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Full text of "Documents diplomatiques"

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DOCUMENTS 



DIPLOMATIQUES. 



<. :':.■, AFFAIRES ETRANGERES. 



DOCUMENTS DIPLOMATIQUES. 



1864. 




PARIS. 

IMPRIMERIE IMPÉRIALE. 



M DCCC LXV. 



* 



* • 



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TABLE SOMMAIRE. 



Pagtf.-i. 

Affaires des duchés de TElbe i 

Affaires d'Italie et de Rome 33 

Annexion des îles Ioniennes à la Grèce yS 

Principautés-Unies du Danube 91 

Affaires de Syrie 1 o3 

Isthme de Suez 119 

Affaires de Tunis 139 

Affaires du Japon i /| 5 

Affaires commerciales i 65 



AFFAIRE DES DUCHÉS DE L'ELBE 



DO€UIIE!STS DIPLOMATIQUES. 



AFFAIRE DES DUCHÉS DE L'ELBE. 



Le Ministre des Affaires étrangères 

aux Agents diplomatiques de l'Empereur. 

Paris, le 23 novembre i863. 

Monsieur, TafiFaire des Duchés de FElbe, qui dans ces derniers temps 
a fait naître de sérieuses préoccupations, acquiert une nouvelle gra- 
vité par suite de la mort inopinée du roi Frédéric VII, survenue au 
milieu des tentatives de conciliation auxquelles le Cabinet de Copen- 
hague avait très- sagement jugé opportun de se prêter. Le roi Chris- 
tian IX succède à un souverain dont la popularité s'était accrue dans 
le difFérend qui, dès le commencement de son règne, a divisé le Da- 
nemark et l'Allemagne. Le nouveau Roi est donc tenu envers le sen- 
timent national à des ménagements particuliers, et sa position en 
exige de non moins grands de là part de l'Allemagne. C'est à ce mo- 
ment même, au contraire, que le litige se complique d'une question 
de succession soulevée à Francfort. 

Nous voudrions espérer que cet incident pourra être écarté, et que 
les contestations antérieures relatives aux Duchés seront prochaine- 
ment aplanies; mais nous sommes malheureusement obligés par les 
dispositions des esprits dans le Sleswig et dans le Holstein , aussi bien 
que par les démarches de plusieurs Gouvernements allemands à 
Francfort, de prévoir plutôt un surcroît de complications. Je vous in- 



1 . 



— 4 — 

vite à me faire connaître les appréciations que cet état de choses ne 
manquera pas de suggérer autour de vous. 
Recevez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



Le Ministre des Affaires étrangères 

à M. le Général Fleury, Aide de camp de l'Empereur, 
envoyé en mission extraordinaire à Copenhague. 

Paris, le g décembre i863. 

Monsieur le Général, le nouveau Roi de Danemark ayant envoyé un 
officier général de son armée pour notifier son avènement à l'Empe- 
reur, Sa Majesté a voulu donner à ce Souverain une marque particu- 
lière de ses sentiments en vous désignant pour porter ses félicitations 
à Christian IX. J'aurai Thonneur de vous remettre incessamment la lettre 
de l'Empereur, dont l!intention, ainsi que vous le savez déjà, est que 
vous vous rendiez le plus tôt possible à Copenhague. 

Vous trouverez ce pays dans une situation difficile. Ses rapports avec 
l'Allemagne, très-tendus depuis plusieurs années, ont pris récemment 
un caractère encore plus inquiétant. La Diète de Francfort vient même, 
dans sa séance du 7 de ce mois, d'ordonner, au nom de la Confédération 
germanique, une exécution dans le Holstein et le Lauenbourg, mesure 
qui implique l'envoi d'un corps de troupes et la substitution provisoire 
des pouvoirs fédéraux à ceux du Roi de Danemark dans ces Duchés. 

Au milieu d'événements si complexes, une grande réserve nous est 
commandée. Elle nous est rendue plus nécessaire encore par notre 
désir de tenir un compte légitime du mouvement national qui s'est 
produit en Allemagne, il est, toutefois, un point sur lequel nous ne 
pouvons éprouver aucune hésitation à manifester notre sentiment. 
Depuis l'origine du diff^érend, d'accord avec l'Angleterre et la Russie, 
nous avons toujours recommandé au Cabinet de Copenhague de rem- 
plir les engagements qu'il a contractés en 1862 envers l'Allemagne. 



La Russie a proposé que les envoyés extraordinaires chargés de com- 
plimenter le roi de Danemark fussent invités à renouveler ces recom- 
mandations. Nous n avons aucun motif pour ne pas déférer à ce vœu. 
Si donc Toccasion vous en est offerte par le Roi et par ses Ministres, 
c'est en ce sens que vous êtes autorisé à vous exprimer. 
Recevez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



Le Ministre des Affaires étrangères • 

à M. le Prince de la Tour d'Auvergne, Ambassadeui* de 
France à Londres. 

Paris, le i4 janvier i864. 

Prince, lord Cowley a été chargé de me faire une communica- 
tion dont il a bien voulu me remettre le résumé. Le Gouvernement 
de S. M. Britannique propose que les quatre Puissances non alle- 
mandes signataires du traité de iSSq se réunissent pour représenter 
à la Diète que Tenvahissement du Sleswig serait un acte de guerre, et 
qu'elle encourrait une lourde responsabilité si elle prenait sur elle de 
rompre la paix avant qu une conférence ait pu s'assembler. Ainsi les 
quatre Puissances feraient parvenir à la Confédération germanique 
des représentations que le Cabinet anglais formule, et, à cet effet, 
elles s'adresseraient directement à l'Assemblée fédérale. 

Si j'examine d*abordia marche que la communication de M. l'Am- 
bassadeur d'Angleterre recommande de suivre, je suis frappe des dif- 
Acuités qu'elle présente. Le mouvement national auquel l'Allemagne 
obéit semble être jusqu'ici concentré plus particulièrement à Franc- 
fort, et c'est au sein de la Diète qu'il y a certainement le moins de 
chance de faire écouter en ce moment des paroles de la nature 
de celles auxquelles le Gouvernement anglais nous demande de nous 
associer. 

Nous n'en reconnaissons pas moins les dangers qui font l'objet des 



préoccupations du Cabinet de Londres et l'utilité des conseils qui 
peuvent être donnés à Vienne et à Beriin sous une forme bienveillante. 
La position que les deux grandes Cours germaniques ont conservée 
dans le débat rend plus facile aux Cabinets signataires du Traité de 
Londres d'agir auprès d'elles que d'exercer une pression directe à 
Francfort, et n'ayant cessé, depuis l'origine des complications actuelles, 
de faire appel à leur esprit de conciliation aussi bien qu'à leur intérêt 
pour le maintien de la paix, nous sommes prêts à renouveler dans ce 
sens nos efforts. Notre intention n'est pas d'ailleurs de garder le silence 
au siège de la Dicte, et sans prescrire au Ministre de l'Empereur près 
la Confédération une démarche officielle, qui aurait à nos yeux des 
inconvénients si elle n'atteignait pas son but, je compte l'inviter à 
s'exprimer avec les membres de l'Assemblée de Francfort de la ma- 
nière la plus conforme à la gravité des événements. 
Agréez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



Le Mimstre des Affaires étrangères 

à M. le Prince de la Tour d'Auvergne, à Londres. 

Paris, le 1 3 janvier i86i. 

Prince, M. l'Ambassadeur d'Angleterre m'a communiqué, le 7 de ce 
mois, une proposition de lord Russell ayant pour objet de déférer 
l'affaire du Danemark à une médiation. J'ai eu l'honneur de vous écrire 
le même jour, afin de vous mettre en mesure de faire connaître au Prin- 
cipal Secrétaire d'Etat de S. M. Britannique notre première impression, 
telle que je l'avais exprimée moi-même à lord Cowley. Javais reçu 
deux jours auparavant, parle télégraphe, la nouvelle qu'une demande 
de médiation allait nous être adressée directement par la Cour de 
Danemark, principale partie intéressée, et je devais nécessairement 
attendre d'avoir cette demande entre les mains avant d'énoncer une 
opinion définitive. La dépêche de M. Monrad m'a été remise le 12 , et 
par le courrier du 16 je vous exposais la manière de voir du Gou- 



vernement de TEiupereur. Lord Russell ayant témoigné le désir de 
recevoir notre réponse dans la forme qui! adonnée, de son côté, aux 
communications qu il nous a fait parvenir, je ne puis que résumer ici 
les observations que vous avez élé chargé de lui présenter, et que j'ai 
développées moi-même dans mes conversations avec M. l'Ambassadeur 
d'Angleterre. 

Le Gouvernement anglais avait très-sagement établi, comme condi- 
tions préalables d'une conférence ou d'une médiation, plusieurs points 
essentiels, notamment le maintien du statu qno politique et militaire 
et l'assentiment de la Confédération germanique. Il sait, comme 
nous, qu'aucune de ces conditions ne semble devoir se réaliser 
aujourd'hui. La proposition de TAutriche et de la Prusse repoussée 
par la Diète, mais seulement comme ne répondant pas assez au 
sentiment national de l'Allemagne, et à laquelle d'ailleurs les deux 
grandes Puissances ont déclaré l'intention de conformer néanmoins 
leur conduite, menace de changer d'un moment à l'autre le statu quo 
militaire. 

D'autre part, les Cabinets de Vienne et de Berlin subordonnent 
l'exécution du traité de Londres à l'accomplissement des engagements 
contractés parle Danemark en i85i et i852. La Diète reste en outre 
saisie de la question de succession elle-même, et, sous peu de jours, le 
statu quo politique peut être atteint par un vote fédéral. 

Enfin, le Cabinet anglais connaît, ainsi que nous, les dispositions de 
l'Allemagne au sujet de la médiation aussi bien que de la Conférence. 
Toutes les données que nous possédons nous représentent la plupart 
des Étals secondaires comme repoussant l'idée d'une intervention di- 
plomatique des Puissances, et nous n'avons jusqu'ici que des raisons 
de douter de l'assentiment de la Confédération germanique à une 
médiation. 

La France et l'Angleterre ne pourraient donc pas attendre un résultat 
utile de l'interposition de leurs bons offices, et nous regrettons que la 
démarche suggérée par le Gouvernement de S. M. Britannique ren- 
contre dans l'état actuel des choses des obstacles qui ne permettent 
pas d'en espérer le succès. 



— 8 — 
Vous êtes autorisé à donner lecture de cette dépêche à lord* R^issell 
et à lui en laisser copie. 
Agréez, etc. 

Signé Droutn de Lhuys. 



Le Ministre des Affaires étrangères 

aux Agents diplomatiques de l'Empereur. 

Paris, le 12 février i864. 

Monsieur, dans la phase où est entré le difiFérend qui divise TAlle- 
magne et le Danemark, je crois utile de vous rappeler la ligne de 
conduite que nous avons suivie pour prévenir un conflit et de vous 
faire connaître les observations que nous suggère l'attitude prise par 
les Cours d'Autriche et de Prusse. 

Avant la crise qui vient d'aboutir si malheureusement à la guerre, 
la politique du Gouvernement de l'Empereur dans Tafiaire des Du- 
chés de l'Elbe a été constamment une politique de conciliation et de 
paix. Nous avons prêté la main à toutes les tentatives d'arrangement, 
en nous inspirant à la fois de nos sympathies anciennes pour le Dane- 
mark et des ménagements qui nous semblaient dus au sentiment na- 
tional de l'Allemagne. 

Cette contestation nous avait paru être une de celles dont le règle- 
ment pouvait devenir facile dans une délibération européenne sur la 
situation générale. Sans avoir la même confiance dans une Conférence 
restreinte à la question des Duchés, nous en avions accepté l'idée 
proposée par le Gouvernement anglais. Ainsi que le Cabinet de Lon- 
dres, nous demandions le maintien du statu qao politique et militaire 
pendant la durée des négociations, en offrant d'y faire participer un 
plénipotentiaire de la Diète. Les Cabinets allemands n ont pas adhéré 
à ces ouvertures; un projet de médiation émané de la même Cour a 
rencontré des difficultés analogues. De concert avec l'Angleterre, nous 
avons alors donné au Roi de Danemark le conseil de satisfaire aux récla- 
mations élevées parT Aile magne contre la Constitution du i8 novembre, 



— 9 — 

et comme le Cabinet de Copenhague se déclarait disposé à en pour- 
suivre Tabrogation par les voies légales , nous avions appuyé à Vienne 
et à Berlin la demande d*un délai pour la convocation du Rigsraad. 
xNous étions prêts également, sur une nouvelle proposition du Gou- 
vernement britannique, à concourir à la signature d*un protocole qui 
eût placé sous la garantie morale des quatre Cours non allemandes 
l'engagement du Gouvernement danois de retirer la Constitution, et 
celui des deux grandes Puissances germaniques d*arréter la marche de 
leurs troupes sur TEider. 

L'Autriche et la Prusse nous ont répondu en alléguant la nécessité 
de ne pas rester inactives plus longtemps. D'une part, elles ne pou- 
vaient, disaient-elles, accepter encore une fois les fins de non-recevoir 
du Danemark; de Tautre, dans l'intérêt même du principe consacré 
par le traité de Londres, auquel la Diète se montrait contraire, elles 
voulaient prévenir une intervention fédérale. Elles allaient donc en- 
trer elles-mêmes dans le Sleswig et l'occuper simplement à titre de 
gage, afin de contraindre le Danemark à remplir ses obligations et 
d'écarter les chances d'un conflit entre ce pays et la Confédération ger- 
manique. 

Nous avons fait observer aux Cabinets de Vienne et de Berlin que 
la possession du Holstein était déjà entre les mains des Etats confé- 
dérés un gage suffisant. L'intervention des deux Puissances ofirait 
d'ailleurs à nos yeux le même danger que celle de la Diète. Le passage 
de TEider, sur quelque considération qu'il fût motivé, ne pouvait man- 
quer d'entraîner une lutte armée et d'amener toutes les complications 
que l'on voulait prévenir. 

Les événements ne sont venus que trop promptement justifier nos 
craintes. Les hostilités ont éclaté aussitôt que l'Eider a été franchi et, 
depuis le commencement de ce mois, chaque jour le sang a coulé. 

En même temps que leurs troupes passaient la frontière du Sleswig, 
l'Autriche et la Prusse ont fait remettre officiellement au Gouverne- 
ment anglais une note identique dont elles nous ont simultanément 
donné connaissance. Ce document a été rendu public, et, ainsi que 
vous l'aurez remarqué, les deux Cabinets y reconnaissent le principe 



DOCOMENTS DIPLOMATIQUES. 



— io- 
de rintégrité de la Monarchie danoise établi par les transactions de 
i85q. Ils ajoutent qu'en prenant possession du Sleswig ils n'ont pas 
f intention de se départir de ce principe. Us s'engagent enfin , ]K>ur le 
cas où la guerre prendrait plus d'extension, à traiter des arrangements 
définitifs avec les autres Puissances signataires du Traité de Londres. 

Quoi qu'il en soit, rAutriche et la Prusse nous semblent exposées à 
subir contre leur propre volonté l'entraînement des circonstances, et 
nous ne saurions voir avec indifférence une kitte dans laquelle un 
peuple de deux millions d'âmes se trouve aux prises avec deux des plus 
grandes Puissances de l'Europe. Aussi notre adhésion est-elle acquise 
d'avance à toute démarche qui tendrait à arrêter l'effusion du sang. 
Le Cabinet de Londres ayant récemment conseillé à Vienne et à Berlin 
la conclusion d'un armistice, nous nous sommes associés à cette pensée. 
Bien qu'elle ne paraisse devoir être accueillie par aucune des parties 
belligérantes, nous neu continuerons pas moins à seconder tous les 
efforts qui pourront être faits en faveur du rétablissement de la paix , 
et notre but restera tel que je l'indiquais il y a trois mois : il consistera, 
après comme avant la guerre, à concilier ce qu'il y a de légitime dans 
les vœux de l'Allemagne avec les conditions de l'équilibre européen. 

Recevez, etc. 

Signé Drocyn de Lhuys. 



Le Ministre des Affaires étrangères 

aux Agents diplomatiques de l'Empereur. 

Paris, le 28 février 1864. 

Monsieur, vous avez certainement appris que le Gouvernement an- 
glais vient de faire à Vienne et à Berlin la proposition d'une Confé- 
rence qui se réunirait immédiatement pour délibérer sur les arrange- 
ments propres à ramener la paix entre les deux grandes Puissances 
allemandes et le Danemark. Des ouvertures semblables ont été portées 
à Copenhague. Dans lopinion du Cabinet britannique, la Conférence 



— u — 

pourrait siéger sans que les hostilités fussent suspendues. Si les belli- 
gérants adhéraient à celle proposition , le Gouvernement de la Reine 
inviterait la France, la Russie et la Suède, ainsi que la Confédération 
germanique, à nommer immédiatement des plénipotentiaires. 

Nous avons des raisons de penser que les Cabinets de Vienne et de 
Berlin sont disposés à donner leur assentiment à Tidée de cette déli- 
bération; mais nous ne connaissons pas encore Taccueil que le Gouver- 
nement danois et la Confédération germanique feront à la proposition 
de l'Angleterre. Le Danemark semblerait, selon ce que Ton peut pré- 
juger de ses dispositions, vouloir réclamer, préalablement à toute négo- 
ciation, rétablissement d'une trêve, et il est à craindre que ce pays ne 
voie dans le refus d'un armistice l'intention, de la part des Puissances 
allemandes , de poursuivre la destrucliop de son armée pour aggraver 
les conditions de la paix. D'un autre côté, la Confédération germanique 
s'est placée à un point de vue qui diffère de celui de l'Autriche et de la 
Prusse. La Diète n'a pas concouru au Traité de Londres et n'en recon- 
naît pas la validité; elle est en ce moment même saisie d'un rapport 
de ses comités qui formule des conclusions contraires à l'intégrité de 
la Monarchie danoise. Il est donc difficile aujourd'hui de prévoir si la 
proposition du Gouvernement anglais sera agréée à Copenhague et à 
Francfort. 

Quant à nous. Monsieur, nous n'avons pas été jusqu'ici dans le cas 
de nous prononcer officiellement. Le Cabinet anglais ne s'adressera aux 
Puissances neutres appelées à faire partie de la Conférence qu'après 
avoir obtenu l'acquiescement des belligérants : nous n'avons donc pais 
eu à nous associer à ses démarches; mais, fidèles aux principes qui 
nous ont constamment dirigés, nous serons heureux de seconder tous 
les efforts qui pourront être faits pour hâter le terme de la guerre 
actuelle. Si les adhésions que recherche le Gouvernement de Sa Ma- 
jesté Britannique lui permettent de nous saisir de la proposition qui 
nous est annoncée, l'on nous trouvera prêts à participer à toute tenta* 
tive sérieuse de pacification. 

Recevez, etc. 

Signé Drouvn de Lhuys. 



2. 



— 12 — 

P. S. Depuis que cette dépêche est écrite, le Gouvemement danois 
a fait savoir au Cabinet de Londres quen raison des conditions dans 
lesquelles la proposition d'une Conférence lui est présentée, il se voit 
obligé pour le moment de différer sa réponse. 



Le Ministre des Affaires étrangères 

à M. le Prince de la Tour d'Auvergne, à Londres. 

Paris, le là mars i864. 

Prince, lord Cowley a été chargé de me faire connaître la substance 
d'une dépêche télégraphique qu il a reçue et d'où il résulte que la ma- 
jorité du Cabinet danois serait disposée à accepter une négociation sur 
la base des arrangements de i85i et i852, si le Gouvernement de 
l'Empereur consent à prendre part à la Conférence. Le Ministre de Sa 
Majesté à Copenhague me transmet des informations semblables. La 
communication de l'Ambassadeur d'Angleterre renferme toutefois un 
détail de plus. En parlant de la participation de la France, elle ajoute : 
« avec ou sans le concours d'un plénipotentiaire de la Diète germa- 
nique. » 

Vous connaissez les sentiments dont nous sommes animés, et vous 
savez que notre appui est d'avance acquis à toutes les tentatives qui 
seront faites pour abréger la guerre. Nous désirons, en outre, que la 
paix entre l'Allemagne et le Danemark se rétablisse dans des condi- 
tions propres à en assurer la durée, et c'est pour cette raison que nous 
avons toujours jugé nécessaire que la Confédération germanique fût 
représentée dans les délibérations par un plénipotentiaire spécial. 

Nous ne contestons pas les difficultés qui pourraient naître, au sein 
de la Conférence même, des dissentiments qui se sont manifestés en 
plusieurs circonstances entre la majorité de l'Assemblée de Francfort 
et les deux grandes Cours allemandes, ainsi que du désaccord qui 
existe entre les déclarations réitérées de ces deux Puissances et le but 
poursuivi par plusieurs de leurs Confédérés. Mais, sans fermer les yeux 
sur ces inconvénients, nous devons tenir compte de l'expérience, et 



— 13 — 

ne pas oublier ies suites qu a entraînées Tabsence de la Confédération 
dans les négociations de Londres en i85a. Il est essentiel, pour la 
stabilité de la paix, de ne pas faire une œuvre dont Tautorité puisse 
être contestée par rAllemagne. La gravité du conflit actuel ne vient- 
elle pas en grande partie de ce que la Diète s*est refusée jusqu'ici à se 
considérer comme liée par des stipulations arrêtées sans elle? 

Il est donc, selon nous, d*un intérêt réel de s'assurer du concours 
de la Diète, et nous ne pensons pas que le Gouvernement anglais 
entende que l'on puisse y renoncer sans avoir fait préalablement toutes 
les démarches nécessaires pour l'obtenir. Si je comprends bien les 
termes delà dépêche télégraphique adressée à lord Cowley, elle signi- 
fie qu'avant de réunir une Conférence où la Diète ne serait pas repré- 
sentée, tous les efforts convenables pour l'amener à se joindre aux 
autres Cabinets auraient d*abord été épuisés. 

Dans le cas où ces efforts seraient demeurés sans succès et où l'im- 
possibilité de triompher des répugnances de la Confédération germa- 
nique serait constatée, nous ne croirions pas devoir nous refuser à 
une délibération acceptée par les parties belligérantes. Nous faisons 
avant tout des vœux pour que l'on parvienne à arrêter l'effusion du 
sang et à mettre un terme aux calamités qui s'étendent avec la guerre 
elle-même. Cet intérêt domine à nos yeux tous les autres, et nous 
serions prêts à participer à la Conférence qui s'ouvrirait pour hâter le 
rétablissement de la paix. Nous n'en restons pas moins convaincus que 
l'adhésion de la Diète, à défaut de son concours, serait d'une impor- 
tance véritable pour les arrangements qui interviendront. Si donc 
l'Assemblée fédérale devait présentement demeurer en dehors de ces 
négociations, il y aurait lieu cependant, à notre avis, de lui réserver 
l'avenir, et il conviendrait, dans cette éventualité, de lui laisser le 
protocole ouvert. 

C'est en ce sens que je vous invite à vous exprimer avec le Prin- 
cipal Secrétaire d'État de Sa Majesté Britannique. 

Agréez, etc. 

Signé Drouyn de Lhdts. 



Ih 



Le Ministre des Affaires étrangères 

à M, le Prince de la Tour d'Auvergne, à Londres. 

Paris, le 20 mars i864- 

Prince, le GouverDement britannique fait en ce moment de nou- 
velles démarches pour provoquer la réunion d*une Conférence, et. les 
parties belligérantes ne paraissent plus aussi opposées qu elles Tétaient 
précédemment à Touverture des négociations. Vous savez que nous 
n avons point d'objections à y participer, si elles sont acceptées par 
toutes les autres Cours, et je vous ai fait connaître à ce sujet les inten- 
tions du Gouvernement de TEmpereur par ma dépêche du 1 4 de ce 
mois. Mais, avant de prendre place dans la Conférence, je désire que 
vous fassiez part au Cabinet de Londres des idées et des sentiments 
que nous y apporterons. Cette communication tout amicale expli- 
quera peut-être mieux que nous n avons eu Toccasion de le faire jus- 
qu ici la ligne de conduite suivie par le Gouvernement Impérial dans 
le différend dano-allemand. Elle contribuera aussi, je Tespère, à faire 
cesser les suppositions darrière-pensées qu on nous a si gratuitement 
prêtées. 

En nous associant à cette tentative de pacification , nous nous trou- 
verons en présence de deux grands intérêts. D'un côté, nous avons à 
tenir compte de stipulations arrêtées dans des vues d'équilibre eu- 
ropéen et revêtues de la signature de la France; de l'autre , il est 
impossible de nier les sentiments de répulsion qui s'élèvent contre 
Tœuvre des plénipotentiaires de 1863 . Nous sommes loin de contester 
la sagesse de la combinaison que le Traité de Londres a eu pour ob- 
jet de placer sous la sauvegarde du droit public de l'Europe, et si, 
faisant abstraction de l'opposition de l'Allemagne et des manifesta- 
lions des Duchés, nous étions libres d'obéir à la seule inspiration de 
nos sympathies traditionnelles pour le Danemark, tous nos efforts se- 
raient consacrés à maintenir cette transaction. Mais il ne nous est pas 
permis de méconnaître les obstacles qui s'opposent à l'exécution pure 
et simple du Traité de 1862. Si, pour quelques Puissances, le Traité 



— 15 — 

de Londres a une existence séparée et une autorité qui lui est propre, 
indépendamment des engagements conclus à la même époque entre 
FAllemague et le Danemark, pour d'autres , au contraire, il est subor- 
donné à ces mêmes engagements, dont on ne saurait le séparer. Parmi 
les Etats allemands, les uns ont refusé leur adhésion ou ne Tout ac- 
cordée que sous une forme restrictive ; les autres, après y avoir adhéré 
naguère, s*en déclarent affîranchis maintenant. Enfin, la Confédéra- 
tion germanique semble contester la valeur d'un acte auquel elle n a 
pas concouru. 

En présence de cette diversité d'appréciations qui fera naître d'in- 
surmontables difficultés, il me parait indispensable d'examiner les 
intérêts impliqués dans la guerre actuelle, sans se préoccuper exclu- 
sivement de la lettre du Traité. 

La cause, comme le caractère distinctif de cette lutte, est évidem- 
ment la rivalité des populations qui composent la monarchie danoise. 
Il existe chez chacune d'elles un sentiment national dont la force ne 
saurait être mise en doute. Quoi donc de plus naturel, à défaut d'une 
règle unanimement acceptée , que de prendre pour base le voeu des 
populations? Ce moyen, conforme aux véritables intérêts des deux 
parties, nous paraît le plus propre à amener un arrangement équitable 
et offrant des garanties de stabilité. En demandant l'application d'un 
principe fondamental de notre droit public, et en réclamant pour le 
Danemark comme pour l'Allemagne le bénéfice de ce principe, nous 
croyons proposer la solution la plus juste et la plus facile de cette ques- 
tion, qui excite dans toute l'Europe une si vive inquiétude. 

Agréez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



Le Ministre des Affaires étrangères 

à M. le Prince de la Tour d'Auvergne, à Londres. 

Paris, le 23 mars i864- 

Prince, M* l'Ambassadeur d'Angleterre m'a remis une dépêche de 



.— 16 — 

lord Russell qui poii;e que le Gouvernement de Sa Majesté Britan- 
nique, dans un intérêt de politique aussi bien que d'humanité, a fait 
aux Cours d'Autriche et de Prusse, d'une part, et au Danemark, de 
l'autre, la proposition de réunir une Conférence à Londres pour 
délibérer sur le rétablissement de la paix. 

Les Cabinets de Vienne et de Berlin se sont déclarés prêls à auto- 
riser leurs représentants à participer à cette Conférence. Le Cabinet 
danois a de même fait connaître son assentiment, en y mettant pour 
condition que les arrangements de i85i et i852 seraient pris pour 
base des délibérations. Le Gouvernement anglais, de son côté, n'au- 
rait eu aucune objection à adopter ces arrangements pour point de 
départ; mais, afin d'écarter les controverses qui pourraient s'élever à 
ce sujet et les retards qui en seraient la suite, le Principal Secré- 
taire d'État propose que le but des négociations soit simplement de 
trouver les moyens de rendre au Nord de l'Europe les bienfaits de 
la paix. 

Il résulte d'une autre dépêche du comte Russell, dont lord Cowley 
a bien voulu me donner connaissance, que le Gouvernement danois 
serait disposé à discuter en conférence d'autres arrangements, si l'on 
ne pouvait arriver à un accord fondé sur les transactions de 1 85 1 et 
i853. 

Je n'ai plus rien à vous apprendre aujourd'hui. Prince, sur le désir 
du Gouvernement de l'Empereur de voir se terminer une lutte armée 
qu'il n'a pas dépendu de nous de prévenir. Nous avons attesté la sin- 
cérité de nos sentiments en accordant notre appui à toutes les démar- 
ches qui ont été tentées auprès des belligérants. Nous considérons, au 
reste, comme le devoir des neutres de faire tout ce qui est en leur pou- 
voir pour rapprocher le moment de la paix. C'est le rôle que le droit 
public leur assigne dans tous les conflits internationaux, et nous se- 
rons heureux de le remplir dans la guerre actuelle, où nous voyons 
avec regret aux prises deux intérêts que nous aurions à cœur de con- 
cilier. Du moment où les parties belligérantes se montrent également 
disposées à rechercher en conférence les conditions d'un accord, nous 
sommes prêts nous-mêmes à prendre part à ces délibérations, et je 



jt" 
t 



/ 



— 17 — 
vous prie de le faire savoir au Gouvernement de Sa Majesté Britan 
nique. 

Agréez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



Le Ministre des Affaires étrangères 

à M. le Baron Forth-Rouen, Ministre de France à Dresde. 

Paris, ie h avril i864. 

Monsieur le Baron, d après des correspondances qui me sont par- 
venues de divers points de l'Allemagne, notre politique serait l'objet 
de quelques appréciations inexactes, qu'il nous importe de rectifier, 
notamment en ce qui concerne un engagement prétendu qu'aurait 
pris le Gouvernement de l'Empereur de soutenir les droits invoqués 
par le duc d'Augustenbourg. 

Pour rétablir la vérité, il suffira de me référer à notre langage 
antérieur. Notre conduite, des le principe, a été dirigée par les obli- 
gations que nous avons contractées à Londres en iSSti. Nous avons 
manifesté le regret que l'Allemagne n'eût point participé ci cette 
transaction; mais nous avons toujours déclaré qu'il nous paraissait 
désirable qu'elle pût être maintenue. Notre sentiment n'a pas cbangé, 
et nous ne désavouons nullement la part que nous avons prise au Traité 
qui a consacré l'intégrité de la Monarcbie danoise. 

Il s'est toutefois passé en dehors de nous une série de faits en dés- 
accord avec les stipulations de cet acte. L'Allemagne, depuis la mort 
du Roi Frédéric VII, a suivi une conduite essentiellement opposée au 
principe établi par la Conférence de Londres. La Diète a pris l'initiative 
en refusant de recevoir le plénipotentiaire du nouveau Souverain de 
Danemark comme représentant du duché de Holstein, et en accep- 
tant la discussion sur les droits du Prince qui aspire à la successioii 
des Duchés. L'occupation fédérale a eu lieu ensuite, et cette mesure, 
autorisée en principe, mais limitée dans ses effets par le droit fédéral, 
n'a pas tardé à changer de caractère. Les Commissaires de la Diète ont 

DOCDiaENTS DIPLOMATIQUES. 3 



— 18 — 
laissé partout proclamer publiquement le duc d'Augusteubourg. Enfin 
l'Autriche et la Prusse sont à leur tour intervenues dans le Sleswig. 

Nous n'avons point créé cet état de choses. A chaque incident nou- 
veau, nous avons, au contraire, présenté à qui de droit les observations 
qu'il motivait. On ne saurait donc nous attribuer une part quelconque 
de responsabilité dans la situation qui dérive, pour les Duchés, de la 
suppression des titres qui y constituaient la souveraineté; nous nous 
bornons à constater que, par suite des faits que je viens de rappeler, 
les populations y sont aujourd'hui sans maîtres acceptés ou reconnus. 
Cela étant, nous ne croirions pas pouvoir, en ce qui nous concerne, 
disposer d'elles sans leur aveu. Nos principes, en elFet, nous font un 
devoir de consulter leurs intérêts et leurs désirs avant d'exprimer notre 
avis sur le choix de leur Souverain et sur l'organisation de leur exis- 
tence politique. C'est en ce sens que nous nous sommes expliqués avec 
les divers Cabinets. Nous n'avons donc pris l'engagement d'appuyer 
aucune combinaison préconçue. Si le rétablissement pur et simple des 
transactions de i85i et i852 est reconnu possible, nous le soutien- 
drons de préférence, dans la mesure des obligations qui résultent pour 
nous du Traité de Londres. Mais s'il s'agit de décider du sort des po- 
pulations, nous restons entièrement libres de nous prononcer pour 
les arrangements qui nous paraîtront le mieux répondre à leurs vœux. 

Recevez, etc. 

Signé Drouyn de Lhdys, 



Le Ministre des Affaires étrangères 

à M. le Prince de La Tour d'Auvergne, à Londres. 

Paris, le 12 avril i864- 

Prince, la Conférence qui va définitivement se réunir consacrera 
tous ses eflbrts à rétablir la paix entre l'Allemagne et le Danemark, et 
nous ferons tout ce qui dépendra de nous pour que ses travaux aient 
une heureuse issue. Mais cette tâche a ses difficultés; elle peut éprou- 
ver des retards qu'il est sage de prévoir, et il serait affligeant de penser 



— 20 — 

condition d*une paix solide et durable, la réunion de la partie alle- 
mande du Sleswig au Holstein et au Lauenbourg et rincorporation 
de la partie septentrionale, ainsi que des districts mixtes, au Dane- 
mark. Le territoire du Holstein agrandi serait complètement séparé 
de la Monarchie danoise. On adopterait pour frontière la ligne de la 
Scblei et du Danewîrke. En outre, les Puissances accorderaient au 
Danemark une garantie pour la possession du royaume proprement 
dit et de la partie du Sleswig qui y serait incorporée. Ce programme 
est conforme à l'ordre d'idées que vous étiez chargé d'appuyer ou de 
suggérer dans la Conférence, et le désir du Gouvernement de l'Empe- 
reur est que les vues émises par nous soient constatées dans le pro- 
tocole qui contiendra l'exposé du plan développé par lord Russell. 

Il conviendra donc de rappeler la substance des instructions que 
j'ai eu l'honneur de vous adresser. Les arrangements de 1862 n'ayant 
pu faire régner entre l'Allemagne et le Danemark la bonne intelli- 
gence et la paix, on a reconnu qu'il était nécessaire de recourir à une 
autre combinaison. Instruits par les événements, qui nous montraient 
dans la rivalité des populations de race difiFérente dont la Monarchie 
danoise est formée le principe et l'origine de la guerre actuelle, nous 
avons été d'avis qu'il y avait lieu de rechercher les bases d'une entente 
dans des dispositions en harmonie avec le sentiment national des deux 
peuples. Je vous écrivais en conséquence, le 19 avril, qu'il importait 
« de tenir moins de compte des dénominations géographiques que de 
la répartition des populations par nationalités distinctes. » J'ajoutais 
que la séparation a nous paraissait devoir être accomplie de manière 
à ce que les races dont l'antagonisme a été la cause principale de 
la guerre actuelle soient placées dans des conditions qui, en les 
rattachant définitivement au groupe auquel elles appartiennent, ren- 
dent, à l'avenir, tout choc impossible entre elles, n 

Je suis revenu à plusieurs reprises sur les mênaes considérations, 
notamment dans ma dépêche du 8 de ce mois, en établissant plus 
expressément encore que le but de la Conférence, selon nous, de- 
vrait être de partager, autant qu'il est possible, les deux nationalités 
dans le Sleswig, en incorporant les Danois au Danemark et en re- 



— 21 — 

liant plus étroitement les Allemands au Holstein et au Lauenbourg. 
Quant à la désignation du Souverain sous Tautorité duquel ce ter- 
ritoire devrait être placé, je vous disais oque le Gouvernement de 
FErapereur n'avait point de parti pris, et qu il prêterait volontiers son 
appui à tout arrangement qui serait conforme au vœu des populations 
loyalement consultées. » Telles sont les idées que nous avons adoptées 
pour règle de conduite, et dont ma correspondance, depuis Touver- 
ture des délibérations, n*est que le développement motivé. 11 me paraît 
utile, je le répète, de les consigner au protocole; et je vous invite à y 
faire insérer une déclaration qui, en s*appuyant de la combinaison 
présentée par lord Russell, établira quelle a été, à cet égard, la cons- 
tante manière de voir du Gouvernement de Sa Majesté. 
Agréez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



Le Ministre des Affaires étrangères 

à M. le Prince de la Tour d^Auvergne, à Londres. 

Paris, le lo juin i864. 

Prince, j'ai eu, il y a quelques jours, avec lord Cowley un entre- 
tien dans lequel il m'a parlé d'établir un accord entre la France et 
l'Angleterre sur le tracé d'une frontière qu'elles soutiendraient comme 
un ultimatum. 

Pour apprécier cette idée, nous n avons qu'à nous reporter au lan- 
gage que nous avons tenu dès le commencement de la guerre. 

D'un côté, nous nous trouvions en présence d'un mouvement na- 
tional très-prononcé et de réclamations jusqu'à un certain point légi- 
times; de l'autre, le Danemark avait pour lui les stipulations d'un 
Traité que nous avons signé. Placés entre les droits d'un pays auquel 
nous attachent d'anciennes sympathies et les aspirations des popula- 
tions allemandes, dont nous avions à tenir compte également, nous 
devions agir avec une circonspection qui n'était pas commandée à 



— 22 — 

l'Angleterre au même degré. Cette Puissance, liée au Danemark parla 
parenté des deux dynasties et par des relations fréquentes, avait un 
intérêt que nous ne méconnaissons pas à lui accorder son assistance, 
et la position des lies Britanniques les mettant à Tabri de toutes repré- 
sailles de la part de TAllemagne, le danger d'une pareille lutte était, 
pour ainsi dire, nul pour l'Angleterre. Nous n'avions, au contraire, à 
embrasser la cause du Danemark les armes à la main aucun intérêt 
proportionné aux sacrifices considérables qu'une guerre contre l'Al- 
lemagne nous eût imposés. Nous avons donc pensé que nous de- 
vions prêter aux eftbrls du Cabinet anglais un concours purement 
diplomatique, et dès le principe nous lui avons fait connaître nos 
intentions. 

