377 094935
P97ID
THE LIBRARY
The Ontario Institute
for Studies in Education
Toronto, Canada
THE ONTARIO INSÏITUTE FOR STUD1ES IN EDUCATION • LIBRARY
DISCOURS
SUR LA
QUESTION SCOLAIRE
prononcé à la Chambre des députés
PAR
M. Ém. PRUM
à l'occasion de la discussion générale dès changements
proposés à la loi scolaire du 20 avril 1881.
r-s=®tfêfcS=i->
LUXEMBOURG.
Imprimerie de la Cour V. BUCK, LÉON BUCK, Successeur.
1897.
DISCOURS
SUR LA
QUESTION SCOLAIRE
prononcé à la Chambre des députés
PAR
M. Ëm. PRUM
à l'occasion de la discussion générale des changements
proposés à la loi scolaire du 20 avril 1831.
NOV 1 2 1969
ÏUTE
' STUDiES IN EDUCATION
LUXEMBOURG.
Imprimerie de la Cour V. BUCK, LÉON BUCK, Successeur.
1897.
Discours du 25 novembre 1897.
Réponse an discours de M. Kirpach
du 24 novembre 1897.
Après le discours si calme, si digne et si pacifique de notre
lu m. rapporteur et vénéré collègue Mgr. Krier, nous étions
en droit de nous attendre, de la part de l'hon. M. Kirpach,
à une plus grande modération. Pour combattre les amende-
ments de la section centrale, il n'était nullement besoin de
déterrer ce tomahawk rouillé de 1881, de venir nous donner
lecture de vieux articles de journaux, oubliés depuis de longues
années.
<>ù en arriverions-nous, Messieurs, si nous voulions user des
mêmes procédés et venir vous donner lecture des injures et
des blasphèmes que vomissait, il y a vingt ans, la presse des
défenseurs de la réforme scolaire de 1881 ? Ce n'est pas seule-
ment d'articles de journaux que nous avons eu à nous plaindre.
Ne vous souvient-il don..* pas qu'à cette époque troublée, du
haut de la tribune nationale, on lançait à la face du pays catho-
lique les plus sanglants outrages? Ne vous souvient-il plus de
mrs où, dans celte enceinte, trois orateurs ont osé traiter
la sainte religion de nos pères de secte et le sacerdoce chrétien
ce pays de caste? Ne vous rappelez-vous pas qu'à cette
époque un certain nombre d'hommes politiques avaient telle-
ment perdu le sentiment des égards qu'ils doivent :j la religion
nationale, qu'ils sont allés jusqu'à proposer la suppression du
cours de religion à l'Athénée '
Os hommes , qui n'admettent pas la liberté d'enseignement,
voulaient donc faire donner un enseignement neutre et sans
religion, non seulement aux tlls de nos familles chrétiennes qui
se destinent aux carrières libérales et administratives, mais
même à ceux qui aspirent au sacerdoce, étouffer ainsi les vo-
cations sacerdotales dans leur source et détruire froidement et
sûrement l'Église catholique dans ce pays où elle s'esl implan-
tée à la suite déjà des aigles romaines.
Je ne suivrai donc pas Thon. M. Kirpach sur le terrain qu'il
a cru devoir choisir. Je ne le suivrai pas non plus dans l'énu-
mération qu'il nous a faite de toutes les bonnes et excellentes
choses qui ont été créées par son département et par les com-
munes au moyen des crédits d'année en année plus considé-
rables que la Chambre a mis à sa disposition. Tout cela n'a que
des rapports très indirects avec la question qui nous occupe.
Il est un point cependant sur lequel je tiens à déclarer que
je suis d'accord avec l'hon. Directeur général : c'est l'éloge qu'il
a fait de notre corps enseignant.
Je connais un grand nombre de nos instituteurs, je sais quels
excellents principes leur sont inspirés dans notre école normale,
je sais aussi les études sérieuses auxquelles ils s'adonnent pour
obtenir leur brevet, le dévouement dont ils font preuve dans
l'accomplissement de leur ingrate et pénible mission, et je ne
crains pas de déclarer que devant le pays aussi bien que devant
l'étranger, nous avons tout lieu d'être fiers de notre corps
enseignant. Aussi, Messieurs, la section centrale a-t-elle voulu
rendre témoignage de sa sympathie pour le personnel de nos
écoles, en dépassant très notablement les propositions qui ont
été faites relativement à la majoration des traitements, tant
par l'hon. Directeur général de l'intérieur que par les diverses
sections de la Chambre.
Pour ce qui concerne le détail de la question des traitements,
je me réserve d'y revenir à l'occasion de la discussion des
articles.
Le discours de l'hon. M. Kirpach, si je l'ai bien compris, peut
se résumer comme suit : La loi de 1881 est bonne et excellente,
â
[elle tient compte dans une juste mesure des intérêts religieux
et garantit suffisamment l'éducation religieuse des enfants. La
loi a jusqu'à ce jour bien fonctionné el donné de très bons
résultais; la section centrale a donc tort de vouloir la modifier
à l'occasion du vote d'uni' loi puremenl financière, qui ne louche
en rien à l'organisation de notre enseignement public.
C'est là, si je ne me trompe, la thèse de l'hon. Directeur
irai.
M. Kirpach, ' 1 ) i r . gén. de l'intérieur. Parfaitement!
M. Prum. D'abord, Messieurs, pour ce qui esl du fonction-
nement de la loi, je répondrai à l'hon. M. Kirpach que je ne I»'
discuterai pas, parce que la loi n'a pas fonctionné du tout.
Jusqu'à ce jour et abstraction faite de la question de l'obligation
et du système d'inspection, qui ne sont pas en discussion, parce
que nos amendements ne portent pas sur ces points, la loi n'a
pas été exécutée.
M. Kirpach, Dir. gén. de l'intérieur. C'est une erreur.
M. Prum. Je vous le prouverai.
Le fait de l'inexécution ou de Pinexécutabilité de la loi de
1881 nous a encore récemment été signalé dans un excellent
avis séparé de la minorité du Conseil d'État.
J'irai même plus loin et sans vouloir en faire un reprocha à
l'hon . Directeur général, je lui dirai : ce n'est pas la loi de 1881,
mais bien la loi de 1843 qui, en pratique, a continué à être
;utée jusqu'à ce jour.
1. - lois organiques telles que la loi sur l'enseignement n'ont
iour but de régler les détails de la matière. La loi pose les
principes el c'esl seulement par les règlements d'exécution que
ces principes généraux sont appliqués. Or, Messieurs, jusqu'à ce
jour, aucun des règlements d'exécution prévus par l'art. 76 il'*
la loi de 1881 n'a été élaboré el <•<• sont les règlements de 1845
qiij provisoirement, mais depuis seize ans, sont restés en vigueur.
M. Spoo. Pourquoi réclamez- vous donc ?
M. Prum. Pour mettre la législation scolaire d'accord avec
la pratique.
En théorie, la loi de 18W a été abolie; mais, en pratique, on
n'a pas cessé un instant à l'exécuter. Même pour ce qui concerne
l'enseignement religieux, tous ceux qui connaissent la vraie
situation doivent savoir qu'un grand nombre de nos instituteurs,
précisément les meilleurs, convaincus que l'enseignement re-
ligieux ne saurait être donné d'une manière efficace sans leur
concours, coopèrent activement à cet enseignement et, malgré
la loi, préparent régulièrement les leçons de catéchisme.
M. Brasseur. Actuellement?
M. Prum. Oui !
M. Kirpach, Dir. gén. de l'intérieur. C'est une erreur.
M. Prum. Non, M. le Directeur général. Je sais pertinem-
ment que beaucoup d'instituteurs le font.
M. Kirpach, Dir. gén. de l'intérieur. Des institutrices reli-
gieuses.
M. Prum. Je ne parle pas des religieuses, mais des institu-
teurs laïques. Je sais ce qui en est et vous pourriez le savoir
également ; mais je ne veux pas insister sur ce point.
Quant aux règlements, le fait est palpable et indéniable :
aucun des règlements prévus par l'art. 76 de la loi n'a été
élaboré jusqu'à ce jour.
Telle est, Messieurs, actuellement la situation de fait. Ce n'est
pas tant de cette situation de fait que nous avons à nous
plaindre, puisqu'en pratique c'est toujours la loi de 1843 qui
est restée en vigueur dans ses règlements d'exécution.
Mais, Messieurs, cette situation, si elle n'est pas trop mau-
vaise, est cependant très précaire, puisque nous n'avons aucune
garantie légale. De plus, les droits des divers facteurs qui con-
courent à l'enseignement ne sont que très vaguement définis,
puisque les règlements de 184'), qui continuent tous à être ap-
pliqués, ne peuvent cependant l'être d'après une disposition
transitoire (art. II»! que pour autant qu'ils ne sonl pas con-
traires à la loi.
Aujourd'hui absolument rien de ce qui touche à l'école n'esl
clairement el positivement réglé, tout est vague et provisoire
depuis seize ans. si donc je discute la loi de 1881, ce n'est
pas de l'exécution et du fonctionnement «le cette loi que je veux
parler, mais de la loi elle-même.
Pour répondre complètement à l'hon. Directeur général,
j'aurai l'honneur de vous exposer avec autant de clarté, de pré-
cision et de brièveté quïl me sera possible :
1° Les revendications du pays catholique en matière de légis-
lation scolaire ;
2° Les griefs que nous croyons avoir contre la loi de 1881 ;
o° Le but que nous poursuivons par nos amendements ;
I Enfin, les raisons pour lesquelles nous avons cru devoir
rattacher ces amendements au projet de loi qui est en discus-
sion.
Je commencerai par le dernier point et, même après le re-
marquable discours de Mgr Krier, j'espère ne pas tomber dans
des redites.
Le projet de loi qui porte majoration de la part d'intervention
de l'État dans les frais de l'enseignement primaire amène un
changement essentiel de la loi organique de renseignement,
spécialement des art. 41 à 50.
Ce t'ait a été relevé par nos sections et par la section cen-
trale ; le Conseil d'État lui-même l'a reconnu dans un dernier
avis où il a avoué « qu'il ne saurait être contesté que les majo-
rations considérables des charges du Trésor en faveur de l'en-
seignement primaire impliquent des changements essentiels de
la loi organi pie de 1881, notamment de l'art. 19.
Si donc nous voulions écouter les conseils communaux de
Mersch, Eich, Larochette, Diekirch, Willz et autres, qui nous
ont adressé des pétitions en faveur du maintien de la loi de
1881 dans toutes ses parties, nous ne pourrions faire autre
chose que de refuser les nouvelles subventions et de voter contre
le projet de loi tout entier.
d
M. Kirpach, Dir. gén. de l'intérieur. El les communes vous
en seraient reconnaissantes.
