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Full text of "Dix années d'apostolat au Pundjab (Indes Anglaises) : mission confiée aux frères - mineurs capucins de Belgique : aux amis et bienfaiteurs de la mission"

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Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2011  with  funding  from 

University  of  Toronto 


http://www.archive.org/details/dixannesdapostOObrug 


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RAPPORT 

DE 

DIX  ANNÉES  D'APOSTOLAT 

AU  PUNDJAB. 


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AU 

PUNDJ AB 

(IiniES  ANGUISES). 

Mission  confiée  aux 

DE 

BELGIQUE. 
AUX  AMIS  ET  BIENFAITEURS 

DE    LA 

MISSION. 


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BRUGES, 

Ch.  Ryckbost-Monthaye, 

Imprimeur  -  Éditeur, 
Rue  du  Puits  aux  Oies,  41. 

1900. 

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A   NOS  CHERS 


1   BIENFAITEURS.    W- 


La    Mission  de  Lahore  pendant  ses    dix   premières 
années   d'existence. 


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IX  années  se  sont  écoulées  depuis  que  le  15  No- 
vembre 1888,  un  décret  pontifical  annexait, à 
la  province  Belge  des  Capucins, la  Mission  de  Lahore. 
Il  est  tout  naturel, après  une  si  longue  période, que  la 
pensée  du  missionnaire  se  reporte  en  arrière  j)our  me- 
surer le  chemin  parcouru .  et  retirer  de  ses  essais  d'apos- 
tolat des  leçons  d'expérience  et  des  encouragements 
précieux  230ur  l'avenir.  Mais,  ce  que,  dans  ce  court 
aperçu  des  travaux  aj)ostoliques  réalisés  en  ces  dix? 
années,  nous  désirons  surtout  mettre  sous  les  yeux  de 
nos  chers  bienfaiteurs,  c'est  la  réelle  et  précieuse  coo- 
pération, qu'ils  ont  si  généreusement  apportée  à  cette 
œuvre  de  propagation  de  notre  S^*^  Foi  au  sein  de  peu- 
plades infidèles.  Xous  voudrions, par  le  simple  exposé 
des  faits  accomplis  dans  la  fondation  d'institutions 
qui  sont  leur  œuvre  autant  que  la  nôtre,  qu'ils  sou- 
tiennent et  encouragent  toujours  de  leur  bienveillante 


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6  A    NOS    CHEES    BIENFAITEURS. 

charité,  leur  témoigner  publiquement  la  reconnais- 
sance dont  les  missionnaires  et  les  âmes  régénérées 
par  leurs  soins  sont  animés  envers  eux.  Aussi  conso- 
lant qu'impérieux,  ce  devoir  s'imposait  encore  à 
notre  charge  d'administrateur  responsable  des  aumô- 
nes versées  entre  nos  mains. 
1  Mais,  demandera- t-on,  peut-être,  quel  bien  s'est 

j  donc  réalisé  dans  cette  contrée  lointaine,  d'où  nos 
missionnaires  nous  ont  adressé  des  appels  si  pressants 
pour  voler  au  secours  de  leur  pauvreté  et  les  aider  à 
donner  des  âmes  à  Jésus-Christ? 

C'est  ce  que  nous  nous  proposons  d'exposer  dans 
ces  quelques  pages,  qu'après  Dieu,  premier  Auteur 
;  de  tout  bien,  nous  leur  dédions  de  tout  cœur. 
■^i'y  Heureux  si  par  ce  modeste  hommage  nous  pouvions 
payer  quelque  peu  la  dette  immense  de  gratitude 
que  nous  avons  contractée  envers  eux.  Nous 
serions  encouragés  en  même  temps  que  rassurés 
pour  l'avenir,  si  par  ces  pages  nous  avions  la  douce 
consolation  de  resserrer  et  de  développer  davantage 
encore  les  relations  cordiales  et  sympathiques,  qui 
les  attachent  désormais  à  la  Mission  de  Lahore, 
où  la  religion  de  Jésus-Christ  en  est  encore  à  son 
berceau. 


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Les  trois  pee^iiees  Évêques  du  diocèse  de  Lahore. 


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LES   FONDATEURS 

du  diocèse  de 


A  Sainteté  Léon  XIII,  glorieusement  régnant, 
mû  par  une  sollicitude  vraiment  paternelle 
pour  le  salut  de  tant  de  millions  d'âmes  disséminées 
sans  pasteur  le  long  des  bords  du  Gange  et  de  l'Indus, 
se  proposait  depuis  longtemps  de  fractionner  le 
vaste  Vicariat  ApostoKque  de  l'Hindoustan,  dont 
la  superficie  s'étendait  depuis  Chandernagore,  près 
de  Calcutta,  jusqu'à  Peshawar,  à  l'extrême  fron- 
tière du  Pundjab.Ce  fut  le  26  Février  1887  que  le 
décret  établissant  les  nouvelles  divisions  ecclésiasti- 
ques de  l'Inde, fut  solennellement  publiée  à  Allahabad, 
décret  par  lequel  Agra  fut  déclaré  siège  métropoli- 
tain, avec  Allahabad  et  Lahore  comme  suffragants. 
Le  diocèse  de  Lahore  ne  date  donc  que  de  quelques 
années  et  cependant,  depuis  son  érection  canonique, 
trois  évêques  en  ont  déjà  occupé  le  siège.  Il  convient, 
pensons-nous,  avant  d'aborder  le  rapport  des  tra- 
vaux apostoliques  entrepris  sous  leur  prudente  admi- 
nistration, que  nous  donnions  quelques  détails  bio- 
graphiques sur  les  deux  premiers  vénérés  prélats. 

Mgr.  SYMPHORIEN  MOUARD.  —  Le  l^-Évêque 
du  nouveau  diocèse  fut  l'illustre  et  regretté  Mgr. 
Symphorien  Mouard,  Français  d'origine.   Il  naquit 


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8  DIX    ANNÉES    d'apostolat 

à  Sombernorijdans  le  diocèse  de  Dijon,  le  22  Novem- 
bre 1828.  Après  avoir  heureusement  terminé  ses 
études  au  séminaire  de  la  même  ville,  où  il  laissa  un 
impérissable  souvenir  de  piété  et  de  bonté,  le  jeune 
séminariste  se  sentit  poussé  par  la  grâce  vers  l'Ordre 
des  Capucins;  il  y  fut  reçu  en  l'année  1851.  Son 
noviciat  s'écoula  dans  les  sentiments  de  la  plus  grande 
ferveur,  et  il  fit  profession  de  la  vie  sérapliique  le 
8  Septembre  de  l'année  suivante. 

Il  passa  successivement  par  les  différents  cours 
d'études  préparatoires  à  la  prêtrise,  et  se  distin- 
gua toujours  par  un  profond  esprit  de  piété.  Devenu 
prêtre,  son  cœur  fervent  se  tourna  naturellement 
^1  vers  ces  contrées  lointaines  où  tant  d'âmes  se 
3/  perdent,  alors  qu'il  ne  s'y  trouve  personne  pour  leur 
rompre  le  pain  de  vie.  Il  résolut  de  se  dévouer  à 
cette  œuvre,  mais  hélas!  sa  santé  délicate, minée  déjà 
par  un  commencement  de  phtisie, l'arrêta.  Toutefois, 
lorsque  Mgr  Persico,  Vicaire  Apostolique  d'Hindou- 
stan,  se  rendit  en  France  pour  recruter  des   sujets, 

{       le  P.  Symphorien  fut  un  des  premiers  à  s'offrir. 

i  A  l'objection  que  sa  faible  poitrine  ne   résisterait 

pas  longtemps  au  climat  :"  Allons,  mon  cher  ami,  „ 
lui   répondit   le    prélat  d'un   air   moitié   enjoué  et 

j       moitié  prophétique  «que  cela  ne  vous  inquiète  guère; 

j      je  vous  promets  longue  vie  dans   les  Indes  ;    là,   il 
n'y  a  pas  de  poitrinaires.  « 

Et  le  jeune  apôtre  fit  voile  vers  les  Indes.  L'évé- 
nement confirma  la  prophétie  :  il  passa  31  années 
dans  les  rudes  labeurs  de  l'apostolat,  qu'il  avait 
inauguré  dans  la  Mission  d'Agra. 


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AU    PUNDJAB  9 

Cependant  Mgr  Jacopi,  qui  succéda  à  Mgr.  Bene- 
dict  en  qualité  de  Vicaire  apostolique  d'Hindoustan 
et  devint  ensuite  le  premier  Archevêque  d'Agra,  ne 
tarda  pas  à  apprécier  les  belles  qualités  du  Père 
Symphorien.  Bien  que  jeune  encore,  il  n'hésita  pas 
à  le  mettre  à  la  tête  du  collège  St.  Pierre  à  Agra  et  à 
lui  conlier  la  direction  des  religieuses  de  la  Congré- 
gation de  Jésus  et  de  Marie.  Ce  collège  acquit,  par  la 
suite,  grâce  à  sa  sage  administration,  une  réputa- 
tion universelle, qui  en  fit, pendant  de  longues  années, 
tin  des  premiers  établissements  de PHindoustan.  Mal- 
gré les  occupations  absorbantes  du  rectorat,  le  Père 
Symphorien  trouvait  encore  le  temps  de  semer  la 
bonne  parole  dans  les  âmes  des  infidèles  et  des  pro-  j, 
testants.  Mais  ce  fut  surtout  en  1872,  à  l'époque  où 
le  choléra  moissonna  des  milliers  de  victimes,  que  le 
zèle  du  Père  Symphorien  se  manifesta  d'une  façon 
vraiment  héroïque.  Oublieux  du  danger,  on  le  vit 
circuler  dans  les  rues  d'Agra  où  gisaient  les  mal- 
heureux cholériques,  ramassant  ceux  qui  pouvaient 
encore  être  transportés ,  et  les  faisant  conduire  aux 
hôpitaux  improvisés  à  cet  eff"et  ;  il  parvint  ainsi  à 
sauver  un  grand  nombre  de  ces  pauvres  victimes. 

Ajoutons  ici  encore  une  mention  spéciale  pour  les 
centaines  d'enfants  que,  dans  ces  circonstances 
lamentables,  il  régénéra  à  Jésus-Christ  "  in  articule 
mortis»,  par  les  eaux  du  baptême.  Ce  dévouement 
et  cette  abnégation  le  désignèrent  au  choix  du 
Souverain  Pontife,  lorsque  les  îles  Seychelles,  con- 
fiées aux  soins  des  religieux  Capucins  de  la  Pro- 
vince de  Savoie,  réclamèrent  un  nouveau  Pasteur. 


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j  10  DIX    ANNÉES    d'apostolat 

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I  Consacré  évêqué  le  28  Octobre  1882,  le  nouveau 
Vicaire  Apostolique  quitta,  non  sans  émotion  et 
sans  regrets,  la  terre  indienne,  où  tant  de  souvenirs 
l'attachaient,  et  il  s'embarqua  pour  sa  nouvelle  desti- 
nation. 

I  Là  encore,  Mgr.  Mouard  se  dévoua  au  bien  des 

I       âmes  et  à  la  gloire  de  Dieu  avec  tant  de  zèle  qu'après 
1       six  ans  d'administration  et  d'apostolat,  il  eut  la  con- 
solation de  voir  presque  toute  la  population  des  îles 
I       convertie  au  catholicisme. 

Le  moment   n'était  plus   éloigné   où   l'Église  de 

Lahore  aurait  la  gloire  d'inaugurer  la  liste   de  ses 

;       prélats   par   la  nomination  de  celui  qui  avait  laissé 

aux  Indes  de  si  profonds  regrets   et  d'inoubliables 

:r|       souvenirs. 

"*!  Lorsqu'en  1889,  le  Souverain  Pontife  créa  le  dio- 

cèse de  Lahore,  son  choix  tomba  sur  Mgr.  Mouard, 
qui,  après  une  absence  de  six  années,   eut  la  conso- 
lation de   revoir    la    terre,   témoin    des    prémices 
de   sa  vie  apostolique.  Hélas  !   ses  forces  physiques 
I      délabrées ,  brisées  par  les  travaux  et  l'influence  néfaste 
!       du  climat  des  tropiques,   ne  lui  permirent  pas  de 
i      réaliser  les  vastes  projets  qu'il  avait    conçus,  pour 
faire  sortir  le  nouveau  diocèse  de  l'état  lamentable 
1       de  pauvreté  et  de  dénùment  où  il  le  trouva  à  son 
!       arrivée,  au  mois  d'Août  1888.  Soucieux  d'ouvrir  une 
'       mission  pour  les  indigènes,  de  créer  des  écoles,  de 
fonder  un  séminaire  pour  le  recrutement  d'un  cler- 
gé   indigène,    il    n'eut    que    le  temps    d'esquisser 
les   grandes   lignes   du  plan   qu'il  méditait  et  d'en 
demander,  par  de   ferventes    prières,   la  réalisation 


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AU    PUNDJAB 


11 


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au  Père  des  miséricordes.  Exténué  par  une  longue 
maladie,  il  demanda  et  reçut  les  saints  sacrements 
avec  cette  piété  sincère  et  profonde  dont  il  avait  fait 
preuve  toute  sa  vie,  et  s'endormit  dans  le  Seigneur  à 
Lahore  le  14  Juillet  1890. Son  passage,  quoique  court 
à  Lahore,  fut  cependant  marqué  par  un  événement 
de  la  plus  haute  importance  pour  l'avenir  religieux 
du  diocèse. 

Il  eut  le  bonheur  de  présider  le  premier  Synode 
diocésain,  et  de  laisser  aux  continuateurs  de  son 
œuvre  de  précieux  conseils  et  des  règles  sûres,  où, 
dans  le  doute,  ils  pourront  toujours  puiser  la  lumière 
nécessaire  et,  dans  leurs  incertitudes,  une  sage  direc- 
tion. En  vérité,  nous  pouvons  dire  de  lui,  comme  du 
sage  de  l'Écriture  sainte  :  "  Defunctus  adhuc  lo- 
QUiTUK  !  V  II  n'est  plus  et  cependant  il  nous  parle 
encore;  il  nous  parle  et  nous  parlera  toujours,  par 
le  témoignage  de  sa  ■j)rudence,  de  sa  sagesse  et  de 
son  zèle  apostolique. 


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4: 


Mgr.  EMMANUEL  VAX  DEX  BOSCH.—  Le  veu- 
vage de  l'Église  de  Lahore  ne  fut  pas  de  longue 
durée,  et  le  20  Novembre  de  la  même  année,  le 
St.  Siège  nous  consola  de  la  perte  du  pieux  prélat 
par  la  nomination  d'un  successeur  qui  devait  hériter 
de  sa  piété  et  de  sa  paternelle  sollicitude.  Mgr.  Van 
den  Bosch  fut  nommé  par  lettres  apostoliques  datées 
du  20  Novembre  1890.  Né  à  Anvers  (Belgique),  le 
18  Juin  1854,  il  commença  et  continua  ses  études 
durant  quelques  années  chez  les  RR.  PP.  Jésuites 
de  cette    ville;  mais  des  circonstances  impérieuses 


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12 


DIX    ANNEES    D  APOSTOLAT 


étant  survenues,  il  fut  forcé  de  les  interrompre  et  de 
rentrer  dans  sa  famille.  Cependant  les  semences  de 
piété  et  les  germes  de  vocation  que  Dieu  avait  dé- 
posés dans  son  âme,  ne  s'éteignirent  pas,  au  con- 
traire, à  l'ombre  du  foyer  domestique;  le  goût  de 
la  vie  religievise  ne  fit  que  grandir  et  augmenter 
en  lui.  A  l'âge  de  19  ans,  il  alla  frapper  à  la  porte  du 
couvent  des  Capucins,  et  sollicita  humblement  la 
faveur  de  pouvoir  revêtir  la  bure  franciscaine.  Son 
désir  se  réalisa  et,  peu  après,  il  fut  reçu  au  noviciat. 
Ses  progrès  dans  la  piété  marchèrent  de  pair  avec 
ceux  qu'il  fit  dans  toutes  les  branches  de  la  science 
ecclésiastique  ;  car  Dieu  avait  doué  le  jeune  lévite 
d'une  intelligence  claire  et  d'un  jugement  droit.  Le 
i\L  Père  Emmanuel  ayant  cultivé,  dès  ses  premières  an- 
^  nées  de  noviciat,  un  vif  désir  d'aller  au  loin  travailler 
au  salut  des  païens,  les  missions  étrangères  devinrent 
le  but  de  sa  vie  religieuse  et  sacerdotale. 

Lorsqu'on  décembre  de  l'année  1879, il  reçut  l'onc- 
ction  sainte,  et  s'essaya  sous  la  direction  de  ses  supé- 
rieurs au  travaux  du  ministère,  il  fut  classé,  dès  le 
début,  au  rang  des  meilleurs  ouvriers  évangéliques. 
Mais  bientôt,  il  eut  en  vue  de  préluder  à  d'autres 
travaux  plus  âpres,  plus  difficiles  qu'il  espérait  en- 
treprendre pour  la  gloire  de  Jésus-Christ  et  pour 
le  salut  des  âmes.  L'occasion  tant  désirée  parut 
s'offi'iren  1884.  Mgr.  Pesci,  Évêque  d'Allahabad,  au 
retour  de  sa  visite  au  tombeau  des  Apôtres,  fit  un 
voyage  en  Belgique  dans  le  but  de  recruter, sur  cette 
terre  si  féconde  en  généreux  dévouements,  des  ou- 
vriers pour  sa  vigne.  Le  Père  Emmanuel  vit,  dans 


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AU    PUNDJAB  13 

cette  circonstance,  l'appel  de  Dieu.  Malgré  des 
dijBficultés  qui  auraient  brisé  un  courage  moins 
trempé  que  le  sien,  s'arracliant  aux  étreintes  de 
ses  bien-aimés  confrères,  résistant  aux  instances  de 
ses  supérieurs  qui  voyaient  à  regret  partir  un  sujet 
qui  promettait  beaucoup  pour  l'avenir,  il  suivit  le 
pauvre  Évoque  missionnaire  et  s'embarqua  pour  les 
Indes.  11  fut  incorporé  dans  la  mission  d'Allahabad. 

Mgr.  Pesci  ne  tarda  pas  à  constater  qu'il  avait  fait 
une  heureuse  acquisition.  Confiant  dans  les  brillantes 
qualités  du  jeune  apôtre, il  le  chargea  de  l'importante 
station  de  Luchnow.où  par  sa  bonté, son  dévouement 
et  son  zèle  dans  le  ministère, le  P.  Emmanuel  s'attira 
le  respect  et  l'attachement  des  catholiques  et  même  i 
des  protestants.  Une  blessure  pourtant  faisait  saigner  Ai- 
son  cœur.  En  quittant  la  Province  et  ceux  qu'il  aimait 
tant  dans  le  Seigneur,  il  souffrait  cruellement  de  ne 
pouvoir  montrer  sa  reconnaissance  envers  celle  qu'il 
considérait  comme  sa  seconde  mère.  Tout  en  répon- 
dant à  Tappel  de  Dieu, il  aurait  voulu  en  même  temps 
se  dépenser  dans  une  mission  qui  fut  reliée  directe- 
ment à  la  Mère-Province.  La  Belgique,  à  cette  épo- 
que, n'avait  point  encore  reçu  du  St.  Siège  la  charge 
de  pourvoir  à  une  Mission. 

Dieu  ne  devait  pas  tarder  à  exaucer  ses  vœux.  Un 
décret  de  la  Sacrée  Congrégation  de  la  Propagande 
annexa,  le  15  Novembre  1888,  la  Mission  de  Lahore 
à  la  province  Belge  des  Capucins.  Aussitôt  le  Père 
Emmanuel  se  mit  en  relations  avec  ses  Supérieurs 
Généraux  pour  obtenir  son  transfert  dans  cette 
nouvelle   Mission.    Sa     demande   fut    accordée,    et 


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14  DIX    ANNÉES    d'apostolat 


déjà  il  y  arriva  le  20  Janvier  1890.  Il  occupa  succes- 
sivement les  jDOstes  de  chapelain  delà  pro-Cathédrale, 
de  Supérieur  Régulier,  de  pro-administrateur  du 
Diocèse  à  la  mort  de  Mgr.  Mouard,  titre  qu'il  con- 
serva jusqu'à  sa  nomination  au  Siège  Épiscopal  de 
Lahore,  le  20  Novembre  LSOG.  Son  Excellence  Mgr. 
Ajuti,  Délégué  Apostolique  des  Indes  Orientales,  en 
tournée  de  Délégation  à  Lahore,  accepta  avec  joie  de 
consacrer  le  nouveau  Pontife.  La  cérémonie  eut  lieu 
dans  la  pro-Cathedrale  de  Lahore,   le   18  Janvier 

1891.  Le  représentant  du  St.  Siège  fut  assisté  par 
Sa  Grandeur  Mgr.  Pesci  et  par  le  T.  R.  P.  Brouwer, 
Préfet  apostolique  du  Cachemire  et  du  Kafiristan. 
Ses  premiers  soins,  comme  Evéque,  furent  de  se  ren- 
dre compte  par  lui-même  des  nécessités  urgentes  du  ^ 
Diocèse,  auxquelles  son  regretté  prédécesseur  n'avait 
pas  eu  le  temps  de  remédier.  Après  une  visite  détail- 
lée des  différentes  stations,  où  s'exerçait  déjà  le 
zèle  des  missionnaires,  il  partit  jîour  l'Europe.  Son 
dessein  était  de  collecter  les  ressources  pécuniaires 
et  d'obtenir  de  nouveaux  sujets  pour  réaliser  les 
vœux  dé  feu  Mgr.  Mouard.  La  joie  de  son  retour 
dans  le  diocèse  fut  de  courte  durée,  car  le  2  Mai 

1892,  le  Souverain  Pontife  l'appela  au  Siège  Archié- 
piscopal d'Agra,  devenu  vacant  par  la  mort  de  Mgr. 
Jacopi. 

Il  quitta  le  1'  Août  de  la  même  année,  un  champ 
qu'il  promettait  de  défricher  avec  tant  de  succès 
pour  le  salut  des  âmes,  et  fut  intronisé  à  Agra  le 
4  du  même  mois.  Si  court  qu'eût  été  son  passage  à 
Lahore,  c'est  à  son  zèle  que  l'école  de  St.  Antoine 
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V 


AU  Ï'UNDJAB  15 

et  la  colonie  chrétienne  de  Mariabad  doivent  leur 
origine.  Sa  Grandeur  tint  à  Agra,  en  son  Palais 
Archiépiscopal,  les  assises  du  T"  Concile  Provincial 
qui  s'ouvrit  le  P  Janvier  1894  sous  la  présidence 
de  Mgr.  Zaleski,  Délégué  Apostolique  des  Indes 
Orientales. 

Mgr.  GODEFROID  PELCKMANS.  —  Au  départ 
de  Sa  Grandeur  Mgr.  Emmanuel  pour  son  nouveau 
siège,  le  T.  R.  P.  Godefroid,  son  Vicaire  Général, 
prit  en  mains  l'administration  du  diocèse.  Le  2  Juin 
1893,  il  fut  élevé  à  l'Épiscopat  et  nommé  au  siège  de  , 
;      Lahore.    Le   sacre  du  nouvel  évêque  eut  lieu  le  13 

Août  1893,  à  Simla,  situé  dans  l'archidiocèse  d'Agra.  | 
7  Simla  est  le  siège  du  Gouvernement  des  Indes  ^^ 
i  pendant  la  saison  chaude.  Il  reçut  l'onction  épis- 
I  copale  des  mains  de  son  illustre  prédécesseur,  assisté 
de  Mgr.  Pesci  et  du  T.  R.  P.  Bertrand,  Préfet  Apos- 
j  tolique  de  Rajpoutana.  Son  intronisation  dans  la 
I  pro-Cathédrale  de  Lahore  eut  lieu  le  20  du  même 
mois,  au  milieu  de  la  joie  générale  du  clergé  et 
des  fidèles.  Nous  n'anticiperons  pas  sur  les  dé- 
tails de  son  administration  comme  évêque  ;  le  rap- 
port que  nous  offrons  à  nos  bienfaiteurs  concernant 
les  œuvres  qu'il  a  fondées  ou  réédifiées  sur  des  ba- 
ses plus  solides,  les  renseignera  suffisamment. 


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CHAPITRE   PREMIER. 


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§  I .  —  La  pro-Cathédrale  de  l'Immaculée  Conception. 


A  pro-Cathédrale  de  Lahore,  dédiée  à  Marie 
Immaculée,  fut  construite  en  Tannée  1861 
par  le  R.  P.  Michel- Ange  Jacopi,  à  cette  époque 
missionnaire  à  Lahore,  et  devenu,  lors  de  la  procla- 
mation de  la  Hiérarchie  aux  Indes,  le  premier  Arche- 
vêque d'Agra.  Elle  est,  dans  Tordre  d'ancienneté,  la 
première  parmi  les  églises  du  diocèse  actuel.  La  po- 
pulation catholique  dans  le  Pundjab,  à  cette  période 
du  Vicariat  d'Hindoustan,  était  fort  restreinte;  aussi 
fut-elle  bâtie  uniquement  pour  répondre  aux  besoins 
de  la  situation  d'alors  ;  ses  dimensions  n'ont  donc  pas 
celles  d'une  Cathédrale.  Elle  a  dû  cependant  en  tenir 
lieu  du  moment  que  Lahore  devint  résidence  épis- 
copale.  Les  privations  de  toute  espèce  que  s'imposa 
le  pauvre  missionnaire  pour  recueillir  les  20,000 
francs,  que  nécessita  la  construction  de  cette  église, 
auront  déjà  reçu,  nous  l'espérons,  leur  récompense 
dans  le  Ciel,  puisque  depuis  plusieurs  années  le  saint 
missionnaire  a  quitté  cette  terre  pour  entrer  dans  la 
maison  de  son  éternité.  Une  constitution  moins 
robuste  que  celle  du  Père  Michel-Ange  n'aurait  pu 


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18  BIX  A^'XÉES  d'apostolat 

résister  au  régime  austère  et  frugal  auquel  il  s'astrei- 
gnit pendant  deux  ans,  et  ce  uniquement  afin  d'ar- 
river à  doter  la  station  de  Lahore  —  qui  était  loin 
alors  d'avoir  l'importance  qu'elle  a  acquise  depuis  — 
d'une  demeure  convenable  pour  abriter  le  Dieu  de 
l'Eucharistie.  Il  paya  les  200U0  francs,  que  coûta 
l'édifice,  du  fruit  de  ses  économies  et  au  moyen  de 
divers  dons  qui  lui  vinrent  même  de  la  part  de  quel- 
ques protestants  anglais.  Aujourd'hui  le  nombre  de 
catholiques  a  décuplé;  Lahore  est  devenue  la  capitale 
d'une  immense  province,  ainsi  que  le  siège  du  Gou- 
vernement provincial  et,  en  1888,  le  Souverain  Pon- 
tife Léon  XIII,  en  a  fait  le  centre  d'une  juridiction 
ecclésiastique  en  y  établissant  le  siège  é23iscopal. 
'^is  Les  circonstances  ont  donc  considérablement  chan- 
gé, et  malgré  tout,  la  construction  de  briques  et  de 
terre  glaise,  recouverte  d'un  plâtrage  de  chaux,  reste 
toujours  la  même  et,  malgré  son  extrême  pauvreté, elle 
a  dû  se  prêter  jusqu'ici  aux  exigences  des  fonctions 
pontificales,  au  grand  détriment  du  prestige  que  cel- 
les-ci sont  appelées  à  apporter  au  culte  divin.  Le 
contraste  douloureux  et  frappant  que  présente  ce  bâ- 
timent plus  que  modeste  à  côté  des  superbes  monu- 
ments d'architecture  que  le  culte  païen  des  Hindous 
a  élevés  et  élève  encore  tous  les  jours  à  ses  faux 
dieux,  des  mosquées  grandioses  que  le  fanatisme  de 
l'Islam  a  érigées  à  l'infâme  Mahomet,  et  de  la  belle 
cathédrale  gothique  dont  la  population  protestante 
s'enorgueillit  fièrement  et  qui  n'a  pas  coûté  moins 
de  81f),000  francs,  encore  qu'elle  soit  inachevée; 
ce  contraste,   dis-je,  n'a  pas  échappé  à  l'œil  vigi- 

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AU    PUNDJAB  19 

lant  et  au  zèle  ardent  de  ceux  qui,  au  nom  du 
Souverain  Pontife;  sont  chargés  de  veiller  à  l'hon- 
neur et  à  la  gloire  de  la  Sainte  Église  Catholique 
dans  ce  pays.  Mais  hélas  !  que  faire  ?  La  pénurie 
dans  laquelle  végétait  la  Mission  de  Lahore,  lorsque 
les  Pères  Capucins  de  Belgique  en  prirent  possession, 
lit  nécessairement  rentrer  dans  l'ombre  le  projet  trop 
vaste  et  trop  coûteux  d'édifier  un  monument  qui  pût 
I  décemment  porter  le  nom  de  Cathédrale.  Il  fallut  se 
j  borner  à  améliorer  ce  qui  existait.  C'est  ainsi  que 
I  Mgr.  Pelckmans  remplaça  graduellement  les  autels 
I  grossiers  en  briques,  simplement  recouvertes  de 
I  chaux,  par  des  autels  en  marbre,  et  plaça  dans 
1  l'église  de  belles  statues,  de  la  célèbre  école  alle- 
mande, représentée  par  la  maison  Mayer  et  C^^.  Sa 
^  Grandeur  orna  également  le  sanctuaire  de  plaques 
en  marbre,  et  renouvela  entièrement  en  belles  dalles 
bleues  tout  le  pavé  de  l'église.  L'ameublement  de 
celle-ci  gagna  encore  et  surtout  par  les  différentes 
stations  d'un  superbe  chemin  de  croix,  œuvre  d'art, 
pouvons-nous  dire,  peinte  à  l'huile  et  envoyée  direc- 
tement de  Paris. 

Le  R.  P.  Fabien,  le  si  zélé  et  si  populaire  chapelain 
de  la  pro-Cathédrale,  apporta,  lui  aussi,  un  heureux 
changement  dans  l'intérieur  de  l'église,  changement 
qui  rehaussa  énormément  le  cachet  religieux  si 
nécessaire  à  la  maison  de  Dieu.  Les  bancs  qui  ser- 
vaient de  prie-Dieu  aux  fidèles  étant  démodés  et 
tout  à  fait  vermoulus,  il  les  remplaça  par  de  petites 
stalles  en  bois,  complètement  neuves  et  élégamment 
sculptées. 


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20  DIX    ANNÉES    d'apostolat 

Toutefois  Mgr.  Pelckmans  ne  perdait  pas  de  vue  le 
projet  caressé  dès  le  commencement  par  ses  illustres 
prédécesseurs,  Messeigneurs  Symphorien  Mouard  et 
Emmanuel  Van  den  Bosch,  et  qui  consistait  dans  la 
construction  d'une  nouvelle  Cathédrale;  ils  lui  avaient 
en  quelque  sorte  légué  la  charge  de  le  mettre  à  exécu- 
tion. Un  pas  immense  vers  ce  but  vient  enfin  d'être 
fait;  après  neuf  ans  d'attente, un  large  terrain  situé  au 
centre  de  la  ville  européenne  de  Lahore,  a  été 
acquis  par  Sa  Grandeur,  et  c'est  là  que  s'élèvera  la 
future  Cathédrale,  dès  que  les  fonds  nécessaires  pour 
jeter  les  bases  de  ce  bel  édifice  auront  été  re- 
cueillis. Les  plans  en  sont  dressés. 

L'acquisition  vraiment  providentielle  de  ce  terrain 
spacieux  a  permis  à  Sa  Grandeur  de  réaliser  trois 
autres  projets  qui  le  préoccupaient  depuis  longtemps: 
doter  le  Diocèse  d'un  collège  et  d'un  orphelinat 
pour  l'éducation  des  jeunes  gens  européens  et  eura- 
siens, ainsi  que  d'une  résidence  pour  l'évêque, 
destinée  en  même  temps  aux  différents  usages 
auxquels  elle  est  nécessairement  appelée  à  servir, 
c'est-à-dire, aux  réunions  synodales,  aux  conférences 
ecclésiastiques,  aux  retraites  annuelles,  etc. 

§  2  —  L'Orphelinat  et  le  Couvent  des  Sœurs  de  Jésus 
et  de  Marie. 

Nous  ne  jjouvons  passer  sous  silence  une  œuvre, 
qui  a  rendu  beaucoup  de  services  à  la  Mission  dès  son 
origine  ;  nous  voulons  parler  du  couvent  des  Sœurs 
de  la  Congrégation  de  Jésus  et  de  Marie  de  Lyon, 

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AU    PUNDJAB  21 

situé  dans  l'enclos  voisin  de  celui  de  la  pro-Cathé- 
drale.  Ce  couvent  et  celui  de  Sialkot  étaient  les 
seules  institutions  que  la  Mission  possédait,  lorsque 
les  Pères  Capucins  Belges  en  prirent  la  direction  en 
1889.  Quelques  mots  sur  Torigine  de  cette  maison 
montreront  comment,  avec  la  confiance  en  Dieu,  la 
bonne  graine  se  développe,  malgré  les  difficultés  et 
les  obstacles.  La  fondation  du  couvent  de  Lahore 
remonte  à  l'année  1876.  Elle  est  due  au  zèle  et  à 
l'activité  de  Mgr.  Jacopi,  alors  Vicaire  Apostolique 
d'Hindoustan.  Mgr.  lut  vaillamment  secondé  par  la 
Révérende  Mère  S'  Xavier,  supérieure  provinciale 
de  la  Congrégation  aux  Indes. 

Cette  digne  religieuse  vint  })résider  à  l'installation 
y^y  de  ]a  nouvelle  communauté,  qui  se  composait  de  yp 
la  Mère  St.  Fabien,  supérieure,  de  la  Mère  Ste. 
Dosithée,  (toutes  deux  décédées  depuis),  et  de  deux- 
autres  jeunes  sœurs.  La  petite  caravane  partit  in- 
continent d'Agra.  le  17  Xovembre  187(3.  Les  fonde- 
ments du  couvent  avaient  été  jetés  quelque  temps 
auparavant,  et  à  l'arrivée  des  sœurs,  les  murs  s'éle- 
vaieat  à  peine  à  quelques  pieds  du  sol.  Mais  le 
Père  Candide,  chapelain  de  Lahore,  faisant  preuve 
d'i m  dévouement  tout  apostolique,  ne  voulut  pas'  les 
laisser  sans  asile  :  il  céda  gracieusement  sa  maison 
aux  nouvelles  venues,  et  s'en  fut  loger  provisoire- 
ment dans  une  demeure  délabrée,  située  à  une 
distance  de  15  minutes  de  la  pro-cathédrale.  Les 
religieuses  ouvrirent  une  école, dont  les  débuts  furent 
bien  difficiles  :  très  peu  d'enfants  s'y  rendirent, 
malgré  les  pressantes  exhortations  du  chapelain.  Ce 

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22  DIX    ANNÉES    d'apostolat 

qui  aggrava  encore  la  situation,  ce  fut  l'absence 
totale  de  ressources  pécuniaires  et  la  négligence  des 
parents  à  payer  régulièrement  les  frais  d'écolage. 
Toutefois,  la  petite  communauté,  confiante  dans  les 
soins  de  la  Providence,  s'estimait  heureuse  de  pouvoir 
partager  avec  Jésus  et  Marie  les  privations  de  la 
pauvreté  évangélique.  Les  choses  en  vinrent  à  ce 
point  que  parfois  les  religieuses  manquèrent  com- 
plètement de  pain,  tout  l'argent  ayant  été  employé 
à  subvenir  aux  nécessités  de  l'école.  Mais  la  foi  et  la 
confiance  de  la  bonne  Mère  St.  Fabien  en  la  Divine 
Providence  étaient  sans  limites  ;  et  la  façon  merveil- 
leuse dont  Celle-ci  se  manifesta,  prouve  avec  quelle 
sollicitude  Elle  veillait  sur  les  pauvres  épouses  de  Jé- 
^  sus-Christ.  Quelques  faits  mettront  mieux  en  lumière 
1  les  événements.  Dans  les  commencements  de  l'année 
^  1878,  les  dépenses  ayant  absorbé  jusqu'au  dernier 
centime  de  la  maison,  la  Révérende  Mère  réunit  la 
petite  communauté;  montrant  sa  bourse  vide,  elle  y 
plaça  une  petite  statuette  de  St.  Joseph.  Puis  elle 
dit  avec  sa  bonhomie  habituelle  :  «  Mes  enfants, 
prions  ensemble  notre  «  bon  Père  «  (comme  elle 
avait  coutume  de  L'appeler),  afin  qu'il  nous  envoie 
un  prompt  secours.  «  Ce  fut  avec  ferveur  que  les 
religieuses  se  joignirent  à  leur  mère  ;  et  le  même  soir, 
pendant  la  récréation,  l'on  remettait  entre  les  mains 
de  la  supérieure  trois  billets  de  banque  :  c'étaient 
les  arriérés  que  des  parents  envoyaient  en  payement 
de  la  pension  de  leurs  filles. 