Le Gouvernement de Sa Majesté est, d'ailleurs, demeuré fidèle à sa 
parole. Dans toutes les occasions, il a usé de ses moyens d'influence 
pour disposer les Puissances allemandes à la modération. Du moment 
où les négociations sont devenues possibles, il a secondé l'idée d'une 
Conférence. Nous eussions désiré le maintien du traité de 1 852 , et nous 
l'avons défendu dans les délibérations préférablement à toute autre 
combinaison. Lorsque l'Angleterre a proposé d'y substituer un autre 
arrangement, nous l'avons appuyé par une déclaration insérée aux 
protocoles. Nous avons adopté pour programme la réunion des Danois 
du Sleswig au Danemark, celle des Allemands au Holstein, sous la 
seule réserve que le sort de ce Duché, dans ses nouvelles frontières, 
serait décidé conformément au vœu national. 

La situation est-elle changée aujourd'hui ? Devons-nous modifier 
notre attitude et prendre les armes pour conserver à la couronne de 
Danemark vingt-cinq ou trente mille âmes de plus dans le Sleswig? 
S'il fallait en venir à une pareille extrémité, mieux eût valu assuré- 
ment ne pas attendre que la question fût circonscrite à ce point, et 
faire immédiatement la guerre pour le traité qui consacrait l'intégrité 
de la Monarchie danoise. 

Je dis la guerre. En effet, une démonstration maritime qui nous 
amènerait à tirer le canon entraînerait pour nous la guerre sur terre 
comme sur mer. Nous ne serions pas libres, ainsi que l'Angleterre, de 



/ 
i 



— 23 — 

limiter nos opérations selon notre seule volonté. Malgré nos efforts 
pour localiser les hostilités, nous réussirions difficilement à les empê- 
cher d'éclater sur nos frontières. Il ne serait pas impossible, dans l'état 
des esprits en Sleswig, que la ligne de démarcation pour laquelle nous 
nous serions armés ne fût repoussée par le pays, et nous serions en 
conflit avec les populations du Duché en même temps que nous au- 
rions à combattre les Puissances allemandes. Une pareille entreprise 
exigerait de nous le déploiement de toutes nos ressources et nous im- 
poserait des efforts immenses. 

Devant une éventualité de cette nature, l'Angleterre serait-elle dis- 
posée à nous prêter un appui illimité? Le Gouvernement de Sa Majesté, 
en demandant aux. grands corps de l'Etat leur concours, aurait à leur 
expliquer pour quels avantages le sang de la France va couler. Le Ca- 
binet anglais nous mettrait-il à même de répondre à cette question, la 
première, assurément, qui nous serait faite? Pour nous, Prince, notre 
pensée ne s'est jamais arrêtée sur ce point. Si nous étions guidés par 
des vues ambitieuses, nous eussions peut-être cherché à mettre à profit 
l'occasion présente, en nous traçant un plan de conduite propre à les 
satisfaire. Mais nous sommes demeurés étrangers à cet ordre de consi- 
dérations. 

Lord Russell semble penser qu'une démonstration maritime pour- 
rait avoir lieu sans faire naître un conflit, et qu'il suffirait de menacer 
pour avoir raison des prétentions de l'Allemagne. Mais, dans une ques- 
tion où l'amour-propre national est engagé à un tel degré, ce calcul 
ne peut-il pas être déçu ? N'est-il pas à présumer que le sentiment des 
populations se prononcerait avec vivacité contre nous? En admettant 
même que l'on ne dût pas s'attendre à une agression armée, il se pro- 
duirait inévitablement des manifestations que leur caractère violent 
ne nous permettrait peut-être pas de tolérer. Nous nous verrions, en 
ce cas, dans l'alternative ou d'y répondre ou d'accepter un échec 
moral. 

Avant le résultat regrettable qu'ont eu nos démarches communes 
dans l'aflaire de Pologne, l'autorité des deux Puissances n'avait subi 
aucune atteinte; elles pouvaient l'exposer sans hésitation. Mais aujour* 



— 24 - 

d*hui des paroles non suivies d efiFet et des manifestations vaines se- 
raient fatales à leur dignité. 

J*ai présenté ces considérations à M. Tambassadeur d'Angleterre, 
et je vous prie de vouloir bien en faire part, de votre côté, au Prin- 
cipal Secrétaire d'État de S. M. Britannique. 

Agréez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



Le Ministre des Affaires étrangères 

à M. le Prince de la Tour d'Auvergne, à Londres. 

Paris, le 11 juin 1864. 

Prince, les dissentiments qui se sont élevés dans les dernières déli- 
bérations de la Conférence et les dispositions de plus en plus marquées 
des parties belligérantes à ne se faire aucune concession nouvelle 
nous obligent à prévoir le cas où l'entente deviendrait impossible entre 
elles sur le tracé de la frontière. Nous n'avons rien négligé jusqu'ici 
pour favoriser un rapprocbement, et notre ferme intention est de per- 
sévérer dans nos efforts. Pour les raisons que je vous ai exposées dans 
ma correspondance, et sur lesquelles je ne crois pas nécessaire de re- 
venir ici, nous désirons avant tout l'adoption du projet présenté par 
lord Russell. Vous continuerez donc à prêter votre concours à cotte 
proposition, sauf à vous rallier à telle combinaison qui aurait l'assen- 
timent du Cabinet de Copenhague. 

Si toutefois je me place devant l'hypothèse d'un refus des parties 
de transiger sur la ligne de démarcation, je ne pense pas que nous 
puissions laisser les plénipotentiaires se séparer sans faire nous-mêmes, 
en vue de la paix, une dernière suggestion. Du moment où il serait 
démontré qu'aucun compromis n'a de chances d'être accepté, il n*y 
aurait, ce semble, qu'une voie à suivre : il conviendrait de recourir au 
principe qui a prévalu jusqu'ici pour le règlement des autres points. 
C'est en vertu de leur nationalité que les districts septentrionaux du 



— 25 — 
Sleswig sont attribués du Danemark et ceux du sud à rAlleinagne. 
On a jugé inutile de faire un appel direct au vœu des populations là 
où il était manifeste; mais on pourrait le consulter là où il est dou- 
teux, lorsqu'aucun autre moyen n existerait plus pour établir un ac- 
cord* Nous serions donc d'avis de demander à un vote des communes 
les éléments d'appréciation auxquels on conviendrait de s'en rapporter. 
Ce vote par commune permettrait, dans le tracé définitif de la fron- 
tière, de tenir le compte le plus exact possible de cbaque nationalité. 
Pour qu'il présentât, d'ailleurs, les garanties désirables, la Conférence 
devrait établir que toute force militaire serait préalablement éloignée 
et que les suffrages seraient exprimés en dehors de toute pression. Les 
Puissances appelées à participer aux délibérations de Londres pour- 
raient envoyer des délégués sur les lieux, afin de constater la parfaite 
sincérité du scrutin. 

Telles sont les vues que je croirais convenable de suggérer, si, 
comme il y a lieu de le craindre, le Danemark ne parvenait pas à se 
mettre d'accord avec les Puissances allemandes sur le tracé de la ligne 
de démarcation. Aussi longtemps que vous conserverez l'espoir de con- 
cilier les prétentions respectives sur ce point, vous devrez, je le ré- 
pète, y consacrer tous vos efforts. Mais, lorsque vous en aurez reconnu 
l'inutilité, vous voudrez bien vous expliquer au sein de la Conférence 
dans le sens que je viens de vous indiquer et faire insérer au proto- 
cole l'expression de la manière de voir du Gouvernement de Sa Majesté. 

Agréez, etc. 

? Signé Drouyn de Lhuys. 



Le Ministre des Affaires étrangères 

aux Agents diplomatiques de f Empereur. 

Paris, le 28 juin i864- 

Monsieur, les plénipotentiaires convoqués à Londres pour rétablir 
la paix entre rAllaoïagne et le Danemark se sont séparés après avoir 
constaté Tinutilité de leurs efforts, et les parties belligérantes ont 

DOCUMENTS DIPLOM ATIQ0B8. A 



— 26 — 

immédiatement repris les armes. Nous regrettons vivement que les 
travaux de la Conférence n'aient point eu un résultat plus satisfaisant, 
et il n*a pas dépendu de nous qu'il ne fût différent. 

Nous n'avions point fermé les yeux sur les difficultés que présen tait 
cette négociation. Aussi, avant qu elle ne s'ouvrît, nous sommes-nous 
efforcés d'obtenir que la Conférence se réunît dans les conditions les 
plus propres à faciliter sa lâche. Nous eussions désiré notamment qu'un 
armistice véritable lut préalablement conclu pour toute la durée des 
délibérations, et que la discussion eût une base déterminée d'avance. 

Les parties n'ont pu s'entendre sur ces deux points, et bien que 
cette première difficulté nous ait dès lors inspiré des doutes sur l'issue 
des Conférences, nous n'en avons pas moins secondé sincèrement celte 
tentative de conciliation. Le plénipotentiaire de l'Empereur a, en con- 
séquence, été chargé d'appuyer ou de suggérer toutes les propositions 
qui paraissaient de nature à opérer un rapprochement. 

Le point de départ de la discussion devait naturellement être re- 
cherché avant tout dans les arrangements de 1 852. Nous nous sommes 
donc demandé d'abord s'ils ne pourraient pas, sous la condition d'être 
remaniés de manière à mieux atteindre leur but, servir de base à une 
transaction équitable, et c'est en ce sens que le représentant de la 
France s'est exprimé au début dos négociations. Lorsque, l'impossibi- 
lité de maintenir la discussion sur ce terrain ayant été reconnue, le 
Gouvernement anglais a fait la proposition d'un arrangement qui attri- 
buait la partie méridionale du Sleswig au Holstein, accru du Lauen- 
bourg, nous n'avons pas hésité à nous rallier à cette combinaison. 
Elle avait, à nos yeux, l'avantage de tenir compte du sentiment national 
des populations allemandes du Sleswig et de laisser au Holstein, 
agrandi par celte annexion, le droit de décider lui-même de son sort. 
En prêtant notre appui aux plénipotentiaires anglais, nous agissions 
en parfaite conformité avec les principes de notre droit public, et nous 
eussions été heureux d'une transaction qui nous semblait accept^le 
pour les deux parties. Les Puissances allemandes n'ont pas cru devoir 
y adhérer. Elles réclamaient pour le tracé de la frontière une ligne de 
démarcation qui eût assuré à l'Allemagne la posse^^sion des districts 



— 27 — 
mixtes, tandis que le Danemark persistait à ne pas ajouter ce nouveau 
sacrifice à ceux qu'il consentait à faire en abandonnant le Sleswig mé- 
ridional ainsi que le Holstein et le Lauenbourg. Quand toutes les autres 
combinaisons mises en avant ont été épuisées, nous avons formulé un 
dernier avis. Nous avons suggéré d'appeler les populations qui res- 
taient l'objet du litige a exprimer elles-mêmes leur sentiment et à 
fournir ainsi à la Conférence les données nécessaires pour tracer de la 
manière la plus équitable la ligne de démarcation. Mais nous n'avons 
pu prévenir la rupture des négociations, et le différend se trouve de 
nouveau livré au sort des armes. 

L'opinion se montre vivement émue de la reprise des hostilités, et 
elle envisage avec inquiétude les conséquences que peut entraîner une 
lutte aussi inégale. Nous ne saurions, quant à nous, méconnaître la 
portée de ces événements. Nous faisons les vœux les plus sincères pour 
que les dangers qui peuvent en résulter soient évités, et, désirant 
persévérer dans l'attitude d'impartialité que nous avons adoptée, nous 
voulons espérer qu'il ne surgira aucune complication assez grave 
pour nous déterminer à embrasser une autre politique. 

Recevez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



Le Ministre des Affaires étrangères 

aux Ambassadeurs de l'Empereur à Vienne et à Berlin. 

Paris, le i3 juillet i86â. 

Monsieur, un télégramme de M. Dotézac, en date du ii, m'an- 
nonce que le nouveau Cabinet danois a résolu de proposer aux Cours 
de Vienne et de Berlin une suspension d'armes immédiate, afin de 
négocier un armistice et de traiter de la paix. Le courrier porteur 
de^es ouvertures a dû quitter hier Copenhague, et un parlementaire 
a été envoyé au quartier général de l'armée austro-prussienne pour 
arrêter les hostilités. En même temps, le Gouvernement danois nous 
fait exprimer le désir de voir ses démarches appuyées par nous auprès 



h. 



— 28 — 
des deux grandes Puissances allemandes. Nous ne pouvons que déférer 
à un vœu aussi digne d'intérêt, et lorsque nous considérons la situa- 
tion respective des parties belligérantes, les propositions du Dane- 
mark nous paraissent mériter de la part des Cabinets de Vienne et de 
Borlîn le plus favorable accueil. En effet, les derniers événements 
militaires ont mis les armées alliées en possession du Sleswig tout 
entier; elles occupent même la partie la plus importante du Jutland, 
puisqu'elles ont entre leurs mains la forteresse de Fredericia. Ces 
deux territoires, joints à ceux du Holstein et du Lauenbourg, sont 
pour TAutriche et la Prusse des témoignages assurément suffisants de 
la supériorité de leurs forces, et le gage certain de la position qui lui 
appartient dans les négociations. Aucune nécessité stratégique, aucune 
considération d'amour-propre ou de dignité ne peut les obliger à con- 
tinuer la lutte, et au contraire, quand le Danemark, renonçant à une 
plus longue résistance, offre de cesser les hostilités, il sied à ses puis- 
sants adversaires de ne plus consulter que les sentiments élevés qui 
conviennent aux vainqueurs. Nous avons donc la persuasion que le 
Danemark n'aura pas en vain fait appel aux dispositions pacifiques de 
fAulriche et de la Prusse, et que les deux Cours faciliteront le réta- 
blissement de la paix par leur empressement à adhérer aux proposi^ 
tions d'armistice qui vont leur être présentées, comme par l'esprit de 
modération dont elles se montreront animées dans la discussion des 
nouveaux arrangements. 

Le Gouvernement de l'Empereur croit remplir un devoir en prêtant 
son appui à ces ouvertures, suivant la demande qui lui en est adressée 
de Copenhague, et vous êtes invité à employer tous vos efforts pour 
qu'elles soient acceptées par les Cabinets de Vienne et de Berlin. 
L'attitude impartiale que nous avons observée en présence de la lutte 
actuelle, et à laquelle fopinion publique en Allemagne a rendu hom- 
mage, nous donne peut-être un titre particulier à faire entendre notre 
voix dans cette circonstance. Nous avons, d'ailleurs, la conviction 
d'agir en conformité parfaite avec les intérêts généraux de toutes les 
Puissances, en conseillant aux Cours d'Autriche et de Prusse de mettre 
fin, puisqu'elles le peuvent aujourd'hui, à une guerre qui, au point 



— 29 — 
où les choses en sont arrivées, ne pourrait se prolonger sans causer 
en Europe les plus sérieuses préoccupations. 
Agréez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



Le Ministre des Affaires étrangères 

à M. le Duc de Gr amont, Ambassadeur de France à Vienne. 

Paris, le lo aoât i86ii. 

Monsieur le Duc, par une précédente dépêche, je vous invitais à 
faire appel à la modération du Cabinet de Vienne envers le Dane- 
mark. J'ai écrit dans le même sens à M. le baron de Talleyrand, et je 
l'ai prié de recommander également à la Cour de Prusse une politique 
de conciliation et d'équité. La publication des Protocoles de Vienne et 
des préliminaires de paix n'a fait que confirmer les impressions de 
l'opinion publique en Europe sur la rigueur des sacrifices imposés à 
la Monarchie danoise et sur la situation à laquelle elle se trouve ré- 
duite. Ce sentiment est général, et nous demeurons persuades que les 
deux grandes Puissances allemandes feraient preuve d'une véritable 
sagesse en ne refusant pas d'en tenir compte. 

Agréez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



Le Ministre des Affaires étrangères 
à M. le Duc DE Gramont, à Vienne. 

Paris, le 17 août i864. 

Monsieur le Duc, par ma dépêche en date d'hier, je vous ai entre- 
tenu des dispositions relativement conciliantes que le Cabinet de 
Beriin annonce l'intention de porter dans les négociations qui vont 
souvïir à Vienne. J'apprends aujourd'hui par la correspondance de 



— 30 — 

M. Dotézac que la clause des préliminaires de paix à laquelle la Cour 
de Copenhague attache le plus haut prix est celle qui établit en prin- 
cipe une compensation en faveur du Danemark pour la cession des 
enclaves et des îles du Jutland. La rectification de frontière qui doit 
être la conséquence de cette stipulation est, aux yeux du Cabinet da- 
nois, la plus importante des questions à régler, et c'est sur ce point 
essentiel qu il voudrait surtout voir les deux grandes Cours allemandes 
donner une preuve de leur esprit de modération et d'équité. Vous 
connaissez notre opinion sur la ligne de démarcation qui nous parais- 
sait la plus naturelle et la plus équitable. Le désir de la Cour de Da- 
nemark n'est donc, suivant nous, que trop légitime, et bien que le 
Gouvernement de l'Empereur ne veuille intervenir qu'à titre purement 
officieux, je vous invite à ne point laisser ignorer à MM. les Pléni- 
potentiaires d'Autriche et de Prusse combien le vœu du Cabinet de 
Copenhague nous paraît digne d'intérêt. 
Agréez, etc. 

Signé Drou^n de Lhuys. 



Le Ministre des Affaires étrangères 

aux Agents diplomatiques de l'Empereur. 

Paris, le 3o décembre i864. 

Monsieur, les événements qui se passent en Allemagne et dans les 
Duchés n'ont pas modifié les jugements que nous avions portés pen- 
dant le cours des délibérations de la Conférence de Londres. Fidèles à 
la politique de justice et d'impartialité qui a été la règle de nos appré- 
ciations , nous ne pouvons nous empêcher de constater combien l'ex- 
périence a promptement justiGé les principes que nous avions émis. 
En demandant que, de part et d'autre, on tînt compte des aspirations 
nationales, et que les vœux de la partie danoise du Sleswig fussent 
pris en considération, nous savions qu'il ne pouvait y avoir d'autre base 
pour une pacification durable. Nous formons des vœux pour que 



AFFAIRES D'ITALIE ET DE ROME. 



DOCDMeNTS DIPLOMATIQUES. 



AFFAIRES D'ITALIE ET DE ROME. 



Le Ministre des Affaires étrangères 

à M. le Comte de Sârtiges, Ambassadeur de France à Rome. 

Paris, le 12 septembre i86â. 

Monsieur le Comte, la position que nous occupons à Rome est, de- 
puis longtemps déjà, le sujet des plus sérieuses préoccupations du 
Gouvernement de l'Empereur. Les circonstances nous ont paru favo- 
rables pour examiner de nouveau l'état réel des choses , et nous croyons 
utile de communiquer au Saint-Siège le résultat de nos réflexions. 

Je n'ai pas besoin de rappeler les considérations qui ont conduit à 
Rome le drapeau de la France et qui nous ont déterminés à l'y main- 
tenir jusqu'ici. Nous étions résolus à ne point abandonner ce poste 
d'honneur tant que le but de l'occupation ne serait pas attçint. Cepen- 
dant nous n'avons jamais pensé que cette situation dût être perma- 
nente; toujours nous l'avons considérée comme anormale et tempo- 
raire. C'est dans ces termes que le premier plénipotentiaire de 
l'Empereur au Congrès de Paris la caractérisait il y a huit ans. Il ajou- 
tait, conformément aux ordres de Sa Majesté, que nous appelions de 
tous nos vœux le moment où nous pourrions retirer nos troupes de 
Rome sans compromettre la tranquillité intérieure du pays et l'autorité 
du Gouvernement pontifical. En toute occasion nous avons renouvelé 
les mêmes déclarations. 

Au commencement de 1869, le Saint-Siège avait fait, de son côté, 

5. 



— 36 — 
la proposition de fixer à la fin de cette année l'évacuation du territoire 
gardé par nos troupes. La guerre qui éclata alors en Italie ayant décidé 
l'Empereur à renoncer à leur rappel, la même pensée fut reprise aus- 
sitôt que les événements parurent autoriser l'espoir que le Gouverne- 
ment pontifical serait en mesure de pourvoir à sa sûreté avec ses pro- 
pres forces. De là l'entente établie en 1860, et en vertu de laquelle le 
départ des troupes françaises devait être efi'ectué au mois d'août. Les 
agitations qui survinrent à la même époque empêchèrent encore une 
fois l'exécution d'une mesure que le Saint-Siège désirait comme nous. 
Mais le Gouvernement de l'Empereur n'en a pas moins continué de 
voir dans la présence de nos troupes à Rome un fait exceptionnel et 
passager, auquel, dans un intérêt mutuel, nous devions mettre un 
terme dès que la sûreté et l'indépendance du Saint-Siège seraient à 
l'abri de nouveaux périls. 

Combien de raisons, en efl'et, n'avons-nous point de souhaiter que 
l'occupation ne se prolonge pas indéfiniment ? Elle constitue un acte 
d'intervention contraire à l'un des principes fondamentaux de notre 
droit public, et d'autant plus difficile à justifier pour nous que notre 
but, en prêtant au Piémont l'appui de nos armes, a été d'affranchir 
l'Italie de l'intervention étrangère. 

Cette situation a, en outre, pour conséquence, de placer face à face, 
sur le même terrain, deux souverainetés distinctes, et d'être ains fré- 
quemment une cause de difficultés graves. La nature des choses est 
plus forte ici que le bon vouloir des hommes. De nombreuses mutations 
ont eu lieu dans le commandement supérieur de l'armée française, et 
les mêmes dissentiments, les mêmes conflits de juridiction se sont re- 
produits, à toutes les époques, entre nos généraux en chef, dont le 
premier devoir est évidemment de veiller à la sécurité de leur armée, 
et les représentants de l'autorité pontificale, jaloux de maintenir dans les 
actes d'administration intérieure l'indépendance du souverain territorial, 

A ces inconvénients inévitables, que les agents français les plus 
sincèrement dévoués au Saint-Siège ne sont pas parvenus à écarter, 
viennent se joindre ceux qui résultent fatalement de la difiiérence 
des points de vue politiques. Les deux Gouvernements n'obéissent 




— 37 — 
pas aux mêmes inspirations et ne procèdent pas d'après les mêmes 
principes. Notre conscience nous oblige trop souvent à donner des 
conseils que trop souvent aussi celle de la Cour de Rome croit devoir 
décliner. Si notre insistance prenait un caractère trop marqué, nous 
semblerions abuser de la force de notre position, et, dans ce cas, le 
Gouvernement pontifical perdrait, devant l'opinion publique, le mérite 
des résolutions les plus sages. D'autre part, en assistant à des actes en 
désaccord avec notre état social et avec les maximes de notre législa- 
tion, nous échappons difficilement à la responsabilité d'une politique 
que nous ne saurions approuver. Le Saint-Siège, en raison de sa na- 
ture propre, a ses codes et son droit particuliers, qui, dans bien des 
occasions, se trouvent malheureusement en opposition avec les idées 
de ce temps. Eloignés de Rome, nous regretterions certainement en- 
core de le voir en faire l'application rigoureuse, et, guidés par un dé- 
vouement filial, nous ne croirions pas, sans doute, pouvoir garder le 
silence , quand des faits semblables viendraient donner des prétextes aux 
accusations de ses adversaires; mais notre présence à Rome, qui nous 
crée à cet égard des obligations plus impérieuses , rend aussi , dans ces 
circonstances, les rapports des deux Gouvernements plus délicats, et 
met davantage en cause leurs susceptibilités réciproques. 

Si manifestes que soient ces inconvénients, nous avons tenu à ne 
pas nous laisser détourner de la mission que nous avions acceptée. Le 
Saint-Père n'avait pas d'armée pour protéger son autorité à l'intérieur 
contre les projets du parti révolutionnaire, et, d'un autre côté, les dis- 
positions les plus inquiétantes régnaient dans la Péninsule au sujet de 
la possession de Rome, que le Gouvernement italien lui-même, par la 
bouche des Ministres dans le Parlement, aussi bien que par ses commu- 
nications diplomatiques, réclamait comme la capitale de l'Italie. Tant 
que ces vues occupaient la pensée du cabinet de Turin, nous devions 
craindre que, si nos troupes étaient rappelées, le territoire du Saint- 
Siège ne fût exposé à des attaques que le Gouvernement pontifical n'au- 
rait pas été en mesure de repousser. Nous avons voulu lui conserver 
notre appui armé jusqu'à ce que le danger de ces entraînements irré- 
fléchis nous parût écarté. 



— 38 — 

Nous sommes frappés aujourd'hui, Monsieur le Comte, des heureux 
changements qui se manifestent, sous ce rapport, dans la situation gé- 
nérale de la Péninsule. Le Gouvernement italien s'efforce, depuis deux 
ans, de faire disparaître les derniers débris de ces associations redou- 
tables qui, à la faveur des circonstances, s'étaient formées en dehors 
de son action, et dont les projets étaient principalement dirigés contre 
Rome. Après les avoir combattues ouvertement, il est parvenu à les 
dissoudre, et, chaque fois qu'elles ont essayé de se reconstituer, il a fa- 
cilement déjoué leurs complots. 

Ce Gouvernement ne s'est pas borné à empêcher qu'aucune force 
irrégulière pût s'organiser sur son territoire pour attaquer les pro- 
vinces placées sous la souveraineté pontificale; il a donné à sa politique 
envers le Saint-Siège une attitude plus en harmonie avec ses devoirs 
internationaux. Il a cessé de mettre en avant, dans les Chambres, le 
programme absolu qui proclamait Rome capitale de l'Italie, et de nous 
adresser à ce sujet des déclarations péremptoires, auparavant si fré- 
quentes. D'autres idées se sont fait place dans les meilleurs esprits et 
tendent de plus en plus à prévaloir. Renonçant à poursuivre par la 
force la réalisation d'un projet auquel nous étions résolus de nous op- 
poser, et ne pouvant, d'autre part, maintenir à Turin le siège d'une 
autorité dont la présence est nécessaire sur un point plus central du 
nouvel Etat, le Cabinet de Turin aurait lui-même l'intention de trans- 
porter sa capitale dans une autre ville. 

A nos yeux. Monsieur le Comte, cette éventualité est d'une impor- 
tance majeure pour le Saint-Siège comme pour le Gouvernement de 
l'Empereur; car, en se réalisant, elle constituerait une situation nou- 
velle qui n'offrirait plus les mêmes dangers. Après avoir obtenu de 
l'Italie les garanties que nous croirions devoir stipuler en faveur du 
Saint-Siège contre les attaques extérieures , il ne nous resterait plus qu'à 
aider le Gouvernement pontifical à former une armée assez bien orga- 
nisée et assez nombreuse pour faire respecter son autorité à l'intérieur. 
Il nous trouverait disposés à en seconder le recrutement de tout notre 
pouvoir. Ses ressources actuelles, nous le savons, ne lui permettraient 
pas de subvenir à l'entretien d'un effectif considérable; mais des arran- 



-^ 39 — 
gements à prendre déchargeraient le Saint-Siège d'une partie de la 
dette dont il a cru de sa dignité de continuer jusqu'ici à servir les in- 
térêts. Rentré ainsi en possession de sommes importantes, défendu au 
dedans par une armée dévouée , protégé au dehors par les engagements 
que nous aurions demandés à l'Italie, le Gouvernement pontifical se 
retrouverait placé dans des conditions qui, en assurant son indépen- 
dance et sa sécurité, nous permettraient d'assigner un terme à la pré- 
sence de nos troupes dans les États Romains. Ainsi se vérifieraient ces 
paroles adressées par l'Empereur au Roi d'Italie, dans une lettre du 
1 2 juillet i86i : «Je laisserai mes troupes à Rome tant que Votre Ma- 
«jesté ne sera pas réconciliée avec le Pape, ou que le Saint-Père sera 
« menacé de voir les Etats qui lui restent envahis par une force régu- 
« lière ou irrégulière. » 

Telles sont, Monsieur le Comte, les observations que nous suggère 
un examen attentif et consciencieux des circonstances actuelles , et dont 
le Gouvernement de l'Empereur croit opportun de faire part à la Cour 
de Rome. Le Saint-Siège appelle certainement comme nous de ses 
vœux les plus sincères le moment où la protection de nos armes ne se- 
rait plus nécessaire à sa sûreté, et où il pourrait, sans péril pour les 
grands intérêts qu'il représente, rentrer dans la situation normale d'un 
gouvernement indépendant. Nous avons donc la confiance qu'il rendra 
pleine justice aux sentiments qui nous guident, et c'est dans cette per- 
suasion que je vous autorise à appeler l'attention du cardinal Antonelli 
sur les considérations que je viens de vous exposer. 

Vous pouvez donner à Son Eminence lecture de cette dépêche. 

Agréez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



Le Ministre des Affaires étrangères 
à M. le Comte de Sartiges, à Rome. 

Paris, le 33 septembre i864- 

Monsieur le Comte, la dépêche que j'ai eu l'honneur de vous 



— 40 — 
adresser, le 12 de ce mois, vous a fait connaître quelle importance 
nous attachions au fait de la translation de la capitale du royaume 
d'Italie dans une autre ville que Turin. Le Gouvernement italien nous 
ayant notifié sa résolution, nous nous sommes décidés à conclure avec 
lui une convention dont ma dépêche précitée vous permet de pres- 
sentir les bases. Cette convention a été signée, le i5 de ce mois, entre 
les plénipotentiaires du Roi d'Italie et moi. Vous en trouverez le texte 
ci-annexé. Je vous ai exposé avec assez de développements les considé- 
rations auxquelles nous avons obéi dans cette circonstance pour être 
dispensé d'y revenir. Décidé à retirer ses troupes de Rome aussitôt que 
l'état général de l'Italie et les dispositions du Gouvernement italien le 
permettraient, et jugeant que le moment était venu, l'Empereur a 
voulu entourer cette mesure de toutes les précautions que la pré- 
voyance humaine suggère et qui lui ont paru de nature à garantir 
contre toute atteinte l'indépendance et la sécurité du Saint- Père et de 
ses Etats. L'engagement, pris sous la caution de la France par le Gouver- 
nement italien, de respecter le territoire du Saint-Siège et de le dé- 
fendre , au besoin , par la force , contre toute attaque venant du dehors , 
écarte désormais les dangers extérieurs qui ont menacé trop souvent 
les provinces romaines. 

L'organisation d'une armée papale inspirant toute confiance, aussi 
bien par les éléments dont elle pourra être composée que par le chiffre 
de son effectif, assurera l'autorité du Saint-Père , l'ordre et la tranquil- 
lité à l'intérieur et sur la frontière de ses États. L'œuvre d'organisation 
de cette armée pourra aisément s'accomplir dans un terme de deux 
ans, et les ressources que le Saint-Siège trouvera en se déchargeant 
sur le Gouvernement italien, qui l'accepte, de la part de la dette ro- 
maine afférente aux anciennes provinces de l'Eglise , lui fourniront les 
moyens de pourvoir aux dépenses de son état militaire. L'Empereur 
pourra , en toute tranquillité pour les grands intérêts qu'il est venu dé- 
fendre et protéger à Rome, rappeler ses troupes, et rendre au Souve- 
rain Pontife la pleine et entière indépendance nécessaire au libre exer- 
cice de sa double autorité. 

Je me plais à espérer. Monsieur le Comte, que le Gouvernement de 



- ^ll — 

Sa Sainteté appréciera les puissants motifs qui ont déterminé nos réso- 
lutions, aussi bien que la valeur des garanties qui résultent pour lui des 
stipulations dont vous voudrez bien lui donner connaissance. L'Empe- 
reur a la conscience d'avoir dignement accompli la tâche qu'il s'était 
imposée à Rome. 

Encore dans cette circonstance il croit avoir témoigné de sa solli- 
citude pour le Saint-Siège, de sa respectueuse et filiale affection pour 
Notre Saint-Père le Pape, et, en plaçant les engagements qui assurent 
sa sécurité et son indépendance sous l'autorité d'un contrat signé avec 
la France, il leur a donné la meilleure garantie d'une sincère et loyale 
exécution. 

Agréez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



Lk Ministre des Affaires étrangères 

à M le Baron de Malaret, Ministre de France à Turin. 

Paris, le 23 septembre i864. 

Monsieur le Baron, vous savez que le Gouvernement de l'Empereur 
s'est décidé à entrer dans un arrangement avec le Cabinet de Turin 
pour déterminer les conditions auxquelles pourrait être effectuée l'éva- 
cuation de Rome par nos troupes. J'ai l'honneur de vous envoyer ci- 
annexé le texte de la convention qui a été signée à cet effet, le i5 de 
ce mois, entre les plénipotentiaires de S. M. le Roi d'Italie et moi : 
cette convention a reçu les ratifications de l'Empereur et du roi Victor- 
Emmanuel. 

Je crois utile de rappeler brièvement quelques-unes des circons- 
tances qui ont précédé la conclusion de cet acte important, et de vous 
indiquer en même temps les motifs qui ont déterminé le Gouver- 
nement de l'Empereur à se départir de la fin de non-recevoir qu'iJ avait 
dû opposer jusqu'ici aux suggestions du Gouvernement italien. 

Appelé à m'expliquer, au mois d'octobre 1862, sur une communica- 

DOCOMENTS DIPLOMATIQUES. 6 



— 42 — 
tîon du Cabinet de Turin qui, en affirmant le droit de l'Italie sur Rome, 
réclamait la remise de cette capitale et la dépossession du Saint-Père, 
j'ai dû refuser de le suivre sur ce terrain et déclarer, au nom de l'Em- 
pereur, que nous ne pouvions nous prêter à aucune négociation qui 
n'aurait pas pour objet de sauvegarder les deux intérêts qui se recom- 
mandent également à notre sollicitude en Italie, et que nous étions 
bien décidés à ne pas sacrifier l'un à l'autre. Après avoir franchement 
exposé ainsi à quelles conditions il nous serait possible de prendre en 
considération les propositions qu'on croirait devoir nous faire ultérieu- 
rement, nous avons ajouté qu'on nous trouverait toujours prêts à les 
examiner, quand elles nous paraîtraient de nature à nous rapprocher 
du but que nous voulions atteindre. C'est dans cet esprit que nous 
avons accueilli les diverses ouvertures qui nous ont été faites depuis, 
bien qu'elles ne répondissent pas assez complètement à nos intentions 
pour servir de bases à un arrangement acceptable. 

Nous suivions en même temps, avec un grand intérêt, les progrès 
qui se manifestaient dans la situation générale de l'Italie, Le Gouver- 
nement italien comprimait avec résolution et persévérance les passions 
anarchiques, déjà affaiblies par l'effet du temps et de la réflexion. Des 
idées modérées tendaient à prévaloir dans les meilleurs esprits et à ou- 
vrir la voie à des tentatives sérieuses d'accommodement. C'est dans ces 
circonstances favorables que le Gouvernement du Roi Victor-Emmanuel 
s'est décidé à une grande résolution. Préoccupé de la nécessité de 
donner plus de cohésion à l'organisation de l'Italie, il nous a fait part 
des motifs politiques, stratégiques et administratifs qui le déterminaient 
à transférer sur un point plus central que Turin la capitale du royaume. 
L'Empereur appréciant toute l'importance de cette résolution, et tenant 
compte à la fois des considérations que je viens de rappeler et des dis- 
positions plus conciliantes manifestées par le Cabinet de Turin , a pensé 
que le moment était venu de régler les conditions qui lui permettraient, 
en assurant la sécurité du Saint-Père et de ses possessions , de mettre 
fin à l'occupation militaire des Etats Romains. La convention du 
1 5 septembre répond, selon nous, à toutes les nécessités de la situation 
respective de l'Italie et de Rome. Elle contribuera, nous l'espérons, à 



— 43 — 
hâter une réconciliation que nous appelons de tous nos vœux et que 
l'Empereur lui-même n'a cessé de recommander dans l'intérêt commun 
du Saint-Siège et de l'Italie. 

Aussitôt que le progrès de la négociation a permis d'en espérer le 
succès, j'ai eu soin de faire part à la Cour de Rome des considérations 
auxquelles nous avions obéi dans cette circonstance, et j'ai adressé à 
l'ambassadeur de Sa Majesté la dépêche dont vous trouverez ci-joint 
copie ^'^ Je me suis empressé de lui annoncer la signature de la conven- 
tion et de lui en faire connaître les clauses, pour qu'il en informe le 
Gouvernement de Sa Sainteté. 

J'espère que la Cour de Rome appréciera nos motifs et les garanties 
que nous avons stipulées dans son intérêt. Si, au premier abord, elle 
était disposée à voir d'un œil peu favorable les arrangements que nous 
venons de conclure avec une puissance dont la sépare encore le sou- 
venir de récents griefs, la signature de la France lui donnera du moins, 
nous n'en doutons pas, la certitude de la loyale et sincère exécution des 
engagements du 1 5 septembre. 

Recevez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



CONVENTION ENTRE LA FRANCE ET LMTALIE. 

Leurs Majestés l'Empereur des Français et le Roi d'Italie, ayant ré- 
solu de conclure une convention, ont nommé pour leurs plénipoten- 
tiaires, savoir : 

Sa Majesté l'Empereur des Français : 

M. Drouyn de Lhuys, sénateur de l'Empire, grand-croix de l'ordre 
impérial de la Légion d'honneur et de l'ordre des Saints Maurice et 
Lazare, etc. etc. etc. son ministre et secrétaire d'Etat au Département 
des Affaires étrangères; 

Et Sa Majesté le Roi d'Italie : 

''' Voir la dépêche du i a septembre. 



_ 44 — 

M. le chevalier Constantin Nigra, grand-croix de Tordre des Saints 
Maurice et Lazare, grand officier de Tordre impérial de la Légion 
d'honneur, etc. etc. son envoyé extraordinaire et ministre plénipo- 
tentiaire près Sa Majesté TEmpereur des Français; 

Et M. le marquis Joachim Pepoli, grand-croix de Tordre des Saints 
Maurice et Lazare, chevalier de Tordre impérial de la Légion d'hon- 
neur, etc. etc. son envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire 
près Sa Majesté TEmpereur de toutes les Russies; 

Lesquels, après s'être communiqué leurs pleins pouvoirs respectifs, 
trouvés en bonne et due forme, sont convenus des articles suivants : 

ARTICLE PREMIER. 

L'Italie s'engage à ne pas attaquer le territoire actuel du Saint-Père, 
et à empêcher, même par la force, toute attaque venant de Textérieur 
contre ledit territoire. 

ART. 2. 

La France retirera ses troupes des Etats pontificaux graduellenaent 
et à mesure que l'armée du Saint-Père sera organisée. L'évacuation 
devra néanmoins être accomplie dans le délai de deux ans. 

ART. 3. 

