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Full text of "Discours de m. Sillery à la Société des amis de la constitution : sur la prétendue factions d'Orléans"

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Imîîïtiî  Puliitr  Cittntm 


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in  2010  with  funding  from 

Boston  Public  Library 


http://www.archive.org/details/discoursdemsilleOOgenl 


DISCOURS 

D  E  M.  s  I  L  L  E  R  Y 

ALASOCIÉTÈ 

DES  AMIS  DE  LA  CONSTITUTION  , 

SUR  LA  PRÉTENDUE  FACTION  D'ORLEANS  ; 

Prononcé  à  la  société  des  amis  de  la  consd* 
tutiQti .  Iq  Ç  juin  1792  ,  tan  lf^_  dç  la  liber té^^ 


c^â^sr,^p^d.dA^^  ■ 


D   I  se  o   u   R   s 

DE   M.    s  I  L  L  E  R  Y 


A    L  A    s  o  Ç  J  E  T  E 
DES  AMIS   DE  LA  CONSTITUTION,^ 


'    SuS'tA  PRÉTENDUE  FACTION  D'ORLÉANS. 

J.ji.-JJlÀ*-* 


ESSÏEURS, 


'  Depuis  long-temps  je  suis  fatigué  d'entendre 
îës 'ennemis  déclarés  de  la  chose  publique  ac- 
cuser une  prétendue  faction  d'Orléans  des  'cri- 
mes qu'ils  n'ont  pu  commettre  ,  et  la  mettre  sans 
cesse  en  opposition  avec  leurs  infâmes  complots' , 
lorsque  l'on  parvient  à  les  découvrir.  Je  vais  leur  / 
répondre  d'une  maniéré  franche  ,  et ,  certes  ,  j'^eit 
ai  lé  droit ,  car  mes  liaisons  et  mon  ancienne 
amitié  pour  ce  prince  ,  m'assurent  que  s'il  existe 
une  faction  d'Orléans ,  je  suis  compté  au  n^omfcre 
des  conjurés  qui  la  cômposenî;.  Vous  n'imol^i- 
nez  pas" ,  sans  doute  ,  messieurs  ,  que  je  vais 
m'attacher  à  relever  et  à  combattre  toutes  les 

A    2 


inepties  qui  ont  été  débitées  lundi  dernier  â 
la  tribune  de  l'assemblée  nationale  :  elle  a  dé- 
claré que  l'imbécille  lecteur  du  méprisable 
écrit  qui  lui  a  été  communiqué,  étoit  en  dé- 
mence. Ce  n'est  donc  point  au  discours  de 
M.  Rible  que  je  veux  répondre ,  mais  aux  vils  ca- 
lomniateurs (^-i^'^ntlfait  agir  ;  car  on  assure  que 
ceM.Piible  n'est  pas  même  en  état  d'avoircomposé 
le  dégoûtant  rapport  que  vous  avez  entendu. 
Cependant ,  M.  Rible ,  avant  de  commencer 
.sa  lecture  ,  nous  a  annoncé  qu'il  alloit  af- 
fronter les  poignards  de  la  faction  qu'il  dé- 
nonçoitj'et  les  poisons  qui  avoient  enlevé  Mira- 
beau à  la  France.  Rassurez- vous  ,  M.  Rible ,  vous 
ne  serez  ni  poignardé ,  ni  empoisonné  )  vous  serez 
sans  doute  payé  de  votre  lecture ,  et  ce  salaire 
Yous  consolera  du  mépris  des  honnêtes  gens. 
C'est  au  milieu  de  la  société  des  amis  de  la  cons- 
titution qu'il  est ,  je  crois  ,  nécessaire  d'exami- 
ner si  cette  prétendue  faction  d'Orléans  existe 
véritablement ,  ou  si  ce  n'est  qu'une  ombre  fan- 
tastique, imaginée  par  les  ennemis  de  la  chose 
publique,  pour  fasciner  les  yeux  des  bons  ci- 
toyens sur  les  projets  des  véritables  conspira- 
teui^.  ' 

Jusqu'à  présent ,  messieurs  ,  personne  n'a  en-, 
core  pris  la  peine  de  traiter  cette  question  im-, 
portante:  la  raison  .^n,  est  évidente;  c'est  que 
c^ttç  faction  n'ayant  aucune^existence ,  M.  d'Or- 


