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Full text of "Discours sur la question scolaire prononcé à la Chambre des députés par Em. Prüm, a l'occasion de la discussion générale des changements proposés à la loi scolaire du 20 avril 1881"

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P97ID 


THE  LIBRARY 


The  Ontario  Institute 
for  Studies  in  Education 


Toronto,  Canada 


THE  ONTARIO  INSÏITUTE  FOR  STUD1ES  IN  EDUCATION  •  LIBRARY 

DISCOURS 

SUR  LA 

QUESTION    SCOLAIRE 

prononcé  à  la  Chambre  des  députés 


PAR 


M.  Ém.  PRUM 

à  l'occasion  de  la  discussion   générale  dès  changements 
proposés  à  la  loi  scolaire  du  20  avril  1881. 


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LUXEMBOURG. 

Imprimerie  de  la  Cour  V.  BUCK,  LÉON  BUCK,   Successeur. 
1897. 


DISCOURS 


SUR  LA 


QUESTION    SCOLAIRE 


prononcé  à  la  Chambre  des  députés 


PAR 


M.  Ëm.  PRUM 

à  l'occasion  de  la  discussion   générale  des  changements 
proposés  à  la  loi  scolaire  du  20  avril  1831. 


NOV  1 2  1969 

ÏUTE 
'  STUDiES  IN  EDUCATION 


LUXEMBOURG. 

Imprimerie  de  la  Cour  V.  BUCK,  LÉON  BUCK,    Successeur. 
1897. 


Discours  du  25  novembre  1897. 
Réponse  an  discours  de  M.  Kirpach 

du  24  novembre  1897. 


Après  le  discours  si  calme,  si  digne  et  si  pacifique  de  notre 
lu  m.  rapporteur  et  vénéré  collègue  Mgr.  Krier,  nous  étions 
en  droit  de  nous  attendre,  de  la  part  de  l'hon.  M.  Kirpach, 
à  une  plus  grande  modération.  Pour  combattre  les  amende- 
ments de  la  section  centrale,  il  n'était  nullement  besoin  de 
déterrer  ce  tomahawk  rouillé  de  1881,  de  venir  nous  donner 
lecture  de  vieux  articles  de  journaux,  oubliés  depuis  de  longues 
années. 

<>ù  en  arriverions-nous,  Messieurs,  si  nous  voulions  user  des 
mêmes  procédés  et  venir  vous  donner  lecture  des  injures  et 
des  blasphèmes  que  vomissait,  il  y  a  vingt  ans,  la  presse  des 
défenseurs  de  la  réforme  scolaire  de  1881  ?  Ce  n'est  pas  seule- 
ment  d'articles  de  journaux  que  nous  avons  eu  à  nous  plaindre. 
Ne  vous  souvient-il  don..*  pas  qu'à  cette  époque  troublée,  du 
haut  de  la  tribune  nationale,  on  lançait  à  la  face  du  pays  catho- 
lique les  plus  sanglants  outrages?  Ne  vous  souvient-il  plus  de 
mrs  où,  dans  celte  enceinte,  trois  orateurs  ont  osé  traiter 
la  sainte  religion  de  nos  pères  de  secte  et  le  sacerdoce  chrétien 
ce  pays  de  caste?  Ne  vous  rappelez-vous  pas  qu'à  cette 
époque  un  certain  nombre  d'hommes  politiques  avaient  telle- 
ment perdu  le  sentiment  des  égards  qu'ils  doivent  :j  la  religion 
nationale,  qu'ils  sont  allés  jusqu'à  proposer  la  suppression  du 
cours  de  religion  à  l'Athénée  ' 


Os  hommes ,  qui  n'admettent  pas  la  liberté  d'enseignement, 
voulaient  donc  faire  donner  un  enseignement  neutre  et  sans 
religion,  non  seulement  aux  tlls  de  nos  familles  chrétiennes  qui 
se  destinent  aux  carrières  libérales  et  administratives,  mais 
même  à  ceux  qui  aspirent  au  sacerdoce,  étouffer  ainsi  les  vo- 
cations sacerdotales  dans  leur  source  et  détruire  froidement  et 
sûrement  l'Église  catholique  dans  ce  pays  où  elle  s'esl  implan- 
tée à  la  suite  déjà  des  aigles  romaines. 

Je  ne  suivrai  donc  pas  Thon.  M.  Kirpach  sur  le  terrain  qu'il 
a  cru  devoir  choisir.  Je  ne  le  suivrai  pas  non  plus  dans  l'énu- 
mération  qu'il  nous  a  faite  de  toutes  les  bonnes  et  excellentes 
choses  qui  ont  été  créées  par  son  département  et  par  les  com- 
munes au  moyen  des  crédits  d'année  en  année  plus  considé- 
rables que  la  Chambre  a  mis  à  sa  disposition.  Tout  cela  n'a  que 
des  rapports  très  indirects  avec  la  question  qui  nous  occupe. 

Il  est  un  point  cependant  sur  lequel  je  tiens  à  déclarer  que 
je  suis  d'accord  avec  l'hon.  Directeur  général  :  c'est  l'éloge  qu'il 
a  fait  de  notre  corps  enseignant. 

Je  connais  un  grand  nombre  de  nos  instituteurs,  je  sais  quels 
excellents  principes  leur  sont  inspirés  dans  notre  école  normale, 
je  sais  aussi  les  études  sérieuses  auxquelles  ils  s'adonnent  pour 
obtenir  leur  brevet,  le  dévouement  dont  ils  font  preuve  dans 
l'accomplissement  de  leur  ingrate  et  pénible  mission,  et  je  ne 
crains  pas  de  déclarer  que  devant  le  pays  aussi  bien  que  devant 
l'étranger,  nous  avons  tout  lieu  d'être  fiers  de  notre  corps 
enseignant.  Aussi,  Messieurs,  la  section  centrale  a-t-elle  voulu 
rendre  témoignage  de  sa  sympathie  pour  le  personnel  de  nos 
écoles,  en  dépassant  très  notablement  les  propositions  qui  ont 
été  faites  relativement  à  la  majoration  des  traitements,  tant 
par  l'hon.  Directeur  général  de  l'intérieur  que  par  les  diverses 
sections  de  la  Chambre. 

Pour  ce  qui  concerne  le  détail  de  la  question  des  traitements, 
je  me  réserve  d'y  revenir  à  l'occasion  de  la  discussion  des 
articles. 

Le  discours  de  l'hon.  M.  Kirpach,  si  je  l'ai  bien  compris,  peut 
se  résumer  comme  suit  :  La  loi  de  1881  est  bonne  et  excellente, 


â 

[elle  tient  compte  dans  une  juste  mesure  des  intérêts  religieux 
et  garantit  suffisamment  l'éducation  religieuse  des  enfants.  La 
loi  a  jusqu'à  ce  jour  bien  fonctionné  el  donné  de  très  bons 
résultais;  la  section  centrale  a  donc  tort  de  vouloir  la  modifier 
à  l'occasion  du  vote  d'uni'  loi  puremenl  financière,  qui  ne  louche 
en  rien  à  l'organisation  de  notre  enseignement  public. 
C'est  là,  si  je  ne  me  trompe,  la  thèse  de  l'hon.  Directeur 
irai. 

M.  Kirpach, '  1  ) i r .  gén.  de  l'intérieur.    Parfaitement! 

M.  Prum.  D'abord,  Messieurs,  pour  ce  qui  esl  du  fonction- 
nement de  la  loi,  je  répondrai  à  l'hon.  M.  Kirpach  que  je  ne  I»' 
discuterai  pas,  parce  que  la  loi  n'a  pas  fonctionné  du  tout. 
Jusqu'à  ce  jour  et  abstraction  faite  de  la  question  de  l'obligation 
et  du  système  d'inspection, qui  ne  sont  pas  en  discussion,  parce 
que  nos  amendements  ne  portent  pas  sur  ces  points,  la  loi  n'a 
pas  été  exécutée. 

M.  Kirpach,  Dir.  gén.  de  l'intérieur.  C'est  une  erreur. 

M.  Prum.  Je  vous  le  prouverai. 

Le  fait  de  l'inexécution  ou  de  Pinexécutabilité  de  la  loi  de 
1881  nous  a  encore  récemment  été  signalé  dans  un  excellent 
avis  séparé  de  la  minorité  du  Conseil  d'État. 

J'irai  même  plus  loin  et  sans  vouloir  en  faire  un  reprocha  à 
l'hon .  Directeur  général,  je  lui  dirai  :  ce  n'est  pas  la  loi  de  1881, 
mais  bien  la  loi  de  1843  qui,  en  pratique,  a  continué  à  être 
;utée  jusqu'à  ce  jour. 

1.  -  lois  organiques  telles  que  la  loi  sur  l'enseignement  n'ont 
iour  but  de  régler  les  détails  de  la  matière.  La  loi  pose  les 
principes  el  c'esl  seulement  par  les  règlements  d'exécution  que 
ces  principes  généraux  sont  appliqués.  Or,  Messieurs,  jusqu'à  ce 
jour,  aucun  des  règlements  d'exécution  prévus  par  l'art.  76  il'* 
la  loi  de  1881  n'a  été  élaboré  el  <•<•  sont  les  règlements  de  1845 
qiij  provisoirement,  mais  depuis  seize  ans,  sont  restés  en  vigueur. 

M.  Spoo.    Pourquoi  réclamez- vous  donc  ? 


M.  Prum.  Pour  mettre  la  législation  scolaire  d'accord  avec 
la  pratique. 

En  théorie,  la  loi  de  18W  a  été  abolie;  mais,  en  pratique,  on 
n'a  pas  cessé  un  instant  à  l'exécuter.  Même  pour  ce  qui  concerne 
l'enseignement  religieux,  tous  ceux  qui  connaissent  la  vraie 
situation  doivent  savoir  qu'un  grand  nombre  de  nos  instituteurs, 
précisément  les  meilleurs,  convaincus  que  l'enseignement  re- 
ligieux ne  saurait  être  donné  d'une  manière  efficace  sans  leur 
concours,  coopèrent  activement  à  cet  enseignement  et,  malgré 
la  loi,  préparent  régulièrement  les  leçons  de  catéchisme. 

M.  Brasseur.    Actuellement? 

M.  Prum.    Oui  ! 

M.  Kirpach,  Dir.  gén.  de  l'intérieur.    C'est  une  erreur. 

M.  Prum.  Non,  M.  le  Directeur  général.  Je  sais  pertinem- 
ment que  beaucoup  d'instituteurs  le  font. 

M.  Kirpach,  Dir.  gén.  de  l'intérieur.  Des  institutrices  reli- 
gieuses. 

M.  Prum.  Je  ne  parle  pas  des  religieuses,  mais  des  institu- 
teurs laïques.  Je  sais  ce  qui  en  est  et  vous  pourriez  le  savoir 
également  ;  mais  je  ne  veux  pas  insister  sur  ce  point. 

Quant  aux  règlements,  le  fait  est  palpable  et  indéniable  : 
aucun  des  règlements  prévus  par  l'art.  76  de  la  loi  n'a  été 
élaboré  jusqu'à  ce  jour. 

Telle  est,  Messieurs,  actuellement  la  situation  de  fait.  Ce  n'est 
pas  tant  de  cette  situation  de  fait  que  nous  avons  à  nous 
plaindre,  puisqu'en  pratique  c'est  toujours  la  loi  de  1843  qui 
est  restée  en  vigueur  dans  ses  règlements  d'exécution. 

Mais,  Messieurs,  cette  situation,  si  elle  n'est  pas  trop  mau- 
vaise, est  cependant  très  précaire,  puisque  nous  n'avons  aucune 
garantie  légale.  De  plus,  les  droits  des  divers  facteurs  qui  con- 
courent à  l'enseignement  ne  sont  que  très  vaguement  définis, 
puisque  les  règlements  de  184'),  qui  continuent  tous  à  être  ap- 
pliqués, ne  peuvent  cependant  l'être  d'après  une  disposition 


transitoire  (art.  II»!  que  pour  autant  qu'ils  ne  sonl  pas  con- 
traires à  la  loi. 

Aujourd'hui  absolument  rien  de  ce  qui  touche  à  l'école  n'esl 
clairement  el  positivement  réglé,  tout  est  vague  et  provisoire 
depuis  seize  ans.  si  donc  je  discute  la  loi  de  1881,  ce  n'est 
pas  de  l'exécution  et  du  fonctionnement  «le  cette  loi  que  je  veux 
parler,  mais  de  la  loi  elle-même. 

Pour  répondre  complètement  à  l'hon.  Directeur  général, 
j'aurai  l'honneur  de  vous  exposer  avec  autant  de  clarté,  de  pré- 
cision et  de  brièveté  quïl  me  sera  possible  : 

1°  Les  revendications  du  pays  catholique  en  matière  de  légis- 
lation scolaire  ; 

2°  Les  griefs  que  nous  croyons  avoir  contre  la  loi  de  1881  ; 

o°  Le  but  que  nous  poursuivons  par  nos  amendements  ; 

I  Enfin,  les  raisons  pour  lesquelles  nous  avons  cru  devoir 
rattacher  ces  amendements  au  projet  de  loi  qui  est  en  discus- 
sion. 

Je  commencerai  par  le  dernier  point  et,  même  après  le  re- 
marquable discours  de  Mgr  Krier,  j'espère  ne  pas  tomber  dans 
des  redites. 

Le  projet  de  loi  qui  porte  majoration  de  la  part  d'intervention 
de  l'État  dans  les  frais  de  l'enseignement  primaire  amène  un 
changement  essentiel  de  la  loi  organique  de  renseignement, 
spécialement  des  art.  41  à  50. 

Ce  t'ait  a  été  relevé  par  nos  sections  et  par  la  section  cen- 
trale ;  le  Conseil  d'État  lui-même  l'a  reconnu  dans  un  dernier 
avis  où  il  a  avoué  «  qu'il  ne  saurait  être  contesté  que  les  majo- 
rations considérables  des  charges  du  Trésor  en  faveur  de  l'en- 
seignement primaire  impliquent  des  changements  essentiels  de 
la  loi  organi  pie  de  1881,  notamment  de  l'art.  19. 