Le Gouvernement italien s'interdit toute réclamation contre Torga- 
nisation d'une armée papale, composée même de volontaires catho- 
liques étrangers, suffisante pour maintenir Tautorité du Saint-Père et 
la tranquillité tant à Tintérieur que sur la frontière de ses Etats, pourvu 
que cette force ne puisse dégénérer en moyen d'attaque contre le Gou- 
vernement italien. 

ART. 4- 

L'Italie se déclare prête à entrer en arrangement pour prendre à 
sa charge une part proportionnelle de la dette des anciens Etats de 
TEglise. 

ART. 5. 

La présente convention sera ratifiée, et les ratifications en seront 
échangées dans le délai de quinze jours, ou plus tôt si faire se peut. 



— 46 — 
date du 2 1 de ce mois, dans laquelle M. le comte de Rechberg fait 
connaître au chargé d'affaires d'Autriche à Paris l'impression du Ca- 
binet de Vienne à l'égard des arrangemens conclus entre la France et 
l'Italie, lesquels, du reste, ne lui sont connus que par la rumeur pu- 
blique et par quelques indications reçues de M. de Mùlinen lui-même. 
Tenant toutefois ces informa^tions pour exactes, M. le ministre des Afr 
faires étrangères d'Autriche témoigne quelque surprise de ce qiffe lé 
Gouvernement de l'Empereur veuille régler la question romaine avec 
l'Italie, sans la participation d'aucune autre Puissance catholique, et à 
l'insu du Pape, principal intéressé. 

Dans la conversation que j'ai eue avec M. de Mûlinen, à la suite de 
cette lecture, je me suis attaché à établir deux choses : l'arrangement 
dont on parle n'implique point un règlement de la question romaine , 
pas plus qu'il ne modifie la situation générale de l'Italie. 

Le respectueux dévouement de l'Empereur pour le Saint-Père, sa 
sollicitude pour les intérêts qu'il est venu défendre à Rome, et qui 
conservent à ses yeux toute leur importance, n'ont pas varié. Sa Ma- 
jesté s'est seulement convaincue, chaque jour davantage, de la nécessité 
de rechercher et de trouver les moyens de substituer un autre système 
au mode de protection exercé par Elle depuis seize ans. 

J'ai exposé dans une dépêche adressée à l'Ambassadeur de Sa Ma- 
jesté à Rome, dont vous avez connaissance, et que j'ai lue à M. de Mû- 
linen, les embarras de toute nature résultant pour nous et pour le 
Saint-Siège lui-même de notre présence à Rome, et je n'y reviendrai 
pas. Je faisais pressentir dans cette même dépêche l'arrangement in- 
tervenu quelques jours plus tard. En effet, le progrès des idées modé- 
rées en Italie, les dispositions nouvelles du Gouvernement ^italien à 
entrer dans la voie d'une conciliation, la déclaration qui nous a été 
faite de sa résolution de déplacer sa capitale , nous ont paru constituer 
cet ensemble de circonstances favorables que nous attendions, et nous 
n'avons pas hésité à faire connaître à notre tour les conditions aux- 
quelles nous subordonnions la retraite de nos troupes. Après avoir ob- 
tenu du Gouvernement italien l'engagement formel, non-seulement de 
né pas attaquer, mais de défendre contre toute attaque le territoire 



k 



— 47 — 
actuel du Souverain Pontife; nous avons stipulé et fait reconnaître le 
droit du Saint-Père d'organiser une armée, dont l'effectif et les élé- 
ments sont laissés à sa convenance , et nous avons fait accepter à l'Italie 
la dette afférente aux anciennes provinces des États de l'Église. Évi- 
demment nous n'avions à traiter utilement de ces questions qu'avec le 
Gouvernement italien; nous ne pouvions demander qu'à lui les garan- 
ties que lui seul pouvait nous donner. Nous avons reçu ces engagements 
dans la forme d'un acte international; ils en ont toute la valeur et ils 
sont placés sous la sanction que comportent les actes de cette na- 
ture. Sous le bénéfice de ces stipulations, nous nous sommes obligés 
à retirer nos troupes de Rome dans le délai de deux ans. Effica- 
cement protégé désormais contre les dangers du dehors , le Gouverne- 
ment romain $aura, nous n'en doutons pas, assurer sa tranquillité in- 
térieure et pourvoir, par lui-même, au plein exercice de son autorité, 
sans avoir à réclamer aucune assistance étrangère. Nous sommes autant 
qu'aucune Puissance catholique soucieux de l'indépendance du Souve- 
rain Pontife, et nous ne voulons pas laisser indéfiniment à ses adver- 
saires l'argument redoutable qu'ils se font contre son pouvoir temporel, 
de la nécessité d'une armée étrangère, autrichienne ou française, 
pour maintenir son autorité. De pareilles interventions peuvent être 
justifiées par des circonstances exceptionnelles; mais si, au lieu d'être 
passagères elles deviennent permanentes, elles portent fatalement à 
l'indépendance qu'elles prétendent sauvegarder les plus dangereuses 
atteintes. Et l'on ne saurait confondre ici une armée étrangère et une 
armée recrutée même en entier d'étrangers. Ce qui constitue une in- 
tervention étrangère, c'est une armée portant hors de chez elle son 
drapeau et sa cocarde nationale, et recevant ses ordres d'un souverain 
qui n'est pas celui dont elle occupe le territoire. Pour être vraiment 
indépendant, le Pape doit être le chef de son armée. Un soldat, qjielle 
que soit son origine , appartient à celui qui le commande , et il est peu 
de nations qui n'enregistrent dans leurs fastes militaires les services de 
troupes recrutées à l'étranger. Plus que tout autre souverain, le Pape, 
père commun des catholiques, peut faire appel aux volontaires de toute 
nationalité, qui, réunis sous son drapeau, assureront son autorité, sans 



— 48 — 
détriment pour son indépendance. Telles sont, dans leur ensemble, les 
combinaisons qui nous ont paru pouvoir remplacer avantageusement 
l'occupation du territoire pontifical par les troupes françaises. Comme 
je le disais à M. de Mûlinen, au commencement de notre entretien, ce 
n'est pas là , à vrai dire , un règlement de la question romaine : c'est 
la substitution d'un nouveau modus vivendi à un système dont nous 
avons expérimenté les inconvénients. 

Passant ensuite à la seconde observation de M. le comte de Rech- 
berg, j'ai dit à M. le chargé d'affaires d'Autriche que je ne m'expliquais 
pas en quoi les arrangements que nous avions pu conclure avec le 
Gouvernement italien modifiaient, au point de vue diplomatique , l'état 
de choses existant dans la Péninsule. La France a reconnu le royaume 
d'Italie, en maintenant le jugement qu'elle a porté sur les actes qui 
l'ont constitué et sans garantir son existence; elle entretient depuis 
lors avec lui des rapports réguliers. Elle peut donc négocier et con- 
clure avec lui toutes conventions exécutoires sur un point quelconque 
du territoire dont se compose le royaume. La résolution de déplacer 
sa capitale et de la transférer, par exemple, à Florence, appartient en 
propre au Gouvernement italien. Nous avons, comme c'était notre 
droit, tiré de cette résolution les conséquences qu'elle nous a paru 
comporter; mais je n'avais pas à répondre à une observation qui se 
rattache à un fait qui nous est étranger. J'ai prié cependant M. de 
Mûlinen de vouloir bien remarquer que, depuis quatre ans, le Gou- 
vernement italien exerçait de fait à Florence tous les actes de la sou- 
veraineté, et que, en droit, la situation de personne n'était changée 
parce qu'un gouvernement transférait son siège dans une ville où il 
n'exerçait jusqu'alors qu'une autorité déléguée, mais également souve- 
raine. 

J'ai dit ensuite à M. de Mûlinen que je croyais pouvoir me dis- 
penser de répondre à l'observation de M. le comte de Rechberg, tou- 
chant le secret que nous avions cru devoir garder vis-à-vis de la cour 
de Rome, n'étant tenus de nous en expliquer, si nous y étions pro- 
voqués, qu'avec le gouvernement de Sa Sainteté. J'ai ajouté, toutefois, 
que nous avions fait connaître à Rome, au moment où nous le jugions 



— 40 — 
opportun , les motifs qui avaient inspiré nos déterminations et les actes 
qui en avaient été la conséquence. En agissant ainsi, nous avons la per- 
suasion d'avoir ménagé les susceptibilités d'honneur et les scrupules 
de conscience de la Cour de Rome beaucoup mieux que nous ne l'eus- 
sions fait en la mettant en demeure de formuler des objections et des 
fins de non-recevoir absolues, dont il ne nous aurait pas été possible 
de tenir compte. Nous stipulions, en notre propre nom, mais dans ce 
qui nous paraît être l'intérêt du Gouvernement romain, les garanties 
dont nous avions besoin à l'effet de sauvegarder à nos propres yeux 
notre responsabilité; nous n'avions rien à demander ou à imposer à 
la Cour de Rome, et elle demeure entièrement libre de ses détermina- 
tions à Fégard des arrangements que nous avons conclus avec l'Italie. 

Quant à la réserve que nous avons observée vis-à-vis du Cabinet de 
Vienne, j'ai fait remarquer à M. le comte de Mûlinen que, n'étant liés 
avec personne relativement à notre occupation de Rome , nous n'avions 
eu à consulter que nous-mêmes sur l'opportunité et la manière de 
mettre fin à une entreprise dont nous revendiquons l'honneur, mais 
dont nous avons seuls supporté les charges. J'ai dû rappeler en outre 
qu'ayant eu l'occasion d'indiquer au Gouvernement autrichien notre 
désir de le voir associer ses conseils aux nôtres pour faire prévaloir à 
Rome des idées dont, à d'autres époques, l'Autriche elle-même avait 
reconnu la sagesse et recommandé l'application, la réponse qui avait 
été faite à ces ouvertures, et dont je me plaisais à reconnaître la cour- 
toisie, témoignait de la part du Cabinet de Vienne plus de prudence 
et de circonspection que d'empressement à entrer avec nous dans un 
concert quelconque au sujet des affaires de Rome. 

Agréez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



DOCUMENTS D1PL0MATIQDK5. 



50 



Le Ministre des Affaires étrangères 



à M. le Comte de Sartiges, à Rome 



Paris, le 1** octobre i864. 

Monsieur le Comte, j'ai Thonneur de vous accuser réception de la 
correspondance dans laquelle vous m'avez rendu compte des entretiens 
que vous avez eus avec le Pape et avec le Secrétaire d'Etat de Sa Sain- 
teté, à l'occasion des stipulations que nous avons signées le i5 du 
mois dernier avec le Gouvernement italien. L'accueil qu'a rencontré 
votre communication et les observations qu'elle a provoquées tant de la 
part du Saint-Père que de son premier Ministre, ne pouvaient natu- 
rellement nous causer aucune surprise, et c'est précisément parce que 
l'attitude jusqu'à présent gardée par le Saint-Siège ne nous permettait 
pas d'attendre de lui un assentiment direct et formel aux dispositions 
de l'acte du i5 septembre, que nous avons jugé qu'il était plus con- 
venable de ne pas le lui demander. Cette considération , qui ne saurait 
manquer de se présenter d'elle-même à l'esprit du Pape après plus 
mûre réflexion, répond suffisamment à l'espèce de reproche qu'a paru 
exprimer Sa Sainteté de ce qu'elle n'avait pas été prévenue d'avance 
de nos intentions. 

Au surplus. Monsieur le Comte, quelque souhaitable que fût à nos 
yeux l'assentiment de la Cour de Rome, et quelque prix que nous mis- 
sions à l'obtenir, dans son propre intérêt autant que dans celui de 
l'Italie, nous devions, pour le moment du moins, nous borner à entrer 
avec elle dans de bienveillantes explications, en nous en remettant au 
temps et à la sagesse du Saint-Père pour ramener le Gouvernement 
pontifical à des vues conciliantes. Je n'ai donc qu'à vous engager à vous 
maintenir dans la réserve que vous avez observée et à laquelle l'Em- 
pereur donne son approbation. En vous exprimant, comme vous l'avez 
déjà fait dans vos premiers entretiens, avec une franchise amicale et 



— 51 — 

bienveillante, vous n avez à demander ni à provoquer aucune réponse 
de la part du Pape ou de son Gouvernement. 
Agréez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



Le Ministre des Affaires étrangères 
à M. le Baron de Malaret, à Turin. 

Paris, ie 3 octobre i864. 

♦ 

Monsieur le Baron , d'après ce que vous me mandez de votre dernier 
entretien avec M. le général La Marmora, je n'ai qu'à approuver com- 
plètement les observations que vous lui avez présentées quant à la 
stricte obligation, pour le Gouvernement italien, d'accepter dans leur 
connexité, et sans chercher à les faire modifier, les stipulations conve- 
nues avec celui de Sa Majesté. Je vois avec satisfaction que le chef du 
nouveau Cabinet et ses collègues sont pénétrés de cette nécessité, et si, 
comme j'aime à n'en pas douter, ils demeurent unis dans cette com- 
mune conviction, ils n'auront pas de difficulté à la faire partager par 
la Chambre, qui comprendra à son tour ce que les intérêts de l'Italie 
réclament de son patriotisme. 

M. Nigra, ainsi que vous l'avait annoncé M. le général La Marmora, 
a été chargé de s'entendre avec nous sur l'interprétation de la clause 
concernant le moment à dater duquel doivent courir, tant le terme fixé 
pour la translation de la capitale de l'Italie à Florence, que celui indi- 
qué pour l'évacuation de nos troupes. L'Empereur a consenti à ce que 
le délai commençât à partir de la date du décret royal qui sanction- 
nera la loi destinée à régler la translation de la capitale. J'ai signé, en 
conséquence, d'après l'autorisation de Sa Majesté, et de concert avec 
M. le Ministre d'Italie, la déclaration dont je vous transmets la copie 
ci-jointe. Cette déclaration devra être publiée à la suite de la conven- 



— 52 — 
tion et du protocole du 1 5 septembre , dont elle devient le commen- 
taire indispensable. 
Recevez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



DECLARATION 



Aux termes de la convention du i5 septembre i864 et du protocole 
annexé, le délai pour la translation de la capitale du royaume d'Italie 
avait été fixé à six mois à dater de ladite convention, et l'évacuation 

des Etats romains par les troupes françaises devait être effectuée dans 

■ 

un terme de deux ans à partir de la date du décret qui aurait ordonné 
la translation. 

Les plénipotentiaires italiens supposaient alors que cette mesure 
pourrait être prise en vertu d'un décret qui serait rendu immédiate- 
ment par Sa Majesté le Roi d'Italie. Dans cette hypothèse, le point de 
départ des deux termes eût été presque simultané, et le Gouvernement 
italien aurait eu, pour transférer sa capitale, les six mois jugés néces- 
saires. 

Mais, d'un côté, le Cabinet de Turin a pensé qu'une mesure aussi 
importante réclamait le concours des Chambres et la présentation d'une 
loi; de l'autre, le changement du Ministère italien a fait ajourner du 
5 au 2 4 octobre la réunion du Parlement. Dans ces circonstances, le 
point de départ primitivement convenu ne laisserait plus un délai suf- 
fisant pour la translation de la capitale. 

Le Gouvernement de l'Empereur, désireux de se prêter à toute com- 
binaison qui, sans altérer les arrangements du i5 septembre, serait 
propre à en faciliter l'exécution , consent à ce que le délai de six mois 
pour la translation de la capitale de l'Italie commence, ainsi que le 
délai de deux ans pour l'évacuation du territoire pontifical, à la date 



— 54 — 
intérêts de sa dette, et exonère ainsi le Gouvernement du roi Victor- 
Emmanuel d'une charge que lui seul doit supporter. 

Nous n'avons donc voulu, pour ainsi dire, qu'établir une sorte d'ac- 
cord entre les faits, et mettre fin à une situation contraire aux intérêts 
financiers du Gouvernement pontifical. 
Agréez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



Le Ministre des Affaires étrangères 

à M. le Baron de Malarbt, à Turin. 

Paris, le i5 octobre 1864- 

Monsieur le Baron, le langage qui vous a été tenu par M. le Prési- 
dent du Conseil est tel que nous devions l'attendre de son caractère. 
J'aime à y voir lanuonce du programme qui sera porté devant le Par- 
lement italien, et à y puiser la confiance que les membres du Cabinet 
de Turin ne failliront pas à une œuvre dont ils comprennent toute 
l'importance. 

Mais ce qui n'est pas moins nécessaire, à notre avis, que l'unité de 
vues et l'entente entre les membres du Cabinet, c'est de choisir le 
terrain de la discussion et d'en fixer les limites. Ce terrain ne saurait 
être autre que celui qui est indiqué par les actes du 1 5 septembre et 
par les engagements qu'ils consacrent. Que les hommes des partis ex- 
trêmes qui s'afiranchissent aisément de la prudence et de la retenue 
parce qu'ils n'ont pas de responsabilité, cherchent à faire dévier la dis- 
cussion et à attirer les orateurs du Gouvernement dans des régions 
aventureuses et compromettantes, cela est tout naturel. Il y a là une 
cause de difficultés que je ne prétends pas méconnaître; mais le moyen 
le plus sûr pour le Gouvernement italien d'en triompher, c'est de se 
maintenir dans le domaine des réalités et de défendre résolument les 
avantages du présent contre les témérités de l'avenir. 

Pour ce qui nous concerne. Monsieur le Baron, je croirais trahir 



— 55 — 
mon devoir si je ne vous mettais en mesure de vous expliquer avec la 
plus entière franchise vis-à-vis des hommes honorables qui composent 
le Cabinet de Turin. Dites-le donc loyalement au général La Marmora, 
à ses collègues, aux membres de l'ancien Ministère et à tous les hommes 
éclairés et amis de l'Italie, la plus grande objection qui soit dirigée 
contre les actes du i5 septembre, c'est de donner à entendre que le 
Gouvernement du Roi Victor-Emmanuel ne voudra pas ou ne pourra 
pas assurer l'exécution des stipulations signées entre la France et l'Italie, 
qu'il aura la main forcée, et que peut-être il ne sera pas très-fâché qu'il 
en soit ainsi. 

Ce n'est là, nous le savons, qu'une calomnie contre le Gouvernement 
italien; c'est parce que nous en sommes convaincus que nous nous 
sommes abstenus de nous adresser à lui pour relever certains entraîne- 
ments de langage qui se sont manifestés dans des sphères qui ne lui sont 
pas tout à fait étrangères. Ces entraînements, si le Gouvernement du 
Roi ne se hâtait de les répudier, tendraient à faire supposer que l'éta- 
blissement de la capitale à Florence n'est qu'une étape à courte échéance 
vers Rome; ce qui reviendrait à dire que le Gouvernement italien ne se 
serait engagé vis-à-vis de nous qu'à la condition tacite de ne pas tenir 
ses engagements et de ne nous donner qu'une satisfaction illusoire. 

Ne suffira-t-il pas aux Ministres du Roi Victor-Emmanuel, pour dé- 
mentir de telles suppositions, de présenter à leurs adversaires comme 
à leurs amis, la situation telle qu'elle est? Or la Convention du i5 sep- 
tembre n'est point un acte imposé par un des deux Gouvernements 
contractants à la volonté de l'autre. Ce n'est pas d'avantage un expé- 
dient imaginé ou accepté par le Cabinet de Turin en vue d'un but 
ultérieur, une sorte de machine de guerre destinée à servir à l'accom- 
plissement de desseins plus ou moins avoués. Non : c'est un acte inter- 
national, librement discuté et adopté par les deux partis, solennelle- 
ment ratifié par les Souverains des deux pays, et également obligatoire 
pour l'un et pour l'autre. Je croirais superflu , Monsieur le Baron, d'in- 
sister sur l'intérêt de premier ordre qu'il y a pour l'Italie à ne rien faire 
qui soit de nature à altérer les sentiments d'amitié que lui porte la 
France, et dont les témoignages inscrits dans l'histoire de ces dernières 



— 56 — 

années n ont pas besoin d'être rappelés. Nous devons laisser aux Minis- 
tres du Roi Victor -Emmanuel le soin de montrer combien la mise à 
exécution complète et sincère des actes placés sous la garantie de la 
France importe au maintien des bons rapports entre les deux pays, 
et combien il serait déplorable quune transaction, destinée dans la 
pensée de ses auteurs à améliorer encore ces relations réciproques , pût 
devenir entre les deux Gouvernements et les deux pays une occasion 
de refroidissement et peut-être de conflit. 

Nul ne peut dire aujourd'hui avec assurance quel sera, dans sa forme 
définitive, l'avenir de l'Italie, et les Gouvernements comme les hommes 
ne peuvent prétendre à faire des œuvres à jamais durables. Mais ce qui 
est de la compétence de la politique, ce qui doit être évident pour le 
Gouvernement du Roi Victor-Emmanuel comme pour nous, c'est que 
l'Italie a tout intérêt à préparer un rapprochement entre elle et la 
Papauté, tandis que, d'un autre côté, elle doit éviter de soulever contre 
elle les ressentiments du monde catholique. 

On peut le dire sans exagération , l'Italie touche en ce moment à une 
des crises les plus décisives de son développement. Les hommes qui se 
trouvent appelés à la diriger dans ces conjonctures solennelles auront 
certainement à cœur de montrer une fermeté de langage et de con- 
duite au niveau de leurs devoirs et de leur responsabilité. 

Recevez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



Le Mif^iSTRE DES Affaires étrangères 
à M. le Comte de Sartiges, à Rome 



Paris, le 2 2 octobre i864. 



Monsieur le Comte, vous m'annoncez que le Gouvernement ponti- 
fical continue de se maintenir dans une extrême réserve, et qu'il attend, 
pour se prononcer et prendre un parti à l'égard des actes du 1 5 sep- 
tembre, de connaître le résultat des délibérations qui vont s'ouvrir 



— 57 ~ 
dans le Parlement italien, et d'être édifié par les explications que fourni- 
ront les Ministres du roi Victor-Emmanuel sur la portée que le Cabinet 
de Turin attribue aux engagements qu'il a contractés envers la France. 
Nous ne pouvons qu'approuver cette réserve de la part de la Cour de 
Rome; non-seulement elle est conforme aux règles de la prudence, 
mais je n'hésite pas à dire qu'elle est tout à fait d'accord avec la ligne 
de conduite que nous croyons nous-mêmes devoir suivre. 

Nous ne nous dissimulons pas que le Cabinet de Turin se trouve, 
vu les tendances et les aspirations des partis extrêmes en Italie, en pré- 
sence de difficultés qui peuvent mettre la fermeté de ses résolutions à 
une grande épreuve, etnous attendons, nous aussi, d'avoir vu à l'œuvre 
les Ministres du roi Victor-Emmanuel, pour puiser dans leur lan- 
gage et dans leurs déclarations l'entière assurance qu'ils auront les 
moyens aussi bien que la volonté d'assurer le triomphe du programme 
qui sert de base à la convention du 1 5 septembre. 

Nous trouverions même tout naturel que la Cour de Rome ne se 
contentât pas des assurances qui se produiront, je me plais à n'en pas 
douter, dans les discussions du Parlement italien, et qu'elle attendît 
que des actes décisifs, des mesures prises en exécution des engagements 
contractés, vinssent confirmer le langage tenu à la tribune. Nous 
sommes nous-mêmes, d'ailleurs, dans des dispositions analogues; et 
c'est précisément parce que nous voulons régler notre ligne de con- 
duite d'après celle qui sera suivie du côté de l'Italie, que nous avons 
assigné un terme de deux années à l'évacuation progressive du terri- 
toire pontifical par nos troupes. 

Nous admettons donc, ou plutôt nous désirons que le Saint-Siège 
se donne le temps de la réflexion , qu'il veuille mûrir dans la sagesse 
de ses conseils les décisions qu'il est appelé à prendre. Nous n'avons 
pour le moment aucun avantage à stimuler les résolutions de la Cour 
de Rome ; nous lui savons gré , au contraire , de ne pas les hâter en se 
tenant en garde contre les tendances d'un parti qui s'agite autour d'elle 
et chercherait volontiers à la pousser aux résolutions extrêmes. 

Agréez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 

OOCCMRNTS OIPLOMATIQOU. S 



i 



58 



Le Ministre des Affaires étrangères 
à M. le Baron de Malaret, à Turin. 

Paris, le 28 octobre 186 4. 

Monsieur le Baron, j'ai lu avec beaucoup (Inattention la dépêche 
de M. le Chevalier Nigra , en date du 1 5 septembre dernier, qui fait 
partie des documents diplomatiques communiqués au Parlement par 
le Gouvernement italien. Dans cette dépêche, M. le Ministre d'Italie 
résume les négociations qui ont précédé la signature de la convention 
du i5 septembre, et il en commente les dispositions. Légitimement 
préoccupé de venir en aide à son Gouvernement dans la discussion qui 
va s'ouvrir devant les Chambres italiennes, M. Nigra se place à cet elTet 
à un point de vue exclusivement italien. Désireux nous-mêmes de ne 
créer aucun embarras aux Ministres du Roi, et de faciliter leur tâche 
autant qu'il nous est possible de le faire, nous ne voudrions pas affai- 
blir l'autorité d'un document dont nous ne méconnaissons pas la valeur 
parlementaire. Mais, au point de vue de l'exactitude historique, je ne 
saurais cependant accepter la dépêche de M. Nigra comme un exposé 
complet et définitif des négociations qui nous occupent et de leurs ré- 
sultats, qu'autant qu'elle se trouverait complétée par les explications 
que j'ai consignées dans ma correspondance avec vous. Le contenu de 
mes dépêches a été communiqué par vous au Cabinet de Turin , pour 
ne lui laisser aucun doute sur l'interprétation que comportent, dans la 
pensée du Gouvernement de l'Empereur, les actes du 1 5 septembre. 

Que le Gouvernement italien invoque, au profit de l'arrangement 
qui vient d'être conclu , l'autorité du grand nom du comte de Cavour, 
nous n'avons assurément rien à y reprendre, et nous sommes en effet 
convaincus que l'homme d'État dont l'Italie regrette la perte et se plait 
à honorer la mémoire, aurait accepté sans réserves, et aurait mis sa 
gloire à exécuter, sans arrière pensée, les clauses d'un traité consenti 
par la France sur les instances réitérées de l'Italie. Je suis obligé ce- 
pendant de rappeler, et cette vérité ressort de la relation même de 
M. Nigra, que le Gouvernement de l'Empereur s'est constamment re- 



— 59 — 
fusé à prendre en considération le projet suggéré par M. de Cavour, 
j usqu au moment où la résolution d'adopter une nouvelle capitale pour 
ritalie nous a paru un événement assez considérable pour modifier 
nos dispositions, en nous donnant la garantie de fait dont nous avions 
besoin. Qu'au point de vue de l'Italie, la translation de la capitale soit 
une mesure de politique essentiellement intérieure, il n'en est pas moins 
incontestable, et M. le Ministre d'Italie le reconnaît, qu elle constitue le 
gage exigé par le Gouvernement de l'Empereur avant de passer outre 
à tout arrangement ultérieur. Dans ces arrangements mêmes, je ne 
peux pas me dispenser de relever quelques différences, essentielles pour 
nous, entre le projet primitif, rappelé par M. Nigra, et celui qui a pré- 
valu. Ainsi nous nous sommes refusés à fixer le chiffre des troupes qui 
doivent former l'armée pontificale, par respect pour la souveraineté du 
Pape, qui doit rester seul juge de l'extension que comporte son état 
militaire, et dont le droit à cet égard, comme celui de tous les Souve- 
rains, n'est limité que par celui de ses voisins de veiller à leur propre 
sûreté. A ce propos, je ferai remarquer que l'armée pontificale aura 
pour mission, comme toutes les armées, de défendre l'autorité de son 
Gouvernement, et que s'il a été fait, dans l'article 3, mention de «la 
« tranquillité sur la frontière, » cela n'est pas, comme le dit M. Nigra, 
pour indiquer une obligation qui incomberait au seul Gouvernement 
pontifical, celle d'empêcher que sa frontière devienne un abri pour 
le brigandage. Le devoir, à cet égard, est le même pour les deux Puis- 
sances limitrophes, et les deux armées devront également concourir à 
son accomplissement sur leurs territoires respectifs, pour éloigner de 
la frontière commune les brigands qui tenteraient de s'y organiser. 

L'Empereur lui-même s'est expliqué sur la portée qu'il attachait à 
l'engagement pris par l'Italie de préserver de toute attaque extérieure 
le territoire du Saint-Père. La dépêche de M. le ministre d'Italie 
m'oblige à insister sur ces explications. «L'Italie, dit M. Nigra, devait 
«rejeter toute condition qui eût été contraire aux droits de la na- 
« tion .... Elle ne pouvait renoncer aux aspirations nationales .... 
«La question romaine est une question morale à résoudre par les 
«forces morales. . . ^ L'Italie s'engageait en conséquence à ne 



8. 



J 



— 60 -^ 
« recourir à aucun moyen violent pour atteindre l'objet de ses aspira- 

«tions » D'accord avec M. le ministre d'Italie, je reconnais que 

« la convention ne doit ni ne peut signifier ni plus ni moins que ce 
« qu'elle dit. » Elle dit que l'Italie renonce à employer tout moyen vio- 
lent pour occuper Rome : les moyens violents, c'est aussi bien la mise 
en œuvre d'une force irrégulière au dedans que l'emploi d'une force 
régulière ou irrégulière venant du dehors, et je croirais faire une injure 
imméritée au Gouvernement italien , en supposant un seul instant qu'a- 
près s'être interdit d'atteindre un but par des moyens avoués et déter- 
minés à l'avance, il s'est promis d'y parvenir par des moyens détour- 
nés et qu'on n'avoue pas. Si, par l'emploi des forces morales, sur 
lequel il compte pour résoudre la question romaine, le Gouvernement 
italien entend dire qu'il se réserve de traiter à l'amiable ,. sans impa- 
tience et avec les ménagements nécessaires, de la réconciliation de 
l'Italie avec la Papauté, nous ne pouvons que l'encourager dans cette 
voie, et nous applaudirons bien sincèrement au succès de ses efforts. 
Mais ce sont là des questions d'avenir que la Convention du 1 5 sep- 
tembre n'a pas prétendu régler. Son but est moins éloigné et son objet 
mieux défini. Elle reconnaît deu\ souverainetés en Italie, et, en atten- 
dant qu'un accord plus intime ait pu s'établir entre elles, elle assure 
leur coexistence. Voilà la convention. Au delà, il n'y a que spéculations 
vaines, dont le moindre danger est d'égarer les esprits, d'entretenir 
l'incertitude et l'agitation, en substituant aux réalités sévères de la poli- 
tique les chimères séduisantes de l'imagination. 

La dignité des deux Gouvernements , Monsieur le Baron , me paraît 
exiger que les faits se dégagent promptement des mots qui les obscur- 
cissent , et que les éclaircissements les plus nets soient donnés par les 
Ministres italiens, appelés avant nous à s'expliquer sur la portée de la 
convention du 1 5 septembre. 

Recevez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



— 62 — 

passions des différents partis, est devenue le texte de félicitations et de 
reproches que les deux Gouvernements doivent avoir également à cœur 
de repousser. D'où vient cette confusion , si ce n est de l'ambiguïté de 
quelques expressions vagues dont nous avions à l'avance signalé maintes 
fois les dangers en cette circonstance? Dans ces mots : droits de la na- 
tion . . . aspirations nationales, malgré les précautions de langage dont 
ils sont entourés, chacun lit ce qu'il craint ou ce qu'il désire. On a sans 
doute quelque peine à s'expliquer comment la Royauté italienne pour- 
rait se trouver un jour à Rome, lorsqu'elle semble s'interdire d'y aller; 
car de telles prévisions ne ressortent pas naturellement de l'examen 
d'une convention qui stipule la translation de la capitale du royaume à 
Florence et la garantie du territoire pontifical contre toute agression 
armée. Ces subtils problèmes n'en égarent pas moins les esprits. C'est 
aux événements qu'il appartient de les poser. La loyauté comme la pru- 
dence ne permettent pas d'en chercher prématurément la solution 
dans de vaines hypothèses. Aussi je suis loin d'attribuer un semblable 
dessein, soit à la Cour de Turin, soit à M. le chevalier Nigra; je si- 
gnale la nécessité d'en prévenir même la supposition par la précision et 
la netteté des déclarations officielles. C'est à cet effet que j'ai donné dans 
ma correspondance et provoqué dans mes entretiens tous les éclaircis- 
sements propres à écarter des inductions téméraires ou injurieuses. Ces 
éclaircissements se résument dans les propositions suivantes : 

1 ** Parmi les moyens violents dont l'Italie s'est interdit l'emploi , on 
doit compter les manœuvres d'agents révolutionnaires sur le territoire 
pontifical, ainsi que toute excitation tendant à produire des mouve- 
ments insurrectionnels; 

2"" Quant aux moyens moraux dont elle s'est réservé l'usage, ils con- 
sistent uniquement dans les forces de la civilisation et du progrès; 

S** Les seules aspirations que la Cour de Turin considère comme 
légitimes sont celles qui ont pour objet la réconciliation de l'Italie 
avec la Papauté; 

4*" La translation de la capitale est un gage sérieux donné à la France; 
ce n est ni un expédient provisoire ni une étape vers Rome. Supprimer 
le gage, ce serait détruire le contrat; 



— 63 — 

5** Les propositions de M. le comte de Cavour, en 1 86 1 , ne con- 
tenaient point cette clause relative à la capitale; en outre, elles limi- 
taient à un chiffre déterminé Tarmée du Saint-Père et assignaient pour 
le départ de nos troupes un délai de quinze jours. On ne saurait mé- 
connaître les différences considérables qui existent entre ces proposi- 
tions et les arrangements du mois de septembre; 

6"* Le cas d'une révolution qui viendrait à éclater spontanément 
dans Rome n est point prévu par la convention. La France, pour cette 
éventualité, réserve sa liberté d'action. 

7** Le Cabinet de Turin maintient la politique de M. le comte de 
Cavour. Or cet homme illustre a déclaré que Rome ne pourrait être 
unie à l'Italie et en devenir la capitale qu'avec le consentement de la 
France. 

Tels sont, Monsieur le Baron, les différents points que j'ai traités 
dans mes conversations avec M. le chevalier Nigra, et sur lesquels il m'a 
paru que nous étions d'accord. Assurément je ne prétends pas qu'il dût 
insérer dans son rapport ces explications complémentaires. Je veux 
moins encore lui faire un reproche de n'avoir dans ce document ni 
protesté contre l'emploi de moyens frauduleux, ni prévu la chute du 
pouvoir pontifical par l'effet d'une insurrection intérieure que des ma- 
nœuvres étrangères n'auraient point provoquée. J'ai pensé, avec M. le 
Ministre d'Italie, comme le témoigne ma correspondance, qu'if est des 
prévisions que la dignité des contractants et le sentiment des conve- 
nances ne permettent point d'inscrire dans des actes diplomatiques. 
L'excès de précaution, en certains cas, devient une injure. Mais, il faut 
bien le répéter, lorsque, à travers les formules générales, vous laissez 
entrevoir de vagues perspectives, chacun y place l'objet de ses désirs 
et le précise à sa manière : ce que vous n'ayez point dit, on le suppose, 
et les partis extrêmes lisent, entre les lignes de vos dépêches, ce que 
dictent leurs passions. Voilà pourquoi nous souhaitons vivement que 
la lumière se fasse, au milieu de ces obscurités, dans la discussion qui 
va s'ouvrir au sein du Parlement d'Italie. 

Recevez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



6/i 



Le Ministre des Affaires étrangères 

à M. le Baron de Malaret, à Turin. 

Paris, le 2 novembre i864. 

Monsieur le Baron, M. le Ministre d'Italie m'a exprimé, il y a trois 
jours, au nom de M. le général La Marmora, le désir de concilier 
le sens donné à la convention par la Légation italienne dans son rap- 
port du i5 septembre avec celui que j'avais exposé moi-même dans 
mes dépêches antérieures. Les conversations dont je vous ai rendu 
compte, le 3o octobre, me semblaient avoir à l'avance satisfait ce vœu et 
dissipé les malentendus. Quoi qu'il en soit, j'ai pensé avec M. Nigra 
que le meilleur moyen de faire cesser définitivement ces divergences 
était d'échanger en présence de l'Empereur de nouveaux éclaircisse- 
ments. C'est ce que nous avons fait hier matin. 

Nous avons ouvert la conférence par la lecture du rapport de M. Ni- 
gra, et j'ai donné connaissance de mes dépêches, auxquelles Sa Majesté 
a daigné accorder son approbation. M. le Ministre d'Italie a lu ensuite 
une lettre qu'il avait adressée le 3o du même mois au Ministre des 
AflPaires étrangères du roi Victor-Emmanuel, et qui, en précisant les 
engagements contractés par le Cabinet de Turin, répond aux remar- 
ques que m'avait suggérées sa dépêche du 1 5 septembre. J'ai rappelé 
nos précédentes explications et repris l'examen des divers points résu- 
més dans ma dépêche du 3o, que je confirme et à laquelle je me réfère. 
Sur chacun de ces points nous nous sommes trouvés d'accord, et nous 
l'avons constaté dans une dépêche télégraphique, que M, le Ministre 
d'Italie a sur le champ adressée à sa Cour. 
Recevez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



65 



Le Ministre d'Italie à Paris 

à S. Exe. le Général La Marmora. 



(dépêche TÉLÉGRAPHiQVE,) 



Paris, 1*' novembre i864. 



Ma dépêche du i5 septembre a donné lieu à diverses interpréta- 
tions, qui ont motivé les dépêches du Minisire des Affaires étrangères 
de l'Empereur. Des explications loyales qui ont été échangées entre 
Son Excellence et moi, il résulte que, si, devant la Chambre, le Gou- 
vernement du Roi se renferme dans les limites de ma dépêche du 
i5 septembre, complétée par ma dépêche du 3o octobre, il ne sera 
pas désavoué par le Gouvernement impérial. 



Le Ministre des Affaires étrangères 
à M. le Baron de Malaret, à Turin. 

Paris, i5 novembre 18 64. 

Monsieur le Baron, je constate avec plaisir que Timmense majorité 
de la Chambre paraît se prononcer en faveur de la convention du 
1 5 septembre , et qu elle a donné un assentiment non équivoque aux 
paroles de M. le général La Marmora. Nous avons lu le discours de 
M. le président du Conseil, avec l'attention qu il méritait à tous égards, 
et avec l'intérêt qui s'attachait naturellement à un document dans 
lequel surtout nous devions chercher la pensée du Gouvernement 
italien . 