(5) 

léans  seul  avoitle  droit  de  se  plaindre,  et  qu'en 
se  trouvant  exactement  tout  seul  en  opposition 
avec  une  foule  de  libellistes  conjurés  contre  lui , 
il  a  cru  que  le  mépris  et  une  condui|e  ostensible , 
et  constamment  dans  le  sens  de  la  révolution , 
ëtoient  les  seules  armes  qu'il  devoit  employer 
pour  les  combattre*^ 

En  effet ,  messieurs  ,  n'avez-vous  pas  reconnu , 
dans  le  discours  de  M.  Rible ,  l'analyse  dégoû- 
tante de  tous  les  libelles  qui  ont  paru  jusqu'à 
ce  jour?  On  retrouve  à  chaque  phrase  l^s  asser- 
tions de  l'Ami  du  Roi  ,  de  la  Gazette  de  Paris ,  de 
Mallet  du  Pan  ,  de  Durosoy,  de  la  Gazette  Uni- 
verselle ,  de  Peletier ,  et  de  tant  d'autres  merce- 
naires:, payés  pour  insulter  tous  les  matins  la 
constitution,  le  peuple  et  ses  défenseurs^ 

Quand  même  cette  faction  existerait ,  pour- 
roit-elle  s^'abaisse^  à  répondre  aux  atrocités  qu  on 
lui  suppose?  Les  crimes  dont  on  accuse  cette 
prétendue  faction  ne  peuventétre  conçus  que  par 
les  scélérats  capables  de  les  exécuter. 

Je  suis  désigné  ,  dans  la  dénonciation  de 
M.  Rible,  comme  un  des  amis  de  M.  d'Orléans  , 
auquel  on  vouloit  confier  le  commandement  de 
l'expédition  de  Saint-Domingue  ;  et  ce  poste  ne 
m'étoit  donné  que  pour  livrer  cette  colonie  aux 
Anglois ,  et  en  former  le  point  de  refuge  de  la 
faction  d'Orléans  ,  si  le  coup  venoit  à  manquer. 
Je  ne  répondrai  à  cette  partie  de  la  dénoncia- 

A  3 


tian  de-M.  PJblé  ,  qu'an  convenant  ave'G  lui  que, 
depuis  plus  dé  tirentejaiîuëes^  je  suis  lié  de  l'ami- 
tié' ija  pluiS  iôtime  av^e-c,  M..  d'Orléans ,  et  en  dé- 
clalrant  'quev;sî  la-fatition  d'Orléans  existe,,  je 
doiiSi  être  compté  parmi  ceux  qui  la  composent. 
Je*  vais  remplir  un  .des  devoirs  de  l'amitié ,  et 
c'est  en  parlant  de  la  conduite  politique  de  mon 
ami  outragé  ,  que  j'espère  prouver  l'absurdi lé 
de; Jui  supposer  un  parti. 

i';A 'l'époque  de  l'avilissement  et  de  la  bassesse 
"cù  tous  les  François  étoient  plongés  à  la  fin 
du  règne  du  despotisme  ,  la  cour  avoit  déjà  re- 
marqué que  M.  d'Orléans  avoit  le  caractère  trop 
indépendant  pour  js'assujettir  à  ces.  respects 
d'usage,  aux  heures  indiquées  où  les  princes 
ëtoient  admis  à  faire  leur  cour  au  monarque. 
Ses  goûts  particuliers  le  conduisirent  plusieurs 
fois  en  Angleterre  ,  et  on  lui  sut  mauvais  gré 
de  parler  avec  enthousiasme  de  la  liberté  dont 
ce  sage  peuple  sait  jouir.  M.  d'Orléans  ne  vou- 
lut jamais  courber  sa  tête  devant  l'idole  que  tous 
«es  pareils  adoroient;  et  au  milieu  de  cette  cour 
corrompue ,  il  avoit  presqu'autant  d'ennemis  qu'il 
y  avoit  d'esclaves. 

Lé  désordre,  les  déprédations  croissant  de  jour 

e  njour ,  la  cour  entrevit  le  moment  où  toutes 

,l€s  ressources  alloient  lui  manquer  à  la  fois.  Les 

ministres   du.    roi  voulurent  faire  un    emprunt 

désastreux  j  le  roi  vint  à  Paris  pour  le  faire  en- 


(7) 

yégistrer.  M.  d'Orléans  eut  le  courage  de  s'y 
opposer;  il  osa  invoquer  la  justice....  Je  dis 
qu'il  osa....  car  alors  c'ëtoit  un  crime  de  léze- 
majesté  de  ne  pas  être  de  l'avis  du  despote... 
Il  en  fut  puni  par  un  exil  rigoureux,  et  le  peuple  , 
à  cette  époque>  étoit  tellement  sous  le  joug  , 
qu'il  laissa  opprimer  son  défenseur ,  sans  té- 
jnoigner  son  ressentiment. 

