea  au!  summo 
iure  experiretur?  [tane  esl  ?  quod  uiri  optimi  faciunt,  si 
qui  suos  propinquos  ac  necessarios  caros  et  honestos  esse 
atque  haberi  uolunt,id  Sex.  Naeuius  non  faceret,  qui 
usque  eo  feruet  ferturque  auaritia,  ut  de  suis  commodis 
aliquam  partem  uelit  committere,  ne  quam  partent  huic 
propinquo  suo  ullius  oraamenti  relinqual  ?  39  Et  is 
pecuniam,  si  qua  deberetur,  non  peteret,  qui,  quia,  quod 
debitum  numquam  est,  id  datum  non  est,  non  pecuniam 
modo,  uerum  ctiam  liominis  propinqui  sanguinem  ui- 
tamque  eripere  conatur?Huic  tum  molestus  esse  uideli- 
cet  noluisti,  quem  nunc  respirare  libère  non  sinis  ;  quem 
nunc  interficere  nefarie  cupis,  cum  tum  pudenter  appel- 
lare  nolebas.  Ita  credo  ;  hominem  propinquum,  lui  ob- 
seruantem,  uirum  bonum,  pudentem,  maiorem  natu 
nolebas  nu!  non  audebas  appellare  ;  saepe,  ut  fit,  cum 
i i  >s  ■  te  confirmasses,  cum  statuasses  mentionem  de  pecu- 
nia  facere,  cum  paratus  meditatusque  uenisses,  homo 
timidus  iiirginali  uerecundia  subito  ipse  te  retinebas  ; 
excidebafl  repente  oratio  ;  cum  cuperes  appellare,  non 
audebas,  ne  inuitus audiret.  Id  erat  profecto. 

X I  ï .  40  Credamus  hoc,  Sex.  Naeuium,  cuius  caj>ut, 
oppugnet,  eius  auribus  pepercisse.  Si  debuisset,  Sexte, 
petisses,  et  petisses  statim;  si  non  statim,  paulo  quidem 

38.  caros  :  claros Hotman.  nelit  committere £:  uelit  amitterey; 
nolit  obmlttere  b  ;  nolit  amittere  e  ;  nolit  omittere  flr.  39.  tum  pu- 
denter ■•</.  M<i.  1519:  tamen  pudenter  £  ;  tu  Lmpudenter  g,  <*,  k  ; 
tu  p  tenter  céleri  mss.  \\  pudentem  :  prudentem  /'',<•./,-.  ,  40.  pe- 
tisses el  petisses  bz  :  petisses  si  petisses  />',—  ;  petisses  cetera  m$t. 


xu  40  ri   l/DOl  in  i'"i  R  P 

ques  visent   aujourd'hui  OuiiKtiu     .1  l.i   t<  h,  voulait  alors 

ménager  sei  oreilles.  SI  Quinctius  t'avait  dû  quelque  ar- 
nt,  i u  i  !u  rauraii  demandé 

sur  le  champ  ;  b!  tu  ae  l'avais  pas  demandé    va  le  i  bamp, 
tu  l'aurais  demandé  peu  de  j  >tu  i  plus  |  l'a- 

vais i  andé  peu  de  jours  pins  tard,  tu  l'aura 

mandé  qu<  Ique  .  dans  les  lis 

mois  ;  sans  cont<   te,  avanl   la  On  de  l'année  courante. 

Mais  non  :  un  an  et  six  mois  se  pussent  ;  alors  que  Chaque 

jour  tu  avais  la  possibilité  de  l'avertir  qu'il  devait 

tu  ne  dis  pas  un  mot.  Un  espace  de  deux  ans  s'est  presque 

écoulé  déjà  quand  tu  réclames  le  paiement  de  la  dette. 
A-t-on  jamais  vu  dissipateur  assez  achevé,  assez  toi; 
dans  la  profusion  —  je  ne  dis  pas  un  dissipateur  qui  a 
déjà  mangé  ses  richesses,  mais  qui  en  regorge  encore 
—  pour  montrer  une  négligence  de  ses  intérêts  aussi 
complète  que  l'a  été  celle  de  Xaevius  ?  Et,  nommer 
Naevius,  c'est,  il  me  semble,  en  dire  assez.  41  C.  Quinctius 
a  été  ton  débiteur  :  tu  ne  lui  as  jamais  demandé  de  payer 
sa  dette.  Il  est  mort,  ses  biens  ont  passé  à  son  héritier  :  tu 
voyais  tous  les  jours  cet  héritier,  et  tu  attends  deux  ans 
pour  lui  faire  des  réclamations  au  sujet  de  cette  dette,  Elè- 
vera-t-on  des  doutes  sur  ce  qui  doit  sembler  le  plus  proba- 
ble :  ou  que  Sex.  Naevius,  si  on  lui  devait  quelque  chose, 
eût  fait  une  réclamation  sur-le-champ,  ou  que,  pendant 
deux  ans,  il  n'ait  pas  adressé  de  réclamation  ?  Tu  n'as  pas 
trouvé  un  moment  favorable  pour  réclamer  ?  Quinctius 
a  vécu  plus  d'une  année  avec  toi.  En  Gaule  il  t'était  impos- 
sible d'intenter  une  action  ?  Il  y  avait  une  juridiction  dans 
la  province  et  les  instances  se  faisaient  à  Rome.  Il  reste 
donc  à  admettre  que  ce  qui  a  fait  obstacle  à  toute  démar- 
che de  ta  part,  c'est,  ou  bien  une  négligence  extrême,  ou 
bien  une  générosité  d'un  genre  unique.  Si  tu  prétends  que 
c'est  de  la  négligence,  tu  exciteras  notre  étonnement  ;  si 
tu  prétends  que  c'est  de  la  bonté,  tu  nous  feras  rire.  Et  je 
ne  vois  pas  ce  que  tu  pourrais  ajouter  à  ces  dires.  La  preuve 
est  suffisante  :  rien  n'est  dû  à  Naevius,  puisqu'il  est  resté 
si  longtemps  sans  rien  demander. 

XIIÏ  42  Que  sera-ce  si  je  démontre  que, par  sa  conduite 


23  ÏNCTIO  xn-40 

post  ;  si  non  paulo,  at  aliquanto;  sex  quidem  illis  mensi- 
bus  profecto;  anno  uertentesine  controuersia.  Amm  el 
sex  mensibus  uero,  cum  tibi  cotidie  potestas  hominis 
fuissel  admonendi,  uerbum  nullum  facis  ;  biennio  iam 
confecto  fere  appellas.  Quis  tam  perditus  ac  profusua 
nepos  non  adesa  iam,  sed  abundanti  etiam  pecunia,sic 
dissolutus  fuisset,  ai  fuit  Sex.  Naeuius  ?  Cum  hominem 
Qomino,  satis  mihi  uideor  dicere.  41  Debuil  tibi  C. 
Qninciins  :  Domquam  petisti  ;  mortuus  est  ille,  res  ad 
heredem  uenit  :  cum  eum  cotidie  uideres,post  biennium 
denique  appellas.  Dubitabitur,  utrum  sit  probabilius, 
Sex.  Naeuium  statim,  si  quid  deberetur,  petiturum  fuisse 
an  ne  appellaturum  quidem  biennio  ?  AppeUandi  tem- 
pus  non  crat?  At  tecum  plus  annum  uixit.  InGalliaagi 
non  potuit  ?  At  et  in  prouineia  ius  dicebatur,  et  Ro- 
mae  iudicia  fiebant.  Restât,  ut  aut  summa  neglegen- 
tia  libi  obstiterit  aut  unica  iiberalitas.  Si  neglegentiam 
dices,  mirabimur,  si  bonitatem,  ridebimus  ;  neque  prae- 
terea  quid  possis  dicere,  inuenio.  Satis  est  argument]  ui- 
hil  esse  debitum  Naeuio,  quod  tam  diu  nihil  petiuit. 

XIII  42  Quid,  si  hoc  ipsum,  quod  nunc  facit, ostendo 
testimonio  esse  nihil  deberi?  Quid  enim  nunc  agit  Sex. 
Naeuius  ?  qua  de  re  controuersia  est  ?  quod  est  hoc  in- 
dieiuin,  in  quo  iam  biennium  uersamur  ?  quid  negoti  ge- 
ritur,  in  quo  ille  tôt  et  taies  uiros  defatigat  ?  Pecuniam 
petit.  Nunc  denique  ?  Verum  tamen  peint  :  audiamus. 
43  De  rationibus  et  controuersiis  societatis  nuit  diiudi- 

41.  dubitabitur  1!.  h1  :  dubitatur  céleri  mu.  "  uixit.  in  (.allia 
ap  H,  y  •  uixit  in  C.allia.  Auii  b,  c,  k.  ||  neglegentiam  dices  :  ne- 
gligentiam  dices  A-,  cd.  Yen.  M71  ;  negligentia  dices  céleri  mu*  \\ 
mirabimur  b\  c,  k  :  mirabuntur  ecten  mu. 


42  PLAIDOYER  POUR  P.  <>'  ISCTIUS  '1  \ 

même,  il  i  que  rien  ne  lui  est  dû  ?  Quelle  est,  en 

effet,  l'action  présentement  Intentée  p;ir  Sex.  Naevius  7 
Quel  est  le  sujet  de  i.i  contestation  7  QueOc  est  cette  11 
tance  où  nous  sommet  engagés  depuis  detu  ans  déj 
Qu'est  ce  que  cette  affaire  on  il  épuise  de  fatigue  tant  de 
personnes  et  de  personnes  si  éminentes  ?  il  demande  de 

l'argent.  Maintenant  enfin  V  Mais,  vraiment,  il  en  deman 

derait.  Ecoutons-le.  43  il  veut  obtenir  un  Jugement  sur 
les  comptes  et  sur  les  questions  litigieuses  d<  la    i 
Cela  arrive  bien  tard  ;  mais, une  fois  cependant,  cela  arrive. 

Faisons-lui  cette  concession.  «Mais  —  dit-il  —  tel  n'est  j 
C.  Aquilius,  le  but  de  l'action  que  j'intente  :  telle  n\ 
la  raison  des  soucis  qui  me  travaillent  maintenant  l'esprit. 
Voici  tant  d'années  que  P.  Quinctiusala  jouissance  de  mon 
argent  I  Qu'il  la  conserve  :  je  le  veux  bien,  je  ne  demande 
rien.  »  Pourquoi  donc  batailles-tu  ?  Est-ce,  comme  tu 
l'as  dit  en  maintes  occasions,  pour  qu'il  perde  ses  droits  de 
citoyen,  pour  qu'il  soit  déchu  de  son  rang  qu'il  soutient 
jusqu'à  présent  d'une  manière  si  honorable,  pour  qu'il  soit 
retranché  du  nombre  des  vivants,  pour  qu'il  doive  défen- 
dre en  combattant  sa  vie  et  tout  ce  qui  en  fait  l'honneur, 
pour  qu'il  ait  à  plaider  sa  cause  en  premier  lieu  devant  le 
juge  et  que,  seulement  après  avoir  terminé  sa  plaidoirie, 
il  entende  enfin  la  voix  de  l'accusateur  ?  Qu'est-ce  donc  1 
Quel  est  ton  but  ?  D'entrer  plus  rapidement  en  possession 
de  ton  bien  ?  Mais,  si  tu  le  voulais,  il  y  a  bien  longtemps 
que  cela  pouvait  être  fait.  44  Est-ce  parce  que  tu  voulais 
engager  le  conflit  aux  termes  d'une  formule  plus  honora- 
ble ?  Mais  ce  n'est  pas  sans  commettre  le  plus  grand  des 
crimes  que  tu  peux  égorger  P.  Quinctius,  ton  proche  pa- 
rent. Est-ce  pour  que  l'instance  aboutisse  plus  facilement? 
Mais  C.  Aquilius  ne  prononce  pas  volontiers  la  sentence 
qui  fait  perdre  sa  personnalité  civile  à  l'un  des  plaideurs 
et  Q.  Hortensius  n'a  pas  étudié  le  genre  d'éloquence  qui  a 
pour  but  de  faire  perdre  à  l'adversaire  sa  personnalité 
civile.  Mais,  G.  Aquilius,  à  tout  cela,  quelle  est  notre  répon- 
se ?  Il  demande  de  l'argent  :  nous  déclarons  qu'aucun  ar- 
gent ne  lui  est  dû.  Il  veut  que  l'affaire  soit  jugée  sans  délai  : 
nous  ne  nous  y  refusons  pas.  A-t-il  encore  quelque  autre 


24  PRO  P.  QVINC1  10  43 

cari.Sero,  uerum  aliquando  tamen;  conc  Non,  » 

inquit,  «  ici  ago,  C.  Aquili,  neque  in  eo  nunc  laboro.  Pecu- 
ni;i  mea  tôt  annoa  utitui  P,  Quinctius.  Vtatur  sane  ; 
non  pet»»,  i  Quid  igitur  pugnas?  an,  quod  saepe multia 
in  locis  dixisti,  ne  in  ciuitate  sit,  ne  locum  suum,  quem 
adhuc  honestissime  défendit,  obtineat,  ne  aumeretur 
inter  uluos,  décernât  de  uita  et  oraamentis  suis  omnibus. 
apud  iudicem  causais  priore  loco  dicat  et,  eam  cum  ora- 
rit,  tum  ilt;ii(iii*.^  uocem  accusatoris  audiat  ?  Quid  ?  lioc 
quo  pertinet  ?  ut  ocius  ad  tuum  peru<  Ai   si  id 

nelles,  iam  pridem  actum  esse  poterat.  44  Vt  honestiore 
iudicio  conflictere?  .M  sine  summo  scelere  P.Quinctium, 
propinquum  tuum,  iugulare  non  potes.  Vt  facilius  iudi- 
cium  sit  ?  At  neque  C.  Aquilius  de  capite  alterius  liben- 
ter  iudicat,  et  Q.  Hortensius  contra  caput  non  didicit 
dicere.  Quid  a  nobis  autem,  C.  Aquili,  refertur  ?  Pecu- 
niam  petit  ;  negamus  deberi.  [udicium  fiât  statim  ;  non 
recusamus.  Vt  quid  praeterea  ?  Si  ueretur,  ut  res  iudicio 
facto  parata  sit,  iudicatum  solui  satis  accipiat  ;  quibua  a 
me  uerbis  satis  acceperït,  isdem  ipse,  quod  peto,  s  dis 
dtt.  Actum  iam  potest  esse,  C.  Aquili  ;  iam  tu  poi 
libefatua  discedere  molestia,  prope  dicam,  non  minore 
quam  Quinctius.  45  Quid  agimus,  Hortensi  ?  quid  de 
bac  condicione  dicimua  ?  Possumus  aliquando  depositia 
armis  sine  periculo  fortunarum  de  re  pecuniaria  discep- 
tare  ?  possumus  ita  rem  aostram  persequi,  ut  hominis 
propinqui  caput  incolume  esse  patiamur  ?  possumus 


43*  P.  Quinctius  ta.  Aid.   1519:  C   Quinctius  mu.    décernât: 
<ut>  décernât  Clark.  |  44.  ut  quid  :  num  quid  b\  Clark,  i 
périt  Kayser  :  acciperet  X,  •/-  ;  acdpiet  ccitri  mit. 


i  44  /•/   UDOYBB  POl  H  P.  Q\ 

exigence  ?  S'il  crainl  qu'une  foli  lejugemenl  r<  'af- 

fairciicsr.it   pas  aussitôt  réglée,  qu'il  accepte  la         ton 
garantissant  qu'il  sera  satisfait  s  la  chose  |ugée,  et  qu'en 

retour  il  me  fournisse  une  caution  correspondante,  qil( 
demande  rédigée  dans  les  mêmes  tenues  que  celle  que 

j'aurai  donnée.  TOUI  cela  peut  se  faire  ;i  l'instant,  C.    \qui- 
lius  ;  tu  peux  a  l'instant  quitter  le  tribunal,  délivré  d'une 
affaire  qui, je  le  dirais  presque, ne  t'a  pris  caUfé  'le  tnoindj 
ennuis    qu'à   Quinctius.  45    Eh    bien!   Hortensius ,    que 

faisons-nous  ?  Que  disons-nous  de  cette  manière  fie  no 
entendre?  Nous  est-il  une  fois  possible  de  déposer  les  arnu 
et,  sans  qu'une  situation  sociale  soit  mise  en  danger,  de 
discuter  une  question  d'argent  ?  Nous  est-il  possible  de 
poursuivre  en  justice  la  restitution  de  notre  bien,  tout  en 
permettant  que  la  personnalité  civile  d'un  homme,  qui 
est  notre  proche  parent,  ne  souffre  aucune  atteinte  ?  Nous 
est-il  possible  de  prendre  le  rôle  de  demandeur  en  matière 
civile  et  d'abandonner  celui  d'accusateur  en  matière  cri- 
minelle ?  «  Pas  le  moins  du  monde —  répond-il  —  je 
recevrai  caution  de  toi,  mais  je  ne  t'en  donnerai  pas.  » 

XIV  Qui  donc  enfin  nous  impose  des  décisions  juridi- 
ques d'une  telle  équité  ?  Qui  donc  établit  que  ce  qui  est 
juste  à  l'égard  de  Quinctius  est  injuste  à  l'égard  de  Xae- 
vius  ?  «  Les  biens  de  Quinctius  —  dit-il  — ont  été  possédés 
en  vertu  del'édit  du  préteur.  »  Voilà  donc  l'aveu  que  tu 
réclames  de  moi  :  défendeurs,  nous  soutenons  devant  le 
juge  que  le  fait  de  la  possession  n'a  jamais  existé  ;  et,  par 
notre  propre  jugement,  nous  en  confirmerions  l'existence! 
46  Ne  peut-on  pas,  C.  Aquilius,  trouver  une  procédure  qui 
permette  à  l'une  des  parties  d'entrer  le  plus  tôt  possible 
en  possession  de  son  bien, sans  causer  le  déshonneur,l'infa- 
mie  et  la  perte  de  la  partie  adverse  ?  Assurément,  si  on  lui 
devait  quelque  chose,  il  le  demanderait.  Il  ne  préférerait 
pas  introduire  toutes  ces  instances  au  lieu  de  la  seule  d'où 
résultent  toutes  les  autres.  Celui  qui  durant  tant  d'années 
n'a  pas  fait  la  moindre  réclamation  à  Quinctius, alors  que, 
tous  les  jours, il  avait  la  possibilité  d'intenter  une  action; 
qui,  au  moment  où  il  a  commencé  à  agir,  a  perdu  tout  le 
temps  en  remises  successives  ;  qui,  après  avoir  déclaré 


25  PRO  P.   QVINC1  10  XIII  45 

petitoris  personam  caperc,  accusatoris  deponere  7     [m- 

mo,  »  iiHjuit,  i  abs  te  satis  accipiam  ;  ego  autem  tibi  Bâtis 
non  dabo.  » 

XIV  Quia  tandem  nobia  ista  tara  tam  aequa  diacri- 
bil  ?  quia  hoc  atatuit,  quod  aequum  ail  in  Quinctium,  id 
iniquum  esse  in  Naeuium  ?  «  Quincti  bona,  »  inquit, 
«  ex  edicto  praetoria  poi  sunt.  a  Ergo,id  ut  confitear, 

postulas,  ut,  quod  aumquam  factum  esse  iudicio  defen- 
dimus,  id,  proinde  quasi  factum  ait,  nostro  iudicio  confir- 
mejnua  ?  46  [nueniri  ratio,  c.  Â.quili,  non  potest,  ut  ad 
suuin  quisque  quam  primum  aine  cuiuaquam  dedecore, 
infamia  pernideque  perueniat  ?  ProTccto,  si  quid  debe- 
retur,  peteret  :  non  omnia  iudicia  fieri  mallet  quam 
unum  illud,undc  liacc  omnia  iudicia  nascuntur.  Qui  in- 
ter  tôt  annos  ne  appellarit  quidem  Quinctium,  cum 
potestas  esset  agendi  cotidie  ;  qui,  quo  tempore  primum 
+  agere  coepit,  in  uadimoniis  differendis  tempua  omne 
conaumpserit  ;  qui  postea  uadimonium  quoque  missum 
f<  cent,  hune  per  Lnsidias  ui  dv  agro  communi  deiecerit  ; 
qui,  cum  de  iv  agendi  nullo  récusante  potestas  fuisset, 
aponaionem  de  probro  facere  maluerit  ;  qui,  cum  reuoe  - 
turnd  id  iudicium,  unde  haec  nata  aunt  omnia,  condi- 
cionem  aequissimam  repudiet,  fateatur  se  non  pecuniam, 
sed  uitam  et  sanguinem  petere,  is  non  hoc  palam  dicit  : 
i  Mihi  si  quid  deberctur,  peterem  atque  adeo  iam  pri- 
dem  abstulisaem.  47  Xihil  hoc  lanto  negotio,  nihil  tam 


45-  discribit  Buecheler  :  describit  mu.  "  46.  omnia  iudicia  Beri  : 
omnia  iudicio  DeriZ.  Q  omnia  iudicia  nascuntur  :  omnia  oascun- 
tur  P.  Manuxio.     agere   Madoig:  malc  repudiet: 

repudiet  cf  Garaloni 


mv-46  PLAIDOYER  POUR  P.  QUISCT1US 

qu'il  se  désistait  de  comparaître,  a  traltreusemenl  i  ■• 

par  ii  force  Quinctius  de  leur  domaine  commun  :  qui, 

alors  que  personne  ne  s'y  Opposait,  avait   le  po  avoir 
tenter  l'action  sur  le  fond  «le  l'affaire  et  a  préféré  faire  un 

engagement  réciproque  qui  pouvait  entraîner  la  honte  de 

son  adversaire  ;  qui,  enfin,  alors  qu'il  est  ramené  ;i  l'ins- 
tance d'où  résultent  toutes  les  autn  t  l<  propo- 
sitions d'entente  les  plus  équitables  et  avoue  ainsi  que  ce 

n'est  pas  l'argent  de  Quinctius, niais  sa  vie  et  son  sang  qu'il 
demande:  cet  homme  ne  dit-il  pas  ouvertement  :  «  Si  Ion 
me  devait  quelque  chose,  je  le  demanderais  et  il  y  a  long- 
temps que  je  m'en  serais  emparé.  47  Je  n'aurais  aucun 
besoin  de  susciter  une  aussi  grosse  affaire,  d'intenter  une 
action  aussi  odieuse,  d'invoquer  pour  me  soutenir  la  pré- 
sence de  tant  d'amis, s'il  s'était  agi  d'une  simple  demande; 
mais  il  s'agit  d'une  extorsion, malgré  Quinctius, contre  son 
gré.  Ce  qu'il  ne  doit  pas,  il  faut  le  lui  arracher,  le  lui  faire 
suer; il  faut  complètement  ruiner  sa  situation;  il  faut  ap- 
peler,pour  nous  soutenir,  tout  ce  qu'il  y  a  d'hommes  puis- 
sants, diserts,  nobles  ;  il  faut  faire  violence  à  la  vérité  ; 
il  faut  lancer  avec  force  des  menaces  à  Quinctius,  lui  ten- 
dre des  pièges  dangereux,  lui  présenter  des  sujets  de  ter- 
reur, pour  que,  quelque  jour,  vaincu,  effrayé  par  toutes 
ces  manœuvres,il  fasse  de  lui-même  sa  soumission.»  Par 
Hercule I  Quand  je  vois  mes  adversaires,  quand  je  consi- 
dère quels  sont  les  hommes  qui  sont  assis  avec  eux,je  crois 
à  la  réalité  des  périls  suspendus  sur  notre  têtejl  me  semble 
que  nous  n'avons  aucun  moyen  de  les  éviter  :  mais  j'ai 
reporté  sur  toi,  C.  Aquilius,  mes  yeux  et  ma  pensée,  et 
mon  opinion  s'affirme  :  plus  grands  sont  leurs  efforts  et 
plus  violentes  leurs  passions,  plus  vains  et  plus  faibles  en 
seront  les  résultats.  Donc,  Quinctius  n'a  jamais  rien  dû  : 
tu  le  publies  toi-même. 

48  Et  dans  le  cas  où  il  aurait  dû  ?  Y  aurait-il  eu  motif 
à  requérir  immédiatement  du  préteur  l'envoi  en  posses- 
sion de  ses  biens  ?  Mon  opinion  n'est  pas  qu'un  tel  procédé 
soit  conforme  au  droit  ou  puisse  servir  les  intérêts  de  per- 
sonne. Quelle  explication  donne-t-il  donc  de  sa  conduite  ? 
Il  soutient  que  Quinctius  lui  a  manqué  de  parole  en  faisant 
défaut. 


26  PRO  P.  Q'\  INC  VIO  xiv-47 

imiidioso  iudicio,  nihil  tam  copiosa  aduocatione  uterer, 
si  petendum  esset;  extorquendum  est  inuito  atque  ingra- 
tis  ;  quod  non  débet,  eripiendum  atque  exprimendum 
est  ;  de  fortunia  omnibus  P.  Quinctius  deturbandus 
potentes,  diserti,  uobiles  omnea  aduocandi  sunt  ;  adbi- 
benda  uis  est  ueritati,  minae  iactentur,  pericula  inten- 
dantur,  formidines  opponantur,  ut  bis  rébus  aliquando 
uictus  et  perterritus  ipse  se  decfal  ?  Quae  me  hercule 
omnia,  cum,  qui  contra  pugnent,  uideo,  et  cum  illum 
consessum  considero,  adesse  atque  impendere  uidentur, 
oeque  uitari  ullo  modo  posse  ;  cum  autem  ad  te,C.Aquili, 
oculos  animumque  rettuli,  quo  maiore  conatu  studioque 
aguntur,  eo  leuiora  infirmioraque  existimo.  Nihil  igitur 
debuit,  ut  tu  ipse  praedicas. 

48  Quid,  si  debuisset  ?  continuone  causa  fuissct,  cur 
a  praetore  postulares,  ut  bona  possideres  ?  Non  opinor 
id  quidem  aeque  lus  esse  oeque  cuiquam  expedire.  Quid 
igitur  demonstrat?  Vadimonium  sibi  ail  esse  desertum. 

NV  Antc  quam  doceo  id  facturn  non  esse,  libet  mihi, 
C.  A.quili,ex  offici  ratione  atque  ex  omnium  consuetudine 
rem  ipsam  et  factum  simu]  Sex.  Naeui  considerare.  A.d 
aadimonium  non  oenerat,  ot  'ais,  is,  quicum  tibi  adfini- 
tas,  socictas,  omnes  denique  causae  et  oecessitudines 
ueteres  intercedebant.  Qicone  ad  praetorem  ire  conue- 
oit  ?  continuone  uerum  fuit  postulare,  ut  ex  edicto  bona 
possidere  licerel  ?  ad  haec  extrema  et  inimicissima 
iura  tam  cupide  decurrebas,  ut  tibi  nihil  in  posterum, 

47*  Ingratis  g,  c,  Jr  :  IngratoZ,  &;  Lngratiis    Turnèbe.    |  ip* 
dedat  Klotx  :  Ipse  ledeal  dus.;  Ipse  cédai  éd.  Aid.  L519.      48.  ex 

omnium    COOSUetudine  -,  y  :    omnium    CODSaetudinc  b  ;  ex  om.u 
consuetudine  c,  k.      ucnun  :  uestrum  b\  c,  k  ;  aequiUD    b*. 


48  PLAID01  BA  POUR  P.  01  1NCT1  'Il 

X.V  Avanl  de  fournir  la  preuve  qu'il  n'enaps  msi, 

J'ai  plaisir,  C.  Aquillus,  a   apprécier,  d'api 

des  devoirs  qu'on  se  rend  mut  ucllem.-n  I  et  d'api  0U- 

tumes  observées  par  tout  le  monde,  à  la  fols  le  fait  lui- 
tnême  el  La  conduite  de  Sex.  Naevius.  il  avait  tait  défaut, 
déclares-tu,  celui  avec  qui  tu  <-t;iis  uni  par  les  liens  de  la 

parenté  et  de  l'association,  en  un  mot  par  toutes  les  rela- 
tions d'affaires  et  toute  l'intimité  qui  existaient  de  long 

date  entre  vous.  Et  c'est  sans  délai  qu'il  fut  COnv< 
d'aller  devant  le  préteur?  C'est  sur-le-champ  qu'il  fut 
gulier  de  requérir  l'autorisation  d'entrer  en  possession  des 
biens  d'après  l'édit  du  préteur  ?  Tu  courais  avec  une  telle 
ardeur  à  la  revendication  des  droits  les  plus  rigoureux,  I<  i 
plus  hostiles,  que  tu  ne  te  réservais  pour  l'avenir  aucune 
possibilité  d'actes  plus  graves  et  plus  cruels.  49  Peut-il, 
en  effet,  arriver  plus  grande  honte  pour  un  être  humain, 
plus  amère  affliction  pour  un  être  vivant  ?  Peut-il  y  avoir 
pareil  déshonneur  ?  Pareille  calamité  peut-elle  se  rencon- 
trer ?  Que  le  sort  vous  fasse  perdre  votre  argent,  que  l'in- 
justice vous  l'arrache,  toutefois,  tant  que  votre  considéra- 
tion reste  entière,  l'estime  dont  vous  jouissez  vous  console 
facilement  de  votre  pauvreté.  D'autre  part,  nous  voyons 
plus  d'un  homme  frappé  d'ignominie  ou  convaincu  de  tur- 
pitude par  un  jugement  déshonorant  conserver  la  jouis- 
sance de  ses  biens,  ne  pas  en  être  réduit  à  attendre  l'assis- 
tance d'autrui,  ce  qui  est  la  plus  pénible  des  misères,  et 
trouver  du  moins  ainsi  une  aide  et  une  consolation  qui  le 
soutiennent  dans  ses  malheurs.  Quant  à  celui  dont  les  biens 
ont  été  mis  en  vente,  celui  qui  a  vu  jeter  honteusement  à 
la  merci  des  enchères  du  crieur  public,  je  ne  dis  pas  seule- 
ment des  propriétés  d'une  très  grande  contenance,  mais 
même  tout  ce  qui  lui  est  nécessaire  pour  se  nourrir  et  pour 
se  vêtir  :  celui-là  n'est  pas  seulement  banni  du  nombre  des 
vivants  ;  il  est  même,  s'il  peut  en  être  ainsi,  relégué  plus 
bas  que  les  morts.  En  effet,  une  mort  honorable  embellit 
souvent  une  vie  même  honteuse  ;  une  vie  souillée  d'une 
telle  honte  ne  permet  même  pas  une  mort  honorable. 
50  Donc,  par  Hercule  !  celui  dont  les  biens  sont  en  vertu 
de  l'édit  envoyés  en  possession  d'autrui,  toute  sa  bonne  re- 


27  PRO  P.  QVJNCTIO  w  43 

quod  grauius  atque  crudelius  facere  p<  sses,  reseruai 
49  Nam  quid  homini  potest  turpius,  quid  uiuo  tniserius 
autacerbius  usu  uenire  ?  quod  tantum  euenire  dedecus, 
quae  tanta  calamitas  inueniri  potest  ?  Pecuniam  si  cuir 
piam  fortuna  ademit  aut  si  alicuius  eripuit  Lniuria,  ta- 
men,  dum  existimatlo  est  intégra,  facile  consolatur  ho- 
nestas  egestatem,  AI  non  nemo  aut  ignominio  adfectus 
aut  iudicio  turpî  conuictua  bonis  quidem  suis  utitur,  al- 
terius  opes,  id  quod  miserrimuin  est,  non  exspectat,  hoc 
tamen  in  miseriis  adiumento  et  solacio  subleuatur.  Cuius 
uero  bona  uenierunt,  cuius  non  modo  Qlae  amplissimae 
fortunae,  sed  etiam  uictus  uestitusque  necessarius  sub 
praeconem  cum  dedecore  subiectus  est,  is  non  modo  ex 
numéro  uiuorum  exturbatur,  sed,  si  fieri  potest,  infra 
etiam  mortuos  amandatur.  Etenim  mors  honesta  saepe 
uitam  quoqiK'  turpem  exornat  :  uita  ita  turpis  ne  morti 
quidem  honestae  locum  relinquit.  50  Ergo  hercule, 
cuius  bona  ex  edicto  possidentur,  lmius  omnis  fama 
et  existimatio  cum  bonis  simul  possidetur;  de  quo  libelli 
in  celebenimis  loris  proponuntur,  huic  ne  perire  qui- 
dem tacite  obscureque  conceditur  ;  cui  magistri  fiunt 
et  dômini  constituuntur,  qui,  qua  lege  et  qua  condicione 
pereat,  pronuntient,  de  quo  homine  praeconis  uox  prae- 
dicat  et  pretium  confiât,  huic  acerbissimum  uiuo  uiden- 
tique  funus  ducitur,  si  funus  ici  habendum  est,  quo  non 
amici  conueniûnt  ad  exsequias  cohonestandas,  sed  bo- 

atque  crudelius  :  aut  crudelius  />.  Kayser.    49.  uiuo  DelarueUe  : 
uero  .'      .  ;  uir<>  éd.  Iunt.  lô:ii.  uulgo.    sub  praeconem  Wesenbtrg ; 

:one  mss.     amandatur  éd.  Iunt.  i.">:;i  :  mandaturn 
uita  Ita  turpis  Turnèbt  :  uita  turpis  mss.  ;  uita  tara   turpis  . 
Lehmann.      50*  ducitur  />' :  dlciturS  :  Indicitur  b*t  %,  e.  k.  ,  ha- 
bendui  Im  :  habendum  sil  n 


50  PL  W.  !■'>!  i:  r    Q[   i  VC  ■'  / 

nommée,toute  sa  répatatlon  iont-€Oc  i  idans 

cet  envoi  en  :  Ion  ;  celui  dont  le  nom  i  i  en  i  ic  sur 

Jes  affichée  dans  i<  i  endrolti  les  plus  fréqui  i  on 

ne  lui  concède  m»  me  !>;•-,  le  droit  de  péril  dam  Je  lilence  et 

dans  l'obtCUrité  :  celui  à  q ni  on  in  qui 

on  constitue  des  martres  chargés  de  prononce]  ant 

quelles  règles  et  suivant  quelles  conditions  11  doit  périr  ;celu] 

qui  entend  Ja   voix  O.w   crieur  public  pro  l 

deses  biens  et  en  indiquer  le  prix,  celui 

témoin  de  ses  propres  funérailles,  les  plus  qu'on 

puisse  imaginer,  s'il   est  permis   de  :  .   comme 

funérailles  cette  réunion  ou  ce  ne  sont  pas  des  ;uius  qui 

s'assemblent  pour  honorer  ses  obsèques, 

teurs  de  biens  —  tels  des  bourreaux  —  pour  déchirer  et 

mettre  en  pièces  les  débris  de  son  existence. 

XVI  51  Aussi,  nos  ancêtres  ont-ils  voula  qu'un  pareil 
fait  se  produisît  rarement  ;  les  préteurs  ont  pourvu  à  ce 
qu'une  pareille  vente  ne  fût  permise  qu'en  connaissan 
de  cause.  Alors  même  qu'ils  sont  ouvertement,  victimes  de 
manœuvres  frauduleuses  et  qu'ils  n'ont  pas  la  possibilité 
de  recourir  à  la  justice,  les  gens  de  bien  n'en  viennent  ce- 
pendant à  cette  extrémité  qu'avec  crainte  et  précaution, 
contraints  par  la  force  et  par  la  nécessité,  à  leur  corps  dé- 
fendant ;  il  faut  que  la  partie  adverse  ait  été  défaillante  a 
plusieurs  comparutions  ;  il  faut  qu'ils  aient  été  souvent 
trompés  et  joués.  Car  ils  considèrent  tout  ce  qu'il  y  a  de 
grave  dans  l'acte  de  faire  mettre  en  vente  les  biens  de  l'ad- 
versaire. Un  honnête  homme  ne  veut  pas,  même  quand  il 
est  dans  son  droit,  égorger  un  eitoj'en:  il  préfère  que  l'on 
se  souvienne  qu'il  a  épargné  celui  qu'il  pouvait  perdre,  plu- 
tôt que  de  perdre  celui  qu'il  pouvait  épargner.  Telle  est  à 
l'égard  des  gens  qui  leur  sont  le  plus  étrangers,  même  le 
plus  hostiles,  la  conduite  que  les  honnêtes  gens  observent 
à  cause  de  l'estime  publique  et  des  devoirs  communs  à 
l'humanité  entière  :  jamais  ils  ne  font  sciemment  rien  de 
désagréable  à  autrui,  pour  qu'il  ne  puisse  à  bon  droit  leur 
arriver  à  eux-mêmes  aucun  désagrément. 

52  II  a  fait  défaut...  Qui?  Ton  proche  parent.  Cette 
faute  peut  paraître  très  grave  en  elle-même  ;  cependa:.4, 


28  PHO  /'•  01  i\<  xv-50 

norum  emptores,  ni  carniflces,  ad  reliquias  uitae  lace- 
randas  et  distrahendas. 

XVI  51  [taque  maiores  nostri  raro  i<l  accidere  uolue- 
mnl,  praetores,  a!  considerate  fieret,  comparauerunt. 

\'iri  boni,  cuiii  palam  fraudantur,  cum  experiendi  potes- 
tas  iu)n  est,  timide  tamen  e1  pedetentim  istuc  descendant 
ui  ac  necessitate  coacti,  inuiti,  multis  uadimoniis  deser- 
Us,  saepe  illusi  ac  destituti  ;  considérant  enim,  quid  et 
quantum  sit  alterius  bona  proscribere.  [ugulare  ciuem 
ne  îure  quidem  quisquam  bonus  uult,  mauult  commemo- 
rari  se,  cum  possel  perdere,  pepercisse9quaml  cum  par- 
cere  potuerit,  perdidisse.  Ilaec  in  hommes  alienissimos, 
denique  in  inimicdssimos  uiri  boni  faciunt  et  hominum 
existimationis  et  communis  humanitatis  causa,  ut,  cum 
ipsi  nihil  alleri  scientes  incommodarint,  niliil  i[>sis  iure 
mcommodi  cadere  possit. 

52  Ad  uadimonium  non  uenit.  Quis  ?  Propinquus.  Si 
rcs  ista  grauissima  sua  sponte  uideretur,  tamen  eius  atro- 
cités Decessitudinis  Domine  leuaretur.  Ad  uadimonium 
non  uenit.  Quis  ?  Socius.  Etiam  grauius  aliquid  ei  debe- 
res  ooncedere,  quicum  te  aut  uoluntas  congregassef    aut 

fortuna  coniunxisset.  Ad  uadimonium  non  uenit.  Quis  ? 

Is,  qui  tibi  praesto  semper  fuit.  Ergo  in  cum,  qui  semel 
hoc  commisit,  ut  tibi  praesto  non  esset,  omnia  tela  conie- 
cisti,  quae  parata  sunt  in  eos,  qui  permulta  maie  agendî 
causa  traudandique  fecerunt  V  53  Si  dupondius  tuus 
ageretur,  Sex,  Naeui,  m  in  paruula  re  captionis  aliquid 

5i.  mauult  /':  mauult  enim  céleri  mu.  .  commémorer!  Madoig  : 
commemorere  m^  in  Inimicissimos  /'.  Manuxio  :  inimicissimos 
mss.     53.  dupondius  tuua  :  de  praediis  luis  b[.  c,  k.     captionis  I' 

I 


xvi-62  PLAIDOYER  POl  R  P.    01  Il  CTl 

l'excuse  de  1.1  parenté  pourrait  en  atténuer  l'odieui  il  ;• 
i;iit  défaut...  Qui  1  Ton  associé.  Tu  devrais  pardonner 
même  une  faute  |)lus  grave  à  l'homme  auquel  ta  propre 
volonté  t'a  réuni,  avec  lequel  lei  menti  t'ont    Hé. 

Il  a  fait  défaut.. 4  Qui  ï  Celui  qui  a  toujo  à  ta  dis- 

position. Ainsi   donc  parce   que,  une  fois,  il 

ble  de  ne  pas  se  mettre  à  ta  disposition, tu  i  câ- 

blé de   tous  les   traits  dont   OU  S'aime  COntl  dont 

la  vie  ne   se  compose  que   de  mauvi  niions    et  de 

tromperies.  53  S'il  s'agissait  pour  toi.  Sex.  Naevius.  de 
recouvrer  une  somme  de  deux  as,  si  dans  une  affaire  mini- 
me tu  appréhendais  quelque  tromperie,  n'aurais-tu  ; 
couru  aussitôt  chez  C.  Aquilius  ou  chez  quelque  juriste 
pour  avoir  une  consultation  ?  Lorsqu'il  s'agissait  des  droits 
de  l'amitié,  de  l'association,  de  la  parenté,  lorsqu'il  conve- 
nait de  tenir  compte  de  tes  obligations  morales  et  de  l'es- 
time publique,  dans  ces  circonstances,  tu  ne  t'es  pas  seule- 
ment abstenu  d'en  référer  à  C.  Aquilius  ou  à  L.  Lucilius, 
mais  tu  n'as  même  pas  pris  conseil  de  toi-même.  Tu  ne  t'es 
pas  dit  seulement  :  «  Voilà  la  deuxième  heure  passée. 
Quinctius  ne  se  présente  pas.  Que  dois-je  faire  ?  ■  Par 
Hercule!  Si  tu  t'étais  dit  seulement  ces  deux  mots  :  Que 
dois-je  faire  ?»  —  ta  cupidité,  ton  avarice  se  seraient  cal- 
mées; tu  aurais  accordé  quelque  peu  de  place  à  la  raison  et 
à  la  réflexion  ;  tu  te  serais  recueilli  ;  tu  n'en  serais  pas  ve- 
nu à  la  honte  de  devoir  confesser  en  présence  de  ces  hom- 
mes si  éminents  qu'à  l'heure  où  l'engagement  de  compa- 
raître n'était  pas  rempli,  à  cette  même  heure,  tu  formais 
le  projet  de  consommer  la  ruine  complète  d'un  homme  qui 
est  ton  proche  parent. 

XVII  54  C'est  moi  qui  vais  consulter  ces  hommes,  à 
ta  place,  après  le  temps  voulu  et  dans  une  affaire  qui 
m'est  étrangère,  puisque,  toi,  dans  une  affaire  qui  t'est 
personnelle,  alors  que  c'était  le  temps  convenable,  tu  as 
oublié  de  les  consulter.  Je  le  demande,  à  toi,  C.  Aquilius  ; 
à  vous,  L.  Lucilius,  P.  Quinctilius,  M.  Marcellus:«  L'enga- 
gement qui  m'avait  été  fait  de  comparaître  n'a  pas  été 
rempli  par  un  homme  qui  est  mon  associé  et  mon  parent  ; 
je  suis  lié  avec  lui  par  une  vieille  amitié  ;  une  contestation 


29  PRO  P.  QV1SCTI0  xvi-53 

nererere,  non  statim  ad  C.  Aquilium  aut  ad  eorum  ali- 
quem,  qui  consuluntnr,  cucurrisses?  Cnm  ius  amicitiae, 
societatis,  adlinitatis  ageretui  ;  eum  offici  rationem  at- 
que  cxistimationis  dnci  conueniret,  co  tcmporc  tu  non 
modo  non  ad  C.  Aquilium  aut  ad  L.  Ludlium  rettulisti, 
sed  ne  ipse  quidem  te  consuluisti,  ne  hoc  quidem  tecum 
locutuses:  «  Horae  duae  fueiunt;  Quinctius  ad  uadimo- 
niuni  non  uenit.  Quid  ago  ?  i  Si  me  hercule  haec  tecum 
duo  uerba  fecisses  :  «  Quid  ago  ?  •,  respirasset  cupiditas 
atque  auaritia,  paulum  aliquid  loci  rationi  et  consilio 
dédisses,  tu  te  coUegisses  ;  non  in  eam  turpitudinem  lié- 
es, ut  hoc  tibi  essef  apud  talcs  uiros  confitendum, 
qua  tibi  uadimonium  non  sit  obitum,  eadem  te  hora  con- 
silium  cepisse  hominis  propinqui  fortunas  funditus  euer- 
tere, 

XVII  54  Ego  pro  te  nunc  hos  consulo,  post  tempua 
et  in  aliéna  re,  quoniam  tu  in  tua  re,  eu  m  tempus  erat, 
consulere  oblitus  es  ;  quaero  abs  te,  C.  Aquili,  L.  Lucili, 
P.  Quinctili,  M.  Marcelle  :  Vadimonium  mihi  non  obiit 
quidam  soeius  et  adtinis  meus,  quieum  mihi  necessitudo 
uetus,  controuersia  de  re  pecuniaria  recens  intercedit  ; 
postulonc  a  praetore,  ut  eius  bona  mihi  possidere  liccat, 
an,  cumRomae  domus  eius,  uxor,  liberi  sint,  domum  po- 
tius  denuntiem  ?  Quid  est,  quod  hac  tandem  de  re  uobis 


ttuflnianus  :  captuus  1!  ;  captiuia  x  ;  capitis  6,  c,  k  ;  capturis  coni. 
(iiilielmius.  cucurrisscs  c,k.  Rufiniantu:  coucurrisscs  céleri  mss,  (I 
aut  ad  L.  LucUium  Kanser  :  aut  ad  L.  Lucullum  b  ;  aut  L.  Lucilium 
P  ;  aut  L.  Lucullum  céleri  mss.  ;  hoc  quidem  P  :  hacc  quidem  céleri 
mss.  ||  paulum  P  :  paululum  ceteri  mss.  confitendum  c.  k  :  confi- 
dendum  céleri  mss.  54.  hos  consulo  Ruflnianttt  :  hoc  consulo  mss.'\ 
L.  Lucili  Orelli  :  L.  Lucullc  t  k  ;  L.  Luculli  ceteri  nus.     denuntiem  : 


xvn-54  PLAIDOYER  POl  h  P.  QU1NCTIUS 

pour  affaire  d'argent  nous  divise  depuii  p<  d  I  k>i   je  raqué* 

rir  du  préteur  l'envol  en  possession  de  ses  biens,  ou, comme 
il  a  il  Rome  son  domicile,  m  femme  et  ses  enfants,  dolt-Jc 

plutôt  lui  envoyer  une  lignification  A  domicile  v  Quel 
peut  être,  en  définitive,  votre  ;ivis  sur  cette  affaire  ?■  Cer- 
tes, si  j'ai  une  Connaissance  exacte  de  VOS  sentiments  de 
honte  et  de  sagesse,  je  ne  me  trompe  ^uère  sur  la  répoire 

(pie  vous  reriez  à  une  consultation  de  ce  genre  :  d'abord, 
diriez-vous,  il  faut  attendre  ;  puis,  si  l'homme  en  question 
semble  se  cacher  et  prendre  plaisir  A  vous  duper  par 

lenteurs, il  faut  aller  trouver  ses  amis,  leur  demander  quel 
est  son  mandataire,  lui  adresser  une  signification  a  domi- 
cile. On  ne  saurait  dire  tout  ce  que  vous  répondriez  qu'il 
faudrait  faire  avant  de  devoir  nécessairement  en  venir  à 
ce  parti  extrême.  55  A  cela  que  dit  Naevius  ?  Sans  nul 
doute,  il  se  rit  de  notre  folie  :  nous  en  sommes  à  vouloir 
trouver  dans  sa  vie  une  règle  de  conduite  fondée  sur  l'ob- 
servation du  devoir  strict,  à  exiger  de  lui  les  principes  des 
gens  de  bien.  «  Qu'ai-je  à  faire,  dit-il,  avec  ce  rigorisme  de 
vertu  et  cet  excès  de  zèle  ?  Que  les  gens  de  bien,  dit-il, 
voient  à  observer  ces  devoirs.  Mais,  quant  à  moi,  qu'ils 
prennent  en  considération  qu'il  convient  de  rechercher 
non  quelle  est  ma  fortune,  mais  par  quels  moyens  je  l'ai 
acquise  ;  de  s'enquérir  de  ma  naissance  et  de  mon  éduca- 
tion. Je  m'en  souviens,  il  y  a  bien  longtemps  qu'on  le  dit  : 
d'un  bouffon  il  est  bien  plus  facile  de  faire  un  riche  qu'un 
père  de  famille.  »  56  Voilà,  si  ses  paroles  n'osent  le  dire, 
ce  que  ses  actions  disent  ouvertement.  Et,  à  la  vérité,  vou- 
drait-il vivre  suivant  les  principes  des  gens  de  bien,  il  lui 
faudrait  beaucoup  apprendre  et  beaucoup  désapprendre  : 
deux  choses  également  difficiles  à  son  âge. 

XVIII  «  Je  n'ai  pas  hésité,  dit-il,  du  moment  que 
Quinctius  était  défaillant,  à  faire  afficher  la  mise  en  vente 
des  biens.  »  Malhonnête  homme!  Mais, puisque  tu  t'arroges 
ce  droit,  puisque  tu  réclames  qu'on  te  concède  d'en  user, 
faisons  la  concession  que  tu  demandes.  Si,  cependant,  il 
n'y  a  pas  eu  défaut  ?  Si  toutes  tes  allégations  ne  sont  que 
des  mensonges,  que  tu  as  mis  la  plus  grande  fourberie  et 
l'habileté  la  plus  méchante  à  imaginer  ?  Si,  en  réalité,  il 


30  PIU)  P.  QVINCTIO  xvn-54 

possit  uideri  ?  ProfectOi  si  recte  iiestram  bonitatem  at- 
que  prudentiam  cognoui,  non  mullum  me  fallit,  si  conr 
sulamini,  quid  sitis  responsuri  :  primum,  exspectare  ; 
deinde,  si  latitare  ac  dlutius  Ludificare  uideatur,  amicos 
conuenire,  quaerere,  quis  procurator  sit,  domum  denun- 
tiare.  Dici  uix.  potest,  quam  multa  sint,  quae  respondea- 
tia  ante  lu  ri  oportere,  quam  ad  hanc  rationem  extre- 
mam  necessario  deuenire,  55  Quid  ad  haec  Naeuius  ? 
Ridel  scilicet  aostram  amentiam,qui  in  uita  sua  rationem 
sunimi  offîci  desideremus  et  instituts  uirorum  bonorum 
requiramus.  i  Quid  mini,  »inquit,«cuni  istasumma  sano- 
timonia  ac  diligentia  ?  uiderint,  »  inquit,  «  ista  officia 
uiri  boni,  de  me  autem  ita  considèrent:  non  quid  habeam, 
sed  quibua  rebua  inuenerim^quaerant,  et  quem  ad  mo- 
duni  nains  et  quo  pacto  educatus  sim.  Memini  ;  uetus 
est,  de  scurra  multo  facilius  diuitem  quam  patrem  fa- 
milias  fteri  posse.  56  Haec  Ole,  si  uerbis  non  audet,  re 
quidem  aéra  palam  loquitur.  Etenim  si  uult  uirorum 
bonorum  instituto  uiuere,  multa  oportet  discal  ac  de- 
discat  :  quorum  illi  aetati  utrumque  difficile  est. 

XVI II  u  Non  dubitaui,  »  inquit,  «  cum  uadimonium 
desertum  esset,  bona  proscribere.  ■■>  Improbe  :  uerum, 
quoniam  tu  id  tibi  arrogas  et  concedi  postulas,  conceda- 
mus.  Quid,  si  numquam  deseruit  ?  si  ista  causa  abs  te 
tota  per  summam  fraudem  et  malitiam  licta  est? si  uadi- 

denuntio  Madvig.  ;i  extremam  necessario  Gulielmiw  :  extremam 
necessariam  mss.  :  extremam  ac  aecessariam  Lambin  ;  extremam 
nec  Decessariam  Hotman  :  extremam  Lnimicissimamque  Rinkes.  i 
55.  a<l  haec  A".  Rufinianut  :  ad  hoc  cricri  mss.  ist;i  su  mina  sancti- 
monia  :  ista  sanctimoniaZ,  ^,.  autem  ita  :  autem  ista  b ;  tameu  ista 
c:  tantum  ista  k.    56-  ac  dediscat  :  atque  dediscat  b.  \\  oerum  A-  : 

utruni  ecteri  mss. 


i  56  11    I  ll><>\  Eli    I  <>l   r    l  .'il 

n'a  Jamais  existé  entre  Quinctius  et  toi  d'engagement  ré- 
ciproque à  comparaître  en  justice  ï  De  quel  nom  devons- 
nous  l'appeler  7  t  n  malhonnête  homme  v  Mais,  quand 
même  il  >  aurait  eu  défaut,  adi  ette  requête  an  pi 

teur,  afficher  la  vente  «les  biens  de  Quinctius,  c'était  faire 
reconnaître  en  toi  le  plus  malhonnête  des  hommes.  Un 
homme  plein  d'habile  méchanceté  v  Tu  ne  t'en  défends 
pas.  Un  maître  en  manœuvres  frauduleuses  ?  Voilà  un 
titre  que  tu  t'arroges  et  que  tu  estimes  très  glorieux.  I  n 
homme  audacieux,  cupide,  odieusement  perfide  V  Ces  mots 
sont  surannés  et  vulgaires  :  or,  le  fait  est  nouveau  ;  on  n'a 
jamais  entendu  parler  d'un  fait  semblable.  57  Eh  bien  ! 
donc,  je  crains,  par  Hercule  1  d'employer  des  expressions 
ou  plus  dures  que  la  nature  ne  le  comporte,  ou  plus  fail 
que  la  cause  ne  le  demande.  Tu  soutiens  que  Quinctius  a 
manqué  à  son  engagement  de  comparaître.  Des  son  retour 
à  Rome,  Quinctius  t'a  demandé  d'indiquer  le  jour  où,  se- 
lon toi,  il  avait  pris  cet  engagement.  Tu  répondis  aussitôt: 
«  Le  jour  des  nones  de  février.»  Ente  quittant,  Quinctius 
se  remet  en  mémoire  le  jour  où  il  est  parti  de  Rome  pour 
la  Gaule  ;  il  rentre  chez  lui  consulter  ses  éphémérides  ;  il 
trouve  le  jour  de  son  départ  :  c'est  la  veille  des  calendes  de 
février.  S'il  était  à  Rome  le  jour  des  nones  de  février  (1), 
nous  n'avons  aucune  excuse  à  donner  :  il  a  bien  pris  l'en- 
gagement de  comparaître.  58  Mais  ce  fait,  comment  en 
découvrir  l'exactitude  ?  L.  Albius,  un  honnête  homme  qui 
va  de  pair  avec  les  plus  honnêtes  gens,  est  parti  en  même 
temps  que  lui  :  il  témoignera.  Des  amis  ont  fait  la  conduite  à 
Albius  aussi  bien  qu'à  Quinctius  :  ils  témoigneront  eux 
aussi.  Les  écritures  de  P.  Quinctius,  ces  témoins  si  nom- 
breux,qui  avaient  tous  les  raisons  les  plus  fondées  de  savoir 
la  vérité  et  qui  n'en  avaient  aucune  de  mentir,on  les  con- 
frontera avec  le  mandataire  que  tu  t'es  adjoint  pour  ta 
stipulation. 

59  Et  c'est  quand  sa  cause  se  présente  de  cette  ma- 
nière que  P.  Quinctius  aura  à  se  mettre  en  peine,  qu'il 
continuera  à  vivre  misérablement  au  milieu  des  plus  grands 

(1)  Le  jour  des  nones  de  février  est  le  5  février  et  Quinctius  a 
quitté  Rome  la  veille  du  premier  février,  jour  des  calendes. 


31  PRO  P.  QVINCTIO  xviii-56 

monium  omnino  tibi  cum  P.  Quinetio  nullum  fuit  ?  quo 
te  nomine  appellemus  ?  Improbum?  At  etiam  si  deser- 
tum  uadimonium  esset,  tamen  in  ista  postulatione  et 
proscriptione  bonoruni  improbissimus  reperiebare.  Mali* 
tiosum  ?  Non  Degas.  Fraudutentam  ?  Iam  id  quidcm 
arrogas  tibi  et  praeclarum  putas.  Audacem,  eupidum, 
perfidiosum  ?  Vulgaria  el  obsoleta  sunt  ;  res  autem  noua 
atque  inaudita.  57  Quid  ergo  est  ?  Vereor  me  hercule,  ne 
: i ii t  grauioribus  utar  uerbis,  quam  oatura  fcrt,  aut  leuio- 
ribus,  quam  causa  postulat.  Ais  esse  uadimonium  deser- 
tum.  Quaesiuit  a  te,  statim  ut  Romain  rediit,  Quinctius, 
quo  die  uadimonium  istuc  factum  esse  diceres.  Hespon- 
disti  statim  :  Nonis  Febr.  Discedens  in  memoriam  redit 
Quinctius,  quo  die  Roma  in  Galliam  profectus  sit  ;  ad 
ephemeridem  reuertitur  :  inuenitur  dies  profectionis 
pridie  Kal.  Febr.  Nonis  Febr.  si  Romae  fuit,  causae  nihil 
dicimus,  quin  tibi  uadimonium  promiserit.  53  Quid  ? 
hoc  inueniri  qui  potest  ?  Profectus  est  una  L.  Albius, 
homo  cum  primis  honestus  ;  dicet  testimonium.  Prose- 
cuti  su ii t  familiales  cl  Albium  et  Quinctium  ;  dicent  hi 
quoque  testimonium.  Litterae  P.  Quincti,  testes  tôt, 
quibus  omnibus  causa  iustissima  est,  cur  scire  potuerint, 
nulla,  cur  mentiantur,  cum  adstipulatore  tuo  compara- 
buntur. 

59  Et  in  bac  eius  modi  causa  P.  Quinctius  laborabit 
et  diutius  in  tanto  metu  miser  periculoque  uersabitur  ? 


malitiosum  ?  non  negas  Lambin  :  DOO  malitiosum  oegas£,  bl  ; 
num  malitiosum*.1  oegas  6*,  j£»  e,  k.  57.  in  memoriam  rnlit  Mufl- 
ier :  m  memoriam  rediit  mss.  Il  58.  prosecuti  b*  :  profecti  cetert 
mu.net  Albium  et  Quinctium  :  et  Albium  et  QuinUum  22,   bl  ;  et 

Albii  et  Quinti)  céleri  mss. 


KVIII-M  PLAIDOYER  POUR  P.  QUINCTll  32 

dangers  cl  des  pi  tu  grandes  craintes,  qu'il  sera  plus  forte- 
ment épouvanté  par  le  crédit  de  bon  adversaire  que  ras- 
sure par  la  droiture  de  son  juge  V  Sans  dOUl 
jamais  connu  ni  les  belles  manières,  ni  l'élégance  :  Il 
toujours  été  d'un  naturel  sérieux  e!  réserve  ;  on  ne  l'a 
jamais  vu  fréquenter  ni  les  environs  du  cadran  sol:iire  (\)y 
ni  le  Champ  de  Mars,  ni  les  festins  ;  il  s'est  Uniquement 
préoccupé  de  conserver  ses  amis  par  les  égards  qu'il  leur 
témoignait  etsa  fortune  par  la  sage  économie  qu'il  met  tait 
à  l'administrer;  il  s'est  appliqué  a  fidèlement  observer  les 
antiques  règles  du  devoir,  dont  les  mœurs  d'aujourd'hui 
ont  flétri  toute  la  beauté.  Si,  dans  une  cause  ou  le  bon 
droit  serait  égal  de  part  et  d'autre,  il  paraissait  devoir 
abandonner  la  partie,mis  en  état  d'infériorité, ce  serait  un 
juste  sujet  de  violentes  lamentations  ;  mais  maintenant, 
dans  une  cause  où  son  droit  est  supérieur  à  celui  de  son 
adversaire,  il  ne  demande  même  pas  qu'on  le  regarde 
comme  égal  ;  il  souffre  qu'il  soit  considéré  comme  infé- 
rieur, pourvu  cependant  que  ses  biens,  sa  réputation,  sa 
situation  tout  entière,  sa  personne  même  ne  soient  pas 
livrées  à  la  cupidité  et  à  la  cruauté  de  Sex.  Xaevius. 

XIX  60  J'ai  prouvé,  C.  Aquilius,  ce  que  je  m'étais 
engagé  à  prouver  tout  d'abord  :  à  savoir  que  rien  absolu- 
ment n'a  motivé  la  requête  de  Xaevius,  puisque  aucune 
somme  d'argent  ne  lui  était  due, puisque,  dans  le  cas  même 
où  une  somme  lui  aurait  été  due,  rien  ne  pouvait  permettre 
d'en  venir  à  une  telle  manière  de  procéder.  Fais  bien  atten- 
tion maintenant  à  ceci  :  aux  termes  de  l'édit  du  préteur, 
la  possession  des  biens  de  Quinctius  n'a  pu  en  aucune  fa- 
çon avoir  lieu.  Examine  l'édit:  celui  qui  se  sera  caché 
dans  une  intention  frauduleuse...  Cela  ne  s'applique 
pas  à  Quinctius,  à  moins  que  ce  ne  soit  se  cacher  que  de 
partir  pour  ses  affaires  en  laissant  un  mandataire,  celui 
qui  n'aura  pas  d'héritier...  Tel  n'est  pas,  non  plus,  le 
cas  de  Quinctius.  celui  qui  se  sera  expatrié  pour  cause 
d'exil...  Quand  et  comment  estimes-tu,  Naevius,  qu'il 


(1)  Voisine  de  la  tribune  aux  harangues,  la  colonne  du  cadran 
solaire  était  au  Forum  un  centre  de  réunion. 


32  l'HO  P.  QV1NCTI0  xvin-59 

et  uehementius  eum  <^ratia  aduersarii  perterrebit,  quam 

fides  iudicis  consolabitur  ?  Vixit  eniin  semper  inculte 
atque  horride  ;  natura  tristi  ac  rccondita  fuit  ;  non  ad 
solarium,  non  in  campo,  non  in  conuiuiis  uersatua  est  ; 
id  cgit,  ut  amicos  obseruantia,  rem  parsimonia  retineret  ; 
antiquam  ofïici  rationeni  dilexit,  cuius  splendor  omnis 
his  moribus  obsoleuit.  Al  si  in  causa  pari  discedere  infe- 
rior  uideretur,  tamen  essel  non  mediocriter  conqueren- 
dum  ;  nunc  in  causa  supérieure  ne  ni  par  quidem  si i  pos- 
tulat, inferioiem  se  esse  patitur  dumtaxat  usque  eo,  ne 
cum  bonis,  fama  fortunisque  omnibus  Sex.  Naeui  cupi- 
ditati  crudelitatique  dedatur. 

XIX  60  Docui,  quod  primum  pollicitus  sum,  C.  Aqui- 
li,  causam  omnino,  cur  postularel,  non  fuisse,  quod  ne- 
que  pecunia  debebatur,  et,  si  maxime  deberetur,  com- 
missum  niliil  esset,  qua  re  ad  istam  rationem  peruenire- 
tur.  Attende  nunc  ex  edieto  praetoris  bona  P.  Quincti 
possideri  nullo  modo  potuisse.  Trac/a  edictuin.  Qvi  FRAV- 
DATIONIS  CAVSA   LATTTARIT,   Non   est    is  Quinctius  ;   nisi 

si  latilant,  qui  ad  negotium  suum  relicto  procuratore 
proficiscuntur.  cvi  hères  non  exstabit.  Ne  is  quidem. 

qvi  i:\siu  CAVSA  SOLVBI  vi:nTERiT.  **+*  Quo  lemj)ore 
exislimas  oportuisse,  Naeui,  absent em  Quinctiuin  defen- 
di  au!  quo  modo  ?  tum,  cum  postulabas,  ut  bona  pos-i- 
deres  ?  Mémo  adfuit  ;  ueque  enim  quisquam  diuinare 


59.  se  esse  k  :  se  c  :  esse  cricri  mss.  ;  esse  se  Lambin  30.  niliil 
esset  c  :  niliil  esse  cclcri  mss.  ;  niliil  erat  Emesti.  Il  possich*ri  c,  k  : 
deK  ecteri  mss.  |  tracta  cd.  Bonon.  1499:  trartat  BUS,  ;  ir- 
rita /'.  Manuxio.  uerteril  :  uerterit.  Dlci  id  non  potest«Qul  ab- 
sens  iudicio  defensus  non  fuerit.  Ne  id  quidem  Hotman  cvlibro 
Dit.  [icrimtitjiio  «. 


^■H 


X'.\-60  PLAID0Y1  R  r    '>'  ÏNCTIUS  33 

aurait  f;iiiu  défendre  Qulnctiufl  absent  '.'  Au  moment  et) 
tu  requérais  l'envol  en  p  Ion  de  mi  biem  ï  Personne 

ne  s'est  présenté,  car  personne  ne  pouvait  devinée  que  ta 
ferais  cette  requête  et  il  n'appartenait  b  personne  de  l'op- 
poser 6  un  envoi  en  possession  pour  lequel  le  préteur  ordon- 
nait, non  qu'il  eût  li<n ,  mais  qu'il  fût  lieu  en  vertu  de  son 
édit.  61  Quand  donc  le  mandataire  a-t -il  eu  pour  la  pre 
mière  fois  l'occasion  de  défendre  l'absent  7  Au  moment  où 
tu  ordonnais  la  vente  des  biens.  Et,  certes,  alors  Sex. 
Alfenus  se  présenta  ;  il  ne  souffrit  pas  que  cela  se  passât 
ainsi, il  fit  renverser  les  tableauxoù  la  vente  était  affichée. 
C'était  la  première  position  qu'il  avait  à  prendre  dans  son 
office  de  mandataire  ;  et  il  s'y  maintint  avec  le  plus  grand 
zèle. 

Voyons  maintenant  ce  qui  s'ensuivit.  Tu  te  saisis  publi- 
quement d'un  homme  appartenant  à  P.  Quinctius  ;  tu 
t'efforces  de  l'emmener.  Alfenus  ne  le  permet  pas  ;  il  t'en- 
lève de  force  cet  esclave,  il  s'occupe  de  le  ramener  chez 
Quinctius.  Voilà  encore  un  acte  où  il  s'acquitte  parfaite- 
ment de  l'office  d'un  mandataire  zélé.  Tu  dis  que  Quinctius 
est  ton  débiteur  :  le  mandataire  dit  qu'il  ne  l'est  pas.  Tu 
veux  exiger  l'obligation  de  la  caution  :  il  promet  de  se 
soumettre  à  cette  obligation.  Tu  l'appelles  en  justice  : 
il  t'y  suit.  Tu  requiers  l'instance  :  il  ne  la  refuse  pas. 
Si  ce  n'est  pas  là  défendre  un  absent,  je  n'y  entends  plus 
rien.  62  Mais,  dira-t-on,  quel  homme  était-ce  que  ce  man- 
dataire ?  Quinctius,  apparemment,  avait  fait  choix  de 
quelque  indigent,  homme  processif,  sans  probité,  capable 
de  supporter  chaque  jour  les  outrages  d'un  opulent  bouf- 
fon. Rien  n'est  moins  conforme  à  la  réalité  :  c'était  un 
chevalier  romain,  riche  en  biens-fonds,  très  entendu  dans 
la  gestion  de  ses  affaires  ;  c'était  l'homme,  enfin,  que 
Naevius,  toutes  les  fois  qu'il  est  parti  pour  la  Gaule,  a 
laissé  à  Rome  comme  mandataire. 

XX  Et  tu  oses,  Sex.  Naevius,  tu  oses  soutenir  que 
Quinctius  en  son  absence  n'était  pas  défendu,  alors  que  son 
défenseur  était  l'homme  même  qui  avait  coutume  de  te 
défendre?  Et,  alors  que  l'instance  en  justice  a  été  acceptée 
au  nom  de  Quinctius  par  celui  auquel,  chaque  fois  que 


33  PRO  P.  QVINC1  W  \i\-60 

potcrat  te  postulatorum,  neque  quemquain  attinebal  id 
recusare,  quod  praetor  non  Ûeri,  sed  ex  edicto  suo  fieri 
iubebat.  61  Qui  locus  igitur  absentis  defendendi  procu- 
ratori  primus  datus  est  ?  Cum  proscribebas.  Krgo  adfuit, 
non  passus  est,  libellos  deiecit  Sex.  Alfenus  ;  qui  primus 
erat  offici  gradua, seruatus  est  a  procuratore  summa  cum 
diligentia. 

Videamus,  quae  deinde  sint  consecuta.  Homincm  P. 
Quincii  deprehendis  in  publico  ;  conaria  abdacere  :  non 
patitur  Alfenus,  ai  tibi  adimit,  curât,  ut  domum  reduca- 
tur  ad  Quinctium.  I lie  quoque  summe  constat  procura- 
toris  diligentis  oflicium.  Debere  tibi  dicis  Quinctium, 
procura tor  negat  ;  uadari  uis  :  promittit  ;  in  ius  uoeas  : 
sequitur  ;  iudicium  postulas  :  non  récusât.  Quid  aliud 
Bit  absentem  defendi,  ego  non  intellego.  62  At  quis  erat 
procura tor  ?  Credo  aliquem  electum  hominem  egentem, 
litigiosum,  improbum,  qui  posset  scurrae  diuitis  cotidia- 
num  conuicium  sustinere.  Xihil  minus  ;  eques  Romanus 
locuples,  sui  negoti  boue  gerens,  denique  is,  quem,  quo- 
Naeuius  in  Galliam  profectus  est,  i)rocuratorem 
Romae  reliquit. 

XX  Et  audes, Sex.  Naeui,  negare  absentem  defensum 
esse  Quinctium,  cum  cum  défendent  idem, qui  te  solebat? 
et,  cum  is  iudicium  acceperit  pro  Quinctio,  cui  tu  et  rem 
et  famam  tuam  commendare  proficiscens  et  concredere 
solebas,  conaris  hoc  diccre.neininein  exstitisse,qui  Quinc- 
tium Kidicio  defenderet  ?  63  «  Postulabam,  »   inquit, 

neque  quemquam  :  neque  ad  quemqaam  c,  k  ;  nec  quemquam  £, 

b.  ||  ex  edicto  b  :  edicto  ecleri  nus.  |  61.  uoeas  :  uoeat  b  y.  ||  postu- 
las :  postulat  />:,  /.  ||  62.  electum  U.  y  :  eiectum  céleri  fflfi.,  iiulgo.  R 
acceperit  c,  k  :  acciperet  céleri  mss. 


62  PLAIDOYER  POI  H  P.  QUlNCTli    I  34 

tu  partait,  tu  avali  coutume  de  confier,  de  remettre   ;ms 

réserve  le  soin  de  ta  fortune  et  d<-  ta  réputation,  tu  i 

de  prétendre  que  dani  l'instance  engagée  il  ne  se  trouvait 

personne  pour  défendre  Quinctlui  I  63  lia  requête,  dit- 
il,  avait  pour  objet  qu'il  fournil  caution  suffisante  qu'il 

satisferait  à  la  chosejugée.  i — Cette  requête  était  contraire 

aux   principes  du    droit.  —      Mais  tel  était   l'ordre  qu'on 

te  donnait.  »  —  Aliénas  refusait  d'obéir.  —    Sans  doute, 

mais  le  préteur  décidait  par  arrêt.  —  Aussi  appel  était- 
il  lait  aux  tribuns.  — «  Ici, dit-il,  je  t'arrête  :  ce  n'est  pas 
accepter  l'instance,  ni  se  défendre,  que  de  demander  se- 
cours aux  tribuns.  »  Cette  objection, si  je  réfléchis  a  la  pru- 
dente habileté  d'Hortensius,  je  ne  pense  pas  qu'il  puisse 
la  faire.  Mais,  quand  j'apprends  qu'il  l'a  déjà  faite,  quand 
je  considère  la  cause  elle-même,  je  ne  vois  pas  qu'il  puisse 
dire  autre  chose.  Car  il  reconnaît  qu'Alfenus  a  fait  renver- 
ser les  tableaux  où  la  vente  était  affichée,  qu'Alfenus  a  pro- 
mis de  comparaître,  qu'il  n'a  pas  refusé  d'accepter  l'ins- 
tance et  les  termes  mêmes  de  la  formule  que  Xaevius  dé- 
terminait :  à  une  condition  cependant,  conforme  aux 
mœurs  et  aux  institutions,  l'appel  au  magistrat  qui  a  été 
institué  pour  porter  secours  aux  citoyens.  64  II  est  donc 
de  toute  nécessité,  ou  que  ces  faits  ne  se  soient  pas  pro- 
duits, ou  qu'un  juge  aussi  honorable  que  l'est  C.  Aquilius 
prête  serment  et  établisse  à  Rome  cette  jurisprudence  : 
Celui  dont  le  mandataire  n'aura  pas  accepté  toutes  les  ins- 
tances engagées  d'après  les  formules  déterminées  par  tou- 
te partie  adverse,  celui  dont  le  mandataire  aura  osé  appe- 
ler du  préteur  aux  tribuns,  —  celui-là,  il  convient  qu'il  ne 
puisse  être  défendu,  que  l'on  puisse  à  bon  droit  déciderl'en- 
voi  en  possession  de  ses  biens,  que  le  malheureux  pendant 
son  absence,  à  son  insu,  puisse  être  violemment  dépouillé 
par  l'arrêt  le  plus  déshonorant  et  le  plus  ignominieux 
de  tout  ce  qui  fait  sa  situation,  de  tout  ce  qui  constitue 
l'honneur  de  sa  vie.  65  S'il  n'y  a  aucune  possibilité  que 
personne  admette  une  telle  jurisprudence,  il  y  a  toute 
nécessité  que  tout  le  monde  admette  que  Quinctius  absent 
a  été  défendu  en  justice.  Du  moment  qu'il  en  est  ainsi,  ses 
biens  n'ont  pas  été  possédés  en  vertu  de  l'édit.  Mais,  dit- 


31  PRO  P.  QVINCTW  xx-63 

«  ut,  salis  darc/.  «   Iniinïa   posttllabas.  i  Ita  inbvhww  ;  » 

recusabat  Alfenus.  —  «  [ta,  uerum  praetor  deceraebal 
Tribuni  igitur  appellabantur.  —  «  Hic  te,  ■  inquit,  •  tc- 
neo  ;  non  est  istud  iudicio  pati  aeque  iudicio  defendere, 
cum  auxilium  a  tribunia  petas.  Hoc  ego,  eum  attendo, 
qua  prudentia  ni  Hortensius,  dicturum  esse  eum  non 
arbitror.  Coin  autem  antea  dixisse  audio  et  causam  ip- 
s;un  considero,  quid  aliud  dicere  posait,  non  reperio.  Fa- 
tetur  enim  libellos  Alfenum  deiecisse,  uadimonium  pro- 
misisse,  iudidum  qoin  acciperel  m  ea  ipsa  uerba,  quae 
Nai-nius  edebat,  non  récusasse,  ita  tamen  :  more  et  insti- 
tuto,  per  eum  magistratum,  qui  auxili  causa  constitu- 
tus  est.  64  Aut  haec  fada  non  sini,  necesse  est,  aut 
C.  Aquilius,  talis  uir,  iuratus  lioc  ius  in  ciuiLate  consti- 
tuai :  cuius  procurator  non  omnia  iudicia  acceprrit,  q\\ 
quisque  in  uerba  postulant,  cuius  procurator  a  praetore 
tribunos  appellare  ausus  sit,  eum  non  defendi,  eius  bona 
recte  possideri  posse,  ci  misero,  absenti,  ignaro  fortuna- 
rum  suaruin  omnia  uitae  ornamenta  per  summum  dede- 
cun  et  ignoiniiiiam  deripî  conuenire.  65  Quod  si  probari 
nemini  potest,illud  certe  probari  omnibus  necesse  est, 
defehsum  esse  iudicio  absentem  Quinctium.  Quod  cum 
ita  sit,  ex  edicto  bona  possessa  non  sunt.  Ai  enim  tribu- 
ni plebis  ne  audierunt  quidem.  Pateor,  si  ita  est,  procu- 
rât orem  decreto  praetoris  oportuisse  parère.  Quid  ?  si 

63.  salis  daret  éd.  Aid.  1519  :  satis  darent  E  ;  satis  daretur 
ccicri  mu.  \  lubebare  Hotmail  :  oidebare  nus.  \  <  iudicio  >  pati 
Kiotl  :  <  indicium  >  pati  éd.  huit.  1515  ;  pati  WSS.  64.  non  omnia 
iudicia  <acceperi1  >  <•</.  Aid.  1519:  non  recusarll  omnia  iudicia 
c,  Jr  ;  non  omnia  iudicia  ceteri  nus.  tribunos  :  tribunisE  ;  ad  tri- 
bunos e,  A-.  deripi  Ernestt  :  dlripl  mu,  ||  65.  cum  ita  sit  Pariii- 
mis  111 1  :  cum  ita  est  cricri  nus. 


G5  PLA1D0\  i  it  POUR  /'.  01  /    <■  1 1 

en,  les  tribuns  de  la  plèbe  n'ont  pai  même  écouté  I 
qui  Un r était  adressé.  J'avoue,  s'il  en  est  ainsi,  que  le 
dataire  se  trouvait  dans  l'obligation  d'obéir  au  décret  du 
préteur.  Que  répondre  ?  s'il  est  vrai  que  M.  Brutui  (1)  i 
déclaré  publiquement  qu'il  interviendrait, à  moins  ru'il 
ne  se  ni  un  arrangement  entre  Alfenus  lui  même  et  Nae- 
vins,  ne  semble-t-il  pas  que  l'appel  aux  tribuns  est  Inter- 
venu, non  pour  apporter  des  retarda  ;i   l'instance,  mail 

pour  obtenir  une  aide  ? 

XXI  66  Qu'arrive-t-il  ensuite  ?  Alfenus,  pour  que  tout 
le  inonde  puisse  comprendre  que  Quinctius  est  défendu  en 
justice,  pour  qu'il  ne  puisse  pas  subsister  le  moindre  soup- 
çon défavorable  au  sujet  de  l'honorabilité  de  Quinctius 
ou  de  la  manière  dont  il  remplit  lui-même  son  devoir  de 
mandataire,  Alfenus  convoque  un  certain  nombre  de  gens 
de  bien  :  il  proteste  —  Naevius  l'entendait  —  qu'au  nom 
de  l'amitié  qui  l'unit  aux  deux  parties  il  demande  tout  d'a- 
bord à  Naevius  de  ne  rien  entreprendre  de  trop  rigoureux, 
sans  en  avoir  de  motif,  contre  P.  Quinctius  absent  ;  que 
si,  au  contraire,  Naevius  continue  à  faire  preuve  dans 
ses  attaques  de  sentiments  si  hostiles  et  si  ennemis,  il  est 
prêt,  quant  à  lui,  à  établir  comme  défendeur  par  tous  les 
moyens  réguliers  et  honnêtes  que  ce  qui  est  demandé  n'est 
pas  dû,  et  à  accepter  l'instance  et  les  termes  de  la  formule 
qui  sera  déterminée  par  Naevius.  67  Le  procès-verbal  de 
cet  acte  et  de  cette  convention  fut  revêtu  de  leur  sceau  par 
les  nombreux  gens  de  bien  qu'Alfenus  avait  convoqués. 
On  ne  saurait  élever  de  doute  sur  l'authenticité  de  cet  acte. 
Toutes  les  questions  étaient  encore  entières;  la  vente  des 
biens  n'avait  pas  été  affichée,  les  biens  n'avaient  pas  été 
possédés,  lorsqu'  Alfenus  promet  à  Naevius  que  Quinctius 
comparaîtra  en  justice.  Suivant  l'engagement  pris,  Quinc- 
tius se  présente.  L'affaire  languit  deux  ans  dans  les  chica- 
nes que  fait  naître  la  mauvaise  foi  de  cet  homme  ;  cela 
dure  jusqu'au  moment  où  on  trouve  le  moyen  d'écarter 
la  marche  du  procès  des  voies  ordinaires  et  à  restreindre 
toute  la  cause  à  cette  action  unique. 

(1)  M.  Junius  Brutus,  père  du  meurtrier  de  César,  tribun  de 
la  plèbe  en  671  /83. 


35  PRO  P.  QVJNCT10  XX  65 

M.  Brutus  intercessurum  se  dixit  palam,  nisi  quid  inter 
ipsum  Alfcnum  et  Naeuium  conueniret,  uidet  urne  inter- 
cessisse  appeilatio  tribunorum  non  morae,  sed  auxili 
causa  ? 

XXI  66  Quid  deinde  lit?  Aliénas,  ut  omnes  intelle- 
gere  possent  iudicio  defendi  Quinctîum,  ne  qua  subea 
posset  aliéna  aut  ipsius  officio  aut  huius  existimatione 
Buspicie,  uiros  bonoa  complures  aduoeat,  testatur  isto 
audiente  se  pro  communi  necessitudine  idprimum  pete- 
re,  ne  quid  atrociua  in  P,  Quinctium  absentem  sine  eau 
facere  conetur  ;  siu  autem  inimicissime  atque  infestis- 
siine  contendere  perseueret,  se  paratum  esse  omni  recta 
atque  honesta  ratione  defendere,  quod  petat,  non  debe- 
ri;  se  iudieiuin  id,  quod  edat,  accipere.  67  Mins  rei  eondi- 
cionisque  tabellas  obsignauerunt  uiri  boni  complures. 
Res  in  dubium  uenire  non  potest.  Fît,  rébus  omnibus 
integris,  neque  proscriptis  neque  possessis  bonis,  ut  Al- 
fenus  promittat  Naeuio  sisti  Quinctium.  Venit  ad  uadi- 
monium  Quinctius.  lacet  ris  In  controuersiis  isto  calum- 
niante  biennium,  usque  dum  inueniretur,  qua  ratione 
res  ab  usitata  consuetudine  recederet  et  in  hoc  singu- 
lare  iudieium  causa  omnis  concluderetur. 

68  Quod  offîcium,  C.  Aquili,  commemorari  procura- 
tons  potest,  quod  ab  Alfeno  praeteritum  esse  uideatur  .' 
Quid  adfertur,  qua  re  P.  Quinctius  negetur  absens  esse 
defensus  ?  An  uero  id,  quod  Hortensium,  quia  nuper 

non  morae  éd.   A!<1.  1510  :  non  morte  il  ;  non  more  céleri  m 
66.  quod  edat  bz,  r,  k  :  quo  dcil.it   y  ;  quod  dederat  b*  ;  quod  dedat 
ceteri  mss.     67.  lacet  rea  P,  éd.  huit.  1515  :  tacet  res  ecleri  m 
C.  Aquili  P  :  AquilliS  ;  Aquili  ceteri  mss.  ,  negetur  absens  esse  P  : 
absens  necatur  es.se  ceteri  mss. 


wi-68  PLAIDOYER  POUR  P.  QUINCTl  M 

68  Parmi  les  devoin  du  mandataire,  en  est  il  nn  seul, 
C.  Aquilius,  peut-on  en  rappeler  nn  leul  qui  lemblc  avoii 
été  négligé  par  Alfenus  ?  Quelle  preuve  apporte-ton  pour 
soutenir  que  P.  Quinctiui  absent  n'apai  été  défendu  v  \'a- 

t-OU  donner  comme  preuve  —  Ilortensius  le   fera,  si  J'en 

crois  sa  recrute  insinuation  et  les  perpétuelles  criaille- 
ries  de  Naevius  —  que  Naevius  ne  luttait  |  armes 

égales  avec  Alfenus,  en  ce  temps,  sous  in  domination  de 

ceux  qui  étaient  alors  les  maîtres (1)?  Si  je  veux  bien 
en  convenir,  on  me  fera,  je  pense,  la  concession  que,  loin 
de  ne  pas  avoir  de  mandataire,  Quinctius  avait  un  man- 
dataire favorisé  d'un  grand  crédit.  Mais  il  me  suflit  {jour 
le  succès  de  la  cause  que  je  soutiens  qu'il  y  ait  eu  un  man- 
dataire avec  lequel  Naevius  pût  aller  en  justice.  Quelle 
était  la  situation  de  ce  mandataire,  du  moment  où  il 
défendait  l'absent  par  les  voies  légales  et  par  l'intermé- 
diaire du  magistrat,  j'estime  que  cela  n'a  aucun  rapport 
avec  la  question. 

69  «  Mais,  dit  Naevius,  Alfenus  était  de  ce  parti.»  Pour- 
quoi pas  ?  Tu  avais  fait  son  éducation  chez  toi  ;  tu  l'avais 
instruit  dès  sa  jeunesse  à  n'honorer  aucun  genre  de  no- 
blesse, fût-ce  même  la  noblesse  d'un  gladiateur.  Si  ce  qui 
a  toujours  été  l'objet  de  tes  désirs  les  plus  violents,  Alfe- 
nus le  voulait  aussi,  en  quoi  dans  cette  lutte  n'avais-tu 
pas  une  force  égale  à  la  sienne  ?  «  Alfenus,  dit-il,  vivait 
dans  la  familiarité  de  Bru  tus,  d'où  l'intervention  de 
Brutus.  »  Mais,  par  contre,  tu  vivais  dans  l'intimité  de 
Burrienus,  dont  les  décisions  étaient  contraires  à  la  jus- 
tice, dans  l'intimité,  en  un  mot,  de  tous  ceux  à  qui  la 
violence  et  le  crime  donnaient  alors  le  plus  grand  pou- 
voir et  qui  osaient  faire  tout  ce  qu'ils  avaient  le  pouvoir 
de  faire.  Voulais-tu  alors  la  victoire  de  tous  ces  gens  qui 
maintenant  travaillent  en  prenant  tellement  de  peine  à 
te  faire  obtenir  la  victoire  dans  ce  procès  ?  Ose  le  dire  :  je 
ne  demande  pas  que  tu  le  dises  en  public,  mais  simple- 

(1)  En  671  /83,  les  maîtres,  c'est-à-dire  les  consuls  Scipion  et 
Norbanus,  étaient  les  ennemis  de  Sylla.  L'accusation  insinue 
qu' Alfenus,  membre  important  du  parti  de  Marius,  avait  l'avan- 
tage sur  Naevius,  fidèle  partisan  de  Sylla. 


36  PRO  P.  <.'\  ÏNC1  10  x\i  68 

iniecit,  et  quia  Naeuiuï  semper  id  clamitat,  dicturum  ar- 
bitror,  non  fuisse  Naeuio  parem  certationem  i  um  AJfeno 
illo  tempore,  illis  dominantibus  ?  Quod  si  uelim  conûtc- 
ri,  illud,  opinor,  concèdent,  non  procuratorem  P.  Quincti 
neminem  fuisse,  sed  gratiosum  fuisse.  Mini  autcm  ad  uin- 
cendum  salis  est  fuisse  procuratorem,  quicum  •  xperire- 
tur;  qualia  is  fuerit,  si  modo  absentem  dcfendebat  per 
ias  et  per  magistratum,  nihil  ad  rem  arbitror 

69     Brat,     inquit,     illarum  partium.    Q       li  ?  qui 
apud  te  «  >^ et  eductus  ;  quem  tu  a  puero  sic  instituiss 
ul  nobili,  ne  gladiatori  quidem,  faueret.   Si,  quod   tu 

oiper  summe  cupisti,  idem  uolebal  re  tibi 

cum  eo  par  contentio  non  erat  ?  Bruti,  inquit,  erat 
familiaris  ;  itaque  is  intercedebat.  i  Tu  contra  Burrieni, 
qui  iniuriam  decernebat,  omnium  denique  illorum,  qui 
tnin  et  poteranl  per  uim  et  scelus  plurimum  et,  quod 
poterant,  i<l  audebant.  Vn  omnes  tu  istos  uincere  uolebas 
qui  nunc,  tu  ut  uincas,  tanto  opère  laborant?  Aude  id 
dicere  non  palam,  sed  ipsis,  quos  aduoeasti.  70  Tamet- 
si  nolo  eam  rem  commemorando  renouare,  cuius  omni- 
no  rei  memoriam  omnem  tolli  f unditus  ac  deleri  arbitror 
oportere. 

XXII  Vnuin  illud  dico  :  Si  propter  partium  studium 
potens  erat  Alfenus,  potentissimus  Naeuius  :  si  fretus 
gratia  postulabat  aliquid  iniquius  Alfenus,  multo  ini- 

concedenl  P9k  :  concédèrent  61;  concédant 
tur /' :  experiri  pos    I         ri  mss.     69.  eral 
tus  (c/.§  21)  Pi  educatu  Faueret  P:  ueretS,  g;  uere- 

tur  /'  ;  cederet  c,  k,  uulgo  :  haen  ret  P.  Veltori,  Turi  il  quod 

P  :  sicut  céleri  mu.  ti  P  :  conçu pisU céleri  mu.     non  erat  /'. 

k  :  erat  céleri  mu.     uolebas  P,  b  y  :  nolebas£;  mal 
P  :  hiis  ipsisS  ;  hiï  70.  tametsi  :  tamen  etsi£,  x< 


x.\i  69  RLA/DOl  Bfl  POl  R  F  87 

ment  I  ceux  que  tu  as  appelés  pour  :  1 1.  70  Cepen- 

dant Je  ix'  veux  pas  renouveler  en  lei  rappelant  les  sou- 
venirs d'événements  dont  l'estime  qu'il  convient  d'abolir 
complètement  et  de  taire  an  olument  disp 
mémoire. 
xxn  Je  n'ai  que  ceci  â  dire  :  si  le  dévouement  I  an 

p;irli  politique  rendait  Alfenus  puissant,  Ce  nién  uc- 

ment  rendail  Naevius  très  puissant  ;  ii  Alfenuf,  tort  de 
son  crédit,  réclamait  quelques  privilèges  Iniques,  Naevius 
en  obtenait  de  bien  plus  iniques,  (.ar  il  n'y  avait  pas  — 

telle  est  mon  opinion —  de  différence  dans  votre  dévoue- 
ment au  parti  :  mais  toi,  grâce  à  ton  génie  naturel,  grl 
à  ton  expérience  de  vieux  routier,  grâce  à  tes  menées  arti- 
ficieuses, il  t'a  été  facile  de  l'emporter.  Pour  ne  rien  dire 
d'antres  faits,  il  suffit  de  rappeler  qu'Alfenus  a  succombé 
avec  ceux  et  à  cause  de  ceux  auxquels  il  s'était  attaché  ;  toi, 
quand  tu  as  vu  que  ceux  qui  étaient  tes  amis  ne  pouvaient 
obtenir  la  victoire,  tu  t'es  arrangé  de  manière  à  faire  tes 
amis  de  ceux  qui  étaient  les  vainqueurs.  71  Que  si  tu  pen- 
ses qu'il  y  avait  inégalité  de  droit  devant  la  justice  entre 
Alfenus  et  toi  parce  qu'Alfenus,  il  est  vrai,  pouvait  invo- 
quer quelque  aide  contre  toi,  parce  que  l'on  pouvait  trou- 
ver quelque  magistrat  auprès  duquel  la  cause  d'Alfenus 
fût  soutenue,  quelle  idée  doit-on  avoir  de  la  situation  qui 
maintenant  est  faite  à  Quinctius  ?  Lui,  qui  n'a  pas  encore 
rencontré  un  magistrat  équitable  ;  lui,  à  qui  on  n'a  pas  dé- 
livré la  formule  d'action  usitée;  lui,  pour  qui  n'est  jamais 
intervenu  aucune  condition,  aucun  engagement,  en  un 
mot  aucun  genre  de  poursuite  où  —  ai-je  besoin  de  le  dire  ? 

—  il  se  trouvât  quelque  justice,  mais  où  l'injustice  ne  fût 
telle  que,  jusqu'à  aujourd'hui  on  n'a  jamais  entendu  par- 
ler de  chose  semblable.  C'est  sur  la  question  pécuniaire 
que  je  désire  engager  le  débat. —  «Cela  n'est  pas  permis.» 

—  Tel  est  pourtant  le  sujet  de  notre  controverse. —  «  Cela 
ne  me  regarde  en  rien  ;  tu  dois  plaider  une  cause  où  ta  per- 
sonnalité civile  est  en  jeu.  »  —  Intente  donc  ton  accusa- 
tion, puisqu'il  est  nécessaire  de  procéder  ainsi.  —  «  Xon, 
répond-il  ;  je  ne  le  ferai  pas,  à  moins  que,  suivant  une  ju- 
risprudence nouvelle,  tu  ne  parles  en  premier  lieu.  »  — 


37  PRO  P.  QVINCTIO  n-70 

quiora  Xacuius  impetrabal.  Neque  enim  Inter  studiuin 
uestrum  quicquam,  ut  opinor,  interfuit  ;  ingcnio,  uetus- 
tate,  artificio,  tu  facile  uicisti.  VI  alia  omittam,  hoc  satis 
est  :  Alfenus  cum  iis  et  proptereos  periit,quos  diligebat, 
tu,  postquam,  qui  tibi  erant  amici,  non  poteranl  uince- 
re,  ut  amici  tibi  essent,  qui  uincebaul,  efîecisti.  71  Quod 
si  tum  par  tibi  ius  cum  Alfeno  fuisse  QOO  putas,  quia  ta- 
tnen  aliquem  contra  te  aduoearc  poterat,  quia  stra- 

tus aliqui  reperiebatur,  apud  quem  Alfeni  causa  con- 
sisterez quid  hoc  tempore  Quinctio  statuendum  est  ?cui 
neque  magistratua  adhuc  aequus  inuentus  es1  neque 
iudiciuni  redditum  est  usitatum,  non  condicio,  no 
sio,  non  denique  ulla  umquain  intercessit  postulatio, 
mitto  aequa,  uerum  ante  hoc  tempus  ne  fando  quidem 
audita.  De  re  pecuniaria  cupio  contendere.  —  «  Non 
licet,  »  —  Ât  ea  controuersia  est.  —  a  Nihil  ad  me  atti- 
net  ;  causam  capitis  dicas  oportet.  »  — Accusa,  ubi  ita 
est.  —  i  Xon,  »  inquit,  «  nisi  tu  ante  nouo  modo 
priore  loco  dixeris.  » — Dicendum  uecessario  est. — 
i  Praestituen/ur  horae  ad  arbitrium  nostrum,  index 
ooercebitur.  »  72  —  Quid  tum  ?  —  «  Tu  aliquem  patro- 
nuin  inuenies,  hominem  antiqui  offici,  qui  splendorem 
nostrum  et  gratiam  neglegat;  pro  me  pugnabit  L.  Philip- 
pus,  eloquentia,  grauitate,  honore  Qorentissimus  ciui- 
tatis  ;  dicet  Eiortensius,  excellons  ingenio,  nobilitate, 
existimatione  ;  aderunt  autem  homines  aobilissimi  ac 


aetusl  'te  :  uenustate  Muret,  Kayser,  Mutiler,    cum  Us  c,  k  :  cum 
ois  céleri mss.    71.  ubi  ita  />-./.<-:  ibi  ita  H  ;  Ubi  ita  céleri  m 
praestituentur  Madoig  :  restituendus  bl  ;  resûtuendnm  céleri  mss.  ; 
\       itituendae  uulgo.  \  coercebitur  Kloti  :  ac  archiarbiter  b  ;  arec- 
bitur  a  '■  i  m  t.  .  arcessetur  uul    . 