Sans nous être dissimulé les diflficuités en présence desquelles le 
Chef du Cabinet de Turin était appelé à s'expliquer, nous avons tou- 
jours compté, comme vous le savez, qu'il lui suffirait de la netteté de 
SCS déclarations pour les écarter; la loyauté était en pareille circons- 

DOCCJ.MKNTS DIPLO\IATIQUK$. \) 



— 66 — 
tance la meilleure habileté, et nous aimons à reconnaître que M. le 
général La Marmora n'a pas démenti la confiance que nous avions 
mise en lui. 

En rappelant les sympathies constantes de l'Empereur pour l'Italie, 
et les services rendus par Sa Majesté à la cause de ce pays, le Pré- 
sident du Ministère italien n'a fait que rendre un juste hommage à 
notre auguste Souverain, qui est, en effet, fami le meilleur comme le 
plus éclairé de fltalie. 

Nous comprenons très-bien, d'ailleurs, que M. le général La Mar- 
mora se soit appliqué à démontrer que la convention du i5 sep- 
tembre était une sanction donnée au principe de funité italienne et 
un nouveau pas accompli dans la voie où marche le Gouvernement 
italien. Si quelques doutes existent encore, en effet, sur favenir de 
cette unité, un des moyens les plus assurés d'y parvenir doit être 
sans doute de travailler avant tout à ramener f Italie dans les meil- 
leures conditions d'ordre et de tranquillité intérieure; nous croyons 
que la convention du 1 5 septembre, sincèrement exécutée, peut y con- 
tribuer puissamment. A notre avis. Monsieur le Baron, Rome et le 
Patrimoine de Saint-Pierre ne sont nullement indispensables à funité 
italienne; mais nous pensons qu'il importe essentiellement aux des- 
tinées de fltalie qu'une réconciliation s'effectue entre le Saint-Siège 
et le Gouvernement italien. 

La convention du i5 septembre, exécutée sans arrière-pensée, hâ- 
tera, nous en sommes convaincus, un résultat si désirable, mais qui ne 
saurait être obtenu que par de longs et patients efforts. Je me plais à re- 
connaître que M. le président du Conseil s'est expliqué, sur cette ques- 
tion délicate, de manière à ménager les intérêts divers qu'elle implique. 
Je ne doute point, dès lors, que le Gouvernement italien ne prenne 
toutes les mesures auxquelles il est appelé à pourvoir en exécution de 
ses engagements, et qu'il ne nous permette de nous conformer nous- 
mêmes aux stipulations que nous avons signées avec lui. 

Vous voudrez bien. Monsieur le Baron, saisir la première occasion 
pour faire part à M. le général La Marmora de fimpression favorable 
qu'a produit son langage auprès du Gouvernement de f Empereur, et 



— 67 — 

lui dire que nous aimons à y puiser un nouveau motif de confiance 
dans les résolutions ultérieures du cabinet de Turin. 
Recevez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



Le Ministre des Affaires étrangères 

à M. le Comte de Sartiges, à Rome. 

Paris, le 27 décembre i864. 

Monsieur le Comte, j'ai pris connaissance de l'Encyclique de Sa 
Sainteté et des pièces dont elle est accompagnée. Ces documents n'ont 
pas tardé à parvenir à la publicité, et l'effet qui en résulte est en gé- 
néral bien éloigné d'êlre favorable au Saint-Siège. Cette condamna- 
tion de principes, dont plusieurs sont à juste titre considérés comme 
à jamais acquis aux sociétés modernes, celte évocation d'anciennes 
maximes, que Ton devait croire pour toujours abandonnées comme 
appartenant à un autre âge, ne pouvaient se produire dans des cir- 
constances plus inopportunes. Les ennemis du Saint-Siège, et, ce qui 
est presque dire la même chose, ceux de ses partisans qu'aveugle l'exa- 
gération de leurs doctrines, sont seuls en position de s'en réjouir. Pour 
nous. Monsieur le Comte, dont les efforts tendent à sauvegarder l'exis- 
tence temporelle de la Papauté, et c[ui faisons des vœux pour que les 
grands intérêts représentés par la Cour de Rome se concilient avec ceux 
que les Gouvernements ont pour mission de protéger, nous regrettons 
d'autant plus profondément la manifestation à laquelle le Saint-Siège 
vient d'avoir recours, qu'il a rendu par là plus difficile la tâche que 
nous poursuivons en ce moment dans l'intérêt de sa cause. 

Agréez, etc. 

Signe Drouyn de Lhuys. 



68 



Le Ministre des Affaires étrangères 

à M. le Comte de Sartiges, à Rome. 

Paris, le 7 janvier i865. 

Monsieur le Comte, je ne suis pas surpris de l'accueil que l'Ency- 
clique a rencontré à Rome auprès des esprits modérés. S'ils s'accor- 
dent pour contester l'utilité et l'opportunité de cette démonstration, 
leur appréciation, je puis vous le dire, est partagée par la presque 
unanimité des catholiques de France. 

Je ne parle pas des écrivains qui, s' étant donné la mission de dé- 
fendre à la fois les principes de l'Eglise de Rome et ceux de la liberté 
moderne, s'efforcent de trouver un terrain de conciliation sur lequel 
les prescriptions de l'Église et les idées libérales puissent se rencontrer 
et se prêter un mutuel appui. 11 est par trop manifeste qu'ils sont les 
premiers atteints par les doctrines proclamées dans la dernière Ency- 
clique, et qu'il ne leur sera plus permis désormais, sous peine de se 
mettre en état de désobéissance vis-à-vis le Saint-Siège, de préconiser 
les principes libéraux qui, à des degrés divers, forment aujourd'hui la 
base des constitutions de la plupart des Etats européens. 

Je ne mentionnerai pas davantage la portion du clergé ou des 
laïques qui est restée plus ou moins attachée aux opinions et aux tra- 
ditions gallicanes; personne ne suppose sans doute que l'Encyclique 
ait pu être pour eux le sujet d'aucune satisfaction. 

Mais, en dehors de telle ou telle classification, il y a en France des 
catholiques appartenant à tous les rangs de la société, qui, libres 
d'esprit de parti ou de système, se contentent de trouver dans leur 
culte la satisfaction de leurs sentiments religieux, et respectent, dans 
les salutaires enseignements de TEglise, la garantie de leur foi et une 
condition essentielle du maintien de l'ordre moral dans la société 
comme dans la famille. Tous ceux-là, M. le Comte, c'est-à-dire l'im- 
mense majorité, considèrent avec une sorte d'étonnement et d'inquié- 
tude le manifeste du Saint-Père. Ils ne sont ni des théologiens, ni des 
casuistes, mais il leur suffit d'être de leur temps, d'être nés et d'avoir 



— 70 — 

un compte plus exact de l'état de Topinion en France, des suscepti- 
bilités nationales, si promptes à s'éveiller en pareille matière, et des 
devoirs qui en résultent pour le Gouvernement impérial. Vous aurez 
déjà eu connaissance, par le Moniteur, de la lettre circulaire que M. le 
Ministre delà Justice et des Cultes a cru devoir adresser aux membres 
de l'épiscopat français, afin de les informer loyalement das vues du 
Gouvernement de Sa Majesté par rapport à l'Encyclique, et les avertir 
des inconvénients qu'offrirait la promulgation de ce document; je 
joins ici, à titre d'information, une copie de la circulaire de Son 
Excellence M. Baroche et du décret rendu sur l'avis du Conseil d'Etat, 
qui autorise, à l'exclusion des autres parties de l'Encyclique, celle qui 
concerne la célébration d'un jubilé. 

Je vous prie. Monsieur le Comte, de ne pas laisser ignorer au Car- 
dinal secrétaire d'Etat les considérations qui ont motivé la ligne de 
conduite suivie par le Gouvernement de l'Empereur dans cette cir- 
constance. Il a donné et il donne chaque jour assez de gages de la 
l)icnveillance qu'il porte aux intérêts religieux, dans toutes les parties 
du monde aussi bien qu'en France, pour que l'on ne puisse mécon- 
naître ses intentions quand û se montre résolu à préserver de toute 
atteinte des intérêts d'un autre ordre dont la garde est confiée à sa 
vigilante sollicitude. 

Agréez, etc. 

Signé Drouyn de Lhlys. 



Le Ministre des Affaires étrangères 
à M. le Comte de Sartiges, à Rome, 



Paris , le 8 février 1 865. 



Monsieur le Comte, le Gouvernement de l'Empereur a vu, dans les 
journaux, avec une pénible surprise, deux lettres écrites par le Nonce 
Apostolique, l'une à l'Evêque d'Orléans, pour le féliciter de sa brochure 
relative à la convention du 1 5 septembre et à l'Encyclique du 8 dé- 



* • 

• ♦ 



• ••• 



b 



ANNEXION DES ÎLES IONIENNES 



A LA GRÈGE, 



Le Ministre des Affaires Étrangères 

aux Agenls diplomatiques de TEmpereur. 

Paris, le 17 novembre i863. 

Monsieur ainsi que vous le savez, le traité signé à Londres, 

le i3 juillet dernier, parles représentants de la France, de la Grande- 
Bretagne, de la Russie et du Danemark, avait établi le principe de 
la réunion des îles Ioniennes au royaume Hellénique. De son côté, la 
Cour de Copenhague en avait fait une condition de l'acceptation du 
trône de Grèce par le prince Georges. En ce qui nous concerne , nous 
avions, dès le premier moment, encouragé une combinaison qui ré- 
pondait si bi^n à nos maximes de droit public et à l'intérêt que nous 
portons aux Ioniens. C'est dans ce sentiment que nous avons pris part 
à la conférence convoquée pour régler le nouvel état de choses et où 
étaient représentées la France^ l'Angleterre, la Russie, en qualité de 
Cours garantes, et l'Autriche et la Prusse, comme signataires du traité 
du 5 novembre 181 5. Cette conférence vient d'achever ses travaux, 
et les plénipotentiaires ont signé, à la date du i4 de ce mois, le traité 
qui consacre définitivement l'abandon du protectorat britannique sur 
les îles Ioniennes. 

A la demande du Cabinet de Vienne, il a été stipulé que les Sept- 



10. 



— Te- 
lles seraient neutralisées et qu'aucune force armée ne pourrait station- 
ner sur le territoire ionien ou clans les eaux de Tarchipel, au delà du 
nombre strictement nécessaire pour maintenir Tordre public et pour 
assurer la perception des revenus de l'Etal. Il a été décidé, en consé- 
quence du même principe, que les fortifications de Corfou seraient 
démolies avant la retraite des troupes anglaises. L'Autriche a considéré 
comme étant dans son intérêt, ainsi que dans celui de la Turquie, 
rensemble de ces mesures, et le Gouvernement britannique en a fait 
une condition sine (jua non de la réunion des Sept-Iles à la Grèce. En 
cet élat de choses, nous n'avons pas cru devoir élever d'objection ab- 
solue. L'essentiel, à nos yeux, était l'annexion même, et, en définitive, 
nous ne pouvons que nous féliciter d'un événement en harmonie avec 
nos sentiments de bienveillance à l'égard des Ioniens et des Hellènes. 

Nous nous étions intéressés particulièrement à la position des ca- 
tholiques, et nous avions insisté pour qu'elle fût parfaitement définie 
et placée à l'abri de toute atteinte. L'arliclo V du traité assure à 
FEglise romaine le libre exercice du culle, conformément au protocole 
du 3 février i83o, qui a réglé les droits des catholiques en Grèce et 
sauvegardé le principe de l'entière égalité civile et politique entre les 
sujets appartenant aux divers rites. Aucune équivoque n'est désormais 
possible, et ce principe est également applicable au royaume et aux 
îles Ioniennes. 

11 a été convenu, enfin, par l'article VI, que les Cours de France, 
de Grande-Bretagne et de Russie, comme puissances garantes, se ré- 
servent de s'entendre sur les arrangements de détail que pourra né- 
cessiter l'annexion. Elles se sont engagées en même temps à les com- 
muniquer aux Cours d'Autriche et de Prusse, et le gouvernement de 
Sa Majesté est prêt à prendre part à ces négociations dès qu'il y sera 
invité par le Cabinet de Londres- 

Recevez, etc. 

Sîgnç Drouyn de Lhuys. 



/y 



Traité relatif a l union des îles Ioniennes au royaume de Ghece, 

SIGNÉ A Londres le i4 novembre i863. 

Au nom de la Très-Sainle et Indivisible Trinité, 

Sa Majesté la Reine du Royaume- Uni de la Grande-Bretagne et 
d'Irlande ayant fait connaître à Leurs Majestés l'Empereur des Français, 
l'Empereur d'Autriche, le Roi de Prusse et l'Empereur de toutes les 
Russies, que l'Assemblée législative des Etats-Unis des îles Ioniennes, 
dûmcnl informée de Tintention de Sa Majesté de consentir à l'union 
de ces îles au Royaume de Grèce, s'est prononcée unanimement en la- 
veur de cette union, et la condition établie par la dernière clause du 
Protocole signé par les plénipotentiaires des cinq Puissances, le l'^'aoùt 
dernier, se trouvant ainsi remplie, Leursdites Majestés, savoir : l'Em- 
pereur des Français, TEmperour d'Autriche, la Reine du Royaume- 
Uni de la Grande Rretagne et d'Irlande, le Roi de Prusse et l'Empereur 
de toutes les Russies, ont résolu de constater par un Traité solennel 
l'assentiment qu'elles ont donné à cette union, en stipulant les condi- 
tions sous lesquelles elle s'eflèctuerait. 

A cet effet, Leursdites Majestés ont nommé pour leurs plénipolen- 
taires, savoir : 

Sa Majesté l'Empereur des Français, le sieur Camille de Nompère de 
Champagny, marquis de Cadore, chevalier de l'ordre impérial de la Lé- 
gion d'honneur, son chambellan et chargé d'affaires auprès du Gou- 
vernement de Sa Majesté Britannique; 

Sa Majesté TEmpereur d'Autriche, Roi de Hongrie et de Bohème, 
le comte Félix de WimpffeiXj son chambellan actuel et chargé d'affaires 
auprès du Gouvernement de Sa Majesté Britannique; 

Sa Majesté la Reine du Royaume-Uni de la Grande-Bi^tagne et 
d'Irlande, le très-honorable Jean comte Rassell, vicomte Amberley de 
Amberley el Ardsalla, pair du Royaume-Uni, chevalier du très-noble 
ordre de la Jarretière, conseiller de Sa Majesté Britannique en son 
conseil privé, son principal secrétaire d'Etat pour les Affaires étran- 
gères ; 



— 78 — 

Sa Majesté le Roi de Prusse, le sieur Albert, comte de BernstorffSlin- 
tenbnrg, son ministre d'État et chambellan, grand-croix de son ordre 
de TAîgle-Rouge avec des feuilles de chêne et grand commandeur de 
son ordre de la Maison royale de HohenzoUern en diamants, grand- 
croix de Tordre ducal de la Branche Ernestîne de la Maison de Saxe 
et de l'ordre impérial de la Légion d'honneur de France, chevalier de 
l'ordre impérial de Saint-Stanislas de Russie de première classe, grand- 
croix de l'ordre royal du Mérite civil de la Couronne de Bavière, de 
l'ordre in)périal du Lion et du Soleil de Perse avec le grand cordon 
vert, de l'ordre royal et militaire du Christ de Portugal, chevalier de 
l'ordre royal de Saint-Janvier, son ambassadeur extraordinaire et plé- 
nipotentiaire près Sa Majesté Britannique; 

Sa Majesté l'Empereur de toutes les Russies, le sieur Philippe, baron 
de Brunnow, son conseiller privé actuel, ambassadeur extraordinaire 
et plénipotentiaire près Sa Majesté Britannique, chevalier des ordres 
de Russie, grand-croix de l'ordre impérial de la Légion d'honneur, de 
l'Aigle-Rouge de Prusse de première classe, commandeur de l'ordre 
de Saint-Etienne d'Autriche, etc., etc., etc.; 

Lesquels, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs , trouvés en 
bonne et due forme, ont arrêté et signé les articles suivants : 



ARTICLE PREMIER. 



Sa Majesté la Reine du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et 
d'Irlande renonce, sous les conditions ci-dessous spécifiées, au pro- 
tectorat des îles de Corfou, Céphalonie, Zante, Sainte-Maure, Ithaque, 
Cérigo et Paxo, avec leurs dépendances, que le Traité signé à Paris, 
le 5 novembre 181 5, par les plénipotentiaires d'Autriche, de la Grande- 
Bretagne, de Prusse et de Russie, a constitué en un seul Etat libre et 

r 

indépendant, sous la dénomination diElaU-Unis des îles Ioniennes^ placé 
sous la protection immédiate et exclusive de Sa Majesté le Roi du 
Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, ses héritiers et suc- 
cesseurs. 

Leurs Majestés 1 Empereur des Français, l'Empereur d'Autriche, le 
Roi de Prusse et l'Empereur de toutes les Russies acceptent , sous les 



— 79 — 
conditions ci-dessous spécifiées, Tabandon que Sa Majesté la Reine du 
Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande fait du protectorat 
des Etats-Unis des îles Ioniennes et reconnaissent conjointement avec 
Sa Majesté Tunion desdits Etats au Royaume Hellénique. 



ART. 2. 



Les îles Ioniennes, après leur union au royaume de Grèce, joui- 
ront des avantages d'une neutralité perpétuelle, et, en conséquence, 
aucune force armée, navale ou militaire, ne pourra jamais être réunie 
ou stationnée sur le territoire ou dans les eaux de ces îles au delà du 
nombre strictement nécessaire pour maintenir Tordre public et pour 
assurer la perception des revenus de l'Etat. 

Les Hautes Parties contractantes s'engagent à respecter le principe 
de neutralité stipulé par le présent article. 

ART. 3. 

Comme conséquence nécessaire de la neutralité dont les États-Unis 
des îles Ioniennes sont appelés ainsi à jouir, les fortifications cons- 
truites dans Tîle de Corfou et dans les dépendances immédiates, étant 
désormais sans objet, devront être démolies, et leur démolition s'effec- 
tuera avant la retraite des troupes employées par la Grande-Bretagne 
à occuper ces îles en sa qualité de Puissance protectrice. Cette démo- 
lition se fera de la manière que Sa Majesté la Reine du Royaume- 
Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande jugera suffisante pour rem- 
plir les intentions des Hautes Parties contractantes. 

ART, 4- 

La réunion des îles Ioniennes au royaume Hellénique n'apportera 
aucun changement aux avantages acquis à la navigation et au commerce 
étrangers, en vertu de Traités et de Conventions conclus par les Puis- 
sances étrangères avec le Gouvernement de Sa Majesté Britannique, 
en sa qualité de protectrice des États-Unis des îles Ioniennes. 

Tous les engagements qui résultent desdites transactions ainsi que 



— so- 
les règlements actuellement en vigueur, seront maintenus et stricte- 
ment observés comme par le passé. 

En conséquence, il est expressément entendu que les bâtiments et 
le commerce étrangers dans les ports ioniens, et réciproquement les 
bâtiments et le commerce ioniens dans les ports étrangers, de même 
que la navigation entre les ports ioniens et ceux de la Grèce, conti- 
nueront à être soumis au même traitement et placés dans les mêmes 
conditions qu'avant la réunion des îles Ioniennes à la Grèce. 



ART. 5. 



La réunion des États-Unis des îles Ioniennes au royaume de Grèce 
n'invalidera en rien les principes établis par la législation existante de 
ces îles en matière de liberté du culte et de tolérance religieuse; con- 
séquemment, les droits et immunités consacrés en matière de religion 
par les chapitres I et V de la Charte constitutionnelle des Etats- 
Unis des îles Ioniennes, et spécialement la reconnaissance de l'Eglise 
grecque orthodoxe comme religion dominante dans ces îles, l'entière 
liberté du culte accordée à l'Eglise de l'Etat de la Puissance protec- 
trice, et la parfaite tolérance promise aux autres communions chré- 
tiennes, seront maintenus, après l'union, dans toutes leur force et 
valeur. 

La protection spéciale garantie à l'Eglise catholique romaine, ainsi 
que les avantages dont elle est présentement en possession, seront éga- 
lement maintenus, et les sujets appartenant à cette communion joui- 
ront, dans les îles Ioniennes, de la même liberté de culte qui leur a 
été reconnue en Grèce par le Protocole du 3 février i83o. 

Le principe de l'entière égalité civile et politique entre les sujets ap- 
partenant aux divers rites, consacré en Grèce par le même Protocole, 
sera pareillement en vigueur dans les îles Ioniennes. 

ART. 6. 

Les Cours de France, de la Grande-Bretagne et de Russie, en leur 
qualité de Puissances garantes du Royaume de Grèce, se réservent de 
conclure un Traité avec le Gouvernement hellénique sur les arran- 



— 81 — 

gements que pourra nécessiter la réunion des îles Ioniennes à la 
Grèce. 

Les forces militaires de Sa Majesté la Reine du Royaume-Uni de la 
Grande-Bretagne et d'Irlande seront retirées du territoire des États- 
Unis des îles Ioniennes dans Tespace de trois mois, ou plus tôt si faire 
se peut, après la ratification du susdit Traité. 

ART. 7. 

Les Cours de France, de la Grande-Bretagne et de Russie, s'engagent 
à communiquer aux Cours d'Autriche et de Prusse le Traité qu'elles 
auront conclu avec le Gouvernement hellénique, conformément à l'ar- 
ticle précédent. 

ART. 8. 

Les Hautes Parties contractantes conviennent entre elles qu'après la 
mise à exécution des arrangements compris dans le présent Traité, les 
stipulations du Traité du 5 novembre i8i5, conclu entre les Cours 
d'Autriche, de la Grande-Bretagne, de Prusse et de Russie, relatif aux 
Etats-Unis des îles Ioniennes, cesseront d'être en vigueur, à l'exception 
de la clause par laquelle les Cours d'Autriche, de Prusse et de Russie, 
ont renoncé à tout droit ou prétention particulière qu'elles pourraient 
avoir sur toutes ou sur quelques-unes des îles ou de leurs dépendances, 
reconnues par le Traité du 5 novembre 181 5 comme formant un 
seul État libre et indépendant, sous la dénomination à' Etats-Unis des 
îles Ioniennes. Par le présent Traité, Leurs Majestés l'Empereur des 
Français, l'Empereur d'Autriche, la Reine du Royaume-Uni de la 
Grande-Bretagne et d'Irlande, le Roi de Prusse et l'Empereur de toutes 
les Russies, renouvellent et confirment ladite renonciation, en leur 
nom, pour leurs héritiers et leurs successeurs. 

ART. 9. 

Le présent Traité sera ratifié et les ratifications en seront échan- 
gées à Londres dans le délai de six semaines, ou plus tôt si faire se 
peut. 

DOCDUBRTS DIPLOMATIQUES. 1 1 



i 



— 82 — 

En foi de quoi, les plénipotentiaires respectifs l'ont signé et y ont 
apposé le cachet de leurs armes. 

Fait à Londres, le i4 novembre de Tan de grâce i863. 

Signé Cadobë. 

WlMPFFEN. 
RUSSELL. 

Bernstorff. 
Brunnow. 



Le Ministre des Affaires Etrangères 

Aux Agents diplomatiques de TEmpereur. 

Paris, le 5 avril i864. 

Monsieur, vous connaissez la part prise par le Gouvernement de 
Sa Majesté aux négociations qui ont précédé la signature du Traité 
consacrant l'abandon du protectorat britannique sur les î!es Ionien- 
nes. Nous ne nous étions pas montrés favorables à la neutralisation de 
l'archipel seplinsulaire et à la démolition des forteresses de Corfou. 
Mais les Cabinets de Londres et de Vienne ayant insisté pour l'adop- 
tion de ces mesures, nous n'avions pas cru devoir élever d'objection 
absolue et entraîner inutilement des retards préjudiciables aux Ioniens 
comme aux Hellènes. Nous avons donc signé, avec les quatre autres 
grandes Puissances, le Traité du i4 novembre. 

En vertu de larticle VI, il restait encore à conclure, entre les trois 
Cours prolectrices.de la Grèce, un dernier traité relatif aux arrange- 
ments de détail que pouvait nécessiter l'annexion. Cependant certaines 
clauses de l'acte du 1 5 novembre avaient produit à Athènes une im- 
pression pénible. Elles furent l'objet de réclamations dont il nous 
a paru équitable de tenir compte, principalement en ce qui touche la 
neutralité des Sept-Iles. Interdire au roi de disposer de ses troupes 
suivant les convenances du pays, c'était limiter sans motif suffisant 
les droits de sa souveraineté. D'ailleurs, puisque le Gouvernement an- 
glais tenait absolument à la démolition des forteresses de Corfou, la 



— 83 — 
sécurité du pays exigeait que le Gouvernement licUénique entretînt 
désormais une forte garnison dans cetle ville et fît fréquemment croiser 
ou stationner son pavillon dans les eaux qui la séparent de l'Albanie. 
La neutralisation n'avait clé conçue que dans la pensée de mettre 
l'archipel Ionien hors d'état d'inquiéter les provinces autrichiennes ou 
ottomanes dans l'Adriatique. Les Puissances, en adoptant cette clause, 
n'avaient en vue que la seule place de Corfou, et rien n'autorisait, à 
nos yeux, l'extension du principe de la neutralité à des îles comme 
Cérigo, Zante et Céphalonie, lors même qu'on aurait reconnu la né- 
cessité de la consen^cr pour Corfou. Nous avons été amenés à penser 
qu'en tout cas il conviendrait de l'établir uniquement comme une 
obligation pour les Puissances, en laissant entièrement intacte la sou- 
veraineté du roi des Hellènes. Nous avons donc été d'avis que les es- 
cadres étrangères ne pourraient stationner dans les eaux neutralisées, 
mais que Sa Majesté Hellénique devrait rester libre de répartir suivant 
les convenances de son Gouvernement les forces de terre et de mer du 
royaume. 

Le Cabinet d'Athènes avait également élevé des observations au 
sujet de l'article relatif aux engagements commerciaux de l'État sep- 
tinsulaire envers les différentes puissances maritimes, et nous avions 
jugé qu'il y avait lieu de déférer, dans une certaine mesure, à ces ré- 
clamations. 

Toutefois aucune des clauses de l'acte du i k novembre ne pouvait 
otre modifiée sans l'assentiment collectif de tous les Gouvernements 
qui y avaient pris part, et, avant de faire droit aux instances de la 
Grèce, dans le traité qui restait à conclure entre les trois Cours pro- 
tectrices et cette Puissance, il fallait obtenir également l'adhésion* de 
l'Autriche et de la Prusse. Les Cabinets de Vienne et de Berlin ayant 
témoigné à cet égard des dispositions conciliantes, deux protocoles fu- 
rent signés à Londres le ^5 janvier dernici*, par les représentants des 
cinq Gouvernements. Il était constaté, dans le premier^ qu'en déro- 
gation à l'article II du traité du i4 novembre, il n'y avait pas lieu 
(l'imposer à la Grèce la limitation de ses forces navales et militaires 
dans l'archipel ionien, et que la neutralité établie par le même article 



II. 



— 84 — 
pour les Sept-Iles devrait s'appliquer seulement aux îles de Corfou et 
de Paxo ainsi qu'à leurs dépendances, sous la condition que le Roi des 
Hellènes s'engagerait de son côté à maintenir cette neutralité. Le se- 
cond protocole améliorait, en faveur de la Grèce, les clauses relatives 
aux stipulations commerciales. 

Depuis lors, les plénipotentiaires des trois Cours protectrices sont 
tombés d'accord sur tous les points avec le plénipotentiaire du Roi 
des Hellènes, et le traité a été signé le 29 mars. Il reproduit avec les 
modifications que je viens de mentionner, les dispositions de l'acte 
du i4 novembre, et elles acquièrent par leur insertion dans le dernier 
traité la sanction de la Grèce, comme elles avaient déjà celle des 
grandes Puissances. Ainsi se trouve réglée, à la satisfaction commune, 

une affaire dont nous avons suivi les phases avec un intérêt sympa- 
thique. Le vœu national des Ioniens est définitivement accompli. Le 

royaume de Grèce voit se réaliser, d'une manière légale et pacifique, 

un de ses plus constants désirs, et nous nous plaisons à espérer qu'un 

succès aussi important sera, pour la dynastie nouvelle, un élément de 

force et de stabilité. 

Recevez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



Traité signé à Londres, le 29 mars i864, pour la mise a exécu 

TION DES stipulations RELATIVES À LA RÉUNION DES ILES lONIENNES 
AU ROYAUME DE GrÈCE. 

Au nom de la Très-Sainte et Indivisible Trinité, 

Sa Majesté la Reine du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Ir- 
lande a fait connaître à l'Assemblée législative des Etats-Unis des îles 
Ioniennes, qu'en vue de réunir éventuellement ces îles au royaume de 
Grèce, elle était prête, si le Parlement ionien en exprimait le vœu, à 
faire abandon du protectorat de ces îles, confié à Sa Majesté par le 
Traité conclu à Paris , le 5 novembre 1 8 1 5 , entre les Cours de la Grande- 
Bretagne, d'Autriche, de Prusse et de Russie. Ce vœu ayant été mani- 



— 85 — 
festé par un vote de ladite Assemblée législative, rendu à Funanimité 
des voix, le 7-19 octobre i863. Sa Majesté Britannique a consenti 
par Tarticle 1®' du Traité conclu le ik novembre 1 863 entre Leurs Ma- 
jestés l'Empereur des Français, l'Empereur d'Autriche, le Roi,de Prusse 
et l'Empereur de toutes les Russies, à renoncer audit protectorat, sous 
de certaines conditions spécifiées dans le Traité précité et définies, 
depuis lors, par les Protocoles subséquents. 

De leur côté. Leurs Majestés l'Empereur des Français, l'Empereur 
d'Autriche, le Roi de Prusse et l'Empereur de toutes les Russies, ont 
consenti, par le même article et sous les mêmes conditions, à accepter 
cette renonciation et à reconnaître, conjointement avec Sa Majesté 
Britannique, l'union de ces îles au Royaume de Grèce. 

En vertu de l'article 5 du Traité signé à Londres le i3 juillet i863, 
il a été convenu, en outre, d'un commun accord, entre Sa Majesté 
l'Empereur des Français, Sa Majesté Britannique et Sa Majesté l'Em- 
pereur de toutes les Russies, que les îles Ioniennes, lorsque leur réu- 
nion au Royaume de Grèce aurait été effectuée, comme farticle k du 
même Traité l'a prévu, seraient comprises dans la garantie stipulée en 
faveur de la Grèce par les Cours de France, de ]a Grande-Bretagne et 
de Russie, en vertu de la Convention signée à Londres le 7 mai i832. 

En conséquence, d'accord avec les stipulations du Traité du i3 juil- 
let i863, et conformément aux termes de farticle 6 du Traité du 
i4 novembre i863, par lequel les Cours de France, de la Grande- 
Bretagne et de Russie, en leur qualité de Puissances garantes du 
Royaume de Grèce, se sont réservé de conclure un Traité avec îe Gou- 
vernement hellénique sur les arrangements que pourra nécessiter la 
réunion des îles Ioniennes à la Grèce, Leursdites Majestés ont résolu 
de procéder à négocier avec Sa Majesté le Roi des Hellènes un Traité 
à f effet de mettre à exécution les stipulations ci-dessus mentionnées. 

Sa Majesté le Roi des Hellènes ayant donné son assentiment à la 
conclusion de ce Traité, Leursdites Majestés ont nommé pour leurs 
plénipotentiaires, savoir : 

Sa Majesté l'Empereur des Français, le sieur Godefroy- Bernard- 
Henri'- Alphonse, prince de la Tour d'Auvergne-Lanraguais, ambassadeur 



i 



— 86 — 

extraordinaire et plénipotentiaire près Sa Majesté Britannique^ grand 
officier de l'ordre impérial de la Légion d'honneur» grand-croix de 
l'ordre de l' Aigle-Rouge de Prusse, grand-croix de l'ordre des^ Saints- 
Maurice-et-Lazare, etc.; 

Sa Majesté la Reine du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et 
d'Irlande, le très-honorable Jean, comte jRii55eii, vicomte Amberlcy de 
Amberley et Ardsalla, pair du Royaume-Uni, chevalier du très-noble 
ordre de la Jarretière, conseiller de Sa Majesté Britannique en son 
conseil privé, son principal secrétaire d'Etat pour les affaires étran- 
gères; 

Sa Majesté l'Empereur de toutes les Russies, le sieur Philippe, baron 
de Brnnnow, son conseiller privé actuel, ambassadeur extraordinaire 
et plénipotentiaire près Sa Majesté Britannique, chevalier des ordres 
de Russie, grand-croix de l'ordre impérial de la Légion d'honneur et 
grand-croix de l'ordre du Sauveur de Grèce; 

Et Sa Majesté le Roi des Hellènes, le sieur Charilaûs S. Tricoapi, re- 
présentant à l'Assemblée nationale des Hellènes; 

Lesquels, après avoir échangé leurs pleins pouvoirs, trouvés en 
bonne et due forme, ont arrêté et signé les articles suivants : 



ARTICLE PREMIER. 



Sa Majesté la Reine du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et 
d'Irlande, désirant réaliser le vœu que l'Assemblée législative des Etals- 
Unis des îles Ioniennes a exprimé de voir ces îles réunies à la Grèce, 
a consenti, sous les conditions spécifiées ci-après, à renoncer au pro- 
tectorat des îles deCorfou^Céphalonie^ Zante, Sainte-Maure, Ithaque, 
Cérigo et Paxo, avec leurs dépendances, lesquelles, en ver lu du Traité 
signé à Paris, ]e 5 novembre i8i5, par les plénipotentiaires de la 
Grande-Bretagne, d'Autriche, de Prusse et de Russie, ont été consti- 
tuées en un seul Etat libre et indépendant, sous la dénomination d'ii- 
tals-Unis des îles Ioniennes, placé sous la protection immédiate et exclu- 
sive de Sa Majesté le Roi du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et 
d'Irlande, ses héritiers et successeurs. 

En conséquence. Sa Majesté l'Empereur des Français, Sa Majesté 



— 87 — 

Britannique et Sa Majesté i'Empereur de toutes les Russies, en leur 
qualité de signataires de la Convention du 7 mai 1882, reconnaissent 
cette union, et déclarent que la Grèce, dans les limites déterminées 
par l'Arrangement conclu à Constantinople entre les Cours de France , 
de la Grande-Bretagne et de Russie, avec la Porte-Ottomane, le 2 1 juil- 
let 1882 , y compris les îles Ioniennes, formera un Etat monarchique 
indépendant et constitutionnel, sous la souveraineté de Sa Majesté le 
Roi George et sous la garantie des trois Cours. 



ART. 2. 



Les Cours de France, de la Grande-Bretagne et de Russie, en leur 
qualité de Puissances garantes de la Grèce, déclarent, avec l'assen- 
timent des Cours d'Autriche et de Prusse, que les îles de Corfou et de 
Paxo, ainsi que leurs dépendances, après leur réunion au Royaume 
Hellénique, jouiront des avantages d'une neutralité perpétuelle. 

Sa Majesté le Roi des Hellènes s'engage, de son côté, à maintenir 
cette neutralité. 

ART. 3. 

La réunion des îles Ioniennes au Royaume Hellénique n'apportera 
aucun changement aux avantages concédés au commerce et à la navi- 
gation étrangers, en vertu de Traités et de conventions conclus par les 
Puissances étrangères avec Sa Majesté Britannique, en sa qualité de 
Protectrice des îles Ioniennes. 

Tous les engagements qui résultent desdites transactions ainsi que 
des règlements y relatifs, actuellement en vigueur, seront maintenus 
et strictement observés comme par le passé. 

En conséquence, il est expressément entendu que les bâtiments 
et le commerce étrangers dans les ports ioniens, de même que la na- 
vigation entre les ports ioniens et ceux de la Grèce, continueront à 
être soumis au même traitement et placés dans les mêmes conditions 
qu'avant la réunion des îles Ioniennes à la Grèce, et cela jusqu'à la 
conclusion de nouvelles conventions formelles ou d'arrangements des- 
tinés à régler entre les Parties intéressées les questions de commerce, 



{ 



— 88 — 

de navigation, ainsi que celles du semce régulier des communications 
postales. 

Ces nouvelles Conventions seront conclues dans le délai de quinze 
ans, ou plus tôt si faire se peut. 

ART. 4. 

La réunion des États-Unis des îles Ioniennes au Royaume de Grèce 
n'invalidera en rien les principes établis par la législation existante de 
ces îles eu matière de liberté du culte et de tolérance religieuse; con- 
séquemment les droits et les immunités consacrés en matière de reli- 
gion par les chapitres i et v de la Charte constitutionnelle des Etats- 
Unis des îles Ioniennes, et spécialement la reconnaissance de l'Église 
grecque orthodoxe comme religion dominante dans ces îles, l'entière 
liberté du culte accordée à l'Eglise de l'État de la Puissance protectrice , 
et la parfaite tolérance promise aux autres communions chrétiennes, 
seront maintenus, après l'union, dans toute leur force et valeur. 

La protection spéciale garantie à l'Eglise catholique romaine, ainsi 
que les avantages dont elle est présentement en possession, seront 
également maintenus, et les sujets appartenant à cette communion 
jouiront, dans les îles Ioniennes, de la même liberté de culte qui leur 
a été reconnue en Grèce par le Protocole du 3 février i83o. 

Le principe de l'entière égalité civile et politique entre les sujets 
appartenant aux divers rites, consacré en Grèce par le même Proto- 
cole, sera pareillement en vigueur dans les îles Ioniennes. 

ART. 5. 

L'Assemblée législative des Etats-Unis des îles Ioniennes a décrété, 
par une Résolution rendue le 7-19 octobre i863, que la somme de dix 
mille livres sterling par an serait affectée, en payements mensuels, à 
l'augmentation de la liste civile de Sa Majesté le roi des Hellènes, de 
manière à constituer la première charge à prélever sur la recette des 
îles Ioniennes, à moins qu'il ne soit pourvu à ce payement, suivant 
les formes constitutionnelles, sur les revenus du Royaume de Grèce. 



— 89 — 

En conséquence. Sa Majesté le Roi des Hellènes s engage à mettre 
ce décret dûment à exécution. 

ART. 6. 

Sa Majesté l'Empereur des Français, Sa Majesté la Reine du 
Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d'Irlande, et Sa Majesté l'Em- 
pereur de toutes les Russies, sont convenues de faire abandon, en fa- 
veur de Sa Majesté le Roi George I*^, chacune de quatre mille livres 
sterling par an, sur les sommes que le trésor grec s'est engagé à payer 
annuellement à chacune d'elles, en vertu de l'Arrangement conclu à 
Athènes par le Gouvernement grec, avec le concours des Chambres 
grecques, au mois de juin 1860. 