Si  donc  nous  voulions  écouter  les  conseils  communaux  de 
Mersch,  Eich,  Larochette,  Diekirch,  Willz  et  autres,  qui  nous 
ont  adressé  des  pétitions  en  faveur  du  maintien  de  la  loi  de 
1881  dans  toutes  ses  parties,  nous  ne  pourrions  faire  autre 
chose  que  de  refuser  les  nouvelles  subventions  et  de  voter  contre 
le  projet  de  loi  tout  entier. 


d 

M.  Kirpach,  Dir.  gén.  de  l'intérieur.  El  les  communes  vous 
en  seraient  reconnaissantes. 

M.  Prum.  Les  communes  n'y  perdraient  rien  si  on  voulait 
attribuer  le  subside  scolaire  au  fonds  communal.  Cependant 
nous  ne  demandons  pas  cela.  La  section  centrale  n'a  pas  été 
de  cet  avis.  Elle  vous  propose  de  voter  les  subventions;  mais 
d'autre  part,  pour  contrebalancer  les  effets  inévitables  du 
changement  de  la  loi  organique,  elle  s'est  ralliée  à  une  série 
d'amendements  qui  avaient  été  présentés  dans  le  même  but  par 
les  sections. 

\j'  Conseil  d'État,  cependant,  tout  en  reconnaissant  que  le 
projet  de  loi  ainènf  un  changement  essentiel  de  la  loi  de  1881, 
est  d'avis  qu'une  mesure  purement  financière  comme  celle  qui 
nous  est  proposée,  n'est  pas  de  nature  à  restreindre  les  droits 
dt'^  administrations  communales.  Ce  corps  trouve  donc  nos 
amendements  inopportuns. 

Incontestablement,  la  majoration  de  la  part  d'intervention  de 
l'État  dans  les  frais  de  l'enseignement  n'est  par  elle-même 
qu'une  mesure  purement  financière  ;  mais,  ne  sont  ce  pas  les 
mesures  financières  qui  généralement  entraînent  les  consé- 
quences politiques  les  plus  considérables?  Certainement,  le 
projet  de  loi  ne  porte  pas  directement  atteinte  aux:  droits  (\>^ 
communes  sur  l'école  ;  mais,  au  point  de  vue  purement  finan- 
cier, la  situation  des  communes  vis-à-vis  des  écoles  sera  com- 
plètement changée  et  ce  changement  exercera  nécessairement 
une  influence  sur  la  position  des  autorités  locales  vis-à-vis  des 
écoles  et  du  personnel  enseignant. 

Déjà  aujourd'hui  il  s'élève  assez  fréquemment  des  conflits 
<'ntre  les  administrations  communales  et  les  inspecteurs  repré- 
sentants de  l'État. 

.le  pourrais  vous  citer  le  cas  d'une  administration  commu- 
nale qui,  pendant  des  années,  a  dû  lutter  contre  l'inspecteur 
avant  de  parvenir  à  faire  mettre  à  la  retraite  un  instituteur  qui 
n'était  même  plus  capable  d'écrire  son  propre  nom.  L'inspec- 
teur, mu  par  un  sentiment  très  respectable,  défendait  les  inté- 
rêts matériels  de  son  subordonné,  qui,  cependant,  dans  ce  cas, 


$e  trouvait  sans  chapes  de  famille  ;  l'administration,  par  contre, 
luttait  pour  empêcher  qu'une  génération  entière  ne  vînt  à  ci 
pir  dans  l'ignorance.  Ce  n'est  qu'après  plusieurs  années,  à  force 
d'énergie  et  après  avoir  épuisé  tons  les  moyens,  que  l'admi- 
nistration communale  a  pu  avoir  gain  de  cause. 

Si  de  tels  faits  ont  pu  se  passer  sous  le  régim  ■  actuel,  qu'en 
sera-t-il  à  l'avenir,  lorsque  l'inspecteur  pourra,  non  sans  raison, 
venir  dire  à  une  administration  communale:  celte  école  que 
vous  prétendez  être  la  vôlre,  niais  c'est  l'État  qui  en  supporte 
s  les  charges,  c'est  donc  moi,  représentant  de  l'État,  qui 
dois  avoir  l'influence  prépondérante  et  décisive  sur  tout  ce  qui 
concerne  l'école? 

Le  projet  de  loi  n'enlève  directement  aucun  droit  aux  com- 
munes et  n'accorde  par  lui-même  aucun  droit  nouveau  à  l'État; 
cependant,  il  est  de  toute  évidence  que,  dans  la  mesure  même 
où  il  enlève  aux  dépenses  de  l'instruction  primaire  le  caractère 
de  dette  communale,  il  affaiblit  les  liens  qui  existent  entre  la 
commune  et  l'école.  Si  donc  le  projet  de  loi  venait  à  être  voté 
sans  nos  amendements,  c'est-à-dire  sans  contre-poids  ni  garan- 
ties, il  aurait  pour  résultat  fatal  et  inévitable,  non  seulement  de 
diminuer  dès  maintenant  l'ascendant  mora!  des  administ  ations 
communales  sur  l'école,  mais  encore  et  surtout  il  préparerait 
pour  l'avenir  la  déchéance  complète  de  la  commune  en  matière 
d'éducation  et  d'enseignement. 

Lors  des  discussions  budgétaires  de  l'année  dernière,  j'ai  cité 
l'opinion  du  ministre  prussien  y.  Miquel  sur  l'influence  morale 
des  majorations  de  l'intervention  pécuniaire  de  l'État  en  ma- 
tière d'enseignement.  Ces  majorations,  a  déclaré  -M.  v.  Miquel, 
doivent  fatalement  et  inévitablement  conduire  à  la  déchéance  de 
la  commune  et  à  la  centralisation  absolue  de  l'enseignement  entre 
les  mains  de  l'État,  car  il  est  de  toute  évidence  «dassdieMaeht 
»und  der  Einfluss  des  Staates  und  der  staatlichen  Organe 
»wachsen  muss  mit  den  Betràgen,  die  der  Staat  fur  die  Schule 
»  abgibt  ». 

Aujourd'hui,  il  me  sera  permis  d'appeler  l'attention  de  la 
Chambre  sur  ce  qui  vient  de  se  passer  eu  Suisse. 


8 

Dans  ce  pays,  malgré  certaine  disposition  de  la  Constitution 
de  187-i,  disposition  qui  jusqu'à  ce  jour,  grâce  à  la  résistance 
du  peuple,  est  restée  lettre  morte,  l'instruction  primaire  est 
de  fait  encore  de  la  compétence  de  la  souveraineté  cantonale. 
A  plusieurs  reprises  déjà  la  Confédération  a  cherché  à  s'immis- 
cer dans  l'école  populaire.  En  1882  notamment,  les  Chambres 
fédérales  ont  voulu  créer  un  inspectorat  scolaire  permanent  à 
Teflet  de  veiller  a  l'application  de  la  Constitution  fédérale  dans 
le  domaine  des  écoles.  Le  peuple  suisse  a  vu  dans  cet  inspec- 
torat une  sorte  de  prise  en  possession  de  l'école  par  le  pouvoir 
central  et  surtout  une  tentative  indirecte  de  déchristianisation 
des  écoles.  Dans  un  mémorable  référendum  du  22  novembre 
1882,  le  peuple  a  repoussé  par  350,000  voix  contre  200,000 
l'arrêté  qui  créait  cet  inspectorat  scolaire.  Après  cet  échec 
écrasant  des  partisans  de  la  centralisation  il  n'a  plus  été  ques- 
tion de  l'intervention  de  la  Confédération  dans  l'école.  Aujour- 
d'hui cependant  la  question  se  pose  sous  une  autre  forme  bien 
plus  dangereuse. 

En  Suisse,  la  Confédération,  tout  comme  chez  nous  l'État,  est 
riche,  parce  qu'elle  perçoit  le  produit  des  impôts  indirects  de 
consommation,  de  douane  et  autres,  qui  augmente  d'année  en 
année.  Par  contre,  les  cantons  et  les  communes  qui  ne  pré- 
lèvent que  des  impôts  directs  sont  généralement  pauvres.  Dès 
1892,  des  journaux  ont  commencé  par  suggérer  que  la  Con- 
fédération pourrait  venir  au  secours  des  cantons  et  des  com- 
munes en  prenant  à  sa  charge  une  forte  part  des  frais  de 
l'enseignement  primaire.  On  a  cherché  à  créer  un  mouvement 
d'opinions  en  ce  sens.  Des  assemblées  d'instituteurs  ont  été 
convoquées  pour  réclamer  des  subsides  de  la  Confédération  en 
faveur  des  écoles  et  en  même  temps  des  majorations  de  traite- 
ment. Un  certain  nombre  d'hommes  politiques  se  déclarèrent 
partisans  de  cette  mesure,  et  po;ir  ménager  toutes  les  suscep- 
tibilités, tout  comme  chez  nous,  ils  s'empressèrent  de  déclarer 
qu'ils  n'entendaient  nullement  toucher  à  l'autonomie  des  can- 
tons ni  aux  prérogatives  des  communes,  que  la  Confédération 


9 

pouvait  parfaitemenl  accorder  de  fortes  subventions  en  faveui 
ic«  de  l'enseignemenl  sans  s'immiscer  autrement  dans  la  marche  des 
sjécoles. 

Une  conférence  des  directeurs  de  l'instruction  publique  des 
cantons  de  la  Suisse  centrale  réunie  à  Lucerne  se  prononça  en 
principe  pour  les  subventions  fédérales,  tout  en  formulant  la 
réserve  expresse:  «  Dass  der  Bund  keinerlei  Anforderungen, 
weder  bezùglich  der  Lehrerbildung,  noch  der  Lehrerbesoldung, 
noch  der  Schulhàuser,  noch  des  Lehrplanes  an  die  antonomen 
Kantone  stellen  dûrfe.  » 

Sur  ces  entrefaits,  le  conseil  fédéral  ou  plutôt  M.  Schenk, 
chef  du  départemenl  de  l'intérieur,  s'était  mis  à  l'œuvre.  En 
1895  M.  Schenk  publia  un  avant-projet  de  loi  concernant  la 
répartition  de  2  millions  de  subventions  fédérales.  Le  texte  de 
ce  projet  respectail  absolument  l'autonomie  des  cantons  en  ma- 
tière scolaire.  Cependant  les  partisans  du  maintien  de  l'autono- 
mie cantonale  et  surtout  les  catholiques  se  défièrent  de  ce  cadeau 
fédéral.  Le  projet  de  loi  Schenk  fut  loin  de  trouver  les  faveurs 
de  l'opinion  publique  et  son  auteur  jugea  prudent  d'en  retarder 
la  présentation  officielle  aux  Chambres. 

M.  Schenk  étant  venu  à  mourir,  son  successeur  au  départe- 
ment de  l'intérieur,  M.  Ruffy,  laissa  dormir  le  projet  dans  le 
cercueil  de  son  auteur,  malgré  les  véhémentes  réclamations  des 
instituteurs  radicaux  qui  menaçaient  de  lancer  une  initiative 
constitutionnelle  pour  faire  trancher  la  question  par  le  peuple. 

Enfin  le  Ier  juillet  dernier,  un  député  radical  du  conseil  na- 
lional,  M.  Hess  de  Zurich,  a  voulu  donner  satisfaction  à  l'im- 
patience des  instituteurs  radicaux  en  interpellant  le  conseil 
fédéral  sur  la  question  des  subventions  scolaires.  Plusieurs 
orateurs  marquants  ont  pris  part  à  cette  discussion.  D'un  côté, 
M.  Decurtins  s'est  prononcé  très  vivement  contre  les  subven- 
tions. Le  diei  éminent  des  catholiques  suisses  s'est  fait  le 
porte-voix  île  tous  les  adversaires  de  la  centralisation,  de  tous 
ceux  qui  craignent  que  l'école  ne  tarderait  pas  à  passer  peu 
;i  peu  sous  l'influence  exclusive  de  l'autorité  qui  la  subven- 
tionnerait, l'ai'  contre,  M.  Gobât,  membre  du  gouvernement  de 
Berne,  se  déclara  favorable  aux  subventions,  tout  en  reconnais- 


10 

sant  lui-même  que  le  projet  était  très  impopulaire  el  que  si  les 
instituteurs  impatients  voulaient  poser  la  question  devant  le 
peuple,  ils  échoueraient  complètement.  Knfin,  le  nouveau  mi- 
nistre de  l'intérieur,  M.  Ruffy,  avoua  également  que  le  projet 
était  inopportun  et  qu'il  recevrait  probablement  un  très  mau- 
vais accueil  de  la  part  du  peuple  suisse. 

Vous  voyez,  Messieurs,  qu'en  Suisse  (''gaiement  les  homm  > 
d'État  aussi  bien  q-ue  le  peuple  voient  dans  un  projet  de  loi  ac- 
cordant  des  subventions  importantes  en  faveur  de  renseigne- 
ment primaire,  alors  'même  que  cette  proposition  n'accorde 
aucun  droit  nouveau  au  pouvoir  central,  une  atteinte  indirecte 
portée  aux  droits  des  collectivités  autonomes. 

Mais  qu'avons-nous  besoin  de  chercher  des  exemples  à 
l'étranger,  de  consulter  les  hommes  d'État  de  l'Allemagne,  de 
la  Suisse  et  d'autres  pays?  Je  puis  vous  citer  l'avis  d'un  de 
nos  compatriotes,  d'un  homme  dont  personne  ne  contestera  ni 
la  grande  compétence,  ni  la  liante  autorité,  puisque  depuis  près 
vingt  ans  il  siège  dans  cette  enceinte  au  banc  ministériel  :  c'est 
le  Directeur  général  de  l'intérieur,  Thon.  M.  Kirpach.  Cet  avis, 
je  le  trouve  consigné  au  Compte-rendu  officiel  des  séance-  de 
la  Chambre  de  18M-4882,  p.  1678. 

A  la  séance  du  3  août  1882,  feu  M.  le  député  Mertens  a  de- 
mandé au  Gouvernement  d'étudier  la  question  de  savoir  s'il  n'y 
avait  jtas  lieu  de  dégrever  les  communes  en  mettant  à  charge 
de  l'État  les  traitements  des  instituteurs.  Voici  la  réponse  de 
l'hon.  M.  Kirpach  : 

La  question  soulevée  par  l'hon.  M.  iMertens  est  très  épineuse,  très  ardue. 
Elle  a  été  soulevée  à  différentes  reprises  el  vous  vous  rappelez  qu'avant  la 
revision  de  la  loi  de  1843,  l'opinion  publique,  les  journaux  du  moins, 
s'occupaient  de  la  question  de  savoir  s'il  ne  fallait  pas  faire  des  instituteurs 
des  fonctionnaires  de  l'État.  Cette  question  offre  de  l'analogie  avec  celle 
que  l'hon.  M.  Mertens  vient  de  soulever,  en  tant  que  l'État,  s'il  était  oblige 
de  payer  les  traitements  des  instituteurs,  pourrait  aussi  revendiquer  le 
droit  de  leur  nomination. 

Aux  yeux  de  l'hon.  M.  Kirpach,  la  question  des  subventions 
scolaires  et  celle  de  la  nomination  des  instituteurs  par  l'État 
offre  donc  de  grandes  analogies  en  tant  que  l'État,  s'il  était 
obligé  de  payer  le  traitement  des  instituteurs,  pourrait  aussi 
revendiquer  le  droit  de  leur  nomination. 