71  /  L  l/DOl  Bfl  POl  /•   /• 

Voilà  donc  que  la  né(  e    Ité  de  prend]  e  la  i   I  In  po« 

i .e  nombre  d'heure*  que  t u  aui ai  po 
sera  fixé  d'avance,  suivant  notre  bon  plaisir,  qui  enchaî- 
nera  i<'   Juge   lui  même.      72  —  Quelle     ei         >n  nia 
situation  7 —  iTu  I  quelque  r,  homme 

de  devoir,  comme  on  rétait  au  bon  viens  t'  .!>;:!•!(• 

de  ne  tenir  aucun  compte    «le  nota  consi- 

dération et  de  notre-  crédit  :  pour  moi  COI  i  !..  Phll- 

tippus,  à  qui  son  éloquence,  son  cara  hono- 

rable   donnent    dans   l'Etat  une  positil  :i     les    plus   bril- 
lantes  ;  pour  moi  parlera  Hortensius,  cel  rémin< 

par  son  génie,  par  sa  noblesse,  par  sa  réputation  : 
pour  m' assister  les  hommes  les  plus  nobles  et    les   p] 
puissants  :  en  les  voyant  siéger  si  nombreux,  ce  n'est  j 
seulement  P.    Quinctius,  dont    la    perso;.  civile 

engagée  dans  la  lutte,  c'est  tout  homme  à  l'abri  de  pareil 
danger  qui  se  sentira  saisi  de  la  plus  horrible  terreur. 
73  C'est  ici  que  le  combat  est  inégal  ;  i!  ne  l'était  pas  1 
de  ta  chevauchée  contre  Alfenus.Pcur  Quinctius,  tu  ne  lui 
as  pas  même  laissé  une  place  où  il  pût  prendre  position 
contre  toi.  C'est  pourquoi  il  faut,  ou  que  tu  prouves 
qu'Alfenus  a  refusé  de  se  déclarer  mandataire,  qu'il  n'a 
pas  fait  renverser  les  tableaux  où  la  vente  était  affichée, 
qu'il  n'a  pas  voulu  accepter  la  formule  d'action  :  ou,  puis- 
que les  faits  se  sont  passés  ainsi,  que  tu  les  que  tu 
n'as  pas  possédé  les  biens  de  Quinctius  en  vertu  de  l'édit. 
XXIII  Et,  en  effet,  si  tu  as  possédé  en  vertu  de  ledit, 
je  demande  pourquoi  les  biens  n'ont  pas  été  mis  en  vent.-, 
pourquoi  les  autres  répondants  et  les  autres  créanciers  ne 
se  sont  pas  réunis.  Quinctius  ne  devait-il  donc  de  l'argent  à 
personne  ?  Il  en  devait,  et  à  beaucoup  de  créanciers,  parce 
que  son  frère  Caius  avait  laissé  un  certain  nombre  de  det- 
tes. Eh  quoi  !  Tous,  ils  lui  étaient  absolument  étrangers;  à 
tous  il  était  dû  ;  et,  cependant,  il  ne  s'en  trouva  pas  un 
seul  d'une  improbité  assez  insigne  pour  oser  attenter  à  la 
considération  de  P.  Quinctius  absent.  7.4  II  s'en  trouva 
un  :  c'était  son  parent  par  alliance,  son  associé,  son  ami 
intime,  Sex.  Naevius  ;  qui  plus  est,  Xaevius  lui  devait  de 
l'argent.  Et  c'est  lui,  comme  si  une  récompense  extraerdi- 


12 

potentissimi,  ut  i  im    non 

modo  P.  Quin  capite  decernit,  sed  quitus, 

(}ui  exti  :ulum  sil .  perl  70  i  I  I  ini- 

(ju:ï  cerl  m  illa,  qua  tu  contra  Alfenum  equitaJ 

huic  ne  ubi   i  >nsisterc1  quidcm    contra  te    locum  reli- 
quisti.  Qua  re   aut  d  iportef    Mfenum  negassi 

procuratorem  esse,  non  deiecisse  libellos,  iudicium  acci- 
pere  nol  aut,  cum  haec  il 

bonn  P,  Quincti  non  possedisse  conce  las. 

XXIII  Etenim  si  ex  edicto  po  i,quaero,  cur  bo- 

na  non  uenierint,  cur  ceteri  sponsores  et  creditores  non 
conuenerinl  ;  nemonc  fuit,  mi  deberel  Quinctius  ?  Fue- 
runt,  e1  complures  fuerunt,  propterea  quod  C.  fratei 
quantum  aerisalieni  reliquerat.  Quid  ergo  est  ?  Homi- 
nes  erant  ab  hoc  omnes  alienissimi,  et  iis  debebatur, 
neque  tamen  quisquam  inuentus  est  tam  insigniteim- 
probus,  qui  uiolare  P.  Quincti  existimationem  absentis 
auderet.  74  Vnus  fuit,  adfinis,  socius,  necessarius,  S  c, 
nius,qui  cum  ipse  ultro  deberet,quasi  eximio  praemio 
ocupidissime  contenderet,ut  per  se  adflic- 
tum  atque  euersum  propinquum  suum  non  modo  honeste 
partis  bonis,  uerum  etiani  communi  luce  priuaret.  Vbi 
erant  ceteri  creditores  ?  deniqu    h<  ubi  sunf  ? 

Quis  est,  qui  fraudationis  causa  latuisse  dicat,  quis,  cjui 
absentem  d  ifensum  negel  esse  Quinctium  ?  Mémo  inue- 
.75  Al   c  >mnes,  quibuscum  rati  i  huic  aul 

esi  aut  fuit,  adsunt,  defendunt,  fides  huius  multis  locis 


72.  ut  eorum£  :  et  eorum  bx  ;  quorum  <  73  i  [uitabas: 

uelitabaris  éd.  lunt.  1515,  uulgo.      el  :  et  his  ceteri  mss.  ,1 

74.  quasi  c1,  /:  :  qui  quasi  c  'leh  m 


x\m  74  PLAIDOYER  POUR  P.  QUINCTIl    ■ 

oalre  lui  avait  été  proposée  pour  sou  ci         qui  faii 
les  efforts  1rs  plus  passionnel  pour  parvenu  Mer,  à 

ruiner  son  proche  parent,  à  le  priver  non  seulement  d< 
biens  honnêtement  acquis,  mais  même  de  cette  lumière  du 
jour  dont  la  Jouissance  est  commune  A  tous  les  boi 
Où  étaient  alors  les  autres  créanciers?  Maintenant  encoi 
où  sont-ils  ?  Est-il  quelqu'un  pour  dire  que  Quinctius  s'est 
caché  dans  des  intentions  frauduleuses,  pour  affirmer  q 
Quinctius  absent  n'a  pas  été  défendu  V  On  ne  trouve  per- 
sonne qui  fasse  de  telles  déelarations.  75  J 
contraire,  avec  qui  il  est  ou  a  été  en  relations  d 
sont  ici  pour  l'assister,  prennent  sa  défense,  s'inquiètent 
dans  la  crainte  que  la  perfidie  de  Sex.  Xaevius  ne  porte 
atteinte  à  sa  réputation  de  loyauté  établie  en  maintes  oc- 
casions. Pour  un  cautionnement  de  ce  genre,  il  fallait  pro- 
duire une  certaine  catégorie  de  témoins,  des  témoins  qui 
vinssent  dire  :  «  Quinctius  s'était  engagé  avec  moi  par  cau- 
tion à  comparaître,  et  il  a  fait  défaut  ;  il  a  usé  de  fraude  à 
mon  égard  ;  après  avoir  nié  sa  dette,  il  a  réclamé  un  terme 
pour  la  payer:  je  n'ai  pu  agir  avec  lui  en  justice,  il  s'est 
caché,  il  n'a  laissé  aucun  mandataire.»  Mais  on  ne  peut 
rien  dire  de  ce  genre.  On  se  procure  des  témoins  qui  parle- 
ront en  ce  sens.  Vraiment,  quand  ils  auront  parlé,  nous 
verrons  bien,  je  pense.  Cependant,  qu'ils  réfléchissent  à 
ceci  :  ils  doivent  être  assez  importants  pour  que,  s'ils 
veulent  respecter  la  vérité,  leur  témoignage  puisse  avoir 
de  l'importance  ;  s'ils  la  négligent,  ils  se  montreront  si 
peu  considérables  que  tout  le  monde  comprendra  que  la 
puissance  est  une  aide  utile  non  pour  soutenir  le  men- 
songe, mais  pour  prouver  la  vérité. 

XXIV  76  Voici  les  deux  questions  que  je  pose  :  d'a- 
bord, par  suite  de  quel  plan  Xaevius  n'a-t-il  pas  conduit  à 
sa  fin  l'entreprise  qu'il  avait  commencée,c'est-à-dire,pour- 
quoi  n'a-t-il  pas  mis  en  vente  les  biens  qu'il  possédait  en 
vertu  de  l'édit  ;  ensuite,  pourquoi,  parmi  tant  de  créanciers, 
aucun  autre  n'a-t-il  adopté  le  plan  de  Xaevius  ?  Je  pose 
ces  questions  pour  te  forcer  à  avouer  que  pas  un  des  créan- 
ciers n'a  été  capable  d'une  telle  témérité  et  que,  toi-même, 
tu  n'as  pas  pu  poursuivre  et  conduire  à  sa  fin  l'entreprise 


39  PJIO  P.  QV1NCTIO  :  n-75 

cognita  ne  perfldia  Scx.  Naeui  derogetur,  laborant,  [n 
huius  modi  sponsionem  testes  dare  oportebat  ex  eo  nu- 
mero,  ({ui  hacc  dicerent  :  «  Vadimonium  mini  deseruit, 
me  fraudauit,  a  me  nominis  eius,  quod  infitiatus  esset, 
diem  petiuit  ;  ego  experiri  non  potui,  latitauit,  procu- 
ratorem  nnllum  reliquit.»Horum  nihil  dicitur.  Parantur 
testes,  qui  hoc  dicant.  Wnim,  opinor,  uiderimus,  cuni 
dixerint.  Vnum  tamen  hoc  cogitent,  ita  se  ise, 

ut,  si  aeritatem  uolent  retinere,  grauitatem  possint  ob- 
tinere  ;  si  eam  neglexerint,  ita  [eues  ,  ut  omnea  uv 
teUegant  non  ad  obtinendum  mendacium,  seul  ad  uerum 
probandnin  auctoritatem  adiuuare. 

X\I\T  76  Ego  hacc  duo  quaero  :  prinnim  qua  rationo 
Naeuius  susceptum  aegotium  non  transegerit,  hoc  est 
cur  Lona,  quae  ex  edicto  possidobat,  non  uendiderit; 
deinde  cur  ex  tôt  creditoribus  alius  ad  islam  rationem 
nemo  accesserit,  ut  necessario  confiteare  aeque  tam 
temerarium  quemquam  fuisse,  aeque  te  Ipsum  id,  quod 
turpissime  suscepisses,  perseuerare  et  Iran-  otuis- 

se.  Quid,  si  tu  ipso,  Sex. Naeui,  statuisti  bona  P.Quincti 
ex  edicto  possessa  non  esse  ?  Opinor,  tuum  testimonium, 
quod  in  aliéna  re  leue  esset,id  in  tua,  qnoniam  contra 
te  est,  graulssimum  débet  esse.  Emisti  bon  Alfeni 

L.  Sulla  dictatore  uendente;  socium  tibi  in  his  bonis  edi- 
disti  Quinctium.  Plura  non  dico.  Cum  eo  tu  uoluntariain 
socielatem  Coibas,qui  te  in  hereditaria  societate  iïauda- 

75.  hoc  dicant  :  h:\cc  dicant  <d.  AU.  loi'.).  |  neglexerint  b\  y, 
k  :  neglexeruntZ  ;  negligendo  bl  ;  négligente  ;  negligere  <</.  Yen. 
1471  ;  ncglcgerc  Kayter.  '  ita  loues  esse  Clark  :  ita  Leues  sint  mil.  1 
76.  alius  b2,  ^  :  aliis  ecteri  mss.,  uulyo.  ||  in  his  boula  :  in  huius 
bonis  bl,  y. 


KXIV-70  PLAIDi      i  ïl  i  '"  R  P.  QUISCTIl  J't 

si  1 1  on 1 1  u je  qu(  i <i  avais  comment  na- 

tion, si,  par  ta  propre  conduite,  tu  M  établi  la  pretr  i 
les  biens  < ii-  Quinctius  n'ont  pi  n  vertu  de 

redit  7  Suivanl  mon  opinion,  ton  témoignage,  qui  aui 
peu  de  poids  dan  •>  une  affaire  qui  I 
avoir  une  grande  importance  dans  cette  affaire  qui  t'<   I 
personnelle,  parce  que  ce  témoigna  I  cont  rai]  e.  Tu  us 

acheté  les  biens  de  Sex.  Alfenus,  que  le  dictateur  !.. 
faisait  mettre  en  vente.  Tu  as  déclaré  que  Quinctius  était 

ton    associé    dans    l'achat    de   ces    biens.    Je    n'en    dis    pas 

davantage.  Tu  formais  une  association  volontaire 

un  homme  dont  les  agissements  avaient  itachés  de 

fraude  à  ton  égard  dans  une   association  avec-  toi,  qui  lui 
était  échue  par  héritage  ;  tu  jugeais  digne   d'une  esti 
sans  réserve  l'homme  qui,  dans  ta  pensée,  avait  perdu 
réputation  et  son  existence  sociale. 

77    Par  Hercule  !  je    manquais   de  confiance   en   moi, 
C.  Aquilius  ;  je  ne  me  croyais  pas  capable  d'assez  de  fer- 
meté et  d'assurance  pour   soutenir  cette  cause.  Je  réflé- 
chissais que,  comme  j'allais  avoir  Hortensius  pour  adver- 
saire et  Philippus  pour  auditeur  attentif,  il  m'arriverait 
d'être  intimidé  et  de  faire  bien  des  faux  pas.  Je  disais  au 
célèbre  Q.  Roscius,dont  la  sœur  est  mariée  avec  P.  Quinc- 
tius, alors  qu'il   me  demandait  avec  les   prières   les  plus 
pressantes  de  défendre  son  proche  parent,  qu'il  me  serait 
très  difficile,  non  seulement  de  plaider  jusqu'à  la  fin  con- 
tre de  tels  orateurs   une  cause   d'une   si  grande  impor- 
tance, mais  même  d'essayer  de  prononcer  la  moindre  pa- 
role. Comme  ses  instances  redoublaient  d'ardeur,  je   lui 
dis  —  notre  amitié   me   permettait  cette   familiarité  — 
qu'il  me  semblerait  avoir  la  plus  grande  impudence  celui 
qui  oserait,  en   sa    présence,  essayer    quelque    geste   de 
l'action  théâtrale,mais  que  ceux  qui  prétendraient  se  me- 
surer avec  lui  perdraient  aussitôt  toute  la  réputation  de 
correction  et  de  grâce  dont  ils  auraient  pu  jouir  aupara- 
vant :  moi  aussi,  je  redoutais  quelque  accident  de  ce  genre, 
si  je  plaidais  contre  un  tel  maître  dans  l'art  de  la  parole. 
XXV  78  Alors  Roscius   me  dit  encore  bien  des  paroles 
encourageantes;  par  Hercule  î  ne  dît-il  rien, il  n'estpersonne 


10  CTIO 

rat,  et  eum  iudicio  tuo  comprobabas,  quem  spoliatum 
a  foi  tunisquc  omnibus  arbitrabare  ? 
77  Diffidebam  me  hercule,  ('..  Aquili,  satis  anini 
et  confirmato  m<  in  hac  causa  consistere.  Sic  cogi- 

tabam,  eum  contra  dict  set  I  [ortensius,  et  cum  me 

csset  attente  auditurus  Philippus,  fore  u  i  i  permultis  in 
rébus  timoré  r.  Dicebam  huic  Q.  Roscio,  cuius 

soror  est  cum  P.  Quinctio,  cum  a  me  peteret  et  summe 
contenderet,   ut   propinquum  suum   d<  rem,  mihi 

perdii  se  contra  taies  oratores  non  modo  tantam 

causan  perorare,  sed  omnino  uerbum  facere  conari.Cum 
cupidius  instaret,  homini  pro  amicitia  familiarius  dixi, 
mihi  uideri  ore  durissimo  esse,  qui  pi  istum 

ag(  laretur  ;  qui  uero  cum  ipso  contenderent,  e<  s, 

etiam  si  quid  antearecti  nul  uenusti habere  uisi  essent, 
id  amittere  ;  ne  quid  mihi  eiusdem  modi  accideret,  cum 
contra  (Hem  artificem  dicturus  essem,  me  uereri. 

\  78  Timi  mihi  Roscius  et  alia  multa  confîrman- 
di  mei  musa  dixit,  ut  me  hercule,  si  nihil  diceret,  tacito 
ipso  officio  et  studio,  quod  habebat  erga  propinquum 
suum,  quemuis  commoueret  (etenim  cum  artifex  eius 
modi  sit,  ii l  solus  dignus  uideatur  esse,  qui  in  scaena 
spectetur,  tum  uir  eius  modi  est,  ut  solus  dignus  uidea- 
tur, qui  eo  non  accédât)  —  uerum  tamen  :  a  Quid 

77.  i  me  peteret  :  et  me  peteret  Z,^1  :  ex  me  peteret  Gulielmius. 

;  ropinqaum  suum£,  />.  k  :  suum  propinquum  céleri  mss.  [  cona- 
retur  :  conan  ntur  Halm.  ai  -i  essenl  Ernesli  :  uisi  sunl  mss.  ;  al  »i 
sint/'  eiusdem  modi£:eius  modi  ft,  uulgo  ;  huius  modi- 
huiusce  modi  k.  73.  ut  me  hercule:  et  me,  hercule  k,  uulg 
gnus  uideatur  esse  :  uideatur  dignus  esse  QuintiL,  I.  0.,  1\.  eu, 
86,  Clark,  In  scaena  spectetur  :  scaenam  Introeat  QuintiL,  /.O., 
IX,  m,  8  mis  uideatur  :  dignus  <  esso  uideatur  Clark, 


JCXY-71  PLAIDOYER  POVB  P.  "'  INCT1  11 

(jui  ne  serait  profondément  ému  pu  Ici  boi  i  qu'il 

rendail  en  -  ili  on  parent  et  pai  le  /.«•!»•  qu'il  mettait  & 

le  défendre.  Car  Ro  icius  est  à  la  foii  un  tel  artiste  qu'il 
semble  le  seul  digne  d'être  vu  en  et  un  tel  honu 

qu'il  semble  le  seul  Hi^nc  de  n'aborder  jamal  ne.  — 

Mais  il  ajouta  :  i  Eh  quoi  !   Si  tu  as  a  plaider  un-  OÙ 

il  te  suffise  de  montrer  a-  qu'il  n'  me 

qui  j)uissc  en  deux  jours,  ou  en  trois  au  plus,  ine 

marche  de  sept  cent  mille  pas  (1),  craindras-tu  de  ne  pou- 
voir soutenir  celte  cause  contre  I  Iortensius  ?»  —  79  i  Pas 
le  moins  du  monde,  répondis- je  ;  mais  quel  rap  la 

a-t-il  avec  l'affaire  ?»  —  «  Ne  t'étonne  pas,  me  dit-il,  e  < 
cela  qui  constitue  toute  l'affaire.»  —  «  De  quelle  manière?» 
Il  m'apprend,  à  la  fois,  les  faits  et  un  acte  de  Naevius  tel 
que  seul,  s'il  était  publié,  il  devrait  être  suffisant.  Cet  acte, 
je  t'en  prie,  C.  Aquilius,  je  vous  en  prie,  vous  qui  siégez 
dans  le  conseil,  faites-y  la  plus  diligente  attention.  Vous 
vous  rendrez  compte  assurément  que,  d'un  côté,  c'est,  dès 
l'origine,  la  cupidité  et  l'audace  qui  ont  engagé  le  combat, 
que,  de  l'autre  côté,  c'est  la  vérité  et  l'honnêteté  qui  ont 
résisté  aussi  longtemps  qu'elles  ont  pu.  Tu  fais  une  requête 
pour  qu'il  te  soit  permis  de  posséder  les  biens  en  vertu  de 
l'édit.  Quel  jour  ?  C'est  toi-même,  Naevius,  que  je  veux 
entendre  ;  je  veux  que  ce  crime  inouï  soit  victorieusement 
prouvé  par  les  paroles  de  celui-là  même  qui  l'a  commis. 
Dislejour,Naevius!  «  Le  cinquième  jour  avant  les  calendes 
du  mois  intercalaire  (2)  .  »  Tu  dis  bien.  Quelle  est  la  dis- 
tance d'ici  à  vos  pâturages  de  la  province  de  Gaule  ? 
Naevius,  je  te  prie  de  le  dire.  «  Sept  cent  mille  pas.  »  Parfai- 
tement. Quinctius  est  expulsé  des  pâturages... quel  jour  ? 
Pouvons-nous  l'apprendre  aussi  de  toi  ?  Pourquoi  te  taire? 
Indique-nous,  dis-je,  le  jour.  Il  a  honte  de  l'indiquer  ;  je 
le  comprends  ;  mais  cette  honte  est,  à  la  fois,  tardive  et 
inutile.  C'est,  C.  Aquilius,  c'est  la  veille  des  calendes  du 

(1)  Le  pas  romain,  qui  est  de  cinq  pieds,  a  lm479.  Sept  cent 
mille  pas  équivalent  donc  à  1.035  kilomètres. 

(2)  L'année  lunaire,  dite  année  de  Numa,  n'ayant  que  trois 
cent  cinquante-cinq  jours,  pour  rétablir  l'accord  avec  l'année 
solaire  on  intercalait,  tous  les  deux  ans,  entre  février  et  mars,  un 
mois  de  vingt-deux  ou  de  vingt-trois  jours. 


41  P.  QVINi  V  78 

inquit,  «  habes  eius  modi  causam,  ut  hoc  tibi  planum  sit 
faciendum,  neminem  esse,  qui  possit  biduo  aut  summum 
triduo  septingenta  milia  passuum  ambulare,  tamenne 
uereris,  ul  possia  hoc  contra  Hortensium  contenderc  ?  » 
79  i  Minime,  »  inquam.  i  Sed  quid  id  ad  rem  ?  i  «Nimi- 
rum,  »  inquit,  «  in  eo  causa  consistit  »  «  Quo  modo  ?  » 
Docet  me  eius  modi  rem  el  factum  simul  Sex.  Naeui, 
quod  si  solum  proferretur,  satis  esse  deberet.  Quod  abs 
te,  C.  Aquili,  et  a  uobis,  qui  adestis  in  consilio,  quaeso 
ut  diligenter  attendatis  ;  profecto  Lntellegetis  illinc  ab 
initie  cupiditatem  pugnasse  et  audaciam,  hinc  uerita- 
tem  et  pudorem,  quoad  potuerit,  restitisse.  Bona  postu- 
las ut  ex  edicto  possidere  liceat.  Quo  die  ?  Te  ipsum, 
Naeui,  uolo  audire  ;  uolo  inauditum  facinus  ipsius,  qui 
id  commisit,  uoee  conuinci.  Die,  Naeui,  diem.  «  Ante 
diem  v  Kalend.  intercalares.  i  Bene  ois.  Quam  loime  est 
hinc  in  saltum  uestrum  Gallicanum  ?  Naeui,  te  rogo. 
«  dcc  milia  passuum.  i  Optime.  De  saltu  deicitur  Quinc- 
tius  —  quo  die  V  p  tssumus  hoc  quoque  ex  te  audire  ? 
Quid  taces  ?  die,  inquam,  diem.  Pudet  dieere  ;  intellego  ; 
uerum  et  sero  et  nequiquam  pudet.  Deicitur  de  saltu, 

(].  Aquili,  pridie  Kalend.  intercalares;    biduo  post  aut, 
ul  stalim  de  iure  aliquis  cucurrerit,  non  loto  triduo  D 
milia  passuum   coniieiuntur.  80  0  rem  incredibilem  î  o 
cupiditatem  inconsideratam  !  o  nuntium  uolucrem  !  A<7- 
ministri  et  satellites  Sex.  Naeui  Roma  trans  Alpes  in 

potlil  DOC  :  pOSSifl  haoc  b\  /'.  79.  Rdestil  D.  b\  k  :  ostis  cricri 
DUS.  illinc  b2  :  illum  D.  y  ;  illam  />l  ;  ipsum  c,  k  ;  illim  MucILt.  || 
ante  diem  v.  /'.  Manuzio  :  rate  v  dus.  :  bene  ais  Gataioni  :  bene 
a^is  DUS.  ||  80.  ailministri  éd.  huit.  1510  :  ac  ininistri  b{  ;  at  niinis- 
tri  cl  1er i  mss. 


-79  p     :  |    |  |  12 

mois  Intercalaire  que  Qulnctlu  puisé  di 

c'est  au  bout  de  deux  jours,  ou —  si  l'on  adn  le 

courrier  soil  parti  sur-le-champ  du  tribunal  du  |  r  — 

c'est  en  moins  de  trois  jours  que  ce  voyagi  de  sepl  cenf 
mille  pas  est  terminé.  80  0  merveille  Incroyable  !  (>  cupi- 
dité Irréfléchie  !  0  messager  allé  !  Les  agents  < -i  elli- 
tes  de  Sex.  Naevlus  viennenl  de  Roi  /  le  bagin- 
niens  (l),  de  l'autre  côt  é  des  Alpes,  dans l'espat  eux 
jours,  o  heureux  nomme  de  posséder  de  I  ers,  ou 
plutôt  de  tels  Pégases  î 

XXVI  Oui,  quand    même   il  serait  permis  les 

Crassus  de  paraître  ici  avec  tous  h?s  An  toi  nés,  voudra 
tu  toi-même,  L.  Philippus,  dont  la  gloire  fleuris  îôté 

de  la  leur,  voudrais-tu  plaider  cette  cause  avec  Hortensius  : 
il  est  de  toute  nécessité  que  j'aie  le  dessus  ;  car  tous  les 
éléments  de  succès  ne  résident  pas, comme  vous  le  pensez, 
dans  l'éloquence  :  il  est  aussi  une  vérité  tellement  évidente 
que  rien  ne  saurait  l'affaiblir.  81  Avant  même  d'avoir 
requis  l'envoi  en  possession  des  biens, as-tu  dépêché  u  n  agent 
chargé  de  faire  expulser  par  la  force  de  son  propre  fonds 
le  propriétaire  par  ses  propres  esclaves  ?  De  ces  deux 
actes,  choisis  celui  qu'il  te  plaira  :  l'un  est  incroyable,  l'au- 
tre est  atroce;  de  l'un  et  de  l'autre  on  n'a  jamais  entendu 
parler  avant  aujourd'hui.  Tu  veux  qu'un  voyage  de  sept 
cent  mille  pas  ait  été  fait  en  deux  jours.  Dis-le.  Tu  n'oses  le 
dire  ?  C'est  donc  avant  de  requérir  que  tu  as  dépêché  ton 
agent.  J'aime  mieux  cette  réponse  :  car,  dans  l'affirmation 
du  premier  fait,  on  verrait  un  mensonge  peu  ordinaire  ; 
par  l'aveu  du  second,  tu  accordes  que  tu  as  commis  un 
crime  que  tu  ne  pourrais  dissimuler  même  par  un  mensonge. 
Cette  entreprise  où  paraît  tant  de  cupidité,  tant  d'audace, 
tant  de  folle  témérité, aura-t-elle  l'approbation  d'Aquilius 
et  des  hommes  éminents  qui  composent  son  conseil  ? 
82  Que  signifient  cette  folie,  cette  précipitation,  cette  hâte 
d'agir  si  prématurément  ?  N'y  voit-on  pas  la  violence,  le 
crime,  le  brigandage,  tout  en  un  mot  plutôt  que  le  droit, 

(l)Le  pays  des  Sebaginni  était  situé  dans  les  Alpes  du  Dauphiné 
ou  de  Vaucluse,  peut-être  aux  alentours  de  Sault. —  YoirC.  Jullian, 
Histoire  de  la  Gaule,  Paris,  Hachette,  tome  II,  190S,  p.  517,  n.  6. 


42  )  P.  QVISC1  10  xxv  80 

Sebaginnos  biduo  ucniunt.  ()  dominera  fortunatum,  qui 
eius  modi  nuntios  seu  potius  !  '  il  ! 

XXVI   Hic  ego,  si  Crassi  omnes  cum  Antonii 
tant,  si  tu,  I>.  Philippe,  qui  inter  illos  florebas,  banc  cau- 
sain  uoles  cum  Hortensio   dicere,  taraen  superior 
uecess*  est  :  uon  enim,  quem  ad  modum  putatis,  omnia 
Mini  in  eloquentia  ;  est  qui  tamen  [ta  pei 

ueritas,  ut  eam  infirmare  nulla  res  possit.  81  An,  ante 
quam  postulasti,  ut  bona  possideres,  misisti,  qui  curaret, 
ut  dominus  de  suo  fundo  a  sua  Pamilia  ui  deiceretur  ? 
Vtrumlibet  elige  :  alterum  incredibile  est,  alterum  n 
rium,  et  anlr  hoc  tempus  utrumque  inauditura.  Septin 
genta  milia  passuum  uis  *  sa  biduo  V  die. 

ante  igitur  misisli.  Malo  :  si  enim  Qlud  diceres,  Improbe 
mentiri  uiderere  ;  cum  hoc  confiteris,  id  le  admi 
concedis,  quod  ne  mendacio  quidem  tegere  |)ossis.  Hoc 

Ilium  Aquilio  et  talibus  uiris  tam  cupidum,  tam  au- 
dax,  tam  temerarium  probabitur  V  82  Quid  haec  amen- 
da, quid  haec  /e.slinalio,  quid  haec  immaturitas  tanta 

ifîcal  v  Non  uim,  non  scelus,  uon  latrocinium,  non 
denique  omnia  potius  quam  ius,  quam  officium,  quam 
pudorem  ?  Mittis  iniussu  praetoris.  Quo  consilio  ?  Ius- 
surum  seiehas.  Quid  ?  cum  iussisset,  tum  mil  1ère  n< 
poteras  ?  Postulaturus  eras.  Quando  ?  Post  di  -    . 
Nempe  si  te  nihil  impediret,  si  uoluntas  eadem  maneret, 

tleres,  denique  si  uiueres.  Praetor  sàlicet  iu 

Sel  .  <:..Jullitin  :S  nos  S,  bl  :  Sabagnanos  /•-'.  y  :  Sa- 

:         nés  c  ;  Sebagudi  Sebusianos  uulgo  ;  Segusi; 

.  Muclltr.    |  81.  curaret  :    curarent  b,  uulgo. 
.   Iunt.   1515:  extimatio    mss.      scilicet   lussisset    h 

t     UlllijO. 


:  82  PLAIDOYER  POUR  P.  01  INCTIUS  43 

le  lentlmenl  du  devoir  et  de  l'honneur  ?  Tu  dépêches  un 
agent,  sans  avoir  du  préteur  l'ordre  d'envol  eu  possession. 

Dans  quel  dessein  v  Tu  savais  que  le  préteur  donnerait  cet 
ordre. Eh  quoi!  Ne  pouvais-tu  pas  attendre  qu'il  l'eût 
donné  et  dépêcher  alors  ton  agent  ?  'lu  devait  adresser  ta 

requête.  Quand  ?  Après  trente  jours.  A  condition  qu'il  ne 
survînt  aucun  empêchement,  que  ton  intention  restât  la 
même,  que  tu  fusses  en  bonne  santé,  enfin  que  tu  tu 
encore  en  vie.  Assurément,  le  préteur  eût  donné  l'ordre. 
C'est  mon  opinion,  si  l'on  admet  toutefois  que  telle  fût  sa 
volonté,  qu'il  fût  en  bonne  santé,  qu'il  exerçât  sa  juridic- 
tion, que  personne  ne  fît  opposition  en  donnant  caution 
suffisante  de  satisfaire  à  la  chose  jugée  et  en  acceptant 
l'instance  aux  termes  du  décret  du  préteur.  83  En  etîet, 
par  les  dieux  immortels  1  Si  Alfenus,  mandataire  de 
P.  Quinctius,  te  donnait  alors  caution  suffisante  de  satis- 
faire à  la  chose  jugée  et  consentait  à  accepter  l'instance, 
à  exécuter,  en  un  mot,tout  ce  que  ta  requête  exigeait,  que 
ferais-tu  ?  Rappellerais-tu  l'agent  dépêche  en  Gaule  ? 
Mais  déjà  Quinctius  aurait  été  expulsé  de  son  fonds  ;  il 
aurait  été  déjà  jeté,  précipité  loin  de  ses  dieux  pénates  ; 
déjà,  pour  comble  d'indignité,  il  aurait  été  victime,  et  cela 
par  les  mains  de  ses  propres  esclaves,  des  violences  ordon- 
nées en  ton  nom  par  ton  messager.  Sans  cloute,  tout  cela 
serait  réparé  plus  tard  par  tes  soins.  Et  tu  oses  intenter 
une  action  où  la  vie  d'un  homme  est  enjeu,  toi  qui  es  forcé 
de  reconnaître  qu'aveuglé  par  la  passion  et  par  l'avarice 
tu  en  es  venu,  alors  que  tu  ignorais  l'avenir  qui  pouvait 
amener  bien  des  accidents  funestes  pour  toi,  à  confier  tou- 
tes les  espérances  de  succès  du  crime  que  tu  commettais  en 
ce  moment  aux  chances  incertaines  d'un  temps  qui  n'était 
pas  encore  arrivé  !  Et  je  parle  comme  si  au  moment  où 
l'ordre  du  préteur  t'aurait  permis  la  possession  en  vertu 
del'édit,  tu  avais  eu  le  droit  ou  le  pouvoir  de  dépouiller 
Quinctius  de  la  possession  de  ses  biens. 

XXVII  84  Tous  ces  faits,  C.  Aquilius,  ont  un  carac- 
tère qui  permet  à  tout  le  monde  de  voir  nettement  que, 
dans  cette  cause,  la  malhonnêteté  et  le  crédit  sont  aux 
prises  avec  la  détresse  et  la  vérité.  Le  préteur  a  ordonné 


43  PHO  P.  QF/NC1  10  xwi-82 

Opinor,  si  uellet,  si  ualeret,  si  ius  diceret,  si  aemo  recu- 
saret,  qui  ex  ipsius  decreto  el  satis  daret  et  iudicium 
accipere  uellet.  83  Nam,  per  deos  immortales  !  si  Alfe- 
nus  procurator  P. Quincti  libi  tum  satis darel  el  iudicium 
accipere  uellet,  denique  omnia,  quae  postulares,  facere 
uoluisset,  quid  agerea  ?  reuocares  eum,  quem  in  Galliam 
miseras  ?  Ai  hic  quidem  iam  de  fundo  expulsus,  iam 
a  suis  dis  penatibus  praeceps  eiectus,  iam,  quod  indigni 
simum  est,  suorum  Beruorum  manibus  ountio   atque 
imperio  tuo  uiolatus  essetXorrigeres  haec  Bcilicettu  post- 
ea.  De  cuiusquam  uita  dicere  audes,  qui  boc  concédas 
necesse  est,  îta  te  caecum  cupiditate  et  auaritia  fuisse, 
ut,  cum,  postea  quid  futurum  esset,  ignorares,  accidere 
autem  multa  possent,  spem  malefici  praesentis  in  incer- 
to  reliqui  temporis  euentu  collocares?  Atque  baec  per- 
inde  loquor,  quasi  ipso illo  tempore,  cum  tepraetor  iussis- 
set  ex  edicto  possidere,  si  inpossessionemmisisses,debue- 
risaut  potueria  P.Quinctium  de  possessione  deturbare, 
XXV!!  84  Omnia  sunt,   C.  Aquili,  (uns  modi,  quiuis 
ut  perspicere  possil  va  ta  c  causa  Lmprobitatem  et  gra- 
tiam  cum  inopia  et  ueritate  contendere.  Praetor  te  quem 
ad  môdum  possidere  iussit  ?  Opinor,  ex  edicto.  Sponsio 
quae  in  uerba  facta  est  V  si  ex  edicto  praetoris  bona 
p,  QVINCT1  possESSA  non  svNT.  Kedcamus  ad  edictum. 
Id  quidem  quem  ad  modum  iubet  possidere  '!  Numquid 
«.•4  causae,  C.  Aquili,  quin,  si  Longe  aliter  possedit,  quam 
praetor  edixil,  iste  ex  edicto  non  possederit,  ego  spon- 
sione  uicerim  V  Nihil,  opinor.  Cognoscamus  edictum. 

qui:  quin  k,  Lambin.  1!  34.    ici  quidem  :  id  quid  ett£;  id  quod 
est  />'  ;  id  uuigo.  |]  numquid  éd.  Aid,  1519:  aune  quid  mss. 


;;-34  /  '   UDOYBB  POUR  P.  QUINC1 H  11 

l'envoi  Ion  :  de  quelle  manière  '  En  vertu  de  son 

('■dit,  je  pense.  Dans  qui  la  termes  l'ei 
fait  s  de  P.  <  LÉ- 

DÉS  ]    I  VERT!    DEL  BD1  i   i"    PRÉ!  SUR...  Re\  nions  à 

De  quelle  manière  ordonne-t-il  la  ]  ;us 

;i  possédé  tout  autrenu  ni  que  l'édit  <!u  préteur  l'ordon- 
nait,  y  a-1  il  quelque  raison,  (-.  Aquilius,  pour  qu'il  ait 
possédé  m  vertu  de  l'édit  et  pour  que  moi,  j<-  n'aie  pas 
gagnéla  somme  stipulée  dans  l'en  en1  /  Il  n ';   a,  je 

pense,  aucune  raison  pour  cela.  Prenons  connaJ 
l'édit:  ceux  qui,  en  vertu  de  mon  édit,   m  i 

voyés   en   possession...  C'est  de  toi,  Naevius,  qu'il 
s'agit  :  telle  est  du   moins  ta  manière  de  penser.  I 
prétends  que  c'est  en  vertu  de  l'édit  que  tu  »  en 

possession  ;  mais  l'édit  définit  ce  que  tu  as  à  faire,  il  t'ins- 
truit, il  te  donne  une  règle  de  conduite:  il  parait:; 

QUE  CEUX-LA  SOIENT    EN  POSSESSION,  AINSI  QU'IL  VA   El 

dit...  De  quelle  manière  ?  ce  qu'ils  pourront  darder, 

COMME  IL    CONVIENT,   SUR    LES     LIEU: 

GARDENT    SUR     LES    LIEUX    MEMES  ;    CE    QU'ILS     NE    PO 
RONT    PAS  GARDER,   IL  LEUR    SERA   PERMIS    DE    L'ENLE\ 
ET  DE  LE   PORTER  AILLEURS...    Qu'y  a-t-il   ensuite   ?    IL  NE 

nous  parait  pas  juste,  déclare  l'édit,  que  le  propr 

TAIRE  SOIT  CHASSÉ  DE  SA  PROPRIÉTÉ  MALGRÉ  LUI. . .  Celui-Li 

même  qui  se  cache  dans  des  intentions  frauduleuses, 
celui-là  même  que  personne  n'aura  défendu  dans  l'ins- 
tance, celui-là  même  qui  agit  de  mauvaise  foi  avec  tous 
ses  créanciers, l'édit  défend  de  le  chasser  malgré  lui  de  son 
bien.  85  Au  moment  où  tu  pars  pour  te  mettre  en  pos- 
session des  biens  de  Quinctius,  le  préteur  lui-même  te 
le  dit  bien  clairement,  Sex.  Naevius  :  «  Possède  de  telle 
manière  que  Quinctius  possède  en  même  temps  que  toi  ; 
possède  de  telle  manière  qu'aucune  violence  ne  soit  iciU- 
à  Quinctius.  >;  Eh  quoi  !  Comment  observes-tu  les  pres- 
criptions du  préteur  ?  J'omets  de  dire  ce  que  tu  as  fait  à 
l'égard  d'un  homme  qui  ne  s'est  pas  caché,  qui  avait  à 
Rome  son  domicile,  sa  femme,  ses  enfants,  son  manda- 
taire ;  à  l'égard  d'un  homme  qui  n'avait  pas  été  infi- 
dèle à  son  engagement  de  comparaître.  J'omets  tout  cala; 


44  PRO  P.  QVINCTIO  wn-84 

QVI   EX   EDICTO  MEO  IN   POSSESSION EM   VENERINT.   De  te. 

loquitur,  Naeui,  quem  ad  modum  tu  putas  ;  ais  eoim  te 
ex  edicto  uenisse  ;  tibi,  quid  facias,  définit,  te  Lnstitnit, 
tibi  praecepta  dat.  eos  ita  videtvh   in  possessioi 

ESSE  OPORTERE.  QllO  modo  ?  QVOD  IBIDEM  REGTE  CVSTO- 
DIRE  l'<  H  l  i<\  NT,  ID  IBIDEM  CVSTODIANT  ;  QVOD  NON  POT. 
RVNT,   ID   AVI  ERRE   ET   ABDVCERE   LIGEBIT.   Quid   tum    '.' 

dominvm,  inquit,  invitvm  DETRVDERE  NON  placet. 
Eum  [psum,  qui  fraudandi  causa  latitet,  eum  ipsum, 
quem  iudlcio  nemo  défendent,  eum  ipsum,  qui  eum  om- 
nibus creditoribus  suis  maie  agat,  inuitum  de  praedio 
detrudi  uetat.  85  Proficiscenti  tibi  in  possessionem 
praetor  Lpse,  Sex,  Naeui,  palam  dicit  :  «  Ita  possideto, 
ut  tecum  simul  possideal  Quinctius,  ita  possideto,  ut 
Quinctio  uis  ne  adferatur.  »  Quid  ?  tu  id  quem  ad  modum 
obstruas  ?  Milto  illud  dicere,  eum,  qui  non  latitarit,  cui 
Romae  domus,  uxor,  liberi,  procurator  esset,  eum,  qui 
tibi  uadimonium  non  deseruisset  ;  haec  omnia  mitto  ; 
illud  dico,  dominum  expulsum  esse  de  praedio,  domino 

a  familia  sua  manus  allalas  esse  anle  suos  Lares  familia- 

res  ;  hoc  dico 

Sic  Ciccro  pro  Quinctio  aduersarii  dcjinHioncm  ex  opi- 
nionc  hominum  reprehendit  :  Si  qui  unum  aliquem  fun- 
dum  quauis  ratione  possideat,  ipsum  autem  dominum 

défendent  Kl<>t:  :  défendit  Z,  b  ;  def endat  x»  Ci  k.  85.  uis  ne  ad- 
feratur £,  /-  :  uis  non  adferatur  c,  k  ;  lufl  non  auf(Tatur  b,  y1.  ]\  hoc 
dico Naeuium  ne  appellasse  Lambin  :  hoc   dico  Nacuiuni  ap- 

peUasse  6";  hoc  edani  nnum  me  appellassel  1!  ;  hoc  edicti  num  me 
appellassel  /  ;  hoc  edicti  unum  me  appellassel  b1  ;  eum  hoc  edicti 
nomine   ne  appellassel  c,  k. 


xxvn  85  PLAIDOYER  POUR  P.  Q\  I    CT1  15 

mais,  ce  (juc  je  dis,  c'est  qu'un  propriétaire  s  été  expul 
de  sou  bien,  que  des  actes  de  violence  ont  été  commii 
contre  un  propriétaire  par  les  esclaves  de  la  propre  mai- 
son on  présence  des  dieux  Lares  de  sa  proptf  ai.   Je 
dis  ceci...  (1). 
ni      rj  .  ..             XXVIII    J'ai  démontré  trae    Xae- 

Récapilulation  .  ,  ,  .    .  .     . 

vius  n  a  pas  adresse  la  moindre  récla- 
mation à  Quinctius  au  sujet  de  ses  dettes, alors  qu'il  vivait 
avec  lui  et  qu'il  pouvait  chaque  jour  recourir  «à  la  justice  ; 
ensuite,  qu'il  préférait  voir  s'engager  toutes  les  instances 
les  plus  pénibles,  qui  le  rendaient  lui-même  absolument 
odieux  et  qui  mettaient  P.  Quinctius  dans  le  plus  grand 
péril,  plutôt  que  de  s'en  tenir  à  l'instance  sur  une  question 
pécuniaire  qui  pouvait  se  terminer  en  un  seul  jour;  c'est  de 
cette  seule  instance,  il  le  reconnaît,  que  toutes  les  autres 
ont  pris  naissance  et  origine.  C'est  alors  que  j'ai  proposé, 
s'il  voulait  faire  des  réclamations  d'argent,  cet  arrange- 
ment :  P.  Quinctius  donnerait  caution  suffisante  qu'il  satis- 
ferait à  la  chose  jugée,  pourvu  que  lui-même,  au  cas  où 
Quinctius  ferait  quelque  réclamation  d'argent,  il  donnât  la 
même  caution. 

86  J'ai  montré  tout  ce  qu'il  aurait  été  convenable  de 
faire  avant  de  requérir  l'envoi  en  possession  des  biens  d'un 
proche  parent,  alors  surtout  que  ce  proche  parent  avait  à 

(1)  Pour  suppléer  la  lacune  qui  se  trouve  ici  dans  tous  les  mss.. 
les  éditions  récentes  donnent  le  passage  suivant  des  Praccepta  artis 
rhetoricae,  §  16  (Halm  Rhet.  Lat.  Min.,  1863,  p.  363)  de  Julius 
Severianus,  rhéteur  du  cinquième  siècle  : 

C'est  ainsi  que  Cicéron,  dans  son  discours  pour  Quinctius,  réfute 
la  définition  de  son  adversaire  fondée  sur  l'opinion  générale  :  Si  quel- 
qu'un possède  d'une  manière  quelconque  quelque  bien-fonds,  mais 
qu'il  permette  au  propriétaire  de  conserver  lui-même  ses  autres 
propriétés,  que  celui-ci,  dit-il,  suivant  mon  opinion,  paraisse  pos- 
séder une  propriété  et  non  les  biens  de  l'autre.  Et  il  propose  sa  défi- 
nition :  Qu'est-ce,  dit-il,  que  posséder  ?  C'est, évidemment,  être  en 
possession  de  ce  qui,  à  ce  moment,  peut  être  possédé.  //  prouve  que 
Naevius  n'a  pas  possédé  les  biens,  mais  une  propriété  :  Alors,  dit-il, 
que  P.  Quinctius  avait  à  Rome  son  domicile  et  ses  esclaves,  dans  la 
Gaule  même,  des  propriétés  privées  que  tu  n'as  jamais  osé  posséder. 
Et  il  conclut  :  Que  si  tu  possédais  les  biens  de  P.  Quinctius,  tu  au- 
rais dû,  en  vertu  de  ce  droit,  les  posséder  tous. 


45  PRO  P.  QVJNCT10  .  n-85 

patiatur  cetera  praedia  tenere,i8,  inquit,  ut  opinor,  prae- 
dium,  non  bona  uideatur  alterius  possidere.  Et  ponit  de> 
finitioncm  suam:  Quid  estjnquit,  possidere  ?  Nimirum  in 
possessione  esse  earum  renim,  quae  possunt  eo  tempore 
possideri.  Probal  Naeuium  non  bona,sed  praedium  posse- 
disse  :  Cum  domus  erat,  inquit,  Romae,  serui,  in  ipsa 
Galba  priuata  P.  Quincti  praedia,  quae  numquam  ausus 
es  possidere  ;  et  colligit iQuodsi  bona  P.  Quincti  ;  osside- 
res,  possidere  omnia  eo  inre  deberes.  (/u/.Seuefïan.,j  16.) 

XXVIII Naeuium  neappellasse  quidemQuinctium, 

cum  simul  cssetc/  experiri  posset  cotidie;  deinde  quod 
omnia  iudicia  difficillima  cum  summa  sua  inuidia  maxi- 

moque  pcriculo  P.  Quincti  fierî  inallot  quam  iliud  pecu- 
niarium  iudicium,  quod  uno  die  transigi  posset  ;  ex  quo 
uno  hac  omnia  nata  et  profecta  esse  concedit.  Quo  in 
loco  condieionem  tuli,  si  uellet  pecuniam  petere,P.Quinc- 
tium  iudicatum  solui  salis  daturum,dum  ipse,  si  quid  pe- 
teret,  pari  condicione  uteretur. 

86  Ostendi,  quam  multa  ante  iieri  conuenerit,  quam 
hominis  propinqui  bona  possideiî  postularentui',  praeser- 
tim  cum  Romae  domus  eius,  uxor,  liberi  essent  et  procu- 
rator  aeque  utriusque  necessarius.  Docui,  cum  desertum 
esse  dicat  uadimonium,  omnino  uadimonium  nullum 
fuisse  ;  quo  die  hune  sibi  promisisse  dicat,  eo  die 
mac  quidem  eum  fuisse  ;  id  testibus  me  pollicitus  sum 
planum  facturum,  qui  et  scire  deberent  et  causam,  cur 

<  et  >  txptriii  Baiter  :  cum  experiri  c, k ;  experiri  ceteri 

uulgo.  Il    86.  conuenerit  £,  /?'   y :  :  conuenirct    ceteri   mss. 


xxvm-86        PLAIDOYER  POl  R  P.  Ql  INCTIl  46 

Rome  son  domicile,  sa  femme,  lefl  enfants  et   un    manda- 
taire, ami  commun  des  deux  parties.  J'ai  prouvé  que, 

alors  qu'il  soutient  que  rengagement  de  comparaître,  ga- 
ranti par  une  caution,  a  été  violé,  en  réalité  cet  engagement 
n'existait  pas  le  moins  du  monde  ;  que,  le  jour  ou  Nac- 
vius  dit  que  cet  engagement  a  été  pris,  ce  jour-là  Quinc- 
tius  n'était  môme  pas  à  Rome.  Cela,  j'ai  promis  de  le 
rendre  évident  par  des  témoins  qui  devaient  être  bien  ins- 
truits des  faits  et  qui  n'avaient  aucun  motif  pour  men 
tir.  D'autre  part,  j'ai  démontré  que  Naevius  n'a  pu  pos- 
séder les  biens  en  vertu  de  l'édit,  parce  que  Quinctius 
ne  s'était  pas  caché  dans  des  intentions  frauduleuses  et 
parce  qu'il  n'était  pas  dit  qu'il  se  fût  expatrié  pour  cause 
d'exil.  87  Restecette  allégation  que  personnenel'adéfendu 
en  justice.  En  opposition  à  ce  dire,  j'ai  soutenu  qu'il  a  été 
défendu  de  la  manière  la  plus  abondante,  non  par  quelque 
homme  qui  lui  fût  étranger,  par  quelque  procédurier  de 
mauvaise  foi,  par  quelque  avocat  sans  probité,  mais  par 
un  chevalier  romain,  son  proche  parent  et  son  ami,  que  Sex. 
Naevius  avait  coutume  autrefois  de  laisser  à  Rome  comme 
son  mandataire;  j'ai  soutenu  que,  pour  avoir  fait  appel  aux 
tribuns,  ce  mandataire  n'en  était  pas  moins  prêt  à  sup- 
porter la  suite  de  l'instance  et  que  son  autorité  n'avait 
porté  aucune  atteinte  au  droit  de  Naevius  ;  que,  bien  au 
contraire,  l'autorité  de  Naevius,  qui  n'était  alors  que  supé- 
rieure à  la  nôtre,  aujourd'hui, nous  laisse  à  peine  la  faculté 
de  respirer. 

XXIX  88  J'ai  demandé  pourquoi  les  biens  n'avaient 
pas  été  mis  en  vente,  du  moment  qu'ils  étaient  possédés 
en  vertu  de  l'édit.  J'ai  ensuite  recherché  pour  quelle  rai- 
son, parmi  tant  de  créanciers,  aucun  n'a  agi  alors  comme 
Naevius,  aucun  aujourd'hui  ne  parle  contre  P.  Quinctius, 
pourquoi  tous  leurs  efforts  sont  en  sa  faveur,  étant  donné 
surtout  qu'en  pareille  instance  on  estime  que  les  témoi- 
gnages des  créanciers  ont  le  rapport  le  plus  étroit  avec 
l'affaire.  Après  cela,  j'ai  usé  du  témoignage  de  l'adversaire, 
lequel  a  naguère  déclaré  qu'il  avait  pour  associé  celui  à 
propos  duquel,  dans  les  réclamations  dirigées  contre  lui,  il 
expose  qu'alors  il  n'était  pas  même  au  nombre  des  vivants. 


46  PRO  P.  QVJNCTIO  v;i;-86 

mentirentur,  non  haberent.Ex  edicto  autem  non  potuis- 
se  bona  possideri  demonstraui,  quod  neque  fraudandi 
causa  latitasset  neque  exsili  causa  solum  uertisse  dice- 
retur.  87  Reliquum  est,  ai  eum  nemo  iudicio  défend 
Quod  contra  copiosissime  defensum  esse  contendi  non 
ab  homine  alieno  neque  ab  aliquo  calumniatore  atque 
improbo,  sed  ab  équité  Romano,  propinquo  ac  necessa- 
rio  suo,qucm  ipse  Sex.  Naeuius  procuratorem  relinquere 
antea  consuesset  ;  neque  eum,  si  tribunos  appellarit,  id- 
circo  minus  iudicio  pati  paratum  fuisse,  neque  potentia 
procuratoris  Naeuio  ius  ereptum  ;  rouira  istum  potentia 
sua  tumtantum  modo superiorem  fuisse,  nunc  nobisuix 
respirandi  potestatem  dare. 

XX  IX  88  Quaesiui,  quae  causa  fuisset,  cur  bona  non 
uenissent,  eum  ex  edicto  possiderentur.  Deinde  îllud 
quoque  requisiui,  qua  ratione  ex  tôt  creditoribus  nemo 
neque  tum  idem  fecerit  neque  nunc  contra  dicat,omnes- 
que  pro  P.  Quinctio  pugnent,  praesertim  eum  iu  tali  iu- 
dicio testimonia  creditorum  existimentur  ad  rem  maxi- 
me pertinere.  Postea  sum  usus  aduersarii  testimonio, 
qui  sibi  eum  miner  edidit  soeium,  quem,  quo  modo  uunc 
intendit,  ne  in  uiuorum  quidem  numéro  tum  demonstrat 
fuisse.  Tum  illam  incredibilem  celeritatem  seu  potius 
audaciam  protuli  ;  confirmaui  necesse  esse  aut  biduo 
dcc  milia  passuum  esse  decursa  aut  Sex.  Naeuium  «lie- 
bus  compluribus  ante  in  possessionem  misisse,  quam 
postularet,  uti  ei  liceret  bona  possidere.  83  Postea  reci- 

87.  ab  équité  Romano  :  ab  équité  S,  c,  /.-.  ae  necessario  -  : 
atque  aecessario  c,Jk;et  necessario  fr,  y.  Iudicio  pati  S  :  ludicem 
pati  b  ;  iudicium  pati  ceteri  mu.t  Hotman,  uulgo.  83.  iudicio  : 
negotio  -/-.  e,  />•.  H   edidit  :  dedil  -,  b1.     ntl  ei  :  uti  eius  ~.h. 


XXIX-M  n   IIDOYER  POUR  P.  <>'  ÏSCTIi  47 

Puis,  j';:i  [ail  connaître  son  incroyable  célérité,  on  plutôt 
sou  audace  ;  J'ai  prouvé  qu'il  fallait,  ou  qu'un  espace  fl'- 

sept  cent  mille  pas  eût  été  parcouru  en  deux  jours,  on  que 
Sex.  Naevius  eût  effectué  l'envoi  en  possession  bien  des 
jours  avant  d'avoir  requis  l'autorisation  de  posséder  les 

biens.  89  Après  cela,  j'ai  lu  le  texte  de  l'édlt  pour  d< -mon- 
trer qu'il  défendait  clairement  d'expulser  le  propriétaire 
de  son  bien-fonds  ;  d'où  il  demeure  ét;i!>li  que  Naevius  n'a 
pas  possédé  en  vertu  de  l'édit,  puisque, de  son  propre  aveu, 
Quinctius  a  été  expulsé  par  la  force  de  son  bien-fonds.  J'ai 
établi,  d'autre  part,  que  les  biens  n'ont  pas  été  possédés  le 
moins  du  monde,  puisque  l'on  considère  qu'il  y  a  posses- 
sion des  biens,  non  pas  lorsque  l'on  en  possède  quelque 
partie,  mais  lorsque  l'on  possède  l'universalité  des  biens 
qui  peuvent  être  possédés  et  détenus.  J'ai  dit  que  Quinctius 
avait  à  Rome  sa  maison, que  Naevius  n'a  pas  même  aspiré 
à  posséder  ;  de  nombreux  esclaves  :  il  n'a  possédé  aucun 
d'eux,  il  n'a  même  mis  la  main  sur  aucun  d'eux  ;  il  a 
essayé  de  mettre  la  main  sur  l'un  d'eux  ;  arrêté  dans  sa 
tentative,  il  s'est  tenu  en  repos. 

90  Dans  la  Gaule  même,  Quinctius  a  des  propriétés  pri- 
vées, dont,  vous  l'avez  appris,  Naevius  n'est  pas  entré  en 
possession  ;  vous  avez  enfin  appris  que  tous  les  esclaves 
appartenant  en  propre  à  Quinctius  n'ont  pas  été  jetés  hors 
des  pâturages  queNaeviusapossédés,aprèsenavoirexpulsé 
par  la  force  son  associé. De  ce  fait,  de  tout  ce  que  Naevius 
a  encore  dit,  exécuté  ou  songé  à  exécuter,  on  peut  com- 
prendre qu'il  n'a  agi  et  qu'il  n'agit  encore  en  justice  que 
dans  un  seul  but  :  arriver  par  la  violence,  par  l'injustice, 
par  l'iniquité  de  l'instance,  à  faire  sa  propriété  personnelle 
de  la  totalité  d'un  domaine  qui  appartient  en  commun  à 
Quinctius  et  à  lui. 

„,         .  XXX  91   Maintenant    que   la   cause    est 

Péroraison  /» 

complètement  piaidee,  la  nature  même  de 

l'affaire  et  la  grandeur  du  péril  semblent  forcer  P.  Quinctius 

à  te  supplier,  C.  Aquilius,  à  supplier  ceux  qui  siègent  avec 

toi  dans  le  conseil,  au  nom  des  dieux  qu'il  prend  à  témoin, 

en  invoquant  sa  vieillesse  et  l'abandon  où  ii  se  trouve  : 

n'obéissez  qu'aux  sentiments  de  votre  nature  et  de  votre 


47  PJtO  P.  QV1NCTIO  wix-89 

taui  edictum,  quod  aperte  dominum  de  praedio  detru- 
di  uetaret  ;  in  quo  constitit  Xaeuinin  ex  edicto  non  pos- 
sedisse,  cnm  conlitcretnr  ex  praedio  ni  detrusum  esse 
Quinctium.  Omnino  autem  bona  possessa  non  esse  con- 
stitui,  qnod  bonorum  possessio  spectetnr  non  in  aliqua 
parte,  sed  in  uniuersis,  quae  teneri  et  possideri  possint. 
Dixi  domuiii  Romae  fuisse, qno  iste  ne  adspirarit  quidem, 
seruos  complures,  ex  quibus  iste  possèdent  neminem, 
ne  attirent  quidem  ;  nnuin  fuisse,  quem  attingere  cona- 
tus  sit  ;  prohibitum  *  quieuisse. 

90  In  ipsa  Gallia  cognostis  in  praedia  priuata  Qnincti 
Sex,  Xaeninm  non  nenisse  ;  denique  ex  hoc  ipso  saltn, 
quem  per  nim  expnlso  socio  possedit,  seruos  priuatos 
Quincti  non  omnes  eiectos  esse.  Ex  quo  et  ex  céleris  die- 
tis,  factis  cogitatisqne  Sex.  Naeui  quiuis  potest  intelle- 
gere  istum  nihil  alind  egisse  neque  nunc  agere,  nisi  uti 
per  uini  ,  per  ininriam,  per  iniqtiitatem  iudici  totuin 
agrum,  qui  communia  est,  suum  fa  ivre  possit. 

XXX  91  Xnnc  causa  perorata  res  tpsa  et  periculi  ma- 
gnitudo,  C.  Aquili,  cogère  uidelur,  ut  te  atque  eos,  qui 
tibi  in  consilio  sunt,  obsecret  obtesteturque  P.  Quinctius 
per  senectutem  ac  solittulinem  suain  nihil  alind,  nisi 
ut  uestrae  naturae  bonitatique  obsequamini,  ut,  cum 
ueritas  cum  hoc  facial,  plus  huius  inopia  possit  ad  misc- 

89.  omnino  autem  îiotman  :  omnia  autem  m»,  et  possideri  pos- 
sint£:e1  possideri  possunl  b;  ne  possideri  possunt  /.<•',/;•  I  domum 
Romae:  Romae  domum  b,  y.  \\  prohibitum  quieuisse  Madoig  : 
prohibitum  fuisse  et  quieuisse  />•;  prohibitum  fuisse  quieuisse  eeteri 
mes.  :  9J.  <non>  omnes  eiectos  esse  <•</  AW.  1519  :  omnes  eiectos 
c,  k  ;  omnes  eiectos  esse  eeteri  mas.  ;  omnes  eiectos  <non  > 
Klotz.  91.  In  consilio  sunt  :  in  consilio  atlsuni  Lambin,  ||  <cum> 
hoefaciat  éd.  Aid.  1519  :  hoc  facial  ^.  bi  ;  hoc  facial  eeteri  mss. 


91  PLAIDOYER  POUR  P.  QUJSCTIL'S  18 

bonté  ;  puisque  la  vérité  combat  pour  lui,  que  sa  détn 
;iit  plus  de  pouvoir  pour  vous  rendre  miséricordieux  que  la 
puissance  de  Naevius  pour  vous  rendre  cruels. 92  Du  jour 
ou  nous  t'avons  eu  pour  Juge  et  où  nous  sommes  venus 
devant  toi,  à  partir  de  ce  même  jour,  nous  avons  commencé 

à  faire  moins   de   cas  des   menaces   de  ces  gens,  qui   DO 
inspiraient    auparavant  une  peur  horrible.  S'il    s'agissait 
de  la  cause  d'une  partie  en  lutte  avec  la  cause  de  l'autre 

partie,  nous  avions  la  ferme  opinion  de  faire  approuver 
la  justice  de  notre  cause  à  n'importe  qui  ;  comme  ce  sont 
les  principes  qui  ont  réglé  une  vie  qui  combattaient 
contre  les  principes  qui  ont  réglé  une  autre  vie,  c'est  alors 
surtout  que  nous  avons  pensé  que  nous  avions  besoin  de 
V avoir  pour  juge.  Car,  voici  ce  qui  est  mis  en  discussion  : 
la  simplicité  parcimonieuse  d'un  paysan  peut-elle  se  défen- 
dre contre  un  luxe  insolent  qui  se  permet  tout,  ou  doit-elle, 
déshonorée,  dépouillée  de  tout  ce  qui  lui  donnait  de  la  consi- 
dération,être  livrée  toute  nue  àlacupidité  et  àl'impudence 
effrontée  ?  93  P.  Quinctius  ne  prétend  pas  aller  de  pair 
avec  toi,  Sex.  Naevius,  pour  ce  qui  est  du  crédit,  ni  rivali- 
ser avec  toi  en  fortune  et  en  moyens;  toutes  ces  habiletés 
qui  font  ta  grandeur,  il  te  les  abandonne  ;  il  avoue  qu'il 
ne  sait  pas  s'exprimer  de  la  belle  manière  et  qu'il  est  inca- 
pable d'adapter  sa  parole  à  la  volonté  d'autrui  ;  qu'il  ne 
déserte  pas  une  amitié  abattue  par  le  malheur  pour  voler 
vers  une  autre  amitié  florissante  de  bonheur  ;  qu'il  ne  vit 
pas  au  milieu  de  la  profusion  et  de  la  somptuosité  ;  qu'il 
ne  sait  pas  apprêter  un  festin  avec  magnificence  et  splen- 
deur ;  qu'il  n'a  pas  une  maison  qui  se  ferme  à  la  vertu  et 
à  la  pureté  de  mœurs  et  qui  s'ouvre  et  donne  libre  accès  à 
la  cupidité  et  aux  plaisirs.  Il  déclare  au  contraire  qu'il  a 
chéri  le  devoir,  la  loyauté,  l'exactitude,  qu'il  a  tenu  à  avoir 
une  vie  toujours  et  en  tout  raide  et  rude.  La  manière  de 
vivre  de  Naevius  est  bien  supérieure  ;  étant  données  les 
mœurs  du  temps,  elle  lui  assure  une  très  grande  influen- 
ce :  Quinctius  le  comprend.  94  Mais  quoi  donc  ?  Cette 
influence  ne  doit  pas  aller  jusqu'à  mettre  l'existence  civile 
et  la  situation  tout  entière  des  plus  honnêtes  gens  sous  la 
domination  de  ceux  qui  ont  abandonné  les  disciplines  des 


[ 


48  PRO  r.  <.>\  ÏNCT10  \\\-91 

ricordiam   quam  illius   opes  ad   cnidelitatem.  92  Quo 

die  ad  te  iudicem  uenimus,  eodein  die  illorum  minas, 
quaa  ante  horrebamus,neglegere  coepimus.  Si  causa  cum 
causa  contenderct,  nos  nostram  pei facile  cuiuis  probatu- 
ros  statuebamus  ;  quod  uitae  ratio  cum  ratione  uitae  de- 
cerneret,  idcirco  nobis  etiam  te  indice  magis  opus  es 
arbitrati  sumus.  Ea  res  aune  enim  in  discrimine  aersatur, 
utrum  possitne  se  contra  luxuricm  ac  liccnliam  rustica- 
na  illa  atque  inculta  parsimonia  defendere  an,  deformata 
atque  ornamentia  omnibus  spoliata,nuda  cupiditati  petu- 
lantiaeque  addicatur.  93  Non  comparât  se  tecum  gra- 
tia  P.  Quinctius,  Sex.  Naeui,  non  opibus,  non  facultate 
contendil  ;  omnes  tuas  artes,  quibus  tu  magnas  es,  tibi 
concedit  ;  falctur  se  non  belle  dicere,  non  ad  uolunta- 
tem  loqui  posse,  non  ab  adflicta  amicitia  transfugere 
atque  ad  Qorentem  aliam  deuolare,  non  profusis  sum- 
I  >  t  i  1  >  1 1  s  uiuere,  non  ornare  magnifiée  splendideque  conui- 
uium,  non  habere  domum  clausam  pudori  et  sanctimo- 
uiae,  patentem  atque  adeo  expositam  cupiditati  et  uo- 
luptatibus  ;  contra  ^ilù  ait  officium,  udem,  diligentiam, 
uilam  onmino  semper  horridam  atque  aridam  COrdi 
fuisse.  Ista  superiora  esse  ac  plurimum  posse  his  mori- 
bus  sentit.  94  Quid  ergo  est  ?  Non  usque  eo  tamen,  ut 
in  capite  fortunisque  hominum  honestissimorum  domi- 
nentur   ii,   qui   relicta    uirorum   bonorum    disciplina   et 


92-  cuiuis  :  quotuis  P ; quoiuis  Mutiler.  mine  enim P :  enim 
mine  céleri  mu.  addicatur  /'.  /»■  :  adiciatur  cricri  mss.  93. 
belle:  uelle  2*,  c,Jr.  ad  uoluntatem:  ad  [uoluptatem  Lambin. 
| uoluptatibus :  uoluntatibus  /'.  ait  officium  /' :  officium 
wns.  atque  aridam  :  ac  aridam  — .  c,  Je.  ..  Ista  :  Ula  —  ;  (ta  /'.  9i. 
ii  qui  c,  k  :  hi  cjui  ecteri  mss. 


94  PLAIDOYER  POl  H  P.  QUINCTIl  49 

hommes  de  bien  pour  suivre  dani  s« m  troncs  lucratifi  et 

dans  sa  somptuosité  Gallonius  (1)  comme  modèle  —  que 
dis-jc  ?  —  pour  adopter  comme  règle  de  vie  une  audace 
et  une  perfidie  qu'on  ne  trouvait  pas  chez  Gallonius.  Si 
l'existence  est  permise  à  celui  que  Naevius  veut  en  priver  ; 
s'il  y  a  place  dans  l'Etat  pour  un  honnête  homme,  malgré 
Naevius;  si  les  lois  divines  laissent  P.  Quinctius  respirer 
en  dépit  du  signe  impératif  qui  indique  la  toute-puissance 
de  Naevius;  si  mon  client  peut,  grâce  à  ma  défense,  conser- 
ver malgré  des  attaques  impudentes  l'honneur  qu'il  s'est 
acquis  par  sa  vertu,  on  est  encore  en  droit  d'espérer  que  ce 
misérable,  cet  infortuné  pourra  trouver  enfin  quelque  asile 
sûr  où  s'arrêter.  Mais,  si  Naevius  peut  faire  tout  ce  qu'il 
lui  plaît  —  et  il  lui  plaira  de  faire  ce  qui  n'est  pas  permis 
—  comment  nous  faudra-t-il  agir?  A  quel  dieu  en  appeler? 
De  quel  homme  implorer  la  loyale  protection  ?  En  un  mot, 
y  aura-t-il  des  lamentations,  y  aura-t-il  une  affliction, 
dignes  d'une  si  grande  calamité  ? 

XXXI  95  II  est  malheureux  d'être  dépossédé  de  sa 
situation  tout  entière  :  il  est  plus  malheureux  d'en  être 
dépossédé  par  le  fait  de  l'injustice;  il  est  pénible  d'être 
trompé  par  quelqu'un:  il  est  plus  pénible  d'être  trompé  par 
un  proche  parent;  c'est  une  calamité  d'être  chassé  de  ses 
biens  :  c'est  une  plus  grande  calamité  d'en  être  chassé 
avec  déshonneur  ;  il  est  funeste  d'être  égorgé  par  un 
homme  d'honneur  et  de  courage:  il  est  plus  funeste  d'être 
égorgé  par  un  homme  dont  la  voix  s'est  prostituée  dans  le 
trafic  de  crieur  public  ;  c'est  une  indignité  d'être  vaincu 
par  un  égal  ou  par  un  supérieur  :  c'est  une  plus  grande  indi- 
gnité d'être  vaincu  par  un  inférieur,  par  quelqu'un  qui  est 
bien  au-dessous  de  vous  ;  il  est  déplorable  d'être  livré  avec 
ses  biens  à  autrui  :  il  est  plus  déplorable  d'être  livré  à  un 
ennemi  ;  il  est  horrible  d'avoir  à  plaider  dans  une  cause  où 
votre   existence    civile   est  en  jeu  :  il  est   plus  horrible 

(1)  Gallonius  était  un  crieur  public  que  sa  gourmandise  et  sa  mol- 
lesse avaient  rendu  légendaire.  Le  poète  satirique  Lucilius  l'ap- 
pelle un  gouffre  (gurges)  ;  Cicéron  (De  Finib.,  II,  vin,  24  ;  xxvn, 
91)  fait  de  nombreuses  allusions  à  sa  sensualité.  Il  est  encore 
mentionné  par  Horace  (SaL,  II,  n,  v.  47). 


49  PRO  P.  QV1NC1  10  .94 

quacsluni  ci  sumptum  Galloni  sequi  maluerunt  atque 
etiam,  quod  in  illo  non  fuit,  cum  audacia  perfidiaque 
uixenint.  Si  licct  uiuere  eum,  quem  Sex.  Naeuius  non 
uult,  si  est  homini  honesto  locus  in  ciuitate  inuito  Nae- 
uio,  si  fas  est  respira re  P.  Quinctium  contra  nuliiin  dicio- 
nemqne  Xatui,  si,  quae  pudore  ornainenta  sil)i  peperit, 
ca  potest  contra  petulantiam  me  defendente  obtinere, 
Bpea  est  etiam  hune  miserum  atque  infelicem  aliquando 
tandem  posse  consistera.  Sin  e1  poterit  Naeuius  id,  quod 
libel,  el  ei  libebit  id,  quod  non  ticet,  quid  agendum  esl  ? 
qui  deus  appellandus  est  ?  cuius  hominia  fides  imploran- 
da  est  ?  qui  denique  questus,  qui  maeror  dignus  inue- 
niri  in  calamitate  tanta  potest  ? 

XXXI  95  Miserum  est  exturbari  fortunis  omnibus, 
miserius  est  iniuria  ;  acerbum  est  ab  aliquo  circumueni- 
ri,  acerbius  a  propinquo  ;  calamitosum  est  bonis  euerti, 
calamitosiua  eum  dedecore  ;  funestum  est  a  forti  atque 
honesto  uiro  iugulari,  funestius  ab  eo,  cuius  uox  in  prae- 
conioquaestuprostitit  ;  indignum  est  a  pari  uindautsupe- 
riore,  indignius  ab  inferiore  atque  humiliore  ;  luctuo- 
sum'est  tradi  alterî  cum  bonis,  luctuosius  inimico;  horri- 
bile  (  ini  capitisdicere,horribiliuspriore  loco  diccre. 

96  Omnia  circumspexit  Quinctius,  omnia  periclita- 
tus  est,  (1.  Aquili  ;  non  praetorem  modo,  a  quo  ius  imn  •- 
traret,  inuenire  non  potuit,  atque  adeo  ne  unde  arbitra- 

ino  defendente  Madvigi  te  defendente  mss.  etiam  hune  Kloti  : 
ut  hunce;  hune  k  ;  et  hune  eeïerïmss.  qui  maeror  :  <  qui  Inc- 
lus >  (iui  maeror  Clark,  in  calamitate  :  calamitate  Lambin.  ; 
B5.  exturbari  :  deturbari  6*,  Jra,  c,  £  .  quaestu  prostitit  £  :  quaes- 
tum  prai  aut  superiore^cjt  :  aut  asuperioreE  ; 

Buperiore  /-'  ;  atque  luperiore  b* .  H  96.  non  potuit  /;  :  potuit  ecteri 
Dits.;  <non  >  potuit  Clark. 


xxxi-95  PLAIDOYER  POUR  P.  Q!  INCTll  50 

d'avoir  à  plaider  en  premier  lieu  dans  une   pareille 

96  Quinctius  a  passé  en  revue  ton  i  le   moyens  de  salut, 

C.  Aquilius  ;  il  les  a  tous  tentés.  Non  seulement  il  n'a  pu 
trouver  un  préteur  qui  voulûtlui  délivrer  une  formule  d'ac- 
tion ou  qui  lui  permit  d'en  choisir  une  suivant  sa  volonté, 
mais  il  n'a  même  pas  pu  obtenir  des  amis  de  \ae\iiis  — 
lui  qui  s'est  si  souvent  et  si  longtemps  prosterné  a  leurs 
pieds  en  les  suppliant  au  nom  des  dieux —  qu'ils  consen- 
tissent à  se  mesurer  avec  lui  suivant  les  procédés  de  la  jus- 
tice, ou,  tout  au  moins,  à  lui  imposer  l'injustice  sans 
l'ignominie.  97  Enfin,  il  a  dû  subir  toute  l'insolence  des 
regards  de  son  ennemi  lui-même,  il  a  saisi  en  pleurant  la 
main  de  Sex.  Naevius  lui-même,  cette  main  habituée  à 
rédiger  l'affiche  de  la  mise  en  vente  des  biens  de  proches 
parents  ;  il  l'a  supplié,  en  invoquant  lescendres  de  son  frère 
mort,  le  titre  de  parenté  qui  les  unit,  la  femme  et  les 
enfants  de  Naevius  qui  n'ont  pas  de  plus  proche  parent  que 
P.  Quinctius  ;  il  l'a  conjuré  d'avoir  enfin  quelque  pitié, 
sinon  à  cause  de  sa  parenté,  du  moins  à  cause  de  son 
âge,  d'avoir  quelque  considération,  sinon  d'un  homme,  du 
moins  de  l'humanité,  et  de  vouloir  bien,  en  laissant  entière 
sa  réputation,  transiger  à  n'importe  quelles  conditions, 
mais  à  des  conditions  supportables.  98  Quinctius  a  été 
repoussé  par  Naevius  ;  il  n'a  trouvé  aucune  aide  chez  les 
amis  de  Naevius  ;  tous  les  magistrats  l'ont  inquiété  et 
terrifié.  Il  ne  peut  en  appeler  à  personne  qu'à  toi  ;  c'est  à 
toi  qu'il  se  confie,  qu'il  confie  tout  ce  qu'il  possède,  tout 
ce  qui  fait  sa  situation  ;  c'est  à  toi  qu'il  remet  sa  réputa- 
tion et  toutes  les  espérances  des  jours  qu'il  lui  reste  à  vivre. 
Accablé  de  nombreuses  vexations  outrageantes,  tourmenté 
par  des  injustices  plus  nombreuses  encore,  ce  n'est  pas 
un  homme  frappé  d'opprobre,  c'est  un  malheureux  qui 
cherche  un  refuge  auprès  de  toi  ;  expulsé  d'un  domaine 
abondamment  pourvu  de  tout  le  matériel  nécessaire,  en 
butte  à  toutes  les  avanies,  alors  qu'il  voyait  cet  homme 
s'établir  en  maître  dans  ses  propres  biens  qui  lui  viennent 
de  ses  pères,  et  qu'il  ne  pouvait  constituer  une  dot  à  sa 
fille  en  âge  d'être  mariée,  il  n'a  cependant  commis  aucun 
acte  qui  démentît  les  traditions  de  sa  vie  passée. 


50  PRO  P.  QVINCTIO  \\\i  96 

tu  quidem  suo  postularet,  sed  ne  amicos  quidem  Sex. 
Naeui,  quorum  saepe  et  diu  ad  pedes  iacuit  stratus,  ob- 
secrana  per  deoa  immortales,  al  au!  secum  iurc  conten- 
deren!  aul  iniuriam  sine  ignominia  si hi  imponerent. 
07Denique  ipsius  inimici  uultum  superbissimum  subiit, 
ipsius  Sex.  Naeui lacrimana  mnnum  prehendit  in  propin- 
quorum  bonis  proscribendia  exercitatam,  obsecrauit  per 
fratris  sui  mortui  cinerem,  per  nomen  propinquitatis, 
per  ipsius  coniugem  et  liberos,  quibus  propior  P.  Quinc- 
tio  aemo  est,  al  aliquando  misericordiam  caperet,  ali- 
quam,  si  non  propinquitatis,  at  aetatis  suae,  si  non  ho- 
niinis,  at  humanitatis  rationem  haberet,  ut  secum  ali 
quid  intégra  sua  fama  qualibet,dum  modo  tolerabiU,con- 
dicione  transigeret.  98  Ab  ipso  repudiatus,  ab  amicis 
cius  non  subleuatus,  ab  omni  magistratu  agitatus  atque 
perterritus,  quem  praeter  te  appellet,  nabet  neminem  ; 
tibi  se,  tibi  suas  omnes  opes  fortunasque  commendat, 
tibi  committit existimationem  ac  spem  reliquae  uitae. 
Multia  uexatua  contumeliis,  plurimis  iactatus  iniuriis, 
non  turpia  ad  te,  sed  miser  confugit  ;  e  fundo  ornatissi- 
mo  eiectus,  ignominiis  omnibus  appetitus,  cum  illum  in 
suis  paternia  bonis  dominari  uideret,  ipse  iiliae  nubili 
dotem  conficere  non  posset,  nihil  alienumtamen  uita  su- 
periore  commisit. 

99  [taque  hoc  te  obsecrat,  C.  Aquili,  ut,  quant  existi- 
mationem, quam  honestatem  in  iudicium  tuum  prope 
acta  iam  aetate  decursaque  attulit,  eam  liceat  ei  secum 

97.  misericordiam  caperet  :  misericordia  caperet ur  Lambin  ;  <mi 
icordiam  caperet  >    Gruter,  Kayser.    98.  eiectus  /».  /'  :  deiectua 
ri  mss.t  uulgo.     In  suis  paternia  :  In  paternia £,  bz,  Clark,     nu- 
bili :  nobili  S.      po    •  t    .     :  poaait  ecteri  OU*. 


\wi-99  PLAIDOYER  POUR  P.  Ql  îl    •  51 

99  C'est  pourquoi,  C.  Aquilius,  il  te    BUpplic  RU  nom  des 

dieux  de  lui  permettre  d'emporter  entière  en  oïlant  de 
cette  enceinte  cette  considération, ce!  te  réputation  hono- 
rable qu'il  a  apportée  presqu'à  la  fin  de  sa  vie  et  an  terme 
de  sa  carrière  devant  le  tribunal  où  tu  sièges  comme  juge. 
Que  cet  homme,dont  personne  n'a  jamaif  mil  en  doute  la 
fidélité  au  devoir,  ne  soit  pas,  alors  qu'il  est  arrivé  à  sa 
soixantième  année,  flétri  par  la  plus  déshonorante  des 
notes  d'ignominie;  queNaeviusnepui^  54  commettre  l'abus 
de  le  dépouiller  de  tout  ce  qui  faisait  la  parure  de  sa  vie  ; 
que  ta  sentence  n'empêche  pas  la  bonne  réputation  qui  a 
conduitP.  Quinctius  jusqu'à  la  vieillesse  de  l'accompagner 
jusqu'au  bûcher  funèbre. 


51 


PRO  P.    QV1XCTIO 


xxxi  99 


ex  hoc  loco  efferre,  ne  is,  de  cuius  ofTieio  nemo  umquam 
dubitauit,  sexagesimo  denique  anno,  dedecore,  macula, 
turpissimaque  ignominia  notetur,  ne  ornamentis  eius 
omnibus  Sex.  Xaeuius  pro  spoliis  abutatur,  ne  per  te 
fiât,  quo  minus,  quae  existimatio  P.  Quinctium  usque 
ad  senectutem  produxit,  eadem  usque  ad  rogum  prosc- 
quatur. 


99.   liât   Passerai  :  (Vrat  mss.     produxit  £t  y  *  :  pcrduxit   céleri 
nus.,  uultjo. 


M.  TVLLI  CICERONIS 
PRO  SEX.  ROSCIO  AMERINO 

ORATIO 


NOTICE 


On  sait  par  Aulu-dclle  (1)  que,  l'année  qui  suivit  le 
plaidoyer  pour  P.  Quinctius,  Cicéron,  âgé  de  vingt-sepl 
ans,  défendit  Sex.  Roscius  accusé  de  parricide,  sous  le 
consulat  du  dictateur  L.  Cornélius  Sulla  Pelix,  consul 
pour  la  deuxième  fois,  et  de  Q.  Caecilius  MeteHua  l'ius 
(674/80).  Le  plaidoyer  pour  Sex.  Roscius  est  le  premier 
en  date  des  discours  de  Cicéron  que  Plutarque  (2)  men- 
tionne. 1 /orateur  lui-même,  à  la  tin' de  sa  carrière,  rap- 
pelle volontiers  le  succès  de  cette  défense,  sa  première 
causa publica,  qui  lit  estimer  qu'il  n'était  pas  d'affaires! 
Importante  qu'il  ne  fût  désormais  capable  de  s'en  char- 
ger (3)4  Si  le  critique  de  VOrator  (4)  se  montre  sévère  pour 
l'abus  de  la  déclamation  qui  avait  été  un  des  éléments  de 
succès  de  ce  discours  de  jeunesse,  le  moraliste  du  De  Ofli- 
eiis  (5)  propose  en  exemple  à  son  fils  les  généreuses  in- 
tentions qui  Inspiraient  la  défense  de  Roscius  contre  la 
tyrannie  (\r  la  faction  toute-puissante  de  Sylla. 

Un  citoyen  riche  et  considéré  du  municipe  d'Amélie, 
Sex.  Roscius,  grand  partisan  de  Sylla  et  tout  dévoué  à  la 
cause  de  l'aristocratie  où  il  comptait  de  nombreux  amis, 
avait  été   tué  à   Home,   un  soir,   pendant  l'automne  de 

(1)  N.  A.  ,  xv,  xxviii,  :;. 

(2)  Plutarque,  Cicéron,  m,  -. 

(3)  lirutns,  xc,  312  :  Prima  causa  publica  pro  Sex.  Roscio  dicta 
tantuin  commendationla  habuit,  ut  non  alla  esset  quae  non  digna 
nostro  patrodnio  uideretur. 

(4)  Ora/.,wx.  107  :  Qla...quae  ncquaquam  satis  deferalsse  post 
aliquanto  sentiie  coepimus. 

(5)  De  Offlc,  il. xiv, 51  :  Vt  nos... adolescentes  contra  !..  Sullac 
dominant  is  oj)es  pro  Sex.  Rotcio  Amcrino  fecimus  ;  quac.  ut  scis, 
exstat  oratio. 


S0T1CE  56 

673/81(1).  Deux  habitants  d'Amérie,  parents  du  mort, 
T.  Roscius  Capito  et  T.  Roscius  Magnus,  s'entendirent 
avec  Chrysogonus,  l'affranchi  très  Influent  du  dictateur, 

pour  faire  mettre  au  nombre  des  proscrit!  —  il  n'y  avait 
plus  de  listes  de  proscription  depuis,  le  1er  Juin  07.'*  81  — 
le  citoyen  qui  avait  combattu  dans  les  rangs  de  la  noblesse 
et  pour  faire  vendre  à  un  prix  dérisoire  ses  propriétés, 
confisquées  comme  biens  de  proscrit.  N'ayant  pu  réussir 
à  tuer  le  fils  de  Roscius,  Sex.  Roscius,  qui  avait  trouvé  un 
refuge  auprès  de  Caecilia,  femme  de  Sylla,  ils  Le  firent 
accuser  de  parricide  par  un  certain  C.  Erucius  ;  c'était  le 
meilleur  moyen  de  se  débarrasser  des  réclamations  du  fils 
qui  aurait  pu  revendiquer  l'héritage  paternel.  Sex.  Roscius 
fut  traduit  devant  le  tribunal  du  préteur  M.  Fannius, 
qui  présidait  la  quaestio  inter  sicarios.  Il  avait  l'appui  et 
les  sympathies  des  plus  illustres  familles,  les  Messalla,  les 
Metellus,  les  Servilius,  les  Scipions  ;  mais,  telle  était  la 
terreur  inspirée  par  Chrysogonus,  acquéreur  des  biens 
confisqués,  que,  de  tous  les  avocats  en  renom,  aucun 
n'osait  prendre  la  défense  du  fils  injustement  accusé 
d'avoir  tué  son  père.  C'est  Cicéron  qui  eut  le  courage  de 
plaider  pour  Sex.  Roscius. 


^ANALYSE     DU    DISCOURS 

exorde  (i-v).  Cicéron  explique  modestement  les  raisons 
qui  l'ont  fait  choisir,  lui,  le  plus  inconnu  des  orateurs, 
pour  défendre  la  vie  de  Sex.  Roscius  contre  la  rapacité  de 
Chrysogonus,  qu'il  attaque  avec  violence.  Il  supplie  les 
juges  de  lui  accorder  leur  attention  bienveillante,  de  pren- 
dre en  pitié  l'innocent  accusé  injustement  et  de  briser 
l'audace  criminelle  des  accusateurs. 

Narration  (vi-xii).  Exposé  des  faits  qui  montre  que 
Sex.  Roscius  est  innocent  du  meurtre  commis  par  les 
ennemis  de  Sex.  Roscius  le  père,  qui  se  sont  emparés  de 
ses  biens  au  nom  de  Chrysogonus. 

(1)  Sex.  R.,  xliv,  128  :  aliquot  post  [Kalendas  Iunias]  menscs. 


57  NOTICE 

Division  (xiii,  35-36).  L'orateur  annonce  : 

1°  qu'il  réfutera  l'accusation  de  parricide  intentée  par 
Erucius  ; 

2°  qu'il  mettra  en  lumière  l'audace  de  T.  Roscius  Capito 
et  de  T.  Koscius  Magnus  ; 

3°  qu'il  combattra  la  puissance  intolérable  de  Chryso* 

gonus,  qui  a  abusé  de  son  pouvoir  pour  faire  mettre  en 
vente  et  se  faire  adjuger  les  biens  de  Sex.  Koscius. 

CONI  IHMATION   (XIII,37-XI.IX). 

1°  L'accusation  intentée  par  Erucius  (xni,  ,'J7-xx 

Sex.   Rosciua  n'a  eu  ni  la  volonté  ni  les  moyens  de  tuer 

son  père.  Caractère  doux  et   honnête  de  l'accusé  . 

excellents  rapports  avec  son  père,  qui  n'a  jamais  eu, 
comme  le  prétend  faussement  Erucius,  l'intention  de  le 
déshériter (xiii,37-xix).  A  propos  des  calomnies  d'Erucius, 
digression  sur  le  rôle  des  accusateurs  dt  ris  la  République 
(xx-xxi).  Le  parricide  :  énormité  de  ce  crime  ;  néce 
des  charges  les  plus  graves  pour  établir  qu'il  a  été  * 
mis  ;  horrible  supplice  du  criminel  convaincu  de  parricide 
(XXII-XXVl).  Roscius  n'avait  les  moyens  ni  de  commettre 
ce  crime  lui-même,  ni  de  le  faire  commet  Ire  par  des  escla- 
ves ou  par  des  hommes  libres  (  xxvn-xxix). 

2°  L'audace  de   T.  Roscius  Capito  ri  de  T.  Roscius  Ma- 
gnus (xxx-xi.n).  Motifs  que  T.   Roscius  Magnus  avait  de 
commettre  le  meurtre  (xxx-xxxn).  Facilités  (pie  T.  I 
cius  Magnus  avait   pour  commettre  le    meurtre  (xxxm  ). 
Conduite  de  T.  Roscius  Capito  et  de  T.  Roscius  Magnus 

après   le   meurtre  (XXXIV-XLII). 

3°  La  puissance  intolérable  de  Chrysogonus  (xun-xi.ix, 
1  12).  Pourquoi  Chrysogonus, contrairement  aux  lois, a-t-il' 

fait  mettre  en  vente  les  biens  de  Sex.  Roscius  ?  Com- 
ment a-t-il  pu  les  faire  mettre  en  vente?  Pourquoi  cette 
vente  a-t-elle  été  faite  après  le  temps  iixé  par  la  loi,  et  à 
si  bas  prix  (XLIII-XLV)  ? 

(Lacune.  Les  mss.  ne  donnent  pas  le  développement  qui 
prouvait  que  Chrysogonus  était  le  véritable  auteur  de 
l'accusation  intentée'  par  Erudus.) 

Attaque  directe  contre  Chrysogonus  :  sa  dépravation  ; 


NOTICE  58 

son  luxe  scandaleux  (xlvi).  Profession  (Je  foi  politique  de 
Cicéron  (xlvii-xlix,  142). 

Péroraison  (xlix,  143-liii).  Ce  que  Roscius  réclame  de 
Chrysogonus  :  il  lui  abandonne  ses  biens  :  il  ne  demande 
que  d'être  déchargé  de  l'accusation  de  parricide  (xlix, 
143-li).  Ce  que  l'avocat  requiert  des  juges  :  ils  ne  doivent 
pas  permettre  à  Chrysogonus  d'enlever  la  vie  à  celui  qu'il 
a  dépouillé  de  sa  fortune;  ils  ne  peuvent  pas  se  faire  par 
leur  sentence  les  complices  des  dépeceurs  de  propriétés  et 
des  sicaires  (lii-liii). 


SIGLA 

V   =   Palimpscstus   Vaticanus   (1-5  :  credo  ego.. 

possirn). 
E        ms.  Paris.  i  i  749,  olim  s.  Victoria  01. 
B   =   excerpta    Bartolomaci    de    Montepolitiano, 

quac  in  ms.  Laur.  LIV.  5  inueniuntur. 
A   =  ms.  Laur.  XLVIII.  10  (Lag.  10). 
7r    ==    ms.  Perusinus  E.  71. 
o     =   ms.  Pistoriensis  A.  32. 
?     sa  ms.  Laur.  LU.  1  (Lag.  65). 
X     =  ms.  Laur.  XLVIII.  25  (Lag.  25). 
y     --=  ms.  Laur.  (Gadd.)  XC.  sup.  6(.). 
o     =   ms.  Laur.  XLVIII.  26  (Lag.  26). 
s     sa   ms.  Monacensis  15  731. 
w  f=  ms.  Guelferbytanus  205. 
Schol,   =   Scholiasta  Gronouianus. 


PLAIDOYER  POUR  SEX.  ROSCIUS  D'AMÉRIE 


E      d  11    Juges,  vous  vous  demandez,  je   le  pense, 

avec  étonnement  pourquoi,  alors  que  tant 
d'orateurs  éminents  et  de  personnages  de  la  plus  haute 
noblesse  restent  assis,  c'est  moi  entre  tous  qui  me  suis  levé, 
moi  qui,  pour  l'âge,  le  talent  naturel,  l'autorité,  ne  peux 
en  xien  aller  de  pair  avec  ceux  qui  restent  assis.  Tous  ces 
hommes  que  vous  voyez  soutenir  cette  cause  de  leur  pré- 
sence estiment  qu'il  faut  se  défendre  contre  l'injustice 
d'une  accusation  qui  est  l'œuvre  d'une  scélératesse  d'un 
genre  nouveau  ;  ils  n'osent  pas  assumer  eux-mêmes  cette 
défense  à  cause  des  conditions  désavantageuses  où  ils 
sont  placés  aujourd'hui.  De  là  vient  qu'ils  assistent  l'ac- 
cusé, car  ils  obéissent  à  leur  devoir  ;  mais  ils  se  taisent, 
parce  qu'ils  évitent  le  danger. 

2  Qu'est-ce  à  dire  ?  Serais-je  parmi  tous  le  plus  auda- 
cieux ?  Pas  le  moins  du  monde.  Serais-je  tellement  plus 
empressé  que  tout  autre  à  rendre  service  ?  Cette  gloire 
même  je  n'en  suis  pas  si  jaloux  que  je  veuille  la  ravir  à 
d'autres.  Quel  est  donc  le  motif  qui  m'a  poussé  à  accepter 
plus  que  tout  autre  de  me  charger  de  la  cause  de  Sex. 
Roscius  ?  C'est  que,  si  quelqu'un  de  ces  hommes  que  vous 
voyez  assister  l'accusé,  quelqu'un  de  ces  hommes  à  qui 
leur  situation  donne  une  autorité  et  une  dignité  souveraines 
avait  pris  la  parole,  au  moindre  mot  se  rapportant  aux 
affaires  publiques  —  et  nécessairement,  dans  cette  cause, 
il  sera  parlé  des  affaires  publiques  —  on  imputerait  à  cet 
homme  beaucoup  plus   qu'il  n'aurait  dit.  3  Mais  moi, 


PRO  SEX.   ROSCIO  A.M'.iîIXO    oiîATK) 


I  1  Credo  ego  110s,  iudices,  mirari  quid  si!  quod*  eu  m 
tôt  summi  oratores  hominesque  aobilissimi  sedeant,  ego 
potissimum  surrexerim,  isqui  oequeaetate  neque  inge- 
ûio  ueque  auctoritate  sim  cum  lus  qui  sedeant  comparan- 
dus.  Omnes  hi  quos  uidetis  adesse  in  hac  causa  iniuriam 
nouo  scelere  conflatam  putant  oportere  defendi,  defen- 
dere  ipsi  propter  Lniquitatem  temporum  non  audent.  Ita 
fil  ul  adsint  propterea  quod  officium  sequuntur,  taceant 
autrm  ideirco  quia  periculum  uitant. 