Dans  une  autre  occasion,  à  la  fête  de  St.  François 
d'Assise,    la    supérieure     appela    une     des    sœurs 

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AU   PUXDJAB  23: 

avant  la  messe,  et  l'envoya  prier  à  l'église  le  séra- 
phique  protecteur  de  la  pauvreté  de  leur  venir  im- 
médiatement en  aide.  11  3'  avait  urgence,  car  la 
mère  avait  besoin  d'une  certaine  somme  d'argent 
avant  la  fin  du  jour  :  mais  grandes  étaient,  ainsi  que 
nous  l'avons  déjà  dit,  la  foi  et  la  confiance  de  ces 
fondatrices  du  couvent   de  Lahore. 

La  messe  terminée,  la  sœur  reconduisait  les 
enfants  de  l'église  au  couvent,  lorsqu'une  dame 
vint  en  toute  hâte  lui  remettre  un  petit  paquet,  «'ex- 
cusant de  ne  pouvoir  faire  une  visite  à  la  supérieure 
et  d'avoir  tardé  si  longtemps  à  payer  la  pension  de  sa 
fille.  La  bonne  religieuse,  surprise,  courut  porter 
l'argent  à  la  mère,  qui  constata  avec  joie  qu'elle 
disposait  de  la  somme  dont  elle  avait  besoin.  Un 
fervent  "  Laudate  Dominum  !,  s'éleva  de  leurs 
cœurs  vers  le  Père  des  pauvres,  en  reconnaissance 
du  bienfait. 

Au  mois  d'Avril  1879,  les  bâtiments  du  nouveau 
couvent  étant  suffisamment  prêts,  les  religieuses  et 
les  enfants  y  furent  transférés.  De  nouvelles  épreuves, 
endurées  avec  la  même  résignation,  attendaient 
encore  la  communauté.  L'installation  était  loin  de 
répondre  anx  exigences  scolaires  ;  de  plus  une 
grande  partie  du  mobilier  classique,  cédé  pro- 
visoirement aux  sœurs  par  le  chapelain,  dut 
lui  être  remise  pour  ouvrir  un  externat  de  gar- 
çons. Quelques  mois  plus  tard,  le  choléra  éclata  à 
Lahore.  Dans  le  village  situé  au  X.-E.  de  l'enclos 
du  couvent,  a^ipelé  le  village  des  '■  balayeurs,  » 
la  mort  fauchait  chaque  jour  de  nombreuses  vic- 

2^^^ 


S4i. 


24  DIX   ANNÉES    d'apostolat 


times.  Mais  Dieu  veillait  sur  ses  privilégiées  etj 
fait  digne  de  remarque,  aucun  cas  fatal  ne  se  déclara 
dans  l'enceinte  de  l'école,  où  par  les  soins  vigilants 
de  la  Mère  St  Thaddée,  toutes  les  précautions  sani- 
taires possibles  avaient  été  prises.  Aucune  des 
pensionnaires  ne  fut  retirée  de  l'école  ,  et  les  ex- 
ternes continuèrent  à  fréquentr  les  classes, malgré  la 
panique  générale  qui  avait  provoqué  l'exode  de 
presque  tous  les  habitants  de  Lahore. 

Vers  la  fin  de  Tannée  1880,  la  Supérieure  prit 
une  mesure  décisive  qui  fit  entrer  l'école  dans  une 
nouvelle  phase  et  la  garantit,  en  partie  du  moins, 
contre  les  incertitudes  du  lendemain.  Grâce  à 
l'intervention  du  Père  Symphorien  Mouard,  recteur 
du  collège  d'Agra,  la  mère  St.  Thaddée  réussit  à  faire  /Ç 
agréer  l'institution  jiar  le  gouvernement. 

Après  les  premiers  examens  passés  devant  l'in- 
specteur des  écoles  européennes  pour  le  Pundjab,  un 
subside  mensuel  de  150  roupies  fut  accordé,  et  ce  à  la 
grande  satisfaction  des  religieuses,  qui  commen- 
cèrent à  se  rassurer  et  virent  briller  l'aurore  de 
jours  meilleurs.  Les  difficultés  qu'elles  avaient 
éj)rouvées,  paraissaient  vaincues;  en  outre,  Dieu  les 
récompensa  d'une  façon  spéciale  de  leurs  luttes  et 
de  leurs  labeurs,  en  leur  accordant  la  joie  de  voir, 
de  1877  à  1881,  huit  de  leurs  élèves  protestantes 
reçues  dans  le  sein  de  l'Église  catholique  et  six 
autres  de  leurs  pupilles, quitter  le  monde  et  ses  espé- 
rances pour  partager  le  dévouement  et  les  sacrifices 
de  leurs  nobles  maîtresses  et  mères. 

La  Révérende  Mère  St.  Thaddée  s'endormit  dans 


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AU    PUXDJAB  25 

le  Seigueur;  sa  jDerte  fut  pleurée  aussi  vivement 
23ar  les  protestants  que  par  les  catholiques,  tant 
elle  avait  su,  par  ses  hautes  vertus,  se  concilier 
l'estime  et  l'affection  de  tous.  La  Mère  St.  Fabien 
fut  de  nouveau  appelée  au  poste  qu'elle  avait  si 
courageusement  occupé  dans  les  débuts  difficiles  de  la 
fondation  ;  elle  travailla,  avec  les  ressources  laissées 
par  la  Mère  défunte,  à  améliorer  les  bâtiments  du 
pensionnat.  Quelque  temps  auparavant  le  Pundjab 
avait  été  séparé  d'Agra  et  constitué  en  Préfecture 
Apostolique.  Mgr.  Paul  Tosi  administra  toute  la 
partie  du  Nord-Ouest  de  l'Hindoustan  jusqu'au  mo- 
ment, où  par  la  proclamation  de  la  Hiérarchie  des 
Indes,  Lahore  fut  érigée  en  diocèse. Les  bonnes  sœurs 
'^  eurent  alors  l'immense  consolation  d'accueillir  com- 
me leur  premier  Évêque,  Mgr.  Symphorien  Mouard, 
qui  avait  été  pendant  de  longues  années  à  Agra, 
leur  père,  leur  guide  et  leur  soutien.  C'était  en  mars 
1889.  Quelques  jours  après,  arrivèrent  les  premiers 
missionnaires  capucins  de  Belgique,  à  qui  la  Congré- 
gation de  la  Propagande  avait  confié  le  diocèse  de 
Lahore.  A  leur  entrée,  l'école,  malgré  ses  treize 
années  d'existence,  n'avait  encore  d'inscrits  sur  ses 
listes  que  2-4  enfants,  la  plupart  indigents,  c'est-à- 
rdie  à  la  charge  complète  de  l'institution.  Tous  les 
efforts  et  le  zèle  des  différents  chapelains  qui  se 
succédèrent  à  Lahore  pendant  les  dix  ans  d'aposto- 
lat dont  nous  faisons  rapidement  Thistoire,  eurent 
pour  but  d'arra/îher,  dans  la  mesure  du  possible,  le 
plus  grand  nombre  de  hlles  catholiques  à  la  misère 
et  aux  dangers  de  perdre  la  foi. Ils  ouvrirent   large- 


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26  DIX    ANNÉES  D  APOSTOLAT 


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ment  les  portes  de  cette  institution  bienfaisante, 
même  aux  enfants  de  parents  appartenant  à  des 
confessions  dissidentes. Dieu  récompensa  bien  souvent 
le  zèle  de  ses  apôtres. 

Sous  Faction  de  leur  dévouement, toujours  en  éveil 
pour  secourir  toutes  les  misères,  quantité  d'enfants 
trouvèrent  la  voie  du  salut  et  échappèrent,  grâce  au 
bienfait  d'une  éducation  chrétienne,  à  une  existence 
vouée  d'avance  au  vice  dans  ce  milieu  cosmopolite, 
immoral  et  empesté  de  Lahore.  Les  rangs  grossirent, 
la  fréquentation  des  classes  prospéra,  au  point 
qu'à  l'heure  présente,  125  filles  suivent  régulière- 
ment les  cours,  parmi  lesquelles  80  sont  logées  et 
nourries  à  l'établissement.  De  ce  nombre,  les  deux 
tiers  sont  orphelines,  ce  qui  augmente  beaucoup  les  L 
■^  besoins  du  couvent  dont  toutes  les  ressources,  en  de- 
liors  du  subside  peu  important  que  le  Gouvernement 
alloue  chaque  mois,  émanent  de  la  seule  charité; 
car,  il  ne  faut  guère  compter  sur  la  rentrée,  très 
irrégulière  d'ailleurs,  des  frais  de  pension  et  d'édu- 
cation provenant  de  quelques  parents  solvables. 

Les  bâtiments  ont  reçu  pendant  ces  dix  années , 
plusieurs  extensions  considérables,  nécessaires  à 
tous  les  points  de  vue,  et  notamment  pour  assurer 
l'enseignement  des  différentes  branches  imposées  par 
le  programme  du  Gouvernement.  Une  magnifique 
salle  pour  les  réceptions  et  les  séances  musicales  et 
dramatiques  a  été  ajoutée  àl'aile  principale. Signalons 
encore  l'érection  d'un  "  bungalow  «  situé  à  l'ouest  du 
couvent;  cette  annexe,  composée  de  trois  chambres, 
fut    occupée     pendant    quelque    temps    par    l'or- 


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AU    PUNDJAB  27 

phelinat  de  St.  Joseph  destiné  aux  pauvres  filles  indi- 
gènes, et  transféré  depuis  dans  les  nouveaux  locaux 
situés  «  Tliornton  Road  v .  Le  nombre  des  pension- 
naires pourrait  être  facilement  doublé,  s'il  y  avait 
moyen  de  les  loger  convenablement.  Nous  espérons 
qu'avec  Taide  de  Dieu,  il  nous  sera  possible  d'agran- 
dir bientôt  cette  institution  si  utile  à  notre  jeunesse 
catholique,  et  ce  dans  des  proportions  telles  que  le 
pensionnat  soit  à  même  d'offrir  un  asile  et  une  re- 
traite à  deux   cents  enfants  au  moins.  Faxit  Deus! 

($  3.  —  L'Orphelinat  de  St.  François  d'Assise. 

L'orphelinat  pour  les  garçons  indigènes  est  situé  à 
quelques  pas  de  la  pro-cathédrale  et  dans  le  même 
enclos.  Quelques  détails  sur  l'origine  et  les  progrès 
de  cette  œuvre  apostolique,  due  entièrement  à  la 
charité  et  au  zèle  des  pères  capucins  belges,  nous 
paraissent  dignes  d'être  notés.  Une  circonstance,  en 
apparence  bien  insignifiante,  fit  surgir  l'idée  de 
fonder  un  orphelinat  de  St.  François.  En  1893,  le 
frère  Constant  d'Assche,  qui,  pour  être  réuni  à  ses 
confrères  belges,  avait  obtenu  de  Rome  son  change- 
ment de  la  ^Mission  d'Agra  pour  celle  de  Lahore, 
arrivait  de  ^lussoorée.  accompagné  de  trois  petits 
orphelins  noirs,  arrachés  à  la  misère  sur  la  voie 
publique  :  "  Voici  mon  cadeau  à  la  Mission  belge  ^ , 
nous  dit-il,  en  les  présentant. 

Il  n'y  avait  à  Lahore.  à  cette  époque,  ni  orpheli- 
nat, ni  école  pour  les  indigènes,  et  le  projet  d'en 
établir    n'avait  pu  encore  germer  dans  la  pensée 


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28  DIX    ANNÉES    d'apostolat 

des  nouveaux  religieux,  à  peine  installés  en  cette 
ville.  Le  ''  cadeau  »  du  frère  Constant  parut  donc  les 
embarrasser  ;  mais  celui-ci  plaida  si  éloquemment  la 
cause  des  trois  petits  malheureux  qu'il  avait  lui-même 
baptisés  et  instruits  dans  les  premières  vérités 
de  la  Foi,  que  Mgr.  Pelckmans,  alors  administrateur 
du  Diocèse,  se  décida  à  les  accepter. 

Une  installation  des  plus  primitives  fut  le  point 
de  départ  d'une  fondation  qui  compte  à  présent  près 
de  cent  orphelins.  Xul,  évidemment,  ne  songeait  à 
contester  la  nécessité  d'une  telle  œuvre;  mais  les 
ressources  manquant  complètement  alors,  en  ren- 
daient l'existence  fort  précaire. 

Le  bon  frère,  lui,  ne  consultait  que  sa  charité. 
., ,  Aux  diverses  objections  qu'on  lui  fit,  il  répondit  .^ 
-^  en  s'en  allant  tout  simplement  sur  la  voie  publique,  ^'- 
ramasser  quelques  autres  enfants  pauvres,  estro- 
piés ou  aveugles,  qu'il  ramena  triomphalement  en 
s'écriant  :  «  Ils  ont  une  âme  comme  les  autres, 
Dieu  ne  les  refusera  pas  au  banquet  préparé  par  Lui 
dans  le  Ciel,  si  nous  en  formons  de  bons  chrétiens  ?  » 
La  cause   était  gagnée,  et  l'œuvre  fut  fondée. 

Il  ne  faut  pas  s'imaginer  toutefois  qu'il  soit  aisé  de 
se  procurer,  en  ce  pays,  de  ces  petits  malheureux. 
Ce  n'est  pas  comme  en  Chine.  Oh  non  !  Cela  se 
passe  tout  autrement  au  Pundjab  :  l'Hindou  est 
profondément  attaché  à  sa  progéniture  ;  de  plus,  il 
sait  pratiquer  la  philanthropie  envers  les  abandonnés. 
Sans  doute,  l'intérêt  personnel  et  le  fanatisme 
ne  sont  pas  étrangers  à  cet  empressement  à  recueil- 
lir l'orphelin.  Il   n'en  est  pas  moins  vrai  pourtant 


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•'  Au    PÛNDJAB  29 

qu'il  est  rare  de  rencontrer  un  enflmt  entièrement 
délaissé  ;  Tadoption  est  un  fait  très  commun  parmi 
les  Hindous  et  les  Mahométans.  Les  deux  premiers 
évêques,  Messeigneurs  S.  Mouard  et  E.  Yanden 
Bosch,  avaient  donc  vu  leurs  tentatives  d'ouvrir  un 
orphelinat  de  garçons  frappées  de  stérilité.  On  ne 
leur  donnait  pas  d'enfants,  même  à  prix  d'argent. 
Mais  à  mesure  que  la  mission  se  développait,  les 
chances  de  gagner  de  nouvelles  recrues  s'augmen- 
taient. Parlant  la  langue  indigène  plus  couramment, 
mieux  initiés  aux  us  et  coutumes  du  peuple,  nos 
missionnaires  purent  se  mettre  en  rapport  avec  les 
habitants  des  cités  et  des  bazars,  refuge  ordinaire 
des  infortunés  ;  ils  acquirent  une  connaissance  plus 
i^  profonde  des  misères  de  la  classe  pauvre,  et  furent  ^ 
ainsi  à  même  de  saisir  les  rares  occasions  qui  leur 
étaient  offertes  pour  arracher  au  vice  l'une  ou  l'autre 
de  ces  épaves  perdues  dans  le  tumulte  des  cités 
orientales. 

Lorqu'en  février  1893,  le  T.  R.  P.  Godefroid  prit  en 
mains  l'administration  du  diocèse,  il  s'efforça  de 
faire  sortir  l'institution  de  la  condition  précaire  où 
elle  végétait.  Il  destina  aux  orphelins  un  })etit  ,"  bun- 
galow »  s'élevant  derrière  la  pro-cathédrale  et  les 
installa  très  convenablement  xlans  les  trois  petites 
chambres  qui  comj^osaient  tout  l'édifice.  Le  R.  P. 
Lievinfut  rappelé  de  la  mission  de  Sialkot,  et  placé 
à  la  tête  de  l'institution  naissante,  à  laquelle,  depuis 
lors,  il  a  consac'ré  toute  son  énergie  et  tout  son 
cœur.  Dieu  ne  pouvait  manquer  de  bénir  ce  dévoue- 
ment.  Le  premier  soin  du  K.  P.  fut  d'augmenter  le 


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30  DIX    ANNÉES    d'apostolat 

petit  troupeau.  A   tout  prix,  il  lui  fallait  des  brebis  ; 
il  en  eut,  et  des  plus  malheureuses. 

Avec  Taide  d'agents  dévoués  qui  parcouraient  les 
bazars ,  la  cité  de  Lahore  et  même  les  villages  circon- 
voisins,  il  se  vit  bientôt  à  la  tête  d'une  douzaine  de 
vagabonds  qui  n'avaient  aucune  idée  de  Dieu,  et 
pour  qui  la  discipline  et  la  soumission  étaient 
lettre  morte.  Un  premier  effort  pour  ouvrir  une 
école  fut  tenté.  Il  échoua.  Nos  jeunes  oisillons,  plus 
accoutumés  à  vivre  sous  la  large  voûte  du  ciel 
qu'entre  les  quatre  murs  d'une  école,  se  faisaient 
mal  à  cette  vie  de  contrainte  ;  ils  s'envolèrent  à 
la  première  occasion.  Ce  premier  échec  rendit 
I  le  Père  un  peu  plus  circonspect,  et  il  recommença 
.•;»K  avec  des  éléments  mieux  choisis.  Le  grain  de  ^ 
sénevé  resta  longtemps  tout  petit,  mais  avec  le 
temps  et  surtout  avec  une  persévérante  confiance 
dans  le  succès  d'une  cause  qui  doit  être  si  chère 
au  cœur  de  Dieu,  le  nombre  s'accrut  bientôt  dans 
des  proportions  qui  décidèrent  Mgr.  Pelckmans  à 
ériger  définitivement  un  local  assez  vaste  pour 
abriter  une  centaine  d'orphelins.  Le  7  Octobre  1894, 
les  bâtiments  furent  bénits  et  dédiés  au  séraphique 
Père  des  pauvres.   St.    François  d'Assise. 

Les  nouvelles  installations  étaient  à  peine  termi- 
nées qu'éclata  la  famine  de  1897.  Bientôt  elles  furent 
insuffisantes.  On  dut  même,  se  hâter  de  renvoyer 
dans  les  missions  de  Maryabad  et  d'Adah  les  enfants 
baptisés  et  suffisanmient  instruits  dans  la  doctrine 
chrétienne,  pour  ouvrir  plus  largement  la  porte  aux 
pauvres  affamés.  Le   Père  Lié  vin  se  rendit,  à  deux 

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AU    PUNDJAB  31 

reprises  différentes,  dans  les  districts  les  plus  éprouvés 
par  le  fléau ,  et  lut  témoin  oculaire  des  inénarrables 
scènes  que  les  journaux  de  cette  époque  ont  ample- 
ment décrites.  Il  recueillit  deux  convois  d'affa- 
més et  parvint  ainsi  à  remplir,  et  Torphelinat 
de  St.  François,  et  celui  de  St.  Joseph  qui  venait 
d'être  ouvert  pour  les  filles  indigènes  et  dont 
nous  parlerons  bientôt.  Depuis  lors,  l'asile  ne  s'est 
plus  désempli  ;  les  places  devenues  vacantes  par  le 
renvoi  des  premiers  occupants  dans  les  villages 
chrétiens  du  district  de  Sialkot,  ont  toujours  été 
prises  immédiatement.  Il  y  a  des  orphelins  âgés  de 
deux  à  17  ans.  L'établissement  de  St.  François  est 
assurément  une  des  plus  grandes  espérances  du 
, .  Diocèse  pour  la  conversion  des  indigènes.  Là,  dans  ■>•*- 
une  atmosphère  toute  chrétienne,  élevés  dans  la 
sainte  doctrine  par  les  catéchismes,  les  instructions 
et  les  admonitions  de  leur  zélé  directeur,  assistant 
journellement  à  la  messe  et  aux  services  religieux  de 
la  pro-cathédrale  et  s'approchant  fréquemment  des 
sacrements,  ces  enfants  se  forment  aisément  aux 
bonnes  mœurs  et  se  plient  à  une  vie  de  régularité  et 
de  vertu  qui  portera  bientôt  les  j^lus  beaux  fruits. 
Et  tandis  que  les  préjugés  de  Fignorance  et  les 
vices  invétérés  des  adultes  convertis  cèdent  si  diffi- 
cilement à  l'action  de  la  grâce,  le  missionnaire  trouve 
ici  une  cire  molle  et  flexible  qu'il  peut  façonner 
sans  difficulté,  un  terrain  vierge  où  les  germes  de  la 
vertu  se  dévelop^ient  avec  une  merveilleuse  fécon- 
dité. Combien  parmi  ces  enfants,  qui,  sans  l'orphe- 
linat de  St.   François,  eussent  été  fatalement  voués 


32  DIX   ANNÉES    d'apostolat 

au  vice,  ont  conservé  pure  et  fraîche  la  fleur  de 
leur  innocence  baptismale!  Cest  à  ce  travail  ardu, 
mais  fécond,  que  se  consacre  jour  et  nuit  le  R.  P. 
Liévin,  assisté  de  trois  frères  tertiaires  allemands, 
dont  l'un  a  déjà  payé  de  sa  vie  son  dévouement  à 
cette  œuvre.  Le  frère  Bernard  (Henri  I)ebus)né  à 
l'ckerseifen  (Prusse)  mourut  des  suites  d'une  fièvre 
maligne,  le  17  Novembre  1897,  à  Mooltan,  où  il  avait 
été  transporté,  dans  Tespoir  que  ce  changement 
vaincrait  le  mal  qui  le  minait  depuis  longtemps.  R.I.  P. 

Les  générations  issues  de  cette  souche  chrétienne 
seront  la  joie  et  la  gloire  de  l'Église  Catholique  dans 
le   Pundjab. 

Prenez  les  indigènes  dès  l'enfance,  enlevez-les  au 
•^  contact  des  coutumes  et  des  fêtes  religieuses  Vj^ 
de  l'Hindouïsme  et  du  Mahométisme,  et  vous  pour- 
rez espérer  qu'ils  ne  tomberont  jamais  dans  ces 
pratiques  grossières  et  que  les  idées  erronnées  qui 
ont  à  peine  eu  le  temps  d'effleurer  leurs  jeunes  âmes, 
s'effaceront  peu  à  peu.  La  conversion  sincère  d'un 
adulte  reste  toujours  problématique;  et  sa  volte-face 
n'a  rien,  après  tout,  qui  doive  étonner,  si  l'on  consi- 
dère bien  le  milieu  où  il  a  grandi  et  les  habitudes 
invétérées  qui  ont  formé  pendant  longtemps  la  trame 
de  sa  vie  domestique. 

Cependant  un  problème  très  sérieux  s'est 
imposé  aux  pensées  soucieuses  de  Sa  Grandeur. 
Que  fera-t-on  de  tous  ces  orphelins,  quand  l'époque 
viendra  où  les  portes  de  l'institution  devront  néces- 
sairement se  refermer  sur  eux?  Aussi  longtemps  qu'ils 
sont  petits  et  qu'il  s'agit  uniquement  de  les  nourrir, 

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AU    PUNDJAB  33 

de  les  vêtir  et  de  les  garder  sous  l'égide  paternelle  du 
missionnaire,  tout  est  pour  le  mieux.  Mais  l'avenir 
incertain  qui  attendait  ces  enfants  sans  ressources 
aussi  bien  que  sans  famille,  rendait  perplexe  Mon- 
seigneur Pelckmans.  Diverses  tentatives  pour  les 
placer  comme  domestiques  dans  des  familles  ou 
comme  ouvriers  dans  les  ateliers  de  la  Compagnie 
des  chemins  de  fer  ayant  échoué,  on  s'arrêta  au  pro- 
jet de  leur  apprendre,  à  l'orphelinat  même,  pour 
en  faire  plus  tard  d'honnêtes  artisans, quelque  métier 
en  rapport  avec  leurs  aptitudes.  Peu  à  peu  l'idée 
prit  corps  et  à  l'heure  actuelle, une  bonne  petite  école 
industrielle  fonctionne  admirablement.  Elle  com- 
prend des  métiers  pour  le  tissage  des  tapis  de 
Perse,  si  estimés  dans  les  contrées  occidentales 
d'Europe  et  d'Amérique;  un  atelier  de  cordonnerie, 
une  presse  lithographique  et  tout  le  nécessaire  pour 
la  reliure  des  livres.  Grâce  à  la  rencontre  fortuite 
d'un  excellent  catholique  autrichien,  agent  d'une 
grande  maison  de  commerce  d'Amérique,  un  dé- 
bouché avantageux  pour  la  vente  des  tapis  a  été 
ouvert  dernièrement.  C'est  ce  qui  a  décidé  Monsei- 
gneur à  augmenter  le  nombre  de  métiers,  et  actuel- 
lement, ils  occupent  une  cinquantaine  d'orphelins. 
Le  produit  de  la  vente  des  articles  qui  sortiront  de 
l'atelier  soutiendra  l'institution  et  aidera  à  parer  aux 
dépenses  qu'entraînent  les  nouvelles  installations. 
L'atelier  de  cordonnerie  est  sous  la  direction  immé- 
diate d'un  des  frères  tertiaires  allemands,  aussi  habile 
à  polir  le  cuir  qu'à  manipuler  l'alêne.  Son  atelier 
fournit  le  nécessaire  aux  trois  orphelinats  de  Lahore, 


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34  DIX    ANNÉES    d'apostolat 

et  travaille  aussi  pour  le  public.  Celui-ci  se  montre 
très  empressé  à  patronner  rinstitution  en  se  pour- 
voyant plutôt  chez  nous  que  dans  les  magasins  euro- 
péens et  indigènes  ;  et  souvent  la  clientèle  témoigne 
sa  satisfaction  d'avoir  trouvé  à  meilleur  compte  bonne 
marchandise  et  excellente  exécution.  Les  plus  intel- 
ligents parmi  les  orphelins  sont  admis  à  l'école  des 
arts  de  Lahore  où  ils  apprennent  le  dessin,  la  cise- 
lure, la  moulure  et  la  manipulation  des  couleurs,  ce 
qui  les  mettra  à  même  de  s'établir  un  jour  comme 
charpentiers,  graveurs,  sculpteurs  de  bois,  peintres, 
etc.,  métiers  qui  ont  leur  utilité  pratique  aussi  bien 
dans  ce  pays  qu'en  Europe  et  qui  leur  assureront 
plus  tard  une  honnête  subsistance.  En  attendant, 
ils  appliquent  leurs  connaissances  en  dessin  et  en  ^^ 
peinture  dans  la  composition  des  modèles  de  tapis, 
qui  sont  tissés  à  l'atelier  d'après  des  originaux  per- 
sans. 

D'autres  orphelins  enfin  sont  initiés  aux  travaux  à 
l'aiguille  ;  car  la  confection  des  habits  est  en  grande 
partie  le  monopole  du  sexe  fort  ;  et  si  l'atelier  de  cou- 
ture ne  rapporte  rien  encore  à  l'établissement,  son 
fonctionnement  régulier  est  cependant  garanti  par. 
le  raccommodage  quotidien  des  vêtements  de  ces 
petits  écervelés,  chez  qui  le  plaisir  de  déchirer 
devient  une  habitude  qui  cède  difficilement,  même 
devant  les  punitions. 

Entretemps,  le  côté  moral,  religieux  et  intellectuel 
de  l'orphelinat  marche  de  pair  avec  le  progrès  maté- 
riel ,  et  les  enfants  sont  instruits  par  un  "  munchi  « 
dans  les  différentes   branches  de  l'écriture,   de  la 


AU    PUNDJAB 


35 


lecture,  de  rarithmétique  et  du  calcul.  L'école  de 
St.  François,  placée  sous  le  contrôle  du  Gouver- 
nement, subit  chaque  année  avec  succès  les  examens 
imposés.  Tout  cela  est  vivifié  par  un  esprit  de 
piété  qu'entretiennent  l'assistance  quotidienne  au 
St.  Sacrifice  de  la  Messe,  la  récitation  en  commun 
des  prières  du  matin  et  du  soir,  le  St.  Rosaire, 
et  surtout  les  catéchismes  continuels  auxquels  le 
zélé  directeur  de  Torphelinat  consacre  la  majeure 
partie  de  son  temps.  Le  travail  de  la  grâce  féconde 
admirablement  les  bonnes  semences  jetées  dans  ces 
âmes  innocentes;  et  c'est  un  spectacle  vraiment 
touchant  que  de  voir  la  spontanéité  avec  laquelle 
les  enfants  qui  ont  déjà  été  admis  à  la  Table-Sainte 
demandent  à  s'approcher  fréquemment  des  saints 
Sacrements  de  Pénitence  et  d'Eucharistie.  Ici,  la 
tâche  du  missionnaire  est  des  plus  douces,  et  il  re- 
cueille dans  la  joie  ce  qu'il  a  semé  dans  les  peines  et 
les  sueurs. 

Que  ne  peut-on  pas  espérer  de  ces  jeunes  plantes 
si  bien  soignées  et  si  tendrement  cultivées  ? 

Mgr  Pelckmans  a  le  droit  de  tourner  ses  regards 
avec  confiance  vers  l'orphelinat  de  St. François  pour 
la  réalisation  d'un  de  ses  plus  chers  désirs  :  les  voca- 
tions sacerdotales. 

La  sollicitude  extraordinaire  de  Sa  Sainteté  Léon 
XIII  s'est  manifestée  récemment  en  dotant  les  Indes 
Orientales  d'une  puissante  hiérarchie  ecclésiastique 
et  d'un  séminaire  papal.  Le  chef  de  la  chrétienté 
attend,  avec  sa  perspicacité  habituelle,  de  la  forma- 
tion à  bref  délai  d'un  clergé  indigène,  la  conversion 


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36 


DIX    ANNEES    D  APOSTOLAT 


de  ces  millions  d'Indiens  travaillés  depuis  plusieurs 
siècles  par  une  poignée  de  prêtres  européens.  Le 
séminaire  de  Candie  compte  déjà  des  représentants 
de  presque  tous  les  diocèses  de  l'Inde.  Hélas!  celui 
de  Lahore  doit  encore  se  contenter  d'espérances. 
Mais  les  voies  sont  préparées  ;  et  si  nous  plantons 
avec  Dieu  et  pour  Dieu,  pourquoi  n'attendrions-nous 
pas  avec  confiance  qu'il  nous  donne  aussi  les  fruits? 
C'est  pourquoi  Sa  Grandeur  surveillant  avec  une  pa- 
ternelle sollicitude  le  développement  de  la  grâce 
dans  ces  orphelins,  se  propose  de  séparer  ceux  qui 
manifestent  dès  dispositions  spéciales  pour  la  piété  et 
la  science,  et  ce  afin  de  pouvoir  leur  donner  une 
éducation  plus  soignée  dans  le  nouveau  collège  de 
Saint-Antoine  qui  doit  s'ouvrir  le  1"'  Janvier  1900. 
Là,  comme  dans  une  espèce  de  petit  séminaire,  leur 
vocation  sera  éprouvée  et  examinée,  loin  de  tout  ce 
qui  pourrait  la  mettre  en  danger,  elle  sera  cultivée 
par  des  exercices  appropriés  à  cette  fin.  Le  moment 
venu,  et  après  mûre  délibération,  ils  seront  définiti- 
vement envoyés  à  Candie  pour  recevoir  la  dernière 
préparation  capable  d'en  faire  des  prêtres  instruits 
et  pieux.  Ce  sera  le  couronnement  de  l'œuvre.  Sa 
Grandeur  appelait  cette  bénédiction  de  tous  ses  vœux 
quand  Elle  dédia  au  Patriarche  de  la  grande  Famille 
Franciscaine,  cet  asile  des  pauvres  de  ce  monde,  pour 
les  enrichir  de  biens  célestes  et  impérissables. 
"  De  stercore  erigens  pauperem,  ut  collocet  eum  cum 
principibus  populi  sui  (Ps.  CXII.)  En  attendant  que 
cette  aurore  des  vocations  sacerdotales  se  lève  sur  le 
diocèse  de  Lahore,  et  afin  de  répandre  avec  plus  de 


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I  AU    PUNDJAB  37 

vigueur  l'œuvre  d'apostolat  parmi  les  indigènes, 
Monseigneur  a  fondé  à  Adah  la  première  de  nos  mis- 
sions indigènes  et  il  y  a  ouvert  une  école  apostolique, 

]  sous  la  direction  du  R.  P.  Vincent,  où  six  orphelins 
des  plus  intelligents  ont  été  envoyés  pour  être  formés 
par  des  instructions  spéciales  à  Toffice  de  catéchiste. 

I  Ils  seront  les  avant-coureurs  du  missionnaire  dans 
les  villages,  et  rendront  son  travail  moins  onéreux  et 
plus  fructueux. 

I  Avant  de  clore  ce  court  aperçu  sur  une  des  entre- 

prises les  plus  pleines  d'avenir  pour  le  Diocèse,  il  ne       ; 
sera  pas  hors  de  propos  de  faire  remarquer  que  si  la 

I      charité  l'a  enfantée, elle  est  seule  encore  à  la  soutenir. 

I  II  sera  aisé  de  s'imaginer  combien  l'entretien  de  l'éta- 
'\fi^  blissement  est  devenu  coûteux  au  Diocèse, complète-  <;; . 
^'  ment  dépourvu  de  fonds, et  ayant  à  pourvoir, au  jour 
le  jour,  aux  besoins  matériels  de  près  de  cent  or- 
phelins. Toute  âme  généreuse  a  pu  comprendre  le 
grand  bien  qu'une  telle  institution  est  appelée  à 
réaliser.  La  maintenir  sur  le  pied  où  elle  se  trouve 
actuellement  et  lui  donner  les  développements  dési- 
rables que  nous  avons  fait  entrevoir  en  parlant  du 
futur  collège  des  enfants,  est  certes  chose  digne 
d'occuper  les  pensées  des  âmes  charitables  sou- 
cieuses de  contribuer  à  la  gloire  de  Dieu  et  à 
l'extension  de  son  royaume  dans  les  cœurs.  Nous 
demandons  à  Dieu  qui  parle  dans  le  secret,  d'inspirer 
aux  cœurs  généreux  le  désir  de  nous  aider. 


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38  DIX    ANNÉES  d'apostolat 

§.  IV.  —  L'Orphelinat  de  St-Joseph  et  le  Couvent  des 
Sœurs  de  la  Charité,  de  Jésus  et  de  Marie. 

L'origine  de  l'orphelinat  de  St.  Joseph  remonte 
à  l'année  1880.  La  première  conception  en  est  due 
au  zèle  de  la  Révérende  Mère  St''  Thaddée, 
supérieure  du  couvent  de  Jésus  et  de  Marie  à  Lahore. 
Affligée  de  la  triste  condition  d'ignorance  et  de  mal- 
propreté où  elle  voyait  croupir  les  enfants  des  domes- 
tiques chrétiens  indigènes  attachés  au  service  de  la 
maison,  elle  résolut  de  les  réunir  à  certaines  heures 
fixes  pour  leur  inculquer  des  idées  et  des  habitudes 
de  modestie  et  de  travail,  et  les  initier  en  même  temps 
aux  premières  notions  de  la  lecture  et  de  l'écriture. 
A  ce  petit  troupeau  vinrent  bientôt  se  joindre 
d'autres  malheureuses  créatures  recueillies  sur  la  voie 
publique,  ce  qui  transforma  en  peu  de  temps  ces 
réunions  en  une  école  régulière.  Ce  premier  succès 
enflamma  davantage  le  zèle  de  la  bonne  Mère.  Elle 
avait  alors  sous  la  main  la  bonne  Sœur  Geneviève 
qui,  pendant  son  séjour  à  Sirdhana  (mission  indigène 
de  l'archidiocèse  d'Agra)  s'était  familiarisée  avec  la 
langue  hindoustane.  La  Révérende  Mère  lui  confia 
l'instruction  religieuse,  de  ces  petites  indigènes  ainsi 
que  la  préparation  des  unes  au  saint  Baptême,  et 
des  autres,  déjà  chrétiennes,  à  la  réception  des 
sacrements  de  Pénitence,  d'Eucharistie  et  de  Confir- 
mation. 

L'œuvre  se  développant  sous  la  bénédiction  de 
Dieu,  la  dévouée  supérieure  aurait  voulu  la  faire 
entrer  dans  une  autre  phase  :  tout  en  assurant  la  sta- 

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AU    PUNDJAB  39 

bilité  de  l'institution,  elle  désirait  se  préoccuper 
davantage  encore  de  l'avenir  de  ses  chères  brebis.  Or 
le  diocèse  ne  comptait  aucun  établissement  qui  pût  les 
recevoir.  La  R.  Mère  St^\  Tliaddée  en  écrivit  au  R. 
P.  Marc  alors  administrateur  du  diocèse,  elle  lui 
exposa  les  résultats  obtenus  et  à  obtenir,  ainsi  que  ses 
desseins  et  ses  appréhensions.  Le  R.  P.  Marc  comprit 
l'importance  du  projet  de  la  supérieure,  et,  pour 
Taider  à  la  réaliser,  il  mit  à  sa  disposition  la  petite 
maison  occupée  autrefois  par  le  chapelain. 

