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Full text of "Discours sur l'origine et les fondemens de l'inégalité parmi les hommes [electronic resource]"

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DISCOURS 

SUR L'ORIGINE 

ET LES FONDEMENS 

DE L'INÉGALITÉ '. 

PARMI LES HOMMES. 

Pm'Jeas Jasvls Roussiau, 
citoyen de geneve. 

Jfyn in dtfrm/tuit, fti ht hit qat ttiie fteitndium 
nMnmra fi hMhtnt , cmfiàtrimiiim i§: ^uid fit 
Mdtitrttli. Akiitot. Polilic. L. i. 


A DRESDE. 


M. Dcc uy. 


• 

•• 


AVERTISSEMENT 

Sur tEs Notes. 

J'ai ajouté quelques notes à cet 
Oufvrage : Ces notes s écartent queU 
quefois affez dufujet pour nètre pas 
honncs à lire avec le texte. Je les ai 
donc rèjettées à la fin du Dif cours , 
dans lequel fai tâché de fuivre de 
mon mieux le plus droit chemin. Ceux 
qui auront le courage de recommencer , 
pourront samufer la féconde fois à 
battre les buijfons 5 ^ tenter de par^- 
courir les notes s il y aura peu de mal 
que les autres ne lesjifent point du tout^ 

1*^»— — »— ■ . 111 i ' I J » ■ ■ m t ^ * 

AVIS DU LIBRAIRE. 

LesNoteS'aîoûtces à.çctPu^ragc, auroient 
Couces adèz de rapport au fujec pour être 
xnifes à leur place ; maïs la langueur de 
quelques-unes pourroit faire perdre au Lec- 
. teurje fildu Difcours j - cjeft . pourquûiiin a 
(uivi l'idée de l'Autem: dç les tckiKii h &H 


r 


A LA REPUBLIC^UE 

DE GENÈVE. 

■MAGNIFIQUES, TRES- 
' honoré s, fy- Souverains Seigneurs.- 

i ONVAiNcn qu'il n's^- 
j partient <ju'au Gicoych 
ll vertueun de icnàté i fe 
Patrie des honneurs qu'elle puiflc 
avouer ^ 11 y a trente ans que fe 
travaille à mériter de vous offrir 
Un homnugs public ; BC cette 
hcurcafe pçcfauort fuppl&nt eti 
partie à ce que mes cifoftS li'oilt 
pu faire , j'ai cra qu'il me fcroit 
|>ermis de coniultei ici le Zèli^qili 
.m'anime^ {^usi^iué le. Àoit qui 
devioit m'autotiftr-. AyaittW'fc 
baïAiiai lis' naîtrti^pàfifrt wôus , 
«uiahieitt^fKiaicbiJ--^- (H^di^c 
A ij^ 


w DEDICACE. = 

iùr régalicé que la nature a mifc 
entre les hon^mes & (ùr l'inéga- 
lité qu'ils ont inftituéc , (ans pen- 
fèr à la pro&nde {àgefiè avec la- ' 
quelle Tune & l'autre , licureufe- 
ment combinées dans cet Etat , 
concourent dé la manière la plus 
approchante de la loi naturelle 
•& la. plus ûvorableà la {bcieté, 
au maintien de Tordre public ôc 
au bonheur des particuliers ? En 
.recherchant les meilleures maxi- 
mes que le bon ièns puiflè dicfler 
fiiria contoidon d'ungouver- 
• nement , j'ai été Ci &appe de les 
voir toutes en exécution dans le 
vôtr« , que même {ans être tié 
duis vos murs . j'aurois crti ne 
pouvoir me dinxnfèr à'o&ir ce 
isibleau de la Cbcieté humaine^ 
celui 4c tous les Peuples qui me 
paroît en pofleder les plus grands 
avantages, ^^avf>y:ie. mieux 

|>réyçnu. l^çs ^b«s. 

. Sy'^voi$eaa,ehoi{]i:le:ltàiidé 

jm mSk^ce i f aurais fkÊÏii mfi 


T> Ét> 1^ A CE. « 
focieté d*unc grandeur bornée 
par i étendue des facultés humai-* 
nés , c'eft'à-dire, par la poilibilité 
dTêtre bien gouvernée, & où cha^ 
cun {iifHiànt à fbn emploi , nul 
n^eut été contraint de commettre 
à d'autres les fondions dont il 
étoit chargé \ un Etat où cous Içs 
particuliers fe connoiflànt entre- 
eux ) les manœuvres obfcures du 
vice ni la modeftie de la vertu 
n euffcnt pu fe dérober aux re- 
gards & au jugement du Public , 
& où cette douce habitude de fe 
voir & de fe connoitre , fît de Ta- 
mour de la Patrie lamour de» 
Citoyens plutôt que celui de la 
terre. 

Jaurois voulu naître dans un 
païs où le Souverain &: le Peuple 
ne puflènt avoir qii'un feul ôc 
même intérêt , afin que tous les 
mouyemens de la machine ne 
tcndiflènt jamais quau bonheur 
commun j ce qui ne pouvant (e 
faire à mcân& que le Peuple ôc le 

A uj 


vj DEDICACE^ 
Souverain nc^ foient une mêtnc 
perlonne, il scnfiiit que jauroi» 
voulu naître fous un gouverne- 
ment démocratique , iagemcnt. 
tempéré. 

J aurois voulu vivre & mourir- 
libre , c'eft-à-dire, tellement fou- 
rnis aux loix que ni moi ni per- 
lonnc n'en pût fècouer Thonora- 
blejoug ;. ee joug làlutairc & 
doux 3 que les têtes les plus fiércs; 
percent d autant plus docilement 
qu'elles font feites pour n'en por-* 
ter aucun autre. 

J'aurois donc voulu, que pcr* 
fonne dans l'Etat n'eût pu Te dire 
au-dciïiis de la loi, & que Per- 
lonne au dehors n'en pût.impo- 
(tr que l'Etat fut oblige de recon- 
noître. Car quelle que puiflè être- 
la conftitution d'un gouverne- 
ment , s'il s'y trouve un (eul hom- 
me oui ne (oit pas fournis à là loi , 
touslesautresfontnécellairement 
(ï'*;à la difcretion de celui-là i (*i ) 
Et s'il Y a un Chef national, & ua 


DEDICACE. vif 
aatrc Chef écran gcr , quelqucpar- 
tage d'autorité qiuls puiiknt fai- 
re 5 il eft impoflîble que l'un &c 
Tautre foient bien obéis & que 
l'Etat foit bien gouverné. 

Jen'^aurois point voulu habi- 
ter une République de nouvelle 
inftitution , quelques bonnes loix 
qu'elle pût avoir y de peur que le 
gouvernen^ent autrement conf- 
titué peut-être qu'il ne faudroit 
pour le nfîoment ^ ne convenant 
pas aux nouveaux Citoyens , ou 
les Citoyens au nouveau gouver- 
nement y l'Etat ne fût fujet à être 
ébranlé &: détruit prefoue dès {a 
naiflànce. Car il en eft de la li- 
berté comme de ces alimens fblr- 
des &c fiicculens , ou de ces vins 
.^énéreux , propres à nourrir & 
■ortifier les tempéramens robuC- 
tes qui en ont Thabitude y mais< 
qui accablent y ruinent & eny- 
vrent les foibles & délicats qui 
n y font point faits. Les Peuples 
une fois accoutumés à des Maîtres» 

A uij 


^i^ DEI>1CA 
ncfent plus en état de s'en pzSèe^ 
S'ils tentent de (ècouer le joug y 
Hs. s éloignent d'autant plus de lai 
kbcrté , que prenant pour elle une 
licence efïrenée qui lui eft op- 
pofëe y leurs révolutions les li- 
vrent prefquc toujours à dcsfe- 
du6teurs qui ne font qu'aggraver 
leurs chaînes* Le Peuple Romain 
lui-même • ce modelé de tous les 
Peuples libres , ne fut point en 
état de fè gouverner en fortanc 
deToppremon desTarquins. Avi- 
li par l efclavage & les travaux ig- 
nominieux qu ils lui avoient im- 
poiés 5 ce n etoit d abord qu une 
nupide Populace quilfalut mé- 
nager avec la pks grande fa^efïè, 
afin que s*accoutumant peu a peu 
i retpirer Tair iàlutaire de la liber- 
té , ces âmes énervées ou plutôt 
abruties fous la tyrannie , acquit 
fènt par degrés cette févérité de 
inœurs & cette fierté de courage 
qui en firent enfin le plus refpec-- 

ïable de tous les Peuples. Jaurois 


UEDICAOE, tx 
âonc cherché pour ma Patrie une 
heureufe &c tranquille Répabli' 
que , dont l'ancienneté fè perdît 
en quelque {bite dans la nuit des - 
tcms jrqui n eut éprouvé que des 
atteintes propres à njanifeftcr &c 
affermir oana {es habitans le cou- 
rage èc Tamour de ta Paixie , & 
où les Citoyens , accoutumés dei 
longue main aune fàge indépen- 
dance, fu(tbnCi non-ieulement lir- 
bre&, mais, dignes de l'être. 

J'aurois voulu: me choilGr une- 
Patrie, détournée par une heureu- 
fe impuiilànce du féroce amour: 
des Conquêtes A garantie par une> 
pofition encore plus heureuse de. 
la crainte de devenir elle-même; 
la Conquête d'un autre Etat : Une 
Ville libre placée entre pludeurs: 
Peuples dont aucun n'eût intérêc 
a L'^vahir , & dont chacun eue 
ifitécêc dTonpêcher les autres de 
icnvahff eux-mêmes. : UncELé- 
{Hibliqae;,/en; un mot , qui ne 

IGiuâiifiQiat l'ambition de ^s vo»- 


X VRDICACR 
fins , & qui pût raifonnablcmenc 
conter (îir leur {ècx>urs au be(bin» 
H s'eniùk que dans une pofidon. 
fi heureuiè , elle n àuroit eu rien 
à craindre que d'elle^mènc , & 
que fi fes Citoyens s'ctoiient. exer- 
cés aux arndies > c'eût été plutôt: 
pour entretenir chez eux cette ar- 
deur guerrière & cette fierté dc: 
courage qui fied fi. bien à^ k li- 
berté &qui en( nourrit le goût ,. 
que par la néceflité cfe pourvoir à., 
lEur propre défenfè;. . 

J'àurois cherche un Pàïsou le: 
droit de légifliaaon fût commun^ 
à tous les Citoyens j car qui peut 
mieux (avoir qu'eux : ibus quel- 
les conditions fl/kur convient de; 
vivre enfemble dans une mênae* 
fociété î Mais je n'àiuois pas ap* 
prouvé de* Plebifcites femblables. 
a ceux des Romains où les'Ohefs;. 
de l'Ëtat ôc les plus intéieifês à ^ 
corifetvarion étoicncoxolûs des^v 
délibérations dont fouvcut 4ë4^ 

gcndôitftaiiàbt >. & ou,^ïuû$ï: 


VEDTCACE. M 
âbfûrdeinconfëquenceJcs Magis- 
trats étoient privés des droits dont 
jpuiflbicnt les fîmplcs Citoyens. 
Au contraire, jaurois défiré 
que pour arrêter les projets inté- 
reflës & mal conçus , &: les inno- 
vationsdangereules qui perdirent 
enfin les Athéniens , chacun n'eût 
pas le pouvoir de propolèrdc 
nouvelles Loix à fa fantaific i que: 
ce droit appartint aux (èuls Magit 
tratsvqu ilsen uiàfTent même avec 
cant de circon{peâ:ion ,. que le*. 
Peuple de (on côté fût (i reièrvé: 
a donner fon conlentement à ces; 
Loix^. & que la promulgation^ 
ne put s'en, faire qu'avec tant de: 
folemnité 5 qu avant que la conf- 
tdtution fût ébranlée on eût le: 
6cms^ de fe: convaincre que: 
c'ëft furtout la grande anti- 
quité des Loix qui les rendl&in-^ 
tes & vénérables , aue le Peuple:? 
méprife bientôt celles qu'il voit? 
changer tous les jours , & qxicm 
a^accQUtumantâi neiger les ati^ 



Mh' DEDICACE 
dem u&ges fous prétexte de ùâ- 
te mieux y on introduit (auvent: 
de grand maux pour ea coirigeir 
de moindres. 

J'aurcMsfui fortout, cx)mmc né- 
ccfTairemcnt mal gouvernée > une 
RépubiicHiie où le Peuple croyanc- 
pouvoir le paflcr de fes MagiC- 
trats ou ne leur la^r cpi'une au- 
torité précaire, auroir imprudem- 
ment gardé l'adminifbration de» 
affaires Civiles & l'exécution de: 
fes propres Loix ; telle dut être lai 
grodière confticution des pre- 
miers gouverncmens Ibrtant im- 
médiatement de l'état de Namrc^- 
& tel fut encore un des: Vices qufc 
perdirent la République d'Ar 
thènesi 

Mais j*aurois choifi celle où les; 
particuliers (è-contentant de don- 
ner h fanion aux Loix , & de: 
décider en G)rps& fur le raport: 
des Chefs;, les plus^ itnportanter. 
iû&ir!fô; publiques- , écalbliroienc: 

éBLmbuoamLtcfpc<^ »> en^ dii^ 


I>EDICACE. xftf 
tkrgueroicnt avec foin les divers» 
départemens y éliroicnc d année: 
en année les plus capables &c le& 
plus intégres de leurs Concito- 
yens pour adminiftrer la Juitice: 
& gouverner TEtat , & ou la 
Vertu des Magiftrats portant ainft 
témoignage de la lagcflic du Peu^ 
pic y les uns & les autres s*honorc- 
roient^ mutuellement. De forte 
que fi jamais de funeftes malen- 
tendus vcnoient à troubler la con- 
corde publique ,. ces temsmêmesi 
d'aveuglement & d erreurs fuC- 
irnt miarqués par des témoigna- 
ges de modération , d'eftimc ré- 
ciproque , & d'un commun rel^ 
pedfcpour les Loix-, préfagcs ôc: 
garants d'une réconciliation fin- 
cère & perpétuelle; 

Tels font y Magnihques > 
TRES - Honorées y & Souve- 
rains Seigneurs, les *vantagcsi 
que îaurois recherchés dans lai 
Patrie que je mt ferois choifie. 


xm itedicace: 

Eedc plus une fitiiation charman- 
te 5 un Climat tempéré, un païs. 
fertile, & laipeâ: le plus déli- 
cieux qui (bit fous le Ciel , je n au- 
rois déliré pour combler mon 
bonheur que de jouir de tous ces 
biens dans le fcin de cette heu- 
reufe Patrie ,. vivant paifiblement: 
dans une douce locieté avec mes; 
Concitoyens y exerçant envers* 
eux , & a leur exemple ,. Thuma^ 
laité , lamitié &c toutes les vertus ,, 
& laifïant après moi Thonorabla 
mémoire d*ùn homme de bien ,. 
& d un honnête &: vertueux Pa- 
triote. 

Si, moins heureux ou trop.tardl 
fegCr je m'étois vu réduit a finir 
en d autres Climats une infirme* 
& languiffinte carrière , regret- 
tant inutilement le repos & la: 
Faix dont une jeunene impra- 
dente m auroit privé.; j aurois.da 
moins nourri dans mon ame ces> 
mêmes fentimens dont je n'àur- 

Eois pu faire ufagje (ki&moii paï% 


I 

j 


KDICACK xny 
& pénétïé d une afFcâioii tendre: 
&c de{înjEér€{ïee pour mes Con- 
citoyens éloignés , je leur aurois; 
addrcflë du rond de mon. cœuc 
a peu près le dilcours fuivant. 

Mes chers ConcitoyensjOu plu- 
cot mes frères , puifque les liens^ 
du (àng ainfi que les Loix nou». 
uniflent. pre(que tous y il mefe 
douxide ne pouvoir penfer à vous^ 
uns penfer en même tems a tous; 
ks. bicn^ donc vous jouifïèz ôc 
càont nu We vous peut-être nefcnc 
mieux^le prix que moi qui: les. ai 
perdus. Plus je réfléchis {iir vo- 
tre fituation Politique Si Givile,, 
& moins je puis imaginecx^ue là* 
nature des: chofe humaines puil^ 
feîen comporter; une meilleure;. 
Dans tous les autres Gouverne- 
mens>, qaand il eft queftion daC- 
fiirer le plus graind bien de lEtat v> 
tout le. borne toujours 4- des pro-^ 
"1 midées:, ôc tout au plus a de: 
^ples pbflîbilirés: Pcjur vous>v 

jms& boaheucdàtoui^J^ ^^ 09 



*^/ pEDIC Acm 
faut qu en jouir , & vous n*avcar 
plus befoiii pour devenir parfai- 
tement heureux > que de {avoir 
vous contenter de 1 etre.^ Votre 
Souveraineté aequife ou recou- 
vrée à la pointe de lepée , ôccon- 
ifervée durant deux, (iécles à force? 
de vaiei^ Ôcde iage{&> eft aifin^ 
pleinement & univerfeUement: 
reconnue. Des Traités hono- 
rables^ fixent vos limites > aP 
forent vos droits , & alfermif^ 
fent votre repos. Votre confti-- 
tution eft excellente , àiÙée^ 
par la plus fublime railon , ôc 
garantie par des Puiflànces amies? 
& refpeâ^blcs;yotre Etat eft tranr 

quille , vous: n avez ni guerrcsi 
ni conquerans^à: craindre j vousi 
n a vez point d'autres maîtres que 
de {âges loix que vous avez faites» 
^dminiftrées par des Magiftrats 
in.tégres qui font de votre ichoixç 
vous n êtes ni aflcz riches pouc 
vous énerver par kmoleflè &pcE-r 

di&d^as. de vaincs. dclice&Ji$ gp% 


•*.i 


DEDICACK xvij 
du vrai i3onheur &c des (blides 
vertus ,ni aflèz pauvres pour avoir 
befbin de plus de iècours étran- 
gers que ne vous en procure vo- 
tre induftriej & cette liberté pré- 
eicufe qu on ne maintient chez 
ks grandes Nations qu avec des 
Impots exhorbitans > ne vous 
coûte preique «en à conferver- 
Puiflè durer toujours , pour le 
bonheur de fes Citoyens & Te- 
xemple des Peuples , une Répu- 
blique fi fagemcnt éc fi heùreu- 
fement conftituée l Voilà le feul 
vœu qui vous refte à faire , & le 
{èul foin qui vous refte à pren- 
dre. Ceft a vous feuls déformais y 
non à faire votre bonheur ? vos 
Ancêtres vous en ont évité la pei- 
ne , mais à le rendre durable par 
la tagefTe d'en bien u(èr. C eft de 
votre union perpétuelle ^ de votre 
obéilïànce aux loix > de votre ref- 
pc6l pour leurs Miniftres que dé- 
pend votre conforvation. S'il ref- 
te parmi vous le moindre germe 


xyiij DEDICACE. ^ 
cl aigreur ou de défiance , hatcar- 
vous de le détruire comme un 
levain funefte d'où refokeroient 
tôt ou tard vos malheurs &la ruine 
de TErat : Je vous conjare de ren- 
trer tous au fond de votre Cœur 
& de ccKifulter la voix fècrettc 
de votre confcience. Quelqu un 
parmi vous connoît-il dans Puni- 
vers un Corps plus intégre, plus 
éclairé 5 plus f eipeâiable que ce- 
lui de votre Magiftrature?Tous fts 
membres ne vous donnent-ils pas; 
ï exemple de la modération , de 
!a fimphcité de mœurs , du reC 
pc6t pour les loix & de la plus finr- 
cére reconciliation? Rendez donc 
fans referve à de fi fages Chefe 
cette {àlutaire confiance que la 
raifon doità la vertu^fongez qu'ils» 
font de votre choix 5 qu'ils le jui- 
tificnt 5 & que les honneurs du» 
à ceux que vous avez ,conftitués 
en dignité retombent nécefïàire- 
ment (ur vous-mêmes. Nul de 
vous n eft aflèz peu éclairé poun 



IfEDICACK xix 
lorcr qu où ceflc la vigueur 
; loix & l'autorité de leurs dé- 
fcnicurs , il ne peut y avoir ni 
ûireté ni Hberté pour perfonne^ 
De quoi s'agit-il donc entre vous^ 
que de faire de bon cœur avec 
une jufte confiance ce que vous^ 
feriez toujours obligés dcîairc par 
un véritable intérêt, par devoir, Se 
pour la raiiba. Qu'une coupable 
&; lunefte inditterencc pour le* 
maintien de la conftitutioa ^ ne 
vous fàffè jamais négliger au bc- 
£)in lesfages avis des plus zél^ 
d'entre vous : Mais q^c Kéquité„ 
k/nodération , la plus refpcc- 
meufe fernieté, continuent de ré- 
gler toutes vos démardies Se de 
montrer en vous à tout l'univers 
l exemple d'un Peuple fier &c mo- 
defte:>açfli jaloux de {a gloire que 
de (à liberté. Gardez - vous , uir- 
tout & ce fera mon dernier Con- 
feil , d'écouter jamais des inter- 
prétations finiftres & des difcours 
eaveaimés donc Les motifs fec£el5^. 


3CX DEDICACE: 
font fouvcnt plus dangereux que 
les actions qui en font lobjct. 
Toute une maifon s'éveille & fe 
tient en aUarmes auk premiers 
cris d'un bon & fidèle Gardien 
qui n aboyé jamais qu a lappro- 
che des Voleurs j mais on hait 
limportunicé de ces animaux 
bruyans qui troublent fans cefle 
fe repos public 5 & dont les aver- 
riflèmcn? continuels & déplacés 
ne fo font pas même écouter aa 
moment qu ils font néceflàires. 
Etvous, Magnifiques et: 

TRES -HONOREES SEIGNEURS J 

vous dignes & rcfpe6bbles Ma- 
giftrats d'un Peuple libre y per- 
mettez-moi de vous offrir en par- 
ticulier mes hommages & mes 
devoirs. S'il y a dans le monde 
un rang propre à illuftrer ceux 
qui l'occupent , c'cft fans doute 
celui que donnent les talens &: la 
vertu 5 celui dont vous vous êtes 
rendus dignes , & auquel vos 
Concitoyens vous ont élevés. 


DEDICACE.^ xxj 
Leur propre mérite ajoute en- 
core au votre un nouvel éclat, èc 
choifîs par des lK)mmes capables 
•d'en gouverner d'autres , pour les 
gouverner eux - mêmes , je vous 
trouve autant au-defTus des autres 
Aiagiftrats , qu'un Peuple libre » 
&L mr-tom celui que vous avez 
l'honneur de conduire , eft par 
{es lumières & par (z raifbn au- 
ÀdSis de la populace des autres 
-£tats. . • : ■ 

. :. Qu'il me foie permis de citer 
un exemple dont il devroic res- 
ter de meilleures traces , ôc qui 
fera toujours présent àmonCœur. 
Je ne me rappelle point fans la 
plus douce émotion la mémoire 
du vertueux Ciijoyen de qui j'ai 
leçu le jour , âc qui (ouvent en« 
tretint mon en^ce du r^peâ 
^ui vous éix^itxiû. Je le vois en- 
jeore vivant du travail de Cts 
maim , .& nourriflànt Cm. amc 
•desi(\6exit^ les plu$ fuhlimes. Je 


jxxîj DEDICACE. 
.tius , mêlés dcvanc lui avec les 
inftrmneiis de fbn mcticri Je 
vois à fès côtés un fils ehédxccC' 
vant av£c trop peu de finit les 
tendres inftruâiions du meilleut 
<dcs Pères. Mais fi les égaremens 
cl'une folle jeuneflè me farent our 
blier durant un tems de fi {kges 
leçons , j ai le bonheur d'-éprou- 
ver enfin que quelque penchant 
«qu'on ait vers le vicc^ il dft diffi- 
cile quune éducation dont, le 
vCŒur le 'mêlercftc perdue pour 
130ujours.:L .. . . • 

Tels font jMacnihques et 
^res-honore's Seigneurs , les 
Citoyens ôç même : les fimples 
Jiabitans nésdans l'Etat que vduis 
fiouyerneE -, tels font ces hammès 
énibuits & {ètif^i dont', ^us le 
nom d'Ouvriers '& de Peuple, 
on a chez les autres Nations des 
idées fi bafiès..ôc.fi fauflès. Moei 
Fécc, jfflsorouc avccij(^, atétoit 
|)oim dtfling^é p2Emi^fes^é6nd>- 


DEDICACE, xxiij 
lont tous , &c tel qu'il étoit , il n'y 
A point de Pa'is ou (a {bcieté n'eÛ£ 
été recherchée , cultivée , ôc mê- 
me avec fruit , par les plus honr 
nêtes gens. U ne m'appartient 
pas, ôc grâce au Ciel , il n'eft pas 
nécedàire de vous parler des 
€gards que peuvent attendre de 
vous des hommes de cette trem«- 
pe , vos égaux par l'éducation , 
AÏnii que par les droits de la na- 
ture & de la naidànce j vos infe<- 
rieurs par leur volonté , par la 
préférence qu'ils dévoient à votre 
mérite , qu'ils lui ont accordée , 
ô^ pour laquelle vous leur devez 
il votre tour une ibrte de recoiL- 
noiâànce. J'apprcns avec une vi^ 
ve (siûs^^on. de combien de 
.douceur de de condefcendance 
vous tempérez avec eux la gra<- 
vite convenable aux minifires 
des U>ix > combien vous leur 
fcn^z en ^time ik en attendons 
cç; qulls vous deivcot -d'Qbçif+ 


xxiv DEDICACE. 
pleine de jufticc & de fagcflc 9 
propre à éloigner de plus en plus 
la mémoire des événemens mal- 
heureux qu il faut oublier pour 
ne Jcs revoir jamais ; conduite 
d autant plus judicieufe que ce 
Peuple équitable & généreux Ce 
fait un plaifir de fon ckvoir , qu il 
aime naturellement à vous ho- 
norer, & que les plus ardens à 
(eutcnir leurs droits, font les plus 
jportés i rcfpecSter \cf vôtres* 

* Il ne doit pas être étonnant que 
les Chefe d une Société Civile en 
aiment la gloire & le bonheur , 
mais il lefttrop pour le repos des 
hommes que ceux qui fe regar- 
dent comme les „ Magiftrats , ou 
plutôt comme les maîtres dune 
Patrie plus iainte & plus fiiblime , 
témoignent quelque amour pour 
la Patrie terreftre qui les nourrit. 
Qu'il m eljt doux de pouvoir faire 
en notre iavetia: une exception fi 
care\ ^iplaGa0auii-ang .de nos 

ffteiueuff vCitoyàssi^ ^ees zélés àér 

poiiMircs 


T>ËDICACE. x»^ 
pdfkâires des dogmes (àcrés aucô* 
rifés pzi k$ loix , ces vémétablei 
Paftcurs des âmes , donc ia vivel 
& douce âoquence porte d'autant 
tmeux dans les Coeurs les im^'' 
mes de i'Evs^gile , qu'ils com-^ 
mencent- toujours par les prati-* 
xMier eux-mêmes i Tout le moïi-i 
de iàic avec qUei (ùccès le grand 
art de la Chaire cft cultivé à Gc- 
jtiève -, Mais , i$op accoutumé) à 
Vok dire d\itttf manière éc fe»i^ 
d'une autre ,{*éa de Gens favéne 
ju{qua qmd point IcCpirit dd 
Chriftianiûsie , la (àinteté des 
mceurs, laiëvérité pour {(M-mè^ 
fnc &: la douceur pour âfutn«,4é^ 
gnent dans le^Cc^ps de rtOS Mh 
niftrcs* Peut-être appârtieiïc-^ 2 
la ièuîe Vifle de Genève de a\àti^ 
ircr l'exemple éctifiant d'une 3àÀ\ 
pa^itô ijttâpA entre Mte Soéi^ 
dé^l^héi^gi^^ &< d& âé^ d^ 
LcttrèSi'G*<ft' ^'g^ldë- iâStfeî 

tËQfk^ïe(Sénàu^Gh«iiâiridto^â^ 

B 


xxvj DEDICACE. 
pour la prorpéricé de ÏEait que 
je fonde Ic^ir de fôn écemelle 
tranquillicé ^ & je remarque avec 
un plaidr mêlé d'éc(Mincmenc & 
de re{peâ, combien ils ont d'hor- 
reur pour les aiFreufès maximes 
de ces hommçsifàcr^ &(■ barba- 
res dont THiftoire fournit plus 
d'un exemple , & qui , pour ibu- 
tenir les prétendus droits de Dieu, 
c eft-à-dire,leurs intérêts , étoient 
d'autant moins avares du £mg 
humain qu'ils (è âattoient que le 
leur fèroit toujours refpede. 

Pourrois-je oublier cette pré- 
cieufè moitié delà République, 
qui fait le bonheur de l'autre ^ 
&; d(Hit la douceur de la fàgellè 
y maintiennent la paix & les bon-i 
nés mœurs? Aimables & vertueu- 
fes Citoyênnesjle fort de votre Ic^ 
xe fera toujours de gpuvçrner 1§ 
nôtr^.Heur^ux|quand vôçteçhajQ 
tfi çaaypir,t3£6tçç fèulemeQÇ pani 
l'unie» conjugale » ne te fait Çm-i 
Ôx que pour ù gloire, de ïtm 


DET^ICACB. xx'vf 
8c le bonheur public. Ceft ainli 
^ucles femmes commandoienc 
à Spaixe , & cdk aind que vous 
méritez de commander & Genè- 
ve. Quel homme barbare pour- 
roic relifto: à la voix de l'iion' 
neur & de la raiibn dans la bou-^ 
che d'une tendre épou(è -, fie qm; 
ne mépri{èroit un vain luxe . e» 
voyant votre (impie fie moacftc 
parure jqui^par l'éclat qu elle tient 
de vcHK . femble être la çlus fa vo«' 
table à la beautés Ceft à vous d& 
maintenir tou|outs par Votre ai-^ 
niable fie innocent empire fie pi»* 
votre eiprit in(inuant,ramour des 
loix dans l'Etat fie la Concorda 
parmi les Citoyens i de réimir paf 
d'heureux mariages les famillei; 
divifêés , fie fiir^tout . de èànU 
gec(>ar la perfùafive aoûceutàé 
vos leçons fie par les grâces mo^ 
àcÙxs de .votre entretien i les tra-. 
vtrsque.^os ^jeunes Gens vont 
prendre en d autres piHs i d'où , 

aalièu;de.taat de chôfcs miles^ 

B ij 


xxviij DUPICACE. 
èoïit ils pou]:roient profita', ils ne 
taïQpfJ/itç&Xn avec un ton puérile 
&d6s 9Ù$ lidicules pris pirxni des 
léouncs perdues > que l'admira^ 
don de je ne fài quelles préten- 
d^^ grandeur» nivoles dédo- 
magemens de la fervitudè , qui 
ne vaudront jamais l'augiiâe li- 
berté. Soyez donc touioun ce 
eue vous êtes , les chaues gar- 
aennes des mœurs & les ooux 
li^sde laiKux,. £c continuez de 
împ valoir en tdute occafîon les 
droits du Cœur â^ de la Nature 
SMi profit dja devoir ôc de lavcrtu. 
^ je me flatc de n'être point dé- 
fioenti par révcnemcnt > en fon- 
dant, mr de tels .garants Teipoir 
4u<QÔ@iheur c<»i»nun des Qto^ 
V6i)s & de . la gloire à& lacRépor 
plique. X^V^me quavcctoMS ces 
avantî^es , elk ne briUera pas de 
cet éçl^ç dont la plûparti<(des yeux 
fimçiblQi^s ^doQt le$>uenle S? 
fiinefte gpûcjeft kplusmonel en^: 
i^tm dii b^MDÉAQâi^ileUtbei!^ 


( r 
X 


. DEDICACE. XJiix 
té. Qu'une icundlè dtffolue ailte 
chercher ailleurs des pUitirs facia- 
les & cie longs repentirs. Que les 
prétendus gens de goût admirtint 
en d autres lieux la grandeur des 
Palaisjbi beatité des equipagesjes 
TuperDes ameuhlemens, la pompt 
des {pe(Stacles , & tous les rafîne- 
mens de la motcflè çk du luxe. A 
Genève , on ne trouvera que des 
hommes , mais pourtant un tel 
fpe&3Lc\e a bienfbn prix , fle ceux 
qui le rechercheront vaudront 
bien les admirateurs du refte. 

I>aignez^ A G N I F I Q.U E s , 
tre's-honore's et Sou-^ 
vERAiNs Seigneurs , 
recevoir tous avec la même bonté 
les re{pe(5fcueux témoignages de 
Tintérêt que ie prends à votre 
profpérite commune. Si j'étois aC- 
lez malheureux pour être coupa- 
ble de quelque tranfport indifcret 
dans cette vive efFufion de mon 
Cœur , je vous (ùpplie de le par- 
donner a la tendre atfe£tion d'un 

Biij 


:exx^ DEDICACE. 
vrai Patriote , & au zèk ar^nt 
i& légitime d'un homme qui n*en- 
vifàge point de plus grand bon- 
heur pour lui-m«ne que celui de 
vous voir tous heureux. 

Je (ùis avec le plus pro^d 
fefpcâ> 

MA6N1FK2UES y TRE'S^HONORE'S , 
ET SOUVERAINS SEIGNEURS , 


^ni^^L ' P Votre très-humble & 
.3IX. Juin 17 ^4. obciflant fer vitcur & 
- ■ ' Concitoyen, 


lEAN JAC^JES ROUSSEAU^ 



XMXJ 






QpQpqpQP^^P*^'^ 


PREFACE. 

LA plus utile & la moins avan- 
cée de toutes les connoiflàn- 
ces humaines me paroît être celle 
(de l'homme ( * x. ) , & j'ofe <lirc(» »•) 
que la feule inicripcion du Tenv 
pie de Delphes contenoit un Pré- 
cepte plus importjuit & plus diffi- 
cile que tous les ^ros Livres des 
Moralifles. Auffi je regarde le fît- 
jet de ce Difcours. comme. une 
des quefliions les plus intcreflàn- 
tes que la Philofophiç puiflè pro- 
pofer ^& malh^ureufement pour 
nous, comïne;wie des plus épi- 
U$u^ que les Philofôpnes puif^ 
fent rétoudtç ;: Car comment 
connoître la k>urce de l'inégalité 
parmi les hommes , fi l'oii ne 
commence par, les ccMinoître eux- 
m^me$ ? &ï co^iment l'homoae 

Biuj 


iexMtj PREFACE. 
yieiidca-t-iLà bout de {b voit tel 
que Ta. formé la Nature > à tra^ 
vers tous les diangemens que 
k fùccefËon des tems & des cho- 
ies a dû produire dans ùt confti- 
tution originelle y & de démêler 
ce qu'il tient de ^ propre fonds 
d'avec ce que le$ circonibsces. Se 
fks ^grès ont ajoôté ou changé 
à {on Etat primitif ^Semb^Ie à. 
k (btue de (Sauças que k tjcmsi, 
kmer & les orages avoient td^ 
kment défigurée) qu'elle te^m* 
Uoit moins à un Dieu qu^i ohe 
Béte féroce , l'attie humaine al^ 
térée au (èin de k fbciété par mil-* 
le caufes iàns ceiOe renaiikntes > 
par racquifîticm d'aune multi^ 
eade dp connoi^nces & d'er* 
rei^s, piï ks chângeimens atii^ 
vhsk la conôic4Jtioû4^Gprp!^ Se 
|)ar le choc continuiel des pafliôns, 
a , pour ainfi dire , changé d'ap-' 
paaretïce au point d'êtrie prefquc 
iHéconnçiflàble j & Ton n'y re- 
irnsm pK^ au lieu d'ua Etre a^ 


TKEV AC K xxxiif 
/int toujours: par des Pciacip^» 
cercains èc invariabks , aa lieu de 
cette Cdeîk fie ipajeftucaafè Ân^ 
plicité doiic {aa Auteux l'ayoic 
empreinte, que le diâbrme con- 
tralte de la pailîoa qai' croie rai-» 
icHiner ôc de retitendemfint en 
délire^ 

Ce ^u il y a de pf us cruel en-^ 
coce , c eft que tjousles progrés dd 
ÏËJ^ce humaine 1 éloignant ^^ 
celle de ibn état primitif, plus 
BOUS accumulons de nouvelles- 
connoiâànces,& plus nous nous 
otons. les moyens d'ac(perir la 
plus importante de tonce^ de que 
c'eft en un fens à. force d'étucuei!^ 
l'homme que nous ûous fommés- 
mis hors c'état de le connoître.. 

fl elt aile de voir que c'eft dans» 
ces changeméns fùccefTifs de k' 
Qonfkitution humaine ^uii faut! 
chercher la première dngihedesî 
diâéreriçes qui diâjnguenc lesr 
àonunes , leuiuelsxi'uçt comittUffA 
SMUC^L Çaat natuieUemenc auââ<i 

Bv 


)fcxxiv PREFACE. 
égaux critr'eux que Técoient lés 
animaux de chaque eipéce y àvanc 
que diveries cauics Phyfiques euf- 
{eut introduit daiis quelques^mes 
les variétés que nous y remar- 
quons. En cftèt , il n'eft pas c«i- 
cevabk que ces premiers chan- 
gemens , par quelque moyenr 
qu ils (oient arrivés , aient altéré 
tout à la fois & de k même ma-- 
niére tous les Individus de Tcfpc- 
ce;t|nais les uns s'étantperfeâîon- 
nés ou détériorée) Ôc ayant acquis 
di verfesqualités bonnes ou mau- 
yaifes gui n'étoicnt point inhc-^ 
fentes a leur Nature^ les autres 
lefiérent plus long-temsdans leur 
Etat originel ; & telle fut ^armt 
1^ hommes la première tourcc- 
de Tînégalité , qu*il eft plus aifé: 
de démontrer ain(i en général „ 
que d!en affigner avec précifiom 
les véritablfts catifës.. '^ 

Qixe mes teâeurs^ ne ^*imagi- 
«entt donc pa s que j-c^, me flàt^ 

ici: dlavoin vtil ce qpi me paroa- 


fi (JîlEcilc à voir, j'ai commencé 
quelques raffonnemcns ; J'aiha- 
zardé quelques conjeéhires , 
moins dans l'e{poir de refoudre 
la queftion que dans l nitention 
de réckircir & de la réduire à fon. 
véritable état- D autres pourront 
âifément aller plus loin dans la 
même route , fans qu*il fott facile 
a perfonne d arriver au tcrme^ 
Car cenelt pas une légère entre- 
prife de démêler ce qu'il y a d o- 
riginaire & d^'artificiel dans b 
Nature aéituellé de P-homme , 6c 
de bien connoître un Etat qui 
nexifte'^lusy qui n'a peut-être 
point exifté y qui probablement 
n'exiftera jamais , & dont il eft: 
pourtant néceflâire d'avoir des 
Notions juftes pour bien juger de 
notre état préfenr. Il faudroit mê- 
me plus de Philofophie qu on ne 
pente à celui qui entrcpréndrbit: 
de déterminer cxàéfement \t& 
mtécautiom à prendre pour feirè 
wr ce foiec d« foUdcs obfetva^ 


rxxnj] PREFACE. 
dons i & une bonne fuliition d^ 
problème fuivànt ne me paroi- 
troic pas indigne des Adftotes fie 
des Punes de notre fîécle. «i^i/». 

txpériemes fcroicm néceffairiispaur^ 
parvemr i cQnndtre thamme na^ 
turel s ^ qatlsfont les mcycns de- 
foire ces expériences au fem de U, 
ftciété ^ Loin d*entreprendre de: 
réioHdre ce Problmie ^ je crois, 
en avoir a0cz médité le Sajet y, 

J)our oicr répondre d avance que. 
es plus grands; Philofophes ne: 
feront pas ffop bons pour dirigea: 
ces expériences > ni les pbis puif^ 
i^nts iouverains pour les. faire ;j 
concours auquel il n elï guéres> 
railbnnable des attendre>{îir- tout; 
avec la pcrfeverance ou plutôt la^ 
mcceflion de lumières & de bon- 
ne volonté néceflàire de part fit 
d*autrç pour arriver au (îiccès. 

Ces recherches ii difficiles àt 
faire, &. auxquelles on a fi peu^ 
^ngéjufqu'id, font pourtant le& 

hm tn0]çeos^uia(^s, reftcnç. d^ 


FREP'ACE. xxxvif 
lever une multitude de difficultés 
qui nous dérobent la coniioif^ 
fance des fondemens réels de la 
ibciété humaine. C cft cette igr 
norance de la nature de rhom-« 
me qui jette tant d'incertimde &c 
cl obîcurité fiir la véritable défini* 
tion du droit naturel i car Tidée 
du droit , dit Mr. Burlamaqui > 
& plus encore celle du droit na- 
turel y font manjifèftement desr 
idées relatives à la Nature de 
l'homme. Ceft donc de cette Na*. 
tiire même de Thcmme , conti-^ 
nue-t-il ^de (à conftituiion & de 
fon Etat qu il faut déduire les. 
principes cfe cette icience.. 

Ce acft poiqt {ans {urprifè ôc, > 
£ijtts rcandale qu'on remarque ie, 
peu d'accord- qui régne fur cette 
importante matière entre les di- 
vers Auteurs , qui xn ont traite. 
Parmi les plus graves Ecrivains^ a. 
Çeinc en trouYertroa deux qui, 
Ipient 4u même avis (vh: ce point^^ 


.,!•*■ 


-^ .-. 


fKETACE.^ xxxix 
de rai{cMi , c cft-a-dirc , à l'hom- 
me ^ la compétence de îa Loi 
naturelle ; mais définifl&nt cette 
Loi chacun à (a mode , ils Téta- 
bliflcnt tous fur des principes fi 
métaphifiqucs,qu'il y a même par- 
mi nous ,bien peu db gens en état 
de comprendre ces principes , 
loin de pouvoir les trouver d'eux- 
mêmes.Dc forte que toutes les dé- 
finitions de ces favans hommes ^ 
d ailleurs en perpétuelle eontra- 
dicSlion entre elles ^ s'accordent 
feulement en ceci , qu il eft im- 
poflitrie dxntendre la loi de Na- 
ture & par conf^quent d'y obéir, 
fans être ua très-grand raifbn- 
ncur & un profond Mécaphifi- 
cien. Ce qui fîgn ifieprécifeiment 
que les hommes ont dû emplo»-- 
yer pour rétabltfïcment de la fb- 
ciété , des lumières qui ne fe dé- 
veloppent qu'avec beaucoup de' 
peine & pour fort peu de gens^ 
dans le fëin de la fbeiété même.. 
Cëonoiilafit ii peu la Nature j. 


x( PREFACE. 

te s'accordant Ci mal fur h £cns^ 
du mot Loi y il feroic bien difficile 
de convenir d une bonne défini- 
tion de la Loi naturelle. Auffi tou^ 
tes celles qu on trouve dans le* 
Livres , outre le déiaut de n être 
point uniformes^ ont- elles encore: 
celui d être tirées de plufieurs- 
Connoiflàiices que les nommes 
n ont point naturellement , &c 
des avantages dont ils ne peu-* 
vent concevoir l'idée qu après 
être fortis de TEtat de Nature. 
Ou commence par rtchercheE 
les régler , dont y pour lutilité 
commune^ tl (èroit à propos que: 
les hommes convinficnt entr'euxi 
& puis on donne le nom de Loi 
naturelle a la collection de ces 
régies y (ans autre preuve que le; 
feien qu on trouve qui réfufteroit 
de leur pratique univcrfellie- Voila; 
aflurément une manière trèsr^ 
commode de compofer des défL-. 
nitions > &c d'expliquer la nature: 
des choies par des. convenances 
prefque arbitraires;. 