2  Quid  ergo  ?  audacissimus  ego  ex  omnibus  ?  Minime. 
An  tanto  officiosior  quam  ceteri  ?  Ne  istius  quidem  tau- 
dis [ta  sum  cupidus  ut  aliis  eam  praereptam  uelim.  Quae 
me  igitur  res  praeter  ceteros  impulit  ut  causam  Sex. 
i  reciperem  ?  Quia,  si  qui  istorum  dixissel  quos  ui- 
detis adesse,in  quibus  summa  auctoritas  est  atque  ampli- 
tudo,  si  uorbum  de  re  publica  Pecisset,  id  quod  in  hac 
cau^a  Beri  oecesse  est,  multo  plura  dixisse  quam  dixissel 
putaretur.  3   Ego  autem  si  omnia  quae  dicenda  sunl 


1.  Burrexerim  ls£,  ed,  iunt.  1534  :  surrexerimufl  A  :  Burrexerim 

cricri  HIM.  uitant  V  :  iictuunt  cricri  mss.  [  2  an  Schol.  :  ac  V,  o>  ; 
at  cricri  mss.tuulgo.  \  Ita  sum  :  ita  sim  v.co.  |  si  qui  istorum  :  Si  quis 
horurn  Ilulm.     3.  ego  auteni  si  omnia  V  :  ego  ctiam  Bi  omnia  cricri 


1-3  PLAIDOYER  POUR  SBX.  ROSCJUS  &AMÊRIE  61 

aurai -je  dit  librement  tout  ce  qu'il  y  a  à  (lire.il  oe  pourra 

arrivera  mon  discours,  connue  il  arriverait  à  celui  d'un 
de  ces  hommes,  de  sortir  de  cette  enceinte  et  de  se  répan- 
dre dans  le  public.  Ensuite,  leur  noblesse  et  leur  dignité 
ne  permettent  à  aucune  de  leurs  paroles  de  rester  Igno- 
rée; leur  âge  et  leur  prudente  sagesse  ne  permettent  d'ex- 
cuser de  leur  part  aucune  parole  téméraire:  moi,  si  je  parle 
avec  trop  de  liberté,  ce  que  j'aurai  dit  pourra  passer  ina- 
perçu, parce  que  je  ne  suis  pas  encore  entré  dans  la  vie 
politique  (1),  ou  pourra  être  pardonné  à  ma  jeunesse  — 
quoique,  à  vrai  dire,  non  seulement  la  règle  de  par- 
donner, mais  même  la  coutume  d'instruire  un  proc- -s  a  venu 
de  condamner  soit  désormais  abolie  à  Rome. 
-  4  A  ces  motifs  il  se  joint  celui-ci  :  peut-être  les  autres 
orateurs  à  qui  on  a  demandé  de  prendre  la  parole  ont-ils 
jugé  qu'ils  pouvaient,sans  manquer  à  leur  devoir,  accepter 
ou  refuser.  Mais  moi,  j'ai  été  sollicité  avec  insistance  par 
des  hommes  qui,  par  leur  amitié,  par  leurs  bienfaits,  par 
leur  dignité  ont  sur  moi  le  plus  grand  pouvoir  ;  je  ne 
devais  ni  méconnaître  leur  bienveillance  à  mon  égard,  ni 
dédaigner  leur  autorité,  ni  me  montrer  indifférent  à  leur 
désir. 

II  5  C'est  pour  ces  causes  que  me  voici  défenseur  dans 
cette  cause  ;  je  n'ai  pas  été  choisi  entre  tous  pour  mon 
très  grand  talent  ;  mais,  de  tous,  je  restais  celui  qui  pou- 
vait parler  avec  le  moins  de  danger  ;  on  m'a  pris,  non  pour 
que  Sex.  Roscius  fût  défendu  par  un  soutien  d'une  force 
suffisante,  mais  pour  qu'il  ne  fût  pas  absolument  aban- 
donné. 

Peut-être  demanderez-vous  quelle  est  cette  terreur,  quel 
est  cet  effroi  si  grand  qui  empêchent  tant  d'hommes  aussi 
éminents  de  consentir  à  défendre  selon  leur  coutume  la 
cause  où  la  personnalité  civile  et  la  situation  d'un  accusé 
sont  en  jeu.  Il  n'est  pas  étonnant  que  vous  l'ignoriez 
encore  :  c'est  à  dessein  que  les  accusateurs  n'ont  rien  dit 
de  la  question  qui  a  soulevé  cette  action  en  justice. 

(1)  Cicéron  n'a  pas  encore  débuté  dans  la  carrière  des  honneurs 
par  la  questure  qu'il  obtiendra  en  678-76. 


61  .'  HO  SBX.  ROSC10  AMBRINO  i-3 

libère  dixero,  nequaquam  tamen  similiter  oratio  mea 

exire  atquc  in  uulgus  emanare  poterit,  I  teinde  quod  cete- 
rorumneque  dictum  obscurum  potest  esse  propternobi- 
litatem  et  amplitudinem  neque  temere  dicto  concedî 
proptor  aetatem  et  prudentiam.  Ego  si  quid  liberius 
dixert«,uel  occultum  esse  propterea  quodnondum  ad  rem 
publicam accessi,ue]  ignosci adulescentiae  meae  poterit; 
tametsi  non  modo  Lgnoscendi  ratio  uerum  etiam  cognos- 
cendi  consuetudo  Lam  de  ciuitate  sublata  est. 

4  Accedit  illa  quoque  causa  quod  a  ceteris  forsitan 
ita  petitum  si t  ut  dicerent,  ut  utrumuis  saluo  officio  se 
facere  p  bitrarentur  ;  a  me  autem  ii  contenderunt, 

qui  apud  me  et  amicitia  et  beneficiis  et  dignitate  pluri- 
mum  possunt,  quorum  ego  nec  beneuolentiam  erga  me 
ignorare  nec  auctoritatem  aspernari  née  uoluntatem 
aeglegere  debefram. 

II  5  I  lis  de  causis  ego  huic  causac  patronus  exstiti, 
non  electus  unus  qui  maximo  ingenio  sed  relictus  ex 
omnibus  qui  minimo  periculo  possem  dicere,  neque  uti 
salis  Qnno  praesidio  defensus  Sex.  Roscius  uerum  uti  ne 
omnino  desertus  esset 

Forsitan  quaeratis  qui  îste  terrot  si  t  et  quae  tanta  for- 
mido,  quae  tôt  ac  taies  uiros  impediat  quo  minus  pro 
capite  et  fortunis  alterius  quem  ad  modum  eonsuerunt 
eausam  uelint  dicere.  Quod  adhuc  uos  ignorare  non  mi- 
rum  est,  propterea  quod  oonsulto  ab  accusatoribus  cius 


mu.,  uiil<jr>  :  ego  si  omnia  I'irckcisen.  \\  adulcscciituje  nuac  :  adu- 
lescciitiat-  \'.  ]|  4.  se  facere  posse  :  facere  se  posse  td.  Yen.  1  171.  il 
debebam  Emeâti  :  dobcain  mss.  ||  5.  possem  :  possim  V.  ,  eonsue- 
runt :  consueuerunt  9,0). 


ii-6        PLAIDOYER  POUR  SEX.  ROSCIUS  VAMÊRIB  02 

6  Quelle  est  cette  question  ?  Les  biens  du  père  de  Sex. 
RoschlS,  notre  client,  sont  estimes  six  millions  de  ses- 
terces ;  et  c'est  d'un  citoyen  célèbre  par  son  très  grand 
courage  et  sa  très  grande  illustration,  L.  Sylla  —  dont  Je 
prononce  le  nom  avec  respect  —  qu'un  jeune  homme, 
qui  est  aujourd'hui  tout  à  fait  puissant  dans  notre  ville, 
L.  Cornélius  Chrysogonus,  prétend  les  avoir  achetés  deux 
mille  sesterces.  Voici,  juges,  la  requête  que  ce  jeune 
homme  vous  adresse  :  attendu  que,  sans  aucun  droit,  il  a 
envahi  un  patrimoine  étranger,  si  riche,  si  beau  ;  attendu 
qu'il  voit  dans  l'existence  de  Sex.  Roscius  une  gêne  et  un 
obstacle  à  la  jouissance  de  ce  patrimoine,  il  vous  demande 
de  faire  disparaître  de  son  esprit  tout  soupçon  d'inquié- 
tude, de  lui  enlever  tout  sujet  de  crainte  ;  du  moment  que 
Sextus  est  sain  et  sauf,  il  estime  qu'il  ne  peut  considérer 
comme  sa  propriété  les  biens  de  famille  si  vastes,  si  abon- 
dants, de  cet  homme,  qui  n'a  commis  aucun  crime.  'Que 
Sextus  soit  condamné,  jeté  hors  de  son  pays,  il  espère 
pouvoir,  ce  qu'il  a  obtenu  par  le  crime,  le  dissiper  et  le  dé- 
vorer par  de  luxueuses  prodigalités.  Il  vous  requiert  de 
lui  arracher  de  l'esprit  cette  épine  qui,  nuit  et  jour,  le  pi- 
que et  le  point  ;  il  requiert  de  vous  que  vous  vous  déclariez 
ses  aides  pour  que  cette  proie  qu'il  a  faite  sienne  d'une  ma- 
nière si  criminelle  lui  soit  assurée.  7  Si  cette  requête  vous 
paraît  équitable  et  honnête,  juges,  de  mon  côté  je  vous 
présente  une  autre  requête  brève,  et,  comme  j'en  ai  la  per- 
suasion, un  peu  plus  équitable. 

III  D'abord,  je  demande  à  Chrysogonus  de  se  conten- 
ter de  nos  biens  et  de  notre  fortune  et  de  ne  pas  demander 
notre  sang  et  notre  vie  ;  ensuite,  juges,  je  vous  demande 
de  résister  à  la  scélératesse  des  audacieux,  de  soulager  le 
malheur  des  innocents  et  de  repousser  dans  l'affaire  de 
Sex.  Roscius  un  péril  qui  est  suspendu  sur  toutes  les 
têtes. 

8  Que  si  l'on  découvre  soit  un  sujet  d'accusation,  soit 
quelque  action  suspecte,  soit,  en  un  mot,  n'importe  quel 
fait,  si  peu  important  soit-il,  qui  paraisse  leur  avoir  donné 
quelque  raison  de  déférer  le  nom  de  Sex.  Roscius  à  la 
justice,  enfin,  si,  excepté  cette  proie  dont  j'ai  parlé,  vous 


62  PRO  SBX.  ROSCIO  AMERINO  n  5 

rci  quae  conflauiL  hoc  iudicium   mentio  facla  non   est. 

6  Quae  rea  ea  est  ?  Bona  pat  ris  huiusce  Scx.  Rosci 

quae  sunt  sexagiens,  quae  de  uiro  fortissimo  et  clarissi- 

mo  L.  Sulla,  quem  honoris  causa  noinino,  duobus  mili- 
bus  Dummum  sese  dicit  émisse  adulescens  uel  potenti 
mus  hoc  tempore  oostrae  ciuitatis,  L.  Cornélius  Chryso- 
gonus.  Is  a  uobis,  iudices,  hoc  postulat  ut,  quouiam  Ln 
alienani  pecuniam  tam  plenaro  atque  praeclaram  nullo 
iure  inuaserit,  quoniamque  ci  pecuniae  uita  Scx.  R 
obstare  atque  officere  uideatur,  deleatis  ex  animo  suo 
suspicioncm  omnem  metumque  tollatis  :  sese,  hoc  Lnco- 
lumi,  non  arbitratur  huius  innocentas  patrimonium  tam 
amplum  et  copiosum  posse  obtinere,  damnato  et  eiecto 
sperat  se  posse  quod  adeptus  est  per  scelus,  id  per  luxu- 
riant effundere  atque  consumere.  Hune  sibi  ex  animo 
scrupulum  qui  se  (lies  noctesque  stimulât  ac  pungit  ut 
euellatis  postulat,  ut  ad  hanc  suam  praedam  tam  uefa- 
riam  adiutores  uos  protiteamini.  7  Si  uobis  aequa  et 
honesta  postulatio  uidetur,  iudices,  ego  contra  breuem 
postulationem  adfero  et,  quomodo  mihi  persuadeo,  ali- 
quanto  aequiorem. 

III  Primum  a  Chrysogono  peto  ut  pecunia  forlu- 
nisque  nostris  contentus  sit,  sanguinem  et  uitam  ne  pe- 
tat  ;  deinde  a  uobis,  iudices,  ut  audacium  sceleri  resis- 
tatis,  innocentium  calamitatem  Leuetis  et  in  causa  Scx. 
Rosci  periculum  quod  in  omnes  intenditur  propulsctis. 


6.  iperato,  X:  speret  céleri  mu.;  spes  est  Gulielmius.   ,  stimu- 
lât ac  pungit  :  itlmulel  ac  pungat  Brnesti.     7.  si  uobis  :  niai  uobis 
WyHalm.    postulatio:  Ista  postulatio  iiul.icr  ;  ea  pi  itulatio  coni. 
resistatis:  Lnsistatis  A. 


in-8       PLAIDOYER  POUR  SBX.  ROSCIUS  &AMÊRIB  63 

trouvez  quelque  autre  motif,  nous  consentons  que  sa  vie 
soit  abandonnée  à  la  fureur  de  leur  passion.  Mais,  s'il  s'agit 
seulement  de  permettre  que  rien  ne  manque  â  ces  hommes 
a  qui  rien  ne  sufïit,  si  toute  la  bataille  qu'ils  livrent  au- 
jourd'hui n'a  d'autre  but  que  de  mettre  comme  le  com- 
ble à  leur  victoire  en  ajoutant  à  ces  belles  dépouilles  opi- 
mes  la  condamnation  de  Sex.  Roscius,  n'est-ce  pas  entre 
tant  d'actions  indignes  la  plus  grande  indignité  que  de 
vous  avoir  crus  capables  de  leur  faire  obtenir  par  vos  sen- 
tences rendues  sous  la  foi  du  serment  ce  qu'ils  ont  eu  cou- 
tume auparavant  d'obtenir  par  le  crime  et  par  le  fer  ?  Sim- 
ples citoyens,  votre  dignité  vous  a  fait  choisir  pour  le 
Sénat;  dans  le  Sénat,la  sévérité  de  vos  mœurs  vous  a  fait 
choisir  pour  composer  ce  conseil  (1)  :  et  c'est  de  vous  que 
ces  hommes,  ces  sicaires  et  ces  gladiateurs,  requièrent,  je 
ne  dis  pas  de  leur  éviter  les  supplices  qu'ils  doivent  en  rai- 
son de  leurs  méfaits  redouter  de  votre  part,  dont  ils  doi- 
vent avoir  une  peur  horrible,  mais  même  de  les  faire 
sortir  de  cette  instance  judiciaire  pourvus  et  enrichis  de 
dépouilles. 

IV  9  En  présence  de  faits  si  graves,  si  atroces,  je  me 
rends  compte  que  je  ne  puis  mettre  assez  de  mesure  dans 
mes  paroles,  assez  de  véhémence  dans  mes  plaintes,  assez 
de  liberté  dans  mes  cris  d'indignation.  La  faiblesse  de  mon 
talent,  mon  âge,  le  temps  où  nous  vivons  sont  autant  d'ob- 
stacles pour  cette  mesure,  cette  véhémence,  cette  liberté. 
A  ces  obstacles  s'ajoute  encore  la  très  grande  crainte  qui 
m'est  imposée  par  ma  timidité  naturelle(2)et  par  mamodes- 

(1)  Le  défenseur  de  Roscius  se  croit  forcé,  dans  l'intérêt  de  son 
client,  d'adresser  une  assez  lâche  flatterie  aux  sénateurs  qui 
composent  le  tribunal  présidé  par  le  préteur  M.  Fannius.  Sylla 
avait  fait  entrer,  à  cause  de  leurs  opinions  politiques  et  non  à 
cause  de  leur  dignité,  trois  cents  simples  citoyens  dans  le  Sénat 
dépeuplé  par  la  guerre  civile  et  par  les  proscriptions  ;  ce  n'est 
pas  la  sévérité  des  mœurs  de  ces  sénateurs  nouveaux,  mais  le 
choix  du  préteur  qui  les  a  fait  inscrire  sur  Y  album  iudicum  où 
l'on  prend  les  membres  de  la  quaestio  inler  sicarios,  comme  ceux 
des  autres  quaestioncs. 

(2)  Cicéron  ne  s'est  jamais  débarrassé  de  cette  timidité  natu- 
relle, dont  il  parle  souvent  dans  ses  discours  (Diu.  in  Caecil.,  xm 


63  PHO  SEX.  ROSC 10  AMERINO  iu-8 

8  Quod  si  aut  causa  criminis  aut  facti  suspicio  aut 
quaelibel  denique  ad  minima  rcs  reperietur,  quam  ob 
rem  oideantur  illi  non  nihil  tameD  in  deferendo  aomine 
secuti,  postremo  si  praeter  eam  praedam,  quam  dixi, 
quicquam  aliud  causae  inueneritis.non  recusamus  quin 
illorum  libidini  Sex.  Rosci  uita  dedatur.  Sin  aliud  agitur 
nihil  nisi  ni  lis  ne  quid  desit  quibus  satis  nihi]  est,  si  hoc 
soluni  hoc  tempore  pugnatur  ut  ad  illam  opimam  prae- 
claramque  praedam  damnatio  Sex,  Rosci  uelut  cumu- 
lus accédât,  nonne  cum  multa  indigna  tum  uel  hoc  indi- 
gnissimum  est,  uos  idoneos  habitos  per  quorum  senten- 
tias  iusque  iurandum  id  adsequantur,  quod  antea  ipsi 
scelere  et  ferro  adsequi  consuerunt  ?  qui  ex  ciuitate  in 
senatum  propter  dignitatem,  ex  senatu  in  hoc  consilium 
delecti  estis  propter  seueritatem,  ab  his  hoc  postulare 
Domines  sicarios  atque  gladiatores,  non  modo  ut  suppli- 
cia uitent  quae  a  uobis  pro  maleficiis  suis  metuere atque 
horrere  debent,  uerum  etiam  ut  spoliis  ex  hoc  iudicio 
ornati  auctique  discedanf  ? 

IV  9  His  de  rébus  tantis  tamque  atrocibus,  neque 
salis  me  commode  dicere,  neque  satis  grauiter  conqueri, 
neque  salis  libère  uoeiferari  posse  intellego.  Nam  commo- 
ditati  ingenium,  grauitati  aetas,  libertati  tempora  sunt 
impedimento.  Hue  accedit  summus  timor,  quem  mihi 
natura  pudorquemeus  attribuit,  et  uestra  dignitas  et  uis 
aduersariorum  et  Sex.  Rosci  pericula.  Quapropter  uos 


S  consuerunt  :  consuerant  Ernesti.    abhis:  \ni.Habn,  H 

spoliis  ex  w:  ipoliis  sex  £tir,A,  ç.Ç.dj;  spoliis  Sex.  Roscilo,  X, 
uulgo.  il  9.  pericula  :  perlculum  Bake. 


I 

iv-9        PLAIDOYER  POUR  SBX.  ROSCIUS  UAUÊR1E         S4 

tic,  par  votre  dignité,  par  la  force  de  mes  adversaires,  par 
les  périls  de  Sex.  Hoscius.  C'est  pourquoi  je  vous  prie  et  je 
vous  supplie,  juges,  au  nom  des  dieux,  d'écouter  mes  pa- 
roles avec  attention  et  avec  une  bienveillante  Indulgence. 

10  Soutenu  par  votre  loyauté  et  par  votre  Mgesse,  je 
me  suis  chargé  d'un  fardeau  trop  lourd,  je  m'en  rends 
compte,  pour  qu'il  me  soit  possible  de  le  porter.  Ce  far- 
deau, si  vous  l'allégez  en  en  prenant  une  part,  je  le  por- 
terai comme  je  pourrai,  juges,  à  force  de  zèle  et  d'activité. 
Si,  ce  que  je  ne  crainspas,vousm'abandonnez  à  moi-même, 
le  courage  ne  me  fera  cependant  pas  défaut  et  je  pour- 
suivrai, tant  que  je  pourrai,  l'œuvre  que  j'ai  entreprise.  Si 
je  ne  peux  la  poursuivre,  j'aime  mieux  succomber  sous  le 
fardeau  du  devoir,  du  moment  qu'on  me  Ta  imposé  en 
ayant  confiance  en  moi,  que  de  le  rejeter  par  perfidie  ou 
de  le  déposer  par  faiblesse  d'âme. 

11  Toi  aussi,  je  t'en  prie  instamment,  M.  Fannius,  ces 
éminentes  qualités  que  tu  as  déjà  montrées  précédemment 
au  peuple  romain, quand  tu  présidais  au  jugement  d'afTaires 
de  la  même  nature,  ne  nous  les  ménage  pas  aujourd'hui, 
ne  les  ménage  pas  au  peuple  romain. 

V  Quelle  multitude  s'est  assemblée  pour  assister  à  ce 
procès,  tu  le  vois  ;  quelle  est  l'attente  de  tout  le  monde,  le 
désir  général  de  voir  rendre  une  justice  énergique  et  sévère, 
tu  t'en  rends  compte.  C'est  après  un  long  intervalle  de 
temps  la  première  action  contre  des  meurtriers  qui  s'enga- 
ge devant  la  justice:  et,  pendant  cet  intervalle,  les  mas- 
sacres ont  été  nombreux  et  abominables.  Tout  le  monde 
espère  que,  sous  ta  préture,  le  conseil  qui  connaît  de  ces 
crimes  saura  punir  comme  il  convient  les  forfaits  mani- 
festes qui  ont  chaque  jour  répandu  le  sang. 

12  Cette  rigueur,  que  dans  les  autres  procès  les  accusa- 
teurs ont  coutume  de  réclamer  à  grands  cris,  c'est  nous 

41  ;  Pro  Ciuentio,  xviii,  51).  A  la  fin  même  de  sa  carrière, quand, 
il  plaide  pour  le  roi  Déjotarus  (709-45),  son  exorde  (:,  1)  rap- 
pelle l'émotion  violente  qu'il  éprouve  toujours  au  moment  de 
prendre  la  parole  dans  une  cause  importante.  Le  De  Oratore 
\  I,  xxvi,  121)  attribue  cette  même  timidité  à  l'orateur  Crassus 
dont  Cicéron  trace  le  portrait  à  sa  propre  ressemblance. 


64  PRO  SBX.  ROSC 10  AMBRINO  iv-9 

oro  atque  obsecro,   indices,  ut   attente  bonaque  cum 
uenia  uerba  mea  audiatis. 

10  Fïde  sapientiaque  uestra  fretus  plus  oneris  sustuli 
quain  ferre  me  posse  intellego.  Hoc  omis  si  nus  aliqua  ex 

parle   nllcuabitis,  fïram    ni    poteTO   studio   et    industri:i, 

indices  ;  sin  a  uobis,  id  quod  non  spero,  deserar,  tamen 
animo  non  deficiam  et  id  quod  suscepi  quoad  potero  per- 
feram.  Quod  si  perferre  non  potero,  opprimi  me  on< 
ofîici  malo  quam  id,  quod  mini  cum  fide  semeJ  impo- 
situm  est,  a u t  propter  perfidiam  abicere  aul  proptef 
infirmitatem  animi  deponere. 

11  Te  quoque  magno  opère,  M.  Fanni,  quaeso  ut, 
qualem  te  iam  antea  populo  Romano  praebuisti,  cum 
huic  eidem  quaestioni  index  praeesses,  talem  te  et  nobis 
et  populo  Romano  hoc  tempore  impertias. 

V  Quanta  inultitudo  hominum  conuencriL  ad  hoc 
iudicium,  uides  :  quae  si  t  omnium  mortalium  exspectatio, 
quae  cupiditas  ut  acria  ac  seuera  iudicia  liant,  intellegis. 
Longo  interualio  iudicium  inter  sicarios  hoc  primum 
committitur,  cum  interea  caedes  indignissimae  maximae* 
que  factae  sunt  ;  omnes  hanc  quaestionem  te  praetore 
manifestis  maleficiis  cotidianoque  sanguine  di^nissi- 
mam  speranl  futuram. 

12  Qua  uoeiferatione  in  céleris  iudiciis  accusatorea 
ut i  consuerunt,  ea  nos  hoc  tempore  utimur  qui  causam 


H.  eidem  o>,  AnL  Augustino  :  Idem  eeieri  nus.  ludexpr 
praeesses  (■>  :  <  index  >  praeesses  Habn.  |  et  populo  Romano: et 
rel  pubUcac  Anuianus.  Factae  sunl  :  factae  sinl  y*,  éd.  Rom.1  171, 
uulgo.  „  dignissimam  Madoig,  Clark  :  dimissul  S,  G.  Landgraf  :  de- 
missiua  y  :  dimissos  <•>  ;  dimissiua  eeieri  nus.  ;  haud  remissius  uuf- 
go.  u  12.  consuerunt  :  consueuerunfl  >..  L.w. 

s 


v-12      PLAIDOYER  POUR  SBX.  ROSCIUS  WAMÉRIM  55 

aujourd'hui  qui  crions  pour  la  réclamer,  nous  qui  pré- 
sentons la  défense.  Nous  te  demandons,  M.  Fannius,  nous 
vous  demandons,  juges,  que  toute  la  violence  de  votre 
vindicte  accable  les  forfaits,  que  tout  votre  courage  s'em- 
ploie à  résister  aux  plus  audacieux  des  hommes.  Pensez-y 
bien  :  si,  dans  cette  cause,  vous  ne  montrez  pas  quel  esprit 
vous  anime,  la  passion  cupide  de  ces  hommes,  leur  scélé- 
ratesse et  leur  audace  se  donneront  si  libre  carrière  que 
ce  ne  sera  plus  en  secret  mais  ici,  au  Forum,  devant  ton 
tribunal,  M.  Fannius,  à  vos  pieds,  juges,  au  milieu  même 
des  bancs  où  vous  siégez,  que  l'on  massacrera. 

13  A  quoi  tend,  en  effet,  cette  action  judiciaire,  sinon 
à  obtenir  l'impunité  des  massacres  ?  Ils  accusent,  ceux  qui 
se  sont  jetés  sur  les  biens  de  mon  client  :  il  se  défend,  celui 
à  qui  ils  n'ont  rien  laissé  que  la  ruine  ;  ils  accusent,  ceux  à 
qui  a  profité  le  meurtre  du  père  de  Sex.  Roscius  :  il  se  dé- 
fend, celui  pour  qui  la  mort  de  son  père  a  été  une  cause 
non  seulement  de  deuil,  mais  d'indigence  ;  ils  accusent, 
ceux  dont  le  plus  ardent  désir  a  été  d'égorger  mon  client  : 
il  se  défend,  celui  qui  doit  se  présenter  à  ce  jugement 
même  sous  la  protection  d'une  escorte  d'amis, pour  ne  pas 
être  tué  ici,  devant  vos  yeux;  enfin,  ils  accusent,  ceux  dont 
le  peuple  réclame  la  mise  en  accusation  :il  se  défend, celui 
qui  reste  seul,  qui  seul  a  échappé  à  leurs  massacres  impies. 

14  Pour  que  vous  puissiez  vous  rendre  compte  plus  fa- 
cilement, juges,  que  les  faits  surpassent  en  indignité  ce 
que  nos  paroles  disent,  nous  vous  exposerons  comment 
l'affaire  a  été  menée  dès  le  commencement  ;  il  vous  sera 
plus  facile  ainsi  de  connaître  et  les  malheurs  du  plus  inno- 
cent des  hommes  et  les  audaces  de  ces  gens  et  l'état  déplo- 
rable de  la  République. 

„        ..  VI  15  Sex.  Roscius,  le  père  de  mon  client, 

Narration  ......  ,  '..,,.,. 

était  citoyen  du  municipe  d  Amené;  sa  nais- 
sance, sa  noblesse  et  sa  fortune  faisaient  de  lui  facilement 
le  premier,non  seulement  de  sa  ville,mais  aussi  de  tous  les 
environs  ;  d'autre  part,  il  se  distinguait  par  son  crédit  et 
par  ses  relations  d'hospitalité  avec  les  hommes  les  plus 
nobles.  Car  ce  n'est  pas  seulement  des  relations  d'hospita- 
lité qu'il  avait  avec  les  Métellus,les  Servilius,  les  Scipions, 


65  PHO  SBX.  ROSCJO  AMBRINO  v  12 

dicimus.  Petimus  abs  te,  M,  Fanni,  a  uobisque,  iudices, 
ut  quam  acerrime  maleficiauindicetis,  ut  quam  fortissi- 
me  hominibus  audacissimia  resistatis,  ut  hoc  cogitetis, 
nisi  in  bac  causa  qui  uester  animua  sil  ostendetis,  eo  pro- 
rumpere  hominum  cupiditatem  et  serins  et  audaciam 

ut  non  modo  clam,  ucniin  etiam  hic  in  foro  ante  tribu- 
nal tuum,  M.  Fanni,  ante  pedes  uestros,  Ludices,  inter 
ipsa  subsellia  caedes  futurae  sint. 

13  Etenim  quid  aliud  hoc  iudicio  tentatur  nisi  ut  id 
fieri  liceal  ?  A.ccusan1  ii  qui  in  fortunas  huius  inuaserunt, 
causam  dicîl  is  cui  pra'eter  calamitatem  nihil  reliquerunt; 
accusant  ii  quibus  occidi  patrem  Sex.  Rosci  bono  fuit, 
causam  dicil  is  cui  non  modo  luctum  mors  patris  attulit 
uerum  etiam  egestatem  ;  accusant  ii  qui  hune  ipsum 
iugulare  summe  cupierunt,  causam  dicit  is  qui  etiam  ad 
hoc  ipsum  iudicium  cum  praesidio  uenit  ne  hic  ibidem 
ante  oculos  uestros  trucidetur; denique  accusanl  ii  quos 
populus  poscit,  causam  dicit  is  qui  unus  relictus  ex  illo- 
rum  aefaria  caede  restât. 

14  Alque  ut  t'aeilius  intellegere  possitis,  indices,  ea 
quae  facta  sunt  indignioraesse  quam  haec  sunt  quae  dici- 
mus, ah  inilio  res  quem  ad  modum  gesta  sil  nohis  expo- 
nemus,  quo  facilius  et  huius  hominis  innocentissimj 
miserias  et  illorum  audacias  cognos(vre  possitis  et  rci 
publicae  calamitatem. 

V I  15  Sex.  Roscius,  pater  huiusce,  municeps  Ame- 
rinusfuityCum  génère  et  nobilitateet  pecunia  non  modo 

ostendetis  :  ostenderitis  Erntsti  ;  ostendatis  13.  hune 

Ipsum  :  hune  Ipsi  COIli.  Ilalm.  |  14.  BUdaciaa  H.  CUirk  :  aiidaciaiu 
ittcri  mss.,  uulijo. 


vi-15     PLAIDOYER  POUR  SEX.  ROSCIUS  WAMÊRIB  66 

mais  un  commerce  d'amitié  et  une  liaison  (Je  famille  :  jepro- 
nonce,  comme  il  convient,  le  nom  de  ces  illustres  maisons 
avec  le  respect  que  Je  dois  à  leur  honorabilité  et  à  leur 
grandeur.Ainsi  donc,  de  tous  les  avantage!  dont  il  jouis- 
sait,c'est  le  seul  qu'il  a  laissé  à  son  fils  ;  car  son  patrimoine, 
arraché  par  la  violence,  est  en  possession  d'hommes  de 
proie,  gens  de  sa  famille  ;  l'honneur  et  la  vie  du  fils  inno- 
cent  sont  défendus  par  les  hôtes  et  par  les  amis  du  père. 

16  Celui-ci  avait  toujours  soutenu  le  parti  de  la  noblesse; 
mais,  pendant  les  troubles  de  ces  dernières  années,  alors 
que  la  haute  situation,  que  la  vie  même  des  nobles  était 
mise  en  danger,  plus  que  tout  autre,  dans  son  municipe  et 
dans  les  environs,  il  employa  ses  soins,  son  zèle  et  son 
autorité  à  la  défense  de  leur  parti  et  de  leur  cause.  Il  esti- 
mait, en  effet,  qu'il  convenait  à  sa  droiture  de  combattre 
pour  l'honneur  de  ceux  qui  lui  avaient  valu  à  lui-même 
d'être  considéré  comme  le  plus  honorable  parmi  ses  conci- 
toyens. Après  que  la  victoire  eut  été  définitivement  rem- 
portée et  que  nous  eûmes  déposé  les  armes  ,  alors  que 
l'on  proscrivait  et  que  de  toutes  parts  on  arrêtait  ceux  qui 
étaient  réputés  avoir  appartenu  au  parti  adverse,  il  était 
fréquemment  à  Rome,  il  allait  et  il  venait  chaque  jour 
dans  le  Forum,  où  tout  le  monde  le  voyait  ;  son  attitude 
était  telle  qu'il  paraissait  étaler  la  joie  que  lui  donnait  la 
victoire  de  la  noblesse,  bien  loin  de  manifester  la  crainte 
que  cette  victoire  pût  lui  être  funeste. 

17  II  y  avait  de  vieilles  inimitiés  entre  lui  et  deux 
autres  Roscius,  également  d'Amérie  :  je  vois  l'un  d'eux 
siéger  sur  les  bancs  des  accusateurs  ;  j'entends  dire  que 
l'autre  possède  trois  des  biens  decampagne  qui  lui  appar- 
tenaient. Ces  inimitiés,  s'il  avait  pu  prendre  contre  elles 
autant  de  précautions  qu'elles  lui  inspiraient  de  craintes 
continuelles,  il  serait  encore  vivant.  Ce  n'est  pas,  en  effet, 
sans  raison,  juges,  qu'il  avait  des  craintes.  Car  voici  à 
quelle  sorte  de  gens  ces  deux  T.  Roscius  appartiennent. 
—  L'un  a  pour  surnom  Capito;  l'autre,  celui  qui  est  ici 
présent,  s'appelle  Magnus.  —  Le  premier  a  la  réputation 
d'être  un  célèbre  gladiateur,  vieilli  dans  le  métier  où  il  a 
remporté  plus  d'une  palme  ;  celui  que  vous  voyez  ici  est 


66  PRO  SBX.  ROSC 10  AMERINO  vi  15 

sui  municipi  uerum  etiam  eius  uicinitatia  facile  primus, 
tiun  gratis  atque  hospitiis  Hormis  hominum  nobilissimo- 
rum.  Nain  cum  Metellis,  Seruiliis,  Scipionibua  erat  ei 
non  modo  hospitium,  uerum  etiam  domesticus  usus  et 
consuetudo  ;  quas,  ut  aequum  est,  familias  honestatis 
amplitudinisque  gratis  nomino.  [taque  ex  suis  omnibus 
commodis  hoc  solum  Qlio  reliquit  ;  nain  patrimonium 
domestici  praedones  ni  ereptum  possident,  fama  etuita 
înnocentis  ab  hospitibua  amicisque  paternis  def enditur. 

16  Hic  cum  oinni  tempore  nobilitatis  fautor  fuisset, 

t nm  hoc  tumultu  proximo,  cum  omnium  nohilium  digni- 

taa  et  salua  in  discrimen  ueniret,  praeter  ceteroa  in  es 
uicinitate  eam  partefia  causamque  opéra,  studio,  auc- 
toritate  défendit.  Etenim  rectum  putabat  pro  eorum 
honestate  se  pugnare  propter  quos  ipse  honestissimus 
intersuoa  numerabatur.  Postes  quam  uictoria  constitu- 
ta  estai»  armisquerecessimus,cum  proscriberenturhomi- 
itque  ex  omni  regione  caperentur  ii  c{ui  aduersarii 
fuisse  putabantur,  eral  [lie  Romae  frequens  atque  in  foro 
et  in  ore  omnium  cotidie  uersabatur,  magis  ut  exsultare 
uictoria  nobilitatia  uideretur  quam  limerc  ne  quid  ex 
ca  calamitatis  sibi  accideret. 

17  lira  h  t  ei  ueterea  inimicitiae  cum  duobua  Rosciis 
Amerinis,  quorum  alterumsedere  in  accusatorum  subsel- 
liis  uideo, alterum  tria  huiusce  praedia  possidere  audio  ; 
quas  inimicitias  si  tam  cauere  potuisset  quam  metuere 
solebat,  uiueret.  Neque  enim,  iudices,  iniuria  metuebat. 


15.  ttaqne  :  Btque  Halm.  ;  ex  suis  omnibus  :  ex  omnibus  suisco. 
H  16.  hk  cum  :  is  cum  Halm.  |  proscriberentur  humincs  :  pros- 
criberentur  omiios  A,  lAn-rhard. 


vi-17     PLAIDOYER  POUR  SBX.  RÔSCIUS  ITAMBJUE  G7 

allé  depuis  peu  fréquenter  l'école  de  ce  gladiateur  ;  avant 
ce  dernier  combat,  il  n'était,  à  ma  connaissance,  qu'un 
novice  :  aujourd'hui,  il  a  facilement  surpassé  son  maître 
lui-même  en  scélératesse  et  en  audace. 

VII  18  En  effet,  Sex.  Roscius,  mon  client,  était  à 
Amérie  ;  mais  ce  T.  Roscius  était  à  Rome.  Le  fils  résidait 
assidûment  dans  les  biens  de  campagne  où,  conformément 
à  la  volonté  de  son  père,  il  s'était  adonné  au  soin  des  affai- 
res domestiques  et  à  la  vie  des  champs  ;  comme,  au  con- 
traire, il  se  trouvait  fréquemment  à  Rome,  Sex.  Roscius, 
le  père,  est  tué  près  des  bains  de  Pallacine  (l),au  retour 
d'un  souper.  Ce  que  je  viens  de  dire  montre,  je  l'espère, 
assez  clairement  de  quel  côté  doit  se  diriger  le  soupçon 
d'avoir  commis  le  crime.  Mais,  si  l'exposition  des  faits  ne 
change  pas  en  évidence  ce  qui  n'est  encore  qu'un  soup- 
çon, votre  jugement  pourra  décider  que  mon  client  n'est 
pas  étranger  à  ce  meurtre. 

19  Quand  Sex.  Roscius  a  été  tué,  le  premier  qui  va 
en  porter  la  nouvelle  à  Amérie,  c'est  un  certain  Mallius 
Glaucia  (2),  un  homme  de  basse  classe,  un  affranchi,  client 
et  familier  de  ce  T.  Roscius  ;  ce  n'est  pas  chez  le  fils  de 
Roscius,  c'est  chez  son  ennemi,  chez  T.  Capito,  que  la  nou- 
velle est  portée.  Le  meurtre  avait  été  commis  après  la  pre- 
mière heure  de  la  nuit  et  c'est  dès  le  point  du  jour  que 
la  nouvelle  arrive  à  Amérie.  En  dix  heures  de  nuit,  sa 
légère  voiture  a  parcouru,  comme  en  volant,  cinquante- 
six  mille  pas,  pour  lui  permettre  non  seulement  d'être  le 
premier  à  porter  à  un  ennemi  la  nouvelle  souhaitée,  mais 
de  lui  montrer  au  plus  tôt  le  sang  de  son  ennemi  tout 
récemment  répandu  et  le  fer  à  peine  retiré  du  corps. 

20  Le  quatrième  jour  après  ces  événements,  un  rapport 
en  est  transmis  à  Chrysogonus,  au  camp  de  L.  Sylla, 
devant  Volaterres   (3).  On  y  expose  l'importance  de  la 

(1)  Le  quartier  de  Pallacine  (Cf.  §  132  Pallacinae  uicus)  se  trou- 
vait dans  la  région  du  cirque  Flaminius. 

(2)  Personnage  inconnu. 

(3)  Volaterres,  ville  d'Etrurie,  bâtie  dans  une  position  très  forte 
sur  le  plateau  d'une  colline  escarpée.  Les  proscrits  qui  s'y  étaient 
formés  en  un  corps  régulier  de  quatre  cohortes  soutinrent  à  Vola- 
terres un  siège  de  deux  ans.  Voir  Strabon,  V,  n,  6. 


67  PRO  SEX.  HOSCIO  ami  RINO  vi-17 

Nam  duo  isti  simt  T.  Roscii (quorum  alteri  Capitom  co* 
gnonit'ii  est,  iste  qui  adest  Magnus  uocatur),  hominea 
eius  modi  :  alter  plurimaram  palmarum  uetus  ac  nobilis 
gladiator  habetor,  hic  autem  nuper  se  ad  eum  lanistam 
contulit,qufyue'  ante  banc  pugnam  tiro  esset  quod  sciam, 
facile  ipsuni  magistrum  scelereaudaciaque  Buperauit. 

VII  18  Nam  min  hic  Sex.  Roscius  essef  Àmeriae, 
T.  autem  iste  Roscius  Romae,  cum  hic  filiua  adsiduus  in 
praediia  esset  cumque  se  uolunlutc  patria  rei  familiari 
uitaeque  rusticae  dedisset,  ipse  autem  frequens  Romae 
esset,  occiditur  ad  balneas  Pallacinas  rediensa  ceua  Sex. 
Roscius.  Spero  ex  hoc  ipso  non  esse  obscurum  ad  quem 
suspicio  maleiici  pertineal  ;  uerum  id  quod  adhuc  est 
suspiciosum  nisi  perspicuum  res  ipsa  fecerit,  hune  ad 
iinem  culpac  iudicatote. 

19  Occiso  Sex.  Roscio  primus  Ameriam  nuntiat  Mal- 
lius  Glaucia  quidam,  homo  tennis,  libertinus,  cliens  et 
familiaris  istiusT.Rosci  ;  el  nuntiat  domum  non  fili  sed 
T.  Capitonis  inimici;  et,  cum  post  horam  primam  noctis 
occisus  esset, primo  diluculo  nuntius  hic  Ameriam  uenit  ; 
decem  horis  nocturnis  sex  et  quinquaginta  milia  passuum 
cisiis  peruolauit,  non  modo  ut  exoptatum  inimico  nun- 
tium  primus  adferret,  sed  etiam  cruorem  inimici  quam 
rcccntissiinum  telumque  paulo  ante  e  corpore  extrac- 
tum  ostenderet. 

20  Quadriduo  quo  haec  gesta    sunt,  res   ad  Chryso- 

17.  hominet  oins  modi  :  hominea  huius  modi  Retstg,  |  (inique 
Halm  :   qui   mss.  ;  et  qui  Madlfig  :  qui,  cum  uulgo.  ||  quod  sciam  : 

quod  icientiani  >..(<>'  :  Bdentin  uulgo.  B18*lpsc  autem  .\.  Eberhard  : 

isu>  autem  mu.     PàUaciuai  — .  A,  tt,  a,  y  :  Palatinu  ?,  X,  uulgo  ; 
Paluatinas  co  ;  I'alacinas  Kayscr.  ||  19.  cisiis  Schol.  :  cissis  mss. 


vn-20    PLAIDOYER  POUR  8BX.  ROSCIUS  WAMÊRIR  68 

fortune,  la  bonne  qualité  des  terres  (il  a  laissé  treize  biens 
qui, presque  tous,  sont  contigus  au  Tibre)  ;  on  rappelle  la 
détresse  et  l'isolement  du  fils.  Ils  exposent  que, puisque  ion 
père,  Sex.  Roscius,  un  homme  qui  jouissait  d'une  si  bril- 
lante considération  et  d'un  si  grand  crédit,  a  été  tué  sans 
peine,  il  n'y  aura  aucune  difficulté  à  faire  disparaître  un 
homme  qui  n'est  pas  sur  ses  gardes,  qui  vit  à  la  campagne, 
que  l'on  ne  connaît  pas  à  Rome.  A  cet  effet, ils  promettent 
leurs  services.  Je  n'insiste  pas  davantage,  juges:  l'asso- 
ciation se  forme. 

VIII  21  Alors  qu'on  ne  parlait  déjà  plus  de  proscrip- 
tions, alors  que  même  ceux  que  la  peur  avait  éloignés 
revenaient  et  jugeaient  que  désormais  ils  en  avaient  fini 
avec  les  dangers,  voici  que  sur  le  tableau  des  proscrits  on 
porte  le  nom  de  Sex.  Roscius,  ce  très  zélé  partisan  de  la 
noblesse.  Chrysogonus  se  fait  adjuger  les  biens.  Trois  ter- 
res, et  des  mieux  réputées,  sont  remises  en  toute  propriété 
à  Capito,  qui  les  possède  aujourd'hui.  Pour  tout  le  reste, 
ce  T.  Roscius,  au  nom  de  Chrysogonus,  il  le  dit  lui-même, 
se  jette  dessus.  Ces  biens  sont  achetés  deux  mille  sester- 
ces. Tout  cela,  juges,  s'est  fait  à  l'insu  de  L.  Sylla  ;  je  le 
sais  avec  certitude.  22  Alors  qu'il  répare  les  dommages 
du  passé  et  qu'il  prépare  ce  qui  sera  l'avenir,  alors  que 
seul  il  possède  les  moyens  d'établir  la  paix  et  de  diriger 
la  guerre,  que  les  yeux  de  tous  sont  fixés  sur  lui  seul,  que 
seul  il  gouverne  tout,  alors  que  dans  la  continuelle  tension 
d'esprit  qui  lui  vient  d'affaires  si  nombreuses  et  si  impor- 
tantes il  ne  peut  même  pas  respirer  librement,  on  ne  doit 
pas  s'étonner  si  quelque  chose  échappe  à  son  attention, 
surtout  quand  il  y  a  tant  de  gens  à  épier  le  moment  où  il 
est  le  plus  occupé,  à  guetter  un  instant  de  distraction, pour 
mettre  en  train  quelque  machination  dans  le  genre  de  celle 
qui  nous  occupe.  Ajoutez  à  cela  que, quoiqu'il  soit  heureux 
comme  il  l'est  (1),  il  n'existe  pas   cependant  de  bonheur 

(1)  Cicéron  fait  allusion,  peut-être  avec  quelque  ironie,  à  ce 
surnom  de  Félix  auquel  le  dictateur  tenait  tellement.  Pline 
(N.  H.,  VII,  xliii,  137)  dira  :  «  Le  seul  homme  qui  se  soit  jusqu'à 
présent  attribué  le  surnom  à' Heureux  \Felix)  est  Sylla:  sans 
doute,  pour  avoir  versé  lesang  des  citoyens  et  opprimé  la  patrie.» 


68  mio  SBX.  ROSCIO  AMERINO  vn-20 

gonuiii  in  castra  L.  Sullae  Volaterras  defertur;  magni- 
tudo  pecuniae  demonstratur  ;  bonitas  praedioruin  (nam 
fundofl  decem  et  très  reliquit  qui  Tiberim  fere  omnea 
tangunt),  huius  înopia  et  solitudo  commemoratur  ;  de- 
monstrant,  cum  pater  huiusce  Sex.  Roscius,  homo  tam 
splendidus  et  gratiosus,  nullo  negotio  siL  occisus,  per- 
facile  hune  hominem  Lncautum  e1  rusticum  et  Romae 
ignotum  de  medio  tolli  posse;  ad  eam  rem  operam  suam 
pollicentur.  Ne  diutius  teneam,  iudices,  societas  coitur. 
\'III  21  Cum  oulla  iam  proscription^  mentio  fieret, 
cum  etiam  qui  antea  metuerant redirent  ac  iam  defunc- 
tos  sese  periculis  arbitrarentur,  nomen  referturin  tabu- 
la* Sex.  Rosci,  hominis  Btudiosissimi  oobilitatis;  manceps 
fit  Chrysogonua  ;  tria  praedia  uel  nobilissima  Capitoni 
propria  traduntur,  quae  hodie  possidet  :  in  reliquas  om- 
nés  fortunas  iste  T.  Roscius  Domine  Chrysogoni,  quem 
ad  modum  ipse  dicit,  impetum  facit.  Haec  bona  emun- 
tur  sestertiorum  duobus  milibus  Qummum.Haec  omnia, 
iudices,  imprudente  L.  Sulla  Facta  esse  certo  scio.  22  Ne- 
que  enim  mirum,  cum  eodem  tempore  et  ea  quae  prae- 
terita  sunt  reparti  ci  ea  quae  uidentur  instarepraeparet, 
cum  et  pacis  constituendae  rationem  et  belli  g<  rendi  po- 
testatem  soins  habeat,  cum  omnes  in  unum  spectent, 
unns  omnia  gubernet,  cum  tôt  tantisque  negotiis  dis- 
tentus  sit,  ut  respirare  libère  non  possit,  si  aliquid  non 

ÎO.  rusticum  éd.  Brese.  I  \~A  :  ruri  yJ  ;  ru» ceteri  mss.  \\  diutius 
teneam:  diutius  uns  teneam  éd.   Ven.  M7l,  uulgo.      2t.   <  no 
men...  Rosci  >  Charisius,  Diomedes :  om.mu.,  inaer.  Graeuitu, 
haec  bona...  Dummum:  drl.  Kayser,  Clark  {cf.  §  6)  ;  haec  bona 

tagiena  i  LS  emuntur  duobus  milibua  aummum  uulgo.  22.  <  re- 
paret  >  el  Clark  :  reparet  et  ois.  Lambin  ;  et  céleri  mss.,  uulgo; 
<  sanet  >   et  Rinkcs,  Mucllcr. 


viii-22  PLAIDOYER  POUR  SBX.  ROSCIUS  VAMÊRIB  59 

assez  complet  pour  que,  dans  une  grande  maison,  il  ne  se 
trouve  aucun  esclave,  aucun  affranchi  sans  honnêteté. 

23  Cependant,  ce  T.  Roscius,  l'homme  très  vertueux,  le 
mandataire  de  Chrysogonus,  vient  à  Amérie,  il  fait  inva- 
sion dans  les  domaines  de  mon  client  ;  ce  malheureux, 
abîmé  dans  sa  douleur,  n'avait  pas  encore  achevé  de  ren- 
dre tous  les  honneurs  funèbres  qu'il  devait  à  son  père  :  il 
le  jette  nu  hors  de  sa  maison  ;  il  l'expulse,  il  le  bannit, 
juges,  loin  des  foyers  de  ses  ancêtres,  loin  de  ses  dieux 
pénates  ;  quant  à  lui,  il  devient  maître  d'une  très  grosse 
fortune.  Comme  il  avait  vécu  dans  l'indigence,  quand  il  ne 
possédait  que  ce  qui  lui  appartenait,  il  ne  connaissait  plus 
de  mesure  —  c'est  l'ordinaire  —  du  moment  qu'il  était 
en  possession  du  bien  d'autrui.  Il  emportait  ouvertement 
beaucoup  de  choses  chez  lui;  il  en  faisait  disparaître  encore 
plus  ;  il  en  distribuait  bon  nombre  avec  largesse  et  profu- 
sion à  ceux  qui  l'avaient  secondé  ;  pour  le  reste,  il  le  met- 
tait aux  enchères  et  il  le  vendait. 

IX  24  Ces  procédés  parurent  d'une  telle  indignité  aux 
habitants  d' Amérie  que,  dans  la  ville  entière,  ce  n'étaient 
que  pleurs  et  gémissements.  En  effet,  que  de  tableaux  se 
présentaient  à  la  fois  devant  leurs  yeux  !  La  mort  si  cruelle 
de  Sex.  Roscius,  cet  homme  si  puissant  ;  la  misère,  si  indi- 
gne, de  son  fils,  à  qui,  dans  son  impiété,  cet  homme  de  proie 
n'avait  pas  même  laissé,  d'un  si  riche  patrimoine,  un  droit 
de  passage  pour  aller  au  tombeau  de  son  père  ;  l'acte 
infâme  de  l'acquisition, delà  possession  des  biens; les  vols, 
les  rapines,  les  donations.  Il  n'était  personne  qui  n'eût 
préféré  tout  oser  plutôt  que  de  voir  T.  Roscius  promener 
sa  jactance  de  seigneur  et  maître  dans  les  domaines  de 
Sex.  Roscius,  le  meilleur  et  le  plus  honnête  des  hommes. 

25  C'est  pourquoi  les  décurions  (1)  s'empressent  de 
rendre  un  décret  aux  termes  duquel  les  dix  premiers  de 
leur  ordre  doivent  aller  auprès  de  Sylla  et  lui  faire  connaî- 
tre  quel  homme  était   Sex.  Roscius,  porter  plainte  au 


(1)  Les  décurions  sont  les  membres  du  Sénat  d'un  municipe  ; 
d'où  le  nom  d'ordre  des  décurions  (ordo  decurionum)  donné  à  ce 
Sénat. 


69  PRO  SBX.  ROSCIO  AMERINO  vin  22 

animaduertat,  nim  praesertim  tam  inulti  occupationem 
cius  obseruenl  tempusque  aucupentur,  ut,  simul  atque 
Ole  despexerit,aliquid  huiusce  modi  moliantur.  1  [uc  acce* 
dit  ([iiod,  quamuls  Ole  ï<ili\  sit,  sicul  est,  tamen  in  tanta 
felicitate  aemo  potesl  i  sse  in  magna  familia  qui  nemi- 
nem  ueque  seruum  ueque  libertum  improbum  habeat. 

23  Interea  iste  T.  Roscius,  uir  optimus,  procurator 
Chrysogoni,  Ameriam  uenit,  in  praedia  huius  înuadit, 
hune  miserum,  luctu  perditum,  qui  nondum  etiamom- 
oia  paterno  funeri  iusta  soluisset,  uudum  efcit  domo 
atque  focia  patriis  disque  penatibus  praecipitem,  iudi- 
ces,exturbat,ipse  amplissimae  pecuniae  !it  dominus. Qui 
in  sua  re  fuisse!  egentissimus,  erat,  ut  Qt,  insolens  in  alié- 
na ;  multa  palam  domum  siiam  auf erebat,  plura  clam  de 
medio  remouebat,  non  pauca  suis  adiutoribus  largo 
effuseque  donabat,  reliqua  constituta  auctionc  uendebat. 

IX  24  Quod  Âmerinis  usque  eo  uisum  est  indignum 
ul  urbe  tota  fletus  gemitusque  fieret.  Etenim  multa  si- 
mul ante  oculos  uersabantur*,  mors  hominis  florentissimi, 
Sex,  Rosci,  crudelissima, fili autem  eiusegestas  indignis- 
sima,  cui  de  tanto  patrimonio  praedo  iste  nefarius  ne 
iter  quidem  ad  sepulcrum  patrium  reliquisset,  bonorum 
emptio  flagitiosa,  possessio,  furta,  rapinae,  donation' 
Nemo  erat  qui  uon audere'omnia  mallet  quam  uidere  in 
Sex.  Rosci,  uiri  optimi  atque  honestissimi,  bonis  iactan- 
temseac  dominantem T.  Roscium. 

tamen  In  tanta  :  tamen  tanta  Lambin.  ||  23.  perditum  W  :  prodi- 
tum  n  :  praeditum  cricri  mu.  eicit  ta  Yen.  1471  :  eiecil  mss.  n 
in  aliéna  Arusianus  :  in  alienam  mss.  24.  emptio  fla^it  iosa  :  emptio 
falsa  G.  Landgraf.  possessio:  flagitiosa  possessio  ms.  Nfemmia* 
nus  Lambin,  Utilgo  ;  malitiosa  possessio  Jlnchncr.  ';  audeie  tsriinia 
Schellcr  :  artlere  omnia  mss.  ;  arderc  ilia  omnia  Iiu/inianus. 


jx-25     PLAIDOYER  POUR  SEX.  ROSCIUS  TTAMÊRIE  70 

sujet  du  crime  et  des  injustices  de  ces  hommes,  le  piltf  de 
vouloir  bien  faire  respecter  la  réputation  du  père  mort  et 

la  fortune  du  fils  innocent.  Ce  décret  lui-même,  veuillez, 
je  vous  prie,  en  prendre  connaissance.  DÉCRET  DES  DÉCU- 
RIONS. La  délégation  arrive  au  camp.  On  peut  se  rendre 
compte, juges, que, comme  je  l'ai  déjà  dit  auparavant, tous 
ces  crimes,  toutes  ces  infamies  se  commettaient  à  l'insu  de 
Sylla  :  en  effet,  Chrysogonus  vient  aussitôt  en  personne 
trouver  les  délégués  et  il  leur  dépêche  des  hommes  de  la 
noblesse,  chargés  de  les  prier  de  ne  point  s'adresser  à  Sylla 
et  de  leur  promettre  que  Chrysogonus  fera  tout  ce  qu'ils 
pouvaient  désirer. 

26  Car  il  était  saisi  d'une  crainte  si  violente  qu'il  au- 
rait préféré  mourir  plutôt  que  de  voir  Sylla  instruit  de  ce 
qui  s'était  passé.  Ces  hommes  d'une  vertu  antique  s'ima- 
ginaient que  le  caractère  des  autres  était  pareil  au  leur  : 
Chrysogonus  donnait  l'assurance  qu'il  ferait  disparaître 
le  nom  de  Sex.  Roscius  des  tables  de  proscription  et  qu'il 
mettrait  le  fils  en  possession  de  la  totalité  des  domaines  (1  ), 
T.  Roscius  Capito,  qui  se  trouvait  au  nombre  des  dix  délé- 
gués, se  rendait  garant  de  l'exécution  de  cette  promesse. 
Ils  crurent  tout  ce  qui  leur  était  dit  ;  et,  sans  avoir  pré- 
senté leur  réclamation,  ils  retournèrent  à  Amérie.  Alors  ces 
gens-là  commencent  à  différer  :  chaque  jour,  ils  renvoient 
au  lendemain  ;  puis  ils  mettent  encore  plus  de  lenteur  à 
n'agir  en  rien,  à  faire  des  promesses  illusoires;  enfin, comme 
il  a  été  facile  de  s'en  rendre  compte,  ils  préparent  des  piè- 
ges pour  faire  périr  ce  Sex.  Roscius  que  je  défends  ;  car  ils 
estiment  qu'il  leur  est  impossible  de  posséder  plus  long- 
temps des  biens  qui  ne  leur  appartiennent  pas,  si  le  pro- 
priétaire demeure  sain  et  sauf. 

X  27  Dès  qu'il  eut  pénétré  leur  dessein,  Roscius,  con- 
formément à  l'avis  de  ses  amis  et  des  membres  de  sa  fa- 
mille, se  réfugia  à  Rome  et  se  rendit  auprès  de  Caecilia  (2), 

(1)  Cicéron  emploie  un  terme  de  droit,  praedia  uacua  :  on  entend 
par  uacua  possessio  fundi  la  possession  d'un  fonds  que  le  proprié- 
taire déchu  de  ses  droits  livre  dans  sa  totalité,  après  avoir  vidé  les 
lieux. 

(2)  Caecilia,  fille  de  Q.  Caecilius  Metellus,  le  Baléarique,  était 
alors  la  femme  de  Sylla.  C'est,  dit  Plutarque  (Sylla,  vi,  14),  en 


70  PRO  SEX.  nosc m  AMERINO  ix-25 

25  [taque  decurionum  decretum  statim  lit  ut  decem 
primi  proficiscantur  ad  L.  Sullam  doceantque  eum  qui 
uir  Sex.  Roscius  fuerit,  conquerantur  de  istorum  scelere 
et  iniuriis,  orent  ut  et  illius  mortui  famamet  iili  innocen- 
ta f ortunas  conseruatas  uelit.  Atque  ipsum  decretum, 
quaeso,  cognoscite.  decretvm  decvrionvm.  Legati  in 
castra  ueniunt.  Intellegitur,  iudiees,  id  quod  iara  ante 
dixi,  imprudente  I..  Sulla  scelera  haec  et  flagitia  fieri. 
Nain  statim  Chrysogonua  et  ipse  ad  e<>s  accedit  et  ho- 
mines  uobiles  allegat  qui  peterent  ne  ad  Sullam  adirent, 
et  omnia  Chrysogonum  quae  uellent  esse  facturum  polli- 
cerentur. 

26  Vsque adeo autem ille pertimuerat  ul  morimallet 
quani  de  his  rébus  Sullam  doceri.  Hommes  antiqui,  qui 

ex  sua  natura  ceteros  (ingèrent,  cum  ille  confirmaret 
sese  nomen  Sex.  Rosci  de  tabulis  exempturum,  praedia 
uacua  filio  traditurum,  cumque  id  ita  futurum  T.  Ros- 
eius  Capito  qui  in  decem  legatis  erat  appromitteret,  cre- 
diderunt;  Ameriam  re  inorata  reuerterunt.Ac  primo  rem 
difîerre  cotidie  ac  procrastinare  isti  coeperunt,  deinde 
aliquanto  lentius  nihil  agere  atque  deludere  ;  postremo, 

id     quod   faeile   inlellectuni   est,    însidias    uitae   huîUSCe 

Sex.  Rosci  parare  uequi  arbitrari  p  >sse  diutius  alie- 

Qam  peeuniam  domino  ineolumi  obtincre. 

\   27  Quod  lue    simul    atque    sensit,    de   amicorum 
nuque   seiilenlin    Romam    COnfugit   et    sese  ad 


25.  id  quod  td.  Aid.  1519:  ut  quod  m*s.  allegat  qui Ernesli : 
allegatusqul  E;  allegat  ai  qui  9;  aUegat  i i s.  qui  ceterimss.;  nllc^u 
ab  Us  qui  Lambin.  1,26.  adeo  autem  :  adeo  eniiu  eoni.  Mutiler,  re 
Inorata  n  rt  monta  eeterl  mss.  y  nihil  agerc  :  nihil  deL  Halm. 


x-27      PLAIDOYER  POUR  SBX.  ROSCIUS  WAUÊRIE  71 

dont  je  prononce  le  nom  avec  le  respect  qui  lui  est  dû  ;  son 
père  avait  eu  avec  elle  de  nombreuses  relations  d'amitié  ; 
en  elle,  juges,  on  voit  persister  encore  de  notre  temps, 
comme  pour  servir  d'exemple, —  telle  fut  toujours  l'opi- 
nion générale  —  l'empreinte  de  la  loyauté  d'autrefois. 
Sex.  Roscius  était  sans  ressources;  ou  l'avait  jeté  hors  de 
sa  maison  et  expulsé  de  ses  propriétés  ;  il  fuyait  les  armes 
et  les  menaces  des  bandits  :  elle  le  reçut  dans  sa  maison  et 
vint  en  aide  à  cet  hôte  que  le  malheur  accablait  et  dont 
la  situation  était  regardée  par  tous  comme  désespérée. 
C'est  à  son  courage,  à  la  fidélité  et  au  zèle  de  son  assis- 
tance que  Roscius  doit  d'avoir  été  mis  vivant  au  nombre 
des  accusés,  au  lieu  d'avoir  été  tué  pour  être  mis  au  nombre 
des  proscrits. 

28  En  effet,  quand  ces  gens  eurent  compris  que  l'on 
veillait  avec  les  soins  les  plus  attentifs  sur  la  vie  de  Sex. 
Roscius  et  qu'ils  n'avaient  aucune  possibilité  de  le  mettre 
à  mort,  ils  formèrent  un  dessein  plein  de  scélératesse  et 
d'audace  :  c'était  de  le  dénoncer  pour  crime  de  parricide  ; 
c'était  de  se  procurer  à  cet  effet  quelque  accusateur  vieilli 
dans  le  métier,  qui  pût  trouver  quelques  mots  à  dire  dans 
une  affaire  où  il  n'y  avait  même  pas  matière  à  soupçon  ; 
c'était  enfin,  puisqu'ils  ne  pouvaient  appuyer  leur  attaque 
sur  une  accusation  sérieuse,  de  lui  trouver  un  appui  dans 
les  circonstances  politiques.  Ces  hommes  disaient  :  «  Puisque 
le  cours  de  la  justice  a  été  interrompu  pendant  si  long- 
temps, il  convient  que  le  premier  accusé  qui  aura  été  tra- 
duit devant  les  juges  soit  condamné  ;  celui-ci,  à  cause  du 
crédit  de  Chrysogonus,  ne  trouvera  pas  de  défenseurs  ; 
pour  ce  qui  est  de  la  vente  des  biens  et  de  cette  associa- 
tion, personne  n'osera  en  dire  un  mot  ;  le  nom  même  de 
parricide  et  l'odieux  d'une  pareille  accusation  permet- 
tront de  faire  disparaître  sans  aucune  difficulté  cet  accusé 

666  /88,  alors  qu'il  était  consul  avec  Q.  Pompeius  Rufus,  que  le 
futur  dictateur, qui  était  déjà  quinquagénaire  et  qui  avait  déjà  été 
le  mari  de  plusieurs  femmes,  épousa  la  très  noble  Caecilia.  fille  du 
grand-pontife  Metellus.  Ce  mariage  lui  attira  des  chansons  satiri- 
ques de  la  part  du  peuple  et  excita  la  colère  des  nobles  qui  trou- 
vaient indigne  d'une  telle  alliance  l'homme  qu'ils  avaient  jugé 
digne  du  consulat. 


71  l'l«>  SEX.  ROSCIO  AMERINO  x-27 

Caeciliam*,  quam  honoris  causa  nomino,  contulit,  qua 
pater  usus  erat  plurimum;  m  qua  muliere,  iudices,  etiam 
nunc,idquod  omnes  semper  existimauerunt,  quasi  exem- 
pli  causa,  uestigia  antiqui  offici  rémanent.  Ea  Sex.  Ros- 
cium  inopem,  eiectum  domo  atque  expulsum  ex  suis  bo- 
nis, fugientem  latronum  tela  et  minas  recepit  domum 
hospitique  oppressoiamdesperatoqueab  omnibus  opitu- 
lata  est.  Eius  uirtute,  fide,  diligentia  factum  est  ut  bii 
lius  uiuus  in  reos  quam  occisus  in  proscriptos  referretur. 
28  Nam  postqùàm  isti  intellexerunt  summa  diligen- 
tia uitam  Sex.  Rosci  custodiri  aeque  sibi  ullam  caedis 
faciendae  potestatem  dari,  consilium  ceperunt  plénum 
Bceleris  et  audaciae  uL  nomen  huius  de  parricidio  défer- 
rent, ut  ad  eam  rem  aliquem  accusatorem  ueterem  com- 
pararent  qui  de  ea  re  posset  dicere  aliquid,  in  qua  re  nul- 
la  subesset  suspicio,  denique  ut,  quoniam  crimine  imn 
poterant,  tempore  ipso  pugnarent.  [ta  loqui  homines  : 
i  Quod  iudicia  tam  diu  facta  non  essent,  condemnari 
eum  oportere  qui  primus  in  iudicium  adductus  esset  ; 
huic  autem  patronos  propter  Chrysogoni  gratiam  defutu- 
ros  ;  de  bonorum  uenditione  et  de  ista  societate  uerbum 
esse  facturum  ueminem  ;  ipso  nomine  parricidi  et  atro- 
citate  criminis  Eore  ut  hic  nullo  negotio  tolleretur,  cum 
ab  nullo  defensus  esset.  *  29  Hoc  consilio  atque  adeo 
hac  amentia  impulsi  quem  ipsi,  cum  cuperent,  non 
potiKTunt  occidere,  cum  iugulandum  uobis  tradiderunt. 

27.  Caeciliam  Passerai  :  Caeciliam  Nepotla  Qliam  nus.  ;  Caeci- 
liam-'-  Nepotis  Qliam  Mueller  ;  Caeciliam  Balearid  Qliam,  Nepo- 
tis tororem  Hoùnan,  Lambin  ;  Caeciliam  Nepotis  sororem,  Balea- 
rid  Qliam  Garaioni;  Caeciliam  Nepotis  sororem  Bàchner(cf.  (147). 
Il  28.  faciendae  :  fadundac  a  '/.-,  uulgo.     posset  dicere  ea*.  Aiediol. 

1  108:  DOSSit  dicere  mss. 


x-28     PLAIDOYER  pour  si.x.  nosCIVS  TXAMÊRIE  72 

qui  n'aura  pas  eu  de  défenseurs,  i  29  Voila  le  dessein  qu'ils 
ont  formé  ;  voilà  l'étal  de  folie  où  ils  en  sont  arrivés  et  qui 
les  a  poussés  à  vous  livrer  pour  l'égorger  celui  que,  malgré 
leur  désir  passionné,  ils  n'ont  pas  pu  mettre  à  mort. 

XI  De  quoi  me  plaindrai-je  d'abord  ?  Par  où,  juges, 
commencerai-je  ?  Quel  secours  demanderai-je  ?  A  qui  de- 
manderai-je  secours  ?  Est-ce  l'aide  loyale  des  dieux  im- 
mortels que  j'implorerai  ou  celle  du  peuple  romain,  ou 
la  vôtre,  vous  qui  possédez  en  ce  moment  le  pouvoir  souve- 
rain ?  30  Le  père  tué  d'une  manière  impie,  sa  maison 
investie  par  ses  ennemis,  ses  biens  usurpés,  possédés, 
pillés  ;  la  vie  du  fils  en  danger,  plus  d'une  fois  attaquée 
parle  fer  et  parles  embûches:  semble-t-il  que,  parmi  tant 
de  forfaits,  il  manque  un  seul  genre  de  crimes  ?  Cependant, 
ils  y  ajoutent,  ils  y  mettent  le  comble  par  d'autres  actions 
impies  ;  ils  imaginent  une  accusation  incroyable.  Avec  son 
propre  argent  ils  se  procurent  contre  lui  des  témoins  et  des 
accusateurs  ;  ils  réduisent  ce  malheureux  à  une  telle  situa- 
tion qu'il  doit  choisir  s'il  préfère  présenter  sa  tête  au  fer  de 
T.  Roscius  ou  mourir  de  la  manière  la  plus  déshonorante, 
cousu  dans  le  sac  de  cuir  des  parricides  (l).l  Ils  ont  pensé 
que  les  défenseurs  lui  feront  défaut:  oui,  ils  lui  font  défaut. 
Mais  un  homme  qui  parle  en  toute  liberté,  qui  mette  toute 
sa  loyauté  à  le  défendre — et  cela  suffît  dans  cette  cause  — 
cet  homme,  juges, ne  fait  certainement  pas  défaut, puisque 
j'ai  accepté  de  plaider.  31  Peut-être,  en  acceptant,  ai-je 
agi  avec  témérité  ;  peut-être  ai-je  cédé  à  une  impulsion  de 
jeunesse.  Mais,  du  moment  que  j'ai  accepté,  toutes  les 
menaces,  tous  les  sujets  de  terreur,  tous  les  dangers,  par 
Hercule  !  peuvent  de  tous  côtés  être  suspendus  sur  ma 
tête  :  j'irai  au  secours  de  mon  client  et  je  me  tiendrai  près 

(1)  Après  avoir  été  frappé  de  verges  jusqu'au  sang,  le  parricide 
était  cousu  vivant  dans  un  culleus,  grand  sac  de  cuir  que  les  Ro- 
mains employaient  pour  le  transport  du  vin  et  de  l'huile.  Dans  ce 
sac,  on  enfermait  avec  lui  une  vipère,  un  coq,  un  chien  et  un  singe 
vivants  :  la  vipère,  parce  qu'en  naissant  elle  déchire  le  ventre  de 
sa  mère  ;  le  coq,  parce  qu'il  bat  souvent  sa  mère  ;  le  chien,  parce 
qu'il  est  le  symbole  de  la  rage  ;  le  singe,  à  cause  de  sa  ressemblance 
avec  l'homme.  Le  culleus  était  ensuite  jeté  à  la  mer.  Voir  plus  loin 
xxvi,  71. 


72  PRO  SBX.  ROSCIO  AMERINO  xi  29 

\I  Quid  primum  querar  aut  unde  potissimum,  indi- 
ces, ordiar,  aut  quod  aut  a  quibus  auxilium  petam?  deo- 
rumne  immortalium,  populine  Romani,  uestramne,  qui 
summam  potestatem  habetis  hoc  tempore  fidem  implo- 
ivin  ?  30  Pater  occisua  nefarie,  domus  obsessa  ab  ini- 
micis,  bona  adempta,  possessa,  direpta,  fili  uita  infesta, 
saepe  ferra  atque  insidiis  appetita.  Quid  ab  his  lot  ma- 
leficiis  sceleris  abesse  uidetur  ?  Tamen  haec  aliis  nefa- 
riis  cumulant  atque  adaugent,  crimen  incredibile  confin- 
gunt,  testes  in  hune  et  accusatores  huiusce  pecunia  com- 
parant ;  hanc  condicionem  misera  ferunl  ut  opte/  utrum 
malit  ceruices  T.  Rosciodare  an  insutus in culleum  *  per 
summum  dedecus  uitam  amittere.  Patronos  huic  defutu- 
ros  putauerunt  :  desunt  ;  qui  libère  dicat,  qui  cum  fide 
defendat,  ld  quod  in  bac  causa  salis  estt  quoniam  quidem 
suscepi,  non  deest  profecto,  indices.  31  Et  forsitan  in 
suscipienda  causa  temereimpulsus  adulescentia  Eecerim  ; 
quoniam  quidem  semel  suscepi,  licet  hercules  undique 
omnes  minae,  terrores,  periculaque  impendeant  omnia, 
succurram  ac  subibo.  Certum  est  deliberatumque  quae 
ad  causam  pertinere  arbitror,  omnia  non  modo  dicere 
ùerum  etiam  libenter,  audacter  libereque  dicere  ;  nulla 
res  tanla  exsistet,  indices,  ni  possit  niin  milii  maiorem 


30.  optet  éd.  Bonon.  1  199  :  OptetUT  mil.  ||<  T.  >  Roscio  I-'rnrsti  : 
Roscio  ms*.  Il  culleum  Ilolman.  Lambin  :  culleum  BUpplido  parti  i 
daruiu  y  ;  culleum  supplicium  parriddarum  eeteri  mu.  latisestetf. 
Mediol.  i  198  :  latia  mu.  :  est  satis  éd.  Aid.  1519.  quoniam  quidem 
s  iscepl  </<•/.  ./.  /•'.  Heusinger,  31.  minae:  m  me  a.x.  i|t,  uulgo  ;  im- 
mineant  Halm  ;  mihl  minae  Boiter.  Impendeanl  éd.  Rom.  1-471  : 
aupediant  H.  a,  X;  Impendant  ctlert  mss.  ||  ae  subibo  :  atque  sub- 
ibo  a,  X,  y.  ,;  audacter  :  nmlaciter  Lambin  (fit.  |  104).  exsistet 
(o  :  exsistit  y;  exsistat  eclert  mss. 


xi-31     PLAIDOYER  POUR  SEX.  ROSCIUS  VAMÊR1B  73 

de  lui.  C'est  une  décision  prise,  une  résolution  arrêtée. 
Tout  ce  qui,  à  mon  avis,  intéresse  la  cause,  je  le  dira]  ;  et  je 
le  dirai  avec  plaisir,  avec  audace,  avec  liberté.  Aucune 
considération  ne  sera  d'une  telle  importance  que  la  crainte 
puisse  avoir  sur  moi  plus  de  pouvoir  que  la  loyauté.  32  ICst- 
il,en  effet,  un  homme  d'une  âme  assez  lâche  pour  garder 
le  silence  et  rester  indifférent  à  la  vue  de  telles  infamies  ? 
Vous  avez  égorgé  mon  père,  alors  qu'il  n'était  pas  pros- 
crit; après  l'avoir  tué,  vous  l'avez  mis  au  nombre  des  pros- 
crits ;  moi, vous  m'avez  expulsé  parla  force  de  ma  maison  : 
mon  patrimoine,  vous  le  possédez.  Que  voulez-vous  de 
plus  ?  Etes-vous  encore  venus  jusqu'à  ces  bancs,  le  fer,  les 
armes  à  la  main,  pour  égorger  ici  ou  pour  faire  condamner 
Sex.  Roscius  ? 

XII  33  Nous  avons  eu  naguère  dans  la  République  un 
homme  qui  était  de  beaucoup  le  plus  audacieux  de  tous 
les  hommes,  C.Fimbria(l);  suivant  l'avis  de  toutle  monde, 
excepté  des  gens  qui  sont  eux-mêmes  des  insensés,  il  était 
aussi  le  plus  insensé  de  tous.  Ce  Fimbria  prit  ses  mesures 
pour  faire  blesser  aux  funérailles  de  C.  Marius  l'homme  le 
plus  respectable  et  le  plus  distingué  de  notre  cité,  Q.  Scae- 
vola  :  ce  n'est  pas  maintenant  le  moment  de  faire  longue- 
ment son  éloge,  et  cependant  on  ne  peut  en  dire  plus  à 
sa  louange  que  le  peuple  romain  n'en  conserve  dans  sa 
mémoire.  Quand  il  eut  la  certitude  que  Scaevola  pour- 
rait survivre  à  sa  blessure,  il  l'assigna  en  justice.  On 
lui  demandait  de  quoi  enfin  il  allait  accuser  un  homme 
d'un  si  grand  mérite  qu'on  ne  pouvait  même  le  louer 
comme  il  convenait.  On  affirme  que  Fimbria  —  il  était  en 
proie  à  une  folie  furieuse  —  répondit  qu'il  l'accusait  de  ne 
pas  avoir  reçu  le  poignard  tout  entier  dans  son  corps. 
Jamais  le  peuple  romain  ne  vit  plus  grande  indignité,  si 
ce  n'est  la  mort  de  ce  même  Scaevola,  mort  qui  eut  une 
telle  influence  qu'elle  entraîna  la  perte  et  la  ruine  de  tous 

(1)  C.  Flavius  Fimbria,  fougueux  partisan  de  Marius  ;  griève- 
ment blessé  par  ses  ordres  aux  funérailles  de  Marius  (janvier 
668/86),  Q.  Mucius  Scaevola  fut  tué  en  672/82,  lors  des  massacres 
ordonnés  par  Marius  le  jeune,  au  moment  où  Sylla,  vainqueur, 
allait  rentrer  à  Rome. 


73  PRO  SEX.  ROSCIO  AMBRINO  \i-31 

adhibeiv  metus  quam  fides.  32  Etenim  quis  tam  disse* 
luto  animo  osfl  qui,  haec  cum  uideat,  tacere  ac  neglegere 
possil  ?  Patrem  meum,  cum  proscriptus  non  essct,  iugu- 
lastis,  occisum  in  proscriptorum  numerum  rettulistis, 
me  donio  mea  per  uim  expulistis,  patrimonium  meum 
possidetis.  Quid  uultis  ampliua  ?  etiamne  ad  subsellia 
cum  ferro  atque  telis  uenistisul  hic  aut  iuguletis  aut 
condemnetia  Sex.  I  Losdum  ? 

XII  33  Eiominem  longe  audacissimum  nuper  nabui- 
mus  in  ciuitate  C.  Flmbriam  et,  quod  inter  omnes  ion- 
Btat,  nisi  inter  eoa  qui  ipsi  quoque  insaniunt,  insanis- 
sinniin.  Is  cum  curassel  in  funere  ('..  Mari  ut  Q.  v 
uola  uulneraretur,  uir  sanctissimus  atque  oraatissimus 
aostrae  ciuitatis,  de  cuius  lande  neque  hic  lôcus  est  ut 
multa  dicantur  neque  plura  tamen  dici  possunt  quam 
populus  Romanus  memoria  retinet,  diem  Scaeuolàe 
dixit,  posteaquam  comperiteum  posse  uiuere.Cum  ab 
eo  quaereretur  quid  tandem  accusaturus  esset  cum 
quem  pro  dignitate  ne  laudare  quidem  quisquam  satis 
commode  posset,  aiunt  hominem,  ut  erat  furiosus,  res- 
pondisse  :  «quod  non  totum  telum  corpore  recepisset.  • 
Quo  populus  Romanus  nihil  uidit  indignius  nisi  eius- 
dem  uiri  mortem,  quae  tantum  potuil  ut  omnes  occisus 
perdiderit  et  adflixerit  ;  quos  quia  seruare  per  compo- 
sitioncm  uolebat,  ipse ab iis interemptus est. 


32. Sex. Roscium  rfel.  Lambin.   1 33. quae  tantum potuit :  qui 
tantum  potuit  Richter.  |  omnes  occisus X  :  omnes  dues  buos  I .  -. 
■,.  iiulgo  ;  omnes  dues  -7.  >.,  rj  ;  omnes  dues  occisus  Richter.    seruare 
per  compositionem  éd.  Rom.  1471  :  seruare  per  conseruare  po 
nem£,  X;  seruare  pet  cos.  reposiUonem  A,i  onseruare  per 

positionem  a,  X*  ;  conseruare  per  compositionem 


mi-33    PLAIDOYER  POUR  SEX.  ROSCIUS  &AMÊRIB  7  1 

les  Romains;  il  voulait  les  sauver  par  l;i  réconciliation  d<  s 
partis  :  et  lui-même  ils  le  firent  mourir. 

34  Dans  notre  affaire, ne  parle-t-on  pas  et  n'agit-on  pas 
exactement  comme  Pimblia  parlait  et  agissait  V  Vous 
accusez  Sex.  Roscius.  Pourquoi  7  Parce  qu'il  s'esl  échappé 
de  vos  mains,  parce  qu'il  ne  s'est  pas  laissé  tuer.  Le  cril 
deFimbria,  parce  que  Scaevola  en  a  été  la  victime,  parait 
plus  infâme;  le  crime  dont  Roscius  est  la  victime  ne  peut 
être  toléré, parce  que  Chrysogonus  en  est  l'auteur.  Car, 
parles  dieux  immortels  !  y  a-t-il  rien  dans  cette  cause  qui 
ait  besoin  d'une  défense?  Y  a-t-il  un  point  qui  réclame  le 
talent  d'un  défenseur  ou  qui  exige  instamment  l'éloquence 
d'un  orateur?  Développons, juges,  la  cause  tout  entière  ; 
examinons-la,  quand  elle  sera  exposée  devant  nos  yeux. 
C'est  ainsi  que  vous  aurez  les  plus  grandes  facilités  pour 
comprendre  quelle  est  la  question  d'où  dépend  toute 
l'affaire  que  vous  devez  juger,  sur  quelles  questions  il 
convient  que  je  parle  et  quelle  ligne  de  conduite  vous 
devez  suivre. 

XIII  35  II  y  a  trois  genres  d'obstacles,  au- 
tantquej'en  puis  juger,quis'opposent  aujour- 
d'hui à  Sex. Roscius:  l'accusation  intentée  par  ses  adver- 
saires, leur  audace  et  leur  pouvoir.  C'est  l'accusateur  Eru* 
cius  (1)  qui  s'est  chargé  d'imaginer  le  motif  de  l'accusa- 
tion ;  l'audace,  voilà  le  rôle  que  les  Roscius  ont  réclamé, 
comme  étant  le  leur  ;  quant  à  Chrysogonus,  lui  qui  peut 
le  plus,  c'est  par  tout  son  pouvoir  qu'il  combat.  Je  com- 
prends bien  que  j'ai  à  parler  de  toutes  ces  questions. 
36  Qu'est-ce  à  dire  ?  Je  ne  les  traiterai  pas  toutes  de  la 
même  manière,  parce  que  la  première  a  rapport  à  mon 
devoir  et  les  deux  autres  sont  dans  les  attributions  que 

(1  )  On  ne  sait  rien  de  C.  Erucius, l'homme  de  paille  des  Roscius 
et  de  Chrysogonus.  Ce  personnage  né  de  père  inconnu  (xvi,  46),; 
était-il  d'origine  grecque  ?  Deux  poètes  de  l'Anthologie  portent 
le  nom  d'Erykios.  S'il  était  latin,  son  nom  peut  venir  du  mot 
eruca,  qui  désigne  une  espèce  de  chou.  Quintilien  (7.  0.  VIII,  m. 
22)  parle  d'un  Erucius  que  Cicéron,  dans  le  Pro  Vareno,  discours 
qui  ne  nous  est  pas  parvenu,  qualifiait  d' Anloniaster  :  nous  igno- 
rons si  ce  mauvais  imitateur  de  l'orateur  Antoine  est  l'accusateur 
de  Sex   Roscius. 


71  vno  SEX.  ROSCIO  AMERINO  xn-34 

34  Estne  hoc  illi  dicto  atque  facto  Fimbria/io  similli- 
mum? Accusatis  Sex.  Roscium.  Quid  ita  ?  Quia  de  mani- 
ais uestris  effugit,  quia  se  occidi  passus  non  est.  Illud, 
[uiain  Scaeuola  factum  est,  magis  indignum  uidetur; 
ioc,  quia  lit  a  Chrysogono,  non  est  ferendum.  Nam  per 
leos  immortalesl  quid  est  in  hac  causa  quod  defensionis 
adigeat  ?  qui  locus  ingenium  patroni  requirit  aut  ora- 
Poris  eloquentiam  magno  opère  desideral  ?  Totam  cau- 
iam,  indices,  explicemus  atque  ante  oculos  expositam 
xrasideremus  :  ita  facillime  quae  res  lot  uni  iudicium 
îontineat  et  quibus  de  rébus  nos  dicere  oporteal  et  quid 
ios  sequi  conueniat  intellegetis. 

XIII  35  Très  sunt  res,  quantum  ego  existimare  pos- 
iiun,  quae  obstent  hoc  tempore  Sex.  Roscio,  crimen  ad- 
îersariorum  et  audacia  et  potentia.  Criminis  confictio- 
îem  accusator  Erucius  suscepit,  audaciae  partes  Roscii 
iihi  poposcerunt,  Chrysogonus  autem,  is  qui  plurimum 
>otest,  potentia  pugnat.  De  hisce  omnibus  rébus  me  di- 
îere  oportere  intellego.  36  Quid  igitur  est?  Non  eodem 

Uodo  de  omnibus,  ideo  quod  prima  illa  res  ad  mciim 
dlicium  pertinet,  duas  autem  retiquas  uobis  populus 
Lomanus  imposuil  :  ego  crimen  oportet  diluam,  nos  et 
tudaciae  resistere  et  hominum  eius  modi  perniciosam 
ttque  intolerandam  potentiam  primo  quoque  tempore 
sxstinguere  atque  opprimere  debetis. 
37  Occidisse  patrem  Sex.  Roscius  arguitur. Scelestum, 

34.  Fimbriano  simillimum  Ruflnianus,  Lambin  :  Flmbria  non 
intiltinuim  D  :  Fimbliae  non  simillimum  cricri  mss.,  Ulllgo.  non 
il  ferendum  :  non  est  référendum  £  :  non  esset  ferendum  >.:;  num 
st  ferendum  Hoiman,  uulgo.  de  rébus  v:  :  rébus  ecteri  mu.  35. 
içcusatoi  Erucius  :  accusator  Madx>ig  ;  Erucius  A.  Ebcrhard. 


mii  36    PLAIDOYER  POUR  SEX.  ROSCIUS  ITAMÉRIB         75 

le  peuple  romain  VOUA  B  Imposées.  Moi,  je  dois  réfuter  1  '. 

cusation  ;  vous,  votre  devoir  est  de  résister  A  l'audace  et 

d'éteindre,  d'étouffer  au  plus  tôt  la  violence  pernicieuse  et 

intolérable  du  pouvoir  des  gens  de  cette  espèce. 

37    Sex.   Roscius  est  accusé   d'avoir  tué 
Continuation  .         .....  ,    ,    . 

son  père:  acte  criminel,  dieux  Immortels] 

acte  impie,  acte  tel  que  ce  forfait  semble  à  lui  seul  ren- 
fermer tous  les  crimes  à  la  fois.  En  effet,  si,  comme  les 
sages  le  disent  si  bien,  l'expression  du  visage  d'un  fils  est 
souvent  un  outrage  à  la  piété  qu'il  doit  à  son  père,  quel 
supplice  assez  rigoureux  trouvera-t-on  à  infliger  à  celui 
qui  aura  donné  la  mort  au  père  pour  lequel,  si  les  circons- 
tances l'exigeaient,  les  lois  divines  et  humaines  l'obli- 
geaient à  mourir  lui-même  ? 

38  Alors  qu'il  s'agit  d'un  crime  si  grave,  si  atroce,  si 
peu  ordinaire,  qui  a  été  commis  si  rarement  que  lorsqu'il 
en  a  été  question  on  l'a  mis  au  nombre  des  faits  mons- 
trueux et  prodigieux  auxquels  on  l'assimilait,  quelles 
preuves  enfin  estimes-tu,  C.Erucius,  qu'il  te  faut  apporter 
en  qualité  d'accusateur  ?  Ne  dois-tu  pas  montrer,  dans 
celui  que  tu  appelles  devant  les  juges  en  l'accusant  de  ce 
crime,une  audace  singulière,  des  mœurs  féroces,  un  naturel 
horrible,  une  vie  abandonnée  à  tous  les  vices  et  à  toutes  les 
infamies,  enfin  l'ensemble  des  dépravations  et  des  perver- 
sités qui  entraînent  un  homme  à  sa  perte  ?  De  tout  cela, 
tu  n'as  rien  produit  contre  Sex.  Roscius,  pas  même  pour 
objecter  des  allégations. 

XIV  39  Sex.  Roscius  a  tué  son  père.  Quel  homme  est- 
ce  donc  ?  Un  adolescent,  corrompu,  induit  à  mal  faire  par 
des  vauriens  ?  Il  a  plus  de  quarante  ans.  C'est  donc  appa- 
remment un  vieux  sicaire,  un  de  ces  hommes  audacieux 
qui  ont  l'habitude  de  vivre  dans  le  meurtre  ?  Rien  de  tel, 
vous  l'avez  entendu,  n'a  été  même  avancé  par  l'accusa- 
teur. Ce  sont  donc  apparemment  ses  luxueuses  débauches, 
l'énormité  de  ses  dettes,  les  passions  indomptées  de  son 
cœur  qui  l'ont  poussé  à  ce  crime  ?  Pour  ce  qui  est  de  ses 
débauches,  Erucius  l'en  a  disculpé  en  disant  qu'il  n'a  pres- 
que jamais  pris  part  à  un  festin.  Quant  aux  dettes,  il  n'en 
a  jamais  eu.  Pour  les  passions,  quelles  peuvent  être  celles 


75  PRO  SBX.  ROSCIO  AMBRINO  xnr-37 

di  immortalesl  ac  nefarium  facinus  atque  eius  modi  quo 
uno  maleficio  scelera  omnia  complexa  esse  uideantur  ! 
Etenim  si,  id  quod  praeclare  a  sapientibus  dicitur,uultu 
saepe  laeditur  pietas,  quod  supplicium  salis  acre  reperie- 
tur  in  eum  qui  mortem  obtulerit  parenti  ?  pro  quo  mon 
ipsum,  si  res  postularet,  iura  diuina  atque  humana  coge- 
bant. 

38  In  hoc  tanto,  tain  atroci,  tam  singulari  maleficio, 
quod  ita  raro  exstitii  ut, si  quando  auditum  ait,  portenti 
ac  prodigi  simile  aumeretur,  quibus  tandem  tu,C.  Eruci, 
argumentis  accusatorem  couses  uti  oportere  ?  uonne  et 
audaciam  eius  qui  in  crimen  uoeetur  singularem  osten- 
dereel  mores feros immanemque  oaturamet  uitamuitiis 
Qagitiisque  omnibus  deditam,  «denique  omnia  ad  perni- 
ciem  profligata  atque  perdita  ?  Quorum  tu  niliil  in  Sex. 
Roscium  ne  obiciendi  quidem  causa  contulisti. 

XIV  39  Patrem  occidit  Sex.  Hoscius.  Qui  homo  ? 
adulescentulus  corruptus  et  ah  hominibus  nequam  iu- 
ductus  ?  Annos  nalus  maior  quadraginta.  Vêtus  uideli- 
cel  sicarius,  homo  audax  et  saepe  in  caede  uersatus.  AL 
ih  accusatore  ne  dici  quidem  audistis. Luxuries  igi- 
tur  honiinem  nimirum  et  aeris  alieni  magnitudo  et  indo- 
mitae  animi  cupiditates  ad  hoc  scelus  impulerunt.  De 
Luxuria  purgauit  Erucius,  cum  dixit  hune  ne  in  conuiuio 
quidem  ullo  fere  interfuisse. Nihil  autem  umquam  debuit. 


38.  tu,  ('..  Erud  Klotz  :  te  ('..  Brucl  nus.,  uulgo  :  ('..  Erud  Mueller. 

denique  Mct&otg:  el  denique  nus.,  uulgo.  ;  39.  annoa  Datai 
maior  :  annos  nat us  maglfl  éd.  Aid.  1519,  uulgo  :  annos  oata  maior 
Gulleùniua.  H  de  luxuria:  deluxoriaeS;  de  luxuriew,  Mueller.  u 
umquanv.    umquam  CUiquam  Bake, 


xiv-39     PLAIDOYER  POUR  SBX.  ROSCIUS  &AMÊRIB         7*3 

d'un  homme  qui  —  l'accusateur  lui  même  lui  en  a  fait  an 
crime  —  a  toujours  habité  a  la  campagne,  toujours  occupé 
sa  vie  à  la  culture  'les  champs  ?  i  Fne  telle  vie  n'a  aucune 

espèce  de  rapports  avec  la  passion  ;  elle  <n  a  d'intime*  ^vec 
le  devoir. 

40  Quelestdonc  le  motif  qui  a  jeté  Sex  Rosciusdans  une 
telle  folie  furieuse  ?  a  Son  père,  dit  l'accusateur,  ne  l'aimait 

pas.  »  Son  père  ne  l'aimait  pas  ?  Et  pour  quelle  raison?  Car 
il  faut  qu'il  y  ait  aussi  une  raison  juste,  grave,  manifeste. 
En  effet,  s'il  est  incroyable  qu'un  fils  ait  donné  la  moi 
son  père  sans  des  raisons  très  nombreuses  et  très  graves,  il 
est  invraisemblable  qu'un  fils  ait  été  l'objet  de  la  haine 
de  son  père  sans  des  raisons  nombreuses,  fortes,  absolues. 

41  Revenons  donc  à  ce  même  point  d'où  nous  sommes 
partis  et  cherchons  quels  vices  si  énormes  ce  fils  a  pu  avoir 
pour  ne  pas  être  aimé  de  son  père.  Mais  il  est  manifeste 
qu'il  n'avait  aucun  vice.  Le  père  était  donc  un  insensé,  lui 
qui  aurait  haï  sans  raison  le  fils  qu'il  avait  engendré  ? 
Mais  c'était,  certes,  l'esprit  le  plus  solide  du  monde.  Voici 
donc  qu'il  est  de  toute  évidence  que, si  le  père  n'était  pas 
un  insensé  et  le  fils  un  homme  perdu  de  vices,  le  père 
n'avait  aucun  motif  de  haïr  son  fils,  le  fils  aucun  motif 
de  commettre  le  crime. 

XV  42  «  J'ignore,  dit  l'accusateur,  quel  est  le  motif 
de  haine  ;  mais  je  me  rends  compte  que  la  haine  existait, 
puisque,  autrefois,  quand  Roscius  avait  deux  fils,  il  vou- 
lait que  l'autre,  celui  qui  est  mort,  fût  de  tout  temps  avec 
lui  ;  au  contraire,  celui  que  j'accuse,  il  l'avait  relégué  dans 
ses  propriétés  rurales(l).»  Le  même  embarras qu'Erucius 
éprouvait  dans  une  accusation  malveillante  et  peu  sérieuse, 
je  l'éprouve  dans  la  défense  d'une  cause  excellente.  Il  ne 
trouvait  pas  de  preuves  pour  appuyer  une  imputation 
imaginaire  ;  moi,  je  ne  peux  découvrir  le  moyen  d'infirmer 
et  de  réfuter  des  allégations  aussi  peu  solides. 

43    Que  prétends-tu,  Erucius  ?  Tant  de  propriétés,  si 


(1)  Les  praedia,  immeubles  qui  servent  de  garantie  (praes), 
comprennent  les  propriétés  rurales  (praedia  rustica)  et  les  proprié- 
tés urbaines  (praedia  urbana). 


76  PRO  SEX.  ROSCIO  AMERINO  xiv  39 

Cupiditatea  porro  quae  possunl  esse  in  eo  qui,  ut  ipse 
accusator  obiecit,ruri  semper  habitant  el  in  agro  colen- 
do  uixeril  ?  quae  uita  maxime  disiuncta  a  cupiditate 
etcum  officio  coniuncta  est. 

40  Quae  res  igitur  tantum  istum  furorem  Sex.  Roï 
obiecit  ?  «  Patri,  »  inquit,  «  non  placebat.  Patri  non  pla- 
cebat  ?  quam  ob  causam  ?  n  ssl  enim  eam  quoque 
iustam  et  magnam  et  perspicuam  fuisse.  Nam  ut  illud 
incredibile  est,  mortem  oblatam  esse  patri  a  filin  sine 
plurimis  et  maximis  causis,  sic  hoc  ueri  simile  non  i  jt, 
odio  fuisse  parenti  lilium  sine  causis  multiset  magnis  et 
necessariis. 