M. Prum. Les communes n'y perdraient rien si on voulait
attribuer le subside scolaire au fonds communal. Cependant
nous ne demandons pas cela. La section centrale n'a pas été
de cet avis. Elle vous propose de voter les subventions; mais
d'autre part, pour contrebalancer les effets inévitables du
changement de la loi organique, elle s'est ralliée à une série
d'amendements qui avaient été présentés dans le même but par
les sections.
\j' Conseil d'État, cependant, tout en reconnaissant que le
projet de loi ainènf un changement essentiel de la loi de 1881,
est d'avis qu'une mesure purement financière comme celle qui
nous est proposée, n'est pas de nature à restreindre les droits
dt'^ administrations communales. Ce corps trouve donc nos
amendements inopportuns.
Incontestablement, la majoration de la part d'intervention de
l'État dans les frais de l'enseignement n'est par elle-même
qu'une mesure purement financière ; mais, ne sont ce pas les
mesures financières qui généralement entraînent les consé-
quences politiques les plus considérables? Certainement, le
projet de loi ne porte pas directement atteinte aux: droits (\>^
communes sur l'école ; mais, au point de vue purement finan-
cier, la situation des communes vis-à-vis des écoles sera com-
plètement changée et ce changement exercera nécessairement
une influence sur la position des autorités locales vis-à-vis des
écoles et du personnel enseignant.
Déjà aujourd'hui il s'élève assez fréquemment des conflits
<'ntre les administrations communales et les inspecteurs repré-
sentants de l'État.
.le pourrais vous citer le cas d'une administration commu-
nale qui, pendant des années, a dû lutter contre l'inspecteur
avant de parvenir à faire mettre à la retraite un instituteur qui
n'était même plus capable d'écrire son propre nom. L'inspec-
teur, mu par un sentiment très respectable, défendait les inté-
rêts matériels de son subordonné, qui, cependant, dans ce cas,
$e trouvait sans chapes de famille ; l'administration, par contre,
luttait pour empêcher qu'une génération entière ne vînt à ci
pir dans l'ignorance. Ce n'est qu'après plusieurs années, à force
d'énergie et après avoir épuisé tons les moyens, que l'admi-
nistration communale a pu avoir gain de cause.
Si de tels faits ont pu se passer sous le régim ■ actuel, qu'en
sera-t-il à l'avenir, lorsque l'inspecteur pourra, non sans raison,
venir dire à une administration communale: celte école que
vous prétendez être la vôlre, niais c'est l'État qui en supporte
s les charges, c'est donc moi, représentant de l'État, qui
dois avoir l'influence prépondérante et décisive sur tout ce qui
concerne l'école?
Le projet de loi n'enlève directement aucun droit aux com-
munes et n'accorde par lui-même aucun droit nouveau à l'État;
cependant, il est de toute évidence que, dans la mesure même
où il enlève aux dépenses de l'instruction primaire le caractère
de dette communale, il affaiblit les liens qui existent entre la
commune et l'école. Si donc le projet de loi venait à être voté
sans nos amendements, c'est-à-dire sans contre-poids ni garan-
ties, il aurait pour résultat fatal et inévitable, non seulement de
diminuer dès maintenant l'ascendant mora! des administ ations
communales sur l'école, mais encore et surtout il préparerait
pour l'avenir la déchéance complète de la commune en matière
d'éducation et d'enseignement.
Lors des discussions budgétaires de l'année dernière, j'ai cité
l'opinion du ministre prussien y. Miquel sur l'influence morale
des majorations de l'intervention pécuniaire de l'État en ma-
tière d'enseignement. Ces majorations, a déclaré -M. v. Miquel,
doivent fatalement et inévitablement conduire à la déchéance de
la commune et à la centralisation absolue de l'enseignement entre
les mains de l'État, car il est de toute évidence «dassdieMaeht
»und der Einfluss des Staates und der staatlichen Organe
»wachsen muss mit den Betràgen, die der Staat fur die Schule
» abgibt ».
Aujourd'hui, il me sera permis d'appeler l'attention de la
Chambre sur ce qui vient de se passer eu Suisse.
8
Dans ce pays, malgré certaine disposition de la Constitution
de 187-i, disposition qui jusqu'à ce jour, grâce à la résistance
du peuple, est restée lettre morte, l'instruction primaire est
de fait encore de la compétence de la souveraineté cantonale.
A plusieurs reprises déjà la Confédération a cherché à s'immis-
cer dans l'école populaire. En 1882 notamment, les Chambres
fédérales ont voulu créer un inspectorat scolaire permanent à
Teflet de veiller a l'application de la Constitution fédérale dans
le domaine des écoles. Le peuple suisse a vu dans cet inspec-
torat une sorte de prise en possession de l'école par le pouvoir
central et surtout une tentative indirecte de déchristianisation
des écoles. Dans un mémorable référendum du 22 novembre
1882, le peuple a repoussé par 350,000 voix contre 200,000
l'arrêté qui créait cet inspectorat scolaire. Après cet échec
écrasant des partisans de la centralisation il n'a plus été ques-
tion de l'intervention de la Confédération dans l'école. Aujour-
d'hui cependant la question se pose sous une autre forme bien
plus dangereuse.
En Suisse, la Confédération, tout comme chez nous l'État, est
riche, parce qu'elle perçoit le produit des impôts indirects de
consommation, de douane et autres, qui augmente d'année en
année. Par contre, les cantons et les communes qui ne pré-
lèvent que des impôts directs sont généralement pauvres. Dès
1892, des journaux ont commencé par suggérer que la Con-
fédération pourrait venir au secours des cantons et des com-
munes en prenant à sa charge une forte part des frais de
l'enseignement primaire. On a cherché à créer un mouvement
d'opinions en ce sens. Des assemblées d'instituteurs ont été
convoquées pour réclamer des subsides de la Confédération en
faveur des écoles et en même temps des majorations de traite-
ment. Un certain nombre d'hommes politiques se déclarèrent
partisans de cette mesure, et po;ir ménager toutes les suscep-
tibilités, tout comme chez nous, ils s'empressèrent de déclarer
qu'ils n'entendaient nullement toucher à l'autonomie des can-
tons ni aux prérogatives des communes, que la Confédération
9
pouvait parfaitemenl accorder de fortes subventions en faveui
ic« de l'enseignemenl sans s'immiscer autrement dans la marche des
sjécoles.
Une conférence des directeurs de l'instruction publique des
cantons de la Suisse centrale réunie à Lucerne se prononça en
principe pour les subventions fédérales, tout en formulant la
réserve expresse: « Dass der Bund keinerlei Anforderungen,
weder bezùglich der Lehrerbildung, noch der Lehrerbesoldung,
noch der Schulhàuser, noch des Lehrplanes an die antonomen
Kantone stellen dûrfe. »
Sur ces entrefaits, le conseil fédéral ou plutôt M. Schenk,
chef du départemenl de l'intérieur, s'était mis à l'œuvre. En
1895 M. Schenk publia un avant-projet de loi concernant la
répartition de 2 millions de subventions fédérales. Le texte de
ce projet respectail absolument l'autonomie des cantons en ma-
tière scolaire. Cependant les partisans du maintien de l'autono-
mie cantonale et surtout les catholiques se défièrent de ce cadeau
fédéral. Le projet de loi Schenk fut loin de trouver les faveurs
de l'opinion publique et son auteur jugea prudent d'en retarder
la présentation officielle aux Chambres.
M. Schenk étant venu à mourir, son successeur au départe-
ment de l'intérieur, M. Ruffy, laissa dormir le projet dans le
cercueil de son auteur, malgré les véhémentes réclamations des
instituteurs radicaux qui menaçaient de lancer une initiative
constitutionnelle pour faire trancher la question par le peuple.
Enfin le Ier juillet dernier, un député radical du conseil na-
lional, M. Hess de Zurich, a voulu donner satisfaction à l'im-
patience des instituteurs radicaux en interpellant le conseil
fédéral sur la question des subventions scolaires. Plusieurs
orateurs marquants ont pris part à cette discussion. D'un côté,
M. Decurtins s'est prononcé très vivement contre les subven-
tions. Le diei éminent des catholiques suisses s'est fait le
porte-voix île tous les adversaires de la centralisation, de tous
ceux qui craignent que l'école ne tarderait pas à passer peu
;i peu sous l'influence exclusive de l'autorité qui la subven-
tionnerait, l'ai' contre, M. Gobât, membre du gouvernement de
Berne, se déclara favorable aux subventions, tout en reconnais-
10
sant lui-même que le projet était très impopulaire el que si les
instituteurs impatients voulaient poser la question devant le
peuple, ils échoueraient complètement. Knfin, le nouveau mi-
nistre de l'intérieur, M. Ruffy, avoua également que le projet
était inopportun et qu'il recevrait probablement un très mau-
vais accueil de la part du peuple suisse.
Vous voyez, Messieurs, qu'en Suisse (''gaiement les homm >
d'État aussi bien q-ue le peuple voient dans un projet de loi ac-
cordant des subventions importantes en faveur de renseigne-
ment primaire, alors 'même que cette proposition n'accorde
aucun droit nouveau au pouvoir central, une atteinte indirecte
portée aux droits des collectivités autonomes.
Mais qu'avons-nous besoin de chercher des exemples à
l'étranger, de consulter les hommes d'État de l'Allemagne, de
la Suisse et d'autres pays? Je puis vous citer l'avis d'un de
nos compatriotes, d'un homme dont personne ne contestera ni
la grande compétence, ni la liante autorité, puisque depuis près
vingt ans il siège dans cette enceinte au banc ministériel : c'est
le Directeur général de l'intérieur, Thon. M. Kirpach. Cet avis,
je le trouve consigné au Compte-rendu officiel des séance- de
la Chambre de 18M-4882, p. 1678.
A la séance du 3 août 1882, feu M. le député Mertens a de-
mandé au Gouvernement d'étudier la question de savoir s'il n'y
avait jtas lieu de dégrever les communes en mettant à charge
de l'État les traitements des instituteurs. Voici la réponse de
l'hon. M. Kirpach :
La question soulevée par l'hon. M. iMertens est très épineuse, très ardue.
Elle a été soulevée à différentes reprises el vous vous rappelez qu'avant la
revision de la loi de 1843, l'opinion publique, les journaux du moins,
s'occupaient de la question de savoir s'il ne fallait pas faire des instituteurs
des fonctionnaires de l'État. Cette question offre de l'analogie avec celle
que l'hon. M. Mertens vient de soulever, en tant que l'État, s'il était oblige
de payer les traitements des instituteurs, pourrait aussi revendiquer le
droit de leur nomination.
Aux yeux de l'hon. M. Kirpach, la question des subventions
scolaires et celle de la nomination des instituteurs par l'État
offre donc de grandes analogies en tant que l'État, s'il était
obligé de payer le traitement des instituteurs, pourrait aussi
revendiquer le droit de leur nomination.