11 

M.  Kirpach,  Dir.  gén.  de  l'intérieur.  Si  c'était  l'intégralité, 
entendons-nous. 

M.  Prum.  Sans  doute;  mais  nous  sommes  bien  près  de 
cette  intégralité. 

M.  Kirpach,  Dir.  gén  de  l'intérieur.  Nous  restons  loin  de 
la  totalité. 

M.  Prum.  Au  contraire,  nous  en  approchons  beaucoup.  Par 
le  projet  de  loi,  nous  incitons  à  charge  de  l'État  les  cinq  hui- 
tièmes des  frais  de  l'enseignement  primaire.  Les  traitements 
des  instituteurs,  sans  les  pensions,  se  monteront  à  l'avenir  à 
929,000  lh,  donl  575,000  fr.  à  la  charge  de  l'État  et  seulemenl 
un  peu  plus  de  354,000  fr.  à  l;i  charge  des  communes. 

Je  vous  le  demande,  Messieurs,  si,  en  ce  moment,  où  nous 
nous  disposons  à  charger  ainsi  l'État  de  la  presque  totalité  des 
dépenses  se  ilaires,  nous  sommes,  oui  ou  non,  autorises  à  ex- 
primer nos  craintes  au  sujet  du  maintien  des  droits  et  de  l'auto- 
nomie des  communes  en  matière  d'enseignemenl  ? 

Le  Conseil  d'État  a  reproché  aux  auteurs  des  amendements 
d'avoir  soulevé  une  très  grave  question,  à  l'improviste,  d'une 
façon  incidente  et  à  l'<  ccasion  d'une  question  d'argent  à  laquelle 
elle  ne  se  rattacherait  en  rien.  Ce  reproche,  Messieurs,  nous 
ne  l'acceptons  nullement,  surtout  lorsqu'il  vient  de"  la  part  de 
ces  hommes  qui,  il  y  a  deux  ans  à  peine,  dans  un  document 
officiel,  ont  proposé  de  charger  l'État  non  seulement  de  tous 
les  frais,  mais  encore  et,  à  l'exclusion  des  communes,  de  l'or- 
ganisation comp'ète  de  l'enseignement  primaire. 

M.  Kirpach,  Dir.  gén.  de  l'intérieur.  C'est  un  avis  séparé 
d'un  membre,  comme  celui  que  vous  invoquez  aujourd'hui. 

M.  Prum.  Nous  ne  pouvons  pas  savoir  cela,  nous  nous 
trouvons  devant  un  document  officiel. 

En  admettant  même  m1"'  cette  proposition  formelle  n'ait  été 
qu'à  une  seule  voix,  il  ne  faut  pas  oublier  que  la  majorité 
du  Conseil  d'État  s'est  en  principe  ralliée  à  cette  manière  de 
voit-  et  n'a  repoussé  la  proposition  que  par  opportunisme. 

Dans  leur  statolàtre  doctrinarisme,  ces  hommes  ont  pu  un 
instant  se  faire  illusion  et  croire  notre  pays  déjà  mûr  pour  la 


12 

pire  des  servitudes  intellectuelles,  pour  la  concentration  absolue 
de  l'enseignement  entre  les  mains  du  pouvoir  central.  Aujour- 
d'hui qu'ils  ont  reconnu  l'impossibilité  de  prendre  d'un  coup  de 
main  et  de  démolir  immédiatement  la  citadelle  de  nus  immunités 
municipales,  ils  espèrent  atteindre  leur  but  par  une  voie  dé- 
tournée, par  l'application  de  la  célèbre  maxime  de  Philippe  de 
Macédoine  :  «  Il  n'y  a  pas  de  citadelle  assez  forte  qui  ne  laisse 
entrer  un  mulet  chargé  d'or.  » 

Le  mulet,  Messieurs,  nous  le  laisserons  entrer,  parce  que 
l'or  dont  il  est  chargé  nous  appartient  de  plein  droit  ;  mais  nous 
ne  voulons  ouvrir  les  portes  sans  prendre  la  précaution  de 
pourvoir  à  la  dél'ense  de  la  place  en  relevant  certains  bastions 
qui  sont  tombés  en  ruine,  c.-à-d.,  nous  ne  voulons  accepter 
les  nouvelles  subventions  scolaires  sans  la  modification  de 
plusieurs  dispositions  de  la  loi  de  1881. 

La  première  de  ces  modifications  concerne  l'organisation  et 
les  attributions  des  commissions  locales.  Les  autorités  commu- 
nales ne  peuvent  exercer  leur  surveillance  sur  l'école  que  par 
l'intermédiaire  des  commissions  locales  prévues  par  les  art.  96 
et  97  de  la  loi  organique. 

A  l'exception  de  quelques  autorités  scolaires  allemandes  qui, 
du  reste,  ont  principalement  en  vue  la  situation  des  grandes 
villes  où  les  inspecteurs  de  l'État  se  trouvent  à  proximité  de 
l'école  et  où  la  coexistence  des  deux  inspections  —  Fach- 
inspection  und  Localinspection  —  a  donné  naissance  à  certain 
antagonisme,  tout  le  monde  est  d'accord  pour  reconnaître  la 
nécessité  de  l'inspection  locale.  Elle  existe  dans  tous  les  pays 
et  ne  saurait  être  remplacée  par  l'inspection  par  ressort.  L'hon. 
M.  Kirpacb  a  toujours  déclaré  attacher  une  très  grande  impor- 
tance au  fonctionnement  des  commissions  locales.  Voici  com- 
ment il  s'est  exprimé  à  la  séance  du  10  janvier  1883. 

Je  ne  vous  cacherai  pas  que  le  fonctionnement  des  commissions  locales 
laisse  beaucoup  à  désirer  ;  je  ne  vous  cacherai  pas  non  plus  que  j'attache 
à  l'institution  des  commissions  locales  une  grande  importance.  Cette  insti- 
tution, à  mes  yeux,  est  d'une  utilité  majeure,  et  voilà  pourquoi  je  liens 
aussi  à  ce  que  le  fonctionnement  en  soit  assuré. 

Quelle  q  .e  soit  l'importance  que  l'hon.  M.  Kirpach  ait  attachée 

à  l'institution  des  commissions  locales,  il  devra  bien  convenir 


13 

que,  pas  plus  aujourd'hui  qu'en  1-ss;!,  il  n'a  réussi  à  en  assurer 
le  fonctionnement.  Lors  des  discussions  budgétaires  de  l'année 
dernière,  l'hon.  Directeur  général  nous  a  avoué  que  la  grande 
majorité  des  commissions,  91  sur  144,  ne  se  son!  pas  réunies 
une  seuil' lois  et  n'ont  pas  visité  une  seule  des  écoles  de  leur 
ressort,  34  commissions  ont  fonctionné  irrégulièrement  et  19 
seulement  ont  répondu  aux  exigences  de  la  loi. 

M.  Brasseur.   On  a  déjà  refuté  cela  ici. 

M.  Prum.  Ce  sont  les  chiffres  de  l'hon.  M.  Kirpach  lui- 
même. 

M.  Brasseur.   J'ai  aussi  des  chiffres. 

M.  Bech.   Vous  citerez  les  vôtres. 

M.  Prum.  Vous  en  citerez  d'autres,  si  vous  êtes  en  état  de 
le  faire.  Mes  chiffres  sont  officiels.  À  quelles  causes  doit-on 
attribuer  un  si  lamentable  échec?  Il  y  en  a  plusieurs,  la  prin- 
cipale cependant  a  été  reconnue  par  les  auteurs  de  la  loi  de 
1881,  dès  le  lendemain  de  sa  promulgation. 

En  effet,  en  1883  déjà,  feu  M.deWacquanl,  qui  avait  été  à  la 
Chambre  rapporteur  de  la  loi  scolaire,  a  franchement  avoué 
que  l'on  avait  commis  une  faute  en  n'admettant  pas  le  curé  de 
chaque  paroisse  comme  membre  de  la  commission -locale.  Dans 
ance  de  la  Chambre  du  11  janvier  1883,  l'hon.  membre 
a  même  formellement  exprimé  le  désir  de  voir  modifier  la  loi 
en  ce  point. 

Cette  modification,  dont  la  nécessité  a  été  reconnue,  dès 
1883,  par  un  des  principaux  collaborateurs  de  la  réforme  et  à 
laquelle  MM.  les  inspecteurs  eux-mêmes  paraissent  s'être  ré- 
signés aujourd'hui,  est  une  de  celles  que  nous  avons  proposées. 

Une  autre  proposition  de  la  section  centrale  concerne  le 
changement  des  commissions  communales  en  commissions 
locales.  Actuellement,  il  existe  seulement  une  commission  sco- 
laire  par  commune.  C'est  là,  à  mon  avis,  une  des  raisons  pour 
lesquelles  ces  commissions  n'ont  pas  fonctionné  jusqu'à  ce 
jour.  Très  souvent,  dix  ou  douze  écoles  dispersées  dans  cinq 
dépendent  d'une  seule  el  même  commission.  Dans 


14 

ces  cas,  il  est  forl  difficile  aux  membres  de  ces  commissions  de 
pérégriner  d'un  village  à  l'autre  pour  visiter  les  écoles,  et  cela 
d'autant  plus  qu'aucun  des  membres,  pas  même  le  bourgmestre, 
n'est  en  droit  de  faire  une  visite  sans  être  accompagné  d'au 
moins  d'un  de  ses  collègues.  Lois  même  que  les  membres  des 
commissions  sont  animés  d'un  très  grand  zèle  et  visitent  une 
ou  deux  fois  par  an  les  écoles  de  leur  ressort,  ils  ne  peuvent 
cependant  exercer  une  surveillance  sérieuse  que  dans  la  localité 
où  ils  résident,  car  ils  ne  sont  que  très  rarement  à  même  de 
savoir  et  de  juger  ce  qui  se  passe  dans  les  différentes  autres 
sections  de  la  commune. 

D'autre  part,  les  dispenses  scolaires  qui  entrent  dans  les  at- 
tributions des  commissions,  donnent  lieu  à  des  courses  nom- 
breuses et  souvent  pénibles.  Je  dois  avouer  que  j'ai  été  souvent 
pris  de  pitié  en  voyant,  en  plein  hiver,  par  des  temps  de  neige 
et  de  glace,  de  petits  enfants  faire  un  trajet  de  cinq  à  six  kilo- 
mètres pour  aller  au  chef-lieu  de  la  commune  demander  une 
dispense.  Je  suis  persuadé  que  tant  que  les  dispenses  et  les 
congés  ne  pourront  pas  être  accordés  par  une  autorité  résidant 
à  proximité  de  l'école,  c.-à-d.  tant  qu'il  n'y  aura  pas  une  com- 
mission locale  dans  chaque  section  de  commune,  la  loi  sur  l'en- 
seignement obligatoire  ne  pourra  pas  être  exécutée. 

Il  y  a  plus,  Messieurs.  Ce  ne  sont  pas  seulement  les  entants 
qui  se  trouvent  dans  le  cas  de  devoir  demander  des  congés, 
l'instituteur  également  se  voit  de  temps  en  temps  empêché  de 
tenir  sa  classe.  Ces  empêchements  sont  souvent  de  telle  nature 
qu'il  lui  est  impossible  de  faire  le  voyage  au  chef-lieu  de  la 
commune  pour  demander  un  congé  ;  aussi  arrive-t-il  quelque- 
fois q.ue  les  instituteurs  s'accordent  d  s  congés  eux-mêmes. 
A  ce  sujet,  il  existe  peu  ou  po'nt  de  contrôle  dans  le>  locali- 
tés éloignées  du  chef-lieu  de  la  commune,  et  les  abus  sont  iné- 
vitables. Je  connais  un  instituteur  qui,  il  n'y  a  pas  1res  long- 
temps, s'est  accordé  lui  même  huit  jours  entiers  de  congé,  ab- 
solument sans  demander  la   permission    a  qui  que  ce  soit. 

M.  Kirpach,  Dir.  gén.  de  l'intérieur.  Ce  sont  des  excep- 
tions. Tout  le  village  est  là  pour  exercer  la  surveillance. 


15 

M.  Prum.  Les  habitants  du  village  n'onl  aucune  autorité 
sur  l'instituteur.  Là  où  les  commissions  locales  ne  Ibnctionnenl 
pas,  c'esl  l'inspecteur  seul  qui  reste  chargé  d'empêcher  des 
abus  comme  celui  dont  je  viens  de  parler.  Certainement,  et  je 
me  plais  à  le  reconnaître,  les  inspecteurs  s'acquittenl  de  leur 
mission  avec  un  très  grand  zèle;  cependant,  malgré  tout,  ils 
ne  peuvent  faire  que  de  très  rares  el  de  très  courtes  apparitions 
dans  nos  villages  el  s'ils  parviennent  à  découvrir  les  abus,  ce 
n'esl  souvent  que  par  un  pur  hasard.  Ainsi,  l'année  dernière, 
im  inspecteur  arrivanl  dans  certain  village  a  trouvé  la  porte  de 
l'école  fermée  ;  l'instituteur  s'était,  ce  jour-là,  pris  un  petit  congé 
etse  trouvait  tranquillement  à  un  cabaret  occupé  à  jouer  aux 
quilles,  tandis  que  l'inspecteur  se  morfondail  à  la  porte  de 
l'école.  Peu  de  temps  après,  l'inspecteur  principal  est  venu  dans 
le  même  village,  et  cette  fois  là  encore  la  porte  de  l'école  était 
fermée,  l'instituteur  avait  renvoyé  les  enfants  chez  eux  pour  faire 
une  promenade  avec  un  de  ses  amis.  Il  esl  évident  que  ce  ne 
sera  que  très  rarement  que  les  visites  «les  inspecteurs  coïncide- 
ront avec  les  jours  où  les  instituteurs  font  l'école  buissonnière. 

La  crainte  de  voir  apparaître  cet  inspecteur,  qui  réside  sou- 
vent à  une  dislance  de  cinq  à  six  lieues,  ne  sera  jamais  assez 
forte  pour  maintenir  dans  le  devoir  un  instituteur  négligent. 
Sur  7  0  à  son  membres  du  corps  enseignant,  il  y  en  aura  tou- 
jours un  certain   nombre  qui  seront  moins  bons,   et  ceux-là 

penseronl  de  l'inspecteur  co îe  les  paysans  russes  du  Czar  : 

a  Der  llimmel  ist  hoch  und  (1er  Czar  ist  weit  »  ! 