41  Rursus  igitur  eodem  reuertamur  et  quaeramus 
quae  tanta  uitia  fuerint  in  unico  filio,qua  re  is  patri  dis- 
pliceret.  Al  perspicuum  est  nullum  fuisse.  Pater  igitur 
amens,  qui  odisset  eum  sine  causa  quem  i)rocrearat  ?  At 
is  quidem  fuit  omnium  constautissimus. Ergo  illud  iam 
perspicuum  profecto  est,  si  neque  amens  pater  neque 
perditus  filius  fuerit,  nequeodi  causam  patri  neque 
leris  lilio  luis 

XV  42  Nescio,  inquit,  «quae  causa  odi  fuerit  ;  fui 
odium  intellego,  quia  antea,  cum  duos  (Uios  haberet, 
illum  alterum  qui  mortuusestsecum  omnitemporeuole- 
bat  esse, hune  in  praedia  rustica  relegarat.  -  Quod  Erucio 
accidebat  in  mala  nugatoriaque  accusatione,  idem  mihi 
usu  uenit  in  causa  optima.  Ille  quo  modo  crimen  com- 
menticium  conlirmaret  non  inueniehat,  ego  res  tam  leues 

a  cupiditate  éd.  Brese.  1  iT.'î  :  cupiditate  mss.     cum  officio  con- 
iuncta est  s  :  cum  offlcio  coniuncl a  a,  >.:.  y.  uulgo  :  cum  officio  E,  A, 
ir,  X1.    40.  eam  quoque  :  causam  canaque  Richter.  \  •'♦2.  qui 
qui  antea  Lambin, 


xv-43     PLAIDOYER  POUR  SBX.  ROSCIUS  VAMÊRIB  77 

belles  et  d'un  il  bon  rapport,  Scx.  Roscius  n'en  avait 
confié  la  culture  et  l'administration  à  son  fils  que  pour  le 
reléguer  et  pour  le  châtier?  Eb  quoi  !  Lef  chefi  de  famille 

qui  ont  des  fils,  eeux  surtout  de  cette  classe,    ceux  d 
municipes  de  la  campagne  o'estiment-ili  jkis  qu'ils  n'ont 

rien  de  mieux  à  souhaiter  que  de  voir  leurs  fils  servir  les 
intérêts  domestiques  et  mettre  tous  leurs  soins  et  tout  leur 
zèle  à  cultiver  les  propriétés  ? 

a44  L'avait-il  éloigné  ainsi  pour  le  faire  rester  aux 
champs,  pour  ne  lui  donner  dans  la  propriété  que  sa  nour- 
riture et  le  priver  de  toutes  les  commodités  de  la  vie  ?  Eb 
quoi  1  S'il  est  constant  que  non  seulement  Roscius  était  à 
la  tête  des  exploitations  agricoles,  mais  que  certains  do- 
maines avaient  été  déterminés,  dont  il  avait  l'usufruit  du 
vivant  même  de  son  père,  appelleras-tu  cette  vie  qu'il 
menait  à  la  campagne  une  relégation,  un  exil  ?  Tu  vois, 
Erucius,  combien  ton  argumentation  est  en  désaccord 
avec  les  faits  et  avec  la  vérité.  Ce  que  les  pères  font,confor- 
mément  à  la  coutume,  tu  le  réprouves  comme  une  nou- 
veauté ;  ce  qui  est  un  acte  de  bienveillance,  tu  l'incrimines 
comme  étant  une  preuve  de  haine  ;  la  concession  dont  un 
père  honore  son  fils,  tu  prétends  que  ce  père  l'a  faite  pour 
châtier  ce  fils.  45  Toi-même,  tu  es  loin  de  ne  pas  te  rendre 
compte  de  la  fausseté  de  tout  ce  que  tu  dis  ;  mais  tu  te 
trouves  tellement  à  court  d'arguments  que  tu  te  juges 
forcé  d'aller  à  rencontre  non  seulement  de  ce  que  nous 
disons,  mais  même  de  la  nature  des  faits,  de  la  coutume 
des  hommes,  des  opinions  reçues  par  tout  le  monde. 

XVI  Mais,  dis-tu,  alors  que  Roscius  avait  deux  fils,  il 
ne  se  séparait  pas  de  l'un  et  il  laissait  l'autre  demeurer  à 
la  campagne.  Je  te  prie,  Erucius,  de  prendre  en  bonne 
part  ce  que  je  vais  te  dire  :  je  n'ai  pas  l'intention  de  te 
faire  un  reproche,  mais  bien  de  te  donner  un  avis.  46  Si 
ta  mauvaise  fortune  t'a  fait  naître  de  père  inconnu,  si  tu 
n'as  eu  personne  qui  ait  pu  te  faire  comprendre  ce  que 
sont  les  sentiments  paternels  à  l'égard  des  enfants,  du 
moins  la  nature  t'a-t-elle  donné,  non  sans  largesse,  des 
aptitudes  d'honnête  homme  ;  le  goût  de  l'instruction  s'y 
étant  joint,  il  se  trouve  que  tu  n'es  pas  étranger  aux  lettres. 


77  PJW  SBX.  ROSC 10  AMBRISO  xv-42 

qua  ratione  infirmem  ac  diluam   reperire  non  possum. 

43  Quid  ais,  Eruci  ?  toi  praedia,  tam  pulchra,  tam 
fructuosa  Sex.  Roscius  ffilio  suo  relegationis  ac  supplici 
gratia  colenrin  ac  tuenda  tradiderat  ?  Quid  ?  hoc  patres 
familiae  qui  Liberos  habent,  praesertim  homines  illins 
ordinia  ex  municipiis  rusf  icanis,  Donne  optatissimum  sibi 
putanl  esse  iilios  buos  reî  familiari  maxime  sefuire  et  m 
praediis  colendis  operae  plurimum  studique  consume] 

44  An  amandaYat  hune  sic  nt  essel  in  agro  ac  tantum 
modo  alereturaduillam,ut  commodis  omnibus  careret  ? 
Quid?  .si  constat  hune  non  modo  colendis  praediis  prae- 
fuisse  sed  certis  tandis  pâtre  uiuo  frui  solitum  ess 
tamenne  haec  a  le  nila  vins  rusticana  relegatio  alque 
amandatio  appellabitur  ?  Vides,  Eruci,  quantum  dis- 
tet  argumentatio  tua  ab  re  ipsa  atque  a  ueritate.  Quod 
consuetudine  paires  faciunt, id  quasi  nouum  reprehen- 
(iis  ;  quod  beneuolentia  fit,  id  odio  factum  criminaris  ; 
quod  honoris  causa  pater  lilio  suo  eoneessil,  id  eum  sup- 
plici  causa  fecisse  dicis.  45  Nfeque  haec  tu  non  intellegis, 
sed  usque  eo  quid  arguas  non  habes,  ut  non  modo  tibi 
contra  nos  dicendum  putes,  uerum  etiam  contra  rerum 
naturam  contraque  consuetudinem  hominum  contraque 
opiniones  omnium. 

XVI  At  enim,  enin  duos  Iilios  haberet,  allerum  a  se 
non  dimittebat,  allerum  ruri  esse  paliebalur.  Quaeso, 
Eruci,  ut  hoc  in  bonam  partem  accipias  ;  non  enim  ex- 

43.  patres  ramiliae  :  patres  famUias  >..  éd.  Ven.  1  171,  uidg  ■.  44. 
amandaral  H,  /.'.  -,  >.-'.  ■'/  :  emendaral  V-  :  mandant  céleri  mu.  il 
a  t.-  uita  dus  Vahltn  :  a  te  uita  et  >-  :  attente  uita  et  céleri  mts.  ; 
attenta  uita  et  eo*.  Aid.  1519,  mdgo.  a  ueritate  y  :  ueritate  céleri 
mts.    45.  quid  arguas  :  quod  arguas  Lambin. 


xvi-46     PLAIDOYER  POl  H  SI    ^.   ROSCIl  S  &AMÉRIE        78 

Te  semble-t-il  donc, pour  passer  aux  pièces  de  théâtre, 

que  ce  vieillard  de  Caecilhlfl  fait  moins  cas  d'Elltychus, 
son  fils,  le  campagnard,que  de  l'autre,  Chaerestrate  (1)  — 
c'est  ainsi  je  crois  qu'il  se  nomme  —  qu'il  garde  l'un, 
pour  lui  faire  honneur,  en  ville,  à  ses  côtés,  qu'il  a  relégué 
l'autre  à  la  campagne,  pour  le  châtier?  47  Pourquoi, 
diras-tu,  faire  dévier  la  discussion  vers  des  histoires  qui 
n'ont  avec  elle  aucunrapport  ?»  Comme  s'il  m'était  diffi- 
cile, sans  aller  chercher  plus  loin,  de  citer  par  leurs  noms 
en  aussi  grand  nombre  que  tu  pourrais  le  désirer  des  hom- 
mes de  ma  tribu  ou  de  mon  voisinage,  qui  tiennent  à  voir 
ceux  de  leurs  fils  dont  ils  font  le  plus  de  cas  s'occuper  assi- 
dûment d'agriculture.  Mais  c'est  une  inconvenance  de 
prendre  pour  exemples  des  hommes  connus,  quand  on 
ignore  s'ils  veulent  être  nommés  ;  d'ailleurs,  aucun  d'eux 
ne  vous  serait  plus  connu  quecetEutychus,et  peu  importe, 
assurément,  que  je  cite  le  nom  de  ce  jeune  honnne  de 
comédie  ou  celui  de  quelque  habitant  de  la  campagne  de 
Véies.  Je  crois,  en  effet,  que  toutes  ces  fictions  des  poètes 
n'ont  d'autre  but  que  de  nous  faire  voir  l'image  de  nos 
mœurs  chez  des  personnages  qui  nous  sont  étrangers  et  le 
tableau  de  notre  vie  de  chaque  jour.  48  Eh  bien  !  donc, 
puisque  tu  le  désires,  reporte  ton  esprit  vers  la  réalité,  et 
considère  non  seulement  dans  l'Ombrie  et  dans  les  régions 
qui  en  sont  voisines,  mais  dans  nos  vieux  municipes, 
quelles  sont  les  occupations  dont  le  goût  est  le  plus  estimé 
par  les  pères  de  famille  ;  et  tu  ne  tarderas  pas  à  te  rendre 
compte  que,  dans  ta  pénurie  de  griefs,  tu  as  fait  à  Sex. 
Roscius  un  défaut  et  un  vice  de  ce  qui  est  pour  lui  le  plus 
grand  titre  d'éloge. 

XVII  Et  ce  n'est  pas  seulement  pour  obéir  à  la  volonté 
de  leurs  pères  que  les  fils  font  de  l'agriculture. Mais  j'en 
connais  bon  nombre,  et,  si  je  ne  me  trompe,  chacun  de 
vous  en  connaît  aussi,  que  leur  goût  entraîne  d'eux-mêmes 
vers  tout  ce  qui  se  rapporte  à  la  culture  des  champs, 


(1)  Personnages  de  V Hypobolimaeus,  comédie  de  Caecilius,  dont 
il  ne  reste  à  peu  près  rien,  et  dont  il  est  difficile  de  conjecturer 
le  sujet.  Le  mot  grec  •jnc'So/.'.y.a'.ç  signifie  «  enfant  supposé  ». 


78  l'ilo  SEX.  ROSCIO  AMERINO  wi-45 

probrandi  causa  Bed  commonendi  gratia  dicam.  46  Si 
tibi  fortuna  non  dédit  ut  pâtre  certo  nascerere  ex  quo 
intellegere  posses  qui  animus  patrius  in  liberos  esset,  al 
natura  certe  dédit  ut  humanitatis  non  parum  haberea  : 
eo  accessit  studium  doctrinaeut  ne  a  litterisquidem  alie- 
nus  esses. £cquid  tandem  tibi  uidetur,  ut  ad  fabulas  ue- 
uiamus,  senex  Ole  Caecilianus  minoris  facere  Eutychum, 
lilinni  rusticum,  quam  illum  alterum,  Chaerestratum  ? 
—  nam,  ni  opinor,  hoc  nomine  est  —  alterum  in  urbe 
secum  honoris  causa  habere,  alterum  rus  supplici  causa 
relegasse  ?  47  •  Quid  ad  istas  ineptias  abis  ?  o  inquies. 
Quasi  ueromihi  difficile  sit  quamuis  multos  nominatim 
proferre,  ne  longius  abeam,  ueltribules,uel  uicinos  meos, 
qui  suos  liberos  quos  plurimi  faciunt  agricolas  adsiduos 
cssecupiunt.  Verum  homines  notossumere  odiosum  est, 
cum  et  illud  incertum  sit  uelintne  ii  sese  nominari,  et  ne- 
nu»  uobis  magis  notus  futurus  sit  quam  est  hic  Eutychus, 
et  certe  ad  rem  nihil  intersit  utrum  hune  ego  comicum 
adulescentem  an  aliquem  ex  agro  Veienti  nominem.  Ete- 
nim  haec  conficta  arbitror  esse  a  poetis  ut  effictos  nos- 
tros  mores  in  alienis  personis  expressamque  imaginem 
aostrae  uitae  cotidianae  uideremus.48  Age  nunc,  refer 
aniniinn  sis  ad  ueritatem  et  considéra,  non  modo  in  Ym- 
bria  atque  in  ea  uicinitate,  sed  in  his  ueteribus  muni- 


if.  esses.  Ecquid  éd.  Ch.  Eslicnne  1555  :  essei  quid  E  ;  esses 
quid  céleri  mss.  ||  47.  uelintne  ii  a,  X  :  uelintne  hi  céleri  mss.,  uuhjn.  \\ 
Vdenti  Fleekeisen  :  Velente  C-,  uulgo  ;  aeientena  ~,  A  ;  uenien- 

(viu  céleri  mss.  \\    hna^ineni    nostrae   uitae  Hotmail,  UtUgo  l  imap- 
nein  nostram  uilae /n.s.s.,  imauiiu'in    uitae    Madvig.     IlideremilS  A 

éd.  BlttC  1473,  ualijo  :   uiderimus  céleri  mss. 


xvn-48     PLAIDOYER  POUR  SEX.  BOSCIUS  ZTAMÊRJB       70 

et  qui  voimt  dans  celte  vie  delà  campagne,  dont,  tu 
penses  devoir  faire  un  sujet  de  honte  et  d'accusation*  la 
vie  la  plus  honorable  et  la  plus  agréable. 

49  Quant  à  Sex.  Roscius  lui-même,  te  fais-tu  une  Idée 
du  goût  qu'il  a  pour  les  occupations  de  la  campagne,  de 
l'Intelligence  dont  il  y  fait  preuve  V  D'après  ce  que  J'en- 
tends dire  à  ses  proches,  hommes  des  plus  honorables,  tu 
ne  peux  te  vanter  d'être  plus  habile  dans  ton  métier 
d'accusateur  qu'il  ne  l'est  lui-même  dans  son  propre  métieEr 
Maisje  crois,  puisque  tel  est  le  bon  plaisir  de  Chrysogonus, 
qui  ne  lui  a  pas  laissé  une  seule  terre^il  pourra  oublier 
son  métier  et  renoncer  à  ses  goûtsVCe  malheur  et  cette 
indignité,  il  les  supportera  cependant  avec  égalité  d'âme, 
si  voujs  lui  permettez,  juges,  de  conserver  la  vie  et  l'hon- 
neur/Mais,  ce  qui  ne  peut  être  supporté,  c'est  que  sa  ruine 
n'ait  d'autre  motif  que  le  nombre  et  l'excellente  qualité 
de  ses  terres,  c'est  que  l'application  qu'il  a  mise  à  les 
cultiver  lui  ait  causé  le  plus  grand  préjudice/x'est  que, 
comme  s'il  n'était  pas  assez  malheureuxde  les  avoir  culti- 
vées pour  autrui  et  non  pour  lui/on  lui  fasse  un  crime 
même  de  les  avoir  cultivées/' 

XVIII  50  Certes,  Erucius,  tu  aurais  été  un  bien  plai- 
sant accusateur  si  tu  étais  né  au  temps  où  Ton  allait  cher- 
cher à  leur  charrue  ceux  dont  on  faisait  des  consuls^  En 
effet,  toi  qui  estimes  que  c'est  un  crime  déshonorant  que 
d'être  à  la  tête  d'une  exploitation  agricole,  tu  aurais  sans 
doute  jugé  très  ignoble  et  très  méprisable  cet  Atilius(l), 
que  ceux  qui  lui  avaient  été  envoyés  trouvèrent  occupé  à 
ensemencer  son  champ  de  sa  propre  main^Nlais,  par  Her- 
cule !  nos  ancêtres  avaient  une  idée  bien  différente  et 
d'Atilius  et  des  autres  hommes  qui  lui  ressemblaient  (2). 

(1)  C.  Atilius  Serranus,  à  qui  l'on  vint  offrir  le  consulat  (497/ 
257),  alors  qu'il  ensemençait  lui-même  son  champ  ;  d'où  son  sur- 
nom. Pline,  JY.  H.,  XVIII,  m,  20:  Serentem  inuenerunt  dati 
honores  Serranum,  unde  ei  cognomen. 

(2)  Caton  (  De  ayri  culturel,  PrciefaL.  1)  rappelle  cette  opinion  des 
ancêtres  qui  pensaient  faire  le  plus  grand  éloge  d'un  honnête  hom- 
me en  louant  son  mérite  d'agriculteur:  Maiores  nostri  uirum  bo- 
num  cum  ïaudabant  ita  laudabant,  bonum  agricolam,  bonumque 
colonum.  Amplissime  laudari  existimabatur  qui  ita  laudabatur. 


79  PRO  SEX.  ROSCIO  AMERINO  wi-48 

cipiis  quae  studia  a  patribus  familial  maxime  lauden- 
tur;  iam  profecto  te  intelleges  inopia  criminum  summum 
laudem  Sex.  Roscio  uitio  el  culpae  dédisse. 

XVI]  Ac  non  modo  hoc  patrum  uoluntate  liberi  fa- 
ciuntySed  permultos  el  ego  noui  et,  nisi  me  fallit  animus, 
anus  quisqae  uestrum,  qui  et  ipsi  incensi  sunL  studio 
quod  ad  agrum  colendum  attinet,  uitamque  banc  rusti- 
cam,  quam  tu  probro  el  criniini  putas  esse  oporter 
honestissimam  el  suauissimam  esse  arbitrantur. 

49  Quid  censés  hune  Ipsum  Sex.  Roscium  quo  studio 
et  qua  intellegentia  esse  in  rusticis  rébus  ?  Vf  ex  liis  pro- 
pinquis  eius,  hominibus  honestissimis,  audio,  non  tu  in 
isto  artificio  accusatorio  callidior  es  quam  hic  in  suo. 
Verum,  ut  opinor,  quoniam  ita  Chrysogono  uidetur  qui 
huic  nulliiin  praedium  reliquit,  et  artilicium  obliuiscatur 
et  studium  deponat  licebit.  Quod  tametsi  miserum  et 
indignum  est,  feret  tamen  aequo  animo,  indices,  si  per 
nos  uitam  et  famam  potest  obtinere  ;  hoc  uero  est  quod 
ferri  non  potest,  si  et  in  hanc  cnlainitateni  uenit  propter 
praediorum  bonitatem  et  multitudinem  et  quod  ea  stu- 
diose  coluit,  id  eril  <ù  maxime  fraudi,  ut  parum  miseriae 
sil  quod  alii.s  coluit  non  situ,  nisi  etiam  quod  omnino 
coluit  criniini  fuerit. 

XVIII   50  Ne   tu,  Eruci,  accusator  esses  ridicului 
illi^  temporibus  natus  esses  cum  ab  aratro  arcessebantur 
qui  consules  fièrent.  Etenim  qui  praeesse  agro  colendo 

48.  patribus  Familiae  :  patribus  familiis  mu.  :  patribus  famlliasi 
ftl.  Brest.  Ï473 ,uulgo.  R  ac  non  modo  •  at  non  modo  mlgo. 

I  quod  :ni  agrum  u,  éd.  lunt.    1515,  nulgo  \  quod   agrum  1 

i  agrum   eeteri  mu.  ,  49.  ferei  À1  :  ferre  n.  ç  ;  ferret  eeteri 

mu.  |  maxime  fraudi  :  maximae  fraudi  H. 


xvni  50     PLAIDOYER  POUR   SBX,  ROSCIUS  TfAMÊRlE     80 

//Aussi,  d'un  Etat  si  petit  et  il  faible  Ils  ont   f;iit  ii;i. 
grand  et  si  florissant  qu'ils  nous  ont.  laisserai  ils  culti- 
vaient leurs  champs  avec  ardeuc/us  ne  convoitaient  i)as 

avec  passion  ceux  d'autrui/^c'est  ainsi  que,  conquérant 
des  territoires,  des  villes  et  des  nations,  ils  ont  agrandi 
la  République,  notre  empire  et  le  nom  du  peuple  romain. 

51  Et  je  ne  publie  pas  ces  faits  pour  établir  une  compa- 
raison avec  ceux  qui  sont  en  ce  moment  l'objet  de  notre 
enquête.  Mais  je  veux  l'aire  comprendre  que,  si  chez  nos 
ancêtres  les  citoyens  les  plus  éminents,  les  hommes  les 
plus  illustres,  qui  devaient  constamment  se  tenir  au  gou- 
vernail de  la  République,  ont  consacré  cependant  une  par- 
tie de  leurs  soins  et  de  leur  temps  à  la  culture  des  champs, 
on  doit  pardonner  à  cet  homme  d'avouer  qu'il  est  un 
campagnard,  puisqu'il  a  toujours  vécu  à  la  campagne,  où 
il  demeurait  assidûment,  puisque  surtout  il  n'était  rien 
qui  fût  plus  utile  et  plus  agréable  à  son  père  et  plus 
conforme  à  ses  propres  goûts,  puisqu'il  ne  pouvait  mener, 
en  effet,  une  vie  plus  honorable. 

52  Ainsi  donc,  cette  haine  si  violente  du  père  contre  le 
fils,  on  en  donne  la  preuve,  je  pense,  Erucius,  par  ce  fait 
que  le  père  laissait  le  fds  vivre  à  la  campagne.  Y  a-t-il  quel- 
que autre  preuve?  «Mais, assurément, dit-il, il  y  en  a  ;  car 
il  avait  dans  l'esprit  l'intention  de  le  déshériter.  »  —  J'é- 
coute avec  plaisir;  ce  que  tu  dis  maintenant  a  quelque  rap- 
port avec  la  cause  ;  car,  dans  tout  le  reste, tu  l'accordes,  je 
pense,  il  n'y  a  qu'affirmations  maladroites  et  sans  impor- 
tance. «Il  n'accompagnait  pas  son  père  dans  les  festins.  » 
—  C'est  qu'il  ne  venait  même  en  ville  que  très  rarement. 
«  On  ne  l'invitait  dans  presque  aucune  maison.  »  —  Rien 
d'étonnant  :  il  ne  vivait  point  en  ville  et  il  ne  devait  pas 
rendre  l'invitation. 

XIX  53  Vraiment,  tu  comprends  toi  aussi  combien 
tout  cela  est  peu  sérieux.  Mais  examinons  la  preuve  dont 

On  trouvera  dans  la  Préface  du  De  re  rustica  de  Columelle  les  noms 
des  autres  grands  hommes  de  l'antiquité  romaine  qui  ressemblaient 
à  Atilius  :  Cincinnatus,  qu'on  arracha  à  sa  charrue  pour  faire  de 
lui  un  dictateur,  Fabricius  et  Gurius  Dentatus,  qui,  après  leurs 
victoires,  revenaient  labourer  leurs  champs. 


80  PRO  SBX.  ROSCIO  AMBRINO  n-50 

Qagithim  putes,  prufocto  illum  Atilium,  quem  sua  manu 
spargentem  semen  qui  missi  erant  conuenerunt,  h< 
aem  turpissimum  atque  inhonestissimum  Ludicares.  u 
hercule  maiores  nostri  longe  aliter  el  de  illo  et  de  ceteria 
talibus  uiris  existimabant  :  itaque  ex  miuima   tenuissi- 
maque  re  publica  maximam  et  florentissimam  aobis  reli- 
querunt.  Suos  enim  agros  studiose  colebant,  non  alienos 
cupide  appetebanl  :  quibua  rébus  e1  agris  et  urbibu 
aationibus  rem  publicam  atque  hoc  imperiuni  et  po] 
Romani  nomen  auxerunt.  51  Neque  ego  haec  eo  proféra 
quo  conf erenda  sinl  cum  hisci  de  quibusnuncquaerimus, 
Bed  ut  Ulud  intellegatur,  cum  apud  maiores  nostros  sum- 
ini  uni  clarissimique  homines,  qui  omni  tempore  ad  gu- 
bernacula  rei  publicae  sedere  debebant,  tamen  in  agri's 
quoque  colendis  aliquantum  operae  temporisque  con- 
sumpserint,  ignosci  oportere  ei  homini  qui  se  fateatur 
esse  rusticum,  cum  ruri  adsiduus  semper  uixerit,  c 
praesertim  nihil  esset  quod  aut  patri  gratius   aut  sibi 
Iucundiua  aut  re  uera  honestius  facere  posset. 

52  Odium  igitur  acerrimum  patris  in  filium  ex  h 
opinor,  ostenditur,  Eruci,  quod  hune  ruri  esse  patieba- 
tur.  Numquid  est  aliud  ?  bnmo  uero,  »  inquit,«  est  ;  nam 
istum  exheredare  in  animo  habebat.  i  Audio  ;  nunc  dicis 
aliquid  quod  ad  rem  pertineat  ;  nam  illa,  opinor,  tu  quo- 
que eoncedis  leuia  esse  atque  inepta  :  «  Conuiuia  cum 
pâtre  non  inibat.  -  Quippe,  qui  ne  in  oppidum  quidem, 


50.  rc  publica  :  rem  publicam  Pluygen.  ,51.  intellegatur  :  Inl 
gjUlt  A  ;  intellcgas  a,  X1.  Il  CODSUmpserinl  td.  Bonon.  1  199,  uulgu  : 
consunipserunt  WB8.       Bâsiduus:  usiduos  2,    A  .  BSSiduo  Gulic!- 

mius.     52.  ostenditur  :   non  ostenditur    Richier. 


53     PLAIDOYER  RM  H  SEX  Su  \u\iui.        81 

nous  avons  commencé  à  nous  occuper  :  on  ne  peu  l,  en  effet, 
découvrir  une  preuve  de  haine  plus  précise.  Le  père  agi- 
tait dans  son  esprit  la  pensée  de  déshériter  son  fils.  ■ —  Je 
néglige  de  demander  pour  quel  motif  ;  Je  demande  com- 
ment tu  le  sais.  Toutefois,  tu  aurais  bien  l'ait  d'énoneer  et 
d'énuuiérer  tous  les  motifs  ;  c'était  le  devoir  d'un  accusa- 
teur qui  accuse  avec  certitude  ;  quand  on  veut  convaincre 
d'un  tel  crime,  on  doit  faire  L'exposé  de  tous  les  vices,  de 
toutes  les  actions  coupables  du  (ils  qui  ont  pu  mftamn 
la  colère  du  père,  l'amener  à  vaincre  les  sentiments  mêmes 
de  la  nature,  à  arracher  de  son  cœur  cet  amour  si  profon- 
dément enraciné,  enfin  à  oublier  qu'il  était  père  :  ce  qui 
n'aurait  pu  arriver,  je  pense,  sans  les  actions  les  plus  cou- 
pables de  la  part  du  fds. 

54  Mais,  je  te  l'accorde,  laisse  de  côté  ces  fautes  ;  en  te 
taisant,  tu  accordes  toi-même  qu'elles  n'existent  pas.  Mais 
cette  affirmation  que  le  père  a  voulu  déshériter  son  fils,  tu 
dois  assurément  la  prouver  avec  évidence.'  Quels  argu- 
ments apportes-tu  qui  nous  permettent  de  penser  que 
telle  a  été  son  intention  ?  Tu  ne  peux  rien  dire  qui  soit 
conforme  à  la  vérité.  Imagine  au  moins  quelque  raison 
acceptable  pour  qu'il  n'apparaisse  pas  en  toute  évidence 
que  tu  fais  ce  que  tu  fais  ouvertement,  que  tu  insulU 

la  mauvaise  fortune  de  Roscius  et  à  la  dignité  de  juges  si 
éminents.jLe  père  a  voulu  déshériter  son  fds.  Pour  quel 
motif  ?  «  Je  ne  le  sais  pas.  »  —  L'a-t-il  déshérité  ?  «  Non.  i 
—  Qui  l'en  a  empêché  ?  «  Il  en  agitait  la  pensée  dans  son 
esprit.  »  —  Il  en  agitait  la  pensée  dans  son  esprit  ?  A 
qui  l'a-t-il  dit  ?  «  A  personne.  »  N'est-ce  pas  abuser  d'une 
instruction  judiciaire,  des  lois,  de  votre  majesté,pour  s1*r- 
vir  l'amour  du  gain  et  la  passion, que  d'employer  un  pareil 
procédé  d'accusation,  que  d'objecter  des  faits  dont  tu 
ne  peux  pas,  dont  tu  n'essayes  même  pas  de  démontrer 
l'évidence  ? 

55  II  n'est  personne  de  nous,  Erucius,  qui  ne  le  sache  : 
aucune  inimitié  n'existe  entre  Sex.  Roscius  et  toi  ;  tout  le 
monde  voit  pour  quel  motif  tu  te  présentes  en  justice 
comme  l'ennemi  de  Sex.  Roscius  ;  on  sait  que  tu  y  as  été 
amené  par  l'argent  de  T.  Roscius.  Qu'est-ce  à  dire  ?  Quel 


81  PBO  SBX.  ROSCIO  AMERJSO  xviu-52 

nisi  perraro,  uenirot.  «  Domain  satin  ist  mn  non  fere  quis- 
quam  uocabat.  i  Nec  mirum,  qui  neque  in  urbe  aiueret 
ueque  reuooaturus  esset 

XIX  53  Wruni  iiaec  tu  qaoqae  inteHegis  esse  nuga- 
toria  ;  illud  quod  coepimus  uideamiis,  quocertius  argu- 
mentumodî  repérai  aullo  modo  potest.  «  Bxheredaxe  pa- 
ter  iiliuMi  cogitabal .  Mitio  quaerere  qua  de  causa  ;  quae- 
ro  qui  seins  ;  tametsi  te  dicere  atque  enumerare  causas 
omnes  oportebat»e1  îd  erat  certi  accusatoris  oiiicium,qui 
tanti  sceleris  argueret,  explicare  omnia  nitia  ac  peocata 
iili,  quibus  incensus  parens  potuerit  animum  inducere  ut 
naturam  ipsam  uinceret,  ut  amorem  illum  penitns  insi- 
tum  eiceret  ex  animo,  ut  denique  patrem  >bli- 

retur  :  qaae  sine  magnis  huiusce  peccatis  aocidere 
potuisse  non  arbitror. 

54  Verum  concedo  tibi  ui  ea  praetereas  quae,  cum 
taces,  DuUa  esse  concédas  ;  îHud  quidem,  uolirisse  exhere- 
dare,  <•■  ri  •  tu  planum  facere  debes.  Quid  ergo  adfers  qua 
re  id  facturn  putemus  ?  Vere  nihil  potes  dicere  ;  finge  ali- 
quid  saltem  commode  ut  ne  plane  uidearis  id  facere  ([uod 
aperte  facis,  huius  miseri  fortunis  et  horum  uirorum  ta- 
lium  dignitati  Qludere.  Exheredare  filium  uoluit  Quam 
oh  causam  ?  Nescio.  »  Exfieredauitne  ?  «  Non.  d  Quia 
prohibait  ?  «  Cogitabat.  »  Cogitabat  ?  cui  dixit  ?  «  Nemi- 
ni.  »  Quid  est  aliud  iudicio  ac  legibus  ac  maiestate  uestra 
abuti  ad  quaestum  atque  ad  Ifoidinem  nisî  hoc  mode 

1  •  rraro  :  errario  H  :  raro  o,  a,  ty*.  53.  tu  quoque  :  quoque  t 
lv>:n.  1471,  uulijo.  I|  certi:  certe  FJBfpCTI.  |  quae  si  iif  maauis  : 
quod  sine  magnis  Plu\i gert,  |  54.  Ulud  quidem  Gulielmtus  :  illum 
quidem  mu.  H  potes  dicere  :  potes  se  dicere  H  ;  potes  edlmre  <iu- 
uis  ;  potes  seilieet  dicere  c<>ni.  Mutiler  ;  potes  eliccre  coni. 
( Aark. 


m\  55     PLAIDOYER  POUR  SBX,  ROSCIUS  VAMÊRIE        82 

que  soit  ton  amour  du  gain, tu  devrais  cependant  estimer 

que  l'opinion  des  jugea  et  la  loi  Kcminia  |  \)  doivent  avoir 
quelque  valeur. 
XX.  Il  est  utile  que  les  accusateuri  soient  nombreux 

dans  l'Etat  pour  que  la  crainte  puisse  contenir  l'audat 
mais  l'utilité  (les  accusateurs  ne  leur  permet  pas  de  nous 
outrager  ouvertement.  I  n  homme esl  innocent  ;  et .  cepen- 
dant, quoiqu'il  se  tienne  éloigné  de  toute  faute,  il  n  est 
pas  à  l'abri  du  soupçon.  Quoique  ce  soit  pour  lui  un  mal- 
heur d'être  accusé,  je  pourrais  jusqu'à  un  certain  point 
pardonner  à  celui  qui  l'accuse.  Car,  si  l'accusateur  disp< 
de  quelque  fait  dont  il  puisse  parler  de  manière  à  charger 
l'accusé  et  à  le  rendre  suspect,  il  ne  semblera  pas  insulter 
ouvertement  et  calomnier  sciemment. 

56  C'est  pourquoi  nous  souffrons  tous  sans  peine  qu'il 
y  ait  un  très  grand  nombre  d'accusateurs,  parce  que  lin 
nocent,  s'il  est  accusé,  peut  être  absous,  et  le  coupable,  s'il 
n'est  pas  accusé,  ne  peut  pas  être  condamné.  Or,  que  l'in- 
nocent soit  absous,  c'est  plus  utile  que  de  voir  le  coupa- 
ble ne  pas  être  obligé  à  se  défendre.  Une  adjudication 
publique  fournit  leur  nourriture  aux  oies  du  Capitole;et 
des  chiens  sont  entretenus  au  Capitole  pour  faire  con- 
naître si  des  voleurs  s'y  introduisent  (2).  (Ces  animaux 
ne  peuvent  discerner  si  ce  sont  des  voleurs  ;  mais,  au 
cas  où  des  gens  s'introduisent  de  nuit  dans  le  Capitole, 
ils  le  font  connaître;  et, comme  la  chose  peut  donner  lieu 
à  des  soupçons,  quoique  ce  ne  soient  que  des  animaux, 
s'ils  se  trompent, c'est  plutôt  dans  le  sens  de  la  précaution 
exagérée.  Que  si  les  chiens  aboient  en  plein  jour  contre 
ceux  qui  viennent  saluer  les  dieux  (3),  on  leur   brisera,  je 

(1)  On  ne  sait  rien  de  précis  sur  cette  loi  contre  les  calomniateurs. 

(2)  On  sait  comment  les  oies  sauvèrent  le  Capitole  au  moment 
de  l'assaut  nocturne  des  Gaulois.  Pline  (A*.  //.,  XXIX,  iv,  57;  cf. 
X,  xxii,  51)  rappelle  que  ie  rôle  des  chiens  du  Capitole  fut  moins 
brillant  et  qu'en  mémoire  de  leur  négligence,  chaque  année,  on 
crucifiait  vivants  quelques-uns  de  ces  animaux  sur  une  fourche  de 
sureau  dans  l'espace  compris  entre  le  temple  de  la  déesse  Juventas 
et  le  temple  du  dieu  Summanus. 

(3)  Aulu-Gelie  (N.  A.,  VI  VII  ,  i,  6  rapporte.,  d'après  C.  Op- 
pius,  Julius  Hyginus  et  autres  biographes  de  Scipion  l'Africain, 


82  PRO    ■■   \.   ROSC 10  AMER1S  KIX-64 

a  ire  atque  i<l  obicere  quoi  planum  facere  non  modo 
non  possis  uerum  ne  concris  quidem  ? 

55  Nemo  oostrum  es!,  Eruci,  quin  sciai  tibi  inimici- 
tias  cum  Sex  Roscio  nullas  esse  ;  uident  omnes  qua  de 
causa  huic  inimicus  uenias  ;  sciunl  huiusce  pecunia  te 
adductum  esse.  Quid  ergo  est  ?  [ta  tamen  quaestus  te 
cupidum  esse  oportebat  ut  horum  existimationem  et 
legem  Remmiam  putares  aliquid  ualere  oportere. 

XX.  Accusatores  mult<  in  ciuitate  utile  est  ul 

moiu  contineatur audacia  ;  uerum  tamen  \\^r  [ta  est  utile 
nt  ne  plane  illudamur  ab  accusatoribus.  [nnocens  esl 
quispiam,  uerum  tamen,  quanquam  abest  a  culpa,  sus- 
picione  tamen  non  caret  ;  tametsi  miserum  est,  tamen  ei 
qui  huncaccuset  possim  aliquo  modo  ign  um  enim 

aliquid  habeat  quod  possi/  criminose  ac  suspiciose  die 
aperte  ludificari  et  calumniari  scions  non  uideatur. 

56  Qua  re  facile  omnes  patimur  esse  quam  plurimos 
isatores,  quod   innocens,  si  accusatus    sit,  absolui 

;  ,    nocens,   oisi  accusatus  fuerit,  condemnari    non 

sst  ;  utilius  est  autem  absolui  innocentem  quam 
sntem  causam  non  dicere.  Vnseribus  cibaria  pu- 
bliée locantur  et  i  aluntur  in  Capitolio,  ul  signi- 
ficenl  si  fures  uenerint.  Al  fures  internoscere  non  pos- 
sunt,  significant  tamen  si  qui  noctu  in  Capitolium  u 
rint  et,  quia  id  est  suspiciosum,  tametsi  bestiae.sunt, 
tamen  in  eam  partem  potius  peccant,  qu  itior. 


-5.  hulc  Inimlcua  éd.  Bonon.  1  199,  uulgo  :  hue  inimicus  mu.  i| 
m  :  possum  w,     quod  possil  éd.  îunt.  l5l5,uulgo:  quod  possim 

.  5b.  in  Capitolium  uenerint  :  in  Capitolium  uenerunt  Madi'ùj. 


xx-56    PLAIDOYER  POUR   SBX.  ROSCIUS  ETAMÊRIE 

pense,  Les  jambes  pour  s'être  montré*  trop  vifs  ;i  un  ino- 
'Mi  i î î  où  il  n'y  nvait  rien  à  soupçonner. 

57   II  en  est  exactement  de  même  des  aCCU  --ati  ms.  Parmi 
vous,  les  uns  sont  les  oies  qui  crient  seul»- m  en!  pouvoir 

faire  de  mal  ;  les  autres  sont  tes  chiens  qui  peuvent  à  le 
fois  aboyer  et  mordre.  Nous  voyons  qu'on  VOUS  fournit 
des  aliments  ;  quant  à  vous,  votre  devoir  est  principale- 
ment de  vous  jeter  sur  ceux  qui  le  méritent.  Cela  est  très 
agréable  au  peuple.  Ensuite,  si  vous  le  voulez,  quand  il 
y  a  quelque  vraisemblance  que  quelqu'un  a  commis  un 
crime, quand  vousavezdes  soupçons, vous  pouvez  aboyer; 
cela  aussi,  on  vous  l'accorde.  Mais  si  vous  agissez  de  telle 
sorte  que  vous  accusiez  un  fds  d'avoir  tué  son  père,  sans 
pouvoir  dire  ni  pourquoi,  ni  comment,  si  vous  aboyez  sans 
avoir  de  soupçons,  personne  assurément  ne  vous  brisera  les 
jambes;  mais,  si  je  connais  bien  les  juges,  cette  lettre  dont 
vous  êtes  tellement  ennemis  que  vous  allez  jusqu'à  haïr 
toutes  les  calendes  (1),  ils  la  feront  si  violemment  imprimer 
sur  votre  front  que,  dans  votre  métierd'accusateurs,  vous 
ne  pourrez  désormais  accuser  que  votre  mauvaise  fortune. 

XXI  58  Quelle  imputation  m'as-tu  donné  à  réfuter, 
excellent  accusateur  ?  Sur  quels  faits  as-tu  attiré  les  soup- 
çons des  juges?  «  Il  a  craint  d'être  déshérité.»  J'entends 
bien;  mais, pourquoi  devait-il  avoir  cette  crainte, personne 
ne  le  dit.  «  Son  père  avait  cette  intention.  »  Démontre-le. 
Mais  il  n'y  a  rien  dans  ce  que  tu  avances  :  ni  le  nom  de 
celui  avec  qui  il  aurait  délibéré  de  son  projet  ou  de  celui  à 
qui  il  l'aurait  communiqué,  ni  les  raisons  qui  vous  au- 
raient fait  soupçonner  l'existence  de  ce  projet.  Quand  tu 
accuses  de  la  sorte,  Erucius,  ne  proclames-tu  pas  ouver- 
tement :  «  Ce  que  j'ai  reçu,  je  le  sais  ;  ce  que  j'ai  à  dire,  je 
ne  le  sais  pas.  Je  ne  me  suis  occupé  que  de  ceci  :  Chrysogo- 
nus  déclarait  que  personne  ne  prendrait  la  défense  de  cet 

que  ce  grand  homme  avait  coutume  de  se  rendre  avant  l'aube  au 
temple  de  Jupiter  sur  le  Capitole  :  les  gardiens  constataient  avec 
étonnement  que  les  chiens,  habitués  à  s'élancer  sur  quiconque 
s'approchait  à  pareille  heure,  demeuraient  tranquilles  et  n'a- 
boyaient même  pas  contre  lui. 

(l)La  lettre  K  (Kalendae,  Kalumni a)  imprimée  au  fer  rouge  sur 
le  front  de  l'accusateur  convaincu  d'accusation  calomnieuse. 


S3  JCIO    ÏMERINO  w-56 

1  si  luoe  qooque  canes  Latrent,  cum  deos  salut  it uni 
aliqui  uenerint,  opinor,  iis  crura  8uffringantur,qu< 
sint  rliam  luni  cum  suspicio  nulla  sit.  57  Simillima  est 
nccusalnruni  niliu,  Alii  ncstrom  ans  inlajai  I  ::'.ltiin 

modo  clamant,  nocere  non  possuti!  ;  alii  canes,qni  e4  la- 
trare  et  mordere  possunt.  Gbaria  uobis  praeberi  uide- 
îmis  ;  uos  atttem  maxime  debetis  in  eos  unpetum  facere 
qui  merentur.  I  foc  populo  gratissimum  est.  1 1  i  «e- 

!i'tis,ctiani  lum  cum  uerî  simile  erîl  aliquem  commisi 
in  suspicione  latratote;  id  quoque  concedi  potest.Sîo 
autena  sic  agetis  nt  arguatis  ahquero  patrera  oc 
neque  dicere  possitis,  aut  qua  re  au1  quo  modo,  ac  tan- 
luin  modo  aine  suspicione  latrahitis,  cruxa  quidem  uobis 
ncnio  suffringet,  sed,  si  ego  hos  bent  noui,  li  liera  m  illam 
cm  uos  usque  eo  inimici  est  is  ni  ethtm  A'al.  omnes  ode- 
ritis  ita  uehementer  ad  caput  adfigent  ut  postea  nemi- 
iuan  aiiuni  nisi  forlunas  ucstras  accus&re  DOâsUis. 

XXI  58  Quid  mini  ad  defendenehxni  dedîsti,  boae 
accusator  ?  quid  hisce  autem  ad  suspicandum  ?  «  Ne 
exfeeredaretur  ueritus  i  t.  Ainlin.M-d.qua  de  causa  uere- 
ri  debuerit,nemo  dicit.  Habebal  patev  in  anima.  Pla- 
nnni  fac.  Xihil  est  ;  non  quicum  deliberauerit,  quem 
certiorem  Eecerit,  unde  istud  uobis  suspicari  in  mentem 
aenerit.  Cum  boe  mode  accusas,  Eruci,  nonne  hoc  pa- 
>am  (iicis  :    Ego  quid  acceperim  sein,  quid  dicam  nea 

êeot  satatatum  a././V  :  m  s  ilutatam  y2:  des  tafntatam  a  icrimss. 
Il  £>7.  niujvH-m  eommisisse  :  aHquem  aiiqu'ul  eommisisse  Hoùnan,  ,; 
Ka'.  omuhvs  Wynanis:  ealomnis  S,  a.-,  ^.  à  ;  eatonisa;  caloa*- 
niis  y  :  calumpriis  u  :  alias  omnoa  Hoùnan  :  ras  emnes  uul<i  i     a<i!i- 

^ent  y-.  <</.  Rom.  1  171  :  adfingtBCui  co  :  adlmuent  cch'ri  mss.  |  58. 
(lcli')crain'rit  a.  À  :  deliberauH  céleri  mss.  ;  délibérant  éd.  Yen.  1  171. 


x\i-58     PLAIDOYER  POl  n  SEX.  ROSCIl  !  :.//.         8  1 

homme,  que,  dans  le  temps  où  nous  sommes,  il  n'y  aurait 
personne  pour  oser  dire  un  mot  de  L'achal  des  biens  e1  de 
l'association  qui  a  été  tonnée.»  Telle  est  l'opinion  fausse 
qui  t'a  engagé  dans  cette  action  déloyale.  Non,  par  t  ler- 
culcî  tu  n'aurais  pas  dit  un  mot,  si  tu  avais  pensé  que 
quelqu'un  te  répondrait. 

59  Juges,  il  valait  la  peine,  si  vous  y  avez  pris  garde,  de 
considérer  avec  quelle  insouciance  il  a  accusé.  Je  (rois 
qu'après  avoir  vu  quels  étaient  les  hommes  assis  mit  i 
bancs,  il  a  demandé  si  tel  ou  tel  d'entre  eux  défendrait 
l'accusé  ;  il  n'a  rien  soupçonné  de  ma  part,  puisque,  avant 
aujourd'hui,  je  n'ai  jamaisplaidédecause  publique.  Quand 
il  eut  découvert  que  personne  ne  prendrait  la  parole  parmi 
ceux  qui  en  sont  capables  et  qui  en  ont  l'habitude,  il  a 
commencé  à  afficher  une  insouciance  extraordinaire  ;  il 
s'asseyait,quand  l'idée  de  s'asseoir  lui  venait  ;puis,il  allait 
décote  et  d'autre  (1);  parfois  même  il  appelait  son  esclave, 
apparemment  pour  lui  commander  le  souper.  Bref,  devant 
vous,  juges,  qui  siégez,  devant  le  public  qui  s'est  réuni 
ici,  il  en  usait  comme  s'il  se  fût  trouvé  absolument  seul. 

XXII  60  A  la  fin,  il  a  conclu  ;  il  s'est  assis  ;  je  me  suis 
levé.  Il  a  paru  respirer  en  voyant  que  ce  n'était  pas  un 
autre  que  moi  qui  prît  la  parole.  J'ai  commencé  à  parler. 
J'ai  remarqué,  juges,  qu'il  plaisantait,  qu'il  s'occupait  de 
toute  autre  chose  que  de  ma  plaidoirie  jusqu'au  moment 
où  j'ai  prononcé  le  nom  de  Chrysogonus.  A  la  première 
mention  de  ce  nom,  notre  homme  dresse  aussitôt  la  tête  : 
il  semble  étonné.  Je  me  rends  compte  de  l'endroit  où  je  l'ai 
piqué  ;  je  nomme  Chrysogonus  une  seconde,  puis  une  troi- 
sième fois.  Dès  lors,  ce  ne  sont  dans  tous  les  sens  qu'allées 
et  venues  précipitées  de  gens  chargés,  je  le  pense,  d'annon- 
cer à  Chrysogonus  qu'il  y  a  dans  l'Etat  un  homme  assez 

(lv)  Telie  était  l'habitude  de  l'orateur  Antoine,  qui  s'agitait, 
frappait  des  pieds,  était  toujours  en  mouvement  pendant  qu'il 
plaidait  (Brufus,  xxxviii.  141),  alors  que  l'orateur  Crassus  s'in- 
terdisait toute  promenade  (nulla  inambulalin)  et  toute  agitation 
inutile  (Brutus,  xliii,  158  .  Si  Erucius  est  bien  VAnloniastcr  dont 
Cicéron  parlait  dans  le  Pro  Vareno  (voir  p.  74,  note  l),il  s'atta- 
chait à  imiter  les  ridicules  d'Antoine,  ne  pouvant  rivaliser  avec 
son  éloquence. 


8  1  PRO  SI    \.   Ri   -     10  AMERINO  :  58 

unum  illud  spectaui  quod  Chrysogonus  aiebat  neminem 
isii  patronum  Futurum  ;  de  bonorum  emptione  deque  ea 
societate  neminem  esse  qui  uerbum  facere  auderel  hoc 
temj  ore  ?  I  [aec  te  opinio  falsa  in  istaro  Fraudem  impu- 
ni; non  me  hercules  uerbum  Fecisses,  si  tibi  quemquam 
responsurum  put 

59   Operae  pretium  erat,  si  animaduertistis,  iudi 
iegentiam  eius  in  accusando  considerare.  Credo,  cum 
uidissel  qui  hoi  In  hisce  subselliî  at,  quaesis- 

se  nuni  Ole  aul  Ole  defensurus  essel  ;  de  me  ne  suspica- 
tum  quidem  esse,  quod  antea  causam  publicam  nullam 
dixerim.  Postea  quam  inuenil  neminem  eorum,  qui  pos- 
Bun1  1 1  soient,  tta  neglegens  çsse  coepit  ut,  cum  in  men- 
tem  ueniref  ei,  resideret,  deinde  spatiaretur,  non  num- 
quam  etiam  puerum  uoearet,  credo,  cui  cenam  imperaret, 
prorsus  ni  uestro  consessu  et  hoc  conuentu  pro  summa 
solitudine  abuteretur. 

XXII  60  Perorauit  aliquando,  adsedil  ;  surrexi  ego. 
>irare  uisus  est  quod  non  alius  potius  diceret.  C< 
re.  Vsque  eo  animaduerti,  iudices,  cum  iocari  atque 
alia  n  agere  ante  quam  Chrysogonum  nominaui  ;  quem 
simul  atque  at  tigi,statim  homose  erexit,  mirari  uisus  est. 
Intellexi  quid  cum  pepugisset.  [terum  ac  tertio  nomina- 
ui. Postea  honhnes  cursare  ultro  et  citro  non  destiterunt, 
credo,  qui  Chrj  o  nuntiarenl  esse  aliquem  in  ciuitate 

qui  contra  uoluntatem  eius  dicere  auderet  ;  aliter  causam 


unum  Uhid  t.  X,  v  :  unum  lllum  eeteri  mss.  |  auderet  hoc  tem- 
porc  :  lmc  tempore  auderet,  ed.Mediol.  1  198,  uulgo.     59.  quaesisse 
ni.  Rom.1471:  quaesissef  mss.  ,  60.  pepugisset:  pupugisset  . 
uulgo.  u  in  ciuitate  :   in  duitatem  E>o,X,  Gulielmius. 


wn-60     PLAIDOYER  POl  H  SEX.  ROSCWS  WAMÊR1E       85 

audacieux  peur  parler  contrairement  à  u  volonté,  que  la 

cause  est  menée  tout  autn  ment  qu'il  ne  !<•  pensait,  que  la 
vente  des  biens  esl  dévoilée,  que  l'association  es!  fort  mal- 
traitée, que  l'on  ne  tient  aucun  compl  41  crédit  et  d<- 
sa  puissance,  que  les  Juges  sont  très  attentifs,  que  toute 
l'affaire  semble  au  public  une  pure  Indignité. 

61  Puisque  l'événement  t'a  déçu,  puisque  »is,  Eru- 

cius,quetout  est  bien  changé, quela  cause  de  Sex.  Hoscius 
est  plaidée,  sinon  comme  il  convient,  du  moins  en  toute 
liberté,  que  tu  te  rends  compte  que  celui  que  tu  croyais 
abandonné  est  défendu,  que  tu  vois  des  juges  alors  que 
tu  espérais  trouver  des  traîtres,  fais  donc  reparaître  un 
moment  à  nos  yeux  ton  habileté,  ta  prudence  de  vieux 
routier  ;  avoue  que  tu  es  venu  devant  ce  tribunal  dans  la 
pensée  qu'on  y  commettrait  des  actes  de  bandits  et 
qu'on  n'y  rendrait  pas  la  justice. 

C'est  sur  une  question  de  parricide  que  l'on  plaide  ;  l'ac- 
cusateur n'a  pas  rendu  compte  des  motifs  qui  auraient 
poussé  le  fils  à  tuer  sonpère.  62  Dans  les  délits  de  minime 
importance,  dans  ces  fautes  légères  qui  sont  si  fréquentes 
et  que  l'on  a  presque  chaque  jour  à  juger,  ce  qui  fait 
l'objet  de  la  première  enquête  et  de  la  plus  minutieuse, 
c'est  de  rechercher  quel  a  été  le  motif  du  méfait.  Cette  en- 
quête, Erucius  ne  la  juge  pas  utile  dans  une  affaire  de 
parricide.  Quand  il  s'agit  d'un  tel  crime,  juges, alors  même 
que  plusieurs  charges  semblent  se  réunir  pour  une  même 
preuve  et  s'accorder,  ce  n'est  pas  cependant  sans  de  fortes 
raisons  que  l'opinion  se  fonde,  ce  n'est  pas  sur  de  vaines 
conjectures  qu'on  examine  le  fait  ;  on  n'écoute  pas  un  té- 
moin qui  ne  présente  aucune  certitude  ;  ce  n'est  pas  le  ta- 
lent de  l'accusateur  qui  détermine  le  jugement.  En  même 
temps  qu'un  passé  (abondant  en  crimes  et  qu'une  vie  de 
dépravation,  il  faut  montrer  chez  celui  qu'on  accuse  une 
audace  extraordinaire  et  non  seulement  de  l'audace,  mais 
le  dernier  degré  de  la  folie  furieuse  et  de  la  démence.  Tout 
cela  est-il  établi,  il  faut  encore  qu'il  existe  des  traces  évi- 
dentes du  crime  :  en  quel  lieu,  de  quelle  manière,  par  le 
moyen  de  qui,  en  quel  temps  la  mauvaise  action  a-t-elle 
été  commise  ?  Si  pour  toutes  ces  questions  il  n'y  a  pas  de 


PRO   SJ  10    I  UERINO 

i  atque  [He  existimaret,  aperiri  bonorum  empti 
uexari  pessime  societatem,  gratiam  potentiamque  eius 

jlegi,  radiées  diligente?  attendere,  populo  rem  indi- 
gnam  uidert.  61  Quae  quoniam  te  fefellerant,  Eruci,  q 
niamque  uides  u<  seomnia,  causam  pro  S  k.  Roscio, 

si  dod  commode,  al  libère  dici,  quem  dedi  putabas  defen- 
di  intellegis,  quoa  tradituros  sp  uides  iudicare, 

ititue  nobis  aliquando  ueterem  tuam  illam  calliditatem 
atque  prudentiam,  confitere   hue  ea  spe  neni 
putares  hic  latroemium,  non  iudicium  faturum. 

I  )c  parricidio  causa  dicitur  ;  ratio  ab  accusatore  reddi- 
la  non  esl  quam  ob  causam  patrem  filins  occident. 
62  Quod  in  minimis  noxiiset  m  his  leuioribus  peccatis 
quae  n  tetiampropecotidianasuntud  maxime 

et  piiraumquaeritur,  quae  causa  maleficifuerit,  id  Erucius 
in  parricidio  quaeri  non  putat  oportere.  In  cjno  S4 
radiées,  etiam  cum  multae  causae  conuenisse  unum  in 
locurrj  atque  inter  se  congruere  uidentuf,  tamen  non  te- 
mere  creditur,  nequé  leui  coniectura  res  peuditur,  neque 
i  istis  Incertus  auditur,  neque  accusatoris  ingenio  res  iu- 
dicatur.  Cum  multa  anl  malefi  n  uita 

liominis  perditissima,  tum  singularis  audacia  ostenda- 
tur  n- 1  st,  neque  audacia  solum  sed  summus  fnror 

atque  amentia.  Haec  cum  sint  omnia,  tamen  exstenl 
oportel  expn  leris  uestigia,  nbi,  qua  ratione,  per 

quos,  quo  tempore  maleûcium  si t  admissum.  Quae  n 
mnlta  et   manifesta  sunt,  profecto  res  tam  sceiesta,  tam 

61.  fefellerunt  éd.  Ven,  1471,  nul ?o  :  f ef  eUerint  mu.      confitere 
hue  :  ku1  confitere  le  luic  Hoiman.  Lambin      62.  sel  maxime  A. 

Ebcrhunl.   Miifllrr.    Clark  :   id   maxime    BUS.  ;   et   maxime    K&X  ; 
maxime  éd.   ABC.  1527,  uulyo,  KoBSCT. 


wii  62    PLA1D0\  /-/.'  POX 

preuves  nombreuses  et  manifestes,  on  ne  peut  croire  à  la 
réalité  d'un  fail  aussi  criminel, aussi  atroce, 
63  Bien  puissante,  en  effet,  est  la  force  d;-s  * 
humains  :  les  liens  du  sang  ont  un  grand  pouvol    :  la 

nature  elle-même  se  récrie  contre  de  tels  sou]  I  le 

plus  certain  des  monstres  et  des  prodiges  qu'un  être  qui  a 
Ja  forme  et  le  visage  d'un  homme  puisse  surp  insi  les 

animaux  en  cruauté  et  soit  capable  de  ravir  d'une  mani 
si  infâme  la  lumière  du  jour  à  ceux  à  qui  il  doit  de  voir 
cette  si  douce  lumière,  tandis  que  les  bêtes  iïroces  elles- 
mêmes  sont  unies  entre  elles  par  les  liens  de  la  naissance, 
de  l'éducation  et  de  la  nature. 

XXIII  64  On  rapporte  qu'il  n'y  a  pas  si  longtemps, un 
certain  T.  Caelius,  habitant  de  Terracine  où  il  avait  quel- 
que illustration  (1),  ayant  été,  après  avoirsoupé,  se  coucher 
dans  une  même  chambre  avec  ses  fils,  deux  jeunes  gens, 
le  lendemain  matin, fut  trouvé  égorgé.  Comme  on  ne  décou- 
vrait personne,  ni  esclave,  ni  homme  libre,  vers, qui  pût  se 
diriger  le  soupçon  d'avoir  commis  ce  meurtre,  comme, 
d'autre  part,  les  deux  fils  de  l'âge  que  j'ai  dit,  qui  cou- 
chaient auprès  de  leur  père,  déclaraient  ne  s'être  aperçus 
de  rien,  les  noms  des  fils  furent  déférés  à  la  justice  sous 
l'inculpation  de  parricide.  Pouvait-on  trouver  rien  d'aussi 
suspect  ?  que  ni  l'un  ni  l'autre  des  deux  jeunes  gens  ne  se 
fût  aperçu  du  crime  ?  que,  d'autre  part,  quelqu'un  eût 
osé  s'aventurer  dans  cette  chambre,  surtout  au  moment 
où  s'y  trouvaient  les  deux  jeunes  fils, qui  pouvaient  facile- 
ment s'apercevoir  du  crime  et  l'empêcher  ?  Or,  il  n'y 
avait  personne  sur  qui  pût  tomber  le  soupçon  de  ce  crime. 
65  Cependant,  les  juges  ayant  acquis  la  certitude  qu'à 
l'ouverture  de  la  porte  on  les  avait  trouvés  endormis,  les 
jeunes  gens  furent  déclarés  absous  par  le  jugement  et 
déchargés  de  tout  soupçon.  Personne,  en  effet,  ne  pen- 
sait qu'il  existât  un  homme  capable  de  se  livrer  au  som- 
meil aussitôt  après  avoir  souillé  toutes  les  lois  divines  et 


(1)  On  ne  possède  pas  d'autres  renseignements  sur  ce  person- 
nage dont  le  nom  lui-même  n'est  pas  connu  avec  certitude. 
Valère  Maxime  (VIII,  i,  13)  reproduit  le  récit  de  Cicéron. 


86  PRO  SEX.  ROSCIO  AMERINO  x.\n-62 

atrox,  lani  nefaria  credi  non  potest.  63  Magna  es1  i 
ois  humanitatis  ;  multum  ualet  communio  sanguinis  ; 
reclamitat  istius  modi  suspicionibus  ipsa  natura  ;  por- 
t en t ii i ii  nique  monstrum  certissimum  esl  esse  aliquem 
humana  specie  el  figura  qui  tantum  Lmmanitate  bestias 
uicerit  ut,  propter  quos  hanc  suauissimam  lucem  ad 
xerit,  eos  indignissime  luce  priuarit,  cum  etiam   l 
inter  sese  partus  atque  educatio  et  aatura  ipsa  conciliet. 
XXIII  64  Non  [ta  multis  ante  annis  aiunl  T.  Caelium 
quendam  Terracinensem,  hominem  non  obscurum,  cum 
cenatus  cubitum  in  idem  conclaue  cum  duobus  adu 
centibus  filiis  isset,inuentum  esse  mane  iugulatum.  Cum 
neque  seruus  quisquam  reperiretur  ueque  liber  ad  q 
ea  sus]  icio  pertineret,  id  aetatis  autem  duo  iilii  propt  t 
cubantes  ne  sensisse  quidem  se  dicerent,  nomina  filiorum 
de  parricidio  delata  sunt.Quid  poterat  /<////  t?se  suspicio- 
sum+  ?  neutrumne  sensisse  ?  ausum  autem  esse  quem- 
quam  se  in  id  conclaue  committere,  eo  potissimum  tem- 
pore  cum  ibidem  essenl  duo  adulescentes  filii,qui  el  sen- 
tire  d  defendere  facile  possent  ?  Erat  porro  aemoinquem 
en  suspicio  conueniret.  65   Tamen,  cum  planum  iudici- 
bus  esset  factum,  aperto  ostio,  dormientes  eos  repertos 

.   iudicio    absoluti    adulescentes  et  suspicione   omni 
ati  sunt.  Nfemo  enim  putabal  quemquam  esse  qui, 


63.  propter  quos  :  par  quos  eoni.  Lambin,  scripsil  Facctolati.  \ 
64.  Caelium  Valer.  Maxim.  :  Clodium  ç,  <|»  ;  Cloelium  eeferïmss., 
uulgo.  (  /.  Sehol.  :  Caelius  quidam  Terracinensis.  n  Terracinensem 
~.  ic,  tù  :  Tarracinensem  céleri  nus.  reperiretur  éd.  huit  '■ 
reperiebatur  jnss.  tam  esse  Gruter  :  sa  estS  ;  sane  i .  -.  s  u 
est  a,  X,  y.  ||  suspidosum  M adoig  :  suspiciosum  autem  nus.  .•  sus- 
piciosum.  Suspiciosum  autem  eoni.  Hcdm;  suspiciosum  Intranten 
Gustafsson. 


xxiii  65  PLAIDOYER  POUR  SBX.   /  WAMÉRIE       87 

humaines  par  un  crime  abominable,  parce  que  ceux  qui 

ont  commis  un  tel  forfait,  loin  de  pouvoir  goûter  un  rej 
paisible,  ne  peuvent  pas  môme  respirer  sans  crainte. 

XXIV  66  Xe  voyez- vous  pas  ces  fils  qui,  d'après  les 
traditions  que  les  poètes  nous  ont  transmises,  pour  venger 
leur  père, ont  fait  subir  le  dernier  supplice  à  leur  mèr< 
C'est  surtout,  nous  dit-on,  d'après  les  ordres  et  les  oracles 
des  dieux  immortels  qu'ils  agissaient  ;  et,  cependant,  les 
Furies  les  tourmentent  et  ne  leur  permettent  pas  un  mo- 
ment de  repos,  parce  qu'ils  n'ont  pu  sans  commettre  un 
crime  faire  preuve  de  piété  filiale.  Car  il  en  est  ainsi,  juges: 
telle  est  la  puissance,  tel  est  le  caractère  intime  et  reli- 
gieux des  liens  du  sang  qui  unissent  le  fils  à  son  père  et  à 
sa  mère  ;  que  ce  sang  répandu  produise  une  tache,  rien  ne 
peut  laver  cette  tache,  mais  elle  pénètre  jusqu'à  l'âme  où 
elle  développe  jusqu'au  dernier  degré  la  folie  furieuse  et  la 
démence.  67  N'allez  pas,  en  effet,  penser  que,  comme  vous 
le  voyez  si  souvent  dans  les  pièces  de  théâtre,  ceux  qui 
ont  commis  une  action  impie  et  scélérate  sont  tourmentés 
et  effrayés  par  les  torches  ardentes  des  Furies.  C'est  sa 
propre  déloyauté,  c'est  sa  propre  terreur  qui  est  le  plus 
grand  tourment  du  coupable;  c'est  son  crime  qui  l'inquiète 
et  qui  provoque  en  lui  la  démence  ;  c'est  la  pensée,  la 
conscience  du  mal  qu'il  a  fait  qui  l'épouvante  :  telles  sont 
pour  les  impies  les  Furies  qui  habitent  chez  eux,  qui  se 
tiennent  auprès  d'eux,  qui,  nuit  et  jour,  vengent  les  pa- 
rents sur  les  fils  souillés  du  crime  le  plus  affreux  (1).  68  C'est 
à  cause  de  l'énormité  même  du  forfait  que,  si  le  parricide 
ne  se  révèle  pas  avec  une  évidence  manifeste,  on  ne  peut 
croire  qu'il  ait  été  commis,  à  moins  que  celui  qui  est  accusé 
n'ait  eu  une  jeunesse  infâme,  que  sa  vie  ne  se  soit  souillée 
de  toutes  les  actions  honteuses,  que  sa  fortune  ne  se  soit 
répandue  au  milieu  de  l'opprobre  et  du  déshonneur,  que 
son  audace  ne  connaisse  pas  de  frein  et  que  son  aveugle 

(1)  Allusion  à  Oreste,  Furiis  agitatas  Orestes  (Aen.,  III,  v.  331), 
qui  avait  tué  sa  mère  Clytemnestre  d'après  les  ordres  d'Apollon. 
Ennius  avait  fait  jouer  une  imitation  des  Euménides  d'Eschyle  ; 
les  auditeurs  de  Cicéron  connaissaient  bien  par  l'adaptation  la- 
tine «  les  traditions  que  les  poètes  nous  ont  transmises  ». 


87  PRO  SEX.  ROSCK)  AMERfNO  wiii-65 

cuir  omnia  diuina  atque  humana  hira  scelere  nefario  poi- 
Luisset,  soiniKini  statim  capere  potuisse/,  propterea  quod 

qui  tanlum  i'acinus  rnmmiserunL,  non  modo  SÎA6  cura 
quiescere,  sed  ne  spirare  quittera  sine  metu  possunt. 

XXIV  66  Videtisne  quos  nobis  poetae  tradiderunt, 
patris  ukâscendi  causa  suppUcium  de  maire  sumpsisse, 
cnin  praesertim  deoram  immortalîum  îussis  atque  ora- 
culis  id  fecisse  dicantur,  tamen  ut  eos  agitent  Furiae  ne- 
que  consistere  umquam  patiantur,  quod  ne  pii  quidem 
sine  scelere  esse  potuerunt  ?  Sic  se  res  habet,  îudices  :  ma- 
gnant uim,  oiagnani  d  ;nam  possidet  reri- 
gionem  paternus  matemusque  sanguis  ;  ex  quo  si  qua 
macula  concepts  est,  non  mo  !  i  'lui  non  potest  uernm 
te  eo  permanat  ad  arrimum  nt  summus  furor  atque 
amentia  consequatur*  67  Nolite  enim  putare,  quem  ad 
modum  in  labulis  saepe  numéro  aidetis,  eos  qui  aliquid 
impie  scelerateque  eommiserfnt  agitari  ri  pertoerreri  Fu- 
riarum  taedis  ardentibus.  Sua  quemque  fraus  et  suus  ter- 
rer maxime  uexat,  suum  quemque  seelus  agitât  amen- 
ie  adficit,  suae  malae  cogitati  toientiaeque 
animi  terrent  ;  hae  sunt  impiis  adsiduae  domesticaeque 
Furiae,  quae  dies  noctesque  parentium  poenas  a  consce- 
leralissimis  film  répétant,  68  H:\ec  magnitude  maleiici 
faeil  ut,  nisi  paene  manifestum  parricidium  proferatur, 
credibile  non  sit,  nisi  lurpis  adulescentia,  nisi  omnibus 


65.  potuisset  éd.  Rom.  1471.  éd.  Yen.  1171  :  potuissc  mas.  ;  p 
l'.rnesli.  ||  66.  consistwc  umquam  :  consislere  usquain  A,  unlijo.Bu- 
ehner,  Kauser,  \\  elul  Vetlori,  uulgo  :  lui  u  :  icmi  1!.  \ ,  -,?  ;  leni  À.  y  î 
Uni Bùchner.  |  67.  commiserint éd. Rom.  147î,anl^o:comralserunt 
mss.t  Mutiler.  |  hae  :  liacr  »,  Muelhr.  parentium  £,  .\,  IC|  Clark  : 
ntum  céleri  m.;*.,  nubjo. 


xxiv-68     PLAIDOYER  POUR  SEX.  ROSCIUS  UAMÊRIE       8S 

témérité  soit  voisine  (le  la  folie.  Il  faut  encore  qu'à  tout 

cela  se  joignent  la  haine  du  père,  la  crainte  des  rigueurs 
paternelles,  des  amis  pervers,  des  esclaves  complices,  i 
circonstances  favorables,  un  endroit  convenablement  chol  i 

pour  ce  crime.  Je  dirai  presque  qu'il    faut   que    les  ju 
voient  le  sang  paternel  répandu  sur  les  mains  du  fils  pour 
croire  à  un  crime  si  grand,  si  atroce,  si  affreux.  69  C'est 
pourquoi,  moins  le  parricide  est  croyable  si  l'on  n'eu  montre 

l'évidence,  plus  il  mérité  la  vindicte  publique,  si  la  con- 
viction qu'il  a  été  commis  est  établie. 

XXV.  Aussi,  parmi  tant  de  preuves  qui  nous  permet- 
tent de  comprendre  que  nos  ancêtres  l'ont  emporté  sur  les 
autres  nations,  non  seulement  par  les  armes,  mais  encore 
par  leur  circonspection  et  par  leur  sagesse,  on  en  voit  une 
très  remarquable  dans  ce  fait  qu'ils  ont  trouvé  un  châti- 
ment particulier  pour  les  coupables  de  ce  crime  impie.  En 
cela,  combien  leur  prudence  s'est  montrée  supérieure  à 
celle  des  hommes  réputés  les  plus  sages  dans  les  autres  na- 
tions, examinez-le  soigneusement. 

70  Athènes,  dit  la  tradition,  a  été  la  plus  prudente  des 
villes,  tout  le  temps  qu'elle  a  exercé  une  autorité  suprême; 
or,  le  plus  sage  de  ses  citoyens  fut,  dit-on,  Solon,  celui  à  qui 
est  due  la  rédaction  des  lois  qui  sont  encore  aujourd'hui 
observées  à  Athènes.  On  lui  demandait  un  jour  pourquoi 
il  n'avait  pas  établi  de  peine  contre  celui  qui  aurait  tué 
son  père  ;  il  répondit  qu'il  pensait  que  personne  ne  se  ren- 
drait coupable  d'un  tel  crime.  On  dit  qu'il  a  sagement  agi 
de  n'avoir  constitué  aucune  sanction  pour  un  crime  dont 
il  n'y  avait  pas  encore  d'exemple,  dans  la  crainte  de  pa- 
raître plutôt  en  donner  l'idée  qu'empêcher  qu'il  se  pro- 
duisît. Combien  plus  sages  furent  nos  ancêtres  !  Comme 
ils  se  rendaient  compte  qu'il  n'est  rien  de  si  sacré  que  l'au- 
dace ne  puisse  un  jour  violer,  ils  imaginèrent  contre  les 
parricides  un  supplice  d'un  caractère  spécial,  capable 
d'éloigner  du  crime  par  l'énormitédu  châtiment  ceux  que 
la  nature  elle-même  n'aurait  pu  retenir  dans  le  devoir  : 
ils  voulurent  que  les  parricides  fussent  cousus  vivants 
dans  un  sac  de  cuir  et  jetés  ainsi  dans  le  fleuve. 

XXVI   71   Quel  unique  exemple  de  sagesse,  juges  !  Xe 


88  l'l«>  SEX.  ROSCIO  AMER1N0  wiv-68 

flagitiù  uita  inquinata,  niai  sumptus  effusi  cum  probro 
atque  dedecore,  nisi  prorupta  audacia,  nisi  tanta  teme- 
ritaa  ut  non  procul  abhorrent  ab  insania.  Accédât  hue 
oportet  odinni  parentis,  animaduersionis  pateraae  inc- 
lus, amici  improbi,  serui  conscii,  tempus  idoneum,locus 
opportune  captùs  ad  eam  rem  ;  paene  dicam,  reapen 
manns  sanguine  paterno  iudices  uideant  oportet,  si  tan- 
tnin  facinus,  tara  immane,  tam  acerbum  credituri  sunt. 
69  Hun  iv  hoc  quo  minus  es1  credibile,  nisi  ostenditur, 
co  magis  est,  si  conuincitur,  uindicandum. 

XXV  [taque,cum  multis  ex  rébus  intellegi  potesl  majo- 
res nostros  non  modo  armis  plus  quam  ceteras  nati©- 
aes  uerum  etiam  consilio  sapientiaque  potuisse,  tum  ex 
hac  re  uel  maxime  quod  in  impios  singulare  supplicium 
inuenerunt.  Qua  in  re,  quantum  prudentia  praestiterint 
iis  qui  apud  ceteros  sapientissimi  fuisse  dicuntur,  consi- 
déra te. 

70  Prudentissima  ciuitas  Atheniensium,  dum  ea  re- 
rum  potita  est,  fuisse  traditur;  eius  porro  ciuitatissapien- 
tissimum  Solonem  dicunt  fuisse,  eum  qui  Leges  quibus 
hodie  quoque  utuntur  scripserit.  Is  eum  interrogaretur, 
cur  nulluin  supplicium  constituissel  in  eum  qui  paren- 
tem  necasset,  respondit  se  id  aeminem  facturum  putassc. 
Sapienter  fecisse  dicitur,  eum  de  eo  nihil  sanxeriL  quod 
antea  commissum  non  erat,  ne  non  tam  prohibere  (iuam 
admonere  uideretur. Quanto  oostri  maiores  sapienlius  ! 
Qui,  cum  intellegerent  nihil  esse  tam  sanctum  quod  non 

68.  prorupta  :  praerupla  co.  KayS€Tt  Muellcr.  |  69.  praestiterint 
:  praestiteiit  g  :  praestiterunt  céleri  mu.     70.  icripserit  :  scrip- 

sit  Halm. 

il 


xxvi  71     PLAIDOYER  POUR  SEX,  ROSCIUS  tTAMÉRIE       8îi 

semblent-ils  pas  avoir  exclu  et  arraché  de  la  nature  entière 
cet  homme  à  qui  subitement  ils  enlèvent  à  la  fois  le  ciel, 
le  soleil,  l'eau  et  la  terre,  de  telle  sorte  que  celui  qui  aurait 
donné  la  mort  à  celui  dont  il  avait  reçu  la  naissance  se 
trouverait  privé  de  tous  les  éléments  dont  tout  ce  qui  existe 
a,  dit-on,  reçu  la  naissance  ?  Us  n'ont  pas  voulu  jeter  le 
corps  aux  bêtes  sauvages, dans  la  crainte  que  le  fait  d'avoir 
touché  à  un  corps  souillé  par  un  tel  crime  ne  rendit  ces 
bêtes  mêmes  encore  plus  féroces  pour  nous  ;  ils  n'ont  pas 
voulu  les  précipiter  tout  nus  dans  le  fleuve, de  crainte  que. 
portés  à  la  mer,  leur  corps  ne  polluât  la  mer  elle-même, ni  i 
a  la  réputation  de  purifier  tout  ce  qui  est  souillé;  il  n'est 
rien  enfin  de  si  vil,  de  si  peu  de  valeur,  dont  on  leur  ait 
laissé  la  moindre  partie.  72  Qu'y  a-t-il,en  effet,  d'un  usage 
plus  commun  que  l'air  respirable  pour  les  vivants,  la 
terre  pour  les  morts,  la  mer  pour  les  cadavres  qui  flottent, 
le  rivage  pour  ceux  qu'elle  rejette  ?  Eux,  ils  vivent  tant 
qu'ils  ont  la  faculté  de  vivre,  ils  vivent  sans  pouvoir  aspi- 
rer l'air  céleste  ;  ils  meurent  sans  que  la  terre  soit  en  con- 
tact avec  leurs  os;  ils  sont  ballottés  surla  mer  sans  que  les 
flots  viennent  jamais  les  baigner  ;  enfin,  ils  sont  rejetés  au 
rivage  sans  pouvoir,  après  leur  mort,  trouver  le  repos, 
même  dans  les  rochers  (1). 

C'est  de  ce  si  grand  crime  que  tu  accuses  Roscius,de  ce 
crime  contre  lequel  on  a  établi  un  supplice  si  insigne  ;  et 
tu  penses,  Erucius,  que  tu  pourras  faire  admettre  cette 
accusation  par  de  tels  juges,  si  tu  ne  fais  même  pas  connaî- 
tre les  motifs  du  crime  ?  Tu  l'accuserais  devant  les  acqué- 
reurs eux-mêmes  de  ses  biens,  Chrysogonus  lui-même  pré- 
siderait au  jugement,  ce  serait  cependant  après  avoir 
mieux  et  plus  soigneusement  préparé  ton  accusation  que 
tu  te  présenterais  au  tribunal.  73  Car  ne  vois-tu  donc  pas 
quelle  est  la  nature  de  l'action  que  tu  intentes  et  le  carac- 
tère des  juges  devant  lesquels  tu  l'intentes  ?  L'objet  de 
l'action  est  un  parricide,  crime  qu'on  ne  peut  entreprendre 

(1)  Trente- cinq  ans  après  avoir  prononcé  le  discours  pour  Ros- 
cius,  Cicéron  rappelait,  non  sans  ironie,  dans  YOrator  (xxx,  107), 
quels  applaudissements  cette  déclamation  de  jeunesse  avait  soule- 
vés. 


89  PRO  six.  ROSCJO  AMERINO  70 

aliquando  uiolaret  audacia,  supplicium  in  parricidas  ^in- 
gulare  excogitauenint  ut,  quos  natura  ipsa  retinere  in 
officio  non  potuisset,  rï  magnitudine  poenaea  maleficio 
submouerentur.  Insui  uoluerunt  in  culleum  uiuos  nique 
ita  in  flumen  deici. 

XXVI  71  0  singularem  sapientiam,  indices  !  Xonne 
uidentur  hune  hominem  ex  rerum  natura  sustulisse  et 
eripuisse,  cui  repente  caelum,  solem,  aquam  terramque 
ademerint  ;  ni,  qui  eum  necassel  unde  ipse  natus  esset, 
careret  iis  rébus  omnibus  ex  quibus  omnia  nata  di- 
cuntur  ?Noluerunt  feris  corpus  obicere,  ne  bestiis  qu<  que 
quae  tantum  scelus  attigissent  immanioribus  uteremur  ; 
non  sic  nudos  in  Rumen  deicere,  ne,  cum  delati  essent 
In  mare,  ipsum  polluèrent  quo  cetera  quae  uiolata  sunt 
expiari  putantur  ;  denique  nihil  tam  uile  neque  tam  uul- 
gare  es1  cuius  partem  allam  reliquerint.  72  Etenimquid 
tam  esl  commune  quam  spiritus  uiuis,  terra  mortuis, 
mare  fluctuantibus,  lit  us  eiectis  ?  Ita  uiuunt,  dum  p< 
sunt,  ut  ducere  animam  de  caelo  non  queant;  ita  mc- 
riuntux  ut  eorum  ossa  terra  non  tangat  :  ita  iactantur 
fluctibus  ut  numquam  alluantur  ;  ita  postremo  eiciuntur 
ut  ne  ad  saxa  quidem  mortui  conquiescant. 

Tanti  malefici  crimen,  cui  maleficio  tam  insigne  sup- 
plicium est  constitutum,  probare  te,  Eruci,  censés  posse 
talibus  uiris,  si  ae  causam  quidem  malefici  protuleris  ? 

ii  magnitudine  éd.  Iunt.  1534  :  in  magnitudine 2  :  magnitudine 
ceteri  mss.  \\  ita  in  Dumen  :  in  llumcn  u\  Kayser,  7t.  nains  esset  éd. 
Iunt.  1515  :  natus  esset  et  o\À.  y  :  natns  est  et  céleri  mss.  marc, 
ipsum  :  mare,  mare  Ipsum  Richter.  72.  tam  est  commune  :  est  tam 
commune  X,  Lambin;  tam  commune Orator,  xxx,  107.  animam 
S,  X,  y,  Oralor,  xxx,  107:  animum  crtm  mu.  terra  non  tangat  : 
terrain  non  tançant  Orator,\\\,  107.  alluantur  Oralor,  XXX,  107  : 
abluantur  mss. 


xxvi-73    PLAIDOYER  POUR  SEX,  ROSCIUS  D*AMÉR1E      90 

de  commettre  sans  de  nombreux  motifs  ;  et  l'action  vient 
devant  des  hommes  d'une  profonde  sagesse  qui  savent 
bien  que  personne  ne  commet  un  méfait,  môme  minime, 
sans  motif. 

XXVII.  Eh  bien  !  soit  :  tu  ne  peux  faire  connaître  au- 
cun motif  de  ce  parricide.  Par  cela  même,  je  devrais,  s;ms 
tarder,  me  déclarer  vainqueur  ;  mais  je  renonce  à  mon 
droit  et,  cette  concession  que  je  ne  ferais  pas  dans  une 
autre  cause,  je  la  fais  dans  celle-ci,  tant  je  suis  fort  de 
l'innocence  de  celui  que  je  défends.  Je  ne  te  requiers  plus 
de  dire  pourquoi  Sex.  Roscius  a  tué  son  père  ;  je  te  requiers 
de  dire  comment  il  l'a  tué.  Oui,  Erucius,  c'est  la  requête 
que  je  te  fais  :  comment  l'a-t-il  tué  ?  Et  voici  comme  j'agis 
avec  toi  :  il  m'appartient  maintenant  de  parler  et,  cepen- 
dant, je  te  donne  tout  pouvoir  soit  de  m'interrompre, 
soit  même,  si  tu  en  as  quelque  désir,  de  m'interroger. 

74  Comment  l'a-t-il  tué  ?  L'a-t-il  frappé  lui-même  ou 
l'a-t-il  fait  tuer  par  d'autres  ?  Si  tu  prétends  qu'il  l'a  tué 
lui-même,  il  n'était  pas  à  Rome  ;  si  tu  dis  qu'il  l'a  fait 
tuer  par  d'autres,  je  m'enquiers  auprès  de  toi  :  par  qui  ? 
Par  des  esclaves  ou  par  des  hommes  libres  ?  Si  ce  sont  des 
hommes  libres,  qui  sont  ces  hommes  ?  Des  gens  de  cette 
même  ville  d'Amérie  ou  quelques-uns  de  ces  sicaires  origi- 
naires de  Rome  ?  D'Amérie  :  qui  sont-ils,  pourquoi  ne  les 
nomme-t-on  pas  ?  De  Rome  :  comment  Roscius  avait-il 
pu  faire  leur  connaissance,  lui  qui,  depuis  de  nombreuses 
années,  n'est  pas  venu  à  Rome  et  n'y  a  jamais  séjourné 
plus  de  trois  jours  ?  Où  est-il  allé  les  trouver  ?  Comment 
s'est-il  abouché  avec  eux  ?  Comment  les  a-t-il  persuadés  ? 
«  Il  a  payé  le  prix  du  meurtre.  »  A  qui  l'a-t-il  payé  ?  Par 
l'intermédiaire  de  qui  l'a-t-il  payé  ?  D'où  a-t-il  tiré  la 
somme  et  quelle  est  la  somme  qu'il  a  payée  ?  N'est-ce  pas 
en  suivant  toutes  ces  traces  du  crime  qu'on  a  coutume  de 
remonter  à  la  source  ?  Veuille  bien,  en  même  temps,  faire 
en  sorte  de  rappeler  à  ton  souvenir  la  description  que  tu 
as  donnée  de  la  vie  de  Roscius.  C'était,  disais-tu,  un  sau- 
vage, un  rustre  ;  il  n'avait  jamais  parlé  à  personne,  il  n'a- 
vait jamais  demeuré  dans  la  ville  d'Amérie.  75  Dans 
cette  description,  je  laisse  de  côté  un  trait  qui  pouvait  me 


90  PRO   "■!  v.  ROSCIO  AMERINO  -72 

Si  hune  apud  bonorum  emptorea  ipsos  accusares  eique 
iudicio  Chrysogonua  praeesset,  tamen  diligentius  para- 
tiusque  aenisses.  73  Vtrum  quid  agatur  non  uides,  i 
apud  quos  agatur  ?  Agitur  de  parricidio,  quod  sine  multia 
causis  suscipi  non  potest  ;  apud  homines  autem  pruden- 
tissimos  agitur,  qui  întellegunt  neminem  ne  minimum 
quidem  maleficium  sine  causa  admittere. 

XXVII.  Esto  :  causam  proferre  non  potes.  Tametsi 
station  uicisse  debeo,  tamen  de  meo  iure  decedam  :  et  tibi 
quod  in  alia  causa  non  concederem  in  liai-  concedam  fre- 
tus  liuius  innocentia.  Non  quaero abs te qua re  patrem 
Sex.  Roscius  occident, quaero  quo  modo  occident.  Ha 
quaero  abs  te,  C.  Eruci :  quo  modo,  el  sic  tecum  agam 
ui  meo  loco  ucl  respondendi,  uel  interpellandi  tibi  po- 
testatem  faciam,  ucl  etiam,  si  quid  uoles,  interrogandi. 

74  Quo  modo  occidil  ?  [pse  percussil  an  aliis  occiden- 
dum  dedit  ?  Si  insum  arguis,  Romae  non  fuit  ;  si  per  alios 
fecisse  dicis,quaero  <|u<.s\'  Seruosne  au  liberos  V  Si  lib 
quos  homines  ?  indidemne  Amena  an  hosce  ex  urb 
carios  V  Si  Amena,  qui  sunt  ii  ?  (an-  non  nominantui 
Roma,  unde  eos  Douerai  Roscius,  qui  Romam  multis  an- 
nis  non  uenil  neque  umquam  plus  triduo  fuit  ?  ubi 
conuenil  ?  qui   coflocutus  est  ?  quo  modo  persuasit  ? 

Pretium  dedil  ;    cuî  dedit  ?  per  quem  dedit?  unde  aut 
quantum  dedit  ?  Nonne  hisuestigiisadcapul  malefici 
ueniri  solet  ?  El  siniul  tibi  in  mentem  uenial  facito  quem 

73.  meo  loco  Madvig  (cf.  pro  Cluentio,  xxrv, 65)  :  in  eo  loco 
!!  74.  quaero  quos 2,  Riehter:  quaero  ceteri  mu.9uuIgo.     si  liberos, 

quos  Madvig  :  si  per  liberos,  quos  lînlm  ;  quos  m*.*,  si  Ameria 
a.  >..  i|i  :  si  Ameriac  céleri  mu.  qui  sunt  ii  (■>.  Haim  :  qui  sunt  hi 
ceteri  mu.t  uuigo.     si  Roma  éd.  R.  Estienne  1538:  si  Romae  mu. 

qui  collocutus  est  G.  Krucycr  :  quicum  locutusest  mss..uulgo. 


XXVH-7S    PLAIDOYER  POUR  SBX.  ROSCIUS  &AMÉRIB     91 

fournir  un  argument  très  fort  en  faveur  (Je  son  Innocence  : 
ce  ne  sont  pas,  d'ordinaire,  des  mœurs  rustiques,  une  ma- 
nière d'être  rude,  une  vie  étrangère  à  l'élégance  et  aux 
belles  façons  qui  produisent  des  crimes  de  cet  ordre.  On  ne 
saurait  trouver  dans  tous  les  terrains  toutes  les  espèces  dé- 
plantes et  d'arbres  :  de  même,  tous  les  genres  de  vie  n'en- 
gendrent pas  tous  les  genres  de  crimes.  La  ville  crée  le 
luxe  ;  du  luxe  naît  fatalement  l'avidité  ;  et,  de  l'avidité, 
sort  l'audace,  d'où  naissent  tous  les  crimes  et  tous  les  for- 
faits. Mais  cette  vie  rustique,  que  tu  appelles  vie  agreste, 
enseigne  l'économie,  l'activité,  la  justice. 

XXVIII  76  Mais  je  laisse  tout  cela  de  coté.  Je  fais 
cette  question  :  cet  homme  qui,  comme  tu  le  dis  toi-même, 
n'a  jamais  vécu  au  milieu  des  hommes,  par  le  moyen  de 
quels  hommes  a-t-il  pu  commettre,  alors  surtout  qu'il 
était  absent  de  Rome,  un  si  grand  crime,  un  crime  dont  le 
secret  a  été  si  bien  gardé  ?  Souvent  l'accusation  est  fausse, 
juges,  mais  elle  se  fonde  sur  des  faits  qui  donnent  lieu  à  des 
soupçons  ;  si  l'on  trouve  ici  un  sujet  de  soupçon,  j'accorde 
que  l'accusé  est  coupable.  Sex.  Roscius  est  tué  à  Rome, 
alors  que  son  fils  était  sur  le  territoire  d'Amérie.  Il  a  en- 
voyé, je  veux  le  croire,  une  lettre  à  quelque  sicaire,  lui  qui 
ne  connaissait  personne  à  Rome.  Il  a  mandé  quelqu'un  : 
qui  a-t-il  mandé,  et  quand  ?  Il  a  envoyé  un  messager  : 
quel  messager  ?  à  qui  ?  Est-ce  par  le  prix  qu'il  a  payé,  par 
son  crédit,  par  ce  qu'il  faisait  espérer,  par  ce  qu'il  promet- 
tait, qu'il  a  déterminé  quelqu'un  au  crime  ?  Aucune  de 
ces  suppositions  ne  peut  même  être  imaginée  ;  et  c'est 
cependant  contre  une  accusation  de  parricide  que  nous 
plaidons. 

77  II  reste  à  admettre  qu'il  a  employé  des  esclaves 
pour  commettre  le  crime.  O  dieux  immortels  !  Quelle 
misère  !  Quelle  calamité  !  Eh  quoi  !  ce  qui,  d'ordinaire, 
dans  une  accusation  de  cette  nature,  est  le  salut  de  l'in- 
nocent, l'offre  de  faire  mettre  ses  esclaves  à  la  torture, 
cela  n'est  même  pas  permis  à  Sex.  Roscius!  Vous  qui  l'ac- 
cusez, vous  avez  en  votre  possession  tous  ses  esclaves. 
D'une  si  grande  maison,  il  n'a  pas  même  été  laissé  à  Sex. 
Roscius  un  seul  esclave  pour  lui  préparer  sa  nourriture 


91  PRO  six.  ROSC 10  AMER1N0  wvn-74 

ad  modum  uitam  huiusce  depinxeris;  hune  hominem  fe- 
rum  atque  agrestem  fuisse,  numquam  cumhominequo- 

quani  collocutum  esse,  numquam  in  op[)ido  constitisse. 
75  Qua  in  re  praetereo  illud  quod  mihi  maximo  argu- 
mento  ad  huius  innocentiaro  poterat  esse,  in  rusticis 
moribus,  in  uictu  arido,  in  hac  horrida  incultaque  uita, 
istius  modi  maleficia  i^i^ni  non  solere.  Vt  non  onmein 
fru^em  Qeque  arborem  in  omni  agro  reperire  possis, 
non  omne  f acinus  in  omni  uita  nascitur.  In  urbe  luxuries 
creatur,  exluxurie  exsistal  auaritia  necesse  est,  ex  auari- 
tia  erumpal  audacia,  inde  omnia  scelera  ac  maleficia 
gignuntur;  uita  autem  hacc  rustica,  quam  tu  agrestem 
uoeas,  parsimoniac,  diligentiae,  iustitiae  magistra  est. 

WYIII  76  Verum  liaec  missa  facio  ;  illud  quacro, 
i>  homo  qui,  ut  tute  dicis,  numquam  inter  homines  fucrit, 
per  quos  liomines  hoc  tantum  facinus,  tam  occultum,  ab- 
sent praesertim,  conficere  potuerit.  Multa  sunt  falsa,  iu- 
dices,  quae  tamen  argui  suspiciose  possunt  ;  in  his  rébus 
si  suspicio  reperla  erit,  culpam  inesse  concedam.  Homae 
Sex.  Roscius  occiditur,  cumin  agro  Amerino  esset  filius. 
Litteras,  credo,  misil  alicui  sicario  qui  Romae  nouerai 
neminem.  Arcessiuit  aliquem.  Quem  au1  quando  ?  Nun- 
tium  misit.  Quem  aul  ad  quem  ?  Pretio,  gratia,  spe,  pro- 
missis  indoxit  aliquem.  Xihil  horum  ne  confingî  quidem 
potest  :  et  tamen  causa  de  parricidio  dicitur. 

77   Reliquum  est  ut  per  seruos  id  admiserit.  O,  di 

75.  luxurii*  W  :    luxoriaeS  ;  luxuria  cricri  mss.,  uulgo.      ac  malr- 

Rcia  :  atque  maleficia  o,  X;  et  maleficia  .A.  78.  tam  occultum:  tam 
occulte  Kayser  ;  tam  occulto  Ilalm.  aliquem.  Quem  Priscianu*  : 
aliquem  m$s,t  uulgo.  H  aul  quando  S:  ac  quando  a;  al  quando 

ce  1er i  mss. 


xxvm-77  PLAIDOYER  POUR  SEX.  R0SCIU3  VAMÉRIE     92 

de  chaque  jour. .J'en  appelle  à  toi.  P.  Scipio,  a  toi  M.Mctc]- 

lus(i)  :  au  moment  où  votre  concours  a  été  demandé 

où  vous  avez  agi  en  faveur  de  Roscius,  il  a  plusieurs  fois 
réclamé  de  ses  adversaires  deux  des  esclaves  de  son  père 
pour  les  faire  mettre  à  la  torture. Ne  vous  souvenez-vous 
pas  que  T.  Roscius  s'y  est  alprs  refusé  ?  Mais  quoi  !  ces 
esclaves,  où  sont-ils?  Juges,  ils  accompagnent  Chrysogo- 
nus;  ils  sont  en  grand  honneur  auprès  de  lui  ;  il  les  estime 
à  un  très  haut  prix.  Maintenant  encore,  c'est  moi  qui  ré- 
clame qu'on  les  mette  à  la  question. Roscius  vous  en  prie, 
vous  en  supplie  au  nom  des  dieux.  78  Que  faites- vou s  ? 
Pourquoi  refusez- vous  ?  Hésitez  encore,  juges,  si  vous  le 
pouvez,  à  décider  par  qui  Sex. Roscius  a  été  tué  :  par  celui 
qui,  à  cause  de  la  mort  de  son  père,  se  trouve  dans  l'in- 
digence, exposé  à  toutes  les  embûches,  par  celui  à  qui  on 
ne  laisse  même  pas  le  pouvoir  de  faire  une  enquête  sur  la 
mort  de  son  père,  ou  par  ceux  qui  se  dérobent  à  toute 
enquête,  qui  possèdent  les  biens  du  mort, qui  vivent  dans 
le  meurtre  et  du  meurtre.  Juges,  dans  toute  cette  cause, 
il  n'y  a  que  misères  et  indignités;  on  ne  peut  cependant  y 
rien  montrer  de  plus  cruel  et  de  plus  inique  que  ce  fait  : 
un  fils  qui  ne  peut  pas  faire  mettre  à  la  question  les  escla- 
ves de  son  père,  quand  il  s'agit  du  meurtre  de  son  père  î 
Ce  fils  n'aura  pas  pu  exercer  ses  droits  de  maître  sur  ses 
esclaves  jusqu'au  moment  où  ils  auraient  subi  la  question 
au  sujet  du  meurtre  de  son  père  !  Je  ne  tarderai  pas  à 
aborder  ce  point  de  la  cause  ;  car  ceci  concerne  entière- 
ment les  deux  Roscius  et  je  me  suis  engagé  à  parler  de 
leur  audace  aussitôt  que  j'aurai  réfuté  les  accusations 
d'Erucius. 