TKETACE. xii 
: Mais tane que nous ne con* 
ndîtroos point: i'hofpme naturel » 
c^eft en vaia que nous voacirons 
détenniner la' IM^ qu'il a reçue 
ou cdle gui convient le mieux 
à {à. cŒiftiCution. Tout ce que 
nous pouxrcms voir très - claire- 
ment au ru}etik cette Loi , c*e{l: 
2ue non-fèuieipènt pour qu'elle 
nt 11,1^ iliàut jope kvoloncé de 
c^uiqa'dk obtige puiilè s y ibu. 
inetxre avec conndiuànce : Mai; 
qufil iàut encore pour qu'elle (bit 
Skaturelle qu elle parle imni^éclia- 
temeht par la vcàx de la Nature» 
Laidànt donc tous les livres 
icientifîques qui ne nous appren-- 
nent qu a voir les hommes teU 
qu'ils iè (ont i&its , & méditant 
ivBt les premières & plusrijmpies 
opératicHis ;de i'iVme numaifie J'y 
crois apercevoir d^ux principes 
antérieurs à laraifônj dont l'un 
nous intéreflè ardemment à notre 
bien-être & à la conjfervation de 
iii3u&4nànes> & l'autre tK»i$ in£* 


xtij PRÉFACE. 
pire une répugnance natui^Ie â 
voir périr ou foufïnr tout Etre 
fenfibie & principdement nos 
fèmblables. Ceft du concours & 
de la combinaifbn que notre df- 
prit eft en état de faire de ces 
deux Principes , (ans qu'il (bit 
néceflàire d'y raire entrer celui 
de la (bciabilité , que me paroiî^ 
(ènt découler toutes les régies du 
droit naturel j régies que k raifbn 
cft enfuite forc& de rétablir (ùr 
d'autres fondemens , quand par 
{es dévelôppemens {ùcceflîfs elle 
eft venue a bout d'étoufifer la 
Nature. ^ 

De cette manière , on n*cft 
point obligé de faire de l'hon»* 
ine un Philofbphe avant que d'en 
Élire un homme^ (es devoirs en* 
vers autrui nelui font pas unique-» 
/ ment did:^ par les tardives le- 
çons de la Sagefle ; & tant qu'il 
ne refiftera point à l'impùllion 
intérieure de la commiféracion , 
il ne fera jamais du: mail un au^ 


ffe iïommé ni même à aucuÀ 
Etre fenfible, excepté <lans le cas 
légitime ou fa conlèrvation fe 
trouvant intéreffée y il eft obligé 
de fe donner la préférence à lui- 
même. Par ce moyen , on ter- 
mine aufli les anciennes difputes 
fiir la participation des animaux 
à la Loi naturelle : Car il eft 
clair que, dépourvus de lumières 
& de liberté , ils ne peuvent rc- 
cohnoître cette Loi i mais tenant 
en quelque chofe à notre nature 
îpar ta fenfibilité dont ils font 
doués , on jugera qulls doivent 
auffi participer au droit naturel , 
& que rhomme eft afliiictti en- 
vers eux à quelque efpéce de de- 
voirs. Il (èmble , en effet i que 
fi je (ùis obligé de ne faire au- 
cun mal à mon (èmblable , c eft 
moins parce qu il eft un Etre rai- 
fonnabie que parce qu il eft uiî 
Etre fènfible ^ qualité qui étant 
commune à la bête & à 1- horûme, 
doit au moins donner à huie le 


' 


xttv TJtBfACE. 

«Iroit de n'êcre poiniç makrâitée 

inucilement fax i îuitre. 

Cette niême étude de Thcnh* 
me originel, de £b$ vrais be{oins , 
^ des principes fondamentaux 
de {es dev<»fs , eft encore k 
fèul bon moyen qu'on puiflè 
employer pour lever ces fou- 
les de difScultés qui fè pré^ 
Êrntent {m l'origine de l'iné- 
galité morale , (ùr les vrais 
S>nclemens du Corps politique » 
fur les droits réciproques de {es 
membres , & fur miUe autres 
qucftions Cemblables . auffi im" 
portantes que mal éclaircies. 

En conudérant la iockté hu- 
maine d'un regard tranquilk & 
defîntéreffê , elle ne iemmc mon« 
trer" d'abord que la violence dc$ 
hommes puifl&ns &c répprciîkw 
des foibles j l'efprit ferévwte con- 
tre la dureté des uns ; on eft porté 
à déplorer raveuglemcnt des au- 
tres ; & comme rien h'cft moins 
âable parmi les hommes que ces 


PJLEFACB. Mt> 
ilélackMis extérieures que le har 
zardprocliut plus (buvent que la; 
fàgeflè , & qu'on appelle f bibl^ 
Ce ou puiflàncc , ricncflè ou pau- 
vreté, les étal^flêmens humains- 
jaroiflènt au premier coup d'odl 
xmdés iùr des monceaux de Sa-^ 
ble mouvant ; ce n'cft qu'en les 
examinant de près , ce n'eft qu'a- 
mes avoir écarté la pouflîére de 
le {âble qui environnent l'Edifi- 
ce , qu'on apperçoit la bafe iné- 
branlable fur laquelle il eà éle- 
vé , & qu'on apprend à en reC- 
Fcâcr les fondement Or (ans 
étude {crieufe de l'homme , de 
ics facultés naturelles , de leurs 
développcmens fijccéflife , on ne 
viendra jamais à bout ae faire 
CCS xMiiî^ons a $c de. Çépa,tf$ 
dans l'aâuelle conftituciou. des 
chôfesjce qu'a fait la volonté di- 
vine xîavec ce que l'art humain 
a prétendu £me. Les recherdies 
Colidques Hc racnales amoquelles» 


xtvj PREFACJË 
don que j'examine > font donc 
utiles de toutes manières, & Thit- 
tx)ire hypotérique clés gouvcrnc- 
mens> eft pour l'homme une le- 
çon inftmâive à tous égards. En 
confidérant ce qttfe nous ferions 
devenus , abandonnés à nous-mê- 
mes , nous devons apprendre à 
bénir celui dont la main bieni^* 
(ànte , corrigeant nos inftimtions 
& leur donnant une afiiéte iné* 
branlable > a prévenu les déibr- 
dres qui devroicnt en réfiilter , & 
ùk naître notre bonheur des 
moyens qui fèmbloient devoir 
combler ^tre mifére. 

Quem te Deus ejfe 

Jmfit^&humAnâ qnk farte locatus es in re, 
Difce» 


QUESTION 
Vrofofée p/vt l'^/id/me deDijo», 

Quelle eft l'origine de l'inégalité 
parmi les hommes , &: fi elle eft au- 
totifçe pM ULoiiM^tureJtei 


DISCOURS 

SUR. 
L'ORIGINE ET LES FONDEMENS 

DE VI1:IEG ALITE 

PARMI LES HOMMES, 

'E s T de l'homme que j'ai à 
parler,&l2 queftîon que j'é-, 
xaminc m'apprend que }c 
vais parler à des hommes; 
car on n'en propofc point de fem- 
blablcË quand on craint d'honorer la, 
vérité. Je défendrai donc avec con- 
6ançe la caulè de l'humanité devant 
les fages qui m'y invitent , âc je ne 
lèrai pas mécontent de moi-même fi 
je me rends digne de mon fu ja Sx. de 
meç juges. . 

. .Je çon^pisdanslE^écchpmaine 
4^ ibttes4'inçf^ites j L'ui^ que j'a- 
pellç ndcui:çùe ou Ph4îque ^ paçcc 
qu'eUt câ ciablic pu U^ Nature, &. 


a Discours, 
qui confiftc dans la différence dtes 
âges, de la famé, dts forces du Coi^^s, 
& des qualités de TEfprit ou de fA- 
me; Uâutrc qu'on peut appellcr iné- 
galité morale ou politique , parce 
qu'elle dépend tfunc forfe de con- 
vention , & qu'elle cft établie , où du 
moins autorifée par k confentement 
des Hommes. Celle-ci confifte dans 
les différents Privilèges dont quel- 
ques-uns jouifloit au préjudice des 
autres , C(;mme d'être plus riches , 
plus honorés , plus PuîflarKS qu'eux , 
ou même de s'en faire obéir. 

On ne peut pas demander quelle 
cft la fource de Tînégalité Naturel- 
le, parce que la réponfe fe trouveroît 
énoncée dans la fîmple définition du 
mot : On peut encore moins cher- 
cher , s'il n'y auroît point quelque 
liaifon eflèntîelle entre les deux iné- 
galitésjcar cefctoit dcmander,en d'au- 
tres termes , fi ceux qui commâtidtrvt 
valent néceflairement mieux que 
ceux qui obéifiênt $ & (i la force du 
Corps ou de rjEfprit , la fageflfe oui Itf 
vertu , 'rë frpiivent tic^jaarîi^ âànS'les 
niêrhcii mdî\fiiiqs' , en '|w-e]^i^è>#4âè 
là Ptiîflàric^V où delà' R4<l*ir6ÇQtii!ï? 


Discours. ^ î 

STclaves entendus de leurs Maîtres » 
mais qui ne convient pas à des Hoir», 
mes raifonnables & libres , qui cher« 
chent la vérité. 

De quoi s'agit^l donc précifément 
4ans ce Difcours ) De marquer dans 
le progrès des chofcs -, le moment oà 
le Droit fuccedant à la Violence , la 
Nature fut foumife à la Loi ; d'expli- 
quer par quel enchaînement de pro- 
diges le fort put ic refoudre à iervit 
le foible , & k Peuple à acheter un 
repos en idée , au prix d'une félicité 
réelle. 

Les Philofophes qui ont examiné 
les fondemens de la fociété , ont tous 
£enti la néceflîté de remonter jufqu'à 
rétat de Nature , mais aucun d'eux 
n'y eft arrivé. Les uns n'ont point 
balancé à fuppofer à l'Homme dans 
cet état , la notion du Jufte & de Tln- 
jufte, fans Ce foucier.de montrer cuil 
dût avoir cette notion , ni même 
qu'elle lui fût utile : D'autres ont par- 
lé du Droit Naturel que chacun a de 
conferver ce qui lui appartient , uns 
expliquer ce qu'ils entendoient par 
appartenir s D'autres , donnant a a- 
bord au plus fojrt 1- autorité fur le plus 
Voibic , esit a»0Gi-tôt ait naître 

c 


'4- Discours. 
le Gouvernement , Ëtns fongcr an 
tcms qui dut s'écouler avant que le 
iens des mots d'autorité /& de gou- 
vernement pûtexlfter parmi les Hom- 
mes : Enfin tous , parlant £ms ceiïè 
de befoin ^ d'avidité , d'oppreifîon ^ 
de défirs y Se d'orgueil » ont trans- 
porté à l'état de Nature , des idées 
au'ils avcMent pri&s dans la fociété ; 
s parloicnt de l'Homme Sauvage , 
& lis peignoient l'homme Civil. Il 
ji'eft pas même venu dans l'efprit de 
la plupart des nôtres de douter que 
rétat de Nature eût exifté , tandis 
qu'il eft évident , par la leâure des 
Xivres Sacrés , que le premier Honv- 
me ayant re^ immédiatement de 
Pieu des lunueres & des Préceptes , 
n'étoit point lui-même ^ns cet état y 
& qu'en ajoutant aux Ecrits de Moi- 
fe la foi ^ue leur doit tout Philof^ 
phe Chrétien , il faut nier que y mê- 
me avant le Déluge , les Hommes 
€c foient jamais trouvés dans le pur 
état de Nature , à moins qu'ik n'y 
foient retombés par quelque Evéne- 
ment extraorctinaire : Paradoxe fort 
cn^banraffimt à défendre 9& tout à âlc 
impofiîble à prouver, 
«^ommaiçons dofic pa ccartejF 


î) I s c o u n s. f 

Kms les faits , car ils ne toudienc 
point à la queftion. Il ne faut pas 
prendre ks JSLechcrchcs , dans lef* 
quelles on peut entrer fiir ce Sujet » 
pour des vérités hiôoriques , ma» 
leukmeiit pour des raifonnemens 
hvpothédques & conditionnels ^ 
plusjproprcs à, éclaircir la Nature des 
cho(es • <pi*i montrer la véritable ori- 
gine, èc femblables à ceux que font 
tous les jours nos Pbyikiens for la 
formation cbi Monde. La Religion 
nous ordonne de croire que Diai 
lui-même ayant tiré les Hommes de 
l'état de Nature , ils font inépat 
parce au'il . a voulu ({u'ils k fa&at ; 
mais elle ne nos» défend pas de for- 
mer des confcâures tirées de la ièule 
nature de Phomme 8c des Etres qui 
l'environnent y liir ce çiu'anroit pm 
^devenir le Genre-humain y s'il fàt 
rc&é abandonne à lui-même; Voilà 
ce qu'on me demande , de ce que je 
me propc^ d'exanEiiner dans ce 
<iifcours, MoHd (u)et iméref&ntriioni- 
me en général > ie tâcherai de pren- 
dre un lan^ge c|iii conviemit à ton- 
tes lesNatioais f ouplàËDt » oabiiaiK 
kstems ficlet Lieux » poueœfMk 
IBX qvfàiix ^Qmmcsè^ ie fui» 

Çij 


6 Discours. 

je me fuppo&rai dans le Licée d'A- 
thènes y répétant les Leçons de mes 
Maîtres , ayant les Platons & les Xe« 
nocrates pour Juges , & le Genre- 
humain pour Ai&teur. 

O Homme , de quelque Contrée 
que tu fois , quelles que foient tes 
opinions, écoute 5 Voici ton hiftoire 
telle que j'ai cru la lire > non dans 
les Livres de tes femblables qui font 
menteurs , mais dans la Nature qui 
ne ment jamais. Tout ce qui fera 
d'elle y fera vrai : Il n'y aura de aux 
oue ce que j'y aurai mêlé du mien 
ians le vouloir. Les tems dont je vais 
parler font bien éloignés. Combien 
tu as changé de ce que m étois ! GcQ: 
pour ainfi dire la vie de ton efpéce 
i^ue je te vais décrire d'après les qua- 
lités que tu as reçues^ que ton éduca^ 
non & tes habitudes ont pu dépraver» 
mais qu'elles n'ont pu détruire. H y 
A 9 je le iens , un âge auquel l'hom- 
me individuel voudtoit s'arrêter 5 Tu 
chercheras l'a^e auquel tu défîre» 
lois que ton Efpece fe fûtarrêtée.Mé- 
content de ton état préfent » par des 
jraifons^qui annoncent à ta Poftérite 
malheuteufe de' plus grands mê* 

fiontentçmcns eofioce , i^^ctre Viim 


jrois-tu pouvoir rétrogadcr j Et ce 
fëntiment doit faire TElogc de tes 
premiers ayeux ,la critique de tes con- 
temporains , &: l'effroi de Ceux qiif 
auront le malheur de vivre après toi^ 


^^mn 


PREMIERE PARTIE. 

QUELQUE important qu'il foît, 
pour bien juger de l'état naturel 
de l'Homme , de le confiderer dès fon 
origine , & de l^cxamincr , pour ainfî 
dire , dans le premier Embryon de 
re{{)écc , je ne fuivrai point fon or- 
ganifarion à travers fes devéloppc- 
mens fucceflSfe : Je ne m'arrêterai pas 
à rechercher dans le Syftême ani- 
mal ce qu'il put être au commence- 
ment , pouir deveSair enfin ce qu'il 
çft 5 Je n'examinerai pas , fi , comme 
le . pcnfe Ariftote , fes ongles alon- 
gcs ne furent point d'abord des grif^ 
tes crochues ; s*il n'étoit point velu 
comme un ours , & fi, marchant à 
quatre pieds , ( > 3 . ) fes regards di-^"*" ^^J 
rigés vçrs la Terre , & bornés à un 
horizon de quelques pas , rie mar- 
quoient point à la fois le caradere , 
& ks limites de fes idées. Je ne pourw 

C iij 


9 DiSCOtJRS. 

rois former fur ce (hjet que des co»- 
jeûures vagues , & prefquc imagî* 
naires : UÂnatomie comparée a êit 
encore trop pea de progrès , les ob- 
&rvati6ns des Naturàliftcs font en- 
core trop incertaines , pour qu'oi> 
puiflè établir fiir de pareils fonde- 
mcns la baze d'un raifonnement folî- 
de 5 ainfi , (ans avoir recours aux con- 
noiflances fematurelles que nous 
avons fur ce point , Se fans avoir 
cgard aux changemens qui ont dû 
furvenîr dans la conformation , tant 
intérieure qu^'cxtcrîcure de rhonune > 
à mcftire qu^il appliquoit {es mem- 
bres à de nouveaux uÊiges , & qu*i{ 
fc nourrîfîbit de nouveaux alimens ^ 
je lé fuppofcrai conformé de tous 
tems» comme je le vois aujourdV 
hui y marchant a deux pieds , fe fer- 
rant de Ces mains comme nous fàî- 
fons des nôtres ^ portant fes regards 
iur toute la Nature , & mefurant des 
yeux la vafte étendue du Ciel. 

En dépouillant cet Etre , ainfî 
conflîtiié , de tous les dons ftrrnatu- 
rels qu*il a pu recevofr , & de tou* 
tes les facultés artificielles , qu'il n'a 
pu acquérir que par de longs pro- 
grès jEn le confidicrant , en un mot ^ 


t) i s c o V k i. ^ 

tel qifil a du (brtir des mains de la 
Nature , je vois un animal mtoins 
fort que les uns , moins agile que les 
autres , mais*» à tout prendre » crga- 
nifé leplusavantageulementdetoas: 
Je le vois (e raf&uant fous un chê^ 
ne , fe défaltcrant au premiet Ruit 
icau , trouvant fou lit au pied du mê- 
me arbre qui lui a fourni fon repas y 
& voilà fes befoins (àtisfaits. 

Jji Terre abandonnée à fa fertilité 
naturelle (^ a.) ,& couverte de fo-^* *î 
rets inuiiènfcs que la Coignée ne 
mutila jamais , oflre à chaque pas des^ 
Aiagazins& des retraites aux animauii 
de toute efpèce. Les Hommes dif- 
perfcs parmi eux , obfervent , imi- 
tent leur induftrie , & s'élèvent ainfi 
jufqu'à rinftind des Betes, avec cet 
avantage que diaquc efpèce n^a que 
le fien propre , & que Thomme n'en 
ayant peut-être aucun qui lui appar-^ 
tjcnne , fc les approprie tous , fe 
nourrit également de la plupart des 
alimcns divers ( * 4. ) que les autres/a^4,j 
animaux fe partagent , & trouve pac 
confequent £k fubfiftance plus aifé^ 
ment que ne peut faire aucun d'eux. 

Accoutumes dès l'enfance aux in- 
tçnipéries de l'air > & à la rigueur des 

Cuij 


xe Discours. 
faifons , exercés à la fatigue , & forc- 
ées de défendre nuds &fàns arrnes 
leur vie & leur Proye contre les au- 
tres Bêtes féroces ^ ou de leur échap- 
per à la courfè , les Hammes fe for^ 
ment mi tempérament robufte Se 
prefque inaltérable 5 Les Enfàns , ap- 
portant au monde rexcellente con(l 
titution de leurs Pères , & la fortifiant 
par les mêmes exercices qui l'ont pro- 
duite, acquièrent ainfi toute la vi- 
gueur dont Tefpècc humaine eft ca- 
pable. La nature en ufe précifémentr 
avec eux comme la Loi de Sparte 
avec les Enfens des Citoyens ; Elle 
rend forts & robuftcs ceux qui font 
t)icn conftitués & fait périr tous Ici 
autres 5 différente en cela de nosfo- 
ciétés , ou l'Etat , en rendant les En- 
fans onéreux aux Pères , les tue indif^ 
tinftcment avant leur naiflance. 

Le corps derliommc fauvage étant 
le feul inftrument qu'il connoiflè , il 
remployé à divers ufages , dont , par 
le défaut d'exercice , les nôtres font 
incapables , & c^eft notre induftrie- 
qui nous ôte la force & Tagilîté que 
1^ néceflîté l'oblige d'acquérir. S'il 
avoir eu une hache , Ton' poignet 
reraproit^l de fi fortes- branches l 


I s cou R s. Xt 

S*îï âvoît eu une fronde , lancetôit-il 
delan^ain une pierre avec tant de 
roideur ? S'il avoit eu une échelle ,, 
griinperoit-il fi^ légèrement fur ua 
arbre i S'il avoir eu un Cheval , fe- 
roit-ilfi vite à laCourfe? Laiflez àr^ 
rhomme civilifé le tems de raflèm-r 
bler toutes fes machines autour de' 
lui , on ne peut douter qu'il ne fur-r^ 
monte facilement l'homme. Sauva*- 
ge 5 mais fi vous voulez voir uncom- 
Bat plus inégal encore , mettez-les 
nuds & delarmés vis-à-vis l'un de 
Vautre , & vous reconnoîtrcz' bien-, 
tôt quel eft l'avantage d'avoir fan*' 
çcfle toutes fes forces à fa difpofîtion ^. 
d^être toujours prêt à tout événe- 
ment , & de fe porter , pour aînfi. 
dire , toujours tout entier avec 

foi. r* sJ ^ (^W) 

I^obbes préte.nd que rhomme efti 

naturellement intrépide , & ne cher-». 

che qu'à attaquer & combattre. Un^ 

^hilofophe illuftre penfe au contrai- . 

re , & Cumberland & Pùfïcndorffr 

Taflurent auiïî, quçrjen.n'eft fi timides 

que l'homme dans l'état de Nature ,»r 

& qiii'ii eft ^;tou jours: tremblante fer 

pretvà fuir a^ nioihdre bri^it quilc^, 

è^fific ,; au moîndte mouvemcnc: 

■Q. y/ 


» Discours: 
qu'il appcrçoit Cela peut être zinSi 
pour les objets qu'il ne connoît pas „ 
êc je ne doute point qu'il ne foit eé^ 
frayé par tous les nouveaux Speâa- 
des , qui s'offrcntà lui, toutes les fois; 
qu'il ne peut diftineuer le bien & le 
IXial Phyfiques qu'il en doit attendre», 
ni comparer fes forces avec les dan- 
gers qu'il a à courir 5 cîrconffiances ra- 
res dans l'état die Nature , où toutes; 
chofes marchcntd'unc manière fi uni- 
forme , & où la face de la Terre n'tft: 
point (îi jette à ces changcmens bruf- 
ques & continuels , qu'y caufént lesi 
paillons^ de l'inconflance des Peuples, 
séunis. Mais l'homme Sauvage vi- 
vant difperfé parmi les animaux ,, 
<8c(c trouvant de bonne heure dans; 
ic casdefe méfiircr avec eux, il en: 
Ait bientôt la coiî!^>arairon , & (en- 
tant qu'illes furpaflc plus en adirefle ,, 
qu'ils ne le fîirpaflent en force , il ap- 
prend à ne les plus . craindre; Mettez 
lin ours , ou un lôup;anx prifcs avec: 
un Sauvage robuftc y agile , courageux: 
comme ils font tous , armé de pier^ 
rcs ,, Se d'un bon bâton ,.& Vous ver- 
rez que le pcrilTéra tout au moihs^ 
»édproque,& qu'après plufieirrs exr- 

jjciienccs pareilles ,>cs: Bétcs.fcrocor 


D I s c o u R s. Il 

<[ûi n'aiment point à s'attaquet Pune 
à l^autrc , s'attaqueront peu volon- 
tiers à rhommc , qu^èllcs auront 
trouvé tout auflî féroce qu'elles. A 
regard des animaux qui ont réelle- 
ment plus de force qu'il n'a d'àdreflc^, 
il eft vis*à-vis d'eux dans le cas des^ 
autres cfpéces plus foibles , qui ne 
làiiient pas de mbfifter > avec cet avan- 
tage pour l'homme ,.que non moins* 
difpos qu^èux à la courfè , & trou*- 
vant for les arbres un réfiigc prefquc* 
alTuré , il a par- tout le prendre & le* 
kifler dans la rencontre > Se le choix: 
de la fuite ou du combar. Apurons^ 
qu'il ne par oit pas qu'aucun animait 
wflc naturellement la guerre à l'hom-^ 
me , hors le cas de fa propre défenlc- 
©u d'une extrême faim , ni témoi- 
gne contre lui de ces violentes anti- 
pathies qui femblent annoncer qu'- 
une efpéce eft deftinée par la Nature 
à fervir de pâture à Tautre. 

D'autres cnnemiij plus redoutables^, 
&donr l'homme n'i paslesmêmcs^ 
moyens de fë défendre ,. font Its inr 
firmîtés naturelles- y rénfàncc: , Isn 
i;?ieillçfle , fit les maladies déroute eP 
péce 5' triffiès fignes^ dt notre foiblcE^ 
Ét^ dbnfr Icwleux Btemiers font com^ 

Cvjj 


»4 t> I 5^ C o: XT R S. 

xnuns à tom les animâ»^ , Se dont le: 
dcrmcr appartient principalement à 
rhomme vivant en Société. J'ob- 
fervç mente , au fu jet de TEnfàncc ,. 
que la Mère portant par-tout fon en- 
ênt avec elle , a beaucoup plus de fii- 
cilitéà le nourrir que n^ônt les fc- 
jïicllcs de plufiêurs animaux, qui font 
forcées d'aller & venir fans ceflc avec 
beaucoup de fatigue , d'un côté pour- 
chercher leur pâture , & de l'autre- 

]?our alaitcr ou nourrir leurs petits», 
:1 eft vrai que fi la fenamc vient à; 
périr , l'enfant rifque fort de périr- 
avec elle 5 mais ce danger efl com- 
mun à cent autres efpéccs , dont les? 
petits ne font de long-tems en état 
d'aller chercher eux- mêmes leur- 
nourriture/ & û TEnfimce eft plusi 
longue parmi nous , là vie étant plus 
longue aulïî, tout eft encore à peu; 

((t^^.jprb égal en ce point, (^^.) quoi- 
qu'il y ait fur la durée du premier âge,. 

jj^,^;j^ furie nombre dès petits y ('^6é )) 
d'autres règles,, quf ne^ (t nt pas de 
jxi^n Sujet.. Chez les A^ifillà^d^ , quii 
fitgiflcnt:& tmnfpirenr peu-, le befc-im 
d*alimens'. diminue: a\'ec-là fàciiltéi 
ij'y. pourvoira Et comme la AMéSau- 

^g^ éloigna :d!eux'. là goutc &. les 


D r s c o tT R à. y^ 
rfnitnatifmes , & que la vieillcflë eft 
de tous les maux celui que les (ecoun* 
iMimains peuvent le mains foulager ^ 
ils s'ctcignçpt enfin , fans qu'on s'ap- 
perçoive quîls ccflent d'être ^ & prcf* 
que (ans s'^en ^percevoir eux-même». 
A regard des maladies , (c ne ré- 
péterai' point les vaines & feuflcs dé- 
clamations , que font contre la Mé- 
decine la plupart des gens en iànté r 
mais \c demanderai s'il y a quelque 
obfervation folide de laquelle on- 
puiffc conclure que dans les Pays oa 
cet art eft le plus négligé , la vie mo- 
yenne de l'homme foit plus courte 
que dans ceux où il eft cultivé avec 
le plus de foin 5 Et comment cela^ 
pourroit-il êtrc,G nous nous donnons^ 
plus de maux que la Médecine ne 
peut nous fournir de Remèdes ! L'ex- 
trême inégalité dans la manière de 
vivre ,. Tcxccs d'oifiveté dans les uns y 
Ixxcès de travail dan« les autres, la» 
ficîlité d'irriter & de fatisfeirc nos» 
appétits & notre rcnfualité-, lesali-r 
mehs trop recherchés des riches, quii 
fcs nou»-rij(ïont d<r fucs échaufiànts & 
fesaccabrlentd'indigcftionsjamauvai- 
fe nourriture des pauvres ,. dont il« 

ttanquâat monGLleglusi ibuv^ût^.âti 


I* IJ r s G o u r: s. 

dont le défaut les porte à furchargcr* 
avidement leur efiomac dans Tocca^ 
fionJes veilles^les excès de toute cfpc^ 
cc,les tranfports immodérés de toutes 
ks PafGons , les Êitigues & l'cpui- 
iement d'Eiprit, les chagrins &les 
peines fans nombre qu'on éprouve 
dans tous les états , de dont tes âmes 
font perpétuellement rongées; Voilà 
les ixincftes garants que la plupart 
de nos maux font notre propre ou- 
vrage r Se que nous les aurions pres- 
que tous évités , en confcrvant 1^ 
manière de vivre fimplc , uniforme ,. 
Se fblitaire qui nous étoit prefcrite 
par la Nature. Si elle nous a deftinés 
à être fains , j- ofeprefque aflurer , que 
Pérar de réflexion eft un état contre 
Nature , & que Thomme qui médite 
eft un animal dépravé. Quand on: 
fonge à la bonne conftitution des 
Sauvages , au moins de ceux que 
nous n'avons pas perdus avec nos" 
liqueurs fortes 5: quand on fait qu'ils- 
ne connoiflent prefque d'autres ma- 
ladies que les blefEires & la vieilleflè ,. 
on eft très-porté à croire qu'on fe* 
mit aifément Thiftoire des maladies^ 
ftumaines en* fuivant celle des So* 

«Ce^auoxtoml^Vtt de: 


1> T S e CrXT K i. 

Kkton , qui juge , fur certains Remè- 
des employés ou approuvés par Po- 
dalyrc & Macaon au; (îége de Troyc ,. 
que divcrfes maladies que ces rem c^ 
des dtvoicnt exciter ,.n'etôient point 
encore alors connues parmi les- 
ilommes. 

Avec fi peu die fources de maux ,, 
I^homme dans Tctat de Nature n'a 
donc guéres bcfoin de remèdes v 
moinsencore de Médecins; ?e(pécc* 
humaine n'cft point non plus à cet 
égard de pire condition que route» 
les autres, Scil eft alTé de favoiirdes 
Chaâeurs fî dans leurs couries ils 
trouvent beaucoup dfanimaux infir- 
mes. Plufieurs en trouvent qui- ont 
reçu dfcs bleflurcs coafidérablcs très*- 
bien cicatrifécs, quront eu dès os 8c 
même dcs^ membres rompus &rci 
pris , fâns autre Chirurgien que le^ 
Kms , fans autre régime c^ue leur vie 
ordinaire , fit qui n'en* font pas moins 
parfaitement guéris , pour n^avoir 
lyoint été tourmentés d'incifibns ,. 
empoifonnés de Drogues , ni exté* 
nuei5 de jeunes. Enfin , quelque utile: 
que puilfe être parmi nous la Mcde-- 
cihe bien adminiftrée ,!îleft toujours* 
^BUtaàa ,\ que. Hiû^ Sau¥a^ malartcr 


y 


abandonné à lui-même n*a rien à d^ 
pérer que de la Nature 5 en revanclic 
îl n'a rien à craindre que de fon mal »■. 
ce qui rend fouvent fa, fituation pré- 
férable à la nôtre. 

Gardons-nous donc de confondre 
l'homme Sauvage avec les hommes» 
que nous avons (bus les yeux, La 
Nature traite tous les animaux aban*- 
donnés à fcs foins avec une prédilec- 
tion, qui femble montrer combien 
elle eft jaloufe de ce droit. Le Che- 
val , le Chat , le Taureau , l'Ane 
même ont h plupart une taille plus 
haute 5 tous une conftîtutîon plus ro- 
buftc, plus de vigueur , de force &. 
de courage dans les forêts que dans- 
nos maifons 5 ils perdent la moitié 
de ces avantages en devenant Do 
meftiques , & Ton diroit que tous- 
nos foins à bien- traiter. & nourrir 
ces animaux , n'aboutifltnt qu'a Ics; 
abâtardir. Il en eft ainfi de l'homme 
même.: En df veniant fpciaible & Ef- 
çlave, il devient foible , craindif,. 
rampant , & fa manière de vivre 
molle •& efféminée achève df énerver: 
à. la foiS' fa force & fon courage.. 
Ajoutons^ qu^èntrç^ les conditionsi 
Sauvagp^ &: £)pJD{ic(tiqïi6. la^ diâférçfVr 


Dis c o 17 a s. rjr 

ce cThommc à homme doit être plus 
grande encore que celle de bcte à 
bête y car Tanimal & l'homme ayant 
été traités également par la Nature , 
toutes les commodités que Thomme 
(c donne de plus qu^aux animaux qu'il 
apprivoifcjiont autant de caufès par- 
ticulières qui le font dégénérer plus 
fenfiblement. 

Ce n cft donc pas un (î grand mal- 
heur à ces premiers hommes , ni 
(îu--tout un fi grand obftacle à leur 
confcrvation , que la nudité , le dé- 
faut d'habitation , & la privation de 
toutes ces inutilités , que nous cro- 
yons fi néceflàires. S^ils n*ont pas la 
peau velue , ils n*fen ont aucun be- 
foin dans' les Païs chauds, & ils fa- 
vent bientôt, dans les Païs froids,* 
s'approprier celles des Bêtes qu'ils 
ont vaincues ; s^îs n^ont que deux' 
pieds pour courir , ils ont deux bras 

Eour pourvoir à leur défchfe valeurs 
cfoins; Leurs Ènfans marchent peut- 
être tard & avec peine , mais les Mè- 
res les portent avec facilité 5 avanta- 
ge qui manque aux autres efpéces r 
oîi la merc étant pourfuîvîc , (e voit 
conti?ainte d^abàhdonncr fes petits , 
ou de régler fon pas fur le leur. En^ 


30 D I S c o r n *. 

fin > à moins de ruppofer ces corUi 
cours fîngulkrs & fOftuks de dreonG 
tances , dont je parlerai dans la fuite , 
6c qui pouvoicnt fort bien ne jamais 
arriver , il eft clair en tout état de. 
caufe , que lé premier qui fe fit des 
habics ou un Logement , le donna en 
cela des chofcs peu néceflfaires, puii^ 
qu'il s en étoit pafle jufqu'alors , & 
qu'on ne voit pas pourquoi il n'eût 
pu fupporter homme &it , un genre 
de vie qu'il fupportoit dès fon en- 
fance. 

Seul , oifif , & toujours vôifin du 
danger , lliomme Sauvage doit ai- 
mer à dormir , Se avoir le fommeil 
léger comme les animaux, qui pen* 
fànt peu , dorment , pour ainfî dire ^ 
tout le tems qu'ils ne penfcnt point : 
Sa propre confervation faifant pref- 
que fon imîc^ue foin , fes facultés 
les plus exercées doivent être celles r 
qui ont pour objet principal Tatta- 
que & la défenfe , fbit pour fubju^ 
guer fa proye , foit pour fc garantir 
d'être celle d'un autre animal : Au 
contraire , les organes qui ne fe per- 
fedionnent que par la mpleflc & la 
fcnfùalité y doivent refter dans un état 
fie grol&éircté ^ qui exclud en lui 


Discours. 2i 

toute efpéce de délicate; & Ces fcns 
fe trouvant partagés fur ce point , il 
aura le toucher & k goût d\ine ru- 
deflfe extrême / la vue , Touie & To- 
dorât de la plus grande fubtilité. Tel 
eft Pétat animal en général , de c'eft 
anffi , félon le rapport des Voyageurs^ 
celui de la plûpaurt des Peuples Sau- 
vages, Ainii il ne faut point s'éton- 
ner , que les Hottentots du Cap de 
Bonne JEfperance découvrent « à la 
fîmpte vue, des Vaifi^ux en liante 
mer , d'aufli loin que les HoUandoisi 
avec des Lunettes ^ ni que les Sau* 
v.ages de TAmérique icntiilent les Eu 
pagnols à la pifte , comme auroient 
pu âirc les^ meilleurs Chiens , ni que 
toutes ces Nations Barbares fiippor* 
tent fans peine leur nudité , aiguifent 
leur goût à force de Piment , Se boi- 
vent les Liqueurs Européennes comi» 
ihe de Tcau. 

Je n^ai coniideré iufqu'îcî que 
THomme Phyfîquc ; Tâchons de le 
regarder maintenant par le côté Mé* 
taphyfîque Se Moral. 

Je ne vois dans tout animal qu'une 
machine ingénieufè , à qui la nature 
a donné des fens pour fe remonter el- 
k-oncme^ôc pour fc garantir iitt 


22 Discours. 
qu'à uii certain point , de tout ce quf 
tend à la détruire ou à la déranger, 
J'appcrçoîs prccifément les mêmes 
çhofes d^ans la machine humaine , 
avec cette différence que la Namrc 
feule fait tout dans les opérations de 
la Bête , au lieu que l^homme con- 
court aux fienncs , en qualité d'agent 
libre. Uun choifit ou rejette par inf- 
tinft , & l'autre par un aâe de liberté? 
ce qui fait que la Bête ne peut s'é- 
carter de la Règle qui lui eft préf- 
crite , même quand il lui feroit avan- 
tageux de le feîre ^ & que Phommc 
s'en écarte fouvent à fon préjudice. * 
Ceft ainû • qu'un Pigeon mourroît 
de faim près d'un Baflin rempli des 
meilleures viandes, & un Chat fur des 
tas de fruits , ou de grain , quoique 
l'un & l'autre pût très-bien fe nour- 
rir de l'aliment qu^il dédaigne , s'iî' 
s'étoit avifé d'en efïàycr : C'efl àinfî 
que les hommes difïblus fc livrent 
à des excès , qui leur cauftnt la fièvre 
& la mort ^ parce aue l'Efprit dé- 
prave les fëns, & que la volonté paîie 
encore , quand la Namre (è tait. 

Tout animal a des idées" puifqu'rl 
a des Cens y il combine même fès idées^ 
jufqu'àan certain points &:^hom^. 


Discours. 23 
me ne dilFére à cet égard de la Bête 
que da plus au moins : Quelques Phi* 
lofophcs ont même avancé qu'il v 
a plus de différence de tel homme a 
tel homme que de tel homiAe à telle 
bête 5 Ce n'eft donc pas tant Ten- 
rendement <^ui fait parmi les ani- 
maux la diftinâion fpécifique de 
rhomme que fa qualité d'agent libre. 
La Nature commande a tout ani« 
mal, & la Bête obéit. L'homme 
éprouve la même impreifion , mais 
il fe reconnoît libre d'acquiefccr , ou 
de refîfler? & c'eÛ fiir-tout dans la 
confcience de cette liberté que fe 
montre la fpiritualité de fbn ame : 
car la Phynque explique en quel- 
que manière le mécanifme des fens 
& la formation des idées $ mais dans 
la puiflànce de vouloir ou plutôt de 
choifîr 9 & dans le intiment de cette 
puiflànce, on ne trouve que des aAes 
purement fpirituels , dont on n'ex« 
plique rien par les Loix de la Mé« 
canique. 

Mais , qiund les difficultés qui en^ 
vironnent toutes ces queftions , laif- 
iieroient quelque lieu de difputer fut' 
cette différence de l'homme & de 

r^nwMlà Ji y a une autre Qvaâixâ* 


24 Discours. 
très-i|>écifique qui les diftingue » âc 
fur laquelle il ne peut y avoir de con- 
tefiation , c'eû h faculté de (e perfec^ 
donner ; faculté qui , à Taide des cir- 
confbntes , développe fucceÛivc- 
ment toutes les autres , Se réfide par- 
mi nous tant dans refpéce <|ue dans 
rindividu , au lieu qu'un animal eft , 
au bocM: de quelques mois > ce qu'ail 
iera toute là vie > & Ton efpéce , au 
bout de mille ans, ce qu'elle étoit 
la première année de ces mille ans. 
Pourquoi l'homme (èul eft il (uiet à 
devenir imbécile > N'efl-cc point qu'il 
retourne ainfi dans Ton état primitif, 
& que , tandis que la Çête y qui n'a 
rien acquis & qui n'a rien non plus à 
I>erdre , refte toujours avec (on in£^ 
tinâ, l'homme reperdant par la vieil^ 
leflè ou d'autres accidens , tout ce 
que ÙL perfciHhilit^ lui avoit fait ac* 
quérir , retombe ainiS plus bas que 
la Bête même \ Jl fèroit trifte pour 
nous d'être forcés de convenir , que 
cette faculté diftinâivè & prefquc 
illimitée » eft la fource de tous les 
malheurs de l'homme i que c'eft elle 
qui le tire » à fiDtce de tems , de cette 
condition originaire , dans laquello 
âlcoolaûtt des^uisû;;uiqiûiybci^ 


D I s c o w R j- 25 
innocens ; que c'cft elle , qui fàifant 
éclore aVec les fiécles (es lumières & 
ics erreurs , fcs vices & fes vertus , le 
rend ^la longue le tiran de lui-.mcme 
&: de la Nature. (^* 7. ) U fcroitafC^r-) 
freux d'être obligés de louer comme 
un Etre bicnfaîiànt celui qui le pre- 
mier fuggera à l'habitant des Rives 
de rOtcnoque Tufage de ces Ais 
qu'il applique fur les tempes de fes 
£n&ns , & qui leur aflurent du moins 
une partie de leur imbédlitë > & de 
leur bonheur originel. 

L'Homme Sauvage , livré par la 
Nature au (eul inftinâ , ou plutôt 
dédommagé de celui qui lui man-^ 
que peut-être , par des facultés ca- 

})ables d'y (lipplecr d'abord , de l'é- 
ever en (iiite fort au-defliis de celle 
là j commencera donc par les fonc- 
tions purement animales: ("*«.) Ap<*''^ 
percevoir Cx fentir fera fon premier 
état , ^uî lui fera commun avec tous 
les animaux. Vouloir & ne pas vou- 
loir , déûrer & craindre , feront les 
premières , & pre^iuc les feules c^é* 
rations de fon ame , jufqu'à ce que 
de nouvdks drconftances y caufcnc 
de nouveaux dévdoppemens. 
Qaoi<|u'eii d&iit m Moraliftes / 


z6 Discours. 
l'entendement humain doit beaucoup 
au Paffions , qui , d'un commun 
aveu , lui doivent beaucoup auffi : 
C'cft par leur aâivité , que notre rai- 
fon fc perfedionnc 5 Nous ne cher- 
chons a connoître , que parce que 
nous déûrons de jouir i & il n'eft pas 
poffible de concevoir pourquoi celui 
qui n'auroit ni, défîrs ni craintes fe 
donneroit la peine de raifonner. Les 
Paflîons , à leur tour , tirent leur ori- 
gine de nos befoins , & leur progrès 
de nos connoilTances 5 car on ne peut 
défirer ou craindre les chofes , que 
fur les idées qu'on en peut avoir , ou 
par la fîmple impulhon de la Na- 
ture 5 & l'homme Sauvage , privé 
de toute forte de lumières, n'éprouve 
que les Paflîons de cette dernière ef- 
péce 5 Ses defirs ne paflènt pas fcs be- 
i^^^Ofoins Phyfiques 5(^9.) Les fèul$ 
biens qu'il connoiflc dans l'Uni- 
vers , font la nourriture , une femel- 
le & le repos 5 les feuls maux <ju'il 
craigne , font la douleur & la faim ; 
Je dis la douleur , & non la mort ; 
car jamais Tanimal ne faura ce que 
c*eft que mourir > & la çonnoiflànce 
de la mort & de fes terreurs , çft 
lit» dcs.pïÇDaiçK» acquifitions que 


Discours. 27 
yhommc ait faites , en s'cloignant de 
la condition animale. 

Il me feroit aifé , fi cela m'ctoît 
ncceflàire, d'appuyer ce fentiment par 
les faits , & de faire voir , que chez 
toutes les Nations du monde , les 
progrès de l'Efprit (è font çrécifé- 
mcnt proportionnes aux befoins que 
les Peuples av oient reçus de la Na- 
ture, ou auxquels les circonftances 
lesavoientaflujettis,&p^r5onféquent 
aux pafiîons,qui les portoient à pour- 
voir à ces befoins. Je montrerois en 
Egypte les arts naiflàns , & s'éten- 
dant avec les debordemcns du Nil ; 
Je fui vrois leur progrès chez les Grecs, 
où l'on les vit germer, croître, & s'éle- 
ver jufqu'aùx Cieux parmi les Sables , 
& les Rochers de TAttique, fans pou^ 
voir prendre racine fur les Bords 
fertiles de TEurotas 5 Je remarquerons 
qu'en général les Peuples du Nord 
font plus înduftricux que ceux da 
Midi , parce qu'ils peuvent moins (c 
paflcr de l'être , comme fi la Nature 
vouloit ainfi cgalifcr les chofes , en 
donnant aux Ecrits la fertilité qu'elle 
refi|ife.'à là Terre. 

