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RAPPORT
DE
DIX ANNÉES D'APOSTOLAT
AU PUNDJAB.
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AU
PUNDJ AB
(IiniES ANGUISES).
Mission confiée aux
DE
BELGIQUE.
AUX AMIS ET BIENFAITEURS
DE LA
MISSION.
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BRUGES,
Ch. Ryckbost-Monthaye,
Imprimeur - Éditeur,
Rue du Puits aux Oies, 41.
1900.
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A NOS CHERS
1 BIENFAITEURS. W-
La Mission de Lahore pendant ses dix premières
années d'existence.
%
IX années se sont écoulées depuis que le 15 No-
vembre 1888, un décret pontifical annexait, à
la province Belge des Capucins, la Mission de Lahore.
Il est tout naturel, après une si longue période, que la
pensée du missionnaire se reporte en arrière j)our me-
surer le chemin parcouru . et retirer de ses essais d'apos-
tolat des leçons d'expérience et des encouragements
précieux 230ur l'avenir. Mais, ce que, dans ce court
aperçu des travaux aj)ostoliques réalisés en ces dix?
années, nous désirons surtout mettre sous les yeux de
nos chers bienfaiteurs, c'est la réelle et précieuse coo-
pération, qu'ils ont si généreusement apportée à cette
œuvre de propagation de notre S^*^ Foi au sein de peu-
plades infidèles. Xous voudrions, par le simple exposé
des faits accomplis dans la fondation d'institutions
qui sont leur œuvre autant que la nôtre, qu'ils sou-
tiennent et encouragent toujours de leur bienveillante
st
M_ . i^
6 A NOS CHEES BIENFAITEURS.
charité, leur témoigner publiquement la reconnais-
sance dont les missionnaires et les âmes régénérées
par leurs soins sont animés envers eux. Aussi conso-
lant qu'impérieux, ce devoir s'imposait encore à
notre charge d'administrateur responsable des aumô-
nes versées entre nos mains.
1 Mais, demandera- t-on, peut-être, quel bien s'est
j donc réalisé dans cette contrée lointaine, d'où nos
missionnaires nous ont adressé des appels si pressants
pour voler au secours de leur pauvreté et les aider à
donner des âmes à Jésus-Christ?
C'est ce que nous nous proposons d'exposer dans
ces quelques pages, qu'après Dieu, premier Auteur
; de tout bien, nous leur dédions de tout cœur.
■^i'y Heureux si par ce modeste hommage nous pouvions
payer quelque peu la dette immense de gratitude
que nous avons contractée envers eux. Nous
serions encouragés en même temps que rassurés
pour l'avenir, si par ces pages nous avions la douce
consolation de resserrer et de développer davantage
encore les relations cordiales et sympathiques, qui
les attachent désormais à la Mission de Lahore,
où la religion de Jésus-Christ en est encore à son
berceau.
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Les trois pee^iiees Évêques du diocèse de Lahore.
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LES FONDATEURS
du diocèse de
A Sainteté Léon XIII, glorieusement régnant,
mû par une sollicitude vraiment paternelle
pour le salut de tant de millions d'âmes disséminées
sans pasteur le long des bords du Gange et de l'Indus,
se proposait depuis longtemps de fractionner le
vaste Vicariat ApostoKque de l'Hindoustan, dont
la superficie s'étendait depuis Chandernagore, près
de Calcutta, jusqu'à Peshawar, à l'extrême fron-
tière du Pundjab.Ce fut le 26 Février 1887 que le
décret établissant les nouvelles divisions ecclésiasti-
ques de l'Inde, fut solennellement publiée à Allahabad,
décret par lequel Agra fut déclaré siège métropoli-
tain, avec Allahabad et Lahore comme suffragants.
Le diocèse de Lahore ne date donc que de quelques
années et cependant, depuis son érection canonique,
trois évêques en ont déjà occupé le siège. Il convient,
pensons-nous, avant d'aborder le rapport des tra-
vaux apostoliques entrepris sous leur prudente admi-
nistration, que nous donnions quelques détails bio-
graphiques sur les deux premiers vénérés prélats.
Mgr. SYMPHORIEN MOUARD. — Le l^-Évêque
du nouveau diocèse fut l'illustre et regretté Mgr.
Symphorien Mouard, Français d'origine. Il naquit
-^ S#
8 DIX ANNÉES d'apostolat
à Sombernorijdans le diocèse de Dijon, le 22 Novem-
bre 1828. Après avoir heureusement terminé ses
études au séminaire de la même ville, où il laissa un
impérissable souvenir de piété et de bonté, le jeune
séminariste se sentit poussé par la grâce vers l'Ordre
des Capucins; il y fut reçu en l'année 1851. Son
noviciat s'écoula dans les sentiments de la plus grande
ferveur, et il fit profession de la vie sérapliique le
8 Septembre de l'année suivante.
Il passa successivement par les différents cours
d'études préparatoires à la prêtrise, et se distin-
gua toujours par un profond esprit de piété. Devenu
prêtre, son cœur fervent se tourna naturellement
^1 vers ces contrées lointaines où tant d'âmes se
3/ perdent, alors qu'il ne s'y trouve personne pour leur
rompre le pain de vie. Il résolut de se dévouer à
cette œuvre, mais hélas! sa santé délicate, minée déjà
par un commencement de phtisie, l'arrêta. Toutefois,
lorsque Mgr Persico, Vicaire Apostolique d'Hindou-
stan, se rendit en France pour recruter des sujets,
{ le P. Symphorien fut un des premiers à s'offrir.
i A l'objection que sa faible poitrine ne résisterait
pas longtemps au climat :" Allons, mon cher ami, „
lui répondit le prélat d'un air moitié enjoué et
j moitié prophétique «que cela ne vous inquiète guère;
j je vous promets longue vie dans les Indes ; là, il
n'y a pas de poitrinaires. «
Et le jeune apôtre fit voile vers les Indes. L'évé-
nement confirma la prophétie : il passa 31 années
dans les rudes labeurs de l'apostolat, qu'il avait
inauguré dans la Mission d'Agra.
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_ i# .
AU PUNDJAB 9
Cependant Mgr Jacopi, qui succéda à Mgr. Bene-
dict en qualité de Vicaire apostolique d'Hindoustan
et devint ensuite le premier Archevêque d'Agra, ne
tarda pas à apprécier les belles qualités du Père
Symphorien. Bien que jeune encore, il n'hésita pas
à le mettre à la tête du collège St. Pierre à Agra et à
lui conlier la direction des religieuses de la Congré-
gation de Jésus et de Marie. Ce collège acquit, par la
suite, grâce à sa sage administration, une réputa-
tion universelle, qui en fit, pendant de longues années,
tin des premiers établissements de PHindoustan. Mal-
gré les occupations absorbantes du rectorat, le Père
Symphorien trouvait encore le temps de semer la
bonne parole dans les âmes des infidèles et des pro- j,
testants. Mais ce fut surtout en 1872, à l'époque où
le choléra moissonna des milliers de victimes, que le
zèle du Père Symphorien se manifesta d'une façon
vraiment héroïque. Oublieux du danger, on le vit
circuler dans les rues d'Agra où gisaient les mal-
heureux cholériques, ramassant ceux qui pouvaient
encore être transportés , et les faisant conduire aux
hôpitaux improvisés à cet eff"et ; il parvint ainsi à
sauver un grand nombre de ces pauvres victimes.
Ajoutons ici encore une mention spéciale pour les
centaines d'enfants que, dans ces circonstances
lamentables, il régénéra à Jésus-Christ " in articule
mortis», par les eaux du baptême. Ce dévouement
et cette abnégation le désignèrent au choix du
Souverain Pontife, lorsque les îles Seychelles, con-
fiées aux soins des religieux Capucins de la Pro-
vince de Savoie, réclamèrent un nouveau Pasteur.
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}^ ^ ^
j 10 DIX ANNÉES d'apostolat
I
I Consacré évêqué le 28 Octobre 1882, le nouveau
Vicaire Apostolique quitta, non sans émotion et
sans regrets, la terre indienne, où tant de souvenirs
l'attachaient, et il s'embarqua pour sa nouvelle desti-
nation.
I Là encore, Mgr. Mouard se dévoua au bien des
I âmes et à la gloire de Dieu avec tant de zèle qu'après
1 six ans d'administration et d'apostolat, il eut la con-
solation de voir presque toute la population des îles
I convertie au catholicisme.
Le moment n'était plus éloigné où l'Église de
Lahore aurait la gloire d'inaugurer la liste de ses
; prélats par la nomination de celui qui avait laissé
aux Indes de si profonds regrets et d'inoubliables
:r| souvenirs.
"*! Lorsqu'en 1889, le Souverain Pontife créa le dio-
cèse de Lahore, son choix tomba sur Mgr. Mouard,
qui, après une absence de six années, eut la conso-
lation de revoir la terre, témoin des prémices
de sa vie apostolique. Hélas ! ses forces physiques
I délabrées , brisées par les travaux et l'influence néfaste
! du climat des tropiques, ne lui permirent pas de
i réaliser les vastes projets qu'il avait conçus, pour
faire sortir le nouveau diocèse de l'état lamentable
1 de pauvreté et de dénùment où il le trouva à son
! arrivée, au mois d'Août 1888. Soucieux d'ouvrir une
' mission pour les indigènes, de créer des écoles, de
fonder un séminaire pour le recrutement d'un cler-
gé indigène, il n'eut que le temps d'esquisser
les grandes lignes du plan qu'il méditait et d'en
demander, par de ferventes prières, la réalisation
.i#.
AU PUNDJAB
11
Jf
au Père des miséricordes. Exténué par une longue
maladie, il demanda et reçut les saints sacrements
avec cette piété sincère et profonde dont il avait fait
preuve toute sa vie, et s'endormit dans le Seigneur à
Lahore le 14 Juillet 1890. Son passage, quoique court
à Lahore, fut cependant marqué par un événement
de la plus haute importance pour l'avenir religieux
du diocèse.
Il eut le bonheur de présider le premier Synode
diocésain, et de laisser aux continuateurs de son
œuvre de précieux conseils et des règles sûres, où,
dans le doute, ils pourront toujours puiser la lumière
nécessaire et, dans leurs incertitudes, une sage direc-
tion. En vérité, nous pouvons dire de lui, comme du
sage de l'Écriture sainte : " Defunctus adhuc lo-
QUiTUK ! V II n'est plus et cependant il nous parle
encore; il nous parle et nous parlera toujours, par
le témoignage de sa ■j)rudence, de sa sagesse et de
son zèle apostolique.
t.
4:
Mgr. EMMANUEL VAX DEX BOSCH.— Le veu-
vage de l'Église de Lahore ne fut pas de longue
durée, et le 20 Novembre de la même année, le
St. Siège nous consola de la perte du pieux prélat
par la nomination d'un successeur qui devait hériter
de sa piété et de sa paternelle sollicitude. Mgr. Van
den Bosch fut nommé par lettres apostoliques datées
du 20 Novembre 1890. Né à Anvers (Belgique), le
18 Juin 1854, il commença et continua ses études
durant quelques années chez les RR. PP. Jésuites
de cette ville; mais des circonstances impérieuses
T^
J#.
12
DIX ANNEES D APOSTOLAT
étant survenues, il fut forcé de les interrompre et de
rentrer dans sa famille. Cependant les semences de
piété et les germes de vocation que Dieu avait dé-
posés dans son âme, ne s'éteignirent pas, au con-
traire, à l'ombre du foyer domestique; le goût de
la vie religievise ne fit que grandir et augmenter
en lui. A l'âge de 19 ans, il alla frapper à la porte du
couvent des Capucins, et sollicita humblement la
faveur de pouvoir revêtir la bure franciscaine. Son
désir se réalisa et, peu après, il fut reçu au noviciat.
Ses progrès dans la piété marchèrent de pair avec
ceux qu'il fit dans toutes les branches de la science
ecclésiastique ; car Dieu avait doué le jeune lévite
d'une intelligence claire et d'un jugement droit. Le
i\L Père Emmanuel ayant cultivé, dès ses premières an-
^ nées de noviciat, un vif désir d'aller au loin travailler
au salut des païens, les missions étrangères devinrent
le but de sa vie religieuse et sacerdotale.
Lorsqu'on décembre de l'année 1879, il reçut l'onc-
ction sainte, et s'essaya sous la direction de ses supé-
rieurs au travaux du ministère, il fut classé, dès le
début, au rang des meilleurs ouvriers évangéliques.
Mais bientôt, il eut en vue de préluder à d'autres
travaux plus âpres, plus difficiles qu'il espérait en-
treprendre pour la gloire de Jésus-Christ et pour
le salut des âmes. L'occasion tant désirée parut
s'offi'iren 1884. Mgr. Pesci, Évêque d'Allahabad, au
retour de sa visite au tombeau des Apôtres, fit un
voyage en Belgique dans le but de recruter, sur cette
terre si féconde en généreux dévouements, des ou-
vriers pour sa vigne. Le Père Emmanuel vit, dans
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AU PUNDJAB 13
cette circonstance, l'appel de Dieu. Malgré des
dijBficultés qui auraient brisé un courage moins
trempé que le sien, s'arracliant aux étreintes de
ses bien-aimés confrères, résistant aux instances de
ses supérieurs qui voyaient à regret partir un sujet
qui promettait beaucoup pour l'avenir, il suivit le
pauvre Évoque missionnaire et s'embarqua pour les
Indes. 11 fut incorporé dans la mission d'Allahabad.
Mgr. Pesci ne tarda pas à constater qu'il avait fait
une heureuse acquisition. Confiant dans les brillantes
qualités du jeune apôtre, il le chargea de l'importante
station de Luchnow.où par sa bonté, son dévouement
et son zèle dans le ministère, le P. Emmanuel s'attira
le respect et l'attachement des catholiques et même i
des protestants. Une blessure pourtant faisait saigner Ai-
son cœur. En quittant la Province et ceux qu'il aimait
tant dans le Seigneur, il souffrait cruellement de ne
pouvoir montrer sa reconnaissance envers celle qu'il
considérait comme sa seconde mère. Tout en répon-
dant à Tappel de Dieu, il aurait voulu en même temps
se dépenser dans une mission qui fut reliée directe-
ment à la Mère-Province. La Belgique, à cette épo-
que, n'avait point encore reçu du St. Siège la charge
de pourvoir à une Mission.
Dieu ne devait pas tarder à exaucer ses vœux. Un
décret de la Sacrée Congrégation de la Propagande
annexa, le 15 Novembre 1888, la Mission de Lahore
à la province Belge des Capucins. Aussitôt le Père
Emmanuel se mit en relations avec ses Supérieurs
Généraux pour obtenir son transfert dans cette
nouvelle Mission. Sa demande fut accordée, et
M __. iW_
14 DIX ANNÉES d'apostolat
déjà il y arriva le 20 Janvier 1890. Il occupa succes-
sivement les jDOstes de chapelain delà pro-Cathédrale,
de Supérieur Régulier, de pro-administrateur du
Diocèse à la mort de Mgr. Mouard, titre qu'il con-
serva jusqu'à sa nomination au Siège Épiscopal de
Lahore, le 20 Novembre LSOG. Son Excellence Mgr.
Ajuti, Délégué Apostolique des Indes Orientales, en
tournée de Délégation à Lahore, accepta avec joie de
consacrer le nouveau Pontife. La cérémonie eut lieu
dans la pro-Cathedrale de Lahore, le 18 Janvier
1891. Le représentant du St. Siège fut assisté par
Sa Grandeur Mgr. Pesci et par le T. R. P. Brouwer,
Préfet apostolique du Cachemire et du Kafiristan.
Ses premiers soins, comme Evéque, furent de se ren-
dre compte par lui-même des nécessités urgentes du ^
Diocèse, auxquelles son regretté prédécesseur n'avait
pas eu le temps de remédier. Après une visite détail-
lée des différentes stations, où s'exerçait déjà le
zèle des missionnaires, il partit jîour l'Europe. Son
dessein était de collecter les ressources pécuniaires
et d'obtenir de nouveaux sujets pour réaliser les
vœux dé feu Mgr. Mouard. La joie de son retour
dans le diocèse fut de courte durée, car le 2 Mai
1892, le Souverain Pontife l'appela au Siège Archié-
piscopal d'Agra, devenu vacant par la mort de Mgr.
Jacopi.
Il quitta le 1' Août de la même année, un champ
qu'il promettait de défricher avec tant de succès
pour le salut des âmes, et fut intronisé à Agra le
4 du même mois. Si court qu'eût été son passage à
Lahore, c'est à son zèle que l'école de St. Antoine
^ ^^_ __
V
AU Ï'UNDJAB 15
et la colonie chrétienne de Mariabad doivent leur
origine. Sa Grandeur tint à Agra, en son Palais
Archiépiscopal, les assises du T" Concile Provincial
qui s'ouvrit le P Janvier 1894 sous la présidence
de Mgr. Zaleski, Délégué Apostolique des Indes
Orientales.
Mgr. GODEFROID PELCKMANS. — Au départ
de Sa Grandeur Mgr. Emmanuel pour son nouveau
siège, le T. R. P. Godefroid, son Vicaire Général,
prit en mains l'administration du diocèse. Le 2 Juin
1893, il fut élevé à l'Épiscopat et nommé au siège de ,
; Lahore. Le sacre du nouvel évêque eut lieu le 13
Août 1893, à Simla, situé dans l'archidiocèse d'Agra. |
7 Simla est le siège du Gouvernement des Indes ^^
i pendant la saison chaude. Il reçut l'onction épis-
I copale des mains de son illustre prédécesseur, assisté
de Mgr. Pesci et du T. R. P. Bertrand, Préfet Apos-
j tolique de Rajpoutana. Son intronisation dans la
I pro-Cathédrale de Lahore eut lieu le 20 du même
mois, au milieu de la joie générale du clergé et
des fidèles. Nous n'anticiperons pas sur les dé-
tails de son administration comme évêque ; le rap-
port que nous offrons à nos bienfaiteurs concernant
les œuvres qu'il a fondées ou réédifiées sur des ba-
ses plus solides, les renseignera suffisamment.
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CHAPITRE PREMIER.
I-iJLHIOI^IB
§ I . — La pro-Cathédrale de l'Immaculée Conception.
A pro-Cathédrale de Lahore, dédiée à Marie
Immaculée, fut construite en Tannée 1861
par le R. P. Michel- Ange Jacopi, à cette époque
missionnaire à Lahore, et devenu, lors de la procla-
mation de la Hiérarchie aux Indes, le premier Arche-
vêque d'Agra. Elle est, dans Tordre d'ancienneté, la
première parmi les églises du diocèse actuel. La po-
pulation catholique dans le Pundjab, à cette période
du Vicariat d'Hindoustan, était fort restreinte; aussi
fut-elle bâtie uniquement pour répondre aux besoins
de la situation d'alors ; ses dimensions n'ont donc pas
celles d'une Cathédrale. Elle a dû cependant en tenir
lieu du moment que Lahore devint résidence épis-
copale. Les privations de toute espèce que s'imposa
le pauvre missionnaire pour recueillir les 20,000
francs, que nécessita la construction de cette église,
auront déjà reçu, nous l'espérons, leur récompense
dans le Ciel, puisque depuis plusieurs années le saint
missionnaire a quitté cette terre pour entrer dans la
maison de son éternité. Une constitution moins
robuste que celle du Père Michel-Ange n'aurait pu
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7%
^
18 BIX A^'XÉES d'apostolat
résister au régime austère et frugal auquel il s'astrei-
gnit pendant deux ans, et ce uniquement afin d'ar-
river à doter la station de Lahore — qui était loin
alors d'avoir l'importance qu'elle a acquise depuis —
d'une demeure convenable pour abriter le Dieu de
l'Eucharistie. Il paya les 200U0 francs, que coûta
l'édifice, du fruit de ses économies et au moyen de
divers dons qui lui vinrent même de la part de quel-
ques protestants anglais. Aujourd'hui le nombre de
catholiques a décuplé; Lahore est devenue la capitale
d'une immense province, ainsi que le siège du Gou-
vernement provincial et, en 1888, le Souverain Pon-
tife Léon XIII, en a fait le centre d'une juridiction
ecclésiastique en y établissant le siège é23iscopal.
'^is Les circonstances ont donc considérablement chan-
gé, et malgré tout, la construction de briques et de
terre glaise, recouverte d'un plâtrage de chaux, reste
toujours la même et, malgré son extrême pauvreté, elle
a dû se prêter jusqu'ici aux exigences des fonctions
pontificales, au grand détriment du prestige que cel-
les-ci sont appelées à apporter au culte divin. Le
contraste douloureux et frappant que présente ce bâ-
timent plus que modeste à côté des superbes monu-
ments d'architecture que le culte païen des Hindous
a élevés et élève encore tous les jours à ses faux
dieux, des mosquées grandioses que le fanatisme de
l'Islam a érigées à l'infâme Mahomet, et de la belle
cathédrale gothique dont la population protestante
s'enorgueillit fièrement et qui n'a pas coûté moins
de 81f),000 francs, encore qu'elle soit inachevée;
ce contraste, dis-je, n'a pas échappé à l'œil vigi-
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AU PUNDJAB 19
lant et au zèle ardent de ceux qui, au nom du
Souverain Pontife; sont chargés de veiller à l'hon-
neur et à la gloire de la Sainte Église Catholique
dans ce pays. Mais hélas ! que faire ? La pénurie
dans laquelle végétait la Mission de Lahore, lorsque
les Pères Capucins de Belgique en prirent possession,
lit nécessairement rentrer dans l'ombre le projet trop
vaste et trop coûteux d'édifier un monument qui pût
I décemment porter le nom de Cathédrale. Il fallut se
j borner à améliorer ce qui existait. C'est ainsi que
I Mgr. Pelckmans remplaça graduellement les autels
I grossiers en briques, simplement recouvertes de
I chaux, par des autels en marbre, et plaça dans
1 l'église de belles statues, de la célèbre école alle-
mande, représentée par la maison Mayer et C^^. Sa
^ Grandeur orna également le sanctuaire de plaques
en marbre, et renouvela entièrement en belles dalles
bleues tout le pavé de l'église. L'ameublement de
celle-ci gagna encore et surtout par les différentes
stations d'un superbe chemin de croix, œuvre d'art,
pouvons-nous dire, peinte à l'huile et envoyée direc-
tement de Paris.
Le R. P. Fabien, le si zélé et si populaire chapelain
de la pro-Cathédrale, apporta, lui aussi, un heureux
changement dans l'intérieur de l'église, changement
qui rehaussa énormément le cachet religieux si
nécessaire à la maison de Dieu. Les bancs qui ser-
vaient de prie-Dieu aux fidèles étant démodés et
tout à fait vermoulus, il les remplaça par de petites
stalles en bois, complètement neuves et élégamment
sculptées.
S^ ^
20 DIX ANNÉES d'apostolat
Toutefois Mgr. Pelckmans ne perdait pas de vue le
projet caressé dès le commencement par ses illustres
prédécesseurs, Messeigneurs Symphorien Mouard et
Emmanuel Van den Bosch, et qui consistait dans la
construction d'une nouvelle Cathédrale; ils lui avaient
en quelque sorte légué la charge de le mettre à exécu-
tion. Un pas immense vers ce but vient enfin d'être
fait; après neuf ans d'attente, un large terrain situé au
centre de la ville européenne de Lahore, a été
acquis par Sa Grandeur, et c'est là que s'élèvera la
future Cathédrale, dès que les fonds nécessaires pour
jeter les bases de ce bel édifice auront été re-
cueillis. Les plans en sont dressés.
L'acquisition vraiment providentielle de ce terrain
spacieux a permis à Sa Grandeur de réaliser trois
autres projets qui le préoccupaient depuis longtemps:
doter le Diocèse d'un collège et d'un orphelinat
pour l'éducation des jeunes gens européens et eura-
siens, ainsi que d'une résidence pour l'évêque,
destinée en même temps aux différents usages
auxquels elle est nécessairement appelée à servir,
c'est-à-dire, aux réunions synodales, aux conférences
ecclésiastiques, aux retraites annuelles, etc.
§ 2 — L'Orphelinat et le Couvent des Sœurs de Jésus
et de Marie.
Nous ne jjouvons passer sous silence une œuvre,
qui a rendu beaucoup de services à la Mission dès son
origine ; nous voulons parler du couvent des Sœurs
de la Congrégation de Jésus et de Marie de Lyon,
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AU PUNDJAB 21
situé dans l'enclos voisin de celui de la pro-Cathé-
drale. Ce couvent et celui de Sialkot étaient les
seules institutions que la Mission possédait, lorsque
les Pères Capucins Belges en prirent la direction en
1889. Quelques mots sur Torigine de cette maison
montreront comment, avec la confiance en Dieu, la
bonne graine se développe, malgré les difficultés et
les obstacles. La fondation du couvent de Lahore
remonte à l'année 1876. Elle est due au zèle et à
l'activité de Mgr. Jacopi, alors Vicaire Apostolique
d'Hindoustan. Mgr. lut vaillamment secondé par la
Révérende Mère S' Xavier, supérieure provinciale
de la Congrégation aux Indes.
Cette digne religieuse vint })résider à l'installation
y^y de ]a nouvelle communauté, qui se composait de yp
la Mère St. Fabien, supérieure, de la Mère Ste.
Dosithée, (toutes deux décédées depuis), et de deux-
autres jeunes sœurs. La petite caravane partit in-
continent d'Agra. le 17 Xovembre 187(3. Les fonde-
ments du couvent avaient été jetés quelque temps
auparavant, et à l'arrivée des sœurs, les murs s'éle-
vaieat à peine à quelques pieds du sol. Mais le
Père Candide, chapelain de Lahore, faisant preuve
d'i m dévouement tout apostolique, ne voulut pas' les
laisser sans asile : il céda gracieusement sa maison
aux nouvelles venues, et s'en fut loger provisoire-
ment dans une demeure délabrée, située à une
distance de 15 minutes de la pro-cathédrale. Les
religieuses ouvrirent une école, dont les débuts furent
bien difficiles : très peu d'enfants s'y rendirent,
malgré les pressantes exhortations du chapelain. Ce
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^ i«3 ^
22 DIX ANNÉES d'apostolat
qui aggrava encore la situation, ce fut l'absence
totale de ressources pécuniaires et la négligence des
parents à payer régulièrement les frais d'écolage.
Toutefois, la petite communauté, confiante dans les
soins de la Providence, s'estimait heureuse de pouvoir
partager avec Jésus et Marie les privations de la
pauvreté évangélique. Les choses en vinrent à ce
point que parfois les religieuses manquèrent com-
plètement de pain, tout l'argent ayant été employé
à subvenir aux nécessités de l'école. Mais la foi et la
confiance de la bonne Mère St. Fabien en la Divine
Providence étaient sans limites ; et la façon merveil-
leuse dont Celle-ci se manifesta, prouve avec quelle
sollicitude Elle veillait sur les pauvres épouses de Jé-
^ sus-Christ. Quelques faits mettront mieux en lumière
1 les événements. Dans les commencements de l'année
^ 1878, les dépenses ayant absorbé jusqu'au dernier
centime de la maison, la Révérende Mère réunit la
petite communauté; montrant sa bourse vide, elle y
plaça une petite statuette de St. Joseph. Puis elle
dit avec sa bonhomie habituelle : « Mes enfants,
prions ensemble notre « bon Père « (comme elle
avait coutume de L'appeler), afin qu'il nous envoie
un prompt secours. « Ce fut avec ferveur que les
religieuses se joignirent à leur mère ; et le même soir,
pendant la récréation, l'on remettait entre les mains
de la supérieure trois billets de banque : c'étaient
les arriérés que des parents envoyaient en payement
de la pension de leurs filles.