XXIX  79  Maintenant,  Erueius,  je  viens  à  toi.  Il  faut 
que  tu  en  conviennes  avec  moi  :  si  ce  forfait  regarde 
Roscius,  ou  il  l'a  commis  lui-même  de  sa  propre  main,  ce 
que  tu  nies,  ou  il  l'a  fait  commettre  par  quelques  hommes, 

(1)  Deux  des  grands  personnages  qui,  par  leur  présence  aux  dé- 
bats, assistaient  Roscius,  étaient  ses  aduocali.  P.  Cornélius  Scipio 
Nasica,  mari  de  l'une  des  filles  de  l'orateur  Crassus,  avait  été  pré- 
teur en  660  /94  ;  M.  Caecilius  Metellus  devait  être  préteur  en  685  /69 
et  les  Verrines  nous  apprennent  que  c'était  un  grand  ami  de  Verres. 


W2  l'iio  SEX.  ROSC 10  AMERISO  xxvill-77 

immortales,  rem  miseram  et  calamitosaml  Qiw'd  ?  In  tali 
crimine  quod  innocenti  salut  i  Bolel  esse  ut  seruos  in  quaes- 
tionem  polliceotur,  id  Sex.  Roscio  facere  non  licet  ?  \ 
qui  hune  aecusatis,  omnes  eius  seruos  habetis  ;  unus  puer 
uictus  cotidiani  administer  ex  tanta  familia  Sex.  Roscio 

relie!  us  non  est.Te  nu  ne  appelln,  1  \  Se  i  pin,  le,  M.  Met  elle; 

uobis  aduoeatis,  uobis  agentibus,  aliquotiens  duos  seruos 
paternos  in  quaestionem  ab  aduersariis  Sex.  Roscius  pos- 
tulauil  ;  meministisne  T.  Roscium  recusare?  Quid  ?  ii  ser- 
ui  ubi  sunt  ?  Chrysogonum,  iudices,  sectantur;  apud  eum 
su  ut  in  honore  et  in  pretio.  Etiara  nu  ne  ut  ex  lisquaeratur 
i  postulo,  lue  orat  atqué  obsecrat.  78  Quid  facitis  ? 
cur  récusa tis  ?  Dubita te  etiam  nunc,  iudices,  si  potestis, 
a  quo  sit  Sex.  Roscius  occisus,  ab  eone  qui  propter  illius 
mortem  in  egestate  et  in  insidiis  uersatur,  cui  ne  quae- 
rendj  quidem  de  morte  patris  potestas  permil  titur,  an  ab 
iis  qui  quaestionem  Pugitant,  bona  possident,  in  caede 
atqueex  caede  uiuunt.  Omnia,  indices,  in  hac  causa  mi  ni 

misera  alque  indigna  ;  taineii  hne  uiliil  neque  acerlnus 

n  (pie  iniquius  proferri  potest  :  mortis  paternae  de  semis 
paternis  quaestionem  habere  filio  non  licet  !  Ne  tam  diu 

quidem  dommus  eiil  in  SUOS  dum  ex  iis  de  patris  morte 

quaeratur  ?  Veniam,  neque  Lta  multo  postea,  ad  hune  lo- 

cum  ;  nam  hne   Inluni   ad  Roscios  pertinet,  de  (pmrum 

77.  quid  ?  \n  tali  Hiïchnrr,  Clark:  quod  In  tali  nus.    uni, 
quod  Innocent!:  Innocent!  b>,  uulgo;  quod  Innocentibus    Halm, 
Mutiler;  innocentibua  G.  Landgraf.     polliceatur  ed .  1530,  uul 
polliceantur  mss.t  Mueller,      administer:  minister  u,  Kayt    .   G 
i         raf.     M.  Metelle  Krai        Q   MetelleX;   Metelle   céleri  n 
uulgo.     meministisne  T.  Roscium  i  fie/uie,  1538  :  meminis- 

tine    il:  ftdmss.     ex  iis— .  >..  Madoig  :  ex  his  ntrri  nus.,  uulgo. 
Il  78.  et  in  insidiis  X, co,  Ilulm  :  el  Insidl  mss.9uulgo.     pos- 

tea Clark  :  post..  H  ;  post  eeiert  mss.,  uulgo. 


xxix-79    PLAIDOYER  POUR  SBX.  ROSCIUS  VAMÊRIE      93 

libres  ou  esclaves.   Des  hommes  libres?  Comment  il  a 

pu  aller  les  trouver,  par  quels  moyens  il  a  pu  les  détermi- 
ner au  crime,  en  quel  endroit,  par  quels  Intermédiaires, 
ce  qu'il  leur  a  fait  espérer,  le  prix  qu'il  leur  a  payé  :  tu  ne 
peux  rien  démontrer.  Moi,  au  contraire,  je  démontre  que 
non  seulement  Sex.  Roscius  n'a  rien  fait,  mais  même  qu'il 
n'a  rien  pu  faire  de  tout  cela,  parce  que,  depuis  plusieurs 
années,  il  ne  s'est  pas  trouvé  à  Rome  et  parce  que  jamais, 
sans  de  bonnes  raisons,  il  n'est  sorti  de  ses  maisons  de  cam- 
pagne. Il  te  restait,  semble-t-il,  à  nommer  les  esclaves  : 
c'était  là  comme  un  port  où,  repoussé  loin  de  tout  ce  que 
tu  voulais  faire  soupçonner,  tu  aurais  pu  te  réfugier  ; 
mais  tu  te  heurtes  à  un  écyeil  qui,  tu  dois  le  voir,  fait 
rejaillir  l'accusation  loin  de  Roscius,  qui,  tu  dois  le  com- 
prendre,fait  de  plus  retomber  tous  les  soupçons  sur  vous- 
mêmes. 

80  Où  donc  cependant,  en  cette  indigence  de  preuves, 
l'accusateur  cherche-t-il  un  refuge?  «  C'était,  dit-il,  un 
temps  où  l'on  tuait  en  masse  et  impunément.  Aussi,  à 
cause  de  la  multitude  des  sicaires,  tu  n'as  eu  aucune  diffi- 
culté pour  ce  crime.  »  Il  y  a  des  moments,  Erucius,  où  tu 
me  parais,  n'ayant  reçu  qu'un  seul  paiement,  vouloir 
atteindre  un  double  but  :  nous  noyer  dans  une  accusa- 
tion où  il  n'y  a  rien  de  précis  et  accuser  en  même  temps 
ceux  de  qui  tu  as  reçu  ton  paiement. Que  dis-tu  ?  On  tuait 
en  masse  ?  Mais  qui  tuait  et  par  qui  faisait-on  tuer?  Mais, 
n'y  songes-tu  pas  ?  Ceux  qui-  t'ont  fait  venir  ici,  ce  sont 
les  dépeceurs  de  biens  confisqués.  Eh  bien  !  après  ?  Ne 
savons-nous  pas  qu'au  temps  dont  tu  parlais  c'étaient 
d'ordinaire  les  mêmes  hommes  qui  coupaient  le  cou  aux 
proscrits  et  qui  dépeçaient  leurs  biens  (1).  81  Ces  hommes 
enfin,  qui  alors,  nuit  et  jour,  couraient  en  armes  de  tous 
côtés,  qui  ne  sortaient  pas  de  Rome,  qui  vivaient  cons- 

(1)  Le  double  sens  du  mot  sector  donne  à  Cicéron  l'occasion  d'un 
jeu  de  mots.  Le  sector  collorum  est  le  meurtrier  qui,  avec  son  poi- 
gnard, fait  la  section  du  cou  de  sa  victime  ;  en  droit,  le  sector  bono- 
rum  est  l'adjudicataire  qui  se  rend  acquéreur  de  biens  sectionnés 
en  parcelles  pour  une  vente  judiciaire.  Ce  sont  les  mêmes  gens  qui 
tuent  les  proscrits  et  qui  achètent  leurs  biens  à  vil  prix. 


1)3  PRO  SBX.  ROSCIO  AMERINO  xwiii-78 

audacia  tum  me  dicturum  pollicitua  sum,  cum  Eruci  cri- 
mina  diluissem. 

XXIX  79  Nunc,  Eruci,  ad  te  uenio.  Conueniat  mihi 
tecum  necasse  est,  si  ad  hune  maleficium  istud  pertinet, 
aut  ipsumsua  manu  fecisse,  idquod  negas,  aul  perali- 
quos  liberosaut  seruos.  I  .iberosne  ?  quos,neque  ut  conue- 
nirr  potuerit,  aeque  qua  ratione  inducere,  neque  ubi, 
neque  perquos,  neque  qua  spe  aut  quo  pretio,  potes  osten- 
dere.  Ego  contra  ostendo,  non  modo  nihil  connu  fecisse 
Sex.  Roscium,  sed  ne  potuisse  quidem  facere,quod  neque 
1  Lomae  multis  annis  fuerit,neque  de  praediis  umquam  te- 
mere  discesserit.  Restare  tibi  uidebatur  seruorum  no- 
men,quo  quasi  in  portum  reiectus  ;i  ceteris  suspicionibus 
confugere  possea  ;  ubi  scopulum  offendis  eius  modî  ut 
non  modo  ah  hoc  crimen  resilire  uideas  uerum  omnem 
suspicionem  in  uosmel  ipsos  recidere  inteilegas. 

80  Quid  ergo  est  quo  tamen  accusa tor  inopia  argumen- 

toruni  confugerit?  o  Eius  modi  tempus  erat,  »  inquit, 

«  ut  homines  uulgo  impune  occiderentur ;  qua  re  hoc  tu 

propter  multitudinem  sicariorum  nullo  negotio  facere  po- 

tuisii.     Interdirai  mihi  uideris,  Eruci,  una  mercede  duas 

res  adsequi  ueUe,nos  iudicio  perf undere,  accusare  autem 

eos  ipsos  a  quibus  mercedem  accepisti.  Quid  ais  ?  uulgo 

occidebantur  ?  Per  quos  et  a  quibus  ?  Nonne  cogitas  te  a 

séctoribus  hue  adductum  esse  ?  Quid  postea  ?  Nescimus 

per  ista  tempora  eosdem  fere  sectores  fuisse  collorum  et 

79.  conuenire  éd.  Breac.  1  173  :  conuenirem  ta  ;  conueniret  cricri 
m$s.  80.  quid  ergo  est  :  quid  esl  ergo  j,  uulgo.  ,,  quo  tamen £, 
Clark  :  quo  tandem  céleri  nos.  et  edtt.  confugerit  :  confugil  Mad~ 
vtg.  hoc  tu  :  tu  hoc  "/.  Asc.  1522.  Interdura  Orslni  :  Intérim 
nus.  ;  Iterum  cont.  Kayser.  perfundere  :  peruertere  //  ilm  :  pes- 
Bundare  ï'rojci  ,•  pertundere  Gustafsson. 


XXIX-81     PLAIDOYER  POUR  SEX.  ROSCIUS  TTAMÉRIE      \)\ 

tamment  dans  le  pillage  el  dans  le  sang, vont-ils  faire  un 
crime  à  Sex.  Roscius  des  malheurs  et  des  iniquités  de  ce 
temps, de  cette  multitude  de  sicaires  dont  ils  étaient  eux- 
mêmes  les  chefs  et  les  principaux  ?  Non  seulement  Ros- 
cius  n'était  pas  à  Rome  ;  mais  il  a  ignoré  absolument  ce 
qui  se  passait  à  Rome,  puisque,  comme  tu  l'avoues  toi- 
même,  il  est  toujours  resté  à  la  campagne. 

82  Je  craindrais,  juges,  ou  de  vous  ennuyer,  ou  de  pa- 
raître me  défier  de  vos  intelligences,  si  je  discutais  plus 
longtemps  sur  des  questions  aussi  évidentes.  Le  système 
d'accusation  d'Erucius  est ,  je  le  pense  ,  renversé  tout 
entier,  à  moins  que  vous  ne  vous  attendiez  par  hasard  à 
ce  que  je  réfute  toutes  les  incriminations  de  péculat  (1) 
et  d'autres  faits  imaginaires  du  même  ordre,  incrimina- 
tions dont  nous  n'avions  pas  entendu  parleravant  aujour- 
d'hui etquisont une  nouveauté  pour  nous. Cesont  des  décla- 
mations qu'Erucius  me  fait  l'effet  d'avoir  empruntées  à 
un  autre  discours  qu'il  préparait  contre  un  autre  accusé, 
tant  elles  s'appliquent  peu  à  l'accusation  de  parricide  et 
à  la  personne  du  défendeur.  Puisque  ces  arguments  ne 
sont  que  des  mots,  il  suffît  de  répondre  en  un  mot,  par  une 
dénégation.  S'il  en  réserve  d'autres  pour  le  moment  où  les 
témoins  seront  appelés,  alors  aussi  il  nous  trouvera,  comme 
pour  la  cause  elle-même,  mieux  préparés  qu'il  ne  le  pense. 

XXX  83  J'arrive  maintenant  à  une  discussion  où  je 
suis  amené,  non  par  mes  propres  désirs,  mais  par  le  sen- 
timent de  mes  devoirs  à  l'égard  de  celui  que  je  défends. 
Car  si  c'était  par  plaisir  que  j'accusais,  j'accuserais  plutôt 
d'autres  personnages,  aux  dépens  desquels  je  pourrais 
croître  en  importance  ;  mon  parti  est  bien  pris  :  je  n'agirai 
point  ainsi,  tant  qu'il  me  sera  permis  ou  d'accuser  ou  de  ne 
pas  accuser.  Car  j'estime  le  plus  digne  de  considération 
l'homme  qui  par  son  mérite  est  arrivé  à  une  situation  plus 
haute  et  non  pas  celui  qui  a  trouvé  dans  la  ruine  et  dans  le 
désastre  d* autrui  un  moyen  de  s'élever.  Cessons  enfin  de 

(1)  Le  péculat  est  le  vol  au  détriment  de  la  propriété  publique  ; 
les  biens  de  Sex.  Roscius,  le  père,  une  fois  confisqués,  étaient  deve- 
nus propriété  publique:  on  accusait,  sans  doute,  le  fils  d'en 
avoir  détourné  quelque  partie. 


94  PRO  SEX.  ROSCIO  AMERINO  >.m\-80 

bouorum  ?  81  li  denique  qui  tum  armati  dies  noctesque 
concursabant,  qui  Romae  crant  adsidui,  qui  omni  tem- 
pore  in  praeda  et  in  sanguine  uersabantur,  Sex.  Roscio 
temporis  illius  acerbitatem  iniquitatemque  obicient,  el 
Qlam  sicariorum  multitudinem  in  qua  ipsi  duces  ac  prin- 
cipes eranl  huic  crimini  putabunt  fore?  qui, non  modo 
Romae  non  fuit,sed  omnino  quid  Romae  ageretur  tiesci- 
uit,  propterea  quod  ruri  adsiduus,  quem  ad  modum  tute 
confitei  is,  fuit. 

82  Vereor  ne  aut  molestus  sim  uobis,  indices,  aut  ae 
ingeniis  uestris  nidear  diffidere,  si  de  tam  perspicuis  ré- 
bus diutius  disseram.  Eruci  criminatio  tota, ut  arbitror, 
dissoluta  esl  ;  oisi  forte  exspectatis  ut  illa  diluam  quae 
de  peculatu  ac  de  eius  modi  rébus  commenticiis  inaudita 
nobis  anle  hoc  tempus  ac  noua  obiecit  ;  quae  mihi  iste 
uisus  esl  ex  alia  oratione  declamare  quam  in  alium  reum 
commentaretur  ;  ita,  neque  ad  crimen  parricidi,  neque  ad 
eura  qui  causam  dicit  pertinebant  ;  de  quibus  quoniam 
uerbo  arguit,  uerbo  satia  est  negare.  Si  quid  esl  quod  ad 
testes  reseruet,  ibi  quoque  nos,  ut  in  ipsa  causa,  parutio- 
ns reperiet  quam  putabat. 

XXX   83  Venio  nunc  eo  quo  me  non  cupiditas  ducit 

sed  lides.  Nain  si  mihi  liberel  accusare,  acCUSarem  alios 
polius  ex  quibus  possem  crescere  ;  quod  certuin  esl  non 
facere,  dum  utrumuis  licebit.  Is  enim  mihi  uidetur  am- 
plissimus  qui  sua  uirtute  in  altiorem  Locum  perûenit,  non 

81.  et  in  sanguine  co  :  el  sanguine  céleri  mu.fuulgo.  il  oesciuit 
Maduig  :  nesciret  dim.,  uulgo.  i  82.  ex  alia  oratione  :  ex  aliéna  ora- 
Uone  Passerai  ;  ex  aliqua  oratione  a.  Eberhard.  pertinebant  ed* 
lunt.  1534  :  pertinebat  mu.  li  Ibi  quoque  dos£,  a,  à,  Madvig  :  Ibl 

uns  quoque  cricri  mss.,  uulgo. 


xxx-83    PLAIDOYER  POUR  SEX.  R0SC1US  UAMÊRIE        95 

faire  < les  Investigations  dans  le  vide  ;  cherchons  le  crime 

là  où  il  est  et  là  où  on  peut  le  découvrir.  Tu  vas  com- 
prendre, Erucius,  combien  il  faut  de  présomptions  pour 
établir  une  accusation  avec  certitude;  et,  cependant,]'  ne 
dirai  pas  tout,  je  n'insisterai  sur  rien.. Je  me  dispense! 
même  d'agir  ainsi,  si  ce  n'était  nécessaire  ;  et  ee  qui  prou- 
vera que  j'agis  ainsi  malgré  moi,  c'est  que  je  n'irai  pas 
plus  loin  que  ne  le  réclament  le  salut  de  mon  client  et  le 
sentiment  de  mon  devoir  de  défenseur. 

84  Chez  Sex.  Roscius,  tu  ne  trouvais  aucun  motif  ; 
mais,  moi,  j'en  trouve  chez  T.  Roscius  :  car  c'est  à  toi  nue 
j'ai  affaire,  T.  Roscius,  puisque  tu  es  assis  au  banc  des 
accusateurs,  puisque  tu  te  déclares  ouvertement  notre 
adversaire.  Pour  Capito,  nous  aurons  plus  tard  à  nous 
occuper  de  lui,  s'il  se  présente  comme  témoin,  ainsi  que 
j'entends  dire  qu'il  se  dispose  à  le  faire  ;  alors,  il  verra 
mettre  en  évidence  d'autres  palmes  qu'il  a  également  rem- 
portées et  dont  il  ne  se  doute  pas  que  j'aie  même  entendu 
parler. [Cet  illustre,  L.  Cassius  (1),  que  le  peuple  romain 
regardait  comme  le  plus  véridique  et  le  plus  sage  des  juges, 
avait  coutume  dans  toutes  les  causes  de  faire  une  seule  et 
même  enquête  :  à  qui  le  crime  avait  profité.  Ainsi  va  le 
monde  :  on  n'entreprend  pas  de  commettre  un  crime,  si 
l'on  n'en  a  conçu  quelque  espérance,  si  on  ne  compte  en 
retirer  quelque  profit.  85  Les  enquêtes  et  les  jugements 
de  Cassius  étaient  évités  et  redoutés  par  tous  ceux  à  qui 
une  affaire  criminelle  faisait  courir  des  risques  dangereux; 
c'est  que,  malgré  son  amour  pour  la  vérité,  il  paraissait 
moins  enclin  naturellement  à  la  miséricorde  que  disposé 
à  la  sévérité.  Pour  moi,  quoique  je  voie  l'instruction  de 
notre  affaire  présidée  par  un  juge  qui  montre  autant  de 
courage  contre  l'audace  criminelle  que  de  clémence  pour 
l'innocence  dont  il  prend  le  parti,  cependant,  je  consenti- 
rais sans  peine  à  plaiderpour  Sex.  Roscius,  alors  même  que 

(1)  Ce  juge,  dont  Cicéron  rappelle  souvent  la  sévérité  prover- 
biale, est  le  consul  de  l'an  627/127,  L.  Cassius  Longinus,  ou, 
d'après  Valère  Maxime  (III,  vu,  9),  le  préteur  de  l'an  641  /113, 
«  L.  Cassius  praetor,  cuius  tribunal  propter  nimiain  seueritatem 
scopulus  reorum  dicebatur». 


95  PR(>  SBX.  ROSCIO  AMBR1N0  \\\-83 

qui  ascendit  per  alterius  incommodum  el  calamitatem. 
Desinamus  aliquandoeascrutari  quaesunt  inania  ;  quae- 
ramus  ibi  inalciicium  ubi  et  est  et  inucniri  potesf  ;  iam 
intelleges,  Eruci,  certum  crimen  quam  inultis  suspicio- 
nibus  coarguatur,  tametsi  aeque  omnia  dicam  et  leuiter 
unum  quidque  tangam.  Neque  enim  id  facerem,  nisi  ne- 
cesse  esset,  et  i<l  erit  signi  me  inuitum  facere,  quod  non 
persequar  longius  quam  salus  huiua  e1  mea  fidea  postu- 
labit. 

84  Causam  tu  Qullam  reperiebas  in  Sex.  Roscio  :  at 
eg  '  in  T,  l  toscio  reperio.  Tecum  enim  mihi  res  est,  T.  !  > 
ci,  quoniam  istic  sedes  ac  fee  palam  aduersarium  esse  pro- 
fitei is.  1  >e  Capitone  posl  uiderimus,  si,  quem  ad  moduffl 
paratum  esse  audio,  testis  prodierit  ;  tum  alias  quoquc 
suas  palmas  cognoscet  de  quibusme  ne  audisse  quidem 
suspicatur.  L.  Cassius  Ole  quem  populus  Romanus  ueris- 
simum  et  sapientissimum  iudicem  putabal  identidem  in 
causis  quaerere  solebat  cui  bono  fuissel .  Sic  uita  homi- 
num  est  ut  ad  maleficium  nemo  conetur  sine  spe  atquc 
emolumento  accedere.  85  I  [une  quaesitorero  ac  iudicem 
fugiebant  atque  horrebant  ii  quibus  periculum  creaba- 
tur  ideo  quod,  tametsi  ueritatis  erat  amicus,  tamen  natu- 
re ni'ii  i  un  propensus ad misericordiam  quam applicatus 
ad  seueritatem  uidebatur.  Ego,  quanquam  praeest  huic 
quaestioni  uir  et  contra  audaciam  fortissimus  et  ab  inno- 
centia  clementissimus,  tamen  facile  me  paterer,  uel  illo 


83.  unum  quidque  Wesenberg  :  unum  quodque  mu.     persequar 
Lambin  :  prosequar  mat.     B4.  proflteris  éd.  Rom.  1471, 
1  171  :  profitearis  mu.  ||  85.  applicatus  Nooàk,  Clark  :  Implicatus 
;n.s.s.  ;  Inclinatua  /'.  Afanuz/o/impacatus   Gulietmiiu  :  Implacatus 
Graeuius  :  incitât  us  eoni.  Kayser, 


xxx-85    PLAIDOYER  POUR  SBX.  BOSCIUS  TTAMÊRIE       96 

l'enquête  serait  dirigée  par  ce  juge  si  pénétrant,  alon 
même  que  l'affaire  serait  jugée  par  des  hommes  de  l'école 
de  ce  Cassius,  dont  le  nom  seul  frappe  de  terreur  encore 
aujourd'hui  les  accusés  qui  ont  à  présenter  leur  défense. 

XXXI  86  Dans  cette  cause,  en  effet,  quand  ces  juges 
verraient  les  accusateurs  en  possession  des  plus  vastes 
propriétés  et  mon  client  réduit  à  la  mendicité,  il  ne  leur 
faudrait  certainement  pas  d'enquête  pour  savoir  à  qui  le 
crime  a  profité  ;  mais,  devant  l'évidence  du  fait,  ils  diri- 
geraient plutôt  l'accusation  et  les  soupçons  du  côté  de  la 
richesse  acquise  par  la  déprédation  que  du  côté  de  l'indi- 
gence. Quelle  serait  leur  opinion  en  constatant  ces  circons- 
tances aggravantes  ?  Avant  le  crime,  tu  étais  dans  une 
position  médiocre  ;  tu  es  cupide,  tu  es  audacieux  ;  celui  qui 
a  été  tué  n'avait  pas  de  pire  ennemi  que  toi.  Y  a-t-il  à 
rechercher  le  motif  qui  t'a  fait  commettre  un  si  abomi- 
nable attentat?  Y  a-t-il  un  seul  de  ces  faits  que  l'on  puisse 
nier  ?  La  médiocrité  de  la  position  de  cet  homme  est  telle 
qu'elle  ne  peut  se  dissimuler  et  qu'elle  apparaît  d'autant 
plus  manifeste  qu'on  fait  plus  d'efforts  pour  la  cacher. 
87  Ta  cupidité,  tu  l'étalés,  toi  qui  as  formé  avec  un  homme 
qui  t'était  absolument  étranger  une  association  pour  t'em- 
parer  de  la  fortune  d'un  homme  du  même  municipe,  de 
la  même  famille  que  toi.  Quelle  est  ton  audace,  je  n'en 
cite  pas  d'autre  preuve,  car  tout  le  monde  a  pu  l'apprécier: 
de  toute  l'association  dont  tu  fais  partie,  je  veux  dire  de 
cette  association  de  sicaires,  il  ne  s'est  trouvé  que  toi  pour 
siéger  avec  les  accusateurs,  pour  laisser  voir  ton  impu- 
dence, pour  l'offrir  même  à  tous  les  regards.  Il  existait  des 
inimitiés  entre  Sex.  Roscius  et  toi  ;  tu  as  eu  avec  lui  de 
graves  contestations  pour  des  intérêts  de  famille  :  tu  es 
forcé  d'en  convenir. 

88  II  reste,  juges,  à  discuter  cette  question  :  lequel  des 
deux  est  plutôt  le  meurtrier  de  Sex.  Roscius,  celui  à  qui  ce 
meurtre  a  procuré  des  richesses,  ou  celui  qu'il  a  réduit  à  la 
mendicité  ?  celui  qui,  avant  ce  meurtre,  était  dans  une  po- 
sition médiocre,  ou  celui  qui,  depuis  ce  meurtre,  est  dans 
la  plus  extrême  indigence  ?  celui  que  la  cupidité  qui  l'en- 
flamme précipite  comme  un  ennemi  contre  ses  parents,  ou 


96  l'!«>  SEX.  HOSCIO  AMERINO  \\\85 

ipso  acerrimo  iudice  quaerente,  uel  apud  I  10s  iudi- 

ces,  quorum    etiam  aune   ii  quibus  causa  dicenda       : 
oomen  ipsum  reformidant,  pro  Sex,  Roscio  dicere. 

\\\I  86  In  hac  enim  causa  cum  uiderent  Ulos  am- 
plissimam  pecuniam  possidere,  hune  in  summa  mendici- 
tate  esse,  illud  quidem  non  quaererent,  cui  bono  fuisset, 
sed  eo  perspicuo  crimen  et  suspicionem  potius  ad  prae- 
dam  adiungerenf  quam  ad  egestatem.  Quid  siaccedit  eo- 
dem,  nt  tennis  antea  f uoris  ?  quid  si,  ni  auarus  ?  quid  si, 
ut  audax  ?  quid  si,  ut  illius,  qui  occisus  est,  inimi< 
mus  ?  Xuin  quaerenda  causa  quae  te  ad  tantum  facinus 
adduxeril  ?  Quid  ergo  honim  aegari  potest  ?  Tenuitas 
hoininis  eius  modi  est  ut  dissimulai-!  non  queat  atque  eo 
magis  eluceat  quo  magis  occulta tur.  87  Auaritiam  prae- 
fers  tj u i  societatem  coieris  de  municipis  cognatique  for- 
tunis  cum  alienissimo.  Quam  sis  audax,  ut  alia  obliuis- 
car,  hinc  omnes  intellegere  potuerunt  quod  ex  tota  socie- 
tate,  hoc  est  ex  tôt  sicariis,  solus  tu  inuentus  es  qui  cum 
accusatoribus  sederes  atque  os  tuum  non  modo  ostende- 
res,  sed  etiam offeires.  [nimicitias  tibi  Fuisse  cum  Sex. 
Roscio  et  magnas  rei  familiaris  controuersias  concédas 
necesse  est. 

88  Restât,  indices,  ut  hoc  dubitemus,  uter  potins 
Sex.  Roscium  occident,  is  ad  quem  morte  eius  diuitiae 
uenerint,  an  is  ad  quem  mendicitas  ?  is  qui  antea  tennis 
fuerit,  an  is  qui  postea  factus  sit  egentissimus ?  is  qui 

nunc  ii  c<l.  AI<1.  1519  :  DUDCiiS,  -, cù  ;  nuntii  cricri  mss.  86.  ]  ers- 
picuo  CL  Dupug  :  penpicuum  nui.  |  quaerenda  causa  a,  w  :  quae- 
renda eetert  met.  ;  quaerenda  causa  est  Hiehier,  adduxeril  :eduxe- 
runt  a  ;  adduxerunl  X,  y.  eluceat:  elucet  Heumann.  87.  ; 
fera:  prae  te  fen  lambin.  ||  88.  mendicitaa  la  <|i  :  mendicitatiaS, it, 
9,  co  ;  mendicitas  .1 .  a,  X. 

i 


xxxl-88  PLAIDOYER  POUR  SEX.  ROSCIUS  ITAMÊRIE       97 

celui  qui  a  toujours  vécu  ignorant  du  lucre  et  ne  connais- 
sant que  le  fruit  de  son  travail  7  celui  qui  est  le  plus  auda- 
cieux des  dépeceurs  de  biens,  ou  celui  qui,  dans  son  inex- 
périence du  Forum  et  des  débats  judiciaires,  redoute  non 
seulement  l'aspect  de  ces  bancs,  mais  le  séjour  même  de 
cette  ville  ?  Enfin,  Juges  —  et  c'est,  à  mon  avis,  ce  qui  B 
le  plus  d'importance  dans  l'affaire  —  celui  qui  était  l'en- 
nemi ou  celui  qui  était  le  fils  de  Roscius  ? 

XXXII  89  Si  tu  avais  pu  réunir  des  fmts  aussi  nom- 
breux et  aussi  importants  au  sujet  de  celui  que  tu  accuses, 
Erucius,  quelle  ne  serait  pas  la  longueur  de  ton  discours, 
quelle  ne  serait  pas  ta  jactance!  Le  temps,  par  Her- 
cule! te  manquerait  plus  tôt  que  les  paroles.  En  effet, 
pour  toutes  les  questions  de  ce  genre,  la  matière  est  si 
abondante  que  tu  pourrais  y  dépenser  des  journées  en- 
tières, les  unes  après  les  autres.  Il  ne  me  serait  pas  impos- 
sible d'en  faire  autant.  Car  je  ne  rabaisse  pas  assez  mon 
talent,  que  je  ne  prétends  certes  pas  surfaire,  pour  te  croire 
capable  de  parler  plus  abondamment  que  moi.  Mais  peut- 
être,  étant  donné  la  multitude  des  défenseurs,  fais-je  sim- 
plement nombre  dans  le  troupeau.  Quant  à  toi,  la  bataille 
de  Cannes  a  fait  de  toi  un  assez  bon  accusateur.  Nous  en 
avons  vu  massacrer  beaucoup,  je  ne  dis  pas  auprès  du  lac 
Trasimène,  mais  auprès  du  lac  Servilius.  «  Qui  ne  fut  blessé 
là  par  le  fer  phrygien  ?  » 

90  II  n'est  pas  besoin  de  les  rappeler  tous,  les  Curtius, 
les  Marius,  enfin  les  Memmius  que  leur  âge  éloignait  déjà 
des  combats,  en  dernier  lieu«  le  vieillard  Priam  lui-même», 
cet  Antistius  (1),  à  qui  non  seulement  son  âge,  mais  les  lois 
elles-mêmes  interdisaient  les  batailles.  Ils  sont  mille  dont 
personne  ne  prononce  plus  le  nom  à  cause  de  leur  défaut 
de  renommée,  qui  portaient  leurs  accusations  devant  les 
tribunaux  chargés  des  affaires  de  meurtre  et  d'empoison- 

(1)  Les  accusateurs  de  profession  et  leur  doyen  Antistius  fu- 
rent, pendant  les  guerres  civiles,  massacrés  auprès  du  lac  Servi- 
lius, réservoir  voisin  du  Forum,  aussi  funeste  pour  eux  que  l'avait 
été  le  lac  Trasimène  pour  les  légionnaires  au  temps  de  la  guerre 
d'Hannibal.  —  Le  vers  cité  est  probablement  emprunté  à  l'Achille 
d'Ennius. 


97  PRO  SEX.  ROSCIO  AMBRINO  \\\\  88 

ardena  auaritia  feratur  infestus  in  suos,  an  is  qui  semper 
ita  nixeril  ut  quaestum  aossef  nullum,  fructum  autem 
eum  sohmi  quem  labore  peperisset  ?  is  qui  omnium  Bec- 
toriiin  audacissimus  ait,  an  is  qui, propter  fori  iudiciorum- 
que  insolentiam,non  modo  subsellia  uerum  etiam  urbem 
ipsam  reformidet  ?  Postremo,  iudices,  id  quod  ad  rem 
mea  sententia  maxime  pertinet,  ntrum  inimicus  potins 
an  liliu^  ? 

XXXII  89  Haec  tu,  Eruci,  toi  et  tanta  si  nactus 
in  reo,  quam  diu  diceres  !  quo  te  modo  îactai 
tempus  hercule  te  citius  quam  oratio  deficeret.  Etenim 
i:i  singulis  rébus  eius  modï  materies  est  uf  dies  sin- 
is  consumere.  Neque  ego  non  possum;  non 
enim  tantum  mini  derogo,  tametsi  nihil  arrogo,  al  te 
copiosius  quam  me  putem  posse  dicere.  Verum  ego  forsi- 
tan  propter  multitudinem  [)atronorum  in  grege  adnu- 
merer,te  pugna Cannensis accusa torem  snt  bonum  fecit. 
Multos  caesos,  non  ad  Trasimenum  Iacum,sed  ad  Serui- 
Uum  uidimus. 

Quis  ibi  non  est  uulneratus  ferra  Phrygio  ? 

SO  Non  !i  est  omnes  commemorare  Curtios,  Ma- 

denique  Memmios,  quos  iam  aetas  a  proeliis  auoca- 

bat,  postremo  Priamum  ipsum  senem,  Antistium  quem 

non  modo  aetas  sed  etiam  leges  pugnare  prohibebant. 

Iam  quos  nemo  propter  ignobilitatem  Dominât,  sesceuti 

reformidel   Lambin  :  reformldal  iras.  :  reformidarit  BUehner. 
89.  nactus:  nanctus  1!.  -.  Halm.     possia  :  posses   W 

In  gregem  eeieri  mss.,  Bùehner,  il  accusatorem  :  ace 
toriiin  Bultmann.  '  Trasimenum  A,  n.  i.  iwlgo\  Trasimen  mim  -: 
frahasy mennum  £  ;  Trasumenum  SehoL,  Kayser  :  Trasumennuin 
sen.     90.   Memmios  Orsini  :  Mammeos   mu.  :  Mamercoi 
Laml 


xxxn-90  PLAIDOYER  POUR  SEX.  ROSCIUS  D*AMÊRIE      98 

ncment.  Eux  tous,  pour  ce  qui  me  concerne,  je  désirerais 
qu'ils  fussent  vivants.  Il  n'y  a  pas  de  mal,  en  effet, à  ce  que 
les  chiens  soient  très  nombreux,  là  où  il  faut  surveiller 
bien  des  gens  et  veiller  sur  bien  des   choses.  91  Mais,  c'est 
l'ordinaire,  au  milieu  du  désordre  et  de  la  violence  de  la 
guerre,  bien  des  mouvements  se  produisent  à  l'insu  des 
chefs.  Alors  que  celui  qui  dirigeait  souverainement  l'ad- 
ministration de  l'Etat  se  trouvait  occupé  à  d'autres  soins, 
il  y  avait  des  gens  qui  soignaient  leurs  blessures  ;  ces  gens- 
là,  comme  si  une  nuit  éternelle  se  fût  répandue  sur  la  ré- 
publique, se  ruaient  dans  les  ténèbres  et  travaillaient  à 
tout  bouleverser  ;  je  m'étonne  que,  pour  qu'il  ne  restât 
pas  trace  des  jugements,  ils  n'aient  pas  aussi  brûlé  les 
bancs  du  tribunal,  car  ils  ont  fait  disparaître  et  les  accu- 
sateurs et   les  jugés.  Mais,  heureusement,  ils  ont  mené 
une  telle  vie  qu'il  leur  serait  impossible,  quand  ils  le  dési- 
reraient,  d'en  faire  périr  tous  les  témoins  :  tant  que  le 
genre  humain  existera,  il  ne  manquera  pas  d'accusateurs 
contre  eux  ;  tant  que  Rome  existera,  il  y  aura  des  juge- 
ments.   Mais,    comme   j'ai    commencé    à    l'expliquer,    si 
Erucius  avait  pour  soutenir  sa  cause  tous  les  faits  que  j'ai 
rappelés,  il  pourrait  parler  aussi  longtemps  qu'il  lui  plai- 
rait. Moi  aussi,  juges,  je  le  peux.  Mais,  je  l'ai  déjà  dit,  mon 
intention  est  de  passer  légèrement,  d'effleurer  simplement 
chaque  question, pour  que  tout  le  monde  comprenne  que 
je  ne  prononce  pas  une  accusation  parce  que  c'est  mon 
plaisir,  mais  que  je  présente  une  défense  parce  que  c'est 
mon  devoir. 

XXXIII  92  Je  le  vois  donc  :  il  y  avait  beaucoup  île 
motifs  qui  pouvaient  pousser  cet  homme  au  crime.  Voyons 
maintenant  quelles  facilités  il  a  pu  avoir  pourle  commettre. 
Où  Sex.  Roscius  a-t-il  été  tué  ?  —  A  Rome.  —  Eh  î  quoi, 
T.  Roscius,  où  étais-tu  alors  ?  —  A  Rome.  Mais  quel  rap- 
port cela  a-t-il  avec  le  crime  ?  Bien  d'autres  étaient  aussi 
à  Rome.  —  Comme  s'il  s'agissait  maintenant  de  savoir 
quel  est  dans  la  multitude  de  gens  qui  étaient  à  Rome 
l'homme  qui  a  commis  le  meurtre,  comme  si  nous  ne  re- 
cherchions pas  simplement  ce  qui  est  leplus  vraisemblable: 
celui  qui  a  été  tué  a-t-il  été  tué  par  quelqu'un  qui  en  ce 


98  pro  si  \.  nosi  w  amerino  xxxh-90 

sunt  qui  inter  sicarios  et  de  ueneficiis  accusabanf  ;  qui 
omnes,  quôd  ad  me  attinet,  uellem  uiuerent.  Xilul  enim 
mali  est  canes  ibi  quam  plurimos  esse  ubi  permulti  obser- 
uandi  multaque  Beruanda  sunt.  91  Verum,  ut  lit,  multa 
saepe  imprudentibus  Lmperatoribus  uis  belli  ac  turba 
molitur.  Dum  is  in  aliis  rébus  eral  occupatus  qui  sunv 
mam  rerum  administrabat,  erant  interea  qui  suis  uulne- 
ribus  mederentur  ;  qui,  tanquam  si  offusa  rei  publicae 
sempiterna  nox  esset,  it:i  ruebant  in tenebris omniaque 
miscebant;  aquibus  miror,  ne  quod  iudiciorum  esset 
uestigium,  non  subsellia  quoque  esse  combusta  :  nain 
et  accusatores  et  indices  sustulerunt.  Ilot*  commodi 
est  quod  ita  uixerunt  ut  testes  omnes,  si  cuperent,  in- 
terficere  non  possent  ;  nam,  dum  hominum  genus  erit, 
qui  accuset  eos  non  décrit  ;  dum  chutas  erit,  iudicia 
fient.  Verum,  ut  coepi  dicere,  et  Erucius,  haec  si  haberet 
in  causa  quae  commemoraui,  posset  ea  quamuis  diu  di- 
cere, et  ego,  indices,  possum  ;  sed  in  nnimo  est,  quem 
ad  modum  ante  dixi,  leuiter  transire  ac  tantum  modo 
perstringere  unam  quamque  rem,  ut  omnes  intellegant 
me  non  studio  accusare  sed  oflîcio  defendere. 

XXXIII  92  Video igitur eau  \  permultas quae 

istum  unpellerent  ;  uideamus  nunc  ecquae  facultas  susci- 
piendi  malefici  fuerit.  Vbi  occisus  est  Sex.  Roscius  V 
Romae.  Quid  V  tu.  T.  Rosci,  ubi  tune  eras  ?  — 
Romae. Verum  quid  ad  rem  ?  et  alii  multi.  -Quasi  nunc 
ici  agatur  quis  ex  tanta  multitudine  occident,  ac  non  hoc 
quaeratur,  eum  qui  Romae  si i  occisus,utrum  ueri  simi- 

91.  ni  publicae  éd.  Rom.  1 1 T î  :  rc  pubUca  mu.     92.  ecquae  fa- 
cultas éd.  AU.  1519  :  et  quae  racultas  mu.;  ecqua  racultai  uulç 
tu,  T.  Roed  w:  ut  Rosd  II;  tu  Rosd  ctteri mss.,uulgo. 


.wmji-92  PLAIDOYER  POUR  SEX.  R0SC1US  VAMÉR1E     99 

temps-là  se  trouvait  constamment  ;'i  Rome,  ou  par  quel- 
qu'un qui.  depuis  de  nombreuses  années,  ne  s'était  même 
pas  approché  de  Rome 7 
93  Eh    bien  !    donc,    examinons    maintenant    quelles 

étaient  les  autres  facilités  pour  commettre  le  crime. 
Erucius  l'a  rappelé  :  il  y  avait  alors  une  multitude  de  si- 
caires  et  l'on  tuait  impunément.  Eh  !  quoi  :  de  qui  se  com- 
posait cette  multitude  ?  De  ceux,  il  me  semble,  qui  étaient 
occupés  à  se  procurer  les  propriétés,  ou  de  ceux  qui  étaient 
embauchés  par  eux  pour  tuer.Si  tu  penses  à  eeux  qui  con- 
voitaient le  bien  d'autrui,  tu  es  de  ce  nombre,  toi  qui  es 
riche  de  notre  fortune.  Si  tu  penses  à  ceux  que  l'on  appelle, 
quand  on  leur  donne  un  nom  moins  odieux,  *  les  gens  char- 
gés de  frapper  »,  cherche  sous  la  protection  de  qui,  dans  la 
clientèle  de  qui  ils  se  trouvent  :  veuille  me  croire,  tu  décou- 
vriras quelqu'un  de  tes  associés.  Et  tout  ce  que  tu  pourras 
trouver  à  dire  contre  mes  affirmations,  oppose-le  à  notre 
système  de  défense  :  c'est  ainsi  que  l'on  pourra  le  plus  aisé- 
ment du  monde  établir  une  comparaison  entre  la  cause  de 
Sex.  Roscius  et  la  tienne.  94  Tu  diras  :  «  Eh  bien  !  après  ? 
J'étais  fréquemment  à  Rome.  »  Je  répondrai  :  «  Mais,  moi, 
je  n'y  ai  pas  été  du  tout,  a  —  J'avoue  que  je  suis  un  dépe- 
ceur  de  biens  ;  mais  beaucoup  d'autres  le  sont  aussi.  — 
Mais,  moi,  je  suis, comme  tu  m'en  accuses  toi-même, uncul- 
tivateur  des  champs,  un  homme  de  la  campagne.  —  Pour 
m'être  mis  dans  la  troupe  des  sicaires,  il  ne  s'ensuit  pas 
que  je  sois  un  sicaire.  —  Quant  à  moi, assurément,  moi  qui 
n'ai  pas  même  connu  de  sicaire,  je  suis  bien  loin  d'une  ac- 
cusation de  ce  genre.  Nombreuses  encore  sont  les  preuves 
que  Ton  pourrait  donner,  qui  feraient  comprendre  que 
tu  as  eu  les  plus  grandes  facilités  pour  entreprendre  ce 
crime  ;  je  laisse  tout  cela  de  côté, non  seulement  parce  que 
ce  n'est  pas  de  mon  plein  gré  que  je  t'accuse  toi-même, 
mais  surtout  parce  que,  si  je  voulais  parler  de  tous  les 
meurtres  qui  ont  été  commis  alors  de  la  même  manière  que 
celui  de  Sex.  Roscius,  je  craindrais  que  mon  discours  pa- 
rût s'appliquer  à  de  nombreux  coupables. 

XXXIV  95  Voyons,  maintenant,  sans  y  insister  plus 
que  nous  ne  l'avons  fait  pour  tes  autres  actions,  quelle  a  été 


90  PRO  SBX.  ROSCIO  A.MERINO  \\\in-92 

lius  Bit  abeo  esse  occisum  qui  adsiduus  co  tempore  R 
mae  fuerit,  an  ab  eo  qui  multis  annis  Romam  omnino 
non  accesserii 

93  Age  aune,  ceteraa  quoque  facilitâtes  consideremus. 
Era1  t uni  multitudo  sicariorum,  id  quod  commemorauil 
Erucius,  et  homines  impune  occidebantur.  Quid  ?ea  mul- 
titudo quae  erai  ?  Opinor,  aut  eorum  qui  in  bonis  eranl 
occnpati,  aut  eorum  qui  ah  iis  conducebantur  ni  ali- 
quem  occiderent.  Si  eos  putas  qui  alienum  appetebant, 
tu  os  in  ro  numéro  qui  nostra  pecunia  diues  es  ;  sin  i 
quos,  qui  leuiore  nomine  appellant,percussores  uoeant, 
quaere  in  cuius  fide  sinl  et  clientela  ;  mihi  crede,  aliquem 
de  societate  tua  reperies  ;  et,  quicquid  tu  contra  dixeris, 
id  cum  defensione  nostra  contendito  :  [ta  facillime  caua  i 
Sex,  Rosci  cum  tua  conferetur.  94  Dires  :  a  Quid  postea, 
si  Romae  adsiduus  fui  ?  Respondebo  :  «  At  ego  omnino 
non  fui.  »  —  Pateor  me  sectorem  esse,  uerum  et  alii  mul- 
ti.  —  Ai  ego,  ni  tute  arguis,  agricola  et  rusticus. — 
Non  continuo,  si  me  in  gregem  sicariorum  contuli,  sum 
sicarius.  —  At  ego  profecto,  qui  ne  noui  quidem  quem- 
quam  sicarium,  Longe  absum  ab  eius  modi  crimine.  Per- 
multa  sunt  quae  dici  possunt,  qua  re  intellegatur  sum- 
mam  tibi  facultatem  fuisse  malefici  suscipiendi  ;  quae 
non  modo  idchvo  praetereo  quod  te  ipsum  non  libenter 

cuso,  uerum  eo  magis  etiam  quod,  si  de  îllis  caedibus 
uelim  commemorare  quae  tum  factae  sunt  ista  eadem 
ratione  qua  Sex.  Roscius  occisus  est,  uereor  ne  ad  plures 
oratio  mea  pertinere  uideatur. 

93.cctoras  quoque  facilitâtes  éd.  Rom.  1471,  ed,  Ven.  U71  : 
ceterai  tacuttatei  quoque  met.,  uufoo* 


nwiv-95  PLAIDOYER  POl  B  SEX.  ROSCIUS  tTAMÊRIE  100 

ta  conduite,  T.  Roscius,  après  la  mort  (le  Sc\.  Rosciusi  Tu 
t'es  si  peu  caché,  tu  as  si  bien  a<4'i  au  grand  jour  que  —  le 
dieu  de  la  bonne  loi  me  vienne  en  aide  !  —  c'est  malgré 
moi,  juges,  que  je  parle  de  toul  cela/Car,  quelque  criminel 
([ue  tu  sois,  T.  Roscius,  je  crains  de  paraître  ainsi  avoli 
voulu  sauver  mon  client'en  ne  gardant  aucun  ménagement 
à  ton  égard/Mais, si  j'éprouve  cette  crainte,  si  j'ai  le  désir 
de  garder  quelques  ménagements,  autant  que  je  le  pour- 
rai sans  manquer  à  mon  devoir  de  défenseur,  mes  inten- 
tions changent  tout  à  l'ait,  car  je  pense  à  ton  effronterie/ 
/Ainsi  donc,  alors  que  tes  associés  étaient  tous  en  fuite  et 
se  tenaient  tous  cachés/dans  l'espoir  que  ce  procès  semblât 
avoir  pour  objet  non  la  proie  dont  ils  se  sont  emparé-, 
mais  le  crime  dont  on  accuse  mon  client^toi,  tu  as  tenu  à 
réclamer  le  rôle  que  tu  joues  en  prenant  part  au  procès, 
en  t'asseyant  à  côté  de  l'accusateur  f\  cela  que  gagneras- 
tu,  sinon  de  faire  connaître  à  tout  le  monde  ton  audace  et 
ton  impudence  y  96  Sex.  Roscius  est  tué  :  qui  est  le  pre- 
mier à  en  porter  la  nouvelle  à  Amérie  ?  Mallius  Glaucia, 
que  j'ai  déjà  nommé,  ton  client  et  ton  familier.  Pourquoi 
lui,  plutôt  que  tout  autre?  Pourquoi,  si  tu  n'avais  d'avance 
imaginé  quelque  dessein  au  sujet  de  la  mort  et  des  biens 
de  celui  qu'on  venait  de  tuer,  si  tu  n'avais  formé  aucune 
association  avec  aucun  complice  pour  le  crime  et  le  butin 
qui  en  résulterait,  pourquoi  te  portait-on  la  nouvelle,  à 
toi  qu'elle  regardait  moins  que  personne  ?  «  C'est  de  son 
propre  mouvement  que  Mallius  porte  la  nouvelle.   »  — 
Mais,  dis-moi,  je  te  prie,  en   quoi   cela  l'intéressait-il  ? 
Dira-t-on  qu'il  n'était  pas  venu   à  Amérie  pour  porter 
cette  nouvelle,  que  c'est  par  hasard  qu'il   fut  le  premier 
à  annoncer  ce  qu'il  avait  appris  à  Rome  ?  Pour  quel  motif 
était-il  venu  à  Amérie  ?  —  «  Je  ne   peux  pas   deviner  », 
dit  T.  Roscius.  Je  vais  conduire  la  discussion  de  manière 
qu'il  n'y  ait  besoin  de  rien  deviner.  Pourquoi  la  nouvelle 
a-t-elle  d'abord  été  portée  à  T.  Roscius  Capito?  Alors  que 
Sex.  Roscius  avait  à  Amérie  son   domicile,  sa  femme,  son 
fils,  tellement  de  proches   parents  et  d'alliés  avec  qui  il 
vivait  en  parfaite  intelligence,  comment  se  fait-il  que  cet 
homme,ton  client,  messager  de  ton  crime, ait  choisi  de  pré- 


100  PRO  SBX.  ROSCIO  AMERINO  XXXIV  95 

XXXrV  95  Videamus  nunc  strictim,  sicut  cet 
quae  post  mortem  Sex.  Rosci  abs  te,T.  Rosci,  facta  sunt  ; 
quae  ita  aperta  el  manifesta  sunt  ut  me  dius  fidius, 
ludices,  imiitus  ea  dicam.  Vereor  enirn,  cuicuimodi  e 
T.  !  losci,  ne  [ta  hune  uidear  uoluisse  seruare  ut  tibi  omni- 
no  non  i>r|HTivt un.  (luni  hoc  ucreor  el  cupio  tibialiqua 
ex  parte,  quod  salua  Rde  possim,  parcere,rursusimmuto 
uoluntatem  meam  :  uenil  enim  mihi  in  mentem  oris  tui/ 
Tene,  cum  ceteri  socii  tui  fugerent  ac  se  occultarent,  ut 
hoc  iudicium  non  de  illorum  praeda  sed  (\c  huius  malefi- 
cio  fieri  uideretur,  potissimum  tibi  partes  istas  depopos- 
cisse  ut  in  iudicio  uersarere  et  sederes  cum  accusatore  ? 
Qua  in  iv  nihil  aliud  adsequeris  nisi  ut  ab  omnibus  mor- 
talibus  audacia  tua  cognoscatur  et  impudentia.  96  Occi- 
so  Sex.  Roscio,  quis  primus  Ameriam  nuntiat  ?  Mallius 
Glaucia,  quem  iam  antea  nominaui,  tuus  cliens  et  fami- 
liaris.  Quid  attinuit  cum  potissimum  uuntiare  quod,  si 
nullum  iam  ante  consilium  de  morte  ac  de  bonis  eius  inie- 
i  \  nullamque  societatem  neque  sceleris  neque  praemi 
cum  homine  ullo  coieras,  ad  te  minime  omnium  pertine- 
bat  ?  -  Sua  sponte  Mallius  nuntiat.  Quid,  quaeso, 
eius  întererat  ?  An,  cum  Ameriam  non  huiusce  rei  caus 
uenisset,  casu  accidit  ut  id  quod  Romae  audierat  primus 
nuntiaret  ?  Cuius  rei  causa  uenerat  Ameriam  ?  o  Non 
possum,  inquit,  •  diuinare.  Eo  rem  iam  adducam  ui 
nihil  diuinatione  opus  sit.  Qua  ratione  T.  I  loscio  Capitoni 
primo  nuntiauit  ?  Cum  Ameriae  Sex.  Rosci  domus,  uxor 

93.  fada  vaut    :    facta    sinl     H 'dm.         cuicuimodi     Prisdanus  : 
quiquimodi  mss.  ;  cuius  modl  iuil<i<>.     Impudentia  A,X  -  :  Impru- 
denti  \ ceteri  mu.    96.  quaeso  éd.  luni.  1515  :  quasi  mss.      T.  R 
cto  Richter.,., Roscio £;  Roscio  c>t>ri  mss.,uulgo.    primo  nuntiauit 


XXXiv-98  PLAIDOYER  POUR  SBX.  ROSCIUS  X/AMÊRIE   101 

férence  T.  Roscius  Capito  pour  lui  en  porter  la  nouvelle  7 

97  II  a  été  tué  au  retour  d'un  souper  :  il  ne  |;iis;iil   pas 

encore  jour  quand  on  l'a  su  à  Amélie.  Que  signifient  cette 
course  incroyable,  cette  rapidj  té,  cette  hâte  extraordinaire? 

Je  ne  fais  pas  d'enquête  pour  savoir  qui  a  porté  le  coup  : 
tu  n'as  rien  à  craindre,  Glaucia  :  je  ne  secoue  pus  tes  vête- 
ments pour  m'assurer  si  tu  avais  quelque  poignard  :  je  ne 
te  fouille  pas.  Je  ne  pense  pas  que  ce  soin  me  regarde  en 
rien  :  puisque  je  découvre  celui  qui  a  décidé  le  meurtre,  je 
ne  me  mets  pas  en  peine  de  celui  dont  la  main  a  frappé.  Je 
ne  retiens  que  ce  qui  me  montre  ton  crime  au  grand  jour, 
que  ce  qui  m'est  fourni  par  l'évidence  des  faits  :  où  et  de 
qui  Glaucia  a-t-il  appris  le  meurtre  ?  comment  l'a-t-il  su 
si  vite  ?  Admettons  qu'il  l'ait  appris  à  l'instant  même. 
Qu'est-ce  qui  le  forçait  à  s'empresser  de  faire  tant  de  che- 
min en  une  seule  nuit  ?  Quelle  nécessité  si  pressante  l'obli- 
geait, s'il  allait  de  son  propre  mouvement  à  Amérie,  de 
partir  de  Rome  à  cette  heure  et  de  ne  pas  se  reposer  un 
seul  moment  de  toute  la  nuit  ? 

XXXV  98  Et  encore,  quand  les  faits  sont  d'une  telle 
évidence,  y  a-t-il  à  chercher  des  arguments  ou  à  tirer  des 
conjectures  ?  Ne  vous  semble-t-il  pas,  juges,  voir  de  vos 
propres  yeux  ce  que  vous  venez  d'entendre  ?  Ne  voyez- 
vous  pas  ce  malheureux,  revenant  de  souper  dans  l'igno- 
rance du  sort  qui  l'attend  ?  Ne  voyez-vous  pas  l'embus- 
cade dressée,  l'attaque  brusque  et  soudaine  ?  Ne  s'agite- 
t-il  pas  devant  vos  yeux,  Glaucia,  occupé  au  meurtre  ? 
N'assiste-t-il  pas  au  crime,  ce  T.  Roscius  ?  Ne  place-t-il  pas 
de  ses  propres  mains  sur  le  char  cet  Automédon  (1)  qui  va 
porter  la  nouvelle  de  son  cruel  forfait,  de  sa  victoire  im- 
pie ?  Ne  le  conjure-t-il  pas  de  passer  toute  la  nuit  sans 
sommeil,  de  peiner  en  son  honneur,  d'annoncer  au  plus 
tôt  le  crime  à  Capito  ? 

99  Quel  était  son  motif  pour  avoir  voulu  que  Capito  fût 

(1)  Dans  Y  Iliade,  Automédon  est  le  conducteur  bien  connu  du 
char  d'Achille.  Le  Pro  Quinclio  (xxv,  80)  faisait  aussi  une  plai- 
sante allusion  à  un  autre  personnage  mythologique  célèbre  par  sa 
rapidité  :  le  cheval  ailé  Pégase.  Automédon  avait  peut-être  un 
rôle  dans  la  tragédie  dont  un  vers  est  cité  plus  haut  (xxxn.  89). 


101  PRO  SBX.   HOSCIO   AMERINO  \wi\-96 

(ibérique  essent,  cum  tôt  propinquî  cognatique  optime 
conuenientes,  qua  ratione  factum  est  ut  [ste  tuus  cliens, 
sceleris  tui  nuntius,  T.  Roscio  Capitoni  potissimum  nun- 
tiarel  ? 

97  Occisus  est  a  cena  rediens;  aondum  lucebat  cum 
Ameriae  scitum  est.  Quid  hic  incredibilis  cursus,  quid 
haec  tanta  celeritas  festinatioque  significat  ?  Non  quae- 
ro  quis  perçussent  :  nihil  est,  Glaucia,  quod  metuas  :  non 
excutio  te,  si  quid  forte  ferri  tiabuisti,  non  scrutor  ;  nihi] 
ad  me  arbitrer  pertinere  ;  quoniam  cuius  consilio  occisus 
sit  inuenio,  cuius  manu  sit  percussus  non  laboro.  Vnum 
hoc  sumo  quod  mihi  apertum  tuum  scelus  resque  mani- 
festa dat  :  Vbi  aut  unde  audiuit  Glaucia  ?  qui  tam  cito 
sciuit  ?  Fac  audisse  statim  :  quae  res  eum  nocte  una  tan- 
tum  itineris  contendere  coegit  ?  quae  nécessitas  cum  tau- 
la  premebat  ut,  si  sua  sponte  Iter  Amenant  faceret,  id 
temporia  Roma  proficisceretur,  nullam  partem  noctis 
requiesceret  ? 

X  \\V  98  Etiamne  in  tam  perspicuis  rébus  argumen- 
tatio  quaerenda  aut  coniectura  capienda  est  ?  Nonne  no- 
I  i-  haec  quae  audistis  cernere  oculis  uidemini,  iudi< 
Non  illuiu  nûserum.ignarumcasus  sui,  redeuntem  a  cen  i 
uidetis,  non  positas  insidias,  non  unpetum  repentinum  ? 
Non  uersatur  ante  oculos  uobis  in  caede  Glaucia  ?  Non 
adest  istc  T.  Rosciua  ?  Non  suis  manibus  in  curru  collo- 
cat  Automedontem  illum,  sui  sceleris  acerbissimi  neffa- 
riaeque  uictoriae  nuntium  ?  Non  oral  ut  eam  noctem  per- 


Bùchiur:  priinum  nunt ianit  ms*.      97.  fac   BOdisse  .\.  It,  y-  tù  ■  fftC 
audisset  céleri  mss.      98.  capienda  est  Modvlg  :  capienda  sit  n 


».  99  PLAIDOYER  POUR  SEX.  ROSCIUS  D'A MÉRIE     102 

le  première  en  être  instruit?  Je  l'ignore:  mais  je  vois  que 
Capito  est  associé  au   partage   des   biens  de  Roscius  ;  Je 

vois  que  de  ses  treize  fonds  (le  terre  il  en  p  trois  des 

mieux  réputés.  100  De  plus,  j'entends  dire  que    ce  n'c 

pas  la  première  fois  que  des  soupçons  de  ce  genre  se  por- 
tent sur  Capito  ;  ee  gladiateur  possède  déjà  nombre  de  pal- 
mes qui  attestent  son  infamie: mais  celle-ci  est  la  première 
qu'on  lui  apporte  de  Rome,  décorée  du  ruban (1);  il  n'est 
pas  de  manière  de  tuer  dont  il  n'ait  fait  usage  pour  tuer 
un  certain  nombre  d'hommes  ;  il  a  souvent  employé  le 
poignard  et  souvent  le  poison.  Je  puis  même  citer  un  élec- 
teur, que  contrairement  à  la  coutume  de  nos  ancêtres  — 
cet  électeur  avait  moins  de  soixante  ans  —  il  a  précipité 
du  pont  dans  le  Tibre  (2).  Tous  ses  exploits,  s'il  se  présente 
comme  témoin,  ou,  pour  mieux  dire,  quand  il  se  présen- 
tera—  car  je  sais  qu'il  se  présentera  —  il  m'entendra  les 
lui  rappeler. 

—  101   Qu'il  vienne  seulement,  qu'il  déploie  tout  son  rou 
leau  de  manuscrits  où,  je  puis  lui  en  donner  la  preuve  évi- 
dente, Erucius  lui  a  rédigé  en  entier  le  texte  de  sa  déposi- 
tion. Ce  rouleau,  on  dit  qu'il  l'a  dirigé  comme  une  arme 
contre  Sex.  Roscius,  en  le  menaçant  de  dire  à  titre  de  té- 

(1)  Le  lemniscus  (/.7,;j. vît/.'. :)  était  un  ruban  de  diverses  couleurs 
qui  s'attachait  à  la  partie  postérieure  d'une  couronne  et  qui  pen- 
dait derrière  la  tête.  On  attachait  aussi  le  lemniscus  à  la  palma 
donnée  en  récompense  aux  vainqueurs  des  jeux  du  cirque.  La 
«  palme  décorée  du  ruban  »  était  la  distinction  la  plus  haute  que 
pût  ambitionner  un  gladiateur.  Cf.  Glossae  Luctatii  Placidi  Gram- 
matici  (64,  4)  :  Lemniscala  :  maior  palma  Gladiatorum.  Capito  n'é- 
tait évidemment  pas  un  vieux  gladiateur  professionnel  dont  de 
nombreuses  palmes  et,  enfin,  la  palme  décorée  du  ruban,  avaient 
récompensé  les  victoires  dans  les  jeux  du  cirque  ;  c'est  par  méta- 
phore que  Cicéron  fait  de  lui  un  lanisla  (  v,  17  ;  xl,  118),  directeur 
d'un  ludus  gladialorius.  On  a  vu  (  ni,  8  ;  cf.  Pro  Quinctio,  xxi,  69) 
que  Cicéron  emploie  le  mot  Gladiateur  comme  terme  injurieux  : 
dans  les  Philippiques,  c'est  l'épithète  ordinaire  d'Antoine. 

(2)  A  une  date  incertaine  de  l'histoire  de  Rome,  les  citoyens  de 
plus  de  soixante  ans,  privés  de  leurs  droits  électoraux,  étaient 
écartés  des  passages  (ponles)  qui  donnaient  accès  aux  enclos  (sin- 
gula  consaepta)  où  l'on  recueillait  les  votes  de  chaque  tribu.  Ros- 
cius Capito  avait  précipité  d'un  des  ponts  du  Tibre  dans  le 
fleuve  un  citoyen  de  moins  de  soixante  ans. 


102  PBO  SBX.  ROSCIO  AMERINO  xwv-98 

lligilet,  ut  honoris  sui  causa  lalxtivtait  Capitoni  quain  pri- 
muin  auntiet  ? 

99  Quid  erat  quod  Capitonem  primum  scire  uolueril  ? 
Nescio,  nisi  hoc  uideo,  Capitonem  in  lus  bonis  esse  so- 
cium  ;  de  tribus  et  decem  fundis  très  nobilissimos  fun- 
dos  eum  uideo  possidere.  100  Audio  praeterea  non  hanc 
suspicionem  aune  primum  in  Capitonem  conferri  ;  mul- 
tas  esse  infâmes  dus  palmas,  liane  primant  esse  tamen 
lemniscatam  quae  Roma  eî  deferatur  ;  uullum  modum 
esse  hominis  occidendi  quo  Ole  non  aliquot  occident, 
nmllos  ferro, multos  ueneno.  Eiabeo  etiam  dicere  quem, 
contra  inoicm  inaimiiin,  minorem  annis  i.x,  de  ponte  in 
Tiberim  deiecerit.  Quae,  si  prodierit  atque  adeo  cum 
prodierit  (scio  enim  proditurum  esse),  audiet. 

101  Veniat  modo,  explicet  suum  uolumen  illud,  quod 
ci  planuin  facere  possum  Erucium  conscripsisse  ;  quod 
aiunt  illuni  Sex,  Roscio  intentasse  et  minitatum  esse 
omnia  illa  pro  testimonio  esse  dicturum.  ()  praeclarum 
testem,  indices  !  0  grauitatem  dignam  exspectatione  I 
0  uitam  honestam  atque  eius  modi  ut  libentibus  animis 
ad  eius  testimonium  uestrum  ius  Lurandum  accommo- 
detisl  Profectonon  tam perspicue nos  istorum maleficia 
uideremus,  nisi  ipsos  caecos  redderet  cupiditas  cl  aua- 
ritia  et  audacia. 


19.  quid  erat  quod. .  uoluerit:  quid  erat  quod. .  ueUet  Erncsli  ; 
quideautac  est  quod..  uolueril  Richier;  quid  erat  quod..  notait 
Mutiler.  '  100.  Infâmes  eius  Gruter  :  infamia  \  ;  Lnfamius 
mss.  ;  infaiiH's  uulgo.  Roma  el  Ernesti  :  Romae  mu.  :  I  loi  i  :  i.um- 
bin.  quae  ri  prodieril  éd.  Mrf.  1519:  qui  ri  prodierit  mss.  101. 
minitatum  Hotman  :  mentatum  —  ;  meditatum  céleri  mu. 
eue  nos  Istorum  ÇJ  :  perspicue  non  istorum  1!  ;  perspicue  Istorum 
céleri  mss.,  uulgo. 


v  101  PLAIDOYER  POUR  SEX.  ROSCIUS  VAMÉRIE   103 

moignage  tout  ce  qui  y  est  écrit.  Quel  admirable  témoin, 

juges!  quelle  autorité,  digne  de  ce  que  vous  devez  attendre  '. 

quelle  vie  honorable  1  comme  elle  mérite  que  vous  vous 
empressiez  de  fonder  d'après  son  témoignage  la  sentence 
que  vous  rendrez  sous  la  foi  du  serment  !  Assurément, 
nous  ne  verrions  pas  si  clair  dans  toutes  leurs  mauvaises 
actions,  s'ils  n'avaient  pas  été  eux-mêmes  frappés  d'aveu- 
glement par  leur  passion,  leur  avidité  et  leur  audace. 

XXXVI  102  L'un, aussitôt  aprèsle  meurtre,  envoie  un 
messager  ailé  à  Amérie,  à  son  associé,  pour  mieux  dire,  a 
son  maître  ;  c'est  en  vain  que  tout  le  monde  essaierait  de 
dissimuler  que  l'on  sait  quel  est  l'auteur  du  meurtre  :  lui, 
il  tient  à  exposer  son  crime  à  découvert  aux  yeux  de  tout 
le  monde.  L'autre,  s'il  plaît  aux  dieux  immortels,  va  même 
témoigner  contre  Sex.Roscius:  comme  s'il  s'agissait  main- 
tenant d'accorder  créance  à  sa  parole  et  non  de  punir  son 
action.  C'est  ainsi  qu'il  a  été  établi  par  la  coutume  de  nos 
ancêtres  que,  dans  les  affaires  de  la  plus  petite  importance, 
les  hommes  les  plus  considérables  ne  porteraient  pas  té- 
moignage, s'il  s'agissait  de  leur  propre  cause.  103  Scipion 
l'Africain,  dont  le  surnom  proclame  qu'il  a  conquis  la 
troisième  partie  du  monde,  n'aurait  pas  cependant  témoi- 
gné dans  une  affaire  où  ses  intérêts  auraient  été  en  ques- 
tion ;  car,  j'ose  à  peine  le  dire  à  propos  d'un  si  grand 
homme,  s'il  avait  parlé, on  n'aurait  pas  ajouté  foi  à  sa  pa- 
role. Voyez  aujourd'hui  comme  tout  a  changé  et  empiré  ! 
Alors  qu'il  s'agit  d'une  affaire  de  biens  et  de  meurtre,  il 
va  témoigner,  celui  qui  est  à  la  fois  un  dépeceur  de  biens  et 
un  coupeur  de  têtes  ;  je  veux  dire,  celui  qui  est  l'acheteur 
et  le  possesseur  de  ces  biens  eux-mêmes  dont  il  s'agit,celui 
qui  s'est  occupé  de  faire  tuer  l'homme  dont  la  mort  est 
l'objet  de  l'enquête. 

104  Eh  l  quoi  ?  Toi,  l'homme  très  vertueux,  qu'as-tu 
à  dire  ?  Ecoute-moi,  fais  attention  à  ne  pas  t'abandonner 
toi-même.  C'est  aussi  d'une  affaire  qui  t'est  personnelle 
et  qui  est  fort  importante  qu'il  s'agit.  Tu  as  commis  beau- 
coup de  scélératesses,  beaucoup  d'impudences,  beaucoup 
d'improbités  ;  mais  tu  as  commis  aussi  une  très  grande 
sottise  ;  et  c'est  certainement  de  toi-même,  ce  n'est  pas 


103  PRO  SEX.  ROSC 10  AMERINO  KXXVI-101 

XXXV]  102  Aller  ex  ipsa  caede  uolucrem  nuntium 
Ameriam  ad  socium  atque  adeo  magistrum  suum  misit 
ut,  si  dissimulare  omnea  cuperent  se  scire  ad  quem  m 
liciiiiii  pertineret,  tamen  ipse  apertum  suum  scelua  ante 
omnium  oculos  ponerel .  AJter,  si  dis  Immortalibus  placet, 
testimonium  etiam  in  Sex.  Roscium  dicturus  esl  ;  qua  u 
uero  i<l  aune  agatur,utrumis  quoddixeril  credendum, 
ac  non  quod  fecerit  uindicandum  sit.  [taque  more  maio- 
rum  comparatum  est  ut  in  minimis  rébus  nommes  am- 
plissimi  testimonium  de  sua  re  non  dicerent.  103  Africa- 
nus,  qui  suo  cognomine  déclarai  tertiam  partem  orbis 
terrarum  se  subegisse,  tamen,  si  sua  res  ageretur,  testi- 
monium non  dicerei  :  nam  illud  in  talem  uirum  non  audeo 
dicere  :  Si  diceret,  non  crederetur.  Videte  nunc  qu  im 
i  et  mutata  in  peiorem  partem  sinl  omnia.  Cum  de 
bonis  et  de  carde  agatur,  testimonium  dicturus  esl  is  qui 
et  sector  est  et  sicarius,  hoc  est  qui  et  illorum  ipsorum 
bonorum  de  quibus  agitur  emptor  atque  possessor  est  et 
eum  hominem  occidendum  curauit  de  cuius  morte  quae- 
ritur. 

104  Quid  ?  tu,  uir  optime,  ecquid  habes  quod  die 
inihi  ausculta  :  uide  ne  tibidesis  :  tua  quoque  res  perma- 
gna  agitur.  Multa  scélérate,  multa  audaezter,  multa  im- 
probe fecisti, unum  stultissime,  profecto  tua  sponte  non 
de  Eruci  sententia  :  nihil  opus  fuit  te  istic  sedere.  Neque 


102.  atque  adeo  magistrum   \.  Eberhard:  atque  a<l  magistrum 
.  uulgo;  atque   magistrum  Halm.     testimonium  :  testimonia 
Klotz.  I!  ld  nunc.  .    ac   non    Jeep  :  Ld  nunc  .  .   au1   \  :  ld  nunc.  .  an 
eeteri  nus.,  uulgo  ;  non  ld  nunc.  .  an  Madvig.     ut  In  minimis  :  ut 
uel  in  minimis  Halm,     104.  audaciter  l'r  :  audacter  mst. 

Istic  sedere  H otman : isti credere  mss. 


XXXVI  104  PLAIDOYER  POUR  SEX.  ROSC1US  TfAMÊRlE  lui 

d'après  les  avis  d'Erucius  :  tu  n'avaif  aucun  besoin  de 
nir  t'asseoir  Ici.  Car  personne  n'emploie  ni  un  accusateur 

muet,  ni  un  témoin  qui  se  lève  du  banc  de  l'accusateur. 
Ajoutez  à  cela  que  cette  passion  qui  vous  anime  se  serait 
cependant  un  peu  mieux  cachée  et  dissimulée.  Maintenant, 

qu'y  a-t-il  qu'on  puisse  désirer  entendre  de  vous, puisque, 
en  tout  ce  que  vous  faites,  nous  agissez  de  telle  sorte  que 
vous  semblez  mettre  tous  vos  soins  à  agir  pour  nous  contre 
vous-mêmes  ?  105   Eh  bien!  donc,  voyons  maintenant, 

juges, ce  qui  s'est  passé  immédiatement  après  le  meurtre. 

XXXVII.  Le  quatrième  jour  après  que  Sex.  Roscius 
avait  été  tué,  la  nouvelle  de  sa  mort  est  apportée  à 
Volaterres,  dans  le  camp  de  L.  Sylla,  à  Chrysogonus.  Cher- 
che-t-on  encore  qui  a  envoyé  le  messager  ?  N'est-il  pas 
évident  que  c'est  le  même  homme  qui  avait  envoyé  un  mes- 
sager à  Amélie  ?  Chrysogonus  s'occupe  de  faire  mettre  en 
vente  aussitôt  les  biens  de  Roscius  ;  or,  il  ne  savait  ni  qui 
était  Roscius,  ni  ce  que  valaient  ses  biens.  Mais  comment 
l'idée  lui  est-elle  venue  de  convoiter  les  propriétés  d'un  in- 
connu, d'un  homme  qu'il  n'avait  jamais  vu  en  aucune  oc- 
casion ?  Juges,  après  avoir  entendu  raconter  quelque  fait 
de  ce  genre,  vous  avez  coutume  de  vous  écrier  aussitôt  : 
«  Il  faut  que  quelque  habitant  du  municipe  ou  des  envi- 
rons ait  parlé  ;  ce  sont  eux  qui,  le  plus  souvent,  donnent 
des  indications  ;  c'est  par  eux  que,  le  plus  souvent,  on  est 
trahi.  »  106  Ici,  juges,  vous  n'avez  rien  à  fonder  sur  des 
soupçons.  Car  je  ne  vais  pas  discuter  ainsi:  «  Ce  sont  vrai- 
semblablement les  Roscius  qui  ont  dénoncé  à  Chrysogonus 
l'existence  de  ces  propriétés  ;  car  ils  avaient  avec  lui  de- 
puis longtemps  des  liens  d'amitié  ;  en  effet,  alors  qu'ils 
avaient  hérité  de  leurs  ancêtres  beaucoup  de  vieilles  rela- 
tions de  patronage  et  d'hospitalité,  ils  ont  cessé  toutes  de 
les  cultiver  et  de  les  respecter  et  ils  sont  allés  se  placer 
sous  la  protection  et  dans  la  clientèle  de  Chrysogonus.  » 

107  Tout  cela,  je  peux  le  dire  sans  m'écarter  de  la  vé- 
rité ;  mais,  dans  la  cause  que  je  soutiens,  je  n'ai  en  rien 
besoin  de  faire  des  conjectures.  Ils  ne  nient  pas  eux-mêmes, 
je  le  sais  avec  certitude,  que  c'est  à  leur  instigation  que 
Chrysogonus  a  acheté  ces  biens  aux  enchères.  Quand  vous 


104  PRO  SBX.  ROSCIO  AMBRINO  kvi-104 

enim  accusatore  muto,neque  teste  quisquam  utitur  eo 
qui  de  accusatoris  subsellio  surgit.Huc  accedit  quod 
paulo  tamen  occultior  atque  tectior  uestra  Lsta  cupiditas 
esset.Nuuc  quid  est  quod  quisquam  ex  uobis  audire  desi- 
deret,  cum  quae  facitis  eius  modi  sint  ut  ea  dedita  opéra 
a  uobis  contra  uosmet  ipsos  facere  uideamini  ?  105  Age 
nu  ne,  Ula  uideamus,  iudices,  quae  statim  consecuta  sunt. 

XXXVII  Ail  Vblaterras  in  castra  L.  Sullae  mois  Sex. 
Rosci  quadriduo  quo  is  occisus  est  Chrysogono  nuntia- 
tur.  Quaeritur  etiam  aune  quis  eum  nuntium  misent? 
Nonne  perspicuum  est  eundem,  qui  Ameriam  ?  Curai 
Chrysogonus  ut  eius  bona  ueneant  statim  ;  qui  non  no- 
rat  hominem  aut  rem.  Al  qui  ei  uenit  in  mentem  praedia 
concupiscere  hominis  ignoti,  quem  omnino  numquam 
uiderat  ?  Soletis,  eum  aliquid  huiusce  modi  audistis,  iu- 
j,  continuo  dicere  :  Necesse  est  aliquem  dixisse  mu- 
nieipem  aut  uieinum  ;  ii  plenimque  indieanl,  per  eoa 
plerique  produntur.  •  106  Hic  nihil  est  quod  suspicions 
OCCUpetis.  Non  enim  ego  ita  disputabo  :  •  Veri  simile  est 
Roscios  istam  rem  ad  Chrysogonum  detulisse  ;  erat  enim 
lis  eum  Chrysogono  iam  antea  amicitia  ;  nam  eum  mul- 
tos  ueteres  a  maioribus  Roscii  patronos  hospitesque 
haberent,  omnes  eoa  colère  atque  obseruare  destiterunt 
ac  se  in  Chrysogoni  Qdem  et  clientelam  contulerunt.  * 

107    Ilaec  possum  omnia  uere  dicere,  sed  in  hac  caus;i 

a  nobia  -.  />.  Lambin  ;  a  uobis  eeieri  nui.  ;  nobla  Gulielmius. 
105.  qui  non  norat  :  quid  *?  num  Dorât.  ■  ?  coni.  BQehner.  ;  audistis 
E,  W  :  autlitis   céleri   DUS.,  Vtulgo,      106.  suspicionc  occupetis    8 
Dig  :  nispicionem  hoc  putetia  mu,  ■  luspicionem  banc  puteti 
\ï)'MK  VLUlgc  ;  suspicions  hoc   putetia  Jeep  .'   BUSpicionC  esse   opus 
butetls  Bailer  :  suspicion]  osst-  locum  putetia  Hatm  :  suapicioiic  hoc 
eomputetis  Richler  ;  suaplcioae  dici  hoc  putetia  Gustafssoru 

i3 


xxxvn-107  PLAIDOYER  POUR  shX.  ROSCIUS  WAMÊRIE  105 

verrez  de  vos  yeux  celui  qui  a  reçu  une  partie  de  cet  WeiM 
comme  prix  de  sa  dénonciation,  pourra-t-il,  Juges,  vous 
rester  des  doutes  sur  l'auteur  de  la  dénonciation  7  Quelfl 
sont  donc  les  gens  à  qui,  dans  ces  biens,  Chrysogonui 
donné  une  part  ?  Les  deux  Roscius.  Et  qui  encore;  ?  Per- 
sonne, juges.  Peut-il  donc  être  douteux  que  cette  proie 
n'ait  été  ofîerteà  Chrysogonus  par  ceux  qui  en  ont  obtenu 
de  lui  une  partie  ? 

108  Eh  bien  !  donc,  considérons  maintenant  la  conduite 
des  Roscius  d'après  ce  qu'en  a  jugé  Chrysogonus  lui- 
même.  Si,  dans  ce  combat,  les  Roscius  n'avaient  pris  au- 
cune peine  qui  méritât  un  salaire,  pourquoi  Chrysogonus 
les  gratifiait-il  de  si  grandes  récompenses  ?  S'ils  n'ont 
accompli  d'autre  acte  que  leur  dénonciation,  ne  suffisait-il 
pas  de  les  remercier  ?  Tout  au  plus,  pour  agir  avec  la  plus 
grande  libéralité,  de  leur  faire  quelque  présent  à  titre 
d'honoraire  ?  Pourquoi  trois  domaines  d'un  si  grand  prix 
sont-ils  donnés  immédiatement  à  Capito  ?  Pourquoi  ce 
T.  Roscius  possède-t-il  tout  le  reste  en  commun  avec 
Chrysogonus  ?  N'est-il  pas  évident,  juges,  que  c'est  en 
connaissance  de  cause  que  Chrysogonus  a  concédé  aux 
Roscius  ces  dépouilles  conquises  sur  l'ennemi  ? 

XXXVIII  109  Capito  vient  au  camp;  il  est  au  nombre 
des  dix  premiers  de  l'ordre  des  décurions  qui  sont  délé- 
gués. La  vie  entière,  le  caractère,  la  moralité  de  cet  homme, 
connaissez-les  par  la  conduite  même  qu'il  a  tenue  dans 
cette  délégation.  Si  vous  ne  vous  rendez  pas  compte  qu'il 
n'est  aucun  devoir,  aucun  droit  si  sacré,  si  pur,  que  sa  scé- 
lératesse et  sa  perfidie  n'aient  violé  et  détruit,  jugez  donc 
alors  que  c'est  un  très  honnête  homme.  110  II  fait  obs- 
tacle à  ce  que  Sylla  soit  instruit  de  cette  affaire  ;  il  révèle 
à  Chrysogonus  les  desseins  et  les  intentions  des  autres 
délégués  ;  il  l'avertit  de  prendre  ses  mesures  pour  que 
l'affaire  ne  se  traite  pas  publiquement  ;  il  lui  fait  voir  que, 
si  la  vente  des  biens  est  annulée,  il  perdra  de  grandes 
richesses  et  qu'il  courra  lui-même  risque  de  la  vie  ;  il  sti- 
mule Chrysogonus,il  trompe  les  citoyens  d'Amérie  qui  ont 
été  envoyés  en  délégation  avec  lui  ;  celui-ci,  il  lui  répète 
sans   cesse  l'avertissement  de  se   tenir  sur   ses  gardes  ; 


105  PRO  si:x.  BOSC10  AMERINO  xxxvn-107 

coniectura  nihil  opua  est  :  ipsos  certo  Bçio  non  negare  ad 
haec  bona  Chrysogonum  accessisse  impulsu  suo.  Si  eum 
qui  indici  causa  partem  acceperit  oculis  cernetis,  poteri- 
tisne  dubitare,  iudices,  qui  indicarit  ?  Qui  sunl  igitur  in 
istis  bonis  quibus  partem  Chrysogonus  dederit  ?  Duo 
Roscii.  Xnin  quisnam  praeterea  ?  Nemo  est,  iudi 
Xnin  ergo  (lul)iiiin  es1  quin  u  obtulerinl  banc  praedam 
Chrysogono,  qui  ab  eo  partem  praedae  tulerunt  ? 

108  Age  aune,  ex  ipsius  Chrysogoni  iudicio  I  losciorum 
factuin  consideremus.  Si  nihil  in  ista  pugna  Roscii  quod 
operae  pretium  esset  Fecerant,  quam  ob  causam  a  Chry- 
sogono tantis  praemiis  donabantur  ?  Si  nihil  aliud  , 
nuit  nisi  rein  detulerunt,  nonne  salis  fuit  iis  gratias  agi, 
denique,  ut  perliberaliter  ageretur,  honoris  aliquid  habe- 
ri?Cur  tria  praedia  tantae  pecuniae  statim  Capitoni  dan- 
tnr?  Cur  quae  reliqua  sunl  isle  T.  Roscius  omnia  cum 
Chrysogono  communiter  possidet  ?  Nonne  perspicuum 
est,  iudices,  hasmanubias  Rosciis  Chrysogonum, re  cogni- 
ta,  con<  e  ? 

\\.\\  III  109  Venit  in  decem  primis  legatus  in  cas- 
tra Capito.  Totam  uitam,  naturam  moresque  hominis  ex 
ipsa  legatione  cognoscite.  Nisi  intellexeritis,  iudices,  nul- 
lum  esse  officium,  nullum  ius  tam  sanctum  atque  inte- 
grum  quod  non  eius  sce/us  atque  perfidia  uiolarit  et  im- 
minuerit,  uinun  optimum  esse  eum  iudicatote.  110  liu- 

107.  indici  causa  Clark  :  ludiciuaeS  ;  Lndiciue  A  :  Ludiclneç; 
imlicà  ut  co  ;  indicii  céleri  nws.,  uulgo.  cernetis:  cernentea  £; 
cernitis  A,  Ji.  ||  qui  Indicarit  :  qilis  indicarit  llulm.  108-  a  ChTy- 
so^ono  <</.  .\.sc.  1511  :  Chrysogono /ns».  iis  gratias  :  h  gratl 
his  gratiaa  A,  cp.<y,  uulgo.  Iste  T,  Roscius  Richter  :  istr  Roscius 
mss.  u  109.  Capito  :  c.apito.  <Vos>  Clark,  ,  «.-ius  scelua  éd.  R 
tienne  1538  :  eiusce  uis  mas. 


xxxviii-110  PLAIDOYER  POUR  SEX.ROSC  IUS  tTAMÉRIB  106 

ceux-là,  il  leur  met  insidieusement  devant  les  yeux  des 
espérances  trompeuses  ;  avec  celui-ci  il  forme  des  projets 
contre  ceux-là;  les  projets  de  ceux-là, il  les  révèle  à  celui-ci; 
il  traite  avec  celui-ci  de  la  part  qui  lui  reviendra  dans  les 
biens;  quanta  ceux-là, en  se  fondant  toujours  sur  le  pré- 
texte de  quelque  retard,  il  leur  ferme  tout  accès  auprès 
de  Sylla.  En  définitive,  par  ses  conseils,  par  son  influence, 
par  son  opposition,  il  empêche  les  délégués  de  s'adresser 
à  Sylla  ;  trompés  par  sa  parole,  ou  plutôt  par  son  man- 
que de  parole  —  vous  pourrez  l'apprendre  d'eux-mêmes, 
si  l'accusateur  veut  les  appeler  en  témoignage  —  au  lieu 
d'un  résultat  certain,  ils  ne  rapportent  chez  eux  qu'une 
espérance  trompeuse.  111  Dans  les  affaires  privées,  celui 
qui  s'était  acquitté  d'un  mandat,  je  ne  dis  pas  avec  mau- 
vaise foi  dans  un  but  de  gain  ou  d'intérêt  personnel, 
mais  simplement  avec  trop  de  négligence,  celui-là,  nos 
ancêtres  estimaient  qu'il  s'était  conduit  de  la  manière 
la  plus  déshonorante.  Aussi  a-t-on  institué  l'action  de 
mandat  (1),  dont  l'effet  n'est  pas  moins  infamant  que  celui 
de  l'action  intentée  contre  le  vol.  Si  l'on  a  institué  cette 
action,  c'est,  je  crois,  parce  que,  lorsque  nous  ne  pou- 
vons être  personnellement  présents  dans  une  affaire,  nous 
avons  recours  à  la  fidélité  de  nos  amis  pour  nous  sup 
pléer  ;  celui  qui  viole  cette  fidélité  s'attaque  à  ce  qui  est  le 
soutien  commun  de  tous  les  citoyens  et  met,  autant  qu'il 
est  en  son  pouvoir,  le  désordre  dans  la  vie  sociale.  Car 
nous  ne  pouvons  tout  faire  par  nous-mêmes  ;  et  chacun 
dans  sa  partie  peut  se  rendre  plus  utile  que  d'autres.  C'est 

(1)  Le  mandataire  condamné  pour  ne  pas  avoir  rempli  son  man- 
dat était  l'objet  d'un  jugement  à  effet  infamant  (turpe  iudicium), 
comme  le  coupable  condamné  pour  vol  ;  il  en  était  de  même  de 
l'associé  condamné  pour  avoir  trompé  son  associé,  qu'il  devait, 
d'après  la  loi  romaine,  aimer  et  respecter  comme  un  frère,  et  du 
tuteur  condamné  pour  avoir  porté  tort  à  son  pupille,  qu'il  devait 
regarder  comme  un  fils.  Les  prévenus  qui  succombaient  dans  les 
actions  de  mandat,  de  vol,  de  société,  de  tutelle,  étaient  notés 
d'infamie  et  perdaient  leur  exislimalio.  Frappé  de  certaines  inca- 
pacités dans  l'ordre  politique  et  dans  l'ordre  civil,  l'homme  infa- 
mia  notatus  ne  pouvait  plus  être  candidat  à  une  fonction  publique 
ni  voter  dans  les  assemblées  du  peuple,  se  faire  représenter  en  jus- 
tice ni  y  représenter  autrui. 


106  PRO  SEX.  ROSC 10  AM BRI  NO  xxxvil  1-110 

pedimento  est  quo  minus  de  his  rébus  Sulla  doceatur; 
ceterorum  legatoruni  consilia  et  uoluntatern  Chrysogono 
enuntiai  ;  monet  ut  prouideat  ne  palam  res  agatur  ;  os- 
tendit,  si  sublata  sit  uenditio  bonorum,  illum  pecuniam 
grandem  amissurum,  sese  capitis  periculum  aditurum  ; 
illum  acuere,  hos  qui  simul  erant  missi  ïallere, illum  iden- 
tidem  monere  ut  caueret.hisce  insidiose  spem  falsamos- 
tendere,  cum  Ulo  contra  hos  inire  consilia,  horum  consi- 
lia illi  enuntiare,  cum  illo  partem  suam  depecisci,  hisce 
aliqua  fretus  mora  semper  omnes  aditus  ad  Sullam  inter- 
cludere.  Postremo,  isto  hortatore,  auctore,  Lntercessore, 
ad  Sullam  legati  non  adierunt  ;  istius  (ide  ac  potius  per- 
fîdia  decepti,  id  quod  ex  ipsis  cognoscere  poteritis,  si  ac- 
cusator  uoluerit  testimonium  iis  denuntiare,  pro  re  certa 
spem  Falsam  domum  rettulerunt.  111  In  priuatis  rébus, 
si  qui  rem  mandatam  non  modo  malitiosiusgessisset,sui 
quaestus  aut  commodi  causa,  uerum  etiam  neglegentius, 
eum  maiores  summum  admisisse  dedecus  existimabant. 
Itaque  mandati  constitutum  est  iudicium  non  minus  tur- 
pe  quam  furi  i,credo,  propterea  quod  quibus  in  rébus  ipsi 
intéresse  non  possumus,  in  iis  operae  nostrae  uicaria  fides 
amicorum  supponitur  ;  quam  qui  laedit,  oppugnat  om- 
nium commune  praesidium  et,  quantum  in  ipso  est,  dis- 
turbat  uitae  societatem,  Non  enim  possumus  omnia  per 
nos  agere  ;  alius  in  alia  est  re  magis  utilis.  Idcirco  ami- 
citiae  comparantur,  ni  commune  commodum  mutuis 
offîciis  gubernetur.  112  Quid  recipis  mandatum,  si  aut 

110.  depecisci  :  depacisci  À.  y:,  w,  uulgo.  ||  fretus  mon  w  :  fre- 
tnmora£;  fretuni  bon  -  .t.  >. :  bretum  ora  céleri  mu.  ;  Qcta  mora 
Gronouius  ;  fretus  liora  uulgo.    .  111.  In  iis  :  in  his  A,  'y,  uulgo. 


xxxviii-111  PLAIDOYER  POUR  SEX.ROSCJUS  TTAMÊRIR  107 

d'après  ce  principe  que  les  amitiés  se  règlent  pour  admi- 
nistrer l'intérêt  commun  par  la  mutualité  des  services. 
112  Pourquoi  accepter  un  mandat,  si  tu  dois  le  négliger 
ou  en  détourner  l'exécution  pour  le  remplir  à  ton  profit  ? 
Pourquoi  t'offres-tu  à  me  servir,  moi  et  mes  intérêts,  et 
pourquoi,  en  feignant  de  me  prêter  tes  bons  offices,  m'ap- 
portes-tu  une  gêne  et  un  obstacle  ?  Renonce  à  tout  acte 
public  ;  j'aurai  recours  à  un  autre  que  toi  pour  mes  tran- 
sactions.Tu  te  charges  du  fardeau  d'un  devoir  que  tu  te 
crois  capable  de  supporter  et  qui  semble  très  lourd  aux 
hommes  mêmes  qui  n'ont  pas  la  moindre  légèreté  de  ca- 
ractère. 