Mais ,Xans recourir aux témoigna- 
ges iacertains de THiftôire^ qui n& 

D 


"it t> I S ê 9 tJ R s. 
voit qtic tout fcifeblè éldîg^'ef île 
rhommc Sauvage la tentation 8t les 
moyens de céfler de l'être ? Son lîna- 
jÇÎhatîôn ht lui peint rien 5 fon coeur 
îtié lui demandé ri^n, Ses^ modiques 
bfefoîns fc trouvent fi aifétnent fotts 
ia ihàiix , & il eft fi loin du degré de 
cphhbidahcë^ riêceflaîre pour défitçr 
iâ'ën acquérir de plus grandes , qu'il 
lie peui avoir ni prévoyance , ni cù- 
riofité. Le fpeûacle de la Nature lui 
devitht indifférent , à force de lui 
dcvehir ifamîlier. C'cft toujours le 

: font toujours 1er 
nsjiln'apasrêfpril 

-, - ^, plus grandeis mer- 

jVcîilcs 5 & ce h'cft pas chez lui qu'il 
feùt chiçrcher la Philofophie dont 
Sliommt a befoin , pour favoir ob- 
ferver une fois ce qu'il a vu tous le$ 

Î'biirs. Soit amc , que rien n*agîte , (c 
ivre a(ti feul fcntiment de fon exit 
tencc aÛxiellc , fans aucune idée dç 
ravchfr,tiuclque ptochàin qu'il puiflc 
être , Se tes projets bornés comme fei 
vues , s*ctendent à peine jufqu'à la fiii 
de la journée. Tel tft encore aujour^ 
d'huî le degré de pnévoyârice du Câ^ 
làybc : Il vend le matin ion lit de Co- 
^n , iSc .vient pleurer le ibirpour 14 


Discount ^jf 
îàchéwr , faute d'àVoîr ptévû qu'il tÀ 
âur ît belbin pôuf la nuit ptochaiht^ 

Pliis on médltt fdt tt (Uj«t , pliii 

k dîftancè des (Htres fcfi&tiotts aux 
filiis flrïipks connoiflanccs s'aggranv 
dit à nos i-cjgards 5 & il eft impoflîble 
de concevoir comment un hommfc 
àutoit pu , par fes feules forces , faiis 
le fccours de h communication ^ fit 
lahis Taiguillon de la néceffîrc , fran- 
thir uh u gmnd irttcrvailc. CombicA 
de ficelés fe font peut - être ccoiilés . 
avant que les hommes ayertt été i 
]f)ôrt'éè de voir d^autre feu tcjue ccUiî 
dit Ciel? Combien ne leur a - t^^il'f)^ 
falu de ditférens ha:iards pour a{>- 
ptetidre les ufages les plus communs 
de cet clément"? Côifibieh de fois nfe 
Twit-ils pas hiffc éteindre, rfvaflt qufc 
d'aVôîr aeqiiî^ Tart de le reproduire ^ 
ïtct/tttbïtti de fois t^eùt-êtf c thacuà 
de ett ïfcci'è ts n'eil - îl pâs^mott avec 
tèlui quitàvôit découvert '> Que dî- 
Tôns.hbûs de Vagrit^lWrfc , att qm 
demande tant de travail *& dé prcvo. 
yûtxtt 5 tiiii Tieht à 4*âirtfes arts , wiS 

très- éVÎdttttmtf rit fiVft/pfaftiquâWfc 

^trc^âans ûnefotïété^d^hWitis ^jtt- 
à citct dcia Teite des^ainicétfiîtfeafe 


ae ^ Discours. 
fourniroit bien fans cela , qu a la for- 
cer aux préférences , qui font le plus 
de notre goût > Mais ruppofons que 
les hommes cuflcnt tellement mul- 
tiplié , que les produâions naturelles 
îi'euflcnt plus fuffi pour les nourrir ; 
fuppofîtion qui , pour le dire en paf. 
iant , montreroit un grand avantage 
pour l'E(pcce humaine dans cette 
manière de vivre 5 Suppofons cjuc 
iàns forges , & fans Atteliers , les inf- 
tmmens du Labourage fuflcnt tom- 
bés du Ciel entre les mains des Sau-. 
vages ; que ces hommes eufiènt vain- 
cu la hame mortelle qu'ils ont tous 
pour un travail continu > qu'ils euf^ 
fent appris à prévoir de fi loin leurs 
befoins , qu'ils euflènt deviné com- 
ment il faut cultiver la Terre , femer 
les grains , & planter les Arbres 5 
qu^ils enflent trouvé l'art de moudre 
le Bled , & de mettre le raifîn en fer- 
mentation 5 toutes chofes qu'il leur a 
falu faire enfeigner par les Dieux , 
&ute de concevoir comment ils les 
auroîent apprifes d'eux -mcmesj quel 
|jç|:oit^ après cela l'homme aflcz in- 
fcnfc pour fc- tourmenter ^ la culmrc 
d'an' Cbimp qui fera dépouillé par 
I* KWÇ*^ venu , homme oi; bête 


Discoxyfts. it 
îndifFcrcmmcnt , à qui cette moîflbii 
conviendra 5 & comment chacun 
pourra-t-il fc refoudre à pafïcr fa vie à 
un travail pénible, dont il cft d'autant 
plus fur de ne pas recueillir le prix , 
qu'il lui fera plus néceflaire ? En un 
mot , comment cette fituation pour-' 
ra-t-ellc porter les honunes à culti- 
ver la Terre, tant qu'elle ne fera point 
partagée entre eux , c'eft-à-dirc , tant 
que l'état de Nature ne fera point 
anéanti } 

Quand nous voudrions fuppofer 
un homme Sauvage auffî habile 
dans Tart de pcnfer que nous le font 
nos Philofophes 5 quand nous en fe- 
rions , à leur cxemiile , un Phîlofo-^ 
phc lui - même , découvrant feul les 
î)lus fublimes vérités , fe faifant , par 
des fuites de raifonncmens très-abC- 
traits, des maximes de jufticc & de 
raifon tirées de Tamour de Tordre en 
général , ou de la volonté connue de 
fon Créateur : En un mot , quand 
nous lui fuppoferions dans TEforît 
autant dintelligence & de lumières 
qu'il doit avoir , & qu on lui trouve 
en eflfet de pcfanteur & de ftupidité ^ 
quelle utilité rctîreroit l'Efpécc de 
toute cette Métaphifique , qui ne 

D iii 


j^ D 1 s c p u R $ 

p^ruTok & communiquer 9c qui pe^ 
xxtoit avec riiidividu qui Tauroit isr^ 
ventée ? Quel progrès pourroir f^im 
l^ Q^t\rc humain ép4r$ dans lesBoi$ 
parmi les Animaux ) E{ jufqu^à quel 
pQjm pourrpient fe pçrfeétionner , & 
$ éclairer mutuelleinenc des hommes 
qui , n'ayant ni Domicile fixe ni ai>- 
çvm berom Tun de l'autre , fc rencpft- 
treroient , peut-être à peine 4èux foiji 
«n leur vie , i^ns (ç eçt3n<Htre;h ^ f^iift 
fe parler ? 

Qu'on (bnge de combien d'id4e> 
nous fommes redevables à Tufage de 
U parole i Combien Iji 6rîi«imair« 
exerce & facilite ks opérations de 
tEfpril: i §c q^'ôn pejtife au? pf inc» 
ijicqncevaW^? , & au tem^ infini ^*a: 
du coûter h première invention de» 
Langues ; qu'on joigne ces réflexions 
aux précédentes , & Ton jugera cem-* 
bien il eût iàlu de riaillier? de Siècles», 
pour développer fiicceffivement dans 
yËfprit hunaain les opérations dont 
i^étoit capable. 

Qu'i L me foit permis de confîdç-^ 
fer un in fiant ks embarras de Torigi^ 
ce des Langues. Je pourrois me con- 
tenter de citer ou de repeter ici ks re-v 

sheccbes que Mr, VAbbé d« Coftdil^ 


Discpp.Ai. j| 

kc a âitcs f^ir çett(Ç ii^aticre, qui tou- 
tes cQïifirmem plcipeinent mon fcn- 
tit»ent , & qui , peut - être , m'en pqit 
4opné la première idée. ^|aîs la ma« 
aicfc dont ce Philofophc rcfoiïf les 
difficultés qu'il Ce fai|c a lui-même fut' 
Toriginc de? fignpç inftitués , mon^ 
trant <iu'il a fuppqfé ce que je iï>çt§ ent 
quçftion , favoir une forte de fpcictc 
déjà établie e^irre les invenitejiir; di^ 
langage , je croi? en renvoyant à fe^ 
réflc?ipfl?,devoir y |pindi:e les mien-' 
^es pour expofer les ïpênxcs difficul- 
té^ dans le jour qui convient à moi}, 
fil jet. l-a première qui fe préfente eft 
d'imaginer comment elles purent de- 
venir néceffaires 5 car les Homirics 
a'ayant nulle corrcfpondance entre 
eux 5 ni aucun befoin d'en avoir , oa 
ne conçoit ni la nécelTîté de cette in* 
vention, ni fa poflîbiliré, fi elle ne ftit 
pas indirpenfable. Je dirois bien ,. 
comme beaucoup d'autres , que le§ 
Langues font nées dans le commerce 
domcftique des Pcres , des Mereç âç 
des Enfans : mais outre que cela jîq 
réfoudroît point les objeftions ], ce 
feroit cotnmcttrê la faute de ceux qiij 
raifonnant fur l'état de Nature , j * 
ttaniportent les idées prifeç 4^ Sr 


i4 Discours, 

Société , voycnt toujours la famille 
raflèmbléc dans une même habita- 
tion , & fes membres gardant entre 
eux une union auflî intime & auffî 
permanente que parmi nous, ou tant: 
d'intérêts communs les réunifient; 
au lieu que^ans cet état primitif, 
n'ayant ni Maifon , ni Cabanes , nr 
propriété d'aucune^ efpéce , chacun 
fc logeoit au hazard , & fouvent pour 
une feule nuit 5 les mâles &c les fe- 
melles s'uniflbient fortuitement fe- 
lon la rencontre , Toccafion & le 
défir, fans que la parole fut un in- 
terprête fort néceflaire des chofes* 
qu'ils avoicnt à fe dire : Ils fe quir- 
('^*o)toientavecla même facilité 5 f^io.) 
La mère allaitoit d'abord fes Enfans^ 
pour fon propre befoin ; puis l*habî- 
rude les lui ayant rendus chers , elle- 
les nourrifibit enfuite pour le leur j 
il tôt qu'ils avoient la force de cher- 
cher leur pâture , ils ne tardoicnt pas 
à quitter la Mère elle même 5 Et com- 
HTic il n'y avoit prefquc point d^autre 
nioycn de fe retrouver que de ne pas 
fe perdre vue , ils ei\ étoient bientôt 
au point de ne pas même fe recon- 
rioître les uns les autres. Remarquez 
«ncore ^uc l'Enfant ayant tous fes 


DrscatTRs. 35 
èefbins à expliquer , & par confc- 
qucnt plus de cno(ès à dire à k Mère, 
que la Mère à TEnfent , c'eft lui qui 
doit faire les plus grands fraix de Tin-^ 
vention , & que la langue qu'il em- 
ployé doit être en grande partie fon 
propre ouvrage 5 ce qui multiplie 
autant les Langues qu'il y a d'indivi- 
dus pour les parler , a quoi contribua- 
encore la vie errante & vagabonde , 
qui ne hitCc à aucun idiome le temi 
de prendre de la confiftance ; car de 
dire que la Mère dide à TEiifant les 
mots , dont il devra fe fërvir pour lui 
demander telle ou telle cliofe , cela 
montre bien comment onenfeignc 
dçs Langues déjà formées,, mais cela 
n'apprend point comment elles Ce 
forment. _ 

Suppofons cette première difficulté 
vaincue : Franchiflbns pour un mo- 
ment refpacc immenfc qui dut fe 
trouver entre le pur état de Nature Se 
te befoin des Langues^ & cherchons, 
ea les fuppofant néceflàircs , ("^^.JC^*.)) 
comment elles purent commencer à 
s'établir. Nouvelle difficulté pire en- 
core que la précédente 5 car fi les» 
Hommes ont eu beloin de la parok- 
j^xm apprendre à genfer » ils ont ciu 

v 


}(S DiSCOTfRS. 

bien plus bcfoin encore de (avoît^ 
lenfer pour trouver l'art de la parole?^ 
le quand on comprcndroit comment 
les fons de la voix ont été pris pour 
les interprètes conventionnels de nos 
idées, ilrefteroit toujours à (çavoir 
quels ont pu être lesititerprétes mê-- 
mes de cette convention pour les; 
Idées qui; n'ayant point un objet fcn- 
fible , ne pouvoîent s'indiquer ni par 
le ^eftç , ni par la voix , de forte qu'à: 
peine peut - on former des conjcftu- 
ires fupportablcs fur la naif&nce de- 
cet Art de communiquer (es penfées », 
& d'établir un commerce entre les*. 
Efprits : Art fublime , qui eft déjà fîi 
lom de fôn Origine, mais que le Phi- 
lo (bphe voit encore à une fi prodi-- 
gîeufe diftance de (a perfcdibn , qu'ill 
n'y a point d'homme aflez hardi j, 
pout aflurer qu'il y arriveroit jamais,, 
quand les révolutions que le tems 
amène néceflai rement Icroicnt fùf^ 
pendues en -fa fiveur , q»c les Pré*. 
Jugés fortiroîént des Académies ouï 
fc tairoient de vant Elles , ôcqu'Elles; 
poiirroient s'occuper de cet objet 
6{wneux , durant des fiécles entiers, 
fiins ihterruprion. 


Disc à up r s; 37 
& langage le plus univerfcl , le plug 
énergique , &. le feut dont il eut bc* 
foin y avant qu'il fallut pcr(uader des 
honimes ^ijcpiblés , eft le a;i de la 
Ï^Jature. Cpairoccc cri n'étbit arra- 
ché que par une forte d'inftin£t dans 
les ocçafîons pref&ntes , pour implo* 
TfCT du fecours dans les grands dan<»- 
gerç , ou du foulagemcnt dan^s les; 
maux viokns , il n étoit pas d*ur\ 
grand ufage dans le cours ordinait 
re de la vie , où régnent des fcnti- 
mens plus modérés. Quand ks idées» 
des hommes commencèrent à s'étci> 
drc &à fe^ multiplier , & qu'il s'cta-r- 
blit entre eux une communication, 
plus étroite, ils cherchèrent des {îgne$> 
plus nombreux & un langage pluç 
étendu : Ils multiplièrent les inflcr^ 
xions de la voix, & y joignirent les* 
geftcs, qui , par leur Nature , font 
plus exprcflifs, & dont le fens dépend' 
moins d'une détermination antir 
jrieure. Ili ëxprimoient donc les ob«- 
jets vifibles & mobiles par des geftes,. 
iScccux c]ui frappent l'ouie , par de|^> 
ions imitatift : niais comme le geft^' 
ji'indique guéres que les objets pr^ 
&SIS , ou faciles à décrire , Se les a^s^ 
JÂQï^ yi(ible$ y ^u^il A-eft f>as d^ 


j* Discours. 

ti(âgc univcrfcl , puifquc Tobicurîté , 
ou rintcrpofition d'un corps le ren- 
dent inutile, & qu'il exige rattentioh 
plutôt qu'il ne l'excite 5 on s^avifa en- 
fin de lui: fùbftitucr les articulations 
delà voix , qui , (ans avoir le même 
rapport avec certaines idées , font 
plus propres à les repréïenter toutes ,. 
comme (ignés inftitués ; fiibftitutioa 
qui ne peut (ê faire que dTun commun^ 
confentement, & d'une manière aflez: 
iiifficile à pratiquer pour des hom- 
mes dont les organes groffiers n'a- 
voient encore aucun exercice , & plus: 
difficile encore à concevoir en ellc^ 
même , pui(ijue cet accord unanime 
dut être motive , & que la parole par 
roît avoir été fort nécefl&ire, pour 
établir ru(àge de la parole. 

On doit juger que les prcmiers^ 
mots, dont les hommes firent uiage „ 
curent dans leur E(prit une (îgnificar 
iibn beaucoup plus étendue que 
n'ont ceux cju'bn employé dans les; 
tangues déjà formées , & qu'igno- 
rant la Divifîon du Difcours en (ès^ 
parties conftimtivcs, ils donnèrent: 
tfstoord à chaque mot le fens d'une: 
j^ropofîtion entière. Quand' ils cora^ 
'àtenccrent àdiflanguôr le fu jet d^" — 


Discours. jg» 
Fattrîbut » Se le verbe d'avec le nom , 
ce qui lie fut pas un médiocre effort 
dc-gehic , les fubftantifi ne fiirent 
d'abord qu'autant de noms propres ^ 
Tinfinitif fut le fail f cms des verbes , 
& à regard des ad jeftifs la notion ne 
s'en dut développer que fort diffici- 
lement, parce que tout adjeftif cff 
nn mot abftr^it , & que les abftrac- 
tionsfoflt des opérations pénibles,, 
& peu naturelles. 

Chaque objet reçut d'abord un 
aom particulier , fans égard aux gend- 
res , & aux Efpéccs, que ces premiers 
liiftituteurs n'étoicnt pas en état de 
diftinguer ,-^ & tous les individus fc 
préïèntcrent ifblés à leur e(prit, com- 
me ils le (ont dans le tableau de 1^ 
Nature. Si un Chêne s'apj>clloit A ^ 
un autre Chêne s'àppelloit B : de 
forte que plus les, connoiflances 
ctoient bornées , & plus le Diâion- 
naire devint étendu. L'embarras de 
toute cette Nomenclature ne put être 
levé facilement ; car pour ranger l€$> 
Etres fous des dénominations comw 
munes, & génériques , il en falloit 
connoîtrc les propriétés & les difïc^ 
rences j il falloir des obfervations > fit 
4fis> définitions ^e-èûràrdkc » dSe l'Ë^ 


40 D î s C O U R s^. ^ 

tv.irc Naturelle & de la Mctaphy 
£que , beaucoup plus que les hommes^ 
de ce rcms-là n'en pou voient avoir. . 
D'ailleurs , les idées générales ne 
peuvent s'introduire dans TErprir 
qu a l'aide des mots , Çc Fentcnde- 
ment ne les failît que par des propo* 
fitions. C'eft une des raifons pourr 
çjixoi les animaux ne fauroient Ce for- 
mer de telles idées , ni jamais acquc* 
rir la perfectibilité qui en dépend*^ 
Quand un Singe va fans héïîter d'une 
noix à l'autre , penfe-t-on qu'il ait Ti^ 
dée générale cle cette forte de fruit , 
& qu'il compare fon archétype à ces 
deux individus ? Non fans doute f 
mais la vue de l'une de ces noix rap- 
pelle à (a mémoire kxS fcnfations qu'il 
a reçues de l'autre , & fesycux. mo- 
difiés d'une certaine manière, annon- 
cent à fon goiit la modification! qu'il- 
ya recevoir. Toute idée générale eu 
purement intelleducUe ; pour peu: 
que l'imagination s-én mêle , l'idée * 
devient auffi-tôt particulière. Eflayez 
devons tracer l'image d'un arbre en 
général jamais vous n'en viendrez à 
bout , malgré vous il faudta le voir 
;petit ou ^rand , rare ou touffii , clayr 
JS^. foflcç.^.fiL^dégçndwi.^Yq»» 


D r 1 c O'xr n: i. 4;r 
ttn'y voir que ce qui fe trouve en; 
tout arbre , cette image ne reflTetnble^ 
loitplus à un arbre. Les êtres pu-^ 
«emcnt abftraits fc voyent de même ^ 
eu ne fë conçoivent que par le diC^ 
cours. La définition feule du Trian- 
gle vous en donne la véritable idée : 
Sitôt que vous en figurez un dans vo- 
trc efprit , c'cft un tel Triangle & non 
pas un autre , & vous ne pouvez évi* 
ter d'ca rendre les lignes fenfîblcs ou 
le plan coloré. Il faut donc énoncer 
des propofitions , il faut donc parler 
pour avoir des idées générales y car 
îîtôt que rîmagination s'arrête , VtC- 
prit ne marche plus qu a l'aide du^ 
difcours. Si donc les premiers Inven- 
teurs n'ont pu donner des noms qu'- 
aux idées qu'ils avoientdéjà , il s'en- 
fiiit que les premiers fubftamift n'ont 
pu jamais être que des noms propres. 
Mais lorlque , par des moyens que 
je ne conçois pas , nos nouveaux 
Grammainenscommencérent à éten- 
dre leurs idées & à généralifer leurs, 
mots , l'ignorance d^$ Inventeurs dut 
aiïlîjettir cette méthode a dès bornes 
fort étroites s & comme ib avoient 
•d'abord trop multiplié les noms dcs> 

individus. £iat&dc connolcre les gçik- 


4^ Discours. 
rcs & les cfpéccSjils firent enfuîtc trop 
peu d'cfpéces & de genres faute d'a- 
voir confidéré ks Etres par toutes 
leurs différences. Pour pouflcr les dî- 
vifîons allez loin , iV eut fallu plus 
d'expérience & de limnicre qu'ils n'en, 
pouvoient avoir , & plus de recher- 
ches & de travail qu'ils n'y en vou- 
loient employer. Or fi , même au- 
jourd'hui , Ton découvre chaque jour 
de nouvelles efpéces qui avoicnt 
échappé jufqu'ici à toutes nos obfer^ 
varions , qu'on penfe combien il dut 
s'en dérober à des hommes qui ne 
jugeoient des chofes que fur le pre- 
mier afpcft ! Quant aux Claflfes primt 
tives & aux notions les plus gêné* 
raies , il eft (uperftu d'ajouter qu'elles 
durent leur échapper encore ; Com- 
ment, par exemple, auroient'-ils ima- 
giné ou entendu les mots de matière,, 
d^efprit , de iubftancc , de mode , dc 
figure , de mouvement , puifquc noi5 
Philofophes qui s'en fervent depuis 
fi long-tems ont bien de la peine à 
ks entendre eux-mêmes , & que les 
idées qu'on: attache à' ces mots étant 
purement Méraphyfiques , ils n'èn^ 
trou voient aucun.mcufêlcdans^la Nà^ 
fauacLÏ 


Discours. ^j. 
Je m'arrête à ces premicris pas , 
& )c fupplie mes Juges de fufpcndrc 
ici leur Ledure , pour conudcrcr, 
fîir l'invention des fèuls fubftantife 
Phyfiques , c'eft-à-dire , fur la partie 
de la Langue la plus facile à trouver , 
le chemin qui lui refte à faire , pour 
exprimer toutes les penfées des hom- 
mes , pour prendre une forme conC- 
tante , pouvoir erre parlée en public, 
& influer fur la Société : Je les fup- 
plie de réfléchir à ce qu'il a fallu de 
tem^ , & de connoiflances pour trou- 
ver les nombres > ( ^ 1 1 ) les motS(*n.) 
abfl:rairs , les Ao'irtcs , & tous les 
tems des Verbes , les particules , la 
Sintaxe , lier les Propon^'ons , les raî- 
fonnemens , & former toute la Logi- 
que du DifcOiirs. Quint à moi , ef- 
frayç des difficultés qui Ce multiplient, 
& convaincu de limpoflîbiliré preC 
que démontrée que les Langues ayent 
pu naître , & s^établrr par des mo- 
yens purcinent humains , ]c laîlîc à 
qui voudra Tentreprendre la diP 
cuffion de ce difficile Problême , 
lequel a été le plus néceiîàirc , de la 
Société déjà liée , à Hnftitntîon des 
Langues , ou des Langues déjà inven- 
tées , à rétablif&ment de la Société,. 


4f Dts.cov^^' 
QjiQiqu'^ eu foit^ecesongiocs»» 

on voit du moin; , aa pça de foia 
qu'a pris U jîJafurc de rapprocher: 
lic$ Homnies par des befoins mutuelsy 
&: de leur fa^riliter Puiage de I^ paro- 
le , combien elle a peu préparé leur 
Sociabilité, & combien elle a peu 
rois du fîen dans tout ce qu'ik ont 
Élit , |K)pr en établir les Irens. En ef- 
fet , il cft inipoflîblç d^ininglnct 
Epurquoi dans cer état primit^, 11% 
omtnç aurok plutôt befoin d'ua 
autre homme qu^un fîn^e oa uni 
Loup de (on iiemblable , m ce bcflnq; 
fiipporé,quel njotîf çourroît en^<r 
gcrTautrcày pourvpiir , m mcraCir 
en ce dernier cas y coixunent ils pqjt^? 
roient convenir entre eu?^ 4)es con-J 
ditions. Je fçai qu'on uqms répéti; 
fans ceflè que rien n'eût été fi mile-^ 
rable que Wiommc dans ççt état $ 
& s'il cft vrai , couime je crpk Vâ^ 
voir prouvé , qu'il n'eut pu , quV 
après bien des Siècles , avoir le dé^ 
fit , & roccafîon den fortir , cq 
feroitun Procès à faire à la Nature, 
& non à celui qu'el^^e auroic aînfî 
çonftitué; Mais , (î j'entends bîeri 
ce terme de miferable , c'cft un mot 
g^ui n'^ aucua fens , ou jqui ne û^ 


D r s C Q TX «: «.. 4J[ 

fiffî^ qu'une pcivapioa dipuloureui^ 
^ la fouffrançc du Corps, ou de Ta- 
TOÇ : Ox je votidpois bien qu'^oa m^ex- 
pliqu^t qHcl peut être la genre de 
misère d'un Etre libre , dont le coeur 
cft en paix , & le corps en fanté. Je 
df ipandelaqijeile^d^ la vie Civile ou 
naturelle , cft la plus fujette à devc-* 
nir infupportable à ceux qui en joui(^ 
fent î Nous ne voyons prcfquç au. 
tour de nous qui: des Gens qui fe 
plaignent de leur exiftençe i pluHeurs 
HiênKS qui s'en privent autant qu'il 
cû en eux , 6c la réunion des Loiic^ 
divine & humaine fuffit à peine pour 
arrêter ce défbrdre : Je demande (t 
jamais on a oui dire qu'un Sauvage, 
en liberté ait follement fongc à Ce 
plaindre de la vie & à fc donner la 
mort > Œi'on juge jioaç avec moins 
d'orjgueiî de quel coté eft la véritable 
mifecc. Rijen au contraire i^'çujt été 
fi miférabie que l'homme Sauvage , 
ébloui par des lufpières , tourmenté 
par des PaflSons , & r^ifonnânt fur 
ijn état différent du fien. Ce fut par 
une Providence très- fige , que les 
ÊLCultés qu'il avoir en puiflâncc ne 
dévoient fe développer qu'avec les 
Qccaûons de les exercer ^.aiiaqu'cllesi 


46 Discours. 

ne lui fuflcnt ni fuperflucs & à char-- 
Çc avant le tems , ni tardives , & 
inutiles au bcfoin. Il avoit dans le 
fcul inftinft tout ce quil lui fal- 
loit pour vivre dans rérat de Na- 
ture , il n'a dans une raifon cultivée 
Î[ue ^ce qu'il lui faut pour vivre en 
ociétc. 

Il paroît d'abord que les hommes 
dans cet état n'ayant entre eux aucune 
forte de relation morale , ni de de* 
voirs connus , ne pouvoient être ni 
bons ni méchans, & n*avoient ni 
vices ni vertus , à moins que , pre- 
nant ces mots dans un fens phyfique, 
on n'appelle vices dans l'individu , 
les qualités qui peuvent nuire à Gl 
propre confervation , & vertus celles 
cjui peuvent y contribuer ; auquel cas^ 
il faudroit appeller le plus vertueux , 
celui qui rcfifteroit le moins aux fîm- 
pies impulfions de la Nature : Mais: 
fans nous écarter du fens ordinaire ^ 
il cft à propos de fufpcndue le juge- 
ment que nous pourrions porter 
fur une telle (îtuarion , ôc de nous 
dcfîei^de nos Préjugés , jufqu'à ce 
que la Balance à la main , on ait exa- 
miné s'il y a plus de vertus que de 
Vices parmi les hommes ciy ilifés , ott 


Disc o tj r s. 47 
fi leurs vertus font plus avantagcu- 
fcs que leurs vices ne font fiineftçs , 
ou fi le progrès de leurs connoifl^n- 
ces eft un dédommagement fuffif^nt 
des maux qu'ils fe font mutuelle- 
ment , à mcfurc quils s'inftruifcnt 
du bien qu'ils dcvroient fc faire , ou 
s'ils ne feroîcnt pas , à tout prendre , 
dans une fituation plus heureufe de 
n^'avoir ni mal à craindre ni bien à 
cfpérer de perfonne , que de s'être 
foumis à une dépendance univerfellc , 
& de s'obliger à tout recevoir de 
ceux qui ne s'obligent à leur rien 
donner. 

N'allons pas furtout conclure avec 
Hobbes que pour n'avoir aucune idée 
de la bonté , l'homme foit naturel- 
lement méchant , qu'il foit vicieux 
parce qu'il ne connoît pas la vertu , 
qu'il refufe toujours à (es femblables 
des fervices qu'il ne croit pas leur de- 
voir , ni qu'en vertu du droit qu'il 
s'attribue avec raifon aux chofes cfont 
il a befoia , il s'imagine follement 
être le feul propriétaire de tout TU- 
pivers. Hobbes a très bien vu le dé- 
faut de toutes les définitions moder- 
nes du droit Naturel ; mais les confé- 

<}ucnces <^a'il tire 4ç la iienaç , mpor 


48 D 1 s t b iT R $. 

tirent c|u il la pirtfnd dans un fcri* 
qiû n'cft piîs rAûitis fau*. Êh iiîroa^ 
nant fur m principes qu'il établit , 
cet ÀiitcUr déVoit dire qjlt l*état dé 
INatufe ét*arit celui oà le loiil de hdtré 
Ciinfèrvàtîôn êft le indins préjudi- 
ciable à celle d'aiitriii , cet état étbît 
bar cônfcquéill lé p\\Xs ptctptc à là 
Faix ^ & le pYùs convenable ali Genre- 
humain. Il dit précifômferit k côn- 
traire i pour avoir fait entrer iiial 
à propos dans ït foin de la cohfer- 
vation de f httltitné Sâùvàge , Ife bc- 
foin de fadsfàîrc Une multitude dé 
partions qui font l'ouvrage de la So- 
ciété , & qui ont rendu les Loîx hé- 
ccfl&ires. Le méchant, dit-il, eftun 
Enfant robufte } Il reite à favoîr (i 
l'Homme Sauvage cft un Enfant ro- 
bùfte ; Quand on le lui accorder ô'it ^ 
ciu'en conclueroît-îl > Que fi , xjuaîid 
il eft robufte , cet homme étôît anifi 
dépendant des autres que quand il eft 
foible , il n'y a forte d'excès auxquels 
îl ne fè portât , qu^il ne battît fa Aferè 
Idffqu'dletarderoit trop; à lui don- 
ner là martiellfe , quil n'ctrâilglât Uû 
de fes jtfuhes fineres , lorsqu'il en fetoît 
încottimôdé , qu'il rie mordît la jarti- 

$e à l^autre , Ibïfqu'il en fctoit ïLcaxté 


D î s c 6 tJ R s. 4"^ 
eu troublé 5 maiis ce (bnt deux fup- 
potîtions contrâdîftoires dans l'état 
<lc Karurc <}u'être rôbuftc & depen- 
ilârit 5 UHc ititne cft foiblê 4uand il 
<ft dépendant, & il cft értiahcipé 
avant 4uc d'être robuftc, Hobbes n^à 
^s vai due là riicrric càufe qui em- 
pêche lés Sauvages d\ircr de le'ut 
raifoh , comme le ptérendcnt nos 
Jurifcon fuites , les empêche en ihê- 
me tems d'âbufètde leurs facultés, 
comme il le prétend lui même ,• de 
ibrte qu on pourroît dire que les Sau- 
vages ne font pas méchans précifé- 
tnent, parce qu'ails tic fç^vent pas ce 
que c^eft qu'être bons ; car ce n'eft ni 
le développement des lumières , ni 
le frcîn de la Loi , mais le calme ddi 
paljGons, Scrignorance du vice àxâ 
les cnipcche de mal faire j tantopUi 
ih illis proficif vifiorum ignoratiù , 
fuàm in his càgnitio 'virtutis. Il y à 
d'ailleurs uri aùttc Principe qUe Hob- 
bes n'a point âpperçu & qui , ayant 
été dbîiné à rhôiiînie pour adoucir, 
en certaines drconftances, la féro^ 
cité dcTcJn aricibur trropre , ou le défît 
die fc Cbrtftrycr il^àht la nàiflanfc dé 
tct àmôur ,(^12,) tcmptirc râràeiif(»ix.) 
^u'il à peut fôn biËtl4èc par une 


$o Discours, 
répugnance innée à voir fouffrir fon 
iemblal^le. Je ne crois pas avoir au* 
cunecontradi£Uon à craindre , en ac* 
cordant à l'homme la feule vertu Na- 
turelle, qu'ait été forcé de rcconnoîtrc 
le Detraâeur le plus outré des vertus 
humaines. Je parle de la Pitié , dif- 
pofition convenable à des Etres aulfi 
foibles , & fujets à autant de maux 
que nous le fommcs 5 vertu d'autant 
plus univerfeUe & d'autant plus utile 
a l'homme , qu'elle précède en lui 
Tufage de toute réflexioA , & fi Na- 
turelle que les Bêtes mêmes en don- 
nent quelquefois des figncs fenfibles. 
Sans parler de h tendreflê des Mères 

{)our leurs petits , & des périls qu'ell- 
es bravent , pour les en gara^. tir , 
on obfcrve tous les jour? la répug- 
nance qu'ont les Chevaux à fouler 
aux pieds un Corps vivant 5 Un ani- 
mal ne pafle point fans inquiétude 
auprès d'un animal mort de fon Ef- 
péce ; Il y en a même qui leur don- 
nent une forte de fépulturc 5 Et les 
trîftes mugiflcmens du Bétail crii- 
trant dans une Boucherie , ^nnon- 
cent Pimpreflîon qu'il reçoit de l'hor- 
rible ipeàacle qui le frappe, On voit 
avec plaifîr l'auteur de la F^ble de$ 

Abdl- 


lljbcîllcs , forcé de rcconnoître l'hom- 
me pour un Ecrecompatifiàhc & feri- 
fible , fortir dails l'exemple qu'il cft 
donne , de Ton fliile froid !c fubtil > 
pour nous offirir la pathétique imag^ 
d'un homme enferme qui apperçok 
ail dehors une Bête féroce , arra» 
chant un Evifant du (êin de fa Mère , 
brifant (bus (a dent meurtrière le» 
fbibles membres , 6c déchirant de (ck 
ongles les entrailles palpitantes de 
cet Enfant Quelle afFreu^ agitation 
n'éprouve point ce témoin d'un évè^ 
nement auquel il ne prend au&iui 
intérêtpttTonael i Qiielles angoii&s 
ne ibuifre-t-il pas à cette vue ; de ne 
pouvoir porter aucun fecours à la 
Mère évanouie ^ ni à TËnfant ctr 
piraht ï 

Tel eft le jnir mouvement de la 
Kâture , ; antérieur à toute Téflexion : 
telle eft la force de la pitié nacutel^ 
le j que les mœurs les plus dépra< 
vées^ ont encore peine a détruire , 
puifqu'on voit tous les jours dans nos 
^leâàcles s'attendrir & pleurer aux 
malheurs d'ua infbrtiuié / tel > qui f 
^11 étqk l;la;pla¥X du Titan ^m^ 
verdit^ lencxirc . Ite* ^toarmien$, àii^mn 


5* D I $ c «5 u «.'S. 

qn'aWc toute kur morcelés «W^T 
4pçs A jçrtfciu: jamais été que <»^ 
dwopte^ fi la Natttte ne leur «ut 
4onne la pitié à l'appui de la raifoa : 
inais.il o'a pas vu qae de cetec iculc 

Îualité 4épioulcnt ttmtcs ks vertus 
îoalcsqu'iWcut «lifputci? aux bom' 
sues. JEU: àS^ , 4»*cft-« <loe 1* Ccoe- 
xofiiié , te Clémence , l'Humamtc , 
Â'Q0ah Pitiéappliquécaarfi>»lcfc, 
wx oMmables , ou à rcfpécc hum^ 
«K <n cenéral ) La Bienveillance « 
l'AimtS môme font , à le bien pecn- 
<Aie 3 des produâions d'une pittc 
«oûdaiiK j fixée fur un obict jfcartl- 
«uUei: ; cet déGvcr qne quelqu'un nc 
ioi«£&e point » qu'cft-œ autre cholê » 

Îue déi»ér qii'il fi>it heureux i Quand 
(èroit vrai que la commifecation 
ne ^roit (M'nn &itttmeiu tapti nous 
mft àU pttce de celui qui (tnifite « 
^tinaent'obiôur & vif daiis t'honiP' 
oneSauvage > développé , '■ mais foi> 
bk daoè l'homme Civil, qtt'impQ^ 
tax>k cttte idée à la vecité de ce que 
je dis ^ fi^nouidelni dtmaac plus 4c 
iotatï Hn.eâât V ;la oomraiiièration 
tix$,^laiXtuxt t>lufc énagidue*!^» llar 
lûinàSiSpcâiataur s'idemibaa^kis i»«> 

lÔndoMOit, avec .Ifinonnil Ibuftant^ 


Dl « C O V K s. ft 

Or tt eÛ évident que cette îdeiitift 
cation' a du être infiniment plue 
étroite dans l'4tttde Nature xtoe dans 
rétat de raifonnement. Ceft la raifon 
qm engendre Tamoar propre , 5c 
c^eft la réflexion qui le fortifie 5 Ceft 
cUe qui replie I1u>mme (ùr lui-mê» 



Philoiôphte aui rifole $ c*eft par elle 
qtr'il dit en lecret y à rafpeâ: d'un 
nomme foulant , péris (i tu veux l 
îe fiiis en (oreré. U n'y a plus que 
les dangers de la Société entière qui 
iTDidfikiir ile'fommeil tranquilW M 
¥Ulàfô{^y flt' 0ui 4'4rrachcnt de >fbii 
Ifc ^0 pttttsf impunément égorgea 
ton^ iemblibliefbus â fenêtre i il n^t 
qiftà. «lettre Tes mauts fur (es orctâc^ 
«^'argômenter un ppi , pour èm^ 
«HkKtet ki> Nature qui fe rcvôltt cri 
loi ; (éèrW^tlSci^^w celui ^u^dii 
wlb^m, L'homiiieSauM4g« n^'^diM 
ceradniirafole tttkflft r ft faute 4^ fa^ 
^eâb de de raifon , on le voit tou^ 
]ô«s fe livrer étourdiin^yt au pie- 
itttet featÉneni: <le tHiMtiantté. Dahj^ 
Ic^ISmôuèes 9 dans les qtierelles des 
Riiesvia; Pop^tace^i^aflSmbk , Vii<>m-^ 


54 Discours. 
k ^<e font les femmes des Halles, qui 
'^ féparem les combattants j6c qui em- 
pêchent les honnêtes gens de s'ente'- 
égorger. 

Il eft donc bien certain que la pirié 
cft un (èntiment namrel , qui mode- 
xant dans chaque individu Ta^ivité 
die Tamour de foi-même ^ concourt à 
)a çonfervation mutuelle de toute 
Vdçhot. Ceft elle ,: qui nbus porté 
iàns réfkxion auiccours de ceux que 
nous voyons foufFrir : c'eftellcqui^ 
dans rétat de Nature , tient lieu de 
Ix>ix, de mœurs &:dév.ectu » avec 
cet avantage que nul h^eft teitté de 
défobéir à (à dâuce^vdixiCcftieUe 

3ui détournera tout Sauvage nSbofté 
'enlever à un foible enfant , oiilàiin 
vieillard infeme» ià fi^fiftanceacqui-» 
ie avec peine^jQ lui- même e(père pou^;. 
voir trouver ja fîeonc ailleurs ri.C^tft 
elle <^u j , au tiôi de cette maxiine fii« 
blime de juftice raifonnée : Fms à am 
trui comme tH veux qu'on te fiêffe jinC^ 
pireàto^s les Hommes cette autre 
maximic de bonté naturelle bien 
moins par&itc ^ mais plus ;vitilc peiitt 
être que la précédente^ pj^j tonMeà 
0yvex Je moindre mal d'otutftkqifdkefi 


Dis c à Tj-il 1 ' i$ 
timent Namrcl , plutôt que dans des 
atgumens fubtilt , quitfàut chercher^ 
la caufè de ta tépnghàAdt 4ue tout 
homme éprouveroit à mal faire ,» 
même indépendamment des màxr- 
mes de ^éducation. Quoi qu*il puKfti 
appartenir à Socrate , & aux Efprit» 
de fa trempe , d'acauerir de là vertu 
par raifon , il y a lohg-tems que le 
Genre-humain neferôitplus, fi façon- 
ièrvation n'eut dépendu que des rai^ 
fonhemens de ceux qui le composent. 
Avec des paffions fi peu aéhves , Se 
un frejnrfiialntaire, les homiiies plii^ 
tôtârbuches que n>echans , &c plus 
attentifs, a fe garantir du mal qu'ils 
tibuvokQt recevoir , €|ue tentés d*c!n' 
lafre à autrui , n'étoient pas fufet^ à 
des démêlés fort dangereux : Com- 
me ils n'avoient entre eux aucune ef» 
pèce de commerce f quils ne coh« 
noiflbient par conféquenc ni ta vani« 
té^nilaconfidération, ni reftime, 
ni le mépris* f qu'ite n'avoient pas I9 
moindre notion du tien ôc du mien> 
m aucune véritable idée de la juftice ; 
qu'ils regardoient les violences^ qu'ils 
pouvoient efiiiyer, comme un mat 
£icilè à réjpiaffef , & non comme ûnç 
jnjuie quUl faut punir » Se <|u'il» ne 

Eiij 


1 


tongeoient pas liciêmc à la vengeance 
il ce n'eft peut-être, mathinatantot 
^ iur le champ > contne ledaïkn^ 
qui mord la pkrre oufon lui ktte /i 
leurs difputes cuflou eii laremenr 
«ks fuites fanelamea, iicfics n'àiflcnf 

?aint eu de (u jet plus (èiifibte que la ^ 
àture : mais )'en vois un plus dao*' 
gereux , doot il me refte i parkh 
. Parmi les paifiona.qui agtkent Jo 
cœur 4e l'homme > 11 en efttiiie zt^ 
dente y impétueufe » qui irndnn (bce 
nécclTaire à Vautre « paffion terrible 
qui brave tous les dangers , renverfe 
tous les obftacks > & qui dans ics &h 
jtearft fcmblç propre à détruire le 
Çenre «humain qu'elk c& deftino^à 
CDn(erver« Que deviendront ks bon* 
nies en proye à cette rage effrénée ât 
hrut^k , (ans pudeur >.ians retenue ^ 
& fe difputant chaque iour leurs 
amours au prix de leur fàng 1 

Il faut convenir d'abord que plusi 
les paiQons font violentes , plus les 
L^ix font nécdl&ires pour les conte* 
nir : mais outre que les défordres & 
ks crimes que celles-ci caufènt tous 
k$ jours parmi nous» montrent aflêz 
rinfudiranco des Loix. ^ cet égard ^ il 
if^oiR encore bon d'csKiaûner Â.cesi 


Discours. 57 
ièfordtts ne font point nés aveck» 
t»i3tf n)êmcs ; car alors , miand elles 
fcroient capables de les réprimer, ce 
ieroit bien le nK>ins qu'on en dût '■ 
exiger que d'arrècer un naal qui n'c« 
xi(!eroit point ^s elles. 
- ComoKnçons par diftioguer le 
moral du Phyfique dam k fentimenc 
de famour. Le Thyrique eO ce défit 
qui pocfe tm féxe à s'uiûr à 
^ Le moral dir ee <{ui déœr-* 
miae ce défit te kfke fy^nn tel objet 
occlcifivement , ou qui du moins Im 
donne pour cet objet préfer é unjptos 
grand dégié d'énergie. Or il efl £1- 
ciledc voir que le moral de l'amour 
cù un (cntimeitt â<^ce , tic de l^ifage 
de la fociété , Hc célébré pafks tsm^, 
mes avec beavicoup dliabikté Ae de 
foin pour établir leur empivo-, flc 
rendre dominant le lèxe ^ui de\>rok 
obéir; Cc-fentiment éùnc-fondé £nrt 
certaines notionis du mérite ou de Iv 
beauté qu'un SaidiTagèn'e^ point: eni 
état d^avôif , dt Ûtx des com|>arairûhs 
yfil rffeft point en écat de fiirc, doit' 
être pi^içiucnulrpour luiiÇar comme* 
fon efptit A'a pu fe former des^îdéeîi^ 
abftraites de régiilarité & de prcupdr^f 
tkm îSoiiajékï a'eA point! iwn pliw^ 

E iiij 


5« .Discours., 

fufbcprible des (entimens d'adinîra^^ . 
tion & d'amour, qui, même uns 
qu'on s'en apperçoive, naiflènt de 
Tapplication de ces idées $ il écoute 
uniquement le tempérament qu'il 
a reçu de la Nature y & non le goût 
qu'il n'a pu acquérir^ & toute femme 
CK bonne pour lui. 

Bokne's au feul Phyfîquedc l'a- 
mour «'& aflez heureux pour ignorer 
ces piefêrences quiet) irntsent lefentt- 
mc^t & en augmentent Ibs difficul- 
tés, les hommes doivent fentir moins 
fréquemment & moins vivement les 
ardeurs du tempérament & par <:on« 
fequent ayoîr. entre eux des diffnites 
plusiràred , Se moins cruellts. L'imar 
ginationqui fait tant de ravages: parr 
mi nous , ne parle point à des cœurs 
Sauvages $ chacun attend paifîble*» 
ment Timpuliion de la Namre y s'y 
livre (ans oioix avec frftts de plaifîr 
^e de fureur > & lebelbin (àttsfait > 
tfttit le défir eft éteint. 

C'est donc une cho(b incontefta^ 
ble que l'amour même» ainfi que 
toutes les autres paffîons , n'a acquis 
que dans la focieté cette ardeur im^ 
pétuçufe qui le rend (î fbuvent fii- 

aeûc aux hommes > & il efl d'autant 


Discours^ 5^ 
fias ridicule de reprfénret ks Sau^ 
Yages comme s'entr'iégorgeant fan^ 
cefle pour afibuvir leur brutalité , 
que cette ooînfon eft direâemenc 
contraire à rcxpépienœ r àc que les- 
Caraïbes , celui àt tous les Peuples 
exiôans , qui jufqu'ici s'eft écarté le 
mi^ins (k l'état de Namrei^ font pré^ 
cifement les pluspaifiblesrdansieurs' 
amours^ & les moins fujiets à la îa- 
louficr quoique vivant fous un Cli-^ 
mat bnuant qui âtnbic toujours 
donner à ces paifions une plus gran* 
4eaâwi!tc. 