11
M. Kirpach, Dir. gén. de l'intérieur. Si c'était l'intégralité,
entendons-nous.
M. Prum. Sans doute; mais nous sommes bien près de
cette intégralité.
M. Kirpach, Dir. gén de l'intérieur. Nous restons loin de
la totalité.
M. Prum. Au contraire, nous en approchons beaucoup. Par
le projet de loi, nous incitons à charge de l'État les cinq hui-
tièmes des frais de l'enseignement primaire. Les traitements
des instituteurs, sans les pensions, se monteront à l'avenir à
929,000 lh, donl 575,000 fr. à la charge de l'État et seulemenl
un peu plus de 354,000 fr. à l;i charge des communes.
Je vous le demande, Messieurs, si, en ce moment, où nous
nous disposons à charger ainsi l'État de la presque totalité des
dépenses se ilaires, nous sommes, oui ou non, autorises à ex-
primer nos craintes au sujet du maintien des droits et de l'auto-
nomie des communes en matière d'enseignemenl ?
Le Conseil d'État a reproché aux auteurs des amendements
d'avoir soulevé une très grave question, à l'improviste, d'une
façon incidente et à l'< ccasion d'une question d'argent à laquelle
elle ne se rattacherait en rien. Ce reproche, Messieurs, nous
ne l'acceptons nullement, surtout lorsqu'il vient de" la part de
ces hommes qui, il y a deux ans à peine, dans un document
officiel, ont proposé de charger l'État non seulement de tous
les frais, mais encore et, à l'exclusion des communes, de l'or-
ganisation comp'ète de l'enseignement primaire.
M. Kirpach, Dir. gén. de l'intérieur. C'est un avis séparé
d'un membre, comme celui que vous invoquez aujourd'hui.
M. Prum. Nous ne pouvons pas savoir cela, nous nous
trouvons devant un document officiel.
En admettant même m1"' cette proposition formelle n'ait été
qu'à une seule voix, il ne faut pas oublier que la majorité
du Conseil d'État s'est en principe ralliée à cette manière de
voit- et n'a repoussé la proposition que par opportunisme.
Dans leur statolàtre doctrinarisme, ces hommes ont pu un
instant se faire illusion et croire notre pays déjà mûr pour la
12
pire des servitudes intellectuelles, pour la concentration absolue
de l'enseignement entre les mains du pouvoir central. Aujour-
d'hui qu'ils ont reconnu l'impossibilité de prendre d'un coup de
main et de démolir immédiatement la citadelle de nus immunités
municipales, ils espèrent atteindre leur but par une voie dé-
tournée, par l'application de la célèbre maxime de Philippe de
Macédoine : « Il n'y a pas de citadelle assez forte qui ne laisse
entrer un mulet chargé d'or. »
Le mulet, Messieurs, nous le laisserons entrer, parce que
l'or dont il est chargé nous appartient de plein droit ; mais nous
ne voulons ouvrir les portes sans prendre la précaution de
pourvoir à la dél'ense de la place en relevant certains bastions
qui sont tombés en ruine, c.-à-d., nous ne voulons accepter
les nouvelles subventions scolaires sans la modification de
plusieurs dispositions de la loi de 1881.
La première de ces modifications concerne l'organisation et
les attributions des commissions locales. Les autorités commu-
nales ne peuvent exercer leur surveillance sur l'école que par
l'intermédiaire des commissions locales prévues par les art. 96
et 97 de la loi organique.
A l'exception de quelques autorités scolaires allemandes qui,
du reste, ont principalement en vue la situation des grandes
villes où les inspecteurs de l'État se trouvent à proximité de
l'école et où la coexistence des deux inspections — Fach-
inspection und Localinspection — a donné naissance à certain
antagonisme, tout le monde est d'accord pour reconnaître la
nécessité de l'inspection locale. Elle existe dans tous les pays
et ne saurait être remplacée par l'inspection par ressort. L'hon.
M. Kirpacb a toujours déclaré attacher une très grande impor-
tance au fonctionnement des commissions locales. Voici com-
ment il s'est exprimé à la séance du 10 janvier 1883.
Je ne vous cacherai pas que le fonctionnement des commissions locales
laisse beaucoup à désirer ; je ne vous cacherai pas non plus que j'attache
à l'institution des commissions locales une grande importance. Cette insti-
tution, à mes yeux, est d'une utilité majeure, et voilà pourquoi je liens
aussi à ce que le fonctionnement en soit assuré.
Quelle q .e soit l'importance que l'hon. M. Kirpach ait attachée
à l'institution des commissions locales, il devra bien convenir
13
que, pas plus aujourd'hui qu'en 1-ss;!, il n'a réussi à en assurer
le fonctionnement. Lors des discussions budgétaires de l'année
dernière, l'hon. Directeur général nous a avoué que la grande
majorité des commissions, 91 sur 144, ne se son! pas réunies
une seuil' lois et n'ont pas visité une seule des écoles de leur
ressort, 34 commissions ont fonctionné irrégulièrement et 19
seulement ont répondu aux exigences de la loi.
M. Brasseur. On a déjà refuté cela ici.
M. Prum. Ce sont les chiffres de l'hon. M. Kirpach lui-
même.
M. Brasseur. J'ai aussi des chiffres.
M. Bech. Vous citerez les vôtres.
M. Prum. Vous en citerez d'autres, si vous êtes en état de
le faire. Mes chiffres sont officiels. À quelles causes doit-on
attribuer un si lamentable échec? Il y en a plusieurs, la prin-
cipale cependant a été reconnue par les auteurs de la loi de
1881, dès le lendemain de sa promulgation.
En effet, en 1883 déjà, feu M.deWacquanl, qui avait été à la
Chambre rapporteur de la loi scolaire, a franchement avoué
que l'on avait commis une faute en n'admettant pas le curé de
chaque paroisse comme membre de la commission -locale. Dans
ance de la Chambre du 11 janvier 1883, l'hon. membre
a même formellement exprimé le désir de voir modifier la loi
en ce point.
Cette modification, dont la nécessité a été reconnue, dès
1883, par un des principaux collaborateurs de la réforme et à
laquelle MM. les inspecteurs eux-mêmes paraissent s'être ré-
signés aujourd'hui, est une de celles que nous avons proposées.
Une autre proposition de la section centrale concerne le
changement des commissions communales en commissions
locales. Actuellement, il existe seulement une commission sco-
laire par commune. C'est là, à mon avis, une des raisons pour
lesquelles ces commissions n'ont pas fonctionné jusqu'à ce
jour. Très souvent, dix ou douze écoles dispersées dans cinq
dépendent d'une seule el même commission. Dans
14
ces cas, il est forl difficile aux membres de ces commissions de
pérégriner d'un village à l'autre pour visiter les écoles, et cela
d'autant plus qu'aucun des membres, pas même le bourgmestre,
n'est en droit de faire une visite sans être accompagné d'au
moins d'un de ses collègues. Lois même que les membres des
commissions sont animés d'un très grand zèle et visitent une
ou deux fois par an les écoles de leur ressort, ils ne peuvent
cependant exercer une surveillance sérieuse que dans la localité
où ils résident, car ils ne sont que très rarement à même de
savoir et de juger ce qui se passe dans les différentes autres
sections de la commune.
D'autre part, les dispenses scolaires qui entrent dans les at-
tributions des commissions, donnent lieu à des courses nom-
breuses et souvent pénibles. Je dois avouer que j'ai été souvent
pris de pitié en voyant, en plein hiver, par des temps de neige
et de glace, de petits enfants faire un trajet de cinq à six kilo-
mètres pour aller au chef-lieu de la commune demander une
dispense. Je suis persuadé que tant que les dispenses et les
congés ne pourront pas être accordés par une autorité résidant
à proximité de l'école, c.-à-d. tant qu'il n'y aura pas une com-
mission locale dans chaque section de commune, la loi sur l'en-
seignement obligatoire ne pourra pas être exécutée.
Il y a plus, Messieurs. Ce ne sont pas seulement les entants
qui se trouvent dans le cas de devoir demander des congés,
l'instituteur également se voit de temps en temps empêché de
tenir sa classe. Ces empêchements sont souvent de telle nature
qu'il lui est impossible de faire le voyage au chef-lieu de la
commune pour demander un congé ; aussi arrive-t-il quelque-
fois q.ue les instituteurs s'accordent d s congés eux-mêmes.
A ce sujet, il existe peu ou po'nt de contrôle dans le> locali-
tés éloignées du chef-lieu de la commune, et les abus sont iné-
vitables. Je connais un instituteur qui, il n'y a pas 1res long-
temps, s'est accordé lui même huit jours entiers de congé, ab-
solument sans demander la permission a qui que ce soit.
M. Kirpach, Dir. gén. de l'intérieur. Ce sont des excep-
tions. Tout le village est là pour exercer la surveillance.
15
M. Prum. Les habitants du village n'onl aucune autorité
sur l'instituteur. Là où les commissions locales ne Ibnctionnenl
pas, c'esl l'inspecteur seul qui reste chargé d'empêcher des
abus comme celui dont je viens de parler. Certainement, et je
me plais à le reconnaître, les inspecteurs s'acquittenl de leur
mission avec un très grand zèle; cependant, malgré tout, ils
ne peuvent faire que de très rares el de très courtes apparitions
dans nos villages el s'ils parviennent à découvrir les abus, ce
n'esl souvent que par un pur hasard. Ainsi, l'année dernière,
im inspecteur arrivanl dans certain village a trouvé la porte de
l'école fermée ; l'instituteur s'était, ce jour-là, pris un petit congé
etse trouvait tranquillement à un cabaret occupé à jouer aux
quilles, tandis que l'inspecteur se morfondail à la porte de
l'école. Peu de temps après, l'inspecteur principal est venu dans
le même village, et cette fois là encore la porte de l'école était
fermée, l'instituteur avait renvoyé les enfants chez eux pour faire
une promenade avec un de ses amis. Il esl évident que ce ne
sera que très rarement que les visites «les inspecteurs coïncide-
ront avec les jours où les instituteurs font l'école buissonnière.
La crainte de voir apparaître cet inspecteur, qui réside sou-
vent à une dislance de cinq à six lieues, ne sera jamais assez
forte pour maintenir dans le devoir un instituteur négligent.
Sur 7 0 à son membres du corps enseignant, il y en aura tou-
jours un certain nombre qui seront moins bons, et ceux-là
penseronl de l'inspecteur co îe les paysans russes du Czar :
a Der llimmel ist hoch und (1er Czar ist weit » !
Quant aux bons instituteurs eux-mêmes, il est nécessaire
qu'ils trouvent à proximité de l'école une autorité à laquelle ils
auront à recourir en toute circonstance, car personne ne doit
être juge dans sa propre cause.