Quant  aux  bons  instituteurs  eux-mêmes,  il  est  nécessaire 
qu'ils  trouvent  à  proximité  de  l'école  une  autorité  à  laquelle  ils 
auront  à  recourir  en  toute  circonstance,  car  personne  ne  doit 
être  juge  dans  sa  propre  cause. 

Voilà  pourquoi,  Messieurs,  la  section  centrale  a  cru  devoir 
proposer  de  changer  les  commissions  scolaires  actuelles  qui, 
du  reste,  n'existent  que  sur  le  papier,  en  <\^+  commissions 
vraiment  locales. 

Lors  de  la  discussion  des  articles,  j'aurai  l'occasion  i\r  revenir 

sur  1rs  autres  questions  de  détail  qui  c  incernent  l'organisation 

ommissions  locales  ;  je  liens  cependant  à  relever  encore  un 


16 

point.  Nous  avons  emprunté  aux  législations  anglaise  et  suisse 
l'idée  de  faire  directement  représenter  les  familles  au  sein  des 
commissions  locales. 

Il  est  évident  que  la  majoration  de  la  part  d'intervention  de 
l'État  dans  les  frais  de  l'enseignement  aura  pour  premier  résultat 
d'introduire  la  gratuité  scolaire  là  où  elle  n'existe  pas  encore. 

M.  Welter.    Vous  êtes  pour  la  gratuité  ? 

M.  Prum.  Je  n'ai  pas  dit  cela  ;  je  constate  seulement  un  fait. 
Le  projet  de  loi  amènera  en  fait  la  gratuité.  Par  suite,  le  dernier 
lien  qui,  sous  le  régime  actuel,  rattachait  la  famille  à  l'école 
sera  donc  détruit. 

Dans  ces  circonstances,  nous  avons  cru  nécessaire  de  sanc- 
tionner de  nouveau,  par  la  législation,  le  droit  primordial  de  la 
famille  sur  l'école,  en  proposant  d'adjoindre  aux  représentants 
des  autorités  civiles  et  religieuses  qui  composent  les  commis- 
sions locales,  un  membre  élu  directement  par  les  parents  ou 
tuteurs  des  enfants  qui  fréquentent  l'école. 

Du  reste,  Messieurs,  cette  idée  de  faire  entrer  dans  les  com- 
missions locales  un  élément  électif,  nous  a  été  en  partie  suggé- 
rée par  l'hon.  M.  Kirpach. 

M.  Kirpach,  Dir.  gén.  de  l'intérieur.  Cela  existe  en  Suisse. 

M.  Prum.  J'allais  justement  le  dire.  Vous  vous  êtes  inspiré 
de  cet  exemple  en  1881.  Voici,  en  effet,  ce  que  nous  lisons 
dans  votre  discours  du  10  janvier  1883  : 

L'idée  des  commissions  locales  n'est  pas  nouvelle;  si  elle  est  nouvelle 
chez  nous,  elle  ne  l'est  pas  partout  ailleurs.  J'ai  déchue,  lois  de  la  discus- 
sion de  la  loi,  qu'en  Suisse  les  commissions  locales  fonctionnent  parfaite- 
ment et  qu'on  y  attachait  une  importance  telle  que  dans  bien  des  communes 
elles  se  composent  de  8-9  membres,  qui  sont  choisis  el  renouvelés  tous 
les  ans  par  tous  les  électeurs  de  la  commune  âgés  de  21  ans.  C'est  en  lisant 
cela  que  je  me  suis  dit  que  cette  institution  serait  mile  chez  nous  aussi  el 
voilà  pourquoi  j'en  ai  proposé  l'adoption. 

En  lisant  cet  éloge  qui  a  été  fait  par  l'hon.  M.  Kirpach  du 
fonctionnement  excellent  des  commissions  locales  en  partie 
électives,  nous  avons  pensé  que  l'adoption  de  ce  système  contri- 
buerait peut-être  à  assurer  chez  nous  (''gaiement  le  fonctionne- 
ment de  ces  utiles  institutions. 


17 

Les  administrations  communales  ne  pe  venl  exercer  leur 
'■'f  influence  nécessaire  sur  l'école  autrement  que  par  l'intermé 
diaire  des  commissions  scolaires.  Co teni  les  autorités  com- 
munales pourraient-elles  à  l'avenir,  lorsque  par  suite  des  nou- 
velles subventions,  l'influence  morale  du  pouvoir  central  aura 
été  singulièrement  fortifiée,  défendre  efficacement  les  droits 
el  les  prérogatives  des  communes  en  matière  scolaire ,  si  les 
commissions  continuent  à  ne  pas  fonctionner? 

Pour  cette  raison,  il  nous  est  impossible  de  voter  les  sub- 
ventions nouvelles,  sans  nos  amendements,  c'est-à-dire  sans 
prendre  les  mesures  nécessaires  pour  assurer  le  fonctionnement 
des  commissions  locales. 

M.  Kirpach,  Dir.  gén.  de  l'intérieur.  Est-ce  qu'elle  ne  fonc- 
tionne pas  à  Clervaux  ? 

M.  Welter.  Chez  M.  Prum  ?  11  ne  manquerait  plus  que  ça  ! 

M.  Brasseur.  Mais  elles  ne  fonctionnent  pas  dans  tout  le 
canton. 

M.  Prum.  La  commission  locale  de  Clervaux  fonctionne 
très  régulièrement,  elle  est  une  des  dix-neuf  qui,  de  l'aveu  de 
l'Iion.  M.  Kirpach,  ont  seules  répondu  aux  exigences  de  la  loi. 
C'est  précisément  comme  président  de  cette  commission  que 
j'ai  pu  me  convaincre  par  ma  propre  expérience  combien,  sous 
le  régime  actuel,  il  est  difficile  aux  membres  des  commissions 
locales  de  remplir  la  tâche  que  la  loi  leur  impose  et  c'est  là  ce 
qui  m'autorise  à  recommander  à  la  Chambre  de  voter  nos  pro- 
positions afin  de  réorganiser  complètement  ces  commissions. 

Cependant.  Messieurs,  les  propositions  de  la  section  centrale 
ne  concernent  pas  seulement  l'organisation  el  les  attributions 
des  commissions  scolaires,  elles  visent  également  renseigne- 
ment religieux. 

Vous  me  permettrez  d'exposer  à  ce  sujet  d'abord  les  revendi- 
cations du  pays  catholique  en  matière  d'enseignement ,  ensuite 
nos  griefs  contre  la  loi  de  1881  et  le  but  que  nous  poursuivons 
par  nos  propositions. 

L'école  populaire  dans  notre  pays  doit  être  religieuse.  Per 
sonne,  je  crois,  ne  le  contestera. 


18 

Grâce  à  Dieu,  le  peuple  luxembourgeois^  dans  son  ensemble, 
est,  jusqu'à  ce  jour,  resté  inébranlablement  attaché  à  la  religion 
de  ses  pères.    Cette  fidélité  aux  principes  religieux  es!  la  gloire 

de  noire  pays,  elle  sera  sa  force  au  i snt  du  péril,  elle  sera 

la  plus  forte  barrière  qu'on  pourra  opposera  ces  doctrines  anti- 
sociales que  nous  voyons  grandir  autour  de  nous  et  qui  me- 
nacent de  devenir  un  véritable  danger. 

Ce  serait  une  erreur  bien  grave  que  de  ne  voir  dans  la  ques- 
tion sociale  qu'une  simple  question  économique.  Le  grand  péril 
social  est  dans  les  idées.  Ce  sont  les  principes  religieux  et  mo- 
raux qui,  incontestablement,  sont  la  base  de  la  société  et  c'est 
cette  base  menu'  que,  depuis  plus  d'un  siècle,  on  s't-st  efforcé 
d'ébranler.  Les  doctrines  subversives,  élaborées  d'abord  pa  les 
écrivains,  sont  peu  à  peu  descendues  dans  les  masses.  Les  su- 
prêmes révoltes  de  l'intelligence,  des  âmes  égarées  par  l'orgueil 
de  la  pensée,  se  sont  traduites  au  bas  de  l'échelle  sociale  par 
la  révolte  contre  tout  ordre  intellectuel ,  moral  et  social. 
L'athéisme  officiel  dont  la  Révolution  française  a  imprégné  la 
législation  des  peuples  modernes,  en  détruisant  une  partie  de 
ce  précieux  trésor  de  moralité  et  de  foi  religieuse  accumulée  par 
dix-huit  siècles  de  christianisme,  a  ébranlé  la  société  toute  en- 
tière sur  sa  base  immuable. 

Comme  l'a  très  bien  dit  un  des  hommes  le  mieux  au  courant 
du  mouvement  socialiste  contemporain,  un  orateur  distingué  du 
Parlement  allemand,  M.  Winterer  de  Mulhouse:  c'est  l'apos- 
tasie de  l'État,  l'apostasie  de  l'école  qui  ont  conduit  à  l'apostasie 
de  la  famille  et  h  l'apostasie  du  travail. 

Certes,  Messieurs,  même  dans  les  pays  moins  religieux  que 
le  nôtre,  la  masse  du  peuple  est  loin  d'être  atteinte  de  cette 
hideuse  gangrène  du  matérialisme  au  même  degré  que  la  scro- 
phuleuse  postérité  de  Voltaire  dans  les  classes  bourgeoises  et 
dirigeantes  ;  mais,  Messieurs,  le  danger  de  la  contagion  devient 
de  jour  en  jour  plus  grand  et  le  péril  social  plus  grave. 

Ce  point  a  été  reconnu  récemment  par  un  professeur  d'éco- 
nomie politique  et  de  sociologie  de  Karlsrulie,  le  IV  Herkner 
qui,  dans  un  ouvrage  remarquable  sur  la  question  sociale,  s'est 
exprimé  comme  suit:  «Die  durchschnittliche  Sittlichkeit  unserer 


I!) 

Irbeitenden  Rlassen  stehl  noch  immer  ûberraschend  hoch  ùber 
It'in  Niveau  der  âusseren  Bedingungen  ;  doch,  das  Kapital  von 
isittlichkeit,  das  wir  ans  Prûheren  Zeiten  ùbernommen  liaben, 
Schmiizt  wie  der  Schnee  ùber  dem  Wehen  i\f*  Fôhns  zusammen 

iiml  wird  bald  geschwunden  sein,  we licht  bald  ein  Wandel 

erfolgl  ». 

La  nécessité  sociale  de  la  religion  a  été  clairement  reconnue 
par  les  hommes  d'Élat  qui,  après  la  Révolution  française,  onl 
cherché  à  reconstituer  la  société. 

!  e  lendemain  de  ce  cataclysme,  devanl  legouffreà  peine  Terme, 
retentit  la  voix  de  Portalis  :  «  Point  d'instruction  sans  éducation. 
Poinl  d'éducation  sans  morale  el  sans  religion.  Toute  la  France 
appelle  la  religion  au  secours  de  la  morale  et  de  la  société». 
El  plus  tard,  au  milieu  de  la  tourmente  révolutionnaire  de  1848, 
cette  vérité  a  été  reconnue  par  ML  Thiers,  qui,  à  la  tribune 
nationale  de  son  pays,  s'écriait  :  «  Si  j'avais  dans  mes  mains  le 
bienfait  de  la  foi,  je  les  ouvrirai  sur  mon  pays,  car  j'aime  cent 
fois  mieux  une  nation  croyante  qu'une  nation  incrédule  ». 

Les  constituants  luxembourgeois  également  ont  reconnu  la 
ssité  sociale  de  la  religion  et,  malgré  certaines  inconsé- 
quences, ils  ont  consacré  ce  principe  dans  notre  charte  fonda- 
mentale. La  Constitution  luxembourgeoise  garantit  la  liberté 
des  cultes  et  leur  exercice  public.  Elle  distingue  nettement  dans 
son  art.  19  entre  cette  liberté  et  la  libre  manifestation  des  opi- 
5,  pour  bien  marquer  la  différence  qui  existe  entre  les 
droits  de  la  croyance  en  une  religion  positive  et  le  simple  énoncé 
d'une  doctrine  religieuse  philosophique  ou  scientifique  quelcon- 
que et,  dans  son  art.  22,  elle  reconnaît  implicitement  les  droits 
de  l'Église,  puisqu'elle  prévoit  un  contrat  bilatéral  qui  réglera 
les  rapports  entre  l'Église  et  l'État. 

La  Constitution  admet  donc  la  religion  positive  el  l'Église  ca- 
tholique comme  institution  sociale  qu'il  faut  protéger  el  soute- 
nir. Comment  l'Église  pourrait-elle  se  maintenir  et  vivre  dans 
un  pays  "u  "U  lui  conteste  le  droit  et  la  liberté  d'enseignement, 
si  en  même  temps  on  l'excluait  de  l'éducation  du  peuple,  si  on 
ne  l'admettait  pas  efficacement  a  l'école  ?  lue  telle  situation  n'a 
jamais  été  faite  a  l'Église  dans  aucun  pays  du  monde,  depuis 
les  temps  de  Julien  l'Apostat. 


Comment  la  Constitution  pourrait-elle  prôner  l'influence  de  la 
religion  positive  au  point  de  lui  accorder  une  liberté  sans  pal 
reille,  de  la  reconnaître  même  comme  société  indépendante  au 
point  de  vouloir  traiter  avec  elle  de  puissance  à  puissance,  si 
en  même  temps  elle  lui  refusait  les  moyens  de  se  perpétuer  et 
de  vivre? 

La  Constitution  n'aurait-elle  donc  reconnu  l'Église  que  pour 
la  détruire?  Une  telle  inconséquence  ne  peut  être  le  l'ait  d'un 
législateur  intelligent  et  consciencieux. 

Donc,  la  Constitution  qui  reconnaît  l'Église  et  veut  la  proté- 
ger, ne  peut  vouloir  un  enseignement  primaire  officiel  sans  re- 
ligion, elle  ne  peut  vouloir  d'autres  écoles  que  des  écoles  con- 
fessionnelles. 

M.  Kirpach,  Dir.  gén.  de  l'intérieur.  Cela  est  autre  chose. 

M'.  Prum.  Je  vous  prie  de  ne  pas  m'interrompre. 

Une  éducation  religieuse  vraiment  sérieuse  et  efficace  est 
impossible  en  dehors  de  l'école  confessionnelle  ;  donc  la  Cons- 
titution luxembourgeoise,  qui  reconnaît  dans  la  religion  un 
besoin  social,  doit  vouloir  l'école  primaire  confessionnelle  et, 
étant  donnée  la  situation  de  fait,  en  règle  générale,  l'école  con- 
fessionnelle catholique. 

Je  concède  que  dans  certains  cas  exceptionnels,  les  mesures 
nécessaires  doivent  être  prises  pour  sauvegarder  la  liberté  de 
conscience  des  dissidents.  Quant  aux  libres-penseurs,  je  ne 
pense  pas  qu'ils  aient  droit  à  des  égards  particuliers. 