• A réga|-d des ihduAibm qu'biv 
p|OUcroit tirer dans plufieurs efpèce^ 
a^animaux , des combats dès Mâles^ 
qui etiiiinglantent en tout tcm9 
ttos baffes cours ou qui font reten-^ 
tir. du. Frintems nos forêts de Icurâ 
ans esM Xt dkpittaht la fèradle-, il; 
fiiùt( commencer par exdure toutes 
Iç» ,e^oes ou la Naiure a manifcC.^ 
fement ' établi^ dans la puiflànce rel;« 
i^tiVe^ des Séxs d^autres raports qùo 
parmi nous r Ainfi les combats desi 
CoçqsjiejKu:ment point imc induc-^ 
don: pcMir Kefpèce humaine.' Dans» 
le^) ei|>èccs ou 1* Proportâon effi 
ttàeto ; <]&ia(vce p oos con^ats s»; 


#o Dis c t>:!U n 1 
pctt^eiK avoir pour: cao&s cpxt Îm 
«kreté 4e5 fe{i!i€lk& eu égard an nc»n«: 
ï)T^ é» Mâks 9 oah% mtorvallcs 
cx^niiô 4ttrant Icùfoth la femelle' 
fefti£t cofiftamnaeQt. Pàppr ochc du 
«nik ^ ce qui revkcit à la première 
csvi^s cacâ chaque fêmtlle ne fbuif^ 
fie k: maie que (krantldaix m^jtf 
4e raonécy c'eft à<«réçarâ ^commc^ 
û k (K»pbre d« &meQes étointnoîn-:; 
drc dos cinq fixrémcs : Ûï. aucune d^ 
ces deux cas n^eft applicable à PeP 
pècc hiiiEnaine ou le àpmbre des &-^ 
jnelles (urpaflfe généralement idslû^ 
des mâles âcoiirba n'a: jamàiis bb* 
iÊbrvéque mêitie parmiDes Saô^;!ige$ 
les femcUcs ayent !i comme? celfcs» 
des autres espèces y des rems de cha^' 
leur & d'cxdjuiioar De plus parmfi 
pluficurs de ces osïimmx , t^utd 'l^ef^ 
j^ècc cntasant à laiftd^^ qii ' »effervefceiîO 
ce , H ¥icntr ua moment ^teft-iW^ 
d'ardeur x:ommi2he ;ide nmitâ^'v^^ 
«^rdre & dfe ' ooiîifcaÊ ^''ttiôttiettt^^ 
cpii n'a point lieu parnii l*fc{]^èce^' 
humaine oît rjunour n'cftjamaii pé^ 
riocHquc; On ne peut donc pasjcc^*^-^ 
ckre des coaabat» d^ ccrsam|f itd^ 
jnaux pow la- poflèiaSbft'^â^i** fe-^i 
«filles: que .la/jaaemfi . cluiib attivJw- 


D I s c a u R îs. t at 
roit à l'homme dam Tétat ie VS$h 
tvtxt $ Se quand même on |>ôuj^ëit; 
tkzt cetto conclufibn , conMftii\ce»' 
dificntions ne décniifent pqkiV les' 
autres efpèces , on dok penfèr aa 
moins ^'el)cs ne (erbient ^ plus 
funeftes à la nôttse , 6c W bfttr^ap^ 
psurem cp%tte» y^^cauiërôletit cnisôre 
mcdns'de lava^e qurefte^^ri^ ftme 
d»is lai Société , fiartout dans Ics^ 
Pays oit les» Mœurs étant endovc 
comptéa poar quelque chdft , li 
jalouite des Amants de la vcrigeaa* 
ce des Epoux camient eh^ue jcMt 
des Duels , des Métirtrcs^ & pis 
encbrèf o&lr devoir dMne AferhcFte i 
fidélité ne fe« qu'à faii^ç^^d^ àcTéil-^^ 
téres , & oà les Loix 4Êictne de h 
continence & de rhonneur éteîKféiîAtf 
néce&itemcntl^ débauche V Ce ta^X-^, 
tipUcnt les apvortcïncns;^ ' • 

' Çonç1nor«a qu'crratir «cfotïS' îcs'^ 
fdrôts Ûm^ In^ftrie , . fôns f afote ,,^ 
iâitei clomfe»e , ftm gttetre f 8c (àns^^ 
ïmfons, lîirts^nfwlbcfoin dc-lcs'fefti^i> 
blabies ^ cïdmme dms mil déiir d^ leur | 
nuire v peut ^' km ï&èmt éim jantài»; 
en timtitkMr& i^ofcm individiicH^- 
ment ; 'l^lKàinMiSt &mvagc:^(itjet à pék^ 
de paffîons > & fe «lâ^râ lui^xiiâM 

E vjî 


ite> D ï s c o tr R 5. 
mç ; n^avok que les fendmens & Icjr 
ktniércs propres à cet état r^ qu'il ne^ 
ièntoit que Tes vrais- befoit^s , ne re- 
Çardoû que ce qu^il croyoit avoir 
intérêt de voir». & que Ton mtelligen*^ 
ce ne faiToit pas plus dej^rô^ès que 
fk vaBite. Si par Kazard â fai^it quel- 
que découverte ^ il pouvait dliutant 
moins kt cefnnmfii<)Qer qu'il ne ie« 
cpnnokToit pas même (es Enfans«. 
L'art périflbit avec Wnventcur ; Il n Y 
avoit ni éducation ni progrès y les: 
générations fe multiplioient inutile- 
inepç > de chacune partant toufours; 
du même point > tes Siècles 3'écour^ 

toute la RrofHéi^etc des: 


vieille , & TMipinie reâ:oit touipur» 
cnânt^ 

.Si je mefîjis étendu G leng-tems^ 
£ir la fuppoHtipn de cette candkibn! 
priinvtiv^v9 e'efl qu'^yaiK d'anciennes; 
errençs ' & des préjugés inyetcréisi à? 
détruite ,, f'ai au devoir creu&i^ ju£»- 
qu^à It^xaci^ ^Si montrer dans le ta«^^ 
bleau du véritable état de Nature com«- 
bien l'inégalité y mente naturelle ,.çft: 
loiii d'avoir dans cet état ^utatît,de: 
rça^ré 5c;4iînflnencc que le prctca*- 
di^tflQS !&èi&^aiii^ f 


.> ix. 


jy T i C O XT K s. €9 

tn cflfct, il cft aîfé de voir qu'entre- 
les différences qui câftinguent les. 
hommes ^ plufieurs pallcnt pimr na*- 
turellcs qui font tmiquement Ton- 
vragc dfe iTiabîtudc fie des divers gen» 
fcs de vie que les hommes adoptent 
dans la Sociâé. Aihfî un tempéra--, 
ment robafte ou délicat , la force oit 
la fbifcriLeflk qui en? dépendent ,. vien- 
nent fouvent plus.de la noaniére dure 
ou éliminée dcmt on a été élevé que 
dek confiitution primitive des corps. 
Il en eft de même des forces de l*Ef- 
prit y Se non-fèulement l'éducation 
met de la différence entre les Efprits 
cultivés y Se ceux qui ne k font pas ».* 
mm elle augmente celk qui fe trou-^ 
ve entre ks premkrs à proportion de 
la ci^ure ; car qu'un Géant , fit un 
Nain marchent fur ki même route ^ 
chaque pas qu'ils forontf L^un fie l'au- 
tre donnera un nouvel avantage ai» 
GeantL Or fi l'on compare la diverfité 
prodigkufe d'édncationsfic de genres^ 
de vie oui règne éàm les differens or* 
dres de rétac civil: n avec ta fîmplidré 
fie runiformité de la vie animale fie 
fauvagc , ou tons k; ncurriâènt des 
mêmes aUmens , vivent de la mêmct 
«aaicrc» & font çxaflgmcnt ksmc> 


r 


mes choftston comprendra combfeit 
U différence d'homme à homme 
dQic être m^Modre dam Tétat de Na^* 
imrc que dans celui d© focieté , & 
combien Knégalitc naturelle doit 
augmenter dans l'efpece humaine 
par Tincgalite d'inftitutîon. 

Mais quand la ^iacure af&ftcroîr 
dans la dîftribotian de (es doàs aiLr 
tant de préférences qu'on k prétend ^ 
quel avantage Ici plias &vorifés eit 
tireroienc-ils , au préjudice des au-- 
très y dans un état de clxofès qui jx'adr 
nafcettroit preiqa aucune forte de re- 
lation entre eux> lii 6à il n'y a point: 
d'amouc^ de qtc^oi^ièry ira la beauté f 
Qpe fera l'èfprit à des gens qui ne 
parlent ipovox , &: la ruf e à ceux qui' 
n'ont point d*afi&ires \ Jentends tou« 
jours répéter que les plus forts.op^ . 
primeront les bibles ; mais qu^on 
m''iaq>lique ce qu'on veut dire par 
ce mot d'oppremon j Les uns domi<^ 
ncront avec violence , ks autres gé- 
miront adbrvis à tous leurs caprices : 
v^ilà précifément ce que >^ob&rve 
parmi nous r mais le . ne voi& pasi^ 
comment tçebi pouvroît & dire dics 
ïwmmes Sauva^s^ ,4 cysi l'on auroàr 

flsemc bka de la saioc i âûc cf»t 


lÉ^ t fc û V K s. Sf 
ffncbtf oc j^aç c'cft que fërrrtude 
A: dotssînatîom Un homme pourra 
bieo:$'çmpéciet des fruits au'un autce 
a cucill» , du gibier qu'il a tité , de 
l^ntrc qiw lui fcrvoit d'azilc r mais 
comment viendra- t4l jamais à bout 
de s'en Êiirc d>éir j &c quelles poup* 
jBoni^re le$ chaîner délai depencbn- 
eeiparmî des homtnes qui ne pofïe^. 
denii rien ? Si Van œe chaflc d^ùa 
arbre » i'en iuif quitte pour aller à 
un ittitrc 5 Si l'^on rate tourmente dam 
on lieu , qui m'ismpecbera die paficr 
ailleurs? 5e trouyc*t-ii lah homme 
^linè force iî&z ûpérkurc à la 
miienncy & <fc plus,. alfas dépravé ,' 
aâbi)'{)arefliii36^ dcjdSez féroce pour 
me contraindre à pôuirvo»: à (a fubh 
fîftance pendant qull demetateoififf 
Jl faut quil fe résolve à ne pas mè 
licifdre die . vue w\: Jk^A iaSbmt , à 
me téiilr Hé AteciÉi très^gratici foèi^ 
duianrïoa'£bmnÉisflr^ et. peur que ie; 
nc:nsféd!iappc o«-fc}^è\îc.^^ d 

c^ffcàfdire,:qu1l efîobiigcdfC s'oxpo- 
§bt voh^ntaâremeiit'à lane pein^ beacî^ 
cciup ^us gtattdc que ostlle qu'il veur 
évritûr^' & qtioceik: c^ufil n9»rjdt>nne-' 
ÏOTTpi^JDcme; Apf»iiiaitîbcW%(ai vK 
i^aoce.^ ^elâfiiak^bfilliÈ 


6* î> I S c o xr n sr* 

Un bruit imprévu lui âit^k^détomv 
ncr la tête ) Je fais vingt'*t|Kis dans> 
la forêt, mc&fers fcmt bri^^ & il 
ne me revoir de fa vie. » 

Sans prolonger inutflcment ces^ 
détails , chacun doit voir que les lien$^ 
de la fervitade n'étant formés que de? 
la dépendance mutuelle des hommes 
& des befbins réciproques qui les^ 
unifient, il eft impoffible dTa^rvir uip 
homme fans l^avQÎr mis auparavant 
dans le cas de ne pouvoir fe paflèr 
d'un autre > fituatmnqui n'cinftant 
pas dans Tétat de Namrc , y laiflfe' 
chacun 19>fe 4^ joag^' 8c rend vaine 1;^' 
Loi du pkis ftut. ^ -' 

Après avoir prouvé que Flnéga*'^ 
lité cû à peine ftnfibk dans l^étar de 
Nature, «^K fon inflBûcnoc^^ cff 
prcfque nulle r il nïe refté à4nontrcr 
tbn.origme & &g progrès- dans Ici^ 
développemèns âfccefiœ 1 de lIE^rir 
humain. Après avoir 'mondé , qu6 
la perfe£Niwt/, Ic^'vcc^ (ookàcs^s: 
& les autres iÊicaltés que rh^ommc 
Naturel ay oit reçues en puiflaricrnc 
pouvoicnt limais (e développer d'éU 
les:4nêcnes^ qu^'ellesi^airoients i>efoiii 
peur cela duconcxmrsfortmtdé'piu 
fie&rs; «anifi»^ ài3â^b»sivi^;poûé& 


Dis c o u rs. 9j 

voient ' ne îamais*nakre , & (ans le(i 

3uclles il fut demeuré éternellement 
ans fa condition primitive ^ il me 
refté à confidérer tk à rapprocher les 
difFérens hazards qui tînt pu perfec- 
tionner la raifon humaine y en dété- 
riorant l^efp^cc , rendre un Etre mé* 
chant en le rendant fociable » &: d'un 
terme (i éloigné amener enfin l'hon^ 
me & le monde au point ou nous les 
voyons. 

. J'avoue que les évènemens que j^ai 
àri décrire ayant |n£ arriver cfe plu* 
fi^rs ma^niéres , je v^^ puis me deter-» 
miner fur le choix que par des-con^ 
jeÛures \ mais outre que ces cbnjec-» 
turés deviennent desralfons, quand 
cUes (ont ks plus probables qu'on 
puifiè tiret de la nature dtcs chofes fie 
les feuls movens ^u'on puille avoir 
de découvrir la vérité , les coii(equenr 
ces que je veux déduire des miennes 
ne (èront point pour cela conjeâu» 
raies ^ puifque , fur les principes que 
je viens d'établir , on ne (auroit for^ 
mer aucun aumre fîftême qui ne me 
fburniflè les mènes ré&ltats ,. & dont 
]e ne puiâc tirer les mêmtes conclu^ 
fions. 
Ceci me di(peafera d^étendre mes 


H 


tft D I s c o tr m & 
réflexions fiir la manière donr le Itps 
de tcms compenic le prn de vrailcBv 
blance des évenemens 5 fur la puif&a- 
ce (urprenante des caiiies très légères 
k^riqu^elles ^ffent fans relâche i fiir 
riînpoffibdlite où Ton efl d'un côté 
de détruire certaines hypothéfès, û 
de Tautre cm (c trouve hors d'état de 
leur dûraier le d^re de certitude des 
ftics ; fur ce que deux fiûts cunt don^ 
nés comme réels à lier parunefiute 
de fâirs intermédiaires > incommsou 
feg^és comme tek » c'câ àrhiftoi^ 
tp ^ quand on l'a , de donner les Êdts 
qui les lient I c'eftàk Philofiaphieà 
ion défaut , de déterminer les faits 
fhnblables qui peuvent les lier 5 En» 
fin fur ce gu^en matière d^cvèoe- 
mens la fimiiimde réduit les &its à 
un beaucoup plus pefit nombre de 
daflès différentes qu'on ne fe l^ima» 
gine. lime fuffit d'offrir ces objets 
a la coniklération de mes JFugcsiil 
me fuffit d'avoir fait en forte que les- 
Lefteurs vulgaires n'cuflfcnt pas be» 
ûAn de les conûdérer* 



"Dis € 9 V K9. 69 


■»«■ 


SECONDE PAKTJE, 

■ • ^ 

L£ premier qui : ayant endos vm, 
terrain i s'a¥Î(a de dire , ceci efi 

kmci^^ trouva des geoSv a0ez iimi* 
plç$ ppur le croire^ fût le vrai fond^ , 
te w . de la £aciété civile. Que de cA^ 
niesv:de guerres , de. rneurtres , cçac 
de mifércs ôc d'honrcurs n'eût point 
épargnes au Genre-humain celui qui 
ar'^achant les pieux ou comblant le 
fofle , eût crie à (es femblables. Gar« 
dez^vous d'écouter cet: ini:x>fieur . 1 
Vous êtes perdus fi vous oubliez que 
\^ fruits font à tou^ , & que la Terre 
n'eft à perfonne : Mais il y a grande 
apparence , qu'alors . le;s cho(es en 
étoient déjà venues au point de ne 
tH>uv;Qir plus durer conjme elles 
ei^i>içnt i car cette idée^ de propriété » 
' dépendant de beaucoup dldées an* 
tériewes quinToni * pu naître que iîic- 
ceâiyement, ne (c forma pas tout d\ui 
coup )dans refprit humain : Il falut 
faire bien des progrès , acquérir biea 
de l'induftrk, At des lumières , le$ 
tcç^uOncittre gc^ Iç* ai^gjnçnicr 4*^»* 


7© DiscôùKSf. 

en âge , avant que d^ârrivcr à ce dcr-^ 
nîcr terme de ictat de Nature. Re- 
prenons donc les choies de plus haat, 
& tâcHons de raflcmbkt Cuva uirfcùî 
pôî'it de vue cette fcnte fuccefCoQ 
d^évènemens & de connoiflànces ^ 
dans leur ordre le plus naturel. 

Le premier fentîmentde l'homme 
fat ceraî de fon exîftencc , fon prc-- 
mîer foin celui de (a coniervatiôiw 
Les produéHons de la Terre lui four- 
niflbient tous les fecours néceflàires , 
ïlnftinA le porta à en faire n(àge. La 
£iim , d'autres appetit$ lui tai&nt 
Couver tour à tour diverfes maniè« 
r6s d'exifter , il y en eut une qui Pin- 
vîta à perpétuer fon c(pé<fc f dt ce 
pfenchant aveugle , dépoarvude tout 
f<^ntimentdu cœur , ne prôduifoit 
ou*una£le purement animal. Lebe- 
fbin fàtisfait , les deux (cxes ne fe re^ 
connoîflbient plus, & l*Enftnt micme 
n'étoît plus rien à la Mcrç fi-tôf qu'il - 
pouvoit fc paflcr d^elle.^ 

Telle fut la condition^ de lliomme 
naiffant 5 telle fut la vie d'un animal 
borné d'abord aux pures fen&tions , 
Se profitant à peine des dons ^ue lui 
offroit la Nature , loin dé foripr à 
lui rien arracher s mais il k prcfcntti' 


pi « c o u it s. 71 
hkmôt des difficultés , il falut ^pçttn- 
dre à les vaincre: la hauteur des Âr-- 
bres , qui l'empêchoit d'atteindre à 
leurs fruits , la concurrence 4es ani^ 
maux qui cherchoient à s'en nourrir ; 
la férocité de ceux qui en vou« 
loient à fa propre vie , tout l'oblf'» 
gea de s'appliquer aux exercices du. 
corps ; il Êdut Te rendre agile » vîtCr 
à. la côurfe, vigoureux au combatXcs 
armes naturelles cjui font les branches* 
d'arbres & les pierres , fe trouvèrent 
bientôt foiis fa main. Il apprit à fur-^ 
monter les obftacles de la Nature ^ 
à combattre au befoin les^utres ani- 
maux y à diTpiiter Ql fubfiftance aux^^ 
ï$fmmes mêmes , ou à fe dédonima^; 
g« de ce qu'il âloit céder ai) plus> 
fort, 

A • mefure que le Genre-humain; 
s'étendit, les peine» fe multiplièrent 
avec les hommes. La différence dçs^ 
terrains ^ des Climats , des f^ifons ,. 
put les for^ceràen mettre dans leurs> 
manières de vivre. Des années ftéri*; 
les , des hy vers longs & rudes , des' 
Btés^ hroians qui confumem tout ,i 
oignent d'eux. une nouvelle ÎJ^ufi 
trie. Le long de la mer ' Se ides Kîvie^ 


7^ D î s c o tr n f. 

nameçon ; & dcvintcnt pcÀmtÈ ^ 
Ichtyophâgcs. Dans^ ks forêts , ils ib 
firent des arcs & d^ flèches, âcde-*^ 
vinrent Chaflcurs & Guerriers 5 dan* 
les Pays froids , ils (e couvrirent des 
peaux des bêtes qu'ils avoient tuées r 
trC nonncrre , un Volcan ; ou quel-- 
que heureux haz^rd leur fitconn^: 
tre le feu , -nouvelle reflbuirce catmt 
la rigueur de Thyvcr: Ihai^prirent à 
conferver cet clément , puis à It'tc^ 
produire , & enfin à en prfoarer Ics^ 
viandes qu'auparavant il devoroient^ 
crues. r ■. - ..' 

Cette application téifetHée désStreif 
divers à lui-même , éc ks uns ^td» 
autres , dut natordlentienf ^n^s^ni^ti 
dans TeTprit de l^bômme jlcs percep^ 
tions de certains raports. Ces rtla-« 
tiens que ndus exprimons par les 
mois de grand l' àt^ petit , de fikt , de 
ftiible , de vite , -de letit , de peureo!3ty 
de hardi , Se d^tititt^es idées p^feitte^ ? 
comparées ^ befbiiH & pfeiljueÛHsr 
y-fonger , pfoduifirent eittin cheas lui 
ciuelque forte de réflexfoh , ou pltK 
tôt une prudence nliafshinâle qui lui 
indfiçiiiott ké pféâiatiôns ksi ^t^àé^ 
âflTaîresIkTa-ftii*^; > " " • - i ^ i .' ; 


fCût de ce développemenr , augmcn* 
térent ùl (uperioricé fur ks autres 
animaux , en la lui faiiant connoitrc 
Il s'exerça à leurdrefler des pièges; 
il leur donna le change en mille ma* 
niéres,& quoique plufiears le fiir« 
paflàffent en force au combat , ou en 
^efleàk courfir; de ceux qui 
soient lui icrvir <xi lui nuire , E de« 
vint avec le tems le maître des uns ^ 
êc le fléau des smtres. Ceft ainfique 
le premier regard qu'il poru fut lui* 
même ^ y prodkiifit le premier mou^ 
vtment d'orgucii ; dm ainfi cpx Cçsl^ 
chant encore à peine diftinguer les 
rangs , & (c contkrmplant au picmiei 
ar Ton efpéce , il & préparok de hoixL 
y prétendre par foa individu. 
QMJque fys &mUablGS ne BxStM 
pas pour lui ce qu'ils ibnt pour nous^ 
& qortl n'4Ût giyeres ^ptas de ami^ 
œerce «rec eux mf avec les aocrû 
animaux, ik ne nireiit pas ouUiéi 
dans fe^i^(erfationis. Les coaù^rmié 


î 


fér 4|ue te «enss put ku £ikcapper« 
ceMoir ^emare«ox , ùl &mdle & lui*^ 
même I k firent |a|^r de odler^qaTii 
À'appbràsMoit pas-, êc ^voyant mNè» 
fe conduifoioni tous ^omme -fi an* 


j.^ 


74 Discours. 
il condut que leur manière de pen« 
fer & de (cndr écoit entieremenr cv n^ 
forme à la fienne,& cette importante 
vérité bien établie dans Ton eip^it » 
lui fit fuivre par un prefTcntimcm auf- 
fi fur & plus prompt que la Dialec* 
dque 9 les meilleures règles de con- 
duite^ que pour Ton avantage & (a 
fureté u lui convint de garder avec 
eux. 

Inftruit {>ar Texpérience que Ta^ 
mour du bien-être eft le feul mo- 
bile des aâions humaines » il fe trour 
va en état de diftinguer les occafions 
tares où Tintérêt commun devoir le 
£iire compter fur Tafliftance de (es 
ionblables , & celles plus rares enco- 
fe où. la concurrence devoit le faire 
défier d'eux; Dans le premier cas, il 
s'uniiToit avec eux en trôujpeau , ou 
tout au plus par quelque (orte d'af^ 
fociation libre qui n'pbligeoit per« 
fohne^ & <itii ne duroit qu'autant 
que le befoin ^afl&gcr^ui l'avoir for-» 
mée. Dans le (econd , chacun cheri* 
dioit à prendre Ces avantages , foie 
à force ouverte , s'il croyoit le pour 
v^ir 5 foit par ad^-dfe & fubtiUtç, s'tt 
(e ^entott le plus foible. ' . :} 

, VoUà rconmieat les hoounes jw^ 

lient 


Discours^ 7Î 
reiît infènfiblement acquérir quelque 
idée ^roffiérc des éngagcmcns mu-* 
tucls , & de Tavantagc de les rcmplirj; 
mais feuletncnt autant queponvoit 
l'exiger rintcrêt préfcnt & (cnfîble j 
car la prévoyance n'étoit rien poui? 
eux , & loin de s'occuper d'un avenir 
éloigne y ils ne fongeoient pas mê- 
me au lendemain. S'agiflfoit - il d€ 
prendre un Cerf, chacun fentoit bîea 
qu^il devoir pour cela garder fidelle- 
ment fon pofte 5 mais fi un lièvre 
venoit à paflèr 4 la portée de Turt 
d'eux , il ne faut pas douter qu'il ne 
le pourfuivît fans fcrupulc , & qu'ai 
yant atteint fa proye il ne fc fou-^ 
ciât fort peu de faire manquer 1% 
leur à fcs Compagnons. 
Il eft aîfé de comprendre qu'un: 

{pareil commerce n'cxigeoit pas uii^ 
angage beaucoup plus rafiné que^ 
cdui des Corneilles ou dei Sin^esy 
qui s'attroupent àpeu près de merhe.^ 
Des cris inarticulés , «beaucoup de 
gdftes , & quelques bruits imitatift y 
<])jrent compofer pendant long-tems" 
la Langue univerfelle', à quoi joi-t 
gnant dW chaque Contif^e duèlqûei^; 
Ions articatps:^ convenvioncts/ds^nt/: 


trop fecik d'expliquer l'inftiturfon i 
en eut d€$ l^ngue^ particulières^ mais 
groâîérea > imparfaites , & telles à 
peu près qu'en ont encore aujour- 
d'hui divcrfès Nations Sauvages. Je 
pai;cours comme un trait des multi* 
tudcs de Siècles ^ forcé par k tems 
.qui 5'éco«]le , par l'abondance des 
chofes que ï'ar à dicc , & par k pro* 
grès, preftjue infcnfîble des commen-» 
cenaens / car plus les évcncmens 
ctoient kms i fe fucceder ^ plus ils 
tmt prompts à décrire. 

Ces premiers progrès mirent cnfîi> 
Vhomme à portée d'en faire de plu^ 
irapides. Plus l'écrit s^éciaitxrit ^ Se 
plus i'induâme fe petfeâjonna« Bien-^ 
toc ce(&nt de s'endormir fous le pre^ 
amcc arbre ^ ou de & rcticer dans des 
Cavernes o» trouva quelques fortct 
et: iiâÈcfaes de: picmxs dures Se trant 
^anto^:, cgd finrvirent à couper du» 
iToiSvCiiciifer la terre ^ & faite des hut** 
tes cbt branchages y qu'on: s'a viû en* 
jCxte d'endioàBr d^argik & de boce^ 
Ce fu^là répoquc d'une, fnremiéq^ 
révolution quti&m»i'étaJ2di£toienu 
ÎKL Ik difËnâkmjksi £uiiuila.v .âiimii 
Vstroduîfitiinft^f^ d& pcopôéte^ 
jfpM, i^wff-çf rp^ ' uiitn hifi i c^|k.:bi£iii 


t 

'I>I»C.OU KTSî' *rt 

^csciuerielles &, des. Comiaats. Ccpcm 
4ant comme les plus forts ,mmat 
vrairemblabkmrat les premiers à fe 
faire des logemcns qu'ils (e fcntoienC 
capables de dé&ndre^^ il eft à croire 
qsie les fbibks trouvèrent plus cour9 
& plus (m de les imiter que de tenter 
de les dek)^ : & quant à ceux qui 
avaient déjà des Cabaioes. , chacan 
4ttt peu chercher à s'appropriet celte 
éc (on voîân , moins parce qi^éllâ 
TBtc \xxi appartenok pas , que parce 
qu'elle mt étoit inuribe y & qui! ni 
pouroit s'en enapacer > fans s'expofim 
a un combat tres-vif avec la famiHa 
qlti l'ocoipoit:. ^' 

li£M pfenàiers dafclappemetis: dit 
cœur furenr-Heâct d'Unr fituariod 
ïioia^rcUe qui réunifTeic dans une hai^ 
bmciofii commune les maris & ici 
Fcmm« i ks Percs. & les Bhâns^ 
l'habitiide de \dhroe enfeonMefiit naîtttt 
les plus .doux Tentimens qui foient 
conniis' des hom:mes , Famour com 
logal > & l'amour Paternct Chaque 
Êimiilk devint tinr petke Sodiété 
jf autant mÎQUx unie que l'anau 
^ntmcM iédlprt>gBe & la lâbeité ea 
€tdieM'lo.finsls:bàw;i;& ce fiit alofS 
ipç^s'cttblitLia qpQa^ce:^ diââKool 


7» Dl^Ct) tTR s. 

dans lâ manière de vivre des'deasr 
Sexes , qui jufqu'ici n'en avoient eu 
qu'une. Les fcnimes devinrent plus 
iedentaires & s'accoutumèrent à gar* 
der la Cabane & les Enfans , tandis 
que rhoxnme alloit chercher la (îA ' 
iiftance commune. Les deux Sexes 
commencèrent auiîî par une vie un 
peu plus molle à perdrequelqùe cho- 
& de leur fériocitè & de leur vigueur î 
mais fi chacun fèparément devint 
moins propre à combattre les bêtes^ 
iauvages , en revanche il fut tdus aifé 
de s'alfembler pour ]eqr rçfifter en: 
commun, i 

Dans ce nouvel état , avec une vie 
fiinple & fdikàwè y des befoins très^ 
bornés ^ & les inftrumens ' qu'ils 
avoient inventés pour y pourvoir, 
les hommes jouilanr dfun fort grand 
loîfir,remfdbyérent à feprocarcitplu- 
iîeurs fortes dé commodités incon^ 
nues à leurs Pères V& ce fut là le pr^ 
micr }oug qu'ils -s'imçoférent fans y 
fonger , Se le première fource de 
maux qu'ils préparèrent à leurs îDef; 
cendans $ car outre qulisi contirmc^ 
rent ainfi à s'amolir le^ càcp$i& l'e& 
prit y ces commandités ayaiit par lthai> 

pitud£^er4aprd*^toiit.l^ z^â^ 


B 1 s c^o^ Tï 1R. s. 7f 
lôcnt , & étant en même tcms dégé* 
nér^ée^ en de vrais befains , la pr iva« 
tion en devint beaucoup plus craelle 
que la pofTeâion n'en étoit douce ^ 
&.ron étôit malheureux de les pér<- 
dre, fans être heureux dcles pollèderl 
On entrevoit un peu mieux ici 
cornaient PuPage >de la parole s*étai- 
hiiç ou fcperfeftionneinfchfiblcment 
daijs kl fcin dé chaquei famille^. & 
i*OTk.ipç\xt cotïjeaurer encore " çofla?- 
irïçnt diverfes caufes particulières pu^ 
jrent étendre le langage, 6c en accé- 
lérer le progrès en le rendant plus 
j%éc(e(j^rjc. Pe grandes inoàdatiohs 
ou de% tf cmblcmens de terre environ- 
lièrent d-âux oui de précipices, des 
.Cantons habités s DH révolutions da 
ijCîlobe détachèrent & coupèrent ca 
Iles des portions du Continents On 
conçoit <j|u'entre des hommes aînâ 
jr^pprpçhes , tk. forces de vivre en- 
jfemble y il dut iè former un Idiome 
çomnmn plutôt qu'entre ceux qui 
crroient librement dans les forêts de 
Ja Terre ferme. Aihfî il eft très - poC- 
fible qu'après leurs premiers eflàis de 
Navigatiqn , des Infîilaires ayentj^r- 
-tc çarmi nous Tuiàge de la parole 5 

4c il ej(lau moûis très^vraifemblablê 

j -T^ • • • 

FiiK 


•^ D TS c c ir n si 

qxUSocfété & les langnes ont pris 
naîf&nce d$ns ks Iks ^ & s'y iont 
per&âioooéçs ai;»sit que (fêtrecon- 
fiQCS tlaos le CDBtment. 
. Tout camflncnoé à <:iianger de 
fKC. Les hommes enrans folquici 
dans les Bois , ayant ^u une affiéte 
fAm fixe ^ fe rapprochent lentement ^ 
ie réunifient en diverfes troupes , & 
':ft}rni£«t enfin dans chaque contrée 
anc Nation partrculiére , vaéc «de 
œorars & dé caraâères , non par des 
&^CBiens èc des hcÀx > mais par le 
jnêmc aenre de vie &: d^alknens , 3c 
f)ar rinAiencc c<mimttne du ClinruM^ 
Un vc^îna^ permaacAi? ne bèttt 
manquer d^gcndpor erîfei-^Jc^îtlqutr 
ikifon enifôextivéfièsÀmâl^s. De y^ 
ncs gens de di^r^s fexes hantent 
«des Cabanes voMînes , te commerce 
^palËger c}ue demande là Natu^ ^vt 
«néne bientôt un * autre m^n moîftfe 
làoùx, & plus permaÀ>eht par 4a frc- 
îqiïcntatiDn mututîlte. On i'accoutu^ 
rrac à confidcrer dfifcijens ^objets ,, & 
â faire des compàraîfons j on ac-^ 
sjiucrt inicnfîblement des idées de 
mfffte & de beauté qui produifent 
ades ientimens de préfétence: A force 
idc fe voir * on ne peut plus fc palfèt 


^c fe voir encore. Un fcntîmcnt ten- 
dre Se doux s'infinoe dtfis Vzme , Sc 
par la moindw oppofition écvkî^ 
une fureur impetueute : la jaloufie s'é- 
veille avec Pamour 5 la Difcordc 
triomphe , Se la plus douce des pa£> 
fions reçoit des (acrifices de fang nu^ 
fnain. 

- A mefore que les idées & les Icntî- 
ipens Ce fuoc«dcnt , que l'efprit ^ it 
ïoeur s'cxçrcent , le Ccnre-humaiii 
continue i s'apprîvoifer , îes liaifons 
s'étendent & !cs liens fe rcflcrrent. 
On s'accoutuma à s'aflembler devant 
les Cabanes ou autour d^un grand 
Arbre : le clianc Se la danfë , vrais 
enùns de Tamout & du loifir , dçyîn- 
TCM ratnurcmcnt ou plutôt l*o«aH- 
parion des hommes Se des femmes 
oifift Se attroupés. Chacun com« 
ïnença à regarder les autres Se i vou* 
loir être regarde foi-même , Se Tefti- 
me publiqi>c eut un prix. Celui qui 
chantoit ou danfoit le mieux 5 le plus 
beau , le plus fort , le plus adroit ou 
le plus éloquent devint le plus con- 
iidcré , Se ce fut là le premier pas vers 
l'inégalité , & vers le vice en mcrae- 
tems: de ces premières préférences 
4iâquif ent d'oA coté la vanité. & W 

F uij 


«9 Dis c o V k^. 

mépris , de l'autre lahonte'Ôc l^nvîcj 
& la fermentation caufée par ces 
nouveaux levains, produifit enfin des 
compofçs fiineftes au bonheur & à 
Innocence. 

. Si-tôt que les hommes eurent com« 
incncé à s'apprécier mutuellement & 
que l^idée de la confidération fi|t for- 
cée 4aiî s kui*efprit t chacun préten- 
dit -y avoir droit , & il ne fut plus 
poffible d'en manquer impunément 
pour perfonne. De-là fortirent les 
premiers devoirs de. la civilité , mê- 
me parmi les Sauvages , & de-là tout 
tort volontaire devint un outrage^ 

Î)arcc qu'avec le mal qui réfultoic de 
""injure , l'offenfé y vpyoît le mépris. 
dç Ç^ perfonne fouvcnjf plus infiipof- 
^able que le mal même. G^eft aînfi 
îque chacun punifïant le mépris qu'on 
Jui avoit "témoigné d'une manière 

Î>roportionnée au cas qu'il fàifoit de 
ui-mcme , les vengeances devinrent 
terribles , & les hommes faiiguinâi^ 
jes & cruels. Voilà précifémerit le 
.degré où étoient parvenus la plupart 
4es Peuples Sauvages qui nous font 
connus > & c'cft faute d'avoir fuffi- 
^mment diftingué les idées , & ro- 
^a^qaé comJbien ces Peuples étoient 


ï> l's c o tr «. s. «j 

dcjà loin du premier état de Nature ^ 
que pluficurs fe font hâtés de con- 
clure que l'homme eft naturellement 
crijcl & qu'il a befoin de police pput 
Fadoucir, tandis que rien n^eft fi doux 
que lui dansfon état primitif , lorC- 
que placé par. la. Nature à des di{^ 
tances égales de la (hipidité des bru- 
tes & des lumières funcftes de l'hom^ 
3ne civil , & borné également par 
rinftinft & par la raifon à fe garan- 
tir du mal qui le menace , il eft re^ 
tenu par la pitié Naturelle de faire 
Jui-même du mal à perfbnne , (ans y 
être porté par rien, même sipïès. en 
avoir reçu. Car, (clori l'axiome dix 
lage Locke , il ne pmroit y mjair d'ir^ 
jure , où il ny a point de froipfiété. 
, Mais il i&ut remarquer que la So- 
ciété commeoicée & les relations dé- 
,jà établies eiurfe .les hommes ;, tri- 
rgeoient en. eux des qwaiiiés difFérenr 
te^idc celles qu^ils tenoient de leur 
ct)nftitution primitive; que la mo 
•ralité: commençante à s'introduire 
:4^ns les A^ioi)^ humaines , & cha^ 
if^iaTtaiaiJJtjlei. hoït étant fcul juge &: 
t»ngeur des bffenfts qu'il avbit re* 
:^Qs , :1a bpnté . aotwenafcfe au pur 
-#Mi <e.NjU3ij:cJ»!étok^ celle ^ 


14 .Pi se OURS, 
convtttoit à là Société, naîflantic 'r 
qu'il Éiloit que les punitions dcvinfl 
fcnc plus févéres à mcfurc que les 
occauons. d'bfifenfer devcnoient jJlus^ 
fréquentes ^ & que c'étoit à la tcr- 
leur des vengeances de tenir lieu dvL 
Êcin dc& Loix. Ainiî^ quoique les- 
hommes fuflênt devenus ];noinscn*- 
durans y & que lia pitié naturelle eût: 
déjà fouflfert quelque altération , ce 
période du développement des fa- 
cultés humaines ,. tenant un jufte 
fnilieu entre l'indolence de Jfctar prf- 
mitif & la pétuiailtc.âftivîté de notre 
jatnour propre y dut être ré^)oquc Ik. 

Îlus^ hcurcufe , & la plus durable^ 
lus on y réfléchit i. plus on trouve 
que cet état étoit ic moîiii ïujec aux: 
révolutions , le meilleur a f Homme ^ 
e*ti30(;* ij>.);'dc qu'il n'en a d4(brrit que 
-par quelque fùncflchaarard; qui' pour 
rutiîité commune çfût du àcr jamais 
arrivenL'èxcmpieiicg Sauvagesqû'pc^ 
a prc(que tous trouve à ce poîtit fern- 
4>lc confirmer qtic le Êîcnre-humain' 
4toit fait pour y refter toujour^ ,.quc: 
ietétat eft là véritublè jèuttdïè 'ditî 
JWcmde, & que €ous les j^rogjtèsuU 
*0erieurs '-cmt letojeii api^afr&ncfc^awtatfc: 
i4fc gas; Ycri- la'Jê6iftaS©ft^4è:'l 


Disc© xt r s. ^.85 
9îd\x , & en c&t vers la décrépitude 
<le refpécc. 

Tant que les hommes fc conten- 
tèrent de leurs cabanes ruftiques, tant 
qu'ils fe bornèrent à coudre lairs 
habits de peaux avec <tes épines où 
des arrêtes , à fe parer de plumes & 
de coquillages , à fe peindre le corps 
de diverfes couleuïs , à perftftionncr 
ou embellir leurs arcs & leurs flèches» 
. à tailler avec des pierres tranchantes 
quelques Canots de pêcheurs ou quel- 
ques groffiers inftrumens de Mu(i^ 
que ; En un mot, tant q\i''îls ne s'ap- 
pliquérenr qu'à des ouvn\gfs qu'un 
îcul pouvoit iàire , & qu'à des arts 
qui n'avoient pas bcfoin du ^toncours 
de plufieurs mains, ils vécurent libres,, 
iains, bons , & heureux autant qu'ils 
pouvoient Têtre par leur Nature , Ôc 
continuèrent à jouir entre eux des» 
dbuceurs d'un commerce indépen- 
dant : mais dès l'înftant qu'un hom- 
me eut befoiri du fcçours d'un autre i 
Iles qu'on s'appcrçiit qu'il étoft utile 
à un feul d'avoir des provifîons pbûjt 
deux , l'égalité dîfparui: ^ la propriété 
5*introduîfît , le travail dévint nécd^ 
feke & les Vaftes forêts (e changéréfjîc: 
«*^.Campagn« riantes- qrf41 felliSt 

E vji 


t( D is c o u R s; 

an;ofcr de la fueur des hommes y St 
dans kfauclles on vit bientôt Tcfcla^ 
Vagc & la miférc germer & croître 
avec les moiflbns. 

La Métallurgie & TAgriculture fii^ 
xent les deux arts dont l'inventiot^ 
produiiît cette grande rcvolutioa,. 
3?our le Poète , c'cft Tor & l'argent ^ 
mais pour le Philofophe ce font le 
fer & le bled qui ontcivilifé les hom-. 
mes j & perdu le Genre ^ humain ^ 
auflS Tun & Tautrc ctoicnt- ils incon^ 
pus aux Sauvages de l'Amérique qui 
pour cela font toujours demeurés^ 
tels ^ \ç& autres Peuples fcmbicnt mc-^ 
me être reftés Barbares tant qu'ils ont 
pratiqué Tun de ces Arts lâns l^autre ;; 
ce l'une des- meilleures raifonspeut- 
çtre pourquoi l'Europe a été, frnoft 
plutôt, dû moins plus corlftammeni: ,. 
&L mieux policée que les autres par- 
ties du monde , c'cft qu'elle eft à 1* 
foi^ la plus abondante en ftr & 1» 
plus fertile en bied.. 
^..11 ^ft.très- difficile de conjcâiirer 
cènamcnt les hommes font parvi?Dus> 
àcohnoître & emplpyçr le fer : car il 
ja'eû pas croyable qu'ils avent imaî- 

Sine d'eux-mêmes de tirer la. matière 
^ z la ixûne 2c de luidonner les gi;^ 


Dis C o u h y. sy 
^rations néccflaires pour la mettre 
en fofîon avant que de fçavoir ce qui 
en réfulteroit. D\in auirc côté <yi 
peut d'autant moins attribuer cctic 
découverte à quelque incendie acci- 
jdentel que les mines ne (e forment 
jque dans des lieux arides , Se dénués 
d'arbres & de plantes ^ de forte ciu'on 
diroit que la Natute avoit pris des 
précautions pour nous dérober ce 
fetal (ècret. Il ne refte donc que la 
circonftançc extraordinaire de quel- 
que Volcan, ^^ui , vomilïant des ma- 
tières métalliques en fiiiion y aura 
.donné aux Obfcrvateurs Hdéc d'imi- 
ter cette opération de la Nature 5 en^ 
coré faut - il leur fiippcrfer bien du 
4:ourage & de la prévoyance pour en* 
treprendre un travail auffi pénible & 
cnvifager d'anal loin les av^mtages; 
qu'ils en pouvcicnr retirer j ce qui ne 
convient guéres qu-'à des efprits déjà 
plus exercés que ceux ^ ci ne le do- 
iroient être. 

Quant à TAgriculture y le principe 
en fiit connu long tçms avant que I2 
pratique en fut établie , & il n'eft. 
^péres poflGÊie q^e les hommes faiïs; 
jceflfe occupés i tirer leur fobfiflance 


«s D t s c crir R sT 

aflfez promptcmcnt l'idée des voycy 
qitc la Nature employé pour la gé-*^ 
nérarion de» Végétaux ; mab leut 
indiitbrie ne (e touToa probablemcnr 
^lie fort tard de ce côte-là y foit parce: 
que les arbres^ qui a\^cc h chaûe & la 
pêche fourniflbient à fciir nourriture^ 
n'avoîent pas bcfoin de leur» foins y 
foit faute de cdnnottre Tu&ge du 
blcÀ , foit j&ute d'inftnimens pour le 
cultiver , foie faute de prévoyance 
pour le bcfoin avenir, foit enfin fàucc 
ie moyens pour empêcher les autres» 
.de s'approprier le fruit de leur travail. 
Devenus plus înduflrieux , on peut 
croire qu'avec des pierres aiguës , fc 
,<!csbâtons pointus ils commencèrent 
|)ar cultiver quelques légumes ou ra- 
3cines autour de leurs Cî5>anes y long^ 
tcms avant de (avoir préparer le bled,, 
-ic d'avoir les mâcumens néceflâires^ 
pour la culture en grand, fans comp^. 
,ter^e, pour fe livrer à cette occu- 
pation & enfemencer des terres, il 
. Aut (c rcfoudce à perdred'abord quel- 
-que chofe pour gagner beaucoup 
idansla fuire; précaution ibrt élofgnee 
du tour d'ei^rit de Wiomme Sauvage,. 
aqui^ comme jeTaidit va biende laf 

jpjrbjeAfqngai/ic xxntiaii&Siberoias^ 

dufoii:;. 