Voilà pourquoi, Messieurs, la section centrale a cru devoir
proposer de changer les commissions scolaires actuelles qui,
du reste, n'existent que sur le papier, en <\^+ commissions
vraiment locales.
Lors de la discussion des articles, j'aurai l'occasion i\r revenir
sur 1rs autres questions de détail qui c incernent l'organisation
ommissions locales ; je liens cependant à relever encore un
16
point. Nous avons emprunté aux législations anglaise et suisse
l'idée de faire directement représenter les familles au sein des
commissions locales.
Il est évident que la majoration de la part d'intervention de
l'État dans les frais de l'enseignement aura pour premier résultat
d'introduire la gratuité scolaire là où elle n'existe pas encore.
M. Welter. Vous êtes pour la gratuité ?
M. Prum. Je n'ai pas dit cela ; je constate seulement un fait.
Le projet de loi amènera en fait la gratuité. Par suite, le dernier
lien qui, sous le régime actuel, rattachait la famille à l'école
sera donc détruit.
Dans ces circonstances, nous avons cru nécessaire de sanc-
tionner de nouveau, par la législation, le droit primordial de la
famille sur l'école, en proposant d'adjoindre aux représentants
des autorités civiles et religieuses qui composent les commis-
sions locales, un membre élu directement par les parents ou
tuteurs des enfants qui fréquentent l'école.
Du reste, Messieurs, cette idée de faire entrer dans les com-
missions locales un élément électif, nous a été en partie suggé-
rée par l'hon. M. Kirpach.
M. Kirpach, Dir. gén. de l'intérieur. Cela existe en Suisse.
M. Prum. J'allais justement le dire. Vous vous êtes inspiré
de cet exemple en 1881. Voici, en effet, ce que nous lisons
dans votre discours du 10 janvier 1883 :
L'idée des commissions locales n'est pas nouvelle; si elle est nouvelle
chez nous, elle ne l'est pas partout ailleurs. J'ai déchue, lois de la discus-
sion de la loi, qu'en Suisse les commissions locales fonctionnent parfaite-
ment et qu'on y attachait une importance telle que dans bien des communes
elles se composent de 8-9 membres, qui sont choisis el renouvelés tous
les ans par tous les électeurs de la commune âgés de 21 ans. C'est en lisant
cela que je me suis dit que cette institution serait mile chez nous aussi el
voilà pourquoi j'en ai proposé l'adoption.
En lisant cet éloge qui a été fait par l'hon. M. Kirpach du
fonctionnement excellent des commissions locales en partie
électives, nous avons pensé que l'adoption de ce système contri-
buerait peut-être à assurer chez nous (''gaiement le fonctionne-
ment de ces utiles institutions.
17
Les administrations communales ne pe venl exercer leur
'■'f influence nécessaire sur l'école autrement que par l'intermé
diaire des commissions scolaires. Co teni les autorités com-
munales pourraient-elles à l'avenir, lorsque par suite des nou-
velles subventions, l'influence morale du pouvoir central aura
été singulièrement fortifiée, défendre efficacement les droits
el les prérogatives des communes en matière scolaire , si les
commissions continuent à ne pas fonctionner?
Pour cette raison, il nous est impossible de voter les sub-
ventions nouvelles, sans nos amendements, c'est-à-dire sans
prendre les mesures nécessaires pour assurer le fonctionnement
des commissions locales.
M. Kirpach, Dir. gén. de l'intérieur. Est-ce qu'elle ne fonc-
tionne pas à Clervaux ?
M. Welter. Chez M. Prum ? 11 ne manquerait plus que ça !
M. Brasseur. Mais elles ne fonctionnent pas dans tout le
canton.
M. Prum. La commission locale de Clervaux fonctionne
très régulièrement, elle est une des dix-neuf qui, de l'aveu de
l'Iion. M. Kirpach, ont seules répondu aux exigences de la loi.
C'est précisément comme président de cette commission que
j'ai pu me convaincre par ma propre expérience combien, sous
le régime actuel, il est difficile aux membres des commissions
locales de remplir la tâche que la loi leur impose et c'est là ce
qui m'autorise à recommander à la Chambre de voter nos pro-
positions afin de réorganiser complètement ces commissions.
Cependant. Messieurs, les propositions de la section centrale
ne concernent pas seulement l'organisation el les attributions
des commissions scolaires, elles visent également renseigne-
ment religieux.
Vous me permettrez d'exposer à ce sujet d'abord les revendi-
cations du pays catholique en matière d'enseignement , ensuite
nos griefs contre la loi de 1881 et le but que nous poursuivons
par nos propositions.
L'école populaire dans notre pays doit être religieuse. Per
sonne, je crois, ne le contestera.
18
Grâce à Dieu, le peuple luxembourgeois^ dans son ensemble,
est, jusqu'à ce jour, resté inébranlablement attaché à la religion
de ses pères. Cette fidélité aux principes religieux es! la gloire
de noire pays, elle sera sa force au i snt du péril, elle sera
la plus forte barrière qu'on pourra opposera ces doctrines anti-
sociales que nous voyons grandir autour de nous et qui me-
nacent de devenir un véritable danger.
Ce serait une erreur bien grave que de ne voir dans la ques-
tion sociale qu'une simple question économique. Le grand péril
social est dans les idées. Ce sont les principes religieux et mo-
raux qui, incontestablement, sont la base de la société et c'est
cette base menu' que, depuis plus d'un siècle, on s't-st efforcé
d'ébranler. Les doctrines subversives, élaborées d'abord pa les
écrivains, sont peu à peu descendues dans les masses. Les su-
prêmes révoltes de l'intelligence, des âmes égarées par l'orgueil
de la pensée, se sont traduites au bas de l'échelle sociale par
la révolte contre tout ordre intellectuel , moral et social.
L'athéisme officiel dont la Révolution française a imprégné la
législation des peuples modernes, en détruisant une partie de
ce précieux trésor de moralité et de foi religieuse accumulée par
dix-huit siècles de christianisme, a ébranlé la société toute en-
tière sur sa base immuable.
Comme l'a très bien dit un des hommes le mieux au courant
du mouvement socialiste contemporain, un orateur distingué du
Parlement allemand, M. Winterer de Mulhouse: c'est l'apos-
tasie de l'État, l'apostasie de l'école qui ont conduit à l'apostasie
de la famille et h l'apostasie du travail.
Certes, Messieurs, même dans les pays moins religieux que
le nôtre, la masse du peuple est loin d'être atteinte de cette
hideuse gangrène du matérialisme au même degré que la scro-
phuleuse postérité de Voltaire dans les classes bourgeoises et
dirigeantes ; mais, Messieurs, le danger de la contagion devient
de jour en jour plus grand et le péril social plus grave.
Ce point a été reconnu récemment par un professeur d'éco-
nomie politique et de sociologie de Karlsrulie, le IV Herkner
qui, dans un ouvrage remarquable sur la question sociale, s'est
exprimé comme suit: «Die durchschnittliche Sittlichkeit unserer
I!)
Irbeitenden Rlassen stehl noch immer ûberraschend hoch ùber
It'in Niveau der âusseren Bedingungen ; doch, das Kapital von
isittlichkeit, das wir ans Prûheren Zeiten ùbernommen liaben,
Schmiizt wie der Schnee ùber dem Wehen i\f* Fôhns zusammen
iiml wird bald geschwunden sein, we licht bald ein Wandel
erfolgl ».
La nécessité sociale de la religion a été clairement reconnue
par les hommes d'Élat qui, après la Révolution française, onl
cherché à reconstituer la société.
! e lendemain de ce cataclysme, devanl legouffreà peine Terme,
retentit la voix de Portalis : « Point d'instruction sans éducation.
Poinl d'éducation sans morale el sans religion. Toute la France
appelle la religion au secours de la morale et de la société».
El plus tard, au milieu de la tourmente révolutionnaire de 1848,
cette vérité a été reconnue par ML Thiers, qui, à la tribune
nationale de son pays, s'écriait : « Si j'avais dans mes mains le
bienfait de la foi, je les ouvrirai sur mon pays, car j'aime cent
fois mieux une nation croyante qu'une nation incrédule ».
Les constituants luxembourgeois également ont reconnu la
ssité sociale de la religion et, malgré certaines inconsé-
quences, ils ont consacré ce principe dans notre charte fonda-
mentale. La Constitution luxembourgeoise garantit la liberté
des cultes et leur exercice public. Elle distingue nettement dans
son art. 19 entre cette liberté et la libre manifestation des opi-
5, pour bien marquer la différence qui existe entre les
droits de la croyance en une religion positive et le simple énoncé
d'une doctrine religieuse philosophique ou scientifique quelcon-
que et, dans son art. 22, elle reconnaît implicitement les droits
de l'Église, puisqu'elle prévoit un contrat bilatéral qui réglera
les rapports entre l'Église et l'État.
La Constitution admet donc la religion positive el l'Église ca-
tholique comme institution sociale qu'il faut protéger el soute-
nir. Comment l'Église pourrait-elle se maintenir et vivre dans
un pays "u "U lui conteste le droit et la liberté d'enseignement,
si en même temps on l'excluait de l'éducation du peuple, si on
ne l'admettait pas efficacement a l'école ? lue telle situation n'a
jamais été faite a l'Église dans aucun pays du monde, depuis
les temps de Julien l'Apostat.
Comment la Constitution pourrait-elle prôner l'influence de la
religion positive au point de lui accorder une liberté sans pal
reille, de la reconnaître même comme société indépendante au
point de vouloir traiter avec elle de puissance à puissance, si
en même temps elle lui refusait les moyens de se perpétuer et
de vivre?
La Constitution n'aurait-elle donc reconnu l'Église que pour
la détruire? Une telle inconséquence ne peut être le l'ait d'un
législateur intelligent et consciencieux.
Donc, la Constitution qui reconnaît l'Église et veut la proté-
ger, ne peut vouloir un enseignement primaire officiel sans re-
ligion, elle ne peut vouloir d'autres écoles que des écoles con-
fessionnelles.
M. Kirpach, Dir. gén. de l'intérieur. Cela est autre chose.
M'. Prum. Je vous prie de ne pas m'interrompre.
Une éducation religieuse vraiment sérieuse et efficace est
impossible en dehors de l'école confessionnelle ; donc la Cons-
titution luxembourgeoise, qui reconnaît dans la religion un
besoin social, doit vouloir l'école primaire confessionnelle et,
étant donnée la situation de fait, en règle générale, l'école con-
fessionnelle catholique.
Je concède que dans certains cas exceptionnels, les mesures
nécessaires doivent être prises pour sauvegarder la liberté de
conscience des dissidents. Quant aux libres-penseurs, je ne
pense pas qu'ils aient droit à des égards particuliers.
M. Kirpach, Dir. gén. de l'intérieur. La liberté de cons-
cience doit être respectée.
M. le Président. Messieurs, n'interrompez pas continuel-
lement.