Ainsi  fut  fondé,  avec  une  quinzaine  de  ces  petites 
abandonnées , l'orphelinat  de  St .  Joseph .  Les  dimensions 
étroites,  ainsi  que  l'humidité  et  l'insalubrité  de  cette 
maison,  la  rendirent  bientôt  inhabitable.  Mgr. 
^Z.  Mouard  se  décida,  en  1890,  à  bâtir  un  petit  «bunga-  ^ 
low  n  composé  de  trois  chambres  et  plus  rapproché  ' 
du  couvent,  ce  qui  facilitait  beaucoup  l'admini- 
stration et  la  surveillance  de  l'orphelinat.  Les  choses 
en  restèrent  là  jusqu'en  1896.  Toutefois  on  ne  tarda 
pas  à  découvrir  les  obstacles  qui  non  seulement  en- 
travaient les  progrès  de  l'institution,  mais  l'expo- 
saient à  un  échec  presque  certain.  D'abord,  elle  avait 
à  souffrir  du  voisinage  du  pensionnat  des  enfants 
européens  et  eurasiens  dont  les  idées  et  les  coutu- 
mes sont  si  opposées  à  celles  des  indigènes;  ensuite 
le  local  était  exigu,  et  il  n'était  pas  possible  de 
l'agrandir.  Dès  lors,  une  seule  solution  s'imposait  : 
le  transfert  de  Tceuvre  en  un  milieu  plus  propice  et 
dans  un  local  assez  vaste.  Mais  l'argent  faisait  défaut, 
de  sorte  que  la  réalisation  du  projet  menaçait  d'être 
remise  à  une  époque  éloignée  si,  en  1896,  la  Provi- 


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\  40  DIX    ANNÉES  D  APOSTOLAT 

dence  n'était  venue  seconder  merveilleusement  les 
vues  de  Mgr.  Pelckmans.  Une  dame  anglaise,  ayant 
i  son  diplôme  de  docteur  en  médecine,  récemment 
!  convertie  au  Catholicisme,  et  devenue  depuis  fervente  i 
Tertiaire  de  St.  François,  avait  acheté  à  Lahore  une  j 
propriété  de  deux  hectares,  comprenant  un  immense 
jardin  et  deux  maisons  isolées.  ! 

Un  jour  que  Mgr  Pelckmans  lui   faisait  part  de     | 
ses  inquiétudes   et  manifestait  son  chagrin   de  voir 
une  œuvre,  si  éminemment  apostolique,  condamnée     j 
à  végéter  faute  de  ressources,  la  pieuse  dame  s'émut     i 
et,  avec   une  spontanéité  toute  franciscaine,  elle  fit     j 
don  de  sa  nouvelle  propriété  à  la  Mission  de  Lahore. 
I       Elle  quitta  sa  superbe  demeure  et   s'en    fut   loger 
■*)y      dans  une  modeste  habitation.  «Je  suis  assez  largement    ^p: 
"1       payée,  disait-elle,  par  le  bonheur  d'avoir  pu  offrira     i 
Jésus-Christ  un  abri  pour  ses  pauvres  et  procurer  à 
ses  ouvriers  évangéliques  les  moyens  d'étendre  leur 
sollicitude  à  un  plus  grand  nombre  d'enfants  aban- 
donnés. »  Peu  de  temps  après,  éclata  la  famine  qui 
livra  sans  pitié  aux  étreintes  de  la  mort  des  millions 
de  victimes.  En  1897,   l'établissement  se  remplit  : 
plus  de  cent  enfants  arrachés  aux  horreurs  de  la  faim 
furent  admises.  Ce  fut  alors  que  Sa  Grandeur  appela 
de   Gand  les  Sœurs  de  la  Charité,    de   Jésus  et  de     i 
Marie,  pour  se  constituer  les  mères  spirituelles  de 
ces  orphelines  abandonnées. 

Nous  cédons  la  parole  à  Tune  d'entre  elles,   la 
Sœur  Vénardine,  pour  nous  raconter  dans  les  termes     | 
d'une  simplicité  évangélique,   lesimpressionsdes.es 
deux  premières  années  d'apostolat: 


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AU    PUNDJAB  41 

Lahore,  23  Mars  1899. 
Tout  à  la  plus  grande  gloire  de  Dieu. 
Ma  chère  Madame  X***, 

Nous  voici  en  mission  depuis  deux  ans  et  le  cœur 
plein  de  reconnaissance,  nous  bénissons  le  Seigneur 
qui  daigna  confier  à  notre  faiblesse  la  sublime  tâche 
de  travailler  au  salut  des  pauvres  idolâtres.  Nous 
remercions  le  Dieu  de  toute  bonté  des  bienfaits 
signalés  qui  encouragèrent  nos  premiers  efforts,  et 
des  petites  parcelles  de  sa  S^"  Croix,  que  nous  avons 
récoltées  sur  la  terre  de  l'exil. 

Les  tristes  échos  de  guerre  et  de  famine  aux  Indes 
attendrissaient  alors  le  cœur  de  la  généreuse  Europe. 
Nos  supérieurs  généraux  de  Gand,  répondant  au 
pressant  appel  de  Sa  Grandeur  Mgr.  Pelckmans, 
Évêque  de  Lahore,  envoyèrent  vers  cette  contrée  des 
Sœurs  de  Charité,  pour  répandre  les  bienfaits  des 
œuvres  de  la  Congrégation  parmi  les  malheureux 
indigènes. 

C'était  l'heure  propice,  pour  recueillir  des  jeunes 
filleset  sauver  des  âmes  du  paganisme. La  tendresse  des 
Indiens  pour  leurs  enfants  est  extrême. Rien  n'est  plus 
difficile  que  de  les  décider  à  s'en  séparer.  Mais  la  dé- 
solation causée  par  la  famine  avait  rendu  bon  nombre 
d'enfants  orphelines  et  abandonnées. 

Au  mois  de  Novembre  1897,  en  arrivant  à  Lahore, 
ville  épiscopale,  40  de  ces  pauvres  petites  nous 
attendaient  à  l'orphelinat  de  St.  Joseph.  Cet  institut, 
cédé  à  la  Mission  par  la  générosité  d'une  Dame  an- 


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42  DIX    ANNÉES    d'apostolat 

glaise,  fervente  catholique,  était  spacieux,  mais 
presque  nu  à  l'intérieur.  Tout  se  fait  encore  à  l'indi- 
gène et  pendant  les  premiers  jours,  cette  manière 
de  vivre  des  Hindous ,  nous  offrit  un  tableau  très 
pittoresque.  A  l'église  on  s'agenouille  ou  on  s'assied 
par  terre.  Au  repas,  même  position  orientale.  Ici,  la 
fourchette  d'Adam  fonctionne  à  merveille  dans  un 
plat  de  graines  indigènes,  si  poivré  qu'il  enflamme- 
rait le  palais  délicat  de  l'Européen.  Cette  fameuse 
ratatouille  ou  potage  est  parfois  remplacée  par  de  la 
viande,  ou  du  riz,  et  toujours  accompagnée  de 
petits  pains  que  les  enfants  pétrissent  elles-mêmes 
de  farine  et  d'eau,  et  qu'elles  cuisent  de  la  même 
façon  que  les  galettes  en  Belgique.  On  se  couche  sur 
une  natte  étendue  par  terre  ou  suspendue  à  quatre  j^-. 
bâtons.  En  classe,  on  se  groupe  autour  du  maître  p 
au  turban  qui  alors  chante  à  tue-tête  l'incompré- 
hensible alphabet  hindoustani,  que  le  chœur  des 
fillettes  répète  bruyamment.  Le  langage  bizarre 
qui  sortait  des  bouches  de  ces  brunettes,  nous  est 
devenu  familier  à  présent,  mais  cela  nous  a  coûté 
bien  des  peines. 

Dieu  a  réservé  au  cœur  de  la  missionnaire,  sevré 
des  plus  légitimes  et  des  plus  innocentes  joies  de  la 
terre,  une  douceur  qui  lui  rappelle  sa  patrie  céleste. 
Oh  !  le  bonheur  de  faire  connaître  et  aimer  Dieu 
à  l'enfant  païen  et  de  voir  ses  efforts  couronnés 
par  quelque  succès  ! . . .  La  consolation  de  préparer 
une  première  phalange  de  petites  Indiennes  au 
banquet  des  anges  nous  récompensera  amplement 
des  difficultés  inhérentes  aux  débuts    d'une  mission. 

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AU   PU^DJAB  43 

Cependant  la  famine  ravageait  de  plus  en  plus  les 
villages  dont  les  champs  desséchés  attendaient  vai- 
nement la  pluie  fécondante.  D'autres  victimes 
vinrent  nous  demander  un  asile  et  du  pain.  Quel 
spectacle  !  Des  squelettes  vivants  !  Couvertes  de 
plaies,  de  la  gale,  de  la  lèpre  mêm.e,  ces  infortu- 
nées enfants  pouvaient  à  peine  se  soutenir,  tant 
avaient  été  grandes  leurs  privations  !  L'orphelinat 
se  changea  bientôt  en  hôpital;  nous  fûmes,  pen- 
dant de  longs  mois,  au  chevet  de  nos  pauvres 
orphelines  malades  et,  malgré  nos  soins  assidus, 
nous  ne  parvînmes  pas  à  les  sauver  toutes.  Quelques 
heures  seulement  après  son  entrée,  une  de  ces 
petites  victimes  succombait.  Plusieurs  autres  la 
^j  suivirent  de  près,  après  avoir  heureusement  reçu  L- 
^      le  baptême.  -■■ 

A  notre  arrivée  en  Novembre,  nous  avions  joui 
du  magnifique  hiver  indien,  qui  ressemble  à  un 
{  printemps  perpétuel.  Les  nuits  étaient  froides,  mais 
j  les  jours  chauds.  Sous  un  ciel  toujours  d'azur,  l'œil 
se  reposait  agréablement  sur  une  terre  couverte  de 
j  bosquets,  de  verdure  et  sur  des  couronnes  de  fleurs 
j  variées.  Mais  le  mois  de  Mai  nous  apporta  les  chaleurs 
j  excessives  de  l'été,  et  l'action  des  vents  brûlants 
détruisit  sans  pitié  «  ces  fraîches  beautés  de  la  na- 
ture, -n  A  cette  époque,  la  communauté  et  l'orpheli- 
nat souflrirent  de  la  fièvre. 

A  part  ces  légères  épreuves,  la  rosée  des  béné- 
dictions célestes  continua  de  descendre  sur  le  champ 
de  nos  labeurs.  Douze  autres  de  nos  petites  bru- 
nettes,     sauvées  des  horreurs    de    la    faim   et    des 

#5 


44  DIX    ANNÉES    d'apostolat 

ténèbres  du    paganisme,  ont  pu  s'asseoir  à  la  Ta- 
ble-Sainte et  nourrir  leurs  âmes  innocentes  du  bon 

Jésus. 

Dans  les  commencements  de  l'année  1898,  d'autres 
sœurs  vinrent  d'Europe  pour  étendre  notre  œuvre 
jusqu'aux  jeunes  filles  européennes  et  eurasiennes,  et 
une  nouvelle  communauté  se  forma  à  Moultan. 

Et  maintenant,  grâces  à  Dieu,  notre  cher  orpheli- 
nat présente  un  aspect  plus  riant  et  plus  civilisé. 
L'esprit   du    christianisme    s'infiltre    lentement    et 
exerce  sûrement  sa  douce  influence  sur  les  mœurs  de 
ces  enfants. 
j         Vous    nïgnorez  pas,    ma  chère  Dame,  combien 
'     les  préjugés  de  castes  sont  enracinés   dans  le  cœur 
^-.    des  Indiens  et  les  divisent  profondément.   Il  faut 

vous  dire  aussi  que  les  différents  métiers  et  cer-  r 
tains  ouvrages  étant  le  monopole  d'une  caste,  l'or- 
ganisation du  travail  laisse  énormément  à  désirer. 
Pour  ces  païens  superstitieux,  se  prêter  à  des  ou- 
vrages qui  ne  sont  pas  de  leur  caste,  ce  serait  une 
dégradation  dont  la  seule  idée  les  fait  trembler. 
Il  nous  fut  assez  difficile,  au  commencement,  de 
faire  comprendre  à  nos  fillettes  que  ces  préjugés 
n'existent  pas  parmi  les  chrétiens  et  que  le  travail  ne 
déshonore  personne.  A  présent,  elles  se  rendent  à 
I  toute  besogne  de  gaieté  de  cœur.  Chaque  matin  au 
'  nettoyage,  c'est  à  qui  pourra  montrer  à  la  Sœur,  la 
chambre  la  plus  propre.  Les  habillements  des  enfants 
sont  confectionnés,  raccommodés  et  lavés  par  elles. 
Le  jour  de  lavage  est  un  jour  de  fête.  Les  laveuses 
;      sont  groupées  autour  d'une  citerne  située  en  plein 

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AU    PUNDJAB  45 

air.  Le  bruit  des  linges  battus  contre  le  bord  de  la 
pierre  est  souvent  accompagné  de  joyeux  éclats  de 
rire  ou  de  cris  de  surprise,  quand  une  malicieuse 
voisine  vient  d'arroser  sa  compagne  d  une  fraîche 
ondée. 

Cette  besogne  ne  s'achève  jamais  sans  que  le  Rosaire 
récité  en  commun  ne  supplie  le  Dieu  des  chrétiens 
d'avoir  pitié  des  millions  de  malheureux  ensevelis 
encore  dans  les  ténèbres  du  paganisme.  L'entretien 
de  nos  enfants  dépondant  exclusivement  de  la  charité, 
il  nous  fallut  bientôt  chercher  un  moyen  qui, 
joint  aux  aumônes  que  la  Divine  Providence  nous 
procurait,  pût  pourvoir,  en  partie  du  moins,  aux 
besoins  multiples  de  l'orphelinat.  Xous  le  trouvâmes 
dans  la  filature  du  coton  et  dans  les  ouvrages  à  j*- 
l'aiguille.  C'est  ainsi  qu'une  partie  des  enfants 
file  le  coton  et  la  laine  servant  au  tissage  de  magni- 
fiques tapis  persans  fabriqués  à  l'orphelinat  de 
St. François  ;  les  autres  s'adonnent  à  la  couture  ou 
au  tricot.  En  outre,  lorsque  nous  aurons  la  clientèle 
de  quelques  dames  européennes  résidant  aux  Indes, 
nous  nous  occuperons  d'ouvrages  de  broderie  et  de 
fantaisie  au  crochet  et  à  l'aiguille.  Trois  des  plus 
grandes  jeunes  filles  s'initient  aux  soins  à  donner 
aux  malades  et  à  la  préparation  des  médicaments  à 
l'hôpital  dirigé  par  la  pieuse  dame  catholique,  qui 
nous  fit  don  des  bâtiments  de  l'orphelinat,  auquel 
elle  reste  très  dévouée.  Afin  d'assurer  l'avenir  de  nos 
enfants,  l'enseignement  de  la  langue  anglaise  fut 
ajouté  à  celui  de  l'hindoustani.  Depuis  une  année, 
elles  apprennent  aussi  le   chant  avec    succès  ;   leurs 


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46  DIX    ANNÉES    d'apostolat 

jérémiades  lentes  et  rauqiies  ont  très  heureuse- 
ment fait  place,  à  force  de  patience  et  d'exercices,  à 
des  chants  bien  rythmés,  qui  rehaussent  beau- 
coup les  offices  religieux  célébrés  en  notre  cha- 
pelle servant  d'église  paroissiale  à  la  Congrégation 
indigène  de  Lahore.  Si  Dieu  daiofue  bénir  nos 
efforts,  ces  chères  jeunes  filles  deviendront  de  fer- 
ventes catholiques;  la  plupart  se  marieront  et 
formeront  ainsi  la  souche  d'une  nouvelle  génération 
chrétienne. 

Mais  parmi  les  jeunes  âmes  que  nous  élevons,  n'y 
en  aura-t-il  aucune  qui  se  consacrera  à  Dieu?  Ce 
serait  là,  lé  comble  de  nos  désirs. 

Tel  est,  ma  chère  Dame,  le  résultat  de  nos  pre- 
^»  miers  travaux,  résultat  très  consolant  sous  bien  j; 
des  rapports.  Cependant  qu'il  est  petit,  hélas!  le 
nombre  d'âmes  sauvées  !  et  qu'il  est  populeux  le 
monde  païen  qui  nous  entoure,  et  pour  lequel  nos 
sacrifices  demeurent  stériles  !...  La  prière  peut 
obtenir  du  Dieu  Tout-Puissant  que  les  obstacles  dis- 
paraissent et   que   la   Foi    se   propage. 

Mais  il  appartient  encore  aux  âmes  généreuses 
de  soutenir  l'œuvre  d'apostolat  parmi  les  pauvres 
filles  de  St.  Vincent  de  Paul;  permettez-moi,  chère 
Dame,  de  répéter  ici  ce  cri  que  le  besoin  arrachait 
im  jour  à  notre  illustre  Père  :  «  Nos  enfants  sont  entre 
les  mains  de  la  charité  chrétienne,  c'est  à  elle  de 
décider  de  leur  sort  !  «  Les  pauvres  sœurs  mission- 
naires qui  ont  tout  quitté  sur  terre,  devront-elles, 
manquant  de  moyens,  abandonner  leurs  enfants?  Pour 
l'entretien  d'une  fille  indigène,  il  ne  faut  pas  beau- 


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AU    PUNDJAB  47 

coup.  Si  des  âmes  charitables  voulaient  adopter  nos 
orphelines,  cent  francs  suffiraient  pour  l'entretien 
annuel  d'une  d'entre  elles.  Xous  serions  si  heureuses 
de  leur  envoyer  le  nom  de  baptême  de  leur  protégée. 

Mais  plaidons, auprès  des  cœurs  généreux  et  catho- 
liques de  la  Belgique,  la  cause  des  pauvres  déshé- 
ritées de  rinde  idolâtre  ;  nous  implorons  la  pitié  des 
riches  en  faveur  des  âmes  qui  se  perdent  et  du  zèle 
des  missionnaires  qui  reste  impuissant,  faute  d'un 
peu  d'or.  Ah!  donnez  donc,  ne  fermez  pas  l'oreille 
à  notre  prière!  De  ces  cent  francs,  pas  un  centime 
ne  sera  perdu.  Un  Dieu  infiniment  riche  et  puissant 
vous  le  rendra  au  centuple  dans  le  séjour  de  l'éternel 
bonheur. 

i^^  En  vous  transmettant  ces  détails,  trop  longs  peut-  if- 
être,  sur  la  situation  de  notre  pauvre  orphelinat,  au- 
quel nous  avons  désormais  voué  notre  existence,  je 
le  recommande  une  dernière  fois,  bien  humblement, 
mais  aussi  bien  ardemment,  à  votre  inépuisable 
charité. 

Je  reste  en  St.  Vincent  de  Paul,  ma  chère 
Madame  X***, 

Votre  humble  servante, 
Sœur  Vénardine. 
Couvent  des  Sœurs  de  la  Charité 
Thornton  Road, 

Lahore. 


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48  DIX    ANNÉES    d'apostolat 

§.  5.  —  L'École  et  l'Église  de  St.  Antoine  de   Padoue 
à  Lahore. 

Quelques  mois  après  Férection  du  Pundjab  en 
diocèse,  avec  Lahore  comme  siège  épiscopal,  une 
grande  partie  du  Nord  en  fut  détachée  et  devint  la 
Préfecture  apostolique  de  Cachemire  et  de  Kaiiristan. 
Par  cette  séparation,  la  Mission  de  Lahore  se  trouva 
brusquement  privée  des  belles  institutions  d'éduca- 
tion destinées  aux  enfants  européens  des  deux  sexes 
et  fondées,  à  grands  frais,  par  des  Pères  Capucins 
italiens  à  Rawalpindi  et  à  Marrec.  Voici  comment 
MgrMouard,  le  premier  Évêque  du  nouveau  diocèse, 
s'exprimait  à  cette  occasion  dans  une  lettre  écrite  en 
Novembre  1889  à  la  propagation  de  la  Foi  (Lyon)  : 
«Le  T.  R.  P.  Marc  de  Faverges  (Savoie),  nommé  Ad- 
«  ministrateur  après  que  ^Igr  Tosi  eut  donné  sa  dé- 
^  mission,  étant  incertain  de  sa  position  et  de  celle  des 
«  missionnaires,  ne  fit  pas  de  nouvelles  entreprises, 
«  mais  il  paya  la  partie  de  la  dette  de  Mgr  Tosi  qui 
"  lui  fut  assignée,  et  son  administration  lui  mérita 
"  les  éloges  du  St.  Siège.  Je  pris  possession  du  siège 
«  de  Lahore  le  21  Mars,  avec  un  renfort  de  quatre 
«  pères  et  quatre  frères  capucins  de  Belgique. 
«  Le  dénûment  du  diocèse  en  fait  d'institutions 
«  pour  l'éducation  de  la  jeunesse  me  glaça  d'effroi. 
"  Je  ne  voyais  autour  de  moi  ni  collège,  ni  orphelinat 
«  pour  les  garçons  ;  uniquement  deux  pensionnats  de 
"  filles  avec  50  élèves  environ  et  un  commencement 
"  d'orphelinat  indigène  avec  six  orphelines,  v 

Le  nouveau  diocèse  de  Lahore  ne  comptait  donc,. 

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AU    PUNDJAB  49 

dans  toute  son  étendue  aucun  établissement  scolaire 
pour  les  garçons  européens,  anglo-indiens  et  eura- 
siens. Le  danger  était  grand  pour  cette  partie  de 
notre  jeunesse  catholique  ;  car,  à  part  quelques  fa- 
milles fortunées  qui  pouvaient  envoyer  leurs  fils  dans 
d'autres  diocèses,  le  plus  grand  nombre  n'avait 
d'autre  alternative  que  de  priver  leurs  enfants  d'une 
éducation  chrétienne,  ou  de  leur  faire  fréquenter 
Tune  ou  l'autre  des  nombreuses  écoles  protestantes 
qui  pullullent  dans  la  contrée.  Cependant,  cette 
grave  situation  perdura  jusqu'en  1892.  Mgr.  Sym- 
phorien  Mouard  mourut;  son  successeur,  Mgr.  Em- 
manuel Van  Den  Bosch,  pressé  par  des  embarras 
d'argent,  fit  voile  pour  l'Europe  peu  de  temps  après 
'*u  sa  consécration,  afin  d'aller  recommander  son  pauvre 
diocèse  à  la  charité  des  catholiques  de  Belgique. 
Mais,  avant  de  quitter  les  rivages  indiens,  il 
recommanda  vivement  à  son  Vicaire-Général,  le 
T.  R.  P.  Godefroid,  de  mettre  tout  en  œuvre  pour 
acquérir  un  terrain  où  l'on  pût  bâtir  à  bref  délai  une 
école. 

Il  fut  tenu  bonne  note  de  cette  recommandation  ; 
et,  à  son  retour  d'Europe,  Sa  Grandeur  eut  la  con- 
solation d'inaugurer,  dans  une  des  deux  maisons  qui 
avaient  été  achetées  la  première  école  catholique, 
placée  sous  le  patronage  de  St.  Antoine  de  Padoue 
et  destinée  aux  garçons  du  diocèse. Trente-neuf  élèves 
y  entrèrent  presque  immédiatement.  L'institution 
avait  été  fondée  grâce  à  l'aumône  ;  ce  fut  encore 
l'aumône  qui  dut  la  soutenir  à  travers  bien  des  péri- 
péties qui,  plus  d'une  fois,  menacèrent  son  existence. 

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50  DÎX    ANNEES    D^APOSTOLAÏ 

Car  ce  n'était  pas  chose  facile  que  de  la  maintenir 
au  milieu  de  tant  d'autres  institutions  patronnées 
par  le  Gouvernement,  et  jouissant  depuis  longtemps 
delà  confiance  des  familles. 

Nous  étions  donc  arrivés  les  derniers,  avec  mille 
chances  d'insuccès,  mais  avec  la  ferme  volonté  de 
réussir  malgré  tout  et  forts  de  notre  sublime  mandat. 
Et  l'école  de  St.  Antoine  fit  des  progrès.  Elle 
acquit  avec  le  temps  une  réputation,  qui  lui  valut 
l'approbation  du  Gouvernement  à  la  suite  des 
examens  publics. Le  nombre  de  nos  élèves  augmenta. 
Les  communautés  dissidentes  des  protestants  et  des 
parsis  vinrent  même  solliciter  l'admission  de  leurs 
enfants.  Peu  après,  le  Gouvernement  accorda  un 
subside  mensuel  à  l'école,  puis  l'éleva  successivement 
du  degré  "  d'École  Moyenne  «  à  celui  "  d'École  Supé- 
rieure »  (High  school),  reconnue  comme  telle  par 
l'État.  En  1898,  l'Institution  de  St. Antoine,  solide- 
ment assise  dans  l'opinion  publique,  comptait 
60  élèves,  fréquentant  régulièrement  les  huit  classés 
qui  se  partagent  son  enseignement;  et  le  Gouverne- 
ment, dans  un  rapport  officiel,  la  plaçait  au  rang 
des  meilleurs  établissements  scolaires  de  la  province 
du  Pundjab. 

A  l'heure  actuelle,  75  enfants  sont  inscrits  sur  les 
registres .  Le  corps  enseignant  se  compose  du  Recteur 
le  R.  P.  Léon,  assisté  de  5  professeurs,  deux  pères  et 
trois  laïques. 

C'était  déjà  beaucoup  ,  mais  cependant,  l'école  ne 
répondait  encore  qu'imparfaitement  au  but  que  l'on 
cherchait   à  atteindre.   Donner    l'instruction  et   la 


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Au    PUNDJAB  51 

science  à  nos  enfants,  en  les  gardant  des  aberrations 
d'un  enseignement  protestant,  c'était  bien;  mais  les 
former  aux  vertus  chrétiennes  et  tremper  des 
caractères,  ce  serait  mieux  encore.  Sans  doute,  un 
grand  pas  avait  été  franchi  ;  il  en  restait  un  second  à 
faire  pour  aboutir  à  la  fondation  d'un  collège  avec 
internat  et  d'un  orphelinat  pour  les  pauvres  enfants 
européens  et  eurasiens,  qui  ont  toujours  été  l'objet 
de  la  paternelle  sollicitude  de  Sa  Grandeur. 

La  plupart  des  sacrifices  resteront  toujours  vains, 
si  l'on  ne  peut,  en  ce  pays,  arracher  l'enfant  à 
l'influence  souvent  empoisonnée  du  foyer  domestique, 
ou  tout  au  moins  en  atténuer  les  effets.  Un  simple 

,  externat  où  l'enfant  ne  vient  qu'aux  heures  de  classe, 
iSL  ne  suffit  pas  pour  remédier  à  la  négligence  et  à 
"*]      l'insouciance  des  parents. Puis,  ne  faut-il  pas  compter 

j  avec  ces  mille  forces  secrètes  et  morbides  d'un 
milieu  païen,  hérétique  et  corrompu,  où  l'enfant 
catholique  est  appelé  à  grandir  et  où  sa  vertu  et  sa 
foi  sont  sans  cesse  en  péril  ?  Si  l'on  ne  parvient  pas  à 
posséder  l'enfant  complètement,  comment  sera-t-il 
possible,  dans  un  tel  milieu,  que  les  semences    de 

;  bien  jetées  dans  sa  jeune  âme  germent,  se  déve- 
loppent librement  et  portent  des  fruits  ? 

Lahore  comptait  trois  orphelinats    destinés   aux 

■;       enfants  indigènes  des  deux  sexes  et  aux  filles  pauvres 

!  d'anglo-européens  et  d'eurasiens,  mais  aucun  asile 
n'existait  pour  recevoir  les  garçons  orphelins 
appartenant  à  ces  deux  dernières  races.  De  sorte 
que  l'apostasie,  ou  une  existence  vouée,  au  mal, 
s'offrait  à  ces  petits   malheureux,  comme  la  seule 

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52  DIX    ANNEES  D'APOSTOLAt 

ressource  pour  échapper  à  la  misère.  Les  recueillir 
dans  l'orphelinat  indigène  n'était  pas  possible;  leurs 
coutumes,  et,  il  faut  bien  le  dire,  l'antipathie  de 
race  sucée  avec  le  lait  de  leurs  mères,  rendaient 
cette  fusion  impraticable.  Or,  celui  qui  a  ressenti 
de  la  compassion  pour  une  grande  misère  avec  le 
vif  désir  de  la  soulager,  pourra  comprendre 
peut-être,  l'anxiété  qui  assaillait  Sa  Grandeur  devant 
l'impuissance  à  sauverces  âmes  dévoyées  et  trompées, 
dont  on  aurait  pu  faire  des  vases  d'innocence  et  de 
bonté,  si  un  abri  s'était  ouvert  à  leur  infortune.  Et 
cependant,  si  douloureusement  que  cette  situation 
pesât  sur  son  cœur  d'évôque  et  de  père,  Monseigneur 
dut  patienter  et  attendre  que  la  Divine  Pro"vidence 
Js  qui  veille  sur  les  petits  des  oiseaux,  daignât  lui  fournir  \p 
les  moyens  de  compléter  l'Œuvre  de  St.  Antoine,  si 
visiblement  bénie  par  Elle. 

Pendant  deux  ans  la  question  d'un  collège  auquel 
aurait  été  adjoint  un  orphelinat,  se  posa  impérieuse- 
ment devant  ses  responsabilités  de  Pasteur;  mais  la 
solution.  Monseigneur  ne  pouvait  l'attendre  que  de 
ses  prières  ardentes  et  continuelles  auprès  du 
grand  Thaumaturge  de  Padoue,  qui  a  pour  ses 
fidèles  une  dilection  spéciale.  Ne  nous  devait-il 
pas  aide  et  protection,  à  nous  qui  sommes  de  sa 
famille?  St.  Antoine  a  donc  pris  l'œuvre  sous  son 
égide.  L'école  a  fait  son  chemin:  ce  fut  sa  première 
faveur.  Le  collège  et  l'orphelinat  viennent  enfin  de 
sortir  de  terre  :  ce  fut  sa  seconde  faveur.  Grâces  à 
lui,  en  effet,  deux  dames  catholiques  belges  dont  la 
piété  et  la  charité  marchent  de  pair,  ont  répondu 

7% 


AU   PUNDJAB  53 

aux  vœux  de  Mgr  Pelckmans  et  ont  payé  le  terrain, 
tandis  qu'une  autre  dame  d'Anvers  a  offert,  avec 
une  modestie  bien  franciscaine,  de  couvrir  toutes 
les  dépenses  qu'entraînerait  la  construction  des  deux- 
établissements.  Et,  le  1""  Janvier  1900,  à  l'aurore 
du  XX«  siècle,  Monseigneur  a  eu  Timmense  joie  et 
la  profonde  consolation  de  bénir  les  locaux.  En  ce 
jour, son  cœur  paternel  a  été  enfin  soulagé  des  mor- 
telles inquiétudes  que  le  sort  de  ces  jeunes  âmes, 
s'égarant,  faute  d'asile  pour  les  recueillir,  faisait 
peser  sur  lui  ;  de  plus,  nous  aurons  tous  la  satis- 
faction d'offrir,  sous  le  patronage  de  St.  Antoine  de 
Padoue.  un  refuge  assuré  à  nos  pauvres  enfants 
catholiques  que  la  misère  aurait  fatalement  perdus. 

Mais  une  troisième  faveur  sans  laquelle  l'entreprise 
ne  produirait  pas  ses  bienfaisants  effets,  reste  à 
obtenir. 

Comment  pourvoir  à  l'entretien  des  orphelins  si 

St.  Antoine  de  Padoue  n'insiste  auprès  de  ses  dévots 

(et  ils  sont  si  nombreux  en  Belgique),  s'il  n'inspire  à 

linéiques  âmes  charitables  la  pensée  et  la  volonté  de 

contribuer  à  l'entretien  de  nos  pauvres  pensionnaires? 

Cette  œuvre  que  nous  leur  recommandons,  est 
éminemment  apostolique;  car  c'est  faire  acte  d'apos- 
tolat que  d'aider  par  ses  aumônes  le  missionnaire 
à  arracher  des  créatures  au  vice  et  à  l'indigence, 
pour  en  former  des  citoyens  utiles  à  la  société  et  des 
saints  pour  le  Ciel. 

Il  est  temps  que  nous  disions  un  mot  de  l'église  de 
St.  Antoine  de  Padoue  et  des  circonstances  qui  en 
ont  amené  la  construction.  Depuis  plusieurs  années 

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'  54  DIX    ANNÉES    d'apostolat 

déjà, le  besoin  s'était  fait  sentir  d'ériger  à  Lahore  une 
église  dans  le  quartier  du  chemin  de  fer,  fort  éloi- 
gné de  la  pro-cathédrale,  afin  d'offrir  toute  facilité 
de  remplir  leurs  devoirs  aux  catholiques  obligés  par 
leurs  relations  avec  la  Compagnie  du  Nord-Ouest  de 
fixer  leur  domicile  à  proximité  de  la  station.  L'exé- 
cution du  projet  s'imposait  d'autant  plus  que  la 
population  du  quartier  ■  était  déjà  considérable  — 
trois  cents  habitants  environ  —  et  qu'elle  s'accrois- 
sait sans  cesse. 

Combien  parmi  eux,  découragés  par  la  distance, 
emj)êchés  d'ailleurs  par  la  chaleur  intense  de  l'été 
et  trop  pauvres  pour  se  payer  le  luxe  d'une  voiture, 
auraient  fini  par  oublier  le  chemin  de  l'église  et 
^,''  tomber  fatalement  dans  Tindifférence  relio^ieuse, 
voire  même  dans  l'apostasie?  Mais  la  Mission  n'ayant 
pas  les  fonds  nécessaires  pour  réaliser  immédiatement 
l'entreprise.  Mgr.  Emmanuel  Van  den  Bosch  affecta 
au  service  du  culte  une  des  deux  maisons  dont  nous 
avons  parlé  plus  haut  :  une  des  plus  grandes  cham- 
bres fut  transformée  en  chapelle  provisoire  et  le  restef 
servit  de  presbytère  pour  le  prêtre.  L'événement 
prouva  bientôt  que  si  cette  heureuse  innovation  ré- 
pondait à  une  nécessité  réelle,  l'installation  était 
absolument  insuffisante. 

C'est  pourquoi  Mgr.  Godefroid  Pelckmans,  succes- 
seur de  Mgr.  Emmanuel  Van  den  Bosch,  se  décida  à 
poursuivre  l'exécution  du  premier  projet.  11  s'adressa 
à  cet  effet  au  Gouvernement  pour  obtenir  un  subside 
j  en  faveur  de  l'érection  d'une  église  proprement  dite, 
en  lieu  et   place  de  cette  chapelle  provisoire  dont 


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AU    PUNDJAB  55 

les  dimensions  étroites  ne  pouvaient  plus  contenir  la 
foule  des  fidèles  qui  se  pressait  aux  offices  religieux . 
Le  Gouvernement  protestant  fit  d'abord  la  sourde 
oreille  ;  puis,  il  temporisa,  traîna  en  longueur.  Sa 
Grandeur  ne  se  découragea  point  ;  Elle  envoya  péti- 
tion sur  pétition  et,  après  quatre  ans  de  négociations 
et  de  pourparlers.  Elle  finit  par  triompher  de  l'inertie 
des  personnages  officiels.  L'on  tomba  d'accord  sur 
ces  points  :  le  Gouvernement  payerait  la  moitié  des 
frais,  etl'évêque  catholique  l'autre  moitié.  Bien  que 
le  résultat  eût  dû  être  plus  favorable  après  une  si 
longue  lutte.  Sa  Grandeur  en  fut  cependant  satis- 
faite et  se  mit  aussitôt  en  campagne  pour  recueillir 
les  fonds  nécessaires.  Elle  fit  appel  à  toutes  les  géné- 
^  rosités.  Diverses  souscriptions  nous  vinrent  des 
personnes  qui  s'intéressaient  ici  à  l'œuvre;  mais  leurs 
bonnes  volontés  n'y  auraient  pu  suffire,  si  des  bienfai- 
teurs, et  surtout  deux  insignes  bienfaitrices  de  Belgi- 
que, ne  nous  fussent  venus  en  aide.  A  eux  donc  et  à 
elles,  revient  surtout  l'honneur  d'avoir  doté  la  capi- 
tale du  Pundjab  et  la  ville  épiscopale  d'un  des  plus 
beaux  joyaux  d'église  gothique  qu'il  y  ait.  Les 
fonds  étant  réunis,  les  travaux  furent  commencés 
incontinent  en  Juin  1898  et  poussés  avec  une  telle 
I  vigueur  que  le  19  Mars  1899  Sa  Grandeur  put  en 
j  faire  solennellement  la  bénédiction,  et  inaugurer  le 
I  culte  public  par  une  messe  pontificale  célébrée  au 
j      milieu  d'une  affluence  nombreuse  de  fidèles. 

Grâce  au  zèle  et  à  l'activité  de  son  Recteur,  le  R.P. 
j     Léon,  la  jeune   paroisse   est   entrée  dans   une  voie 

I     prospère.  A  la  fraternité  du  Tiers-Ordre  de  St.  Fran- 

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56  DIX    ANNÉES    d'apostolat 

çois  qui  fonctionne  régulièrement  depuis  plus  d'une 
année  et  compte  quinze  membres  profès  et  vingt 
novices,  vient  d'être  adjointe  la  corporation  de 
St.  Antoine  de  Padoue,  érigée  canoniquement  dans 
la  nouvelle  église  qui  lui  est  dédiée.  Ces  deux  frater- 
nités produiront  les  plus  grands  fruits  et  favo- 
riseront notamment  la  fréquentation  des  sacrements  ; 
elles  feront  circuler  une  sève  plus  abondante  de  vie 
chrétienne  dans  les  familles  et,  avec  l'aide  de  l'œuvre 
du  Pain  de  St.  Antoine,  Dieu  sera  servi  et  aimé  dans 
ses  pauvres. 