D t s c a tr R s. 9^ 
>' Llnventron des autres^ arts fut 
éoïuz ncccflkirc ponr forcer le Genre- 
feiimain de s'appliqi»er à Gcllii' de ?a- 
griculture. Des qu'il falut des hom- 
mes poarfondte & forger le fër , il 
falut d'autres hommes pour nourrir 
^cux-là. Plus le noipbrc des ouvriers 
vint à fc multiplier , moins H y eut de 
mains employées à fournir a la fub- 
fiftance commune , (ans qa'îl y eut 
moins de bouches pour la confora- 
mer$ & comme il falut au^x uns des 
.denrée en échange de leur fer , les 
autres trouvèrent enfin le fècrct^d'cm- 
;ploycr le fer à la multiplication des 
•denrées. De là naquirent cf un côté le 
Labourage & l'Agriculture , & de 
l'autre rart de travailler les métaux > 
?& d^cn multiplier les uÉiges. 

De la culture des terres s^fcnfuivît 
jacoeflâirement leur partage 5: & de la 
.propéicti une fôis^ reconnue les pre-- 
ttiia-csr régies deirjuftice^ car pour 
aeûdreâ œaçînleikn, il faut que 
chacun puiffe avoir quclqiie cîiiofe r 
de plus les hommes commençante 
çeotter leiïrs vues dâna ràvcnir ;, & fe 
croyant tous quelques^ biais wûçf dr^ r 
iil iVyren afvbit aitcun qyi.n'cutja diaiti- 


i 




« # 


!• ■^t 


'." 


jpo .D I s c o tr R Si 
qu^il pouvoit foire à autrui. Cctfc"bn- 
• gine cft d'autant plus naturelle qu'à 
cft impoflîWc de concevoir Wdce de 
la propriété naiflante d'ailleurs que 
de la main d'oeuvre ^ car on ne vok 
pas ce que , pour s'apprc^ricr les 
chofcs qu'il n'a. point feites , l'hom- 
me y peut mettre de plùs;quc fon tra- 
vail. Ceft le feul travail qui donnant 
droit au Cultivateur fur le produit de 
la terre qu'il a labourée, lui en donne 
par confcquent fur le fond, au moins 
)ufqu*à la récolte , & ainfi d'année en 
année ^ ce qiii fàifant une polfeâion 
continue , fè transforme aifément en 
propriété. Lorsque les Anciens , die 
Grotius , ont donne à Cérès Tépithc- 
te de legiflatricc , & à unc.fête célé- 
brée en fon honneur , le nom de 
Thefmophories', ils ocit £iit entendre 
par-là que le partage des terres, a pro^- 
duit une nouvelle forte de .^oit. 
C'cft-à-dîre, le droit de propriété diê^ 
feront de celui 'qui refiilte dcld.Lo£ 
naturelle: ' ' . . 

Les choies en Cet étdt enflent pu- 
idcmeurcr égales , (î Icstalens tuflcnt 
été égaux V & que ,. par exenaplefV 
rcmplqî<iu fejr , & k cohfomm^fioâ 


bùàXicé ex2i&c 'y mais la propbrtioh 
que rien ne maintenoit , fut bientôt 
rompue; le plus fort faifoit plus d'ou- 
vrage $ le plus adroit tiroit meilleur 
parti du (îen 5 le plus injgénieux trou* 
voit des moyens d^abreger le travail 5 
Le Laboureur avoir plus befoin de 
fer, ou le forgeron plus bdToinde* 
bled , & en travaillant également [ 
l'un gagnoit beaucoup tandis cjiie 
l'atitre a voit peine à vivre. C^eft zmû 
:quc Wncgalité naturelle fe déployé 
infenfiblemcnt avec celle de cohibi- 
liaifon & que les difiércnccs des hom- 
tnesv développées par celles des cir- 
xonftanccs , fe rendent plus (èn(îbles » 
rplus permanentes dans lèùrs effets , & 
-commencent à influer dans la même 
proportion furlefort des particuliers. 
Les chofcs étant parvenues à ce 
tpoint , il eft facile d'imaginer le refte. 
Je ne m^arrcterai pas à décrire l'in- 
vention fucceffive des autres arts , le 
{)rogrès des langues y Fépreuve & 
'emploi des talens » l'inégalité des 
formnes, Pufageou ?abus des RicheC 
fes, ni tous les détails qui fuivent ceux- 
ci , & que chacun peut aifément fupw 
pléer* Je me bornerai* feulement à 
jettcx un coup d'œîl (ùr k Genœ- 


kiMxiain place dans ce nouvel ocdrd 
de choies. 

. Vbili donc tontes nos âcokës dé> 
veioppces , la médioif e Oc Timagina- 
tion en feu, Pamourpropre întérefle, 
la raifon rendue aâive y &l Te/prit ar- 
rivé prciqu'aa terme de laperteâion , 
dont û cft fufceptible. Voilà toutes 
les qualités naturelles mifes en ac- 
tion , le rang & le fort de chaque 
homme étalai , noa-(èulement fur la 
quantité des biens & lejpouvoirde 
4fervir ou de nuire , mais lurPeforit ^ 
la beauté y la force ou l'adrefife , fut le 
4néritc on ks talens , & ces qualités 
itant ks feules qui pouvoicnt attirer 
jde la considération »il &htf bien- tôt 
les avoir ou les af&âer 4 Uiafast pour 
ton avantage fe montrer auiic que ce 
3qu on étoir en effet. Etre & paroîrrc 
.devinrait deux choilcs tout à fait df& 
férentes , & de cette diftindiôn for- 
tirent le faftc impqfant, la rufc trom- 
peu(e , & tous les vices qui en fotit le 
cortège. D'un autre côté ^^de libre 
& indépendant qtfétpît auparavant 
l^hommc, le voilà par une multitude 
<le nouveaux bcfoins aflujéti , pour 
^ainfî dire , à toute la Nature , & fur- 
*iout 4 fes {èmblabks dont il devient 


Df sxr<rt» iiîS 9f 
I^kvè en ua tem , même en tieve^ 
nant leur maître ^TÎché, il a bdoin d& 
leurs ienrices? painrre , il a befoin de 
lear'fecours^ &la médiocrité ne lo 
*mct point en état de & padlcr d'eux. 
Il faut donc qu'il cherche fans cefTe à 
les intéreilèr a Ton fort » & à leur faire 
trouver eu effet ou en apparence leur 
profit à travailler pour le fien : ce oui 
le rend fourbe Se artiftcieux avec les 
wiij impérieux Se dur as^ec les autres , 
& ie met dans la néceffîté d'abu^ 
rous^eux dont il a befoin , quand il 
IKC peut s^n faire craindre , & qu'il 
fietTomve pas (on întecctà les fèrvir 
«flemenr. Çnfin Tamèirion dévo- 
tante , Tardcur d'élever ûiamimc rc* 
ktif« , tmoins parun verîrabk befein 
que pour (c mettcc au - dcfîcS'dcs au- 
tres^ infpîre à tous les hommes un 
noir penchant i fc nuiiic mutuelle^ 
ment, une falotifie (ccretc d'autant 
plus dangercufc' qiTC , pour faire fou 
coup plus en lïïreté , die prend Ibu- 
vent lemdque de la bienveillance ; 
en un mot , concurrence & rivalité 
d^unc part , de l^autte oppofîtion d'in- 
ecrêt , & toujours le defîr caché de 
feîre fon profit aux dépens d'iautrûf^ 
T<>us.ccs maux font le premier cS&t 


94 D I s e o tr it s. 

de la propriété 8c le cortège in&pSL^' 
nA)le de rinégalité naiflante. 

Avant qu'on eut inventé les fîgnes 
rdpréfentatifs des richefl^ v elles ne 
pbùvoient guéresconfîfter c^uen ter^ 
res & en beftiaux , les (èuls biens réels 
que les hommes puîflcnt pofiedcr» 
Or quand les héritages fc furent, ac- 
crus en nombne&en étendue au point 
de couvrir le fol entier & de fe tou- 
cher tous , les uns ne purent plus $lzg^> 
grandir qu'aux dépens des autres , 
& les furnuitieraires que la foibleffe 
ou rindolehce avoient empêché» 
d'en acquérir à. leur tour , devenus 
pauvres fans avoir rien perdu , parce 
^e tout chan||eant autour d'eux » 
eux feuls n'avoient .point diangé > 
furent obligés de recevoir ou de ra- 
vir leur fubfiftance de là main des ri- 
ches,& de là commencèrent à naître^ 
félon les divers caraâércsdes uns Se 
des autres , la domination de la ièn49 
tude , ou la violence & les rapines^ 
Les riches dé leur côté connurent à 
peine k plaifir de dominer ,qUr'ils dé* 
daignèrent bien-tôt tous les autres , 
ôc fe (crvant de leurs anciens Efclavea 
pour en foûmettre de nouveaux ^ ils 
ne ibngérent qu'à fubîuguei. Se ^JSSegr 


Dis c 6 xj' k $* oj 
yfk leurs voiGni i fèmblables à ces 
loups afËunés qui ayant une fois 
goûté de 1^ chair humaine rebu- 
tent toute autre nourriture , & ne 
veulent plus que dévorer des 
hommes. 

C'eft ainfi eue les plus puilTans ou 
les plus niiférœles » fe âifant de leur 
forcé ou de leuris befoins une forte 
dé droit au bien d'autrui , équivalent, 
ièlon eux y à celui de i>ropriété , l'é- 
galité rompue fut fiiivie du plus af- 
êeu3C défordre : c'eft ainfî ^ue les 
iifurpanpns des riches ^ les Briganda- 
ges iits Pauvres^ les paffions effirc*. 
nées de. tous .étbuffiint la pitié natu«. 
téHjOy'Sc' la voix^ encore toible de la. 
juAice^ rendirent les hommes avares » 
ambitieux & méchàn& Il s'élevoit 
entre le droit du plus fort Se le droit 
du premier occupant un confliâ perr 
pétuelqnlfne fe terminoit que par 
des combats &. des ineurtres^ (* c. ) î*^^ 
La Société naifl&nte fit place au pljis 
horrible état de guerre : Le Genre- 
humain avili & défolé ne pouvant: 
plus retonf ntr (ut {es^pasnirenoncec( 
aiik acquittions ;malhcureufes qu'il * 
m(m fabes &rtc ttaV^^Uant au'àfa: 
Junte .1 pacirtbus d|s fysakh ^ui* 


I 


f (f D r s c o tr ^ s. ' 

rhonorent , fe mie lui - même à tar 
veille de fa rame. 

jittoffitus mvttutc mati , dïvefyut 

mifèrque , 
lEffugere optât ofes , C^ qud modo va'- 

ver^tyodk. 

Il n'eit pas pKiÛîbie que Icsl hom:- 
mcs n'aycnc teiit enfin des réflexion» 
lurune {imat&»Q aiifli' œi(bable ^ & 
fur les calamkés dont ils étoienc ac» 
€ablés.Lc$ riches (urtout diirei^ bien- 
tôt iènrir combien leur étoic défà- 
vantageufê une^' guerre pcrpéttdk- 
dont ils fàifoknc feuk tons les ôaix »• 
& dans laquelte^ k rtiqae de la- vks 
étoit commim y>&: cciui xfes biens:,; 

Jiardculier. D'ailleurs, quelque cou- 
eur qu'ils pafllent doonec à leurs 
ufiirpations, iis'&ntoient aflèzqtt'cl^ 
les n'âoient établies que fur \m dcoit 
précaire âtabofif ^&que a'ayamiété 
ac<]uiOts que par k&rce^la fcurcs pon^ 
Voit les leur ôcerfans qu'ils euSent rai- 
fon de l'eu plaindiBe. Ceux mème^qor 
la feule inouârie avôit emdckos, tas. 
pouvaient galères îànéot ieoe poo^; 
priécé iur m molltucs xmoL Ils 
avoîew beau iûK» i «ffeft aoNii qoi/aes 


D' I s c o If K 1 $P!^ 

par inan travail. Qui vous a donné; 
les alignemcns , loir pouvoit-on ré-3 
pondre 5 & en vertu de quoi pré- 
céndez-vous être payé à nos dépens^ 
d'un travail que nous ne vous avons . 
point impofe ? Ignorez-vous qu^'unc; 
multitude de vos frères périt, ou:foia£. 
fre du befoin de ce que vom avez de ; 
trop I, & qu'il vous faloit un con- 
fentement exprès & unampie du Gen^. : 
re-humain pour vous appropriée fiic 
la fubfifiance commune tout ce qui : 
alloit aftMlêlà de la vôtre ï Delftitué, 
de raîfons vdabics. pour, fe JuCtiôer ,^ 
& de forces fiiffifantss pour (<t dé-. 
fendre ; écrafant Ëurilement an par- , 
tknxUer^ mais écrafé Ini-mêcae pat, 
des troupes de bandits ^feial contre. 
tous >. & ne pouvant à cauiè des jalou-^ 
fies mumelles s'unir avec Tes ^tix,. 
oontce des ennemis unispairTeipcic^ 
csommutt da pdllagc , k riche pre{fé. 
par lanéceffité,.cotiçutenfxEtlcpto-, 
jet le. plus réfléchi qui fait jaoaiais, 
eoiaré dans L^efprit humain:;^ ce ht. 
d'onployer en & feveur ks fiofrccs. 
même de csbx mn l'attaqooicnt »< 
drâiœ Tes défoifturs ck Tes zdycz^, 
faioe&^dk km ]a£pvmrd'MiœesLmm'r^ 
inc^J|;ckJirardBMqw^ 


^ j 


■-^ 


fS D ï s c o tr R s, ' 

cations qui lui fuflcnt aufiî fkvorablcf 
que le Droit naturel lui étoit contraire 
Dans cette vue , après avoir ex- 
pofé àfçs voifins Thorreur d'une fi- 
tuation qui les armoit tous les uns 
contre les autres , qui leur rendoit 
leurs poflièfnons aum onéreufes que 
leurs befoins , & où nul ne trouvoit 
la fureté ni dans la pauvreté ni dans 
la richeflè, il inventa aifément des 
raifons fpécieufès pour les amener à 
fon but. ,, UnilTons nous , leur dit- 
„ il , pour garantir de Toppreffion 
p, les foiblés , contenir les ambitieux, 
p, 6c afliirer à chacun la pûflèilion de 
fy ce qui lui appartient : Inftituons 
„ des réglemcns de Juftice & de paix 
,> auxquels tous foient obligés de &> 
gy conformer , qui ne fàflènt accep* 
«^tion de perfonne,& qui réparent 
„ en quelque forte les caprices de la 
y, fortune en Soumettant également 
9> le puiflànt & le foible à des de« 
9, voirs mutuels. En un mot , au lieu 
fp de tourner nos forces contre nous» 
»i mêmes, raflcmblohs-les en un pou* 
H voir fuprêmc qui nous gouverne 
„ félon, de (âges Loix ^ , qui protège 
9» & défende tous; les memb^^es de > 

m rafl^ciacioUi repouflc les ^ennemis . 

communs^ 


V 


P I s e o tj K s. 9^ 

V^omniuns, & nous maintienne dans 

„ une concorde éternelle, ^ , j 

Il en falut beaucoup moins que 
îcqui valent de ce Difcours pour en- 
traîner des hommes grpflîers , facî^ 
les à fcduire , qui d'ailleuifs avoicnt 
trop dafïâires a démêler entre) eux 
pour pouvoir (c paflèr d'arbitres , & 
trop a avaricç & ^'ambition. , pour 
pouvoir long-tems Te pafîèr de Mai* 
très. Toiis coururent au devant de 
leurs fers croyant aflîirer leur liberté 5 
car avec affez de raiCg>n pour.Jcntit 
les avaiitagies ,d*ùn .étâbliflcni^cnt po-, 
litîqme , ils ri'ayoient pas afTcz )d*ex* 



V étoient précifement ceux qui coinp*: 
toient d'en firofîter , & Içsfagesnie- 
mç virér^t^'il faloït fe rçfoiiirê^.à. 
ûçrifiér/^ijpp partie ^c Um] lib^rrci ; 
la 'çonfervâtion de rautre ' commjc ' 
unblefiE. le mt couper ip. bras pout; 
fauver le reilc du (Jorps. ' ^ \ 

Teile fiit ^ ou dut être' Porîgïnè > 
de .la rSodéte À des Loix , qui don*' 
jwràxt dq n,0|WveUcs cfltrfvçs i^Mr 
Ç^e & de nouvelles iissca a^ jrj^io»^ . 


lOO D I s C O TJ n s. 

mais la Loi de la propriété Se de Vî^ 
négalité , d'une adroite ufurpatiori 
filtènc un droit irrévocable , & pour, 
le profit de quelques ambitieux af- 
iujetirent déformais tout le Genre- 
humain au travail , à la fervitude Se 
à la œifére. On voit aifément com- 
jnent Tétabliflèment d'une feule So- 
ciété rendît indifpenfable celui de tou- 
tes les autres ,s & comment , pour 
6ire tête à des forces unies , il falut 
s'unir à fon tour/ Les Sociétés fe 
multipliant ou s^étendant rapide. 
tncnt, couvrirent bientôt toute la fur-, 
face de la terre , & il ne fut plus pof- 
fl>le de trouver un feal coin dans 
l^inivers bu Toa pût s'affranchir du 
joug , & fouflraire fa tête au glaive 
iQuvent mal conduit que chaque 
homme vit perpétuellement fitlpcndu 
fàr la fienne. Le droit civil étant 
ainfi' devenu la régie communç des 
Cflfbyehs', la Loi de Nature ii'cut 
plus lieu qu'entre les diverfcs Socic* 
tés , oà , fous le nom de Droit des 
gens , elle fut temp<;rée par quelquçs 
cohvÀitiohs tadfci ribof' rendre Iç*^ 
çorùtncTCC ppïGbh & &pjpj|er-à là 
€é]tfèli(ërahon^^na[tah;nê»q^^ 
ùitSoàlEsi à StKicté^pidâiictibàrô 


D I s c o u K s. iùt 
la force qu'elle avok d'homme à^ 
homme , ne réfîde plus que dans 
<}uelqucs grandes Ames Cofmopo-^ 
lites , qui franchîflcnt les barrières 
imaginaires qui réparent les Peuples» 
& qui , à l'exemple de TEtre fouve- 
rain qui les a créés , embraflTcnt tour 
le Genre - humain dans leur bien- 
veillance. 

Les Corps oolitîqiies reftan t aînfî en- 
tre eux dans rEtat de Nature (e rcflcn- 
tirent bientôt des inconvenîens qui 
avoient forcé les particuliprs d'en forr ' 
tir , & cet Etat devint encore plus fii- 
neftc entre ces grands Corps qu'il ne 
Tavoît été auparavant entre les indîvî-' 
dos dont ih etoient compofes. De lài 
fortirent les Guerres Nationales , les 
Batailles>les meurtres, les répréfailles 

gui font frémir la Nature & choquent 
i raifon,Ôc tous ces préjugés horribles^ 
qtii placent au rang des vertus l'hoin-^' 
lïeur de^ répandre le (ang humain.' 
Les plus honnêtes gens apprirent* 
à compter parmi leurs devokrs celuf 
d'égorger leurs fcmblables j on viff 
cnnn les hommes ie mafïacretpa^ 
fiiilliicrs (ans (avoir pourqucd ;^ 5t n (0 
commettoit phis de meurtjié^ ctt un: 
fcuî jour de combat 0c pWs d*oi*' 

Gij 


102 Discours. 
Kurs à la prife d'une feule ville , qu'il 
ne s'en étoit commis dans l'Etat de 
Kature durant des fîécles entiers fur 
toute la face de la terre. Tels font les 
premiers effets qu'on entrevoit de la 
âivifîon du Genre^ humain en diflPé- 
rentes Societés-Revenons à leur infli- 
tution. ^ . 

Je faî que pluifîeurs ont donné 
'(à*autres origines aux Sociétés Politi« 
ques .y comme les conquêtes du plus 
puiflant ou l'union des foibles ; & le 
choix entre ces caufes eft indifférent 
à ce que jç veox établir : cependant 
celle que. je^yiens d^cxpofçr ixie paroît 
la plus naturelle par les raifons fui- 
vantes. I. Que dans le prenGÛer cas, 
le Droit de conquête n'étant point 
un Droit n'en a pu fonder aucun au- 
tre 9 le Conquérant & les Peuples 
conquis refiant toujours entre eux 
dans l'état de Guerre, à moins que 
la Natjion remife en pleineliberté ne 
choîfîffe volontairement Ton Vain- 
queur pour fon Chef. Ju(ques-là $ 
quelques capitulations qu'on ait fki- 
içs, comme elLês n'ont été fpudées. 
flue fur 1?^ violence, &^que -par cbn^ 
iÇpfjuent' elles foiit nulles. par. Je ;^t 

tfiQmt ^ il nc^eut jf avoir idan^ i:btt:c 


%j 


D I s c a ly R s. ^ ^ ïdt 

Itypdthéfc ni véritable Société , nî 
Corps Politique , ni d'autre Loi qu^ 
celle du plus fort. 2. Qié des mots 
de fort & de foible font équivoque^ 
dans le fecond cas ; que dans Tintèr- 
valle qui fe trouve entre Pétablifïc- 
ment du Droit de propriété' ou de! 
premier occupant , & celui des Gou- 
vernemens politiques , le ièrts dt ce* 
termes eft mieux rendu par ceux dé 
pauvre & de riche , parce qu'en effet 
an homme n'avoit poiqt avant le^ 
Loîx d'autre moyen d'afltijetir fe^ 
égaux qu'en attaquant leur bien , ou 
leur fàiîant quelque part du fien. 3. 
Que les Pauvres n'ayant rien à perdrd- 
que leur liberté , c'eût été une grande 
folie à eux: de s'ôter volontairçmeiït 
le feul bien qui leur reftoît pour nç 
rien gagner en échange ; qu'au con- 
traire les riches étant , pour ainfî dirc,> 
fenfîbles dans toutes les parties de 
kurs Biens , il étoit beaucoup plus 
sUfé de leur faire du mal , qu'ils 
avoient par conféquent plus de pré- 
cautions à prendre pour s'en garant- 
tir 5 & qu'enfin il eft raifonnablc de 
croire qu'une chofe a été inventée 
par ceux à qui elle eft utile plutôt 
que pai: c^ux à qui elle fait du tort: 

Giij 


lOf Discours; 

Le Gouvernement naiflànt Wcnt 

{)oint une forme confiante & régu- 
ierc. Le défaut de Phiiofbphie & 
d'cxpcrîcnce ne laiflbit appercevok 
que les inconvéniens pré(èns , & l'on 
ne fongeok à remédier aux autres 
qu'à mcTurc qu13s fc préfcntofcnt* 
Alalgré tous. les travaux des plus fâ- 
p Légiflatcurs , l*Etat Politique , 
temcura toujours impartit, parce 
qu^il étoît prefque l'ouvrage du ha- 
zard , & Que mal commencé , le 
tems en découvrant les défauts ,' & 
fuggcrant des remèdes » ne put ja- 
mais réparer les vices .de la Conf^ 
titution $ On racommodok fans ccfle, 
au lieu qu'il eut falu commencer par 
n'étoyer laire & écarter tous les vieux 
matériaux , comme fît Licurgue à 
Sparte, pour élever enfuîte un bon 
Edifice. La Société ne confîfta d'à* 
bord qu'en quelques conventions 
générales que tous les particuliers 
s'engageoient à obferver , & dornt 
la Communauté Ct rendoit garante 
envers chacun d'eux. Il fàlut que 
rexpérience montrât combien une 
pareille conflitution étoit fbiblc , & 
combien il étoit facile aux infraifteurs 
d'éviter la conviftion ouïe châtiment 


D î s c o ty it s. lùs 

des fautes dont le Public feul devoit 
être le témoin & le juge ; il fidut que 
la Loi fût éludée de mille manières $ 
il falut que les inconvéniens Se les 
défordres fe multipliaffcnt continuel- 
lement , pour qu'on fongeât enfin 
à confier a des particnliers le dange* 
rcux dépôt de Tautorité publique , Se 
qu'on commît à des Magiftrats le 
jfoin de faire obfervcr les déhbératîons 
du Peuple : car de dire que les Chefs 
fiircot choifis avaat que la confédé^ 
ration fiit iàite , Se que les Minières 
des Loix exigèrent ayant les Loix 
mêmes, c'cfl: une fiippofition qu'il 
n^eft pas permis de combattre féricu- 
fcment. 

Il ne (èroit pas plus rai(bnnable de 
croire que les Peuples & font d'a- 
bord jettes eotre lç$ bras d'un Maître 
abfolu , (ans conditions & Càiis retour, 
& que le premier moyen de pourvoir 
à la fureté commune qu'ayent îma-f 
giné des hommes fiers & indomptés, 
a été de fe précipiter dans l'efclava- 
ge. En effet , pourquoi fe font - ils 
donné des fiipérieurs , fi ce n'eft pour 
les défendre contre l'opprcffion , & 
protéger leurs biens, leurs libertés. Se 
leurs vies , qui font , pour ainfî dirç^ 

G luj 


jo6 Discours. 
les élcmcns conftitutifs de leur ctrc^ 
Or 4ans les relations d'homme à 
homme , le pis qùî. puiflc arriver à 
l'un étant de fe voir à la dîfcrctioa 
de l^autre , n'cût-il pas été contre le 
bon fcns de commencer pat fe de-. 
pou Hier entre les mains d'un Chef 
des feules chofcs pour la conferva- 
tion defquelles ils avoîent bçfoîn dé 
fbn fecours ) Quel équivalent eût-il- 
pu leur ofïi ir pour la conceflîbn d'un' 
Il beau Droit ? & s'il eût ofé l'exiger 
fous le prétexte de les défendre, n'eût- 
il pas auflî tôt reçu la réponfedeTA- 
pologue ,- Que nous fera de plus l'en- 
nemi ? Il eft donc inconteftable , Se 
c'eft la maxime fondamentaledc tout 
le Droit Politique, que les Peuples fe 
font donnés des Chefs pour défendre 
leur liberté & non pour les aflcrvîr.. 
Si nous avons tm Prince , difoit Pline 
à Trajan , c'eft afin qu'il nous pré- 
ferve d'avoir un Maître. 

Les politiques font fur Tàmour de 
la liberté les même fophifiiies que 
les Philbfophcs ont faits fur TEtat de 
Nature 5 par les chofes qu'ils voyent 
ils jugent des chofes très - différentes 
qu'ils n'ont pas vues , & ils attribuent 
aux hommes un penchant naturel à 


D ï s c o u n S; 107 
Ik fervitude par là patience avec la« 
quelle ceux qu'ils ont fous les yeux 
lupportent la leur , (ans fonger qu'il 
en eft de la liberté comme de Tinno- 
cence & de la vertu , dont on ne ftnt 
le prix qu'autant qu'on en jouit foi- 
meme , & dont le goût fc perd fi-tôt 

3u'on les a perdues. Je connoisles 
élicesdeton Pais, difoit Braûdas à 
un Satrape qui comparoir la vie de 
Sparte à celle de Perlepolis , mais ta 
ne peux connoître les plaifirs da^ 
mien. 

Comme un Courfier indompté hé^ 
rifle fes crins , frappe la terre du pied 
& fe débat impétueufement à la feule 
approche du mords , tandis qu'un 
cheval dreflc fouffre patiemment la 
verge & l'éperon, l'homme barbare 
ne plie pomt fa^ tête au joug que 
l'homme civiUfé porte fans mur- 
mure, &il préfère la plus orageufc 
liberté à un aflu jettiflèment tranquilc» . 
Ge n'eft donc jpas par l'aviliflement 
des Peuples afïcrvis qu'il faut juger 
dès difpofîtions naturelles de l'hom— 
me pour ou contre la fervitude , mais^ 
par les prodiges qu'ont fait tous les^ 
Peuples libres pour fe garantir de l'opt 
gremon. J$: fai que les premicçs nc^ 

G V. 


loS Discouns* 

font que vanter (ans ccflfe la paix &le 
repos dont ils jouK&ntdans leurs fers^ 
& que miferrimam fervitfftem pa- 
€em appellant : mais quand je vois les 
autres facrificr les plaHirs , le repos ^ 
la richefle , la jpuiflTancc & la vie 
même à la confcrvation de œ feol 
bien fi dédaigné de ceux qui l*ont 
perdu ; quand je vois des Animaux 
nés libres & abhorrant la captivité > 
fe brifcr la tête contre les barreaux 
de leur prifon f quand je vois des 
multitudes de Sauvages tout nuds 
méprîfcr les voluptés Européennes & 
braver la faim , le feu ^ le fer & la 
mort pour ne conferver que fcur in^ 
dépendance , je fcns que ce n'eft pas 
à des Efclaves qu'il appartient de rai- 
fonner de liberté. 

Qiantà Fautorité Paternelle dont 
pluueurs ont feit dériver le Gouver- 
ncn|cnt abfolu & toute la Société ^ 
fens recourir aux preuves contraires 
de Locke & de Sidney , il (îiffit de 
jtemarqner que rien au monde n'èft 

flus éloigné de rtfprit féroce du 
)efpotifme que la douceur de cette 
autorité qui regarde plus à l'avantage 
4c celui qui obéît qu*à V^tilité de 
fteluî qui commande 5 que par la LoJK 


Discours. 105^ 
de Nature le Pcrc n'eft le maître de 
l'Enfant cju'auflî Ibpg-tems que foa 
fccours lui eft néccflàirc 5 qu au-delà 
de ce terme ils deviennent égaux , & 
qu'alors le ifîls parfaitement indé- 
pendant du Père ^ ne lui doit que du 
refped, & non de robéiffance ; car 
la reconnoifl&nce e^ bien un devoir 
qu'il faut rendre , mais non pas ua 
droit qu'on puiflc exiger. Au lieu de 
dire que la Société civile dérive da 
pouvoir Paternel , il falloir dire au 
contraire que c'cft d^elle que ce pou- 
voir tire ùl principale force r un indi- 
vidu ne fut reconnu pour le Père de- 
plufieurs que quand ils rcftérent af- 
îemblés autour lui 5 Les biens du Père, 
dont il eft véritablement le Maître , 
font les liens qui retiennent (es en- 
fans dans fa dépendance , & il peut 
ne leur donner part à fa fuccemon 
qiVX proportion qu'ils auront bien 
mérité de lui par une continuelle 
déférence à (es volontés. Or , loîni 
que lesfîiîets aycnt quelque faveur 
icmblable à attendre de leur Dcfpotc, 
comme ils lui appartiennent en pro-». 
prc, eux & tout ce qu'ils pofledent, 
ou du moins cjull k prétend aînfiF 
ils.fiD^nt réduits à recevoir comnUB 

G v) 


110 Dis cou r s-., 

une faveur ce qu'il Icut laiflc de leur- 

1)ropre bien y il fait juftice quand ir- 
es dépouille $ il fïiit grâce quand il 
les laiflc vivre. 

En conrinuani: djcxamihcr aîhfi les: 
faits par le Droit , on ne trouver oit 

J>as plus de folidit^ que de vérité dans :. 
'établiflcment volontaire de la Ty- 
lannie , & il feroit difficile de mon-- 
trer là validité d'un contrat qui n'o- 
bligeroit qu'une des parties , ou l'on*, 
mettroit tout d'un côté & rien de- 
l'autre , & qui ne tourneroit qu'au^ 
préjudice dç celui qui s'engage. Ce 
Syftême odieux eft bien éloigné' 
d'être mcnic aujourd'hui celui des: 
Sages & bons Monarques, & fur-tout^ 
des Rois de France , comme on peu^ 
le voir en divers endroits de kurs^. 
Edits ,& en particulier dans le paflàge: 
faivant d'ttn Ecrit célèbre , publié en?^ 
I (Î67. au nom .& par les ordres de 
Louis XIV. Qu^atp ne dife donc paintK 
qMe leSowverain^ne fôit pfiks fujet aux^: 
Loix de fan Etat:^ puifque 14 propo- 
/if ion contraire eft une vérité du Drdt: 
ies Gens que la fiaterié ^. quelque^ 
fois attaquée , mais que les hons Prifh- 
cfs ont toujours défendue comité tme* 

dmmté. tufçlmf^ de. kmsj EiatSé. 


Dis c o it r 9. rrp 
€oinlnen efi - il plus légitime de dire^ 
Avec le Sage Platon , ^e la parfaite^ 
félicite d'un Royaume efi qu'un Prince 
jhit obéi de fes Sujets , que le Prince- 
ohéiffe h la Loi , dr que la Loi/bit droite. 
é^ toujours- dirig/e au bien public. Je 
ne m arrêterai point à rechercher fi , 
là liberté étant la plus noble des fa- 
cultés de l'homme , ce n'cft pas dé-^ 
grader fa Nature, fc mettre au niveau, 
des Bêtes efc laves de rinftinék , offcn- 
fer même l'Auteur de fon être, que 
de renoncer fans refërve au plus pré-^ 
eieux de tous fes dons , que de fe loû- 
mcrtre à commettre tous les crimes 
qu'il nous défend , pour complaire à 
un Maître féroce ou infénfé, & fi 
cet ouvrier fublimç doit être plus ir- 
rité de voir détruire que deshonorer 
fôn plus bel ouvrage. J^ demanderai 
feulement de quel Droit ceux qui 
n'ont pas craint de s'avilir eux-mê- 
mes juïqu'à ce point, ont pu fou* 
mettre leur pofterité à la même îg- 
Xiominie ,.& renoncer pour elle à des 
biens qu'elle ne tient point de leur 
libéralité v& fans lesquels lavic mê- 
ïpc eft onércufe: è tousceux qui en^ 
font dignes ? 

£u&ndoi£ dit que toutdcjnêm«: 


il 2 Discours. 

2u'on transfère fon bien à autniî par 
es conventions & des Contrats, on 
peut auflî fe dépouiller de (a liberté 
en faveur de quelqu'un. Ce ft- là, ce 
me femble , un fort mauvais raifon- 
ncment 5 car premièrement le bien 
que j'aliène me devient une chofe 
tout-à-fiiit étrangère , & dont l^abus 
m'eft indiffèrent ; mais il mlmportc 
qu'on n'abufc point de ma liberté, 
& je ne puis, lans me rendre coupa- 
ble du mal qu'on me forcera de fiirc, 
m'expofcr à devenir linftrument du 
crime : De plus , le Droit de pro- 
priété n^étant que de convention 6ç 
dinftitution humaine , tout homme 
peut à fon gré difpoler de ce qu'il 
poflcde : mais il n'en cft pas de même 
des Dons eflèntiels de la Nature , tels 
que la vie & la liberté , dont il eft 
permis à chacun de jouir , & dont il 
cft au moins douteux qu'on ait Droit 
de fe dépouiller : En s'ôtant l'une on 
dégrade fon être j en s'^ôtant l'autre 
on Tanéantit autant qull eft en foi f 
& comme nul bien temporel ne peut 
. dédommager de l'ane & de l'autre , 
ce feroît oficnfcr à la fois la Nature 
& la raifon que d'y renoncer à quel- 
que prix qjie ce foL Mais qiiandaa 


Discours. it> 

rourroit aliéner fa liberté comme (es 
îens , la différence feroit très-grande 
pour les Enfàns qui ne jouilfent des 
biens du Père que par transnviifîon 
de Ton drok , au lieu que la liberté 
étant un don qu'ils tiennent de la 
Nature en qualité d'hommes > leurs 
Parcns n'^ont eu aucun Droit de les 
en dépouiller ; de forte que comme 
pour établir l^Efclavagc , il a fhlu 
feirc violence à la Nature , il a £ilu 
la changer pour perpétuer ce Droit ; 
Et les Jurifconfiiltes qui ont grave- 
ment prononcé que Tenfant d'aune 
Efclavc haîtroit Eictave , ont décidé 
en d'autres termes qu^un honune ne 
naîtroit pas homme» 

Il me par oît donc certain que non- 
feukment les Gouvemcmens n'ont 
point commencé par le Pouvoir 
Arbitraire, qui n*en eftqucla cor- 
ruption , le terme extrême , & qui 
les ramène enfin i la feule Loi du 
plus fort dont ils fitrent d'abord le 
remède „ mais encore que quand me*- 
me Us auroîent ainfi commencé , ce 
pouvoir étant par (a Nature illégiti- 
me , n'a pu fervîr de fondement aux 
Droits de la Société , ni par confé- 
quent à rinégidîti d'kiHt;moa. 


rr4 DrscoxTRs. 

Sans entrer aujourd'hui dans Icd 
recherches qui font encore à faire fur 
la Nature du Pafte fondamental de 
tout Gouvernement , je me borne en 
fuivant l'opinion commune à confia 
derer ici l'établiflcment du Corps 
Politique comme un vrai Contrat 
entre le Peuple & les Chcft qu'il fc 
choifit 5 Contraft par lequel les deux- 
Parties s'obligent à robfervation des 
Loix quiy font ftipulées & qui for- 
ment les liens de leur union. Le Peu- 
ple ayant , au fu jet des relations So- 
ciales, réuni toutes fés volontés en 
une feule, tous les articles furlefqueU* 
cette volonté s'explique , deviennent 
autant de Loix fondamentales qui- 
obligent tous les membres de l'Etat 
fans exception ,.& Tune dcfquellcs ré^ 
gle le choix & le pouvoir des Magif^ 
trats chargés de veiller à T'cxécutioa 
des autres. Ce pouvoir s'étend à tout 
ce qui peut maintenir la Conflitu-- 
tion , fans aller jufqu'à la changer. 
On y joint des' honneurs qui rendent 
refpeftablesles Loix & leurs Minif^- 
tt-es , & pour ceux - ci pcrfonellement 
des prérogatives quides dédomma- 
gent des 4)énibl€s travaux que coûte: 

ttûcJ^gflflcadmLiaiflyationJjeMaffl^' 


Discours. 115^ 
trât , de fon côté , s'oblige à n^ufer 
éi\ pouvoir qui lui eft confié que fe* 
Ion l'^întention des Commettahs , à 
maintenir chacun dans la paifible 
ibuilïàncc de ce qui lui appartient , & 
a préférer en toute occaiion l\itilitc 
publique à fon propre intérêt. 

Avant que l'expérience eût mort- 
tré , ou que la connoiflance du cœur 
humain eût fait prévoir les abus iné- 
vitables d'une telle conftifution , elle 
dut parôître d'autant meilleure , que 
ceux qui étoient chargés de veiller à 
fâ confervation, y étoient eux-mêmes 
le plus intérefles , car la Magiftraturc 
& Ces Droits n'étant établis que fur les 
Lôix fcMidamentàles , auflî tôt qu'el- 
les (croient détruites , les Magiftrats 
ceffcroient d'être légitimes, le Peuple 
fié feroit plus tenu de leur obéir , & 
comme ce n'auroit pas été le Magis- 
trat , mais la Loi qui auroifconftituc 
Pcflencc de l'Etat , chacun-rentreroit 
de Droit dans fa liberté naturelle. 

Pour peu qu'on y réfléchît attenti- 
vement , ceci fe confirmeroit par de 
nouvelles raifons , & par la Nature du 
Contraft on verroit qu'il ne fauroit 
être irrévocable : car s'il n'y avoit 
point de pouvok (upérieur qui. pût 


•irtf Di scoiJRS. 

être garant de la fidélité des Contrac- 

tans , ni les forcer à remplir leurs eiv 

Sagemens réciproques , les Parties 
emeureroient lèules juges dans leur 
propre cau(e , & chacune d'elles au* 
roit toujours le Droit de renoncer au 
Contraft , fi - tôt qu'elle trouveroit 
que l'autre en enfircim les condicions» 
ou qu elles cefferoicnt de lui conve^ 
nir. Ceft fur ccprincipc qu'il fcmbk 
que le Droit d'abdiquer peut être 
fondé. Or, àneconfidérer^ comme 
nous faifons, que l'inftitution hU'p 
maine , fi le Magiftrat qui a tout le 
pouvoir en main y & qui s'approprie 
tous les avantages du Contrad, avoîc 
pourtant le droit de renoncer à l'an» 
torité $ à plus forte raifon le Peuple » 
qui paye toutes les fautes des Chefs » 
devroît avoir le Droit de renoncer à 
la Dépendance. Mais les diflfentions 
afireufcs , les défordres infinis qu'en* 
traineroic néceflàirement ce dànge* 
reux pouvoir , montrent plus que 
toute autre chofè combien les Gou- 
vernemens humains avoient befoin 
d'une bafe plus folide que la feule raî* 
fon , & combien il étoit néceflàire au 
repos public que la volonté divine 
intervint pour donner à Tautorité 


DrscouRt. ^ 117 

Souveraine ua caraâère (acre Se itu 
violable qui ôtât aux (ujets le funefte 
Droit d'en difpofer. Quand la Reli- 
gion n'auroit fait <^ue ce bien aux 
hommes, c'en (croit aflcz pour qu'ils 
du(ïènt tous la chérir & l'adopter, 
même avec (es abus, pui(l]u'clle épar- 
gne encore plus de (an g; que le fana- 
tifmc n'en fait couler : mais fuivons 
le (il de notre hypothéfe. 

Les dîverfes formes des Gouverne- 
Qiens tirent leur origine des ditféren-* 
oes plus ou moins grandes qui (e trou* 
vércnt entre les particuliers au mo^ 
ment de rinftitution. Un homme 
étoît-il cminenten pouvoir, en vertu, 
en richcfles » ou en crédit î il fut (èul 
élu Magiftrat , & l'Etat devint Mo- 
narchique $ (i pluficurs à peu près 
égaux entre •eux Pemport<^îent fur 
tous les autres , ils furent élus con- 
jointement , & Ton eut une Arifto- 
çratie ; Ceux dont la fortune ou les 
talens étoîent moins difproportion- 
nés , & qui s'étoîent le moins éloi* 
gnés 4e l'Etat dcNamre, gardèrent 
en commun TAdminiftration fuprê^ 
me , & formèrent une Démocratie. 
Le tems vérifia laquelle de ces formes 
ctoit la plus avantageuie auxhom^ 


ttt D I s c ô tr K ^. 

mcsv Les uns rcftcrcnt uniquement 
fournis aux Loîx , les autres obéirent 
bientôt à des Maîtres. Les Citoyens 
voulurent garder leur liberté , les fu- 
jets ne fbngérent qu'à Tôter à leurs 
voifîns , ne pouvant foufFrir que d'au- 
tres jouiflint d'un >bîen dont ils ne 
jouiflbient plus eux - mêmes. En ua 
mot , d'un côté furent les richeflês Se 
les Conquêtes , Se de Tau tte le bon- 
heur & la vertu. 

Dans ces divers Gouverncmens » 
toutes les Magîftratures furentd'aborcf 
Eleftives / & quand la Richeflc ne 
Tcmportoit pas , la préférence étoît 
accordée au mérite ,qui donne urt 
Afcendant Naturel , & à l'âge <iuî" 
donne l'expérience dans Ifes affaires 
&le fang froid dans les délibérations^ 
Les anciens des Hébreux , les Geron- 
tes die Spartes , le Sénat de Rome , & 
l'Étymologic même de notre mot 
Seigneur montrent combien autre- 
fois la VicîUeflè étoit refpeftée. Plus ' 
les Eledions tomboient fur deshom- 
mes avancés en âge, plus elles deve- 
noient fréquentes , & plus leurs em» 
barras fe faifoîent fentir; les brigues 
s'introduifîrent, les fàftions fe formé- 
fcnt , les partis s'aigrirent , les Gucr^ 


D I s C O U A ». IT9 

fcs civiles s'allumèrent , enfin le (àng 
des Citoyens fut facrifié au prétendu 
bonheur de TEtat , & Ton flit à la 
veille de retomber dans l'Anarchie 
dçs tems antérieurs. L'ambition des 
Principaux profita de ces circonftan* 
ces pour perpétuer leurs chargea dans 
leurs femilles : le Peuple déjà accou- 
tumé à la dépendance , au repos Se 
aux commodités de la vie ,. & déjà 
hors d'état de brifer fes fers , confen- 
tit à laifler augmenter (a fervitudc 
pour affcrnûr ia tranquilité ; & c'eft 
ainfî que les Chefs devenus hérédi- 
taires s'accoutumèrent à regarder leur 
Magiftrature comme un bien de fa- ' 
mille, à fc regarde^ eux-mêmes com- 
me les propriétaires de TEtat dont ils 
n'étoient d'abord que les Officiers , à 
app4]^er leurs Concitoyens leurs 
EtoUves^ à les compter coirime du . 
Bétail au nonibre des choies oui . 
leur appartenaient , & à s'appelicr 
<ux-)tnêmes égaux aux Dieux Se Rois 
des Rois. 

Si nous fuivons le progrès de Ti- ^ 
négalité d^ns ces différentes révpja- ] 
tions, ,n6i;i^ trouverons que l*ç}:a-; 
bli0cment à^ la Loi Se du Droit d^c. 