M.  Kirpach,  Dir.  gén.  de  l'intérieur.  La  liberté  de  cons- 
cience doit  être  respectée. 

M.  le  Président.  Messieurs,  n'interrompez  pas  continuel- 
lement. 

M.  Prum.  Lorsque  l'État  vient  au  secours  d'un  besoin 
social,  il  doit  avoir  en  vue  les  besoins  de  la  généralité  et  ne 
saurait  s'arrêter  devant  les  convenances  personnelles  de  quel- 
ques individualités.  Jamais,  ni  nulle  part,  la  négation  de  tout 
culte  n'a  été  considérée  comme  un  besoin  social.  Comme  l'a 
très  bien  dit  le  ministre  prussien,  comte  de  Zedlitz-Trûtschler. 


J 

1 

J  M.  Prum.  Vous  pouvez  citer  quand  H  vous  plaira  Bebel  el 

es  coreligionnaires.  Je  vous  cite  le  comte  Zedlitz  qui  esl  pro- 
..{  et  conservateur  et  qui  a  été  ministre  des  cultes  et  de 
instruction  publique  du  royaume  de  Prusse,  donc  un  homme 
f.iivs  compétent. 

Comme  l'a  très  bien  dit  le  ministre  prussien,  comte  de 
Zedlitz-Trûtschler,  en  rendant  les  écoles  confessionnelles  au 
risque  de  forcer  les  libres  penseurs  de  faire  donner  une  édu- 
cation religieuse  à  leurs  enfants,  nous  n'avons  absolument  pas 
l'inti  ntion  d'opprimer  les  consciences  : 

Wir  wollen  keineswegs,  dil  M.  de  Zedlitz,  ich  wenigstens  môchte  nicht 
iin  geringsten  einen  Zwang  ausuben  ;  ich  will  nur  eine  Wohlthat,  die  ich 
selbst  empfangen  habe,  den  ungliicklichen  Kindem  geten,  denen  keine 
frc-mim-  Mutter  die  Bande  gefaltet  bat  und  die  keine  Worte  der  Wahrheit 
je  in  ibren  Familier)  horen. 

Du  reste,  Messieurs,  ne  n'oublions  pas,  s'il  est  difficile  de 
taire  de  bons  chrétiens  comme  de  bons  citoyens,  il  n'est  mal- 
heureusement pas  difficile  de  défaire  des  chrétiens. 

M.  Krier.   C'est  très  vrai. 

.M.  Prum.  L'école  confessionnelle  ne  peut  donc  guère  of- 
fusqer  les  libres  penseurs. 

Quant  à  nous,  catholiques  luxembourgeois,  comme  citoyens 
de  ce  pays  el  au  nom  de  notre  pacte  fondamental  qui  reconnaît 
l'Église  et  vont  la  protéger,  nous  sommes  en  droit  de  reven- 
diquer un  enseignement  primaire  confessionnel  et  catholique, 
car  c'est  la  le  seul  moyen  de  conserver  au  peuple  luxerabour- 
-  l'intégrité  de  la  foi  et  de  transmettre  à  nos  descendants  le 
dépôt  le  plus  sacré  qui  nous  a  été  légué  par  nos  ancêtres. 

Pères  de  familles  chrétiens,  à  qui  on  refuse  la  liberté  la 
plus  précieuse,  celle  de  l'enseignement,  nous  sommes  en  droit 
d'exiger  que  l'enseignement  officiel  soit  confessionnel  et  catho- 
lique, car  il  n'est  pas  de  plus  grande  souffrance  pour  un  père 
que  la  déportation  de  son  fils  dans  une  école  qui  n'est  pas  con- 
lorme  à  sa  conscience. 

Mais,  dira-t-on,  l'école  primaire  de  notre  pays,  n'est-elle  donc 
pas  cette  école  confessionnelle  catholique,  la  seule  qui  puisse 


±1 

convenir  à  nos  populations?  C'est  là,  Messieurs,  une  bien  grave 
question.  Je  n'en  connais  pas  de  plus  importante  qui  puisse 
être  posée  à  ceux  que  les  circonstances  ont  investis  du  mandat 
redoutable  de  la  législation. 

Obéissant  à  un  devoir  qui  m'est  imposé  par  ma  conscience 
chrétienne  el  par  I»'  sentiment  de  la  responsabilité  que  je  porte 
devant  mon  pays,  je  déclare  franchement  et  ouvertement  et 
avec  une  conviction  pleine  et  entière  :  Non,  l'école  organisée 
parla  loi  de  1881  n'est  pas  cette  école  confessionnelle  catho- 
lique, la  seule  qui  puisse  pleinement  satisfaire  nos  familles 
chrétiennes. 

Je  vous  prie,  Messieurs,  de  ne  pas  vous  méprendre  sur  le  sens 
de  nies  paroles.  Grâce  à  l'inexécution  de  la  loi,  un  grand  nombre 
de  nos  écoles  en  l'ait,  méritent  à  tous  égards  la  confiance  des 
l'aniilles.   Les  écoles  sont  bonnes  malgré  la  loi. 

M.  Kirpach,  Die.  gén.  de  l'intérieur.  En  vertu  de  la  loi. 

M.  Prum.  Non,  car  elles  ne  sont,  pas  confessionnelles,  vous 
ne  le  nierez  pas. 

M.  Kirpach,  Dir.  gén.  de  l'intérieur.  Nous  voulons  une 
école  religieuse,  mais  pas  confessionnelle. 

M.  le  Président.  Je  vous  en  prie,  n'interrompez  pas  con- 
tinuellement. 

M.  Prum.  Je  constate  que  l'iion.  M.  Kirpach  reconnaît  que, 
d'après  la  loi,  l'école  chez  nous  n'est  pas  confessionnelle.  Cet 
aveu  a  sa  valeur. 

Qu'est-ce  que  l'école  primaire  confessionnelle  ?  Ce  n'est  pas 
l'école  congréganiste,  il  y  a  d'excellentes  écoles  confessionnelles 
laïques;  ce  n'est  pas  non  plus  l'école  dont  les  dissidents  sont 
exclus,  il  y  a  souvent  des  dissidents  dans  les  écoles  dirigées 
par  le  clergé  ;  ce  n'est  pas  plus  l'école  où  l'on  enseigne  le 
catéchisme  toute  la  journée. 

L'école  confessionnelle  esl  celle  où  l'enseignement  religieux 
dogmatique  se  donne  à  certaines  heures,  mais  où.  aux  autres 
heures,  consacrées  à  l'enseignement  littéraire  et  scientifique, 
l'instituteur  saisit  les  occasions  qui  se  présentent  pour  faire 
mieux  comprendre  aux  enfants  ce  que  l'enseignement  dogma- 


23 

tique  a  nécessairement  d'abstrait,  c'esl  l'école  dans  laquelle 
l'instituteur  coopère  à  l'enseignement  religieux  et  à  l'éducation 
morale  et  religieuse  des  entants,  l'école  dont  le  cachet  et  la 
physionomie  sont  religieuses,  ou,  pour  me  servir  de  l'expression 
de  M.  Guizot,  dont  l'atmosphère  est  religieuse. 

L'instruction  morale  et  religieuse  n'est  pas,  comme  le  chant 
el  le  dessin,  une  leçon  qui  est  donnée  en  passant,  par  un  maître 
spécial  et  à  une  heure  déterminée,  après  laquelle  il  n'en  est 
plus  question. 

Mgr  Dupanloup, dans  son  admirable  livre  sur  l'éducation, dit  : 

11  ne  suffit  pas  que  la  religion  ait  une  part  quelconque  dans  l'éducation, 
qu'elli  temps  en  temps  une  apparition.  Tout  cela  n'est  rien  si 

elle  ne  pénètre  pus.  si  elle  n'inspire  pas,  si  elle  ne  soutient  pas  tout  i 
divine  influence,  si  elle  n'est  pas  l'âme  de  l'éducation  toute  entière. 

Après  ce  témoignage  de  l'illustre  évêque  d'Orléans,  il  me 
sera  permis  de  citer  celui  d'un  protestant ,  de  M.  Guizot.  S  oici 
m  quels  termes  ce  grand  homme  d'État,  dans  ses  Mémoires,  a 
exprimé  le  regret  de  n'avoii  servi  plus  efficacement  la  cause  de 
l'instruction  religieuse  : 

L'assimilation  de  l'étude  de  la  religion  à  d'autres  éludes  secondaires  qui 
n'ont  que  leurs  heures  spéciales  el  limitées  ne  pouvait  satisfaire  pleine- 
ment les  familles  dévouées  aux  croyances  religieuses.  La  religion,  sérieu- 
sement acceptéeel  pratiquée,  lient  trop  de  place  dans  la  vie  de  l'homme  pour 
qu'il  ne  lui  soit  pas  fait  aussi  une  grande  part  dans  l'éducation  de  l'enfant. 

Telle  école  est-elle  religieuse,  confessionnelle?  dette  ques- 
tion capitale  ne  consiste  pas  tant  dans  le  point  de  savoir  si  l'en- 
seignement religieux  l'ait  partie  du  programme,  s'il  sera  donné  à 
l'école  ou  à  l'église  ;  ces  degrés  ont  leur  importance,  sans  doute  ; 
mais  tous  les  hommes  d'Étal  qui  ont  préconisé  le  caractère  reli- 
gieux et  moral  de  l'enseignemenl  primaire  ont  voulu  que  l'en- 
seignemenl  lut  pénétré  el  imprégné  de  la  religion  et  que  l'insti- 
tuteur lui-même  —  car  c'i  si  lui  qui  a  l'influence  prépondérante 
sur  les  enfants  —  sans  négliger  le  moins  du  monde  l'enseigne- 
ment littéraire  et  scientitique,  s'occupe  a  toute  heure  de  la 
journée  a  l'aire  de  ses  élèves  de  bons  chrétiens  en  même  tei 
que  de  bons  citoyens. 

Pour  «pie  la  l"i  si  conserve  chez  reniant ,  pour  qu'elle  gran- 
et  devienne  parfaite,  il  faut  que  se  reniant  se 


24 

trouve  dans  une  atmosphère  religieuse.  La  foi  ne  vit  pas  de 
réticences  et  de  contradictions;  elle  doit  être  alimentée  et  sou- 
tenue  par  une  affirmation  et  une  profession  continues  de  la 
vérité  totale  et  intégrale.  Chacun  le  sent,  l'enfant  qui  passe 
cinq  ou  six  heures  par  jour  sous  l'influence  d'un  même  institu- 
teur se  forme  à  ses  leçons,  à  ses  exemples,  à  la  pression  quo- 
tidienne et  victorieuse  d'une  telle  supériorité,  d'une  si  incon- 
testable autorité.  Cette  influence  du  maître  sur  l'élève,  ce  n'est 
pas  l'influence  de  l'engrenage  sur  la  roue  ou  du  marteau  sur 
l'enclume,  c'est  l'influence  d'une  âme  sur  une  âme,  d'un  être 
raisonnable  sur  un  être  raisonnable,  c'est  l'influence  des  idées 
qui  descendent  doucement  et  victorieusement  d'un  cœur  et 
d'une  intelligence  pour  s'implanter  et  prendre  vie  dans  un  autre 
cœur  et  une  autre  intelligence  ;  c'est  l'influence  des  idées,  Mes- 
sieurs. Et  celles  qui  se  groupent  et  se  réunissent  dans  un  en- 
semble complet,  comme  il  est  nécessaire  de  les  avoir  unies  et 
concordantes  pour  élever  un  homme,  forment  ce  corps  de  prin- 
cipes qu'on  appelle  convictions  religieuses  .  C'est  l'influence  de 
l'instituteur  qui  est  prépondérante  pour  former  les  convictions 
de  l'enfant;  la  coopération  de  l'instituteur  à  l'enseignement  re- 
ligieux est  donc  indispensable. 

On  objectera  peut-être  que  la  liberté  de  conscience  de  l'insti- 
tuteur doit  être  respectée,  que  même  la  loi  belge  de  4895  per- 
met à  l'instituteur  de  refuser  sa  coopération  à  l'enseignement 
religieux.  D'après  la  loi  belge  de  1895,  chaque  jour  une  demi- 
beure  est  consacrée  à  l'enseignement  religieux  et  cet  enseigne- 
ment est  donné  en  règle  générale  par  le  prêtre,  avec  la  coo- 
pération de  l'instituteur.  Il  est  vrai  que  l'instituteur  peut  refu- 
ser cette  mission. 

Cependant,  lorsque  la  commune  maintient  dans  son  école  un 
instituteur  qui  refuse  de  donner  l'enseignement  religieux  ou 
qui  n'en  est  pas  jugé  digne,  elle  doit  faire  remplacer  l'institu- 
teur dans  cette  tâche.  Dans  ce  cas,  la  commune  peut  être  obli- 
gée de  payer  une  rémunération  spéciale  pour  le  cours  de  reli- 
gion. Le  but  évident  de  cette  mesure  est  d'éloigner  peu  à  peu 
des  écoles  primaires  les  instituteurs  qui  n'inspirent  pas  une 
confiance  suffisante  au  point  religieux. 


2.J 


Le  Conseil  d'État,  dans  son  avis  du  10  mars  1897  sut 
amendements  qui  nous  occupent,  trouve  que  le  refus  de  certains 
instituteurs  belges  de  coopérer  à  renseignement  religieux  «a 
créé  une  situation  dont  il  est  impossible  de  méconnaître  la 
gravita 

Certainement  la  situation  créée  par  ces  instituteurs  est  très 
regrettable;  cependant  elle  est  absolument  celle  qui  a  été  créée 
dans  notre  pays  par  la  loi  de  1881.  Dans  les  rares  communes 
belges  où  cette  situation  existe,  c'est  le  prêtre  seul,  à  l'exclu- 
sion de  l'instituteur,  qui  s'occupe  de  l'enseignement  religieux. 

Le  jugement  porte  par  le  Conseil  d'État  sur  la  situation  ex- 
ceptionnelle  qui  existe  dans  quelques  communes  belges  est 
donc  la  condamnation  de  la  législation  scolaire  luxembour- 
geoise. 

Du  reste,  Messieurs,  la  situation  de  la  Belgique  ne  saurait 
être  comparée  à  celle  de  notre  pays.  Si  la  loi  belge  tient  compte 
de  la  liberté  de  conscience  de  l'instituteur,  elle  reconnaît  éga- 
lement  la  liberté  des  parents.  En  Belgique  existe  la  liberté  ab- 
solue d'enseignement. 