§6.  —  Dispensaire  de  Ste-Élisabeth  de  Hongrie. 

Avant  de  clore  ce  rapide  aperçu  sur  les  travaux 
apostoliques  accomplis  à  Lahore,  il  ne  sera  pas  hors 
de  propos  de  parler  d'une  organisation,  dont  toute  la 
gloire  est  de  rester  pour  ainsi  dire  ignorée,  parce  que 
ses  chances  de  succès  réclament  le  voile  du  silence 
et  de  lobscurité.  Née  d'hier,  elle  mérite  déjà  d'être 
ajoutée  à  la  série  des  moyens  efficaces  mis  en  action 
pour  renverser  l'empire  de  Satan.  Nous  voulons 
parler  du  Dispensaire  de  Ste-Élisabeth  de  Hongrie. 
Passant  en  revue  ce  qui  a  été  fait  à  Lahore  pour  le 
bien  des  âmes,  l'on  n'a  peut-être  jjas  remarqué  que 
toutes  les  institutions  mentionnées  ont  été  établies 
extra  muros .  A l 'intérieur  tout  est  intact  et  la  supréma- 
tie de  Satan  reste  incontestée.  Ni  catholiques ,  ni  protes- 
tants n'ont  pu,  jusqu'ici,  réussir  à  faire  une  trouée 
pour  y  introduire  la  religion  de  Jésus-Christ. Diverses 
causes  expliquent  plus  ou  moins  cet  échec.  D'abord, 


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AU    PUNDJAB  '  57 

l'Européen  ne  réside  pas  dans  les  villes  indigènes. 
Lïnsalubrité  de  la  cité  où  les  chaleurs  excessives 
provoquent  toujours  l'une  ou  l'autre  maladie  épidé- 
mique  ;  les  rivalités  jalouses  de  caste  et  les  haines  de 
religion,  et  partant  le  danger  pour  l'homme  blanc 
de  vivre  côte  à  côte  avec  les  sectateurs  du  Croissant 
ou  les  adorateurs  de  la  Trimourti  qui  étalent  effronté- 
ment leurs  cultes  fanatiques  et  superstitieux;  puis 
encore  la  différence  radicale  des  coutumes  :  tout  cela 
rend  un  tel  séjour  désagréable  et  des  plus  périlleux. 
tant  pour  le  bien-être  physique  que  pour  la  mora- 
lité des  races  occidentales.  Ajoutez-y  la  difficulté 
d'acquérir  un  bout  de  terrain  là  où  chaque  pied  carré 
est  disputé  à  outrance,  là  où  grouille  une  population 
de  159,597  habitants  fixés  sur  une  superficie  de 
280  hectares,  population  toujours  croissante  dans 
une  enceinte  restant  invariablement  la  même. 

Au  regard  illuminé  des  clartés  de  la  foi,  Lahore 
apparaît  comme  la  vraie  forteresse  de  Satan  ;  c'est 
l'impression  qu'elle  produit  sur  le  chrétien.  Que 
vous  la  considériez  dans  son  apparence  extérieure 
où  que  vous  cherchiez  à  étudier  les  dessous  de  cette 
fourmilière  humaine,  c'est  le  désordre  qui  la  'carac- 
térise.Imaginez-vous  une  agglomération  de  construc- 
tions des  plus  bizarres  et  des  plus  irrégulières, 
entassées  les  unes  sur  les  autres,  traversées  de  rues 
tortueuses,  étroites  et  obscures,  encombrées  d'im- 
mondices qui  exhalent  des  odeurs  pestilentielles  ; 
une  ville  coupée  de  centaines  d'impasses  où  hommes 
et  animaux  vivent  pêle-mêle  dans  une  repoussante 
malpropreté  ;  des  demeures  qui  sont  plutôt  des  antres 

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58  DIX    ANNÉES    d'apostolat 

et  où  la  lumière  du  soleil  ne  pénètre  jamais:  voilà 
l'aspect  de  cette  cité  fameuse  dans  l'histoire.  Dans 
ces  taudis  sans  air,  végètent  des  milliers  d'êtres 
humains  qui  ne  franchissent  jamais  les  murs  d'en- 
ceinte; les  bas-fonds  de  l'immoralité,  de  la  perversité 
et  de  la  malice  s'étalent  avec  un  cynisme  révoltant 
dans  ce  milieu  qui,  placé  sous- le  sceptre  tyrannique 
du  prince  des  ténèbres,  échappe  à  l'action  de  la  loi, 
comme  à  celle  des  rayons  du  soleil.  La  ville  est 
couverte  de  mosquées  grandes  et  petites,  de  pagodes 
et  de  sanctuaires,  où  Mahomet  et  les  bons  et  les 
mauvais  génies  des  divinités  hindoues  reçoivent  les  ! 
hommages  avilissants  de  milliers  d'âmes  faites  pour- 
tant à  l'image  de  Dieu.  Il  est  douteux  que  jamais  une 
créature  vivant  dans  ce  mélange  d'Hindous  et  de  ., 
Mahométans  qui  forment  toute  la  population  de  f*' 
Lahore,  ait  été  régénérée  dans  les  eaux  du  baptême.       ■ 

Telle  était  la  formidable  cidatelle  de  Satan  qui  se 
dressa  devant  les  yetix  d'apôtre  de  Mgr  Pelckmans, 
lorsqu'il  prit  possession  du  siège  épiscopal.  L'ennemi 
était  là,  là  surtout,  fort  d'une  domination  et  d'un 
règne  qui  se  perdent  dans  la  nuit  des  temps  et  qu'on 
ne  lui  avait  jamais  disputés.  Il  fallait  chercher  à  l'en 
déloger  à  tout  prix.  Monseigneur  comprit  que  devant 
un  tel  antagoniste,  les  seuls  moyens  ordinaires  abou- 
tiraient à  un  misérable  échec.  Il  en  conféra  longue- 
ment avec  son  Excellence  Mgr.  Zaleski,  Délégué 
Apostolique  aux  Indes,  lors  de  son  passage  à  Lahore. 
Mgr  Zaleski  lui  suggéra  d'user  d'armes  en  apparence  | 
faibles  pour  renverser  ce  qui  était  si  redoutable,  ! 
«Créez  l'œuvre  des  baptiseuses,lui  dit-il,  telle  qu'elle 

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AU    PUNDJAB  59 

fonctionne  admirablement-  dans  les  diocèses  du 
Sud  dé  rinde.  Faites  pénétrer  des  religieuses  ou 
des  femmes  sûres  et  dévouées,  qui  éveilleront  peu 
l'attention,  au  sein  de  ces  foyers  inaccessibles  au 
prêtre  catholique:  par  Tappât  des  médicaments, 
attirez  les  mères  qui  ne  se  séparent  jamais  de  leur 
progéniture;  vous  aurez  ainsi  l'occasion  de  baptiser 
de  nombreux  enfants  mourants,  tout  en  cherchant  à 
soulager  leurs  souffrances  corporelles.  Mais  usez 
d'une  extrême  prudence.  " 

Après  mûre  délibération  et  après  s'être  rendu  dans 
les  Missions  indiquées  par  Son  Excellence  pour 
étudier  sur  place  l'organisation  de  l'œuvre  des  bapti- 
seuses,  fort  de  la  bénédiction  du  représentant  du 
Pape,  il  élabora  son  plan  et  attendit  une  occasion 
propice  pour  le  réaliser.  Comme  il  croyait  pouvoir 
compter  sur  le  concours  d'une  dame  docteur,  Mgr, 
se  proposait  d'ouvrir,  au  centre  de  la  cité,  un  dis- 
pensaire où  des  religieuses  hospitalières  s'exerce- 
raient à  la  préparation  des  médicaments  et  à  Tap- 
plication  des  remèdes,  où  elles  feraient,  en  un  mot, 
leur  apprentissage  d'infirmières. 

Les  événements  servirent  providentiellement  ses 
desseins.  Non  seulement  la  dame  docteur  dont  nous 
avons  signalé,  précédemment  déjà,  la  conversion, 
offrit  ses  services;  mais,  de  plus, elle  supplia  l'Evêque 
de  lui  permettre  de  renoncer  au  monde  pour  se 
consacrer  tout  entière  à  Dieu.  D'autre  part,  à  la 
suite  du  transfert  de  l'orphelinat  de  St.  Joseph,  des 
sœurs  expérimentées, venues  de  Belgique  avaient  pris 
la  direction  de  cet  établissement  :  de  sorte  que  Mgr. 


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60  DIX    ANNÉES    d'apostolat 

pouvait  trouver  en  elles  les  auxiliaires  indispensables 
à  l'exécution  de  son  projet. 

Il  restait  à  résoudre  la  question  du  local.  Ce  n'était 
pas  la  moindre.  Car  il  fallait,  pour  réussir,  s'instal- 
ler en  pleine  ville,  où  se  présentait  rarement  l'occa- 
sion d'opérer  une  acquisition.  Elle  s'offrit  cependant: 
par  l'intermédiaire  d'agents  sûrs  —  il  ne  fallait  pas 
éveiller  les  soupçons  des  Musulmans  et  des  Hindous, 
—  Mgr  acheta,  le  23  février  1897,  une  petite  pro- 
priété située  au  centre  de  Lahore.  Les  frais  en  furent 
couverts  par  une  généreuse  bienfaitrice. 

Tous  les  obstacles  étant  aplanis,  l'œuvre  fut  fon- 
dée. Elle  fut  placée  sous  le  vocable  de  Ste  Elisabeth 
de  Hongrie,  cette  sublime  protectrice  de  ceux  qui 
^^     souffrent.  J^; 

Le  dispensaire  fut  ouvert,   et  bientôt,   les  mal-      '^ 
heureux  y  affluèrent.  Depuis,  on  y  reçoit,  par  jour, 
une  moyenne  de  60  à  100  femmes  et  enfants  qui  sont 
traités  gratuitement. 

Mais  si  les  misères  corporelles  sont  grandes,  les 
misères  spirituelles  le  sont  davantage  encore.  La  solli- 
citude des  religieuses  s'étend  aux  unes  et  aux  autres. 
Grâce  à  leur  admirable  dévouement,  à  leurs  soins 
infatigables,  elles  ne  tardent  pas  à  gagner  la  con- 
fiance et  la  gratitude  des  mères.  Et  c'est  ainsi  qu'elles 
parviennent  à  administrer  le  baptême  à  des  centaines 
d'enfants  païens,  voués  à  une  mort  certaine  et  à  qui 
Dieu  ouvre  ses  demeures  éternelles,  où  ils  vont 
plaider  la  cause  de  leurs  malheureux  frères  aînés  et 
prier  pour  leur  conversion. 

La  forteresse  de  Satan  est  donc  menacée  de  toutes 


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AU    PUNDJAB  61 

parts:   là-haut,  par  Tavant-garde  des  jeunes  âmes 
régénérées    dans  les  eaux    sacramentelles;  ici,  par  - 
les  armes  de  la  charité. 

Pourrait-elle  résister  longtemps  à  pareil  assaut  ? 

Encouragée  par  ce  premier  succès,  Sa  Grandeur 
résolut  d'étendre  à  tous  les  centres  de  Missions  l'or- 
ganisation des  dispensaires.  Déjà,  des  essais  ont  été 
tentés  à  Adah  et  à  Sahowala  par  les  missionnaires, 
en  attendant  que  dés  religieuses  puissent  y  être 
envoyées. 

La  nouvelle  Mission  de  Dalwal,  qui  sera  ouverte 
le  1^^  Janvier  1900,  sera  également  dotée  d'un  éta- 
blissement similaire. 

Qu'il  nous  soit  permis,  en  terminant  ce  chapitre, 
d'insister   sur  llmportauce    des    services   rendus    à       }* 
l'institution,    d'abord   par  la  dame-docteur   qui  la 
dirige  à  Lahore  et  ensuite,  par  les  reUgieuses  qui  la       j 
secondent.  Faibles  aux  yeux  des  hommes,  elles  sont       i 
fortes  aux  yeux  de  Dieu  par  les  belles  vertus  dont 
elles  font  preuve, et  dont  l'action  ébranle  la  souverai- 
neté de  l'esprit  des  ténèbres    et  mine   son  œuvre 
séculaire. 


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CHAPITRE  SECOXD. 


_ —  .  —    ^^^ 


JORSQUE  la  Province  belge  des  Capucins   prit 
^,^F>M  possession  du  diocèse  de  Lahore,  il  n'existait 
aucune  station  dont  le  but  immédiat  fût  la  conversion 
des  indigènes. 

Les  premiers  missionnaires  belges,  arrivés  en 
Mars  1889,  se  livraient  avec  ardeur,  sous  la  direc-. 
tion  de  Mgr  Mouard,  à  l'étude  des  langues  anglaise 
et  hindoustani.  Ils  se  préparaient  par  le  travail,  et 
i  aussi  ])ar  la  prière,  à  ouvrir  une  brèche  dans  la  V^ 
place  que  commandait  Satan,  représenté  par  Maho- 
met et  Yichnou.  La  prière,  encore  et  toujours  ! 
n'est-elle  pas  le  moyen  par  excellence  pour  obtenir 
du  Seigneur  qu'il  nous  éclaire  sur  la  voie  à  suivre? 

Jusqu'alors,  aucune  voix  évangélique  ne  s'était  fait 
entendre  dans  ce  milieu  de  sectateurs.  Une  occasion 
favorable  surgit  vers  le  milieu  du  mois  de  Juin,  dans 
le  district  de  Sialkot, choisi  par  la  divine  Providence 
pour  recevoir  les  premières  semences  de  la  bonne 
parole. 

Le  Pi.  P.  Clément  de  Bassano  (Italie)  occupait,  à 
cette  époque,  le  poste  de  Chapelain  militaire  à 
Sialkot,  petite  ville  située  sur  la  rive  gauche  du 
Tchennah,  à  30  lieues  environ  au  nord  de  Lahore. 
Mgr  s'y  était  transporté  pour  administrer  la  confir- 


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AU   PrXDJAB  63 

mation  aux  enfants  des  Européens  et  à  quelques 
soldats  anglais.  )1  reçut,  en  cette  circonstance,  la 
visite  d'un  Hindou,  catéchiste  presbytérien,  très 
influent, qui  avait  eu  de  fréquentes  entrevues  avec  le 
zélé  chapelain.  Ces  entrevues  avaient  produit  leurs 
fruits  :  cet  Hindou  se  présentait,  en  effet,  pour 
abjurer  le  protestantisme  et  faire  profession  de  notre 
sainte  Foi. 

Mais  Mgr,  toujours  prudent,  voulait  avoir  des 
preuves  de  la  sincérité  des  sentiments  du  nouveau 
converti.  Il  lui  enjoignit  donc,  avant  de  l'admettre 
au  saint  baptême,  d'aller  prêcher  la  vraie  doctrine 
là  où  il  avait  répandu  Terreur. 

Quelques  semaines  après,  quelle  ne  fut  pas  l'agréa- 
ble surprise  du  P.  Clément  en  voyant  sa  demeure 
envahie  par  les  chefs  des  villages,  par  où  avait  passé  le 
nouveau  propagandiste  !  Sa  Grandeur,  informée  de 
l'événement,  s'en  réjouit  et  remercia  le  Seigneur  de 
lui  avoir  manifesté  si  clairement  ses  desseins.  Elle 
résolut  donc  de  choisir  Sialkot  comme  centre  des 
premiers  travaux  évangéliques  à  entreprendre,  et 
Elle  y  envoya  les  RR.  PP.  Godelroid,  Liévin  et 
Engelbert,  ainsi  que  les  chers  frères  Constant,  Paul 
et  Martin. 

Rudes  travaux,  s'il  en  fut!  Que  de  déceptions  et  de 
mécomptes,  que  de  privations  et  de  souffrances  de 
toute  nature  étaient  réservés  aux  vaillants  mission- 
naires ! 

Sous  un  soleil  brûlant,  il  leur  fallait  parcourir,  à 
cheval  parfois, mais  le  plus  souvent  à  pied, des  localités 
distantes  de  5  à  12  lieues  de  Sialkot.  A  la  saison  des 

'M  ^ 


64  DIX    ANNÉES  d'apostolat 

pluies,  alors  que  chemins  et  terres  sont  inondés,  ils 
étaient  obligés  d'ôter  leurs  vêtements  et  de  faire, 
plongés  dans  Peau  jusqu'à  la  ceinture,  un  ou  plusieurs 
milles.  Le  soir,  accablés  par  la  faim  et  la  fatigue, 
ils  devaient  se  contenter  d'un  maigre  repas,  d'un  peu 
de  riz  cuit  à  l'eau,  que  de  braves  gens  —  Dieu  en  a 
mis  partout  !  —  leur  offraient.  Et  pour  se  reposer,  un 
"  charpail  «  ou  lit  indigène,  disposé  sous  un  grand 
arbre,  autour  duquel  les  indigènes,  attirés  par  la 
curiosité,  venaient  s'attrouper  bruyants,  malpropres! 

Ils  réussirent  néanmoins,  au  cours  de  leur  pacifique 
croisade,  à  établir  trois  quartiers  généraux  d'où  ils 
rayonnaient  dans  les  localités  voisines,  et  où  ils  célé- 
braient les  mystères  du  culte.  Mais  ici  encore, 
^i(^  quelle  indigence  extrême!  Une  misérable  hutte  de  J« 
terre,  tel  était  leur  asile  à  Adah,  à  Sahowala  et  à 
Daoki. 

Cependant,  les  courageux  missionnaires  allaient  tou- 
jours, soutenus  par  l'exemple  du  Christ  qui  n'avait 
pas  même  une  pierre  pour  reposer  sa  tête.  Secondés 
par  des  catéchistes  qu'ils  avaient  convertis,  ils  provo- 
quèrent, parmi  les  populations,  un  mouvement  qui 
leur  parut  providentiel  :  plus  de  80  villages  vinrent 
à  eux.  C'était  une  nouvelle  épreuve  à  ajouter  à  tant 
d'autres,  mais  plus  terrible,  plus  désespérante! 

Le  succès,  en  effet,  n'était  qu'apparent,  parce 
qu'il  avait  été  préparé  par  quelques  catéchumènes, 
faux  convertis  et  instruments  de  Satan,  qui  ne  fai- 
saient preuve  de  zèle  —  les  événements  le  démon- 
trèrent —  que  pour  assouvir  leur  basse  cupidité. 
Incapables  d'ailleurs  de  supporter  la  vie  de  sacrifices 

1^. 


s^ 

AU   PrXDJAB  05 

qu'impose  notre  sainte  religion  à  ceux  (jui  veulent 
s'en  constituer  les  apôtres,  ces  catéchumènes  ne  tar- 
dèrent pas  à  retourner  à  leur  existence  d'autan. 

Toutefois,  les  missionnaires  purent  administrer  un 
assez  grand  nombre  de  l^aptèmes  et  former  ainsi  le 
premier  noyau  de  chrétiens  dans  le  district  de 
Sialkot.  Mais  l'abominable  conduite  des  catéchistes 
eut  des  consén[uences  funestes  pour  l'avenir  :  elle 
pamlysa  le  mouvement  vers  le  catholicisme  ;  d'autres 
défections  se  produisirent,  et  Tinfluence  du  mission- 
naire en  fut  gravement  compromise. 

Il  faut  encore  noter  que  la  versalité  des  Orientaux 
est  grande  et  que  rinterêt  matériel  est  le  mobile 
essentiel  de  leurs  actes. 

La  plupart  des  villageois  que  les  pères  croyaient 
-*{  avoir  gagnés  à  la  sainte  cause,  n'échappaient  pas  à 
la  règle  générale.  Une  religion  qui  a  inscrit  à  la 
première  page  de  son  code  :  ~  Bienheureux  les 
pauvres!  «  et  qui  ne  pouvait,  par  conséquent,  leur 
offrir  des  avantages  temporels,  devait  être  aban- 
donnée pour  celle  de  ministres  sectaires  qui  avaient 
habilement  exploité,  à  leur  profit,  les  défauts  et  les 
passions  des  indigènes. 

Mais  le  véritable  serviteur  du  Christ  ne  se  laisse 
jamais  abattre,  ni  rebuter.  Son  zèle  s'accroît  en  raison 
des  diflicultés,  et  son  courage  en  proi^ortion  des 
épreuves. 

Xos  missionnaires  continuèrent  donc  à  se  dévouer 
à  leur  œuvre.  Ils  se  fixèrent  auprès  de  leurs  nouveaux 
chrétiens,  sur  qui  ils  veillèrent  avec  une  inlassable 
sollicitude.   Ils  s'efforcèrent    de  raffermir    leur   foi 


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66  DIX    ANNÉES  d'apostolat 

encore  chancelante.  Tar  la  douceur  dont  ils  firent 
preuve,  parles  marques  de  dévouement  qu'ils  pro- 
diguèrent aux  malades  et  par  leurs  multiples  té- 
moignages de  charité  aux  plus  pauvres  d'entre  eux, 
ils  combattirent  llndiftérence  et  tâchèrent  de  rame- 
ner au  bercail  les  brebis  qui  s'en  étaient  éloignées  par 
ignorance  des  bienfaits  de  notre  sainte  religion. 

Un  événement,  amené  ^^ar  d'impérieuses  circon- 
stances, faillit  compromettre  définitivement  les 
résultats  de  tant  de  labeurs  et  de  tant  d'efforts.  Le 
nombre  des  pionniers  de  la  Foi  dut.  en  ce  vaste 
district,  être  réduit  à  un  père  assisté  dun  frère  lai, 
tous  deux  résidant  à  Adah.  Il  se  conçoit  qu'à  partir 
de  ce  moment,  les  visites  dans  les  villaoes  éloiofués 
•,,        furent   très  rares  tt   (lue  la  situation,  florissante  au 

début,  devint  bieutcjt  précaire.  Elle  s'aggrava  encore    T^ 
au  cours   des  années  18!i0  à  1894,  et  ce  à  un  degré 
tel  (jne  Mgr.  Pelckmins,  qui  avait  consacré  à  l'entre- 
prise toute  son  activité, fut  sur  le  point  d'abandonner 
à  son  triste  sort  cette  ingrate  population. 

Mais  avant  de  prendre  cette  urave  décision.  Mofr. 
voulut  tenter  un  dernier  et  suprême  efîbrt. 

Le  R.  P.  Edmond  dut,  pour  des  raisons  de  santé, 
retourner  en  Europe.  Il  fut  remplacé  par  le  R.  P. 
Vincent,  qui  se  rendit  à  Adah  pour  constater  si  tout 
espoir  était  perdu. 

Dieu  soit  loué!  les  appréhensions  de  l'envoyé  de 
Mgr.  ne  se  réalisèrent  point;  l'épreuve  à  laquelle 
la  Providence  avait  soumis  les  vaillants  missionnai- 
res, paraissait  devoir  prendre  fin. 

Vers  le  commeucement  de  l'année  1895,  les  chré- 

^T% .     


-1^. 


AU    PUNDJAB  67 

tiens  du  district  manifestèrent  de  meilleures  disposi- 
tions, ouvrant  enfin  les  yeux  devant  l'admirable 
spectacle  de  dévouement  dont  ils  étaient  témoins 
depuis  cinq  ans.  Touchés  par  tant  d'abnégation, 
éclairés  soudain  par  la  lumière  divine,  ils  compri-  j 
rent  que  le  missionnaire  ne  voulait  que  leur  bien  en  ' 
travaillant  à  les  débarrasser  du  joug  des  protestants 
et  des  presbytériens.  C'était  le  réveil  de  la  foi  qui 
s'annonçait. 

Le  revirement  qui  supérait  et  dont  le  père  Vincent 
suivait  attentivement  les  progrès,  aboutit  à  un 
résultat  d'une  portée  considérable:  l'école,  qui, faut- 
il  le  dire,  avait  été  délaissée,  se  repeupla.  Ainsi,  le 
missionnaire  pouvait  s'attacher  de  nouveau  à  son 
:f       œuvre  de  préddection:  préparer  les  jeunes  généra-      .f^ 

^      tions  à  la  vie  chrétienne.  *" 

I 

Pas  n'est  besoin  de  démontrer  l'importance  capi-  : 
taie  de  cette  préparation.  Un  axiome  est  au-dessus 
d'une  démonstration.  Nous  ouvrirons  seulement  une 
parenthèse  pour  rappeler  qu'aux  Indes,  plus  qu'ail- 
leurs, on  rencontre  d'énormes  difficultés  pour  modi- 
fier la  mentalité  de  l'homme  mûr,  et  surtout  pour 
extirper  ses  préjugés  d'enfance. 

Suivons  maintenant  le  11.  P.- Vincent. 

Tout  en  s'appliquant  à  inculquer  les  vérités  fonda- 
mentales aux  enfants  dont  le  nombre  ne  cessait  de 
s'accroître,  il  tâchait  de  les  former  aux  habitudes 
de  prière  et  d'assiduité  à  remplir  leurs  devoirs  de 
jeunes  chrétiens.  Puis,  il  les  prépara  peu  à  peu  à 
recevoir  le  sacrement  de  Pénitence.  Et  ce  fut  ainsi 
qu'il  eut  la  consolation,  grâce  à  sa  science  d'évangé- 


i^ 


68  DIX    ANNÉES  d'apostolat 

liste  et  à  son  zèle  infagitable,  de  faire,  le  jour  de  la 
Pentecôte  de  cette  même  année,  la  première  commu- 
nion à  dix  de  S3S  élèves  les  plus  intelligents  et  les 
mieux  disposés.  Jour  d'allégresse  indicible,  qui  com- 
pensa largement  des  cruelles  déceptions  et  des 
amertumes  du  passé!  Touchante  cérémonie,  qui  fit 
verser  des  larmes  de  joie  et  produisit  sur  les  parents 
une  profonde  impression  ! 

C'était  un  réel  succès,  précurseur  d'autres. 

L'exemple  des  enfants,  n'est-il  pas  vrai,  exerce 
une  grande  influence  sur  la  famille.  Il  fut,  pour  le 
diligent  missionnaire,  un  puissant  facteur  pour  s'in- 
troduire près  des  parents.  Mais,  l'action  de  la  grâce 
dont  ils  avaient  abusé  une  première  fois,  se  manifesta 
^\  lentement.  Néanmoins,  plusieurs  adultes  purent  être  ypt 
admis  à  la  Table  Sainte.  De  sorte  qu'il  fut  distribué, 
pendant  Tannée  1898,  mille  communions  aux 
chrétiens  de  la  seule  mission  d'Adah. 

La  conversion  devait-elle  être  durable,  cette  fois  ? 
Des  indices  qui  trompent  rarement  et  des  faits  des 
plus  significatifs,  semblaient  corroborer  nos  espé- 
rances. Xous  noterons:  l'assistance  régulière  à  la 
sainte  messe,  —  Tattitude  édifiante  des  nouveaux 
chrétiens  pendant  les  offices,  —  leur  empressement 
à  appeler  le  prêtre  au  chevet  des  malades,  — et  enfin, 
rintérêt,  sans  cesse  croissant,  (pie  les  parents  por- 
taient à  l'institution  scolaire. 

Le  missionnaire  puisait,  dans  ces  manifestations  de 
fidélité,  de  précieux  encouragements.  Quelque  chose 
l'inquiétait  encore  cependant.  Il  est  difficile,  avons- 
nous  déjà  dit,  d'aiTacher  les  Indiens  à  leurs  prati- 

7% 


\1    ; t3 

"^c — ^ 

AU    PUNDJAB  69 

ques  superstitieuses,  et  il  en  reste  des  traces,  même 
chez  ceux  qui  se  convertissent  le  plus  sincèrement. 
Les  en  détacher  complètement,  serait-ce  possible, 
se  demandait  avec  appréhension  le  pionnier  de  la 
Foi?, 

Si  donc  la  première  étape  vers  le  but  à  atteindre 
était  franchie,  une  seconde  s'ouvrait, moins  hérissée 
peut-être  (j^ue  la  précédente  d'épines  et  de  ronces,  en 
tout  cas,  plus  lente  à  parcourir.  Un  retour  aux  er- 
reurs du  passé  ne  paraissait  plus  à  craindre  ;  mais 
marquer  le  pas,  se  maintenir  dans  les  positions  con- 
quises, ce  n'était  pas  assez;  il  fallait  avancer  dans  le 
chemin  de  la  vertu  et  par  conséquent,  le  déblayer 
des  vestiges  de  préjugés  (j^ui  l'encombraient  encore. 

Nos  braves  missionnaires  s'attelèrent  à  cette  nou- 
^  velle  tâche.  Par  leur  vigilance  toujours  en  éveil,  ils 
prévinrent  les  rechutes  ;  par  leur  grande  ténacité  et 
leur  patience  admirable,  ils  surmontèrent  les  der- 
niers obstacles  qui  se  dressaient  sur  la  route.  Ce  fut 
long,  pénible,  ardu.  C'est  ainsi  que  plus  de  sept  ans 
s'écoulèrent  avant  de  pouvoir  procéder  au  premier 
enterrement  religieux.  L'opiniâtreté  des  indigènes, 
en  matière  de  sépulture,  semblait  irréductible,  tant 
étaient  invétérées  les  coutumes  issues  de  leurs  ridi- 
cules croyances  quant  à  la  tin  dernière. 

Ce  ne  fut  qu'à  dater  de  1897  que  le  P.  Vincent  eut 
réellement  de  l'espoir  dans  le  succès  de  sa  campagne. 
Et  encore,  bien  que  les  parents  assistassent  au  ser- 
vice célébré  à  l'église  pour  leur  défunt,  ils  manifes- 
tèrent souvent  des  velléités  de  s'emparer  du  corps 
pour  l'inhumer  à  leur  façon.  Le  père  devait  parle- 

#5 


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! 

I  70  DIX    ANNÉES    d'apostolat 

iiienter;  et,  s'il  n'av^ait  montré  de  Téuergie  et  de  la 
fermeté,  ils  seraient  retournés  à  leurs  sottes  sima- 
grées. Aujourd'hui,  la  partie  est  gagnée  ;  l'opposition 
a  cessé,  et  les  enterrements  se  font  d'après  le  rituel 
romain . 

De  même  pour  les  mariages.  Que  de  difficultés,  ici 
encore  !  En  réalité,  le  mariage  n'était  qii'un  ignoble 
trafic  entre  les  pareîits  qui   se  laissaient  guider  par 
leurs  seuls  intérêts  matériels,  sans  se  préoccuper  du 
sort  de  leurs  enfants.  Presque  toujours,  la  jeune  fille 
était  liv^rée,   ou  plutôt  vendue,   à  un  jeune  homme 
qu'elle  n'avait  jamais  vu.  On  ne  la  consultait  point, 
on  faisait  fi  de  ses  droits.  De  là,  des  unions  les  plus 
j       malheureuses, des  scandales  sans  nom  qui  affligeaient 
'^^      vivement  le   cœur  du   missionnaire.    Ses  sages  avis    wSi 
''  i       étaient  méconnus;  son  intervention  se  buttait  aux 
!       obstacles  suscités  par  la  cupidité  la  plus  infâme,  la 
spéculation  la  plus  éhontée.  Mais,  vers  le  milieu  de 
l'année  1898,  il  se  produisit  un  événement  sensa- 
tionnel :    une  jeune   fille    épousa  un  jeune  homme 
de  son  choix,  malgré  la  formidable  opposition  des 
parents.    Cela   fit  grand  l)ruit.   On  eût  dit  qu'on  se 
trouvait  à  la  veille  d'une  révolution.  Et  peu  s'en  fal- 
j       lut    que  l'événement   n'ébranlât    les    bases  mêmes 
de    notre   entreprise.    Heureusement,    la    fièvre   se 
calma, grâce  à  la  prudente  intervention  du  R.P.  dont 
la  voix  fut  enfin  écoutée.  Les  indigènes  finirent  par 
comprendre    que  les  réformes  qu'il  voulait  intro- 
duire, avaient  pour  but  leur  bonheur  temporel    et 
I       leur  félicité  éternelle.  La  situation  que  nous  venons 
d'esquisser,  présentait,  certes,  des  aléas;  et,  malgré 

-À ^ ?% 


S# 

AU    PUNDJAB  71 

les  résultats  obtenus*,  nos  Ijien-aimés  lecteurs  pour- 
raient se  poser  à  nouveau  la  question  de  savoir  si  la 
stabilité  de  l'œuvre  était  définitivement  assurée. 

Nous  avons  déjà  insisté  sur  les  faits  favorables  à 
nos  espérances.  Si  nous  v  revenons,  ce  n'est  pas  pour 
les  signaler  de  rechef,  mais  pour  constater  qu'ils  ont 
perduré,  et  que  d'autres  circonstances  tendent  égale- 
ment à  raffermir  notre  conviction.  A  côté  de  l'intérêt 
toujours  plus  vif  que  les  Indiens  portent  à  notre 
institution  scolaire,  nous  plaçons  la  respectueuse  et 
réelle  affection  qu'ils  témoignent  au  prêtre  catho- 
li(j[ue.  bien  qu'il  combatte  impitoyablement  les 
préjugés  de  leur  race  et  soit  continuellement  en  butte 
aux  calomnies  des  ministres  presbytériens.  Ceux-ci 
ont.  en  outre,  employé  tous  les  moyens  pour  provo- 
quer la  désertion  da  nos  pauvres  catéchumènes  ; 
mais,  cette  fois,  ils  n'ont  pas  réussi. 

Dis  lors,  ne  nous  est-il  pas  permis  d'envisager 
l'avenir  avec  une  grande  confiance?  Dieu  est  avec 
nous,  Il  protège  visiblement  l'œuvre,  sinon  elle 
n'aurait  pas  résisté  aux  difficultés  sans  nombre  que 
ses  ennemis  lui  suscitèrent,  et  notamment  à  l'infâme 
trahison  des  catéchistes  que  nous  avons  relatée. 
Dieu  veille  donc  sur  la  mission  ^d'Adah.  dont  il  a 
éloigné  les  agents  de  Satan.  Des  Judas  étaient  dans 
la  place  :  mais  leur  défection  produisit  l'effet  con- 
traire à  celui  qu'ils  en  attendaient  :  ils  voulaient  notre 
perte,  et  ils  préparèrent  notre  salut  !  Ils  espéraient 
nous  chasser,  et  nous  nous  maintînmes  plus  solide- 
ment sur  le  terrain  qu'ils  avaient  miné  pour  mieux  nous 
faii'e  sauter.  L'intervention  divine  était   manifeste. 


%^ 

72  DIX    ANÎÎÉES    d'apostolat 

Aussi  M.^T.  Pelckmans  n'hésita  plus  à  améliorer 
les  installations  primitives  de  la  Mission.  Les  trop 
modestes  constructions  en  briques  cuites  au  soleil, qui 
servaient  d'église  et  de  presbytère,  furent  rempla- 
cées par  un  "  bungalow  v  où  trois  missionnaires 
pouvaient  se  loger.  Une  des  chambres  fut  érigée 
provisoirement  en  chapelle,  et  la  vérandah  y  atte- 
nante, en  corps  d'église,  afin  de  pouvoir  admettre 
un  plus  grand  nombre  de  fidèles  aux  off"ices.  Et  tout 
cela  en  attendant;  car  le  nouvel  asile,  bien  qu'il  fût 
mieux  approprié  et  plus  spacieux  que  le  précédent, 
ne  répondait  encore  qu'imparfaitement  aux  exigen- 
ces de  la  cono-réoation  dont  le  nombre  de  membres 
devait  être  augmenté, 
•j  Un  nouveau  projet,  réunissant  toutes  les  conditions    .g)) 

^P  désirables,  fut  conçu  et  adopté.  On  le  fit  exécu-  i^ 
ter  sans  tarder,  et  la  première  pierre  de  la  nouvelle 
église  fut  bénite  et  posée  solennellement  au  mois  de 
Janvier  1897,  par  Mgr.  l'Évêque,  assisté  de  son 
Vicaire  général,  le  T.  R.  P.  Edouard.  Grâce  à  l'acti- 
vité et  à  l'intelligence  que  le  R.  P.  Vincent  déploya 
dans  la  direction  des  travaux,  l'édifice  s'éleva  rapi- 
dement et  put  être  livré  au  culte  au  mois  de  Mai  de  la 
même  année. 

La  Mission  possédait  enfin  sa  première  église,  dans 
un  centre  essentiellement  indigène.  Le  18  Mai,  S.  G. 
entourée  de  nombreux  missionnaires,  procéda  à  la 
bénédiction  solennelle  de  l'édifice  au  milieu  d'un  im- 
posant concours  d'indigènes,  chrétiens  et  autres, 
attirés  pur  la  nouveauté  de  la  cérémonie.  L'église  fut 
placée  sous  le  vocable  de  Notre-Dame  du  Mont-Car- 

?% ■ 


4^2 

AU    PUNDJAB  73 

mel.  avec,  comme  patron  secondaire,  le  glorieux 
martyr  de  notre  ordre,  St.  Fidèle  de  Sigmaringue. 
Située  à  quelques  pas  du  presbytère,  dans  l'enclos  de 
la  Mission,  elle  mesure  50  pieds  de  long  sur  20  de 
large  et  appartient  au  style  gothique. 