Dans une autre occasion, à la fête de St. François
d'Assise, la supérieure appela une des sœurs
n^
^> _
AU PUXDJAB 23:
avant la messe, et l'envoya prier à l'église le séra-
phique protecteur de la pauvreté de leur venir im-
médiatement en aide. 11 3' avait urgence, car la
mère avait besoin d'une certaine somme d'argent
avant la fin du jour : mais grandes étaient, ainsi que
nous l'avons déjà dit, la foi et la confiance de ces
fondatrices du couvent de Lahore.
La messe terminée, la sœur reconduisait les
enfants de l'église au couvent, lorsqu'une dame
vint en toute hâte lui remettre un petit paquet, «'ex-
cusant de ne pouvoir faire une visite à la supérieure
et d'avoir tardé si longtemps à payer la pension de sa
fille. La bonne religieuse, surprise, courut porter
l'argent à la mère, qui constata avec joie qu'elle
disposait de la somme dont elle avait besoin. Un
fervent " Laudate Dominum !, s'éleva de leurs
cœurs vers le Père des pauvres, en reconnaissance
du bienfait.
Au mois d'Avril 1879, les bâtiments du nouveau
couvent étant suffisamment prêts, les religieuses et
les enfants y furent transférés. De nouvelles épreuves,
endurées avec la même résignation, attendaient
encore la communauté. L'installation était loin de
répondre anx exigences scolaires ; de plus une
grande partie du mobilier classique, cédé pro-
visoirement aux sœurs par le chapelain, dut
lui être remise pour ouvrir un externat de gar-
çons. Quelques mois plus tard, le choléra éclata à
Lahore. Dans le village situé au X.-E. de l'enclos
du couvent, a^ipelé le village des '■ balayeurs, »
la mort fauchait chaque jour de nombreuses vic-
2^^^
S4i.
24 DIX ANNÉES d'apostolat
times. Mais Dieu veillait sur ses privilégiées etj
fait digne de remarque, aucun cas fatal ne se déclara
dans l'enceinte de l'école, où par les soins vigilants
de la Mère St Thaddée, toutes les précautions sani-
taires possibles avaient été prises. Aucune des
pensionnaires ne fut retirée de l'école , et les ex-
ternes continuèrent à fréquentr les classes, malgré la
panique générale qui avait provoqué l'exode de
presque tous les habitants de Lahore.
Vers la fin de Tannée 1880, la Supérieure prit
une mesure décisive qui fit entrer l'école dans une
nouvelle phase et la garantit, en partie du moins,
contre les incertitudes du lendemain. Grâce à
l'intervention du Père Symphorien Mouard, recteur
du collège d'Agra, la mère St. Thaddée réussit à faire /Ç
agréer l'institution jiar le gouvernement.
Après les premiers examens passés devant l'in-
specteur des écoles européennes pour le Pundjab, un
subside mensuel de 150 roupies fut accordé, et ce à la
grande satisfaction des religieuses, qui commen-
cèrent à se rassurer et virent briller l'aurore de
jours meilleurs. Les difficultés qu'elles avaient
éj)rouvées, paraissaient vaincues; en outre, Dieu les
récompensa d'une façon spéciale de leurs luttes et
de leurs labeurs, en leur accordant la joie de voir,
de 1877 à 1881, huit de leurs élèves protestantes
reçues dans le sein de l'Église catholique et six
autres de leurs pupilles, quitter le monde et ses espé-
rances pour partager le dévouement et les sacrifices
de leurs nobles maîtresses et mères.
La Révérende Mère St. Thaddée s'endormit dans
Trr
c
S# :
AU PUXDJAB 25
le Seigueur; sa jDerte fut pleurée aussi vivement
23ar les protestants que par les catholiques, tant
elle avait su, par ses hautes vertus, se concilier
l'estime et l'affection de tous. La Mère St. Fabien
fut de nouveau appelée au poste qu'elle avait si
courageusement occupé dans les débuts difficiles de la
fondation ; elle travailla, avec les ressources laissées
par la Mère défunte, à améliorer les bâtiments du
pensionnat. Quelque temps auparavant le Pundjab
avait été séparé d'Agra et constitué en Préfecture
Apostolique. Mgr. Paul Tosi administra toute la
partie du Nord-Ouest de l'Hindoustan jusqu'au mo-
ment, où par la proclamation de la Hiérarchie des
Indes, Lahore fut érigée en diocèse. Les bonnes sœurs
'^ eurent alors l'immense consolation d'accueillir com-
me leur premier Évêque, Mgr. Symphorien Mouard,
qui avait été pendant de longues années à Agra,
leur père, leur guide et leur soutien. C'était en mars
1889. Quelques jours après, arrivèrent les premiers
missionnaires capucins de Belgique, à qui la Congré-
gation de la Propagande avait confié le diocèse de
Lahore. A leur entrée, l'école, malgré ses treize
années d'existence, n'avait encore d'inscrits sur ses
listes que 2-4 enfants, la plupart indigents, c'est-à-
rdie à la charge complète de l'institution. Tous les
efforts et le zèle des différents chapelains qui se
succédèrent à Lahore pendant les dix ans d'aposto-
lat dont nous faisons rapidement Thistoire, eurent
pour but d'arra/îher, dans la mesure du possible, le
plus grand nombre de hlles catholiques à la misère
et aux dangers de perdre la foi. Ils ouvrirent large-
m K
26 DIX ANNÉES D APOSTOLAT
vV
ment les portes de cette institution bienfaisante,
même aux enfants de parents appartenant à des
confessions dissidentes. Dieu récompensa bien souvent
le zèle de ses apôtres.
Sous Faction de leur dévouement, toujours en éveil
pour secourir toutes les misères, quantité d'enfants
trouvèrent la voie du salut et échappèrent, grâce au
bienfait d'une éducation chrétienne, à une existence
vouée d'avance au vice dans ce milieu cosmopolite,
immoral et empesté de Lahore. Les rangs grossirent,
la fréquentation des classes prospéra, au point
qu'à l'heure présente, 125 filles suivent régulière-
ment les cours, parmi lesquelles 80 sont logées et
nourries à l'établissement. De ce nombre, les deux
tiers sont orphelines, ce qui augmente beaucoup les L
■^ besoins du couvent dont toutes les ressources, en de-
liors du subside peu important que le Gouvernement
alloue chaque mois, émanent de la seule charité;
car, il ne faut guère compter sur la rentrée, très
irrégulière d'ailleurs, des frais de pension et d'édu-
cation provenant de quelques parents solvables.
Les bâtiments ont reçu pendant ces dix années ,
plusieurs extensions considérables, nécessaires à
tous les points de vue, et notamment pour assurer
l'enseignement des différentes branches imposées par
le programme du Gouvernement. Une magnifique
salle pour les réceptions et les séances musicales et
dramatiques a été ajoutée àl'aile principale. Signalons
encore l'érection d'un " bungalow « situé à l'ouest du
couvent; cette annexe, composée de trois chambres,
fut occupée pendant quelque temps par l'or-
1
=1
p
O
^ -.
AU PUNDJAB 27
phelinat de St. Joseph destiné aux pauvres filles indi-
gènes, et transféré depuis dans les nouveaux locaux
situés « Tliornton Road v . Le nombre des pension-
naires pourrait être facilement doublé, s'il y avait
moyen de les loger convenablement. Nous espérons
qu'avec Taide de Dieu, il nous sera possible d'agran-
dir bientôt cette institution si utile à notre jeunesse
catholique, et ce dans des proportions telles que le
pensionnat soit à même d'offrir un asile et une re-
traite à deux cents enfants au moins. Faxit Deus!
($ 3. — L'Orphelinat de St. François d'Assise.
L'orphelinat pour les garçons indigènes est situé à
quelques pas de la pro-cathédrale et dans le même
enclos. Quelques détails sur l'origine et les progrès
de cette œuvre apostolique, due entièrement à la
charité et au zèle des pères capucins belges, nous
paraissent dignes d'être notés. Une circonstance, en
apparence bien insignifiante, fit surgir l'idée de
fonder un orphelinat de St. François. En 1893, le
frère Constant d'Assche, qui, pour être réuni à ses
confrères belges, avait obtenu de Rome son change-
ment de la ^Mission d'Agra pour celle de Lahore,
arrivait de ^lussoorée. accompagné de trois petits
orphelins noirs, arrachés à la misère sur la voie
publique : " Voici mon cadeau à la Mission belge ^ ,
nous dit-il, en les présentant.
Il n'y avait à Lahore. à cette époque, ni orpheli-
nat, ni école pour les indigènes, et le projet d'en
établir n'avait pu encore germer dans la pensée
:^
^ ^
28 DIX ANNÉES d'apostolat
des nouveaux religieux, à peine installés en cette
ville. Le '' cadeau » du frère Constant parut donc les
embarrasser ; mais celui-ci plaida si éloquemment la
cause des trois petits malheureux qu'il avait lui-même
baptisés et instruits dans les premières vérités
de la Foi, que Mgr. Pelckmans, alors administrateur
du Diocèse, se décida à les accepter.
Une installation des plus primitives fut le point
de départ d'une fondation qui compte à présent près
de cent orphelins. Xul, évidemment, ne songeait à
contester la nécessité d'une telle œuvre; mais les
ressources manquant complètement alors, en ren-
daient l'existence fort précaire.
Le bon frère, lui, ne consultait que sa charité.
., , Aux diverses objections qu'on lui fit, il répondit .^
-^ en s'en allant tout simplement sur la voie publique, ^'-
ramasser quelques autres enfants pauvres, estro-
piés ou aveugles, qu'il ramena triomphalement en
s'écriant : « Ils ont une âme comme les autres,
Dieu ne les refusera pas au banquet préparé par Lui
dans le Ciel, si nous en formons de bons chrétiens ? »
La cause était gagnée, et l'œuvre fut fondée.
Il ne faut pas s'imaginer toutefois qu'il soit aisé de
se procurer, en ce pays, de ces petits malheureux.
Ce n'est pas comme en Chine. Oh non ! Cela se
passe tout autrement au Pundjab : l'Hindou est
profondément attaché à sa progéniture ; de plus, il
sait pratiquer la philanthropie envers les abandonnés.
Sans doute, l'intérêt personnel et le fanatisme
ne sont pas étrangers à cet empressement à recueil-
lir l'orphelin. Il n'en est pas moins vrai pourtant
ifi
^ !^:
^ i^s ^
•' Au PÛNDJAB 29
qu'il est rare de rencontrer un enflmt entièrement
délaissé ; Tadoption est un fait très commun parmi
les Hindous et les Mahométans. Les deux premiers
évêques, Messeigneurs S. Mouard et E. Yanden
Bosch, avaient donc vu leurs tentatives d'ouvrir un
orphelinat de garçons frappées de stérilité. On ne
leur donnait pas d'enfants, même à prix d'argent.
Mais à mesure que la mission se développait, les
chances de gagner de nouvelles recrues s'augmen-
taient. Parlant la langue indigène plus couramment,
mieux initiés aux us et coutumes du peuple, nos
missionnaires purent se mettre en rapport avec les
habitants des cités et des bazars, refuge ordinaire
des infortunés ; ils acquirent une connaissance plus
i^ profonde des misères de la classe pauvre, et furent ^
ainsi à même de saisir les rares occasions qui leur
étaient offertes pour arracher au vice l'une ou l'autre
de ces épaves perdues dans le tumulte des cités
orientales.
Lorqu'en février 1893, le T. R. P. Godefroid prit en
mains l'administration du diocèse, il s'efforça de
faire sortir l'institution de la condition précaire où
elle végétait. Il destina aux orphelins un })etit ," bun-
galow » s'élevant derrière la pro-cathédrale et les
installa très convenablement xlans les trois petites
chambres qui comj^osaient tout l'édifice. Le R. P.
Lievinfut rappelé de la mission de Sialkot, et placé
à la tête de l'institution naissante, à laquelle, depuis
lors, il a consac'ré toute son énergie et tout son
cœur. Dieu ne pouvait manquer de bénir ce dévoue-
ment. Le premier soin du K. P. fut d'augmenter le
'Â #r
fe
30 DIX ANNÉES d'apostolat
petit troupeau. A tout prix, il lui fallait des brebis ;
il en eut, et des plus malheureuses.
Avec Taide d'agents dévoués qui parcouraient les
bazars , la cité de Lahore et même les villages circon-
voisins, il se vit bientôt à la tête d'une douzaine de
vagabonds qui n'avaient aucune idée de Dieu, et
pour qui la discipline et la soumission étaient
lettre morte. Un premier effort pour ouvrir une
école fut tenté. Il échoua. Nos jeunes oisillons, plus
accoutumés à vivre sous la large voûte du ciel
qu'entre les quatre murs d'une école, se faisaient
mal à cette vie de contrainte ; ils s'envolèrent à
la première occasion. Ce premier échec rendit
I le Père un peu plus circonspect, et il recommença
.•;»K avec des éléments mieux choisis. Le grain de ^
sénevé resta longtemps tout petit, mais avec le
temps et surtout avec une persévérante confiance
dans le succès d'une cause qui doit être si chère
au cœur de Dieu, le nombre s'accrut bientôt dans
des proportions qui décidèrent Mgr. Pelckmans à
ériger définitivement un local assez vaste pour
abriter une centaine d'orphelins. Le 7 Octobre 1894,
les bâtiments furent bénits et dédiés au séraphique
Père des pauvres. St. François d'Assise.
Les nouvelles installations étaient à peine termi-
nées qu'éclata la famine de 1897. Bientôt elles furent
insuffisantes. On dut même, se hâter de renvoyer
dans les missions de Maryabad et d'Adah les enfants
baptisés et suffisanmient instruits dans la doctrine
chrétienne, pour ouvrir plus largement la porte aux
pauvres affamés. Le Père Lié vin se rendit, à deux
;%
w-j
AU PUNDJAB 31
reprises différentes, dans les districts les plus éprouvés
par le fléau , et lut témoin oculaire des inénarrables
scènes que les journaux de cette époque ont ample-
ment décrites. Il recueillit deux convois d'affa-
més et parvint ainsi à remplir, et Torphelinat
de St. François, et celui de St. Joseph qui venait
d'être ouvert pour les filles indigènes et dont
nous parlerons bientôt. Depuis lors, l'asile ne s'est
plus désempli ; les places devenues vacantes par le
renvoi des premiers occupants dans les villages
chrétiens du district de Sialkot, ont toujours été
prises immédiatement. Il y a des orphelins âgés de
deux à 17 ans. L'établissement de St. François est
assurément une des plus grandes espérances du
, . Diocèse pour la conversion des indigènes. Là, dans ■>•*-
une atmosphère toute chrétienne, élevés dans la
sainte doctrine par les catéchismes, les instructions
et les admonitions de leur zélé directeur, assistant
journellement à la messe et aux services religieux de
la pro-cathédrale et s'approchant fréquemment des
sacrements, ces enfants se forment aisément aux
bonnes mœurs et se plient à une vie de régularité et
de vertu qui portera bientôt les j^lus beaux fruits.
Et tandis que les préjugés de Fignorance et les
vices invétérés des adultes convertis cèdent si diffi-
cilement à l'action de la grâce, le missionnaire trouve
ici une cire molle et flexible qu'il peut façonner
sans difficulté, un terrain vierge où les germes de la
vertu se dévelop^ient avec une merveilleuse fécon-
dité. Combien parmi ces enfants, qui, sans l'orphe-
linat de St. François, eussent été fatalement voués
32 DIX ANNÉES d'apostolat
au vice, ont conservé pure et fraîche la fleur de
leur innocence baptismale! Cest à ce travail ardu,
mais fécond, que se consacre jour et nuit le R. P.
Liévin, assisté de trois frères tertiaires allemands,
dont l'un a déjà payé de sa vie son dévouement à
cette œuvre. Le frère Bernard (Henri I)ebus)né à
l'ckerseifen (Prusse) mourut des suites d'une fièvre
maligne, le 17 Novembre 1897, à Mooltan, où il avait
été transporté, dans Tespoir que ce changement
vaincrait le mal qui le minait depuis longtemps. R.I. P.
Les générations issues de cette souche chrétienne
seront la joie et la gloire de l'Église Catholique dans
le Pundjab.
Prenez les indigènes dès l'enfance, enlevez-les au
•^ contact des coutumes et des fêtes religieuses Vj^
de l'Hindouïsme et du Mahométisme, et vous pour-
rez espérer qu'ils ne tomberont jamais dans ces
pratiques grossières et que les idées erronnées qui
ont à peine eu le temps d'effleurer leurs jeunes âmes,
s'effaceront peu à peu. La conversion sincère d'un
adulte reste toujours problématique; et sa volte-face
n'a rien, après tout, qui doive étonner, si l'on consi-
dère bien le milieu où il a grandi et les habitudes
invétérées qui ont formé pendant longtemps la trame
de sa vie domestique.
Cependant un problème très sérieux s'est
imposé aux pensées soucieuses de Sa Grandeur.
Que fera-t-on de tous ces orphelins, quand l'époque
viendra où les portes de l'institution devront néces-
sairement se refermer sur eux? Aussi longtemps qu'ils
sont petits et qu'il s'agit uniquement de les nourrir,
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AU PUNDJAB 33
de les vêtir et de les garder sous l'égide paternelle du
missionnaire, tout est pour le mieux. Mais l'avenir
incertain qui attendait ces enfants sans ressources
aussi bien que sans famille, rendait perplexe Mon-
seigneur Pelckmans. Diverses tentatives pour les
placer comme domestiques dans des familles ou
comme ouvriers dans les ateliers de la Compagnie
des chemins de fer ayant échoué, on s'arrêta au pro-
jet de leur apprendre, à l'orphelinat même, pour
en faire plus tard d'honnêtes artisans, quelque métier
en rapport avec leurs aptitudes. Peu à peu l'idée
prit corps et à l'heure actuelle, une bonne petite école
industrielle fonctionne admirablement. Elle com-
prend des métiers pour le tissage des tapis de
Perse, si estimés dans les contrées occidentales
d'Europe et d'Amérique; un atelier de cordonnerie,
une presse lithographique et tout le nécessaire pour
la reliure des livres. Grâce à la rencontre fortuite
d'un excellent catholique autrichien, agent d'une
grande maison de commerce d'Amérique, un dé-
bouché avantageux pour la vente des tapis a été
ouvert dernièrement. C'est ce qui a décidé Monsei-
gneur à augmenter le nombre de métiers, et actuel-
lement, ils occupent une cinquantaine d'orphelins.
Le produit de la vente des articles qui sortiront de
l'atelier soutiendra l'institution et aidera à parer aux
dépenses qu'entraînent les nouvelles installations.
L'atelier de cordonnerie est sous la direction immé-
diate d'un des frères tertiaires allemands, aussi habile
à polir le cuir qu'à manipuler l'alêne. Son atelier
fournit le nécessaire aux trois orphelinats de Lahore,
1 ï^ : 1^
34 DIX ANNÉES d'apostolat
et travaille aussi pour le public. Celui-ci se montre
très empressé à patronner rinstitution en se pour-
voyant plutôt chez nous que dans les magasins euro-
péens et indigènes ; et souvent la clientèle témoigne
sa satisfaction d'avoir trouvé à meilleur compte bonne
marchandise et excellente exécution. Les plus intel-
ligents parmi les orphelins sont admis à l'école des
arts de Lahore où ils apprennent le dessin, la cise-
lure, la moulure et la manipulation des couleurs, ce
qui les mettra à même de s'établir un jour comme
charpentiers, graveurs, sculpteurs de bois, peintres,
etc., métiers qui ont leur utilité pratique aussi bien
dans ce pays qu'en Europe et qui leur assureront
plus tard une honnête subsistance. En attendant,
ils appliquent leurs connaissances en dessin et en ^^
peinture dans la composition des modèles de tapis,
qui sont tissés à l'atelier d'après des originaux per-
sans.
D'autres orphelins enfin sont initiés aux travaux à
l'aiguille ; car la confection des habits est en grande
partie le monopole du sexe fort ; et si l'atelier de cou-
ture ne rapporte rien encore à l'établissement, son
fonctionnement régulier est cependant garanti par.
le raccommodage quotidien des vêtements de ces
petits écervelés, chez qui le plaisir de déchirer
devient une habitude qui cède difficilement, même
devant les punitions.
Entretemps, le côté moral, religieux et intellectuel
de l'orphelinat marche de pair avec le progrès maté-
riel , et les enfants sont instruits par un " munchi «
dans les différentes branches de l'écriture, de la
AU PUNDJAB
35
lecture, de rarithmétique et du calcul. L'école de
St. François, placée sous le contrôle du Gouver-
nement, subit chaque année avec succès les examens
imposés. Tout cela est vivifié par un esprit de
piété qu'entretiennent l'assistance quotidienne au
St. Sacrifice de la Messe, la récitation en commun
des prières du matin et du soir, le St. Rosaire,
et surtout les catéchismes continuels auxquels le
zélé directeur de Torphelinat consacre la majeure
partie de son temps. Le travail de la grâce féconde
admirablement les bonnes semences jetées dans ces
âmes innocentes; et c'est un spectacle vraiment
touchant que de voir la spontanéité avec laquelle
les enfants qui ont déjà été admis à la Table-Sainte
demandent à s'approcher fréquemment des saints
Sacrements de Pénitence et d'Eucharistie. Ici, la
tâche du missionnaire est des plus douces, et il re-
cueille dans la joie ce qu'il a semé dans les peines et
les sueurs.
Que ne peut-on pas espérer de ces jeunes plantes
si bien soignées et si tendrement cultivées ?
Mgr Pelckmans a le droit de tourner ses regards
avec confiance vers l'orphelinat de St. François pour
la réalisation d'un de ses plus chers désirs : les voca-
tions sacerdotales.
La sollicitude extraordinaire de Sa Sainteté Léon
XIII s'est manifestée récemment en dotant les Indes
Orientales d'une puissante hiérarchie ecclésiastique
et d'un séminaire papal. Le chef de la chrétienté
attend, avec sa perspicacité habituelle, de la forma-
tion à bref délai d'un clergé indigène, la conversion
■Â
fu
%L
36
DIX ANNEES D APOSTOLAT
de ces millions d'Indiens travaillés depuis plusieurs
siècles par une poignée de prêtres européens. Le
séminaire de Candie compte déjà des représentants
de presque tous les diocèses de l'Inde. Hélas! celui
de Lahore doit encore se contenter d'espérances.
Mais les voies sont préparées ; et si nous plantons
avec Dieu et pour Dieu, pourquoi n'attendrions-nous
pas avec confiance qu'il nous donne aussi les fruits?
C'est pourquoi Sa Grandeur surveillant avec une pa-
ternelle sollicitude le développement de la grâce
dans ces orphelins, se propose de séparer ceux qui
manifestent dès dispositions spéciales pour la piété et
la science, et ce afin de pouvoir leur donner une
éducation plus soignée dans le nouveau collège de
Saint-Antoine qui doit s'ouvrir le 1"' Janvier 1900.
Là, comme dans une espèce de petit séminaire, leur
vocation sera éprouvée et examinée, loin de tout ce
qui pourrait la mettre en danger, elle sera cultivée
par des exercices appropriés à cette fin. Le moment
venu, et après mûre délibération, ils seront définiti-
vement envoyés à Candie pour recevoir la dernière
préparation capable d'en faire des prêtres instruits
et pieux. Ce sera le couronnement de l'œuvre. Sa
Grandeur appelait cette bénédiction de tous ses vœux
quand Elle dédia au Patriarche de la grande Famille
Franciscaine, cet asile des pauvres de ce monde, pour
les enrichir de biens célestes et impérissables.
" De stercore erigens pauperem, ut collocet eum cum
principibus populi sui (Ps. CXII.) En attendant que
cette aurore des vocations sacerdotales se lève sur le
diocèse de Lahore, et afin de répandre avec plus de
:n
^ j# : -f
I r
I AU PUNDJAB 37
vigueur l'œuvre d'apostolat parmi les indigènes,
Monseigneur a fondé à Adah la première de nos mis-
sions indigènes et il y a ouvert une école apostolique,
] sous la direction du R. P. Vincent, où six orphelins
des plus intelligents ont été envoyés pour être formés
par des instructions spéciales à Toffice de catéchiste.
I Ils seront les avant-coureurs du missionnaire dans
les villages, et rendront son travail moins onéreux et
plus fructueux.
I Avant de clore ce court aperçu sur une des entre-
prises les plus pleines d'avenir pour le Diocèse, il ne ;
sera pas hors de propos de faire remarquer que si la
I charité l'a enfantée, elle est seule encore à la soutenir.
I II sera aisé de s'imaginer combien l'entretien de l'éta-
'\fi^ blissement est devenu coûteux au Diocèse, complète- <;; .
^' ment dépourvu de fonds, et ayant à pourvoir, au jour
le jour, aux besoins matériels de près de cent or-
phelins. Toute âme généreuse a pu comprendre le
grand bien qu'une telle institution est appelée à
réaliser. La maintenir sur le pied où elle se trouve
actuellement et lui donner les développements dési-
rables que nous avons fait entrevoir en parlant du
futur collège des enfants, est certes chose digne
d'occuper les pensées des âmes charitables sou-
cieuses de contribuer à la gloire de Dieu et à
l'extension de son royaume dans les cœurs. Nous
demandons à Dieu qui parle dans le secret, d'inspirer
aux cœurs généreux le désir de nous aider.
•5T
T^
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38 DIX ANNÉES d'apostolat
§. IV. — L'Orphelinat de St-Joseph et le Couvent des
Sœurs de la Charité, de Jésus et de Marie.
L'origine de l'orphelinat de St. Joseph remonte
à l'année 1880. La première conception en est due
au zèle de la Révérende Mère St'' Thaddée,
supérieure du couvent de Jésus et de Marie à Lahore.
Affligée de la triste condition d'ignorance et de mal-
propreté où elle voyait croupir les enfants des domes-
tiques chrétiens indigènes attachés au service de la
maison, elle résolut de les réunir à certaines heures
fixes pour leur inculquer des idées et des habitudes
de modestie et de travail, et les initier en même temps
aux premières notions de la lecture et de l'écriture.
A ce petit troupeau vinrent bientôt se joindre
d'autres malheureuses créatures recueillies sur la voie
publique, ce qui transforma en peu de temps ces
réunions en une école régulière. Ce premier succès
enflamma davantage le zèle de la bonne Mère. Elle
avait alors sous la main la bonne Sœur Geneviève
qui, pendant son séjour à Sirdhana (mission indigène
de l'archidiocèse d'Agra) s'était familiarisée avec la
langue hindoustane. La Révérende Mère lui confia
l'instruction religieuse, de ces petites indigènes ainsi
que la préparation des unes au saint Baptême, et
des autres, déjà chrétiennes, à la réception des
sacrements de Pénitence, d'Eucharistie et de Confir-
mation.
L'œuvre se développant sous la bénédiction de
Dieu, la dévouée supérieure aurait voulu la faire
entrer dans une autre phase : tout en assurant la sta-
?%
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!»
25
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i# ^
AU PUNDJAB 39
bilité de l'institution, elle désirait se préoccuper
davantage encore de l'avenir de ses chères brebis. Or
le diocèse ne comptait aucun établissement qui pût les
recevoir. La R. Mère St^\ Tliaddée en écrivit au R.
P. Marc alors administrateur du diocèse, elle lui
exposa les résultats obtenus et à obtenir, ainsi que ses
desseins et ses appréhensions. Le R. P. Marc comprit
l'importance du projet de la supérieure, et, pour
Taider à la réaliser, il mit à sa disposition la petite
maison occupée autrefois par le chapelain.
Ainsi fut fondé, avec une quinzaine de ces petites
abandonnées , l'orphelinat de St . Joseph . Les dimensions
étroites, ainsi que l'humidité et l'insalubrité de cette
maison, la rendirent bientôt inhabitable. Mgr.