.,■,  Le  peuple  en£n  ne  tarda  pas  à  s'apercevoir 
flu  goufre  dans  lequel  on  cherclioit  à  le  préci- 
piter ;  il  sortit  bientôt  de  son  apathie ,  et  ne 
s'aperçut  qu'il  étoit  entouré  d'oppresseurs,  qu'au 
moment  où  l'on  ne  pouvoit  l'opprimer  da\an- 
tage.  Les  états-généraux  furent  convoqués. 

M.  d  Orléans  fit  passer  dans  les  différons  bail- 
liages où  il  avoit  des  possessions,  un  caliier,  ré^ 
digé'par  MM.  de  la  Clos  et  l'abbé  Syeyes  ,  où  sef 
principes  étoient  développés.  La  cour,  dès  ce  nio* 
înent,  le  regarda^comme  l'ennemi  le  plus  redou- 
table. Ses  principes  étoient  trop  d'accord  avec  la 
justice,  pour  ne  pas  être  adoptés  par  tous  les  vé- 
ritables amis  du  peuple  et  de  l'humanité  :  l'uni- 
versalité  de  la  France  ,  à  l'exception  de  la  no- 
blesse et  du  clergé ,  en  adoptèrent  les  bases.  La 
cour  rugisse it  d'entendre  l'opinion  publique  qui 
se  manifestoit  de  toutes  les  parties  de  la  France^ 
La  noblesse  et  le  clergé  se  rallièrent  au  parti  de 
la  cour.  M.  d'Orléans ,  prince-  françois  ,  osant 
publier  ouvertement  que  le  bonheur  de  la  patri© 

A  4     '      ' 


(8) 

devoît  être  pré  Fëré  à  Torgueil  et  aux  prétentions 
de  quelques  individus  ,  parut  un  traître  et  uit 
chef  de  parti  à  ceux  qui  ne  partagèrent  point 
ses  opinions. 

Cependant  ,  les  états-généraux  s'assemblent  : 
M.  d  Orléans  est  nommé  député  du  bailliage  de 
Crépi.  Les  amis  de  la  liberté  et  de  l'égalité  re- 
marquèrent qu'à  la  procession  des  états ,  il  se 
tint  au  rang  de  son  bailliage ,  et  la  cour  lui  fit 
un  crime  de  ne  s^étre  pas  placé  au  rang  que  sa 
naissance  lui  donnoit  autrefois  le  droit  d'occuper. 
Il  fut  aisé  de  démêler  dans  les  premières  séan- 
ces de  la  noblesse  et  du  clergé ,  que  ces  deux 
ordres  (qui,  à  cette  époque,  existoient  encore) 
ëtoient  résolus  de  maintenir  les  anciens  abus  y 
que ,  se  réunissant  tous  à  demander  une  cons- 
titution ,  ils  la  vouloient  conforme  à  leur  am- 
bition et  à  leurs  intérêts ,  et  que  les  droits  du 
peuple  ,  comptés  pour  rien ,  dévoient  fléchir  de- 
vant l'orgueil  de  ces  deux  corps  privilégiés. 

Une  petite  minorité  de  la  noblesse  s'éleva  dans 
cet  instant  à  la  hauteur  des  représentans  du 
peuple;  M.  d^Orléans  fut  du  nombre  de  ceux 
qui  consentirent  à  sacrifier  àes  privilèges  et  des 
droits  chimériques  ,  pour  partager  avec  tous  les 
citoyens  du  royaume  le  bonheur  d'un  gouver- 
nement fondé  sur  la  liberté  et  légalité;  et  il  est 
encore  du  nombre  bien  plus  petit  de  ceux  qui 
sont  restés  fidèles  aux  intérêts,  du  peuple,  et 
dignes  d'être  de  votre  société. 


(9) 

La  cour  le  regarda  dès  ce  moment  comme  le 
chef  des  factieux ,  car  çest  ainsi  que  furent 
désignés  les  quarante-sept  ci-devant  nobles  qui 
passèrent  à  la  chambre  des  communes.  Certes , 
si  nous  formions  la  faction  d  Orléans  ,  elle  étoit 
nombreuse  à  cette  époque;  car  plus  de  &5  mil- 
lions d'hommes  partageoi.nt  nos  opinions. 