11 est expressément entendu que ces trois sommes, formant un total 
de douze mille livres sterling annuellement, seront destinées à consti- 
tuer une dotation personnelle de Sa Majesté le Roi George P^ en sus 
de la liste civile fixée par la loi de l'Etat. L'avènement de Sa Majesté 
au trône hellénique n'apportera d'ailleurs aucun changement aux en- 
gagements financiers que la Grèce a contractés, par l'article 12 de la 
Convention du 7 mai 1882, envers les Puissances garantes de l'em- 
prunt, ni à l'exécution de l'engagement pris parle Gouvernement hel- 
lénique, au mois de juin 1860, sur la représentation des trois Cours. 

ART. 7. 

Sa Majesté le Roi des Hellènes s'engage à prendre à sa charge tous 
les engagements et contrats légalement conclus par le Gouvernement 
des Etats-Unis des îles Ioniennes, ou, en leur nom, par la Puissance 
protectrice de ces îles, conformément à la Constitution des îles 
Ioniennes, soit avec les Gouvernements étrangers, soit avec des com- 
pagnies et associations, soit avec des individus privés, et promet de 
remplir lesdits engagements et contrats dans toute leur étendue, 
comme s'ils avaient été conclus par Sa Majesté ou par le Gouverne- 
ment hellénique. Dans cette catégorie se trouvent spécialement com- 
pris : la dette publique des îles Ioniennes, les privilèges concédés à la 
banque ionienne, à la compagnie maritime connue sous le nom de 

DOCUMENTS DIPLOMATIQUES. I 2 



1^ 



— 90 — 

Lloyd autrichien, confonnément à la Convention postale du i^' dé- 
cembre i853, et à la compagnie de gaz de Malte et de la Méditer- 
ranée. 

ART. 8. 

Sa Majesté le Roi des Hellènes promet de prendre à sa charge : 
Les pensions accordées à des sujets britanniques par le Gouver- 
nement ionien, conformément aux règles établies aux îles Ioniennes 
en matière de pensions; 

2° les indemnités dues à certains individus actuellement au service 
du Gouvernement ionien, lesquels perdront leurs emplois par suite de 
Tunion des îles à la Grèce; 

3° Les pensions dont plusieurs sujets ioniens jouissent, en rému- 
nération de services rendus au Gouvernement ionien. 

Une Convention spéciale , conclue entre Sa Majesté Britannique et 
Sa Majesté le Roi des Hellènes, déterminera le chiffre de ces différentes 
allocations et réglera le mode de leur payement. 

ART- 9. 

Les autorités civiles et les forces militaires de Sa Majesté Britan- 
nique seront retirées du territoire des Etats-Unis des îles Ioniennes 
dans l'espace de trois mois, ou plus tôt si faire se peut, après la ratifi- 
cation du présent Traité. 

« 

ART. 10. 

Le présent Traité sera ratifié et les ratifications en seront échan- 
gées à Londres dans le délai de six semaines, ou plus tôt si faire se 
peut. 

En foi de quoi, les plénipotentiaires respectifs l'ont signé et y ont 
apposé le cachet de leurs armes. 

Fait à Londres, le 29 mars. Tan de grâce 1864. 

(L. S.) Signé La Tour d'Auvergne. (L. S.) Signé Ch. Tricoupi. 

RUSSELL. 

Brunnow. 



PRINCIPAUTÉS-UNIES DU DANUBE 



12. 



PRINCIPAUTÉS-UNIES DU DANUBE. 



PROTOCOLE DE LA CONFÉRENCE DU 28 JUIN 186â. 



S. A. Aali-Pacha, Ministre des Affaires étrangères, expose aux Repré- 
sentants des Puissances signataires du Traité de Paris que la Sublime 
Porte s'est entendue avec le prince Couza sur certaines modifications 
qu'il conviendrait d'apporter à la Convention du 19 août i858. 

En conséquence, il a donné lecture à la conférence d'un acte ad- 
ditionnel à ladite Convention et d'une annexe à cet acte, renfermant 
toutes les dispositions ou principes sur lesquels le Gouvernement de 
S. M. le Sultan est tombé d'accord avec S. A. le prince Couza. 

Les Représentants ont appris avec satisfaction la conclusion de cet 
accord, et ils se sont déclarés suffisamment autorisés par leurs Gou- 
vernements respectifs à adhérer à, cet arrangement, à l'exception du 
Représentant de S. M. l'Empereur de Russie, qui a dit n'être pas 
muni d'instructions suffisantes et se trouver dans le cas d'en référer 
à sa Cour ^^K 



^^) L*adhésion de M. l'Envoyé de Russie a été, d'après les ordres de son Gouvernement, 
donnée peu de jours après. 



— 94 — 
L'acte additionnel susmentionné et son annexe demeurent joints 
au présent Protocole. 

Signé Aalî. 

H. BULWER. 

moustier. 
Prokesch-Osten. 
Brassier de Saint-Simon. 

NOVIKOW. 

Greppi. 



ACTE ADDITIONNEL A LA CONVENTION DE 1858. 



La Convention conclue à Paris, le 19 août i858, entre la Cour su- 
zeraine et les Puissances garantes, est et demeure la loi fondamentale 
des Principautés-Unies. 

Quoique les Principautés -Unies puissent désormais modifier ou 
changer les lois qui régissent leur administration intérieure, avec 
le concours légal de tous les Pouvoirs établis et sans aucune inter- 
vention, il est néanmoins bien entendu que cette faculté ne saurait 
s'étendre aux liens qui unissent les Principautés à l'Empire ottoman 
ni aux traités en vigueur entre la Porte et les autres Puissances, qui 
sont et demeurent également obligatoires pour lesdites Principautés. 

Toutefois, les événements qui se sont succédé depuis la conclusion 
de la Convention à Paris ayant rendu nécessaire la modification de 
quelques-unes des dispositions de cette Convention, la Sublime Porte 
vient de s'entendre avec S. A. le Prince des Principautés-Unies et de 
se mettre d'accord avec LL. Exe. Exe. MM. les Représentants des Puis- 
sances signataires du Traité de Paris sur le présent acte additionnel à 
ladite Convention, arrêté et convenu comme suit : 



95 



ARTICLE PREMIER. 



Les Pouvoirs publics sont confiés au Prince, à un Sénat et à une 
Assenniblée élective. 

ART. 2. 

Le Pouvoir législatif sera collectivement exercé par le Prince, le 
Sénat et TAssemblce élective. 

ART. 3, 

Le Prince a l'initiative des lois. 11 les prépare avec le concours du 
Conseil d'Etat et les soumet à l'Assemblée élective et au Sénat pour 
être discutées et votées. 

Aucune loi ne peut être soumise à la sanction du Prince qu'après 
avoir été discutée et votée par l'Assemblée élective et par le Sénat. 

Le Prince accorde ou refuse sa sanction. Toute loi exige l'accord 
des trois Pouvoirs. 

Dans le cas où le Gouvernement serait forcé à prendre des mesures 
d'urgence qui exigent le concours de l'Assemblée élective et du Sénat, 
pendant que ces Assemblées ne siègent pas, le Ministère sera tenu de 
leur soumettre, à leur prochaine convocation, les motifs et les résul- 
tats de ces mesures. 

ART. 4. 

Les députés de l'Assemblée élective sont élus conformément aux 
dispositions électorales ci-annexées. 

Le président de l'Assemblée élective est nommé chaque année par 
le Prince; il est choisi dans le sein de l'Assemblée. Les vice-présidents , 
les secrétaires et les questeurs sont nommés par l'Assemblée. 

ART. 5. 

L'Assemblée élective discute et vote les projets de lois. 

Les projets présentés par le Prince sont soutenus dans l'Assemblée 



{ 



— 96 — 
par les ministres ou par les membres du Conseil d'État qui seront dé- 
légués par le Prince à cet effet. Ils seront entendus toutes les fois qu'ils 
demanderont la parole. 

ART. 6- 

Le budget des recettes et des dépenses, préparé chaque année par 
les soins du Pouvoir exécutif et soumis à l'Assemblée, qui pourra l'a- 
mender, ne sera définitif qu'après avoir été voté par elle et le vote ap- 
prouvé par le Sénat. Si le budget n'était pas voté en temps opportun, 
le Pouvoir exécutif pourvoira au service public conformément au der- 
nier budget voté. 

ART. 7. 

Le Sénat sera composé des métropolitains du pays, des évêques dio- 
césains, du premier président de la Cour de cassation, du plus ancien 
des généraux de l'armée en activité, et, en outre, de soixante-quatre 
membres dont trente-deux seront choisis et nommés par le Prince 
entre les personnes qui ont exercé les plus hautes fonctions dans le 
pays, ou qui peuvent justifier d'un revenu annuel de huit cents ducats. 

Quant aux trente-deux autres membres, ils seront élus entre les 
membres des Conseils généraux de chaque district et nommés par le 
Prince à la présentation de trois candidats. 

Les membres du Sénat jouissent de l'inviolabilité garantie aux dé- 
putés. 

ART. 8. 

Les soixante-quatre membres du Sénat choisis conformément aux 
dispositions de l'article précédent se renouvellent de trois ans en trois 
ans par moitié. 

Les membres sortant pourront être nommés de nouveau. Leurs 
fonctions ne cesseront qu'à l'installation des nouveaux membres. 

ART. 9. 

La durée des sessions du Sénat, leur prolongation et la convocation 



— 97 — 

de ce Corps sont soumises aux règles prescrites par l'article 17 de la 
Convention de i858 touchant VAssembléc élective. 



ART, 10. 



Les membres du Sénat seront rétribués durant toute la session. 



ART. 1 1. 



Le métropolitain primat est de droit président du Sénat. Un des 
vice-présidents, pris dans ce Corps, est nommé parle Prince; l'autre 
vice-président et le bureau sont élus par l'Assemblée. En cas de par- 
tage égal des votes, le vote du président est prépondérant. 

Les séances du Sénat sont publiques, à moins que le contraire ne 
soit demandé par le tiers des membres présents. 

Les ministres, même s'ils ne font pas partie du Sénat, ont le droit 
d'assister et de prendre part à toutes les délibérations. 

Ils seront entendus toutes les fois qu'ils demanderont la parole. 



ART. 12. 



Les dispositions constitutives de la nouvelle organisation des Prin- 
cipautés-Unies sont mises sous la sauvegarde du Sénat. A la fin de 
chaque session, le Sénat et l'Assemblée élective nommeront chacun un 
Comité dont les membres seront choisis dans leur sein. Les deux Co- 
mités se réuniront en commission mixte pour faire un rapport au 
Prince sur les travaux de la dernière session et lui soumettre les ques- 
tions d'amélioration qu'ils croiraient nécessaires dans les différentes 
branches d'administration. Ces propositions pourront être recomman- 
dées par le Prince au Conseil d'Etat pour être transformées en pro- 
jets de lois. 

ART. i3. 

Tout projet de loi voté par l'Assemblée élective, en dehors du bud- 
get des revenus et des dépenses, est soumis au Sénat. 

DOCUMENTS DIPLOMATIQUES. I 3 



i 



98 



ART. l4' 



Le Sénat adopte le projet de loi tel qu'il a été voté par T Assemblée, 
ou il Tameude, ou il le repousse. 

Si le projet de loi est adopté sans modification par le Sénat, il est 
soumis à la sanction du Prince. Si le projet de loi est amendé par le 
Stlnat, il retourne à l'Assemblée élective. 

Si l'Assemblée approuve les amendements du Sénat, le projet est 
soumis à la sanction princière. 

Si, au contraire, l'Assemblée élective repousse ces amendements, le 
projet est renvoyé au Conseil d'Etat pour y être de nouveau étudié. 

Le Gouvernement peut ensuite présenter à la Chambre, dans la 
session courante ou la suivante, le projet revu par le Conseil d'Etat. 

Si le Sénat repousse tout à fait le projet voté par l'Assemblée, ce 
projet est renvoyé au Conseil d'Etat pour y être de nouveau étudié. 

Un pareil projet ne peut être présenté à l'Assemblée élective que 
dans une autre session. 

ART. i5. 

Le Sénat a le droit de recevoir des pétitions. Ces pétitions seront 
renvoyées à une Commission ad hoc qui les examinera et fera un rap- 
port au Sénat pour qu'il soit renvoyé au Gouvernement. 

ART. 16. 

Les règlements intérieurs de l'Assemblée élective et du Sénat sont 
préparés par les soins du Gouvernement. 

ART. 17. 

Tous les fonctionnaires publics sans exception, à leur entrée en 
fonctions, sont obligés de jurer soumission à la Constitution, aux lois 
du pays et fidélité au Prince, 

ART. 18. 

Le présent acte et les dispositions électorales ci-annexées auront 



— 99 — 
force de loi à partir du jour de leur sanction par ]a Cour suzeraine. 
La nouvelle Assemblée et le Sénat seront constitués et réunis dans les 
termes prévus par l'article 17 de la Convention de i858. 

ART. 19. 

Le Prince formera un Conseil d'Etat composé des personnes les 
plus compétentes par leur mérite et leur expérience. Ce Conseil n'aura 
aucun pouvoir par lui-même, mais il aura pour mission d'étudier et 
de préparer les projets de lois que le Prince lui déférera. Les membres 
seront admis comme délégués du Prince au sein des deux Assemblées, 
pour expliquer et défendre les projets de lois par lui présentés. 

ART. 20. 

Toutes les dispositions de la Convention de Paris qui ne sont pas 
modifiées par le, présent acte sont une fois de plus confirmées et de- 
meureront en pleine et entière vigueur. 



PRINCIPES DESTINES A SERVIR DE BASE A LA REDACTION 

D'UNE NOUVELLE LOI ÉLECTORALE. 

1* Les électeurs des communes et des municipalités éliront des 

électeurs directs. Pour électeurs du premier degré il y aura un 

électeur direct. 

2** Dans les villes où il n'y aura pas cent électeurs, on adjoindra 
les électeurs des communes voisines, qui se trouveront ainsi distraits 
des autres électeurs du district. 

3** Chaque électeur direct devra justifier de cent ducats de revenu; 
il pourra faire la justification de ce revenu, soit par la production de 
sa cote d'imposition , soit de toute autre manière suffisante. Les salaires 
privés et les traitements affectés aux fonctions publiques ne seront pas 
compris dans l'estimation du revenu. 

Peuvent être électeurs sans justifier d'un revenu de cent ducats les 
personnes des catégories suivantes : 

i3. 



• A 



t 



i 



— 100 — 

(Ces catégories sont celles mentionnées dans rarlLcle 4 de la loi élec- 
torale élaborée par le Prince.) 

4*^ Les députés seront nommés par les villes et les districts dans 
une proportion répondant à l'importance de ces villes et districts. Cette 
proportion sera fixée dans la prochaine session. Provisoirement chaque 
district élira deux députés, la ville de Bucharest 510;, la ville de Yassi 
quatre, les villes de second ordre deux et les villes de district un. 

5"* Pour être député, il faut être électeur et payer en outre un cer- 
tain cens d'éligibilité qui sera provisoirement de deux cents ducats, 
lesquels pourront être justifiés au moyen de la production des cotes 
d'impositions. Ce cens sera définitivement déterminé dans la prochaine 
session. 

Pourront être, quant à présent, élus députés sans justifier d'aucun 
cens, ceux qui ont exercé de hautes fonctions dans le service de l'Etat, 
les officiers supérieurs de Tarmée et les professeurs de l'Université. 

Les électeurs doivent avoir vingt-cinq ans et les cîigibles trente. 

Le Prince décrétera une loi basée sur ces principes. 



Le Ministre des Affaires étrangères 

à M. le Marquis de Moustier, Ambassadeur de France à 
Constantinople. 

Paris, le 8 juillet i864. 

Monsieur le Marquis, j'ai appris avec satisfaction, par les dépêches 
que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser en date des 22 et 29 juin 
dernier, que le Gouvernement de Sa Majesté le Sultan s'était mis d'ac- 
cord avec le prince Couza sur les modifications à apporter à la Con- 
vention du 19 août i858, et que les représentants des Puissances à 
Constantinople avaient adhéré aux actes résultant de cet accord. 

Après avoir pris connaissance de l'acte additionnel à la Convention de 
i858, et de l'annexe à cet acte dont M. le Ministre des Affaires étran- 
gères de Turquie a donné lecture dans la Conférence du 28 juin, je 
m'empresse de vous annoncer que le Gouvernement de l'Empereur 



— 101 — 
adhère entièrement au contenu de ces documents, et ratifie rengage- 
ment que vous avez pris en son nom, en signant le protocole de 
celte Conférence. Je vous prie de porter la présente dépêche à la con- 
naissance de la Sublime- Porte et à celle de vos collègues. 
Agréez, etc. 

Signé Dbouyn de Lhuys. 



Le Ministre des Affaires étrangères 

aux Agents diplomatiques de l'Empereur. 

Paris, lô juillet i864* 

Monsieur, vous savez que le prince Couza, en présence des difficul- 
tés qui paralysaient la marche de son Gouvernement, a cru devoir 
prendre Tinitiative de réformes en harmonie avec le sentiment public 

m 

dans les Principautés. Les populations ayant adhéré avec un empres- 
sement unanime à la pensée du Prince, Son Altesse, par déférence pour 
la Cour suzeraine et les Puissances garantes, s'est rendue à Constanti- 
nople, afin de leur soumettre les modifications qu Elle désirerait avoir 
le droit d'introduire dans les institutions Moldo-Valaques. Nous avions 
encouragé ce voyage, et nous étions persuadés qu'il était de nature à 
produire les plus favorables résultats. 

L'événement n'a pas trompé notre attente. S. M. L le Sultan a vu 
dans cette visite un hommage auquel il s'est montré sensible, et il a 
fait au Prince l'accueil le plus flatteur. Une entente directe est heureu- 
sement intervenue, et la Porte n'a pas hésité à reconnaître que les 
événements qui se sont succédé, depuis la conclusion de la Convention 
organique de i858, exigeaient d'une manière impérieuse des change- 
ments dans plusieurs des dispositions de cet acte. En conséquence, un 
système de Gouvernement plus simple et plus conforme aux vœux du 
pays a été décidé. Les pouvoirs publics seront confiés au Prince, au 
Sénat et à l'Assemblée élective. Le Prince aura l'initiative des lois. Il 
en préparera 1 élaboration avec le concours du Conseil d'Etat, et les 
présentera ensuite à la discussion et au vote de l'Assemblée et du Sénat. 



à 



— 102 — 

Une nouvelle loi électorale sera promulguée sur des bases plus larges 
et plus libérales que l'ancienne. Enfin il est admis que désormais les 
Principautés pourront modifier ou changer les lois qui régissent leur 
administration intérieure, avec le concours de tous les pouvoirs éta- 
blis, et sans aucune autre intervention. Il est bien entendu toutefois 
que cette faculté ne saurait s'étendre aux liens qui unissent les Prin- 
cipautés et l'Empire ottoman. 

Soumis par la Porte aux représentants des Puissances signataires du 
Traité de Paris, les documents constatant le nouvel état de choses 
ont reçu l'adhésion de la Conférence. L'ensemble de ces résolutions 
nous a paru dicté par un esprit de sagesse incontestable, et nous n'a- 
vons point hésité à y donner notre entière approbation. Une politique 
conciliante et modérée a prévalu, et les parties intéressées se sont plu 
à reconnaître l'heureuse influence des conseils que leur a donnés le 
Gouvernement de l'Empereur. La Porte s'est déclarée spécialement 
satisfaite d'une solution qui , en sauvegardant les droits de la Cour 
suzeraine et les stipulations internationales, évite à la Turquie, aux 
Principautés et aux Puissances, des difficultés graves. Nous nous félici- 
tons toujours de ce qui peut contribuer à affermir la paix de l'Orient, 
et à développer sa prospérité, d'une manière légale et pacifique. C'est 
dans ce sens que nous n'avons cessé de diriger nos efforts, et nous 
continuons à voir dans l'application de ces principes un gage de pro- 
grès pour l'Empire ottoman, aussi bien que pour les populations 
chrétiennes qui en relèvent. 

Recevez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



SYRIE 



SYRIE 



Le Ministre des Affaires étrangères 

à M. le Marquis de Moustier, Ambassadeur de France à 
Gonstantinople. 

Paris, le 19 février 1864. 

Monsieur le Marquis, sans examiner aujourd'hui les diverses ques- 
tions qui se rattachent à la réorganisation du Liban, et sur lesquelles 
j'aurai à vous transmettre bientôt des instructions détaillées, je me bor- 
nerai à appeler votre attention sur les points les plus essentiels. 

La disposition du Règlement de 1861 relative à la composition du 
Medjlis ou Conseil administratif central soulève les réclamations de la 
population maronite, qui se plaint à juste titre d'être représentée dans 
ce Conseil sur le même pied que chacune des populations appartenant 
aux autres rites, lorsqu'elle est numériquement beaucoup plus considé- 
rable. Cette représentation par communauté est donc, sous une appa- 
rence d'égalité, profondément inéquitable, et il sera nécessaire d'aviser 
à une autre combinaison qui assure aux Maronites une représentation 
plus en rapport avec leur importance numérique. La nomination des 
membres du Medjlis, non plus par communauté, mais par arrondis- 
sement (mudirat), pourrait atteindre le but. 

J'en dirai autant de la proposition de supprimer les Medjlis d'arron- 
dissement, dont l'expérience a démontré le peu d'utilité. Cette sup- 
pression serait à la fois une économie et un avantage au point de vue 
de l'expédition des affaires. 

DOCOMENTS DIPLOMATIQUES. l4 



— 106 — 

La composition actuelle des tribunaux des différents degrés el leur 

répartition dans les diverses parties du territoire appellent également 

différentes améliorations, et il y aura lieu d'examiner particulièrement 

dans quelle mesure il conviendrait de modifier la disposition de Tarticle 

lo du Règlement de 1861, qui attribue au Tribunal de Commerce de 

Beyrouth une juridiction exclusive en matière commerciale pour toute 

l'étendue de la Montagne, et même en matière civile, en cas de procès 

entre un sujet ou protégé étranger et un habitant de la Montagne. 

Agréez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys, 



Le Ministre des Affaires étrangères 

à M. le Marquis de Moustier, à Constantinople. 

Paris, le 22 mars i864- 

Monsieur le Marquis, dans la dépêche que j*ai eu l'honneur de vous 
adresser, le 19 février, je m'étais réservé de revenir avec plus de dé- 
tails sur quelques-uns des points relatifs à l'organisation du Liban, 
notamment en ce qui concerne la prolongation des pouvoirs du Gou- 
verneur actuel, la division administrative du pays et la fixation des 
impôts. 

11 y aura lieu, suivant nous, après avoir décidé le maintien de 
Daoud-Pacha dans le gouvernement de la Montagne , d'assigner à la 
durée de son pouvoir une nouvelle période déterminée, pendant la- 
quelle, par conséquent, il ne pourra être révoqué, si ce n'est dans les 
cas et suivant les formes déjà prévus. Il est essentiel que le Gouverneur 
soit garanti contre toute révocation arbitraire. Cette période expirée, 
le gouvernement de Daoud pourrait être encore prolongé par décision 
de la Porte et avec l'avis des Puissances. 

L'article 3 du Règlement organique de 1861 divisa la Montagne en 
six mudirats ou arrondissements administratifs. La circonscription 
comprise sous la dénomination de Kesrouan a une étendue qui est 
hors de proportion avec celle des autres districts. Il y aurait lieu de la 
diviser en deux, ce qui porterait à sept le nombre des mudirats actuels. 



— 107 — 

Il a été aussi question de rétablissement d'impositions indirectes, 
dans le cas où le produit de l'impôt fixé par le Règlement actuel ne suf- 
firait pas aux frais généraux strictement nécessaires pour les besoins 
de l'Administration, Il ne serait ni équitable ni politique d'imposer 
d'ici à longtemps de nouvelles charges à la population de la Montagne, 
et je crois qu'il n'y pas lieu, du moins pour le moment, de supprimer 
la disposition du Règlement de 1861 qui oblige éventuellement la 
Porte à pourvoir à l'excédant des dépenses dans le cas dont il s'agit. 
Ce serait à mon sens un mauvais service à rendre au gouvernement 
de Daoud-Pacha que de modifier l'état de choses actuel, de façon à 
provoquer de nouvelles plaintes de la part des contribuables dans la 
Montagne. 

Agréez , etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



Le Ministre des Affaires étrangères, 

à M. le Marquis de Moustier, à Constantinople, 

Paris, le 2à juin 1864. 

Monsieur le Marquis, j'ai constaté avec plaisir, en prenant connais- 
sance des modifications qu'Aali-Pacha propose d'apporter au Règle- 
ment organique du 9 juin 1861 , et des observations que vous avez 
présentées au Ministre des AfiFaires étrangères du Sultan, en vous con- 
formant autant que possible à mes instructions, que les seules diver- 
gences qui existent entre votre opinion et la sienne ne portaient que 
sur des objets secondaires. 

En ce qui concerne la composition du Medjlis central de la Mon- 
tagne, il eût été plus rationnel et équitable de substituer absolument 
le principe de la représentation par mudirat à celui de la représenta- 
tion par rite, et je n'ai pas besoin de revenir sur les raisons qui moti- 
vent un tel changement; toutefois, je ne vois pas d'inconvénient sérieux 
à tenir compte de l'observation d'Aali-Pacha tendant à donner un re- 



i 



— 108 — 

ff 

présentant à la communauté musulmane et un autre à la commu- 
nauté metuali. 

Votre rédaction me semble d'ailleurs lui offrir à cet égard toute sa- 
tisfaction. 

La suppression des lieutenants ( Vékils) ne me paraît pas moins dé- 
sirable que celle des Medjlis d'arrondissement. 

J'approuve entièrement les observations que vous présentez sur les 
circonscriptions judiciaires et la composition des tribunaux de pre- 
mière instance; les deux systèmes en présence sont également accep- 
tables; mais, si l'on s'arrête à la création de trois tribunaux de première 
instance au lieu d'avoir un juge par mudirat, il me paraît bon, dans 
l'intérêt de la population maronite, que vous insistiez dans le sens que 
vous indiquez. 

Les Cheiks devant remplir les fonctions de juges de paix qui sont 
supprimées, il importe de fixer leur compétence; il ne saurait y avoir 
à cet égard de difficulté. 

La disposition additionnelle que vous proposez en vue de dispenser 
les parties de recourir au tribunal de commerce de Beyrouth, et qui 
leur reconnaît la faculté de faire juger leurs contestations par des ar- 
bitres dont les sentences seront mises à exécution par les soins des 
autorités locales et des Consuls, n'est en quelque sorte que renoncia- 
tion du droit commun; elle n'offre donc aucune difficulté. 

Je n'ai qu'à approuver la rédaction de l'article xv, en ce qui con- 
cerne l'application des revenus des biens domaniaux du Sultan, 
et l'emploi éventuel des arriérés d'impôt à des travaux d'utilité pu- 
blique. 

Le principe de Tindigénat ne saurait être, même implicitement, 
abandonné par nous sans occasionner dans la Montagne la plus fâ- 
cheuse impression et nous placer nous-^mêmes vis^-à-vis de ces popu- 
lations dans une situation nuisible à l'influence morale qu'il est dési- 
rable que nous continuions d'y exercer dans l'intérêt général. 

Agréez, etc. 

àSigné Drouyn de Lhdys. 



109 - 



PROTOCOLE 



Adopté par la Sublime Porte et les Représentants des cinq grandes 

Puissances, à la suite de l'entente qui s est établie sur les modi- 
fications que, sur la proposition de la Sublime Porte, il y avait 

lieu d*introduire au règlement adopté le 9 juin 1861 concer- 
nant le Liban. Ce nouveau rè^ement sera promulgué comme 
le précédent, sous la forme d'un firman, par Sa Majesté le Sultan, 
et communiqué officiellement aux cinq grandes Puissances. 

La Sublime Porte, d'accord avec les Représentants de l'Autriche, 
de la France, de la Grande-Bretagne, de la Prusse et de la Russie, 
maintient toutes les dispositions du Protocole signé à Constantinople 
le 9 juin 1861, ainsi que celles de l'article additionnel de même date. 
S. A. Aali-Pacha déclare cependant que la Sublime Porte a confirmé 
en son poste le Gouverneur actuel du Liban pour cinq ans encore, à 
partir du 9 juin 1 864. 

Sublime Porte, le 6 septembre i864. 

Signé Aali. 

H. Bdlwer. 
Prokesch Osten. 

IcNATiErp: 

Steffens. 

E. de BONNIERES. 



RÈGLEMENT DU LIBAN. 



ARTICLE PREMIER. 



Le Liban sera administré par un Gouverneur chrétien, nommé par 
la Sublime Porte et relevant d'Elle directement. 

Ce fonctionnaire amovible sera investi de toutes les attributions du 



— 110 — 

pouvoir exécutif, veillera au maintien de Tordre et de la sécurité pu- 
blique dans toute l'étendue de la Montagne, percevra les impôts et 
nommera, sous sa responsabilité, en vertu du pouvoir quil recevra de 
Sa Majesté Impériale le Sultan, les agents administratifs; il instituera 
les juges, convoquera et présidera le Medjlis administratif central, et 
procurera l'exécution de toutes les sentences légalement rendues par 
les tribunaux, sauf les révisions prévues par Tarlicle 8. 



ART. 2 



11 y aura pour toute la Montagne un Medjlis administratif central 
composé de douze membres délégués par les mudirats, et répartis 
entre les différents mudirats dans la proportion suivante: 

i*" et 2*^ Les deux mudirats du Kesrouan délégueront chacun un 
Maronite ; 

3"* Le mudirat du Djezzin : un Maronite, un Druse et un Musulman ; 

4'' Le mudirat du Meten : un Maronite, un Grec orthodoxe, un 
Druse et un Metuali ; 

5*^ Le Chouf, un Druse; 

6"" Le Koura, un Grec orthodoxe; 

7° Zahleh, un Grec catholique. 

Ce Medjlis administratif sera chargé de répartir l'impôt , contrôler 
la gestion des revenus et des dépenses, et donner son avis consultatif 
sur toutes les questions qui lui seront posées par le Gouverneur. 

ART. 3. 

La Montagne sera divisée en sept arrondissements administratifs, 
savoir : 

1° Le Koura, y compris la partie inférieure et les autres fractions 
de territoire avoisinantes dont la population appartient au rite grec 
orthodoxe, moins la ville de Kalmoun, située sur la côte et à peu 
près exclusivement habitée par les Musulmans; 

2** La partie septentrionale du Liban, comprenant Djebet, Bcherré, 
Zavié et Bel ad Batroun; 

3'' La partie septentrionale du Liban, comprenant Belad Djébeil 



— 111 — 

Djebet, Mneitra, Fetoiih et le Kesrouan proprement dit jusqu'à Nahr- 
el-Kelb ; 

4** Zahleh et son territoire ; 

S"" Le Meten, y compris le Sahel chrétien et les territoires de Kata 
et de Solima; 

6*" Le territoire situé au sud de la route de Damas jusqu'à Djezzin; 

7** Le Djezzin et le TeflPah. 

Il y aura dans chacun de ces arrondissements un agent adminis- 
tratif nommé par le Gouverneur et choisi dans le rite dominant, soit 
par le chiffre de la population, soit par l'importance de ses propriétés. 

ART. 4. 

Les arrondissements administratifs seront divisés en cantons, dont 
le territoire sera à peu près réglé sur celui des anciens Aklims. 

A la tête de chaque canton il y aura un agent nommé par le gou- 
verneur, sur la proposition du chef de l'arrondissement, et à la tête 
de chaque village un cheikh choisi parmi les habitants et nommé par 
le gouverneur. 

ART. 5. 

Egalité de tous devant la loi; abolition de tous les privilèges féodaux 
et notamment de ceux qui appartiennent aux Mokatadjis. 

ART. 6. 

Il y aura dans la Montagne trois tribunaux de première instance, 
composés chacun d'un juge et d'un substitut nommés par le gouver- 
neur, et de six défenseurs d'office désignés par les communautés, et 
au siège du gouverneur un Medjlis judiciaire supérieur, composé de 
six juges choisis et nommés par le gouverneur dans les six commu- 
nautés. Musulmane, Sunni' et Métuali, Maronite, Druse, Grecque 
orthodoxe et Grecque catholique, et de six défenseurs d'office désignés 
par chacune de ces communautés, et auxquels on adjoindra un juge 
et un défenseur d'office des cultes protestant et Israélite, toutes les fois 
qu'un membre de ces communautés aura des intérêts engagés dans le 
procès. 



— 112 — 
Le Tribunal supérieur sera présidé par un fonctionnaire nommé 
ad hoc par le Gouverneur, Il est réservé au Gouverneur la faculté de 
doubler le nombre des tribunaux de première instance dans le cas où 
des nécessités locales en auront constaté Tui^ence, et de fixer, en atten- 
dant, les localités où devront fonctionner les trois tribunaux de pre- 
mière instance dans l'intérêt de la distribution régulière delà justice. 

ART. 7. 

Les cheikhs de village remplissant les fonctions de juges de paix 

jugeront sans appel jusqu'à concurrence de deux cents piastres. 
Les affaires au-dessus de deux cents piastres seront delà compétence 

des Medjlis judiciaires de première instance. 

Les affaires mixtes , c'est-à-dire entre particuliers n'appartenant pas 
à un même rite, quelle que soit la valeur engagée dans le procès, seront 
immédiatement portées devant le tribunal de première instance, à 
moins que les parties ne soient d'accord pour reconnaître la conipé- 
tence du juge de paix du défendeur. 

En principe, toute affaire sera jugée par la totalité des membres du 
Medjlis. Néanmoins, quand toutes les parties engagées dans le procès 
appartiendront au même rite, elles auront le droit de récuser le juge 
appartenant à un rite différent; mais, dans ce cas, les juges récusés 
devront assister au jugement. 

ART. 8. 

En matière criminelle, il y aura trois degrés de juridiction. Les 
contraventions seront jugées par les cheikhs des villages, remplissant 
les fonctions de juges de paix; les délits, par les tribunaux de première 
instance, et les crimes, par le Medjlis judiciaire supérieur, dont les sen- 
tences ne pourront être mises à exécution qu'après l'accomplissement 
des formalités d'usage dans le reste de l'Empire. 

ART. 9. 

Tout procès en matière commerciale sera porté devant le Tribunal 



— 113 — 
de commerce de Beyrouth, et tout procès, même en matière civile, 
entre un sujet ou protégé d'une Puissance étrangère et un habitant 
de la Montagne, sera soumis à la juridiction de ce même Tribunal. 

Toutefois, autant que possible, et après entente entre les parties, 
les contestations entre des habitants du Liban et des sujets étrangers 
pourront être jugées par arbitrage, et, dans ce cas, l'autorité impériale 
du Liban et les Consulats des Puissances amies seront tenus de faire 
exécuter les sentences arbitrales. Mais, dans le cas où des contestations 
seraient portées devant le Tribunal de Beyrouth , faute d'entente entre 
les parties de soumettre leur différend à un arbitrage, la partie per- 
dante sera tenue de payer les frais de déplacement d'après un tarif 
établi d'accord entre le Gouverneur du Liban et le Corps consulaire 
de Beyrouth et sanctionné par la Sublime Porte. Il reste bien entendu 
que les actes de compromis devront être rédigés légalement, signés 
par les parties et enregistrés tant au Tribunal de Beyrouth qu'au Med- 
jlis judiciaire supérieur de la Montagne. 



ART. lO. 



Les juges sont nommés par le Gouverneur. Les membres du Med- 
jlis administratif sont élus dans les arrondissements par les cheikhs 
de villages. Les cheikhs de villages sont choisis par la population de 
chaque village. 

Le personnel du Medjlis administratif sera renouvelé par liers tous 
les deux ans, et les membres sortants pourront être réélus. 



ART. 11. 



Tous les juges seront rétribués. 

Si, après enquête, il est prouvé que l'un d'entre eux a prévariqué 
ou s'est rendu, par un fait quelconque, indigne de ses fonctions, il 
devra être révoqué, et sera, en outre, passible d'une peine proportion- 
née à la faute qu'il aura commise. 



ART. 1 2 . 



Les audiences de tous les Medjlis judiciaires seront publiques, et il 

DOCUMENTS DIPLOMATIQCES. I 5 



— i\k - 

en sera rédigé procès-verbal par an greflier institué ad hoc. Ce greffier 
sera en outre chargé de tenir un registre de tous les contrats portant 
aliénation de biens immobiliers, lesquels contrats ne seront valables 
qu'après avoir été soumis à la formalité de Tenregistrement. 

ART. i3. 

Les habitants du Liban qui auront commis un crime ou délit dans 
un autre Sandjak seront justiciables des autorités de ce Sandjak, de 
même que les habitants des autres arrondissements qui auraient com- 
mis un crime ou délit dans la circonscription du Liban seront justi- 
ciables des tribunaux de la Montagne. 

En conséquence, les individus indigènes ou non indigènes qui se 
seraient rendus coupables d'un crime ou délit sur le Liban, et qui se 
seraient évadés dans un autre Sandjak, seront, sur la demande de Tau- 
torité de la Montagne, arrêtés par celle du Sandjak où ils se trouvent 
et remis à l'administration du Liban. 

De même, les indigènes de la Montagne ou les habitants d'autres dé- 
partements qui auront commis un crime ou délit dans un Sandjak 
quelconque et autre que le Liban, et qui s'y seront réfugiés, seront, 
sans retard, arrêtés par l'autorité de la Montagne, sur la demande de 
celle du Sandjak intéressé, et. seront remis à cette dernère autorité. 
Les agents de l'autorité qui auraient apporté une négligence ou des 
retards non justifiés dans l'exécution des ordres relatifs au renvoi des 
coupables devant les tribunaux compétents seront, comme ceux qui 
chercheraient à dérober les coupables aux poursuites de la police, 
punis conformément aux lois. 

Enfin , les rapports de l'Administration du Liban avec l'Administra- 
tion respective des autres Sandjaks seront exactement les mêmes que 
les relations qui existent et qui seront entretenues entre tous les autres 
Sandjaks de l'Empire. 

ART. i4. 

En temps ordinaire, le maintien de l'ordre et l'exécution des lois se- 
ront exclusivement assurés par le Gouverneur au moyen d'un corps de 



— 115 — 

police mixte, recruté à raison de sept hommes environ par mille ha- 
bitants. 

L'exécution par garnisaires devant être abolie et remplacée par 
d'autres modes de contrainte, tels que la saisie ou l'emprisonnement, 
il sera interdit aux agents de police, sous les peines les plus sévères, 
d'exiger des habitants aucune rétribution, soit en argent, soit en na- 
ture. Us devront porter un uniforme ou quelque signe extérieur de 
leurs fonctions. 