^Z. Mouard se décida, en 1890, à bâtir un petit «bunga- ^
low n composé de trois chambres et plus rapproché '
du couvent, ce qui facilitait beaucoup l'admini-
stration et la surveillance de l'orphelinat. Les choses
en restèrent là jusqu'en 1896. Toutefois on ne tarda
pas à découvrir les obstacles qui non seulement en-
travaient les progrès de l'institution, mais l'expo-
saient à un échec presque certain. D'abord, elle avait
à souffrir du voisinage du pensionnat des enfants
européens et eurasiens dont les idées et les coutu-
mes sont si opposées à celles des indigènes; ensuite
le local était exigu, et il n'était pas possible de
l'agrandir. Dès lors, une seule solution s'imposait :
le transfert de Tceuvre en un milieu plus propice et
dans un local assez vaste. Mais l'argent faisait défaut,
de sorte que la réalisation du projet menaçait d'être
remise à une époque éloignée si, en 1896, la Provi-
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H
\ 40 DIX ANNÉES D APOSTOLAT
dence n'était venue seconder merveilleusement les
vues de Mgr. Pelckmans. Une dame anglaise, ayant
i son diplôme de docteur en médecine, récemment
! convertie au Catholicisme, et devenue depuis fervente i
Tertiaire de St. François, avait acheté à Lahore une j
propriété de deux hectares, comprenant un immense
jardin et deux maisons isolées. !
Un jour que Mgr Pelckmans lui faisait part de |
ses inquiétudes et manifestait son chagrin de voir
une œuvre, si éminemment apostolique, condamnée j
à végéter faute de ressources, la pieuse dame s'émut i
et, avec une spontanéité toute franciscaine, elle fit j
don de sa nouvelle propriété à la Mission de Lahore.
I Elle quitta sa superbe demeure et s'en fut loger
■*)y dans une modeste habitation. «Je suis assez largement ^p:
"1 payée, disait-elle, par le bonheur d'avoir pu offrira i
Jésus-Christ un abri pour ses pauvres et procurer à
ses ouvriers évangéliques les moyens d'étendre leur
sollicitude à un plus grand nombre d'enfants aban-
donnés. » Peu de temps après, éclata la famine qui
livra sans pitié aux étreintes de la mort des millions
de victimes. En 1897, l'établissement se remplit :
plus de cent enfants arrachés aux horreurs de la faim
furent admises. Ce fut alors que Sa Grandeur appela
de Gand les Sœurs de la Charité, de Jésus et de i
Marie, pour se constituer les mères spirituelles de
ces orphelines abandonnées.
Nous cédons la parole à Tune d'entre elles, la
Sœur Vénardine, pour nous raconter dans les termes |
d'une simplicité évangélique, lesimpressionsdes.es
deux premières années d'apostolat:
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^ ^ — ■
AU PUNDJAB 41
Lahore, 23 Mars 1899.
Tout à la plus grande gloire de Dieu.
Ma chère Madame X***,
Nous voici en mission depuis deux ans et le cœur
plein de reconnaissance, nous bénissons le Seigneur
qui daigna confier à notre faiblesse la sublime tâche
de travailler au salut des pauvres idolâtres. Nous
remercions le Dieu de toute bonté des bienfaits
signalés qui encouragèrent nos premiers efforts, et
des petites parcelles de sa S^" Croix, que nous avons
récoltées sur la terre de l'exil.
Les tristes échos de guerre et de famine aux Indes
attendrissaient alors le cœur de la généreuse Europe.
Nos supérieurs généraux de Gand, répondant au
pressant appel de Sa Grandeur Mgr. Pelckmans,
Évêque de Lahore, envoyèrent vers cette contrée des
Sœurs de Charité, pour répandre les bienfaits des
œuvres de la Congrégation parmi les malheureux
indigènes.
C'était l'heure propice, pour recueillir des jeunes
filleset sauver des âmes du paganisme. La tendresse des
Indiens pour leurs enfants est extrême. Rien n'est plus
difficile que de les décider à s'en séparer. Mais la dé-
solation causée par la famine avait rendu bon nombre
d'enfants orphelines et abandonnées.
Au mois de Novembre 1897, en arrivant à Lahore,
ville épiscopale, 40 de ces pauvres petites nous
attendaient à l'orphelinat de St. Joseph. Cet institut,
cédé à la Mission par la générosité d'une Dame an-
^ i i^
42 DIX ANNÉES d'apostolat
glaise, fervente catholique, était spacieux, mais
presque nu à l'intérieur. Tout se fait encore à l'indi-
gène et pendant les premiers jours, cette manière
de vivre des Hindous , nous offrit un tableau très
pittoresque. A l'église on s'agenouille ou on s'assied
par terre. Au repas, même position orientale. Ici, la
fourchette d'Adam fonctionne à merveille dans un
plat de graines indigènes, si poivré qu'il enflamme-
rait le palais délicat de l'Européen. Cette fameuse
ratatouille ou potage est parfois remplacée par de la
viande, ou du riz, et toujours accompagnée de
petits pains que les enfants pétrissent elles-mêmes
de farine et d'eau, et qu'elles cuisent de la même
façon que les galettes en Belgique. On se couche sur
une natte étendue par terre ou suspendue à quatre j^-.
bâtons. En classe, on se groupe autour du maître p
au turban qui alors chante à tue-tête l'incompré-
hensible alphabet hindoustani, que le chœur des
fillettes répète bruyamment. Le langage bizarre
qui sortait des bouches de ces brunettes, nous est
devenu familier à présent, mais cela nous a coûté
bien des peines.
Dieu a réservé au cœur de la missionnaire, sevré
des plus légitimes et des plus innocentes joies de la
terre, une douceur qui lui rappelle sa patrie céleste.
Oh ! le bonheur de faire connaître et aimer Dieu
à l'enfant païen et de voir ses efforts couronnés
par quelque succès ! . . . La consolation de préparer
une première phalange de petites Indiennes au
banquet des anges nous récompensera amplement
des difficultés inhérentes aux débuts d'une mission.
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AU PU^DJAB 43
Cependant la famine ravageait de plus en plus les
villages dont les champs desséchés attendaient vai-
nement la pluie fécondante. D'autres victimes
vinrent nous demander un asile et du pain. Quel
spectacle ! Des squelettes vivants ! Couvertes de
plaies, de la gale, de la lèpre mêm.e, ces infortu-
nées enfants pouvaient à peine se soutenir, tant
avaient été grandes leurs privations ! L'orphelinat
se changea bientôt en hôpital; nous fûmes, pen-
dant de longs mois, au chevet de nos pauvres
orphelines malades et, malgré nos soins assidus,
nous ne parvînmes pas à les sauver toutes. Quelques
heures seulement après son entrée, une de ces
petites victimes succombait. Plusieurs autres la
^j suivirent de près, après avoir heureusement reçu L-
^ le baptême. -■■
A notre arrivée en Novembre, nous avions joui
du magnifique hiver indien, qui ressemble à un
{ printemps perpétuel. Les nuits étaient froides, mais
j les jours chauds. Sous un ciel toujours d'azur, l'œil
se reposait agréablement sur une terre couverte de
j bosquets, de verdure et sur des couronnes de fleurs
j variées. Mais le mois de Mai nous apporta les chaleurs
j excessives de l'été, et l'action des vents brûlants
détruisit sans pitié « ces fraîches beautés de la na-
ture, -n A cette époque, la communauté et l'orpheli-
nat souflrirent de la fièvre.
A part ces légères épreuves, la rosée des béné-
dictions célestes continua de descendre sur le champ
de nos labeurs. Douze autres de nos petites bru-
nettes, sauvées des horreurs de la faim et des
#5
44 DIX ANNÉES d'apostolat
ténèbres du paganisme, ont pu s'asseoir à la Ta-
ble-Sainte et nourrir leurs âmes innocentes du bon
Jésus.
Dans les commencements de l'année 1898, d'autres
sœurs vinrent d'Europe pour étendre notre œuvre
jusqu'aux jeunes filles européennes et eurasiennes, et
une nouvelle communauté se forma à Moultan.
Et maintenant, grâces à Dieu, notre cher orpheli-
nat présente un aspect plus riant et plus civilisé.
L'esprit du christianisme s'infiltre lentement et
exerce sûrement sa douce influence sur les mœurs de
ces enfants.
j Vous nïgnorez pas, ma chère Dame, combien
' les préjugés de castes sont enracinés dans le cœur
^-. des Indiens et les divisent profondément. Il faut
vous dire aussi que les différents métiers et cer- r
tains ouvrages étant le monopole d'une caste, l'or-
ganisation du travail laisse énormément à désirer.
Pour ces païens superstitieux, se prêter à des ou-
vrages qui ne sont pas de leur caste, ce serait une
dégradation dont la seule idée les fait trembler.
Il nous fut assez difficile, au commencement, de
faire comprendre à nos fillettes que ces préjugés
n'existent pas parmi les chrétiens et que le travail ne
déshonore personne. A présent, elles se rendent à
I toute besogne de gaieté de cœur. Chaque matin au
' nettoyage, c'est à qui pourra montrer à la Sœur, la
chambre la plus propre. Les habillements des enfants
sont confectionnés, raccommodés et lavés par elles.
Le jour de lavage est un jour de fête. Les laveuses
; sont groupées autour d'une citerne située en plein
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AU PUNDJAB 45
air. Le bruit des linges battus contre le bord de la
pierre est souvent accompagné de joyeux éclats de
rire ou de cris de surprise, quand une malicieuse
voisine vient d'arroser sa compagne d une fraîche
ondée.
Cette besogne ne s'achève jamais sans que le Rosaire
récité en commun ne supplie le Dieu des chrétiens
d'avoir pitié des millions de malheureux ensevelis
encore dans les ténèbres du paganisme. L'entretien
de nos enfants dépondant exclusivement de la charité,
il nous fallut bientôt chercher un moyen qui,
joint aux aumônes que la Divine Providence nous
procurait, pût pourvoir, en partie du moins, aux
besoins multiples de l'orphelinat. Xous le trouvâmes
dans la filature du coton et dans les ouvrages à j*-
l'aiguille. C'est ainsi qu'une partie des enfants
file le coton et la laine servant au tissage de magni-
fiques tapis persans fabriqués à l'orphelinat de
St. François ; les autres s'adonnent à la couture ou
au tricot. En outre, lorsque nous aurons la clientèle
de quelques dames européennes résidant aux Indes,
nous nous occuperons d'ouvrages de broderie et de
fantaisie au crochet et à l'aiguille. Trois des plus
grandes jeunes filles s'initient aux soins à donner
aux malades et à la préparation des médicaments à
l'hôpital dirigé par la pieuse dame catholique, qui
nous fit don des bâtiments de l'orphelinat, auquel
elle reste très dévouée. Afin d'assurer l'avenir de nos
enfants, l'enseignement de la langue anglaise fut
ajouté à celui de l'hindoustani. Depuis une année,
elles apprennent aussi le chant avec succès ; leurs
u.
46 DIX ANNÉES d'apostolat
jérémiades lentes et rauqiies ont très heureuse-
ment fait place, à force de patience et d'exercices, à
des chants bien rythmés, qui rehaussent beau-
coup les offices religieux célébrés en notre cha-
pelle servant d'église paroissiale à la Congrégation
indigène de Lahore. Si Dieu daiofue bénir nos
efforts, ces chères jeunes filles deviendront de fer-
ventes catholiques; la plupart se marieront et
formeront ainsi la souche d'une nouvelle génération
chrétienne.
Mais parmi les jeunes âmes que nous élevons, n'y
en aura-t-il aucune qui se consacrera à Dieu? Ce
serait là, lé comble de nos désirs.
Tel est, ma chère Dame, le résultat de nos pre-
^» miers travaux, résultat très consolant sous bien j;
des rapports. Cependant qu'il est petit, hélas! le
nombre d'âmes sauvées ! et qu'il est populeux le
monde païen qui nous entoure, et pour lequel nos
sacrifices demeurent stériles !... La prière peut
obtenir du Dieu Tout-Puissant que les obstacles dis-
paraissent et que la Foi se propage.
Mais il appartient encore aux âmes généreuses
de soutenir l'œuvre d'apostolat parmi les pauvres
filles de St. Vincent de Paul; permettez-moi, chère
Dame, de répéter ici ce cri que le besoin arrachait
im jour à notre illustre Père : « Nos enfants sont entre
les mains de la charité chrétienne, c'est à elle de
décider de leur sort ! « Les pauvres sœurs mission-
naires qui ont tout quitté sur terre, devront-elles,
manquant de moyens, abandonner leurs enfants? Pour
l'entretien d'une fille indigène, il ne faut pas beau-
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AU PUNDJAB 47
coup. Si des âmes charitables voulaient adopter nos
orphelines, cent francs suffiraient pour l'entretien
annuel d'une d'entre elles. Xous serions si heureuses
de leur envoyer le nom de baptême de leur protégée.
Mais plaidons, auprès des cœurs généreux et catho-
liques de la Belgique, la cause des pauvres déshé-
ritées de rinde idolâtre ; nous implorons la pitié des
riches en faveur des âmes qui se perdent et du zèle
des missionnaires qui reste impuissant, faute d'un
peu d'or. Ah! donnez donc, ne fermez pas l'oreille
à notre prière! De ces cent francs, pas un centime
ne sera perdu. Un Dieu infiniment riche et puissant
vous le rendra au centuple dans le séjour de l'éternel
bonheur.
i^^ En vous transmettant ces détails, trop longs peut- if-
être, sur la situation de notre pauvre orphelinat, au-
quel nous avons désormais voué notre existence, je
le recommande une dernière fois, bien humblement,
mais aussi bien ardemment, à votre inépuisable
charité.
Je reste en St. Vincent de Paul, ma chère
Madame X***,
Votre humble servante,
Sœur Vénardine.
Couvent des Sœurs de la Charité
Thornton Road,
Lahore.
K
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48 DIX ANNÉES d'apostolat
§. 5. — L'École et l'Église de St. Antoine de Padoue
à Lahore.
Quelques mois après Férection du Pundjab en
diocèse, avec Lahore comme siège épiscopal, une
grande partie du Nord en fut détachée et devint la
Préfecture apostolique de Cachemire et de Kaiiristan.
Par cette séparation, la Mission de Lahore se trouva
brusquement privée des belles institutions d'éduca-
tion destinées aux enfants européens des deux sexes
et fondées, à grands frais, par des Pères Capucins
italiens à Rawalpindi et à Marrec. Voici comment
MgrMouard, le premier Évêque du nouveau diocèse,
s'exprimait à cette occasion dans une lettre écrite en
Novembre 1889 à la propagation de la Foi (Lyon) :
«Le T. R. P. Marc de Faverges (Savoie), nommé Ad-
« ministrateur après que ^Igr Tosi eut donné sa dé-
^ mission, étant incertain de sa position et de celle des
« missionnaires, ne fit pas de nouvelles entreprises,
« mais il paya la partie de la dette de Mgr Tosi qui
" lui fut assignée, et son administration lui mérita
" les éloges du St. Siège. Je pris possession du siège
« de Lahore le 21 Mars, avec un renfort de quatre
« pères et quatre frères capucins de Belgique.
« Le dénûment du diocèse en fait d'institutions
« pour l'éducation de la jeunesse me glaça d'effroi.
" Je ne voyais autour de moi ni collège, ni orphelinat
« pour les garçons ; uniquement deux pensionnats de
" filles avec 50 élèves environ et un commencement
" d'orphelinat indigène avec six orphelines, v
Le nouveau diocèse de Lahore ne comptait donc,.
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AU PUNDJAB 49
dans toute son étendue aucun établissement scolaire
pour les garçons européens, anglo-indiens et eura-
siens. Le danger était grand pour cette partie de
notre jeunesse catholique ; car, à part quelques fa-
milles fortunées qui pouvaient envoyer leurs fils dans
d'autres diocèses, le plus grand nombre n'avait
d'autre alternative que de priver leurs enfants d'une
éducation chrétienne, ou de leur faire fréquenter
Tune ou l'autre des nombreuses écoles protestantes
qui pullullent dans la contrée. Cependant, cette
grave situation perdura jusqu'en 1892. Mgr. Sym-
phorien Mouard mourut; son successeur, Mgr. Em-
manuel Van Den Bosch, pressé par des embarras
d'argent, fit voile pour l'Europe peu de temps après
'*u sa consécration, afin d'aller recommander son pauvre
diocèse à la charité des catholiques de Belgique.
Mais, avant de quitter les rivages indiens, il
recommanda vivement à son Vicaire-Général, le
T. R. P. Godefroid, de mettre tout en œuvre pour
acquérir un terrain où l'on pût bâtir à bref délai une
école.
Il fut tenu bonne note de cette recommandation ;
et, à son retour d'Europe, Sa Grandeur eut la con-
solation d'inaugurer, dans une des deux maisons qui
avaient été achetées la première école catholique,
placée sous le patronage de St. Antoine de Padoue
et destinée aux garçons du diocèse. Trente-neuf élèves
y entrèrent presque immédiatement. L'institution
avait été fondée grâce à l'aumône ; ce fut encore
l'aumône qui dut la soutenir à travers bien des péri-
péties qui, plus d'une fois, menacèrent son existence.
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%* —
50 DÎX ANNEES D^APOSTOLAÏ
Car ce n'était pas chose facile que de la maintenir
au milieu de tant d'autres institutions patronnées
par le Gouvernement, et jouissant depuis longtemps
delà confiance des familles.
Nous étions donc arrivés les derniers, avec mille
chances d'insuccès, mais avec la ferme volonté de
réussir malgré tout et forts de notre sublime mandat.
Et l'école de St. Antoine fit des progrès. Elle
acquit avec le temps une réputation, qui lui valut
l'approbation du Gouvernement à la suite des
examens publics. Le nombre de nos élèves augmenta.
Les communautés dissidentes des protestants et des
parsis vinrent même solliciter l'admission de leurs
enfants. Peu après, le Gouvernement accorda un
subside mensuel à l'école, puis l'éleva successivement
du degré " d'École Moyenne « à celui " d'École Supé-
rieure » (High school), reconnue comme telle par
l'État. En 1898, l'Institution de St. Antoine, solide-
ment assise dans l'opinion publique, comptait
60 élèves, fréquentant régulièrement les huit classés
qui se partagent son enseignement; et le Gouverne-
ment, dans un rapport officiel, la plaçait au rang
des meilleurs établissements scolaires de la province
du Pundjab.
A l'heure actuelle, 75 enfants sont inscrits sur les
registres . Le corps enseignant se compose du Recteur
le R. P. Léon, assisté de 5 professeurs, deux pères et
trois laïques.
C'était déjà beaucoup , mais cependant, l'école ne
répondait encore qu'imparfaitement au but que l'on
cherchait à atteindre. Donner l'instruction et la
fTv
^ r ^ ^~
Au PUNDJAB 51
science à nos enfants, en les gardant des aberrations
d'un enseignement protestant, c'était bien; mais les
former aux vertus chrétiennes et tremper des
caractères, ce serait mieux encore. Sans doute, un
grand pas avait été franchi ; il en restait un second à
faire pour aboutir à la fondation d'un collège avec
internat et d'un orphelinat pour les pauvres enfants
européens et eurasiens, qui ont toujours été l'objet
de la paternelle sollicitude de Sa Grandeur.
La plupart des sacrifices resteront toujours vains,
si l'on ne peut, en ce pays, arracher l'enfant à
l'influence souvent empoisonnée du foyer domestique,
ou tout au moins en atténuer les effets. Un simple
, externat où l'enfant ne vient qu'aux heures de classe,
iSL ne suffit pas pour remédier à la négligence et à
"*] l'insouciance des parents. Puis, ne faut-il pas compter
j avec ces mille forces secrètes et morbides d'un
milieu païen, hérétique et corrompu, où l'enfant
catholique est appelé à grandir et où sa vertu et sa
foi sont sans cesse en péril ? Si l'on ne parvient pas à
posséder l'enfant complètement, comment sera-t-il
possible, dans un tel milieu, que les semences de
; bien jetées dans sa jeune âme germent, se déve-
loppent librement et portent des fruits ?
Lahore comptait trois orphelinats destinés aux
■; enfants indigènes des deux sexes et aux filles pauvres
! d'anglo-européens et d'eurasiens, mais aucun asile
n'existait pour recevoir les garçons orphelins
appartenant à ces deux dernières races. De sorte
que l'apostasie, ou une existence vouée, au mal,
s'offrait à ces petits malheureux, comme la seule
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52 DIX ANNEES D'APOSTOLAt
ressource pour échapper à la misère. Les recueillir
dans l'orphelinat indigène n'était pas possible; leurs
coutumes, et, il faut bien le dire, l'antipathie de
race sucée avec le lait de leurs mères, rendaient
cette fusion impraticable. Or, celui qui a ressenti
de la compassion pour une grande misère avec le
vif désir de la soulager, pourra comprendre
peut-être, l'anxiété qui assaillait Sa Grandeur devant
l'impuissance à sauverces âmes dévoyées et trompées,
dont on aurait pu faire des vases d'innocence et de
bonté, si un abri s'était ouvert à leur infortune. Et
cependant, si douloureusement que cette situation
pesât sur son cœur d'évôque et de père, Monseigneur
dut patienter et attendre que la Divine Pro"vidence
Js qui veille sur les petits des oiseaux, daignât lui fournir \p
les moyens de compléter l'Œuvre de St. Antoine, si
visiblement bénie par Elle.
Pendant deux ans la question d'un collège auquel
aurait été adjoint un orphelinat, se posa impérieuse-
ment devant ses responsabilités de Pasteur; mais la
solution. Monseigneur ne pouvait l'attendre que de
ses prières ardentes et continuelles auprès du
grand Thaumaturge de Padoue, qui a pour ses
fidèles une dilection spéciale. Ne nous devait-il
pas aide et protection, à nous qui sommes de sa
famille? St. Antoine a donc pris l'œuvre sous son
égide. L'école a fait son chemin: ce fut sa première
faveur. Le collège et l'orphelinat viennent enfin de
sortir de terre : ce fut sa seconde faveur. Grâces à
lui, en effet, deux dames catholiques belges dont la
piété et la charité marchent de pair, ont répondu
7%
AU PUNDJAB 53
aux vœux de Mgr Pelckmans et ont payé le terrain,
tandis qu'une autre dame d'Anvers a offert, avec
une modestie bien franciscaine, de couvrir toutes
les dépenses qu'entraînerait la construction des deux-
établissements. Et, le 1"" Janvier 1900, à l'aurore
du XX« siècle, Monseigneur a eu Timmense joie et
la profonde consolation de bénir les locaux. En ce
jour, son cœur paternel a été enfin soulagé des mor-
telles inquiétudes que le sort de ces jeunes âmes,
s'égarant, faute d'asile pour les recueillir, faisait
peser sur lui ; de plus, nous aurons tous la satis-
faction d'offrir, sous le patronage de St. Antoine de
Padoue. un refuge assuré à nos pauvres enfants
catholiques que la misère aurait fatalement perdus.
Mais une troisième faveur sans laquelle l'entreprise
ne produirait pas ses bienfaisants effets, reste à
obtenir.
Comment pourvoir à l'entretien des orphelins si
St. Antoine de Padoue n'insiste auprès de ses dévots
(et ils sont si nombreux en Belgique), s'il n'inspire à
linéiques âmes charitables la pensée et la volonté de
contribuer à l'entretien de nos pauvres pensionnaires?
Cette œuvre que nous leur recommandons, est
éminemment apostolique; car c'est faire acte d'apos-
tolat que d'aider par ses aumônes le missionnaire
à arracher des créatures au vice et à l'indigence,
pour en former des citoyens utiles à la société et des
saints pour le Ciel.
Il est temps que nous disions un mot de l'église de
St. Antoine de Padoue et des circonstances qui en
ont amené la construction. Depuis plusieurs années
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' 54 DIX ANNÉES d'apostolat
déjà, le besoin s'était fait sentir d'ériger à Lahore une
église dans le quartier du chemin de fer, fort éloi-
gné de la pro-cathédrale, afin d'offrir toute facilité
de remplir leurs devoirs aux catholiques obligés par
leurs relations avec la Compagnie du Nord-Ouest de
fixer leur domicile à proximité de la station. L'exé-
cution du projet s'imposait d'autant plus que la
population du quartier ■ était déjà considérable —
trois cents habitants environ — et qu'elle s'accrois-
sait sans cesse.
Combien parmi eux, découragés par la distance,
emj)êchés d'ailleurs par la chaleur intense de l'été
et trop pauvres pour se payer le luxe d'une voiture,
auraient fini par oublier le chemin de l'église et
^,'' tomber fatalement dans Tindifférence relio^ieuse,
voire même dans l'apostasie? Mais la Mission n'ayant
pas les fonds nécessaires pour réaliser immédiatement
l'entreprise. Mgr. Emmanuel Van den Bosch affecta
au service du culte une des deux maisons dont nous
avons parlé plus haut : une des plus grandes cham-
bres fut transformée en chapelle provisoire et le restef
servit de presbytère pour le prêtre. L'événement
prouva bientôt que si cette heureuse innovation ré-
pondait à une nécessité réelle, l'installation était
absolument insuffisante.
C'est pourquoi Mgr. Godefroid Pelckmans, succes-
seur de Mgr. Emmanuel Van den Bosch, se décida à
poursuivre l'exécution du premier projet. 11 s'adressa
à cet effet au Gouvernement pour obtenir un subside
j en faveur de l'érection d'une église proprement dite,
en lieu et place de cette chapelle provisoire dont
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AU PUNDJAB 55
les dimensions étroites ne pouvaient plus contenir la
foule des fidèles qui se pressait aux offices religieux .
Le Gouvernement protestant fit d'abord la sourde
oreille ; puis, il temporisa, traîna en longueur. Sa
Grandeur ne se découragea point ; Elle envoya péti-
tion sur pétition et, après quatre ans de négociations
et de pourparlers. Elle finit par triompher de l'inertie
des personnages officiels. L'on tomba d'accord sur
ces points : le Gouvernement payerait la moitié des
frais, etl'évêque catholique l'autre moitié. Bien que
le résultat eût dû être plus favorable après une si
longue lutte. Sa Grandeur en fut cependant satis-
faite et se mit aussitôt en campagne pour recueillir
les fonds nécessaires. Elle fit appel à toutes les géné-
^ rosités. Diverses souscriptions nous vinrent des
personnes qui s'intéressaient ici à l'œuvre; mais leurs
bonnes volontés n'y auraient pu suffire, si des bienfai-
teurs, et surtout deux insignes bienfaitrices de Belgi-
que, ne nous fussent venus en aide. A eux donc et à
elles, revient surtout l'honneur d'avoir doté la capi-
tale du Pundjab et la ville épiscopale d'un des plus
beaux joyaux d'église gothique qu'il y ait. Les
fonds étant réunis, les travaux furent commencés
incontinent en Juin 1898 et poussés avec une telle
I vigueur que le 19 Mars 1899 Sa Grandeur put en
j faire solennellement la bénédiction, et inaugurer le
I culte public par une messe pontificale célébrée au
j milieu d'une affluence nombreuse de fidèles.
Grâce au zèle et à l'activité de son Recteur, le R.P.
j Léon, la jeune paroisse est entrée dans une voie
I prospère. A la fraternité du Tiers-Ordre de St. Fran-
J
%i
56 DIX ANNÉES d'apostolat
çois qui fonctionne régulièrement depuis plus d'une
année et compte quinze membres profès et vingt
novices, vient d'être adjointe la corporation de
St. Antoine de Padoue, érigée canoniquement dans
la nouvelle église qui lui est dédiée. Ces deux frater-
nités produiront les plus grands fruits et favo-
riseront notamment la fréquentation des sacrements ;
elles feront circuler une sève plus abondante de vie
chrétienne dans les familles et, avec l'aide de l'œuvre
du Pain de St. Antoine, Dieu sera servi et aimé dans
ses pauvres.