La  cour  se  doutoit  donc  bien  peu  des  droits 
sacrés  de  l'égalité  que  nous  étions  résolus  de 
défendre  et  de  maintenir  ,  puisqu'elle  nous  croyoit 
sous  un  chef.   Si  M.  d'Orléans  n'avoit  pas ,  ainsi 
que  nous ,  préféré  les  droits  sacrés  de  l'homme 
à  ses  privilèges  et  à  ses  prétentions ,  nous  Fau- 
rions  assimilé  aux  autres  rejettons  de  la  famille 
royale ,  que  nous  avons  couverts  de  nos  mépris. 
Vous  connoissez ,  messieurs ,  tous  les  évène- 
mens  qui  se  sont  passés  depuis  l'ouverture  des 
états  ,  jusqu'à  l'époque  à  jamais  mémorable  du 
i4  juillet.  Je  ne  retracerai  point  ce  premier  jour 
de  la  liberté  françoise ,  où  tous  les  citoyens  con- 
fondus ,  ayant  tous  le  même  intérêt  à  défendre , 
donnèrent  à  la  cour  et  à  ses  vils  agens  la  pre- 
mière leçon  du|  respect  que  l'on  doit  à  la  souve- 
raineté d'une  grande  nation.  La  cour  vint  se  jetter 
entre  les  bras  des  représentans  du  peuple  ,  et 
les  François  ,  toujours  prêts  à  publier  leurs  an- 
ciennes injures  ,  cherchèrent  encore  à  la  rassurer. 
Que  faisoit ,  à  cette  époque,  M.  d'Orléans? 
Renfermé  dcns  une  maison  de  campagne  qu'il 

A4 


avoit  à  Versailles,  il  ne  voulut  point  aller  à 
Paris  recevoir  les  bénëclictions  que  le  peuple 
lui  doniioit  ,  car  autant  la  cour  savoit  haïr, 
autant  le  bon  peuple  de  Paris  avoit  besoin  d'aimer; 

,  et  la  cour  proféra  de  rejetter ,  sur  M.  d'Orléans  et 
ses  amis  la  révolution  qui  se  développoit ,  plutôt 
que  de  Tattribuer  à  l'élan  d'un  grand  peuple  vers 
la  liberté.  M.  d'Orléans  devint  dcnc  à  cette  époque 

;  le  point  de  ralliement  de  toute  la  haine  de  la 
cour  :  dès  lors  ,  tous  les  conspirateurs  ,  tous 
les  ambitieux,  firent  agir,  sans  scrupule,  tous 
les  ressorts  de  leurs  machinations  ^  certains  de 
pouvoir  toujours  rejetter  sur  M.  d'Orléans  tous 
les  moyens  repréliensibies  dont  ils  croyoient  pou- 
voir se  servir. 

M.  de  la  Fayette  fut  nommé  commandant 
général  de  la  garde  parisienne  :  il  avoit  par- 
tagé les  opinions  de  la  minorité  de  la  noblesse  ; 
son  mandat  l'avoit  empêché  de  passer  aux  com- 
munes ;  mai?  son  opinion  étoit  tellement  pro- 
noncée,  que  l'on  n'hésita  pas  à  le  nonuner  vice- 
président  de  l'assemblée,  à  l'époque  du  14  juil- 
let ,  et  que  le  peuple  de  Paris  remit ,  d'une  voix 
unanime ,  le  commandement  de  la  garde-natio- 
nale entre  ses  mains.  L'effervescence  du  peuple 
étoit  alors  si  grande,  que  la  cour  avoit  à  re- 
douter une  explosion  :  elle  eut  recours  au  com- 
mandant lui  même,  pour  essayer  de  s'en  faire 
un  appui.   Lafayette  crut  apparemment  utile  à 


(  "  ) 

la  tranquilitè  générale  d'être  le  médiateur  entre 
Ja  cour  et  le  peuple  ;  et  pour  s'assurer  la  con- 
iiance  de  la  cour ,  il  crut  sans  doute  qu'il  de- 
voit  Timiter,  en  rejettanat  toutes  les  agitations 
du  peuple  sur  la  prétendue  faction  d'Orléans , 
en  suivant  cette  maxime  connue  de  MacPiiavel; 
ce  Pour  maintenir  deux  partis  absolument  divisés , 
D3  il  faut  en  imaginer  un  troisième,  et  rejetter 
>:>  5ur  celui-là  ]es  fautes  et  les  complots  des 
ce  deux  partis  en  opposition.  :>:> 