M. Prum. Lorsque l'État vient au secours d'un besoin
social, il doit avoir en vue les besoins de la généralité et ne
saurait s'arrêter devant les convenances personnelles de quel-
ques individualités. Jamais, ni nulle part, la négation de tout
culte n'a été considérée comme un besoin social. Comme l'a
très bien dit le ministre prussien, comte de Zedlitz-Trûtschler.
J
1
J M. Prum. Vous pouvez citer quand H vous plaira Bebel el
es coreligionnaires. Je vous cite le comte Zedlitz qui esl pro-
..{ et conservateur et qui a été ministre des cultes et de
instruction publique du royaume de Prusse, donc un homme
f.iivs compétent.
Comme l'a très bien dit le ministre prussien, comte de
Zedlitz-Trûtschler, en rendant les écoles confessionnelles au
risque de forcer les libres penseurs de faire donner une édu-
cation religieuse à leurs enfants, nous n'avons absolument pas
l'inti ntion d'opprimer les consciences :
Wir wollen keineswegs, dil M. de Zedlitz, ich wenigstens môchte nicht
iin geringsten einen Zwang ausuben ; ich will nur eine Wohlthat, die ich
selbst empfangen habe, den ungliicklichen Kindem geten, denen keine
frc-mim- Mutter die Bande gefaltet bat und die keine Worte der Wahrheit
je in ibren Familier) horen.
Du reste, Messieurs, ne n'oublions pas, s'il est difficile de
taire de bons chrétiens comme de bons citoyens, il n'est mal-
heureusement pas difficile de défaire des chrétiens.
M. Krier. C'est très vrai.
.M. Prum. L'école confessionnelle ne peut donc guère of-
fusqer les libres penseurs.
Quant à nous, catholiques luxembourgeois, comme citoyens
de ce pays el au nom de notre pacte fondamental qui reconnaît
l'Église et vont la protéger, nous sommes en droit de reven-
diquer un enseignement primaire confessionnel et catholique,
car c'est la le seul moyen de conserver au peuple luxerabour-
- l'intégrité de la foi et de transmettre à nos descendants le
dépôt le plus sacré qui nous a été légué par nos ancêtres.
Pères de familles chrétiens, à qui on refuse la liberté la
plus précieuse, celle de l'enseignement, nous sommes en droit
d'exiger que l'enseignement officiel soit confessionnel et catho-
lique, car il n'est pas de plus grande souffrance pour un père
que la déportation de son fils dans une école qui n'est pas con-
lorme à sa conscience.
Mais, dira-t-on, l'école primaire de notre pays, n'est-elle donc
pas cette école confessionnelle catholique, la seule qui puisse
±1
convenir à nos populations? C'est là, Messieurs, une bien grave
question. Je n'en connais pas de plus importante qui puisse
être posée à ceux que les circonstances ont investis du mandat
redoutable de la législation.
Obéissant à un devoir qui m'est imposé par ma conscience
chrétienne el par I»' sentiment de la responsabilité que je porte
devant mon pays, je déclare franchement et ouvertement et
avec une conviction pleine et entière : Non, l'école organisée
parla loi de 1881 n'est pas cette école confessionnelle catho-
lique, la seule qui puisse pleinement satisfaire nos familles
chrétiennes.
Je vous prie, Messieurs, de ne pas vous méprendre sur le sens
de nies paroles. Grâce à l'inexécution de la loi, un grand nombre
de nos écoles en l'ait, méritent à tous égards la confiance des
l'aniilles. Les écoles sont bonnes malgré la loi.
M. Kirpach, Die. gén. de l'intérieur. En vertu de la loi.
M. Prum. Non, car elles ne sont, pas confessionnelles, vous
ne le nierez pas.
M. Kirpach, Dir. gén. de l'intérieur. Nous voulons une
école religieuse, mais pas confessionnelle.
M. le Président. Je vous en prie, n'interrompez pas con-
tinuellement.
M. Prum. Je constate que l'iion. M. Kirpach reconnaît que,
d'après la loi, l'école chez nous n'est pas confessionnelle. Cet
aveu a sa valeur.
Qu'est-ce que l'école primaire confessionnelle ? Ce n'est pas
l'école congréganiste, il y a d'excellentes écoles confessionnelles
laïques; ce n'est pas non plus l'école dont les dissidents sont
exclus, il y a souvent des dissidents dans les écoles dirigées
par le clergé ; ce n'est pas plus l'école où l'on enseigne le
catéchisme toute la journée.
L'école confessionnelle esl celle où l'enseignement religieux
dogmatique se donne à certaines heures, mais où. aux autres
heures, consacrées à l'enseignement littéraire et scientifique,
l'instituteur saisit les occasions qui se présentent pour faire
mieux comprendre aux enfants ce que l'enseignement dogma-
23
tique a nécessairement d'abstrait, c'esl l'école dans laquelle
l'instituteur coopère à l'enseignement religieux et à l'éducation
morale et religieuse des entants, l'école dont le cachet et la
physionomie sont religieuses, ou, pour me servir de l'expression
de M. Guizot, dont l'atmosphère est religieuse.
L'instruction morale et religieuse n'est pas, comme le chant
el le dessin, une leçon qui est donnée en passant, par un maître
spécial et à une heure déterminée, après laquelle il n'en est
plus question.
Mgr Dupanloup, dans son admirable livre sur l'éducation, dit :
11 ne suffit pas que la religion ait une part quelconque dans l'éducation,
qu'elli temps en temps une apparition. Tout cela n'est rien si
elle ne pénètre pus. si elle n'inspire pas, si elle ne soutient pas tout i
divine influence, si elle n'est pas l'âme de l'éducation toute entière.
Après ce témoignage de l'illustre évêque d'Orléans, il me
sera permis de citer celui d'un protestant , de M. Guizot. S oici
m quels termes ce grand homme d'État, dans ses Mémoires, a
exprimé le regret de n'avoii servi plus efficacement la cause de
l'instruction religieuse :
L'assimilation de l'étude de la religion à d'autres éludes secondaires qui
n'ont que leurs heures spéciales el limitées ne pouvait satisfaire pleine-
ment les familles dévouées aux croyances religieuses. La religion, sérieu-
sement acceptéeel pratiquée, lient trop de place dans la vie de l'homme pour
qu'il ne lui soit pas fait aussi une grande part dans l'éducation de l'enfant.
Telle école est-elle religieuse, confessionnelle? dette ques-
tion capitale ne consiste pas tant dans le point de savoir si l'en-
seignement religieux l'ait partie du programme, s'il sera donné à
l'école ou à l'église ; ces degrés ont leur importance, sans doute ;
mais tous les hommes d'Étal qui ont préconisé le caractère reli-
gieux et moral de l'enseignemenl primaire ont voulu que l'en-
seignemenl lut pénétré el imprégné de la religion et que l'insti-
tuteur lui-même — car c'i si lui qui a l'influence prépondérante
sur les enfants — sans négliger le moins du monde l'enseigne-
ment littéraire et scientitique, s'occupe a toute heure de la
journée a l'aire de ses élèves de bons chrétiens en même tei
que de bons citoyens.
Pour «pie la l"i si conserve chez reniant , pour qu'elle gran-
et devienne parfaite, il faut que se reniant se
24
trouve dans une atmosphère religieuse. La foi ne vit pas de
réticences et de contradictions; elle doit être alimentée et sou-
tenue par une affirmation et une profession continues de la
vérité totale et intégrale. Chacun le sent, l'enfant qui passe
cinq ou six heures par jour sous l'influence d'un même institu-
teur se forme à ses leçons, à ses exemples, à la pression quo-
tidienne et victorieuse d'une telle supériorité, d'une si incon-
testable autorité. Cette influence du maître sur l'élève, ce n'est
pas l'influence de l'engrenage sur la roue ou du marteau sur
l'enclume, c'est l'influence d'une âme sur une âme, d'un être
raisonnable sur un être raisonnable, c'est l'influence des idées
qui descendent doucement et victorieusement d'un cœur et
d'une intelligence pour s'implanter et prendre vie dans un autre
cœur et une autre intelligence ; c'est l'influence des idées, Mes-
sieurs. Et celles qui se groupent et se réunissent dans un en-
semble complet, comme il est nécessaire de les avoir unies et
concordantes pour élever un homme, forment ce corps de prin-
cipes qu'on appelle convictions religieuses . C'est l'influence de
l'instituteur qui est prépondérante pour former les convictions
de l'enfant; la coopération de l'instituteur à l'enseignement re-
ligieux est donc indispensable.
On objectera peut-être que la liberté de conscience de l'insti-
tuteur doit être respectée, que même la loi belge de 4895 per-
met à l'instituteur de refuser sa coopération à l'enseignement
religieux. D'après la loi belge de 1895, chaque jour une demi-
beure est consacrée à l'enseignement religieux et cet enseigne-
ment est donné en règle générale par le prêtre, avec la coo-
pération de l'instituteur. Il est vrai que l'instituteur peut refu-
ser cette mission.
Cependant, lorsque la commune maintient dans son école un
instituteur qui refuse de donner l'enseignement religieux ou
qui n'en est pas jugé digne, elle doit faire remplacer l'institu-
teur dans cette tâche. Dans ce cas, la commune peut être obli-
gée de payer une rémunération spéciale pour le cours de reli-
gion. Le but évident de cette mesure est d'éloigner peu à peu
des écoles primaires les instituteurs qui n'inspirent pas une
confiance suffisante au point religieux.
2.J
Le Conseil d'État, dans son avis du 10 mars 1897 sut
amendements qui nous occupent, trouve que le refus de certains
instituteurs belges de coopérer à renseignement religieux «a
créé une situation dont il est impossible de méconnaître la
gravita
Certainement la situation créée par ces instituteurs est très
regrettable; cependant elle est absolument celle qui a été créée
dans notre pays par la loi de 1881. Dans les rares communes
belges où cette situation existe, c'est le prêtre seul, à l'exclu-
sion de l'instituteur, qui s'occupe de l'enseignement religieux.
Le jugement porte par le Conseil d'État sur la situation ex-
ceptionnelle qui existe dans quelques communes belges est
donc la condamnation de la législation scolaire luxembour-
geoise.
Du reste, Messieurs, la situation de la Belgique ne saurait
être comparée à celle de notre pays. Si la loi belge tient compte
de la liberté de conscience de l'instituteur, elle reconnaît éga-
lement la liberté des parents. En Belgique existe la liberté ab-
solue d'enseignement.
Dans notre pays, où on refuse aux parents la liberté de
choisir pour l'éducation de leurs enfants une école autre que
l'école officielle, nous sommes en droit d'opposer à ceux qui
invoquent la liberté de conscience de l'instituteur, la réponse
qui a été faite à la même objection par le ministre prussien
comte de Zedlitz-Trûtzschler :
Es ist mir mit einem grossen Maasse von Emphase, vielleicht auch sitt-
licher Entrûstung entgegengehalten worden, die Gewissensbedrângniss
des armen Lehrers, der durch diesen Gesetzéntwurf nothwendig zu einem
Heuchler gemacht werden soll.