§6. — Dispensaire de Ste-Élisabeth de Hongrie.
Avant de clore ce rapide aperçu sur les travaux
apostoliques accomplis à Lahore, il ne sera pas hors
de propos de parler d'une organisation, dont toute la
gloire est de rester pour ainsi dire ignorée, parce que
ses chances de succès réclament le voile du silence
et de lobscurité. Née d'hier, elle mérite déjà d'être
ajoutée à la série des moyens efficaces mis en action
pour renverser l'empire de Satan. Nous voulons
parler du Dispensaire de Ste-Élisabeth de Hongrie.
Passant en revue ce qui a été fait à Lahore pour le
bien des âmes, l'on n'a peut-être jjas remarqué que
toutes les institutions mentionnées ont été établies
extra muros . A l 'intérieur tout est intact et la supréma-
tie de Satan reste incontestée. Ni catholiques , ni protes-
tants n'ont pu, jusqu'ici, réussir à faire une trouée
pour y introduire la religion de Jésus-Christ. Diverses
causes expliquent plus ou moins cet échec. D'abord,
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AU PUNDJAB ' 57
l'Européen ne réside pas dans les villes indigènes.
Lïnsalubrité de la cité où les chaleurs excessives
provoquent toujours l'une ou l'autre maladie épidé-
mique ; les rivalités jalouses de caste et les haines de
religion, et partant le danger pour l'homme blanc
de vivre côte à côte avec les sectateurs du Croissant
ou les adorateurs de la Trimourti qui étalent effronté-
ment leurs cultes fanatiques et superstitieux; puis
encore la différence radicale des coutumes : tout cela
rend un tel séjour désagréable et des plus périlleux.
tant pour le bien-être physique que pour la mora-
lité des races occidentales. Ajoutez-y la difficulté
d'acquérir un bout de terrain là où chaque pied carré
est disputé à outrance, là où grouille une population
de 159,597 habitants fixés sur une superficie de
280 hectares, population toujours croissante dans
une enceinte restant invariablement la même.
Au regard illuminé des clartés de la foi, Lahore
apparaît comme la vraie forteresse de Satan ; c'est
l'impression qu'elle produit sur le chrétien. Que
vous la considériez dans son apparence extérieure
où que vous cherchiez à étudier les dessous de cette
fourmilière humaine, c'est le désordre qui la 'carac-
térise.Imaginez-vous une agglomération de construc-
tions des plus bizarres et des plus irrégulières,
entassées les unes sur les autres, traversées de rues
tortueuses, étroites et obscures, encombrées d'im-
mondices qui exhalent des odeurs pestilentielles ;
une ville coupée de centaines d'impasses où hommes
et animaux vivent pêle-mêle dans une repoussante
malpropreté ; des demeures qui sont plutôt des antres
T^ —
■±
%i
58 DIX ANNÉES d'apostolat
et où la lumière du soleil ne pénètre jamais: voilà
l'aspect de cette cité fameuse dans l'histoire. Dans
ces taudis sans air, végètent des milliers d'êtres
humains qui ne franchissent jamais les murs d'en-
ceinte; les bas-fonds de l'immoralité, de la perversité
et de la malice s'étalent avec un cynisme révoltant
dans ce milieu qui, placé sous- le sceptre tyrannique
du prince des ténèbres, échappe à l'action de la loi,
comme à celle des rayons du soleil. La ville est
couverte de mosquées grandes et petites, de pagodes
et de sanctuaires, où Mahomet et les bons et les
mauvais génies des divinités hindoues reçoivent les !
hommages avilissants de milliers d'âmes faites pour-
tant à l'image de Dieu. Il est douteux que jamais une
créature vivant dans ce mélange d'Hindous et de .,
Mahométans qui forment toute la population de f*'
Lahore, ait été régénérée dans les eaux du baptême. ■
Telle était la formidable cidatelle de Satan qui se
dressa devant les yetix d'apôtre de Mgr Pelckmans,
lorsqu'il prit possession du siège épiscopal. L'ennemi
était là, là surtout, fort d'une domination et d'un
règne qui se perdent dans la nuit des temps et qu'on
ne lui avait jamais disputés. Il fallait chercher à l'en
déloger à tout prix. Monseigneur comprit que devant
un tel antagoniste, les seuls moyens ordinaires abou-
tiraient à un misérable échec. Il en conféra longue-
ment avec son Excellence Mgr. Zaleski, Délégué
Apostolique aux Indes, lors de son passage à Lahore.
Mgr Zaleski lui suggéra d'user d'armes en apparence |
faibles pour renverser ce qui était si redoutable, !
«Créez l'œuvre des baptiseuses,lui dit-il, telle qu'elle
7% i^
AU PUNDJAB 59
fonctionne admirablement- dans les diocèses du
Sud dé rinde. Faites pénétrer des religieuses ou
des femmes sûres et dévouées, qui éveilleront peu
l'attention, au sein de ces foyers inaccessibles au
prêtre catholique: par Tappât des médicaments,
attirez les mères qui ne se séparent jamais de leur
progéniture; vous aurez ainsi l'occasion de baptiser
de nombreux enfants mourants, tout en cherchant à
soulager leurs souffrances corporelles. Mais usez
d'une extrême prudence. "
Après mûre délibération et après s'être rendu dans
les Missions indiquées par Son Excellence pour
étudier sur place l'organisation de l'œuvre des bapti-
seuses, fort de la bénédiction du représentant du
Pape, il élabora son plan et attendit une occasion
propice pour le réaliser. Comme il croyait pouvoir
compter sur le concours d'une dame docteur, Mgr,
se proposait d'ouvrir, au centre de la cité, un dis-
pensaire où des religieuses hospitalières s'exerce-
raient à la préparation des médicaments et à Tap-
plication des remèdes, où elles feraient, en un mot,
leur apprentissage d'infirmières.
Les événements servirent providentiellement ses
desseins. Non seulement la dame docteur dont nous
avons signalé, précédemment déjà, la conversion,
offrit ses services; mais, de plus, elle supplia l'Evêque
de lui permettre de renoncer au monde pour se
consacrer tout entière à Dieu. D'autre part, à la
suite du transfert de l'orphelinat de St. Joseph, des
sœurs expérimentées, venues de Belgique avaient pris
la direction de cet établissement : de sorte que Mgr.
^I ^w
60 DIX ANNÉES d'apostolat
pouvait trouver en elles les auxiliaires indispensables
à l'exécution de son projet.
Il restait à résoudre la question du local. Ce n'était
pas la moindre. Car il fallait, pour réussir, s'instal-
ler en pleine ville, où se présentait rarement l'occa-
sion d'opérer une acquisition. Elle s'offrit cependant:
par l'intermédiaire d'agents sûrs — il ne fallait pas
éveiller les soupçons des Musulmans et des Hindous,
— Mgr acheta, le 23 février 1897, une petite pro-
priété située au centre de Lahore. Les frais en furent
couverts par une généreuse bienfaitrice.
Tous les obstacles étant aplanis, l'œuvre fut fon-
dée. Elle fut placée sous le vocable de Ste Elisabeth
de Hongrie, cette sublime protectrice de ceux qui
^^ souffrent. J^;
Le dispensaire fut ouvert, et bientôt, les mal- '^
heureux y affluèrent. Depuis, on y reçoit, par jour,
une moyenne de 60 à 100 femmes et enfants qui sont
traités gratuitement.
Mais si les misères corporelles sont grandes, les
misères spirituelles le sont davantage encore. La solli-
citude des religieuses s'étend aux unes et aux autres.
Grâce à leur admirable dévouement, à leurs soins
infatigables, elles ne tardent pas à gagner la con-
fiance et la gratitude des mères. Et c'est ainsi qu'elles
parviennent à administrer le baptême à des centaines
d'enfants païens, voués à une mort certaine et à qui
Dieu ouvre ses demeures éternelles, où ils vont
plaider la cause de leurs malheureux frères aînés et
prier pour leur conversion.
La forteresse de Satan est donc menacée de toutes
•?"
r%?
— I ■ -^^ .
f
AU PUNDJAB 61
parts: là-haut, par Tavant-garde des jeunes âmes
régénérées dans les eaux sacramentelles; ici, par -
les armes de la charité.
Pourrait-elle résister longtemps à pareil assaut ?
Encouragée par ce premier succès, Sa Grandeur
résolut d'étendre à tous les centres de Missions l'or-
ganisation des dispensaires. Déjà, des essais ont été
tentés à Adah et à Sahowala par les missionnaires,
en attendant que dés religieuses puissent y être
envoyées.
La nouvelle Mission de Dalwal, qui sera ouverte
le 1^^ Janvier 1900, sera également dotée d'un éta-
blissement similaire.
Qu'il nous soit permis, en terminant ce chapitre,
d'insister sur llmportauce des services rendus à }*
l'institution, d'abord par la dame-docteur qui la
dirige à Lahore et ensuite, par les reUgieuses qui la j
secondent. Faibles aux yeux des hommes, elles sont i
fortes aux yeux de Dieu par les belles vertus dont
elles font preuve, et dont l'action ébranle la souverai-
neté de l'esprit des ténèbres et mine son œuvre
séculaire.
K
J^
.•jt
^3
^ va
CHAPITRE SECOXD.
_ — . — ^^^
JORSQUE la Province belge des Capucins prit
^,^F>M possession du diocèse de Lahore, il n'existait
aucune station dont le but immédiat fût la conversion
des indigènes.
Les premiers missionnaires belges, arrivés en
Mars 1889, se livraient avec ardeur, sous la direc-.
tion de Mgr Mouard, à l'étude des langues anglaise
et hindoustani. Ils se préparaient par le travail, et
i aussi ])ar la prière, à ouvrir une brèche dans la V^
place que commandait Satan, représenté par Maho-
met et Yichnou. La prière, encore et toujours !
n'est-elle pas le moyen par excellence pour obtenir
du Seigneur qu'il nous éclaire sur la voie à suivre?
Jusqu'alors, aucune voix évangélique ne s'était fait
entendre dans ce milieu de sectateurs. Une occasion
favorable surgit vers le milieu du mois de Juin, dans
le district de Sialkot, choisi par la divine Providence
pour recevoir les premières semences de la bonne
parole.
Le Pi. P. Clément de Bassano (Italie) occupait, à
cette époque, le poste de Chapelain militaire à
Sialkot, petite ville située sur la rive gauche du
Tchennah, à 30 lieues environ au nord de Lahore.
Mgr s'y était transporté pour administrer la confir-
"A
■'A
PQ
r' ♦^
-5^
AU PrXDJAB 63
mation aux enfants des Européens et à quelques
soldats anglais. )1 reçut, en cette circonstance, la
visite d'un Hindou, catéchiste presbytérien, très
influent, qui avait eu de fréquentes entrevues avec le
zélé chapelain. Ces entrevues avaient produit leurs
fruits : cet Hindou se présentait, en effet, pour
abjurer le protestantisme et faire profession de notre
sainte Foi.
Mais Mgr, toujours prudent, voulait avoir des
preuves de la sincérité des sentiments du nouveau
converti. Il lui enjoignit donc, avant de l'admettre
au saint baptême, d'aller prêcher la vraie doctrine
là où il avait répandu Terreur.
Quelques semaines après, quelle ne fut pas l'agréa-
ble surprise du P. Clément en voyant sa demeure
envahie par les chefs des villages, par où avait passé le
nouveau propagandiste ! Sa Grandeur, informée de
l'événement, s'en réjouit et remercia le Seigneur de
lui avoir manifesté si clairement ses desseins. Elle
résolut donc de choisir Sialkot comme centre des
premiers travaux évangéliques à entreprendre, et
Elle y envoya les RR. PP. Godelroid, Liévin et
Engelbert, ainsi que les chers frères Constant, Paul
et Martin.
Rudes travaux, s'il en fut! Que de déceptions et de
mécomptes, que de privations et de souffrances de
toute nature étaient réservés aux vaillants mission-
naires !
Sous un soleil brûlant, il leur fallait parcourir, à
cheval parfois, mais le plus souvent à pied, des localités
distantes de 5 à 12 lieues de Sialkot. A la saison des
'M ^
64 DIX ANNÉES d'apostolat
pluies, alors que chemins et terres sont inondés, ils
étaient obligés d'ôter leurs vêtements et de faire,
plongés dans Peau jusqu'à la ceinture, un ou plusieurs
milles. Le soir, accablés par la faim et la fatigue,
ils devaient se contenter d'un maigre repas, d'un peu
de riz cuit à l'eau, que de braves gens — Dieu en a
mis partout ! — leur offraient. Et pour se reposer, un
" charpail « ou lit indigène, disposé sous un grand
arbre, autour duquel les indigènes, attirés par la
curiosité, venaient s'attrouper bruyants, malpropres!
Ils réussirent néanmoins, au cours de leur pacifique
croisade, à établir trois quartiers généraux d'où ils
rayonnaient dans les localités voisines, et où ils célé-
braient les mystères du culte. Mais ici encore,
^i(^ quelle indigence extrême! Une misérable hutte de J«
terre, tel était leur asile à Adah, à Sahowala et à
Daoki.
Cependant, les courageux missionnaires allaient tou-
jours, soutenus par l'exemple du Christ qui n'avait
pas même une pierre pour reposer sa tête. Secondés
par des catéchistes qu'ils avaient convertis, ils provo-
quèrent, parmi les populations, un mouvement qui
leur parut providentiel : plus de 80 villages vinrent
à eux. C'était une nouvelle épreuve à ajouter à tant
d'autres, mais plus terrible, plus désespérante!
Le succès, en effet, n'était qu'apparent, parce
qu'il avait été préparé par quelques catéchumènes,
faux convertis et instruments de Satan, qui ne fai-
saient preuve de zèle — les événements le démon-
trèrent — que pour assouvir leur basse cupidité.
Incapables d'ailleurs de supporter la vie de sacrifices
1^.
s^
AU PrXDJAB 05
qu'impose notre sainte religion à ceux (jui veulent
s'en constituer les apôtres, ces catéchumènes ne tar-
dèrent pas à retourner à leur existence d'autan.
Toutefois, les missionnaires purent administrer un
assez grand nombre de l^aptèmes et former ainsi le
premier noyau de chrétiens dans le district de
Sialkot. Mais l'abominable conduite des catéchistes
eut des consén[uences funestes pour l'avenir : elle
pamlysa le mouvement vers le catholicisme ; d'autres
défections se produisirent, et Tinfluence du mission-
naire en fut gravement compromise.
Il faut encore noter que la versalité des Orientaux
est grande et que rinterêt matériel est le mobile
essentiel de leurs actes.
La plupart des villageois que les pères croyaient
-*{ avoir gagnés à la sainte cause, n'échappaient pas à
la règle générale. Une religion qui a inscrit à la
première page de son code : ~ Bienheureux les
pauvres! « et qui ne pouvait, par conséquent, leur
offrir des avantages temporels, devait être aban-
donnée pour celle de ministres sectaires qui avaient
habilement exploité, à leur profit, les défauts et les
passions des indigènes.
Mais le véritable serviteur du Christ ne se laisse
jamais abattre, ni rebuter. Son zèle s'accroît en raison
des diflicultés, et son courage en proi^ortion des
épreuves.
Xos missionnaires continuèrent donc à se dévouer
à leur œuvre. Ils se fixèrent auprès de leurs nouveaux
chrétiens, sur qui ils veillèrent avec une inlassable
sollicitude. Ils s'efforcèrent de raffermir leur foi
f
jp^.
1^ 5 fe
É^ ^
66 DIX ANNÉES d'apostolat
encore chancelante. Tar la douceur dont ils firent
preuve, parles marques de dévouement qu'ils pro-
diguèrent aux malades et par leurs multiples té-
moignages de charité aux plus pauvres d'entre eux,
ils combattirent llndiftérence et tâchèrent de rame-
ner au bercail les brebis qui s'en étaient éloignées par
ignorance des bienfaits de notre sainte religion.
Un événement, amené ^^ar d'impérieuses circon-
stances, faillit compromettre définitivement les
résultats de tant de labeurs et de tant d'efforts. Le
nombre des pionniers de la Foi dut. en ce vaste
district, être réduit à un père assisté dun frère lai,
tous deux résidant à Adah. Il se conçoit qu'à partir
de ce moment, les visites dans les villaoes éloiofués
•,, furent très rares tt (lue la situation, florissante au
début, devint bieutcjt précaire. Elle s'aggrava encore T^
au cours des années 18!i0 à 1894, et ce à un degré
tel (jne Mgr. Pelckmins, qui avait consacré à l'entre-
prise toute son activité, fut sur le point d'abandonner
à son triste sort cette ingrate population.
Mais avant de prendre cette urave décision. Mofr.
voulut tenter un dernier et suprême efîbrt.
Le R. P. Edmond dut, pour des raisons de santé,
retourner en Europe. Il fut remplacé par le R. P.
Vincent, qui se rendit à Adah pour constater si tout
espoir était perdu.
Dieu soit loué! les appréhensions de l'envoyé de
Mgr. ne se réalisèrent point; l'épreuve à laquelle
la Providence avait soumis les vaillants missionnai-
res, paraissait devoir prendre fin.
Vers le commeucement de l'année 1895, les chré-
^T% .
-1^.
AU PUNDJAB 67
tiens du district manifestèrent de meilleures disposi-
tions, ouvrant enfin les yeux devant l'admirable
spectacle de dévouement dont ils étaient témoins
depuis cinq ans. Touchés par tant d'abnégation,
éclairés soudain par la lumière divine, ils compri- j
rent que le missionnaire ne voulait que leur bien en '
travaillant à les débarrasser du joug des protestants
et des presbytériens. C'était le réveil de la foi qui
s'annonçait.
Le revirement qui supérait et dont le père Vincent
suivait attentivement les progrès, aboutit à un
résultat d'une portée considérable: l'école, qui, faut-
il le dire, avait été délaissée, se repeupla. Ainsi, le
missionnaire pouvait s'attacher de nouveau à son
:f œuvre de préddection: préparer les jeunes généra- .f^
^ tions à la vie chrétienne. *"
I
Pas n'est besoin de démontrer l'importance capi- :
taie de cette préparation. Un axiome est au-dessus
d'une démonstration. Nous ouvrirons seulement une
parenthèse pour rappeler qu'aux Indes, plus qu'ail-
leurs, on rencontre d'énormes difficultés pour modi-
fier la mentalité de l'homme mûr, et surtout pour
extirper ses préjugés d'enfance.
Suivons maintenant le 11. P.- Vincent.
Tout en s'appliquant à inculquer les vérités fonda-
mentales aux enfants dont le nombre ne cessait de
s'accroître, il tâchait de les former aux habitudes
de prière et d'assiduité à remplir leurs devoirs de
jeunes chrétiens. Puis, il les prépara peu à peu à
recevoir le sacrement de Pénitence. Et ce fut ainsi
qu'il eut la consolation, grâce à sa science d'évangé-
i^
68 DIX ANNÉES d'apostolat
liste et à son zèle infagitable, de faire, le jour de la
Pentecôte de cette même année, la première commu-
nion à dix de S3S élèves les plus intelligents et les
mieux disposés. Jour d'allégresse indicible, qui com-
pensa largement des cruelles déceptions et des
amertumes du passé! Touchante cérémonie, qui fit
verser des larmes de joie et produisit sur les parents
une profonde impression !
C'était un réel succès, précurseur d'autres.
L'exemple des enfants, n'est-il pas vrai, exerce
une grande influence sur la famille. Il fut, pour le
diligent missionnaire, un puissant facteur pour s'in-
troduire près des parents. Mais, l'action de la grâce
dont ils avaient abusé une première fois, se manifesta
^\ lentement. Néanmoins, plusieurs adultes purent être ypt
admis à la Table Sainte. De sorte qu'il fut distribué,
pendant Tannée 1898, mille communions aux
chrétiens de la seule mission d'Adah.
La conversion devait-elle être durable, cette fois ?
Des indices qui trompent rarement et des faits des
plus significatifs, semblaient corroborer nos espé-
rances. Xous noterons: l'assistance régulière à la
sainte messe, — Tattitude édifiante des nouveaux
chrétiens pendant les offices, — leur empressement
à appeler le prêtre au chevet des malades, — et enfin,
rintérêt, sans cesse croissant, (pie les parents por-
taient à l'institution scolaire.
Le missionnaire puisait, dans ces manifestations de
fidélité, de précieux encouragements. Quelque chose
l'inquiétait encore cependant. Il est difficile, avons-
nous déjà dit, d'aiTacher les Indiens à leurs prati-
7%
\1 ; t3
"^c — ^
AU PUNDJAB 69
ques superstitieuses, et il en reste des traces, même
chez ceux qui se convertissent le plus sincèrement.
Les en détacher complètement, serait-ce possible,
se demandait avec appréhension le pionnier de la
Foi?,
Si donc la première étape vers le but à atteindre
était franchie, une seconde s'ouvrait, moins hérissée
peut-être (j^ue la précédente d'épines et de ronces, en
tout cas, plus lente à parcourir. Un retour aux er-
reurs du passé ne paraissait plus à craindre ; mais
marquer le pas, se maintenir dans les positions con-
quises, ce n'était pas assez; il fallait avancer dans le
chemin de la vertu et par conséquent, le déblayer
des vestiges de préjugés (j^ui l'encombraient encore.
Nos braves missionnaires s'attelèrent à cette nou-
^ velle tâche. Par leur vigilance toujours en éveil, ils
prévinrent les rechutes ; par leur grande ténacité et
leur patience admirable, ils surmontèrent les der-
niers obstacles qui se dressaient sur la route. Ce fut
long, pénible, ardu. C'est ainsi que plus de sept ans
s'écoulèrent avant de pouvoir procéder au premier
enterrement religieux. L'opiniâtreté des indigènes,
en matière de sépulture, semblait irréductible, tant
étaient invétérées les coutumes issues de leurs ridi-
cules croyances quant à la tin dernière.
Ce ne fut qu'à dater de 1897 que le P. Vincent eut
réellement de l'espoir dans le succès de sa campagne.
Et encore, bien que les parents assistassent au ser-
vice célébré à l'église pour leur défunt, ils manifes-
tèrent souvent des velléités de s'emparer du corps
pour l'inhumer à leur façon. Le père devait parle-
#5
Pi
^ %^
!
I 70 DIX ANNÉES d'apostolat
iiienter; et, s'il n'av^ait montré de Téuergie et de la
fermeté, ils seraient retournés à leurs sottes sima-
grées. Aujourd'hui, la partie est gagnée ; l'opposition
a cessé, et les enterrements se font d'après le rituel
romain .
De même pour les mariages. Que de difficultés, ici
encore ! En réalité, le mariage n'était qii'un ignoble
trafic entre les pareîits qui se laissaient guider par
leurs seuls intérêts matériels, sans se préoccuper du
sort de leurs enfants. Presque toujours, la jeune fille
était liv^rée, ou plutôt vendue, à un jeune homme
qu'elle n'avait jamais vu. On ne la consultait point,
on faisait fi de ses droits. De là, des unions les plus
j malheureuses, des scandales sans nom qui affligeaient
'^^ vivement le cœur du missionnaire. Ses sages avis wSi
'' i étaient méconnus; son intervention se buttait aux
! obstacles suscités par la cupidité la plus infâme, la
spéculation la plus éhontée. Mais, vers le milieu de
l'année 1898, il se produisit un événement sensa-
tionnel : une jeune fille épousa un jeune homme
de son choix, malgré la formidable opposition des
parents. Cela fit grand l)ruit. On eût dit qu'on se
trouvait à la veille d'une révolution. Et peu s'en fal-
j lut que l'événement n'ébranlât les bases mêmes
de notre entreprise. Heureusement, la fièvre se
calma, grâce à la prudente intervention du R.P. dont
la voix fut enfin écoutée. Les indigènes finirent par
comprendre que les réformes qu'il voulait intro-
duire, avaient pour but leur bonheur temporel et
I leur félicité éternelle. La situation que nous venons
d'esquisser, présentait, certes, des aléas; et, malgré
-À ^ ?%
S#
AU PUNDJAB 71
les résultats obtenus*, nos Ijien-aimés lecteurs pour-
raient se poser à nouveau la question de savoir si la
stabilité de l'œuvre était définitivement assurée.
Nous avons déjà insisté sur les faits favorables à
nos espérances. Si nous v revenons, ce n'est pas pour
les signaler de rechef, mais pour constater qu'ils ont
perduré, et que d'autres circonstances tendent égale-
ment à raffermir notre conviction. A côté de l'intérêt
toujours plus vif que les Indiens portent à notre
institution scolaire, nous plaçons la respectueuse et
réelle affection qu'ils témoignent au prêtre catho-
li(j[ue. bien qu'il combatte impitoyablement les
préjugés de leur race et soit continuellement en butte
aux calomnies des ministres presbytériens. Ceux-ci
ont. en outre, employé tous les moyens pour provo-
quer la désertion da nos pauvres catéchumènes ;
mais, cette fois, ils n'ont pas réussi.
Dis lors, ne nous est-il pas permis d'envisager
l'avenir avec une grande confiance? Dieu est avec
nous, Il protège visiblement l'œuvre, sinon elle
n'aurait pas résisté aux difficultés sans nombre que
ses ennemis lui suscitèrent, et notamment à l'infâme
trahison des catéchistes que nous avons relatée.
Dieu veille donc sur la mission ^d'Adah. dont il a
éloigné les agents de Satan. Des Judas étaient dans
la place : mais leur défection produisit l'effet con-
traire à celui qu'ils en attendaient : ils voulaient notre
perte, et ils préparèrent notre salut ! Ils espéraient
nous chasser, et nous nous maintînmes plus solide-
ment sur le terrain qu'ils avaient miné pour mieux nous
faii'e sauter. L'intervention divine était manifeste.
%^
72 DIX ANÎÎÉES d'apostolat
Aussi M.^T. Pelckmans n'hésita plus à améliorer
les installations primitives de la Mission. Les trop
modestes constructions en briques cuites au soleil, qui
servaient d'église et de presbytère, furent rempla-
cées par un " bungalow v où trois missionnaires
pouvaient se loger. Une des chambres fut érigée
provisoirement en chapelle, et la vérandah y atte-
nante, en corps d'église, afin de pouvoir admettre
un plus grand nombre de fidèles aux off"ices. Et tout
cela en attendant; car le nouvel asile, bien qu'il fût
mieux approprié et plus spacieux que le précédent,
ne répondait encore qu'imparfaitement aux exigen-
ces de la cono-réoation dont le nombre de membres
devait être augmenté,
•j Un nouveau projet, réunissant toutes les conditions .g))
^P désirables, fut conçu et adopté. On le fit exécu- i^
ter sans tarder, et la première pierre de la nouvelle
église fut bénite et posée solennellement au mois de
Janvier 1897, par Mgr. l'Évêque, assisté de son
Vicaire général, le T. R. P. Edouard. Grâce à l'acti-
vité et à l'intelligence que le R. P. Vincent déploya
dans la direction des travaux, l'édifice s'éleva rapi-
dement et put être livré au culte au mois de Mai de la
même année.
La Mission possédait enfin sa première église, dans
un centre essentiellement indigène. Le 18 Mai, S. G.
entourée de nombreux missionnaires, procéda à la
bénédiction solennelle de l'édifice au milieu d'un im-
posant concours d'indigènes, chrétiens et autres,
attirés pur la nouveauté de la cérémonie. L'église fut
placée sous le vocable de Notre-Dame du Mont-Car-
?% ■
4^2
AU PUNDJAB 73
mel. avec, comme patron secondaire, le glorieux
martyr de notre ordre, St. Fidèle de Sigmaringue.