Examinons  maintenant  les  événemens  qui  ont 
eu  lieu  dans  l'intervalle  du  14  juillet  au  5  et  6 
octobre.  La  cour  ,  revenue  de  l'effroi  que  lui  avoit 
causé  le  réveil  du  peuple ,  ne  tarda  pas  à  former 
de  nouveaux  projets  contre  lui.  Dans  le  nombre 
de  ces  projets  ,  on  n' avoit  rien  négligé  pour 
rendre  l'approvisionnement  de  Paris  difficile.  Les 
mesures  avoient  été  si  bien  combinées  ,  qu'au 
même  instant  la  capitale  ,  et  presque  tous  les 
départemens  du  royaume ,  manquèrent  à  la  fois 
des  moyens  de  subsistance.  Le  peuple  de  Paris 
souffrit  sans  se  plaindre,  tant |qu'il  crut  que  les 
circonstances  seules  étoient  cause  de  sa  détresse. 
Mais  quand  il  apprit  que  de  nouveaux  rassem- 
blemens  de  troupes  se,  faisoient  à  Versailles  et  aux 
environs...  quand  il  fut  informé  de  l'orgie  scanda- 
leuse des  gardes-da  corps...  quand  il  sut  qu'il  y 
avoit  des  registres  où  l'on  s'inscrivoit  clandestine- 
ment pour  renforcer  la  garde  du  roi...  Torsqu'eniin 


(12) 

il  eut  les  preuves  non  équivoques  d'une  fuite 
du  roi  préméditée,   en  peu  de  Jours  les   têtes 
fermentèrent  de  nouveau.   La  lettre  de  M.  d'Es- 
taing  à  la  reine ,  que  vous  connoissez  tous  ,  ne 
laissa   aucun   doute   sur  le    projet  de   Tenîève- 
ïnent  ;    et   pour  le   justifier   en   apparence,    on 
desiroit  un   soulèvement  dans  la  capitale.    Les 
agitateurs  du  peuple  furent  employés  :  certes , 
ils  étoient  en  ce  moment  très-in.  tiles ,  et  le  peu- 
ple ayant  découvert  le  noureau  piège  que  l'en 
cherciioit  à  lui  tendre ,  prit  fattitude  qu'il  pren- 
dra chaque  fois  qu'il  se  croira  abusé.  Le  5  oc- 
tobre il  marcha  à  Versailles,  et  le  6  le  roi  vint 
à  Paris.  La  cour,  qui  navoit  pas  prévu  la  suite 
de  cette  nouvelle  insurrection,   voulut  encore 
la    rejetter    sur    M.    d'Orléans;    mais    il    auroit 
fallu  prouver  que  c'étoit  lui  qui  avoit  accaparé 
toutes   les  suDsistances ,    et  qui   réduisait    Paris 
dan^  la  détresse,  véritable  et  unique  ca lise  de 
ce  mouvement.    Le  peuple  auroit-il  pu  ajouter 
foi  à  une  pareille  calomnie,  en  voyant  l'abon- 
dance renaître  immédiatement  après  l'arrivée 'du 
roi  dans  la  capitale  ?  Plus  de  deux  cens  voitures 
de  farine  arrivèrent  de  Versailles  en  même  temps 
que  le  roi,  et  tous  les  citoyens  éclairés  restèrent 
convaincus  que  la  disette  n' avoit  été  que  le  ré-' 
sultat  d'une  intrigue  ourdie  contre  la  tranquil- 
lité publique.   L'objet  de  cette  discussion  n'est 
point   de  chercher  les   caupables  ;  je  remplirai 


(i5) 
Cette  tâche  dans  l'histoire  que  f  écris  :  je  m'attache 
à  prouver  que  la  faction  d'Orléans  n'a  jamais 
existé  ,  et  qu  elle  n'a  jamais  été  que  le  manteau 
dont  se  sont  couvert  les  ennemis  de  notre  li- 
berté. Je  ne  cite  M.  de  la  Fayette  que  parce 
que  sa  conduite  subséquente  avec  M.  d'Orléans 
a  été  trop  ostensible  pour  passer  sous  silence 
les  causes  qui  ont  pu  accréditer  l'existence  d'une 
faction  qui ,  je  le  répète ,  n'a  jamais  eu  de  réalité. 