L'église  bâtie,  le  village  d'Adah  a  pris  toutes  les 
allures  d'une  paroisse  en  règle.  La  cloche  appelle 
chaque  jour  les  fidèles  au  service  diviit,  égrecant 
ses  joyeuses  notes  sur  les  environs,  où  elle  proclame 
l'existence  d'un  Dieu  souverain  et  d'une  sainte  j-eli- 
gion  toute  de  paix  et  d'amour.  Rien  ne  manque  au 
lonctionnemebt  régulier  de  la  nouvelle  paroisse. 
Chaque  dimanche,  les  confessions  sont  entendues  et 
la  sainte  Communion  distribuée  à  un  bon  nombre 
■^  de  chrétiens.  La  messe  paroissiale  est  célébrée  avec  [, 
-^  chant  et  la  bénédiction  du  St.  Sacrement  clôture  '-^ 
dans  l'après-diner  le  jour  du  Seigneur,  inconnu  au- 
trefois au  sein  de  cette  population  païenne.  Les  fêtes 
solennelles  de  Xotre  Seigneur,  de  la  Ste.  Vieroe.  de 
St.  Joseph,  de  St.  François  sont  célébrées  avec 
pompe  ;  et  le  résultat  le  plus  consolant  de  notre 
propagande,  c'est  de  voir  tous  les  convertis  s'appro- 
cher de  la  Ste  Table.  Les  efforts  persévérants  du 
Père  Vincent  ont  aussi  triomphé  des  difficultés 
qu'éprouve  l'ouïe  des  indigènes  à  s'approprier  l'har- 
monie de  notre  musique.  A  force  de  patience,  il  est 
parvenu  à  faire  apprendre  aux  enfants  les  chants 
de  la  sainte  messe,  ainsi  que  les  hymnes  nécessaires 
pour  la  bénédiction  du  St.  Sacrement. 

A   côté  de  l'église,  et  comme  complément  indis- 
pensable de  toute  Mission  bien  comprise,  se  dresse 


^Î^I %> . 

74  DIX    ANNÉES    d'apostolat 

l'école.  Les  garçons   d"im   côté,  les  tilles  de  l'autre, 
au  nombre  de  40  à  50  en  été.  de  80  à  90  en  hiver, 
instruits  chaque  jour  dans  la  science  de  la  religion, 
aussi  bien  que  dans  les  éléments  de  la  lecture  et  de 
l'écriture  en  urdu. Vers  le  milieu  du  jour, on  leur  sert 
I      des  "  chapaties  »  avec  un  bon  plat  de  riz.  atin  de  les 
i      préserver  autant  que  possible  du  vagabondage  et  de 
I      l'influence   pernicieuse  du   dehors,  i/émulation  est 
entretenue  par  une  distribution  annuelle  d'habits  à 
ceux  qui  ont  fréquenté  le  plus  régulièrement  l'école 
et  observé  le  règlement.  Avant   de    terminer  cette 
courte  notice  sur  le  premier  essai  d'apostolat  auprès 
!      des  indigènes  de  notre  diocèse. mentionnons  quelques 
chiiïres  qui  donneront  une  idée  d'ensemble  des  pro- 
^     grès  réalisés  dans   ce  centre  :  446  baptêmes   ont  été        r^^. 
'•^       administrés  depuis  l'ouverture     de  la  mission,  49        ^ 
chrétiens  ont  reçu  le  Sacrement  de  Confirmation  et 
j      le  prêtre  a  pu  bénir  une  trentaine  de  mariages.  Cette 
année.    1319    communions  ont  été   distribuées.    La 
population    des  chrétiens  et  des  catéchumènes  dis- 
séminés dans  les  différents  villages  qui  se  rattachent 
à  la  mission  peut  se  répartir  comme  suit: 

Chrétiens  baptisés  Catéchumènes 


Adah 

71 

Béer 

59 

iSeju  Kula 

30 

Chelitpur 

11 

Daoki 

15 

Piro  Chak 

2 

Punj  gran 

14 
202 

environ 

40 

.. 

35 

~ 

20 

r> 

20 

-, 

50 

V 

100 

„ 

50 

315 

7"^- 


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^ 

AU   PU^DJAB  75 

Il  im^oorte' d'ajouter  que  plusieurs  autres  villages 
païens  ont  également  réclamé  le  ministère  du  prêtre-, 
mais  que  le  nombre  trop  restreint  d'ouvriers  évan- 
géliques  n"a  pas  permis  d'assurer  le  service  comme 
il  conviendrait.  Dès  qu  un  ou  deux  prêtres  pourront 
être  envoyés  pour  renforcer  la  congrégation,  il  n'est 
pas  à  douter  que  l'influence  de  notre  Ste.  Religion 
ne  s'étende  considérablement  aux  alentours. 

Un  petit  dispensaire  a  été  ouvert  au  presbytère  ; 
et  tandis  que  le  missionnaire  essaie  de  guérir  les 
maladies  du  cor])S,  il  ne  néglige  pas  de  baptiser  les 
enfants  que  les  parents  païens  lui  apportent  mou- 
rants, dans  l'espérance  que  la  science  médicale  du 
Père  en  laquelle  ils  ont  une  confiance  illimitée,  les 
ramènera  à  la  santé.  Heureuse  confiance  qui  o'^'re  i*- 
ainsi  au  vrai  médecin  des  âmes  l'occasion  de  sauver 
pour  l'éternité  ces  petits  êtres  qui,  sans  son  con- 
cours, n'auraient  jamais  contemplé  la  face  de  Dieu  ! 

Concluons  donc  qu'étant  données  les  entraves  par 
lesquelles  la  secte  presbytérienne  a  cherché  à  enra- 
yer notre  œuvre  et  voiré  même  à  l'anéantir,  les 
succès  obtenus,  eu  égard  au  personnel  restreint  et  à 
la  modicité  de  nos  ressources.nous  permettent  d'avoir 
foi  en  l'avenir.  Le  même  travail  qui  s'opère  à  Adah, 
pourrait  s'accomjDlir  dans  tout  le  district  de  Sialkot, 
partout  oïl  se  rencontre  cette  classe  de  pau^'res  gens 
que  Dieu  semble  avoir  voulu  appeler  les  premiers  à 
la  connaissance  de  la  sainte  religion,  si  nous  dispo- 
sions d'un  personnel  plus  nombreux  et  de  ressources 
suffisantes  pour  établir  des  écoles  et  organiser  l'ensei- 
gnement du  catéchisme  dans  tous  les  villages.  Nous 

— #5 


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^ 


'6 


DIX    ANNEES 'D'APOSTOLAT 


% 


travaillons  déjà  à  préparer  les  enùints  les  plus  intel- 
ligents et  les  plus  aptes  à  remplir  un  jour  leslbnctions 
de  catéchistes,  en  attendant  que  notre  chère  Province 
nous  envoie  un  rentort  d'ouvriers  pour  défricher, sur 
une  plus  grande  étendue,  le  champ  évangélique.  Et 
qui  nous  fournira  aussi  les  moyens  de  créer  un  petit 
hôpital  pour  recevoir  nos  chrétiens  malades,  les 
soigner  et  les  aider  à  bien  mourir?  Pour  cette  œuvre, 
non  moins  que  pour  l'éducation  des  tilles,  le  concours 
de  trois  ou  quatre  religieuses  serait  indispensable. 
Nous  comblerions  ainsi  une  grande  lacunq  dont  nous 
souffrons  depuis  le  début,  et.  à  laquelle  les  circon- 
stances difficiles  que  la  Mission  a  eu  à  traverser, 
n'ont  point  permis  de  remédier. 

Nous  avons  le  ferme  espoir  qu'il  sera  pourvu  bien- 
tôt à  ces  besoins.  Xos  bienfaiteurs,  touchés  de  la 
profonde  misère  dans  laquelle  nos  chrétiens  gémis- 
sent depuis  leur  enfance,  continueront,  nous  n'en 
doutons  nullement, à  nous  prêter  leur  précieuxappui 
sans  lequel  nos  efforts  seraient  vains. 


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3  CHAPITRE  TROISIÈME.  Ç 

*?^  Fondation  de  la  colonie  chrétien  ne  ç 
■"  i  de  Mariabad.  |J" 


^t  ¥W¥¥^»r  *^2i^*^g«^ 


X  Jan\àer   l«î)i^,    Mgr.    Emmanuel  Van  Den 
I)Osch,   nouvellement  promu  à   Tévêché  de 
Laliore,  faisait  sa  première  tournée  pastorale  dans 
les  lointains  villages  du  district  de  Sialkot. 

Sa  Grandeur  constata  une  situation  lamentable. 
Les  missionnaires  rencontraient  des  difficultés  exces- 
sives et  devaient  s'imposer  les  plus  lourds  sacrifices. 

Les  chrétiens,  plono-és  dans  une  misère  noire,  étaient 
■9ÛJ  .  ... 

•^     asservis  à  dïmpitovables    propriétaires  musulmans. 

Délivrer  ce.s  malheureux  de  l'oppression  sous  la- 
quelle ils  étaient  courl)és.  leur  lournir  des  moyens  de 
subsistance  et  pourvoir  en  même  tsmps  à  leur  in- 
struction religieuse.  n*était-cp  ])as  ce  qu'il  fallait 
tenter  de  réaliser  au  plus  tôt? 

Mais  l'application  de  cette  idée  généreuse  et  fé- 
conde exigeait  des  dépenses  considérables  auxquelles 
le  budget  de  la  Mission,  très  réduit  à  ce  moment,  ne 
permettait  pas  de  faire  face.  Il  faïkit  donc  attendre 
des  temps  meilleurs. tout  en  implorant  la  divine  Pro- 
vidence d'en  hâter  la  venue.  Les  prières  du  dévoué 
Pasteur  furent  exaucées. 

Le  Gouvernement  du  Pundjab,  ayant  colonisé  la 
majeure  partie  du  district  de  Gujramnala.  mit  en 
vente   d'immenses  terrains   en  friche.  Profitant  de 


W 


78  DIX    ANNEES    D  APOSTOLAT 

cette  occasion  extrêmement  favorable,  Mgr.  réussit 
à  acheter,  à  un  prix  modéré,  un  terrain  de  175  acres 
ou  environ  septante  hectares.  On  a  déjà  deviné  que 
son  but  était  de  fonder  une  colonie  où  il  transporte- 
rait les  malheureux  chrétiens  de  Daoki  et  leur  livre- 
rait ces  terres  à  cultiver.  Mais  les  vues  spéciales  que 
la  Providence  avait  sur  Mgr.  Van  Den  Bosch,  ne  lui 
permirent  4)as  de  pousser  plus  loin  l'exécution  de  son 
projet.  Quelques  mois  plus  tard,  il  fut  appelé, en  effet, 
à  l'archevêché  d'Agra.  Toutefois  Toeuvre  était  créée, 
et  il  échut  à  son  successeur,  Mgr.  Godefroid  Pelck- 
mans,  de  la  continuer  et  de  la  développer,  en  un  mot, 
d'en  assurer  la  prospérité. 

Il  convient  de  s'arrêter  ici  un  instant  pour  jeter  un 
-%j        regard   en    arrière    sur   les    débuts    de   la  première    J.^: 
'^      colonie  chrétienne  du  Diocèse  de  Lahore,  placée  sous    ^ 
la  protection  de  la  Très  Sainte  Vierge,  sous  le  vocable 
de  Mariabad  ou  ville  de  Marie.  Débuts  pénibles,  que 
nous  allons  tâcher  de  retracer. 

Le  8  Janvier,  les  RR.  PI*.  Liévin  et  Engelbert  en- 
treprirent le  voyage  de  Mariabad,  accompagnés  des 
chr^''tions  de  Niki  Daoki,  à  Teftèt  de  les  y  installer  et 
de  procéder  à  la  répartition  des  terres.  Ces  chrétiens 
composaient  le  noyau  de  la  communauté  catholique 
formée  par  les  soins  du  R.  P.  Engelbert  et  du  fr.  Paiul 
dans  le  2*'  centre  de  mission  ouvert  en  1889.  La  péré- 
grination fut  pleine  de  péripéties.  La  distance  à  par- 
courir n'était  rien  moins  que  de  110  nulles  anglais. 
On  était  en  hiver,  il  faisait  très  froid,  et  l'aquilon 
soufflait  avec  violence.  Poiu^  comble  d'infortune,  une 
pluie  torrentielle  avait  rendu  les   chemins    impra- 


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^ i4i. — . ^ _ 

AU   PUNDJAB  70 

ticables.  Deux  nuits  se  passèrent  à  la  belle  étoile  ;  une 
troisième  dans  une  étable  à  clièvres,  trop  petite  pour 
abriter  toute  la  caravane.  Nos  chrétiens  s'envelop- 
paient soigneusement  clans  leurs  couvertures  tradi- 
tionnelles et  se  pressaient  les  uns  contre  les  autres 
pour  se  garantir  du  froid;  mais  excessivement  frileux, 
ils  eurent  énormément  à  souffrir  malgré  toutes  leurs 
précautions.  De  plus,  ils  durent  souvent  se  priver  de 
nourriture,  ne  pouvant  trouver  du  bois  sec  pour  pré- 
parer leur  modeste  repas.  Les  missionnaires  eurent, 
comme  eux,  leur  part  de  privations  et  de  souffran- 
ces. Ils  parvinrent  cependant  à  se  procurer  un 
"  manji  «(lit  indigène)  pour  reposer  tant  bien  que  mal 
leurs  membres  fatigues.  Enfin,  a;:rès  six  jours  de 
:(r  marche,  nos  courageux  pionniers  arrivèrer.t  au  but  ^ 
"^  de  leur  voyage.  Leur  séjour  sur  le  terrain  fut  de  cour-  ' 
te  durée;  le  partage  des  terres  torniiné,  ils  durent 
battre  en  retraite  déviant  Limpossibilité  pour  l'Luro- 
péen  de  rester  dans,  la  jungle,  sans  être  suftisam- 
ment  approvisionné  des  choses  nécessaires  à  la  vie. 
En  quittant  la.  colonie,  ils  promirent  aux  chrétiens 
qu'un  Père  reviendrait  bient(')t  pjur  habiter  définiti- 
vement parmi  eux.  Et,  en  etfet,  au  mois  d'Avril  de 
la  même  année,  les  RR.  PP.  Désiré  et  Félix  arrivèrent 
pour  diriger  les  premiers  ti'.ivaux.  Les  tribulations 
ne  leur  furent  point  épargnées  dans  les  commence- 
ments. N'ayant  pas  encore  de  maison  sur  le  terrain 
même,  ibrce  leur  fut  de  chercher  un  refuue  dans  un 
village  situé  à  sept  milles,  à  Khangah-Dogran,oà  ils 
purent  disposer,  pendant  deux  mois,  d'un  bangalow 
du  gouvernement,  sorte  de  maison  de  repos  à  l'usage 


M. 


80  DIX    ANNÉES    d'apostolat 

des  officiers  occupés  à  coloniser  la  contrée.  A  la 
rentrée  d'un  de  ces  messieurs,  il  fallait  nécessaire- 
ment déguerpir  et  s'accommoder,  tant  bien  que  mal, 
d'une  remise  voisine;  la  sainte  Messe  se  célébrait  sur 
la  table  même  où  l'on  servait  le  breakfast  et  sur 
laquelle  un  des  missionnaires  devait  se  reposer  le 
soir;  car  il  n'y  avait  qu'un  seul  lit,  une  seule  table, 
dans  ce  pied-à-terre  aussi  exigu  que  mal  aménagé. 
De  plus,  les  habitants  du  village  regardaient  nos 
missionnaires  d'un  très  mauvais  œil  et  refusaient, 
même  à  prix  d'argent,  de  leur  fournir  des  victuailles. 
Dans  ces  conditions,  la  première  chose  qui  s'impo- 
sait, c'était  de  construire  une  maison. 

Après  bien  des  pourparlers,  on  réussit  enfin  à  en- 
"Hk  g^o^i'  ^l^s  maçons  qui  élevèrent  un  bâtiment  d'un  ^,-. 
aspect  très  bizarre.  Les  murs  d'environ  un  mètre  '*" 
d'épaisseur,  construits  de  grosses  mottes  de  terre 
séchées  au  soleil,  étaient  recouverts  d'une  couche 
de  terre  glaise  en  guise  de  chaux.  La  boue  tint  lieu 
de  mortier.  La  toiture,  selon  la  coutume  orientale, 
était  plate  et  d'une  construction  fort  simple:  un 
tronc  d'arbre  renversé  sur  les  nuirs  supportait  des 
branches  enchevêtrées  sur  lesquelles  était  étendue, 
une  couche  d'argile.  La  maison  ne  mesurait  que  6 
mètres  de  long,  sur  6  de  large  et  2  de  haut.  Voilà 
pour  les  missionnaires. 

Quant  aux  chrétiens,  la  plupart  se  taillèrent, c'est 
le  mot,  une  sorte  de  cabane  dans  d'éj^ais  buissons 
dont  les  branches,  comme  celles  du  saule  pleu- 
reur, retombaient  jusqu'à  terre.  Pour  se  garantir 
du  froid  et  de  la  pkiie,  ils  entrelacèrent  ces  branches 


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ches  d'herbes,  laissant  à  peine  une  ouverture  pour 
livrer  passage  à  l'air  et  à  la  lumière. 

Le  tout  était  entouré  de  ronces  et  d'épines  pour 
se  défendre  contre  les  incursions  nocturnes  des  cha- 
cals et  autres  animaux  rapaces  de  la  jungle  rôdant 
sans  cesse,  en  quête  de  rapines,  pendant  l'obscurité 
des  nuits".  D'autres  se  contruisirent  un  refuge  au 
moyen  de  pieux  plantés  en  terre  et  reliés  par  de 
de  longues  herbes  recouvertes  de  boue.  Toutes  ces 
demeures  avaient  un  aspect  des  plus  bizarres  et  rap- 
pelaient, par  bien  des  côtés,  ces  campements  noma- 
des des  tribus  indiennes  d'Amérique,  perdues  dans 
les  savanes. 

Xos  colons  se  mirent  immédiatement  à  l'œuvre  et 
défrichèrent  les  terres  propres  au  labourage.  La 
Ijesogne  ne  fit  point  défaut,  le  terrain  étant  littéra- 
lement couvert  de  buissons  et  d'arbustes.  Après  un 
séjour  de  deux  mois  à  Mariabad,  les  missionnaires, 
exténués  par  les  fatigues  et  les  privations, durent  être 
rappelés  à  Lahore  pour  refaire  leur  santé  et  repren- 
dre une  nouvelle  vigueur. 

Nous  croyons  intéressant  de  placer  ici  quelques 
notes  historiques  sur  la  contrée. 

Mariabad  se  trouve  dans  la  partie  du  district  tle 
(lujramnala  appelée  -  Bar  r.  C'est  une  région  plate, 
couverte  de  bons  pâturages,  entrecoupés  de  buissons 
et  dé  fourrés  d'arbustes  rabougris.  Il  n'est  pas  rare 
de  rencontrer  de  vastes  marécages,  où  croît  une 
lierbe  appelée  par  les  indigènes  «  panui  ;>  et  que  les 
pasteurs  recherchent  pour  leurs  troupeaux.  Au  nord 
de  la  Bar,  on  trouve,  çà  et  là,  quelques  villages  pos- 

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82.  DIX    ANNÉES    d'apostolat 

sédant  des  puits  et  des  terrains  labourés  ;  mais  quand 
on  atteint  le  sud.  Taspect  change. 
i         11  est  démontré  que  cette  région  fut  très  populeuse 
1     et  entièrement  cultivée,  il  y  a  quelques  siècles,  avant 
et  durant  le  règne  d'Ackbar  (1556-1605)  :  on  lit,  en 
effet,  dans  les  archives  du   gouvernement,  qu'il  y 
avait  des  puits  de  12  en  1 2  acres.  Mais  les  révolutions 
.'     qui  ont  sans  cesse  bouleversé  le  Pundjab.  plus  exposé 
que  les  autres  parties  par  sa  position  topographique 
aux  invasions  des  puissances  jalouses  de  la  domina-        ; 
tion  de  llnde,  ont  nécessairement  amené  le  déclin  de 
j     l'agriculture    si    prospère    en  temps   de   paix.   Peu 
à  peu  ces  régions ,  couvertes  jadis  de  villages,  se  dé- 
peuplèrent. Les  traces  de  cette  première  pros])érité        ■ 
:^    se  constatent    encore  dans  d'anciens  remparts,  où       ^ 
des  puits  effondrés  el:  des  ruines  nombreuses  attestent        ' 
i     l'existence  de  centres  de  commerce  et  d'activité. 
i         Khanfrah  Doo^ran,  là  où  les  missionnaires  commen- 
cèrent  leur  vie  de  labeurs,  remonte  à  cette  antiquité. 
Le  village  contient  en  effet  la  tombe  d'Abgah  Skah, 
!     qui  vivait  au  temps  d'Akbar.  Il  est  à  présent  le  siège 
î     d'un  Tahsildar  ou  percepteur  des  impôts,  et  par  con- 
?     séquent,  chef-lieu  d'un  Tahsil  ou  canton.  Cette  loca- 
;     litê  a  pris  de  grands  développements  depuis  l'ouver- 
ture des  canaux  d'irrigation  ;  et  tout  fait  prévoir  que 
d'ici  à  peu  de  temps,  elle  deviendra  un  des  centres 
les  plus  importants  du  district.  L'on  rapporte  queles 
habitants  de  ce  village  n'emploient  jamais  de  lits, 
ils  dorment  sur  la  terre  nue  par  respect  pour  la 
mémoire  d'un  faquir  (moine  hindou),  qui  pratiqua 
cette  austérité  toute  sa  vie. 

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AU    PUNDJAB  83 

Mais  revenons  à  notre  colonie  chrétienne.  Au  mo- 
ment où  le  R.  P.  Félix  se  préparait  à  reprendre  son 
poste,  accompagné  cette  fois  du  fr.  Constant,  une 
grave  et  dangereuse  maladie  le  cloua  sur  son  lit  et  le 
força  de  rester  à  Lahore.  En  conséquence,  le  cher 
Frère  dut  partir  seul.  Aussitôt  arrivé,  il  se  bâtit  une 
petite  chapelle  de  dix  pieds  carrés,  où,  chaque  jour, 
il  réunissait  les  colons  pour  la  récitation  du  chapelet 
et  la  leçon  de  catéchisme.  Son  zèle  ne  connaissait 
point  de  bornes  ;  la  majeure  partie  de  la  journée, 
sous  un  soleil  brûlant, le  frère  se  trouvait  aux  champs 
dirigeant  les  travaux  de  ces  pauvres  gens  fort  inex- 
périmentés en  fait  de  culture. 

Notre  missionnaire  ne  tarda  pas,  sous  ce  climat 
meurtrier,  à  être  victime  de  son  courage  admirable  ^^ 
La  chaleur  intense.  Tair  corrompu  par  les  miasmes 
s'échappant  des  marécages  et  des  cliamps  de  riz, 
affaiblirent  tellement  sa  santé  que  la  fièvre  paludé- 
enne l'atteignit.  Une  forte  dyssenterie  vint  s'y  join- 
dre et  le  réduisit  en  peu  de  temps  à  la  dernière 
extrémité.  Un  ingénieur  anglais,  qui  passait  fortuite- 
ment, trouva  le  frère  étendu  sous  un  arbre,  en  proie 
à  de  vives  douleurs.  Immédiatement,  il  lui  envoya 
une  tente  et  fit  chercher  le  médecin  indigène  le  plus 
proche.  Le  docteur  réussit  à  couper  la  fièvre,  et  peu 
après,  le  frère  fut  rétabli.  Mais,  comme  c'est  bien 
souvent  le  cas  aux  Lides,  pour  s'être  hâté  de  repren- 
dre son  travail  trop  tôt,  une  rechute  s'en  suivit.  Il 
était  couché  dans  sa  tente,  lorsqu'un  jour  une  vio- 
lente tempête  de  sable  la  renversa;  le  pauvre  malade, 
trop  faible,  se  trouvait  dans  lïmpossibilité  de  se 


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84  DIX    ANNÉES    Pi'APOSTOLAT 

dégager.  Les  chrétiens  s'en  aperçurent  heureusement 
à  temps  et  le  tirèrent  de  sa  critique  position.  Le 
courageux  Frèie  n'aurait  pu  résister  longtemps;  se 
sentant  de  plus  en  plus  mal, il  envoya  sans  tarder  un 
courrier  à  Lahore  pour  informer  les  Supérieurs  de 
son  lamentable  état  ;  un  confrère  vint  le  prendre  dans 
une  charrette  à  bœufs,  assez  confortablement  appro- 
priée pour  le  transport  d'un  malade. 

Quelques  semaines  après  ces  événements,  le  T.R.P. 
Félix,  rétabli,  rentra  dans  la  mission.  Dès  que  la 
saison  le  permit,  c'est-à-dire  pendant  les  mois  de 
chaleur  et  de  sécheresse,  on  s'occupa,  en  vue  de 
bâtir  un  village,  de  fabriquer  des  briques,  travail  très 
simple,  consistant  à  façonner  de  la  boue  et  à  la 
^S  laisser  sécher  au  soleil.  Bien  que  les  ressources  du  V^ 
Fi.  P.  fussent  très  restreintes,  il  put,  avec  le  concours 
de  ses  gens,  achever  avant  l'hiver  la  construction 
de  trente-cinq  petites  maisons,  une  pour  chaque 
famille.  Faut-il  ajouter  que  les  colons  s'empressèrent 
d'abandonner  leurs  misérables  huttes  pour  des  habi- 
tations commodes,  où  ils  disposaient  de  trois  cham- 
brettesV  Disons  enfin  que  le  village  fut  bâti  sur  deux 
lignes  parallèles. 

Les  maisons  construites,  et  les  terres  défrichées 
étant  réparties  entre  les  différentes  familles  que  l'on 
avait  fait  émigrer  de  Daoki,  l'on  prévit  avec  anxiété 
qu'à  bref  délai,  les  limites  de  la  colonie  ne  pour- 
raient plus  répondre  à  ses  besoins.  C'est  qu'en  effet, 
les  enfants  des  deux  sexes,  envoyés  aux  orphelinats  de 
Lahore  pour  y  recevoir  une  éducation,  chrétienne, 
reviendraient  un  jour,    et  se  marieraient;  d'où  un 


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AU    PUNDJAE  85 

accroissement  de  iamilles.  à  rentretien  desquelles  il 
fallait  songer.  Sa  Grandeur, Mgr  Pelckmans. désireuse 
avant  tout  de  consolider  cette  œuvre  éminemment 
civilisatrice  qui  arrachait  les  chrétiens  et  les  caté- 
chumènes au  contact  et  à  la  dépendance  des  Maho- 
métans  et  des  Hindous, négocia, à  son  retour  d'F.urope. 
en  1896.  Tachât  d'autres  terrains.  Les  circonstances 
servirent  à  merveille  Mgr, ,  cette  fois  encore  :  car  des 
propriétés  a  voisinant  le  village  furent  tout  à  coup 
mises  en  vente.  Devant  cette  occasion  unique,  il 
u'hésita  pas  à  faire  le  sacrifice  de  près  de  50,000  frs. 
pour  doter  la  colonie  de  Marie  d'une  nouvelle  pro- 
priété foncière  de  210  hectares,  qui,  ajoutée  à  la  pre- 
mière,-couvrait  une  superficie  totale  de  280  hectares. 
it.  C'est  sur  ces  terres  que  peu  à  peu  seront  installés  .^ 
^  les  nouveaux  ménages  qui  se  développeront  sous  la  * 
bénédiction  de  Dieu.  Plusieurs  jeunes  gens  sont  déjà 
revenus  de  Lahore  et  sont  de  vrais  exemples  de 
bonne  conduite  et  de  régularité.  Ils  exercent  une 
influence  salutaire  sur  leurs  parents  encore  très 
grossiers.  Cette  infiuence  ne  peut  Jiianquer  d'être 
décisive  avec  le  temps:  car,  ainsi  (pie  nous  le  disions 
en  parlant  de  la  mission  d'Adah,  le  travail  de  la 
grâce  sur  les  personnes  d'un  âge  mûr  est  lent  et  im- 
perceptible. Quoi  d'étonnant?  Avant  de  former  de 
parfaits  chrétiens  de  nos  pauvres  Pundjabis,  il  faut 
tout  d'abord  en  faire  des  hommes. 

Et  c'est  une  œuvre  lente  et  (pii  demande  une 
angélique  patience  que  de  les  soustraire  à  cette 
existence  d'apathie,  de  malpropreté  et  de  désordre 
qui,    si   on   ne  la  réforme  en  ces    points,   paralyse 

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86  DIX    ANNÉES  d'apostolat 

complètement  toute  tentative  d'amélioration  morale. 
Ce  fut  en  février  1896  que  se  conclut  le  contrat  de 
vente  des  nouvelles  terres. En  même  temps  que  le  vil- 
lage s'étendait, l'on  modifiait  l'habitation  des  mission- 
naires, de  façon  à  pouvoir  v  loger  commodément  les 
deux  pères  et  le  frère  établis  définitivement  dans  la  co- 
lonie. La  chapelle  provisoire, attenante  au  presbytère 
mesurait  60  pieds  de  longueur  sur  12  de  largeur. Mais 
quelle  pauvreté  à  l'intérieur  !  Certes,  elle  était  loin  de 
répondre  à  la  dignité  des  augustes  mystères  qui  s'y 
célébraient  chaque  jour.  Une  simple  table  de  bois 
recouverte  des  nappes  nécessaires  au  sacrifice  servait 
d'autel  :  une  statuette  de  la  Ste  Vierge  et  les  petites 
stations  du  chemin  de  la  croix  en  constituaient  tout 
^^^  le  mobilier!  Rien  qui  put  rappeler  les  splendeurs 
d'une  égUse  !  Dieu  vivait  là  et  nous  remémorait  le 
dénùment  de  Bethléem.  Il  fallait,  cependant,  chercher 
à  améliorer  ces  trop  modestes  installations  ;  d'autant 
plus  que  le  naturel  de  l'indigène,  éminemment 
impressionnable,  a  peut-être  plus  besoin  que  les 
Occidentaux  d'être  frappé  par  les  magnificences  du 
culte  et  les  imposantes  proportions  d'une  église. 

Hélas!  comme  toujours, en  pays  de  mission, les  beaux 
projets,  bien  qu'ils  soient  des  plus  urgents  et  des  plus 
nécessaires,  sont  menacés  d'échouer  devant  la  pénu- 
rie d'argent!  Le  diocèse  ayant  à  faire  face  à  d'énormes 
frais  exigés  par  l'entretien  et  le  développement 
des  institutions  existantes,  ne  pouvait,  surtout  après 
l'acquisition  des  210  hectares,  songer  à  s'engager 
dans  de  nouvelles  dépenses.  Les  circonstances 
n'étaient  rien  moins  que  favorables.  Mais  le  Seigneur 

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AU    PTTCDJAr.  J^T 

n'abandonne  jamais  ceux  c[ui  prient  et  espèrent. 
L'événement  confirma  à  nouveau  cette  vérité  si  con- 
solante. La  Providence  envoya  le  T.  R.  P.  Ldouard, 
Supérieur  Régulier  de  la  Mission ,  dont  l'intervention 
fut  des  plus  efficaces.  Faisant  appel  à  la  Province 
Belge  quïl  représente  si  dignement  depuis  7  ans.  il 
recueillit,  avec  l'aide  du  T.  R.  P.  Jean-Baptiste,  ! 
Procureur  de  la  mission,  les  sommes  nécessaires,  et 
prit  l'initiative  de  construire  une  église  digne  de  ce 
nom.  devenue  le  jovau  de  notre  mission  indigène. 

Le  4  Octobre  de  cette  même  année.  Mgr  l'Évêque. 
accompagné  du  T.  R.  P.  Edouard,  son  Vicaire  géné- 
ral, vint  visiter  Mariabad  et  présider  à  des  cérémo-      j 
nies  qui  prouvaient,  mieux  que  les  plus  éloquentes      j 
narrations,   le   zèle    avec    lequel    les    missionnaires 
^       avaient  fait  marcher  de  front,  et    l'agrandissement 
matériel  du  village,  et  son  perfectionnement  moral. 
Il  ne  s'agissait  rien  moins  que  d'administrer  solen- 
nellement le  Sacrement  de  baptême  à  2^  adultes  et 
enfants,  —  de  confirmer  16  chrétiens.  —  de  donner 
la  1*^  communion  à  12  jeunes  gens  et  enfin,  de  procé- 
der à  la  bénédiction  et  à  la  pose  de  la  l'"^'  pierre  de 
la  future  église.  Toutes  ces  cérémonies  réussirent  à 
merveille,  sous  les  yeux  de  nos  chrétiens  et  catéchu- 
mènes émus.  La  iournée  se  termina  par  une  repré- 
I       sentation  de  mimique  et  de  musique  à  l'indigène, 
;       pendant  laquelle  nos  chrétiens  firent  de  leur  mieux 
I       pour  égayer  leurs  augustes  visiteurs.  On  tira  enfin 
un  petit  feu  d'artifice  qui  laissa  dans  l'imagination 
de  nos  colons  un  inoubliable  souvenir  de  la  fête. 
I  Cependant,  à  cette  époque  de  la  première  visite  de 

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88  DIX    ANNÉES    d'apostolat 

MtT.  tout  était  loin  d'être  parlait.  Bien  des  choses 
désirables  restaient  à  accomplir,  surtout  en  ce  qui 
concernait  l'assainissement  du  village.  L'absence  de 
puits  privait  les  habitants  d'eaux  potable  et  les  obli- 
geait de  recourir,  pour  leurs  usages  domestiques  à 
l'eau  boueuse  et  impure  des  canaux  d'irrigation.  11 
en  résulta  des  fièvres  qui  affligèrent  parfois  le  village 
tout  entier.  Le  T.  R.  P.  Edouard  vint  généreusement, 
cette  fois  encore,  au  secours  des  missionnaires  ;  il 
ordonna  le  creusement  d'un  puits,  s'ofPrant  à  col- 
lecter l'argent  nécessaire  pour  en  couvrir  les  frais. 
Ce  n'était  pas  chose  aisée  que  de  trouver  de  l'eau  dans 
cette  région  de  la  Bar.  où  la  quantité  moyenne  de 
{  pluie  annuelle  est  presque  nulle  et  les  chaleurs  exces- 
JX  sives.  Il  fallut  fouiller  le  sol  jusqu'à  une  profondeur  y^ 
de  70  pieds  avant  de  rencontrer  les  nappes  souter- 
raines. Aussi,  les  travaux  coûtèrent-ils  près  de 
2000  frs,  mais  le  bien-être  dont  jouirent  immédiate- 
ment nos  chers  chrétiens,  dédommagea  suffisam- 
ment des  sacrifices  qu'il  avait  fallu  s'imposer.  Quant 
aux  conditions  dans  lesquelles  les  lîR.  PP.  avaient  dû 
vivre  jusque  là,  il  importait  de  les  améliorer  encore. 
La  pauvre  maison  qui  les  avait  abrités  pendant 
plusieurs  étés  contre  les  ardeurs  brûlantes  du  soleil, 
fut  remplacée  par  un  presbytère  convenable  et  soli- 
dement bâti.  Mgr  en  paya  toutes  les  dépenses,  et 
rendit  ainsi  le  séjour  de  Mariabad  moins  funeste  pour 
la  santé  des  missionnaires. 


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AU    rrND.TAB  89 

L'œuvre  de  Mariabad. 

Lorsqu'en  l«y3,  les  premiers  colons  arrivèrent  sur 
ces  terres  en  friche,  ils  n'étaient  qu'une  poignée:  ils 
ne  possédaient  pas  même  les  instruments  les  plus 
indispensables  pour  la  culture  :  ils  n'avaient  d'autre 
abri  que  la  voûte  des  cieux  ou  les  branches  des  buis- 
sons. Aujourd'hui,  ils  sont  553  formant  un  village 
(]ui  peut-être  placé  au  premier  rang  parmi  ceux  qui 
ont  surgi  sur  la  ligne  d'irrigation  alimentée  par  la 
rivière  Tchennab.  Le  plus  pauvre  d'entre  les  colons 
possède  au  moins  une  paire  de  bœufs  ;  il  y  a  des  fa- 
milles qui  ont  jusqu'à  dix  têtes  de  bétail,  biens  acquis 
par  leur  travail.  Les  280  hectares  qui  constituent 
la  propriété  foncière  du  village  de  Marie  sont  culti- 
vés, les  moissons  apportent  l'aisance  et  le  bien-être 
au  milieu  de  gens  qui.  autrefois,  ne  vivaient  que  du 
produit  de  la  4-apine  ou  de  l'exploitation  du  vice. 