Dans  notre  pays,  où  on  refuse  aux  parents  la  liberté  de 
choisir  pour  l'éducation  de  leurs  enfants  une  école  autre  que 
l'école  officielle,  nous  sommes  en  droit  d'opposer  à  ceux  qui 
invoquent  la  liberté  de  conscience  de  l'instituteur,  la  réponse 
qui  a  été  faite  à  la  même  objection  par  le  ministre  prussien 
comte  de  Zedlitz-Trûtzschler  : 

Es  ist  mir  mit  einem  grossen  Maasse  von  Emphase,  vielleicht  auch  sitt- 
licher  Entrûstung  entgegengehalten  worden,  die  Gewissensbedrângniss 
des  armen  Lehrers,  der  durch  diesen  Gesetzéntwurf  nothwendig  zu  einem 
Heuchler  gemacht  werden  soll. 

Warum,  meine  Herren  ?  Jeder  Beamte  hat  bekanntlich  den  (nstructionen 

zu  folgen.  welche  die  pragmatischen  Dienstvorschriften  geben.  Wollen  Sie 

in  dieser  Beziehung  jedem  Beamten  das  Recht  geben,  lediglich  nach 

etivem  Ermessen  zu  thun,  waa  er  will?  (Sein-  gut  Redits  und  im 

Centrum.J 

Heine  Henen,  auch  fur  midi  bat  das  Wort  «  Freiheil  und  freiheitliche 
Entwickelung  -  einen  entzûokenden  Klang,  aber  ich  muss  dbch  sagen,  der 
I  reiheit  des  1  Bteht  doch  aucb  die  Freiheit  der  Eltera  gegenûber. 

(Sehr  richtig.)  Wolli  i  nder,  wollen  Sie  die  Kindi 

Volkes,  dem  Bubjectiven  Ermessen  jedes  Einzelnen  ausllefern,  in  den- 


26 

jenigen  Jahren ,  in  welchen  (1er  Grund  der  ganzen  Entwickelung  dos 
Menscheh  gelegt  wird  ?  (Lebhaftes  Bravo  im  Centrum  und  Rechts.j 

L'instituteur  dans  son  école  n'exerce  pas  un  droit  personnel. 
Il  accepte  un  mandat  qu'il  aurait  pu  décliner,  car  personne 
n'est  forcé  de  se  dévouer  à  l'enseignement  de  la  jeunesse  ;  mais 
nous  avons  le  droit  d'exiger  que  l'instituteur,  comme  tout^aulre 
fonctionnaire,  remplisse  complètement  les  conditions  de  son 
mandat,  lorsqu'il  l'accepte.  La  coopération  de  l'instituteur  à 
l'enseignement  religieux  est  la  première  condition  d'une  bonne 
éducation  religieuse.  Donc  nous  sommes  en  droit  d'exiger  de 
l'instituteur  celte  coopération. 

Confier  l'enseignement  religieux  exclusivement  au  prêtre  sans 
y  intéresser  l'instituteur,  renfermer  la  religion  dans  certains 
moments  de  la  semaine,  ce  serait  fausser  l'esprit  de  l'enfant.  Il 
ne  faut  pas  que  l'esprit  de  l'enfant  s'habitue  à  l'idée  d'un  divorce, 
d'une  séparation  entre  la  religion  et  les  autres  choses  de  la  vie. 
Il  ne  faut  pas  qu'un  mur  de  séparation  soit  élevé  entre  la  partie 
religieuse  et  la  partie  scientitique  de  l'enseignement.  II  faut 
l'unité  dans  l'éducation.  C'est  là  ce  qui  distingue  l'école  confes- 
sionnelle de  l'école  sécularisée. 

Dans  l'exposé  des  motifs  du  projet  de  loi  scolaire  de  1878, 
qui  est  sans  conteste  le  document  le  plus  remarquable  et  le  plus 
substantiel  qui  ait  jamais  été  publié  dans  ce  pays  sur  la  question 
scolaire ,  M.  Nie.  Salentiny  démontre  dans  les  termes  suivants 
la  nécessité  de  celle  unité  de  l'enseignement  : 

I..'  mot  de  catéchisme,  lorsqu'il  s'agit  des  attributions  d'un  instituteur 
paye  par  la  commune  ou  par  l'État,  est,  pour  certaines  personnes,  un  mot 
mal  sonnant.  Pourquoi,  dira-t-on,  faire  de  l'instituteur  le  serviteur  du 
pi  être  et  le  charger  de  préparer  à  celui-ci  un  enseignement  religieux,  alors 
que  c'est  là  la  tâche  du  desservant  ? 

Et  d'abord,  nous  avons  pensé  qu'il  y  aurait  un  dange-i  sérieux  à  dire 
que  le  domaine  de  l'instituteur  finit  là  où  celui  du  ministre  du  culte  corn- 
nu  née.  Nous  croyons  qu'il  y  aurait  un  péril  grave  à  créer  ainsi  parmi  les 
deux  agents  de  l'école  une  espèce  d'antagonisme,  en  considérant  l'un 
comme  le  représentant  de  l'élément  laïque  et  l'autre  comme  le  représen- 
tant de  l'élément  religieux.  Nous  pensons,  au  contraire,  que  l'école  a  dans 
son  ensemble  un  certain  caractère  religieux  et  moral  qui  ne  se  laisse  pas 
scinder. 


27 

....  En  quoi  d'ailleurs  l'instituteur  appelé  à  se  désintéresser  complète- 
ment de  toul  enseignement  religieux,  différerait-il  encore  de  l'instituteur 
de  l'école  neutre  ou  laïque?  Nous  devons  avouer  bien  franchement  que 
toute  nuance  instinctive  entre  eux  nous  échappe  complètement. 

Celte  unité  de  l'enseignement,  consacrée  par  la  loi  de  1843  et 
défendue  si  chaleureusement  en  liS78  encore  par  M.  N.  Salen- 
tiny,  au  prix  même  de  son  portefeuille 

M.  Eyschen,  Minisire  d'État.  Et  les  journaux  catholiques 
l'ont  combattu. 

M.  Welter.    Qu'est  devenu  le  ministre  ?  (Hilarité.) 

M.  Prum.  Les  journaux  catholiques  ont  combattu  la  révision 
de  la  loi. 

M.  Eyschen,  Ministre  d'État.  Et  M.  Salentiny,  qui  voulait 
taire  la  révision  ! 

M.  Prum.  M.  Salentiny  a  été  renversé  du  ministère  parce 
qu'il  ne  voulait  pas  de  la  séparation  entre  l'élément  religieux  et 
laïque.  Il  a  sacrifié  son  portefeuille  parce  qu'il  ne  voulait  pas 
détruire  cette  unité,  parce  qu'il  voulait  nous  conserver  le  bien- 
fait inappréciable  de  l'école  confessionnelle. 

M.  Eyschen,  Ministre  d'État.  Ce  sont  les  catholiques  qui 
font  renversé,  vous  ne  contesterez  pas  cela. 

M.  Prum.  Singuliers  catholiques  que  ceux  qui  formaient 
la  majorité  de  la  Chambre  à  cette  époque  et  qui  ont  voté  la  loi 
scolaire  libérale.  C'est  cette  loi  de  1881  qui  a  rompu  l'unité  de 
l'enseignement  du  moins  en  principe  et,  par  nos  amendements, 
nous  la  voulons  rétablir. 

Cependant,  Messieurs,  si  nous  désirons  la  coopération  de  l'in- 
stituteur à  renseignement  religieux,  ce  n'est  pas,  comme  on  a 
cherché  à  nous  le  reprocher,  pour  décharger  le  clergé.  Li 
de  l'art,  -in  de  la  loi  de  1881  restera  toujours  en  vigueur  el  le 
prêtre  restera  chargé  de  l'instruction  religieuse;  il  devra,  comme 
par  le  passé,  continuer  à  donner  deux  fois  par  semaine  le  cours 
de  religion.  A  cel  enseignement  donné  par  le  prêtre,  l'institu- 
teur prêtera  son  concours.  L'instituteur  remplace  le  père  de 
famille  et  il  doil  agir  comme  agirait  le  père  de  famille  lui-même 


28 

s'il  en  avait  les  facultés,  pour  l'éducation  morale  et  religieuse  de 
l'enfant. 

Messieurs,  je  manquerais  de  franchise  si  je  ne  vous  rendais 
pas  attentifs  aux  conséquences  de  notre  proposition.  Nous  avons 
l'intention  formelle  de  rompre  avec  le  principe  sur  lequel  repose 
la  loi  de  1881,  qui  est  celui  de  la  séparation  absolue  de  l'élé- 
ment religieux  et  de  l'élément  laïque.  (Protestation  de  M.  Kirpach.) 

La  conséquence  de  ce  principe  de  séparation,  c'est  que  les 
dispositions  de  la  loi  actuelle  et  même  les  règlements  d'exé- 
cution qui  patient  des  intérêts  religieux  et  de  l'éducation  reli- 
gieuse à  l'école,  s'appliquent  exclusivement  au  prêtre  et  non 
pas  à  l'instituteur.  Toutes  ces  dispositions  qui,  à  première  vue, 
semblent  être  des  garanties  d'une  éducation  religieuse,  ne  sont 
au  tond  qu'un  trompe-l'œil. 

Du  moment,  cependant,  que  parle  vote  de  notre  amendement, 
le  principe  de  la  coopération  de  l'instituteur  à  l'enseignement 
religieux  sera  inscrit  dans  la  loi,  il  en  sera  tout  autrement; 
toutes  ces  dispositions  qui  concernent  l'éducation  religieuse  des 
cillants  seront  applicables  à  l'instituteur  et  par  là  l'école  laïque 
et  sécularisée  sera  transformée  en  une  école  confessionnelle  et 
catholique. 

La  coopération  de  l'instituteur  à  l'enseignement  religieux  est 
incompatible  avec  le  principe  de  la  laïcité  de  l'école  que  l'hon. 
M.  Kirpach,  dans  son  exposé  des  motifs,  a  déclaré  former  la 
base  même  de  la  toi  de  1881.  Du  moment  que  l'instituteur  devra 
collaborer  à  l'enseignement  de  la  religion  et  à  l'éducation  reli- 
gieuse des  enfants,  il  ne  sera  plus  permis  d'affirmer  que  l'école 
appartient  exclusivement  à  l'État;  car  l'Etat  ne  peut  enseigner  ni 
la  religion,  ni  la  morale,  et  l'instituteur,  pour  autant  qu'd  coo- 
pérera à  l'éducation  morale  et  religieuse,  tiendra  sa  délégation 
non  pas  de  l'État,  mais  de  l'Eglise,  c'est  la  mission  canonique. 

L'État  moderne  s'est  déclaré  perpétuellement  incompétent  en 
matière  de  doctrines. 

En  face  des  grandes  questions  qui  se  présentent  à  toute  intel- 
ligence qui  s'ouvre  —  l'origine  et  la  lin  de  l'homme  et  de  lVs- 
pèce  humaine  —  l'Etat  s'est  condamné  a  dire  :  je  n'en  sais 
rien  et  je  nVn  puis  rien  savoir.  Gomme  l'a  très  bien  dit  le  comte 
de  ZedliU-Triilzscbler 


20 

M.  Welter.  Encore  une  fois!  Vous  necitez  que  des  minisires 
renversés.  (Hilarité.  I 

M.  Laval.  Inconnu  chez  nous  ! 

M.  Prum.  Le  comte  de  Zedlitz  a  dit  tant  de  belles  choses. 

M.  Welter.  Nous  n'en  voulons  pas. 

M.  Prum.  L'hon.  M.  Welter  cite  souvent  des  choses  dont 
nous  ne  venions  pas  et  que  nous  écoutons  quand  même.  J'es- 
père qu'il  sera  aussi  complaisant  à  mon  égard; 

Le  comte  de  Zedlitz  dit  donc  : 

ESne  allgemein  raenschliche  Moral  gibt  es  nicht;  os  gibt  fine  allge- 
gemein  menscblicbe  Unmoral,  und<  s  ist  ehendie  Aufgabe  aller  Religionen 
und  ganz  besonders  des  Christenthums  gewesen,  (lies  dem  Monschen  an- 
geborene  nicht  moralmâssige  in  Moral  umzusetzen.  Wàre  das  nicht  rich- 
tig,  dann  brauchten  wir  Religion  iil»erhaupt  nicht.  Und  dann  wâre  die 
doch  allerdings  wunderbare  Erscheinung,  dass  es  nie  eine  Nation  und  nie 
ein  Volk  gegeben  liât,  bei  dem  nicht  religiôse  BcgrifTe  sich  entwickelt 
baben,  ganz  unerklârlich. 

La  morale  universelle  et  indépendante  rêvée  par  les  déistes, 
1rs  panthéistes  et  les  rationalistes  de  toutes  les  écoles,  n'existe 
donc  pas.  Cette  doctrine  est  le  contre-pied  de  la  doctrine  chré- 
tienne. Lors  donc  que  dans  nos  écoles  primaires,  quelques 
instituteurs,  suivant  en  cela  certains  conseils,  s'inspirent  des 
principes  des  Dittes,  autres  pédagogues  modernes  qui  admettent 
la  morale  prétenduement  indépendante,  ces  instituteurs  se 
trouvent,  inconsciemment,  je  le  veux  bien,  mais  en  fait  et  en 
réalité  m  contradiction  avec  l'enseignement  religieux  et  créenl 
ainsi  un  véritable  dualisme  à  l'école. 

En  Belgique,  comme  dans  d'autres  pays,  il  existe  une  inspec- 
tion scolaire  ecclésiastique  en  dehors  de  l'inspection  laïque,  »■( 
les  inspecteurs  ecclésiastiques  assistent  a  toutes  les  conférences 
d'instituteurs.  J'espère  que  le  règlement  qui,  en  vertu  de  l'art. 
76  de  la  loi  organique,  devra  «'-ire  élaboré,  permettra  chez  nous 
également  :'i  un  délégué  de  l'évêque  d'assister  aux  conférences 
des  instituteurs.  Les  catholiques  luxembourgeois  sont  en  droit 
d'exiger  t\>'<  garanties  au  sujel  >\<^  principes  pédagogiques  que 
l'on  inspire  à  nos  instituteurs,  ;i  ces  hommes  auxquels,  de  par 


30 

la  loi,  ils  sont  obligés  de  confier  l'éducation  de  leurs  enfants. 
L'État  ne  peut  enseigner  ni  la  morale,  ni  le  dogme,  qui  en  est 
la  base  m  i  essaire  et  la  sanction.  .Une  morale  sans  dogme,  une 
morale  indépendante  est  inadmissible  au  point  de  vue  scienti- 
fique. Est-ce  que,  dans  l'immensité  de  l'univers,  la  science  a 
trouvé  un  seul  objet  qui  fût  indépendant  et  isolé? 