Ce  n'est  pas  le  moment  de  vous  parler  de  cette 
matinée  désastreuse  du  5  au  6  octobre  ;  chacun 
de  nous  s'afflige  du  sang  qui  a  été  répandu» 
Mais  pourquoi  la  malveillance  chercha-t-elle  à 
attribuer  ces  crimes  à  M.  d'Orléans  ,  qui  pour 
lors  étoit  à  Paris ,  et  comment  des  témoins 
furent  ~  ils  assez  infâmes  pour  accuser  M.  d' Or- 
léans des  forfaits  qui  ne  furent  sans  doute  di- 
rigés par  personne ,  mais  que  dans  tous  les  cas 
on  ne  pouvoit  imputer  avec  j'ustice  qu'au  dé- 
faut de  surveillance  de  ceux  qui  gardoient  le 
château  de  Versailles  à  cette  époque? 

Cependant  la  haine  d'un  parti  puissant  cher- 
cha dans  ce  nouveau  désastre  une  victime  pour 
assouvir  sa  vengeance  ,  et  ce  malheureux  prince, 
toujours  isolé  au  milieu  àes  conspirateurs  dont 
©n  le  disoit  entouré ,  et  des  délateurs  qui  vou- 
loient  ,à  quelque  prix  que  ce  fut  ^  le  perdre,  fut 
encore  désigné  pour  avoir  dirigé  les  poignards 
et  les  massacres  qui  eurenc  lieu.  M.  d'Orléans , 


tranquille  de  sa  conscience  ,:.cléYaroIt  les  calom^ 
mnies  :  atroces  dont  on.cbercliait  4 ,  l'accabler* 

M.  de  la  Fayette  ,  profondement  obscur  dans 
sa  conduite  avec  lui,  vint  lui  dire  que  souy^çïîli 
Fon  se  servoit  de  son  noin.;  pour  agiter  les  es.J)rits/ 
et  qu'au  degré  d'effervescence  oii  ils  étoieM 
portés,  il  seroit  peut-être  utile, à  la  tranquillité 
publique  quil  s'éloignât  quelques  momens^  dé 
la  capitale.  M.  d'Orléans  ne  calcula  pas  le  .»dan^ 
ger  qu'il  j  avoit  pour  lui  de  s'absenter  dans  iine 
telle  circonstance  ;  et  ce? qui  prouve  yictojçieu- 
sement  i  iqu'il  ii'avoit  aucun  parti  ,  c'est'  qu'il 
accepta  Tiiie  mission  pour  l'Angleterre,  et  que 
cette  mission  lui  fut  doniiée  sans  qu'aucuii  d© 
ses  amis  en  fussent  informés.  Je  ne  lappris 
qu'au  moment  de  son  départ ,  et  je  ne  me  cache 
point  d'avoir  été  sur  le  champ  chez  lui  pour  lé 
détourner  dïin  voyage  .  qui  donnoit  un  vaste 
cliamp  à    ses  calomniateurs. 

On  pourra  juger  de  la  duplicité  de  la  cour^ 
et  de  l'intrigue  qui  eut  lieu  pour  le  déterminet 
à  partir.  J'ai  lu  les  instructions  qui  lui  furent 
données  à  cette  époque  ;'  elles  seront  publiques 
un  jour  ,  et  l'on  y  verra  la  mauvaise  foi  de  la 
cour,  consignée  dans  des  instructions  diamé- 
tralement opposées.aux  principes  qu'elle  a  sou- 
tenus depuis  avec  une  persévérance  si  coupa- 
ble et  si  contraire  aux  .véritables  intérêts  de  la 
nation. 


■  ;  C   1.5  ) 

  peine  M.  d'Orléans  étoit  parti ,  que  les  plus 
affreux  liÎDelles  parurent  conttelui;  tous  lesdé- 
partemens  ■  furent  inondés  de  ces  infâmes  pro- 
ductions ,  et  plusieurs  citoyens  égarés  le  crurent 
coupable ,  puisqu'il  ne  clierclioit  point  à  se  jus- 
tifier, et  qii'on  publioit  ouvertement  que  son 
séjour  en  Angleterre  étoit  une  grâce  que  le  roi 
lui  avoit  accordée  pour  le  soustraire  à  la  juste 
vengeance  de  la  loi.  Pendant  le  tenaps  que  Ton 
accréditoit  cette  opinion  par  les  libelles  les  plus 
atroces , ''dii''t)'Tîrdissoit  dans  les  ténèbres  cette 
fameuse  procédure  du  Châtelét:  on  y  voit,  par 
une  suite  rnalneureusémént  trop  commune  des 
discordes  civiles ,  une  foule  de  citoyens  c[ue 
l'on  avoit  cru^  honnêtes  et  Vertueux ,  se  meta- 
KiorpliosërëiT juges  prévaricateurs  et  en  calom- 
niateurs infâmes.  Mais  ce  que  Ton  n'avoit  pas 
prévu  arriva;  M.  d'Orléans  ,  éclairé  sur  la  per- 
Bàie  du 'Trtinistère,  sur  lés  lâclies  manœuvres 
de  ses  ennemis  prés  des  juges  du  châtelet  , 
revint  en  France  à  l'époque  de  la  fédération  du 
14  juillet. 