Quand,  il  j  a  six  ans  le  missionnaire  planta  sa 
tente  sur  ce  sol  sauvage  et  couvert  de  broussailles, 
il  se  vit  en  face  d'incertitudes  et  de  difficultés  qui 
étaient  bien  de  nature  à  décourager  quiconque  n'a 
pas  à  sa  disposition-  l'un  ou  l'autre  de  ces  grands 
ressorts  dont  tout  gouvernement  fait  usage  pour 
donner  de  l'impulsion  à  ces  sortes  d'entreprises, 
savoir:  l'argent,  le  pouvoir  et  les  hommes.  Coloniser, 
c'est  bien,  mais  à  condition  de  disj^oser  de  ces  fac- 
teurs. Or,  le  pauvre  missionnaire  ne  pouvait  compter 
ni  sur  l'un,  ni  sur  l'autre.  Et  il  partit  cependant, suivi 
de  ses  chrétiens  miséreux  qu'il  aimait  tant  et  qu'il  vou- 
lait à  tout  prix  arrachera  la  servitude  de  maîtres  durs 


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90  OTX    ANNÉES    d" APOSTOLAT 


et  inexorables ;il  s'exila  avec  eux, sur  ce  coin  de  terre, 
pour  travailler  à  corriger  leurs  vices,  en   faire  des 
hommes   d'abord,  des  disciples  du  Christ  ensuite  :  il 
'      les  emmena  io^norants  et  orrossiers  et  leur  dit  :  Tail- 
I      lez,  coupez,  défrichez.  Et  vouant  à  cette  œuvre  tout 
'      son  temps  et  toute  son  âme.  il  réalisa  des  prodiges. 
]      Se  faisant  tout  à  tous,  il  ne  dédaigna  pas  de  descen- 
dre dans  le  sillon  pour  guider  les  pas  incertains  de 
:      ses  colons,  il  prit  la  hache  de  la  même  main,  qui  lui 
servait  à  manipuler  le  compas.  Et  tour  à  tour  culti- 
vateur, artisan,  ingénieur,  médecin  des  âmes  et  des 
1      corps,  car  son  zèle  s'étendait  à  tous  les  besoins,  il  fit 
I      sortir  un  village,  plein  d'activité,  là  où  pendant  de 
'      longues  années  avait  réo-né  le  silence  des  déserts;  il  en 
-y      dressa  les  plans,  ainsi  que  ceux  de  son  presbytère  et       !^ 
^,      de  son  église  fil  éleva,  à  la.gloire  de  Marie  Immaculée,       p 
I      non  seulement  un  tabernacle  de  pierres  pour  abriter 
l'humilité  de  son  Fils,  mais  mieux  encore,  il  façonna 
par  sa   parole  et  par  son   ardeur  apostolique   des 
]      tabernacles  vivants,  où  Jésus-Christ  est  servi,  adoré, 
I      aimé.  Il  mit  la  prière  sur  des  lèvres  et  dans  les  cœurs 
!      fermés  jusqu'alors  sous   le  sceau  de  Satan.   Telles 
,      furent   les   phases  par   lesquelles  passa  l'œuvre  do 
!      Mariabad.  L'imperceptible  graine,  dont  la  germina- 
tion fut  si  lente  et  si  laborieuse,  a  produit  un  arbuste 
vigoureux,  vivifié  dans  tous  ses  rameaux  par  la  rosée 
divine.  Et  nous  espérons  quïl  deviendra,  avec  les 
prières  de  nos  frères  et  le  généreux  concours  de  nos 
bienfaiteurs,  un  arbre  majestueux  dont  les  branches 
i      s'étendront  au  loin  sur  toute  la  contrée  environnante, 
!      pour  l'abriter  sous  une  même  foi  et  la  réunir  en  un 

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AU    PUNDJAB  91 


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même  culte.  Ce  sont  tous  ces  événements  si  conso- 
lants, si  pleins  encore  d"espérances  pour  l'avenir  que 
Sa  Grandeur  Mgr  Pelckmans  et  le  T.  li.  P.  Edouard 
entourés  d'un  nombreux  clergé,  sont  venus  célébrer 
le  8  Décembre  1898,  eu  procédant  à  la  bénédiction 
solennelle  de  la  nouvelle  église  dédiée  à  Marie  Im- 
maculée. 

Répétons  en  terminant  cet  aperçu  des  travaux 
d'une  œuvre  si  éminemment  apostolique,  les  paroles 
par  lesquelles  le  digne  et  dévoué  Pasteur  du  diocèse 
résuma  les  sentiments  et  les  impressions  de  tous  ceux 
qui  l'entouraient  en  cette  mémorable  circonstance  : 
^  Nous  avons  toute  raison  d'espérer  qu'avec  la  béné- 
^  diction  de  Dieu,  sous  la  douce  égide  de  Marie 
^  Immaculée  et  par  vos  efforts  intelligents  et  unis, 
«  cette  jeune  et  nouvelle  colonie  sera  un  jour  la  perle       •^ 

-  de  notre  Diocèse  et  la  source  de  nos  plus  grandes 

-  consolations.  - 
Après  l'Eglise,  la  bâtisse  d'une  école  pour  garçons 

et  pour  filles  s'imposait  tout  naturellement.  Les  res- 
sources de  la  mission  ne  permettant  pas  d'entre- 
prendre cette  nouvelle  fondation,  le  Pi.  P.  Archange 
envoyé  de  Sahowala  à  Mariabad  fit  un  appel  à  quel- 
ques amis  d'Anvers,  et  non  sans  effet.  Un  premier 
secours  lui  permit  de  jeter  les  fondements  de  l'école 
et  un  second  d'achever  la  construction.  A  ces  âmes 
charitables  et  dévouées  reviennent  l'honneur  et  le 
mérite  d'avoir  doté  Mariabad  d'une  belle  école,  après 
avoir  orné  l'église  de  Sahowala  d'un  autel,  au  pied 
duquel  le  prêtre  et  les  nouveaux  chrétiens  ne  cesse- 
ront de  prier  pour   leurs  généreux  bienfaiteurs   et 


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92  nix  ANNÉES  d'apostolat 

bienfaitrices  !  Cette  école  était  à  peine  bâtie  que  les 
enfants  y  affluèrent  en  très  grand  nombre. 

Sur  ces  entrefaites  le  K.  P.  Archange  fut  appelé 
par  ses  Supérieurs  à  Dalliousie  pour  y  remplir  les 
insignes  fonctions  de  Professeur  en  Théologie  auprès 
des  jeunes  pères;  c'est  le  Pt.  P.  Philipjje  qui  dirige  à 
présent  l'importante  école  de  Mariabad  avec  le  zèle 
infatigable  et  le  dévouement  persévérant  dont  il  a 
fait  preuve  à  Adah. 


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CHAPITRE  QUATRIEME. 


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Mission  de  Sahowala. 

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ORIGINE   de  cette  Mission   se   rattache  pour 
^«^fll  ainsi  dire  à  celle  d'Adali.  Parmi  les  nombreux 
villages  qui  recoururent  aux  lumières  du  chapelain 
militaire  de  Sialkot,  se  trouvaient  ceux  de  Sahowala, 
de  Mampur,  de  Muma  et  de  Ganjiwali,  qui  ont  formé 
depuis    le    cercle  d'action   dont    Sahowala   était  le 
centre  et  où  nos  missionnaires,  quoique  toujours  sur 
jT       la  brèche,  eurent  à  vaincre  autant  de  didicultés  et 
"^     éprouvèrent  autant  de  déboires  qu'à  Adah. 

Sahowala,  situé  à  onze  milles  de  Sialkot.  est  un 
gros  village,  qui  a  quelque  peu  les  airs  d  une  petite 
ville.  Son  nom  lui  est  venu  d'un  riche  propriétaire 
hindou,  appelé  Saho,  qui  en  est  considéré  comme  le 
fondateur:  l'histoire  ne  nous  dit  pas  à  quelle  date. 
Environ  13,000  habitants  en  forment  la  population 
qui  se  compose  surtout  d'Hindous  et  de  Sickhs. 
adonnés  au  commerce  et  d'un  bon  nombre  de  Maho- 
métans,  la  plupart  cultivateurs.  Mais  le  ministère 
évangélique  s'exerce  principalement  parmi  la  caste 
des  «  churas  «  qu'on  trouve  un  peu  partout  et  qui, 
revendiquant  le  monopole  des  travaux  les  plus  bas  et 
des  besognes  les  plus  serviles,  occupe  le  dernier 
échelon  de  l'échelle  sociale.  C'est  parmi  eux,  en  effet, 
que    se    recrutent    surtout  les   hommes   de   peine, 


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i>4  DIX    ANNÉES    d'apostolat 

qu'Hindous,  Mahométans  ou  Sickhs  emploient  dans 
les  différentes  branches  de  leur  industrie.  Ils  sont 
nécessairement  à  la  merci  de  leurs  maîtres. 

Cfi  fut  en  1889  que  les  premières  semences  de  la 
bonne  parole  tombèrent  sur  ce  champ  infidèle,  dans 
cette  classe  qui  forme  aujourd'hui  la  communauté 
chrétienne  de  Sahowala.  liC  E.  P.  Lié  vin,  envoyé  à 
cette  époque  pour  prendre  la  charge  de  cette  mission 
!  naissante,  ne  fixa  point  sa  résidence  à  Sahowala 
I  même,  mais  à  Gunjiwalu  situé  à  deux  milles  de  là, 
d'où  il  visitait  les  villag;-es  environnants.  Faute  de 
personnel  et  à  cause  de  changements  survenus  dans 
la  mission  d'Adah,  il  dut  quitter  son  poste  après  cinq 
mois,  pour  prendre  la  direction  de  cette  dernière. 
^N  Sahowala  et  son  rayon  de  villages  à  évangéliser  ne  S^ 
furent  cependant  pas  abandonnés.  Se  multipliant  à 
mesure  que  le  travail  augmentait,  le  R.  P.  Liévin, 
tantôt  d'Adah,  tantôt  de  Sialkot,  continua  à  visiter 
les  nouveaux  convertis,  les  perfectionnant  dans  la 
^  connaissance  de  la  religion  et  prodiguant  les  conso- 
lations de  son  ministère  aux  malades  et  aux  mou- 
rants. Aussi  souvent  que  le  permettaient  les  exigences 
de  la  mission  d'Adah,  dont  il  avait  pris  toute  la 
responsabilité,  il  venait  résider  plusieurs  jours  au 
milieu  de  ses  ouailles  moins  favorisées  de  Sahowala; 
il  vivait  de  leur  pauvreté,  et  s'attachait  à  fortifier  les 
sentiments  de  ces  convertis  encore  chancelants  dans 
la  foi,  et  par  cela  même,  appelant  toutes  les  sollici- 
tudes de  son  zèle.  Une  situation  si  défavorable  et  si 
préjudiciable  au  bien  des  âmes  ne  pouvait  perdurer. 
L'avenir  de  la  nouvelle  chrétienté  dont  l'accroisse- 

À  ^ ■ 


i^ 


AU    PUNDJAB  95 


ment  menaçait  dêtre  à  jamais  enrayé,  réclamait  le 
séjour  permanent  d'un  missionnaire.  Exposé  à  l'ac- 
tion débilitante  des  vents  chauds,  surpris  souvent  par 
des  pluies  torrentielles  ou  arrêté  par  les  inondations 
\  de  la  mousson,  le  K.  P.  Lié  vin,  ne  disposant  que 
d'une  pauvre  monture,  ne  pouvait  résister  longtemps 
à  la  tâche,  malgré  son  courage  héroïque. 

I)"un  autre  côté,  l'importance  de  Sahowala,  tant 
I      au  point  de  vue  de  la  population  que  des  relations 
•      commerciales,  n'avait  point  échappé  aux  yeux  de 
j      Sa  (Irandeur,  qui  avait  toujours  caressé  l'espoir  de 
faire  de  cet  endroit  un  centre  d'opérations  fécondes. 
!      (iuidé  par  ces  considérations,  Mgr  Pelckmans  acquit 
l      le  24  mars   1897,  à  promixité  du  village,  un  lot  de 
terrain  de  cinq  kamals  et  trois  marlaks.  On  con- 
struisit sans  tarder   une   petite  maison  comprenant 
\      deux    chambres    pour    servir    à   la  fois   d'abri   au 
;      missionnaire,  d'école  et  de   chapelle,  en  attendant 
I      que   l'on  jetât  les  fondements   d'un  presbytère  et 
'      d'une  église  proprement  dite.    Ce  ne   fut  pourtant 
qu'au  commencement  du  mois  d'Août,  que  les  deux 
chambres  terminées,  deux  missionnaires,  le  II.    P. 
l      Archange  et  le  frère  C  onstant,  furent  envoyés  pour 
t' .   tirer  cette  chrétienté  de  son  état  de  torpeur.  Grâce  à 
l'inépuisable  charité  et  à  la  patience  da   frère  Con- 
'•      stant,  qui,  connaissant  la  langue,  se  multipliait   au- 
)      près   des  habitants,   la  confiance  renaquit,  et,  fait 
;      capital,  l'école  se  repeupla.  Les  enfants  d'abord,  les 
\      parents  suivront.  Car  l'enfance, —  nous  ne  cesserons 
!      de  le  répéter  —  n'est-elle  pas  la  grande  ressource  du 
missionnaire  pour   établir  solidement  son  œuvre  ? 


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96  DIK    ANNKE8    d'a  1M)S  TOLAT 

L'école  étant  donc  bien  fréquentée,  le  II.  P.  Ar- 
change put  s'occuper  fructueusement  de  la  jeune 
génération,  à  qui  il  commença  par  apprendre  de 
nouveau  les  prières,  oubliées  hélas!  pendant  la 
période  difficile  qu'on  venait  de  traverser.  Mais  à 
peine  réorganisée.  Dieu  éprouva  cruellement  la  mis- 
sion, et  cela  au  moment  où  tout  semblait  promettre 
un  succès  rapide.  Le  frère  Constant,  brisé  par  plus  de 
dix  ans  de  travaux  continus,  surmené  en  ces  derniers 
temps  par  la  surveillance  des  ouvriers  et  les  embar- 
ras qu'occasionnaient  les  nouvelles  bâtisses,  ressen- 
tit, vers  la  fin  de  Septembre,  les  premiers  atteintes 
du  mal  qui  l'emporta  quelques  semaines  plus  tard. 

f  Son  zèle  avivé  par  le  désir  ardent  de  se  dévouer  sans 
^  mesure  à  l'œuvre  qui  lui  avait  été  confiée,  lui  fit 
négliger  de  prendre  les  soins  que  réclamait  son  état. 
Ce  qu'il  considérait  comme  un  simple  refroidisse- 
ment se  changea  bientôt  en  pleurésie  et  nécessita  son 

j  transport  à  Lahore,  où,  malgré  la  science  du  docteur 
et  les  soins  des  frères  il  s'endormit  dans  le  Seigneur, 

'  le  22  Octobre  1897.  emportant  avec  lui  les  plus 
belles  espérances.  Sa  mort  enlevait  à  la  mission  un 

j      auxiliaire   très  précieux;    par  sa    droiture,  par  ses 

!  manières  affables  avec  les  indigènes,  il  avait  su  ga- 
gner leurs  cœurs  et  leur  confiance,  et  il  exerçait  sur 
eux  une  influence  pleine  de  promesses.  Dieu  Ta 
repris,  alors  que  nous  le  croyions  si  utile!  Mais  II  a 

,  voulu  nous  donner,  sans  aucun  doute,  un  puissant 
intercesseur  qui,  maintenant,  prie  avec  plus  d'ardeur 
et  veille  avec  bien  plus  de  vigilance  encore  sur  le 
troupeau  qui  occupa  toutes  ses  pensées  et  absorba 

7i  — ^ te 


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AU    PUNDJAB  97 

jusque  dans  ses  derniers  moments  toutes  les  énergies 
de  son  âme.  R.I.P.  On  le  remplaça  par  le  frère  Martin. 

Cependant  les  travaux  qu'on  avait  entrepris, 
avançaient  rapidement,  et  le  8  du  mois  de  Décembre 
de  la  même  année,  à  la  fête  de  l'Immaculée  Concep- 
tion, Mgr  délégua  le  T.  R.  P.  Dominique,  chancelier 
du  Diocèse,  }jour  pj-océder  à  la  bénédiction  de  la 
première  pierre  de  la  nouvelle  église.  Quelques  se- 
maines plus  tard,  le  presbytère  étant  achevé,  les 
missionnaires  s  y  installèrent;  ce  qui  mit  fin  à  une 
situation  non  seulement  désagréable,  mais  défavo- 
rable aux  progrès  des  élèves. 

Les  missionnaires  purent  aifecter  aux  exigences 
scolaires  tout  le  bâtiment  provisoire  et  reprendre 
ji^     sérieusement  Tœuvre  de  réforme  et  d'éducation.  ^^ 

Cet  heureux  changement  amena  aussi  la  création 
d'un  dispensaire  qui  fit  entrer  la  mission  de  Sahowala 
dans  une  phase  bien  consolante  pour  le  mission- 
naire. 

Son  Excellence,  Mgr  Zaleski,  Délégué  Apostolique 
aux  Indes  Orientales,  avait,  en  plusieurs  circonstan- 
ces, insisté  auprès  de  Sa  Grandeur  sur  la  nécessité 
d'organiser  "  l'œuvre  des  baptiseuses  »  à  l'instar 
de  celle  qui  a  déjà  été  établie  dans  le  sud  de  l'Inde. 
De  fait,  des  obstacles  presque  insurmontables  résul- 
tant de. croyances  de  caste  et  de  la  condition  ser vile 
dans  laquelle  la  femme  est  tenue,  enrayaient  d'une 
façon  inquiétante  le  développement  des  missions 
catholiques  du  nord.  Le  foyer  indien  reste  impitoya- 
blement fermé  aux  investigations  de  l'extérieur.  Ces 
foyers  emmuraillés  par  de  ridicules  préjugés  sont  trop 

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54- 


98  DIX    ANNÉES    d'apostolat 


souvent,  hélas!  ie  théâtr^  de  drames  les  plus  dou- 
loureux. Là,  de  pauvres  petits  êtres  sont  étreints 
par  la  main  froide  de  la  mort  avant  d'avoir  su  ce 
que  c'était  que  de  vivre  !  La  grande  mortalité  des 
enfants  indiens,  dont  les  principales  causes  peuvent 
être  attribuées  au  vice,  à  la  malpropreté  et  à  la 
pauvreté,  n'avait  pas  échappé  au  zèle  vigilant  des 
missionnaires,  et  le  désir  de  sauver  ces  petites  âmes 
infortunées  les  préoccupait  vivement.  Parfois,  leurs 
tentatives  réussissaient  ;  mais  comme  les  occasions 
étaient  fort- rares,  il  fallait  trouver  un  moyen  dont 
l'application  pût  être  généralisée.  Quant  à  heurter 
de  front  les  funestes  préjugés  qui  enveloppaient  la 
,      vie  familiale,  on  ne  pouvait  même  j  songer.  ^ 

2^  Les  missionnaires  avaient  observé  que  l'Indien  \^ 
recourt  volontiers  aux  médicaments,  et  surtout 
lorsqu'on  les  kii  offre  gratuitement.  Us  ouvrirent, 
dans  une  des  chambres  du  presbytère,  une  pharmacie 
populaire,  où  ils  espéraient  attirer  la  femme  indi- 
gène, et  avec  celle-ci,  son  enfant;  car  elle  ne  s'en 
sépare  point.  Les  débuts  furtint  très  difficiles;  et 
dès  que  l'on  sut  dans  le  village  que  le  -  padri  sahib  -^ 
s'offrait  à  guérir  tous  les  maux,  la  prêtraille  mu- 
sulmane et  hindoue  s'émut,  et  défense  fut  faite 
aux  adeptes  d'approcher  de  la  maison.  Mais  on  ne 
tint  pas  compte  pendant  longtemps  de  cette  défense. 
N'est-ce  pas  pour  l'homme  un  besoin  impérieux  et 
irrésistible  que  de  chercher  à  soulager  et  à 
guérir  les  maux  qui  l'accablent  ?  Et  petit  à  petit, 
malgré  les  menaces  des  faquirs  et  d'autres  per- 
sonnages de  cet  acabit,  hommes,  femmes,  et  enfants 

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AU    PUNDJAB  99         I 

affluèrent  à  la  porte  du  frère  Martin,  répétant  la 
même  ritournelle  «  Paclri  Saliib  ji  dawai-Monsieur  le 
Père,  des  médecines!  ,i  Notre  bon  frère  dut  s'impro- 
viser chirurgien,  médecin  et  apothicaire.  Et  il  opéra 
des  cures  merveilleuses,  grâce  à  l'intervention  divine 
et  à  la  foi  robuste  que  les  gens  avaient  en  son  pou- 
voir de  guérisseur.  Car,  son  officine  n'était  pas  bien 
riche:  du  sel  anglais,  de  Thuile  de  ricin,  de  l'eau- 
de-vie  camphrée,  et  c'était  à  peu  près  tout!  j 

Plusieurs  guérisons  réalisées  dans  les  commence-      ! 
ments,  assurèrent  au  frère  apothicaire  une  réputation 
d'habileté  qui  se  répandit  au  loin.  Ce  ne  fut  plus  de 
Sahowala  uniquement,  où,  soit  d.it  en  passant,  ceux 
qui  avaient  cherché  à  entraver  l'œuvre,  se  laissèrent 
jf     convaincre  tout  comme  les  autres,  mais  de  villages       :]j 
très  éloignés  que  l'on  accourut  au   dispensaire.  La 
«  clientèle  5,  s'accrut  dans  de  telles  proportions  qu'à 
certains  jours,   il  fut  administré   des  soins  et  des       | 
médicaments  à  cent  personnes.  Voici  d'autres  chiffres:       | 
du    l<^r    Octobre    1898    au    30     Septembre     1899,       ' 
13,739  personnes  ont  reçu  assistance  au  dispensaire. 

Comme   bon   nombre   de  femmes  se  présentaient      | 
accompagnées  de  leurs  inséparables  nourrissons,  les 
uns  maladifs,  les  autres  mourants,  ce  fut  le  moment 
d'organiser  le  baptême  des  enfants  «  in  articulo  mor- 
tis.  «  Usant  de  prudence  et  d'adresse,  le  zélé  frère,       ! 
qui, en  cett3  qualité, éveillait  moins  de  soupçon  que  le       | 
«  padri  sahib  >;  saisit  toutes  les  occasions  qui  lui  furent       | 
offertes.  Sous  prétexte  d'administrer  des  lotions  au       i 
petit  malheureux  qui  se  mourait  entre  les  bras  de  sa       I 
mère,  il  le  faisait  passer  des  ténèbres  du  péché  origi- 


54 '!^ 

1         100  DIX   ANNÉES    D  APOSTOLAT 

i  nel  à  la  lumière  divine  de  la  grâce,  sous  les  yeux  des 
parents  et  d'autres  infidèles  qui  assistaient,  stupides 
et  inconscients,  au  mystère  caché  de  la  régénération. 
Ce  fut  ainsi  que  depuis  l'ouverture  du  dispensaire, 
du  P-"  Novembre  1897  jusqu'au  30  Septembre  189Î), 
oTG  baptêmes  d'enfants  «  in  articulo  mortis  <•  purent 
être  administrés.  La  plupart  de  ces  pauvres  petits 
êtres  moururent  après  leur  baptême  :  quant  aux 
autres,  il  est  fort  probable  que  sur  dix  baptisés,  à 
peine  un  seul  échappa.  Les  parents, venant  parfois  de 
très  loin,  ne  se  souciaient  point  d'informer  le  mission- 
naire, et  la  constatation  officielle  des  décès  n'existe 
guère  en  dehors  des  grandes  cités. 

Dieu  bénissait  l'œuvre,  et  II  la  protégeait  sans 
aucun  doute  en  nmltiphant  le  nombre  de  ces  petits 
anges  qu'il  appelait  autour  de  son  trône  et  dont  la 
prière,  s'élevant  comme  un  encens  pur,  inclinera 
son  cœur  à  verser  sur  cette  Inde,  si  peu  accessible 
encore  au  travail  de  la  grâce,  la  lumière  nécessaire 
à  la  conversion.  Et  par  leur  intercession,  Il  fera 
miséricorde  à  ces  peuplades  plongées  depuis  des 
siècles  dans  les  ombres  du  paganisme  et  de  l'erreur. 
A  côté  du  dispensaire  se  trouve  l'école  qui  est  en 
voie  de  prospérité.  Faut-il  noter  qu'ici  encore,  on  eut 
à  vaincre  des  difficultés?  On  devait,  en  eïet,  lutter 
contre  l'insouciance  excessive  des  parents,  arracher, 
pour  ainsi  dire,  les  enfants  au  foyer  domestique,  afin 
d'obtenir  une  fréquentation  régulière.  Contrairement 
à  ce  qui  existe  en  Europe,  les  parents  ne  viennent 
nullement  en  aide  aux  éducateurs  :  ils  ne  s'in- 
quiètent  guère    de  s'assurer   si   leurs    enfants    fré- 

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AU    PUNDJAB  101 

queutent  ou  non  l'école.  L'instruction  leur  est  parfai- 
tement indifférente.  Cependant,  les  bons  pères  par-  I 
vinrent  à  secouer  quelque  peu  cette  apathie  et  à  , 
exciter  Témulation  par  l'appât  de  récompenses  en 
nature.  Ils  recueillirent  ainsi  un  nombre  de  80  à  100 
élèves,  auxquels  ils  enseignaient,  outre  la  lecture  et 
l'écriture  en  urdu,  les  notions  de  catéchisme  néces- 
saires à  tout  chrétien. 

Et  cette  nouvelle  génération  bien  éduquée,  solide- 
ment instruite  dans  les  dogmes  de  notre  sainte 
religion,  habituée  insensiblement  à  assister  aux 
offices  et  à  recevoir  les  sacrements,  n'est-elle  pas  notre 
plus  grand  espoir  ? 

L'exemple  des  enfants  —  nous  l'avons  déjà  dit  — 
entraînera  les  adultes  et  leur  ouvrira  les  veux  aux       ,_ 
aveugles.  Ils  seront  de  plus  la  souche  féconde   de     '\£ 
mariages  chrétiens,  d"où  sortiront  des  générations  de      ' 
plus    en  plus  imprégnées  de  cet   esprit  catholique, 
qu'il  est  bien  difficile,  après  tout,  d'inculquer  à  ceux 
qui  ont  vieilli  dans  les  erreurs  et  les  vices  de  l'infidélité.       j 

Vers  la  fin  du  mois  d'Avril  1898.  la  construction 
de    la   nouvelle  église   fut  terminée.    Sa    Grandeur       I 
Mgr  Pelckmans  vint  au  village  pour  en  faire  la  béné-       j 
diction  solennelle.  L'éo^lise,  d'une  seule  nef,  est  bâtie 
en  style  roman,  d'une  ornementation  simple,  mais 
de  bon  goût.  Ses  dimensions  sont  assez  vastes  pour       j 
contenir  plusieurs  centaines  de  personnes.  i 

Ce  fut  un  jour  do  fête,  et  pour  les  indigènes  :  le  jour 
du  grand  '^  tamasha  n .  Cette  expression  est,  dans  1  a 
langue  du  pays,  synonyme  de  fête;  elle  s'approprie 
admirablementà  tous  les  événements  qui  sortent  du 

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IV 

102  DIX    ANNÉES    d'apostolat 

cours  ordinaire  des  choses.  Une  bénédiction  d'église, 
qu'était-ce  donc?  A  en  juger  par  les  apprêts,  par 
l'ornementation  de  l'édifice,  par  les  guirlandes  et 
les  oriflammes  décorant  les  murs,  la  cérémonie  devait 
être  extraordinaire.  Aussi,  attira-t-elle  une  foule 
énorme  dont  l'attitude  respectueuse  édifia  Mon- 
seigneur. 

Après  la  bénédiction  de  ce  nouveau  temple  élevé 
à  la  gloire  de  Dieu  et  dédié  au  divin  Cœur  de  Jésus, 
le  R.  P.  Archange  chanta  solennellement  la  Messe, 
assisté  de  ses  deux  collaborât  surs,  les  ER.  PP.  Vin- 
cent et  Philippe. 

Cette  belle  journée  les  dédommagea  des  difficultés 
et  des  déboires  qui  avaient  assailli  leur  pénible  minis- 
tère. Ils  entrevoyaient  maintenant  des  résultats  \^ 
pleins  d'espérance,  et  ils  pouvaient,  tout  en  faisant 
monter  leur  reconnaissance  vers  le  Ciel  pour  le  bien 
déjà  réalisé,  regarder  l'avenir  avec  plus  de  confiance. 
L'événement  leur  apportait  l'espoir  que  le  Seigneur 
accomplirait  la  promesse  qu'il  fit  à  Salomon  après  la 
dédicace  solennelle  du  Temple  :  "  Mes  yeux  resteront 
ouverts  et  mes  oreilles  attentives  à  la  voix  de  ceux 
qui  prieront  dans  ce  lieu;  car  je  l'ai  choisi  et  je  l'ai 
sanctifié,  pour  que  mon  nom  y  soit  loué  éternelle- 
ment, et  que  mes  yeux  et  mon  cœur  y  demeurent  à 
jamais  tous  les  jours  !  « 


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.J  CHAPITRE  CINQUIEME.  Ç 

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§  I.  —  L'église  de  Saint-François  d'Assise. 


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E  jour   de   F  Assomption,    en    l'année    1894, 
t->.=^^i  Mgr  Godefroid  Pelckmans  eut  la  consolation 


de  bénir, à  Dalhousie.la  première  chapelle  catholique 
bâtie  sur  les  hauts  sommets  de  cette  partie  des 
Himalayas  confiée,  le  25  Novembre  1888, au  zèle  des 
Capucins  de  la  Province  Belge.  Il  en  avait  jeté  les 
fondements  en  1889,  alors  qu'il  exerçait  les  fonctions 
d'aumônier  auprès  des  troupes  anglaises  cantonnées 
en  cette  région.  Cet  événement  marquera  dans  les 
annales  de  notre  Mission:  car,  bien  que  cette  église 
n'ait  à  l'heure  présente  d'autre  usage  que  de  pour- 
voir aux  besoins  religieux  des  Européens  résidant 
dans  cette  station  pendant  la  saison  chaude,  elle 
est  appelée  à  devenir  un  centre  d'où  nous  espérons 
faire  rayonner  sur  la  contrée  environnante  l'action 
salutaire  de  notre  Ste  Pieligion. 

Quelques  détails  au  courant  de  la  plume  sur  ce 
coin  pittoresque  du  diocèse.  C'est  sur  une  des  chaînes 
secondaires  des  Himalayas,  voisine  des  pics  neigeux, 
que  s'élèvent  les  trois  sommets  distincts  qui  forment 
la  station  de  Dalhousie.  Bakhrota,  le  plus  considé- 
rable des  trois,  est  à  une  altitude  de  2.512  mètres  ; 


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104  DIX    ANNÉES    d'apostolat 

Terah  occupe  le  centre,  à  2.241  mètres  ;  et  Potreyn 
sur  lequel  sont  construites  notre  chapelle  et  la  rési- 
dence des  Pères,  clôt  les  limites  de  cette  magnifique 
station,  une  des  plus  saines  des  Himalayas.  Les 
Ano-lais  ont  fait  de  ce  lieu,  encore  snuvao-e  il  v  a  une 
cinquantaine  d'années,  un  séjour  vraiment  enphaii-  ' 
teur. 

Rien  ne  saurait  rendre  le  splendide  spectacle 
dont  on  jouit  quand,  le  matin  d'un  jour  d'automne, 
on  contemple  d'un  sommet  voisin,  les  trois  cimes  qui 
se  dét  ichent  sur  le  fond  bleu  et  ensoleillé  du  ciel  de 
l'Inde  avec  leurs  Hancs  boisés  d'où  émerofent  les 
gaies  et  gracieuses  habitations  des  Euroj)éen8.  Le 
Gouvernement,  au  prix  de  dépenses  énormes,  y 
'^y  entretient  tout  un  établissement  militaire, où. pendant  y? 
les  chaleurs  de  l'été, sont  envoyés  les  soldats  malades 
ou  débiles.  Toutefois,  ceux  qui  par  devoir  ou  par 
nécessité  habitent  cette  région  toute  l'année,  ont 
à  souffrir  des  rigueurs  des  hivers.  C'est  ainsi  qu'en 
1892.  la  station  fut  littéralement  bloquée  sous  les 
neiges,  qui,  en  certains  endroits,  atteignaient  30  à 
35  pieds  de  hauteur. 

Les  bâtiments  de  l'hôpital,  du  dépôt  et  des  bureaux 
de  l'administration  de  la  garnison  s'échelonnent  le 
long  des  pentes  que  couronnent  les  hauteurs  de 
Dalhousie.  En  1873,  le  chapelain  se  construisit  à  ses 
propres  frais,  sur  une  petite  éminence  faisant  face  à 
l'hôpital,  une  modeste  demeure,  espérant  qu'un  jour 
ses  moyens  pécuniaires  et  l'intervention  généreuse 
du  (îouvernement  lui  permettraient  d'ériger  une 
chapelle  pour  y  abriter  Notre  Seigneur.  Ses  désirs  ne 

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i  AU    PUNDJAB  105 

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se  sont  point  réalisés. et  la  petite  maison  de  Balune  a  j 
servi  jusqu'en  1899,  époque  où  elle  fut  vendue,  tout  | 
à  la  fois  de  chapelle  pour  les  troupes  et  de  résidence  ; 
pour  le  prêtre. 

Lorsqu'en  1889.  la  Province   Pîelge  des  Capucins 
envoya  au  Pundjab  une  caravane  de  jeunes  mission- 
naires,  Mgr  Sympliorien  Mouard  crut  bon  de  les      , 
placer  dans  la  station  la  plus  saine  et  la  moins  chaude      ! 
de  la  mission.  Là.  ces  élèves,  pourraient,  avec   plus      j 
de  liberté  et  de  facilité  continuer  leurs  études  théolo-      i 
giques  ;  en  même  temps,  ils  s'initieraient  à  la  connais- 
sance de   l'anglais    et    s'acclimateraient    dans  leur 
seconde  patrie.  La  petite  maison  de  P)alune  leur  fut 
assignée.  Se  serrant  un  peu,  tirant  parti  de  tous  les 
coins  de  l'étroite  résidence,  nos  jeunes  apôtres  s'esti- 
maient tout  de  même  heureux  de   goûter  les  dou- 
ceurs de  la  pauvreté  séraphique.  Bientôt  le  Seigneur 
leur  ménagea,  en  ces  commencements  assez  difficiles. 
une  surprise  providentielle.  Un  catholique,  >L  Berril  1 . 
ancien  officier  de  police,  vint  leur  offrir  généreuse-      I 
ment  ses  services.  Avec  un  désintéressement  parfait.       ' 
il  s'improvisa  leur  professeur  d'anglais.  Ses  leçons  de 
I      lecture,  d'orthographe  et  de  grammaire,  sa  conver- 
!      sation  agréable  et  son  commerce  facile  leur  apla- 
nirent  les   aspérités  de  la  langue,   et  hâtèrent    le 
i       moment  où  ils  i)Ourraient  utilement  se  dévouer  à  la 
mission.  Cependant  l'exiguïté  du  local,  aussi  bien  que 
Téloignement  très  considérable  du  centre  de  la  station 
;      civile  de  Dalhousie,  préoccupait  Mgr  Mouard,   et  il 
;       attendait  l'occasion  de  louer  ou  d'acheter  une  maison 
I       plus   rapprochée.    L'aumônier  avait    d'ailleurs  seul      , 

7i  #5         ' te; 


5. 


S^ 

106  DIX     ANNÉES  d'apostolat 

rautorisation  de  résider  dans  les  limites  de  la  zone 
des  casernes;  et  d'un  jour  à  l'autre,  le  Gouvernement 
pouvait  lui  susciter  des  difficultés.  D'autre  part,  il 
était  urgent  pour  le  bien  des  catholiques  qui  n'appar- 
tenaient pas  au  cantonnement  militaire,  de  leur  offrir 
plus  de  facilité  pour  remplir  leurs  devoirs  religieux. 
Il  advint  qu^une  des  maisons  les  mieux  situées  fut 
mise  en  vente;  et,  au  mois  de  Décembre  1890,  grâce 
aux  aumônes  de  nos  amis  de  Belgique,  nous  étions  à 
même  de  l'acheter.  Mgr  Godefroid  Pelckmans,  exer- 
çant alors  les  fonctions  de  directeur  du  petit  sémi- 
naire, de  professeur  de  théologie  et  de  chapelain, 
indiqua  la  place  où  devait  s'élever  la  future  chapelle, 
et  la  pioche  fit  sauter  aussitôt  les  premières  pierres 
destinées  aux  fondements  de  l'édifice.  Travail  ardu, 
s'il  en  fut,  inexpérimentés  que  nous  étions  dans  ce 
pays;  travail  enrayé  de  toute  façon,  notamment  par 
l'opposition  sourde  des  francs-maçons  de  la  Municipa- 
lité, la  mauvaise  foi  des  entrepreneurs,  et  par  les 
surprises  réservées  à  quiconque  veut  asseoir  un  tel 
bâtiment  sur  le  flanc  d'une  montagne.  M.  Berrill, 
avec  l'intelligente  collaboration  de  M.  Cameron, 
protestant,  ingénieur  au  service  civil,  prit  la  direc- 
tion de  l'entreprise  que  le  T.  R.  P.  Edouard, 
actaellement  Supérieur  Régulier  et  successeur  de 
Mgr  Godefroid, put  mener  à  bonne  fin  après  trois  ans 
et  demi.  De  l'avis  de  tous,  cette  petite  église,  con- 
struite en  style  gothique  d'un  très  bon  goût,  est  la 
perle  de  notre  mission. 
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AU    PUNTKJAB  107        I 

§  II.  —  Le  Couvent  et   le   Pensionnat  du 
Sacré-Cœur  de  Jésus. 