Située à quelques pas du presbytère, dans l'enclos de
la Mission, elle mesure 50 pieds de long sur 20 de
large et appartient au style gothique.
L'église bâtie, le village d'Adah a pris toutes les
allures d'une paroisse en règle. La cloche appelle
chaque jour les fidèles au service diviit, égrecant
ses joyeuses notes sur les environs, où elle proclame
l'existence d'un Dieu souverain et d'une sainte j-eli-
gion toute de paix et d'amour. Rien ne manque au
lonctionnemebt régulier de la nouvelle paroisse.
Chaque dimanche, les confessions sont entendues et
la sainte Communion distribuée à un bon nombre
■^ de chrétiens. La messe paroissiale est célébrée avec [,
-^ chant et la bénédiction du St. Sacrement clôture '-^
dans l'après-diner le jour du Seigneur, inconnu au-
trefois au sein de cette population païenne. Les fêtes
solennelles de Xotre Seigneur, de la Ste. Vieroe. de
St. Joseph, de St. François sont célébrées avec
pompe ; et le résultat le plus consolant de notre
propagande, c'est de voir tous les convertis s'appro-
cher de la Ste Table. Les efforts persévérants du
Père Vincent ont aussi triomphé des difficultés
qu'éprouve l'ouïe des indigènes à s'approprier l'har-
monie de notre musique. A force de patience, il est
parvenu à faire apprendre aux enfants les chants
de la sainte messe, ainsi que les hymnes nécessaires
pour la bénédiction du St. Sacrement.
A côté de l'église, et comme complément indis-
pensable de toute Mission bien comprise, se dresse
^Î^I %> .
74 DIX ANNÉES d'apostolat
l'école. Les garçons d"im côté, les tilles de l'autre,
au nombre de 40 à 50 en été. de 80 à 90 en hiver,
instruits chaque jour dans la science de la religion,
aussi bien que dans les éléments de la lecture et de
l'écriture en urdu. Vers le milieu du jour, on leur sert
I des " chapaties » avec un bon plat de riz. atin de les
i préserver autant que possible du vagabondage et de
I l'influence pernicieuse du dehors, i/émulation est
entretenue par une distribution annuelle d'habits à
ceux qui ont fréquenté le plus régulièrement l'école
et observé le règlement. Avant de terminer cette
courte notice sur le premier essai d'apostolat auprès
! des indigènes de notre diocèse. mentionnons quelques
chiiïres qui donneront une idée d'ensemble des pro-
^ grès réalisés dans ce centre : 446 baptêmes ont été r^^.
'•^ administrés depuis l'ouverture de la mission, 49 ^
chrétiens ont reçu le Sacrement de Confirmation et
j le prêtre a pu bénir une trentaine de mariages. Cette
année. 1319 communions ont été distribuées. La
population des chrétiens et des catéchumènes dis-
séminés dans les différents villages qui se rattachent
à la mission peut se répartir comme suit:
Chrétiens baptisés Catéchumènes
Adah
71
Béer
59
iSeju Kula
30
Chelitpur
11
Daoki
15
Piro Chak
2
Punj gran
14
202
environ
40
..
35
~
20
r>
20
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AU PU^DJAB 75
Il im^oorte' d'ajouter que plusieurs autres villages
païens ont également réclamé le ministère du prêtre-,
mais que le nombre trop restreint d'ouvriers évan-
géliques n"a pas permis d'assurer le service comme
il conviendrait. Dès qu un ou deux prêtres pourront
être envoyés pour renforcer la congrégation, il n'est
pas à douter que l'influence de notre Ste. Religion
ne s'étende considérablement aux alentours.
Un petit dispensaire a été ouvert au presbytère ;
et tandis que le missionnaire essaie de guérir les
maladies du cor])S, il ne néglige pas de baptiser les
enfants que les parents païens lui apportent mou-
rants, dans l'espérance que la science médicale du
Père en laquelle ils ont une confiance illimitée, les
ramènera à la santé. Heureuse confiance qui o'^'re i*-
ainsi au vrai médecin des âmes l'occasion de sauver
pour l'éternité ces petits êtres qui, sans son con-
cours, n'auraient jamais contemplé la face de Dieu !
Concluons donc qu'étant données les entraves par
lesquelles la secte presbytérienne a cherché à enra-
yer notre œuvre et voiré même à l'anéantir, les
succès obtenus, eu égard au personnel restreint et à
la modicité de nos ressources.nous permettent d'avoir
foi en l'avenir. Le même travail qui s'opère à Adah,
pourrait s'accomjDlir dans tout le district de Sialkot,
partout oïl se rencontre cette classe de pau^'res gens
que Dieu semble avoir voulu appeler les premiers à
la connaissance de la sainte religion, si nous dispo-
sions d'un personnel plus nombreux et de ressources
suffisantes pour établir des écoles et organiser l'ensei-
gnement du catéchisme dans tous les villages. Nous
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DIX ANNEES 'D'APOSTOLAT
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travaillons déjà à préparer les enùints les plus intel-
ligents et les plus aptes à remplir un jour leslbnctions
de catéchistes, en attendant que notre chère Province
nous envoie un rentort d'ouvriers pour défricher, sur
une plus grande étendue, le champ évangélique. Et
qui nous fournira aussi les moyens de créer un petit
hôpital pour recevoir nos chrétiens malades, les
soigner et les aider à bien mourir? Pour cette œuvre,
non moins que pour l'éducation des tilles, le concours
de trois ou quatre religieuses serait indispensable.
Nous comblerions ainsi une grande lacunq dont nous
souffrons depuis le début, et. à laquelle les circon-
stances difficiles que la Mission a eu à traverser,
n'ont point permis de remédier.
Nous avons le ferme espoir qu'il sera pourvu bien-
tôt à ces besoins. Xos bienfaiteurs, touchés de la
profonde misère dans laquelle nos chrétiens gémis-
sent depuis leur enfance, continueront, nous n'en
doutons nullement, à nous prêter leur précieuxappui
sans lequel nos efforts seraient vains.
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3 CHAPITRE TROISIÈME. Ç
*?^ Fondation de la colonie chrétien ne ç
■" i de Mariabad. |J"
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X Jan\àer l«î)i^, Mgr. Emmanuel Van Den
I)Osch, nouvellement promu à Tévêché de
Laliore, faisait sa première tournée pastorale dans
les lointains villages du district de Sialkot.
Sa Grandeur constata une situation lamentable.
Les missionnaires rencontraient des difficultés exces-
sives et devaient s'imposer les plus lourds sacrifices.
Les chrétiens, plono-és dans une misère noire, étaient
■9ÛJ . ...
•^ asservis à dïmpitovables propriétaires musulmans.
Délivrer ce.s malheureux de l'oppression sous la-
quelle ils étaient courl)és. leur lournir des moyens de
subsistance et pourvoir en même tsmps à leur in-
struction religieuse. n*était-cp ])as ce qu'il fallait
tenter de réaliser au plus tôt?
Mais l'application de cette idée généreuse et fé-
conde exigeait des dépenses considérables auxquelles
le budget de la Mission, très réduit à ce moment, ne
permettait pas de faire face. Il faïkit donc attendre
des temps meilleurs. tout en implorant la divine Pro-
vidence d'en hâter la venue. Les prières du dévoué
Pasteur furent exaucées.
Le Gouvernement du Pundjab, ayant colonisé la
majeure partie du district de Gujramnala. mit en
vente d'immenses terrains en friche. Profitant de
W
78 DIX ANNEES D APOSTOLAT
cette occasion extrêmement favorable, Mgr. réussit
à acheter, à un prix modéré, un terrain de 175 acres
ou environ septante hectares. On a déjà deviné que
son but était de fonder une colonie où il transporte-
rait les malheureux chrétiens de Daoki et leur livre-
rait ces terres à cultiver. Mais les vues spéciales que
la Providence avait sur Mgr. Van Den Bosch, ne lui
permirent 4)as de pousser plus loin l'exécution de son
projet. Quelques mois plus tard, il fut appelé, en effet,
à l'archevêché d'Agra. Toutefois Toeuvre était créée,
et il échut à son successeur, Mgr. Godefroid Pelck-
mans, de la continuer et de la développer, en un mot,
d'en assurer la prospérité.
Il convient de s'arrêter ici un instant pour jeter un
-%j regard en arrière sur les débuts de la première J.^:
'^ colonie chrétienne du Diocèse de Lahore, placée sous ^
la protection de la Très Sainte Vierge, sous le vocable
de Mariabad ou ville de Marie. Débuts pénibles, que
nous allons tâcher de retracer.
Le 8 Janvier, les RR. PI*. Liévin et Engelbert en-
treprirent le voyage de Mariabad, accompagnés des
chr^''tions de Niki Daoki, à Teftèt de les y installer et
de procéder à la répartition des terres. Ces chrétiens
composaient le noyau de la communauté catholique
formée par les soins du R. P. Engelbert et du fr. Paiul
dans le 2*' centre de mission ouvert en 1889. La péré-
grination fut pleine de péripéties. La distance à par-
courir n'était rien moins que de 110 nulles anglais.
On était en hiver, il faisait très froid, et l'aquilon
soufflait avec violence. Poiu^ comble d'infortune, une
pluie torrentielle avait rendu les chemins impra-
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AU PUNDJAB 70
ticables. Deux nuits se passèrent à la belle étoile ; une
troisième dans une étable à clièvres, trop petite pour
abriter toute la caravane. Nos chrétiens s'envelop-
paient soigneusement clans leurs couvertures tradi-
tionnelles et se pressaient les uns contre les autres
pour se garantir du froid; mais excessivement frileux,
ils eurent énormément à souffrir malgré toutes leurs
précautions. De plus, ils durent souvent se priver de
nourriture, ne pouvant trouver du bois sec pour pré-
parer leur modeste repas. Les missionnaires eurent,
comme eux, leur part de privations et de souffran-
ces. Ils parvinrent cependant à se procurer un
" manji «(lit indigène) pour reposer tant bien que mal
leurs membres fatigues. Enfin, a;:rès six jours de
:(r marche, nos courageux pionniers arrivèrer.t au but ^
"^ de leur voyage. Leur séjour sur le terrain fut de cour- '
te durée; le partage des terres torniiné, ils durent
battre en retraite déviant Limpossibilité pour l'Luro-
péen de rester dans, la jungle, sans être suftisam-
ment approvisionné des choses nécessaires à la vie.
En quittant la. colonie, ils promirent aux chrétiens
qu'un Père reviendrait bient(')t pjur habiter définiti-
vement parmi eux. Et, en etfet, au mois d'Avril de
la même année, les RR. PP. Désiré et Félix arrivèrent
pour diriger les premiers ti'.ivaux. Les tribulations
ne leur furent point épargnées dans les commence-
ments. N'ayant pas encore de maison sur le terrain
même, ibrce leur fut de chercher un refuue dans un
village situé à sept milles, à Khangah-Dogran,oà ils
purent disposer, pendant deux mois, d'un bangalow
du gouvernement, sorte de maison de repos à l'usage
M.
80 DIX ANNÉES d'apostolat
des officiers occupés à coloniser la contrée. A la
rentrée d'un de ces messieurs, il fallait nécessaire-
ment déguerpir et s'accommoder, tant bien que mal,
d'une remise voisine; la sainte Messe se célébrait sur
la table même où l'on servait le breakfast et sur
laquelle un des missionnaires devait se reposer le
soir; car il n'y avait qu'un seul lit, une seule table,
dans ce pied-à-terre aussi exigu que mal aménagé.
De plus, les habitants du village regardaient nos
missionnaires d'un très mauvais œil et refusaient,
même à prix d'argent, de leur fournir des victuailles.
Dans ces conditions, la première chose qui s'impo-
sait, c'était de construire une maison.
Après bien des pourparlers, on réussit enfin à en-
"Hk g^o^i' ^l^s maçons qui élevèrent un bâtiment d'un ^,-.
aspect très bizarre. Les murs d'environ un mètre '*"
d'épaisseur, construits de grosses mottes de terre
séchées au soleil, étaient recouverts d'une couche
de terre glaise en guise de chaux. La boue tint lieu
de mortier. La toiture, selon la coutume orientale,
était plate et d'une construction fort simple: un
tronc d'arbre renversé sur les nuirs supportait des
branches enchevêtrées sur lesquelles était étendue,
une couche d'argile. La maison ne mesurait que 6
mètres de long, sur 6 de large et 2 de haut. Voilà
pour les missionnaires.
Quant aux chrétiens, la plupart se taillèrent, c'est
le mot, une sorte de cabane dans d'éj^ais buissons
dont les branches, comme celles du saule pleu-
reur, retombaient jusqu'à terre. Pour se garantir
du froid et de la pkiie, ils entrelacèrent ces branches
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ches d'herbes, laissant à peine une ouverture pour
livrer passage à l'air et à la lumière.
Le tout était entouré de ronces et d'épines pour
se défendre contre les incursions nocturnes des cha-
cals et autres animaux rapaces de la jungle rôdant
sans cesse, en quête de rapines, pendant l'obscurité
des nuits". D'autres se contruisirent un refuge au
moyen de pieux plantés en terre et reliés par de
de longues herbes recouvertes de boue. Toutes ces
demeures avaient un aspect des plus bizarres et rap-
pelaient, par bien des côtés, ces campements noma-
des des tribus indiennes d'Amérique, perdues dans
les savanes.
Xos colons se mirent immédiatement à l'œuvre et
défrichèrent les terres propres au labourage. La
Ijesogne ne fit point défaut, le terrain étant littéra-
lement couvert de buissons et d'arbustes. Après un
séjour de deux mois à Mariabad, les missionnaires,
exténués par les fatigues et les privations, durent être
rappelés à Lahore pour refaire leur santé et repren-
dre une nouvelle vigueur.
Nous croyons intéressant de placer ici quelques
notes historiques sur la contrée.
Mariabad se trouve dans la partie du district tle
(lujramnala appelée - Bar r. C'est une région plate,
couverte de bons pâturages, entrecoupés de buissons
et dé fourrés d'arbustes rabougris. Il n'est pas rare
de rencontrer de vastes marécages, où croît une
lierbe appelée par les indigènes « panui ;> et que les
pasteurs recherchent pour leurs troupeaux. Au nord
de la Bar, on trouve, çà et là, quelques villages pos-
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82. DIX ANNÉES d'apostolat
sédant des puits et des terrains labourés ; mais quand
on atteint le sud. Taspect change.
i 11 est démontré que cette région fut très populeuse
1 et entièrement cultivée, il y a quelques siècles, avant
et durant le règne d'Ackbar (1556-1605) : on lit, en
effet, dans les archives du gouvernement, qu'il y
avait des puits de 12 en 1 2 acres. Mais les révolutions
.' qui ont sans cesse bouleversé le Pundjab. plus exposé
que les autres parties par sa position topographique
aux invasions des puissances jalouses de la domina- ;
tion de llnde, ont nécessairement amené le déclin de
j l'agriculture si prospère en temps de paix. Peu
à peu ces régions , couvertes jadis de villages, se dé-
peuplèrent. Les traces de cette première pros])érité ■
:^ se constatent encore dans d'anciens remparts, où ^
des puits effondrés el: des ruines nombreuses attestent '
i l'existence de centres de commerce et d'activité.
i Khanfrah Doo^ran, là où les missionnaires commen-
cèrent leur vie de labeurs, remonte à cette antiquité.
Le village contient en effet la tombe d'Abgah Skah,
! qui vivait au temps d'Akbar. Il est à présent le siège
î d'un Tahsildar ou percepteur des impôts, et par con-
? séquent, chef-lieu d'un Tahsil ou canton. Cette loca-
; litê a pris de grands développements depuis l'ouver-
ture des canaux d'irrigation ; et tout fait prévoir que
d'ici à peu de temps, elle deviendra un des centres
les plus importants du district. L'on rapporte queles
habitants de ce village n'emploient jamais de lits,
ils dorment sur la terre nue par respect pour la
mémoire d'un faquir (moine hindou), qui pratiqua
cette austérité toute sa vie.
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AU PUNDJAB 83
Mais revenons à notre colonie chrétienne. Au mo-
ment où le R. P. Félix se préparait à reprendre son
poste, accompagné cette fois du fr. Constant, une
grave et dangereuse maladie le cloua sur son lit et le
força de rester à Lahore. En conséquence, le cher
Frère dut partir seul. Aussitôt arrivé, il se bâtit une
petite chapelle de dix pieds carrés, où, chaque jour,
il réunissait les colons pour la récitation du chapelet
et la leçon de catéchisme. Son zèle ne connaissait
point de bornes ; la majeure partie de la journée,
sous un soleil brûlant, le frère se trouvait aux champs
dirigeant les travaux de ces pauvres gens fort inex-
périmentés en fait de culture.
Notre missionnaire ne tarda pas, sous ce climat
meurtrier, à être victime de son courage admirable ^^
La chaleur intense. Tair corrompu par les miasmes
s'échappant des marécages et des cliamps de riz,
affaiblirent tellement sa santé que la fièvre paludé-
enne l'atteignit. Une forte dyssenterie vint s'y join-
dre et le réduisit en peu de temps à la dernière
extrémité. Un ingénieur anglais, qui passait fortuite-
ment, trouva le frère étendu sous un arbre, en proie
à de vives douleurs. Immédiatement, il lui envoya
une tente et fit chercher le médecin indigène le plus
proche. Le docteur réussit à couper la fièvre, et peu
après, le frère fut rétabli. Mais, comme c'est bien
souvent le cas aux Lides, pour s'être hâté de repren-
dre son travail trop tôt, une rechute s'en suivit. Il
était couché dans sa tente, lorsqu'un jour une vio-
lente tempête de sable la renversa; le pauvre malade,
trop faible, se trouvait dans lïmpossibilité de se
5^ i?r
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84 DIX ANNÉES Pi'APOSTOLAT
dégager. Les chrétiens s'en aperçurent heureusement
à temps et le tirèrent de sa critique position. Le
courageux Frèie n'aurait pu résister longtemps; se
sentant de plus en plus mal, il envoya sans tarder un
courrier à Lahore pour informer les Supérieurs de
son lamentable état ; un confrère vint le prendre dans
une charrette à bœufs, assez confortablement appro-
priée pour le transport d'un malade.
Quelques semaines après ces événements, le T.R.P.
Félix, rétabli, rentra dans la mission. Dès que la
saison le permit, c'est-à-dire pendant les mois de
chaleur et de sécheresse, on s'occupa, en vue de
bâtir un village, de fabriquer des briques, travail très
simple, consistant à façonner de la boue et à la
^S laisser sécher au soleil. Bien que les ressources du V^
Fi. P. fussent très restreintes, il put, avec le concours
de ses gens, achever avant l'hiver la construction
de trente-cinq petites maisons, une pour chaque
famille. Faut-il ajouter que les colons s'empressèrent
d'abandonner leurs misérables huttes pour des habi-
tations commodes, où ils disposaient de trois cham-
brettesV Disons enfin que le village fut bâti sur deux
lignes parallèles.
Les maisons construites, et les terres défrichées
étant réparties entre les différentes familles que l'on
avait fait émigrer de Daoki, l'on prévit avec anxiété
qu'à bref délai, les limites de la colonie ne pour-
raient plus répondre à ses besoins. C'est qu'en effet,
les enfants des deux sexes, envoyés aux orphelinats de
Lahore pour y recevoir une éducation, chrétienne,
reviendraient un jour, et se marieraient; d'où un
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AU PUNDJAE 85
accroissement de iamilles. à rentretien desquelles il
fallait songer. Sa Grandeur, Mgr Pelckmans. désireuse
avant tout de consolider cette œuvre éminemment
civilisatrice qui arrachait les chrétiens et les caté-
chumènes au contact et à la dépendance des Maho-
métans et des Hindous, négocia, à son retour d'F.urope.
en 1896. Tachât d'autres terrains. Les circonstances
servirent à merveille Mgr, , cette fois encore : car des
propriétés a voisinant le village furent tout à coup
mises en vente. Devant cette occasion unique, il
u'hésita pas à faire le sacrifice de près de 50,000 frs.
pour doter la colonie de Marie d'une nouvelle pro-
priété foncière de 210 hectares, qui, ajoutée à la pre-
mière,-couvrait une superficie totale de 280 hectares.
it. C'est sur ces terres que peu à peu seront installés .^
^ les nouveaux ménages qui se développeront sous la *
bénédiction de Dieu. Plusieurs jeunes gens sont déjà
revenus de Lahore et sont de vrais exemples de
bonne conduite et de régularité. Ils exercent une
influence salutaire sur leurs parents encore très
grossiers. Cette infiuence ne peut Jiianquer d'être
décisive avec le temps: car, ainsi (pie nous le disions
en parlant de la mission d'Adah, le travail de la
grâce sur les personnes d'un âge mûr est lent et im-
perceptible. Quoi d'étonnant? Avant de former de
parfaits chrétiens de nos pauvres Pundjabis, il faut
tout d'abord en faire des hommes.
Et c'est une œuvre lente et (pii demande une
angélique patience que de les soustraire à cette
existence d'apathie, de malpropreté et de désordre
qui, si on ne la réforme en ces points, paralyse
" î^ k
86 DIX ANNÉES d'apostolat
complètement toute tentative d'amélioration morale.
Ce fut en février 1896 que se conclut le contrat de
vente des nouvelles terres. En même temps que le vil-
lage s'étendait, l'on modifiait l'habitation des mission-
naires, de façon à pouvoir v loger commodément les
deux pères et le frère établis définitivement dans la co-
lonie. La chapelle provisoire, attenante au presbytère
mesurait 60 pieds de longueur sur 12 de largeur. Mais
quelle pauvreté à l'intérieur ! Certes, elle était loin de
répondre à la dignité des augustes mystères qui s'y
célébraient chaque jour. Une simple table de bois
recouverte des nappes nécessaires au sacrifice servait
d'autel : une statuette de la Ste Vierge et les petites
stations du chemin de la croix en constituaient tout
^^^ le mobilier! Rien qui put rappeler les splendeurs
d'une égUse ! Dieu vivait là et nous remémorait le
dénùment de Bethléem. Il fallait, cependant, chercher
à améliorer ces trop modestes installations ; d'autant
plus que le naturel de l'indigène, éminemment
impressionnable, a peut-être plus besoin que les
Occidentaux d'être frappé par les magnificences du
culte et les imposantes proportions d'une église.
Hélas! comme toujours, en pays de mission, les beaux
projets, bien qu'ils soient des plus urgents et des plus
nécessaires, sont menacés d'échouer devant la pénu-
rie d'argent! Le diocèse ayant à faire face à d'énormes
frais exigés par l'entretien et le développement
des institutions existantes, ne pouvait, surtout après
l'acquisition des 210 hectares, songer à s'engager
dans de nouvelles dépenses. Les circonstances
n'étaient rien moins que favorables. Mais le Seigneur
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AU PTTCDJAr. J^T
n'abandonne jamais ceux c[ui prient et espèrent.
L'événement confirma à nouveau cette vérité si con-
solante. La Providence envoya le T. R. P. Ldouard,
Supérieur Régulier de la Mission , dont l'intervention
fut des plus efficaces. Faisant appel à la Province
Belge quïl représente si dignement depuis 7 ans. il
recueillit, avec l'aide du T. R. P. Jean-Baptiste, !
Procureur de la mission, les sommes nécessaires, et
prit l'initiative de construire une église digne de ce
nom. devenue le jovau de notre mission indigène.
Le 4 Octobre de cette même année. Mgr l'Évêque.
accompagné du T. R. P. Edouard, son Vicaire géné-
ral, vint visiter Mariabad et présider à des cérémo- j
nies qui prouvaient, mieux que les plus éloquentes j
narrations, le zèle avec lequel les missionnaires
^ avaient fait marcher de front, et l'agrandissement
matériel du village, et son perfectionnement moral.
Il ne s'agissait rien moins que d'administrer solen-
nellement le Sacrement de baptême à 2^ adultes et
enfants, — de confirmer 16 chrétiens. — de donner
la 1*^ communion à 12 jeunes gens et enfin, de procé-
der à la bénédiction et à la pose de la l'"^' pierre de
la future église. Toutes ces cérémonies réussirent à
merveille, sous les yeux de nos chrétiens et catéchu-
mènes émus. La iournée se termina par une repré-
I sentation de mimique et de musique à l'indigène,
; pendant laquelle nos chrétiens firent de leur mieux
I pour égayer leurs augustes visiteurs. On tira enfin
un petit feu d'artifice qui laissa dans l'imagination
de nos colons un inoubliable souvenir de la fête.
I Cependant, à cette époque de la première visite de
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88 DIX ANNÉES d'apostolat
MtT. tout était loin d'être parlait. Bien des choses
désirables restaient à accomplir, surtout en ce qui
concernait l'assainissement du village. L'absence de
puits privait les habitants d'eaux potable et les obli-
geait de recourir, pour leurs usages domestiques à
l'eau boueuse et impure des canaux d'irrigation. 11
en résulta des fièvres qui affligèrent parfois le village
tout entier. Le T. R. P. Edouard vint généreusement,
cette fois encore, au secours des missionnaires ; il
ordonna le creusement d'un puits, s'ofPrant à col-
lecter l'argent nécessaire pour en couvrir les frais.
Ce n'était pas chose aisée que de trouver de l'eau dans
cette région de la Bar. où la quantité moyenne de
{ pluie annuelle est presque nulle et les chaleurs exces-
JX sives. Il fallut fouiller le sol jusqu'à une profondeur y^
de 70 pieds avant de rencontrer les nappes souter-
raines. Aussi, les travaux coûtèrent-ils près de
2000 frs, mais le bien-être dont jouirent immédiate-
ment nos chers chrétiens, dédommagea suffisam-
ment des sacrifices qu'il avait fallu s'imposer. Quant
aux conditions dans lesquelles les lîR. PP. avaient dû
vivre jusque là, il importait de les améliorer encore.
La pauvre maison qui les avait abrités pendant
plusieurs étés contre les ardeurs brûlantes du soleil,
fut remplacée par un presbytère convenable et soli-
dement bâti. Mgr en paya toutes les dépenses, et
rendit ainsi le séjour de Mariabad moins funeste pour
la santé des missionnaires.
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AU rrND.TAB 89
L'œuvre de Mariabad.
Lorsqu'en l«y3, les premiers colons arrivèrent sur
ces terres en friche, ils n'étaient qu'une poignée: ils
ne possédaient pas même les instruments les plus
indispensables pour la culture : ils n'avaient d'autre
abri que la voûte des cieux ou les branches des buis-
sons. Aujourd'hui, ils sont 553 formant un village
(]ui peut-être placé au premier rang parmi ceux qui
ont surgi sur la ligne d'irrigation alimentée par la
rivière Tchennab. Le plus pauvre d'entre les colons
possède au moins une paire de bœufs ; il y a des fa-
milles qui ont jusqu'à dix têtes de bétail, biens acquis
par leur travail. Les 280 hectares qui constituent
la propriété foncière du village de Marie sont culti-
vés, les moissons apportent l'aisance et le bien-être
au milieu de gens qui. autrefois, ne vivaient que du
produit de la 4-apine ou de l'exploitation du vice.
Quand, il j a six ans le missionnaire planta sa
tente sur ce sol sauvage et couvert de broussailles,
il se vit en face d'incertitudes et de difficultés qui
étaient bien de nature à décourager quiconque n'a
pas à sa disposition- l'un ou l'autre de ces grands
ressorts dont tout gouvernement fait usage pour
donner de l'impulsion à ces sortes d'entreprises,
savoir: l'argent, le pouvoir et les hommes. Coloniser,
c'est bien, mais à condition de disj^oser de ces fac-
teurs. Or, le pauvre missionnaire ne pouvait compter
ni sur l'un, ni sur l'autre. Et il partit cependant, suivi
de ses chrétiens miséreux qu'il aimait tant et qu'il vou-
lait à tout prix arrachera la servitude de maîtres durs
5^
■Â #5 ^
iiL
90 OTX ANNÉES d" APOSTOLAT
et inexorables ;il s'exila avec eux, sur ce coin de terre,
pour travailler à corriger leurs vices, en faire des
hommes d'abord, des disciples du Christ ensuite : il
' les emmena io^norants et orrossiers et leur dit : Tail-
I lez, coupez, défrichez. Et vouant à cette œuvre tout
' son temps et toute son âme. il réalisa des prodiges.