XXXIX  Voilà  pourquoi  celui  qui  n'a  pas  rempli  son 
mandat  commet  une  faute  infamante  :  il  viole,  en  effet, 
deux  choses  très  sacrées,  l'amitié  et  la  bonne  foi  ;  car  on 
ne  donne  guère  mandat  qu'à  un  ami  et  on  ne  se  fie  qu'à 
celui  que  l'on  croit  de  bonne  foi.  C'est  donc  le  fait  d'un 
homme  absolument  perdu  d'honneur  que  de  détruire  l'a- 
mitié et  de  tromper  en  même  temps  celui  qui  n'aurait  subi 
aucun  dommage  s'il  n'avait  pas  eu  confiance.  113  Xe 
doit-il  pas  en  être  ainsi  ?  Alors  que  celui  qui  aura  négligé 
de  remplir  son  mandat  dans  des  affaires  de  minime  impor- 
tance doit  être  nécessairement  condamné  à  la  suite  d'une 
action  qui  entraîne  le  jugement  le  plus  infamant,  celui  qui, 
dans  une  affaire  aussi  grave,  où  la  réputation  du  père  mort 
et  la  fortune  du  fils  vivant  lui  étaient  confiées  et  remises 
sans  réserve,  a  frappé  le  mort  d'ignominie  et  réduit  le  vi- 
vant à  la  misère,  celui-là  serait-il  compté  au  nombre  des 
honnêtes  gens,  je  dirai  même  au  nombre  des  vivants  ? 
Dans  les  affaires  d'importance  minime  et  dans  les  affaires 
privées,  le  fait  même  d'avoir  été  négligent  dans  l'accom- 
plissement d'un  mandat  a  pour  conséquence  une  accusa- 
tion et  une  instance  infamantes,  parce  que,  si  tout  se  fait 
dans  les  règles,  c'est  le  mandant  qui  doit  se  désintéresser 
de  l'affaire  et  non  celui  qui  a  accepté  le  mandat.  Celui  qui, 
chargé  de  s'acquitter  d'une  importante  mission  publique, 
a,  non  pas  porté  tort  par  sa  négligence  à  quelque  intérêt 
privé,  mais  profané  par  sa  perfidie  le  caractère  sacré  de 
la  délégation  elle-même  et  l'a  flétri  d'une  tache  d'infamie, 


107  PRO  SBX.  ROSC 10  AMERINO  vm-112 

neglecturus  aut  a<l  tuum  commodum  conuersurus  ea  ? 
Cur  inihi  te  ofFers  ac  meis  commodis  oflicio  simulato  offi- 
cia el  obstaa  ?  Recède  <lii  medio  ;  peralium  transigam. 
Suscipis  omis  offici  quod  te  putaa  Bustinere  posse  ;  quod 
maxime  aidetur  graue  lis  qui  minime  ipsi  leuea  sunt. 

XXXIX.  Ergo  ideirco  turpis  haec  cùlpa  est,quod  duas 
res  sanctissimas  uiolat,  amicitiam  et  fidem.  Nam  neque 
mandat  quisquam  f ère,  nisi  amico;  neque  crédit,  nisi  ei 
quem  fidelem  putat.  Perditissimi  est  igitur  hominis  simu] 
et  amicitiam  dissoluere  et  fallereeum  qui  laesus  aon  ess  t . 

nisi  credidisset.  113  liane  est  ?  in  minimis  rébus  qui 
mandatum  neglexerit,  turpissimo  iudicio  condemn 
necesse  est,  in  re  tanla  cum  is  cui  fama  mortui,  fortunae 
uiui  commendatae  sunt  atque  concreditae,  ignominia 
mortuum,  inopia  niuiim  adfecerit,  is  inter  honestos  ho- 
mines  atque  adeo  inter  uiuos  numerabitur  ?  In  minimis 
priuatisque  rébus  etiam  neglegentia  mandati  in  crimen 
iudiciumque  uifamiat  uoeatur,  propterea  quod,  si  n 
liât,  illum  neglegere  oporteat  qui  mandant,  aonillum  qui 
mandatum  receperit  ;  in  re  tanta  quae  publiée  gesta  at- 
que commissa  sit,  qui  non  neglegentia  priuatum  aliquod 
commodum  laeserit,  sed  perfidia  legationis  ipsius  caeri- 
moniam  polluent  maculaque  adfecerit,  qua  is  tandem 
poena  adficietur  aut  quo  iudicio  damnabitur  ? 

114   Si  liane  ei  rem  priuatim  Sex.  Roscius  mindauisset 

112.  liutinere  posse  :  sustincre  <non>  posse  Kagter.  Il  quod 
maxime  Dobree,  Clark  :  quod  minime  mss.,  uulgo.  113.  <inopia 
uiuum>    adfecerit    Halm  :  adfecerit  nus.       mandati    in   erimen  .s\ 

uulgo  :  in  crimes  mandati  céleri  nus,, Clark,  linfamiat  CL  Dupun  : 
in  fama  -,  0  ;  infamia  ceteri  mss.  :  infâme  Lambin.  \\  uocatnr 
Lambin  :  reuocatUT  mss.  ,  recte  :  ratione  nus.  Oxford.  ,  macu- 
laque adfecerit  :    maCUlaqiM    asperseitt    Lambin. 


xxxix-113  PLAIDOYER  POI  H  six.  ROSCIUS  TTAMÉRIE  \UH 

de  quel  châtiment  enfin  subira-t-il  \n  peine,  à  la  suite  de 
quelle  instance  sera-t-il  condamné  ? 
-•  114  Si  Sex.  Rosciut  lui  avait  donné  ;»  titre  privé  man- 
dat de  traiter  et  de  s'arranger  avec  Chrysogonus  et,  au  cas 
où  il  le  jugerait  à  propos,  d'engager  sa  parole  pour  cette 
transaction;  si,  après  avoir  accepté  cette  mission,  Capito 
avait,  à  la  suite  de  cette  négociation, détourné  à  sou  profit 
la  plus  petite  somme,  n'aurait-il  pas  été  condamné  à  la 
restitution  par  décision  d'arbitre  (1)  et  n'aurait-il  pas  per- 
du toute  considération  ? 

115  Or,  dans  la  question  présente,  ce  n'est  pas  Sex. 
Roscius  qui  lui  a  donné  mandat  ;  mais  —  le  fait  est  beau- 
coup plus  grave  —  c'est  une  décision  publique  des  décu- 
rions qui  a  donné  mandat  à  T.  Roscius  de  s'occuper  de 
Sex,  Roscius,  de  sa  vie,  de  sa  réputation,  de  tous  ses  biens. 
Et  de  tout  ce  qui  a  été  confié  à  la  garde  de  ce  T.  Roscius, 
ce  n'est  pas  quelque  petite  partie  de  je  ne  sais  quelle  mé- 
diocre importance  qu'il  a  détournée  à  son  profit  :  non,  il 
a  ruiné  complètement  Sex.  Roscius,  il  l'a  chassé  de  ses 
biens.  Pour  sa  part,  il  s'est  fait  attribuer  à  lui-même  trois 
domaines.  Il  a  tenu  aussi  peu  de  compte  des  intentions  des 
décurions  et  de  tous  les  citoyens  de  son  municipe  que  de 
ses  propres  engagements  d'honneur. 

XL  116  Mais,  juges,  continuez  à  examiner  ses  autres 
actes  :  vous  vous  rendrez  compte  qu'il  est  impossible  d'i- 
maginer une  mauvaise  action  dont  cet  homme  ne  se  soit 
pas  souillé.  C'est  une  très  grande  honte  que  de  tromper  un 
associé  dans  des  affaires  de  médiocre  importance  ;  c'est 
une  aussi  grande  honte  que  de  se  rendre  coupable  de  la 
déloyauté  dont  je  viens  de  parler.  Et  c'est  justice  ;  car  on 
pense  s'adjoindre  une  aide,  quand  on  fait  cause  commune 
avec  quelqu'un.  En  la  bonne  foi  de  qui  cherchera-t-on  un 
refuge,  quand  c'est  le  manque  de  bonne  foi  de  celui  à  qui 
l'on  s'est  confié  qui  fait  tout  le  mal  ?  Il  faut  punir  avec  la 
plus  grande  rigueur  les  délits  contre  lesquels  il  est  le  plus 

(1)  L'action  de  mandat  est  une  action  de  bonne  foi  (iudicium 
bonae  fidei).  Dans  les  actions  de  bonne  foi,  le  juge  statue  comme  ar- 
bitre ;  ses  pouvoirs  d'appréciation  sont  illimités  et  l'équité  est  sa 
seule  règle. 


108  PRO  SEX.  ROSCIO    iMERINO  xx\i\-114 

ni  cum  Chrysogono  transigeret  atque  decideret,  inque 
eam  rem  [idem  suam,  si  quid  opus  esse  putaret,  interpo- 
neret,  Ole  qui  sese  facturum  recepisset,  Donne,  si  ex  eo 
negotio  tantulum  in  rem  suam  conuertisset,  damnatus 
per  arbitrum  et  rem  restitueret  et  honestatem  omnem 
amitteret  ? 

115  Nunc  non  hanc  ei  rem  Sex.  Roscius  mandauit,sed, 
id  quod  multo  grauius  est, ipse  Sex. Roscius  cum  fama, 
uita  bonisque  omnibus  a  decurionibus  publiée  T,  Roscio 
mandatus  est  :  et  ex  eo  T.  Roscius  non  paululum  nescio 
quid  m  rem  suam  conuertit,  sed  hune  funditus  euertit 
bonis,  ipse  tria  praedia  sibïdepectus  est,  uoluntatem  de- 
curionum  ac  municipum  omnium  tantidem  quanti  fidem 
suam  fecit. 

XL  116  Videte  iam  porro  cetera,  iudices,  uL  intelle- 
gatis  fingi  maleficium  nullum  posse  quo  iste  sese  non 
contaminant.  In  rébus  minoribus  socium  fallere  turpis- 
simum  est  aequeque  turpe  atque  Qlud  de  quo  ante  dixi  ; 
neque  iniuria,  propterea  quod  auxilium  sibi  se  putat 
adiunxisse  qui  cum  alterorem  communicauit.  Ad  cuius 
igitur  lidem  conlugiet,  cum  per  eius  fidem  laeditur  cui  se 
commiserit  ?  Atque  ea  sunt  animaduertenda  peccata 
maxime, quae  difficillime  praecauentur.Tecti  esse  ad  alie- 
nos  possumus,  intimi  multa  apeiliora  uideanl  neee 
esl  ;  socium  eauere  qui  possumus  ?  ([iiem  etiam  si  melui- 
mus,  Lus  offici  laedimus.  Recte  igitur  maiores  eum  qui 


114.  ille  qui  :  Ulequc  Madoig.  115.  T.  Roscio  Sehùiz  :  Hoscio 
mst.  H  paululum  :  paulum  g.  à,  y,  uuigo.  116.  Bngi  maleficium 
nullum  :  maleficium  nullum  fingi  *,  Habit  atque  ea  sunt  :  atquJ 
ca  sunt  a,  X  $fUUlgo.  il  socium  eauere  :  socium  aero  eauere  uulgo. 


xl-116     PLAIDOYER  POUR  SBX.  R0SC1US  V  IMÉRIE      109 

difficile  de  prendre  des  précautions.  Nous  pouvons  être 
discrets  avec  les  étrangers  ;  mais  il  est  de  toute  nécessité 
que  nos  intimes  voient  plus  clairement  dans  beaucoup  de 
nos  actions.  Comment  pouvons-nous  prendre  des  précau- 
tions avec  un  associé,  puisque  l'inquiétude  même  qu'il 
nous  inspire  est  une  offense  aux  droits  que  le  devoir  pos- 
sède ?  C'est  donc  avec  raison  que  nos  ancêtres  ont  estimé 
que  celui  qui  aurait  trompé  son  associé  ne  devait  pas  être 
compté  au  nombre  des  gens  de  bien. 

117  Mais,  certes,  ce  n'est  pas  seulement  un  associé  que 
T.  Roscius  a  trompé  dans  une  affaire  d'argent  :  délit 
grave,  assurément,  mais  qui  peut  cependant  paraître  en 
quelque  sorte  supportable.  Ce  sont  neuf  hommes,  très 
honorables,  qui  lui  étaient  associés  pour  la  même  mis- 
sion, pour  la  même  délégation, pour  l'accomplissement  du 
même  devoir  et  des  mêmes  mandats,  qu'il  a  induits  en 
erreur,  qu'il  a  déçus,  à  qui  il  a  manqué  de  parole,  qu'il  a 
livrés  à  leurs  adversaires,  qu'il  a  trompés  par  tous  les  gen- 
res de  fraude  et  de  perfidie.  Ces  hommes  n'ont  pu  avoir  le 
moindre  soupçon  de  sa  scélératesse  ;  ils  n'ont  dû  concevoir 
aucune  crainte  du  côté  de  celui  qui  leur  était  associé  dans 
le  même  devoir  ;  ils  n'ont  pas  vu  sa  méchanceté  ;  ils  ont 
ajouté  foi  à  son  langage  trompeur.  Et  voilà  pourquoi, par 
le  fait  des  menées  insidieuses  de  ce  T.  Roscius,  on  estime 
maintenant  que  ces  hommes  si  honorables  ont  manqué  de 
précautions  et  de  prévoyance.  Et  lui,  qui  a  commencé  par 
être  un  traître  avant  de  devenir  un  déserteur,  lui  qui 
d'abord  a  dénoncé  les  intentions  de  ses  associés  à  leurs 
adversaires  et  a  formé  ensuite  une  association  avec  ces 
adversaires  eux-mêmes,  le  voici  encore  qui  nous  effraie,  qui 
nous  menace,  lui  qui  est  pourvu  de  trois  propriétés  qui 
sont  le  prix  de  son  crime.  Dans  une  telle  vie,  juges,  dans 
un  si  grand  nombre  de  si  honteuses  infamies,  vous  trou- 
verez aussi  le  crime  qui  fait  l'objet  de  cette  instance. 

118  Et  voici,  en  vérité,  comment  vous  devez  procéder 
dans  votre  enquête  :  partout  où  vous  verrez  abonder  les 
faits  d'avidité,  d'audace,  d'improbité,  de  perfidie,  c'est 
là  aussi,  réfléchissez-y  bien,  que  le  crime  se  cache  au  mi- 
lieu de  toutes  ces  infamies.  Que  dis-je  ?  Il  ne  se  cache  pas 


109  PRO  SEX.  ROSCfO  AMERINO  xi   116 

socium  fefellissef  m  uirorum  bonorum  numéro  non  pu- 
tarunt  haberi  oporiere. 

117  At  ucro  T.  Roscius  non  iiiuiin  rei  pecuniariae 
cium  fefellit,  quod,  tametsî  graue  est,  tamen  aliquo  mo- 
do posse  ferri  uidetur  ;  ueruro  Douem  homines  honestissi- 
mos,  eiusdem  muneris,  legationis,  offici  mandatorumque 
socios,  indnxit,  decepit,  destituit,  aduersariia  tradidit, 
omni  fraude  et  perfidia  fefellit  ;  qui  de  eius  scelere  suspi- 
cari  nihil  potuerunt,socium  offici  metuere  non  debuerunt, 
eius  malitiam  non  uiderunt,  orationi  uanae  crediderunt. 
Itaque  aune  illi  homines  honestissimi  propter  istius  in- 
sidias  parum  putantur  cauti  prouidique  fuisse;  îste,  qui 
inilio  proditor  fuit,  deinde  perfuga,  qui  primo  sociorum 
consilia  aduersariis  enuntiauit,  deinde  societatem  cum 
ipsis  aduersariis  coiit,  terret  etiam  nos  ac  minatur  tribus 
praediis,  hoc  est  praemiis  sceleris,  ornatus.  In  eius  modi 
uita,  indices,  in  his  tôt  tantisque  flagitiis  hoc  quoque 
malelicium  de  quo  iudicium  est  reperietis, 

118  Etenim  quaerere  ita  debetis  :  ubi  multa  auare, 
multa  audacter,  multa  improbe,  multa  perfidiose  fada 
uidebitis,  i  I  >  i  scelus  quoque  latere  inter  [lia  tôt  Qagitia 
putatote.  Tametsî  hoc  quidem  minime  latet,  quod  [ta 
promptum  et  propositum  est,  ut  non  ex  illis  maleficiis 
quae  in  illo  constat  esse,  hoc  intellegatur,  uerum  ex  hoc 
etiam  si  quo  de  illorum  forte  dubitabitur,  conuincatur. 
Quid  tandem,  quaeso,  iudices  ?  num    aut  Ole  Lanista 


117.  de  dm  scelere  Buspicaii  :  de  scelere  suspicarl  eius  Clark. 
118.  ibi  scelus  :  it>i  ld  scelus  Groêuitu.     si  quo  de  Ulonim  Gultel* 
mius  :  si  quod  de  Lllorummst. /siquod  Ulorum  I  ">-'-. 


xl-118    PLAIDOYER  POUR  SEX.  ROSCIl  s  VAMBRJE      110 

le  moins  du  monde,  il  se  produit  si  bien  au  grand  jour,  il 

s'expose  si  nettement  à  tous  les  yeux,qu'll  n'est  pas  besoin 

des  autres  mauvaises  actions  dont  on  a  la  certitude  que 
cet  homme  est  coupable  pour  en  établir  la  réalité  ;  mais 
que, si  l'on  pouvait  douter  de  quelqu'une  de  ces  mauvai- 
ses actions,  ce  crime  même  suffirait  à  le  convaincre  de 
tous  les  autres.  Quelle  est  enfin  votre  opinion,  juges,  je 
vous  le  demande  ?  Ce  maître  gladiateur  vous  paraît-il 
avoir  déposé  son  glaive  ?  L'élève  que  voici  vous  paraît-il 
le  céder  le  moins  du  monde  au  maître  dans  l'exercice  de 
leur  art  ?  Leur  avidité  est  pareille  ;  leur  improbité  sem- 
blable ;  c'est  la  même  impudence  ;  leurs  audaces  sont  ju- 
melles. 

XL1 1 1 9  Et  maintenant,  puisque  vous  avez  appris  quelle 
est  la  bonne  foi  du  maître,  apprenez  quelle  est  l'équité 
de  l'élève.  J'ai  déjà  dit  auparavant  qu'on  leur  a  plusieurs 
fois  réclamé  deux  esclaves  pour  les  mettre  à  la  question. 
Toi,  T.  Roscius,  tu  as  toujours  refusé.  Je  te  le  demande  : 
«  Ceux  qui  faisaient  cette  réclamation  étaient-ils  indi- 
gnes d'obtenir  ce  qu'ils  sollicitaient  ?  Celui  en  faveur  de 
qui  ils  réclamaient  n'excitait-il  pas  ton  émotion  ?  Leur 
réclamation  elle-même  te  paraissait-elle  injuste  ?  »  Ceux 
qui  faisaient  cette  réclamation  étaient  les  hommes  les  plus 
nobles  et  les  plus  intègres  de  notre  cité  ;  j'ai  déjà  dit  leurs 
noms.  Leur  vie  a  toujours  été  telle  et  l'estime  en  laquelle 
le  peuple  romain  les  tient  est  telle  que,  quelque  chose 
qu'ils  pussent  dire,  il  n'y  aurait  eu  personne  pour  penser 
que  ce  qu'ils  disaient  n'était  pas  conforme  à  l'équité.  Celui 
en  faveur  de  qui  ils  réclamaient  était  le  plus  misérable  et 
le  plus  malheureux  des  hommes  ;  il  aurait  été  jusqu'à  sou- 
haiter d'être  lui-même  livré  à  la  torture,  pourvu  qu'on  fît 
une  enquête  sur  la  mort  de  son  père.  120  Quant  à  la  ré- 
clamation qu'on  t'adressait,  elle  était  de  telle  nature  qu'un 
refus  de  ta  part  équivalait  à  l'aveu  de  ton  crime.  Puisqu'il 
en  est  ainsi,  je  te  demande  quelle  est  la  cause  de  ton  refus. 
Au  moment  du  meurtre  de  Sex.  Roscius,  ils  étaient  sur  les 
lieux.  Ces  esclaves  eux-mêmes,  en  ce  qui  me  concerne,  je 
ne  les  accuse  pas,  je  ne  les  disculpe  pas  non  plus.  Mais, 
quand  je  vous  vois  opposer  cette  résistance  à  leur  mise 


110  PRO  SEX    ROSCIO  AMERINO  \i   118 

omnino  iam  a  gladio  recessisse  uideturaut  hic  discipulus 
magistro tantulum de arte  concedere  ?Parest  auaritia, 
similis  improbitas,  eadem  impudentia,  gemina  audacia. 
XL1 119  Etenim,  quoniam  fidem  magistri  cognostis, 
cognoscite  aune  discipuli  aequitatem.  Dixi  Iam  ant 
sacpe numéro  postulatoa  esseab  istisduos  scruos  inquaes- 
tionem.  Tusemper,  T.  Rosci,  recusasti.  Quaero abs  t 
«  Iine,  qui  postulabant,  indigni  eranl  qui  impetrarent,  an 
is  te  non  commouebat  pro  quo  postulabant,  an  res  Ipsa 
tibi  iniqua  uidebatur  ?  Postulabant  hommes  nobilissi- 
mi  atque  integerrimi  nostrae  ciuitatis,  quos  iam  antea 
nominaui  ;  qui  ita  uixerunt  talesque  a  populo  Romano 
putantur  ut,quicquid  dicerent,  uemo  esset  qui  non  ae- 
quum  pu taret.  Postulabant  au tem  pro  homine  miserrimo 
atque  Lnfelicissimo,  qui  ucl  ipse  sese  in  cruciatum  dari 
cuperet,  dum  de  patris  morte  quaereretur.  120  Kes 
porro  abs  le  eius  modi  postulabatur  ut  niliil  intéressât, 
utrum  eam  rem  recusares  an  de  maleficio  confiterere. 
Quae  eum  itasint,quaeroabstequam  obcausamrecusaris. 
Cum  occiditurSex,  Roscius,  ibidem  fuerunt.  Seruos  ipsos, 
quod  ad  me  attinet,  ueque  arguo  neque  purgo  ;  quod  a 
uobis  oppugnari  uideo,ne  in  quaestionem  dentur,  suspi- 
eiosum  est  ;  quod  uero  apud  uos  ipsos  in  honore  tanto 
sunt,  profecto  uecesse  est  sciant  aliquid,quod  si  dixerint 
pernieiosum  uobis  fulurum  sit. —  In  dominos  quaeri 
de  semis  iniquum  est.  —  At  non  quaeri tur;  Sex.  enim 

a  gladio  recessisse  Madutg  :  a  gladiatore  cessisse  mss.  :  a  gladiis  re- 
cessisse Lambin.  ||  hic  discipulus  Schol.  :  lus  discipulia  A  .9  ;  is  disd- 
punsZ,*1  ;  la  discipulua  cricri  mu.  ,*iste  discipulua  Lambin.  |  H9. 
nostis  :  cognoacitis  A,  ic,  at  9.   I  is  te  Heusinger  :  Lstemss.  ;ia 
enni. Lambin.     120.  oppugnaii  :  DOC  pugnaii  cd.lunt.  1534,  Util 

repugnari  éd.  1530.     al  Donquaeritui  Bùchner:  aL  ne  quaeritur 


xli-120    PLAIDOYER  POUR  SBX.  ROSCH  S  TTAMÉRIR     111 

à  la  question,  cela  me  semble  suspect.  Si  vous  avez  pour 
eux  une  toile  considération, il  faut  assurément  qu'ils  con- 
naissent des  fnits  dont  la  révélation,  s'ils  parlaient,  eau  - 
rait  votre  perte.  «  Il  est  contraire  à  la  justice  de  mettre  des 
esclaves  à  la  question  pour  obtenir  d'eux  un  témoignage 
contre  leurs  maîtres.  »  —  Mais  il  ne  s'agit  pas  de  cela  ;  <  ;ir 
c'est  Sex.  Roscius  qui  est  accusé  ;  si  on  met  à  son  sujet  les 
esclaves  à  la  question,  ce  n'est  pas  pour  avoir  un  témoi- 
gnage contre  leurs  maîtres,  puisque  vous  dites  que  vous 
êtes  leurs  maîtres.  «  Ils  sont  avec  Chrysogonus.  ■  Je  le 
crois  volontiers  :  leur  culture  littéraire,  leur  urbanité  sem- 
ble si  séduisante  à  Chrysogonus  que,  parmi  ses  jeunes  es- 
claves, qui  ont  toutes  les  délicatesses  et  qui  sont  instruits 
dans  tous  les  arts,  qui  ont  été  choisis  dans  tellement  de 
maisons  des  plus  élégantes,  il  tienne  à  voir  autour  de  lui 
ces  hommes,  qui  ne  sont  guère  que  des  manœuvres  formés 
à  Amérie  par  la  discipline  d'un  père  de  famille  campa- 
gnard. 

121  Non,  juges,  il  n'en  est  certainement  pas  ainsi  ;  il 
n'est  pas  vraisemblable  que  Chrysogonus  se  soit  épris 
d'un  amour  passionné  pour  leur  culture  littéraire  et  la  dis- 
tinction de  leurs  manières,  qu'il  ait  pu  reconnaître  leur 
diligence  et  leur  fidélité  dans  l'administration  de  ses  affai- 
res domestiques.  Il  existe  quelque  secret  que  l'on  nous 
cache  ;  ce  secret,  plus  ils  mettent  eux-mêmes  d'ardeur  à 
le  tenir  dans  l'obscurité  et  à  le  soustraire  à  nos  regards, 
plus  il  devient  apparent,  plus  il  se  manifeste  au  grand 
jour. 

XLII  122  Qu'est-ce  à  dire  ?  Chrysogonus,  pour  tenir 
sa  mauvaise  action  cachée,  ne  veut  pas  que  ces  esclaves 
soient  mis  à  la  question  ?  Pas  le  moins  du  monde,  juges  : 
je  n'estime  pas  que  toutes  les  accusations  doivent  s'a- 
dresser à  tous.  Pour  moi,  en  ce  qui  me  concerne,  je  n'ai  à 
l'égard  de  Chrysogonus  aucun  soupçon  de  ce  genre  ;  et  ce 
n'est  pas  maintenant  pour  la  première  fois  qu'il  me  vient 
à  l'esprit  de  le  déclarer.  Vous  vous  en  souvenez,  au  com- 
mencement de  ce  plaidoyer,  j'ai  ainsi  divisé  la  cause  : 
d'abord  l'accusation  —  toute  la  charge  d'argumenter  a 
été  confiée  à  Erucius  — ,  ensuite,  le  rôle  de  l'audace,  qui 


111  PBO  six.  ROSCIO  AMBRINO  xli  120 

Roscius  reus  esl  :  aeque  enim,  cum  de  hoc  quaeritur,  in 
dominos  quaeritur  :  nos  enim  dominos  esse  dicitis. —  Cum 
Chrysogono  Bunt  •  [ta  credo  ;  litteris  corum  et  urbani- 
tate  Chry80gonus  ducitur,  u1  Lnter  suos  omnium  delicia- 
rum  atque  omnium  artium  puerulos  ex  lot  elegantissi- 
mis  familiis  lectos  uelit  hos  uersari,  homines  paene  ope- 
rarios,  ex  Amerina  disciplina  patris  Eamiliae  rusticani, 

121  Non  [ta  esl  profecto,  iudices  ;  non  est  ueri  simile 
ut  Chrysogonus  horum  litteras  adamarit  aut  humanita- 
tem,  non  ut  rei  familiaris  uegotio  diligentiam  cognorit 
eorum  et  (idem.  Est  quiddam,  quod  occultatur  ;  quod 
quo  studiosius  a'o  istis  opprimitur  et  absconditur,  eo  ma- 
gis  eminet  »  I  apparet. 

XL  II  122  Quid  ii^itur  ?  Chrysogonus  suine  malefici 
OCCultandJ  causa  quacstioncm  de  ris  haberi  non  unit  ? 
Minime,  indices;  non  in  omnes  arbitror  omnia  conue- 
nire.  Ego  in  Chrysogono,  quod  ad  me  attinet,  nihil  eius 
modi  suspicor;  neque  hoc  mihi  nunc  primum  in  mentem 
uenit  dicere.  Merninistis  me  ita  distribuisse  initio  eau- 
sain  :  in  crimen  cuius  tota  argumentatio  permissa  Eru- 
cio  est,  et  in  audaciam  cuius  partes  Rosciis  impositae 
snni.  Quicquid  malefici,  sceleris,  caedis  erit,  proprium 
id  Rosciorum  esse  debebit.  Nimiam  gratiam  potentiam- 
que  Chrysogoni  dicimus  et  nobis  obstare  et  perferri 
nullo  modo  posse  et  a  uobis,  quoniam  pot         data 

mes.  :  anne  quaeritur  éd.  Asc.  1522,  tudgo;  al  oeque  In  uosquae- 
ritur  Madoig  rat  oeque  in  dominos  quaeritur  Kayser.  neque  enim 
cum  de  hoc  quaeritur  <  in  dominos  quaeritur >  Halm:  oeque 
enim  cum  de  hoc  quaeritur  mss.  ;  oeque  <in  dominum  >  cum 
de  hoc  quaeritur  Mutiler.  121.  non  ita  est  :  non  est  ita  tudgo. 
Ittii    Halm  :  ah  i}>sis  mss.  ||  122.  suine  ms.  Paria  tuine  —, 

4»'  ;  lui  céleri  mss.  :  sui  uulgo.     de  lia  Halm  :  de  hH  mss.,  uuigo. 


m. n-122  PLAIDOYER  POUR  SBX.  ROSCIUS  T/AMÊR1E     112 

a  été  imposé  aux  Roscius.  Tout  ce  qu'il  y  aura  de  Crime, 
de  scélératesse, de  meurtre,  devra  appartenir  en  propre  aux 

Roscius.  Quant  au  crédit  et  au  pouvoir  excessifs,  qui,  nous 
le  déclarons,  nous  font  obstacle  en  la  personne  de  Chryso- 
gonus,  vous  ne  devez  en  aucune  manière  les  supporter  ; 
et,  puisque  vous  en  avez  la  puissance,  il  faut  non  seule- 
ment que  vous  leur  enleviez  toute  leur  force,  mais  que 
vous  les  frappiez  de  la  vindicte  des  lois. 

123  Voici  quelle  est  mon  opinion  :  celui  qui  veut  que 
l'on  interroge  les  témoins  qui,  on  le  sait  positivement, 
étaient  présents  quand  le  meurtre  a  été  commis,  celui-là 
désire  que  la  vérité  soit  découverte.  Celui  qui  s'y  oppose 
avoue  certainement  son  crime  par  sa  conduite,  s'il  n'ose 
par  ses  paroles  en  faire  la  confession.  J'ai  dit,  en  commen- 
çant, juges,  que  je  ne  voulais  pas  insister  sur  la  scéléra- 
tesse de  ces  gens-là  plus  que  la  cause  ne  le  réclamerait  et 
que  la  nécessité  elle-même  ne  m'y  forcerait.  Car  de  nom- 
breux griefs  peuvent  être  apportés  et  chacun  d'eux  peut 
être  exposé  avec  de  nombreux  arguments.  Mais,  ce  que 
je  fais  malgré  moi  et  contraint  par  la  nécessité,  je  ne  peux 
mettre  à  le  faire  beaucoup  de  temps  et  beaucoup  de  soin. 
Ce  qui  ne  pouvait  absolument  être  passé  sous  silence,  je 
l'ai  indiqué,  juges,  sans  insister.Ce  qui  repose  sur  des 
soupçons  —  si  je  commençais  à  en  parler,  il  me  faudrait 
bien  des  mots  pour  discuter  cette  question, — je  le  remets 
à  votre  pénétration  et  à  vos  conjectures. 

XLII1 124  J'arrive  maintenant  à  ce  nom  de  Chryso- 
gonus,  un  nom  d'or  (1)  :  c'est  sous  ce  nom  que  toute  l'asso- 
ciation s'est  cachée.  Ce  nom,  juges,  comment  le  prononcer, 
comment  le  taire,  je  n'en  trouve  pas  le  moyen.  Si  je  me 
tais,  je  laisse  de  côté  ce  qui  est  de  beaucoup  le  plus 
important;  si  je  parle,  je  crains, non  pas  que  Chrysogonus 
seul,  car  cela  ne  m'intéresse  en  rien,  mais  bien  que  beau- 
coup  d'autres  personnages  aussi  se  jugent  offensés.  Et,. 

(1)  Voici  un  de  ces  jeux  de  mots  faciles  sur  les  noms  propres 
dont  Cicéron  abuse  ailleurs  même  que  dans  les  Verrines.  Avant 
d'être  un  nom  banal  d'esclave,  Xpuao'-jrcvo;,  celui  qui  est  né  de  l'or 
(Xpood;  YÎYv0M-at)>  avait  été  le  nom  de  Persée,  né  de  Danaé  et  de 
Zeus  changé  en  pluie  d'or. 


112  PRO  SEX.  R0SC10  AMER1S0  m.ii-122 

est, non  modo  infirmari  uerum  etiara  uindicari  oporl 
123    Ego  sir  existimo,  qui  quaeri  uelit  ex  iis,  quos 

constat,  cnm  racles  FacU  sil,  adfnisse,  eum  CUpere  lie- 

rum  inuenin  ;  qui  id  recuset,  eum  profecto,  tametsi  uer- 

bo  non  audeat,  tamen  rc  ipsa  de  maleficio  sno  confiteri. 

Dixi  initio,  iudices,  oolle  me  plura  de  istorum  scelere  di- 

cere  quam  causa  postularel  ac  nécessitas  ipsa  cogeret. 

Nam  el  milita»'  res  adferri  possunt,  et  una  quaeque  ea- 

rnin  nmltis  cum  argumentis  dici  potest.  Verum  ego,quod 

inuitua  ac  necessario  facio,  neque  diu  ueque  diligenter 

facere  possum.  Quae  praeteriri  nullo  modo  poterant,  ea 

lcniter,  indices,  attigi,  quae  posita  snnl  in  suspicionibus, 

de  quibus,  si  coepero  dicere,  pluribus  uerbis  si  t  disseren- 

dum,  ea  nestris  îngeniis  coniecturaeque  commitlo. 

XLIU  124  Yenio  nunc  ad  illnd  nomen  anreiim  Chrv- 

sogoni,  sub  qno  nomme  tota  societas  /atuit;  de  quo,  îu- 

dices,  neque  quo  modo  dicam  neque  cjuo  modo  tao 

reperire  possum.  Si  enim  taceo,  uel  maximam  partem  re- 

linquo  ;  sin  autem  dico,  uereor  ne  non  ille  soins,  id  quod 

ad  me  nihil  attinet,  sed  alii  quoque  plures  laesos  se    sse 

pntent.  Tametsi  il  a  se  res  nabetut  mini  in  communem 

causam  sectorum  dicendiim  niliil  magnoopere  uideatur; 

naec  enim  causa  noua  profecto  et  sin^ularis  est.  125  Bo- 

norum  Sex.Rosci  emploi-  est  Chrysogonus.  Primumhoc 

uideamus  :  cius  hominis  bona  qua  ratione  uenierunt,  aul 

quo  modo   uenire  potiiernnt  ?  Alque  hoc  non   ita  quac- 

123.  farta  sil:  facta  est  Halm.  \  imuMiiri  Pluygers  :  inuenire 
mss.,  uulgo.  :,  qui  Id  recuset  Ctark  :  quld  recuset  1-  ;  qui  recuset 
ceteri  mss.,  uulgo.  una  quaeque  :  de  una  quaque  Lambin.  124. 
latuit  Bûchner:  statuit  mss.  ;  itatuitur  uulgo.  laesoa 
laesos  se  Clark.  125.  emptor  est  Chrysogonus  w  :  emptort  Chrj  - 
sogonusZ  :  emptorem  Chrysogonum  céleri  mss. 


xi. m-124   PLAIDOYER  POUR  SEX.  ROSCIUS  VAMÊRIE   113 

cependant,  l'affaire  est  de  telle  nature  qu'il  ne  me  semble 
pas  avoir  beaucoup  à  parler  contre  la  cause  commune  des 
dépeceurs  de  biens.  Car  notre  cause  est  assurément  d'un 
caractère  nouveau  et  spécial.  125  Chrysogonus  est  l'a- 
cheteur des  biens  de  Sex.  Koscius.  Première  question  à 
étudier  :  pourquoi  les  biens  de  Sex.  Roscius  ont-iK  été 
vendus  ?  comment  même  ont-ils  pu  être  vendus  ?  Et  je 
n'ai  pas  besoin  de  faire  d'enquête  à  ce  propos,  juges,  pour 
déclarer  que  le  fait  de  la  mise  en  vente  des  biens  d'un 
citoyen  innocent  est  une  indignité.  —  Si  je  dois  être 
écouté,  si  je  peux  parler  en  toute  liberté  sur  cette  question, 
Sex.  Roscius  n'a  pas  été  un  homme  assez  considérable 
dans  l'Etat  pour  que  nous  nous  répandions  en  plaintes 
sur  son  cas  particulier.  —  Mais  voici  l'objet  de  mon  en- 
quête :  comment  en  vertu  de  cette  loi  elle-même  sur  la 
proscription  —  loi  Valeria  ou  loi  Cornelia,  je  l'ignore,  je 
n'en  sais  rien  (1),  —  en  vertu,  quoi  qu'il  en  soit,  de  cette 
loi  elle-même,  comment  les  biens  de  Sex.  Roscius  ont-ils 
pu  être  mis  en  vente?  126  II  est  écrit,  dit-on,  dans  cette 
loi  :  que  l'on  mette  en  vente  les  biens  ou  de  ceux 
qui  ont  été  proscrits  —  Sex.  Roscius  n'est  pas  de  ce 
nombre —  ou   de   ceux  qui   ont    été    tués   dans   les 

FORCES  ARMÉES  POUR  SOUTENIR  NOS    ADVERSAIRES.   Tant 

qu'il  y  a  eu  des  forces  armées,  Roscius  a  fait  partie  des 
forces  armées  de  Sylla.  C'est  après  que  nous  eûmes  déposé 
les  armes  que,  dans  le  calme  de  la  paix,  il  a  été  tué  à  Rome, 
alors  qu'il  revenait  de  souper.  S'il  a  été  tué  en  vertu  de  la 
loi,  c'est  aussi,  je  le  confesse,  en  vertu  de  la  loi  que  ses 
biens  ont  été  mis  en  vente.  Mais,  s'il  est  établi  qu'il  a 
été  tué  contrairement  à  toutes  les  lois,  non  seulement 
les  anciennes  (2),  mais  même  les  nouvelles,  mon  enquête 

(1)  Cicéron  affecte  d'ignorer  si  la  loi  en  vertu  de  laquelle  les 
biens  des  proscrits  étaient  confisqués  et  leurs  fils  et  petits-fils 
déclarés  indignes  d'être  élus  aux  magistratures  a  été  portée  par 
L.  Cornélius  Sulla  lui-même  ou  par  L.  Yalerius  Flaccus,  qui  lui 
avait  fait  conférer  la  dictature  perpétuelle. 

(2)  Les  anciennes  lois  sont  la  lex  Porcia  (556/198),  qui  établis- 
sait qu'aucun  citoyenne  pouvait  être  mis  à  mort  sans  jugement  et 
que  Cicéron  devait  violer  en  faisant  exécuter  Cethegus  et  les 
autres  complices  de  Catilina;  la  lex  Sempronia  (632  /122),qui  établis- 


113  PRO  six.  ROSCIO  AMERINO  \un-125 

min,  iudices,  ut  [d  dicam  esse  indignum,  hominis  inno- 
centis  bona  uenisse  si  enim  haec  audientur  ac  Libère 
dicentur,  non  fuit  tantus  homo  Sex.  Roscius  in  ciuitate 
ni  de  eo  potissimum  conqueramur  —  uerum  ego  hoc 
quaero  :  Qui  potuerunl  ista  ipsa  lege  quae  de  proscrip- 
tione  est,  siue  Valeria  est  siue  Cornelia  -non  enim  noui 
n«c  scio  —  uerum  isla  ipsa  lege  bona  Sex.  Rosci  uenhre 
qui  potuerunl  v.'  126  Scriptum  enim  [ta  dicunl  esse  :  vt 

AVT  EORVM   BONA  VENEANT   QV1    PROSCRIPT1   sv\  Y  ;  qilO 

in  numéro  Sex.  Roscius  non  est  :  avt  eorvm  qvi  in  ad- 

VERSARIORVM    PRAESIDIIS    OCGIS1    SVNT.    Duni    praosidia 

alla  fuerunt,  in  Sullae  praesidiis  luit  ;  postea  quam  ah 
armis  recessimus,  in  summo  otio  rodions  a  cena  Romae 
occisua  est.  Si  lege,  bona  quoque  lege  uenisse  fateor.  Sin 
autem  constal  contra  omnes  non  modo  ueteres  leges,  uo- 
rum  etiam  nouas  occisum  esse,  bona  quo  iure  aut  quo 
modoaul  qua  lege  uenierint,  quaero. 

XLIV  127  In  quera  hoc  dicam  quaeris,  Bruci  ?  Non 
in  eum  quem  uis  et  putas  ;  nain  Sullam  et  oratio  mea 
ah  initio  et  ipsius  eximia  uirtus  omni  tempore  purgauit. 
Ego  haec  omnia  Chrysogonum  tecisse  dico,  ni  ementire* 
tur,  ut  inalum  riuom  Sex,  Roscium  fuisse  iïngeret,  ut 
eum  apud  aduersarios  occisum  esse  diceret,  ut  lus  de  re- 

audientur:  audaciter  Richter,      ac  libère:   aut  libère  a,  > 
atque    libère   eoni.  Clark.       ego  hoc  quaero  :  ego    quaero  A  ;  hoc 
quaero  ws  Halm  :  hoc  ego  quaero  uulgo.  ,|  123,    ut  aut  connu 

Clark:  ut  ut  connu  —  :  ut  eoruin  cclcri  mss.,  uul>/<>.  recessimua 
Richter  (cf. §  16  ab  armisque  recessimus):  discepserunt  a,  X;  dl 
seruut  y,  Bùchner ;  recesserunt  eetertmss,,  uulgo  :  recessum 
éd.  cit.  Estienne  1555;  <omnes>  recesserunt  Clark,  quo  modo  : 
quo  more  Ernesti.  |  127.  Se\.  Rosdum  Ernull  :  Roscium  mss.  ,. 
bis  de  rébus  éd.  R.  Estienne  1538  :  bisce  rébus  mss.  ;  bisce  de  rébus 
éd.  Asc.  1522,  m 


xi.ni-126  PLAIDOYER  POUR  SEX*  ROSCIUS  VAMÊRIB    11  1 

cherche  de  quel   droit,  comment,  en  vertu    de  quelle  loi 
ses  biens  ont  été  mis  en  vente. 

XLIV  127  Contre  qui  ces  paroles  sont-elles  dirigées  ? 
Tu  cherches  à  le  savoir,  Erucius  :  ce  n'est  pas  contre  celui 
que  tu  désires  et  que  tu  penses.  Dès  le  commencement, 
mon  discours  a  disculpé  Sylla,et  son  éminente  vertu  l'a 
elle-même  toujours  disculpé.  Je  dis  que  Chrysogonus  est 
l'auteur  de  tout  le  mal  qui  a  été  fait  ;  je  dis  qu'il  ne  cessait 
de  mentir,  qu'il  représentait  faussement  Sex.  Roscius 
comme  un  mauvais  citoyen,  qu'il  prétendait  qu'il  a  été 
tué  dans  les  rangs  ennemis,  qu'il  n'a  pas  permis  que 
L.  Sylla  fût  instruit  de  ce  qui  en  était  par  les  délégués  des 
habitants  d'Amérie.  Enfin,  je  soupçonne  que  les  biens  de 
Roscius  n'ont  pas  été  le  moins  du  monde  vendus.  Si  vous 
voulez  bien  le  permettre,  juges,  cela  sera  démontré  dans 
la  suite  de  ce  discours. 

128  Je  crois,  en  effet,  que  la  loi  fixe  le  jour  où  doivent 
prendre  fin  les  proscriptions  et  les  ventes,  à  savoir,  le 
jour  des  calendes  de  juin.  C'est  quelques  mois  après  que 
Roscius  a  été  tué  et  que  les  biens  de  Roscius  ont  été  mis 
en  vente.  Assurément,  ou  les  dits  biens  n'ont  produit 
aucune  somme  qui  ait  été  inscrite  sur  les  registres  de 
l'Etat  et  ce  vaurien  nous  joue  d'une  manière  plus  facé- 
tieuse que  nous  ne  le  pensons,  ou,  si  ces  biens  ont  produit 
quelque  chose,  on  a  trouvé  moyen  de  falsifier  les  registres 
publics.  Car  il  est  évident  que  l'on  n'a  certes  pas  pu 
vendre  ces  biens  en  vertu  de  la  loi.  Je  me  rends  compte, 
juges,  que  j'entreprends  ces  investigations  avant  le  temps 
voulu,  que  je  fais  en  quelque  sorte  fausse  route,  moi 
qui  vais  panser  une  simple  envie,  quand  j'ai  à  sauver  la 
tête,  de  Sex.  Roscius  (1).  Car  ce  n'est  pas  de  son  argent 
qu'il  s'inquiète  ;  il  ne  tient  aucun  compte  de  son  intérêt  ; 
il  estime  qu'il  supportera  facilement  son  indigence,  s'il 

sait  que  la  condamnation  à  mort  d'un  citoyen  romain  ne  pouvait 
être  prononcée  que  par  les  comitia  centuriaia. 

(1)  Jeu  de  mots  d'un  goût  douteux  :  un  médecin  ne  perd  pas  son 
temps  à  panser  une  simple  envie  à  l'ongle  d'un  malade  qu'une 
blessure  à  la  tête  met  en  danger  de  mort.  Cicéron  doit  sauver  la 
vie  de  Roscius,  engagée  dans  un  procès  capital. 


114  PRO  SEX.  ROSC 10  AMERINO  \i.iv-127 

bus  a  legatis  Amerinorum  doceri  !..  Sullam  passus  non 
sii.  Denique  etiam  illud  suspicor,  omnino  haec  bona  non 
uenisse  ;  id  quod  postea,  si  per  nos,  iudices,  licitum  erit, 
aperietur. 

128  Opînor  enim  esse  in  lege  quam  ad  diem  proscrip- 
tiones  uenditionesque  liant,  nimirum  Kalendas  [unias. 
Âliquot  post  menses  et  homo  occisus  est  et  bona  uenisse 
dicuntur.  Profecto  aut  haec  bona  in  tabulas  publicas 
nulla  redierunt,  nosque  ab  isto  nebulone  facetius  eludi- 
inur  quam  putamus,  aut,  si  redierunt,  tabulae  publicae 
corruptae  aliqua  ratione  sunt  ;  nam  Lege  quidem  bona 
uenire  non  potuisse  constat,  [ntellego  me  ante  tempus, 
indices,  haec  scrutari  et  prope  modum  errare  qui,  cum 
capiti  Sex.  Rosci  mederi  debeam,  reduuiam  curem. 
Non  enim  laborat  de  pecunia,  non  ullius  rationera  sui 
commodi  ducit  :  facile  egestatem  suam  se  Laturum  pu- 
tat,  si  hac  Indigna  suspicione  et  ficto  crimine  liberatus 
sit.  129  Verum  quaeso  a  uobis,  iudices,  ut  haec  pauca 
quae  restant  ita  audiatis  ut  partim  me  dicere  pro  me  ipso 
putetis,  partim  pro  Sex.  Roscio.  Quae  enim  mihi  ipsi 
Indigna  et  intolerabilia  uidentur,  quaeque  ad  omnes, 
nisi  prouidemus,  arbitror  pertinere,  ea  pro  me  ipsi 

aninii   moi  sonsu  ac   dolore   pronuntio  ;   quae   ad   huius 

uitae  casum  causamque  pertinent,  et  quid  hic  pro  se 
dici  uelit  et  qua  condicione  contentus  sittiam  in  extrema 
oratione  nostra,  indices,  audietis. 

128.  nimirum  Kalendafl  :  nimirum  ad  Kalendas  uulgo  ;  Ka- 
lendaa    llalm.  |  129.  pro  Sex.    Roscio  éd.  Rom.  1471,  éd. 

1  171  :  Sc\.  Roscio  DUS.      ex  animi  éd.  Iunl.  1534  :   et  animi   ms$, 

uitae  casum  causamque  :  oitac  dlscrimen  casumque  w  :  uitac 
samque  u;ultae  causam  Ruhnken;  oitam  causamque  Rtckter,  I 

piTtiiH-nt  .\.  Eberhard  :  pertlneat  a  ;  pertlneant  ectrri  nus. 


xuv-128  PLAIDOYER  POUR  SEX.  ROSCIUS  t/AMBRIE    115 

est  libéré  de  cet  Indigne  soupçon  el  de  cet  le  accusation 
mensongère.  129  Mais,  je  vous  en  prie,  Juges,  le  peu  qui 
me  reste  à  vous  dire,  écoutez-le  avec  la  pensée  que  je 
plaide  en  partie  pour  moi-même,  en  partie  pour  Sex. 

Roscius.  Car,  tout  ce  que  je  vois  moi-même  de  l'ail  s  indi- 
gnes et  intolérables,  de  faits,  qui,  à  mon  avis,  si  nous  n'y 

pourvoyons,  peuvent  compromettre  l'intérêt  commun, 
c'est  pour  moi-même,  en  obéissant  à  mon  propre  senti- 
ment et  à  la  douleur  de  mon  âme,  que  je  le  proclame  :  ce 
qui  se  rapporte  aux  malheurs  de  sa  vie  et  à  sa  cause,  ce 
qu'il  veut  qu'on  dise  en  sa  faveur,  les  conditions  dont 
il  se  contente,  juges,  vous  me  l'entendrez  exposer  bientôt, 
à  la  fin  de  mon  discours. 

XLV 130  Voici  les  questions  que  je  pose  à  Chrysogonus 
en  mon  nom  personnel  ;  je  laisse  de  côté  la  cause  de 
Sex.  Roscius  :  d'abord,  pourquoi  les  biens  d'un  excellent 
citoyen  ont-ils  été  mis  en  vente  ;  ensuite,  pourquoi  a-t-on 
mis  en  vente  les  biens  de  cet  homme  qui  n'était  ni  du 
nombre  des  proscrits,  ni  du  nombre  de  ceux  qui  ont  été 
tués  dans  les  rangs  du  parti  adverse,  alors  que  ce  sont  les 
seuls  contre  lesquels  la  loi  a  été  rédigée  ;  ensuite,  pour- 
quoi cette  vente  a-t-elle  eu  lieu  après  le  jour  fixé  par  la 
loi;  ensuite, pourquoi  cette  vente  a-t-elle  été  faite  à  si  bas 
prix.  Si,  comme  les  affranchis  sans  valeur  et  sans  probité 
ont  coutume  de  le  faire,  Chrysogonus  a  voulu  rejeter  sur 
son  patron  la  responsabilité  de  tout  cela,  son  acte  n'aura 
eu  aucun  résultat.  Car  il  n'est  personne  qui  ne  le  sache  : 
à  cause  de  l'importance  des  affaires  qui  occupent  Sylla, 
bien  des  gens  ont  commis  bien  des  crimes  qu'il  désap- 
prouvait ou  qu'il  ignorait.  131  Est-ce  à  dire  que,  dans 
des  faits  de  cet  ordre,  il  nous  paraît  bon  de  négliger  quel- 
ques-unes des  mauvaises  actions  qui  ont  été  commises, 
parce  qu'elles  ont  été  ignorées  ?  Cela  ne  nous  paraît  pas 
bon,  juges,  mais  cela  nous  paraît  nécessaire.  En  effet,  si 
Jupiter,  le  dieu  très  bon  et  très  grand  qui,  d'un  signe  de 
tête  et  à  son  gré,  gouverne  le  ciel,  la  terre  et  les  mers,  fait 
souvent  éprouver  de  graves  dommages  à  l'humanité,  soit 
par  l'impétuosité  des  vents  et  la  violence  des  tempêtes, 
soit  par  une  chaleur  excessive  ou  par  un  froid  intolérable, 


1  L5  PRO  SE  \.   Ri  i  Mi.nr  xi.v  130 

XLV  130  Ego  haec  a  Chrysogono,  mea  sponte,  remoto 
Sex.  Roscio,  quaero  :  primum  qua  re  ciuis  optimi  hona 
uenierint,  deinde  qua  re  hominis  eius  qui  neque  pïoscrip- 
tus,  neque  apud  aduersarios  occisus  est,  bona  uenierint, 
cum  in  eos  soins  lex  scripta  si t  ;  deinde  qua  re  aliquanto 
posl  eam  diem  uenierint, quae  diea  in  lege  praeiinita  est; 
deinde  cur  tantulo  uenierint.  Quae  omnia  si,  quem  ad 
modum  soient  liberti  nequam  et  improbi  facere,  in  pa- 
tronum  suum  uoluerit  conferre,  nihil  egeril  ;  nemo  est 
enim  qui  nesciat  propter  magnitudinem  rerum  milita 
multos  partim  improbante,  partim  imprudente  I..  Sulla 
commisisse.  131  Placet  igitur  in  nis  rébus  aliquid  impru- 
dentia  praeteriri  ?  Non  placet,  iudic  i  necesse  est. 

Etenim  si  luppiterOptimus  Maxim  US,  cuius  nutu  et  arhi- 
trio  caelum,  terra  mariaque  reguntur,saepeuentisuehe- 
mentioribus  aut  immoderatis  tempestatibus  nul  nimio 
calore  aut  intolerabili  frigore  hominibus  nocuit,  urbes 
deleuit,  fruges  perdidit,  quorum  nihil  pernicit  causa  diui- 
no  consilio  sed  ui  ipsa  et  magnitudine  rerum  factum  pu- 
tamus,  at  contra,  commoda  quibus  utimur,  luconique 
qua  fruimur,  spiritumque  quem  ducimus,  ab  en  nobis 
dari  atque  impertiri  uidemus,  quid  miramur,  iudic 
L.  Sullam,  cum  solus  rem  publicam  regeret  orbemque 
terrarum  gubernaret  imperique  maiestatem  quam  armis 


130.  <  neque  proscriptus  >  Hotman,  uulgo  :  om.  mss.  \\  <  partim 
Improbante >  partim  Imprudente  Clark:  partim  imprudente 
mss.  ;  partim  COniuente,  partim  imprudente  al.  A  se.  l.*»l  1,  uulgo  ; 
partim  inuito,  partim  Imprudente  Madoig  ;  furtim  Imprudente 
Jeep;  praesertim  Imprudente  Rinkes;  Unpie  Imprudente  <ï.  f.anii- 
graf.  il  131.  pernicii  A.  Gelliiu,  N.A.,  IX  mv  LQ  :  pernide  mss. 
|  quid  miramur,  iudi  /.  :  quid    miramur  mss.t    uulgo. 


m.v-131   PLAIDOYER  POUR  SEX.  ROSCIUS  WAMÊRIE     116 

ruine  les  villes  et  détruit  les  moissons,  nous  n'imputons 
aucun  de  ces  désastres  à  une  décision  divine,  nous  : 
attribuons  à  la  force  même  du  destin  et  à  la  grandeur  de 

la  nature.  Au  contraire,  les  avantages  dont  nous  usons, 
la  lumière  dont  nous  jouissons,  l'air  que  nous  respirons, 
sont,  nous  le  voyons,  des  faveurs  que  Jupiter  nous  donne, 
auxquelles  il  nous  fail  participer  :  pourquoi  donc  nous 
étonner,  juges,  alors  que  L.  Sylla  était  seul  à  diriger  la 
République  et  à  gouverner  l'univers,  alors  qu'il  affermis- 
sait déjà  par  les  lois  la  majesté  de  l'empire  qu'il  avait 
rétablie  par  les  armes,  s'il  est  quelques  faits  dont  il  n'ait 
pu  s'apercevoir  ?  Il  faudrait  donc  s'étonner  que  l'intelli- 
gence humaine  ne  parvienne  pas  à  des  résultats  où  la 
puissance  divine  elle-même  ne  peut  pas  arriver. 

132  Mais  laissons  de  côté  le  passé  ;  ce  qui  se  produit 
précisément  à  présent  ne  permet-il  pas  à  n'importe  qui  de 
comprendre  que  celui  qui  seul  a  tout  construit,  tout 
machiné,  c'est  Chrysogonus,  qui  s'est  occupé  de  déférer 
le  nom  de  Sex.  Roscius  à  la  justice,  Chrysogonus,  pour 
l'honneur  duquel  Erucius  a  déclaré  se  porter  accusa- 
teur ?....  (1). 

XLVI...  Ils  estiment  qu'ils  possèdent   une  maison    de 

(1)  Pour  suppléer  la  lacune  qui  se  trouve  ici  dans  tous  les  mss., 
les  éditions  récentes  donnent  le  passage  suivant  fourni  par  le  com- 
mentaire du  Scholiaste  dont  on  doit  la  première  publication  à  Grc- 
novius  : 

Dans  le  quartier  de  Pallacine  :  L'endroit  où  Roscius  avait  soupe. 

Il  craint  surtout  :  C'est  Sylla  qu'il  craint. 

Il  détourne  cependant  la  question  et  il  prétend  qu'il  ...  :  C'est  à 
dire  qu'il  rejette  les  soupçons  sur  un  autre.  Chrysogonus  disait,  en 
effet  :  «  Ce  n'est  pas  parce  que  j'ai  craint  que  les  biens  de  Roscius  me 
fussent  enlevés  que  j'ai  ravagé  ses  domaines  ;  mais, comme  je  faisais 
bâtir,  c'est  pour  cela  que  j'en  ai  transporté  quelque  chose  sur  ma  pro- 
priété, dans  le  territoire  de  Véies.  » 

(?)  Les  garanties  en  immeubles  qui  étaient  mises  à  ma  disposition 
par  ces  domaines  :  Les  domaines,  l'occasion  dont  il  profite,  comme  on 
dit  :  «  Mets  ce  manuscrit  à  ma  disposition.  » 

Ici,je  désire  entendre  ces  gens-là:  Dans  ce  chapitreM  rend  odieuse 
la  puissance  de  Chrysogonus,  il  énumère  par  le  détail  les  divers  gen- 
res d'agréments  dont  il  jouit,  le  grand  nombre  de  biens  qu'il  possède, 
ses  esclaves,  toutes  propriétés  que  Chrysogonus,  il  le  déclare,  a  acquises 
par  ses  rapines. 


110  l'Un  SEX.  ROSC 10  AMBRINO  \iv-131 

receperat  ian\  legibus  confirmaret,  aliqua  animaduertere 
non  potuisse  ?  nisi  hoc  mirum  est  quod  uis  diuina  adsequi 
non  posait,  si  id  mens  humana  adepta  non  sit. 

132  Verum,  ut  haec  missa  faciam  quae  iam  Facta  sunt» 
ex  lis  quae  aune  cum  maxime  fiunt,  nonne  quitus  potesl 
Intellegere  omnium  architectum  et  machinatorem  unum 
esse  Chrysogonum,  qui  Sex,  Rosci  uomen  deferendum  eu- 
rauit**,  cuius  honoris  causa  accusare  se  dixit  Erucius  ?.. 

[  Désuni  non  pauca,  | 

In  uico  Pallacinae.  Locus  ubi  cenauerat  Roscius.  — 
Maxime  metuit.Su//a/7i  scilicet.  —  Deriuat  tamen  et  ait 
se,  id  est  suspicioncm  suam  in  alium  deducit.  Hoc  enim 
dicébat  Chrysogonus  :  «  Non  quia  timui  ne  mihi  lollc- 
renlar  bond  Rosci,  ideo  eius  praedia  dissipant,  sedy  quia 
aedificabam,  in  Veientanam  ideo  de  his  transtuli,  »  —  Ma- 
nu praedia  praediis.  Praediis,  occasione,  quem  ad  mo~ 
diun  dicimus  :  «  fac  ad  manum  illum  codicem.  -  I  lie  ego 
audire  istos  cupio.  In  hoc  capiie  de  potentia  Chrysogoni 
inuidiam  facit,  ut  enumeret  singula  deliciarum  gênera, 
quod  habeat  pluies  possessiones,  mancipia,  quae  omnia 
dicii  de  rapinis  ipsum  habere,  (SchoL  Gron.,  p.  U36,  1  L) 

\LVI...  aplani  et  ratione  dispositam  se  habere  exis- 
tiinant,qui  in  Sallentinis  ant  in  Brut  tiis  nabent,  unde  uix 
ter  in  anno  audire  uuntium  possunt.  133  Aller  tihi  des- 
cendit de  Palatio  el  aedibus  suis;  habet  animi  causa  rus 

iam  lcfiilms  Clark  :  tuin  leglbtU  1!  ;  uL  leglbufl  \ .  flf,  p,  tù  :  cum 
i  us  a,  X,  t|*  ;  tegibus  uulgo.  132.  curauit  Madoig  :  curauit  hoc 
Ludiciom   dim.,   uulgo. 


niai  132  PLAIDOYER  POUR  SBX.  ROSCJUS  D*AMÊR1E    1 17 

campagne  adaptée  à  leurs  besoins  et  disposée  comme  il 

convient,  cenx  qui  sont  propriétaires  dans  Le  territoire  des 
Sallentins  ou  dans  le  Bruttium,  d'où  ils  peuvent  recevoir 
des  nouvelles  tout  au  plus  trois  lois  dans  l'année  (1). 
133  Cet  autre  personnage,  on  le  voit  descendre  du  I 
Jatin  et  de  sa  belle  habitation  :  il  a  pour  son  plaisir  une 
propriété  d'agrément  aux  environs  de  Home  et,  de  plus, 
beaucoup  de  domaines,  tous  magnifiques  et  à  proximité 
de  la  ville  ;  sa  maison  est  encombrée  de  vases  de  Corinthe 
et  de  Délos;  parmi  tous  ces  vases  est  ce  bouilleur  automa- 
tique (2)  qu'il  a  récemment  acheté  à  un  prix  si  élevé  que 
les  passants,  en  entendant  le  crieur  public  faire  le  calcul 
delà  somme,  pensaient  qu'il  s'agissait  de  la  vente  d'un 
fonds  de  terre.  Et,  en  outre,  ce  qu'il  y  a  chez  lui  d'argen- 
terie ciselée,  de  tapis,  de  tableaux,  de  statues,  de  marbres, 
vous  en  faites-vous  une  idée  ?«  Naturellement  il  y  en  a 
tout  autant  qu'il  a  été  possible  à  la  faveur  des  troubles  et 
des  rapines  d'en  enlever  à  de  nombreuses  familles,  qui 
vivaient  au  milieu  de  la  splendeur,  pour  les  entasser  dans 
une  seule  maison.  Quant  à  ses  esclaves,  que  vous  dirai-je 
de  leur  nombre  immense,  de  la  variété  des  professions 
qu'ils  exercent  ?  134  Je  ne  parle  pas  de  ces  métiers 
vulgaires  .  cuisiniers,  boulangers, porteurs  de  litière.  Mais, 
pour  charmer  son  esprit  et  ses  oreilles,  il  a  tellement  d'ar- 
tistes que,  le  jour  et  pendant  les  festins  qu'il  donne  la 
nuit,  tout  le  voisinage  retentit  du  bruit  harmonieux  des 
voix,  des  instruments  à  cordes  et  des  flûtes.  Quand  on 
mène  une  telle  vie,  juges,  vous  faites-vous  une  idée  de  ce 
que  l'on  dépense,  de  ce  que  l'on  prodigue  chaque  jour  ? 

(1)  Du  Sud  de  l'Italie  où  se  trouvent  ces  pays  reculés  les  com- 
munications sont  rares  et  difficiles  avec  Rome. 

(2)  Le  bouilleur  automatique,  authepsa  (i-rrèç  sd»w),  qui  cuit  lui- 
même,  était  un  récipient  à  double  fond,  l'un  pour  le  feu,  l'autre 
pour  les  mets  qu'on  faisait  cuire.  Un  des  auteurs  de  YHistoire 
Auguste,  Lampridius  (Heliog.,  xix)  rapporte  que  l'empereur  Hélio- 
gabale  fut  le  premier  à  posséder  des  authepsae  argenteae.  Il  est 
probable  que  Y  authepsa  que  Chrysogonus  acheta  si  cher  était  en 
bronze  de  Corinthe  ou  de  Délos,  comme  les  autres  vases  qui 
ornaient  sa  somptueuse  demeure. 


117  PRO  SI  V.  ROSCIO  AMBR1N0  \i.vi-133 

amoenum  et  suburbanum,  plura  praeterea  praedia  neque 
tamen  ullum  nisi  praeclarum  el  propinquum.  Domus  re- 
ferta  uasis  Corinthiis  e1  Deliacis,  in  quibus  est  authepsa 
illa,  quam  tanto  pretio  nuper  mercatus  est,ut,  qui  praete- 
reuntes  quid  praeco  enumerare/  audiebant  fundum  ueni- 
re  arbitrarentur.  Quid  praeterea  caelati  argenti,  quid 
stragulae  uestis,  quid  pictarum  tabularum,  quid  signo- 
ruin,  quid  marmoris  apud  Qlum  putatis  esse  ?  Tantum 
scilicet,  quantum  e  multis  splendidisque  familiis  in  tur- 
ba  et  rapinis  coaceruari  una  in  domo  potuit.  Familiam 
uero  quantam  el  quam  uariis  cum  artificiis  habeat,  quid 
ego  dicam  ?  134  Mitto  hasoe  artes  uulgares,  coquos,  pis- 
tores,  lecticarios  ;  animi  el  aurium  causa  toi  homines  ha- 
bet,ut  cotidiano  cantu  uocumet  neruorum  et  tibiarum 
nocturnisque  conuiuiis  l<>ta  ulcinitas  personet.  In  hac  ui- 
ta,  indices,  quos  sumptus  cotidianos,  quas  effusiones 
fieri  putatis  ?  quae  uero  conuiuia  !  Honesta,  credo,  in 
eius  modi  domo,  si  domus  haec  habenda  esl  potius  quam 
officina  nequitiae  ac  deuersorium  flagitiorum  omnium. 
135  [pse  uero,  quem  ad  modum  composito  et  delibuto 
capillo  passim  per  forum  uolitet  cum  magna  calcina  to- 
gatoium, uidetis,  iudices;  uidetis  uf  omnes  despiciat,  ul 

133.  quid  praeco  enumeraret   Steinmct:  :  quid  praeco  enumerare 

o  ;  quid  praeconum  numerare  H  ;  quid  praeco  enuntiare  >.  :  quid 
predum  du n tiare  -  ;  quid  praetium  numerare  A,  ç,  v'«  w  :  quid 
praetium  enumerare  ^:  ;  pecuniam  numerare  B  ;  preûum  enumera- 

rc  uuh/o  ;  praeconem  enuntiare  Th.  Mommsen,  Mutiler  :  quid  prae- 
co enuntiare!   \.  Eberhard.     134.  pistores  ed,   Aid.  1519  :  pictorea 

mu.  conuiuiis  :  eonuiciis  l'uni.  Mutiler,  ac  deuersorium  :  et  dc- 
uersorium  9,  X.  135   composito  :  compto  Buecheler,  Mill- 

ier. I  delibuto  \  .  .<■.  Ulllgo  :  dilihuto  cricri  niss.,  Clark.  uide- 
tis, indices  ;  uidetis  Retd,  Clark:  et  inuidetis  indices  et  unum 
Uidetis  £  ;  uidetis  iudices  et  iam  uidetis  indices  céleri  tllMt.  ;  uidetis 
iudices  uul'jo  ;  uidetis  iudices  et  inuidetis  Richter. 


m.vi  134  PLAIDOYER  POUR  SEX.  ROSCIUS  TTAMÊRIE    118 

Et  quels  festins  !  -  honnêtes,  je  veux  bien  le  croire,  dans 
une  maison  de  ce  genre,  si  l'on  peut  appeler  la  demeure  de 
Chrysogonus  une  maison  plutôt  qu'une  officine  de  perver- 
sité et  qu'un  déversoir  de  toutes  les  infamies.  135  Kl 
lui-même,  juges,  vous  voyez  de  quelle  allure,  les  clie\eux 
bien  arrangés  et  ruisselants  de  parfums,  il  va  et  il  vient 
de  tous  côtés  sur  le  Forum,  accompagné  d'une  troupe  de 
clients  qui  portent  la  toge  du  citoyen  ;  vous  voyez  ses 
airs  de  mépris  pour  tout  le  monde,  lui  qui  n'admet  la 
comparaison  avec  personne,  lui  qui  se  croit  seul  au  comble 
du  bonheur  et  de  la  puissance.  Si  je  voulais  vous  rappeler 
tout  ce  qu'il  fait,  tout  ce  qu'il  entreprend  de  faire,  je 
craindrais,  juges,  que  quelque  homme  peu  informé  esti- 
mât que  j'ai  voulu  outrager  la  cause  et  la  victoire  de  la 
noblesse.  Et  pourtant,  il  m'est  permis  d'user  de  mon 
droit  en  blâmant  ce  qui  peut  me  déplaire  dans  ce  parti. 
Car  je  ne  crains  point  que  personne  estime  que  j'aie  eu 
des  sentiments  défavorables  à  la  cause  de  la  noblesse. 

XLVII  136  Ils  le  savent  bien,  ceux  qui  me  connais- 
sent :  après  m'être  rendu  compte  que  l'accord,  objet  de 
mes  désirs  les  plus  ardents,  était  impossible,  j'ai  travaillé 
dans  la  mesure  de  mon  pouvoir  médiocre  et  faible  à 
assurer  la  victoire  de  ceux  qui  ont  vaincu.  Etait-il,  en 
effet,  quelqu'un  qui  pût  ne  pas  voir  qu'il  s'agissait  de  la 
lutte  pour  le  pouvoir  entre  les  gens  d'une  humble  condi- 
tion et  les  hommes  d'un  rang  élevé  ?  Dans  ce  com- 
bat, c'était  faire  acte  de  citoyen  pervers  que  de  ne  pas 
se  joindre  à  ceux  dont  le  salut  assurait  la  dignité  de  la 
République  à  l'intérieur  et  son  autorité  au  dehors.  Tout 
ce  qui  devait  être  fait  a  été  accompli  ;  chacun  a  recouvré 
les  honneurs  et  le  rang  qui  lui  appartenaient  ;  je  m'en 
réjouis,  juges,  j'en  suis  profondément  heureux,  et  je  me 
rends  compte  que  tous  ces  résultats  sont  dus  à  la  volonté 
des  dieux,  au  zèle  du  peuple  romain,  à  la  sagesse  des 
conseils,  à  la  force  du  gouvernement,  et  au  bonheur  de 
L.  Sylla.  137  On  a  sévi  contre  ceux  qui  ont  combattu  de 
tous  leurs  moyens  dans  le  parti  adverse  ;  à  cela  je  ne 
trouve  rien  à  reprendre.  Les  hommes  de  cœur  qui  ont 
fait  preuve  d'un  zèle  particulier  dans  les  affaires  publiques 


118  PRO  SEX.  ROSCIO  AMERINO  xi.vi-135 

hominem  prae  se  neminem  putet,  ut  se  solum  beatum, 
solum  potentem  putet,  Quae  uero  efficiat,  et  quae  cône- 
tur,  si  iK'lini  commemorare,  uereor,  indices,  ne  quis  im- 
peritior  existimet  me  causam  aobilitatis  uictoriamque 
uoluisse  laedere.  Tametsî  meo  iure  possum,  si  quid  in  nac 
parle  milii  non  placeat,  uituperare  ;  non  enim  uereor  ne 
quis  atienum  me  animum  habuisse  a  causa  aobilitatis 
existimet. 

XLV 1 1 138  Srinnt  ii  qui  me  norunt  me  pro  ntea  tenui 
infirmaque  parte,  postea  quamidquod  maxime  uolui 
lieri  non  potuit,ut  componeretur.id  maxime  défendisse  ut 
ii  uincerent  qui  uicerunt.  Quis  enim  erat  qui  non  uideret 
humilitatem  cum  dignitate  de  amplitudine  contendere  V 
Qno  in  certamine  perditi  ciuis  erat  non  se  ad  eos  iungere 
quibus  incolumibus  et  domi  dignitas  (vL  foris  auctoritas 
retineretur.  Quae  perfecta  esse  et  suum  cui([ne  honorem 
et  gradum  redditum  gaudeo,  indices,  uehementerque 
laetor,  eaque  omnia  deorum  uoluntate,  studio  populi 
Romani,  consilio  et  imperio  et  felicitate  L.  Sullae  gesta 
esse  intellego,  137  Quod  animaduersum  est  in  eos  qui 
contra  omni  ratione  pugnarunt, non  debeo  reprehendere; 
quoduiris  fortibus  quorum  opéra  eximiain  rébus  gerendis 
exslilit  honos  habitus  est,  laudo.  Quae  ut  fièrent  ideirco 
pugnatum  esse  arbitror,  meque  in  eo  studio  partium 
fuisse  confiteor.  Sin  autemid  actum  est  et  ideirco  arma 
sumpta  sunt ,  ut  hommes  postmni  pecuniis  alienis  locu- 
pletarentur  et  in  fortunas  unius  cuiusque  impetum 
facerent,  et  id  non  modo  re  prohibere  non  licet,  sed  ne 

136.  pro  met  Madvig  :  pro  illa  mss.,  tuûgo. 


xlvii  137  PLAIDOYER  POUR  SEX.  ROSCIUS  WAMÊRIR   11!) 

ont  été  honorablement  récompensés;  pour  ces  récompenses 
je  n'ai  que  des  éloges,  ("est,  Je  Le  pense  bien,  dans  l'espoir 

d'arriver  à  ces  résultats  que  l'on  a  combattu  ;  et  j'avoue 
que  j'étais  moi-même  tout  dévoué  à  ce  parti.  Mais  si  l'on 
n'a  agi  de  la  sorte, si  l'on  n'a  pris  les  armes  que  pour  donner 
aux  derniers  des  hommes  le  moyen  de  s'enrichir  du  bien 
d'autrui  et  de  se  jeter  sur  la  fortune  de  chaque  citoyen, 
s'il  n'est  permis  non  seulement  d'exercer  aucune  action 
contre  de  tels  crimes,  mais  même  de  prononcer  aucune 
parole  qui  les  blâme  :  oh  !  alors,  au  lieu  de  rétablir  et  de 
restaurer  la  prospérité  du  peuple  romain,  cette  guerre 
n'a  servi  qu'à  le  soumettre  et  à  l'opprimer.  138  Mais  il 
en  est  tout  autrement,  juges  ;  rien  de  tel  ne  se  produit. 
Non  seulement  on  ne  portera  aucune  atteinte  à  la  cause 
de  la  noblesse  en  résistant  à  ces  gens-là,  mais,  au  con- 
traire, on   contribuera  à  sa  gloire. 

XLVIII  Et,  en  effet,  ceux  qui  veulent  exprimer  un 
blâme  pour  tout  ce  qui  se  passe  aujourd'hui  se  plaignent 
du  pouvoir  excessif  de  Chrysogonus  ;  ceux  qui  veulent 
tout  louer  rappellent  que  ce  pouvoir  ne  lui  a  pas  été 
concédé/Car  il  n'est  plus  possible  qu'il  se  trouve  un  homme 
qui  ait  assez  peu  d'intelligence  ou  d'honnêteté  pour  dire  : 
«  Je  voudrais  que  cela  fût  permis  ;  j'aurais  parlé  ainsi. 

—  Il  t'est  permis  de  parler./«  J'aurais  agi  ainsi.  /T —  Il 
t'est  permis  d'agir;  personne  ne  t'en  empêchera  J'aurais 
décidé  ceci.  »  —  Décide,  pourvu  que  ta  décision  soit  cor- 
recte i  tout  le  monde  approuvera.  «  J'aurais  jugé  ainsi.  » 

—  Tout  le  monde  fera  ton  éloge,  si  tu  juges  correctement 
et  dans  l'ordre. 

-139  Alors  que  cela  était  nécessaire  et  que  la  situation 
même  l'exigeait,  un  seul  homme  possédait  tous  les  pou- 
voirs ^depuis  que  cet  homme  a  créé  des  magistrats  et 
établi  des  lois/chacun  a  été  rappelé  à  l'exercice  de  ses 
fonctions  et  de  son  autorité/Ceux  qui  les  ont  recouvrées 
peuvent,  s'ils  désirent  les  Conserver,  en  rester  investis  à 
jamais^f  mais,  s'ils  viennent  à  commettre  ou  à  approuver 
ces  meurtres,  ces  rapines,  ces  exagérations  et  ces  profu- 
sions de  dépenses,  je  ne  veux  —  pas  même  à  titre  de 
présage  —  prononcer  contre  eux  aucune  parole  qui  soit 


11!)  PRO  SEX.  ROSCIO  AMERINO  KLVII-187 

uerbis  quidem  uituperare,  tum  uero  in  isto  bello  non 
recreatus  neque  restitutus,  sed  subactus  oppressusque 
populus  Romanus  est.  188  Verum  longe  aliter  est  ;  ail 
honnn  est,  iudices.  Non  modo  non  laedetur  causa  nobili- 
tatis,  si  istis  hominibus  resistetis,  uerum  etiam  ornabitur. 
XLVIIl  Etenim  <[ni  haec  uituperare  uolunt,  Chryso- 
gonumtantum  posse  queruntur;  qui  laudare  uolunt,  con- 
cessum  ri  non  esse  commémorant.  A.c  iam  nlhil  est  <[nod 
quisquam  aut  tam  stultus  aul  tam  improbus  sit  qui 
* 1 1 <-  ;it  :  Vellem  quidem  licerel  ;  hoc  dixissem.  >Dicas  lied. 
«Hoc  fecissem.  Facias  licet;  nemo  prohibet.  «  Hoc  de- 
creuissem.  Décerne,  modo'recte  ;  omnes  approbabunt. 
«  Hoc  iudicassem.  Laudabunt  omnes, si  recte  ci  ordine 
iudicaris, 

139  Dum  necesse  i  ra1  resque  ipsa  cogebat,  unus  om- 
nia  poterat  ;  qui  postea  quam  magistratus  creauit  leges- 
que  constituit,  sua  cuique  procuratio  auctoritasque  esl 
restituta. Quam  si  retinere  uolunt  ii  qui  reciperarunt,  in 
perpetuum  poterunt  obtinere  :  sin  lias  caedes  et  rapin 

et  hos  tantos  tamque  profusos  sumptus  nul  facient  aut 
approbabunt  —  nolo  in  eos  grauius  quicquam  ne  ominls 
quidem  causa  dicere,  unum  hoc  dico  :  nostri  isti  nobiles 
oisi  uigilantes  et  boni  et  fortes  et  miséricordes  erunt,  ii  s 
hominibus, in  quibus  haec  erunt,  ornamenta  sua  concé- 
dant uecesse  est. 

140  Quapropter  desinant  aliquando  dicere  maie  ali- 
quem  locutum  esse,  si  qui  uere  ac  libère  locutus  sit,  desi- 


137.  in  isto  beUo  :  Isto  bello  wt  Garatonl.  138.  laedetur  td. 
lunt.  1515,  uulgo  :  laeditur  nus.  ;  139.  uolunt  :  noient  Richler.  0 
ne  ominla  cjuldem  P.    Manuxiot  uulgo  :  ne  hominii  quidem  mss< 


xlviii-139  PLAIDOYER  POUR  SBX.  ROSC1U8  &AMÊRIE  120 

trop  dure.  Je  nie  borne  à  dire  ceci  :  notre  noblesse,  celle 
dont  je  parle,  devra  nécessairement,  si  elle  ne  fait  preuve 
de  vigilance,  de  bonté,  de  courage  et  de  miséricorde, 
abandonner  les  distinctions  dont  elle  se  pare  aux  hommes 
chez  qui  on  trouvera  les  qualités  que  je  mentionne.  / 

140  Ainsi  donc,  qu'ils  cessent  enfin  de  prétendre  que 
l'on  a  mal  parlé,  quand  on  a  parlé  avec  vérité  et  avec 
indépendance  ;  qu'ils  cessent  de  faire  cause  commune 
avec  Chrysogonus  et  de  croire,  si  Chrysogonus  reçoit  une 
blessure,  qu'ils  subissent  eux-mêmes  quelque  atteinte  ; 
qu'ils  considèrent  l'état  de  honte  et  de  misère  où  ils  se 
trouveraient,  eux  qui  n'ont  pas  pu  supporter  l'éclatante 
distinction  de  l'ordre  équestre  (1),  s'ils  pouvaient  sup- 
porter la  domination  du  plus  vil  des  esclaves.  Cette  domi- 
nation, juges,  se  donnait  jusqu'ici  carrière  autre  part; 
vous  voyez  maintenant  quelle  route  elle  se  construit, 
quel  chemin  elle  veut  prendre  :  elle  prétend  arriver  jus- 
qu'à votre  loyauté,  jusqu'au  serment  que  vous  prêtez, 
jusqu'aux  jugements  que  vous  rendez,  jusqu'à  tout  ce  qui 
reste  encore  à  peu  près  de  sincère  et  de  saint  dans  l'Etat. 
141  Même  ici,  Chrysogonus  pense-t-il  posséder  quelque 
pouvoir  ?  Même  ici,  veut-il  être  puissant  ?  Quelle  douleur  ! 
Quelle  misère  !  Et,  par  Hercule  !  mon  indignation  ne  vient 
pas  de  ce  que  je  redoute  qu'il  ait  quelque  pouvoir  :  mais 
qu'il  ait  eu  cette  audace,  mais  qu'il  ait  eu  l'espérance 
d'avoir  auprès  d'hommes  aussi  éminents  quelque  pouvoir 
pour  perdre  un  innocent,  voilà  justement  ce  dont  je  me 
plains. 

XL IX  Ainsi  donc,  la  noblesse,  dont  on  attendait  tel- 
lement, n'a  reconquis  par  les  armes  et  par  le  fer  le 
gouvernement  de  la  République  que  pour  donner  aux 
affranchis,  aux  vils  esclaves  des  nobles  la  possibilité  de 
faire  ravage  dans  nos  biens  et  dans  nos  fortunes  V  142  Si 

(1)  Cicéron  se  plaît,  en  toute  occasion,  à  vanter  l'éclatante  dis- 
tinction (splendor)  de  l'ordre  équestre  auquel  il  appartient  lui- 
même.  La  vieille  aristocratie,  qui  voyait  dans  Sylla  un  sauveur  de 
la  société,  n'avait  pu  supporter  la  suprématie  de  cet  ordre  dont 
l'exercice  de  la  justice  dans  les  tribunaux  et  le  privilège  de  la  ferme 
des  impôts  dans  les  provinces  faisaient  à  la  fois  une  noblesse  de 
robe  et  une  noblesse  de  haute  finance. 


120  PRO  SBX.  HOSCiO  AMRRINO  \ivm-140 

nant  suam  causain  cum  Chrysogono  communicare,  desi- 

nant,  si  ille  laesussit,  de  se  aliquid  detractum  arbitrari  ; 

uideant  ne  turpe  miserumque  siteos.quiequestremsplen- 

dorern  pati  non  potuerunt,  serui  nequissimi  dominatio- 

nem  tare  posse.  Quae  quidem  dominatio,  indices,  in  aliis 

rebus  antea  uersabatur,  nunc  uero  quam  uiam  munitefl 

et  quod  iter  adfectet  uidetis,  ad  fidem,  ad  lus  iurandum, 

ad  iudicia  aestra,  ad  id  quod  solum  prope  in  ciuitate  sin- 

cerum  sanctumque  restât.  141    Hicne  etiam  sese  putat 

aliquid  posse  Chrysogonus?  I  licneetiara  potensesse  unit  ? 

0  rem  miseram  atque  acerbam  !  Neque  me  hercules  hoc 

indigne  fero,  quod  uerear  ne  quid  possit,  uerum  quod  au- 

bus  est, quod  sperauit  sese  apud  taies  uiros  aliquid  posse 

ad  perniciem  innocentis,  id  Ipsum  queror. 

XL IX  [dcircone  exspectata  nobilitas  armis  atque  fer- 

ro  rem  publicam  reciperauit  ut  ad  libidinem  suam  liberti 

seruulique    nobilium  bona    fortunasf/uc  nostras  uexare 

possent  ?142  Si  id  actum  est,  fateor  me  errasse  qui  hoc 

maluerim,  fateor  insanisse  qui  cum  illis  senserim  :  tamet- 

si  inennis,  indices,  sensi.  Siu  autem  uictoria  nobilium 

ornamento  atque  emolumento  rei  publicae  populoque 

Romano  débet  esse,  tum  uero  optimo   et  nobilissimo 

cuique  mcam  orationem  gratissimam  esse  oportet.  Quod 

si  quis  est  qui  et  se  et  causam  laedi  putet,  cum  Chrys 

140.  quam  uiam  :  qua  uiam  Ren.  Boemoraeus,  ||  et  quod  iter  : 
quod  iter  y  V  uulgo  ;  quo  iter  Ren.  BoanOFQeUM,  Lambin,  fl  141. 
hienfl  etiam  sese:  hieine  etiam  sese  Ilalni.  [\  hicne  etiam  potens 
Clark  :  hic...  etiam  potens  H  ;  hic  etiam  potens  céleri  mss.,   ttttlgo. 

exspectata  :  experrecta  <•</.  tunt.  (515.  <,  bona  fortunasque 
nostras  Goratont  :  bona  fortnnaa  uestrasque  nostras  £  ;  bona  for- 

tnnas  uestras  nostrasque  a,  X,  Uulgc  ;  bona  fortunas  uestras   atqne 
nostras  céleri  mss.  ;  bona  fortunas  possessionesque  nostras  l\ 
bona  fortunas  arasque  nostras  Clark. 

iS 


xmx-142  plaidoyer  POUR  SBX.  ROSCIUS  &AMÉRIE   121 

tel  est  le  résultat  obtenu,  j'avoue  mon  erreur,  moi  dont 
les  préférences  ont  été  pour  le  succès  des  nobles  ;  j'avoue 
ma  folie,  moi  dont  les  sentiments  ont  été  les  leurs  :  si  je 
n'ai  pas  pris  les  armes  comme  eux,  juges,  j'ai  partagé 
toutefois  leurs  sentiments.  Mais,  si  la  victoire  des  nobles 
doit  être  une  gloire  et  un  avantage  pour  la  République  et 
pour  le  peuple  romain,  oh  !  alors, il  convient  que  mon 
discours  lasse  le  plus  grand  plaisir  aux  meilleurs  et  aux 
plus  nobles  des  citoyens.  Que  s'il  est  quelqu'un  qui  croie 
sa  personne  ou  sa  cause  atteinte  quand  Chrysogonus  est 
blâmé,  celui-là  ignore  tout  de  sa  cause,  mais  il  se  connaît 
lui-même  parfaitement.  Car  la  cause  de  la  noblesse  n'aura 
que  plus  d'éclat,  si  chacun  des  hommes  les  plus  scélérats  se 
voit  opposer  une  résistance  ;  et  tel  personnage  qui  fait 
preuve  de  la  plus  grande  improbité  en  favorisant  Chryso- 
gonus, qui  pense  qu'il  y  a  communauté  de  conduite  entre 
Chrysogonus  et  lui,  reçoit  l'atteinte  la  plus  grave  en  se 
séparant  d'une  cause  dont  la  gloire  est  éclatante. 

_,         .  143  Mais,  je  le  répète,  tout   ce  que  je  dis 

Péroraison  •   +  +    •     ,    i- 

maintenant,  je  le  dis  en  mon  propre  nom; 

c'est  l'intérêt  de  la  République,  c'est  la  douleur  que 
j'éprouve,  c'est  l'injustice  de  ces  gens-là  qui  m'ont  forcé 
à  parler  ainsi.  Sex.  Roscius  ne  s'indigne  d'aucune  de  ces 
injustices;  il  n'accuse  personne;  il  ne  se  plaint  aucunement 
d'avoir  été  dépouillé  de  son  patrimoine.  Dans  son  inexpé- 
rience des  mœurs  d'aujourd'hui,  ce  cultivateur  des  champs, 
cet  homme  de  la  campagne  croit  que  tout  ce  que  vous 
prétendez  être  des  actes  de  l'administration  de  Sylla  a 
été  fait  suivant  la  coutume,  la  loi,  le  droit  des  nations. 
Ce  qu'il  désire,  c'est  de  s'éloigner  de  votre  tribunal,  li- 
béré de  toute  inculpation,  déchargé  de  l'accusation  d'un 
crime  impie.  144  Que  cet  indigne  soupçon  disparaisse,  il 
déclare  qu'il  se  résignera  à  voir  disparaître  tous  les  avan- 
tages dent  il  jouissait.  Il  te  le  demande,  Chrysogonus,  il 
t'en  prie  :  si  de  l'immense  fortune  de  son  père  il  n'a  rien 
détourné  à  son  profit,  s'il  n'a  commis  aucune  fraude  à 
ton  égard,  si  c'est  avec  la  plus  parfaite  bonne  foi  qu'il  t'a 
cédé,  qu'il  t'a  compté,  qu'il  t'a  pesé  tout  ce  qu'il  possédait, 
s'il  t'a  remis  les  vêtements  dont  il  était  couvert  et  l'anneau 


121  PRO  SBX.  i;<>^'  ÏO  AMBR1N0  \ux-142 

nus  uituperetur,  ia  eausam  ignorât,  se  ipsum  probe  * 
nouit  ;  causa  enim  Bplendidior  Bet,  si  nequisstmo  cuique 
resistetur,  illc  improbissimus  Chrysogonifautorqui  sibi 
cum  illo  rationem  communicatam  putat  laeditur,  cum 
ab  hoc  splendore  causae  separatur. 

143  Verum  haec  omnk  oratio,  ut  iam  ante  dixi,  mea 
est,  qna  me  uti  res  publica,  et  dolor  meus,  et  istorum 
iniuria  coegit.  Sex.  Roscius  horum  nihil  Lndignum  putat, 
n eminem  accusai,  nihil  de  suo  patrimonio  queritur.  Pu- 
tat hum.)  imperitus  morum,  agricola  et  rusticus,  ista  om- 
uia,  quae  uns  per  Sullam  gesta  esse  dicitis,  more,  l< 
iure  gentium  facta  ;  culpa  Liberatus  et  crimine  nefario 
solutus,  cupit  a  uobis  disoedere.  144  Si  hac  indigna  sus- 
picione  carcat,aniino  aequo  se  carere  suis  omnibus  com- 
modis  dicit.  Rogat  oratque  te,  Chrysogone,  si  nihil  de  pa- 
tris  fortunis  amplissimis  in  suam  rem  eonuertit,  si  nulla 
in  rc  te  fraudauit,  si  tibi  optima  fide  sua  omnia  concessit, 
adnumerauit,  appençlit,  si  uestitum  quo  ipse  tectus  erat 
anulumque  de  àigito  suum  tibi  tradidit,  si  ex  omnibus 
rébus  se  ipsum  nudum  neque  praeterea  qoicquam  exce- 
pit,  ut  sibi  per  te  liceat  innoceiiti  amicorum  opibus  ui- 

tam  in  egestate  degere. 

L  145  Praedia  mea  tu  possides,  ego  aliéna  niiscricor- 

diauiuo;  concedo,  et  quod  animus  aequus  est,  et  quia 
necesse  est.  Mea  domus  tibi  palet,  mihi  clausa  est  ; 
fero.  Familia  mea  maxima  tu  uteris,  ego  seruuin  habeo 

142.  probe  nouit  Madoig  :  prope  non  nouit  mat.,  uulgo. 
dore:  splendor Richter.   |  143.  Sex.  Roscius  Madoig:  sed  Ro« 
mu.t  uulgo.  n  144.  de  diglto  suum  Rau Boemoraetu  :  dédit  m  suum 
dim.  ii  145.  aequus  est  et  td.  lunt.  1515  :  aequus  euet  mu.     maxi- 
ma tu  uteris  ai;  maximal  uteris  £  ;  maxima  uteris  eeteri  mu. ,  uulgo. 


xlix-144  PLAIDOYER  POUR  8BX.  ROSCIUS  WAMÊR1E  122 

qu'il  a  retiré  de  son  doigt,  si,  do  tous  ses  biens,  11  n'a  excepté 
que  sa  propre  personne  toute  nue  :  veuille  bien  lui  per- 
mettre de  mener,  lui  qui  n'a  rien  fait  de  mal,  grâce  aux 
secours  de  ses  amis,  une  vie  de  mendiant. 

L  145  Tu  possèdes  mes  propriétés  ;  moi,  je  suis  à  la 
miséricorde  d'autrui.  Je  cède  absolument,  car  mon  cœur 
se  résigne,  et  c'est  la  nécessité.  Ma  maison,  qui  s'ouvre 
pour  toi,  m'est  fermée  ;  je  le  supporte.  Tu  disposes  de 
l'ensemble  de  mes  gens,  qui  est  considérable  ;  je  n'ai  pas 
un  seul  esclave  :  je  le  souffre  et  j'estime  que  je  dois  le 
supporter.  Que  désires-tu  de  plus  ?  Pourquoi  me  pour- 
suivre ?  Pourquoi  m'attaquer  ?  En  quoi  estimes-tu  que 
j'aie  offensé  tes  désirs  ?  Où  vois-tu  de  ma  part  une  gêne  à 
tes  intérêts  ?  En  quoi  suis-je  pour  toi  un  obstacle  ?  Si 
c'est  pour  avoir  ses  dépouilles  que  tu  veux  la  mort  d'un 
homme,  cet  homme  tu  l'as  déjà  dépouillé  :  qu'exiges-tu 
de  plus  ?  Si  c'est  pour  cause  d'inimitiés,  quelles  inimitiés 
peux-tu  avoir  avec  celui  dont  tu  as  possédé  la  propriété 
avant  de  le  connaître  lui-même  ?  Si  c'est  la  crainte,  que 
peux-tu  craindre  de  celui  que  tu  vois  incapable  de  se 
défendre  lui-même  contre  une  si  atroce  injustice  ?  Si  c'est 
parce  que  les  biens  qui  ont  appartenu  à  Roscius  sont 
devenus  ta  propriété  que  tu  tiens  à  perdre  son  fils,  ne 
montres-tu  pas  que  tu  redoutes  —  et  moins  que  tout  au- 
tre tu  ne  devrais  avoir  pareille  crainte  —  que  les  biens  qui 
leur  viennent  de  leurs  pères  ne  soient  un  jour  rendus  aux 
enfants  des  proscrits  ? 

146  Tu  peux  faire  preuve  d'injustice,  Chrysogonus,  si  tu 
fondes  plus  d'espérances  pour  la  validité  de  ton  achat  sur 
la  mort  de  mon  client  que  sur  les  actes  que  L.  Sylla  a  ac- 
complis. Si  tu  n'as  aucune  raison  de  vouloir  accabler  ce 
misérable  d'une  telle  calamité,  s'il  t'a  livré  tous  ses  biens, 
excepté  sa  vie,  s'il  ne  s'est  rien  réservé  de  ce  qui  apparte- 
nait à  son  père,  pas  même  un  droit  de  passage  pour  aller 
à  son  monument  funéraire,  par  les  dieux  immortels  ! 
qu'est-ce  donc  que  cette  excessive  cruauté,  qu'est-ce  que 
cette  nature  féroce  et  inhumaine  ?  Quel  homme  de  proie 
fut  jamais  assez  criminel,  quel  pirate  assez  barbare  pour 
préférer  arracher  des  dépouilles  ensanglantées,  alors  qu'il 


122  PRO  si  x.  ROSCIO  AMER1N0  l-145 

imlliiin  ;  patior  et  ferendum  puto.  Quid  uis  amplius  ? 
quid  insequeris,  quid  oppugnas?  qua  in  re  tuam  uolun- 
tatem  laedia  me  putas?  ubi  tuis  commodis  officio?  quid 
tibiobsto?  Si  spoliorum  causa  uis  hominem  occidere, 
spoliasti;  quid  quaeria  amplius  ?  Si  inimicitiarum,  quae 
Bunt  tibi  inimicitiae  cum  eo  cuius  ante  praedia  pi 
disti  quam  ipsum  cognosti?  Se  metus,  ab  eone  aliquid 
induis  quem  aides  ipsum  ab  se  tam  atrocem  iniuriam 
propulsais  non  posse  ?  Sin,  quod  bona  quae  Rosci  fue- 
runt  tua  fada  sunt,  idcirco  hune  illius  filium  studes 
perdere,  nonne  ostendis  id  te  uereri,  quod  praeter  cete- 
rostu  metuere  aondebeas,  ne  quando  liberis  proscripto- 

nun  bona  patria  reddantur  ? 