Le  complément  nécessaire  de  toute  paroisse  bien  ' 
organisée  est  et  restera  toujours  Técole.  L'école  et 
l'église  s'appellent  mutuellement  et  se  complètent. 
C'est  à  l'école  sous  l'autorité  de  la  discipline,  que 
se  forme  le  caractère  moral  et  chrétien  des  enfants, 
qui  feront  plus  tard  honneur  à  la  religion  dont 
ils  reçoivent  les  divins  enseignements.  A  cette  épo- 
que surtout,  où  l'éducation  domestique  aux  Indes 
est  entachée  de  l'indifférence  la  plus  déplorable  sous 
le  rapport  religieux,  la  nécessité  d'ouvrir  des  asiles 
à  la  jeunesse  s'impose  impérieusement  à  la  conscience 
de  ceux  que  Dieu  a  choisis  pour  être  les  guides  et  les 
sauveurs  de  son  peuple.  En  pays  de  mission,  les  J: 
jeunes  âmes  sont  à  la  merci  de  toutes  sortes  de 
doctrines  et  des  exemples  les  plus  pernicieux,  si  elles 
ne  sont  arrachées  de  bonne  heure  au  foyer  de  la 
famille,  qui  est  trop  souvent  une  source  de  perver- 
sion par  la  divergence  lamentable  des  convictions 
religieuses  du  père  et  de  la  mère.  Déplus,  les  insti- 
tutions philanthropiques  des  protestants  ou  de  la 
franc-maçonnerie,  excitant  bien  souvent  l'avarice  des 
parents  par  l'appât  d'une  éducation  à  bon  marché, 
ont  avili  les  mœurs  et  perdu  plus  d'un  enfant  catho- 
lique. Mgr  se  rendit  parfaitement  compte  de  cette 
situation,  et  conçut  le  projet  d'établir  au  moins  un 
pensionnat  dirigé  par  les  religieuses  et  destiné  à 
l'éducation  des  nombreuses  jeunes  filles  résidant  en 
été  dans  cette  station  sanitaire. 


1^ 


^ 


108  DIX    ANNÉES    d'apostolat 

La  coutume  de  se  transporter  sur  les  montagnes 

pendant  les  mois  de  la  saison  chaude,  a  pris  depuis 

quelques  années  une  extension  extraordinaire,  ce  qui 

i      fait  qu'une  partie   notable    de   la  société    anglaise 

•      déserte  les  plaines,  amenant  eu  conséquence  un  fort 

;      contingent  d'enfants  auxquels  nous  ne  pouvions  ott'rir 

î      d'asile.  Dalliousie  n'était  pas  toutefois   absolument 

dépourvu  d'établissement  scolaire  à  l'époque  où  Mgr 

I      projetait  l'érection  d'un  couvent  et  d'un  pensionnat. 

j      Les    ministres    protestants,    disposant    de    grosses 

!      sommes  d'argent  fournies  par  les  sociétés  évangé- 

j      liques,  avaient,  depuis  plusieurs  années  déjà,  ouvert 

I      une  école  dans  la  loge  môme  des  francs-maçons. Forts 

de  leur  position,  ils  exerçaient  une  sorte  de  contrainte 

I      morale  sur  les  parents  catholiques  qui  se  trouvaient 

(C:      dans  l'alternative  de  leur  livrer  leurs  enfants,  ou  de 

les  voir  privés  de  l'instruction  nécessaire.  D'un  autre 

côté,  le  diocèse  ne  possédant  aucune  institution  de  ce 

genre  sur  les  montagnes,  les  enfants   éduqiiés  dans 

nos  instituts   des  plaines,  et  auxquels   les  parents 

désiraient  procurer  un  climat  plus    doux,    étaient 

envoyés  dans  d'autres  diocèses  mieux  favorisés  que  le 

nôtre.  Pour  cjnibler  cette  lacune,  mais  par-dessus 

tout  pour  sauvegarder  l'avenir  religieux   de  tant  de 

jeunes  âmes,  Sa  (rrandeur  saisit  la  première  occasion 

qui  s'oftVit  pour  acheter  un  terrain  où  l'on  })ût.  avec 

le  temps,  bâtir  un  couvent  et  un  pensionnat. En  1^97. 

le  llaja  de  Cachemire  mit  en  vente  à  Dalhousie  une 

de  ses  villas,  située  à   cin([  minutes  de  distance  de 

l'église  de  St-François.  C'était  vraiment  providentiel: 

et  Mgr  n'hésita  pas.  Il  écrivit  au  T.  K.  P.  Procureur 

^ . ^ 


s 


i^ 

AU    PUKDJAB  109 

de  la  Mission  belge  et  fit  un  appel  ardent  à  la  généro- 
sité des  bienfaiteurs  de  Belgique,  mais  les  sommes 
recueillies  se  trouvèrent  insuffisantes  pour  couvrir 
l'achat.  Comme  TafFaire  était  de  nature  telle  qu'elle 
ns  souffrait  aucun  retard  et  que,  d'ailleurs,  la  Provi- 
dence semblait  si  visiblement  seconder  ses  vues, 
Mgr  fit  un  emprunt  et  dota  la  mission  d'une  belle 
propriété,  voisine  des  bâtiments  d'Alverna. 

n  chargea  le  T.  R.  P.  Edouard,  son  Vicaire  Géné- 
ral, de  raser  la  maison  qui  d'ailleurs  n'était  bâtie  que 
sur  des  soliveaux  pourris  et  msnaçait  ruine,  et  d'en 
construire  une  assez  vaste  pour  pouvoir  y  installer 
une  institution  religieuse.  Au  prix  des  sacrifices 
pécuniaires  les  plus  considérables,  le  couvent  fut 
achevé  en  l'année  1898  et  dédié  solennellement  au 
S.  Cœur  de  Jésus.  Sans  délai,  quatre  soeurs  de  la 
Congrégation  de  Jésus  et  de  Marie  de  Lyon,  y  furent 
envoyées;  les  prospectus  furent  lancés  et  le  pension- 
nat ouvert  incontinent.  L'effet  fut  désastreux  pour 
l'école  protestante.  La  sympathie  que  le  public 
accorda  aussitôt  à  la  nouvelle  institution,  prouva  une 
fois  de  plus  la  confiance  que  les  parents,  même 
appartenant  à  des  confessions  dissidentes,  ont 
toujours  placée  dans  l'éducation  donnée  par  nos 
saintes  et  dévouées  coopératrices,  les  religieuses. 
Cette  bienveillance  paya  en  grande  partie  les  sacri- 
fices accomplis.  Parsis  et  protestants  retirèrent  peu 
à  peu  leurs  enfants  de  l'école  patronnée  par  la  franç- 
maçonnerie,  et.  malgré  les  tentatives  désespérées  des 
ministres  évangéliques  pour  sauver  les  derniers 
vestiges  de  prospérité  de  leur  œuvre  scolaire. naguère 

^ 


110  DIX    ANNÉES    d'apostolat 

I 

encore  si  opulente,  elle  mourut  de  sa  belle  mort  et 
ne  se  relèvera  pas  de  sitôt.  C'est  que  l'argent  (et  ce 

I  nerf  de  la  guerre  ne  manque  jamais  aux  sociétés 
évangéliques)  n'est  pas  le  seul  ressort  vital  de  ces 
genres  d'institutions,  qui  requièrent  par  dessus  tout 
une  vie  de  dévouement  et  de  sacrifice. 

Et  les  parents  sont,  au  demeurant,  malgré  leurs 
préjugés    religieux,    bons   juges  en  cette  matière, 

i  désirant  surtout  que  leurs  filles  soient  élevées  mora- 
lement. Le  couvent  du  Sacré-Cœur  resta  donc  seul 
maître  de  la  place.  Naturellement,  comme  la  société 
qui  fréquente  eu  été   cette  station   se  compose  en 

t  grande  partie  de  protestants,  il  en  résulta  que  la  majo- 
rité des  enfants  admises  au  pensionnat  était  protes- 
tante. Toutefois  cet  état  de  choses  ne  contrarie  ni  la  ^ 
discipline  religieuse  de  l'établissement,  ni  l'action 
bienfaisante  que  les  religieuses  désirent  exercer  sur 
les  enfants  catholiques.  Car,  outre  que  les  chances  de 
conversion  sont  décuplées  parmi  ces  âmes  tendres 
en  qui  l'erreur  et  les  préjugés  de  religion  n'ont  pas 
encore  poussé  de  racines  profondes,  aucun  des  exer- 

!  cices  de  piété  n'est  omis  sous  prétexte  de  ne  pas 
froisser  les  susceptibilités  religieuses  ;  côte  à  côte 
avec  leurs  compagnes  catlio]i(|ues,  les  petites  pro- 
testantes assistent  à  la  Ste, Messe  le  matin,  à  la  récita- 
tion du  rosaire  le  soir,  et  d'une  même  voix,  sinon 
d'un  même  cœur,  récitent  ensemble  les  prières 
.  ;       catholiques.  Le  bien  que  de  telles  fondations  peuvent 

I      réaliser  est  incalculable.   Sans  ces  asiles  où  les  con- 

I       naissances  nécessaires    aux  jeunes   filles  leur  sont 

I       distribuées  avec  l'enseignement  religieux,  et  où  les 


AU    PUNDJAB  111 

c:erme^  de  vertu  sont  cultivés  et  les  racines  vicieuses      > 
°    .  .  .1 

extirpées  par  la  douce  et  incomparable  sollicitude  de      ! 

ces  mères  spirituelles,  que  deviendraient  ces  enfants, 
dans  un  pays  où  Satan,  il  faut  bien  le  redire, excerce 
encore  sa  suprématie  sur  la  majeure  partie  des  âmes? 
Chrétiens  généreux  qui  lirez  ces  lignes,  n'oubliez 
pas  les  sacrifices  que  l'érection  de  ce  couvent  a  coûtés 
à   Sa   Grandeur   et   à    son    digne    coopérateur,    le 
T.  R.  P.  Edouard,  Supérieur  Régulier.  Sil  existe  et 
produit  déjà  des  résultats  consolants,  il  est  cependant      i 
loin   de  répondre  à  Tidéal  rêvé  par  Mgr,  et  reste      i 
encore  dépourvu  de  bien  des  choses  désirables  pour 
en  faire  un  pensionnat  modèle.  Vous  avez  devant 
vous  un  objet  digne  d'intéresser  à  la  fois, et  votre  zèle, 
et  votre  charité.  C'est  surtout,  retenez -le  bien,   par       ['^ 
les  écoles  que  les  âmes  sont  sauvées,   régénérées, 
christianisées  dans  tous  les  pays,  mais  avec  bien  plus 
de  vérité  encore  dans  les  pays  de  mission.  Et  tandis 
qu'ici  les   influences  perverses  du  paganisme  et  de 
l'hérésie  se  sont  infiltrées    dans    tous   les   rapports      : 
sociaux  et  ont  envahi  jusqu'au   foyer  domestique,      ; 
seule  l'école  catholique  se  dresse  comme  une  forte-      ' 
resse  sous  les  remparts  de  laquelle  les  âmes  trouvent      ' 
une  protection  efficace  contre  le  flot  noir  et  impur  du      i 
mensonge  et  de  l'impiété.   Partout  où  elle  s'élève,      i 
l'école  est  un  phare  lumineux  et  un  refuge  pour  la 
vertu.  Mettez-nous  à  même  d'agrandir  cette  institu- 
tion salutaire,  et  soutanez  d'une  main  généreuse  cet 
asile  offert  non  seulement  à  la  jeunesse  catholique,      j 
mais  aussi  à  ceux   que  nous  voulons  arracher  aux      ' 

y^ 5?ç— ^ 


5/ 


:^ i^i 


112  DIX    ANNÉES    d'apostolat 


ombres  de  la  mort  et  éclairer  de  la  vraie  lumière. 
Vous  aurez  fait  une  œuvre  de  salut,  méritoire  })our 
la  vie  éternelle. 


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^  CHAPITRE  SIXIÈME. 


2     FEI^OZElï^OK/E     € 

L  n'est  peut-être  aucune  cité  dans  le  Pundjab 
I  sur  laquelle  il  existe  moins  de  documents 
historiques  que  Ferozepore,  encore  qu'elle  soit  consi- 
dérée comme  une  des  principales  villes  de  la  Province. 
Les  seuls  vestiges  d'antiquité  échappés  aux  injures 
du  temps,  sont  un  vieux  fort  que  l'on  dit  avoir  été 
:      bâti  par  Feroz-Shah,  empereur  de  Delhi  en  1387.  Il 
■•^/    est  à  présent  si  complètement  en  ruines  (j^ue  n'était 
un  monticule  couronné  d'un  mausolée  musulman, 
son  souvenir  serait  enseveli  dans  l'oubli.  Après  avoir 
été  successivement  occupé   par   différents   maîtres, 
I      Ferozepore  finit  par  tomber,  en  1833,  à  la  mort  de 
I      Sadarmi Tuchman  et  Lunnar  au  pouvoir  des  Anglais. 
I      Ces  derniers  toutefois  n'exercèrent  qu'une  souverai- 
j      neté  purement  nominale  jusqu'en  1837,  époque  oii  ils 
;j     en  prirent   formellement  possession.  Un  agent  poli- 
■     tique   représentant   les   intérêts   de    la    Compagnie 
Orientale  des  Indes,  fut  nommé  comme  chef  de  la 
place  avec  quelques  troupes  comme  escorte. 

Les  choses  en  restèrent  là  jusqu'au  moment  où 

éclata  la  guerre  du  Pundjab  en  1845.  Après  les  san- 

j     glantes  batailles  de  Moodhee,  Feroz-Shah,  Aliwal, 

livrées  contre  les  Sickhs,  mais  surtout  après  l'enga- 

!     gement  désespéré  de  Sobraou,  à  cinq  lieues  environ 


£ 


^ ^ ^ 

114  DIX    ANNÉES    d'apostolat 

de  Ferozepore.  où  l'armée  sickh  perdit  8000  hommes 
et  les  Anglais  laissèrent  2083  des  leurs,  les  vain- 
queurs passèrent  le  Lutley.la  nuit  même  delà  victoire, 
et  occupèrent  définitivement  Ferozepore.  L'histoire 
rapporte  que  ce  combat  eut  lieu  presque  au  même 
endroit  où  Alexandre-le-Grand  livra  une  de  ses  mé- 
morables batailles. 

Depuis  lors,  la  Cité  fut  occupée  par  un  cantonne- 
ment militaire  permanent,  et  un  vaste  arsenal  fut 
construit  pour  fournir  les  munitions  de  guerre  à 
toute  la  Province.  Inutile  de  dire  que  le  Gouverne- 
ment protestant  fit  bientôt  bâtir  une  superbe  église 
pour  le  service  des  troupes,  en  majeure  partie  ])ro- 
testantes,  et  que  les  catholiques  restèrent  abandon- 
nés à  leurs  propres  ressources.  \^ 

A  force  d'économies  et  de  sacrifices, le  Père  Michel- 
Ange  Jacopi  finit  par  recueillir  assez  d'argent  pour 
se  construire  une  petite  résidence  et  une  chapelle  des 
plus  modestes.  Ceci  se  passait  en  1852.  Les  choses 
marchèrent  lentement  et  sans  difficultés  sérieuses 
jusqu'à  l'explosion  de  la  révolte  des  Cipayes  en  1857. 
A  cette  date,  le  61*^  régiment  anglais  et  deux  régi- 
ments indigènes,  le  55^  et  le  45®,  étaient  cantonnés  à 
Ferozepore.  Les  officiers  anglais,  commandant  ces 
deux  derniers  régiments,  avaient  pleine  confiance 
dans  la  loyauté  de  leurs  subordonnés,  quand  le  14 
Mai,  la  nouvelle  arriva  à  Ferozepore  que  les  troupes 
indisrènes  s'étaient  révoltées  à  Meerut.  Ce  fut  comme 
une  traînée  de  poudre.  Sans  perdre  du  temps,  les 
Anglais  diriçfèrent  les  femmes  et  les  enfants  des 
Européens  résidant  dans  la  station    vers  l'arsenal, 

-À ■ ^ 


^^ 


^ 


X 


AU    PUNDJAIÎ  115 


afin  de  les  mettre  à  l'abri  des  attaques  des  rebelles. 
Ils  avaient  malheureusement  à  passer  par  le  camp 
du  45*^  régiment  d'infanterie  indigène  qui,  dans  un 
premier  moment  de  surprise,  ne  parut  pas  soupçon- 
ner le  but  de  ce  convoi  qu'on  introduisait  dans 
l'arsenal.  ]\lais  cette  hésitation  ne  fut  pas  de  longue 
durée  ;  et  dès  qu'il  eurent  la  certitude  que  les  victi- 
mes qu'ils  avaient  en  vue  leur  échappaient  derrière 
les  portes  de  fer, ils  tentèrent  d'escalader  les  remparts; 
ils  furent  heureusement  repoussés  par  les  assiégés. 
La  nuit  suivante,  le  cantonnement  européen  fut  le 
théâtre  de  la  plus  sauvage  dévastation. 

Les  troupes  mutinées  se  ruèrent  sur  la  place,  in- 
cendièrent  non  seulement  les  maisons  particulières, 
3^  mais  aussi  les  bâtiments  publics;  l'église  protestante  ^ 
et  la  pauvre  petite  chapelle  catholique,  fruit  de  tant 
de  privations, n'échappèrent  pas  à  leur  fureur.  Le  R. 
P.  Sébastien,  chapelain  militaire  d'alors  (il  vient  de 
mourir  à  Allahabad  plein  d'années  et  de  mérites),  fit 
des  efforts  suprêmes  pour  sauver  des  flammes,  et  sa 
chapelle,  et  le  St.  Sacrement.  Mais  si  soudaine  avait 
été  l'attaque  qu'il  vit  en  quelques  instants  son  enclos 
rempli  de  vrais  démons  à  face  humaine,  qui  mirent  le 
feu  à  la  maison, aux  remises,  à  l'église,  et  transformè- 
rent l'enceinte  en  un  brasier  immense 

Aidé  de  son  soldat  d'ordonnance  qui  devint  plus 
tard  religieux  sous  le  nom  de  frère  Denis,  il  tenta  à 
plusieurs  reprises  de  pénétrer  dans  la  chapelle  pour 
arracher  aux  flammes  le  St.  Sacrement,  mais  ce  fut  en 
vain;  ils  dui^ent  assister,  l'amertume  et  la  tristesse  dans 
l'âme,  à  cette  profanation  sacrilège,  et  voir  réduire 

^ ^ ^^ç— ^ 


V 


^ : 

lUi  DIX    ANNÉES    d'apostolat 


en  cendres  ce  qu'ils  avaient  de  plus  cher  au  monde. 
Comment  le  Père  Sébastien  échappa  à  la  furie  de  ces 
démoniaques,  cela  resta  un  fait  inexpliqué! 

Quand  la  tourmente  révolutionnaire  fut  apaisée  et 
que  la  confiance  mutuelle  se  rétablit  entre  maîtres  et 
subordonnés,  le  Père  Sébastien  se  mit  en  devoir  de 
relever  de  ses  ruines  le  temple  bâti  au  prix  de  tant 
de  sacrifices.  Tendant  la  main  à  toute  âme  de  bonne 
volonté,  il  quêta  sou  par  sou  l'argent  absolument 
nécessaire  pour  jeter  les  foniemeats  d'une  nouvelle 
chapelle.  Il  trouva  une  assistance  des  plus  efficaces 
dans  le  dévouement  des  soldats  irlandais,  qui  non 
contents  de  donner  leur  obole,  offrirent  spontanément 
^^  le  travail  de  leurs  mains  et  s'improvisèrent  qui  ma- 
é^  çons,  qui  charpentiers,  qui  hommes  de  peine  pour  ^C 
hâter  l'achèvement  d'un  édifice  que  leur  foi  réclamait 
si  ardemment.  Mais  cette  chapelle,  construite  avec 
plus  de  foi  que  d'art  architectural ,  était  condamnée 
à  être  rasée  en  1880  par  le  comité  des  ingénieurs  du 
Gouvernement,  chargé  du  service  des  bâtiments 
publics  réservés  à  l'armée.  En  place  et  lieu  de  cette 
chapelle  qui  menaçait  ruine,  les  autorités  militaires 
mirent  à  la  disposition  de  Taumônier  des  soldats 
catholiques,  tantôt  une  des  casernes,  tantôt  le  cabinet 
de  lecture  où  la  messe  était  dite  chaque  dimanche. 
Ce  triste  état  de  choses  dura  jusqu'à  la  fin  de 
l'année  1889.  Grâce  aux  démarches  et  aux  instances 
répétées  du  R.P.Medlycott  (actuellement  évêque)  au- 
près du  Gouvernement  anglais,  ce  dernier  sanctionna 
l'érection,  aux  frais  de  l'Etat,  de  la  magnifique 
église  dont  nous  donnons  ci-joint  la  photographie. 


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AU    PUNDJAB  117 

Elle  répond  complètement  aux  exigences  du  culte 
et  peut  facilement  contenir  800  personnes.  Sa  Gran- 
deur, Mgr.  Mouard,  eut  la  consolation  de  la  bénir 
solennellement  en  1890. 

Un  nouveau  pas  dans  l'embellissement  de  cet  édi- 
fice vient  d'être  accompli  par  Mgr  Pelckmans. 
Faisant  droit  à  des  pétitions  reitérées,  le  Gouverne- 
ment a  élevé  tout  autour  de  l'enclos  de  l'église  un 
mur  qui  en  rehausse  beaucoup  la  beauté.  De  plus, 
Sa  Grandeur  est  actuellement  occupée  à  bâtir  une 
résidence  pour  le  prêtre, et  Elle  espère  la  bénir  avant 
la  fin  de  Janvier  1900.  Le  terrain  offert  par  le  Gou- 
vernement touche  à  l'enclos  et  le  creusement  d'un 
puits  aux  frais  de  l'État  a  permis  de  commencer  im- 
médiatement la  construction  du  presbytère  qui  sera 
terminée  sous  peu. 


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fi  CHAPITRE  SEPTIÈME. 

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^  Le  Couvent  des  sœurs   de  Jésus 
^  et  de  Marie  à  Siaikot. 

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OMME  le  district  de  Siaikot  fut  choisi  dans  les      { 


desseins  miséricordieux  de  la  Providence 
pour  recevoir  les  premières  semences  de  la  bonne 
nouvelle,  il  ne  sera  pas  sans  intérêt  de  dire  un  mot  de 
cette  importante  cité,  et,  à  cette  occasion  de  rappor- 
ter un  fait  merveilleux  qui  se  passa  dans  l'enceinte 
du  couvent  des  sœurs  de  la  congrégation  de  Jésus  et 
de  Marie,  lors  de  la  fameuse  révolte  des  Cipajes.  .a 

Siaikot  était  la  capitale  de  la  contrée,  il  y  a  plus  de 
2000  ans.  Talii,  qui  fut  plus  tard  le  chef-lieu  de  tout 
le  haut  Pundjab,  à  l'époque  où  les  pèlerins  chinois 
visitaient  IHindoustan,  s'élevait  au  Sud,  dans  un 
pays  presque  désert  que  le  déplacement  du  cours 
de  la  Ravi  et  le  dessèchement  des  canaux  ont  con- 
damné à  la  stérilité.  Les  ruines  de  l'antique  cité  se 
voient  encore  près  du  village  d'Assasour,  au  N.  E.  de 
la, petite  colline  de  Sangal,  où  l'armée  d'Alexandre  le 
Grand  remporta  une  de  ses  victoires. 

Quelques  années  déjà  avant  l'annexion  du  Pund- 
jab parles  Anglais,  un  cantonnement  militaire  com- 
posé de  troupes  indigènes  et  de  troupes  anglaises 
avait  été  établi  pour  surveiller  plus  facilement  la 
frontière  et  la  capitale  des  Etats  de  Cachemire.  De 
cette  façon,  Siaikot  devint  peu  à  peu  une  des  villes 

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AT    rUNDJAB  119 

importantes  des  provinces  du  N.  0..  ce  qui  déter- 
mina Mgr  Jacopi  à  y  fonder  le  premier  couvent  de 
religieuses  pour  Téducation  des  filles  européennes  et 
eurasiennes.  Ses  projets  lurent  admirablement  secon- 
dés par  l'offre  généreuse  qu'une  famille  anglaise  lui 
fit  d'une  maison  avec  jardins  et  dépendances,  située 
à  une  distance  de  deux  milles  environ  de  la  résidence 
du  chapelain.  Quatre  religieuses  de  la  congrégation, 
de  Jésus  et  de  Marie,  envoyées  d'Agra,  prirent  pos- 
session de  la  donation,  qui,  par  sa  situation  solitaire, 
loin  des  bruits  du  cantonnement  et  de  la  cité  devint 
un  foyer  de  piété  non  moins  que  de  bonne  et  chré- 
tienne éducation. 

Dieu  semblait   l'avoir   placée  sous  sa  protection 
spéciale,  ainsi  que  le  prouve  un  événement  mémora-      ^r 
ble  qui  se  passa  plus  tard  pendant  lïnsurrection  des 
troupes  indigènes. 

C'était  en  1857.  A  ce  moment.  Tlnde  travaillée  par 
un  profond  ferment  de  rébellion  et  de  mécontente- 
ment contre  les  maîtres  à  couleur  blanche  qui 
l'avaient  subjuguée,  sembla  échapper  pour  toujours 
aux  Anglais  ;  leur  pouvoir  fut  sur  le  point  d'être 
englouti  dans  une  vaste  hécatombe  de  victimes 
européennes.  En  comparaison  avec  d'autres  provin- 
ces, le  Pundjab  ne  fut  point  le  théâtre  de  scènes 
aussi  sanglantes  et  aussi  cruelles  que  celles  qui  déso- 
lèrent les  villes  de  Meerut.  Delki.  Cawnpor,  Luck- 
now  et  Farukabad.  Grâce  à  la  prompte  et  énergique 
action  de  Sir  John  Laurence,  lieutenant-gouverneur 
de  la  Province,  le  sang  ne  coula  pas  en  si  grande 
abondance  et  bien  des  vies  furent  épargnées.  Toute- 

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120  DIX    ANNÉES    d'apostolat 

fois,  les  troupes  indigènes  de  cette  partie  de  l'Hin- 
doustan  manifestèrent  un  grand  esprit  d'insubordi- 
nation, et,  en  plusieurs  endroits  (1).  éclata  une 
révolte  ouverte. 

Le  2  Juillet  de  cette  année  néfaste,  à  deux  heures 
de  la  nuit,  religieuses  et  enfants  du  couvent  de  Sial- 
kot  furent  réveillées  en  sursaut  par  Tirruption  sou- 
^  daine  d'un  messager,  qui  les  pressa  de  fuir  à  Tinstant 
même  et  de  chercher,  dans  le  fort  européen,  un 
refuge  contre  une  troupe  de  révoltés  s'avançant  dans 
la  direction  de  la  maison.  La  Révérende  Mère  Gonza- 
gue  envoya  aussitôt  avis  au  R.  P.  Paul,  leur  direc- 
teur et  chapelain,  qui,  à  la  suite  des  rumeurs  som- 
bres qui  circulaient  depuis  quelque  temps,  avait 
^>  heureusement  fixé  son  domicile  dans  une  habitation  s^ 
I  voisine  du  Couvent.  Quelques  moments  après,  il  p 
était  au  milieu  de  ses  enfants  en  détresse.  Son  ! 
premier  soin  fut  de  i)lacer  les  v^ases  sacrés  en  lieu 
sûr,  se  réservait  le  ciboire  avec  les  saintes  espèces, 
qu'il  cacha  sur  sa  poitrine,  sous  ses  vêtements.  Entre- 
temps,  les  pensionnaires,  en  robes  de  nuit,  la  tête 
couverte  d'un  drap  de  lit  à  la  façon  des  femmes 
indigènes  pour  mieux  dissimuler  leur  nationalité, 
commençaient  à  opérer  leur  retraite,  courant  vers  les 
étables  pour  escalader  le  mur  d'enceinte.  Mais  leur 
sortie  fut  brusquement  arrêtée  par  l'irruption  tumul- 
tueuse d'une  bande  de  rebelles  qui,  en  un  instant, 
cernèrent  toutes  les  issues  du  couvent.  D'un  ton  im- 
périeux, celui  qui  paraissait  être  le  chef,  réclama 


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!  AU    PUNDJAB  121 

qu'on  lui  livrât  à  l'instant  les  deux  réfugiés  qu'il 
disait  être  cachés  dans  l'établissement.  Par  ces  l'ugi- 
tifs,  il  entendait  Tadjudant-militaire  et  sa  femme 
qui  étaient  accourus  affolés  quelques  minutes  aupa- 
ravant auprès  des  religieuses,  suppliant  qu'on  les 
dérobât  à  la  poursuite  des  insurgés.  Avec  un  sang 
froid  et  une  présence  d'esprit  admirables,  la  Révé- 
rende Mère  avait  fait  placer  deux  bancs  de  l'école 
dans  une  des  remises  et  avait  prié  les  malheureux  de 
s'y  blottir  et  de  s  y  tenir  cachés  le  mieux  possible. 
Pour  toute  réponse,  le  Père  Paul  les  invita  à  fouiller 
la  maison  et  à  s'assurer  par  eux-mêmes  de  la 
présence  des  réfugiés  en  question. 

En  un  instant,  toutes  les  chambres  furent  assiégées 

■e,      et  mises  à  sac  par  ces  bêtes  humaines  altérées  de 

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^'      sang,  à  qui  Pinsurrection  permettait  d'assouvir  leurs 

passions  ignobles  et  sanguinaires.  Pendant  que  cette 
sinistre  besogne  s'accomplissait  ou, pour  mieux  dire, 
pendant  que  cette  chasse  à  l'homme  se  poursuivait, 
les  réfugiés  avaient  profité  du  court  intervalle 
pendant  lequel  les  insurgés  essayaient  de  terroriser 
les  religieuses  et  les  enfants,  pour  s'échapper  et  fuir 
vers  le  fort  ;  malheureusement  ils  ne  purent  l'attein- 
dre :  ils  furent  frappés  mortellement  par  les  balles 
révolutionnaires,  dans  leur  course  à  travers  les  cam- 
pagnes. Cependant  l'heure  devenait  de  plus  en  plus 
critique  et  le  Père  Paul  mesurant  d'un  coup  d'œil 
toute  la  gravité  de  la  situation,  fit  agenouiller  les 

;  Sœurs  et  les  enfants  dans  le  salon  où  ils  étaient 
réunis.  Privé  de  tout  secours  humain,  dans  un  acte 

I       de  résignation    sublime  aux  volontés  de  Celui  qu'il 

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122  BIX    ANNÉES    d'apostolat 

portait  sur  sa  poitrine,  il  s'abandonna,  lui  et  les  siens 
à  la  garde  de  son  Dieu;  il  récita  à  haute  voix  un 
acte  suprênie  de  contrition  que  tous  répétèrent  avec 
lui,  puis  se  relevant,  il  leur  donna  une  dernière  ab- 
solution. 

Cette  scène  touchante  à  peine  terminée. les  soldats, 
trompés  dans  leur  attente,  rentrent  furieux  au  salon 
et  somment  la  Révérende  Mère  de  leur  donner  tout 
l'argent  qu'elle  possède.  Très  prévoyante,  elle  venait 

î       de  distribuer   entre   les  relisj-ieuses   et  les  Qrrandes 

I  pensionnaires  toutes  les  ressources  pécuniaires  dont 
elle  disposait,  leur  disant  de  les  cacher  adroitement 

i       dans  leurs  chaussures.  Pour  toute  réponse,  la  Supé- 
rieure se  contente  de  leur  passer  les  clés,  les  laissant 
^       libres  de  fouiller  toutes  les  armoires.  Et  poussés  pas     àa 

,  leur  cupidité,  ils  se  répandent  de  nouveau  dans  la 
maison  à  la  recherche  de  trésors  qui  pourront,  cette 
fois,  les  dédommager  de  leur  désappointement.  Mais 
trois  d'entr'eux  étaient  restés  avec  les  prisonniers. 
Se  voyant  seuls,  ils  viennent  se  poser  effrontément 
devant  la  Mère  et  exigent  avec  menaces  qu'elle  leur 
abandonne  une  des  grandes  pensionnaires  qu'ils 
désignent  de  leur  sabre. 

La  Mère  Gonzague  refuse    catégoriquement,    et 

:  s'attend  à  ce  qu'elle  croit  être  la  fin  de  ce  drame, 
c'est-à-dire  à  la  dernière  immolation  d'elle-même 
pour  sauver  celles  qui  lui  avaient  été  confiées.  Déjà, 
le  canon  d'un  fusil  est  braqué  sur  elle  et  l'épée  d'un 

j      autre  soldat  levée  pour  la  frap|)er quand  Dieu, par  une 

'  intervention  surnaturelle,  sauva  ceux  qui  n'avaient 
point  espéré  en  vain  dans  sa  protection.  Le  chef  de 

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j  AU    PUNDJAB  1  23 

{  la  bande  reparaît  dans  la  salle  et  fixant  lés  yeux  sur 
i  le  Père  Paul,  il  lui  demande  d'un  ton  arros^ant  ce 
I  qu'il  tient  si  soigneusemeut  caché  sous  ses  vêtements. 
-C'est  mon  Dieu»  répond  gravement  le  saint  mission- 
naire —  Ton  Dieu  !  reprend  d'un  ton  sarcastique  le 
bandit,  je  serais  curieux  de  le  voir  «.  Le  Père 
n'hésite  pas.  Avec  un  profond  respect  et  une  foi 
ardente  dans  la  réelle  présence  de  Celui  qui  protège 
les  faibles,  il  découvre  sa  poitrine,  prend  la  sainte 
piocide  et  la  présente  aux  regards  cupides  de  l'infi- 
dèle. Se  penchant  pour  considérer  ce  que  pouvait 
contenir  le  vase  dor,  le  malheureux  recule  frappé 
d'une  terreur  subite  et  inexplicable,  et  à  l'instant 
même,  il  donne  Tordre*  de  battre  en  retraite. 
Qu'avait-il  vu  dans  ce  coup  d'œil  rapide  et  insultant  ,  '; 
sur  le  plus  sacré  de  nos  mystères?  C'est  le  secret  de 
Dieu,  et  nul  n'a  jamais  pu  l'éclaircir.Mais  ses  entants 
étaient  sauvés.  | 

En  quelques  minutes,  les  révoltés  s'enfuirent,  les 
uns  sur  leurs  montures  et  les  autres  à  toutes  jambes, 
de  ce  lieu  que  Dieu  protégeait  si  visiblement.  Le 
premier  moment  de  surprise  passé,  l'on  s'organisa 
pour  le  départ.  Religieuses  et  entants  descendirent 
par  ime  fenêtre  donnant  sur  la  campagne,  aidés  par 
deux  fidèles  serviteurs  chargés  de  veiller  sur  les  plus  : 
petites,  pensionnaires  que  la  terreur  avait  comme 
paralysées,  ce  (][ui  rendit  la  fuite  plus  lente  et- partant 
plus  périlleuse.  Clouées  au  sol  par  la  peur,  les 
pauvres  enfants  refusaient  d'avancer  et  les  sœurs  se 
virent  contraintes  de  les  emporter  dans  leurs  bras. 
Dieu  vint  encore  à  leur  aide  dans  la  personne  d'un 


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124  DIX    ANNÉES    D'ArOSTOLAT 

officier  indigène  qui  non  seulement  leur  indiqua  la 
voie  la  plus  sûre  pour  atteindre  le  fort,  mais  les 
aida  à  transporter  le  précieux  fardeau  dont  elles 
étaient  chargées. 

Après  une  marche  pénible  et  angoissante,  la  petite 
■  troupe  pénétra  enfin  dans  l'enceinte  du  fort.  Quel- 
J  ques  jours  après,  entourée  d'une  escorte  de  soldats 
européens,  elle  fut  dirigée  sur  des  chariots  à 
bœufs  vers  le  fort  de  Lahore,  où  elle  resta  sous  la 
garde  des  troupes  anglaises  qui  commandaient  la 
place. 

Le  calme  étant  rétabli  dans  la  contrée,  les  reli- 
gieuses et  leurs  élèves  reprirent  le  chemin  de  Sialkot 
et  rentrèrent  dans  cette  maison  qui  leur  était  deve- 
^  nue  si  chère  par  la  })rotection  miraculeuse  qu'elles 
^        avaient  reçue  du  Dieu  de  l'Eucharistie. 

Comme  les  vieux  bâtiments  du  couvent  menaçaient 
ruine,  l'on  fut  obligé,  dans  ces  dernières  aimées,  de 
les  renouveler  presque  entièrement. Des  annexes  con- 
sidérables nécessitées  par  le  nombre  toujours  crois- 
sant des  pensionnaires,  en  changèrent  l'aspect  pri- 
mitif. L'institution  n"a  cessé  de  donner  les  plus 
consolants  résultats,  tant  par  les  succès  que  rempor- 
tent les  enfants  aux  examens  publics  que  par  le 
grand  nombre  d'âmes  qui  trouvent  dans  cette  douce 
solitude  tout  embaumée  de  piété,  les  unes  la  vraie 
lumière  de  la  foi,  les  autres  la  grâce  de  tout  aban- 
donner pour  se  consacrer  au  service  de  Dieu,  toutes 
enfin  une  éducation  solide  et  chrétienne  pour  affron- 
I  ter  courageusement  les  dangers  de  la  vie  au  sein 
d'une  contrée  encore  infidèle  et  hérétique. 