] Se faisant tout à tous, il ne dédaigna pas de descen-
dre dans le sillon pour guider les pas incertains de
: ses colons, il prit la hache de la même main, qui lui
servait à manipuler le compas. Et tour à tour culti-
vateur, artisan, ingénieur, médecin des âmes et des
1 corps, car son zèle s'étendait à tous les besoins, il fit
I sortir un village, plein d'activité, là où pendant de
' longues années avait réo-né le silence des déserts; il en
-y dressa les plans, ainsi que ceux de son presbytère et !^
^, de son église fil éleva, à la.gloire de Marie Immaculée, p
I non seulement un tabernacle de pierres pour abriter
l'humilité de son Fils, mais mieux encore, il façonna
par sa parole et par son ardeur apostolique des
] tabernacles vivants, où Jésus-Christ est servi, adoré,
I aimé. Il mit la prière sur des lèvres et dans les cœurs
! fermés jusqu'alors sous le sceau de Satan. Telles
, furent les phases par lesquelles passa l'œuvre do
! Mariabad. L'imperceptible graine, dont la germina-
tion fut si lente et si laborieuse, a produit un arbuste
vigoureux, vivifié dans tous ses rameaux par la rosée
divine. Et nous espérons quïl deviendra, avec les
prières de nos frères et le généreux concours de nos
bienfaiteurs, un arbre majestueux dont les branches
i s'étendront au loin sur toute la contrée environnante,
! pour l'abriter sous une même foi et la réunir en un
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AU PUNDJAB 91
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même culte. Ce sont tous ces événements si conso-
lants, si pleins encore d"espérances pour l'avenir que
Sa Grandeur Mgr Pelckmans et le T. li. P. Edouard
entourés d'un nombreux clergé, sont venus célébrer
le 8 Décembre 1898, eu procédant à la bénédiction
solennelle de la nouvelle église dédiée à Marie Im-
maculée.
Répétons en terminant cet aperçu des travaux
d'une œuvre si éminemment apostolique, les paroles
par lesquelles le digne et dévoué Pasteur du diocèse
résuma les sentiments et les impressions de tous ceux
qui l'entouraient en cette mémorable circonstance :
^ Nous avons toute raison d'espérer qu'avec la béné-
^ diction de Dieu, sous la douce égide de Marie
^ Immaculée et par vos efforts intelligents et unis,
« cette jeune et nouvelle colonie sera un jour la perle •^
- de notre Diocèse et la source de nos plus grandes
- consolations. -
Après l'Eglise, la bâtisse d'une école pour garçons
et pour filles s'imposait tout naturellement. Les res-
sources de la mission ne permettant pas d'entre-
prendre cette nouvelle fondation, le Pi. P. Archange
envoyé de Sahowala à Mariabad fit un appel à quel-
ques amis d'Anvers, et non sans effet. Un premier
secours lui permit de jeter les fondements de l'école
et un second d'achever la construction. A ces âmes
charitables et dévouées reviennent l'honneur et le
mérite d'avoir doté Mariabad d'une belle école, après
avoir orné l'église de Sahowala d'un autel, au pied
duquel le prêtre et les nouveaux chrétiens ne cesse-
ront de prier pour leurs généreux bienfaiteurs et
5à| ^-^ j£
92 nix ANNÉES d'apostolat
bienfaitrices ! Cette école était à peine bâtie que les
enfants y affluèrent en très grand nombre.
Sur ces entrefaites le K. P. Archange fut appelé
par ses Supérieurs à Dalliousie pour y remplir les
insignes fonctions de Professeur en Théologie auprès
des jeunes pères; c'est le Pt. P. Philipjje qui dirige à
présent l'importante école de Mariabad avec le zèle
infatigable et le dévouement persévérant dont il a
fait preuve à Adah.
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CHAPITRE QUATRIEME.
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Mission de Sahowala.
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ORIGINE de cette Mission se rattache pour
^«^fll ainsi dire à celle d'Adali. Parmi les nombreux
villages qui recoururent aux lumières du chapelain
militaire de Sialkot, se trouvaient ceux de Sahowala,
de Mampur, de Muma et de Ganjiwali, qui ont formé
depuis le cercle d'action dont Sahowala était le
centre et où nos missionnaires, quoique toujours sur
jT la brèche, eurent à vaincre autant de didicultés et
"^ éprouvèrent autant de déboires qu'à Adah.
Sahowala, situé à onze milles de Sialkot. est un
gros village, qui a quelque peu les airs d une petite
ville. Son nom lui est venu d'un riche propriétaire
hindou, appelé Saho, qui en est considéré comme le
fondateur: l'histoire ne nous dit pas à quelle date.
Environ 13,000 habitants en forment la population
qui se compose surtout d'Hindous et de Sickhs.
adonnés au commerce et d'un bon nombre de Maho-
métans, la plupart cultivateurs. Mais le ministère
évangélique s'exerce principalement parmi la caste
des « churas « qu'on trouve un peu partout et qui,
revendiquant le monopole des travaux les plus bas et
des besognes les plus serviles, occupe le dernier
échelon de l'échelle sociale. C'est parmi eux, en effet,
que se recrutent surtout les hommes de peine,
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i>4 DIX ANNÉES d'apostolat
qu'Hindous, Mahométans ou Sickhs emploient dans
les différentes branches de leur industrie. Ils sont
nécessairement à la merci de leurs maîtres.
Cfi fut en 1889 que les premières semences de la
bonne parole tombèrent sur ce champ infidèle, dans
cette classe qui forme aujourd'hui la communauté
chrétienne de Sahowala. liC E. P. Lié vin, envoyé à
cette époque pour prendre la charge de cette mission
! naissante, ne fixa point sa résidence à Sahowala
I même, mais à Gunjiwalu situé à deux milles de là,
d'où il visitait les villag;-es environnants. Faute de
personnel et à cause de changements survenus dans
la mission d'Adah, il dut quitter son poste après cinq
mois, pour prendre la direction de cette dernière.
^N Sahowala et son rayon de villages à évangéliser ne S^
furent cependant pas abandonnés. Se multipliant à
mesure que le travail augmentait, le R. P. Liévin,
tantôt d'Adah, tantôt de Sialkot, continua à visiter
les nouveaux convertis, les perfectionnant dans la
^ connaissance de la religion et prodiguant les conso-
lations de son ministère aux malades et aux mou-
rants. Aussi souvent que le permettaient les exigences
de la mission d'Adah, dont il avait pris toute la
responsabilité, il venait résider plusieurs jours au
milieu de ses ouailles moins favorisées de Sahowala;
il vivait de leur pauvreté, et s'attachait à fortifier les
sentiments de ces convertis encore chancelants dans
la foi, et par cela même, appelant toutes les sollici-
tudes de son zèle. Une situation si défavorable et si
préjudiciable au bien des âmes ne pouvait perdurer.
L'avenir de la nouvelle chrétienté dont l'accroisse-
À ^ ■
i^
AU PUNDJAB 95
ment menaçait dêtre à jamais enrayé, réclamait le
séjour permanent d'un missionnaire. Exposé à l'ac-
tion débilitante des vents chauds, surpris souvent par
des pluies torrentielles ou arrêté par les inondations
\ de la mousson, le K. P. Lié vin, ne disposant que
d'une pauvre monture, ne pouvait résister longtemps
à la tâche, malgré son courage héroïque.
I)"un autre côté, l'importance de Sahowala, tant
I au point de vue de la population que des relations
• commerciales, n'avait point échappé aux yeux de
j Sa (Irandeur, qui avait toujours caressé l'espoir de
faire de cet endroit un centre d'opérations fécondes.
! (iuidé par ces considérations, Mgr Pelckmans acquit
l le 24 mars 1897, à promixité du village, un lot de
terrain de cinq kamals et trois marlaks. On con-
struisit sans tarder une petite maison comprenant
\ deux chambres pour servir à la fois d'abri au
; missionnaire, d'école et de chapelle, en attendant
I que l'on jetât les fondements d'un presbytère et
' d'une église proprement dite. Ce ne fut pourtant
qu'au commencement du mois d'Août, que les deux
chambres terminées, deux missionnaires, le II. P.
l Archange et le frère C onstant, furent envoyés pour
t' . tirer cette chrétienté de son état de torpeur. Grâce à
l'inépuisable charité et à la patience da frère Con-
'• stant, qui, connaissant la langue, se multipliait au-
) près des habitants, la confiance renaquit, et, fait
; capital, l'école se repeupla. Les enfants d'abord, les
\ parents suivront. Car l'enfance, — nous ne cesserons
! de le répéter — n'est-elle pas la grande ressource du
missionnaire pour établir solidement son œuvre ?
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À
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J^ ^
96 DIK ANNKE8 d'a 1M)S TOLAT
L'école étant donc bien fréquentée, le II. P. Ar-
change put s'occuper fructueusement de la jeune
génération, à qui il commença par apprendre de
nouveau les prières, oubliées hélas! pendant la
période difficile qu'on venait de traverser. Mais à
peine réorganisée. Dieu éprouva cruellement la mis-
sion, et cela au moment où tout semblait promettre
un succès rapide. Le frère Constant, brisé par plus de
dix ans de travaux continus, surmené en ces derniers
temps par la surveillance des ouvriers et les embar-
ras qu'occasionnaient les nouvelles bâtisses, ressen-
tit, vers la fin de Septembre, les premiers atteintes
du mal qui l'emporta quelques semaines plus tard.
f Son zèle avivé par le désir ardent de se dévouer sans
^ mesure à l'œuvre qui lui avait été confiée, lui fit
négliger de prendre les soins que réclamait son état.
Ce qu'il considérait comme un simple refroidisse-
ment se changea bientôt en pleurésie et nécessita son
j transport à Lahore, où, malgré la science du docteur
et les soins des frères il s'endormit dans le Seigneur,
' le 22 Octobre 1897. emportant avec lui les plus
belles espérances. Sa mort enlevait à la mission un
j auxiliaire très précieux; par sa droiture, par ses
! manières affables avec les indigènes, il avait su ga-
gner leurs cœurs et leur confiance, et il exerçait sur
eux une influence pleine de promesses. Dieu Ta
repris, alors que nous le croyions si utile! Mais II a
, voulu nous donner, sans aucun doute, un puissant
intercesseur qui, maintenant, prie avec plus d'ardeur
et veille avec bien plus de vigilance encore sur le
troupeau qui occupa toutes ses pensées et absorba
7i — ^ te
S^B j£
AU PUNDJAB 97
jusque dans ses derniers moments toutes les énergies
de son âme. R.I.P. On le remplaça par le frère Martin.
Cependant les travaux qu'on avait entrepris,
avançaient rapidement, et le 8 du mois de Décembre
de la même année, à la fête de l'Immaculée Concep-
tion, Mgr délégua le T. R. P. Dominique, chancelier
du Diocèse, }jour pj-océder à la bénédiction de la
première pierre de la nouvelle église. Quelques se-
maines plus tard, le presbytère étant achevé, les
missionnaires s y installèrent; ce qui mit fin à une
situation non seulement désagréable, mais défavo-
rable aux progrès des élèves.
Les missionnaires purent aifecter aux exigences
scolaires tout le bâtiment provisoire et reprendre
ji^ sérieusement Tœuvre de réforme et d'éducation. ^^
Cet heureux changement amena aussi la création
d'un dispensaire qui fit entrer la mission de Sahowala
dans une phase bien consolante pour le mission-
naire.
Son Excellence, Mgr Zaleski, Délégué Apostolique
aux Indes Orientales, avait, en plusieurs circonstan-
ces, insisté auprès de Sa Grandeur sur la nécessité
d'organiser " l'œuvre des baptiseuses » à l'instar
de celle qui a déjà été établie dans le sud de l'Inde.
De fait, des obstacles presque insurmontables résul-
tant de. croyances de caste et de la condition ser vile
dans laquelle la femme est tenue, enrayaient d'une
façon inquiétante le développement des missions
catholiques du nord. Le foyer indien reste impitoya-
blement fermé aux investigations de l'extérieur. Ces
foyers emmuraillés par de ridicules préjugés sont trop
7i i?Ç ; k
54-
98 DIX ANNÉES d'apostolat
souvent, hélas! ie théâtr^ de drames les plus dou-
loureux. Là, de pauvres petits êtres sont étreints
par la main froide de la mort avant d'avoir su ce
que c'était que de vivre ! La grande mortalité des
enfants indiens, dont les principales causes peuvent
être attribuées au vice, à la malpropreté et à la
pauvreté, n'avait pas échappé au zèle vigilant des
missionnaires, et le désir de sauver ces petites âmes
infortunées les préoccupait vivement. Parfois, leurs
tentatives réussissaient ; mais comme les occasions
étaient fort- rares, il fallait trouver un moyen dont
l'application pût être généralisée. Quant à heurter
de front les funestes préjugés qui enveloppaient la
, vie familiale, on ne pouvait même j songer. ^
2^ Les missionnaires avaient observé que l'Indien \^
recourt volontiers aux médicaments, et surtout
lorsqu'on les kii offre gratuitement. Us ouvrirent,
dans une des chambres du presbytère, une pharmacie
populaire, où ils espéraient attirer la femme indi-
gène, et avec celle-ci, son enfant; car elle ne s'en
sépare point. Les débuts furtint très difficiles; et
dès que l'on sut dans le village que le - padri sahib -^
s'offrait à guérir tous les maux, la prêtraille mu-
sulmane et hindoue s'émut, et défense fut faite
aux adeptes d'approcher de la maison. Mais on ne
tint pas compte pendant longtemps de cette défense.
N'est-ce pas pour l'homme un besoin impérieux et
irrésistible que de chercher à soulager et à
guérir les maux qui l'accablent ? Et petit à petit,
malgré les menaces des faquirs et d'autres per-
sonnages de cet acabit, hommes, femmes, et enfants
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AU PUNDJAB 99 I
affluèrent à la porte du frère Martin, répétant la
même ritournelle « Paclri Saliib ji dawai-Monsieur le
Père, des médecines! ,i Notre bon frère dut s'impro-
viser chirurgien, médecin et apothicaire. Et il opéra
des cures merveilleuses, grâce à l'intervention divine
et à la foi robuste que les gens avaient en son pou-
voir de guérisseur. Car, son officine n'était pas bien
riche: du sel anglais, de Thuile de ricin, de l'eau-
de-vie camphrée, et c'était à peu près tout! j
Plusieurs guérisons réalisées dans les commence- !
ments, assurèrent au frère apothicaire une réputation
d'habileté qui se répandit au loin. Ce ne fut plus de
Sahowala uniquement, où, soit d.it en passant, ceux
qui avaient cherché à entraver l'œuvre, se laissèrent
jf convaincre tout comme les autres, mais de villages :]j
très éloignés que l'on accourut au dispensaire. La
« clientèle 5, s'accrut dans de telles proportions qu'à
certains jours, il fut administré des soins et des |
médicaments à cent personnes. Voici d'autres chiffres: |
du l<^r Octobre 1898 au 30 Septembre 1899, '
13,739 personnes ont reçu assistance au dispensaire.
Comme bon nombre de femmes se présentaient |
accompagnées de leurs inséparables nourrissons, les
uns maladifs, les autres mourants, ce fut le moment
d'organiser le baptême des enfants « in articulo mor-
tis. « Usant de prudence et d'adresse, le zélé frère, !
qui, en cett3 qualité, éveillait moins de soupçon que le |
« padri sahib >; saisit toutes les occasions qui lui furent |
offertes. Sous prétexte d'administrer des lotions au i
petit malheureux qui se mourait entre les bras de sa I
mère, il le faisait passer des ténèbres du péché origi-
54 '!^
1 100 DIX ANNÉES D APOSTOLAT
i nel à la lumière divine de la grâce, sous les yeux des
parents et d'autres infidèles qui assistaient, stupides
et inconscients, au mystère caché de la régénération.
Ce fut ainsi que depuis l'ouverture du dispensaire,
du P-" Novembre 1897 jusqu'au 30 Septembre 189Î),
oTG baptêmes d'enfants « in articulo mortis <• purent
être administrés. La plupart de ces pauvres petits
êtres moururent après leur baptême : quant aux
autres, il est fort probable que sur dix baptisés, à
peine un seul échappa. Les parents, venant parfois de
très loin, ne se souciaient point d'informer le mission-
naire, et la constatation officielle des décès n'existe
guère en dehors des grandes cités.
Dieu bénissait l'œuvre, et II la protégeait sans
aucun doute en nmltiphant le nombre de ces petits
anges qu'il appelait autour de son trône et dont la
prière, s'élevant comme un encens pur, inclinera
son cœur à verser sur cette Inde, si peu accessible
encore au travail de la grâce, la lumière nécessaire
à la conversion. Et par leur intercession, Il fera
miséricorde à ces peuplades plongées depuis des
siècles dans les ombres du paganisme et de l'erreur.
A côté du dispensaire se trouve l'école qui est en
voie de prospérité. Faut-il noter qu'ici encore, on eut
à vaincre des difficultés? On devait, en eïet, lutter
contre l'insouciance excessive des parents, arracher,
pour ainsi dire, les enfants au foyer domestique, afin
d'obtenir une fréquentation régulière. Contrairement
à ce qui existe en Europe, les parents ne viennent
nullement en aide aux éducateurs : ils ne s'in-
quiètent guère de s'assurer si leurs enfants fré-
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AU PUNDJAB 101
queutent ou non l'école. L'instruction leur est parfai-
tement indifférente. Cependant, les bons pères par- I
vinrent à secouer quelque peu cette apathie et à ,
exciter Témulation par l'appât de récompenses en
nature. Ils recueillirent ainsi un nombre de 80 à 100
élèves, auxquels ils enseignaient, outre la lecture et
l'écriture en urdu, les notions de catéchisme néces-
saires à tout chrétien.
Et cette nouvelle génération bien éduquée, solide-
ment instruite dans les dogmes de notre sainte
religion, habituée insensiblement à assister aux
offices et à recevoir les sacrements, n'est-elle pas notre
plus grand espoir ?
L'exemple des enfants — nous l'avons déjà dit —
entraînera les adultes et leur ouvrira les veux aux ,_
aveugles. Ils seront de plus la souche féconde de '\£
mariages chrétiens, d"où sortiront des générations de '
plus en plus imprégnées de cet esprit catholique,
qu'il est bien difficile, après tout, d'inculquer à ceux
qui ont vieilli dans les erreurs et les vices de l'infidélité. j
Vers la fin du mois d'Avril 1898. la construction
de la nouvelle église fut terminée. Sa Grandeur I
Mgr Pelckmans vint au village pour en faire la béné- j
diction solennelle. L'éo^lise, d'une seule nef, est bâtie
en style roman, d'une ornementation simple, mais
de bon goût. Ses dimensions sont assez vastes pour j
contenir plusieurs centaines de personnes. i
Ce fut un jour do fête, et pour les indigènes : le jour
du grand '^ tamasha n . Cette expression est, dans 1 a
langue du pays, synonyme de fête; elle s'approprie
admirablementà tous les événements qui sortent du
"M »?ç "te
IV
102 DIX ANNÉES d'apostolat
cours ordinaire des choses. Une bénédiction d'église,
qu'était-ce donc? A en juger par les apprêts, par
l'ornementation de l'édifice, par les guirlandes et
les oriflammes décorant les murs, la cérémonie devait
être extraordinaire. Aussi, attira-t-elle une foule
énorme dont l'attitude respectueuse édifia Mon-
seigneur.
Après la bénédiction de ce nouveau temple élevé
à la gloire de Dieu et dédié au divin Cœur de Jésus,
le R. P. Archange chanta solennellement la Messe,
assisté de ses deux collaborât surs, les ER. PP. Vin-
cent et Philippe.
Cette belle journée les dédommagea des difficultés
et des déboires qui avaient assailli leur pénible minis-
tère. Ils entrevoyaient maintenant des résultats \^
pleins d'espérance, et ils pouvaient, tout en faisant
monter leur reconnaissance vers le Ciel pour le bien
déjà réalisé, regarder l'avenir avec plus de confiance.
L'événement leur apportait l'espoir que le Seigneur
accomplirait la promesse qu'il fit à Salomon après la
dédicace solennelle du Temple : " Mes yeux resteront
ouverts et mes oreilles attentives à la voix de ceux
qui prieront dans ce lieu; car je l'ai choisi et je l'ai
sanctifié, pour que mon nom y soit loué éternelle-
ment, et que mes yeux et mon cœur y demeurent à
jamais tous les jours ! «
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.J CHAPITRE CINQUIEME. Ç
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IDJ^IjHIOTJSIE-
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§ I. — L'église de Saint-François d'Assise.
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E jour de F Assomption, en l'année 1894,
t->.=^^i Mgr Godefroid Pelckmans eut la consolation
de bénir, à Dalhousie.la première chapelle catholique
bâtie sur les hauts sommets de cette partie des
Himalayas confiée, le 25 Novembre 1888, au zèle des
Capucins de la Province Belge. Il en avait jeté les
fondements en 1889, alors qu'il exerçait les fonctions
d'aumônier auprès des troupes anglaises cantonnées
en cette région. Cet événement marquera dans les
annales de notre Mission: car, bien que cette église
n'ait à l'heure présente d'autre usage que de pour-
voir aux besoins religieux des Européens résidant
dans cette station pendant la saison chaude, elle
est appelée à devenir un centre d'où nous espérons
faire rayonner sur la contrée environnante l'action
salutaire de notre Ste Pieligion.
Quelques détails au courant de la plume sur ce
coin pittoresque du diocèse. C'est sur une des chaînes
secondaires des Himalayas, voisine des pics neigeux,
que s'élèvent les trois sommets distincts qui forment
la station de Dalhousie. Bakhrota, le plus considé-
rable des trois, est à une altitude de 2.512 mètres ;
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y^ ^^ .
104 DIX ANNÉES d'apostolat
Terah occupe le centre, à 2.241 mètres ; et Potreyn
sur lequel sont construites notre chapelle et la rési-
dence des Pères, clôt les limites de cette magnifique
station, une des plus saines des Himalayas. Les
Ano-lais ont fait de ce lieu, encore snuvao-e il v a une
cinquantaine d'années, un séjour vraiment enphaii- '
teur.
Rien ne saurait rendre le splendide spectacle
dont on jouit quand, le matin d'un jour d'automne,
on contemple d'un sommet voisin, les trois cimes qui
se dét ichent sur le fond bleu et ensoleillé du ciel de
l'Inde avec leurs Hancs boisés d'où émerofent les
gaies et gracieuses habitations des Euroj)éen8. Le
Gouvernement, au prix de dépenses énormes, y
'^y entretient tout un établissement militaire, où. pendant y?
les chaleurs de l'été, sont envoyés les soldats malades
ou débiles. Toutefois, ceux qui par devoir ou par
nécessité habitent cette région toute l'année, ont
à souffrir des rigueurs des hivers. C'est ainsi qu'en
1892. la station fut littéralement bloquée sous les
neiges, qui, en certains endroits, atteignaient 30 à
35 pieds de hauteur.
Les bâtiments de l'hôpital, du dépôt et des bureaux
de l'administration de la garnison s'échelonnent le
long des pentes que couronnent les hauteurs de
Dalhousie. En 1873, le chapelain se construisit à ses
propres frais, sur une petite éminence faisant face à
l'hôpital, une modeste demeure, espérant qu'un jour
ses moyens pécuniaires et l'intervention généreuse
du (îouvernement lui permettraient d'ériger une
chapelle pour y abriter Notre Seigneur. Ses désirs ne
7% k
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i AU PUNDJAB 105
r
se sont point réalisés. et la petite maison de Balune a j
servi jusqu'en 1899, époque où elle fut vendue, tout |
à la fois de chapelle pour les troupes et de résidence ;
pour le prêtre.
Lorsqu'en 1889. la Province Pîelge des Capucins
envoya au Pundjab une caravane de jeunes mission-
naires, Mgr Sympliorien Mouard crut bon de les ,
placer dans la station la plus saine et la moins chaude !
de la mission. Là. ces élèves, pourraient, avec plus j
de liberté et de facilité continuer leurs études théolo- i
giques ; en même temps, ils s'initieraient à la connais-
sance de l'anglais et s'acclimateraient dans leur
seconde patrie. La petite maison de P)alune leur fut
assignée. Se serrant un peu, tirant parti de tous les
coins de l'étroite résidence, nos jeunes apôtres s'esti-
maient tout de même heureux de goûter les dou-
ceurs de la pauvreté séraphique. Bientôt le Seigneur
leur ménagea, en ces commencements assez difficiles.
une surprise providentielle. Un catholique, >L Berril 1 .
ancien officier de police, vint leur offrir généreuse- I
ment ses services. Avec un désintéressement parfait. '
il s'improvisa leur professeur d'anglais. Ses leçons de
I lecture, d'orthographe et de grammaire, sa conver-
! sation agréable et son commerce facile leur apla-
nirent les aspérités de la langue, et hâtèrent le
i moment où ils i)Ourraient utilement se dévouer à la
mission. Cependant l'exiguïté du local, aussi bien que
Téloignement très considérable du centre de la station
; civile de Dalhousie, préoccupait Mgr Mouard, et il
; attendait l'occasion de louer ou d'acheter une maison
I plus rapprochée. L'aumônier avait d'ailleurs seul ,
7i #5 ' te;
5.
S^
106 DIX ANNÉES d'apostolat
rautorisation de résider dans les limites de la zone
des casernes; et d'un jour à l'autre, le Gouvernement
pouvait lui susciter des difficultés. D'autre part, il
était urgent pour le bien des catholiques qui n'appar-
tenaient pas au cantonnement militaire, de leur offrir
plus de facilité pour remplir leurs devoirs religieux.
Il advint qu^une des maisons les mieux situées fut
mise en vente; et, au mois de Décembre 1890, grâce
aux aumônes de nos amis de Belgique, nous étions à
même de l'acheter. Mgr Godefroid Pelckmans, exer-
çant alors les fonctions de directeur du petit sémi-
naire, de professeur de théologie et de chapelain,
indiqua la place où devait s'élever la future chapelle,
et la pioche fit sauter aussitôt les premières pierres
destinées aux fondements de l'édifice. Travail ardu,
s'il en fut, inexpérimentés que nous étions dans ce
pays; travail enrayé de toute façon, notamment par
l'opposition sourde des francs-maçons de la Municipa-
lité, la mauvaise foi des entrepreneurs, et par les
surprises réservées à quiconque veut asseoir un tel
bâtiment sur le flanc d'une montagne. M. Berrill,
avec l'intelligente collaboration de M. Cameron,
protestant, ingénieur au service civil, prit la direc-
tion de l'entreprise que le T. R. P. Edouard,
actaellement Supérieur Régulier et successeur de
Mgr Godefroid, put mener à bonne fin après trois ans
et demi. De l'avis de tous, cette petite église, con-
struite en style gothique d'un très bon goût, est la
perle de notre mission.
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^(_ i# —42:
AU PUNTKJAB 107 I
§ II. — Le Couvent et le Pensionnat du
Sacré-Cœur de Jésus.
Le complément nécessaire de toute paroisse bien '
organisée est et restera toujours Técole. L'école et
l'église s'appellent mutuellement et se complètent.