La  morale  procède  du  dogme  comme  l'effet  de  la  cause  ;  sup- 
primez le  dogme,  et  vous  ne  pourrez  logiquement  plus  admettre 
d'antre  doctrine  morale  que  celle  qui  a  été  exprimée  avec  tant 
de  précision  par  M.  Taine,  lorsqu'il  écrivait  :  «Le  vice  et  la 
vertu  sont  des  produits  comme  le  sucre  et  le  vitriol  !  »  (Histoire 
de  la  littérature  anglaise,  introduction,  p.  xv.) 

Je  ne  veux  pas  dire,  Messieurs,  qu'un  libre-penseur  et  un 
lils  de  libre-penseur  ne  puisse  pas  être  un  très  honnête  homme. 

M.  Welter.  Vous  admettez  l'atavisme,  alors? 

M.  Prum.  Bien  loin  de  là  ;  mais  la  moralité  de  ces  hommes 
procède,  souvent  à  leur  insu,  du  dogme  chrétien.  Elle  provient 
de  dispositions  naturelles ,  héritage  d'innombrables  générations 
chrétiennes  ;  elle  est  le  produit  de  la  civilisation  chrétienne,  car 
notre  société  actuelle  est  encore  tellement  imprégnée  de  chris- 
tianisme que  beaucoup  en  éprouvent  les  effets  salutaires,  sans 
en  reconnaître  et  bénir  la  cause. 

Ce  que  j'affirme,  Messieurs,  c'est  qu'en  principe  la  prétendue 
morale  universelle  et  indépendante  ne  résiste  pas  a  l'examen  de 
la  raison.  Il  n'y  a  pas  de  morale  universelle,  il  n'y  a  pas  non 
plus  et  il  ne  peut  pas  y  avoir  de  morale  d'État,  parce  qu'il  n'y  a 
pas  de  dogme  civil.  On  objectera  peut-être  que  la  morale  est  la 
base  de  notre  législation.  Je  ne  le  nie  pas.  Les  lois  ont  pour  base 
une  morale  moyenne  que  l'État  protège,  abstraction  faite  de  la 
vérité,  parce  qu'elle  est  le  reflet  de  l'opinion  publique,  du  sen- 
timent public,  de  la  conscience  publique.  Dans  une  nation 
chrétienne,  cette  conscience  publique  est  naturellement  chré- 
tienne. 

Incompétent  en  matière  de  doctrine,  l'État  doit  protection  à 
ses  membres;  il  ne  leur  garantit  pas  seulement  la  tranquillité 
matérielle,  il  leur  doit  une  certaine  tranquillité  morale. 


3i 

Chaque  peuple  a  droit  de  n'être  pas  choqué  dans  ses  mœurs, 
dans  ses  sentiments,  dans  sa  conscience  éclairée  ou  (''garée. 
De  cette  mesure  de  nécessité,  de  cette  protection  que  l'Étal 
accorde  à  ses  citoyens,  on  aurait  tort  de  conclure  à  la  capacité 
de  l'Étal  d'enseigner  In  morale.  L'État  protège  un  fait,  indé- 
pendamment de  sa  vérité,  rien  de  plus,  rien  de  moins. 

L'État  moderne  qui  s'est  déclaré  lui-même  perpétuellement 
Incompétent  en  matière  de  doctrine  religieuse,  ne  peut  en- 
seigner ni  la  morale  ni  la  religion;  il  ne  peut  donc  à  lui  seul 
organiser  un  enseignement  confessionnel,  il  doit  pour  s'assurer 
l'élément  religieux  qui  lui  manque,  faire  intervenir  l'Église. 
Cette  intervention,  comment  peut-elle  être  obtenue?  Je  fais  abs- 
traction du  l'ait  historique  que  durant  les  siècles  passés,  c'esl 
l'Église  seule  qui  a  fondé  les  écoles;  je  me  place  sur  le  terrain 
de  la  législation  moderne  et  je  demande  par  quelle  voie  peut- 
on  obtenir  l'intervention  de  l'Église  à  l'école  ? 

Dans  certains  pays  on  l'exige  ;  l'État  commande  à  l'Église  ou 
l'absorbe.  Le  prêtre  n'est  qu'un  fonctionnaire  publie  qui  relève 
de  l'autorité  civile.  Tel  est  le  cas  en  Russie,  du  moins  pour  ce 
qui  concerne  l'Église  russe  orthodoxe.  Dans  notre  pays,  la  situa- 
tion est  toute  autre.  La  Constitution  luxembourgeoise  reconnaît 
l'indépendance  de  l'Eglise;  d'après  l'art.  22,  les  rapports  entre 
l'Église  et  l'État  font  l'objet  de  conventions.  Nous  ne  pouvons 
organiser  l'enseignement  sans  l'intervention  du  clergé.  Cette  in- 
tervention ne  peut  être  forcée  comme  en  Russie,  elle  ne  peut 
être  que  volontaire.  Dès  lors,  elle  doit  être  librement  accordée 
et,  pour  l'être,  il  faut  qu'elle  soit  durable  et  efficace. 

Ce  principe  a  été  consacré  par  la  loi  de  1843.  C'esl  à  feu  le 
Roi  Guillaume  II  que  le  pays  est  redevable  de  la  loi  scolaire  de 
1843. 

En  1X12  le  Gouvernemenl  avait  élaboré  un  avant-projet  de 
loi  sur  l'enseignement  primaire,  sans  s'entendre  avec  le  chef  du 
culte;  mais  Guillaume  11  refusa  de  signer  cel  avant-projel  en 
déclarant  à  ses  ministres  qu'il  n'entendait  organiser  l'enseigne- 
ment primaire  dans  le  Grand-Duché  que  sur  la  base  d'une 
entente,  d'une  certaine  convention  avec  les  représentants  de 
i  ^lise,  Des  négociations  eurent  lieu  et  elles  aboutirent  défi- 


32 

nitivement;  aussi  en  1843,  M.  Simons,  alors  chef  du  départe- 
ment de  l'intérieur,  en  déposant  le  projet  de  loi,  fit-il  la  déclara- 
tion suivante.  —  Je  cite  un  résumé  en  langue  allemande,  un 
autre  texte  français  un  peu  plus  long  se  trouve  p.  357  du  G.-R. 
de  1843: 

Der  Clerus  ist  ein  unerlâsslicher  und  mâchtiger  Getiiilfe,  er  ist  eine 
festere  Stiitze  als  aile  Strafbestimmungen,  die  nian  erlassen  kônnte.  Der 
Clerus  ist  Partei  im  Contract;  er  hat  Prârogativen  zurGeltung  zu  biïngen, 
Rechte  zu  wahren  und  Bedingungen  zu  stellen.  Da  der  Religionsunterricht 
dera  Clerus  zusteht ,  dieser  Unterricht  aber  zur  Primàrschule  gehôrt,  die 
gleichzeitig  eine  religiôse  und  bûrgerliche  Anstalt  ist,  so  hat  der  Clerus 
ein  unstreitbares  Anrecht  auf  die  Mitiiberwachuug. 

La  loi  de  1843  a  donc  été  le  fruit  d'une  entente,  d'un  contrat 
avec  le  clergé.  Ce  contrat  a  été  de  tout  temps  loyalement  exé- 
cuté. 

J'ai  lu  et  relu  les  discussions  parlementaires  des  douze  années 
qui  ont  précédé  la  révision  de  la  loi  de  1843.  C'était  l'époque 
où,  dans  les  pays  environnants,  une  guerre  à  outrance  était 
déchaînée  contre  l'Église  catholique.  Cette  lutte  devait  avoir  un 
contre-coup  dans  notre,  pays.  L'hon.  M.  Kirpach  l'a  franchement 
reconnu  dans  un  discours  du  2  février  1881,  p.  774,  où  il  s'est 
à  propos  de  la  loi  scolaire  exprimé  comme  suit  : 

Nous  ne  saurions  nous  isoler  tout-à-fait  des  nations  qui  nous  entourent. 
La  vie  des  nations  est  solidaire  comme  celle  des  individus,  et  un  pays, 
quelque  petit  qu'il  soit,  ne  peut  se  mettre  au  banc  de  son  temps  en  restant 
tout-à-fait  en  arrière.  Nécessairement  et  naturellement,  le  mouvement  se 
communique  d'un  peuple  à  l'autre  ;  l'impulsion  doit  être  reçue  et  trans- 
mise. 

De  1870  à  1881,  pendant  que  la  guerre  religieuse  sévissait  à 
nos  frontières,  certains  hommes,  mus  par  cette  impulsion  natu- 
relle dont  parlait  l'hon.  M.  Kirpach  et  excités  par  la  lecture 
quotidienne  des  journaux  étrangers,  ont  chez  nous  également 
profité  de  tontes  les  occasions  pour  prononcer  des  discours 
tonitruants  et  fulminants  contre  les  envahissements  de  Pu  lira - 
montanisme,  les  empiétements  du  clergé,  et  pour  demander  à 
cor  et  à  cris  la  révision  de  la  loi  de  1843. 

Cependant,  au  cours  de  toutes  ces  discussions,  pas  un  seul 
abus  sérieux  n'a  pu  être  signalé,  pas  un  seul  fait  n'a  été  cité  h 


33 

l'appui  de  toutes  ces  réclamations.  Nos  annales  parlementaires 
sont  là  pour  le  prouver.  Au  contraire,  tout  le  monde,  même  les 
adversaires  de  la  loi  ont  dû  avouer  qu'elle  n'avait  produit  que 
1rs  meilleurs  résultats.  Pas  un  seul  abus  sérieux  n'avait  été 
signalé. 

M.  Brasseur.   Il  va  des  faits. 

M.  Prum.  On  a  relevé  quelques  faits;  mais  ils  étaient  abso- 
lument sans  importance.  Ainsi  en  1878  l'hon.  M.  Kirpach  a 
porté  à  la  tribune  un  de  ces  faits  qu'il  me  suffira  de  vous  rap- 
peler pour  vous  faire  juger  la  valeur  des  arguments  dont  on 
ait  devoir  faire  usage  à  cette  époque.  Vous  avez  tous  connu 
le  bon  vieux  livre  de  lecture  de  M.  Godart  qui  a  été  si  long- 
temps en  usage  dans  nos  écoles.  Quelques  années  après  1870 
mi  en  a  fait  une  édition  nouvelle,  et  dans  un  petit  appendice 
concernant  la  géographie,  on  avait  oublié  de  changer  Rome, 
capitale  des  États  pontificaux,  en  Rome,  capitale  d'Italie.  De  là 
une  furieuse  tempête  à  la  Chambre.  La  section  centrale  inséra 
une  observation  dans  le  rapport  du  budget  et  on  discuta  là- 
dessus  dans  cette  enceinte  au  long  et  au  large;  en  grossissant 
le  plus  possible  ce  petit  fait,  on  en  fit  un  argument  en  faveur  de 
la  révision  de  la  loi  de  1843.  Les  autres  faits  qui  ont'été  signa- 
lés sont  à  peu  près  de  la  même  importance. 

C'est  sous  le  régime  de  la  loi  bienfaisante  de  1843  que 
l'enseignement  primaire  s'est  développé  clans  notre  pays,  à  tel 
point  qu'en  1879  encore  on  nous  citait  dans  les  parlements 
étrangers  comme  marchant  à  la  tête  de  tous  les  pays  de 
l'Europe  et  dépassant  même  au  point  de  vue  de  l'instruction 
populaire  les  pays  dans  lesquels  l'enseignement  a  été  obliga- 
toire depuis  trois  quarts  de  siècle. 

Je  doute  même  que  le  niveau  de  nos  écoli  il   lepuis 

constamment  en  tous  points  maintenu  à  la  même  hauteur.  Si 
je  suis  bien  renseigné,  les  résultats  <\>'>  examens  d'admission 
des  élèves  de  l'Athénée  auraient  à  plusieurs  reprises  déjà  été 
signalés  à  l'hon.  Directeur  général  de  l'intérieur  comme  l'in- 
dice d'une  situation  peu  satisfaisante  de  l'instruction  primaire, 
du  moins  pour  certaines  branches. 

Je  tiens,  Messieurs,  à  relever  ce  détail,  parce  qu'il  est  des 


34 

personnes  dans  le  pays  qui,  detrès  bonne  foi,  s'imaginent  que  le 
développement  de  l'enseignement  primaire  date  de  1881.  C'est 
là,  Messieurs,  une  très  grave  erreur. 

De  1843  à  1881  l'enseignement  primaire  a  fait  fies  progrès 
énormes,  c'est  là  un  fait  que  personne  ne  pourra  contester. 
En  !8ôT)  le  nombre  des  miliciens  illettrés  élait  encore  de 
7.64  pCt.  et  en  1880  il  était  tombé  à  0,50 pCt.,  alors  qu'en  Prusse 
à  cette  époque  le  nombre  des  miliciens  illettrés  dépassait  le 
triple  de  ce  chiffre. 

Ce  mouvement  progressif  a-t-il  continué  après  1881,  ou  s'est- 
il  arrêté  depuis  cette  époque?  Messieurs,  je  n'oserais  ni  l'affir- 
mer ni  le  nier. 

Nous  ne  possédons  pas  de  renseignements  positifs  sur  l'état 
de  l'instruction  des  enfants  de  nos  écoles.  Nous  avons,  il  est 
vrai,  les  rapports  généraux  publiés  toutes  les  années;  mais, 
Messieurs,  avant  1881  on  possédait  également  ces  rapports.  A 
cette  époque  on  avait  en  outre  les  concours  cantonaux,  qui  ont 
été  supprimés  depuis,  ainsi  que  la  statistique  des  miliciens. 
Cependant,  Messieurs,  les  promoteurs  de  la  réforme  scolaire 
de  1881  ont  trouvé  tous  ces  renseignements  insuffisants. 

En  1879  M.  de  Wacquaut  proposa  de  faire  faire  par  tous  les 
entants  de  onze  à  douze  ans  des  classes  supérieures  des  écoles 
primaires,  sous  la  surveillance  des  inspecteurs,  des  composi- 
tions écrites  dans  toutes  les  branches.  Cette  proposition  tut  ac- 
cueillie par  l'hon.  M.  Kirpach  avec  un  véritable  enthousiasme. 
Les  concours  eurent  lieu  dans  tout  le  pays,  en  1880.  Ainsi  qu'il 
ressort  d'un  rapport  que  j'ai  trouvé  dans  le  dossier,  les  enfants 
furent  astreints  durant  trois  heures  entières  à  des  compositions 
écrites.  Les  résultats  furent  collectionnés  par  les  inspecteurs 
et  déposés  plus  tard  sur  le  bureau  de  la  Chambre,  accompagnes 
d'un  rapport  complet. 