Paris  n'avoit pas  cessé  d'éprouver,  pendant  son 
absence  ,  les  mêmes  agitations  ;  un  malheureux 
boulanger  fut  victime  de  l'égarement  de  C]uelques 
citoyens  ;  et  malgré  le  ridicffle  de  vouloir  encore 
charger  M.  d'Orléans  de  ce  nouveau  crime , 
vingt  libelles  attestèrent  que  c'étoit  sa  faction 
qui  en  étoit  la  cause. 


(  1&  ) 

Lorsqu'on  apprit  dans  Paris  que  M.  d'Orléans 
se  proposoit  de  revenir ,  tout  le  monde  sait  que 
M.  de  la  Fayette  lui  envoya  son  aide-de-camp , 
M.  de  Boinville  ,  pour  l'engager  à  rester  encore 
à  Londres.  M.  delà  Fayette  lui-même  ,  dans]  la 
tribune  de  l'assemblée  nationale  ,  déclara  que 
les  mêmes  raisons  qui  avoient  sollicité  le  départ 
de  M. d 'Orléans, subsistoient  encore; et  cependant, 
messieurs ,  quelle  influence  l'éloignement  de 
M.  d'Orléans  et  son  retour  à  Paris  ont  -  ils  eu 
sm^  les  affaires  politiques?  M.  d'Orléans,  exact 
à  ses  devoirs ,  et  fidèle  à  son  poste  ,  a  constam- 
ment été  de  Topinion  des  véritables  défenseurs 
du  peuple. 

Lui  reprocbe-t-on  d'avair  déterminé  quelques 
délibérations  de  l'assemblée  nationale  en  sa 
faveur  ? 

A-t-il  éïé  traité  plus  favorablement  que  les 
autres  princes  dans  les  loix  somptuaires  qui  ont 
été  prononcées  contre  eux  ? 

N  a-t-il  pas  obéi  avec  respect  aux  suppressions 
qu'il  a  éprouvées  ,  et  l'a-t-on  vu  réclamer  contre 
aucune  des  loix  de  rigueur  qui  ont  été  pro- 
noncées contre  ses  intérêts? 

Faisons,  sans  partialité,  le  rapprocliement  de  la 
conduite  de  ce  prince,  et  de  celle  de  ceux  qui, 
éloignés  de  leur  patrie  ,  cherckent  à  y  rentrer 
îe  fer  à  la  main  ;.  et  la  nation  franeoise  jugera 
quels  sont  les  conspirateurs  dont  elle  a  le  droit 
de  se  plaindre. 


Les  uns  ont  déserté  leur  patrie  ,  sollicité  tous 
les  princes  de  l'Europe  de  se  réunir  à  eux  pour 
écraser  la  France.  Ils  ont  fomenté  les  troubles 
intérieurs  ,    débauché    nos    soldats ,     corrompu 
nos  officiers ,     entretenu  les  conspirateurs    au 
milieu  de  la  capitale ,  et  ils  sont  les  causes  de 
la  guerre  que  nous  avons  à  soutenir  maintenant. 
Qu'a  fait  M.   d'Orléans?  Il  s'est  montré  l'un 
des  premiers  amis  de  la  liberté,  c'est  pour  elle 
qu'il  a  fait  le   généreux  abandon  de  toutes  ses 
prérogatives  ;   c'est  pour  elle  qu'il   s'est  exposé 
à  la  liaine  ,  aux  fureurs  y  aux  calomnies  les  plus 
affreuses  :  aussi  est-il  du  très-petit  nombre  de 
ceux  qui   sont  restés  fidèles   aux   véritables  in* 
téréts    du    peuple ,   et   qui    ne  veulent  aucune 
transaction   dans  la   constitution.     Maintenant 
il  est ,  avec  ses  trois  jeunes  enfans,  au  camp  de 
Lukner,  tout  prêt  à  donner  son  sang  pour   dé- 
fendre la  souveraineté  du  peuple,  l'égalité  entre 
les  ciroyens ,  la  liberté  de  la  France. 