C'est à l'école sous l'autorité de la discipline, que
se forme le caractère moral et chrétien des enfants,
qui feront plus tard honneur à la religion dont
ils reçoivent les divins enseignements. A cette épo-
que surtout, où l'éducation domestique aux Indes
est entachée de l'indifférence la plus déplorable sous
le rapport religieux, la nécessité d'ouvrir des asiles
à la jeunesse s'impose impérieusement à la conscience
de ceux que Dieu a choisis pour être les guides et les
sauveurs de son peuple. En pays de mission, les J:
jeunes âmes sont à la merci de toutes sortes de
doctrines et des exemples les plus pernicieux, si elles
ne sont arrachées de bonne heure au foyer de la
famille, qui est trop souvent une source de perver-
sion par la divergence lamentable des convictions
religieuses du père et de la mère. Déplus, les insti-
tutions philanthropiques des protestants ou de la
franc-maçonnerie, excitant bien souvent l'avarice des
parents par l'appât d'une éducation à bon marché,
ont avili les mœurs et perdu plus d'un enfant catho-
lique. Mgr se rendit parfaitement compte de cette
situation, et conçut le projet d'établir au moins un
pensionnat dirigé par les religieuses et destiné à
l'éducation des nombreuses jeunes filles résidant en
été dans cette station sanitaire.
1^
^
108 DIX ANNÉES d'apostolat
La coutume de se transporter sur les montagnes
pendant les mois de la saison chaude, a pris depuis
quelques années une extension extraordinaire, ce qui
i fait qu'une partie notable de la société anglaise
• déserte les plaines, amenant eu conséquence un fort
; contingent d'enfants auxquels nous ne pouvions ott'rir
î d'asile. Dalliousie n'était pas toutefois absolument
dépourvu d'établissement scolaire à l'époque où Mgr
I projetait l'érection d'un couvent et d'un pensionnat.
j Les ministres protestants, disposant de grosses
! sommes d'argent fournies par les sociétés évangé-
j liques, avaient, depuis plusieurs années déjà, ouvert
I une école dans la loge môme des francs-maçons. Forts
de leur position, ils exerçaient une sorte de contrainte
I morale sur les parents catholiques qui se trouvaient
(C: dans l'alternative de leur livrer leurs enfants, ou de
les voir privés de l'instruction nécessaire. D'un autre
côté, le diocèse ne possédant aucune institution de ce
genre sur les montagnes, les enfants éduqiiés dans
nos instituts des plaines, et auxquels les parents
désiraient procurer un climat plus doux, étaient
envoyés dans d'autres diocèses mieux favorisés que le
nôtre. Pour cjnibler cette lacune, mais par-dessus
tout pour sauvegarder l'avenir religieux de tant de
jeunes âmes, Sa (rrandeur saisit la première occasion
qui s'oftVit pour acheter un terrain où l'on })ût. avec
le temps, bâtir un couvent et un pensionnat. En 1^97.
le llaja de Cachemire mit en vente à Dalhousie une
de ses villas, située à cin([ minutes de distance de
l'église de St-François. C'était vraiment providentiel:
et Mgr n'hésita pas. Il écrivit au T. K. P. Procureur
^ . ^
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AU PUKDJAB 109
de la Mission belge et fit un appel ardent à la généro-
sité des bienfaiteurs de Belgique, mais les sommes
recueillies se trouvèrent insuffisantes pour couvrir
l'achat. Comme TafFaire était de nature telle qu'elle
ns souffrait aucun retard et que, d'ailleurs, la Provi-
dence semblait si visiblement seconder ses vues,
Mgr fit un emprunt et dota la mission d'une belle
propriété, voisine des bâtiments d'Alverna.
n chargea le T. R. P. Edouard, son Vicaire Géné-
ral, de raser la maison qui d'ailleurs n'était bâtie que
sur des soliveaux pourris et msnaçait ruine, et d'en
construire une assez vaste pour pouvoir y installer
une institution religieuse. Au prix des sacrifices
pécuniaires les plus considérables, le couvent fut
achevé en l'année 1898 et dédié solennellement au
S. Cœur de Jésus. Sans délai, quatre soeurs de la
Congrégation de Jésus et de Marie de Lyon, y furent
envoyées; les prospectus furent lancés et le pension-
nat ouvert incontinent. L'effet fut désastreux pour
l'école protestante. La sympathie que le public
accorda aussitôt à la nouvelle institution, prouva une
fois de plus la confiance que les parents, même
appartenant à des confessions dissidentes, ont
toujours placée dans l'éducation donnée par nos
saintes et dévouées coopératrices, les religieuses.
Cette bienveillance paya en grande partie les sacri-
fices accomplis. Parsis et protestants retirèrent peu
à peu leurs enfants de l'école patronnée par la franç-
maçonnerie, et. malgré les tentatives désespérées des
ministres évangéliques pour sauver les derniers
vestiges de prospérité de leur œuvre scolaire. naguère
^
110 DIX ANNÉES d'apostolat
I
encore si opulente, elle mourut de sa belle mort et
ne se relèvera pas de sitôt. C'est que l'argent (et ce
I nerf de la guerre ne manque jamais aux sociétés
évangéliques) n'est pas le seul ressort vital de ces
genres d'institutions, qui requièrent par dessus tout
une vie de dévouement et de sacrifice.
Et les parents sont, au demeurant, malgré leurs
préjugés religieux, bons juges en cette matière,
i désirant surtout que leurs filles soient élevées mora-
lement. Le couvent du Sacré-Cœur resta donc seul
maître de la place. Naturellement, comme la société
qui fréquente eu été cette station se compose en
t grande partie de protestants, il en résulta que la majo-
rité des enfants admises au pensionnat était protes-
tante. Toutefois cet état de choses ne contrarie ni la ^
discipline religieuse de l'établissement, ni l'action
bienfaisante que les religieuses désirent exercer sur
les enfants catholiques. Car, outre que les chances de
conversion sont décuplées parmi ces âmes tendres
en qui l'erreur et les préjugés de religion n'ont pas
encore poussé de racines profondes, aucun des exer-
! cices de piété n'est omis sous prétexte de ne pas
froisser les susceptibilités religieuses ; côte à côte
avec leurs compagnes catlio]i(|ues, les petites pro-
testantes assistent à la Ste, Messe le matin, à la récita-
tion du rosaire le soir, et d'une même voix, sinon
d'un même cœur, récitent ensemble les prières
. ; catholiques. Le bien que de telles fondations peuvent
I réaliser est incalculable. Sans ces asiles où les con-
I naissances nécessaires aux jeunes filles leur sont
I distribuées avec l'enseignement religieux, et où les
AU PUNDJAB 111
c:erme^ de vertu sont cultivés et les racines vicieuses >
° . . .1
extirpées par la douce et incomparable sollicitude de !
ces mères spirituelles, que deviendraient ces enfants,
dans un pays où Satan, il faut bien le redire, excerce
encore sa suprématie sur la majeure partie des âmes?
Chrétiens généreux qui lirez ces lignes, n'oubliez
pas les sacrifices que l'érection de ce couvent a coûtés
à Sa Grandeur et à son digne coopérateur, le
T. R. P. Edouard, Supérieur Régulier. Sil existe et
produit déjà des résultats consolants, il est cependant i
loin de répondre à Tidéal rêvé par Mgr, et reste i
encore dépourvu de bien des choses désirables pour
en faire un pensionnat modèle. Vous avez devant
vous un objet digne d'intéresser à la fois, et votre zèle,
et votre charité. C'est surtout, retenez -le bien, par ['^
les écoles que les âmes sont sauvées, régénérées,
christianisées dans tous les pays, mais avec bien plus
de vérité encore dans les pays de mission. Et tandis
qu'ici les influences perverses du paganisme et de
l'hérésie se sont infiltrées dans tous les rapports :
sociaux et ont envahi jusqu'au foyer domestique, ;
seule l'école catholique se dresse comme une forte- '
resse sous les remparts de laquelle les âmes trouvent '
une protection efficace contre le flot noir et impur du i
mensonge et de l'impiété. Partout où elle s'élève, i
l'école est un phare lumineux et un refuge pour la
vertu. Mettez-nous à même d'agrandir cette institu-
tion salutaire, et soutanez d'une main généreuse cet
asile offert non seulement à la jeunesse catholique, j
mais aussi à ceux que nous voulons arracher aux '
y^ 5?ç— ^
5/
:^ i^i
112 DIX ANNÉES d'apostolat
ombres de la mort et éclairer de la vraie lumière.
Vous aurez fait une œuvre de salut, méritoire })our
la vie éternelle.
Qfl Ii£
•^ —^ ^
>^ ^
^ CHAPITRE SIXIÈME.
2 FEI^OZElï^OK/E €
L n'est peut-être aucune cité dans le Pundjab
I sur laquelle il existe moins de documents
historiques que Ferozepore, encore qu'elle soit consi-
dérée comme une des principales villes de la Province.
Les seuls vestiges d'antiquité échappés aux injures
du temps, sont un vieux fort que l'on dit avoir été
: bâti par Feroz-Shah, empereur de Delhi en 1387. Il
■•^/ est à présent si complètement en ruines (j^ue n'était
un monticule couronné d'un mausolée musulman,
son souvenir serait enseveli dans l'oubli. Après avoir
été successivement occupé par différents maîtres,
I Ferozepore finit par tomber, en 1833, à la mort de
I Sadarmi Tuchman et Lunnar au pouvoir des Anglais.
I Ces derniers toutefois n'exercèrent qu'une souverai-
j neté purement nominale jusqu'en 1837, époque oii ils
;j en prirent formellement possession. Un agent poli-
■ tique représentant les intérêts de la Compagnie
Orientale des Indes, fut nommé comme chef de la
place avec quelques troupes comme escorte.
Les choses en restèrent là jusqu'au moment où
éclata la guerre du Pundjab en 1845. Après les san-
j glantes batailles de Moodhee, Feroz-Shah, Aliwal,
livrées contre les Sickhs, mais surtout après l'enga-
! gement désespéré de Sobraou, à cinq lieues environ
£
^ ^ ^
114 DIX ANNÉES d'apostolat
de Ferozepore. où l'armée sickh perdit 8000 hommes
et les Anglais laissèrent 2083 des leurs, les vain-
queurs passèrent le Lutley.la nuit même delà victoire,
et occupèrent définitivement Ferozepore. L'histoire
rapporte que ce combat eut lieu presque au même
endroit où Alexandre-le-Grand livra une de ses mé-
morables batailles.
Depuis lors, la Cité fut occupée par un cantonne-
ment militaire permanent, et un vaste arsenal fut
construit pour fournir les munitions de guerre à
toute la Province. Inutile de dire que le Gouverne-
ment protestant fit bientôt bâtir une superbe église
pour le service des troupes, en majeure partie ])ro-
testantes, et que les catholiques restèrent abandon-
nés à leurs propres ressources. \^
A force d'économies et de sacrifices, le Père Michel-
Ange Jacopi finit par recueillir assez d'argent pour
se construire une petite résidence et une chapelle des
plus modestes. Ceci se passait en 1852. Les choses
marchèrent lentement et sans difficultés sérieuses
jusqu'à l'explosion de la révolte des Cipayes en 1857.
A cette date, le 61*^ régiment anglais et deux régi-
ments indigènes, le 55^ et le 45®, étaient cantonnés à
Ferozepore. Les officiers anglais, commandant ces
deux derniers régiments, avaient pleine confiance
dans la loyauté de leurs subordonnés, quand le 14
Mai, la nouvelle arriva à Ferozepore que les troupes
indisrènes s'étaient révoltées à Meerut. Ce fut comme
une traînée de poudre. Sans perdre du temps, les
Anglais diriçfèrent les femmes et les enfants des
Européens résidant dans la station vers l'arsenal,
-À ■ ^
^^
^
X
AU PUNDJAIÎ 115
afin de les mettre à l'abri des attaques des rebelles.
Ils avaient malheureusement à passer par le camp
du 45*^ régiment d'infanterie indigène qui, dans un
premier moment de surprise, ne parut pas soupçon-
ner le but de ce convoi qu'on introduisait dans
l'arsenal. ]\lais cette hésitation ne fut pas de longue
durée ; et dès qu'il eurent la certitude que les victi-
mes qu'ils avaient en vue leur échappaient derrière
les portes de fer, ils tentèrent d'escalader les remparts;
ils furent heureusement repoussés par les assiégés.
La nuit suivante, le cantonnement européen fut le
théâtre de la plus sauvage dévastation.
Les troupes mutinées se ruèrent sur la place, in-
cendièrent non seulement les maisons particulières,
3^ mais aussi les bâtiments publics; l'église protestante ^
et la pauvre petite chapelle catholique, fruit de tant
de privations, n'échappèrent pas à leur fureur. Le R.
P. Sébastien, chapelain militaire d'alors (il vient de
mourir à Allahabad plein d'années et de mérites), fit
des efforts suprêmes pour sauver des flammes, et sa
chapelle, et le St. Sacrement. Mais si soudaine avait
été l'attaque qu'il vit en quelques instants son enclos
rempli de vrais démons à face humaine, qui mirent le
feu à la maison, aux remises, à l'église, et transformè-
rent l'enceinte en un brasier immense
Aidé de son soldat d'ordonnance qui devint plus
tard religieux sous le nom de frère Denis, il tenta à
plusieurs reprises de pénétrer dans la chapelle pour
arracher aux flammes le St. Sacrement, mais ce fut en
vain; ils dui^ent assister, l'amertume et la tristesse dans
l'âme, à cette profanation sacrilège, et voir réduire
^ ^ ^^ç— ^
V
^ :
lUi DIX ANNÉES d'apostolat
en cendres ce qu'ils avaient de plus cher au monde.
Comment le Père Sébastien échappa à la furie de ces
démoniaques, cela resta un fait inexpliqué!
Quand la tourmente révolutionnaire fut apaisée et
que la confiance mutuelle se rétablit entre maîtres et
subordonnés, le Père Sébastien se mit en devoir de
relever de ses ruines le temple bâti au prix de tant
de sacrifices. Tendant la main à toute âme de bonne
volonté, il quêta sou par sou l'argent absolument
nécessaire pour jeter les foniemeats d'une nouvelle
chapelle. Il trouva une assistance des plus efficaces
dans le dévouement des soldats irlandais, qui non
contents de donner leur obole, offrirent spontanément
^^ le travail de leurs mains et s'improvisèrent qui ma-
é^ çons, qui charpentiers, qui hommes de peine pour ^C
hâter l'achèvement d'un édifice que leur foi réclamait
si ardemment. Mais cette chapelle, construite avec
plus de foi que d'art architectural , était condamnée
à être rasée en 1880 par le comité des ingénieurs du
Gouvernement, chargé du service des bâtiments
publics réservés à l'armée. En place et lieu de cette
chapelle qui menaçait ruine, les autorités militaires
mirent à la disposition de Taumônier des soldats
catholiques, tantôt une des casernes, tantôt le cabinet
de lecture où la messe était dite chaque dimanche.
Ce triste état de choses dura jusqu'à la fin de
l'année 1889. Grâce aux démarches et aux instances
répétées du R.P.Medlycott (actuellement évêque) au-
près du Gouvernement anglais, ce dernier sanctionna
l'érection, aux frais de l'Etat, de la magnifique
église dont nous donnons ci-joint la photographie.
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. S^ ■
AU PUNDJAB 117
Elle répond complètement aux exigences du culte
et peut facilement contenir 800 personnes. Sa Gran-
deur, Mgr. Mouard, eut la consolation de la bénir
solennellement en 1890.
Un nouveau pas dans l'embellissement de cet édi-
fice vient d'être accompli par Mgr Pelckmans.
Faisant droit à des pétitions reitérées, le Gouverne-
ment a élevé tout autour de l'enclos de l'église un
mur qui en rehausse beaucoup la beauté. De plus,
Sa Grandeur est actuellement occupée à bâtir une
résidence pour le prêtre, et Elle espère la bénir avant
la fin de Janvier 1900. Le terrain offert par le Gou-
vernement touche à l'enclos et le creusement d'un
puits aux frais de l'État a permis de commencer im-
médiatement la construction du presbytère qui sera
terminée sous peu.
j^.
"#v te
!
fi CHAPITRE SEPTIÈME.
M — -^ —
^ Le Couvent des sœurs de Jésus
^ et de Marie à Siaikot.
\
OMME le district de Siaikot fut choisi dans les {
desseins miséricordieux de la Providence
pour recevoir les premières semences de la bonne
nouvelle, il ne sera pas sans intérêt de dire un mot de
cette importante cité, et, à cette occasion de rappor-
ter un fait merveilleux qui se passa dans l'enceinte
du couvent des sœurs de la congrégation de Jésus et
de Marie, lors de la fameuse révolte des Cipajes. .a
Siaikot était la capitale de la contrée, il y a plus de
2000 ans. Talii, qui fut plus tard le chef-lieu de tout
le haut Pundjab, à l'époque où les pèlerins chinois
visitaient IHindoustan, s'élevait au Sud, dans un
pays presque désert que le déplacement du cours
de la Ravi et le dessèchement des canaux ont con-
damné à la stérilité. Les ruines de l'antique cité se
voient encore près du village d'Assasour, au N. E. de
la, petite colline de Sangal, où l'armée d'Alexandre le
Grand remporta une de ses victoires.
Quelques années déjà avant l'annexion du Pund-
jab parles Anglais, un cantonnement militaire com-
posé de troupes indigènes et de troupes anglaises
avait été établi pour surveiller plus facilement la
frontière et la capitale des Etats de Cachemire. De
cette façon, Siaikot devint peu à peu une des villes
•^ ^ ■ ■ ^
^ — — ^ i4ï^
S'
AT rUNDJAB 119
importantes des provinces du N. 0.. ce qui déter-
mina Mgr Jacopi à y fonder le premier couvent de
religieuses pour Téducation des filles européennes et
eurasiennes. Ses projets lurent admirablement secon-
dés par l'offre généreuse qu'une famille anglaise lui
fit d'une maison avec jardins et dépendances, située
à une distance de deux milles environ de la résidence
du chapelain. Quatre religieuses de la congrégation,
de Jésus et de Marie, envoyées d'Agra, prirent pos-
session de la donation, qui, par sa situation solitaire,
loin des bruits du cantonnement et de la cité devint
un foyer de piété non moins que de bonne et chré-
tienne éducation.
Dieu semblait l'avoir placée sous sa protection
spéciale, ainsi que le prouve un événement mémora- ^r
ble qui se passa plus tard pendant lïnsurrection des
troupes indigènes.
C'était en 1857. A ce moment. Tlnde travaillée par
un profond ferment de rébellion et de mécontente-
ment contre les maîtres à couleur blanche qui
l'avaient subjuguée, sembla échapper pour toujours
aux Anglais ; leur pouvoir fut sur le point d'être
englouti dans une vaste hécatombe de victimes
européennes. En comparaison avec d'autres provin-
ces, le Pundjab ne fut point le théâtre de scènes
aussi sanglantes et aussi cruelles que celles qui déso-
lèrent les villes de Meerut. Delki. Cawnpor, Luck-
now et Farukabad. Grâce à la prompte et énergique
action de Sir John Laurence, lieutenant-gouverneur
de la Province, le sang ne coula pas en si grande
abondance et bien des vies furent épargnées. Toute-
-Â — " ^ ■
— ^J^ , i£
120 DIX ANNÉES d'apostolat
fois, les troupes indigènes de cette partie de l'Hin-
doustan manifestèrent un grand esprit d'insubordi-
nation, et, en plusieurs endroits (1). éclata une
révolte ouverte.
Le 2 Juillet de cette année néfaste, à deux heures
de la nuit, religieuses et enfants du couvent de Sial-
kot furent réveillées en sursaut par Tirruption sou-
^ daine d'un messager, qui les pressa de fuir à Tinstant
même et de chercher, dans le fort européen, un
refuge contre une troupe de révoltés s'avançant dans
la direction de la maison. La Révérende Mère Gonza-
gue envoya aussitôt avis au R. P. Paul, leur direc-
teur et chapelain, qui, à la suite des rumeurs som-
bres qui circulaient depuis quelque temps, avait
^> heureusement fixé son domicile dans une habitation s^
I voisine du Couvent. Quelques moments après, il p
était au milieu de ses enfants en détresse. Son !
premier soin fut de i)lacer les v^ases sacrés en lieu
sûr, se réservait le ciboire avec les saintes espèces,
qu'il cacha sur sa poitrine, sous ses vêtements. Entre-
temps, les pensionnaires, en robes de nuit, la tête
couverte d'un drap de lit à la façon des femmes
indigènes pour mieux dissimuler leur nationalité,
commençaient à opérer leur retraite, courant vers les
étables pour escalader le mur d'enceinte. Mais leur
sortie fut brusquement arrêtée par l'irruption tumul-
tueuse d'une bande de rebelles qui, en un instant,
cernèrent toutes les issues du couvent. D'un ton im-
périeux, celui qui paraissait être le chef, réclama
H' ; ^>d"'î)
. . ^^^ .
! AU PUNDJAB 121
qu'on lui livrât à l'instant les deux réfugiés qu'il
disait être cachés dans l'établissement. Par ces l'ugi-
tifs, il entendait Tadjudant-militaire et sa femme
qui étaient accourus affolés quelques minutes aupa-
ravant auprès des religieuses, suppliant qu'on les
dérobât à la poursuite des insurgés. Avec un sang
froid et une présence d'esprit admirables, la Révé-
rende Mère avait fait placer deux bancs de l'école
dans une des remises et avait prié les malheureux de
s'y blottir et de s y tenir cachés le mieux possible.
Pour toute réponse, le Père Paul les invita à fouiller
la maison et à s'assurer par eux-mêmes de la
présence des réfugiés en question.
En un instant, toutes les chambres furent assiégées
■e, et mises à sac par ces bêtes humaines altérées de
"'■f,y ....
^' sang, à qui Pinsurrection permettait d'assouvir leurs
passions ignobles et sanguinaires. Pendant que cette
sinistre besogne s'accomplissait ou, pour mieux dire,
pendant que cette chasse à l'homme se poursuivait,
les réfugiés avaient profité du court intervalle
pendant lequel les insurgés essayaient de terroriser
les religieuses et les enfants, pour s'échapper et fuir
vers le fort ; malheureusement ils ne purent l'attein-
dre : ils furent frappés mortellement par les balles
révolutionnaires, dans leur course à travers les cam-
pagnes. Cependant l'heure devenait de plus en plus
critique et le Père Paul mesurant d'un coup d'œil
toute la gravité de la situation, fit agenouiller les
; Sœurs et les enfants dans le salon où ils étaient
réunis. Privé de tout secours humain, dans un acte
I de résignation sublime aux volontés de Celui qu'il
-.^t : #5
-U.
^ ^ —
122 BIX ANNÉES d'apostolat
portait sur sa poitrine, il s'abandonna, lui et les siens
à la garde de son Dieu; il récita à haute voix un
acte suprênie de contrition que tous répétèrent avec
lui, puis se relevant, il leur donna une dernière ab-
solution.
Cette scène touchante à peine terminée. les soldats,
trompés dans leur attente, rentrent furieux au salon
et somment la Révérende Mère de leur donner tout
l'argent qu'elle possède. Très prévoyante, elle venait
î de distribuer entre les relisj-ieuses et les Qrrandes
I pensionnaires toutes les ressources pécuniaires dont
elle disposait, leur disant de les cacher adroitement
i dans leurs chaussures. Pour toute réponse, la Supé-
rieure se contente de leur passer les clés, les laissant
^ libres de fouiller toutes les armoires. Et poussés pas àa
, leur cupidité, ils se répandent de nouveau dans la
maison à la recherche de trésors qui pourront, cette
fois, les dédommager de leur désappointement. Mais
trois d'entr'eux étaient restés avec les prisonniers.
Se voyant seuls, ils viennent se poser effrontément
devant la Mère et exigent avec menaces qu'elle leur
abandonne une des grandes pensionnaires qu'ils
désignent de leur sabre.
La Mère Gonzague refuse catégoriquement, et
: s'attend à ce qu'elle croit être la fin de ce drame,
c'est-à-dire à la dernière immolation d'elle-même
pour sauver celles qui lui avaient été confiées. Déjà,
le canon d'un fusil est braqué sur elle et l'épée d'un
j autre soldat levée pour la frap|)er quand Dieu, par une
' intervention surnaturelle, sauva ceux qui n'avaient
point espéré en vain dans sa protection. Le chef de
^^ ^- ; — ^
^ ^#
j AU PUNDJAB 1 23
{ la bande reparaît dans la salle et fixant lés yeux sur
i le Père Paul, il lui demande d'un ton arros^ant ce
I qu'il tient si soigneusemeut caché sous ses vêtements.
-C'est mon Dieu» répond gravement le saint mission-
naire — Ton Dieu ! reprend d'un ton sarcastique le
bandit, je serais curieux de le voir «. Le Père
n'hésite pas. Avec un profond respect et une foi
ardente dans la réelle présence de Celui qui protège
les faibles, il découvre sa poitrine, prend la sainte
piocide et la présente aux regards cupides de l'infi-
dèle. Se penchant pour considérer ce que pouvait
contenir le vase dor, le malheureux recule frappé
d'une terreur subite et inexplicable, et à l'instant
même, il donne Tordre* de battre en retraite.
Qu'avait-il vu dans ce coup d'œil rapide et insultant , ';
sur le plus sacré de nos mystères? C'est le secret de
Dieu, et nul n'a jamais pu l'éclaircir.Mais ses entants
étaient sauvés. |
En quelques minutes, les révoltés s'enfuirent, les
uns sur leurs montures et les autres à toutes jambes,
de ce lieu que Dieu protégeait si visiblement. Le
premier moment de surprise passé, l'on s'organisa
pour le départ. Religieuses et entants descendirent
par ime fenêtre donnant sur la campagne, aidés par
deux fidèles serviteurs chargés de veiller sur les plus :
petites, pensionnaires que la terreur avait comme
paralysées, ce (][ui rendit la fuite plus lente et- partant
plus périlleuse. Clouées au sol par la peur, les
pauvres enfants refusaient d'avancer et les sœurs se
virent contraintes de les emporter dans leurs bras.
Dieu vint encore à leur aide dans la personne d'un
5/,
:fe' ^ ■ »€
124 DIX ANNÉES D'ArOSTOLAT
officier indigène qui non seulement leur indiqua la
voie la plus sûre pour atteindre le fort, mais les
aida à transporter le précieux fardeau dont elles
étaient chargées.
Après une marche pénible et angoissante, la petite
■ troupe pénétra enfin dans l'enceinte du fort. Quel-
J ques jours après, entourée d'une escorte de soldats
européens, elle fut dirigée sur des chariots à
bœufs vers le fort de Lahore, où elle resta sous la
garde des troupes anglaises qui commandaient la
place.
Le calme étant rétabli dans la contrée, les reli-
gieuses et leurs élèves reprirent le chemin de Sialkot
et rentrèrent dans cette maison qui leur était deve-
^ nue si chère par la })rotection miraculeuse qu'elles
^ avaient reçue du Dieu de l'Eucharistie.
Comme les vieux bâtiments du couvent menaçaient
ruine, l'on fut obligé, dans ces dernières aimées, de
les renouveler presque entièrement. Des annexes con-
sidérables nécessitées par le nombre toujours crois-
sant des pensionnaires, en changèrent l'aspect pri-
mitif. L'institution n"a cessé de donner les plus
consolants résultats, tant par les succès que rempor-
tent les enfants aux examens publics que par le
grand nombre d'âmes qui trouvent dans cette douce
solitude tout embaumée de piété, les unes la vraie
lumière de la foi, les autres la grâce de tout aban-
donner pour se consacrer au service de Dieu, toutes
enfin une éducation solide et chrétienne pour affron-
I ter courageusement les dangers de la vie au sein
d'une contrée encore infidèle et hérétique.