Warum, meine Herren ? Jeder Beamte hat bekanntlich den (nstructionen
zu folgen. welche die pragmatischen Dienstvorschriften geben. Wollen Sie
in dieser Beziehung jedem Beamten das Recht geben, lediglich nach
etivem Ermessen zu thun, waa er will? (Sein- gut Redits und im
Centrum.J
Heine Henen, auch fur midi bat das Wort « Freiheil und freiheitliche
Entwickelung - einen entzûokenden Klang, aber ich muss dbch sagen, der
I reiheit des 1 Bteht doch aucb die Freiheit der Eltera gegenûber.
(Sehr richtig.) Wolli i nder, wollen Sie die Kindi
Volkes, dem Bubjectiven Ermessen jedes Einzelnen ausllefern, in den-
26
jenigen Jahren , in welchen (1er Grund der ganzen Entwickelung dos
Menscheh gelegt wird ? (Lebhaftes Bravo im Centrum und Rechts.j
L'instituteur dans son école n'exerce pas un droit personnel.
Il accepte un mandat qu'il aurait pu décliner, car personne
n'est forcé de se dévouer à l'enseignement de la jeunesse ; mais
nous avons le droit d'exiger que l'instituteur, comme tout^aulre
fonctionnaire, remplisse complètement les conditions de son
mandat, lorsqu'il l'accepte. La coopération de l'instituteur à
l'enseignement religieux est la première condition d'une bonne
éducation religieuse. Donc nous sommes en droit d'exiger de
l'instituteur celte coopération.
Confier l'enseignement religieux exclusivement au prêtre sans
y intéresser l'instituteur, renfermer la religion dans certains
moments de la semaine, ce serait fausser l'esprit de l'enfant. Il
ne faut pas que l'esprit de l'enfant s'habitue à l'idée d'un divorce,
d'une séparation entre la religion et les autres choses de la vie.
Il ne faut pas qu'un mur de séparation soit élevé entre la partie
religieuse et la partie scientitique de l'enseignement. II faut
l'unité dans l'éducation. C'est là ce qui distingue l'école confes-
sionnelle de l'école sécularisée.
Dans l'exposé des motifs du projet de loi scolaire de 1878,
qui est sans conteste le document le plus remarquable et le plus
substantiel qui ait jamais été publié dans ce pays sur la question
scolaire , M. Nie. Salentiny démontre dans les termes suivants
la nécessité de celle unité de l'enseignement :
I..' mot de catéchisme, lorsqu'il s'agit des attributions d'un instituteur
paye par la commune ou par l'État, est, pour certaines personnes, un mot
mal sonnant. Pourquoi, dira-t-on, faire de l'instituteur le serviteur du
pi être et le charger de préparer à celui-ci un enseignement religieux, alors
que c'est là la tâche du desservant ?
Et d'abord, nous avons pensé qu'il y aurait un dange-i sérieux à dire
que le domaine de l'instituteur finit là où celui du ministre du culte corn-
nu née. Nous croyons qu'il y aurait un péril grave à créer ainsi parmi les
deux agents de l'école une espèce d'antagonisme, en considérant l'un
comme le représentant de l'élément laïque et l'autre comme le représen-
tant de l'élément religieux. Nous pensons, au contraire, que l'école a dans
son ensemble un certain caractère religieux et moral qui ne se laisse pas
scinder.
27
.... En quoi d'ailleurs l'instituteur appelé à se désintéresser complète-
ment de toul enseignement religieux, différerait-il encore de l'instituteur
de l'école neutre ou laïque? Nous devons avouer bien franchement que
toute nuance instinctive entre eux nous échappe complètement.
Celte unité de l'enseignement, consacrée par la loi de 1843 et
défendue si chaleureusement en liS78 encore par M. N. Salen-
tiny, au prix même de son portefeuille
M. Eyschen, Minisire d'État. Et les journaux catholiques
l'ont combattu.
M. Welter. Qu'est devenu le ministre ? (Hilarité.)
M. Prum. Les journaux catholiques ont combattu la révision
de la loi.
M. Eyschen, Ministre d'État. Et M. Salentiny, qui voulait
taire la révision !
M. Prum. M. Salentiny a été renversé du ministère parce
qu'il ne voulait pas de la séparation entre l'élément religieux et
laïque. Il a sacrifié son portefeuille parce qu'il ne voulait pas
détruire cette unité, parce qu'il voulait nous conserver le bien-
fait inappréciable de l'école confessionnelle.
M. Eyschen, Ministre d'État. Ce sont les catholiques qui
font renversé, vous ne contesterez pas cela.
M. Prum. Singuliers catholiques que ceux qui formaient
la majorité de la Chambre à cette époque et qui ont voté la loi
scolaire libérale. C'est cette loi de 1881 qui a rompu l'unité de
l'enseignement du moins en principe et, par nos amendements,
nous la voulons rétablir.
Cependant, Messieurs, si nous désirons la coopération de l'in-
stituteur à renseignement religieux, ce n'est pas, comme on a
cherché à nous le reprocher, pour décharger le clergé. Li
de l'art, -in de la loi de 1881 restera toujours en vigueur el le
prêtre restera chargé de l'instruction religieuse; il devra, comme
par le passé, continuer à donner deux fois par semaine le cours
de religion. A cel enseignement donné par le prêtre, l'institu-
teur prêtera son concours. L'instituteur remplace le père de
famille et il doil agir comme agirait le père de famille lui-même
28
s'il en avait les facultés, pour l'éducation morale et religieuse de
l'enfant.
Messieurs, je manquerais de franchise si je ne vous rendais
pas attentifs aux conséquences de notre proposition. Nous avons
l'intention formelle de rompre avec le principe sur lequel repose
la loi de 1881, qui est celui de la séparation absolue de l'élé-
ment religieux et de l'élément laïque. (Protestation de M. Kirpach.)
La conséquence de ce principe de séparation, c'est que les
dispositions de la loi actuelle et même les règlements d'exé-
cution qui patient des intérêts religieux et de l'éducation reli-
gieuse à l'école, s'appliquent exclusivement au prêtre et non
pas à l'instituteur. Toutes ces dispositions qui, à première vue,
semblent être des garanties d'une éducation religieuse, ne sont
au tond qu'un trompe-l'œil.
Du moment, cependant, que parle vote de notre amendement,
le principe de la coopération de l'instituteur à l'enseignement
religieux sera inscrit dans la loi, il en sera tout autrement;
toutes ces dispositions qui concernent l'éducation religieuse des
cillants seront applicables à l'instituteur et par là l'école laïque
et sécularisée sera transformée en une école confessionnelle et
catholique.
La coopération de l'instituteur à l'enseignement religieux est
incompatible avec le principe de la laïcité de l'école que l'hon.
M. Kirpach, dans son exposé des motifs, a déclaré former la
base même de la toi de 1881. Du moment que l'instituteur devra
collaborer à l'enseignement de la religion et à l'éducation reli-
gieuse des enfants, il ne sera plus permis d'affirmer que l'école
appartient exclusivement à l'État; car l'Etat ne peut enseigner ni
la religion, ni la morale, et l'instituteur, pour autant qu'd coo-
pérera à l'éducation morale et religieuse, tiendra sa délégation
non pas de l'État, mais de l'Eglise, c'est la mission canonique.
L'État moderne s'est déclaré perpétuellement incompétent en
matière de doctrines.
En face des grandes questions qui se présentent à toute intel-
ligence qui s'ouvre — l'origine et la lin de l'homme et de lVs-
pèce humaine — l'Etat s'est condamné a dire : je n'en sais
rien et je nVn puis rien savoir. Gomme l'a très bien dit le comte
de ZedliU-Triilzscbler
20
M. Welter. Encore une fois! Vous necitez que des minisires
renversés. (Hilarité. I
M. Laval. Inconnu chez nous !
M. Prum. Le comte de Zedlitz a dit tant de belles choses.
M. Welter. Nous n'en voulons pas.
M. Prum. L'hon. M. Welter cite souvent des choses dont
nous ne venions pas et que nous écoutons quand même. J'es-
père qu'il sera aussi complaisant à mon égard;
Le comte de Zedlitz dit donc :
ESne allgemein raenschliche Moral gibt es nicht; os gibt fine allge-
gemein menscblicbe Unmoral, und< s ist ehendie Aufgabe aller Religionen
und ganz besonders des Christenthums gewesen, (lies dem Monschen an-
geborene nicht moralmâssige in Moral umzusetzen. Wàre das nicht rich-
tig, dann brauchten wir Religion iil»erhaupt nicht. Und dann wâre die
doch allerdings wunderbare Erscheinung, dass es nie eine Nation und nie
ein Volk gegeben liât, bei dem nicht religiôse BcgrifTe sich entwickelt
baben, ganz unerklârlich.
La morale universelle et indépendante rêvée par les déistes,
1rs panthéistes et les rationalistes de toutes les écoles, n'existe
donc pas. Cette doctrine est le contre-pied de la doctrine chré-
tienne. Lors donc que dans nos écoles primaires, quelques
instituteurs, suivant en cela certains conseils, s'inspirent des
principes des Dittes, autres pédagogues modernes qui admettent
la morale prétenduement indépendante, ces instituteurs se
trouvent, inconsciemment, je le veux bien, mais en fait et en
réalité m contradiction avec l'enseignement religieux et créenl
ainsi un véritable dualisme à l'école.
En Belgique, comme dans d'autres pays, il existe une inspec-
tion scolaire ecclésiastique en dehors de l'inspection laïque, »■(
les inspecteurs ecclésiastiques assistent a toutes les conférences
d'instituteurs. J'espère que le règlement qui, en vertu de l'art.
76 de la loi organique, devra «'-ire élaboré, permettra chez nous
également :'i un délégué de l'évêque d'assister aux conférences
des instituteurs. Les catholiques luxembourgeois sont en droit
d'exiger t\>'< garanties au sujel >\<^ principes pédagogiques que
l'on inspire à nos instituteurs, ;i ces hommes auxquels, de par
30
la loi, ils sont obligés de confier l'éducation de leurs enfants.
L'État ne peut enseigner ni la morale, ni le dogme, qui en est
la base m i essaire et la sanction. .Une morale sans dogme, une
morale indépendante est inadmissible au point de vue scienti-
fique. Est-ce que, dans l'immensité de l'univers, la science a
trouvé un seul objet qui fût indépendant et isolé?
La morale procède du dogme comme l'effet de la cause ; sup-
primez le dogme, et vous ne pourrez logiquement plus admettre
d'antre doctrine morale que celle qui a été exprimée avec tant
de précision par M. Taine, lorsqu'il écrivait : «Le vice et la
vertu sont des produits comme le sucre et le vitriol ! » (Histoire
de la littérature anglaise, introduction, p. xv.)