Citoyens!  jugez  vous-même  sa   conduite   et 
celle  de  ses  vils  calomniateurs. 

N'est-il  pas  temps  que  le  peuple  connoisse  les 
icélérats  qui  le  trompent  et  qui  l'abusent  ?  Les 
rrais  agitateurs  du  peuple  sont  ceux  qui  ne  peu- 
vent supporter  l'égalité  et  la  liberté  ;  les  vrais 
Imitateurs  du  peuple  sont  ceux  qui  vçulent  l'anéan- 
issement,  ou  du  moins  la  modification  d'une 
onstitution  qui  déjoue  leur  ambition  et  leurs 


(  i8  )•  , 

espérances  ;, les  Trai3  agitateurs  sont  cette  classe 
des  ci-devant  privilégiés ,  cpii  ne  pouvoient  au- 
trefois prétendre  aux  places  de  la  cour  ,  et  qui 
ont  espéré  les  obtenir  pour  prix  de  leur  retour 
à  la  bassesse  et  à  Ja  flatterie.  Mais  tous  ces  in- 
sensés n'ont  pas  calculé  que  le  peuple  françois 
connoissoit  enfin  sa  dignité ,  et  que  jamais  il 
ne  souffrira  de  capitulation  sur  .les  droits  de 
l'homme  ,  évangile  immortel  de  la  raison. 

Voilà,  messieurs,. les  vrais.,  les  seuls  ennemisp 
de  M.  d'Orléans.  Ils, n'osent  ouvertement  insul- 
ter le  peuple  ;  mais  ce  sont  les  amis  et  les  dé- 
fenseurs du  peuple  qu'ils  calomnient.  Cette  ca- 
bale infâme  ne  se  réveille  que  lorsque  de  grands 
complots  sont  prêts  à  éclater.  Citoyens  !  tenez- 
vo"ns  sur  vos  grandes  ,  que  l'œil  vigilant  du  patrio- 
tisme se  tienne  ouvert,  et  nos  ennemis,  confon- 
dus et  humiliés,  rentreront  avant  peu  dans   le 

néant. 

3'ai  cru  devoir.ypus  indiquer ,  messieurs  ,  dansi^ 
cette  opinion  .  les  bases  de  la  trame  ourdie  contre 
M.  d'Orléans  ;  je  le  répète  à  nos  adversaires  ;  car 
s'il  existe  une  faction  d'Orléans  ,  je  dois  en  être 
par  ramitié  qui  me  lie  à  ce  prince.  Hé  bien! 
je  porte  le  dé£  à  qui  que  ce  soit  de  pouvoir 
prouver  que  ,  depuis  répoG[ue,  du  5  mai  1789  ,  je 
m,e  sois  trouvé  à  aucun  comité  particulier  avec 
M.  d'Orléans.  Souvent  il  m'a  entretenu  de  ses\ 
peines  et  de  se$^  chagrins  personnels  j;  mon  cœui 


les  a  partagé  avec  lui  ;  mais  c  est  à  sa  constante 
fermeté  dans  le  parti  patriote  ,  à  son  amour  pour 
la  liberté  et  l'égalité  que  je  rends  hommage  en 
ce  moment  ,  en  couvrant  de  mépris  ses  calom- 
niateurs ,  et  les  vils  agens  dont  ils  se  servent. 
Je  termine  cette  opinion ,  messieurs ,  en  vous 
disant  que,  si  l'existence  du  comité  autricliien 
paroissoit  douteuse  encore ,  que  la  dénonciation 
ridicule  qui  a  été  faite  à  l'assemblée  nationale 
lundi  dernier^  en  démontre  la  réalité;  qu'elle  n'est 
qu'une  basse  récrimination ,  pour  distraire  l'at- 
tention de  l'assemblée  sur  les  vrais  coupables. 
Messieurs,  ne  ménagez  personne,  portez  fatten- 
tion  la  plus  scrupuleuse  sur  les  vrais  conspira- 
teurs ,  et  méritez,  par  votre  surveillance  ,1a  con- 
fiance de  tous  les  véritables  amis  de  la  liberté, 

SILLERY, 


De  l'Imprimerie  duPATiiiOTEFRANçpis, 
place  du  Théâtre  Italien. 


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