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^
T^r
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^
4#
CHAPITRE HUITIEME
^
Le Couvent des Sœurs de la Charité et le Pensionnat
de Ste-Marie.
ooLTAN, la princiimle ville du sud du Puiidjab.
est située à quatre milles anglais de la rive
gauche de la Chenab, sur la grande ligne du chemin
de fer qui relie Karachi à Peshawar. 202 milles la
séparent de Lahore. 11 a été reconnu que Mooltan fut
l'ancienne ville du ^lalli, conquise par x\lexandre-le-
Grand, lors de sa mémorable invasion du Pundjab,
Tan 327 avant J.-C. Elle tomba au pouvoir des
Arabes au Vll"^ siècle, et l'empereur Akbar s'en em-
para au XVP siècle. Ranjit Sing,Raja de Lal^ore, l'ar-
racha aux mains des Afghans et se la rendit tribu-
taire. Ce fut pendant la guerre des Anglais contre les
Sickhs (1848-49), qu'elle fut bombardée et prise d'as-
saut par le général AVish (Janv. 1849) qui rasa la
citadelle. Cette guerre amena la complète annexion du
Pundjab à l'empire des Indes.
Actuellement un brio-adier-général commande la
place occupée par un régiment d'infanterie, une bat-
terie d'artillerie européenne et deux régiments
indigènes, l'un de cavalerie, l'autre d'infanterie.
Le district de Mooltan a une population de
126 DIX ANNÉES d'apostolat
631,434 habitants, qui se répartit comme suit sur
une superficie de 5919 milles carrés : 122, 714 Hin-
dous, 503,963 Maliométans, 2832 Sickhs, 24 Jains,
9 Parsees, 1543 Protestants et 350 Catholiques. La
ville de ^looltan compte 74,562 âmes dont 10,297
résident dans le cantonnement,
i II y a une église protestante et un cimetière pour
les Européens ; une partie est réservée aux Catho-
liques. Depuis 1859, un prêtre a toujours résidé dans
la station et pourvoit aux besoins religieux des
soldats et autres catholiques que leurs relations avec
la Société du chemindefer,ouleurs affaires, retiennent
dans cette localité.
Le R. P. Félix, capucin de la province de Venise,
^ j séjourna pendant 19 années consécutives et bâtit le \^
presbytère et Téglise actuels, à force de privations
personnelles et d"aumônes recueillies par des quêtes
continuelles. Grâce au zèle du R. P. Antoine, chape-
lain depuis 1895, l'église a reçu dernièrement des
embellissements notables par le placement de trois
nouveaux autels en bois précieux, artistement sculp-
tés. Les magnifiques statues du Sacré-Cœur de Jésus,
de la Ste-Vierge, de St- Joseph, et le Crucifix monu-
mental dominant le maître-autel, récemment importé
d'Europe, ont donné à l'église un cachet de beauté
religieuse qui ne contribue pas peu à exciter la piété
Ht la dévotion.
Une école d'enseignement primaire et moyen pour
■ les enfants catholiques a prospéré pendant dix
' années, nonobstant les ennuis causés par l'école
protestante rivale. Eu égard à l'importance de la
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AU PUNDJAB 127
station du chemin de fer et au grand nombre de
familles des employés au service de la Compagnie du
Nord-Ouest, les supérieurs de la Mission avaient
songé depuis longtemps à y fonder un couvent de
relioj'ieuses destiné à Féducation des filles. Les res-
sources trop modiques et le manque de personnel
avaient toujours retardé l'exécution de ce projet; Sa
Grandeur Mgr Pelckmans, fut assez heureuse de
pourvoir le réaliser en 1899. Sa Grandeur avait eu
d'autant plus ce projet à cœur, qu'ayant été le pasteur
de cette paroisse avant son élévation à l'épiscopat,
Elle avait pu mieux se convaincre de son importance
capitale pour les progrès spirituels de cette partie de
son troupeau. Le bâtiment, construit en briques
rouges solidement cimentées, s'étend sur une lon-
gueur de 123 pieds, sa largeur étant de 53 pieds et
sa hauteur de 23. Les pilliers soutenant les 30 arcades
des vérandahs qui l'entourent de trois côtés, et le
parapet couronnant la terrasse, lui donnent un
aspect imposant et tout oriental qui s'harmonise très
bien avec les bouquets de palmiers se dressant
majestueusement aux alentours, dans la chaude
atmosphère du climat indien. Les Sœurs de Cha-
rité de Gand arrivèrent au mois de Janvier de la
même année et furent aussitôt installées. Grâce à
leur sollicitude maternelle et à leur zèle ardent
pour le bien des âmes, il y a lieu d'espérer que
les élèves, tant internes qu'externes, qui y reçoivent
une éducation soignée, feront un jour honneur à
leurs dignes maîtresses et à la Ste Reliijrion à la-
quelle ils appartiennent. Au couvent, fut annexée
3^ ■■ 5?r~ '■
^
%^ j£
128 DIX ANNÉES d'apostolat
une crèche pour les enfants trouvés ou privés de
parents; à la fête de l'Ascension, trois de ces petits
malheureux, âgés de 2 à 4 ans, furent remis aux
mains de ces bonnes sœurs qui les adoptèrent avec
joie. j
Pensez toutefois, chers Bienfaiteurs, au surcroît |
de dépenses imposé par Fentretien de ces nourrissons ;
abandonnés; et, si le Ciel vous inspire l'idée gêné- j
reuse de placer sur la tête d'un de ces petits innocents i
un modeste revenu annuel pour son entretien et
son éducation, n'aurez- vous pas assuré le bonheur
de vos âmes en sauvant celle d'un de vos jeunes j
frères de ces contrées lointaines, qui, sans vous, se- |
rait restée la proie de Satan?... j
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5/
CHAPITRE NEUVIÈME
La Mission de DaIwaI
AK crainte de tomber dans des redites fasti-
dieuses, nous n'avons pu parler des stations
d'Anvutsar, de Jullandur, de Mean Meer, de Sia.l-
kot, qui, dans ces dernières années, ont vu leurs cha-
pelles pauvres et dénudées s'enrichir d'autels en
marbre et de belles statues en chromo, se consolider
par des réparations et s'agrandir dans des proportions
assez considérables, sans oublier l'ameublement et
les ustensiles servant au culte divin qui, devenus sur-
annés, ont été remplacés par d'autres plus riches et
plus décents.
Sur le point de terminer ce rapport, un événe-
ment est venu soudain élargir le domaine d'activité
des missionnaires et faire luire de nouvelles espéran-
ces pour la prospérité de l'Eglise Catholique dans le
diocèse. La divine Providence avait sans doute réservé
cette consolation comme récompense des efforts et
des travaux de ces dix ans d'apostolat, traversés par
ta-nt d'épreuves et marqués de tant de déceptions.
Sans nous j attendre le moins du monde, une
députation d'un gros village nommé Dalwal et situé
dans le district de Jhelum, s'est présentée spontané-
ment à Lahore au mois de Juin dernier. Abdullah
Khan, Raja honoraire et son frère Faizullah Khan,
'S
À
^
. %i — ^ ___ —
130 DIX ANNÉES d'apostolat
tous deux chefs de l'endroit, étaient à la tête de la
députation. Ils venaient, au nom des Mahométans et
des Hindous de Dalwal, supplier Sa Grandeur de
vouloir envoyer quelques prêtres pour j fonder une
école d'enseignement suj)érieur, dont ces derniers
auraient toute la direction : ils la priaient en même
temps d'ouvrir un dispensaire et un hôpital pour les
malades, laissant toute liberté aux Pères de prêcher
la religioti chrétienne, et même de bâtir une église
pour ceux qui voudraient embrasser ce Catholicisme.
L'on s'attendait d'autant moins à une pareille démar-
che qu'il n'y avait qu'une année à peine que cette
région avait été annexée par la Sacrée Congrégation
de la Propagande au diocèse de Lahore. Des ouver-
tures avaient été faites depuis quelques années par le
Préfet Apostolique de Cachemire et de Kafiristan à
l'évêque de Lahore pour céder au diocèse une petite
partie de son territoire évangélique, situé sur la rive
o^auche du Jhelum. Des néofo dations furent ensuite
entamées avec Rome, mais ce ne fut qu'au mois de
Mars 1898 qu'elles se terminèrent par la cession de
cette partie du district de Jhelum, comprenant la
chaîne de montagnes connue sous le nom de Sait
Ranofe ou montao^nes de sel.
C'est sur ces hauteurs qu'est située Dalwal, à une
altitude d'environ 2000 pieds. Sur un plateau très
salubre — et très fertile lorsque les pluies sont
abondantes, — s'élèvent les constructions irrégulières
de cette petite cité très ancienne et célèbre dans le
passé, mais tombée dans l'oubli, comme tant
d'autres à la suite de changements de gouvernement.
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'Pî
n
^ — ^ -
AU PUNDJAB 131
L'on y montre encore le palais, assez bien conservé,
que le généralissime des armées de l'empereur Akbar,
né dans cette localité, s'était fait construire; ce qui
atteste l'importance de la place à cette époque.
Mais revenons à notre sujet. L'instigateur de cette
démarche auprès de l'évêque de Lahore était surtout
le neveu du Raja qui, depuis cinq ans, avait em-
brassé la religion catholique dans la Préfecture
Apostolique de Cachemire et qui s'est toujours distin-
gué depuis par une foi ardente et un sincère désir
d'arracher ses compatriotes aux ténèbres de l'infidé-
lité. Sa Grandeur était absente quand la députation
arriva; et, comme Elle ne devait être de retour dans
sa ville épiscopale qu'après quelques mois, ils rédi-
gèrent une pétition en due forme, qui fut envoyée
aussitôt à Monseio'neur à Dalhousie. Cet événement
inattendu causa la plus grande joie au cœur de Sa
Grandeur. Elle en apprécia aussitôt les conséquen-
ces. N'ouvrait-il pas, à la propagation de notre sainte
Foi, de nouvelles perspectives? Et les circonstances
ne semblaient-elles pas présenter plus de garanties de
réussite qu'ailleurs, et notamment que dans la
Mission de Sialkot ?
Mais nous avions tout d'abord à nous assurer des
dispositions favorables et amicales de ce peuple,
ainsi que des motifs de la confiance qu'il avait en
notre système d'éducation et dans la moralité de notre
enseignement. Ensuite, nous avions à tenir compte de
ce que le travail des missionnaires avait été, jus-
qu'alors, comme invinciblement circonscrit parmi les
gens des plus basses castes, le rebut pour ainsi dire
^?5—
2^ ^ î£
132 DIX ANNÉES d'apostolat
de la société indienne ; et il en était résulté que tout
accès auprès des castes supérieures nous avait été
entièrement interdit, parce que celles-ci ne veulent
en aucune façon avoir des rapports avec celles-là.
Tandis qu'ici, c'était la classe dirigeante qui venait
vers nous pour nous confier ses enfants, et cela sans
faire la moindre réserve, ni la moindre objection,
même à l'enseignement de notre Sainte Foi dans
l'école ! Bien que les parents ne demandassent point
ouvertement d'entrer dans l'Eglise Catholique, c'était
déjà beaucoup qu'ils accordassent aux missionnaires
la plus grande liberté d'enseigner le catéchisme et de
faire de leurs enfants des êtres bons et moraux. Ce
-^ qui engagea en outre Sa Grandeur à répondre à leur m.,
appel, c'est que Faizullah Khan, le frère du Raja,
offrait gratuitement un vaste terrain pour y bâtir
d'abord un établissement d'enseignement supérieur,
ensuite une habitation pour le prêtre, une église et
un couvent pour religieuses. A ce dernier, on
demandait ea outre qu'il fût annexée un dispensaire
et une école pour filles. Toutefois, avant de
prendre une décision définitive, Sa Grandeur s'in-
spirant des conseils d'une grande prudence, députa
deux Pères pour aller visiter l'endroit et se rendre
compte par eux-mêmes des dispositions des habi-
tants.
Les RR. PP. Léon et Vincent de Ninove partirent
pour Dalwal et après un voyage de quatre jours,
rédigèrent le rapport suivant:
7^? [^
}
AU PUXD.TAB 133 .1
« Monseigneur,
^ Nous présentons respectueusement à Votre
Grandeur le rapport ci-inclus, sur notre mission à ;
Dalwal. Le 3 Juin, nous quittâmes Laliore et après !
dix heures de train nous atteignîmes Kliewra, sta-
tion terminus d'une branche du chemin de fer de la
Compagnie du Xord-Ouest, s'arrêtant juste au pied
de la chaîne des montagnes de sel. et nous arrivâmes
avec nos montures à Dalwal le jour suivant. Le
villasre est distant de Khewra d'environ IG milles et
O
20 milles de Piud-Dada-Khan, Le chemin n'est rien
moins qu'aisé, courant le long de montagnes, de
I rocs, et bordant parfois des précipices profonds. Toute-
! fois en certains endroits, la route traverse des
Jf plateaux riants, d'un caractère vraiment pittoresque ^^
qui contraste agréablement avec l'aspect ordinaire-
ment sévère des moutag^nes environnantes. Choha.
Saidan-Shah et Qatas peuvent être cités comme
exemples d'oasis dans ces montagnes nues et sauvasses.
Qatas est célèbre par une source d'eau suintant d'une
ij manière imperceptible à travers le roc et qui n'est
\ jamais à sec, ce qui fait qu'elle est considérée par les
habitants comme ayant la propriété de purifier les
;, âmes. Cette sotte croyance a fait de cet endroit un
: lieu de pèlerinage, qui attire chaque année, au
\ mois d'Avril, près de 10000 personnes venant de
j toutes les parties de l'Inde, même du Bengale, de la
( Chine, du Cachemire et de l'Afghanistan, toutes
avides de boire de ces eaux prétendument salutaires
et de s'}' plonger.
4
i?r
)*;
^ %é
134 DIX ANNÉES d'apostolat
. ' "Le villag-e de Dalwal est pittoresquement situé sur
une petite éminence au milieu d'un plateau bordé de
deux côtés par des chaînes de montagnes peu élevées.
Bien que la hauteur de l'endroit varie de 2 à 3 milles
pieds au-dessus du niveau de la mer, il n'j a pour-
tant pas de difficultés à se procurer de l'eau potable;
t nous vîmes en effet plusieurs puits au moyen desquels
les champs d'alentour sont irrigués. Le climat ne
laisse rien à désirer; et, malgré les chaleurs de l'été,
le besoin de -^ punkhas „ pendant la nuit ne se fait
pas sentir. Durant le jour, la chaleurn'est nullement
déprimante comme dans la plaine; et, si l'on con-
struisait une maison dans le genre de celles que l'on
bâtit dans les contrées plates, nous croj^ons que l'on
V ^ pourrait même facilement se dispenser du luxe des
« punkhas. ^ Le thermomètre dans la chambre que
nous occupons et qui est exposée des quatre côtés
aux rayons du soleil, ne marque pas plus de 93'^ Fa-
renheit.Les gens nous disent que jamais une épidémie
n'a fait son apparition à Dalwal. La culture des
terres est portée à un haut degré de perfection , et
Ton peut y récolter toutes les céréales des plaines.
Raisins, amandes, grenades, semblent être en abon-
dance. Il est possible de s'y procurer de la viande de
mouton à un prix modéré.
« Dalwal se compose d'une population d'environ
5000 habitants, Mahométans et Hindous. Le chef du
village, qui est en même temps considéré comme le
j premiers du canton de Pind-Dada-Khan, est aussi le
! chef de cette tribu de Bajpoutes qui s'est établie, il y
; a longtemps, sur les montagnes de sel. -D'origine
^ ^ j^ ■ j^
^ ^
i
i AU PUNDJAB 135
hindoue, ils embrassèrent lïslamisme sous le joug- de
leurs oppresseurs. Le Ilaja est reconnu pour sa
loyauté envers le gouvernement britannique. Ses
ancêtres, ainsi que le prouvent plusieurs documents
qu'il nous montra, ont rendu en maintes occasions
des services sio^nalés aux Angiais. La tête de cette
famille a le privilège de porter le titre de Raja, bien
qu'actuellement son autorité n"ait plus qu'un carac-
tère purement nominal et honorifique. C'est grâce
surtout à son influence que nous fûmes reçus, et le
terrain dont nous pourvons disposer est un don
gratuit du frère du Raja.
i « Il y a, à l'école primaire du village, 115 enfants.
Dalwal est entourée de nombreux et populeux vil-
Cj lages ; plusieurs forment une agglomération de plus
■ de 3000 habitants ; tous sont situés dans un rayon de
trois milles de distance, offrant ainsi au travail
apostolique uu champ fécond et plein d'espérances.
Les dispositions actuelles des habitants de Dalwal
i paraissent ne devoir présenter aucun obstacle
I sérieux à la prédication de la vraie Foi. Ils nous font
I entendre, en effet, que nous somaies entièrement
libres de bâtir une église près de l'école. A l'objec-
I tion que nous leur faisions quïl était impossible
; pour nous d'y tolérer l'enseignement de leurs doc-
: trines religieuses, ils répondirent que nous aurions
I carte blanche sur ce point, leur seul désir étant de
! voir donner à leurs enfants une solide éducation
morale et scientifique.
I « Les gens ont un caractère de simplicité que l'on
pourrait attribuer. peut-être, à l'absence de tout con-
; i^ : Ivj*:
136 DIX ANNÉES d'apostolat ;
tact avec les Européens. Nous n'avons constaté aucun
signe d'indigence parmi eux ; tous sont habillés
décemment, et partout se révèlent les indices d'une
aisance relative, si rare parmi les indigènes des cam-
pagnes.
^ Inutile de dire que la réception dont nous fûmes |
l'objet, fut tout à fait cordiale. Ils rivalisèrent pour |
nous procurer toutes les facilités qu'il était en leur
pouvoir de nous donner. Ils nous reçurent à la station
de Kliewra avec chevaux et mules pour nos bagages. j
Arrivés à destination, ce fut à qui nous offrirait une
I chambre pour loger. Nous choisîmes naturellement
l'hospitalité du Raja qui avait aussi pensé à notre
repas, auquel nous fîmes grand honneur.
^*' -'Remis de nos fatigues, nous visitâmes le village et ^
les trois différentes parties de terrain dont le choix
nous était offart par le frère du Raja. Nous prîmes
celle qui nous parut le mieux répondre au but que
Votre Grandeur poursuit. Le terrain comprend trois
acres et est situé à un demi mille des habitations du
village, dans une plaine fertile et unie. La propriété
en a été iinmédiat3ment transférée au nom de Votre
Grandeur, sans autre condition que celle d'y ériger
une école anglo-indienne pour l'enseignement pri-
maire, mojen et supérieur. Votre Grandeur reste
donc entièrement libre de bâtir dans la suite n'importe
quelle construction qu'Elle jugera convenable, selon
les circonstances et les besoins de cette nouvelle
mission. Ils promettent, de plus, d'observer fidèle-
ment leur engagement de fournir les matériaux
I nécessaires pour la bâtisse, ce qui, à l'exception du
'À '^- ' ^. — ■
^-— . i4i ^ — — —
AU PUNDJAB 137
bois, présente d'ailleurs peu de difficultés, la pierre
et la chaux étant extraites sur place. Si un mission-
naire était envoyé. Ton pourrait commencer les
travaux sans délai, et FaizuUa-Klian met à notre
disposition une maison à double étage, en attendant
que l'école et le presbytère soient terminés.
«Comme vous le voyez. Monseigneur, par ce rap-
port succint, les circonstances favorisent à merveille,
dans ce coin encore inexploré et pour ainsi dire
nouveau du diocèse, rétablissement d'une mission
qui fait espérer les plus beauxrésultats. Nous joignons
ci-inclus l'acte de transfert de propriété ; il ne restera
plus à Votre Grandeur, si Elle accepte la proposition,
qu'à faire enregistrer le titre au Bureau d'enregis-
trement à Pind-Dada-Khan, après avoir endossé l'acte
^ et apposé sa signature, ainsi que celle de deux
témoins.
« Nous sommes heureux de nous dire,
• de Votre Grandeur,
les humbles serviteurs
Frère Léon, o. c. et
« Frère Vincent de Ninove. «
En recevant ce compte rendu des observations
des missionnaires, Sa Grandeur n'eut rien de plus à
cœur que de hâtar l'exécution du projet. Dès qu'EUe
put descendre des montagnes. Elle se rendit sur ce
champ d'action (][ue la Divine Providence venait
d'ouvrir inopinément à son zèle, afin de prendre les
derniers arrangements, tant pour l'acceptation du
don généreux du frère du Raja que pour le choix
A
i^:
- • -^
138 DIX ANNÉES d'apostolat
définitif du lieu où s'élèverait l'école. Car de l'avis
de son Conseil, Monseigneur s'était décidé à prendre
possession sans tarder de ce nouveau centre de mis-
sion.
La nouvelle que révê(j[ue allait visiter Dalwal,
combla de joie les habitants, et ils ne négligèrent
rien pour faire honneur à leur auguste visiteur. Le
Baja, accompagné de son frère, descendit jusqu'à
Khewra pour recevoir Sa Grandeur à la gare. Un
palanquin, richement orné, avait été préparé pour
la transporter sans trop de fatigue le long des côtes
abruptes qui mènent à Dalwal. Six chevaux que le
Raja avait gracieusement mis à la disposition de la
suite de Monseigneur, formaient la garde d'honneur, >
et c'est dans ce gala que le cortège fit son entrée à v]j)^
*j Dalwal. Les principaux Hindous et Mahométans du p
village vinrent au-devant de la caravane, et présen- j
tèrent leurs hommages et leurs remerciements aux
personnages distingués qui daignaient les honorer de
leur visite. L'accueil bienveillant et respectueux de
la population charma au plus haut point Sa Grandeur
et lui fit concevoir les plus belles espérances pour
' son avenir religieux.
I Le seul et unique désir des habitants pour le mo-
ment, tendait à ce que Monseigneur voulût bien
doter le village d'une école supérieure, placée sous
! la direction des missionnaires. Monseigneur y acquies
j ça; il fit remarquer toutefois que les trois acres de
j terrain pouvaient à peine suffire pour réaliser leur
I projet, puisqu'ils réclamaient en outre un hôpital et
! un dispensaire. L'objection produisit ece effet, et,
O
O
;^
o
^ : Ji^
AU PUNDJAB 139
séance tenante, le frère du Raja porta la donation
primitive de 3 acres à 13, ou environ 4 hectares. Après
avoir arrêté toutes choses pour l'érection de Técole,
Monseigneur redescendit à Lahore ; et sou premier
soin fut d'envoyer de lî. P. Antoine et le cher frère
Maur pour surveiller la construction et prendre
ensuite la direction de l'établissement. Les travaux
furent poussés avec tant d'activité et les bonnes gens de
Dalwal secondèrent si efficacement les missionnaires,
que l'école, dont une partie devait servir de résidence
au Père et au Frère, fut achevée au commencement
de 1900; Sa Grandeur la bénit le 16 Janvier.
Dès que les prospectus furent lancés, l'ancienne
école de Dalwal se ferma et la nouvelle s'ouvrit avec
•v. un contingent de 1 78 enfants. Tout consolant qu'était
ce résultat matériel, il ne pouvait satisfaire complè-
tement Sa Grandeur. Sans doute, l'institution allait
préparer et assurer le salut des jeunes âmes ; mais
les autres, celles des adultes, continuerai ent-elles de
suivre la voie oii elles s'étaient engagées et qui les
conduirait aux abîmes?
Dieu ne tarda pas à venir en aide à Monseigneur,
et cela pas une conversion aussi importante qu'inat-
tendue. Il convient d'en narrer Jes circonstances.
Le frère du Ptaja, Faizulla-Khan. avait été invité
par Sa Grandeur à venir à Lahore pour les fêtes de
Noël. Il assista, avec son neveu converti au catholi-
cisme, à ]a messe de minuit. La splendeur des céré-
monies pontificales, le recueillement et la piété qu'il
remarqua chez le peuple, — toutes choses si diffé-
rentes de ce qu'il avait vu jusqu'alors, — l'impres-
?t
««r-s
?v ■ -'^■
140 DIX ANNÉES d'apostolat )
siouuèrent si profondément que, sans pouvoir définir |
ce qui se passait en lui, il vint le lendemain trouver |
Sa Grandeur.- Selon la coutume d'aborder les per-
sonnes d'un rang élevé, il Lui présenta un plateau
couvert d'oranges, de raisins, d'amandes, de bana-
nes et d'autres fruits, se prosterna jusqu'à terre et
demanda humblement que ses enfants pussent être
reçus dans la religion de Sa- Grandeur. " Quant à moi,
ajouta-t-il, je suis trop vieux et trop indigne d'un si
grand honneur ; pourvu que les miens deviennent
chrétiens, je mourrai heureux et content. »
Sa Grandeur le relevant avec bonté, l'enofaîyea à
persévérer dans ses sentiments et doucement, lui
fit comj^rendre qu'il lui incombait tout d'abord de
donner le bon exemple à ses enfants et partant, qu'il
était de son devoir de devenir un fervent chrétien.
Rassuré par ces paroles encourageantes, il pria
Mgr de le faire instruire dans la vraie religion. Il n'y
avait pas à douter des dispositions de Faizulla-Khan,
et Mgr s'empressa de le confier à la direction du
R. Père Antoine pour le préparer au baptême.
Lorsque cette conversion sera un fait accompli,
nul doute qu'elle ne produise un e îet salutaire sur
les habitants de Dalwal;car, comme sa famille est la
plus influents de l'endroit, l'exemple venant de haut
aura un action décisive sur les autres.
Que le Seigneur daigne réaliser nos espérances;
que Sa lumière puisse luire et Son règne s'établir,
là où, pendant de longs siècles, ont prévalu les j
ténèbres et la tyrannie de Satan !
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TABLE DES MATIÈRES
A nos chers bienfaiteurs .
Les Fondateurs du diocèse.
Mgr Sympliorien Mouard .
Mofr Emmanuel Yan den Bosch
Mgr Godefroid Pelckmans
CHAPITRE PREMIER.
Lahore
§ I. — La pro-cathédrale de Flm-
maculée Conception ....
§ IL — L'( )rpheliuat et le couvent
des Sœurs de Jésus et de Marie.
§ III. — L'Orphelinat de S. Fran-
çois d'Assise
§ IV. — Le Couvent des Sœurs de
la Charité de Jésus et de Marie
et l'Orphelinat de St. Joseph .
§ V. — L'école et l'église de Saint
Antoine de Padoue ....
§ VI. — Le dispensaire de Sainte
Elisabeth de Hongrie .
CHAPITRE SECOND
Mission d'Adah
CHAPITRE TROISIÈME.
Fondation de la colonie chrétienne
de Mariabad
. —-^
17
17
20
27
38
48
56
62
77
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-^
TABLE DES MATIERES. l43
^
j CHAPITRE QUATRIÈME.
Mission de Sahowala .... 93
I 'chapitre cinquième.
i Dalliousie 103 !
§ I. — L'église de Saint François
d'Assise 103
' § II. — Le Couvent des Sœurs de
Jésus et de Marie et le Pension-
nat du Sacré-Cœur .... 107
CHAPITRE SIXIÈME.
Ferozepore 113 ;
; CHAPITRE SEPTIÈME .
ri. Le Couvent des Sœurs de Jésus ,;^
^' et de Marie à Sialkot . .- . 118
CHAPITRE HUITIÈME.
Mooltan 125
Le Couvent des Sœurs de la Cha-
i rite et le Pensionnat de Sainte '
Marie 125
j CHAPITRE NEUVIÈME.
î Mission de Dahval . . . / . 129
BX 3146
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15 D58 1900
Dix annfc>ees d'apostolat
au Pundjab (Indes
AZD-4356 (mcih)
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