L'hon.  M.  Kirpach  a  même  promis,  à  cette  époque,  de  faire 
renouveler  cette  inspection  générale  toutes  les  années,  afin  de 
bien  renseigner  la  Chambre  et  le  pays  sur  la  situation  de  l'ins- 
truction primaire.  Malheureusement  ce  beau  zèle  n'a  duré  que 
jusqu'au  vote  de  la  nouvelle  loi.  Depuis  lors  on  n'a  plus  en- 
tendu parler  de  compositions  générales.    L'hon.  M.  Kirpach 


35 

nous  a  dit  hier  qu'en  1891  un  concours  général  a  eu  lieu;  mais 
[es  résultats  n'en  ont  pas  été  publiés.  Nous  ne  pouvons  pas 
nous  servir  de  ce  document. 

M.  Kirpach,  Dir.  gén.  de  l'intérieur.  Je  l'ai  donné  hier. 

M.  Prum.  Nous  ne  possédons  donc,  pour  servir  de  com- 
paraison avec  le  concours  de  1880,  (pie  ces  malheureux  rap- 
ports généraux  qu'à  cette  époque  la  Chambre  et  le  Gouverne- 
ment déclaraient  insuffisants  et  sans  grande  valeur.  Eh  bien, 
Messieurs,  en  comparant  It1  dernier  rapport  général  avec  le  con- 
cours rigoureux  de  1880,  voici  ce  que  nous  trouvons  : 

D'après  le  dernier  rapport  général,  oO  pCt.  des  écoles  ont 
mérité  une  note  supérieure  pour  le  résultat  général  de  l'inspec- 
teur ;  44  r30  pCt.  une  note  moyenne  ;  5  T7B  pCt.  une  note  infé- 
rieure. Au  concours  de  1880  :  45  pCt.  des  écoles  ont  obtenu 
une  note  supérieure  ;  3">  pCt.  une  noie  moyenne  ;  20  pCt.  une 
note  inférieure. 

Si  l'on  prend  en  considération  la  rigueur  du  concours  de 
1880  et  la  circonstance  que  le  résultat  devait  servir  à  prouver 
la  nécessité  d'une  révision  de  la  loi  de  1843 ,  que  donc  le  clas- 
sement  n'a  certainement  pas  été  fait  avec  une  bienveillance 
exagérée,  on  doit  reconnaître  que  cette  comparaison  ne  permet 
absolument  pas  de  conclure  que  depuis  1881  l'enseignement 
primaire  ait  fait  de  grands  progrès. 

Quoi  qu'il  en  soit,  cette  loi  de  18.3,  qui  de  l'aveu  de  tout  le 
monde  avait  produit  de  si  excellents  résultats,  ce  contrat  bila- 
téral entre  l'État  et  l'Église  a  été  violemment  déchiré  en  1881, 
malgré  les  protestations  solennelles  du  représentant  autorisé  de 
l'Église  et  malgré  les  réclamations  de  la  presque  totalité  des 
pères  de  famille.  Le  législateur  de  1881,  en  réglanl  unilatéra- 
lement l'enseignement  primaire  qui,  auparavant,  avait  fait  l'objet 
d'une  convention,  a  non  seulement  brisé  cette  heure  ise  al- 
liance qui  avait  été  concilie  de  l'assentimenl  de  tous,  | '  lut- 
tri'  contre  l'ignorance,  qui  est  h  source  de  lous  les  maux,  mais 
il  a  encore  et  surtout  violé  manifestement  l'art.  22  de  mitre 
pacte  fondamental. 

C'est  là,  Messieurs,  le  vice  original  de  celte  i"i  de  1881, 


36 

L'hon.  M.  Kirpach,  en  présentant  et  en  défendant  la  loi  de  1881 
devant  la  Chambre,  a  proclamé  le  principe  que  leeole  appar- 
tient exclusivement  à  l'État  : 

Aucune  autorité  en  dehors  de  l'État,  a  dit  l'hon.  Directeur  général  dans 
son  exposé  des  motifs,  n'est  recevable  à  prétendre  qu'elle  a  un  droit  inné 
à  la  surveillance  i\o  l'enseignement.  —  L'État  a  l'obligation  de  créer  des 
écoles,  l'État  les  organise,  l'Étal  y  enseigne,  c'est  donc  aussi  l'État  qui  les 
surveille 

Et  si  l'hon.  M.  Kirpach  veut  hiui  laisser  une  part  d'influence 
à  la  commune,  ce  n'est  pas  comme  collectivité  et  représentation 
des  familles,  mais  comme  émanation  de  l'État  et  non  de  celui- 
ci,  que  la  commune  est  appelée  à  exercer  sur  l'école  une  cer- 
taine surveillance. 

Ces  principes,  qui  sont  la  négation  des  droits  des  familles  et 
des  droits  de  l'Église,  sont  absolument  faux  et  j'ai  déjà  eu  l'oc- 
casion de  le  démontrer  en  une  autre  circonstance;  ils  sont  con- 
traires à  l'esprit  de  notre  Constitution. 

D'après  les  principes  qui  ont  inspiré  la  Constitution  luxem- 
bourgeoise, l'enseignement  primaire  n'est  pas  aux  mains  de 
l'État  un  de  ces  droits  éminents,  un  de  ces  attributs  de  Pouvoir 
suprême  qui  ne  souffrent  aucun  partage.  Tout  au  contraire,  en 
matière  d'enseignement  primaire,  l'État  intervient  chez  nous, 
non  pas  à  titre  de  souverain,  mais  à  titre  de  protecteur  et  de 
guide.  «  L'État  veille  »,  dit  l'art.  23  de  la  Constitution,  «à  ce 
que  tout  Luxembourgeois  reçoive  l'instruction  primaire  ».  Ce 
texte  a  été  voté  par  l'Assemblée  constituante  de  préférence  à  un 
autre  qui  avait  été  proposé  et,  comme  les  discussions  qui  ont 
eu  lieu  le  prouvent  à  l'évidence,  l'intention  de  la  majorité  des 
constituants,  en  votant  ce  texte,  a  été  d'affirmer  que  l'école 
n'appartient  pas  exclusivement  à  l'Etat. 

11  est  vrai,  le  législateur  de  1881  n'a  pas  tiré  de  ce  faux 
principe  toutes  les  conséquences,  ou  comme  l'hon,  M.  Kirpach 
s'est  exprimé  à  plusieurs  reprises:  «Il  n'a  pas  cru  que  le 
moment  était  déjà  venu  chez  nous  pour  sanctionner  ces  théories 
par  la  législature.  » 

La  loi  de  1881  —  l'hon.  M.  Kirpach  l'a  franchement  avoué  — 
est  une  loi  illogique  et  remplie  d'inconséquences  ;  mais  ce  qui 
est  plus,  Messieurs,  cette  loi  n'a  pas  été  exécutée. 


37 

Ne  devons-nous  pas  craindre  de  voir,  dans  un  avenir  plus  ou 
moins  éloigné,  après  que  les  nouvelles  subventions  scolaires 
auront  renforcé  l'influence  morale  du  pouvoir  central,  la  loi  de 
1881  exécutée  dans  un  tout  autre  esprit.  C'est  là,  Messieurs,  ce 
que  nous  avons  voulu  prévenir  par  nos  amendements. 

En  consacrant,  par  la  loi,  le  principe  de  la  coopération  de 
l'instituteur  à  l'enseignement  religieux,  nous  aurons  créé  une 
garantie  légale  relativement  à  l'esprit  qui  devra,  à  l'avenir, 
présider  à  l'élaboration  de  tous  les  règlements  administratifs 
concernant  l'enseignement  primaire. 

Nous  rendons  hommage  à  la  bonne  volonté  de  l'hon.  M. 
Kirpach  ;  mais  dans  une  question  aussi  importante  que  celle  de 
l'éducation  des  enfants  de  notre  peuple,  nous  ne  voulons  pas 
dépendre  de  la  bonne  volonté  du  Gouvernement. 

M.  Kirpach,  Dir.  gén.  de  l'intérieur.   Mais  vous  dépendez 

de  la  loi. 

M.  Prum.  Nous  voulons  des  garanties  légales. 

Srize  ans  se  sont  écoulés  depuis  la  promulgation  de  la  loi 
scolaire  de  1881.  Durant  ces  seize  années,  presque  tous  1rs 
pays  dont,  de  l'aveu  de  l'hon.  M.  Kirpach,  le  législateur  de  1881 
n'a  fait  que  suivre  l'impulsion,  ont,  l'un  après  l'autre,  rapporté 
les  lois  de  sécularisation  de  l'enseignement. 

La  France  est  presque  seule  à  faire  exception.  L'école  laïque 
en  France,  malgré  le  grand  correctif  de  la  liberté  complète 
d'enseignement  qui  en  a  tempéré  les  résultats,  a  été  loin  de 
vérifier  une  parole  célèbre  de  M.  Duruy  qui,  à  plusieurs  re- 
prises, a  été  cité  à  la  Chambre  luxembourgeoise,  au  ci  uns  des 
discussions  sur  la  loi  scolaire  :  «  L'argent  qui  est  dépensé  pour 
les  écoles,  sera  épargné  pour  les  prisons.  » 

D'après  une  étude  très  intéressante  publiée  récemment  dans 
la  Revue  des  Deux-Mondes  par  M.  Alfred  Vouillée,  depuis  la 
laïcisération  de  l'enseignement  primaire,  la  criminalité  juvénile 
a  augmenté  en  France  dans  des  proportions  effrayantes. 

h.-  insu  a  1893,  le  nombre  des  «'niants  criminels  a  augmenté 
deux  luis  plus  que  celui  dus  criminels  adultes  el  en  général  la 
criminalité  de  l'enfance  dépasse   aujourd'hui  en   Fran< 
double  celle  des  adultes. 


38 

Une  progression  plus  grande  encore  a  été  constatée  sur  le| 
nombre  des  suicides  déniants  et  de  jeunes  gen 

Un  autre  fait  très  intéressant  a  été  relevé  par  À.  Vouillée  dans| 
la  Revue  des  Deux-Mondes  : 

Pour  la  France  entière,  sur  cent  enfants  poursuivis  en  justice,  à  peine 
deux  sont  sortis  des  écoles  congrégfnisles  et  pour  Paris  plus  spécialement] 
sur  100  enfants  détenus  à  la  petite  Roquette,  l'enseignement  congréganiste 
n'en  fournit  que  onze  et  .renseignement  officiel  laïque  quatre-vingt-sept. 
Alors  cependant  que  plus  du  tiers  et  presque  les  deux  cinquièmes  des  en- 
fants de  la  ville  de  Paris  sont  élevés  dans  les  écoles  libres  des  congréga- 
tions religieuses. 

Vous  voyez,  Messieurs,  que  si  la  France  n'a  pas  suivi 
l'exemple  des  autres  pays  et  rapporté  sa  loi  de  sécularisation  de 
l'enseignement,  on  ne  peut  cependant  pas  dire  que  cette  loi  ait 
produit  de  bons  résultats. 

Dans  notre  pays,  depuis  1881,  il  a  été  peu  ou  point  parlé  de 
la  question  scolaire.  Ce  n'est  cependant  que  le  clergé  et  l'Église 
se  soient  réconciliés  avec  la  loi  elle-même.  Non,  Messieurs, 
celte  loi  a  été  inspirée  par  des  principes  que  l'Église  n'acceptera 
jamais.  L'Église  a  subi  la  loi  et  si  le  clergé  luxembourgeois 
a  concouru  à  son  exécution,  ce  n'a  été,  comme  s'est,  exprimé 
feu  Mgr.  Adames  dans  sa  lettre  pastorale  du  21  septembre  1881, 
que  «  pour  amoindrir  autant  que  possible  les  défectuosités  de  la 
loi  et  dans  l'espoir  que  les  législateurs  reviendront  à  de  meil- 
leurs sentiments  et  se  donneront  toutes  les  peines  pour  écarter 
ces  défectuosités  par  une  modification  de  la  loi.  » 

Aujourd'hui ,  le  Gouvernement  ayant  déposé  lui-même  un 
projet  qui  amène  un  changement  essentiel  de  la  loi  de  1881, 
nous  avons  cru  de  notre  devoir  de  chercher  enfin  à  réaliser  cet 
espoir  de  feu  Mgr.  Adames.  Usant  de  notre  droit  incontestable, 
nous  avons  rattaché  au  projet  du  Gouvernement  un  amende- 
ment concernant  la  coopérationde  l'instituteur  à  l'enseignement 
religieux. 

Par  le  vote  de  cet  amendement,  l'unité  de  l'enseignement  et 
par  là  l'école  confessionnelle  sera  rétablie.  La  voix  autorisée 
de  notre  premier  pasteur  s'est  fait  entendre  pour  approuver  ces 
moditications.  Ne  repoussez  pas,  Messieurs,  la  main  qui  vous 
est  loyalement  tendue  à  l'effet  de  rétablir  cette  entente  complète 


39 

ri  intime  entre  l'autorité  religieuse  et  le  pouvoir  civil,  qui  dans 
le  domaine  île  renseignement  et  de  l'éducation  populaire  est 
aussi  nécessaire  que  la  concorde  entre  le  père  et  la  mère  au 
sein  de  la  famille. 

Ceux  d'entre  vous,  Messieurs,  qui  croient  sincèrement  que 
l'étal  actuel  est  satisfaisant  et  la  loi  de  1881  excellente,  à  qui 
donc  nos  propositions  doivent  nécessairement  déplaire,  je  les 
prierai  de  s'inspirer  du  principe  proclamé  en  1881  par  l'hon. 
M.  Simons  et  de  tenir  quelque  peu  compte  de  l'opinion  d'autrui. 

Pour  nous,  Messieurs,  si  nous  ne  prenions  pour  guides  que 
les  principes  et  les  théories,  la  réforme  proposée  ne  nous  don- 
nerait nullement  satisfaction,  parce  que  la  loi  scolaire,  même 
amendée  dans  notre  sens,  sera  bien  loin  encore  de  répondre  a 
notre  idéal;  niais,  Messieurs,  nous  tenons  compte  de  la  situation 
de  lad  et,  précisément  par  notre  modération,  nous  espérons 
réunir  les  suffrages  de  tous  les  hommes  sages,  modérés,  vrai- 
ment libéraux  et  vraiment  patriotes.  Nous  espérons  que  la  ré- 
forme proposée  méritera  le  nom  qui  a  été  donné  par  Monta- 
lembert  à  la  loi  scolaire  française  de  1850  et  qu'elle  sera  pour 
notre  pays:  «Le  Concordat  de  l'enseignement))!  (Très  bien, 
bravos  sur  quelques  bancs.) 


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377.094935 

P971D 
Prum 

Discours    sur    la   question   scolaire 
prononce   à   la  Chambre   des    députe's