Jusqu'à ce que la police locale ait été reconnue par le Gouverneur 
en état de faire face à tous les devoirs qui lui seront imposés en temps 
ordinaire, les routes de Beyrouth à Damas et de Saïda à Tripoli seront 
occupées par des troupes impériales. Ces troupes seront sous les ordres 
du Gouverneur de la Montagne. 

En cas extraordinaire et de nécessité, et après avoir pris l'avis du 
Medjlis administratif central, le Gouverneur pourra requérir, auprès 
des autorités militaires de la Syrie, l'assistance des troupes régulières. 

L'officier qui commandera ces troupes en personne devra se con- 
certer, pour les mesures à prendre, avec le Gouverneur de la Mon- 
tagne; et, tout en conservant son droit d'initiative et d'appréciation 
pour toutes les questions purement militaires, telles que les questions 
de stratégie ou de discipline, il sera subordonné au Gouverneur de la 
Montagne durant le temps de son séjour dans le Liban, et il agira sous 
la responsabilité de ce dernier. 

Ces troupes se retireront de la Montagne aussitôt que le Gouver- 
neur aura officiellement déclaré à leur commandant que le but pour 
lequel elles ont été appelées a été atteint. 

ART. i5. 

La Sublime Porte se réservant le droit de lever, par l'intermédiaire 
du Gouverneur du Liban, les 3,5oo bourses qui constituent aujour- 
d'hui l'impôt de la Montagne, impôt qui pourra être augmenté jus- 
qu'à la somme de 7,000 bourses lorsque les circonstances le permet- 
tront, il est bien entendu que le produit de ces impôts sera affecté 
avant tout aux frais d'administration de la Montagne et à ses dépenses 

i5. 



— 116 — 
d'utilité publique; le surplus seulement, s'il y a lieu, entrera dans les 
caisses de TEtat. 

Si les frais généraux strictement nécessaires à la marche régulière 
de l'Administration dépassaient le produit des impôts, c'est au Trésor 
impérial à pourvoir à ces excédants de dépense. 

Les bekaliks ou revenus des Domaines impériaux étant indépen- 
dants de l'impôt, ils seront versés dans la caisse du Liban, au crédit 
de la comptabilité de cette caisse avec le Trésor impérial. 

Mais il est entendu que, pour les travaux publics ou autres dépenses 
extraordinaires, la Sublime Porte n'en serait, responsable qu'autant 
qu'elle les aurait approuvés préalablement. 

ART. 16. 

Il sera procédé le plus tôt possible au recensement de la population 

par commune et par rite, et à la levée du cadastre de toutes les terres 

cultivées. 

ART. 17. 

Dans toute affaire où les membres du clergé séculier ou régulier 
sont seuls engagés, ces parties, prévenues ou accusées, resteront sou- 
mises à la juridiction ecclésiastique, sauf le cas où l'autorité épiscopale 
demanderait le renvoi devant les tribunaux ordinaires. 

ART. 18. 

' Aucun établissement ecclésiastique ne pourra donner asile aux in- 
dividus, soit ecclésiastiques, soit laïques, qui sont Tobjet de poursuites 
du ministère public. 

Arrêté et convenu à Constantinople le 6 septembre 1864. 

Signé Aali. 

H. BuLVi^ER. 

Pkokesch Osten. 

Ignatieff. 

Steffens. 

E. de Bonnièrbs. 



117 



Le Ministre des Affaires étrangères, 

à M. de Bonnieres, Chargé d'affaires de France à Constan- 
tinople. 

Paris, le 23 septembre i86il. 

Monsieur, j'ai pris connaissance du Protocole relatif aux affaires du 
Liban qui vient d'être signé à Gonstantinople et du rapport que vous 
m'avez adressé à ce sujet le i4 septembre. Je pense comme vous que, 
si nous n'avons pas obtenu tout ce que nous désirions, le nouveau 
Règlement, dont l'acceptation a présenté de sérieuses difficultés, cons- 
titue cependant une amélioration sensible de la situation des catho- 
liques : il est, en outre, la consécration d'un principe équitable de 
présentation, d'où Ton pourra tirer des conséquences encore plus 
avantageuses à la révision prochaine. 

Recevez, etc. 

Signé Drouyn de Lhdys. 



Le Ministre des Affaires étrangères 

aux Agents diplomatiques de l'Empereur. 

Paris, le 5 octobre i864. 

Monsieur, vous connaissez les dispositions du firman promulgué 
par la Porte, le 9 juin 1861, à la suite de l'entente intervenue entre 
les cinq grandes Puissances et la Turquie, pour régler l'organisation 
de la Montagne du Liban. Il avait été convenu dans cet acte que la 
durée des pouvoirs du Gouverneur général était fixée à trois années. 
A l'expiration de ce délai, les représentants des cinq Cours et le Mi- 
nistre des Affaires étrangères du Sultan devaient se réunir de nou- 
veau en conférence, avant que la Porte ait continué au Gouverneur 
son mandat ou lui ait choisi un successeur. Cette clause du firman 
a été mise à exécution , et nous avons été invités par le Gouvernement 



— 118 — 

turc à examiner, de concert avec les Puissances, les modifications 
qu'il pouvait être utile d'apporter au régime administratif de la Mon- 
tagne. 

La première question qui se présentait était de savoir si Daoud- 
Pacha serait maintenu dans ses fonctions. Vous savez qu'en 1861 le 
Gouvernement de l'Empereur avait cru devoir appuyer cette candida- 
ture d'un catholique dont les antécédents offraient de sérieuses garan- 
ties. Les actes de Daoud ont justifié la confiance que nous avions placée 
en lui. La tranquillité dont le Liban a joui sous son administration 
nous a déterminés à demander qu'il fût investi de nouveaux pouvoirs 
pour une période de cinq ans, et un accord s'est établi sur ce point 
entre la Porle et les différentes Cours. Un protocole a été signé à cet 
effet, le 6 septembre 186/1, et, le même jour, les représentants des 
Puissances ont également signé le nouveau règlement de la Montagne, 
qui sera promulgué sous la forme d'un firman, comme celui du 
9 juin 1861, dont il reproduit les dispositions principales. Nous ne 
pouvons qu'applaudir aux diverses innovations de détail qu'il intro- 
duit dans l'organisation administrative et judiciaire du pays. Certains 
roqagcs dont l'expérience avait démontré l'inutilité ont été supprimés; 
d'autres ont reçu des améliorations pratiques. Enfin, et c'est là le 
résultat le plus important à nos yeux, le Medjlis central a été recons- 
titué sur des bases plus solides, et l'élément maronite y sera désor- 
mais représenté dans des proportions plus équitables. 

' Le Gouvernement ottoman, nous nous plaisons à le constater, a 
fait preuve, dans toute cette affaire, d'un véritable esprit de sagesse, 
et aucune divergence sérieuse ne s'est manifestée dans les apprécia- 
tions des représentants des cinq grandes Cours. Une politique de pru- 
dence et d'apaisement pouvait seule prévenir le retour des événements 
dont toute là Chrétienté s'était émue. Le Gouvernement de l'Empereur 
est heureux d'avoir contribué à l'amélioration du sort de ces contrées, 
et il a la confiance qu'elles trouveront dans la sollicitude des Puis- 
sances et de la Porte un gage de progrès et de sécurité. 

Recevez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



ISTHME DE SUEZ. 



ISTHME DE SUEZ. 



SENTENCE ARBITRALE RENDUE PAR L'EMPEREUR 



DANS L'AFFAIRE DE L'ISTHME DE SUEZ. 



NAPOLÉON, 

Par la grâce de Dieu et la volonté nationale, Empereur des Français, 

A tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut. 

Vu le compromis signé, le 21 avril i864» par : 

S. Exe. Nubar Pacha, mandataire spécial de S. A. le Vice- Roi 
d'Egypte, 

Et M. Ferdinand de Lesseps, au nom et comme président fonda- 
teur de la Compagnie universelle du canal de Suez, 

Dont l'article 2 est ainsi conçu : 

« Sa Majesté est suppliée de prononcer sur les questions ainsi for- 
mulées : 

« 1^ La suppression de la corvée étant acceptée en principe, quelle 
est la nature et la valeur du règlement du 20 juillet 1 856, sur l'emploi 
des ouvriers indigènes? 

« 2** Quelle serait l'indemnité à laquelle l'annulation de ce règlement 
peut donner lieu, le fondé de pouvoirs du Vice-Roi se déclarant auto- 
risé à promettre que la clause stipulée en l'article 2 du second acte de 
concession et cahier des charges du 5 janvier i856 sera rapportée? 

DOrUMENTS DIPLOMATIQUES. l6 



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— 122 — 

« 3° La portion du canal d'eau douce non rétrocédée au Vice-Roi par 
la convention du 18 mars i863 doit-elle continuer d'appartenir à la 
Compagnie pendant la durée déterminée par l'acte de concession 
comme une annexe indispensable du canal maritime? Dans le cas con- 
traire, quelles sont les conditions auxquelles la rétrocession pourrait 
en être opérée et que les parties s'engagent dès à présent à accepter? 

« 4^* Les cartes et plans qui, aux termes de l'article 8 de l'acte de 
concession du 3o novembre i854 et de l'article 1 1 de celui du 5 janvier 
i856, devaient être dressés, ne l'ayant pas été, quelle est l'étendue des 
terrains nécessaires à la construction et à l'exploitation du canal ma- 
ritime (et du canal d'eau douce s'il est conservé à la Compagnie), 
dans les conditions propres à assurer la prospérité de l'entreprise? 

« 5** Quelle est l'indemnité due à la Compagnie, à raison de la ré- 
trocession acceptée en principe des terrains dont il est fait mention 
dans les articles 7 et 8 de l'acte de concession de i854 et dans les 
articles 10, 11 et 12 de celui de i856?» 

Vu le rapport de la commission instituée par notre décision^ en 
date du 3 mars i864; 

Considérant, sur la première question, que, pour apprécier la pen- 
sée qui a présidé au règlement du 20 juillet i856 et le caractère de 
cet acte, il convient de rapprocber les dispositions qu'il renferme de 
celles qui sont contenues dans les deux firmans de concession en date 
des 3o novembre i854 et 5 janvier i856; 

Que celles-ci, après avoir autorisé la constitution de la Compagnie, 
indiquent le but pour lequel elle doit être établie, déterminent les 
charges et les obligations qui lui sont imposées et lui assurent les avan- 
tages dont elle doit jouir; 

Que ces stipulations ont créé pour la Compagnie et pour le Gou- 
vernement du Vice-Roi des engagements réciproques, de l'exécution 
desquels il ne leur a pas été permis de s'affranchir; que, notamment, 
l'article 2 du second firman, en laissant à la Compagnie la faculté 
d'exécuter les travaux dont elle est chargée, par elle-même ou par des 
entrepreneurs, exige que les quatre cinquièmes au moins des ouvriers 
employés à ces travaux soient Égyptiens; 



— 123 — 

Qu'au moment où cette condition a été imposée par le Vice-Roi et 
acceptée par la Compagnie, il a nécessairement été entendu, par l'un et 
par l'autre, que les ouvriers égyptiens nécessaires pour composer les 
quatre cinquièmes de ceux qui seraient employés aux travaux seraient 
mis, par le Vice-Roi, à la disposition delà Compagnie; 

Que celle-ci n'aurait pas consenti à se soumettre à une semblable 
condition si, de son côté, le Vice-Roi ne lui avait pas assuré les moyens 
de l'accomplir ; 

Que cette pensée, sous-entendue dans le second firman de conces- 
sion, a été formellement exprimée dans l'article i" du règlement du 
20 juillet i856, portant : Les ouvriers qui seront employés aux tra- 
« vaux de la Compagnie seront fournis par le Gouvernement égyptien, 
a d'après les demandes des ingénieurs en cbef et suivant les besoins; » 

Que cet article a par lui-même un sens très-clair; que d'ailleurs, 
lorsqu'on le rapproche des stipulations des deux lîrmans, on aperçoit 
le lien étroit qui les unit, et l'on reconnaît que la disposition du règle- 
ment n'est que le corollaire de celles qui l'ont précédée, qu'elle a le 
même caractère, la même force obligatoire; 

* 

Que toutes les autres parties du règlement sont en harmonie par- 
faite avec l'article 1*' et confirment finterprétation qui vient de lui être 
donnée ; 

Qu'en effet j immédiatement après la promesse du Gouvernement 
égyptien de fournir les ouvriers, l'acte constate l'engagement corrélatif 
de la Compagnie de leur payer le prix de leur travail, de leur fournir 
les vivres nécessaires, de leur procurer des habitations convenables, 
d'entretenir un hôpital et des ambulances, de traiter les malades à ses 
frais, de payer également les frais de voyage depuis le lieu du départ 
jusqu'à l'arrivée sur les chantiers; enfin de rembourser au Gouverne- 
ment égyptien, au prix de revient, les coufiFes nécessaires pour le trans- 
port des terres et la poudre pour l'exploitation des carrières que ce- 
lui-ci devait fournir; 

Que ces diverses obligations, détaillées avec soin dans le règlement, 

n'étaient pour la Compagnie que la contre-partie de celles qu'avait 

16. 



• ■ & 

• • • 



— 124 — 
prises le Gouvernement égyptien ; qu'ainsi elles présentaient dans leur 
ensemble les éléments d'un véritable contrat; 

Que l'intitulé de l'acte n'est point incompatible avec le caractère 
conventionnel qui lui est attribué par la nature des stipulations qu'il 
renferme ; qu'à la vérité c'est du Vice-Roi seul que le règlement est 
émané, mais que les deux firmans de concession ont été faits dans la 
même forme, et que cependant leur caractère contractuel n'a pas été 
et ne saurait être sérieusement contesté; qu'enfin le Vice-Roi dit ex- 
pressément dans le préambule de l'acte que c'est de concert avec M. de 
Lesseps qu'il en a établi les dispositions; que cette expression n'in- 
dique pas seulement qu'un avis a été demandé au Directeur de la 
Compagnie ; qu'il exprime que le concours de sa volonté a paru néces- 
saire et a été obtenu; qu'il est bien évident que', sans ce concours, il 
eût été impossible d'assujettir la Compagnie aux obligations multi- 
pliées qui lui ont été imposées et qu'elle a ensuite exécutées; 

Que de ce qui précède il résulte que le règlement du 20 juillet 
i856, notamment dans la disposition de l'article 1", a les caractères 
et l'autorité d'un contrat; 

Considérant, sur la seconde question, que, lorsque des conventions 
ont été librement formées par le consentement de parties capables et 
éclairées, elles doivent être fidèlement exécutées; que celle des parties 
contractantes qui refuse ou néglige d'accomplir ses engagements est 
tenue de réparer le dommage qui résulte de son infraction à la loi 
qu'elle s'est volontairement imposée; qu'en général, et sauf à tenir 
compte des circonstances et des motifs de l'infraction, la réparation con- 
siste dans une indemnité représentant la perte qu'éprouve l'autre partie 
et le bénéfice dont elle est privée; que, sans méconnaître la force et 
la vérité de ces principes, on a fait remarquer, au nom du Gouverne- 
ment égyptien , que, par une réserve expresse insérée à la fin de cha- 
cun des firmans de concession, le commencement des travaux, c'est- 
à-dire l'exécution des conventions, était subordonnée à l'autorisation 
de la Sublime Porte ; qu'en fait, cette autorisation n'ayant jamais été 
accordée, l'inexécution des conventions ne peut être légitimement re- 









— 125 — 

prochée au Vice-Roi d'Egypte et ne saurait justifier une demande en 
dommages-intérêts dirigée contre lui ; 

Qu il est incontestable que la clause suspensive de la convention 
aurait dû produire Teffet qui a été indiqué au nom du Vice-Roi, si les 
choses étaient restées entières; mais que les faits accomplis depuis la 
date des firmans, et auxquels le Vice-Roi a concouru, au moins avec 
autant d'activité et de détermination que la Compagnie, ont profon- 
dément modifié les situations respectives; 

Que la Compagnie s'est engagée dans l'exécution des travaux, 
non-seulement avec l'assentiment du Vice-Roi, mais même en obéis- 
sant à l'impulsion qu'elle a reçue de lui; 

Qu'il serait souverainement injuste que les conséquences fâcheuses 
d'une résolution prise et suivie de concert fussent entièrement laissées 
à la charge de l'un des intéressés ; 

Que, d'ailleurs, les stipulations qui ont réglé les rapports du Gou- 
vernement égyptien et de la Compagnie, considérées dans leur en- 
ensemble, constituent la concession d'un grand travail d'utilité pu- 
blique, en vue duquel ont été accordés des avantages formant une 
subvention sans laquelle l'entreprise n'aurait pas eu lieu; 

Que lorsque, par suite d'un événement que les deux parties con- 
tractantes ont dû prévoir et dont elles ont, d'un commun accord, 
consenti à courir les chances, le Gouvernement se trouve hors d'état 
de procurer à la Compagnie les avantages qu'il lui avait assurés, et que 
celle-ci continue néanmoins les importants travaux dont le pays tout 
entier doit profiter, il est juste que des indemnités représentatives des 
avantages inhérents à la concession soient allouées par le Gouverne- 
ment égyptien à la Compagnie; 

Que, ces bases étant posées, pour parvenir à déterminer le montant 
de l'indemnité due en raison de la substitution des machines ou des 
ouvriers européens aux ouvriers égyptiens, il faut comparer la somme 
à laquelle se seraient élevées les dépenses des travaux s'ils avaient été 
exécutés par les ouvriers égyptiens, aux conditions énoncées dans le 
règlement du 20 juillet i856, et la somme que coûteront les travaux 



~ 126 — 

qui devront être exécutés par les moyens que la Compagnie est dé- 
sormais obligée d'employer; 

Que le cube des terrains à extraire peut être déterminé très-approxi- 
mativement d'après la configuration des lieux, telle quelle est établie 
par les plans et d'après les dimensions qui ont été assignées au canal; 

Que, déduction faite des travaux qui sont déjà exécutés, il teste 
28,700,000 mètres cubes à extraire à sec et 82 millions de mètres cubes 
à draguer; 

Que, d'un autre côté, le changement des moyens d'exécution aura 
pour résultat d'augmenter le prix du mèlre à sec de 1 fr. 19 cent, et 
celui du mètre cube à draguer de i5 centimes; qu'en nmltipliant 
28,700,000 mètres par 1 fr. 19 cent, et 82 millions par i5 centimes, 
on trouve que l'accroissement de la dépense pour les travaux à sec 
sera de 28,200,000^ 

Et pour les terrains à draguer, de 4ï8oo,ooo 

Ensemble 88,000,000 



Que des calculs analogues appliqués aux travaux d'art démontrent 
que la Compagnie sera obligée de supporter de ce chef un surcroît de 
dépenses s' élevant à 5,ooo,oo(> de francs; 

Que c'est donc à une somme totale de 88 millions de francs que doit 
s'élever cette partie de l'indemnité; 

Que, dans le cours des débats, on a fait remarquer avec raison que la 
Compagnie n'était pas autorisée à prétendre que les salaires et le prix 
des denrées n'éprouveraient aucune augmentation pendant la durée 
des travaux, ou que du moins, d'après les termes du règlement, elle 
n'aurait pas à supporter les conséquences de la hausse qui pourrait 
survenir; 

Que, pour justifier une pareille prétention, il n'eût fallu rien moins 
qu'une stipulation formelle, et que le règlement ne la contient pas; 

Qu'en tenant compte de l'augmentation qui a déjà eu lieu, et en 
appréciant les éventualités de l'avenir, le prix de la journée, qui, en 
moyenne, était, aux termes du règlement, de 86 centimes, doit être 



— 127 -- 

évalué à i fr. o5 c. mais que celte élévation du prix de la journée a 
été l'un des éléments des calculs qui ont fait adopter le chiffre de 
38,000,000 francs; qu'ainsi cette fixation ne doit pas être modifiée; 

Qu'en second lieu , au nom du Gouvernement égyptien, il a été allé- 
gué que, depuis le commencement des travaux, les salaires qui ont été 
payés aux ouvriers et les rations qui leur ont été fournies ne l'ont pas 
toujours été au taux déterminé par le règlement, et l'on a soutenu que 
la Compagnie doit imputer sur l'indemnité les sommes dont elle a pu 
profiter par l'effet de cette inexécution partielle de sa Convention, 
alors même qu'elle aurait été, comme tout porte à le penser, le résul- 
tat d'une erreur; 

Que cette réclamation est bien fondée, que la Compagnie ne peut 
demander à titre d'indemnité que ce qui sera effectivement déboursé 
par elle en excédant des prévisions qu'autorisait le règlement du 
20 juillet i856; qu'en exigeant la réparation des pertes que peut lui 
causer l'inexécution du contrat de la part du Vice-Roi, elle doit tenir 
compte des avantages qui ont pu résulter pour elle des infractions qui 
lui sont personnelles; 

Qu'une somme de 4,5oo,ooo francs a été réellement payée en moins 
sur les salaires ou sur la fourniture des rations; qu elle doit être dé- 
falquée du montant de l'indemnité qui se trouverait ainsi réduite à 
33,5oo,ooo francs; 

Mais qu'une réclamation a été formée par la Compagnie; qu'elle a 
demandé qu'une somme de 9,000,000 de francs lui fût allouée pour 
les intérêts d'une année des capitaux engagés dans l'opération, temps 
durant lequel ces travaux seront prolongés; 

Que cette demande devrait être accueillie en entier, si la prolonga- 
tion de la durée des travaux pouvait être imputée au Gouvernement 
égyptien; mais qu'en réalité les conditions imposées par la Sublime 
Porte sont un fait indépendant de la volonté du Vice-Roi; que c'est par 
un événement de force majeure que les travaux auront une durée plus 
longue que celle qui leur avait été assignée; que, dès lors, soit en rai- 
son même de la nature de l'événement, soit en raison des rapports 
qui continuent à subsister entre le Vice-Roi et la Compagnie, il est 



— 128 — 
équitable qu'ils supportent par moitié la somme de 9 millions, c est-à- 
dire 4,5oo,ooo francs chacun; que cette somme de 4,5oo,ooo francs, 
ajoutée à celle de 33,5oo,ooo francs, porte l'indemnité, pour l'objet 
spécial qui vient d'être examiné, à 38,ooo,ooo de francs; 

Considérant, sur la troisième question, que les firmans des 3o no- 
vembre i854 et 5 janvier i856, en faisant à la Compagnie la conces- 
sion du canal d'eau douce, lui assuraient des avantages et lui don- 
naient des garanties qui ont dû être considérés par elle comme 
essentiels pour le succès de son entreprise ; 

Que, dans l'origine et aux termes des firmans, le canal d'eau douce 
devait prendre naissance à proximité de la ville du Caire, joindre le 
Nil au canal maritime et s'étendre, par des branches d'alimedtation, 
d'irrigation et même de navigation, dans les deux directions de Pe- 
luse et de Suez; mais que, par une Convention en date du 18 mars 
i863, les conditions de la concession ont été gravement modifiées; 
que, notamment, la Compagnie a renoncé au droit qui lui avait été 
conféré d'exécuter par elle-même la portion du canal entre le Caire et 
le canal du Ouady, déjà ouvert à la navigation; 

Que, d'ailleurs, la Sublime Porte a prétendu que la rétrocession du 
canal d'eau douce était la conséquence nécessaire de la rétrocession 
des terrains; 

Que, dans cette situation, il convient, tout en reconnaissant les 
droits des parties, de chercher à concilier leurs intérêts; 

Que la concession du canal d'eau douce, au moment où elle a été 
faite, offrait à la Compagnie un triple avantage: elle lui assurait la 
libre disposition de l'eau nécessaire à la mise en mouvement des ma- 
chines employées au creusement du canal maritime et à l'alimentation 
des ouvriers; elle devait lui fournir le moyen d'arroser les terres qui 
lui étaient concédées; et, enfin, elle devait lui procurer les bénéfices 
résultant des droits à établir sur la navigation et d'autres taxes de 
même nature; 

Que le maintien de la concession dans toute son étendue et avec 
toutes ses conséquences ne pourrait être utilement accordé à la Corn- 



— 129 — 

pagnie, qu'autant que la Sublime Porte consentirait à donner son ap- 
probation ; 

Que ce qui, dans la situation où est placée aujourd'hui la Compa- 
gnie, a pour elle un intérêt capital, cest que le canal soit terminé 
promptement, et dans des conditions telles quil fournisse toujours 
toute Teau nécessaire à Texécution des travaux et à Talimentation des 
ouvriers ; 

Que, pour atteindre ce but, il nest pas absolument indispensable 
que la concession soit maintenue dans les termes et pour la durée qui 
avaient été fixés par les firmans; quil suffit de confier à la Com- 
pagnie Tachèvement du canal et de lui en laisser la jouissance et 
Tentretien ; 

Que, dans ce nouvel état de choses, les travaux que la Compagnie 
a déjà faits et ceux qu elle aura encore à exécuter pour l'achèvement 
du canal seront à la charge du Gouvernement égyptien; 

Que, par conséquent, celui-ci devra rembourser le prix des uns et 
des autres, en outre de payer les frais d'entretien; 

Que, satisfaction étant ainsi donnée à ce premier intérêt, il ne 
restera plus qu à régler les indemnités qui peuvent être dues en raison 
de la privation des autres avantages que la concession devait produire 
pour la Compagnie; 

Qu'avant de s'occuper de cette fixation , il convient de déterminer 
les sommes dont la Compagnie est dès aujourd'hui créancière pour les 
travaux faits, et celles qu'elle aura à réclamer ultérieurement pour 
les travaux qui restent à faire; 

Qu'il résulte des documents produits par les parties et des expli- 
cations qu elles ont données contradictoirement, que la dépense des 
■ouvrages déjà exécutés s'élève à 7,600,000 francs; 

Que dans cette somme est comprise celle de 3,760,000 francs, re- 
présentant : 1^ la portion des frais généraux de l'entreprise qui doit 
être supportée par les travaux tlu canal d'eau douce, et a"" l'intérêt des 
capitaux engagés dans l'opération pendant le temps durant lequel les 
travaux seront prolongés; 

DOGOMBIITS DIPLOMATIQCRS. 1 7 



— 130 — 

Que ces deux causes réunies justifient le demande formée par la Com- 
pagnie de la somme susénoncée de 3, 760,000 francs; 

Que, pour les travaux qui ne sont point terminés, la dépense s'élèvera 
àla somme de a,&oo,ooo francs, qui, réunieà celle de 7,5oo,ooo francs, 
donnera un total de 10 millions; 

Que les droits de navigation et les péages de différente nature dont 
la jouissance était assurée à la Compagnie par les fîrmans de conces- 
sion, et dont elle se trouvera dépouillée, doivent être évalués, afin que 
l'indemnité due de ce chef soit également allouée ; 

Que, déduction faite des frais d'entretien, charge naturelle de la 
jouissance du canal, la valeur de celte jouissance doit être fixée à 
6 millions de francs ; 

Considérant, sur la quatrième question, que la Compagnie, en ces- 
sant d'être concessionnaire du canal d'eau douce, doit, ainsi qu'il vient 
d'être dit, rester chargée de son achèvement et de son entretien; qu'en 
conséquence il est nécessaire de déterminer pour le canal d'eau douce, 
comme pour le canal maritime, Fétendue de terrain qu exigent l'éta- 
blissement et l'exploitation ; que les termes mêmes du compromis in- 
diquent clairement dans quel esprit doit être examinée cette question; 

Qu'il y est dit, en effet, que l'étendue des terrains devra être fixée 
dans des conditions propres à assurer la prospérité de l'entreprise; 

Qu'elle ne doit donc pas être restreinte à l'espace qui sera matériel- 
lement occupé par les canaux mêmes, par leurs francs bords et par les 
chemins de halage; 

Que, pour donner aux besoins de l'exploitation une entière et com- 
plète satisfaction, il faut que la Compagnie puisse établir, à proximité 
des canaux, des dépôts, des magasins, des ateliers, des ports, dans les 
Heux où leur utilité sera reconnue, et, enfin, des habitations conve- 
nables pour les gardiens, les surveillants, les ouvriers chargés des tra- 
vaux d'entretien et pour tous les préposés à l'administration; 

Qu'il est, en outre, convenable d'accorder, comme accessoires des 
habitations, des terrains qui puissent être cultivés en jardins et fournir 
quelques approvisionnements dans des lieux privés de toutes ressources 
de ce genre; 



— 131 — 

Ou eufin il csl indispensable que la Compagnie paisse disposer de 
terrains suffisants pour y faire les plantations et les travaux destinés à 
protéger les canaux contre l'invasion des sables et à assurer leur con- 
servation; 

Mais qu'il ne doit rien être alloué au delà de ce qui est nécessaire 
pour pourvoir amplement aux divers services qui viennent d'être indi- 
qués; que îa Compagnie ne peut avoir la prétention d'obtenir, dans des 
vues de spéculation, une étendue quelconque de terrains, soit pour les 
livrer à la culture, soit pour y élever des constructions, soit pour les 
céder, lorsque la population aura augmenté; 

Que c'est en se renfermant dans ces limites qu'a dû être déterminé 
sur tout le parcours des canaux le périmètre des terrains dont la jouis- 
sance, pendant la durée de la concession, est nécessaire à leur établis- 
sement, à leur exploitation et à leur conservation; 

Considérant, sur la cinquième question, que la rétrocession des ter- 
rains concédés à la Compagnie n'a pu être consentie qu'avec l'inten- 
tion réciproque d'obtenir et d'accorder une indemnité; 

Que la Compagnie n'a dû renoncer aux avantages de la concession 
qu'en comptant sur la compensation de ces avantages, et que le Gou- 
vernement égyptien n'a pu avoir la pensée de profiter de la valeur 
qu'auront les terrains lorsqu'ils seront fécondés par l'irrigation sans en 
donner l'équivalent; 

Qu'il ne faut pas perdre de vue que la concession des terrains était 
une des conditions essenlielles de l'entreprise, une partie importante 
de la rémunération des travaux; 

Que, par conséquent, la Compagnie, en y renonçant, a droit den 
exiger la représentation; 

Que, soit que l'on consulte les termes des firmans, soit que l'on 
s'attache aux diverses publications qui ont été faites pendant le cours 
des travaux, on est conduit à reconnaître que le Gouvernement égyp- 
tien n'a point entendu concéder et que la Compagnie n'a pas eu la 
pensée d'acquérir une étendue illimitée de terrains; 

Que la commune intention clairement manifestée a été de borner 



•7- 



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— 132 — 
rétendue de la concession aux terrains à Tirrigation desquels pourrait 
pourvoir Teau prise dans le canal d'eau douce; 

Qu il est dès lors facile d'en fixer avec certitude le périmètre; 

Qu'en effet, d'une part, on connaît le volume d'eau que le canal 
peut, en raison de ses dimensions et les besoins de la navigation satis- 
faits, fournir pour l'irrigation des terres; 

Que, d'autre part, on sait la quantité d'eau qui est nécessaire pour 
l'irrigation de chaque hectare; 

Que, d'après ces données, la concession doit comprendre 63,ooo hec- 
tares, sur lesquels doivent Mre déduits 3,ooo hectares qui font partie 
des emplacements affectés aux besoins de l'exploitation du canal ma- 
ritime ; 

Que cette fixation est en harmonie avec celle qui avait été arrêtée 
entre les représentants de la Compagnie et ceux du Vice-Roi dans les 
caries cadastrales dressées en exécution de l'article 8 du firraan du 
3o novembre i854 et de l'article ii du fîrman du 5 janvier i856; 
que, si ces cartes ont plus tard, en i858, été anéanties d'un commun 
accord, la difficulté qui a déterminé à les annuler ne portait point sur 
l'étendue des terrains qui devaient être compris dans la concession 
comme susceptibles d'être arrosés; 

Que l'estimation des 6o,ooo hectares qui sont, en définitive, rétro- 
cédés au Gouvernement égyptien, présente sans doute de sérieuses 
difficultés, puisque ce n'est point d'après leur état actuel que les ter- 
rains doivent être appréciés, et qu'en recherchant quelle sera leur 
valeur dans l'avenir, on se trouve en présence de chances fort diverses 
et de nombreuses éventualités; que, cependant, il y existe certains 
éléments de calcul auxquels on peut accorder une grande confiance; 
que, notamment, la quotité de l'impôt des terres cultivées peut servir 
à déterminer le revenu , lequel , capitalisé comme il doit l'être, eu égard 
à la situation économique et financière de l'Egypte, indique la valeur 
vénale de la terre; 

Qu'en calculant d'après ces données, le prix de l'hectare doit être 
fixé à 5oo francs; 

Que, si cette évaluation a été contestée, elle n'a point cependant 



— 133 — 

paru, aux parties intéressées elles-mêmes, s'éloigner beaucoup de la 
vérité ; 

Quelle n a d'ailleurs été adoptée qu après avoir pris en sérieuse 
considération , d'une part, les sommes qui devront être dépensées pour 
la mise envaleur des terres, et, de l'autre, l'augmentation de prix que 
doit produire l'exploitation du canal maritime, et, en outre, celle qui 
peut résulter de l'introduction de nouvelles cultures ; 

Qu'en résumé, l'indemnité due par le Gouvernement égyptien, par 
suite de la rétrocession des terrains, s'élève à la somme de 3o mil- 
lions. 

Considérant qu'après avoir apprécié les divers éléments dont doit 
se composer l'indemnité, il n'est pas possible de les assimiler en ce qui 
touche les époques d'exigibilité; 

Que les uns représentent des sommes déjà dépensées, les autres des 
avances qui doivent être faites à des époques assez rapprochées, et que 
certaines allocations qu'il a été juste d'accorder à la Compagnie sont 
pour elle la compensation d'avantages ou de bénéfices qui ne devaient 
se réaliser que dans un avenir éloigné et qui étaient subordonnés à 
l'exécution des travaux dispendieux; 

Que, par exemple, dans la première catégorie est comprise la somme 
de 7,5oo,ooo francs qui a été dépensée pour la partie du canal d'eau 
douce qui est déjà exécutée; 

Que dans la dernière, au contraire, doivent évidemment figurer les 
3o millions représentant la valeur d'avenir des terrains rétrocédés; 

Que c'est en tenant compte de ces différences qu'ont été fixées la 
quotité et l'échéance des annuités qui, réunies, composent l'indemnité 
totale de 84 millions de francs mise à la charge du Gouvernement 
égyptien ; 

Par ces motifs, nous avons décidé et décidons ce qui suit : 

Sur la première question : 

Le règlement du 20 juillet i856 a les caractères d'un contrat; il 
contient des engagements réciproques qui devaient être exécutés par 
le Vice-Roi et par la Compagnie. 



i 



134 



Sur la seconde question : 



L'indemnité à laquelle donne lien Tanniilation du règlement du 
20 juillet 1 856 est fixée à trente-huit millions de francs (38, 000,000^). 

Sur la troisième question : 

La rétrocession du canal d'eau douce est faite dans les termes et avec 
les garanties ci-après : 

1° La partie du canal comprise entre le Ouady, Timsali et Suez est 
rétrocédée, comme la première partie, au Gouvernement égyptien, 
maïs la jouissance exclusive en sera laissée à la Compagnie jusqu'à 
l'entier achèvement du canal maritime, sans qu'il puisse être pratiqué 
aucune prise d'eau sans le consentement de la Compagnie. 

Q*^ Le Gouvernement égyptien maintiendra l'alimentation de ce 
canal par celui de Zagasig; il exécutera, en outre, les travaux de la 
partie qui lui a déjà été rétrocédée, conformément à la convention du 
18 mars i863, et mettra cette première section en communication 
avec la seconde au point de jonction du Ouady, pour assurer en tout 
temps son alimentation. 

3"" La Compagnie sera tenue de terminer les travaux restant à faire 
pour mettre le canal du Ouady à Suez dans toutes les dimensions con- 
venues et en état do réception. 

4® Pendant toute la durée de la concession du canal maritime, la 

Compagnie sera chargée d'entretenir le canal d'eau douce en parfait 

état, depuis le Ouady jusqu'à Suez; mais l'entretien sera aux frais du 

Gouvernement égyptien, qui devra indemniser la Compagnie, an 

moyen d'un abonnement annuel de 3 00, 000 francs, si mieux il n'aime 

payer les frais d'entretien sur mémoire; il sera tenu de faire connaître 

son option à la Compagnie dans l'année qui commencera à courir du 

jour de la livraison du canal. La Compagnie devra garnir les digues 

de plantations pour prévenir les éboulements et l'effet de la mobilité 

des sables. 

L'abonnement de 3oo,ooo francs recevra son application au fur et 



— 135 — 
à mesure de ravanceuient des travaux et au prorata de la longueur 
de chacune des parties achevées; il sera revisé tous les six ans. 
5"" La hauteur des eaux sera maintenue dans le canal : 

Dans les hautes eaux du Nil, à . 2",5o 

A l'étiage moyen, à 2"* 

Au plus bas étiage, au minimum de 1"* 

6"" La Compagnie prélèvera sur le débit du canal soixante-dix mille 
mètres cubes d'eau (70,000") par jour, pour l'alimentation des popu- 
lations établies sur le parcours des canaux, l'arrosage des jardins, le 
fonctionnement des machines destinées à l'entretien des canaux et de 
celles des établissements industriels se rattachant à leur exploitation, 
l'irrigation des semis et plantations pratiqués sur les dunes et autres 
terrains non naturellement irrigables compris dans les zones réservées 
le long des canaux; enfin Tapprovisionnement des navires traversant 
le canal maritime. 

La Compagnie aura la servitude de passage sur les terrains que de- 
vront traverser les rigoles et conduites d'eau nécessaires au prélève- 
ment des 70,000 mètres. 

7"" A partir de l'entier achèvement du canal maritime, la Compagnie 
n'aura plus sur le canal d'eau douce que la jouissance appartenant aux 
sujets égyptiens, sans toutefois que jamais ses barques et bâtiments 
puissent être soumis à aucun droit de navigation ; ralimentation d'eau 
douce en ligne directe h Port-Saïd sera toujours amenée parles moyens 
que la Compagnie jugera convenable d'employer à ses frais. 

8** La Compagnie cesse d'avoir les droits de cession de prises d'eau, 
de navigation, de pilotage, remorquage, balage ou stationnement à 
elle accordés sur le canal d*eau douce par les articles 8 et 17 de 
l'acte de concession du 5 janvier i856. 