120 D t S C Ô U R S. 

rinftîrution de la Magiftraturc Itf 
fécond 5 que le troificmc & dernier 
fiit le changement du pouvoir légi- 
time en pouvoir arbitraire ; en forte 
que rétat de riche $c de pauvre fiit 
autorifé par la première Epoque , 
celui de puiflànt & de foible par 
la féconde , & par la troiiiéme ce- 
lui de Maître & d'Efdave, qui cft 
le dernier degré de l'inégahté , 5c 
le terme auquel aboutifient enfin^ 
tous les autres , Jufqu à ce que de 
nouvelles révolutions 'diflolvent tout 
à fait le Gouvernement , ou le ra- 
prochent de l'inôitution légitime. 

Pour comprendre la neœfiîté de 
ce progrès il faut moins confidérer* 
les motifs de ?établiflcment du- 
Corps Politique , que la forme qu'il 
prend dans (on cxécation & lesin- 
convetiiens qu'il ënttiaîhe après Itii: 
car les vices qui rendcilt neceflaircs 
les inftimtions^ focîales , font ks 
mêmes qui en rendent Pabus iné-' 
vitable 5 Se comnie, excepté la fculc 
Sparte, où la Loi veilloit princi- 
palement à Féducatîonf des Enfens 
& où Lycurgi4c ctaWît écs moeurs 
qui le dHpcnfoicttf prcfquç d'y ajoû- 
ttr ées Lûix , kk Loix ch général/ 


Discours. izi 
rtôîns fortes que les paffions cou- * 
tiennent les hommes fans les chan- 
ger 5 îl feroit aifé de prouver que 
tout Gouvernement qui , fans (è 
corrompre ni s'altérer , marcheroit 
toujours exaâement félon la fin de 
fbn inftitution, auroit été inftitué 
fans nccefiîté , & qu'un Pays oà 
pcrfonne n'éluderoit les Loix & n'a- 
Duièroit de la Magiftrature , n'auroit 
befbin ni de Magiftrats ni de Loix. 

Les diilin^tions Politiques amènent 
néceflairement les diûinâions civi- 
les. L'inégalité croiflant entre le Peu- * 
jpic & fes Chcfi , ft 6it bientôt fen- 
tkr pa-rmiles partlAiliers , & s'y mo- 
difie en mille manières felofi les par- 
lions , les takns &: les occurrences. 
Le Magiftrat ne fauroit uCiirper un 
pouvoir illégitime feus fe faire des ' 
créatnrcs ^ftMcqoeHcs il eft forcé d'en 
ctder quelque partie. ^D'ailleurs, les 
Citoyens- ne fe lâîflfent exprimer 
qif^atitâRt qnftèûtraînes par une aveii** 

f;le ambition & regardant plus au* 
effous du'au<te(Sis d'eux , là Domî* 
n^îon leur devient plus chère que 
Ythdépa\é^ni^èc(l^'i\s confeiMfent à ' 
porter des ftrs potu: én-poitveîr dofi- 
ocrl leitf toilr^ fi cû ttè»4iffiàttt<ltt 


ttz Discours* 
réduire à Tobéiflànce celui qui ne 
cherche point à comn^ander , & k 
Politique le plus adroit ne viendroit 
pas à bout d'alTujettir des hommes 
qui ne voudiroicnt qu'être JLibrcs ; 
mais rinégalité s'étend fans peine 
parmi des âmes aml>itieu(es & lâches^ 
toujours prêtes à courir les riiques 
de la fortune , Sg. à: dominer ou Cctvk 
pf efque indiffçrcmment felon qu elle 
leur devient favorable ou contraire. 
C'eft ainfi qu'il dut venir un tems oii 
les yeux du Peiîplc furent fefcincs à • 
tel point , qvf) fies conduâeurs n'a-^ 
voienti. qu'à dâric au plus petit des< 
hommes . . foi^. Qx^n^ t;oi . & ; toute t^ ^ 
race , audî - tôt il paroiflfpit grand à 
tout le monde , ainfi qu a Tes propres 
yeux , & fes Defçéndans s'clevoient 
encoretà mefujîe qu'ils -s'éloignoient 
de lui i plus :U -^vife; ^oit reculée Sç ^ 
incprtaiije, pli^s Vi^ ^Wgmentoi^^ 
plu^ po iHiuvioir Ç€»ngter f£e ^taésiffsr- 
dans i^njt&Li^llfi ^ &^pluis çlk 4éyc«« 
noiç illuftrç, .^ 
Si c'étoit ici le lieu d'entrçr en dés 



teams 


D I s c o u n s. 1^5 
fêuîiîs en une même Société ils font* 
forcés de fe comparer entre eux , & 
éc tenir compte des diftérences qu'ils 
trouvent dans Tufage continuel qu'ils 
ont a faire les uns des autres. Ces 
différences font de plufîcurs cfpéces ; 
mais en général la richefle , la no- 
blcffe ou le rang , la Puifl&nce de le 
mérite çerfonnel , étant les diftinc- 
tîons principales par lefquellcs on (c 
mefurc dans la Société , je prouve- 
rois que raccord ou le conflid de 
ces forces diverfes eft Tindication la 
plus fûrc d'un Etat bien ou mal 
conftkué : Je fcrois voir qu'entre ces 
quatre fortes d'îhégaBtc , les qualités 
pcrfonnellcsmtit Toriginè de toutes 
les autres ,îa richefle eft la dernière 
à laquelle elles fe réduifent à la fin , 
parcte qu'étant la plus immédiate- 
Méht -utile au bien-etre & la plus &- 
cile à communiquer , on s'cri fert' 
âifémentpoùr acheter tout; le refte/ 
Obftrvatîon qui peut faire juger aflez* 
cxaâetnent de la mefure dont cha- 
que Peuple S'cft éloigné de fon inC- 
ntûtiûn Primitive , ^ dà chehiin 
dù*il a.TOtV&slc' tcrtriç çxtrêittç^dt^ 



X24 ^ < s cou R S. 

d'hionnears , & de préfitccnccs , <|ttî 
nous dévote tous , exerce •& çpippare 
les talens & ks forces , combien il 
excite & roultiplic les paAions , 
&€oinbic<i rendant: tous les bom<- 
mss concunens , riv^ax ou piur 
tôt cnneqius , il uufe tous les iou» 
de revers , de fticces . 4c de caf aAr-o> 
pbës de (Otite cTpéce en âiiâot coac> 
rir Umcmelice a »nt de Prcteadao» 
Je moncrcrois que c'cft à <x»e af- 
deur de f«u:e paclcr de foi , àcettç 
fUreur de fe difti»»ïcr qui nous dent 
prévue tpujputs nets de açus-nac- 
ipes , jqu^p nous devons ce ^u^il; ade 
meilleur -^ de fûce -par^i Ics-kom» 

mes, nos j!mw ^ aq? wccs., nos 

Sciences âcrnos oiyeurs, nos Coo^ue- 
rans 9i pos Philofopiic^ , c;eft-à^ire , 
une TOultitnd^^ «^wvajfcs chofes m 
lin petit oooaboc dp boiv»cs. Je çxoor 
vetpis qjfipque ^ l'an voit une poi- 
gnée de piiu0gns & de riches ^u lûte 
des gcandcurs & de la fortune « can- 
4is que la foule rampe dans l'obrcu- 
rité & dans la mifére , c'cft que If:» 
Mçnwcrs jj^ftiment les chofc^.fdQ»^ 
£U iwflcnt w'awant quc^ ft» #mrjp». • 
en font prives ^^ 4ç quç , Ûnp-^WSP»:' ^ 
<d'(at , ils çç^qknt d'e|K.|;^|4|pHi^ 


41 le Peuple ccjSbic d'erré miCérMe, 
Mais ces détails feroâent feifU kt 
matière d'un ouvrage conûdérabk 
dans, lequel on pcferoit les avantages 
êc les înconveniens de tout Gouv^^r^ 
nement > rélacivement aux I>i;om<k 
l'Etat de Nature, & oii l'on dévôiteirôk 
toutes les faœs différentes ibas 1«$(1 
quelles rinégalité s'cil montrée jud 
qu'à ce jour , j6c pourra iè montra 
dans les Siècles (elon U Nature de tes 
CocivcrncQien« ^ ^& les tév^Uriôns 
que le tems y amènera f|éc0&ire- 
ment. Onverroit la mnitittide ôj^ 
primée au dedans par une ùxitt des 
précautions .çtêmes qu'elle. à»o\é 
prifes contre ce qui la menaçait au 
dehors^ On vèrrbtt ToppreClion s'ac- 
croître 'continuelkmem.£ins que usa 
opprimés puflènt jamais (avoit quét 
terme elle auroitV ni cruels moye^ 
légitimas il leur reâeroit poiir Vûtrè-^ 
ter. On vcrroit les Droiits :dQS Gi^ 
toyens & les libertés Nationales ^^ 
teindre peu-â*{icn , & les réclamation^ 
des foibles traitées de murnàare Tédi- 
tiein. On imroic la p<;lit%iT 
treindre àoqeipDrtioti me^îtiAaire 
Ifmpk f honneub dedéferttifélà^ÂteP 


ii6 D r $ c o u K S 
^cdCcé des impôts , le Cultîvatcat 
découragé quitter Ton champ même 
durant la Paix & laifier la charue pour 
ceindre Tépée. On vcrroît naître les 
régies funeftes & bifarrcs du point- 
d!honneur. On verroit les défcnfcurs 
de la Patrie en devenir tôt ou tard 
les Ermemis > tenir fans ceflë Je poi- 

gnàrd levé fur leurs concitoyens , & 
viendroit untems où l'on les enten- 
droit dire à l'oppreflfeur de leur Pays, 
PçcTORE^ fratris gladium j$$gulo* 

que f mentis 
Conâere me juheas , grmjiâé^que in 
vi fiera partu 

y s , invita peragam tamen om^ 
nia dextra. 



De l'extrême inégalité des Con- 
ditions & des fortunes , de la diver- 
fité d& pafliohs & des talens > des arts 
inutiles , cksarts pernicieux, des Sci- 
ences frivoles fortiroient' des fou- 
les^ de [préjugés , également con- 
traires à la riifon, au bonheur» & 
à la vertu j on verroit fomenter 
par les Chcfi . tout ce qui . peut af-. 
i^lif r:de$ homnbes rafliânbies en les 
d^fut^flanti JEQut ce .qui :pcuit donner 
à;lîii3Sorii«é û^-ai^dc concdfdc aç*: 

* * * ■? 


Discours. ^ liy 
fîon réelle j tout ce qui peut înfpirctr 
aux diifèrens ordres une défiance St 
une haine mutuelle par ToppoG^' 
tien de leurs Droits & de leurs inté- 
rêts, & fortifier par conféquent k 
pouvoir qui les contient tous* 

Ceft du fein de cedéfordre & de ces 
révolutions que le Defpotifme élevant 
par degrés fa tête hideufe & dévorant 
tout ce qu'il auroit apperçu de bon St 
de fàin cbns toutes les parties de TEtat, 
parviendroit enfin à fouler aux^ pieds* 
les Loix & le Peuple , & à s'établir 
(iir les ruines de la République. Lés 
tennis qui précéderoient ce dernier 
changement feroicût des tcms^ de; 
troubles & de calamités: mais à là' 
fin tout feroit englouti par le Monf- 
tf e 5 & les Peuplés n'auroient plus de 
Chefs ni de Loix , mais feulement 
des Tyrans. Dès cet inftant au(& il 
celTeroit d*ctre queftion de mœurs 
& de vertu 5 car par-tout où régne le 
Defpotifme , cm ex hmeflo ndU e^ 
fpes y il ne fouffre aucun autre maî- 
tre ; fi-t6t qu'il parle , il n'y a ni pro- 
bité ni devoir à confiilter , & la plus 
aveugle obéiflance eft la feule vertu 
qui refte aux Efclaves^. 
. Ceft ici le dernier terme de Hnc*^ 

; H ii] 


M» D I S c o ir 1. ft 
^alité , & le point atrêmc quyftnne 
ït Cercle & toHcbe au point d^cm 
nous fomnief partis : C'cft ici cpic 
toti» les partnfuUccs redc\rkn»neRt 
ég^\jt% parte qu'ils ne font rien , & 
que les Sujets n'ayant plu^ d'autre 
Loi que la volonté du Maître , ni le 
Maître d'autre rc^Iâ (fx fes payons > 
ks lîotions dur bien , & Ic^ principes 
ôc hx jnftice s'cvanouiûcnt dçrecheC 
Ceftîciquc tour fe ramené à la feu- 
le Loi dttplusfiMt y & par eonf^cm 
à un nouvel Etat de Nature diœrcfit 
de celui par lequel ncms wons cona- 
nocneéi en ce que rkn était l'Ettt 
àc Nature dahs fy puictéy & que ce 
derrifjer cft le fruit « an excès de céffr 
ïûfjricwî. Ily afi pe» de dififiêretice 
d'tJl'kiirs entre ces dcttx ét^xsr fit le 
Conitraâ! Ac Gouvernement d| tel- 
lenient diffous par k Defpotîrme, 
quek Defpotîc n'eftk Maître qtfauifî 
longhtems qu'il cft le plus fort,& que 
ittot qu'on peut l'expulfer , il n'a 
point à rcdamcr contre la violence. 
L'cmcnte qui finit par étrangler ou 
détrôner tin Sultan cft un aâe auiîî 
juridique que ceux par lefqiiels ildiC- 
pofoit la veille des vies & des biens 
de ic$ Sujets. La feule foccc le main- 


I>i s e o tj R i. 12^ 

ftnoît, k feule force le renverfc ; tou- 
tei thoCci (t pfttfent ainfî felon l'crrclrt; 
Naturet i ôc quel qtic piiiflc être Té- 
finement de ces courtes & fréquen- 
tes révolutions, nul ne î)eut fe plaîrt- 
éttàc Yitïpûkt d'autrui , mais feu-- 
tendent de fa propre ioiprudence , 
ou de foiA malheur. 

En découvrîWït dt fuivânt ainfî les 
ioute» oubliées & perdues qui de l'é- 
tat ijarik^l ont dii rriencr Thomme à 
l'état Civil 7 en rctabliffant avec ks 
pofifiorts intermédiaires qtTC je riens 
de nnairquer , celles que le tcms qui 
MC prelîè m'a fait fupprimcr , ou 
quô rîmagination ne m'a point fug- 
gérées , tour Lefteur attentif -ne pour- 
ra q[u*êrre frappé de Tefpacc immenfe 
qui féparc ces deux états. Ceft dans 
c^rtè kntc fhcceflîon des chofcs qu'il 
verra la folutîon d'une infinité de 
pro!?lêmes de morale & de Politique 
quclcs Philofophcs ne peuvent réfou- 
dre. Ilicnrira que le Genre- humain: 
tfttn âge n^étant pas le Genre- hu- 
main dPun autre âge , la raifon pour- 
quoi Diogcne ne trom-oit point 
d homme, c^eft qu'il cherchoit parmi 
fcs contemporains Phomme d'uh 
tems qui n'étoît plus ; Caton , dîrd- 

H lU) 


I 

,S30 DiscoVRs. 
t-il , périt avec Rome & la libcttC" » 
parce qu'il fut déplacé dans Ton fié- 
clé , & le plus erand des hommes ne 
fit qu'étonner le monde qu'il eût 
gouverné cinq cent ans plutôt. En 
un mot,il expliquera comment l'ame 
& les paillons humaines s'altérant 
înfcnfiblement , changent ,.pour ainfi 
<iire,dc Nature; pourquoi nos befoins 
& nos plaiiirs changent d'objets à la 
longue y pourquoi l'homme originel 
s'évanouiflànt par degrés , la Société 
ji'ofïrc plus aux yeux du (âge qu'un af- 
femblage d'hommes artificiels & de 
paflSons fàdices qui font l'ouvrage 
de toutes ces nouvelles relations , Se 
n'ont aucun vrai fondement dans la 
Nature. Ce que la réflexion nous ap- 
prend U"deflus , l'obfcrvation le con- 
firme parfaitement : Ùhomme Sau- 
vage & l'homme policé différent tel- 
lement par le fond du coeur & des 
inclinations , que ce qui fait le bon- 
heur fuprême de Pun , réduiroît l'au- 
tre au défefpoir. Le premier ne res- 
pire que le repos Se fa liberté , il ne 
veut que vivre & reftei oifif , & l'ata- 
raxicmcme du Stoïcien n'approche 
pas de fa profonde indifférence pour 
tout autre objet. Au contraire > le 


Dr s G 6 w II s; i^r 
Citoyen toujours aftif fuc, s'agite »^ 
fe tourmente fans ceflc pour chjcr- 
cher des occupations encore plus la-: 
borieufes : il travaille jurqu'à la mort ». 
U y court même pour fe mettre en 
état de vivre , ou renonce à la vie 
pour acquérir l'immortalité. Il fait 
u cour aux Grands qu'il hait & auiCv 
Riches qu'il mcprife 5 il n'épargne 
tien pour obtenir Thonneur de. les- 
fervir 5 il fe vante orgueillcùfement 
de fa baflcffe & de leur protedion ,. 
& fier de fon efchvage , il parle avec 
dédain de ceux qm n'ont pas rhon* 
neurde le partager! Quel Spe£fc?ielç: 
pour un Caraïbe que les travaux pé-- 
nibles & enviés d'un Miniftrc Euro- 
péen ! Combien de morts cruelles^ 
ne préférer oit pas cet indolent Sau- 
\?açe à l'horreur d'une pareille vie ,> 
qui fouvent n'éft pas même adouciot 
ptr le plaifîr de bien faire i Mais pour; 
voir le but de tant de foins , ilfaudroi& 
que ces mots , puijjknce & f^putafipn^y 
cuflcnt un fens dans fon efprit , qu- il? 
^prit qu'il y a une forte d'homtne» 
qui comptent pour quelque choiie le9 
regards du reftc de . l'univers , qui 
feveht être heureux & conteos d'cuxfj 
msmç& (ur le témoigr^age 4'AQâ^ 


f3»9 D t S t Ùi3 K è. 

plutôc que fiir k letJlr ptopf c Tellcr 
eâ:^ €n e£fet» kk vérkabte caàfe de 
toùta ces dlÉh-«nc«s : le Sauvage vit 
en kii^mêinef TkoiVMie fociable cou- 
^ttrs hon de lui m (aie vivre que 
dans Vùvïtiion des ^tfes> 8t c'cfkr 
pour dlnti dire y de leur &ùl juge- 
ment qui! tire le (èntitnent de fa pro- 

£e ex^^ce. H n'eft pas de moa* 
iet de iffoftfrer comment d'une 
celle difpofitiôn nak tant dlddifFé- 
sence pctor le bien & k ntal , àvtc 
de fi beaa^ di(cours de morale , con^ 
XKienr tout fë rédmlânf aux ap^en*^ 
as, totit devient fat&ict ft iéaé 5: 
honneur , amitié , vettu , Se fouvcnt 
jufqu'àttx vices mém^s^ , donc on» 
frouve enfin le ftctet de fë glorifief 5; 
cemn&eïït , en un mot , dèmandaftt^ 
flc^ jôiirs aux astres ce <|tlé notij (bm- 
j»ie* St tï'aÇMî jamais noos trtterfO- 

Îtr fè>cfel!tjs héus^ti^riaes , au triiïîdlii 
t l»i« dé Philôfophifc , d^humanitc ^ 
dK pf^l^eâè * de ma)dftKS^ StiMime* > 
nous n'avons qaliti cjttériétM- t^om*^ 
feoK âcSivote ^.dê l*ht)tinetir Êif^ 
f ett» ^, d?^ kl miGm fin» (iigdfë , 6r 
iti: plaiâr fan« bcuihcut. I^ iat fé^' 
é)em)ir çmuvf^e ce ù\& pojht-là^ 
lâ«L-Qtig^ d&^iiâiliix»;,; Se <j^ 


c'cff le feiil efprit de la Société' & l'i- 
négalité qu'elle engendre , qai chan- 
gent & alccrent ainlî toutes nos ia- 
clinations naturelle^. 

J*ai tâché d'cxpofer rorîginc & It 
progrés de rinégalîté, l'érabliffcment: 
& Tàbus (ks Sociétés politiques ,. 
autant que ces chofes peuvent fe 
déduire de la Nature de l'homme pac 
les feules lumières de la raifon , & 
indépendamment des Dogmes facrés^ 
qui donnent à l'autorité Souveraine 
la Sanftîon du Droit Divin. Il fuir 
de cetcxpofé-.^e Tinégalité étant 
prefqifc iiu^le dansf l'Ewt cfç ISbturc ^ 
tire la^OTCcâc fbn; accroîifcmtnt du. 
développemcdf de nos fkcahes & des 
progrès del'Eforff bottiâhT^& devient 
enfin ftablc & Légitime par rétabiiflc- 
ment de la\proptilÉ^ 6c4f^Loix. Il 
fuit encore que rînégaliîc morale ,, 
autorîféc par le (ctA droit pofîtif ^ eft 
contraire au Droit Naturel , toutes^ 
fcs foisxju'elk ne concourt pas env 
même proportion avec l'inégalité 
Phyfîque 5 diftindion qui détermine 
^ffifamment! ce qu'on doit penfer 
i cet égard de la forte d'inégalité cp5 
legne parmi tous les Peuples polices ç 
fuKqp^iJ^ cH maoifeftement contre 


J34 Disc o t; k s*. 

la Loi de Nature , de quelque mà^ 
oiérc qu'on la défininè, qu'un cn^nt 
commande à un vieillard , qu'un inu 
bécille conduire un homme fàge , 2c 

2 u'une poignée de gensrcgotge de 
ipcrfluités , tandis que la nuiltitude 
a^mcc manque du néccflâire. 


^^1^ ^1^ Ml^ '^M^ ^^ ^M^ V^ ^^ ^^ ^^^ ^^ V^ V^ V^^ ^M^' 



O T E S 


DEDICACE, pag. VI. 

(* i.) Hérodote raconte m'après !•- 
meurtre da faux Smerdi^, les lept: libéra-^ 
teûrs 4c la Perfe s'étant allèmblés pour 
délibérer fur la forme da Gouvernement: 
4|u'il donneroient. à l'Etat , Otanés opinât 
fortement pour la Réjpublique^ avis d'àu^ 
tant plus extraordinaire dtos la bouche* 
d'un Satrape , qu'outre lai prétentiom 
qu'il pouvoit avoir àl'Empir^^ les ^a£|ds* 
craigiienc plus que la mort une forte da 
Gouvernement qui les force àrefpeâer lesi 
kommes*. Otanés > comme on peut bien; 
«rotre », ne fut point écouté , & voyance 
qu'on alloît procéder à. Téleâion d'um 
Monarque > lui qui ne Vouloit tii obéir nii 
commander y céda volontairement auic 
autres Goncurrens fbnr droit- à' la Cou* 
Fomie sdem^andant pour tout dédomma*- 
gemcnt d'êtrerlibre & indépcndânci lui 5c 
& poftérité^ce q^î lui fut aGcordé..QuandI 
JHfcBQaQtc. n& noiis.a]|[;rendroit.£»a&Uur6& 


If* NOTES, 

tsiâion qut fbt mi{è à ce Privilfige , it 
fauiroUiiéctfiàiretmiic U rappoièr^autre» 
m: lu Ocanés Aie rccaûàoi(&iic aucune forte 
de Loi & n'ayant de compte à rendre à 
perfonne, auroit été tout poîflknt dans l'E- 
tat ic plus puiflanr que le Rdî même. 
Mais il n'y avoit guères d'apparence 
c^u'un hosiime câpaJole de & comenter 
en pareil cas d'un tel privilège , fut ca- 
pable d'cïn àbufer. En eï&t , on he yott 
pan ^ ee droie ak JE»mai« cau(^ le 
moincke trouble dans te RoyaMie^ ni 
par le fage ôcanéi^ ni par attoui dé: 
lès ddcendaas. 

PREFACE, pag, xxM, 

(^ 2. ) Dès motr premier p«s )ft m'àp> 
poy^ avec confiance fcHr une de ces aâ> 
ff(mié$ reifpeélâbks pour 1^ Phtlofoûfoes,, 
pttr^ (p>lle# vi«nnem d^M tàiC^Moiià& 
a fobii^ne <|ii'eux lo^ kf9cm* u&wtf 

3» <5Sieïqïiêa»étftf ^nou^ «yons i 
^ noilf- coirnoiite nous^ - mêmes y k n^ 
^ fal 1* n^i^'ne dcumidiflbft^ p^& i«tiêu« 
^ ts^or ee qc(i' ul^ p» mm. Poôrvâ» 
j^ piïrl* Nétttiie ,. i'brganés' ùttî^tttfmenc 
^ dt(tih^ SL ticroré coJAfetffiatidn i nou« ner 


NT O TES. t^ 

^(fons énrftngëres, ncms vie chrrchom» 
^ <^wi'à ttO€» irëpamif e aa dehors ^ ^ &i 
«> exidet hoFit- ck- uoc»» >. trop occupés i^ 
^ mttldplfcr ka^ fonâions de nos iens^S^ 
j, à ai^mtfmer Técendise excérieur^ de 
» xyçxtt ËirCj. rarement faisons-nous lUage 
ji, de ce (cr\% imérieut ^ui noaff rédmr 
jy à noSt vtaye$ dîmenfionir & qui (^ 
y pare de nociitout ce qui tv'âo eft pasv 
,, C^ft cependant de* ce &ns. donc ii 
a^ faut nous- fcntir ^ fîl nous vooloni^ 
jbj noas^ connokre y Q*t9i \t (èvU par ie^ 
^ quel nou^ puiffion& noû^- )ageir y l^if 
^ comment donner à ce fën& fôa ââî-^ 
>, vké&ifoute fort éccftd^*e ? Comrwent 
A dégager notre- Ame , dans la<jtteHé if. 
;o fé&le , de lottce» les ifiufion»^ de^ ftOM^ 
» tre efprit» ï Noils avons^ perdu l'halnli-. 
j5 tu le dé Pèmployerv rileeft àtmt^èt 
^fant exercice au: milieu èa cumultfe djr 
^ nosv fenfatiôrtS corpordleà y elle s'fcft 
jy^defTechée par le fei» de no* paffibns 5; 
j8t lef ceedr ,, t'Efprîc y le ftns \ toue a. 
^HTravatlfé eomre eMe. Hift Nat-T. 4fe. gi, 
^ l'j^ I . de ta N9tt..de i'bomitt^ 

-^3.> tel ^âflgeiwefiip; ^im Ibng^ 


»}» NOTES, 

pioduire dans la confocmation de Utofli-^ 
me > les. rapports qa'on ob£ècye encore 
CAcre fesbras & les Jambes ancérieuie$> 
des. Quadrupèdes , 6c l'kiduâion cirée 
de leur manière de marcher , ont pu 
faire naîcre des doutes iiii celle qui dé- 
çoit nous être la plus naturelle. Tous 
les en&ns commencent par marcher à 
quatre pieds* & ont befoin de notre exem-- 
pie 6c de nos leçons pour apprendre à 
le tenic debout. Il y a même des Na^^ 
cions Sauvages > telles que les Hottentots» 
qui» négligeant beaucoup les Enfans^ 
les laiâènt marcher (ur les mains fî long- 
Ktos qu'ils ont enfuite bien^ de la peine 
à les redreflèr \ autant en font les enfans 
des Caraîft>esdes Antilles^ U y a divers 
«xemples d'hommes Quadrupèdes-, & 
jp pourrois entre autres citer celui de 
cet Enfant qui foc trouvé en i ^4. au«^ 
près de Hei& où il avoir été nourri pat 
des l.oups^ & qui difoic depuis à la: 
Cour du: Prince Henri , que s'il n'eut 
^nu qia à li|i y il eut mieux aimé re- 
tourner avec eux que de vivre parmi 
fies hommes. It avoir tellement pris Pha^ 
&itude de mascher comme ces- anxmaux^r* 
quil fâlut lui attacher des Pièces de bois^ 
qui .lerfôrçpient: à (p oenis debout* ^ em 

£ç|iûlibcextt£. i£$«4ea^ gied^^/ÏL^U'aOâ^ 


K O T E S; I jf 

de même . de l'Enfent qu'on trouva tn 
.1 694. dans les forêts de Lichuanie & qixi 
vivoit parmi les Ourl II ne donnoitj dit 
Mr. de Condillac, aucnne marque de rai- 
fon,marchoic fur (es pieds & fur fèsmains» 
n'avoic aucun langage , & formoic des 
ions qui ne rejfl&mbloient en rien à ceux 
d'un homme. Le petit Sauvage d'Hano- 
yre qu'on mena il y a plufieurs annéqi 
à la Cour d'Angleterre > avoir toute.s les 
.pdnes du monde à s'ailujettîr à marcher 
lur deux pieds > 8c l'on trouva en 17 19» 
deux autres Sauvages dans les Pyrénées- ^ 
^ui couroient par les montagnes à 1» 
.manière des quadrupèdes.. Qiiant à ce 
qu'on pourrpit objeâer que .c*eft fc prt* 
.ver de l'ufage des mains dont nou3 tiron» 
tant d'avantages; outre que l'ipxemple des 
/tnges n:K>ntre que ta main peut fort btea 
.£tre employée des deux manières y cela 
prottveroit feulement que l'homme peut 
donner à (es membres une deftinatio» 
plus commode que celle da ta Natu^- 
xe , & non que la Nature a deftiné l'honv- 
.me à marcher autrement qu'elle ne lui 
«nfeigne. 

Mais il y a > ce me fèmble , de beau- 
coup meilleures raiibns à dire pour Couy 
«enir que l'homme eft un bipède. Prcr 
.ffûèronent quand on feroit voie qu'il» 


14« 19 0T&& 

fti è'^horA èfr« canktoké aatrcmeni cjar 
itoa5 te vtjùm Se cependant détenir 
enfin ca qu'il eft , ce n'en fctoit pas aOèi 
^ouf ccfticlvttt que cttft fe ibk (âîc ainfi : 
Car âpfi^ avoir montré la pùtTùÀYtcé dt 
tes changemens , il faudroi^ eiK0re> 
#fanf qae dfé les: admertre s ^a moncrer 
-M flioins ta i^f^û&mblaitce. De ^a^^fi 
fc^ braf de l'homme pdroifl&nt^ a^dir 
pu ttfi ferrîr d& JNiâffbei &a beibin , e'eft 
)è^ (è^W obiervdtion &^»oirâJ&èe à e# fy^ 
fiie , &if an gr'ànd nombre d^âtffrea tpA 
lut font contraires^. Les prmcipaks font > 
que la mamére donc la tête de ^bomme 
eft arrachée à dyn c^^rps y a« Hetf ie di- 
rigter fa Vue ho^îÇbntaleinerif , ammc^ 
Vont tùîii' ks zuttéi Mttn^ttn $ Se conf- 
ine 'à iTa Hi^ftttme^ en MârchaM débMt , 
lui eik teim , marchamr à ^acr< pieds , 
les yeux dîrcâcment fiches- vers la tcrre^, 
ficuacfon très-peu favorable à k* confo- 
yation de rindivid» j qufc la qneite qui 
Kiî manque 8c dont> il n'à> qite (mtt 
marchant à deux pied* , eft utile a% 
quadrupèdes & qd'auCUn d'èm n'en eft 
privé 5 que le fein de la femme frèii^6kn 
feue pour un bipède qui tiem fo» en- 
fenc dans fês bras , l^efl fi tml pour tm 
quadrupède que nul rie l'a placé de cewc 
inaniére ; Que îe tram éi éctfsèse Amt 


ifwM' exeeifîve haucciir à propottion dei^ 
jjMisbei de dcrant , ce <fû Cm que mar- 
chant à quacre noa» nous traînons fat 
les genûux , le tout eut faic un animal 
mai proportionné & mso'chant peu com« 
modémem ; Que s'il eue poâ^ le pied à 
plat ainfi ^c la main » U Suroît eu dan» 
la )âtmbe poftérietirc une anicutaei<m do 
motm que les avitres animaux > &voît 
ùd\c qui joint le Canon au Tibia j 8â 
qu'en ne posant que la pointe du pied^ 
comme il ajEtroic fasis douce été contrainft 
de faire , le Tarfè , iàns parier de la plu^* 
ralité des os qui le compofent, paroît 
trop gros pour tenir lieu de Canon , & 
(es Articulations avec le Métatarfe & 
k Tibia trop rapprochées pour domter. à 
la jambe humaine dans cette (îiuation 
la même fiénbilité qu'ont celles des qua* 
drupédes» L'exempte des Enfans étant 
pris Àsfts un âge où les forces nato» 
relies ne font point encore développées 
Ai lès membres ra&rmîs j ne conclud 
rien du tout , 8c ftatiaxto^ autant dite 
que les chiens ne ibnc pâs défîmes à rnai^ 
dher y parce quils ne font que ramper 
quelques fimaînes après leitr naiflàncc^ 
Les niirs parttcatîers ont encore peu de 
^ce comte la pratique onîverfetie dc^ 

100$ les hofiimes y même déu Natioiis qui 


141 NOTES. 

n*ayanc ea aucune cammumcatîon arec 
ks autres , n'avoientpûrien imiter d'elles. 
Un Enfant abandonné dans une fbrlt 
Avant que de pouvoir marcher^ & nour* 
ri par quelque béte , aura Aiivi l'exempte 
de fa Nourrice en s*exerçant à marcher 
comme elle ^ l'habitude lui aursl pu don-» 
ner des facilités qu'il ne tenoit point de la 
Nature s & comme des Manchots parviens 
lient à force d'exercice à faire avec leurs 
pieds tout ce que nous faisons de nos 
mains , il fera parvenu enfin à employer 
fes mains à ruiage des pieds. 

Pag, 9. " ' 

( ^ 4. ) Slil Ce trouvoic parmi tnes Lee^ 
ceurs quelque ailèz mauvais Phyficien^ 
pour me (aire des difficultés fur la fup- 
poiition de cette fertilité naturelle de la 
terre , je vais lui répondre par le pâf^ 
fàgefuivant. 

„ Comme les végétaux tirent pour leur 
9> nourriture beaucoup plus de fubftance 
^ de l'air & de l'eau qu'ils n'en tirent de 
>» la terre , il arrive qu*cn pourriflant ils 
„ rendent à la terre plus qu'ils n'en ont 
„ tiré^ d'ailleurs une fbrêcdetermine les 
M eaux de la pluye en arrêtant les vapeuss. 
4» Ainii dans un bois que l'ioucon&cvçibir 




NOTES. i+j 

^ bien long-tems fans y toucher , ta cou^ 
^ cte de terre qui fert à la végétation aug^ 
menteroit corifidérablement ; mais les 
Animaux rendant moins à la terre qu'ils; 
n'en tirent , & les hommes, faifant des 
,, confbmmations énormes de bois & de 
9, plantes pour le feu & pour d'autres u(a« 
^y ges , il s'enfuit que la couche de terre 
»9 végétale d'un pays habité doit toùjour$ 
^diminuer Se devenir enfin comme le 
yy terrain de l'Arabie Pétrée , 6c comme 
„ celui de tant d'autres Provinces de l'O- 
,, rient , qui eft en effet le Climat le plus; 
^ anciennement habité , où l'on ne trouve 
yy que du Sel & des Sables ; car le Sel fixe 
yy des Plantes 6c des Animaux refte , tan* 
,, dis que toutes les autres parties Ce va* 
i, latilifent. Mr. de Buffon, Hift. Nat. 
, On peut ajouter à cela la preuve de fait 
pgrja. Quantité d'arbres & de plantes de: 
toute e(péce , dont étoient remplies p^ef», 

3ue toutes les Ifles dé&rtes qui ont été 
écouvertes dans ces derniers fiécles , 8C 
ftà: ce que l'hi(|oire nous apprend 4es 
forêts inunenfes qu'il a falu abbatrè p^. 
l^nice lg;teirre<à7ne(ure qu'elle s'eftpeu^. 

Slé^ 041 policée. : Sur quoi je ferai encorp^ 
^moîs .remarqi^es (ùiyantes. -L'une ouj}» 
^'ij y â une fbctei de végétaux qui. put0ei^€) 


J 


144 K O T E S. 

Tégécile qo£(è fait par les animaux , (Hem 
le rdironnemenc de Mr. de BufFon^ ce Coût 
luT-eoi»C'les bois , donc les céces fie tesièuiU 
ks raiièn»1>lenc te s'approprient plus 
d'eaux & de vapears que ne font les ancres 
plantes. La (cconde > -qae la deftrofHoa 
du fol ) d'eft-à-dire ^ la perce de h CvhC- 
tiancè propre à lu yégécacion doit s'acco* 
krèr à ptopottion • que ta terf^ «ft ^us 
eûlcfv^ > Se que lés^ habita»» ptus mmÇ- 
crieux eon^ômmenc en plus grande Am* 
dance fes produâions de toute e(p逫« 
Ma crcMfiértie ^ plus impottante - ^ecnac^ 
jue eft que les» fruks des Arlnres fouf mt 
ent à l'animal une iioûn*iture plus abon- 
dante quiene peuvent faire les autres vé- 
gétaux , expérience que j'ai fethsc moi^mè^ 
me , en comparant te^ prekluits de deux 
terrains égaux en grandeur Se en Qualité , 
l'un couvert de chat«îgiîcrs & t'aavre femé 
de bled. - 

(^4.) Parmi lés Quadrupèdes:^ lëf 
dcvLx diftméUons les plus univer&Uès deê 
cfpéces voraces fe tirent, l'ôrfedé là fiîf^^^ 
des Dentis y &: l'autre de l^con^iWciàA' 
d<»:îmèAjii8;'Le» Aiiânàaj?lq^ t&kii^^eM 
qtte dé'y^étaux ont toti^ les d*^§»'t>laigp$ / 
#e^zàtae^lc Cheval ykBiièiif /le l^CHifiâii^y 


fen 


M O T ï % t45 

leXi^yre ; Maïs les Yoraces les ont poîn^ 
tues comme le Chac , le Chien , le Loup » 
le Renard. £c quant aux Inreftins , les 
'Frognrotcs enr >ooc 'qodqties^uns ^ tiels que 
k Colon, qui ne Ct trouvent pas^ans ici 
Ajiimaitx voraces. Il fcmia^ xlonc qojt 
L'Homme , ayant les Deocr & les InteÙnt 
caiDfitt' les ont ht$ AximsoBûi Frugnoreso^ 
dmrrbit nsBorcUcmem êcte^ rangé 4isma 
cette Ck& 9 Bc non«6idftiiwnt les ob&ri^ 
varions anacotniqnes cénfii ment cetcr ofU^ 
Xiion ^ mm les mcratmnens de l*AntU^mté 
y .£bnc . encore cr^-rÊivocBhles. ,, -Dideari* 
^ <|itfi^'iitt St^^Jeroms , rapporte >daii96ç 
j» Livres «des Antiquisés graai|QO& ^ que 
^ ibuB> le régna iia Saturne ,48Ù4al1ttM 
^étoitjeiicove fernte pareUe>-mème y nui 
^ homme ne mmç^ook de Chair y tnnh 
yf que cms vxvoiQicdes Frusu 8c deê Cego^ 
3^ mesqui^coiflEnâeoc natpcttemeitt^ ( LiW; 
x« Air. lovtniân, > «On peut tcifr piir4^ 
que je ixi^g%e bâfin deksuramagei que jef 
poairnaia> fôns valoir. Car la pioye itanè 
pceiqiie l^niqiie j&jes ^ combat efit«e 
les Animaux Camaders, Se les Frugivore^ 
lavant encre «xuc dans une paixconcimiel-* 
k^ fi I -«fpéce^lRitttotM Âoit jdece^jteMieÉ» 
gàire>; â ctloèsir ^^^^ ^mîr «uiifiièM^ 

«ar^decN^iur4;^i»eittotiF 
jBiid'ocçaiÎQQi d'cQ içrtir. 


t^ NOTES. 

Pag. II. . 

( ^ j . ) Toutes les Contx>i{lànces qui 
demandent de la réflexion > toutes celles 
qui ne s'acquièrent que par l'ençhaîne- 
oient des idées. & ne Ce perfèâionnenc 
que {ucceiEvement , (embient être tout- 
à-fàit hors de: la portée de Phommè Saa« 
vage , faute de. communication avec k$ 
ièmblables , c'eft-à-dire , faute de l'inT- 
trument qui (ert à cette communication , 
& des .bàbins' qui la rendent néceflOure; 
Son favoir & fon^ induftrie k : bornent à 
iauter , courir, fè battre» khco: une pierre» 
balader un arbre* Mais s'il ne fait que 
ceschofes, en revandieil les fait beau* 
coup inieux que nous qui n'en avons pas 
le même befoin que lui ; & comme elles 
dépendent uniquement de . l'exercice du 
Corps & neibnc fnfceptibles d'aucime 
Communication nj/d'audm progrès d'un 
individu à l'autre , b premier homme a 
pu vitre toutaufll habile que, {ê$ dermecs 
iieicehdans. ' 

• Les rektiôns des voyageurs (ont pleines 
4V)iR9Jipks ^e sla fotoii&ide; ^[.vigiieiir 

^^^mf^ii ..ettéis^ irànjùw^g^itcsl motns; 


99 

99 


NOTES. ï|y 

3 ne faut que des yeux pour obfèrver ces 
chofes , rien n^empêche qu'on n'ajoute, 
foi à ce que certificnc là-defms des cérnoins 
oculaires , {'«n tire au hazard quelques, 
exemples des premiers li\&res.qui me tom«. 
bent fous la maîni '■' . ^ ^^ 

Les Hottentots 5 dk Kolben ^ eiKên- 
dent mieux la pêche que les Européeh^ 
du Cap. Leur nabilèté«ft égale au fitet^ 
à l'hameçon 6c au dard ,'dans les an(êj;. 
,y comme dans les rivières. Ils ne pren- 
^nent pas moins habilement le pQi(K>t\ 
if, avec la maia. Ils. font d^une adredè in* 
comparable^ la nage* Leur manière 4q 
nager a quelque. cho(ê de furpreiunt &; 
qui leur eft tout à fait propre» lU nagent 
9, te c(»:ps droit & les mains étendues hors 
de l'eau , de forte quils paroiflènt mar« 
cher fur la terre. Dans la {^u$ gcaiid^Q 
agitation de la mer & lorfque les flôt;$ 
forment autant 4^ fiiontjignes ^ il^ dén- 
ient en' «quelque ibrte Car Ip dosdç^ va« 
gues> montant & defcendant p$mii^ç 


9> 
'39 
«9 


"59 
99 

•yy un morceau de liègç^ . , . . ;.. i c.r „ 
5, Les Hottentots > dit cneore le > ipj^inç 
9» Auteur ^ &nt. d'une «df e(& furppc^j^œ 
.^>.à ia dhaSCe^iSc laJiSgérefé de kuqqpfrfe 
rj^lpaflclîinfaigiMtiôri. «fX $'jJso»î^C':q^'4l!^ 
ifke ?|iiffesiC(|h(s.^p|u3rifpu)i$e^ l»fi;iQilMi)a4^ 


I4t^ HOTES. 

|KMirianî quelquefois s comme on peut 
juger ptr l'exemple qu'il en donne », Ua 
^ matelot Hollandois en débarquant au 
y) Gap chargea , dit*il , un Hoccentot de 
y/ le fuiyre à la Ville avec un rouleau de 
^ tabac d'environ vingt livres. Lorfqu'ils 
j, furent cous deux à quelque diftance de 
Jy la Troupe , le Hoccentot demanda au 
^Matelot s'il favpit courrir? Courrtr [ 
p, répond le HelUiindois , oui ^ fort bien. 
^ VoycHis 9 reprit l'Aflriquain > & fuyant 
py avec le tabac il difparut prefque aufli- 
^ tôt. Le Matelot confondu de cette œer^ 
p, vei&éti(e viteflè ne pen(a point àk pour- 
y> fuivre Se ne revit jamais ni fon tabac 
^ ni Ton porcoir» 

,, fis ont la vue fi prompte 6c la maia 
'^ fi certaine que te$ Européens n'en àp* 
jf, ^ochcM. point. Â cent pas , ils touche* 
9» ronc d*W^ coup de pierre une marque 
p, de la grandeur d\in demi fol, i8c ce qu'il 
pyj aée plus étonnant , c'eft qu'au lieu 
Pi^^^LCt comme nous les yeux (ur le but > 
^ ils font des mouvemens & des eonroc- 
^ fions continuelles. Il (èmble que leur 
^yykÊiWÇok portée par une sÀaininvifible» 
' DpP; en Tensè Ak à pQu pr& Gnr les 
Éêttfa^ dêf Antilles lesri mènes dhp^os 
f^àik^iAem dtt4îte fifrj^s^wntots dit 


NOTES. t«9 

leur jafteilê à cirer avec leurs flèches let 
oîfeaux au vol &c les poîflbns à la nage , 
qu'ils prennenc enfuice en pbngeant. Les 
Sauvages de l'Amérique Septcncriotiale 
ne (bnc pas moins célèbres par leur force 
& leur adre({è : & voici un exemple qui 
pourra faire jugà: de celles des bidieuf 
<lerÂmériqae Méridionale. 