Je ne veux pas dire, Messieurs, qu'un libre-penseur et un
lils de libre-penseur ne puisse pas être un très honnête homme.
M. Welter. Vous admettez l'atavisme, alors?
M. Prum. Bien loin de là ; mais la moralité de ces hommes
procède, souvent à leur insu, du dogme chrétien. Elle provient
de dispositions naturelles , héritage d'innombrables générations
chrétiennes ; elle est le produit de la civilisation chrétienne, car
notre société actuelle est encore tellement imprégnée de chris-
tianisme que beaucoup en éprouvent les effets salutaires, sans
en reconnaître et bénir la cause.
Ce que j'affirme, Messieurs, c'est qu'en principe la prétendue
morale universelle et indépendante ne résiste pas a l'examen de
la raison. Il n'y a pas de morale universelle, il n'y a pas non
plus et il ne peut pas y avoir de morale d'État, parce qu'il n'y a
pas de dogme civil. On objectera peut-être que la morale est la
base de notre législation. Je ne le nie pas. Les lois ont pour base
une morale moyenne que l'État protège, abstraction faite de la
vérité, parce qu'elle est le reflet de l'opinion publique, du sen-
timent public, de la conscience publique. Dans une nation
chrétienne, cette conscience publique est naturellement chré-
tienne.
Incompétent en matière de doctrine, l'État doit protection à
ses membres; il ne leur garantit pas seulement la tranquillité
matérielle, il leur doit une certaine tranquillité morale.
3i
Chaque peuple a droit de n'être pas choqué dans ses mœurs,
dans ses sentiments, dans sa conscience éclairée ou (''garée.
De cette mesure de nécessité, de cette protection que l'Étal
accorde à ses citoyens, on aurait tort de conclure à la capacité
de l'Étal d'enseigner In morale. L'État protège un fait, indé-
pendamment de sa vérité, rien de plus, rien de moins.
L'État moderne qui s'est déclaré lui-même perpétuellement
Incompétent en matière de doctrine religieuse, ne peut en-
seigner ni la morale ni la religion; il ne peut donc à lui seul
organiser un enseignement confessionnel, il doit pour s'assurer
l'élément religieux qui lui manque, faire intervenir l'Église.
Cette intervention, comment peut-elle être obtenue? Je fais abs-
traction du l'ait historique que durant les siècles passés, c'esl
l'Église seule qui a fondé les écoles; je me place sur le terrain
de la législation moderne et je demande par quelle voie peut-
on obtenir l'intervention de l'Église à l'école ?
Dans certains pays on l'exige ; l'État commande à l'Église ou
l'absorbe. Le prêtre n'est qu'un fonctionnaire publie qui relève
de l'autorité civile. Tel est le cas en Russie, du moins pour ce
qui concerne l'Église russe orthodoxe. Dans notre pays, la situa-
tion est toute autre. La Constitution luxembourgeoise reconnaît
l'indépendance de l'Eglise; d'après l'art. 22, les rapports entre
l'Église et l'État font l'objet de conventions. Nous ne pouvons
organiser l'enseignement sans l'intervention du clergé. Cette in-
tervention ne peut être forcée comme en Russie, elle ne peut
être que volontaire. Dès lors, elle doit être librement accordée
et, pour l'être, il faut qu'elle soit durable et efficace.
Ce principe a été consacré par la loi de 1843. C'esl à feu le
Roi Guillaume II que le pays est redevable de la loi scolaire de
1843.
En 1X12 le Gouvernemenl avait élaboré un avant-projet de
loi sur l'enseignement primaire, sans s'entendre avec le chef du
culte; mais Guillaume 11 refusa de signer cel avant-projel en
déclarant à ses ministres qu'il n'entendait organiser l'enseigne-
ment primaire dans le Grand-Duché que sur la base d'une
entente, d'une certaine convention avec les représentants de
i ^lise, Des négociations eurent lieu et elles aboutirent défi-
32
nitivement; aussi en 1843, M. Simons, alors chef du départe-
ment de l'intérieur, en déposant le projet de loi, fit-il la déclara-
tion suivante. — Je cite un résumé en langue allemande, un
autre texte français un peu plus long se trouve p. 357 du G.-R.
de 1843:
Der Clerus ist ein unerlâsslicher und mâchtiger Getiiilfe, er ist eine
festere Stiitze als aile Strafbestimmungen, die nian erlassen kônnte. Der
Clerus ist Partei im Contract; er hat Prârogativen zurGeltung zu biïngen,
Rechte zu wahren und Bedingungen zu stellen. Da der Religionsunterricht
dera Clerus zusteht , dieser Unterricht aber zur Primàrschule gehôrt, die
gleichzeitig eine religiôse und bûrgerliche Anstalt ist, so hat der Clerus
ein unstreitbares Anrecht auf die Mitiiberwachuug.
La loi de 1843 a donc été le fruit d'une entente, d'un contrat
avec le clergé. Ce contrat a été de tout temps loyalement exé-
cuté.
J'ai lu et relu les discussions parlementaires des douze années
qui ont précédé la révision de la loi de 1843. C'était l'époque
où, dans les pays environnants, une guerre à outrance était
déchaînée contre l'Église catholique. Cette lutte devait avoir un
contre-coup dans notre, pays. L'hon. M. Kirpach l'a franchement
reconnu dans un discours du 2 février 1881, p. 774, où il s'est
à propos de la loi scolaire exprimé comme suit :
Nous ne saurions nous isoler tout-à-fait des nations qui nous entourent.
La vie des nations est solidaire comme celle des individus, et un pays,
quelque petit qu'il soit, ne peut se mettre au banc de son temps en restant
tout-à-fait en arrière. Nécessairement et naturellement, le mouvement se
communique d'un peuple à l'autre ; l'impulsion doit être reçue et trans-
mise.
De 1870 à 1881, pendant que la guerre religieuse sévissait à
nos frontières, certains hommes, mus par cette impulsion natu-
relle dont parlait l'hon. M. Kirpach et excités par la lecture
quotidienne des journaux étrangers, ont chez nous également
profité de tontes les occasions pour prononcer des discours
tonitruants et fulminants contre les envahissements de Pu lira -
montanisme, les empiétements du clergé, et pour demander à
cor et à cris la révision de la loi de 1843.
Cependant, au cours de toutes ces discussions, pas un seul
abus sérieux n'a pu être signalé, pas un seul fait n'a été cité h
33
l'appui de toutes ces réclamations. Nos annales parlementaires
sont là pour le prouver. Au contraire, tout le monde, même les
adversaires de la loi ont dû avouer qu'elle n'avait produit que
1rs meilleurs résultats. Pas un seul abus sérieux n'avait été
signalé.
M. Brasseur. Il va des faits.
M. Prum. On a relevé quelques faits; mais ils étaient abso-
lument sans importance. Ainsi en 1878 l'hon. M. Kirpach a
porté à la tribune un de ces faits qu'il me suffira de vous rap-
peler pour vous faire juger la valeur des arguments dont on
ait devoir faire usage à cette époque. Vous avez tous connu
le bon vieux livre de lecture de M. Godart qui a été si long-
temps en usage dans nos écoles. Quelques années après 1870
mi en a fait une édition nouvelle, et dans un petit appendice
concernant la géographie, on avait oublié de changer Rome,
capitale des États pontificaux, en Rome, capitale d'Italie. De là
une furieuse tempête à la Chambre. La section centrale inséra
une observation dans le rapport du budget et on discuta là-
dessus dans cette enceinte au long et au large; en grossissant
le plus possible ce petit fait, on en fit un argument en faveur de
la révision de la loi de 1843. Les autres faits qui ont'été signa-
lés sont à peu près de la même importance.
C'est sous le régime de la loi bienfaisante de 1843 que
l'enseignement primaire s'est développé clans notre pays, à tel
point qu'en 1879 encore on nous citait dans les parlements
étrangers comme marchant à la tête de tous les pays de
l'Europe et dépassant même au point de vue de l'instruction
populaire les pays dans lesquels l'enseignement a été obliga-
toire depuis trois quarts de siècle.
Je doute même que le niveau de nos écoli il lepuis
constamment en tous points maintenu à la même hauteur. Si
je suis bien renseigné, les résultats <\>'> examens d'admission
des élèves de l'Athénée auraient à plusieurs reprises déjà été
signalés à l'hon. Directeur général de l'intérieur comme l'in-
dice d'une situation peu satisfaisante de l'instruction primaire,
du moins pour certaines branches.
Je tiens, Messieurs, à relever ce détail, parce qu'il est des
34
personnes dans le pays qui, detrès bonne foi, s'imaginent que le
développement de l'enseignement primaire date de 1881. C'est
là, Messieurs, une très grave erreur.
De 1843 à 1881 l'enseignement primaire a fait fies progrès
énormes, c'est là un fait que personne ne pourra contester.
En !8ôT) le nombre des miliciens illettrés élait encore de
7.64 pCt. et en 1880 il était tombé à 0,50 pCt., alors qu'en Prusse
à cette époque le nombre des miliciens illettrés dépassait le
triple de ce chiffre.
Ce mouvement progressif a-t-il continué après 1881, ou s'est-
il arrêté depuis cette époque? Messieurs, je n'oserais ni l'affir-
mer ni le nier.
Nous ne possédons pas de renseignements positifs sur l'état
de l'instruction des enfants de nos écoles. Nous avons, il est
vrai, les rapports généraux publiés toutes les années; mais,
Messieurs, avant 1881 on possédait également ces rapports. A
cette époque on avait en outre les concours cantonaux, qui ont
été supprimés depuis, ainsi que la statistique des miliciens.
Cependant, Messieurs, les promoteurs de la réforme scolaire
de 1881 ont trouvé tous ces renseignements insuffisants.
En 1879 M. de Wacquaut proposa de faire faire par tous les
entants de onze à douze ans des classes supérieures des écoles
primaires, sous la surveillance des inspecteurs, des composi-
tions écrites dans toutes les branches. Cette proposition tut ac-
cueillie par l'hon. M. Kirpach avec un véritable enthousiasme.
Les concours eurent lieu dans tout le pays, en 1880. Ainsi qu'il
ressort d'un rapport que j'ai trouvé dans le dossier, les enfants
furent astreints durant trois heures entières à des compositions
écrites. Les résultats furent collectionnés par les inspecteurs
et déposés plus tard sur le bureau de la Chambre, accompagnes
d'un rapport complet.