9** En dehors des écluses en construction à Ismaïlia et à Suez et des 
trois autres écluses sur la dérivation de Suez, il ne pourra être établi 
aucun ouvrage fixe ou mobile sur le canal d'eau douce et ses dépen- 
dances que d'un commun accord entre le Gouvernement égyptien et 
la Compagnie. 



— 136 — 

1 o'' Le Gouvernement égyptien payera à la Compagnie une somme 
de dix millions de francs (10,000,000^), savoir : sept millions cinq 
cent mille francs {7,500,000^) pour les travaux exécutés, la portion 
des frais généraux et les intérêts des avances, et deux millions cinq cent 
mille francs (2,5oo,ooo^) pour les travaux qui restent à exécuter. 

1 1*^ Le Gouvernement égyptien payera à la Compagnie une somme 
de six millions de francs (6,000,000^) en compensation des droits 
de navigation et autres redevances dont la Compagnie est privée. 

Sar la (quatrième question : 

Le périmètre des terrains nécessaires à rétablissement, l'exploita- 
tion et la conservation du canal d'eau douce et du canal maritime est 
fixé à dix mille deux cent soixante-quatre hectares ( 10,264'') pour le 
canal maritime, et à neuf mille six cents hectares (9,600^) pour le 
canal d'eau douce, lesquels sont répartis ainsi qu'il suit : 

CANAL MARITIME. 

AFRIQUE. ASIE. 

Hect. Hect. 

N'» 1. Port-Saïd àoo // 

N* 2. Du Port-Saïd à El-Ferdane i,i5a i,i52 

N* 3- Rosei-Ech 3o 3o 

N** 4. Kantara 1 00 1 00 

N*» 5. D'El-Ferdane à Tirnsah 1 ,35o 270 

N^ 6. Canal de jonction avec le canal d*eaii douce. . 200 // 

N* 7. Ville dlsmaïlîa 45o // 

N^ 8. Port d'IsDiaïlia, dans le lac Timsah (canal en 

Asie) /i5o 1 2 

N"* 9. Du lac Timsah aux Lacs-Amers 85o 3/io 

N" 10. Traversée des Lacs-Amers 700 700 

N^ 1 1. Des Lacs-Amers aux lagunes de Suez 1 ,000 &00 

N"" 12. Traversée des lagunes de Suez 60 60 

N"* 13. Chenal du port de Suez 1 5o aoo 

Totaux 6,892 3,37a 



137 









CANAL D*EAU DOUCE. 

NOBD. SUD. 

H<tct« Hoct. 

1 . De Textrémité du canal à construire par le Gou- 

vernement égyptien jusqu'au ras El-Ouady. • 5oo // 

2. Du ras El-Ouady à Textrémité du lac Maxama. . aoo 3,ooo 

3. Du iac Maxama à Néfiche à^o a,ioo 

4. De Néfiche à Ismailia 3oo a 

Totaux i,4ao 5,ioo 

EST. OUEST. 

Hect. Hect. 

5. De Néfiche aux Lacs-Âmers if a,5oo 

6 et 7. Contours des Lacs-Amers. 3oo aoo 

8. Gare de Suez 3o 5o 

Totaux 33o 2,760 



Sur la cinquième question : 

L'indemnité due à la Compagnie, à raison de la rétrocession des 
terrains, est fixée à trente millions de francs {3o,ooo,ooo ^), 



RÉSUMÉ. 



L'indemnité totale due à la Compagnie, et s'élevant à la somme 
de quatre-vingt-quatre millions de francs {84iOOo,ooo^) , lui sera 
payée par l6 Gouvernement égyptien par annuités, ainsi qu'il suit : 

La première somme allouée de 38 millions sera payée en six an- 
nuités divisibles par semestres. Les huit premiers semestres seront 
de 3, 260,000 francs chacun, et les quatre derniers de 3 millions 
chacun. Le premier semestre sera exigible le i**" novembre i864, et 
les payements continueront, de .semestre en semestre, jusqu'à l'en- 
tière libération de la somme de 38 millions. 

r^a somme de 3o millions allouée pour l'indemnité des terrains ré- 
trocédés sera divisée en dix annuités de 3 millions chacune. La pre- 
mière annuité sera exigible seulement après l'entière libération de la 
somme de 38 millions ci-dessus, c'est-à-dire le 1®' novembre 1870, et 

DOCUMBIITS DIPLOMATIQUES. 



18 



— 138 — 
les payements continueront, d*année en année, jusqu'à l'entière libé- 
ration de la somme de 3o millions. 

La somme de 6 millions, allouée pour l'indemnité des droits sur 
le canal d'eau douce, sera divisée en dix annuités de 600,000 francs 
chacune, payables aux mêmes échéances que les annuités ci*dessus 
fixées pour l'indemnité de 3o millions. 

Enfin, la somme de 10 millions, allouée pour les travaux exécutés 
et à exécuter au canal d'eau douce, sera payée dans l'année de la 
livraison dudit canal. 

Le tout conformément au tableau* ci-après : 

INDEMNITÉS. 





38,000,000 fr. 


90.000,000 fr. 


6.000.000 fr. 


10.000.000 fr. 


Total 81.000.000 fr. 


ANNÉES. 


INDEMNITÉ 
poor 

LA SUBSTITITTIOlf 

des mâckÎDes 
•t des oDvrien 

ânz onvriera 
égyptiens. 


INDEMNITÉ 

poar 
aéTiocEfsioi 
det Urraias. 


INDEMNITÉ 
pour 

LES DROITS 

i percovoir 

vu 

le canal 

d'caa douce. 


RBIIBOUR9E- 

HENT 
OIS «oaau 

dapcni^t 

poar IM travaux 

faila oa l faire 

au canal 
d'ean dooce. 


ÉCHÉANCES. 


1'* année. . 


6,500,000 


// 


// 


/' 


1*' novembre i864 el i*'mai i865. 


2* année. . 


6,500,000 


K 


n 


u 


1" novembre i865 et i'' mai 1866. 


3* année. . 


6,500,000 


II 


II 


If 


1" novembre 1866 et 1" mai 1867. 


4* année . . 


6,500,000 


n 


n 


u 


i*' novembre 1867 et l'ornai 1868. 


5* année . . 


6.500.000 


II 


II 


II 


1*' novembre 1868 el i*'mai 1869. 


6* année. . 


6,500,000 


II 


II 


II 


i'' novembre 1869 et 1*' mai 1870. 


7* année. . 


tf 


3,000,000 


600,000 


II 


i" novembre 1870. 


8* année . . 


t 


3,000,000 


600,000 


II 


1** novembre 1871. 


9' année. . 


II 


3,000,000 


600,000 


g 


1*' novembre 1872. 


10* année. . 


a 


3,000,000 


600,000 


t! 


1" novembre 1873. 


11* année. . 


it 


3,000,000 


600,000 


Il 


i*' novembre 1874. 


12* année. . 





3,000,000 


600,000 


II 


i** novembre 1875. 


1 3* année . . 


H 


3.000.000 


600,000 


u 


1*' novembre 1876. 


i4* année. . 


U 


3,000,000 


600,000 


u 


1" novembre 1877. 


1 5* année • . 


H 


3,000,000 


600,000 


II 


1" novembre 1878. 


16* année. . 


il 


3,000,000 


600,000 


tl 


1 *' novembre 1879. 


38.000,000 


30,000,000 


6,000,000 




A aîouter.. 








10,000,000 


dans Tannée de la livraison du canal. 




1 




Ta 


FAL GÉNÉRAL. 


. . 84,000,G 


fOO 



Fait à Fontainebleau, le 6 juillet i864. 



NAPOLÉON. 



AFFAIRES DE TUNIS, 



i8. 



i 



AFFAIRES DE TUNIS. 



Le Ministre des Affaires étrangères 

à M. le Marquis de Moustier. Ambassadeur de France à 
CoDstantinople. 

Paris, le i3 mai i864. 

Monsieur le Marquis, bien que les événements de Tunis ne sem- 
blent pas s*être aggravés, ils n en sont pas moins de notre part Tobjet 
d'une sollicitude particulière. J'ai lu avec intérêt le résumé du premier 
entretien que vous avez eu sur ce sujet avec Aali-Pacha , et j'ai pris 
note de ses assurances. Nous devons en conclure qu'il n'est pas dans 
la pensée de la Porte de méconnaître les engagements qu'elle a pris 
d'ancienne date envers nous à l'égard de Tunis, et qu'elle reconnaît 
que les intérêts spéciaux résultant pour nous de la possession de l'Al- 
gérie ne nous permettraient pas de laisser porter atteinte dans la 
Régence au statu quo dont la conservation est devenue un des prin- 
cipes, en quelque sorte traditionnels, de notre politique. C'est en nous 
plaçant à ce point de vue que nous désirons le maintien de la famille 
aujourd'hui en possession du pouvoir à Tunis, parce que sa déchéance 
ne pourrait s'accomplir sans provoquer des compétitions et amener 
peut-être des luttes d'influence qu'il est évidemment préférable d'é- 
carter. 

Je vous prie. Monsieur le Marquis, de ne négliger aucune occasion 
de vous assurer des véritables intentions et des vues du Gouverne- 



— 142 — 

ment ottoman, et de lui faire savoir en même temps que, dans les 
limites que je viens d'indiquer, la Porte nous trouvera toujours dis- 
posés à nous entendre avec elle. 

Agréez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



Le Ministre des Affaires étrangères 

à M. le Marquis de Moustier, à Constantinople. 

Paris, le 10 juin i864. 

Monsieur le Marquis, j'ai reçu une dépêche du prince de La Tour 

d'Auvergne, de laquelle il résulte que le principal secrétaire d'État de 

Sa Majesté Britannique apprécie avec impartialité les intérêts spéciaux 

que le voisinage de l'Algérie nous crée à Tunis, et la ligne de conduite 

que nous avons adoptée, en conséquence, vis-à-vis du Gouvernement 

ottoman. 

Agréez, etc. 

Signé Drouyii de LmjTS. 



Le MiinisTRfi des Affaires étrangères 

à M. le Prince de la Tour d'Auvergne, Ambassadeur de 
France à Londres. 

Paris, le 19 décembre i864. 

Prince, j'ai déjà eu Thonneur de vous entretenir des affaires de Tu- 
nis. Vous savez quelles sont les règles qui dirigent notre politique à 
regard de ce pays. Nous désirons que la Tunisie soit prospère : les 
rapports commerciaux que nous avons avec elle nous intéressent au 
développement de la richesse et du bien-être de ses populations. Il nous 
importe aussi que la tranquillité soit maintenue dans la Régence. 
Lorsque des troubles s y produisent, nous devons craincbre que le 



— 143 — 
contre-coup ne s'en fasse sentir en Algérie, Noos voulons, enfin , ga- 
rantir contre tout empiétement Tautorité du Prince qui règne à 
Tunis. 

Ne recherchant pour nous-mêmes aucune influence exclusive, nous 
ne pouvons admettre la prépondérance d'une autre puissance, quelle 
qu'elle soit, sans excepter la Turquie, Les traditions invariables de la 
politique française, depuis que l'Algérie nous appartient, nous com- 
mandent d'empêcher qu'aucun changement ne soit introduit dans les 
relations du Bey de Tunis avec la Porte ottomane, telles qu'un usage 
constant les a consacrées. 

Nous nous sommes plusieurs fois expliqués en toute franchise sur 
ces principes avec le Gouvernement britannique, et, ayant appris de la 
bouche de lord Cowley que le général Khérédine aurait été chargé de 
porter à Constantinople un projet d'arrangement destiné à régler les 
rapports de suzeraineté entre la Porte et le Bey, j'ai rappelé à M. l'Am- 
bassadeur d'Angleterre que nous étions résolus d'empêcher tout ce 
qui tendrait à altérer les conditions d'autonomie dans lesquelles se 
trouve aujourd'hui la Régence et à mettre l'Algérie en contact avec la 
domination ottomane. Nous sommes convaincus, en efiPet, qu'un tel 
voisinage modifierait inévitablement les rapports que nous sommes 
heureux d'entretenir aujourd'hui avec la Porte. Entre des pays habités 
par des tribus nomades et indisciplinées, la contiguïté amène des dis- 
cussions; les querelles s'enveniment et les hostilités éclatent. Si la lutte 
demeure circonscrite dans les limites des passions locales, elle n'est pas 
menaçante pour les autres nations, et, faute d'aliments, l'incendie ne 
tarde pas à s'éteindre. Mais, admettez que ces territoires appartiennent 
à deux grands États : le conflit s'étend, de puissantes rivalités s'éveil- 
lent, des masses formidables se mettent en mouvement, et une confla- 
gration générale peut sortir de cette étincelle. N'est-ce pas là le spec- 
tacle que présente trop souvent l'histoire des rapports de voisinage 
entre la Russie et l'Empire ottoman? Or, en ce qui nous concerne, 
nous avons à cœur d'éviter à tout prix de semblables dangers. Nous 
sommes trop les amis de la Porte pour vouloir devenir ses voisins. 



— 144 — 

Nous avons la confiance que ces gi^aves considérations n échappe* 
ront pas à la sagesse du Cabinet britannique. 
Agréez, etc. 

Signé Drouyn de Lhoys- 



Le Ministre des Affaires étrangères 

à M. le marquis de Moustier, à Gonstantinople. 

Paris, 6 janvier i865. 

Monsieur le Marquis, la déclaration que vous a adressée Aali-Pacha, 
en réponse à la note que vous lui aviez transmise au sujet des affaires 
de Tunis, me paraît très-satisfaisante; ce nouvel engagement, de la 
part du Gouvernement ottoman, de respecter le statu quo dans la Ré- 
gence de Tunis, met heureusement fin aux suppositions qu avait fait 
naître la mission confiée au général Khérédine. 

D'un autre côté, il résulte d'un rapport du consulat général de Sa 
Majesté à Tunis que le Gouvernement du Bey se défend absolument de 
l'intention qui lui a été attribuée d'avoir donné à son envoyé à Gons- 
tantinople aucune mission ayant pour objet d'apporter un changement 
quelconque dans les rapports actuels de la Régence vis-à-vis de la 
Turquie. 

Agréez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



AFFAIRES DU JAPON 



IKKUMBNTS D1PL0MAT1QCB5. 19 



— 148 — 
à cet égard ; mais je ne les en ai trouvés que plus disposés ensuite à 
placer sous la garantie du droit conventionnel les nouveaux avantages 
accordés à notre commerce en matière de douane. 

Je n ai pas jugé nécessaire d'insérer dans l'arrangement les pro- 
messes que m'ont faites les ambassadeurs en ce qui concerne, d'une 
part, la poursuite et le châtiment des assassins du lieutenant Camus, 
d'autre part, l'adoption de mesures destinées à faire cesser les entraves 
journellement apportées aux transactions de nos nationaux avec les 
commerçants indigènes. La première de ces deux obligations est de 
droit commun et n'a pas besoin d'être stipulée. La seconde résulte 
des termes exprès du Traité de i858, et il nous suffira de réclamer la 
stricte exécution de ce traité toutes les fois que se renouvelleront les 
faits qui ont motivé nos plaintes antérieures. Il demeure, au surplus, 
bien entendu que, si le Gouvernement japonais venait à enfreindre, 
par la suite, les stipulations de i858, nous cesserions de plein droit 
d'être liés par l'engagement que nous avons pris, il y a deux ans, de 
n'exiger qu'en 1868 l'ouverture des ports de Yedo, Osaka, Hiogo et 
Neegata. Le compromis qui est intervenu à cet égard en 1 862 subsiste 
toujours et vous permettra d'insister avec force, le cas échéant, pour 
que les opérations de nos commerçants soient dégagées de toute en- 
trave. 

Pour que vous connaissiez exactement le langage que j'ai tenu aux 
ambassadeurs japonais, et que vous puissiez y conformer le vôtre, je 
crois devoir vous envoyer une copie des procès-verbaux des confé- 
rences. Comme vous le verrez, la question dindemnité relative au 
meurtre *du lieutenant Camus a été réglée dès le début, et les ambas- 
sadeurs ont versé une somme de 35, 000 dollars (192,500 francs) des- 
tinée aux parents de la victime. 

Je ne doute pas. Monsieur, que vous n'apportiez autant de modé- 
ration que de fermeté dans la revendication des droits que nous con- 
fère le Traité de i858. Vous devrez, en outre, veiller avec soin à ce 
que l'attitude de nos nationaux vis-à-vis des sujets Japonais soit tou- 
jours convenable et réservée. Par votre exemple, par vos conseils, et 
en recourant, au besoin, aux autres moyens d'action dont vous dis- 



— 150 — 

vernement japonais s'engage à verser entre les mains du Ministre de Sa 
Majesté l'Empereur des Français à Yedo, trois mois après le retour de 
LL. Exe. Exe. les ambassadeurs du Taïcoun au Japon, une indemnité 
de i4o,ooo piastres mexicaines, dont 100,000 piastres seront payées 
par le Gouvernement lui-même, et 4o,ooo piastres par Tautoritc de la 
province de Nagato. 

ART. 2. 

Le Gouvernement japonais s'engage également à faire cesser, dans 
les trois mois qui suivront le retour de LL. Exe. Exe. les ambassadeurs 
du Taïcoun au Japon, les empêchements que rencontrent en ce mo- 
ment les navires français qui veulent passer le détroit de Simonosaki, 
et à maintenir ce passage libre en tout temps, en recourant, si cela est 
nécessaire, à l'emploi de la force, et au besoin, en agissant de concert 
avec le commandant de la division navale française. 

ART. 3. 

11 est convenu entre les deux Gouvernements que, pour favoriser le 
développement régulier des échanges commerciaux entre la France et 
le Japon , les réductions de tarifs accordées en dernier lieu par le Gou- 
vernement de S. M. le Taïcoun au commerce étranger seront main- 
tenues en faveur des articles importés par des commerçants français, 
ou sous pavillon français, pendant toute la durée du Traité conclu à 
Yedo entre les deux pays, le 9 octobre i858. 

En conséquence, tant que ce traité demeurera en vigueur, la douane 
japonaise admettra en franchise les articles suivants destinés à la pré- 
paration et à l'emballage de thés: plomb en feuilles, soudures de plomb, 
nattes, rotins, huiles pour peinture, indigo, gypse, bassines et paniers. 
Elle percevra seulement un droit de 5 p. 0/0 de la valeur à l'entrée 
des vins et spiritueux, sucre blanc, fer et fer-blanc, machines et pièces 
détachées de machines, tissus de lin, horlogerie, montres et chaînes de 
montres, verreries, médicaments; et un droit de 6 p. 0/0 sur les glaces 
et miroirs, porcelaines, bijouterie, parfumerie, savons, armes, cou- 
tellerie, livres, papiers, gravures et dessins. 



151 



ART. 4. 



Cet Arrangement sera considéré comme faisant partie inlégranle du 
Traité du 9 octobre i858 entre la France et le Japon, et il sera im- 
médiatement mis à exécution, sans qu'il soit nécessaire de le soumettre 
à la ratification des souverains respectifs. 

En foi de quoi, les Plénipotentiaires ci-dessus nommés ont signé le 
présent Arrangement et y ont apposé le sceau de leurs armes. 

Fait à Paris, en double original, le vingtième jour du mois de juin 
de Van mil huit cent soixante-quatre. 

Signé Drouyn de Lhuys. 

Ikeda Tsikougo no Kami. 
Kawatsou Idzou no Kami. 
Kawada Sagami no Kami. 



Le Ministre de France au Japon 

au Ministre des Affaires étrangères. 

Yokohama, 17 août i864* 

Monsieur le Ministre, les nouvelles de plus en plus graves qui se 
sont succédé depuis que j'ai eu Thonneur d'écrire à Voire Excellence 
ont rendu inévitable l'adoption d'une mesure énergique. 

Dans le Conseil de Daïmios réunis à Kioto, une majorité imposante 
s'était prononcée contre le séjour des étrangers au Japon. La politique 
du Taïcoun y avait été condamnée avec énergie, et ce prince, accusé 
par les uns de faiblesse, par les autres de trahison, avait dû quitter 
l'assemblée et rentrer dans sa capitale en acceptant tacitement la mis- 
sion de faire évacuer, de gré ou de force, l'établissement de Yoko- 
hama. Cependant le Gorodjo restait muet à notre égard, et nous cher- 
chions le motif de ce silence, lorsque des rapports officiels vinrent 
nous apprendre que ce Conseil, loin de pouvoir songer à la question 



— 152 — 

étrangère, était occupé à défendre son existence et à protéger Yedo 
contre les bandes de Rônins qui Fentouraienl, 

SirR. Alcock, MM. les Représentants des État-Unis et des Pays -Bas 
et moi nous sommes tombés d*accord que dans ces conjonctures, 
nous devions sortir de notre attitude expectante, et je me suis aussitôt 
occupé de m*enlendre avec M. Tamiral Jaurès. 

Le Commandant en chef de nos forces navales m'ayant déclaré qu il 
était prêt à se joindre à l'expédition projetée, j'en ai instruit mes col- 
lègues, en les priant cependant de retarder les débuts de l'opération 
jusqu'à ce que nous pussions connaître l'attitude du Taïcoun en face 
des troubles signalés à Yedo. 

La crise avait été si violente que non-seulement l'autorité, mais la 
vie du Taïcoun avait été menacée. Les bandes armées répandues dans 
la ville trouvaient, dans le Régent et les membres du Gorodjo, dévoués 
à sa politique, un appui autour duquel grandissait le parti hostile à 
la fois au Taïcoun et aux étrangers. 

Les mesures de sécurité ordonnées par le petit nombre de ministres 
restés fidèles, étaient annihilées par le mauvais vouloir de leurs col- 
lègues, et le Gouvernement, resté sans défense devant des attaques 
chaque jour plus audacieuses, aurait succombé, si le rappel d'un con- 
seiller intime, momentanément éloigné par des intrigues de Cour, ne 
fût venu apporter au Taïcoun le secours des inspirations énergiques 
et éclairées dont il avait besoin pour sortir de ce mauvais pas. 

*^ La situation ne tarda pas alors à changer de face : le Taïcoun, bri- 
sant hardiment les résistances, destitua le Régent, suspendit le Gorodjo 
et fit marcher des troupes contre les Rônins. Battus dans deux ren- 
contres, ceux-ci, sans être encore dispersés, ne pouvaient plus néan- 
moins causer de grandes inquiétudes. Ces actes de vigueur apportaient 
dans l'état des choses une modification profonde. 

La pression violente que le parti hostile aux étrangers voulait exer- 
cer sur le Taïcoun, avait fourni à ce Prince l'occasion d'affirmer son 
autorité qui, dès lors, devenait pour nous un point d'appui. 

En châtiant le prince de Nagato, mis hors la loi, nous afiermissions 



— 153 — 
le pouvoir du Taïcoun et nous prouvions Finanité des tentatives faites 
dans le but d'expulser les étrangers. 

Nous avons, en conséquence, adressé, chacun séparément, aux 
commandants des forces de nos Gouvernements respectifs Finvitation 
de procéder immédiatement à l'ouverture du détroit de Simonosaki. 

Agréez, etc. 

Signé Roches. 



Le Ministre de France au Japon 

au Ministre des Affaires étrangères. 

Yokohama, le 26 août i864. 

Monsieur le Ministre, ainsi que je l'annonçais à Votre Excellence 
par ma dernière dépêche, en date du 17 août, les forces navales 
combinées de la France, de TAugleterre, de la Hollande et de TAmé- 
rique étaient sur le point de partir pour aller châtier le prince de 
Nagato et ouvrir le détroit de Simonosaki, lorsque, le 19 août, 
TAmbassade japonaise arriva et lorsque je reçus la dépêche qui me 
transmettait Tarrangement signé à Paris le 20 juin dernier. Je me 
mis immédiatement en rapport avec le Gorodjo, et je demandai par 
écrit au Gouvernement du Taïcoun de m'indiquer à peu près l'épo- 
que qu'il lui conviendrait de fixer, dans l'intervalle de trois mois (ac- 
cordés à cet effel à partir du retour de l'Ambassade japonaise) pour le 
payement des i4o,ooo piastres d'indemnité et pour sa coopération à 
l'ouverture du détroit de Simonosaki. 

En même temps, mes trois collègues adressaient au Gorodjo une 
note identique dans laquelle ils demandaient aux Ministres du Taï- 
coun de leur faire savoir immédiatement si leur maître ratifiait ou 
non l'arrangement signé à Paris. Le lendemain, 20 août, trois envoyés 
du Gorodjo me demandaient une entrevue. Depuis ce jour j'ai eu 
quotidiennement des relations avec les conseillers du Taïcoun. 

Hier j'ai reçu une dépêche du Gorodjo qui m'annonce officielle- 

DOCDMRÏITS DJPLOMATIQUES. 20 



— 154 — 

ment que la Convention ne sera pas ratifiée par le Gouvernement du 

Taïcoun. 

Ce refus m*a semblé donner plus d'opportunité encore aux résolu- 
tions que j'avais prises, de concert avec mes collègues, et dont ils 
avaient bien voulu suspendre l'exécution à ma demande. Il a donc été 
décidé que nous ferions connaître la situation aux amiraux, et leurs 
escadres, un moment retenues, vont définitivement châtier le prince 
de Nagato. 

Agréez, etc. etc. 

Signé Roches 



Le Ministre de Frakce au Japon 

au Ministre des AfiFaires étrangères. 

Yokohama, le 23 septembre i864. 

Monsieur le Ministre, la dépêche télégraphique, en date du lo sep- 
tembre, adressée à Son Exe. M. le Ministre de la Marine par l'amiral 
Jaurès a dû arriver à Paris et faire connaître au Gouvernement de 
l'Empereur le résultat de l'expédition de Simonosaki. 

Déjà mes collègues et moi, nous avons pu en constater les efiets. 
Le lendemain de l'arrivée du Perseus, aviso anglais, porteur de la 
bonne nouvelle, nous recevions la visite de Takimoto, envoyé par le 
Gorodjo pour nous dire que le Gouvernement du Taïcoun renonçait 
à nous demander l'évacuation de Yocohama, qu'il se déclarait l'ami 
des étrangers, qu'il assurerait la liberté du commerce dans les ports 
ouverts et qu'il prenait sous sa propre responsabilité l'exécution des 
conditions imposées parles Amiraux au Prince de Nagato. 

Il y a loin de ce langage à celui que tenait, il y a quatre mois à 
peine, le premier ministre du Taïcoun, lors de ma réception à Yedo. 
Cependant, tout en reconnaissant l'importance de ces promesses, je 
n'y voyais pas de garantie suffisante pour l'avenir. Les faits qui se 
passent depuis notre arrivée au Japon, les documents officiels et les 



— 156 — 



Le Ministre de France au Japon 

au Ministre des Affaires étrangères. 

Yokohama, le i5 octobre i864. 

Monsieur le Ministre, le résultat de notre voyage à Yedo tend à 
prouver que nous sommes entrés, mes collègues et moi, dans Tunique 
voie qui pouvait nous conduire hors des difficultés contre lesquelles 
nous nous heurtions jusqu'à présent. Le Gouvernement du Taïcoun 
a pris vis-à-vis de nous une attitude diamétralement opposée à celle 
qu'il avait naguère, et nous ne pouvons que nous féliciter des rela- 
tions qui viennent de s'établir entre nous. Aux menaces d'exclusion 
ont succédé des promesses d'amélioration pour l'avenir, et quelques- 
unes de ces promesses ont été suivies d'exécution. 

Pour éviter toute idée de menace et de coercition, nous ne sommes 
point arrivés à Timproviste devant Yedo avec nos bâtiments de 
guerre. Nous avions demandé une audience au Gorodjo, et nous lui 
avions témoigné le désir de faire visiter la ville du Taïcoun aux offi- 
ciers de notre escorte. Nous avions obtenu une réponse favorable, et, 
le 5 au soir, nous arrivions devant Yedo. 

Le 6 dans la matinée, mes collègues et moi fûmes reçus par le 
Gorodjo. Voici le résumé des réponses faites à nos demandes : 

« H est vrai, ont dit les membres du Gorodjo, que tous les obstacles 
« qui se sont opposés jusqu'à ce jour à l'exécution des Traités et que 
« toutes les difficultés qui en ont été la conséquence proviennent de 
« l'absence d'entente entre le Mikado et le Taïcoun. Quelques-uns des 
« Daïmios les plus puissants ont profité de ce dissentiment pour résis- 
« ter au Gouvernement et lui susciter des embarras. Nous reconnais- 
«sons, en outre, que les circonstances actuelles offrent l'occasion la 
«plus opportune de faire cesser ce desaccord, et, d'après les rapports 
« que nous a faits Takimoto sur ses conférences avec vous, nous avons, 
«depuis quelques jours déjà, envoyé un de nos collègues auprès du 
M Mikado pour lui faire comprendre la situation et obtenir de lui la ra- 



— 157 — 

«tification des Traités. Nous sommes même décidés à envoyer un 
«nouvel ambassadeur afin de hâter la décision du Souverain. 

« Nous avons pris connaissance de la lettre que vous a adressée le 
« Prince de Nagato , et de la Convention stipulée entre vos amiraux 
t et ce Daïmio. Nous mettons ces documents sous les yeux du Mikado, 

• afin qu il juge par lui-même de Thumble langage et des pacifiques 
i dispositions de celui qui était, hier encore, le chef le: plus belli- 
« queux du parti hostile aux étrangers. Nous vous remettrons, d'ailleurs, 
« un engagement revêtu de notre sceau, par lequel nous vous garan* 
a tirons le payement de l'indemnité de guerre imposée à Nagato. Les 
«autres conditions seront naturellement exécutées, puisque le terri- 

• toire de ce Daïmio rebelle est de fait soumis à l'administration du 
« Taïcoun. » 

Les Ministres japonais ont donné d'assez mauvaises raisons pour 
expliquer l'interruption complète du commerce à Yokohama depuis 
quelques mois. 11 nous paraît évident que cette interruption était la 
conséquence du système qu'on avait imaginé pour nous forcer à aban- 
donner ce port, dont le Mikado réclamait l'évacuation immédiate. 

Les Ministres nous ont assuré que les ordres les plus sévères avaient 
été donnés afin que rien ne s'opposât à la liberté du commerce dans 
tous les ports ouverts, et ils nous ont exprimé la certitude que, au mo- 
ment où ils parlaient, de grandes quantités de soie avaient dû arriver 
à Yokohama. 

Le Gorodjo a avoué que le Gouvernement du Taïcoun s'était op- 
posé formellement à l'exportation des graines de vers à soie, dans l'in- 
térêt de la production, car les éleveurs japonais ne produisaient que 
la quantité de graines strictement nécessaire au Japon. Mais le Gou- 
vernement va donner des ordres aux éleveurs, de façon à ce qu'ils 
produisent une plus grande quantité de graines qui puisse être exportée 
l'année prochaine et les années suivantes sans diminuer les ressources 
du pays. 

Les Ministres du Taïcoun ont reconnu le droit qu'ont les Représen- 
tants des Puissances étrangères de séjourner à Yedo. Ils ont promis 
de soumettre à notre choix la localité qui leur paraîtra la plus con- 



— 158 — 

venable pour notre résidence, et la solution de cette question a été re- 
mise, d'un commun accord, à l'époque prochaine de la ratification des 
traités par le Mikado. 

Les membres du Conseil ont terminé en nous annonçant qu'ils nous 
enverraient, sous peu de jours, des plénipotentiaires chargés de régler 
avec nous toutes les questions de détail qui se rattachent aux résolu- 
tions qui venaient d'être arrêtées, ainsi qu'à plusieurs mesures d'intérêt 
local que nous avons proposées pour le développement et l'amélioration 
de notre établissement à Yokohama. 

Ayant obtenu des réponses satisfaisantes à toutes nos demandes, il 
n'y avait plus de raisons de prolonger notre séjour à Yedo et de main- 
tenir nos bâtiments dans le détroit de Simonosaki. Nous déclarâmes 
donc au Gorodjo que, confiants dans ses engagements et ses promesses, 
nous retournerions le lendemain à Yokohama, et que nous ferions 
rentrer les navires laissés dans la mer intérieure par MM. les amiraux. 
Il fut bien entendu, toutefois, que nous continuerions à faire sur- 
veiller le détroit, de façon à empêcher le prince de Nagato d'y ériger 
de nouvelles batteries. 

Le 8, à midi, nous étîons de retour à Yokohama, et nous ne tar- 
dions pas à constater l'effet des promesses du Gorodjo, relativement à 
l'arrivage des soies. Dans l'espace de dix jours, les négociants européens 
ont pu acquérir plus de deux mille balles de soie, et tout permet de 
croire que ce mouvement ne sera pas arrêté. 

Ainsi, la situation générale est bonne. Parmi les Européens, l'espoir 

a succédé au découragement, et chacun a foi dans l'avenir. 

Agréez, etc. 

Signé Roches. 



Le Ministre de France au Japon 

au Ministre des Affaires étrangères. 

Yokohama, le 3i oclobre i864. 

Monsieur le Minisire, nous avons signé le 22 de ce mois, mes 



— 159 — 
collègues et moi, avec le plénipotentiaire du Gouvernement du Taï- 
coun, une convention qui fixe à 3 millions de dollars (18 millions 
de francs) l'indemnité de guerre imposée par nos amiraux au Prince 
de Nagato, et du payement de laquelle le Gouvernement japonais 
s'était rendu garant. 

Dans cette somme sont comprises toutes les réparations qu'ont ré- 
clamées, ou que pourraient, par la suite, réclamer les Puissances dont 
les bâtiments ont été Tobjet d'attaques de la part de ce Daïmio. 

Rien d'ailleurs, dans l'attitude du Gouvernement japonais, n'est, 
jusqu'à présent, de nature à nous* faire prévoir un changement dans 
les dispositions amicales qu'il nous a témoignées récemment. Les soies 
continuent à affluer sur notre marché, et les autorités locales s'em- 
pressent de prendre les mesures nécessaires pour la prompte mise à 
exécution des demandes que nous avons formulées dans l'intérêt de 
nos nationaux à Yokohama. 

Agréez, etc. 

Signé Roches. 



Le Ministre de France au Japon 

au Ministre des Affaires étrangères. 

Yokohama, le 9 novembre i864. 

Monsieur le Ministre, je viens de recevoir du Gorodjo une lettre 
par laquelle il m'annonce qu'il ratifie en tout son contenu la Conven- 
tion signée le 22 octobre dernier, au sujet de l'indemnité de guerre 
réclamée par mes collègues et par moi à la suite de l'expédition de 
Simonosaki. La situation politique continue à s'améliorer. 

Takimoto a été envoyé par le Gorodjo auprès de Sir R. Alcock, ainsi 
qu'auprès de moi, pour nous faire savoir que le Mikado avait profon- 
dément modifié ses idées depuis le châtiment du Prince de Nagato, et 
qu'on ne désespérait pas de l'amener à ratifier les traités conclus avec 
les étrangers. 

Agréez, etc. 

Signé Roches. 



160 



Le Ministre des Affaires étrangères 
au Ministre de France au Japon. 



Paris , 1 o décembre 1 8 6 4 . 



Monsieur, j'ai reçu les dépêches que vous m'avez fait l'honneur de 
m'écffire jusqu'à la date du 3o septembre. M. le Ministre de la Marine 
m'ai de son côté, donné connaissance du résultat de l'expédition dirigée 
contre le prince de Nagato. Les rapports de M. le contre-amiral Jaurès 
ont complété les informations que m'a fournies votre correspondance. 
L'ensemble de ces renseignements m'a permis d'apprécier les motifs 
de la résolution qui a conduit simultanément devant Simonosaki les 
pavillons de guerre de la France, de la Grande-Bretagne, des États- 
Unis et des Pays-Bas. Grâce au prorapt succès de l'expédition dirigée 
contre le prince de Nagato, et au soin qu'ont pris les amiraux de ne 
préjuger aucune question politique, l'acte de répression qu'ils ont ac- 
compli n'a pas entraîné les complications qu'on pouvait en appré- 
hender. Le retentissement de l'affaire de Simonosaki semble au con- 
traire avoir inspiré de salutaires réflexions au Cabinet de Yedo, et ses 
démarches auprès des agents étrangers autorisent à espérer un revire- 
ment sérieux dans les dispositions dont il se montrait précédemment 
animé. 

A cet égard, la voie dans laquelle vous vous étiez déjà efforcé de 
faire entrer le Taïcoun nous conduirait au but que nous voulons 
atteindre. Comme vous vous êtes attaché avec toute raison à le 
démontrer, le seul moyen pratique et efficace de résoudre les diffi- 
cultés que l'exécution des traités a incessamment suscitées depuis leur 
conclusion, entre le Gouvernement japonais et les Puissances étran- 
gères, le seul moyen pour le Taïcoun lui-même d'échapper aux 
embarras intérieurs avec lesquels il est continuellement aux prises, 
est d'obtenir la ratification de ces Traités par le Mikado. Si vos dé- 
marches et vos représentations à cet égard, combinées avec celles de 



— 161 — 

Sir R. Alcock, pouvaient être couronnées de succès, la politique paci- 
fique dont nous n'avons pas voulu nous départir vis-à-vis du Gouver- 
nement japonais aurait porté ses fruits, et nos rapports avec ce pays 
acquerraient sans doute la sécurité si nécessaire à leur développe- 
ment. 



Recevez, etc. 



Signé Drouyn de Lhuys. 



DOCl'MENTS DlPLOMATIOtES. 



? i 



AFFAIRES COMMERCIALES 



•2 1 



1 



AFFAIRES COMMERCIALES. 



ITALIE. 



Le Ministre des Affaires étrangères 

à MM. les Consuls généraux et Consuls de France en Italie. 

Paris, le 26 mar» i864- 

Monsieur, j'ai l'honneur de vous transmettre le texte de la Conven- 
tion de Navigation et du Traité de Commerce conclus entre la France 
et l'Italie les i3 juin i86a et 17 janvier i863, et dont les ratifica- 
tions ont été échangées le 1 9 janvier dernier. Je crois devoir accompa- 
gner cet envoi de quelques explications sur l'esprit et la portée de ces 
deux actes, dont vous êtes, naturellement, appelé à surveiller l'exécu- 
tion et à étudier les résultats dans l'étendue de votre arrondissement 
consulaire. 