146  Pacis  iniuriam,  Cbrysogone,  si  maiorem  spem 
emptionis  tuae  in  huius  exitio  ponis  quam  in  iis  rébus 
quaa  L.  Sulla  gessit.  Quod  si  tibi  causa  nulla  est  cur  hune 

misemm  tanla  calamitale  adficî  uelis,  si  tibi  omnia  sua 
praeter  animam  tradidit  nec  sibi  quicquam  paternum  ne 
monument]  quidem  causa  reseruauit,  per  deos  immorta- 
les  !  quae  ista  tanta  crudelitas  est,  quae  tam  fera  huma- 
nisque  nature  ?  Quis  umquam  praedo  fuit  tam  aefarius, 
quis  pirata  tam  barbants,  nt.runi  integram  praedam  sine 
sanguine  babere  posset,  cruenta  spolia  detrahere  mallet  ? 
147  Scis  hune  nihil  babere,  nihil  audere,  nihil  posse,  ni- 
liil  umquam  contra  rem  tuam  cogitasse,  et  tamen  oppu- 
gnas eum  quem  neque  metuere  potes  neque  odisse  debes 

cognosti  :  cognouisti  WyHalm.   si  metua  Madolg  :  sin  metuia  mss.t 
uulgo.  ||  quod  bona  éd.  Aid.  1519  :  bonamtt.     Rosd  :   Sr\.  ! 
liuhtcr.  h  146-  In  iis  reluis  r:  inhifl  rebut  ©  teri  mtt.  uulgo.  |  canta 

ri-MTiiauit  y1  :  causa  clarc  si-ruauit  cricri  mss.  ;  causa  clam  reser- 
uauit Dltt.  Oxford,  mss.  Palal.,  llùchncr. 


I.-146     PLAIDOYER  POUR  SEX.  HOSCIUS  &AMÉRIE        123 

pouvait  avoir  la  proie  entière  sans  verser  de  san 
147  Tu  sais  que  cet  homme  ne  possède  rien,  qu'il  n'< 
rien,  qu'il  nepeut  rien,  que  jamais  il  n'a  rien  médité  contre 

tes  intérêts  :  et,  cependant,  tu  l'attaques,  lui  que  tu  ne  peux 
pas  craindre,  lui  que  tu  ne  dois  pas  haïr,  lui  à  qui,  tu  le 
vois,  il  ne  reste  rien  que  tu  puisses  lui  arracher.  Peut-être 
cela  te  paraît-il  une  indignité  de  voir  assis  sur  les  bancs  de 
ce  tribunal,  recouvert  d'un  vêtement,  cet  homme  que  tu 
as  chassé  de  ses  biens  patrimoniaux  aussi  nu  qu'on  l'est 
après  avoir  échappé  à  un  naufrage.  Comme  si  tu  ignorais 
que  ses  aliments  et  ses  vêtements  lui  sont  fournis  par 
Caecilia,  cette  femme  si  considérée, qui,  elle  qui  avait  un 
très  illustre  père,  des  oncles  paternels  de  la  plus  haute  dis- 
tinction, un  frère  d'un  mérite  éminent,  est  cependant  ar- 
rivée par  sa  vertu,  —  elle,  une  femme,  —  à  donner  aux 
hommes  de  sa  famille  une  gloire  aussi  grande,  due  aux 
éloges  dont  elle  était  digne,  que  l'honneur  qui  lui  venait  à 
elle-même  de  leur  position  élevée  dans  l'Etat. 

LI  148  Est-ce  le  zèle  qu'on  met  à  le  défendre  qui  te 
paraît  être  un  crime  indigne  ?  Crois-moi  :  si,  en  considé- 
ration des  liens  d'hospitalité  qui  les  unissaient  à  son  père 
et  de  la  reconnaissance  qu'ils  lui  doivent,  tous  ceux  qui 
furent  ses  hôtes  voulaient  bien  être  présents  ici  et  osaient 
le  défendre  librement,  il  aurait  un  nombre  suffisant  de 
défenseurs  ;  mais  si,  en  considération  de  la  gravité  de 
l'injustice,  en  considération  de  ce  fait  qu'en  le  mettant 
en  péril  on  commet  un  attentat  contre  les  intérêts  essen- 
tiels de  la  République,  tous  voulaient  tirer  vengeance 
des  actes  qui  ont  été  commis,  par  Hercule  !  il  ne  vous 
serait  pas  permis  de  demeurer  à  la  place  où  vous  êtes. 
Les  conditions  dans  lesquelles  il  est  présentement  défendu 
ne  doivent  certainement  pas  gêner  ses  adversaires,  ni  leur 
donner  à  penser  qu'ils  sont  vaincus  par  une  puissance 
supérieure  à  la  leur. 

149  Pour  la  gestion  de  ses  intérêts  domestiques,  Cae- 
cilia s'en  charge  ;  quant  à  la  conduite  de  ses  affaires  au 
Forum  et  en  justice,  c'est  M.  Messalla,  comme  vous  le 
voyez,  juges,  qui  l'a  assumée.  S'il  en  avait  déjà  l'âge  et 


123  '  SEX.  ROSCIO  AMBRINO  1.147 

ncc  quicquam  tara  habere  reiiqui  aides  quod  ei  d 
possis.  Nisi  hoc  Lndignum  putas,  quod  uestitum 
in  iudicio  aides,  quem  tu  e  patrimonio  banquam  e  nau- 
fragio  Qudum  expulisti.  Quasi  uero  aescias  aune  et  ali  et 
uestiri  a  Caecilia  **,  spectatissima  femina,  quae  cum  pa- 
trem  clarissimum,  amplissimos  patruos,  ornatissimum 
fratrem  haberet,  tamen  cum  esset  muUer,  uirtute  per- 
fecit  ut,  quanto  honore  [psa  ex  illorum  dignitate  adflce- 
retur,  non  minora  illis  ornamenta  ex  sua  laude  redderet. 

Ll  143  An,  quod  diligenter  defenditur,  [d  tibi  indi- 
gnum facinus  uidetur?  Mihi  crede,  si  pro  patris  huius 
hospiti/s  et  gratia  uellent  omnes  hu/V  hospites  adesse  et 
auderenl  libère  defendere,satis  copiose  defenderetur;  sin 
autem  pro  magnitudine  iniuriac  proque  eo,  quod  summa 
res  publica  in  huius  periculo  tentatur,  hacc  omnes  uindi- 
nt,  consistereme  hercule  uobis  istoin  loconon  liceret. 
Nunc  ita  defenditur,  non  sane  ut  moleste  ferre  aduer 
debeant  neque  ut  se  potentia  superari  putent. 

149 Quae  domi  gerenda  sunt,  ea  per  Caeciliam  transi- 
guntur,  fori  iudicique  rationem  M.  Messal/a,  ut  uidetis, 
iudiees,  SUSCepit  ;  qui,  si  iam  salis  aetatis  ae  roborishahe- 
ret,  ipse  pro  Sex.  Roscio  diceret.  Quoniam  ad  dieendum 
impedimento  est  aetas  et  pudor,  qui  ornât  aetatem,  cau- 
sam  mihi  tradidit,quemsua  causa  cupere  ac  debere  int»-l- 
legebat,  ipse  adsiduitate,  consilio,  auctoritate,  dili^entia 

147.  Caecilia  Garatoni : Caacllla Ballaria  ftlia,Nepotissorore  n 
CaecUia  Balearid  filia,  Nepotis  sorore  /'.  Manuzio,uulgo;  cf.  §  -7. 
||  patrem  clarissimum  :  clarissimum  patrem  wt  Hulm.  ||  148.  butas: 
elused.  Aid.  1519,  uulgo,  |  hospitttf  ed.   Yen.  1471  :  hospitlsoi 
huic  hospites  \.  Bberhard  :  huius  hospites  mu.fuulgo.  i  149.  <M.  - 
MessauaAfu  Mer:Messala  nus.  ;  Messalla  Lambin;  <M.>Messala 
Garatoni. 


1. 1-149     PLAIDOYER  POUR  SBX,  ROSC1US  VAMÉRIE       124 

la  force  (1),  il  plaiderait  hli-même  pour  Sex.  Rotciui  : 
comme  son  âge  et  sa  modestie,  qui  en  est  la  parure, 
l'empêchent  de  plaider,  il  m'a  confié  cette  cause  :  à  cause 
de  lui,  il  s'en  rendait  compte,  mon  désir  et  mon  devoir 
étaient  de  la  défendre.  Personnellement,  grftce  à  sa  pré- 
sence assidue,  à  sa  prudence,  à  son  crédit,  à  son  activité, 
il  a  réussi  à  obtenir  que  la  vie  de  Sex.  Roscius,  arrachée 
des  mains  des  dépeceurs  de  biens,  fût  remise  aux  décisions 
des  juges.  Voilà,  croyez-le  bien,  juges,  la  noblesse  pour 
laquelle  la  plus  grande  partie  des  citoyens  a  pris  les  armes  ; 
si  l'on  a  agi  ainsi,  c'est  pour  rétablir  dans  leurs  droits  de 
citoyens  les  nobles  capables  de  faire  ce  que  vous  voyez 
Messalla  faire  aujourd'hui,  capables  de  prendre  la  défense 
de  la  personnalité  civile  d'un  accusé  innocent,  capables 
de  résister  à  l'injustice  et  de  mieux  aimer  montrer  l'é- 
tendue de  leur  pouvoir  en  sauvant  qu'en  perdant  leurs 
concitoyens.  Si  tous  ceux  qui  sont  nés  dans  ce  même  rang 
se  conduisaient  comme  Messalla,  la  République  aurait 
moins  à  souffrir  par  leur  faute  et  ils  souffriraient  moins 
eux-mêmes  de  la  haine  dont  ils  sont  l'objet. 

LU  150  Mais,  juges,  si  nous  ne  pouvons  obtenir  de 
Ghrysogonus  qu'il  se  contente  de  notre  fortune  et  qu'il 
ne  réclame  pas  notre  vie  ;  s'il  ne  peut  être  amené,  après 
nous  avoir  dépouillé  de  tout  ce  qui  nous  appartenait  en 
propre,  à  ne  pas  désirer  nous  ravir  encore  la  lumière  du 
jour,  dont  la  jouissance  appartient  en  commun  à  tous  ; 
si  l'argent  ne  lui  suffit  pas  pour  assouvir  son  avidité,  et  si 
sa  cruauté  exige  encore  qu'on  lui  fournisse  du  sang  :  il  ne 
reste  plus  pour  Sex.  Roscius,  ainsi  que  pour  la  République, 
de  refuge  et  d'espoir  que  dans  les  sentiments  de  bonté 
et  de  miséricorde  que  vous  professiez  autrefois.  Si  ces 
sentiments  restent  les  mêmes,  nous  pouvons  encore  être 
sauvés.  Mais  si  la  cruauté,  qui,  ces  temps  derniers,  s'est 

(1)  M.  Valerius  Messalla  Niger, qui  devait  acquérir  une  bonne  répu- 
tation d'orateur,  et  qui  fut  consul  en  693/61,  était  plus  jeune  que 
Cicéron.  Brulus,  lxx,  246  :  M.  Messalla,  minor  natu  quam  nos 
nullo  modo  inops,sed  non  nimis  ornatus  génère  uerborum  ;  prudens 
acutus,  minime  incautus  patronus,  in  causis  cognoscendis  com- 
ponendisque  diligens,  magni  laboris,  multae  operae,  muitarum- 
que  causarum. 


121  PRO  SEX.  ROSCIO  AMBRINO  li-149 

perfecit  ut  Sex,  Rosci  uita  erepta  de  manibus  secto- 
mm  sententiis  iudicum  permitteretur.  Nimirum,  indices, 
pro  bac  nobilitate  pars  maxima  ciuitatis  in  armia  fuit  ; 
haec  acta  res  est  ut  iî  nobiles  restituerentur  in  ciuitatem 
qui  hoc  facerent  quod  facere  Messal/am  uidetis,  qui  caput 
innocentas  defenderent,  qui  iniuriae  résistèrent,  qui  quan- 
tum possent  in  saliiir  alterius  quam  in  exitio  mallent 
ostendere  :  quod  si  omnes  qui  eodem  loco  nati  sunt 
facerent,  et  res  publica  ex  illis  et  ipsi  ex  inuidia  minus  la- 
borarent. 

LU  150  Verum  si  a  Chrysogono,  iudices,  non  impe- 
tramus  nt  pecunia  aostra  contentas  sit,  uitam  ne  petat, 
si  Ole  adduci  non  potest  ut,  cum  ademerit  nobis  omnia 
quae  nostra  erant  propria,  ne  lucem  quoque  hanc  quae 
communia  est  eripere  cupiat,  si  non  salis  habet  auaritiam 
suam  pecunia  explere,nisi  etiam  crudelitatisanguzsprae- 
Mtus  sit,  ununi  perfugium,  iudices,  una  spes  reliqua  est 
Sex.  Roscio,  eadem  quae  rei  publicae,  uestra  pristina  bo- 
nitas  et  misericordia.  Quae  si  manet,  salui  etiam  nunc 

esse  possumus  ;  sin  ea  erudelitas  quae  hoc  tempore  in  tt 
publier/  uersata  est  uestros  (iuoquc  animos — id  quod  fie- 
ri  profecto  non  potest  —  durions  acerbioresque  reddit, 

actum  est,  indices  ;  inter  feras  satins  est  aetatem  degere 

quam  in  bac  tanta  immanitate  uersari. 


ut  11  nobilea  Madoig  :  ut!  nobiles  nus,,  uulgo.  i  Messallam  Lam- 
bin  : Messalam  mat.  150.  crudelitati  languis  praebitus  Madotg: 
crudelitati  sangulnis  praeditusA  ;  crudelitate  sanguinis  praeditua 
cricri  rnss.  :  crudelitate  sangulnis  peiiitua  uulgo;  crudelitati  san- 
guine perlitarit  c<>ni.  Jean  Le  Clerc  :  crudelitati  sanguine  perli- 
tatum  cont.  Clark,  eadem  quae  éd.  huit.  1534  :  eademque  mu. 
Il  In  re  publica  cd.  Médiat,  i  198  :  In  rem  pubtteam  dus.  :  reddit  : 
iTdilidit  0  uulgo  ;  reddideitl  A.  Bberhard 


ui-150    PLAIDOYER  POUR  SEX.  ROSCIUS  WAMÊRIE       ] 

donné  carrière  dans  la  République,  rend    vos  cœurt  — 

certes,  il  ne  peut  en  être  ainsi  —  durs  et  féroce»,  c'en  est 
fait,  juges.  Mieux  vaudrait  passer  sa  vie  parmi  les  bête» 
sauvages  que  de  demeurer  au  milieu  d'une  telle  bar- 
barie. 

151  Est-ce  pour  cela  que  vous  avez  été  sauvés  des 
massacres,  que  vous  avez  été  choisis  comme  juges  ?  Est 
pour  condamner  ceux  que  les  dépeceurs  de  biens  et  le» 
sicaires  n'auraient  pu  égorger  ?  Les  bons  généraux  ont 
coutume,  au  moment  où  ils  engagent  le  combat,  de  placer 
des  soldats  à  l'endroit  vers  lequel  ils  pensent  que  la  fuite 
des  ennemis  se  dirigera,  pour  que  ces  soldats  puissent  tom- 
ber à  l'improviste  sur  ceux  des  ennemis  qui  auraient  fui 
de  la  ligne  de  bataille.  Ces  acheteurs  de  biens  prétendent 
apparemment  agir  de  la  même  manière  :  ils  pensent  que 
des  hommes  tels  que  vous  siègent  à  cette  place  pour  arrê- 
ter les  victimes  qui  se  seraient  échappées  de  leurs  mains. 
Fassent  les  dieux,  juges,  que  votre  conseil,  auquel  nos 
ancêtres  ont  tenu  à  donner  le  nom  de  conseil  public,  ne 
soit  pas  regardé  comme  le  poste  de  soutien  des  dépeceurs 
de  biens  !  152  Mais,  juges,  ne  le  comprenez- vous  pas  ?  Il 
ne  s'agit  d'autre  chose  que  de  se  défaire  par  n'importe 
quel  moyen  des  enfants  des  proscrits  ;  on  réclame  que  le 
premier  exemple  de  ces  exécutions  soit  donné  par  la  sen- 
tence que  vous  rendrez  sous  la  foi  du  serment  et  par  la 
situation  périlleuse  où  se  trouve  Sex.  Roscius.  Quel  est 
l'auteur  du  crime  ?  pouvez-vous  en  douter,  quand  vous 
voyez  d'une  part  un  dépeceur  de  biens,  un  ennemi,  un 
sicaire,  qui  se  fait  maintenant  accusateur,  d'autre  part, 
réduit  à  l'indigence,  un  fils  estimé  de  tous  ses  proches,  en 
qui  on  n'a  pu  reconnaître  aucune  culpabilité,  sur  qui 
même  aucun  soupçon  n'a  pu  s'arrêter  ?  Ne  le  voyez-vous 
pas  ?  Il  n'y  a  qu'un  seul  obstacle  au  salut  de  Roscius  :  les 
biens  de  son  père  ont  été  vendus. 

LUI  153  Si  vous  prenez  la  responsabilité  d'une  pa- 
reille entreprise,  si  vous  offrez  vos  services  pour  la  faire 
réussir,  si  vous  siégez  ici  pour  qu'on  amène  devant  vous 
les  enfants  de  ceux  dont  les  biens  ont  été  vendus  :  au  nom 
des  dieux  immortels,  prenez  garde,  juges,  que  par  vos 


125  PJtO    SEX.  ROSCIO  AMERINO  i.u-151 

151  Ad  eamne  rem  uos  reseruati  i  stis,  ad  eamne  rem 
delecti,ut  eos  condemnaretia  quossectoresac  sicarii  Lugu- 
lare  non  potuissenl  ?Solen1  hoc  boni  imperatores  facere, 
cum  proelium  committunt,  ut  in  eo  loco  quo  fugam  hos- 
tiuni  fore  nrbilrenlur milites  colloeenl,  in  cjuos  si  qui  ex 
acie  fugerint  de  improuiso  incidant.  Nimirum  similiter 
arbitranturisti  bonorum  emptores  nos  hic, taies  uiros,  sc- 
dere,  qui  excipiatis  eos,  qui  de  suis  manibus  effugerint. 
l)i  prohibeant,  iudices,  ne  hoc, quod maiores  conailium 
publicum  uocari  uoluerunt,  praesidium  sectorum  existi- 
metur  !  152  An  uero,  iudices,  uos  non  intellegitis  niliil 
aliud  agi,  nisi  ni  proscriptorom  liberi  quauis  ratione  tol- 
lantur,  et  eius  rei  initium  in  uestro  iure  iurando  atque  in 
Sex.  Rosci  periculo  quaeri  ?  Dubium  est,  ad  ([nom  maie- 
ticinin  pertineat,  cum  uideatis  ex  altéra  parle  sectorem, 
inimicum,  sicarium  eundemque  accusatorem  hoc  tempo- 
r  .  i  x  altéra  parte  egentem,  probatum  suis  (ilinm,  in  quo 
non  modo  culpa  uulla,  sed  ne  suspicio  quidem  potuil 
consistere  ?  Numquid  hic  aliud  uidetis  obstare  Roscio 
nisi  quod  palris  bona  uenierunf  .' 

LU1 153  Quod  si  id  uos  suscipitiset  eam  adremope- 
ram  uestram  profitemini,  si  ideirco  sedetis,  ut  ad  uos  ad- 
ducantur  eorum  liberi  quorum  bona  uenierunl,  cauete, 
per  deos  immortales  !  indices,  ne  noua  et  multo  crudelior 
per  uos  proscriptio  instaurata  esse  uideatur.  Illam  prio- 
rem,  qûae  Eacta  est  in  eos  qui  arma  capere  potuerunt, 

15Î .  ne  hoc  WhiUê  :  Ut  hoc  jRSt .,  mil  152.  dubium  est  :   du- 

biomne  est  w,  Kayser.      hk  o  :  hic... Sex.  Roscio  Halm  ; 

haie...  <Rosclo  •   Maduig.     153.  et  eam  a<i  rem   Gulielmitu  :  et 
eandem  rem  ?,  X  :  et  eadem  rem  céleri  mu.  ;  et  eadem  in  re  uulgo  ; 

et    ftd  eam  rem  Halm. 


liii-153     PLAIDOYER  POUR  SBX.  ROSCIUS  WAMERIE     128 

actes  une  nouvelle  proscription  ne  paraisse;  recommencer, 
et  beaucoup  plus  cruelle.  La  première  a  été  dirigée  contre 
ceux  emi  ont  été  capables  de  prendre  les  armes  ;  et,  cep<  n- 
dant,  le  Sénat  n'a  pas  voulu  en  assumer  la  responsabilité  : 
il  ne  voulait  pas  qu'un  acte  qui  dépasse  la  rigueur  au- 
torisée par  les  coutumes  de  nos  ancêtres  parût  avoir  la 
sanction  du  conseil  public.  Mais  cette  proscription  qui 
concerne  les  fils  des  proscrits  (1),  qui  s'étend  jusqu'au  ber- 
ceau des  petits  enfants,  privés  encore  de  la  parole,  si  par 
le  jugement  que  vous  allez  rendre  vous  ne  la  rejetez  pas 
loin  de  vous,  vous  ne  la  repoussez  pas  avec  mépris,  voyez, 
par  les  dieux  immortels!  voyez  où  vous  pensez  que  la 
République  va  en  venir. 

154  Des  hommes  sages,  pourvus  de  cette  autorité  et 
de  ce  pouvoir  que  vous  possédez,  doivent  porter  les  plus 
grands  remèdes  aux  plus  grands  maux  dont  la  République 
souffre.  Il  n'est  personne  de  vous  qui  ne  s'en  rende  compte  : 
le  peuple  romain,  dont  on  estimait  jadis  la  très  grande 
clémence  envers  ses  ennemis,  souffre  aujourd'hui  d'une 
cruauté  qui  s'exerce  contre  ses  citoyens.  Faites-la  dispa- 
raître de  l'État,  cette  cruauté,  juges  ;  ne  tolérez  pas  qu'elle 
se  donne  carrière  plus  longtemps  dans  la  République.  La 
mort  si  atroce  de  tellement  de  citoyens  n'est  pas  le  seul 
mal  qu'elle  ait  produit  ;  elle  a  encore  étouffé  toute  misé- 
ricorde dans  l'âme  des  hommes  les  plus  cléments  en  les 
habituant  à  tout  ce  qui  est  mauvais.  Car,  lorsqu'à  toute 
heure  nous  voyons,  nous  apprenons  quelque  atrocité,  nous 
avons  beau  avoir  un  naturel  très  doux,  la  continuité  de  ces 
événements  pénibles  fait  perdre  à  nos  âmes  tout  sentiment 
d'humanité. 

(1)  Salluste  (HisL,  I,  Fragm.  55,  éd.  Maurenbrecher)  fait  pro- 
noncer par  le  consul  M.  Aemilius  Lepidus  (676  /78)  un  violent  dis- 
cours où  les  dispositions  tyranniques  prises  par  Sylla  contre  les 
fils  des  proscrits  sont  éloquemment  attaquées.  En  l'an  691  /63, 
pendant  son  consulat,  le  défenseur  de  Sex.  Roscius  devait,  pour 
obéir  à  des  nécessités  politiques,  demander  dans  son  discours  De 
proscriptorum  ftliis  le  maintien  de  la  lex  Cornelia  de  proscripiis, qui 
privait  les  fils  des  proscrits  des  biens  paternels  et  leur  interdisait 
l'accès  aux  fonctions  publiques. 


12G  PRO  SEX.  ROSCIO  AMERINO  liii-153 

tamen  senatus  suscipere  noluit,  ne  quid  acriua  quam  mo- 
rt1 maiorum  comparatum  est,  publico  consilio  factum 
uideretur;  liane-  uero  quae  ad  corum  liberos  atque  ad 
infantium  puerorum  incunabula  pertinet  nisi  hoc  iudicio 
a  uobifl  reicitia  et  aspernamlni,  uidete,per  deos  immor- 
tales  !  queni  in  locnin  rem  publicam  peruenturam  pute- 
tis! 

154  I  [omines  sapientes  ei  ista  auctoritate  et  potestati- 
praeditos  qua  nos  estia  ex  quibus  rébus  maxime  res  pu- 
blica  Laborat,  Lis  maxime  mederi  conuenit.  Wstrum  ne- 
mo  est  (juin  intellegal  populum  Romanum,  qui  quondam 
in  hostes  lenissimus  existimabatur,  hoc  tempore  domes- 
tica  crudelitate  laborare.  I  lanc  tollite  ex  ciuitate,  iudices, 
banc  pati  nolite  diutius  in  bac  re  publica  uersari  ;  quae 
non  modo  id  habet  in  se  mali  quod  tôt  ciues  atrocissime 
Bustulit,  uerum  etiam  hominibus  lenissimis  ademit  mise- 
ricordiam  consuetudine  ineommodorum.  Nam,  cum  om- 
nibus horis  aliquid  atrociter  fieri  uidemus  aut  audimus, 
etiam  qui  natura  mitissimi  sumus  adsiduitate  molestia- 
rum  sensum  omnem  humanitatis  ex  animis  amittimus. 

comparatum  esl  td,  Rom.  1471  :  comparatum  mat.  ;  compara- 
tum esset  RinkûS.  ||  peruenturam  :  uenturam  Hulm.  ||  154.  uerum 
etiam  :  uerum  etiam  quod  Lambin. 


N  ) 


M.  TVLLI  CICEKONIS 

PRO  Q.  110SCIO  COMOEDO 

ORATIO 


NOTICE 


Nous  n'avons  aucun  renseignement  précis  sur  la  date 
du  plaidoyer  pour  le  comédien  Roscius.  On  a  fait  varier 
cette  date  de  l'an  671  83  a  l'an  688/66  ;  on  a  vu  dans  le 
Pro  Q.  Roscio  comoedo  un  discours  antérieur  au  Pro  P. 

QuiilCtio  ou  un  discours  postérieur  aux  Ycrriucs.  Rien 
dans  le  plaidoyer  n'en  Indique  la  date.  Cicéron  fait  sim- 
plement allusion  à  sa  jeunesse  (1);  en  disant  qu'il  est  un 
adiilesccns  qui  ne  peut  se  comparer  en  rien  à  d'éminents 
sénateurs,  il  donne  à  entendre  qu'il  n'est  pas  encore 
entré  dans  la  carrière  des  honneurs.  Il  est  donc  permis 
de  mettre  le  plaidoyer  pour  Q.  Roscius  au  nombre  des 
causae  nobiles,  qui  nous  sont  inconnues,  et  que  Cicéron 
dit  avoir  plaidées  l'année  où  il  était  candidat  à  la  questure, 

c'est-à-dire  l'an  tiT.s  76  (2). 

Un  certain  C.  Fannius  Chaerea,  dont  nous  ne  savons 
rien  (pie  le  mal  qui  est  dit  de  lui  par  Cicéron,  avait  con- 
fié à  Koscius  un  jeune  eselave,  Panurge,  pour  tu  faire  un 
comédien.  Fannius  et  Roscius  étaient  donc  associas  :  le 
maître  de  l'esclave  apportait  le  capital,  Panurge  ;  le  célèbre 
comédien,  son  industrie,  c'est-à-dire  son  enseignement, 
et  ils  devaient  se  partager  par  moitié  les  produits  île 
l'esclave  qui,  une  fols  instruit,  devenait  le  fonds  s. niai  à 
exploiter.  L'instruction  de  l'élève  comédien  était  ter- 
minée, le  fonds  social  commençait  a  être  en  plein  rap- 
port, quand  un  nommé  Q,  Flavius,  originaire  de  Tar- 
quinies,  tua   Panurge   dans  des  circonstances  qui   nous 

(  1 1  Q.  /».  ,  w,  j  i  :...mea  adulescentla. 

(2)  Brattu,  xcii,  318:  Vnum  i^itur  uuram,cum  redissemu 

Asia,  causas  notules  (.'uinius,  cum  quai/sturain  nos  consulatum 
Cotta  aedilitatem  peteret  Hortensius. 

iS 


NOTICE  131 

sont  inconnues.  Fannius  se  chargea  de  poursuivre  contre 
le  meurtrier,  au  nom  de  l'association,  l'action  en  indemnité 
à  raison  d'un  préjudice  causé  sans  droit.   Le  chevalier 
romain   C.    Cluvius   fut   désigné   comme   juge.    L'affaire 
traînant  en  longueur,  Roscius  transigea  pour  sa  part  de 
l'association   avec  le   meurtrier,  qui   lui   abandonna   un 
petit  bien  foncier  de  peu  de  valeur.  Roscius  renonçait 
ainsi  à  toute  poursuite.  Quelques  années  après,  la  pro- 
priété, sagement  administrée  par  Roscius,  était  devenue 
importante.  Fannius   réclamait    la  moitié    de  la  valeur 
qu'elle  avait  acquise,  sous  prétexte  que  Roscius  n'avait 
pas  traité  avec  Flavius  pour  sa  part  personnelle  de  l'as- 
sociation, mais  bien  au  nom  des  deux  associés.  Il  intenta 
contre  Roscius  l'action  pro  socio  (règlement  de  comptes 
entre  associés),  qui    devait  être  soumise   à    un  arbiler. 
L'arbitre,   C.    Calpurnius  Piso  (1),    décida    que   Roscius 
verserait    immédiatement  à  Fannius    quinze   mille    ses- 
terces pour  le    désintéresser  de  ses  soins  et  peines  dans 
l'instance   et  que,  d'autre  part,    Fannius    remettrait  à 
Roscius   la  moitié  des  sommes  qu'il    pourrait,  dans    la 
suite,  recouvrer  de  Flavius. Fannius  obtint,  en  effet,  de  lui 
cent  mille  sesterces  ;  non  content  de  ne  pas  remettre  à  Ros- 
cius la  moitié  de  cette  somme,  il  prétendait  exiger  de  lui, 
en  vertu  d'une  ancienne  restipulation  qu'ils  avaient  con- 
clue tous  les  deux,  une  somme  de  cinquante  mille  ses- 
terces représentant  la  moitié  de  la  valeur  acquise  par  la 
propriété  rurale  que  Flavius  avait  autrefois  abandonnée 
à  Roscius. 

Dans  le  procès  intenté  par  Fannius  pour  obtenir  les 
cinquante  mille  sesterces,  le  juge  était  C.  Calpurnius  Piso, 
qui  avait  été  l'arbitre  quand  l'affaire  à  ses  débuts  pouvait 
aboutir  à  une  conciliation.  Parmi  les  assesseurs  du  juge  se 
trouvait  M.  Perpenna  (2).  Fannius  avait  pour  avocat 
P.  Saturius,  dont  Gicéron  traite  sévèrement  le  talent  et  la 

(1)  Probablement  C.  Calpurnius  Piso,  qui  porta  pendant  son 
consulat  (687/67)  la  rigoureuse  lex  Calpurnia  de  ambitu. 

(2)  Il  est  peu  probable  qu'il  s'agisse  de  M.  Perpenna,  le  légat, 
puis  le  meurtrier  de  Sertorius,  qui  devait  combattre  en  Espagne 
au  moment  du  procès  de  Roscius  et  de  Fannius. 


132  NOTH 

moralité,  alors  que,  dans  le  plaidoyer  pour  A.  Cluentius 
Habitus  (688/66),  il  rend  hommage  à  sa  loyauté  et  a  son 
intégrité  (1). 

1  ,e  plaidoyer  pour  le  comédien  Roscius  nous  est  parvenu 
très  Incomplet  ;  le  commencement  et  la  fin  manquent  ;  il 
ne  reste  qu'une  partie  de  la  confirmation,  il  est  difficile 
d'évaluer  ce  que  devait  être  retendue  de  ce  discours  dont 
Ce  qui  reste  équivaut   a  un  peu  plus  du  tiers  du  Pro  SfiX, 

Roscio  Amerino  et  à  an  peu  plus  de  la  moitié  du  Pro  P. 
Quinctio.  C'était  un  plaidoyer  civil  qui  ne  pouvail  avoir 
de  développements  considérables  ;  d'ailleurs,  l'avocat  n'y 
trou  vait  qu'une  matière  Infertile  et  petite,  ,  aucune  occa- 
sion ù  des  développements  sur  la  politique,  comme  dans 
les  affairés  de  Quinctius  et  de  Roscius  d'Amérie. 

Mais,  tel  qu'il  nous  a  été  conservé,  le  Pro  Q.  Roscio 
Comoedo  a  pour  les  romanistes  une  grande  importance,  au 
sujet  d'une  question  juridique  sur  laquelle  les  textes  sont 
rares.  Le  demandeur  Fannius  avait  choisi  connue  aclio  la 
Condiciio  ceriae  pecuniat.  Synonyme  de  dcnnnliatio,  le  mot 
condictio  (2)  indique  la  sommation  faite  par  le  demandeur 
(aetor)  au  défendeur  (reus).  L'a  plus  rigoureuse  des  condic- 

tionrs  était  la  condiciio  ccrt(i>'  pecunnic  par  laquelle  1»'  de- 
mandeur sommait  le  défendeur  de  lui  payer  une  somme 
d'argent  déterminée.  La  condemnatio  était  certa,  comme 
Vintentio  de  la  formule  d'action.  De  plus,  cette  condictio 
donnait  lieu  à  une  sponsio  poenallS  tertiae  partis.  Avant 
que   le   procès   fut   ci;  .    le  défendeur  devait,   par  une 

sponsio,  S'obliger  à  payer,  à  titre  de  peine  et  dans  le  cas 
où  il  succomberait,  le  tiers  en  plus  de  la  somme  réclamée. 
De  son  coté,  le  demandeur  s'obligeait  par  une  repromissio 
analogue  à  payer,  s'il  perdait  son  procès,  le  tiers  de  la 

somme  qu'il  réclamait.  Cette  particularité, <|ui  ne  se  trouve 

pas  dans  la  condictio  incerti,  rendait  l'emploi  de  la  condic- 
tio ctrtat  pecuniat  rigoureux  et  les  plaideurs  circonspects. 

(l)  Pro  Cluenlio,  jucxviii,  i"7  :  lxv,  182. 

ci»  Le  mot  condictio  signifiait  primitivement,  dans  la  langue  reli- 
gieuse, l'indication  du  jour  où  l'on  est  tenu  de  célébrer  une  céré- 
monie du  culte.  Cf.  Servius  ;.,  IIP  v,  117  •  Quae  appella- 
tur  condictio,  Id  est  denunliaJio. 


NOTICE  133 

File  forçait  le  créancier  et  le  débiteur  à  ne  pas  agir  à  la 
légère,  le  premier  en  réclamant  ce  qui  ne  lui  était  pas  dû 
exactement,  le  second  en  niant  une  dette  certaine. 

Voici  l'analyse  de  ce  qui  reste  du  discours  pour  le  comé- 
dien Roscius  : 

Pourquoi,  si  Roscius  doit  de  l'argent  à  Fannius,  cette 
créance   n'est-elle  pas  inscrite  sur  les  registres  de  Fan- 
nius (i)?  Les  registres  font  autorité;  les  brouillards  n'ont 
aucune  valeur  (n-in).S'il  était  dû  à  Fannius  une  somme 
déterminée,  il  n'aurait  pas  commencé  par  demander  un 
arbitrage  avant  de  soumettre  l'instance  à  un  juge.  Diffé- 
rence entre  l'instance  soumise  à  l'arbitre  et  l'instance  sou- 
mise au  juge  (iv-v).  Parallèle  entre  Roscius  et  Fannius  :  ce 
n'est  pas  Roscius  qui  a  pu  faire  tort  par  fraude  à  Fan- 
nius  (vi-vii).  Le  témoignage  même  de  Fannius  prouve 
qu'il  n'a  pu  être  trompé  par  Roscius,  qui  s'est  toujours 
montré    aussi  désintéressé  qu'il  est  riche  (viii-xi).  C'est 
pour  la  part   qu'il  avait  dans  l'association   que  Roscius 
a  transigé  avec  Flavius  ;  plus  tard,  Fannius  a  reçu  pour 
sa  part   cent  mille  sesterces  (xii-xvii).  Malgré  tout  ce 
que  Fannius  peut  prétendre,il  est  bien  évident  que  ce  que 
Roscius  a  reçu  de  Flavius,  il  l'a  reçu  pour  lui-même  et 
non  pour  l'association  (xviii). 


SIGLA 

iù  =  ms.  Laur.  \l.vm.  26  (Lag.  26). 

b    =  ms.  S.  Marcl  255  (Lag.  6),  Flor.  Bibl.  Nat.  I. 

iv.  4. 
m    —  ms.  Anibr.  C.  96  supr. 
o    =  ms.  Oxon.  Dorvill.  78  (Lag.  38). 
r     =   ms.  Scnensis  II.  VI.  12. 
/         ms.  Senensis  1 1.  XI.  61. 
^    — -  ms.  Laur.  (Gadd.)  XG.  sup.  69. 
c    =  ms.  Oxon.  Canonici  226. 
k    m   ms.  Paris.  7  779. 


PLAIDOYER  POUR  Q.  ROSCIUS  LE  COMÉDIEN 


I  1...+  [On  connaît]    la  méchanceté  de 

d*  Fannius  son  naturel  et  on  aurait  confiance  en  lui  ?  * 

A  la  vérité,  cet  homme  très  vertueux,  cet 
homme  d'une  loyautéparticulière  essaie  d'user  dans  sa  pro- 
pre cause  du  témoignage  de  ses  livres  de  compte.  C'est  com- 
munément l'usage  de  dire,  quand  on  justifie  par  les  livres 
d'un  honnête  homme  la  sortie  d'une  somme  d'argent  : 
«  Aurais- je  pu  corrompre  un  tel  homme  pour  lui  faire 
inscrire  sur  son  registre  la  fausse  entrée  de  cette  somme  ? 
Chaerea,  je  m'y  attends, va  bientôt  tenir  ce  langage:  «  Au- 
rais-je  pu  amener  cette  main  que  vous  voyez  —  cette 
main  pleine  de  perfidie,  —  aurais-je  pu  amener  mes  doigts 
à  passer  écriture  d'une  fausse  créance  ?  »  S'il  produit  ses 
livres  de  compte,  Roscius,  lui  aussi,  produira  les  siens. 
La  créance  sera  sur  les  livres  de  Chaerea  ;  la  dette  ne  sera 
pas    sur    ceux    de    Roscius.  2  Pourquoi    avoir    plus    de 
confiance  dans  la  réalité  de  la  créance  de  Chaerea  que 
dans  celle  de  la  dette  de  Roscius  ?  —  Chaerea  aurait-il 
passé  écriture,  si  Roscius  ne  lui  avait  pas  fait  inscrire  sa 
dette   ?  —  Roscius  n'aurait-il  pas  passé  écriture  de  la 
dette  qu'il  aurait  fait  inscrire  sur  le  registre  du  créancier  ? 
Car,  si  vous  vous  déshonorez  en  inscrivant  sur  vos  registres 
une  somme  qui  ne  vous  est  pas  due,  vous  vous  rendez 
coupable  d'improbité  en  n'y  portant  pas  une  somme  que 
vous  devez.  Car  la  condamnation  est  égale  pour  celui  qui 
n'a  pas  porté  une  dette  véritable  sur  ses  livres  et  pour 
celui  qui  y  a  inscrit  une  créance  fausse. 


PHO   ().  ROSCIO  COMOEDO  ORATIO 


I  1  ...malitiam  uaturae,  crederetur.  [s  scllicetuiroptî- 
nius  et  Bingulari  fide  praeditus  in  suo  iudicio  suis  tabulis 
tcstibus  ut i  conatur.  Soleni  ferç  dicere,  qui  per  tabulas 
hominis  honesii  pécuniam  expensam  tulerunt  :  «  Kgone 
talem  uirum  corrumpere  potui,  ut  mea  causa  falsum  in 
codicem  referret  ?  »  Exspecto,  quam  mox  Chaerea  hac 
oratione  utatur  :  <  Egone  hanc  manu  m  plenam  perfidiae 
et  hos  (lii^itos  meos  impellere  potui,  ut  falsum  perscribe- 
rent  aomen  ?  »  Quod  si  ille  suas  proferet  tabulas,  proferet 
suas  quoque  Roscius.  Erit  in  illius  tabulis  hoc  aomen,  ai 

/'/?  huius  non  erit.  2  Cur  potins  illius  quam  liuius  credf- 
tur  ?  —  Scripsisse/  ille,  si  non  iussu  huius  expensum  tu- 
lisset  ?  Non  scripsisset  hic,  quod  sibi  expensum  ferre 
iussissel  ?  Nain,  quem  ad  tnodum  turpe  est  scribere, 
quod  non  debeatur,  sic  improbum  est  non  referre  quod 
debeas.  A.eque  enim  tabulai-  condemnantur  eius,  qui  ue- 
ruin  non  rettulit,  et  eius,  qui  falsum  perscripsit, 

I.  is  scilicet  :  Iste.scUicel  Garotoni,   hominis  honestl  P,  Manmio: 

hommes. ..ciU  niss.  .hominis  sciti  Ail?.  AugtUtiilO  ;  hominis  acciti 
!•'.  Onini  :  hominis  certi  Ernetti.  perseriberent  /'.  èianuzio  :  per- 
Bcriberetn  mu.  .,  In  huius  etL  1530  :  huius  mit.  2  credetur?  Scrip- 
sisset Me  /'.  Manuzio  :  crederetur  scripsisse  ille  mu*  expensum 
ferre  :  expensum  terri  td,  huit.  1534,  uulgo. 


1-2         PLAIDOYER  POUR  Q.  ROSCIUS  LE  COMÉDIEN       136 

Mais,  dans  la  confiance  que  m'inspirent  le  nombre  et 
la  force  des  moyens  de  ma  cause,  voyez  jusqu'où  je  vais. 
Si  Fannius  produit  ses  livres  de  recettes  et  de  dépenses, 
qu'il  a  tenus  pour  ses  propres  intérêts  et  suivant  son  bon 
plaisir,  prononcez  votre  jugement  en  sa  faveur  ;  je  n'y 
fais  aucun  obstacle.  3  Quel  est  le  frère,  quel  est  le  père 
qui  accorderait  à  son  frère,  à  son  fils  de  regarder  comme 
valable  tout  ce  qui  serait  porté  sur  ses  livres  ?  Roscius 
regardera  comme  valables  les  écritures  de  C.  Fannius. 
Produis  tes  livres.  Ce  dont  tu  auras  été  persuadé,  il  en 
sera  persuadé  ;  ce  qui  aura  été  pour  toi  chose  prouvée 
sera  pour  lui  chose  prouvée.  Tout  à  l'heure,  nous  deman- 
dions les  livres  de  M.  Perpenna,  de  P.  Saturius  ;  mainte- 
nant, ce  sont  les  tiens,  C.  Fannius  Chaerea,  les  tiens  seuls 
que  nous  réclamons  avec  instance.  Que  la  décision  du 
procès  soit  donnée  en  leur  faveur,  je  n'y  fais  aucune  ob- 
jection. Pourquoi  donc  ne  les  produis-tu  pas  ?  4  II  ne 
tient  pas  de  comptes  ?  Au  contraire,  il  tient  ses  comptes 
avec  la  plus  grande  exactitude.  Il  ne  porte  pas  les  petites 
créances  sur  ses  registres  ?  Au  contraire,  il  y  porte  toutes 
les  sommes.  Cette  créance  est  faible  et  chétive  ?  Il  s'agit 
d'une  créance  de  cent  mille  sesterces.  Comment  laisses-tu 
une  si  grande  somme  d'argent  sans  en  faire  l'inscription 
à  son  rang  ?  Comment  ces  cent  mille  sesterces  ne  se  trou- 
vent-ils pas  dans  tes  livres  de  recettes  et  de  dépenses  ? 
Dieux  immortels  !  Existe-t-il  donc  un  homme  doué  d'une 
assez  grande  audace  pour  oser  réclamer  une  créance  qu'il 
a  craint  de  porter  sur  ses  registres,  pour  ne  pas  hésiter  à 
demander  avec  serment  devant  les  juges  de  son  procès  ce 
qu'il  n'a  pas  voulu  porter  sur  ses  livres,  alors  qu'il  n'avait 
pas  de  serment  à  prêter,  pour  essayer  de  persuader  à 
autrui  ce  dont  il  n'a  pu  se  donner  la  preuve  à  lui-même  ! 

II  5  II  prétend  que  je  suis  trop  prompt  à  m'indigner 
pour  la  question  des  registres  ;  il  avoue  qu'il  n'a  pas  cette 
créance  portée  sur  son  livre  de  recettes  et  de  dépenses, 
mais  il  soutient  qu'elle  s'étale  sur  son  brouillard.  Es-tu 
donc  assez  épris  de  toi-même,  te  considères-tu  avec  assez 
d'orgueil  pour  réclamer  de  l'argent,  non  en  vertu  de 
tes  registres,  mais  en  vertu   d'un  brouillard  ?   Citer  son 


136  l'ito  Q>  R0SC10  COMOEDO  i  2 

Sed  ego  copia  et  facultate  causae  confisus,  aide  quo 
progrediar.  Si  tabulas  C.  Pannius  accepti  et  expensi  pro- 
fert  suas  in  suam  rem  buo  arbitratu  scriptas,  quo  minus 
secundum  illum  Iudicetis,  non  recuso.  3  Quis  hoc  frater 
fratri,  quis  parens  lilio  tribuit,  ut,  quodcumque  rettulis- 
set,  id  ratum  haberei  ?  Ratum  habebil  Roscius  ;  profer  ; 
quod  tibi  fuerit  persuasum,  luiic  erit  persuasum  ;  quod 
lihi  Puéril  probatum,  huic  erit  probatum.  Paulo  ante 
M.  Perpennae,  P.  Saturi  tabulas  poscebamus  :  uunc  tu 
C.  Fanni  Chaerea,  solius  flagitamus  et,  quo  minus  secun- 
dum  cas  lis  detur,  non  recusamus  ;  quid  ita  non  profers  ? 
4  Non  confient  tabulas  ?  [mmo  diligentissime.  Non  refert 
parua  Domina  in  codices  ?  [mmo  omnes  summas.  Leue 
et  tenue  hoc  nomen  est  ?  IIS  ccciddd  sunt.  Quo  modo 
tibi tanta  pecunia  extraordinaria  lacet  ?  Quo  modo  IIS 
cccidd:)  in  codicc  accepti  et  expensi  non  sunt  ?  Pro  di 
immortalesl  Essene  quemquam  tanta   audacia  praedi- 
tum,  qui,  quod  nomen  referre  in  tabulas  timeat,  id  petere 
audeat,  quod  in   codicem  iniuratus  referre  noluerit,  id 
iurare  in  litem  non  dubitet,  quod  sibi  probare  non  possit, 
id  persuadere  alteri  conetur  I 

II  5  Nimium  cito  ait  me  indignari  de  tabulis  ;  non 
haberesehoc  nomen  in  codice/n  accepti  et  expensi  rela- 
tum coniilciur,  sed  in  aduersariis  patere contenait.  Vsque 
eonete  diligis  et  magnifiée  circumspicis,ut  pecuniam  non 
ex  luis  tabulis,  sed  ex  aduersariis  petas  ?  Suum  codicem 

4.  hoc  nomen  esl  :  boc  nomen  />.  uulgo.      lis  eccraoo  <•./.  lunt, 
1534  :  lis  cccliii  mu.  (ita  semper),     noluerit  Clark:  noluif  nu 
nolit   Lambin.      5    In  codicem  etf.  Bonon.  1499:   In  codicc  nu 
Uttlgo,  |  ex  aduiTsariis  td.  1530 :  aduersariis  c,  I:    éd.  Mediol.  1498  : 

aduersarii  céleri  mu. 


il  5      PLAIDOYER  POUR  Q.  HOSCIUS  LÉ  COMEDIEN       YM 

propre  registre  en  témoignage}  c'est  de  l'arrogance  ;  mais, 

produire  le  brouillard  des  écritures  qu'on  a  passées  et  d 
ratures  qu'on  a  laites,  n'est-ce  pas  une  vraie  folie  (1)76  Que 
si  le  brouillard  a  la  même  valeur,  la  même  exactitude,  la 
même  autorité  que  les  registres,  à  quoi  bon  constituer  un 
registre,  y  tout  écrire,  y  maintenir  l'ordre  des  opérations, 
transmettre  le  souvenir  de  vieux  comptes  ?  Mais,  si  l'insti- 
tution des  registres  vient  justement  de  ce  qu'on  n'ajoute 
aucune  foi  aux  brouillards,  attribuera-t-on  devant  le 
juge  une  autorité  et  une  sanction  à  ce  qui,  partout  ailleurs, 
n'a  aucun  poids,  aucune  force  ?  7  Quelle  raison  avons- 
nous  de  ne  donner  aucun  soin  aux  écritures  de  nos 
brouillards  ?  Quelle  raison  avons-nous  de  mettre  tous  nos 
soins  à  la  confection  de  nos  registres  ?  Quelle  raison  ? 
C'est  que  les  brouillards  existent  un  mois  ;  les  registres 
existent  toujours.  Les  uns  sont  immédiatement  détruits, 
les  autres  sont  conservés  religieusement.  Les  uns  embras- 
sent le  souvenir  d'un  moment,  les  autres  embrassent  la 
loyauté  et  l'honneur,qui  assurent  à  perpétuité  la  considé- 
ration d'un  citoyen.  Sur  les  uns,  on  jette  les  notes  au 
hasard;  dans  les  autres,  on  les  rédige  en  ordre.  C'est 
pourquoi  personne  ne  produit  de  brouillard  en  justice  ; 
mais  on  produit  un  registre,  on  donne  lecture  d'un  livre 
de  compte. 

III  Toi-même,  C.  Piso,  malgré  la  loyauté,  la  vertu,  la 
gravité  et  l'autorité  qui  te  distinguent,  tu  n'oserais  pas 
réclamer  de  l'argent  en  vertu  d'un  simple  brouillard. 
8  Pour  moi,  je  ne  dois  pas  insister  plus  longtemps  sur  les 
faits  dont  la  coutume  prouve  l'évidence  ;  mais  je  pose  une 
question  qui  a  avec  l'affaire  le  rapport  le  plus  intime  : 
depuis  combien  de  temps,  Fannius,  as-tu  porté  cette 
créance  sur  ton  brouillard  ?  Il  rougit  ;  il  ne  sait  que  répon- 
dre, il  ne  trouve  moyen  d'improviser  aucun  mensonge.  Il 
y  a  déjà  deux  mois,  diras-tu.  Elle  a  dû  cependant  être 
portée  au  livre  des  recettes  et  des  dépenses.  Il  y  a  plus  de 

(1)  Les  aduersaria,  qu'on  appelle  aussi  ephemeris,  sont  le  brouil- 
lard qu'on  tient  au  jour  le  jour,  le  livre-journal.  A  la  fin  du  mois, 
les  notes  des  aduersaria  doivent  être  reportées  avec  soin  sur  le 
codex,  ou  livre  de  compte. 


137  PRO  Q.  ROSC 10  COMOEDO  n-5 

testis  loco  reci tare  àrrogaatiae  est  ;  suarum  perscriptio- 
nuni  et  liturarum  aduersaria  profërre  non  amentia  est  ? 
6  Quod  si  eandem   uim,  diligeotiam  auctoritatemqae 

habent   aduersaria  (jnain  tabulae,  qnid   attinet   codicem 

instituerez  conscribere,  ordinem  conseruare,  memoriae 
tradere  litterarum  uetustatem  ?  Sed  si,  quod  aduersa- 

liis  niliil  credimus,  ideirco  codicem   BClibere  instituimus, 

quod  etiam  apud  omnesleue  et  infirmum  est,  Id  apud 
iudicem  graue  et  sanctum  esse  ducetur  ?  7  Quid  est, 
quod  neglegenter  scribamus  aduenaria  ?  Quid  est,  quod 
diligenter  conficiamus  tabulas  ?  Qua  de  causa  ?  Quia 
haec  sunt  menstrua,  illae  sunt  aéternae  ;  haec  delentur 
statim,  illae  seruantur  sancte  ;  haec  parui  temporis  me- 
moriam,  illae  perpetuae  existimationis  fidem  et  religio- 
ncni  amplectuntur  ;  haec  sunt  d/siecta,  illae  sunt  in 
ordinem  confectae.  Itaque  aduersaria  in  iudicium  pro- 
tulit  nemo  ;  codicem  protulit,  tabulas  recitauit. 

III  Tu,  C.  Piso,  tali  iide,  uirtute,  grauitate,  auctori- 
tate  ornatus,ex  aduersariis  pecuniampetere  non  audores. 
8  Kgo,  quae  Clara  sunt  consuetudine,  diutius  dicere  non 
debeo  ;  illud  uero,  quod  ad  rem  uehementer  pertiriet, 
quaero  :  Quam  pridem  hoc  nomen,  Fanni,  in  aduersaria 
rettulisti  ?  Erubescit,  quid  respondeat,  nescit  ;  quid  lin- 
gai  extemplo,  non  habet.  Sunt  duo  menses  iam,  die. 
Tamen  in  codicem  accepti  et  expensî  referri  debuit.  Am- 
p I i u s  sunt  sex  menses.  Cur  tam  diu  iacet  hoc  nomen  in 

6.  ducetur  éd.  Rom.  1471  :  duœretur  mss.  '.  7.  disiecta  Turnèbe  : 
deiecta  ct  k,  uulgo  ;  deiectac  eeteri  mss.  ;  contacta  Budé  ;  détecta 
GuUetmtus.  g  8.  accepti  et  expensi referri  deboit  Turnèbe  :  accep- 
tum  ct  oxponsuin  referri  debuit  c,  k  ;  acceptum  et  expensum 
debuit  eeteri  mss. 


m  8     PLAIDOYER  POUR  Q.  ROSCIUS  LE  COMÉDIEN       138 

six  mois.  Comment  cette  créance  reste-t-elle  si  longtemps 
oubliée  dans  le  brouillard  ?  Que  sera-ce  donc,  s'il  y  a 
plus  de  trois  ans  qu'elle  y  demeure?  Comment,  alors  que 
tous  ceux  qui  tiennent  des  registres  reportent,  ou  peu 
s'en  faut,  sur  ces  registres  tous  les  comptes  qui  ont  un 
mois  de  date,  comment,  toi,  laisses-tu  plus  de  trois  ans 
cette  créance  oubliée  dans  ton  brouillard  ?9  As-tu  ou  n'as- 
tu  pas  tes  autres  créances  classées  sur  ton  livre  de  recettes  et 
de  dépenses  ?  Si  non,  de  quelle  manière  tiens-tu  tes  regis- 
tres ?  Si  oui,  comment,  alors  que  tu  y  reportais  tes  autres 
créances  pour  les  inscrire  suivant  leur  ordre,  laissais-tu 
plus  de  trois  ans  dans  ton  brouillard  cette  créance,  qui 
était  au  premier  rang  des  plus  importantes?  Tu  ne  voulais 
pas  que  l'on  sût  que  Roscius  était  ton  débiteur  ;  pourquoi 
inscrivais-tu  sa  dette  ?  Tu  avais  été  prié  de  ne  pas  la  por- 
ter sur  ton  registre  ;  pourquoi  l'avais-tu  inscrite  sur  ton 
brouillard  ? 

Je  vois  dans  tout  cela  des  preuves  solides;  je  ne  peux 
cependant  me  juger  satisfait,  si  je  n'obtiens  de  Fannius 
lui-même  l'attestation  que  cet  argent  ne  lui  était  pas  dû. 
Grande  est  la  tâche  que  je  m'impose  ;  difficile,  l'enga- 
gement que  je  prends.  Si  Roscius  n'a  pas  à  la  fois  Fannius 
pour  adversaire  et  pour  témoin,  je  ne  veux  pas  qu'il 
sorte  vainqueur  de  son  procès. 

IV  10  II  était  dû  une  somme  déterminée;  cette  somme 
est  aujourd'hui  réclamée  auprès  du  juge  ;  l'engagement 
réciproque  a  été  pris  de  payer  la  partie  de  cette  somme 
fixée  par  la  loi.  Si  tu  as  réclamé  un  sesterce  de  plus 
que  ce  qui  t'est  dû,  tu  as  perdu  ton  procès  ;  car  autre 
chose  est  l'instance  soumise  à  un  juge,  autre  chose 
l'instance  soumise  à  un  arbitre.  L'instance  soumise  à  un 
juge  porte  sur  une  somme  d'argent  déterminée  ;  l'instance 
soumise  à  un  arbitre,  sur  une  somme  d'argent  indéter- 
minée. Nous  venons  à  l'instance  soumise  au  juge  dans  de 
telles  conditions  que  nous  devons  gagner  ou  perdre  la 
totalité  de  ce  qui  fait  l'objet  du  litige  ;  nous  allons  à 
l'instance  soumise  à  l'arbitre  avec  l'idée  que  notre  récla- 
mation ne  sera  pas  sans  aucun  succès,  mais  que  nous 
n'obtiendrons  pas  autant  que  nous  avons  réclamé.  1 1  Le 


138  PltO  Q.  ROSCIO  COMOBDO  in-8 

aduersariis  ?  Quid  si  tandem  amplius  triennium  est  ? 
Quo  modo,  cum  omnes,  qui  tabulas  conficiant,  mens- 
truas  paene  rationes  in  tabulas  transférant,  tu  hoc  no- 
men  triennium  amplius  in  aduersariis  îacere  pal  cris  ? 
9  Vtrum  cetera  nomina  in  codicem  accepta  et  expensi 
digesta  habes  an  non  ?  Si  non,  quo  modo  tabulas  cmifi- 
cis  ?  Si  cliam,  quam  ob  rem,  cum  cetera  nomina  m  ordi- 
nem  referebas,  hoc  nomen  triennio  amplius,  quod  erat 
in  primia  magnum,  in  aduersariis  relinquebaa  î  Nblebas 
sciri  debere  tibi  Roscium;  cur  scribebas?  Rogatua  ei  is, 
ne  referrea  ;  cur  in  aduersariis  scriptum  habebas? 

Sed  haec  quanquam  firma  esse  oideo,  tamen  ipse  mihi 
satis  facere  non  possum,  aisi  a  C.  Fannio  ipso  testimo- 
nium  sumo,  hanc  pecuniam  ci  non  deberi.  Magnum 
quod  conor,  difficile  est,  quod  polliceor  ;  nisi  eundem  et 
aduersarium  et  testem  habuerit  Roscius,  nolo  uincat. 

IV  10  Pecunia  tibi  debeâatur  certa,  quae  nunc  peti- 
tur  per  iudicem,  in  qua  legitimae  partis  sponsio  facta  est. 
Hic  tu  si  amplius  HS  nummo  petisti,  quam  tibi  debitum 

est,  causam  perdidisti,  propterea  quod  aliud  est  iudi- 
cium,  aliud  est  arbitrium.  ludicium  est  pecuniae  certae, 
arbitiium  incertae  ;  ad  iudicium  hoc  modo  uenimus,  ut 
totam  litem  aut  obtineamus  aut  amittamus  ;  ad  arbi- 
trium hoc  animo  adimus,  ut  neque  nibil  neque  tantum, 
quantum  postulauimus,  quamur.  11   K/  rei  ipsa 

uerba  formulae  testimonio  sunt.  Quid  est  in  iudicio  ? 


9.  digesta  <•)',  c,  /»■  :  et  dl  leri  mas.  :  relata  et  digesta  ll'ilm. 

|  10.  debebatnrerf.  Aid.  1519  :  debeatui  m$$.     amittamoi  I 
Bonon  1 199  :  omittamua  eeteri  nus.   :  il.  ii  rei  MueUer  :  cius  rci 
mas.  ;  liuic  rci  Nielaender. 


iv-11      PLAIDOYER  l'OUR  Q.  ROSCIUS  LE  COMÉDIEN      139 

fait  que  j'avance  est  attesté  par  les  termes  mêmes  de 
la  formule.  Que  trouve-t-on  dans  la  formule  de  l'instance 
soumise  au  Juge  ?  Des  termes  précis,  rudes,  simples  : 
s'il  est  établi  qu'il  faut  donner  CINQUANTE  MILLE 
sesterces...  S'il  ne  démontre  pas  que  cinquante  mille 
sesterces  lui  sont  dus  jusqu'au  dernier  as,  le  demandeur 
perd  son  procès.  Que  trouve-t-on  dans  la  formule  soumise 
à    l'arbitre  ?    Des   termes    doux   et   modérés  :   donner 

AUTANT  QU'IL  EST  ÉQUITABLE  ET  BON   DE  DONNEB.    Ici   le 

demandeur  confesse  qu'il  réclame  plus  qu'il  ne  lui  est  dû  ; 
mais  il  se  déclare  plus  que  satisfait  de  ce  qui  lui  sera  attri- 
bué par  l'arbitre.  Ainsi  donc,  le  premier  a  confiance,  le 
second  n'a  pas  confiance  dans  sa  cause.  12  Cela  étant,  je  te 
pose  cette  question  :  pourquoi  as-tu  fait  un  compromis  (1) 
à  propos  de  cette  somme  d'argent,  de  ces  cinquante  mille 
sesterces  dont  il  s'agit,  de  la  confiance  que  méritent  tes 
registres  ?  Pourquoi  as-tu  accepté  un  arbitre  pour  décider 
suivant  cette  formule  :  combien  il  est  équitable  et  bon 

DE  DONNER  ET  DE  PROMETTRE  EN  RETOUR,  SI  LE  FAIT  EST 

établi  ?  Quel  a  été  l'arbitre  pour  cette  affaire  ?  Plût  aux 
dieux  qu'il  fût  à  Rome  !  Il  est  à  Rome.  Plût  aux  dieux 
qu'il  assistât  à  l'instance  !  Il  y  assiste.  Plût  aux  dieux  qu'il 
siégeât  dans  le  conseil  de  G.  Piso  l  Mais  c'est  G.  Piso  lui- 
même.  Tu  acceptais  donc  à  la  fois  le  même  homme  pour 
arbitre  et  pour  juge  ?  C'est  au  même  homme  que  tu  remet- 
tais les  pouvoirs  les  plus  larges,  des  pouvoirs  sans  bornes  ; 
et  c'est  le  même  homme  que  tu  enfermais  dans  la  formule 
si  étroite  de  l'engagement  réciproque  des  deux  parties  ? 
Quel  est  donc  le  demandeur  qui  jamais  devant  l'arbitre 
a  enlevé  autant  qu'il  réclamait  ?  Personne.  Ce  demandeur, 
en  effet,  a  réclamé  qu'on  lui  donnât  autant  que  l'équité 
le  permettait.  C'est  pour  la  même  créance  que  tu  es  allé  à 
l'arbitre  et  que  tu  es  venu  devant  le  juge  !  13  Les  autres, 
quand  ils  s'aperçoivent  que  leur  cause  perd  toute  solidité 
devant  le  juge,  cherchent  un  refuge  auprès  de  l'arbitre. 

(1)  Le  compromis  (compromission)  est  la  convention  par  laquelle 
les  parties  conviennent  de  soumettre  leur  procès  à  l'arbitre  et  se 
promettent  réciproquement  de  payer  une  peine,  si  l'une  d'elles 
contrevient  à  la  sentence  arbitrale. 


139  PAO  Q.  ROSCIO  COMORDO  iv-1 1 

Dereetum,  asperum,  simple*  :  si  imiut  I IS  i  >■>  >  dari.  — 
Hic  nisi  planum  facit  IIS  /\o.\>  ad  libel/am  sibi  deberi, 
causam  perdit. Quid  est  in  arbitrio  ?  Mite,  modéra tum : 

QUANTVM  AEQVIVS   i   i    mi.i.iys  SI  T  DARI.   [Ile  lurih-n 

(ltetur  plus  se  petere,  quam  debeatur,  sed  salis  supeique 
habere  dicit,  quod  sibi  ab  arbitra  tribuatnr.  [taque  al- 
ter  causae  confidit,  aller  diffidit.  12  Quae  cum  ita  sint, 
quaero  abs  te,  quid  ita  de  bac  pecunia,  de  hia  ipsis  IIS 

,de  tuannn  tahularum  ftde  compromissum  fec 
arbitrum  sumpseris,  qvantvaj  œqvivs  et  melivs  sit 

DAR]    REPROMITTIQVE,  SI  PARBAT.   Huis  in  liane  ivm  fuit 

arbiter?  Vtinam  ia  quidem  Romae  esset  !  Romae  est 
Vtinam  adesset  in  iudicio  !  Adest.  Vtinam  sederet  in  con- 
silio  C.  Pisonis  !  Ipse  C.  Piso  est.  Eundemne  tu  arbitrum 
et  iudicem  sumebas  ?  eidem  et  infinitam  largitionem  re- 
mittebas,  et  eundem  in  angustissimam  formulam  spon- 
sionis  concludebas  ?  Quis  umquam  ad  arbitrum,  quan- 
tum petiit,  tantum  abstulil  ?  Nemo;  quantum  enim 
aequius  essel  sibi  dari,  petiit.  De  quo  Domine  ad  arbitrum 
adisti,  de  eo  ad  iudicem  uenisti  !  13  Ceteri  cum  ad  iudi- 
enn  causam  labefactari  animaduertunt,  ad  arbitrum  con- 
f  ugiunt,  hic  ab  arbitra  ad  iudicem  uenire  est  ausus  I  Qui 


derectum  Muetfer  :directum  nus.|  si  parel  Lambin: s\  peteret  dus. 

|  IIS  POO  td.  huit.    1534  :  1  IS  lui   niss.  {Un  semper  :  cf.  1).  |  ciari  : 

daii  oportere  uulgo,    ad  Itbellam  éd.  Bonon.  1490  :  ad  libellum  nus. 
quantum  P.  Manuzio  ■  quanto  dus.     sit  dari  /\  Manuzto  :  Id  dari 

co,  /  ."  id  claiius  céleri  DUS.    ,12.  de  hiaruin  :  tuaruin  Balter.  !!  (juaii- 
tum   /'.  Manuzto  :  quanto  mss.;,  et  melius :  melius  Graeultu.  Il    si 
pareal  Clark  :  si  peieres  nus.  ;  si  parerel  Lambin,  uulgo  :  si  petieria 
Panlagalo  ;  tic  petieria  Th.  Mommsen  ;  si  paret  deberi  Kayser. 
eidem  éd.  lunt.  1515:   Id  est  A- ;  idem  eelerlmss.  .dari  petiit  P. 

;.:,..  :  dari  petit  C,  k  ;  pari  petit  céleri  mss. 


iv-13    PLAIDOYER  POUR  Q.  ROSCIUS  LE  COMÉDIEN     140 

Celui-ci  a  osé  venir  de  l'arbitre  au  juge!  En  acceptant  un 
arbitre  pour  décider  de  cette  somme  d'argent  d'après 
la  confiance  que  ses  registres  méritent,  il  a  prononcé  lui- 
même  le  jugement  qui  établit  que  cette  somme  ne  lui  est 
pas  duc. 

Dès  à  présent  deux  points  de  la  cause  sont  définiti- 
vement établis  :  il  reconnaît  ne  pas  avoir  compté  d'argent  ; 
il  ne  déclare  pas  avoir  passé  écriture  de  la  dette,  puis- 
qu'il ne  donne  pas  lecture  de  ses  registres.  Il  ne  lui  reste 
qu'à  déclarer  qu'il  a  fait  une  stipulation  ;  car,  quel  autre 
moyen  pourrait-il  avoir  de  réclamer  une  somme  déter- 
minée ?  Je  n'en  trouve  point. 

V  Tu  as  stipulé   ?  où,  quel  jour,  à  quelle  date,    en 
présence  de  qui  ?  Est-il  quelqu'un  qui  déclare  que  j'ai 
pris  un   engagement   réciproque    ?    Personne.  14    Si   je 
terminais  ici  mon   plaidoyer,  il  me  semble  que  j'aurais 
assez  fait  pour  ma  conscience  et  pour  le  soin  que  je  mets 
à  accomplir  mon  devoir,pour  la  cause  et  pour  la  question 
qui  est  l'objet  de  la  controverse,  pour  la  formule  et  pour 
l'engagement  réciproque,  assez  même  pour  le  juge  en  lui 
démontrant  pourquoi  la  sentence  doit  être  prononcée  en 
faveur  de  Roscius.  Une  somme  d'argent  déterminée  a  été 
réclamée;  on  a  pris  l'engagement  réciproque  de  payer  le 
tiers  de  cette  somme.  Pour  que  cet  engagement  ait  été 
pris,  il  faut  ou  que  cette  somme  d'argent  ait  été  remise 
ou  qu'il  en  ait  été  passé  écriture,  ou  qu'elle  ait  été  promise 
par  stipulation.  Fannius  avoue  qu'elle  n'a  pas  été  remise  ; 
les  livres  de  Fannius  prouvent  qu'il  n'en  a  pas  été  passé 
écriture  ;  par  leur  silence,  les  témoins  conviennent  qu'elle 
n'a  pas  été  stipulée.  15    Quelle  est  donc  la  situation   ? 
Puisque  le  défendeur  est  un  homme  qui  n'a  jamais  accordé 
la  moindre  importance  à  l'argent  et  quia  toujours  regardé 
l'estime  publique  comme  le  bien  le  plus  sacré,  puisque  le 
juge  est  un  homme  dont  nous  désirons  non  moins  l'estime 
qu'une   sentence   favorable,  puisque   la   réunion  d'amis 
appelés  à  assister  Roscius  est  d'une  si  éminente  illus- 
tration que  nous  devons  avoir  en  face   d'elle  la  crainte 
respectueuse  que  l'on  a  en  face  d'un  juge  unique,  nous 
parlerons  exactement  comme  si  toutes  les  instances  de 


140  PRO  Q.  ROSCIO  COMOBDO  iv-13 

cumde  hac  pecunia  tabularum  ftde  arbitrum  sumpsit, 
iudicauil  sil»i  pecuniam  non  deberi. 

Iani  duae  partes  causae  sunt  confectae  ;  adnu/nerasse 
sese  negat,  expensum  tulisse  non  dicit,  cum  tabulas  non 
récitât.  Reliquum  est,  ut  stipula tum  se  esse  dicat  :  prae- 
terea  enim  quem  ad  modum  certain  pecuniam  petere 
possit,  non  reperio. 

V  Stipulatus  es  -  -  ubi,  quo  die,  quo  tempore,  quo 
praesente  ?  Quis  spopondisse  me  dicit  ?  Mémo.  14  Hic 
ego  si  finem  faciam  dicendi,satis  ftdei  et  diligentiae  meae, 
satis  causae  et  controuersiae,  satis  formulae  et  spon- 
sioni,  satis  etiam  iudici  fecisse  iiidear,  eux  secundum 
Hoscium  iudicari  debeat.  Pecunia  petita  estccrla;  cum 
tertia parte  sjionsio  fada  est.  I  lare  pecunia  necesse  est 
aut  data,  ant  expensa  lata,  aul  stipulata  sit.  Datam  non 
esse  Fannius  confitetur,  expensam  latam  non  esse  codi- 
ces  Fanni  confirmant,  stipulnlam  non  esse  taciturnitas 
testium  concedit.  15  Quid  ergo  esl  ?  Quod  et  reus  is  est, 
eni  et  pecunia  Leuissima  el  existimatio  sanctissima  fuit 
semper,  el  index  est  [s,  quem  nos  non  minus  bene  de  no- 
bis  existimare  quam  secundum  nos  iudicare  uelimus,  et 
aduoeatio  ea  est,  quam  propter  eximium  splendorem  ut 
iudicem  unum  uereri  debeamus,  perinde  ac  si  in  banc 
formulam  omnia  iudicia  Légitima,  omnia  arbitria  hono- 
raria,  omnia  officia  domestica  conclusa  et  eomprehensa 
sint,  perinde  dicemus.  Illa  superior  fuit  oratio  necessaria, 

13.  iudicauit  :  Lndicauit  Lambin,  adnumerasse  Ltebhard  :  adul- 
térasse m$$.  :  adnotasse  Ant.   AuguUino.  1 14.  cum  tertia  parte  : 

cuius  tertia  parte  Huschkt  ;  iu    tertia  parte  Rinkc*.     15.  H 

oui  P.  Manoxio'.  m  eius  est  cuiusmM.;  reus  Lsestcui  <r< 

ter.     Iudicem  unum  :  Ludicem  unicum  Ernetti  ;  Iudicem  Ipsum  G  •■- 

ratoni  ;  Ludicem  Minoem  Paul  ;  iudicem  mutum  MueUer. 

'7 


v-15     PLAIDOYER  POUR  o.  ROSCJUS  LE  COMEDIEN       1  11 

droit  strict,  toutes  les  actions  où  les  parties  ont  choisi 
l'arbitre  pour  lui  faire  honneur,  toutes  les  obligations  «le 
la  vie  privée  étaient  enfermées  et  comprises  dans  cette 
formule.  Jusqu'ici,  toute  ma  plaidoirie  était  nécessaire  ; 
ce  que  je  vais  dire  maintenant,  je  le  dirai  volontairement  ; 
je  m'adressais  au  juge,  je  m'adresserai  à  C.  Piso  ;  je  parlais 
pour  un  défendeur,  je  parlerai  pour  Roscius  ;  je  mettais 
tout  en  œuvre  pour  obtenir  la  victoire,  je  mettrai  tout 
en  œuvre  pour  assurer  la  considération  de  mon  client. 
Parallèle  ^l  16  Fannius,  tu  réclames  de  Roscius 
entre  Roscius  une  somme  d'argent.  Quelle  est  cette 
et  Fannius  somme  ?  Dis -le  hardiment  et  franche- 
ment. Est-ce  une  dette  qu'il  a  contractée  en  vertu  de 
l'association  ?  Est-ce  une  libéralité  dont  il  t'avait  donné- 
promesse  et  fait  montre  ?  Dans  le  premier  cas,  je  vois 
un  fait  plus  grave  et  plus  odieux  ;  dans  le  second  cas,  la 
chose  est  moins  importante  et  plus  simple.  Une  somme 
due  en  vertu  de  votre  association  ?  Que  dis-tu  ?  Voici  une 
allégation  que  l'on  ne  doit  pas  prendre  à  la  légère  et  contre 
laquelle  on  ne  doit  pas  négliger  de  se  défendre.  S'il  est,  en 
effet,  des  instances  privées  où  le  caractère  essentiel  de  la 
considération,  je  dirai  presque, l'existence  civile  est  en  jeu, 
c'est  dans  les  trois  actions  de  contrat  fiduciaire,  de  tutelle 
et  de  société.  Il  y  a  une  égale  perfidie  et  un  crime  égal  à 
enfreindre  la  foi  jurée,  qui  est  le  lien  de  la  vie,  à  faire  tort 
par  fraude  au  pupille  qui  a  été  placé  en  tutelle,  à  tromper 
l'associé  qui  a  mis  ses  intérêts  en  commun  dans  une  affaire 
de  commerce.  17  Cela  étant,  examinons  quel  est  celui  qui 
a  pu  faire  tort  à  son  associé,  qui  a  pu  le  tromper.  En  effet, 
son  passé  va  nous  donner  en  sa  faveur  ou  contre  lui  un 
témoignage  qui,  pour  être  tacite,  n'en  a  pas  moins  de 
solidité  et  de  poids.  Q.  Roscius  ?  Que  dis-tu  ?  Un  corps  en 
état  d'ignition  plongé  dans  l'eau  s'éteint  et  se  refroidit 
immédiatement  :  les  flammes,  elles  aussi,  de  la  calomnie 
que  l'on  lance  sur  la  plus  pure  et  la  plus  innocente  des 
vies  ne  tombent-elles  pas,  ne  s'éteignent-elles  pas  aussi- 
tôt ?  Roscius  a  fait  tort  par  fraude  à  son  associé  ?  Le  soup- 
çon d'une  telle  faute  peut-il  s'attacher  à  un  tel  homme? 
Que  le  dieu  de  la  bonne  foi  me  vienne  en  aide  !  Cet  homme 


111  PJIO  Q.  ROSCIO  COMOBDO  \  15 

haec  erit  uoluntaria  :  illa  ad  iudiccm,haec  ad  C.  Pisonem  ; 
[lia  prp  reo,  haec  pro  Roscio  ;  illa  uictoriae,  haec  bonae 
cxistiinaLionis  causa  comparata. 

VI  16  IVcuniani  petis,  Fanni,  a  Roscio.  Quani  ?  die 
audacter  et  aperte.  Vtrura  quae  tibi  ex  societate  debea- 
tur,  an  quae  ex  liberalitatc  huius  promissa  sit  et  ostenta- 
ta  ?  Quorum  al tèrum  ësl  grauius  etodiosius,  alterum  le- 

uius  et  faeilius.  Que'  <  \  societate  (lel)eatur  ?  Quid  ais  ? 

Hoc  iam  neque  leuiter  ferendum  est  Qeque  aeglegenter 
def endendum.  Si  qua  enim  Bunt  priuata  iudicia  summae 
existimationis  et  paerie  dicam  capitis,  tria  haec  sunt, 
Qduciae,  tutelae,  societatis,  Acque  enim  perfidiosum  et 
oefarium  est  ftdem  frangere,  quae  continet  uitam,  et 
pupillurd  fraudare,  qui  in  tutelam  peruenit,  et  socium 
tallere,  qui  se  in  aegotio  coniunxit.  17  Quae  cum  ita 
suit,  quissit,  qui  socium  fraudant  et  fefellerit,considere- 
inus  ;  dabit  enim  rrobis  iam  tacite  uita  acta  m  alterutram 
partem  firmùm  et  graue  testimonium,  Q.  Roscius  ?  Quid 
ais  ?  Nonne,  ni  ignis  in  aquam  coniectus  continuo  res- 
tmguitur  et  réfrigeràtur,  sic  refentens  falsum  crimen  in 
purissimam  et  castissimam  uitam  coUatum  statim  conci- 
dit  et  exstinguitur  ?  Roscius  socium  fraudauit  !  Potest 
hoc  homini  huic  haerere  peccatum  *.}  Qui  me  dius  iidius 
(audacter  dico)  plus  fidèi  quam  art is,  plus  ueritatis  quam 
disciplinae  possidet  in  se,  quem  populus  Romanus  me- 
liorem  uirum  quam  histrionem  esse  arbitratur,  qui  ita 
dignissimus  est  -Mena  propter  artiticium,  ut  dignisst- 
mus  sit  cùria  propter  abstinentiam. 

16. ntrum quae ïc,ed. Iunt.  1515:  ntrum  céleri  mu,    17.  quissit 
c,k  :  tiuid  sit  ecteri  nus.  ;  qui  bit  un! 


vi-17    PLAIDOYER  l'OVJi  Q.  R0SCJU8  LE  COMÉDIEN      142 

—  je  n'ai  aucune  crainte  de  le  dire  —  réunit  en  sa  per- 
sonne plus  de  loyauté  encore  que  de  talent,  encore  plus 
d'amour  de  la  vérité  que  de  science  de  son  art  ;  en  lui  le 
peuple  romain  estime  encore  plus  l'homme  que  l'acteur  : 
si  son  habileté  artistique  le  rend  très  digne  de  la  scène,  sa 
vertu  ne  le  rendrait  pas  moins  digne  du  Sénat. 

18  Mais  pourquoi  prononcer  sur  Roscius  ces  paroles 
qui,  devant  Piso,  sont  sans  objet  ?  Je  le  recommande 
longuement,  comme  s'il  s'agissait  d'un  inconnu.  Est-il 
quelqu'un  au  monde  que  tu  aies  en  plus  grande  estime  ? 
quelqu'un  qui  te  paraisse  plus  vertueux,  plus  délicat, 
plus  humain,  plus  serviable  et  plus  libéral  ?  Eh  quoi  ? 
Toi-même,  Saturius,  toi  qui  te  présentes  ici  contre  lui, 
as-tu  de  lui  une  autre  opinion  ?  Chaque  fois  que  dans  cette 
cause  tu  as  eu  l'occasion  de  prononcer  son  nom,  ne  l'as-tu 
pas  traité  d'homme  de  bien,  n'as-tu  pas  parlé  de  lui  avec 
ce  respect  que  nous  ne  montrons  que  pour  les  hommes 
que  nous  honorons  le  plus  et  que  nous  aimons  le  mieux  ? 
19  En  cela,  tu  m'as  paru  d'une  plaisante  inconséquence, 
alors  que  tu  l'outrageais  en  même  temps  que  tu  le  louais, 
alors  que  tu  le  traitais  à  la  fois  d'homme  de  la  plus 
grande  vertu  et  de  personnage  sans  la  moindre  probité. 
Tu  le  nommais  avec  le  plus  grand  respect  ;  c'était,  disais- 
tu,  un  homme  du  premier  mérite,  et  tu  l'accusais  d'avoir 
porté  tort  par  fraude  à  son  associé.  Mais,  je  le  pense,  la 
louange  était  un  tribut  que  tu  payais  à  la  vérité  ;  l'accusa- 
tion, une  concession  que  tu  faisais  à  la  complaisance.  Tu 
disais  hautement  le  bien  que  tu  pensais  de  Roscius,  et  tu 
plaidais  la  cause  suivant  le  bon  plaisir  de  Chaerea. 

VII  Roscius  coupable  de  fraude  I  Voilà  une  imputation 
qui  choque  les  oreilles  et  les  idées  de  tout  le  monde.  Mais 
enfin,  aurait-il  eu  affaire  à  quelque  associé  sans  courage 
et  sans  intelligence,  à  quelque  riche  nonchalant,  inca- 
pable d'avoir  recours  à  la  justice,  l'imputation  n'en  serait 
pas  moins  incroyable.  20  Voyons,  cependant,  à  qui  il 
aurait  fait  tort  par  fraude.  C'est  à  C.  Fannius  Chaerea  que 
Roscius  a  porté  tort  par  fraude  !  Je  vous  en  prie,  je  vous 
en  supplie,  au  nom  des  dieux,  que  ceux  de  vous  qui  les 
connaissent  l'un  et  l'autre  mettent  leur  vie  en  parallèle, 


1  12  l'l«>  Q.  ROSC 10  COMOEDO  vi-18 

18  Sed  quid  ego  ineptus  de  Roscio  apud  Pisonem  di- 
co  ?  [gnotum  hominem  scilicet  pluribus  uerbis  commen- 
do.  Estne  quisquam  omnium  mortalium,  de  quo  melius 
existimes  tu  ?  Estne  quisquam,  qui  til)i  purior,  puden- 
tior,  humanior,  officiosior  liberaliorque  uideatur  ?  Quid  ? 
tu,  Saturi,  qui  contra  hune  uenis,  existimas  aliter  ?  non- 
ne, quotienscumque  in  causa  in  nomen  huius  incidisti, 
totiens  hune  el  uirum  bonum  esse  dixisti  e1  honoris  cau- 
sa appellasti?  Quod  nemo  nisi  aut  honestissimo  aul  ami- 
cissimo  tacere  consueuit.  19  Qua  in  re  mini  ridicule  os 
uisus  esse  inconstans,  qui  eundem  et  laederes  et  Lauda- 
res,  el  uirum  optimum,  e1  hominem  improbissimum  esse 
diceres.  Eundem  tu  et  honoris  causa  appellabas  et  uirum 
primarium  esse  dicebas  et  socium  fraudasse  arguebas  ? 
Sed,  ut  opinor,  laudem  ueritati  tribuebas,  crimen  gratiae 
concedebas  ;  de  hoc,  ut  existimabas,  praedicabas,  Chae- 
reae  arbitratu  causam  agebas. 

Vil  Fraudauit  Rosciusl  Kst  hoc  quidem  auribus  ani- 
misque  omnium  absurdum.  Quid  si  tandem  aliquem 
timidum,  dementem,  diuitem, inertem  nactusesset,  qui 
experiri  non  posset  ?  Tamen  incredibile  esset.  20  Ve- 
rum  tamen,  quem  fraudant,  uideamus.  C.  Pannium 
Chaeream  Roscius  fraudauit  !  Oro  atque  obsecro  nos, 
qui  nostis,  uitam  inter  se  utriusque  conferte;  qui  non 
nostis,  faciem  utriusque  considerate.  Nonne  ipsum  ca- 
put,  et  supercilia  illa  penitus  abrasa  olere   malitiam  et 

19.  hoc  quidem  :  hoc  primum  quidem  c>:  ;  hoc  quidem  primum 
o,  c,k.  ;  omnium  Th.  Mommsen  :  hominum  rus.     timidum,  demen- 
tem, diuitem,  Inertem  :  diuitem  timidum  dementem  diuitem  im-r- 
temo  :  diuitem  timidum  dementem  inertem  c,  />•.     20.  qui  no 
qui  utrumque  nostis  Hotman  :  qui  eoa  nostia  coni.  Clark. 


vn-20    PLAIDOYER  POUR  Q.  ROSCIUS  LE  COMÉDIEN     1  13 

que  ceux  de  vous  qui  ne  les  connaissent  pas  considèrent 

le  visage  de  l'un  et  de  l'autre.  Cette  tête  elle-même,  ces 

sourcils  complètement  rasés  ne  paraissent-ils  pas  sentir 
la  méchanceté  et  crier  la  fourberie  ?  De  l'extrémité  fies 
ongles  au  sommet  de  la  tête  —  si  l'on  peut  conjecturer  le 
caractère  d'un  homme  par  son  extérieur  seul,  sans  enten- 
dre sa  parole, —  ne  paraît-il  pas  être  fait  tout  entier  de 
fraudes,  de  tromperies  et  de  mensonges  ?  Lui  qui  a  tou- 
jours la  tête  et  les  sourcils  rases, pour  qu'on  ne  puisse  pas 
dire  qu'il  se  trouve  sur  sa  personne  un  seul  poil  d'hon- 
nête homme  ;  lui  dont  Roscius  s'est  habitué  à  jouer  en 
scène  le  personnage  admirablement,  sans  obtenir  de  lui 
la  gratitude  que  mérite  un  pareil  service.  En  effet,  dans  le 
rôle  de  Ballio  (1),  ce  type  du  prostitueur  pervers  et  par- 
jure, il  joue  le  rôle  de  Chaerea.  Tout  ce  qu'il  y  a  de  boueux, 
d'impur,  d'odieux  chez  ce  personnage,  trouve  son  expres- 
sion dans  les  mœurs,  dans  le  caractère,  dans  la  vie  de 
Chaerea.  Pourquoi  a-t-il  estimé  que  Roscius  lui  ressem- 
blait en  fourberie,  cela  me  paraît  étonnant  ;  peut-être, 
cependant,  est-ce  qu'il  a  remarqué  de  quelle  manière  admi- 
rable Roscius  l'imite  dans  ce  rôle  de  prostitueur.  21  C'est 
pourquoi,  C.  Piso,  je  te  prie  d'examiner  la  question  et  de 
ne  pas  te  contenter  d'un  seul  examen  :  quel  est  celui  qui 
aurait  porté  tort  par  fraude,  quel  est  celui  à  qui  il  au- 
rait été  porté  tort.  Roscius  a  porté  tort  à  Fannius  !  Quoi 
donc  !  L'improbité  a  été  victime  de  la  probité  ;  le  déshon- 
neur, de  l'honneur;  le  parjure,  de  la  sincérité  ;  la  ruse,  de 
l'inexpérience  ;  l'avarice,  de  la  libéralité.  Tout  cela  n'est 
pas  croyable.  On  dirait  que  Fannius  a  porté  tort  par 
fraude  à  Roscius:  d'après  le  caractère  de  ces  deux  hommes, 
il  paraîtrait  vraisemblable  et  que  Fannius  par  méchan- 
ceté a  trompé  Roscius,  et  que,  par  défaut  de  prudence, 
Roscius  s'est  laissé  tromper  ;  que  l'on  accuse,  au  contraire, 
Roscius  d'avoir  porté  tort  par  fraude  à  Fannius,  il  est 
également  incroyable  et  que  l'avarice  ait  rien  fait  convoi- 


(1)  Le  leno  Ballio  joue  un  rôle  odieux  dans  le  Pseudolus  de  Plaute. 
Le  nom  de  Ballio  se  trouve  encore  dans  un  passage  des  Philip- 
piques  (II,  vi  15)  où  Cicéron  compare  Antoine  à  ce  personnage. 


1  13  PRO  Q.  ROSCIO  COMOBDO  vn-20 

clamitare  calliditatem  uidentur  ?  Non  ah  imis  unguibus 
usque  ad  uerticem  summum,  si  quam  coniecturam  ad- 
ferl  hominibus  tacita  corporia  figura,  ex  fraude,  Fallaciis, 
mendadis  constare  totus  uidetur  ?  Qui  idcirco  capite 
et  superciliis  semper  est  rasis,  ue  ulluin  pilum  uiri  boni 
habere  dicatur  ;  cuius  personam  praeclare  Roscius  In 
Bcaena  tractare  consueuit,  neque  tamen  pro  bénéficie  ei 
pargratia  refertur.NamBallionem  illum  improbissimum 
ei  periurissimum  lenonem  cum  agit,  agit  Chaeream  ;  per- 
sona  illa  lutulenta,  impura,  înuisa,in  huius  moribus,  na- 
tura  uitaque  est  expressa.  Qui  quam  <>b  rem  Roscium 
similem  buî  in  Fraude  et  malitia  existimarit,  mirum  mihi 
uidetur,  uisi  Forte  quod  praeclare  hune  imitari  se  in  per- 
sona  lenonis  animaduertit.  21  Quam  oh  rem  etiam 
atque  etiam  considéra,  C.  Piso,  quis  quem  fraudasse  dica- 
tur. Roscius  Fannium  !  Quid  est  hoc?  Probus  improbum, 
pudens  Lnpudentem,  periurum  caslus,  callidum  imperi- 
lus,  liberalis  auiduin?  Incredibile  est.  Quem  ad  moduni, 
si  Fannius  Roscium  Fraudasse  diceretur,  utrumque  ex 
utriusque  persona  ueri  simile  uideretur,  et  Fannium  per 
malitiam  Fecigse,  et  Roscium  per  imprudeuliam  decep- 
tum  esse,  sic,  cum  Roscius  Fannium  Fraudasse  arguatur, 
utrumque  incredibile  est,  et  Roscium  quicquam  per  aua- 
ritiam  appetisse,  et  Fannium  quicquam  per*  bonitateni 
amisisse. 


non  ab  imis  :  nonne  ah  imis  0,  f ,  C,  k,  td.  lunl.  1534,  ttulgo.  , 
rasis  :  rasas  o,  c,  A-,  Ernesti.  mirum  mihi  uidetur  Madoig  :  non 
mihi  uidetur  c.  k  ;  mihi  causa  non  uidetur/;  mihi  uidetur  céleri 
mss.  ;  nihil  uidetur  éd.  AU.  1519;  mihi  <uix>  uidetur  Clark,  Il 
2\.  per  bonitatem  P.  Manutio  :  per  se  bonltatfc  nus.  ;  per  suam 
bonitatem  Lambin, 


vn-21   PLAIDOYER  POUR  Q.  ROSCIUS  LE  COMÉDIEN      l  11 

ter  à  Roscius  et  que  Fannius  ;iit  rien  perdu  par  excès  de 

bonté. 

VIII  22  Tel  est  le  point  de  départ  ;  examinons  la 
suite.  Q.  Roscius  a  fait  tort  par  fraude  de  cinquante  mille 
sesterces  à  Fannius.  Pour  quel  moti*  ?  Je  vois  sourire 
Saturius,  qui  est  —  qui,  du  moins,  se  croit  —  un  vieux 
routier.  Pour  le  simple  motif,  dit-il,  d'avoir  ces  cinquante 
mille  sesterces.  Je  comprends  bien  ;  mais,  cependant,  don 
viendrait  cette  si  violente  convoitise  pour  ces  cinquante- 
mille  sesterces  ?  Je  pose  la  question.  Car,  assurément,  ce 
n'est  pas  sur  toi,  M.  Perpenna,  ce  n'est  pas  sur  toi,  C.  Piso, 
qu'une  telle  somme  aurait  eu  le  pouvoir  de  vous  faire  por- 
ter tort  par  fraude  à  un  associé.  Pourquoi  a-t-elle  eu  ce 
pouvoir  sur  Roscius,  je  requiers  qu'on  me  le  dise.  Il  était 
dans  l'indigence  ?  Loin  de  là,  il  était  riche.  Il  avait  des 
dettes  ?  Loin  de  là,  il  était  fort  bien  en  fonds.  Il  était 
avare  ?  Bien  loin  de  là  :  avant  même  de  devenir  riche,  il  a 
toujours  fait  preuve  de  la  plus  grande  libéralité  et  de  la 
plus  grande  magnificence.  23  Ah  !  j'en  atteste  les  dieux 
et  les  hommes  !  Celui  qui  n'a  pas  voulu  faire  un  gain  de 
cent  cinquante  mille  sesterces  —  car  il  pouvait,  il  devait 
être  payé  cent  cinquante  mille  sesterces,  si  Dionysia  (1) 
peut  être  payée  deux  cent  mille  —  celui-là  aurait  mis 
tout  ce  qu'on  peut  imaginer  de  fraude,  de  méchanceté,  de 
perfidie  à  s'approprier  ces  cinquante  mille  sesterces,  qu'il 
désirait  avec  ardeur  ?  D'un  côté,  la  somme  était  immense, 
de  l'autre,  elle  est  bien  mesquine  ;  d'un  côté,  elle  était 
acquise  honorablement,  de  l'autre,  elle  avait  une  origine 
ignoble  ;  d'un  côté,  c'était  un  gain  flatteur,  de  l'autre,  un 
lucre  pénible  ;  d'un  côté,  c'était  une  propriété  sûre,  de 
l'autre,  un  argent  dont  la  possession  mise  en  cause  fait 
l'objet  d'une  instance.  Dans  ces  dix  dernières  années, 
Roscius  aurait  pu  acquérir  très  honorablement  six  millions 
de  sesterces.  Il  ne  l'a  pas  voulu.  Il  a  accepté  le  labeur  qui 

(1)  Aulu-Gelle  (N.  A.,  I,  v,  3)  mentionne  la  danseuse  panto- 
mime Dionysia.  Il  est  probable  que  Roscius  avait  refusé  récem- 
ment quelque  engagement  qui  devait  lui  rapporter  cent  cin- 
quante mille  sesterces.  —  On  sait  que  le  sesterce  équivaut  à  peu 
près  à  vingt-cinq  centimes. 