En Tanm 1 746. Un Indien de Buenoi^ 
Aires ayant été condamné ar* Cîaléres jL 
Cadix y propofa aa Gouverneur de ra« 
cheter fa Ubené en expoiant (a vie dans 
-une fête publique, il promit qu'il arta-^ 
qiieroit lèi|l le plus furieux Taiir/es^ far^ 
jaurre arme en oiain qu'use carde , qu'il 
Jie terra&roit > qm'il le faifîroir zytc ù, 
corde par oeUe partie qm'on indiqueroit ^ 
qu'il lé fdleroit , le brideroit» te moate- 
roit» 6c combattroic akifi monté deux 
.autres Taureaux des plus furieux qa'911 
f^oit forttr du Torillo»:* & qu'il les met" 
troit tous à mort l'tm après l'aucre ^ dans 
Vinftanc qu'oii le lui icommanderoit Bc 
' fans le (êcours de per(ônne ; ce quilui &t 
accordé. L'indien tint parole &reu(fit 
dans tout ce quHl avok promis ; (iir la 
tnaniére dont il s*y prît & fur tout le dé- 
tail idn eùmbfî > ou peur cdnfiittelr le 
premier Tomem t2i..des Obfenratioas 
iur ItUiftaure Hattttdtte de M. Gamààt^ 


1Ï6 HOTES 

7 •••••■••■ ' . l 

• ' ■ ^ Pâg, 14. 

»'•.•• ■.'.•-. 

( * <f. ) >' I-* durée de la vie des Chc- 
'^> vaux , die Mr. de BufFon , eft com- 
^, me dans toutes les autres efpéces d'aî- 
^, nimaux proportionnée à la durée du 
y, tems de leur accroi(Iêment. L'homme > 
*i, qui eft quatorze ans à ctoîtrc , peut vi- 
^^vre Gx ou {èpt fois autant de tems^ 
',, c'eft-à'dirc , quatre vingt-dix ou cent 
'„ans: Le Cheval, dont l'accroiflcment 
^^y Ce fait en quatre ans , pj?ut vivre ûx ou 
'^, iept fois autant, c^eft^à^-dire , vingt^cinq 
'■^y ou trente ans. tes exemples qui pour- 
,, roiem être cofntrairesl cette réele font 
^^ h rares, qu'on ne doit pa$ mpme les 
>» regarder comme une exception dont on 
^, puiâè tirer des conféquences ^ 8c comme 
'^9 Ic^ gtos chevâujc prennent leur accroif^ 
•3, fcûient en moins de tefiis que les che- 
•3) vaux fins-, ils vivent aum moins de 
1^ eenis Ôc font Vieux dès l'âge de quinze 
„ans, „ 

• • • • 

Pag. 14V - . •— 

: . i^^i) Je jcrois voit entre les anlimatix 

tarnaciérs & les frugivores tpfie autre dîf- 

^fétenccicïkùrc'phs géÀ&alè qtiié- œtte 


NOTE 5. î/r, 

que j*ai remarquée dans la Note ( * 4. ) 
puifque celle-ci s'érend jusqu'aux otieauK»; 
Cette différence . confifte dans le nombre 
des petits, qui n'excède jamais deux à. 
chaque portée , <pour les dpéces qui ne . 
vivent que de végétaux , & qui va ordi4 
nairement au-delà de. ce nombre pour, 
les animaux voraces. Il éft aifé <le con«* 
noîtreà cet égard la deftination de U 
Nature par lé nombre des mamiïielles ^ 

3ui n'eft que de deux dans chaque femelle 
e la première efpéce-, comme la Jument i 
la Vache , la Chèvre , la Biche , la Bre- 
bis > &CC. Se qui eft toujours de (ix ou.de 
huit dans les autres Femelles , comme U 
Chienne, la Chate , la Louve , la Ti* 
greflc , &c. La Poule , l'Oye , la Canne , 
qui font toutes des Oiiêaux voraces ainfi 
que l'Aigle , PEpervicr , la Chouette pbn- 
dent auffi & couvent un grand nombt^ 
d'oeufs , ce qui n'arrive jamais à: la Co- 
lombe , à la Tourterelle ni aux Oiïcaux ^ 
qui ne mangent abfplument que du grain^ 
Jbfqùels ne pondent & ne couvent ^uércs 
que' deux œufs à là. foiis. La raifon qu'oti 
peut donner de cette différence èft que 
les animaux qui ne vivent que d'heubés 
& de plantes , demeurant prefque tout 
k jour à la pâture & étant forcés d'em- 
ployer beaucoup de cems à fe nourrir, ne 

I uj 


*yt N O TE SL 

f ourFOicnc fuflSre à alaicer plofieiirs pedcs» 
au lien qae les voraces , fai(ànc leur repas, 
prcfque en un inftant > peuvent plus aifë-^ 
«lenc & plas fouvent retourner à leurs 
petics Se à leur chaflè , 6c reparer la dif- 
fipatfon d^une fi grande quantité de Lait, 
li y auroit à tout ceci bien des obfèrva- 
fions particulières êc des réflexions à 
£iire i mais ce n^en eft pas ici le lieu , Se 
il me fuffit d'avoir montré dans cette 
panie le Syftéme le plus général de la 
Nature » Syftéme qui fournit une nouvelle 
f aifbn de tirer l'homme de la Cla£ des. 
animaux carnaciers & de le ranger parmi 
tes efpéccs frugivores. 

Pag. xf. 

( ^ 7. ) Un Auteur célèbre > calculant 
les biens & les maux de la vie humaine Se 
comparant les deux fbmmes , a trouvé 
que la dernière forpal&it l'autre .de beau» 
ipoup , & qu'à tout prendre la vie écoit 
pour l'homme an aflez mauvais préfimc 
Je ne (uis point fùrpris de fa conclusion;, 
il a tiré tons (es rattonnemens de ta conf^ 
titution de lliomme Civil : s'il fut remoncé^ 
fufqu'à l'homme Namrcl , on peut juger 
qu'il, eût trouvé des refultats très-diffé-^ 
«eus > qu'il eut apperçu q^ue l'homme n'a 


NOTE t. tfi 

fùécts de maux que ceux qu'il s'eft don^ 

nés lui-même , & que la Nature eût été 

juftifiée. Ce n'eft pas fans peine que nous 

ibmmes parvenus à nous rendre il m^t^ 

heureuir. Quand d\in c6cé l'on confidére 

les immenfès travaux des hommes , tant 

de Sciences approfondies > tant d'arts in«- 

ventés , tant de forces employées , ^ des 

4ibimes comblés , des montagnes rafées, 

des rochers brifés , des fleuves rendus 

navigables , des terres défrichées , des 

lacs creufès 5 des marais de&chés, des 

bâtimens énormes élevés C\xt ki terre , U 

mer couverte deVaiflcaux & de Matelots ; 

& que de l'autre on recherche avec un peu 

de méditation les vrais avantages qut 

ont refulté de rout cela pour k bonheur 

de l'efpéce humaine ; on ne peut qa*êcrç 

frappé de l*étonnante difproportîpn qui 

régne entre ces chofes , & déplorer 1^- 

veuglement de l'homme qui pour nourrir 

fon fol orgueil & je ne lai quelle vainc 

admiration de lui-même , le fait cpurrir 

avec ardeur après toutes les miféres donc 

il eft fufceptible , & que la biénfaifante 

Nature avoit pris foin d'écarter de lui. 

Les hommes font méchans 5 une trifte & 
continuelle expérience di(pen(è de la 
preuve 5 cependant l'hpmme eft naturel- 
îemem bon , je crois l'avmr demontri ^ 

uij 


1^4 NOTE S. 

^u'cft-cc donc qui peut l'avoir dépravc-i 
ce point finon les changcnacns furvenus 
èMS fa conftitution , les progrès qu^il a 
faits , & les connoiffances qu'il a acquits? 
Qu'on admire tant qu'on voudra la So- 
ciété humaine , il n'en fera pas moins vrai 
qu'elle porte néccflàiremem les hommes 
à s'entre-haïr à proportion que leurs in- 
térêts fe croifent , à fe rendre mutuelle- 
ment des ferviccs apparens & à fe faire en 
cffirt tous les maux im.aginables.Que pcut- 
cn pcnfcr d'un commerce où la raifon de 
chaque particulier lui diâ:e des maximes 
d ireftement contraires à celles que la rai- 
fon publique prêche au corps de la So- 
ciété , & oîi chacun trouve fon compte 
dans le malheur d'aurrui ? Il n'y a peur- 
être pas un homme aifé à qui des héritiers 
avides éc fouvent (es propres enfans ne 
fouhaitcnt la mort en fecret ; pas un VaiC- 
feau en Mer dont le naufrage ne fut une 
bonne nouvelle pour quelque Négociant ; 
pas une maifon qu'un débiteur ne voulut 
voir brûler avec tous les papiers qu'elle 
contient j pas u^ Peuple qui ne (c réjouiflc 
des défaftres de fes voifins. C'eft ainfi que 
nous trouvons notre avantage dans le pré- 
judice de nos femblablcs > & que la perte 
de l'un fait prefque toujours la profpérîté 
. de l'autre : mais ce qu'il y a de plus dan- 


NOTES.. ISS 
gereux encore , c'cft (jue les calamités 
publiques font ratccfite & l'efpoîr d'une 
mulcitudc de particuliers. Les uns veulent 
des maladies , d'autres la mortalité , d'au-i 
très la guerre ^ d'autres la famine ; j'ai 
TU des hommes aifireux pleurer de dou-r 
leur aux apparences d'une année fertile , 
& le grand & funefte incendie de Lori^ 
dres qui coûta la vie ou les btens à tant 
de malheureux > fit peut-être là fortune à 
plus de dix mille perfbnnes. Je fai que 
'Montagne blâme TAthenien Démades 
d'avoir feit punir un Ouvrier qui vendant 
fort cher des cercueils gagnoft beaucoup 
■à- la mort des Citoyens ; Mais là raifoà 
"que Montagne allègue étant qu'il faùdroît 
punir tout le monde , il eft évident qu'elle 
confirme les miennes. Qu'on pénétre donc 
au travers de nos frivoles démonftratîons 
de bienveillance ce- qui fe paflfe au fond 
des cœurs, &: qu'on reflécniflc à ce que 
doit être un État ' de chofcs où tous les^ 
hommes font forcés 'de (t carcflcr & de 
& détruire mutuellement, &oùilsnaiflent 
ennemis par devoir & fourbes par intérêt,. 
Si l^on me répond que là Société çft teli- 
•fement conftituéé que chaque hômmfe- 
gaghc âi (eryir les autres | je répliquerait 
-que cela {criôit fort bicrt sll ne gagnoit 
cfaràcrgkLsàlcâï^iiiike.âi^^^ p^mdr 


rfé N O T E $. 

profit fi tégiJcime qui ne foie (urpaffî pair 
celai qu'oa peut raire illégkimeaicnt , & 
le tçx% fiiic au prochain eà (oujours plus, 
lucratif (|ae les lervices. U ne s'agjr donc 

Ïlus que de trouver les moyens de s'afl 
irer rimpuniré , & c'eft à quai ks puUV 
iàns employent toutcs^ leurs, fbi'ces j ic les* 
jbibles coudes leurs ru&s. 

L'homme Sauvage , qiaand il ql diné „ 
eft ea paix avec toute la Nature , & racni 
de tflu$ ies Semblables». S'agit-il quelquesr- 
Ibis de diipucer fon repas l Un- envient 
jamais aux coups fans avoi]^ auparavant 
^comparé la dij£culté de vaincre avec celle 
de trouver ailleurs iâ fubHfUnce ;> 2c 
comme l'orgueil ne fe mêle pas du comr 
bat >. il & termine par quelques, coups. 
4e poing ;.Le vainqueur mange ,.le vaincu^ 
ta chercher fortune y Se tput eft pacifié :: 
maïs. cher l'homme en Société, ce (ont 
bieit^ d'autres^ al&ires ; il s'agit premiérer 
men( de poturvoir.au nécefuûre ^ & puis; 
au (upetâu j^enfuite viennent les^délipes'^. 
Se puis les immenies richcfles s & puis des; 
&jcts^, & puis, des Efclàvcsf- il n'a.pa^> 
jin; moment dfc relâche ^; ce qu/il, y a; dr 
plUSr iinguliç;r. :i^ ckft qjie; npioins ks bçh 
ipii;^, Cotitr navels & pre(&ns , plos^lêa; 
jfaflioBS augmentent >. ^ qui piseft ^ là* 
foiiv:^ de k^ fydsfy^Gi, de &me q^ 


N O T E S. rj7 

après de longues profpériiés, après avoir 
eiigload bien des tréfbrs ôc defblé 
biea des hommes , mon Héros finira 
par couc égorger jufqu*à ce qu'il foie 
Punique maître de l'Univers. Tel elfe 
en abrégé le tableau moral , iînon de la. 
vie humaine ,. au moins des^ précon* 
fions (ècretces du cœur de tout homme 
Civilifé. 

Cooàparez fans préjugés^ l'écar de 
f homme Civil avec celui de l*homme 
Sauvage , & recherchez , fi vous le pou- 
vez y cofid>ien , outre ià méchanceié , 
ks be{bîns àc Ces mifëres , 1^ premier a* 
ouverc de nouvelles portes £ la douleur 
& la miorc. Si vous= confiderc z les peines^ 
d'efpriG* qui nous con{ament , les paflions; 
violentes qui nous- épuijenc 6c nous dé-r 
£>lent y les travaux exceflifs donc les pau* 
vres font furchargés^^ ,. la moleflê encofe: 
plus dangereuse à laquelle ks- ridier s'a-^ 
bandonneiit , & qui font mourir les uns; 
de leurs belbtns 6c les^ autrési de reurs* 
^xcès. Si vous fi>ngez aux mOnftrneuic 
œélanges^ des aGmens » à leurs pernicieux: 
i^Iàiibnneniens^ aux denrées covrompues^ 
aux drcq^Si falâfiéor- , amac: firipomieries^ 
4e cesx qi» tes vendent ,/ ctux erreurs de* 
:ectt£qm Ws admintffrem ^ au* poifon dep 

1 vj; 


jjt NOTES. 

il vous faites attention aux maladies cpi« 
- demiques engendrées par le mattTais air 

Earmi des multhudes d'hommes raflèm- 
lés ) à celles qu'occafionnent la deli- 
. caceflè de notre manière de vivre , les^ 
paflàges alternatif de l'intérieur de nos. 
maifbns au grand air , l'u&ge des habiU 
lemens pris ou quittés avec trop peu de- 
précaution , & tous les ibins que notre* 
: îèn&alicé exceflive a tournés en habitudes 
néce(Iàires & dont la négligence ou la 
privation nous coûte en(uite la vie ou ls^ 
£inré^ ^ vous mettez en Ugne de compte 
les incendies & les tremblemens de terre ^ 
qui » confumant ou renverfant des Villes^ 
entières > en font périr le& hahitans par 
milliers ; en un mot > & vous céunidèz. 
les dangers que toutes ces €au(ès. a(Ièm- 
blent continuellement fur nos têtes «vous- 
.&ntii€z combiea la Nature nous fait 
payer cher le mépris que nous avons fait 
. de fès leçons. 

Je ne répéterai point ici fur la guerre' 
ce que j'en ar dit ailleurs ;. mais }e vouh 
drois que les gens inftniics voululièm oik 
^{àflènc donner une fois, au public le 
détails des horreurs qui & commettent 
dans-ks armées<par les Entreprenettis des; 
rtîvces & des: Uopitaux , on vcuroir que 

jteus^maïKCiiiPBCuioix trop j^xBacs^j^par 


NOTES. rfsj» 

lef^txettes tes plus- brillantes armées & 
/ottdcnt en moins de rie» , fonc plus, 
périr de Soldats que n^cn moidbnne le fec 
ennemi i C'eft encore un calcul non: moins 
étonnant que celai de» hommes que la 
mer engloutie tous les ans >. foit par la; 
faim , foit par lé fcorbot y foit par les Py- 
lates , foit par le feu , foit par les nauy 
firages» U eft clair qall faut mettre audt 
fiir le compte de la propriété établie dc 
par confëquent de la Société , les afiàfir- 
laats y les empoifbnnemens , les vols de 
grands chemins j^ 6c les punitions mêmes 
de ces crimes , punitions nécefl&ircs pour 
prévenir de plus grands maux , mais qui > 
pour le mei^rtre d'un homme , coutaftt la 
vie à deux ou davantage > ne laif&nt pas 
de doubler réellement la perte de l*c(pécc 
bumainc Combien de moyens honteux 
d'cmpécber la naiffànce des hommes êc 
de tromper la Nature ? Soit par ces goûts 
ferutaux & ^dépravés qui iniultcnt fbn: 
plus charmant ouvrage^ goûts que les 
Sauvages ni les animaux ne connurent 
jamais , Se qui ne font nés dans les pais 
policés que d'Une im^aginatioti corrom^^ 
pue 5 foit par ces avortemens fecrets j^ 
dignes fruits de ta débauche & de liions 
©eur vicieux j foit par llîxpofition ou le 

«ttnaasc d'usé joaiilmttde dreûfans> 'W^ 


m6o notes. 

âmes de la tniCérc de leurs parem ou der 
la honte b^baze de leurs' Mcres^ foit 
enfin par la mutilacioii de ces malhcu- 
reux doue une panie de TexifteiKe & touce 
la poftcrtcé (ônc facriâécs à de vaines 
chanfons , ou ce c|ai eft pis encore > à la 
brutale ^louHe de quelques homtnes : 
Mudlacion <\iki > dans ce dernier cas > ott- 
rrage doublement la Nature y 8c par \c 
traitement que reçoivent ceux qui la (buf^ 
firent , & par l'i>(age auquel ils (ont de(^ 
cinés» Que feroiCi^re fi '^'entreprenons de 
montrer Kerpëce humaine attaqua dans^ 
£i fburcc même , Se )u{ques dans le plus 
ùiïit de cous les liens, où l'on n'o(ê plus 
ccoiiccr la Nature qu'après avoir conuilté- 
la fortune , & où le défordre civil confon^ 
danc les vertus 6c les vices , la continence* 
devient une précaution criminelle , & le* 
refus de donner la vie à fon (emblable ,. 
un a£te d'humanité ^ Mais fans déchirer 
lie voile qui couvre tant d'horreurs j con»- 
tentons-nous d'indiquer le mal auquel 
d'auurcs doivent apporter le remède. 

Q^'on ajoute à tout cela cette quantité 
de métiers maUfains qui abrégeiK les 
jours 0u détruîfent le remperamcnt ; tels 

2ue (ont les travaux des raines >.les divers 
:s préparations desi^éiauxi desmine«^ 

jHHU > iaiP'COQtdu^£lûmb>dg^Gwif>Cci»dii 


NOTES. r*f 

J^fflTore ^ du Cobolcj de l'Arccnîc , dû 
Rcalgarj ces autres métiers, perilleuxvquî' 
coucem tous les jours la vie à quantité 
d'ouvriers^ les uns Couvreurs ^ d'autres^ 
Charpentiers ,, d'autres Maflbns , d'autres 
nravaillant aux. cariiéres ; qu^on réunilTe ^ 
dîs-je , tous ces objets , & Ton potura voir 
dans l'établif&ment & la perfedion des: 
Sociétés les raifons de la dinûnucion de* 
Pefpcce , obfervéc par plus d*ttn PhiK 
lofopbe. 

Le luxe y impo{BbI)e L prévenir cher. 
i&s hommes avides de leurs propres com«> 
modités & de la ccmndération desaucres ,, 
achève bientôt le mal que les Sociétés 
iMit commencé , &c fous prétexte de faire 
vivr« les pauvres qu^'il n'eût pas Fallir 
Ëtire y il appauvrit tout le cefte , 6c do- 
peuple l'Etat tôt OU' tard. 

Le luxe eft un^ remède beaucoup pîrr 
que le mal qu'il prérend guérir ^ ou plu«- 
tot,il eft lui-même le pire de cous les maux,, 
.dans quelque Etat grand' ou petit que ce 
puîflc être , & qui pour^nounir de$ foulcft 
de Valets & de milërables qu'il- a (âits ,, 
accable & ruîne le laboureur & le Ci- 
toyen : Semblable ^ ces venw brûlants du* 
jnidi quicQUYrapt l'herbe et la- verdurc^* 
d'infeôes dévoyans y, imm Uf fùbfiftancc 

mfL%mm»^mk^ ^ poccencl^ dUnir 


%6t NOTES. 

& la mort dans cous les liesx où iU Hc 

font fentir. 

De la, Société 6c du luxe qu'elle en^iH 
dre > nailTent les Arts libéraux ôc mécani* 
ques, le Commerce > les Lettres, & toutes 
ces inutilités qui font fleurir l'induftrie , 
enrichirent & perdent les Etats. La raiibn 
de ce dépéri&ment eft très-fimple» Il eft 
aifé de voir que par fa nature l'agricul- 
cure doit être le moins lucratif de tous les 
arts ; parce que fon produit étant de l'u- 
fage le plus indifpemable pour tous les 
hommes > le prix en doit être propor- 
tionné aux Êicultés des plus pauvres. Du 
même principe on peut tirer cette régie, 
qu'en général les Arts font lucratifs en 
raifon inverfe de leur utilité , & que les 
plus néceflàires doivent enfin devenir les 
î^lus négligés. Pîar où I*on voit ce qu'il 
Élut penfer des vrais avantages de lindut 
trie & de l'effet réel qui refaite de fes 
progrès- 
Telles (ont les caufes feniiblës de tôûv 
tes lesmifércs où l*opulence précipite eiiô» 
les Nations les plus admirées. A mefure 
que llnduftrie & les arts s'étendent 8c 
fleur iflcnt , le cuîtivatciTr méprifé yxWgi^ 
d'impôts néccflgfitcs à l'intretkn du £.uxe> 
te condanïné â pafler & vie emw le tra- 


NOTES. î* j 

pour aller chercher dans les Villes le 
pain qu'il y devroît porter. Plus les est- 
picales frapent d'admiration les yeux ftu- 
pides da Peuple 3 plus il faudroit gémir 
de voir les -Campagnes abandonnées , les 
terres en friche , & les grands chemins 
inondés de malheureux Citoyens devenus 
niandians ou voleurs > âc deftinés à finir 
un jour leur mîfére fur la roiie ou fur un 
fumier. C'eft ainfi que l'Etat s'enrichi(Iànc 
d^un côté y s'aifoiblit & fe dépeuple de 
l^autre , Se que les plus guidantes Monar-- 
chies , après bien des travaux pour fe 
rendre opulentes & défertes , finiflcnt par 
devenir la proye des Nations pauvres qui 
fuccombent à la funefte tentation de les 
envahir , & qui s'enrichiflènt & s'aftoibli A 
fent à leur tour , jufqu'à-ce qu'elles (bicnc 
elles mêmes envahies & détruites par 
d'autres. 

Qu'on daigne nous expliquer une fois 
ce' qui avoit pu produire ces nuées de 
Barbares qui durant tant de fiécles ont 
inondé l'Europe , l'Afie & l'Afrique } 
Etoit-ceà l'induftric de leurs Arts , à la 
Sagelïc de leurs Loix,à l'excellence de leur 
police , qu'ils dévoient cette prodigieufe 
population ? Que nos fa vans veuillent bien 
nous dire pourquoi , loin de multiplier 
a ce puûic , ces hommes féroces 9c 

V. 


r^ NOTES. 

•brutaux , fans lumières , fans firein » & 
Àlucacion » ne s'entre^égorgeoîem pa» 
tous à chaque înftant , pour (è diCçuzet 
leur pâture ou leur chaue ? Qu'ils nous 
expliquent comment ces mifërabics ont 
.eu feulement la hardicflc de regarder en 
dce de fi habiles gens que nous étions^ 
avec une (i belie difcîpUne milicaire , de 
fi beaux Codes » & de fi fages Loîx? 
£nfin pourquoi, depuis que la Société 
s'eft perfeâionn^ dans les païs du Nord 
JBc qu'on y a tanc pris de peine pour 
apprendre aux hommes leurs devoirs 
mutuels & l'art de vivre agréablement Se 
paifiblement enièmble , on n'en voit plus 
.rien fi>rtir de femblable à ces multitudes 
jd'hommes qu'il produîfbit autrefois ? J'ai 
bien peur que quelqu'un ne s'avifè à la 6ti 
de me répondre que toutes ces grandes 
chofes , lavoir les Arts , les Sciences & 
les Loix , ont été très-Sagement inventées 
par les hommes , comme une pefte Salu- 
taire pour prévenir l'exceffive multiplica- 
tion de l'efpéce , de peur que ce monde , 
qui nous eft deftiné ^ ne devint à la fin 
trop petit pour Ces habitans. 

Quoi donc ? Faut-il détruire les Socié- 
tés , anéantir le tien & le mien , & retour- 
ner vivre dans les forêts avec les Ours ? 
'Conféquencc à la manière <ic mes adyer- 


N O T ES. t€f 

{ikt% 9 que j'aime autanc provenir qae 
de lenr lai{]&r la home de la cirer. O vous, 
à qui la voit celefte ne s'eft poinc fait en- 
tendre , ic qui ne reconnoiflèz pour votre 
cTpéce d'autre deftinacion que d'achever 
^n paix cette courte vîej vous qui pouves^ 
lai(kr au milieu des Villes vos runeftes 
Acquifition^ , vos esprits inquiets > vos 
ciseurs corrompus &c vos défirs effrénés ^ 
xeprene:^ ,. puifqu'il dépend de vous > 
votre unique & première; innocence ^ 
«liez dans les bois perdre la vue & la 
inémoire des crimes de vos contempo* 
«aiiàs > & ne craignez point d'avilir votre 
cjQpéce j en renonçant à Ces lumières pour 
renoncer Jk Ces vices. Quant aux hommes 
^mblables à moi > dont les paffions ont 
détruit pour toujours l'ori^nellc (impli- 
cite, qui ne peuvent plus fc nourrir d'her- 
be & de gland j ni fè paflcr de Loix Se de 
Chefs *y Ceux qui furent honorés dons 
leur premier Père de leçons rumaturellcs; 
ceux qui verrc»x dans l'intention de don- 
ner d'abord aux aâions humaines une 
moralité^ qu'elles n'cuflènt de long-tems 
acquift , la rai(bn d'un précepte indiffé- 
rent p£Kr lai - même Se inexplicable dans 
tout autre Syftême : Ceux , en un mot > 
qui (ont convaincus que h, voix divine 
appeUa KPIH le Geore-l^umain aux lumié-^ 


t66 NOTE S. 

res 8c au bonheur des celeftes Int^gen^ 
ces 'y cous ceux - là tâcheront , par l'cxer-^ 
cice des vertus qu'ils s'obligent à {«'aii- 
quer en apprenant à les connokre , à mé- 
riter le prix éternel qu'ils en doivent at^ 
tendre ^ ils refpeâeront les fàcrés liens 
des Sociétés dotit ils (ont les membres $ 
ils aimeront leurs fèmblablcs 8c les iôv 
viront de tout leur pouvoir ^ Ils obéiront 
icrupuleu(èment aux Loix , ôc aux hom* 
mes qui en font les Auteurs 6c les Mini& 
très ) Us honoreront fur -tout lésons de 
Cages Princes qui (auront prévenir, guérir 
ou pallier cette (bule d'abus 8c de maux 
toujours prêts à nous accabler ^ Ils anime* 
ront \t zèle de ces dignes Chefs » en leur 
montrant fans crainte 8c fans flaterie la 
grandeur de leur tâche 8c la rigueur de 
leur devoir : Mais ils n'en mépri(èront 
pas moins une conftitution qui ne peut 
lè maintenir qu'à l'aide de tant de gens 
re(peâables qu'on défire plus (buvent 
qu'on ne les obtient, & de laquelle , mai- 
gré tous leurs (oins » naidènt toujoutts 
plus de calamités réelles que d'avantages 
apparens. 

Pag. xj. 

(*8.) Parmi les hommes que nous 
connoidbns , ou par nous-mêmes » ou par 


NOTES. \6t 

les Hiftorîens , ou par les voyageurs ; les 
uns font noirs , les autres blancs > les au-; 
très rouges \ lés uns portent de longs che- 
veux , les autres n'ont que de la laine fri- 
iee ; les uns font pre{que tout velus , les 
auttes n'ont pas même de Barbe > il y a 
CM & il y a peut-itre encore des Nations 
d'homjpes d'une taille gigantefque , & 
laillant à part la fablç des Pygmées qui 
peut bien n'être qu'une exagération , on 
(ait que les Lappons & fur-tout les Groen^ 
landois font fort au-dedbus de la taille 
moyenne de l'homme \ on prétend miême 
qu'il y a des Peuples entiers qui ont dot 
queues cbmnoie le$ quadrupèdes ; Et fans 
ajouter une foi aveu^é aux relations 
4'Hérodote & de Ctefias > on en peut du 
moins tirer cette opinion très^vraifèmbla'» 
Ue > que iî l'on avoir pu foire de bonnes 
ibb&rvations dans ces tepis anciens pu les 
.|>euples divers fuivoient des manières dq 
ivivre.pl.us différentes ençto. elles qu'ils nq 
^nc, aujourd'hui , on y auroit âuffi re« 
jftiarqué dan$ la figure & l'habitude du 
jtorps^ des variété^ beaucoup plus fra- 
^pantfs. ToUfSces faits » 4on( il eft ai(^ d« 
Iburnir.des preuves içconteftables ^ n<i 
^uyenç Hirprendre que ceux qui fpn): 
4cçott|uglj^ à ne regardei: que les objets 
.^ le$ çQrxkoisinçnt > £c qui igiaoxeac 1|^ 


X 


t6t NOTES. 

puÛTatlts efièrs de ladiverficé des CUxnatfi 
de l'air 5 des alknens , de la manière d« 
vivre , des habitudes en général , & fur- 
tout la force étonnante des mêmes eau* 
^s , quand elles agiflènt continuellement 
fur de longues faites de générations. Au* 
]ourd.'hui que le commerce , les Voyages, 
fc les conquéces , réunîflènt davantage 
les Peuples divers , & que leurs manières 
de vivre fe rapprochent fans ccflc par la 
fréquente communication , on s'apperçoit 
que certaines diffeenccs nationales ont 
diminué , Se par exemple , chacun peut 
remarquer que les François d'^aujourd^hui 
ne font plus ces graiids corps blancs & 
blonds décrits par les Hiftorien^ Latins , 
quoique le tems Joint au mélange des 
Francs £c des Normands^» blancs & blonds 
eux-mêmes , eut du rétablit ce que la fré- 
quentation des Romains avoir pu ôtcr à 
l'influence du Climat, danslaconftitution 
mturelle & le teint des habitans. Toutes 
tes obfervations fur ks variété* que tmlle 
Mttfes peuvent produire & ont produit 
cm effet dans l'Efpéce humaine , me font 
douter fi divers animaux ftfimblabks aux 
iiorames > pris |^ lés voyàgelirs' p'ôur des 
fiêccs fans beauéoii^) d^examétH- o»^ ^^^ 
,*de quelques difif^rçnffces ' qu4ts- iTcmar^ 


NOTES. t€f 

fe > oa (éulemenc parce que ce!s Animaun^ 
ne parloienc pas , ne ièroienc point en^ 
effet de véritables hommes Sauvages ^ 
dont la race di(perfee anciennement dant 
les bois n'avoit eu occafion de dévelop* 
per aucune dç fcs facultés virtuelles , 
n'avoit acquis aucun degré de perfeâioni 
& fc trouvoit encore dans l*état primi- 
tif de Nature. Donnons un exemple /de 
^e que je veux dire. 

„ On trouve , dît le tradufteur de 
„ l'Hift. des Voyages , dans le Royaume 
^, de Congo , quantité de ces grands 
. ,, Animaux qu'on nomme Or^;»^ - Outan^g 
i9 aux Indes Orientales , qui tiennent 
M comme le milieu entre t'efpéce hum^iie 
& les Babouins. Battel raconte que dans 
les (brècs de Mayomba au Royaume de 
Loango » on voie deux Cottes de McHif> 
^y très dont les plus grands fe nomment 
1, Pongoi & les autres Enjoksr. Les pre*;» 
^, miers ont une reflêmbtance exafte avee 
>» l'homme ; mais ils (ont beaucoup plus 
to gros ^ & de Ibrc haute taille. Avec un 
9> vî&ge humain , ils ont tes yeux fort em^ 
py foncés. Leurs mains , leurs joues ^ leurs 
»> oreilles fimt (ans poil ; à Pexceptiou des 
^ fouirais qu'ils ont fort longs. C^oiqu'its 
»9 ayent le reftè du corps aflez velu » le 


99 


17^ NOTES. 

^ leur eft brune. Enfin » la (cale partje 
^ qui les diftingue des hommes eft la 
J9 jambe qu'ils ont fans mollet. Ils mar*- 
^ chem droits en iè tenant de la main le 
^ poil du Cou ; leur retraite eft dans les 
^ bois ^ Us dorment Air les Arbres s 6c s'y 
,, knt une efpéce de tott qui les met à 
couvert de la pluye. Leurs alimens font 
des fruits ou des noix Sauvages. Jamais 
ils ne mangent de chair* L'ufage des 
Nègres qui traverfènt les forets , eft d'y 
allumer des feux pendant la nuit. Ils 
remarquent que le matin à leur départ 
les Pongos prennent leur place autour 
du feu , & ne fê retirent pas qu'il ne 
fbit éteint : car avec beaucoup d'adreÛèj 
ils n'ont point aflèz de iens pour l'en« 
tretenir en y apportant du bois, 
;,, Us marchent quelques-fois en troupes 
f» & tuent les Nègres qui traverfènt les 
„ forêts. Us tombent même fur les éle- 
^ phans qui viennent paître, dans les lieux 
p qu'ils habitent > & les incommodent (î 
l> fort à coups de pofng ou de bâtons 
,, qu'ijs les JForcent à prendre la fuite en 
jp» pouflani: des cris. On jtiç prend \àm^ 
l, de Pongos en vie j parce qu'ils font fi 
^. roWftes, que idix hoipnpps ne roflSroienc 
^, pa^ pour les .arrêter : Mais Içs^égpes 
^ en prepnçi^j^quaittiié de Jçimçsapr^ 


9> 
» 


NOTES. 171 

'^ avoir tué U Mère , au Corps de la- 
py quelle le petit s'attache fortement : 
lorfqu'ùn de ces Animaux naeurt > les 
autres couvrent (on corps^d'un Amas 
py de branches <y^ de feuillages. Purchafs 
ajoute que dans les conversations qu'il 
avoit eues avec Battel « il avoit appris 
,, de lui - même qu'un Ppngo lui enleva 
,> un petk Nègre qui palTa un mois entier 
^, dans la Société de ces Animaux j Car 
3, ils ne font aucun mal aux hommes 
qu'ils furprennent , du moins lorfque 
ceux-ci ne les regardent point » comme 
le petit Nègre l'avoit obfervé. Battel 
n'a point décrit ta féconde efpéce de 


99 
99 


39 


9> 
99 
9> 
95 

,,monftre. 

»» Dappet CQ^ifîrme que le Royaume de 

9> 

»> 

'9> 


Congo eft plein de ces animaux qui 
portent aux Indes le nom d'Orang-Ou- 
tang , c'cl^-à-dire>.habitans des bois, Se 
,> que les Afrîquains nomment Quojas- 
,> Morros. Cette Çête , dit-il , eft fi fem- 
,> blable à l'homme » qu'il eft tombé dans 
j, l'efprit à quelques voyageurs qu'elle 
„pouvoit être {ortie d'une femme & 
•9> d'i|5Vtsâj9ge : chimércr que les Nègres 
.9, mêmes rejettent. Un de ces animaux 
.9» fut tranfporté de Congo en Hollande 
99 èc préiènoé au Prince d'Orange Fre- 
^ deric - He^ri, Il écoic de la liauceup 


tjt NOTES. 

^> d'un Enfanc de crois ans & d'an coq^ 
99 bônpoinc médiocre , mais quarré Se 
t> bien proponionné , fort agile & fore 
9>vif>les jambes charnues & robuftes, 
99 tout le devant du corps nud , mais k 
^9 derrière couvert de poils noirs. A la 
9, première vue ^ (on viiàge redèmbloit i 
9j celui d'un hôuime , mais il avoir le nés 
9> plat & recourbe j Tes oreilles étoicnt 
99 auffi celles de l'Eipécè humaine ; ion 
M (èin , car c'étoit une femelle , étoit po* 
p> télé 9 Ton nombril enfoncé , iès épauler 
99 fort bien jointes » (es mains divifëes en 
99 doigts &«n pouces 9 (es mollets 6c (es 
99 talons gras ôc charnus* Il marchoîr 
j9 fouvcnt droit fur (es jambes , il étok 
99 cajpable de lever & porter des fardeaux 
99 a(kz lourds. Lor(qu'il vouloir boire , 
99 il prenoit d'une main le couvercle du 
99 pot 9 &: tenoit le fond 9 de l^autre. Eiw 
>9 fuite il s'e({iiyoit gràcieuiement les 1er 
99 vres^ Il Te couchoit pôuifdoànir 9 la.tete 
99 fur un Couifîn sf (e-couvrant avec taiu 
,9 d^adre({è qu'on l'âuroit pris pour un 
99 homme au lit. Les Nègres font d'étraiv 
99 ges récits de cet a^imaklls d4îiiiie}i|.nofi.- 
^9 kuiement qu'il force leSi femmesr^&:Ias 
99 filles 9 niais qu'il o(è atttq^f des faonc^ 
p, mes armés 5 En un mot ii'y :a'beaucoup 
^ d'apparen«f (^ç'tik hSMfic 4^Ai^ 


S9 

^9 


TSf O TX S, .ï75 

ciens. MeroUa ne parle peut-être jquis 
de CCS Animaux lorfqu'iî raconte que 
les Nègres prennent quelques, fois dans 
^y leurs chafics des hommes & des femm^ 
„ Sauvages. ^ 

U eft encore parlé de ces efpcces d'ani- 
maux Ântropoformes dans le troifiéixie 
corne de la même Hiftoirc des Voyages 
fous le nom de Beggas & de Mandrillr\ 
mais pour nous en tenir aux relations 
|)réccdentes on trouve dans la defcription 
ie ces prétendus monftres des confor- 
mités frapantcs avec l'efpéce humaine , 
& des différences moindres que celles 
qu'on pourroit affigner d'homme à honv 
me. On ne voit point dans ces paftagcs 
les raifons fur lefquelles les Auteurs & 
fondent pour refulet aux Animaux ea 
queftion le nom. d'hommes Sauvages.» 
m^is il eft aifé de conjeâurer que c'eftià 
cau{è de leur ftupidité , & aujEfi parce 
qu'ils ne parloient pas ; raifons foibles 
pour ceux qui favent que quoique l'or- 
gane de la parole foit naturel à l'homme \ 
la parole elle -même ne lui eft pourtant 
pa»: naturelle ,& quf cormoiilèntjitfqafà 
quel point fa perfeétibilitë peut a\soir 
élevé l'hotome Civil aoKléftàs djeJ^nicàjE 
ortgiMi. Le petit nombre ideiUgnos itfosf 
jSoi^icQQâsic . dgi udieiai]^<aQ&.;DOiièi piaidl 

Kij 


174 NOTES. 

faire juger combien ces Animaux ont été 
mal oblervés & avec quels préjugés ils 
ont été vus. Par exemple , ils font qua- 
lifiés de monftres , & cependant on con- 
vient qu'ils engendrent. Dans un endroit 
Battel dit que les Pongos tuent les Nègres 
qui traverfènt les forêts ^ dans un autre 
Purcbafs ajoute qu'ils ne leur font aucun 
mal , même quand ils les furprennent ; 
du moins lorsque lés Nègres ne s'at- 
tachent pas à les regarder. Les Pongos 
s'aflèmblent autour des feux allumés pat 
les Nègres , quand ceux-ci fe retirent , 
& (è retirent à leur tour quand le feu 
cft éteint ; voilà le feît ; voici maintenant 
le commentaire de l'obièrvateur $ Cdr 
mvi€ beaucoup d^adrejfe y ils riont pas 
fffez. de fens four l'entretenir en y affor^- 
tant du bois. Je voudrois deviner com- 
ment Battel ou Purchafs (on compilateur 
a pu (avoir que la retraite des Pongos 
étoît un effet de leur béti(è plutôt que de 
leur volonté. Dans un Climat tel que ^ 
Loango , le feu n'eft pas une cho(è fo^ 
nécedàire aux Animaux , & (i les Nègres 
en allument , ç'eft moins contre le froid 

3UC pour ef&aycr les bêtes féroces j il eft 
onc trcs-fîmple qti'apris avoir été quel- 
que temfs réjouis par la flamme ou s'être 
I»ca réchguifés \» le$ Pongos s'ennuyeoe 


. N O T ir s/ 171 

de refter toujours à la même place , SC 
s'en aillent à leur pâture , qui demande 
plus de tems que s'ils mangeoienc de la 
chair. D'ailleurs , on fait que la plûparc 
des Animaux , (ans en excepter l'homme , 
font naturellement paredeux , èc qu'ils fe 
refufènt à toutes fortes de foins qui ne 
font pas d'une ab(blue nécedité. Enfin il 
paroît fort étrange que les Pongos donc 
on vante l'adrefle & la force , les Pongos 
qui fkvent enterrer leurs morts & fe faire 
des toits de branchages , ne fâchent pag 
pouflèr des tifbns dans le feu. Je me fou* 
viens d'avoir vu un fînge faire cette même 
maneuvre qu'on ne veut pas que les Pon- 
gos puiflènt faire -y ileft vrai que mes idées 
n'étant pas alors tournées de ce côté y 
je fis moi-même la faute que je reproche; 
à nos voyageurs, & je négligeai d'exami- 
ner fî l'intention du fînge étoit en effec 
d'entretenir le feu , ou (împlemcnr , com-'^ 
me je crois, d'imiter l'adion d'un homme* 
Quoiqu'il en fbit , il efl bien dértontré 
que le Singe n'efl pas une variété de 
l'homme , non-feulement parce qu'il eft 
privé de la faculté de parler , mais fur- 
tout parce qu'on efl fur que fbn efpéce 
n'a point celle de fe perfeéîionner qui eft 
le caradére fpécifique de l'efpéce humai-, 
oe» Expériences qui ne paroif&nt pas avpÎF 

Kîi| 


n6^ NOTES. 

éîé faites fur le Pongos & l'Orang-Ott* 
tang avec a(Icz de foin pour en pouvoir 
tirer la même conclufion*. U y auroit 
|K)urcànt an moyen par lequel, d l'Orang* 
Outang o\\ d'autres écoient de l'cfpécc 
humaine , les obfèrvateurs les plus grojf- 
£ers pourroient s'en affiirer même avec 
demoiiftration ; mais outre qu'une feule 
génération ne ruflitoit pas pour cette ex-^ 
périence , elle doit pâflçr pour impratî* 
cable > parce qi»'il fàudroit que ce qui 
B'eft qu'une iappotition fut démontré 
vrai, avant que l'épreuve qui devroir 
conftater le fait , pât être temée inno» 
cemment. 

Les Jugemens précipités y Se <\m ne 
font point lé fruit d'une raifbn éclairée » 
£otït fujets à donner dans l'txcès. Nos ro* 
yageurs font fans façon des bêtes {bus le& 
90ms de Pongos , de Mandrills , àiVrang^ 
Otttang, de ces mêmes Etres dont (bus le 
|K)m de Séttjres , de V aunes , de Silvains > 
ks AïKiens faifoient des Divinités» Peut- 
Icj^e après des recherches plus exaâes. 
troUvera-t-on que. ce font des hommes^ 
En atiîendant , il me parok qu'il y a bien 
autant de rai/bn de s'en rapporter là- 
dcflîis à MeroUa ,. Religieux lettré , té- 
moins oculaire , & qui avec toute fa nai* 
\txk ne laiffcii: pas d'être homme d'efprit > 




N O T E & tu 

ijtiVa Marchand Battel, à Dappcr , à 
PurchaflT, &.aux autres Çompilàt;^avs. 

Qaçl jugwieiit pc:rfe>c-on qu'euflenC 
porté de pareils Obfcrvaççuçs fur t'Eiafant 
irouvé en 169,4. dont j'ai déjà parlé ci- 
devanc, qui ne dormoif auicuiie. marque 
de raifan , marchoit fur fes^ pieds & fur 
it^ mains , n'avoir aucun langage &: for- 
moii des fons qui ne çeflerabloienc en 
f iei^ à ceux d'un homme. Il fut long-çems, 
continue le même Plûlofophe qui me' 
fournie ce fftit , savant de pov^voir proforçr 
quelques p«<roJle3 , eiKore^ le fit41 d'une 
manière harb^ie. Auffi-tot qu'ii^ut par- 
ler 5 on l'interrogea fur ion premier état , 
mais il M S'en fouvint non plus que nous 
-nous fottvenons de ce qui nous çft arrivé 
au Berceau. Si malhcureufemcnt pour 
iui cet enfknt fut tombé dans ks maitas^ 
d^ nos voyageurs , on ne peut douter 
qu'après avoir remarqué fon filence & (a 
'ftupîdité, ilsn'euflènt pris le parti de le 
. renvoyer dans les bois ou de l'enfermer 
dans une Ménagerie 5 après quoi ils en 
. auroient favammcnt parlé dans de belles 
relations , comme d'une Béte fort curieufè 
qui refllèmbloit 2&z à l'homme. 