Par suite de la constitution du royaume d'Italie, les Traités particu- 
liers qui avaient, à diverses époques, rég^é les relations commerciales 

# 

et maritimes entre la France et les Etats placés aujourd'hui sous la 
souveraineté du Roi Victor-Emmanuel, avaient, comme vous le savez, 
été remplacés par les Conventions conclues avec la Sardaigne, et le 
tarif des douanes sardes avait été, en même temps, uniformément 
étendu à toutes les provinces du nouveau Royaume. Toutefois, l'appH- 



! 
j 



— 166 — 
cation do ce régime, consentie d'un commun accord, ne pouvait être 
que provisoire; la reconnaissance du Royaume dltalie par le Gouver- 
nement (le l'Empereur devait avoir pour conséquence nécessaire la 
substitution d'un droit conventionnel nouveau aux divers pactes anté- 
rieurs, qui cessaient d'être en harmonie avec le système commercial 
inauguré en 1 860, comme avec les relations plus intimes de la France 
et de la Péninsule. En eflPet, si les dispositions du tarif unitaire sarde 
étaient libérales dans leur ensemble, elles étaient pourtant, à Tégard 
d'un certain nombre de produits français, moins favorables que le tarif 
différentiel résultant soit de nos conventions commerciales avec les 
Doux-Siciles et la Toscane, soit de la législation générale de ces deux 
Etats. En outre, par le fait des annexions, notre navigation sur les 
côtes d'Italie qui constituait autrefois une intercourse avec des Etats 
différents, était devenue un véritable cabotage que les anciens Traités 
réservaient exclusivement au pavillon national. 

Ces considérations avaient d'autant plus de valeur pour les deux 
Gouvernements que les sentiments de bienveillance dont ils étaient 
animés l'un vis-à-vis de l'autre trouvaient un naturel encouragement 
dans la solidarité des intérêts économiques. Les deux pays, que ne me- 
naçait aucune éventualité de concurrence ou de rivalité, pouvaient se 
promettre, d'une négociation ouverte sous de si heureux auspices, des 
avantages incontestables, les marchandises que nous tirons de l'Italie 
consistant, pour la plus grande partie, en produits naturels nécessaires 
à notre industrie ou à* notre alimentation, tandis que nos exportations 
se composent surtout d'articles manufacturés. 

Il n'a donc pas été difficile pour les parties contractantes de se 
mettre d'accord sur les bases des arrangements projetés. Les conces- 
sions commerciales que nous pouvions offrira l'Italie étaient indiquées 
d'avance par nos précédentes négociations et devaient naturellement 
consister dans l'extension au nouveau royaume des stipulations des 
traités conclus par la France avec l'Angleterre et la Belgique. Les 
avantages de ce régime conventionnel, s'ajoutant aux réductions de 
tarif décrétées antérieurement par mesures législatives, avaient une 
grande importance pour un pays producteur de matières premières et 



— 167 — 
de denrées alimentaires. En outre, le Gouvernement de l'Empereur 
admettait quelques autres dégrèvements en faveur de certains produits 
spéciaux à la Péninsule, moyennant des compensations équivalentes 
pour les produits de notre industrie, et consentait à étendre les stipu- 
lations du traité aux possessions françaises du nord de TAfrique. 

En échange de ces concessions , nous demandions à Tltâlie, en vertu 
du principe de la réciprocité qui forme la règle de nos relations in- 
ternationales, rabaissement des droits du tarif italien au niveau des 
taxes qu'ont établies nos tarifs conventionnels pour les articles qui 
étaient plus fortement imposés en Italie et l'admission en franchise de 
tous ceux dont les similaires jouiraient en France de la même immu- 
nité. Nous réclamions, enfin, la suppression des droits de sortie con- 
sacrés, si ce n'est pour les drilles et les chiffons, par les Traités con- 
clus avec l'Angleterre et la Belgique. 

Tels sont les principes qui ont dirigé les négociateurs des deux pays 
et reçu leur application dans une mesure satisfaisante pour tous les 
intérêts, comme vous pourrez vous en convaincre en prenant connais- 
sance du Traité du 17 janvier i863. 

D'une part, en effet, nous avons obtenu pour les produits de nos 
principales industries, notamment pour les soieries, les articles de 
mode, les ouvrages d'orfèvrerie et de bijouterie, les instruments de 
précision, de physique et de chimie, les peaux tannées, la porcelaine, 
la verrerie, etc. des dégrèvements qui, outre leur importance spéciale, 
ont l'avantage de concourir à l'uniformité de notre législation doua- 
nière. 

D'un autre côté, nous avons accordé à l'Italie des réductions de droits 
pour un certain nombre de produits dont les principaux sont les huiles 
d'olive, les fruits frais de table, les fruits secs et tapés, les fruits con- 
fits, le riz en grains et en paille, les poissons marines ou à l'huile, le 
gibier et la volaille, le marbre blanc statuaire, etc. Ces concessions, 
précieuses pour nos voisins, s'accordent en même temps avec notre 
pensée constante de favoriser, par des réductions de tarif, l'introduction 
en France des matières premières nécessaires aux arts ou à l'industrie 
ainsi que des denrées propres à l'alimentation publique. Nous ne pou- 



— 168 — 

vons donc que nous féliciter de la conclusion d'un acte par lequel l'Ita- 
lie s'est associée aux progrès économiques qui, sous la sage et libérale 
impulsion de l'Empereur, se sont récemment opérés dans notre régime 
conventionnel. 

La Convention de Navigation du i3 juin i86q a emprunté aux Con- 
ventions conclues antérieurement avec la Sardaigne, la Toscane et les 
Deux-Siciles , les dispositions dont l'expérience a démontré les avantages 
réciproques et sur lesquelles je crois inutile d'appeler votre attention. 
Mais, ainsi que je l'ai déjà indiqué, ces anciens pactes avaient exclusive- 
ment réservé, de part et d'autre, au pavillon national, les opérations de 
cabotage. Or, par suite de la réunion sous la souveraineté du roi Victor- 
Emmanuel des différents États qui avaient autrefois leur autonomie, 
notre navigation entre les divers ports du royaume d'Italie pouvait 
être considérée comme un véritable cabotage, tandis que le privilège 
de cette navigation réservée était, comme par le passé, refusé au pa- 
villon italien dans les ports de notre littoral. Bien que cet état de 
choses ne constituât pour nous que le maintien d'une situation anté- 
rieurement acquise, que ne pouvaient modifier, à notre détriment, les 
changements politiques opérés au profit d'une puissance qui avait reçu 
de la France les témoignages d'une constante sympathie en même 
temps que le concours le plus efficace, l'équité, ainsi que les règles du 
droit international exigeaient qu'il n'y eût pas, sur ce point particu- 
lier, d'exception au principe de la réciprocité , dont le Gouvernement 
italien réclamait l'application. Nous avons accueilli sans hésitation un 
vœu aussi légitime, et il a été convenu qu'on accorderait à la marine 
italienne à vapeur la faculté de faire le cabotage dans nos ports de la 
Méditerranée et de l'Algérie . 

Je me borne. Monsieur, à ces observations que je m'empresserais de 
compléter, si quelque circonstance particulière rendait nécessaires de 
nouveaux éclaircissements. Je n'ai pas besoin de vous recommander, 
en terminant, l'observation attentive des résultats que sont appelées à 
produire les conventions du 1 3 juin 1862 et du 17 janvier i863; l'u- 
tilité de cette étude est trop manifeste pour que vous n'y apportiez pas 
tous vos soins. Il serait, de niême, superflu de faire appel à votre ac- 



— 169 - 
tive sollicitude pour les intérêts nouveaux que les actes précités sont 
destinés à créer dans votre résidence, et j'ai la confiance que vous 
saurez allier Taccomplissement de ce devoir avec Tesprit de concilia- 
tion qui n a cessé de présider aux négociations, et dont vous devez, à 
votre tour, vous montrer constamment animé. 
Recevez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



SUISSE. 



Le Ministre des Affaires étrangères 

à M. le Marquis Turgot, Ambassadeur de l'Empereur à Berne. 



Paris, le i8 juin i86/i. 

Monsieur le Marquis, les plénipotentiaires de la France et de la 
Suisse se réuniront lundi prochain pour parapher cinq Traités ou Con- 
ventions destinés à régler les relations de commerce et de voisinage des 
deux pays. 

Le Traité de commerce assure à la Suisse l'admission de ses pro- 
duits sur le marché français avec le bénéfice des réductions ou sup- 
pressions de droits que nous avons déjà concédées à TAjagleterre, à la 
Belgique et à Tltalic. Vous savez, en outre, qu'en faveur de la Confé- 
dération, nous avons dépassé cette mesure, et qu'aux dégrèvements 
consacrés par nos Traités antérieurs, nous en avons ajouté de nou- 
veaux qui portent sur les principales branches de l'industrie helvé- 
tique; il me suffira de citer les rubans de soie, les broderies et les 
tissus fins de coton, et enfin l'horlogerie. 

J'ai mentionné d'abord le Traité de commerce parce qu'il a été l'objet 

DOCUMENTS DIPLOMATIQUES. 3 3 



— 170 ^ 

des premières ouverlures du Conseil fédéral, et qu'il répond au\ vœiix 
Hianifeslés avec le plus do vivacité et d'ensemble par les industriels 
des différents Cantons. Je signalerai cependant une autre Convention 
comme non moins digne d'être appréciée par le oeuple suisse, surtout 
à mesure que s'effaceront les préjugés qui en ont si longtemps retardé 
la conclusion. Je veux parler du Traité relatif à rétablissement des 
Français en Suisse et des Suisses on France. Malgré les lacunes qui 
subsistent, sous certains rapports, dans cet acte international, le Gou- 
vernement de l'Empereur revendique, dès à présent, comme un titre 
à la reconnaissance, non seulement de ses nationaux du culte Israé- 
lite, mais de la Confédération tout entière, l'initiative qu'il a prise 
en provoquant la réforme consacrée par l'article i*^' qui fait disparaître 
toute distinction de culte dans le traitement réservé aux Français sur 
le territoire helvétique. 

La Convention relative à la garantie réciproque de la propriété 
littéraire, artistique et industrielle se rattache par une solidarité non 
moins étroite au Traité de commerce que le Traité d'établissement. 
Comme ce dernier, elle introduit sur le territoire suisse la reconnais- 
sance d'un grand principe, celui du respect international de la pro- 
priété intellectuelle. Le Gouvernement Fédéral s'honorera en com- 
blant, à l'occasion des négociations avec la France, la lacune que 
[)résentent, en cette matière, les lois du pays, et à la faveur de la- 
quelle la contrefaçon s'attaque impunén>ent, dans les divers Cantons, 
non-seulement aux productions de l'étranger, mais souvent même à 
celles des autres parties de la Confédération helvétique- En garan- 
tissant les droits des auteurs, artistes et industriels français, la Suisse 
entre dans la voie où toutes les Puissances européennes l'ont déjà 
précédée. 11 faut encore, néanmoins, pour que ce progrès s'accom- 
plisse réellement, que la loyauté des tribunaux réponde à l'initiative 
du Gouvernement; c'est aux juges du pays, en effet, qu'il appartient 
d'assurer la sanction des dispositions conventionnelles qui constituent 
la propriété de nos nationaux. J'ai la confiance qu'ils ne failliront pas 
à ce devoir. 

Deux autres arrangements complètent la série de nos conventions : 



— 171 - 

Y un concejfne les relations de Farrondissement de Gex avec la Suisse; 
Vautre pose des règles communes pour Texploitation des biens-fonds 
et forets limitrophes des frontières. Ils consacrent Tun et l'autre quel- 
ques facilités nouvelles pour les rapports de voisinage entre les deux 
pays. Je n hésite pas à dire que j'aurais désiré que ces facilités fussent 
plus larges, plus complètes, et étendues à Tune comme à Tautre des 
deux zones qui sont placées en dehors de nos lignes de douanes. 
Mais nous avons du retirer ou ajourner quelques-unes de nos de- 
mandes les plus essentielles, tantôt devant la Constitution et le tarif 
suisse, dont on nous oppose les règles absolues, tantôt devant des 
préventions qui ne tarderont pas à disparaître sous l'action bienfai- 
sante du traité. 

Nous aurions souhaité, Monsieur le Marquis, pouvoir compléter les 
dispositions libérales de ces diverses Conventions, en supprimant, au 
profit des Suisses, la formalité du visa des passeports qui soulève, je 
le sais, d'incessantes n^clamations; mais il nous a semblé impossible 
de séparer ces réclamations des plaintes que font entendre nos nationaux 
eux-mêmes, et que vous m'avez tant de fois signalées, contre le régime 
auquel leur séjour cl leur établissement sont soumis dans les divers 
cantons. Nous avons inutilement épuisé tous les arguments fondés sur 
les principes de l'équité et dé la réciprocité pour obtenir que les Fran- 
çais ne fussent pas assujettis en Suisse, à titre d'étrangers, à des charges 
et obligations spéciales qui s'ajoutent aux charges communes imposées 
aux citoyens du lieu de leur résidence. Malgré toutes nos représentations, 
cet état de choses n'a pu cire modifié par le traité; toutefois, le pléni- 
potentiaire suisse nous a fait espérer, à dilFérentes reprises, que des 
adoucissements pourraient, avant peu, être apportés à la condition 
des Français de la classe ouvrière séjournant sur le territoire de la 
Confédération. Nous n'avons pas voulu négliger cette ouverture, et, 
dans le but de ménager une transaction, nous avons consenti à une 
déclaration qui sera consignée dans un protocole destiné à être rendu 
public, et qui sera conçue dans les termes suivants : « Si le Conseil fé- 
a déral réussit à obtenir des réductions sérieuses, spécialement au profit 
« des ouvriers, sur les taxes perçues dans certains cantons suisses pour 



32. 



— 172 — 

• permis de séjour, le Gouvernement de l'Empereur est disposé à ap- 
« pliquer aux habitants de la Suisse les mêmes règles que celles qui 
« ont été adoptées à l'égard de l'Angleterre et de la Belgique en matière 
«de passeport. > Comme vous le voyez, Monsieur le Marquis, il ne 
dépendra désormais que de la Suisse d'affranchir ses ressortissants de 
la formalité du visa des passeports, ou, du moins, du payement de la 
taxe. 

Je ne m'étendrai pas, Monsieur le Marquis, sur les dégrèvements 
que le Traité assure à nos produits; ils sont en eux-mêmes trop res- 
treints pour qu'ils puissent modifier sensiblement le chiffre de nos 
importations dans ce pays; il est, d'ailleurs, juste de reconnaître 
que, si la Suisse ne nous a pas fait de plus sérieuses concessions, 
c'est qu'elle s'en était retiré elle-même la faculté en adoptant, par 
avance, un tarif réellement libéral. Je n'en compte pas moins sur les 
bons effets des Traités que nous allons conclure. L'abaissement de nos 
barrières de douanes ne peut qu'exercer une influence favorable sur 
le mouvement des échanges entre les deux pays, en même temps que 
les facilités nouvelles données à leurs relations de voisinage contribue- 
ront à resserrer les liens qui les unissent. 

Agréez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



ESPAGNE. 



Le Ministre des Affaires étrangères 

à M. le Comte de Bondy, chargé d'Affaires de France à Madrid. 

Paris, le 21 juin i864- 

Monsieur, j'ai reçu la dépêche que vous m'avez fait l'honneur de 
m'écrire le 26 avril dernier, et à laquelle était jointe la réponse du Pre- 
mier Secrétaire d'Etat de Sa Majesté Catholique à notre proposition 



— 174 — 

tagne, la Belgique et l'ItaHe n*onl obtenu qu'au prix d'une récîprocîté 
réelle et complète. Les intérêts que le Gouvernement de TEmpereur 
doit sauvegarder, la loyauté constante qui a présidé aux engagements 
qu'il a contractés jusqu'ici, enfin sa situation vis-à-vis des Puissances 
avec lesquelles des négociations sont ouvertes ou projetées, lui inter- 
disaient une dérogation aussi manifeste à des principes trop res- 
pectables pour que le Gouvernement de S. M. Catbolîquc ne recon- 
naisse pas lui-même le devoir qui nous est imposé do n'y porter 
aucune atteinte. Il comprendra, dès lors, que nous ne pourrions accor- 
der à l'Espagne le bénéfice entier de nos derniers arrangements 
conventionnels qu'en échange de compensations qui établiraient, au- 
tant que possible, pour notre navigation et notre commerce, dans les 
relations avec la Péninsule, une situation d'égalité, qui est loin d'exis- 
ter aujourd'hui. 

Sans entrer dans une discussion approfondie sur l'importance des 
dégrèvements opérés dans le tarif espagnol, et dont le relevé accom- 
pagne la note jointe à votre dépêche du 26 avril, et tout en reconnais- 
sant la tendance libérale qu'ils indiquent, je dois pourtant faire observer 
qu'ils sont loin d'avoir à nos yeux la valeur que la Première Sécrétai- 
reric d'Etat leur attribue, et surtout de présenter le caractère de con- 
cessions accordées privativement et motivant des compensations spé- 
ciales. 

D'une part, les droits actuels sont encore assez élevés pour exercer 
sur l'importation de nos principaux produits en Espagne une action 
presque complètement restrictive. D'un autre côté, nous pourrions, et 
avec plus de raison, mettre en regard des dégrèvements décrétés par 
l'Espagne ceux dont nous avons pris nous-mêmes l'initiative, en dehors 
des tarifs conventionnels. Ainsi, nous avons supprimé ou abaissé, dans 
une très-forte proportion, les droits sur presque tous les articles im- 
portés de la Péninsule, tels que les vins, les bestiaux, les laines, les 
huiles, les plombs, etc. Il nous serait facile de dresser de ces dégrève- 
ments un relevé que nous pourrions opposer avec avantage à celui qui 
émane de la Première Secrctaîrerie d'Etat; mais cette comparaison, bien 
qu'elle dût être en notre faveur, me paraîtrait stérile, car il faut bien 



— 175 — 

reconnaître que, de pari el d'autre, les réformes successives de tarif 
ont été dictées parVintérêt particulier de chaque pays, plutôt que par 
des considérations internationales. Aussi, n avons-nous point songé à 
nous en prévaloir, pour ce qui nous concerne, et nous aimons à pen- 
ser que le Cabinet de Madrid ne lardera pas, de son côté, à reconnaître 
le peu de poids de l'argument qu'il avait cru pouvoir invoquer dans 
la circonstance présente. 

Si donc nous on dégageons, de part el d'autre, la question qui nous 
occupe, nous pourrons facilement formuler des propositions équi- 
tables sur les termes de l'arrangement auquel la suppression réci- 
proque (les droits rliflerentiels aux frontières de terre pourrait donner 
lien. 

Et d*abord, quel que soit le prix que, pour notre compte, nous atta- 
chons à cette mesure, nous ne saurions la considérer comme devant 
être accomplie à notre profit exclusif. Sans parlci- des surtaxes qui 
existent encore dans notre tarif et dont la suppression ne saurait, je 
le reconnais, entrer en balance avec le profit que nous retirerions de 
l'abolition des droits différentiels qui pèsent sur nos importations à la 
frontière de terre, il ne faut pas perdre de vue que l'Espagne est elle- 
même très -intéressée à une réforme dont rajournement annulerait, 
en grande partie, les avantages que les deux pays doivent «attendre de 
la jonction de leurs voies ferrées. Il est donc probable que, par la 
force des choses, le Gouvernement de S. M. Catholique serait amené 
à réaliser spontanément, dans un avenir plus ou moins prochain, la 
mesure pour laquelle nous sommes, aujourd'hui, disposés à donner 
des compensations d'une importance incontestable. 

Mais pour que cette modification nous offrît des avantages propor- 
tionnés à ceux que l'Espagne obtiendrait, il faudrait qu elle ne fût pas 
bornée aux importations par la frontière de terre. Nos réformes écono- 
miques n'ont pas été limitées au tarif proprement dit; elles s'étendent 
aussi au régime de la navigation; toutes nos surtaxes de pavillon ont 
été considérablement amoindries, et l'Espagne a profité largement de 
ces mesures libérales, tandis que» sous ce rapport, elle a maintenu les 
rigueurs de son tarif. Or, les surtaxes de navigation dont sont frappées» 



— 176 — 

dans les ports de la Péninsule, les marines étrangères, sont presque 
toutes absolument prohibitives pour les marchandises des contrées 
lointaines prises dans les pays de production ou les entrepôts et, pour 
les produits européens, elles sont également fort élevées. Elles sont 
fixées, en général, à 20 p. 0/0 du droit principal, et l'on est fondé à 
les trouver d autant plus lourdes, quelles s'ajoutent souvent à des 
droits déjà excessifs. Celte différence dans la condition des pavillons 
respectifs motive un des principaux griefs de nos nationaux, qui se 
plaignent avec vivacité de la concurrence ruineuse que leur suscite 
l'abandon sans réciprocité du système protecteur. 

Comme j'ai déjà eu souvent l'occasion de le répéter à l'Ambassade, 
le Gouvernement de l'Empereur manquerait à ses devoirs s'il ne tenait 
pas compte des réclamations chaque jour plus pressantes de notre 
commerce et de notre marine. A mesure que s'abaissent les barrières 
que nous opposait le régime économique d'autres Etats, le contraste 
des obstacles que nous rencontrons encore en Espagne apparaît d'au- 
tant plus que nous continuons à accorder à cette puissance un traite- 
ment exceptionnel à plusieurs égards. Je ne veux point revenir sur les 
observations que cette inégalité des situations a depuis trop long- 
temps provoquées; j'aime mieux espérer que, répondant aux inten- 
tions conciliantes du Gouvernement de l'Empereur, le Cabinet de Ma- 
drid saisira l'occasion si favorable que lui offre la jonction des che- 
mins de fer français et espagnols pour compléter, entre deux pays 
qu'unissent déjà tant de liens d'intimité, une solidarité dans laquelle 
leurs intérêts réciproques trouveront la plus large et la plus légitime 
satisfaction. 

Je recommande. Monsieur, à toute votre sollicitude cette impor- 
tante affaire , et je serai heureux d'apprendre que le Gouvernement de 
Sa Majesté Catholique ait accueilli, avec un esprit de conciliation égal 
à celui qui nous anime, les propositions que je vous prie de lui com- 
muniquer. 

Recevez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



177 — 



PORTUGAL 



Le Mlmstre des Affaires étrangères 

à M. BouRÉE, Ministre de France à Lisbonne. 

Paris, le A décembre i864. 

Monsieur, nos relations commerciales et maritimes avec le Portu- 
gal sont actuellement régies par le Traité signé à Lisbonne le 9 mars 
18 53, et qui, conclu d'abord pour une période de six années, est resté 
jusqu'à présent en vigueur par tacite reconduction. 

Sous l'empire de cette Convention , les échanges entre les deux pays, 
qui présentaient déjà, dans les années antérieures, un progrès con- 
tinu, ont poursuivi leur marche ascendante. D'après les tableaux du 
commerce extérieur de la France, l'ensemble de ce mouvement, qui 
s'élevait déjà, en i853, à 9, 533, 000 francs (commerce spécial) , a dé- 
passé, en i86'i, le chiffre de 22 millions, dans lequel la part du Por- 
tugal est de 8 millions et celle delà France de 1 4 millions. Ces résultats, 
bien que favorables en apparence, sont loin cependant de constituer 
une situation complètement satisfaisante eu égard à l'importance ter- 
ritoriale du Portugal, et surtout comparativement au développement 
de notre commerce avec d'autres Etats étrangers placés dans des con- 
ditions analogues. 

Lors de la négociation de i853, le Cabinet de Lisbonne, qui était 
opposé, d'ailleurs, en principe, à tout abaissement de son tarif, avait 
écarté les propositions du Gouvernement impérial, en objectant le peu 
d'intérêt qu'il trouverait dans la concession réciproque de dégrève- 
ments, Jes marchés français ne pouvant offrir, selon lui, qu'un débou- 
ché fort restreint aux produits du Portugal. Les faits survenus depuis 
cette époque ont démontré ce qu'il y avait de peu fondé dans cette 
opinion. L'amélioration sensible qui s'est manifestée dans les relations 

DOCUMENTS DIPLOMATIQUES. . a 3 



— 178 — 
commerciales des deux pays autorise, au contraire, à penser qu'elles 
pourraient acquérir un développement beaucoup plus considérable, 
à la faveur du régime libéral iuauguré en 1860 par le Gouvernement 
de l'Empereur. 

Aussi, Monsieur, me paraît-il opportun, au moment où vous êtes 
appelé par la confiance de Sa Majesté à la Légation de Lisbonne, de 
vous prier d'appeler l'attention du Gouvernement du roi dom Louis 
sur l'utilité d'une révision de ses tarifs de douane, et particulièrement 
sur les avantages qui résulteraient, pour les deux pays, de l'extension 
au Portugal des Traités que la France a récemment conclus avec plu- 
sieurs Etats européens. 

En proposant au Gouvernement portugais d'ouvrir avec nous une 
nouvelle négociation, vous pouvez lui donner l'assurance que nous y 
apporterons l'esprit de conciliation le plus large et que nous tiendrons 
compte des conditions spéciales où se trouve le Portugal, de Tétat en- 
core peu avancé de son industrie, de ses nécessités fiscales et même 
des préjugés économiques qui peuvent encore exister dans cette partie 
de la Péninsule ibérique. 

Je vous serai obligé de saisir la première occasion qui vous paraî- 
tra favorable pour instruire de nos dispositions le Cabinet de Lisbonne. 
Vous ne manquerez pas de lui signaler en même temps l'importance 
qu'il devrait attacher, au point de vue de ses relations internationales, 
à faire coïncider la réforme de son régime économique avec l'achève- 
ment prochain du chemin de fer de Madrid à Badajoz, qui va relier le 
Portugal à l'Espagne et, par suite, au réseau européen. Le Gouverne- 
ment portugais ne voudra certainement pas priver le commerce des 
avantages qu'il est appelé à recueillir de ces grandes voies de commu- 
nication, dont l'établissement a exigé des sacrifices considérables, et 
que paralyserait le maintien du tarif actuel. 

Recevez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



— 179 



SUÈDE ET ÎVORWÉGE. 



Le Ministre des Affaires Etrangères 

à M, Dutreil, Chargé d'affaires de France à Stockholm. 

Paris, le 3 janvier i865. 

Monsieur, au point où est aujourd'hui arrivée notre négociation 
avec les Royaumes-Unîs, nous pouvons en prévoir la prochaine con- 
clusion et en apprécier les résultats. 

L'arrangement qui est à la veille d'être signé apportera, dans notre 
régime de droits de douane et de navigation, de notables changements 
que sollicitaient depuis longtemps la Suède et la Norwége. Le com- 
merce maritime de ces deux Etats obtiendra la suppression des droits 
différentiels de tonnage et des surtaxes de pavillon, qui grevaient l'im- 
portation directe des produits, et l'entier affranchissement des bois, le 
principal élément de fret pour fintercourse avec les ports de l'Empire. 
Ces immunités accordées au pavillon et au commerce Scandinaves 
imposent, il est vrai, de sérieux sacrifices au Trésor français, et l'assi- 
milation des deux marines modifiera également les conditions de la 
concurrence que les navires de Suède et de Norwége font aux nôtres. 
Ces considérations n'ont toutefois pas empêché le Gouvernement de 
l'Empereur d'étendre aux Royaumes- Unis les facilités consacrées 
par son régime conventionnel en matière de douane et de navigation. 
Il a la confiance que le développement des échanges compensera 
les perles du Trésor ainsi que la diminution des avantages dont 
jouit notre marine sous fempire des règlements restrictifs encore en 
vigueur. 

C'est dans cet espoir que nous avons pu consentir à l'assimilation 
des pavillons des deux pays. Une concession au^si considérable ne 
trouve sa justification et son équivalent que dans les réductions de 

a3. 



— 180 — 

tarif auxquelles nous l'avons expressément subordonnée. L'avis quî 
a pu être exprimé par le Conseil supérieur du commerce, lors de sa 
récente enquête sur la marine nationale, laisse toute latitude au Gou- 
vernement dans le règlement de ses rapports internationaux. Il a été 
formellement entendu que, dans le cas où les propositions de ré- 
formes maritimes recevraient l'approbation de l'Empereur et la sanction 
du Pouvoir législatif, le bénéfice en serait limité aux Etats qui nous 
accordent une entière réciprocité, et, par réciprocité, nous entendons 
un régime également libéral pour les marchandises et les navires. 

Il est une considération d'un autre ordre qui ne peut manquer de 
faire impression sur le Cabinet de Stockholm. Par suite des négocia- 
tions que nous avons engagées avec les Etats du Zollverein, les villes 
anséatiques et les Pays-Bas, les Conventions qui contribuent si puis- 
samment au progrès du mouvement maritime et commercial entre 
la France et la Grande-Bretagne vont être appliquées à tous les pays 
riverains de la mer du Nord et de la Baltique. Je n'excepte pas du 
nombre des Etats appelés à participer au bénéfice de notre régime 
conventionnel la Russie, qui a déjà obtenu pour sa navigation, en 
vertu du traité de 1867, ceux des avantages dont le commerce du 
Nord est le plus en mesure de profiter. Dans cet état de choses, le main- 
tien exceptionnel de règlements restrictifs au préjudice des Royaumes- 
Unis serait en désaccord avec les sentiments de bienveillance dont la 
Cour des Tuileries s'est toujours montrée animée pour le Cabinet de 
Stockholm. 

Les Traités que nous sommes sur le point de conclure répondent, 
en outre, à une préoccupation que je ne crains pas d'avouer. Lorsque 
le Gouvernement de Sa Majesté, convaincu qu'il n'était pas d'une 
bonne et sage politique de laisser les intérêts particuliers seuls juges 
de l'opportunité des mesures commandées par l'intérêt général, a réso- 
lument entrepris, en 1860, la révision des tarifs et règlements doua- 
niers de l'Empire, il ne pouvait perdre de vue que la généralisation 
d'une semblable réforme était la condition essentielle de son succès ; 
aussi s'est-il proposé de substituer à l'isolement des marchés euro- 
péens un système basé sur un plus large développement de la produc- 



— 181 — 
lion et de la circulation internationales. Dans celle pensée, il a lait 
appel aux Etats dont la législation douanière était moins libérale que 
celle inaugurée en France, heureux de pouvoir faciliter par son exemple 
et son concours l'accomplissement de l'œuvre de progrès à laquelle il 
les conviait. En même temps qu'il les mettait en demeure d'aborder 
l'examen d'une question économique dont la solution, bien que dé- 
cidée en principe dans leurs conseils, pouvait être encore longtemps 
ajournée, il leur fournissait les moyens d'agir sur les volontés hési- 
tantes par l'olFre de compensations immédiates et la perspective de la 
libre exploitation du plus vaste marché du continent. Ce but a-t-il été 
atteint dans nos négociations avec le Cabinet de Stockholm } Nous 
n'hésitons pas à le croire, bien que les concessions que nous avons ob- 
tenues puissent être trouvées insuffisantes, surtout en ce qui concerne 
la Suède. Mais nous ne nous étions pas flattés de vaincre du premier 
coup les résistances que devait rencontrer un essai même timide de ré- 
forme douanière dans un pays où la protection avait de fortes racines. 
Ce que nous espérons, c'est que le Gouvernement des Royaumes-Unis 
ne s'arrêtera pas dans la voie de progrès que nous lui avons ouverte, 
c'est que les heureux résultats des premières modifications ne tarde- 
ront pas à en provoquer de nouvelles. 
Recevez, etc. 

Signé Drouyn de Lhuys. 



— 182 



MEXIQUE. 



Le Ministre des Affaires étrangères 

à M. le Marquis de Montholon, Ministre de l'Empereur 
à Mexico. 

17 novembre i863. 

Monsieur le Marquis, le but de notre expédition au Mexique ne se- 
rait pas complètement atteint si elle ne devait avoir pour effet de dé- 
velopper les rapports commerciaux de ce pays avec la France et de 
créer ainsi entre les deux Empires une étroite solidarité d'intérêts. 

A mesure que Tordre se rétablit, que les entraves mises à la produc- 
tion disparaissent, que de nouveaux immigrants apportent le concours 
de leur activité à l'exploitation des richesses du sol, le consommateur 
mexicain, pour qui les marchandises européennes sont de nécessité 
première et qu'une affinilé de goûts et d'usages porte à préférer celles 
d'origine française, doit naturellement chercher la satisfaction de ce 
besoin dans un accroissement d'échanges proportionné à l'augmenla- 
tion des ressources indigènes. D'un autre côté, notre situation excep- 
tionnelle au Mexique, le développement qu'y prendra l'immigration 
de France, dès que la sécurité ramenée par nos armes régnera sur 
tous les points du territoire, l'arrivée de nombreux colons, Français, 
pour la plupart, de nationalité ou d'origine, qui, s' exilant d'un pays 
voisin, maintenant aussi désolé qu'il était prospère autrefois, cherchent 
à refaire, sur un sol plus hospitalier, leur fortune brusquement anéan- •* 
tie, sont autant de circonstances nouvelles dont la réunion tend à fa- 
voriser, dans cette contrée, l'essor de nos pacifiques entreprises. Notre 
commerce, s'il sait en profiter, ne tardera pas à acquérir au Mexique 
cette force d'expansion qui caractérise les grands peuples et seconde 
puissamment leur influence civilisatrice. 



.'• 



— 18S — 
C'est pour hâter ce résultat que je réclame de vous, Monsieur le 
Marquis, une coopération dont votre zèle et votre expérience des ques- 
tions économiques me garantissent Tefficacité. 11 importe que nos in- 
dustriels, en s efforçant d'agrandir les débouchés si restreints que leur 
a, jusqu'à ce jour, offerts le marché du Mexique, ne soient pas, dès le 
début, découragés par l'insuccès. Déjà j'ai invité nos consuls à la Vera- 
Cruz et à Tampico à m'adresser des échantillons des articles manufac- 
turés auxquels un placement avantageux est assuré dans leurs cir- 
conscriptions respectives; ces échantillons devront être accompagnés 
de notes précises sur les provenances , les dimensions , les prix de vente 
des marchandises, ainsi que d'une sorte d'instruction pratique conte- 
nant toutes les indications dont le commerce a coutume de s'entourer 
au début de nouvelles opérations. Je vous prierai, de votre côté, de ne 
rien négliger pour faire affranchir les échanges que nous voulons en- 
courager des entraves qu'ils ont trouvées jusqu'à présent dans la com- 
plication des taxes et des formalités douanières en vigueur au Mexique. 
Le rapide examen de ce régime suffira pour vous en démontrer les in- 
convénients, et vos conseils judicieux contribueront, je n'en doute 
pas, à en amener la prochaine révision. 

J'appellerai, en outre, votre attention , Monsieur le Marquis, sur le 
caractère fiscal du tarif mexicain. Vous savez quelle influence exercent 
les tarifs de douane sur le développement de la richesse publique, 
parfois même sur la solution des questions de politique intérieure et 
extérieure. Il vous sera facile de faire ressortir les avantages que reti- 
reraient les producteurs comme les consommateurs indigènes du re- 
maniement, dans un sens libéral, des droits perçus au Mexique à 
l'entrée des marchandises étrangères. Ce n'est, du reste, que dans le 
payis même que ces réformes peuvent s'effectuer en pleine connais- 
sance de cause : je me bornerai donc à vous indiquer, comme parti- 
culièrement désirables, la simplification des règlements de douane, 
l'adoucissement des pénalités, la suppression des prohibitions et 
l'abaissement des droits dont le taux élevé empêche nos produits de 
se populariser au Mexique. 

Vous n'ignorez pas que les rapports commerciaux de la France avec 



— 184 — 

ce pays sont encore réglés par la Convention du id août iSSg, qui 
stipule sommairement le régime de la nation la plus favorisée, en 
attendant la conclusion d'un traité définitif de commerce et de navi- 
gation. Le moment me paraît venu, Monsieur le Marquip, de substituer 
à cette clause provisoire un ensemble de dispositions destinées à 
assurer à nos intérêts le complément de garanties qu'ils réclament. Le 
traitement privilégié des Français résidant et de passage, la liberté 
d'action des agents consulaires chargés de protéger leurs personnes et 
leurs biens, les immunités que le droit public reconnaît à ces agents, 
les avantages qu'il importe d'obtenir pour notre commerce et notre 
pavillon, doivent être consacrés par des stipulations précises. Je vous 
serai, en conséquence, obligé de préparer, dès à présent, les voies à 
cette négociation, afin de pouvoir l'ouvrir aussitôt que les circonstances 
le permettront. 

Je crois devoir vous entretenir, en outre, d'une question qui inté- 
resse, à un haut degré, non pas seulement notre commerce, mais en- 
core la santé publique : je veux parler des lacunes cl des défectuosités 
que présente le régime sanitaire en vigueur dans les ports mexicains. 
Le fléau qui, chaque année, y décime nos équipages et nos immi- 
grants, motive, de notre part, à l'égard des bâtiments arrivant du 
Mexique, des mesures de précaution d'autant plus strictement ob- 
servées que la surveillance est moindre dans le pays de provenance. 
Que l'on applique, sur tout le littoral du golle du Mexique, un en- 
semble de dispositions couïbinées avec nos propres règlements, de ma- 
nière à former en tout temps, depuis le départ jusqu'à l'arrivée des 
navires, une série non interrompue de garanties pour la santé pu- 
blique ; que l'action vigilante de nos consuls soit secondée par les au- 
torités chargées de veiller à l'exécution de ces mesures et de signaler 
officiellement l'apparition et la fin de chaque épidémie; que ce nou- 
veau régime reçoive la consécration du droit international, et, j'en 
suis persuadé, les Gouvernements qui se seront associés à nos vues 
ne tarderont pas à s'applaudir du résultat obtenu. 

J'ajouterai qu'au nombre des points à régler de concert, il me sem- 
blerait fort utile de comprendre l'établissement, dans les pays où naît 



— 185 — 
la fièvre jaune, de médecins sanitaires européens, qui, comme ceux 
que nous entretenons en Turquie, auraient pour mission d'étudier le 
fléau, d'observer la manière dont il se propage, et de provoquer l'a- 
doption des mesures sanitaires ou hygiéniques propres à le combattre. 
C'est ainsi, vous le savez, que, pour nous garantir de la peste orien- 
tale, nous l'avons attaquée, avec un plein succès, dans son propre 
foyer. 

Les considérations dans lesquelles je viens d' entrer vous indiquent 
suffisamment, Monsieur le Marquis, le double but que je désire assi- 
gner à vos démarches : pour le moment, amélioration du régime sa- 
nitaire en vigueur au Mexique; plus tard, négociation , entre les deux 
pays, d'un arrangement auquel d'autres Puissances pourront prendre 
part, et dont vous auriez à faire, dès à présent, pressentir la proposi- 
tion. Sur ce point, comme sur ceux que j'ai précédemment signalés à 
votre zèle, les avantages que vous réussirez à obtenir pour nos natio- 
naux et pour notre commerce répondront, je me plais à n'en pas dou- 
ter, à la haute sollicitude du Gouvernement de l'Empereur. 

Recevez, etc. 

Signé DivouYN de Lhlys. 



UOGOMKNTS DIPLOMATIQUES. 34 



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