111  PJtO  Q.  HOSCIO  COMOEDO  \m  22 

X"  III  22  Principia  sunt  huius  modi  ;  spectemus  reli- 
qua.  1 IS  i  1 1  i  Q,  l  losciua  fraudauit  Fannium.  Qua  de  cau- 
sa ?  Subridet  Saturius,  ueterator,  ut  sibi  uidetur  ;  ait 
propter  ipsa  lis  1  >  .>  >.  Video  ;  sed  tamen,  cur  ipsa  lis 
ij.yj  tain  uehementer  concupierit,  quaero  ;  nain  tibi, 
M.  Perpenna,  tibi,  C.  Piao,  certe  tanti  mm  fuissent,  ni 
socium  fraudaretis.  Iloscio  cur  tanti  fuerint,  causam  re- 
quiro.  Egebal  ?  Immo  locuples  erat.  Debebal  ?  [mmoin 
suis  numinis  uersabatur.  Auarus  erat  ?  Immo  etiam  ante 
quam  locuples  essei  semper  liberalissimus  munificentissi- 
musque  fuit. 23  Pro  deum  hominumque  fidem  !  Qui  IIS 
\odd  cccJDDD  quaestus  facere  noluit  (nam  certe  HS 
cccjddd  merere  et  potuil  et  debuit,  si  potest  Dionysia 
IIS  (  i  ciddd  (  ■  i  merere),  ta  per  summam  fraudem 

et  nu.litiain  et  perfidiam  IIS  i  >  >:>  appetiit  ?  Et  illa  fuit 
pecunia  immanis,  haec  paruula;  illa  honesta,  haec  sordi- 
da  ;  illa  iucunda,  haec  acerba  ;  illa  propria,  haec  in  causa 
et  in  iudicio  collocata.  Decem  his  annis  proximis  I  IS  sexa- 
giens  honestissime  consequi  potuit  ;  noluit.  Laboivm 
quaestus  recepit,  quaestu/n  laboris  reiecil  ;  populo  Ro- 
mano  adhuc  seruire  non  destitit,  sibi  seruire  iam  pridem 
destitit.  24  Hoc  tuumquam,  Panni,  faceres  ?  Et  si  hos 
quaestus  recipere  posses,  non  eodem  tempore  el  gestum 
et  animam  ageres  ?  I  >ic  aune  te  ab  l  Loscio  HS  iooo  cir- 


22.  <tibi>  C  l'iso  Clark:  ('..  Piao  mu.  fuissent  ut.,  fuerint 
Turnèbe  :  fuisset  ut.,  fueril  mu.  mimmis c, k, éd.  lunt  i">;i  :  nim- 
mis  cefeW  jnss.  Locuples  <esset>  Halm:  locuples  mu.  23.  us 
r>'>.  Sehùtz:  HS  cccLiri  cccLin  cccunniM. ;  H* 

)3  ceci  '  ils.  /.  .w,/.  1519  ; 

HSccglok  «  (lin  mu.     quaestum  laborii  n.  1  199  :  au&es* 

tus  laborii  mu.  I  24.  et  si  hos  Turnibi  :  sed  il  hos  ou*. 


vin  23  PLAIDOYER  POUR  Q.  R0SC1US  LE  COMÉDIEN     145 

méritait  un  gain  ;  il  a  refusé  le  gain  mérité  par  ce  Labeur 
Il  n'a  jamais  cessé  de  se  dévouer  au  service  du  peuple 

romain  ;  il  y  a  longtemps  qu'il  fl  cessé  de  servir  ses  propi 
intérêts.  24  Toi,  Fanntus,  agirais-tu  Jamais  ainsi?  Et,  si 

tu  pouvais  recevoir  de  tels  profits,  n'irais-tu  pas  jusqu'à 
rendre  l'âme  en  rendant  par  tes  gestes  quelque  action  théâ- 
trale? Dis  maintenant  que  tu  as  été  circonvenu  et  volé  de 
cinquante  mille  sesterces  par  Roscius,  cet  homme  qui  a 
refusé  des  sommes  d'argent  si  grandes,  d'une  importance 
si  illimitée,  non  parce  qu'il  était  nonchalant  pour  le  tra- 
vail, mais  parce  qu'il  était  magnifique  dans  sa  libéralité  ! 

Qu'ai-je  à  dire  maintenant,  ce  qui,  j'en  suis  sûr,  vous 
vient  à  l'esprit  ?  Dans  votre  association,  Roscius  te  por- 
tait tort  par  fraude  !  Il  existe  des  institutions  juridiques, 
des  formules  d'action  constituées  pour  tous  les  cas,  afin 
que  personne  ne  puisse  commettre  d'erreur  sur  le  genre  de 
l'atteinte  qui  a  été  commise  contre  la  justice,  ni  sur  le 
système  de  l'action.  C'est,  en  effet,  d'après  le  dommage, 
la  peine,  le  désagrément,  le  désastre,  l'injustice  que  cha- 
que particulier  a  pu  subir,  qu'ont  été  rédigées  en  termes 
précis  et  publiées  les  formules  conformément  auxquelles 
les  instances  privées  sont  instituées. 

IX  25  Cela  étant,  pourquoi  n'as-tu  pas  cité  Q.  Roscius 
devant  l'arbitre  suivant  l'action  qui  poursuit  la  fraude 
d'un  associé  ?  Tu  ne  connaissais  pas  la  formule  ?  Mais  elle 
était  très  connue.  Tu  ne  voulais  pas  l'engager  dans  une 
instance  dont  les  effets  sont  graves  ?  Pourquoi  cela  ?  A 
cause  de  votre  vieille  intimité  ?  Pourquoi  donc  lui  faire 
cet  outrage  ?  A  cause  de  son  intégrité  ?  Alors,  pourquoi 
l'accuser  ?  A  cause  de  l'importance  du  fait  que  tu  lui 
reproches  ?  Peut-il  en  être  ainsi  ?  Celui  que  tu  ne  pouvais 
accabler  par  le  moyen  de  l'arbitre  à  qui  il  appartenait  de 
décider  en  cette  matière,  tu  obtiendras  sa  condamnation 
par  le  moyen  du  juge,  qui  n'a  en  cette  matière  aucun  des 
pouvoirs  de  l'arbitre  ?  Fais  mieux  :  ou  bien,  lance  ton 
accusation  contre  lui,  là  où  tu  peux  intenter  une  action  ; 
ou  bien,  abstiens-toi  de  la  lancer  là  où  il  ne  convient  pas. 
Mais  voici  que  ton  accusation  tombe  même  par  ton  pro- 
pre témoignage.  Car,  du  moment  que  tu  as  refusé  d'em- 


145  PRO  Q.  BOSCIO  COMOEDO  vm  24 

cumscriptum  esse,  qui  tentas  et  tant  infinitas  pecunjap 
non  propter  inertiâm  taboris,  sed  propter  magnifîoen- 
ti;un  Liberalitatis  répudiant  ! 

Quid  ego  aune  iila  dicam,  quae  uobis  in  mentem  ueni- 
re  certo  Bcio  ?  FYaudabal  te  In  societate  Roscius  !  Sunt 
iura,  sunt  formulae  de  omnibus  rébus  constitutae,  ne  quis 
mit  in  génère  iniuriae  aut  in  ratione  actionis  errare  poss.;t. 
Expressae  sunt  enim  ex  unius  cuiusque  darano,  dolore, 
incommodo,  calanûtate,  inhiria  publiée  a  praetore  for- 
mulae, ad  cjuas  priuata  lis  accommodatur. 

IX  25  Quae  coin  i ta  sint,  eur  non  arbitrant  pro  so- 
cio  adegeris  Q.  Roscium,  quaero.  Ponnulam  non  noras  ? 
Notissima  erat.  ludicio  graui  experiri  nolebas  ?  Quid  îta? 
propter  familiaritatem  aeterem  ?  Cur  ergo  laedis?  Prop- 
ter  integritatem  hominis  ?  Cur  igitur  insimulas  ?  Prop- 
ter niagnitudinem  criminis?  liane  uero  ?  Quem  per  ar- 
bitrum  circumuenire  non  posses,  cuius  de  ea  re  proprium 
*  oral  iudicium,  Mine  per  iudieem  condcmiiabis,  euius 
de  ea  re  nulhim  est  arbitrium?  Qùin  tu  hoc  crimen  aut 
obiee,  ubi  licet  agere,  aut  tacere  noli,  ubi  non  oportet. 
Tametsi  iam  hoc  tuo  testimonio  crimen  sublatum  est. 
Nain,  quo  tu  tempore  illa  formula  uti  noluisti,  nihil  hune 
in  societatem  fraudis  fecisse i/idicasti. Die  enim,  tabulas 

in  ratione  b\ Lambin:  ratione  ecteri  m$s.    expressae  .  .publiée  a 

praetore  SCripsi :  expressae .  .  publies  hae  a  praetore  mu.  :  expres- 
sae.. publicae  a  praetore  cd-  AU.'  1019,  uulyo.  (cf.  De  lie  J'ubl., 
IV,  m  .  'A  :  disciplinant.,  nullam  certam  aut destinatam  legibusaul 
publier  expositam.)  25.  magnitudinem  criminis  /'.  Manuz{o  : 
egritudinem  criminis  mu.  proprium  erat  /'.  Afanuzio  :  proprium 
non  erat  DIS*,      hune  per  iudieem  P.  Manuxio  :  nunc   pet    Iudieem 

mn*  de  ea  rc  P,  Manuxio  :  de  re  mss;  lacère  doH  P.  afevuttis  : 
tacere  noli  mss.  |in  sodetatem  es?.  Bonon.  îr.1*.*  :  In  loctetate  mss. 
H  Indicasti.  Die  enim  Clark  :  ludkasti  b2  (  ;  in  deditionem  k;  hnli- 


x-25    PLAIDOYER  POUR  Q.  ROSCIUS  LE  COMÉDIEN      146 

ployer  la  formule  voulue,  tu  as  démontré  que  Roscitu 
n'a  commis  aucune  fraude  contre  L'association.  Dis-le, 
en  effet  :  as-tu  des  livres  de  compte  ou  n'en  as-tu  pas  ? 
Si  tu  n'en  as  pas, comment  la  convention  a-t-elle  été  faite  ? 
Si  tu  en  as,  pourquoi  ne  pas  faire  connaître  cette  conven- 
tion ?  26  Dis  maintenant  que  Roscius  t'a  prié  de  prendre 
un  de  ses  amis  pour  arbitre  1  II  ne  te  l'a  pas  demandé.  Dis 
qu'il  a  fait  une  convention  pour  être  absous  !  Il  n'a  pas 
fait  de  convention.  Pourquoi  a-t-il  été  absous  ?  A  cette 
question  on  te  répondra  :  parce  que  son  honnêteté  et  son 
intégrité  étaient  parfaites.  En  effet,  que  s'est-il  passé  ? 
Tu  t'es  rendu  spontanément  chez  Roscius  ;  tu  lui  as  donné 
satisfaction  ;  tu  avais  commis  une  imprudence,  tu  l'avais 
cité  en  justice  :  tu  l'as  prié  de  te  pardonner  ;  tu  as  déclaré 
que  tu  ne  comparaîtrais  pas  ;  tu  as  crié  bien  haut  que 
Roscius  ne  te  devait  rien  du  fait  de  l'association.  Ros- 
cius a  dénoncé  tous  tes  dires  au  juge  ;  il  a  été  absous. 
Et,  cependant,  tu  oses  parler  de  fraude  et  de  vol  !...  Il 
persiste  dans  son  impudence.  «  Il  avait,  en  effet,  —  dit-il, 
—  passé  avec  moi  une  convention.  »  Sans  doute  pour  évi- 
ter une  condamnation.  Mais  quel  était  le  motif  qui  lui 
faisait  craindre  d'être  condamné  ?  —  Le  fait  était  mani- 
feste, le  vol  était  évident. 

27  Qu'est-ce  qui  avait  été  volé  ?  L'exorde  fait  attendre 
de  grandes  choses  ;  l'avocat  expose  l'histoire  de  l'asso- 
ciation qui  avait  pour  objet  ce  comédien  vieilli  dans  le 
métier. 

X  Panurge,  dit-il,  était  l'esclave  de  Fannius  ;  Panurge 
devient  la  propriété  commune  de  Fannius  et  de  Roscius. 
Ici  commencent  les  plaintes  de  Saturius  ;  et  ce  ne  sont  pas 
des  plaintes  légères  :  voilà,  dit-il,  Roscius  qui  devient, 
sans  rien  payer,  possesseur  en  commun  d'un  esclave  dont 
Fannius  avait  acheté  la  propriété.  Cela  s'entend,  Roscius 
a  été  l'objet  des  largesses  de  Fannius,  cet  homme  libéral, 
insouciant  de  ses  intérêts,  débordant  de  bonté.  Tel  est 
bien  mon  avis.  28  Puisque  Saturius  a  insisté  quelque 
temps  sur  cette  question,  il  est  nécessaire  que  moi  aussi 
je  m'y  arrête  un  peu.  Toi,  Saturius,  tu  dis  que  Panurge 
était  la  propriété  de  Fannius.  Mais,  moi,  je  soutiens  qu'il 


116  PRO  Q,  ROSCJO  COMOEDO  i\  25 

habe.s1  an  non  ?  Si  non  habe.v,  quem  ad  inodum  pactio 
est  ?  si  habes,  cur  non  Dominas  ?  26  Die  nunc  Roscium 
aba  te  pelisse,  nt  familiarem  suum  sumeres  arbitrum  ! 
Non  petiit.  Die  pactionem  fecisse,  ut  absolueretur  !  Non 
pepigit.  Quaere,  qua  re  sit  absolutus  !  Quod  erat  summa 
innocentia  et  integritate  Quid  enim  factum  est  ?  Venisti 
domum  llltro  Ilosci,  satis  fecisti  ;  quod  teniere  eomniisis- 
ti,  in  Ludicium  nt  deiuintiare.s-,  rogasti,  ni  ignosceret  ;  te 
adfuturum  negasti,  debere  tihi  ex  societate  oihil  clami- 
tasti.  [udicihic  denuntiauit  ;  absolutus  est.  Tamen  frau- 

<lis  ae  fnrti  inentionein  facere  audes  V  Perstat  in  impu- 

dentia.  Pactionem  enim,  •>  inquit,  mecum  fecerat.  » 
Idcirco  nidelieet,  ne  condemnareLiir.  Quid  erat  causae, 
cur  metueret,  ne  eondemnaretur  ?  —  Res  end  manifes- 
ta, furtum  erat  apertum. 

27  Cuius  rei  furtum  faelum  erat  ?  Exordilur  magna 
cum  exspectatione  ueteris  bistrionisexponeresocietatem. 

X  a  Panurgus,  i  inquit,  a  fuit  Fanni  ;  is  fit  ei  cum 
Roscio  communis.  »  Hic  primum  questus  est  non  leuiter 
Saturius  communem  factum  esse  gratis  cum  Roscio, 
qui  pretio  proprius  fuisse!  Fanni.  Largitus  est  scilicet 
homo  liberalis  et  dissolutus  et  bonitate  adfluens  Fan- 
nius  Roscio.  Sic  puto.  28  Quoniam  Ole  lue  constitit  pau- 
lisj)er,  mihi  quoque  nec  si  paulum  commorari.  Pa- 

nurgum  tu,  Saturi,  proprium  Fanni  dicis  fuisse.  At  i 


lionem  u;  ludidUlonem  céleri  mts.  ;  ostendistl.  Fecit   pactionem. 

Nuin  uiil/jo  ;  tudic&sti.  .   tioiu-m  Kayscr  :  iiuli.  .   tioiHMii   Minlhr. 

babes. .  babes.  .  habea  Menant:  habet.habet.  .  babet  mu  .  uulgo. 
26*  denuntiares  Lambin  :  denuntiaret  mes.    debere  :  debeii  i.>un- 
bin.   |  27.  lit  t-i  Passait-  :  fuit  ci  mu,  |  28.  niitii  quoque  /;.  éd.  Aid, 
•  :  quoque  mini  céleri  mu. 


x-28     PLAIDOYER  POUR  Q.  R0SC1US  LE  COMÉDIEN       \M 

appartenait  tout  entier  à  Roscius.  En  effet,  que  possédait 
Fannius  ?  Le  corps  de  Panurge.  Que  possédait  Rosciua  ? 

L'instruction  reçue  par  Panurge.  Ce  n'est  pas  L'extérieur 
de  l'homme,  c'est  l'art  du  comédien  qui  avait  un  grand 
prix.  Ce  qui  dans  Panurge  appartenait  à  Fannius  ne 
valait  pas  quatre  mille  sesterces  ;  ce  qui  appartenait  à 
Roscius  valait  plus  de  cent  mille  sesterces.  Ce  n'est  pas  le 
buste  de  Panurge  que  l'on  considérait,  c'est  son  habileté 
dans  l'art  du  comédien  que  l'on  estimait.  Par  eux-mêmes, 
ses  membres  ne  pouvaient  gagner  plus  de  douze  as  ; 
l'instruction  qui  lui  avait  été  donnée  par  Roscius  ne  se 
louait  pas  moins  de  cent  mille  sesterces.  29  Quelle  duperie, 
quelle  indignité  dans  cette  association, où  l'un  des  associés 
porte  quatre  mille  sesterces  et  l'autre  une  valeur  de  cent 
mille  1  Peut-être  regrettes-tu  d'avoir  tiré  quatre  mille 
sesterces  de  ta  caisse  (1),  alors  que,  par  l'instruction  qu'il 
donnait,  par  l'art  qu'il  enseignait,  Roscius  en  offrait  cent 
mille.  Quelles  espérances,  en  effet,  ne  fondait-on  pas  sur 
Panurge  !  Que  n'attendait-on  pas  de  lui  !  De  quelle  faveur, 
de  quel  intérêt  n'était-il  pas  accompagné,  quand  il  parut 
sur  la  scène  1  C'est  qu'il  était  l'élève  de  Roscius.  Tous  les 
amis  de  Roscius  lui  accordaient  leur  faveur  ;  tous  les 
admirateurs  de  Roscius  lui  accordaient  leur  approbation  ; 
ceux  enfin  qui  avaient  entendu  prononcer  le  nom  du 
maître  estimaient  que  l'élève  était  un  comédien  instruit 
et  accompli.  Tel  est  le  vulgaire  :  c'est  rarement  sur  la 
vérité,  le  plus  souvent  sur  l'opinion  qu'il  fonde  ses  juge- 
ments. 30  Ce  que  Panurge  savait,  très  peu  de  gens  y 
faisaient  attention  :  où  avait-il  appris,  c'est  ce  dont  tout 
le  monde  s'enquérait.  On  ne  pensait  pas  qu'il  pût  sortir  de 
chez  Roscius  rien  d'incorrect  et  de  défectueux.  Sorti  de 
chez  Statilius  (2),  Panurge  aurait  eu  beau  par  son  habi- 
leté et  son  art  l'emporter  sur  Roscius,  il  n'aurait  pas  pu 
obtenir  un  regard.  Car,  si  on  n'admet  pas   qu'un  honnête 

(1)  Le  mot  arca,  qui  a  le  sens  général  de  coffre,  est  pris  ici  dans 
le  sens  spécial  de  coffre-fort.  C'est  la  caisse  où  un  particulier  garde 
ses  écus.  Cf.  Horace, SaL,  I,i,  v.  67  :...  nummos  contemplor  in  arca. 

(2)  Le  comédien  Statilius,  dont  l'enseignement  était  peu  estimé, 
et  le  comédien  Eros  sont  également  inconnus. 


117  PRO  Q.  ROSC 10  COMOBDO  X  28 

totuni  Rosci  fuisse  conlendo.  Quid  erat  enim  Kanni  ? 
Corpus.  Quid  Kosci  ?  Disciplina.  Faciès  non  cr.it,  ara 
erat  pretiosa.  Kx  qua  parle  erat  Fanni,  non  erat  lis 
fui  3ç  ,ex  (pia  parte  éral  Rosci,amplius  erat  HS         •  >  >: 

ncnio  cnini  illuiii  ex  truneo  COiporis  sperlalul,  sed  ex 
artilicio  coinico  aestimabat  ;  nain  illa  inembra  nierere 
pér  se  non  ainplius  polcraul  dundcriin  aeris,  disciplina, 

quae  erat  ab  hoc  tradita,  Locabat  se  non  minus  us 
ccciDDD,  29  0  societatem  captiosam  et  indignant,  ubi 
alter,  I  IS/in  do, alter,  1 1  i  i  1 1  >  quod  sit,  in  societatem  ad- 
fertl  Nisi  ideirco  moleste  pateris,  quod  IIS  ini  &  tu  ex 
arca  proferebas,  HS  qcc&dd  ex  disciplina  et  artificio 
Koseius  promebat.  Quam  enim  9pem  et  exspectat ionein, 

quod  studium  et  (piem  fauorem  secum  in  scaenam  at tu- 
lit  Panjirgus,  quod  Rosci  fuit  discipulus  !  Qui  diligebant 
hune,  illi  fauebant  ;qui  admiral)antur  Iiunc.illum  proba- 
bant  ;  qui  denique  huius  noinen  audierant,  illum  erudi- 
tum  et  perfectuni  existimabant. Sic  est  uulgus;  ex  ueri- 
tate  pauca,  ex  opinione  multa  aestimat.  30  Quid  sciret 
illc  perpauci  animaduertebant,  ubi  didicisset,  omnes 
quaerebant  ;  nihil  ab  hoc  prauum  et  peruersum  produci 
posse  arbitrabantur.  Si  ueniret  ab  Statilio,  tametsi  arti- 


HS  mi  oo  Orclli  :  IIS  i.m  X    mss.  ;  IIS  DOS  éd.  lunt.  1534,UU/- 

gc  ;  us  do  oo  Th.  Mommsen  ;  HS  «    Clark.  ,  erat  us  a 

éd.   lunt.   1534  :  HS  cccliii  c,  k  :  IIS   ccclim  cccl  céleri  mes.  :  HS 
ccci'J'jd  io'jd  Th.  Mommsen.  il  non  minus  HS  cccdoo  cd.  lunt.  1 

Ils  'cc.i. m   mss.      29.   HS  im  M    alter    CCCDDO   Orclli  :   IIS    i.ii  x 

alter  ceci. m  c,  k  ;  fis  i  u  x  alter  un  ce/eri  mu.  ;  HS  i  > •  >  »  ftlter 
ccaojj  <•(/.  /an/.  1534,  uu/yo  ;  HS«    alter  i  CfarJr.  | 

quod  lis  nu  x  Orclli:  quod    HS  un  x  mss.;  quod   HS 
/im/.  1534,  uulgo  ;quod  HS  x  Clark.  |  HS  o  /.  lunt.  I 

UU/gO   :  HS  G  «  i m  c,   A  ;    HS  ceci. m    i.ii  Ctteri  BUS.   .    US  CO 

id'jj  c.iark.  ||  spem  f&  Boemoraeut  :rem  m 


x-30      PLAIDOYER  POUR  Q.  HOSCIUS  LE  COMÉDIES      ILS 

homme  soit  le  fils  d'un  père  malhonnête,  on  ne  saurait  pas 
admettre  non  plus  qu'un  bon  comédien  puisse  être  formé 
par  un  méchant  histrion.  Parce  qu'il  venait  de  chez  Ros- 
cius,  il  paraissait  encore  mieux  instruit  qu'il  ne  l'était. 

XI  Le  même  fait  s'est  produit  récemment  à  propos  du 
comédien  Eros.  Chassé  de  la  scène  non  seulement  par  des 
sifflets  mais  par  un  concert  de  huées,  il  s'est  réfugié  dans 
la  maison  de  Roscius,comme  à  l'abri  d'un  autel  protecteur; 
il  trouva  un  refuge  dans  l'enseignement,  dans  le  patro- 
nage, dans  le  nom  de  Roscius.  Et  c'est  ainsi  qu'en  très  peu 
de  temps  Eros,  qui  n'était  pas  même  compté  parmi  les 
acteurs  les  plus  méprisés,  parvint  à  prendre  place  au 
rang  des  premiers  comédiens.  31  Comment  est-il  arrivé 
à  une  si  haute  situation  ?  Uniquement  parce  qu'il  se  re- 
commandait de  Roscius.  Cependant,  pour  ce  Panurge  qui 
nous  occupe,  Roscius  ne  s'est  pas  contenté  de  l'accueil- 
lir dans  sa  maison  pour  que  l'on  pût  dire  qu'il  avait  été 
son  élève,  mais  il  a  pris  la  plus  grande  peine,  il  a  éprouvé 
les  plus  grands  dégoûts  et  les  plus  grandes  difficultés  pour 
le  former.  En  effet,  plus  un  maître  a  d'habileté  et  de 
talent,  plus  il  s'irrite,  plus  il  se  fatigue  dans  son  ensei- 
gnement ;  quand  il  voit  son  élève  si  lent  à  se  rendre  maître 
de  ce  qu'il  a  lui-même  saisi  si  rapidement,  c'est  pour  lui 
un  vrai  supplice.  Si  mon  discours  s'est  développé  un 
peu  trop  longuement,  c'est  qu'il  fallait  vous  donner  une 
connaissance  exacte  des  conditions  dans  lesquelles  l'asso- 
ciation a  été  conclue. 

32  Quelles  furent  les  suites  de  tout  cela  ?  «  Ce  Panurge 

—  dit  Fannius  —  cet  esclave  que  nous  possédions  en  com- 
mun, un  certain  Q.  Flavius  de  Tarquinies  l'a  tué.  Tu  m'as 

—  dit-il  encore  —  constitué  comme  mandataire  pour  cette 
affaire.  Une  fois  que  le  procès  a  été  engagé  régulièrement, 
une  fois  que  l'instance  en  dommage  causé  sans  droit  (1) 

(1)  Cette  instance  s'appelle  actio  legis  Aquiliae.  La  lex  Aquilia 
réglementait  d'une  façon  générale  toute  la  matière  clés  dommages 
causés  à  la  propriété  d'autrui  ;  une  de  ses  dispositions  était  relative 
au  meurtre  d'un  esclave  commis  par  une  personne  qui  ne  se  trou- 
vait pas  dans  un  cas  de  légitime  défense.  Le  meurtrier  devait  payer 
une  somme  égale  à  la  plus  haute  valeur  que  l'esclave  avait  eue 
dans  l'année  antérieure  au  meurtre. 


148  PRO  Q.  ROSCIO  COMOBD  \   30 

ficio  Rosciuin  superaret,  adspicere  nemo  posset  ;  nemo 

enim,  sicut  ex  improbo  pâtre  probuin  tiliuin  nasci,  sic  a 

pessimo histrione  bonum  comoedum  fieriposse  existima* 
ret.  Quia  ueniebat  a  Hoscio,  plus  etiam  scire,  quam  scie- 
bal,  uidebatur. 

XI  Quod  item  imper  in  Erote  comocdo  usu  uenit  ;  qui 
postea quam e  scaena  non  modo  Bibilis,sed  etiam  conui- 
cio  explodebatur,  sicut  in  aram  confugit  in  huiua  do- 
mum,  disciplinam,  patrocinium,  nomen  :  itaque  perbreui 
tempore,  qui  ne  in  uifissimis  quidem  erat  histrionibus, 
ad primos peruenit  comoedos. 31  Quae  resextulil  eum? 
Vna  commendatio  huius  ;  qui  tamen  Panurgum  illum, 
non  solum  ut  Rosci  discipulus  fuisse  diceretur,  domum 
recepit,  sed  etiam  summo  cum  labore,  stomacho  mise- 
riaque  erudiit.  .Vam  quo  quisque  est  sollertior  et  ingenio- 
sior,  hoc  docet  iracundius  et  laboriosius;  quod  enim  ipse 
celeriter  arripuit,  id  cum  tarde  percipi  uldet,  discrucia- 
tur.  Paulo  longius  oratio  mea  prouecta  est  hac  de  causa, 
ut  condicionem  societatis  diligenter  cognosceretis, 

32  Quae  deinde  sunt  consecuta  ?  Panurgum,  ■  in- 
quit,  <<  hune  seruum  communem,  Q.  Flauius Tarquinien- 
sis  quidam  interfecit.  In  liane  rem,  inquit,  me  cogni- 
torem  dedisti.  Lite  contestata,  iudicio  damni  iniuria 
constituto,tu  sine  me  eum  l'iauio  decidisti.  Vtrum  pro 
dimidia  parte  an  prore  tota?  Planius  dicam:  utrum  pro 
me  an  et  pro  me  et  pro  te  ?  Pro  me  :  potui  exemplo  mul- 
torum  :  lieiluni  est  ;  iure  feeerunt  multi  ;  nihil  in  ea  re 

30.  a  pessimo  Lambin  :  ex  pessimo  nus.,  uulgo.  ullissimia  coni. 
Clark  :  Qouissimia  mu.  et  edit.  31.  nam  éd.  1  530  :  lam  nus.  32.  pro 
re  tota  Clark  :  pro  tota  mu.  ;  pro  tota  societate  éd.  huit.  1534,  uul- 
>,    .  pro  tota  re  Klotz. 

18 


xi-32     PLAIDOYER  POUR  Q.  ROSCIUS  LE  COMÉDIEN     149 

a  été  constituée,  tu    as,  sans    ma   participation,  transigé 
avec  Flavius.     Est-ce  pour  la  moitié  ou  pour  la  totalité 

que  j'ai  transigé  ?  Parlons  plus  clairement  :  est-ce  pour 
moi  seul  ou,  à  la  fois,  pour  toi  et  pour  moi  ?  Pour  moi  :  je 
le  pouvais,  j'avais  de  nombreux  exemples  ;  c'est  cho 
licite  :  beaucoup  d'autres  l'ont  fait  en  usant  de  leur  droit  : 
en  cela,  il  n'y  a  de  ma  part  aucun  acte  contraire  à  ton 
droit.  Quant  à  toi,  réclame  ce  qui  est  à  toi  ;  fais-toi  payer, 
emporte  ce  qui  t'est  dû  ;  que  chacun  conserve  la  posses- 
sion de  la  part  qui  lui  revient  en  droit  et  la  revendique. 
«  Mais  tu  as,  quant  à  toi,  fort  bien  administré  tes  aiî.-ii- 
res.  »  —  Administre  de  ton  côté  les  tiennes  aussi  bien. 
—  «  Tu  as  transigé  à  très  haut  prix  pour  ta  moitié.  •  — 
Toi  aussi,  transige  à  très  haut  prix  pour  la  tienne. —  «  Tu 
en  as  tiré  cent  mille  sesterces.  »  —  Admettons  qu'il  en 
soit  ainsi  :  de  ton  côté,  tire  aussi  de  ta  moitié  cent  mille 
sesterces. 

Roscius  a  transigé  XI1  33  Mais'  cette  transaction  de 
pour  son  propre  Roscius,  les  paroles  et  l'opinion  peu- 
compte  vent  en  exagérer  l'importance  ;  les 
faits  et  la  réalité  montreront  combien  les  avantages  en 
étaient  médiocres  et  faibles.  Il  a  reçu,  en  effet,  un  champ 
en  ces  temps  où  les  biens  ruraux  étaient  dépréciés  ;  ce 
champ,  dont  aucune  partie  n'était  cultivée,  ne  possédait 
pas  de  maison  d'exploitation.  Aujourd'hui,  ce  champ  a 
beaucoup  plus  de  valeur  qu'il  n'en  avait  alors.  Rien 
d'étonnant:  alors, en  effet, à  cause  de  l'état  déplorable  de 
la  République,  personne  n'avait  la  certitude  de  rester  en 
possession  de  ses  propriétés.  Aujourd'hui,  grâce  à  la  bonté 
des  dieux  immortels,  personne  n'a  d'incertitude  pour  sa 
fortune  ;  le  champ  était  alors  inculte  et  sans  bâtiment  . 
il  est  aujourd'hui  très  bien  cultivé,  il  possède  une  mai- 
son d'exploitation  en  excellent  état.  34  Cependant,  puis- 
que tu  es  d'un  naturel  si  malveillant,  je  me  garderai  bien 
de  jamais  te  délivrer  de  ce  souci  et  de  ce  chagrin.  Oui, 
Roscius  a  administré  ses  affaires  d'une  manière  remar- 
quable. Il  a,  pour  sa  part,  emporté  un  fonds  de  terre 
d'un  excellent  rapport.  En  quoi  cela  te  regarde- t-il  ?  Pour 
la  moitié  qui  t'appartient,  fais  tel  arrangement  qu'il  te 


111)  PRO  Q.  HOSCIO  COMOEDO  m   32 

tibi  iniuriae  IVri.  IVle  tu  tuum,  exige  et  anfVr.quod  debe- 
tur;  siKim  quisque  partem  Unis  possideal  et  persequa- 
tur.  —  «  At  enim  tu  tuum  negotium  gessisti  bene.  i  — 
Gère  et  tu  tuum  bene.  —  «  Magno  tu  tuam  dimidiam 
partem  decidisti.  » —  Magno  et  tu  tuam  partem  décide. 
—  «  IIS  cgciddd  tu  abstulisti.  »  —  Si/  i/a  hoc,  uero  IIS 
ccciddd  tu  quoque  aufer. 

XII  33  Sed  hanc  decisionem  Rosci  oratione  et  opi- 
nione  augere  liçet,  re  et  ueritate  mediocrem  et  tenuem 
esse  inuenietis.  Accepit  enim  agrum  temporibus  Lis,  cum 
iacerenl  pretia  praediorum  ;  qui  ager  neque  uillam  ha- 
buit  neque  ex  ulla  parte  fuit  cultus  :  qui  nunc  multo  plu- 
ris  est,  quam  tune  fuit.  Neque  îd  est  mirum.  Tum  enim 
propter  rei  publicae  calamitates  omnium  possessiones 
erant  incertae,  nunc  deum  immortalium  benignitate 
omnium  fortunae  sunt  certae  ;  tum  erat  ager  incultus 
sine  tecto  ;  nunc  est  cultissimus  cum  optima  uilla.  34  Ve- 
rum  tamen,quoniam  natura  tam  maleuoluses,numqu 
ista  te  molestia  et  cura  liberabo.  Praeclare  suum  n< 
tium  gessit  Roscius,  fundum  hructuosissimum  abstulit  ; 
quid  ad  te  ?  Tuam  partem  dimidiam,  quem  ad  modum 
uis,  décide.  Vertil  hic  rationem  et  id,  quod  probare  non 
potest,  (ingère  conatur.  «  De  tota  re,  n  inquit,a  decidisti.  i 

Ergo  hue  uniuersa  causa  deducitur,  utrum  Roscius 

magno  tu  td.  huit.  1534  :  magno  mu.  \\  HS  cccioso  éd.  Ald.1519, 
uulgo:  IIS  que  ccci.m  m$$.  ;  HSQ.  ccaooo  Th.  Mommsen  .  HS 
Clark.  |  sit  ita  hoc  uero  Clark  :  si  lit  hoc  uero  rnss.  ;  hoc  uero 
Gulielmius  ;  si  sit  hoc  uero  llulman  ;  si  sit  hoc  ucrum  Tunnel" 
HSccoDnotu  quoque  aufer  éd.  Aid.  1519  uul<  /<>  :  HS  quoque  tu 
aufer  e  ;  HS  que  tu  aufer  ceteri  nus.;  HSQ.  cccdoo  tu  aufer  Mom- 
msen ;  \\S{).  tu  aufer  Clark.  34.  liberabo  kt  éd.  luni.  1515  :  libera- 
bis  ceteri mu,  li  probare  :  approbareu   otetk. 


xu-34    PLAIDOYER  POUR  Q.  ROSCIUS  LE  COMÉDIEN     150 

plaira.  Ici,  sa  tactique  change  ;  à  défaut  «le  preuves  qu'il 
ne  peut  fournir,  il  donne  des  suppositions,  c C'est  pour  Ja 
totalité  —  dit-il  —  que  tu  as  transigé 

Voici  donc  maintenant  à  quoi  se  réduit  la  cause  tout 
entière  :  est-ce  seulement  pour  sa  moitié  ou  pour  la 
totalité  de  l'association  que  Hoscius  a  fait  une  convention 
avec  Flavius  ?  35  Car,  si  Roscius  a  touché  quelque  argent 
au  nom  de  la  communauté,  je  confesse  qu'il  doit  mettre 
cet  argent  à  la  disposition  de  l'association.  —  Ce  n'est 
pas  lui-même,  c'est  l'association  qu'il  a  dégagée  du  litige 
quand  il  a  reçu  de  Flavius  un  fonds  de  terre.  —  Pourquoi 
alors  n'a-t-il  pas  donné  la  garantie  assurant  que  per- 
sonne NE  RÉCLAMERA  PLUS  DÉSORMAIS  UN  AS  ?  Celui  qui 

transige  pour  sa  part  laisse  à  ceux  qui  restent  engagés 
dans  l'affaire  le  droit  d'agir  en  justice,  qui  demeure  entier 
pour  eux.  Celui  qui  transige  pour  ses  associés  donne 
la  garantie  que  désormais  aucun  d'eux  ne  réclamera  rien. 
Pourquoi  alors  ne  vient-il  pas  à  l'esprit  de  Flavius  l'idée 
de  prendre  des  sûretés  ?  Apparemment,  il  ne  savait  pas 
que  Panurge  appartenait  à  l'association  ?  Il  le  savait.  Il 
ne  savait  pas  que  Fannius  était  associé  à  Roscius  ?  — 
Il  le  savait  parfaitement,  puisque  c'est  avec  lui  qu'il 
avait  régulièrement  engagé  le  procès.  36  Pourquoi  donc 
transige-t-il  et  ne  s'assure-t-il  pas  par  une  restipulation 
que  désormais  personne  ne  lui  réclamera  rien  ?  Pour- 
quoi transige-t-il  en  cédant  un  fonds  de  terre  et  ne  se 
fait-il  pas  libérer  de  l'instance  ?  Comment  se  conduit- 
il  avec  une  telle  impéritie  qu'il  ne  parvienne  ni  à  lier 
Roscius  par  une  stipulation,  ni  à  se  faire  libérer  de  l'ins- 
tance par  Fannius  ?  37  Tel  est  le  premier  argument  que 
fournissent  à  la  fois  les  conditions  du  droit  civil  et  les  cou- 
tumes en  matière  de  garantie;  cet  argument  est  d'une 
grande  force  et  d'un  grand  poids.  Je  le  développerais 
plus  longuement,  si  je  ne  trouvais  dans  la  cause  pour 
témoigner  en  ma  faveur  des  preuves  encore  plus  sûres  et 
plus  évidentes. 

XIII  Et,  pour  que  tu  n'ailles  point  proclamer  que  je 
prends  ici  des  engagements  que  je  ne  pourrai  tenir,  c'est 
toi,  c'est  toi,  dis-je,  Fannius,  que  je  ferai  lever  de  ton 


150  PRO  Q.  ROSCJO  COMOEDO  xii-34 

cum  Flauio  de  sua  parte  an  de  tota  societate  fecerit  pac- 
tionem.  35  Nam  ego  Roscium,  si  quid  communi  nomme 
tetigit,  confiteor  praestare  debere  societati.  -  Societa- 
tis,  non  suas  lites  redemit,  cum  fundum  a  Flauio  ace 
pit.  —  Quid  [ta  salis  non  dedil  implivs  assem  neminem 
petitvrvm ?  Qui  de  sua  parle  decidit,  reliquis  integram 
relinquit  actionem,  qui  pro  sociis  transigit,  satis  dat  ne- 
tnineni  eorum  postea  petiturum.  Quid  [ta  Rauio  sibi 
cauerenon  uenil  in  oientem?  Nesciebat  uidelicel  Pa- 
nurgum  fuisse  in  societate.  Sciebat.  Nesciebat  Fannium 
Roscio  esse  socium.  Praeelare  ;  nam  iste  cum  eo  li- 
tem  contestatam  habebat.  36  Cur  igitur  decidit  et  non 
restipulatur  neminem  amplius  petiturum  ?  Cur  de  fundo 
decedit  et  iudicio  non  absoluitur  ?  Cur  tain  imperite  fa- 
cit,  ut  nec  Roscium  stipulatione  alliget,  neque  a  Pannio 
iudicio  se  absoluat  ?  37  Est  hoc  primum  et  ex  condi- 
cioneiuriset  ex  consuetudine  cautionis  firmissimum  et 
grauissimum  argumentum,quod  egopluribus  uerbis  am- 
plecterer,  si  non  alia  certiora  et  clariora  testimonia  in 
causa  haberem. 

XIII  Et  ae  forte  me  hoc  frustra  pollicitum  esse  prae- 
dices,  te,  te,  inquam,  Panni,  ab  tuis  subselliis  contra  te 
testem  suscitabo.  Criminatio  tua  quae  est  v  Roscium 
cum  Flauio  pro  societate  decidisse.  Quo  tempore  ?  Ab- 
hinc  annis  xv.  Defensio  niea  quae  est  ?  Roscium  pro  sua 


35*  amplius  assem  Clark  :  amplius  k,  Garatonii  amplius  a  se  ceteri 
piss.,  uulgo  ;  amplius  esse  R.  Boemoraeuê  :  amplius  ab  eo  Lambin, 

relinquit  /  :  rellquit  cricri  mu.  praeelare  :  praeelare  sciebat 
Kayser  ;  sciebat  praeelare  coni.  Clark.  |  35.  decedit  b  ,  s,  c  :  decidit 
céleri  nus.,  uulgo.  ,  37.  Qrmissimum  el  grauissimum  :  grauissimum 
et  Qrmissimum  uulgo*  ||  annia  w  :  annis  rv  Holman,  uulgo. 


mii  37  PLAIDOYER  POUR  <>■  ROSCIUS  LE  COMÉDIEN     151 

banc  pour  que  tu  témoigne!  contre  toi-même.  Bu  quoi 
consiste  ton  accusation  ?  Rosciua  a  transigé  avec  Flavius 

au  nom  de  la  société.  A  quelle  époque  ?  Il  y  a  quinze  ans. 
En  quoi  consiste  ma  défense  7  C'est  pour  sa  part  que 
Roscius  a  transigé  avec  Flavius.  Il  y  a  trois  ans,  tu 
prends  avec  Roscius  un  engagement  réciproque.  Com- 
ment? Qu'on  lise  bien  nettement  la  teneur  de  cette  stipu- 
lation. Prête  toute  ton  attention,  Piso,  je  t'en  prie,  à 
cette  lecture. 

C'est  malgré  lui,  malgré  ses  tergiversations  dans 
tous  les  sens,  que  je  contrains  Fannius  à  témoigner  contre 
lui-même.  Que  crie-t-elle,  en  effet,  cette  restipulation  ? 

CE    QUE    J'AURAI    TIRÉ    DE    FLAVIUS,    JE    M'ENGAGE    A    EN 

verser  la  moitié   a  roscius.  Voilà  tes  paroles,  Fannius. 
38  Que  peux-tu  tirer  de  Flavius,  si  Flavius  ne  doit  rien  ? 
Pourquoi  donc  maintenant  Roscius  fait-il  une  restipu- 
lation  à   propos   d'une   somme   qu'il   a   déjà   recouvrée 
depuis  longtemps  ?  Mais,  Flavius,  qu'a-t-il  à  te  donner, 
lui  qui  s'est  libéré  envers  Roscius  de  tout  ce  qu'il  devait  ? 
Pourquoi,  à  propos  d'une  si  vieille  affaire,  de  négociations 
maintenant  terminées,  d'une  société  dissoute,  faire  inter- 
venir cette  nouvelle  restipulation  ?   Cette  restipulation, 
quel  en  est  le  rédacteur,  le  témoin  et  l'arbitre  ?  C'est  toi, 
Piso.    C'est  toi,  en  effet,  qui,  pour  désintéresser  Fannius 
de  ses  soins  et  peines,  parce  qu'il  avait  été  mandataire, 
parce  qu'il  avait  satisfait  à  plusieurs  engagements  de 
comparaître    en    justice,   c'est    toi   qui    as   demandé    à 
Q.  Roscius  de  lui  donner  quinze  mille  sesterces,  à  cette 
condition  que,  si  Fannius  recouvrait  quelque  somme  de 
Flavius,  il  en  verserait  la  moitié  à  Roscius.  Cette  restipu- 
lation elle-même  ne  te  paraît-elle  pas  dire  nettement  que 
Roscius   a  transigé  pour  lui  seul?  39  Mais,  peut-être,  te 
viendra-t-il  à  l'esprit  que  Fannius  s'est  engagé  en  retour 
à  donner  à  Roscius  la  moitié  de  ce  qu'il  pourrait  obtenir 
de    Flavius,  mais   qu'il  n'a   absolument    rien   recouvré. 
Eh  bien  !  après  ?  Ce  que  tu  dois  considérer,  ce  n'est  pas  le 
succès  de  la  réclamation  pour  faire  rentrer  de  l'argent, 
mais  c'est  l'origine  de  l'engagement  réciproque.  S'il  n'a 
pas  jugé  à  propos  de  faire  des  poursuites,  il  n'en  a  pas 


151  PRO  Q.  ROSC10  COMOEDO  xm-37 

parte  cum  Flauio  transegisse.  Repromittis  tu  abhinc 
tricnnium  Hoscio.  Quid  ?  Recita  istam  restipulationem 
clarius.  Attende,  quaeso,  Piso. 

Fannium  inuitum  et  hue  atqae  illuc  tergiuersantem 
testimonium  contra  se  cogo  dicere.  Quid  enim  restipula- 
tio  clamât  ?  qvod  a  flavio  abstvlero,  partem  dimi- 

1)!.\m  INDE  HOSCIO  ME  SOLVTVRVM  SPONDEO.  Tua  I10X  est, 

Fanni.  38  Quid  tu  auferre  potes  a  Flauio,  si  Flauius  ni- 
hil  débet  ?  Quid  hic  porro  aune  restipulatur,  quod  iam 
pridem  ipso  exegit  ?  Quid  nero  Flauius  tibi  daturus  est, 
qui  Hoscio  omne,  quod  debuit,  dissoluit  ?  Cur  in  re  tam 
uetere,  in  negotio  iam  confecto,  in  societate  dissoluta, 
noua  naec  restipulatio  interponitur  ?  Quia  est  huius  res- 
tipulationis  scriptor,  testis  arbiterque  ?  Tu,  Piso  ;  tu 
enim  Q.  Roscium  pro  opéra  ac  labore,  quod  cognitor  fuis- 
set,  quod  uadimonia  obisset,  rogasti,  ut  Faunio  daret 
HS  cciDDiDD  hac  condieione,  ut,  si  quid  ille  exegisset  a 
Flauio,  partem  eius  diinidiam  Hoscio  dissolueret.  Satisne 
ipsa  restipulatio  dicere  tibi  uidetur  aperte  Roscium  pro 
se  decidisse?  39  lt  enim  forsitan  hoc  tibi  ueniat  iu  men- 
tem,  repromisisse  Pannium  Hoscio,  si  quid  a  Flauio  exe- 
gisset, eius  partem  dimidiam,  sed  omnino  exegisse  nihil. 
Quid  tum  ?  Non  exituin  exactionis,  sed  initium  repro- 

COgO  dicere  R.Boemoracus:  dicere  cogo  BUS.;  dicere  ego  cogo  coni. 
Clark.  :  38.  oetere  éd.  Rom.  1471  :  ueterl  mss.     Iam  confecto  Guliek  - 

mius  :  tain  confecto  rnss.  arbiterque?  Tn  Boiter  :  arbiter.  que  tu 
mss.  :  arbiter  ?  Quia  ?  Tu  al.  AU.  1519,  uuhjo.  ||  pro  opéra  <ac> 
labore  Mutila",  pro  opéra  labore  mss.  ;  pro  opéra. pro  labore  P.  Ma- 
fUUiotUUlgo; pro  opéra  CCo0iser.il  HS  ccio::>  iod  Lambin  :  HS  cccliii 
mes.  ;HS  cccddo  éd.  tunt.  1534.     restipulatio  P.  Manuzio  :  sUpu- 

latio  met.  Il  39.  at  enim  /'.  Manuzio  :  et  enim  mss.    |  Fannium  Hos- 
cio c,k:  l'annio  Koscium  61,/;  Fannium  Hosciuin  ceteri  mss 
omnino  /'.  Manuzio  :  se  domino  mss.  |  quid  tum  T  Lambin  :  quid 


xin-39  PLAIDOYER  POUR  Q.  HOSCll  .s  LE  COMÉDIEN     152 

moins  ju^jé,  autant  qu'il  était  en  lui,  que  Rosdui  l'étail 
dégagé  lui-même  du  litige,  mais  qu'il  n'en  avait  pus 
dégagé  l'association.  Que  sera-ce,  si  Je  montre  enfin  en 
toute   évidence  que,   depuis   l'ancienne   transaction   de 

Roseins  et  depuis  ce  récenl  engagement  pris  par  Fannius, 
Pannius  a  tiré  de  Flavius  cent  mille  sesterces  au  titre  de 
ce  qui  lui  ét;iit  dû  pour  Panurge?  Osera-t-il  cependant  se 
jouer  plus  longtemps  «le  ta  réputation  d'un  très  honn 

homme,  de  Q.  Roscius  ? 

XIV  40  Tout  à  l'heure,  je  posais  une  question  qui  a 
avec  l'affaire  le  rapport  le  plus  intime  :  pourquoi  Flavius, 
alors  qu'il  taisait  une  convention  pour  la  totalité  de  ce 
qui  était  engagé  dans  le  procès,  ne  recevait-il  pas,  d'une 
part,  la  garantie  de  Roscius  et  n'était-il  pas,  d'autre  part, 
libéré  de  l'instance  par  Fannius  ?  C'est  maintenant  un 
fait  étonnant,  et  incroyable  dont  je  requiers  l'explication  : 
pourquoi,  alors  qu'il  avait  transigé  pour  la  totalité  avec 
Roscius,  pourquoi  a-t-il  fait  à  Fannius  un  paiement 
séparé  de  cent  mille  sesterces  ?  Ce  que  tu  te  prépares  à 
répondre  sur  ce  point,  Saturius,  je  désire  le  savoir  : 
Fannius  n'a-t-il  absolument  pas  tiré  de  Flavius  cent 
mille  sesterces,  ou  a-t-il  obtenu  cette  somme  au  titre 
d'une  autre  créance  et  pour  un  autre  motif  ?  41  Si  c'est 
pour  un  autre  motif,  quelle  question  de  compte  y  avait-il 
entre  lui  et  toi  ?  T'avait-il  été  attribué  comme  esclave  à 
cause  de  ce  qu'il  te  devait  (1)  ?  Non.  C'est  à  des  riens  que 
j'use  mon  temps.  «  Fannius  —  dit-il  —  n'a  absolument 
pas  tiré  cent  mille  sesterces  de  Flavius, ni  pour  la  créance 
concernant  Panurge,  ni  pour  toute  autre  créance.  »  Si  je 
montre  en  toute  évidence  que,  postérieurement  à  cette 
récente  stipulation  de  Roscius,  tu  as  tiré  cent  mille 
sesterces  de  Flavius,  comment  pourras-tu  ne  pas  perdre 
ton  procès  et  ne  pas  te  retirer  frappé  du  plus  infamant  des 

(1)  Le  magistrat  pouvait,  par  un  jugement,  permettre  au  créan- 
cier d'emmener  (ducere)  le  débiteur,  condamné  pour  ne  pas  avoir 
payé  sa  dette,  qui  lui  était  attribué  (addictus),et  le  retenir  jusqu'à 
ce  que  Vaddirtus  se  fût  acquitté  par  son  travail  de  ce  qu'il  devait. 
Bien  qu'astreint  par  contrainte  corporelle  à  des  travaux  serviles, 
Vaddictus  n'était  cependant  pas  un  esclave  au  sens  strict  du  mot  : 
Erat  in  seruitute,  sed  non  seruus.  (Quintilien,  1.0. ,  VII,  ni,  26.) 


152  PRO  Q.  HOSCJO  C0M01  DO  xm  39 

missionis  spectare  debes.  Neque  si  [lie  id  exsequendum 
non  iudicauit,  non,  quod  in  se  fuit,  iudicauil  Roscium 
suas,  non  societatis  lites  redemisse. Quid  si  tandem  pla- 
num  fado  {)ost  decisionem  ueterem  !  kosci,  posl  repromis- 
sionem    recentern  hanc  Fanni  lis  i  o  Fannium  a 

Q.  Rauio  Panurgi  nomine  abstulisse?  Tamenne  diutius 
Qludere  uiri  optimi  existimationi,  Q,  Rosci,  audebil  ? 

XIV  40  Paulo  ante  quaerebam,  id  quod  uehementer 
ad  rem  pertinebat,  qua  de  causa  Rauius,  cum  de  tota 
lite  facerel  pactionem,  neque  sa t  is  acciperet  ;i  Roscio 
aeque  iudicio  absolueretur  a  Fannio  ;  aune  uero,  id  quod 
mirum  el  incredibile  est,  requiro  :  Quam  ob  rem,  cum  de 
tota  re  decidissei  cum  Roscio,  IIS  cc<  îddd  separatim 
Fannio  dissoluil  ?Hoc  loco, Saturi,quid  pares  respondere, 
scire  cupio:  utrum  omnino  Fannium  a  Rauio  I  [Sccc/d  i  > 
non  abstulisse  an  alio  nomine  et  alia  de  causa  abstulisse. 
41  Si  alia  de  causa,  quae  ratio  tibi  cum  eo  intercesseral  ? 
Xnlla.  Addictus  eral  tibi  ?  Non.  Frustra  tempus  contero. 
«  Omnino,  ■>  Lnquit,  IIS  a  ciddd  a  Rauio  non  abstulit 
neque  Panurgi  nomine  neque  cuiusquam.  Si  planum 
facioposl  hanc  recentern  stipulationem  Rosci  I  ls         >  >  > 

tu  mss.tuulgo.  |  debes:  debemua  Kayser  scripsitt  qui  debetia  eoni, 
Id  exsequendum  <  non  iudicauit  >  Clark  :  in  eo  tequendum  co, 
o,c,k;  Lnexsequendum  /  ;  Lnersequendum  m,  s  ;  persequendum  b; 
persequJ  ooluit  /'.  Manuzio,  uulgo.  quod  In  se  fuit  :  quod  in  re 
tuit  Huschke,  Kayser.  Ludicauit  :  <non  putault  > , iudicabimua 
Kayser  scripsit,  qui  ludicabitls  oui.  \  HS  ..•■>>>  éd.  lunt.  1534  : 
lis  cccLiii  mss.  Q.  Flauio  éd.  Aid.  1519  :  C.  Flaulo  mss.  ta- 
menne  Lambin  :  tamen  mss.,  uulgo.  fl  40.  HS  l.  lunt. 

1534  :HS  cccliii  mss.     dissoluit  :  dissolueril  Lambin.     Fannium 
a  Flauio  :  Fannium  Fabio  b,  m  ;  Fannius  a  Flauio  k  :  Fannius 
de  Flauio  c;  Fannius  Fabio  céleri  mss.  ;  Fannium  ab  Flauio  Kaij- 
ser.    non  abstulisse  b:  non  abstulisse!  céleri  mss.     41.  lis  < 
éd.  lunt.  1534  :  HS  cccliii  mss,  [lia  terni 


UV-41    PLAIDOYER  POUR  Q.  ROSCIUS  LE  COMÉDIEN     153 

jugements  ?  42  Quel  est  donc  le  témoin  qui  me  permettra 
de  fournir  cette  évidence  ?  Cette  affaire,  je  le  pense,était 
venue  en  justice.  Assurément.  Qui  était  demandeur) 
Pannius.  Qui  était  défendeur  ?  Flavius.  Qui  (Hait  juge  ? 
Cluvius.  De  ces  trois  hommes,  il  m'en  faul  produire  un 
comme  témoin  qui  déclare  que  l'argent  a  été  donné.  De 
ces  trois  hommes,  quel  est  celui  dont  le  témoignage  a 
le  plus  de  poids  ?  Sans  conteste,  celui  dont  la  désigna- 
tion comme  jugea  été  pleinement  approuvée  par  le  juge- 
ment de  tous.  Quel  est  donc  de  ces  trois  hommes  celui 
que  tu  attendras  de  moi  comme  témoin  ?  Le  deman- 
deur ?  C'est  Fannius;  jamais  il  ne  témoignera  contre  lui- 
même.  Le  défendeur  ?  C'est  Flavius.  Il  y  a  longtemps  qu'il 
est  mort  ;  s'il  était  vivant,  vous  entendriez  ses  paroles. 
Le  juge  ?  C'est  Cluvius.  Que  dit-il  ?  Que  pour  la  créance 
au  sujet  de  Panurge  Flavius  a  fait  à  Fannius  un  paiement 
de  cent  mille  sesterces.  Considère  Cluvius  d'après  son 
cens  :  c'est  un  chevalier  romain  ;  d'après  sa  vie  :  c'est  un 
homme  de  la  plus  haute  illustration  ;  d'après  la  confiance 
qu'il  inspire  :  tu  l'as  accepté  pour  juge;  d'après  sa  vé- 
racité :  ce  qu'il  a  pu,  ce  qu'il  a  dû  dire,  il  l'a  dit.  43  Dé- 
clare, déclare  maintenant  qu'il  n'y  a  pas  lieu  de  croire  à 
la  parole  d'un  chevalier  romain,  d'un  homme  d'honneur, 
de  ton  juge  !  Il  regarde  autour  de  lui  ;  il  bouillonne  ; 
il  déclare  que  nous  ne  donnerons  pas  lecture  du  témoi- 
gnage de  Cluvius.  Nous  en  donnerons  lecture.  Tu  es  dans 
l'erreur  ;  c'est  à  une  vaine  et  chétive  espérance  que  tu 
demandes  des  consolations.  Qu'on  donne  lecture  du  té- 
moignage de  T.  Manilius  et  de  C.  Luscius  Ocrea,  ces 
deux  sénateurs,  ces  deux  hommes  d'une  si  haute  distinc- 
tion (1),  qui  ont  appris  les  faits  de  Cluvius  lui-même. 

TÉMOIGNAGE    DE    T.    MANILIUS    ET    DE    C.     LUSCIUS    OCREA. 

Prétends-tu  qu'il  ne  convient  pas  de  croire  Luscius  et 
Manilius  et  Cluvius  lui-même  ?  Parlons  plus  nettement, 
plus  clairement. 

XV  De  deux  choses  l'une  :   ou  Luscius    et  Manilius 
n'ont-ils  rien  appris  de  Cluvius  au  sujet  des  cent  mille 

(1)  Ces  deux  sénateurs  sont  inconnus. 


lô.i  PJIO  Q.   ROSCIO  COMOEDO  \iv-41 

aFlauio  teabstulisse,numquid  causaeest,quin  ab  iudicio 
abeas  turpissime  uictus  ?  42  Quo  teste  igitur  hoc  pla- 
num  faciam  ?  Venerat,  ut  opinor,  haec  res  in  iudicium. 

Cerle.  Quis  erat  petit  or  ?  Fannius.  Quis    reus?  Flauius. 

Quis  iudex?Cluuius.Ex  hisunus  mihi  testia  est  producen- 
dus,  qui  pecuniam  datait]  dicat.  Qnis  est  ex  his  grauissi- 
mus  ?  Sine  controuersia  qui  omnium  iudicio  comproba- 
t  is  es1  iudex.  Quem  igitur  ex  his  tribus  a  me  testent  ex- 
spectabis  ?  petitorem?  Fannius  est  ;  contra  se  numquam 
testimonium  dicet  Reum  ?  Flauius  est  Is  iam  pridem 
e>t  mortuus  ;  si  uiueret,  uerba  eius  audiretis.  [udicem  ? 
Cluniiis  est.  Quid  is  dicit  ?HS<  >  Panurgi  nomine 

Flauium  Fannio  dissoluisse.  Quem  tu  si  i  u  spec- 

tas,  eques  Romanua  est  :  si  ex  uita,  homo  clarissimus 
est  ;  si  ex  fide,  iudicem  sumpsisti;  si  ex  ueritate,  id,  qnod 
scire  potuit  et  debuit,  dixit.  43  Nega,  nega  mine  equiti 
Romano,  homini  honesto,  iudici  tuo  credi  oporterel  Cir- 
cumspicit,  aestuat,  negat  nos  Cluui  testimonium  recita- 
turos.  Recitabimus.  Erras  :  inani  et  tenui  spe  te  conso- 
laris.  Recita  testimonium  T.  Manili  et  C.  Lusti  Ocj 
duorum  senatorum,   hoinitmm   ornatissimorum,  qui   ex 

Cluuio  audierunt.  tes  i  /  vtos  ïvm  t. ma  v/lj  e  /  c.  lvscj 
ocreae.  Vtrum  dicis  Luscio  et  Mauilio  an  etiam  Cluuio 
non  esse  credendum  ?  Planius  atque  apertius  dicam. 

uumquid  causae  est  c,  k  :  numquid  causae  erit  b9,  t  ;  aumquid 
causare  eeteri  ma.  42.  comprobatus  est  ludex:  comprobatus  est 
Ort'lli.  ||  exspectabis  b\  Hotman  :  ipectabis  eeteri  ma.,  uulgo  :  ex- 
spectatla  1'.  Manuxio.  ,  Flauius  est ,  b  i  ■/.  Rom.  1471  :  Flauius  tes 
tis  ma.  clarissimus  :  castissimus  Lambin;  sanctissimus  Hcdm.  | 
ex  Qde  Kayser  :  ex  te  nus.  ;  <.'\  Qde,tuteco/i/.  MueUer.  43.  testi- 
iiiimvm..  OCRE  \i:  tuppl.  Hotman  an  et  iam  Cbirk  :  an  b  ;  et  c,  k  ; 
an  et  eeteri  mss.,  uuhjo  ;  aune  MueUer, 


xv-43    PLAIDOYER  POUR  Q.  ROSCIUS  LE  COMÉDIEN     L54 

sesterces,  ou  Uuvius  ;i  1  il  dit  une  fausseté  à  LuSCillI    et  à 

Manilius  7  Sur  ce  point,  Je  suis  sans  Inquiétude  et  j'ai 
toute  liberté  d'esprit  ;  en  quelque  sens  que  ta  réponse  se 
dirige,  cela  ne  me  mel  guère  en  peine.  c.;ir  ce  sont  )<  i  té- 
moignages les  plus  positifs,  les  plus  sacrés  'les  meilleurs 

citoyens  qui  consolident  la  cause  de  Koscius.  44  Si  tes 
délibérations  t'ont  déjà  fait  décider  quels  sont  ceux  que 
tu  dois  destituer  du  droit  de  prêter  serment  eu  toute 
bonne  foi,  réponds-moi.  Est-ce  Manilius,  est-ce  Luscius 
dont  tu  déclares  que  l'on  ne  doit  pas  croire  le  serment  ? 
Dis-le,  ose  le  dire.  Une  telle  déclaration  convient  bien  à 
ton  arrogance,  à  ton  orgueil  obstiné,  aux  habitudes  de  ta 
vie  entière.  A  quoi  t'attends-tu  ?  A  ce  que  je  m'empresse 
de  dire  que  Luscius  et  Manilius  par  leur  ordre  appar- 
tiennent au  Sénat; que  par  leur  âge  ce  sont  des  vieillards; 
par  leur  caractère,  des  hommes  qui  observent  avec 
religion  tout  ce  qui  est  sacré  ;  par  les  ressources  de  leurs 
biens  patrimoniaux  des  citoyens  riches  en  terres  et  en 
argent  ?  Je  n'en  ferai  rien,  je  ne  porterai  aucune  atteinte 
à  ma  propre  considération,  en  leur  payant  comme  un 
tribut  ce  qui  est  le  fruit  légitime  de  toute  une  vie  qui 
s'est  soumise  aux  exigences  de  la  plus  austère  vertu.  Ma 
jeunesse  a  beaucoup  plus  besoin  de  leur  opinion  favorable 
que  leur  austère  vieillesse  ne  demande  mes  louanges. 
45  Mais  c'est  à  toi,  Piso,  qu'il  appartient  de  délibérer 
longuement  sur  cette  question,  de  la  mûrir  :  est-ce 
Chaerea  qu'il  faut  croire,  lui  qui  n'a  pas  prêté  serment 
dans  une  affaire  qui  lui  est  personnelle,  ou  Manilius  et 
Luscius,  qui  ont  prêté  serment  dans  une  affaire  qui  leur 
est  étrangère  ?  Il  ne  lui  reste  plus  qu'à  soutenir  que 
Cluvius  a  dit  une  fausseté  à  Luscius  et  à  Manilius.  S'il  le 
fait  —  et  il  est  assez  impudent  pour  le  faire —  désapprou- 
vera-t-il  comme  témoin  celui  dont  il  a  approuvé  le  choix 
comme  juge  ?  Déclarera-t-il  que  vous  ne  devez  pas  accor- 
der votre  confiance  à  celui  à  qui  il  a  accordé  la  sienne  ? 
Infîrmera-t-il  devant  le  juge  la  loyauté  de  ce  témoin,  lui 
qui  se  préparait  des  témoins  à  cause  de  la  loyauté  et  de  la 
religion  de  ce  témoin,  alors  qu'il  l'avait  pour  juge  ?  Cet 
homme,  je  le  lui  proposerais  pour  juge,  il  aurait  le  devoir 


154  PRO  Q.  ROSCIO  COMOEDO  w-43 

W  Vtrum  Luscius  et  Manilius  nihil  de  lis  ccciddd 
ex  Cluuio  audierunt,  an  Cluuius  falsum  Luscio  et  Mani- 
lio  dixit  ?Hoc  ego  loco  soluto  et  quieto  sum  animo;  et, 
quorsum  recidat  responsum  tuum,  non  magno  opère  la- 
boro  ;  firmissimis  enim  et  sanctissimis  testimoniis  uiro- 
ruin  optimorum  causa  Rosci  communita  est,  44  Si  iam 
tihi  deliberatum  est,  quibus  abroges  (idem  iuris  iurandi, 
responde.  Manilio  et  Luscio negas  esse  credendum?  Die, 
aude  ;  est  tuae  contumaciae,  arrogantiae  uitaeque  uni- 
uersae  uox.  Quid  exspectas,  quam  tnox  ego  Luscium  et 
M  iiiiliuin  dicam  ordine  esse  senatores,  aetate  grandes 
natu,  natura  sanctos  et  religiosos,  copiis  rei  familiaris 
locupletes  et  pecuniosos?Non  faciam  ;  ni li il  mini  detra- 
hain,cuin  il  lis  exactae  aetatis  seuerissime  fructum,  quem 
meruerunt,  retribuam.  Magis  mea  adulescentia  indiget 
illorum  bona  existimatione,  quam  illorum  seuerissima 
Benectus  desiderat  meam  Laudem.  45  Tibi  uero,  Piso,  diu 
deliberandum  et  concoquenduin  est,utrum  potius  Chae- 
reae  îniurato  in  sua  lite,  an  Manilio  et  Luscio  iuratis  in 
alieno  iudicio  credas.  Reliquum  est,  ut  Cluuium  falsum 
dixisse  Luscio  et  Manilio  contendal.  Quod  si  facit,  qua 
împudentia  est,eumne  testem  improbabit,  quem  iudicem 
probant  ?  Eli  negabit  credi  oportere,  cui  [pse  credide- 
rit  ?  Eius  testis  ad  iudicem  fidem  infirmabit,  cuius  pro- 
pter  Bdem  et  religionem  iudicis  testes  comparant  ? 
Quem  ego  si  ferrem  iudicem,  refugere  non  deberet,  cum 
testem  producam,  reprehendere  audebit  ? 

44.  nihil    inihi   delraham    :    ne  mihi    detraham    Th.    Mommsen. 
||  45.  reliquum  est    b*,  t,  c,  k  :  rdictuni  est   cri, ri  nus,      CODipararit 

Ilaiin  :  comparabil  c  ;  comparabat  eeteri  mu.,  uulgo.      cum  tes- 
tem :  eumeum  testem  Lambin. 


45    PLAIDOYER  POUB  Q.  R0SC1U8  LE  COMÈDIl  155 

de  ne  pas  le  récuser  :  je  le  produis  comme  témoin  :  aura- 
t-il  l'audace  de  réfuter  son  témoignage  ? 
XVI  46  <(  C'est — dit-il  —  que  ses  déclarations à  Luscius 

et  à  Manilius  ne  sont  pas  faites  sous  la  foi  du  serment.  » 
Si  elles  étaient  faites  sous  la  foi  du  serment  tu  les  croi- 
rais ?  Mais  quelle  différence  y-a-t-il  entre  le  parjure  et  le 
menteur  ?  Celui  qui  a  l'habitude  de  mentir  s'est  accou- 
tumé à  se  parjurer.  Celui  que  je  peux  amener  à  mentir, je 
pourrai  facilement  obtenir  de  lui  par  mes  prières  qu'il  se 
parjure.  Car  celui  qui  s'est  une  seule  fois  écarté  de  la  vérité, 
celui-là  n'a  pas  eu  plus  de  scrupule  pour  s'accoutumer  à 
se  laisser  entraîner  au  parjure  qu'au  mensonge.  Celui  qui 
n'est  pas  ému  par  la  droiture  de  sa  conscience  sera-t-il 
ému  par  les  imprécations  que  l'on  prononce  contre  les 
parjures  en  prenant  les  dieux  à  témoin  ?  C'est  pourquoi 
la  même  peine  a  été  établie  par  les  dieux  immortels  pour 
châtier  le  parjure  et  le  menteur.  Car  ce  n'est  pas  à  cause  de 
l'arrangement  des  termes  qui  comprennent  la  formule  du 
serment,  mais  à  cause  de  la  perfidie  et  de  la  méchanceté 
qui  ont  été  mises  à  tendre  des  pièges  à  quelqu'un,  que  les 
dieux  ont  coutume  de  s'irriter  et  de  brûler  de  colère 
contre  les  hommes.  47  Eh  bien!  moi,  tout  au  contraire, 
voici  ce  que  je  soutiens:  l'autorité  de  Cluvius  aurait  moins 
de  poids  s'ii  parlait  après  avoir  prêté  serment  qu'elle 
n'en  a  maintenant  qu'il  parle  sans  avoir  prêté  serment. 
Car  alors,  aux  yeux  des  gens  sans  probité,  il  paraîtrait 
peut-être  trop  partial  en  devenant  témoin  pour  une 
affaire  dont  il  avait  été  juge  ;  tandis  qu'à  présent,  aux 
yeux  de  tous  ceux  qui  ont  quelque  équité,  il  doit  né- 
cessairement paraître  le  plus  intègre  et  le  plus  ferme  des 
hommes,  lui  qui  dit  à  ses  amis  intimes  ce  qu'il  sait. 

48  Dis-le  maintenant,  si  tu  le  peux,  si  l'affaire,  si  la 
cause  te  le  permet,  dis-le  :  Cluvius  a  menti  !...  Il  a  menti, 
lui,  Cluvius  !  C'est  la  vérité  elle-même  qui  a  usé  sur 
moi  de  son  droit  de  mainmise  et  qui  me  contraint  d'in- 
sister quelque  temps  sur  cette  question,  de  m'y  arrê- 
ter. D'où  a-t-on  tiré  tout  ce  mensonge  ?  Comment  Pa- 
t-on  forgé  ?  Roscius  est,  apparemment,  un  homme  habile 
et  qui  sait  se  retourner.  Dès  le  début,  il  a  commencé  à 


155  FRO  Q.  ROSCIO  COMOEDO  xvi-46 

XVI  46  «  Dicit  enim,  Lnquit,  «  iniuratus  Luscio  et 
Manilio.  »  Si  diceret  iuratus,  crederes  V  At  quid  Lnterest 
inter  periurum  et  mendacem  ?  Qui  meutiri  solet,  peie- 
rare  consueuit.  Quem  ego,  ut  mentiatur,  inducere  pos- 
sum,  ut  peieret,  exorare  facile  potero.  Xam  qui  semé!  a 
ueritate  deflexit,  hic  non  maiore  religione  ad  periurium 
quant  ad  mendatium  perducj  consueuit.  Quis  enim  de- 
precatione  deorom,  non  conscientiae  fide  commouetur  ? 
Propterea, quaepoena  ah  dis  unmortalibus  periuro, haec 
eadem  mendaci  constituta  est  ;  non  enim  ex  pactione 
uerborum,  quibus  lus  Iurandum  comprehenditur,  sed  ex 
perfidia  et  malitia,  per  quam  insidiae  tenduntur  alicui, 
di  immortales  hominibus  irasci  et  suscensere  consuerunt. 
47  At  ego  hoc  ex  contrario  contendo  :  leuior  esset  aucto- 
ritas  Cluui,  si  diceret  iuratus,  quam  nunc  est,  cum  dicit 
iniuratus.  Tum  enim  forsitan  improbis  nimis  cupidus 
uideretur,  qui,  qua  de  re  iudex  fuisset,  testis  esset  ;  aune 
omnihus  non  imqtâa  aecesse  est  castdssimus  et  constan- 
tissimus  esse  uideatur,  qui  id,  quod  seil,  familiaribus 
suis  dicit. 

48  Die  nunc,  si  potes,  si  res,  si  causa  patitur,  Cluuium 
esse  nientilum  !  Mentitus  est  Cluuius  ?  Ipsa  inihi  ueritas 
manum  îniecit  et  paulisper  consistere  et  commorari  co- 
git.  Vnde  hoc  totum  ductum  et  conflatum mendacium 
est  ?  Roscius  est  uidelicet  homo  callidus  et  uersutus.  I  ! 
initio  cogitare  coepit  :  ■  Quoniam  Fannius  a  me  petil 

46.  dictl  enim  :  dix.it  enim  uulgo.  ;  diceret  iuratus  kt  éd.  BomA  171  : 

diceret   iniuratus  ectrri  mss.      hic  non  maiore  C,  k.  éd.  Iun!. 
hic  non  minore  ccfrri  mu.  ;  hic  minore  Th.  Mommaetl.      propten 

praeterea  e,  le,  Turnèbe.    47.  omnibus  non  Iniquia  c.inrk  :  omnihus 

inimicis //i.s.s.,   VUÛgO  ;  omnibus  Modoig;  omnibus  ciuihus  Murllrr. 
Il  48.  iniecit  :  inicit  <</.  1530,  Ernesti.     cogil  :  coegit  N'fczof/,  Clark. 


xvi-48   PLAIDOYER  POUR  Q.  HOSCIU3  LE  COMÉDIEN     156 

raisonner  ainsi  :  «Puisque  Pannius  me  demande  cinquan- 
te  mille  sesterces,  je  demanderai  ô  C.  Cluvius,  chevalier 

romain,  personnage  de  la  plus  haute  distinction,  de 
mentir  en  ma  faveur,  de  dire  qu'une  transaction  a  été 
faite,  alors  qu'il  n'a  pas  été  fait  de  transaction,  qu'une 
somme  de  cent  mille  sesterces  a  été  donnée  par  Flavius  a 
Fannius,  alors  que  cette  somme  n'a  pas  été  donnée.  » 
C'est  là  la  première  pensée  d'un  homme  dont  le  cœur  est 
malhonnête, l'esprit  misérable,  la  prudence  nulle.  49  Qu'ar- 
rive-t-il  ensuite?  Il  commence  par  s'affermir  très  nette- 
ment dans  son  dessein;  puis,  il  va  trouver  Cluvius.  Quel 
homme  est-ce  que  Cluvius  ?  Un  homme  léger  ?  Tout  au 
contraire,  un  homme  très  sérieux.  Ses  idées  peuvent 
changer  ?  Tout  au  contraire,  c'est  le  plus  ferme  des 
hommes.  Est-il  le  familier  de  Roscius  ?  Tout  au  contraire, 
il  lui  est  absolument  étranger.  Après  les  premières  salu- 
tations, Roscius  commence  à  lui  exposer  sa  demande  en 
termes  flatteurs  et  élégants  ;  voici,  sans  doute,  comment 
il  s'exprime  :  «Veuille  dans  mon  intérêt  mentir  en  présence 
de  ces  hommes  de  bien  qui  sont  tes  familiers.  Dis  que 
Flavius  s'est  arrangé  avec  Fannius  au  sujet  de  Panurge, 
alors  qu'il  n'a  fait  aucune  transaction.  Dis  qu'il  a  donné 
cent  mille  sesterces,  alors  qu'il  n'a  pas  donné  un  as.  »  A 
cela  que  répond  Cluvius  ?  «Assurément,  c'est  avec  empres- 
sement et  avec  joie  que  je  mentirai  dans  ton  intérêt.  Si, 
quelque  jour,  tu  désires  que  je  me  parjure  pour  te  faci- 
liter quelque  économie,  sache  bien  que  je  serai  à  ta  dispo- 
sition ;  tu  n'avais  pas  à  prendre  la  peine  de  venir  chez 
moi  :  pour  une  affaire  de  si  peu  d'importance,  tu  aurais 
pu  la  traiter  par  un  messager.  » 

XVII  50  Ah  !  J'en  atteste  les  dieux  et  les  hommes  I 
Peut-on  croire  ou  que  Roscius  eût  jamais  adressé  une 
telle  demande  à  Cluvius,  alors  même  qu'il  aurait  eu 
mille  fois  cent  mille  sesterces  engagés  dans  l'instance,  ou 
que  Cluvius  eût  jamais  fait  accueil  à  une  pareille  demande, 
alors  même  qu'il  aurait  dû  avoir  sa  part  de  la  proie  tout 
entière  ?  Que  le  dieu  de  la  bonne  foi  me  vienne  en  aide  ! 
C'est  à  peine  si,  toi,  Fannius,  tu  aurais  l'audace  de  récla- 
mer et  le  pouvoir  d'obtenir  pareil  service  de  Ballio  ou  de 


156  l'no  Q.  ROSCIO  COMOEDO  xvi-48 

HS  idod,  petam  a  C.  Cluuio,  équité  Romano,  ornatissi- 
mo  homine,  ut  mea  causa  mentiatur,  dical  decisionem 
factam  cssc,  quae  facta  non  est, US  ceci jk)  a  Hauio  da- 
ta esse  Fannio,  quae  data  non  sunt.  i  Est  hoc  prineipium 
improbi  animi,  iniscri  ingeni,  nulli  consili.  49  Quid 
deinde  ?  Postea  quam  se  praeclare  confirmauit,  uenit  ad 
Clauium.Quemhominem?  Leuem?  Immo  grauissimum. 
Mobilem  ?  Immo  constantissimum.  Familiarem  ?  Immo 
alienissimum.  Hune  postea  quam  salutauit,  rogare  coe- 
pit  blande  el  concinne  scilicel  :  Mentire  mea  causa,  uiris 
ôptimis,  tuis  familiaribus,  praesentibus  die  Flauium 
cum  Fannio  de  Panurgo  decidisse,  qui  nihil  transegit  ; 
die  IIS  ccciddd  dédisse, qui  assem  nullum  dédit.  »  Quid 
Ule  respondit?«Ego  uero  cupide  et  libenter  mentiar  tua 
causa,  et,  si  quando  me  peierare  uis,  ut  paululum  tu 
Compendi  facias,  para  lu  m  fore  scito  ;  non  fuit  causa,  cur 
tantum  laborem  capercs  et  ad  me  uenires  ;  per  nuntium 
hoc,  quod  erat  tam  leue,  transigere  potuisti.  » 

XVII  50  Pro  deum  hominumque  fidem  !  hoc  aut 
Roscius  umquain  a  Cluuio  petisset,  si  IIS  iniliens  in  iu- 
dicium  haberet,  aut  Cluuius  Hoscio  petenti  concessisset, 
si  uniuersae  praedae  particeps  essel  ?  Vix  me  dius  Ûdius 
tu,  Fanni,  a  Ballione  aut  aliquo  eius  simili  hoc  e/  postu- 

lare  auderes  et  impelrare  posses.  Quod  eum  est  ueritate 
falsum,  tum  ratione  quoque  est  ineredibile  ;  obliuiscor 
enim  Roscium  et  Cluuium  uiros  esse  primarios  ;  impro- 

principium  :  principio  Muetter.  "  nulli  :  nullius  o2,  k,  Clark.  49. 
peierare  uis  ut  Clark  :  peierare  oportueril  ut  k  ;  peierare  opor- 
tuit  ut  (■  ;  peierare  ut  céleri  mu.  :  uis  peierare  ut  éd.  l\<>m.  I  iti, 

uulgo.  Il  50.  in  iudiciurn  :  in  hulicio  coni.  Lambin.  |  et  postularc 
(iaraloni  :  expostularc  mss.  ;  postularc  uiilyo. 

»9 


■50  PLAIDOYER  POUR  Q.  ROSCIUS  LE  COMEDIES     107 

quelqu'un  de  ses  semblables  !  Pour  ce  qui  est  de  la  vérité, 

le  fait  est  faux  ;  pour  ce  qui  est  du  bon  sens, il  est  Incroya- 
ble. Oui,  j'oublie  que  Roscius  el  Cluvius  sont  des  hommes 
du  premier  mérite  :  pour  l'intérêt  du  moment,] 'in 

([ue  ce  sont  de  malhonnêtes  gens.  51  Roscius  a  suborné 
comme  faux  témoin  Cluvius l  Pourquoi  l'a-t-il  fait  si  tar- 
divement ?  Pourquoi,  alors  qu'il  fallait  solder  le  second 
pacte  du  paiement,  et  non  à  l'époque  du  premier  ?  Car  il 
avait  déjà  payé  cinquante  mille  sesterces.  Ensuite,  si 
Cluvius  avait  été  déjà  déterminé  par  persuasion  à  mentir, 
pourquoi  n'a-t-il  pas  dit  que  Fannius  avait  reçu  de  Flavius 
trois  cent  mille  sesterces  plutôt  que  cent  mille,  puisque, 
en  vertu  de  leur  restipulation, la  moitié  de  la  somme  appar- 
tenait à  Roscius  ? 

Tu  t'en  rends  compte  maintenant,  C.  Piso  :  c'est  pour 
lui-même,  c'est  pour  lui  seul  que  Roscius  réclamait  ;  au 
nom  de  l'association,  il  n'a  rien  réclamé.  Comme  Saturius 
s'aperçoit  que  rien  n'est  plus  évident, comme  il  n'ose  ré- 
sister à  la  vérité  et  la  combattre  en  l'ace,  il  découvre  sur- 
:  -ch  amp  un  autre  moyen  détourné  d'user  de  manœuvres 
rauduleuses  et  de  tendre  des  pièges.  52  «  Que  Roscius 
—  dit-il  —  ait  réclamé  sa  part  à  Flavius,  je  le  recon- 
nais ;  qu'il  ait  laissé  celle  de  Fannius  libre  et  entière,  je  le 
concède.  Mais,  que  ce  qu'il  s'est  fait  payer  à  lui-même  est 
devenu  la  propriété  commune  de  l'association,  voilà  ce 
que  je  soutiens.  »  Peut-on  raisonner  d'une  manière  plus 
captieuse,  plus  indigne  ?  Voici,  en  effet,  la  question  que 
je  pose  :  d'après  le  contrat  de  l'association,  Roscius  a-t-il 
pu,  oui  ou  non,  réclamer  sa  part  ?  S'il  ne  l'a  pas  pu, 
comment  a-t-il  retiré  cette  part  ?  S'il  l'a  pu,  comment 
n'est-ce  pas  pour  lui-même  qu'il  s'est  fait  payer  ?  Car,  ce 
qu'on  réclame  pour  soi,  ce  n'est  pas  évidemment  au  béné- 
fice de  l'autre  associé  qu'on  se  le  fait  payer.  53  La 
situation  peut-elle  être  celle-ci  ?  Roscius  eût  réclamé  ce 
qui  appartenait  à  l'ensemble  de  l'association  ;  l'argent 
qu'on  aurait  fait  rentrer  aurait  été  attribué  par  parties 
égales  à  chacun  des  associés  ;  et  maintenant,  ce  qu'il  a  ré- 
clamé, ce  qui  appartenait  à  sa  part,  ce  ne  serait  pas  pour 
lui  seul  qu'il  se  serait  fait  payer  ce  qu'il  a  alors  enlevé  m 


157  PRO  Q.  ROSC 10  COMOEDO  wn   50 

bos  temporis  causa  fingo.  51  Falsum   subornauit 

testem  Roscius  Cluuium  !  Cur  tam  scro  ?  Cur,  cum  altéra 
pensio  soluenda  esset,  non  tum,  cum  prima  ?  Nam  îam 
antea  IIS  doo  dissoluerat.  Deinde,  si  îam  persuasum 

erat  Cluuio,  ut  mentiretur,  cur  potiua  I  is  gccddo  quam 

ceci:)'.).)   .  data   <li\il    I-'annio  a   ldauio, 

cum  ex  restipulatioBe  pars  eiua  dimidia  Rosci  esset  ? 

Iam  intellegis,  C,  Piso,sibi  soli,  societati  nihil  Roscium 
p  disse.  Hoc  quoniam  sentit  Saturius  esse  apertum,  re- 
sistoi'c  et  repugnanj  contra  ueritatem  non  audet,  aliud 
fraudis  et    insidiaruni   in   eodem   uestigio   deuerticulum 

reperit.  52  Petisse,  •  inqui/,  ■  suam  partem  Roscium 
a  Flauio  confiteor, uacuam  et  Lntegram  reliquisse  Fanni 
concedo  :  sed,  quod  sibi  exegit,  id  commune  societatis 
fui  mu  esse  contendo.  »  Quo  niliil  captiosius  nequeindi- 
goius  potest  dici.  Quaero  enim,  potueritne  Roscius  ex 
societate  suam  partem  petere  aeene.  Si  non  potuit,  quem 
ad  modum  abstulit  ?  Si  potuit,  quem  ail  modum  non 
sibi  exegit  ?  Xam  quod  sibi  petitur,  certe  alteri  non  exi- 
gitur.  53  An  ila  est  :  Si,  quod  uniuersae  societatis 
fuisset,  petisset,  quod  tum  redactum  i  aequaliter 

omnes  partirentur;  aune,  cu/n  petierit,  quod  suae  partis 
c^set,  non,  quod  tum  abstulit,  soli  sibi  exegil 

XVIII  Quid  inteiest  inter  eam,  qui  per  se  litigat,  cl 
euni.  qui  cognitor  est  datas  ?  Qui  per  se  litem  contesta- 

51.  Fannio  a  Plauio  /.  k  :  Flauio  :i  Pannio  c  ;  Pannio  Plauio 
mss.  |  quoniam sentit  Mueller:  cum  sentit  mss.     in  eodem  :  eodem 
uuii/o,  Kayser.     deuerticulum  Lambin  :  diuerticulum   mu.   ;  52. 
Lnqult  éd.  lunt  L515  :  Inquam  mu.     53.  li quod  éd.  ////;/.  1515: 
si  quid  mss.     mine  cum  /'.  Manuxio  :  aumquld  mt  nm  qui 

()',  Lambin:  etqttl  cckri  mss.,  uuhjn.  ,  COgnltorest  dulus  P,  Manu- 
zio  :  cognitorun  dat  mss. 


xv ui-53  PLAIDOYER  POUR  Q.  ROSCIUS  LE  COMÉDIES  158 

XVIII  Quelle  différence  y  a-t-il  entre  celui  qui  soutient 
un  procès  par  ses  propres  moyens  et  celui  qui  a  été  consti- 
tué comme  mandataire  pour  soutenir  un  procès  ?  Celui 
qui  engage  l'affaire  par  Lui-même  ne  fait  de  réclamation 
que  pour  lui-même  ;  personne  ne  peut  réclamer  pour 
autrui,  à  moins  d'avoir  été  constitué  mandataire.  N'en 
est-il  pas  ainsi  ?  Si  Roscius  avait  été  ton  mandataire,  ce 
qui  aurait  été  le  fruit  de  sa  victoire  dans  l'instance,  tu 
l'emporterais  comme  étant  ta  propriété  ;  mais  alors  qu'il 
a  réclamé  en  son  propre  nom,  ce  qu'il  a  enlevé,  est-ce 
pour  toi,  n'est-ce  pas  pour  lui-même  qu'il  l'a  encaissé  ? 

54  Si  quelqu'un  qui  n'a  pas  été  constitué  mandataire 
peut  réclamer  pour  autrui,  je  pose  cttte  question  :  pour- 
quoi, après  le  meurtre  de  Panurge,  après  que  l'instance  en 
dommage  causé  sans  droit  avait  été  régulièrement  enga- 
gée avec  Flavius,  pourquoi  as-tu  été  constitué  manda- 
taire de  Roscius  pour  ce  procès,  puisque,  comme  ton  dis- 
cours l'indiquait  notamment,  tout  ce  que  tu  réclamais, 
c'était  pour  lui  que  tu  le  réclamais,  tout  ce  que  tu  fai- 
sais rentrer  pour  toi  devait  revenir  à  l'association  ?  Si, 
de  tout  ce  que  tu  aurais  tiré  de  Flavius,  rien  ne  devait 
passer  à  Roscius,  à  moins  qu'il  ne  t'eût  constitué  man- 
dataire pour  son  procès,  rien  ne  doit  passer  entre  tes 
mains  de  ce  que  Roscius  s'est  fait  payer  pour  sa  part, 
puisque  Roscius  n'a  pas  été  constitué  ton  mandataire. 

55  A  cela  que  pourras-tu  répondre,  Fannius  ?  Alors  que 
Roscius  a  transigé  pour  sa  part  avec  Flavius,  t'a-t-il, 
oui  ou  non,  laissé  le  droit  d'agir  en  justice  ?  S'il  ne  te  l'a 
pas  laissé,  comment  t'es-tu  fait  payer  dans  la  suite  cent 
mille  sesterces  par  Flavius  ?  S'il  te  l'a  laissé,  pourquoi  ré- 
clamer de  Roscius  ce  que  tu  dois  par  tes  propres  moyens 
revendiquer  et  réclamer  ?  Une  association  ressemble,  en 
effet,  beaucoup  à  une  hérédité  commune  ;  la  situation  de 
l'associé  et  celle  du  cohéritier  sont  jumelles.  Comme  l'as- 
socié a  sa  part  dans  l'association,  le  cohéritier  a  sa  part 
dans  l'hérédité.  Un  héritier  intente  une  réclamation  pour 
lui  seul  et  non  pour  ses  cohéritiers  ;  de  même,  un  associé 
intente  une  réclamation  pour  lui  et  non  pour  ses  associés. 
L'un  et  l'autre,  ils  intentent  les  réclamations  et  font  les 


158  l'RO  Q.  ROSCJO  COMOEDO  wm-53 

tur,  sibi  soli  petit,  alteri  nemo  potost,  nisi  qui  COgnitor 
est  factus.  Itanc  aero  ?  Cognitor  si  fuisset  tuus,  quod 
uicisset  iudicio,  ferres  tuum;a//n  suo  nomine  petwt,quod 
abstulit,  /ibi,  non  subi  cxcgil  ?  54  Quod  si  quisquam  pe- 
tere  potest  alteri,  qui  cognitor  non  est  factus,  quaero, 
quid  ita,  cum  Panurgus  esset  intcrfectus  et  lis  contestata 
cum  Flauio  damni  iniuria  esset,  tu  in  eam  litem  cognitor 
Hosci  sis  factus,  cum  praesertim  ex  tua  oratione,  quod- 
cumque  tibi  peteres,  huic  peteres,  quodcumque  tibi  exi- 
geres,  id  in  societaiem  recideret.  Quod  si  ad  Roscium  ni- 
hil  perueniret,  quod  tu  a  Flauio  abstulisses,  nisi  te  in 
suam  litem  dedisset  cognitorem,  ad  te  perucnire  nihil 
débet,  quod  Roscius  pro  sua  parte  exegit,  quoniam  tuus 
cognitor  non  est  factus.  55  Quid  enim  huic  rei  respondere 
poteris,  Fanni  ?  Cum  de  sua  parle  Roscius  transegit  cum 
Flauio,  actionem  tibi  tuam  reliquit  an  non  ?  Si  non 
reliquit,quem  ad  modum  IIS  cccijdd  ab  eo  postea  exe- 
gisti  ?  Si  reliquit,  quid  ab  hoc  petis,  quod  per  te  persequi 
et  petere  debes?Simillima  enim  et  maxime  gemina  socie- 
tas  heredilatis  est  ;  quem  ad  modum  socius  in  societate 
habet  partem,  sic  hères  in  hereditate  habet  partem.  Vt 
hères  sibi  soli,  non  coheredibus,  petit,  sic  socius  sibi  soli, 
non  sociis,  petit  ;  et  quem  ad  modum  uterque  pro  sua 
parte  petit,  sic  pro  sua  parte  dissoluit, hères  ex  ra  parte, 
qua  hereditatem  adiit,  socius  ex  ea,  qua  societatem  coiit. 
56  Quem  ad  modum  suam  partem  Roscius  suo  nomine 
condonare  potuit  Flauio,  ut  eam  tu  non  peteres,  sic,  cum 


cum  suo  nomine  Lambin  :  suo  nomine  mss.,  uulgo.  Hpetiitri/. 
Rom.  1471  :  petit  mss.  ||  tibi  non  sibi  llotnum:  sibi  non  tibi  mss.  \\ 
55.  ex  ea  parte  Madvij  :  ex  sua  parte  mss. 


xviii-55   PLAIDOYER  POUR  Q.ROSCIUS  LE  COMÉDIEN   159 

paiements  pour  leur  part,  l'héritier  d'après  la  part  pour 
laquelle  il  est  entré  dans  l'hérédité*  l'associé  d'après  la 
part  pour  laquelle  il  est  entré  dans  l'association,  quand 
elle  s'est  formée.  56  De  même  que  Roscius  a  pu,  en  son 
propre  nom,  faire  abandon  de  sa  part  à  Flavius,  sans  que 
tu  aies  eu  le  droit  de  réclamer  au  sujet  de  cette  part,  de 
même,  alors  qu'il  s'est  fait  payer  sa  part  et  t'a  laissé  dans 
son  intégrité  ton  droit  de  réclamer,  il  ne  doit  pas  partager 
avec  toi,  à  moins  que,  par  hasard,  une  perversion  de  la 
coutume  ne  te  donne  le  pouvoir  de  lui  arracher  à  lui-même 
ce  qui  est  sa  propriété  et  ce  que  tu  ne  peux  extorquer  à  un 
autre.  Saturius  persiste  dans  son  opinion  :  tout  ce  qu'un 
associé  réclame  pour  lui-même  devient  propriété  de  l'as- 
sociation. S'il  en  est  ainsi,  quelle  ne  fut  pas  —  maudite 
folie  1  —  la  sottise  de  Roscius  qui,  suivant  le  conseil  et 
d'après  l'autorité  des  jurisconsultes,  concluait  une  resti- 
pulation précise  aux  termes  de  laquelle  Fannius  devait 
lui  verser  la  moitié  de  ce  qu'il  se  serait  fait  payer  par 
Flavius,  du  moment  que,  sans  caution,  sans  promesse  de 
garantie,  Fannius  n'en  était  pas  moins  redevable  de  cette 
moitié  à  l'association,  c'est  à  dire  à  Roscius  ?... 


159  PJRO  0-  ROSCIO  Co.MOEDO  wiii-56 

exegit  siKim  partem  et  tibi  integram  petitionem  reliquit, 
tecum  partiri  non  débet,  oisi  forte  tu  peruerso  more, 
quod  luiius  est,  ;il>  alio  extorquere  aoo  potes,  huic  eripe- 
re  potes.  Perstat  in  sententia  Saturius,  (juodeumque  sibi 
petat  socius,  id  societatis  tteri.  Quod  si  ita  est,  qua,  ma- 
lum  !  stultitia  fuit  Koscius,  qui  ex  iuris  peritorum  consi- 
lio  et  auctoritate  restipularetur  a  Fannio  diligenter,  ut 
eius  quod  exegissel  a  Flauio,  dimidiam  partem  sibi  disso- 
luere/,  si  quidem  sine  cautione  et  repromissione,  oihilo 
minus  id  Fannius  societati,  hoc  esl  I  Loscio,  debebat  ? 


56.  huius  est  :  bulus  est  si  Rinkes,  Kayser.     qua,  mahun  l'.  M  - 
iiu:U>  :  quac  malum  mu,  i;  eiut-quod  exegisset  Clark  :  quod  ta 
gissetttSo,  A-,  uulgo;  qaod  eius  exej  teri  mu.     dimidiam 

partem  :  eius   dimidiam  partem    Lambin.   ;|    dissolueret  cd.  Rom. 
1171  :  dissoluere  ntst. 


IMPRIMÉ    SUR    VÉLIN    TEINTÉ 

DES 

PAPETERIES    NAVARRE 

A      MONTFOURAT     (  GIRONDE) 

PAR 

l'imprimerie  marc  texier 

7,    RUE    VICTOR-HUGO,    POITIERS 


Bibliothèques 

Libraries 

Université  d'Ottawa 

i  niversitv  of  Ottawa 

Echéance 

Date  Due 

25SEPJ994 

1 1  OCÏ.  1994 
2  OCT  1994 

26  OCT.  1994 

1 4  lïfOK  Î994 

û  8  DEC.  1994 
n6  0EC.lW 


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Cf 


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