L'hon. M. Kirpach a même promis, à cette époque, de faire
renouveler cette inspection générale toutes les années, afin de
bien renseigner la Chambre et le pays sur la situation de l'ins-
truction primaire. Malheureusement ce beau zèle n'a duré que
jusqu'au vote de la nouvelle loi. Depuis lors on n'a plus en-
tendu parler de compositions générales. L'hon. M. Kirpach
35
nous a dit hier qu'en 1891 un concours général a eu lieu; mais
[es résultats n'en ont pas été publiés. Nous ne pouvons pas
nous servir de ce document.
M. Kirpach, Dir. gén. de l'intérieur. Je l'ai donné hier.
M. Prum. Nous ne possédons donc, pour servir de com-
paraison avec le concours de 1880, (pie ces malheureux rap-
ports généraux qu'à cette époque la Chambre et le Gouverne-
ment déclaraient insuffisants et sans grande valeur. Eh bien,
Messieurs, en comparant It1 dernier rapport général avec le con-
cours rigoureux de 1880, voici ce que nous trouvons :
D'après le dernier rapport général, oO pCt. des écoles ont
mérité une note supérieure pour le résultat général de l'inspec-
teur ; 44 r30 pCt. une note moyenne ; 5 T7B pCt. une note infé-
rieure. Au concours de 1880 : 45 pCt. des écoles ont obtenu
une note supérieure ; 3"> pCt. une noie moyenne ; 20 pCt. une
note inférieure.
Si l'on prend en considération la rigueur du concours de
1880 et la circonstance que le résultat devait servir à prouver
la nécessité d'une révision de la loi de 1843 , que donc le clas-
sement n'a certainement pas été fait avec une bienveillance
exagérée, on doit reconnaître que cette comparaison ne permet
absolument pas de conclure que depuis 1881 l'enseignement
primaire ait fait de grands progrès.
Quoi qu'il en soit, cette loi de 18.3, qui de l'aveu de tout le
monde avait produit de si excellents résultats, ce contrat bila-
téral entre l'État et l'Église a été violemment déchiré en 1881,
malgré les protestations solennelles du représentant autorisé de
l'Église et malgré les réclamations de la presque totalité des
pères de famille. Le législateur de 1881, en réglanl unilatéra-
lement l'enseignement primaire qui, auparavant, avait fait l'objet
d'une convention, a non seulement brisé cette heure ise al-
liance qui avait été concilie de l'assentimenl de tous, | ' lut-
tri' contre l'ignorance, qui est h source de lous les maux, mais
il a encore et surtout violé manifestement l'art. 22 de mitre
pacte fondamental.
C'est là, Messieurs, le vice original de celte i"i de 1881,
36
L'hon. M. Kirpach, en présentant et en défendant la loi de 1881
devant la Chambre, a proclamé le principe que leeole appar-
tient exclusivement à l'État :
Aucune autorité en dehors de l'État, a dit l'hon. Directeur général dans
son exposé des motifs, n'est recevable à prétendre qu'elle a un droit inné
à la surveillance i\o l'enseignement. — L'État a l'obligation de créer des
écoles, l'État les organise, l'Étal y enseigne, c'est donc aussi l'État qui les
surveille
Et si l'hon. M. Kirpach veut hiui laisser une part d'influence
à la commune, ce n'est pas comme collectivité et représentation
des familles, mais comme émanation de l'État et non de celui-
ci, que la commune est appelée à exercer sur l'école une cer-
taine surveillance.
Ces principes, qui sont la négation des droits des familles et
des droits de l'Église, sont absolument faux et j'ai déjà eu l'oc-
casion de le démontrer en une autre circonstance; ils sont con-
traires à l'esprit de notre Constitution.
D'après les principes qui ont inspiré la Constitution luxem-
bourgeoise, l'enseignement primaire n'est pas aux mains de
l'État un de ces droits éminents, un de ces attributs de Pouvoir
suprême qui ne souffrent aucun partage. Tout au contraire, en
matière d'enseignement primaire, l'État intervient chez nous,
non pas à titre de souverain, mais à titre de protecteur et de
guide. « L'État veille », dit l'art. 23 de la Constitution, «à ce
que tout Luxembourgeois reçoive l'instruction primaire ». Ce
texte a été voté par l'Assemblée constituante de préférence à un
autre qui avait été proposé et, comme les discussions qui ont
eu lieu le prouvent à l'évidence, l'intention de la majorité des
constituants, en votant ce texte, a été d'affirmer que l'école
n'appartient pas exclusivement à l'Etat.
11 est vrai, le législateur de 1881 n'a pas tiré de ce faux
principe toutes les conséquences, ou comme l'hon, M. Kirpach
s'est exprimé à plusieurs reprises: «Il n'a pas cru que le
moment était déjà venu chez nous pour sanctionner ces théories
par la législature. »
La loi de 1881 — l'hon. M. Kirpach l'a franchement avoué —
est une loi illogique et remplie d'inconséquences ; mais ce qui
est plus, Messieurs, cette loi n'a pas été exécutée.
37
Ne devons-nous pas craindre de voir, dans un avenir plus ou
moins éloigné, après que les nouvelles subventions scolaires
auront renforcé l'influence morale du pouvoir central, la loi de
1881 exécutée dans un tout autre esprit. C'est là, Messieurs, ce
que nous avons voulu prévenir par nos amendements.
En consacrant, par la loi, le principe de la coopération de
l'instituteur à l'enseignement religieux, nous aurons créé une
garantie légale relativement à l'esprit qui devra, à l'avenir,
présider à l'élaboration de tous les règlements administratifs
concernant l'enseignement primaire.
Nous rendons hommage à la bonne volonté de l'hon. M.
Kirpach ; mais dans une question aussi importante que celle de
l'éducation des enfants de notre peuple, nous ne voulons pas
dépendre de la bonne volonté du Gouvernement.
M. Kirpach, Dir. gén. de l'intérieur. Mais vous dépendez
de la loi.
M. Prum. Nous voulons des garanties légales.
Srize ans se sont écoulés depuis la promulgation de la loi
scolaire de 1881. Durant ces seize années, presque tous 1rs
pays dont, de l'aveu de l'hon. M. Kirpach, le législateur de 1881
n'a fait que suivre l'impulsion, ont, l'un après l'autre, rapporté
les lois de sécularisation de l'enseignement.
La France est presque seule à faire exception. L'école laïque
en France, malgré le grand correctif de la liberté complète
d'enseignement qui en a tempéré les résultats, a été loin de
vérifier une parole célèbre de M. Duruy qui, à plusieurs re-
prises, a été cité à la Chambre luxembourgeoise, au ci uns des
discussions sur la loi scolaire : « L'argent qui est dépensé pour
les écoles, sera épargné pour les prisons. »
D'après une étude très intéressante publiée récemment dans
la Revue des Deux-Mondes par M. Alfred Vouillée, depuis la
laïcisération de l'enseignement primaire, la criminalité juvénile
a augmenté en France dans des proportions effrayantes.
h.- insu a 1893, le nombre des «'niants criminels a augmenté
deux luis plus que celui dus criminels adultes el en général la
criminalité de l'enfance dépasse aujourd'hui en Fran<
double celle des adultes.
38
Une progression plus grande encore a été constatée sur le|
nombre des suicides déniants et de jeunes gen
Un autre fait très intéressant a été relevé par À. Vouillée dans|
la Revue des Deux-Mondes :
Pour la France entière, sur cent enfants poursuivis en justice, à peine
deux sont sortis des écoles congrégfnisles et pour Paris plus spécialement]
sur 100 enfants détenus à la petite Roquette, l'enseignement congréganiste
n'en fournit que onze et .renseignement officiel laïque quatre-vingt-sept.
Alors cependant que plus du tiers et presque les deux cinquièmes des en-
fants de la ville de Paris sont élevés dans les écoles libres des congréga-
tions religieuses.
Vous voyez, Messieurs, que si la France n'a pas suivi
l'exemple des autres pays et rapporté sa loi de sécularisation de
l'enseignement, on ne peut cependant pas dire que cette loi ait
produit de bons résultats.
Dans notre pays, depuis 1881, il a été peu ou point parlé de
la question scolaire. Ce n'est cependant que le clergé et l'Église
se soient réconciliés avec la loi elle-même. Non, Messieurs,
celte loi a été inspirée par des principes que l'Église n'acceptera
jamais. L'Église a subi la loi et si le clergé luxembourgeois
a concouru à son exécution, ce n'a été, comme s'est, exprimé
feu Mgr. Adames dans sa lettre pastorale du 21 septembre 1881,
que « pour amoindrir autant que possible les défectuosités de la
loi et dans l'espoir que les législateurs reviendront à de meil-
leurs sentiments et se donneront toutes les peines pour écarter
ces défectuosités par une modification de la loi. »
Aujourd'hui , le Gouvernement ayant déposé lui-même un
projet qui amène un changement essentiel de la loi de 1881,
nous avons cru de notre devoir de chercher enfin à réaliser cet
espoir de feu Mgr. Adames. Usant de notre droit incontestable,
nous avons rattaché au projet du Gouvernement un amende-
ment concernant la coopérationde l'instituteur à l'enseignement
religieux.
Par le vote de cet amendement, l'unité de l'enseignement et
par là l'école confessionnelle sera rétablie. La voix autorisée
de notre premier pasteur s'est fait entendre pour approuver ces
moditications. Ne repoussez pas, Messieurs, la main qui vous
est loyalement tendue à l'effet de rétablir cette entente complète
39
ri intime entre l'autorité religieuse et le pouvoir civil, qui dans
le domaine île renseignement et de l'éducation populaire est
aussi nécessaire que la concorde entre le père et la mère au
sein de la famille.
Ceux d'entre vous, Messieurs, qui croient sincèrement que
l'étal actuel est satisfaisant et la loi de 1881 excellente, à qui
donc nos propositions doivent nécessairement déplaire, je les
prierai de s'inspirer du principe proclamé en 1881 par l'hon.
M. Simons et de tenir quelque peu compte de l'opinion d'autrui.
Pour nous, Messieurs, si nous ne prenions pour guides que
les principes et les théories, la réforme proposée ne nous don-
nerait nullement satisfaction, parce que la loi scolaire, même
amendée dans notre sens, sera bien loin encore de répondre a
notre idéal; niais, Messieurs, nous tenons compte de la situation
de lad et, précisément par notre modération, nous espérons
réunir les suffrages de tous les hommes sages, modérés, vrai-
ment libéraux et vraiment patriotes. Nous espérons que la ré-
forme proposée méritera le nom qui a été donné par Monta-
lembert à la loi scolaire française de 1850 et qu'elle sera pour
notre pays: «Le Concordat de l'enseignement))! (Très bien,
bravos sur quelques bancs.)
iMMakvajj \m,ftmtlt <• -• Otx, T. ftOOfc
!
f^
V)X
s vit
la ^eS
tion
DisCours cé
_-a aire VL . _..«■
des
Cba^r<
à T-a
scola^%- députes
a
onc
377.094935
P971D
Prum
Discours sur la question scolaire
prononce à la Chambre des députe's