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CHAPITRE  HUITIEME 


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Le  Couvent  des  Sœurs  de  la  Charité  et  le  Pensionnat 
de  Ste-Marie. 


ooLTAN,  la  princiimle  ville  du  sud  du  Puiidjab. 
est  située  à  quatre  milles  anglais  de  la  rive 
gauche  de  la  Chenab,  sur  la  grande  ligne  du  chemin 
de  fer  qui  relie  Karachi  à  Peshawar.  202  milles  la 
séparent  de  Lahore.  11  a  été  reconnu  que  Mooltan  fut 
l'ancienne  ville  du  ^lalli,  conquise  par  x\lexandre-le- 
Grand,  lors  de  sa  mémorable  invasion  du  Pundjab, 
Tan  327  avant  J.-C.  Elle  tomba  au  pouvoir  des 
Arabes  au  Vll"^  siècle,  et  l'empereur  Akbar  s'en  em- 
para au  XVP  siècle. Ranjit  Sing,Raja  de  Lal^ore,  l'ar- 
racha aux  mains  des  Afghans  et  se  la  rendit  tribu- 
taire. Ce  fut  pendant  la  guerre  des  Anglais  contre  les 
Sickhs  (1848-49),  qu'elle  fut  bombardée  et  prise  d'as- 
saut par  le  général  AVish  (Janv.  1849)  qui  rasa  la 
citadelle.  Cette  guerre  amena  la  complète  annexion  du 
Pundjab  à  l'empire  des  Indes. 

Actuellement  un  brio-adier-général  commande  la 
place  occupée  par  un  régiment  d'infanterie,  une  bat- 
terie d'artillerie  européenne  et  deux  régiments 
indigènes,  l'un  de  cavalerie,  l'autre  d'infanterie. 

Le   district    de    Mooltan   a    une    population    de 


126  DIX    ANNÉES    d'apostolat 

631,434  habitants,  qui  se  répartit  comme  suit  sur 
une  superficie  de  5919  milles  carrés  :  122,  714  Hin- 
dous, 503,963  Maliométans,  2832  Sickhs,  24  Jains, 
9  Parsees,  1543  Protestants  et  350  Catholiques.  La 
ville  de  ^looltan  compte  74,562  âmes  dont  10,297 
résident  dans  le  cantonnement, 
i  II  y  a  une  église  protestante  et  un  cimetière  pour 

les  Européens  ;  une  partie  est  réservée  aux  Catho- 
liques. Depuis  1859,  un  prêtre  a  toujours  résidé  dans 
la  station  et  pourvoit  aux  besoins  religieux  des 
soldats  et  autres  catholiques  que  leurs  relations  avec 
la  Société  du  chemindefer,ouleurs  affaires, retiennent 
dans  cette  localité. 

Le  R.  P.  Félix,  capucin  de  la  province  de  Venise, 
^  j  séjourna  pendant  19  années  consécutives  et  bâtit  le  \^ 
presbytère  et  Téglise  actuels,  à  force  de  privations 
personnelles  et  d"aumônes  recueillies  par  des  quêtes 
continuelles.  Grâce  au  zèle  du  R.  P.  Antoine,  chape- 
lain depuis  1895,  l'église  a  reçu  dernièrement  des 
embellissements  notables  par  le  placement  de  trois 
nouveaux  autels  en  bois  précieux,  artistement  sculp- 
tés. Les  magnifiques  statues  du  Sacré-Cœur  de  Jésus, 
de  la  Ste-Vierge,  de  St- Joseph,  et  le  Crucifix  monu- 
mental dominant  le  maître-autel,  récemment  importé 
d'Europe,  ont  donné  à  l'église  un  cachet  de  beauté 
religieuse  qui  ne  contribue  pas  peu  à  exciter  la  piété 
Ht  la  dévotion. 

Une  école  d'enseignement  primaire  et  moyen  pour 

■     les   enfants    catholiques    a   prospéré    pendant    dix 

'     années,  nonobstant    les    ennuis    causés   par    l'école 

protestante  rivale.  Eu  égard  à  l'importance  de  la 


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AU    PUNDJAB  127 

station  du  chemin  de  fer  et  au  grand  nombre  de 
familles  des  employés  au  service  de  la  Compagnie  du 
Nord-Ouest,  les  supérieurs  de  la  Mission  avaient 
songé  depuis  longtemps  à  y  fonder  un  couvent  de 
relioj'ieuses  destiné  à  Féducation  des  filles.  Les  res- 
sources  trop  modiques  et  le  manque  de  personnel 
avaient  toujours  retardé  l'exécution  de  ce  projet;  Sa 
Grandeur  Mgr  Pelckmans,  fut  assez  heureuse  de 
pourvoir  le  réaliser  en  1899.  Sa  Grandeur  avait  eu 
d'autant  plus  ce  projet  à  cœur,  qu'ayant  été  le  pasteur 
de  cette  paroisse  avant  son  élévation  à  l'épiscopat, 
Elle  avait  pu  mieux  se  convaincre  de  son  importance 
capitale  pour  les  progrès  spirituels  de  cette  partie  de 
son  troupeau.  Le  bâtiment,  construit  en  briques 
rouges  solidement  cimentées,  s'étend  sur  une  lon- 
gueur de  123  pieds,  sa  largeur  étant  de  53  pieds  et 
sa  hauteur  de  23.  Les  pilliers  soutenant  les  30  arcades 
des  vérandahs  qui  l'entourent  de  trois  côtés,  et  le 
parapet  couronnant  la  terrasse,  lui  donnent  un 
aspect  imposant  et  tout  oriental  qui  s'harmonise  très 
bien  avec  les  bouquets  de  palmiers  se  dressant 
majestueusement  aux  alentours,  dans  la  chaude 
atmosphère  du  climat  indien.  Les  Sœurs  de  Cha- 
rité de  Gand  arrivèrent  au  mois  de  Janvier  de  la 
même  année  et  furent  aussitôt  installées.  Grâce  à 
leur  sollicitude  maternelle  et  à  leur  zèle  ardent 
pour  le  bien  des  âmes,  il  y  a  lieu  d'espérer  que 
les  élèves,  tant  internes  qu'externes,  qui  y  reçoivent 
une  éducation  soignée,  feront  un  jour  honneur  à 
leurs  dignes  maîtresses  et  à  la  Ste  Reliijrion  à  la- 
quelle  ils  appartiennent.  Au  couvent,  fut  annexée 

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128  DIX    ANNÉES    d'apostolat 

une  crèche  pour  les  enfants  trouvés  ou  privés  de 
parents;  à  la  fête  de  l'Ascension,  trois  de  ces  petits 
malheureux,  âgés  de  2  à  4  ans,  furent  remis  aux 
mains  de  ces  bonnes  sœurs  qui  les  adoptèrent  avec 
joie.  j 

Pensez  toutefois,  chers  Bienfaiteurs,  au  surcroît  | 
de  dépenses  imposé  par  Fentretien  de  ces  nourrissons  ; 
abandonnés;  et,  si  le  Ciel  vous  inspire  l'idée  gêné-  j 
reuse  de  placer  sur  la  tête  d'un  de  ces  petits  innocents  i 
un  modeste  revenu  annuel  pour  son  entretien  et 
son  éducation,  n'aurez- vous  pas  assuré  le  bonheur 
de  vos  âmes  en  sauvant  celle  d'un  de  vos  jeunes  j 
frères  de  ces  contrées  lointaines,  qui,  sans  vous,  se-  | 
rait  restée  la  proie  de  Satan?...  j 

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5/ 


CHAPITRE  NEUVIÈME 


La  Mission  de  DaIwaI 


AK  crainte  de  tomber  dans  des  redites  fasti- 
dieuses, nous  n'avons  pu  parler  des  stations 
d'Anvutsar,  de  Jullandur,  de  Mean  Meer,  de  Sia.l- 
kot,  qui, dans  ces  dernières  années,  ont  vu  leurs  cha- 
pelles pauvres  et  dénudées  s'enrichir  d'autels  en 
marbre  et  de  belles  statues  en  chromo,  se  consolider 
par  des  réparations  et  s'agrandir  dans  des  proportions 
assez  considérables,  sans  oublier  l'ameublement  et 
les  ustensiles  servant  au  culte  divin  qui, devenus  sur- 
annés, ont  été  remplacés  par  d'autres  plus  riches  et 
plus  décents. 

Sur  le  point  de  terminer  ce  rapport,  un  événe- 
ment est  venu  soudain  élargir  le  domaine  d'activité 
des  missionnaires  et  faire  luire  de  nouvelles  espéran- 
ces pour  la  prospérité  de  l'Eglise  Catholique  dans  le 
diocèse.  La  divine  Providence  avait  sans  doute  réservé 
cette  consolation  comme  récompense  des  efforts  et 
des  travaux  de  ces  dix  ans  d'apostolat,  traversés  par 
ta-nt  d'épreuves  et  marqués  de  tant  de  déceptions. 

Sans  nous  j  attendre  le  moins  du  monde,  une 
députation  d'un  gros  village  nommé  Dalwal  et  situé 
dans  le  district  de  Jhelum,  s'est  présentée  spontané- 
ment à  Lahore  au  mois  de  Juin  dernier.  Abdullah 
Khan,  Raja  honoraire  et  son  frère  Faizullah  Khan, 


'S 


À 


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. %i — ^ ___ — 

130  DIX    ANNÉES    d'apostolat 

tous  deux  chefs  de  l'endroit,  étaient  à  la  tête  de  la 
députation.  Ils  venaient,  au  nom  des  Mahométans  et 
des  Hindous  de  Dalwal,  supplier  Sa  Grandeur  de 
vouloir  envoyer  quelques  prêtres  pour  j  fonder  une 
école  d'enseignement  suj)érieur,  dont  ces  derniers 
auraient  toute  la  direction  :  ils  la  priaient  en  même 
temps  d'ouvrir  un  dispensaire  et  un  hôpital  pour  les 
malades,  laissant  toute  liberté  aux  Pères  de  prêcher 
la  religioti  chrétienne,  et  même  de  bâtir  une  église 
pour  ceux  qui  voudraient  embrasser  ce  Catholicisme. 
L'on  s'attendait  d'autant  moins  à  une  pareille  démar- 
che qu'il  n'y  avait  qu'une  année  à  peine  que  cette 
région  avait  été  annexée  par  la  Sacrée  Congrégation 
de  la  Propagande  au  diocèse  de  Lahore.  Des  ouver- 
tures avaient  été  faites  depuis  quelques  années  par  le 
Préfet  Apostolique  de  Cachemire  et  de  Kafiristan  à 
l'évêque  de  Lahore  pour  céder  au  diocèse  une  petite 
partie  de  son  territoire  évangélique,  situé  sur  la  rive 
o^auche  du  Jhelum.  Des  néofo dations  furent  ensuite 
entamées  avec  Rome,  mais  ce  ne  fut  qu'au  mois  de 
Mars  1898  qu'elles  se  terminèrent  par  la  cession  de 
cette  partie  du  district  de  Jhelum,  comprenant  la 
chaîne  de  montagnes  connue  sous  le  nom  de  Sait 
Ranofe  ou  montao^nes  de  sel. 

C'est  sur  ces  hauteurs  qu'est  située  Dalwal,  à  une 
altitude  d'environ  2000  pieds.  Sur  un  plateau  très 
salubre  —  et  très  fertile  lorsque  les  pluies  sont 
abondantes, —  s'élèvent  les  constructions  irrégulières 
de  cette  petite  cité  très  ancienne  et  célèbre  dans  le 
passé,  mais  tombée  dans  l'oubli,  comme  tant 
d'autres  à  la  suite  de  changements  de  gouvernement. 


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^ — ^ - 

AU    PUNDJAB  131 

L'on  y  montre  encore  le  palais,  assez  bien  conservé, 
que  le  généralissime  des  armées  de  l'empereur  Akbar, 
né  dans  cette  localité,  s'était  fait  construire;  ce  qui 
atteste  l'importance  de  la  place  à  cette  époque. 

Mais  revenons  à  notre  sujet.  L'instigateur  de  cette 
démarche  auprès  de  l'évêque  de  Lahore  était  surtout 
le  neveu  du  Raja  qui,  depuis  cinq  ans,  avait  em- 
brassé la  religion  catholique  dans  la  Préfecture 
Apostolique  de  Cachemire  et  qui  s'est  toujours  distin- 
gué depuis  par  une  foi  ardente  et  un  sincère  désir 
d'arracher  ses  compatriotes  aux  ténèbres  de  l'infidé- 
lité. Sa  Grandeur  était  absente  quand  la  députation 
arriva;  et,  comme  Elle  ne  devait  être  de  retour  dans 
sa  ville  épiscopale  qu'après  quelques  mois,  ils  rédi- 
gèrent une  pétition  en  due  forme,  qui  fut  envoyée 
aussitôt  à  Monseio'neur  à  Dalhousie.  Cet  événement 
inattendu  causa  la  plus  grande  joie  au  cœur  de  Sa 
Grandeur.  Elle  en  apprécia  aussitôt  les  conséquen- 
ces. N'ouvrait-il  pas,  à  la  propagation  de  notre  sainte 
Foi,  de  nouvelles  perspectives?  Et  les  circonstances 
ne  semblaient-elles  pas  présenter  plus  de  garanties  de 
réussite  qu'ailleurs,  et  notamment  que  dans  la 
Mission  de  Sialkot  ? 

Mais  nous  avions  tout  d'abord  à  nous  assurer  des 
dispositions  favorables  et  amicales  de  ce  peuple, 
ainsi  que  des  motifs  de  la  confiance  qu'il  avait  en 
notre  système  d'éducation  et  dans  la  moralité  de  notre 
enseignement.  Ensuite, nous  avions  à  tenir  compte  de 
ce  que  le  travail  des  missionnaires  avait  été,  jus- 
qu'alors, comme  invinciblement  circonscrit  parmi  les 
gens  des  plus  basses  castes,  le  rebut  pour  ainsi  dire 

^?5— 


2^ ^ î£ 

132  DIX    ANNÉES    d'apostolat 

de  la  société  indienne  ;  et  il  en  était  résulté  que  tout 
accès  auprès  des  castes  supérieures  nous  avait  été 
entièrement  interdit,  parce  que  celles-ci  ne  veulent 
en  aucune  façon  avoir  des  rapports  avec  celles-là. 
Tandis  qu'ici,  c'était  la  classe  dirigeante  qui  venait 
vers  nous  pour  nous  confier  ses  enfants,  et  cela  sans 
faire  la  moindre  réserve,  ni  la  moindre  objection, 
même  à  l'enseignement  de  notre  Sainte  Foi  dans 
l'école  !  Bien  que  les  parents  ne  demandassent  point 
ouvertement  d'entrer  dans  l'Eglise  Catholique,  c'était 
déjà  beaucoup  qu'ils  accordassent  aux  missionnaires 
la  plus  grande  liberté  d'enseigner  le  catéchisme  et  de 
faire  de  leurs  enfants  des  êtres  bons  et  moraux.  Ce 
-^  qui  engagea  en  outre  Sa  Grandeur  à  répondre  à  leur  m., 
appel,  c'est  que  Faizullah  Khan,  le  frère  du  Raja, 
offrait  gratuitement  un  vaste  terrain  pour  y  bâtir 
d'abord  un  établissement  d'enseignement  supérieur, 
ensuite  une  habitation  pour  le  prêtre,  une  église  et 
un  couvent  pour  religieuses.  A  ce  dernier,  on 
demandait  ea  outre  qu'il  fût  annexée  un  dispensaire 
et  une  école  pour  filles.  Toutefois,  avant  de 
prendre  une  décision  définitive,  Sa  Grandeur  s'in- 
spirant  des  conseils  d'une  grande  prudence,  députa 
deux  Pères  pour  aller  visiter  l'endroit  et  se  rendre 
compte  par  eux-mêmes  des  dispositions  des  habi- 
tants. 

Les  RR.  PP.  Léon  et  Vincent  de  Ninove  partirent 
pour  Dalwal  et  après  un  voyage  de  quatre  jours, 
rédigèrent  le  rapport  suivant: 


7^? [^ 


} 

AU    PUXD.TAB  133      .1 

«  Monseigneur, 

^  Nous  présentons  respectueusement  à  Votre 
Grandeur  le  rapport  ci-inclus,  sur  notre  mission  à  ; 
Dalwal.  Le  3  Juin,  nous  quittâmes  Laliore  et  après  ! 
dix  heures  de  train  nous  atteignîmes  Kliewra,  sta- 
tion terminus  d'une  branche  du  chemin  de  fer  de  la 
Compagnie  du  Xord-Ouest,  s'arrêtant  juste  au  pied 
de  la  chaîne  des  montagnes  de  sel.  et  nous  arrivâmes 
avec  nos  montures  à  Dalwal  le  jour  suivant.  Le 
villasre  est  distant  de  Khewra  d'environ  IG  milles  et 

O 

20  milles  de  Piud-Dada-Khan,  Le  chemin  n'est  rien 
moins  qu'aisé,  courant  le  long  de  montagnes,  de 
I       rocs,  et  bordant  parfois  des  précipices  profonds.  Toute- 
!       fois    en    certains   endroits,    la    route   traverse    des 
Jf      plateaux  riants,  d'un  caractère  vraiment  pittoresque     ^^ 
qui  contraste  agréablement  avec  l'aspect  ordinaire- 
ment sévère  des  moutag^nes  environnantes.  Choha. 
Saidan-Shah  et   Qatas    peuvent   être    cités    comme 
exemples  d'oasis  dans  ces  montagnes  nues  et  sauvasses. 
Qatas  est  célèbre  par  une  source  d'eau  suintant  d'une 
ij       manière  imperceptible  à  travers  le  roc  et  qui  n'est 
\      jamais  à  sec,  ce  qui  fait  qu'elle  est  considérée  par  les 
habitants  comme  ayant  la  propriété  de  purifier  les 
;,       âmes.  Cette  sotte  croyance  a  fait  de  cet  endroit  un 
:       lieu   de   pèlerinage,   qui   attire  chaque    année,    au 
\       mois   d'Avril,    près  de  10000  personnes  venant  de 
j      toutes  les  parties  de  l'Inde,  même  du  Bengale,  de  la 
(       Chine,   du  Cachemire   et  de    l'Afghanistan,   toutes 
avides  de  boire  de  ces  eaux  prétendument  salutaires 
et  de  s'}'  plonger. 


4 


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^ %é 

134  DIX    ANNÉES  d'apostolat 

.  '  "Le  villag-e  de  Dalwal  est  pittoresquement  situé  sur 
une  petite  éminence  au  milieu  d'un  plateau  bordé  de 
deux  côtés  par  des  chaînes  de  montagnes  peu  élevées. 
Bien  que  la  hauteur  de  l'endroit  varie  de  2  à  3  milles 
pieds  au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  il  n'j  a  pour- 
tant pas  de  difficultés  à  se  procurer  de  l'eau  potable; 
t  nous  vîmes  en  effet  plusieurs  puits  au  moyen  desquels 
les  champs  d'alentour  sont  irrigués.  Le  climat  ne 
laisse  rien  à  désirer;  et,  malgré  les  chaleurs  de  l'été, 
le  besoin  de  -^  punkhas  „  pendant  la  nuit  ne  se  fait 
pas  sentir.  Durant  le  jour,  la  chaleurn'est  nullement 
déprimante  comme  dans  la  plaine;  et,  si  l'on  con- 
struisait une  maison  dans  le  genre  de  celles  que  l'on 
bâtit  dans  les  contrées  plates,  nous  croj^ons  que  l'on 
V  ^  pourrait  même  facilement  se  dispenser  du  luxe  des 
«  punkhas.  ^  Le  thermomètre  dans  la  chambre  que 
nous  occupons  et  qui  est  exposée  des  quatre  côtés 
aux  rayons  du  soleil,  ne  marque  pas  plus  de  93'^  Fa- 
renheit.Les  gens  nous  disent  que  jamais  une  épidémie 
n'a  fait  son  apparition  à  Dalwal.  La  culture  des 
terres  est  portée  à  un  haut  degré  de  perfection ,  et 
Ton  peut  y  récolter  toutes  les  céréales  des  plaines. 
Raisins,  amandes,  grenades,  semblent  être  en  abon- 
dance. Il  est  possible  de  s'y  procurer  de  la  viande  de 
mouton  à  un  prix  modéré. 

«  Dalwal  se  compose  d'une  population  d'environ 

5000  habitants,  Mahométans   et  Hindous.  Le  chef  du 

village,  qui  est  en  même  temps  considéré  comme  le 

j      premiers  du  canton  de  Pind-Dada-Khan,  est  aussi  le 

!      chef  de  cette  tribu  de  Bajpoutes  qui  s'est  établie,  il  y 

;      a  longtemps,   sur  les  montagnes   de  sel.  -D'origine 

^      ^  j^ ■ j^ 


^    ^ 


i 

i  AU    PUNDJAB  135 

hindoue,  ils  embrassèrent  lïslamisme  sous  le  joug-  de 
leurs  oppresseurs.  Le  Ilaja  est  reconnu  pour  sa 
loyauté  envers  le  gouvernement  britannique.  Ses 
ancêtres,  ainsi  que  le  prouvent  plusieurs  documents 
qu'il  nous  montra,  ont  rendu  en  maintes  occasions 
des  services  sio^nalés  aux  Angiais.  La  tête  de  cette 
famille  a  le  privilège  de  porter  le  titre  de  Raja,  bien 
qu'actuellement  son  autorité  n"ait  plus  qu'un  carac- 
tère purement  nominal  et  honorifique.  C'est  grâce 
surtout  à  son  influence  que  nous  fûmes  reçus,  et  le 
terrain  dont  nous  pourvons  disposer  est  un  don 
gratuit  du  frère  du  Raja. 
i  «  Il  y  a,  à  l'école  primaire  du  village,  115  enfants. 

Dalwal  est  entourée  de  nombreux  et  populeux  vil- 
Cj     lages  ;  plusieurs  forment  une  agglomération  de  plus 
■       de  3000  habitants  ;  tous  sont  situés  dans  un  rayon  de 
trois  milles   de   distance,   offrant   ainsi    au    travail 
apostolique  uu  champ  fécond  et  plein  d'espérances. 
Les  dispositions  actuelles  des  habitants  de  Dalwal 
i       paraissent     ne    devoir    présenter    aucun     obstacle 
I      sérieux  à  la  prédication  de  la  vraie  Foi.  Ils  nous  font 
I      entendre,  en  effet,   que  nous   somaies   entièrement 
libres  de  bâtir  une  église  près  de  l'école.  A  l'objec- 
I       tion  que  nous  leur  faisions  quïl  était  impossible 
;       pour  nous  d'y  tolérer  l'enseignement   de  leurs  doc- 
:       trines  religieuses,  ils  répondirent  que  nous  aurions 
I      carte  blanche  sur  ce  point,  leur  seul  désir  étant  de 
!      voir  donner  à  leurs   enfants  une   solide   éducation 

morale  et  scientifique. 
I  «  Les  gens  ont  un  caractère  de  simplicité  que  l'on 

pourrait  attribuer. peut-être, à  l'absence  de  tout  con- 


; i^ : Ivj*: 

136  DIX    ANNÉES    d'apostolat  ; 

tact  avec  les  Européens. Nous  n'avons  constaté  aucun 
signe  d'indigence  parmi  eux  ;  tous  sont  habillés 
décemment,  et  partout  se  révèlent  les  indices  d'une 
aisance  relative,  si  rare  parmi  les  indigènes  des  cam- 
pagnes. 

^  Inutile  de  dire  que  la  réception  dont  nous  fûmes      | 
l'objet,  fut  tout  à  fait  cordiale.  Ils  rivalisèrent  pour      | 
nous  procurer  toutes  les  facilités  qu'il  était  en  leur 
pouvoir  de  nous  donner.  Ils  nous  reçurent  à  la  station 
de  Kliewra  avec  chevaux  et  mules  pour  nos  bagages.       j 
Arrivés  à  destination,  ce  fut  à  qui  nous  offrirait  une 
I      chambre  pour  loger.  Nous  choisîmes  naturellement 
l'hospitalité  du  Raja  qui  avait  aussi  pensé  à  notre 
repas,  auquel  nous  fîmes  grand  honneur. 
^*'  -'Remis  de  nos  fatigues, nous  visitâmes  le  village  et     ^ 

les  trois  différentes  parties  de  terrain  dont  le  choix 
nous  était  offart  par  le  frère  du  Raja.  Nous  prîmes 
celle  qui  nous  parut  le  mieux  répondre  au  but  que 
Votre  Grandeur  poursuit.  Le  terrain  comprend  trois 
acres  et  est  situé  à  un  demi  mille  des  habitations  du 
village,  dans  une  plaine  fertile  et  unie.  La  propriété 
en  a  été  iinmédiat3ment  transférée  au  nom  de  Votre 
Grandeur,  sans  autre  condition  que  celle  d'y  ériger 
une  école  anglo-indienne  pour  l'enseignement  pri- 
maire, mojen  et  supérieur.  Votre  Grandeur  reste 
donc  entièrement  libre  de  bâtir  dans  la  suite  n'importe 
quelle  construction  qu'Elle  jugera  convenable,  selon 
les  circonstances  et  les  besoins  de  cette  nouvelle 
mission.  Ils  promettent,  de  plus,  d'observer  fidèle- 
ment leur  engagement  de  fournir  les  matériaux 
I       nécessaires  pour  la  bâtisse,  ce  qui,  à  l'exception  du 

'À '^-     '  ^. — ■ 


^-— . i4i ^ — — — 

AU    PUNDJAB  137 

bois,  présente  d'ailleurs  peu  de  difficultés,  la  pierre 
et  la  chaux  étant  extraites  sur  place.  Si  un  mission- 
naire était  envoyé.  Ton  pourrait  commencer  les 
travaux  sans  délai,  et  FaizuUa-Klian  met  à  notre 
disposition  une  maison  à  double  étage,  en  attendant 
que  l'école  et  le  presbytère  soient  terminés. 

«Comme  vous  le  voyez.  Monseigneur,  par  ce  rap- 
port succint,  les  circonstances  favorisent  à  merveille, 
dans  ce  coin  encore  inexploré  et  pour  ainsi  dire 
nouveau  du  diocèse,  rétablissement  d'une  mission 
qui  fait  espérer  les  plus  beauxrésultats.  Nous  joignons 
ci-inclus  l'acte  de  transfert  de  propriété  ;  il  ne  restera 
plus  à  Votre  Grandeur,  si  Elle  accepte  la  proposition, 
qu'à  faire  enregistrer  le  titre  au  Bureau  d'enregis- 
trement à  Pind-Dada-Khan,  après  avoir  endossé  l'acte 
^  et  apposé  sa  signature,  ainsi  que  celle  de  deux 
témoins. 

«  Nous  sommes  heureux  de  nous  dire, 

•  de  Votre  Grandeur, 

les  humbles  serviteurs 
Frère  Léon,  o.  c.  et 
«  Frère  Vincent  de  Ninove.  « 

En  recevant  ce  compte  rendu  des  observations 
des  missionnaires,  Sa  Grandeur  n'eut  rien  de  plus  à 
cœur  que  de  hâtar  l'exécution  du  projet.  Dès  qu'EUe 
put  descendre  des  montagnes.  Elle  se  rendit  sur  ce 
champ  d'action  (][ue  la  Divine  Providence  venait 
d'ouvrir  inopinément  à  son  zèle,  afin  de  prendre  les 
derniers  arrangements,  tant  pour  l'acceptation  du 
don  généreux  du  frère  du  Raja  que  pour  le  choix 


A 


i^: 


-   • -^ 

138  DIX    ANNÉES    d'apostolat 

définitif  du  lieu  où  s'élèverait  l'école.  Car  de  l'avis 
de  son  Conseil,  Monseigneur  s'était  décidé  à  prendre 
possession  sans  tarder  de  ce  nouveau  centre  de  mis- 
sion. 

La  nouvelle    que   révê(j[ue  allait  visiter  Dalwal, 
combla  de  joie  les  habitants,  et  ils  ne  négligèrent 
rien  pour  faire  honneur  à  leur  auguste  visiteur.  Le 
Baja,  accompagné   de  son  frère,  descendit  jusqu'à 
Khewra  pour  recevoir  Sa  Grandeur  à  la  gare.  Un 
palanquin,  richement  orné,  avait  été  préparé  pour 
la  transporter  sans  trop  de  fatigue  le  long  des  côtes 
abruptes  qui  mènent  à  Dalwal.  Six  chevaux  que  le 
Raja  avait  gracieusement  mis  à  la  disposition  de  la 
suite  de  Monseigneur,  formaient  la  garde  d'honneur,      > 
et  c'est  dans  ce  gala  que  le  cortège  fit  son  entrée  à    v]j)^ 
*j       Dalwal.  Les  principaux  Hindous  et  Mahométans  du      p 
village  vinrent  au-devant  de  la  caravane,  et  présen-      j 
tèrent  leurs  hommages  et  leurs  remerciements  aux 
personnages  distingués  qui  daignaient  les  honorer  de 
leur  visite.  L'accueil  bienveillant  et  respectueux  de 
la  population  charma  au  plus  haut  point  Sa  Grandeur 
et  lui  fit  concevoir  les  plus  belles  espérances  pour 
'       son  avenir    religieux. 

I  Le  seul  et  unique  désir  des  habitants  pour  le  mo- 

ment,  tendait  à  ce  que  Monseigneur  voulût  bien 
doter  le  village  d'une  école  supérieure,  placée  sous 
!  la  direction  des  missionnaires. Monseigneur  y  acquies 
j  ça;  il  fit  remarquer  toutefois  que  les  trois  acres  de 
j  terrain  pouvaient  à  peine  suffire  pour  réaliser  leur 
I  projet,  puisqu'ils  réclamaient  en  outre  un  hôpital  et 
!       un  dispensaire.  L'objection  produisit  ece  effet,  et, 


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^ : Ji^ 

AU    PUNDJAB  139 

séance  tenante,  le  frère  du  Raja  porta  la  donation 
primitive  de  3  acres  à  13, ou  environ  4  hectares.  Après 
avoir  arrêté  toutes  choses  pour  l'érection  de  Técole, 
Monseigneur  redescendit  à  Lahore  ;  et  sou  premier 
soin  fut  d'envoyer  de  lî.  P.  Antoine  et  le  cher  frère 
Maur  pour  surveiller  la  construction  et  prendre 
ensuite  la  direction  de  l'établissement.  Les  travaux 
furent  poussés  avec  tant  d'activité  et  les  bonnes  gens  de 
Dalwal  secondèrent  si  efficacement  les  missionnaires, 
que  l'école,  dont  une  partie  devait  servir  de  résidence 
au  Père  et  au  Frère,  fut  achevée  au  commencement 
de  1900;  Sa  Grandeur  la  bénit  le  16  Janvier. 

Dès  que  les  prospectus  furent  lancés,  l'ancienne 
école  de  Dalwal  se  ferma  et  la  nouvelle  s'ouvrit  avec 
•v.  un  contingent  de  1 78  enfants.  Tout  consolant  qu'était 
ce  résultat  matériel,  il  ne  pouvait  satisfaire  complè- 
tement Sa  Grandeur.  Sans  doute,  l'institution  allait 
préparer  et  assurer  le  salut  des  jeunes  âmes  ;  mais 
les  autres,  celles  des  adultes,  continuerai ent-elles  de 
suivre  la  voie  oii  elles  s'étaient  engagées  et  qui  les 
conduirait  aux  abîmes? 

Dieu  ne  tarda  pas  à  venir  en  aide  à  Monseigneur, 
et  cela  pas  une  conversion  aussi  importante  qu'inat- 
tendue. Il  convient  d'en  narrer  Jes  circonstances. 

Le  frère  du  Ptaja,  Faizulla-Khan.  avait  été  invité 
par  Sa  Grandeur  à  venir  à  Lahore  pour  les  fêtes  de 
Noël.  Il  assista,  avec  son  neveu  converti  au  catholi- 
cisme, à  ]a  messe  de  minuit.  La  splendeur  des  céré- 
monies pontificales,  le  recueillement  et  la  piété  qu'il 
remarqua  chez  le  peuple,  — toutes  choses  si  diffé- 
rentes de  ce  qu'il  avait  vu  jusqu'alors,  —  l'impres- 


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140  DIX    ANNÉES    d'apostolat  ) 

siouuèrent  si  profondément  que,  sans  pouvoir  définir  | 
ce  qui  se  passait  en  lui,  il  vint  le  lendemain  trouver  | 
Sa  Grandeur.-  Selon  la  coutume  d'aborder  les  per- 
sonnes d'un  rang  élevé,  il  Lui  présenta  un  plateau 
couvert  d'oranges,  de  raisins,  d'amandes,  de  bana- 
nes et  d'autres  fruits,  se  prosterna  jusqu'à  terre  et 
demanda  humblement  que  ses  enfants  pussent  être 
reçus  dans  la  religion  de  Sa- Grandeur.  "  Quant  à  moi, 
ajouta-t-il,  je  suis  trop  vieux  et  trop  indigne  d'un  si 
grand  honneur  ;  pourvu  que  les  miens  deviennent 
chrétiens,  je  mourrai  heureux  et  content.  » 

Sa  Grandeur  le  relevant  avec  bonté,  l'enofaîyea  à 
persévérer  dans  ses  sentiments  et  doucement,  lui 
fit  comj^rendre  qu'il  lui  incombait  tout  d'abord  de 
donner  le  bon  exemple  à  ses  enfants  et  partant,  qu'il 
était  de  son  devoir  de  devenir  un  fervent  chrétien. 

Rassuré  par  ces  paroles  encourageantes,  il  pria 
Mgr  de  le  faire  instruire  dans  la  vraie  religion.  Il  n'y 
avait  pas  à  douter  des  dispositions  de  Faizulla-Khan, 
et  Mgr  s'empressa  de  le  confier  à  la  direction  du 
R.  Père  Antoine  pour  le  préparer  au  baptême. 

Lorsque  cette  conversion  sera  un  fait  accompli, 
nul  doute  qu'elle  ne  produise  un  e  îet  salutaire  sur 
les  habitants  de  Dalwal;car,  comme  sa  famille  est  la 
plus  influents  de  l'endroit,  l'exemple  venant  de  haut 
aura  un  action  décisive  sur  les  autres. 

Que  le  Seigneur  daigne  réaliser  nos  espérances; 
que  Sa  lumière  puisse  luire  et  Son  règne  s'établir, 
là   où,   pendant  de  longs  siècles,    ont   prévalu  les      j 
ténèbres  et  la  tyrannie  de  Satan  ! 

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TABLE  DES  MATIÈRES 


A  nos  chers  bienfaiteurs     . 
Les  Fondateurs  du  diocèse. 
Mgr  Sympliorien  Mouard  . 
Mofr  Emmanuel  Yan  den  Bosch 
Mgr  Godefroid  Pelckmans 

CHAPITRE  PREMIER. 


Lahore 

§  I.  —  La  pro-cathédrale  de  Flm- 
maculée  Conception  .... 

§  IL  —  L'(  )rpheliuat  et  le  couvent 
des  Sœurs  de  Jésus  et  de  Marie. 

§  III.  —  L'Orphelinat  de  S.  Fran- 
çois d'Assise 

§  IV.  —  Le  Couvent  des  Sœurs  de 
la  Charité  de  Jésus  et  de  Marie 
et  l'Orphelinat  de  St.  Joseph     . 

§  V.  —  L'école  et  l'église  de  Saint 
Antoine  de  Padoue     .... 

§  VI.  —  Le  dispensaire  de  Sainte 
Elisabeth  de  Hongrie     . 

CHAPITRE  SECOND 

Mission  d'Adah 

CHAPITRE  TROISIÈME. 

Fondation  de  la  colonie  chrétienne 
de  Mariabad 

.  —-^ 


17 
17 
20 
27 

38 
48 
56 

62 

77 


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TABLE  DES  MATIERES.  l43 


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j       CHAPITRE  QUATRIÈME. 

Mission  de  Sahowala     ....  93 

I     'chapitre  cinquième. 

i        Dalliousie 103         ! 

§  I.  —  L'église  de  Saint  François 

d'Assise 103 

'  §  II.  —  Le  Couvent  des  Sœurs  de 
Jésus  et  de  Marie  et  le  Pension- 
nat du  Sacré-Cœur   ....  107 

CHAPITRE  SIXIÈME. 

Ferozepore 113        ; 

;       CHAPITRE  SEPTIÈME . 

ri.      Le  Couvent  des  Sœurs  de  Jésus  ,;^ 

^'  et  de  Marie  à  Sialkot       .      .-  .  118 

CHAPITRE  HUITIÈME. 

Mooltan 125 

Le  Couvent  des  Sœurs  de  la  Cha- 
i            rite  et  le  Pensionnat  de  Sainte  ' 

Marie 125 

j        CHAPITRE  NEUVIÈME. 

î        Mission  de  Dahval     .     .     .     /    .  129 


BX   3146 

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15   D58   1900 


Dix    annfc>ees    d'apostolat 

au  Pundjab  (Indes 
AZD-4356  (mcih) 


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