Depuis trois ou quatre cent ans que 
les habitans de l'Europe inondent les au-* 
très parties dis xhondè & publienc fan» 

uij> 


178 NOTES. 

ceflè de nouveaux recueils de voya^ St 
de relations > je fuis perfiiadé que nous 
ne connoilfbns d'hommes que les {euls 
Européens ; encore paroitil aux préjugés 
ridicules qui ne (ont pas éceîncs 3 mètne 
parmi les Gens de Lettres , que chacun 
ne (ait guéres (bus k nom pompeux 
d'étude de l'homme , que celle des hom- 
mes de Ton pays. Les particuliers ont beau 
aller & venir, il (èmble que la Philofbphie 
ne voyage point , auffi celle de chaque 
Peuple cft-elle peu propre pour un autre. 
La caufè de ceci eft manifefte , au moins 
pour la« contrées éloignées :Il n'y a guéres 
que quatre fortes d'hommes qui fiiflènt des 
voyages de long cours j les'Marins , les 
Marchands, les Soldats, & les Miflior- 
naires ; Or ori ne doit guéres s'attendre 
que les trois premières Claflès fourniflcnt 
de bons Observateurs , ôc quant à ceux 
de la quatrii^me', occupés de la vocation 
fublime qui les appelle , quand ils ne 
Croient pas Tujcts à des préjugés d'état 
comme tous les autres , on doit croire 
qu'ils ne fe livrcroicnt pas volontiers à des 
recherches qui paroiflcnt de pure curio- 
fité , Se qui les détourneroienc des tra- 
vaux plus importans auxquels ils fe dcC- 
tinent. D'ailleurs , pcMir prêcher utilc- 
cntent l'Evangile il ne faut que du zèk, 8c 


NOTES. tj^ 

fSeu donne le refte ; niais pour étudier' 
les hommes il faut des talens que Dieu 
ne s'engage à donner à perfbnne ^ & qui 
ne font pas toujours le partage des Saints. 
On n'ouvre pas un livre de voyages oii; 
l'on ne trouve des deicriptions de carac- 
tères & de mœurs \ mais on éft tout écon- 
vé d'y voir que ces gens- qui ont tant dé- 
crit de chofès /n'onc dit que ce que cha- 
cun favoit déjà , n'ont (ir appercevoir à 
l'autre bout du monde que ce qu'il n'eût 
tenu qu'à eux de remarquer fans fortir de 
leur rue y Se que ces traits vrais qui dis- 
tinguent les Nations , & qui frapent les^ 
yeux faits pour voir , ont prefque toujours- 
échapé aux leurs. De-là eft venu ce bel 
adage de morale , fi rebatu par la tourbe 
Philofophefque, que les hommes font par- 
tout les mêmes , qu'ayant par - tout les* 
mêmes paflîons & les mêmes vices , il eO; 
a(ïèz inutile de chercher à caraâiérifcr les; 
difFéf ens Peuples \ ce qui eft à peu près, 
«uffi bien railonné que fi l'on difoit qu'ont 
ne fauroit diflinguer Pierre d'avec Jaques^ 
parce qu'ils ont tous deux un nés, une 
bouche & desyeux^ 

Ne verra-t-on Jamais renaître ces tems^ 
beureux où lés Peuples ne fè mêloienc 
point de Philofopher y mais où les Pla^ 
VfûKiS^ tes» Thaïes £c les Pjthagores épcs^ 


i«a NOTES, 

d'un ardent défie de /jfâvoir ^ entrepre^ 
xx>ienc les plus grands voyages unique* 
xnenc poui: s'inftruire ^ & alLoienc au loûit 
fecoucr le joug des préjugés Nationaux ^, 
apprendre à connoitre Jes. hommes par 
leurs conformités & par leurs différences ,, 
& acquérir ces connoiflànces univerfèlies. 
^ui ne font point celles d'un Siècle om 
d'un pay^ exclufivement,.inais qui> étanr 
de tous les tems &c de tous les lieux» fbnr^ 
pour aiiifi dire 3 la fcience commune des; 
toges > 

On admire la magnificence de quel* 
ques curieux qui ont fait ou fait faire » 
grands frais des voyages en. Orient avec 
des Savans & des Peintres ,. pour y dcfÏÏ- 
ner des mafures & déchifi&er ou copier- 
des Infcripcions ; mais j'ai peine à conce-»- 
voir comment dans un fiécle où l'on fèt 
pique de belles connoiHknces il ne fe trou^ 
ve pas deux hommes bien unis ,. riches >, 
Tun en argent , l'autre en génie ,. to»;. 
deux aimant la gloire & afpirant à l'im*- 
mortalité , dont l'un {àcrifie vingt m^ 
écus de (on bien & l'autre dix ans de [su. 
vie à un célèbre voyagé autour du mondes 
pour y étudier ,, non toujours des pierres. 
â^ des plantes j. mais une fois les hommesi 
& les mœurs > & qui après tant de fié— 
^ <fe& em£lo]^è& imcfiusJE &l confidexei. 1% 


NOTES. i8i 

0sali!bn , s'avifenc enfin d'en vouloir cou- 
noître les habicans. 

Les Académiciens qui ont parcouru les 
parties Septentrionales de l'Europe & • 
Méridionales de l'Amérique avoient plus 
pour objet de les vifiter en Géomètres 
qu'en Philofuphes. Cependant , comme 
ils étoienc à la fois l'un & l^'aurre , on ne 
.peut pas regarder comme tout à fà/t in- 
connues les régions qui ont été vues 8c 
décrites par les La Condamine Se les 
Maupertuis» Le Jouaillier Chardin qui a 
voyagé comme Platon , n'a rien laifle à 
dire lur la Perfè ; la Chine paroît avoir 
€té bien obfervée par les Jéfuitcs; Kemp- 
fer donne une idée paflàble du peu qu'il 
a vu dans le Japon. A ces relations près ,. 
nous ne connoiflbns^ point les Peuples des; 
Indes Orienta les> fréquentées uniqi^emenc: 
par des Européens plus curieux de rem* 
plir leurs bourfês que leurs téres. L'A^» 
tfriquc entière &c fcs nombreux habitans ^ 
aufîi finguiiers par leur caraâére que par 
Ijeur couleur ,. font encore à examiner 5. 
coûte la terre cft couverte de Nations, 
iiont nous ne connoiiïbns que les noms ,, 
ôç noa$ nous mêlons de^juger le genre-- 
fetj*nain l Suppofons un Montcfquieu^^ 
IH3: BuHbil ^ un Diderot , un Duciçs , uJAi 
li^bmbeitvuniCondilbBC >. c»i de^'horo^ 


lit N O T E S. 

mes de cette trempe, voyageant pour ia£^ 
truire leurs compatriotes » oblèrvant 6c 
décrivant comme ils fkvenc iaîre la Tur- 
quie , l'Egipte y la Barbarie , l'Empire die 
Maroc,. la Guinée^ le pays, des Cafïres.,» 
l'incérieur de l'Afrique & (es côtes Orien*-^ 
cales , les Malabares , le Mogc^ , les rives; 
du Gange , les. Rx>yaumes de Siam , de 
Pegu & d*Ava y la Chine , la Tartaric> 
& fur-tout le Japon ; puis dans l'autre 
Hemifphére le Mexique y le t^er ou , le 
Chili > les Terres Magellaniques , fans: 
oublier les Patagons vrais ou hux , le; 
Tucuman > le Paraguai s'il étoit poffible >, 
le Brczil , enfin les Caraïbes., là Floride: 
& toutes les contrées Sauvages , voyage: 
le plus impartant de tous & celui qu'ili 
fiaudroit faire avec le plus.de fbin ;.fup^ 
pofons. que ces nouveaux Hcrcides, de- 
retour de ces couries mémorables , fîflènt: 
enfuite àloifîr l'Hiftoire Naturellci Morale. 
& Politique de ce qu'ils auroicntvu, nou^. 
verrions nous-mêmes forcir un monde 
nouveau de dtflbus leur plume , Se nous, 
apprendrions ainfi à cbnnoître le nôtre :: 
Je dis,que quand de pareils Ob/lrvatcurs. 
affirmeront d'un tel Animal que c'eflr um 
JKomme , & d'un» autre que ç'éft une béte ^ 
ftLfau4ra ks en croire ;:maisK:e feroit une 

^smàc. iimglicijQl de s^èa reporter 


NOTES. ïSç 

ietSxs i des voyageurs grofficrs , fur IcC- 
quels on feirok quelques fois cencé de faire 
la même queftion qu'ils fe mêlent de rch> 
Ibadre fur d'autres animaux» 

Pag. itf. 

( *- 9*) Cela me paroît de la dernière 
évidence , & je ne faurois. concevoir à*oit 
nos Phîlofophes peuvent fakc naître tou* 
tes les partions qu'ils prêtent à l'homme 
Naturel. Excepté le feul néceflaire Phy- 
fiquc y que la Nature même demande y, 
tous nos autres bcfoins ne font tels que 
par l'habitude avant laquelle il< n'étoicnt 
point des befoins , ou par nos délftrs , & 
l'on ne délire point ce qu'on n'eft pas 
€n état de connoître. D'où il fuit que 
l'homme (iuvage ne défiranr que les 
ehofes qu'il connorr& ne connoiflàiit que 
celles dont la pofléflîon eft enfbn pouvoir 
eit facile à acquérir , rien ne doit être 
û tranquille que fbn ame & rien. Gr borné: 
que fon efprir. 

f * ïa. y Te trouve dans le Gouverne-^ 
ment Civil de Locke une objeâion qu£ 
me paroît trop* fpécieufe pour qu'il me 

Sait fctxoh de liai diflunukr.. », ^^ ^ 


3» 

99 
99 


tf4 NOTES. 

de là (bciété encre le Mâle & la Fcmef- 
le ». dk ce Philofbphe , n'écanc pa^ 
(implemenc de procréer , mais de con- 
tinuer refpéce , cette fociécc doit durer» 
^ même après la procréation > du moins 
^ auIG long-cems qu'il eft néce(Isiire pour 
„ la nourriture & la confèrvation des 
,j procréés , c*eft-à-dire , jufqu'à ce qu'ils 
„ Toient capables de pourvoir eux-mêmes 
„ à leurs befoins. Cette régie que la iâ- 
^ geilè infinie da créateur a établie fur 
,, les oeuvres de {es mains ^ nous voyons 
^ que les créatures inférieures à l'homme 
„ l'obfervcnt conftammcnt & avec exadi- 
^ tude. Dans ces animaux qui vivent 
^ d'herbe , la Société entre le mile & là 
^ femelle ne dure pas plus long-tems que 
y, chaque aâ:e Je copulation , parce que 
les mamelles de la Mère étant fuf&fantes 
pour nourrir les petits jufqu'à ce qu'ils 
{oient capables de paître l'herbe., le 
3, mâle fe contente d*engendrer &il nefe 
>, mêle plus après cela de la femelle ni 
„ des petits , à la rub{i{laiicé defquels il' 
jr, ne peut rien contribuer. Mais au ré* 
» gard des bêtes de proye , la Société 
», dure plus, longrtems , à caufe que la 
y^ Mère ne pouvant pas bien pourvoirai 
» fa fubfi{lance propre &c npumr en même- 
jtt»tems.fcs geçtts; jjat iaJ(ôufc. jjtoi^ ^ c^ 


99 
99 


ÎT O^ T E Si. v^-f 

■^ c(t ime voyc. de fe nourrir Se plus la- 
^ borieufe & plus dangereufe que n'cOi 
j^, celle de fe ndurrir d'herbe ,, l'affiftancc 
^ du mâle eft tour à fait néceflàire pour 
„ le maintien de leur commune famille ^ 
^. fi Ton peut u(cr de ce terme -, laquelle 
„ jufqu'à ce qu'elle puiflè aller chercher 
^ quelque proye ne fauroit fubfifter que- 
,,par les foins du Mâle ôc de la Femelle.. 
„ On remarque le même dans tous les oî-^ 
,, féaux , fi. l'on excepte quelques oifcaux 
y, Domeftiques qui fe trouvent dans des* 
,, lieux, où la continuelle abondance de- 
3^ nourriture exempte le mâle du foin dc- 
^ nourrir les petits ;..on voit que pendanr 
^ que les petits, dans leur nid ont befbia 
,9 d'alîmens , le mâle ôc la femelle y en 
^portent , jufqu'à ce que ces pctits-là 
,y puiilent voler Se. pourvoir à leur fub» 
y, fiftance; 

5, Et en cela y à mon avis , confifte la 
,, principale , fi ce n'cft la feule raifon 
yy pourquoi le mâlç & la femelle dans 
yy le Genre humain font obligés a une So- 
yy ciété plus longue que n'entretiennent 
yy les autres créatures. Gètte raifon eft que 
,5 la femme eft capable de concevoir &: 
^ eft pour l'brdinaire derechef groflc Se 
^fait un nouvel enfant , long-tems avant 
9ft>q}^ lief grécedfix^ £ûi^hor&. d'étatide. & 


J> 


99 


iS6 NOTES. 

paflêr du fecours de (es parens & puiflc 
lui-même pourvoir à Tes befoins. ÂinE 
un Père écanc obligé de prendre foin de 
ceux qu'il a engendrés , &' de prendre 
„ ce (bin là pendant long-cems , il e(i 
9»auflt dans l'obligation de continuera 
^ vivre dans la Société conjugale avec 
», la même (rmme de qui il les a eus , ôc 
y, de demeurer dans cette Société beau» 
3, coup plus long-tems que les autres 
>j créatures , dont les petits pouvant fîib- 
» (îller d'eux-mêmes , avant que le tems. 
ys d'une nouvelle procréation vienne , le 
» lien du mâle & de la fcmelle (c rompe 
„ de lui-même , & Itm & l'autre fc trou* 
^ vent <tam une pleine libené, jufqu'à ce 
39 que cette (aifon qui a coutume de fol- 
^liciter les animaux à Ce joindre cnfem- 
^ ble , les oblige k (è choifîr de nouvelles, 
compagnes. Et ici l'on ne fauroit admi- 
rer adez la fage(& du créateur , qui 
ayant donné à l'homme des qualités^ 
propres pour pourvoir à l'avenir aufli 
bien qu'au préfent a voulu Sc a fait ei* 
j, forte que ta Société de l'homme durât 
yy beaucoup- plus long^tems que celle dur 
^ mâle & de* la femelle parmi les autres 
^ créatures r afin que par-là l•indttftrie^ 
^ de Phommc & de ta* ffemn» fôt plus; 
f, excitée> £ç cffc leurs incérêts fafeig 


>9 


99 

99 

99 

99 


NOTES. tir 

mieux unis , dans la vue de ^ûre des 
provîdons pour leurs enfàns & de leur 
laidèr du bien : rien ne pouvant être 
plus préjudiciable k des Enfâns qu'une 
conjonâion incertaine Bc vague ou une 
didblution fecile & fréquente de la. 
Société conjugale* 

Le même amour de la vérité qui m'at 
feic cxpofcr fincérement cette objeâion , 
m'excite à l'accompagner de quelques 
remarques , fî non pour la réfbudre ^ aa 
mokis pour i'éclaircir. 

I . J'obferverai d'abord que les preu* 
ves morales n'ont pas une grande force 
en matière de Physique & qu'elles (crvenD 
plutôt à rendre raiibn des faits exiftans 
qa'à conftater l'extftence réelle de ces faits» 
Or tel cft le genre de preuve que Mr» 
Locke employé dans le ip^Skge que je 
viens de rapporter ; car quoiqu'il puiflè 
être avantageux à l'e{péce humaine que 
l'union de l'homme & de la femme foie 
permanente y il xie s'enfuit pas que cela 
ait été ainfi établi par ta Nature , autre- 
ment il (âudroit dire qu'elle a auili in(l 
titué la Société Civile , les Arts > le Com-^ 
merce & tout ce qu'on prétend être utile 
aux hommes» 

X. Jignore ou Mr. Locke a trouvé 
qa^entre les animaux de proye la Société 


f«8 NOTES. 

du Mâle & de la Femelle dure plus long-' 
tcms que parmi ceux qui vivent d'herbe , 
ic que l'un aide à l'autxe à nourrir les 
petits : Car an ne voit pas que le Chien , 
le Chat , l'Ours , ni le Loup reconnoîflenc 
leur femelle mieux que le Cheval, le Bel* 
lier ^ k Taureau > le Cerf ni cous ks 
autres Qitadrupédes ne reconnoK&m la 
kur. Il femble au contraire que & le fe* 
cours du mâle écoîc néoc&ire à la fbmclk 
pour con{èrvef (es petits » ce fevoit fiir- 
fout dans les efpéces qui ne vivent ^ue 
d'herba, parce qu'il fautibrt Idng-tems 
à la Msre pour paître , 6c que durant tour 
cet intervalle elle e(l forcée de négliger 
Ùl portée ,. au lieu que k proyé d'une 
Ourle ou d'une Louve eft dévorée en un 
înftant 8c qu'elle a (ans (buffrir la fium > 
plus de tcms pour allaîtcr fcs; petits. Ce 
rai (oralement eft confirmé par une obfèr-^ 
vation fur le nombre relatif de mamelks 
& de petits qui diftingue les efpéces car- 
iiaci^s des frugivores & dont j'ai parle 
dans la Note (î. Si cette bbfervatîbn cflr 
juftc 8c générale , la femme n'ayant que 
deux mamelles &C ne faîfant guérès qu'un 
* enfant à la fois , voilà une forte rai&a 
de plus pour douter que l'efpéce humaine 
Ibît naturellement Carnaciére , de forre 
qu'il {èmHe que pou» tirer laconduâoa 


N O T E S, T»? 

it Locke 3. il faudrok retourner tout à 
feic Ton raifonnemenc» U n'y a pas plus de 
fblidité dans la même diftinAion. appli* 
«aéè aiix câ&aax. Car qui pourra fc per-» 
mader que l'union du Mâle êc de la Fe- 
Sicile ibic plus durable parmi les Vautours 
ic les Corbeaux que parmi les Tourte-^ 
lelles ? Nous ayons deux, cfpéces d'oi» 
feaux domeitiques>la Canne fie le Pigeon » 
qui noias fouirnif&nt des exeinples direc* 
tement contraires au Syftême de cet Aa^ 
^ léur.^ Le Pigeon qui ne vie que de grain 
refte uni à ùl femelle > êc ils nourrirent 
leurs petits en commuri;^ Le Canard > donc 
ta voracité eft connue > ne retonnoît ni 
£i femelle ni fès petits > 6c n'aide en. ciem 
à leur fubfiftance -, Et parnri tes Poules ^ 
cfpéce qui n'eft guéres moins caiHUtciére ^ 
©n ne voit pas que le Coqr k mette aucu-^ 
nemcnt en peine de la couvée-. Que fi dan^ 
d'autres efpéces le Mâle partage avec lar 
Femelle le Coin de nourrir les petits , c'efï 
que les Oifcaux qui d*àbord ne peuvent 
voler & que la Mère ne peut alaiter , font 
beaucoup moins en état de Ce paflcr de 
l*aflSfiftance du Père que les Quadrupèdes. 
1 qui {uffit la mamelle de la Mere^ > aus 
moins durant quelque tems» 

3. H y a bien de l'incertitude (ur le fait 
principal qui £br t de ba£e à tout le £ai£an^ 


ïjo NOTES. 

nement de M. Locke : Car pour (avoir fi 
comme H le prétend , dans le pur état 
de Nature la femme eft pour l'ordinaire 
derechef groflè & fait un nouvel en&nc 
long-tems avant que le précédent puiflè 
pourvoir lui-même à fès befbîns , il fau« 
droit des expériences qu^aflîirément Lo- 
cke n'avoit pas faites & que per{bnnc 
n'eft à portée de faire. La cohabitation 
continuelle du Mari & de la Femme efb 
une occafion (î prochaine de s'expo/êr à 
une nouvelle grofl^flè qu'il eft bien dif- 
ficile de croire que la rencontre fortuite 
ou la (èule impulfîon du tempérament 
produisit des effets aufll fréquens dans le 
pur Etat de Nature que dans celui de Isk 
Société conjugale ^ lenteur qui contrit 
bueroit peut-être à rendre les enfans plus 
robuftes , & qui d-ailleurs pourroit être 
compenfëe par la faculté de concevoir , 
prolongée dans un plus grand âge chez 
les femmes qui en auroient moins abufé 
dans leur jeune(Iè. A l'égard des Enfàns ,, 
il y a bien des raifbns de croire que leurs 
forces Se leurs organes (e développent 
plus tard parmi nous qu'ils ne faifoient 
dans rétat primitif dont je parle. La foi-* 
bleflê originelle qu'ils rirent de la cond 
tîmtion des Parcns , les (oins qu'on prend 
d^cnvelopper & gêner tous leurs membres^. 


NOTES. 191 

la moleflè dans laquelle ils font élevés > 
peut-être l'ufage d'un autre lait que celui 
de leur Mère > tout contrarie 6c retarde 
en eux les premiers progrès de la Nature. 
L'application qu'on les oblige de donner 
à mille chofes fur lefquelles on fixe con-^ 
tinuellement leur attention tandis qu'on 
' ne donne aucun exercice à leurs forces 
corporelles , peut encore Êûre une diver- 
iion confidérable à leur accroiflement ; 
de forte que , fi au4ieu de furcharger Se 
fatiguer d'abord leurs efprits de mille 
manières , on laiilbit exercer leurs Corps 
aux mouvemens continuels que la Nature 
fèmbleleiu: demander , il eft à croire qu'ils 
fêroient beaucoup plutôt en état de mar- 
cher , d'agir , & de pourvoir eux-mêmes 
à leurs befoins. 

4. Enfin, M. Locke prouve tqut au plus 
qu'il pourroit bien y avoir dans l'homme 
un motif de demeurer attaché à la femme 
lorfqu'elle a un Enfant ; mais il ne prouve 
nullement qu'il a dû s'y atucher avant 
l'accouchement & pendant les neuf mois 
de la grofleflè. Si telle femme eft indiffé- 
rente à l'homme pendant ces nei^ mois » 
û même elle lui devient inconnue , pour^ 
quoi la fècourra- 1 -^ il après l'alccouche** 
ment ^ pourquoi lui aidera»t-il à élever 

vifi Enfàm j^u'il ne fait pas fcttlemac lu| 


tf% N O T E SL 

appartenir , Se donc il n'a teûAvt ni prévu 
la naiflànce ? Mr« Locke (uppo(c évidem- 
ment ce qui eft en queftion : Car il ne 
c*agit pas de {avoir pourquoi l'homme 
<lemearera attaché à la £:mme après l'ac« 
couchement> mais pourquoi il s'aaachera 
à elle après la conception. L'^appetit fa- 
tisiait > l'homme n'a plus be{bin de telle 
femme, ni la femme de tel homme. Celui* 
ci n'a pas le moindre fouci ni peut-être 
la moindre idée des fuites de Ton aâjon. 
L'un s'en va d'un côté , l'autre d'un au- 
tre » & il n'y a pas d'apparence qu'au 
bouc de neuf mois ils ayent la mémoire 
de s'être connus : Car cette efpéce de mé« 
moire par laquelle un individu donne U 
préférence à un individu pour l'aâe de 
la génération» exige , comme je le prouve 
dans le te^^te , plus de progrès ou de. cor-» 
ruption dans L'entendement humain j 
qu'on ne peut lui en (uppofer dans l'état 
d'animalité dont il s'agit ici. Une autre 
femme peut donc contenter les nouveaux 
défîrs de l'homme auffî commodém^mc 
que celle qu'il a déjà connue , & un autre 
homme contenter de même Ja ; femme ^ 
fuppofé qu'elle ibit preflKedu mémeap^ 
|)etit pendant l'état de: -groflèfle , de quoi 
l\>n peut4:ai(bnnabioment douter. Que G 

4M^l-é»c de NfttudTC kfestuDeiicje0cfiNt 


NOTES. Î9J 

plus la pafldon de l'amour après la coti- 
<epcion de l'etifanc ,Pôbftacleà fa Sociécé 
^vec l'homme en devient encore beau- 
coup plus grand , pui(qu'alor$ elle n'a 
plus bèfoin ni de i'hotnme qui l'a fécon^ 
<lée ni d*aucun aaitç. H rfy a donc daps 
i*homme aucune raiibn de rechercher la 
«néme femme , ni dans la femme aucune 
-ràifon de rechercher le même homme. 
Le raifonnemenc de Locke combe donc 
en ruine , & toute la Dtaleâique de ce 
Philofophe ne l'a pas garanti de la faute 
jque Hobbes & d'autres ont commifc. Ils 
avoient à expliquer un &ic de l'Etat de 
Nature j c'eft-à-dirc, d'un état où les 
hommes vivoient i(blés , & où tel homme 
n'avoir aucun motif de demeurer à côté 
jde tel homme , ni peut • être les hommes 
de demeurer à côté les uns des autres^ 
ce qui eft bien pis ; & ils n'ont pas fange 
à fe tranfporter au-delà des Siècles de 
Société , c'eft- à -dire , de ces tems.où les 
liommes ont toujours une rraitbn de de- 
meurer près les uns des autres > & où tA 
homme a fouvent une raifbn de demeurer 
à côté de tel homme ou de telle femme. 

• (-^ ^. ) Je mt' garderai ^ bien de m^enù 


• «.>_.* 


194 NOTES. 

ques qti'il y auroic à faire fur les avanta- 
ges Se les inconveniens de cette inftitution 
des langues ; ce n'eft pas à moi qa'on 
permet d'attaqaer les erreurs vulgaires , 
& le peuple lettré refpeâe trop Ces pré- 
jugés pour fupporter patiemment mes 
prétendus paradoxes. Laidbns donc par- 
ler les Gens à qui l'on n'a point fkit un 
Crime d'ofer prendre quelquefois le parti 
de la raifon contre l'avis de la multitude. 
jNcc quiâquam felicitati hamAni gtneris 
dcccdcret y fi , fulfà t$t linguarum pcfic 
tjr confufiêne , unam artem cdllertnt mor- 
taies , &fignis , motibus , gefiibufjue li- 
citnm foret quidvis ex flic Are. Nunc vtre 
itA comfOTAtiêm e fi y ut AnimAlium quA 
vulgù hrutA creàuhtur , melier longé 
quÀm nofirA hÀc in pArte videAtt& condi" 
tioy ntpote t]MA promptius dr forfan feli' 
dus , fin fus fîr cegitAtiones fuAs fine in* 
terprete fignificent , cjHÀm hIU qucant 
mort Aies , prAfertim fi peregrino utAntur 
fermone. li. Vofldus de Poënuit» Canr» &ç 
Viribus Rythmi p. 66. 

Pag. 4J. 

( * 1 1 . ) Platon montrant combien les 
«di^sdcta quantité dilcrette&de (es rap- 
ports font fi^eâàires dam le moindres 


mk$^- ûmi>^€à^tc raifoii Ses :Autcirf? 
<ie fott tems qui jjrétendoîerit t^tic ï^al^- 
itiéàe àvdic invèmé lès nômbrt^s atf (îéèc? 
de Troy< , cdrrimc fi , dit ce Philôfophc ,* 
AgaMemnon eut pu igiidrcr jufqites - lâf 
cOttibich il àvôh' <ie jànibes f En effet i bïi 
fctit Wmpoffibiticé'que la fociété &: feif- 
ihtS'fuflèiic parvenus bà ils' étoienrdqà* 
diitete du fiége de Troyfe ,' fans qur le^ 
honfàies euflcrit l'ufage des nombres Ôd 
dû*calcul : miii là nëcefficc de counoître 
fes nombres ayant que d'acquérir d*au- 
îrés dohnoîflânccs n'eii iretid pas rîiivcrti 
ribh pki^'âiféé^à îmàéîner ^, les noms cfèk* 
ifeînbres'àiîbToîs tdnnus ;il'eft aîfé'd^eii' 
^pliqucr Idfehs^^tl^éxcîiiet les^idëes qtfe* 
CCS noms réptëfettteht , tn«iis pour les in- 
venter ; îFfallût avant qute' de conèevoir* 
ces mêmes idées y s'être . pour ain(i dire 
£amiliarifé avec ter rné£tations phil jfb- 
phiques^^ ^'êtrc exercé. à confidérer les 
êt£eè pkt leur feulé tflencç & în\fépc!n- 
dâmineht 8c toute auttô petceptîon , abï^* 
ttaftîon très^pcniblc ; très-nlétaphifique, 
lïè$-péa naturelle it (ans laquelle çepen- 
dàtit tëildëçs n'euSent jamais pu fett^anC 
jSbftèbd^ûfîiè cfpéc* ou d'un gèntè S W 
î^TT^^^tit lof notiibf» âévéïiîr uttîverfeli^ 
iTa 'fiajrkgé'»j>6ttVô^^^ fép^ré^ 


y 
. » 


ïj6 NOTE %: 

eu les tegonjcr eniemble fous Viâét indi» 
viiiUe d'i^ne couple fan)» fanais penièc. 
qu'il en avoii; deux ; car autre çboic eft 
l'idée repréfèntative qui nous peine un 
objets & autre dtioCc l'idée numérique 
qui le détermine. Moins encore ppuYoic«: 
i^ calculer juiqu'^ cinq, & quoiqu'apli* 
quant (h mains l'une fur l'autre , il eue, 

Îu remarquer que les doigts fe répond, 
oient exaâement > il étoit bien loin^ de 
ibnger à leur égalité numérique ; Il ne &- 
voit pas plus le compte de fês doigts que 
de fes chevétix f écn, après lui avoir fait 
entendre ce que c'eft que nombres > quel*» 

3u'un lui.cûr. dit qu'il avoir autant de 
oigts aux pieds qu'aux mains » il eût 
jpeut- être été JFort mrpris , en les compa-« 
jcant , de trouver que cela ctoit vrai« 

(* 12.) Il ne jfaut pas confondre l'A- 
mour propre Ôc l'Amour de {bi «-m^me i 
deux paflîons très * différentes par leur 
nature èc par leurs effets. ]L'Amour4e, 
ibi-ijj^ipp eft un fcmiiperit iif^çq;r|4 qii|, 
Ijorw mut ;^waî l veiHcF à i^tlPfPFFÎ^ 


^ 


profit tfcft qu^an (entimcnt relatif , fac- 
tice , & né dam la fbciété , qui porté 
ehaqué Individu à faire plus de cas de Coi 
^ue de toiic autre » qui infoire- aux hom- 
thes tous Ics^ ïnauk qu'ils le font mutuel-- 
-lement , & qtxi eft la véHtable fource de 
rhonneun . 

Ceci bien entendit , je dis que dans nô- 
tre état primitif, dans le véritable étatdb 
nature 9 l'Amour propr e n'éxifte pas ^ Car 
chaque homiM en. particulier Te regar- 
iànt Itii-méme conime le feul $peûa^ur 
:qui l'ébièrve > comme' le fèul^re dans 
Ifunivers qui prenne intérêt à lui , comme 
le fèut juge de (on propre mérite , il n'eft 
-pas poffîble qu'un {èndment qui prend 
-ià fource dan» dts comparaifons qu'il 
«n^eft pas à portée- de &ire ^ puifle germer 
:dans Ton àâie ; par ta même raifon cet 
•homme neTauroit avoir ni haine ni défir 
dé vengeance , paffions qui ne peuvenc 
-naître que de l'opinion de quelque ofFenf» 
reçue î & comme è'eft le mépris ou Wn* 
•tefition de nuire''& non te mal que conl^ 
titue l'ofFenfè , dts hommes qui né (aveiit 
ni s*apprecier ni fc comparer , peuvent ffc 
faire beaucoup de violences mutuelles , 
quand il leur en revient quelque avank 
<age , fans jamais s^>flen(er réciproque* 
J&ent. & «n. nnoc ^ chaque homme nft 

L ij 



^,^^ NOTES^ 

voyant goures fes (èmblables que comme 
ji verrpic dc^ Animaux d'une «*itrc eCr 
péce , peut ravir la proyc au. plus fpîble 
ou céder la (ienne fiu pli^ç fyrt^fan^ çn» 
vifagcr ccs;rapinfs.quc;ç9i9We des cw- 
^emcns naturels ^fads le ipol^lrc inoo^ 
vemtnt d*in{blence ou de dépit > & fâus 
«utre paflion que la douleur ou. k jpye 




.^y i^.y Ccft uw <;bofe extrémçnienr 

jrcjpaarquaWe que depuistantd-^prKiesq^cé^ 

les Européens & tourj^penrent pour amc* 

ncr les Sauvages des diyc^fes.jÇiîWÇiéesîdii 

inonde à. Içur mani^e;dç jYiTrc>iiUin*A- 

yent pas pu encweetv.gagge^» w* fetfl:, 

non pas çiême à la[ faveur d^Cfajfiftian^ 

me 5 car nos MiiEonnaires en font queU 

, quc^ fois des Chréwns y pais .^mais dés 

hommes Civilifijs. Bien pe peut/urmoii:- 

j;er l'invinciUe.répugiiwir^.qu'il^. fi»^^ ^ 

picrç. Si çç;^,pawvrc;§ 3^rtvageR fontanfli 
^jnaliiçureux qu*^ îe ptétei^ i par <^cUe 

inconcevable, dépravation de jugement 
"refiifent •» ils conftamment de ft pcrficcr 

à notre imitation. o^ d^p|>f^idie. à vi- 

iire JbeuteuxTParmî npyâ s. «mdis .oo'aa 


r 


NOTES. iff 

Ht tn mille endroits Que des François 8t 
d'autres Européens (e font réfugiés vo« 
lontairement parmi ces Nations , y ont 
paifê leur vie entière > fans pouvoir plus 
cjuitter une fi étrange manière de vivre , 
éc qu'on voit même des Miffionnaires fen-^ 
fés regretter avec attendriflèment les^ 
jours calmes Se innocens qu'ils ont paC* 
les chez ces peuples £ méprîTés ? Si IW 
répond qu'ib n'onc pas d&z de lumié-r 
res pour juger finement de leur état 6c 
du notre , je répliquerai que l'eftimatioiY 
du bonheur eft moins Panairé de la rai<-- 
tbn que du fêntiment. D'ailleurs . cette 
réponfe peut (c rétorquer contre nous 
avec plus de force encore -y car il y a 
plus loin de nos idées à la difpoficion 
d'efprit oè il fsiudroit être pour conce-^ 
■voir le goût que trouvent les (auvages à 
leur manière de vivre, que des idées 
des fâuvagcs à celles qui peuvent leur 
laîre concevoir la nôtre» En efFee , ^rès 
4|aelques obièrvations , il leur eft aife de 
Voir que tous nos travaux Ce dirigent 
fxv deux (cals objets ; (avok , pour foi 
les commodités de la vie , Se la conf^ 
dération parmi les autres. Mais le moyei» 
poisr iioos d'imaginer la fbrte de plaifîr 
^u^un fauvage prend à pai&r (a vie (èul 
au mîfieu des bois oaà la pèche , ou ^ 


$,oo NOTES 

ibuffler (Uns une inaavai£: fflice, &n% 
|amaîs (avoir en dcec nn £èul coa &&n$. 
Je fbacier de l'apprenidce ?' 

On a plttfieurs fois amené <ie$ iau-i^ 
yages à Paris , à Londres > & dâois d'au^ 
très villes 'y on s'eft empre(fê de leuc éta-^ 
1er notre luxe ,. nos richeflès , & tous^ 
nos arcs les plus utiles & les plus eu* 
rieux ^ tout cela n^a jamais excité chez, 
eux qu'une admiration ftupide ., fans le 
moindre mouvement de conyoitife» Je 
me fbuviens entre autres Je l'Hiftoire 
d'un chef de quelques Américains fèp- 
tencrionaux qu'on mena à la Cour d'An*- 
glctcrre il y a une trentaine d'années;. 
On lui fit pâfier mille chofès devant les^ 
yeux pour chercher à lui faire quelque 
préfent qui pût lui plaire , &ns qù'ons 
trouvât rien dont il parut fe foncier». 
Nos armes lui (embloienr lourdes ic 
incommodes , nos fouliers kd blieâbieiîr 
les pieds , nos habits le gênoient > it re^ 
èutoit tout ; enfin on s'appérçut quW 
yant prîs^ une couvermire cte laine , lî 
îfembloit prendre plaifîr i s'to cnîi^lop* 
per lies épaules y vous conviendrez > ai» 
moins > lui dît-on auflS-tot, de l'utilité 
lie ce meuble t Oui y répondib-it > cel» 
me paroîc prefque aufli bon qu'une peats 
ijk bécè.. Êhcore a'eut-it^as diicelà „ ait 


N O T E S. x« 

-«âc porté l'une & l'autre à la pluyc. 
t Pcut-êcrc çae dira-t-on que c'eft Thabi- 
•tude qui attachant chacun à fà manière 
de vivre , çmpêcbe les fauvages de Icn* 
tir ce qu'il y a de ix>n dans la nôtre : £c 
fur ce pied - là il doic paroîcre au moins 
ibrt extraordinaire que l'habitude aie 
plus de force pour maintenir les fauva»- 
ges dans le goût de leur mifére que les 
Européens dans la jouiflànce de leur 
félicité. Mais pour faire à cette dernière 
objciftion une réponfe à laquelle il n'y 
ait pas un mot à répliquer , fans allé- 
guer cous les jeunes, fauvages qu'on s'cfjt 
vainqmem efforcé de Civilifcr y fans par- 
ier des GroenUndois & des habitans dç 
i'iflaade , qu'on .a tenté d'élever & noor*- 
jrir en Dannemarck > & que ta trifleffe 
& le défèfpoir ont tous fait périr , foit 
iic langueur > fok dans la mer oq ils 
avoient :tcaté de .regagner l^ur pays à 
la nage ^ |e me contenterai de citer u^ 
/èul exemple bien attcfté , & que je don- 
ne à examiner aux admirateurs de la 
Police Européenne* 

jjTous les efforts dss MîfHonnaîrej 
Hollaixloisdfi Cap de Boitne E^érancc 
n*ont jamais été. capables de convertir 
59 un feul Hottentot. Van dcr Scel , Gou- 
j^verneurda Cap, en ajaar fcis wxàès 


9% 
9» 
» 


tôt N o T r s. 

^ l'en&nce , le âc élever dans les principes 
,9 de la Religion Chrétienne , & dans la 
^ pratique des ufages de l:'£ttrope. On le 
^ vêtit richement» on luiât apprendre 
^ plusieurs langues , & fès progrès répon* 
^ dirent fort bien aux (oins qu'on prit 
,, pour (on éducation. Le Gouverneur cC^ 
^y pérant beaucoup de fbn efprît > t'envoya 
,3 aux Indes avec un Commiflàire générai 
,»qui l'employa utilement atnc affaires 
y,àc la Compagnie* Il revint au Cap après 
^ la nK>rt du Commiflàire» l^eu de jours 
^ après fion retour , dans une yifice q^i'i! 
93 rendit i quelques Hottentots de iès pà* 
^ rens , il prit le parti de & dépouitter de 
p, fà parure Européenne pour fè revêtir 
39 d'une peau de Brebis» U retourna act 
f9 Fort , dans ce nouvel ajuftemem , char» 
^ gé d'un paçquei: qui contenoît ies an* 
^ciens habits , 8c les préfèntanc au Gou- 
j, verneur » il lui tint ce difcours : * j^jez 
j» U bonté y Mênfieur , défaire àmmiên 
T9 f «^ jf remncê four têujourf k cet âf^ 
^ far e il. Je renonce étÉ^ ponr toMte ma 
^ vie à la Religion (détienne ; met refo* 
^ fution efi de vivre & ntourir dans la 
^ Religion , Us manières tè* ^^ ^f^&^^ ào 
y^mts Ancêtres. Unni^ne grâce éjne je 
^ voms demande eftdtme Ut^cr U Cdti49 
, ^ • Voj«t jjfe lromii|ioa 


p^é'UÇauftUs qm jt forte. Je /</ gar^ 

^^ Cw ;?cctendrc la réponrc de V^w àtt 
„ Stcl 3 il i(e déroba par U fuite & ja- 
5, mais on le revit au Cap. ,, Hifioirc des 
Fojfages y Tome j^ f. jjj. 


.. ' ^ 


V , .(i^ri'- ):.Qii. pojurrqic mfobjeAcr que 
^ans..an pareil ilcfor4r^„ les. bomcr^es au 
Ji^^ .4^. s'encre-cgorger . opiniâtrement Ce 
icr-oient difpcrfés. , s*il n*y avoit point €u 
flebor^ies à leur difpcriîpn. Mais premié- 
;rça>ent ccs.bornes euflfènt au moins été 
/?eiles d,u piQnijlç ^,& .fi Ton penfe à IVxi- 
^flîye population ,q.ui.^€fukc de l'Ec^ 
^e. Nature , oj^ jugera q«e la terre datis 
^ct ét^ îi>ût;pa$Jtàir4é,à icr^.coa verre 
:<l'hommes ainfi forcés à fe temr raflcm- 
blés. D'ailleurs, ils fe (croient difperfés, 
fi le mal a voit ét^ rapide & que c'eût 
^té un changement fait du jour au len- 
^cwin i imlsjh ttàiiïbiênt fous Je joiig ; 
S^ . avoiejnt l:fiabitu4e . d^ le porter quarid 
ils en féntoient la pefant«ur , & ils , fe 
^ontcntpient d'attendre l'occafion de le 
-/ecoucn Enfin,. déjà accoutumés à mille 
• cîQmmodités qui les forçoiem à (c tenir 
jraflcmblés ^ la difperfion n'était plus û 


r r 


ï^4 NO TÉ- S. 

facile que dans les jùremiers cems o&ncd 
n'ayant befoîn qae de {bi-méme , chacun 
prenoic Ton parti (ans attendre le con(èn>* 
tement d'un antre. 

. • • 4 

Pag. 99. 

( * 1 4. ) Le MarechaHe V^«w^ conto^ 
que dans une de (es Campagnes > les ex- 
cèflîves friponneries d'un Entrepreneur 
^des Vivres ayant hif (buffrir Ôt murmuret 
l'armée , il le tança vertement & le me^ 
naça de le (aire pendre. Cette menace ne 
me regarde pas , lui répondit kardimenc 
le (ripon > & je fais oien tife de vous 
dire qu'on ne pend point un homme qui 
di(po(è de cent mille écus. Je ne ùâ cdn»- 
ment cela (è fitt^joutoit naivement le 
Maréchal , mais' en effet it 'ne fut point 
|>endu , quoiqu^il eût cent (bis mérité de 
l'être. 

Pag. ixi. 

* 
.... 

(* X5.)La jttftîce di(bîbut!îvc s'oppo- 
(croit même à cette égalité rigoureufe de 
l'Etat de Nature y quand elle (èrolt prà» 
tiquable dsCns la (ociété civile ; & comme 
tous les membres de l'Etat lui doi¥enc 
des fervices proponionnés k leurs talens 
de à leurs (brces > lés Citoyens èicttc cour 


* • 


N O T L-S^ i tps 

êpivcxit icre diftingaés & fâvorifés à pro« 
portion de leurs fèrvice's. C'eft en ce fcns'. 
qu'il faut entendre un pàflàge d*lfocrate , 
dans lequel il loue les prûmiers Athéniens 
d'avoir bien fu diftinguer quelle écoit la 
plus avantageufe des. deux Certes à^égz^ 
lité , , dont l'une confiftc à faire part de$^ 
mêmes avantages à tous les Citoyens in-^ . 
différemment, & l'autre à les diftribuer. 
(elon le mérite de chacun. Ces habiles po« 
liriques » ajoute l'orateur , banniilànt cette 
injufte égalité qui ne met aucune diffé« 
rence entre les méchans & les gens de 
bJien , s'attachèrent inviolablcment à ceUe, 
qui récompcnfç Se punît chacun félon /on . 
înérîtc. Mais premièrement il n'a jamais 
exiflé de fociété , à quelque degré de cor* 
ruption qu^elles aient pu parvenir , dans 
laquelle on ne fît aucune différence des 
méchans Se des gens de bien 5 Se dans les 
matières de mœurs où la Loi ne peut fixer 
de mefure a(Iez exaâe pour (ervir de régie 
au Magifbrat , c'efl très - fagement que ^ 
pour ne pas laîficr le fort ou le rang des 
Citoyens à fa difcrétion , elle lui interdit 
le jugement des perfonnes pour ne lui 
laiflèr que celui des Âdions. U n'y a que 
des mœurs auffi pares que celles des An-* 
ciens Romains qui puif&nt fupporter des 

(CcoTettr s« Si de paneils aribiuwu aiiroicitt 


N o T es; 

bibn;4:ôt tout boulcvcrft parmi nousiOcft 
àPeftime publiqocl ihectreclc la difiFé- 
rence encre les méchans Scies gctis de 
bien ; le Magiftrat n'eft jagc que du droit 
rigoureux ; mais le peuple eft le véritable 
juge des mœurs ; juge intégre &c thème 
étlaîré fur ce point, qd*an abufe qttdquc»^ 
ilbîs ,.m.aîs qu'on ttt corrompt jamais/ Les* 
rangs dc$ Citoyens doivent donc êtrts' 
réglés , non fur leur mérite pcrfonnel , ce 



rendent à l'Etat & qui (ont fufccpdbki' 
dS^Oic eftimation plai exîâ;e» t 


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